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BATES FUND
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in 2010 with funding from
Boston Public Library
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NOUVELLE
BIOGRAPHIE GÉNÉRALE
DEPUIS
LES TEMPS LES PLUS RECULÉS
JUSQU'A NOS JOURS.
TOME QUARANTE-TROISIÈME.
Saint- Ange. — Simiane.
TYPOGRAPHIE OK 11, l'IllMIN DIDOT. — MESN1L (EURE).
NOUVELLE
BIOGRAPHIE GÉNÉRALE
DEPUIS
LES TEMPS LES PLUS RECULÉS
JUSQU'A NOS JOURS, , /
AVEC LES RENSEIGNEMENTS BIBLIOGRAPHIQUE^ -r/V
ET l'indication des sources a consulter ;
PUBLIÉE PAR
MM. FIRNIN DIDOT FRÈRES,
SOUS LA DIRECTION
DE M. LE Dr HOEFER.
®ome (Unarante'iroidtrm?.
«■u-C.-^t^
PARIS
FIRMIN DIDOT FRÈRES, FILS ET C'«, ÉDITEURS,
IMPRIMEURS-LIBRAIRES DE L'iNSTITUT DR FRANCE ,
RUE JACOB, 56.
M DGGC LXIY.
Les éditeurs se réservent le droit de traduction et de reproduction à l'étranger.
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NOUVELLE
BIOGRAPHIE
GÉNÉRALE
DEPUIS LES TEMPS LES PLUS RECULÉS JUSQU'A KOS JOUES.
saint-ange (Ange-François Fariau, dit
de), poète français , né le 13 octobre 1747, à
Blois, mort le 8 décembre 1810, à Paris. Son
père était conseiller du roi. Après avoir com-
mencé ses études chez les jésuites de sa ville
natale, il les termina au collège de Sainte-Barbe,
où il avait obtenu une bourse. 11 n'avait pas
quitté l'Université lorsqu'en 1768 il présenta à
Christian VII, roi de Danemark, alors de pas-
sage à Paris, une ode en vers français, qui fut
imprimée. On réprimanda aigrement le poète,
on lui ordonna de revenir aux vers grecs et
latins , mais ce désagrément ne fit qu'accroître
sa verve poétique, et à peine libre, il se mit
à jimer, d'après Ovide, les morceaux de Ver-
tlunne et Pomone et des Amours deBiblis. Ce
fut un événement dans la vie de Saint-Ange :
cette traduction, publiée dans le Mercure (déc.
1771), parut sous les auspices de La Harpe qui
l'accompagua d'éloges délicats ; Voltaire écrivit
à l'auteur que ses vers l'avaient un peu ranimé,
et qu'il lui donnait sa bénédiction; enfin Turgot
lui procura au contrôle général une place chan-
gée plus tard en une pension sur YAlmanach
royal. La révolution le laissa sans ressources et
sans appui; il continua, malgré ses opinions
monarchiques, de résider à Paris, et obtint en
1794 une modique place dans l'agence de l'ha-
billement des troupes. Bientôt après H accepta
la chaire de grammaire générale, puis de belles-
lettres à l'école centrale de la rue Saint-Antoine
( collège Charlemagne) ; le zèle qu'il apporta dans
l'exercice de ses fonctions acheva d'ébranler une
santé déjà chancelante, et il se fit accorder un
suppléant en conservant toutefois ses honoraires.
Au rétablissement de l'université, Fontanes le
nomma professeur d'éloquence latine à la fa-
culté des lettres (juillet 1809). Saint-Ange s'é-
tait présenté plusieurs fois aux suffrages de
l'Académie française; il y fut admis le 4 juillet
1810 en remplacement de Domergue; ses audi-
NOUV. BiOGR. GÉNÉIU — T. XL1II.
teurs furent vivement émus à ce passage de
son discours de réception : « Je fais violence en
ce moment aux souffrances continuelles et into-
lérables qui m'avertissent que l'ombre de l'aca-
démicien que je remplace attend la mienne. »
Cinq mois plus» tard il mourut des suites d'une
chute qu'il avait faite en se rendant à l'Institut^
Le nom de Saint-Ange est demeuré attaché à
Ovide, mais avec moins d'éclat que celui de
Delille à Virgile. Il entreprit de le faire passer
tout entier dans notre langue, et trente années
d'un labeur assidu et d'une patience infatigable
n'y suffirent pas. Quelque attrait qu'Ovide puisse
avoir, c'est l'effet d'une constance peu com-
mune de rester si longtemps attaché à ses pas.
La version seule des Métamorphoses, la meil-
leure partie du travail de Saint-Ange, forme un
poème de quinze mille vers, « riche, varié, dit
Gingueué, rempli de descriptions brillantes,
d'images vives et de sentiments passionnés ».
S'il n'a pas laissé à Ovide tout son esprit, ainsi que
le lui reprochait Chéuier, il a su remplacer par
un tour élégant et facile l'éclat de l'original. Ses
longues et cruelles infirmités ne lui laissèrent
pas toujours le loisir de donner à ses vers tout
le fini désirable, et c'est sans doute pour ce
motif qu'il s'est permis d'emprunter à ses devan-
ciers des morceaux entiers, entre autres à Tho-
mas Corneille qu'il a dépouillé ainsi, sans en rien
dire, de plus de quinze cents vers. On a dit avec
raison qu'il se laissait aller à toutes les illusions
de l'amour- propre; sa vanité du reste, bien
qu'excessive, ne manquait pas d'une certaine
naïveté , et la bonhomie en tempérait un peu
l'expressiou. « Quel talent ne fâut-il pas pour
traduire Ovide ! s'écriait-il. Combien cette déli-
catesse de détails m'a coûté d'efforts!... on ne
peut égaler les anciens qu'à la condition de les
surpasser. » Saint-Ange n'a pas achevé la tra-
duction poétique d'Ovide : voici ce qu'il en a
publié -. Les Métamorphoses (Paris, 1778-89,
1
3 SÀlftT-A3GE — SAINT- AUBIN
liv. I-Vf, in- 8°; trois éditions complètes : Paris,
iS01,2vol. in-8°flg.;1803,4 vol.in-12, et 1808,
4 vol. gr. in-8°), travail très-recommandable
que celui de M. de Pongerville, malgré sa su-
périorité, n'a pas fait entièrement oublier; Les
Fasles (ibid., 1804, 2 vol. in-8% et 1809,
1811, in-12), L'Art d'aimer (ibid., 1807, in-12),
-et Le Remède d'amour (ibid., 1811, in-12).
Chacun de ces volumes est accompagné, suivant
les termes de l'auteur, « de remarques d'éru-
dition, de critique et de littérature fleurie «; ii
y a dans la plupart du goût et un savoir bien
digéré. On a encore de Saint-Ange : Commen-
cement de l'Iliade, en vers ; Paris, 1776, in-8°;
— L'École des pères, comédie envers; Paris,
1782,in-8°; — la traduction de l'Homme sensible
(1775, in-12) et de l'Homme du monde (1775,
2 vol.), romans anglais de Mackensie; — divers
morceaux insérés dans ses Mélanges de poésie;
Paris, 1802, in-12. On a recueilli ses Œuvres
complètes; Paris, 1823-24, 9 vol. in-12 fig.
Notice dans Le Moniteur universel., 1810. — Ginguené,
dans la Décade phiiosoph., avril 1S01 et janv. 1804. —
Notice, à la tète des Poésies diverses, 1823, in-12. —
Hommes illustres de l Orléanais, I.
SAIXT-ARXA5ID. Voy. LEROY.
saint-aubis (Jean de), historien fran-
çais, né en 1587, dans le Bourbonnais, mort le
18 octobre 1660, à Lyon. Admis en 1606 dans
la Compagnie de Jésus , il passa toute sa vie à
Lyon, où il prêcha avec succès, professa la
rhétorique et dirigea la maison du noviciat. Ii
se signala par son zèle pour le service des ma-
lades pendant la peste de 1623. On a de lui :
Histoire de la ville de Lyon, ancienne et mo-
derne (Lyon, 1666, in-fol.), et Histoire ecclé-
siastique de Lyon (ibid., 1666, in-fol. ), pu-
bliées l'une et l'autre par les soins du P. Me-
nestrier. « Cette histoire (celle de Lyon), dit
Spon , semble un sermon ou ' un panégyrique
perpétuel , tant l'auteur a eu soin d'accabler le
lecteur de fleurs de rhétorique. » Cependant
elle est recherchée, peut-être à cause des figures,
gravées par Israël Silvestre. On a du même
auteur quelques pièces de vers latins et une
Paraphrase de l'Ecclésiaste (Lyon, 1658,
in-12), où l'oii rencontre les vers suivants :
Sous la vofite des cieux II n'est rien de nouveau ;
Ce qui plut autrefois est encor trouvé beau.
L'astre qui fait les jours, les mois et les années,
Voit renaître aujourd'hui les choses déjà nées;
Témoin du temps passé, témoin de l'avenir,
11 \ oit recommencer tout ce qu'il voit finir.
Ce qui frappe nos yeux, ce qui bat nos oreilles,
Avait jadis aussi des rencontres pareilles.
Pour se renouveler la rose fleurira ,
Le monde a déjà vu ce qu'un jour 11 saura.
Alezan be, Script, soc. Jesu. — Coloni i, Ilist. litler.
de Lyon. M. — Spon, Recherches. — Collombet, Études
iur les kisl. du Lyonnais.
SAi.vr-AruiN {Charles Germain de), des-
sinateur et graveur, né en 1721, à Paris, ou il
est mort, le 17 mars 1786. 11 était l'un des qua-
torze enfants de Gabriel-Germain de Saint-Aubin,
graveur privilégié du roi, et l'aîné des quatre
i d'entre eux qui s'adonnèrent aux arts du des-
sin. Son père, qui le destinait fort probablement
à suivre la carrière que lui-même avait rem-
plie, lui enseigna le dessin, et ce qu'il acquit de
talent fut employé à composer des ornements et
des modèles de broderies, aussi reçut-il le brevet
de dessinateur du roi pour le costume moderne.
Il n'est guère connu aujourd'hui que comme
auteur de deux suites d'estampes gravées à l'eau-
forte avec autant d'esprit que d'originalité et qui
sont extrêmement difficiles à rencontrer : ce
sont les Essais de papillonneries humaines
représentant des papillons jouant différents rôles
de la vie humaine. On doit encore à cet artiste
deux suites de gravures intitulées : Mes -petits
bouquets, et les Fleurettes.
Saimt-Aubin (Gabriel- Jacques de), peintre
et graveur, frère du précédent, né en 1724, à
Paris, où il est mort, le 9 février 1780. 11 fré-
quenta tour à tour les ateliers de Jeaurat, Col-
lin de Vermont et Boucher. En 1753, après avoir
mérité diverses médailles dans les concours de
l'Académie, il obtint le deuxième prix de pein-
ture. Mécontent d'un tel résultat, se croyant vic-
time des préférences injustes de l'Académie, Ga-
briel de Saint-Aubin se dégoûta, dit-on, des
études académiques; il se livra alors à tous les
caprices de son imagination et d'une curiosité
immodérée , « se jetant dans une sorte de sys-
tème , voulant tout voir et tout savoir sans se
soucier de son avenir et de son talent. Il avait
une négligence extrême de sa personne tant pour
sa santé que pour son extérieur. Quoiqu'il ne
fût pas hors d'état de satisfaire à ces deux points :
il portait cette abnégation de soi-même au point
qu'il est mort dans un dépérissement total de la
nature, n'ayant voulu se laisser soigner que
quand il n'était plus temps de le faire. •» G. de
Saint-Aubin était membre et professeur de l'A-
cadémie de Saint-Luc, et, de 1751 à 1774, il prit
part à toutes les expositions de cette société, a
laissé un grand nombre de croquis et de dessins
et quarante-trois estampes gravées à l'eau- forte
d'une pointe agréable; les uns et les autres sont
aujourd'hui avidement recherchés des amateurs.
Saiint-Aubin (Augustin de), graveur, frère des
précédents, né le 3 juin (1) 1736, à Paris, où il est
mort, ie 9 novembre 1807. Après avoir appris
de son frère Gabriel les premiers éléments du
dessin, il entra dans l'atelier d'Etienne Fessard ,
puis alla finir ses études sous la direction de
Laurent Cars. Le premier ouvrage important
qu'il exécuta fut une gravure du tableau de
Boucher représentant Vertumne et Pomone.
Bientôt il délaissa les grands ouvrages pour
s'occuper presqu'exclusivement du dessin et de
la gravure des vignettes et surtout des por-
traits pour les libraires. Son habileté en ce
genre délicat le plaça vite au premier rang
(1) C'est par erreur que ta notice placée en tète du
catalogue de la vente faite après le décès d'Aug. de
Saint-Aubin, donne la date du 3 janvier 1736.
o SAINT-AUBIN
des agréables petits maîtres de la lin du dix-
huitième siècle. Peu de livres parurent à
cette époque et au commencement de notre
siècle sans être ornés de portraits sortis de son
atelier, En 1771 , il fut agréé dans l'Académie
de peinture et sculpture, et en 1777, il succéda à
Etienne Fessard dans la place de graveur de la
bibliothèque du roi. J. Duclos, Macret, Anselin,
Blot, Sergent, etc., furent ses élèves. De nos jours
on recherche les jolis portraits familiers dessinés
à plusieurs crayons par A. de Saint- Aubin.
Saint-Aubin (Louis-Michel de), frère des
précédents, né à Paris, ie 20 mars 1731, mort
en 1779, pratiqua l'ait de la peinture sur porce-
laine. Il était domicilié à Sèvres en 1764, ce qui
pourrait faire penser qu'il travaillait alors à la
manufacture royale des porcelaines. H. H — n.
Pahin de la Blaocherie. Essai d'un tableau hist. des
peintres de. l'École française. — Collet de Baudicourt,
Le Peintre graveur français continué. — De Concourt,
L'Art au dix-huitième siècle. — Regnault-Dclal aride ,
Catalogue des tableaux, dessins.... qui composaient le
cabinet de feu Ht. A. de Saint- Aubin.
SAINT-AUBIN. Voy. GuÉDIER et Mague.
SAINT-AUEA1RE. VOIJ. SAINTE-AULAIRE .
SAINT-BONNET. VOIJ. TOIRAS.
saint-bris. Voy. Lambert.
saint-bîîisson. Voy. Seguier.
saint-contest [Dominique-Claude Bar-
berie de), magistrat et dipiomate,né en 1668, mort
Ie22juinl730. Conseiller au Chàtelet (1687), puis
au parlement de Paris (1689), il fut maître des
requêtes ordinairede l'hôtel, en 1696. Intendant
de Metz et des Trois-Évôchés (1700), de l'armée de
la Moselle (1705), de l'armée d'Allemagne (1708),
une seconde fois de l'armée de la Moselle (1713),
second plénipotentiaire au congrès de Bade
(1714), conseiller au conseil de la guerre en 1715,
il parvint enfin, en 1716, au rang de conseiller
d'État. « Saint-Contest, dit Saint-Simon, était
de mes amis ; c'était un homme d'un extérieur
lourd et grossier, avec toutes les manières ri-
diculement bourgeoises, qui avait tout l'art, la
finesse, la souplesse, les vues et les tours pour
arriver à ses fins, sans avoir l'air de penser à
rien, lors même qu'il y travaillait le plus. Cela
lui était naturel. Avec cela doux, liant, acces-
sible et honnête homme. » Le régent, qui appré-
ciait ses talents et son habileté, l'employa dans-
plusieurs affaires importantes et difficiles. Il le
nomma rapporteur dans le procès des princes
du sang contre l'éditde 1 714. par lequel Louis XIV
avait donné aux princes légitimés le droit de
succéder à la couronne ; Saint-Contest lut son
rapport, le 1er juillet 1717, et conclut à l'exclu-
sion des princes légitimés; ce fut aussi la con-
clusion de l'édit qui termina cette affaire. Presque
aussitôt après, Saint Contest fut chargé, avec
d'Ormesson, des négociations relatives à quel
ques questions pendantes entre la France et la
Lorraine, qui furent réglées par le traité du
21 janvier 1718. 11 entra au conseil de commerce,
le 30 novembre 1720 et fut bientôt envoyé,
- SAIiNTEDMK G
comme plénipotentiaire, auprès des états géné-
raux des Provinces-Unies, puis au congrès de
Cambrai. Le congrès terminé, il revint prendre
sa place au conseil, en qualité de conseiller d'É-
tat ordinaire.
Sa tint- Contest [François-Dominique Bar-
berie, marquis de), homme d'État, fils du pré-
cédent, né le 26 janvier 1701, mort le 24 juillet
1754. Avocat du roi au Chàtelet de Paris en
1721, conseiller an parlement en 1724, maître
des requêtes ordinaire de l'hôtel en 1728, inten-
dant de Béaru en 17?7, de Caen, puis de Bour-
gogne en 1740, il reçut, le 15 juillet 1749, les
pouvoirs nécessaires pour régler, avec le rési-
dent de France à Genève, l'affaire des territoires
genevois situés dans le pays de Gex. Le 24 avril
1750, il eut le titre de maître des requêtes ho-
noraire, et, au mois de septembre de la même
année, on l'envoya ambassadeur en Hollande.
Au retour de celte mission, Saint-Contest fut
nommé ministre des affaires étrangères, le
il septembre 1751. Il s'était élevé grâce à la
réputation de son père, et, comme il était dé-
pourvu de caractère, aussi bien que de finesse
et de vues politiques, il ne fut, au ministère,
que l'instrument de Mme de Pompadour et de
ses conseillers Noailles et Saint-Severin; il se
prêta à leurs desseins avec une faiblesse qui le
rendit ridicule, et, après avoir affiché l'inten-
tion d'établir entre les divers États de l'Europe
un système fédératif contre l'Autriche, la Russie
et l'Angleterre, il passa, sur un signe de ses pro-
tecteurs , à un système tout opposé. On venait
de le nommer prévôt et maître des cérémonies
des ordres du roi , lorsqu'il mourut.
Saint- Allais, France législative. — Lemontey, Hist. du
dix-huitième siècle.
saint-cyb. Voy. Giry et Gouvion.
SA1NT-CYI5AN. Voy. DuVERGIER.
SAINT DIDIER. VOIJ. LlMOJON.
SAINT-DONAT. Voy. COUPÉ.
saint-edme (Edme-Théoclore Bourg, dit),
littérateur français, né le 31 octobre 1785, à
Paris, où il est mort, le 26 mars 1852. Après
avoir fait les premières campagnes de l'empiro
en qualité de commissaire des guerres, il devint
secrétaire du maréchal Berthier, et à la chute de
Napoléon, se fit homme de lettres etpubliciste
en commençant à réfuter un écrit de M. de Cha-
teaubriand. Depuis ce moment, il fut un de
ces écrivains qui ne cessèrent de haï celer le
gouvernement de la Restauration au profit des
idées impériales ou républicaines, et son acti-
vité fut telle, en fait de compilation, qu'il eût
pu rendre des points à l'abbé Trublet, qui, ce-
pendant, on le sait, s'était acquis un assez beau
renom dans ce genre de travaux. Après la révo-
lution de juillet 1830, Saint-Edme continua la
lutte, et, pour mieux servir la cause démocra
tique en sapant le trône de Louis-Philippe, i!
commença, en collaboration de M. Germain Sar-
rut, un ouvrage considérable sous le titre de
1.
SAINT-EDME — SAINT-EVREMOND
Biographie des hommes du jour, et dont on a
pu dire, avec raison, que beaucoup de notices,
malgré la devise générale « Justice, vérité, im-
partialité, » tournent , selon l'opinion politique
des personnages , ou selon leurs relations avec
les auteurs , en panégyriques ou en pamphlets.
Le triomphe de la démocratie en 1848 et celui
des idées napoléoniennes peu après ne ralen-
tirent point l'activité fébrile de Saint-Edme, mais
ne lui procurèrent point la position à laquelle ses
luttes avec les divers pouvoirs semblaient lui
donner quelques droits. Succombant à la vio-
lence d'un chagrin invétéré que rendaient en-
core plus cuisant des embarras financiers, il
avait depuis longtemps conçu l'idée d'un suicide.
Au moment d'exécuter ce funeste projet, il
consigna dans une sorte de journal toutes ses
impressions, et ce document que la Presse a
publié offre un grand intérêt an point de vue
psychologique. Après avoir hésité entre les di-
vers genres de mort, Saint-Edme opta pour la
pendaison , et se pendit en effet aux rayons de sa
bibliothèque. On a de lui : De V Empereur et
du comte de Lille, ou Réfutation de l'écrit :
De Buonaparte et des Bourbons; Paris , 1815,
in-8° : c'est le seul de ses ouvrages publié sous
son propre nom de Bourg ; — Napoléon con-
sidéré comme général, premier consul, empe-
reur, prisonnier à l'Ile d'Elbe et à Sainte-
Hélène; Paris, 1821,in-8°; — Constitution et
organisation des Carbonarï; Paris, 1821,
in-8°; — Relation historique de la révolution
du royaume d'Italie en 1814, trad. de Guic-
ciardi; Paris, 1822, in-8° ; — Dictionnaire ana-
lytique et raisonné de l'histoire de France;
Paris, 1823, in-8° ; — Dictionnaire de la pé-
nalitédans toutes les parties du monde connu;
Paris, 1824, 4 vol. in-8°; — Législation du sa-
crilège chez tous les peuples; Paris, 1825 ,
jn-8°; — Paris et ses environs; Paris, 1828-38,
1842, 2 vol. in-8°; — Biographie des lieute-
nants généraux, ministres, etc.. de la police
en France; Paris, 1829, in-8°; — Amours et
galanteries des rois de France; Paris, 1830,
2 vol. in-8°; — Répertoire général des causes
célèbres; Paris, 1834-1837, 17 vol. in-8°; —
Biographie des hommes du jour (avec Sarrut) ;
Paris, 1835-42, 6 vol. gr. in-8°, divisés chacun
en deux parties, avec portr. Plusieurs des no-
tices contenues dans cet ouvrage ont été tirées à
part; — Procès du prince Napoléon-Louis et
de ses co-accusés devant la Cour des pairs;
Paris, 1840, 2 parties, in-8°; — Didier, His-
toire de la conspiration de 1816; Paris, 1841,
in-32; — Vraie histoire. Collection de lettres
et documents autographes, etc.; Paris, 1844,
2 vol. in-4° (avec M. Félix Drouin). Il rédi-
gea sur les notes du soi-disant baron de Ri-
chement : Mémoires du duc de Normandie ,
fils de Louis XVI (Paris, 1831, in-8° ), et
travailla dans plusieurs journaux, surtout aux
Tablettes universelles , à V Assemblée consti-
tuante, en 1848, au Journal de tout le monde,
en 1849. 11 a laissé des manuscrits importants
et des notes curieuses sur les hommes illustres
avec lesquels il a vécu. H. F.
Quérard, La France littér. — La Littérature ron-
temp. —Derniers moments du sieur Bourg Saint-lldme
( écrits par lui-même ), dans la Presse du 7 avril 1852.
SAINT-ETIENNE. Vay. RABAUT.
SAïnt-Évremond (Charles de Margue-
tel de Saint-Denis, seigneur de), écrivain
français, né à Saint-Denis du Guast, près Cou-
tances, le 1er avril 1613, mort à Londres, le
29 septembre 1703. Son père, le baron de Saint-
Denis, commandait la compagnie des gen-
darmes du duc de Montpensier, gouverneur de
Normandie, et sa mère était la sœur du mar-
quis de Rouville, qui avait été intendant des
finances. L'un des cadets de six garçons nés de
ce mariage, il vint fort jeune à Paris au col-
lège de Clermont ou des jésuites, puis il com-
mença à Caen ses études de droit, auxquelles
il renonça pour entrer au service en qualité
d'enseigne; il commanda bientôt une compa-
gnie d'infanterie, à la tête de laquelle il se
trouva au siège d'Arras. 11 se distingua par
son courage, sa souplesse dans les exercices du
corps et son habileté à l'escrime. Il passa en-
suite dans la cavalerie, et le duc d'Enghien,
qui goûtait sa conversation, lui donna une lieu-
tenance dans la compagnie de ses gardes. Il as-
sista aux combats de Rocroy, de Fribourg et de
Nordlingen, et, dans cette dernière affaire, il re-
çut au genou gauche une blessure qui faillit né-
cessiter l'amputation de la cuisse. Guéri après
de longues souffrances , il continua de servir
avec la plus grande distinction en Allemagne et
dans les Flandres. Son intelligence et son esprit
n'étaient pas moins remarquables que sa bra-
voure. Les devoirs de sa profession ne le dé-
tournaient pas du commerce des lettres et du
goût des études philosophiques. En même
temps, il ne négligeait point les relations de
société; il se créait des protecteurs et des amis
nombreux dans les plus hauts rangs : Turenne,
les maréchaux de Gramont , d'Estrées , d'Al-
bret, de Clércmbault, de Créqui, le duc de
Candale, les comtes de Gramont et d'Olonne,
le surintendant Fouquet; il menait les plaisirs
de front avec les études et les affaires. Saint-
Évremond fut de borne heure un épicurien ,
ami de la chère délicate, et si l'on en croit son
biographe et son ami des Maizeaux , c'est lui et
ses deux compagnons , le comte d'Olonae et le
marquis de Roisdauphin, qui furent surnommés
les Coteaux. L'origine et la signification de ce
mot, dont Boileau a fait la fortune dans sa
troisième satire, sont trop connues pour que
nous ayons à y appuyer. Saint-Évremond ne
sut pas conserver la faveur dont Condé lui
donnait chaque jour des marques particulières :
un penchant à la critique et au sarcasme, qui
devait se changer, dans sa vieillesse, en une
politesse circonspecte et méticuleuse, lui valut sa
disgrâce : il eut l'imprudence de railler certains
travers du prince, qui, l'ayant appris, lui de-
manda la démission de sa lieutenance (1048).
Ajoutons qu'il ne lui garda pas toujours rancune
et s'appliqua à lui prouver par la suite qu'il
avait oublié ses torts.
Pendant la Fronde, Saint-Évremond demeura
fortement attaché au parti du roi, et combattit
les rebelles non-seulement de son épée, mais de
sa plume; car il paraît prouvé qu'il est l'auteur
d'une pièce satirique, attribuée quelquefois à
Charleval : La Retraite de M. de Longueville en
Normandie. 11 fut récompensé de sa fidélité par
un brevet de maréchal de camp et une pension de
1,000 écus (1652).I1 exerça durant ce temps di-
vers commandements dans la Guyenne, où il sut
si bien mettre à profit les conjonctures et tirer
parti des assignations qu'on donnait alors aux of-
ficiers sur les villes et communautés pour le
paiement et l'entretien de leurs troupes, que, de
son propre aveu , il en rapporta, après deux ans
et demi , un bénéfice d'une cinquantaine de
miile francs. 11 faut connaître l'organisation et
l'administration des armées d'alors pour bien
comprendre un pareil résultat, qui fait plus
d'honneur à l'habileté de Saint-Évremond qu'à
sa délicatesse. Quelque temps après , il tomba
dans une nouvelle disgrâce. Mazarin, supposant
qu'il avait agi contre ses intérêts dans raccom-
modement que fit la province de Guyenne, prit
prétexte de quelques légèretés de paroles pour
. l'envoyer à la Bastille. 11 fut mis en liberté après
un emprisonnement d'un peu plus de trois mois.
En 1659, il se rendit avec plusieurs person-
nages de qualité aux conférences entre le car-
dinal et don Louis de Haro, qui précédèrent le
fameux traité des Pyrénées, puis il fut désigné
par le roi, qui le voyait d'un bon œil, pour ac-
compagner en Angleterre l'ambassade du comte
de Soissons (1660), qui allait féliciter Charles II
de son rétablissement sur le trône de ses pères,
et il demeura six mois dans ce pays, où il noua
des relations intimes avec un grand nombre de
seigneurs anglais. Il était à peine de retour en
France, quand éclata l'événement qui devait
causer son exil. Mazarin était mort, et on ve-
nait d'arrêter la perte de Fouquet. Or, en par-
tant pour accompagner la cour dans un voyage
en Anjou et eu Bretagne , Saint-Évremond avait
déposé chez Mine Duplessis-Bellière, amie du
surintendant, une cassette qui contenait tous
ses papiers, et parmi ces papiers se trouvait
une lettre adressée au maréchal de Créqui lors
des conférences, dans laquelle, pour lui faire
sa cour, il s'exprimait fort librement sur le traité
des. Pyrénées, qui déplaisait particulièrement
aux gens de guerre. Lorsqu'on arrêta Fou-
quet, on fit mettre le scellé non-seulement sur
ses papiers, mais sur ceux de ses amis, et la
cassette de Saint-Évremond se trouva confon-
due dans la saisie pratiquée chez Mœe Duples-
SAINT-ÉVREMOND 10
sis-Bellière. On y découvrit la lettre en ques-
tion : le roi en fut indigné, et les créatures du
ministre défunt, de concert avec les ennemis de
l'imprudent écrivain, ne négligèrent rien pour
achever de l'aigrir. Saint-Évremond, averti, se
retira d'abord en Normandie chez un de ses
parents, puis il erra de province en province
pendant quelque temps, ne voyageant que de
nuit et se cachant avec soin. Enfin , apprenant
que le roi ne se laissait pas fléchir et qu'il n'était
plus en sûreté, il prit le parti de quitter la
France, vers la fin de l'année 1661, en empor-
tant tout l'argent qu'il put, et laissant le reste
à son fidèle ami, le maréchal de Créqui, qui lui
en fit une rente viagère. Après avoir passé suc-
cessivement par les Pays-Bas et la Hollande, il
arriva en Angleterre (1662), où il fut reçu très-
favorablement par le souverain et par les plus
hauts personnages de l'aristocratie. Il s'y lia
bientôt aussi avec les écrivains et les beaux-
esprits les plus illustres : Waller, Hobbes,
Cowley, etc. En 1665, pour éviter la peste
qui commençait à réguer dans Londres , il se
rendit en Hollande, où il entra en relations
particulières avec le grand pensionnaire de
Witt, avec la plupart des ambassadeurs étran-
gers, et avec des philosophes ou des savants
comme Vossius et Spinosa ; mais la princi-
pale connaissance qu'il y fit, et qui devait être
la plus avantageuse pour lui par la suite , fut
celle du prince d'Orange. Il alla assister aux
négociations du traité de Breda, fit un court
voyage à Bruxelles, et à son retour à La Haye,
il se lia avec le prince de Toscane, aussi de pas-
sage en celte ville, et qui, devenu grand duc,
continua à lui donner des marques de son ami-
tié. 11 y avait quatre ans qu'il était en Hollande
quand le roi Charles II lui fit dire qu'il souhai-
tait son retour en Angleterre. Il se hâta donc
de revenir à Londres, où le souverain le reçut
avec la plus grande bienveillance , et lui donna
une pension de trois cents livres sterling. Ce
revenu, joint à la rente viagère du maréchal de
Créqui, à une autre de cent livres sterling que
lui faisait le duc de Moutaigu , en échange d'une
somme de 500 livres qu'il lui avait versée à son
retour de Hollande, enfin à ce qu'il tirait de ses
biens de Normandie, lui assura une existence à
l'abri du besoin. Dès lors, il s'arrangea pour
vivre en Angleterre aussi agréablement que le
peut faire un exilé, s'occupant à l'étude, à la
lecture, aux plaisirs et aux relations dans la
haute société. On assure pourtant qu'il se mêla
à quelques-unes des intrigues de la cour an-
glaise, si multipliées sous le règne de Charles IL
L'arrivée à Londres de la duchesse de Mazarin
fut un lien de plus, et non le moins puissant,
qui l'attacha à sa nouvelle patrie. Saint-Évre-
mond se constitua son chevalier ;J1 l'aida à or-
ganiser ce célèbre salon , espèce de cénacle lit-
téraire et philosophique, d'hôtel de Rambouillet
transplanté au delà de la Manche, dont il était
îi
SAIJST-EVREMOND
12
l'âme. C'est là que naquirent un grand nombre j comme l'oracle familier des lettres : une question
de ses dissertations qu'il multiplia sur tous les
sujets; c'est pour la duchesse ou pour ses habi-
tués qu'il écrivit ses meilleures pages. 11 a cé-
lébré mille fois ses charmes et son esprit; il se
chargea de répliquer pour elle au plaidoyer de
l'avocat de sou mari ; il lui prêta même de l'ar-
gent, et elle mourut sa débitrice. On voit qu'il
lui rendit des services dans tous les genres, et on
peut dire qu'elle devint dès lors la principale
occupation et ie grand charme de sa vie.
Cependant Saint-Évremond avait conservé
à Paris un grand nombre d'amis puissants qui
s'employaient activement en sa faveur. Le
marquis Colbert de Croissy, ambassadeur en
Angleterre, écrivit même plusieurs fois à son
frère ie ministre, pour tâcher d'obtenir le rap-
pel de l'exilé. Tout fut inutile. On a peine à com-
prendre une si longue persévérance dans la ri-
gueur, pour une faute après tout assez, légère,
puisqu'elle n'avait été commise que dans une
correspondance privée. Faut-il croire, comme
le dit Voltaire (Siècle de Louis XIV), que sa
disgrâce avait encore une autre cause sur la-
quelle il ne voulut jamais s'expliquer? On en est
réduit sur ce point à des conjectures. Quoi qu'il
en soit, Saint-Évremond se considéra désormais
comme fixé définitivement en Angleterre. A la
mort de Charles II, sa pension fut supprimée,
et il refusa une charge de secrétaire du cabinet
qu'on voulait créer pour lui. La révolution de 1688
lui fut plutôt avantageuse que défavorable. Le
prince d'Orange (Guillaume III), se montra plein
de bienveillance à son égard, et lui prodigua ses
faveurs. A ce moment, Saint-Évremond apprit
tout à coup que la grâce qu'il avait si longtemps
sollicitée en vain lui était accordée, et qu'il pou-
vait rentrer en France. Mais c'était trop tard ; il
était vieux , il s'était créé à Londres des habitudes
et des relations intimes qu'il ne se sentait plus
la force de rompre, et surtout il était trop épris
de Mme de Mazarin pour la quitter. Il refusa, et
acheva sa vie dans la capitale, de l'Angleterre,
partageant son temps entre la lecture, la conver-
sation , et la composition de ces petites pièces
qu'il écrivait pour son amusement et celui d'un
cercle choisi ; trônant tantôt dans le salon de
Mme de Mazarin, tantôt au caféde Will, parmi les
écrivains illustres, Dryden, Temple, Swift, etc.,
qui en avaient fait une sorte de club litté-
raire. Il avait l'oreille à tout bruit venant de
France; il entretenait une correspondance assi-
due avec ses amis de France, les comtes de Lionne,
d'Olonne, de Gramont, etc., et surtout avec
Ninon de l'Enclos, à qui il envoyait souvent des
lettres qui sont de véritables dissertations phi-
losophiques et morales ; il se tenait au courant
de toutes les productions nouvelles, et suivait
avec attention dans ses moindres symptômes le
mouvement des intelligences. Son exil l'avait
mis plus en vue par l'isolement. De toutes parts,
4e Paris plus que de Londres, on le consultait
délicate divisait-elle les esprits, chacun le pre-
nait pour arbitre, et sa décision faisait loi.
Très- facilement accessible à toute requête de ce
genre, le resigné proscrit, qui resta jusqu'au
bout aussi français de style et d'idées que s'il
n'eût jamais quitté Paris , répondait sans pé-
dantisme, avec une grâce légère et facile, et
ses réponses, courant de main en main, faisaient
les délices des salons. Comme il ne livrait
rien à l'impression, la rareté de ses écrits en
augmentait le prix, et il était devenu tellement
à la mode que le libraire Barbin demandait ins-
tamment à ses auteurs de lui faire du Saint-
Évremond, et qu'on lui offrit souvent des
sommes très-é!evées pour acquérir le droit de
publier ses manuscrits.
La mort de la duchesse de Mazarin (1699) vint
attrister la vieillesse de Saint-Évremond et dé-
truire la plus chère de ses habitudes. Néanmoins
il se releva de ce coup, grâce à la gaîté de son
humeur, et à un enjouement de caractère que se-
condait la vigueur de sa santé. « 11 aimoit la
compagnie des jeunes gens, dit son biographe
des Maizeaux, il étoit sensible à tous leurs plai-
sirs. Les divertissements qu'il n'étoit plus enéiat
de goûter faisoient sur son esprit une impression
vive et agréable; il se plaisoit à en entendre
parler. Il étoit naturellement malpropre, et ce
qui y contribuoit le plus, c'est qu'il avoit tou-
jours chez lui des chiens, des chats, toutes
sortes d'animaux. Il disoit que pour divertir les
ennuis inséparables de la vieillesse, il falloit
toujours avoir devant les yeux quelque chose de
vif et d'animé. » Pour compléter son portrait,
ajoutons qu'au physique il était de taille avanta-
geuse, d'une démarche aisée, même dans l'âge le
plus avancé, avec des yeux bleus pleins de feu,
une physionomie ouverte et spirituelle, de rares
cheveux blancs qu'il ne voulut jamais cacher
sous une perruque, et malheureusement aussi
une grosse loupe à la racine du nez, qui lui était
venue plus de vingt ans avant sa mort. Il con-
serva jusqu'à la dernière minute de sa vie son
jugement, sa mémoire et tous ses sens. 11 mou-
rut d'un ulcère dans la vessie, à l'âge de plus de
quatre-vingt-dix ans, et fut enterré dans l'abbaye
de Westminster. Bayle assure qu'il rendit l'âme
sans les secours de la religion. Tout libre pen-
seur qu'il était, Saint-Évremond se montra tou-
jours respectueux pour le dogme : entre son scep-
ticisme et celui de Voltaire, il y a toute la dif-
férence du dix-septième au dix-huitième siècle.
Il n'est nulle part agressif, ni même hostile au
christianisme, et c'est à tort, comme Voltaire
le proclame lui-même, qu'on lui attribua un li-
belle impie dont son caractère et les habitudes
de sa vie suffiraient à démontrer qu'il n'est pas
l'auteur, quand même cet. ouvrage ne s'éloigne-
rait pas si complètement de sa manière d'écrire.
Saint-Evremond était le type de Vhonnète
homme et du galant homme, c'est-à-dire de
13 SAINT-ÉVREMOND
l'homme de 'qualité. Il avait la conversation fa-
cile et enjouée, la repartie vive et piquante, les
manières polies. Son savoir était inoins étendu
que son esprit. Jl ne s'attachait, en lisant, qu'à
étudier le génie d'un auteur et non à charger sa
mémoire de faits. Il écrivait avec facilité, quoi-
qu'il corrigeât beaucoup ses œuvres. Il faisait
facilement des vers ingénieux et prosaïques,
qu'il avait le tort de préférer à sa prose. Malgré
sa Comédie des Opéras, dont les railleries
pourraient donner le change sur ses goûts, il
aimait beaucoup la musique et composa même
plusieurs airs. Ses écrits les plus célèbres sout
sa Comédie des Académistes (Paris, 1650,
in-8°), son premier et son meilleur ouvrage en
vers; ses Réflexions sur les divers génies du
peuple romain (1664, in 8°), sujet qu'il a traité
quelquefois de manière à pouvoir supporter la
comparaison avec Montesquieu ; la Conversation
du maréchal d'Hocquincourt avec le P. Ca-
naye; ses Jugements et Observations sur Sé-
nèque, Plutarque, Pétrone, Sallusle, Tacite, sur
diverses tragédies de Racine et de Corneille;
ses dissertations Sur la tragédie ancienne
et moderne et Sur les poèmes des anciens,
. où il a mieux entrevu que pas un autre la vraie
solution de la querelle des anciens et des mo-
dernes, etc. Ses petits traités littéraires sont nom
breux et généralement d'un style vif, juste et fin.
Il ne vise pas à épuiser le sujet, se contentant
d'exprimer ses vues personnelles et d'ouvrir des
aperçusféconds. Toutes ses pages portent le même
cachet de mesure et de modération, modéra-
tion qui est peut-être autant celle de l'épicurien
sceptique que de l'homme de goût, et d'un li-
béralisme intelligent fondé sur le sentiment des
nécessités d'un nouvel ordre social. 11 semble
que sa critique se soit émancipée au contact des
libertés de la littérature anglaise, au milieu de
laquelle il vivait. Les critiques grammairiens
et pédants sont l'objet tout particulier de son
aversion. Sans afficher en rien le rôle d'un
révolutionnaire, et dédaigner les conventions
reçues , il met bas toutes les opinions de l'école
pour juger uniquement d'après lui. Il sait même
au besoin dominer ses motifs les plus légitimes
de ressentiment; il ne répondait pas aux cri-
tiques, et il persista toujours à louer Boileau,
qui s'était montré fort rude pour lui. Mais il
sait moins dominer certains préjugés et entraî-
nements de son esprit • c'est ainsi que, partisan
delà vieille cour et de l'ancienne littérature qui
triomphait au moment de son exil, il va jus-
qu'à défendre Y Attila de Corneille, proclamer
en toute occasion Sophonisbe un chef-d'œuvre
et ne voir qu'un caprice injuste de l'opinion dans
la défaveur de ses dernières pièces. Puis l'ab-
sence d'un sens moral élevé est encore plus
d'une fois une cause de défaillance pour sa cri-
tique. A part ces défauts, dont le dernier
surtout a sa gravité, Saint-Ëvremond est un
excellent juge des choses de l'esprit, et qui
- SAINT-FLORENTIN M
donne l'idée, sinon tout à fait la mesure, d'un
critique supérieur.
Les premières éditions des Œuvres deSaint-
Evremond, imprimées sans son concours sur des
copies peu exactes, étaient extrêmement défec-
tueuses. Le succès de l'édition en 1 vol. in-12
publiée par Barbîn en 1668 fut tel que le libraire
s'empressa d'y adjoindre de nouvelles pièces
ramassées de toutes parts, sans choix et sans
garantie d'authenticité. Le désordre finit par
aller si loin qu'on imprima comme de Saint-
Évremond des volumes entiers où ii n'y avait
rien de iui : tels sont le Saint-Evremoniana,
le Recueil d'ouvrages de M. de Saint-Évre-
mond ( Anisson , 1701), les Mémoires de la
vie du comte D. avant sa retraite , rédigés
par M. de Saint Évremond, etc. Après avoir
longtemps refusé de se rendre aux sollicitations
des libraires et de ses amis, il finit par se laisser
convaincre, sur la fin de sa vie, et prépara, de
concert avec Des Maizeaux, une édition que
celui-ci acheva avec Silvestre, après la mort de
l'écrivain. Cette édition , la première aulhen-
tique, intitulée Les Véritables œuvres de M. de
Saint Évremond, publiées sur les manuscrits
de L'auteur (Londres, 1705, 3 vol. gr. in-'t°),
reparut avec des additions à Amst., 1706, 5 vol.
in-12; et à Londres, 1708, 7 vol. in-12, et 1709,
3 vol. gr. in-4b. Citons encore l'édit. d'Amster-
dam, 1726, 7 vol in-12, avec gravures de Ber-
nard Picart, laquelle a servi de modèle auxédiL
de Paris, 1740, 10 vol. in-12, et 1753, 12 vol.
pet. in-12. Deleyre a publié en 1761 l'Esprit de
Saint- Évremond (in-12), et Desessarts ses-
Œuvrcs choisies en 1804 (in-12).
Victor Fournel.
fie de Saint- Évremond, par Des Maizeaux, en tête
des édil. de 1705 et 1706. — IVoticesen tête de ses OEuvres
complètes ou choisies. - Mémoires lie Saint-Simon. —
Sal)atiiT,/,e,« Trois siècles.— Hippeau, Les Écrivains nor-
mands au dix-septième siècle (1857 , in-12..— Rigault,
Querelle des anciens et des modernes, 2e partie, chap. 1.
SAINT-FA RG EAU. y0y. Le PELLETIER.
SAINT-FLOîlEXTIN ( LoUiS PhELVPEAUX,
comte de), ministre français, né le 18 août 1705,
mort le 27 février 1777, à Paris. Il appartenait
à l'une des branches de la famille Phelypeaux,
et fut plus connu sous le nom de Saint- Floren-
tin qu'il porta de préférence au titre de marquis
de la Vrillière. Il avait en 1725, à la mort de
son père Louis (voy. Vrillière), hérité ce der-
nier titre ainsi que la charge de secrétaire d'É-
tat, qui, pendant près de deux siècles, ne sortit
pas de sa maison. Chargé d'abord des affaires
générales de la religion réformée, il réunit en
1749 ce département à celui de la maison du roi
et en 1757 celui de Paris; en 1761, il entra
au conseil comme ministre d'État, et fut obligé,
en juillet 1775, de résigner tous ses emplois. En
1770 il avait reçu le titre de duc de la Vrillière.
Comme ministre, Saint-Florentin n'eut ni am-
bition ni influence; c'était une sorte de Dan-
geau, un courtisan modèle, dévoué aveuglément
15 SAINT-FLORENTIN
à Louis XV et à ses favorites. Il traversa tout !
un long règne sans avoir recherché d'autre hon- !
neur que celui d'avoir servi fidèlement la nio- :
narchie. Malgré sa vie dissipée, ses galanteries
sans nombre, ses prodigalités fastueuses, il fai-
sait preuve de zèle et d'activité ; aucun ministre
n'a peut-être signé une quantité plus grande de
lettres de cachet, aucun n'a déployé à cette
époque autant d'intolérance contre les protes-
tants sur lesquels il appelait sans cesse des me-
sures de rigueur. Souple avec le maître, il se
montra dur et hautain envers les parlements et
les philosophes. Adversaire déclaré de Choiseul,
il excita le roi contre lui, et lors de la disgrâce
du duc (décembre 1770), il lut succéda par in-
térim dans le département des affaires étran-
gères, qu'il céda en juin 1771 au duc d'Aiguillon,
son neveu. L'avènement de Louis XVI dérangea
ses habitudes : il se laissa aller à des murmures,
et fronda ce qu'il voyait faire. C'était le plus haï
des ministres du feu roi. Abandonné même de
Maurepas, son beau-frère, il donna sa démission
et eut pour successeur dans son ministère le
vertueux Malesherbes. Son rang et son crédit
suffirent à lui donner accès dans l'Académie des
sciences (1740) et dans celle des inscriptions
(1757) comme membre honoraire. Il n'eut point
d'enfants de sa femme, Amélie-Ernestine de Pla-
fen, et légua toute sa fortune à sa sœur, la com-
tesse de Maurepas. Le nom de Saint-Florentin
est demeuré à une rue de Paris, où ce ministre
habitait un magnifique hôtel, bâti en 1767 et
qui a servi de résidence au prince de Talleyrand.
Moréri, Dlct. hist. — Mémoires du temps.
saint-foix (Germain-François Poullajn
de), littérateur français, né le 5 février 1693, à
Rennes, mort le 25 août 1776, à Paris. Il était
d'une bonne famille de robe, et le frère aîné de
Pouliain du Parc (voy. ce nom), savant pro-
fesseur de droit. En sortant du collège des jé-
suites de Rennes, il fut admis dans les mous-
quetaires. Malgré un caractère bouillant et fou-
gueux, il avait fait de bonnes études; de bonne
heure il sentit le goût des lettres, et aspira,
comme on disait alors, au double laurier d'A-
pollon et de Mars. Le désir d'avoir ses entrées,
et peut-être encore plus l'amour que lui avait
inspiré une jeune actrice, le rendit auteur dra-
matique, et il écrivit pour le Théâtre-Français
une comédie en un acte, Pandore (13 juin 1721),
qui fut, bien accueillie. Puis il passa à la Comédie
italienne et y donna trois pièces en prose, La
Veuve à la mode (1726), Le Philosophe dupe
de l'amour (1726), et Le Contraste de l'amour
et de l'hymen (1727), qu'il jugea trop faibles
pour les admettre dans le recueil de ses œuvres.
1! venait de publier ses Lettres turques lorsque
la guerre éclata avec l'Autriche. Il suivit son
régiment en Italie, devint aide de camp du ma-
réchal de Broglie, et se distingua en 1734 à la
bataille de Guastalla. N'ayant pu obtenir un bre-
vet de capitaine qu'il avait sollicité, il quitta le
— SAINT-F01X
16
service, revint à Rennes, et y acheta en 1736 la
maîtrise des eaux et forêts. Il ne tarda pas à
se lasser de la vie calme de province, et le goût
des lettres et des aventures le ramena en 1740
à Paris; ses querelles et ses duels l'y avaient
rendu plus fameux que ses productions litté-
raires. Pendant longtemps Saint-Foix fut un
auteur à la mode, et plus d'une de ses pièces,
comme l'Oracle, le Sylphe, les Grâces, Julie,
les Veuves turques, attira la foule ; il en com-
posa, de 1740 à 1761, une vingtaine, et se par-
tagea entre les troupes rivales du Théâtre-Fran-
çais et du Théâtre-Italien. Il se flattait d'avoir
introduit à la scène un genre nouveau, « dont
les sujets, disait-il, moins étendus, plus unis,
et toujours dans le gracieux , ne présenteraient
que la simple nature et le sentiment ». Ce sont,
de petits tableaux agréables de féerie ou de
mythologie, tous jetés dans le même moule,
offrant tous quelque surprise de l'amour. D'A-
lembert y trouvait du naturel, mais moins d'es-
prit et de finesse que chez Marivaux ; ils ont
aussi le mérite d'être écrits avec pureté, grâce
et délicatesse. Voisenon ne manquait pas de jus-
tesse en comparant leur auteur à un encrier qui
répandrait de l'eau de rose. D'un cœur droit et
généreux, il était susceptible, exigeant, inquiet;
il n'était pas permis de heurter ses opinions sans
allumer sa colère. Aucun journaliste n'osait
porter sur ses ouvrages un jugement défavo-
rable. Ce caractère querelleur l'avait, dit-on,
obligé à quitter le service; il lui attira dans le
inonde plus d'un duel et plus d'une aventure
désagréable. De différents traits de sa vie, plus
ou moins bien arrangés, on a composé un Fac-
tum qui fait partie du Recueil des facéties
parisiennes pour 1760 (1). Saint-Foix passa les
derniers temps de sa vie dans la retraite; il io-
geait dans la rue des Fossés-Saint -Victor, à
l'une des extrémités de Paris, et voyait quelques
(1) Dans l'histoire de ses querelles les deux suivantes
sont les plus connues. Un jour, au café Procope, Saint-
Foix vit entrer un garde du roi, qui demanda une tasse
de café au lait et un petit pain. « Voilà un fichu dîner! »
s'écria-t-il, et il répéta si souvent ce propos que le garde,
irrité de ce persiflage, lui proposa de sortir. Ils mettent
l'épée à la main, et Saint-Foix est blessé. « M'eussiez -
vous tué, dit-il, vous n'en auriez pas moins tait un fichu
dîner. » — Un autre Jour, au foyer de l'Opéra, il se prit
de querelle avec un provincial qu'il ne connaissait pas
et qui ne voulut point céder ; se croyant offensé, il lui
assigna un rendez- vous. « Quand on a affaire a moi, dit
le provincial, on vient me trouver : c'est ma coutume. »
I.e lendemain Saint-Foix se présente chez l'inconnu, qui
l'invite à déjeuner. « 11 est bien question de cela. Sor-
tons! — Je ne sors jamais sans avoir déjeuné: c'est ma
coutume. ;> L'inconnu , toujours accompagné de Saint-
Foix, entre dans un café, joue une partie d'échees et
va faire aux Tuileries un tour de promenade, en répé-
tant à chaque chose : c'est ma coutume. Enfin, à bout
de patience, Saint-Foix lui propose de passer aux
Champs-Elysées. « Pourquoi faire? — Relie demande !
pour nous battre. —Nous battre! s'écria l'autre. Y pen-
sez-vous, Monsieur? Convient-il à un trésorier de France,
à un magistrat, de mettre l'épée à la main? On nous
prendrait pour des fous. » L'aventure courut la ville, et
cette fois les rieurs ne furent pas du cûlé du spadassin
à la mode.
17 " SAINT- F01X -
gens de lettres, qui, comme Sabatier et La
Dixmerie, avaient consenti à ne le contredire
en rien. Il avait une pension sur le Mercure,
et vers 1764 il fut nommé historiographe de
l'ordre du Saint-Esprit. Après avoir penché vers
le parti des philosophes , il se déclara leur ad-
versaire. Comme écrivain, il ne manque ni d'es-
prit ni d'imagination ; il respecte les personnes
et n'affecte pas un ton doctoral et tranchant. Il
s'est inspiré dans les Lettres turques de la ma-
nière de Montesquieu, et il y a semé des traits
fins et délicats. Les Essais sur Paris sont d'une
lecture assez agréable et offrent un tableau varié
des mœurs et usages sous l'ancienne monarchie.
On a de lui : Lettres d'une Turque à Paris
écrites à sa sœur; Ajmst., 1730, ih-12; réirapr.
sous les titres de Lettres de Nedim Coggia;
Amst., 1732, in-12, et de Lettres turques;
Amst. (Paris), 1750, 1754, in-12; — Essais
historiques sur Paris; Londres (Paris), 1754-
57, 5 vol. in-12; 5e édit., 1776, 7 vol. in-12 :
Ducoudray et Auguste de Saint-Foix, neveu de
l'auteur, ont publié de Nouveaux Essais, le
premier en 1781, le second en 1805 ; — Origine
de la maison de France; s. 1., 1761, in-12;
— Histoire de l'ordre du Saint-Esprit ; Paris,
1767 et ann. suiv., 3 part, in-12, et 1774, 2 vol.
in-12 ; il avait publié en 1760 un Catalogue de
l'ordre, in-fol. ; — Lettre au sujet de l'Homme
au masque de fer; Amst. ( Paris ), 1768, in-12 ;
il y prétend que c'est le duc de Monmouth.
Quant à ses pièces de théâtre, qu'il a réunies
presque toutes {Théâtre; Paris, 1748, 2 vol.
in-12, et 1772, 4 vol. in-12), en voici les titres
et les dates de représentation : au Théâtre-Fran-
çais, Pandore (1721), l'Oracle (1740), Deuca-
lion et Pyrrha (1741), comédie retirée et mise
en vers lyriques pour être jouée en 1755 à l'O-
péra, l'Ile sauvage (1743), les Grâces (1744),
Julie (1746), Égérie (1747), la Colonie, et le
Rival supposé (1749), les hommes (1753), le
Financier (1761); — au Théâtre-italien, la
Veuve à la mode, et le Philosophe dupe de
l'amour (1726), le Contraste de l'Amour et
de V Hymen (1727), le Sylphe (17 '43) , le Double
déguisement, Arlequin au sérail, et Zèloïde,
trois comédies jouées dans la même soirée (1747),
les Veuves turques (1747), jolie pièce jouée
devant Saïd effendi et trad. en turc par le fils de
cet ambassadeur; les Métamorphoses (1748),
la Cabale (1749), Alceste (1752), le Derviche
(1755). Les trois premières pièces ne font pas
partie du Théâtre de Saint-Foix, non plus que
celle des Trois esclaves, impr. en 1761 dans le
Mercure, sans avoir été représentée. Les Œu-
vres complètes de cet auteur ont été recueillies
aprcssa mort; Paris, 1778, 6 vol. in-8° ou in-12,
avec figures. p. l.
Ducoudray, Éloge de Saint-Foix; Paris, 1777, in-12. I
— Nécrol. des hommes célèbres. 1777. — Fiévée, Notice I
dans le Répert. du Théâtre- Français, XVI.
saist-fond. Voy. Faujas.
SAIiNT-GELAIS 18
SAINT-GELAIS (Jean de), chroniqueur
fiançais; on ignore la date de sa naissance et
celle de sa mort. Oncle d'Octavien (et non pas
son frère, comme on l'a cru longtemps), il
commence la dynastie littéraire de cette famille.
Vaillant capitaine, il faisait grande figure à la
cour du roi Louis XII. Sa Chronique , qui s'é-
tend de 1270 à 1510, a été publiée par Théod.
Godefroy (Paris, 1622, in-4° ) ; on la dit re-
marquable par son exactitude. Ach. G.
F„ Castaigne, Notice sur les Suint-Geluis.
saint gelais (Octavien de), prélat et
poète français, né à Cognac (Angoumois), vers
1466, mort en 1502. Son père, Pierre de Saint-
Gelais, marquis de Montlieu et de Saint-Au-
laye, prétendait tenir aux Lusignan. Octavien
fit , ainsi que ses six frères , de brillantes et so-
lides études au collège de Sainte-Barbe, à Paris,
où Gui de Fontenay, son parent , était régent.
Ce fut toutefois Mathieu Le Maistre qui dirigea
ses études. Sa philosophie terminée , il suivit les
cours de théologie du collège de Navarrre, et,
malgré son ardeur pour le plaisir, entra dans les
ordres. Une longue et dangereuse maladie, ré-
sultat de débauches et de travaux, les uns et les
autres trop soutenus , le rendit valétudinaire à
vingt-trois ans ; il lui fallut être sage malgré lui
et il se tourna exclusivement vers l'ambition.
Charles VIII, dont il sut se faire aimer, de-
manda et obtint pour lui l'évêché d'Angoulêmedu
pape Alexandre VI à qui le chapitre avait remis
sondroitde nomination (1494) Troisans plus tard,
il abandonna la cour, se retira dans son évêché,
chercha par un zèle vraiment pastoral à effacer
les scandales de sa jeunesse, et mourut bientôt,
à peine âgé de trente-six ans. Comme poète,
Saint-Gelais n'a ni l'énergie de Villon, ni la grâce
de Charles d'Orléans. Pour le bien juger il faut
le mettre en regard de ses contemporains , Cré-
tin , G. Chastelain, Molinet, Jean Marot, etc.
Est-il supérieur à ceux-ci? Quelquefois. Dans
ces vers, par exemple :
Pour estre loyal à sa dame
Sauez-vous ce qu'il en aduient?
De ioyeulx dolent on deuient,
Car point n*est de loyale femme.
Et dans ceux-ci, on remarque un laisser-aller
qui n'est pas sans charmes :
Bonnes gens, i'ay perdu ma dame.
Qui la trouuera, sur mon âme,
Combien qu'elle soit belle et bonne,
De très-bon cueur ie la luy donne.
Le Séjour d'honneur est l'œuvre capitale de
Saint-Gelais et l'emporte sur le recueil intitulé :
Chasse ou Départ d'Amours. Un écrivain a dit
avec raison du Séjour d'honneur qu'il avait été
pensé et écrit. Son émotion est communicative;
on la subit encore, çà et là, après tantôt quatre
siècles. C'est le Séjour d'honneur qu'il faut lire
pour se faire une idée précise de la valeur d'Oc-
tavien de Saint-Gelais et comme poète et comme
homme; ses autres œuvres (traductions de Vir-
gile, d'Homère, d'Ovide, et même sa Chasse
19
ou Départ cV Amours, où l'on rencontre quel-
ques jolis morceaux ), ne donnent de lui qu'une
notion insuffisante. Ses ouvrages publiés sont :
Le Séjour d'honneur; Paris, s. d. (vers 1503),
pet. in-4°, et 1519, in-4°; — La Chasse et dé-
part d' Amours ; Paris, 1509, in-fol., et s. d.,
in-4°; — Le Vergier d'honneur ; Paris, s. d.,
in-fol. et in-4° : on y trouve le poëme d'Octa-
vien sur l'invasion de Charles VIII en Italie et
son retour en France ; — Le Trésor de no-
blesse ; Paris, s. d., in-4° ; — les traductions
de Virgile, d'Homère et d'Ovide; celle d'Ovide
(Paris, 1544, pet. in-12) est remarquable par
ses charmantes figures à mi-page.
Des six frères d'Octavien de Saint-Gelais, un
seul , Charles, archidiacre de Lyon et protono-
tairc apostolique, paraît avoir cultivé !a littéra-
ture. On a de lui : Chroniques de Judas Ma-
chabeus, un des neuf preux, etc., translatées
de latin en français ; Paris, 1514, pet. in-fol. ;
— Le Politique de la chose publique; Paris,
1522, in-8° goth. Les autres, Merlin ou Mellin,
qu'on croit avoir été le parrain de Mellin de
Saint-Gelais, fut premier maître d'hôtel de Fran-
çois Ier; Jacques fut évêque d'Uzès; Achille,
Regnault et Alexandre vécurent à l'armée ou
dans leurs terres. Ach. G.
La croix du Maine. - Goujet, Bibl. fr., IV, V, VI, IX.
— Bailler, V. - Castaigne, Nnt. sur les S.-Gclais. —
J. Quicherat, Hist. du collège de Sainte- Ilarbe. —
Sainte-Beuve , Tabl. de la poésie au seizième siècle.
SAINT-GELAIS (Mellin de), poète français
et latin, né à Angoulême en 1491 , mort à Paris
en 1558. Les incidents de sa vie sont à peu
près inconnus. A vingt ans , il se rendit à Pa-
doue pour étudier le droit; rebuté par cette
étude, il revint en France et embrassa l'état ec-
clésiastique. Fils, selon les uns, neveu seule-
ment, suivant les autres, d'Octavien de Saint-
Gelais, il parait n'avoir eu d'autre souci que de
mener, à la cour des rois François Ier et Hen-
ri II, une existence joyeuse et facile. Prêtre,
Mellin donna, par anticipation, au seizième
siècle, un échantillon de ces abbés frivoles dont
le dix-huitième siècle devait être émaillé. Poète,
il écrivit de petits vers musqués, alambiqués, à
l'usage du petit public curial dont il ambition-
nait, avant tout, les applaudissements. Voiture
et Sarrazin, dit M. Sainte Beuve, lui auraient
envié le dizain que voici :
Prés du cercueil d'une morte gisante
Mort et Amour vinrent dcuaut mes veulx.
Amour nie dlct : la Mort t'est plus duisante,
Car, en mourant, tu auras beaucoup mlculx.
Alors la Mort, qui rcgnolt en maints lieux,
Pour me naurcr, son fort arc en/onça;
Mais, de malheur, sa flèche m'offensa
Au propre lieu où Amour mist la sienne;
Et sans entrer, seulement auança
Le iraict d'Amour en la playe ancienne.
Cependant, malgré cette manie de pétrar-
quisme, comme on disait alors, manie que Ca-
therine de Médicis avait favorisée, Mellin prouva
parfois qu'il eût pu marcher sur les traces de
Villon et rivaliser sérieusement avec maître Cié-
SAIJST-GELAIS :-'>
ment. Aussi, est-ce bien à son adresse que du
Bellay envoyait ces vers du Poète courtisan :
Tel estoit de son temps le premier estimé
Duquel, si on eust lu quelque ouurage imprimé,
Il eust rcnouuelé peut-estre la risée
De la montagne enceinte , etc. ?
Le fait est d'autant plus douteux qu'ailleurs
du Bellay assigne à Mellin sur le Parnasse
français une place des plus honorables. A la
vérité, en 1550, lors de la publication de Y Il-
lustration de la langue françoise, du Bellay
avait vu Mellin se déclarer contre lui, contre
Bonsard et les autres réformateurs du Parnasse.
Dans la chaleur de la défense, les coups que l'on
porte ou que l'on rend le sont souvent un peu
au hasard; peutTêlre les vers cités sont-ils un de
ces coups à l'aventure.
Il est certain que Mellin de Saint-Gelais fut
l'un des poètes les plus instruits de son temps.
Dans son Quintil Censeur, Charles Fontaine
parle de lui en ces termes : « Et si vous autres ,
dit-il, me mettez en avant un Mellin, Monsieur
de Saint-Gelais, qui compose, voire bien sur
tous autres , vers lyriques, les met en musique,
les chante, les ioue, et sonne sur les instru-
ments : le confesse, et say ce qu'il sait faire,
mais c'est pour luy.Et en cela il soustient diver-
ses personnes, et est Poète, Musicien vocal et
instrumental. Voire bien d'avantage est-il Ma-
thématicien, Astronome , Théologien , brief Pa-
nepistemon (omniscient). Mais de tels que luy ne
se trouve pas treize en la grand douzaine, et si
ne se arrogue rien , et ne dérogue à nul. » Fon-
taine n'ajoute pas que l'importation du sonnet
en France est due à Mellin. François 1er donna
à ce poète l'abbaye de Beclus (diocèse de Troyes) ;
le dauphin (depuis Henri II) le fit son aumô-
nier; en 1544, il fut nommé garde de la biblio-
thèque de Fontainebleau.
Mellin de Saint-Gelais mourut comme il avait
vécu : gaiement. On raconte que les médecins ,
embarrassés sur le caractère de sa maladie , et
ne sachant à quelle opinion s'arrêter, discutaient
près de son lit. Mellin, que leur vacarme impor-
tunait sans doute, leur dit : « Messieurs, je vais
vous tirer de peine. » Il se tourne du côté opposé
et meurt. On a de lui : Œuvres tant en compo-
posilion que translation ; Lyon, 1547, pet.
in-8° de 79 p.; — Œuvres poétiques; Lyon,
1574, pet. in-8° et in-12, et 1582, in-16; Paris,
165G, 1719, in-12; — Sophonisbe, trad. du
Trissino, tragédie en 5 actes, en prose, repré-
sentée à Blois en 1559; Paris, 1559, in-S°; —
le Courtisan, de Castiglione, trad. par Jean
Colin et revu par Mellin; Paris, 1549, in-8°; —
Histoire de Genièvre, imit. del'Arioste, termi-
née par J. A. de Bail'; Paris, 1572, in-8°. Enfin,
ce fut Mellin, d'après La Croix du Maine, qui
retrouva les Voyages aduentureux du capi-
taine Jean Alfonse, Saintongeois , et en pré-
para l'édit. de Poitiers, 1559. Ach. Genty.
Est. l'asquier. — La Croix du Maine. — Thevet, Iiom-
21 SAINT-GELALS -
mes i.ll., II, 6K7. - Nicerou, V et X. - Goujef, liibl.fr.,
XI. Titon du Tillet. — Salute-Beuve, Tableau de la
poésie fr. au seizième siècle. — Eus. Castalgne, Notice
sur les Saint-Gelais ; Angoulême, 1336, ln-8°.
saint-geniés (Jean de), poète français,
né le 12 septembre 1607, à Avignon, mort le
25 juin 16G3, à Orange. I! était fils d'un juriscon-
sulte qui fut en 1621 primicier de l'université
d'Avignon. La première partie de sa vie s'écoula
à Paris, où son goût pour les lettres le mit en
relations intimes avec ceux qui les cultivaient ,
tels que le cardinal Fr. Barberini, Balzac , le
P. Audiffret, Ménage, Boissat, Chapelain, Cos-
tar, etc. Il y publia le recueil de ses vers latins
sous le titre de Joannis Sangenesii Poemata;
Paris, 1654, in-4°, recueil qui contient des idyl-
les, des satires et des élégies, et qui est terminé
par un écrit en prose (De Parnasso et finiti-
mis locis lib. 11), espèce d'abrégé historique et
critique de la poésie latine et de ses vicissi-
tudes. S'il laisse à désirer pour la pureté du
style, Saint-Geniés montre un esprit solide et
éclairé et une rare modestie; il passait, au ju-
gement de Colletet et de Chapelain, pour un
des bons poètes latins de son époque. Dans l'âge
mûr, il embrassa l'état ecclésiastique et fut
pourvu d'un canonicat à Orange. Tous ses biens
furent distribués aux pauvres.
Colletet, Disc, du poëme bucolique. — Saint-Didier
(de), f'mjage du Parnasse, p. 87. — Amusements du
cœur et de l'esprit, t. IX. — Moréri, Dict. fiist.
saint-gesses. Voij. Ray.
saint-ge&is (Auguste- Nicolas de), ma-
gistrat français, né le 2 février 1741, à Vitry-le-
François, mort le 1er octobre 1808, à Pantin
près Paris. Du collège de Yitry il passa dans
l'école de mathématiques de Reims. Il venait
d'être nommé par M. de Choiseul commissaire
des guerres (1762) lorsque ses fonctions ayant
cessé par suite de la paix, il s'appliqua à l'étude
du droitet devint avocat, en 1766. Trois ans plus
tard il entrait comme auditeur à la chambre des
comptes (1769), et il occupa cet emploi jusqu'à
la révolution. En 1792 il se retira à la campagne.
On a de lui -. Défense des droits du roi contre
les prétentions du clergé de France sur cette
question : Les ecclésiastiques doivent-ils à Sa
Majesté la foi et l'hommage, l'aveu et dénom-
brement ou des déclarations du temporel poul-
ies biens qu'ils possèdent dans le royaume? Pa-
ris, 1785, in-4°; — plusieurs bons Mémoires
dans les Annales de l'agriculture de 'fessier.
Sa collection des lois françaises a été acquise de
sa veuve, en 1814, et fait partie de la bibliothèque
du Louvre. Cette vaste encyclopédie, qui est en
grande partie son ouvrage (1), forme environ
dix-huit cents volumes que l'on peut diviser en
deux parties : 1° les deux tables, l'une alpha-
bétique, l'autre chronologique, ensemble 95 vol.
(1) Comme l'a fort bien établi Barbier, il est probable
que Saint- Genis n'a fait que continuer et compléter la
collection du même genre commencée par l'avocat Tierre
Gillet, mort en 1773.
SAINT-GENOIS 22
in- fol. ; 2° les recueils et ouvrages, tant manus-
crits qu'imprimés. Ce magistrat ne cessa en
outre de cultiver avec ardeur la physique, l'a-
griculture, la botanique, la chimie, l'histoire na-
turelle; les recherches et les expériences multi-
pliées dans lesquelles l'entraînait celte soif de
savoir n'étaient pour lui que des délassements,
et la pénétration de son esprit le mit plus d'une
fois sur la trace d'une observation ou d'un pro-
cédé utile. On retrouve son nom cité avec hon-
neur dans les Recherches sur les ossements
fossiles de Cuvier.
Annales eneyetop., 1817 (notice rélmpr. à part et an-
notée par Barbier). — Mém. de la Soc. d'agric. de la
Seine, XII.
SAiiVr-GESois (François-Joseph, comte
de), généalogiste belge, né à Mons, le 28 mai
1749, mort à Bruxelles, le 25 août 1816. Ses
éludes terminées, il entra, comme cadet, dans
le régiment de Kaunitz, mais n'ayant aucune
disposition pour la profession des armes, il la
quitta en 1776, après avoir été élu membre de
I la noblesse aux états du Hainaut. Il étudia alors
| la jurisprudence, et se livra à des recherches
j sur l'histoire de son pays et de ses principales
! familles. Les archives de la chambre des comptes
| à Lille furent surtout l'objet de ses investiga-
| tions; il recueillit aussi de nombreux documents
dans les principaux dépôts d'archives de la Bel-
gique, et même clans ceux de Vienne et de
Prague. -En 1783, il fut nommé député des états
par l'ordre de la noblesse, et s'occupa avec une
nouvelle ardeur des affaires administratives. A
l'époque de la révolution brabançonne, il fut
emprisonné pendant quelque temps à Bruxelles,
puis il s'empressa de retourner à Prague qu'il
ne quitta, pour revenir en Belgique, qu'après
la restauration de la maison d'Autriche. Lors
de la création du royaume des Pays-Bas, il fut
nommé premier roi d'armes. Nous citerons di:
iui : Mémoires généalogiques et historiques
pour servir à V histoire des familles des Pays-
Bas; Amst., 1780-81, 2 vol. in-8°, avec plan-
ches dont le nombre varie dans les divers exem-
plaires. Ce nombre, dans l'exemplaire le plus
complet, que l'on connaisse (celui de M. Rénier
Chalon, de Bruxelles) est de vingt et une dans
le t. 1er, et de dix-huit dans le t. II ; — Chro-
nologie des gentilshommes reçus à la chambre
de la noblesse des états du pays et comté
de Hainaut depuis 1500 jusqu'en 1779; Paris,
1780, in-fol.; — Dictionnaire onomastiqre
des chartes du pays et comté de Hainaut, de
Vannée 1619; Mons, 1782, in-8° : ce livre ne
paraît pas être l'œuvre de Saint-Génois; il se
trouvait en manuscrit dans la bibliothèque de
plusieurs jurisconsultes du Hainaut; — Monu-
ments anciens essentiellement utiles à la
France, aux provinces de Hainaut, Flandre,
Brabant, Namur, Artois, Liège, Hollande,
Zèlande, Frise, Cologne, et autres pays li-
mitrophes de V Empire ; Paris, Lille et Bruxel-
23 SAINT-GENOIS -
les, 1782-1816, 2 vol. in-fol. : il existe aujour-
d'hui fort peu d'exemplaires complets de ce re-
cueil, publié par livraisons eu trente- quatre
années, et dont le t. Ier avait d'abord paru sous
ce titre : Droits primitifs des anciennes terres
et seigneuries de Haynaut. Ces ouvrages
manquent d'ordre et de clarté, mais ils contien-
nent des pièces d'une grande importance; bien
qu'imprimés à petit nombre d'exemplaires, ils
ne se vendirent pas, et absorbèrent une partie
d'une fortune considérable. La bibliothèque pu-
blique de Mons conserve divers travaux manus-
crits de Saint-Génois, notamment les matériaux
d'un vaste ouvrage, en 4 vol. in-fol., qui devait
être intitulé : Amusements généalogiques et
historiques, et dont le prospectus parut à
Vienne, en 1788. E. R.
Ad. Mathieu, Biogr. montoise. — J. Delecourt, Notice
dans les Annales dît Cercle archeol. de Mons, t. 11.
£ saint-genois (Jules - Ludger - Domi-
nique- Ghislain, baron de), littérateur belge,
de la famille du précédent, né à Lennick-Saint-
Quentin (Brabant), le 22 mars 1813. 11 était
depuis 1836 archiviste de la province de la
Flandre orientale, quand il devint en 1843 bi-
bliothécaire et professeur extraordinaire à l'uni-
versité de Gand. Il a rempli les fonctions d'é-
chevin de cette ville de 1855 à 1858. Élu cor-
respondant de l'Académie royale de Belgique en
1838, il en est membre depuis 1846. Ses prin-
cipaux écrits ont pour titres : Hembyse, histoire
gantoise du seizième siècle; Bruxelles, 1835,
3 vol. in-18 : ce roman historique a été traduit en
hollandais; — Histoire des avoueries en Bel-
gique; Bruxelles, 1837, in-8°, mémoire cou-
ronné par l'Académie royale de Belgique; — La
cour du duc Jean IV, chronique braban-
çonne, 1418-1421 ; Bruxelles, 1837, 2 vol. in-18;
— Le faux Baudouin (Flandre et Hainaut);
Gand, 1840, 2 vol. in-18, trad. en hollandais;
— Un premier amour de Charles-Quint;
Bruxelles, 1840, in-8°; — Notice sur le dépôt
des archives de la Flandre orientale; Gand,
1841, in 8°; — Inventaire analytique des
chartes des comtes de Flandre ; Gand, 1843-
46, in-4° ; — Le château de Wildenborg, au
les Mutinés du siège d'Oslende; Bruxelles,
1846, 2 vol. in-8°; — Les Voyageurs belges du
treizième au dix-huitième siècle; Bruxelles,
1847,2 vol. in-18; — Catalogue méthodique
et raisonné des manuscrits de la bibliothèque
de Gand; Gand, 1849-52, in-8°; — Feuillets
détachés; Gand, 1851, in-18; — Historïsche
verhalcn (Récits historiques) ; Gand, 1854,
in-18; — Missions diplomatiques de Corné-
lius Sapperus ; Bruxelles, 1856, in-4°. M. de
Saint-Onois a donné des travaux divers aux
Mémoires et aux Bulletins de l'Académie
royale, aux Bulletins de la commission royale
d'histoire, au Messager des sciences hislori-
ques,k la Revue belge, à lu Revue de Bruxelles,
au Trésor national , au Jiulletin de l'Acacl.
SAINT-GEORGES
24
d'archéologie de Belgique, au Belgisch mu-
séum, à la Renaissance, etc. E. R.
Bibliogr. académique. — Docum. particuliers.
sàint-georges ( JV..., chevalier de), né à
la Guadeloupe, le 25 décembre 1745, mort à
Paris, le 12 juin 1799. Il était fils d'une femme
de couleur et de M. de Boulogne, qui devint
fermier général. Son père l'amena très-jeune à
Paris, et lui fit donner une éducation qui s'ap-
propriait parfaitement à sa nature et à son
époque : il le mit en pension chez le maîlre
d'armes La Boëssière, où l'on joignait aux études
sérieuses les arts d'agrément, l'escrime, la danse
et l'équitation. Lorsque Saint-Georges parut dans
le monde, il avait de la grâce dans les manières,
de la vivacité dans l'esprit, une taille bien prise,
et, malgré ses cheveux crépus et sa couleur
très-foiicée, une belle figure; il était hon musi-
cien, excellent cavalier, sans rival pour l'escrime,
et d'une adresse incroyable pour ious les exer-
cices du corps. On vantait sa douceur, la gé-
nérosité de son caractère, et sa délicatesse qui,
pour éviter les querelles, le portait à se nommer
lorsqu'il voyait d'imprudents adversaires sur le
point de s'engager contre lui. Les sociétés les
plus distinguées par l'esprit et la fortune le re-
cherchèrent; il obtint près des femmes de bril-
lants succès. Sa position indépendante était en-
core relevée par son intimité avec !e duc de
Chartres, dont il était devenu eapitainedesgardes,
aprèsavoir été écuyer dé Mme de Montesson. 11 se
plaisait surtout à la musique et en faisait son
occupation principale; il jouait fort agilement
du violon et comptait parmi les coryphées du
Concert des amateurs. En 1776, on eut l'in-
tention de confier à une régie l'Académie royale
de musique; plusieurs compagnies se présen-
tèrent; à la tête de l'une d'entre elles se trou-
vait le chevalier de Saint-Georges: « M*les Ar-
nould, Guimard, Rosalie et autres, dit Grimm,
n'en ont pas été plutôt informées, qu'elles ont
adressé un placet à la reine pour représenter à
Sa Majesté que leur honneur et la délicatesse de
leur conscience ne leur permettraient jamais
d'être soumises aux ordres d'un mulâire. » Ne
pouvant diriger l'opéra, Saint-Georges fit en-
tendre des œuvres de sa composition : en juin
1777, Ernestine( paroles de Laclos) ; en octobre
1778, la Chasse (paroles de Desfontaines); en
août 1787, la Fille Garçon (paroles de Des-
maillot). Ces trois pièces n'eurent aucun succès;
la musique en parut quelquefois gracieuse, ail-
leurs ingénieuse et savante, mais toujours sans
caractère, sans variété, sans idées nouvelles, avec
beaucoup de longueurs, des réminiscences et des
imitations. La vogue de ses sonates, de ses con-
certos et du menuet qui porte son nom put le
consoler de ses défaites à la scène. A l'époque de la
révolution, Saint Georges fut, par reconnaissance
autant que par conviction, au nombre des par-
tisans les plus actifs du duc d'Orléans. Il obtint,
en 1792, la permission de lever, comme colo-
25 SAINT-GEORGES
nel, un régiment de chasseurs à cheval, dans
lequel on remarqua beaucoup d'hommes de cou-
leur 11 le conduisit à l'armée de Dumouriez, et
montra un courage très-enthousiaste contre l'in-
vasion des Prussiens. De retour à Paris, il pré-
tendit avoir dénoncé l'un des premiers la défec-
tion de Dumouriez. Cette assertion, vraie ou
fausse, par laquelle il espérait mettre hors de
doute son patriotisme, ne l'empêcha pas d'être
emprisonné, comme suspect, en 1794. Rendu
à la liberté par le 9 thermidor, il traîna péni-
blement ses dernières années dans la gêne et
dans des souffrances aiguës , résultant d'un ul-
cère à la vessie, qui causa sa mort.
Notice historique sur Saint-Georges, en tête du Traité
de l'art des armes par La Boëssière ûls. — Correspon-
dance Je Grimn) , années 1776, 1777, 1778, 1787. _: Fétis,
Biogr univ. des musiciens.
saint-germain (Jean- François de), sei-
gneur d'Entremont, né en mars 1668, à Entre-
mont (Normandie), où il est mort, le 26 juillet
1735. Sa vie presque entière s'écoula dans le
lieu de sa naissance, et il y partagea son temps
entre l'étude et les soins de la campagne. 11 com-
posa dans le goût de Marot une quantité de pièces
de vers, pleines d'esprit et de saillies, et dont
plusieurs ont été imprimées dans les recueils du
temps. Il fut membre de l'Académie de Caen.
Nouvelles littér. de Caen, 1744, in-8°, p. 382.
saint-germain (Claude-Louis , comte
de), général français , né le 15 avril 1707, au
château de Vertamboz , près Lons-le-Saulnier,
mort à Paris, le 15 janvier 1778. Élevé chez les
jésuites , il parut d'abord vouloir embrasser l'é-
tat ecclésiastique et professa les humanités dans
les collèges de l'ordre ; mais, porté à la vie aven-
tureuse et éloigné de toute soumission par un
esprit volontaire et une vanité intraitable, il
quitta bientôt les livres et le petit collet pour
l'épée et le costume militaire. A peine avait-il
obtenu une sous-lieutenance , qu'il passa subi-
tement en Allemagne, soit qu'il fût poussé par
l'espoir d'un avancement plus rapide, soit plu-
tôt, comme l'ont écrit des contemporains, qu'il
voulût fuir les conséquences d'un duel, dans le-
quel il avait tué un officier de marque. Après
avoir servi chez l'électeur palatin, il alla en
Hongrie et fit une campagne contre les Turcs ;
mais , la France s'étant déclarée contre Marie-
Thérèse , il donna sa démission, et prit du ser-
vice chez l'électeur de Bavière, qui devint em-
pereur sous le nom de Charles VII. Lorsque ce
prince mourut, Saint-Germain était feld-maré-
chal lieutenant; il partit pour Berlin dans l'in-
tention d'entrer dans l'armée du grand Frédéric;
mais la sévérité de la discipline l'effraya; il
quitta la Prusse, et alla dans les Pays-Bas se
présenter au marécha'l de Saxe qui , avec l'as-
sentiment du ministère , lui donna le grade de
maréchal de camp dans l'armée française. Saint-
Germain se distingua à Lawfeld , à Raucoux et
au siège de Maëslricht ; il participa ensuite, en
qualité de lieutenant général , à cette guerre de
SAINT-GERMAIN
26
Sept ans qui fut si triste et si honteuse pour la
France. On doit reconnaître qu'il se conduisit
mieux que les autres officiers supérieurs. « Il
avait fui moins loin, dit Lacretelle. » Les sol-
dats l'aimaient pour son courage, pour sa fran-
chise, pour sa brusquerie même, et pour son
étrange vie de condottiere, qu'ils se racontaient
au bivouac, en y ajoutant de merveilleuses
aventures ; mais il avait contre lui les généraux
dont il relevait les fautes et les revers avec de
mordantes railleries. Mécontent de sa situation
et du gouvernement , jaloux de tout ce qui l'en-
tourait, inquiété par les plus simples actions,
par les moindres paroles, il tomba dans la même
maladie d'imagination qui troubla les dernières
années de Jean-Jacques Rousseau : il ne rêva
plus que vexations et complots dirigés contre
sa personne ; il ne vit plus que traîtres et mé-
chants conjurés pour le perdre. Quittant de nou-
veau la France (1760), en renonçant à son grade
et au cordon de commandeur de Saint-Louis,
il se rendit en Danemark, où Frédéric V le
créa feld-maréchal général, et le mit, en 1762,
à la tête de son armée, avec la mission de
!a réorganiser sur un plan nouveau. La mort
de Frédéric (1766) changea encore sa destinée :
il demanda sa retraite , qui fut d'abord réglée à
sept mille écus de rente , et qu'il fit changer en-
suite en un capital de cent mille écus. Rentré en
France, il acheta près de Lauterbach, en Alsace,
un petit domaine où il se fixa , et où il partagea
son temps entre l'horticulture et des exercices
de dévotion. La faillite de son banquier le laissa
dépourvu de toutes ressources; il supporta ce
malheur en sage , avec beaucoup de calme. Les
officiers des régiments allemands au service de
la France se cotisèrent pour lui faire une rente;
il les refusa, le ministre de la guerre lui ayant
constitué une pension de dix mille livres sur la
cassette du roi. Peu de temps après, deux mi-
nistres philosophes, Turgot et Malesherbes, qui
rêvaient la réforme de l'armée, comme celle des
autres administrations , le présentèrent au roi ,
qui le nomma ministre de la guerre , le 26 oc-
tobre 1775. Personne, en France, n'avait aussi
bien étudié les divers systèmes militaires , et il
paraissait seul capable de relever notre armée,
dont la décadence était telle, que, suivant l'idée
répandue dans toute l'Europe, elle ne pouvait,
à nombre égal, tenir tête à celles des autres
puissances. Dès 1758, Saint-Germain avait écrit
un Mémoire sur les vices du système mili-
taire français ; il y attaquait surtout les corps
à privilège, la multiplicité des officiers géné-
raux, le nombre excessif des ofiiciers inférieurs,
et l'obligation pour les capitaines d entretenir les
compagnies à leurs frais , ce qui amenait la mi-
sère du soldat. A peine au pouvoir, il supprima
les deux somptueuses compagnies des mousque-
taires gris et noirs , et la compagnie des grena-
diers à cheval; il allait détruire aussi les gen-
darmes et les chevau-légers, lorsque Maurepas
27
SAINT-GERMAIN
28
et M. de Soubise l'arrêtèrent; !a plupart de ses
autres projets furent empêchés par ceux qui
étaient intéressés au maintien de l'ancien sys-
tème. « M. de Saint-Germain, écrivit le grand
Frédéric à Voltaire, avait de grands et beaux
desseins très-avantageux à vos Welches; mais
tout le monde l'a traversé , parce que les réfor-
mes qu'il se proposait de faire auraient obligé à
une exactitude qui leur répugnait, dix mille
fainéants bien chamarrés, bien galonnés. « Saint-
Germain , qui avait déjà contre lui les officiers,
se perdit auprès des soldats en voulant rétablir
l'ordre et la régularité au moyen de la discipline
allemande : il ordonna de punir certaines fautes
par des coups de bâton. Ce ne fut qu'un cri
dans l'armée française. Effrayé de cette explo-
sion de colère, il substitua aux coups de bâton
les coups de plat de sabre- Ce changement ne
calma pas les esprits , et tout le monde répéta
ce mot d'un grenadier : « Dans le sabre, il n'y
a de bon que le tranchant. » L'estime publique
s'était retirée de Saint-Germain; on le tourna en
ridicule, pour ses projets de remplacer les Inva-
lides de Louis XIV par trente-six établissements
dans les provinces, et de disperser sur plusieurs
points l'École militaire de Paris, en donnant
pour maîtres aux futurs officiers des hommes
d'église. Au mois de septembre 1777, il offrit sa
démission qui fut acceptée, et se retira à l'Ar-
senal, où ie roi lui avait donné un logement,
avec 40,000 livres de pension.
Mémoires historiques et militaires de Rochambeau. —
-Soulavie, Mémoires de Louis XVI. — Correspondance
du comte de Saint-Germain. — Lacretelle, Histoire du
dix-huitième siècle. — Sisraondi, Histoire des Français.
— Abbe de La Montagne, Mémoires du comte de Saint-
Germain; Amsterdam, 1779, in-8°. — Wimpfen, Com-
mentaires des Mémoires du comte de Saint- Germain;
Londres, 1780, in-8", et 1781, 2 vol. in-12.
saint-germain (N..-, comte de), célèbre
aventurier, mort à Sleswig, en 1784. La vie de
cet homme étrange, de ce conte pour rire,
comme l'appelle Voltaire, semble une création
féerique, et les nuages dont il eut l'art de s'en-
tourer, pour grandir son rôle et surprendre la
crédulité de ses contemporains, le dérobent en-
core aujourd'hui à la sagacité des plus habiles
recherches. Mais si les faits qu'on a pu recueillir
ne sont ni assez nombreux, ni assez décisifs ,
pour percer le mystère de cette existence, ils
servent du moins à mettre en lumière l'état d'es-
prit dans lequel se trouvait, au milieu du dix-
huitième siècle, la haute société française. En
jetant. Paris dans le scepticisme, les philosophes
n'avaient pas éteint cette foi au merveilleux
qui paraît être une des conditions essentielles
de la vie humaine, et, pour remplacer la
croyance aux miracles de la religion , surgissait
une croyance à d'autres miracles et à un autre
surnaturel. Alors vinrent des hommes, sortis on
ne sait d'où, qui promettaient des prodiges et
qui montraient les images des personnes dont on
regrettait la mort ou l'absence; écoutés et lar-
gement rétribués, ils virent le meilleur monde se
! réunir autour de leurs miroirs magiques. Aucun
j ne devint plus à la mode que le comte de Saint-
j Germain, et bientôt il ne fut bruit que de lui.
I Ce n'est pas seulement à des effets de cbatlata-
j nisme qu'il faut attribuer son succès, mais sur-
j tout à son mérite personnel. « Le comte de
| Saint-Germain, dit Grimm, a paru à tous ceux
j qui l'ont connu un homme de beaucoup d'es-
i prit. Il avait cette éloquence naturelle qui est la
plus propre à séduire ; il savait beaucoup de
chimie, et l'histoire comme peu de personnes
l'ont apprise. Il avait le talent de rappeler dans
la conversation les événements les plus impor-
tants de l'histoire ancienne, et de les raconter
comme on raconte l'anecdote du jour, avec les
mêmes détails , le même degré d'intérêt et de vi-
vacité. » Le maréchal de Belle-Isle, qui l'avait
connu en Allemagne, l'amena en France vers
1740, et le présenta à Mme de Pompadour qui
ne tarda pas à l'admettre dans son intimité.
Louis XV lui fit aussi un gracieux accueil, s'en-
tretint souvent et longuement avec lui, et lui
donna un appartement à Chambord. « Un jour,
raconte Mme du Hausset, Madame (de Pompa-
dour) lui dit devant moi, à la toilette : « Corn-
ment était fait François Ier ? C'est un roi que
j'aurais aimé. — Aussi était-il très-aimable, »
dit Saint-Germain; et il dépeignit ensuite sa fi-
gure et toute sa personne, comme l'on fait d'un
homme que l'on a bien considéré. Ii continua
sur le connétable, sur la cour, puis sur Marie
Stuart, sur Marguerite de Valois... Madame lui
dit en riant : « Il semble que vous ayez vu tout
cela. — J'ai beaucoup de mémoire, dit-il, et j'ai
beaucoup lu l'histoire de France. Quelquefois je
m'amuse, non pas à faire croire, mais à laisser
croire que j'ai vécu dans les plus anciens temps.
—Mais enfin vous ne dites pas votre âge, et vous
vous donnez pour fort vieux. La comtesse de
Gergy qui était, il y a cinquante ans, je crois,
ambassadrice à Venise , dit vous y avoir connu
tel que vous êtes aujourd'hui. — Il est vrai, Ma-
dame, que j'ai connu, il y a longtemps, Mme de
Gergy. — Mais, suivant ce qu'elle dit, vous au-
riez plus de cent ans à présent? — Cela n'est
pas impossible, dit-il en riant ; mais je conviens
qu'il est possible que cette dame, que je respecte,
radote. — Vous lui avez donné, dit-elle, un
élixir surprenant par ses effets; elle prétend
qu'elle a longtemps paru n'avoir que vingt-quatre
ans. Pourquoi n'en donneriez-vous pas au roi ?
— Ah! Madame, dit-il avec une sorte d'effroi ,
que je m'avise de donner au roi une drogue in-
connue; il faudrait que je fusse fou. » Si cette
conversation eut été répétée, elle eût sans doute
bien diminué les exagérations de la crédulité
publique; mais il n'entrait pas dans les desseins
du comte d'éclairer l'opinion qui lui attribuait
une puissance pour ainsi dire surhumaine. On
disait qu'il avait plus de deux mille ans et qu'il
avait connu Jésus-Christ; on parlait avec ad-
miration de cet élixir qui perpétuait sa vie, de
SAÎNT-GEftMÀlJN
ses immenses richesses , de ses secrets pour
faire grossir les perles, et pour enlever les taches
des diamants sans diminuer leur poids. Le fait
est qu'il avait une. grande fortune, et qu'il éta-
lait parfois un luxe inouï. Un jour, il montra à
M""-' de Pompadour une boîte qui contenait des
topnz.es, des rubis, des émeraudes, le tout d'une
très-grande valeur. Une autre fois, il parut a la
cour avec des boucles de souliers et des jarre-
tières de diamants , qu'on estima au moins
200,000 francs. D'où tenait-il sa richesse ? On
n'a pu le savoir. On ignore sa naissance et son
véritable nom. La croyance la plus répandue,
c'est qu'il tirait ses ressources de quelque cour
étrangère, pour laquelle il remplissait l'emploi
d'espion; selon d'autres, il était fils d'un juif de
Bordeaux et d'une princesse qu'on ne désigne
pas; Mme du Hausset dit que le roi en parlait
quelquefois comme étant d'une illustre nais-
sance, et elle incline à le croire bâtard d'un roi
de Portugal. Si l'on pouvait ajouter foi aux Mé-
moires authentiques pour servir à l'histoire
du comte de Cagliostro, on aurait, une expli-
cation bien plus vraisemblable du rôle joué par
Saint-Germain , de son influence sur les plus
hauts personnages et des richesses dont il dis-
posait. Ces Mémoires en effet le font grand-
maître de la franc-maçonnerie , et assurent que
Cagliostro reçut de lui l'initiation, avant d'aller
-établir en Courlande les loges maçonniques se-
lon le rite égyptien ; mais ce livre est trop peu
digne de créance, pour qu'on établisse rien de
certain sur les assertions qu'il avance. Ce qu'il
est impossible de nier, c'est la domination que
le comte de Saint-Germain exerçait autour de
lui, domination extraordinaire surtout si on ne
lui cherche pas une cause occulte. Car on ne
peut, en ce cas, l'attribuer qu'à sa force indi-
viduelle , c'est-à-dire à la supériorité de son in-
telligence ou à l'énergie de sa volonté. Il ne fut
en effet ni un apôtre du magnétisme ni un évo-
cateur d'esprits, et tous les prodiges qu'il opéra
se réduisirent à déployer une volonté assez
puissante pour éveiller chez les autres, au moyen
d'effets de catoptrique, des sensations illusoires,
à surexciter leur imagination au point qu'ils
crussent voir dans le miroir magique les per-
sonnes dont ils désiraient l'apparition. Le véri-
table succès de Saint-Germain fut à Paris ; jus-
que-là, en Hollande , en Allemagne, à Venise, à
Londres, on ne lui avait prêté qu'une attention
distraite et mêlée d'ironie. Lorsqu'il quitta la
France, il alla d'abord à Hambourg, puis auprès du
landgrave de Hesse, et après avoir si longtemps
excité l'étonnement et l'admiration, il passa ses
derniers jours loin du bruit. Nous pouvons, d'a-
près les témoignages contemporains, nous le
représenter tel qu'il se montra à la cour de
Louis XV : il paraissait avoir cinquante ans ; il.
avait l'air fin et spirituel ; il n'était ni gras , ni
maigre, d'une taille moyenne, et très-robuste;
il était mis d'ordinaire avec une simplicité de
— SAINT-GILLES 30
bon goût qui faisait valoir l'éclat des diamants
qu'il portait aux doigts, et qui enrichissaient sa
tabatière et sa montre; il affectait une grande
sobriété.
Mémoires de M"" du Haussât. — Correspondance de
Grirnin. — Correspondance de Voltaire. — figuier, IJist.
du merveilleux, t. IV. — Nachrichten vom Crafen
Saint-Germain; Francfort, 1780, in-8°.
SAINT-GERMAIN. Voy. MoURGUES.
saint-germai* (Christopher), légiste an-
glais, né à Slùlton, près Coventry, mort le
28 septembre 1540, à Londres. Il était fils d'un
chevalier et possédait quelque aisance. Il se
rendit fort habile dans la connaissance du droit,
passa pour l'un des avocats les plus renommés
de son temps, et écrivit en latin, sous le titre an-
glais The Doctor and siudent (Londres, 1523,
in-12), un traité sur les fondements de la légis-
lation anglaise, qui a été, jusqu'en 1787, réim-
primé une vingtaine de fois. On lui attribue plu-
sieurs ouvrages, dont un seul paraît être de
lui : Newe addicions treating specially of
the power ofthe Parlyament (Londres, 1531,
in-12). Il entama avec Thomas Morus une con-
troverse, qui amena l'échange de quelques écrits.
Tanner. — Baie. — Eridgman, Légal Bibliography.
saint-gery {Joseph de) , littérateur fran-
çais, né en 1590, à Magnas, près de Lectoure,
mort en 1674, dans le même lieu. Il était d'an-
cienne noblesse et seigneur de Magnas. Dès sa
jeunesse il prit le parti des armes et s'attacha à
la maison de La Valette; après avoir suivi en
1612 le comte Henri de Candale dans ses cam-
pagnes de mer contre les Turcs , il passa au ser-
vice du duc d'Épernon, et reçut de lui en 1627
le commandement de son régiment de Guienne
ainsi que la lieutenance de Lectoure. Durant
l'interminable différend qui s'éleva entre le duc
et l'archevêque de Bordeaux, il fut député plu-
sieurs fois à la cour et s'acquitta avec prudence
de ces épineuses et souvent puériles négocia-
tions. La disgrâce où tomba son protecteur nui-
sit beaucoup à son avancement; en 1642 il se
retira dans son château de Magnas, et partagea
ses loisirs entre le culte de la poésie et l'étude
des sciences physiques. En considération de ses
travaux et par égard pour les hautes amitiés
qu'il avait conservées à Paris, il fut gratifié en
1663 de la charge honorifique de conseiller d'É-
tat. Ses divers écrits, réunis sous le titre d'Es-
sais (Paris, 1663, in-4°), avaient paru isolément
à Paris en 1662 et 1663 : ce sont Ma félicité,
Iris, longues pièces de vers français, et des dis-
sertations latines De motu cordis et cerebri et
De finïbus corporis et spiritus.
Girard , Vie du duc d'Épernon. — Moréri , Dict. Mit.
saint-gilles (JV... DE l'Enfant, chevalier
de), poëte français, mort vers 1709 (1). Sous-
(1) C'est par erreur qu'on l'a fait naître en 1680, puis-
que l'une de ses meilleures œuvres, le Contrai, fut im-
primée en 1694, et qu'elle courait manuscrite depuis
plusieurs années. C'est sans doute aussi par une autre
erreur que des Dictionnaires, paraissant ignorer la date
31
SAINT-GILLES — SAINT-HILAÎRE
brigadier de la première compagnie des mous-
quetaires du roi, il quitta le service après Ra-
millies (1706), renonça au monde et se renferma
dans un couvent de capucins. « C'était, ditTi-
ton du Tillet, un homme qui avait l'air pensif et
qui parlait peu. Son esprit était souvent occupé
à ranger quelques petits morceaux de poésie,
qu'il faisait éclore et qu'il récitait avec plaisir à
ses amis. 11 réussissait surtout à faire des contes,
et ordinairement sur des sujets assez gaillards.
Il a composé aussi plusieurs chansons et plu-
sieurs parodies sur des airs d'opéra, qui sont
pleines d'esprit et de gentillesse. » Ce poète ?i-
mable est celui qui , avec Vergier, a le plus ap-
proché de La Fontaine dans le conte ; cependant
il est presque inconnu. De son vivant même il
ne fut apprécié que dans le petit cercle de ses
amis, ne fit rien imprimer, et se vit dépouillé de
ses œuvres au profit d'autres écrivains. Le li-
braire Adrien Moetjens publia , dans le t. II de
son Recueil de pièces curieuses (La Haye,
1694, in-18), le Contrat , sous le nom de La
Fontaine. Malgré la réclamation de Saint-Gilles,
le Contrai fut encore inséré dans des éditions
de La Fontaine, notamment dans celle d'Amster-
dam, 1732; et, dans le Nouveau Parterre du
Parnasse français (La Haye, 1737, in- 12), il
?ut attribué à un nommé Julien.
Les œuvres posthumes de Saint-Gilles, impri-
mées sous le titre de la Muse mousquetaire
(Paris, 1709, in-12), présentent bien du fatras et
quelques pièces charmantes, entre autres le Con-
trat et Vindicio. Le prologue de ce dernier
conte débute par les vers que l'on a souvent re-
prochés à Vergier :
Sur les traces de La Fontaine
Je n'ai pas prétendu marcher...
et que les éditeurs de Vergier eurent en effet le
tort de reproduire en tête du Mal d'aventure.
On trouve encore dans le Nouveau choix de
pièces de poésie (La Haye, 1715, 2 vol. in-12)
quelques pièces de Saint-Gilles. Gudin l'accuse
d'être lubrique ; mais ii semble ne l'avoir pas lu,
c.ar Saint-Gilles est plus réservé que La Fontaine,
et Gudin l'est bien moins que l'un et l'autre.
L'auteur de la Muse mousquetaire eut un
frère , lieutenant de cavalerie au régiment de
Bissy, qui donna une tragédie à'Ariaralhe, re-
présentée le 30 octobre 1699, mais non impri-
mée. Il mourut en 1746, à quatre-vingt-six ans,
écrasé par les roues d'un carrosse. J. M— r— l.
Walckcnaer, Vie de La Fontaine. — Titon du Tillet,
l'm-nasse français. — Gudin, Histoire des contes, 1. 1.
SAINT-GILLES. \'oy. ALBANS.
SAiNT-iHLAiRE ( Louis- Vincent- Joseph
le Blond, comte de ) , général français, né le
4 septembre 1766, à Ribemont (Aisne), mort le
3 juin 1809, à Vienne en Autriche. Fils d'un offi-
cier de fortune, il était à onze ans cadet au ré-
de ses OEuvres posthumes (T709) , l'ont fait mourir en
1786. Aucun document ne nous fait connaître Tannée
de sa naissance , ni l'époque précise de sa mort.
giment de Conti cavalerie, et à quatorze il s'em-
barquait pour les Indes orientales comme sous-
iieutenant à la suite. En 1783 il passa dans
l'infanterie, devint capitaine en 1792, et com-
manda au siège de Toulon l'aile gauche de l'a-
vant-garde. Le général Laharpe témoigna dans
un rapport de son intrépidité et de ses talents
militaires, « qui dépassaient ce qu'on devait at-
tendre d'un jeune homme de son âge ». Envoyé
dans le Piémont comme adjudant, général chef
de brigade, il défendit contre neuf mille Autri-
chiens le centre de la ligne de Borghelto et leur
fit six cents prisonniers. 11 fit la campagne de
l'an iv de la façon la plus brillante : promu gé-
néral de brigade (24 déc. 1795), il s'empara des
hauteurs de Salo, puis de la Rocca d'Anfo,
l'un des principaux débouchés du Tyrol, et entra
un des premiers dans Bassano après un engage-
ment très-meurtrier ; au combat de Saint-Georges,
où il conduisait l'avant-garde de Masséna, il fut
blessé aux deux jambes. A la suite du 18 bru-
maire, Saint-Hilaire fut nommé général de divi-
sion (27 déc. 1799), et commanda à Marseille
d'où il envoya avec une activité infatigable des
secours de toute nature à l'armée d'Italie; ii
passa ensuite à Rouen, et reçut la plaque de
grand officier de la Légion d'honneur. En 1805
il fit partie du corps d'armée de Soult, et con-
courut à Auslerlitz à l'occupation des hauteurs
de Pratzen, qui étaient la clé de la position des
Austro-Russes ; blessé grièvement dès les pre-
miers coups de fe-u , il resta à la tête de sa di-
vision jusqu'à la fin de la journée. Sa belle con-
duite lui valut le cordon de grand aigle de la Lé-
gion d'honneur (26 déc. 1805). Continuant d'être
employé à la grande armée, il assista aux ba-
tailles d'Iéna et d'Eylau. Dans la campagne de
1809 il culbuta plusieurs fois les Autrichiens, et
leur fit essuyer des pertes graves; il y contribua
au succès de la bataille d'Eckmulh et fit des pro-
diges de valeur à Essling ; mais il eut le pied
gauche emporté par un boulet, et mourut douze
jours plus tard des suites de sa blessure. Son
corps fut transféré, en 1810, à Paris et déposé au
Panthéon. « C'était, a dit Napoléon , un homme
aimable, remarqué par son caractère cheva-
leresque, ce qui le fit appeler le chevalier sans
peur et sans reproches. »
Moniteur univ.. 1810. - Victoires et conquêtes. —
Fastes de. la Légion d'honneur, III.
saint-hilaire (Auguslin-François-César
Prouvensal de Sahyt-Hilaire, connu sous le
nom d'Auguste de), botaniste français, né le
4 octobre 1799 , à Orléans, où il est mort, le
30 septembre 1853. Doué d'un goût très-vif pour
l'histoire naturelle, il s'appliqua à l'entomologie ;
mais diverses circonstances le contraignirent de
partir pour le Holstein, où, en compensation, il
se rendit familières les langues allemande et
anglaise. De retour à Orléans après plusieurs
années , il se livra à l'étude de la botanique. A
cette époque, désigné pour être auditeur au
33 SAINT-H1LA1RE -
conseil d'État, il vint à Paris tout en hésitant
sur la conduite qu'il avait à tenir ; car des rai-
sons de famille semblaient lui faire un devoir
d'accepter cette place. On était alors au mois de
février. Au milieu de ses irrésolutions, il fit une
promenade au Jardin des Plantes, et la vue d'un
seul tussilage en fleur décida de son sort. Sen-
tant qu'il ne lui serait pas possible de s'appli-
quer à la botanique sans négliger les devoiis de
sa place, il déclara qu'il y renonçait. Le Balle-
tin de la Société des sciences d'Orléans inséra
ses premiers travaux. Il avait entrepris une
Histoire complète des pistils et des fruits
des plantes de la France; mais comme elle
ne pouvait être terminée qu'après de longues
années de voyages et d'observations , il résolut
d'extraire de ses nombreux matériaux une suite
de mémoires de physiologie végétale , qui pa-
rurent dans les Annales et les Mémoires du
Muséum. Un voyage dans les contrées équi-
noxiales était depuis longtemps l'objet des désirs
de Saint- Hilaire, qui profita des offres que lui fit
M. de Luxembourg, ambassadeur de France au
Brésil, et partit pour Rio de Janeiro. Pendant
six années il parcourut ce vaste empire, et y fit
environ dix mille kilomètres, depuis le 13° lat. S.
jusqu'à Rio de la Plata. Il revint en. Europe
avec environ 24,000 échantillons de plantes, for-
mant à peu près 0,000 espèces , presque toutes
nouvelles, analysées pour la plupart sur les
lieux mêmes, des graines, 2,000 oiseaux, 16,000
insectes, 135 quadrupèdes, des reptiles, des
poissons et quelques minéraux. A peine arrivé,
il s'occupa de la publication de son grand ou-
vrage sur la Flore du Brésil; mais tant de fa-
tigues et de travaux altérèrent sa santé : il tomba
dans une débilité nerveuse portée au dernier
période, se vit privé de la parole et presque de
la vue, et fut obligé de se réfugier à Montpellier,
où l'air pur et les soins de deux excellents amis,
les docteurs Dunal et Lallemand, lui rendirent la
santé et lui permirent de reprendre ses travaux,
pourlesquels il avait dû, pendant quelque temps,
s'adjoindre MM. de Jussieu et Cambessède. L'A-
cadémie des sciences, qui durant son séjour au
Brésil l'avait choisi pour un de ses correspon-
dants, le nomma, le 8 mars 1830, membre titu-
laire, en remplacement de Lamarck. On a de ce
botaniste : Flora Brasilise meridionalis , ou
Histoire et description de toutes les plantes
qui croissent dans les différentes provinces
du Brésil ; Paris, 1825, 3 vol. gr. in-4°, avec
192 pi. gravées; — Voyage dans les provinces
de Rio de Janeiro et Minas Geraes; Paris,
1830, 2 vol. in-8°, p!.; — Voyage dansledis-
trict des diamants et sur le littoral du Bré-
sil; Paris, 1833, 2 vol. in-8°; — Sur les Rcsé-
dacées; Montpellier, 1838, in-4°; — Sur le
système d'agriculture adopté par les Brési-
liens; Paris, 1838, in-8°; — Leçons de Bota-
nique, comprenant principalement la mor-
phologie végétale, la terminologie, la bota-
NOBV. BIOSR, GÉNÉR. — T. XLUI.
SAINT-HUBERTY
34
nique comparée, etc.; Paris, 1840-41, in-8°,
pi. ; — La morphologie végétale expliquée,
par des figures ; Paris, 1841, in-8"; — Voyage
aux sources du Rio de San-Francisco; Paris,
1847 48, 2 vol. in-8°; — L'Agriculture et Vé-
lève du bétail dans les C ampos- Geraes ; Paris,
1849, in-8°. Saint-Hilaire a publié dans la Revue
des deux mondes (1831) un Tableau des
dernières révolutions du Brésil. Il a donné
avec Moquin-Tandon, qui lui a succédé à l'Ins-
titut, des Mémoires sur la famille des Poly-
galéas, et sur la symétrie des Capparidées,
insérés dans les Mémoires du Muséum, et a
travaillé aux Nouvelles Annales des Voyages.
liiogr. vnïv. et portât, des Contemp.
saikt-hslaike. Voy. Jaume et Geoffroy-
Saint-Hilaire.
SAINT-HUBERTY ( Anne- Antoinette (1)
Clavel, dite), célèbre actrice lyrique, née à
Strasbourg, le 15 décembre 1756, morte le 22
juillet 1812, près de Londres. Son père, dont
M. Fétis fait à tort un ancien militaire, était musi-
cien de profession, et elle fut son élève. Pendant
ses premières années elle parcourut avec ses
parents l'Allemagne , la Prusse et la Pologne.
Elle eut le bonheur de rencontrer à Varsovie le
compositeur Le Moyne, qui, charmé de ses bril-
lantes dispositions, entreprit son éducation théâ-
trale. En 1774 elle revint en France , et joua
pendant trois ans l'opéra à Strasbourg. Le
23 septembre 1777 avait lieu à l'Académie royale
de musique la première représentation del'Ar-
mide de Gluck, et Mme Saint- Huberty ( c'est le
nom qu'elle avait adopté) y débutait par le rôle
de Mélisse, dans lequel elle produisit peu de
sensation. D'une taille médiocre, maigre et
blonde , l'ensemble de sa personne ne compor-
tait rien de sympathique. Lors de la retraite
de Sophie Arnould , il lui fut permis d'aborder
quelques rôles importants, et celui d'Angélique,
dans le Roland de Piccinni, qu'elle joua en 1780,
la plaça haut dans l'estime du public. Un mois
après, elle créa le rôle de Lise, dans Le Sei-
gneur bienfaisant, avec tant d'âme, que le pu-
blic, sous le charme de l'illusion, l'applaudit avec
des transports enthousiastes. On raconte que
Mme Saint-Huberty apporta tant d'expression,
tant d'énergie, dans la scène du désespoir, que
sa santé s'en ressentit et qu'il lui fallut quelques
jours de repos pour se rétablir. En 1782, les
opéras de Thésée et à' Ariane mirent le sceau
à sa réputation. La mort de MUeLaguerre (1783)
et la retraite de Rosalie Levasseur lui laissèrent
le champ libre, et mise en possession du titre de
chef d'emploi, elle redoubla d'efforts afin de s'en
rendre digne. C'est ainsi qu'elledonna l'expression
et la vie au beau rôle de Didon. Tous les au-
teurs s'empressèrent d'écrire des rôles pour elle;
mais tous ne furent pas également heureux, et
pendant les quatre années qu'elle passa encore
(1) Et non Cécile.
35 SAINT-HUBERT T -
à l'Opéra, ses succès furent traversés par quel-
ques ennuis. Ainsi elle fut obligée de renoncer
au rôle de Clytemnestre, dans lequel ses qua-
lités extérieures ne la servaient pas convenable-
ment. On lui opposa plus tard M^e Dozon , qui
était loin de la valoir, et M'ie Maillard, son élève,
qui ne rougit pas de la payer d'ingratitude.
Dès les premiers jours de la révolution,
Mme Saint-Huberty, qu'une liaison étroite unis-
sait depuis longtemps au comte d'Entraigues ,"
dont elle avait adopté avec chaleur les opinions
royalistes, donna sa démission, etalla le rejoindre
à Lausanne, où il s'était réfugié. lis s'y mariè-
rent, le 29 décembre 1790; mais cette union
fut tenue secrète, et ce n'est qu'en 1797, à l'é-
poque de son arrestation à Trieste , que le comte
déclara son mariage. Sa femme trouva les
moyens de le faire évader, et tous les deux se
rendirent d'abord à Vienne, puis à Grsetz. Le
comte d'Entraigues étant passé en Angleterre,
où il était chargé par l'empereur de Russie
d'une mission secrète auprès du cabinet anglais,
ii y fut assassiné ainsi que sa femme par leur
domestique. On a prétendu , non sans quelque
apparence de raison, que la politique n'avait
point été étrangère à cette catastrophe. Mœe d'En-
traigues portait toujours sur elle, dit-on, k
cordon de Saint-Michel, qu'où a dit lui avoir été
donné par Louis XV1I1, pour reconnaître son
dévouement et les services rendus par elle à la
cause royale. E. de Manne.
Grimm, Bachaumont. — Almanack drs spectacles. —
Castil-Blaze , Hist. de l'Opéra. — Fetis, Biogr. des
music. — Renseignements particuliers.
saint-Hyacinthe (Hyacinthe Cordon-
nier, dit le chevalier de Thémiseul, dit), litté-
rateur français, né à Orléans, le 24 septembre
1684, mort à Genecken, près de Breda. en 1746.
Son père (1), qui s'appelait comme lui Hyacinthe
Cordonnier, faisait partie de la maison de Mon-
sieur, frère de Louis XIV, avec le titre de
porte-manteau, et de plus était employé avec sa
femme dans la musique de ce prince. Il mourut
en 1701, sans laisser de fortune. « La veuve
Cordonnier, qui avait été très-belle femme , dit
Grosley, avec un esprit romanesque et un iuth
<iont elle touchait agréablement, vint s'établir à
Troyes, sans autre ressource qu'une pension de
000 livres sur l'état de la maison de Monsieur.
N... qui jouissait d'un canonicat de la cathé-
(1) Un bruit qui acquit dans le temps quelque con
sistance le faisait naître de la liaison, d'autres disent du
mariage secret, de Bossuet avec M"e de Mauléon. Pa-
lissot ne dément pas ce bruit; mais Voltaire, dan3 son
Catalogue des Écrivains du siècle de Louis XI y, le
déclare complètement faux. Voici ce qu'en pense Grosley :
« 11 n'a pas tenu à Bel-Air qu'à la faveur de trois ou
quatre noms d'emprunt, qui masquent son véritable nom,
il n'ait été regardé comme né du commerce du grand
Bossuet avec Mlle Dnvieux de Mauléon. Cette cliimère,
dont 11 se prévalait dans les pays étrangers, il l'avait
bâtie sur l»s relations de sa mère avec M. Bossuet ( neveu
du grand Bossuet), qui, évêque rie Troyes en 1718, lui
avait continué les bontés dont l'honoraient MM. Bou-
Ihlller de Chavlgny, ses prédécesseurs. »
SA1NT-H JACINTHE 36
drale de Saint - Etienne et d'un revenu de
6,000 livres, le partagea avec la veuve Cordon-
nier et son fils, de l'éducation duquel ii prit un
soin proportionné aux dispositions que montrait
cet enfant. » Bel-Air, comme on appelait alors
ce dernier, à cause de sa belle mine, fit de
brillantes études au collège des oratoriens, et
lorsqu'il eut dix-neuf ans, sa mère lui obtint
un brevet d'officier de cavalerie sous le nom de
chevalier de Thémiseul. Pris à la bataille de
Hochstedt(i704), il resta quelque temps prison-
nier en Hollande. De retour à Troyes, le bruit de
sa mésaventure, son esprit et les grâces de son
extérieur le mirent à la mode. Mais, désireux
d'aventures, il partit pour joindre l'armée sué-
doise. En débarquant à Stockholm (1709), il ap-
prit la défaite de Pultawa, et passa en Hollande,
où ii se trouva bientôt sans ressources. Une
fripière juive, chez laquelle il alla mettre des
habits en gage, fut touchée de sa misère, et le re-
commanda à la duchesse d'Ossone, femme de
l'arnbassadeurd'Ëspagneau congrès d'Utreeht. II
plut dès la première entrevue à la sensible et
galanîedame; les visites se renouvelèrent, et Thé-
miseul devint un des habitués les plus assidus de
l'hôtel, où il eut même la table et le logement.
L'ambassadeur cependant finit par voir clair
dans la conduite de sa femme , et le soi-disant
chevalier reçut l'ordre de quitter la Hollande. Il
avait mis à profit son séjour et ses loisirs dans
ce pays pour étudier le hollandais, l'allemand,
l'anglais, l'italien et l'espagnol. Lorsqu'il fut re-
venu à Troyes , il mêla l'étude aux élégantes
dissipations de sa vie d'autrefois; bientôt une
nouvelle aventure le contraignit à quitter la
France : chargé d'enseigner l'italien a la nièce
d'une abbesse, il devint l'amant de son élève,
et l'abbesse ayant obtenu contre lui un décret
de prise de corps, il se hâta de retourner en
Hollande. Déjà lié avec quelques-uns des écri-
vains et dt,s érudits qui se groupaient autour de
S'Gravesende, ii renoua ses relations avec eux,
et concourut à la fondation du Journal litté-
raire, qui commença à paraître à La Haye eu
1713. Le Chef-d'œuvre d'un inconnu, qu'il
publia en 1714, sous le pseudony me du docteur
Chrysostomus Mathanasius, eut un très-grand
succès; les uns l'attribuèrent à La Monnoye,
d'autres à Fontenelle. Saint-Hyacinthe (c'était
son nouveau nom) fit connaître qu'il en était
l'auteur, et alla à Paris, où l'élite des littéra-
teurs et des hommes d'esprit l'accueillit parfai-
tement. Mais le mandat décerné contre lui
ayant toujours pleine vigueur, il fut bientôt
forcé de repartir. L'amour vint encore changer
le cours de son existence. Il s'éprit d'une pas-
sion violente pour Suzanne de Marcouay, fille
d'un gentilhomme protestant réfugié, et se fit
enlever par elle en plein jour. Les deux amants
se rendirent à Londres, et y contractèrent un
mariage, auquel M. de Maroonay donna son
assentiment (1722). Saint-Hyacinthe, qui avait
37 SAINT-HYACINTHE
embrassé le protestantisme, on ne sait à quelle
époque, obtint, dit-on, parle crédit de ses
amis, la pension dont jouissaient alors les proles-
tants réfugiés en Angleterre. Il revit à Londres
Voltaire , dont il avait reçu des félicitations à
Paris, au sujet du Chef-d'œuvre d'un inconnu;
leurs rapports furent pendant quelque temps as-
sez intimes, puis ils se brouillèrent tout à coup ,
sans qu'on en ait su le motif. Saint-Hyacinthe
commença la guerre devant le public, d'abord
par une critique de la Henriade, dans laquelle
il accusait Voltaire d'ignorer la langue fran-
çaise et de n'avoir jamais su écrire, ensuite par la
Déification du docteur Aristarchus Masso,
qu'il inséra dans une nouvelle édition du Chef-
d'œuvre d'un inconnu; cette Déification était
une allusion directe à Voltaire et à des coups de
bâton qu'il avait, à ce que l'on assure, reçus,
quelques années auparavant, d'un officier fran-
çais nommé Beauregard. Voltaire fut dès lors
impitoyable contre son agresseur; il lui rendit
hostiles les nombreux écrivains qui servaient
ses haines, le décria même auprès des puissants,
lui aliéna le comte d'Argenson, directeur de l'im-
primerie, empêcha le roi de Prusse de répondre
à ses lettres, le tourna en ridicule, prétendi't que
le Chef-d'œuvre d'un inconnu n'était pas de
lui, mais de M. de Sallengre,êt le poursuivit jus-
qu'à la fin de ses traits les plus acérés. Saint-
Hyacinthe en fut réduit à Desfontaines et à Fré-
ron pour alliés, et lorsqu'il quitta Londres pour
habiter Paris (1734), il sentit bien vite que le sé-
jour de cette ville était devenu pour lui intolé-
rable; il se retira à Genecken, patrie de sa femme,
où il mourut. L'écrit le plus original et le plus
spirituel de Saint-Hyacinthe est son début dans
les lettres, le Chef-d'œuvre d'un inconnu; La
Haye, 1714, 1716 et 1732, in-8°; Paris, 1806,
2 vol. in-s°. Ce chef-d'œuvre est une chanson
populaire de la plus grande vulgarité, que l'au-
teur dit avoir apprise de la duchesse d'Ossone;
il l'a ornée de préfaces, d'approbations, de pro-
légomènes , de lettres de félicitations en langues
anciennes et modernes, de tables des matières,
d'extraits de comptes rendus, et enfin d'un tel
luxe de remarques, de commentaires et de ci-
tations grecques , latines , françaises , anglaises,
italiennes, etc., qu'avec cette chanson de qua-
rante vers il a fait un volumede deux cents pages.
C'est une satire vive et complète du pédantisrne
et de l'abus de l'érudition alors à la mode. Les
autres ouvrages de Saint - Hyacinthe sont :
Lettres à M>»e Dacier sur son livre Des causes
de la corruption du goût; La Haye, 1715, in-12:
elles ont rapport à la querelle des anciens et des
modernes; l'auteur prend parti pour les der-
niers ; — Mémoires littéraires ; La Haye, 1716,
in-8°; — Entretiens dans lesquels on traite
des entreprises de l'Espagne ;ibid., 1719, in-12;
— Lettres écritesdela campagne; Ma., 1721,
in-8°; — Lettres critiques sur la -Henriade;
Londres, 1728, in-8°; — Lettre à un ami
- SAINT- JACQUES i>8
touchant le progrès du déisme en Angleterre;
Amst., 1732, in-12; — Pensées secrètes et ob-
servations critiques ; Londres, 1735, in-12; —
Histoire du prince Titi; Paris, 1735, 2 vol.
in-12; — La Conformité des destinées et
Axiamire; Paris, 1736, in-12; — Recherches
philosophiques sur la nécessité de s'assurer
par soi-même de la vérité ; La Haye et Londres,
1743, in-8°. 11 collabora au Journal littéraire
(1713 et ann. suiv., 24 vol. in-12), à l'Europe
savante (1718-20). On lui doit aussi quelques
traductions, et il a donné des éditions du Traité
du poème épique, du P. Le Bossu (La Haye,
1714, in-8°), des Réflexions nouvelles sur les
femmes , de Mme de Lambert (ibid., 1729), et
des Contes et joyeux Devis de Bonaventure
desPerriers (1735, 3 vol. in-12). J. M— r— l.
Leschevin, Notice sur Saûit-Hyacinthe, à la têteduCAe/-
d'œuvre d'un inconnu (édit. de 1806). — Haag frères,
La France protestante. — Palissot , Mémoires.— Lettre
de Lévesque de Burlgny a l'abbé de Saint-Léger, sur les
démêlés de Voltaire avec Saint -Hyacinthe; Paris, 1780,
in-8°.— Corresp. de Voltaire — Groslcy, Mémoires.
SAINT-HYACINTHE. VOIJ. ChARRIÈRES.
SAINT-ILDEPHONT. Voy. LEFEBVRE.
saint-jacques ( Guillaume de;), mathé-
maticien français, né le 18 janvier 1722, à Mar-
seille, où il est mort, le 10 février 1801. Il fut
élevé chez les oratoriens, et s'appliqua à l'é-
tude des mathématiques, en s'imposant de
bonne heure pour loi de ne jamais lire la dé-
monstration d'une proposition ou la solution
d'un problème qu'il ne l'eût trouvée auparavant,
lui-même. Cette méthode imprima à son esprit
tant de pénétration et de puissance qu'elle le
mit promptement en état de résoudre les
questions les plus difficiles. A dix-huit ans il
prenait place parmi les savants de Marseille, et
le P. Pezenas, plus tard directeur de l'observa-
toire, ne faisait rien sans le consulter. En 1 744
il envoya à l'Académie des sciences, d'après l'a-
vis de Jacquier, un mémoire sur le solide de la
plus grande attraction, qui fut inséré dans le
Recueil des savants étrangers. Ayant reçu en
1749 le Traité de la précession des équinoxes
par d'Alembert, il y releva des erreurs, étudia
à son tour le problème, et imagina une règle fort
simple, à l'appui de laquelle il composa deux mé-
moires; d'Alembert, à qui ils avaient été adres-
sés, les garda soigneusement au lieu de les sou-
mettre au jugement de l'Académie, comme il
avait promis de le faire. Cette affaire s'ébruita,
et donna lieu à des disputes fort vives ; mais il
fallut recourir à l'autorité pour obtenir restitu-
tion des mémoires envoyés. Le P. Pezenas les fit
insérer dans le recueil de Mémoires de mathé-
matiques et de physique, rédigés à l'observa-
toire de Marseille (1755-56, in-4°). Ce jésuite
ayant été, par suite de la suppression de son ordre,
obligé de quitter l'observatoire, Saint-Jacques
lui succéda dans l'emploi de directeur (1764); il
l'occupa jusqu'à sa mort. Nous citerons encore
parmi ses travaux dispersés dans les recueils du
2.
SD SAINT-JACQUES
temps ceux qui traitent de l'échappement d'hor-
logerie (1745), de l'écoulement de l'eau par un
orifice pratiqué au fond ou au côté d'un vase,
de la précession des équinoxes {Philosoph.
Trans., 1752), des variations célestes, de la na-
vigation, delà richesse d'un État, du rapport de
l'âme à Dieu et de l'âme au corps, de la comète
de 1770, de l'infini mathématique, de la défense,
des places, des sources, etc. On lui doit un grand
nombre d'observations utiles, d'explications
scientifiques, qui sont les plus naturelles du
monde, et de machines ou d'instruments qu'il
inventa selon le besoin qu'il en avait.
Achard, Dict. àist. de la Provence. — Lalande , Bi-
bliogr. astronom.
SAINT-JOHN. Voy. BOLINCBROKE.
saïnt-jojrry ( Pierre du FAURDE;,en latin
PeîrusFaber, jurisconsulte français, néenl540,
à Toulouse", où il est mort, le 18 mai 1600(1). Issu
de cette honorable famille du Faur qui a fourni
tant de* membres au parlement de Toulouse, il
«Hait de la branche de Saint-Jorry et avait le
célèbre Pibrac pour cousin germain. Pendant
plusieurs années il étudia le droit à Bourges,
sous Cujas, qui, témoin de la pénétration avec
laquelle il démêlait les passages obscurs , l'en-
couragea au travail en lui prédisant . une belle
carrière. De retour dans sa patrie, il devint con-
seiller au graud conseil, puis maître des re-
quêtes. Entraîné dans le parti des Ligueurs, il
se montra néanmoins ami de la paix ; il en donna
:les preuves en 1595, lors des conférences qui eu-
vent lieu à ce sujet dans sa propre maison. Mais se
refusant à subir davantage le joug des factieux, il
sortit de la ville avec une grande partie de ses
confrères, et alla s'établir à Castelsarrazin. Après
l'édit de Folembray, Saint-Jorry fut ramené en
triomphe à Toulouse, et le 8 juillet 1597 il fut
reçu premier président, en vertu de la nomina-
tion d'Henri IV, qui récompensa ainsi la fermeté
de sa conduite. Il mourut d'une attaque d'apo-
plexie, en prononçant une admonestation au pa-
lais. Comme savant , il a mérité les éloges de
ses contemporains; Juste Lipse, deThou, Scali-
ger, Sainte-Marthe, Gruter, Vossius sont una-
nimes à admettre qu'il joignait à une grande
probité de mœurs une connaissance singulière
de toute l'antiquité et un excellent jugement.
On a de lui : De regulis jurïs antiqui; Lyon,
1566, in-fol. : commentaire très-estimé; — Se-
mestrium lib. III; Paris, 1570-75-95, 3 vol.
in-4°; Lyon, 1598, 3 vol. in-4° : plusieurs
des traités de ce recueil avaient paru isolément;
— Dodecamenon, sive de Dei nomine et at-
tributis; Paris, 1588, in-8°; — Agonosticon,
sive de re athletica ludisque velerum; Lyon,
1590, 1595, in-4°, et dans le t. VHI des Antiq.
grxc. de Gronovius;on a accusé Juste Lipse
d'y avoir pillé plusieurs chapitres entiers; —
Commentant in libros Academicos Ciceronis;
Lyon, (001, in-8°.
(i)Oa donne également la date de novembre 1600.
- SAINT- JULIEN 40
Baillet, Jugem. des savants, If. — Sainte-Marthe,
Elogia. — Taisand, Pies des jurisc au mot Faber. —
Biogr. toulousaine, II.
saint-julien (Pierre de ),érudit français,
né vers 1520, au château de Balleure (dioc. de
Chalon-sur-Saône), mort le 20 mars 1593, à
Chalon-sur-Saône. Il était de famille noble, et
bien qu'il fût l'aîné de seize enfants, il se destina
à l'Église, afin de se livrer tout entier à l'étude de
l'histoire, dont il avait contracté le goût dans
l'abbaye de Tournus, où il avait été élevé. A
peine eut-il reçu les ordres qu'il fut nommé
protonotaire apostolique et pourvu deriches bé-
néfices dans sa province ; c'est ainsi qu'ayant
obtenu la sécularisation du prieuré de Saint-
Pierre de Mâcon , il en devint en 1 557 le pre-
mier chanoine , et qu'il eut successivement les
quatre archidiaconés de l'église de Mâcon et
celui de Tournus en l'église de Châlon. Saint-
Julien mena la vie opulente et licencieuse de
la plupart des prélats ou des dignitaires ec-
clésiastiques de son temps; il parcourut la
France et l'Italie, et ses opinions paradoxales,
son orgueil, son entêtement lui firent partout des
ennemis, qui ne lui épargnèrent pas les épi-
grammes. Il se montra pourtant l'un des vio-
lents adversaires de la réforme, et il embrassa
le parti de la Ligue avec chaleur. Son zèle poul-
ies recherches historiques le porta à visiter plu-
sieurs fois les bibliothèques de la Bourgogne.
On a de lui : De Vorigine des Bourguignons et
antiquités des états de Bourgogne; plus des
antiquités d'Autun, de Châlon , de Mâcon et
de Tournus; Paris, 1581, in-fol. : dans cet ou-
vrage , peu estimé , il prétend que les Bourgui-
gnons sont d'origine gauloise et qu'ils tirent leur
nom d'un prétendu Bourg d'Ogrié,' que Dijon a
remplacé; — Gemelles eu Pareilles, re-
cueillies de divers auteurs, tant grecs, latins
que françois; Lyon, 1584, in-8° : recueil de
cent histoires singulières; il est rare; — Dis-
cours et paradoxe de Vorigine de Capet,
extrait des différends entre Louis II, comte
de Flandre, et Marguerite de Bourgogne;
Paris, 1585, in-8° : où il s'efforce de rattacher
Hugues Capet à la descendance de Charlemagne;
l'auteur défendit cette opinion contre les attaques
de Nicolas Vignier, dans une Apologie; ibid.,
1588, in-8° ; — Mélanges historiques , ou Re-
cueil de diverses matières, la plupart para-
doxales et néanmoins vraies; Lyon, 1589,
in-8° : on y trouve dans beaucoup de fatras des
failscurieux et intéressants. On attribue à Saint-
Julien un Discours par lequel il apparaîtra
que le roy. de France est électif (1591, ir>-8°),
etilatraduittrois opuscules dePlutarque (Lyon,
1546, in-8°). Quelques-uns de ses ouvrages ma-
nuscrits sont conservés à la Bibliothèque inip.
Jacob, De script. Cabilonenslbus. — Niceron, Mé-
moires, XX VII. — Papillon, liibl des auteurs de Bour-
gogne. — Lelong, Bibl. hist. de la France.
saint- jdlien ( Louis-Guillaume Baillet,
baron de), littérateur français, né vers 1715, à
41
SAINT-JULIEN — SAINT- JUST
42
Paris. Sa famille était originaire de la Bourgogne.
On manque de détails sur sa vie, et c'est à peine
si ses contemporains se sont occupés de lui. Il
a pourtant composé un certain nombre d'opus-
cules d'un genre très-divers, s'appliquant tour à
tour à la poésie, à la critique d'art et à la tech-
nologie; et il les amis au jour sans nom d'auteur
ou sous de simples initiales. Aussi a-t-on pu
dire de lui avec quelque raison « qu'il vécut et
mourut incognito dans son siècle ». On a de
Saint-Julien : Réflexions sur quelques circons-
tances présentes, contenant deux lettres sur
Vexposition des tableaux; s. 1. (Paris), 1748,
in- 1 2 ; — Discours en vers et autres poésies;
Genève (Paris), 1749, 1751. in- 12; — Lettres
sur la peinture, par un amateur; Genève,
1750, in- 1 2 ; — Lettre à Chardin sur les ca-
ractères de la peinture; Genève, 1753, in-12;
— La Peinture, ode, trad. deVanglois demi-
lord Telliab (Baillet) ;s. 1. n. d. (1753), in-8°,
réïmpr. en 1755, sous le titre de Caractères de
quelques peintres françois ; — Satires nou-
velles et attires pièces de littérature ; Londres
(Paris).1754, in-8"; — Œuvres mêlées, 1758,
in-12 ; — Manière d'enluminer V estampe posée
sur toile; Londres, 1773, in-8°; — Art de fa-
briquer les aiguilles, dans les Annales des
arts et manufactures , nos 11 et 12; — Art de
composer et faire les fusées, pluies de feu,
serpenteaux, etc.; Paris, 1775, 1780, in-8°,fig.
Desessarts, Siècles littér. — Barbier, DM. des ano-
nymes.
saint-juré {Jean - Baptiste de), auteur
ascétique, né en 1588, à Metz, mort le 30 avril
1657, à Paris. Admis à seize ans chez les Jé-
suites, il dirigea successivement les maisons
professes d'Amiens, d'Alençon, d'Orléans et de
Paris, et forma un grand nombre de religieux.
Il fut du nombre des jésuites qui passèrent en
Angleterre sous Charles Ier ; mais les troubles
de ce pays le forcèrent de repasser la mer. Il a
écrit plusieurs ouvrages autrefois estimés et qui,
grâce aux retouches du style, ont eu jusqu'à nos
jours un grand nombre de réimpressions ; nous
citerons: Delà Connaissance et de V amour de
Jésus- Christ; Paris, 1634, in-4°; Lyon, 1823,
5 vol. in-8°, et 1847, 3 vol. in-8°; Clermont-Fer-
rand, 1837, 8 vol. in-8°, et in-12 ; un abrégé, sous
le même titre, en a été donné par l'abbé de Saint-
Pard; Paris, 1772, in-12; Lyon, 1837, in-12;
— Méthode pour bien mourir; Paris, 1640,
in-4°; — V Homme spirituel; Paris, 1646,
in-4°; Lyon, 1842, 2 vol. in-8°; — L'Idée d'un
parfait chrétien, ou la Vie de M. de Renty ;
Paris, 1651, in-4° et in-12 : édit. nombreuses; le
théologien protestant Poiret l'aréimpr. en 1701,
à Cologne ; — L'Homme religieux; Paris, 1657,
in-4°; Paris, 1849, 2 vol. in-12.
Plusieurs membres de cette famille ont acquis
quelque illustration dans les armes; le dernier,
Jean-Baptiste de Saint-Jure, mourut en 1744,
sans postérité.
Dom Calmct, Bibl. lorraine. — Bégin , Biogr. de la
Moselle.
saint-just (i) ( louis-Antoine (2) ' de),
conventionnel, né le 25 août 1767, à Decize (Ni-
vernais), guillotiné le 28 juillet 1794 (10 ther-
midor an n ), à Paris. Il était fils de Louis-An-
toineJJe Saint-Just et de Jeanne-Marie Robinot;
sa famille était plébéienne (3), et son père, ex-
capitâine de cavalerie et chevalier de Saint-Louis,
avait quitté le service pour s'établir dans les en-
virons de Noyon, à Blérancourt , où il mourut,
en 1777, laissant un fils et deux filles en bas
âge. Vers cette époque Saint-Just fut placé à
Soissons, chez les oratoriens, et il y acquit une
forte somme de connaissances sur toutes les
matières d'instruction -, Platon, Montesquieu et
Rousseau étaient ses auteurs favoris. Au sortir
du collège, il alla étudier le droit à Reims;
mais au bout de peu de temps il revint dans
son village , et se livra entièrement à la littéra-
ture. Le fruit de ses loisirs fut le poème à' Or-
gant, œuvre d'écolier, qui parut à la fin de 1789,
sans nom d'auteur. La publication de cet ou-
vrage l'avait amené à Paris : le spectacle de la
révolution naissante, auquel il assista pendant
quelques semaines, le ' transporta ' d'enthou-
siasme; il dit adieu à la poésie pour se faire
l'ardent apôtre des principes qui venaient d'être
proclamés. Sa foi vive , sa parole éloquente
établirent sa réputation . La nature l'avait d'ail-
leurs admirablement doué : à la pureté des
formes antiques il joignait le charme et l'élé-
gance des manières, un air de gravité impo-
sant, un maintien fier et réservé. Malgré une
beauté peu commune, il montrait déjà l'eNemple
d'une austérité de mœurs dont il ne se départit ja-
maisdans la suite (4). Ses talents, sa conduite pri-
vée, son enthousiasme pour les idées nouvelles
le désignaient au choix de ses compatriotes :
élu par eux lieutenant-colonel de la garde na-
tionale, il les conduisit à, Paris pour assister en
1790 à la fête de la Fédération. Tel était son
amour pour la liberté, « plus jeune que lui »,
que dans cette même année il avait juré dans
une manifestation publique de se dévouer à elle
et de périr plutôt que d'oublier ce serment. A
cette époque sa commune étant menacée devoir
transférer ses marchés à Coucy, il offrit d'aban-
donner son patrimoine pour en obtenir le main-
tien. Cette affairelui donna occasion des'adresser
(1) Les contemporains de Saint-Just prononçaient son
nom sans faire sonner \'s : Saint- Jut.
(2) Sa famille substitua au prénom d'Antoine celui de
Léon, qui se voit sur le titre de VEspritde la Révolution.
(3) La particule n'a jamais suffi, comme on le sait, pour
Impliquer la noblesse.
(4) On n'a pas manqué, Jusqu'en ces derniers temps,
de compromettre Saint-Just dans des amours de bas
étage et dans de scandaleux adultères, qui jetteraient,
si on avait pris soin de les étayer de preuves, un voile
sombre « sur ce grand éclat épique de sa conti-
nence ». Ce n'est pas le lieu de discuter la valeur de té-
moignages erronés, puérils ou suspects; cette besogne a
été faite par M. Hamel; l'historien de Saint-Just, et nous
renvoyons pour plus de détails au livre qu'il a publié.
43 SAhNT-JUST
à Robespierre. «Je ne vous connais pas, lui écri-
vait-il ; mais vous êtes un grand homme. Vous j
n'êtes pas seulement député d'une province, vous
êtes celui de l'humanité et de la république. »
Saint-Just venait de publier sur Y Esprit de \
la i-évolulion un vigoureux essai, qui eut !
beaucoup de retentissement, lorsqu'il se porta
candidat à l'Assemblée législative; n'ayant pu
être élu, parce qu'il n'avait pas encore vingt-
cinq ans, i! rentra dans la vie privée, suivant
de loin avec une fiévreuse impatience le cours j
des événements et se détachant peu à peu de la !
monarchie, qui lui paraissait désormais incom-
patible avec la liberté (1). Le 2 septembre 1792 j
U fut élu député de l'Aisne à la Convention, et le '
18 seulement (2) il se rendit à Paris. D'abord il
se tint à l'écart, affermit des relations déjà j
ébauchées avec Robespierre , et se contenta !
d'applaudir à !a proclamation de la république.
Ce fut le 13 novembre, à l'occasion du procès du ;
Toi, qu'il prit pour la première fois la parole.
Sans s'abaisser aux exagérations de langage si I
communes chez les orateurs de cette époque, il j
se montra exalté jusqu'au fanatisme, et jugea
le roi en sectaire qui en était arrivé à mettre la
royauté même en dehors du droit commun.
« Je dis que le roi doit être jugé en ennemi ( dit- I
il) ; que nous avons moins à le j uger qu'à le combattre,
et que n'étant pour rien dans le contrat qui unit !es
Français, les formes de la procédure ne sont point ;
dans la loi civile, mais dans la loi du droit des ;
gens... Juger un roi comme un citoyen ! Ce mot !
étonnera la postérité froide. Juger, c'est appliquer J
la loi. Une loi est un rapport de justice. Quel rap= j
port de justice y a-t-il donc entre l'humanité et \
les rois?... On ne peut régner innocemment; tout '
roi est un rebelle et un usurpateur... Hâtez-vous \
de juger le roi, car il n'est pas de citoyen qui n'ait
sur lui le droit qu'avait Brutus sur César. »
Cette parole sobre et hautaine , procédant
par phrases tranchantes et par interrogations,
entremêlée de brèves sentences, avivée par les j
souvenirs de Rome, passionnée par un ardent
amour du peuple, remua profondément l'as-
semblée; des applaudissements éclatèrent à la
dernière phrase : « Peuple, si le roi est jamais
absous, souviens-toi que nous ne serons plus j
dignes de ta confiance! « Inconnu la veille, Saint-
Just était le lendemain célèbre et populaire (3).
(1) Dans une lettre très-curieuse, datée de Noyon,
29 Juillet 1792, et qui n'est probablement pas parvenue à i
son adresse, Saint-Just met à nu l'état de son âme. On
y lit Jes passages suivants : « Je suis tourmenté d'une
lièvre républicaine qui me dévore et me consume... 11
est malheureux que je ne puisse rester a Paris : je me
sens de quoi surnager dans le siècle.... Allez voir Dcs-
inoulins... et dites-lui que j'estime son patriotisme, mais
r|ue je le méprise, lui, parci' que j'ai pénétré son âme. »
(2) Il n'assistait donc pas aux massacres de septembre
et n'y put jouer aucun rôle. Il faut ranger dans le do-
maine des faussetés historiques ou des imaginations de
poète la conversation lugubre que, dans l'Histoire des :
Girondins de Lamartine, tiennent Saint-Just et Robes-
pierre au moment où le tocsin donne le signal de la san- '
glante tragédie.
13) Les girondins tentèrent en vain de l'attirer dans j
leurs rangs, Iî:- j-.r.ot découvrit dans son discours rf« <lé-
44
Le 16 décembre il demanda l'exil de tons les
Bourbons, et le 27 il répondit aux défenseurs
de Louis XVI que c'était le peuple seul qui l'ac-
cusait et le jugeait par la Convention. Il vota
la mort sans appel.
Au milieu de ces terribles débats, il fallait
pourvoir à l'organisation et à la sûreté de la ré-
publique. Deux questions surtout préoccupaient
les patriotes, celle des subsistances et celie. de
l'armée. Déjà, le 29 novembre 1792, Saint-Just
avait parlé sur les subsistances : il réclamait
pour le commerce la plus grande liberté possible;
il s'effrayait de l'émission déréglée du papier de
confiance représentant la valeur; il voulait
qu'on se hâtât de venir en aide à l'agriculture
et à l'industrie, et s'il commit une erreur ca-
pitale en demandant que l'impôt foncier fût payé
en nature, il faut en accuser son époque et
cette illusion, générale alors, qui faisait voir un
remède au mal dans des greniers publics régu-
lièrement remplis. Le 26 janvier 1793 il pré-
senta ses vues sur l'administration de l'armée.
Après avoir appuyé le plan de Sieyès pour la
nourriture, la paye, l'habillement et la remonte,
il s'en sépara au sujet du ministre delà guerre,
qu'il voulut immédiatement soumis à l'Assem-
blée et ne dépendant que d'elle seule. Le il fé-
vrier il reprit la parole pour le projet du co-
mité militaire, qui fut adopté.
La discussion de la Constitution apporta quel-
que trêve aux querelles des partis. Tous les
orateurs éminents avaient pris la parole lorsque
Saint-Just présenta un projet qu'il avait lui-
même élaboré (24 avril). Tous les articles en
étaient dirigés contre les passions ambitieuses
qui pouvaient tuer la liberté et contre les pro-
jets de fédération qui pouvaient dissoudre l'É-
tat. La république, une et indivisible , devait
être représentée par une assemblée législaiive
nommée pour deux ans par l'universalité des
électeurs, et par un conseil élu pour trois ans
par des électeurs du second degré; ce conseil,
composé d'un membre et de deux suppléants
par chaque département, ne pouvait agir qu'en
vertu des lois de l'assemblée, et les ministres
qu'il avait mission de nommer ne devaient
exercer aucune autorité personnelle. Tout conflit
entre le conseil et l'assemblée prenait fin par le
recours à la sanction du peuple. Telles étaient les
bases de ce projet, qui tirait surtout sa force de
l'élection populaire. 11 est facile de retrouver
dans la Constitution de 93 l'influence des idées
que Saint-Just avait développées. Un sentimen-
talisme humanitaire jetait sur tout l'ensemble ce
reflet de douceur, pour ainsi dire poétique, dont
les ennemis du jeune législateur lui ont fait un
crime, la traitant d'hypocrisie, ou qu'ils ont
tournée en dérision (1).
tails lumineux. Barère, le jugeant longtemps après, di-
sait qu'il « exécrait la noblesse autant qu'il aimait le
peuple », et que « s'il eût fait des révolutions comme
Marius, il n'aurait jamais opprimé comme Sylla ».
(1) Citons quelques-uns des articles généraux qui ter-
15
Les girondins ne tardèrent pas à engager la
lutte avec plus d'animosité, demandant que
Paris cessât d'être le siège du gouvernement,
et montrant de plus en plus à découvert leurs
projets de fédéralisme. Deux fois Saint-Just prit
la parole (mai); il soutint que frapper Paris
c'était frapper la France, et, prenant pour
exemple les États-Unis, il démontra qu'une
confédération n'était pas une république. L'in-
surrection du 31 mai détermina la chute de la
Gironde; le vote du 2 juin la consomma. Saint-
Just, qui venait d'être adjoint au comité de
salut public ( 30 mai), ne prit pas une part ac-
tive à leur renversement, et son nom ne retentit
point dans ces tristes débats. La guerre civile
avait éclaté, et les royalistes, mettant à profit la
révolte fomentée par les girondins, avaient
arboré le drapeau blanc (1). En face de ce
danger commun à tous ceux qui voulaient, par
des moyens divers, le triomphe de la républi-
que, les chefs de la montagne tentèrent des
mesures de conciliation : Danton s'offrit en
otase, et même Saint-Just proposa de se rendre
à Caen, au foyer de l'insurrection (2). Mais
tout compromis fut repoussé (3), et la Conven-
tion se prépara à soutenir vigoureusement la
lutte. Saint-Just charge, le 16 juin, de préparer,
avec Cambon, un rapport sur les trente-deux
girondins décrétés d'arrestation, le présenta à la
tribune dans la séance du 8 juillet. Il fut juste
en affirmant la culpabilité des hommes qui ve-
naient d'allumer la guerre civile ; mais lorsqu'il
accusa les girondins d'avoir été complices de
Dumouriez, de n'avoir voulu la révolution que
pour mettre sur le trône le duc d'Orléans et d'a-
voir conspiré chez Valazé le massacre d'une
partie de la Convention, il fut le jouet d'illusions
singulières, ou, ce qui est plus croyable, il se
laissa entraîner contre ses ennemis à des manœu-
vres perfides el mensongères. Ce rapport concluait
en déclarant traîtres à la patrie et hors la loi les
députés qui avaient fui dans les départements, et
en provoquant la mise en accusation de leurs
complices restés à Paris. Le rapport de Saint-
Just fut accueilli par des applaudissements una-
nimes, et lui-même fut désigné, le 10 juillet 1793,
avec Couthon, pour entrer définitivement dans
le comité du salut public.
SAINT-JUST 46
De ce moment paraît se former entre Robes-
pierre, Saint-Just, Coulbon et Le Bas (1), une
union plus intime et plus directement politique
qu'elle ne l'était auparavant. Ils marchent d'accord
avec fermeté, et détruisent impitoyablement les
obstacles qui s'opposent à leurs idées. Saint-Just
ne fut-il que l'instrument de Robespierre? C'est
la pensée de la plupart des historiens. Cepen-
dant, ce que nous avons vu jusqu'à présent des
travaux du jeune conventionnel, ce que nous
verrons plus tard de ses écrits politiques, ne
permet pas de douler qu'il n'eût en propre ses
plans fortement mûris, et lui laisse une puissante
individualité (2). On était alors en pleine terreur .
la Convention venait d 'en compléter le système en
étendant la juridiction du tribunal révolutionnaire
et en décrétant la loi des suspects. Dans le co-
mité, Saint-Just fut chargé spécialement des insti-
tutions et des lois constitutionnelles, et il concourut
aux énergiques mesures que nécessitait la situa-
tion de la France, menacée aux frontières par les
armées de la coalition, déchirée à l'intérieur par
la guerre civile. Il lut le 10 octobre le rapport
sur l'organisation d'un gouvernement révolution-
naire jusqu'à la paix. « Dans les circonstances
où se trouve la république, dit-il, la Constitu-
tion ne peut être établie ; on l'immolerait par elle-
même. Elle deviendrait la garantie des attentats
contre la liberté, parce qu'elle manquerait de
la violence nécessaire pour les réprimer. » Et il
proposa le décret, qui fut adopté à l'unanimité,
par lequel le conseil exécutif, les ministres, les
généraux, les corps constitués étaient placés
sous la surveillance du comité de salut public.
Le 16 octobre il présenta le rapport pour le
maintien de la loi par laquelle les sujets d'une
puissance en guerre avec la république, et no-
tamment les Anglais, devaient être détenus jus-
qu'à la paix. Ce jour même Marie-Antoinette
avait été guillotinée ; Saint-Just fit allusion à
cette mort en termes qui peuvent d'autant plus
justement lui être reprochés, qu'ils ont plus de
froideur et moins d'emportement : « Votre co-
mité a pensé que la meilleure représaille envers
l'Autriche était de mettre l'échafaud et l'infamig
dans sa famille. »
minent son œuvre : « La république protège ceux qui
sont bannis de leur patrie pour la cause sacrée (le la
liberté. — Elle refuse asile aux homicides et aux tyrans.
— Elle ne prendra point les armes pour asservir un
peuple et l'opprimer. — Elle ne fait point la paix avec un
ennemi qui occupe son territoire. » Si l'idée de Dieu,
absente du plan de Condorcet, apparut au frontispice de
la Constitution républicaine, on le doit à Saint-Just, qui
avait écrit cette phrase : •« Le peuple français reconnaît
l'Être suprême. •
(1) Soixante-dix départements, sur quatre-vingt-trois,
s'étaient prononcés en toutou en partie contre la Con-
\ ention.
(2) Foy. les Mémoires de Garât, p. 149.
(S; « Qu'ils prouvent que nous sommes coupables,
écrivait Vergniaud, sinon qu'ils aillent eux-mêmes à l'é-
«hafaud. »
(1) La sœur do Le Bas, Henriette, aima quelques mois
plus tard Saint-Just et en fut aimée. Leur mariage, ré-
solu et accepté avec plaisir par les deux familles, fut
remis à des temps plus calmes.
(2) Levasseur s'exprime ainsi à ce sujet dans ses Mé-
moires : « Robespierre a toujoursété regardé comme la
tète du gouvernement révolutionnaire. I'our moi, qui ai
vu de près les événements de cette époque, j'oserais presque
affirmer que Saint-Just y eut plus de part que Robespierre
lui-même. Quoique l'un des plus jeunes membres de
la Convention, Saint-Just était peut-être celui qui Joi-
gnait à l'enthousiasme le plus exalté, au coup d'œil
prompt et sûr, la volonté la plus opiniâtre et l'esprit le
plus éminemment organisateur... Intimement lié avec
Robespierre, il lui était devenu nécessaire, et il s'en
était fait craindre peut-être plus encore qu'il n'avait
désiré s'en faire aimer. Jamais on ne les a vus divisés
d'opinions, et s'il a fallu que les idées personnelles de
l'un pliassent devant celles de l'autre, il est certain que
jamais Saint-Just n'a cédé. »
47 SAINT
Au mois d'octobre 1793 (brumaire an h),
Saint-Just fut envoyé en Alsace pour rétablir
l'ordre, réprimer les contre-révolutionnaires et
repousser l'ennemi, qui avait pris les lignes de
Wissembourg. Sur sa demande, Le Bas lui fut
adjoint. A peine arrivés à Strasbourg (3 bru-
maire), ils établissent de concert une commission
spéciale chargée de punir les crimes, les dé-
sordres et les abus, sans être astreinte à aucune
forme de procédure particulière. Vu colonel qui
a tenu des propos offensants contre la répu-
olique est fusillé; un commandant qui, en état
d'ivresse, a frappé un de ses hommes est dé-
gradé; le général Eisenberg, qui s'est enfui après
s être laissé surprendre par les Autrichiens, est
exécuté. Ordre est donné à tous, sous peine de
rnoit, de coucher tout habillés; les chefs sont
forcés de dormir sous la tente. Les soldats
manquent de chaussures ; Saint-Just et Le Bas
écrivent aux officiers municipaux : « Dix mille
hommes sont nu-pieds dans l'armée, il faut que
vous déchaussiez tous les aristocrates de Stras-
bourg et que demain, à dix heures du matin, dix
mille paires de souliers soient en marche pour
le quartier général. » Un parlementaire prussien
vient demander une suspension d'armes; les re-
présentants lui répondent : « La république fran-
çaise ne reçoit de §es ennemis et ne leur envoie
que du plomb. » Des mesures de rigueur furent
prises; de nombreux emprisonnements eurent
lieu (1), et un emprunt de neuf millions fut levé
sur un certain nombre de personnes désignées.
Ils sévirent aussi avec non moins de rigueur
contre les exagérations de certains révolution-
naires (voy. Schneider), et renouvelèrent les
conseils du département, malgré les réclama-
tions de la Société populaire. Après avoir
mis fin par une suite de mesures énergiques
à l'anarchie démagogique ou réactionnaire, les
commissaires rejoignirent l'armée. Selon les
expressions de Carnot, tous les regards de la
France se tournaient vers les bords du Rhin.
« Il faut que votre génie se crée des ressources
nouvelles, écrivait le comité à Saint-Just; nous
attendons tout de la sagesse et de la fermeté de
vos mesures. >- Le 8 frimaire, Hoche avait lancé
trois colonnes d'attaque contre l'ennemi, logé sur
les hauteurs de Kayserslautem ; l'ennemi, pro-
tégé par sa position, le contraignit de revenir en
arrière. Le 12 frimaire, Saint-Just et Le Bas
écrivirent à Hoche une lettre commençant par
ces mots : « Tu as pris à Kayserslautem un
nouvel engagement : au lieu d'une victoire, il
en faut deux » ; et finissant par ceux-ci : « Mets
la plus grande rapidité dans la marche sur Lan-
(1) On a exagéré le nombre et la rigueur de ces empri-
sonnements ; quant au nombre des condamnations à
mort prononcées par le tribunal criminel, il s'élève &
vingt, ainsi qu'il résulte des recherches de M. Berriat
Salut Prix sur te Justice révolutionnaire ; mais on ne
saurait faire peser sur les représentants alors en mis-
sion la responsabilité entière de ces condamnations,
dont la liste s'augmenta encore après leur départ.
JTJST 48
dau; le Français ne peut s'arrêter un moment
sans s'abattre. » Hoche, suivant leurs conseils,
opéra sa jonction avec l'armée de Pichegru. 11
était impossible que le commandement restât
égal; Saint-Just et Le Bas désiraient que Piche-
gru fût nommé général en chef; mais les repré-
sentants Lacoste et Baudot , qui étaient aussi en
mission près de l'armée et qui ignoraient les in-
tentions de leurs collègues, déférèrent le com-
mandement à Hoche. Cet incident, dont Saint-
Just et Le Bas informèrent le comité dans une
lettre où se trouve quelque amertume, n'eut pas
de résultats fâcheux, grâce à l'enthousiasme qui
entraînait tout le monde, grâce surtout à la con-
duite de Pichegru, qui accepta sans murmurer la
prédominance de son jeune collègue ( 1 ) .Le 6 nivôse
(26 déc.) les armées réunies de la Moselle et du
P.hin,sous le commandement de Hoche, soutenu
à gauche par René Moreaux et à droite par De-
saix, s'élancèrent en mêlant au chant de la
Marseillaise les cris de Landau ou la mort!
Les commissaires de la Convention marchèrent
au milieu des soldats; Saint-Just se jeta dans la
mêlée, disait Baudot, « au milieu de Ja mitraille
et de l'arme blanche, avec l'insouciance et lafougue
d'un jeune hussard ». Le 7 les Français entrèrent
dans Wissembourg, et le 8 dans Landau déblo-
qué. Peu de jours après, Spire, Newstadt,
Keysersîautem, Frankental, Worms tombaient
en notre pouvoir. L'ennemi, chassé de la France,
était obligé de se défendre sur son propre terri-
toire.
Saint-Just revint à Paris dans les premiers
jours de janvier 1794. Il y passa un mois à peine,
occupé de ses travaux dans le comité de salut
public (2), et partit, le 7 pluviôse (26 janv.), avec
Le Bas en mission pour l'armée du nord. En quel-
ques jours, ils inspectèrent les diverses places de
la frontière, y établirent les mêmes mesures de
sûretédont ils s'étaient servis avecsuceès dans le
Bas-Rhin, et après avoir fait donner le comman-
dement à Pichegru, ils retournèrent à Paris. Le
lerventôse(19 février) Saint-Just fut choisi parla
Convention pour son président. Le 23 il prononça
au nom du comité le rapport contre les héber-
tistes et contre la conspiration des étrangers, que
l'on croyait ou qu'on feignait de croire mêlés aux
troubles qu'excitaient dans Paris les ultra-révo-
(1) On a frit de Saint-Just un ennemi de Hoche, et
l'on a écrit que lorsque le comité de salut public ordonna
l'arrestation de ce général, le 22 germinal an II, il lança
cet ordre sur la demande de Saint-Just, et que celui-ci
fit arrêter Hoche au milieu de ses troupes, avant même
d'avoir reçu la réponse du comité. Un seul mot sufOt à
détruire cette fable, c'est que Hoche ne fut pas arrêté à
l'armée du Rhin, mais ù l'armée des Alpes, où Saint-Just
ne parut jamais.
(2) Il est utile de faire observer que de tous les hommes
marquants de cette époque, Saint-Just fut celui qui se
tint le plus à l'écart des misérables querelles de partis.
S'il fréquentait le club des Jacobins, il n'y parlait Jamais.
On ne le vit se mêler à auoune intrigue ni faire partie
d'aucun comité insurrectionnel. Il méditait, il travaillait
sans cesse, et plus peut-être qu'aucun autre il possédait
le. génie pratique du gouvernement.
49
SAINT-JUST
50
lutionnaires. « Je viens, dit-il, acquitter le tribut
sévère de l'amour de la patrie et vous dire, sans
aucun ménagement, des vérités âpres, voilées
jusqu'aujourd'hui... Parmi nous, une classe
d'hommes prend un air hagard, une affectation
d'emportement, ou pour que l'étranger l'achète,
ou pour que le gouvernement la place... Les
rois d'Europe regardent à leur montre. En ce
moment, où la chute de notre liberté et la perte
de Paris leur est promise , vous adhérerez aux
mesures sévères qui vous seront proposées. « A
la suite de ce rapport fut adopté à l'unanimité
un décret terrible par le vague des expressions
sous lesquelles on désignait les différentes sortes
de trahisons contre la patrie. Hébert et ses adhé-
rents furent arrêtés ; puis vint le tour de Danton
lui-même. Saint- Just reçut des trois comités de
salut public, de sûreté générale et de législation
réunis l'ordre de faire condamner par la Con-
vention le grand patriote (31 mars 1794). Il ré-
digea une partie de son rapport d'après les notes
que lui avait fournies Robespierre (1). Au milieu
de froides et sombres déclamations sur « l'a-
mour de la pairie, qui doit tout immoler à l'in- :
férèt public »,sur les factions que paye l'étranger, :
sur les intrigants et les corrompus, sur la vanité
et la richesse, sur « le solide bien, qui est la
probité obscure », il accusait Danton d'avoir
servi la tyrannie, d'avoir été le protégé de Mi-
rabeau, l'ami des Lameth, le complice de Dumou-
riez, d'avoir causé le massacre du Champ- de-
Mars, d'avoir défendu la Gironde, et d'avoir
entraîné Desmoulins, Philippeaux et Lacroix, qui
étaient devenus coupables en suivant son ins-
piration.
Les jours du crime sont passés, disait-il en finis-
sant ; malheur à ceux qui soutiendraient sa cause !
Que tout ce qui fut criminel périsse ! On ne fait
point de républiques avec des ménagements, mais
avec la rigueur farouche, la rigueur inflexible en-
vers tous ceux qui ont trahi .
Condamné à l'unanimité par l'assemblée, Dan-
ton fut envoyé au tribunal révolutionnaire, et
monta le 16 germinal sur l'échafaud. Robespierre
et Saint-Just se trouvaient ainsi délivrés de leurs
rivaux les plus puissants, de ceux qui par leur
influence menaçaient le plus de s'opposer à l'é-
tablissement de la république telle qu'ils l'avaient
rêvée (2).
(1) On ne saurait attribuer à Robespierre et à Saint-
Just seuls le coup qui frappait Danton; ils y contri- j
huèrent, mais l'initiative ne vint pas d'eux. Si Saint-Just
porta la parole dans cette malheureuse affaire, c'est ;
qu'il en fut particulièrement chargé par les trois coml- :
tés, dont tous les membres, excepté Ruhl et Robert Lin-
det, signèrent le décret d'arrestation.
(2) Tous les historiens ont blâmé la mort de Danton,
comme iinpolilique; mais des jugements très-divers ont '.
otélportés sur les causes de la conduite de Robespierre
et de Saint-Just dans cette circonstance. Selon les uns,
ils n'auraient obéi qu'à une étroite jalousie et à des mo-
tifs personnels de vengeance; selon d'autres, l'ambition '
du pouvoir fut leur véritable mobile ; d'autres, enfin , j
considérant leur probité, leur austérité de mœurs et leur j
incorruptibilité, voient en eux des sectaires convaincus i
Le 26 germinal (15 avril) Sainl-Just présenta le
rapport sur la police générale et sur l'influence
morale et politique du gouvernement révolution-
naire. C'est un de ses plus remarquables discours,
plein de sages préceptes et de vues élevées : « Il
faut s'attacher à former la conscience publique;
voilà la meilleure police... La liberté n'est pas une
chicane de palais : elle est la rigidité envers le
mal; elle est la justice et l'amitié... Formez les
institutions civiles, les institutions auxquelles on
n'a point pensé encore; il n'y a point de liberté
durable sans elles; elles soutiennent l'amour de
la patrie et l'esprit révolutionnaire, même quand
la révolution est passée. » Le 10 floréal (29 avril)
Saint-Just partit de nouveau en mission pout
l'armée du nord avec Le Bas. Lorsqu'ils y arri-
vèrent l'ennemi venait de prendre Landrecies.
Les deux représentants redoublèrent de sévérité
contre les traîtres, contre les agents prévarica-
teurs des administrations et contre l'indiscipline;
ils enjoignirent aux soldats et officiers de ren-
voyer immédiatement, sous peine de mort, les
femmes de mauvaise vie qu'ils menaient avec
eux, et décrétèrent même des peines rigoureuses
contre les hommes atteints de maladies véné-
riennes. Le but de l'armée était d'attaquer Char-
leroi, clef de la Belgique; mais avant de com-
mencer cette attaque il fallait se rendre maître
des deux rives de la Sambre; c'est là ce que
comprenait Saint-Just, qui fit partager sa convic-
tion aux généraux. Le passage de la Sambre,
tenté d'abord le 21 floréal (lOmai), ne réussit pas;
on le tenta de nouveau, avec succès, le 1er prai-
rial (20 mai) ; mais le 5 l'ennemi, renforcé de
30,000 hommes, attaqua nos avant-postes à l'im-
proviste , et nous contraignit de revenir en ar-
rière (I). Saint-Just, mandé par le comité de
salut public pour des motifs qui sont restés in-
connus, arriva à Paris le 14 prairial (2 juin) et en
repartit le 19 (2). Il n'assista donc pas à la fête
de l'Etre suprême, qui eut lieu le 20. Aussitôt
qu'il eut rejoint l'armée, il poussa les opérations
avec vigueur La Sambre fut repassée le 30 prai-
rial, et le 7 messidor (25 juin) Charleroi tomba au
pouvoir des Français. Ce jour même les coalisés
s'avançaient au secours de la place; Jourdan alla
à leur rencontre, et le lendemain, à trois heures
du matin, la bataille s'engagea dans les plaines
de Fleurus; un enthousiasme héroïque animait
les soldats, les généraux et les représentants, qui
agissant avec un impitoyable fanatisme contre les élé-
ments impurs, afin de fonder ensuite leur république
idéale sur la croyance à l'Être suprême et sur la pra-
tique de la vertu. Le cœur de tout homme, quelle que
soit son impassibllité.apparente, n'est-il pas tourmenté
de passions diverses, et ne faut-il pas chercher la vérité
dans l'ensemble des sentiments dont chaque historien n'a
voulu voir qu'une partie?
(t) Le livre des notoires et Conquêtes blâme à tort
Saint-Just d'avoir sacrifié Inutilement le sang des Fran-
çais, en ordonnant à cinq reprises différentes et infruc-
tueusement le passage de la Sambre.
(2) Blllaud-Varennes , dans son Mémoire justificatif,
s'exprime ainsi à ce sujet : « Saint-Just s'en alla comme
il était venu, ciuq ou six Jours après. »
51 SAINT
combattirent à la tête des troupes ; la victoire
nous ouvrit la Belgique. Deux jours après Saint-
Just prit la route de Paris, et fut salué sur son
passage par des cris de triomphe.
Quand il arriva, il se vit à peu près seul pour
lutler au sein des comités contre l'excessive in-
fluence de certains membres (1). « Je ne reconnus
plus que quelques visages, lit-on dans son dernier
discours.... Tout était changé : le gouvernement
n'était point divisé, mais il était épars et aban-
donné à un petit nombre, qui, jouissant d'un
absolu pouvoir, accusa les autres d'y prétendre,
pour le conserver. » La conspiration de thermi-
dor s'ourdissait déjà. Saint-Just en eut-il le
soupçon ? C'est probable, car on le voit assister
assidûment aux séances des comités; ses col-
lègues, « qu'il gênait beaucoup par sa présence »,
suivant la remarque expressive de Billaud-Va-
rennes, le laissèrent à l'écart, « comme un citoyen
sans prétention, et qui marchait seul ». Plus tard
on l'accusa d'avoir aspiré à la dictature, de
s'être fait le pourvoyeur acharné du tribunal
révolutionnaire, d'avoir créé le bureau de police
générale; on chargea de tous les excès de la
révolution celui-là même qui n'avait cessé de
les poursuivre. « Les armes de la liberté ne
doivent être touchées que par des mains pures. »
disait-il. Aussi avait-il attaqué sans ménage-
ments Fouché, Collot d'Herbois, Bourdon (de
l'Oise), Rovère, Tallien, Carrier. Les dantonistes
et tous les adversaires de Robespierre,pro!îtant des
craintes et des jalousies qu'inspirait la puissance,
trop peu dissimulée, de son parti, préparaient
dans l'ombre le grand coup qui devait le renver-
ser avec ses amis. Peu à peu leur projet se
montra au jour; des récriminations, préludes de
l'accusation définitive, commencèrent à se faire
entendre. Des réunions extraordinaires des co-
mités de salut public et de sûreté générale
eurent lieu le 4 et le 5 thermidor ; Saint-Just y
prit la parole, faisant appel à la conciliation et
demandant à ses collègues de s'expliquer avec
franchise. C'est aussi dans un esprit de concilia-
tion qu'il rédigea le rapport dont le chargèrent
les comités. Il monta à la tribune le 9 thermidor
à midi, et il en commença la lecture; il ne put
en prononcer que quelques lignes; arrivé à ces
mots : « La confiance des deux comités m'ho-
nore; mais quelqu'un cette nuit a flétri mon
cœur, et je ne veux parler qu'à vous... » il fut
interrompu par Tallien, qui demanda la parole
pour une motion d'ordre. Les orateurs et les
violences se succédèrent; Saint-Just, d'après Le
Moniteur, n'ouvrit plus la bouche. Décrété
d'accusation avec les deux Robespierre, Couthon
et Le Bas, il fut emprisonné aux Écossais. Dé-
livré, comme ses amis, par les agents du conseil
général de la commune, il se rendit à l'hôtel de
ville; et comme Couthon proposait d'adresser
une proclamation au peuple et à l'armée : « Au
(1) Robespierre n'y avait pas paru depuis quinze jours
environ; Couthon malade y venait rarement.
■JUST
52
nom de qui? demanda Robespierre. — Au nom
de la Convention; elle est partout où nous
sommes » , répondit Saint - Just, Robespierre
refusa. Peu d'instants après, les forces de la
Convention occupèrent l'hôtel de ville, et les
proscrits furent transportés au comité de sûreté
générale, puis à la Conciergerie. Saint-Just n'a-
vait pas cherché à attenter à ses jours; il suivit
à pied, les mains liées, les corps mutilés de ses
amis. Le lendemain, il monta avec un courage
calme les marches de l'échafaud. Pas un mot ne
sortit de sa bouche. Il n'avait pas encore vingt-
sept ans .
Pour achever de connaître Saint-Just, il fauî
jeter un coup d'œil sur ses écrits. En voici la
liste : Organt, poème satirique en XX chants;
au Vatican (Paris), 1789, 2 vol. in-12 ; réimprimé,
probablement sans la participation de l'auteur,
sous ce nouveau titre : Mes Passe-temps, ou
le Nouvel Organt, par un député à la Con-
vention nationale ; Paris, 1792,2 vol. in-12.
On y lit en guise de préface ce vers :
J'ai vingt ans; j'ai mal fait; je pourrai faire mieux.
C'est une imitation des nombreux poèmes com-
posés à cette époque, avec le même luxe de
descriptions et d'allégories, le même mélange de
crudités, de railleries et de fadeurs amoureuses.
Le vers en est facile, mais le plus souvent mé-
diocre par la pensée et l'expression ; — Esprit
de la révolution et de la Constitution de la
France; Paris, 1791, in-8° de 182 p. Après
avoir parlé des signes précurseurs de la révolu-
tion, des philosophes et des parlements, qui por-
tent les premiers coups à la monarchie, du roi
« brusque et faible », de la reine « plus trompée
que trompeuse », des fautes des ministres, des
prodigalités de la cour, il examine la constitu-
tion, qu'il se réjouit de voir fondée sur la liberté,
la justice et l'égalité, et étudie l'état civil de la
France, son état politique et la question du
droit des gens. Cet ouvrage, écrit d'un style net
et précis, porte l'empreinte d'un caractère de
modération qui contraste vivement avec les
actes rigoureux du conventionnel ; — Frag-
ments d'institutions républicaines ; Paris ,
1800, in-12, et 1831, in-S°, avec une préface de
Nodier. On retrouve dans ces Fragments, re-
cueillis par Briot, la plupart des idées que Saint-
Ju.4 a développées à la iribune dans ses rap-
ports et dans ses discours ; on y trouve aussi
bien des germes de théorie, qui semblent infruc-
tueux, sur l'alliance universelle des peuples, l'u-
nité de l'impôt, l'extinction du paupérisme, etc.
P. Louisy.
Le Moniteur universel, 1792-94. — Mémoires du temps.
— Hist. de la Révolution, par MM. Thiers, Louis Blanc,
Micbelet et Villiaumé. — Lamartine, fJift. des Giron-
dins. — Barante, Hist. de la Convention. — Cuvillier-
Fleury, Portraits. — Sainte-Beuve, Causeries du lundi.
— Nodier, Notice à la tête des Instit. républ. — Fleury,
Saint-Just et la terreur; Paris, 1852, 2 vol. in-18. —
lirn. Hamel, Hist. de Saint-Just.; Paris, 1859, in-8°.
saint-just. Voy. Freteau, Godard d'Au-
cour et Merard.
53
SAINT-LAMBERT
r>4
saint-Lambert (Jean-François de), poëte
français, né à Nancy, le 26 décembre 1710, mort
à Paris, le 9 février 1803 (1). Il était d'une fa-
mille noble, mais pauvre et sans illustration;
c'est seulement à l'époque de ses succès litté-
raires qu'il s'attribua le titre de marquis. Les
jésuites de Pont-à-Mousson relevèrent avec cette
tolérance un peu mondaine qui valait tant d'a-
mis à leur société, et qui inspira plus tard à
Saint- Lambert ces vers si connus :
Apôtres pleins d'urbanité,...
Aux charmes touchants du bréviaire
Vous entremêlez prudemment
Et du Virgile et du Voltaire.
Ses études terminées, il servit d'abord dans
l'infanterie, et devint ensuite exempt des gardes
du roi Stanislas et grand maître de sa garde-
robe. Vivant alors à la cour de Lunéville, il y
connut Voltaire et la marquise du Châtelet. La
belle Emilie conçut pour Saint -Lambert un
amour passionné, qui la rendit infidèle à Voltaire
et lui coûta la vie : on sait qu'elle expira en
donnant le jour à l'enfant né de cette liaison.
Celte aventure mit Saint-Lambert à la mode;
protégé par Voltaire, qui pleura Mmedu Châtelet,
sans montrer de jalousie à l'auteur de sa mort,
encouragé par Mme de Boufflers et appelé par
son ami le prmee de Beauvau , il se rendit à
Paris, où quelques poésies fugitives commen-
cèrent sa réputation de poëte (2). Il vit alors
Mi"-' d'Houdetot, et contracta avec elle une liaison
qui durajusqu'à sa mort. Ayant obtenu un brevet
de colonel au service de la France, il fit les cam-
pagnes de Hanovre (1756-1757) dans l'état- major
de M. deContadcs. Une attaque de paralysie, qui
le força d'aller aux eaux d'Aix-la-Chapelle, le
décida à quitter la carrière militaire pour se
donner exclusivement aux lettres. Il reprit donc
ses liaisons avec les encyclopédistes, ses vi-
sites au salon de Mrae Geoffrin, ses dîners chez
Mlle Quinault, avec Diderot, Duclos, d'Holbach,
Grimm et M'«e d'Épinay. Avant son départ pour
l'année, il avait fait représenter, en 1756, Les
Fêtes de V Amour et de V Hymen, comédie
ballet qui ne réussit pas. En 1764, il publia deux
charmantes poésies, intitulées Le Malin et Le
Soir. Les Saisons, qui parurent en 1769, lui
ouvrirent l'Académie française, où il fut reçu le
23 juin 1770. Son importance littéraire, déjà si
exagérée par Voltaire et par les philosophes,
grandit encore, et la vanité qui lui était naturelle
grandit en même temps ; il exerça de l'influence
à l'Académie, et il domina dans le salon de
Mme Necker. Pendant la révolution, il se retira
à Eaubonne, près de la maison qu'habitait
Mme d'Houdetot. En 1798 il publia son Caté-
chisme universel, tel qu'il l'avait terminé dès
1786, et au mois de juillet 1800 il sortit de sa
* (1) C'est à M. Louis Lallement que l'on doit de con-
naître les véritables prénoms, la date et le lieu de nais-
sance de Saint- Lambert.
(2) C'est la marquise da Boufflers qui y est désignée
sous les noms de Thèmire et de Doris.
retraite pour assister aux réunions qui eurent
lieu dans le but de reconstituer l'Académie fran-
çaise. Lorsque ce projet fut mis à exécution, le
28 janvier 1803, et que l'Académie devint une
des quatre sections de l'Institut, Saint-Lambert
fut appelé à en faire partie; mais il était alors
tombé en enfance, et il mourut onze jours après.
Mme d'Houdetot vivait encore, et leur liaison n'a-
vait jamais été troublée; bien que contraire aux
lois de la société, elle avait fini par imposer le
respect, et Marmontel n'était pas seul à nommer
Saint-Lambert le Sage d' Eaubonne. Cette cons-
tance dans l'affection, cette décence dans des
relations même illégitimes, un air de noblesse,
une habitude de la haute société, où on le re-
cherchait, expliquent la phrase suivante de Gail-
lard : « Il soutenait dans le monde la dignité des
lettres par celle de son caractère, de ses mœurs,
de ses manières, et il fournissait aux gens de
lettres un modèle de tout ce que l'usage du monde
peut ajouter à leur mérite. » D'après des témoi-
gnages contemporains, il mêlait à sa dignité
une roideur vaniteuse, et il manquait tout à
fait de grâce et d'abandon. « 11 est certain,
dit Grimm, qu'il est estimé de tous ceux qui
le connaissent; mais on remarque dans son
commerce la même aridité et la même tristesse
qu'on a reprochées à ses notes (des Saisons),
et ceux qui le connaissent peu lui reprochent,
outre la sécheresse, un ton méprisant et dédai-
gneux. » Son portrait gravé par Adam le repré-
sente sous des traits assez beaux.
Lorsque le poëme des Saisons parut, ce fut
un cri d'enthousiasme dans le camp des philo-
sophes, et Voltaire lui prodigua de pompeuses
louanges : il écrivait à l'auteur, en 1773 : « Soyez
persuadé que c'est le seul ouvrage de notre siècle
qui passera à la postérité. » La postérité n'a pas
confirmé ces paroles, et Les Saisons n'ont plus
que des lecteurs rares et distraits, donnés par
le hasard ou par une curiosité bien vite déçue.
C'est bien moins le goût littéraire que l'esprit
de secte qui dicta les éloges des encyclopédistes.
Pouvaient-ils en effet rêver rien de mieux qu'une
poésie tout à la fois philosophique et scientifique?
On ne vit bientôt, sous leur influence, que descrip-
tions et préceptes rimes. On décrivit le ciel et la
terre, les eaux, les jardins, les repas, les fêtes,
les jeux; les plus petits objets furent illustrés
de merveilleuses périphrases. Quelques écrivains
furent lus et applaudis ; mais, de l'avis des en-
cyclopédistes, Saint-Lambert conquit le premier
rang. « C'est, dit Condorcet, le seul poëte fran-
çais qui ait réuni, comme Voltaire, l'âme et l'es-
prit d'un philosophe. » Tous les contemporains
cependant ne se laissèrent pas entraîner au même
enthousiasme. Grimm et Diderot reprochent
aux Saisons le défaut de verve et d'invention, la
froideur du style, le retour fréquent des épithètes
et les exclamations parasites. Mme du Deffand
écrivait à Walpole : « Ce Saint-Lambert est un
esprit froid, fade et faux; il croit regorger d'i-
55 SAINT-LAMBERT — SAINT-LUC
dées, et c'est la stérilité même ; sans les oiseaux, [
les ruisseaux, les ormeaux et Jeurs rameaux, il
aurait bien peu de chose à dire. » — « Ali i que
vous en parlez avec justesse! lui répondait Wal- !
pôle; !e .plat ouvrage! Point de suite, point d'i- j
maginatiOG ; une philosophie froide et déplacée ; |
un berger et une bergère qui reviennent à tous
moments ; des apostrophes sans cesse, tantôt au
bon Dieu , tantôt à Bacchus. » Tout en recon- j
naissant que le poëme des Saisons ne manque |
pas toujours d'éclat et de couleur, qui! unit
quelquefois à l'art des contrastes la netteté, la
sobriété, la précision, nous devons avouer que
bien peu de ces vers tant vantés méritent d'é-
chapper à l'oubli.
Les poésies fugitives de Saint-Lambert sont
ses meilleurs titres à l'attention de la postérité.
Elles n'ont pas la verve et le mouvement poé-
tique de celles de Voltaire; mais on y trouve de
la grâce, du naturel, un tour d'esprit élégant et
fin, comme dans ces vers si connus :
Le temps, qui fuit sur nos plaisirs,
Semble s'arrêter sur nos peines.
Le Catéchisme universel est médiocrement
écrit: voici comment Palissot résume les principes
contenus dans cet ouvrage : « Les vices et les
vertus ne sont que des affaires de convention.
Ce sont ces conventions et notre propre intérêt
qui forment notre conscience. L'homme soumis
à la raison universelle est toujours heureux; il
n'est malheureux qu'en cessant de lui obéir. Dès
lors, pour arriver au bonheur il faut cultiver
sa raison : aussi ceux qui la cultivent le plus,
c'est-à-dire les philosophes, ^ont-ils les plus heu-
reux des hommes. » Le Catéchisme universel
fut désigné comme digne du grand prix de
morale, par l'Institut, en 1810, lors des propo-
sitions pour les prix décennaux, qui ne furent ja-
mais décernés.
On a de Saint-Lambert : Ode sur l'Eucha-
ristie; 1732; — Recueil de poésies fugitives ;
Paris, 1759, in-8°, et 1826, in-32; — Essai sur
le luxe; Paris, 1764, in- 12, tiré de Y Encyclo-
pédie; — Sara Th..., nouvelle (prétendue)
traduction de V anglais; Paris, 1765, iii-80;
— Abenaki, Sara Th..., et Ziméo, contes en
prose ; Paris, 1769, in-8° ; — Les Saisons, poëme ;
Paris, 1769, in-8° et in-12; on trouve à la suite
les contes précédents et des Fables orientales
en prose; — Les deux Amis, conte iroquois;
s. I., 1770, in-8°; — Fables orientales, en
prose; Paris, 1772, in-12;— Les Saisons,
poëme; Paris, 1782, in-18, et 1795, 2 vol. in-18;
1822, in-8°; — Principes des mœurs chez
toutes les nations, ou Catéchisme universel;
Paris, 1798, 3 vol. in-8"; — Œuvres philoso-
phiques; Paris, 1801, 5 vol. in-8°. Il a donné
des poésies à YAlmanach des Muses, des ar-
ticles à Y Encyclopédie, entre autres ceux qui
ont pour titres : Génie, Intérêt de V argent,
Législateurs, Luxe, Manières, etc., et deux
lettres dans les Variétés littéraires. J. M-r-l.
56
Th. de Puymaigre , Poètes et romanciers de la lor-
raine. — Louis Lallemenr, Mémoire sur Saint-Lambert,
lu à la Société d'archéologie de Nancy , le it mars 18SJ.
— Michel , Biogr. des hommes marquant.', de ta Lor-
raine. — Chevrier, Hommes illustres de la Lorraine. —
Durival, Descr. de la Lorraine. — Fayolle, Notice, dans
Le Moniteur du ler septembre 1804. — Quérard , la
France littéraire. — Witsen-Geysbeek, Jjetterkundige
levensschets van Saint-Lambert; Amst, 1805, in 8°. j.:.
saint-lary. Voy. Bellegarde.
saint-laurent ( Louis-Joseph-Auguste-
Gabriel, baron), général français, né le 29 juin
1763, à Dunkerque, mort le 1er septembre 1832,
à Saint-Mandé, près Paris. Lieutenant d'artillerie
à dix-huit ans, il ne quitta jamais cette arme, où
il rendit d'utiles services. Après avoir fait sur
merles campagnes de 1782 et 1783, il servit à
l'intérieur, et fut attaché aux armées des côtes
de l'ouest et d'Angleterre; il passa ensuite à l'ar-
mée du Bhin, commanda sous le consulat l'é-
cole de Reunes , et prit part aux campagnes de
la grande armée jusqu'en 1808, et à celle d'Es-
pagne en 1812. L'année suivante il se rendit en
Italie, et ce fut à lui que la France dut la conser-
vation de l'immense matériel d'artillerie qu'elle
possédait au delà des Alpes. Général de brigade
en 1803 et général de division le 11 juillet 1807,
il reçut en 1810 le titre de baron , et fut mis en
retraite à la fin de 1814. Son nom est inscrit
sur l'arc de triomphe de l'Étoile.
Fastes de la Légion d'honneur, II. — Moniteur univ.,
1832, p. 1674.
SAINT-LAURENT. VOIJ. NOMBRET.
SAINT- LÉ«ER. Voy. MERCIER.
saint-leu. Voy. Napoléon ( Louis et Hor-
tense).
saint-louis. Voy. Pierre de Sxint-Louis.
saint-luc (François d'Espinay, seigneur
de), capitaine français, né en 1554, lue le 8 sep-
tembre 1597, au siège d'Amiens. Il descendait
delà maison d'Espinay, une des plus illustres et
des plus anciennes de la Normandie; son grand-
père, Robert, avait fondé la branche de Saint-Luc,
et son père, Waleran, se signala en 1552 à la
défense de Metz, où il commandait la compagnie
de cent hommes d'armes du duc de Guise.
Élevé à la cour, il devint l'un des favoris de
Henri III, qui trouvait en lui un esprit agréable et
orné, des mœurs douces, du courage jusqu'à la
témérité. Il partagea la vie turbulente des mi-
gnons du roi, et les seconda dans leurs que-
relles avec Bussy d'Amboise ; après la mort de
ce dernier, ce fut pour échapper aux représailles
dont on le menaçait qu'il acheta, en 1579, le gou-
vernement de la Saintonge et de Brouage. L'an-
née précédente il avait épouséJeannede Brissac
(9 févr. 1578), qui était « laide, bossue et en-
core pis », au rapport de L'Estoile (1). Elle causa
la disgrâce où il tomba peu de temps après, en
;i) Elle était méprisée à ia cour, où le quatrain sui-
vant courait sur elle :
lirissac aime tant l'artifice
Et du dedans et du dehors
Qu'ôtez-lui le faux et le vice.
Vous lui ôtez l'âme et le corps
57
SAINT-LUC — SAINT-MARC
58
rendant publique la passion que la duchesse
d'Aumale avait inspirée au roi (1). Saint-Luc cou-
rut s'enfermer dans Drouage (janvier 1580) ; il y
chercha des consolations dans l'étude, et com-
posa vers cette époque des poésies vantées par
Scévole de Sainte-Marthe, ainsi qu'un recueil
d'Observations militaires, qui figure aujour-
d'hui parmi les manuscrits de la bibliothèque
impériale. Brouage était une place importante,
dont le voisinage inquiétait sans cesse les Ro-
chelois, qui tentèrent plusieurs fois de la sur-
prendre. En 1585 Condé vint y mettre le siège, le
roi de Navarre le continua; mais Saint-Luc,
quoique bloqué par mer et par terre, se défendit
vaillamment et lassa la patience des huguenots.
En 1587 il combattit à Coutras ; quand la mêlée
se changea en déroute : « Que nous reste-t-il à
faire? cria- t-il à Joyeuse. — A mourir », répondit
celui-ci. Plus heureux que son ami, il sauva sa
vie par une ruse adroite : ayant distingué Condé
parmi ceux qui le poursuivaient, il courut à lui
la lance basse, le désarçonna, et en même temps
se déclara son prisonnier. Un des premiers à
reconnaître Henri IV, il le servit fidèlement dans
plusieurs sièges , et concourut à la pacification
de la Bretagne, où de 1592 à 1596 il remplit
les fonctions de lieutenant général. En 1594 il
négocia secrètement avec Brissac, son beau-
frère , la reddition de Paris , et entra le premier
dans cette ville le pistolet à la main. Il reçut du
roi le collier de l'ordre (1595), et la grande maî-
trise de l'artillerie en remplacement de Philibert
de la Guiche (5 sept. 1596). L'année suivante, au
siège d'Amiens, un boulet le tua roide. « Saint-
Luc, dit Brantôme, très-gentil et accompli cava-
lier en tout, » laissa la réputation d'un vaillant
capitaine; on l'avait surnommé le brave Saint-
Luc. Il laissa quatre fils, dont l'aîné, Timoléon,
fut maréchal de France.
Brantôme, Vie des grands capitaines. — L'Estolle,
Journal de Henri III. — D'Aubigné, Hist. univ. —
Sully, Mémoires , liv. IX. ..'.,•
saint-luc ( Timoléon d'Espinay, marquis
de), maréchal de France, fils du précédent, né
vers 1580, mort le 12 septembre 1644, à Bor-
deaux. Il porta les armes avec honneur aux
sièges de La Fère et d'Amiens , succéda à son
père dans le gouvernement de Brouage , et ac-
compagna en 1603 Sully dans son ambassade à
Londres. Nommé maréchal de camp (1617) et
vice-amiral (1622) , il contribua aux avantages
remportés sur la flotte des Rochelois, et obligea
Sou bise à évacuer l'île de Ré, après lui avoir
tué huit cents hommes. S'étant démis en fa-
(1) D'Aubigné donne de cette disgrâce une raison bien
différente. D'après les suggestions de sa femme, et de
concert avec Joyeuse, Saint-Luc s'efforça d'arracher son
uiaitre à la vie scandaleuse qu'il menait; au moyen
d'une sarbacane de cuivre introduite dans le cabinet du
roi, il le menaçait la nuit, avec une voix terrible, des
jugements de Dieu. Henri se troubla de ces menaces au
point d'en perdre la santé; Joyeuse lui révéla alors le
stratagème, et toute la colère du roi retomba sur Saint-
Luc, qui s'évada tandis que sa femme fut Jetée en prison.
i veurde Richelieu du gouvernement de Brouage,
| il reçut en compensation la lieutenanec géné-
I raie de laGuienne (30janvier 1627), et fut nommé
j le même jour maréchal de France. De sa pre-
! mière femme, Henriette, sœur du maréchal de
Bassompierre, il eut quatre enfants, dont Louis,
archevêque de Bordeaux, mort en 1644, et
François, qui suit.
Saint-Luc (François, marquis de ), fils du
précédent, mort en avril 1670, prit part à la
guerre de Trente ans, et sous la Fronde, au
siège de Bordeaux; il commanda au même titre
que son père dans la Guienne et fut fait lieute-
nant général en 1650.
Moréri, Dict. hist. — Courcellés ( De), Dict. des géné-
raux français.
saint-marc ( Charles-Hugues Le Febvre
de), littérateur français, né le 22 juin 1698, à
Paris, où il est mort, le 20 novembre 1769. Sa
famille était originaire de la Picardie, et son
père, secrétaire de M. de Lionne, y possédait
une terre du nom de Saint-Marc. Après avoir
fait de bonnes études au collège du Plessis, il
entra comme sous-lieutenant dans le régiment
d'Aunis, et quitta l'épée pour se charger d'une
éducation particulière. Il occupa depuis beau-
coup de postes semblables , et le seul dont il
tira honneur et profit à la fois fut celui qu'il
remplit auprès du comte de Saint-Nectaire l'a-
veugle. Justement dégoûté d'une profession si
ingrate, il prit le parti de se consacrer à l'étude,
et ajouta à ses modiques ressources en travail-
lant pour le compte des libraires. Malgré un la-
beur assidu, il vécut dans une extrême pauvreté,
et mourut d'un coup de sang en pleine rue, à
l'âge de soixante et onze ans. Saint-Marc avait
beaucoup d'érudition et connaissait plusieurs
langues; il se délassait de l'aridité des recherches
historiques en composant des vers; ses études
suivies n'avaient rien pris sur la bonté de son
cœur, mais il écrivait dans un style pesant et
décoloré , et ses remarques n'accusent pas tou-
jours un goût bien pur. Ses propres ouvrages
sont : Supplément au Nécrologe de Port-Royal ,
1735, in-4°, avec le concours de l'abbé Goujet,
son ami ; dans la même année il avait publié des
Remarques sur la préface- lu Nécrologe, in-4o ;
— Vie de' Pavillon, évëque d'Aletfi; Saint-
Mihiel, 1738, 3 vol. in-8° ; Utrecht (Paris),
1739,3voL in- 12; en collaboration avec La Chas-
sagne; — Vie de Philippe Hecquet, ancien doyen
de la Faculté de médecine de Paris /Paris,
1740,in-t2; "— Le Pouvoir de Vamour; Paris,
1743, in-4", ballet en vers, joué avec succès à
l'Opéra; — Éloge de Claude Capperonnier ;
Paris, 1744, in-4°; — Abrégé chronologique
de l'histoire d'Italie; 476-1229; Paris, 1761-
70, 6 vol. in-8° : rédigé sur le plan de l'Abrégé
du président Hénault, cet ouvrage est d'une
lecture fatigante par la prolixité du style et par
la singularité de l'orthographe adoptée; le t. VI
a été publié par Lefèvre de Beauvray ; — les
59 SAINT-MARC —
t. XVlIet XVIII du journal Le Pour et le Contre,
fondé par l'abbé Prévost. Comme éditeur, on
lui doit la publication des ouvrages suivants,
enrichis pour la plupart de notes estimées : Mé-
moires de Feuquières (1734, 3 vol. in-12);
Œuvres de, Pavillon (1747,2 vol. in-12), de
Boileau (1747, 5 vol. in-S°), de Chaulieu (1749,
2 vol. in-12), de Chapelle et Bachaumont (1754,
in-12); Médecin des pa«î;resdeHecquet(1749),
Histoire d'Angleterre de Rapin de Toiras (1750,
16 vol. in-4°); Poésies de Lainez (1753), de
Malherbe (1757), et de Lalanne, Saint-Pavin et
Charleval (1759). Toutes ces éditions offrent des
avantages sur celles qui les avaient précédées ; il
fauten excepter cellede Boileau, qui ne se distin-
gue ni parla solidité ni par l'à-propos descritiques.
Lefèvre de Beauvray, Notice à la tête du t. VI de
l'abrégé de l'/iist. d'Italie. — Nécrol. des hommes cé-
lèbres, 1770.
SAINT-MARC. VoiJ. GuÉNlN.
* SAINT-MARC GIRARDIN (MtlTC GlRARDlN
dit), professeur et écrivain français, né à Paris,
le 19 février 1801. Sorti d'une famille de com-
merçants, il lit d'excellentes études, au collège
Henri IV ; quoiqu'il se destinât à l'enseigne-
ment, il fit son droit et fut reçu avocat.
En 1823 il fut nommé, au concours, agrégé des
classes supérieures des lettres. Ses opinions li-
bérales le tinrent éloigné de l'université jus-
qu'en 1827, où il fut chargé de la chaire de
seconde au lycée Louis-le-Grand. Dès 1822
il avait obtenu le premier accessit du prix d'é-
loquence à l'Académie française par Y Éloge de
Lesage ( Paris , 1822, in-8°). Son Éloge de
Bossuet (Paris, 1827, in-4°) fut couronné
en 1827, et en 1828 il partagea avec M. Phila-
rète Chasles le prix pour le Tableau de la lit-
térature française au seizième siècle (Paris,
1839, in-8°). Le gouvernement de Juillet lui
confia en 1833 d'abord la suppléance de M. Guizot
à la Sorbonne , dans la chaire d'histoire , et le
nomma en 1833 titulaire de la chaire de poésie
française, à .la mort de M. Laya. Dans un
premier voyage en Allemagne, il avait passé
trois mois à Berlin , s'était lié avec E. Gans, et
avait entendu Hegel (1830). Chargé en 1833d'é-
tudier les établissements d'instruction de l'Al-
lemagne, il descendit les bords du Danube, et
visita Vienne; il a consigné ses observations
dans des Notices politiques et littéraires
(Paris 1834, 1845, in-8°), dans un Rapport sur
l'instruction intermédiaire en Allemagne
(1835-1838, 2 parties in-8° )• H avait débuté
dans la vie politique comme journaliste au Jour-
nal des Débats, et était entré en 1830 comme
maître des requêtes au conseil d'Etat. En 1834
le collège de Saint-Yrieix ( Haute - Vienne) l'en-
voya à la chambre des députés, où il siégea
jusqu'à l'époque de la coalition, dont il était
l'adversaire. Non réélu en 1839, il fit un voyage
en Orient, et rentra à la chambre en 1842, et re-
présenta le même arrondissement jusqu'à la ré-
SAINT-MARÏIN
GO
volution de 1848. 11 prit plusieurs fois la parole
sur les affaires étrangères, surtout sur la ques-
tion d'Orient, dontil a fait une étude approfondie.
Il a été rapporteur de la loi sur l'instruction se-
condaire en 1837. Dans le cours de cette année,
il fut nommé membre du conseil royal de l'ins-
truction publique et conseiller d'État en service
extraordinaire. Sous la république, et depuis
l'empire, M. Saint-Marc Girardin n'a pris part à
la politique que comme publiciste, dans la
Revue des deux mondes et le Journal des
débats. Lors de la suppression de l'ancien
conseil de l'instruction publique (1852), il est
devenu l'un des membres qui représentent l'Ins-
titut dans le nouveau conseil supérieur ; il avait
été élu à l'Académie frauçaise le 18 février 1844,
à la place de Campenon. M. Saint-Marc Girardin
a été deux fois péniblement frappé dans ses affec-
tions de famille : sa première femme se noya par
accident dans la Seine ( 29 août 1835), et son fils
aîné a péri delamêmemoridansl'Yères, e-a î 861.
Un dernier malheur, la mort de son gendre, l'a dé-
cidé à quitter, en novembre 1863, la chaire qu'il
avaitr emplie avec tant d'éclat. M. Saint-Maie Gi-
rardin réunit le double mérite du littérateur et de
l'homme d'État; mais ce qui a le plus contribué
à sa réputation, c'est son cours à la Sorbonne. Ne
séparant pas dans ses leçons la morale de la lit-
térature , éclairant le passé par des rapproche-
ments fréquents avec les choses présentes, défen-
seur fidèle et chaleureux des idées libérales, et
enfin, mêlant atout beaucoup d'esprit, il a retrouvé
pendant trente ans un auditoire de jeunes gens
et d'hommes de goût toujours enthousiaste et
toujours nombreux. Son enseignement a été
l'origine d'un ouvrage très-répandu ( Cours de
littérature dramatique, ou de V Usage des
passions dans le draine; Paris, 1843 et suiv.,
4 vol. in-18) , remarquable par la justesse des
vues, la clarlé et l'élégance du style. Les mêmes
qualités se retrouvent dans ses autres œuvres :
Essais de littérature et de morale (1845,
2 vo). in-18); De l'instruction intermédiaire
(2 vol in-18) ; Souvenirs et voyages (2 vol.). Ses
principaux articles des Débats ont été recueillis
dans les Souvenirs et réflexions politiques
d'un journaliste (1859, in-8°). Parmi les nom-
breux articles publiés par M. Saint-Marc Girardin
dans la Revue des deux mondes, il faut noter
ceux sur la poésie chrétienne, sur la vie et les ou-
vrages de J.-J. Rousseau et sur la question d'O-
rient. En 1863, le discours qu'il a prononcé sur
les prix Montyon a été remarqué, comme un
petit chef-d'œuvre de goût, de style et de senti-
ment. G. R.
Revue des deux mondes, 15 février 1843.
SAINT-MARD. Foy. RÉMOND.
saint-martin ( Michel de), né à Saint-Lô,
le ter mars 16 I4,mort à Caen,)e 14 novembre 1687.
Son père avait épousé une demoiselle de Caen.
Ayant acheté une noblesse du Canada, il était
61 SAINÏ-
devenu marquis de Miskou. Héritier de ce titre
quelque peu ridicule, dont il était cependant très-
fier, il rapporta d'un voyage en Italie une charge
de protonotaire du saint- siège et un gros vo-
lume sur le Gouvernement de la ville de Rome.
Établi à Caen , il imita les usages de la cour de
Rome dans ses habits, son genre de vie et ses
dévotions. Devenu recteur, il se mit en tête de
faire porter des robes grises et des toques à tous
les étudiants, à la manière des collèges de
Rome. Il ne tarda pas à devenir un objet de
raillerie pour les habitants de Caen. Il s'était
prémuni contre le froid en portant sept che-
mises, sept paires de bas et autant de culottes.
Il couchait sur un lit de briques 30us lequel était
placé un fourneau pour entretenir la chaleur; il
se faisait traîner dans une de ces voitures appe-
lées vinaigrettes, dont il se prétendait l'inventeur.
Aussi laborieux que zélé pour les intérêts de ses
compatrioles, il écrivît un grand nombre d'ou-
vrages, qu'il imprimait à ses frais et distribuait
à ses amis, et il proposa ou fit exécuter plu-
sieurs améliorations dont la ville aurait pu lui
savoir plus de gré II n'en fut pas moins vic-
time de mystifications qui font peu d'honneur
à ceux qui profitèrent de la faiblesse d'un vieil-
lard revêtu de graves fonctions pour le rendre
à jamais ridicule. On se figurerait difficilement
aujourd'hui que les faits rapportés dans la Man-
darinade de l'abbé Porée ( La Mandarinade ,
ou Histoire comique du mandarinat de
M. l'abbé de Saint-Martin, marquis de Mis-
kou; La Haye 1738, 3 vol. in-12) aient été
des faits réels. La ville de Caen tout entière,
s'associant à la jeunesse des écoles et guidée
par un grave magistral, M. Gonfrey, parent
de l'abbé de Saint Martin, et forte de l'appui
d'un de ses échevins (c'était le poète Segrais) ,
avec le concours du marquis de Coigny, son
bailli et son gouverneur, abusa de la crédulité
du pauvre recteur, affublé du nom d'abbé
de la Calotte , jusqu'à lui offrir et lui faire ac-
cepter, dans une cérémonie que lui seul prit
au sérieux, le bonnet de mandarin de Siam.
Cela eut lieu publiquement en l'année 1685, au
milieu des scènes les plus bouffonnes, dont l'é-
clat dépasse de bien loin ce qu'a pu imaginer
l'auteur du Bourgeois gentilhomme.
L'abbé de Saint-Martin mourut bien persuadé
qu'il était réellement mandarin de Siam. Il fut
enterré dans une chapelle magnifique, qu'il avait
fait construire dans le couvent des Cordeliers de
Caen. Il avait fondé dans la même ville plusieurs
établissements d'utilité publique. Il l'avait ornée
d'un grand nombre de statues ; il avait fait rele-
ver la belle croix, abattue par les hugue-
nots, réédifié à ses frais l'école de théologie,
fondé une chaire de théologie dans le collège
des Jésuites , etc. L'abbé Michel de Saint-Mar-
tin a publié : Le Gouvernement de Rome,
où il est traité de la religion, de la Justice
et de la police ; Caen, 1652, in- 8°;— Voyage
MARTIN
62
1 fait au Mont-Saint-Michel par la con-
frérie de l'église de Saint-Pierre de Caen;
Caen, 1654; — Le bon et libéral Officier,
ou la vie et mort de Jean du Bois, conseiller
en la cour des monnaies de Saint- Lô ;
Caen, 1655-1658, in-12 ; — Récit de l'entrée
solennelle dans Bayeux de SW de Nes-
mond, évêque de la même ville; Caen,
1662,in-4°; — Respect dû aux églises et
aux prêtres; Caen, 1664 ; — Relation d'un
voyage fait en Flandres, Brabant, Haïnaut,
Artois, Cambrésis, etc., en l'année 16G1 ; Caen,
1667, in-12; — Traité des Images en bosse
qui sont dans les places de Caen, où l'on
voit plusieurs épitaphes de pavents et amis de
M. de Saint-Martin , la description de sa belle
chapelle, de son cabinet doré et autres matières
curieuses; Caen, 1658, in-12 ; — Description de
la ville de Saint-L6, particulièrement de la
belle église, et du cardinal du Perron ; Caen .
1680, in-12; — Le Livret des voyageurs à Caen,
avec son supplément; livret des plus curieux; —
Portrait et éloge de Ch. de Lorme, médecin;
Caen, 1682, pet. in-12; — Moyens faciles et
éprouvés dont M. de Lorme s'est servi pour
vivre près de cent ans; Caen, 1682. On trouve
dans ce dernier ouvrage des détails intéressants
sur le médecin de Lorme, que l'abbé de Saint-
Martin avait beaucoup connu. M. Beuchot, dans
la Biographie universelle, avait, d'après Dreux
du Radier, fait naître Marion de Lorme en 1614ou
1615, d'une famille bourgeoise de Châlous en
Champagne. Les indications plus précises de.
l'abbé de Saint-Martin prouvent qu'elle était bien
la fille du célèbre médecin. « Une fille naturelle,
dit-il, dans l'ouvrage dont nous venons de
transcrire le titre, une fille naturelle et légi-
timée, avec le droit de prendre le nom et les
armes de son père , fut le fruit précoce d'une
folle passion; c'est la fameuse Marion de
Lorme. » C. Hippeau.
Mélanges cîe Vigneul-Marville. — Huet, Oriyines de
Caen.— Rcimeville, Hist. de la Bastille. — La Manda-
rinade de l'orée. — Éloge des deux frères Porée, par
M. Alieauroe (Mémoires de l'Académie de Caen, 1855)
et rapport fait sur cet ouvrage par M. C. Hippeau. —
Ed. Frère, Le Bibliographe normand.
saint-siartin (Louis-Claude de), dit le
Philosophe inconnu, né le 18 janvier 1743, à
Amboise, mort le 13 octobre 1803, à Aunay, près
Paris. Ayant perdu sa mère au berceau, il dut à
la tendresse éclairée de sa belle-mère cette édu-
cation, grave et douce à la fois, qui le fit, disait-
il, aimer de Dieu et des hommes. De bonne
heure il s'accoutuma à la méditation, et ce fut
dans un livre ascétique, L'Art de se' connoilre
soi-même, d'Abbadie, qu'il s'initia confusément
au renoncement des choses de ce monde. Du
collège de Pont-le-Voy il passa à l'école de droit :
son père le destinait à la magistrature , et en fils
respectueux il se fit recevoir avocat au prési-
dial de Tours. Au bout de six mois de pratique
il n'était pas capable de distinguer « qui , dans
C3
SAlNT-MART-rN
64
«ne cause jugée, avait gagné ou perdu son
procès », et il obtint la permission d'embrasser
le métier des armes ; il s'y décida, non par
goiit ou par ambition (il détestait la guerre et
s'écartait du monde), mais pour continuer à
loisir l'étude de la religion et de la connaissance.
Le duc de Choiseul , pour obliger sa famille, lui
avait accordé un brevet de lieutenant dans le
régiment de Foix, alors en garnison à Bordeaux
(1765). Ses aspirations enthousiastes trouvèrent
dans cette ville un aliment plein de séductions.
Il y rencontra un de ces hommes mystérieux
comme ce siècle en a tant produits , charlatans
de génie ou rêveurs chimériques , qui , emprun-
tant des armes à l'arsenal du merveilleux, mé-
prisaient la science , luttaient contre les philo-
sophes , et revendiquaient hardiment au nom
de leurs pratiques secrètes l'empire du monde,
qui passait à la raison : il s'appelait Marti-
nez de Pasqualis, Portugais de race orien-
tale et chrétien d'origine juive, qui depuis
plus de dix ans tenait dans l'ombre école de
théurg'ie. Il ne cherchait ni l'argent ni la re-
nommée. Qu'enseignait-il ? La réintégration des
êtres dans leurs premières propriétés spirituelles
et divines, et à ses leçons il joignait un en-
semble de formules, de rites, d'opérations
propres à s'assurer l'assistance des puissances
supérieures (1). Bien peu d'adeptes connurent
tout son secret; Saint-Martin le pénétra; et s'il
demeura plein d'admiration et de respect pour le
maître , il se détacha avec le temps d'un sys-
tème qu'il jugeait trop compliqué. « Faut -il tant
de choses pour prier Dieu? » avait-^il demandé
à Martinez. En quittant la voie des manifesta-
tions sensibles, il se renferma plus en lui-même,
au centre, comme il disait, au lieu de se répandre
à la circonférence. Mais cette évolution de sa
pensée, elle ne se produisit complètement que
vers la fin de sa carrière . et pendant plus de
vingt ans encore il subit l'influence de sa primi-
tive initiation au spiritualisme mystique.
Après avoir tenu garnison à Lorient et à
Longwy, Saint-Martin quitta le service (1771),
résolu à ne plus dépendre que de lui-même, et
aussi à propager ses principes , mission qu'il
croyait avoir reçue d'enhaut. Il courut rejoindre
à Paris son maître Martinez (1774), puis à Lyon.
Sa première liaison intime fut avec le comte
d'Hauterive, et date de Lyon , où pendant plu-
sieurs années l'école martiniste avait trouvé
dans les loges maçonniques de véritables sanc-
tuaires de mysticité. Il prit une part active à
leurs conférences, sans qu'on puisse trop démêler
quel était l'objet de ses préférences d'alors des
expériences mesmériennes ou des études Ihéur-
(1)« Les connaissances surnaturelles, dit J. de Malstre
en parlant de celle secte d'illuminés, sont le grand but
de leurs travaux et de leurs espérances; ils ne doutent
point qu'il ne soit possible à l'homme de se mettre en
communication avec le monde spirituel, d'avoir un com-
merce avçc les esprits, et de découvrir ainsi les plus rares
mystères. » Voy. les Soirées de iaint-Pélersbourg.
giques. Ajoutons toutefois qu'il ne dut pas s'at-
tarder longtemps aux premières, lui qui ne
voyait dans Mesmer « qu'un matérialiste dispo-
sant d'une grande puissance ». A mesure que les
idées de son maître se répandaient, il s'en écar-
tait davantage , et il refusa de participer aux
opérations des Grands Profès et des Philalèthes,
sociétés parisiennes qui lui semblaient avoir
abandonnée vrai but de lathéurgie, la science
des esprits. A cette époque il avait publié son
premier livre, Des Erreurs et de la vérité
(1775), réfutation des théories du matérialisme
faite à l'aide de la théorie gnostique de l'émana-
tion ou des agents spirituels émanés du Verbe,
cause unique (1). Dans le monde Saint-Martin
ne menait pas la vie d'un sectaire ou d'un en-
thousiaste. Sa figure expressive, une extrême
réserve, ses façons polies et douces, un vif désir
de plaire le firent rechercher partout avec in-
térêt. Le Philosophe inconnu (ainsi se désignait-
il lui-même) n'aspirait qu'à être connu; spirituel
et gai , penseur original et homme de bonne
compagnie, il fréquentait dans les meilleures
maisons de Paris et les plus aristocratiques,
comme les Lusignan, les Bouillon, les Choiseul,
les Noailles, les Clermont-Tonnerre. 11 recher-
chait les savants et les lettrés , mais il tenait le
clergé à l'écart. Il admirait dans Voltaire « un
monument de l'esprit humain » ; il aimait Rous-
seau, avec qui il se trouvait plus d'une ressem-
blance. En 1778, de passage à Toulouse, il
faillit par deux fois s'engager dans le mariage;
ces velléités s'évanouirent, car mille expériences
lui avaient appris « qu'il n'était né que pour une
seule chose ». La société des femmes l'attirait
pourtant , parce qu'elles l'aidaient « à se mon-
trer » et « à sortir de lui-même » ; aussi ses
plus fidèles amies comme ses plus ferventes
adeptes furent-elles les marquises de la Croix, de
Lusignan et de Chabanais , la duchesse de Bour-
bon , la maréchale de Noailles. C'est pour satis-
faire à leurs demandes, encore plus qu'à celles
des autres initiés , qu'il entreprit d'exposer avec
plus de clarté sa doctrine, sous le titre de Tableau
naturel des rapports qui existent entre Dieu,
l'homme et l'univers ( 1782 ). Partant de ce
principe, que nos facultés internes sont les vraies
causes de nos oeuvres externes , il admet que
dans l'univers entier les puissances cachées sont
de même les vraies causes de tous les phéno-
mènes; que cette vérité est visible dans tout
ce qui nous environne, mais que Dieu l'a im-
primée plus clairement encore dans cequi forme
le caractère distinctif de l'homme; et que par
conséquent l'étude approfondie de la vraie na-
(1) Le maréchal rie Richelieu, qui avait du goût pour le
Jeune auteur, avait parlé à Voltaire de eet ouvrage. « Le
livre que vous avez lu tout entier, répondit le malin
vieillard, je ne le connais pas; mais s'il est bon, 11 doit
contenir cinquante volumes in-folio sur la première par-
tic et une demi- page sur la seconde. » Plus tard, il lut le
livre, et le critiqua durement dans une lettre à D'Alem-
bert.
65 SAINT-
tuve de l'homme doit nous mener par induction
à la science de l'ensemble des choses. Or, les
facultés intellectuelles de l'homme sont, d'après
Saint- Martin , une preuve incontestable qu'il
en existe hors de lui d'un ordre bien supérieur
aux siennes, qui produisent en lui les pensées;
car les mobiles de sa pensée n'étant pas à lui , il
ne peut trouver ces mobiles que dans unesource
intelligente qui ait des rapports avec son être,
et sans lesquels !e germe de sa pensée resterait
inefficace. Cette théorie, qui passa inaperçue
dans le monde, causa une vive sensation chez
les martinistes, et en 1784 la Société des phila-
lèthes de Paris engagea l'auteur à s'unir à elle.
Saint-Martin, qui avait eu , quelques années au-
paravant , des entrevues avec les philalèthes à
Versailles, où il s'était attaché M. Gence, les
avait quittés, mécontent de ce qu'ils n'élaient ini-
tiés que parles cérémonies extérieures, par les
formes; il ne déféra pas à leur invitation, sous
prétexte qu'ils s'adonnaient à la recherche de la
pierre philosophale.
Vers 17S6, Saint-Martin fit un voyage en An-
gleterre, où il se lia étroitement avec le théo-
sophe William Law, il se prit surtout d'affection
pour les Russes, qui lui parurent plus portés
au spiritualisme. Le prince Alexis Galitzin devint
son élève et son ami, et l'emmena visiter l'Italie
en 1787. Saint-Martin, qui dans une courte
excursion en 1775, ne s'était arrêté qu'à Gênes,
alla jusqu'à Rome, où il passa plusieurs mois,
vivant, selon son habitude, dans la plus hante
société. A son retour (juin 178S), il se fixa à
Strasbourg , où il fut attiré probablement par le
désir de connaître les ouvrages de Jacques
Bothnie. Deux personnes, Rodolphe Salzmannet
surtout Mm? de Bœcklin, l'initièrent à l'étude de
cet illuminé. Cette dame, née la même année
que Saint-Martin , avait quarante-cinq ans lors-
qu'elle le connut; mère de plusieurs enfants et
grand-mère, elle restait belle encore et unissait
au charme de la douceur cet attrait de l'esprit
qui est si puissant chez les femmes bien nées. Il
se forma entre elle et Saint-Martin une de ces
amitiés exaltées qui restent pures au milieu des
tendresses mystiques, et que les esprits superfi-
ciels cherchent en vain, et sans preuves, à trans-
former en vulgaires passions (1). Pendant troisans
ils se virent chaque jour, et depuis deux mois ils
avaient exécuté leur projet de vivre sous le même
toit, lorsque Saint-Martin fut rappelé par son
(1) Pour apprécier la nature des relations de Saint-Mar-
tin avec M»" de Bœcklin, II sufût peut-être de remarquer
qu'il s'en glorifie, et ae voir combien il regrette les pas-
sions de sa jeunesse : « J'ai été très-chaste dans mon
enfance... SI ceux qui devaient veillersur mol m'eussent
conduit comme j'aurais désiré de l'être, cette vertu ne
m'aurait jamais abandonné, et Dieu sait quels fruits il en
tût résulté pour l'œuvre auquel j'étais appelé! Mes fai-
blesses en ce genre m'ont été préjudiciables, au point
que j'en gémis souvent, et que j'en gémirais encore da-
vantage si je ne sentais qu'avec du courage et de la
constance nous pouvons obtenir que Dieu répare tout en
nous. »
NOUY. BiOCR. GÉNÉR. — T. XLI1I.
MARTIN 66
père, qui était malade (juillet 1791). Les annéi s
qu'il venait de passer dans l'étude l'avaient ini-
tié à une science théosophique supérieure aux
doctrines de l'école de Bordeaux , et avaient
agrandi ses vues sur rliistoire, la philosophie,
la critique et la science en général. Cependant,
les ouvrages qu'il écrivit à Strasbourg ne pré-
sentent presque pas la trace de l'influence de
Bœhme. Le premier, L'Homme de désir (1790),
est un recueil d'hymnes ou plutôt d'aspirations
vers l'état primitif de l'âme, et se rattache par le
langage et la pensée à l'école martinéziste. Le
second, Le nouvel homme (1792), fut composé
d'après les conseils du chevalier de Silferhielm,
neveu de Svedenborg, avec lequel Saint-Martin
eut des relations suivies au commencement du
séjour qu'il fit à Strasbourg. Ce livre enseigne
que l'homme, aujourd'hui vieilli, doit s'efforcer de
revenir à sa jeunesse primitive, que son âme
est une pensée de Dieu, que cette pensée est son
renouvellement, sa gloire, sa puissance; qu'elle
le rendra maître de l'uni vers. VEcce homo (17 92),
écrit pour la duchesse de Bourbon, n'est qu'une
reproduction des doctrines du Nouvel homme,
avec des détails qui font toucher au doigt l'infir-
mité du vieil homme, tels que son penchant a'i
merveilleux d'un ordre inférieur, au somnambu-
lisme, etc.
Saint-Martin, tombé de Strasbourg, son pa-
radis, dans Amboise, son enfer (1), fit bien des
tentatives pour rejoindre Mine de Bœcklin ;
mais la maladie de son père se prolongea, et il
fut obligé de rester auprès de lui. Toujours
préoccupé du progrès de ses idées, il ne se
mêla pas au mouvement politique, et ne fut pas
iroublé par les événements qui agitaient la
France; il continuait à correspondre sur des
sujets mystiques et abstraits avec sa chère B..,
son ami Divonne, et le baron bernois Kirch-
berger de Liebisdorf, qu'il ne vit jamais, bien
qu'ils aient échangé des lettres pendant sept
ans. Vers le milieu de 1793, il fut obligé, pour
ne pas se rendre suspect, de renoncer à sa cor-
respondance avec Divonne, qui était émigré, et
avec Mrae de Bœcklin . Le père de Saint-Martin
était mort au mois de janvier 1793 ; mais des
raisons que nous ne connaissons pas l'empê-
chèrent de retourner auprès de son amie; ii
continua à vivre à Amboise, faisant de rares sé-
jours à Paris, ou dans la retraite de la duchesse
de Bourbon à Petit-Bourg. Les excès de la ré-
volution l'attristaient, il regardait sa « besogne
comme une pitié » ; mais il reconnaissait la
grandeur du mouvement et la beauté du but.
Vivant dans un isolement presque complet, ii
(1) « 11 y a (rois villes en France, dit-il, dont l'une est
mon paradis, et c'est Strasbourg, l'autre est mou
enfer ( Amboise ), et l'autre est mon purgatoire (Paris'.
Dans mon paradis, je pouvais parler et entendre parler
régulièrement des vérités que J'aime; dans mon enfer,
je ne pouvais ni en parler ni en entendre parler, parce
que tout ce qui tenait à l'esprit y était antipathique :
c'était proprement un enfer de glace, etc. »
67
se concentrait dans ses théories mystiques et
dans sa traduction de Bœhme. Le 16 mai 1794
il fut chargé de dresser le catalogue des livres et
manuscrits tirés des maisons ecclésiastiques
supprimées par la loi. Son district le choisit en-
suite comme candidat à l'École normale. Malgré
son âge, il accepta cette position d'élève profes-
seur, par cette raison qu'il faut s'associer au tra-
vail « quand il ne s'agit ni de juger les humains
ni de les luer ». Il allait donc cesser d'être,
selon son expression, le Robinson Crusoé de la
spiritualité, et reprendre sa mission dans le
monde. Nous le voyons s'installer à Paris rue
de Tournon, monter sa garde au Temple et re-
nouer avec ses anciens amis. L'École fut ouverte
à la fin de janvier 1795. La manière dont on y
comprit l'enseignement fut loin de satisfaire
Saint-Martin; il regarda surtout comme un
danger l'idéologie sensualiste de Garât, et, dans
deux de ces conférences où les auditeurs
étaient invités à présenter leurs observations, il
demanda que le sens moral fût reconnu d'une
manière formelle, que la matière non pensante
fût mise à sa véritable place, et qu'on affirmât
la nécessité d'une parole première donnée à
l'homme dès sa création. Garât répondit, et
chacun des deux adversaires s'attribua la vic-
toire. Ces discussions ne se renouvelèrent pas,
l'École ayant été. fermée le 9 mai 1795. Peu
lie temps après , Saint-Martin publia ses Consi-
dérations sur la révolution française (1795).
« Pour mener la révolution, cette grande crise
de la société, dit-il, à ses fins véritables, il faut
en faire une régénération de l'humanité en son
état primitif, en son point de départ. » Et con-
fondant la religion avec la politique, il en ar-
rive à un rêve de théocratie, que l'on regarde
non sans raison comme le précurseur des idées
théocratiques de Joseph de Maistre. Seulement,
pour Saint-Martin la religion catholique, qui a
été déshonorée par le trafic et l'imposture, n'est
plus le salut de l'humanité, et la Providence
saura bien en faire naître une autre du cœur de
l'homme. Quant au fait même de la révolu-
tion française, il le regarde comme la révolution
du genre humain, comme une miniature du juge-
ment dernier. « Les pays qui ne valent pas mieux
que la France ne seront pas plus épargnés
quand le temps de leur visite sera arrivé. » En
1797, Saint-Martin revit Petit-Bourg et la du-
chesse de Bourbon, rendue à la liberté, puis
Champlâtreux et Mme Mole. L'année suivante il
fit paraître Le Crocodile, poëme allégorique,
grotesque et bizarre, souvent lourd, obscur et
même incompréhensible, et dans lequel il a in-
tercalé un mémoire d'une métaphysique pro-
fonde sur la question, mise au concours par
l'Institut, De l'Influence des signes sur la for-
mation des idées. En 1802 il donna son der-
nier ouvrage original, Le Ministère de V homme-
esprit ; il y démontrait comment l'homme, exer-
çant un ministère spirituel sur la terre, se ré-
SAINT-MARTIN 68
génère lui-même et régénère les autres, c'est-à-
dire répète dans sa personne l'œuvre que le
Christ a remplie dans l'humanité, ou, suivant sa
langue théosophique, rend le Logos (le Verbe) à
l'homme et à la nature. L'influence de Jacques
Bœhme est sensible dans tout le développement
de cette grande pensée, et l'auteur ne garde
presque plus rien de la théurgie de Martin^z.
Le style, plus clair que dans la plupart de ses
autres écrits, présente encore des étrangetés qui
l'empêchent d'être complètement accessible. Du
reste cet ouvrage se perdit dans l'éclat qui en-
toura l'apparition du Génie du christia-
nisme (1). « Il est trop loin des idées humaines,
dit Saint-Martin, pour que j'aie compté sur son
succès. J'ai senti souvent en l'écrivant que je
faisais là comme si j'allais jouer sur mon violon
des valses et des contredanses dans le cime-
tière de Montmartre, où j'aurais beau faire aller
mon archet, les cadavres qui sont là n'enten-
draient aucun de mes sons et ne danseraient
point. » Mais si Saint-Martin s'expliquait
facilement le peu d'attention et de sympathie
que montraient pour ses idées les hommes de
son temps, il ne désespérait pas de l'avenir, et
il avait une haute idée du rôle qu'il remplissait,
comme on peut en juger par les lignes suivantes,
maigre la restriction de modestie qui en atténue
la pensée ambitieuse : « Descartes a rendu un
service essentiel aux sciences naturelles, en ap-
pliquant l'algèbre à la géométrie matérielle. Je
ne sais si j'aurai rendu un aussi grand service
à la pensée, en appliquant l'homme, comme je
l'ai fait dans tous mes écrits, à cette espèce de
géométrie vive et divine qui embrasse tout, et
dont je regarde l'homme-esprit comme étant la
véritable algèbre et l'universel instrument ana-
lytique. Ce serait pour moi une satisfaction que
je n'oserais pas espérer, quand même je me per-
mettrais de la désirer. »
Des relations passagères avec Mma d'Albany
et Mme de Krudener marquèrent la dernière
année de sa vie. Il sentit, sans se troubler,
approcher sa fin, et n'eut de regret qu'à une
chose : c'était de ne rien laisser « d'un peu
avancé sur les nombres ». Cette question le
préoccupait beaucoup;, et il en fit l'objet d'un
long entretien avec M. de Rossel la veille même
de sa mort. S'étant rendu le lendemain (13 oc-
tobre 1803) à Aulnay, chez Lenoir- Laroche,
son ami, il y mourut , d'un coup d'apoplexie,
(1) Saint-Martia rechercha Chateaubriand avec em-
pressement, et fut heureux de l'entrevue que Je peintre
Neveu lui ménagea. « J'aurais leaucoup gagné, dit-il,
à le voir plus tôt. C'est le seul homme de lettres hon-
nête avec qui je me suis trouvé en présence depuis que
j'existe. » Chateaubriand railla d'abord ce philosophe
du ciel, ses paroles d'oracle, ses façons d'archange.
« Depuis six mortelles heures, ajoute-t-il , j'écoutais
et je ne découvrais rien. A minuit l'homme des visions
se lève tout à coup : je crus que l'Espiit descendait
mais M. de Saint-Martin déclara qu'il était épuisé; 11
prit son chapeau, et s'en alla. » En 1807 M eut un re-
mords d'avoir parlé avec un peu demoquerie d'un homme
« d'un grand mérite ».
«9 SAINT-
après avoir exhorté ceux qui l'entouraient à
mettre leur confiance en Dieu et à vivre comme
des frères. « Les ouvrages de Saint-Martin, dit
Gence, ont pour but non-seulement d'expli-
quer la nature par l'homme, mais de ramener
toutes nos connaissances au principe dont l'es-
prit humain peut devenir le centre. La nature
actuelle, déchue et divisée d'avec elle-même et
d'avec l'homme, conserve néanmoins dans ses
lois, comme l'homme dans plusieurs de ses fa-
cultés, une disposition à rentrer dans l'unité ori-
ginelle. Par ce double rapport, la nature se
met en harmonie avec l'homme, de même que
l'homme se coordonne à son principe.... Sui-
vant Saint-Martin , l'homme pris pour sujet ne
conçoit ni n'aperçoit pas simplement l'objet
abstrait de sa pensée : il le reçoit, mais d'une
autre source que celle des impressions sensi-
bles. De plus , l'homme qui se recueille et qui
fait abnégation, par sa volonté, de toutes les
choses extérieures, opère et obtient la connais-
sance intime du principe même de la pensée
ou de la parole, c'est-à-dire de son prototype
ou du Verbe, dont il est originairement l'image
et le type. L'Être divin se révèle ainsi à l'es-
prit de l'homme, et en même temps se mani-
festent les connaissances qui sont en rapport
avec nous-mêmes et avec la nature des choses. »
Voici la liste complète des écrits de Saint-
Martin : Des Erreurs et de la vérité, ou les
hommes rappelés au principe universel de
la science, par un phil... inc...; Edimbourg
( Lyon), 1775, 2 part. in-8°; trad. en allemand
par Claudius (Breslau, 1782, in-8°) ; la pré-
tendue Suite des Erreurs et de la vérité (Sa-
lomonopolis [Paris], 1784, in-8°) a été signalée
par l'auteur comme frauduleuse; il en est de
même de la Clef des Erreurs et de la vérité,
par un senurier incontiu; — Le Livre rouge;
opuscule presque introuvable, et dont Saint-
Martin a lui-même revendiqué la paternité; —
Tableau naturel des rapports qui existent
entre Dieu, l'homme et l'univers, par un
ph... inc... ; Edimb. (Lyon), 2 part. in-8°;
trad. en allemand en 1783 et 1785; — L'Homme
de désir; Lyon, 1790, in-8°; Metz, 1812,
2 vol. in-12; trad. en allemand en 1813; —
Ecce homo; Paris, 1792, in-8° ; trad. en alle-
mand en 1819; — Le nouvel homme; Paris,
1792, in-8°; — Lettre à un ami, ou consi-
dérations philosophiques et religieuses sur
la révolution française; Paris, 1796, in-8°;
trad. en 1818 en allemand par Varnhagen von
Ënse; — Éclair sur l'association humaine;
Paris, 1797, in-8° ; — Réflexions d'un obser-
vateur sur la question proposée par l'Ins-
titut : Quelles sont les institutions les plus pro-
pres à fonder la morale d'un peuple? Paris,
1798, in-8°; — Essai relatif à cette question:
Déterminer l'influence des sigues sur la forma-
tion des idées; Paris, 1799, in-8°; — Le Cro-
codile, ou la guerre du bien et du mal, ar-
MARTIN
70
rivée sous le règne de Louis XV, poème
épico-magique en 102 chants, par un ama-
teur de choses cachées ; Paris, 1799, in-8° de
460 p.; — L'Esprit des choses, ou coup
d'œil philosophique sur la nature des êtres
et sur l'objet ae leur existence; Paris, 1800,
2 tom. in-8° ; trad. en allemand; — Le Cime-
tière d'Amboise, en vers; Paris, l801,in-8°;
— ' Discours sur l'existence d'un sens moral,
en réponse à Garât, prononcé le 27 lévrier 1795
et inséré dans le t. III dé la collection des
Écoles normales, 1801 ; — Le Ministère de
l'homme-esprit; Paris, 1802, in-8° ; trad. en
1845 en allemand; — Œuvres posthumes;
Tours, 1807, 2 vol. in-8° : on y trouve un choix
de pensées, un journal sous le titre de Portrait,
des fragments de littérature et de philosophie,
des poésies, des méditations, etc. ; — Traité des
nombres; Paris, 1843, in-4°; — Correspon-
dance avec Kirchberger ; Paris, 1862, in-8°. De
Jacques Bœhme, Saint-Martin a traduit les ou-
vrages suivants : L'Aurore naissante (Paris,
1800,2 tom. in-8° ), Les trois Principes de
l'essence divine (ibid., 1802, 2 vol. in-8°),
Quarante questions sur l'âme (ibid. 1807,
in-8° ), et De la triple vie de l'homme ( ibid.,
1809, in-8°). Il a laissé en manuscrit plusieurs
traités sur l'astrologie, sur le magnétisme et le
somnambulisme, sur le principe et l'origine des
formes, sur la;Bible, etc. P. L.
Gence, Notice biogr. sur L.-C. de Saint-Martin ;
Paris, 1824, in-8°. — Caro, Essai sur la vie et la doc-
trine de Saint-Martin ; Paris, 1852, in-8°. — Matter,
Saint- Martin, le philosophe inconnu ; Paris, 1862, in-8°.
— Dicl. des sciences pfiilosoph.
saint-Martin (Antoine- Jean), orienta-
liste français, né le 17 janvier 1791, à Paris, où
il est mort, le 16 juillet 1832. Il fut longtemps
le commis de son père, qui exerçait la profes-
sion de marchand tailleur, ce qui ne l'empêcha
pas de prendre la particule nobiliaire, en pu-
bliant son édition de Le Beau (1824). Ses occu-
pations dans le commerce paternel lui permirent
cependant de faire ses études, et de 1802 à
1809 il suivit les cours de l'école centrale des
Quatre-Nations. Il fréquenta ensuite l'école des
langues orientales vivantes, et apprit l'arabe, le
persan, le turc et l'arménien ; mais il se contenta
d'arriver le plus promptement possible à les
comprendre, afin d'appliquer les textes à la so-
lution de difficultés historiques. « Cette manière
abrégée de parvenir à la connaissance des
idiomes étrangers expose à de grandes méprises,
dit M. de Saci , et si elle permet de se livrer
concurremment à l'étude de plusieurs langues, elle
laisse souvent dans l'application quelque chose
de vague qui ne permet pas de se rendre à soi-
même un compte parfait de la fidélité d'une tra-
duction. » On aperçoit sous ces paroles mesu-
rées les points faibles de l'érudition de Saint-
Martin : beaucoup d'apparence, un ton tran-
chant, des jugements hâtifs, et bien des er-
reurs que le temps a fait connaître lorsqu'elles
3.
7i
SAINT-MARTIN — SAINT-MÉGRIN
n'ont pas été démontrées dès l'origine. Ces dé-
fauts signalés, il faut voir aussi chez Saint-Mar-
tin les qualités qui expliquent sa réputation et
l'amitié que lui porta jusqu'à la fin Abel Remu-
sat : il avait la passion des études orientales;
'ii portait dans la critique un don d'intuition
parfois supérieur; il rachetait par la variété de
ses connaissances ce qui leur manquait en pro-
fondeur. L'Académie celtique le reçut en 1 810
au nombre de ses membres, et il en devint se-
crétaire en 1814, lorsqu'elle prit le nom de So-
ciété des antiquaires de France. Le 2 septembre
1820 il fut élu membre de l'Académie des ins-
criptions, en remplacement de Tochon d'Annecy.
La vie politique de Saint-Martin fut pour lui la
source de quelque fortune. En 1815, il refusa
d'adhérer à l'acte additionnel, et publia les mo-
tifs de son vote. Sous les Bourbons il ne tarda
pas à être bien en cour, toucha une pension de
3,000 fr. sur les fonds du ministère des affaires
étrangères, fut nommé conservateur de la bi-
bliothèque de l'Arsenal (1824), et inspecteur à
l'imprimerie royale, place qu'il occupa pendant
plusieurs années sans autre résultat pour la
science que la gravure des caractères zends et
cunéiformes. Il paya ces faveurs en fondant et
dirigeant L'Universel (1er janvier 1829-27 juillet
1830), journal plus emporté dans ses déclama-
tions légitimistes que la Gazette de France ou
La Quotidienne. Le gouvernement de Juillet ne
lui enleva que la place de conservateur à l'Ar-
senal (novembre 1830). En 1831, l'Institut et
le Collège de France le proposèrent pour une
chaire d'histoire au ministère, qui la lui refusa. Le
choléra l'enleva, à l'âge de trente-neuf ans. On
a de Saint-Martin : Notice sur l'Egypte sous
les Pharaons ; Paris, 1811,in-8°: attaque
contre le système chronologique adopté par
Champollion; — Mémoires historiques et géo-
graphiques sur V Arménie, suivis des textes
arméniens de /'Histoire des princes orpélians,
par Etienne Orpélian, et des géographies
attribuées à Moyse de Chorène et au docteur
Vartan; Paris, 1818, 2 vol. in-8° : c'est l'ou-
vrage le plus important de Saint-Martin; les
justes critiques dont il a été plus tard l'objet
n'empochent pas qu'il ne renferme des notions
précieuses sur l'Arménie; — Recherches sur
V époque de In mort cV Alexandre et sur la
chronologie des Plolémées, ou examen cri-
tique de Vouvrage de M. Champollion-Fï-
cjeac intitulé Annales des Lagides; Paris, 1820,
in-8° : la base de cette chronologie de Champol-
lion est la date de la mort d'Alexandre, qu'il
fixe à l'an 323 av. J.-C. ; Saint-Martin soutient
que cette mort eut lieu en 324 ; — Notice sur
le zodiaque de Denderoh; Paris, 1822, in-8°;
— Traité sur le calendrier; Paris, 1827, in-8°;
— Recherches sur Vhistoire et la géographie
de la Mésène et de la Characène (publié par
M. F. Lajard); Paris, 1839, in-80;— des mé-
moires dans le Recueil de VAcad. des inscr.,
nouv. série, t. XII, 2e part.; — de nombreux
articles dans le Journal des savants, le Jour-
nal asiatique, la Biographie universelle. Il a
publié, comme traducteur : Choix de fables de
Vartan ( 1 825, in-8°), avec le texte arménien.
Il a édité les Recherches sur les médailles des
nomes de V Egypte ( 1822, in-4°, fig. ), ouvrage
posthume de Tochon d'Annecy, et les treize pre-
miers volumes de V Histoire du Bas-Empire
par Le Beau (1824 et suiv., in-8°); l'édition a
été achevée, en 21 volumes, par M. Brosset
jeune, élève et ami de Saint-Martin; elle pré-
sente des documents nouveaux et des rectifica-
tions, surtout en ce qui concerne l'Arménie et
la Perse. Saint-Martin a été l'un des collabora-
teurs de la nouvelle édition de Y Art de vérifier
les dates, et a concouru avec Remusat et de
Chézy à la fondation de la Société asiatique (1822).
S. de Saci, Notice dans le Recueil de VAcad. des ins-
cript. — Quérard , La France littéraire.
SAINT-MARTIN. VOIJ. JUGE.
saint-maur. Voy. Dupré.
SAINT-MÉARD. Voy. JOUP.GNIAC.
SAINT-MÉGRIN ( Paul DE STUER DE CACS-
s\de, comte de), mignon d'Henri III, mort à
Paris, le 22 juillet 1578. La famille de Stuer
appartenait à l'ancienne noblesse de Bretagne.
Saint-Mégrin s'attacha de bonne heure à Henri III,
qui le fit premier gentilhomme de sa chambre,
gouverneur de Saintonge et d'Angoumois, capi-
taine de cent hommes d'armes et mestre de
camp de la cavalerie légère de France. L'Estoile
a tracé la physionomie de ces mignons qui, sans
pudeur de leur haute naissance, cherchèrent la
fortune en se pliant aux vices honteux du jeune
monarque. « lis étoient, dit-il, fort odieux au
peuple, tant pour leurs façons de faire badines
et hautaines, que par leurs accoutrements effé-
minés et les dons immenses qu'ils recevoient du
roi. » Henri III ne leur demandait pas seule-
ment des toilettes hermaphrodites et des mœurs
dissolues; comme il se prétendait enthousiaste
de la bravoure, il les voulait toujours prêts à se
prendre de querelle et à jouer avec la mort. Le
1er février 1578, Quélus, Saint-Mégrin, Saint-
Luc et d'Arqués (Joyeuse) se battirent contre
Bussy d'Amboise, mignon de Monsieur; le
27 avril de la même année, Quélus fut blessé à
mort par Charles d'Enlragues; le 21 juillet
Saint-Mégrin sortait du Louvre à onze heures
du soir, lorsqu'il fut attaqué dans la rue Saint-
Honoré par une vingtaine d'assassins qu'avait
apostés le duc de Guise, dont Saint-Mégrin avait
compromis la femme par ses galanteries. Frappé
de trente-quatre coups d'épée, il ne mourut quflle
lendemain matin ; le roi lui fit élever, dans l'église
Saint-Paul, un superbe tombeau quele peuple dé-
truisitau temps de la Ligue, avec ceux de Quélus
et de Maugiron. Une enquête fut commencée contre
les meurtriers ; mais la puissante maison deGuise
ne tarda pas à faire abandonner les recherches.
L'Estoile, Journal. — Morérl, Grand Dict, liist.
73
SAINT-MERY —
SAIN'T-MÉIiY. Voy. MOREAU.
saint-non (Jean-Claude Ricuard (l) de),
amateur distingué, né en 1727, à Paris, où il
est mort, le 25 novembre 1791'. Destiné à l'É-
glise comme cadet de sa famille, il ne prit que
le sous-diaconat, et en 1749 acheta une charge
de conseiller clerc au parlement de Paris. Les
querelles suscitées par la bulle Unigenitus et
l'affaire des billets de confession (1752-1757)
ayant amené l'exil du parlement, il partagea le
sort de cent quatre-vingts de ses collègues, et se
retira à Poitiers. On a une petite estampe de lui
datée de cette ville en 1756. Après la réconcilia-
tion du roi et du parlement, voulant se livrer en-
tièrement à ses goûts artistiques, il vendit sa
charge, et obtint en commende l'abbaye de Poul-
tières, au diocèse de Langres(1759).Ilalla passer
quelques mois en Angleterre, et se rendit ensuite
en Italie, où il se lia. étroitement avec Fragonard
et Hubert Robert ; il (it avec eux le voyage de
Sicile et de Naples. A son retour il entreprit d'en
publier la relation ( Voyage pittoresque de
JSapleset de Sicile; Paris, 1781-1786, 5 vol.
in- fol.), et l'accompagna de 542 planches et vi-
gnettes, gravées par les meilleurs artistes du
temps d'après ses propres dessins et ceux de ses
compagnons; car il en exécuta un grand nombre,
soit à l'eau-forte, soit au lavis par un procédé
de son invention, et qui diffère de celui de Le
Prince (2). Une semblable publication, ne s'a-
dressantqu'à un nombre très-restreint deriches
amateurs, était au-dessus des forces d'un simple
particulier. Elle fut ruineuse pour Saint-Non, et
absorba non-seulement sa propre fortune , mais
aussi celle d'un de ses frères. 11 n'en remplit pas
moins satâchejusqu'au bout, ne conservant pour
ressource que les revenus de son abbaye, évalués
à 7,000 livres. Cependant aux premiers jours de
la révolution il n'hésita pas à en offrir la moitié à
la nation. Saint-Non était lié avec les principaux
philosophes et écrivains de son temps, il faisait
partie de cette société de lettrés qui répandait .et
défendait les idées nouvelles et préparait la ré-
volution. Il fréquentait assidûment le salon de
Franklin à Passy, et lorsqu'il partit pour l'Italie
Rousseau le recommanda tout particulièrement
au pasteur Vernes, son ami. Saint-Non a encore
gravé un certain nombre de pièces. Les princi-
pales sont : une suite de huit Vîtes du moulin
Joli (3) ; un Recueil de griffonis, grand in-fol.
de 294 pi.; deux jolies eaux-fortes originales : la
Visite à la malade et Le Concert, et un grand
nombre d'estampes d'après Boucher, Hubert Ro-
bert, Fragonard, Le Prince, Wille,Berghem, et ses
(1) 1 1 était fils de Jean-Pierre Richard, receveur général
et payeur des rentes de l'hôtel de ville de Paris, et de
Slarie-Anne, fille du peintre Louis de Boullongne.
i.2} Une nouvelle édition du Voyage pittoresque, mise
dans un meilleur ordre, a été donnée par J.-P. Charrin;
Paris, 1828 et ann. suiv., 4 vol. in-8° et atlas in-fol.
(3) Varie vedute del gentile Mulino (1755, gr. in-4«,
oblong), recueil dédié à l'aimable meunière, qui était,
comme on sait, Marguerite Le Comte, l'amie deWatelet.
SA1NT-PARD 74
propres dessins. Saint-Non avait élé admis, sous
le titre d'honoraire associé libre, dans l'Aca-
démie de peinture le 6 décembre 1777. H. H— n.
Brlzard , Notice sur liichard de .Saint-Non ; Paris,
1792, in-8°. — Huber et Rost, Manuel du curieux.
— Ch. Blanc, Hist. des peintres de tontes les écoles, art.
Kragonard. — G. Duplessis, Hist. de la gravure. —
Catalogue de la collection du baron de Véze.
SAINT-OLON. Voy. PlDOU.
SAiNT-oiTRs(J(jan-PJerreDE),peintresuisse,
né le 4 avril 1752, à Genève, où il est mort, le
6 avril 1809. Il appartenait à une famille de ré-
fugiés protestants français, et il eut pour premier
maître son père, Jacques de Saint-Ours, bon
dessinateur, qui avait été reçu en 1759 bourgeois
de Genève. A seize ans il fut envoyé à Paris, et
entra dans l'atelier de Vien. Après avoir obtenu
divers succès dans les concours de l'Académie,
il remporta en 1780 le grand prix de peinture
dont le sujet était l'Enlèvement des Sabines;
son tableau, qui a un mérite réel, est encore au
musée du Louvre. Toutefois son double titre
d'étranger et de protestant l'empêcha de profiter
des avantages attachés à la distinction qu'il
avait obtenue, et il se vit réduit à faire, avec ses
propres ressources, le voyage de Rome. Sauf de
courtes absences, il passa douze années dans
cette ville, travaillant d'abord sous la direction
de Battoni, puis d'après ses propres inspira-
tions. Le mauvais état de sa santé le ramena
dans sa patrie (août 1792); il s'y maria, et
se consacra tout entier à son art. En 1803, le
gouvernement français ayant mis au concours
le sujet du Concordat, Saint-Ours envoya un
dessin, et fut le seul des soixante-douze con-
currents, qui obtint un accessit. L'Institut le
choisit alors pour correspondant étranger. Cet.
artiste mourut d'une obstruction au foie qui dé-
généra en hydropisie, laissant beaucoup d'études
à l'huile, et des Recherches historiques sur
l'utilité politique de quelques-uns des beaux-
arts chez différents peuples, ouvrage ina-
chevé. On loue chez lui la pureté du dessin, la
douceur de l'expression, la sagesse de l'ordon-
nance, et parfois une grande vigueur de pinceau.
Ses principaux tableaux, placés au musée Rath
de Genève, sont : David et Abigaïl, L'Amour
enlevant Psyché, Les Jeux olympiques, Le
Tremblement de terre, Homère chantant ses
poésies. Il excellait dans les portraits , et en a
peint un grand nombre.
Rigaud, Des Beaux-arts à Genève. — Nagler, Kûnst
Ur-l.exicon. — Haag frères, La France protest.
saint-par» (Pierre-Nicolas van Blo-
taque, abbé de), auteur ascétique belge, né le
9 février 173'j, à Givet-Saint-Hilaire (pays de
Liège), mort le 1er décembre 1S24, à Paris. Il fit
ses études chez les jésuites de Dinan, em-
brassa leur règle, et fut envoyé, selon l'usage,
dans plusieurs collèges de province pour y pro-
fesser. Lors de la suppression de la Société il se
trouvait à Vannes; aussitôt il accourut à Paris ,
et en apprenant l'arrêt du parlement qui inter-
75
SAINT-PARD — SAINT-PAUL
disait à ses confrères l'exercice même du sa-
cerdoce, il changea de nom, d'après le conseil de
l'archevêque Christophe de Beaumont, adopta
celui de Saint-Pard, qu'il conserva depuis, et
fut placé par le prélat dans la paroisse de Saint-
Germain en Laye. De retour à Paris vers 1775,
il devint directeur des religieuses de !a Visitation.
Pendant la révolution il n'émigra point : constam-
ment caché, mais toujours prêt à exercer son mi-
nistère, il sut éluder les lois sévères prononcées
contre le clergé. Sa prudence l'abandonna sous
le Directoire, et un excès de zèle l'ayant amené
à prêcher en public, il fut deux fois arrêté et
jeté en prison. Après le concordat de 1801,
M. de Belloy le nomma chanoine honoraire de
Notre-Dame. S'éiant attaché à la paroisse de
Saint-Jacques- du-Haut-Pas, il continua de rem-
plir ses devoirs jusqu'au moment où ses infirmi-
tés lui interdirent l'usage des jambes. Nous cite-
rons de l'abbé de Saint-Pard : Retraite de dix
jours; Paris, 1773, 1805, -in-12; — L'Ame
chrétienne formée sur les maximes de l'É-
vangile; Paris, 1774, in-12; — Le Jour de
communion; Paris ■, 1776, 1819, in-12; — Exer-
cices de l'amour du pénitent; s. 1., 1799,
1819, in- 16. Il a abrégé et rajeuni quant au
style Le Livre des élus (1759) et La Connais-
sance de Jésus-Christ (1772), du P. de Saint-
Jure, et il a trad. du latin Vie de Jésus-Christ
(1775, 2 vol. in-12), du P. Avancin.
L'Ami de la religion, 25 déc. 1824. — Becdelièvre-Ha-
mal, liiogr. liégeoise, II.
SAINT-PAUL OU SAINT-POL (ComteSDE),
famille illustre de la Picardie, qui tirait son nom
de Saint-Paul ou plutôt Saint-Pol en Ternois ; plu-
sieurs États ont choisi ces seigneurs pour leurs
conseillers, chanceliers, ambassadeurs et gouver-
neurs ; les rois de France leur ont confié les pre-
mières charges de la couronne, et l'Église en a
tiré des bienheureux, des cardinaux, des prélats.
Le comté passa,en 1 196, à la maison de Chastillon,
et en 1354, dans celle de Luxembourg; il se
trouvait dans la maison d'Orléans-Longueville
lorsqu'il fut vendu dans les premières années
du dix-huitième siècle. 11 appartenait en der-
nier lieu au prince de Rohan-Soubise.
Roger, mort en 1067, paraît être le chef véri-
table de cette puissante famille. 11 eut des dé-
mêlés avec l'abbé de Saint-Bertin , à qui il en-
leva la moitié de ses terres.
Hugues Ier, son fils, mort en 1070, fut sur-
nommé, on en ignore la raison, Candavène
(candensavena), ou Champ d'avesne (campus
arenae) ; ce sobriquet demeura à ses successeurs
directs, qui s'en firent une sorte de nom de fa-
mille.
Gui Ier, fils du précédent, mort en 1083, n'est
connu que par une lettre du pape Grégoire VII,
au sujet d'usurpations des biens de l'Eglise. —
Ses frères lui succédèrent : l'un, Hugues II ,
mort en 1130, accompagna le duc de Normandie
en Terre Sainte; l'autre, Hugues III, mort en
1141, fut d'abord un ennemi acharné des prêtres
et des moines, et s'attira l'anathème du corîcile de
Reims. Les plaintes des églises opprimées tou-
chèrent Louis le Gros, qui se préparait à mar
cher contre Hugues , lorsque celui-ci, par une
brusque volte-face , déclara se soumettre à la
pénitence ; ii obtint du pape Innocent II l'abso-
lution du passé, à la condition de bâtir un mo-
nastère, et en 1137 il fonda en conséquence celui
deCercamp, où il installa une colonie de moines
de Cîteaux qu'il était allé chercher lui-même.
Hugues IV, petit-fils d'Hugues III, mort en
1205, rendit d'assez grands services à Philippe-
Auguste, qui, en 1194, lui donna plusieurs terres.
Bien qu'en 1190 il eût suivi le comte de Flandre
en Palestine, il prit de nouveau la croix (1202),
et se distingua dans la prise de Constanlinople.
Baudouin, le nouvel empereur, lui accorda la
dignité de connétable ainsi que la propriété de
Didimotique, ville forte de Thrace. Il mourut de
la goutte, et son corps fut rapporté en France.
Hugues était zélé pour l'observanee de la justice :
ayant appris, raconte \illehardouin, qu'un de
ses chevaliers s'était adjugé, malgré sa défense,
une part du butin, il le fit pendre avec l'écusson
de ses armes attaché au cou pour plus grande
ignominie. Après sa mort, le comté passa parle
mariage d'Elisabeth, sa fille, dans la maison de
Chastillon (voy. ce nom).
Art de vérifier les dates. — Moréri, Dict. hist.
saint-Paul, {François de Bourbon, comte
de), capitaine français , né le 6 octobre 1491, à
Ham (Picardie), mort le 1er septembre 1545,
à Cotignan, près Reims. Il était le quatrième fils
de Marie de Luxembourg et de François de
Bourbon, comte de Vendôme, mort le 2 octobre
1495, et il avait pour frères Charles, premier
duc de Vendôme, et Louis, cardinal de Bourbon.
11 assista à la bataille de Marignan, et fut armé
chevalier par Bayard (1515). En 1520 il eut le
gouvernement de l'Ile-de-France, et le conserva
jusqu'en 1523. Ce fut chez lui, à Romorantin,
que le roi, cédant à une folie de jeunesse, faillit
perdre la vie (6 janvier 1521). « Le roi, dit Mar-
tin du Bellay, sachant que M. de Saint-Pol
avait fait un roi de la fève, en son logis, délibéra
d'envoyer défier ledit roi; ce qui fut fait. Et
parce qu'il faisait grandes neiges, M. de Saint-
Pol fit grande munition de pelotes de neige, de
pommes et d'œufs pour soutenir l'effort. Étant
enfin toutes armes faillies pour la défense de
ceux de dedans, ceux de dehors forçant la porte,
quelque mal-avisé jeta un tison de bois par la
fenêtre , et tomba ledit tison sur la tête du
roi ; de quoi il fut fort blessé. » On sait que
François Ier ne voulut pas connaître le « mal-
avisé» qui avait fait le coup, et qu'il ne témoigna
jamais de cet accident aucune humeur au comte
de Saint- Paul. En 1522, ce dernier conduisit un
secours de six mille hommes à Mézières, assiégé
par les Impériaux, reprit Mouzon et Bapaume,
et battit l'arrière garde de l'armée anglaise à Pas-
77
SAINT-PAUL
78
en- Artois. En 1553 il repassa les Alpes , et suc-
céda en 1524àBonnivetdans le commandement
des troupes, qu'il sauva d'un désastre complet
après la mort de Bayard. Jl se trouva aussi à la
bataille de Pavie, et fut blessé aux côtés du roi.
En 1528, il tira de cette défaite une revanche
sanglante : après s'être emparé des places fortes
du Tessin, il assiégea Pavie, l'emporta d'assaut,
et la livra au pillage. Surpris à Landriano par
Antonio de Leyva, trahi par les lansquenets et
abandonné par son avant-garde, il fut mis en
déroute et fait prisonnier (22 juin 1329). La paix
qui se conclut trois mois plus tard le rendit à
la liberté. En 1536 il commanda l'armée qui en-
vahit la Savoie, s'empara de Chambéry, et sou-
mit presque tout le pays à l'autorité du roi. La
guerre s'étant renouvelée, en 1542, entre la France
et l'empereur, il suivit le dauphin dans la Picar-
die et le Luxembourg , et porta secours à Lan-
drecies. En 1526 il avait remplacé Bonnivet
dans le gouvernement du Dauphiné. Ami dévoué
du roi, il savait mieux se battre que conduire
une armée; son courage impétueux tenait de la
témérité, mais il ne brilla qu'au second rang
parmi cette foule de capitaines , ses contempo-
rains, dont Brantôme a retracé l'histoire.
De sa femme, Adrienne d'Estouteville , qui fut
créée duchesse et dont il porta depuis 1534 le
nom et les armes, Saint-Paul eut un fils, Fran-
çois, mort en 1546, âgé de dix ans, et une fille,
Marie, qui épousa successivement Jean de Bour-
bon, comte d'Enghien, François de Clèves,
duc de Nevers, et Léonor d'Orléans, duc de
Longueville ; elle ne laissa de postérité que du
troisième mari , et mourut le 7 avril 1601.
MarLin du Bellay, Vieilleville, Mémoires. —Brantôme,
Grands capitaines. — Anselme, Grands officiers de la
couronne. — Moréri, Dict. hist.
saint-paul. Voy. Luxembourg.
saikt-paul ( François-Paul Barletti de),
grammairien, né le 8 février 1734, à Paris, où
il est mort, le 13 octobre 1809. Sa famille était
originaire de Naples. Élevé auprès de son oncle,
l'abbé Antonini, qui enseignait l'italien à Paris,
il reçut en outre des leçons de Pluche et de Du-
marsais, et fit dans l'étude des langues de si
rapides progrès qu'à seize ans il entreprit de
rédiger une nouvelle méthode d'éducation, véri-
table encyclopédie, qui l'occupa sa vie entière et
qu'il ne parvint pas même à mettre au jour.
Malgré une jeunesse orageuse, il fut nommé en
1756 sous-instituteur des enfants de France.
Compromis dans une querelle de bas étage, il
fut forcé de quitter le royaume (1758), et passa
cinq ans à Naples, en proie à des tribulations de
plus d'un genre. On le retrouve ensuite à Rome
avec le titre de secrétaire du protectorat de
France. La protection du dauphin lui permit de
revenir à Paris, et il fut choisi pour mettre en
ordre trois grandes bibliothèques, entre autres
celle du marquis de Paulmy. En 1764, il fit pa-
raître un prospectus de son Encyclopédie élé-
mentaire, dont dix-huit volumes étaient ache-
vés, et provoqua une réunion de ses amis afin
de couvrir les frais d'impression, estimés à
100,000 écus. Sur les plaintes de l'université,
jalouse de voir usurper son droit de former des
instituteurs, le parlement empêcha que l'assem-
blée eût lieu. L'ouvrage fut renvoyé à l'examen
de quatre censeurs royaux , qui le déclarèrent
impraticable (1). Barletti, dans une brochure
intitulée Le Secret révélé, attaqua avec violence
ses persécuteurs, les commissaires et jusqu'au
lieutenant de police, M. de Sartine, et il expia
cette imprudence par une détention de trois mois
à la Bastille. En 1770, il accepta la chaire de
belles-lettres au collège des cadets à Ségovie, et
il s'en démit en 1773, pour rentrer dans sa pa-
trie. Il avait hâte d'y publier les deux inven-
tions qu'il avait faites en Espagne, l'une destinée
à faciliter les études, l'autre relative à un sys-
tème de fonte typographique qui lui valut une
récompense de 20,000 livres. Mais il ne per.
dait pas de vue son ouvrage favori, et à force
de sollicitations il obtint, en 1782, du ministre
Amelot qu'on procédât à un examen plus équi-
table de ses traités élémentaires : l'académie
des sciences délégua à cet effet deux membres,
et leur jugement fut favorable. De nouvelles con-
trariétés, provenant cette fois de la censure, l'en-
travèrent dans l'exposition de ses idées : il lui
fallut y renoncer jusqu'en 1802, époque où il
demanda à l'Institut une dernièreépreuve. L'abbé
Sicard fit sur l'entreprise de Barletti un rapport
très-détaillé : il loua la sagacité de l'auteur, cri-
tiqua ses moyens d'exécution , et conclut à ce
qu'on lui accordât les encouragements dus aux
propagateurs des lumières. Pendant la révolu-
tion , il avait été successivement sous-chef dans
les bureaux du département de Paris, membre
du jury de l'instruction publique (mai 1793),
professeur de grammaire générale d'abord au
collège des Qnatre-Nations (septembre 1795,),
puis à l'école centrale de Fontainebleau (1797).
Barletti mourut avec le regret de n'avoir pu,
dans le cours d'une carrière longue et agitée,
exécuter le vaste plan qu'il avait conçu pour
faciliter l'instruction des enfants. On a de lui :
Essai sur une introduction générale et rai-
sonnée à V étude des langues; Paris, 1756,
in-12; dédié au dauphin; — Le Secret révélé;
Bruxelles, 1764, broch. in-8°; — Nouveau
système typographique, découvert en 1774
par Mme de P... ; Paris, 1776, impr. roy., in-4° :
ce moyen de diminuer de moitié, selon l'auteur,
le travail et les frais de composition, de correc-
tion et de distribution, consistait à fondre en un
seul caractère toutes les combinaisons de lettres
qui se représentent fréquemment dans une série
de mots ; on a depuis longtemps renoncé à ce
prétendu perfectionnement, si même il a jamais
été adopté dans quelque imprimerie; — Bes-
|1) Le rapport se trouve dans le Mercure d'oct. 1764-
79 SAINT-PAUL -
eription d'un cabinet littéraire; Paris, 1777,
in 4° : il s'agit d'une machine qui avait dû servir
à faciliter les études d'un infant d'Espagne :
c'était une armoire énorme, contenant huit bi-
bliothèques, deux tables, neuf tiroirs et une
multitude de cassetins; — Moyen de se pré-
server des erreurs de L'usage dans l'instruc-
tion de la jeunesse; Paris (Bruxelles), 1781,
in-4° : cet ouvrage, le meilleur de Darletti, est
relatif à l'enseignement des sciences et des lan-
gues, et contient un procédé au moyen duquel
deux écoliers peuvent facilement se donner des
leçons tour à tour; — Les Dons de Minerve
aux pères de famille et aux instituteurs ;
Paris, 1782, in-8°; — Plan d'une maison d'é-
ducation nationale ; Rennes, 1784, in-8°, qui
fit accuser l'auteur d'incliner aux idées républi-
caines; — Encyclopédie élémentaire ; Paris,
1788, t. Ier, in-4° : ce volume, le seul qui ait
paru, renferme un traité de grammaire et d'or-
thographe; — Nouveaux principes de lecture
et de prosodie; Lyon, 1790, in-8°; — Adresse
aux 83 départements ; 1791, in 8° : où il pro-
pose d'ouvrir un concours pour la rédaction des
livres élémentaires; — Vues relatives au but
et aux moyens de l'instruction du peuple;
Paris, 1793, broch. in-4°. On ignore ce qu'est
devenu le manuscrit de V Encyclopédie, dont
Barletti avait, à sa mort, rédigé 25 volumes.
Le Journal d'éducation, sept. 1816. — Jay, Jouy, etc.,
Biogr nouv. des Contemp.
saint-pavin (Denis Sakguin de), poète
français, né à Paris, au commencement du dix-
septième siècle , mort le 8 avril 1670. Il était
d'une famille ancienne, les Sanguin, qui s'était
illustrée dans l'Église et dans la robe. Son père
était président aux enquêtes; sa mère, Isabelle
Seguier, cousine du chancelier. On lui fit embras-
ser l'état ecclésiastique, et on lui donna de bonne
heure l'abbaye de Livri, où il passa ses jours,
insouciant et libre, entouré d'amis spirituels,
composant des sonnets pour Iris et lançant au
loin ses légères et vives épigrammes.
Je n'ai l'esprit embarrassé
De l'avenir ni du passé;
Ce qu'on dit de mol peu me choque,
De force choses je me moque,
Et, sans contraindre mes désirs,
Je me donne entier aux plaisirs.
Tel est le portrait moral que trace de lui-même
ce hardi et sincère disciple d'Épicure et de Gas-
sendi. Pour son portrait physique, il n'en est
pas plus embarrassé, et le livre gaiement aux
railleries de son siècle. En voici le résumé :
Soit par hasard, soit par dépit,
La nature injuste me fit
Court, entassé, la panse grosse;
Au milieu de mon dos se hausse
Certain amas d'os et de chair
Fait en pointe comme un clocher;
Mes bras, d'une longueur extrême ,
Et mes jambes presque de même,
Me font prendre le plus souvent
Pour un petit moulin à vent.
Il avait deux qualités rares, franchise et belle
SAINT-PIERRE 80
humeur, et ne les perdit jamais, pas même lors-
que, tout à fait perclus par la goutte, il fut,
comme Scarron, cloué dans un fauteuil. Sa cor-
respondance avec Mme de Sévigné n'en devint
pas moins maligne, ni moins vive sa guerre d'é-
pigramrnes contre Boileau. Saint-Pavin fut ra-
mené à la religion par les exhortations de Claude
Joly, curé de Saint-Wicolas-des Champs, et ra-
cheta ses erreurs par des legs pieux. Ses poésies,
publiées d'abord par Sercy, dans les Poésies
choisies de MM. Corneille, Boisrobert, etc.
(1655, 5 vol. in-12), puis par Barbin, dans le
Recueil des plus belles pièces des poètes
françois (1692, 5 vol.), ont été éditées par
Saint-Marc, avec celles de Charieval ; Amster-
dam (Paris), 1709, in-12.
Les l'oëtes français ( édit. Crépet), t II. — Sainte-
Beuve, Une ruelle poétique sous Louis X1P (Revue des
deux mondes, 15 oclobre 1839).
SAINT-PERAVI. Voy. GcÉRINEAC.
saikt-philippe. Voy. Baccalar v Sanna.
saint-pierre ( Eustacht i)g)., bourgeois de
Calais, mort en 1371. Ce personnage a été po-
pularisé parles historiens, qui, sans esprit cri-
tique, répétaient les traditions et les légendes.
Son existence est à la vérité certaine , mais le
fait qui l'a illustré reste 1res -problématique.
Froissart seul le raconte; voici le résumé de son
récit. Après la bataille de Crécy, Edouard !I£
mit le siège devant Calais, le 3 septembre 1346.
Vers la fin de juin 1347, Jean devienne, qui
commandait dans Calais, écrivit au roi Philippe
de Valois pour le presser de porter secours à la
ville, dont les ressources étaient épuisées. La
lettre tomba entre les mains des Anglais, qui
poussèrent le siège plus vivement ; Philippe tâcha
de passer au travers de leur armée, et ne put y
parvenir. Jean de Vienne, forcé de se rendre,
demanda une conférence à Edouard III; celui-ci
exigea que six notables de Calais vinssent , la
corde au cou, se mettre à sa discrétion. Jean de
Vienne rentré dans Calais « fit sonner la cloche
pour assembler toutes manières de gens en la
halle... Quand ils ouïrent le rapport, ils com-
mencèrent tous à crier et à pleurer... Un espace
après se leva en pied le plus riche bourgeois de
la ville, qu'on appeloit sire Eustache de Saint-
Pierre, et dit devant tous ainsi : Je, en droit
moi, ai si grand espérance d'avoir grâce et par-
don envers Nôtre-Seigneur si je meurs pour ce
peuple sauver, que je veus être le premier, et
me mettrai volontiers en pur ma chemise, à nu-
pied, et la hart au col, en la merci du roi d'An-
gleterre. » Jean d'Aire, Jacques et Pierre de
Wisant, ainsi que deux autres bourgeois, s'u-
nirent à lui, et ils se rendirent au camp d'E-
douard III. «Le roi les regarda très-ireusement...
et quand il parla, il commanda qu'on leur cou-
past la tête. » La reine Philippine de Hainaut se
jeta à ses pieds, et obtint leur grâce.
Hume et Voltaire ont les premiers révoqué
en doute cette histoire. Bréquigny, dans un Mé-
81
SAINT-PIERRE
82
moire très-étudié, la regarde comme complète-
ment fausse, et appuie son opinion sur des
raisons nombreuses. Les principales sont le
penchant du chroniqueur Froissart à répéter et
à inventer des récits légendaires, l'ignorance
dans laquelle on resta pendant longtemps, à Pa-
ris et dans toute la France, d'un fait aussi re-
marquable, la conduite que tint à l'égard d'Eus-
tache de Saint-Pierre le roi Edouard , qui lui
rendit ses propriétés et lui fit des pensions con-
sidérables, enfin le changement opéré dans les
sentiments du héros de Calais, qui, d'abord dé-
voué à sa patrie jusqu'à affronter la mort, devint
sujet fidèle du roi d'Angleterre.
Chronique de Froissart. — Dissertation de Bréquigny
dans les mémoires de l'Jcad. des inscr., t. XXXVII. —
Slsmondi, Hist des Français. — Éd. Fournier, L'Es
prit dans l'histnire.
saint-pierke (Charles- lrénée Castel,
abbé de), pnbliciste célèbre, né le 18 février
1658, au château de Saint-Pierre-Église, entre
Cherbourg et Barfleur (Manche), mort à Paris,
le 29 avril 1743. D'une très-ancienne famille de
la basse Normandie , il était fils de Charles Cas-
tel, bailli du Cotentin. La faiblesse de sa cons-
titution, qui le força de renoncer à la carrière
des armes pour embrasser l'état ecclésiastique,
ue l'empêcha pas de vivre jusqu'à l'âge de
quatre-vingt-cinq ans. Après avoir étudié chez
les jésuites de Caen, il entra dans les ordres,
en même temps que son ami Varignon , le cé-
lèbre géomètre, dont les entretiens firent naître
en lui un vif amour pour les sciences. Il avait,
en 1678, commencé son Projet pour diminuer
le nombre des procès, travail dont l'idée devait
naturellement lui être venue dans le pays de la
chicane. Les deux amis arrivèrent ensemble en
1686 à Paris, où ils se livrèrent avec ardeur à
l'étude. L'abbé de Saint- Pierre, recherchant tous
les hommes distingués de son temps, fit mar-
cher de front la métaphysique, la morale, la
chimie, la physique, l'anatomie, la médecine. Il
se lia avec Segrais, qu'il avait connu à Caen et
qui lui ouvrit la maison de Mme de La Fayette,
avec Nicole, Malebranche , Vertot. Fontenelle
le présenta à la marquise de Lambert, et le fit
entrer en 1695 à l'Académie française, où il suc-
céda à Bergeret. 11 acheta, en 1702, la charge de
premier aumônier de la duchesse d'Orléans, qui
le fit pourvoir de l'abbaye de Tiron. Il assista en
1712 au congrès d'Utrecht avec le cardinal de
Polignac. Ce fut en 1713 que parurent les deux
premiers volumes du plus connu des ouvrages
de l'abbé de Saint- Pierre : Le Projet de paix
perpétuelle ;le t. III, publié en 1717, fut adressé
au Bégent. « Vous avez oublié, lui dit le cardinal
de Fleury, en recevant cet ouvrage, d'envoyer
des missionnaires pour toucher le cœur des
princes et leur persuader d'entrer dans vos
vues. » Bien n'avait cependant paru plus facile
à l'aimable philanthrope que l'exécution de son
projet, résumé en cinq articles, et dont il faisait
remonter naïvement i'idée jusqu'à Henri IV.
C'étaient, comme le disait le cardinal Dubois,
non sans quelque raison, les rêves d'un homme
de bien. Au mois d'avril 1718 parut le Dis-
cours sur la polysynodie, ouvrage qui, condam-
nant sévèrement le gouvernement de Louis XIV,
n'était rien moins qu'un plan de constitution pour
la France. Il y faisait l'éloge des conseils établis
par le Bégent. L'Académie, à la presque unani-
mité, sur la proposition du cardinal de Polignac,
l'exclut de son sein et refusa même d'entendre
les explications qu'il proposait de donner. Une
société composée de philosophes, d'économistes
et d'hommes du monde, désignée plus tard sous
le nom de Club de l'Entresol ( parce qu'elle se
réunissait à l'enlre-sol d'un hôte! appartenant au
président Hénault, sur la place Vendôme ) four-
nit à l'abbé de Saint- Pierre le moyen de donner
l'essor à son zèle ardent pour le bonheur des
hommes, devenu la passion de toute sa vie. Il y
apporta une foule de dissertations, dans lesquelles
il exposait tous les perfectionnements que son
esprit, fécond en ressources, put imaginer pour
toutes les branches de l'administration. Les an-
nées qui s'écoulèrent de 1724 à 1731, période de
la durée du Club de l'Entre-sol, furent marquées
par une série de travaux importants dus aux
membres de cette société fameuse. Les mémoires
de d'Argenson font connaître les personnages qui
figuraient dans cette réunion, qui n'était rien de
moins que ce qui plus tard a été constitué sous
le nom d'Académie des sciences morales et
politiques. C'étaient MM. de Coigny, de Mati-
gnon, de Lassay, de Noirmoutiers, de Saint-
Contest, les abbés Alary, fondateur du club, de
Bragelonne et de Pomponne, l'Écossais Bamsay,
le comte de Plélo. La liberté avec laquelle les
questions de philosophie et de politique étaient
traitées, sous les inspirations de l'abbé de Saint-
Pierre, que tourmentait cette fièvre des amélio-
rations, qui s'appellera l'esprit révolutionnaire,
alarma le pouvoir et le prudent cardinal de Fleury.
Celui-ci, ne concevant guère la paix perpétuelle
que pour lui-même et son administration, fit
fermer ce dangereux Club de l'Entre-sol, qui com-
mençait à troubler son sommeil. Les doctrines
ou plutôt les nobles et généreux sentiments qui
animaient le respectable philanthrope trouvèrent
de nombreux disciples et de zélés propagateurs,
parmi lesquels il faut placer au premier rang le
marquis d'Argenson. L'abbé de Saint-Pierre con-
tinua à composer mémoire sur mémoire, dans
lesquels il exposait des théories dont souriaient
les esprits pratiques, mais qui ne pouvaient
qu'inspirer une profonde sympathie pour son
caractère. Malgré toutes les illusions qu'éprouvent
naturellement les auteurs de théories politiques
ou sociales, l'excellent abbé savait bien qu'il
travaillait plutôt pour l'avenir que pour le pré-
sent. « Mes projets subsisteront, dit-il dans ses
Observations sur le gouvernement des rois
de France; plusieurs entreront dans les jeunes
esprits de ceux qui auront un jour part au gou-
83
SAliNT-PIERRE
vernement, et pourront être alors fort utiles au
public futur. » C'est en s'abandonnant douce-
ment à ces espérances que l'abbé de Saint-Pierre
passa la plus grande partie de sa longue et heu-
reuse existence, vivant tantôt à Saint-Pierre-
Église, tantôt à Chenonceaux, où il trouvait
dans Mme Dupin une ardente prosélyte et où il
fut connu de Jean-Jacques Rousseau, sympa-
thique au noble vieillard, bien que traitant d'u-
topies quelques-unes de ses doctrines. Deux in-
tendants, M. de Tourny à Limoges et M. de
Chauvelin en Picardie, se félicitèrent d'avoir pu
appliquer dans leurs généralités le système de la
taille tarifée, dont ils le reconnaissaient comme
le père. Après avoir mérité le beau surnom de
Solliciteur pour le bien public, l'abbé de Saint-
Pierre mourut, en 1743, à l'âge de quatre-vingt-
cinq ans. Ses ouvrages mériteraient un long
commentaire. Un grand nombre de ses espé-
rances pour l'amélioration de la société et des
institutions politiques, traitées de rêves pendant
sa vie, se sont réalisées, et c'est justice que son
nom soit placé à côté de ceux dont s'honore le
plus l'humanité.
Les ouvrages de l'abbé de Saint-Pierre sont :
Le Projet de paix perpétuelle ; Utrecht, 1713,
3 vol. in- 12 ; — Discours sur le sujet des confé-
rences Jutur es de l' Académie françoise ; Paris,
1714, in-4" ; — Mémoire pour perfectionner
la police contre les duels ; Paris, 1715, in-4°;
— Mémoire pour l'établissement d'une taille
proportionnelle; Paris, 1717, in-4°, réimpr.
plusieurs fois sous le titre de Projet d'une taille
tarifée, in-4° et in- 12 ; — Discours sur la Po-
lysynodie, où l'an démontre que la pluralité
des conseils est la forme de ministère la plus
avantageuse pour un roi et son royaume;
Àmst., i718, in-4°; 1719, in- 12; — Mémoire
sur les pauvres mendiants et sur les moyens
de les faire subsister; 1724, in-8°; — Blé-
moire pour diminuer le nombre des procès ;
Paris, 1725, in-8°; — Mémoire pour augmen-
ter le revenu des bénéfices et pour faire va-
loir davantage au profit de l'État les terres
et autres fonds des bénéfices; 1725, in-8°; —
Projet pour perfectionner l éducation, avec
un discours sur la grandeur et la sainteté
des hommes; Paris, 1728, in-12; — Projet
pour perfectionner l'orthographe des langues
de l'Europe; Paris, 1730, in-8°; — Discours
sur la différence du grand homme et de
l'homme illustre, dans les Mémoires de Tré-
voux, janv. 1736; — Ouvrages de politique et
de morale; Rotterdam, 1738-1741,18 vol. in-12.
C'est un recueil composé en grande partie des
ouvrages publiés par l'auteur; — Annales po-
litiques; Londres (Paris), 1757, 2 vol. in-8°.
C. Hippeau.
Alletz, Rêves d'un homme de bien, eu vues utiles et
praticables de l'abbé de Saint-Pierre; Paris, 1775,
in-12. — Goumy, Études sur la vie et les écrits de l'abbé
de Saint-Pierre ; Paris . 1861,in-8<*. - Prévost-Paradol,
Éloge de l'abbé de Saint-Pierre, couronné par l'Aca-
84
Molinari, L'abbé de Saint-Pierre;
demie française.
Paris, 1861, in-8°.
saint-pierre (Jacques-Henri-Bernardin
de), célèbre écrivain français, né le 1 9 janvier 1 737,
au Havre, mort le 21 janvier 1814, à Éragny-sur-
Oise (Seine-et-Oise). Dès son enfance il montra le
germe des qualités qui se développèrent dans
ses écrits et des défauts qui troublèrent toute
son existence. Tendre, gracieux, déjà rêveur, il
paraissait timide, était présomptueux, inquiet et
morose. Il se plaisait à la solitude, s'attardait à
regarder le jeu des vagues , pleurait en voyant
maltraiter les animaux, et prodiguait aux plantes
du jardin qu'il cultiva dès l'âge de huit ans des
soins presque affectueux. Un jour le maître d'école
le menaça du fouet; le lendemain matin il s'é-
chappa de la ville avec son déjeuner dans son
petit panier, résolu à se faire ermite dans quel-
que bois voisin, et à vivre en compagnie des
arbres, des fleurs et des oiseaux, sans inquié-
tude pour les larmes de ses parents. C'était bien
déjà l'homme égoïste et sensible qui devait pré-
férer les charmes de la nature aux obliga-
tions de la vie sociale, dont l'imagination était
trop vive pour supporter les injustices ou la
domination, mais dont le caractère était trop
personnel pour ressentir vivement les douleurs
ou les joies de ceux qui le touchaient de plus
près. On le mit quelques années à Caen, chez
un curé qui enseignait les éléments des langues
latine et grecque. De retour à la maison pater-
nelle, le livre de Robinson Crusoé tomba entre
ses mains ; il le lut et le relut : le voilà rêvant
voyages, île déserte et aventures. Sur ces entre-
faites, son oncle Godebout, capitaine de vaisseau,
propose à ses parents de l'emmener jusqu'à la
Martinique. La permission est accordée; Ber-
nardin monte sur le navire dans des transports
de joie. La désillusion vint vite. L'enfant n'avait
pensé ni aux fatigues de la navigation ni aux
devoirs à accomplir, et lorsqu'il eut éprouvé !e
mal de mer, lorsqu'il se vit forcé de servir aux
manœuvres et de se plier aux ordres de l'oncle
Godebout, il n'aspira plus qu'à regagner le Havre.
Ainsi sera-t-il tout le temps rte sa vie, enthou-
siasmé pour l'inconnu, rebuté par les difficultés
et les devoirs. Le voyage terminé, on envoya
Bernardin continuer ses études chez les jésuites
de Caen ; ces maîtres, qui cherchaient dans leurs
disciples des prosélytes pour leurs missions, les
entretenaient souvent des peuples barbares à
convertir et du mérite qu'il y avait à leur porter
la foi; l'imagination de Bernardin s'exalta de
nouveau, et il voulut partir comme missionnaire.
Ce projet d'aller, au péril de sa vie, sauver les
âmes des Chinois et des Japonais ne plut pas à
M. de Saint-Pierre, qui rappela son fils et l'en-
voya au collège de Rouen, où il fit sa philoso-
phie et obtint le prix de mathématiques, en
1757. Il entra ensuite à l'école des ponts et
chaussées; mais au bout d'un an le ministère,
par mesure d'économie, réforma les fonds des-
85
SAINT-PIERRE
86
fines à cet établissement, et tons les élèves furent
licenciés; Bernardin demanda à être admis dans le
corps de jeunes ingénieurs qui se formait à Ver-
sailles, suivant les ordres du comte de Saint-Ger-
main. Sans avoir un brevet bien régulier, il obtint
600 livres de gratification , 100 louis d'appointe-
ment , et partit pour l'armée qui était à Dussel-
dorf. Son aptitude pour les travaux du génie lui
promettait une carrière brillante; mais sa suscep-
tibilité et sa hauteur lui créèrent de nombreuses
inimitiés : il fut suspendu de ses fonctions et ren-
voyé en France. Après avoir passé quelque temps
chez son père, qui venait decontracter un nouveau
mariage, il vit qu'il ne pourrait vivre en paix
avec sa belle-mère, et prit la route de Paris, au
commencement de mars 1760, n'ayant que six
louis pour toute fortune. Un billet gagnant de la
loterie de Saint-Sulpice doubla ces faibles res-
sources. En 1761, il fut, sur sa demande, envoyé
comme ingénieur à l'île de Malte, qui craignait une
attaque des Turcs ; la guerre n'ayant pas eu lieu,
il retourna à Paris, après avoir reçu 600 livres
pour les frais de son voyage.
Bernardin se logea rue des Maçons-Sorbonne,
et essaya de donner des leçons de mathéma-
tiques; mais il ne réussit pas à se procurer des
élèves, et se trouva bientôt réduit à la misère. Il
adressa alors au ministre de la marine un mé-
moire, dans lequel il proposait d'aller seul sur
une barque lever le plan de toutes les côtes
d'Angleterre. Ne recevant pas de réponse, il em-
prunta quelques cents francs à ses amis , et se
livra au hasard des voyages. De la Hollande,
où il resta peu de temps, quoique bien reçu par
le réfugié français Mustel, qui lui proposa de
l'attacher à la rédaction de son journal , il se
dirigea vers Saint-Pétersbourg, plein de con-
fiance dans l'accueil que l'impératrice Catherine
faisait aux étrangers. Il apprit, en arrivant, que
la cour était à Moscou, et, après avoir dépensé
le peu d'argent qui lui restait, il se voyait
dans l'impossibilité de payer son hôtesse, lors-
que le hasard le lia avec le secrétaire du maré-
chal de Munnich , gouverneur de Pétersbourg.
Le maréchal l'accueillit d'une façon bienveillante,
lui fournit les moyens de se rendre à Moscou et
lui remit une lettre de recommandation pour le
général français Dubosquet. Celui-ci prit son
compatriote sous sa protection , lui obtint une
sous-lieutenance dans le corps du génie, et le
présenta à M. de Villebois , grand maître de
l'artillerie. Bernardin avait écrit un mémoire sur
le Projet d'une Compagnie pour la décou-
verte d'un passage aux Indes par la Russie.
La tête pleine de la république de Platon , des
utopies de Télémaque et des idées généreuses
de la philosophie contemporaine, il s'était ima-
giné pouvoir fonder sous ce titre de compagnie,
près des rives orientales de la mer Caspienne,
une république où tous les hommes bons et
souffrants trouveraient un asile. M. de Ville-
bois lui ménagea une audience de l'impéra-
trice (1). Quel espoir pour Bernardin! Il entre
dans la galerie d'attente, bien résolu à parler
sans crainte et à exposer les plans d'une entreprise
qu'il croit digne d'intéresser toute la terre : la
vue des courtisans commence à l'intimider;
l'impératrice paraît, il se trouble, fléchit le ge-
nou et murmure quelques flatteries; l'impéra-
trice passe avec un sourire. Bernardin présenta
ensuite son mémoire à Orlof, qui ne s'en occupa
jamais, et la future république delà mer Caspienne
s'évanouit comme un rêve. Le général Dubosquet
emmena le législateur, fort désenchanté, dans un
voyage qu'il faisait en Finlande, afin d'examiner
les positions militaires et d'établir un système de
défense. Revenu à Pétersbourg , Bernardin ap-
prit la tentative de Radziwil pour former un
royaume de Pologne; s'enthousiasmant pour ce
jeune prince, il quitta le service de la Russie, et
se dirigea sur Varsovie. Fait prisonnier à trois
milles de cette place (1765), il fut relâché au bout
de neuf jours, et se vit libre de se battre, comme
il le désirait, pour l'indépendance d'un peuple.
Mais l'amour vint le détourner de la guerre, et
la passion que lui inspira et que partagea la prin-
cesse polonaise Marie M... occupa pendant plu-
sieurs mois son cœur et son esprit. Ce roman
finit par un billet de la princesse, qui contenait
ces mots : « Vos passions sont des fureurs que
je ne peux plus supporter... Je pars, je vais re-
joindre ma mère dans le Palatinat de X... Je ne
reviendrai ici que lorsque vous n'y serez plus. »
Bernardin quitte Varsovie plein de colère, pé-
nètre en Saxe avec la résolution de prendre du
service dans l'armée qui se préparait à com-
battre la Pologne, et entre à Dresde, le 15 juin
1765. Il y fut le héros d'une aventure roma-
nesque et tellement voluptueuse qu'on peut à
peine endonner une idée (2), et s'enfuit bientôt de
Dresde comme d'un séjour odieux. A Berlin , il
demande du service à Frédéric, ne veut pas accep-
ter les conditions qu'on lui offre, refuse aussi
un mariage fort convenable que lui proposait
un Allemand dont il avait fait la connaissance en
Russie, revient en France, et se hâte de courir au
Havre, où il arrive le 20 novembre 1766.
(1) On a dit, mais sans preuve, que M. de Villebois es-
pérait en faire un favori nouveau, et ruiner ainsi le cré-
dit d'Orlof. Bernardin était doué en effet d'une physio-
nomie capable de plaire, bien que la grâce de ses traits
fût un peu trop efféminée, si l'on en juge par le portrait
de Girodet-Trioson.
(2) Un soir, comme il reposait sur un banc de gazon *
un page lui remit un billet d'une dame qui l'invitait à la
venir voir; un équipage le mena à la porte d'un palais
qu'il ne connaissait pas. Après l'avoir guidé à travers des
appartements magnifiques, le page disparut tout à coup;
une porte s'ouvrit, et, à travers le nuage des parfums
qui brûlaient dans des cassolettes d'or, se montra, cou-
chée sur des fleurs, une femme de la plus exquise beauté.
Elle s'approcha de Pernardin , le couronna de roses et
l'enlaça dans ses bras... Le souper fut servi par une
troupe déjeunes filles légèrement vêtues; des harpes
faisaient entendre une musique pleine de tendresse...
Bernardin passa huit jours dans l'enivrement des sens
et reconduit ensuite chez lui, sans connaître le nom de
cette mystérieuse Armide , il se crut un moment le Jouet
des illusions d'un songe.
87
SAINT-PIERRE
88
Le père de Bernardin était mort; sa sœur
avait pris le voile dans un couvent de Honfleur.
Il alla à Paris, et au printemps de 1767 loua
une chambre chez le curé de Ville-d'Avray, où
il mit en ordre ses Voyages dans le Nord. Son
travail achevé, il le présenta à M. Durand, pre-
mier commis des affaires étrangères, qui ne le
lut pas et l'égara. Alors, découragé, il témoigna
au baron de Breteuil, qui l'avait reçu avec bien-
veillance à Pétersbourg, le désir de passer aux
colonies. M. de Breteuil lui fit obtenir un bre-
vet d'ingénieur pour l'Ile de France, et lui confia
que sa destination véritable était Madagascar;
qu'il était chargé de relever les murs du fort
Dauphin et de civiliser la colonie. Cette propo-
sition fut accueillie par Bernardin de Saint-
Pierre avec beaucoup de joie, et il s'embarqua
en se berçant des plus séduisantes espérances.
Mais, sur le point d'arriver, le chef de l'entre-
prise lui apprit qu'il n'avait d'autre but que
la traite des nègres; il s'en sépara aussitôt,
acheta une cabane à l'Ile de France, et prit du
service sous M. de Bcuil, ingénieur en chef.
Après un séjour de trois ans, pendant lequel il se
livra à l'étude de l'histoire naturelle et fit des
excursions à File Bourbon et au cap de Bonne-
Espérance, il revint à Paris (juin 1771), et habita
pendant quelque temps la rue Neuve - Saint -
Étienne-du-Mont.
M. de Breteuil adressa son protégé à D'Alem-
bert, qui le reçut bien et l'introduisit chez Mlle de
Lespinasse. Bernardin de Saint - Pierre visita
aussi plusieurs fois à cette époque Jean-Jacques
Rousseau dans son pauvre ménage de la rue
Plâtrière; le même penchant pour la nature, le
même dégoût du monde les attirèrent l'un vers
l'autre et changèrent bientôt leur liaison en ami-
tié. La société qui se réunissait chez Mlle de
Lespinasse ne pouvait avoir autant de charme
pour Bernardin. Ces sceptiques, qui niaient Dieu
et qui tournaient tout en raillerie, trouvant chez
lui des principes fort arrêtés et opposés aux
leurs , virent bientôt qu'il ne serait ni leur prô-
neur ni leur obligé; ils le traitèrent avec peu
d'égards, et sa susceptibilité s'éveilla sous leurs
paroles de dédain ou de pitié. Ayant vendu, en
1773, son Voyage à Vile de France, au prix
de 1,000 francs, il ne fut pas payé par le li-
lire, et le récit qu'il fit chez M"e de Lespi-
nasse de sa déconvenue étant accueilli par une
froideur qui lui sembla du sarcasme, il se retira
tout à fait de cette société. Il ne réussit pas
mieux plus tard dans le salon de Mme Necker,
o ! sa lecture du manuscrit de Paul et Virginie
endormit les assistants (1). Les déboires, les
injustices et les dédains lui causèrent une ma-
|i] « D'abord on l'écoute en silence, peu à peu l'atten-
tion se fatigue, on se parle à l'oreille, en bâille, on n'é-
coule plus; M. de Ruffon regarde sa montre, et demande
ses chevaux; le plus prés de la porte s'esquive; Thomas
s'endort ; M.Neckcr sourit en voyant pleurer les dames.
et les dames, honteuses de leurs larmes, n'osent avouer
qu'elles ont été intéressées. » (Aline Martin.)
ladie misanthropique semblable à celle de Jean-
Jacques Rousseau : il éprouvait à l'aspect des
hommes une répugnance invincible; il lui était
impossible de rester dans un appartement où il
y avait du monde; il ne pouvait pas même tra-
verser une allée de jardin public où se trouvaient
plusieurs personnes rassemblées. On lit, dans le
préambule de L'Arcadie, l'aveu qu'il fait de ce
triste état : « Des feux semblables à ceux des
éclairs, dit-il, sillonnaient ma vue. Tous les ob-
jets se présentaient à moi doubles et mouvants.
Comme Œdipe, je voyais deux soleils; mon
cœur n'était pas moins troublé que ma tête. Dans
les plus beaux jours d'été, je ne pouvais traver-
ser la Seine en bateau sans éprouver des anxiétés
intolérables, moi qui avais conservé le calme de
mon âme dans une tempête du cap de Bonne-
Espérance, sur un vaisseau frappé de la foudre.
Si je passais seulement près d'un bassin plein
d'eau, j'éprouvais des mouvements de spasme
et d'horreur. Il y avait des moments où je
croyais avoir été mordu, sans le savoir, par
quelque chien enragé. Il m'était arrivé bien pis ,
je l'avais été par la calomnie... J'allais m'asseoir
assez souvent sur les buis du fer à cheval aux
Tuileries, pourvoir des enfants se jouer sur les
gazons avec de jeunes chiens qui couraient après
eux : c'étaient là mes spectacles et mes tournois.
Leur innocence me réconciliait avec l'espèce
humaine bien mieux que l'esprit de nos drames et
que les sentences de nos philosophes. Mais à la
vue de quelque promeneur dans mon voisinage,
je me sentais tout agité, je m'éloignais ; je me
disais souvent : Je n'ai cherché qu'à bien mériter
des hommes, pourquoi est-ce que je me trouble
à leur vue? En vain j'appelais la raison à mon
secours, ma raison ne pouvait rien contre un
mal qui lui ôtait ses propres forces. » Des pro-
menades avec Jean-Jacques Rousseau faisaient
ses plus chères distractions; ils se dirigeaient en-
semble vers la campagne, dînaient au pied d'un
arbre et ne reprenaient que le soir le chemin de
la ville. La nature, la religion, l'immortalité,
étaient les objets habituels de leurs méditations.
En 1784, la publication des Études de la na-
fure mit fin à sa détresse et apaisa les tris-
tesses de son imagination. Le manuscrit de cet
ouvrage était tombé entre les mains de M. Bailiy,
prote de M. Didot jeune, qui en appréci-a le mé-
rite; M. Didot le lut à son tour, et confirmant
le jugement qui avait été porté, fit les frais rie
l'impression. Un très-grand succès accueillit
cette o'uvre; il fut dépassé par celui de Paul et
Virginie, qui parut en 1787, et dont il se fit en
un an plus de cinquante contrefaçons. En 1792,
Louis XVI confia à Bernardin de Saint Pierre
l'intendance du Jardin des Plantes et du Cabinet
d'histoire naturelle. « J'ai lu vos ouvrages, lui
dit-il; ils sont d'un honnête homme, et j'ai cru
nommer en vous un digne successeur de M. de Buf-
fon. » II ne jouit pas longtemps de celle place,
qui fut supprimée en 1793, et il vécut retiré dans
89 SAINT
sa maison de campagne d'Essonnes , jusqu'à la fin
de 1794; il fut nommé à cette époque profes-
seur de morale à l'École normale, et en 1795
membre de l'Institut ( classe de la langue et de
la littérature françaises). Convaincu de l'exis-
tence de Dieu et de l'immortalité de l'âme, il ne
sut pas opposer aux adversaires de ses idées le
calme et l'aménité qui ajoutent à la force, et
soutint d'aigres disputes contre Volney. Cabanis,
Suard et Morellet. Sous l'empire il reçut une pen-
sion de 2,000 francs et la croix delà Légion d'hon-
neur. Frappé successivement de plusieurs attaques
d'apoplexie, il ne se fit pas illusion, et reconnut,
au commencement de novembre 1813, que sa vie
allait s'éteindre; il se bâta de quitter Paris, pour
jouir à la campagne des derniers beaux jours de
l'automne, et mourut, le 21 janvier 1814, dans
le village d'Éragny, sur les bords de l'Oise. Ses
dernières paroles furent : « Je sens que je
quitte la terre, et non la vie. »
Il avait épousé, en t~92, M"e Didot, dont il
eut deux enfants, Paul, qui mourut jeune, et Vir-
ginie, qui épousa le général de Gazan. Il se re-
maria à soixante-trois ans, avec M»« de Pelle-
port, qui lui survécut et qui épousa en secondes
noces M. Aimé iMartin.
La simple esquisse de la vie de Bernardin de
Saint-Pierre fait entrevoir le désaccord qui sé-
parait son caractère dans la pratique du monde
du caractère de ses œuvres; des détails plus
circonstanciés le marqueraient encore davantage.
Problème qui mérite d'arrêter les plus graves
esprits! cet écrivain si aimant paraît, d'après des
témoins droits et sans passions , avoir été tra-
cassier et insupportable. « C'était, dit Andrieux,
un homme dur et méchant. » Il rêvait une ré-
publique idéale, une Arcadie, une Salente, dont
tous les habitants seraient unis par une mutuelle
tendresse, et il se montrait lui-même d'un
égoïsme farouche qui le rendait incapable des
devoirs de la société (1). Il voulait tous les
hommes sages, et il n'avait pas la sagesse de
supporter les événements qui contrariaient son
imagination capricieuse, d'endurer la gêne qu'a-
vait amenée sa vie aventurière; il sollicitait les
set vices d'argent et les secours avec une âpreté
attristante. Il imaginait tous les hommes bons ,
et il n'avait pas même assez de bonté pour res-
pecter les idées opposées aux siennes; il s'em-
portait contre les athées en haines violentes qui
allaient jusqu'à parler de les étrangler. Ombra-
geux par nature, il était devenu, par la suite de
sa vie, aussi irritable que méfiant. Ignoré, re-
poussé, raillé même, comme dépourvu d'esprit
(1) Il faut cependant se garder de croire toutes les
accusations portées contre lui. La plus grave de toutes
lui reproche d'avoir, au 10 août, refusé un asile dans le
Jardin des Plantes à M Terrier de Monciel. qui. comme
ministre de l'intérieur, l'avat présenté pour la place d'in-
tendant de ce jardin. Lorsque ce fait parut dans une bio-
graphie , Charles Nodier Ot savoir à l'éditeur qu'il possé-
dait une lettre par laquelle M. Terrier le démentait
complètement.
•PIERRI?
90
et de talent, jusqu'au jour où il publia son pre-
mier livre, il porta pendant quarante ans, replié
sur lui-même et changé à la longue en un poi-
son d'orgueil, le sentiment de sa propre force.
Tel nous apparaît Bernardin de Saint-Pierre
dans ses rapports avec le monde; mais qu'il se
mette à écrire, un don mystérieux le transforme.
« Il tient la plume, dit M. Sainte-Beuve, la grâce
céleste descend, la magie commence, la pre-
mière beauté de cœur a brillé. Sitôt que ce talent
se lève, c'est comme une lune qui idéalise tout...
Au dedans de lui, au dehors, un manteau lumi-
neux s'étend sur toutes choses. »
Héritier direct en littérature de La Fontaine et
de Fénelon, élève passionné de Virgile, Bernar-
din de Saint-Pierre est, avec Jean-Jacques Rous-
seau et Buffon, l'un des premiers grands peintres
de la nature; il peignit les paysages et le ciel des
tropiques avec ce sentiment profond et cette vue
large qui avaient révélé, sous la plume de Jean-
Jacques , les paysages et le ciel des Alpes. Les
Études, en y comprenant Paul et Virginie, Le
Café de Surate et La Chaumière indienne,
qu'il y introduisit, sont toute l'œuvre de Bernar-
din de Saint-Pierre; car le Voyage à ri le de
France n'est que le premier trait de ce qu'il
développera plus tard, et les Harmonies ne
sont qu'une suite de la même œuvre. Nous n'a-
vons plus à nous occuper des Éludes au point
de vue scientifique, comme on le fit en 178i,
ni à prendre parti pour ou contre les marées,
la fonte des glaces et l'allongement du pôle. Les
progrès de la physique et de la chimie ont laissé
bien loin les hypothèses. Tableaux enchanteurs,
phrases éloquentes, hymnes à la Providence va-
lent moins aujourd'hui pour démontrer les har-
monies de la nature qu'une sèche analyse; mais
au-dessus des erreurs d'une science éphémère
survit la poésie avec toute la suavité de sa gra-
cieuse mollesse,*en même temps pathétique et
pittoresque, trempée de larmes et habilement
nuancée de brillants et magiques reflets. Le CoJ'é
de auraient La Chaumière indienne sont des
satires délicates, qui unissent à la raillerie le
charme et la magnificence. Paul et Virginie
reste, qui ne le sait? le chef-d'œuvre de Bernar-
din de Saint-Pierre. Quel lettré, en le lisant, ne
s'est rappelé les plus aimables inventions des
Grecs, Daphnis et Chloé ou la Galatée de
Théocrite? Le sujet de cet ouvrage fut, selon la
remarque de Lemontey, une bonne fortune pour
son auteur; il ne risqua pas de s'y laisser en-
traîner à la politique, aux sciences exactes, à
la dialectique, parties faibles de son talent; il
unit l'instruction et le pathétique au coloris en
unissant la morale et la sensibilité à la beauté
des descriptions. « Ce qui me frappe et me con-
fond au point de vue de l'art, ajoute M. Sainte-
Beuve, c'est comme tout est court, simple, sans
un mot de trop, tournant vite au tableau en-
chanteur; c'est cette succession d'aimables et
douces pensées, vêtues chacune d'une seule
91
SAINT-PIERRE — SAINT-PRIEST
82
image comme d'un morceau de lin sans suture,
hasard heureux qui sied à ia beauté. Chaque
alinéa est bien coupé, en de justes moments,
comme une respiration légèrement inégale qui
finit par un son touchant ou dans une tiède ha-
leine... Cette nature de bananiers, d'orangers et
de jam-roses, est décrite dans son détail et sa
splendeur, mais avec sobriété encore, avec
nuances distinctes, avec composition toujours...
Bernardin de Saint-Pierre n'a pas médiocrement
agi sur les écrivains formés vers la fin du siècle...
Nous tous, nous avons été. une fois ses disciples,
ses fils; tous, nous avons été baignés, quelque
soir, de ses molles clartés, et nous retrouvons
ses fonds de tableaux embellis dans les lointains
déjà mystérieux de notre adolescence. »
Voici la liste des ouvrages de Bernardin de
Saint-Pierre et de leurs éditions : Voyage à
l'Ile de France, à l'Ile Bourbon, au cap de
Bonne- Espérance, par un officier du roi;
Amsterdam et Paris, 1773, 2 vol. in-8°; Paris,
1835, 2 vol. in-8°; — L'Arcadie; Angers, 1781,
in- 18; Paris, 1793, in-18; 1796, 2 vol. in-12;
— Études de la nature; Paris, 1784, 3 vol.
in-12; 1804, 5 vol. in-8°; 1820, 8 vol. in-18;
1825, 5 vol. in-S», pi. ; 1835, 1836, 6 vol. in-g°;
— Paul et Virginie; Paris, 1787, 1789, 1792,
in-12; 1806, in-4°; 1816, 1820, 1823, in-18;
1836, in-18, avec une notice par M. Sainte-Beuve,
des vignettes et des planches ; plusieurs autres
éditions plus ordinaires; — Vœux d'un soli-
taire; Paris, 1789, in-12; — La Chaumière
indienne; Paris, 1790,in-8°; 1791, in-12; 1822,
in-18; 1828, in-32 et in-18 (avec Le Café de Su-
rate); — Mémoire sur la nécessité de joindre
une ménagerie au Jardin national des Plan-
tes; Paris, 1792, in-12; — De la nature de la
morale, fragment d'un rapport lu à l'Institut;
Paris, 1798, in-12 ; — Voyage en Silésie; Paris,
1807, in-12; — La Mort de Socrate, drame,
précédé d'un Essai sur les journaux et suivi
d'un Discours académique ; Paris, 1808, in-18 ;
— Harmonies de la nature; Paris, 1815,
3 vol. in-8°, avec portrait; 1818, 4 vol. in-12,
avec port. Les Œuvres complètes de Bernardin
de Saint-Pierre, précédées de la Vie de l'au-
teur, ont été publiées par M. Aimé Martin ; Pa-
ris, 1818-1820, 12 vol. in-8°, 20 grav. ; 1820-21,
19 vol. in-18, 27 grav.; 1825-26 et 1830-31,
12 vol. in-8°, 14 grav.; 1835, 9 vol. in-8°.
M. Aimé* Martin a aussi édité : Œuvres post-
humes (Paris, 1833-36, 2 vol. in-8°) et Ro-
mans, contes, opuscules (Paris, 1834, 2 vol.
in-18, fig.). La plupart des ouvrages de Bernar-
din de Saint-Pierre ont été traduits en langues
étrangères; La Chaumière indienne l'a été en
grec moderne (Paris, 1825, in-18). J. Morel.
Aimé Martin , Vie de B. de Saint- Pierre , à la tête des
Œuvres complètes , et Mémoires sur la vie et les ou-
vrages de B. de Saint-Pierre ; Paris, 1826. in-8°. — Cor-
rçsp. de B. de Saint-Pierre; Paris, 1826, 3 vol. — Patin,
Eloge de V. de Saint- Pierre; Paris, 1816, in-8° —Sainte-
Beuve , Portraits littér. - Viîlemain , Littérature au
dix - huitième siècle. — Lemontey , Mélanges litté-
raires.
saint-pol. Voy. Saint-Paul.
saint-prest (Jean-Yves de), historien
français, mort le 1" janvier 1720. Il était con-
seiller au grand conseil, lorsque le marquis de
Croissy le nomma, en 1682, directeur du dépôt
des archives des affaires étrangères. Ce dépôt
n'existait, pour ainsi dire, que de nom; le zèle
persistant de Saint-Prest l'enrichit d'une belle
collection d'archives. En 1710, M. de Torcy,
mettant à exécution un projet de son père, le
marquis de Croissy, fonda l'Académie politique,
école destinée à former à la diplomatie quelques
jeunes gens choisis. Saint-Prest en fut nommé
directeur. Cette école établie au Louvre, où était
le dépôt des archives étrangères, ne compta d'a-
bord que six élèves; ce nombre fut élevé à
douze, en 1713. L'enseignement de Saint-Prest,
qui portait sur l'histoire, la géographie, les lan-
gues vivantes et le droit public, avait d« la
clarté, de la variété et de l'intérêt. Aussitôt après
sa mort, l'Académie politique déclina, et en
1725 elle cessa d'exister. Plusieurs ouvrages de
Saint-Prest, destinés à l'instruction de ses élèves,
sont restés inédits au dépôt des archives étran-
gères; on n'a imprimé de lui que Y Histoire des
traités de paix et autres négociations du
dix-septième siècle, depuis la paix de Ver-
vins jusqu'à celle de Nimègue, où l'on donne
l'origine des prétentions de toutes les puis-
sances de l'Europe; Amst., 1725, 2 vol. infol.
Il était secrétaire des commandements de Marie-
Françoise de Bourbon, duchesse d'Orléans.
Ohaudon, Dict. hist. univ.
saint-priest ( Françoi s- Emmanuel Gui-
gnard, comte de), homme d'État français, né à
Grenoble, le 12 mars 1735, mort à la terre de
Saint-Priest, près de Lyon, le 26 février 1821.
Sa famille, originaire d'Alsace, possédait depuis
longtemps dans le Dauphiné la vicomte dont elle
portait le nom; son père, Jean-Emmanuel ,
conseiller d'État et intendant du Languedoc, avait
des protecteurs puissants dans la maison de
Tencin, à laquelle il était allié. Lé bailli de Ten-
cin fit recevoir François-Emmanuel chevalier
de Malte dès l'âge de quatre ans , et après l'a-
voir mis, en 1750, dans les mousquetaires gris,
pour qu'il y apprît le métier des armes, l'em-
mena, en février 1753, à Malte, où il commença
ses caravanes; elles se bornèrent à quelques
croisières sur les côtes de Sicile , de Sardaigne,
d'Espagne, de Barbarie, et furent achevées à la
fin de 1754. Saint-Priest revint alors en France,
et, au mois de mars 1755, il reprit son service
dans la maison du roi. Sa première eampagne
eut lieu sous le maréchal de Broglie, en Alle-
magne; il s'y distingua comme aide maréchal
des logis, fut nommé colonel, et passa dans
l'armée de Portugal, sous le prince de Beauvau.
La paix signée, il revint à Paris (mars 1763),
et tourna ses vues vers la carrière diplomatique :
93 SAINT
le 1er novembre suivant il partit pour Lisbonne,
en qualité de ministre plénipotentiaire. Sans
avoir à traiter d'affaire importante, il occupa ce
poste à la satisfaction de la cour, et fut envoyé,
en 1768, ambassadeur à Constantinople à la
place de M. de Vergennes. La Porte soutenait
alors contre la Russie une guerre, dont les autres
États de l'Europe ne cherchaient pas à précipiter
la solution , et le rôle de la diplomatie se bor-
nait à des semblants de menaces ou à des pro-
messes aussitôt retirées qu'avancées'; l'affabilité
de Saint-Priest jointe à son extérieur imposant
l'aida dans les difficultés de cette situation. En
octobre 1776 il regagna la France pour exposer
l'état des affaires aux ministres et pour en rece-
voir des instructions nouvelles ; il mena en même
temps dans sa famille la femme qu'il avait épou-
sée à Constantinople, et qui était fille du comte
de Ludolf, ministre de Naples près de la Porte.
En 1778, il retourna en Turquie, concourut eu
traité d'Aïnali-Cavac, en vertu duquel la Russie
prit possession de la Crimée (21 mars 1779),
et ne revit la France que le 1er janvier 1785.
Une nouvelle ambassade lui fut confiée en Hol-
lande, le Ie»" septembre 1787; il n'y resta que
quelques mois, et, en décembre 1788, il entra
au conseil, avec le titre de ministre d'État sans
portefeuille. On venait de clore la deuxième
assemblée des notables et de convoquer les états
généraux. M. de Saint-Priest , qui partageait
les idées de Necker, partagea aussi sa fortune ;
il fut renvoyé avec lui, le 12 juillet 1789, re-
vint avec lui aux affaires, après la prise de la
Bastille, et remplaça M. de Villedeuil comme
secrétaire d'État de la maison du roi, et fut bien-
tôt nommé ministre de l'intérieur. Pressé entre
les rancunes des partisans du pouvoir absolu et
les exigences enthousiastes des révolutionnaires,
ce parti des monarchistes modérés et constitu-
tionnels, auquel se rattachait Saint-Priest, ne
pouvait occuper le pouvoir que pendant une pé-
riode bien courte de transition; les attaques ne
cessèrent de le harceler. Saint-Priest en parti-
culier encourut toutes les menaces de l'im-
popularité. On l'accusa d'avoir, dans les jour-
nées des 5 et 6 octobre , donné au roi le con-
seil de repousser la force par la force; le 10,
Mirabeau le dénonça à l'Assemblée, pour avoir
répondu aux femmes qui demandaient du pain :
« Vous n'en manquiez pas quand vous n'aviez
qu'un roi ; allez en demander à vos douze cents
souverains. » Saint-Priest écrivit le jour même
à l'Assemblée une lettre dans laquelle il démen-
tait les paroles qui lui étaient attribuées; mais
son nom resta aux yeux du peuple synonyme
de violence, et aux yeux des députés synonyme
d'hostilité intraitable. Ses' actes, ses discours
furent donc incriminés sans relâche ; il fit cepen-
dant tête à ses adversaires toute une année, et
ne se retira qu'à la fin de décembre 1790,
lorsque l'Assemblée eut annulé un des arrêts
qu'il avait contresignés. Presque aussitôt il émi-
PRIEST <J4
| gra, et se rendit, en mai 1791, à Stockholm, où
j son beau-frère, M. de Ludolf, représentait la
j cour de Vienne. Tous ses efforts tendirent alors
à obtenir des souverains étrangers des secours
| pour les Bourbons; après avoir agi auprès du
roi de Suède, il alla solliciter la Russie, la Prusse,
l'Autriche, la Saxe et le Danemark. En 1795,
Louis XVIII l'appela à Vérone, ou il avait formé
un ministère, et lui donna le titre de ministre
de sa maison. Saint-Priest suivit son maître à
Biankenbourg et à Mittau. Vers la fin de 1808, il
alla vivre en Suisse, auprès d'une de ses filles.
Ayant vainement sollicité la permission de ren-
trer en France, et forcé, en 1811, par un ordre
du gouvernement helvétique de quitter le terri-
toire de la république , il se retira à Vienne.
Rentré à Paris (11 août 1814), il eut le grade
de lieutenant général. Il passa, sans être inquiété,
les cent-jours à Évreux, et à la seconde res-
tauration fut nommé pair de France (17 août
1815). Son grand âge et une surdité presque
complète l'empêchèrent de prendre part aux
travaux de la chambre; il se retira dans sa terre
près de Lyon, où il mourut, plus qu'octogénaire.
D'une taille élevée, d'une figure expressive,
Saint-Priest commandait le respect ; sa fermeté
et sa résolution , la dignité de ses manières, ne
l'empêchaient pas d'être bon et d'un commerce
agréable ; il conversait avec esprit et parlait plu-
sieurs langues. Nous avons de lui un écrit inti-
tulé : Examen des assemblées provinciales ;
Paris, 1787, in-8°. Il a, dit-on, laissé des Mé-
moires manuscrits. On assure aussi que, lors de
son ambassade à Constantinople, il rédigea et
envoya au ministère le plan d'une expédition en
Egypte, plan qui n'aurait pas été inutile au Di-
rectoire et au général Bonaparte.
Il laissa trois fils, Guillaume, Armand et
Louis, qui entrèrent au service de la Russie
(voy. les articles ci-après).
De Sèze , dans le Moniteur du 14 juin 1821. — Mabul,
Annuaire nécrolog., 1821. — Barante (de), Études hist.
et bioqr., II, 163-301.
saint-priest ( Guillaume - Emmanuel
Guignard, comte de), général, fils aîné du pré-
cédent, né à Constantinople, le 6 mai 1776,
mort à Laon, le 29 mars 1814. Élevé à Paris
et destiné à l'état militaire, il émigra avec son
père (1791), et, dès l'âge de seize ans commença
ses premières armes contre la France, dans l'ar-
mée de Condé (1792). 11 prit ensuite du service
en Russie , et fut officier dans le régiment des
cadets d'artillerie. En 1799, il se rendit à Mittau,
et nommé aide de camp du duc d'Angoulême, il
retourna à l'armée de Condé. Après la campagne
de 1800, il alla de nouveau en Russie, où l'em-
pereur Alexandre, qui l'avait pris en affection ,
le nomma colonel du régiment de Sameneiowski.
Il se distingua à Austerlitz, perdit une jambe
dans la campagne de 1806, et au retour de la
guerre contre la Turquie reçut le grade de gé-
néral major (1810). Il combattit encore les
95 SAIiNT-PRlEST
Français à la Moskowa, à Lutzen et à Leipzig,
entra en France à la suite de Blucher, et occupa
Reims (12 mars 1814), Forcé par le retour de
Napoléon d'évacuer cette ville, il fut atteint^ dans
la retraite, par un obus, et mourut à Laon, où
on l'avait transporté.
Jay, Jouy, etc., Biogr. nouv. dès contemp. — «abbe,
Biogr. univ. des contemp.
saint - priest ( Armand - Emmanuel-
Charles Guignard, comte de), frère puîné du
précédent, né à Constantinople, le 29 septembre
1782, mort à Paris, le 15 juin 1863. Attaché au
service de la Russie, il était depuis 1812 gou-
verneur civil d'Odessa et de la province de Po-
dolie, conseiller d'État d'Alexandre Ier, lorsque la
mort de son père le lit entrer à la chambre des
pairs, où il fut admis le 28 juin 1822. En 1804, il
avait épousé la princesse Sophie Galitzin , et
resta veuf en 1814 avec un fils, Alexis (voy. ci-
après) et une fille, Olga, née en 1807 et mariée
en 1847 au prince Basile Dolgoroulu.
Ccurcelles, Dict. des pairs de France, VII.
saint-priest (Alexis Guignard, comte de),
historien français, né le23 avril 1805,àSaint-Pé-
tersbourg,'mort le 29 septembre 1851, à Moscou.
Jl était fils d'Armand de Saint-Priest et de la
princesse Sophie Galitzin. Il reçut dans le col-
lège d'Odessa, placé sous la direction de l'ahbé
Nicolle, une éducation toute française. La raee
eut sur lui plus d'influence que le sol : élevé au
milieu delà barbarie, il appartint dès le premier
jour à la civilisation et aux instincts les plus
raffinés du dernier siècle. A dix-sept ans il re-
joignit à Paris son père, qui venait d'être ap-
pelé à la chambre des pairs, et presque aussitôt
il fournit aux Chefs-d'œuvre des Théâtres
étrangers le volume du théâtre russe, avec no-
tices et préfaces. « Ce qui le faisait surtout re-
marquer, dit M. de Barante, parmi les hommes
de la génération et dans la société parisienne, où
il se trouvait tout à coup transporté, c'était le
goût, le culte de l'esprit, le désir de plaire et de
réussir par la conversation. Ce jeune homme,
arrivant des bords de la mer Noire, avait plus
que ses contemporains le ton et les habitudes
des salons que nos révolutions avaient fermés ou
changés. «Il voyagea en Italie, puis en Espagne,
et fit imprimer dans la Revue française une
lettre sur l'état de la péninsule en 182J. On ne
le vit point se mêler aux luttes des opinions; sa
vocation littéraire, ses relations avec des écri-
vains distingués et la tournure de son esprit
l'inclinaient du côté libéral. Aussi prit-il en
bonne part la révolution de 1830. Une affection
véritable le liait au nouvel héritier du trône, et
il reçut dans la famille d'Orléans un accueil en-
courageant ; il songea à entrer dans la diplomatie.
Après avoir débuté comme ministre au Brésil
(janvier 1833), il remplit le même poste en
Portugal (1835) et en Danemark (1838). Rap-
pelé pour être nommé pair de France (25 (hc.
1341), il ne se mêla point aux discussions poli-
96
tiques, et suivit son goût pour les lettres sans
songer à s'en détourner. Ses travaux historiques
lui ouvrirent les portes de l'Académie française :
élu le 18 janvier 1849, à la place de M. Vatout,
il ne fut reçu qu'un an plus tard, le 17 janvier
1850. Ayant à louer Ballanche et Yalout à la
fois, ses deux prédécesseurs, il insista avec goût
sur ce rapprochement que le hasard amenait
et que l'art eût évité. Depuis longtemps il
avait le projet de faire un voyage en Russie, où
son père était revenu se fixer; il s'y rendit en
juillet 1351, et deux mois après il succombait
aux atteintes d'une fièvre typhoïde, à l'âge de
quarante-six ans. De son mariage avec MUe de la
Guiche (1827), il a laissé deux filles mariées,
l'une à M. de Ciermont-Tonnevre, l'autre à
M. d'Harcourt. On a d'Alexis de Saint-Priest :
Les Ruines françaises, suivies dti Voyageur à
lu Trappe, essais poétiques; Paris, 1823,
in-3° de 24 p.; — Athénais , ou le Souvenir
d'une femme; comédie en un acte, en prose;
Paris, 1826, in-8°; — Le Présent et te Passé,
épitre; Paris, 1828, in-8°; — L 'Espagne, frag-
ment de voyage; Paris, 1.830, in-8° : — His-
toire de la royauté considérée dans ses ori-
gines jusqu'à la formation des principales
monarchies de l'Europe; Paris, 1842, 2 vol.
in-8°. Après avoir reconnu dans l'antique Orient
la première notion delà royauté, complètement
ignorée des Grecs et des Romains dans le sens
moderne attaché à ce mot, l'auteur ne la retrouve
telle qu'il la définit que chez les peuples ger-
mains, et il suit les vicissitudes qu'elle a subies
depuis l'invasion des barbares jusqu'à la pé-
riode féodale : on trouve dans ce livre beau-
coup d'érudition et de sagacité; tel qu'il est,
avec l'exubérance du style, la disproportion du
plan et des détails, la hardiesse parfois légère
des assertions, il est peut-être l'œuvre la plus
remarquable de Saint-Priest; — Histoire de la
chute des Jésuites, au dix-huitième siècle;
Paris, 1844, m-8°; réimpr. dans la même année,
in-18, avec des corrections et des pièces justi-
ficatives. Au moment où il parut , ce travail eut
tout le mérite de l'à-propos, et il obtint un très-
grand succès. L'auteur y apporta un soin mi-
nutieux en même temps qu'une impartialité par-
faite; au lieu de voir dans la suppression de
l'ordre une œuvre delà philosophie du dix -hui-
tième siècle, il expliqua comment tout s'était
passé dans ia région politique , et montra com-
ment les jésuites témoignèrent dans ce long
conflit peu d'habileté et peu de connaissance
des hommes et des affaires; — La Perte de
l'Inde sous Louis XV, dans la Revue des
deux inondes du 1er mai 1845; — Histoire
de la conquête de Naplespar Charles d'An-
jou, frère de saint Louis; Paris, 1847-48,
4 vol. in-8°. « La composition de son ouvrage ,
rapporte 1M. de Barante, son unité, l'ait du
récit, l'enchaînement des faits, la peinture des
mœurs de ce siècle, l'exposé de la situation des
97 SA1NT-PRIEST
grands États européens, le caractère des princi-
paux personnages, la diversité des armées et
des peuples qui se heurtaient les uns contre les
autres, tels sont les mérites de es livre; » —
Un vio t sur le 24 février, dans la Revue des
deux mondes du 1er juin 1849. M. de Saint-
Priest travaillait à une Vie de Voltaire quand
la mort l'a surpris.
Albert de Broglle. Études morales et littèr., p. 3SS-
367. - Barantc (De), Études hisi. et biogr., I, M9-462. —
llerrye:-, Oise, de récept. à VAcad. fr., 1852.
* sAiXT-rstiEST ( Emmanuel- Louis- Marie
GuiGiunD , vicomte de), général et diplomate
fiançais, né à Paris, le 6 décembre 1789. Troi-
sième fils du ministre de Louis XVI ( voy. ci-
dessus ), il fut tenu sur les fonts baptismaux par
ce prince et par Marie-Antoinette. A l'exemple
de ses deux frères, il entra au service de la
Russie, et se trouva à la bataille d'Austerlitz
comme simple sous-officier dans les chasseurs
de la garde impériale russe, Blessé grièvement
au combat de Gulstadt(1807) et à Lutzen (1813),
il avança rapidement et venait d'être nommé
colonel (1814) lorsque des partisans français le
firent prisonnier en Champagne, au moment où
il cherchait à rejoindre le huitième corps d'armée,
commande par son frère aîné; il aurait été fu-
sillé si l'ordre de Napoléon n'eût été intercepté
paries Cosaques, ordre dont le duc de Feltre
ajourna la réexpédition. Après la restauration, le
duc d'Angoulême l'attacha à sa personne, et
l'envoya, en mars 1815, de Bordeaux à Sisteron,
pour soulever le Dauphiné et le midi ; unis en
apprenant la capitulation de la Palud, M. de
Saint-Priesl licencia ce qui lui restait de troupes,
et s'embarqua à Marseille pour rejoindre le
prince en Espagne. Pris par un corsaire tu-
nisien, il subit une captivité de plusieurs se-
maines, et arriva ensuite à Barcelone assez a
temps pour franchir la frontière avec le prince
et quelques centaines Ai volontaires royalistes
organisés par le duc d'Escars. Nommé maréchal de
camp (9 avril 1 8 1 5),il reçut en outre de Louis XVilI
les charges de premier éouyer tranchant, de porte-
cornette blanche , de gentilhomme d'honneur et
de menin du duc d'Angoulême; et bien qu'on
l'accusât de libéralisme, il eut là mission d'ins-
pecter plusieurs fois l'infanterie. Commandant
d'une brigade de l'armée de Catalogne en 1823,
il fut chargé de poursuivre Mina qu'il atteignit
le 14 juin dans la Cerdagne, où il lui fit sept
cents prisonniers. Ce fait d'armes lui valut le
grade de lieutenant général (23 juin). Après la
reddition de Cadix, il revint en France, et fut
nommé, en novembre 1875, ambassadeur à Ber-
lin, d'où il passa, en 1827, à la cour de Madrid.
C'est lui qui, l'année suivante, négocia le traité
en vertu duquel l'Espagne s'engageait à verser
annuellement à la France une somme de 4 mil-
lions jusqu'à l'entière extinction de sa dette,
montant à SO millions de francs. A la suite de
ce traité, Ferdinand VJI lui conféra la graud'-
NOUV. EiOCSî. CÉMSR. — T. XL1H.
- SAIINT-RÉAL 98
croix de Charles III (janvier 1829). M. deSaiut-
Priest protesta, en mars 1830, contre la décision
du ioi Ferdinand qui changeait l'ordre de suc-
cession au trône d'Espagne ; mais cette protesta-
lion, par suite de la révolution qui éclata en
France, n'amena aucun résultat. Démission-
naire le 9 août 1830, il reçut du roi Ferdinand
la grandesse et le titre de duc d'Almazan (30 sep-
tembre 1830). En quittant l'Espagne (mars 1831),
M. de Saint-Priest se rendit en Italie, et revit
pour la première fois à Naples la duchesse de
Berri, auprès de laquelle il passa l'hiver à Massa.
Au printemps de 1832, il fréta le Carlo Al-
berto, qui amena cette princesse en Provence
avec quelques-uns de ses compagnons. Arrêté à
la Ciotaf. avec une partie de l'équipage de ce bâ-
timent, il protesta contre le droit des gens violé
eu sa personne, et obtint gain de cause devant la
cour royale d'Aix, dont l'arrêt fut cependant an-
nulé par la cour de cassation ; après un procès
qui eut. un grand retentissement, il fut rendu à
la liberté, le 15 mars 1833, par un arrêt de la
cour d'assises de Montbrison , devant laquelle il
avait été renvoyé. Sa détention avait duré dix
mois. Il alla rejoindre alors à Livourne la du-
chesse de Berri, qu'il accompagna en Autriche au-
près de Charles X, et sur ses démarches la cour
de Vienne mit à la disposition de cette princesse
d'abord la résidence de Graetz, puis celle de Bran-
deis, à trois lieues de Prague. De retour à Paris, il
y vécut dans une retraite absolue,considéré comme
l'un des chefs du parti légitimiste, mais après la
révolution de février 1848 11 entreprit une cor-
respondance active avec le comte de Chambord.
Élu en mai 1849 représentant de l'Hérault à l'As-
semblée législative, il fui de nouveau rendu à la
vie privée par le coup d'État du 2 décembre.
Il est veuf d'Auguste-Charlotte-Louise de Ca-
l'aman, qu'il avait épousée le 28 octobre 1817.
Sarrut et Saint-Edroe, Biogr. des hommes du jour,
l. V- — Vapereau, Dictionnaire universel des contemp.
— courcelles, Dict. Iiist. des pairs de France, î. Vil.
SAIXT-RÉ.VL (César Vichard de), historien
français, né à Chambéry, en 1639, mort dans
cette ville, à la fin de 1692. Issu d'une famille
de Savoie distinguée dans la magistrature, il
prit le nom de la terre de Saint-Réal, qui appar-
tenait à son père, sénateur de Chambéry. A seize
ans il vint compléter à Paris ses études, chez les
Jésuites. Afin de se soustraire plus facilement
aux distractions du monde, il adopta l'habit ecclé-
siastique ; il se laissa donner le titre d'abbé, sans
posséder jamais un seul bénéfice. Livré à lui-
même il n'eut peut-être été qu'un savant exi'.cî
et sagace; ce fut la rencontre de Varillas, alors
à l'apogée de sa réputation, qui fit de lui un his-
torien brillant, mais romanesque. 11 contracta
à son école l'habitude d'embellir l'histoire,
d'être peu scrupuleux sui les anecdotes, et de
chercher dans la fécondité de son imagination
des ressources contre la stérilité des événements.
Les deux écrivains ne demeurèrent pas long-
99
SAIJNT-RÉAL
100
temps en bonne intelligence. Varillas prétendit
que son disciple lui avait dérobé certains docu-
ments précieux. Celui-ci ne daigna pas répondre,
soit par un reste de reconnaissance pour son
maître , soit par respect pour lui-même. Mais
dès lors il se méfia autant des amitiés littéraires
que des conversations de la société, où il ne trou-
vait, disait-il, qu'un vain et tumultueux babil.
Les premiers fruits de cette laborieuse solitude
furent les discours sur Y Usage de V histoire
(Paris, 1G71, in-12). Ces discours sont au
nombre de sept : ils sont précédés d'une intro-
duction. C'est en quelque sorte la philosophie
de l'histoire anecdotique, ou, si l'on veut, un traité
sur la méthode de rendre l'histoire plus agréable
qu'on n'avait fait jusqu'alors, et, selon lui, le vrai
moyen c'est de ne pas oublier les rapports de
cet art avec la morale. En 1673 il mettait ses
préceptes en pratique dans la nouvelle histo-
rique de Don Carlos (Amst. [Paris], in-12),
un des livres qui apprirent aux écrivains quelle
fortune peut faire chez nous un récit sobre , pa-
thétique, où il y a plus d'action que de descrip-
tion et autant de passion que d'art. Schiller n'a
eu qu'à se baisser pour tirer de ce dramatique
récit son Don Carlos, et certains critiques
trouvent et prouvent que le poète allemand a
été moins heureux que Saint-Réai, car plus que
lui il a disséminé son pathétique au lieu de le
concentrer sur le malheureux infant d'Espagne.
La Conjuration de Venise parut en 1674 (1).
C'est un modèle de narration sinon de véracité,
et l'on peut dire que jamais Salluste n'avait
rencontré un imitateur aussi exercé que Saint-
Kéal. Les portraits historiques à la façon de
Retz y abondent : celui du marquis de Bedmar
est resté comme un type qui serait classique
si le faux pouvait arriver à une vie complète.
L'action n'est pas moins bien composée que le
caractère des acteurs ; la rhétorique y est pres-
que simple. On se lasse vite des attitudes hé-
roïques de Renault, des monologues de Jaffier;
on pense à tous ces drames qui viennent de son
livre depuis l'œuvre shakespearienne d'Otway
jusqu'à la pauvre tragédie de La Place, jouée en
t746, et malgré soi on devient un peu sévère à
celui qui nous a valu cette kyrielle de dé-
clamations sonores. Aujourd'hui que Ranke a
éclairci ce fait si longtemps obscur, on trouve
que Saint-Réal aurait pu mieux appliquer son
esprit qu'à un événement d'une portée aussi
peu sérieuse que le projet du corsaire français
Jacques Pierre conspirant de compte à demi
avec le duc d'Ossuna pour tenter un coup de
main contre Venise-
Chargé par Charles - Emmanuel II d'écrire
l'histoire de son aïeul, Charles-Emmanuel le,
(1) Le titre exact est : Conjuration des Espagnols
contre la république de fenise; Paris, 167», !n-12. Peu
d'ouvrages ont eu autant de vogue que ce roman histo-
rique, qui restera le chef-d'œuvre de Saint-Réal, et il ea
a été fait jusqu'à nos Jours une soixantaine de réimpres-
sions.
Saint-Réal quitta Paris et retourna à Chambéry
en 1G7 ■■, pour se mettre à l'œuvre. Est-ce la
nécessité de voiler bien des côtés de la vie de
son héros qui le dégoûta de ce travail ? Toujours
est-i! qu'il n'en est rien resté; et il n'est même
pas bien prouvé qu'il l'ait jamais commencé. A
Chambéry sa vie était studieuse et cachée comme
à Paris, quand la belle Hortense Mancini, du-
chesse de Mazario,qui courait l'Europe comme
une infante persécutée pour se dérober aux folies
de son ridicule époux, se mit en tête d'arracher
le savant à ses livres. Il devint le familier, l'ami,
le lecteur de la duchesse. « Il avait l'honneur
de l'entretenir tous les jours, dit Desmaizeaux,
et de lui lire les meilleurs livres français et ita-
liens. » On a conclu de cette intimité, un peu
trop à la légère, qu'il était l'auteur des Mémoires
de Mme. d.e Ma%arin, dontonagrossi ses œuvres
dans quelques éditions. Sous le charme de la
duchesse, il dérogea à ses habitudes au point de
la suivre à la lin de 1675 en Angleterre; mais il
se lassa soit du pays, soit de la vie qu'il fallait
mener à la petite cour de Mme de Mazarin ; et il
quitta Londres au bout de quelques mois. De
retour à Paris, il travailla à cette Vie de Jésus-
Christ (Paris, 1678, ia-4°) dont la dédicace à
Louis XIV commence ainsi : « Sire, voici le seul
modèle qu'il reste à vous proposer. »
Bientôt après il retourna en Savoie, fit quel-
que séjour à Turin , fut associé à l'Académie de
cette ville, et consacra son discours de remer-
cîment au panégyrique de la fondatrice, la veuve
de Charles-Emmanuel II. De retour à Paris, où
l'appelèrent des missions délicates qu'il eut à
remplir au nom de la cour de Savoie près du
duc d'Orléans, l'historien diplomate y publia:
Éclaircissement sur le discours de Zachée
à Jésus-Christ (Paris, 1682, in-12) ; Césarion
(1684, in-12), choix d'entretiens où l'esprit assai-
sonne agréablement une érudition étendue; le
faible Discours sur la Valeur (1688, in-12),
adressé à l'électeur de Bavière, qui au siège de Bel-
grade avait montré la témérité d'un soldat ; et le
traité De la Critique (1691, in-12), dirigé contre
Andry de Boisregard, auteur de Réflexions sur
la langue française. Ce dernier est le plus
médiocre des ouvrages de Saint-Réal ; il y fait
preuve d'un esprit étroit, et ne paraît pas com-
prendre les droits de la critique, puisqu'elle
n'est licite, selon lui, qu'à l'égard des morts (1).
Quelques-unes de ses remarques grammaticales
sont curieuses pour l'histoire de la langue. Ses
derniers travaux passèrent presque inaperçus.
Sa traduction des deux premiers livres des lettres
de Cicéron à Atticus ne devait pas, malgré un
(1) « On doit 'regarder la critique comme ces remèdes
délicats que la médecine compose des drogues les plus
venimeuses et dont quelque poison est la bise, pour par-
ler en termes de l'art. » [De la Critique, introd. ) Voir
au ch. xv le morceau qui commence par ces mots :
<i Louer tous les auteurs en face, mais jamais en présence
i'nn de l'autre; approuver par un geste ou par un sou-
rire le mal qu'ils disent des absents »; etc.
101 SAINT-RÉAL -
fidélité assez rare à cette époque, le soustraire
aux critiques sévères des amis de Port-Royal, qui
lui reprochèrent avec quelque raison un style
lourd, embarrassé, et des familiarités comme
celle-ci : Ma Tulliette pour traduire Meam
Tulliolam.
L'année d'après il mourait à Chambéry, en
1692, à cinquante-trois ans, assez à temps pour
ne pas voir les récits historiques de Vertot faire
concurrence aux siens, ce qui eût été le plus
rude des supplices pour cet amour-propre irri-
table à l'excès. Aussitôt qu'il fut mort, le public
demanda du Saint-Réal comme il allait demander
du Saint -Évremond. De là tant de morceaux
insérés parmi ses œuvres et qui ne sont pas de
lui, quoiqu'on y ait parfaitement attrapé sa ma-
nière, où il y a plus d'art que de naturel, plus
d'effort que de chaleur. Ainsi il faut restituer à
leurs véritables auteurs les ouvrages que Saint-
Réal n'a pas écrits : à Villefore, la Vie d'Octa-
vie; à Richard Simon, la Lettre contre la tra-
duction de l' Histoire du concile de Trente;
au marquis de La Bastie, les Fragments sur
Lépide et sur Auguste, les Considérations
sur Antoine, Luctillus et Livie, les Traités
de Philosophie, de Politique et de Morale,
les Maximes, la Conjuration des Gracques ,
les Affaires de Marias et de Sylla (1), etc. ; à
l'abbé Desfontaines deux discours trad. de Xéno-
phon, enfin à des auteurs inconnus, la Méthode
pour combattre les déistes, les Remarques
sur les Esséniens, Épicharis, etc. Voilà com-
ment l'abbé Perau put arriver à remplir les
8 vol. in- 12 de son édition de Saint-Réal (Paris,
1757) ; celle qui avait paru à Amsterdam (1740),
la plus estimée de toutes, n'en avait que six ;
elle fut reproduite à Paris en t745, 3 vol. in-4°,
fig. On a fait un recueil des Œuvres choisies,
réimprimé par divers auteurs : en 1783, 4 vol.
in-24; en 1804, 2 vol. in-12; en 1819, in-8°, et
en 1826, 2 vol. in-32. F. Colincamp.
Bayle, Dict. et Corresp. — Niceron, Mémoires, II. —
Moréri, Grand Dict. kist. — Journal des savants, 1731.
— Marchand, Dict, II. — La Harpe, Cours de littér. —
Voltaire, Siècle de Louis XIV. — Grillet, Dict. hist. des
dép. du Mont-Blanc et du Léman. — F. di Baroio, Me-
morie spettanti alla vita di Saint-Réal ; Turin, 1783,
in-8°. — Sayous, Hist. de la littér. fr. à l'étranger.
saint-romuald (Pierre de). Voy. Guille-
BAUD.
SAINT-SAUVEUR. Voy. GRASSET.
SAINT SILVESTKE (JUSte-LoUtS IrtJ FAUR,
marquis de), général français, né le 9 janvier
1627, à Paris, mort le 6 février 1719, à Valence,
en Dauphiné. Issu d'une ancienne famille du
Vivarais, il embrassa la carrière des armes, et
obtint, en sortant des pages de Louis XIII, une
compagnie de chevau- légers, à la tête de la-
quelle il signala sa bravoure en plusieurs ren-
contres; dans une seule journée, il reçut sept
(1) Tousses opuscules forment un recueil de préten-
dues Œuvres posthumes de Saint-Réal; Paris. Barbin,
1693, 3 vol. in-18.
SA1JNT-SIMOIN
12
blessures avant d'être mis bors de combat. Il
prit part en 1609 à l'expédition de Candie, et
en 1672 il devint mestre de cavalerie d'un régi-
ment de son nom. De l'armée de Flandre il passa
dans celle d'Italie en qualité de maréchal de camp
(1690), contribua au gain de la bataille de Staf*
farde ainsi qu'à la prise de Carmagnole, et eut,
en récompense de ses services, une pension de
4,000 livres (1691), puis le grade de lieutenant
général (1692). Envoyé en Catalogne, il assista
à la prise de Roses (1693); mais il ne réussit
pas à s'accorder avec le maréchal deNoailles, et
ce dernier se plaint dans ses Mémoires « qu'il
désespérait de tout, exposait infidèlement l'état
des choses, et qu'il ne faisait point de cas des
conseils , des avis ni des ordres. » En juin
1695, on rappela Saint-Silvestre, qui se retira à
Valence.
Saint- Silvestre (Charles - François do
Faur, marquis de), descendant du précédent,
né le 1er octobre 1752, au château de Satilleu
(Vivarais), où il est mort, le 1er novembre 1818.
Député de la noblesse de sa province aux états
généraux de 1789, il y siégea sous le nom de
marquis de Satilleu , et vota avec le côté droit.
Il n'émigrar point, et passa le reste de sa vie dans
le Vivarais, occupé d'études historiques. Ses ou-
vrages , tous manuscrits et au uombre de cin-
quante-huit, ont passé entre les mains d'un re-
jeton de sa famille, qui appartient à une brandie
établie dans les Pays-Bas.
Saint- Allais, Le Nobiliaire universel.
SAiMT-sïMON.nom d'une ancienne seigneurie
du Vermandois (aujourd'hui chef-lieu de canton
du dép. de l'Aisne), qui fut érigée en 1635 en
duché pairie. Les anciens sires de Saint-Simon
avaient eu des prétentions sur le Vermandois et
le Valois; leur dernière héritière fut Margue-
rite, qui, vers 1332, apporta en mariage la terre
de Saint-Simon à Matthieu de Rouvroi, dit le
Borgne, d'une famille du Beauvoisis. Cette mai-
son se divisait au dix- septième siècle en cinq
branches, dont les principales étaient celles des
comtes et des ducs de Saint-Simon, et des mar-
quis de Sandricourt. Il n'en existe plus aujour-
d'hui que les deux branches de Montbleru et de
Sandricourt : la première, où s'est renouvelé
le titre ducal, a pour chef Henri- Jean-Victor,
général et sénateur (voy. plus bas), et la seconde
est représentée par Robert-Louis- Adolphe, ca-
pitaine de vaisseau dans la marine de l'État.
Moréri, Dict. hist- — Nobiliaire universel.
saint-simon (Gilles deRouvroi, sire de),
fondateur de la branche des ducs de Saint-Si-
mon, mort vers 1478. C'était le second fils de
Matthieu II de Rouvroi, tué en 1415 dans la
journéed'Azincourt. Élevé auprès de Charles VII,
il se signala dans les campagnes contre les An-
glais, notamment à la bataille de Verneuil,
Chambellan du roi en 1424, il le fut aussi du
connétable de Richemont, qu'il accompagna dans
toutes ses expéditions militaires. Après avoir
4.
103
SAINT-SIMON
!C4
assisté à l'entrée du roi dans Paris, il se trouva
aux sièges de Meaux, de Creil et de Pontoise,
et servit aussi dans le recouvrement des places
de Normandie; au combat de Formigny (1450),
il commandait les gendarmes et les archers.
Louis XI l'établit en 1465 l'un des seigneurs pour
la garde et la sûreté de Paris. Gilles fit son tes-
tament le 20 septembre 1477 et y ajouta un co-
dicille le 7 décembre suivant. Il fut enterré dans
la cathédrale de Sentis.
Moréri, Dict. hist. — Vallet ( de Virlville ), Hist. de
Charles FIL
saint-simon (CZawde de Rouvroi, duc de),
lieutenant général, descendant du précédent, né
le 16 août 1607, mort le 3 mai 1693, à Paris. Il
était fils de Louis, mort en 1643, qui en fidèle
royaliste avait suivi toutes les guerres de Hen-
ri IV. Page de Louis XIII, il sut gagner la fa-
veur du roi, qui lui donna plusieurs charges
considérables , comme celles de grand louvetier,
de premier gentilhomme de la chambre et de
premier écuyer. A la fin de 1630 il reçut le gou-
vernement de Blaye, et fut créé en 1635 duc
et pair. Il suivit le roi dans différentes cam-
pagnes, et eut le commandement en chef de
tous "les arrière-bans du royaume, q_ui étaient
de cinq mille gentilshommes. Après avoir été en
bons rapports avec le cardinal de Richelieu , il
finit spar donner de l'ombrage à ce ministre, qui
parvint à l'éloigner de la cour en 1637. Après la
mort île Richelieu, il reparut quelque temps à la
cour, vendit sa charge de premier écuyer, et
mena une vie assez retirée. « Sa faveur fut sans
envie , a écrit son fils ; modeste et désintéressé,
il fut l'homme le plus obligeant, le mieux fai-
sant et.le plus généreux qui ait paru à la cour. »
Il avait aussi l'humeur vive et chatouilleuse,
ainsi qu'il le prouva par son duel avec de Vardes,
par son défi au duc d'Harcourt et par son dé-
menti au duc de La Rochefoucauld. Il menait
une grande existence, faisait bonne chère et
jouissait dans son gouvernement d'une autorité
absolue. Sa première femme lui donna deux
filles; de la seconde, Charlotte de l'Aubespine,
il eut un fils, Louis, qui suit.
Saint-Simon, Mémoires.
SAINT-SIMON (LouiX DE ROCVROl, duc DE),
auteur des Mémoires, fils du précédent, né
dans la nuit du 15 au 16 janvier 1675, mort
à Paris, le 2 mars 1755. Sa mère, Charlotte
de l'Aubespine (1), dirigea habilement son édu-
cation. Il apprit assez de latin pour le parler,
sut l'allemand et cultiva son esprit par des lec-
tures variées. L'histoire surtout le captiva, et il
s'initia à tous les secrets de la science héral-
dique. Il fit ses premières armes au siège de
Namur, obtint, en 1693, une compagnie de ca-
valerie, et succéda, la même année, dans le
gouvernement de Blaye à son père, qui venait
de mourir. 11 fut à Neerwinden de la charge
(1) Elle mourut à Paris, le 6 octobre 1725, dans sa
quatre -vingl-einquième année.
impétueuse, trois fois recommencée, sous les
ordres du duc de Chartres; sa belle conduite
lui mérita peu après l'agrément d'un régiment
de cavalerie. Dès cette époque la lecture des
Mémoires de Bassompierre lui donna l'idée
de composer les siens. Dans la campagne du
Rhin , le maréchal de Lorges, qui commandait
en chef, le remarqua, le reçut chez lui et lui ou-
vrit sa maison ; leurs relations devinrent si in-
times que Saint-Simon épousa, le 7 avril 1695, la
fille aînée du maréchal, Gabrielle de Durfort, per-
sonne accomplie de tous points, si ce n'est que son
aïeul maternel se nommait simplement M. Fré-
mont.Unétat de maison florissant et le crédit du
père l'avaient d'abord attiré; les vertus de la fille
le fixèrent pour toujours. Mlle de Lorges était la
femme qui lui convenait le mieux pour modé-
rer ce qu'il y avait en lui d'excessif. Aussi in-
différente aux vaines disputes de préséance que
son mari en était avide, elle cédait à propos sur
les points contestables; elle ne mettait pas tout
en feu pour un tabouret mal placé. Toujours
prompte à deviner le piège, manœuvrant avec
aisance au milieu des écueils, elle savait, dans
les occasions ambiguës, indiquer le seul conseil
décisif et la seule démarche salutaire; elle pos-
sédait cette sorte d'esprit délié , sûr et tranquille,
arme défensive des cours, qui ne mène pas à la
faveur, mais qui évite la disgrâce. Saint-Simon,
toutefois, ne recueillit pas de ce mariage le fruit
que son ambition s'en était promis. En 1702, il
n'était encore que mestre de camp, et cinq de
ses cadets lui furent préférés pour un grade su-
périeur. Il s'offensa de l'injustice qui, à vrai dire,
n'était pas criante, et donna sa démission*
Saint-Simon avait alors vingt-sept ans. Comme
il n'avait rien relâché de la fermeté de ses prin-
cipes, il n'avait rien perdu de la vigueur de son
âme , jet il pouvait affronter, sans péril pour sa
probité, l'épreuve difficile de la cour. La religion
était le fondement solide sur lequel il avait ré-
solu d'appuyer son existence. Sa liaison avec
M. de Rancé , liaison singulière pour un jeune
homme aussi abîmé dans la contemplation de
ses titres, avait fortifié en lui les habitudes
pieuses qui se mêlaient à son orgueil sans le
pouvoir détruire. Tant que vécut ce réformateur,
il ne se passa point d'année qu'il n'allât durant
plusieurs semaines se nourrir de ses entretiens,
et même après sa mort il continua de faire à
la Trappe de nombreux pèlerinages. A la cour,
l'entêtement de la qualité engagea Saint-Simon
dans une suite de débats aussi acharnés que
futiles. Ici commence, avec ce rôle de grand
seigneur à outrance , cette lutte contre les gens
de peu où il prodigua l'esprit à se couvrir de
ridicule. Il enveloppe dans sa vengeance la ro-
ture tout entière; au moindre honneur qu'on lui
décerne , il s'enflamme ; il raconte avec stupeur
qu'une femme de ministre a été admise dans les
carrosses du roi à coté d'une princesse. Ne lui
parlez pas de Villars ni de sa bataille de Koch-
105
stedt ; Villars est le petit-fils d'un greffier de Coin-
drieu : la chose est sûre, tandis que ses vic-
toires sont incertaines. Il attaque en préséance
les Luxembourg et les La Rochefoucauld. Que les
évêques ne s'attendent pas à obtenir de lui le
Monseigneur ; il le refuse aux ministres; il ne
l'accorde même pas au duc d'Orléans, qui est
son ami. Les princes dusang,ilestvrai,marchent
avant les pairs : il l'avoue et il en souffre. Mais
malheur à ceux qui, sans être issus de la race des
rois, se piquent de précéder les pairs , ou qui ,
étant pairs eux-mêmes , affectent sur lui la su-
périorité! Avec quelle science cruelle il leur
montre dans chacun de leurs titres le fruit d'une
bassesse , d'un subterfuge ou d'un vol. Comme
il déchire leur blason pièce par pièce! Rohan,
Soubise, Lorrains, Guemené, les noblesses les
mieux établies fondent, pour ainsi dire, entre
ses mains. On s'étonne après l'avoir lu qu'il
reste encore un seul gentilhomme authentique,
et l'on doute de lui comme des autres , puisque
après Charlemagne , le premier de ses aïeux , il
se garde d'en plus nommer aucun. Tant de
querelles lui suscitèrent des inimitiés violentes.
Le duc du Maine, légitimé par Louis XIV, et qui
voulait prendre place entre les princes du sang
et les pairs , le savait fort opposé à ce rang in-
termédiaire. Il prévint contre lui Mme de Main-
tenon et le roi. Celui-ci marqua de l'humeur de
ces interminables disputes, d'autant qu'il lui
revenait que Saint-Simon , à propos d'étiquette,
ne se ménageait guère sur le gouvernement.
Mais si la colère du maître devenait menaçante,
il ne cherchait point un refuge dans le silence.
Il courait au devant d'elle. Il forçait le roi de
l'écouter. Nulle part la connaissance qu'il avait
du cœur humain n'éclate mieux que dans ces en-
tretiens, modèles de franchise, de souplesse,
de dignité et de flatterie insinuante , où , sans
rien sacrifier de ses prétentions, il paraissait
s'abandonner aveuglément à l'arbitrage suprême
de son souverain. Louis goûtait plus vivement
des louanges que sa grandeur semblait arracher
à un esprit chagrin, et satisfait pourvu qu'on le
distinguât du reste des hommes, il cessait d'être
irrité d'un censeur qui, reprenant tout, savait
se taire sur lui seul. Saint-Simon, malgré tous
ces débats, ne laissa point d'acquérir quelques
amis. Lié de tout temps avec le duc de Che-
vreuse et avec le duc de Beauvilliers, gouverneur
du duc de Bourgogne, il se concilia de plus
en plus l'affection du chancelier Pontchartrain ;
il gagna les bonnes grâces de Godet, évêque de
Chartres, directeur spirituel de Mme de Main-
tenon, et Chamillart, ministre alors tout-puis-
sant, lui demanda comme un honneur d'avoir
part à sa confiance. De toutes ces amitiés il y en
avait une qui touchait de plus près à son cœur,
parce qu'elle était plus conforme à son âge; c'é-
tait celle de Philippe d'Orléans.
Sans aucune fonction éminente , Saint-Simon
devint un personnage avec lequel il fallut comp-
SAINT-SIMON [06
ter. Écarté des affaires , il régna sur la cour ; il
surveilla les cabales et il en forma lui-même.
Lorsque Louis XIV, malgré sa répugnance pour
Desmarets, le rappela de l'exil et lui donna les
finances, il ne se doutait guère qu'en cela il
suivait le choix résolu d'abord par Saint-Simon.
Telle était l'importance occulte attribuée, non.
sans cause, à Saint-Simon par l'opinion de Ver-
sailles que le P. Tellier, nommé en 1709 confes-
seur du roi , chercha à entretenir avec lui un
commerce régulier bien qu'il le connût pour un
adversaire déclaré des jésuites. Cette impor-
tance s'accrut encore lorsqu'il eut réussi à sé-
parer le duc d'Orléans de Mrae d'Argenton , sa
maîtresse, et surtout lorsqu'en dépit des préfé-
rences de Monseigneur pour la maison de Condé
il fit conclure le mariage de Mademoiselle avec
le duc de Berri , petit-fils de Louis XIV. Tan-
tôt il réglait par des avis salutaires la conduite
que le duc d'Orléans devait tenir en Espagne ou
en Italie ; tantôt, pénétrant les secrets desseins
des ennemis du duc de Bourgogne, il les dénon-
çait à M. de Beauvilliers. Il devina les disposi-
tions hostiles de Mme de Maintenon contre Cha-
millart, quand elles ne faisaient que de naître ,
et il recula autant qu'il était possible la disgrâce
du ministre. Au milieu de ces petites manœuvres
il ne perdait point de vue des objets plus hauts.
Il méditait des plans de politique générale qu'il
se croyait appelé à exécuter tôt ou tard. Dès
1704 il proposa pour mettre fin à la guerre
de la succession d'Espagne de démembrer la mo-
narchie de Philippe V, de donner à l'Autriche
les Pays-Bas et au duc de Savoie une partie
des possessions espagnoles d'Italie avec le titre
de roi. Ce projet, alors repoussé avec dédain,
fut adopté en partie comme base du traité d'U-
trecht. Il voulait, en ce qui concernait les affaires
ecclésiastiques, ruiner la prépondérance fu-
neste de la Compagnie de Jésus. Mais son des-
sein, ou plutôt sa chimère favorite, fut de
dépouiller la roture des grandes charges dont
l'avait investie Louis XIV et de lui substituer
partout la noblesse. Il imagina un système où
la royauté serait à la fois soutenue et dirigée par
des conseils aristocratiques dont chacun aurait
dans son ressort une partie distincte de l'ad-
ministration. 11 comptait d'abord sur l'appui du
duc de Bourgogne , puis , après sa mort, il re-
porta toutes ses espérances sur le duc d'Orléans.
Au moment où Louis XIV descendit dans la
tombe (1 7 15), Saint-Simon, malgré la nonchalance
de Philippe, avait tout disposé pour le grand coup
qui devait anéantir ses dernières volontés; il
avait eu l'art de réunir contre le duc du Maine
les jansénistes et les jésuites, les grands sei-
gneurs et les ministres, et il méditait de faire
convoquer les états généraux afin qu'ils défé-
rassent solennellement la régence au duc d'Or-
léans. Mais ce prince- ne voulut ni des états gé-
néraux ni d'une proclamation par les pairs et les
officiers de la couronne. 11 aima mieux déférer
107
SAINT-SIMON
108
ses prétentions au parlement ; et ce corps , que
Saint-Simon prétendait abattre à tout jamais,
parut la seule puissance capable de balancer
l'autorité d'un roi. Cette blessure faite à l'orgueil
du noble duc ne servit qu'à exciter ses rancunes.
Violent et avide de représailles, impatient de
fouler aux pieds ceux qui avaient dominé sous
Louis XIV, il ne voulait pas, avec beaucoup d'art ,
de détours et de sacrifices, prendre une possession
tranquille et ferme du pouvoir ; il voulait briser
tout devant lui et l'envahir comme un conquérant.
Desmarets, aussi bien que Ponlchartrain, fils du
chancelier, l'avait offensé. Il s'assura qu'on les
dépouillerait tous deux de leurs fonctions. La
délivrance des prisonniers jansénistes et la di-
rection des affaires ecclésiastiques , confiée au
cardinal de Noailles, furent pour la vieille cour
un outrage éclatant et une satisfaction sensible
donnée aux gens de bien. Saint-Simon, unique
promoteur de ces mesures réparatrices , pour-
suivit dès lors sans relâche le parti de la Cons-
titution. 11 devint redoutable au Vatican, et quel-
ques années plus tard , comme le pape refusait
leurs bulles à des évêques choisis par le duc
d'Orléans, celui ci s 'étant déchargé de la que-
relle sur une commission où entra le pieux élève
de M. deRancé, il suffit d'un tel nom; la cour
de Rome, « avec laquelle il n'eût pas filé doux, »
accorda les bulles. En même temps, il pressait
l'organisation de ces fameux conseils par les-
quels il se proposait d'anéantir à jamais le pou-
voir des secrétaires d'État et de relever la no-
blesse sur les ruines de la roture. Soit qu'il fût,
comme il l'avoue, mal propre à diriger les dé-
tails d'une administration particulière; soit qu'il
voulût prudemment se garder une place auprès
de Philippe, il refusa d'être chef ailleurs, pour
demeurer simple membre au conseil de régence.
Enfin brillèrent au grand jour, avec l'établis-
sement des conseils, tous ces gentilshommes
rejetés et contenus dans l'ombre par la main
puissante de Louis XIV. Maîtres à leur tour et
revêtus des plus hautes fonctions, ils n'en
usèrent que pour leur fortune. La facilité du
régent n'opposa de barrière à aucune préten-
tion; tout fut au pillage. Saint-Simon le vit, et
le déplora. Pour lui il sut donner en exemple à
tous sa conduite désintéressée, et , à part deux
survivances et quelques régiments pour ses fils
ou pour ses cousins, à part des abbayes pour
ses belles-sœurs, une pension pour Mme de
Saint-Simon, et pour lui-même une aug-
mentation de 12,000 livres sur son gouverne-
ment de Senlis , « il ne demanda jamais rien
au régent ». Quand il s'aperçut que la machine,
laborieusement combinée, sur laquelle repo-
saient les plus chères illusions de toute sa
vie, ne produisait que de faux mouvements , il
n'eut pas le courage d'en accuser la constitution
intime. Comme un taureau blessé par une main
inconnue, il promena autour de lui des regards
furieux, cherchant à découvrir quelle maligne
influence en troublait les ressorts , et il vit se
dresser deux spectres : l'ambition de Dubois et
« l'inouïe scélératesse » de Noailles. Dès lors
tout fut expliqué. Noailles et Dubois aspiraient
chacun à devenir premier ministre, et c'est
pourquoi, visant à renverser les conseils, ils
embarrassaient sourdement leur marche de
mille obstacles. Explication deux fois ingénieuse,
qui épargnait la vanité de l-'auteur et fournissait
à ses haines un aliment de plus ! Il s'arrangea
donc pour bien mépriser Dubois et bien détes-
ter Noailles. Ses rapports avec Law, dont il
combattit d'abord le système avec un effroi
trop légitime et qu'il jugea ensuite avec tant de
hauteur et de liberté d'esprit, la lutte des princes
du sang et des bâtards, les intrigues de la du-
chesse du Maine, qu'il dénonça l'un des pre-
miers au régent, ne sauraient être racontés avec
détail ; non plus que ce bizarre soulèvement de
toute la noblesse contre les ducs, seute récom-
pense obtenue par un gentilhomme, de ses pa-
reils, dont il avait essayé vainement de fonder mal-
gré eux la suprématie. Il lui arriva un maiheur
plus fait pour l'abattre que cette ligue de hobe-
reaux; ce fut la mésintelligence qui éclata entre
lui elle duc d'Orléans. Pour deux ou trois con-
seillers intimes de Louis XIV, maintenus dans
leurs charges , il parla une première fois de se
retirer. Philippe caressa, et fit changer cette
belle résolution. Toutefois , il entra dès lors en
défiance de sa politique forcenée , et diminua de
plus en plus sa part d'influence dans les affaires
générales. Saint-Simon n'en resta pas moins
attentif à surveiller les démarches du parlement
et à profiter de ses moindres fautes. Quand cette
compagnie, par son alliance étroite avec la cour
de Sceaux et par l'éclat de son opposition au
système, eut placé le régent dans la nécessité ou
de subir une tutelle honteuse ou de l'accabler,
il saisit avidement la conjoncture et parla l'un
des premiers de frapper uu coup prompt et dé-
cisif. Il régla le lieu et l'heure, multiplia les
précautions, s'enveloppa de mystère, contint son
âme, et fut partout. Il se leva enfin ce jour « si
démesurément et si persévéramment souhaité »,
ce jour de résurrection pour la pairie, ce vrai
jour de colère qui devait réduire en poudre et
!e parlement et les bâtards. Saint Simon ramassa
tout ce qu'il avait de passion pour jouir pleine-
ment de sa vengeanoe, et tout ce qu'il avait de
génie pour l'exprimer. Le lit de justice du
26 août 1718, où les princes légitimés furent ré-
duits au rang de leur pairie et où défense fut
faite au parlement de se mêler d'affaires d'État
et de finances, ne fut pour lui qu'un long trans-
port; le récit qu'il nous en a fait n'est qu'un
délire d'éloquence. Au reste, il ne profita
guère de sa victoire. L'humiliation du parlement
servit de prélude à la chute des conseils; en
dépit de ses efforts, la plupart furent supprimés au
mois de septembre 1718. Le conseil de régence
subsista, mais sans pouvoir; le duc d'Or-
109 SAINT-
léans avait pris l'habitude de tout régler dans
son cabinet. Saint-Simon , en repoussant les
fonctions de gouverneur du roi par un scrupule
d'honneur et la dignité de garde des sceaux par
un scrupule de vanité, rejeta les seuls moyens
qui s'offrissent à lui de faire encore une figure
importante. Isolé de tout appui par l'impétuosité
croissante de son fanatisme ducal, la fatigue et
le dépit le réduisirent à laisser le champ libre à
Dubois. Aux déceptions politiques se joignirent
des chagrins de famille qui provenaient de la
même source. Il ne put empêcher le duc de
Lorges, son beau-frère, d'épouser la fille du
premier président. Il se promit du moins de ne
le plus voir. Mais Mme de Saint-Simon, qui ai-
mait ce frère avec tendresse, tomba grave-
ment malade. Il se livra alors dans l'âme de son
mari, entre l'affection et la haine, un long combat,
qu'il n'a point raconté sans douleur et d'où l'af-
fection sortit victorieuse. L'orgueilleux duc se
résigna à recevoir chez lui le chef du parlement. ;
La réconciliation définitive de la France et !
de l'Espagne ne tarda pas à tirer Saint-Simon de
son repos. Le duc d'Orléans le chargea d'une
ambassade extraordinaire à Madrid , avec mis- !
sion de faire la demande solenuelle de l'infante
pour le roi Louis XV (1721). Il ne se montra pas
fort différent à Madrid de ce qu'on l'avait vu à
Versailles. 11 plut à la reine par la vivacité pi-
quante de son esprit; il accomplit le prodige
d'égayer le roi et de le faire sourire en dépit de ;
l'étiquette; puis il finit par importuner égale-
ment le roi et la reine à force d'obstination. La
plupart des seigneurs espagnols n'eurent qu'à se
louer de ses prévenances; lui-même porte aux
nues leur hospitalité. Toutefois, il ne repassa
point les Pyrénées sans avoir préparé les élé-
ments d'un mémoire volumineux, où il insinue
qne les premières familles de ce pays sont enta-
chées de bâtardise. Son incorrigible jactance
n'avait pas trouvé d'autre moyen de démontrer
victorieusement combien la pairie, est au-dessus
de la grandesse. Il revint, ayant obtenu pour son
fils aîné la Toison d'Or; pour son plus jeune
fils et pour lui-même, la grandesse qu'il affectait
maintenant de dénigrer et qui avait été le prin- ;
cipal objet de son voyage. Si la cour de Madrid
n'avait eu pour lui que des faveurs , la France
lui réservait de nouveaux déboires. Dubois de-
vint plus puissant que jamais; les bâtards même
furent rétablis dans une partie de leurs hon-
neurs. A ce dernier coup, Saint-Simon rompit
de nouveau avec le duc d'Orléans; il ne reprit
avec rffi ses anciennes relations qu'après la mort
de Dubois, juste assez tôt pour n'avoir point le
regret de voir descendre dans la tombe chargé
de ses rancunes ce malheureux prince, toujours
blâmé et toujours cher. La succession du régent
tomba entre les mains du duc de Bourbon , que
Saint-Simon aurait voulu à tout prix écarter du
pouvoir. Avant de quitter la cour cependant, il
assura M. le Duc que son ministère comblait !
SIMON
110
tous ses vœux ; et ce ne fut pas sa moindre
bizarrerie de terminer par un mensonge gratuit
une existence j>olitique tant de fois troublée par
trop de sincérité. Il était temps qu'il se retirât.
Les intrigues où l'avait engagé la pratique des
affaires commençaient à altérer la franchise de
son caractère.
La principale occupation de sa retraite fut la
rédaction deses Mémoires (1). Il leur donna pour
terme la fin du duc d'Orléans, l'homme qu'il avait
le plus aimé. Il se proposait d'y ajouter une suite
que nous ne possédons pas (2). En même temps il
continuait d'entretenir avec plusieurs personnages
importants une vaste correspondance, dont Le-
montey parle avec éloge et que nous regrettons de
ne pouvoir admirer que sur parole. Quels furent,
durant les dernières années de sa vie, les sen-
timents et les idées qui l'occupèrent ? On l'ignore,
mais qu'il est facile d'en soupçonner l'amertume!
En 1743 il put entendre retentir à ses oreilles
ce vers foudroyant de Mérope :
Qui sert bien son pays n'a pas besoin d'aïeux.
Il vit en 1748 un président de Bordeaux, dans
le livre fameux où, en étudiant les lois du passé,
il formule celles de l'avenir, assigner tranquille-
ment sa part à la noblesse avec la générosité du
vainqueur. Enfin, en 1754 parut le Discours sur
l'origine de Vinégalité parmi les hommes.
Le vieux Saint-Simon n'avait plus qu'à mourir.
Tels furent ses derniers jours (3).
(1) On a placé, avec quelque vraisemblance, la compo-
sition définitive des Mémoires de Saint-Simon entre 1740
et 1746; mais il faut en chercher l'idée première dans le
Journal de Dangeau, dont l'importance le préoccupait
beaucoup, et qu'il avait enrichi A'additions considé-
rables sur la copie manuscrite faite exprès pour lui d'a-
près l'original en 36 vol in-fol. (aujourd'hui au minis-
tère des affaires étrangères). Ces additions, qui sont en
grande partie de la main des secrétaires de Saint-Simon ,
ont été, à ce qu'on présume, écrites de 1734 à 1738. On y
verrait souvent l'addition plus modérée, plus exacte, plus
imparUale que les Mémoires « On y verrait sans cesse,
disent MM. Souiié et Dussleux, l'arrangement des anec-
dotes et des discours, racontés ici d'une façon, là d'une
autre. On constaterait par ces différences une très-
grande préoccupation d'arrangement, un énorme travail
littéraire, malgré les formes abruptes, un grand effort
d'auteur dans la rédaction définitive de ces Mémoires,
auxquels Saint-Simon ne s'est rais que vingt-cinq ans
après la mort de Louis Xiv. » Les notes journalières
prises dès 1691, des extraits d'une lecture assidue, le
Journal de Dangeau, forment la base de cet énorme tra-
vail; mais il faudrait encore y ajouter les emprunts fré-
quents que l'auteur a faits aux écrivains de son siècle, à
Mme de Sévigné par exemple.
(2) Cette suite devait s'arrêter en 1743, époque de la
mort de Fleury. Saint-Simon l'at-il réellement écrite?
« On ne pourrait eclaircir ce doute, lit-on dans une note
de M. Cheruel {Mém., édit, 1356, t XIII, p. 101), que s'il
était permis d'étudier les papiers du duc conservés au
ministère des alfaires étrangères. Nous l'avons vainement
tenté. »
(3) Depuis la régence Saint-Simon n'avait paru que ra-
rement à la cour. 11 obtint cependant le cordon bleu
sous le ministère de Fleury <1728) ; mais avec le déplai-
sir de prendre rang après les deux fils du duc du
Maine, compris dans la même promotion. Il cessa en-
tièrement de venir à Versailles , et y céda même son
appartement, à la mort de sa femme (1743'. L'esprit de
conduite dans les affaires privées lui manquait complète-
ment, et quoique ses revenus fussent considérables, sa
lïl
Les Mémoires de Saint-Simon sont l'œuvre
principale de sa vie et l'expression la plus fidèle
de son caractère. Leur vaste étendue comprend
deux époques distinctes : les dernières années
de Louis XIV (1692-1715) et la régence. Il les
a rédigés tout d'une suite, ou plutôt il Jes a mis
en ordre avec leur forme actuelle, sous le mi-
nistère du cardinal Fleury. Mais il est clair
qu'il recueillait des notes sur les événements,
à mesure qu'ils se produisaient; souvent même,
pour peu qu'ils eussent de gravité , il en com-
posait aussitôt le récit, et bien des pages
inspirées par l'émotion du moment ont plus
tard trouvé leur place sans aucune altération
dans le cours de son ouvrage. La première partie
est plus riche de digressions et d'histoires parti-
culières; la seconde, plus exclusivement consa-
crée à l'histoire politique, est pleine d'observa-
tions où se trahissent la maturité et l'expérience.
Spectateur assidu de la fin du règne de Louis XIV,
il en a suivi jour par jour la décadence. Qui
mieux que lui a pénétré l'âme de ce roi? Qui
nous l'a dévoilée avec plus de force? Qui a dé-
peint avec plus d'éloquence sa volonté impérieuse
jusque dans les moindres détails, son égoïsme
implacable, sa dureté envers sa famille, et cette
crainte universelle qu'il était fier d'inspirer aux
grands comme aux petits. « Louis XIV, dit
Saint-Simon, sans la crainte du diable, que Dieu
lui laissa jusque dans ses plus grands désordres,
se serait fait adorer. » Et Bossuet ni Saurin
n'auraient pu définir d'un mot plus profond
la religion des orgueilleux. Sans négliger les
catastrophes éclatantes qui remplissent le
théâtre de l'histoire, Saint-Simon aime à y
joindre de petites scènes , qui font moins de
bruit peut-être, mais qui ne sont point perdues
pour le développement général de l'action; il
décrit les ressorts cachés de la politique et nous
initie aux mœurs intimes de la cour. Parfois il
soulève un coin du voile épais qui séparait Ver-
sailles du reste de la France, et il nous montre
la noblesse des provinces persécutée par les in-
tendants, l'inquisition naissante de la police,
l'inquisition, plus terrible, des collecteurs, Port-
Royal détruit et profané, les saisons unissant
leurs rigueurs à celles de la guerre, et, pour
achever ce tableau , des révoltes furieuses de
paysans dans le Rouergue et le Périgord ; dans
Paris même des émeutes d'un caractère étrange,
où l'on voyait déjà le peuple pour seul acteur,
où l'on entendait pour seul cri de ralliement le
fortune était très-embarrassée, ce qui le mettait dans un
grand état de gêne. Ses deux fils ( ducs de Ruffec) mou-
rurent avant lui (l'un en 1746, l'autre en 1754). La fille
unique de l'un d'eux, comtesse de Valentlnois, fut
son hérllière, et mourut sans postérité, en 1774.
Suivant les mémoires du duc de Luynes, 1.1er, d'où
sont extraits ces renseignements, Saint-Simon avait à la
mort de sa femme 273.000 fr. de revenus ; mais ses dettes
montaient à 1,0.00,000 francs. Ses enfants, qui ne récla-
mèrent pas leurs droits, lui offrirent de lui payer une rente
de 55,000 francs et de se charger de ses biens et de ses
dettes; mal< il refusa.
SAINT-SIMON 112
cri redoutable de la faim. En face d'un tel spec-
tacle, Saint-Simon élève sa pensée jusqu'au
souverain distributeur des maux et des biens.
D'un côté de la balance, il met l'oppression des
peuples, l'incendie du Palatinat, la révocation
de l'édit de Nantes; de l'autre, les revers de
Louis XIV; et quarante années d'orgueil ne lui
paraissent pas trop punies. L'idée de la Provi-
| dence, partout présente dans ses Mémoires, en
constitue de la sorte l'harmonie générale.
Saint-Simon ne dissimule pas plus ses
haines que ses amitiés, et c'est assez pour
que nous puissions voir dans chaque circons-
tance quel degré de fei il mérite. Il cherche
moins à nous prévenir contre certains noms
qu'à satisfaire l'aversion qu'ils lui inspirent. Les
accusations les plus terribles deviennent alors
un jeu pour son imagination : ce que la charité
lui défend d'exprimer hautement, fl l'insinue. Il
saisit le lecteur par des remarques d'une perfidie
odieuse, qu'il jette çà et là sur son chemin comme
d'un air d'insouciance (!•). Les grandes misères,
(1) Les éditeurs du Journal Je Dangeau disent que
presque toutes les fois qu'ils ont pu contrôler Saint-Si-
mon, ils l'ont trouvé « dans le faux, dans l'exagération,
dans l'erreur tu dans le mensonge ». Ce jugement peut
paraître sévère; mais il faut reconnaître que la h;>ine de
Saint-Simon dénature souvent les faits et fausse les
physionomies. Ce qu'il dit de la mort de Louvois en est
un exemple frappant : « La soudaineté du mal et la mort
de Louvois fit tenir bien des discours, bien plus encore
quand on sut par l'ouverture de son corps qu'il avait
été empoisonné Un frotteur du logis fut arrêté et
mis en prison Mais à peine y eut -il demeuré quatre
jours, et la procédure commencée, qu'il fut élargi par
ordre du roi, ce qui avait déjà été fait jeté au feu, et
défense défaire aucune recherche.... Quia fait le coup?
C'est ce qui est demeuré dans les plus épalssesténébres.»
Or Dionis, chirurgien de Louvois, dans un de ses ou-
vrages intitulé Dissertation sur la mort subite (Paris,
1710), parle, après avoir raconté la mort du ministre, de
l'ouverture de son corps, et 11 dit : « Le cerveau était
dans un état naturel et très-bien disposé; l'estomac était
plein de tout ce qu'il avait mangé â son dîner; les pou-
mons étaient gonfles et pleins de sang; le cœur était gros,
flétri, mollasse et semblable à du linge mouillé, n'ayant
pas une goutte de sang dans ses v-cn-trlcules. Le jugement
certain qu'on peut faire de la cause de cette mort est
l'interception de la circulation du sang; les poumons
en étaient pleins parce qu'il y était retenu, et il n'y en
avait point dans le cœur parce qu'il n'y en pouvait point
entrer; il fallait donc que ses mouvements cessassent
ne recevant point de sang pour les continuer, c'est ce
qui s'est fait aussi et ce qui a causé une mort si subite. »
Lorsqu'on connaît ainsi la vérité sur la mort de Lou-
vois, on ne peut que trouver odieuses les insinuations
dirigées par Saint-Simon contre Louis XIV : « Quoique
Je n'eusse guère que quinze ans, dit-il, je voulns voir la
contenance du roi à un événement de cette qualité. Il
me parut avec sa majesté accoutumée, mais avec je ne
sais quoi de leste et de déluré qui me surprit assez pour
en parler après. »
On trouverait facilement bien d'autres exemples des
perfidies et des légèretés de Saint-Simon : la disgrâce de
Racine venant de ce que le poë-te avait imprudemm-ent
prononcé le nom deScarron devant Louis Xiv et Mme de
Malntcnon; la mort de Vauban, causée par son chagrin
d'avoir perdu toutes qualités aux yeux du roi à cause de
son livre sur la Dlmeroyale; l'appréciation du talertf de
Jules Mansart, l'architecte du Ghâteau de Versailles et
des Invalides, qu'il met bien au-dessous de son oncle,
François Mansart, l'architecte du Val-de-Gràce, et dont
il fait un intrigant sans mérite; le portrait de Fénelon, qui
î devient sous sa plume un pur ambitieux, unissant la
113
SAINT-SIMON
114
devant lesquelles tombe d'ordinaire le ressenti-
ment des autres hommes, ne servent qu'à exalter
le sien; les images même de la mort le trouvent
insensible ; ce n'est pas un scrupule de générosité,
c'est la froide bienséance qui le retient de mani-
fester sa joie en face du cadavre d'un ennemi.
On recule effrayé de cette prodigieuse faculté
de haïr. 11 ne faut pas se hâter de conclure que
l'effet général de ce livre soit de diminuer en
nous le respect de la nature bumaine en refroi-
dissant l'admiration que nous inspirent les noms
fameux et les belles actions. Câlinât, Vauban,
Pomponne, Beauvilliers, Chevreuse, d'Agues-
seau, vous tous que le malheur n'a pu abattre
on que la puissance n'a pu corrompre, est-ce
donc le mépris des hommes que nous enseignent
vos noms tant de fois célébrés dans le cours
de ces Mémoires!
Personne ne jugera jamais le style de Saint-
Simon avec plus de rigueur que lui-même. C'est
de bonne foi qu'il en accuse la négligence, la
diffusion et l'obscurité. A supposer un instant
qu'une partie de son livre aurait pu paraître
sous Louis XIV, le dédain et l'oubli de la gram-
maire qui s'y montre à toutes les pages auraient
suffi pour inspirer le dégoût. Dans l'âge suivant,
ce grand nombre de mots accumulés pour rendre
la même idée, ces redites sans fin, ces périodes
qui s'embarrassent les unes dans les autres et
qui souvent même ne sont pas achevées; tout ce
pêle-mêle d'expressions et de pensées eût ré-
volté un public devenu sybarite. Peut-être il
n'appartenait qu'à notre temps, affranchi de
tout .préjugé en matière de style, d'accueillir
cet ouvrage avec l'admiration qui lui est due.
Cette disposition de notre esprit était déjà favo-
rable à Saint-Simon. Le contraste piquant de
son langage avec la banalité du nôtre a fait le
reste. L» langue de Saint-Simon, en effet, a été
tout entière créée par lui. Il détourne les mots
de leur acception ordinaire, il en invente, il
ajoute à ceux dont la signification est le plus
riche, il les dispose par groupes entre lesquels
toute liaison matérielle est supprimée, et il en
forme des associations jusque-là inouïes ,, >qui
sont à la fois le comble de l'audace et du bon-
heur. Sous le désordre apparent du style se
cache et règne une ordonnance intime, qui ne
vient que d'elle seule et qui supplée à la rigueur
de la syntaxe par la succession naturelle des
idées. Changez le rang d'un mot, corrigez un
tour, vous détruisez l'économie intérieure de la
phrase et vous retranchez peut-être une beauté.
Comme Saint-Simon écrit d'abondance et sous
l'empire de la forte impression qu'il reçoit des
objets, la vigueur et l'ampleur sont les deux
qualités dominantes de son style. Toutes deux
ont leur source dans la prodigieuse facilité de
hauteur à la souplesse, auquel il était dangereux de ré-
sister, qu'il était dangereux même de ne pas admirer,
et qui cependant avait la passion de plaire, et au valet
autant qu'au maître; etc.
son imagination. Il trouve du premier coup le
terme qui peint. Veut- il parler d'un envieux?
« 11 était né piqué de tout » ; d'une hypocrite à
la mode : « Elle arbora la haute dévotion » ;
d'un prélat sans vertu : « Il fut bombardé ar-
chevêque. » Quelquefois l'image résume seule
tout un drame : « Le cardinal Bonzi mourut
consommé par Basville, tjran du Languedoc. »
Il y a même des occasions où l'auteur n'emploie
les figures que par impuissance de trouver le
mot propre. S'il veut juger Versailles, comme il
ne connaît pas le jargon des architectes, il dira
que du côté des jardins « les ailes fuient sans
tenir à rien », et que du côté de la cour « l'é-
tranglé suffoque ». Quand il est ainsi obligé de
lutter avec la langue et de lui faire violence, la
vérité jaillit inattendue de sa plume Un style
aussi énergique se prêtait merveilleusement à
l'expression de ces pensées profondes et amères
dont Tacite parmi les anciens nous a offert les
plus fameux exemples. Saint-Simon met partout
à côté de l'orgueil le trait qui le rabat; à côté
du despotisme et de la flatterie, le trait qui venge
les âmes libres.
Que dire maintenant de cette multitude de
tableaux et de récits dans lesquels il a déployé
la faculté de vive représentation que lui avait si
largement départie la nature? L'histoire y est
toute en reliefs. Les personnages y ont été
transportes vivants; ils y ont gardé leur physio-
nomie et leur costume aussi bien que leur carac-
tère D'ordinaire il surcharge les couleurs et
grossit les figures; il le fallait bien pour que
même une postérité lointaine les aperçût nette-
ment. Tantôt, dans les grandes scènes qu'il nous
expose, il atteint au sublime; tantôt il dépouille
l'histoire de ses dehors pompeux , et il la rend
aussi piquante qu'elle est instructive. La variété
de son style défie alors les ressources de l'écri-
vain le plus. consommé. Le franc-parler de Mo-
lière, les détours, les suspensions et les chutes
de La Bruyère , une causticité qui jouit mali-
gnement d'elle-même comme celle de Le Sage,
une verdeur rabelaisienne, un art de découvrir
le comique jusque dans les consonnances des
mots, toutes les bouffonneries et toutes les déli-
catesses forment un langage transperçant où la
richesse du ridicule est inépuisable. Et ce même
homme, dont la comédie semble le véritable et
unique domaine, avec quelle solennité et quelle
terreur il nous fait tout à coup envisager la
mort, le repentir, le néant du monde! Mais ce
qu'il y a de plus admirable, c'est que, n'ayant
jamais éprouvé l'amour, il se joue au milieu de
ses contradictions. Il pénètre de part en part
les cœurs féminins. Il a. quand il le faut, la ten-
dresse de Térence; il rencontre des expressions
d'une mélancolie austère qui égalent et quelque-
fois surpassent le pathétique de Racine. Lorsque
ces qualités, la plupart du temps incompatibles,
se trouvent réunies dans le même tableau; lors-
qu'on y voit les teintes opposées se combiner,
115 SAINT
se confondre et se graduer, lorsque l'effet va
toujours croissant, lorsque les émotions s'accu-
mulent et en s'accumulant deviennent plus vives,
lorsqu'enfin l'élégance et une pureté irrépro-
chable régnent dans toutes les parties, on répugne
à croire quêtant de perfections n'aient pas coûté
de longs efforts; mais au moment même où l'on
s'applaudit de surprendre Saint-Simon occupé à
polir sa phrase comme un auteur de profession,
soudain une négligence, un terme incorrect ou
qui n'est pas en rapport avec les autres, tra-
hissent une fois de plus le grand seigneur qui
n'écoute que son instinct, raconte ce qu'il a vu,
dit ce qu'il sent et dédaigne d'écrire (1).
On a de Saint-Simon et de sa femme deux
beaux portraits par Rigaud, que possède le pré-
sent duc de Saint-Simon.
J.-J. Weiss.
Sainte-Reuve, Causeries du lundi. — A. Lefèvre-Pon-
talis, Disc, sur la vie et les «livres de Saint-Simon;
Paris, 1835, in-8°. — E. Poitou, dans la Revue des deux
mondes, Ier sept. 1855. — H. Taine, Mélanges. — Mon-
talembert (de) , dans le Correspondant, 1862.
saint-simon (Eus tache- Titus, marquis
de), de la branche des comtes de Saint-Simon,
né le 22 juillet 1654, à Paris, où il est mort, le
1er septembre 1712. On l'appelait marquis par
courtoisie. Son père et son frère aîné « ayant
mangé plus de 40,000 livres de rente sans sortir
de chez eux », il fut obligé d'entrer dans les
gardes françaises, où par ancienneté il devint
capitaine et brigadier.
Des treize enfants qu'il laissa, nous citerons les
suivants :
Claude, né en 1694, fut d'abord chanoine ré-
gulier de Saint-Victor, puis bailli général des
galères de Malte.
Claude le jeune, né en 1695, reçut en 1716
du régent l'abbaye de Jnmiéges; nommé en 17-31
évêque de Noyon, il fut transféré en 173-3 à
Metz; il fonda en 1743 un séminaire qui a con-
servé son nom, et y mourut, le 29 février 1760.
Henri, né en 1703, mort le 18 janvier 1739,
à Montpellier, accompagna le duc de Saint-Simon
(1) « Après la mort de Saint-Simon, dit M. Sainte-Beuve,
ses mémoires eurent bien des vicissitudes. Us sortirent
des mains de sa famille pour devenir des espèces de
prisonniers d'État; on craignait les divulgations indis-
crètes. » Voltaire, Duclos et Maimontel en eurent con-
naissance, et en firent un ample usage pour leurs tra-
vaux historiques. M"ie du Deffand les lut en 1770 et 1771,
et en écrivit ses impressions à Walpole. En 1788 il en
parut dos extraits tronqués et compilés sans nom d'au-
teur et sous le titre de Mémoires sur le règne de
Louis XIV (Marseille, 1788,3 vol. ii:-8°) -, l'éditeur, Sou-
lavie, v ajouta un Supplément (Paris, 1789, 3 vol. in-8°);
puis il les reprit, les remania, les grossit sans utilité de
notes et de pièces Justificatives [OEuvrcs complètes de
Louis de Saint Simon; Strasbourg, 1791, 13 vol. in-8°),
sans pouvoir en faire autre chose qu'une compilation
mal digérée. Cette édition , refondue dans un meilleur
Qr/lre, fut reproduite à Paris, 1816 ou 1828, 6 vol. in-8».
Mais on ne publia qu'en 1S29 la totalité dos Mémoires
d.ms leur forme originelle et authentique (Paris, 1829-30
21 vol In 8°), et celte publication a été singulièrement
améliorée quant à la révision du texte par celle qu'a
donnée M. Cheruel en ces derniers temps ( Paris, 18S6 cl
suiv., 20 vol. in-8» et 13 vol. in-18).
SIMON 116
dans l'ambassade d'Espagne; il servit en Italie
et fut fait maréchal de camp. En lui s'éteignit la
branche des comtes de son nom.
Saint-Simon, Mémoires. — La Chesnaye-Desbois, Dict.
de la noblesse.
s&int-simon (Louis-François de), mar-
quis de Sandricourt, né vers 1630, à Paris, où
il est mort, le 15 août 1751. Élevé sous les yeux
du fameux duc de Saint-Simon, il lui dut une
partie de son avancement et le paya d'ingratitude
dans la suite. Après avoir servi dans le régiment
de Berri cavalerie, il prit part à la guerre de
Catalogne (1708), et se trouva à la défense de
Cette, surprise par les Anglais (17-K)). 11 fut en-
voyé ensuite en Italie, et y gagna le grade de
lieutenant général (20 février 1734). De son ma-
riage avec Louise-Marie-Gahrielle de Gourgues
(1717), il eut neuf enfants, entre autres Maxi-
milien- Henri et Siméon - François (voy. ci-
après), et B ait hasar- Henri, père du fondateur
de la secte dite saint-simonienne.
Moréri, Dict. hist. — Saint-Simon, Mémoires.
saint-simon (Maximilien - Henri, mar-
quis de), littérateur, fils du précédent, né en
novembre 1720, mort en 1799, dans les environs
d'Utrecht. Après avoir servi comme aide de
camp du prince deConti dans tes guerres d'Italie,
il quitta le service en 1749, se mit à voyager,
et finit par s'établir, vers 1758, dans un domaine
qu'il avait acquis aux environs d'Utrecht. Le
goût de la botanique et la culture des lettres
occupèrent ses loisirs. C'est à ce peu de rensei-
gnements que se borne ce que l'on sait de sa vie.
C'était un homme aimable, instruit, désintéressé,
et dont les ouvrages auraient mérité d'être plus
cennus; il les publia tous en Hollande et les
écrivit en langue française ; en voici les titres :
Des Jacinthes, de leur anatomie, reproduc-
tion et culture; Amst., 1768, in-4°, pi. : l'au-
teur était un amateur passionné de jacinthes, et
il en avait réuni plus de 2,000 variétés dans un
jardin qu'ïl possédait à Harlem ; son traité offre
des observations neuves et intéressantes; —
Histoire de la guerre des Alpes, ou Campagne
de 1744; Amst., 17-69, in-fol. ; réimpr. en 1770
et 1787, in--4°, avec une Histoire de Coni, trad.,
selon Denina, des Secoli di Cuneo : l'ouvrage
proprement dit est estimé ; — Histoire de la
guerre des Balaves et des Romains; Amst.,
1770, gr. in-fol., avec fig., plans et cartes; —
Essai de traduction littérale et énergique
de l'Homme de Pope; Harlem, 1771, in-8°;
Amsterdam, 1793, in-8° : il y a rejoint la version
d'une partie du livre H de la Pharsale; — Te-
mora, poème épique d'Ossian; Amst., 1774,
in-8°; — Nyclologucs de Platon; Utreeht,
1 784, 2 part. in-4° : c'est une série de sept dia-
logues oh nuits, consacrés à des discussions
philosophiques; l'auteur y a fait une suite, sous
le titre d'Absurdités spéculatives, s. d., in-4°;
— Mémoires ou l'Observateur véridique sur
les troubles actuels de la France; Londres,
1 1 7 SAINT
1788, in-8°; — Essai sur le despotisme et les
révolutions de la Russie; s. I., 1794, in-4°.
Magasin encyclop. — Quérard, la France liltér.
saint - simon ( Charles - François-Siméon
de), prélat, frère du précédent, né le 5 avril
1727, à Paris, où il est mort, le 26 juillet 1794.
Il lit ses études au collège d'Harcourt et dans la
maison de Navarre, etapprit l'hébreu sous l'abbé
Villefroy. Pourvu en 1753 de l'abbaye de Concbes,
il devint peu après vicaire général de Claude de
Saint-Simon, évêque de Metz, son oncle. En 1754,
il passa en Italie, assista à l'élection du pape
Clément XIII, et visita les fouilles d'Herculanum.
Nommé à l'évêché d'Agde (8 mars 1759), il s'oc-
cupa de la rédaction d'un bréviaire et d'un mis-
sel, achevés en 1705, et il les fit précéder de
mandements pleins de recherches sur la liturgie.
Il se forma une bibliothèque considérable , ren-
fermant surtout une suite nombreuse d'ouvrages
sur les antiquités. Attaqué depuis sa jeunesse
d'un asthme très-violent, qui ne lui permettait
de dormir que dans un fauteuil, il passait une
grande partie de ses nuits au milieu de ses
livres. Son érudition le fit recevoir (18 février
1785) associé de l'Académie des inscriptions.
Assailli dans son palais par une populace éga-
rée (juin 1791), il fut forcé de quitter Agde et
vint habiter Paris. Sous la terreur il fut arrêté
comme suspect, et condamné,après plusieurs mois
de détention, à la peine de mort. Il fut exécuté
le jour même. Ses livres, qui avaient été saisis
et transportés à Béziers, furent en grande partie
rendus à son frère, le bailli de Saint-Simon, qui
les vendit au médecin Barthez, après la mort
duquel ils sont passés dans la bibliothèque de la
faculté de médecine de Montpellier. Ce prélat,
malgré sa vaste érudition, n'a rien publié.
Magasin encyclopédique, 1808, t. v.
saint-simon (Claude-Henri, comte de),
philosophe et chef de secte, né le 17 octobre
1760,àParis,oùilestmort,le 19mai 1825. Neveu
des deux précédents et fils de Balthasar-Henri,
né en 1721 , il appartenait à la branche de Sandri-
court. Ce penseur, qui devait être un des apôtres
du socialisme, fut cependant élevé dans le préjugé
aristocratique qu'il se rattachait par les comtes
de Vermandois à l'empereur Charlemagne. Il
puisa dans cette tradition de famille un amour
de la gloire, qui , excité sans cesse par l'activité
d'imagination dont l'avait doué la nature, lui
donna dès sa jeunesse un vif désir de se dis-
tinguer, une persistance ardente dans les idées ,
et une énergie de caractère qu'il conserva
presque sans faiblesse jusqu'au dernier jour, à
travers les plus rudes épreuves. On raconte
qu'à l'âge de treize ans il refusa de faire sa pre-
mière communion, par le motif qu'il était dans
l'impossibilité d'apporter à cet acte la moindre
conviction; que son père, pour punir ce refus,
l'ayant fait enfermer à Saint-Lazare, le jeune pri-
sonnier ordonna au gardien de le mettre en li-
berté.et que, ns pouvant enobtenir ce qu'il deman-
SIMON H8
dait, il engagea une lutte contre lui, le blessa, prit
les clefs, et s'enfuit chez une tante qui le recon-
duisit, pardonné, à la maison paternelle. On
dit aussi que, peu de temps après, mordu par
un chien enragé , il appliqua lui-même le feu
sur sa blessure, et cacha un pistolet chargé, dans
l'intention de se tuer s'il s'apercevait que le
remède fût inefficace. Il avait à peine seize ans
que son domestique, d'après ses ordres, lui ré-
pétait chaque matin en l'éveillant : « Levez-
vous, monsieur le comte, vous avez de grandes
choses à faire, v Son éducation fut celle des
nobles de son temps, et tournée du côté des
études philosophiques, comme il était de mode
à cette époque, mais sans direction régulière,
quoiqu'il ait compté d'Alembert au nombre de
ses maîtres. Il atteignait sa dix-huilième année
lorsqu'il entra dans lacarrièredes armes (1777).
Heureusement pour lui, il ne s'usa pas dans la
vie degarnison: envoyé en Amérique, il se dis-
tingua dans la journée où Cornwallis se rendit
avec son armée (17 sept. 1781), et il reçut
l'ordre de Cincinnatus. En revenant en France,
il assista à la défaite de l'escadre française, par
Rodney, et le vaisseau la Tille de Paris,
sur lequel il se trouvait, ayant été forcé de
se rendre, il fut conduit prisonnier à la Ja-
maïque, où il resta jusqu'à la paix (1783). En
passant an Mexique, il présenta au vice-roi le
projet de rendre navigable la rivière In Partido,
pour faire communiquer les deux océans. A
peine arrivé en France, il fut nommé chevalier
de Saint-Louis et colonel au régiment d'Aqui-
taine. Le désœuvrement de la vie militaire en
temps de paix ne pouvait convenir à son esprit
actif; après avoir passé, en qualité de commandant
de place, quelque temps à Metz, et suivi le
cours de mathématiques l'ait par Monge à l'école
du génie de Mézières, il quitta le service, dans
l'intention de voyager, et se rendit d'abord en
Hollande (1785). Ensuite il passa en Espagne
(1787). Il communiqua au comte de Cabarrus,
directeur de la banque Saint-Charles, le plan
qu'il avait formé de relier par un canal Madrid
à la mer, et tous deux s'unirent pour en pro-
poser l'exécution au gouvernement espagnol •. le
comte de Cabarrus offrait les fonds, moyennant
concession d'un péage; Saint-Simon prometlait
d'enrôler six mille étrangers, quatre mille comme
travailleurs, et deux mille comme soldats, pour
tenir garnison ; le gouvernement n'avait à four-
nir que Ie3 frais d'habillement et d'hôpitaux. Ce
plan ne fut pas adopté, et Saint-Simon s'occupa
d'établir en Andalousie un service de diligences
semblable à celui qui existait en France. Son
entreprise réussit. La révolution commençait
lorsqu'il alla se fixer dans la commune de Faloy,
près Péronne, où était son patrimoine; il présida
l'assemblée électorale qui devait choisir une nou-
velle municipalité, le 7 février 1-790, et le 12 mai
suivant il rédigea une adresse au nom des
électeurs du canton de Marché-le-Pot, pour de-
ÏJ9 SAiNT-SIMON
mander à l'Assemblée nationale la suppression
des titres de noblesse. Ce fut la seule part qu'il
prit aux actes politiques de la révolution, et il
se contenta du rôle de spéculateur sur les biens
nationaux. Faut-il chercher, comme il l'a fait
lui-même, une excuse à cet emploi financier de
son temps , dans un projet humanitaire de for-
mer un grand établissement d'instruction pu-
blique, ou, comme l'ont dit ses disciples, dans
la nécessité d'acquérir la fortune pour se livrer
ensuite, sans souci des difficultés de la vie, au
travail de ses idées? Ce sont là des explications
aussi confuses qu'insuffisantes. Une seule chose est
certaine, c'est que Saint-Simon fut dévoré à cette
époque de la passion de s'enrichir. Il s'associa
avec M. de Redern (voy. ce nom), qu'il avait
connu à Madrid , et acheta les biens nationaux
de tout le département de l'Orne, ainsi que
quelques immeubles à Paris , entre autres le
grand hôte! des Fermes dans la rue du Bouloi.
La terreur arrêta les spéculations de cette so-
ciété : M. de Redern fut obligé de s'éloigner de
France, et Saint-Simon, arrêté comme noble(l),
fut emprisonné pendant onze mois , d'abord à
Sainte- Pélagie, puis au Luxembourg. Le 9 ther-
midor lui rendit la liberté, et les circonstances
devinrent on ne peut plus propices à l'heureuse
conclusion de ses opérations financières. Les as-
signats, qui ne valaient plus que 6 francs pour
mille, étaient encore acceptés à leur taux d'é-
mission en payement des biens nationaux ; c'est
avec cette monnaie que la société Redern et
Saint-Simon paya les propriétés qu'elle avai-t
acquises : en 1796, elle possédait un fonds
rapportant 150,000 fr. de rente. Habileté, au-
dace ou réussite, ce résultat, sous quelque nom
qu'on le désigne , ne fut pas aussi heureux pour
Saint-Simon que pour M. de Redern; celui-ci
ayant été chargé du partage ne donna à son as-
socié que 150,000 fr. une fois comptés. C'est du
moins , sur cette affaire , la version de Saint-
Simon, qui se contenta de protester, et fit seu-
lement, bien plus tard, quelques démarches
pour recouvrer ce qu'il regardait comme lui étant
légitimement dû.
Cette époque marque une phase nouvelle
dans la vie de Saint-Simon : de l'industrie, il
va passer à la science, des projets d'organisation
financière aux projets d'organisation sociale. Déjà,
dans sa prison , il avait trompé les longues
heures de la solitude par le travail constant de
la pensée , par la concentration de ses idées sur
les eauses de la désunion des hommes et sur les
moyens d'y mettre un terme, par les rêves
(1) Prévenu à temps , il se préparait à quitter, sous un
déguisement, l'hôtel qu'il habitait, lorsqu'on vint pour
l'arrêter : il rencontra au bas de l'escalier les envoyés
du tribunal, > Le citoyen Simon, lui demandérenLIls. —
Le citoyen Simon? répondit-il, voyei au second. » En-
suite, ii monte a cheval et s'enfuit au galop. Mais ayant
apprh que le propriétaire de l'hôtel avait été arrêté pour
avoir favorisé son évasion, il alla s'offrir au tribunal,
afin de le faire élargir.
J20
d'une imagination enthousiaste. « A l'époque ia
plus cruelle de la révolution , a-t-il écrit, et pen-
dant une rruit de ma détention au Luxembourg,
Charlemagne m'est apparu et m'a dit : Depuis
que le monde existe, aucune famille n'a joui de
l'honneur de produire un héros et un philosophe
de première ligne. Cet honneur était réservé à
ma maison. Mon fils, tes succès, comme philo-
sophe, égaleront ceux que j'ai obtenus comme
militaire et comme politique « Saint-Simon se
prépara donc, lorsqu'il eut une fortune indé-
pendante, à remplir cette mission qu'il venait de
se donner, d'enseigner aux hommes les voies
véritables qui devaient les conduire au progrès
et au bonheur. Dans ce but, il commença par
se faire écolier, bien qu'il eût trente-huit ans. Il
alla demeurer en face de l'École polytechnique,
et invita à sa table les professeurs de mathéma-
tique, de physique et d'astronomie, afin d'ap-
prendre d'eux la science des corps bruts ; puis, se
transportant près de l'École de méd-ecine, il re-
çut les physiologistes, et étudia la science des
corps organisés. S'étant marié en 1S01 avecMllede
Champgrand (1), ri ouvrit son salon à tous les
hommes d'élite que Paris possédait alors dans
la science et l'art. Mais comme il ne pou-
vait rien faire avec modération et qu'il apportai!:
dans tout un entraînement passionné, il vit
bientôt s'évanouir dans ses prodigalilés la for-
tune qu'il avait acquise. 11 apprit alors que le
mari de Mme de Staël venait de mourir; il s'i-
magina aussitôt que cette femme, d'après la
hauteur philosophique de ses dernières œuvres,
était la seule capable de s'associer à sa mission,
et il ne douta pas qu'elle, ne consentit à con-
tracter un mari-age avec lui. Il fit donc prononcer,
en juillet 1802, un divorce qui le rendit libre, et
n'hésita pas à se rendre à Coppet, pour proposer
directement à Mme de Staël l'union dont il espé-
rait un résultat fécond pour l'avenir de l'huma-
nité (2). Il resta ensuite quelque temps à Genève, et
y fitimprimerson premier ouvrage : Lettred'un
habitant de Genève à ses contemporains (1803,
in-12). Il demandait d'abord d'ouvrir une sous-
cription annuelle dont le produit serait partagé
entre les mathématiciens, physiciens, chimistes,
physiologistes, littérateurs, peintres, musiciens,
qui seraient désignés trois par trois à la majorité
des voix* afin que les hommes de génie eussent
une récompense digue d'eux. Il établissait en-
suite que le pouvoir spirituel devait être entre
les mains des savants, le pouvoir temporel entre
les mains des propriétaires, le pouvoir de nom-
mer les individus appelés à remplir les fonc-
tions de grands chefs de ^humanité entre les
mains de tout le monde. Il terminait en disant
que la religion n'était qu'une invention humaine.
(1) Elle épousa quelques années plus tard M. de Bawr.
(2) On prétend qu'il lui dit: «Madame,vous êles la femme
la plus extraordinaire du monde, comme J'en suis
l'homme le plus extraordinaire; à nous deux nous aurions
sans doute un enfant plus extraordinaire encore. »
121
SAINT-SIMON
122
Eu 1803 il parcourut l'Allemagne; il avait
visité l'Angleterre l'année précédente. Bientôt
ses ressources s'épuisèrent : forcé de solliciter
une place, il n'obtint qu'au bout de six mois un
emploi de copiste au Mont- de-Piété. Cet emploi
excéda les forces de Saint-Simon, dont la santé
était déjà fort délabrée, et il allait renoncer
à ce pénible moyen d'existence, lorsqu'il fut
recueilli par un de ses anciens commis. « Le
hasard, dit-il dans un écrit de 1808, me fit
rencontrer le seul homme que je puisse appe-
ler mon ami. J'ai rencontré Diard , qui m'a-
vait été attaché depuis 1790 jusqu'en 1797; ....
j'ai été chez lui , et il a fourni avec empresse-
ment à tous mes besoins, même aux frais
considérables de l'ouvrage que j'ai imprimé. »
Cet ouvrage, Introduction aux travaux scien-
tifiques du dix-neuvième siècle (Paris, 1807,
in-8°)est un des plus importants que Saint-Si-
mon ait publiés (1) ; nulle paît il ne s'élève à une
plus grande hauteur de vues générales. Son
but ne tendait à rien moins qu'à faire changer
la méthode scientifique suivie depuis plus de
cent ans, et à remplacer l'analyse par l'induc-
tion; il disait qu'on avait assez expérimenté,
assez collectionné de faits, pour utiliser les
données acquises et construire un édifice conr-
plet avec les matériaux amassés. L'état de
trouble dans lequel se trouvait la société euro-
péenns ne pourrait cesser que lorsqu'une sorte
de magistrature intellectuelle présiderait aux des-
tinées des nations. Les Lettres au Bureau des
longitudes (Paris, 1808,in-4°) ne sont, sous une
forme plus concentrée , que la reproduction de
l'ouvrage précédent. Dans le Prospectus d'une
nouvelle Encyclopédie (Paris, 1810, in-8°),
l'auteur démontrait que Diderot et d'Alembert
n'avaient pas fait une encyclopédie, mais un dic-
tionnaire ; que \emol encyclopédie, signifiant en-
chaînement des sciences , ne pouvait être donné
qu'à une conception dans laquelle les connais-
sances humaines seraient présentées dans l'ordre
de leur filiation, et qu'il était essentiel de re-
commencer le travail.
La mort de Diard, en 1810, vint replonger
Saint-Simon dans la misère. Il n'en continua pas
moins ses travaux, et écrivit deux Mémoires,
l'un Sur la science de l'homme, l'autre Sur la
gravitation universelle; comme il n'avait pas
l'argent nécessaire pour les faire imprimer, il en
adressa des copies à des savants et à des séna-
teurs, entre autres à Lacépède, àCuvier, à De-
gérando, à Cambacérès, à Lebrun, au prince de
Bénévent; une lettre accompagnait cet envoi :
« Monsieur, disait-il, soyez mon sauveur, je
meurs de faim... Depuis quinze jours, je mange
du pain et je bois de l'eau ; je travaille sans feu
et j'ai vendu jusqu'à mes habits pour fournir aux
(1) Il y'joignit uu arbre engyclopédique, qui n'embras-
sait pas seulement les facultés de la connaissance, comme
l'arbre de Bacon, mais aussi tes facultés esthétiques et
•Industrielles.
frais des copies de mon travail. C'est la passion
de la science et du bonheur public, c'est le dé-
sir de trouver un moyen de terminer d'une ma-
nière douce l'effroyable crise dans laquelle toute
la société européenne se trouve engagée, qui
m'ont fait tomber dans cet état de détresse.
Ainsi, c'est sans rougir que je peux faire l'aveu
de ma misère, et demander les secours néces-
saires pour me mettre en état de continuer mon
œuvre. » Cuvier seul l'encouragea à persévérer;
quelques autres, et particulièrement Cambacérès,
l'engagèrent à s'adresser à l'empereur. Il suivit
ce conseil, et fit parvenir au chef de l'État son
Mémoire sur la gravitation , en lui donnant,
sans doute pour attirer plus sûrement l'atten-
tion, ce titre bizarre, que ses disciples ont essayé
vainement d'expliquer -. Moyen de faire recon-
naître aux Anglais l'indépendance des pa-
villons. L'empereur, ne pouvant comprendre la
signification de ce titre, ne s'occupa ni du
mémoire ni de son auteur. Après 1812, Saint-
Simon tenta vainement d'obtenir de M. de Re-
dern, son ancien associé , une partie delà somme
qu'il prétendait lui être due. Il se rendit alors à
Péronne, où il subit une grave maladie, résultat
des longues privations qu'il avait endurées. Sa
famille le soigna, le rendit à la santé et lui fit une
petite pension. Il retourna à Paris.
Après la restauration, Saint-Simon se logea près
de l'École normale; Augustin Thierry devint son
plus intime disciple , et coopéra à la rédaction
de la Réorganisation de la société européenne
(Paris, 1814, in-8°). Cet ouvrage cherchait à
démontrer l'inutilité du congrès de Vienne, l'in-
capacité de tous les congrès à établir une paix
durable, l'impossibilité de faire subsister le corps
social par des conventions et des accords. Il
établissait que notre mépris pour le moyen
âge n'est qu'ignorance; qu'à cette époque seule
le système politique de l'Europe avait été fondé
sur sa véritable base, sur une organisation géné-
rale, dont le lien était l'ancienne unité catho-
lique; qu'aujourd'hui le rôle de la religion et du
clergé catholiques étant terminé, il fallait leur
substituer un parlement européen, ayant le
droit de juger les différends qui s'élèvent entre
les diverses nationalités. 11 ajoutait que le pre-
mier pas à faire vers la réorganisation européenne
était l'union de la France et de l'Angleterre.
Cette dernière proposition , tombant au milieu
des passions haineuses si longtemps avivées par
la guerre, fit regarder l'auteur comme un fou ou
comme un mauvais citoyen ; cependant, ce livre
est le premier de Saint-Simon qui ait eu un grand
retentissement. Il le compléta par un autre, in-
titulé : Opinion sur les mesures à prendre
contr-e lacoalition de 1815 (Paris, 1815, in-8°),
avec Augustin Thierry. Les années suivantes,
il fit paraître l'Industrie ou Discussions poli-
tiques, morales et philosophiques , (Paris, 1817 -
18,4 vol. in-8"). Il eutd'abord pour collaborateurs
dans ce recueil Saint- Aubin et Augustin Thierry ;
123 SAINT-SlMGiN
celui-ci, qui prit en cette circonstance le titre de
fils adoptif de Saint-Simon, cessa cependant
sa collaboration dès la fin du premier volume
et se sépara de son père spirituel; il fut rem-
placé par Auguste Comte. C'est à propos du
t. III de l'Industrie, écrit par ce nouveau dis-
ciple, que quelques banquiers déclarèrent , dans
une lettre du 30 avril 1817, qu'en souscrivant
à l'ouvrage ils avaient entendu non marquer de
la sympathie pour les doctrines, mais simple-
ment faire acte d'aumône. En 1819, Saint-Simon
publia , sous le nom de Parabole, une brochure
hardie, dans laquelle il metlaitnettement au-dessus
des hommes qui font l'éclat, le luxe, la grandeur
superficielle de la société, les hommes qui sont
la base et les moteurs de sa force, de ses pro-
grès, de sa grandeur réelle (1). Déféré à la cour
d'assises, il fut acquitté au mois de mars 1820.
Les divers ouvrages qu'il fit imprimer ensuite
épuisèrent entièrement ses ressources ; voyant
l'impossibilité de faire face par des souscrip-
tions nouvelles à ses propres besoins et aux
frais de ses publications, il écrivit, le 9 mars
1823, à M. Ternaux : « ... J'ai pris le parti de
vous dire adieu. Mes derniers sentiments sont
ceux d'une profonde estime pour vous... J'em-
porte un grand chagrin, c'est celui de laisser la
femme qui était avec moi dans une position af-
freuse... Je vous conjure avec toute l'instance
possible de lui accorder votre protection. Ce
n'est point une domestique, c'est une ouvrière
qui a beaucoup d'intelligence et une délicatesse
qui la rend susceptible d'occuper tout emploi
de confiance. Je finis en souhaitant que vous
viviez longtemps pour le bonheur de tous ceux
qui ont des relations avec vous. » Il éloigna en-
suite l'amie qu'il venait de recommander à M. Ter-
naux, et se tira à la tête un coup de pistolet chargé
de sept chevrotines; aucun de ces projectiles
n'entra dans le cerveau , et , après de longues
souffrances, Saint-Simon fut rendu à la vie, dé-
figuré et privé d'un œil (1). Quelque temps après,
Auguste Comte se retira , et fut remplacé par
OlindeRodrigjues, auquel se joignirent MM. Léon
Halévy, Bailly (de Blois) et Duvergier.
(1) Voici le résumé de cette Parabole : « Nous suppo-
sons que la France perde subitement les trois mille pre-
miers savants, artistes et artisans qu'elle possède. Comme
de tous les Français, ils sont les plus producteurs, les
plus utiles à leur pays, ceux qui lui procurent le plus de
gloire, qui hâtent le plus sa civilisation et sa prospérité,
il faudrait à la France au moins une génération entière
pour réparer ce malheur. Supposons maintenant qu'elle
ait le malheur de perdre, en un même jour, Monsieur,
frère du roi, les ducs et duchesses d'Angoulême, de
Berri , d'Orléans, de Bourbon, les grands officiers de la
couronne, les ministres d'État, les évèqucs, les préfets,
les Juges, les employés des ministères , et de plus les dix
mille propriétaires les plus riches : cet accident afflige-
rait certainement les Français, parce qu'ils sont bons;
mais cette perte de trente mille individus, les plus im-
portants de l'État, ne leur causerait de chagrin que sous
un rapport purement sentimental ; car II n'en résulterait
aucun mal pour l'État, par la raison qu'il serait très-facile
de remplir les places devenues vacantes. »
(2) Il habitait alors la maison où est mort Molière,
rue Richelieu, n° 34.
124
La dernière œuvre de Saint-Simon, le Nou-
veau Christianisme (Parts, 1825, in-8°), est
aussi son œuvre la plus remarquable et, pour
ainsi dire, le couronnement de sa vie. Le chris-
tianisme, d'après lui, a été détourné de ses voies ;
progressif de sa nature, devant se modifier selon
les pays et les âges, il a été immobilisé dans les
entraves canoniques ; le clergé, qui a la mission
d'enseigner, ne sait rien lui-même de ce qu'il faut
à notre temps et à nos mœurs; il est donc dans
une incapacité complète; le christianisme réformé
de Luther n'est pas plus dans le vrai que l'Église
catholique ; en supprimant du culte les arts qui
charment la vie, en ne s'occupant pas de l'amé-
lioration physique des classes pauvres, Luther a
continué la lutte fatale delà matière et de l'intel-
ligence, du corps et de l'esprit. Le christianisme
nouveau a un but plus large, et qui embrasse
tous les besoins de l'humanité ;'il dérive du grand
principe:« Aimez-vous les uns les autres », qu'il
approprie à l'état actuel de la société et dont il
tire la formule suivante : « La religion doit di-
riger toutes les forces sociales vers l'améliora-
tion morale et physique de la classe la plus nom-
breuse et la plus pauvre. » Voilà tout le chris-
tianisme, et il lui faut pour prêtres les hommes
les plus capables de contribuer par leurs travaux
à la moralisation et au bien-être général. Les dis-
ciples de Saint-Simon déduisirent de ces prémisses
la hiérarchie sociale basée sur la capacité et sur
les œuvres, l'église universelle gouvernant le
temporel comme le spirituel, comprenant toutes
les fonctions, toutes les professions, sanctifiant
la science et l'industrie, réglant les vocations,
fixant les salaires, partageant les héritages et
prenant les meilleurs moyens pour que les tra-
vaux de chacun concourent au bien de tous.
Quant au maître, il n'eut pas le temps d'ajouter
des corollaires à son livre; malade, ne vivant
que de bouillon, il conservait cependant une
grande sérénité, une merveilleuse activité d'es-
prit, et il s'occupait de la publication du Pro-
ducteur, journal destiné à développer ses doc-
trines, lorsqu'il mourut, le 19 mai 1825, à
soixante-quatre ans et sept mois, rue du Fau-
bourg Montmartre, n° 9. Ses principaux collabo-
rateurs l'entouraient; il les entretint jusqu'à la
fin. « Toute ma vie se résume dans une pensée,
dit-il : assurer à tous les hommes le plus libre
développement de leurs facultés... On a cru que
tout système religieux devait disparaître parce
qu'on avait réussi à prouver la caducité du sys-
tème catholique ; on s'est trompé : la religion ne
peut disparaître du monde, elle ne fait que se
transformer.. Rodrigues, ne l'oubliez pas, et
souvenez-vous que, pour faire de grandes choses,
il faut être passionné... La poire est mûre, vous
devez la cueillir. Quarante - huit heures après
notre seconde publication nous serons un parti. »
Ses dernières paroles, qu'il accompagna d'un
geste expressif, furent, à voix basse, mais dis-
tincte : « Nous tenons notre affaire. »
125 SAINT
On a voulu faire de la vie de Saint-Simon un
tout logique et s'avançant, par un enchaînement
d'actes et de pensées, vers un but final qu'il se
serait fixé dès sa jeunesse; il a contribué lui-
même à répandre celte opinion, qui le grandirait
outre mesure et conviendrait mieux à un Messie
qu'à un homme. Mais la simple succession des
faits ne permet pas d'accueillir une si haute
hypothèse, et jusqu'à la dissolution de la so-
ciété Redern on ne peut voir en lui qu'un esprit
actif et inquiet, une imagination ardente, cher-
chant dans des voies diverses un chemin vers
la gloire et vers la fortune. A partir de cette
époque tout se tient et se lie mieux dans sa vie,
ses études, ses voyages, ses écrits, les expériences
qu'il fait sur les individus et sur la société, tout
semble n'avoir qu'un but, la recherche d'une
réorganisation sociale ; son premier ouvrage, les
Lettres d'un habitant de Genève, offre en
germe les idées qu'il achèvera d'exposer dans
le Nouveau Christianisme : on y trouve
déjà l'humanité considérée comme formant un
être, une unité collective, vivante, supérieure
non-seulement aux individus, mais aux nations ;
on y entend déjà l'appel fait à la science de
prendre la direction de la société. Cependant ,
sa doctrine ne se présente pas tout d'un coup
dans sa plénitude; il la construit peu à peu. Ce
qui le frappe d'abord , c'est l'incapacité du
clergé à diriger les forces de notre temps ; il ne
dégage que plus tard de l'obscurité de ses con-
ceptions premières le rôle même de ces forces,
la science et le travail, double base de l'é-
difice futur. Il ne montre d'abord d'autre des-
sein que de rappeler ou d'annoncer à son
siècle certaines vérités, puis de simple théoricien
il songe à se faire réformateur; il cherche, il
trouve des adeptes; le philosophe devient théo-
sophe et grand prêtre de la religion nouvelle.
Sa doctrine manquait trop de développements
précis pour ne pas appeler la division chez ses
disciples. Ils se laissèrent entraîner davantage,
selon leurs tendances personnelles, les uns vers
la partie spirituelle, les autres vers la partie ma-
térielle des idées du maître. Cette division n'a
pas peu contribué à hâter la dissolution de la
secte saint-simonienne. Elle perdit bientôt son
caractère religieux pourse réduire à n'êlrequ'une
camaraderie, et à se partager de nos jours en
plusieurs sociétés d'affaires qui se soutiennent
et s'entr'aident. Ce résultat sans doute est un
peu mesquin pour une association qui prétendit
un jour à l'honneur d'être une religion; mais il
ne doit pas nous faire oublier que les idées de
Saint-Simon ont puissamment contribué au mou-
vement social qui tend à l'amélioration générale,
et qu'elles ont formé, séduit ou entraîné, à des
degrés divers , des hommes qu'il suffit de citer
pour signifier intelligence , hauteur de vues ou
habileté : MM. Augustin Thierry, Auguste Comte,
Olinde Rodrigues, Bailly (deBlois), Léon Halévy,
Duvergier, Bazard, Enfantin, Cerclet, Bûchez,
SlMOiN V2<\
C'arnot, Michel Chevalier, Henri Fournel, Dugied,
Barraitlt, Charles Duveyrier, Talabot, Pierre
Leroux, Jean Reynaud, Emile Péreire, Félicien
David, Saint-Chéron , Guéroult, Charton, Ca-
zeaux, Dubochet , Stéphane Mony. « Une foule
de questions qui sommeillaient avant le saint-si-
monisme, dit M. Louis Reybaud, ont été, par
son seul avènement, éveillées d'une façon si
brusque et si bruyante, que, placées désormais
en relief, elles sont acquises à la curiosité géné-
rale, et livrées à cet esprit d'analyse qui tôt ou
tard agira sur elles par un travail de prépara-
tion. Le saint-simonisme sera à l'avenir social
ce qu'est un ballon d'essai dans une expérience
aéronautique. Le ballon d'essai s'enlève aux yeux
de la foule étonnée, monte, s'amoindrit peu à
peu, et se noie dans l'espace : après un rôle
court et brillant, c'est fait de lui ; mais le grand
aérostat y a gagné du moins de connaître l'é-
tat des zones atmosphériques, et les caprices
des aires de vent qui l'attendent sur son che-
min. »
Outre les ouvrages que nous avons cités , et
qui présentent plus expressément la pensée de
l'auteur, Saint - Simon a publié : Lettre à
MM. Comte et Dunoyer, dans le Censeur eu-
ropéen, t. III, 1814; — Le Défenseur des pro-
priétaires des domaines nationaux; Paris,
1815 (seulement le prospectus); — Profession
de foi des auteurs de l'ouvrage annoncé sous
le titre : le Défenseur, etc.; ibid., 1S15, in-8°;
— Profession de foi au sujet de Vinvasion
du territoire français par Napoléon Bona-
parte; ibid., 1815, in- 8°; — Quelques idées
soumises à l'assemblée générale d'instruc-
tion primaire ;ibid., 1815, in-8°; — Le Poli-
tique, par une société de gens de lettres; ibid.,
1819, 2 vol. in-8°, périodique; — L'Organisa-
teur ; ibid., 1819-20, in-8° ; publiée par morceaux
détachés; — Lettre aux jurés qui doivent
prononcer sur l'accusation intentée contre
moi; ibid., 1820, in-8°; — Considérations sur
les mesures à prendre pour terminer la ré-
volution; ibid., 1820, in-8°; — Trois lettres
à MM. les cultivateurs, fabricants, négo-
ciants, banquiers et autres industriels ; ibid.,
1820, in-8°; — Lettre d'envoi à MM. les in-
dustriels; ibid., 1820, in-4° ; — Six Lettres
sur les Bourbons; ibid., 1820, in- 8°; — Du
Système industriel ; ibid., 1821, in-8°; — Opi-
nions littéraires, philosophiques et indus-
trielles; MA., 1821-25, in-8°; — Des Bour-
bons et des Sluarts; ibid., 1822, in-8°; —
Catéchisme des industriels; ibid., 1824,
in-8°. Il a laissé en manuscrit plusieurs ou-
vrages, notamment le Mémoire sur la gravi-
tation et celui sur la Science de l'homme.
Ces deux mémoires ont été publiés par M. En-
fantin, un de ses disciples, puis dans les Œuvres
choisies de Saint Simon (Bruxelles. 1859. 3 vol.
in-12). M. Olinde Rodrigues avait entrepris une
édition complète de ses œuvres, mais il n'a pu
127
SAINT-SIMON
128
en donner que les tomes I et II (Paris, 1832,
in-S°). J. MOREL.
Louis Reyband, Études sur les réformateurs ou socia-
listes modernes. — Vlllenave, llist. du saint simonisme
et de la famille de Rothschild ; Paris, 18V!, in-8». —
G. Hubbard, Saint-Simon, sa vie et ses travaux; Paris,
1837, in-lî. — Loménie, Galerie des contemp., t. X. —
Essai sur la doctrine de Saint-Simon , à la tête des
Couvres choisies ; Bruxelles, 1859. — H. Fournel, Bibliogr.
saint-simonienne.
saint-simon {Claude- Anne, marquis, puis
duc de), capitaine général, né le 16 mars 1740,
à la Faye, près Ruffec, mort le 3 janvier 1819,
à Madrid. Il était l'un des fils de Louis-Gabriel
de Saint-Simon, de la branche des seigneurs de
Montbleru. En sortant de l'école militaire de
Strasbourg, où il fut élevé, il passa dans le régi-
ment d'Auvergne, et y fit ses premières armes. A
dix-buk ans il entra comme lieutenant chef de
brigade dans les gardes du roi Stanislas. Ayant
bientôt après reçu le brevet de colonel, il com-
manda en 1771 le régiment de Poitou et en
1775 celui de Turenne, avec lequel il fut envoyé
en 1779 à la Martinique. L'année suivante il
entra au service de l'Espagne et eut sous ses
ordres un corps de 2,000 hommes, à la tête du-
quel il se distingua dans la guerre d'Amérique;
sa conduite lui valut l'ordre de Oincinnafus. De
retour en France, il fut nommé gouverneur de
Saint-Jean Pied-de-Port (mai 1783). Élu le pre-
mier par la noblesse de l'Angoumois, il siégea
aux états généraux, parmi les amis de la cour et
des privilèges; après avoir prêté eu 1790 le ser-
ment civique pour ce seul motif que la constitu-
tion laissait à la nation le droit de changer la
loi qu'elle s'était donnée, il adhéra aux protesta-
tions de la minorité, et partit pour l'Espagne.
Dans la même année (1793,) il devint maréchal
de camp (16 mai), colonel de la légion royale
des émigrés (29 septembre), lieutenant général
( 10 octobre), et il reçut deux coups de feu, l'un
au combat d'Irun, l'autre à l'affaire d'Argensu.
En 1795 il commanda en second l'armée de Na-
varre, et en 1796 il forma le régiment de Bour-
bon, et fut mis comme capitaine général à la
tête de la Vieille-Cas tille. En 1801 il prit part
aux opérations militaires contre le Portugal.
Lors du siège de Madrid par les Français (1808),
Saint-Simon se trouvait dans la ville, et la dé-
fendit : fait prisonnier et condamné à mort par
un conseil de guerre, il obtint un sursis, puis
une commutation de peine, et fut enfermé dans
la citadelle de Besançon, où sa fille unique, com-
pagne volontaire de sa prison, l'entoura des soins
les plus touchants. Les événements de 1814 le
rendirent à la liberté, et son jugement fut dé-
claré nul par des lettres patentes de Louis XVIII,
qui déclara en outre qu'il avait bien mérité par
sa fidélité de la maison de Bourbon. Il revint
en Espagne, et fut élevé par Ferdinand VU à la
double dignité de duc et de capitaine général
(octobre 1814), enfin en 1825 au grade de colo-
nel des gardes wallonnes. Depuis il vécut à l'é-
cart des événements politiques, qui agitèrent son
pays d'adoption. Le 15 septembre 1803, il avait
été créé grand d'Espagne par Charles IV.
Jay, Jouy, etc., Biogr.nouv. des Contemp.
* Saint-Simon (Henri-Jean-Victor, mar-
quis, puisducDE), général et sénateur, neveu du
précédent, né le 12 février 1782, au château des
Doucets, commune de Péreuil (Charente). Fils de
Louis-Charles de Saint-Simon, capitaine au régi-
ment Royal-Picardie, mort en 1 790, et d'Adélaïde-
Blanche-Marie de Saint-Simon Sandricourt, il
s'engagea en 1800 dans un régiment de hussards, et
fit ses premières armes sous Moreau. Sous- lieute-
nant au 2e decarabiniers (1802), puis aide decamp
du maréchal Ney (1 805),il fut nommé capitaine sur
lechamp de bataille d'Iéna( 1806). Chef d'escadron
en 1808, il passa en 1809 en Espagne, et com-
battit à Vittoria, Saragosse, Madrid , Astorga ,
Lugo et la Corogne. En 1812 il prit le com-
mandement du 29e de chasseurs, et fut en 1813
chargé par Lamarque de celui de l'avant-garde
d'une division active qui opérait en Catalogne.
Il fut cité plusieurs fois dans les bulletins de
cette armée, notamment pour sa conduite au
combat de Vich. Après la déchéance de Napo-
léon , il se rallia aux Bourbons, entra comme
sous-lieutenant dans les gardes du corps, et ac-
compagna le roi à Gand, où il reçut le grade de
maréchal de camp (15 mai 1815). Dans la suite
il commanda les départements du Calvados, de
la Manche et du Loiret , et devint pair de France
le 5 mars 1819 avec le titre de marquis. Le
3 janvier précédent la mort de son oncle,
Claude-Anne, l'avait rendu héritier du titre de
duc et de la grandesse d'Espagne. Après avoir
pendant quelques mois représenté la France en
Portugal, il fut envoyé en Danemark (Il oc-
tobre 1820), et fut maintenu dans ses fonctions
par le gouvernement de Juillet. Rappelé le
20 mars 1833, il devint gouverneur général des
possessions françaises dans les Indes (6 sep-
tembre 1 834), et reçut à son retour le grade de
lieutenant général (18 déc. 1841). De 1844 à
1848, il commanda en Corse la 17e division mi-
litaire , fut mis à la retraite par le gouvernement
provisoire, et réintégré ensuite dans le cadre de
réservepar le décretdu l" décembre 1852. M. de
Saint-Simon a été compris dans la première
promotion du sénat (26 janvier 1852). Remis
par Louis XVIII en possession des manuscrits
autographes des Mémoires du duc Louis de
Saint-Simon, il a revendiqué sur cette œuvre
des droits de propriété que la cour impériale de
Paris a reconnus, et grâce à lui on a pu don-
ner en 1857 une édition correcte et complète de
ces Mémoires, tronqués et défigurés par Sou-
lavie et autres. Chevalier de la Légion d'hon-
neur (14 mars 1806), M. de Saint-Simon éîait
grand-croix depuis le 30 décembre 1855. De
son mariage avec Anne-Marie de Lasalle, il n'a
eu que deux filles, Eugénie- Blanche, marquise
d'Estourmel, et Alix, vicomtesse d'Hédouville.
Le Sénat de l'empire français.
129
SAINT-SORLIN — SAINT-VINCENT
i?A
SAINT-SORLIN. VotJ. DE6MARETS.
saint-viscent ( Grégoire de ) , géomètre
belge, né à Bruges, en 1584, mort à Gand, le
27 janvier 1667. Sa jeunesse fut entièrement
consacrée à de sérieuses études, qu'il alla con-
tinuer à Rome , où ses premiers succès en ma-
thématiques furent remarqués par les Jésuites.
Ceux-ci parvinrent à l'attirer dans leur ordre
(1605), espérant bien qu'il l'honorerait un jour.
Devenu disciple du célèbre Clavius, il lui succéda
dans la chaire de mathématiques. Vers 1625,
Philippe IV l'invita à se rendre à Madrid pour y
remplir les fonctions de précepteur de son fils
don Juan d'Autriche Saint-Vincent préféra ac-
cepter les offres de l'empereur Ferdinand If, qui
l'appelait à Prague II se trouvait dans cette
ville en 1631, lorsqu'elle fut prise et saccagée
par les troupes de Gustave-Adolphe. Unegrande
partie des manuscrits du savant géomètre fut
brûlée par la so.datesque. Quelques papiers
furent cependant sauvés , grâce au dévouement
d'un ami, Rodrigue de Arriaga, théologien dis-
tingué. Grièvement blessé, Saint Vincent se ré-
fugia à Vienne, d'où il vint ensuite se fixer à
Gand : là, il continua à professer les mathé-
matiques et à reconstruire le fruit de ses re-
cherches de plusieurs années . Il mourut à quatre-
vingt-trois ans, d'une attaque d'apoplexie.
Grégoire de Saint-Vincent doit la meilleure
part de sa célébrité à son livre intitulé : Opus
geomelricum quadraturse circuit et sectio-
num coni X libris (Anvers, 1647, in-fol.). « Ja-
mais, dit Montucla, géomètre n'a poursuivi avec
plus de génie et d'assiduité cet important pro-
blème, à travers toutes les épines de la géomé-
trie; et quoiqu'il ait manqué son but, l'abon-
dante moisson de vérités nouvelles qu'il rapporta
de celte recherche lui a mérité un rang parmi
les géomètres les plus distingués. » Leibniz
porte sur Grégoire de Saint-Vincent le juge-
ment que voici : « Majora (nempe Galilea-
nis ac Cavellerianis ) subsidia attulere,
Cariesius ostensa raiione, lineas geometriœ
commuais exprimendi per sequationes ,
Fermatius inventa metfiodo de maximis ac
minitnis, ac Gregorius a ^ancto-Vincentio ,
mu! fis prx clans, inven/is (Act. Lips., ann.
1695) »Le livre de Saint Vincent ne vit pas plu-
tôt le jour qu'on s'empressa de toutes parts à
l'examiner. Le titre qu'il portait, le nom de
son auteur et la quantité d'excellentes choses
qu'il contenait, étaient fort capables de piquer
la curiosité; mais sa quadrature ne soutint pas,
comme le reste, l'épreuve de l'examen. Des-
cartes en aperçut bientôt la lausseté.et montra la
source de l'erreur dans une lettre au P. Mersenne.
Elle fut ensuite publiquement réfutée par Huygens,
alors encore fort jeune, dans un écrit, mo-
dèle de netteté et de précision ; et plus au long
par le P. Léotaud, habile géomètre dauphinois!
Ce fut en vain que deux disciples de Grégoire de
Saint- Vincent, les PP. Aynscom et de Sarasa, se
NOCT. BIOGR. GENER. — T. XLIU.
constituèrent ses défenseurs. Tout en échouant
quant au principal objet de ses recherches,
Saint-Vincent nous a laissé un grand nombre de
découvertes importantes et curieuses : telles
sont une multitude de propriétés nouvelles deg
sections coniques; la sommation des termes et
des puissances des termes des progressions par
des considérations géométriques ; des moyens
variés de mesurer la parabole et les figures con-
sidérées par les anciens; la mesure de beaucoup
de solides de révolution; etc. Comme Cavalieri
ethoberval, il appliqua, mais d'une manière
qui lui était propre, les méthodes d'Archimède
pour la quadrature desespacescurvilignes.il
trouva ainsi la propriété remarquable des aires
hyperboliques entre les asymptotes, qui sont les
logaritbmesdes abscisses. — Il a laissé de nom-
breux manuscrits, qui ont été réunis en 13 vol.
in-fol., et que possède la bibliothèque de
Bruxelles. On a encore de lui : De cometis;
Lou vain, 1619, in-4°; — Theoremata mathe-
matica scientix staticae de ductu ponderum
per planitiem, proposita; Lou vain, 1624,
in-4u; — Opus ad Mesolabium per rationum
propor/umalium novas proprietates ; Gand,
1668, in-fol. E. M.
Alegambc — Sntwel. — Montucla, Histoire îles ma-
thémat.. II. — Quételet, Cnrresp. mattiém. etpliilos.,l.
— Chastes, si perçu historique. — Paquot, Mémoires, X.
saint-Vincent ( Pierre - Augustin Ro-
bert de), magistrat français, né à Pans, le
1 5 juillet 1725, mort à Brunswick , le 29 dé-
cembre 1799. Fils d'un conseiller au parlement
de Paris , il reçut une éducation sévère et fut de
bonne heure imbu des idées jansénistes parta-
gées par toute sa famille. Après avoir pris sesde-
grés en droit, il fut reçu conseiller le 12 janvier
1748. Défenseur enthousiaste des parlements, il
prétendait qu'ils pouvaient seuls être la sauve-
garde des libertés publiques, et se mit avec son
collègue Duval d'Espremenil , bien p!us jeune
que lui, à la tête de ces magistrats, qui bâtèrent,
sans s'en douter, la chute de la monarchie. Ou-
bliant son âge, il se montra l'un des frondeurs
les plus implacables de la cour, et sa critique
paraissait d'autant plus dangereuse, qu'elle était
dirigée par un grand fonds de probité, et par
l'amour du bien public. On le vit, dans la fa-
meuse affaire du collier, prendre vivement avec
Fret eau de Saint-Just les intérêts du cardinal
de Rolian, et conclure à son acquittement « en.
blâmant, dit Georgel, la publicité donnée à ce
procès et la scène si peu refléchie du 15 août,
dans la galerie de Versailles. » Sou opinion fut
adoptée, comme on le sait. Le 19 décembre 1786,
il dénonça aux chambres assemblées le Pasto-
ral de Paris , réimpression avec plusieurs
changements du Rituel que M. de Juigné avait
dix années auparavant, publié à Châlons : mal-
gré ses instances pour qu'on en fît arrêter
la distribution séance tenante , cette affaire
n'eut pas de suite. Il prit une part active à l'arrêt
131
SAINT-VINCENT — SAINTE-AULAIRE
132
;rendu, en août 1787, contre l'enregistrement
forcé de l'édit sur l'impôt territorial et du
timbre, et partagea l'exil du parlement àTroyes.
Louis XVI, s'étant rendu le 19 novembre sui-
vant au parlement, pour y faire enregistrer un
édit portant création d'emprunts pour 420 mil-
lions, Robert de Saint- Vincent adressa au mo-
narque un discours d'une franche audace, et,
oubliant le respect dû à la majesté royale, fit
entendre les observations les plus violentes,
auxquelles son débit , son organe et son geste
ajoutaient encore plus de rudesse et d'originalité.
Louis XVI ne lui tint pas rancune , mais le car-
dinal de Brienne, principal ministre, et le garde
des sceaux Lamoignon le firent éloigner pendant
quelque temps. Lors de l'arrestation ded'Espré-
menil et de Montsabert, Saint- Vincent fut un
des membres delà députation chargée d'aller
faire au roi des représentations sur l'excès des
malheurs qui menaçaient la nation. Bientôt
après, prévoyant le sort qui lui serait réservé,
comme à ceux dont il avait partagé les er-
reurs, il s'empressa d'émigrer avec sa femme,
Elisabeth Jogues, qu'il perdit à Wandsheck (du-
ché de Holstein), le 8 décembre 1796. Un prince
ecclésiastique d'Allemagne lui avait, en sep-
tembre 1793, ordonné de sortir de ses États ,
en raison de ses principes religieux, et le comte
de Provence (plus tard Louis XVIII) dut in-
terposer sa médiation pour faire annuler cette
décision. Après avoir résidé à Genève, puisa
■Chambéry, Saint -Vincent alla à Brunswick.
Une loi du 9.6 août 1790 adjugea, comme bien
d'émigré, la maison où il était né, rue Haute-
feuille, au mécanicien J.-P. Droz pour le ré-
compenser de ses découvertes dans la fabrica-
tion des monnaies. H. F.
Georgcl, Mémoires. — Sallier, Annales françaises. —
Mémoires du temps. — Nougaret, Anecdotes du règne
de Louis XVI. — Docum. paît.
SAINT-VINCENT. Voy. JERVIS.
saint-yves (Charles), oculiste français,
né le 10 novembre 1667, à Maubert-Fontaine,
près Rocroi (Ardennes), mort le 3 août 1733,
dans le même lieu (I). Sa famille était attachée
au domaine de MUe de Guise, et lui-même dut à
cette princesse les soins de sa première éduca-
tion. Après les études ordinaires, il embrassa
la vie monastique, et fit profession en 1686 chez
les lazaristes de Paris. Les dispositions qu'il
montra le firent employer dans la pharmacie de
leur maison; en même temps qu'il travaillait à
la préparation des drogues, il étudia la méde-
cine et la chirurgie, et après s'être exercé douze
a quinze ans dans les trois parties de l'art de
guérir, il se voua entièrement au traitement des
maladies des yeux. « Cette partie de l'art était
alors assez négligée, dit Éloy. Il se fit donc
une affaire de l'éclairer par ses recherches, et il y
réussit si bien que les guérisons surprenantes
(1) Nous avons suivi le» indications de l'abbé Boulliot,
<|ui paraissent les plus sûres.
qu'il procura (1) lui attirèrent une affluence con-
sidérable de malades de la ville et de toutes les
provinces du royaume.... Bon et charitable, il
quittait tout, même ses repas, quand on lui di-
sait que c'était des gens de la campagne qui ve-
naient le consulter et qui devaient retourner le
même jour. Il leur fournissait, ainsi qu'aux
pauvres de là ville, ses ordonnances et les re-
mèdes gratis, et si leurs maladies exigeaient
des opérations, il les faisait demeurer à Paris,
sollicitait des aumônes pour leur subsistance,
et le plus souvent il y fournissait de sa bourse.»
Afin de vaquer plus librement à ses travaux,
Saint-Yves quitta en 1711 la maison de Saint-
Lazare, et s'installa chez son frère aîné, dans la
rue Notre-Dame de Bonne-Nouvelle. En 1715
il s'adjoignit un jeune élève en chirurgie nommé
Léoffroi : l'adresse et le caractère de ce jeune
homme lui plurent tellement qu'd le maria avec
sa gouvernante, l'autorisa à porter son nom
et le fit son légataire universel. La fortune qu'il
laissa fut évaluée à plus de 500,000 fr. (2). On a de
lui : Nouveau Traité des maladies des yeux;
Paris, 1722, in-8o,et 1767, in- 12; trad. en anglais
et en allemand : ouvrage très-estimé et qui con-
tient, outre des remarques intéressantes, plu
sieurs descriptions de maladies peu connues.
Éloy, Dict de la médecine. — Haller, Bibl. chiruraica.
— Portai, Hist. de la chirurgie. — Cairaet, Bibl. lor-
raine. — Bculliot, ISiogr. ardemiaise.
sainte-aijlaire (Beaopoil de), maison
ancienne, originaire de la Bretagne, où elle pos-
sédait la seigneurie de Noëmalet. En 1440 Ju-
lien de Beaupoil, plus tard écuyerdu roi Char-
les VII, acquit dans les environs d'Uzerche en
Limousin la terre de Sainte-Aulaire, qui vient
du mot latin corrompu Sancta Eulalia. Parmi
ses descendants nous citerons Jean II , maître
d'hôtel de François Ier; François , qui se dis-
tingua dans la bataille de Montcontour; André-
Daniel, évêque de Tulle de 1702 à 1720, ef
ceux qui suivent.
Nobiliaire unie, de France.
sainte -AULAiRE ( François - Joseph DE
Beaufoil, marquis de), né en 1643, au château
du Bary (Limousin), mort le 17 décembre 1742,
à Paris. Il passa sa première jeunesse dans son
pays, « entouré, dit-il , d'automates que je m'A
musais à voir dédaigner le génie et les talents,
d'aussi bonne foi que s'il n'avait tenu qu'à eus
de les posséder. » 11 fit son occupation de la
lecture d'Horace et de Virgile, et l'âge venu
d'embrasser une carrière, il choisit celle des
armes. Mme de Lambert nous apprend qu'il w
se contenta pas d'assurer sa réputation sur I;
valeur, qu'il en donna souvent des preuves aux
dépens de sa soumission aux lois; « c'est U
seule infidélité, ajoute-t-elle, qu'il leur ait jamais
(1) Dans le seul printemps de 1708, il enleva 571 cata
ractes.
(2) Léoffroi eut en 173^ un procès à soutenir contre Ii
neveu de Saint-Yves, et le gagna. Cayot de Pitaval l*a in-
séré dans le t. V des Causes célèbres.
133
faite. » 11 avait soixante ans lorsqu'il publia, sous
le voile de l'anonyme , sa première pièce devers,
qui fut trouvée assez belle pour être attribuée à
La Fare; quand on sut que Sainte-Aulaire en était
le véritable auteur, chacun s'étonna qu'on se
montrât poète ù un âge si avancé. La cour litté-
raire de la duchesse du Maine brigua l'honneur
de le posséder : il en fit partie pendant une qua-
rantaine d'années environ, ne cessa d'égayer
cette société d'élite par des saillies piquantes,
entre autres ce madrigal si connu , et qu'il im-
provisa, dit-on, lorsque la duchesse, qui l'ap-
pelait ordinairement son Berger, l'appela son
Apollon en lui demandant un secret :
la divinité qui s'amuse
A me demander mon secret,
Si j'étais Apollon ne serait point ma muse :
Elle striiit Thétis et le jour finirait.
L'abbé Testu ayant laissé par sa mort une place
vacante à l'Académie (1706), Sainte-Aulaire se
porta candidat : son élection fut presque una-
nime; « elle eut le bonheur, dit D'Alêmbert,
d'être approuvée du public même, qui, soit hu-
meur, soit justice , ne joint pas toujours sa voix
à celle des académiciens. » Il est à remarquer
que Boileau ne voulut jamais accorder son suf-
frage à Sainte-Aulaire. « Voilà, s'écria-til enli-
sant une pièce de vers de ce poëte, un plaisant
titre pour obtenir un fauteuil à l'Académie! Je
n'ai point de voix à donner à un homme qui à
soixante ans écrit des vers aussi pitoyables et
aussi impudiques. » L'abbé Abeille ayant ajouté
que le marquis ne travaillait pas comme un
poëte de profession, mais qu'il se bornait à faire
de petits vers comme Anacréon : « Comme Ana-
créon ! répéta Boileau , et vous l'avez lu , vous
qui en parlez? Eh bien donc, Monsieur, si vous
estimez tant les vers de votre marquis, vous
me ferez un très-grand plaisir de mépriser les
miens. » Plus juste que l'auteur du zWrin, mais
donnant un trop libre essor à la louange, Vol-
taire a dit dans Le Temple du Goût :
L'aisé, le tendre Sainte-Aulaire
Plus vieux encor qu'Anacréon,
Avait une voix plus légère.
On voyait les fleurs de Cythére
Et celles du sacré vallon
Orner son front octogénaire.
Les poésies de Sainte-Aulaire se trouvent dans
divers recueils. Son discours de réception , pro-
noncé le 23 septembre 1706, et loué par D'A-
lêmbert, fut ce qu'il devait être dans la circons-
tance, simple et modeste. Celui qu'il pro-
nonça, le 6 mars 1738, en réponse au duede La
Trémouille fut plein de sentiments. On rapporte
qu'il répondit au prêtre qui l'exhortait longue-
ment à se préparer à la mort : « Monsieur, je
vous suis très-obligé : ne vous suis-je plus bon à
rien ? » Martial Audoin.
Voltaire, Siècle de Louis X1F. - Titon du Tillet,
Suppl. au Parnasse français . — Mme de Lambert, t. I,
p. ICC. - Moréri, Grand dict. hist. — Sabatier, Les
Trois siècles. - Feuille hebd. de Limoges, 16 oct. 1776.
-. D'Alcmbert, Hist. des membres de l'Âcad. française.
sainte-aulaire (Marc- Antoine- Front
SAINTE-AULAIRE 134
de Beaupoil de), marquis de Lanmary, lieute-
nant général, né le 25 octobre 1689, mort le
24 avril 1749, à Stockholm. A la mort de so:i
père, Louis, tué en 1702, au combat de Casal-
maggiore, il hérita de la charge de grand échan-
son de France, qu'il occupa jusqu'au mois de
mai 1731. Mousquetaire à dix-sept ans, il servit
en Flandre et sur les frontières du Rhin, assista
à la journée de Malplaquet ainsi qu'aux sièges
du Quesnoy, de Fribourg et de Philipsbourg, et
obtint en 1730 une compagnie dans les gen-
darmes de Bourgogne. 11 fut nommé en 1738 ma-
réchal de camp et lieutenant général le 1er jan-
vier 1748. Au mois d'août 1741 il se rendit ù la
cour de Suède en qualité d'ambassadeur, et ce
fut là qu'il mourut.
Gazette de France, 31 mai 1749.
saixte-aclaire ( Martial-Louis de Beau-
poil de), prélat, né en 1720, mort en mars 1798, à
Fribourg (Suisse). Il fut appelé en 1759 à l'évêché
de Poitiers. Le clergé de la sénéchaussée du Poi-
tou le choisit pour député aux états généraux
de 1789-, il se montra l'adversaire des innova-
tions, et adhéra à tous les votes de la minorité.
Le 4 janvier 1791 il monta pour la première et
la seule fois à la tribune, et ce fut pour protester
contre le serment qu'on exigeait des ecclésias-
tiques à la constitution civile, « ne voulant pas,
disait-il , se déshonorer en reniant Dieu ». Dans
la même année il passa en Angleterre, et de là en
Suisse.
Sainte-Aulaire ( Cosme-Joseph de Beaupoil,
comte de), lieutenant général, né le 10 septembre
1743, mort en 1822. Admis en 1767 dans les
gardes du corps, il y devint enseigne, puis
lieutenant (1776); en 1788 il fut nommé maré-
chal de camp. Ayant suivi les princes dans l'é-
migration, il servit contre la France, et n'y re-
vint qu'en 1814 ; il reçut de Louis XVIII le grade
de lieutenant général ( 21 sept. ) et la grand'-
croiv de Saint-Louis.
Sainte-Aulaire (Jean- Yrieix de Beaupoil,
marquis de), d'une autre branche que les pré-
cédents, né en 1745, était capitaine d'infanterie
à l'époque de la révolution ; il émigra , et fut
chargé d'abord de différentes négociations poli-
tiques par les frères de Louis XVI, puis il servit
dans leur armée. En 1795 il fut employé avec le
grade, de colonel dans l'expédition de Quiberon.
En 1806 il entra au service de la Russie, et se
distingua dans les guerres contre la France;
en 1817 il revint dans sa patrie avec une pension
du tsar Alexandre 1er, et fut nommé maréchal
de camp (26 août 1818).
De Courcelles, Dict. des généraux français, II.
saixte-aclaire (Joseph de Beaupoil,
comte de), pair de France, né le 20 mars 1758,
à Périgneux, mort le 19 février 1829, à Paris. Fils
du marquis de Sainte-Aulaire de Fontenille, il
fut page de Louis XV, puis sous-lieutenant de
carabiniers. En 1777 il épousa Mlle de Noyan,
petite-nièce de La Chalotais ; mais s'étant ruiné
5.
H5 SAIJNTE-
au service de la cour, il demanda une sépara-
tion de biens , et se retira en 1780 dans le Péri-
gord. En 1791 il émigra, et fit sept campagnes
dans l'armée deCondé sans autre ressource que
sa solde. En 1801 il rentra en France, et lut
admis dans la pairie le 5 mars 1819; il avait
été reconnu dans son grade de lieutenant-colonel.
Sa femme est morte à Paris , à l'âge de quatre-
vingt-dix-huit ans.
Le Moniteur, 1829, p. Î35 et 518.
saiîste-AULAIRE (Louis-Clair de Beaupoil,
comte i»e), écrivain et diplomate, filsdu précédent,
néle9 avril l778,àSaint-MéarddeDromme(Péri-
gord ), mort à Paris, le 12 novembre 1854. Élève
du collège Louis-le-Grand, puis externe au col-
lège Mazarin , il y fit de brillantes études. Après
ta convocation des états généraux, il vit chez sa
mère quelques-uns de« membres du côté droit,
MM.de FoucauldetdePérigord, l'abbé Maury,etc,
et ce fut dans leur conversation qu'il puisa cet
amour égal pour l'ordre et la liberlé qui fut plus
tard la règle de sa conduite politique. A la suite du
complot et de la mort de la Kouarie, M. de Noyan,
son grand-père , avait été jeté dans les prisons
de Rennes, puis, à Paris, dans celle de la Con-
ciergerie. L'entremise de Goliier, et surtout,
d'après le récit de M. de Sainte-Aulaire lui-
même, auquel nous laissons toute la responsabilité
d'une telle assertion , le don d'une somme de
6,000 fr. à Fouquier-Tinville et d'une autre,
de 1 00,000, à un agent des comités de la Conven-
tion qui se chargea de supprimer une pièce
compromettante, sauvèrent la vie à M. de
Noyau. Ces derniers sacrifices avaient épuisé
les ressources de Mmede Sainte-Aulaire : un jour
que son fils montait la rue de Charonne, il la ren-
contra chargée d'un énorme paquet de linge sale :
«Je ne pus, dit-il, me défendre de fondre en
larmes en la voyant plier sous ce fardeau. » Quant
à lui, reçu ent7t)4 élève de l'École des ponts et
chaussées, il put ainsi demeurer à Paris mal-
gré le décret qui enjoignait à tous les nobles de
sortir de la capitale. A la fin de Tannée, i! était
admis à l'École polytechnique. En 1796 ilobtintau
concours une des six places d'élève ingénieur géo-
graphe. Avec le Directoire, la société s'était re-
formée; les salons se rouvrirent: ce fut là que,
pendant plus de dix années, Sainte-Aulaire ac-
quit cette finesse desprit, cette grâce et cette
politesse exquises qui ont fait de lui un des der-
niers représentants de ces qualités célèbres de
l'ancienne aristocratie française. En 1804, il s'of-
frit spontanément comme, otage du marquis de
Rivière, qu'il ne connaissait que de nom et qui,
condamnée mort comme complice deCadoudal,
obtint sa grâce sous cette garantie. Nommé,
le 21 décembre 1809 et à son insu, chambellan
de l'empereur, il échangea avec plaisir ces fonc-
tions pour celles de préfet de la Meuse (12
1813). Il avait, en 1812, refusé le poste de mi-
nistre près la cour de Wurtemberg. Il ne quitta
i ar-le-Duc qu'à l'entrée des alliés dans celte
AULAÎRE
136
ville (janvier 1814), et suivit l'impératrice à
Blois. Nommé par Louis XVIII préfet à Tou-
louse (13 oct.), il y fut, lors du retour de l'île
d'Elbe, un peu sous les ordres de M de Vi-
trolles devenu commissaire général, puis le pro-
tégea dans sa retraite; mais le 5 avril il donna
sa démission, et l'annonça par une proclama-
tion où il reconnaissait que la cause des Bour-
bons était perdue. Aussi se trouva-t-il en dis-
grâce auprès de la seconde restauration. Élu
alors député de la Meuse , il fit partie, dans la
chambre de 1815, de celte minorité qui voulait
la liberté non moins que la royauté. Écarté des
élections de 1816 par la limite d'âge, il fut.
élu de nouveau, en 1818, par le collège élec-
toral du Gard, dont il avait été nommé pré-
sident par le roi. Peu de temps auparavant, à
la sollicitation de Louis XVIII lui-même, il avait
marié à M. Decazes sa fille, devenue, par ia
mort de su mère, une tiès-riche héritière. Se-
crétaire de la chambre dans les sessions de 1818
et de 1819, il prit bientôt rang parmi les orateurs :
son discours sur la proposition d'une récom-
pense nationale offerte au duc de Richelieu eut
un grand succès. -< Sa parole, dit M. de Barante,
avait un caractère de facilité, sa diction quelque
chose d'élégant et de bonne grâce : c'était l'es-
prit et le ton delà conversation, nulle emphase,
nulle pédanterie; jamais de déclamation. Mais il
joignait à la politesse et aux égards pour ses
adversaires une fermeté accentuée dès que l'oc-
casion la rendait nécessaire. » Il le prouva dans
cette vive réponse qu'il fit à M. Clausel de
Coussergues accusant M. Decazes de compli-
cité dans l'assassinat du duc de Berri « Puis-
que M. de Coussergues ne veut pas qu'on at-
tribue à sa douleur les mots qui lui sont échap-
pés hier, je lui dirai seulement . Vous êtes un
calomniateur! » En 1823, il s'éleva avec vigueur
contre l'exclusion de Manuel; mais, ainsi qu'il
l'avait prévu, il ne fut pas réélu dans le Gard
à la fin de l'année, et se livra dès lors sans
réserve à la culture des lettres. Les traductions^
pour la Collection des théâtres étrangers, de
l'Expiation de Mùllner, d'Emilie Galotti de
Lessing, de Faust de Goethe; enfin son His-
toire de la Fronde, furent les fruils de cette
retraite studieuse. Comme traducteur. M de
Sainte-Aulaire est du système des belles infi-
dèles, car « en essayant, dirait-il. de conserver
à la traduction la couleur de l'original le tra-
ducteur arrive à un effet tout différent : il
donne un air étranger à ce qui en allemand était
naturel et facile ». Comme historien il vit dans
la Fronde un premier essai de royauté tempérée
et constitutionnelle : ce point de vue fit, avec le
mérite littéraire de l'écrivain, le succès de ce livre,
qu'il avait mis trois ans à composer (18'>.7). L'opi-
nion libérale, triomphanle aux élections de 1827,
le choisit pour député dans les arrondissements
de Verdun et de Libourne; il opta pour le premier.
Porté à la vice-presidence de l'assemblée, dans
137 SAINTE- AUX AIRE
la session de 1829, il entra cette année même àla
chambre des pairs. Il était à Amsterdam lorsqu'il
apprit les ordonnances de 1830 : à son retour la
révolution était accomplie. Partisan convaincu du
régime parlementaire, M. de Sainte- Au laire ne
trouvait dans ses principes rien d'hostile au gou-
vernement nouveau. Il le servit donc, et ce fut
dans la diplomatie que le tact du roi Louis-Phi-
lippe employa cet esprit aussi ferme que délicat.
Nommé ambassadeur à Rome (mars 1831), il
protégea la papauté contre les révolutionnaires
italiens et contre l'ambition de l'Autriche. En-
voyé en janvier 1833 à Vienne, il réussit peut-
être mieux a réconcilier l'Autriche avec la royauté
de 1830 qu'à résoudre à notre avantage les af-
faires de Syrie, et à parer l'échec diplomatique
que le traité du 15 juillet 1840 infligea à la
France. Ajoutons qu'il contribua beaucoup au
traité du 13 juillet 1841, qui fut la revanche
de celui de 1840, et où la France reprit le
rang qui lui appartenait. Le 7 janvier 1841, lors-
qu'il était encore à Vienne, il fut élu membre de
l'Académie française, en remplacement de M. de
Pastoret : sa réception eut lieu le 8 juillet sui-
vant. L'ambassade de Londres fut comme la
consécration de sa carrière diplomatique (9 sept.
1841) : les cinq années pendant lesquelles il
occupa ce poste furent celles de ce qu'on ap-
pelait alors Yentente cordiale. A la fin de 1847
il demanda lui-même son rappel : il voulait re-
prendre sa place à la chambre des pairs; la ré-
volution de février en disposa autrement, et ce
fût /à rédiger des Mémoires qu'il employa les
loisirs que lui firent les événements. « 11 me
semble que mes Mémoires, dit-il, pourraient
former une histoire de la diplomatie sous le
dernier règne... Les événements de notre
époque .'seront odieusement travestis si nous les
livrons à l'appréciation des nouveaux hommes
d'État. » Marié à M de Soyecourt (1798) ,
puis à MUe du Roure (1809), il eut de la pre-
mière union une fille devenue 'Mme la du-
chesse Decazes, et de la seconde plusieurs en-
fants.
On a de M. de Sainte-Aulaire : Réponse au
Mémoire de M. Berryer pour le général Don-
nadieu; Paris, 1820, in-8° de 84 p. : trois édit.
dans la même année ; — un volume du Théâtre
allemand dans les Chefs-d'œuvre des théâtres
étrangers; Paris, 1823, in-8° ; — Histoire de
la Fi onde; Paris, 1827,3 vol. in 8°.
Eug. Asse.
Baranle (de), Études hist. et biogr., il. — Sainl-
Marc Girardin, Notice.
sajxte-beuve (Jacques de), théologien
français, né le 26 avril 1613, à Paris,où il est mort,
le 15 décembre 1677. Reçu docteur deSorbonne
en 1638, il devint en 1643 professeur royal de
théologie, et son érudition lui acquit bientôt une
réputation si étendue qu'il passa pour le plus
habile casuiste de son temps. Son refus de
souscrire à la censure portée le 31 janvier 1656
— SAINTE-BEUVE 138
par la Sorbonnc conlre deux propositions d'Ar-
nauld, dont la doctrine avait beaucoup d'affinité
avec la sienne, lui attira quelques désagréments,
et par ordre du roi, il fut obligé, le 26 février
suivant, de se démettre de sa chaire. L'autorisa-
tion de prêcher lui fut en même temps enlevée;
mais comme il montra plus de soumission poul-
ies décisions de l'Eglise en signant le nouveau
formulaire prescrit le 15 février 1665 par
Alexandre Vil, il fut choisi pour théologien du
clergé de France, qui lui donna une pension de
1,000 livres et le chargea, dans son assemblée
de Mantes, de composer une Théologie morale.
Seinte-Beuve vécut toujours au milieu de Paris
dans la même retraite que s'il eût habité la soli-
tude la plus à l'écart, sans cesse occupé de l'é-
tude et de la prière. Évoques, chapitres, curés,
religieux, princes et magistrats le consultaient,
et l'on a dit de son cabinet ce que Cicéron disait
de la maison d'un jurisconsulte, « que c'était
l'oracle non-seulement de toute une ville , mais
de tout un royaume ». Ses ouvrages, recueillis
parles soins de son frère Jérôme, qu'on appelait
le prieur, mort en septembre 17 11, sont : De Con-
firmatione ; Paris, 1686 ,in-4° ; — De Ex tréma
unctione; Paris, 1686, in-4°. Ce traité et le
précédent sont dirigés contre le ministre protes-
tant Daillé; — Décisions de cas de conscience ;
Paris, 1686, 3 vol in-4n et in-8" : collection où
les questions de discipline sont traitées à fond
et où l'on trouve beaucoup de sagesse, de droi-
ture et de prudence ainsi qu'une grande con-
naissance de l'antiquité. L'ancienne bibliothèque
de la Sorbonne possédait de lui quelques ma-
nuscrits.
Du Pin, Biblioth. fies auteurs ecclci. — Dict. kist
des aut. eccl., t. IV. — Moréri, Dtct. hist.
* sainte-beuve ( Charles- A ugust in ) (t),
poète et critique français, néle 23 décembre 1804,
à Boulogne sur-mer. Il vint au monde deux
moisaprès la mort son père, qui exerçait les fonc-
tions de contrôleur principal des droits réunis.
Sa mère, femme d'une intelligence remarquable,
éveilli en lui dès la première jeunesse ce sens
critique qu'il devait porter à un point si parti-
culier de finesse et de sagacité. Elle était fille
d'une Anglaise. Est-ce à cet instinct originel que
son fils a dû un goût, précoce pour la poésie
de Cowper et de Wordsworth? A treize ans
et demi il avait terminé sa rhétorique dans une
pension de Boulogne; envoyé à Paris, il entra,
en 1818, dans l'institution Landry et au col-
lège Charlemagne, comme élève de troisième.
Il fit en 1822 une seconde année de rhétorique
au collège Bourbon. Après avoir achevé ses
études , il embrassa la carrière médicale. Il
s'adonna avec passion à l'anatomie, et obtint
bientôt à l'hôpital Saint-Louis une place d'externe
(1) Son père, qui croyait appartenir à la famille jansé-
niste des Sainte-Beuve (voy. ci dessus), a signé de Sainte-
Beuve jusqu'à la révolution; le (ils n'a pas repris la parti
culc.
ISM SAINTE-BEUVE
avec logement. Malgré l'ardeur qu'il apportait à
ses travaux, son amour des lettres s'avivait à
la vue des triomphes de ses jeunes contempo-
rains, et lui livrait de violents et continuels
combats. Appelé par son ancien professeur de
rhétorique, M. Dubois, qui dirigeait le Globe, il
écrivit dans ce journal, et après y avoir collaboré
depuis 1824 quitta définitivement l'hôpital Saint-
Louis en 1827. De bons articles d'histoire et
de critique le firent remarquer de Jouffroy, qui
devint plus tard son ami. Au mois de janvier
1827, M. Sainte-Beuve écrivit dans le Globe
l'appréciation des Odes et Ballades de Victor
Hugo. «■ Chez M. Hugo, disait-il, l'inspiration
première est constamment vraie et profonde;
tout le mal vient de comparaisons outrées,
d'écarts fréquents, de raffinements d'ana-
lyse... Ajoutons quelques métaphores mal
suivies, de l'impropriété dans les termes, trop
d'ellipses dans la série des idées, des incidences
prosaïques au milieu de la plus éclatante poé-
sie... » Peu de temps après, M. Sainte-Beuve,
emporté lui-même dans le mouvement roman-
ticrue, parut ne plus voir les taches qu'il avait
signalées; mais, après avoir subi les enthou-
siasmes et les désillusions qui ont tourmenté
tour à tour et apaisé les esprits , il revint plus
tard à la liberté de ses premières impressions.
M. Sainte-Beuve fut invité aux lectures intimes
de Cromwell, et fit partie du Cénacle, où il se
Ha avec MM. de Vigny, Alfred de Musset et les
frères Deschamps. Le premier ouvrage qu'il
publia fut le Tableau historique et critique
de la poésie française et du théâtre fran-
çais au seizième siècle (1828). 11 l'avait com-
mencé sur les conseils de Daunou, son com-
patriote, et dans l'intention de concourir au prix
d'éloquence de l'Académie; mais, ne tardant pas
à en concevoir le plan et les idées principales en
dehors du programme académique, il avait re-
noncé au concours et rattaché son étude aux
questions littéraires du moment. La Revue
française déclara cet ouvrage un modèle de
critique; en voici la substance : avant d'avoir
une langue la France a eu une poésie; Ronsard
et la Pléiade avaient formé la tentative de
construire, sur un idiome encore dans l'enfance,
une langue savante et une poésie calquée sur
l'antique; cette poésie a régné cinquante ans en
France; elle a croulé au premier pas delà langue
nationale, mais il reste dans ses débris une verve
lyrique, une souplesse de rhythme, une fraî-
cheur de sentiments qui ne se rencontrent
guère aux siècles suivants ; elle se rattache à
André Chénier et à l'école nouvelle, qui est ap-
pelée à en faire son profit. On a pu contester
justement ce qu'il y a de systématique dans
cette dernière partie du livre; mais on a dû
convenir que M. Sainte-Beuve a retrouvé le
premier un chapitre intéressant de notre histoire
littéraire. Les Poésies de Joseph Delorme,
qu'il donna comme l'œuvre d'un jeune étudiant
140
en médecine mort récemment, d'une phthisie
pulmonaire, soulevèrent par la bizarrerie de
quelques pièces, par les enjambements témé-
raires, les inversions hasardées, les ellipses au-
dacieuses, un concert d'éloges, d'un côté, et de
l'autre, un débordement de critiques, dont l'é-
cho est venu jusqu'à nous. On ne put cependant
méconnaître le sentiment vrai d'un genre de
poésie qui n'était pas encore introduit en France,
la poésie simple, familière et pour ainsi dire
domestique, le tableau d'intérieur à la manière
flamande, avec la vérité dans le détail. Dans les
Consolations , qui parurent peu après (1830),
on vit moins de recherche, plus de grâce et de
facilité ; le sensualisme de Joseph Delorme fit
place à des effusions mystiques mêlées de pen-
sées d'art et de souvenirs d'enfance.
Après la révolution de 1830, M. Pierre Leroux
ayant pris la direction du Globe, M. Sainte-
Beuve travailla à transformer, au point de vue
littéraire, le Globe doctrinaire en Globe saint-
simonien : il invita le romantisme à sortir de
l'art pur, « à rayonner le sentiment de l'huma-
nité progressive ». En 1831 il continua dans la
Revue des deux mondes, les Portraits litté-
raires qu'il avait commencés, en 1829, dans
la Revue de Paris (1). Vers la même époque,
Armand Carrel lui demanda sa collaboration au
National; il y écrivit des articles littéraires et
politiques. En 1832 il connut Lamennais, s'éprit
d'enthousiasme pour lui, et fut invité à se réfu-
gier dans l'amour divin. C'est alors qu'il entreprit
de décrire le combat « de la chair et de l'esprit »,
et qu'il composa Folupté, roman étrange, où les
révoltes de l'esprit se voient enchaînées par les
faiblesses des sens (2). En 1837, durant un voyage
en Suisse, il fut convié à faire un cours public à
l'académie de Lausanne; il choisit pour sujet
de ses leçons l'histoire de Port-Royal, qu'il mé-
ditait déjà d'écrire, et dont il a fait plus tard
une œuvre aussi remarquable par la forme que
par l'abondance des documents. A la même
époque il publia les Pensées d'août, poésies qui
eurent moins de succès que les précédentes. Eu
1840 il fut nommé bibliothécaire à la biblio-
thèque Mazarine, et le 27 février 1845 il suc-
céda dans l'Académie française à Casimir De-
lavigne. En octobre 1848 il quitta la France, et
pendant un an fit le cours de littérature fran-
çaise à l'uuiversité de Liège. En 1850, il entra
(1) Le premier article de la Revue de Paris est de
M. Sainte-Beuve; il a pour objet lioileau, et parut sous
le titre général, imaginé par M. Véron et fort remarqué
alors, de Littérature ancienne. Le premier article litté-
raire de la Revue des deux mondes est aussi de M. Sainte-
Beuve.
(2) On a dit que l'abbé Lacordalre avait collaboré à
Volupté. Le fait n'est pas complètement faux. M. Sainte-
Beuve lui ayant manifesté l'intention de peindre l'inté-
rieur d'un séminaire, et de décrire [es premières impres-
sions d'une ûme qui passe du monde à la vie religieuse,
l'abbé Lacordaire l'invita à visiter le séminaire d'Issy, et
écrivit dans quelques pages ses propres impressions. De
cette visite et de ces pages M. Sainte-Beuve a tiré un
chapitre frappant de vérité.
141
SAINTE-BEUVE — SAINTE-CLA1RE-DEVILLE
112
au Constitutionnel, et y reprit ses Portraits,
sous le titre de Causeries du lundi. En 1852,
M. Sainte-Beuve passa au Moniteur, et fut
nommé professeur de poésie latine au Collège
de France; son cours, interrompu par l'hostilité
d'une partie des auditeurs, qui se manifesta
bruyamment, ne fut pas repris. A la lin de 1857
il accepta la place de maître de conférences à
l'École normale. En 1861, il a quitté Le Moni-
teur pour reprendre sa collaboration au Consti-
tutionnel, et a cessé sou enseignement à l'É-
cole normale.
Poète délicat, pénétrant, original, M. Sainte-
Beuve a trop de nuances, de mystère et d'inti-
mité pour déployer ces grands coups d'aile qui
ravissent les foules. Aussi a-t-il pu dire juste-
ment avec une tristesse contenue : « Le poète en
moi,ravouerai-je?a quelquefois souffert de toutes
les indulgences mêmes qu'on avait pour le prosa-
teur. » Le prosateur, le critique , voilà en effet
le titre de gloire le plus généralement reconnu
de M. Sainte-Beuve. Sa prose, surtout depuis
1831, lui est tout à fait personnelle; piquante,
imprévue, subtile, savamment combinée pour
des effets certains, elle paraît souvent précieuse,
tourmentée et vague au premier coup d'œil; les
nuances en sont si habiles qu'elles échappent à
bien des yeux, et il faut l'avoir fréquentée long-
temps pour l'appréciera sa juste valeur. Une
expression qui semble d'abord obscure donne
une teinte voulue, une autre qui semble trop
vive montre le point lumineux ; un tour qui pa-
rait se heurter aux règles de la grammaire fait
le geste et l'éloquence de la phrase. Gracieux
lorsqu'il raconte, spirituel lorsqu'il discute, il
devient parfois véhément et lyrique lorsqu'un
ennemi l'irrite ou qu'un enthousiasme fait vi-
brer son àme. On a reproché à sa critique une
tendance générale à conclure trop facilement
du petit au grand, ou à négliger le grand pour
le petit. Sans méconnaître ce qu'il y a de juste
dans ce reproche, il faut remarquer que cette
critique minutieuse offre des moyens d'apprécia-
tion qu'un procédé plus large ne fournirait peut-
être pas. M. Ampère a comparé ces procédés
d'une critique profonde à force de finesse à ces
ingénieux instruments qui par leur ténuité môme
plongent bien avant dans le sol et vont chercher
les sources jaillissantes. On peut conclure, avec
la plupart de ceux qui ont exprimé leur juge-
ment sur son talent, que M. Sainte-Beuve a
donné à la critique contemporaine une forme nou-
velle et conquis en ce genre une réputation que
nulle autre ne surpasse.
Les œuvres de M. Sainte-Beuve ont paru dans
l'ordre suivant : Tableau de la poésie fran-
çaise au seizième siècle, et Œuvres choi-
sies de Ronsard, avec une notice, des notes
et commentaires ; Paris, 1828, 2 vol. in-8° :
les Œuvres de Ronsard forment le second vo-
lume; le Tableau de la poésies passé par un
grand nombre d'éditions;— Fie, Poésies et Pen-
sées de Joseph Delorme; Paris, 1829, gr. in-ic ;
1830, in-.8°, et 1860, in-18, avec des Poésies
inédites : M. Jay publia contre cet ouvrage
un volume intiiulé : Conversion d'un roman-
tique, manuscrit de Jacques Delorme, frère
de Joseph (Paris, 1830, in -8°); — Les Con-
solations, poésies; Paris, 1830, in-18, et 1834,
in-S°; — Portraits littéraires; Paris, 1832-1839,.
8 vol. in-S°;ct 1841, 1844, 3 vol. in-18;— Vo-
lupté, roman; Paris, 1834, 2 vol. in-8° ; et
1840, 1845, in-18; — Pensées d'août, poésies;
Paris, 1837, in-18 -, — Poésies complètes ; Pa-
ris, 1840, in-18; — Histoire de Port-Royal ;
Paris, 1840-1862, 4 vol. in-8°; — Portraits
de femmes; Paris, 1844, in-18;— Portraits
contemporains; Paris, 1846, 2 vol. in-18;
— Causeries du lundi; Paris, 1851-57,
13 vol. in-18; — Étude sur Virgile; Pa-
ris', 1857,2 vol. in-8°;— Nouveaux lundis;
Paris, 1863; in-18°. M. Sainte-Beuve a colla-
boré à plusieurs journaux et recueils, qui sonS
le Globe, la Revue de Paris, la Revue des
deux mondes , le National, le Moniteur, le
Constitutionnel, le Dictionnaire de la Con-
versation, VAlhenœum français , le Keep-
sahe, etc. 11 a écrit aussi un grand nombre de
Préfaces et de Notices, en tête d'œuvres litté-
raires.
I.oménle (de) , Galerie des contemp. illustres, t. IX. —
Planche. Portraits littéraires, t I. — II Babou, dans les
Poètes français (édil. Crépet, 18GI). — Vapereau, Dict»
des contemp.
* SA1MTE - CLA1BE - DEVILLE ( Henri-
Étienne), chimiste français, né le 11 mass
1818, à l'île Saint-Thomas (Antilles), de parents"
français. Après de bonnes études littéraires en
France, il fit à peu près seul son éducation scien-
tifique, et entraîné par un goût marqué vers la
chimie, il construisit à ses frais un laboratoire,
où pendant neuf années il se livra à de pa-
tientes recherches. Reçu docteur es sciences
physiques et en médecine, il fut chargé de l'or-
ganisation de la faculté des sciences créée en
1844 à Besançon, et y obtint le 16 février 184 S
la chaire de chimie, avec le titre de doyen. Le
22 janvier 1851, il devint maître de conférences
à l'École normale. Depuis le 10 mars 1858 il
supplée M. Dumas comme professeur de chimie
à la faculté des sciences de Paris, et le 25 no-
vembre 1861 l'Académie des sciences ( section
de minéralogie) l'a élu en remplacement de
Pierre Berthier. C'est sur les essences et les ré-
sines que M. Sainte-Claire-Deville a dirigé ses
premiers travaux, dont les'plus importants ap-
partiennent à la chimie minérale. En 1849, il
découvrit les propriétés de l'acide nitrique com-
posé et en fit connaître la préparation. En 1853,
il publia une nouvelle méthode d'analyse miné-
rale, dite par la voie moyenne, et pour se pré-
server des erreurs auxquelles donne lieu l'u-
sage du filtre, il proposa d'employer exclusive-
ment les gaz et les réaclifs volatils. On peut
fixer à la même époque ses premières re«
SAIKTE-CLA1RE-DEVILLE — SAINTE-CROIX !44
Y aluminium , métal découvert fense de Belle-Isle, qu'ii prolongea pendant deux
Î43
cherches sur
en 1827 par Wœliler, et qu'on obtient, en ré-
duisant dans un creuset chauffé au rouge le
chlorure d'aluminium au moyen du potassium.
Grâce à ses efforts , les procédés d'extraction
de l'aluminium ont été simplifiés; les appareils
qu'on y consacre ont reçu une forme manufactu-
riers, les malières premières nécessaires à sa
production ont été obtenues en abondance et à
bas prix. L'aluminium figura à l'exposition uni-
verselle de 1855 comme uue des plus précieuses
conquêtes de la scienceetde l'industrie. M. Sainte-
Glaire- Deville a décrit les propriétés de ce mé-
tal dans les Annales de chimie et de physique
(t. XL11I et XLVI). Il a présenté depuis â l'A-
cadémie des sciences plusieurs notes sur le sili-
cium et le charbon cristallisés en donnant une
méthode générale pour la production de quel-
ques corps simples fixes au moyen de leurs com-
binaisons volatiles, sur les propriétés chimiques
«le l'aluminium et sur la variation des affinités
avec la température , etc. Il est officier de la
Légion d'honneur depuis le 13 mars 1855.
* Sainte-Claike-Deville ( Charles), géologue,
frère du précédent, né à l'île Saint-Thomas, en
J814. Après avoir suivi en qualité d'externe les
cours de l'École des mines à Paris , il entreprit
à ses frais un voyage scientifique, et de 1839 à
i-843 visita les Antilles , et les îles de Ténériffe
ni du Cap Vert. L'exploration géologique de la
Guadeloupe l'occupa plus d'une année, et il se
trouvait dans cette île lors du tremblement de
ferre de 1843. A son retour, il publia son Voyage
géologique aux Antilles et aux îles de Téné-
ïiffe et de Fogo (Paris, impr. imp. ). et partit de
nouveau pour explorer l'Italie méridionale. Té-
moin en 1855 de la grande éruption du Vésuve,
il en suivit toutes les phases, et adressa alors à
M. Élie de Beaumont une série de lettres sur les
phénomènes éruptifs de ce volcan; elles ont été
imprimées dans le Moniteur de 1856. M.Charles
Sainle-Claire-Deville est entré dans l'Académie
âes sciences (section de minéralogie), le 28 dé-
cembre 1857, à la place de Dufrénoy II supplée
depuis plusieurs années M. Élie de Beaumont
tîans sa chaire d'histoire des corps inorganiques
au Collège de France. Il est officier de la Légion
d'honneur. On a encore de lui dans les Annales
de chimie (1852) un travail sur les modifi-
cations qu'éprouve le soufre sous l'influence
de la chaleur et des dissolvants.
Docum. part.
saintk-ckoix (Gaétan -Xavier Guilhem
ïie Pascalis, connu sous le nom de chevalier de),
général français, né le 11 décembre 1708, à Mor-
jfïioiron (comtat Vcnaissin), mort le 18 août
1762, au Cap français (Haïti). Il descendait des
seigneurs de Clermont-Lodève, qui s'établirent
au quatorzième siècle dans le Comlat. Chevalier
de Malte en 1729, il entra en 1731 dans le régi-
ment de Bourbon, et y obtint en 1748 le brevet
de lieutenant-colonel. Il s'est illustré par la dé-
mois, et il ne se rendit aux Anglais que sous les
condilions les plus honorables (7 juin 1761 ). Le
20 juillet suivant, il fut nommé maréchal decamp.
Désigné à la fin de l'année pour commander les
troupes françaises danslesîles du Vent, menacées
par les Anglais, il s'embarqua en janvier 1762,
et mourut au Cap français, des suites d'une bles-
sure qu'il avait reçue autrefois à l'attaque des
lignes de Wissembourg.
Bacjavel, Dict. hist. du. F'auclute. — Voltaire, Siècle
de Louis XV.
sainti:-croix ( Guillaume - Emmanuel-
Joseph Guiluem de Clermoist-Lodeve, baron
de), antiquaire français, neveu du précédent,
né le 5 janvier 1746, à Mormoiron (comtat Ve-
naissin), mort le 11 mars 1809, à' Paris. D'une
famille noble et ancienne, ii fut destiné à la car-
rière des armes. En sortant du coliége des jé-
suites à Grenoble, il obtint un brevet de capi-
taine de cavalerie, et suivit, en qualité d'aide de
camp (janvier 1761 ), le chevalier de Sainte-
Croix, son oncle, qui allait prendre le comman-
dement des îles du Vent. La mort de ce parent,
arrivée en 1762, dérangea ses projets : il repassa
la mer, et fut attaché, avec son grade, au corps
des grenadiers de France; mais en 1770 il quitta
le service pour se livrer entièrement à son goût
pour l'étude , trop contrarié par un genre de vie
qui le tenait parfois éloigné de toutes les sources
i de l'instruction. En même temps il se maria et
alla s'établir à Avignon. Dès ses premières pro-
ductions, qui supposaient beaucoup d'érudition
et de lecture, il prit une place honorable dans le
monde savant : en 1772 il remporta le prix de
l'Académie des inscriptions pour Y Examen cri-
tique des historiens d'Alexandre, et « ce pre-
mier trophée littéraire, ainsi que l'a tait remar-
quer Dacier, est devenu par la suite le dernier
et comme le couronnement de ses nombreux
travaux ». Deux autres sujets, la recherche des
noms et des attributs de Minerve, de Cérès et
de Proserpine, lui firent décerner les prix de
1775 et de 1777 ; à celte dernière date l'Acadé-
mie, qui ne pouvait se l'atlacher autrement parce
qu'il ne résidait point sur une terre française,
l'admit au nombre des académiciens libres. Il
avait entamé des relations avec les principaux
savants de son temps, surtout avec Foncemagne
et avec l'abbé Barthélémy, qu'il seconda plus
d'une fois dans ses travaux, puis avec Courier.
Il prenait à la religion l'intérêt le plus vif; il
aurait voulu travailler directement pour elle;
pénétré de douleur des progrès de l'incrédulité,
il ne laissait passer dans ses écrits aucune occa-
sion de la combattre ; il déplorait l'esprit du
siècle, et faisait observer avec peine que la foi
et l'érudition déclinaient également. Malgré des
sentiments sincèrement religieux, Sainte-Croix
encourut la disgrâce du gouvernement pontifical
pour avoir défendu avec chaleur, dans le sein
des états du Venaissin, les franchises des corn-
f45 SAINTE-CROIX
mimes, méconnues par l'administration ecclé-
siastique (1784); averti qu'il allait être arrêté et
conduit an château Saint-Ange, il se retira en
France; mais les biens qu'il possédait dans le
comtat fuient mis sous le séquestre, et ne lui
furent rendus qu'après des négociations aussi
longues que difliciles. Peu de temps après la
révolution commença. Partisan des réformes
utiles. Sainte-Croix s'associa au mouvement po-
litique de 1789, et fut appelé par le vœu public
à reprendre sa place dans l'assemblée des états.
Des scènes effroyables éclatèrent en 1791 dans
le Comtat : il en fut une des premières victimes.
Ses domaines furent dévastés, ses fermes incen-
diées , ses deux fils jetés en prison , sa biblio-
thèque fut mise au pillage; arrêté lui même par
une bande de brigands, il racheta sa vie par une
grosse somme d'argent, et s'enfuit à Paris. C'est
dans un village voisin de la capitale, à Thiais,
qu'il passa le temps de la terreur Cependant à
celte époque même son mérite n'était point ou-
blié, comme le prouve la réquisition qu'il reçut
le 11 frimaire an u au nom du comité de salut
public « de rentrer dans la commune de Paris
pour être employé à continuer ses travaux lit-
téraires »* Lors de la réorganisation de l'Insti-
tut, en 1803, il y prit siège dans la troisième
classe, qui remplaçait l'Académie des inscriptions.
Il mourut d'une maladie de la vessie, compli-
quée d'une maladie aiguë. Son portrait, peint par
Laurel, a été placé en 1838 dans le musée Cal-
vet à Avignon. « Le grand nombre et la variété
des sujets traités par M. de Sainte-Croix, dit
S. de Saci, suffisent pour faire juger de l'étendue
de ses connaissances. La rectitude de son juge-
ment se manifeste par le choix des sujets aux-
quels il consacre ses recherches, l'heureux em-
ploi qu'il fait de l'érudition, les rapports qu'il
établit entre l'histoire ancienne et l'histoire mo-
derne, la critique avec laquelle il pèse les témoi-
gnages, et les leçons qu'il sait tirer du passé. »
La liste de ses ouvrages est considérable;
nous citerons les suivants : Examen critique
des anciens historiens d'Alexandre le Grand;
Paris, 1775, in-4° : revu, corrigé et augmenté, il
est devenu dans I'édit. de 1804, in-4°, fig., un
ouvrage presque nouveau; tandis que Dacier,
de Saci, Wyttenbach, Boissonade ont été una-
nimes à en louer le mérite, Chéniei n'y voit
qu'une dissertation trop longue, écrite avec pro-
lixité, et sans critique judicieuse; — L'Ezour-
Vedam, ou Ancien commentaire du Vedam,
trad. du samscretan par un brame ; Yverdon
(Avignon), 1778,2 vol. in-12 : l'auteur démontra
dans l'introduction combien était douteuse l'an-
tiquité si vantée des dogmes religieux et des
livres sacrés des Indiens; — De VÈtat et du
sort des colonies des anciens peuples; Phila-
delphie (Paris), 1779, in -8° ; — Observations
sur le traité de paix conclu à Paris en 1763 ;
Amst (Yverdon), 1780, in-12; — Histoire des
progrès de la puissance navale de l'Angle-
■ SAIJNTE-MARIK 146
terre; Yverdon, 1783, 2 vol. in-12; Paris,
1786, 2 vol. in-12, avec addit. ; — Éloge de
l'abbé Poulie; Avignon, 1783, in-8°; — Mé-
moire pour serinr à l'histoire de la religion
secrète, des anciens peuples; Paris, 1784, in-8" :
couronné par l'Académie en 1777, il fut édité
par Dansse de Villoison, qui y ajouta des notes
ridicules et une dissertation latine De triplici
theotogia veterumque mysleriis, dans laquelle
il exposait une manière d'envisager ce sujet
fort éloignée de celle de l'auteur. Ce dernier
supprima ces développements dans la trad. alle-
mande qui parut en 1790, remania et augmenta
son ouvrage, qui fut publié sous le titre de
Recherches historiques sur les mystères du
paganisme ; Paris, 1817, 2 vol. in-8°, avec
M. de Saci pour éditeur ; — .Mémoires histo-
riques et géographiques sur les pays situés
entre la mer Noire et la mer Caspienne; Pa-
ris, 1797, in-4°, avec de Baert et Barbie du Bo-
cage; — Des anciens gouvernements fétiéra-
îifs ei de la législation de Crète; Paris,
an vu (1798), in-8°. On a encore de lui des
Mémoires insérés dan? le recueil de l'Acad. des
inscr., et des articles dans le Journal des sa-
vants avant 1792; dans les Annales religieuses,
philosophiques et littéraires, trois recueils
publiés de 1796 à 1806 par M. de Boulogne ; dans
les Archives de l'Europe, le Magasin encyclo-
pédique, etc. Comme éditeur on lui doit Œuvres
diverses de l'abbé Barthélémy (Paris, 1798,
2 vol. in-8°), précédées de son éloge; De l'Évi-
dence de la religion chrétienne, de Jennings
(4e éd., 1803, in-12); Lettres de quelques
juifs de Guénée ( 1805, 3 vol. in-12), et Mé-
moires pour servir à la vie de M. de Pen-
thièvre (1808, in-12). Sainte-Croix fut, vers la
lin de sa vie, membre de la commission chargée
de continuer VHist. littér. de la France, mais
il n'eut pas le temps de s'associer à ses travaux.
P. L.
S. de Saci, Notice sur Sainte-Croix, flans le Cataloç/ue
des livres de sa bibliothèque ; |uin 1809, in-S". — Bnissj
cl'Anglas, Disc, prononce aux funérailles de Sainte-
Croix ; Paris, 1809, in-8°. — Darier, Notice dans le Mo-
niteur, 1811, n° 188 — Boissonade, dans le Journal de
l'Empire, 6 avril 1809. - Le Mercure de France, 25 mai
1809. — Desessarts, Siècles littér. — Debray, Tablettes.
— Bnrjavel, Dut. hist. du Vaucluse.
sainte-choix. Voy. Santa-Croce et Santa-
Croz.
sainte-marik (Etienne), médecin fran-
çais, né le 4 août 1777, à Sainte-Foi près Lyon,
mort le 3 mars 1829, à Lyon. Après avoir pris
le grade de docteur à Montpellier (1803), il
exerça la médecine dans son lieu natal, où son
père était chirurgien; puis il s'établit à Lyon, y
acquit une clientèle nombteuse, et se fit estimer
pour son savoir et l'aménité de son caractère. li
était laborieux et instruit, consacrait ses loisirs
à l'étude des lettres, et écrivait avec une grande
pureté de style. Nous citerons parmi ses ou-
vrages : De morbis ex imitaiione; Montpel-
lier, Ls03, in-4°; — Heniarques grammali-
147 SAINTE-MARIE —
cales; Lyon, 1810, brocii. in-8°; — Éloge his- j
torique deJ.-E. Gdibert; Lyon, 1814, in-4°;
— Méthode pour guérir les maladies véné-
riennes invétérées qui ont résisté aux trai-
tements ordinaires; Lyon, 1818, 1821, in-8° :
elle consiste à boire à jeun, le matin, par grandes
verrées très-rapprochées, une quantité considé-
rable d'une forte décoction de salsepareille; —
Nouveau Formulaire médical et pharmaceu-
tique; Lyon, 1820, in-8°; — Dissertation sui-
tes médecins poêles; Paris, 1825, in-8°; il y a
beaucoup d'omissions parmi les noms cités; —
De l'huître et de son usage comme aliment
et comme remède; Lyon, 1827, in-8°; — Lec-
tures relatives à la police médicale; Paris,
1829, in-8\ Ce médecin a trad. deux dissertât,
latines, l'une de Wichmann, l'autre de Quarin,
et un Traité des effets de la musique de Ro-
ger ( 1803, in-8°), avec des notes.
Hevite du Lyonnais, t. II. - Mahul, Annuaire nécrol.,
i82i. — Biogr. mèd.
SAINTE-MARIE. Voy. HONORÉ.
sainte-Marthe ( Charles de ), poète fran-
çais, né à Fontevrauld (Poitou), mort à Alençon,
en 1555, à quarante-trois ans. Il était le second des
douze enfanls de Gaucher Ier, médecin ordinaire
de François 1er, et qui mourut en 1551 ; deux
siècles auparavant sa famille possédait les titres
de messire et de chevalier. Reçu docteur en
droit à Poitiers, il s'appliqua, selon les idées du
temps, à la théologie, et se mit à en faire des
leçons publiques; mais, accusé de pencher vers
la réforme de Luther, il fut forcé de s'enfuir à
Grenoble, où il retrouva les mêmes persécuteurs.
Détenu en prison pendant trente mois, il n'é-
chappa à la mort qu'en simulant la folie (1).
Bien accueilli à Lyon , il y enseigna au collège
l'hébreu, le grec, le latin et le français. Sa répu-
tation de poète et d'érudit le fit appeler à la
petite cour d'Alençon; comblé de faveurs par la
duchesse Marguerite de Valois, il devint tout
ensemble son lieutenant criminel, un de ses
maîtres des requêtes et procureur général du
duché de Beaumont. 11 mourut de la rupture
d'un anévrisme, sans laisser de postérité. Ou a
de lui : Poésie françoise, divisée en III li-
vres ; Lyon, 1540, in 12 : quelques pièces sont
adressées à François 1er, à Marguerite de Valois,
à la duchesse d'Estampes, et le plus grand
nombre à ses amis, parmi lesquels il comptait
tous les poêles contemporains ; il admirait Dolet,
et il appelait Marot son père d'alliance; —
In psalmos VII et XXXIII paraphions;
Lyon, 1543, in-12 : ces deux paraphrases lui ont
été inspirées par les mauvais traitements qu'il
endura dans les cachots de Grenoble; — In
ps. XC meditalio; s. I. n. d., iu-12; — In obi-
tum Margaritœ, Navarrorum reginse, oratio
(lï « Simulavi insaniarn, et sum ea consecutus ut qui
in arcta prlus turre solus langucbam, cum pedunculis ,
ciraicibus, soricibus et scorpionibus colluctans, liberta-
tem obtinuerlm. »
SAINTE-MARTHE 148
funebris; Paris, 1550, in-4°;trad. en français
par l'auteur, ibid., 1550, in-4°; — Oraison Ju-
nèbre sur le trépas de Françoise d'Alençon,
duchesse de Beaumont; Paris, 1550, in-4°.
Son frère aîné, Louis, mort en 1566, eut pour
fils le fameux Scévole ( voy. ci-après ). Un autre
frère, Jacques, mort en 1570, fut médecin des
rois Henri II, François II et Henri II!, et forma
la branche de Champdoiseau; il a laissé une
version latine des Oracles de Zoroastre, impr.
dans le recueil de J. Obsopœus (Paris, 1599a
in- 8° ).
Dreux du Radier, Bibl. du Poitou. — Haag frères,
La France protest.
sainte-marthe (Gaucher II, dit Scé-
vole 1er, DE); poète, neveu du précédent, né à
Loudun, le 2 février 1536, mort dans la même
Yille, le 29 mais 1623. Son père Louis était pro-
cureur du roi au siège de Loudun. Élève de Mu-
ret, de Turnèbe et de Ramus en l'université de
Paris, il ne tarda pas à trouver que son nom
de Gaucher était bien rustique pour un érudit
de bonne maison qui savait à la fois le latin, le
grec et l'hébreu. Choisissant donc un nom plus
sonore, il se fit appeler Scsevola. Celte substitu-
tion a été acceptée. En quittant Paris à dix-sept
ans, Scévole se rendit à Poitiers, puisa Rourges,
où il étudia la jurisprudence et fit des vers;
Nous le voyons en 1 57 1 contrôleur général des
finances en Poitou, en 1 579 maire et capitaine de
Poitiers, puis trésorier de France dans la même
généralité. Pendant qu'il occupait ce dernier em-
ploi, il fut supprimée par un édit. Ses collègues le
chargèrent alors d'obtenir la révocation des let-
tres royales qui leur portaient un si grand dom-
mage ; il l'obtint. Le roi dit, après l'avoir en-
tendu, « qu'il n'y avait point d'édits qui pussent
tenir contre une telle éloquence ». En 1588 Scé-
vole de Sainte- Marthe siégeait aux états de
Blois, où il faisait remarquer son zèle pour îa
cause royale. Envoyé vers la fin de cette année
à Poitiers, il s'employa de tous ses efforts à
maintenir cette ville dans le parti du roi; mais
elle passa bientôt au parti de la ligue ; ce qui le
força de se retirer quelque temps à Tours,
Dum turbulenta factio
Pictones furiat meus (1).
Il détestait les ligueurs, sans avoir plus de pen-
chant pour les réformés. Il était de la faction des
politiques. Il reparut dans le Poitou en 1589,
avec la mission de revendiquer au nom des ca-
tholiques leurs biens usurpés par les religion-
naires (2). En 1593 il remplit la charge d'inten-
dant des finances dans l'armée de Bretagne, que
commande le duc de Montpensier. On le félicite
d'avoir contribué plus que personne à la soumis-
sion de Poitiers en 1594. En 1597, il est compté
parmi les notables réunis à Rouen par Henri IV.
|1) I.yricorum Mb. I.
(2) Niceron et l'abbé Goujet, fini le copie, lui donnent
pour compagnon dans ce voyage le chancelier de lllos-
pital, qui était mort le 13 mars 1573.
149 SAINTE
Il est ensuite maire de Poitiers; puis il quitte
Poitiers pour retourner à Loudun, sa ville natale,
où il meurt, le 29 mars 1623. Théophraste Re-
naudot prononça son éloge à Loudun et Urbain
Grandier son oraison funèbre. De Renée de la
Haye, fille du sieur de Malaguet, Scévole de
Sainte-Marthe avait eu huit enfants, entre autres
Abel, Scévole et Louis, qui suivent, et Pierre,
sieur de la Jalletière, trésorier de France.
Ses ouvrages imprimés sont : Œuvres; Paris,
1569, in-8°, et 1579, in-4° : traductions diverses
en vers français, sonnets, épigrammes, méta-
morphoses; quelques-unes de ces pièces ont été
insérées par du Verdier dans sa Bibliothèque
françoise, et l'on ne s'étonne pas trop qu'elles
aient obtenu du vivant de l'auteur un véritable
succès ; — Hymne sur V avant-mariage du
roi Charles IX; Paris, 1570; — La Louange
de la ville de Poitiers; Poitiers, 1573, in-8° ;
— Poemata; Paris, 1575, in-S°: recueil de poé-
sies latines, plusieurs fois imprimées dans la suite
avec d'importantes additions, et dans lequel on
signale à bon droit des morceaux vraiment esti-
mables. Si les vers français de Scévole sont fa-
ciles, enjoués, ses vers latins sont plus châtiés,
plus corrects ; on peut les lire encore avec intérêt.
L'auteur imite tantôtLucain, tantôt Horace, mais
sans pédantisme, et en homme qui a pris l'ha-
bitude de leur beau style. En recevant les poèmes
de Scévole, Ronsard écrivit à Raif : « Grands
dieux (Du boni)1, quel livre viens-tu de m'en-
voyer composé par notre Sainte-Marthe? Non,
ce n'est pas un livre, ce sont les Muses elles-
mêmes. J'invoque à cet égard le témoignage de
tout notre Hélicon. Si l'on m'accorde le droit de
prononcer le jugement, je déclare préférer l'au-
teur de ces vers à tous les poètes de notre siècle,
quelque désagrément que je puisse causer à
Bembo, à Navagero, au divin Fracastor.... »
Etienne Pasquier eut, en lisant les mêmes
Poèmes, un véritable accès d'enthousiasme; il
le fait assez voir dans ce distique, extrait du
livre IV de ses Épigrammes :
Seu latios scrib.it, seu gallos Scœvola versus,
Nil lalia aut inajus gallica terra tullt.
Les éditions postérieures des Poemata de Sainte-
Marthe contiennent la pièce suivante, d'abord
séparément publiée : Psedotrophise, sive de
puerorum educatione lib. III; Paris, 1580,
in-12 : œuvre véritablement remarquable, dix
fois imprimée du vivant de l'auteur et dix fois
après fa mort, que l'abbé d'Olivet insérait en-
core en 1749, certain de plaire à tous les amis
des lettres latines, parmi ses Poemata didas-
calica, et que le petit-fils de Scévole, Abel, a
traduite en français; — Gallorum doctrina
illustrium qui noslra patrumque memoria
-floruerunt elogia; Poitiers, 1598, in-8° : quoi-
que cet opuscule ait été souvent imprimé, il est
moins intéressant qu'il aurait pu l'être, puisqu'il
contient moins de détails biographiques ou litté-
raires que d'emphatiques témoignages d'estime;
MARTHE
150
Guillaume Collefet l'a paraphrasé en français;
Paris, 1644, in-4°; — Opéra latina et gallica;
Paris, 1633, in-4° : la dernière et la plus com-
plète édition de ses œuvres, où l'on trouve aussi
quelques pièces de son fils Abel. Rappelons enfin
que diverses poésies ou latines ou françaises île
Scévole ont été publiées dans le Journal de
Henri III, à l'année 1587, et parmi les Poé-
sies de Jean de La Péruse. B. H.
Niceron, Mémoires, VIII. — Goujct, Bibliot/i. fran-
çoise, XIV. — Mbtioth. de La Croix du Maine et de
du Verdier, édit. de Rlgoley de Juvigny. — Dreux du
Radier, Dibl. du Poitou. — Sainte-Beuve, Tableau de la
poésie au seizième — siècle. — Fougère. Notices.
sainte-marthe (Abel 1RT de), seigneur
d'Estrepied, fils aîné du précédent, né à Loudun,
en mai 1566, mort à Poitiers, en 1652. Suivant
l'exemple paternel, il se consacra d'abord aux
lettres; ensuite il étudia les lois, et devint
avocat au parlement de Paris. En 1621
Louis XIII le fit conseiller d'État, en 1627
garde de sa bibliothèque de Fontainebleau. Ses
œuvres sont : Opuscula varia; Poitiers, 1645,.
in-8° : recueil de diverses pièces publiées sépa-
rément; — Plaidoyer de MM. Nicolas deCor-
beron : ensemble les plaidoyers de M. A bel de
Sainte-Marthe; Paris, 1693, in-4° : les plaidoyers
d'Abel, au nombre de douze, sont courts; mais
ils n'ont guère d'autre mérite; le style en est
fardé, et ils sont farcis de citations grecques et
latines; — un certain nombre de poésies latines,
qui ont été impr. eu 1632 dans le recueil des
œuvres de son père.
Sainte-Marthe (.4 bel II de), sieur de Cor-
beville, fils du précédent, né en 1630, mort
le 30 décembie 1706. Comme son père, Abel II
prit la robe, et fut conseiller en la cour des aides:
il fut aussi comme son père garde de la biblio-
thèque de Fontainebleau On a de lui : Discours
au roi sur le rétablissement de la biblio-
thèque royale de Fontainebleau, présenté au
roi en 1668, et publié par l'auteur à la suite des
Plaidoyers de Corberon, son beau-père, et
d'Abel de Sainte-Marthe, son père, en 1693,
in-4°; il contient un peu d'histoire et beaucoup
d'indécentes flatteries à l'adresse de Louis XIV;
— quelques pièces latines dans les Opuscula
varia, publiés en 1645 sous le nom d'Abel Ier;
— La Manière de nourrir les enfants à la
mamelle; Paris, 1698, in-8°; traduction du
poème latin de Scévole Ier. B. H.
Niceron, Mémoires, VIII.
sainte-marthe ( Gaucher III, dit Scé'
vole II, et Louis de), historiens, frères jumeaux,
fils de Scévole Ier, nés à Loudun, le 20 décembre
1571, morts à Paris, Scévole le 7 septembre 1650,
Louis le 29 avril 1656. Inscrits ensemble sur le
tableau des avocats au parlement de 1599, ils
parurent rarement au palais. Le président de
Thou les ayant engagés à consacrer tons leurs
loisirs à l'étude de l'histoire, ils suivirent ce
conseil. En 1620 ils furent nommés l'un et
l'autre historiographes de France et conseil-
151 SAINTE
lers du roi. Scévole, seigneur de Meré- sur-
Indre, se maria, et de sa femme, Isabelle Du
Moulin, il eut Pierre -Scévole , Abel- Louis,
dont nous parlerons ci-après, et Nicolas- Charles,
qui entra dans I église et mourut obscur. Louis ,
seigneur de Grelay, se maria vers le même
temps que son frère; mais n'ayant pas d'en-
fants, il se sépara de sa femme, qui prit le voile
à Notre-Dame de Poitiers, et embrassa lui-
même l'état ecclésiastique; il fut dans la suite
prieur de Claunay.
V Histoire généalogique de la maison de
France (Paris, 1619, in 4°) est désignée comme
le premier de leurs ouvrages; mais cette édition
ne contient que la troisième race; celle de 1628,
2 vol in-fol , offre l'histoire des trois races.
Cependant les auteurs en préparèrent une troi-
sième, en 3 vol. in-fol., dont les 2 premiers pa-
rurent en 1647 ; le dernier n'a pas été publié (1).
Us donnèrent en 1626 V Histoire généalogique
de la maison de Beauvau (Paris, in-fol.),
livre toujours estimé. Le plus considérable et le
plus célèbre de leurs ouvrages est le Gallia
Chrisliana (Paris, 1656,4 vol. in-fol.). Jean
Chenu, de Bourges, avocat au parlement de
Paris, avait le premier, en 1621, dans son Ar-
chiepUcoporum et episcoporum Gallise chro-
nologica historia (in-4°), essayé d'établir la
succession chronologique des archevêques et des
évêques de France. Cet ouvrage imparfait, sou-
vent inexact, plein de lacunes, servit peu à l'é-
rudition. Claude Robert, grand archidiacre de
Chalon-sur-Saône, ayant, en 1626, publié, sous le
titre de Gallia Chrisliana, un volume in-folio
de nouvelles tables chronologiques, accompa-
gnées de notes sommaires, extraites des char-
triers épiscopaux et monastiques, ce volume,
moins défectueux que celui de Chenu, eut un
véritable succès. Cependant Robert, qui avait,
en écrivant son Gallia Chrisliana, reçu plus
d'une officieuse communication des frères Sainte-
Marthe, les engagea vivement , vers la (in de sa
vie, à corriger, dans une plus ample édition,
les erreurs et les diverses imperfections de son
livre. Leur travail était presque achevé quand ,
en 1645, ils en soumirent le plan à l'assemblée
générale du clergé, qui, pour les indemniser des
frais d'impression, leur accorda un don de 6,000
livres. Le nouveau Gallia Chrisliana fut pré-
senté, après la mort des auteurs, à l'assemblée
de 1656 par les fils de Scévole; sur le
rapport de ses commissaires , celte assemblée
joignit généreusement à tous les éloges que sa
reconnaissance décerna aux défunts Scévole et
Louis une pension annuelle de 500 livres à
chacun de leurs trois héritiers
On doit encore à Scévole et à Louis de Sainte-
Marthe une première édition des Épîtres de
Fr. Rabelais ( Paris, 1651, in-8°), avec des Ob-
(]i l'oy. sur cet ouvrage Fevret de Fontette, Biblioth.
ttist. de la France, t. Il, p. 628, et Mémoires de l'.lcad.
des inscrtpt., t. XX, p. 562.
MARTHE 152
servations bien plus étendues que les Épîtres.,
Nous ne saurions donner ici le détail des
nombreux manuscrits qu'ils ont laissés, et qui
ont été longtemps conservés à Saint-Magloire;
Fevret de Fontette en cite plusieurs dans sa Bi-
bliothèque historique. Ces manuscrits sont des
généalogies d'illustres familles françaises. Pierre-
Scévole, fils de Scévole, en a tiré ['Abrégé his-
torique et généalogique de la maison de la
Trimouille (Paris, 1668, in-12). B. H.
Niceron, Mémoires, VIII. - Gallia Christ., 1. 1, dans
les divers prolégomènes, — Dreux du Radier, Biblioth.
du Poitou. — Journal des Savants, aux tables.
sainte mirthe ( Pierre - Guucher , dit
Scévole de), historien, fils de Scévole II, né à
Paris, en 1618, mort le 9 août 1690. Il fut maître
d'hôtel du roi, conseiller d'État et historiographe
de France. Son père dirigea ses premiers tra-
vaux, et l'eut pour collaborateur dans ses prin-
cipaux ouvrages II prit ainsi une part plus ou
moins considérable à la rédaction de V Histoire
généalogique de la maison de France et du
Gallia Chrisliana. Ses ouvrages personnels
sont : Table généalogique de la maison de
France; Paris, 16^9, in-fol.; — L'État de la
cour des rois dt l'Europe, avec les noms et
qualités des princes régnants en Asie et en
Afrique; Paris, 1670, 3 vol. in-12, et 1680,
4 vol. in-12, avec des additions; — Traité
historique des Armes de France et de Na-
varre; Paris, 1673, in-12 ■ avec un Traité des
fleursdelis (voy. Fevret de Fontette, Biblioth.
hist., t II, p. 757); — Remarques sur l'His-
toire de France du P. Jour dan, jésuite , et
sur la Critique du duc d'Épernon touchant
Voriginede la maison de France ; Paris, 1684,
in-12 : ouvrage anonyme; — V Europe vivante,
ou l'état des rois et princes souverains et
autres personnes de marque dans l'Église,
dansl'épée et dans la robe; Paris, 1685, in- 12.
Sur les manuscrits laissés par Pierre-Scévole on
peut consulter la Bibliothèque historique, quoi-
qu'elle ne les désigne pas tous. Il est, en outre,
auteur de plusieurs traductions. De l'espagnol il
a traduit : La Disgrâce du comte duc d'Oli-
varez; de l'italien : La Juste balance des car-
dinaux vivants en 1650; 1652, 1655, in-12 :
ouvrage de Gregorio Leti, très- peu flaiteur
pour certains cardinaux, entre autres pour
Mazarin , qui rechercha vainement le nom du
traducteur. B. H.
Niceron, Mémoires, VIII. — Fevret de Fontette,
Biblioth.. hisu - Dreux du Radier, Biblioth. du Poitou.
sainte-marthe (Abel- Louis de), théolo-
gien et poète latin, frère du précédent, né en
1620, à Paris , mort le 7 avril 1697 , à Saint-
Paul aux Bois, près Soissons II abandonna
le barreau pour entrer dans la congrégation
de l'Oratoire (1642), et parcourut d'abord la car-
rière de l'enseignement, où il débuta par les
humanités. Il se trouvait à Nantes lorsqu'il com-
posa un petit poème, Sanctorum Galliœ re-
gum et principum sylva historica, qui fut in-
153
SAINTE
séré à la tête du t. Ier de V Histoire généal.
de la maison de France (1647, in-fol.). Les
devoirs de son état l'empêchèrent de se livrer,
comme l'avaient fait ses ancêtres, à la culture
des lettres latines, et il professa avec zèle la
théologie dans les maisons de son ordre à Paris,
puis à Saumur. La mort de son père Scévole (1650)
et de son oncle Louis (1656) avait arrêté l'im-
pression du GalliaChristiana : appelé à Saint-
Magloire pour y mettre la dernière main, il re-
vit tout l'ouvrage, de concert avec ses frères
Pierre-Scévole et Nicolas-Charles, et le publia
en 1656 (Paris, 4 vol. in-fol.)- L'assemblée du
clergé, qui se tint cette année là, encouragea les
trois éditeurs en accordant à chacun d'eux une
Pension de 500 livres. Aussitôt ils se remirent à
œuvre, et recueillirent un assez grand nombre
de pièces pour augmenter d'un quart la nou-
velle édition qu'ils préparaient. Des travaux
d'un antre genre et aus^ la mort de Nicolas-
Charles (l) détournèrent Abel-Louis de cette
entreprise, dont tous les matériaux passèrent
entre les mains de Denis de Sainte- Marthe (voy.
ci-après). Avec l'aide de son frère aîné Pierre-
Scévole, il consacra plusieurs années à une his-
toire générale du monde chrétien : le plan, qu'ils
rédigèrent ensemble, parut en 1664 sous le titre
ô'Orbis christianus, mais l'ouvrage entier,
formant 9 vol. in-fol., ne vit pas le jour, et fut
déposé en manuscrit dans la bibliothèque de
Saint-Magloire. Abel-Louis était depuis long-
temps supérieur de cette maison lorsque, le 3 oc-
tobre 1672, il fut élu supérieur général de l'ordre :
il déploya beaucoup de zèle pour rétablir la dis-
cipline, travailla à la conversion des protes-
tants, ets'attirala confiance des prélats les plus
respectable-. Son administration, aussi équitable
que florissante, fut troublée dans les derniers
temps par les querelles du jansénisme; l'arche-
vêque de Paris M. de Harlay, qui avait traversé
son élection, le desservit dans l'esprit du roi, et
sans qu'il lui eût été possible de se justifier des
torts imaginaires qu'on lui reprochait, il fut
obligé de quitter Paris à trois reprises diffé-
rentes. Cette persécution cessa en 1696, par suite
des bons offices de M de Noailles , successeur
de M. de Harlay ; mais en donnant sa démis-
sion (14 sept. 1696), il se retira dans la maison
de Saint-Paul aux Bois, où il mourut six mois
après. P. !,.
Dreux du Radier, Biblioth. du Poitou. — Niceron,
.Mémoires, vin.
saintr-marthe {Claude de), auteur as-
cétique, né le 8 juin 1620, à Paris, mort le
11 octobre 1690, an château de Courbeville, près
d'Orsay ( Seiue-et-Oise). Il se rattachait par la
branche des Champdoiseau à Gaucher de Sainte
Marthe, médecin de François Ier; son père,
François, mort en 1641, était chef du conseil
du cardinal de Richelieu. De bonne heure il
|ij Arrivée le 6 février 1662. II était prieur de Claunay
et aumônier du roi.
MARTHE 154
quitta le monde, s'engagea dans le sacerdoce,
et vécut dans la solitude et la prière. Après avoir
gouverné pendant la Fronde la modeste cure de
Momleville (diocèse de Sens), il se renferma
dans Port-Royal des Champs, et y dirigea les
religieuses; la persécution l'arracha deux fois à
cette retraite : il s en éloigna tout à fait en 1 679,
et alla vivre au château de Courbeville, qui ap-
partenait à sa famille. On a voulu rendre dans le
distique suivant son caractère en même temps
que sa conduite :
Impatiens falsi Terlque tenacior, inde
Ingemuit, tncult. fuglt et pecubuit.
On connaît de lui : Défense des religieuses de
Port- Royal et de leurs directeurs ; Paris,
1667, in-4" de 176 pag., en réponse aux faits al-
légués par le théologien Chamillart; — Traités
de piété ; Paris , 1702, 1733,2 vol. in-12; —
Lettres de piété et de morale; Paris, 1709,
2 vol. in-12. 11 eut part à la Morale pra-
tique des Jésuites, ainsi qu'à la traduction
du Nouveau Testament de Mons. On lui prêta
encore divers petits écrits , des discours, des
lettres, etc.
Niceron, Mémoires, vin. — Nécrologe de Port-Royal.
— Satnte-Bcuve, Port-Royal.
sainte-marthe ( Denis de ), historien et
théologien, neveu du précédent, néle 24 mai 1650,
à Paris, où il est mort, le 30 mars 1725. En lui
s'éleignit la descendance directe de la branche
des Champloiseau. Destiné à l'église, il acheva
ses études à Pont-le-Voy, et fit à dix-huit ans
profession chez les bénédictins de Saint-Maur.
Pendant onze ans il professa dans différentes
maisons la philosophie et la théologie, et ne
sortit de l'enseignement que pour s'élever aux
premières d'gnités de sa congrégation. Il remplit
depuis 1690 l'office de prieur à Tours, à Rouen,
à Paris et à Saint-Denis, et en 1720 il fut élu
supérieur général. Il s'était rangé au parti des
appelants de la bulle Unigcnilus, mais il adhéra
à l'accommodement qui intervint l'année même
de son élection Ce religieux, d'un caractère
modeste et affable, a écrit un grand nombre
d'ouvrages d'érudition et de controverse, parmi
lesquels nous choisirons les suivants : Traité
delà confession, contre les calvinistes; Paris,
1685, in 8°; — Réponse aux plaintes des pro-
testants touchant la prétendue persécution
de France; Paris, 1688, in 12;— Entretiens
touchant l'entreprise du prince d'Orange, sur
l'Angleterre; Paris, 1689-91, in-12; — Lettres
(cinqi à M. de Rancé; Paris, 1692-93, in-t? : ces
lettres, dont la dispute sur les études monas-
tiques fait le sujet, sont très-satiriques, et Rancé
y est traité avec si peu de ménagement que
Thiers se crut obligé de le défendre dans son
Apologie de Vabbéde la Trappe (1693, in-12) ;
— Vie de Cassiodore; Paris, 1694, in-12 : le
meilleur écrit de l'auteur; — Histoire de saint
Grégoire le Grand; Paris, 1697, in-4° : il la
traduisit en latin et la plaça dans le t. IV de
155 SAINTE-MARTHE •
l'édition, peu estimée du reste, qu'il donna des
Œuvres de ce pape (Paris, 1705, 4 vol. in-fol.),
en société avec deux de ses confrères Bartli. de
Lacroix etGuill. Besshi. Le dernier ouvrage du
P. Denis de Sainte-Marthe est le Gallia Chris-
tiania : à la prière de l'assemblée du clergé de
1710, il en avait entrepris une nouvelle édition,
pour laquelle il s'aida des nombreux matériaux
recueillis par les membres de sa famille (voy.
Abel-Louis ci-dessus), ainsi que des recherches
de quelques bénédictins, qu'il avait choisis pour
collaborateurs. Cet ouvrage est tout différent de
l'ancien et pour le fond et pour la forme : il en
publia le t. 1er (1715, in-fol.), et eut la principale
part aux t. Hà IV, qui parurent de 1720 à 1728.
On sait que ce vaste recueil a été continué par
d'autres membres de la congrégation de Saint-
Maur, et repris de nos jours par M. Hauréau,
notre savant collaborateur.
Cette famille, une des plus célèbres dans la
république des lettres , compte encore beaucoup
d'autres personnages que nous n'avons pu in-
diquer; Dreux du Radier, qui leur a consacré
plus de la moitié du t. V de sa Bibl. du Poi-
tou, en a mentionné quarante-cinq, dont dix-
neuf ont écrit. Le dernier qu'il ait cité était
Âbel-Scévole-Louis, né le 28 mai 1753.
P. L.
Dreux du Radier, Bibl. du Poitou. — Gallia Chris-
tiana, VII. — Le Cerf, Bibl. des auteurs de la congrêg.
de Saint-Maur. — Niceron, Mémoires, V . — Moréri,
Grand Dict. hist.
sainte-palwe ( Jean - Baptiste de La
Curne de), érudit français , né le 6 juin 1697, à
Auxerre, mort le 1er mars 1781, à Paris. Sa fa-
mille était noble et ancienne, et son père, Edme
de La Curne, avait été gentilhomme du duc d'Or-
léans, puis receveur du grenier à sel d'Auxerre.
D'une constitution faible et délicate, il passa son
enfance près de sa mère, et ne commença guère
qu'à quinze ans l'étude des langues classiques.
Lorsque sa santé raffermie lni permit plus d'ap-
plication, il se livra à des travaux soutenus, et
grâce à une mémoire tenace et à une volonté
forte, il tira de cette éducation tardive des ré-
sultats étonnants. A l'âge de vingt-sept ans il
était admis dans l'Académie des inscriptions
(1724), distinction d'autant plus flatteuse qu'elle
s'adressait à son seul mérite, puisqu'il n'avait
encore rien publié. En 1725 il fut envoyé à
Wissembourg auprès du roi Stanislas et chargé
de la correspondance de la cour de France avec
ce prince; il le suivit à Chambord, mais en 1726
il renonça à la diplomatie pour revenir aux
lettres, qu'il avait quittées avec regret. Après
avoir communiqué à l'Académie son premier
mémoire sur deux passages de Tite-Live et de
Denys d'Halicarnasse (1727), il résolut de consa-
crer ses veilles aux origines de l'histoire natio-
nale : de là jusqu'en 1740 une série de notices
pleines d'intérêt, où il analyse des chroniques
inédites, comme la Vie de Charlemagne, con-
servée dans l'abbaye de Saint-Yves, et les
• SAINTE-PAL A YE 156
Chroniques de Saint- Denis, et où il apprécie
des historiens de la troisième race, tels que Ri-
gord, Guillaume le Breton, Raoul Glaber, Guil-
laume de Nangis et ses continuateurs, Helgaud,
Froissart, etc. La lecture qu'il faisait des chro-
niqueurs et des romanciers le conduisit à for-
mer une triple et vaste entreprise , d'expli-
quer d'abord l'une des institutions les plus
remarquables du moyen âge, la chevalerie, en-
suite de composer un dictionnaire des antiquités
françaises et un glossaire complet des variations
de notre langue. Au premier de ces ouvrages,
où l'intérêt l'emporte sur l'érudition, il voulut
joindre une histoire des troubadours; dans ce
dessein il retourna en 1749 en Italie (il y avait
fait un voyage en 1739), en rapporta 4,000 pièces
inédites ou peu connues, apprit seul la langue
provençale, et forma de ses immenses matériaux
une collection de 23 vol. in-fol. Ce fut dans
cette riche mine qu'il permit à l'abbé Millot de
puiser pour rédiger son Histoire des trouba-
dours (1774, 3 vol.in-12). Les deux autres pro-
jets qui occupèrent le reste de sa vie n'ont été
ni achevés ni publiés: l'un, le Glossaire, de
l'ancienne langue française, dont il fit con-
naître le plan en 1756 (broch. in-4° de 30 p.),
ne vit le jour qu'en bien faible partie : le colla-
borateur de Sainte-Palaye, qu'il avait formé lui-
même et à qui il avait confié la tâche de publier
l'ouvrage , J.-G. Mouchet, ne put terminer l'im-
pression du tome I«" ; quelques exemplaires à
peine de ce fragment ont échappé à la destruc-
tion. L'autre entreprise de Sainte-Palaye, plus
compliquée et plus vaste encore, son Diction-
naire des antiquités françaises, forme un
recueil de 40 vol. in-fol., manuscrits acquis par
Moreau pour la bibliothèque du roi. Des travaux
si étendus et si variés n'ont pourtant pas rempli
tous les moments de sa vie : il en adonné beau-
coup au monde, et encore plus à la tendre
amitié qui l'unissait à M. de La Curne, son
frère jumeau. Jamais ils ne se séparèrent : ils
eurent le même logement, les mêmes habitudes,
les mêmes sociétés , les mêmes amusements.
Sainte-Palaye mourut plus qu'octogénaire. Outre
l'Académie des inscriptions, il avait été admis
en 1758 dans l'Académie française, à cause des
recherches qu'il avait commencées sur la langue,
et il faisait aussi partie des académies de la
Crusca, de Dijon et de Nancy. A la liste de ses
nombreux mémoires, nous ajouterons celle fort
courte de ses ouvrages publiés à part : Lettre à
Bachaumont sur le bon goût dans les arts et
les lettres ; s.l., 1751, in-12;— Mémoires sur
l'ancienne chevalerie , considérée comme un
établissement politique et militaire; Paris,
1759-81, «3 vol. in-12 : le t. III, dont Ameilhon
fut l'éditeur, contient différentes pièces peu con-
nues; une nouvelle édit. annotée a été donnée
sous le nom deCh. Nodier; Paris, 1826, 2 vol.
in 8" ; cet ouvrage a été trad. en polonais, en
anglais et en allemand. Le même savant a publié
157
SAINT Ë-PALAYE - SAINTRAILLES
158
en 1756 le fabliau d'Aticassin et ISicoletle,
in-12. P. L-Y.
Chamfort, Discours de réccpt. â VAcad. fr., 1781,
j„_4o. ._ Dupuy, Éloge de Sainte-Palaye, dan1; les
Sltémoires de VAcad.des inscr., XLV. — Le Nécro-
loge, mars 1782 — Iininet, Manuel du libraire.
sainte-suzanne ( Gilbert- Joseph- Martin
Bruneteau, vicomte, puis comte de), général
français, né le 7 mars 1760, au Mothé, près
Poivre (Aube), mort !e 26 août 1830, à Paris.
D'abord page de la comtesse de Provence , il
obtint en 1779 une sous-lieutenance dans le régi
ment d'Anjou infanterie. A l'époque de la révo-
lution, il en adopta les principes, devint capi-
taine de grenadiers, et se distingua à la défense
de Mayence, puis à la bataille de Cholet, en
Vendée. Nommé général de brigade (mars 1795),
il passa à l'armée du Rhin, combattit les Autri-
chiens avec autant de vigueur que de succès, et
leur fit éprouver des perles considérables par la
décision et la rapidité de ses mouvements à Et-
tingen; sa belle conduite à Aalen lui valut, dans
le même jour, le grade de général de division
(2 août 1796). Dans les divers rapports que
Moreau adressa au Directoire sur les opérations
de l'armée, il cita avec les plus grands éloges
l'intrépidité et les talents de Sainte-Suzanne.
Après avoir été chargé de défendre le pont de
Kehl , ce dernier fut appelé au bureau topogra-
pliique de la guerre (23 juillet 1797), où il eut
occasion de montrer l'étendue de ses connais-
sances. Deux ans plus tard il accepta , comme
lieutenant de Moreau à l'armée du Danube, le
commandement de l'aile gauche , forte de seize
mille hommes. Il s'avançait sur Ulm lorsque
ses lignes furent attaquées et forcées entre Er-
bach et Asch (16 mai 1800) ; dans cette position
critique il réussit, en resserrant ses ailes et en
abandonnant momentanément la rive gauche
du Danube, qui lui servait d'appui, à retirer ses
troupes du pas dangereux où les combinaisons
du général en chef les avaient engagées; ce fut en
vain que les Autrichiens tentèrent, dans un com-
bat très-meurtrier, de le déloger des positions
■qu'il avait reprises. Cette campagne, qui lui avait
fait le renom d'un tacticien habile , fut la der-
nière de Sainte-Suzanne : des infirmités pré-
coces le forcèrent de renoncer au service actif. En
1804 il fut élu sénateur et nommé grand officier
de la Légion d'honneur; il devint en 1809 comte
de l'empire; ce dernier titre lui fut donné après
qu'il eut pris toutes les dispositions nécessaires
pour mettre les côtes de Boulogne en état de
défense. En avril 1814 il adhéra à la dé-
chéance, et le 4 juin il fut du nombre des nou-
veaux pairs de France. Dans le procès du ma-
réchal Ney il refusa avec quatre de ses collègues
de prendre part au jugement, attendu , disait-il,
que la défense n'avait été ni libre ni entière, par
le refus qu'avait fait la chambre de reconnaître
en faveur de l'accusé un des articles de la capi-
tulation de Paris. Du reste, il ne cessa de voter au
Luxembourg avec l'opposition libérale, et bien
que mourant, en 1830 il se hâta de venir à Paris
donner son adhésion à la monarchie de Juillet.
On a de cet officier général : Siège de Dantzïck
en 1807; Paris, 1818, in-18, pi.;— Projet de
changements à opérer dans le système des
places fortes ; Paris, 1819, in-8°.
Son fils, Auguste, né en 1800, lui succéda au
Luxembourg, donna sa démission en janvier 1832,
et mourut le 19 octobre 1855 au château d'E-
cury (Marne).
Sainte-Suzanne (Jean-Chrijsostome Brune-
teau, comte de), frère du général , né le 4 mars
1773, suivit aussi la carrière des armes, et fit les
campagnes de la république en Allemagne et en
Italie. En 1803 il fut envoyé à l'Ile de France
en qualité d'officier supérieur, et devint en
1809 gouverneur de la Réunion. Celte colonie
ayant été attaquée en 1810 par une Hotte an-
glaise et plus de sept mille hommes de débar-
quement, il refusa de se rendre aux premières
sommations, et bien qu'il n'eût ni places fortes
ni vaisseaux et que le nombre de ses soldats
s'élevât à cinq ou six cents à peine, il disputa le
terrain pied à pied , et ne posa les armes que
lorsque la moitié de Saint-Denis, chef-lieu de
l'île, fut au pouvoir de l'ennemi ; la capitulation
qu'il signa en cette circonstance fut des plus
honorables. Revenu en France , il fut mis à la
tête: du 29e léger (1811), prit part à l'expédition
de, Russie et tomba entre les mains des Russes au
passage de la Bérésina. Louis XVIII lui donna
le grade de maréchal de camp (6 sept. 1814).
Dans les cent-jours il commanda à Schelestadt;
bloqué par une division de troupes alliées, il fit
plusieurs sorties, s'empara du quartier général ,
et ne consentit, au bout de deux mois, à
rendre la place qu'au roi. Il fut employé ensuite à
l'intérieur, et se brûla la cervelle en apprenant
la révolution de juillet 1830.
Ile Courcellcs, Dict. hist. des généraux français.
saintonge (Louise - Geneviève Gillot,
Mme de), femme de lettres française, née en
1650, à Paris, oùelleest morte, le 24 mars 1718.
Fille de Mme Gomez de Vasconcelle ( voy. ce
nom), elle fut mariée à un avocat du nom de
Saintonge. Elle a écrit des épîtres, des églogues,
des madrigaux et des chansons, deux comédies,
deux opéras, Bidon et Circé, joués en 1693 et
1694, le tout réuni sous le titre de Poésies ga-
lantes (Paris, 1696, in-12; Dijon, 1714, 2 vol.
in-12); — Histoire secrète de dom Antoine,
roi de Portugal ; Paris, 1696, in-12 : tirée, à ce
qu'elle prétend , des Mémoires de don Gomès
Vasconcellos de Figueredo, son aïeul maternel ;
— Diane de Montemayor, mise en nouveau
langage; Paris, 1696, 1699, 1733, in-12.
Prudhomme, Biogr. uni», des femmes célèbres. —
Descssarts , Les Siècles littér.
SAINTRAILLES OU XAINTKAILLES (Po-
ton (1) de), capitaine français, né vers 1390 ou
(1) Le cabinet des titres et les collections de manus-
crits renferment des actes nombreux souscrits de cette
159
1400, mort le 7 octobre 1461, à Bordeaux. Frère
puîné de Jean, seigneur de Saintrailles (1) che-
valier, mort en 1432, c'était un cadet de famille,
appartenant, par sa naissance, à la Gascogne et
se rattachant par des liens de vassalité au comte
d'Armagnac. Il fit ses premières armes, avec La
Hire, son compatriote, dans la Picardie (1418),
où ils combattirent les Bourguignons, sous les
drapeaux du dauphin (Charles Vil). Jusqu'à
la mort de La Hire (1443), ils ne se quittèrent
plus, et leurs noms sont demeurés inséparables
dans l'histoire. Après avoir tenu frontière à
Crespy, Saintrailles prit part au siège d'Alençon
(142)), s'empara de Saint-Riquier, se distingua à
la bataille de Mons-en-Vimeu, où il fut t'ait pri-
sonnier de la propre main du duc Philippe le
Bon, qui lui rendit la liberté en le comblant de
présents. Il combattit ensuite à Cravant, s'em-
para de Ham, et commanda l'une des ailes de
l'armée à la journée de Verneuil ( 17 août 1424).
Ayant appris que la guerre venait d'éclater entre
le duc de Brabant (que soutenait Philippe le
Bon ) et le duc de Glocester, Saintrailles alla se
ranger sous la bannière du duc (1425). Bientôt
SAINTRAILLES 160
Fait prisonnier, ainsi que Guillaume, il fut con-
duit à Rouen. Peu de mois auparavant, il avait
poussé une pointe hardie à travers la Normandie,
et avait saccagé la ville d'Eu. Les Anglais te-
naient en haute estime ce redoutable adversaire,
dont ils admiraient la vaillance. Saintrailles, en-
voyé à Londres avec un sauf-conduit d'Henri VI,
négocia sa libération par voie d'échange, ave«
lord Talbot. Il marqua son retour par les pille-
ries qu'il exerça, en 1434, sur le pays libre de
Metz. Au mois d'août 1435, pendant que les
ambassadeurs délibéraient au congrès d'Arras,
Saintrailles accompagné de La Hire, et sans tenir
compte des trêves, ni du congrès, rouvrit, de
son chef, les hostilités contre le duc de Bour-
gogne; puis il appuya l'insurrection de la Nor-
mandie, et s'associa au siège et à la prise de
Dieppe par Des Marais. Il commandait aiors une
de ces compagnies indisciplinées que le traité
d'Arras laissait sans emploi et qui reçurent le
titre mérité iVéeorcheurs.
Après avoir guerroyé dans le Médoc conlre
les Anglais, à la suite d'un célèbre condottiere .
nommé Rodrigo de Villa-Andrando, comte de
après il fut arrêté et conduit à Bruges par-devant I Ribadeo, Saintrailles reprit du service auprès du
le duc, qui l'interrogea sévèrement sur les pille-
ries qui lui étaient imputées. Il réussit à se faire
absoudre, et reçut même du prince un présent
de 235 livres, à titre de dommages et intérêts.
Le 13 septembre 1427, il signa à Gergeau, ainsi
que son frère Jean, un traité d'alliance avec le
comte de Foix , pour soutenir la cause des fils
de Louis d'Orléans.
Peu de temps après, les Anglais envahirent
de nouveau la France. Sainjrailles prit une part
glorieuse à cette mémorable période de guerre
défensive , illustrée par la Pucelle et qui décida
de l'indépendance de notre pays. Il se distingua
d'abord à Beaugency, puis au siège d'Orléans,
à Gergeau, où ayant fait Talbot prisonnier, il le
délivra sur parole, à Patay, et fournit enfin toute
la campagne du Sacre. En 1430 il seconda !a
Pucelle à Compiègne, et remporta un avantage
assez notable à Guerbigny, près Beauvais, en
bataille rangée. L'illustre héroïne ayant péri sur
le bûcher, Raoul de Chartres, chancelier de
France, ne rougit pas de lui substituer un pâtre
du Gévaudan, nommé Guillaume Saintrailles
avait accepté la Pucelle : peu scrupuleux sur de
pareilles questions, il accepta le pâtre, et perdit,
sous la bannière île cet idiot visionnaire, la ba-
taille dite du Berger (du 10 au 15 août 1431 ).
signature autographe : Poton. tracée d'une main ferme,
en caractères très-réguliers. I,e maréchal savait donc
signer son nom; mais c'est là que s'arrêtaient ses capa-
cités en malien- d'écriture i.ui même s'en eiplique dans
les te mes qui suivent, et que nous empruntons littéra-
lement à son testament : « t.o quau présent, testament
f y feyt ese.ruire ( per so que no srey escrnire, fors et
exceplal mnn nom Coton), à Johan Giiischard, clerc no-
taire r.'.vau en la senesch alia de Guianna. «(Cabinet des
titres, copie de G.iignières. )
|H aujourd'hui Xalntraillcs arrond. de Nèrac (I.ot-ct-
Uaionne).
roi de France, qu'il aida utilement au siège de
Montereau Charles VII avait distingué ses ta-
lents militaires, et dès l'époque du sacre il l'a-
vait nommé son premier écuyer et maîîre de son
écurie (1). Voulant se l'attacher définitivement,
il le maria, en 1 437, à Catherine Brachet, dame de
Salignac en Limousin, et lui fit un don de
4,000 écus d'or; en même temps il le nomma
bailli du Limousin, puis bailli du Berriet membre
du grand conseil. Chargé, en 1438, d'une mis-
sion politique et surtout militaire dans le Lan-
guedoc, Saintrailles rencontra de nouveau Ro-
drigo, qui guerroyait contre les Anglais, et l'ac-
compagna en Roussillon, où le capitaine castillan
avait une querelle à vider. En 1440 il s'empara
de Louviers, par un hardi coup de main, et en
1441 il assista au siège de Pontoise. En 1449 il
obtint un commandement de la grande ordon-
nance, se signala aux sièges d'Harcourt, de
Rouen, de Beliême, de Lisieux, de Caen, de Fa-
laise, partit immédiatement pour la Guienne , et
contribua, pour une part considérable, aux ra-
pides succès des armes de Charles VII. Il reçut,
avec Dunois, la soumission des Bordelais (juin
1451), qui termina cette expédition. Mais, en
1453, Talbot surprit la ville et fit prisonniers
Saintrailles et ses gens, qui se rachetèrent a;ix
dépens du roi. Au mois de juillet suivant, Sain-
trailles reprit l'offensive, Talbot périt à la ba-
taille de Castillon, et les Anglais furent définiti-
vement expulsés de. notre territoire.
En récompense de ses longs services, Cbar-
(1! Cet office, qu'il remplit après Froiicr, baron de
Preuillv, et l.c i^amus de Beaulicu Ivov. cei noms), lui
donnait l'intendance de la garde du corps et de la mai-
son militaire du roi. Mais il ne porta jamais le titre de
grand écuyer de France.
161
SAINTRAILLES — SALA
162
es VII nomma Poton de Saintrailles maréchal in-18; — Essais sur la philosophie et la re-
te France, le 1er avril 1454 (1). Saintrailles avait
léjà reçu diverses possessions territoriales en
luienne. Par lettres du 30 octobre 1459, il de-
vint gouverneur de Bordeaux et lieutenant du
çouvcrneur général. 11 s'installa au château
Trompette, construit pour assurer la domination
lu roi, et le 20 mars 1461 il dicta de cette de-
neure, dans sa langue gasconne et maternelle,
on testament, dont le texte nous est resté.
,rivé de postérité directe et masculine, il légua
on nom et ses armes, ainsi qu'une partie de ses
>iens, à des héritiers collatéraux, et disposa du
este en œuvres pies. A. Vallet (de Viiïville).
Cibinct des titres : Saintrailles. — Mss. de la Biblioth.
îip., n°« 1,717, loi. 95 ; 4,805, fol. 133 ; 5,909, fol. 247 ; origr-
aux de FontanieUjt. I, pièce 3; Gaignières, 896,1, fol 17;
egrand, t. VI; Dnchesne, n°s 48, fol. 181, et 107. fol. 392;
i. Grenier, t. XX bis, fol. 13 ; Cordeliers, n" 16, fol. 484, etc.
rchives des Basses-Pyrénées, E, 439, n° 2,874. Archives
e l'hospice de Laon, etc. — Barante , Mélanges litté-
aircs. — Montlezun , Hist. de Gascogne, t. IV, p. 423
t s. — Anselme, aux Maréchaux de France. — Procès
e la Pucelle. — Chronique de Monstreiet, édit. d'Arcq,
la table. — Vallet (de Viriville), Chroniques de Cousinot
t de Jean Chartier; Histoire de Charles Fil.
saisset ( Emile- Edmond ), philosophe
rançais , né le 16 septembre' 1814, à Mont-
lellier, mort le 27 décembre 1863, à Paris. Il
lait fils d'un médecin de sa ville natale. Admis
n 1833 à l'École normale, il en sortit avec le
itre d'agrégé de philosophie, et professa dans
Iusieurs collèges, notamment à Caen. Profes-
eur suppléant d'histoire de la philosophie à l'É-
ole normale supérieure en 1842, puis maître de
onférences en 1846, il fit de 1853 à 1857 les
ours complémentaires de philosophie grecque
t latine au Collège de France. De 1849 à 1852
suppléa M. Damiron dans la chaire d'his-
3ire de la philosophie à la Sorbonne, et devint
itulaire de cette chaire à la mort de ce dernier
1862); il venait de le remplacer dans l'Aca-
émie des sciences morales lorsqu'il est moi i,
quaranfe-neuf ans. Ses écrits se font remar-
uer par l'élégance, la vigueur et la sobriété du
tyle. Un des maîtres de l'école éclectique,
I. Saisset a défendu hautement la cause du spiri-
jalisme cartésien contre les tentatives du pan-
îéisme et du matérialisme d'outre Rhin, les
mpiétements dangereux du mysticisme, et la
égation du voltairianisme renaissant. On a
e M. Saisset : Ses thèses de doctorat, Œnési-
ètne, et De varia S. Anselmi in proslogio
rgumenti fortuna; Paris, 1840, in-8°; —
ne traduction des Œuvres de Spinosa, avec
ne remarquable préface; Paris, 1843, 2 vol.
<1) Il s'agissait de transmettre l'un des deux bâtons de
laréchal, vacant par la mort du maréchal de Jaloignes.
disent les lettres de provision , a rassemblé en
jnseil son connétable, le maréchal survivant, ainsi que
s chefs de l'armée, et les a requis de lui désigner le
ijetqui leur semblait le plus digne d'obtenir cet office,
e choix du roi s'étanl rencontré avec la désignation
esque unanime de ses conseillers militaires , Poton de
ilntrailles a été nommé et institué. (Ms. fr. 5,909, fol. £47.)
m traitement était de 2,000 livres, qui représentent
',000 francs de notre monnaie.
NOUV. EIOCH. CF.NÉR. — T. XUH.
ligion au dix-neuvième siècle; Paris, 1845,
in-18; — Renaissance du voltairianisme;
Paris, 1845, broch. in-8" ; — Mélanges d'his-
toire, de morale et de critique; Paris, 1859,
in-8°; — Essai de philosophie religieuse; Pa-
ris, 18C0, in-8°, couronné par l'Académie des
sciences morales et par l'Académie française; —
Précurseurs et disciples de Descartes ; Paris,
1862, in-8°. lia donné dans le Dict. des sciences
philosophiques , la Revue des deux mondes,
la Liberté de penser, de nombreux articles de
philosophie spéculative et appliquée; il a traduit
la Cité de Dieu de saint Augustin, et ii a édité,
dans la Biblioth. Charpentier, les Œuvres de
Clarke, et les Lettres d'Euler.
Vapereau, Dict. des Contemp.
saix (du). Voy Du Saix.
sakiamouni. Voy. Bouddha.
sala (Angiolo), chimiste italien, né à Vi-
cence, dans la seconde moitié du seizième siècle.
On ne sait rien de ses études, de ses débuts ni
de ses premiers voyages. Il devait avoir acquis
une certaine notoriété lorsqu'il fit traduire en
laiin son premier traité sur la préparation des
médicaments. Vers 1609 on le trouve en Suisse,
exerçant la médecine; de 1613 à 1617 il résida
en Hollande, où il répandit ses idées ; entre 1620
et 1625 il habitait Hambourg ; enfin, vers 1632,
il fut nommé médecin du duc de Mecklembourg-
Giistrow. Il vivait encore en 1639, mais depuis
on perd tout à fait ses traces. Boerhaave parle
de lui comme d'un écrivain très-exact dans le
choix, la préparation et la description des médi-
caments, et il le loue beaucoup pour avoir ensei-
gné, avec toute la clarté possible, à traiter les
végétaux, les animaux et les minéraux, dans la
vue d'en tirer des remèdes utiles. Haller fait
aussi grand cas de ses travaux, entre autres de
YEssentiarum vegeiabilium anatome , de la
Saccharologia,de:\' Exegesis chymiatricà, etc.,
et lui décerne un bref mais magnifique éloge, en
le qualifiant de primus chemicorum qui desiit
ineptire. Les ouvrages de Sala ont été recueillis
sous le titre d'Opéra medico-chymica ; Franc-
fort, 1647, 1680, 1712, in-4°; Rouen, 1650,
in-4°. Les éditions particulières sont : De variis
erroribus in prxparatione medicinali corn-
missis; Francfort, 1602, 1049, in-4°; — Ana-
tomia vitrioli; Anreliae Allobrogum , 1609,
1613, in-12; — Septem planetarum terres-
trium spagirica recensio ; Amst., 1614, in-12;
— Anatomia anlimonii; Leydc, i617, in s°;
— Aphorismorum chymiatricorum synopsis ,
Brème, 1 620, in 8° ; — Chrysologia ; Hambourg,
1622, in-8°; — Emetologia ; Erfurt, 1628,
in-8°; — Ternarius lernarwrum, hermeUco-
rum, bezoardicorum, laudanorum ; Erfurt,
1630, in-8° : cet ouvrage avait déjà paru en
français à Leyde, 1616, in-4°, ainsi que la partie
qui traite de l'opium ; La Haye, 1614, in-8° ; — De
auro potabili novo; Strasbourg, 1630, in-8°;
163
SALA — SALABERRY
164
— Tartarologia (en allemand); Rostock,
1632, in- 8°; — Essentiarum vegetabilium
anatome; Rostock, 1635, in-8° ; — Saccharo-
logia; Rostock, 1637, in-8°; — De peste; Mar-
purg, 1641, in-8°; il y a une édit. française de
Leyde, 1617, ïn-8°. Les ouvrages de Sala pa-
raissent avoir été écrits d'abord en italien ; on
ignore s'ils ont vu le jour dans celte langue.
Manget, Bibl. viediea. — Haller, Bibl. botanica. —
Éloy, Dict. hist. de la méd.
sala (Gaspar), littérateur espagnol, né à
Saragosse, mort le 7 janvier 1670. Après avoir
fait ses études à Barcelone, il y entra dans un
couvent de l'ordre des Augustins, et se distingua
par ses talents pour la chaire. L'université de
cette ville lui conféra le grade de docteur en
théologie et celui de docteur régent. Dès l'en-
trée des Français en Catalogne, il se déclara
leur partisan, et écrivit des livres en leur fa-
veur; Louis XIII le nomma en 1642 son prédi-
cateur et son historiographe, et il lui donna en
1643 l'abbaye de Saint-Cugat. Les Espagnols
ayant reconquis la Catalogne , Sala se réfugia à
Perpignan (1652), et ne rentra en possession
de son abbaye qu'après la paix des Pyrénées.
Il a laissé quelques écrits en espagnol et en
catalan ; nous citerons : Govern politich de Bar-
celona pera sustentai* los pobres ; Barcelone,
1636, in-8°; — Noiizia unïversal de Cata-
luna; ibid., 1639, in-4°; — Epilome de los
principios y progresos de las guerras de
Cataluna; 1640-41; ibid., 1641, in-4°. Il a tra-
duit du français un éloge du comte d'Harcourt,
du P. de Cerisiers, sous le titre El Heroe frances
(Barcelone, 1646, in-4*1).
Antonio , Bibl. nova hispana.
sala (Nicolà), compositeur italien , né en
1701, près Bénévent, mort en 1800, à Naples.
Il fut élève de Léo, et passa plus de soixante
ans dans l'enseignement de la composition et
dans !a direction du conservatoire de la Pietà.
On ne connaît pas d'autres circonstances de sa
vie et même de sa carrière artistique. Il paraît
avoir en peu de succès à la scène , où il a pro-
duit deux opéras, Vologeso (Rome, 1737) et
Merope (Naples, 1769). Dans le style d'église,
il a composé l'oratorio de Giuditta (1780)', et
quelques autres morceaux. Il doit sa réputation
de savant musicien à un recueil de modèles de
contrepoint et de fugues, intitulé Regole del
contrappunto pratlico (Naples, 1794, 3 vol.
gr. in-fol. ) : travail d'un mauvais style et d'une
valeur douteuse. Choron, qui n'en avait point
aperçu les défauts, s'était épris d'enthousiasme
pour cet ouvrage, et l'avait pris pour base de
ses Principes de composition des écoles d'I-
talie. Sala mourut presque centenaire.
Llioyr. dcgli uomini illustri di Napoli, VI. — Félis,
Motjr. univ. des fllitsic.
salabekry (Charles -Marie d'Irumberbv,
comte de), homme politique, né en 1766, à Pa-
ris, mort le 7 juillet 1847, à Fossé, près de Blois.
Sa famille était ancienne et originaire de la Na-
varre; son père, président à la chambre des
comptes, était mort en 1794, sur l'échafaud. Quanl
à lui, il émigraen 1790, fit un assez longséjoui
en Turquie , rejoignit l'armée de Condé, puis s<
réunit aux bandes royalistes de la Vendée , où il
commanda une compagnie de cavalerie. Après k
pacification du 2 février 1800, il se retira dans 1(
domaine de Fossé, s'y occupa de lettres et d'agri
culture, et resta en surveillance jusqu'à la cbuti
de l'empire. Durant les cent-jours il combatti
en Vendée avec La Rochejaquelein. De 1815 i
1830 il siégea dans la chambre des députés, oî
il représenta le Loir-et-Cher, son département
« N'ayant rien compris à la révolution, ni à se
causes, ni à ses résultats , dit la Biogr. univ
des contemp., c'est-à-dire n'ayant vu que de
excès, inséparables de toute grande régénératioi
sociale, il partagea de bonne foi la terreur don
son parti parut frappé , et ne rêva plus que 1
retour des Jacobins et de la guillotine. On n
peut attribuer qu'au délire d'un cerveau malad
les manifestations de M. de Salaberry , dont se
amis mêmes ont reconnu plus d'une fois le r
dieule et l'exagération. » C'est probablement c
continuel excès de zèle qui faisait dire de lui
Mme de Staël : « il a trop d'esprit pour sa tête, j
Aussi siégeait-il à la chambre sur les bancs d
l'extrême droite. Il demanda la peine de moi I
pour ceux qui proféraient des cris séditieu ,
(1815), se prononça avec sa violence ordinair
contre la loi de recrutement (1818), prit un
part active à l'expulsion de Grégoire (1819), M
condamner le Journal du Commerce pour ir
suite au caractère des députés (1826), et signa!!
plusieurs fois la presse comme « l'arme cher! |
des ennemis de la religion et de la dynastie r<j
gnante, des amis du protestantisme et de l'illég !
timité ou de la souveraineté du peuple », <|
l'imprimerie comme la « seule plaie dontMoï-f
oublia de frapper l'Egypte ». 11 regarda la chu :
du ministère Villèle comme devant entraîm
inévitablement celle de la monarchie, et prl
depuis 1827 peu de part aux discussions parli
mentaires. Après l'a révolution de Juillet il vécil
tout à fait à l'écart de la scène politique. Outi j
plusieurs discours et écrits politiques, on a il
lui : Voyage à Constantinople, en Italie et aul
îles de r Archipel par l'Allemagne et la FlorV
grie; Paris, an vu (1799), in-8°; — Mot
voyage au mont d'Or; Paris, an xi (18031
1805, in-8° ; ouvrages assez superficiels; -I
Corisandre de Beauvilliers, roman abrégé <|
l'anglais; Blois, 1806, 2 vol. in-12; — Lor^
Wiseby, ou le Célibataire, roman; Pariai
1808, 2 vol. in-12 ; — Histoire de l'emph
ottoman jusqu'en 1792; Paris, 1813, 181
4 vol. in-8° ; — Développements des principe
royalistes au 20 janvier 1816; Paris, 1819-2'
4 broch. in-8°; — Essais sur la Valachie
la Moldavie ; Paris, 1821, in-8° : il y soutien
avec chaleur la légitimité du gouvernement tun
— La Première, la Seconde, etc., la Dixièn
1G5 SALABERRY —
aux hommes de bien; Paris, 1828, in-8°, suite
de dix lettres sur des matières politiques et re-
ligieuses; — Loisirs d'un ménage en 1804,
nouvelles; Paris, 1828, in-12 :cetouvrage, ainsi
que Corisandre et Lord Wiseby ont été attri-
bués à Mmc de Salaberry. On lui doit encore des
articles dans le Conservateur, les Archives lit-
téraires de Vanderbourg, et la Biographie uni-
verselle, et il est l'auteur de couplets satiriques
sur les différentes phases politiques que la France
a eu à traverser depuis la révolution.
Vaulabtlle, Nist. des deux restaurations. — Cape-
figue, Uist. de la restauration. — Rabbc , Biogr. univ.
et portât, des contemp.
saladin (Jean- Baptiste- Michel), conven-
tionnel, mort à la fin de 1813, à Paris. D'abord
avocat à Amiens, puis en 1790 juge au tribunal
de cette ville, il représenta le département de la
Somme dans l'Assemblée législative et dans la
Convention nationale. Hésitant sans cesse entre
les partis opposés, il prononça différents dis-
cours qui se ressentent de l'incertitude de ses
principes politiques. Après s'être montré révo-
lutionnaire fougueux en harcelant la conduite des
derniers ministres du roi, en faisant casser les
administrateurs d'Amiens, en votant la mort de
Louis, il se rapprocha des girondins , et protesta
le 6 juin contre leur proscription. Ce ne fut
pourtant que trois mois plus tard que, sur les
dénonciations de Tallien, il fut mis en arrestation;
il partagea la captivité des soixante-treize députés
exclus de la Convention, et y rentra avec eux à
la suite du 9 thermidor. Devenu membre de la
commission des vingt et un, il fut chargé d'exa-
miner la conduite de ses collègues et les traita
sans aucune espèce de ménagement : il présenta
différents rapports contre les terroristes, entre
autres Barère, Vadier, Collot d'Herbois et Bil-
laud-Varennes, et constata leurs actes les plus
odieux avec une accablante exactitude. Envoyé
dans les départements du Jura, du Doubs et de
la Haute Saône, il mit un terme aux vexations
éprouvées par beaucoup de familles, et lit annuler
tous les décrets de mise hors la loi rendus à
l'occasion du 31 mai, ainsi que les procédures
et saisies de biens qui en avaient été la suite.
Emporté par ce nouvel excès de zèle, il s'opposa
à la réélection de deux tiers des conventionnels
dans les conseils législatifs (août 1795), et sou-
leva contre lui la majorité de l'assemblée ; on
l'accusa de royalisme, et il faillit être compris au
nombre des fauteurs de l'insurrection du 13 ven-
démiaire. Saladin passa néanmoins dans le con-
seil des Cinq-Cents; mais s'étant réuni au con-
ciliabule de Clichy, il figura sur la liste des dé-
portés du 18 fructidor; il parvint à se cacher,
et, rappelé en 1799 par le décret des consuls, il
résida d'abord à Amiens, sous la surveillance de
la police, puis à Paris. Sous l'empire il acheta
une charge d'avocat à la cour de cassation.
Biogr. moderne. — Moniteur univ.
salaoix. Voy. Salah-ed-din.
SALAH-ED-DIN
16(
salah-ed-din ( Malek-Nasser- YousouJ ) ,
en françaisSALADiN, sultan d'Egypte, né àTekrit,
sur le Tigre, l'an 532 de l'hégire ( 1137 de l'ère
chrét. ), mort à Damas , le 27 safar 589 (4 mars
1 193). Son aïeul , Schadi-ben-Merouan, Kurde de
naissance, appartenait à la tribu des Ravadiens :il
eut deux fils, Schirkoub et Ayoub, le père de
notre héros. L'ambition de Schirkoub fit l'élé-
vation de Saladin, son neveu. Les deux frères,
attachés au service de Nour-ed-din, prince ou
atabekdeSyne, étaient parvenus aux plus hautes
dignités. Ce fut sur Schirkoub que Nour-ed-din
jeta les yeux lorsque,sollicité par Chaour, visir des
califes fatimites du Caire, de le rétablir dans ce
poste important où Dargham-abou-el-Achbal l'a-
vait supplanté, le sultan de Syrie organisa une
expédition en Egypte avec l'espoir de conquérir
plus tard cette contrée (1164). Schirkoub, nommé
général en chef des troupes syriennes , emmena
avec lui Saladin , qui ne consentit à partir que
sur l'ordre exprès de l'atabek. Ce futur conqué-
rant était alors entièrement adonné au plaisir.
El-Added-le-din-illah occupait le califat lorsque
les troupes de Nour-ed-din envahirent l'Egypte.
Cette expédition réussit pleinement ; mais bientôt
Chaour, pénétrant les projets secrets de l'atabek
de Syrie et de son lieutenant, fit alliance avec
les chrétiens et leur roi Amaury, afin de se dé-
barrasser de ses protecteurs intéressés. Schir-
koub, après avoir tenu quelque temps contre les
troupes réunies de Chaour et d'Amaury, fut forcé
d'évacuer le pays. Mais il sut intéresser à sa
cause le calife abbasside, réunit une nouvelle
armée, marcha sur le Caire et ne s'arrêta qu'au
défilé des Deux Portes (bàbaïn). Là il mit en
déroute les Francs unis aux Égyptiens , puis il
soumit la basse Egypte et vint camper devant
Alexandrie; cette ville ouvrit ses portes au vain-
queur. L'expédition se termina par un traité
qui stipulait certaines conditions avantageuses
aux Syriens et l'évacuation des Francs (1167).
Saladin avait suivi son oncle dans cette nou-
velle guerre. 11 montra dans Alexandrie assiégé
par les chrétiens , et où il se trouvait seul avec
une faible garnison, une prudence, une habileté,
qui pouvaient dès cette époque laisser soup-
çonner en lui un capitaine consommé. Quelques
auteurs prétendent que ce fut au moment de
l'évacuation d'Alexandrie que Saladin se fit armer
chevalier. Les attaques des chrétiens, toujours
désireux de s'immiscer dans les affaires de l'E-
gypte, forcèrent bientôt Chaour à recourir de
nouveau à l'intervention de Nour-ed-din (1168),
et celui-ci confia à Scbirkoub le commandement
d'une troisième expédition. De son côté le calife,
fatigué de la tyrannie de son ministre, promit à
Schirkoub de lui remettre le visirat s'il parve-
nait à le débarrasser de Chaour et des Francs.
Schirkoub accéléra aussitôt sa marche, battit
les chrétiens aux environs du Caire, et entra dans
la ville environné de la population reconnais-
sante. Chaour eut la tête tranchée, et son heureux
6.
f67
SALAH-ED-DIN
168
rival fut proclamé grand visir ; mais il mourut peu
après son triomphe. Le calife, croyant trouver
dans Saladin un jeune homme sans expérience, et
qu'il pourrait diriger à sa guise, s'empressa de le
nommer à la place de son oncle avec le titre à'El-
melek-el-nasser (le roi victorieux).
La nouvelle de l'élévation d'un émir syrien au
visirat des fatimites jeta l'alarme parmi les
chrétiens de Syrie. Ils firent appel aux princes
de l'Europe pour qu'ils organisassent une croi-
sade. L'empereur grec fut le seul qui répondit
d'une manière effective. Il mit à la disposition
d'Amaury une flotte destinée à transporter en
Egypte les troupes de ce prince. Cette flotte vint
mouiller dans les eaux de Damiette; mais, après
être restés cinquante jours devant cette ville, les
Francs, qui se trouvaient dans un état complet
de détresse , se virent obligés de remettre à la
Toile. Saladin, désireux d'occuper les troupes
syriennes dont il disposait, porta, l'année sui-
vante, la guerre dans la Syrie chrétienne. Il
assiégea Daroun , forte citadelle située près de
Gazza, marcha à la rencontre des chrétiens, les
défit et s'empara de Gazza. Cependant Nour-ed-
din, jaloux de son lieutenant, usa de tous les
moyens pour affaiblir l'influence qu'il avait su
acquérir. Ce fut dans ce but qu'il lui intima
i'ordre de faire accepter aux musulmans de la
vallée du Nil fout, entière la direction spirituelle
du calife abbasside. C'était, en réalité, demander
ta déposition d'El-Added- le-din-illah. Saladin,
dans le plus grand embarras, convoqua son con-
seil ; personne n'osa émettre uue opinion. Le
seul émir Alam se chargea de donner un com-
mencement d'exécution aux volontés de Nour-
ed-din, en prononçant, le vendredi suivant, le
Khothah (prière sacramentelle), au nom du
calife de Bagdad. Les fidèles accueillirent cette
innovation par la plus grande indifférence. Sala-
din, n'ayant plus à redouter un soulèvement du
peuple, imposa la même formule à tous les kha-
lebs des mosquéesdu Caire,et étendit bientôt cette
mesure à l'Egypte entière. Ainsi finit le schisme
des fatimites et la domination des princes de
cette dynastie, qui s'éteignit d'ailleurs peu de
temps après, dans la personne d'El-Added, son
dernier représentant. Saladin a été accusé par
Guillaume de Tyr d'avoir fait assassiner ce ca-
iife. Quoi qu'en disent les auteurs arabes, una-
nimes pour décharger la mémoire du fils d'Ayoub
de ce crime, la conduite de Saladin à l'égard
d'El-Added tendrait à justifier l'accusation de
('historien chrétien; elle laisse au moins des
loutes sérieux sur son inculpabilité. El-Added
fut en effet renfermé dans son palais par les
ordres de l'ambitieux visir; tout lui fut refusé
des prérogatives de son rang, jusqu'à sa dernière
monture, qu'il dut céder à son vassal.
La mort du calife fatimite rendit Nour-ed-
din souverain de l'Egypte; mais, par le fait, le
véritable maître fut Saladin. Dissimulant habi-
aiment ses intentions, il se reconnut toujours
lieutenant du sultan de Syrie. Si sa politique à
l'égard de ce dernier fut adroite , celle qu'il
tint avec le peuple égyptien ne fut pas moins
savante : il chercha et réussit à déraciner des
esprits les principes de la secte d'Ali en établis-
sant des collèges où d'habiles docteurs prê-
chèrent les dogmes orthodoxes. En même temps
il se créa, tant au sein de la population que
parmi les émirs syriens, de zélés partisans.
Nour-ed din tenta à deux reprises, mais en vain,
de l'attirer hors de l'Egypte afin de pouvoir le
déposséder sans coup férir. Puis il lui déelara qu'il
irait en personne le chasser de l'Egypte; la mort
vint le surprendre au milieu de ses préparatifs
de guerre (12 avril 1174). Saladin proclama son
entière soumission envers le nouveau sultan,
faible enfant âgé de onze ans et nommé El-Melek-
el-Saleh-Ismaïl. En même temps, il se rendit à
Damas, d'où il chassa Séif ed-din el-Ghazy,
neveu de Nour^ed-din, qui avait usurpé cette ville
surTsmaïl. Il s'empara successivementd'Émesse,
de Hamah, de Baalbek et d'autres places; il était
même sur le point de forcer Alep, résidence du
fils de Nour-ed-din, toujours sous le prétexte de
défendre les intérêts de ce prince et de l'arra-
cher à une tutelle injuste. Pressé par les troupes
de Saladin, le régent Chems-ed-din implora l'ap-
pui de Séif-ed-din-el-Ghazy que nous avons nomuri
plus haut; les troupes de ce roi de Mossoul,
unies à celles d'Ismaïl, attaquèrent le visir d'E-
gypte près de Hamah, le 19 de ramadan 570
(1174); elles furent complètement défaites. Sa-
ladin, devenu par cette victoire maître de la
Syrie musulmane, fit proclamer son nom dans
les prières publiques, accompagné du titre dp
sultan d'Egypte et de Syrie. Les croisés se
jetèrent alors sur le territoire de Damas, et bat-
tirent Touran-chah, frère du sultan. Mais Sala
din les força de se retirer, et poursuivit ses
eonquêtes en Asie. En 1177, l'armée égyptienne
fut défaite à Ramlah par Raymond de Châtillon.
La discorde qui s'établit entre les chefs chrétiens
entrava leurs succès. Saladin, apprenant qu'Azz
ed-din, roi de Mossoul, traitait avec les Francs,
s'empressa de rentrer en Syrie, s'empara d'A-
lep par capitulation, et vint mettre le siège de-
vant Mossoul. Le siège de cette ville, souvent
interrompu, ne fut repris définitivement qu'en
1185. Saladin tomba dangereusement malade.
Obligé de se retirer à Hamah, il conclut un traite
de paix avec Azz-ed-din par lequel ce dernier il
reconnaissait comme suzerain de ses États el
prenait envers lui certaines obligations.
Dès lors Saladin ne tourna plus ses armes
que contre la Palestine. Gui de Lusignan occu-
pait à cette époque le trône de Jérusalem. Re-
naud de Châtillon vint fournir au sultan un
prétexte pour prendre les armes contre les chré
tiens : il enleva, au mépris des traités, une
riche caravane musulmane qui traversait ses
terres. Les chrétiens, attaqués par Saladin,*prou-
vèrent des défaites successives. Une foule de
! 169 SALAH
! places fortes, la forte ville d'Akkah (Acre) elle-
même, tombèrent au pouvoir du sultan d'Egypte
à la suite de la bataille de Tibériade (4 juillet
1187), bataille dans laquelle Gui de Lusignan
fut fait prisonnier. Le 2 octobre suivant, Jé-
rusalem fut forcéede se rendre. A cette nouvelle
l'Europe s'émut. Trois souverains se croisèrent :
le premier, Frédéric Barberousse , mourut avant
d'avoir terminé la sainte entreprisse de recon-
quérir Jérusalem; vinrent ensuite et ensemble
d'abord, Philippe-Auguste et Richard Cœur de
Lion (1 191). La désunion s'établit entre ces deux
princes dès qu'il s eurent touché le sol de la Syrie, et
la lutte que Kichard Cœur de Lion continua seul
eut pour résultat d'obtenir de Saladin une trêve de
troisans (août 1 192). Débarrasséde ces puissants
ennemis, le sultan alla chercher à Damas le repos
que réclamait sa santé. Il reçut dans cette ville
des députations de tous les princes de l'Orient,
qui le félicitaient de ses victoires; mais il était
atteint d'une maladie incurable, qui le conduisit
en peu de temps au tombeau.
Saladin ne fut pas seulement un capitaine habile
et expérimenté; il laissa dans l'administration de
ses États, surtout en Egypte, des traces durables
de sa sagesse On voit encore au Caire des cons-
tructions qu'il fit élever, des édifices comme la
citadelle (Galah-el-Gebel), le puits dit de Joseph,
du nom de Saladin (Yousouf); enfin les gre-
niers également connus sous le nom de greniers
de Joseph. Les canaux, les digues, les voies
publiques eurent tous ses soins. Il fit entourer
l'enceinte du Caire d'une muraille fortifiée. « Sa-
ladin, dit M. Sédillot, est un personnage très-
intéressant dans l'histoire des croisades, et son
règne représente pour nous le plus haut point de
la civilisation des Arabes. Kurde de naissance,
il n'appartient pas précisément à la race turque;
mais il en a l'instinct guerrier, et il y joint une
intelligence supérieure. On personnifie dans Go-
defroi de Bouillon et Richard Cœur de Lion la
foi, la générosité, la bravoure des chevaliers
chrétiens; Saladin est au même titre le héros
des musulmans. En lui viennent se résumer
leurs plus belles qualités: courage àtonteépreuve,
grandeur d'âme, fidélité inébranlable, aux traités,
piété sincère, esprit de justice, modération dans
la victoire, simplicité de mœurs s'unissant quel-
quefois à toute la munificence orientale; tels
sont les traits principaux de son caractère. Pas-
sant sa vie au milieu des comhats, il ne nous
apparaît pas comme le protecteur des lettres,
des arts et des sciences, mais il ne leur est pas
étranger; il possède toutes les connaissances
arabes et il ne néglige aucun moyen de s'élever
dans l'estime des peuples. »
Henri Thiers.
Aboulfeda, Aboulfaradj, Isfahant. — fita et res gestœ
Saladini, éd. Schultens, 1"32. — Marin. Hist. de Saladin ■
Paris, i7R3, s v..l. in-12. - iVHerbc-lot, Hibi. orientale'.
— sédillot, Hist. des arabes. — Michaud , Hist. des
croisades. — Relnaud, Notice sur la vie de Saladin ■
Paris, 1824, in-8».
ED-DIN
170
salah-ed-din il (Melik-el-Nasr-Salah-
ed-din Yousouf), sultan d'Alep, arrière-petit-
flls du précédent, né en (229, mort en I2C1. 11
n'avait que sept ans lorsqu'il succéda en 1236
à son père Melik-el-Azis Mohammed. Le pouvoir
fut exercé pendant sa minorité par son aïeule
Daifa-Khatoun, qui eut à lutter contre des cir-
constances difficiles : les Kharismiens, refoulés
par les Mogols , envahirent les contrées situées
au sud de la mer Caspienne et taillèrent en
pièces les troupes d'Alep. Après la mort de la
régente (1242), le premier acte du jeune prince
fut d'intervenir contre les Mogols en faveur de
sou beau-frère le sultan d'Iconium (1243); mais
il ne put prévenir sa ruine. La révolution qui
en 1250 substitua en Egypte la domination des
Mamelouks à celle des Aïoubites lui fut avanta-
geuse. Le pays de Damas, repoussant le joug
des nouveaux maîtres du Nil, se donna à lui et
il rallia plusieurs princes voisins; mais lorsqu'il
voulut conquérir l'Egypte, il fut abandonné d'une
partie de ces nouveaux alliés, et malgré quelques
succès il retourna en Syrie, et signa la paix trois
ans après; il put même, profitant des défections
qui avaientéclaté parmi les Mamelouks, leur arra-
cher des concessions de territoire qui étendirent
son empire jusqu'à El-Arisch. Les Mogols, qui
s'avançaient alors vers l'Asie méridionale, étaient
pour lui des ennemis bien plus dangereux. Le
calife «le Bagdad chercha près de lui un appui
contre les envahisseurs et lui donna solennelle-
ment l'investiture des États qu'il occupait; l'an-
née suivante Bagdad était pris et le califat dis-
paraissait (1258). Le chef des Mogols Houlagou
somma alors le sultan d'Alep de venir s'humilier
devant lui ; Saladin envoya à sa place son fils,
qui fit appel à la générosité du vainqueur, mais
celui-ci lui répliqua d'un ton menaçant : « Va
dire à ton père que je lui ai donné l'ordre de
venir en personne. » Les Mogols, sans attendre
un nouvel acte de soumission, se répandirent
comme un torrent sur la Syrie et occupèrent en
1260 Alep, qui fut saccagé pendant cinq jours.
Saladin, avec le concours des princes de Syrie,
marcha au secours de sa capitale. Voyant la dis-
corde éclater parmi ses troupes et redoutant
quelque trahison, il rebroussa chemin et chercha
un refuge dans la citadelle de Damas. Bientôt il
se disposa à aller avec son frère implorer le
secours du sultan d'Egypte; toujours incertain,,
il renonça à ce projet, et accompagné d'un petit
nombre de soldats fidèles, il s'enfonça dans le
désert. C'est alors qu'il suivit le fatal conseil
d'implorer la clémence des Mogols, m.iîtres de
ses États. Ceux-ci, avertis du lieu où il se cachait,
se saisirent de sa personne et le conduisirent à
Houlagou, qui lui fit d'abord un généreux accueil ;
mais la nouvelle de deux échecs éprouves par ses
soldats le rendit furieux ; il reprocha à Saladin sa
perfidie, et le frappa d'une javeline. Au second
coup le sultan tomba blessé à mort. Avec lui
s'éteignit la dynastie des Aïoubites d'Alep. Prince
171 SALAH-ED-DIN
fastueux et prodigue, inconsistant, dont la bonté
avait le caractère de la faiblesse , il était peu
capable de prolonger la durée d'un empire me-
nacé de toutes parts. La faveur qu'il accorda aux
lettres et aux arts ne compensait pas son insuf-
fisance sous les autres rapports dans des cir-
constances aussi critiques. Il laissa des descen-
dants, qui s'éteignirent dans l'obscurité.
Aboulféda, Annales. — D'flerneîot, Bibl. orientale.
salai ou salaino {Andréa), peintre, né à
Milan, vers 1500; l'époque de sa mort est in-
connue. Il était entré chez Léonard de Vinci en
qualité de creato (garçon d'atelier), mais par
sa beauté, sou esprit et son cœur, il devint bien-
tôt le favori et le modèle de son maître, et plus
tard un de ses meilleurs élèves. Vasari rapporte
que beaucoup de ses tableaux furent retouchés
par le Vinci. Si le dessin de Salai n'est pas tou-
jours irréprochable, son coloris doux, ses formes
pleines de suavité le rapprochent de son maître.
Dans le petit nombre d'ouvrages qu'il avait laissés
à Milan, on voyait une Sainte famille, placée
jadis dans la sacristie de la Madonna presso
Santo-Celso, et qui figure à Munich dans la ga-
lerie du prince de Leuchtenberg. Cette œuvre
soutenait sans désavantage, au dire de Lanzi, la
comparaison avec une Sainte famille de Ra-
phaël placée en pendant, et qui est également
passée en Allemagne. Du reste, on prétend que
Salai avait peint son tableau d'après un carton
que le Vinci avait composé à Florence, où il
avait excité une vive admiration. Milan possède
de cet artiste: à la bibliothèque Ambrosienne,
Saint Jean dans le désert, tableau d'un coloris
chaud ; une Madone au palais Vitali, et au mu-
sée de Brera une autre Madone, une Sainte
famille ella Vierge entresaint Pierre et saint
Paul. Nous trouvons encore de lui : une Sainte
famille à la galerie publique de Florence ; une
jolie Madone à la villa Albani près Rome, et au
musée de Naples Jésus et saint Jean se te-
nant embrassés. Paris, qui ne possédait aucune
œuvre de Salai, en compte maintenant trois dans
le nouveau musée Napoléon III, une Madone,
une Adoration des mages et le portrait de la
Bienheureuse Marie-Catherine Bagora. Salai
excellait dans ce dernier genre. E. B — n.
Vasari, Lanzi, Orlandl. — Pirovano, Guida di Milano.
salazar. Voy. Mendoza.
sa i. dan h a (Joâo-Carlos , comte, puis duc
de), homme d'État portugais, né le 17 novem-
bre 1791, à Lisbonne, où il est mort, le 17 no-
vembre 1861. Son père, Jofiode Saldanha(l)Oli-
veira, appartenait à l'une des grandes familles du
pays; sa mère, Maria- Amelia, était fille du mar-
quis de Pornbal. Après avoir fait de bonnes étu-
des au collège des nobles de Lisbonne, puis à l'u-
niversité de Coïmbre, il entra au service mili-
taire, commanda en 1810 un bataillon à Busaco,
prit part à toutes les campagnes de la guerre
d'Espagne sous les ordres de Wellington et de
(1) On prononce ce nom Saldagna.
— SALDANHA 172
Beresfoid , et reçut quatre médailles d'honneui
pour des actions d'éclat. Il ne quitta l'armé*
qu'après la bataille de Toulouse, avec le gradt
de maréchal de camp (1814). Envoyé au Brésil,
il rendit de grands services dans la guerre d<
Montevideo, et défit la redoutable cavalerie d'Ar-
îegas. Il était capitaine général de la provins
de Bio-Grande du sud lorsqu'il apprit la révo-
lution de 1820 : aussitôt il proclama spontané-
ment les bases de la constitution adoptée parlei
coi tes, et fut à i'unanimité élu chef du gouver-
nement provisoire; mais il refusa de soutenir I
cause de dom Pedro, malgré les avantages qu'oi
lui offrit, et se rembarqua peur le Portugal (1822)
Ses opinions libérales et ses talents militaire:
faisaient de lui un personnage considérable, etl<
gouvernement constitutionnel s'empressa de I<
nommer gouverneur du Brésil et commandan
des forces de terre et de mer, avec les pouvoir:
d'un vice-roi. Sur ces entrefaites le Brésil s'af
franchit de la métropole, et Pedro fut élu em j
pereur ; on fit traîner en longueur les prépara
tifs de l'expédition organisée contre lui, et Sal a
danha, découragé, résigna ses pouvoirs. Mis au: I
arrêts le 15 février 1823, il dut la liberté ai.
soulèvement de la garnison de Lisbonne (27 mai) ;
et se rendit auprès de Jean VI, à qui il arrach;
la proclamation du 31 mai, où une constitutioi .'
était promise aux Portugais. Au mois de févrie. :
1825, ii devint gouverneur militaire de Porto ,
et après la mort de Jean VI (1826), ii proclama j
à la tête de la garnison de cette ville, la ebarh
de dom Pedro; cet acte d'heureuse audace dé i
cida du triomphe de son parti, et lui fit donner'
dans le ministère de la régente Isabelle, le por-
tefeuille de la guerre (3 août 1826). La chart< J
trouva en lui un énergique défenseur lorsque h
veuve de Jean VI excita des troubles en faveui
de domMiguel : il se mit lui-même à la tête da
troupes et chassa les rebelles de l'Algarve. Uni
maladie subite, qu'on soupçonna avoir été causéi
par une tentative d'empoisonnement, l'exposa ;
un si grand danger qu'il interrompit l'exercicij
de ses fonctions (12 janvier 1827); au moi:
de juin il reprit à l'improviste son portefeuille j
qui avait été confié à Xavier, obligea la régenhj
à congédier ses conseillers et composa le ea-
binet de libéraux. Mais le parti de la cour n< j
tarda pas à reprendre le dessus ; Saldanha fu
destitué (24 juillet), et l'usurpation de dom Mi
guel ne rencontra plus d'obstacle sérieux. L'an-
née suivante, à la nouvelle du soulèvement d(
Porto (16 mai 182.8), il quitta l'Angleterre, où i
s'était réfugié, et rejoignît la petite armée cons
litutionnelle, qu'il trouva en pleine déroute,
n'ayant pu réussir à la réorganiser, il reprit h
chemin de Pexil.'En janvier 1829 il tenta, ave<
un millier d'hommes, de renforcer la garnison ai
Terceira, restée fidèle à dona Maria ; repoussé pat
le canon anglais, il chercha un asile en France.
Il ne renonça pas cependant àses projets, et pré-
para , de concert avec ses amis politiques, de
73
SALDANII
| uouvelles tentatives en faveur de doiia Maria;
nais son caractère entier et orgueilleux lui sus-
cita des difficultés avec dom Pedro, qui était venu
! prendre la direction des intérêts de sa fille, et
orsqu'une expédition composée de Français et
[Ile Portugais partit de Belle-Isle en 1832, Sal-
[lanha n'en Gt pas partie.
L'année suivante il prit une part active à la
utte ouverte entre dom Pedro et dorh Miguel, se
eta dans Porto, bloquée parle prétendant, le re-
poussa et devint le principal personnage du gou-
vernement de Maria. Ses talents militaires le ren-
flaient indispensable pour un pouvoir qui avait
pneorc de nombreux obstacles à vaincre; Ce fut
Saldanha qui proposa et exécuta, de concert avec
e duc de Terceira, l'expédition qui porta jusqu'au
[ bnd des Algarves le drapeau victorieux de Pedro,
f ;t qui fut marquée par des succès continus, par
a soumission de Lisbonne et par la chute défi-
f îitive de domMiguel, qui, parla capitulation d'E-
[rora, renonça, en 1834, à toutes ses prétentions.
Malheureusement, s'il était un général distingué,
1 n'avait pas assez les qualités d'homme d'État
hour justifier l'ambition absorbante qui le faisait
pspirer à un rôle omnipotent. Inconsistant et mo-
bile à l'excès, il passait avec une étrange facilité
d'un parti à un autre. Quoique récompensé de
'ses services par les titres de marquis et de ma-
réchal, il se mit à la tête de l'opposition, et con-
quit par ce moyen le poste de ministre de la
guerreaveclaprésidenceduconseil(27 mai 1835).
Une put pas plus que d'habitude s'entendre avec
ses collègues, et vit se former dans les chambres
un parti hostile qui ébranla son pouvoir; il
donna sa démission ( 14 novembre). Lorsque la
révolution de septembre 1 836 eut entraîné le pou-
voir dans une voie plus libérale, Saldanha,
donnant un démenti à tout son passé, se fit
le champion de la reine, et dirigea avec elle
la faction qui voulait ramener le pouvoir dans
un sens rétrograde. Après avoir échoué, il tenta
;de ressaisir le pouvoir en appelant aux armes au
nom de la charte outragée (juillet 1837). Il ras-
sembla autour de lui quelques centaines de sol-
dats, se joignit au duc de Terceira, et établit une
régence provisoire. Il tint la campagne deux mois :
battu par Bomfim à Campo de Leiria et par das
Antas à Ruivaes, il se rembarqua (sept. 1837),
et vécut tour à tour en France et en Angleterre,
dans l'attente d'événements nouveaux. En 1846,
don a Maria ayant failli être renversée par une
insurrection sanglante qui avait éclaté contre la
dictature de Costa-Cabral, elle appela auprès
d'elle le maréchal , le créa duc et pair, et lui
donna mission de former un nouveau minis-
tère (20 mai 1846). Celui-ci s'en réserva la
présidence, avec le portefeuille des affaires
étrangères; mais malgré la victoire qu'il rem-
porta à Torres Vedras sur das Antas et Bomfim,
>1 ne triompha point entièrement du parti
mécontent, et se retira le 22 août 1847. Après
avoir occupé pendant quelques mois le poste
V — SALE 174
d'ambassadeur à Madrid , il revint au pou-
voir' (22 décembre 1847), et accepta, en janvier
1849 la présidence du conseil. Mais lorsque
Costa-Cabral voulut reprendre sa place dans
le cabinet, sur lequel il exerçait une sorte de
dictature anonyme, le vieux maréchal refusa de
s'associer davantage aux actes d'un gouvernement
réactionnaire. 11 ne cessa d'attaquer le dictateur
au nom de la liberté, rallia de nombreux partisans,
et, grâce à son ascendant sur l'armée, il devint
bientôt redoutable. Enfin, en mai 1851, secondé
par Sylva Cabrai, frère du dictateur, appuyé par
l'Angleterre, il triompha de sou rival dans une
insurrection qui le porta lui-même à la tête du
ministère (23 mai). Saldanha, devenu Farbitredes
destinées de la nation portugaise, cassa les actes
de son prédécesseur, et prétendit représenter la
cause de la liberté; mais l'opposition qu'il ren-
contra et les embarras d'une régence le portèrent
à des actes arbitraires, qui augmentèrent le
nombre de ses ennemis. Les attaques des Cortès
contre lui étaient devenues si violentes que le
jeune roi Pedro II crut devoir le sacrifier; il quitta
donc le pouvoir (6 juin 1856) après cinq ansde mi-
nistère, pendant lesquels il n'avait pas justifié par
des talents politiques Tâpreté de son ambition.
En 1860, il succéda au duc de Terceira dans la
présidence du conseil suprême de justice mili-
taire. Il mourut après une très-courte maladie,
le jour même où il accomplissait sa soixante-
dixième année. L. C.
Biogr. univ. et portât, des contemp., suppl. — Le-
sur, Annuaire hit t.
sale (George), savant littérateur anglais,
né en 1680, mort le 14 novembre 1736, à Londres.
Malgré les services qu'il a rendus aux lettres, on
ignore les particularités de sa vie; il exer-
çait à Londres la profession d'homme de loi ,
et ce ne fut que vers la fin de sa carrière qu'il
songea à tirer parti de ses connaissances. On
trouve son nom parmi les auteurs de la grande
Histoire universelle, éditée par Swinton,
Campbell et autres, et il fournit à ce recueil
la partie cosmogonique ainsi que plusieurs mor-
ceaux d'histoire sur les nations de l'Orient. Il
travailla aussi au General Dictioiwry (Londres,
1734, 10 vol. in-4"), qui est en grande partie la
reproduction du Dictionnaire de Bayle. Mais
l'œuvre qui le recommande à la postérité est une
version anglaise du Koran d'après l'original
arabe, avec des notes et un commentaire (ibid.,
1734 in-4°); il la fit précéder d'un discours
préliminaire sur l'état social et religieux des
Arabes, des Juifs et des chrétiens , au temps de
Mahomet, discours que Du Ryer a introduit en
tête de sa traduction française du Koran (1770,
2 vol. in-8°). Sale fut un des fondateurs de la
Société pour l'encouragement des études (1736).
On a publié, après sa mort, le catalogue raisonné
de ses manuscrits orientaux.
Clialmers, General ISiogr. Dict.
sale (la). Voy. La Sale.
175
SALEL
salel (Hugues), poëte français, né vers
1504, à Casais (Qnerci), mort en 1553, à l'ab-
baye de Saint-Cheron, près Chartres. On ne
sait rien de sa famille ni de sa première éduca-
tion. Un certain talent pour la poésie le mit en
faveur auprès de François Ier, qui le combla de
biens et lenomma son valet dechambre puis son
maître d'hôtel. Ce fut pour le récompenser de sa
traduction des premiers livres de V Iliade que
ce prince lui donna en 1540 l'abbaye de Saint-
Chéron. Salel en fut le premier abbé commen-
dataire. Après la mortde son bienfaiteur (1547),
il quitta la cour et renonça probablement à la
vie mondaine qu'il avait menée jusqu'alors pour
aller passer à Saint-Chéron le reste de sa vie
dans le repos. Il vivait encore à la fin de mars
1553, ainsi qu'on le voit par une lettre d'Olivier
de Magny, qui lui donne les qualités de con-
seiller et aumosnier ordinaire de la royne.
Ses poésies sont en petit nombre, et ne répondent
point aux éloges que les poètes de son temps ,
comme Mellin de Saint-Gelais, Olivier de Magny,
Pierre Paschal, Jodelle, lui ont prodigués à cette
occasion. Presque toutes roulent sur l'amour, et
sont remplies d'expressions libres et de senti-
ments peu dignes de l'état qu'il avait embrassé.
Il était savant et il possédait bien la langue
grecque. On a de lui : Dialogue auquel sont
introduits les dieux Jupiter et Cupidon;
Lyon, s. d. (1538), in-8°; — Les Œuvres de
Hugues Salel; Paris, 1539, in-12;Lyon, 1573,
in-lfi : elles se composent d'un grand nombre de
pièces en l'honneur de Marguerite, sa maîtresse :
« encore s'il ne lui avait conté que des douceurs
amoureuses, on pourrait les lui passer; mais,
dit Goujet, il a la sottise de louer dans sa belle
tout ce que la simple pudeur devait l'empêcher
de nommer...., et il finit gravement ces imperti-
nences par un Chant royal de la Conception
de la Vierge. « Les morceaux de la Chasse
royale et de VÉglogue marine méritent quel-
que attention ; — Les dix premiers livres de
l'Iliade d'Homère, prince des poètes, Irad.
en vers français; Paris, 1545, in-foI,fig.; cette
édit. n'est pas la première : un libraire de Lyon
avait imprimé vers 1542 les premiers livres sur
une copie défectueuse. L'auleur s'en plaignit à
François Ier, qui lui accorda, par lettres pa-
tentes (1) du 18 janvier 1544, un privilège spé-
(1) On y lit entre autres ce passage : « Aucuns libraires
et imprimeurs, plus avaricieux que savants, ayant trouvé
moyen de recouvrer des doubles ou copies d'aucuns li-
vres de l'Iliade d'Homère, que nous lui avons (à Salel)
commandé de traduire et mettre en vers françois, se sont
ingérés de les imprimer... avec une infinité de fautes et
changements de dictions, qui altérèrent le sens des sen-
tences, contre l'intention de l'auteur et la diligence du
translateur, lequel n'en peut recevoir sinon une dérépn-
tatlon et calomnie..., nous, à cette cause, voulant obvier
et pourvoir à telles folles et vaines entreprises des dits
libraires à ce que par eux la dignité de l'auteur ne soit
en aucun endroit profanée, ne aussi le labeur du dit tra-
ducteur mal reconnu, au préjudice de l'utilité, richesse
et décoration que notre langue françolse reçoit par cette
traduction.... »
SALICETI • 17
cial pour la publication de son oeuvre. Il en f
paraître une seconde édition (Paris, 1555, in-8°
augmentée du Xle livre, et son ami OJivierd
Magny publia le tout (Paris, 1574, in-8&), e
y ajoutant le liv. XII et partie du XIIF. Amad
Jamyn acheva plus tard cette traduction, et 1
publia en 1 580, in-12. La version de Salel est loi
d'être littérale, mais elle ne manque pas d'exat
iicude et pendant longtemps elle a élé lue ave
une sorte de plaisir. p. L.
La Croix du Maine et Du Verdier, Bibliotk.— Gouje
BM.françoise, IV et XII. — Vlollet Le Duc, Bibl. pot
tique, — Niceron, mémoires, XXXVI.
sales (François de). Voy. François.
sales ( Dehsle de ). Voy. Delisl-e.
salian (Jacques), savant jésuite, né (
1557, à Avignon, mort le 23 janvier 1640, à P;
ris. Admis en 1578 dansl'institutde Saint-Ignac
il professa pendant longtemps les humanités |
la théologie morale dans la province de Lyoi
Il était recteur du collège de Besançon lorsqu
fut appelé à Paris par ses supérieurs ; il y mouri
d'apoplexie, au collège de Clermont. Son princip
ouvrage a pour titre : Annales ecclesiastl
V. T. ab orbe condito usque ad Christi mo.
tem; Paris,, 1619-24, 6 vol. in-fol.; il suppo:
beaucoup de recherches et d'érudition , mais
manque quelquefois de critique et d'exactitud
L'auteur en soigna la troisième édition (Pari
1625, 6 vol. info!.) et en prépara, avant t
mourir, la quatrième, qui est la plus complè
(ibid., 1641, 6 vol. in fol.). Après avoir éludé
demande que lui rît l'évêque Sponde de rédui !
ses Annales, il en fit. lui-même un abréf
(Ann. eccles. V. T. epitome; Paris, 1635, in-fol I
Lyon, 1 664, in-fol. ), où il resserra avec tant d art !
fice ce qu'il avait étendu dans son grand ouvra'
qu'on était obligé de consulter celui-ci pour êti '
instruit à fond de ce qu'on souhaiterait de s,[
voir. Enfin il en rédigea une espèce de sorjj
maire (Enchiridium chronologicum sacrée
profanx historiée; Paris, 1636, in-12). On d(
au même jésuite quelques ouvrages de piét
dont l'un, De timoré Dei, a été mis par h
même en français sous le titre qui suit : L'Ai,
bassade de la princesse Crainte de Diei
Paris, 1630, in-8°.
Sotwell./J«M. Soc.Jesu.— Achard, Diet. de la Provent
saliceti (Christophe), homme politique
né à Bastia, en 1757, mort à Naples, le 23 d
cembre 1809. Sa famille était originaire de Pli
sance. Il fut éievé chez les barnabitesde Basti
et étudia le droit à l'université de Pise. De retot
en Corse, il exerça la profession d'avocat ;
conseil supérieur de l'île. Élu, en 1789, dépu
du tiers aux états généraux, il s'y rangea pan
les membres du parti démocratique, et formula
le 30 décembre 1789, le décret de l'Assembl
constituante qui déclarait la Corse partie inh!
grante du territoire français. Il fut un des pr
rniers à demander le rappel de Paoli, et contribi
à le faire nommer commandant général delagan
177 SALICETI
nationale de Corse; mais la différence rie leurs
sentiments politiques ne tarda pas à les mettre en
hostilité. Après la dissolution de l'Assemblée cons-
tituante, Saliceti devint procureur syndic de la
Corse, et il représenta ce département à la Con-
vention. 11 vota la mort de Louis XVI sans appel
ni sursis. En mai 1793, il fui envoyé en Corse
avec Lacombe-Saint-Michel pour réunir la popu-
lation contre les projets des Anglais. Son carac-
tère violent était peu propre à cette oeuvre de
conciliation; il ne put s'entendre avec Paoli , et,
les partisans de la France étant les moins forts,
il fût obligé de se soustraire par la fuite à un
danger imminent. Arrivé en Provence, il rejoi-
gnit l'armée de Carteaux, qui opérait contre Mar-
seille, et s'unit aux commissaires Barras, Ro-
bespierre jeune, Fréron, pour abattre les enne-
mis de la république dans cette partie du midi.
Rappelé, après le 9 thermidor, comme terro-
riste, et décrété d'arrestation, en mai 1795, ilfnt
compris dans la loi d'amnistie. En février 1796,
le Directoire l'envoya à l'armée d'Italie en qua-
lité de commissaire du gouvernement; il y fut
très-utile au général Bonaparte , et contribua à
la conclusion de l'armistice avec le pape. A la
fin de la môme année , il se rendit en Corse, où
il organisa, conjointement avec Lucien Bona-
parte, les deux départements du Golo et du
Liamone. Élu par ses concitoyens membre du
conseil des Cinq-Cents, il ne changea pas de
ligne politique; aussi fut-il sur le point d'être
atteint par les mesures prises contre les oppo-
sants au 18 brumaire; mais Bonaparte raya
son nom. et ne tarda pas à utiliser ses ta-
lents d'administrateur, qu'il avait appréciés à
l'armée d'Italie. Après une mission en Corse,
Saliceti fut envoyé en Toscane ( janvier 1802),
puis à Gênes, pour y créer un parti en faveur de
la France. Il vengea en cette circonstance la
Corse de la tyrannie que les Génois avaient si
longtemps exercée sur elle, et fit rendre les
honneurs funèbres aux chefs de sa patrie , dont
les têtes étaient restées pendant trois quarts de
siècle suspendues dans la salle du sénat. Nommé,
en 1806, ministre de la police générale à Naples,
auprès de Joseph Bonaparte, il montra dans ces
nouvelles fonctions de grandes qualités et ce
caractère ferme qui ne l'abandonna jamais. On
dit que lors de l'insurrection de la Calabre, Jo-
seph, effrayé, songeait à fuir, et qu'il ne resta que
sur les instances de Saliceti et de Massena.
Bientôt Saliceti joignit le portefeuille de la guerre
à celui de la police, et concentra ainsi entre ses
mains toute la force du pouvoir (1). Cet état de
choses subsista jusque l'arrivée de Murât, qui ,
craignant l'influence de sa femme Caroline, à
laquelle Saliceti s'était uni dans l'intention de
(1) A cette époque une tentative fut dirigée contre sa
■vie. On essaya de faire sauter son hôtel par un baril de
pouitre placé rinns les caves. L'explosion renversa une
partie des bâtiments; mais Saliceti échappa au danger,
ainsi que sa fille.
— SALIER1 (78
le diriger, enleva à celui-ci le portefeuille de la
guerre pour le donner au général Reynier. bien-
tôt après, le roi fit préparer le décret qui excluait
du service de Naples tous les Français non na-
turalisés. Saliceti , qui s'était opposé en vain à
cette mesure, fut forcé de retourner à Paris,
d'où Napoléon l'envoya faire partie de la consulte
qui devait prendre possession de Rome ( 1809).
Il était dans cette ville lorsqu'une armée anglo-
sicilienne débarqua en Calabre. Aussitôt il se
rendit à Naples, que l'ennemi menaçait , y reprit
ses anciennes fonctions, organisa la garde natio-
nale et rétablit l'ordre et le calme au milieu de
la confusion générale. Quelque temps après,
Murât donna au Génois Magliella le portefeuille
de la police, et Saliceti mourut subitement, au
sortir d'un dîner que lui avait donné ce nouveau
ministre. Le bruit courut qu'il avait étn empoi-
sonné, et les personnes intéressées à détruire ce
bruit n'y sont point parvenues. Napoléon dit en
apprenant cette nouvelle : « L'Europe vient de
perdre une de ses têtes les plus fortes. »
Saliceti était un homme d'un esprit distingué,
d'un caractère énergique et résolu ; il avait le
bon sens et l'énergie prompte des anciens mon-
tagnards corses. Républicain sincère, il garda ses
convictions, même en servant les rois issus de
la république, et le dévouement qu'il montra à
son compatriote Napoléon ne l'entraîna jamais à
des bassesses. Il fut toujours zélé pour les inté-
rêts et la grandeur de la France. Quoiqu'on
l'ait accusé, à Gênes surtout, d'avoir exigé des
sommes énormes des peuples vaincus , il n'a-
massa pas pour lui-même une grande fortune.
Thlers, Hist. de la rérol. franc. — Mémoires de Mot
de Melito. — Correspondance du roi Joseph. — Colletta,
Hist. du royaume de Naples. — Moniteur tmiv.
sali eh (Jacques), théologien français, né
en 1615, à Saulien, mort le 20 août 1707, à
Dijon. Il appartenait à l'ordre des Minimes, et,
après avoir professé la théologie, il devint provin-
cial, puis definiteur de la province de Bourgogne.
Au jugement de LaMonnoye,il entendait bien
la théologie scolastique. On a de lui : Historia
scolastica de speciebus eucharisticis, sive de
formarum materialium natura ; Lyon et
Dijon, 1687-1692-1704, 3 vol. in- 4°; — Caco-
cephalus, sive de plagiis opusculum; Mâcon,
1694, in-12 : il n'y dissimule point l'accusation
de plagiat formée contre lui au sujet de l'ouvrage
précédent; — Pensées sur le paradis et sur
l'âme raisonnable; s. I. n. d. ( Dijon ), in-8° :
malgré la promesse du titre, on n'y trouve rien
sur le paradis.
Papillon, Blbl. des auteurs de Bourgogne.
salieri (Antonio), célèbre compositeur ita-
lien, né le 19 août 1750, à Legnago ( Lombardie),
mort à Vienne, le 12 mai 1825. Fils d'un négo-
ciant de Legnago, il apprit au collège de cette
ville les éléments de la musique; son frère aîné,
François, élève de Tartini , lui enseigna à jouer
du violon. 11 avait à peine quinze ans, lorsque,
179 SALIERI
ayant perdu son père, ruiné par suite de fausses
spéculations, il dut pourvoir à son existence;
sur la recommandation d'un des membres de
l'illustre famille des Mocenigo, il fut admis à la
maîtrise de l'église Saint-Marc à Venise. Doué
d'une belle voix et étant déjà d'une certaine
force sur le clavecin, il prit des leçons de chant
du ténor F. Pacini, etcommença l'étude de l'har-
monie sous la direction de Jean Pescetti. Gass-
mann, directeur de la chapelle impériale de
Vienne, ayant remarqué les heureuses disposi-
tions du jeune Salieri, lui proposa de l'emmener
avec lui à Vienne. Salieri accepta (juin 1766).
Après quatre années d'études sous la direction
de ce maître , qui le traitait comme un lils, il
essaya ses forces en écrivant la musique d'un
opéra bouffe, Le donne littérale, représenté
pendant le carnaval de 1770. Plusieurs autres
opéras représentés de 1771 à 1774 , notamment
YArmida, assurèrent la réputation de l'artiste,
et en 1775, peu après la mort de Gassmann,
Salieri fut choisi pour remplacer ce maître comme
directeur de la musique de la cour impériale.
Appelé à Milan en 1778, il écrivit, pour l'ou-
verture du nouveau théâtre de la Scala, son
Europa riconosciuta. En 1779 il donna de
nouveaux ouvrages à Venise, à Milan et à Rome,
et en 1780 il retourna à Vienne. Joseph II ve-
nait de succéder à Marie-Thérèse.
Ce prince , qui était passionné pour la musique
italienne, aimait beaucoup celle de Salieri. Ce-
pendant, depuis 1774 une modification s'était
opérée dans le talent du compositeur : témoin
de l'enthousiasme qu'excitait la nouvelle manière
de Gluck, il s'était rapproché de l'auteur (Y Or-
phée, lui avait demandé des conseils, et avait
fini par s'approprier le style de ce maître, en y
imprimant toutefois le cachet plus mélodique de
ses propres inspirations. Son premier essai dans
ce nouveau genre fut, en 1781, la partition d'un
opéra allemand, intitulé Der Rauchfangkehrer
(Le Ramoneur). Mais déjà il était préoccupé
d'une œuvre bien plus importante. Gluck avait
emporté de Paris le poème des Danaïdes. Le
mauvais état de sa santé ne lui permit pas d'en-
treprendre un si grand ouvrage; sans en rien
dire à l'administration de l'Opéra, il chargea Sa-
lieri de le remplacer dans l'accomplissement de
cette tâche difficile. Salieri se mit à l'œuvre, et
lorsqu'il eut terminé la partition , il se rendit à
Paris pour diriger la mise en scène, et le 26 avril
1784 l'ouvrage fut représenté à l'Académie royale
de musique. Le nom de Gluck fut proclamé
seul au milieu des plus chaleureux applaudis-
sements; mais le jour de la treizième représen-
tation parut dans les journaux une lettre de
Gluck déclarant que la musique des Danaïdes
élait entièrement l'œuvre de Salieri. Celui-ci
vendit, pour 1,200 livres, à l'éditeur Deslau-
rier le manuscrit de sa partition; la direction de
l'Opéra lui paya 10,000 livres pour la propriété
de l'ouvrage, outre 3,000 livres pour ses frais de
180
voyage, et la reine Marie-Antoinette lui fit un
riche présent.
Après le brillant succès des Danaïdes, Salieri
obtint le poème d'une tragédie lyrique en trois
actes, Les Horaces, et en 1785 il revint à Paris
pour la faire représenter. Cet opéra, dans lequel
les actes étaient liés par des intermèdes qui te-
naient à l'action et ressemblaient aux chœurs
de la tragédie grecque, ne fut pas goûfé du
public; mais le compositeur prit une éclatante
revanche dans Tarare, opéra tragi-comique
(8 juin 1787) : amené sur la scène, il fut cou-
ronné au bruit des applaudissements de la salle
entière (1). A son retour à Vienne, il traita le
même sujet sous le titre d'Assur, re d'Ormus,
et vit cet ouvrage, où l'on retrouve presque
toute la partition de Tarare, accueilli avec en-
thousiasme. Il donna en 1789 // Pastor fido.
Bientôt la mort de Joseph II et les événements
qui la suivirent, en rendant plus rares les repré-
sentations de la cour impériale, ralentirent l'ac-
tivité du compositeur. Cependant il écrivit en-
core, de 1792 à 1802, neuf autres opéras, parmi
lesquels on remarque Gesar in Fannacusa.
Sa dernière production dramatique fut Le Nègre,
joué en 1804. A partir de cette époque il con-
sacra son talent à la musique d'église. 11 venait
de résigner les fonctions de maître de chapelle
de la cour, qu'il occupait depuis quarante-cinq
ans, lorsqu'il mourut, le 12 mai 1825, avant
d'avoir accompli sa soixante-quinzième année.
Il avait été marié et laissait plusieurs tilles. On
exécuta à ses obsèques un Requiem qu'il n'a-
vait fait connaître à personne.
Salieri était petit de taille ; il avait le teint
brun, les yeux noirs, le regard expressif. Ai-
mable, gai, spirituel, sa conversation, où les
langues italienne , française et allemande , ve-
naient incessamment se mêler, était pleine d'o-
riginalité. Prompt à s'irriter, il se calmait aussi
facilement, et la bonté de son cœur ne se dé-
mentait jamais. Le sentiment, de sa reconnais-
sance pour les bienfaits que, dans sa jeunesse,
il avait reçus de son maître Gassmann ne s'é-
teignit qu'avec sa vie. Les deux filles de Gass-
mann étaient encore dans l'enfance lorsqu'elles
perdirent leur père; Salieri pourvut à leurs be-
soins et fit de l'une d'elles, qui devint plus tard
Mme Rosenbaum, une cantatrice distinguée.
Comme compositeur dramatique, Salieri eut
un talent d'aulant plus remarquable qu'il sut en
modifier le caractère et le présenter sous des
aspects variés. Bien que la plupart de ses opéras
contiennent de fort belles choses, Les Danaïdes
(1! Quelques biographes disent que ce fut à l'occasion
du succès de cette pièce qu'on demanda pour (a. pre-
mière fois l'auteur à l'Opéra et qu'un pareil honneur
avait été décerné. Nous ferons remarquer ici que
Floquet avait déjà triomphé de cette manière sur le
même théâtre le 7 septembre 1773, après la première re-
présentation de L'Union de V Amour et des Arts, et Pic-
cini, le 7 décembre 177S, après le succès de La buona
flgliola.
181 SALIERI
et Tarare sont considérés comme ses meilleurs
ouvrages. Dans le pathétique, il s'est souvent
élevé jusqu'au sublime. L'air d'Hypermnestre,
Par les larmes de votre fille, dans Les Da-
naides, et celui de Danaiis, Jouissez d'un des-
tin prospère, sont des morceaux du plus puis-
sant effet. Comme tous les compositeurs ita-
liens dont l'éducation a commencé par l'étude
du chant, Salieri possédait l'art de bien écrire
pour les voix. De là vient que, tout en se lais-
sant entraîner par son admiration pour la dé-
clamation de Gluck, il sut rendre cette déclama-
tion plus facile dans ses propres ouvrages. Son
style, comme celui de ce grand maître, est ferme ,
vigoureux et toujours expressif. Nul mieux que
lui ne connaissait le mécanisme de la coupe
dramatique et l'effet produit par le retour des
idées. Sans avoir été un de ces génies qui im-
priment une direction à leur art, il n'en fut pas
moins le modèle que suivirent la plupart des
compositeurs allemands qui pendant les vingt-
cinq premières années du dix-neuvième siècle
ont écrit pour la scène lyrique. Beethoven,
Weigl, Meyeibeer, reçurent ses conseils. Parmi
les œuvres de Salieri, qui appartiennent au
genre religieux, on cite particulièrement son
oratorio de La Passion.
Décoré de l'ordre de la Légion d'honneur par
Louis XVIII, Salieri avait été nommé eu 1806
associé étranger de l'Institut de France, puis
correspondant du conservatoire de Paris. Il fut
aussi membre de l'Académie royale de musique
de Stockholm.
Voici la nomenclature des ouvrages de Sa-
lieri : Opéras : Le Donne letterate, et L'Amore
innocente, 1770; — Armida et II DonChis-
ciote, 1771 ; — Il Barone di rocca antica, La
Fiera di Venezia, et La Secchia rapita, 1772;
La Locandiera , 1773; — La Calamità de'
cori, et La Finta scema, 1775; — Delmîta
e Daliso, 1776; — Earopa riconosciuta, 1778;
— La Scuola de' gelosi, Il Talismanno^ et
La Partenza inaspettata, 1779; — La Dama
pastorella, 1780; — Der Rauchfangkehrer
(Le Ramoneur), 1781 ; — Les Danaïdes, cinq
actes (1784); en 1817, cet ouvrage, auquel Per-
suis et Spontini avaient fait des changements et
additions, fut repris avec beaucoup de succès.
Spontini y avait introduit une bacchanale d'un
grand effet; — Semiramide , et 11 Ricco d'un
giorno, 1784 ; — Eraclilo e Democrito, et La
Grotta di Trofonio, 1785; — Les Horaces,
trois actes(1786); — 7arare,cinq actes avec pro-
logue (1787) ; — Assur re d'Ormus, quatre actes,
et Cublai, gran can de' Tartari, 1788 ; — Il
Pastor fido, quatre actes, et La Gif r a, 1789;
— Catilina , 1792 ; — Il Mondo alla rovescia,
1794 ; — Palmira, 1795 ; — Il Moro, 1796; —
Fals/aff, 1798; — Danaiis, Cesare in Far-
macusa, Angiolina, 1800; — Annibale in
Capaa, 1801; —La Sella selvaygia, 1802;
— Ouverture, entr' actes et chœurs des Hus-
- SALIEZ
sites de JNaumbourg 1803 ;
182
Die Niger
(Le Nègre), 1804; — Chimène et Rodrigue,
cinq actes (1788), ouvrage écrit pour le grand
Opéra de Paris, et non représenté; — La
Princesse de Babylone, trois actes (1789),
idem; — Sapho , trois actes (1790), idem;
les partitions originales des trois ouvrages pré-
cédents se trouvent dans les archives de l'A-
cadémie impériale de musique; — Das Post-
liaus (La Maison de Poste), non représenté; —
Fragments d'un opéra intitulé / tre Filosofi,
non représenté. — Musique d'église : Une
messe a quatre voix, sans accompagnement , et
quatre autres messes avec orchestre; — Re-
quiem, à quatre voix, chœur et orchestre; —
Trois Te Deum; — Vêpres pour la dédicace de
l'église; — Quatorze graduels, offertoires, mo-
tets, psaumes, etc., pour solo et chœur; —
Oratorios : La Passione di Gesù Christo
(1776); et Gesù al limbo(\&0à); — Fragments
d'un oratorio de Saùl. — Cantates: La Scon-
fitta di Borea et II Trionfo délia gloria e
délia virtù,en 1774, Le Jugement dernier,
en 1787, et einq autres. — Musique vocale
détachée : Scherzi armorici, recueil de vingt-
cinq canons à troix voix, sans accompagne-
ment; — Suite du même recueil, contenant
quinze autres canons' à trois voix, et douze
autres morceaux à deux, trois et quatre voix;
— cent cinquante autres compositions du même
genre, en manuscrit; — une .Méthode de chant,
également en manuscrit. — Musique instru-
mentale : Une symr.honie pour orchestre; —
Symphonie concertante pour violon, hautbois et
violoncelle; — Sérénades et musique de ballet;
— Variations pour l'orchestre, sur le thème des
Folies d'Espagne ; — Deux concertos pour le
piano; — Concerto pour flûte et hautbois ; — idem
pour orgue. Dieudonné Denne-Baron.
I.-F. de Mosel, Ueber das Lcben und die Werfce des
Anton Salieri; Vienne, 1827, in-S°. — Féti.% Bingrapliie
universelle des musiciens. — Gistil-Blaze, L'Académie
impériale de musique. — Neuc IVekrolog der Dcutscfi.,
III.
saliez ou salies (Antoinette deSalvan,
dame de), femme auteur française, née en
1638, à Albi, où elle est morte, le 14 juin 1730.
A l'âge de vingt-deux ans, elle épousa un gen-
tilhomme albigeois d'une maison fort ancienne,
Antoine de Fontvielle, seigneur de Saliez,
et resta veuve en avril 1672. Bien qu'elle fût
encore jeune, elle ne voulut point passer à de
secondes noces, et profita de sa liberté pour s'a-
donner à la culture des lettres. On lui reconnais-
sait un esprit délié, un goût sûr et même quel-
que érudition; elle avait encore de la piété, un
grand fonds de bienveillance et une douce ama-
bilité. Sa longue vie s'écoula dans sa ville natale,
et elle fit de louables efforts pour associer ses
compatriotes au mouvement littéraire de son
temps. Non contente de donner l'exemple par
elle-même, et de tenir dans sa maison des as-
semblées où les beaux-esprits de la province
ÎS3
SALIEZ —
étaient accueillis avec empressement, elle forma,
selon le goût du jour, une petite académie, à qui
elle donna le nom de Société des chevaliers
et des chevalières de la Bonne foi. Elle en
dressa le statuts en 1704, et en exprima le
caractère dans le premier quatrain, ainsi conçu :
Une amitié tendre et sincère,
Plus douce mille fois que l'.imou.reuse loi,
Duit être le lien, l'aimable caractère
Des chevaliers de Bonne foi.
Dès 1689 la Muse d'Albi avait reçu des
lettres d'admission dans l'académie des Rico-
vratiàe Padoue, et cet honneur lui avait valu
des félicitations de Charles Patin , des époux
Dacier, et d'autres lettrés. Elle mourut nonagé-
naire, ayant conservé jusqu'au dernier moment
la vivacité de son esprit. On a de cette dame :
La Comtesse d'Isembourg, roman historique;
Paris, 1678, in-12 : trad. en allemand et en ita-
lien; — Réflexions chrétiennes; — Para-
phrases sur les psaumes de la pénitence , en
vers français; — plusieurs morceaux, en prose
et en vers, insérés dans Le Mercure, de 1679 à
1704; — des lettres et des poésies, dans La
Nouvelle Pandore de Vertron , et dans d'autres
recueils.
Titon du Tillet, Parnasse français. — Pnidhomme,
Femmes célèbres.
salimbkni (Arcangelo), peintre, né à
Sienne, florissaitde 1557 à 1579.11 fut, d'après
Lanzi, élève du Tozzo ou du Bigi; ce qui est
certain, c'est que sa manière n'a aucun rapport
avec celle de Federico Zuccari , que Baldinucci
lui donne pour maître. II a enrichi Sienne d'un
assez grand nombre de tableaux, dont les prin-
cipaux sont une Sainte famille, à l'église de
S.-Agostino; un Martyre de saint Pierre (1579),
l'un de ses meilleurs ouvrages, à Saint-Domi-
nique, et une Nativité, au couvent del Carminé.
Ses fresques sont peu nombreuses; nous ne
pouvons guère citer à Sienne que La Vierge
entre deux saints, au-dessus de la porte de
Saint-Nicolas; plusieurs petits sujets du Nou-
veau Testament dans une salle du Casino Chigi-
Farnèse, et à Lucques plusieurs plafonds du
palais Andreozzi. De sa femme, Battista Focari ,
veuve et déjà mère d'un enfant qui devait deve-
nir célèbre sous le nom de Francesco Vanni ,
il eut un fils, Ventura, qui suit.
Salimbeni ( Ventura ), dit le Cavalier Bevi-
lacqua, fils du précédent, né à Sienne, en 1567,
mort en 1613. Elève de son père, il se perfec-
tionna sous son frère utérin Francesco Vanni ;
puis il étudia en Lombardie les ouvrages du
Corrège , et se rendit à Rome, où il a beaucoup
travaillé. Cet artiste est un de ceux qui font le
plus d'honneur à l'école de Sienne, mais son goût
pour los plaisirs et la légèreté de son caractère
ne lui permirent pas de réaliser entièrement ce
qu'on était en droit d'attendre de lui. Beaucoup
de ses œuvres se voient dans sa patrie : une des
plus anciennes est la fresque de Saint Georges,
placée aujourd'hui dans la sacristie de l'église
SALIMBENI 1S4
consacrée à ce saint. Au nombre des plus im-
portants travaux de ce maître sont les vives et
admirables peintures <ju'il exécuta, de 1595 à
1602, à la voûte de l'église Santa-Trinità, après la
chute de fresques peintes en 1 564 par le Rusti-
cone ; il a représenté dans huit compartiments
Le Paradis ûes époux de l'église, des Saints
moines, des Vierges, des Pontifes, des Apôtres,
des Patriarches, des Martyrs et des Anges. lia
peint dans la même église de petits sujets sur
l'arc de l'autel, et dix lunettes. A l'oratoire de
Saint-Bernardin sont des Anges superbes , et i
deux lunettes représentant Un Noyé et Un En-
fant frappé par un taureau. Ces, peintures, qui
datenl de 1600, ont été gravées à l'eau -forte par
Capitelli. De belles fresques de 1603 se voient à
l'église des S. S. Quirico et Giulietta, telles que
le Martyre des deux saints, Sainte Cathe-
rine et Le Songe de saint Pierre, Sainte
Claire et la Conversion de saint Paul; enfin
de Petits anges « qui, dit l'auteur de la Des-
cription de Sienne, semblent plutôt tombés du
ciel que formés par une main humaine ». Sous
le porche de la même église, Salimbeni a peint La
Madone entre les saints titulaires; cette
belle peinture a beaucoup souffert. A Sainte-
Catherine, la Sainte assaillie par le peuple flo-
rentin, est un excellent ouvrage de 1604. Ce fut
en 1609 que Ventura peignit les quatre grandes
fresques du chœur de la cathédrale, Sainte
Catherine de Sienne, Saint Bernardin, Saint
Thomas d'Aquin, Saint Ansan et quelques
autres saints; et dans la même église, Esther
devant A.ssuérus, et La chute de la manne
dans le désert , grande composition qui peut
être regardée comme l'un des meilleurs ouvrages
du maître Indiquons parmi ses tableaux à
Sienne : un Père éternel k' Sainte- Lucie; un
Spasimo à Saint-Augustin; un Saint Roch à
Saint-Pierre; une Sainte Catherine à Saint-
Roch ; un Crucifix à Saint-Dominique. A Flo-
rence, nous trouvons : au cloître de l'Annunziata,
huit fresques tirées de l'histoire de l'ordre des
Servîtes , et au musée public un tableau repré-
sentant l' Apparition de saint Michel à Saint-
Galgan; à Pise, dans la cathédrale, La Chute, de
la manne;'a l'ancien palais de l'ordre de Saint-
Etienne Les Quatre vertus cardinales ; à Santo-
Frediano, La Vierge avec saint François; au
palais public, une ligure allégorique de Pise
entre deux enfants. A Rome, on voit dans
l'église du Gesù, Abraham adorant les trois
anges , fresque qui ne mérite pas les éloges de
Lanzi; à Sainte-Marie-Majeure, plusieurs Sujets
du Nouveau Testament ; et dans la grande
salle de la bibliothèque du Vatican, plusieurs
grandes fresques représentant des Conciles.
On trouve encore des peintures de Salimbeni
à Foligno, à Pérouse, à Lucques, àAneône,à
Pavie, etc. A Gênes, on a de lui une belle salle
au palais Adorno; une Sainte Famille fait par-
tie du Musée de Vienne, .et le Musée de Nantes
185 SAL1MBEJNI
lui doit le portrait d'un Jeune ecclésiastique
romain.
Salimbeni (Simondio), fils de Ventura, né en
1697, mort en 1643, aexécuté dans l'église Saint-
floch de Sienne quatre fresques importantes, La
Descente du Saint-Esprit , La Mort de la
Vierge, La Sainte Famille, et La Dispute de
Jésus avec les docteurs. La Mort de Saint
Joseph (1634) dans l'église S.-Pietrode Sienne
passe pour son meilleur ouvrage. E. Breton.
Lanzi, Ticozzi, Pistnlesi, Orlandi. — Morrona, Pisa il-
lustrata. — Romagnoll, Cenni storico-artistici di Sienu.
— Fantozzl, Guida di firenze. — Catalogues.
SA lin as (Francisco de), musicien espagnol,
né en 1512, à Burgos, mort en février 1590, à
Salamanque. Il était fils de Juan de Satinas, tré-
sorier de l'empereur Charles V. A dix ans il
perdit presque entièrement la vue; pour le dé-
sennuyer, son père lui fit donner des leçons de
musique et d'orgue. Le hasard lui permit de
suivre le cours ordinaire des études : ayant ap-
pris d'une jeune fille les éléments du latin, il fit
dans cette langue de tels progrès qu'on l'envoya
à l'université de Salamanque, où il s'appliqua
aux mathématiques, au grec et à la philo-
sophie. Puis il entra dans la maison de l'arche-
vêque de Compostel le, Pedro Sarmiento , qui,
charmé de ses talents, l'emmena en 1538 a
Rome, lorsqu'il alla y recevoir le chapeau de
cardinal. La mort de son protecteur (1540) dé-
cida Salinas à entrer dans les ordres, afin de con-
tinuer ses études sur la musique ; il s'attacha à
divers riches prélats de sa nation, qui furent à
son égard plus prodigues de louanges que de
services , et obtint enfin de Paul IV, par l'in-
termédiaire du duc d'Albe, l'abbaye de Saint-
Pancrace, dans le royaume de Naples. Après un
séjour de vingt-trois ans à Rome, il fut rappelé à
Salamanque pour y professer la musique (1561).
Ce fut pour aider à l'intelligence de ses leçons
qu'il écrivit une série de traités ( De musica,
lib. VII; Salamanque, 1577, in-fol., ou 1592,
avec un nouveau titre), où il traite particuliè-
rement de l'union du rhythme poétique avec le
rhythme musical. Salinas eut la réputation du
plus grand organiste de son temps.
Antonio, Bibl hispana. - Teissier, Éloges. — Fétls,
Biogr. univ des musiciens.
salins (Jean- Baptiste de), médecin fran-
çais, né en avril 1630, à Beaune, où il est mort,
le 8 février 1710. Comme son père Hugues, il
pratiqua la médecine dans sa ville natale II est
auteur de deux opuscules rares, intitulés : Dé-
fense du vin de Bourgogne contre le vin de
Champagne (Dijon, 1701, 1704,in-8°), et Lettre
à un magistrat ( Paris, 1706, in-4°). où il tend
à prouver une fois de plus la supériorité du vin
de Beaune.
Salins ( Hugues de), frère du précédent, né
le 7 décembre 1632, à Beaune, mort le 28 sep-
tembre 1710, à Meursault, près cette ville Reçu
docteur à Angers, et agrégé en 1688 au collège
des médecins de Dijon, il fut pourvu d'une
SALLE 186
charge de secrétaire du roi en la chambre des
comptes de Dôle. Il consacra ses veilles à éta-
blir l'antiquité de Beaune, qu'il s'efforça d'iden-
tifier avec la Bibracte des Éduens, et publia
surcette question une partie des recherches qu'il
avait faites. Il a aussi traduit en latin la Défense
du vin de Bourgogne de son frère ( Beaune ,
1705, etDijon, 1706, in-4°).
Salins (Claude de), fils de Hugues, médecin
et maître des comptes de Dijon , a laissé deux
livres de Paraphrases en vers sur les psaumes
(Dijon, 1714-16, in-4°).
Journal des Savants, 1706, p. 125 et 345. — Papillon,
Bibl. des auteurs de Bourgogne.
salisbury (Jean de). Voy. Jean.
salivet (Louis-Georges- Isaac), littérateur
français, né le 9 décembre 1737, à Paris, où il
est mort, le 4 avril 1805. Avocat au parlement,
il fit preuve d'un talent cultivé et d'un caractère
désintéressé. Pendant la révolution il devint suc-
cessivement accusateur public près l'un des tri-
bunaux criminels de Paris (1790), juge de paix
de la section de Beaurepaire, chef de l'un des bu-
reaux de l'administration des armes portatives,
et employé dans le ministère de la justice. En
1802 il fut nommé professeur à l'académie de lé-
gislation. On a de lui des articles dans la grande
Encyclopédie, des éditions d'ouvrages classiques
et entre autres celle de Plutarque, trad. Dacier
(1778, 12 vol. in-8°), et le Manuel du tour-
neur (Paris, 1792-96, 2 vol. in-4°), publié
sous le nom de Bergeron.
Magasin encyclopédique, 180$, p. 292-300.
salle (La). Voy. La Salle.
salle (Jacques - Antoine) , jurisconsulte
français, né le 4 juin 1712, à Paris, où il est
mort, le 14 octobre 1778. Fils d'un commerçant,
ilsefitrecevoir avocat en 1736; mais il renonça
bientôt auT)arreau,àcause de sa timidité, et se
livra à un travail approfondi sur les ordonnances
rendues à cette époque sur la proposition de
d'Aguesseau, et qui inspirées surtout des prin-
cipes du droit romain étaient loin d'être com-
prises par le commun des jurisconsultes. L'a-
nalyse claire et méthodique qu'il en fit et les
développements lumineux qu'il y ajouta, furent
très-goûtés par d'Aguesseau, auquel il soumit son
ouvrage ; mais le chancelier désira qu'il ne fût
pas imprimé, par le motif que Justinien n'avait
pas voulu qu'on le commentât. Ce ne fut qu'a-
près la mort de d'Aguesseau, queSallé fit paraître
son Esprit des ordonnances de Louis XV (Pavis,
1752, 3 vol. in-12; 1759, in-4°), qui fut aus-
sitôt placé parmi les livres classiques de droit
pratique, ainsi que son Esprit des ordon-
nances de Louis XIV; Paris, 1758, 2 vol.
in-4°. La netteté de son esprit, la précision de
son style et son amour de l'équité firent recher-
cher son office comme avocat consultant; il le
remplissait entre autres auprès de la congré-
gation de Saint-Maur. Nommé plus tard baifli
de la commanderie de Saint-Jean de Latran , il
187 SALLE -
donna sa démission en 1771, lors de l'édit du
chancelier Maupeou qui désorganisait la ma-
gistrature, et ferma en même temps son cabinet,
quoiqu'il se soumît par là à beaucoup de priva-
tions. En 1776, après le rétablissement des
parlements , il devint bailli du prieuré de Saint-
Martin des Champs; dans ses fonctions de juge,
il continua à faire preuve d'un caractère intègre
et ami de la conciliation. Les remarques judi-
cieuses qu'il écrivit sur le nouveau code de Fré-
déric le Grand lui valurent d'être associé à l'A-
cadémie de Berlin. On a encore de lui : Traité
des fonctions des commissaires du Châtelet ;
Paris, 1760, 2 vol. in-4"; —Nouveau Code des
curés; Paris, 1780, 4 vol. in-12; à la tête du
quatrième se trouve un Éloge de l'auteur, auquel
on doit encore une partie du Journal des au-
diences.
Nécrologe, ann. 1780. — I'orraey, Souvenirs, II, p. 152.
sallengre (Albert-Henri de), littérateur
français, né en 1694, à La Haye, où il est mort,
le 27 juillet 1723. Sa famille, originaire du Hai-
naut, s'était réfugiée en Hollande pour cause de
religion-, son père, receveur général de la
Flandre wallonne, portait les mêmes prénoms
que lui , et il avait pour mère une sœur de
Rotgans, poète hollandais. A l'Académie de
Leyde, où il soutint en 1711 ses thèses de phi-
losophie et de droit , il eut pour maîtres Peri-
zonius et Bernard. Après avoir été reçu avocat de
la cour de Hollande, il visita la France, et y fit
en 1717 un second vovage. En 1719 il alla en
Angleterre, et fut admis dans la Société royale de
Londres. H fut conseiller de la princesse de
Nassau, puis commissaire des finances des états
généraux. Il mourut à trente ans, de la petite
vérole. On a de lui : Éloge de l'ivresse; La
Haye, 1714, in-12; réimp. plusieurs fois et trad.
en hollandais; la dernière édition de ce badinage
faite par Miger (Paris, 1798, in-12) contient des
additions et desv changements en si grand nombre
qu'elle peut passer pour un nouveau livre ; —
Histoire de Pierre de Montmaur ; La Haye,
1715, 2 vol.in-8° :recueil des pièces écrites sur
ce fameux gourmand; — Mémoires de littéra-
ture;^ Haye, 1715-17, 2 vol. in-8°: c'est, à pro-
prement parler, un choix de singularités bibliogra-
phiques ; Goujet et Desmolets y ont donné une
Continuation , conçue dans un -esprit plus gé-
néral; — Novus Thésaurus aniiquitatum
romanarum ; La Haye, 1716-19, 3 vol. in-fol.
fig. : recueil des pièces échappées à Grae vins et dont
plusieurs étaient rares; — Essai d'une Histoire
des Provinces-Unies pour l'année 1621; La
Haye, 1728, in 4° : travail incomplet, mais qui
renferme de bonnes choses. Sallengre a eu part
au Journal littéraire de La Haye (1713-22),
ainsi qu'au Chef-d'œuvre d'un inconnu. Il a
traduit de l'anglais l'État présent de l'Église
romaine (17 16, in-S°)de Rich. Steele,etila
publié les Poésies de La Monnoge (La Haye,
1716, in-8°), édition incomplète et faite à l'insu de
SALLIER. 188
l'auteur; Pièces échappées au feu, en prose et
en vers (1717, in-8°); Comm. dé rébus ad eum
perlinentibus de Huet (1718, in- 12), et Traité
de la faiblesse de l'esprit humain, du même
(1723, in-12).
Journal ïtttêr., t. XII, 220. — Niceron, Mém,\ et X.
salles (Jean- Baptiste) , conventionnel, né
vers 1760, exécuté le 20 juin 1794, à Bordeaux.
Il exerçait la médecine à Vézelise, en Lorraine,
lorsque le tiers état de Nancy le nomma député
aux états généraux. Partisan des principes de la
révolution , mais avec une modération relative
qui le lia plus tard aux députés de la Gironde, il
parla dans l'Assemblée constituante contre le veto
et pour une assemblée unique. Lors du voyage
à Varennes, il défendit l'inviolabilité royale. Élu
député de la Meurthe à la Convention, il se mon-
tra ennemi opiniâtre des anarchistes. Doué d'une
imagination inquiète, agitée, violente, il était seul
accessible à toutes les suggestions de Louvet, et
croyait, comme lui, à de vastes complots, tramés
dans la commune et aboutissant à l'étranger.
Lors du procès de Louis XVI, c;est Salles qui
proposa et soutint le premier le système de
l'appel au peuple, dans la séance du 27 no-
vembre, a C'est à la nation elle-même, dit-il, à
fixer son sort en fixant celui de Louis XVI... Oq
posera ainsi la question aux assemblées pri-
maires : Louis XVI sera-t-il puni de mort, ou
détenu jusqu'à la paix? Et elles répondront
par ces mots : détenu ou mis à mort. » Il vota
la détention jusqu'à la paix, puis le sursis à
l'exécution. Obligé de quitter Paris après le
31 mai 1793, et mis hors la loi, le 28 juillet, il
suivit les girondins dans leurs retraites de •
l'Eure et du Calvados, et s'enfuit ensuite avec
eux parmerà Bordeaux. Arrêté, le 19 juin 1794,
chez le père de Guadet, et condamné, le 20, à
mourir le jour même, il écrivit à sa femme:
« Quand tu recevras cette lettre je ne vivrai que
dans la mémoire des hommes qui m'aiment... Je
crois m'être dévoué pour le peuple. Si pour ré-
compense je reçois la mort, j'ai la conscience
de mes bonnes intentions. Mon amie, je te laisse
dans la misère. Quelle douleur pour moi ! Et
quand on te laisserait tout ce que je possédais,
tu n'aurais pas même du pain; car tu sais, quoi
qu'on ait pu dire, que je n'avais rien. Cependant,
Charlotte, que cette considération ne te jette
pas dans le désespoir. Travaille, mon amie, tu
le peux. Apprends à tes enfants à travailler,
lorsqu'ils seront en âge... Espère encore, espère
en celui qui peut tout; il est ma consolation au
dernier moment... et, comme dit si bien Rous-
seau : Qui s'endort dans le sein d'un père n'est
pas en souci du réveil. » Il n'était âgé que de
trente-quatre ans.
Souvenirs de Garât. — A. de Lamartine, Hist. des
Girondins. — Guadet, Idem.
SA LU eu (Claude), philologue français , né I
le 4 avril 1685, à Saulieu (Côte-d'Or), mort le [
9 juin 1761, à Paris. Il appartenait à une famille
189
SALLIKR — SÀLLO
L90
ancienne et honorable, mais comme il comptait
sept frères on sarars, il eut pour tout patrimoine
l'instruction que ses parents lui tirent donner.
Par son goût pour l'étude et son amour du tra-
vail il sut tirer si bon parti de ce petit fonds>q'.ii
consistait en du latin et en un peu de grec, qu'il
parvint à se faire un nom à Paris dans les lettres
et les sciences. Reçu membre de l'Académie
royale des inscriptions et belles-lettres en 1715,
il fut nommé successivement lecteur et profes-
seur royal en langue hébraïque au Collège de
France, et l'un des gardes de la bibliothèque du
roi; enfin l'Académie française lui ouvrit ses
portes en 1729. L'abbé Sallier a publié dans les
Mémoires de l'Académie des inscriptions, sur
des sujets de philosophie, d'histoire, de littéra-
ture et de phi'o ogie, anciens et modernes, environ
cinquante dissertations marquées au coin d'une
critique judicieuse. Il a travaillé activement au
Catalogue de la bibliothèque royale, dont il a
donné, de 1739 à 1753, six volumes in-fol., com-
prenant la théologie, les belles-lettres et une partie
de la jurisprudence. Non content d'augmenter le
dépôt. qui lui était confié, il en exhuma des ri-
chesses inconnues. On lui doit les poésies de
Charles duc d'Orléans, qu'il y découvrit. Il pu-
blia en collaboration avec Melot, son compa-
triote et son ami, la première édition complète
et authentique de ['Histoire de saint Louis par
le. sire de Joinville, avec un glossaire, 1761,
in-fôl. Rappelons à la louange de Sallier qu'il
avait formé le noyau d'une bibliothèque publique
dans sa ville natale.
J.-P. Abel Jeandet (de Verdun).'
L'abbé Leblanc, Lettres d'un Français, 5e édit., III,
194. — Étogcs des membres de V Acad, des inscript. —
Courtépée, Descript. de Bourgogne, nouv. édit., IV,
107. — Muteau et Garnicr, Galerie hourgtliijn., III.
sallo {Denis de), fondateur du Journal
dés Savants, né en 1020, à Paris, où il est mort,
le 14 mai 1669. Sa famille était d'ancienne no-
blesse et originaire du Poitou ; il se qualifiait de
seigneur de la Coudraye, et son père, Jacques
de Sallo, occupait un siège de conseiller en la
grand'chambre. Après avoir fait ses études au
collège des Grassins, il soutint des thèses de phi-
losophie en grec et en latin; puis il s'appliqua
au droit, et succéda en 1052 à son père dans le
parlement. Dans son enfance il avait l'esprit pe-
sant, mais, selon les termes de Moréri, il fit
paraître -au palais un très-beau génie, une con-
ception facile et un jugement solide. La littéra-
ture l'occupa autant que la jurisprudence : il li-
sait sans cesse et toutes sortes de livres , et em-
ployait deux secrétaires à transcrire ses ré-
flexions et les extraits qu'il voulait faire de ses
lectures; par cette manière d'éludé il se forma
de nombreux recueils, à l'aide desquels il put
composer des traités sur des matières fort diffé-
rentes. Il savait peu de grec, bien qu'on ait pré-
tendu le contraire; mais les langues vivantes
étaient un de ses délassements; il ne se conten-
tait pas de les lire superficiellement, il s'efforçait
d'en connaître les délicatesses. L'application de
Sallo au travail lui causa une maladie qui le ren-
dit impotent pour le reste de ses jours. Réduit
à l'inaction , ce fut alors qu'il conçut le projet
d'un journal hebdomadaire destiné à faire savoir
ce qui se passerait de nouveau dans la république
des lettres, et contenant l'analyse et le catalogue
des ouvrages récemment imprimés , l'indication
des découvertes les plus importantes dans les
sciences, des notices nécrologiques, et les princi-
pales décisions des tribunaux séculiers et ecclé-
siastiques. Cette gazette parut le lundi 5 janvier
lG05,avec le titre de Journal des Savants et
sous le nom du sieur de Hédouville (1). Le fon-
dateur s'assura le concours de plusieurs lettrés,
tels que Chapelain, l'abbé Gallois, Gomberville
et Bourzeïs, et tout en laissant aux opinions les
plus contradictoires liberté entière de se pro-
duire, il ne se réserva que le droit d'ajuster les
matériaux afin de leur donner à la fois propor-
tion et régularité. L'entreprise eut du succès;
mais la critique de Sallo, bien qu'appuyée de
preuves et aiguisée de traits plus fins que mor-
dantSj ne pouvait manquer de froisser l'amour-
propre si irritable des auteurs. Aussi les vit-il
bientôt, fait remarquer Niceron , « se soulever
centre lui, et se venger de la liberté qu'il se
donnait par celle qu'ils prirent à l'égard de son
journal. » Ménage jeta le premier les hauts cris
et traita les gazettes du nouvel Arislarque
de billevesées hebdomadaires ; Tannegui Le
Fèvre et Grégoire Huret se joignirent à lui, ainsi
que Gui Patin, piqué outre mesure d'une accu-
sation de plagiat portée contre son fils. Après
le treizième numéro (30 mars 1665), le pri-
vilège fut retiré à Sallo et son journal sup-
primé. On eut recours à cette espèce de coup d'É-
tat contre le journalisme naissant, non pas sur
les plaintes des auteurs maltraités, mais, suivant
Camusat, sur ladénonciationde la courdeRome,
irritée de ce qu'on eût parlé en termes peu res-
pectueux d'un décret de l'inquisition rendu contre
Baluze et Launoy. Cette affaire, comme on le
pense bien, fit beaucoup de bruit. Sallo s'en
retira avec honneur; il refusa de continuer son
journal avec un censeur, et malgré l'indépen-
dance de son esprit, il ne perdit rien des bonnes
grâces de Colbert, qui ne cessa de le consulter
sur les objets de littérature et même sur la ma-
rine, sur les droits de la couronne, etc. Vers la
fin de sa vie le défaut d'ordre, sa générosité, la
passion du jeu avaient dérangé sa fortune; il ve-
nait, pour en réparer les brèches , d'obtenir de
son protecteur un haut emploi dans les finances
lorsqu'il mourut d'une attaque d'apoplexie, à
l'âge de quarante-trois ans. Les recueils manus-
crits de Sallo formaient 9 vol. in-fol. et traitaient
particulièrement des matières historiques; on
(1) Les uns disent que ce nom était relui d'un fief que
possédait Sallo en Normandie, les autres qu'il servait à
déguiser un de ses laquais, appelé Germain, et dont Va-
lois a vanté les connaissances en latin et même en droit.
191
n'a imprimé de lui que les opuscules suivants :
Des Noms et surnoms , dans le Recueil de
pièces deGranet, t. III; et un Traité des lé-
gats a latere, à la suite de l'Origine des car-
dinaux de Du Peyrat (Cologne, 1665, in-12).
Quant an Journal des savants, il fut repris le
4 janvier 1666 par l'abbé Gallois, et continué en
1685 par l'abbé de la Roque, en 1687 par le pré-
sident Cousin, et de 1702 à juillet 1792 par une
commission de gens de lettres; supprimé pen-
dant la révolution et l'empire , il a été rétabli en
1816 par ordonnance royale. La collection en-
tière (1665-1792) forme 111 vol. in-4°; la réim-
pression faite à Amsterdam (1669 et ann. suiv.)
est de 381 vol. in-24. P. L.
Moréri, Grand Dict. hist. — Niceron , Mémoires,
IX et X. Vigneul-Marville, Mélanges, t. Ier. — Camusat,
Hist. critique des journaux, t. 1er. — Perrault, Mé-
moires. — lîninet. Manuel du libraire.
salutste (Caius Crispus Salltjstius),
historien romain , né dans le municipe d'Ami-
ternum, au pays des Sabins, en 86 av. J.-C,
mort en 34, à Rome. Son enfance s'éleva au
bruit des guerres intestines, et le spectacle des
dernières agonies de la république émut sa
jeunesse. Issu d'une famille plébéienne, sans
illustration (car c'est en lui que commence la
célébrité de son nom), mais dans une situation
de fortune assez heureuse pour que la culture la
plus exquise ne manquât pointa son naturel, il
venait dans ce temps, favorable pour le talent,
où la philosophie et les arts de la Grèce avaient
achevé la conquête intellectuelle de Rome. Sa
vocation littéraire s'était fait sentir de très-
bonne heure, mais elle fut bientôt contrainte
de se taire, et de céder aux entraînements du
forum (4 quo incepto studio me ambitio
mala detinuerat), Tout jeune encore (adoles-
centulus initio) , Salluste prit part aux affaires
publiques, sans doute par une intervention
privée et par des influences personnelles d'a-
bord ; ensuite il obtint la questure. Ce ne pou-
vait être avant l'âge de vingt-sept ans, auquel
il était parvenu en 59, sous le consulat de César
et de Bibulus. Quels principes de gouvernement
embrassa-t-il? Ses écrits, à défaut d'autres té-
moignages, suffiraient pour ne laisser aucun
doute sur son ardeur à servir le parti populaire.
Les comices le nommèrent tribun en 52. Quel-
que graves que fussent ses occupations d'homme
d'État, elles ne le détournaient pas entièrement
des plaisirs et de la galanterie : témoin le rendez-
vous où il fut surpris avec Fausta par Milon,
le mari offensé, et d'où il ne sortit que rude-
ment fustigé et mis à rançon. Déjà adversaire
politique de Milon, il devint son ennemi impla-
cable, et s'acharna contre tous ses partisans, à
la tète desquels était Cicéron. La communauté
de haine resserra plus étroitement les liens qui
l'attachaient à Clodius, et lorsque celui-ci eut
péri dans une rencontre avec Milon , Salluste
poussa la vengeance jusqu'à la fureur; il se si-
gnala parmi les harangueurs funèbres qui exci-
SALLO — SALLUSTE 192
tèrentla multitude à briser les bancs d'une salle
d'assemblée du sénat pour dresser un bûcher
au mort, et qui furent cause de l'incendie de la
basilique Porcia. Ils firent condamner Milon,
mais leur triomphe ne fut pas de longue durée.
Pompée rétablit l'ordre contre eux, après avoir
sacrifié à son ambition, autant qu'à leur animo-
sité, Milon, qu'il ne voulait pas avoir pour
collègue dans le consulat. Deux ans après (50),
les censeurs Appius Pulcher et Pison chassèrent
Salluste du sénat, pour cause de mauvaises
mœurs. On croit que c'est pendant ce repos
forcé qu'il composa le récit de la Conjuration
de Catilina. Une révolution le tira prompte-
ment de ses studieux loisirs, où il n'avaittrouvé
ni la patience ni le calme. César passe tout à
coup le Ruhicon, met en fuite Pompée, et se
rend maître de Rome et de l'Italie. Salluste
court aussitôt se ranger sous les aigles du vain-
queur; il devient questeur pour la seconde fois,
(48), puis préteur l'année*suivante (1). Obligé
d'aller servir César dans la guerre d'Afrique, il
s'y distingua par son habileté, et quand la
Numidie eut été réduite en province romaine,
César lui en donna le commandement. Qu'on
n'accorde point de crédit aux diatribes hyperbo-
liques de Lenœus, affranchi de Pompée, qui lui
reprochait de n'avoir laissé aux Numides que ce
qu'il lui était impossible d'emporter, on sait
cependant qu'il était ruiné avant sa magistra-
ture, et sa splendide villa de Tibur, les délicieux
jardins qui gardèrent son nom (horti sallus-
tiani) et qui suffirent dans la suite à la magni-
ficence d'une résidence impériale, demeurèrent
comme témoignage de ses rapines. Accusé par
la province, il fut absous par César, mais non
par la conscience publique. C'était quelques se-
maines avant les ides de mars. Dès lors, privé
de son puissant ami , délié de tout engagement
par cette mort, possesseur d'une immense for-
tune, il résolut, à quarante-deux ans, de se re-
tirer dans la vie privée, et de n'nscr de la fa-
veur qui devait l'accueillir si facilement chez le
fils de César, que pour se conserver, non pour
s'agrandjr; il obtint ce qu'il souhaitait désor-
mais uniquement, et ce qui semblait impossible,
de vivre riche et tranquille sous le triumvirat.
Les lettres occupèrent noblement l'activité de
son esprit; il avait auprès de lui des auxiliaires
lettrés qui lui débrouillaient les premières re-
cherches, et il ne voulait composer que des mor-
ceaux d'histoire ( carptim res gestas perscri-
bere), non des œuvres de longue haleine. Ainsi
ses huit dernières années (il mourut en 34)
s'employèrent à effacer l'ignominie du libertin,
les extravagances du démagogue, les malversa-
tions du concussionnaire, par la renommée de
l'historien.
(1) C'est vers cette époque que l'on place son mariage
avec Terenlia, la femme répudiée de Cicéron. Foy. sur
ce fait, qui parait Improbable, Druraann, Cesch. Roms,
VI, 693.
193 SALLUSTE — SALM
Salluste fut le premier (et c'est là sa gloire émi-
nenle) qui comprit la science de l'histoire. Avant
lui, elle ne présentait que des notices sommaires
d'événements et de dates, sans autre méthode que
la succession chronologique , ou un confus mé-
lange de fiction et de vérité dans des annales
versifiées. Il vit que pour exercer toute sa puis-
sance elle devait offrir le tableau animé, mais
grave aussi, des choses humaines; qu'elle pou-
vait emprunler à l'épopée la vivacité des exposi-
tions dramatiques, le dessin des grandes figures,
l'éclat des descriptions, et même quelques arti-
fices de composition et d'ordonnance pour l'effet
du spectacle, à la condition toutefois de répudier
toute machine fabuleuse; que la connaissance
des lieux devait aider à la connaissance des faits,
la géographie éclairer et soutenir la narration;
qu'il ne fallait mettre en œuvre aucune matière
qu'elle n'eût été épurée par une critique dili-
gente etséiieuse; il pensa enfin que raconter les
actions des hommes et les destinées des peuples
sans découvrir les ressorts cachés,sans montrer la
liaison nécessaire des effets avec les causes , des
fautes avec les passions, des vices avec les in-
fortunes et l'abaissement, des prospérités ou de
la gloire avec les vertus , c'était priver le récit
de son intelligence, de sa moralité, de son âme.
Telles sont les voies nouvelles où il conduisit
l'histoire chez les Romains, en la revêtant de ce
style dont la rapidité incisive et profonde, la
précision nerveuse (velocitas, brevitas salins-
tiana) sont regardées par les arbitres du goût
comme le type de la perfection en ce genre.
Velleius Paterculuset Quintilien, malgré leur
idolâtrie pour le génie grec, n'hésitent point à
mettre Salluste en parallèle avec Thucydide; et
Quintilien l'égale à Tite-Live, « deux esprits dif-
férents, mais de même ordre ». S'il avait nommé
Tacite, quel rang aurait-il donné à Salluste dans
la comparaison ? Malgré le respect pour les an-
ciens et la prévention toujours un peu défavo-
rable aux vivants, nous croirons difficilement
qu'il les eût placés de niveau dans son estime.
Autant Salluste est supérieur à Tacite pour la
pureté du langage, qu'il tenait de son temps, au-
tant il le lui cède pour cette énergie communica-
tive du style qui résulte de la conscience des
jugements et de la sincérité des émotions. Une
tristesse véhémente est le caractère dominant
des deux auteurs. Chez Tacite elle est inspirée
par une sensibilité qu'irrite l'indignation contre
le vice et le crime , mais qui n'exclut point les
sympathies pour le malheur et l'enthousiasme
pour la vertu. C'est une colère grondeuse, une
ardeur haineuse d'invective, qui règne uniforme
ment chez Salluste, sans aucun trait d'affection
douce et généreuse. Quintilien lui a reproché
l'inconvenance de ses débuts du Catilina et du
\Jugurtim (nihil ad historiam perlinentibus
bnncipiis), quoique le défaut soit plutôt dans la
[forme que dans le fond; car l'auteur pouvait
avoir raison d'indiquer, en commençant, la cause
NO'.lV. IUOOR. GÉNÉK. _ T. XL1II.
101
générale des troubles et des maux qu'il allait
retracer, savoir : la corruption des mœurs pu-
bliques et privées; mais ici l'intérêt et la passion
de l'homme ont entraîné, ont fourvoyé l'art de
l'historien. Dans cette fastueuse et intempé-
rante déclamation de philosophie on sent trop
l'effort pour couvrir d'une sagesse empruntée
une flétrissure véritable; et de même sa pré-
tendue manie d'archaïsme, dont les grammai-
riens le blâmaient, ne fut bien plutôt qu'une
hypocrisie de paroles, un fauxsembant d'ha-
bitudes antiques. Dans ses amères satires des
vices du siècle, qui se résument toujours en dia-
tribes contre la noblesse, le factieux se trahit par
son emportement, comme ses réticences accusent
plus haut encore ses inimitiés contre Cicéron.
Et cependant il faut reconnaître que ses deux
seuls livres qu'on ait conservés eutiers sont des
chefs-d'œuvre de composition historique, ac-
complis en toutes leurs formes , narration , por-
traits, harangues, distribution et agencement des
parties. Les fragments de son Histoire générale,
qui emhrassait la seconde moitié du septième
siècle de Rome, montrent combien on doit eu re-
gretter la perte. Quant aux epitres à César, sur
l'organisation du gouvernement de Rome, nous
y trouvons tant de réminiscences des phrases et
des locutions qui se rencontrent ailleurs dans
ses écrits, que nous ne pouvons nous empêcher
de concevoir quelque doute sur leur légitimité.
Les premières éditions de cet auteur ont paru
presque dès la naissance de l'imprimerie, l'une
en 1470, à Rome, in-fol. , l'autre probable-
ment à Paris, sans date. Ceux qui veulent lire le
texte préféreront les éditions d'Haverkamp ( La
Haye, 1742,in-4°), de M. Burnouf (Paris, 1821),
de Gerlach (Bâle, 1823-1,^31, 3 vol. in-4°), de
Kritz (Leipzig, 1828-1834, 2 vol. in-8°), et d'O-
relli (Zurich, 1840). Si l'on a besoin de s'aider
de traductions, on peut choisir entre celles de
MM. Dureau-Delamalleet Mollevaut etdeM.Du-
rozoir, qui est venu après eux. La traduction
italienne d'Alfieri passe pour élégante et fidèle.
Mais de tous les interprètes et les exégètes de
Salluste, le meilleur est le président de Brosses.
Naudet.
C. Coter, Sallustius; Nuremberg, 1599, in-8°. —
D.-W. Moller, De C. Sallvstio ; Allorf, 1684, in-4°. —
Nast, De P'irlutibus historiée Saltustii ; Stuttgart, 1785.
iu-4°. — Millier, C. Sallustius, oder histor. Untersu-
c/uing, etc.; 1817, in-8°. — Lœbell. Zur Beurtheilung
des C. Sallustius ; Breslau, 1818. in-8°. — Gerlach,
Vber den Geschichtsschreiber C. Sallustius; Cale, 1831,
ln-t°. - Gerlache (C. C. de). Études sur Salluste,
Bru m Iles. 1847, in-8°. — Index editiouuin et versionum,
joint- à ledit, de Frotscber.
salm, ancienne maison comtale remontant à
Thierry, seigneur lorrain , mort en 1040 , en
laissant deux fils, qui reçurent, Henri le comté
de Salm dans le Wasgau, et Charles le comté de
Salm dans les Ardennes. Henri fonda la bran-
che d'Obersalm. Jean V, son descendant à la
treizième génération et qui mourut en 1431,
laissa deux fils, Jean VI et Simon II. Nicolas II,
195
SALM — SALM-DYCR
196
petit-fils de Jean Vf, fonda la ligne de Salm-
Neubourg, qui s'éteignit en 1784. Jean VIII,
autre petit-Iils de Jean VI, eut pour unique
héritière Christine, qui apporta ses biens à son
mari François de Vaudemont. Simon II n'eut
qu'une fille, Jeannette, qui épousa le rhingrave
Jean V ; celui-ci prit alors le titre de comte d'O-
bersalm. Ses descendants se divisent en trois
branches: 1° Salm-Salm , qui reçut la di-
gnité de prince en 1623; 2° les comtes de
.Salin Kyrbourg ; 3° les princes de Salm-
Horstmar. .
Charles, fils de Thierry, fonda au onzième
siècle la ligne de Niedersalm. Henri IV, son
descendant, mourut en 1423 sans enfants ; ses
domaines et ses titres passèrent à son parent
Jean, comte de Reifferscheidt; les descendants
de ce dernier se divisèrent, en 1639, en deux
branches, les princes lie Salin- Bei/ferseheidt, et
les comtes de Salm-Dyck, qui reçurent en 1816
la dignité de prince.
SALM-UEIFFEKSCHEIDT (Nicolas, comte
»e), capitaine allemand, né en 1458, à Salm-In-
férieur, mort à Vienne, le 4 mai 1630. Dans
l'armée de l'empereur Frédéric III, il assista
aux batailles de G-randson et de Morat, et prit
ensuite part aux campagnes contre les Hongrois,
après la mort de son père par sa tante, la
princesse d'Hohenzollern-Sigmaringen. Sa prin-
cipauté, située sur la rive gauche du Rhin, ayant
été réunie à la république française, il en obtint
une autre, en 1803, dans l'ancien évêché de Muns-
ter, et devint en 1806 membre de la Confédé-
ration du Rhin. Mais en 1812, l'empereur s'étant
emparé de ce territoire, qui fut compris dans le
département de la Lippe , l'indemnisa par une
rente de 400,000 francs, qu'il toucha jusqu'à la
chute de l'empire. Après être entré en J806 à
l'école militaire de Fontainebleau , il en sortit
clandestinement dix mois après pour aller re-
joindre en Pologne l'armée française, dont les
victoires avaient enflammé sa jeune imagination.
Il fut très-bien accueilli par Napoléon , qui le
nomma aussitôt sous-lieutenant dans un régi-
ment de hussards et peu de temps après officier
d'ordonnance attaché au service de, sa personne.
La bravoure et l'intelligence qu'il déploya dans
la campagne de 1807 le firent en moins d'un an
arriver au grade de capitaine. Envoyé en Por-
tugal en 1808, il y remplit avec éclat plusieurs
missions périlleuses, et passa ensuite en Espagne;
nommé grand d'Espagne de première classe par
Je roi Joseph, il se trouvait à Figuières, lors-
qu'il fut chargé d'aller porler à Napoléon une
les Vénitiens et les Français. Après s'être si- J dépêche des plus importantes. Sa faible escorte
gnalé à ta bataille de Pavie, il fut envoyé en 1329
en Hongrie, où il défit les partisans de Jean Za-
poly. Dans la même année il dirigea la défense
de Vienne assiégée par les Turcs, et fut atteint
lors du dernier assaut d'une blessure, à laquelle
il succomba.
SALM-siYKBOCKG (Frédéric III, prince
■de), né à Limbourg, vers 1746, mort à Paris,
le 23 juillet 1794. Il vint de bonne heure à
Paris, où il se plongea dans les plaisirs au
point de se perdre de réputation, d'autant plus
qu'il montra un courage très-équivoque dans un
duel qu'il eut avec un officier du nom de Lan-
jamet, et dont les détails se trouvent dans les
Lettres de M'»e du Deffand. En 1788, il fut fait
maréchal de camp et envoyé en Hollande pour
soutenir le parti des patriotes contre le sta-
thouder. Il se trouvait avec huit mille hommes
à Utrecht, lorsqu'à la nouvelle de l'entrée des
troupes prussiennes, il abandonna sans coup
férir cette forteresse importante et s'empressa
lâchement de retourner à Paris, où il occupait
le bel h'Mel qui est devenu le palais de la Lé-
gion d'honneur. Lors de la révolution, il acclama
avec ardeur le nouvel ordre de choses et fut
élu chef de bataillon de la garde nationale. Il
fut néanmoins arrêté comme aristocrate , et
périt sur l'échafaud.
N. r.cnsncr, Jrœ sépulcrales familise Salmensis ;Slras-
bourg. 1GR4, in-fol. — Hubncr, Tabulée gcueulor/iae.—
2edler, V 'inversai- Lexihon — Connersalions-I.axilion.
salm- ktrroïTRG ( Ernest ■ Olhon • Fré-
déric IV, prince de ), fils do précédant, né à
Paris, 1789, mort le 14 août 18a9. Il fut élevé
fut attaquée en route par des forces supérieures;
blessé grièvement, il fut fait prisonnier après
être cependant parvenu à détruire la dépêche
qui lui avait été confiée. Conduit à Girone, il
y subit pendant neuf mois une captivité des
plus pénibles. Relâché ensuite sous la condi-
tion de ne plus servir contre les Espagnols, il
revint en France pour aller quelques mois
plus tard reprendre son emploi d'officier d'ordon-
nance auprès de Napoléon, alors à Schœnbrunn.
Nommé chef d'escadron après la bataille de1
Wagram (1809), il reçut dans la même année
le commandement du 14e de chasseurs, avec
lequel il fut envoyé en Italie. Il s'y distingiui
pendant les campagnes de 1813 et 1814; ï\
quitta alors le service, et alla vivre alternative-
ment à Ormesson près de Paris et à son châ \
teau d'Aahus en Wesfphalie. Le prince de Salm
qui possédait encore des domaines considérable!'
en Belgique et en Hollande, épousa la baronni
Cécile Pavelot, de Bordeaux, et en eut un fil:
qui est officier dans l'armée prussienne.
Norvins, Binyr. des contemp
SALM-DYCK ( Constance- Marie de Théis
dame Pipelet, puis princesse de), femme au
teur française, née à Nantes, le 7 septembn
1767, morte à Paris, le 13 avril 1845, était fil!
d'Alexandre de Théis (voy. ce nom), maître de
eaux et forêts. Une éducation sérieuse déve
loppa chez elle ces facultés qui devaient un jou
la faire surnommer, dans sa société, la Mus
de la raison et le Boileau des femmes; mai
avant d'offrir au public des ouvrages d'une cer
laine valeur, elle s'essaya dans la poésie légère
197
SALM-DYCK — SALMANASSAR
198
et dès l'âge de clix-litiït ans inséra dans les re-
cueils du temps quelques petites pièces dont le
principal mérite est dans la jeunesse de l'auteur.
C'est là qu'il faut chercher ( Almanach des
Muses, 1783 ) la romance de Bouton de rose,
que !a facile mélodie de Pradher mit à la mode
dix ans plus tard. En 1~89, Mlle de Théis
épousa M. Pipelet, membrede l'Académie de chi-
rurgie, et c'est sous le nom de Constance Pipelet
qu'elle fit paraître ses premières poésies didac-
tiques, épitres et discours, dont les idées et la
forme austères appartiennent à une école clas-
sique qui compte peu de. talents féminins. En
décembre 1794, elle fit représenter au théâtre
Louvois Sapho, musique de Martini, œuvre
d'uue couleur assez antique , qui eut plus de
cent leprésentations. C'est, avec un drame joué
une seule fois au Théâtre-Français, Camille
[1799), tout ce qu'elle a écrit pour la scène.
Dans l'intervalle de ces deux compositions, elle
Ij ivait fait paraître plusieurs épitres, favorable-
ment accueillies. Après avoir divorcé d'avec son
Jnari (17991, elle épousa en 1803 le prince de
lUalm-Dyrk, qui lui-môme avait aussi rompu une
[première alliance avec la comtesse de Hatzfeldt,
pette seconde union, en la plaçant dans une
tiaule situation, ne changea en rien ses habi-
tudes studieuses. Entourée d'amis dévoués,
fi'admirateurs de son talent et de sa beauté, elle
I .ut garder une place honorable et honorée dans
l bette carrière des lettres, dont il est si difficile à
me femme de concilier les exigences avec
I îl'autres devoirs. Elle recevait avec grâce et
lislinction, soit à Dyck, résidence princière,
[;oit à Paris, où elle faisait de longs séjours,
1 [ous ceux qu'attiraient près d'elle son rang et
' isa célébrité. Cette existence brillante et fcr-
\ [unée fut cependant attristée par un chagrin
'• iju'elle ressentit profondément : la mort de sa fille
Jnnique, Mme la baronne de Francq, née de son
premier mariage, et qui laissait deux enfants, dont
Vile prit soin avec tendresse et dévouement.
I Plusieurs sociétés littéraires, les académies
[ M Marseille, de Lyon, de Livourne, et à Paris,
I i Lycée des Arts, comptaient M,fie de Salm
l\u nombre de leurs membres. C'est pour Le
8 lycée qu'elle a écrit la plupart de ses notices
! ft de ses Éloges en prose, et on lui demandait
l 'ouvent de les lire elle-même en S"ance pu-
blique. On rapporte que sa belle physionomie,
I harmonie de ses gestes et de sa voix faisaient
Wne vive impression sur l'auditoire, et que
a auteur ne semblait pas se troubler de l'effet
Ijru'elle produisait. Parmi ces Éloges, nous dis-
tinguons celui de Sedaine comme retraçant avec
TFoût et simplicité les mérites de cet aimable
*futeur, et celui de Lalande, présentant cette
Mngularité, que le célèbre astronome avait de-
'"'nandé à Mme de Salin de parler de lui après sa
* por», et que pour rendre cette tâche plus fa-
e île il lui avait remis lui-même toutes les notes
Wui devaient la guider. En 1817, ayant traité ie
snjet de poésie proposé par l'Académie fran-
çaise sur le Bonheur de l'élude, elle obtint
une meniion honorable. Ses Poésies, publiées
en 1811, puis en 1814 (in-8°), furent revues et
augmentées pour l'édition de 1835 (2 vol. in- 18),
a laquelle elle donna en quelque sorte pour
complément le recueil de ses Ouvrages divers
en prose ( 1835, 2 vol. in-18). Ses Œuvre*
complètes forment 4 vol gr.in 8" (1837 ou 1842),
et l'auteur les a fait précéder d'un Avant- propos
indiquant les divers événements de sa vie lit
téraire. Cette édition renferme, outre une foule
de morceaux et d'opuscules en prose et en vers,
la tragédie lyrique de Sapho (179i, in-8°),
les Pensées (Aix-la-Chapelle, 1829, in-12;
Paris, 1836, 1846, in-S° ), d'une observation
fine et sensée; an roman par lettres : Vingt-
quatre heures d'une femme sensible (Paris,
1824, 1836, in-8° ), le seul qui soit sorti de la
plume deMœe'de Salm, et qui, malgré le faux
goût appartenant à une certaine exagération
sentimentale, aujourd'hui passée de mode, oe
manque pas d'habileté dans ia manière dont est
traité un sujet difficile; on poëme intitulé :Mes
soixante ans ( 1833, in-8°), qui est à la fois
un adieu fait à cette longue carrière littéraire et
une revue de tous les événements qui l'ont ani-
mée. Outre ces détails, qui ne peuvent être
qu'indiqués, on en trouve de plus étendus et de
plus intimes dans un recueil de Lettres d'elle ci
de quelques amis, écrites entre 1805 et 1810, et
qui font juger le degré d'estime et d'admiration
que ce mérite, un peu oublié aujourd'hui, obte-
nait de ses contemporains. Mme C. Du Parquet.
Micli. Berr , Notice snr la princesse de Salm. —
M""* Achille Comte, F.loae De la princesse de Salm,
couronné en 1850. — l'ongerville ( De ), Notice, à la tèLe
drs Pensées. — Bignan, Notice, (tins I.c Moniteur du
15 avril 1-S45. — Bioyr. univ. et port, des contemp.
sai.manassak, nom de plusieurs rois d'As-
syrie, dont le premier régna vers 1100 av.
J.-C. et dont le second bâtit à Calach un palais
restauré pbistard par Sardanapale IH.
Salmanassar III, fils de ce dernier, régna de
878 à 869 av. J.-C. Dans les ruines du palais qu'il
éleva au centre de Calach, on a trouvé des ins-
criptions cunéiformes accompagnant des statues
de taureaux à face humaine et qui contiennent
le récit des seize premières campagnes du roi ;
on y a découvert aussi sur le monument, dit
obélisque de Aimroud, une inscription qui
énumère brièvement ses faits militaires jusqu'à
sa trente et unième campagne. D'après ces texte*
(reproduits dans les Inscriptions de Layard et
dont !e dernier a été trad. dans le t. I, p. 342,
de V Expédition en Mésopotamie d'Oppert), il
ressort que Salmanassar III, aussi guerrier que
son père, fut constamment occupé à réprimer
les soulèvements des princes ses vassaux. îl
châtiait cruellement leur mutinerie par des exé-
cutions, des dévastations et par l'internement en
Assyrie d'une partie «les populations. Les pays
qui lui opposèrent le plus de résistance, furent
7.
199 SALMANASSAR — SALMON
l'Arménie, où il fit trois expéditions, et la Syrie,
où les rois de Ilamath et de Damas luttèrent à
plusieurs reprises contre ses formidables ar-
mées. Jéhu, roi de Juda, les princes de Phé-
nicie et de Chaldée, n'essayèrent pas de l'af-
fronter et acquittèrent les tributs qu'il réclama
d'eux. Vers la fin de sa vie, son fils Sardanapale
se souleva contre lui, et se maintint pendant cinq
ans dans une partie de l'empire jusqu'à ce qu'il fut
vaincu par Samâs-Hou III, autre fils de Salma-
nassar, et qui lui succéda.
Salmanassau V succéda à Tiglatpileser IV,
en 725 av. J.-C, et mourut en 721. Deux ex-
péditions contre Osée, roi d'Israël, marquèrent
son règne : dans la première il l'obligea à re-
connaître sa suzeraineté et à lui payer tribut;
dans la seconde, il l'assiégea dans Samane.
Étant mort pendant le siège, il eut pour succes-
seur son fils Ninip-Uuya. Mais un des généraux
de son armée usurpa le pouvoir quatre ans après,
et gouverna l'Assyrie sous le nom de Sargon
voy. ce nom). C'est lui qui prit Samarie, qui
emmena les Israélites en captivité et qui eut une
guerre malheureuse avec le roi de Tyr, faits
attribués jusqu'ici à Salmanassar, qui dans le
Livre des Rois et dans l'historien Jcsèphe a
été confondu avec Sargon.
Niebuhr, Gesch. 4ssurs und [labels. - Oppert, Expé-
dition en Mésopotamie, t. 1.
salmeggia ( £nea), dit le Talpino, peintre,
né à Bergame, mort en 1626, dans un âge très-
avancé. Après avoir été élève des Campi à Cré-
mone et des Procaccini à Milan , il passa à
Rome, où il consacra quatorze années à l'étude
des œuvres de Raphaël. Grâce à ce travail as-
sidu, il parvint à l'imiter dans la netteté des
contours, la douceur du pinceau, la disposition
des draperies, et même la grâce et l'expression
des tètes; mais il resta bien loin de lui pour
la grandeur et l'harmonie de la composition.
Beaucoup de ses ouvrage* sont restés à Ber-
game, mais c'est à Milan qu'il faut chercher les
plus importants, tels que la Sainte Françoise
romaine (1600), Saint Victor, La Vierge
avec saint Bernard, à S.-Vittore al Corpo;
le Christ au jardin des Oliviers, à Santa-Maria
délia Passione ; deux sujets du Nouveau Tes-
tament, à Saint-Antoine abbé; Saint Benoit,
à Saint-Simplicien; Saint Augustin, à Saint-
Marc; et au Musée de Brera, une Descente de
croix (1602), "ne Madone avec saint Roch,
saint François et saint Sébastien ( 1604 ), et
La Vierge avec saint Dominique, sainte
Marthe, sainte Thérèse et des anges (1614).
A Rome, la galerie Colonna possède de lui un
Martyre de sainte Catherine. Les tableaux
de chevalet de cei artiste sont devenus rares,
parce que la plupart ont été vendus sous le
nom de maîtres plus illustres. Il eut pour dis-
ciples sa fille Chiara et son fils Franccsco, qui
marchèrent >ur ses traces, en sachant se pré-
server du maniérisme. Leurs meilleurs ou-
2C0
vrages se trouvent à Bergame et portent les dates
de 1626 et 1628. L B— s.
Tassi, yite.da'pittoribcrgamaschi. — Lanzi. — Tl-
cozzi — Pirovano, Guida di MUano. — l.avicc, neuve
des musées d'Italie.
sal.mkbon ( Alphonse ), jésuite espagnol,
ne à Tolède, le 8 oetobre 1515, mort à Naples,
le 13 février 1585. Après avoir fait ses pre-
mières études à Alcala de Henarès, où il se
rendit habile dans les langues, il vint à Paris
suivre des cours de philosophie et de théologie.
Ce fut là qu'il se lia avec Ignace de Loyola, qui,
lorsqu'en 1553 il établit sa Compagnie, l'admit,
malgré sa jeunesse, au nombre de ses premiers
compagnons. Devenu prêtre, il exerça ses ta-
lents oratoires en Italie, et plusieurs papes le
firent voyager dans l'intérêt de la religion en
Allemagne, en Pologne, en France, et il fut'
même revêtu du titre de nonce apostolique en
Irlande. Sous Paul III, Jules III et Pie IV, il
se trouva au concile de Trente, où il prononça
comme orateur du saint-siége le panégyrique de
saint Jean l'Évangéliste, imprimé à la fin des actes
de ce concile. L'affaiblissement de ses force*
le détermina à se retirer à Naples ; il y fui
nommé provincial, et contribua à l'établisse-
ment du collège de cette ville. On a de lui di-
vers traités theologigues et des dissertation'.
sur les Évangiles, sur les Actes des apôtres S
sur les Épltres canoniques, imprimés à Madrid
1597-1602, 16 tom en 8 vol. in-fol. Cet écri
vain, dont les ouvrages ont eu plusieurs édi
tions, avait un génie facile, de l'érudition, mai:
peu de critique et un style prolixe. 11 soutiem
des principes fort dangereux et d'un ultramon
tanisme outré, sur les droits des papes et de
rois. Il est uu des défenseurs de la suffisance d
l'intention extérieure dans l'administration de
sacrements.
Southwell, fiiô.'. script. Soc.Jesu. — Rlbadeneira, Fit*
Saltneronis. — N. Antonio, Bibl. hrspana.
Salmon ( Jean ), dit Maigret ou Macri
nus (1), à cause de sa maigreur, poète latin, n
en 1490, à Loudun, où il est mort, en 155:
11 fit ses études à Paris, grâce aux libéralité
du cardinal Bouhier, archevêque de Pjourge.'
et résida ensuite dans sa maison. Après la moi
du prélat, il vint à la cour en qualité de précen
teur de Claude et d'Honoré de Savoie (1520
se lia avec les beaux-esprits du temps, et d<
vint un des valets de chambre de François 1er.
trente-huit ans il épousa Gillonne de Boursau
(1528), quin'enavait que dix-huit, et qui mouri
avant lui en lui laissant douze enfants. Salmon
reçu de ses contemporains le surnom tfHorntl
français ; il en est digne si on le juge au poil
de vue de l'élégance et du tour poélique. Il
excellé dans l'ode latine, et ses sujets sont toi
(1) D'après Vartllas, il s'appelait MITRON, «l'api
d'autres Maigret. On lit le nom rie Salmon en le
cTunc pièce de vers de lSi-V, «celé à celui de m
ternus, et c'est ce dernier qu'en 1516 il changea en M
crinus.
201
jours honnêtes. Ses plus belles poésies, ses plus
tendres et ses plus délicates sont celles qu'il
adressa à sa femme; elles l'emportent de beau-
coup sur les pièces dures et négligées de sa
vieillesse. Nous citerons de lui : Cartni-
nvm lib. IV; Paris, 1530, in-8°; — Lyri-
corum lib. II et Epilhalamiorum unus ;
Paris, 1531, in-8° ; — Hymnorum lib. VI ;
Paris, 1537, in-8°, adressées au cardinal du
Bellay ; — Odarum lib. VI; Paris, 1537,
in-8u, au roi François Ier; — Psalmi in ly-
ricos numéros versi et Pceanum lib. VI;
Poitiers, 1538, in-8u, et 1556, in-40; — Oda-
rum lib. III; Paris, 1546, in-8°; — Epi-
grammatum lib. II ; Poitiers, 1548, in-8°; —
Epitome vitx Jesu Christi; Paris, 1549,
in-8°; — Nxniarum lib. III de Gelonide
Borsola; Paris, 1550, in-8°.
Son fils, S\lmon {Charles), élève de Ra-
imus, fut précepteur de Catherine de Bourbon,
isœur de Henri IV; il acquit une connaissance
approfondie des langues anciennes, mais il n'a
Irien publié. Ayant embrassé la réforme, il périt
:au Louvre dans le massacre de la S -Barthélemi.
Sainte-Marthe, Élogia. — Niceron, Mémoires, XXXI.
— Varilla;-, Hist de l'hérésie, t. V. — Michel.de l'Hos-
pital, Poésies latines, trad. par I. Bandy de Naléche. —
Dreux du Radier, Bibl. du Poitou.
sa î. mo. m (Thomas), antiquaire anglais, mort
vers 1710. Il était recteur deMepsall (Bedford-
Ishire ). « Préoccupé d< s difficultés de la lecture
de la musique dans la notation ordinaire, rap-
porte M. Fétis, et voulant réduire les tablatures
de luth , de viole et de clavecin à une notation
universelle d'où la diversité des clefs serait ban-
nie, il imagina de poser les lettres romaines in-
dicatives des notes sur la portée. » La décou-
verte n'était pas neuve; puisqu'on la trouve
appliquée dans quelques manuscrits de plain-
phant du treizième siècle. Il la publia dans un
|tfï,.«<7z/ to the advancement ofmusic by cas-
King away the perplexily of différent cliffs
If Londres, 1672, in-8°), et la défendit dans une
[lettre à Wallis contre les attaques de Matthew
ILock (A vindication of an Essay, etc.; ibid.,
^673, in-8°). On a encore de lui : A Proposai
îL'o perform music in perfect and mathema-
lical proportions ; Londres, 1688, in-4°, avec
jftes remarques de Wallis; — Historical ac-
lount of the order of Saint George; ibid.,
. [704, in-4°.
'il Saumon (Thomas), littérateur, fils aîné du
précédent, né à Mepsall, mort en avril 1743, à
[Londres. Il entra dans la marine, et courut les
jners pendant plusieurs années. Après avoir ré-
sidé dans les Indes, il ouvrit un café à Cambridge,
t faute de clients se relira à Londres, où il mit
a plume au service des libraires. De ses nom-
breux ouvrages , nous citerons : Modem his-
ory, or présent state of ail nations ; Londres,
i vol. in-fol. et 32 vol. in-8° -.on a fait de cette
'.ompilation, oubliée aujourd'hui, divers abrégés,
ontinuations et traductions en allemand et en
SALMON 202
français; — The Slale of the universi/ies and
of the five adjacent counties; Londres, 1744,
in-8" : ce lome Ier d'un ouvrage inachevé ne
contient que l'histoire d'Oxford, comté et univer-
sité; — The Foreigner's Companion through
the universities of Oxford and Cambridge;
Londres, 1748, in-8°; — An Examinalion of
BurneVs History of his own limes ; — The
chronological historian; 2 vol. in-8°; — His-
tory of England; 12 vol. in-8°; — General
Description of England;"! vol. in-8°; — Essay
on marriage ; in-8°. II a travaillé à la grande
Histoire universelle anglaise.
Salmon ( Nathanael), antiquaire, frère du pré-
cédent, né vers 1676, à Mepsall, mort le 2 avril
1742, à Bisliop's Stortford (comté deHertford).
Après avoir pris ses grades à Cambridge,
il fut pourvu d'un petit bénéfice dans le comté
de Hertford; mais à l'avènement de la reine
Anne, il se fit un scrupule de renouveler le ser-
ment d'allégeance qu'il avait déjà prêté à Guil-
laume III, résigna sa cure, et rentra dans le
monde pour y commencer une nouvelle carrière.
Il choisit la médecine, et la pratiqua pendant
trente ans d'abord à Saint-Ives, puis à Bishop's
Stortford. Il s'était attaché à l'étude des anti-
quités, et c'est sur cet objet que roulent ses ou-
vrages, recommandables par l'exactitude et l'a-
bondance des recherches ; en voici les titres :
A Survey of the roman stations in Britain,
according to the roman itinerary ; Londres,
1721, in-8°; — A Survey of the roman anli-
quities in the midland counties in England;
Lond., 1726, in-8° : cet ouvrage et le précédent
ont été réunis dans une édition améliorée qui
porte le titre de Survey of the roman stations
in England; ibid., 1731, 2 vol. in-8°; — Bis-
tory of Hertfordshi re ; Lond., 1728, in-fol.,
destinée à servir de continuation à V Histoire du
même comté de Chauncey; — Lives of the
english bishops, from the restoration to the
révolution (1660-1688); Lond., 1733, in-8°;
— The Antiquities of Surrey ; Lond., 1736,
jn.80; — The History and antiquities of Es-
sex; Lond., 1740, in-fol. : la mort empêcha l'au-
teur de mettre la dernière main à cet ouvrage.
Gough, Topography. — Gentleman, 's magazine, LXVI.
— Chalmers, General biogr. dict.
salmon (François), érudit français, né le
29 janvier 1676, à Paris, mort à Chaillot, le 9 sep-
tembre 1736. Il était d'une famille enrichie par
le commerce des draps. Habile dans les langues
savantes et surtout dans l'hébreu, il acquit une
grande connaissance des Pères, des conciles et
des livres, dont il fit une ample et riche collec-
tion. Son érudition le fit nommer bibliothécaire
de la maison de Sorbonne, où il avait été reçu
docteur en 1702. On a de lui : Traité de l'étude
des conciles et de leurs collections; Paris,
1724, in-4<>; Leipzig, 1729, in-4° : divisé en
trois parties avec un catalogue des principaux
auteurs qui ont traité des conciles, et des éclair-
aoi
SALMOR ~ SALOMOK
504
cissements sur les ouvrages qui concernent cette
matière et sur le choix de leurs éditions. Sal-
mon avait eu le dessein de donner un supplé-
ment à la Collection des conciles du P. Labbe,
ainsi qu'un Index de toutes les pièces relatives
à l'histoire ecclésiastique disséminées dans des
recueils ; mais ces ouvrages n'ont pas été achevés
et sont restés inédits.
Êlofie de Salinon, à la tête du Catalogue de sa biblio-
thèque ( Bibliotheca salmoniana); Paris, 1737, in-lî. —
Moréri, DM. tiist. de 1759.
salomon (1), roi d'Israël, né vers 1045, av.
J.-C, mort en 986. 11 était fils du roi David et
de Bethsabé. Lorsque l'aîné de ses frères, Ado-
nias, se fut proclamé roi, le prophète Nathan
et le grand-prêtre Sadoc, le sachant incapable de
consoliderl'existence à peine assurée du royaume,
firent rappeler à David la promesse qu'il avait
faite de choisir Salomon pour successeur. Da-
vid ordonna aussitôt de le conduire à la fon-
taine de Gihon et de l'y sacrer roi. Le peuple
et l'armée accueillirent ce choix avec des cris
d'allégresse. Abandonné de ses partisans, Adonias
se réfugia dans le sanctuaire, et demanda grâce
à son frère, qui lui accorda la vie sauve à la
condition de se conduire en homme de bien.
David mourut quelques jours après ces événe-
ments (1025). Dans les premières années de son
règne Salomon fit preuve d'une sévérité exces-
sive. La première victime de son ombrageuse
justice fut Adonias, coupable d'avoir demandé
la dernière concubine de David , n'ignorant pas
que la possession des femmes du roi constituait
alors un droit au trône. Il exila le grand prêtre
Abiatar et le priva de son office lui et ses des-
cendants. Joab, que ne protégeait plus le pardon
de David, fut massacré au pied de l'autel, et
Séméi encourut la peine de mort pour avoir
franchi les portes de Jérusalem, sa prison per-
pétuelle. Cependant plusieurs des peuples sou-
mis par David s'apprêtaient à secouer le joug
d'Israël. Les Iduméens se soulevèrent et élurent
pour roi un de leurs chefs, Hadad, qui s'était
réfugié en Egypte, où il avait épousé une sœur
de la reine Malgré ce lien de parenté, le pharaon
Psusennès, qui tenait à ménager le puissant roi
d'Israël, devenu son voisin immédiat, refusa de
venir en aide à Hadad, et conclut alliance avec
Salomon, auquel il accorda sa fille en mariage;
il envoya même une armée pour concourir à la
soumission du royaume cananéen de Gazer, qui
prétendait s'affranchir de la suzeraineté d'Israël.
Salomon de son côté réprima en partie la rébel-
lion des Iduméens; mais, retranché dans les
montagnes de son pays, Hadad réussit à y main-
tenir son indépendance. Il en fut de même de
Rezon, chef araméen qui s'était proclamé roi à
Damas; Salomon reconquit cette ville et la ma-
jeure partie de son territoire ; mais il ne put
vaincre Rezon complètement. En revanche, il
incorpora à son empire le petit royaume de Ha-
(I) (.e nom signifie en hrlircu le Pacifique.
math, qui avait refusé de payer le tribut imposé
par David, et il acheva la soumission des Hé-
théens, Amorhéens, Idluzéens et autres popula-
tions cananéennes.
Il avait ainsi en peu d'années établi solide-
ment son empire sur une vaste contrée comprise
entre l'Euphrate et l'Egypte, entre Thapsus et
Gaza. Il ne songea pas à étendre plus loin ses
conquêtes , quoiqu'il lui eût été possible avec
quelques efforts d'établir sa suprémalie en Asie.
Pendant le reste de son; règne il s'attacha à faire
fleurir la paix, le commerce et les arts, sans
négliger d'assurer la sécurité du royaume, qu'il
munit d'une ceinture de forteresses; il augmenta
son armée d'un corps de douze mille cava-
liers, et de quaiorze cents chars de guerre
achetés en Egypte. Pour relever le commerce,
très-réduit par les troubles des derniers siècles^
Salomon fit bâtir vers les frontières, nolamment
du côlé de la Phénicie et dans le pays de Hamath»,
des villes d'entrepôt où l'on réunissait de grands
approvisionnements des produits du pays des-
tinés à être échangés contre ceux des contrées
voisines ; dans le but de faciliter le transport des
marchandises à travers le désert de Syrie,, il
éleva dans une oasis la ville de Thammor
(Palmyre). Il fit construire à Essiougeber, suri
la mer Rouge, un grand nombre de navires]
qui, équipés en partie de Phéniciens, furent en-
voyés régulièrement dans le pays d'Ophir, c'est-
à-dire dans l'Inde (1). Chaque expédition durait
trois ans; les vaisseaux rapportaimt de l'or el
de l'argent, des pierres précieuses, de l'ivoire,
des paons et des singes, et aussi du bois de san^
dal, auparavant inconnu. Cette puissante impul-
sion donnée au commerce amena bientôt uni
prospérité générale, dont le souvenir resta l'un
des plus chers au peuple d'Israël, qui depuis n'en
vit jamais de semblable.
Le règne de Salomon marqua encore dan i
l'esprit des Juifs par la construction du temp! jj
qu'il fit élever à Jérusalem. David avait depuil
longtemps amassé des sommes immenses et d H
riches matériaux pour bâtir dans la capitale ul
sanctuaire digne de Jéhova. Reprenant le projf
de son père, Salomon conclut dès son avénemeil
un traité avec Hiram, roi de Tyr, prince d'ufl
caractère semblable au sien, afin de s'assurer
concours des architectes, artistes et ouvriei
phéniciens. Sous la direction de ces habiles étraï
gers, trente mille charpentiers furent occupi
dans le Liban à abattre des cèdres, tandis qi
quatre-vingt mille ouvriers taillaient les pierre
La construction du temple commença apr
trois ans de préparatifs et fut achevée en huit ai
et demi (2). On choisit pour modèle de cet éâ
(i) On a longtemps cru qu'Ophir était en ' rsb
Voy. d'AnviUe, Mémoire sur te pays d'Ophir, dansl
t. XXX du recueil de l'Acad. des Inscr.; Lassen, lnd\
che Alterthumsliunde, t. 1 ; Heeren, Idées sur le coA
merce citez tes anciens, et Movcrs, Das phoeniziscl
Atlcrlhum, t. III.
(2) On éleva l'édifice sur la colline de Moriah, dont I
205
SALOMON
206
fice les temples d'Egypte, mais en y apportant
dans l'ensemble une plus noble et plus imposante
simplicité. Il se composaitdu Saint des saints ,
destinée recevoir l'arche d'alliance; du Saint,
décoré avec magnificence et précédé d un portique.
Aux parois extérieures du temple étaient adossés
trois élages de chambres destinées aux offrandes
et aux objets du culte (1). L'intérieur du sanc-
tuaire était magnifiquement décoré; les murailles
et le plancher étaient de planches de cèdre
sculptées et incrustées d'or; les portes étaient
des plus riches matériaux. L'ensemble de ces
constructions était entouré d'une enceinte cir-
culaire, destinée à tenir écarté le peuple, qui pou-
vait se rassembler dans un autre parvis quadran-
gulaire orné de portiques très-élevés et placé
devant le temple (2). On en célébra l'inaugura-
tion avec la plus grande pompe; tous les chefs
de la nation y assistèrent. Le roi, qui dirigeait la
cérémonie, fit à lui seul sacrifier vingt-deux
mille bœufs et cent vingt mille pièces de petit
bétail. La création de ce nouveau centre reli-
gieux,qui semblait en même temps avoir pour
toujours établi l'unité politique, exigea une réor-
ganisation des lévites : les divers services du
culte furent distribués à un certain nombre de
familles d'entre eux, qui en restèrent chargées
héréditairement.
Salomon bâtit ensuite sur la colline de Sion
une citadelle et un palais, qui reçut le nom de
Maison de la forêt du Liban, à cause de l'é-
norme quantité de bois de cèdre qui y fut em-
ployée, et où il rendit ses jugements. Il entoura
la ville d'une ceinture de murailles , et l'appro-
visionna d'eau de source à l'aide d'aqueducs
considérables. Il établit aussi des parcs et jar-
dins magnifiques aux environs de Jérusalem,
comme dans d'autres parties du royaume,
notamment dans l'Anti-Liban, où il fit élever
les fameuses tours ornées d'ivoire mentionnées
dans le Cantique des cantiques. Le plus grand
luxe régnait à la cour de Salomon ; la table y était
servie avec une profusion extrême; toute la
vaisselle était d'or fin, ainsi que les cinq cents
boucliers des gardes. Salomon épousa successi-
vement jusqu'à soixante femmes, et il avait en
outre quatre-vingts concubines (3). Les douze
base fut entourée d'une muraille qui subsiste encore en
grande partie. Le vide existant entre la colline et cette
reuaille fût comblé par d'autres blocs, et l'on obtint
ainsi au sommet une plate-forme artificielle, sur laquelle
on bâtit le temple.
(11 Ce fut .lliram, fils d'un Tyrien et d'une Juive, qui
dTicca la fonte des vases et autres ustensiles en airain et
en d'autres métaux, la ciselure, la dorure, la fabrication
des tapisseries , enfin tout ce qui n'était pas de l'archi-
teclure.
(2) Pour les détails si Intéressants de la construction du
temple de Salnroon, qui dura jusqu'à la prise de la ville
par Nabukodrossor, voy. Hirt, Der Tempel Salomos;
Stifglitz, Geschichte der Bauhunst; Meyer, Der Tempel
Salomos: Eeil. Dtr Tempel .Vatonos;'Griineisen, Révi-
sion dtr Forschungen iiver den Salomrmisehen Tempel,
dans le Kunsthlatt, année 1831; Schnaase, Gesch. der
bildenden kûnste. t. I; etSaulcy, Hist. de l'art judaïque.
(S) Ce nombre donné par le Cantique des cantiques
gouverneurs entre lesquels il avait réparti l'ad-
minislration de ses domaines et le recouvrement
des impôts étaient chargés alternativement de
mois en mois de pourvoir aux dépenses toujours
croissantes de la cour. Les prodigalités du roi ,
les frais immenses de ses constructions, finiront
parépuiserses finances, d'abord si Roiissante* (I).
Aussi fut-il obligé lorsqu'il régla ses comptes
avec Hiram de lui céder, faute d'argent, vingt
petites villes sur la frontière de Pbémcie. Il
en vint aussi à imposer non plus seulement aux
Cananéens mais encore aux Israélites des corvées
de plus en plus onéreuses.
Après la mort de Nathan, on ne vit pas sur-
gir un seul de ces prophètes qui avant comme
après Salomon prirent une part si importanle au
gouvernement de la nation, et firent «ontre-poids
à la royauté. Salomon était regardé lui-même
comme le plus éminent prophète de son époque ;
mais il ne pouvait longtemps réunir en sa per-
sonne les deux pouvoirs, qui poursuivaient des
buts si différents. Ayant à veiller comme roi aux
intérêts matériels de son empire, qui comprenait
des populations aux religions les plus diverses,
il fut amené à y laisser régner une grande tolé-
rance; il permit même à celles de ses femmes
qui n'étaient pas juives d'élever près de Jérusa-
lem des temples à leurs dieux (2). Aussi voit-on
vers la fin du règue de Salomon se b'ver de
nouveau des prophètes soucieux de défendre
contre son incurie la religion nationale, dont la
pureté menaçait d'être souillée au milieu de ce
débordement de jouissances matérielles. Le pre-
mier, Achija, excita Jéroboam à profiter de l'irri-
tation causée par l'excès des impôts et des cor-
vées ponr lever l'étendard de la révolte. Jéro-
boam trouvade nombreux partisans, surtout chez
les tribus du nord, jalouses de l'élévation de
Juda ; vaincu , après une longue résistance, il se
sauva en Egypte, où régnait alors une nouvelle
dynastie hostile à Israël. Tant que vécut Salo-
mon, le royaume resta en apparence uni et fort;
mais sa dissolution élait imminente, et n'aurait
pu être évitée que par des circonstances qui ne
se rencontrèrent pas.
Il ne reste plus qu'à parler des écrits de Salo-
mon et de ceux qui lui sont attribués. Ce
prince, dont la haute sagesse, l'esprit vaste,
sagace et profond était renommé dans tout l'O-
rient (3), fut le principal représentanUde la ten-
est beaucoup plus piausibleque Celui de sept cents femmes
et de trois cents concubines indique par le Livre des
Rois, et qui dans tous les cas est inexact; car il devait
y avoir entre le nombre des femmes et celui des concu-
bines une proportion inverse.
il) Ses revenus ordinaires étaient estimés à six cent
soixante talents d'or, auxquels il faut encore ajouter les
bénéfices qu'il tirait du commerce avec les chars de
guerre égyptiens, dont il s'était réservé le monopole.
(2) 1,'liorreur que cette condescendance inspira aux
Israélites fervents fit plus tard accuser Salomon d'avoir
lui même sacrifié à Baal. à Moloch, à Astarté et autres
divinités, ce qui est peu probable.
(3) D'après une tradition tiéja rapportée par Josèphe,
Salomon était regardé comme ayant possédé sur ies
207
dance qu'on pourrait appeler philosophique, et
qui était née chez les Israélites depuis que, déli-
vrés des ennemis extérieurs , ils s'étaient trou-
vés en rapports suivis avec des peuples d'une
haute civilisation , les Égyptiens et les Phéni-
ciens. L'esprit juif, dont l'horizon venait ainsi de
s'étendre, se mit alors à examiner curieusement,
sans choix et sans méthode, tout ce qui dans le
monde matériel comme dans le monde moral
offrait matière à la réflexion; il se plaisait à ré-
soudre ce qu'on appelait alors des énigmes, ce
qui comprenait les questions les plus élevées des
choses divines et humaines, comme aussi de
simples faits de la vie ordinaire, dont on
pouvait trouver la clef avec de la pénétration.
Salomon étonna ses contemporains par la promp-
titude et la justesse avec laquelle, alrant droit au
but, il résolvait ces énigmes; attirée par sa re-
nommée, la reine de Saba, pays de l'Arabie du
Sud, vint à Jérusalem pour l'éprouver. « Elle lui
fit connaître tout ce qui était dans son cœur, dit
la Bible; et Salomon lui expliqua tout ce qu'elle
lui avait proposé, et il n'y eut rien qu'il ne lui
éclaircît. » Salomon s'était d'abord attaché à pé-
nétrer les mystères delà nature; il écrivit plu-
sieurs livres , depuis longtemps perdus, où il
consigna ses observations sur les animaux et sur
les plantes depuis le cèdre jusqu'à l'hysope. Il
s'occupa ensuite de l'homme, de sa destinée et de
ses devoirs; ses vues à jamais admirables sur
ce sujet, il les exprima dans des sentences en
vers, courtes et pleines de sens; il fut le créa-
teur de cette forme tant cultivée après lui. li
laissa trois mille de ces Proverbes ( en hébreu
Misle ) ; la moindre partie seulement nous en a
a été conservée : en effet dans le Livre des Pro-
verbes, qui existe sous son nom dans V Ancien
Testament, il n'y a d'après les recherches plau-
sibles d'Ewald que les chapitres X à XXIII, qui
lui appartiendraient authentiquement; le com-
mencement et la fin ont été ajoutés bien après lui.
Salomon composa aussi mille cinq cantiques; il
ne paraît plus en subsister qu'un seul, le
psaume II; les psaumes LXI1 et CXXVII, qui
sont attribués à Salomon , ont été écrits bien
après lui. 11 en est de même de Y Ecclésiaste
(Kohéleth) qu'Ewald place au cinquième siècle
avant notre ère ; l'auteur de ce livre, qui est plein
du plus amer désenchantement et déclare vaines
toutes les entreprises humaines, s'est caché sous
le nom de Salomon , pour donner plus de poids
à ses paroles. Reste enfin le Cantique des
esprits du bien et du mal un pouvoir souverain attache
à un anneau magique. Les auteurs orientaux du moyen
âge ne tarissent pas d'histoires merveilleuses sur ce prince,
qu'ils appellent Soliman, et qui selon eux aurait gou-
verne toute la terre. Le plus célèbre de ces récits légen-
daires est le Soliman Nameh de Firdousi. [f ou. d'Her-
belot, llibl. orientale.) D'après un passage du Coran on
voit que dès l'époque de Mahomet on attribuait à Salomon
une foule de livres de magie, la fameuse Clavicule entre
autres, dont au quinzième siècle encore Agrippa faisait
tant de cas ( I 'ou. Naudé, apologie des grands hommes
accuses de magie. )
SALOMON 208
cantiques (Sir Hasirim), qui fut longtemps re-
gardé comme une œuvre de Salomon ; mais
comme il y paraît souvent dans un rôle peu flat-
teur pour lui, et par d 'autres raisons encore, on
regarde maintenant assez généralement ce poëme
comme ayant été composé dans la Palestine du
nord dans les cinquante années qui suivirent la
mort de Salomon. ( Voy. Hitzig , Das Hohe Lied;
Ewakl, Das Hohe Lied; Renan, Le Cantique
des cantiques. Sur les autres écrits, voy. Ewald,
Die pœlischen Bûcher des aLten Bundes , et
Herder, Poésie sacrée des Hébreux). E. G.
Rois, liv. 111. — Paralipomènes, liv. II. — Josèphe,
Antiq. — Pineda, De rébus gestis Sulomonis. — Chosy,
Vie de Salomon. — J.-L. Ewald, Salomo; Géra, 1800,
in-8». — Ewald, CieschicMe des f'olKes Israël, t. III. —
Ouvrages cités.
salomon 1er, prétendu roi de la Bretagne
Armorique, placé par certains chroniqueurs au
commencement du cinquième siècle de notre ère.
Gn a cru jusque dans ces derniers temps qu'il
était le fils du roi de Bretagne Conan Mériadec
et qu'il parvint au trône en 421. Il aurait entre-
tenu de bonnes relations avec les empereurs ro-
mains, et repoussé les invasions des Visigoths et
des Alains. Bien que zélé prolecteur de l'Église, il
aurait été massacré vers 434 par ses sujets, que
son despotisme et sa cupidité auraient poussés à
la révolte. L'Armorique se trouvait alors à l'état
de république fédérative; le premier roi de Bre-
tagne, Riowall, fut élu en 513.
Salomon 11, roi de Bretagne, succéda à Hoel III,
son père, au préjudice de son frète aîné Judicael
(612). Il régna vingt ans, et s'attacha à faire ou-
blier son usurpation par un gouvernement équi-
table et en protégeant l'Église
Salomon III, roi de Bretagne, assassiné en 874.
Il était fils de Riowall, frère aîné du duc Nomi-
noé. A la mort de ce dernier, qui eut pour suc-
cesseur son fils Erispoé, il éleva des prétentions
au trône. Avec le secours de Charles le Chauve il
força Erispoé à lui céder le comté de Rennes. En
857, il conspira contre son cousin, et l'assassina
au pied des autels, à Vannes. Pendant deux ans
il exerça les plus effroyables ravages sur les
terres de France. Menacé de justes représailles,
il prêta hommage au roi de Neustrie et lui paya
un tribut. A la mort de Robert le Fort, Charles
conclut avec Salomon une alliance contre les Nor- J
mands, lui conféra la dignité royale, et l'investit :
du comté de Coutances (867). Quoique à peine se- (
condé par les Francs, Salomon réussit quelque
temps à préserver l'Anjou et la rive droite de la j
Loire des excursions des barbares; mais il finit,
par acheter leur départ moyennant cinq cents
vaches brunes. Hastings, après avoir recruté de i
nouvelles bandes, s'établit à Angers, et dévasta .
les pays d'alentour. Charles le Chauve et Sa-
lomon vinrent l'assiéger; mais leurs attaques
échouèrent contre la résistance désespérée des I
Normands ; ils allaient se retirer lorsque Salomon j
s'avisa de faire détourner le cours de la Mayenne,
qui traversait la ville. Aucun des pirates n'aurait
209
échappé à la mort si Charles, par cupidité, ne
leur eût pour uneénorme somme d'argent permis
de se rembarquer (873). Salomon ne pouvait ef-
facer de sa mémoire le souvenir du crime qui
lui avait donné le pouvoir. Il comblait les cou-
vents de libéralités, se livrait aux pratiques de
la dévotion la plus sévère, et changeait son pa-
lais de Plelan en une sorte de Thébaïde. Rongé de
remords, il résolut d'abdiquer en faveur de son
fils. Une conspiration, ourdie par févêque de
Vannes, éclata tout à coup contre lui : le propre
gendre du roi y figura et prêta, ainsi que le
comte de Rennes , le concours de ses hommes
d'armes. Poursuivi de refuge en refuge, Salomon
fut atteint dans une église de la Cornouaille; des
soldats francs, après avoir égorgé son jeune fils
devant ses yeux, le traînèrent hors de l'église et
le tuèrent. En 910, il fut canonisé par le pape
Anastase.
Pnidenlius, Annales. — Annales Bertiniani. — Ré-
ginon, Chron. — Le Baud, d'Argentré, Dora Morlce, Dom
LoMneau, l)aru, Roujoux, Histoire de Bretagne. — A.
de Courson, Hist. des peuples bretons.
salomon, roi de Hongrie, né en 1051, mort
au commencement du douzième siècle. Son père,
André Ier, le fit en 1058 couronner à Albe royale,
sans tenir compte de la promesse qu'il avait
faite à Bêla, son frère, de lui laisser le trône.
Bêla prit les armes, vainquit André , qui resta
sur le champ de bataille, et fut proclamé roi
(1061). A la mort de Bêla (1064), Salomon quitta
la cour de l'empereur Henri IV, et revint en
Hongrie, où avec l'aide des trois fils de son oncle,
Geisa, Ladislas et Lambert . il fut de nouveau
couronné. Pendant plusieurs années il vécut en
bonne intelligence avec ses cousins, et entreprit
des expéditions heureuses contre les Carin-
thiens,les Bohémiens et les Comans. En 1072 il
enleva Belgrade aux Grecs, après un siège de
trois mois, et donna la plus grande partie du
butin qu'il y recueillit à son favori le comte Vid.
Ce fut l'origine de la rupture qui éclata entre
Salomon et ses cousins. Des deux côtés on se
prépara à une lutte ouverte, l'un recrutant en
Allemagne des soldats auxiliaires, les autres le-
vant des troupes en Bohême, en Pologne et en
Moscovie. Une trêve , ménagée par le clergé ,
arrêta pendant quelque temps les hostilités A
l'instigation de son favori le roi la viola , attaqua
Geisa à l'improviste dans une forêt, et le força
de prendre la fuite. Enhardi par le succès, il se
porta au devant de Ladislas, qui accourait à
l'aide de son frère; il essuya une défaite com-
plète. Geisa rentra alors en campagne, etassiégea
Salomon dans Presbourg ; il mourut subitement
au milieu de son triomphe (1077). Les grands
élurent Ladislas pour roi, et Salomon reçut en
échange de la couronne une pension considérable.
Toutefois il ne se résigna pas volontiers à vivre dans
l'obscurité. En 108 1 il tenta de s'emparer de la
personne de Ladislas, et subit une captivité d'un
an à Wissegrad. En 1086 il fit, avec le chef des
Comans, une irruption en Hongrie, et fut battu.
SALOMON — SALONINA 210
Il n'eut pas un meilleur succès en 1087 lors-
qu'il s'avisa, de concert avec son allié, de ra-
vager le territoire grec. Longtemps après, il
revint en Hongrie en habits de moine, et se
présenta à Albe royale devant Ladislas parmi les
mendiants qui sous les portes de la cathédrale
imploraient la pitié du roi. Reconnu par son
cousin, il s'esquiva dans la foule, et alla
vivre encore plusieurs années dans une caverne
près de Polaen Istrie, s imposant les plus dures
pénitences. C'est là qu'il termina sa vie agitée.
Turocz, Chronicon. — Katona, fJist. critica. — Mal-
lath, Cescli. der Magyarcn.
salomon (François- Henri), littérateur
français, né le 4 octobre 1620, à Bordeaux, où il
est mort, le 2 mars 1670. Fils d'un conseiller au
parlementde Bordeaux,il fut pourvu d'une charge
d'avocat général au grand conseil. Il avait le
goût des lettres et y consacrait ses loisirs; mais
il ne se piquait pas d'y réussir, et ses vers la-
tins, su vaut Chapelain, n'étaient pas plus
excellentsque sa prose française. Il fut pourtant,
au choix de l'Académie française, préféré à Cor-
neille, alors dans tout l'éclat de sa gloire, et élu
le 2 1 novembre 1 644, 5 la place de Nicolas Bour-
bon. « L'Académie, dit Pellisson, se détermina
pour cette raison que Corneille, faisant son sé-
jour à la province, ne pouvait presque jamais
se trouver aux assemblées et faire la fonction
d'académicien. » La compagnie n'y gagna pas pour
cela un membre plus exact, puisque peu detemps
après Salomon retourna a Bordeaux, pour n'en
plus sortir, et y devint lieutenant général du séné-
chal de Guienne, et président à mortier au par-
lement après la mort de son beau- père, Lancelot
de Lalanne. Il reçut le cordon de Saint-Michel
en récompense des services qu'il avait rendus
pendant les troubles de la Fronde. Il y a sur
son compte d'autres particularités dans les Mé-
langes de Vigneul-Marville, mais ce qu'il dit de
sa famille n'est qu'un tissu de fables. On a de
Salomon : Discours d'État à Grotiussur V His-
toire du cardinal de Bentivoglio ; Paris, 1640,
in-8° ; — De judiciis et pœnis , et de officiis
vïtœ civilis Romanorum; Bordeaux, 1665,
in- 12, et dans le Thésaurus de Sallengre, t. III.
Vigneul-Marville, Mélanges, édit. 1725,111, 393-4. —
Chapelain , Mélanges de littérature, p. 261. — Pellisson
et d'Oliver, Hist. de V Acad. fr.
SALOMON DE CAPS. Voy. CauS.
salonina (Publia LiciniaJulia Cornelia),
impératrice romaine, femme de l'empereur Gai-
lien, vivait dans le troisième siècle après J.-C.
Les médailles qui nous restent d'elle lui donnent
entre autres surnoms celui de Chrysogone, ce
qui a fait penser qu'elle était grecque d'oi igiae.
Elle épousa Gallien, fils de Valérien, vers 240,
plus de dix ans avant l'élévation de ce dernier à
l'empire. Saloninus, le fils qu'elle eut de Gallien,
fut mis à mort par l'usurpateur Postumus, en 259.
Quelques années plus tard elle vit périr son
mari sous les murs de Milan, en 268. L'histoire
personnelle de cette princesse est inconnue.
211
Trebellius Pollio, Callienus. Saloninus- — Eckhel,
Doctrina nvmorum, vol. VU, p. 421. — ue Witte, dans
les Mem. de CAcad de Bruxelles, 1836.
SALOMUS (Saint), évêque de Genève, mort
vers 470. 11 était fils d'Eucher, depuis évêque de
Lyon, et avait pour frère Veran, qui le fut de
Vence. A peine âgé de dix ans, il entra dans le
monastère de Lerins, et y fut élevé sous la disci-
pline d'Honorat, d'Hilaire, de Salvien et de
Vincent. Eucher composa aussi quelques écrits
pour l'instruction de son fils, qu'il qualifie d'or-
nement et d'espérance de son siècle. On ne sait
pas positivement quelle église Salonius eut à
gouverner, celle de Vienne ou de Genève; les
probabilités ont fait pencher dom Rivet vers
cette dernière, où du reste l'année de sa mort
est célébrée au 28 septembre. On pense qu'il
assista, ainsi que son père, au concile d'Orange
tenu en 441. 11 envoya au pape Léon 1er une
lettre pour défendre les droits d'Ingenuus, ar-
chevêque d'Embrun, et il reçut vers 462 ré-
ponse d'Hilaire, successeur de Léon. On a de
lui, sous le titre de Expositio mystica in Pa-
rabolas Salomonis et Ecclesiasten , un ouvrage
qui est peut-être le fruit des éludes communes
de Salonius et de Veran ; le style en est simple
et net, la plupart des explications ont rapport à
la morale. L'ouvrage, imprimé séparément à Ha-
guenau, 1532, in-4", a été inséré dans les ortho-
doxographes, et dans diverses bibliothèques des
Pères.
Hist. littér, de la France, II, 433-437, — Possevino,
Appara'ns sacer. — Gallia C/iristicma, IV.
salt (Henry), voyageur anglais, né vers
1785, à Lichfield (comté de Stafford), mort Je
30 août 1 827, en Egypte, sur la route du Caire
à Alexandrie. 11 reçut au collège de Lichiield sa
première éducation, et la compléta ensuite par
des études personnelles, qu'il étendit non-seule-
ment à l'antiquité et aux belles-lettres, mais aux
mathématiques et à l'art du dessin. D'un esprit
fin et sagace, d'un caractère réfléchi, il montra
de bonne heure une prudence au-dessus de son
âge. Aussi fut-il, à la recommandation du ré-
vérend George Butt, son oncle, accepté par
lord Valentia pour secrétaire et pour dessinateur
lorsque ce seigneur entreprit ses voyages
d'exploration scientifique dans l'Inde. Embarqué
le 3 juin 1802 sur Z,a Minerve, il arriva dans le
même mois de l'année suivante à Calcutta, après
avoir séjourné plus ou moins de temps à Ma-
dère, à Sainte-Hélène, et au Cap; il parcourut
l'Inde du nord au sud, visita Ceylan et les côtes
de la mer Rouge, tantôt écrivant, tantôt dessi-
nant ce qu'il voyait dans ses courses, tantôt
entamant des négociations avec les chefs indi-
gènes. Ce fut en celte dernière qualité d'ambas-
sadeur officieux qu'il se rendit seul, avec une
suite convenable et des présents, dans l'Abys-
sinie (juin 1805), qu'il rouvrit entre ce pays et
l'Europe des communications interrompues de-
puis plus de deux siècles et demi. Après avoir
rejoint lord Valentia à Massaor.au, ils consa-
SALOKINA — SALVANDY 212
crèrent ensemble plusieurs mois à explorer les
lieux les plus célèbres de la basse Egypte, et
revinrent, en septembre 1806, dans leur patrie.
La publication des Voyages de lord Valentia
acquit à son jeune compagnon une juste re-
nommée. Aussi fut-il bientôt chargé par le gou-
vernement anglais d'une mission particulière ,
celle de négocier une alliance avec l'Abyssinie.
Salt partit le 20 janvier 1809 : il doubla, comme
la première fois, Madère et le Cap, et mit à
profit sa navigation le long des côtes orientales
de l'Afrique pour recueillir une foule de rensei-
gnements utiles à l'hydrographie; puis il pé-
nétra dans la province de Tigré, mais ses efforts
pour établir des relations régulières furent pa-
ralysés par les guerres civiles et religieuses
qui désolaient alors ce pays. Il retourna en An-
gleterre en passant par flnde (janvier 1811).
En 1815 il fut nommé consul général au Caire,
et lors de son passage à Paris il eut l'honneur
d'être agrégé à l'Académie des inscriptions en
qualité de correspondant (8 décembre 1815). Il
s'adonna avec passion à l'étude de l'ancienne
Egypte, et favorisa de tout son pouvoir les re-
cherches des savants et des voyageurs, notam-
ment celles de Belzoni , auquel il fournit les
moyens de continuer son intéressante explora-
tion. En se rendant à Alexandrie, il mourut dans
un village, et son corps, transporté au Caire, y
fut l'objet des funérailles les plus splendides
qu'on eût vues depuis longtemps. Outre sa col-
laboration aux Voyages du vicomte Valentia, on
a de Salt : Account of a voyage to AbysrAnia,
and travels in the interior part ofthat
country in 1809 and 1810; Londres, 1814,,
gr. in-4°, fig.; trad. en français par P.-F. Henry
(Paris, 1816, 2 vol. in-8° et atlas); on a fait à
cet ouvrage le reproche de n'être que la repro-
duction, sous une forme plus développée, de la
relation que l'auteur avait déjà fournie au recueil
de lord Valentia; — Egypt, a descriptive poem,
with notes; Alexandrie, 1824, in-8° de 55 p. :
c'est une curiosité typographique tirée à 50 ex.
seulement; — Essay on Young's and Cham-
pollion,s phonetic System of hieroglypkics ;
Londres, 1895, in-8°; trad. en français par
L. Devère (Paris, (827, gr. in-8u) : s'il n'a pas
avancé la science du déchiffrement des hiéro-
glyphes , il a du moins été, au jugement de
Walkenaër, le premier qui en ait fait d'heureuses
applications pour expliquer quelques inscrip-
tions. On a publié en 1854 sa Correspondance.
Biogr. DUt.nfUvingauthors-Gimtlemujïs magazine.
— J.-J. Mail, The Life un<t correspondence of Henry
Salt; Londres, 1854, 2 vol. in-S°.
SALTZIUANN. VOIJ. SALZMANN.
SALITTATO. VOIJ. CoLCCCIO.
SALVAIXG. VOIJ. BOISSIEU.
salvakdy (Narcisse-Achille, comte de), |
homme politique et littérateur, d'une famille ir-
landaise établie en France depuis le dix-sep-
tième siècle, naquit à Condom, le 11 juin 1795,
213
SALVANDY
211
et mourut le 15 décembre 1856, au château de
Gravcrou (Normandie). Dépourvu de fortune,
mais possédé d'un besoin immense d'instruction
et de renommée, il sollicita et obtint à onze ans
une bourse au lycée Napoléon, et s'y distingua
bientôt par la diversité de ses aptitudes. Une
étourderie entrava le succès de ces brillantes dis-
positions. Fasciné comme toute la jeunesse de
cette époque par l'éclat du régime impérial, il
imagina de dater da champ de bataille de
Lut/.en le bulletin fictif d'une victoire qu'ac-
compagnait, avec une proclamation impériale,
un prétendu envoi aux lycées de Paris des dra-
peaux conquis sur l'ennemi. Cette audacieuse
mystification, qui réussit pendant quelques
heures, coûta au jeune lycéen la perte de sa
position privilégiée. Mais il fut incorporé, avec le
grade de brigadier, dans aa des régiments des
gardes d'honneur (25 mai 1813) ; il prit part aux
campagnes de Saxe et de France, reçut un coup
de feu au combat de Rrienne, et quitta l'armée
avec l'épaulette de sous-lieutenant. Au retour
des Bourbons, Salvandy entra, malgré les obs-
tacles apportés à son admission par l'irrégu-
larité de sa naissance, dans la maison militaire
de Louis XVIII; mais il n'émigra point durant
les cenl-jours, et, quoique fort jeune, il s'es-
saya dans la carrière d'écrivain politique par
trois brochures : Mémoire à V empereur sur
les griefs et les vœux du peuple français;
Observations critiques sur le Champ de Mai,
et Opinion d'un Français sur l'Acte addi-
tionnel, et, quelques jours après Waterloo,
par une quatrième, Sur la nécessité de se
rallier au roi. A ces écrits, qui passèrent
inaperçus, il en ajouta, sous l'impression du
traité du 20 novembre 1815, un nouveau,
La Coalition et la France (mars 1816,
in-8° (1), qu'une énergie courageuse, des sen-
timents patriotiques signalèrent vivement à l'at-
tention publique. Les ministres des puissances
coalisées s'émurent de cette publication; ils en
exigèrent la saisie, et la sécurité personnelle de
Salvandy eût été compromise sans l'intervention
de Louis XVI11. Monsieur lui adressa plus tard
de flatteuses félicitations , et le roi voulut l'in-
former lui-même de sa nomination au titre de
maître des requêtes en service extraordinaire
(20 janvier 1819). Salvandy fut un des auxiliaires
les plus actifs de la politique de M. Decazes,
soit dans le Journal des Débats, soit par les
brochures intitulées Vues politiques et Dan-
gers de la situation (1819). A l'avènement
du cabinet ultra-royaliste, il résigna ses fonctions,
et engageai contre l'administration de M. de Vil-
lèle une lutte marquée par des écrits passionnés,
tels qu'en 1824, Du parti à prendre envers
(1) Réimpr. à Bruxelles, 1S18, ln-8°, aveo la Lettre de
l'auteur au duc de Wellington sur la tentative d'assas-
sinat dirigée contre ce général dans la nuit du 19 fé-
vrier 181». Celte Lettre fut retirée de la circulation par
l'influence des ambassadeurs étrangers
l'Espagne, Le Aoureau règne et l'ancien mi-
nistère, Le Ministère et la France ; en 1825,
Discussion de la loi du sacrilège ; en 1827,
Les Amis de la liberté de la presse, Insolences
de la censure, Que feront-ils, et huit Lettres
au Journal des Débats. Le ministère Martignac
recueillit, avec la succession Yillèle.la tâche
d'apaiser l'irritation des partis. Salvandy y
entra comme conseiller d'État ( 12 novembre
1828), et coopéra à ses travaux avec un zèle
louable. Lorsque Charles X eut recours au dé-
vouement, plus sincère qu'éclairé, du prince de
Polignac, Salvandy fut un des premiers fonction-
naires qui refusèrent leur concours à la nou-
velle administration. II écrivit au roi, dont il
avait personnellement éprouvé les bontés, pour
lui signaler les périls de la situation, et lit en-
tendre dans un bal que le due d'Orléans don-
nait au roi de Naples, peu de jours avant les
ordonnances de juillet, celte phrase prophé-
tique : « Monseigneur, c'est bien là une fête
napolitaine, car nous dansons sur un volcan! »
Salvandy se rallia sans empressement et sans
répugnance au régime de 1830, et consacra ses
premiers efforts à défendre Charles X et ses mi-
nistres des inculpations injustes que le malheur
avait attirées sur eux. Il fit partie du conseil d'É-
tat réorganisé le 20 août 1830, Élu au mois
d'octobre suivant député de La Flèche, il prit
rang parmi les soutiens les plus intrépides du
parti de la résistance, combattit toutes les pro-
positions inspirées par l'esprit démocratique, et
blâma énergiquement le ministère de la mol-
lesse de son attitude en présence des excès des 13
et 14 février 183t. Ayant refusé de promettre un
vote favorable à la pairie viagère, sa candidature
aux élections générales de cette année ne put
triompher de l'opposition du cabinet. Il employa
ses loisirs parlementaires à la composition du plus
recommandable de ses ouvrages politiques, Seize
mois, ou la révolution de 1830 et les révolu-
tionnaires (1831, in-8°), réimpr. en 1832, sous
le titre de Vingt mois, et le fit suivre d'un opus-
cule : Paris, Nantes et la Session (1832), où il
exhortait le ministère à amnistier les partis
vaincus. Il rentra à la chambre en 1S33 comme
député d'Évreux, et prêta au gouvernement, sans
dépendance systématique, un laborieux concours,
qui dans le ministère Mole lui ouvrit, le 15 avril
1837, l'entrée au conseil avec le portefeuille
de l'instruction publique. En dépit de quel-
ques entraînements, de quelques légèretés pro-
pres à son caractère, cette première épreuve
du pouvoir fut favorable à Salvandy. 11 s'ap-
pliqua à restituer au corps universitaire l'éclat
et l'importance qu'il avait eus sous l'empire, et
étendit jusqu'à la profusion les encouragements
de toutes natures qu'il distribua aux professeurs
et aux gens de lettres. Après la chute du cabinet
dont il faisait partie (mars 1839 ), il rentra à la
chambré comme député de Nogent-le-Rotrou, et
continua de voter avec le parti conservateur, qui
215
SALVANDY — SALVAT1CU
210
l'élut à l'une des vice-présidences de cette as-
semblée. Le 14 septembre 1841, il fut nommé
ambassadeur en Espagne, à l'époque où le ré-
gent Espartero venait de fortifier le pouvoir de
la reine par la défaite des deux factions op-
posées. Mais cet ambitieux représentant de l'in-
fluence anglaise contesta au diplomate français
le droit de présenter ses lettres de créance à la
reine el Ie-même,et Sal vandy , après pi usieurs mois
de pourparlers et de propositions conciliatrices,
revint en France, où se discutait alors, à propos du
projet d'adresse, la grande question du droit de
•visite. Il combattit avec force et succès sur ce
point la politique ministérielle, et mit sa position
personnelle d'accord avec sa conduite parlemen-
taire en renonçant aussitôt à son traitement
d'ambassadeur ; mais il n'en demeura pas moins
fermement attaché au parti conservateur, et ré-
péta souvent alors que « notre société ne savait
pas de combien près elle côtoyait l'extrême dé-
sordre ». Réélu en 1842 député de Nogent et de
Lectoure, il opta pour ce dernier collège, et fut
nommé le 6 novembre 1843 à l'ambassade de
Turin, où il ne fit qu'une courte apparition. Rap-
pelé en France par le débat de l'adresse, dont un
paragraphe tendait à flétrir les cinq députés
qui avaient porté leurs hommages au comte de
Chambord , à Belgrave-Square , il vota contre
ce blâme de parti, et répondit par sa démission
immédiate de ses fonctions diplomatiques aux vifs
reproches que le roi lui adressa à cette occasion.
Mais la fermeté de son langage à la tribune ne
pamt pas à la hauteur de cet acte d'indépen-
dance, et Louis-Philippe, désarmé par sa ré-
serve, lui rendit le 1er février 1845 le porte-
feuille de l'instruction publique. Cette seconde
phase de l'administration de Salvandy fut
marquée, comme la précédente, par d'importantes
améliorations, telles que la reconstitution du
conseil d'instruction publique, la fondation de
l'école d'Athènps, la restauration de l'école de3
chartes, et la présentation de projets de loi sur
l'instruction secondaire, sur l'organisation des
écoles de droit, de médecine et de pharmacie.
La plupart de ces projets avortèrent par suite
de la révolution de 1848; mais Salvandy en vit
adopter les principales dispositions par les as-
semblées issues du suffrage universel.
La chute du gouvernement de Juillet, auquel
il s'était entièrement dévoué, fut le terme de sa
participation officielleaux affaires publiques. Mais
dans le but de reconstituer le parti de l'ordre et
de préparer le retour du régime constitutionnel,
il travailla de toutes ses forces à la réconciliation
des deux branches de la maison de Bourbon ;
le succès des négociations ne répondit point
à ses efforts. La vie de Salvandy appartint ex-
clusivement dès lors aux lettres, dont la cullure,
après avoir charmé ses premières années, était
devenue la source de son élévation Élu membre
de l'Académie française le 19 février 1835, en
remplacement de Parseval-Grandmaison, il s'é-
tait fait remarquer dans cette compagnie par
plusieurs discours élégamment écrits mais em-
preints de la tournure un peu théâtrale qui était
propre à son caractère et à son esprit. M. de
Salvandy laissa de son mariage avec Mt'e Feray
un fils et une fille, mariée au marquis d'Aux.
Outre les écrits déjà signalés, nous citerons en-
core de lui : Don Alonzo, ou L'Espagne, his-
toire contemporaine; Paris, 1824, 2 vol.
in-8° et 5 vol. in-12 : c'est un roman histo-
rique, peu lu aujourd'hui ; — Islaor, ou Le
barde chrétien, nouvelle gauloise; Paris,
1824, in-12; — Les Funérailles de Louis XVII I;
Paris, 1824, in 8°; — De l'Émancipation de
Saint-Domingue; Paris, 1825, in-8°; — La
Vérité sur les marchés Ouvrard ; Paris, 1825,
in-8° ; — Histoire de Pologne avant et sous
le roi Sobieski; Paris, 1827-1829, 3 vol.
in-8°, et 1844, in- 18 : livre estimable pour la
forme et l'esprit, mais où l'on a signalé de
nombreuses erreurs échappées à une composi-
tion hâtive et à une connaissance insuffisante
du sujet; — Lettres (deux ) de la girafe au
pacha d'Egypte, 1834; —Prix de vertu;
discours prononcés en tS38 et en 1840; — Dis-
cours prononcé pour la réception de
M. Victor Hugo à l'Académie française ;
Paris, 1841, in-4° ; — Rapport au roi sur
l'état des travaux exécutés depuis 1835 jws-
qu'en 1847 pour le recueil et la publication
des documents inédits relatifs à l'histoire
de France; Paris, 1847, in-8°. Salvandy a
collaboré assidûment sous la restauration au
Journal des Débats, et il a fourni des articles
au Courrier français, au Keepsnke des hom-
mes utiles, au Livre d'honneur de VUniver-
si/é, à la Revue contemporaine, au Diction-
naire de la Conversation, au Livre des Cent
et wn, etc. On lui a souvent attribué deux ro-
mans anonymes, Natalie et Corisandre de
Mauléon, qui sont de Mme de Montpezat. La
valeur littéraire de Salvandy a été exagérée
durant sa vie ; mais la postérité n'hésitera pas
à reconnaître en lui un citoyen recommandable
par des services réels, par l'indépendance rela-
tive de son caractère, l'honnêteté de ses prin-
cipes et l'élévation de ses sentiments.
A. Bolllée.
Rabbe, Biogr. univ. et portât, des conlemp. — Sarrut
et Saint-Edme , Biogr. des hommes du jour, t. I,
2» partie. — Pascalet, Biographe universel. — Lo-
tnénie, Galerie des contemp. illustres, t. X, — Robin,
Galerie des gens de lettres. — Revue rétrospective de
1848. — Journal des débals, 1856.
salvatici (Viltore Porchetto de' ) , hé-
braïsant italien, né à Gênes, florissait, selon
l'opinion commune, au commencement du qua-
torzième siècle. Il appartenait à une des pre-
mières familles patriciennes de Gênes, et fit
profession chez les chartreux. On n'a pas
d'autre détail sur sa vie. Il avait une connais-
sance alors peu commune de l'hébreu. On a de
lui : Victoria adversus impios Hebrctos ex
217
SALVATICI - SALVERTE
218
Sacris Litteris tum ex dictis Talmud ac ca-
balisticarum ; Paris, 1520, in-fol.; l'auteur
avoue lui-même avoir beaucoup emprunté au
Pt/gio Jidei de Raimond Martin ; Pierre Ga-
latin en fit de même pour son De Arcanis ca-
tholicx veritatis, ce qui a produit entre cet
ouvrage et celui de Salvatici une telle ressem-
blance que Galatin a été accusé d'avoir pillé
Salvatici; — De Entibus trinis et unis, inédit
ainsi que De Virgine Maria.
Oiidin, Cave, Scriptores ecclesiastici. — Sopr.ini,
Scrittori dellu Liguria — Morozzo, Theatrum Carthu-
siense. — Wolf, Bibl. hebraica.
SALVATOK KOSA. Voy. RoS.V.
salverte { Anne- Joseph- Eusèbe Bacon-
nièi(E-), publiciste et homme politique, né à
Paris, le 18 juillet 1771, mort dans celte ville,
le 27 octobre 1839. Son père, qui était adminis-
trateur du contrôle et du domaine, lui fit faire
d'excellentes études chez les oratoriens de
Juilly. Reçu avocat du roi au Châtelet, il en
remplit les fonctions jusqu'à la suppression de
ce tribunal. Employé en 1792 au ministère des
affaires étrangères, il donna sa démission en
1793, par suite des dénonciations |>ortées contre
lui, et fui admis à l'École des ponts et chaussées,
où il professa l'algèbre. Ayant pris une part ac-
tive à la réaction thermidorienne, il fut dans la
journée du 13 vendémiaire l'un des principaux
meneurs de la section du Mont Blanc ; con-
damné à mort par contumace, il se présenta en
1796 devant ses juges, et fut acquitté. Dès lors
il s'éloigna du parti royaliste, et finit par en répu-
dier tous les principes. Sous le Directoire il oc-
cupa une place dans l'administration du ca-
dastre. Ses écrits philosophiques et littéraires
attirèrent de bonne heure l'attention sur lui; il
professait les opinions anti- religieuses de son
temps, et fréquentait les joyeuses réunions du
Caveau. En 1812 il épousa la veuve du comte
de Fleurieu, et se retira avec elle en 1814 à Ge-
nève, où il passa cinq années. Ardent partisan de
la liberté et d'un régime constitutionnel très-
voisin de la démocratie, il se montra, sous la
restauration , habile à saisir vivement l'opinion
publique par des brochures qui étaient l'expres-
sion des tendances libérales de cette époqu«
(en 1817, Épîlre sur la liberté; en 1819, des :
Pétitions ; en 1820, Un député doit-il ac- \
cepter des places, et VÉtat de la question; en
1824, Les Menaces et les promesses, Du Taux
de l'argent, et Lettre à M***, cultivateur ; en
1827, Du Droit et du devoir d'un électeur; en
1828, Opinion sur des pétitions relatives aux
Jésuites, et Des Droits du citoyen). Élu député
de la Seine en avril 1828, il ne cessa de dé-
fendre les principes dp la hb-rté. Plein d'audace
dans ses paroles comme dans ses résolutions,
il demandait dès 1829 la mise en accusation des
ministres pour crime de concussion et de tra-
hison, s'élevait contre les Jésuites, et réclamait
la suppression de la loterie. Il signa l'adresse i
des 221, se réunit à ses collègues le 3t juillet
1830, et proposa de renouveler intégralement
la magistrature. Réélu à Paris, il fit une propo-
sition contre les ministres signataires des ordon-
nances du 25 juillet, et réclama la liberté poul-
ies professions d'imprimeur et de libraire. Un
des signataires du Compte -rendu, il se montra
hostile à la famille déchue et favorable au rappel
de la famille de Bonaparte; cependant il parla,
en 1833, pour la mise en liberté de la duchesse
de Berri, dont l'emprisonnement ne lui parais-
sait pas assez justifié par l'état du pays. Depuis
les élections de 1 834 il représenta le cinquième
arrondissement de Paris, et compta jusqu'à sa
mort parmi les députés dont le vote et la parole
cherchèrent à arrêter le gouvernement sur la
pente de réaction où il semblait chaque jour
plus entraîné. A son lit de mort il refusa de
remplir aucun devoir religieux, et son corps ne
fut pas présenté à l'église. Salverte était
membre libre de l'Académie des inscriptions.
Par ses nombreux et si divers écrits, comme
par ses discours politiques, il est assurément une
des figures les plus remarquables de notre
temps et serait très-digne d'une étude littéraire
approfondie, qui reste cependant encore à faire.
Outre les brochures citées, on a encore de
lui : Entretiens de Brutus et de Macius ; Paris,
1793, in-8°; — Ê pitre à une femme raison-
nable, ou ce qu'on doit croire; Paris, 1793,
in-8" ; — Les Journées des 12 et 13 germinal
an III ; Paris, 1795, in-8°; — Les Premiers
jours de prairial; Paris, 1795, in-8°; —
Idées constitutionnelles ; Paris, 1795, in-8°;
— Épîlre de Salluste à César ; Paris, 1798,
in-8°; - De la Balance du gouvernement et
de la législature ; Paris, 1798, in 8°; — Ro-
mances et poésies erotiques ; Paris, 1798,
pet. in-8° ; — Conjectures sur la cause de
la diminution apparente des eaux sur
notre globe; Paris, 1799, in-8° ; — Le Droit
des nations, ode; Paris, 1799, in-8°; — Un
Pot sans couvercle et rien dedans, histoire
merveilleuse; Paris, 1799, in-8° ; — Notice
sur la vie de Cadet de Gassicourt, pharma-
cien; Paris, 1800, 1822, in-8° ; — Éloge de
Diderot ; Paris, 1801, in-8°; — Rapports de
la médecine avec la politique; Paris, 1«06,
in-8° ; — Tableau littéraire de la France
au dix-huitième siècle ; Paris, 1809, in-8°,
qui a obtenu une mention honorable au con-
cours de l'Académie française en 1 807 ; —
Neila, ou les serments, roman ; Paris, 1812,
2 vol. in-12; — De la Civilisation depuis les
premiers temps historiques jusqu'à la fin
du dix- huitième siècle; Paris, 1813, in-8°;
il y posa le premier la distinction de la forme
fixe et de la forme progressive, l'une propre
aux sociétés antiques, l'autre introduite dans les
temps modernes ; — Phédosie, tragédie ( non
jouée); Paris, 1813, in-8° ; — Sur quelques
monuments anciens des environs de Genève;
219 SALVERTE
Genève, 1819,in-8°; — Des Maisons de sanié \
destinées aux aliénés ; Paris, 1821, in-8°; —
Horace et l'empereur Auguste; Paris, 1823,
in-8" ; — Essai historique et philosophique sur
les noms d'hommes, de peuples et de, lieux,
considérés dans leurs rapports avec la civili-
sation ; Paris, 1824,2 vol. in-8°,trad. enanglais,
Londres, 1862, in-8° : cet essai, le travail le
plus complet qu'on eût encore en ce genre, avait
paru en partie dans la Biblioth. univ. de
Genève; — Des Dragons ou des serpents
monstrueux; Paris, 1826, in-8°;— Des Scien-
ces occultes, ou Essai sur la magie, les pro-
diges et les miracles; Paris, 1829, 2 vol.
in-8°,et 1843, 1862, in-8° : l'auteur prétend y
expliquer par la physique et la chimie tous les
actes attribués par les religions anciennes et
modernes à une intervention surnaturelle ; —
De la Civilisation : Venise, Iiaguse; Paris,
1835, in-8° ; — Essais de traductions ; Paris,
1838, in-S°. Eusèbe Salverte a encore fourni des
articles littéraires ou historiques au Mercure,
à L'Esprit des journaux , aux Mémoires de
V Académie celtique, à la Biblioth. française
de Pougens, à la Biblioth. universelle de Ge-
nève, à la Revue encyclopédique, au Diction-
naire de la Conversation, etc.
Salverte (Jean-Marie-Eustache Bacon-
nière-), frère aîné du précédent, né le 26 mars
1768, à Paris, où il est mort, le 10 décembre
1827, fut d'abord directeur, puis en 1813 admi-
nistrateur de l'enregistrement et des domaines;
pendant les cent-jours il représenta la ville de
Paris dans la chambre des représentants. On le
mit en 1818 à la retraite. 11 est l'auteur d'un
Examen des budgets pour 1818, des directions
des finances (1818, 4 broch. in-8"). E- Asse.
G. Sarrut et Snint-EJme, Biofjr. des hommes du
jour, 1. 2e part., p. 5. — Dion. univ. et portai, des con-
temp. — Quérard, La France htt.
salvi ( Giovanni-Baltista), dit le Sasso-
ferralo, peintre de fécole romaine, né le 11
juillet 1605, à Sassoferrato ( Marche d'Ancône),
mort à Rome, le 8 août 1685. Après avoir dans
sa patrie reçu les leçons de son père, Tar-
quinio (1), et peut-être aussi de Jacopo Vignali,
il alla jeune à Rome, puis bientôt à Naples, où il
continua ses éludes sous le Dominiquin, dont
il approcha sous plus d'un rapport. 11 a laissé
un assez grand nombre d'excellentes copies
exécutées en petit d'après l'Albanc, lt Guide,
le Baraccio et surtout Raphaël. Dans ses pro-
pres compositions, il évita également les œu-
vres de grande dimension. Sans posséder le
beau idéal des Grecs, il sut se créer un type
parfaitement approprié au caractère de la Vierge,
et il donna à ses Madones une expression
pleine à la fois d'humilité et de noblesse , en
même temps qu il les revêtait de draperies sim-
ples et heureusement disposées. Un peu dur
(1) On :i lie. lui un assez bon tnblcau du Rosaire (1S73;,
dauit l' église des Ermites, a Rome.
— SALVI 220
dans ses teintes locales, il rachète ce défaut par
la science du clair-obscur et par un coloris
charmant; Sassoferrato fit peu de tableaux
d'autel, et celui de Notre-Dame du Rosaire,
l'un de ses chefs-d'œuvre, à Sainte- Sabine du
Mont Aventin, est un des plus petits qui se
voient à Rome. En revanche, ses têtes de Ma-
dones sont très-nombreuses; le musée du
Louvre en possède cinq; à Romeily en aune très-
célèbre, au palais Doria, et trois au palais Corsini;
on en voit également à Florence, à Pérouse, à Mi-
lan, a Naples, etdans lesgaleri.es publiques de l'Eu-
rope. Cet artiste ne s'est pas borné à l'exécution
de ce type, dans lequel il n'avait de rival parmi
ses contemporains que Carlo Dolci; il a traité
quelquefois des sujets un peu plus compliqués,
et on connaît de lui au Musée de Naples une
Sainte famille et un Intérieur de l'atelier de
saint Joseph, composition au moins bizarre;
au Musée de Berlin, uu Christ au tombeau et
une Sainte famille ; une Annonciation et une
Assomption, au Louvre. E. B — n.
Lanzi, Ticozzi. — Pistolesi, Descrizinne di Iioma. —
Fantuzzi, Guida dï Firenze. —dialogues des Musées.
salvi (Niccolo), architecte, né en 1699, à
Rome, où il est mort, en 1751. Issu d'une fa-
mille aisée, il reçut une brillante éducation , et
s'appliqua tour à tour à la poésie, aux mathéma-
tiques, à la philosophie et même à la médecine-;
il resta fidèle à l'architecture, son étude favorite,
qu'il avait apprise dans Vitruve et dont Canevari
lui avait donné des leçons. Son maître ayant été
appelé en Portugal, il resta chargé des entre-
prises qu'il laissait inachevées à Rome.
Nous ne parlerons que pour mémoire des des-
sins d'autels qu'il donna pour les églises de Saint-
Eustache et des Saints Lorenzo et Damaso d«
Rome, pour Santa-Maria de' Gadi de Viterbe,
et pour l'abbaye du Mont-Cassin; nous ne rap?
pellerons la Villa Corsinique pour en déplorer U
destruction à l'époque du siège de 1849. Sam
s'est illustré par une composition hors ligne er
son genre, par la fontaine monumentale de Trev
ou de Yacqua vergine, ouvrage commencé ei
1735, par ordre de Clément XII, et achevé sous
Benoît XIV. Sur une façade de palais ornée d<|
quatre colonnes et de six pilastres corinthiens
se détache la statue colossale de Neptune pai
Pietro Bracci , montée sur un char traîné pai
des chevaux marins que guident des tritons
dans les niches latérales sont les statues de Le
Salubrité et de La Fécondité par Va le. Cett*
composition n'est pas d'un goût irréprochable
mais on ne peut lui refuser un effet grandiose
qui force l'admiration.
Cinq ans avant sa mort, Salvi tomba en para
Iysie; mais, bien que ne pouvant se servir de sei
mains, il continua à s'occuper d'archi lecture, e
il dicta en quelque sorte à l'un de ses élève
plusieurs projets pour la façade des Saints
Apôtres. E. B — n.
I'Is'oIcm, Dcsrriziove rli Tiomn. — Omilr mère (Il
Qulncy, l/ist. des < élébres architectes , el Dict. d'archit
12i SALVIANI
salviani ( JppoUto), naturaliste italien, né
en 1514, à Città di Castello (Ombrie), mort en
1572 à Rome. Il était de Camille patricienne.
Après avoir visité les universités de son pays, il
alla s'établira Rome, et y pratiqua la médecine.
La profondeur de ses connaissances lui mérita la
confiance publique et l'estime des savants de
l'époque. Ayant choisi pour objet de ses éludes
l'histoire naturelle, et plus particulièrement
l'histoire des poissons, il eut le bonheur de
trouver dans le cardinal Cervini (plus tard le
pape Marcel II) un protecteur aussi éclairé que
généreux ; par son intermédiaire il obtint la place
de médecin de Jules III, et continua de la remplir
auprès de Paul IV. Comme il était pauvre et
qu'il n'avait le moyen de connaîire d'autres
poissons que ceux des mers d'Italie, Cervini
l'aida de sa bourse, engagea d'autres cardinaux à
suivre son exemple, et fit venir à ses Irais , dies
mers les plus prochaines, plusieurs espèces in-
connues à Rome, et de France, d'Allemagne ,
d'Angleterre, de Portugal, de Grèce, des dessins
coloriés d'un grand nombre d'autres espèces.
I L'ouvrage de Salviani parut sous le titre tfA-
quatilium animalium historiée (Rome, 1554,
gr. in-fol., avec 99 fig. entaille-douce); il fut
imprimé dans la maison même de l'auteur, et
malgré la date de 1554, il ne put être livré
entièrement au public qu'en 1558. On y lit
à la tête l'épitre dédicatoire adressée au car-
dinal Cervini, bien que ce prélat, devenu pape,
fût mort depuis plus de trois ans. Malgré son
érudition Salviani, qui emprunte beaucoup aux
anciens, n'a pas rangé les 92 espèces qu'il a
décrites dans un ordre méthodique ; il s'est con-
tenté de les rapprocluer d'après leurs caractères
extérieurs, en indiquant pour chacune d'elles la
synonymie, les liabitudes particulières, la ma-
nière de la pêcher et de l'accommoder, ses pro-
priétés médicales ou hygiéniques. Les défauts de
son livre lui sont communs avec Belon et Ron-
delet, ses contemporains, et aujourd'hui il n'offre
plus rien d'utile que les gravures, aussi par-
laites que possible pour l'époque, et dont Ges-
ner et Aldrovandi ont fait leur profit en les re-
produisant en bois dans leurs recueils. Outre
cet ouvrage, réimpr. à Rome, 1593, in-fol. et à
Venise, 1600, 1602, in-fol., on a encore de Sal-
viani : La Ruffiana; Rome, 1554, in 8° : co-
médie de mœurs qui a eu différentes éditions; —
Decrisibus ad Galeni censuram; Rome, 1558,
in-SOi etl589,in-4°.
Salviani (Snluslio), fds du précédent, pra-
tiqua aussi la médecine à Rome et l'enseigna pu-
bliquement de 1576 à 1587. Il a laissé : De ca-
lore naturali,acquisito etfebrili; Rome, t586,
in-8°; — De urinis; ibid., 1587, iu-8°; — Va-
rias faction' s de re me.dica; ibid., 1588, in-8°.
Salviani ( Gasparo), frère du précédent, prit
part à la fondation de l'académie des Umorisli,
et composa des poésies ainsi que des notes au
poëme, La Stcchia rapila, deTassoni, son ami.
— SALVIAT1 222
IHarlni, Deijli Arcliialri ponteflci. — rinibnsnlii, Storia
délia letter. UuL, VU, 2" partie. — Cuvier, But, des
sciences naturelles. II. — Biogr. méd.
salvianus. Yoy. Salvien.
salviati, famille noble qui a figuré avec
honneur dans les annales de Florence depuis le
treizième siècle. Lorenzo fut au nombre des
conseillers qu'on imposa à Alexandre, duc
d'Urbin, lorsqu'il fut clu en 1331 souverain de
la république. Après lui la charge de gonfalo-
nier devint en quelque sorte héréditaire parmi
ses descendants, dont quelques-uns s'illustrèrent
par les armes ou dans l'Église. Leurs alliances
avec les Médicis les rapprochèrent des mai-
sons princières de l'Europe.
Imhof, General ilittstr. Italue familiarum.
salviati (Jacopo), capitaine , mort dans la
première moitié du quinzième siècle. Il lit la
guerre avec succès contre les comtes Guidi, et
reçut en 1404 le titre de chevalier. On a de lui
une relation historique, écrite d'un bon style
et que Manni jugeait bella a maraviglia ; elle a
été d'abord insérée dans le t. XVII des Uelizie
dcgli eruditi loscani (1770-89, 25 vol. ), puis
impr. à part (Cronaca fiorentina , 1398-1411;
Florence, 1784,in-8°).
Gamba, Testi di lingua.
salviati (Francesco), petit-fils du précé-
dent, monta en 1474 sur le siège archiépiscopal
de Pise; il succédait à un Médicis, et il avait été
désigné par le pape Sixte IV, qui baissait cette
famille. C'était un homme hardi, sans aucunes
mœurs et rongé d'ambitioa. « Quand on con-
viendrait, fait observer Roscoë, que tout ce que
Politien dit des vices et du, caractère odieux de
ce personnage est exagéré, toujours resterait-il
démontré qu'il n'avait aucune des vertus qui au-
raient pu le rendre digne d'exercer un emploi
aussi respectable. » Lorsque les Pazzi conspi-
rèrent la ruine et la mort des Médicis , ce fut
l'archevêque de Pi6e qui servit de principal agent
à leur détestable entreprise. Pendant qu'on as-
sassinait Julien, il chercha, avec une trentaine
de complices , à s'assurer de la personne des
magistrats ; mais il manqua de résolution , fut
arrêté par legonfalonierPetiucci,etpendu le jour
même (26 avril 1478) à l'une des fenêtres du Palais
vieux, sans qu'on lui eût permis de quitter ses
habits pontificaux. Ses derniers moments furent
marqués,suivant Politien , par un étrange exem-
ple de férocité; comme il était suspends tout
près de Francesco Pazzi, il saisit avec ses
dents le corps nu de ce misérable, et l'agonie
même de la mort ne put lui faire lâcher prise.
— Son frère Jacopo, et un de ses cousins, qui
portait aussi ce nom, partagèrent l'infamie de
son supplice.
Roscoe, fie de Laurent de Médicis, I, c. t.
salviati (Jacopo), chef de la principale
brandie de la famille Salviati et cousin du pré-
cédent, né vers 1460, était fils de Francesco Sal-
viati et de Magdalena de' Gondi. En 14S6il épousa
Lucrezia de' Medici , sœur du pape Lcon X
223
SALVIATI
224
et grand'fante de Catherine de Médicis, reine de
France; son caractère élevé et ses qualités brillantes
le rendaient digne d'une si haute faveur. Après
la mort de son beau-père Laurent (1492), il fut
obligé de se retirer à Rome, où il fit un séjour
de plusieurs années. En 1514 il fut élu gonfalo-
nier de Florence. Il laissa six enfants, entre
autres Giovanni et Bernardo ( voy. ci-après ),
cardinaux l'un et l'autre, et Maria, qui, par son
union avec Jean de Médicis, général des bandes
noires, devint mère du duc Cosme le Grand.
Un autre de ses fils, Alamanno, continua la
postérité et fut bisaïeul de Jacopo, mort en 1698,
à l'âge de soixante-dix ans. Ce dernier avait été
créé en 1627 duc de Juliano par le pape Ur-
bain VIII, titre qui se perpétua dans cette
branche jusqu'à la mort à' Antonio- Maria, ar-
rivée en 1704 ; il avait épousé une fille d'un
prince de Massa, Veronica Cibo, dont on rap-
porte un trliit d'énergie peu commune : elle fit
couper la tête à une courtisane entretenue par
son mari et la lui envoya dans un plat.
Imhof, Geneal. illudr. Italiœ fumil.
salviati (Giovanni), cardinal, fils du précé-
dent, né le 24 mars 1490, à Florence, mort à Ra-
venne, le 28 octobre 1553. Il était protonotaire
apostolique lorsque Léon X, son oncle, le nomma,
en 1517, cardinal, puis administrateur de l'église
deFermo, d'où il passa, en 1520, à l'évêché de
Ferrare. Clément VU, son cousin, le chargea d'a-
paiser des troubles à Parme et à Plaisance, et il
l'envoya en 1526 auprès de Charles V à Madrid,
pour solliciter de ce prince la délivrance de Fran-
çois 1er et le rappel des troupes impériales qui
avaient envahi les États de l'Église. Salviati
n'ayant pas réussi à empêcher le sac de Rome
par les bandes du connétable de Bourbon, il vint
implorer le secours du roi de France en faveur
du chef de l'Église ; par son entremise fut signé,
le 2t> mai 1527 , entre Clément VU, François 1er et
Henri VIII, le traitédela Sain^ Z/igue, etc'est lui
qui négocia à travers mille obstacles la paix de
Charles V avec le saint-siége( 1529). Il administra
successivement les diocèses de Volterra (1530),
de Santa-Severina (1532), de Bitetto (1532 à
1539), et François le<\ qui l'avait pourvu dès
1520 de l'évêché d'01eron,lui donna encore celui
de Saint- Papoul et plusieurs riches abbayes.
Paul III le fit en 1543 évêque d'Albano et de
Sabine, et en 1546 de Porto. A la mort de ce
pape (1549) il était désigné pour occuper lesié»e
pontifical, mais Charles V, qui connaissait ses
sympathies pour la France, s'opposa à ce qu'il
fût élu. Salviati avait le goût des arts, inhérent
à sa famille : il s'était fait bâtir sur les dessins
de Bramante, au pied du Janicule, un palais
splendide, toujours ouvert aux savants et aux ar-
tistes, qui, comme Fr. de' Bossi (voy. ci-après),
trouvaient en lui un protecteur généreux.
S\lviati (Bernardo), cardinal, frère du
précédent, né en 1492, à Florence, mort à Borne,
le 6 mai 1568. D'abord chevalier de Saint-Jean
de Jérusalem, il prit part à diverses expédi-
tions contre les corsaires barbaresques, et par-
vint au grade de général des galères; il lenta
une entreprise sur le Péloponèse lorsque l'Ile
de Bhodes fut tombée au pouvoir de Soliman,
ruina Tripoli, détruisit les forts qui bordaient le
canal de Fagiera, assiégea et prit Coton et Mo-
don en Morée , ravagea l'Ile de Scio, d'où il ra-
mena un grand nombre d'esclaves, et son nom
devint la terreur des Ottomans Député à Bar-
celone auprès de Charles V avec Philippe
Strozzi et Laurent Ridolfi, il plaida en vain
pour la liberté de sa patrie, troublée par des
révolutions. S'étant rendu à la cour de France, il
suivit le conseil de sa parente Catherine de Mé-
dicis, et embrassa la carrière ecclésiastique. La
reine le fit son premier aumônier, et Salviati,
sur la démission de son frère Jean, devint le
7 juin 1549 évêque de Saint-Papoul. A la prière
de Catherine de Médicis, Pie IV le nomma en
1561 cardinal et évêque de Clermont. Il gou-
verna ce diocèse par l'intermédiaire de Julien
Salviati, son neveu, qu'il fit son vicaire général,
et qui , en son nom , assista au colloque de
Poissy. IL F.
Ciaconius, Hist. Pontificum et Cardinaliiim, III. —
Ughelli. Italia sacra. — Galliachristiana,, Il et XIII. —
Giovio, Eiogia. — Eloçij degV illustri Toscani, IV.
salviati (Anlonio-Maria) , cardinal, ne-
veu des deux précédents, né en 1507, mort
le 28 avril 1602, à Rome. Il fut élevé dans les
lettres, et acquit à fond la science du droit. En
1561 il devint évêque de Saint-Papoul, en Lan-
guedoc, siège déjà occupé par ses deux oncles;
mais, en revenant du concile de Trente, il s'en
démit entre les mains de Pie IV (1563), qui l'en-
voya deux fois en ambassade à la cour de France.
Grégoire XIII l'employa aussi avec succès, et le
revêtit de la pourpre, le 23 décembre 1583 Dans
la suite il devint légat à Bologne . puis préfet de
l'une et l'autre signature On lui donna, à cause
de ses vertus , le surnom de grand cardinal
Salviati.
Ughelli, Italia sacra. — Auberi, Hist. des cardinaux.
salviati ( Alamanno) , cardinal , né le 20
avril 1668, à Florence, mort le 24 février 1733,
à Borne. Il était fils de Gian-Vincenzo Salviati,
marquis de Montieri. Il était protonotaire du
saint-siége lorsqu'il fut chargé par Clément XI
des présents destinés au duc de Bretagne,
arrière petit-fils de Louis XIV, qui venait de '
naître (1707). Après avoir été vice-légat d'Avi- i
gnon (1711). il devint légat d'Lrbino (1717), et j
conserva cette charge jusqu'au 8 février 1730,
où il fut créé cardinal. A la fin de l'année, il I
succéda au nouveau pape, Clément XII , comme |
préfet de la signature de justice. Ce prélat a
écrit fépître dédicatoire adressée au grand-duc \
Jean-Gaston et qui est à la tête du Vocabulario I
de l'Académie de la Crusca (Florence, 1729-38, j
6 vol. in-fol. ), dans laquelle il siégeait sous le
surnom de Vin/orme .
Morérl, Grand Dict. hist.
225 SAL\
salviati (Lionardo), philologue, de la fa-
mille des précédents, né en 1540, à Florence, où
il est mort, en septembre 1589. Son père, Ro-
berto,'ne joignait pas à l'avantage d'une nais-
sance illustre celui de la fortune ; aussi le jeune
Lionardo fut-il de bonne heure destiné à la car-
rière des lettres, au lieu de parcourir, àl'exemple
de ses nombreux parents , celle des magistra-
tures de sa patrie. Il reçut une éducation soi-
guée, et eut pour maître le savant Varchi, dont
il devait plus tard prononcer en public l'éloge
funèbre. Ses débuts furent précoces, et grâce à
l'une des manies de ce temps , ils eurent même
de l'éclat : une grande facilité d'élocution lui
avait permis de prendre rang parmi les lettrés
à un âge où on étudie encore; dans les assem-
blées de l'académie florentine comme dans les
cérémonies publiques, ce fut lui qui porta le plus
souvent la parole : il devint l'orateur à la mode,
et il trouva moyen, à ce qu'on raconte, d'écrire
cinq discours différents sur un seul sonnet de
Pétrarque et de disserter trois jours de suite sur
les vertus et les mérites d'un fils de Cosme 1er,
Garcia de'Medici, mort à quinze ans (1562).
Admis dans une petite réunion littéraire formée
par Grazzini et quelques-uns de ses amis, il
réussit à la transformer en une académie (15S2),
qui devint célèbre sous le nom de la Crusca; il
y acquit promptement de l'influence, et lui fit
malheureusement partager sa haine contre le
Tasse, dont il méconnut obstinément le génie,
après l'avoir, dans ses lettres privées, accablé
de félicitations. Ses travaux sur Boccace ne con-
tribuèrent pas à établir sa réputation d'érudit :
il s'y donna tant de licences qu'on les regarde
comme une tache à son nom. Pourtant on les
reproduisit trois ou quatre fois, et sans oser en
discuter la valeur, par ce seul motif, suivant
Apostolo Zeno, qu'il avait reçu du grand-duc
François 1er lui-même mission de les entre-
prendre. La critique reprit ses droits, et fort in-
justement cette fois, lorsqu'il publia les Avverti-
menti, ouvrage qui a mérité de devenir classique.
La passion que Salviati avait déployée dans sa
querelle avec leTasse lui avait valu des protecteurs
à la cour d'Alfonse II, duc de Ferrare, et parmi
ceux-ci GuarinietMontecatino, ennemis du grand
poêle. A cette époque il était pauvre, chargé de
dettes, et venait de perdre la pension que lui
avait faite le duc deSora. Appelé en 1587 à Fer-
rare, il saisit toutes les occasions d'augmenter
son crédit, en prononçant l'éloge funèbre d'un
bâtard de la maison d'Esté , et en exaltant l'A-
rioste au détriment du Tasse. 11 n'obtint pas du
duc les avantages qu'il s'était promis, et au bout
de quelques mois il revint à Florence pauvre et
humilié. Atteint d'une maladie que le chagrin
rendit mortelle, il passa les derniers temps de sa
vie dans un couvent de camaldules. En mettant
de côté les écrits dictés par son injuste animosité
contre un grand homme, on pourrait dire que
Salviati n'avait vécu que pour la langue et pour
r;ouv. biogr. génér. — t. xliii.
IATI
226
l'éloquence toscane. Nous citerons de lui : De1
dialoghi delV amieizia Ubro primo ; Florence,
1504, in-8°, et à la suite du Giovane istruilo
de Facciolati; Padoue, 1740, in-8°; — // Gran-
chio; Florence, 1566, in-8° : comédie en vers
jouée devant les académiciens de la Crusca; —
Orazioni; ibid., 1575, in-4° : on y remarque
les trois sur la mort de Garcia de' Medici (1562),
celles In Iode délia fiorentina favella (1564),
Délie lodi di B. Varchi (1565), Alla coro-
nazione di Cosimo de' Medici (1570) ,etc; —
Cinquelezioni sopra ilsonetto delPelrarca:
Poi chevoi, et io più volteabbiam provato; ibid.,
1575, in-4°;— Avvertimenti délia lingua so-
pra'l Decamerone; Venise et Florence, 1584-
86, 2 vol. in-4°; Naples, 1712,2 vol. in-4°; et
dans les Autori del ben parlare, lre part.; Ve-
nise, 1743, 19 vol. pet. in-4°; le meilleur ou-
vrage de Salviati, où il tire du Décameron les
principales règles de l'art d'écrire; — Il Lasca,
dialogo; Florence, 1584, in-4°, sous le nom de
Rigogoli; — Orazione délie lodi di P. Vet-
lori; ibid., 1585, in-4°; — DelV lnfarinato
Risposla ail' apologia di T. Tasso; ibid., 1585,
in-8°, suivi en 1588 d'une seconde Rispos ta alla
Replica di Cam. Pellegrini; le surnom de
V lnfarinato était celui que Salviati avait choisi
dans l'académie de la Crusca; — Considera-
zioni di Carlo Fioretti ; ibid., 1586, in-8°: lors-
qu'il attaqua le Tasse, son ancien ami, il n'osa pas
le faire à visage découvert, et déguisa la violence
et l'injustice de ses critiques sous les noms de Ri-
gogoli, de V lnfarinato et de Fioretti, sans
compter les écrits où il engagea l'autorité de l'a-
cadémie naissante; le Tasse répondit avec une
modestie qui rendit plus odieux l'emportement
de ses adversaires ; — LaSpina; Ferrare, 1 592,
in-8° : comédie en prose, réimpr. avec 11 Gran-
chio en 1606, in-8°. Les Œuvres de Salviati ont
été réunies pour la première fois dans l'édit. de
Milan, 1809 1810, 5 vol. in-8°, laquelle fait
partie des classiques italiens. On a publié de lui
quelques poésies inédites dans les Tesli di lin-
gua de Poggiali, t. 1er (Livourne, 1813, in-8°).
En outre il a édité la Costanza , comédie de
Razzi (Florence, 1565, in-8°), le Décameron
de Boccace (ibid., 1582, in-4°), et lo Specchio di
penitenza,de Passavanti(ibid., 1585, in-l2).P.
P. -F. Cambi, Orazione in morte di L. Salviati ; Flo-
rence, 1590, in-4°. — Notizie deW Accad. florentina. —
Salvini, Fasti consolari. — Negrl, Scrittori ftorentini.—
Blouidegli uomini illustri Toscani. — Serassi, Vita di
T. Tasso. — Tiraboschi, Storia delta letter. ital., VII.
salviati (Francesco Rosside'), dit Cecco
ou Cecchino de' Salviati , peintre , né à Flo-
rence, en 1510, mort à Rome, en 1563. Élève
de son père, Filippo Rossi, puis de Bugiardini,
il fut par ce dernier mis en rapport avecVasari,
devint son ami intime, et fréquenta avec lui les
ateliers de Rafaello da Brescia, du sculpteur
Baccio Bandinelli, et d'Andréa del Sarto. Il s'é-
tait déjà fait connaître quand- il fut appelé à
Rome par le cardinal Giovanni Salviati , qui se
8
227 SALVIATI
déclara son protecteur, et dont par reconnaissance
il prit le nom. Vasari, cédant à une trop par-
tiale amitié, le proclame « le plus grand peintre
qui existât à Rome de son temps ». En réalité,
Salviati montra dans la fresque, genre qu'il cul-
tiva de préférence, une richesse d'invention , une
science et une pureté de dessin, qui ont fait de lui
un peintre distingué. Salviati se créa de nom-
breux ennemis par son caractère caustique,
bizarre et tracassier ; il ne put se fixer nulle
part, et voyagea sans cesse à Rome, à Florence,
en Lombardie, à Venise et même en France, où
il vint en 1554. Partout il a laissé des traces de
son passage. A Rome, on voit de lui des fresques
à la Bibliothèque du Vatican, à la Chancellerie,
dans les palais Salviati, Farnèse, Ricci, Sac-
chetti; des tableaux nombreux, tels que la Des-
cente de croix du palais Doria, Adam et Eve
du palais Colonna, Saint Jérôme du palais
Spada, le Christ mort de l'église de!P Anima,
& Y Annonciation de S. Francesco. A Fiorence,
il a laissé, outre plusieurs toiles, dans la galerie
publique et dans les églises, la meilleure de ses
productions, le Triomphe de Camille, qu'il
peignit pour l'une des salles du Palais vieux. A
Venise, au palais Grimani, il peignit cette Psy-
ché, œuvre correcte, mais que Vasari appelle
avec trop d'emphase la plus belle qui soit à
Venise. Au reste, Salviati ne paraît pas avoir été
fort goûté dans cette ville. Malheureusement
pour lui, le même sort l'attendait en France,
où il travailla pour le cardinal de Lorraine, au
château de Dampierre. Indiquons encore de ce
maître : à Bologne, la Madone et plusieurs
saints (à Sainte-Christine); à la pinacothèque
de Munich, la Vierge avec saint Romuald et
d'autres saints; au Musée de Turin, la Géo-
métrie ;k Berlin, Psyché et V Amour ; à Vienne,
la Résurrection ;k Madrid, \m& Sainte famille;
au Louvre, V Incrédulité de saint Thomas,
une Visitation, et une Sainte, famille.
Salviati eut un grand nombre d'éièves,dont les
plus connus sont Francesco del Prato, habile
orfèvre, Bernardo Buontalenti, l'Espagnol Ro-
viale, Domenico Romano, Ahnibale Bigio et
surtout Giuseppe Porta, surnommé, comme son
maître, Salviati. E. B— n.
Vasari, Orlnndi, Lami , Tieozïi, Pistolesi, Fantozzi',
Gualundi.— Cataloguée des Musées. - Lavice, Revoie des
musées d'Italie.
salvsatï (Giuseppe). Voij. Poiîta.
salvien (Salvianus), prêtre de Marseille.,
né à Cologne ou à Trêves, vers 390, mort vers
484, à Marseille. H consacra sa jeunesse à l'é-
tude des sciences. On ignore s'il naquit de pa-
rents chrétiens; mais il avait beaucoup de con-
naissances en matières religieuses quand il se
maria, encore jeune, avec, Palladia, fille d'IIypa
tins et de Quieta, l'un et l'autre païens, et rési-
dant à Cologne. Non-seulement il la convainquit
bientôt de ses erreurs, mais après la naissance
d'une fille, Auspiciôla, il lui persuada de vivre
- SALVINI 22i
ensemble dans la plus rigoureuse continence
Ayant, par suite de cette résolution , encouru 1;
disgrâce de son beau-père, que toutefois il réus
sit au bout de sept ans à apaiser, et même
dit-on , à convertir au christianisme, il se retir;
dans le midi de la France. Après un court séjoui
à Vienne, il se rendit à Lérins, dans le monas
tère de Saint-Honorat, et y passa six ans, dans 1;
pratique de toutes les vertus religieuses. Il y ins
truisit Salonius et Veranus, fils de saint Eucher
et se lia d'une étroite amitié avec saint Hiiair
d'Arles. Vers 428, il se fixa à Marseille, où Ho
norat lui conféra le sacerdoce. Salvien devin i
l'une des lumières de cette église, et,quoiqu j
simple prêtre ( car il ne fut jamais évêque, coin m j
certains auteurs l'ont prétendu), on le sur
nomma le Guide des évêques. Les prélats se
contemporains le consultaient comme un excel
lent maître en théologie chrétienne, et c'est pou
leur usage et à leur demande qu'il composa 1
plupart de ses Homélies, qu'on peut regarde
comme autant d'instructions pastorales. Tell
fut sa principale occupation dans le cours d'uni
vie de près de cent années et que Gennadiu
prolonge même jusqu'à cent cinq ans. Des nom |
breux ouvrages que Salvien avait composés, I
reste : Adversus avarïtiam lib. IV, publié sou I
le nom de Timothée dans VAnlidolum deJ. Si:
chard (Bâle, 1528, in-fol.),et à part (Trêves '
1609, in-4°); — De- Gubernatione Dei et d\
juslo Dei prsesentique judicio lib. VIlï\
composé vers 455 et publié par Frohenius ; Bàb
1530, in-fo!.; trad. en français (Lyon, 157fj
in-8°; Paris, 1634, in-8°,et 1701, in-12) : cetrail
est écrit avec plus d'éloquence que de méthode, < |
Scaliger n'était que juste en s'écriant : « Le béai
livre que c'est et d'une belle simplicité! » Il ri
reste plus que neuf Lettres de Salvien, adressée
à des personnes non moins distinguées par let
mérite que par l'éclat de leurs dignités. Il avaj
encore composé un traité De l'Avantage de il
virginité , un Commentaire de l'Ecclésiasw
un poème (Hexameron) sur la Création, enfj
des Homélies dont on ne connaît pas le nombr h
Les Œuvres de Salvien, réunies pour ia pn
mière fois par Brassicanus ( Bâle, 1 53», in fol. H
ont donné lieu à plusieurs réimpressions, notanl
ment à celles de Rome, 156'i, in-fol., de Pari h'
1580, in-8°, d'Altdorf, 1611. in-8°. etc.; mais n
plus correcte est celle de Baluze ( Paris , 166 HJ
1669, 1684, in-8°). 11 existe deux versions frai M
çaises de Salvien, l'une du P. Bonnet (170 I
2 vol. in-12), et l'autre du P. Mareuil (173 |î
in- 12). H. F
Gennadius, De viris illuslr. — f/ist. littér. de H
France, t 11, p. 517-S3S. — Mémoires de J'i/lemotM
XVI,— fie de ,\alï\cn,i\\n lète <le la irad.du I' MareulJ
— C. Iloiisqurt, yntu-r tiist. sur .Salvien; Marseille 18'
in-4°. — Giraud, Étude sur Salvien. — Ampère, Hi.\
littér. de la France.
SAMrifti (An ton io- Maria), littérateur it
lien, né le 12 janvier 1653, à Florence, où
est mort, le 17 mai 1729. Selon le vo?u de s
2'J9
S AL VIN I
230
tarants, il étudia le droit a Pise,et y prit le di-
)lome de docteur; mais à son retour il mani-
festa pour le barreau une telle répugnance
ju'on lui permit de s'appliquer aux belles-lettres.
^ l'âge de vingt-trois ans il fut pourvu d'une
•haire de grec à Florence (1776). Sa longue vie
;'écoula dès lors dans la retraite et dans l'étude;
latient et laborieux , il amassa de nombreux
Matériaux sur les différentes branches de la lit—
craturc et composa une quantité d'ouvrages,
lont la moitié au moins ne vit le jour qu'après sa
nort. La pureté de ses mœurs, sa modestie,
on obligeance lui avaient gagné l'estime générale,
t le cardinal Noris l'a peint au vrai en écrivant de
ji : l'ir,quem doctrinee excellentia ,et moruin
•itor,ac,quodrarumest, in multa erudilione
wdestia ac humanitas, domi forïsque etiam
(que etiam commendant. Fabroni n'a pas fait
e lui un moindre éloge. Ce qu'on a critiqué chez
•alvini, c'est la médiocrité de ses vers, le vide
tla boursouflure de ses discours; c'est surtout
i faiblesse de ses traductions, qui n'ont de poé-
que que le nom, et la rudesse de son style,
ui appliqué à l'interprétation des chefs-d'œuvre
e l'antiquité donne un démenti perpétuel à
harmonie delà langue italienne. Il appartenait à
Académie delaCrusca, et travailla plus qu'au-
un de ses confrères à la perfection du diction-
laire de cette compagnie, qui l'autorisa à y rap-
îorter des exemples tirés de ses propres écrits.
)n a de lui : Discorsi accademia sopra alcuni
lubbj proposa neW Accademia degli Apa-
isti; Florence, 1695-1712-1733, 3 vol. in-4° :
es discours sont au nombre de deux cent qua-
ante-trois; il y a à la suite quelques trartuc-
ions du grec; le tout a été réimpr. à Naples,
786,6 vol. in-8°, età Bologne, 1821, 11 vol. pet.
n-8°; — Orazione in morte di B. Averani;
rlorence, 1709, in-4°; — Orazione in morte
!i A. Magliabechi; ibid., 1715, in-fol. ; —
Oj-ose toscane, recitate neW Accademia délia
>usca; ibid., 1715-1735, 2 vol. in-4° : ce re-
ueil contient dix discours et quatre-vingt-dix-
ept lezioni; —Prose sacre; ibid., 1716, in-4°;
ie édit., Milan, 1820, in-16 : on y trouve vingt
liscours et vingt sermons; le style de cet ou-
•rageet du précédent est plus châtié et plus
^légant que celui des Discours académiques ;
'- une Vie de Galilée, à la tête des Œuvres
le ce savant; Florence, 17<8, 3 vol. m-4°; —
Irazionein morte di P. A. Forzoni; ibid., 1720,
»4*J — Sonetti; ibid., 1728, în-4°, avec por-
rait; — Orazione in Iode di Cosimo pater
-intrix; ibid., 1814,in-8°; — Sonetti inediti ;
h«d , 1823, in-4°, publiés par D. Moreni. On a
inssi inséré des morceaux inédits de cet auteur
lanslesPro.se florentine (Florence, 1716-45,
7 vol. in-8°) et dans les Opuscoli inediti degli
roscani (ibid., 1808-1809, 3 vol. in 8°). — Les
raductions deSalvini sont fort nombreuses, et
outes n'ont pasété livrées au public, comme celles
le Virgile, de l'Art poétique de Boileau,elc;
elles ont joui, à cause de la réputation de l'au-
teur, d'une grande vogue dans le dernier siècle,
bien qu'on puisse les mettre au rang des belles
infidèles; deux ou trois à peine ont pu, par
suite de réimpressions successives, arriver jus-
qu'à nous. Nous les citerons dans l'ordiv. chro-
nologique : An acréon; Florence, 1695, in-12; —
CWon.tragédied'Addison; ibid., 1714, 17>5,in-4°;
— Théocrite; ibid., 1717, in-12; Arez/o. 1754,
in-8°; — les Amours , de Xénophon d'Éphèsej
Londres, 1723, 1757, in-12; plus, éditions, entre
autres celle de Paris, 1800, in-12, revue par
Yisconti;— Homère (complet); Florence, 1723,
2 vol. in-8°; Padoue, 1742, 2 vol. in-8°;
Perse; Florence, 1726, in-4°; — Délia salirica
poesia de' Greci, de Casaubon, avec le Cyclope
d'Euripide; ibid., 1728,in-4°; — Oppien ; ibid.,
1728, in-8°; il y emploie, d'après l'idée qu'en
avait déjà eue Trisslno, l'accent circonflexe sur
l'O et l'E, afin de marquer avec plus d'exactitude
la prononciation de ces lettres en italien; I
Lamentazioni, di Geremia; ibid., 1728, in-4°;
— Diogène Laerce et Epictèle, dans les DiS'
corsi, t. III; —Hésiode, Orphée et Proclus ;
Padoue, 1747, 1773, in-12; — Callimaque;
Florence, 1763, in-8°;— Nicandre; ibid., 1764,
in-8°; — 7fenomeni,d'Aratus;ibid., 1765, in-8°;
— Il Rattodi Elena, deColutbus; ibid., 1765,
in-8°; — Eroe Leandro, de Musée; ibid., 1765,
gr. in-8° : plusieurs éditions; — La Presa di
Troja, de Tryphiodore; ibid., 1765, in-8°; —
Théognis , Phocijlide et les Vers dorés; ibid.,
1766. in-8°; — // Podagroso e l'Ocipo, de Lu-
cien, dans les 1. 1 et VII des Opuscoli scientificï ;
ibid., 1807 et 1808, in-8°; r- Y Idée de la perfec-
tion delà peinture, de Fréart de Cbambray;
ibid., 1809, in-8". — Enfin, Salvini a enrichi de
notes et de remarques les éditions de beaucoup
d'auteurs italiens, tels que les Proginnasmi
poetici de Fioretti (Florence, 1695-97,5 vol.
in-4°), la Bella mano de Conti (1715, in-12),
la Cronica de B. Pitti (1720, in-4°), le* Opère
burlesche de Berni (Londres, 1721-24,2 vol.
in-8o), le Commentaire de Boccace sur Dante
(Naples, 1724, 2 vol. in-8°), les Lettere de Ma-
galotti (Florence, 1736, in-4°), Giovanni délia
Casa, GrazzinijBrunetto Latini, Lippi, Menzini,
Giovanni Fiorentino, Redi, Buonmaltei, Salvator
Rosa, etc.
Laml, Ulemnrabilia Italorum, I. —fite degli Jrcadi
illastri, 5e partie. — Fabroni, fitx Italorum, XV. —
Elogi degli illustri Toscani, IV. — Gamba, Testi di lin-
gua. - Peruzzi, Orazione in morte di A M. Salvini,-
Florence,ï73l,in-V\— Mozzi./cfrm; Florence. 1731, in-4».
SALYim (Salvino ), littérateur, frère du pré-
cédent, né en 1667, à Florence, où il est mort,
le 29 novembre 1751. Comme son frère, il étudia .
à Pise, et s'adonna sous sa direction aux belles^
lettres et aux antiquités de sa patrie. Ses ta-
lents lui méri!èrent un canonicat à la cathédrale
de Florence; plusieurs académies, telles que la
Crusca etl'Arcadie, s'empressèrent de l'appeler
dans leur sein, où il entretint des rapports d'a-
8.
231 SALVINI —
mitié avec Zeno , Gori, Queriai et Muratori . On
a de lui : Fasti consolari dell' Accademia fio-
rentina; Florence, 1717, gr. in-4» : ouvrage fort
estimé; — Orazione in morte del granduca
Giov.-Gastone; ibid., 1738, in-4°; —Componi-
men ti poetici; ibid., 1750, in-8°; — Calalogo
dei canonici ftorenlini : impr. après sa mort; —
des noies sur quelques anciens auteurs italiens;
— des notices littéraires dans le Giornale de'
letterati et les Notizie degli Arcadi. Il a laissé
quelques ouvrages manuscrits, entre autres une
Biographie de la Toscane, où il avait fondu
celle de Negri.
Novel le florentine.— Gori, préface de Demetrio Fuie-
reo. — Elogi degli illustri Toscani. — Peruzzi, dans les
Memorie délia Société colombaria , t. II. — Tipaldo,
Biogr. degli illustri Italiani, Vil.
sam a h (Al ben Melik el Julani ), émir d'Es-
pagne, tué le 11 mai 721, à la bataille de Tou-
louse. Il s'était distingué dans l'armée qui , sous
la conduite de Tarik et de Mouza, fit la con-
quête de la Péninsule, et il commandait l'armée
de la frontière lorsque le calife Yezid II le
nomma émir (720), pour remplacer al Hour, dont
l'avidité et les exactions avaient soulevé des
plaintes générales. Le nouvel émir s'appliqua à
réparer les maux et à ramener l'ordre dans l'ad-
ministration ; il supprima les inégalités qui exis-
taient dans la répartition des impôts, en exigeant
partout le cinquième du revenu; il visita les di-
verses provinces , embellit Cordoue , et envoya
au calife, avec une description des villes et du
territoire de l'Espagne, un tableau détaillé de
ses richesses agricoles et industrielles. Al Sa-
mah se proposa ensuite de poursuivre la con-
quête de la Gaule, commencée parai Hour. Après
avoir laissé à Ambesah le commandement de
l'Espagne , il traversa les Pyrénées, et assiégea
Toulouse, qui résista assez longtemps pour per-
mettre à Eudes, duc d'Aquitaine, de rassembler
son armée et de s'avancer sous les murs de la
ville (11 mai 721). La victoire fut longtemps dis-
putée ; l'émir, toujours au plus fort de la mêlée,
animait les siens par son exemple; un coup de
lance le renversa de dessus son cheval et lui
donna la mort. Ce fut le signal de la défaite des
Arabes, qui s'enfuirent en désordre. Abd el
Rahman sauva les débris de l'armée, qu'il ra-
mena à Narbonne.
Rosscuw Saint-Hilaire, Hist. d'Espagne. — Romey,
Idem.
samaxi ( Abou- Ibrahim- Ismael Al), fonda-
teur de dynastie, né en 847, mort en novembre
907, appartenait à ces hordes turques qui s'a-
vancèrent-des versants de l'Altaï vers l'Asie mé-
ridionale, et d'abord auxiliaires du califat de
Bagdad en préparèrent ensuite la chute. Samani
fonda la grandeur de la dynastie samanide, que
l'on faisait remonter à Saman, dont le fils Açad fut
appelé à la cour du calife Al Mamoun. Les quatre
fiisd'Açad obtinrent en 819 des gouvernements
importants dans l'Asie occidentale, et l'un d'eux,
Ahmed, en hérita et les transmit à ses fils. L'aîné,
SAMANIEGO
23!
Naser, gouverna Samarcande et s'empara de 1;
Transoxiane; un des plus jeunes, Ismael, don
nous nous occupons, lui servit de lieutenant. Soi
frère, qui avait conçu des soupçons sur sa fidé>
lité, lui fit la guerre (888). Vaincu et prisonnier,!
fut traité par Ismael avec les plus grands égards
et reconduit à Samarcande. Lorsque Naser mou
rut (892), Ismael, qui déjà jouissait d'un grani
crédit parmi les Turcs, recueillit son héritage, e
gouverna la Transoxiane en souverain réelle
men-t indépendant. Plusieurs victoires éclatante
avaient consacré son autorité, lorsque le califi
Mothaded réclama ses secours contre Amrou, l'u
surpateur soffaride. Il l'attaqua avec des force
bien inférieures , le mit en déroute (900), ( ,
réunit le Korassan et le Tabaristan à ses États I
Le calife, en le confirmant dans ses conquêtes I
lui donna le titre de padichah et lui envoya d V
magnifiques présents; le Samanide reçut ave 1
les marques du plus profond respect les insigw h
de l'investiture, et donna au courrier qui les li I
avait apportés une somme équivalent à 62, 5C !.!
francs. Les dernières années de la vie d'Isma^ a
furent presque exclusivement consacrées au I
soins du gouvernement; il apporta une sollic I
tude extrême à faire observer la justice, à ri
primer les abus d'autorité de ses officiers etlij
violences de ses soldats ; son souvenir res j
longtemps entouré d'un pieux respect. La pa
de la fin de son règne fut troublée par dei
expéditions : la première contre un usurpate
qui s'était révolté contre le calife, la secon
contre le Turkeslan, qu'il soumit en partie. To
les historiens s'accordent à représenter ce prin ,
comme un modèle de bravoure, de générosité I
de justice; la plupart de ses successeurs , s j
fils excepté, se firent gloire de marcher si
ses traces. La dynastie des Samanides dura il
siècle entier, et s'éteignit avec Monthasser.
Klaproth, Tableaux hist. de l'Asie. — Univers pitt
samaniego (Felix-Maria de), poëte esri
gnol, né en 1745, à Bilbao, mort en 1801, à Mj
drid. C'était un gentilhomme riche et de boni
naissance, seigneur des villages delà vall
d'Arraya , et qui partagea son temps entre 1 fc
tude et l'encouragement de l'instruction poffe
laire. Il fut l'un des fondateurs et des memb
les plus actifs de ces sociétés patriotiques fij
niées sous le règne de Charles III, et qui ex|i
cèrent une si remarquable influence sur les pij;
grès des lettres en Espagne. La Société de !
Biscaye, fondée en 1765, se consacra à l'édu
tion des classes pauvres, et ce fut pour aide
cette noble entreprise que Samaniego se mit:
composer un recueil de fables à l'usage des i i
fants élevés par les soins de la Société. Il le II
paraître en 1781 et 1784, à Bilbao, et réunit fl
deux parties dans l'édition de Madrid : Fabu\
en verse castillano ; 1787, 2 vol. in-8°.ll c<J!;
nutYriarte, et le choisit pour modèle; s'il s '
style moins châtié que le sien et s'il est mol
original, il a plus de génie poétique, plus ■
!33
SAMANIEGO —
lalurel et de facilité, et pa>- ces dernières quali-
és il a le droit d'être rapproché de La Fontaine.
ies fables de ce poète sont au nombre de 157;
i plupart sont imitées des anciens, des Orien-
aux , et suitout de La Fontaine et de Gay. Sa-
inaniego faisait partie de l'académie de Madrid.
Navarretc, Notice, dans la Coleccion de Quintana,
. IV. — Tlcknor, Hist. ofspanish titer.,t. III.
sami'.hvçaï. Voy. Beaone.
sambucus (Jean), savant hongrois, né à
yrnau, le 25 juin 1531, mort le 13 juin 1584, à
'ienne. Après avoir fréquenté les universités
'Allemagne et de France, où il se lia avec
ambin et Turnèbe, il se fit recevoir en 1555 li-
encié en médecine à Padoue. Il visita aussi le
2ste de l'Italie, et fit la connaissance des prin-
ipaux érudits de ce pays. Il recueillit dans ses
oyages, qui durèrent vingt-deux ans, un grand
ombre de manuscrits d'anciens auteurs, des
îédailles et autres objets d'antiquité. Il retourna
asuite parles Pays-Bas en Autriche; l'empe-
;ur Maximilien II, appréciant son savoir, aussi
arié qu'étendu, le nomma historiographe de la
îaison de Habsbourg, emploi qu'il occupa aussi
jus Rodolphe II, qui professait également pour
îi une haute estime. On a de lui : Epistolarum
onscribendarum methodus; Bâle, 1552,
i-8° ; — Imperatorum aliquot romanorum
Use; Strasbourg, 1552; — Appendix a rege
iatthïa usque ad Ferdinandum 1, ouvrage
xact et d'un style élégant, placé à la suite de
Epitome rerum hungaricarum de P. Ran-
eau; Vienne, 1558, in- fol ; — De imitationc
•■ Cicérone peienda; Paris, 1561, et Anvers,
563, in-8°; — Ars poetica Horatii et in eam
laraphrasis; An\ers,,lSùi,m-8'1; — Emblemata
ioetica ; Anvers , 1564, 1566, in-8°, et 1569,
576, 1584, in-16, fig.; ce livre, à la suite du-
[uel se trouve la description des médailles les
lus curieuses du cabinet de l'auteur, a été tra-
uit en vers français, Anvers, 1567, in-16; —
"abula geographicà Hun gariee ; Vienne, 1566,
î-fol. ; — Arcus triumphales aliquot in
\onorem Jani Austrise; Anvers, 1572, in-fol.;
- Icônes veterum aliquot et recentium me-
'icorum philosophorumque cum eorum elo-
iis; Anvers, 1574, 1603, in-fol.; Amst., 1612,
613, in-fol., avec 67 portraits; — Apoleles-
nata; Francfort, 1577, in-80;— Carmina ethi-
a; Padoue, in-8°. Comme éditeur Sambucus,
ui, selon de Thou, n'a pas fait moins avec des
moyens bornés pour la mise au jour des au-
eurs anciens que les hommes qui ont le mieux
faérité des belles-lettres, a publié : Plante (An-
gers, 1566, in-16), Végèce, De arte veteri-
naria (Bâle, 1574, in 4°), Petronii Fragmenta
y.ucta (Anvers, 1565, in-8°), Diogène de
\<aerce; Ennape, \itx sophistarum ; Aristé-
Pète, Epistolx amatoriœ ; Hesychius, Pinax;
lephestion, Enchiridium ; des Lettres iné-
dites, au nombre de plus de huit cents, écrites
lar les principaux Pères grecs; d'autres, par
SAMMICHELI 231
Bessarion et Clirysoloras; Apollonius Dyscole,
Syntaxis_; Bonfinius, Htingariee hisloria;
( Francfort, 1581, in-fol.) : excellente édition, aug-
mentée et continuée, etc. Nous devons encore
à Sambucus les traductions en latin de plusieurs
écrits grecs; ses corrections de manuscrits, de
médailles et de livres furent placées à la biblio-
thèque de Vienne.
Horanyi, Mémorise Hungarorum. — Czeiltlnger, Hun-
garia literata. — Saxe, '.Onomasticon, t. 111, p. »18. —
Teissier, Éloges, t. Il, p. 94.
SAMMICHELI OU SAN-MICHELI (Michel),
architecte et ingénieur, né en 1484, à Vérone,
où il est mort, en 1549. Il fut d'abord élève de
son père, Giovanni, et de son oncle, Barlolommeo
Sammicheli, tous deux architectes de talent. A
seize ans, il alla étudier à Rome les chefs-
d'œuvre de l'antiquité. Sa première construction
fut la cathédrale de Montefiascone, et il prit part
aux travaux de la cathédrale d'Orvieto. Clé-
ment VII l'envoya, avec Antonio San-Gallo, dans la
haute Italie pour mettre les villes de Parme et de
Plaisance à l'abri d'un coup de main. En 1527 il
retourna dans sa patrie, dont il était éloigné de-
puis vingt-cinq ans. Ayant pris goût à l'architec-
ture militaire, il entreprit pour son instruction la
visite des places fortes de l'État vénitien : sa
curiosité éveilla les soupçons du gouvernement,
qui le fit arrêter comme espion à Padoue. Bien-
tôt il entra comme ingénieur militaire au ser-
vice de la république. Milizia réclame pour lui
l'honneur d'avoir inventé la nouvelle architec-
ture militaire. « Avant lui , dit-il , tous les bas-
tions étaient ronds ou carrés; il fut le premier à
changer le système et à introduire une nou-
velle méthode, en inventant le bastion triangu-
laire ou plutôt pentagonal, avec des fac-es planes
et des chambres basses qui doublent les dé-
fenses et non-seulement flanquent la courtine,
mais toute la face du rempart voisin, et balayent
le fossé , le chemin couvert et le glacis. Le se-
cret de cet art consistait à trouver le moyen que
tous les points de l'enceinte fussent défendus de
flanc, tandis qu'en faisant le bastion rond ou
carré, le front de celui-ci, c'est-à-dire l'espace
qui restait dans le triangle formé par les tirs
latéraux, demeurait sans défense. C'est là jus-
tement ce qu'inventa Sammicheli, et dans la
suite Vauban et tant d'autres étrangers n'ont
fait que modifier longtemps après la décou-
verte de notre architecte. » C'est dans cette
nouvelle forme qu'en 1517 Sammicheli cons-
truisit à Vérone le bastion délia Maddalena
et quatre autres, qui ont été ruinés en 1801, et
qu'il fortifia ensuite Legnago, Orzi Nuovo, Cas-
tello, et dans le Levant Corfou, Famagouste, La
Canée, Napoli de Romanie. De retour en Italie,
il construisit deux bastions à Padoue, fortifia
Brescia, Peschiera et Chiusa, et commença vers
1545 le plus merveilleux de ses ouvrages, le
fort de Saint-André du Lido, qui défend l'entrée
du port de Venise. Circonscrivant l'espace que
235 SAMMICHFXI -
devait occuper le fort avec une double rangée de
pilotis remplis de terre, il fit creuser le sol et,
luttant sans cesse contre l'envahissement des
eaux, établit les fondations à l'aide d'énormes
assises de pierres superposées (t).Sammicheli
accomplit une autre révolution dans l'architec-
ture militaire; le premier il chercha à réunir
l'élégance à la force, heureuse alliance que nous
trouvons au plus haut degré dans les portes
qu'il éleva à Vérone. Depuis longtemps les tra-
vaux de Sammicheli avaient répandu au loin sa
renommée. Le duc de Milan, Francesco Sforza,
avait obtenu avec peine trois mois de son temps;
moins heureux, François 1er et Charles V ne
réussirent pas à le détacher un seul instant du
service de sa patrie.
Sammicheli s'adonna avec un égal succès à
l'architecture civile et religieuse. \ Castelfranco
nous trouvons le célèbre palais Soranzo, les pa-
lais Cornaro à Piombino et à Venise; dans cette
dernière ville, le mausolée du jurisconsulte
G'.-B. Ferretti à Saint-Etienne , les palais Braga-
dinoet Corner-Mocenigo, et le palais Grimani
(aujourd'hui occupé par la poste aux lettres),
chef-d'œuvre d'élégance, de richesse et de dis-
tribution. A Saint- Antoine de Padoue, il dessina
le magnifique mausolée de Contariui; enfin, il
embellit Vérone d'une foule d'édifices sacrés et
profanes, parmi lesquels il suffira de citer la
chapelle des Pellegrini à Saint-Bernardin, là
façade incomplète de Santa-Maria in Organo ,
l'église suburbaine de la Madonna di Campagna,
la chapelle de la villa des comtes de la ïorre,
les palais Maffei , Pompei, Canossa, Bevilacqua ,
Manuelli, Guaslaverza, Uberti, Pellegrini, etc.,
qui pour la plupart ont été publiés par Maffei
dans sa Verona illustrata, et le Ponte nuovo,
qu'il jeta sur l'Adigc, en 1539.
Dans tous ces travaux Sammicheli avait été
puissamment aidé par son cousin Matteo Sam-
ibiciuxj, et surtout par son neveu Gian-Giro-
lamu, artiste d'un grand talent. « Nui alors, dit
Quatremère, ne lui était comparable dans l'art
de lever les terrains, de dresser les plans et
de faire les modèles en relief. » Il mourut à
quarante-cinq ans, dans l'île de Chypre. Cette
perte fut tellement sensible à Micheli , qu'elle
contribua sans aucun doute à accélérer sa fin;
il survécut peu de jours à sou neveu, et fut
inhumé à Vérone, dans l'église de Saint-Tho-
mas de Cantorbéry , qui avait été commencée sur
ses dessins. Ce grand homme joignait à son ta-
lent d'artiste les plus hautes qualités morales; il
était pieux, bienfaisant, courtois et en toutes
choses d'une conduite exemplaire. Les artistes
lui rendaient pleine justice, et Michel-Ange lui-
(I) On raconle que des envieux ayant prétendu que le
fort ne pourrait résister à l'ébranlement causé par les
explosions de l'artillerie, Sammicheli leur répondit en
priant le sénat d'y faire transporter Immédiatement les
pins grosses pièces de l'arsenal en aussi grand nombre
que possible , de les faire charger outre mesure et de
raetlre le feu à toutes en même temps.
SAMMONICUS 23C
même professait pour lui la plus sincère admira- il
tion (1). E. Breton.
Vasari, Vile. — Milizia, l'île, degl' architetti — Ti
cozzi, Dilionario. — Pennassuti, Guida di Verona. - Il
Maffei, Verona illustrata. — Quadri, Otto giorni ii I
Venezia. - Cicognara, Stnr'xa délia scvltvra — Qua II
tremère de Quincy, Diction, d'architecture. — Gailha il
baud, Monuments anciens et modernes. — A. Selva I
Elogiodi M. Sammicheli; Rome, 1SH, in-S°.
sammonicus (Qaintus Serenus), mor I
en 212, à Borne. Ses vastes connaissances lui
avaient acquis une réputation considérable; il
vivait avec les plus hauts personnages sur 1 I
pied de l'intimité , el il doit avoir possédé d I
grandes richesses, puisqu'au rapport de Capito il
lin la bibliothèque qu'il avait formée ne réunis I
sait pas moins de soixante-deux mille volumes I
Il avait été l'un des familiers de Geta; aussi, I
peine élu empereur, Caracalla le fit-il massacrei I
dans un festin où il l'avait invité. On ne conna! I
pas autre chose de sa vie. Était-il orateur o il
poète, ou l'un et l'autre ensemble? On Pignon I
Sidoine Apollinaire vante ses connaissances dan M
les mathématiques, et le loue de s'être appliqul
à des recherches sur les mœurs et coutume II
tombées en désuétude; Macrobe, en nou I
transmettant deux fragments de ce personnage!
le qualifie de vir sxculo suo doctus. D'aprê!
Lampride, ses œuvres auraient été du nombil
de celles qu'Alexandre Sévère avait choisal
pour ses lectures particulières. Pour augmente!
la confusion, les écrivains de l'antiquité foi!
aussi mention d'un autre Sammonicus, portau!
les mêmes prénoms, et qui est regardé pour il
fils du premier; il fut le précepteur de Gordiei!
le jeune, et lui légua la magnifique bibliothèqi II
qu'il tenait par héritage de son père. On a soi!
le titre de Q. Sereni Sammonici De medicinm
prsecepta saluberrima, un poème de 11 15 vei!
hexamètres.divisé en 65 chapitres et que l'on s'ai||
corde généralement à attribuer à Sammonici I
l'ancien; il renferme une foule de précepte»!
empruntés à Pline et à Dioscoride , sur Thistoi I
naturelle et l'art de guérir, et confondus avi I
des fables et des superstitions puériles, telles qi!
la vertu des amulettes, le tout exprimé dansi!
langage trivialet prosaïque. Le texte en esttr&fl
corrompu, et la fin tout à fait tronquée. Lésée!
tions de ce poème se sont beaucoup multipliée! [I
nous citerons la première, impr. avec Avienus!
Germanicus et Aratus (Venise, 1488, in-4° N
puis celles de Caesariu's (Haguenau, 1528, in- 8° I
de Du Moulin (Lyon , 1542, in-8°), de Keuchfjl
(Amst., 1662, in-12), de Burmann dans s II
Poetœ latini minores (1731, t. II), et d'AckaH
mann (Leipzig, 1786, in-8°). Une traductùM
(1) Les dessins des édifices construits sous sa directi.
ont été recueillis dan.i plusieurs ouvrages, tels que
cinque orditii dell architettura civile di Sammiche
par A. Pompei | Virone, 1735, in-fol.). Le Fabriclie i
vili, ecclesiastiche e militari di Sammicheli \ ibi
182H-80, in-fol., et Venise, 1836. in-fnl.); et Cnpella del
famiglla Pellegrini (ibid., 1316, gr. in-fol), clief-dœu\
d'architecture qui se trouve à Vérone dans l'église
Saint Bernardin.
237 SAMMONICUS
française de Sammonicus figure dans la Bibl. lat.-
fr. de Panckoucke. Bœhmer s'est efforcé de prou-
ver, dans les quatre dissertations qu'il a publiées
de 1798 à 1800 à Wittemberg, qu'on devait en-
core le considérer comme l'auteur d'un autre
poëme De lingendis capillis.
CaplKilln, Cord., 18. — Spartien, Carae. 4, Geta, S. —
Rcuss, l.evtiones Sammonirœ; Wurzbourg, 1837, inri".
sampietro. Voy. ÛRN4NO.
samson (i), juge et libérateur d'Israël, né à
Saraa ou Tzora, 1105 av. J.-C, mort en 1117, à
Gaza. Il était (ils de Manué, de la tribu de Dan,
et d'une mère jusqu'alors stérile. Il fut élevé en
nazaréen, c'est-à-dire consacré à Dieu ; on laissa
croître sa cbevelure, et il ne but ni vin ni autre
liqueur lermentée. L'esprit de Dieu se manifesta
en lui, selon la Bible, par la force extraordinaire
dont il fut doué. A dix-huit ans, il descendit à
Thamatba pour prendre sa femme parmi les
Philistins ; il rencontra un lionceau qui s'élança
sur lui, et, quoique sans armes, il ledéchiracomme
un simple chevreau ; en repassant auprès de l'a-
nimal mort, il trouva dans sa gueule un essaim
d'abeilles et un rayon de miel, dont il fit manger
à ses parents. Pendant les fêtes du mariage, il
proposa une énigme aux Philistins; sa femme,
à force d'importunités, en obtint de lui l'expli-
cation et la livra à ses compatriotes. Samson,
furieux, descendit à Ascalon, y tua trente Phi-
listins, et se retira chez son père : sa femme fut
donnée à l'un des invités de la noce. Pour ven-
ger cette injure, il prit trois cents renards, les at-
tacha par la queue et les lâcha , chargés de
torches enflammées, à travers les blés des Phi-
listins : l'incendie qui en résulta se communi-
qua même aux vignes et aux oliviers. Les Phi-
listins brûlèrent la femme et le beau-père de Sam-
son, puis, au nombre de trois mille, vinrent de-
mander qu'il leur fût livré. Les gens de sa tribu,
l'ayant surpris, le garrottèrent avec de grosses
cordes; mais il rompit ses liens, et à l'aide d'une
mâchoire d'âne il tua plus de mille ennemis. Après
ce merveilleux exploit, une des dents de la mâ-
choire devint une source d'eau vive, qui le désal-
téra et rétablit ses forces. A dater de cette
époque, Samson fut revêtu de la judicature sur
Israël , et l'exerça pendant vingt ans. Les Phi-
listins apprirent un jour qu'il se trouvait à Gaza
chez une courtisane ; ils s'empressèrent de cerner
la ville et d'en fermer les portes. Au milieu de la
nuit, Samson arracha les portes, et les porta sur
le haut de la montagne qui regarde Hebron. Une
femme idolâtre, Dalila, profita de l'amour qu'il
avait pour elle pour lui arracher le secret de sa
force : elle lui fit couper les cheveux pendant son
sommeil, et le livra aux Philistins, qui, après lui
avoir crevé les yeux, le condamnèrent à tourner
la meule d'un moulin. Ses cheveux crûrent de
nouveau, et avec eux. revint sa force. Trois
mille Philistins réunis dans le temple du dieu
Dagon l'ayant fait venir pour se moquer de lui,
(1) En hébreu Soleil de loi.
— SAMSON
238
Samson saisit deux des plus fortes colonnes, et
fit crouler l'édifice sur lui-même et sur tous ses
ennemis.
Livre des Juges, cli. 13, 14, 18 et 16. — Calnict, ÏMc t.
de la Bible.
* samson {Joseph- Isidore), artiste drama-
tique français, né le 2 juillet 1"93, à Saint-Denis
(Seine). Ses parents tenaient un café dans celte
ville. On ne sut trop d'abord ce que deviendrait
le jeune Samson; une piété ardente, exaltée
sembla quelque temps le destinera l'Église ; mais,
mis en pension à Belleville, il changea tout à
coup, et les idées voltairiennes prirent la place
des sentiments religieux. Mais bientôt les mau-
vaises affaires de ses parents vinrent interrompre
ses études, qui promettaient d'être brillantes :
obligé de gagner son pain, il enlra chez un
avoué de Corbeil; il y étudia le théâtre plus que
la procédure. Aussi vint-il bientôt s'établir à Pa-
ris, sans autres ressources qu'une mince place
de copiste dans un bureau de loterie; le soir il
jouait au théâtre Doyen; de plus, il fréquentait
assidûment le Conservatoire, où il reçut les le-
çons de Lafond et de Michelot. Ses efforts furent
récompensés par le prix de comédie, qui lui fut
décerné en 1812. Alors il alla courir les pro-
vinces ; pendant ces pérégrinations, il se maria,
en 1814, avec une jeune actrice. En t S 1§ il était
à Rouen, quand il fut engagé au théâtrevde l'O-
déon. En 1827 les sociétaires de la Comédie
française l'appelèrent à eux; en 1830 des brouilles
de coulisses lui firent quitter le Théâtre-Français
pour le Palais-Royal , où il se trouva avec Ré-
gnier. 11 fallut un procès pour faire rentrer le
transfngedans la maison de Molière, qu'il n'a pas
quittée depuis. M. Samson a pris sa retraite le
1er avril 1863 : il avait soixante-dix ans. Le pu-
blic a regretté en lui une science profonde et une
habileté consommée; s-a voix était nasillarde,
mais il rachetait ce défaut par l'aplomb, la sû-
reté de l'esprit avec lequel il entrait dans les per-
sonnages qu'il représentait. Une extrême mobi-
lité de figure donnait à son jeu une grande expres-
sion; on lui a reproché d'avoir abusé de" cette
facilité jusqu'à la charge. M. Samson a corêservé
toute sa vie l'ardeur de sa jeunesse; le nombre
de ses créations passe deux cent cinquante-
sept. Ses meilleurs rôles sont certainement
dans le répertoire de Molière , de Regnard ,
de Beaumarchais et de Marivaux; parmi ses
créations modernes , nous pouvons citer Mon-
tigny, dans Louis XI à Peronne ; Joyeuse,
dans Henri III et sa cour; Olivier le Dain,
dans Louis XI ; Bertrand de Rantzau, dans
Bertrand et Raton; le pair de France, dans La
Camaraderie; Charles-Quint, dans Les Contes
de la reine de Navarre; maître André, dans Le
Chandelier; Destigny, dans Lady Tartuffe, le
marquis, dans Mlle de la Seiglière; etc.
M. Samson était depuis 1 829 professeur sup-
pléant an Conservatoire; il passa titulaire en
1836 : ce cours a acquis une sorte de célébrité
2S9
SAMSON — SAN-GALLO
540
depuis qu'il a compté Rachel et les deux Brohan
pour élèves. Au milieu de ces travaux M. Sam-
son trouva encore le temps de briguer la gloire
littéraire. Deux jolies comédies de lui se sont
maintenues jusqu'à présent au répertoire du
Théâtre-Français : La Belle-Mère et le Gendre
(1826), trois actes, en vers, et La Famille Pois-
son (1846), un acte, en vers. Ses autres pièces
sont : La Fête de Molière (1825), un Veu-
vage (1842), V Alcade de Zalameia, et, avec
J.de Wailly, Un Péché dejezinesse(\8i3), vau-
deville. On lui doit encore , un Éloge en vers
de Picard (1830, in-8°), un Plaidoyer en vers
pour la Comédie-Française (1830) ; une Épître
à Rachel (1839), un Discours en vers sur Mo-
lière (184 5) , un poëme didactique, L'Art théâ-
tral (Paris, 1862, in-8°), ouvrage assez bien ver-
sifié, mais froid et languissant.
En 1848, les membres de l'Association des
artistes dramatiques, dont il est un des plus ac-
tifs propagateurs, voulurent porter leur camarade
à la représentation nationale. M. Samson eut le
bon goût de refuser ce mandat. L. delà M.
E. de Mirecourt, Samson. — Galerie des artistes dra-
matiques.
samdel (1), juge et prophète d'Israël, né
vers l'an 1155 av. J.-C, à Ramatha, où il est
mort, en 1057. Fils d'Elcanaetd'Anne, de la tribu
de Lévi , il fut accordé aux instantes prières de
sa mère , longtemps stérile et qui le consacra
au service du temple. Après la mort d'Héli, Sa-
muel, âgé d'environ quarante ans, fut établi juge
d'Israël (1116); mais il n'y a point d'apparence
qu'il ait été prêtre, et moins encore grand-
prêtre, comme certains commentateurs l'ont
pensé. Samuel jugea Israël tout le reste de sa
vie, dit l'Écriture, et cela doit s'entendre de la
grande autorité qu'il conserva sous le règne de
Saiil. Étant devenu vieux , ses fils, Joël
et Albia , qu'il avait établis juges à Bersa-
bée, n'imitant point sa vertu, les anciens le.
pressèrent de leur donner un roi- Cette pro-
position déplut d'abord à Samuel, qui, après
avoir consulté le Seigneur, conféra l'onction
royale à Saùl. Ce dernier ayant offert lui-même
la victime en holocauste et ayant épargné de
plus Agaz, roi des Amalécites, le prophète lui
adressa de violents reproches et menaça de lui
ôter la couronne. Quelques années après il sa-
crait David roi d'Israël. On attribue à Samuel :
le Livre des Juges et le premier Livre des
Rois , jusqu'au chap. 24. C'est l'opinion la plus
générale et la plus accréditée. Cependant quel-
ques remarques, qui ne peuvent être du temps
de Samuel, font conjecturer qu'Esdras, ayant eu
en main les originaux de Samuel et des écrivains
contemporains de David, a rédigé et retouché le
premier livre des Rois ainsi que les trois autres,
ce qui concilie les contradictions qu'on peut
trouver dans son texte. On a aussi attribué à
Samuel un Livre du droit du royaume et
(t) En hébreu Que Dieu a exauce.
quelques autres pièces apocryphes, au sujet des-
quelles on peut consulter Fabncius.
Livre des Rnis. — Ecclésiastique, chap 46. — n. Cal-
met, Dict. de la Bible, et Diss. à la tète de son Conm.
sur les Livres des Rois — Kabricius, Coder pseudepigr.
Veter. Tcstam., t. 1. — Volney, Hvt. de Samuel, inven-
teur du sacre des Rois; Parts, 1820, in-8u. — Ortlob,
Diss. de Samuele judice et propheta; Leip'/.ig, l7H,in-i°.
— Winckler, findintio scholœ Samuelis propheticee;
Hildesheim, 1751, in-4°.
SiMUEL yeretz, historien arménien, né à
Ani (grande Arménie), vivait au douzième
siècle. Disciple du docteur Georges Mclrig,
était prêtre, et Grégoire IV, élu en 1173 pa-
triarche d'Arménie, l'invita à rédiger une Chro-
nique ou Histoire universelle. Samuel , après
avoir pris part aux délibérations du conciie con-
voqué en 1179, au sujet delà réunion de l'É-
glise arménienne à l'Église grecque, embrassa le
parti qui désapprouva les actes de ce concile,
et, se séparant de Grégoire, reconnut pour pa-
triarche Basile, archevêque d'Ani. Il n'en écrivit
pas moins son ouvrage, qui se divise en deux
parties, commence à la création du monde et se
termine à l'an 1179. Ce n'est, à proprement
parler, qu'un abrégé de la chronique d'Eusèbe,
augmentée de documents puisés dans Y Histoire
d'Arménie de Moïse de Khoren et dans des
écrits postérieurs aujourd'hui perdus. Le doc-
leur Zohrab et Angelo Mai ont publié la traduc-
tion latine de cette chronique, à la suite de la
version arménienne d'Eusèbe; elle a pour litre
Samuelis, presb. Aniensis, temporum usqv.e
ad saam œtatem ratio; Milan, 1818, in-4°.
Assemani, Biblioth. orient. — Tchamtchian, Hist.
d'Arménie.
san-fklice (Antonio), surnommé frà Pli-
nio, poète latin, né en 1515, près d'Aversa,
mort en 1570, à Naples. 11 prononça ses vœux
dans l'ordre de Saint-François. Sa vie, consacréei
à l'étude et aux devoirs religieux, passa telle-
ment inaperçue, qu'on n'y peut signaler aucun:
événement remarquable. Il avait une grande con-
naissance de l'antiquité, comme le témoignent
ses ouvrages, et il les a écrits dans un style si pur
que Montfaucon ne craint pas de les égaler à ce
que le seizième siècle a produit de plus parfait
en ce genre. Ils ont pour titres : Clio divina;
Naples, 1541, in-4°, et 1567, in- 8°; — Campa-
nia; 'MA., 1562, 1596, 1636, in 4° : ce poëme
latin est dédié à la ville de Capoue, qui fit pré-
sent à l'auteur d'une somme de cinquante du-
cats; la meilleure édition est celle de Naples,
1796, in-8°, qui contient avec; des notes une
version italienne de Girolamo Aquiao.
Tafuri, Sorittori Ael régna di Napoli. 111. — Sorin,
Memor. deali scritlori napolitani, Il 5*3. — Waddingp,
Script, ord. Minorum. — Notice, dans l'édil. de 1791
san-gallo (Giuliano Giameerti, ditc/a),
architecte, né en 1443, à Florence, où il est
mort, en 1517. Élève de son père, Francisco
Giamherti, architecte de talent, il étudia d'abord
la sculpture en bois , puis fut employé par
Laurent de Médicis comme ingénieur militaire.
11 débuta dans l'architcclure par le cloître flo-
241
SAN-GALLO
242
rentin des Carmélites de Santa-Maria de' Pazzi,
dont il n'exécuta que la partie soutenue par des
colonnes ioniques, et qui est justement la plus
estimée ; il avait pris pour modèle un chapiteau
antique trouvé à Fiesole. A la demande de
Laurent le Magnifique, il construisit la villa de
Poggio impériale et celle de Poggio-Cajano,
dans laquelle se trouve une voûte en berceau
d'une portée prodigieuse; enfin l'église de la Ma-
donna délie Carceri de Prato (1), un des beaux
monuments religieux de l'époque. Appelé à Na-
ples, il présenta au roi Ferdinand Ier le modèle
d'un palais qui devait être élevé près du Château-
Neuf; mais il refusa de rien accepter de ce prince,
si ce n'est quelques sculptures antiques, dont à
son retour il fit hommage à son protecteur. Ce
fut alors que Laurent le chargea d'élever hors de
la porte San-Gallo un vaste couvent d'Augustins,
qui ne fut jamais achevé et qui fut entièrement
détruit pendant le siège de Florence en 1530 ;
c'est de là que lui et son frère prirent le sur-
nom sous lequel ils sont connus. A Loreto, il
éleva la belle coupole de l'église de Notre-Dame.
A Rome, sous Alexandre VI, il restaura le pla-
fond de Sainte-Marie Majeure que l'on dit avoir
été doré avec le premier or apporté d'Amérique.
Il construisit pour le cardinal délia Rovere (Ju-
les II ) le palais de San-Pietro in Vincoli, et lui
fournit les dessins d'un autre palais à Savone,
dont son frère Antonio surveilla l'exécution. Il
avait élevé aussi pour le duc Valentin le châ-
teau de Montefiascone , aujourd'hui détruit.
Jules H étant monté sur le trône, Giuliano
éprouva un vif désappointement en voyant le
nouveau pontife, pour lequel il avait déjà tant
! travaillé, confier la fabrique de Saint-Pierre au
(Bramante ; il se retira avec son frère à Flo-
irence. Le pape le rappela; mais, dégoûté de
[n'être plus employé dans aucun travail impor-
tant, il retourna de nouveau dans sa patrie.
jPietro Soderini l'employa au siège de Pise, où
il lui fit exécuter un pont d'une construction
'fort ingénieuse, qui s'élevait de manière à être
toujours au dessus du cours du fleuve ; la ville
iprise, il y éleva rapidement une forteresse. II
(retourna une dernière fois à Rome, où l'appelait
Léon X, qui voulait lui confier la direction des
[travaux de Saint-Pierre; mais il était trop
[tard. Giuliano, attaqué de la maladiedela pierre,
dut revenir à Florence, où bientôt il rendit le
.dernier soupir. E. B— n.
| Vasari, F ite. — Pislolesl , Descrizione cli Borna. —
i Orlandi, Abbecedario. — Cicognara, Storia délia scul-
tura. — Ticozzi, Dizionario. — Campori, Gti artisti
Iftevli Stati Estensi. — Quatremère de Quincy, Dict. d'ar-
^chltectiire.
san-gallo (Antonio Giamberti, dit da)
\ l'ancien, architecte, frère du précédent, né à
■Florence, vers 1450, mort en 1534. 11 s'adonna
I (i) Quand on examine le premier dessin fait par le Bra-
■ mante pour Saint-Pierre de'Rome, on ne peut s'empê-
,chor de croire que la première pensJe ne lui en ait été
[fournie par l'église de Prato, commencée en H32.
I
d'abord à la sculpture en bois avec un succès
qu'attestent plusieurs grands crucifix. Puis il aida
son frère dans la plupart de ses entreprises.
Quant aux ouvrages qui lui sont propres, nous
citerons la transformation en forteresse du mau-
solée d'Adrien, la citadelle de Civita-Castellana,
les fortifications d'Arezzo , l'église de Monlepul-
ciano, édifice remarquable par la perlectioa de
son exécution, et deux palais destinés au car-
dinal Antonio del Monte. Après la mort de son
frère, il se livra tout entier à l'agriculture.
Vasari, rite — Orlandi, Abbecedario.
SAN-GALLO (Antonio Picconi, dit da), le
jeune, architecte, neveu des précédents, né à
Mugello, en Toscane, mort très-âgé, à Terni, en
1546. Fils d'un tonnelier, il obtint (non sans
peine ) d'aller étudier à Rome sous ses oncles,
dont il adopta le surnom. Leur départ à l'avé-
nement de Jules II l'ayant laissé sans appui
(1504), il se fit connaître du Bramanle, qui, de-
venu paralytique, fut enchanté de trouver un
jeune artiste capable de le suppléer dans ses im-
portants travaux. La première entreprise qui
attira l'attention sur lui fut la restauration
complète du palais Farnèse, devenu , grâce à
lui et à Michel-Ange, qui y ajouta l'entable-
ment, une des merveilles de Rome. Il fut en-
suite appelé à terminer au forum de Trajan I'é»-
glise de la Madonna di Loreto, commencée en
1507; la coupole lui est due tout entière; ce
fut la première construite à Rome avec une
double calotte, comme le furent plus tard celles
de Saint-Pierre et de S. -Carlo al Corso. Après
lamortdu Bramante et de Giuliano da San-Gallo,
il se trouva naturellement désigné au choix de
Léon X pour la direction de la fabrique de
Saint-Pierre; seulement on lui adjoignit Bal-
dassare Peruzzi. Les troubles politiques ne per-
mirent aux travaux de marcher qu'avec une ex-
trême lenteur; l'abside était à peine achevée
quand, en 1536, mourut Peruzzi. Chargé de pré-
senter à Paul III un modèle en relief du monu-
ment, il le fit exécuter en bois par Antonio La-
bacco, son élève. Nous devons avouer qu'il
méritait les critiques sévères de Michel-Ange et
qu'il laissait beaucoup à désirer sous le rap-
port de l'invention et du goût. La mort ne per-
mit pas à San-Gallo de le mettre à exécution, et
on sait qu'il eut pour successeur Michel-Ange,
qui le modifia profondément. On est effrayé de
l'activité que San-Gallo eut à déployer pour
suffire à tant de travaux, qu'il dirigeait à la fois
dans les diverses parties de l'Italie, et comme
architecte et comme ingénieur militaire. Parmi
ces nombreuses entreprises, signalons les prin-
cipales, telles que la citadelle d'Ancône, celle de
Nepi, la fortezza da basso de Florence, les
fortifications de Cività-Vecchia, de Pérouse,
d'Ascoli, le puits monumental de Saint-Patrice à
Orvieto, construit en 1527, profond de 61m30,
large de 13m40, autour duquel règne une double
rampe douce en spirale qui permet aux mulets
243 SAN- G ALLO —
chargés de tonneaux de descendre sans rencon-
trer ceux qui remontent; la façade de l'église
dell' Anima, une aile de l'hôpital Saint-Esprit et
son église entière, la chapelle Pauline et la salle
royale du Vatican; le pillais Sacchetti, qu'il
avait commencé pour lui-même, et qui fut ter-
miné par Baccio d'Agnolo. Enfin, en 1536 il
avait dirigé les fêtes et composé les décorations
et les arcs de triomphe pour l'entrée de Char-
les V à Rome.
Déjà infirme et très-avancé en âge, San-Gallo
ne refusa cependant pas d'aller lui-même exa-
miner les travaux que demandaient l'écoulement
du Velino et les fameuses chutes de Terni, pour
mettre un terme aux continuelles discussions
des habitants de cette ville et de celle de Rieti;
dans ce voyage, il gagna une fièvre qui l'enleva
en quelques jours. Son corps fut rapporté à
Rome, et de pompeuses funérailles lui fuient
faites, dans l'ancienne basilique de Saint-Pierre,
où il fut déposé près de Sixte IV. E. B— n.
\asari, Vite. — Ticozzi, Dizlonario. — Pistolesi, Va-
iicano illustrait). — Campori, Cli artisti neqli Stati
Estensi. — Pistolesi, Descrizione di Roma. — Quatrcmère
de Quincy, Vie des architectes.
san-gimignano ( Vincenzo da) , peintre,
né en Toscane, vivait dans la première moitié
du seizième siècle. Il fut un des élèves de Ra-
phaël qui travaillèrent aux loges sur ses des-
sins; on lui attribue Moïse sur le mont Horeb.
Raphaël faisait de lui grand cas pour la dou-
ceur de son coloris et les belles peintures à la
cire dont il avait orné la façade de plusieurs pa-
lais. Lors du sac de Rome en 1527, Vincenzo
maltraité s'enfuit ayant perdu presque toutes ses
études et ses dessins, et retourna à San-Gimi-
gnano, où le chagrin lui causa une maladie de
langueur qui ne tarda pas à l'emporter. Les ta-
bleaux de ce peintre sont fort rares ; on voit ce-
pendant de lui une Madone avec Ventant
Jésus et saint Jean au Musée de Dresde.
Vasari, Vite . — Orlandl, Abbecedario.
san giorgio ( Benvenulo, comte de ), his-
torien italien, né dans le Montferrat, mort à
Casai, le 8 septembre 1527. Il appartenait à
l'illustre famille des comtes de Biandrate, et
était fils deGiovanni, seigneur de San-Giorgio, qui
avait été ambassadeur à la cour impériale. Après
s'être fait recevoir docteur en droit canon, il
entra dans l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem,
et se signala par son courage lors du siège de
Rhodes par les Turcs. De retour dans son pays,
il gagna la confiance des marquis de Montferrat.
Boniface IV le chargea d'aller complimenter le
pape Alexandre VI et l'empereur Maximilien, et
Guillaume Vil le nomma président du sénat de
Casai. 11 fut en 1523 créé comte par Charles-
Quint. Il profita de sa position, qui lui donnait
un libre accès dans les archives du Montferrat
pour en extraire les pièces les plus intéressantes,
à l'aide desquelles il écrivit en italien une his-
toire, intitulée Ragionarnen/o familiare de
la origine, tempi et posthumi de li mar-
SAN-GIOVATWl
244
chesi di Monlferralo. Ce travail se dislingue
des productions historiques de l'époque par l'é-
tude consciencieuse des sources et par l'esprit de
critique ; en revanche, le style manque de viva-
cité et d'élégance. L'ouvrage de San-Giorgio ,
reproduit aussitôt par plusieurs copies, ne fut
imprimé qu'en 1639, à Casai, d'une façon très-
fautive; reproduit dans le t. XXIII des Scrip-
lores de Muraiori, il a été publié avec beau-
coup de soin sous le titre de Cronaca del
Monteferralo par les soins de J. Vernazza ( Tu-
rin , 1780, in-4°). L'auteur avait fait lui-même
de son ouvrage un court extrait en latin (Asti,
1519; Trino, 1521 ). Ses harangues prononcées
devant Alexandre VI et Maximilien ont été im-
primées en 1493, la première à Rome, l'autre à
Ferrare; on lui doit aussi un Libellus de ori-
gine Guelphorum et Gibellinorum (Bàle,
1519), où il attaque l'opinion des principaux his-
toriens de son temps sur ce sujet. Enfin il a
laissé en manuscrit : De origine gcnlilium
morum et rerum successibus comitum Blan-
dratse : très-bon travail sur l'origine de sa fa-
mille, et dont une analyse étendue a été donnée
par Tonso, dans sa Rimostranza in falto e in
ragione (Turin, 1749).
Vernazza, Vita di San-Giorgio, en tête de l'édit. de la
Cronaca del Monteferralo.
san-giorgio (Gianantonio de)*, cano-
niste italien, parent du précédent, né en 1439,
à Milan, mort le 14 mars 1509, à Rome. Il des-
cendait d'une noble et ancienne famille, origi- |
naire de Plaisance, et que l'empereur Sigismond
avait décorée en 1423 du titre de comte palatin.
Après avoir achevé ses études à Pavie, il ouvrit!
dans cette ville une école publique de droit)
canon qui fut très-fréquentée, et six ans plus [
tard il revint à Milan, où il devint membre du
collège des jurisconsultes ( 1473), puis prévôf
de la basilique de Saint- Ambroise. Sixte IV le)
nomma évêque d'Alexandrie (1479), et audi-;
teur de rote; Alexandre VI le fit cardinal
(1493), et le transféra successivement à Panne j
(1499), à Frascati, à Albano, à Palestrina et cl
Sabina. Ce prélat, dont Ughelli vante la pru-J
dence et l'érudition, fut au>si employé par \&A
papes et le duc de Milan dans la conduite d<
diverses négociations. On le désigne queli]uefoi
sous le nom de cardinal d'Alexandrie. II a pu j
blié : Oralio in exsequiis card. Tornacensi.
Federici de Cluniaco; Pavie, 1483, in-fol.il
— Commentaria super quarto Decrelalium
Lyon, 1490, in-fol. ; Trente, 1515, in-fol.; -
Commentaria Decretorum ; Milan, 1493, gr
in-fol. ; Lyon, 1511, gr. in-fol. ; — De appella
tionibus; Venise, 1497, 1579, in-fol. ; — Lecu
turse super Décrétâtes; Pavie, 1497, in-fol.
— Deusibus feudorum; Venise, 1498, in-fol
On a recueilli srs œuvres canoniques en 1579 «3
Venise, 3 vol. in-fol.
Argelati, Bibl. mediolan., 11. — Ughelli, Italia saerii (
san-giovasni (G. da). Voy. Mankgzzi.
24Ô
SAN-MARÏINO — S AN-MIGUEL
24G
san-mabtino( Matleo, comte de), littéra-
teur italien, né en 1494, à Vische (Piémont).
A l'étude de sa propre langue il joignit la culture
de la poésie, et s'il fallait s'en rapporter aux
ingénieux calculs d'Apostolo Zeno, il serait l'in-
venteur n'es idylles maritimes ( pescatorie ) ;
mais ce genre appartient à Rota, et San-Mar-
tino n'a été que le premier à le répandre. On
a de lui : Pescatorie ed egloghe ; s. 1. n. d.
(Venise, vers 1540), in-8° : mélange de vers
et de prose ; — Osservazioni grammaticali e
poeticfie délia lingua ituliana ; Rome, 1555,
in-8° : la meilleure partie de ce livre est celle
qui concerne Pétrarque. 11 avait entrepris sur
les amours et les guerres de César un poëme,
La Giuliade, qui n'a pas vu le jour.
QlMdiïo, Sloria di ogni poesia. — Tiraboschi, VU!,
8" part.
san-micheli. Voy. Sammicheli.
san-miguel. ( Evaristo, duc nE ), maréchal
espagnol, né à Gijon (Asturies), le 26 octobre
1785, d'une famille aisée, mort à Madrid, le
29 mai 1862. Sa vocalion l'entraînant dans la
carrière, des armes, il entra comme cadet au
premier bataillon des volontaires d'Aragon (1805),
et fut nommé sous-lieutenant, le 10 juillet 1807.
Après les événements de 1808, l'assemblée pro-
vinciale des Asturies, présidée par le marquis
de Santa-Cruz, déclara solennellement la guerre
à Napoléon. A cette nouvelle San-Miguel s'é-
vada île Madrid pour courir s'enrôler dans les
rangs de l'armée de l'indépendance. 11 assista
en qualité de volontaire au combat de Cabezon,
le 12 juillet 1808, où il fut nommé capitaine,
prit part quelques jours après à la bataille de
Rio-Seco, qui ouvrit à Joseph les portes de
Madrid, en dernier lieu au combat de Saint-
Vincpnt de la Barquesa, où il fut fait prisonnier
et conduit en France; il demeura dans ce pays
jusqu'à la paix générale. Attarbé en 1819 au
corps d'armée rassemblé à Cadix pour recon-
quérir le Mexique, il se joignit aux mécontents,
fut détenu une première fois au fort Saint-Sé-
bastien, et entra dans la conspiration de Riego,
qui le fit adjudant d'état-major de l'armée cons-
titutionnelle, et secrétaire de la junte d'officiers,
investie d'une espèce de pouvoir exécutif. Il
accompagna Riego dans sa marche sur Algési-
ras; et lorsque celui-ci se vit contraint d'éva-
cuer cette ville pour se diriger sur Malaga, San-
Miguel composa le citant devenu fameux comme
symbole des constitutionnels, sous le titre
& Hymne de Riego. Confirmé dans son grade de
colonel d'état-major, il suivit la politique peu
sensée de Riego, niais échappa à sa catastrophe.
Il remplit pendant toute l'année 1821 le singu-
lier emploi de chef de section de la commission
d'ofliciers qui étaient aux ordres de la junte
auxiliaire du ministère de la guerre. Il travaillait
en même temps d'une manière très-active à la
rédaction du journal El Speclador. Nommé
colonel du Bataillon sacré, troupe composée
d'anciens militaires qui appuyait le ministère
contre le roi et ses partisans, il combattit à
leur tête dans la sanglante journée du o juillet
1822, où les régiments de la garde essayèrent
de rétablir le gouvernement absolu. Cette ten-
tative ayant éeboué, Ferdinand, humilié, fut
réduit à prendre son ministère dans les rangs
d'hommes qu'il détestait. San-Miguel en fit par-
tie comme ministre des affaires étrangères, et
rédigea les réponses aux représentations des
cours étrangères réunies au congrès de Vérone;
cespièce^d'un patriotisme plus ardent qu'éclairé,
amenèrent le départ immédiat des ministres
d'Autriche, de Prusse et de Russie, qui ne tarda
pas à être suivi de la déclaration de guerre de la
France. A l'ouverture des Cortès de 1823, Fer-
dinand releva de leurs fonctions les palriotes
qu'il appelait le ministère des Sept poignards.
San-Miguel rejoignit alors l'armée d'opération en
Catalogne, sous les ordres de Mina. Dans une
sortie qu'il fit à Barcelone, il rencontra les Fran-
çais qui revenaient du siège de Painpelune, les
atlaqua, et demeura sur le champ de bataille,
atteint de dix blessures. Conduit une seconde
fois en France, il y demeura jusqu'au licencie-
ment des dépôts de prisonniers, et se retira alors
en Angleterre, où il prit part, de 1825 à 1829,
aux travaux de quelques-uns de ses compa-
triotes, travaux réunis sous le titre de Ocios
de Espanoles emigrados.
Après la révolution de 1830, San-Miguel
essaya avec trois cent cinquante hommes de
pénétrer en Catalogne, ppndant que d'autres
groupes d'émigrés essayaient de s'établir en
Navarre. Rejeté en France, il y attendit le dé-
cret d'amnistie du 15 octobre 1833, et rentra
dans sa patrie en 1834. Il travailla à la rédaction
du Messager des Cortès, et consacra sa plume
à l'histoire des événements arrivés en Espagne
de 1808 à 1823. En 1835, il fut remis en posses-
sion de son grade de colonel, puis nommé bri-
gadier, et lors de l'insurrection de Saragosse
il fut investi de la présidence de la junte supé-
rieure de la province d'Aragon. Mais il se rallia
bientôt à la cause de la reine, et devint maré-
chal de camp (11 juin 1836 ), commandant en
chef de l'armée du centre, sans cesser d'être
capitaine général d'Aragon. Envoyé aux cortès
par la province d'Oviedo, San-Miguel ne quitta
pas les rangs des progressistes, et suivit les
destinées de ce parti pendant toutes les agi-
tations de la guerre civile. Après la convention
de Vergara (31 août 1839) on le voit entrer
successivement dans le ministère d'Espartero,
en qualité de ministre de la marine, dans celui
d'Arara, comme ministre de la guerre. En 1 843,
il reçoit le grade de lieutenant général comman-
dant la Nouvelle-Castille. En 1844, il composa
Yffistoria dç don Fe lippe II (Madrid, 1844 45,
4 vol.), qui lui ouvrit en 1852 les portes de
l'Académie d'histoire.
A l'explosion du mouvement de Vicalvaro
247 S AN-MIGUEL •
(juillet 1854), il se mit à la tête de la junte de
défense qui avait pour but de soutenir et de
surveiller à la fois O' Donnell. Quoique militaire,
il était en principe opposé au gouvernement de
l'armée. Pendant quelques jours il eut, sous le
titre de ministre de la guerre, le pouvoir tout
entier entre les mains. Bientôt il reçut d'Espar-
terola dignité de maréchal. Toutefois il fit preuve
de modération au sein des cortès , dont il pré-
sida les séances, et vota pour le maintien des
institutions monarchiques. La reine Isabelle lui
sut gré de sa conduite, en le plaçant à la tête
de sa garde particulière et en le nommant duc
et grand d'Espagne de première classe. 11 passa
alors, au sénat. Depuis le coup d'État d'O'Don-
nell (1856), il s'était retiré de la vie publique.
Le maréchal Évariste San-Miguel était un de
ces hommes de l'école de La Fayette, auquel/on
l'a souvent comparé, admirablement propre à
l'attaque d'un gouvernement établi, moins ca-
pable de fonder que de détruire, esprit mé-
diocre, mais cœur ardent, fanatique de la li-
berté, comprenant vaguement les excellentes
choses qui s'y rattachent, capable de mettre en
jeu sa vie, pour le succès de ses opinions.
Eug. Baret.
Vocum. partie.
SAN-SEVERINO. Voy. SANGRO.
sanadon (Noel-Etienne), célèbre jésuite,
né à Rouen, le 16 février 1676, mort à Paris, le
21 septembre 1733. Admis chez les Jésuites dès
l'âge de quinze ans, il termina ses études à
Caen, y professa la rhétorique, et se lia d'une
étroite amitié avec Huet. Son début dans la car-
rière des lettres fut un poème latin (Nicanor
moriens; Caen, 1698, in-8°), dont le sujet était
emprunté à l'histoire de Judas Machabée. Cet
écrit fut accueilliavechonneur ainsi qu'un recueil
d'odes (Odse;MA., 1702, in-8°)> Dès lors il com-
posa, pour l'instruction des élèves ou l'agrément
de ceux qui cultivaient la poésie latine, une
foule de pièces de vers dans la langue d'Horace
et de Virgile. Il eut le mérite de la reproduire
assez fidèlement pour que l'on y retrouvât un
brillant reflet de la pureté d'expression, de
l'harmonie, de la délicatesse de pensées qui ca-
ractérisent ces grands maîtres. On peut citer
comme des modèles du genre ses épitaphes la-
tines de Fénelon et de Catinat. Après avoir pro-
noncé ses quatre vœux (2 février 1711), Sa-
nâdon fut nommé en 1712 professeur de rhé-
torique au collège de Louis-le-Grand; mais la
faiblesse de sa santé le contraignit, en 1718, à
renoncer au professorat. Il fut alors nommé
préfet des classes à Tours, où il mit la dernière
main a sa Traduction d'Horace, le meilleur de
ses ouvrages, et qu'il dédia au prince de Conti,
dont il était devenu le précepteur. Cet ouvrage con-
tenait, outre une dédicace consacrée à l'éloge du
poète latin, une Préface dans laquelle il es-
sayait de prouver que l'on ne peut bien traduire
un poète qu'en prose; une Vie d'Horace dres-
• SANCASSANI 248
sée d'après ses œuvres et rédigée année par année,
plan suivi de nos jours par le savant Walcke-
naër, qui a fait oublier le travail estimable du
P. Sanadon. La traduction était accompagnée
de notes nombreuses et de commentaires
étendus. Dans son désir de travailler à cette
réforme orthographique qui a donné lieu à tant
de tentatives inutiles, Sanadon avait dans sa
traduction supprimé toutes les lettres qui ne se
prononcent pas, écrit les dérivés du grec sans
accent, et avec les mêmes caractères que le
latin et le français. La nécessité de rappeler les
étymologies d'une langue tirée presque entière-
ment du latin a fait rejeter par le bon sens pu-
blic tous les essais de ce genre, d'abord comme
irréalisables et ensuite comme pouvant être
beaucoup plus nuisibles qu'utiles. En 1728 il fut
nommé bibliothécaire du collège Louis-lc-Grand.
On a encore de cet écrivain : Cunse regales,
sive Carmina in partum Mariœ Ludovicœ
Hispaniarumreginœ ; Paris, 1707, in-8°, fig. ;
— Laudalio funebris Ludovici delphini ;
Paris, 1712, in-12; — De mata ingeniorum
contagione oratio; Paris, 1714, in-12; — Ad
religionem, ode; Paris, 1715, in-12; — Thè-
ses rhetoriese ; Paris, 1716, in-4°; — Thèses
horatianx; Paris, 1717, in-4°; — Poésies
d'Horace; Paris, 1728, 2 vol. in-4°; réimpr.
sous le titre ù'Œuores (restituas omissis),
1747, in-8°, édi-t. attribuée au roi Frédéric II;
Amst., 1756, 8 vol. in-12 ; — trad. du Pervigi-
Hum Veneris ; Paris, 1728, in-12. Il a laissé
un assez grand nombre d'ouvrages manuscrits.
Son oncle, Sanadok (Nicolas), jésuite comme
lui, et né à Rouen, a publié quelques livres de
piété; il est mort en 1720. C. H.
Le Mercure, déc. 1733. — Moréri, Grand Dict. hilt. —
Frère; Manuel dubiblivyr. normand.
sancassani ( Dionigio- Andréa) , médecin
italien, né le 7 avril 1659, à Scandiana (Mode-
nais),mort le 11 mai 1738, à Corr.aechio (États
de l'Église). Fils d'un médecin, il embrassa la
même carrière, fut reçu docteur en 1677, à Bo-
logne, suivit ensuite la clinique du célèbre hô-
pital de Sainte-Marie-Nouvelle à Florence, et
s'établit à Reggio , où malgré sa jeunesse il
commença de pratiquer son art. N'ayant pas vu
l'espoir d'y réussir, il parcourut divers endroits
de l'Italie, et après avoir résidé de 1718 à 1723
à la cour du duc de Guastalla, il reprit sa vie
errante, et mourut d'apoplexie à Comacchio. 11
s'est distingué non-seulement dans la médecine,
mais aussi dans la poésie latine et italienne, et
c'est à la variété de ses talents qu'il dut l'entrée
dans plusieurs académies de son pays. On a de
lui : Phtoes tkerapeia; Guastalla, 1683, in-4°;
— Polyandrion, nempe dissertationum epis-
tolarium enneas; Ferrare, 1701, in-4° : pros-
pectus d'un ouvrage qui n'a pas été publié; —
Aforismi generali délia cura délie ferite col
modo di Magati; Venise , 1713, in-8°; — L'A-
nalomia délie acque ; Padoue, 17 15, in-8°; —
249
SANCÀSSÀTW — SANCHEZ
Dilucidazioni fisico-mediche ; Rome, 1731-
38, 4 vol. iu-fol. : recueil d'une prolixité rebu-
tante, mais rempli de faits intéressants. Il a
traduit du français Le Chirurgien d'hôpital de
Belloste (Ferrare, 1708,in-8°), et dulalin en vers
italiens le poème Philosophia nova antiqua
du P. Th. Ceva ( Venise, 1732).
Tiraboschi, Biblioth. modenese. — Bioqr. méd.
sancerre ( Louis de), connétable de France,
né vers 1342, mort le 6 février 1402. Deuxième
fils de Louis II, comte de Sancerre, qui mourut
à Crécy, «et orphelin dès l'âge de quatre ans,
il fut élevé avec les petits-fils de Philippe de
Valois. Il possédait les seigneuries de Charenton,
de Bornez, de Condé, de Lusi, et portait le titre
de chevalier. Sa brillante conduite dans Iaguerre
contre les Anglais, sous Charles V, lui valut la
protection de du Guesclin, l'amitié de Clisson,
et, en 1369, le rang de maréchal de France.
Après le sacre de Charles VI , auquel il assista
en qualitéde maréchal, il fut chargé, en 1381, du
commandement de la Guienne; il quitta cette
province en 1382, pour diriger, conjointement
avec le connétable de Clisscn, l'avant-garde de
l'armée à la bataille de Rosebecque ; l'année sui-
vante, il défendit vaillamment la Guienne contre
les Anglais. Nommé connétable de France, le
26 juillet 1397, à la mort du comte d'Eu, il mar-
cha, en 1398, au comté de Foix contre le captai
de Buch, auquel il imposa la paix. Il mourut
trois ans après, et fut enterré à Saint-Denis, au
côté gauche de la chapelle du roi Charles V. Il
n'avait pas contracté d'alliance, et laissait deux
enfants naturels, Louis de Sancerre, qui mourut
obscur, et Jeannette de Sancerre, qui fut ma-
riée à l'écuyér Jean de la Teillage. Le connétable
de Sancerre était borgne, comme son compagnon
d'armes Olivier de Clisson.
Anselme, Grands o/flc. de la couronne. — De Cour-
celles, Dict. kist. des généraux français.
SANCHE. Voy. Sancho.
san'ciiez de arevalo (Rodriguez) , en
latin Sancius , savant prélat espagnol , né en
1404, à Santa-Maria de Nieva ( diocèse de Sé-
govie), mort le 10 octobre 1470, à Rome.
Orphelin de bonne heure ^ il fut élevé sous
la tutelle de sa mère, femme dévote, qui s'at-
tacha à lui inspirer le goût de la vie religieuse.
Cependant ses parents du côté paternel s'oppo-
sèrent à ce qu'il entrât dans un cloître , et lui
firent achever ses études à l'université de Sa-
lamanque, où il reçut le diplôme de docteur en
droit. On l'avait retenu pour professer cette
science, lorsqu'il renonça de lui-même à l'ensei-
gnement et embrassa l'état ecclésiastique. Après
avoir rempli pendant vingt ans les fonctions
d'archidiacre à Trevino (dioc. deBurgos), il
«xerça celles de doyen à Léon (1448), puis à Sé-
ville (1455). Ses talentset sa naissancelui avaient
depuis longtemps valu un rang honorable à la
cour des rois de Castille, qui le chargèrent à
différentes reprises de négociations politiques :
250
ainsi Jean II le dépécha en ambassade vers
l'empereur Frédéric 111, et Henri IV le choisit
pour son chargé d'affaires auprès du saint siège.
Ce fut vers I55G que Sanchez se rendit à Rome,
où devait s'écouler au milieu de l'étude le reste
de sa vie. CallistelII, charmé de son éloquence,
n'eut point de peine à le retenir dans la ville éter-
nelle, et Paul II le lit, dès son avènement (1464),
gouverneur du château Saint-Ange et gardien
des trésors de l'Église ; dans la suite il le pourvut
successivement des évêchés espagnols de Za-
mora, de Calahorra et de Palencia. Il avait reçu
de Nicolas V sa première dignité épiscopale , le
siège d'Oviedo,au retour d'une ambassade au-
près de Philippe le Bon, duc de Bourgogne.
Sanchez , au sujet duquel les biographes sont
tombés dans de fréquentes méprises, dues à la
multiplicité de ses noms et de ses titres , était
un prélat pieux, affable, rempli d'érudition;
mais il n'est pas possible de le ranger, ainsi que
l'ont fait Flaqcus Illyricus, Oudin et quelques ■•/
autres, parmi les précurseurs de la réforme
( testes veritatis). On doit, au contraire, voir en
lui un des plus outrés défenseurs de l'autorité
ponlificale, et il en était si follement entêté que,
suivant l'expression deProsper Marchand, il l'a
portée jusqu'à l'impiété même. Qu'on en juge/^
par cet extrait du Spéculum, lib. II, c. ï : « Vi- l
ces veri Dei gerit (summus pontifex) in terris;
non ad humanum tantum principatum, sed ad
divinum ; non ad principandum solum morfali-
bus, sed immortalibus , nec modo hominibus,
sed angelis; non ad judicandum vivos, sed mor-
tuos; non in terra solum, sed in cœlo; non ad
praesidendum solis fidelibus, sed infidelibus; et,
ut paucis dicam, ad eam ipsam dignitatem,
ad eamdem juridictionem et coactionem , ac
universalem tôto orbe supremum principa-
tum a summo Deo et ejus loco supra eunc-
tos mortales instilutus et evectus est. » Nou^x^
citerons parmi ses nombreux ouvrages : Spé-
culum viles humanse H lib.; Rome, 1468,
gr. in-fol. : depuis cette édition, la première
connue, ce livre, simple traité de morale, où l'on
passe en revue les avantages et les inconvénients
des différentes professions, a été réimprimé
une douzaine de fois dans le quinzième siècle et
souvent encore jusqu'en 1683 (Francfort, in-8°),
date de la plus récente publication; on recherche les
éditions d'Augsbourg, 1471, in-fol., de Munster
en Argau, 1472, in-fol., et de Strasbourg, 1507,
in-fol., et on en connaît deux traductions fran-
çeises (Lyon, 1477 et 1482, in-fol. ) , par les
moines augustins Julien Macho et Pierre Farget,
ainsi qu'une version allemande (Augsbourg,
1488, in-fol.) et une espagnole (Saragosse,
1491, pet. in-fol., fig.). Enfin Josse Lorich en a
publié un abrégé en latin; Munich, 1589, in-8°;
— Compendiosa historia hispanica ; Rome ,
s. d. (1470), gr. in-4°, et dans VHispania il-
lustrata de Schott : cette histoire est assez
exacte, mais mal écrite et déparée par quantité
251 SANCHEZ
de locutions barbares; — De origine ac diffe-
rentia princïpaîus imperialis et regalis;
Rome, 1 521 , in-fol. : l'auteur s'efforce d'y démon-
trer la suprématie du pape sur tous les souve-
rains. Ln grand nombre d'ouvrages manuscrits
de Sancliez sont conservés dans la bibliothèque
du Vatican. P.
N. Antonio, Bibl. hispana vetvs, II. — Fabricius, Bibl.
médise et inflmse latiniiatis. — Pr. Marchand, Dict.
sanchez (Affonso), pilote portugais, né au
quinzième siècle, mort après 1480. Ce person-
nage, dont la légende a fait un précurseur de
Colomb, serait né à Cascaès, et selon quelques
autorités son prénom était Francisco. Monté
sur une caravelle et commandant à un équi-
page peu considérable, il aurait été surpris dans
les mers d'Afrique par une série de tempêtes qui
l'auraient entraîné vers les régions occidentales.
Après avoir abordé quelques-unes des îles Ca-
raïbes, il se serait dirigé de nouveau vers l'Eu-
rope, et il aurait abordé en 1480 l'île de Madère,
ayant sa caravelle à demi brisée, et n'ayant plus
à bord que trois ou quatre matelots, morts pour
ainsi dire de fatigue et de privations. Chris-
tophe Colomb, se trouvant, alors à l'île de Ma-
dère, ce serait du marin de Cascaès qu'il au-
rait reçu les renseignements au moyen des-
quels il accomplit sa découverte. F. D.
Abreu e Lima, Synopsis o deduccâo chronologica. —
Ayres de Cazal , Corografia Brasilica. — Gotnaro , Hist.
de las lndias. — Lisboa, Annaes do Rio de Janeiro.
sanchez (Francisco), en latin Sanctius,
érudit espagnol, né en 1523, à las Brozas (Es-
tramadure), mort le 17 janvier 1601, à Sala-
manque. Bien qu'issu d'une famille pauvre, il
reçut une éducation classique, fit de rapides pro-
grès dans les langues anciennes, et renonça aux
subtilités de la philosophie pour revenir à la
culture des lettres. Après avoir été reçu bache-
lier à Salamanque, il obtint, en 1554, dans l'uni-
versité de cette ville la chaire de grec, à laquelle
il joignit jusqu'en 1593 celle de rhétorique; il
ne prit qu'«n 1574 le diplôme de docteur. Dès
qu'il fut entré dans l'enseignement, il se maria
pour être dégagé des soins matériels de la vie,
et, autant pour se créer des ressources que pour
propager ses vues , il donna des leçons particu-
lières de grec et de lalin, et composa des gram-
maires simples et claires à l'usage de ses
nombreux élèves. Il portait dans ses cours un
tel esprit d'ordre et d'analyse qu'il se flattait
d'enseigner le latin en huit mois, le grec en
vingt jours, la sphère en huit ou dix, la rhéto-
rique en deux mois, la philosophie et la mu-
sique en moins de temps encore. Malgré une vie
active et laborieuse, il ne parvint pas à sortir
de la médiocrité, et il mourut. pauvre, comme il
avait vécu. Ses travaux du reste, qui faisaient au
dehors la gloire de son pays, étaient mal rétri-
bués; il était, en butte aux tracasseries de ses
collègues, qui l'accusaient d'innover. L'admira-
tion des étrangers le vengea de leur indifférence
et de leur basse jalousie : Juste Lipse l'appelle
252
le Mercure et l'Apollon de l'Espagne, Scioppius
un homme divin, et Baillet le prince des gram-
mairiens. Par son savoir, l'excellence de sa mé-
thode, la pureté de son style et sa prodigieuse
lecture, Sanchez mérite en partie ces éloges, bien
qu'on puisse lui reprocher le mépris avec lequel il
traite ses devanciers, qu'il accuse de ne pas savoir
lagramrnaire, Quintilien y compris. On a de lui :
De arte dicendi; Salamanque, 1556, 1569, 1573,
in-8°; Anvers, 1 592, in-8°; les dernières édit. con-
tiennent de plus trois élégies etumparaphrase
de Y Art poétique d'Horace; — Verse brèves-
que grammatiese latinse insliluliones; Lyon,
1562, in-8°; Salamanque, 1566, 1587, 1595r
in-8"; on trouve à la suite un Arte para saber
latin, en vers rimes; — Organum dialecticum
et rhetoricum ; Lvon, 1579, in-8°; — Sphera
mun di ; Salam., 1579, in-8°; — Grammatices
grœcse compendium; Anvers, 1581 in-8°, et
Salam.. 1592, in- 8", avec des corrections; — De
auctoribus interpretandïs ; Anvers, 1581,in-8°;
— Paradoxa; ibid., 1582, in-S° : choix de cinq
dissertations grammaticales; — Minerva, seu
de causis linguse latinse; Salam., 1587, in-8".
Accueilli favorablement en France et en Italie,
cet ouvrage, où Sanchez a éclairé la grammaire, et •
qui, au rapport de Lancelot, passe sans compa-
raison tous ceux qui l'ont devancé, lui valut le
double titre de Père de la langue latine et de
Docteur commun de tous les lettrés; Ha. eu >
beaucoup d'éditions, entre autres celles d'Amst.,.
1754, 1761, in-S°, avec les notes de Scioppius et
de Perizonius; de Scheid, Utrecht, 1795, in-8";
et de C.-L. Bauer, Leipzig, 1793-1801 ou 1804,
2 vol. in. 8°; — De nonnullis Porphyrii alio-
rumque in dialeclica erroribus; Salam.,
1588, 1597, in-8°. Tous ces écrits, à l'exception J
de Minerva, ont été recueillis par G. May ans
(Genève, 1766, 4 vol. in-8°). On doit encore J
à Sanchez des éditions annotées des Sylvss
de Politien (1554), des Emblemala d'Alciat
(1563), des Œuvres de Garcilaso de la Vegaetj
de Juan de Nieva (1574), des Bucoliques de
Virgile (1591), des Satyres de Perse (I59i), de
Pomponius Mêla, etc. Enfin le dernier ouvrage!
qu'il ait mis au jour est une traduction espagnole i
du Manuel d'Épictète (Salam., 1600, in-S°).
N. Antonio, Bibl. Hispananova. — Adam, F Use phi-
losophorum. — Notice , à la tête des Operu omnia.
sanchez (Thomas), casuiste espagnol, ni
à Cordoue, en 1550, mort à Grenade, le 19 mai
1610. Il entra à seize ans chez les Jésuites, j
termina ses études avec soin, et devint directeuii
du noviciat que la Compagnie possédait à Gre
nade. Il n'y a rien de plus à dire sur la vie d<
Sanchez, et son nom serait aujourd'hui tout c:
fait oublié s'il n^était l'auteur du célèbre trait* ,
De matrimonio , qu'il publia à Gênes, en 1592
Sanchez s'est proposé d'y décrire tous les péché:
que peuvent commettre entre eux l'homme et li
femme dans l'étal de mariage; et il l'a fait avei
une abondance de détails, un cynisme d'exprès j
253 SANCHEZ
lions dont on ne connaît pas d'autre exemple.
On a beaucoup vanté la sainteté de la vie, la
pureté des mœurs de Thomas Sanchez, et à cet
égard il y a presque unanimité parmi les bio-
graphes: « C'est au pied du crucifix qu'il écrivait
son ouvrage », dit l'un d'eux (1) . Suivant Sotwel,
Sanchez était d'une vertu admirable, et d'une
chasteté telle qu'il conserva sa virginité jusqu'au
tombeau,... Castimonia tanlum decus , ut
virginitatis jlorim in tumulum intule-
ril (2). Tout cela est cependant bien difficile à
croire, quand on parcourt le De matrimonio, où
l'on rencontre décrits à chaque page, et longue-
ment discutés, les plus effroyables raffinements
de luxure qu'ait jamais pu rêver une imagination
en délire. L'ouvrage lit scandale dès son appari-
tion; et, circonstance curieuse, ses adversaires
ne purent pourtant obtenir sa condamnation.
Tous les recueils biographiques racontent que le
permis d'imprimer donné par le supérieur ec-
clésiastique de Sancbez portait ces mots : Legi,
perlegi maxima cum voiuplale. Si cette men-
tion a réellement existé, ce ne peut être que
sur l'édition priuceps, et nous l'avons vainement
cherchée dans toutes les bibliothèques publiques
de Paris; toutes les éditions postérieures à 1600
portent une approbation conçue suivant la for-
mule ordinaire. Dans son ordre du moins, San-
cbez paraît avoir joui jusqu'à la fin d'une grande
considération; l'archevêque et le conseil royal
de Grenade assistèrent à ses obsèques, que l'on
s'efforça de rendre solennelles. Le traité De
matrimonio, publié à Gênes, en 1592, in fol., à
été très- fréquemment réimprimé; mais l'édition la
plus recherchée est celle d'Anvers, 1607, 3 tom.ën
1 vol. in-fol ., qui a été donnée par Martin Nutius.
On doit encore à Th. Sancbez : Concilia, seu
épuscula moralia; Lyon 1635, in-fol. ; — Opus
momie in prxcepta decalogi; Madrid, 1613;
L\on. 1621; Anvers, 1624, 2 vol. in-fol. Ses
Œuvres complètes ont été publiées à Venise,
en 1740, 7 vol. in-folio. On a publié plusieurs
abrégés du De matrimonio ; les plus connus sont
ceux de J.-A. Cadeus, de Vincent Ricci, et de
. E.-L. Soares; voici le titre de ce dernier : Com-
pendium traclatus de s. matrimonii sacra-
menlo; Cologne, 1623, in-12. On trouveencore
deux extraits de ce livre dans quelques ouvrages
récents publiés contre les Jésuites; nous cite-
rons seulement : Résumé de la doctrine des
Jésuites, ou extraits des assertions dange-
,reuscs et pernicieuses soutenues par les J4-
f$ui/es ; Paris , 1826, in-12; c'est un abrégé de
[V Er trait des assertions dangereuses soute-
\iwes par les Jésuites dans leurs ouvrages
| dogmatiques, qui fut publié en 1762, par ordre
[du parlement; l'ouvrage de Sancbez y joua un
[grand rôle. Alfred Fkankun.
, Alcg.-nnbc et Sntwel, liibl. scri/it Se. Jeun.— Elo-
(litim IL l>. Thomx Sanchez, en tète rie presque toutes
(1) Dict. fiist. des auteurs écriés., t. IV, p. 139
l-î SoUvc!, bibl. script. Sor. Jesu, p. S5J.
254
les tidit. du Pc matrimonio. — N. Antonio, Bibl. kispana
nova. — Pa'iniant». — Th. Haynaud, De malis et bonis
libiis. *- Rtaret, Exphcatio necalo<ii.
sakchez (François), médecin portugais, né
en 1552, àTuy, mort en 1632, à Toulouse. Il était
fils d'un médecin, juif de religion, qui l'emmena
de bonne heure à Bordeaux. Se destinant à la
même profession, il visita une partie de l'Italie,
et prit ses degrés à Montpellier. Afin de se tenir
à l'écart des querelles religieuses qui troublaient
cette ville, il s'établit à Toulouse, où il professa
la philosophie, puis la médecine; il y dirigea
aussi pendant trente ans l'hôtel-Dieu. C'est un
grand pyrrhonien, a dit Bayle, qui l'a jugé
légèrement, et sur le titre de son premier traité
de philosophie : De mullum nobili et prima
universali scientia quod nihil scitur (Lyon,
1581, in-4° ; Francfort, 1628, in-8° ). Au
lieu de placer Sanchez à côté de Montaigne et
de Charron, il convient mieux d'en faire un
précurseur de Descaries. « Mon dessein, dit-il,
est de fonder une science solide et facile , pur-
gée de ces chimères et de ces fictions sans fon-
dements qu'on rassemble dans le but , non de
nous instruire, mais de nous montrer l'esprit de
l'auteur. » Mais il s'est contenté de dresser contre
la philosophie scolastique et la méthode d'argu-
mentation un acte d'accusation en règle, et les
objections qu'il met en avant se retrouvent plus
tard avec plus de force chez Bacon, il définit la
science rei perfecla cognitio; s'il veut en
rendre l'étude circonspecte , il ne conclut pas
à l'impuissance de la raison. Son livre est d'une
lecture agréable, écrit d'un style vif et animé;
on regrette qu'il n'ait pas achevé sa tâche, en fai-
sant connaître les véritables fondements de la
science et de la méthode, et que les éclairs de
son esprit, suivant l'expression de Tennemann,
au lieu de dissiper les ténèbres, n'aient servi
qu'à les rendre visibles. Ulric Wild a entrepris
de réfuter le prétendu scepticisme de Sancbez
dans la thèse intitulée Quod aliquid scitur
( Leipzig, 1664, in-4°), et il a été à son tour ré-
futé par Daniel Hartnack ( Sanchez aliquid
sciens; Stettin, 1665, in-12). Tous les écrits de
Sanchez, ont été révisés dans l'édit. de Tou-
louse, 1635, in 4"; les quatre traités philoso-
phiques qui en font partie ( Quod nihil sciiïir,
De divinatione per soninum, In phijsiogno-
micon Arislo/elts, De longitudine et brevi-
tale vilos). ont été réimpr. à Rotterdam, 1649,
in-12. P.
N. Anlonin, BM. hispana nova. — Astrnc, Ilist. de
la faillite de Montpellier. — Patininna.— Bayle. Dict.,
et Jolv, Itemitrqves sur tiayle. — Tennemann, Ilist. de
la pliit"S"p/ue, l\, S08.
sa .t c H HZ ( A n tonio- iSunes Ribeiro ) , méde-
cin portugais, né le 7 mars 1699, à Penamacor,
mort le 1 k octobre 1783, à Paris. 11 était fils
d'un riche négociant, qui loi lit donner nue édu-
cation soignée. Après avoir fréquenté trois ans
l'université de Salamanque, il accepta la propo-
sition d>«a de ses oncles qui lui offrait la main
255 SANCHEZ
de sa fille s'il voulait s'appliquer à la juris-
prudence; la lecture' des Aphorismes d'Hippo-
cratc le rendit à la médecine, pour laquelle il avait
montré un penchant décidé. Malgré la volonté
de sa famille, il s'enfuit secrètement, et alla étu-
dier à Coïmbre. Un autre oncle, DiogoRibeiro,
praticien distingué de Lisbonne, l'encouragea
dans sa résolution, lui fournit les moyens de
continuer son éducation médicale jusqu'à ce qu'il
eût pris ses dégrés à Salamanque (1724), et le
pourvut en 1725 de la place de médecin pen-
sionnaire de la ville de Benaventi. Sa passion
pour l'étude poussa bientôt Sancbez à chercher
hors de sa patrie les moyens de la satisfaire ; il vi-
sita successivement Gênes, Londres, Montpellier,
Paris et Leyde, où il adopta avec une sorte
d'enthousiasme les doctrines de Boerhaave.
L'impératrice Anne s'étant adressée à ce dernier
pour obtenir trois médecins de son école à qui
elle destinait des postes éminents en Russie
(1731), Sanchez fut désigné, et il devint succes-
sivement premier médecin de Moscou, médecin
de Pétersbonrg (1733), médecin des arméees
(1735), du corps des cadets, de la cour (1740),
et du tsar Ivan. Pendant son séjour en Russie, il
rendit beaucoup de services à la science, non-
seulement par ses observations de toutes sortes,
mais par ses envois de productions naturelles et
par son active correspondance. Il fut avecEuler
un de ceux qui contribuèrent à la célébrité de
l'Académie de Pétersbourg , à laquelle il appar-
tenait. A l'avènement d'Elisabeth, il éprouva tant
de désagréments, par suite de son attachement à
la famille déchue, qu'il quitta la Russie pour s'é-
tablir à Paris (1747). Sanscesserde cultiver les
sciences, il exerça sa profession en philosophe,
c'est-à-dire pour les pauvres; aussi serait-il
tombé dans la gêne si les gouvernements de
Russie et de Portugal n'étaient venus , tardive-
ment il est vrai, au secours de sa bienfaisance.
Il était correspondant de l'Académie des sciences
de Paris. On a de lui : Dissertation sur l'ori-
gine de la maladie vénérienne ; Paris, 1750,
1765, in-8°, et 1753, 1772, in-12; Leyde, 1777,
in-12 ; trad. en anglais en 1751 et en allemand :
on y prouve que cette maladie n'a pas été ap-
portée d'Amérique, mais qu'elle était connue en
Italie au mois de juin 1493, époque antérieure au
premier retour de Christophe Colomb; — Exa-
men historique sur l 'apparition delà maladie
vénérienne en Europe; Lisbonne (Paris), 1774,
in-8° : cet opuscule et le précédent ont été réu-
nis par les soins deGanbius; Leyde, 1777, in-8°;
— Tratado da conservaçao da sande dos po-
vos (De la conservation de la santé des peuples);
Paris, 1756, in 8°; Lisbonne, 1757, in-4°; — Me-
todo per aprender a estudiar a medicina;
s. A., 1763, in-8°; en français, 1783, in-8°; —
Observations sur les maladies vénériennes ;
Paris, 1785, in-8°; trad. en allemand et en por-
tugais : dans cet ouvrage, publié par Andry, on
trouve un effrayant tableau des ravages causés
- SANCHO 256
I par le virus vénérien. « Rien , dit l'auteur, ne
f peut détruire ce virus quand une fois il a été in-
troduit dans l'économie , et il se transmet en-
suite de génération en génération. Ceux qui ont
été affectés lors de la première éruption du mal
n'ont jamais été guéris, non plus que leurs en-
fants; de là tous les maux qui affligent le genre
humain, » Sanchez prétend que ce fut lui qui
enseigna à van Swieten l'usage du sublimé,
bien que ce dernier n'en ait jamais parlé. Il four-
nit aussi à Y Encyclopédie méthodique un ar-
ticle remarquable sur les Affections de Vâme.
Les manuscrits qu'il légua à son ami Andry for-
maient 27 vol. in-fol. et traitaient de religion , de
politique, de morale, de physique et de matière
médicale. On a publié le Catalogue de sa bi-
bliothèque, dont la vente fut faite par Debure.
Andry, Précis hist. sur Sanc/iei, à la tôte du Cota'
logue; Paris, 1783, in-8°. — lnn. da Silva, Dicc. bibliogr.
porluguese. — Biogr. méd. — Vicq d'Azyr, Éloges. —
Kova Acta Acad. petropolitan.se , t. I, hist., p. 214.
sanchez ( Thomas - Antonio) , littérateui
espagnol, né en 1732, à Burgos,mort en juin
1798, à Madrid. Versé dans la connaissance des
langues anciennes et modernes, doué d'une
vaste érudition , il rendit un véritable service È
son pays en débrouillant le chaos des siècles
obscurs où prit naissance la poésie espagnole.
ainsi qu'en publiant des éditions annotées de plu-
sieurs auteurs classiques, comme Garcilaso
Quevedo et Cervantes; son Apologie de céder
nier (Madrid, 1788, in-8° ) est un morceau d(|
bonne critique. Mais il est surtout connu pai
son estimable Coleccion depoesias castellana.1
anteriores al siglo XV; Madrid, 1779-1790
4 vol. in-8°, réimpr. à Paris, 1842, gr. in-8° i
deux colonnes, et qu'il n'a pas malheureusemen
menée à fin. Sanchez fut bibliothécaire des roi; )
Charles III et Charles IV.
Ticknor, Hist. of spanisft Uterature, III.
I. Sancho, roi d'Aragon.
sancho, roi d'Aragon et de Navarre, né ver |
1037, tué le 6 juillet 1094, devant Huesca. Fil I
et successeur de Rarniro 1er (1063), qui lors d |
partage des États de Sancho III, roi de Navarre S
avait obtenu l'Aragon, il fut proclamé roi san i
opposition, et parvint, grâce à l'amour qu'il su ■
inspirer à ses sujets , à maintenir la paix intt;
rieure durant un règne de trente ans, ainsi qu'
mettre ses frontières en sûreté contre ses puL1
sants voisins, chrétiens et musulmans. D'accor.
avec Alfonse VI de Castille, il saisit pour pr<
texte l'assassinat de Sancho IV, leur cousi
.germain, pour envahir la Navarre, et pour sa pai
il prit, avec le titre de roi, les provinces qilï
touchaient aux Pyrénées (1076). Il fit aussi |
plusieurs reprises la guerre au\ infidèles, etlei.
enleva la ville de Balbastro; mais il périt ell
assiégeant Huesca, d'un coup de flèche qui l'a ]
teignit à l'aisselle. Quelques auteurs prétende]
que l'Aragon lui est redevable de la substitutic
des lois romaines au code goth, jusqu'alors f a
257 SANCHO
vigueur* De Félicie, fille d'un comte de Rouci,
il eut trois fils, Pedro 1er, Alfonse Ier et Ra-
miro II, qui régnèrent après lui successivement.
Zurlta, Ann. de Aragon. — Schmldt, Cesch. Arago-
niens. — Abarca, Los Reyes de Aragon.
258
H. Sancho I à iv, rois de Castille et de Léon.
sancho Ier, le Gros, roi de Léon, mort en
septembre 967, était issu d'un second lit de Ra-
miro II, et succéda, en août 955, à OrdoBo IN,
son frère consanguin. Habile soldat, il avait
guerroyé contre les Maures avec son père, à la
mort duquel il avait en vain tenté de s'emparer
du pouvoir. En 956 les seigneurs s'unirent contre
lui, et l'obligèrent de céder le trône à un fils
i'Alfonse IV, qui fut proclamé sous le nom d'Or-
lono IV. Sancho se retira d'abord à Pampelune,
puis à Cordoue, et il mit à profit la science
les médecins arabes pour se guérir d'une obésité
excessive, qui l'avait rendu impropre aux exer-
cices du corps. En 960 il obtint de l'amitié
l'Abd-er-Rahman, son hôte, une armée àl'aide
le laquelle il chassa l'usurpateur et reprit, sans
;xcès ni violence , possession de ses États. Une
expédition qu'il entreprit en 967 dans la Galice,
ix>ur soumettre quelques seigneurs qui visaient
» l'indépendance, lui fut fatale : il fut empoi-
onné par l'un d'eux, dans une entrevue, et
nourut trois jours plus tard, au monastère de
Jastrillo, sur les bords du Minho. Son fils Ra-
oiro III lui succéda.
Sancho II, le Fort, roi de Castille, né vers
1035, tué le 6 octobre 1072, devant Zamora.
L'aîné des fils de Ferdinand Ier, ii lui succéda,
m 1065, au royaume de Castille, en même
.emps que ses frères étaient proclamés, en vertu
lu traité de partage de 1064, Alfonse roi de
liiéon, et Garcias roi de Galice. Les trois frères,
pien que mécontents de la part qui leur était
ichue, vécurent d'abord en assez bonne intelli-
gence; à la mort de leur mère Sancha (nov.
f[067), la rupture éclata entre eux. Castillans et
[Léonais marchèrent les uns contre les autres, et
l'étant rencontrés dans un lieu appelé Llantada
(juillet 1068), ils combattirent à outrance, avec
pe grande perte d'hommes. En 1701 ils repri-
rent les armes , et la bataille qu'ils se livrèrent
[i Volpejar fut encore plus sanglante ; Sancho la
|;agna avec l'aide du fameux Cid , fit Alfonse
tisonnier, le dépouilla de ses États, et le força
le revêtir l'habit monacal. Maître de Léon et des
Isturies, il se retourna aussitôt contre son se--
|:ond frère, Garcias, et obtint sans coup férir la
oumission des Galiciens, fatigués du joug d'un
:yran imbécile. Ce que convoitait Sancho, c'était
e domaine entier qui avait appartenu à son père :
! n'y manquait plus pour le reconstituer sons
on autorité que les villes deToro et de Zamora,
lonnées en apanage à ses sœurs. L'une d'elles,
-lvira, ne lui opposa aucune résistance dans
"oro ; mais la seconde. Urraca, s'enferma dans
'amora, et s'y défendit avec un courage tout vi- '
NOUV. BIOGR. GÉNÉK. — T. XL1II.
ril. Il y avait quelque temps que le siège durait
lorsqu'un des principaux habitants, nommé Bel-
lidod'Olfos, sortant tout à coup de la ville, frappa
d'un coup de lance le roi Sancho, qui se prome-
nait dans son camp. Cet événement réunit les
couronnes de Castille et de Léon sur la tête
d'Alfonse VI. Sancho n'avait point laissé d'en-
fants de sa femme Alberta , dont l'histoire ne
fait pas connaître la patrie.
Sancho III, né vers 1130, mort le 31 août
1158, à Tolède, succéda en 1157 à Alfonse VIII,
son père, qui, lors du partage de ses Étals (1047),
lui avait donné la Castille et la Biscaye, avec le
titre d'empereur. Il se montra courageux et
ferme, en forçant les rois de Navarre et de Léon
à reconnaître sa suzeraineté; mais il mourut
d'une façon inattendue, laissant pour successeur
Alfonse IX, son fils. Ce fut sous son règne que
l'abbé Raimond inslitua l'ordre militaire de Ca-
latrava, sous la règle de Citeaux.
Sancho IV, le Brave, roi de Castille et de
Léon, né le 13 mai 1258, mort le 25 avril 1295,
à Tolède. C'était le fils puîné d'Alfonse X et de
Violante d'Aragon. « Il fut, dit M. Romey, le vé-
ritable roi espagnol du moyen âge, brave, dur,
plein de saillies, d'esprit et de caractère. Caus-
tique, âpre et hautain, spirituel et illettré tout
ensemble , il portait je ne sais quelle jactance
jusque dans la grandeur vraie. Sur sa bravoure
il n'y avait qu'une voix en Europe.» A douze ans
il avait épousé la fille d'un vicomte de Béarn,
Guillelmine, qui mourut peu de temps après.
De bonne heure il montra des instincts guer-
riers. Lors de l'invasion du midi de l'Espagne
par l'émir de Maroc (1275), il s'empressa de ras-
sembler des troupes et de mettre en bon état de
défense les frontières de l'Andalousie; il harcela
les musulmans, mais sans les contraindre à se
rembarquGr, ainsi qu'on l'a prétendu, puisqu'ils
ne furent ni entamés dans leur retraite volon-
taire ni dépouillés de leur immense butin. Pen-
dant la guerre l'infant Ferdinand de la Cerda
était mort subitement. Aussitôt Sancho réunit
les grands, et se fit, au détriment des fils de son
frère aîné, reconnaître pour l'unique héritier
présomptif du trône. Un an plus tard il vit ses
prétentions approuvées du roi , qui, pour donner
à sa décision plus de solennité, la présenta à
l'assentiment des cortès, convoquées tout exprès
à Ségovie (1276). Dès lors Sancho prit part aux
affaires et s'appliqua à fortifier son parti : son
alliance avec Maria de Molina, issue du sang
castillan, y contribua singulièrement (juillet
1281). Lorsqu'en 1282 il se révolta contre son
père, il eut tout le royaume pour lui. Craignant,
avec raison, que l'héritage paternel ne fût partagé
entre lui et ses neveux, il résolut de s'en empa-
rer seul : s'il refusa le titre de roi , il s'en laissa
conférer toute l'autorité sous celui plus modeste
de régent. Alfonse X, abandonné de la plupart de
ses sujets, fulmina contre Sancho, le maudit, le
déclara impie et parricide, et le déshérita , par
9
$m SANCHO
un acte daté de Séville, le 8 novembre 1282. En
désespoir de cause, il eut recours à l'émir de
Maroc, tandis que' son fiis recherchait l'alliance
de l'émir de Grenade. La guerre se prolongea
jusqu'à la mort d'Alfonse (4 avril 1284). San-
clio, que le vieux roi maudit encore in extre-
mis, en l'exceptant seul du pardon qu'il avait
accordé aux rebelles, lui succéda néanmoins sans
opposition. Couronné le 30 avril suivant, à To-
lède, il fit déclarer pour héritière sa fille Isa-
bella, acte importaut qui établissait, éventuelle-
ment toutefois et à défaut d'enfant mâle , le droit
des femmes à porter la couronne de Castille. Ea
1285 il eut à repousser une invasion de l'émir
marocain Abou-Youssouf Yacoub , qui pour la
quatrième fois, suivant les historiens musulmans,
faisait le voyage d'Espagne (1); mais avec sa di-
ligence accoutumée , il le cerna par terre et par
.imer, et l'émir, qui s'était attardé au siège de
Xérès de laFrontera, s'estima heureux d'ache-
ter le salut de son armée au prix de deux millions
de maravedis. L'ambition d'un favori, Lope de
Haro, causa de nouveaux troubles. Sancho, qui
lui devait eu grande partie la couronne, l'avait
comblé de faveurs et de biens. Marié à une sœur
de la reine, ce vassal trop puissant, égal au roi,
rapporte une chronique, en état et en rentes, s'é-
tait donné un allié dans un frère de Sancho , le
turbulent Juan, qu'il avait choisi pour gendre. Il
ouvrit en 1287 les hostilités contre le roi, sans
donner d'autre motif que son plaisir et sa vo-
lonté. Il poussa l'arrogance jusqu'à se présenter,
escorté d'une suite nombreuse, aux cortès assem-
blées à Alfaro (mai 1288), pour délibérer s'il
convenait mieux de faire la paix avec l'Aragon
qu'avec la France. L 'Aragon avait épousé la
querelle des infants de la Cerda , et Haro, ainsi
que Juan, qui l'accompagnait, se déclarèrent in
solemment pour l'Aragon. Le roi, hors de lui,
ordonna de les retenir prisonniers. Un tumulte
épouvantable éclata : Haro, qui avait levé l'épée
sur le roi, fut tué d'un coup de masse, et Juan
trouva à grand'peîne un refuge dans la chambre
de la reine. Rien de plus confus que cette pé-
riode du règne incertain et agité de Sancho. Le
parti favorable aux prétentions de la Cerda ral-
luma la guerre en Biscaye , puis avec l'Aragon.
Le roi châtia durement ses sujets rebelles, et ra-
vagea le pays jusqu'à l'Ebre ; mais chaque année
l'agitation recommençait , et le feu de la révolte
se rallumait sans fin dans quelque province, à
l'instigation des nobles batailleurs. La prise de
Tarifa fut pour Sancho un fait plus glorieux : il s'en
empara de vive force, le 21 sept. 1292; mais une
maladie de langueur le minait depuis longtemps,
et il y succomba, en 1295, n'ayant pas encore
trente-sept ans accomplis. Son mariage avec
Maria de Molina, sa parente à un degré prohibé
par l'Église, lui avait causé de perpétuelles
(1) I.'émir avait écrit au rel pour lui offrir la paix ou la
guerre. « Je tiens le gâteau d'une main et le bûton de
i'autre, répondit Sancho; tu peux choisir. »
260
tribulations, et la validité n'en fut reconnue
qu'après sa mort par une bulle de Boniface YIIL
L'aîné de ses fils lui succéda, sous le nom de
Ferdinand IV.
Cronica del rey D. Sancho. — Mariana, Ferreras,
Conde. — Romey, Hist. d'Espagne. — Rosscuw Sa*nt-
Hilaire, Idem. — Cronica gênerai de Espaîia.
III. SANCHO, roi de Majorque.
sancho, roi de Majorque , mort le 4 sep-
tembre 1324, à Formiguera, dépendance du
pays de Foix. Second fils de Jacques Ier, il lui
succéda en 13 il dans le gouvernement des iles
Baléares , du Roussillon et de la seigneurie de
Montpellier, pour laquelle il fit hommage à Phi-
lippe le Bel. On. le représente comme un prince
pieux et équitable. 11 prit part avec son cousin
l'infant d'Aragon à la conquête de la Sardaigne
sur les Pisans (1324). Son neveu Jacques II lui
succéda.
Veissète, Hist. du Languedoc, IV. — Zurita, Ann. de
Aragon.
IV. Sahcho i à vu, rois de Navarre.
SANCHO Ier, roi de Navarre, mort en 925. Fik
de Garcias 1er, que l'on regarde comme le pre-
mier roi de la Navarre, il succéda en 905 à For-
tun, son frère aîné, qui avait abdiqué pour s(
faire moine. Il ne prit, à ce qu'il semble, le titn
de roi qu'après avoir conquis et donné à ce pays j
les limites qu'il eut depuis comme royaume in-
dépendant. Il entreprit une expédition au deli ',
des Pyrénées pour venir en aide aux Yasconj
aquitains (906) ; puis, se tournant contre le gou I
verneur arabe de Saragosse , qui menaçai I
Pampelune, il remporta sur lui unevictoire écla I
tante (907). Chaque année deson règne est mail
quée par une campagne contre les musulmans :.: I
leur fit une guerre fort vive, et leur enleva plu ■;;
sieurs villes. Son pouvoir s'étendit sur toute II
contrée située entre l'Êbre, l'Aragon et le Gai
lego, contrée à laquelle on commençait de donnt |
le nom d'Aragonie (territorïwn aragonense ^
On prétend qu'en 919 Sancho, accablé d'ans
d'infirmités, se retira dans le monastère de Leyra
mais il n'y fit pas un long séjour et en sortit en 921
à l'appel d'Ordoho II, roi de Léon, son alli*
pour stoppQser à la formidable invasion di
Arabes. Vaincu dans la sanglante bataille du v
de Junquera, il tira des Arabes de cruelles r
présailles lorsqu'au retour de leur expédition i
s'engagèrent dans les gorges étroites des Pyn
nées : il leur fit subir de grandes pertes, et
riche butin dont ils revenaient chargés toml
entre ses mains. Ajoutons que les ebroniqui
chrétiennes et musulmanes parlent en terni'
contradictoires de cette guerre, et que du re»
on sait peu de chose de ce règne, d'où date- *
réalité l'existence de la Navarre. Outre une fil1
mariée àAlfonselV, roi de Léon , Sancho lais
Garcias Ier, qui lui succéda.
Sancho II. Le règne de ce prince paraît ap>
cryphe comme celui de Garcias H, son succe
seur;on ne trouve dans les chroniques chi
261
SANCHO
262
tiennes ou dans les documents contemporains
rien qui les justifie l'un et l'autre. C'est pour
combler la lacune qui s'étend de 970 au début
du onzième siècle que les historiens navarrais les
ont forgés. D'après eux Sancbo II, fils de Gar-
das Ier, aurait laissé, en 994, le trône à son fils
Garcias II, mort en 1000.
Sancho III, le Grand, né vers 9C5, mort en
février 1035. Au milieu des ténèbres qui cou-
vrent cette période de l'histoire de la Navarre, il
est impossible de préciser le temps où il succéda
à Garcias, son père ; mais, en le supposant alors
mineur, on peut placer son avènement entre 970
et 995, ce qui s'accorde avec les chroniques
qui donnent à son règne une durée de soixante à
soixante-cinq ans. Ce prince est la grande figure
ïistorique du siècle. Ni violences ni perfidies ne
ui coûtèrent pour agrandir ses États : on le vit
)eti à peu envahir le pays de Sobrarbe, le comté
le Rigaborza, la Vasconie citérieure, et en 1028
a Castille, dont il s'empara pour venger rassas-
iât du comte Garcias, son beau-frère. Puis il
elourna contre Bermudo III, roi de Léon (1032),
>t consentit à lui laisser l'apparence-du pouvoir, à
a condition que ce jeune monarque s'engagerait,
Tune part, à marier sa sœurSancha à Fernando,
I econd fils de Sancho , et de l'autre à ériger en
ioyaume le comté de Castille (1033). A cette
;poque Sancho III tenait entre ses mains l'unité
Pe l'Espagne chrétienne : il détruisit en mourant
œuvre de son règne, et son ambition ne fut
irofUable ni à sa dynastie ni à son pays. Celui
![ue les chroniques intitulent roi de Navarre, de
"antabrie, d'Aragon, de Sobrarbe, de Castille et
'le Léon, et qui porta même, dit-on, le titre
Vempereur, que les Goths n'avaient point osé
■rendre, partagea de son vivant, suivant le fu-
neste exemple donné par les rois francs , ses
astes domaines entre ses quatre fils : Garcias
laîné lui succéda dans la Navarre et la Biscaye ;
l'ernando eut la Castille ;Gonzalo le petit royaume
e Sobrarbe, réuni en 1038 à l'Aragon, et Ra-
firo l'Aragon. Après ce partage, « triste dénoue-
ment d'une vie glorieuse », Sancho mourut ac-
oblè d'années. Aussi pieux que guerrier, il se
istingua par son zèle pour la fondation des
i fouvents et pour le maintien delà discipline ec-
clésiastique.
: ! Sancho IV, fils et successeur de Garcias III,
J é vers 1038, tué le 4 juin 1076, fut élevé en
054 sur le trône, après la désastreuse bataille
t 'Atapuerta, dont le gain donna à la Castille la
1 ossession de toute la rive droite de l'Èbre. Au-
^ un événement saillant n'est signalé dans son
h jîgne , et il paraît n'avoir été occupé qu'à dis-
|! [uter à ses voisins chrétiens et musnlmans le
Itîtit territoire qu'on lui avait laissé. Il périt
I jisassinépar son frère Ramon et sa sœur Erme-
c inda : un jour qu'il assistait du haut d'un rocher
k: [une chasse au sanglier, il fut précipité en bas
h \ assommé.
I I Sancho V, fils de Ramiro Ier, roi d'Aragon,
s'empara de la Navarre au préjudice des eufants
de Sancho IV, et mourut en 1094. ( Voij. San-
cho d'Aragon.)
Sancho VI, le Sage, mori le 27 juin 1194, suc-
céda en 1150 à Garcias IV, son père. Depuis la
mort de Sancho III, la Navarre n'exerça plus la
moindre influence sur les destinées de la pénin-
sule. Ainsi Garcias IV n'avait pu échapper à une
ruine totale qu'en reconnaissant la suzeraineté
d'Alfonse VII , roi de Castille. Le premier acte
de son fils fut de rompre un vasselage qui lui
pesait : à la faveur des troubles qui accompa-
gnèrent la minorité d'Alfonse VIII, son neveu,
il recouvra en 1160 la rive droite de l'Ebre; mais
il fa perdit de nouveau en 1 173 , et ne put ré-
sister aux Castillans, qui s'avancèrent jusqu'à
Pampelune. La guerre dura plusieurs années,
sans avantage marqué; il était difficile de faire
des conquêtes durables dans une terre monta-
gneuse et hérissée de châteaux forts. Las d'une
lutte inutile, les deux princes sollicitèrent en
1 177 la médiation de Henri II, roi d'Angleterre,
qui ordonna la restitution intégrale de tout ce
qu'ils s'étaient enlevé l'un à l'autre; adhérant à
cette sentence, ils jurèrent la paix pour dix ans,
et la rompirent au printemps suivant. Au reste,
toute l'histoire de la Navarre se réduit à de
continuels différends avec l'Aragon et la Castille,
et il fallut à ses chefs autant de valeur que d'ha-
bileté pour maintenir entre ces puissants voi-
sins leur précaire royauté. De Sancha, fille
d'Alfonse VIII de Castille, Sancho VI eut un
fils du même nom (voy. ci-après), et deux filles,
Bérengère^ mariée en 1191 à Richard. Cœur
de Lion, roi d'Angleterre, et Blanche , qui
épousa Thibaut III , comte de Champagne.
Sancho VII, le Fort (1), fils et successeur de
de Sancho VI,. né en 1154, mort à Tudela, le
7 avril 1234. Serré de près par les rois de Cas-
tille et d'Aragon , les ennemis héréditaires de la
Navarre, et abandonné par le roi d'Angleterre, son
beau-frère, il rechercha l'amitié des Almohades,
qui dominaient alors à Cordoue. A la nouvelle
de cette alliance impie, le pape Célestin III ful-
mina contre lui une sentence d'interdit , et In-
nocent III, son successeur, la renouvela en 1198.
Loin de se soumettre aux censures de l'Église,
Sancho remit en mains sûres le gouvernement
de ses États, et se rendit lui-même, en compagnie
de quelques amis , à la cour de Mohammed ,
fils de Yacoub, afin d'obtenir l'appui de cet émir,
qui passait alors pour le véritable arbitre des
destinées de la péninsule. Ce fut là l'unique
motif de son voyage, ef non, comme l'ont avancé
sans aucune preuve certaines chroniques pos-
térieures , un prétendu mariage entre lui et
une princesse maure. Pendant son absence Al-
fonse de Castille entra dans la Navarre, et la
conquit presque tout entière. Sancho se décida à
y revenir, « chargé, dit Rodrigue de Tolède, de
(1) Sa longue «t volontaire réclusion dans le château
de Tudela lui valot aussi le surnom de l'Enferme.
9.
263
SANCHO — SANCHONIATHON
264
présents et de promesses, mais léger d'honneur
et frustré de tout ce qu'on lui avait promis
(1220) ; » toutefois, il ne regagna pas les provinces
d'Aiava, de Biscaye et de Guipuscoa, qu'il avait
perdues, et n'obtint qu'en 1207 une paix mal dé-
finie, grâce à l'intervention du clergé. Lorsque
l'Espagne fut menacée d'une invasion nouvelle
par Mohammed ben Yacoub , il fit à la foi chré-
tienne le sacrifice de ses justes ressentiments ,
se joignit à la croisade placée sous les ordres des
rois de Castitle et d'Aragon , qui s'étaient par-
tagé ses dépouilles, contribua à la glorieuse vic-
toire de las Navas (16 juillet 1212); outre un
riche butin, il remporta chez lui quelques
morceaux des chaînes de fer qui entouraient le
camp de l'émir, et qui de l'écu de Navarre, où
elles avaient figuré, passèrent depuis Henri IV
dans les armes des rois de France. Le reste
de son règne n'offre plus rien de remarquable ,
sinon les démêlés sans cesse renaissants avec
la Castille, et l'adoption qu'il fit du roi Jayme
d'Aragon à titre d'héritier présomptif; mais ce
choix, bien que ratifié parles grands, demeura
sans effet , et il eut pour successeur son neveu
Thibaut Ier de Champagne* Sancho mourut octo-
génaire, et en lui s'éteignit la race d'inigo , la-
quelle avait porté haut la puissance d'un pays
qui finit par n'avoir plus de sécurité que dans
sa faiblesse même. P.
Morct, Anales de Navarra. — Rosseuw Saint-HIlaire,
Ilist. d'Espagne. — Romey, Idem,
V. SANCHO I à il, rois de Portugal.
SANCHO 1er, roi de Portugal, né le 11 no- |
vembre 1154, à Coïmbre, mort le 27 mars 1211, |
dans la même ville. Il était filsd'Alfonso-Henri- j
quez, premier roi de Portugal, et de Mafalda,
princesse de Savoie. Dès l'âge de quatorze ans, |
il fit ses premières armes à la journée d'Ar- !
ganal ; il chassa les Maures de TAiemtejo, dé-
livra la place d'Elvas, et contribua, en 1184, à
l'éclatante victoire remportée à Santarem sur les
Almoravides. Trois jours après la mort de son
père, il fut couronné roi à Coïmbre ( 9 dé-
cembre 1185). La conquête des Algarves, ga-
gnée en 1189 avec l'aide d'une flotte de croisés
anglais et perdue en 1 191, est l'événement mili-
taire le plus important de son règne. Prince
guerrier dans son extrême jeunesse, roi pai-
sible lorsqu'il commençait a atteindre l'âge
mûr, il mérita alors les surnoms de Povoador et
de Lavrador, que l'histoire lui a décernés : il
donna une vive impulsion à l'agriculture; il
fonda nombre de bourgades et de monastères,
et accorda d'immenses privilèges au couvent
d'Alcobaça. De Dulcia, fille de Raimond-Bé-
renger IV, comte de Barcelone, il eut trois fils
et cinq filles; l'aîné, Affonso If, lui succéda.
Sancho II, dit Capello (1), roi de Portugal,
né le 8 septembre 1207, à Coïmbre, mort en
(1) Ce surnom lui vient du capuchon qu'il porta
dans son enfance, parce qu'étant d'an tempérament
débile, il avait été voué par sa mère à S. Augustin,
1248, à Tolède. Petit-fils du précédent et fils
d'Affonso II et d'Uraaca de Castille, il succéda
en 1225 à son père. Les premières années de
son règne furent assez brillantes : il enleva aux
infidèles plusieurs places des Algarves et de
l'Alemtejo, et s'appliqua à faire fleurir la paix
et les finances. Bientôt il se plongea dans la
débauche, abandonna le gouvernement à d'in-
dignes favoris, et conçut une passion folle pour
une femme que la réprobation générale avait flé-
trie, la belle et astucieuse dona Mencia, fille de
Lopez de Haro. Les nobles, ennemis d'un pou-
voir qu'ils ne partageaient point, se joignirent
au clergé pour entrer en rébellion et portei
leurs griefs au pape Grégoire IX. Le roi fer
excommunié et son royaume mis en interdit I
effrayé, il promit de réformer les abus, notam j
ment, et le plus grave de tous à cette époque I
l'admission des juifs aux emplois publies; mai I
son amour pour Mencia, qu'il avait déclarée s< I
femme , l'emporta encore. Une insurrectioi I
éclata alors parmi les habitants de l'Alemtej I
( 1244) : sous la conduite des nobles, ils mar H
chèrent sur Coïmbre, envahirent le palais, et e I
arrachèrent la reine, qu'ils firent passer en Cai fl
tille, où elle mourut. Cet acte de violence n'as §
souvit pas l'ambition des mécontents : ce qu'i
voulaient, c'était la déposition de Sancho II, < j
ils n'eurent pas de peine à l'obtenir d'Innc
cent IV. qui s'empressa, par sa bulle du 5
juillet 1245, d'ordonner aux Portugais de ri
connaître pour régent le frère de Sancho, A
fonso, alors comte de Boulogne. Le faihl
prince, tout consterné d'une semblable décisio
s'enfuit à la hâte, gagna Tolède, et y termina
vie, dans les œuvres de piété.
Scbœfer, Hist. du Portugal. — F. Denis, Le Portug*
dans l'Univers pittoresque.
sanciiomathon, historien phénicien, qJ
vécut probablement au deuxième ou troisièij
siècle avant J.-C. La conquête de l'Asie oc
dentale par la Grèce, qui exerça sur la dire
tion de l'esprit humain une influence si dé
sive, a eu, il faut l'avouer, pour l'histoire et ;
philologie les plus fâcheux résultats. Une fo
de littératures locales qui s'étaient conserva j
jusqu'aux deux siècles qui précédèrent l'\
chrétienne, disparurent devant le prestige
cette culture hellénique dont l'éclat devait
duire tous les peuples qui se trouvèrent en r j
port avec elle. La Phénicie fut uia des pays
l'Orient le plus tôt envahis par l'hellénisij
Qu'il eût pourtant existé une littérature phéJ
cienne, c'est ce qu'il est impossible de réj
queren doute. L'existenced'annales phénicien^
et d'historiens écrivant en phénicien, tels
Théodote, Hypsicrate, Mochus, ne saurait ( j
niée. De ce vaste corps d'annales, tout a pél
le peuple auquel presque toute* les nations c
lisées doivent l'écriture alphabétique ne nou
pas laissé de monument de littérature. Un f [
lambeau a surnagé, et encore si misérablen
r
s
265
SANCHONIATHON
266
tftéré, qu'il mérite à peine d'être regardé comme
ine exception dans ce naufrage universel. C'est
\ la controverse religieuse, si vive au troisième
et au quatrième siècle, que nous devons la
conservation de ce monument, auquel notre
pauvreté, bien plus que ses qualités intrinsè-
ques, donne tant de prix. Porphyre, pour
ittaquer la véracité de l'histoire mosaïque, cita,
>n insistant sur sa valeur historique et sur son
incienneté, une mythologie phénicienne attri-
buée à Sanchoniathon et traduite en grec par
Philon de Byblos. Eusèhe peu de temps après
i «tournait la même autorité contre Porphyre, et
s'en servait pour convaincre le paganisme d'ex-
ravagance et d'immoralité. On sait les griefs
le la critique contre Eusèhe, esprit crédule et
itartial, uniquement attentif à relever dans les
ex tes ce q*ui pouvait servir sa cause. Non
noins passionné, Porphyre n'a dû avoir dans ses
stations d'autre but que les besoins de sa polé-
nique. Plusieurs traits, enfin, semblent élever
ontre la sincérité de Philon et de Sanchonia-
ihon les soupçons les plus graves. Tout com-
inande donc la défiance quand il s'agit d'un
|exte transmis de troisième ou de quatrième
nain, par des intermédiaires d'une foi dou-
jeuse, et sur un sujet qui prête beaucoup par
ui-même aux fraudes et aux déceptions. Les
lésitations de la critique moderne sur la valeur
,1e l'écrit singulier qui nous occupe suffiraient,
lu reste, pour conseiller la réserve et la timi-
iité. Accueillie d'abord avec confiance, puis re-
stée avec mépris, l' Histoire phénicienne de
I sanchoniathon a repris de nos jours une subite
faveur. M. Movers, qui d'abord l'avait reléguée
uu rang des compositions apocryphes, s'est en-
suite converti à l'opinion de ceux qui croient
rllevoir la prendre fort au sérieux. Plus récem-
Ifnent, M. Ewald et M. Bunsen ont essayé de
^montrer la grande valeur et l'origine purement
Ibhénicienne de l'ouvrage traduit par Philon. On
Ipeut dire que cette opinion est aujourd'hui l'opi-
iiion dominante en Allemagne.
i M. Ewald et M. Bunsen me paraissent avoir
[■(suffisamment démontré que les fragments qui
: [aous sont parvenus de l'ouvrage traduit par
Philon de Byblos renferment plusieurs cosmo-
gonies de provenances assez diverses , quoique
toutes réunies par d'évidentes analogies. Ces
cosmogonies, qui semblent avoir été puisées
pour la plupart sur les stèles des temples ,
comme l'affirment Porphyre et Philon, et où
les traditions particulières de Sidon, de Byblos,
3e Tyr el de Béryte se discernent assez nette-
ment, ont été réunies au moyen de transitions
artificielles, qui laissent apercevoir encore la
[iivisiondes fragments primitifs. Dominé, comme
[lous les compilateurs, par le désir d'être com-
plet, l'auteur aime mieux se contredire et suivre
la marche la plus bizarre que de rien omettre
île ce qu'il a entre les mains. Dans la longue
'échelle généalogique qu'il a dressée se remar-
quent des espèces de reprises : il revient plu-
sieurs fois au Dieu suprême ou aux piincipes
cosmiques, et descend de là par divers échelons
jusqu'à la terre ou l'homme, pour remonter en-
core aux principes suprêmes. Ainsi tout d'a-
bord il part du chaos, et aboutit aux hommes et
aux animaux ; puis, après une transition gros-
sière, il revient aux principes cosmiques, KoXrtia
et Baav, et retombe tout à coup dans le inonde
humain par Tévoç et Tevtà. Il se relève avec
Bee).ffa[AY)v, et, reprenant son récit par une
vague formule à Oulom ou Aîwv, il descend
jusqu'aux Sidoniens. Les séries très-compli-
quées qui suivent offrent la même loi, et l'au-
teur les met bout à bout, malgré leur diversité,
en établissant entre le dernier terme de la pré-
cédente et le premier terme de la suivante un
lien artificiel de synonymie ou de filiation. Tel
est l'ensemble de l'Histoire phénicienne, d'a-
près l'analyse que nous en a donnée la Prépara-
tion évangélique d'Eusèbe
Les critiques qui ont élevé des doutes sur la
réalité de Sanchoniathon comme auteur de
l'Histoire phénicienne ont attribué cet ou-
vrage d'une voix presque unanime à Philon de
Byblos. Pour servir ses préjugés nationaux et
religieux, Philon aurait composé lui-même le
livre dont il ne se donne que comme le traduc-
teur, et pour en relever l'autorité il se serait
couvert du nom révéré de Sanchoniathon, qu'on
rapportait à une antiquité fabuleuse. De graves
difficultés me semblent pouvoir être opposées à
ce sentiment. Tout ce que nous savons du ca-
ractère de Philon repousse l'hypothèse d'une
supercherie. Grammairien habile et bibliophile
érudit, Herennius Philon n'est pas de la famille
des faussaires. Son caractère, autant qu'on peut
en juger par ses propres écrits, fut celui d'un
polygraphe consciencieux. Les passages qui
dans le texte de la Préparation évangélique
appartiennent certainement à Philon ont un ton
de bonne foi scientifique qui frappe tout d'a-
bord. L'auteur expose avec simplicité le désir
qu'il avait de connaître la vérité, les peines qu'il
s'est données pour cela, la masse de livres qu'il
a lus, les doutes que lui a causés le désaccord
des témoignages. Est-ce à dire que Philon soit
exempt de tout engouement patriotique, de
toute prévention d'école ? Non, certes : il est par-
tisan outré de la Phénicie; il s'obstine mala-
droitement à chercher l'origine des mythes grecs
dans la Phénicie. Mais il cherche à prouver sa
thèse par des documents, et non à l'imposer
par des mensonges ou à la rendre séduisante
par d'ingénieuses fictions. Il est évident pour
moi qu'il prenait au sérieux Sanchoniathon, et
que s'il y a fourberie dans l'Histoire phéni-
cienne, la fourberie est antérieure à lui. Les
témoignages de l'antiquité confirment ce ré-
sultat d'une manière frappante. Si Sanchonia-
thon était, comme on le suppose , une invention
de Philon, l'antiquité ne l'eût connu que par
267
SANCHONIATHON — SANCROFT
268
Philon et ne lui attribuerait point d'autres ou-
vrages que ceux de Philon. Or il n'en est point
ainsi. Suidas, au mot Eayx«vcà6wv , nomme
trois ouvrages. Des preuves directes établissent
d'ailleurs que l' Histoire phénicienne a été tra-
duite du phénicien ; une foule de jeux de mots
et d'étymologies n'ont de sens qu'en se reportant
à un original écrit en cette langue.
Une nouvelle question s'offre maintenant à
résoudre : ce nom de Sanchoniathon est-il
réellement celui du Phénicien qui composa Y His-
toire phénicienne, ou bien faut-il y voir un
nom ancien dont un auteur moderne aurait
cherché à s'autoriser? Cette seconde hypothèse
paraît, au premier coup d'œil, la plus vraisem-
blable. En effet, il semble difficile de disculper
l'auteur, quel qu'il soit, de YHistoire phéni-
cienne, d'une certaine fraude littéraire. La dé-
dicace à Abibal, l'approbation que ce roi est
censé décerner à l'ouvrage, l'antiquité fabu-
leuse qu'on lui attribue, en le rapportant à l'é-
poque de la guerre de Troie et de Sémiramis,
tout cela constitue autant de traits qui sem-
blent dénoter le faussaire. Le faussaire se trahit
d'ordinaire par les moyens qu'il emploie pour
cacher sa fraude : or il est difficile de mécon-
naître chez l'auteur de YHistoire phénicienne
ce luxe de précautions, qui naturellement
éveille le soupçon. Je ne connais aucun exemple
d'ouvrage avec une dédicace dans l'antique
Orient : un tel usage est évidemment moderne.
Cependant, malgré la dédicace à Abibal et les
autres traits qui sentent l'apocryphe, je suis
tenté de considérer Sanchoniathon comme le
nom du Phénicien qui écrivait l'ouvrage traduit
par Philon. Il faut avouer que dans ce qui
reste de l'ouvrage lui-même, et en dehors des
renseignements que nous donnent sur l'auteur
Philon et Porphyre, on ne rencontre aucune
particularité qui excite le soupçon, et qu'on
trouve au contraire des circonstances qui re-
poussent l'idée d'une fraude. Qui sait si ce n'est
pas quelque erreur de Philon ou de Porphyre
qui nous cause ces insolubles embarras ? Qui
sait si un préambule apocryphe n'a pas été at-
taché à une œuvre sérieuse pour en relever la
valeur? Quant à l'époque où fut composé l'ori-
ginal phénicien, d'une part les traces d'hellé-
nisme que nous y avons remarquées sont une
raison pour ne point en reporter la composition
au delà de l'époque des Séleucides. D'un autre
côté, le riche fonds de doctrine phénicienne qui
s'y retrouve montre que l'hellénisme, à l'époque
où écrivait l'auteur, n'avait pas encore effacé les
diversités locales. Tout cela nous reporte au
deuxième ou troisième siècle avant l'ère chré-
tienne.
Il me paraît donc résulter de l'étal actuel de
la question qu'un Phénicien à l'époque des Sé-
leucides qui s'appelait ou feignait de s'appeler
Sanchoniathon écrivit en phénicien un grand
recueil d'histoire et de mythologie , puisque
Philon de Byblos, vers l'époque d'Aîlrien, tra-
duisit librement ce livre, de telle sorte qu'entre
ses mains la théologie grossière de Sanchonia-
thon prit les apparences de l'incrédulité.
Orelli a publié une très-utile édition des
Fragments de Sanchoniathon (Leipzig, 1826,
in-8°). Ernest Renan.
Eusébe, Prép. èvang., I, p. 31 ; X, p. «85. — Suidas
au raot 2aYXt0Vl*9£ùv- — Porphyre, De abstin. ab.
anim., 11, 94. — Fabricius, Bibliot/ieca grseca. — Grote-
fend, Die Sanchuniathonische Streifraye vaeh vnge-
druch'ten Briefen yewûrdigt ; Hanovre, 1S3G, 8 vol.
— Schraidt , Der neventdecîile Sunckuniai/i.en ein
Brie/wechscl ; Aitona, 1838. — Muvers, Die Phœnizier.
SANOÎUS. Voij. Sanchez.
sancroft ( William), prélat anglais, né
le 30 janvier 161G, à Fresingfield ( Suffolk ),
mort le 24 novembre 1693, dans le même lieu.
Son intelligence précoce et sa piété le firent des-
tiner à l'Église ; il fut un des plus brillants
élèves de Cambridge ; il y prit ses degrés et il
y professa jusqu'au moment où, ayant refusé
d'adhérer au covenant, il perdit sa place. En
1652 il publia, dans un ouvrage intitulé Mo-
dem policïes and practices (Londres, in-12),
un exposé de ses principes politiques destiné à
battre en brèche le gouvernement de C'romwell.
A peine la monarchie eut-elle été rétablie , il
revint de Rome, et obtint, avec un bénéfice,
une prébende à la cathédrale de Durham. Dès
lors il eut un avancement rapide , et devint
successivement principal du collège d'Emma-
nuel à Cambridge (1662), doyen d'York (1603),
doyen de Saint-Paul (1664), archidiacre de Can-
terbury (1668); il fut promu en 1.677, sans
qu'on s'y attendit, à l'archevêché de cette ville.
C'était alors, suivant Burnet, un prélat sec,
froid, réservé, de mauvaise humeur, estimé de !
peu de gens ; il affectait une rigidité monas-
tique, et s'attachait superstitieusement aux plus
mesquines cérémonies. Le parti de la cour avail L
appuyé son élection parce qu'on le crojait dis. |
posé à tout laisser faire, quand le moment
d'agir serait venu. Cependant il ne voulut point
seconder le rétablissement du catholicisme, re-
fusa de publier redit de tolérance , et pré-
senta à ce sujet au roi une requête qui le fit en-
fermer dans la Tour avec six autres évoques
(juin 16SS). Après la fuite de Jacques If, il
proposa en vain de former une régence, et son
refus de prêter serment à Guillaume d-'Orange
le fit suspendre de son siège ( 1er août 1689). Ce
fut Tillotson qui lui succéda. On a encore de
Sancroft trois Sermons (Londres, 1703, in-.§°),
Familiar letters (1757, in-8°), et un grand
nombre de papiers et de recueils, « où il avail
plus écrit de sa propre main, dit Wharton, que
peut-être personne n'avait fait de son siècle »
De ces papiers on a extrait Miscellaneoiu
Tracts relating to the historij of Englana
(Londres, 1781, 2 vol. in-8° ).
Biotjr. Britann. — Bur.net, Own Urnes. — Gutch
Collectanea euriosit. — Wharton, préface de VHist. o,
269
SANCROFT — SANCY
270
Laud's Su/ferings. - W. Uoyly, Life of If. Sancroft,
Votui., 1821, 2 vol. ln-8°.
sanctus. Voy. Sanchez.
SANCTORIUS. Voy. SANTORIO.
sancy (Nicolas Harlay de ), homme d'État
français, né en 1546, mort à Paris, le 13 ou le
17 octobre 1629. Issu d'une branehe cadette de
la maison de Harlay, qui avait embrassé la
communion protestante, il résidait à Orléans,
lorsqu'il se fit catholique, en 1572, pour
échapper au massacre de la Saint-Barthélémy ;
mais il ne tarda pas à revenir à la religion ré-
formée. D'abord conseiller au parlement de
Paris, puis maître des requêtes, il fut admis,
quoique huguenot, dans le conseil du roi.
Henri III, dont les ressources étaient très-res-
treintes, cherchait les moyens de résister à la
Ligue ; Sancy lui dit qu'il se faisait fort de lui
Drocurer, sans argent, toute une armée de
suisses. Cette promesse parût celle d'un fan-
aron ou d'un fou. Malgré les railleries et les
)ppositions, Sancy partit avec l'approbation du
'oi ; il emportait, pour aider à la Téussite de
5on dessein, de riches pierreries, dont l'acquisi-
ion avait coûté des sommes considérables, soit
i lui, soit à ses ancêtres, et, entre autres, le
àmeux diamant qui aujourd'hui encore s'ap-
ielle, de son nom, le Sancy (1). Sa négocia-
tion a été vantée par les historiens français ;
mais les esprits impartiaux n'y voient pas moins
de mauvaise foi que d'habileté. Lorsqu'il ar-
riva à Genève, le 14 février 1589, cette répu-
blique ainsi que celle de Berne, était menacée
par le duc de Savoie. Sancy fit valoir l'avantage
qui résulterait pour ces deux États d'une attaque
[directe de la France contre la Savoie; mais il
ajouta que le roi ne pouvait s'engager dans une
iLguerre nouvelle sans une avance d'argent. Berne
llet Genève se laissèrent gagner à ses paroles :
i|la première donna cent mille écus , et la se-
Bconde tout ce que lui permit l'état de son trésor.
Sancy, a.u moyeu de sommes empruntées sur
!|ses diamants, avait déjà commencé à former
'■une armée; il la compléta et l'éleva à douze mille
jhommes. Après avoir remporté quelques avan-
[lages sur le duc de Savoie, il manifesta aux
itroupes l'intention de les conduire en France.
(.Gagnés par une promesse d'augmentation de
[solde et d'un butin facile, ces mercenaires n'hé-
sitèrent pas à le suivre, et il les mena au roi,
près de Paris. Henri III mort, Sancy ne fut pas
•moins dévoué à Henri IV. Celui-ci le récom-
pensa parla place de surintendant des finances
1(1594), l'envoya en ambassade près de la
jreine d'Angleterre (1596), et le nomma la
imême année colonel général des Suisses. Sancy,
! (1) Le Sancy est de 106 carats. Il avait appartenu à
1 Charles le Téméraire, qui le perdit sur le champ de ba-
taille de Granson. Le soldat suisse qui le trouva le
: vendit à un prêtre pour un florin. Sancy l'acheta
100,009 livres, d'Antoine, prieur de Crato. Après diverses
vicissitudes, Il fut possédé par la couronne de France.
Depuis 1835 il fait partie du trésor de la Russie, qui l'a
! payé SOO.QOO roubles d'argent.
pour entrer plus avant dans la faveur du
maître, changea de nouveau de religion, et se fit
catholique, en 1597 ; il publia partout qu'il avait
été converti par l'intérêt de son salut et par les
instructions de l'évêque d'Évreux du Perron; mais
il ne trompa personne , et la spirituelle satire de
d'Aubigné, intitulée la Confession catholique
de Sancy , fut l'écho des pensées de tous ;
Henri IV lui-même dit qu'il ne manquait plus
à son surintendant que de prendre le turban.
Cette troisième apostasie de Sancy ne servit pas
sa fortune comme il l'avait espéré; Gabrielle
d'Estrées, dont il s'était fait une ennemie, tra-
vailla de son mieux contre lui, et Henri IV, qui
désirait mettre plus d'ordre dans les finances, le
remplaça par Sully, en 1 599. Besté colonel général
des Suisses, il alla les commander au siège d'A-
miens (1597), et suivit aussi le roi dans son expé-
dition de Savoie (1600). 11 se retira entièrement
des affaires publiques en 1 605, etne prit plus part
à la direction du gouvernement que par ses
conseils et par ses Remontrances à Marie de
Médicis, qui ont été insérées dans les Mémoires
de Villeroy. Il a laissé un Discours sur l'oc-
currence des affaires, où l'on trouve des dé-
tails intéressants sur le temps où il a vécu.
Haag frères, France protestante. — De Courcellcs,
Dict. hist. des généraux français. — Histoire du pré-
sident de Thou, — Journal de VEstoile. — Moréri,
Grand Dict. hist.
sancy (Achille Harlay de), diplomate et
prélat, fils du précédent, né en 1 58 1 , mort le 20 no-
vembre 1646. Tandis que son frère aîné, baron de
.Maule, suivait la carrière militaire, il se livrait
d'abord à l'étude du droit, puis à celle de la
théologie et bientôt était pourvu de trois ab-
bayes et d'un évêché ( Lavaur ) ; mais ce frère lui
ayant été enlevé au siège d'Ostende(lCOi) il quitta
la soutane et revêtit la cuirasse à son tour. Après
diverses campagnes en Italie, en Allemagne ,
dans les Flandres et en Angleterre, on le nomma
ambassadeur en Turquie. A cette époque les-
diplomates français ne recevaient qu'un traite-
ment minime, ou plutôt n'en recevaient point ;.
ils en étaient réduits à se ruiner ou à se rendre
odieux par leurs exactions. Harlay préféra ce-
second parti. Son attachement pour les Jésuites
ne lui épargna ni le déshonneur ni la honte. A
la suite d'un forfait par trop scandaleux, le gou-
vernement turc fit administrer au représentant
de la France cent coups de latte sur la planta
des pieds. On résolut à Paris de demander satis-
faction ; mais avant que de Namps , le nouvel
ambassadeur, fût parvenu à son poste, un en-
voyé ridicule offrait à Paris des excuses, que l'on
accepta. On sait aujourd'hui que Sancy n'avait
pas intérêt à ce que réparation fût demandée,,
car on n'aurait pas tardé à découvrir ses dé-
prédations. En quelques années ( 1611-1618 ), il
avait emboursé de quatre à cinq cent milkt
francs. A la suite de son emprisonnement, il mit
un impôt sur les échelles du Levant, et avant de
partir alla faire sa cour au successeur du son^
271 'SANCY
verain qui l'avait fait bâtonnet1. Cependant, si
peu digne qu'ait été la conduite de Harlay,
elle ne défend pas de reconnaître à l'ambassa-
deur un vif amour pour l'étude , une mémoire
et des dispositions exceptionnelles. Les savants
qui lui rendirent visite à Constantinople disent
qu'il parlait parfaitement le grec moderne, le
latin, l'italien, l'espagnol, l'anglais, et l'allemand,
qu'il lisait l'hébreu des bibles et celui des ra-
bins et qu'il dépensait de grandes sommes à
réunir des manuscrits orientaux. Habile en ma-
thématiques et en histoire naturelle, il s'adonna
à la recherche des propriétés médicales des
plantes et aux « distillations chimiques ». A
son retour en France, il entra dans la congré-
gation de l'Oratoire, et se dévoua à la fortune du
cardinal de Richelieu. Celui-ci lui fit signer,
comme solution d'un cas de conscience, que
la loi de Dieu n'obligeant pas les enfants à
garder toujours leurs père et mère auprès d'eux,
Louis pouvait sans se rendre coupable dû
moindre péché reléguer sa mère où il le ju-
gerait à propos pour le bien de sa politique. Et
Marie de Médicis fut exilée.
Harlay accompagna Bassompicrre en Angle-
terre lorsque celui-ci fut envoyé dans ce pays
comme ambassadeur. Nommé pour faire partie
de la maison ecclésiastique de la reine Henriette,
Harlay déplut bientôt, à cause de son zèle ar-
dent, et attira à Bassompierre l'animadversion
du roi auprès duquel on l'avait placé. On ren-
voya l'oratorien en France, et en 1631, lors de
sa sortie de l'ordre, motivée par son excessive
ambition, il fut nommé évêque de Saint-Malo. 11
présida trois ans après les états de Bretagne.
On lui attribue les ouvrages suivants ; mais il est
fort peu prouvé qu'il les ait écrits : Relation
des persécutions que les ecclésiastiques
françois attachés à la reine d' Angleterre
éprouvèrent de la part du duc de Bucking-
fiam, au Mercure de 1626 ; — Discours d'un
vieux courtisan désintéressé sur la lettre
que la reine mère du roi a écrite à S. M.
après être sortie du royaume; Paris, 1631,
in-8°; — Réponse au libelle intitulé : Très-
humble, très-véridique et très-importante re-
montrance au roi; 1632, in-8°. N'oublions
pas de dire que les nombreux manuscrits orien-
taux de Harlay furent donnés par lui à la con-
grégation de l'Oratoire, et qu'ils sont aujourd'hui
à la bibliothèque Richelieu. Louis Lacour.
Le Vassor, Hist. de Louis XIII. — Recueil des pièces
ctirievses porir la défense de la reine mère. — Le P.
Jacob, Traité des Bibl., 1645, p. SSO. — Ferrier, Catho-
lique d'estat ; Paris, 1626, p. 13V. — Délia Valle, Iti-
néraire, 1. 1, p. 163. — J. Morin, Opusc. Hebr., p. 9S.
— Tallemant, Historiettes. — Mss . à la Bibl. imp. :
Relation de l'ennoy d'un chaoun nommé Iloussan par
le arand-seiqneur Osman au roy, en 1619 (suite
de Mortcmar, n° 14).
sand (Christophe vonden), en latin Sandius,
théologien allemand, né à Kœnigsberg, le 12 oc-
tobre 1644, mort à Amsterdam, le 30 novembre
1680. Son père Christophe Sand , conseiller de
— SAND 272
l'électeur de Brandebourg et secrétaire du tribunal
suprême, fut destitué en 1657, parce qu'il n'as-
sistait pas aux cérémonies de l'Église luthé-
rienne et qu'il professait en religion des doc-
trines approchant du socinianisme. Le jeune
Sand , qui était dans les mêmes sentiments,
s'expatria peu de temps après, craignant d'être
inquiété par les autorités de son pays; il passa
eu Hollande, et se fixa à Amsterdam, où il se
fit correcteur d'imprimerie. Sans avoir pris de
grades académiques, il possédait des connais-
sances étendues en théologie et dans les belles-
lettres; ses mœurs étaient exemplaires. Vers la
fin de sa vie, il adopta, dit-on, les doctrines des
arminiens. On a de lui : Nueleus historix ec-
clesiasticx, cui prafixus est Tractatus de ve-
teribus scripioribus ecclesiasticis ; Cosmo-
polis (Amsterdam), 1668, in-12, Cologne
(Amst.), 1676, in-4° : cet écrit, qui doit prouver
que les Pères des trois premiers siècles de l'É-
glise n'admettaient ni l'éternité ni la consub-
stantialité du Verbe, a été réfuté par Le Moyne
dans ses Varia sacra et aussi par Sam. Gar-
diner, auquel Sand répondit dans un Appendix
ad Nucleum; Cologne (Aiiast), 1678, in-4°;
— Centuria epiyrammatum ; Amst., 1669,
in-12; — interpretationes paradoxe IV\
Evangeliorum ; Amst., 1670, in-12; — De*
origine animas; Amst., 1671, in-12 : traité qui"
fut attaqué par Bebelius; — Nota, et animad-
versiones in G.-J. Vossii Ubros de Historicis
latinis ; Amst., 1677, in-18; — Confession dt\
foy conformément à VEscriture ; Leyde.
1678, in-16 : l'auteur en a écrit l'original ei
latin; — Scriptura Trinitalis revelatrixA
Gouda ( Amst. ), 1678, in-16 ; — Bibliothea \
anti-trinitariorum ; Freistadt (Amst. ), 1684
in-12 : la partie bibliographique de cet ouj
vrage, qui contient aussi diverses pièces conj
cernant l'histoire des unitaires en Po ogne, es j
beaucoup mieux traitée que la partie historique J
Sand a laissé en manuscrit une vingtaine d'é|
crits , notamment un Auctuarium operi •
Vossiani de Historicis latinis, et deux pièce I
qui établissent qu'il admettait, contrairement i
l'opinion des sociniens, pour le Ckrist une exis
tence antérieure à son incarnation.
S^nd, Bibl. anti-trinitariorum,, p. 169-112» — Arnolc
Kirchen-und Ketzer historié, 2e partie. — Zeltne
Theatrum virorum eruditorum, p. 482-486. — Paquo
Mémoires, Ut.
SAN» ( Charles-Louis ), né le 5 octobi
1795, à Wundsiedel, exécuté à Mannheim, il
20 mai 1820. Il était fils du bailli de sa vill
natale, et reçut une éducation très-soignée. J
se fit dès., ses premières années remarquer pcill
son application au travail et par une exce j
lente conduite ; mais il montra aussi dès lors u 11
penchant pour la mélancolie, suite de sa coni 11
titution maladive et que l'influence de sa mèr
qui était portée au mysticisme, ne fit que d 1
velopper. Sombre et replié sur lui-même , li
donnait quelquefois subitement les preuv i
273
SAND
274
d'une grande exaltation. Après avoir terminé ses
humanités, il commença en 1814, à Tubingue,
l'élude de la théologie, qu'il interrompit en 1815
por.r s'engager dans les chasseurs de Rezat,
corps de volontaires qui prit part à l'invasion
de la France ; puis il continua ses études à Er-
langen et à Iéna, et s'acquit dans ces deux uni-
versités l'estime de ses professeurs et l'amitié
de ses camarades. Cependant il voyait avec un
chagrin croissant s'évanouir les espérances de
libellé que le peuple allemand avait conçues sur
lespromesses réitères faites en 1813etl814parses
souverains. Affilié aux sociétés secrètes formées
alors par les étudiants de l'Allemagne, il fut un
les ordonnateurs des fêtes de la Wartbourg,
qu'ils célébrèrent en 1817 en commémoration de
'affranchissement de leur pays. Il remit à chacun
les invités un écrit publié en 1819 à Nuremberg,
sous le titre : Die wichtigsten Lebensmonente
7. L. Sands, in-8°, et où il engageait les étu-
liants à s'associer pour revendiquer les droits
)olitiques dont les prince3 frustraient leurs su-
ets. Son projet fut aussitôt mis en pratique par
a fondation de la Burschenschaft. Il revint en-
uite à Iéna, qu'il quitta pendant quelques mois
le l'automne de 1818 pour faire un voyage en
sion désignée pour le juger. Ii ne se repentit
pas un instant de son action, et prétendit n'a-
voir pas eu de complices, ce qui paraît hors de
doute. L'instruction terminée (septembre 1819),
ii fut condamné à mort, le 5 mai 1820, par le
tribunal de Mannheim, et exécuté par le glaive
quelques jours après; il mourut avec la plus
grande fermeté, après avoir prononcé ces der-
nières paroles : « Je prends Dieu à témoin que
je meurs pour la liberté de l'Allemagne. »
Sand dargestellt durck seine Tagebucher and
Briefe ; Altembourg, 1821, in-8°. — Hohehorst, folls-
taendige Cbersicltt der gagen Sand gefùhrten Vnter-
suchung ; Stuttgart, 1820, in-8°. — Acten-Anzilge. nebst
audren Materialien zur Beurtheilung Sands ; Al-
tembourg, 1821, in-3°. — Courtln, Sands letzte Lebens-
tagean'i Hinrichtitng ; Frankenthal, 1821, in-8°. —
Jarke, Sand and sein an Kotzebue verilbter Hord ■ Ber-
lin, 1831, in-8». — Gervlnus, Cesch. des neunzehuten
Jahrhunderts.
* sand ( Armandine-Lucile- Aurore Dupin,
baronne Dudevant, connue sous le nom de
Georges), la plus célèbre des femmes auteurs
contemporaines, née à Paris, le 1er juillet 1804.
Son père , Maurice Dupin , officier distingué de
la république et de l'empire, était fils de M. Du-
pin de Francueil, fermier général, qui avait
épousé la veuve du comte de Horn, fille natu-
t saxe et en Prusse, dans un but qui se rattache | relie de Maurice de Saxe. Élevée au château
probablement à la résolution, qui mûrissait peu
i» peu dans son esprit, de donner la mort à Kot-
[jebùe. Depuis la fête de la Wartbourg, où on
pavait brûlé solennellement l'Histoire d'Alle-
Imagne de Kotzebue, il avait conçu une haine
[dolente contre cet écrivain, qui se plaisait à
fiancer mille traits ironiques contre les tendances
[libérales des étudiants allemands. Les dernières
[phrases, datées du 31 décembre et qui termi-
nent son Journal, commencé en 1816, indiquent
uu'il avait dès lors décidé de venger ses amis
lies sarcasmes de celui qu'il regardait comme
jan émissaire russe chargé d'insulter aux as-
pirations des classes éclairées de l'Allemagne.
{Les éloges que Kotzebue prodigua à un écrit
lie Stourdza, qui réclamait des mesures restric-
tives contre les universités, présentées comme
an foyer révolutionnaire, exaspérèrent Sand, qui
partit le 17 avril 1819 de Iéna pour Mannheim,
bù demeurait Kotzebue. Ce jour-là il adressa
ii ses parents une lettre où il exposait les mo-
tifs qui l'avaient poussé à assassiner un traître.
|\rrivé.à Mannheim le 23, il se fit introduire
jdaus l'après-midi auprès de Kotzebue; après
quelques paroles banales, il lui porta plusieurs
poups de poignard et le blessa mortellement. Il
fj'enfonça ensuite une autre arme dans le sein
gauche, descendit dans la rue, où, après avoir re-
mercié Dieu à genoux de lui avoir permis d'ac-
complir cette œuvre de justice, il se fit encore
[une autre blessure. Relevé sans connaissance,
iil fut porté à l'hôpital, et traité avec beau-
coup de soin. Grâce à sa jeunesse, on parvint,
| malgré la lésion de ses poumons, à le mettre
fen état de subir l'interrogatoire de la commis-
de Nohant, près de la Châtre (Indre), par sa
grand'mère, Mme Dupin, qui pratiquait en fait
d'éducation les doctrines de Jean- Jacques , la
jeune Aurore vécut en pleine liberté jusqu'à
l'âge de treize ans , mêlée aux autres enfants de
la campagne. On la mit alors au couvent des
Augustines anglaises , à Paris, où elle resta de
1817 jusqu'en 1820. De retour à Nohant, elle
s'absorba dans les lectures les plus diverses et
les plus propres à surexciter son imagination, na-
turellement exaltée. A la mort de sa grand'mère,
elle voulut rentrer au couvent; mais onla maria,
presque malgré elle (1822), à M. le baron Dude-
vant, militaire retraité, devenu gentilhomme
campagnard. Elle eut de lui deux enfants, un
fils, Maurice, artiste et littérateur, et une fille,
Solange, femme aujourd'hui séparée du statuaire
Clesinger. En 1831, une séparation volontaire eut
lieu entre elle et son mari ; elle vint habiter Paris
avec sa fille, et chercha à se créer des ressources
qui lui permissent une vie indépendante. Elle fit
des traductions , dessina des portraits, coloria
des tabatières; mais tout ce travail était peu
lucratif; elle eut l'idée d'écrire. Rebutée parKé-
ratry et par Balzac, elle trouva de sérieux
encouragements chez Henri Delatouche, son
compatriote, qui lui fit faire de petits ar-
ticles dans le Figaro d'alors. Jules Sandeau
(voy. ce nom) y travaillait avec elle: mais ils
prenaient beaucoup de peine et n'obtenaient que
de médiocres résultats. Ils composèrent en com-
mun, sous le nom de Jules Sand, une nouvelle :
La prima donna (Revue de Paris, 1831), puis
un roman : Rose et Blanche (Paris, 1831,5 vol.
in-12). L'éditeur, H. Dupuy, s'étant renseigné
275
SAND
276
sur la part respective des deux collabora-
teurs, et Trappe du mérite littéraire de certaines
pages écrites par la jeune femme , lui demanda
un roman qui fût d'elle seule. Elle partit alors
pour Nohant, et écrivit Indiana, qui parut en
1832 (2 vol. in-8°), sous le nom de Georges
Sand, pseudonyme forgé par Delatouche, adopté
par le public et consacré par le talent de l'au-
teur. Indiana eut un immense succès, aug-
menté encore par le mystère qui entourait l'au-
teur. A la fin de la même année , elle fit paraître
Valentine (2 vol. in-8»), dont le premier volume
au moins restera un des plus beaux titres de
gloire de Mœe Sand. Lélia (1833,2 vol. in-8°) fit
scandale : on ne comprenait guère ce tissu de para-
doxes contradictoires, composé dans un moment
de crise et presque de maladie. G. Sand alla cher-
cher le repos en Italie, où l'accompagnait Alfred de
Musset (voy. ce nom). Les Lettres d'un voyageur,
qui parurent de 1834 à 1836 dans la Revue des
deux mondes, portent l'empreinte du calme qui
se rétablit alors dans son âme. Venise surtout l'en-
chanta, et cette impression se traduisit dans plu-
sieurs compositions charmantes : Metella (1833),
Leone Leoni (1834), Mattea(l83à), Les Maîtres
mosaïstes (1837), La Dernière Aldini (1837),
LTscoque (1838). Elle avait donné en 1834
Jacques (2 vol. in-8°), où elle traitait encore une
fois la question du mariage, et Le Secrétaire
intime (2 vol. in-8°), qui renferme plus d'une
allusion à ses relations avec Alfred de Musset Eile
était revenue d'Italie sans lui. En 1835, vers l'é-
poque delà publication d'André (in-8°), elle fit
la connaissance de Miche! de Bourges (c'est l'E-
vrard des Lettres d'un voyageur) qui le premier
lui parla politique et la troubla sans la convaincre.
Son influence se fait sentir néanmoins dans plus
d'un passage de Mauprat, qu'elle publia en 1836
(2 vol. in-8°). La même année, à la suite d'un
jugement qui la séparait définitivement de son
mari, elle fit un voyage en Suisse et écrivit de
Chamounix sa Dernière lettre d'un voyageur.
Au retour, elle vit La Mennais, dont l'esprit ar-
dent fit sur elle une impression profonde, vive-
ment accusée dans la Lettre à Marie (journal
Le Monde, 1837). Elle alla passer l'hiver de 1838
dans l'île de Majorque, en compagnie de Frédéric
Chopin. Spiridion (1839), et Les sept cordes de
la lyre (1840), oùla philosophie religieuse absorbe
complètement le roman, furent écrits sous l'inspi-
ration de Pierre Leroux. Pauline (1840) fut le
dernier récit qu'elle publia à celte époque dans la
Revue des deux mondes. On lui refusa Horace,
qu'elle porta à la Revue indépendante et qui y
parut après Consuelo (1844). Les premiers vo-
lumes de ce dernier roman eurent un immense
succès; mais La Comtesse de Rudolstadt (1 843),
qui en était la suite, trouva à peine des lecteurs.
Laissant là les théories religieuses, Georges Sand
revint à la politique sociale dans Le Compagnon
autour de France (1840), Le Meunier d'An-
gibault (1845), et Le Péché de M. Antoine
(1847). Teverino (1843)=- n'est qu'un délicieux
dialogue sur l'art et en particulier sur la musique.
Dans Lucrezia Floriani (1847) et dans Le
Château des Désertes, qui en est la suite, elle
traite d'une manière particulière de l'art drama-
tique, et surtout de l'art du comédien.
G. Sand, comme tous les grands artistes, a eu
plusieurs manières. Après le roman passionné
et le roman socialiste, sans parler de ce qu'on
pourrait appeler le roman esthétique, elle trouva
une voie nouvelle , qui ne fut pas la moins glo-
rieuse. En 1846, au moment où l'on signalait déjà
dans ses écrits des traces de lassitude et de fai-
blesse, La M are azt, diable surprit et charma le
public. En rajeunissant le roman pastoral.
Georges Sand lui ouvrait une nouvelle voie,
pleine de fraîcheur, de grâce et d'enseignement*
moraux. Déjà, en 1844, Jeanne avait étécomnu
une tentative de ce côté. François le Champ,
et Lapetile Fadelte (1848) achevèrent de gagne]
les esprits , et indiquèrent encore de riches fi
Ions dans une mine déjà bien exploitée. La cri-
tique y reconnut « un dessein suivi, une corn
position toute nouvelle, une perfection véritable »
Les Maîtres sonneurs (1853) furent le demie:
des romans champêtres. De la même ;époqu;
a peu près datent le Piccinino et La Filleule
La révolution de 1848 avait arraché momenta-
nément Georges Sand à l'art et au travail. Elli
crut à la réalisation de ses rêves, et prêta le se
cours de sa plume à ses amis au pouvoir. Ver
cette époque elle aborda le théâtre. Déjà es
1840 Cosima avait été accueillie plus que froi ;
dément. Le Roi attend (1848) ne trouva pa
plus de faveur auprès d'un public naturellemen
méfiant envers un auteur qui s'écarte de sa voi ;
habituelle. Mais, en 1849, François le Champ
triompha de ses préventions, et bientôt aprè
Claudie (1851) emportait les suffrages de 1
critique la plus hostile. Le théâtre de G. San!
est déjà considérable et comprend : Le Manag
de Victorine (1851), Le Démon du foyer (ISoi, \
Molière (1853), Le Pressoir (1853), Maupral
(1853), Flaminio(18M), Lucie (1856), Maltr
Favilla (1855), Comme il vous plaira (1856]
Françoise (1856), Les beaux Messieurs de Boit
Doré (1862), etc. Si ce catalogue dramatiqu
n'indique pas toujours une vocation bien décidée j
ii marque un goût bien vif pour un genre qui
tenté tous nos grands écrivains. 11 faut l'avouei
toutes ces œuvres, malgré d'incontestables qua
lités , manquent un peu du mouvement nécei
saire à la scène et gagnent à la lecture.
En 1854 Georges Sand publia dans La Press
l'Histoire de ma vie. étude psychologique e
10 vol., où le public s'irrite de ne point rencontre
les révélations qu'il attendait. En 1858, George
Sand rentra à la Revue des deux mondes, pa
Elle et lui, œuvre remarquable, autour d
laquelle on souleva un scandale peu justifié t
qui semble n'avoir été qu'un dernier hommag
à un souvenir toujours vivant et toujours chei
277
SAND — SANDEAU
278
i Jean de La Roche et JjC Marquis de Vil levier
< sont venus témoigner encore îles ressources de
1 ce vaillant génie et inaugurer avec éclat toute
i une série nouvelle de compositions d'un ton
> calme et doux et d'une supérieure beauté. On n'a
jamais exposé plus éloquemment la théorie de
(l'amour dans le mariage et du bon sens dans l'a-
i mour. Ajoutons que le paysage qui encadre ces
i beaux récits y tient une large part et n'a jamais
I été traité avec une touche plus savante et plus
[SHave. Parmi ces productions des dernières an-
inées, fruits savoureux d'un automne splendide,
I nous citerons : Les Dames vertes, Laure,
\VHomme de neige (1859), Constance Verrier,
| Flavie (1860), Valvèdre , Tamaris, Antonia,
\La Ville Noire, La Famille Germandre (1861),
\M"edeLa Quinlinie (1863), Laura (1864), etc.
i Disciple de Jean- Jacques et de Chateaubriand ,
• G. Sand a retenu du premier cette méfiance de
i la société qu'elle a traduite en attaques non moins
i riolentes , mais dictées par un amour pins
! sincère de l'humanité. Ses théories subversives
ine sont en réalité ;qne le témoignage d'aspira-
1 lions généreuses et de nobles illusions. Dans le
j uariage même, il faut reconnaître qu'elle a moins
I ittaqué l'institution que la manière dont cette
i institution est;comprise et pratiquée. A Cbateau-
ibriand elle doit en partie ce vif sentiment de
\te nature qui éclate dans toutes ses œuvres, et
elle a eu le mérite<original de comprendre et de
1 faire sentir la poésie des paysages de France. En
;dépit des réserves qu'on pourrait faire sur plus
fd'un point, G. Sand reste au premier rang
parmi les romanciers contemporains. Ses com-
positions sont en général magnifiquement or-
données. Les personnages sont vivants et placés
en pleine lumière : quelques-uns seulement , a
force de tendre vers l'idéal, perdent un peu de
leur individualité et tournent au type. La fable,
toujours al tachante, se développe sans efforts; les
passions qui y jouent un grand rôle sont très-
finement analysées. Les entrées en matière sont
'admirables et digtes des plus beaux débuts de
[Walter Scott. Mais c'est surtout par le style que
G. Sand est bien le maître du chœur. A aucune
époque de la langue on ne rencontre une prose
de plus fine trempe et de plus pur métal. L'exa-
gération des idées n'a pu porter atteinte à la pu-
reté <le la forme : la pensée est souvent décla-
matoire, jamais l'expression. Cette supérieure
qualité de style est un don du génie; G. Sand l'a
i possédée dès les premiers jours, et c'est là qu'est
son impérissable gloire.
! Outre les ouvrages cités, Georges Sand a pu-
blié les romans suivants : Simon (1836), Isï-
dora,Adriani, Le Diable aux champs, Évenor
etLeucippe, LaDaniella,Les beaux Messieurs
I de Bois-Doré, Narcisse, etc.
P. Feuilleret.
i Gustave Planche, Portraits littéraires. - Sainte-Beuve,
Causeries du lundi. — Loménie, Galerie des Contempo-
rains. — 3. Janin, dans la Biogr. des femmes auteurs
françaises. — Walsh, Georges Sand; 1837, in-8°. —
A. GuiUlcrt, A'nlire; 1843, in 8°.— lîrault, Biographie,
18'tS, ln-8u. — Vapcreau, IHct. des contemp. — 1'. de Mus-
set, Lui et elle. — M»'e Collet, Lui.
* sandeau (Léonard-Sylvain-Jules), ro-
mancier français, né à Aubusson, le 10 février
1811. Venu à Paris pour étudier le droit, il y
renonça bientôt, et se tourna vers la littérature, où
l'appelaient ses goûts , ses aptitudes , et ses re-
lations avec MmeDudevant, qu'il connut en
1830, près de La Châtre, où habitaient les deux
familles. Ils commencèrent à travailler ensemble
au Figaro, sous les auspices d'Henri de La-
touche, qui leur choisit le nom de Jules Sandt
sous lequel parurent leurs œuvres communes.
Le premier travail qui porte cette signature est
une nouvelle, La Prima donna, publiée dans la
Revue de Paris en 1831 ; vint ensuite le roman
du Rose et Blanche (1831, 5 vol. in-12), classé
plus tard dans les œuvres de Georges Sand.
Mme de Sommerville, qui parut en 1834, est le
premier ouvrage qui porte le nom de M. San-
deau, le seul qu'il reconnaisse pour son vé-
ritable début dans la carrière du roman. A
partir de cette époque il fournit de nombreux
articles à la Chronique de Paris , au Corsaire ,
au Figaro, et à la Revue de Paris, où pendant
près de dix ans il fut chargé du compte-rendu
des théâtres. La Revue des deux mondes lui
fut ouverte en 1839, à la suite du succès qu'ob-
tint le beau roman de Mariana, où l'auteur,
adoptant définitivement sa voie, proteste au nom
du devoir contre la passion, traitée cependant
par lui avec ménagement et respect; la Revue
des deux mondes inséra d'abord Le docteur
Herbeau, puis à partir de cette époque la
plus grande pai-tie des travaux de l'auteur.
M: Sandeau resta étranger au théâtre jusqu'en
1851; i! présenta alors aux Français une pièce
tirée d'un de ses romans, MHe de la Seiglière,
qui est restée au répertoire ; il donna ensuite, en
collaboration avec M. Emile Augier, La Pierre
de touche (Théâtre- Français, 1853), Le Gendre
de M. Poirier (Gymnase, 1854) et LaCeinture
dorée (ibid., 1855). Il a été élu en 1858 membre
de l'Académie. jfrançaise, en remplacement de
M. Briffaut. Bibliothécaire à la Bibliothèque ma-
zarine depuis 1853, il en devint conservateur en
1859, et fut fait à la même époque bibliothécaire
du palais de Saint-Cloud. Voici la liste de ses
ouvrages : Mme de Sommerville; Paris, 1334,
in-8e; — Les Revenants; 1836,2 vol.; — Un jour
sans lendemain; 1835, in-8°; — Mariana;
1339, 2 vol. in-8°; — Mlie de Kérouare; 1840,
in-8°; — Le Docteur Herbeau; 1841, 2 vol.
in-8°; — Vaillance et Richard; 1843, in-8°;
— Fernand; 1844,in-80;— Catherine; 1845,
in-8u; — Valcreuse; 1846, 2 vol. in 8°; —
0ie de la Seiglière ; 1848, 2 vol. in-8°; — Ma-
deleine; 1 848, in-8° ; — La Chasse au roman ;
1849, 2 vol. in-8°; — Un Héritage; 1849,
2 vol. in-8° ;— Sacs et parchemins; 1851,
2 voh in-8°; — Le Château de Monsabrey ;
279 SANDEAU
1S53, 2 vol. in-3°; — Olivier; 1854, in-8°; —
La Maison de Penarvan; 1858, in-18; — Un
Début dans la magistrature ; 1862, in-18. Il
a publié le recueil de ses Nouvelles (1859,
2 vol. in-18). A.Franklin.
Documents partie.
sandeo ( Felino-Maria ), canoniste italien,
né en 1444, à Felina (diocèse de Reggio), mort
on octobre 1503, à Lucques. Ce fut par hasard
qu'il prit naissance au village de Felina, d'où il a
tiré le surnom de Felino, sous lequel il est
quelquefois désigné; mais sa famille était ori-
ginaire de Lucques, alliée à celle de l'Arioste,
et il reçut à Ferrare sa première éducation. I
entra de bonne heure dans les ordres, s'adonna
à la jurisprudence, et professa d'abord le droit à
Ferrare (1465), puis le droit canon à Pise(1474).
Bien qu'on eût augmenté ses gages de 500 à 700
florins, il quitta en i486 cette dernière ehaire,
soit dans la crainte de perdre sa réputation en
se tirant mal d'une dispute engagée avec Phi-
lippe Decius, soit par ambition de s'avancer
dans les dignités ecclésiastiques. Il se produisit
avec honneur à la cour de Rome, et fut nommé
auditeur de rote, référendaire des deux signa-
tures et vice-auditeur de la chambre aposto-
lique; il mit sa plume au service du saint-siège,
dont il défendit les droits contre Ferdinand Ier,
roi de Naples, et Charles VIII, roi de France;
ces services furent récompensés par i'évêché
d'Atri (1495) et par celui de Lucques (1499).
C'était un homme qui avait beaucoup lu et re-
cueilli, et ses ouvrages ont eu plusieurs fois les
honneurs de la réimpression ; nous citerons les
suivants : De regibus Sicil'tse et Apulias, et no-
minatim de Alfonso, rege Aragonum, epi-
tome- Milan, 1495, in-4° : c'est un rapide
aperçu des événements depuis 537 jusqu'en 1494;
réimpr. par Freher, Hanovre, 1601, in-4°, et
dans le Thésaurus antiq. ital., t. X; — Ad
Vi lib. Decretalium commentaria; Venise,
1497-99, 3 vol. in-fol.; Lyon, 1519, 1535,1587,
3 vol. in-fol.; — Consilia; Lyon, 1553, in-fol.
Quelques-uns des ouvrages manuscrits deSandeo
pourraient servir à l'histoire diplomatique de son
temps.
Panciroll, De claris legum interpretibus. — Nlceron,
Mémoires, XL1.— Tiraboschi, Storia delta letter. ital.,
VI, lre partie.
sanders ou saunders (Nicolas), en la-
tin Sanderus, controversiste anglais, né vers
1527, à Charlewood (Surrey), mort en 1583,
en Irlande. Du collège de Winchester il passa
dans l'université d'Oxford, et après s'être rendu
aussi habile dans la théologie que dans le droit
canon, il y enseigna depuis 1557 cette der-
nière science. A l'avènement d'Elisabeth, son
zèle pour la religion catholique l'empêcha de
conserver sa chaire, et en 1560 il se rendit à
Rome, où il reçut la prêtrise et le diplôme de
docteur en théologie; puis il accompagna, en
qualité de théologal, le cardinal Hosius au con-
SANDERS
280
cile de Trente ainsi qu'en Pologne, en Prusse et
en Lithuanie. Ces voyages finis , il s'établit à
Louvain, et y professa pendant douze ans la
théologie ; en même temps il travailla active-
ment à la rédaction des nouveaux écrits de con-
troverse qu'échangeaient les deux partis. Il s'at-
tacha ensuite aux cardinaux Commendon et Phi-
lippe Sega , rit quelque séjour en Espagne , et
accepta en 1579 ia nonciature d'Irlande. L'objet
de sa mission était d'animer les catholiques qui
avaient pris les armes dans ce pays à soutenir vi-
goureusement ce qu'ils avaient commencé ; mais
leur défaite rendit inutiles toutes les peines qu'il \
se donna dans ce but. Par crainte de tomber entre i
les mains des Anglais , il erra longtemps dans les
forêts, où il mourut, à ce qu'on croit, de faim el :
de misère. C'était un théologien instruit, habile,
mais peu scrupuleux, d'un zèle emporté, el
qui alla jusqu'à prétendre que l'Église et 1<
peuple avaient le droit de déposer le souverait
qui mettait la religion en péril. Ses principaux j
ouvrages sont -. The Supper of our Lord ; Lou-
vain, 1566, in-4° : en réponse à Jewel et à No- 1
vel; — The Rock of the Church, concemint
the prirnaey ofS. Peter; ibid., 1566, in-8° ;
trad. latine, Venise, 1603, in-4°; — Treatisii
of the images of Christ and his Saints; ibid. j
1567, in-8°; — De visibilï monarchia Ec I
clesias lib. VIII; ibid., 1571, in-fol.; Rome!
1586, in-fol. : c'est un des plus amples traité '
qui aient été faits sur la matière ; Clefk et Ack j
worth l'ont réfuté; — De origine ac progressi ;
schismatis anglicani lib. III; Cologne, 1585
1 590, in-8° ; trad. en anglais, en italien et trois foi
en français, 1587, 1588, et 1678; eette Histoire
dont le troisième livre est d'Edward Rhiston, es •
écrit avec trop de passion et renferme bien de
faits suspects ; — De clave David, seu regn
Christi lib. VI; Rome, 1588, in-8°.
Wood, Athense Oxon. — Dodd, Church history. • j
Strype, Life of Parker, p. 377 et 381.— Collier, Eccle j
history.
sanders (Antoine), en latin Sanderus i
historien belge, né à Anvers, le 16 scptembi u
1586, mort à l'abbaye d'Afflïghem, près d'AlosI
le 16 janvier 1664. Fils d'un médecin, il ache\
ses études chez les jésuites de Gand , puis
Louvain et à Douai. Ordonné prêtre, il rempl
des fonctions pastorales dans les parties de 1 i
Flandre où les doctrines des calvinistes et d(
anabaptistes avaient conservé des partisans. Pc I
de temps après, en 1625, il devint aumônier < |
secrétaire du cardinal Alphonse de la Cuevi
qui fut un instant gouverneur des Pays-Bas. Cl
prélat le pourvut d'un canonicat dans la eatln
drale d'Ypres, dont il devint pénitencier en 16S
et théologal en 1660. Il remplit longtemps ans:
les fonctions de censeur des livres à Bruxelle
La plupart de ses biographes disent que s<
publications typographiques le ruinèrent si con
plétement, qu'il dut accepter l'asile que li
offrirent les religieux d'Afflighem. C'était u
281 SANDERS —
homme très-laborieux et qui possédait une vaste
connaissance de l'antiquité religieuse et profane.
Il se servait quelquefois, dans sa correspondance,
de la langue espagnole ; il savait aussi le fran-
çais; mais cette langue lui était moins familière
■ que le flamand et le latin. Paquot cite de San-
: ders quarante-deux ouvrages imprimés, et qua-
I rante inédits; nous mentionnerons les princi-
[ paux : De Brugensibus eruditionis fama cla-
I ris; Anvers, 1624, in-4° : bien que le titre porte
i libri duo, l'auteur n'en a fait qu'un, et l'ou-
> vrage paraît complet; — De scriptoribus
t Flandrise; Anvers, 1624, in-4°; — De Gan-
\ davensibus Claris ; Anvers, 1624, in-4° ;— Gan-
davumsive Gandavensium rerumlib. VI;An-
vers et Bruxelles, 1624-1628, 2 vol. in-4° ; —
Uagiologium Flandriœ; Anvers, 1625, in-4°;
Lille, 1639, in-8», —Eîogia cardinalhim guo-
I rumdam; Louvain, 1 626,in-4° ; — Diversche Be-
merkingen,eic. (Diverses réflexions, qui peuvent
'< conduire l'homme à la véritable connaissance de
Dieu et de soi-même); Bruxelles, 1626, in-12 :
c'est le seul ouvrage écrit en flamand par San-
ders; — De Claris Antoniis; Louvain, 1627,
i in-4o ; — Diss. pro instituto bibliotheca; pu-
Micas Gandavensis ; Bruxelles, 1633, gr. in- 4",
t très-rare; — Flandria illustrata; Cologne
I ( Amsterd.), 1642-44, 2 vol. in-fol., fig. La biblio-
Ithèque royale de Bruxelles possède le tome III
I (inédit) de ce précieux ouvrage; il contient la
([description topographique de la Flandre fran-
çaise, de Tournai et du Tournaisis, ainsi que
I plusieurs dessins. L'auteur avait préparé les
I matériaux d'un 4e volume, qui, outre plusieurs
■ [ nouveaux documents sur la Flandre, devait
if contenir l'histoire de l'ancienne ville et évêch
' de Térouanne et de l'abbaye de Saint-Bertin.
't Une 2e édit. de la Flandria illustrata est de
't'La Haye, 1732-1735, 3 vol. in-fol.; les planches
j en sont moins belles que celles de la première.
.[L'édition flamande de Leyde, 1735, 2 vol. in-
I fol., est l'un des plus beaux ouvrages flamands
J que l'on connaisse ; — Bibliotheca belgica ma-
hnuscripta; Lille, 1641 43, 2 vol. in-4° : cetra-
\ vail devait avoir six parties ; les deux pre-
Umières ont seules paru. « Quoique la Biblio-
i\theca manuscripta , dit Beiffenberg, ne soit
1 qu'un assemblage de catalogues informes, d'une
1 négligence et d'une sécheresse désespérante,
• ! elle n'en est pas moins d'une grande utilité au-
f jourd'hui pour nous mettre sur la voie des ma-
I I nuscrits que nous désirerions recouvrer, et pour
! avoir une idée approximative des richesses litté-
i raires de nos couvents; » — Opuscula minora,
[\oralïones sacras, prasfationum syntagma,
■ poematum lib.IV; Louvain, 1651, in-4° ; —
f Chorographia sacra Brabantise ; Bruxelles ,
■- \ 1659-63, 2 vol. in-fol., fig.; La Haye, 1726-1727,
\ 3 vol. in-fol. : le second volume de la première
'(édition est rarissime; la plupart des exem-
: ■ plaires en ayant élé détruits par le bombarde-
ment de Bruxelles en 1695; — Bibliotheca
SANDERSON
282
sacro-prof ana ; Bruges, 1657, in-4° : une se-
conde partie est restée manuscrite. Ce catalogue
des livres que Sanders possédait en 1656 con-
tient d'utiles indications bibliographiques sur les
travaux que ce savant avait déjà publiés à cette
époque, ou dont il avait préparé les manuscrits.
La bibliothèque de Tournai conserve le manus-
crit autographe d'un ouvrage de Sanders , inti-
tulé : Tornacum ilhistratum. Les dessins ori-
ginaux destinés par l'auteur à l'ornement de ce
livre, resté inachevé , existent à la bibliothèque
royale de Bruxelles. E. Begnard.
Paquot, Mémoires, t. XVI, exemplaire de la biblioth.
roy. de Bruxelles, annoté par C. van Hulthero. — Saint-
Génois, Antoine Sanderus et ses écrits, daps les Annales
de la Société royale de Gand, t. VIII, p. 185. — Mes-
sager des sciences hist. de Belgique, 1834. p. 53. — De
Reiffenberg, Chronique rimée de Philippe Mouskès,
introd., p. xx.
sânderson (Robert), prélat anglais, né
le 19 septembre 1587, à Bolherham (Yorkshire),
mort le 29 janvier 1663, à Lincoln. 11 fit d'excel-
lentes études à l'université d'Oxford , où il prit
ses grades en lettres et en théologie, et y pro-
fessa la logique ; ses maîtres disaient de lui qu'il
avait l'esprit métaohysique et une mémoire sans
pareille. L'état médiocre de sa fortune l'avait
forcé d'entrer dans l'Église : sa double réputa-
tion de casuiste et d'ami du roi le tira de l'obs-
curité. Après avoir eu dans le comté de Lincoln
son premier bénéfice (1618), il devint, par l'in-
termédiaire de Laud , alors évêque, chapelain de
Charles 1er (1631), qui le pourvut en 1642 de la
chaire de théologie à Oxford et le consulta sur
les propositions du parlement pour rétablir la
paix. Sous la république, il perdit sa chaire ainsi
qu'un canonicat à Oxford ; il vécut dans sa
cure de Boothby Pannel , et fut pillé plusieurs
fois, blessé en trois endroits et réduit à une
grande pauvreté, ayant femme et enfants. Durant
sa retraite, plusieurs personnes s'adressèrent à
lui sur des cas de conscience, dont il leur donnait
la solution par lettres. En 1658 il reçut de Bo-
bert Boy le un présent de cinquante liv. st.,
avec offre de lui servir sa vie durant une pen-
sion égale ou plus forte même , pour le mettre
hors de la gêne où il était tombé. Le rétablisse-
ment des Stuarts le tira de peine. Dans la même
année (1660), il fut rétabli dans sa chaire et
nommé évêque de Lincoln. Prideaux, Usher,
Hammond ont parlé de Sanderson avec beau-
coup d'éloges; c'était un homme fort instruit,
d'une grande modération, et d u^e timidité in-
vincible. Ses principaux ouvrages sont : Logicx
artis compendium; Oxford, 1615, in-8°;
9e édit., 1C80, in-8°; — De juramenti promis-
sorii oblïgatione; Londres, 1647, 1683, in-8°;
trad. en anglais par le roi Charles Ier; ibid.,
1655, in-8°;— De obligatione conscientix ;
Londres, 1660, 1682, in-8°; trad. en anglais;
Episcopacy, as established by law in En-
gland, not prejudicial to the régal power;
Londres, 1661, 1683, in 8°; — Sermons;
283
SANDERSON — SANDOVAL
284
Londres, 1660, 1681, in-fol.; — Discourse on the
visïbility of the true Church; Londres, 1668,
in-4°; — JSine Cases of conscience resolved;
Londres, 1678, 1685, in-8°.
Wood, Athenos Oxon. — Wordsworlli, Ecclesiastical
biogruphy, — Chaufepié, Nouveau Dict. hist. — Walton,
Life o/bisfwp Sander son ,-Lond., 1678, in-8°,
sandjar ( Aboul-Hareth Moezz-eddin) ,
sultan seldjoucide de Perse, né en 1086, mort
en 1157, à Merou. Melik-Chah 1er, son père,
était le troisième prince de sa dynastie ; il mourut
lorsque le jeune Sandjar, ainsi nommé d'une
■ville de Mésopotamie où il était né, n'avait que
six ans. Ses deux frères aînés, Barkiaroket Mo-
hammed Ier, le précédèrent sur le trône, et pen-
dant leur règne il fit l'apprentissage du pouvoir
en gouvernant le Khoraçan. En 1117 la mort
du dernier d'entre eux l'appela au trône de
Perse. Sa puissance s'étendait sur d'immenses
contrées ; il s'en montra digne par sa vaillance,
par son humanité, sa générosité et la sollici-
tude dont il entourait les lettres et les arts. Il
n'avait pas la passion de la guerre, et n'inter-
vint pas dans celles que se faisaient entre eux
les princes seldjoucides , ni dans celles qui
avaient pour objet la possession du califat. Ce-
pendant son règne fut souvent troublé. En
1130, Soliman s' étant révolté au nord du Dji-
houn, Sandjar marcha contre lui, le soumit et
lui donna un gouvernement important; en
1132, deux de ses neveux ayant pris les armes
pour le renverser, il les vainquit et les traita
également avec clémence; l'ingratitude même
ne pouvait triompher de sa longanimité, comme
il le prouva à l'égard de son neveu Bahram-
Chah, qui lui devait la souveraineté des Gazne-
vides et contre lequel il eut à combattre. En
1141 il marcha contre le sultan du Kharisme,
vassal rebelle qui avait appelé à son aide les
Khitans, peuple tartare pillard et féroce ; mais
sa fortune habituelle l'abandonna : trente mille
des siens restèrent sur le champ de bataille
avec son harem, et il lui fallut des prodiges d'é-
nergie pour regagner ses États avec quelques
rares compagnons de sa fuite. Il se vengea de
la défaite que lui avaient infligée les Khitans
au détriment des Kharismiens , et les réduisit
à la paix après trois campagnes victorieuses.
En 1149, le fondateur de la dynastie des Ghan-
rides ayant fait une invasion dans le Khoraçan,
il le vainquit, puis lui rendit la liberté et son
gouvernehjwt. Dans ce monde oriental, où au-
cune domination ne reposait sur des bases so-
lides, une grande guerre avait toujours son
contre-coup dans les pays voisins* L'arrivée des
Khitans avait provoqué le déplacement des
Turcs Uzes, qui, franchissant leDjihoun, étaient
venus s'établir dans le voisinage de Balk.
Sandjar dirigea contre eux une armée de
cent mille hommes, et repoussa les proposi-
tions suppliantes qu'ils lui adressaient, dans la
conviction que la paix ne pouvait être durable.
| Les Turcs, réduits au désespoir, remportèrent
sur lui une victoire éclatante et s'emparèrent de
sa personne (1153). Il resta quatre ans entre
! leurs mains. La réputation glorieuse dont il
jouissait en Asie lui concilia leurs respects, et
| ils le traitèrent d'abord avec les plus grands
égards; ils cherchèrent ensuite à lui arracher
la cession de Merou, sa capitale ; mais n'ayant
; pu triompher de son inébranlable courage, ils
1 se vengèrent de son refus en ajoutant aux ri-
! gueurs de sa captivité et en exerçant sur ses
i États d'épouvantables ravages. Au milieu de
l'adversité l'affection de ses sujets ne l'avait pas
abandonné; un plan de délivranee fut formé.
Quelques-uns des esclaves les plus fidèles du
monarque captif se mêlèrent aux Turcs, se-
mèrent l'or parmi ses gardiens , emmenèrent
sous le prétexte d'une chasse Sandjar jusqu'aux
bords du Djihoun, le franchirent avec lui et le
conduisirent dans sa capitale; mais il ne jouit i
que quelques mois de sa liberté, et mourut, à
soixante-onze ans. Il n'avait pas d'enfants; i
la domination de sa famille finit avec lui.
Klaproth, Tableaux hist. de l'Asie. — D'Herbelot, '
Bibl. orientale.
sândoval (Prudentio i>e ), historien es- !
pagnol, né vers 1560, à Valîadolid, mort le:
17 mars 1621 , à Pampelune. Ses parents j
étaient, à ce qu'on croit, originaires du Por- ]
tugal. Il entra dans l'ordre de Saint-Benoît, el
s'appliqua à l'étude des antiquités de l'Espagne.
Ses talents attirèrent sur lui l'attention de Phi-
lippe III, qui l'attira à la cour, et le combla d(
faveurs : outre l'abbaye de Saint-Isidore d(
Guenga, il le pourvut de deux riches évêchés, l
d'abord celui de Tuy, en Galice ( 10 mars 1608)
puis celui de Pampelune (17 février 1612)!
Sandoval fut un des historiographes en litre d<
la monarchie : non-seulement il prépara, cornait
il en avait reçu l'ordre, la continuation de Moi
raies, mais il semble avoir pris à tâche d'êtn
le successeur de Mariana; il est loin d'égale {
en critique et en science l'éloquent jésuite, e ;
ses travaux personnels se ressentent des pré ;
jugés et de la dépendance de l'historien cour
tisan. Il faut pourtant faire une exception pou
sa Vie de Charles V, œuvre estimable paj
l'abondance des détails et la simplicité du style '
mais trop diffuse et surtout d'une partialit
trop flagrante. Ses principaux écrits sont
Chronïca del emperador de Espam\
Alonso VU; Madrid, 1600, in-fol. ; — La\
Fundaciones de los monasterios de S.-Bt
nito ; Madrid, 1601, in-fol. ; la première parti1
de cet ouvrage a seule paru; — Historia d
la vida y hechos del emperador Carlos V\ <
Valîadolid, 1004-1606, 2 vol. in-fol. ; réimpij
à Pampelune, 1618,1634; à Anvers, 1681, etc.
abrégée et traduite en' anglais par J. Stevens j
1703, in-8°; La Motte le Vayer a attaqué ave
force les défauts de cette histoire, dans un Dis
cours adressé àMazarin; — Ântiguedad d\
285 SANDOVAL
la ciudad y iglesia de Tuij; Braga, 1610,
in-4° ; — Catalogo de los obispos de- Pam-
plona ; Pampelune, 1614, in-fol. ; — Historia
de los reyes de Caslilla y de Léon ; Pampc-
luiie, 1615, 1634, in-fol.; cette continuation de
Morales embrasse la période comprise entre
1037 et 1134. Sandoval a édité le recueil des
chroniques d'Idace et de quatre évêques espa-
gnols du douzième siècle (Pampelune, 1614-
1G34, in-fol.), et il a traduit du latin de saint
Léandre : De la vida y observancia de las
9nonjas( Valladolid, 1604, in-3°).
N. Antonio, Ilibl. hfspana nova. — Bitl. de l'ordre
de Saint-Benoît, III. — La Mothe le Vaycr, OEuvres,
éd. 1GC9, in-12, t. II, p.. 139-243. — Ticltnor, Hist. of spu-
nish liter., III.
sandrart (Joachim de), peintre graveur
et, écrivain allemand, né à Francfort, le 12 mai
1606, mort à Nuremberg, le 14 octobre 1683.
Il descendait d'une ancienne famille de l'Artois.
De très-bonne heure il s'adonna à la gravure.
Un orfèvre son parent, Michel Le BIou, lui
ayant enseigné les premiers éléments du dessin,
il alla prendre à Nuremberg les leçons de
Pierre Iselburgen. A quinze ans il fit à pied le
voyage de Prague, dans l'intention de fré-
quenter l'atelier de Gilles Sadeler ; mais, d'après
les conseils de ce maître, il se livra entière-
ment à la peinture, et se rendit à Utrecht, où
il devint l'élève de Gérard de Honthorst. Ses
dispositions, son zèle et ses rapides progrès
satisfirent tellement cet artiste qu'il l'emmena
en Angleterre, où l'appelait Charles Ier. En 1627
il passa en Italie, et visita Venise, Bologne et
Florenee en compagnie de Michel Le Blou avant
de se fixer à Rome. Son affabilité, la distinc-
tion de ses manières, son instruction lui firent
de nombreux amis , parmi lesquels comptaient
Poussin, Claude Lorrain et Pierre de Laer. Il
s'acquit une si grande réputation que Velas-
quez lui commanda un tableau au nom du roi
d'Espagne Philippe IV, comme à l'un des douze
plus habiles peintres qui fussent alors à Rome.
D'un autre côté, le marquis Vincenzo Giusti-
niani le chargeait de dessiner les statues an-
tiques de sa galerie et de faire graver ses des-
sins par des artistes tels que Cf. Mellan, Blo-
maert, Nataïïs, Théodore Matham, etc. Cet ou-
vrage (1) achevé, il parcourut le royaume de
Naples, la Sicile, Malte, revint à Rome, puis
après un séjour de sept années en Italie, il re-
prit le chemin de l'Allemagne (1635), désolée
alors par la guerre de Trente ans. A peine ar-
rivé à Francfort, où il se maria, l'état misérable
de son pays l'obligea d'aller s'établir à Ams-
terdam. En 1672 il contractait à Augsbourg un
second mariage, et en 1673 il se fixa tout à fait à
Nuremberg. C'est dans cette Tille qu'il publia
les divers ouvrages qui ont plus contribué à
nous le fairs connaître que ses peintures, à sa-
voir : L'Àcademia délia architectura, scol-
il) Galleria Giustini&na ; Rome, 1640, 2 vol. in-fol.
SANDYS
286
dira e piltura, oder Deutsche Académie der
edlen Bau-Bild und Malerey Kunsle; Nu-
remberg, 1675-1679, 4 tom. en 2 vol. in-fol.,
avec plus de 200 portraits. On a longtemps re-
gardé ce Dictionnaire comme l'histoire la plus
complète de la peinture; une version latine l'a
reproduit en partie, sous le titre iVAcademia
nobilissimos artis pictorix ; ibid., 1683,
in-fol. ; — Admiranda artis staluariee;
ibid., 1680, in-fol. ; — Tconologia deorum,
oder Abbildung der Goetter der Allen ;
ibid., 1680, in-fol., fig. ; — Romœ antiquse et
novae, theatrum; ibid., 1684, in-fol., fig.; -
Romanorum fontinalia ; ibid., 1685, in-fol.
lig. Volkmann a publié de ces différents ou-
vrages une édit. nouvelle; Nuremberg, 1769-
1775, 8 part, in-fol. Outre quelques gravures
d'après les maîtres ou ses propres dessins, San-
drart a exécuté un grand nomhre de tableaux
oubliés aujourd'hui. La suite des Douze mois,
qu'il peignit en Hollande, et qui figure dans la
pinacothèque de Munich, a été célébrée en vers
hollandais par Bartaeus et Vondel. « La postérité,
plus sévère que ces poètes, dit M. Ch. Blanc,
n'a vu dans Sandrart qu'un dessinateur savant
mais lourd, et un imitateur indécis qui tantôt
cherche à se rapprocher du Titien, tantôt s'efforce
de reproduire Rubens, mais en le regardant
avec les yeux de Honthorst. « H. H — n.
J. Sandrart, JutobiograpTiie, à la tête de YAcademia
artis pictorix. — Fontenai, Dict. des urtistes. — Ch.
Blanc, Hist. des peintres. — Abcdario de Mariette. —
Helneken, Idée générale dune collection d'estampes. —
Brulliot, Dict. des monogrammes. — Huber et Rost,
Manuel. — Nagler, Kilnstler-Lexikon.
SANDRAS. VOIJ. Coi'RTILZ.
SANDROCOTTCTS. VoiJ. TcnANDIUGOUPTA.
sandys (Fdïoïn), prélat anglais, né eu
1519, près Hawkshead ( Laneashire ), mort le
10 juillet 15SS, à Southwell. ïï fit ses études
à Cambridge, et fut élu en 1547 principal de
Catherine -Hall, qui fait partie de cette univer-
sité. II avait adopté la réforme religieuse, et
possédait plusieurs riches bénéfices. Ayant cédé
aux prières ou à l'ordre du duc de Northum-
berland, il prêcha à l'appui des prétentions de
Jane Grayàla couronne (juillet 1553); le parti
de Marie Tudor l'emporta , et Sandys, chassé de
l'université, subit près d'une année de prison à
Londres, et n'échappa qu'avec peine au bûcher
où l'évêque Gardiner voulait l'envoyer, comme
un des plus dangereux hérétiques du royaume.
11 s'embarqua pour la Flandre, et rejoignit à
Strasbourg la petite colonie d'Anglais exilés ou
persécutés pour leurs sentiments religieux. A
l'avènement d'Elisabeth (1558), il revint dans
son pays et fut sacré, le 21 décembre 1559, évo-
que de Worcester ; dans la suite il succéda à
Grindal , son ami , dans l'évêché de Londres
(1570) et dans l'archevêché d'York ( 1576).
D'après Whitaker, ce prélat doit être compté
parmi les hommes marquants de son siècle, à
cause de sa forte et saine intelligence, de son
287
SANDYS — SANÉ
288
savoir, de sa pénétration et de son éloquence
persuasive. Dans sa conduite privée, il montra
moins de vertus : anglican orthodoxe, mais
courtisan accompli, il s'inquiéta peu de main-
tenir !a paix parmi ses diocésains, et la rudesse
avec laquelle il les traita en plusieurs rencon-
tres lui attira des désagréments et même des
avanies. Il donna à l'épiscopat réformé le fâ-
cheux exemple d'un prélat vivant mesquine-
ment à la campagne, afin d'accroître ses re-
venus et d'enrichir sa nombreuse famille.
Outre des lettres et des morceaux insérés dans
les recueils ecclésiastiques, Sandys a laissé des
Serinons ; Londres, 1589, 1613, in 4°, et 1812,
in-8°. Il a eu part à la version anglaise de la
Bible commencée en 1565.
VVhitaker, Life of Edwin Sandys, à la tête des Ser-
mons, éd. 1818. — strype, Lives of Cranmer, Parker,
and Grindal. — Le Neve, Archbishops, II. — Fos,
Acts and monuments. — Lodge, Illustrations.
sandys ( George ), poète, fils du précédent,
né en 1577, à Bishopsthorpe (Yorkshire ),
mort en mars 1643, à Boxley (Kent). Il fré-
quenta l'université d'Oxford, mais on ignore
s'il y prit ses degrés. Au mois d'août 1610, il
commença ses voyages : il visita plusieurs con-
trées de l'Europe, puis Constantinople, la Grèce,
l'Egypte, la Terre-Sainte, et retourna à Lon-
dres après une absence de plus de quatre an-
nées. Un peu plus tard, il alla remplir l'emploi
de trésorier dans la colonie américaine de la
Virginie ; et ce fut sur les bords de la rivière
James qu'il traduisit en vers les Métamor-
phoses d'Ovide au milieu de circonstances dont
il a tracé un assez vif tableau dans sa dédicace
au roi Charles Ier. Ce prince le nomma gen-
tilhomme de sa chambre. On a de lui : Rela-
tion of a journey begun in 1610, in IVbooks,
containing a description of the Turkish
empire, of Egypt, of the Holy Land, and of
the remote parts of Italy and islands ad-
joining ; Londres, 1615, in-fol., fig.; 7e édit. ;
ibid., 1673, in-fol. : il y a dans Purchas ,
liv. VIII, un extrait de cette relation; —
Ovid's Métamorphoses englished ; Oxford,
1632, in-fol., avec figures de Fr. Cleyn; on
trouve à la suite un Essay to the translation
of the JEneis, réimpr. à part en 1640, in-fol. ;
Paraphrase upon the Psalms; Londres,
1636, in-8°; l'édit. de 1638, in-fol., contient la
musique de Henry Lawes ; — Christ's Pas-
sion ; Londres, 1539, 1688, in-8°; traduction
du Chrislus patiens, tragédie de Grotius ; —
The Song of Solomon ; Londres, 1641,in-4°.
Les ouvrages de Sandys sont simples, sérieux
et sincères ; ses récits de voyages abondent en
traits de mœurs et instruisent sans affectation
de savoir. Quant à ses poésies, elles ont con-
tribué, comme celles de Carew et d'Hcrrick, à
former une versification cadencée et harmo-
nieuse, accompagnement naturel d'un esprit
pur et élevé ; ses mérites à cet égard ont été
mis en évidence par Waller, Dryden et War-
ton. Un choix de ses poésies (Sélections from
Sandys's metrical paraphrases) a paru à
Londres, 1839, in-8°.
Sandys ( Sir Edwin ) , frère aîné du précé-
dent, né en 1561, mort en octobre 1629, à
Northborne (Kent). A vingt ans il était pourvu
par son père d'une prébende dans l'église
d'York. II voyagea sur le continent, et com-
mença d'écrire à Paris son Europœ spéculum,
qui ne fut terminé qu'en 1 599. Créé chevalier
par Jacques Ier (1603 ), il fut pendant quelque
temps trésorier de la Compagnie des Indes oc-
cidentales, et laissa aux Bermudes, où il ré-
sida, le souvenird'un administrateur intelligent.
Il siégea aussi dans la chambre des communes,
et s'opposa en 1621 aux mesures anti-libérales
du ministère. En mourant il laissa une somme
de 1,500 liv. st. pour la dotation d'un cours de
métaphysique à Oxford. Son livre a pour titre :
Europse spéculum, or a view or survey of
the. state of religion in the western parts
of the world; La Haye, 1629, in-4°; réimpr.
en 1637 et en 1673, et trad. en français . les
deux édit. antérieures à 1629 sont défectueuses, j
et l'auteur les a désavouées.
Des cinq fils de sir Edwin, quatre cmbras- 1
sèrent la cause du parlement, et l'un d'eux, le j
colonel Edwin, fut blessé mortellement à la ba-
taille de Worcester (1642 ).
Wood, Athense Oxon. — Fuller, Worthies. — Cibber, j
Lives of the poets, — H.-J. Todd, Notice à la tête des
Sélections from Sandys.
sané (Jacques-Noël, baron), ingénieur na-
val, né à Brest, le 18 février 1740, mort à;
Paris, le 22 août 1831. Doué par la nature de;
la justesse du coup d'œil , de ce sentiment ex-
quis des formes qui adapte les détails à l'en-
semble et d'un génie pratique propre à appli-
quer les théories et les découvertes de le
science, il devint le Vauban de la marine. De .
puis 1782 jusqu'à l'invention des navires à val
*peur tous les vaisseaux à trois ponts français
furent construits snr les plans de Sané. Il entre
à l'arsenal de Brest à l'âge de quinze ans, y de
vint élève constructeur en 1758, élève ingé-
nieur en 1765, sous-ingénieur en 1766, et in j
génieur ordinaire en 1774. On adopta ses plan* '
pour la construction de cinq frégates de vingt
six et de vingt-huit canons, que l'on exécuta j
en 1779, sur les chantiers de Saint-Malo. "El j
1780, il construisit à Brest Le Northumberland
vaisseau de 74. Admis au concours établi par 1<
gouvernement français, afin de donner à lit
flotte des modèles uniformes pour les vaisseau?
de chaque rang, il fit adopter ses plans-typei
en 1774, pour les vaisseaux de 74, en 1786 pou ni
ceux de 118, en 1788 pour ceux de 80. Il unit se:
talents et son savoir à ceux de son ami le cheva-
lier ds Borda; et c'est ainsi qu?il fit faire un gran<
pas au plus difficile des arts militaires. « Cegranolj
ingénieur, dit M. Charles Dupin, produisit de;
vaisseaux supérieurs à tous ceux que les mo
L>x9 SAJNÉ —
lernes avaient construits jusqu'à cette époque.»
i marine française se rappelle encore le scnti-
iiont d'admiration que lit naître le vaisseau
'Océan (l), navire à trois ponts, que le public
tdroirait pour l'élégance et la majesté de ses
ormes apparentes, et que les marins admiraient
larce qu'il était le vaisseau le plus facile à
nanœuvrer et le plus fin voilier, entre tous les
lavires du même rang qu'on eût construits en
ïurope. Il ne suffisait pas du reste d'avoir
onçu ies plans et dirigé la construction des
aisseaux les plus parfaits, il fallait généraliser
ette supériorité dans toute notre armée na-
ale. C'est un nouveau service qui résulta des
ravaux du baron Sané... La France, au lieu
'avoir des armées navales qui manœuvraient
vec tous les genres d'infériorité des plus mau-
ai» vaisseaux, composa bientôt des armées
' ont lés navires possédaient tous les genres
' e supériorité que l'art pouvait procurer : c'é-
- lit l'uniformité appliquée à la perfection . » En
! 793, Sané fut nommé ordonnateur de la ma-
î ne au port de Brest, et d'accord avec le re-
rësentant du peuple Saint-André, il prit ac-
vement toutes les mesures jugées utiles à la
atrie. 11 devint l'année suivante inspecteur
os constructions navales sur les côtes de l'O-
man, et en 1800 la place d'inspecteur généra).
lu génie maritime récompensa dignement les
fervices qu'il rendait depuis plus de vingt ans
notre flotte. De nombreuses améliorations
r îrent encore dues à ses travaux : c'est sur ses
Mans que furent construits en 1802 les vais-
fsaux de 74 pour la navigation de l'Escaut,
n 1808 des vaisseaux à trois ponts de 110, et
partir de 1810 des frégates dont il donna le
lantype dans La Justice. Sané reçut en 1811
; titre de baron de l'empire, et il prit sa re-
aite en 1817; la même année il fut nommé
tevalier de l'ordre de Saint-Michel, et en 1818
frand officier de la Légion d'honneur.. Il était
fepuis 1807 memhre de l'Académie des sciences
►section de mécanique ), où il était entré sur la
proposition même de Napoléon. Le baron Sané
nouait à quatre-vingt-douze ans, laissant une
Jnémoire respectée de tous les partis, comme
[avait été sa vie, qu'il avait consacrée à la
l'rance, sans s'inquiéter des opinions qui tour à
pur dictaient des lois au pays.
[ Discours du baron Ch. Dopin, dans Le Moniteur du
|i3 août 1831. — Annales 7narttiw.es, 1S31, 2e part. ,
• II. — Fastes de la Légion d'honneur, t. IV.
| sang a (Quintus Fabius), un des membres
je la gens Fabia. Ce fut à lui que les députés
es A llobroges révélèrent les projets deCatilina
fontre la république romaine. 11 s'empressa de
i .s porter à la connaissance de Cicéron, son ami,
jont la diligence fit avorter la conspiration.
i Salluste, Cat., 41. - Appien, II, 4.
> sangko (Raimondo de), prince me San-
(I) U parta d'abord le nom de les États de Bourgogne,
peut en 1793 celui de la Montagne, et devint l'Océan
p 1Ï98 ; il était de 118 canons.
NOtiV. BtOfiR. GÉNÉR. — T. XLIII.
SANGRO
290
Severo , savant italien, né le 30 janvier 1710, à
Naples, où il est mort, le 22 mars 1771. Issu
d'une ancienne famille, il était fils d'Antonio,
duc de Terra-Maggiore, et ne succéda aux ti-
tres de sou père qu'après la mort de ses deux
frères aînés. Il acheva à Rome, cbez les jé-
suites, le cours de ses études, et montra dès
l'enfance un génie extraordinaire pour les arts
mécaniques. A vingt ans il épousa une de ses
parentes. Son nom, son rang, ses immenses
domaines, tout l'invitait à mener la vie opulente
et oisive des grands seigneurs ; mais la nature
l'avait doué des aptitudes les plus diverses,
d'un esprit prompt, ingénieux et facile, d'une
curiosité ardente et jamais assouvie, et il fut
sans doute l'homme le plus occupé de son pays,
ne trouvant au travail d'autre délassement que
le travail lui-même. « 11 aurait été difficile ,
dit Lalande, de trouver un prince, et même un
académicien plus instruit que San-Severo, qui
eût pu composer à lui seul une académie tout
entière. » En effet il cultivait avec succès les
belles-lettres, composait des inscriptions latines,
possédait trois ou quatre langues orientales ; il
avait décoré lui-même avec élégance un ora-
toire, qui n'a pas été achevé. Il connaissait les
sciences physiques et mathématiques, et savait
à fond l'art militaire, comme il le prouva dans
la courte campagne qu'il fit en 1744. Il avait
établi dans son palais un vaste laboratoire, un
atelier de peinture, des salles d'expériences, un
fourneau à fabriquer les cristaux, une impri-
merie d'où étaient sorties quelques belles édi-
tions, etc. Ses inventions sont si nombreuses
qu'il faut se borner à rapporter les principales.
L'art de la guerre lui doit un plan de taetique
pour l'infanterie adopté par Frédéric II et Mau-
rice de Saxe ; un canon d'une matière autre que
le bronze, pesant trente livres et capable de
lancer un boulet du calibre des pièces de cam-
pagne; un fusil à tube et à platine simples,
pouvant être chargé à poudre et à vent; un pa-
pier à gargousses qui se carbonisait sans étin-
celles. Il avait dérobé à la physique quelques-
uns de ses secrets, comme celui de la lampe
perpétuelle, éteinte par la maladresse d'un do-
mestique, et qui, après avoir brûlé trois mois
de suite, n'avait, dit-on , absolument rien perdu
de la liqueur qui l'alimentait. Il tira des arts
mécaniques plus d'une application nouvelle;
nous citerons les suivantes : une machine hy-
draulique capable d'élever l'eau à une hauteur
considérable; une voiture à quatre roues qui,
au moyen d'un mécanisme invisible, avançait
dans la mer sans enfoncer (1); une espèce de
drap très-mince et imperméable; une méthode
d'impression typographique en couleur, sans
multiplier les tirages et les planches; l'art de
préparer la soie de l'apocyn (brassica canina);
un genre de peinture, dit héloïdrique, délicat
|t) Le voyageur suédois l'jœrnstachï parle de cette mer-
veille dans ses Lettres à Gjœrvell.
10
Sâa SANGRO —
et vigoureux à la fois, et un autre genre à l'en-
caustique, supérieur à celui de Caylus (1) ; un
mastic très-tendre en le posant et qui acquérait
la dureté du marbre; l'emploi de la laque et
du cinabre dans les fresques ; la coloration des
marbres de Carrare dans toute leur 'épaisseur;
l'art d'imiter les pierres fines (2), celui de les
blanchir. Une vie si activement employée sem-
blait laisser au prince peu de temps pour les
travaux de cabinet; il n'en est pas ainsi pour-
tant, et il apporta dans ses écrits la même ar-
deur que dans les inventions. Ceux qu'il a mis
au jour sont rares : Pratica di esercizj mili-
tari per Vinfauteria ; Naples, 1747, in-fol.,
fig:; Rome, 1760; — Lettera apologetica del
libro intitolato Lettere di una Peruviana, per
rispetto alla supposizione dé1 Qulpu ; Na-
ples, 1750, in-4°; suivie en 1753 d'une Sup-
plica au pape Benoît XIV pour solliciter de
lui, ce qu'il obtint, qu'on rayât de l'Index les
Lettres d'une Péruvienne, comme ouvrage inof-
fensif et d'une érudition pédantesque ; — Lettres
à l'abbé Nollet , au sujet d'une découverte en
chimie; Naples, 1753-1756, in-8°. Parmi les
ouvrages restés inédits, il faut rappeler ceux qui
ont pour titres : Vccabolario dell' arie mili-
tare di terra, 6 vol. in-fol. jusqu'à la lettre 0 ;
l'Anti-Tolando, et Lettere ad un liberopen-
satore Sulla perfetta morale. Le prince de
San-Severo se montra digne de l'amitié que lui
témoigna le roi Charles 10, et seconda de tout
son pouvoir à Naples ses grandes réformes ad-
ministratives et industrielles. Ii se contenta
dans sa cour de la charge de chambellan, qu'il
reçut en 1737, et du titre de grand d'Espagne de
première classe. Il appartenait à plusieurs so-
ciétés savantes d'Italie et d'Espagne.
Signorelli, ficende délia colturanelle Ditc-Sicilie. —
Martusceili, Piogr. degli itomini illustri di Aapoll,
t. Ier. - Lalando, Voyage d'Italie, vj.
sanlecque ( Jacques Ier de), imprimeur,
graveur et fondeur, né à Chaume (Boulon-
nais), vers 1554, mort à Paris, le 20 novembre
1648. Il vint à Paris à quatorze ans, et porta
les armes sous la Ligue. Mais ce n'est pas dans
l'ait militaire qu'il devait se distinguer. Entré
dans les ateliers de G. Lebé, l'habile graveur et
fondeur, il y prit le goût de l'art typographique,
et se fit imprimeur ; le plus curieux des ou-
vrages sortis de ses presses est l'Histoire de
l'élection et couronnement du roi des Ro-
mains (Paris, 1613, in-8°). C'est dans la gra-
(1) Le prince avait fait présent an roi Charles III d'un
tableau peint avec des cires en eouleur, d'un effet
trè.-î-rctoarquable; il lui en avait donné un autre, non
moins curieux, imprimé sur velours et représentant la
Motionne à demi cachée sous un faux voile trans-
parent, et un troisième, dont le sujet est une Chasse
royale, fabriqué avec des poussières de drap (tonîisses)
fixe":; sur une toile de Hollande.
(S) Suivant l.alsnde, un morceau de lapls-lazuli fut
examiné par différents chimistes allemands, qui consta-
tèrenl que l'acide nitrique le dépolissait, comme il ar-
rive dans le véritable lapis.
SANLECQUE 292
\ vure de caractères qu'il a acquis une juste rc
nommée. Les trois caractères de musique (pe-
i lite, moyenne et grosse musique ) qu'il in-
venta, avec l'aide de son troisième fils, sont,
dit Fournier, « un chef-d'œuvre pour la préci-
sion des filets, la justesse des traits obliques!
qui lient les notes et la parfaite exécution ». J
; Ses caractères orientaux ( syriaque, samaritain j
chaldaïque et arabe ) ont été employés dans 1;
Bible poli/glotte de Lejay (1628-1645, 10 vol.)
ouvrage dont l'exécution typographique fait ï]
peu près le seul mérite.
Sanlecque (Jacques II de ), fils du précé j
dent, né en 1613, à Paris, où il est mort, l j
: 23 décembre 1660. Il collabora avec son père I
la fonte des caractères de musique , mais s 1
distingua surtout par son érudition. 11 posst I
dait l'hébreu, le syriaque, l'arabe, le grec, 1 1
latin, l'anglais, l'italien et l'espagnol. On ne cor; I
naît de lui qu'une Allégorie, dialogue compos I
! à l'occasion d'un procès qu'il eut avec Robei
Ballard , qui prétendait au privilège exclus
d'imprimer la musique, et imprimé à la suil
' du Traité de l'eau-de-vie (1646), de Brouaul
A la sollicitation de son frère Henri, qui avaj
été valet de chambre de Charles Ier d'Angle j
terre, Sanlecque avait embrassé le protestai |
tisme. De ses trois fils, l'aîné, Louis, se di:
tingua dans les lettres (voy. ci-après);
! troisième, Jean, suivit la profession paternelle j
j et mourut en 1716, transmettant à son fil
Jean-Eustache-Louis , mort en 1778, les poii
çons et matrices de sa famille. En 1734 la foi
derie des Sanlecque passa chez Hsener, à Nanc
Sanlecque ( Louis de ) , poète français, fils <
j Jacques II, né à Paris, en 1652, mortàGarnal
: près Dreux, le 14 juillet 1714. Il entra toJ
jeune chez les chanoines réguliers de Saintl
Geneviève, qui, remarquant en lui de grand
| dispositions pour la littérature, l'envoyèreij
i professer les humanités dans leur collège '
j Nanterre. Il y demeura sept ou huit ar|
i Pendant son séjour dans ce collège , il avi>
i composé plusieurs morceaux de poésie frai
i çaise et latine, qui n'étaient point passés in
j perçus; il avait adapté à la scène du collé
Le Bourgeois gentilhomme de Molière, enJ
i ajoutant quatre ou cinq cents vers. Le suc*
que lui avaient obtenu ces petits travaux l'el
gagèrent, lors de sa sortie de Nanterre, à se h !
sarder tout à fait sur la route du Parnasse, il
j premiers pas furent malheureux. Il débuta j
une attaque en forme contre Boileau et par u |
apologie complète de la Phèdre de Pradon.
jugement faillit lui conquérir un évêché.
duc de Nevers, à qui le poète faisait sa coi j
avait pris parti pour Pradon; il était allé jusqi
décocher contre Racine un sonnet très-aeé:
Boileau s'empare des rimes du sonnet, y ajni |
de nouveaux hémistiches et ie retourne, aib
transformé, à l'ennemi. Sanlecque, pour eoil
plaire au duc, reprend à son four les mên|
93 SANLECQUE
itius et les renvoie à îîoitcau" adaptées aux hé-
mistiches suivants :
Dans un coin de Paris Boileau, tremblant et blême,
Fui liicr bien frotte, quoiqu'il n'en dise rien ;
1 Voilà ce qu'a produit son style peu chrétien:
; Disant du mal d'autrui, l'on s'en fait à soi-rucroc.
e reste du sonnet exaltait le duc de Nevers, qui
; ; lors prit en grande amitié son défenseur.
usai , quelques années après , l'évêché de
ethléem étant venu à vaquer, le duc, usant de
>d droit d'y nommer, pensa-t-il à Sanlecque.
>éjà celui-ci avait fait sa profession de foi entre
s mains du nonce, lorsque Louis XIV le dé-
. ara indigne. Sanlecque avait oublié certain
Dénie Contre les directeurs et certaine satire
Contre lus évêqtces. Le poète se retira dans
m prieuré de Garnay, près de Dreux; il y
D issa ses dernières années dans le détachement
| plus absolu des choses terrestres. On dit que
- s paroissiens profitèrent de la presque totalité
I îs revenus de sa cure et que, pour n'en rien
I sh aire, il se refusa à faire réparer la maison
Ip.ême qui l'abritait. Les eaux du ciel gagnèrent
entôt jusqu'à sa chambre et son lit ; iî fit
Langer son lit de place. La. pluie l'y vint
|ouver;le lit fut transporté sur un autre point
«a la chambre. Sanlecque s'en consola, en com-
. osant une pièce, malheureusement perdue, sur
b Promenades de son lit. Avant sa mort, il
h amende honorable à Boileau : dans la pièce
3 Boileau et Momus,i\ fait détrôner celui-ci par
lilui-là. Les poésies de Sanlecque, vantées desou
aaps, sont tombées dans un discrédit complet;
uelques traits d'esprit n'y sauraient compenser
: manque presque absolu de netteté. Ses poésies
ht paru à Harlem (Lyon), 1096, in-S°,et 172G,
i-12; Paris, 1742, in-12. Ach. G.
: Titon du Tillct. — Moréri, Dicl. Ms<; —Voltaire, Siècle
te Louis Xiy. — Vigneul-MaTv.lle, Éfélanties.
I S&MtAZAR. Voy. SaNNAZARO.
; SAXXAZAno (Jacopo), en français San-
\azar, poète latin et italien, né le 2S juillet
|458, à Naples, où il est mort, le 2*7 avril
1530 (I). Sa familie était d'origine espa-
gnole (2) ; elle fut dépouillée d'une partie de ses
iens par la reine Jeanne. Enfant, Sannazar
erdit son père ; sa mère se retira avec lui pen-
ant quelque temps à Santo-Mango, près de 5a-
xne. Avant de quitter Naples, Sannazar avait
ommencé à étudier sous la direction du sa-
vant Giuniano Maggro ; il avait aussi, dit-on,
prouvé les premières atteintes de l'amour, et
l'était épris dès l'âge de huit ans pour une
l'une fille que Crispo appelle Carmosina Bo-
jifacio. Bientôt Sannazar revint à Naples avec
a mère; il retrouva les leçons de Maggïo, qui
jii enseigna le latin et le grec, et qui, fier de ses
apides progrès, le présenta à Pontanus. Celui-
|i prit le jeune érudit en affection, et le reçut
I (1) C'est la date qui fut inscrite sur son tombeau; mais
i es auteurs l'ont fait mourir en 1532, d'autres en 1S33.
(s) Elle se fixa, dit Tiraboschi, dans la terre de San-
! aizaro sur le ro, et en prit le nom.
SA1NNAZARO
294
membre de VAccademia Pontanci, sous le
nom d'Aclius Sincerus. Cependant l'amour
occupait toujours le cœur de Sannazar ; mais la
Carmosina ne payait d'aucun retour une pas-
sion que peut-êlre elle ignorait. En proie à la
tristesse et d'autant plus désespéré qu'il souffrait
en silence, Sannazar fut sur le point de se
donner la mort; heureusement, il résolut de
chercher l'oubli dans l'éloignement, et se mit à
voyager. Suivant les uns, il alla en France;
suivant d'antres, plus croyables, en Orient. C'est
pendant ce voyage qu'il composa l'Arcadia. A
son retour en Italie, il apprit la mort de celle,
qu'il avait aimée, et ne songea plus qu'à l'im-
mortaliser par ses poésies (t). Les vers de
Sannazar le rendirent bientôt célèbre, et il fut
appelé à la cour, où il composa plusieurs comédies
pour le divertissement des princes (2). Sannazar
montra à ses souverains un dévouement qui ne
recula pas devant '-'adversité. Quand, en 1501,
Frédéric III, trahi par Ferdinand le Catholique,
son parent et son allié, dut abandonner Naples
et se réfugier en France, le poète fît argent de
tout ce qu'il put, suivit le roi déchu dans son
exil, et ne retourna en Italie qu'après lui avoir
fermé les yea<x ( 1504). Le vainqueur de Fré-
déric, Gonzalve de Cordoue, mit tout en œuvre
pour s'attacher le poète, et lui demanda de cé-
lébrer ses triomphes ; le poète refusa, voulant
que sa plume ne fût pas moins fidèle que son
cœur à l'infortune. Genre de courage plus re-
marquable que celui dont il avait donné des
preuves en combattant près du duc Alphonse
contre les troupes d'Alexandre VI. On a dit que
Sannazar était tombé malade en apprenant que
Philibert, prince d'Orange, avait fait raser la villa
Mergellina. C'était un présent du roiFrédéric au
poète, et -ie'poëie l'avait plus d'une fois chantée.
On ajoute qu'à la nouvelle de la mort de Phi-
libert, le poète ressentit une telle joie qu'il en
mourut. Le premier fait paraît vrai, mais le
second est inexact : Sannazar mourut en avril et
Philibert en août de la même année. Sannazar
fut inhumé dans l'église qu'il avait fait cons-
truire près de sa maison de campagne. Bembo
lui consacra cette épitapke :
Da sacro cineri fiores; hic ille Maroni
Sincerus Musa,proximus ettumalo.
Les jugements les plus divers ont été portés sur
V Œuvre de Sannazar. PaulGiovio et Girardi lui
ont reproché d'avoir, sous prétexte de polir son
De partu Virginis, passé vingt ans à le dé-
former et à l'affaiblir. D'autres critiques, plus
sévères que les papes Léon X et Clément VII,
qui témoignèrent au poète une satisfaction sans
réserve , lui ont fait un crime de n'avoir pas
prononcé une seule fois le nom de Jésu3, d'a-
(1) Sous les noms ù'Amaranthe, de Philis et de Char-
mostjne.
(2) On appelait ces comédies gliciommere ; une seule
de Sannazar est arrivée jusqu'à nous ; elle fut jouée le
4 mars 1492.
10.
295 SANNAZARO
voir qualiûé la Vierge d'Espoir des dieux ,
mis dans ses mains les vers des sibylles au
lieu des Psaumes, oubliant sans doute que San-
nazar se conformait ainsi au goût du temps, et
que s'il s'y fût soustrait son poëme eût reçu un
accueil peu flatteur. Les deux Scaliger et surtout,
de nos jours, M. Saint-Marc-Girardin ont jugé ce
poëme comme il doit l'être. VArcadia, mélange
de prose et de vers, est écrite, dit Cl. Lancelot,
avec une délicatesse et une naïveté merveilleuses»
Éloge que confirme Tir aboschi, en l'exagérant un
peu toutefois : « L'élégance du style, la propriété
et le choix des expressions, les descriptions, les
images, tout, on peut le dire, est nouveau et
original dans VArcadia, et ce n'est pas mer-
veille si elle eut dans ce siècle (seizième siècle)
environ soixante éditions. » Les Eclogee, au
nombre, de six, forment, d'après Paul Giovio,
l'œuvre la plus parfaite de Sannazar ; les ber-
gers classiques y sont remplacés par des pê-
cheurs, les mœurs et les travaux des campagnes
par les mœurs et les travaux des populations
qui habitenLles rivages de la mer. Les Rime
renferment des satires, des épigrammes mor-
dantes et des élégies parfois fort tendres.
L'Œuvre de Sannazar se compose des ou-
vrages suivants : Arcadia ; Venise, 1502
(contre l'intention de l'auteur ); Naples, 1504,
in-4°, et Milan, 1808, in-8°; trad. en français
par Jean Martin (Paris, 1544, in-8°) et par
Pecquet (Paris, 1737, in-12) ; — Sonetti e Can-
zoni ; Naples, 1530, in-4°, et Venise, 1534,
in-88. VArcadia, les Sonetti et les Canzoni
ont été réimpr. à Padoue; 1753, in-4°; —
Eclogse VI, Elegiarum libri III, Epi-
grammatum lïb. III, De morte Christi,
ad mortales Lamentatïo, et De partit Vir~
ginis lïb. III; Naples, 1526, pet. in-fol. ; Ve-
nise, 1528-1535, in-8°; Lyon, 1547, in-16;
Amst., 1689, in-12, et 1728, in-8°. Le De
partit Vir ginis a été traduit en vers italiens
par Jean Giolito de' Ferrari; Vérone, 1732, in-4°,
et f,ar Casarege; Florence, 1740, in-8° ; en
français par Guillaume Colletet; Paris, 1645,
in-12. Ach. Genty.
Crispo, V ita di Sannazaro. — J.-A. Volpi, Sanna-
suris Fita. — Niceron, VIII. — Angelis, Sannazar.
— Biografla degli uomini Ut. del regno di Napoli,
t. II. - Ttrabosehl, Storla delta lelterat.ital.,Vll, part. 3.
— Saint-Marc Gtrardln , Tableau de la littér. fr. au
seizième siècle, p. î37 et sulv.
SANO DI PIETBO. Voy. LORENZETTI.
sanson (Nicolas), ingénieur et géographe,
né à Abheville , le 31 décembre 1600, mort à
Paris , le 7 juillet 1667. Sa famille, originaire
d'Ecosse, était une des plus distinguées du
comté de Ponlhieu. Son père le fit élever
chez les jésuites d'Amiens, et l'initia aux études
géographiques, qu'il cultivait lui-même avec
succès. A l'époque où il vivait, les conquêtes de
la navigation étaient incomplètes; les procédés
de la géométrie, les observations manquaient
à la géographie. Cependant Sanson, par une
- SANSON
29
sorte de divination, bien jeune encore, se montr
le glorieux, émule desgéographes étrangers Ortéi
lius et Mercator : âgé de dix-huit ans, il entrepr
la savante carte des Gaules , consultée pendar
longtemps comme le guide le plus sûr des po
sitions stratégiques romaines. Familier ave»
les langues anciennes, il écrivit, dans un lali
élégant et pur, des dissertations sur la géogrc
phie ancienne et moderne. Exact, ingénieux
hardi, il franchit les limites delà science, qu'
enrichit. Au lieu de se borner aux cartes de dt
tails, il s'empara des deux hémisphères, repn
duisit chaque partie du globe sous la forme pn
cise et à la place que la nature lui assigna (1).,
marqua avec précision le berceau des différent
races humaines. Il ouvrit ainsi la voie auxétud
ethnologiques. Il joignit à ces grandes vuo
d'ensemble l'exactitude et la clarté des détail
on admire surtout ces qualités dans Jes cart
des diocèses de France, dans celles de l'Ail
magne, des Pays-Bas, et du cours du Rhi
Présenté au cardinal de Richelieu en 162
Sanson reçut le titre de géographe du roi et I
charge d'ingénieur en Picardie ; il donna d i
leçons de géographie à Louis XIII et plus ta
au jeune Louis XIV. Les travaux de fortificati
dont il aArait à s'occupera Abbeville et dans 1
autres villes de son pays natal l'y ramenaie
souvent, et il s'y trouvait à l'époque où le ce
dinal de Richelieu y conduisit Louis XIII
Ponthieu. Les autorités locales préparaient
somptueux logement ; mais le roi ne voulut t
biter que la demeure du géographe. On se d
posait à prendre le cabinet de travail de Sansc
afin d'agrandir la chambre royale ; le souver*
ne le permit pas , et dit qu'il se ferait un scr
pule d'envahir le sanctuaire de la science. Il
sita, accompagné de son ingénieur, les fortifidt
tions de la placé. A son départ, Louis lui ref
le brevet de conseiller d'État , transmissibli
la postérité du titulaire; mais le savant refii
l'hérédité, de peur, dit-il, d'affaiblir dans
enfants l'amour fie l'étude.
Affaibli par de profondes études, miné dep
longtemps par les incessants regrets de la pe
de l'aîné de ses fils , Sanson dépérissait depuis p
sieurs années. D'illustres visiteurs venaient se
vent jouir de son entretien ; de grands dignitair
de savants marins, des maréchaux de France
prince de Conti et le grand Condé lui-mên
s'empressaient de recueillir dans les doctes c:
séries de ce fameux investigateur du globe
onseignements profitables à leur profession. S;|
son mourut à soixante-sept ans , et fut inhuj
dans l'église Saint-Sulpice.Ses principaux élè'
furent ses fils (voij. ci-après), son neveu Dul
et le père de Guillaume Delisle.
(1) Les observations astronomiques des jésuites
extrémités de l'Asie sont postérieures aux cartes
Sanson; il avait dû suivre les bases de rtolémec; I
trompa donc sur l'étendue de la Méditerranée, des bi
de l'Asie aux confins de l'Atlas.
\W SANSON —
On a de lui : Gallix aniiqux descriptio
îeographica; 1627, in-fol.,et 1708, in- 12, avec
me carte, la première qu'il ait faite et qui porta
aussitôt sa réputation à un très-haut degré;
k— Grxcix aniiqux descriptio geographica ;
(636, in-fol., avec cartes; — V Empire ro-
\nain ; 1637, in-fol., avec 15 cartes;— Bri-
cmnia, ou Recherches de l'antiquité d' Abbe-
ville ; 1638, in-8° : selon lui, Abbeville es! la
Iritannia de Strabon, et elle a fourni à la
| Jrande-Bretagne son nom et sa première colo-
nie; — Les princes souverains de V Italie, ou
Traité succinct de leurs Estats, etc.; 1641,
1-8°, et 1705, 1717, in-12 ; — La France, 1644,
ii-fol., en 10 cartes, 5 latines et 5 françaises;
- Tables méthodiques pour les divisions des
îaxtles et de la France; 1644, 1696, in-fol.,
1 1742, avec des corrections par Robert de Vau-
ondy; — L'Angleterre, l'Espagne, l'Italie
tP Allemagne; 1644, in-fol. avec 10 cartes; —
,e Cours du Rhin; 1646, in-fol., en 9 cartes;
- In pharum Gallix antiqux Philippi
abbedisquisiliones geographicx; Paris, 1647-
548, 2 vol. in-12; — Remarques sur la carte
e l'ancienne Gaule de César; l651,in-4°; —
'Asie, 165.2, in-4°, en 14 cartes ; — Index geo-
raphicus ; 1653 , in-12 ; — Geographia sacra ;
aris, 1653, 1665, in-fol., et Amst., 1704, en
cartes; — L'Afrique; 1656, in-4°, avec 19
irtes. Les cartes de Sanson furent reproduites
a partie sous le nom d'Atlas nouveau, par
l'ubert Jaillot, en 1692, et sous le nom d'Atlas
e géographie ancienne et d'Atlas britannique
ai Delamarche au dix-huitième siècle , à des
iates incertaines. De Powserville.
i P. Ignace, Illst. des comtes de Ponthieu et des mayeurs
'Abbeville (avec la Gènéaloyie delà famille Sanson).
.■ Lonandrc , Continuation de l'Hist. des comtes de
onthieu. — Niceron, Mémoires, t. XIII et XX. — Fre-
t, Lettre dans le Mercvre, mars , 1726. — Catalogtie
;s cartes et livres de gëogr. de Sanson ,- 1702, in-8°.
i sanson (Nicolas) , géographe, fils aine, du
irécédent, né vers 1626, mort h Paris, le
7 août 1648. Sous la Fronde il arracha le chan-
[telier Seguier, ami de son père, à la fureur du
euple, le fit monter en voiture, et l'escorta,
épéc à la main; à la descente du Pont-Neuf,
n coup de mousquet lui fracassa la cuisse; il
îourut le lendemain. Niceron lui attribue :
'raité de l'Europe en discours, in-4°; avec
irtes françaises et 9 cartes latines.
Sanson (Adrien), frère du précédent, mort
'1 septembre 1708, fut géographe du roi, et
ollabora aux ouvrages de Guillaume.
I Sanson (Guillaume), frère cadet des précé-
!?nts, mort à Paris, le 16 mai 1703. Géographe-
u roi, il s'associa avec Adrien pour continuer
; commerce des publications géographiques; il
•édita plusieurs ouvrages de son père, et publia
p lui-même : Introduction à la géographie ;
iris, 1681, 3 part, in-12; cinq éditions; —
» Geographiam antiquam M.-A. Baudrand
souis. geographicx ; Paris, 1683, in-12; —
SANSOVINO 298
— Lettres sur les changements qui se trouvent
dans ta carte de Utisie, mise au jour par de
Fer, dans le Journal des savants de 1697, et
dans le même recueil un extrait d'une Disser-
tation contre Cassini au sujet de la Ccltibérieet
(I.? la Galatie. Le fonds de commerce des frères
Sanson passa à leur neveu Pierre Moulait, et en
1730 à Robert de Vaugondy.
1'. Ignace, Illst. des comtes de Ponthieu. — Niceron,
Mémoires, t. XIII et XX. — Manuscrits de dom Gre-
nier, p. 15, art. IV (à la Bibliothèque impériale).—
Dreux du Radier, Récréât, hist., I, 304.
sanson (Jacques), écrivain ecclésiastique, de
la famille des précédents , né à Abbeville, le 10
février 1596, mort à Charenton, le 19 août 1665.
Après avoir achevé ses études dans sa ville natale,
il fit profession aux Carmes de Paris (1619), sous
le nom A' Ignace-Joseph de Jésus-Maria. Il fut
prieur de la maison de Paris, puis dirigea les no-
vices à Charenton et à Toulouse. Comme il était
dans cette dernière ville, la duchesse de Savoie,
Christine, fille de Henri IV, fit demander parles
Carmes de Turin un confesseur français; il fut
désigné, et resta auprès de cette princesse jusqu'à
ce qu'elle mourut (1663). De retour en France, il
contribua beaucoup à la fondation de deux cou-
vents de son ordre, l'un à Abbeville, l'autre à
Amiens. On a de lui, sous le nom de P. Ignace :
Vie de saint Maur des Fossés; Paris, 1640, in-8°;
— Histoire ecclésiastique de la ville d' Abbe-
ville; Paris, 1646, in-4° ; — Vie de la mère
Gabrielle de Jésus-Maria; Paris, 1646, h>8°;
— Histoire généalogique des comtes de Pon-
thieu et des mayeurs d\ibbeville ; Paris, î 657,
vol. in-fol. Il a laissé en manuscrit, d'après
M. Louandre : Histoire ecclésiastique du dio-
cèse d'Amiens } Vies des saints de ce diocèse,
une Chronique des Carmes déchaussés de
France, etc. Les ouvrages du P. Ignace sont
mal écrits, mais ceux qui ont rapport au Pon-
thieu et à Abbeville sont fort utiles pour l'his-
toire générale de la province.
Bibliothèque des écrivains de l'ordre des Carmes
Bordeaux, l"30, iu-V>. — Moréri, Grand Dict hist. —
Louimdre, Biogr. d' Abbeville. — Prarond, Homme
utiles de l'arr. d' Abbeville.
sansone. Voy. Marchesi.
sansovino (Andréa Contucci, dit le),
sculpteur et architecte, né en 1460, et mort en
1529, à Monte-Sansovino (Toscane). Il était fils
d'un simple paysan ; mais Simone Vespucci, po-
destat de la ville , l'ayant vu tout enfant s'exer-
cer à modeler en terre en gardant les moutons
de son père, le conduisit à Florence et le confia
à Antonio delPollajuoIo. Florence lui devait déjà
la chapelle duSaint-SacrementdeSanto-Spirito et
le Baptême de Jésus-Christ, groupe plein de no-
blesse, terminé par Vincenzo Danti, lorsque, vers
l'âge de trente ans, il fut appelé en Portugal. Sous
les règnes de Jean II et d'Emmanuel Ier, il construi-
sit divers édifices, dont un palais royal flanqué de
quatre tours, et revint neuf aus plus tard dans sa
patrie. A Rome, il exécuta dans Santa-Maria del
Popolo les tombeaux élégamment ornés des car-
299 SAKSOVIKO 30<
dinaux Sforza (1505) et Basso (1507), et dans fé- | passa la seconde moitié de sa longue carrière
glise Saint-Augustin le groupe de La Madone et J Venise; il fut pour cette ville ce que furent Jule
sainte Anne, l'un de ses chefs-d'œuvre. LéonX j Romain pour Mantoue, Palladio pour Vicenct
l'envoya à Loreto pour revêtir la Santa-Casa
d'une riche enveloppe de marbre. Tout le des-
sin de cette élégante décoration est son œuvre;
mais parmi les sculptures, il n'exécuta lui-même
que les bas-reliefs de V Annonciation et de La
Nativité et la statue de Jérémie. Pendant ces
travaux, qui le retinrent longtemps à Loreto, il
allait passer chaque-année quatre mois à Monte -
Sansovino, et s'occupait d'embellir la propriété
qu'il y avait acquise. S'étant un jour échauffé
outre mesure à porter des palissades , il gagna
une fluxion de poitrine, qui remporta rapidement.
C'était un artiste profondément versé dans les
théories de l'art, ainsi qu'en font foi les écrits et
les dessins qu'il a laissés sur les mesures des
anciens, les proportions architecturales et la
perspective aérienne. « Entre tous les sculp-
teurs qui ne sortirent pas de l'école de Buonar-
rotti, dit Cicognara, Sansovino fut le plus ha-
bile de la fin d'un siècle et du commencement de
l'autre.... Si Michel-Ange eût pu avoir un rival
parmi ses contemporains, il l'eût trouvé dans cet
artiste, à la fois bon architecte , habile fondeur
et sculpteur noble et élégant. » Sansovino forma
de nombreux élèves, dont les plus illustres sont
Girolamo Lombardo et Jacopo Tatti, qui adopta
le surnom de son maître. E. B— n.
Vasari, Vite. — Cicognara, Sloria délia scultiira. —
Orlantli, Abbeccdario. — Ticozzi, Di^ianario. — Pisto-
lesi, Descrizione di Roma. — V. Murri, Sant-Casa di
Loreto. — Fanlbzzi, Guida di Firenze.
sansovino (Jacopo Tatti, dit le), sculp-
teur et architecte, né àMonte-Sansovino, en 1479,
mort à Venise, en 1570. 11 avait reçu quelques
leçons de peinture d'Andréa del Sarto; mais il
fut élève du précédent, son compatriote, Contucci
Sansorino, en qui il trouva toute l'affection d'un
père.Ses premières œuvres à Rome furent l'église
Saint-Marcel au Corso et la belle Madone de
l'église Saint- Augustin. Chargé en 1514, par le
pape Léon X, de couvrir d'une décoration en
bois la façade inachevée de la cathédrale de
Florence, il passa quelque temps en Toscane,
et fit à cette époque un Bacchus qui fut consi-
déré comme un de ses chefs-d'œuvre en sculp-
ture, mais qui, brisé dans un incendie de la ga-
lerie Médicis, en 1762, n'a pu être restauré que
fort imparfaitement (1). Il construisit ensuite à
Rome le palais Gaddi et l'église de Saint-Jean
des Florentins, pour laquelle ses dessins furent
préférés à ceux de Raphaël , d'Antonio da San-
Gallo et de Baldassare Peruzzi. A l'époque du sac
de Rome (1527), il s'enfuit à Venise, avec l'in-
tention de passer de là en France, où l'appelait
François 1er; mais le doge Andréa Gritti parvint
aie retenir, et lui conféra en 1529 le titre d'ar-
chitecte des Procuratie de sopra. Sansovino
(1) Il est encore à la galerie de Florence. L'académie de
Venise en possède un excellent moulage, antérieur à
l'accident.
Sammicheli pour Vérone. Après avoir restauré 1
grande coupole de Saint-Marc, qui menaçait ruine
il commença, en 1534, l'église de S.-Franceso
délia Vigna, qui tient le premier rang parmi s(
œuvres d'architecture, et, en 1538, les Procv
ratie nnove de la place Saint-Marc, qui furei
achevées par Scamozzi (1). Ce monument n'e;
pas, comme l'a dit l'Arétin, tout à fait « sup
rieur à l'envie » ; mais Palladio ne fit que li
rendre justice en le déclarant « l'édifice peu
être le plus riche et le plus orné qui eût é
élevé depuis l'antiquité jusqu'à sou temps ». I
1550, Sansovino donna les dessins de l'ék'gan
église de S. -Giorgio de' Greci, dont le cloche
fondé sur des pilotis, qui ont eédé, est aujourd'h
incliné; en 1555 il construisait les nouveai
édifices du Rialto.Le chœur de S.-Faustin, éle
en 1564, paraît avoir été son dernier ouvrag
Mentionnons encore les palais Manini, Corner
Dolfin, la Zecca (Monnaie), d«nt la belle faça
regarde la mer, enfin la décoration du grand c
calier du palais ducal. Parmi les sculptures do
Sansovino enrichit Venise, les plus rcnaarçuabl
sont : les portes en bronze de la 6aeristie
Saint-Marc, représentant la Mort et la Résu
reclion de Jésus-Christ, travail qui nedeman
pas moins de vingt années ; les statues de Ma
et de Neptune placées dans l'escalLer du pal;
ducal, qui doit à leur taille colossale le nom d'e
calier des Géants ; celles de Pallas, d'Apollon,
la Paix, de Marco, celui de Raveune, les mauin
lées Podacalaroh Saint- Sébastien et Venicrt:
Saint Sauveur, etc. Sansovino fut un artiste d'
génie fécond, d'une conduite et d'un aspect nol
et digne. Le sénat avait pour lui et pour le r
tien une telle estime, que seuls ils furent exen
tés d'une taxe extraordinaire imposée à tous |
habitants de Venise. Ses restes reposent à l'oi
toire de S. -Maria délia Sainte, sous un monuHn
orné de son buste par A. Vittoria. Son fils Frc
cesco (voy. ci-après), dans la préface de l'Ei
fizio del corpo humano (Venise, 1550, in-fi
dit que le Sansovino avait dessiné au moi
soixante plans d'église de son invention. (
dessins sont aujourd'hui perdus
Sansovino forma un grand nombre d'élève
Danese Cattaneo, Tiziano Minio, Aiessanc
Vittoria, leTribolo, Girolamo da Ferrara,
copo Colonna, etc. E. 15 — n.
Cicognara, Storia dclla scultura. — Milizia, File
ali architetti. — Vasari, Vite. — Ticozzi, Dizionario
Lanzi, Storia pittorica. — Orlandi, Abbeeedario. \
(!) La voûte, très-hardie, des Procuratie nuove é
à peine terminée qu'elle s'écroula, soit par la faute
ouvriers, soit par suite delà commotion causée par
coups de canon tirés à très-peu de distance. Sansot
fut emprisonné; mais grâce a l'intervention de l'ami
sadéur de Charles-Quint et aux démarches actives de
deux amis intimes, l'Arétin et le Titien, il fut proioi
ment mis en liberté et rétabli dans tous ses emplois.
I 301
! Ptotol cal, Descrisione di Rama. — Quadri, Otto giornl
\ in l'en iia. — Quatremère Ue Qulncy, Diet. d'arcftilcc-
I tune cl Pie des architectes. — Gaiihabaud, Monuments
anciens et modernes.
sansovino (Francesco Tattj), érudit, fils
do précédent, né en 1521, a Rome, mort en 1580,
' à Venise. Apres avoir passé son enfance à Ve-
: nise, il se conforma à la volonté de son père, et
S alla suivre les cours de droit àPadoue; mais,
ainsi qu'il l'avoue lui-môme, tout le temps qu'il
i donna à celte étude fut un temps perdu pour lui,
I et il acquit à Bologne les titres de docteur et
'| d'avocat sans en être plus habile. Il s'était déjà
[ fait connaître par quelques morceaux de critique
I et par deux ou trois éditions d'auteurs italiens,
lorsque l'exaltation du pape Jules III, qui l'avait
| tenu sur les fonts baptismaux, réveilla son am-
[ bition : il ne retira de son voyage à Rome que
[ le vain titre de camérier pontifical (1550). De
retour à Venise, sa patrie d'adoption, il ne
voulut plus en sortir, et consacra le reste de sa
vie à la culture des lettres. Pendant longtemps il
fut correcteur chez Gabriele Giolito, puis il
acquit une imprimerie, et choisit pour emblème
un croissant avec la devise In (lies. Ses ou-
vrages dépassent la cinquantaine, ce qui revient
à dire que l'exactitude n'en fait pas le principal
mérite; nous citerons de lui : Leltere sopra 'l
Dccamerone dt Boccacio ; s. I., 1542, in-S0; —
Del governo dëregni e délie republiche anli-
c/te e moderne; Venise, 1546, 1561, 1578, in-4°;
Irad. en français; — L'Edificio del corpohu-
mano; ibid., 1550, in-8°; — Ordine dé1 cava-
lieri del Tosone d'oro; ibid., 1558, in-4°; —
Délie Cose notabili che sono in Venetia; ibid.,
15G1, in-8° ; réimpr. avec des additions par
Doglioni, en 1603, in-4°, et par Ziotti en 1655,
ùi*12; —lsioria universali de' Turchi; ibid.,
1564, 1582, in-4"; — Dell' Istona délia casa
Orsina; ibid., 1565, in-fol.; — Origine de'
cavalieri; ibid., 1566, in-8° : abrégé de l'his-
toire et des statuts de quelques ordres mili-
taires;— Il simolacro di Carlo V imper ador;
ibid., 1567, in-80; — Dal Segretario lib. VII ;
ibid., 1568, in-8o; plusieurs édit.; — Annali
Turcheschi, ovvero vite de1 principi délia
casa ollomanna; ibid., 1568, 1573, in-4°; —
Oriografia délie vocl délia lingua italiana ;
ibid., 1568, in-8° : c'est un dictionnaire italien-
latin que l'auteur avait compilé pour l'instruction
de son fils ; — Dell' Arleoratoria lib. IU,- ibid'.,
iàù9,m-{k°;—I Principi délia casa d'Ans tria;
ibid., 1575,in-fol.; — Cronologia del mondo,
ftno al anno 1580; ibid., 1580, in-40; — Ve-
netia descrilta in XIV lib.; ibid., 1581,in-4°;
ouvrage augmenté par Stringa et Martinoni ; —
Dell' origine et fatti délie famiglie illustri
d'Italia; ibid., 1582, in-4°; — des lettres et
des poésies éparses dans différents recueils.
Sansovinoa traduit en italien les Institutes de
Justinien (t552,in-4°), la Selva di varia lezione
<le Pedro Mexia (1560, in-8°), V 'Agriculture
de Palladio (1560, in-40), la Materia medici-
SANSOVINO — SANTA-ANJNA 302
nalede P. de Bairo(l561, in-4°), Tratlalo detl'
agricollura de Crescenzi (1564, in-8n), {'His-
toire de Nicetas, etc. Parmi les ouvrages qu'il a
publiés ou compilés, nous rappellerons : Satire
e Rime d'Arioste (1546, in-12), Il Dccamerone
(1546, in-4°) et II Filocopo (1551, in-8") de
Boccace, Lib. VII di Satire de divers auteurs
(l560,in-8°), Lettere a P. Bembo scrilte (1560,
m-8°), Cento novelle scelte (1561, in-811),
recueil souvent réimpr. et augmenté du double;
Orazioni diverse (1561, 2 vol. in-4°), Hisloria
fiorentina de L. Aretino (1561, in-4"), Rime
(1561, in-12) et Prose (1562, in-8°) de Bembo,
Osservazioni delta lingua volgare de divers
(1562, in-8°), Lettere amorose (1563, 2 vol.),
Sonetti e canzoni (1566, in-12), les Vies de
Plutarque, trad. de Domenichi (1570, 3 vol.
in-4°), Concetti polilici (1578, in-4o), Epilome
dell' istoria d'Italia de Guicciardini (1580,
in-8o), et Y Istoria d'Italia du même ( Genève,
1636, in-4o).
Sansovino, Lettr-J, à la fin du Segreenrio. — Poccianti,
Catal. script, ftorentinorum. — Gniliui, Theatro. —
Fontanini et Zeno, Bibl. ital. — Niceron, Mémoires,
XXI. — Tlrabosehi, Storia délia lelter., Vil, 2* partie.
* santa-anna ( Antonio- Lopez de), gé-
néral et homme d'État mexicain, est né à Mexico,
en 1798, dans une famille d'origine espagnole,
mais peu favorisée de la fortune. Son caractère
remuant et ambitieux s'était déjà révélé lorsqu'é-
clata la guerre de l'indépendance; à la tête d'un
corps d'insurgés, en 1821, il s'empara de la Vera-
Cruz, et contribua activement à l'élévation d'I-
turbide, qui l'éleva au grade de brigadier, c'est-
à-dire d'officier général. En 1822 il se révolta
contre lui, et rallia à son parti le général envoyé
pour le soumettre. En 1823 la république fut
proclamée. A partir de ce moment Santa-Anna
joua un rôle important dans les révolutions qui
se succédèrent au Mexique; mais jusqu'en 1833
il travailla pour le compte d'autrui , élevant et
renversant le pouvoir éphémère des présidents.
A peine la révolution de 1823 l'avait-elle géné-
reusement récompensé qu'il se mita la tête des
fédéralistes; mais il fut complètement défait, et
alla cacher sa disgrâce dans son domaine de
Jalapa. En 1828 Pedrazza et Guerrero se dispu-
taient la présidence; il se prononça pour ce
dernier, qui, ayant triomphé, paya son concours
par le portefeuille de la guerre et le commande-
ment en chef de l'armée. En 1829 il repoussa une
armée espagnole qui avait débarqué au Mexique.
En 1830 il prit parti pour Pedrazza contre Bus-
îamente, et vainquit ce dernier, ce qui assura le
pouvoir à son rival; enfin, après tant d'agita-
tions stériles, il succéda lui-même à Pedrazza
(1833). Depuis il resta à la tête du gouverne-
ment jusqu'en 1856, mais avec plusieurs inter-
ruptions. En 1836 il marcha contre les Texiens,
qui, aidés par des bandes d'Américains, voulaient
se séparer du Mexique; il fut battu à San-Ja-
cinto par le général Houston, et resta prisonnier.
Une convention particulière reconnut bientôt
SG3
SANTA-ANNA — SANTA- CROCE
304
l'indépendance à peu près complète du Texas.
Ayant été rétabli dans la présidence, il ne fut
pas plus heureux quand il s'agit de défendre la
Vera-Cruz contre les Français (1838) ; c'est alors
qu'il perdit une jambe. Un testament qu'il fit
pour les Mexicains provoqua en sa faveur une
bruyante explosion d'enthousiasme. En janvier
1845 l'opinion se déchaîna contre lui avec le
même emportement : renversé une seconde fois,
il alla chercher un asile à La Havane; mais
après la chute du président Paredes (184G), il
revint prendre la direction de ses partisans. Le
Mexique espérait en lui pour repousser l'agres-
sion des troupes américaines qui avaient envahi
le Texas ; Santa-Anna, qui a rarement justifié la
haute réputation militaire dont il jouissait, fut
battu par le général Taylor à Buenavista, ie 22 et
le 23 février 1847. Il est vrai que cette défaite dut
être attribuée particulièrement à la désobéissance
età la lâcheté de sa cavalerie; car i! avait pris de
bonnesdispositions.Lei8avril suivant,le général
Scott le vainquit à Cerro-Gordo. 11 persuada
alors au pays de lui remettre la dictature, sans
réussir davantage. Défait deux fois encore par
Scott à Contrera et à Churubasco , sans par-
ler des échecs de ses lieutenants , impuissant
à résister aux ennemis qui avaient occupé la
capitale, il fut obligé de subir une paix humi-
liante, par laquelle le Mexique abandonnait
aux États-Unis le Texas et le territoire de l'O-
regon. Les Mexicains, déçus dans leurs espé-
rances, en conçurent contre Sarita-Anna une vive
irritation. Son ennemi personnel Paredes en pro-
fita pour s'insurger. Santa-Anna vaincu se réfu-
gia à la Jamaïque (1847). A peine fut-il éloigné
que l'insuffisance de son successeur Arista,
la désorganisation des finances , le désordre
universel et la misère publique le firent regretter.
Après quelques années d'anarchie il fut rappelé
(1853) : le suffrage universel lui conféra la dicta-
ture à vie, avec le titre d'altesse sérénissime.
Cette nouvelle forme politique ne présenta pas
S>Ius de garanties de stabilité que les précédentes.
Un traité signé en 1854 avec les États-Unis pour
la délimitation des frontières souleva de violents
murmures; les adversaires du pouvoir unitaire,
les pur os, ou démocrates, prirent les armes sous
le général Juan Alvarès. Malheureusement pour
Santa-Anna , il avait adopté tour à tour toutes
les opinions, cherché un appui dans les ré-
publicains, les fédéralistes, les unitaires, le
peuple, le clergé, la noblesse, et en fin de
compte il semblait pencher pour l'établissement
d'une monarchie au Mexique. Il en résulta qu'il
eut tout le monde contre lui, et fut obligé de se
réfugier à La Havane (1856). C'est là qu'il vit
retiré depuis cette époque, comprenant sans
doute que son rôle, trop souvent funeste à sa
patrie, est terminé. Son dernier acte politique
a été de donner son adhésion à l'attaque dirigée
par la France contre le Mexique. Sans être un
grand administrateur ni un grand capitaine il
fut supérieur aux médiocrités qui l'entouraient.
« Mélange de bonnes et de mauvaises qualités,
dit M. Lucas Alaman, on trouve en lui un grand
talent naturel sans culture littéraire ou morale,
un esprit entreprenant sans fixité dans les des-
seins, l'énergie et le sens du gouvernement avec
d'énormes lacunes. Habile à tracer le plan gé-
néral d'une campagne comme d'une révolution,
il est malheureux dans la direction d'une ba-
taille. 11 n'en a gagné qu'une seule. 11 a formé
des élèves et a réuni de nombreux lieutenant
quand il s'est agi de combler les maux de
patrie ; il n'a pas su en avoir quand il a fallu
résister au canon français à la Vera-Cruz ou à la
cavalerie française, dans l'enceinte de Mexico. »
Louis Collas.
Lucas Alaman, Hlst. du Mexique..— Revue des deux
mondes du 1« avril 1862.— L'Illustration, 29 juillet 1843.
— Annuaire des deux mondes, 1850 à 1862.
samta-groce (Prospero de), cardinal et
diplomate italien, né en 1513, à Rome, où il est i
mort, le 2 octobre 1589. Issu d'une famille qui
prétendait descendre de Valerius Publicola, il,
étudia le droit à Padoue, et fut à vingt-deux ans
pourvu d'une charge d'avocat consistorial, puis
nommé par Paul III évêque de Castel-Chisamo
(île de Candie). Jules III, Paul IV et Pie IV
l'envoyèrent comme nonce apostolique en Alle-
magne, en Portugal, en Espagne, et en 1562 en
France, au moment où commençaient les guerres
de religion. Catherine de Médicislui fit donner
en 1565 l'archevêché d'Arles et le chapeau de
cardinal. Il travailla dès lors à obtenir la cession
de la Sardaigne à Antoine de Bourbon. On
i reconnut plus tard que les promesses de Phi-
j lippe II à cet égard n'étaient qu'un leurre pour
| se mettre à l'abri de certaines entreprises dont
il redoutait les résultats. Le cardinal , à qui ses
services avaient valu une place dans le coaseil
de Charles LX, se démit en 157-3 de son arche-
vêché en faveur de Silvio de Santa-Croce, son
neveu, et retourna à Rome. Sixte V lui donna l'é-
vêche d'Albano (6 mai 1589), mais il n'en jouit
crue peu de mois, et fut inhumé à Sainte-Marie
Majeure, où ses neveux lui firent élever un ma-
gnifique tombeau en marbre. Comme c'est ce
cardinal qui, au retour de sa nonciature de Por-
tugal, fit connaître en 1561 le tabac en Italie,
on donna à cette plante le nom de Santa-Croce,
de même qu'en France on l'appela Nicotiane,
du nom de Jean Nicot, son introducteur à cette
époque. Santa Croce avait écrit en latin les Mé-
moires de sa vie et d'autres encore sur les
guerres civiles de France ; ces mémoires ont été
publiés par les PP. Martenne et Durand,
dans le t. V de leur Colleotio veterum scrip-
torum sous le titre de : De eivilibus Galliee
dissensionibus comm.; 1547-1567 ; Paris, 1729,
in-fol. On a encore de lui : Decisiones Rotac
romanœ; Gonstitutiorncs lanœ artis in Vrbe
erectx ; un manuscrit, De offtciis legati, et
cinquante lettres en italien et en français, sur
305 SANTA-CROCE
les affaires de France, publiées par Aymon dans
les Synodes des églises réformées.
Ughclli, ttalia sacra.— Aubery, Hist. des cardinaux.
— Gallia christiana, t. I. — Du Teins, Le Clergé de
France, t. 1. - Dupont, Hist. de l'église d'Arles.
santa-crcz ( Alvaro de Bassano, marquis
de), amiral espagnol, né dans les Asturies,
vers 1510, mort à Lisbonne, en 1588. Fils li'Al-
varo de Bassano, général des troupes de Ferdi-
nand le Catholique pendant la guerre de Gre-
nade, et d'Anne de Guzman, il embrassa tout
jeune encore la carrière des armes, et montra
dans plusieurs campagnes sur mer tant de cou-
rage et d'habileté que Charles V le nomma gé-
néral des galères et le chargea, en 1530, de dé-
fendre les côtes d'Espagne contre Kaïr-ed-Din
(Barberousse), devenu maître de Tunis. Ayant
équipé seize galères, qu'il garnit de troupes, il fit
.ine descente en Afrique, emporta de vive force
a place d'Oran, et dispersa la flotte barbaresque.
Le 19 mai 1535, il amena dix-neuf galères pour
rendre part à l'expédition que Charles V vou-
lut faire en personne contre les Maures d'A-
rique, et se distingua au combat qui força Bar-
oerousse à abandonner Tunis. 11 conduisit en
1536 ses galères à Gênes, pour défendre contre
es Turcs les côtes d'Italie et seconder la des-
iente de l'empereur en France. Eu 1554, il ac-
compagna l'infant Philippe dans son voyage en
Angleterre, où il allait épouser la reine Marie.
En 1563, il ravitailla Cran, s'empara du Pennon
le Vêlez, arrêta quelque temps les excursions
les pirates de Tétuan en faisant échouer à l'en-
trée de leur rivière des bâtiments remplis de
îpierres et de chaux. Après avoir transporté six
mille hommes en Sicile, il reçut en 1565 le titre
(l'amiral d'Espagne, et secourut Malte, attaquée
par les Turcs. Il se signala à Lépante (1571) et
y reçut trois blessures. A cette époque, Phi-
lippe II l'avait depuis quelque temps créé
imarquis de Santa-Cruz. Lorsque la France se
flisposa à soutenir en Portugal les droits du
(prieur de Crato, Santa-Cruz attaqua la flotte
française, placée sous les ordres de Philippe
J5trozzi (25 juillet 1582), la détruisit complètement,
jimais déshonora sa victoire par une cruauté sans
[exemple -, il fit massacrer tous ceux que le sort
Ides armes avait mis entre ses mains ; Strozzi fut
jtout vivant attaché sur une planche et jeté à la mer.
'Après avoir, en 1586, remporté quelques avanta-
ges sur l'amiral Drake, il reçut le commandement
% la célèbre Armada destinée à opérer une des-
pente en Angleterre ; mais la douleur d'avoir es-
suyé de Philippe II quelques injustes reproches
hâta sa mort avant le départ de la flotte-. Le roi
'l'Espagne le regretta vivement, et plus tard attri-
bua à sa mort la défaite de son armée. H. F.
i Ferreras, Hist. gén. de l'Espagne, t. IX et X. — ciir.
|«osquera de Figneroa, Elogio del margues de Sancta-
\-rux; 1600, ln-12. - Gabriel Laso de la Vega, Elogios
île don Jayme, rey de Aragon, don Alvaro de Baçan
[barques de Santa-Cruz, y don Fernando Cortès'
"«'•?"« de* J"a»e;Saragosse. 1601, pet. in-S°. - Bran-'
|ome, Grands capitaines.
— SANTAREM 30c
sANTAMu.it. Voy. La Serna.
santarelli (Antonio), jésuite italien, né
en 1569, à Atri (roy. deNaples), mort à Rome,
le 5 décembre 1649. Entré à seize ans dans la
Compagnie de Jésus, il professa à Rome d'abord
les belles-lettres puis la théologie morale. Il est
l'auteur d'un traité qui fit beaucoup de bruit :
De heeresi, sehismate, apostasia et soltici-
tatione in sacramenlo pœnitentix, et de
potestate summi pontificis in his delictis
puniendis (Rome, 1625, in-4°), traité où il
attribue au pape un pouvoir qui s'étend jusque
sur le trône des souverains; en 1626 la Sorbonne
le censura, et le parlement de Paris le con-
damna au feu. Les Jésuites donnèrent une décla-
ration formellement opposée aux doctrines émi-
ses par leur confrère quand ils virent ce dernier
également censuré par les facultés de théologie
de Caen, de Toulouse, de Valence, de Bordeaux,
de Reims, de Bourges et d'Orléans. Richer a
recueilli toutes les pièces de cette affaire ( Rela-
tion, etc.; Paris, 1629, in-4°). Santarelli a encore
écrit, en italien, un Jubilé de l'année sainte
(Rome, 1624, 1625, in-12), trad. en français, en
latin ( Mayence, 1626, in-12), la vie de Jésus et
de la Vierge (Rome, 1625, in-8°) et quelques
notices historiques sur des Jésuites. Il était de-
venu aveugle quelques années avant sa mort.
Sotwel, Bibt. script. Soc. Jesu. - Du Pin, Hist. ecclés.
1. 1. — D'Avrigny, mém. eccl. — Toppi, Bibl. napolitana.
— Mercure de France, 1626.
santarem (Manoel-Francisco de Bar-
ros y Sooza, vicomte de), érudit portugais, né
à Lisbonne, le 18 novembre 1790, mort à Paris,
le 17 janvier 1856. Il était fils d'un valet de
chambre ou de garde-robe de Jean VI, qui lui
donna des lettres de noblesse. Après avoir fait
de bonnes études au collège des nobles , il ac-
compagna la famille royale au Brésil, et en 1814,
comme il avait déjà fait des travaux importants
sur l'histoire diplomatique de son pays, il fut
nommé conseiller d'ambassade avec la mission
d'accompagner son oncle, le comte de Porto-
Santo, plénipotentiaire au congrès de Vienne. Il
passa ensuite avec le même titre à Paris, et
devint peu après ministre du Portugal en Dane-
mark, d'où il fut rappelé après la révolution de
1820, à cause de ses opinions absolutistes. Souple
de caractère et sachant se plier aux circons-
tances , il essaya vainement de se faire employer
à son retour à Lisbonne , et ce ne fut qu'après
le renversement de la constitution des cortès et
le rétablissement du pouvoir absolu en 1823
qu'il fut nommé directeur des archives du
royaume. Après la mort de Jean VI, la régente
Isabelle-Marie le fit en 1827 ministre d'État ornais
Santarem ne songea plus qu'à seconder les des-
seins de don Miguel. Ce dernier, devenu régent et
bientôt roi, lui confia en 1828 le portefeuille des
affaires étrangères, qu'il conserva jusqu'en juillet
1833, époque de la chute de l'usurpateur. II
vint alors se réfugier à Paris, et continua d'y
S07
SANTAREM —
poursuivreses travaux historiques avec une grande
persévérance. Membre de l'Académie des sciences
de Lisbonne, il fut admis dans la société des
antiquaires de France (9 avril 1828), et devint
correspondant de l'Académie des inscriptions
(20 janvier 1837). Outre des articles spéciaux
insérés dans différents recueils périodiques , on a
de lui : Prioridade dos descobrimentos por-
tuguezes; Paris, 1841, iu-8° : histoire des
découvertes des Portugais sur la côte occiden-
tale d'Afrique; — Quatro elementar das re-
laçaoes politieas e diplomaticas de Portu-
gal; Paris, 1842-1854, 15 vol. in-8° : cet ou-
vrage, malheureusement inachevé, traite des
relations diplomatiques du Portugal avec les
différentes puissances, et a été imprimé aux frais
du gouvernement portugais; — Introduction
au tableau des relations politiques et diplo-
matiques du Portugal ; Paris , 1836 , in-8°;
— Institution des colonies anglaises; Paris,
1840, in-8°; — Recherches sur Amélie Ves-
puce et ses voyages; Paris, 1842, in-8°; —
Recherches sur la découverte des pays situés
sur la côte occidentale d'Afrique; Paris, 1842,
in-8°, avec atlas, et Sur lis progrès de la science
géographique après le seizième siècle. Dans cet
ouvrage, l'auteur égaré par l'esprit de système et
de patriotisme, cherche à démontrer que les
Européens n'ont rien connu au sud-est de Bo-
jador avant les découvertes entreprises par les
Portugais sous les auspices de don Henri. Il a été
réfuté par M» d'Avezac, dans les Nouvelles An-
nales des voyages, 1845-46;— Essai sur l'his-
toire de la cosmographie et de la cartogra-
phie pendant le moyen âge; Paris, 1849-1852,
3 vol. in-8° : l'un des ouvrages les plus com-
plets sur cette matière ; — une Histoire des
anciennes Cor lès ou du Parlement de Por-
tugal, en allemand, etc.
Biogr. wiiv. et port, des contemp- (suppl.) — Ann.
Jtist. et biogr. des souverains, etc., t. I. — Vapereau,
Dict. des contemp. — Ann. de la Soc. des antiq. de
France.
santé (La). Voy. La Sainte.
santen {Laurent van), philologue hollan-
dais, né le 1er février 1746, à Amsterdam, mort
le 10 avril 179S, à Leyde. 11 fit, sous la conduite
de Pierre Burman le jeune, d'excellentes études
classiques, et s'appliqua ensuite à la jurispru-
dence, qu'il enseigna comme répétiteur à Leyde.
Sauf deux courts voyages, l'un en Allemagne
(1766), l'autre en France (1776), il passa sa vie
entière dans cette ville, seconda pendant la ré-
volution les efforts du parti patriote, devint en
1795 curateur de l'université, et profita de son
passage dans les hautes fonctions pour fonder
une chaire de littérature hollandaise, qu'il fit
donner à Siegenbeck, son ami. La culture des
lettres avait été le délassement de sa jeunesse ; il
y trouva une ressource quand les revers ébran-
lèrent la fortune de son père, qui pratiquait le
négoce à Amsterdam. Ses débuts dans la poésie
latine furent brillants; c'était aussi un bon phi-
SANTERRE 30i
lologue, surtout pour îa critique des auteurs an
ciens, sur lesquels il a laissé des remarques très
judicieuses. Ses poésies, d'abord publiées soasï
titre de Carmina juvenilia (Leyde, 1767, in-12)
avec celle de trois autres disciples de Burma;
(Hooft, Couderc et Schepper) et dédiées à leu
maître, ont été réimprimées à part, à Paris, 177C
et à Londres, 1782, in-12; un second reçue
(Carmina) en a paru à Utrecht, 1780, in-8°; <
après sa mort elles ont été réunies par J.-F
Hoeufft (Leyde, 1801, in-8"). Van Santen a pi
blié comme éditeur : Properce (Utrecht, 1781
in-4°), travail préparé par Burman; J. Helvel
Poemala (Leyde, 1782, in-8°); Deliciae po.
tiese (ibid., 1783-1796, 8 part.) ; lîomeri i
Callimachi Hymnus in Cererem et alla m
nora carmina (ibid., 1784, in-8°); J. Farseï
Carmina (ibid., 1785, in-8"); Callimac.
Hymnus in Apollinem (ibid., 1787, in-8'
trad. en vers latins; Honorali Centimelru
(ibid., 1788, in-12), etc. Le travail qu'il av.
préparé sur Catulle n?a point vu le jour. Le (
talogue de ses livres a été publié par J. van Tbo.
J.-H. Hoeufft, Notice, à la tête de l'd-dit. de 1801.
Peerlkamp, Vxtx Belgarum qui latina carmina scrip
runt. — liibl. Santeniana.
saîsterke (Jean-Baptiste), peintre fra
çaïs, né le 1er janvier 1658, à Magny (Seine- J
Oise), mortà Paris, le 21 novembre 1717. Il et
fils d'un procureur. Après avoir étudié à Pa
les éléments du dessin chez François le Mai
peintre médiocre, il enti?a dans l'atelier de Bo
longne l'aîné. Doué de peu d'imagination, ni
d'un esprit patient et curieux de la perfection
ne négligea aucun soin ni aucune étude pour
quérir un rang élevé dans son art; il étudia
perspective et l'analomie, bien qu'il se fût ado*
entièrement à la peinturedes portraits. Dans;
désir d'assurer la durée de ses ouvrages, il |
pliqua à rechercher des couleurs et des pré
rations inaltérables; on dit qu'il observait h;
tuellêment les enseignes des boutiques afini
discerner les couleurs que le temps et le jour î
pectaient. Il arriva à n'en employer que cin«
faisait en outre sécher ses tableaux au soleil
ne les vernissait qu'après plusieurs années. Gi
peut-être à ces procédés, ses ouvrages ont e
serve une pureté et une fraîcheur de tons <
est juste de reconnaître. L'originalité de S
terre ne s'arrêta pas seulement à des systè
dans la pratique de son art. Fatigué, dit-on, T
exigences des personnes qui posaient devant \,
il alla jusqu'à déclarer publiquement qu'il [e
s'astreindrait plus à reproduire les traits es
de ses modèles et qu'il ferait seulement des
traits de fantaisie. Il ne paraît pas que cette
gulière annonce ait beaucoup éloigné la cïier.
de son atelier (1). L'Académie de peinture ai
(1) Il avait formé un atelier de jeunes filles auxqi
il enseignait la peinture, et qui lui servaient le p
souvent de modèles. Une seule de ces élèves, C
viève Blanchot, plus connue sous le nom de Codon
quit quelque renom, bien qu'elle employât presque c
1309
' Santerre au nombre de ses membres le 18 octobre
; i7oi, sur la présentation d'un portrait de Coypel
i et d'une Suzanne au bain, qui est au musée du
Louvre. Un tableau de Sainte Thérèse en mé-
: dilution, qu'il fit pour la chapelle du palais de
, Versailles, valut à Santerre une pension et un lo-
fgenicnt au Louvre. H. H— N.
I Fontcnay, Dict. des artistes. — F. Villot, Notice des
{tableaux du Louvre.
sa.vtiîrke (1) (Antoine-Joseph), général
français, né le 16 mars 1752, à Paris, où il est
mort, le 6 février 1809. Fils d'un brasseur de Cam-
[ brai qui était venu s'établir au faubourg Saiut-
I Antoine à Paris, il continua l'état de son père.
[Sa fortune, sa réputation de probité et de gé-
nérosité, sa conduite envers les nombreux ou-
Bwierï qu'il employait, lui attirèrent une grande
'influence dans son quartier au début delà révolu-
jtion. Il fut en 1789 un des électeurs de Paris qui
se réunirent à l'hôtel de ville Je 14 juillet, et devint
commandant de la garde nationale du district des
Enfants-Trouvés. Décrété de prise de corps, après
[l'émeute du Champ-de-Mars (1791), à laquelle il
[eut un-1 part active, il se cacha jusqu'à l'amnistie
qui suivit le vote de la constitution. Dans l'année
\ 1792, les agitateurs des faubourgs se réunissaient
\ souvent dans la brasserie de Santerre, et c'est
I là que fut préparée de longue main l'émeute du
htf juin. Dans cette journée, Santerre marcha,
(avec Saint-Huruge, à la tête de la foule qui en-
1 valut l'Assemblée nationale et, placé au pied, de la
tribune, il dirigea le défilé. Ensuite, il remercia
les députés des marques d'amitié qu'ils avaient
données aux habitants du faubourg Saint-Antoine,
; les pria d'accepter un drapeau en témoignage
1 de leur reconnaissance , et alla rejoindre ses
1 hommes sur la place du Carrousel, pour les me-
ner aux Tuileries. Le 25 juin, il écrivit au prési-
dent de l'Assemblée une lettre qui marque bien
la certitude où il était de sa popularité et de son
pouvoir sur la foule. « Monsieur le président, lui
disait-il, j'ai l'honneur de vous donner avis que
la tranquillité est complète au faubourg Saint-
Antoine, et que, comme j'apprends que l'on dé-
sire à Paris avoir du mouvement, d'après les
bruits que l'on répand, je m'empresse de pré-
venir l'Assemblée nationale que le faubourg Saint-
Antoine ne marchera jamais que contre les
ennemis de l'Assemblée, pour laquelle le peuple
versera toujours son sang. » Dans la journée du
10 août, a laquelle il prit une grande part, la
commune le fit commandant général de la garde
nationale de Paris. Ce fut en cette qualité qu'il
conduisit Louis XVI à la prison du Temple. Il
fut nommé le 11 octobre maréchal de camp.
Le 21 janvier 1793, il commanda avec le général
Berroyer les troupes chargées d'entourer l'écha-
faud, et c'est sur son signal que les tambours
«îvement son talent à faire des copies d'après les ta-
bleaux île son maître.
(0 Dans le titre de commandant de la garde natio-
nale de Paris, almanach de 1791 , 11 porte le nom de
Oalt.et de Santerre.
SANTERRE 310
battirent pour étouffer la voix de Louis XVI.
Le 17 avril 179;i, il obtint décharge d'une somme
de 49,003 livres qu'il devait à la ferme générale
pour les droits qui auraient du être perçus sur
la bière par lui fabriquée dans les années précé-
dentes. Le rapport du ministre des finances dé-
clarait que cette bière ayant été consommée en
très-grande partie dans un but patriotique, il y
avait lieu de faire au brasseur remise de sa
dette. Santerre, élevé, le 30 juillet 1793, au grade
de général de division, voulut acquérir quelque
réputation militaire qui justifiât ce titre, et ac-
cepta un emploi à l'armée de Vendée. Il y joua
un rôle peu brillant, et n'y éprouva que des
échecs: le plus considérable fut la déroute de
Coron (18 septembre), due surtout au mauvais
choix de la positiou sur laquelle il avait placé,
en l'ace des royalistes, l'armée républicaine (1).
Rappelé par le comité de salut public et bientôt
arrêté, il ne fut mis en liberté qu'après la mort
de Robespierre. Le 13 thermidor (31 juillet 1794),
il se démit du grade de général, et rentra dans la
vie privée ; mais ses jours de fortune étaient passés,
comme sa popularité; il vit péricliter ses affaires,
et adressa une lettre au ministre de l'intérieur
pour obtenir un prêt de 25,000 francs, lui ex-
posant « qu'ayant été l'agent de la loi dans les
temps orageux, cela lui a retiré toutes ses con-
naissances riches et ôté toute ressource ». Plus
tard (5 juillet 1800), il adressa au premier consul
la lettre suivante, qui ne manque pas de dignité,
bien qu'elle soit la lettre d'un solliciteur :
•i Santerre, général divisionnaire, au général
Bonaparte, premier consul de ia république.
i J'ai eu l'honneur de vous demander d'aler à
l'armée de réserve partager vos dangers ; vous avez
eu ia bonté de renvoyer ma demande au général
Berthier, alors ministre; son départ précipité m'a
privé de cet avantage. J'ai demandé au ministre
actuel k être employé; sans votre ordre, il n'a put
probablement^ faire ; il s'ïst cependant trouvé des
places dans les directoires près les hôpitau? raili-
taires et dans les villes fortes. Je vous ai offert, en
vendémiaire an ïv. mes services; vous ne les dé-
daignâtes pas. J'ai presque tout perdu au service de
1s république, je ne puis maintenant me passer de
vous demander une place. I-'on m'a offert le traite-
ment de réforme. J'avais alors de la fortune, .je n'ai
pas au devoir être payé sans servir. Depuis l'on
m'a interdit politiquement mon habitation au fau-
bourg Jntoine, ce qui m'a ôté mes resources
commerciales. Couséquemment, si le gouvernement
ne m'emploie pas, malgré mon désir de servir, ayant
déjà servi avec succès au \i juillet, au 10 août et
dans plusieurs batailles que j'ai commandées en Ven-
dée, je vous demande le traitement de réforme, sans
pour cela cesser d'être au service de notre patrie.
« Salut, respect et admiration. Santerbe.»
« Enclos du Temple, à Paris, ce 16 messklor an vin.
« P. S. Je ne joins à cette lettre aucun compli-
ment ni éloge, je ne pourrais rien ajouter à celui
de dire : Bonaparte était à Blarengo. »
(!) On lui lit alors cette épitaphe anticipée ;
Cl-git !e penéral Santerre,
Qui n'eut de Mars que la bière.
311
SANTERRE — SANTEUL
31!
Le premier consul n'employa pas activement
le général Santerre ; mais, par un arrêté du 9
thermidor an vm (28 juillet 1800), il le réintégra
dans les cadres et l'admit à jouir du traitement
de réforme affecté à son grade. La réputation de
férocité qui s'est attachée au nom de Santerre
est certainement imméritée; sans doute il eut
cette exagération de gestes et de paroles qui
servent aux chefs populaires à entraîner les
masses dans les jours d'émeute, mais on le vit
plus d'une fois chercher à modérer l'ardeur de ses
partisans et sauver les jours même de citoyens
qui lui étaient opposés. Son rôle dans l'exécution
du 21 janvier a surtout soulevé contre lui la haine
des écrivains royalistes, et les a amenés à faire un
chef brutal et cruel d'un homme faible et nul qui,
par conviction ou par vanité, s'est mêlé aux luttes
politiques.
Mort-imer Ternaux, Hist. de la Terreur, t. 1er. — Re-
vue rétrospective, Ie série, t. Ier. — Carro, Santerre, sa
vie piiblique'et privée ; Paris, 1847, in-8°.
SANTES PAGNINUS. Voy. PAGNINO-
santeul (Jean (1)DE),le plus célèbre des
poètes latins modernes, né à Paris, le 12 mai
1630, mort à Dijon, le 5 août 1697. Il était d'une
ancienne famille marchande (2), et son père fut
échevin. Du collège Sainte-Barbe , où il com-
mença ses études, il passa au collège Louis-le-
Grand, et fit sa rhétorique sous le P. Cossart,qui
développa ses dispositions pour la poésie et
jugea de ses succès futurs par l'ingénieux poëme
sur La Bulle de savon. A l'âge de vingt ans,
Santeul entra chez les chanoines réguliers de
Saint-Yictor, et reçut le sous-diaconat, sans
vouloir jamais s'élever à un plus haut rang dans
les ordres ecclésiastiques. L'étude, la culture
des lettres et surtout des Muses latines le re-
tinrent plusieurs années dans l'obscurité et la
solitude. Ses premières pièces de vers, adressées
à Lamoignon, Le Tellier, Louvois, Pellisson,
Rossuet, etc., furent trouvées dignes de ces hauts
personnages. 11 devint le poète favori de la ville
de Paris, et illustra de ses distiques les édifices,
les fontaines, les arcs de triomphe. La ville lui
fit une pension et le roi lui en accorda une autre.
En 1670, l'archevêque Harlay de Champvallon
ayant institué une commission pour réformer le
bréviaire de son diocèse, et substituer aux an-
ciennes hymnes des hymnes nouvelles écrites en
un style plus élégant, la commission s'adressa à
Claude de Santeul (voy. le suivant), qui engagea
son frère à entreprendre ce travail. Le premier
recueil parut en 1685, et le succès en fut très-
grand. L'ordre de Cluni demanda aussi au poète
de nouvelles hymnes pour son bréviaire. Il fit le
même travail pour plusieurs autres églises de la
capitale et des provinces. On peut dire que dans
ces chants sacrés il est vraiment poète : ses vers
(1) D'après l'abbé Dinouart, il signait Jean, et le re-
gistre de sa paroisse ne porte que ce prénom; cependant,
sur sa tombe, on a inscrit Jean-ïïaptiste.
(2) Elle avait pour armes parlantes une tétc d'argus.
On doit prononcer Santeuil.
ont de la noblesse et de l'éclat, ses expression
de la force, ses sentiments de l'élévation. Ce
pendant, il est loin de la pureté latine, et surtou
de la simplicité chrétienne; des gallicismes, d j
l'enflure, beaucoup d'antithèses, des expression
et des rhythmes empruntés aux poètes de l'an .
tïquité, donnent trop souvent à ses hymnes un
élégance fausse ou du moins hors de place
Aussi les membres du clergé qui depuis ving
ans ont travaillé, dans l'intérêt de l'unité litur
gique, à substituer le bréviaire romain aux an i
ciens bréviaires des diocèses de France, si
sont-ils élevés avec force contre les hymnes d>
Santeul, quoique des hommes de goût aieni
réclamé en faveur de celles qui passent pour se
chefs-d'œuvre, comme le Stupete gentes. 11 es
certain que l'étude de Virgile et d'Horace avaid
donné à Santeul un amour de la poésie païenn
dont il ne put se départir malgré les sollicita ■
tions de son frère, de Pellisson et de Bosswet I
C'est ainsi qull dédia à La Quintinie un poëra
intitulé Pomona in agro Versaliensi; Bossue
lui en fit des reproches; Santeul en composi
un autre pour s'excuser, et l'envoya à l'évêqui j
de Meaux, avec une vignette où il se montrait
genoux, la corde au cou, un flambeau à la main
faisant amende honorable. Le poète eut avec le j
Jésuites, vers la fin de sa vie, une querelle qu
ne s'apaisa pas aussi facilement. Antoine Arnauli |
étant mort en 1694, Santeul composa uns ins
cription destinée à être mise au-dessus de soi
cœur à Port-Royal; les Jésuites furent irrités d|
éloges qu'il y donnait à leur ennemi ; Santeul fi I
une nouvelle inscription, qui parut encore am-
biguë , et plusieurs écrits furent lancés con-tn
lui, Santolius pœnitens, Linguarium, etc. L;
dernière pièce de Santeul eut pour titre Santo \
lins Burgundus ; il la composa à Dijon, où i j
avait été emmené par M. le Duc, qui y tenait le
états de Bourgogne en 1697. A la veille de som
départ pour retourner à Paris , il fut attaqu» !
d'une colique violente dont il mourut après qua
torze heures de souffrances intolérables (1). I
était âgé de soixante- sept ans . Son corps fut trans
porté à Paris, dans l'abbaye de S'iint-Vic-tor, e
Rollin lui fil une épitaphe en trois distiques latins
« Santeul, dit Saint-Simon, était plein d'es-
prit, de feu, de caprices les plus plaisants, qu |
le rendaient d'excellente compagnie; bon con-
vive surtout, aimant le vin et la bonne chère.
(l)5C'est ce que l'on voit dans une lettre écrite, quelque;
jours après cette mort, par le comte de Hautoys à M. d(
La Garde, trésorier de M. le Prince. Saint-Simon présent*
cet événement d'une manière bien différente; sans ac-
corder une foi entière au récit de Saint-Simon, qui s(
montre en plus d'une circonstance l'ennemi des Coad*
nous ne pouvons nous dispenser de le reproduire : « Un
soir que M. le Ducsoupait chez lui, il se divertit à poGS-
ser Santeul de vin de Champagne ; et de gaieté en gaieté,
Il trouva plaisant de verser sa tabatière pleine de tabac
d'Espagne dans un grand verre de vin, et de le faire
boire à Santeul pour voir ce qui en arriverait. II ne fui
pas longtemps à en être éclairci. Les vomissements et la
fièvre le prirent, et en deux fois vingt-quatre heures te
malheureux mourut, dans des douleurs de damné. »
313 SANTEUL
mais sans débauche, et qui, avec un esprit et des
talents peu propres au cloître, était pourtant au
fond aussi bon religieux qu'avec un tel esprit il
! pouvait l'être. » La Bruyère en a tracé le por-
; i trait suivant, sous le nom de Théodas : « Con-
cevez un homme facile, doux, complaisant, trai-
; table, et tout d'un coup violent, colère, fougueux,
[capricieux; imaginez-vous un homme simple,
} ingénu, crédule, badin, volage, un enfant à che-
;veux gris; mais permettez-lui de se recueillir,
)U plutôt de se livrer à un génie qui agit en lui,
'ose dire sans qu'il y prenne part, et comme à
Non insu, quelle verve! quelle élévation! quelles
! mages ! quelle latinité ! etc. »
| Les Hymnes sacrées de Santeul, publiées en
heux parties (Paris, 1685 et 1694, 1698, in-12),
i Hit été réunies dans l'édit. de Paris, 1723, in-8o
\ M in-12, et traduites deux fois en français. Il a
i iaru trois éditions de ses Œuvres : la première,
|[lite Opéra poetica (hymnis exceptis), Paris,
L!i694, in-8° ; et les deux autres sous le titre d'O-
i fera omnia, ibid., 1698, in-12, et 1729, 3 vol.
lfn-12 : celle-ci est la plus complète.
I Santeul {Claude de), frère aîné du précé-
If lent, né le 3 février 1628, à Paris, où il est
Wnort, le 29 septembre 1684. Il prit l'habit ecclé-
■ dastique, mais n'entra pas dans les ordres, et
■esta longtemps comme pensionnaire au sémi-
Jff uaire de Saint-Magloire. C'était un homme calme,
ifmodeste, pieux, d'une grande érudition, et d'un
T fiaient poétique remarquable. Il fournit au bré-
jviaire de Paris plusieurs hymnes de sa compo-
; sition ; il en fit aussi pour des offices particuliers.
On trouve de lui parmi les Œuvres de son
'frère une pièce de vers dans laquelle il l'engage
à renoncer aux divinités païennes. On lui at-
tribue la traduction des lettres de saint Paulin
de Noie (Paris, 1703, 1724, in-8°). Il a laissé ma-
nuscrits deux volumes d'Hymnes. Ach. G.
t Fie et bons mots de Santeul; Cologne, 1735, 2 vol.
fin-12. — Dinouart, Santoliatia; Paris, 1764, in-12. — His-
toire du différend entre les Jésuites et M. de Santeul;
[Liège, 1697, in-12. — Moréri, Grand Dict. hist. — Monta-
3ant-Rougleux, Santeul, ou la poésie latine sous
(Louis XI F ; l'aris, 1854. — Bonnetty, Études sur la vie
ieCles écrits de Santeul, dans les annales de philoso-
phie (1854).— Sainte-Beuve, dans V Athenœum français
fdu ie* et 8 sept. 1855.
I santi ou sanzio ( Giovanni ), poète et
peintre, né à Colbordolo (duché d'Urbin), mort
le 1er août 1494. De son mariage avec Magia
! Ciarla (1), fille de Battista, naquit, le 6 avril 1483,
l'immortel Raphaël (voy. ce nom), dont il fut le
premier maître. Passavant pense qu'il put être,
mais assez tard, élève du Mantegna. Son dessin,
sans être d'une extrême finesse, est consciencieu-
sement étudié; ses figures, élancées, sont gra-
cieuses, principalement celles d'enfants. Ses pein-
tures à la détrempe sont comme cernées par une
ligne noire, procédé qui à dislance fait ressortir
les contours, mais qui de près leur donne quelque
dureté. Ses Madones ont une physionomie sé-
(1) Elle mourut en 1491, et Giovanni se remaria quel-
ques mois après, avec Bemardina di Parte.
— SANTI
314
rieuse qui va jusqu'à la roideur; d'ordinaire
elles lèvent un bras en laissant voir l'intérieur
de la main. A ce geste l'artiste attachait sans
doute quelque pensée mystique. « Giovanni,
dit Passavant, nous apparaît comme un artiste
encore fermement attaché à la symétrie tradi-
tionnelle, telle qu'elle s'était propagée par l'é-
cole du Giotto, mais déjà néanmoins recher-
chant la nature avec plus de fidélité et de pré-
cision, aspirant à rendre chaque figure plus in-
dividuelle et plus caractérisée. » Beaucoup de ses
ouvrages ont malheureusement disparu. Son pre-
mier tableau authentique est une Visitation, dans
l'église de Santa-Maria-Nuova de Fano. Un autre
tableau d'autel, bien plus parfait et d'une époque
postérieure, se voit également à Fano, dans l'é-
glise de l'hôpital de Santa-Croce; il représente La
Madone avec l'enfant Jésus bénissant, sainte-
Hélène, saint Zacharie, saint Roch et saint Sé-
bastien. Indiquons encore un Saint Jérôme, à
S.-Bartolo près Pesaro; une Annonciation à
Milan, dans le Musée de Brera; à l'église des
Franciscains d'Urbin, Raphaël et le jeune
Tobie ; au musée de Berlin, une Vierge soute-
nant Jésus posé sur une balustrade, et une
Madone avec saint Thomas oVAquin et sainte
Catherine. Le dernier ouvrage de Giovanni
Santi paraît avoir été une petite composition, le
Christ mort soutenu par deux anges, qu'il
peignit sur la chaire de S.-Bernardino près
Urbin (1). Passavant ne cite que deux portraits
peints par Giovanni Santi, l'un au palais Colonna à
Rome, l'autre appartenant à M. Dennistoun, et
qu'une inscription apocryphe dit être Raphaël à six
ans. Le Musée Napoléon III en possède un troi-
sième, que l'on a prétendu aussi représenter le
jeune Raphaël ; mais l'original de ce portrait ne
nous paraît pas avoir moins de quinze à seize ans,
et Raphaël n'avait pas accompli sa douzième année
quand il perdit son père (2). Giovanni Santi a
également peint des fresques, et on peut compter
au nombre de ses meilleurs ouvrages celles
qu'il a laissées à Cagli, dans l'église des Domi-
nicains. Cet artiste se fit connaître aussi par des
poésies, et par une chronique rimée en l'hon-
neur de Federico de Moiitefeltro, duc d'Urbin.
Il la composa en 1489; elle est conservée sous
le n° 1305 à la bibliothèque du Vatican, parmi
les mss. Ottoboniani. Le style en est fort né-
gligé ; « mais, dit Passavant, les poètes italiens
de cette époque ne sont eux-mêmes ni plus
corrects ni plus brillants. » E. B— n.
(1) « A cette époque, dit Vasari, le jeune Raphaël com-
mençait déjà à aider son père. » Le fait n'est pas in-
croyable, puisque le Musée Napoléon III possède une pe-
tits Madone sur fond d'or, peinte par Rjphael à douze
ans, c'est-à-dire vers le temps où il perdit son père.
(2) La date de la mort de Giovanni Santi nous paraît
hors de doute, bien que quelques auteurs le fassent
vivre jusqu'en 130G et même 1508. Si cette supposition
était vraie, comment expliquer les mauvais traitements
qu'aurait eu à subir de la part de sa belle-mère Ra-
phaël, qui, déjà célèbre et âgé de vingt-trois ou vingt-
cinq ans, n'eût pas eu besoin d'être protégé par son oncle
Simone Ciarla?
315
SANTI
Vasari, file. — Passavant, PMfae-l von Vrbino und
sein voter Giovanni Santi. - L. rungileoni, Elogio
storico cli Giovanni Santi; traduit en français par Lun-
teschutz- 1822. — Kugler, Handbuch der Gcschichte der
Malereiin Italien. — Lanù, .ïtoria vittorica, — Cata-
logues des musées de Berlin et Milan.
santi »i tito. Voy. Tito {Santi cli).
SANTILLANE. Voy. MENDOZA.
santorëlm {Antonio), médecin italien,
né en 1581, à Nola, mort le 1er octobre 1G53,
à Naples. Tour à tour recherché par les uni-
versités de Pise, de Padoue et de Bologne, il
fut rappelé en 1648 à Naples parle comte d'O-
uate, vice-roi, et nommé premier médecin du
royaume. On a de lui : Antepraxis medica
lib. XXI; Naples, 1622, 1633, in-4° , et 1651,
in-fol. ; — Postpraxis medica, seu de medi-
cando defuncto lib. I; ibid., 1629,_in-4°-, —
De sanitatis natura lib. J07F; ibid., 1<643,
in-fol. : le style en est rebutant, par les syllogismes
et les enthymèmes que l'auteur y a entassés
pour se conformer à l'usage de l'école.
Toppi, DM. napolitana. — Crasso, Elogj, II. — Élqy,
Dict. ïiist. de lamed.
santorini {Giovanni-Domenico), anato-
miste italien, né en 1681, à Venise, où il est
mort, le 7 mai 1736. Il était fils d'un pharma-
cien, qui lui fit donner chez les jésuites une
bonne éducation, alla suivre à Pise les cours
de Maipighi, de Bellini et de Delfini, et revint,
après avoir été reçu docteur, pratiquer la mé-
decine dans sa ville natale. Nommé en 1703 pro-
fesseur d'anatomie, il remplit cette tâche avec
un zèle infatigable, et compta souvent parmi ses
auditeurs les magistrats qui présidaient à l'ins-
truction publique. Ses ouvrages ne firent qu'a-
jouter à sa réputation : Boerhaave, Morgagni et
Albini en recommandèrent la leeture ; enfin
Haiier a fait de lui cet éloge : Insignts p>otis~
simum incisor, manu et consiliis medicinam
fecii; vir in disserendo acutus et inventor.
On a de Santorini : Opuscula medica; Ve-
nise, 1705, 1740, in-S°; Rotterdam, 1719, in-8°,
et à la suite des éditions complètes de Baglivi; —
Observationes anatomicas ; Venise, 1724, in-4°,
fig. : Haller les qualifie de minutas, doctss et
dïv'ites; elles ont trait aux muscles de la face,
à la couleur des nègres, au nez, au larynx,
aux viscères de la poitrine et du bas-ventre,
aux organes de la génération, etc. ; — Istoria
d'an felo estratto délie parti deretane ; Ve-
nise, 1727,in-4° :1e fœtus dont il s'agit séjourna
vingt-six mois dans l'utérus, sortit en frag-
ments par le rectum, et coexista avec un fœtus
régulièrement développé ; — Istruzione aile
febbre; Venise, 1735, 1751, in-4° ; — 'Anato-
micx XVII tabula; ; Parme, 1775, in-fol. : pu-
bliées parMich. Girardi, qui y a ajouté une vie
en latin.
Girardi, Notice. — Êphêmèridcs de médecine de
Venise, t. V. — Bioor. mcd. - Haller, Bibl. anatotn.
santorio (Santorio), cnMmSanctorius,
célèbre médecin italien, né en 1561, à Capo
d'istria, mort le 24 février 1636, à Venise. Il fit
AKTORIO 316
ses études à Padoue et y prit le diplôme de
docteur ; après avoir exercé quelque temps la
médecine à Venise, il fut rappelé à Padoue
(1611), et pourvu dans l'université de la chaire
de médecine théorique aux gages de 800. puis
de 1,500 florins. Comme on le demandait fort ri
souvent à Venise pour y traiter des malades de
distinction et que la fréquence de ces déplace- ;
ments. altérait sa santé, il résigna sa chaire pour
s'attacher uniquement à la pratique ( 1624 ) ; oe
reçut sa démission, mais on lui continua ses
honoraires, et ce fut, suivant la remarque ,
d'Éloy , avec cette marque de l'estime publique
qu'il alla se fixer pour toujours à Venise. lit
fut inhumé dans le cloître des Servîtes, et on
lui éleva, dans leur église, une statue de marbre
blanc. Sanctorius fut un des médecins les plus
illustres de son siècle, par ses lumières autant
que par son génie observateur et sagace. « Il
s'est acquis, dit Boisseau, une réputation mé-
ritée par ses recherches expérimentales sur la
transpiration cutanée ; il introduisit le premier
l'usage du thermomètre et de l'hygromètre
dans l'étude des phénomènes de la vie, et ima-
gina un instrument pour déterminer les varia'
lions du pouls. Ses aphorismes sur la trans-
piration ont été modifiés profondément par' les
progrès de la science. Ses expériences furent
incomplètes, et faites seulement sur 1
môme (1); ses calculs furent tous fautifs, parce
qu'il ne songea point à la perspiratiou pulmo-
naire, non plus qu'à la salive et à diverses
autres excrétions. Il prépara en quelque sorti
les abus de la méthode sudorifique, quoique
d'ailleurs on lui doive la distinction de la trans-
piration insensible et de la sueur. On a de lui
Methodus vitandorum err&rum omnium
qui in arte medica contingunt lib. XV; Ve-
nise, 1602, 1603, 1630, in-fol.; ouvrage impor
tant et trop rarement cité selon Haller, et oi<
l'auteur se montre l'ennemi juré des empi
riques et des remèdes inutiles ; — Comm. i)
artem medicin. Galeni; Venise, 1612, in-fol.
Lyon, 1632, in-4° ; — Ars de statica medi
cina section. apJwrismorum VII compre
hensa; Venise, 1614, in-12; la dernière de
nombreuses éditions de ce livre célèbre est cell
qu'a donnée. Lorry à Paris, 1770, in-12, avec u
commentaire; il a été traduit en anglais (167'
et 1712), en italien (1704, 1707 et 1723), en
français (i722), en allemand (1736), etc
Obizzi le critiqua avec amertume, dans sa Sla
(1) Ce fut à Padoue qn'Ll se livra à toute une sôri
d'expériences , où Ton ne sait ce qu'il faut le pfol
admirer, de sa patience ou de sa scrupuleuse exactitude,
avait fait fabriquer un stége mécanique suspendu e
l'air et mu par des rouages si parfaits qu'il tenait lie
de la balance la plus exacte : c'est là qu'il se plaça
chaque Jour et plusieurs fois par jour, et en pesant toc
les aliments qu'il prenait ainsi que tout ce qui sorta
sensiblement de son corps, il parvint, au moyen d'un
observation attentive, à déterminer le poids et la quan
tité de la transpiration, et son rapport avec les allinen
qui l'augmentent ou qui la diminuent.
17 SANTORIO
icomaslix (Ferrare, 1615, in-12), et accusa
auteur d'avoir emprunté l'idée tic sa balance
u cardinal de Cusa; — Comm. in I fen. I
■bri Avicennte; Venise, 1626, in-fol. : cu-
rage original et intéressant par les inventions
onmie par les idées; on y trouve l'emploi du
îermomètre et de l'hygromètre, la description
e plusieurs instruments nouveaux de chirurgie,
'un lit suspendu, d'un pulsiloge indiquant
■ut trente-trois variations, etc. ; — Comm. in
sectionem Aphorismorum Hippocraiis ;Ye-
isc, 1629, in- 8°; — De remediorum inven-
one ; Venise, 1629, in-8" : ce traité n'est
irienx que par le récit de quelques ouvertures
e cadavres. Le recueil des écrits de Sanctorius
«ne 4 vol. in-4°; Venise, 1G60. P.
Cogrossi,' Sftfjgi délia medicina itaïiana, nelle quali
invenziove dcl Santorio s'illitstrano ; fadone, 1724,
-4o_ _ \, Capelli, De vita Sanctorii';, Venise, 1750,
-4». — Haller, Bibl. médira. — Éloy, Dict. hist. delà
éiecine — Papnclopoli, Hist. gtjmn. patavini. — Agos-
)', Se rittori reneziani. — Boisseau, dans la Eiogr. mcd.
santos (Jean dos), missionnaire 'porta-
ai s, né à Evora, mort en 1622, à Goa. Entré
une. encore dans l'ordre de Saint-Dominique,
obtint en 1596 l'autorisation d'aller porter
Évangile dans l'Afrique orientale. Il parcourut
Cafrerie proprement dite, la côte de Natal, So-
da, Mozambique, et pénétra dans les terres
sarines, à deux cents lieaes au delà de cette
ille. Après avoir passé onze ans au milieu de
es contrées à répandre la foi chrétienne et à
riger quelques colonies nouvelles, il revint en
:urope(1607), et y publia XEthiopia oriental
varia historia de ceusas notaveis do
)rien/e (Evora, 1609, in-fol.), mis en français
ar le ■ théatin Charpy (Paris, 16S4, i'68'8,
il2). Malgré la crédulité dont il fait preuve,
jantos a fait longtemps autorité sur plusieurs
cints de géographie, et personne avant lui
'avait décrit avec plus de détails les mœurs
ies pays qu'il avait habités. En 1617 il fut en-
oyé dans les Indes et attaché à la mission de
'iOâ, Ses Commenlarios da regiaô dos rios
\t Cuama sont inédits.
Échard et Quétif, Script, ord. Prsedicat., II. — t.
oaza, fJist. prov. portug.
sanîtdo (Marco), duc de l'Archipel, né
ts 115.3, mort à Naxos, en 1220. Lorsque
a ville de Constantinople eut été prise par les
mises français et vénitiens (12 avril 1204) et
uc Baudouin eut été élu empereur, le traité
le partage attribua à Venise un quart. et demi de
'empire. Ces nouvelles possessions, presque
|o«tes maritimes, présentaient une suite de
Mrts et d'îles, depuis le golfe Adriatique jus-
m'au Bosphore. Le gouvernement dé la répu-
blique, se voyant dans l'impossibilité d'occuper
i la fois un si grand nombre de points isolés,
jecorda, en 1207, à tous les citoyens vénitiens
'a permission d'armer pour conquérir les îles
île l'Archipel et les ports de la côte non encore
soumis, à condition qu'ils les tiendraient comme
— SAJNUïO 31g
liefs de la république, ne réservant que Candie
et les îles de la mer Ionienne. En vertu de cette
concession , Marco Sanudo , qui descendait
d'une des plus anciennes familles de Venise, et
qui s'était distingué dans la prise de Constanti-
nople, s'empara de l'île de Naxos, à laquelle il
ajouta bientôt Paros, Mélos el Horinée. Créé
prince de l'empire et duc de l'Archipel par
Henri, frère et successenr de l'empereur Bau-
douin, il devint ambitieux au point de vouloir
enlever Candie à ses compatriotes. Profilant
des troubles que les Génois excitaient parmi
les Candiotes, il battit d'abord le général véni-
tien; mais, battu à son tour, il fut contraint de
s'enfuir à Naxos, d'où il fit parvenir une expli-
cation de sa conduite au sénat de la république,
qui l'agréa, pour éviter des troubles nouveaux.
Il mourut peu d'années après, à l'âge de soixante-
sept ans, laissant un fils Angelo, qui lui succéda.
Les descendants de Marco Sanudo conser-
vèrent pendant près de quatre cents ans la
principauté qu'il avait conquise et le titre de
ducs de l'Archipel.
Daru. flist. de Venise. — Slsmondi, Hist. des rèpub.
italiennes, II, en. xiv.
sanuto (Marino), dit Torsello (1), ou
V Ancien, chroniqueur italien, né à Venise,
mort après 1330. 11 était fils du sénateur Marco
Sanuto, et ses ancêtres avaient cinq fois, sous
le nom de Candiani, occupé la première place
de la république. Dès sa jeunesse, possédé de
l'esprit des croisades et d'un ardent désir de
concourir à la délivrance de la Terre Sainte, il
fit cinq fois le voyage d'Orient , explora Chy-
pre, Rhodes, l'Egypte, l'Arménie et d'autres
contrées. Revenu de son dernier voyage (1306),
il composa le Liber secreiorum fidelinm super
Terrée, Sanctse recuperalione , où il décrit
exactement les pays qu'il a vus et les mœurs
des habitants, ainsi que les guerres entreprises
pour les enlever aux infidèles. « Le premier
livre, selon Foscarini, peut être regardé comme
un traité complet sur le commerce et la navi-
gation de cette époque, et même de temps plus
anciens. ■» Sanuto ajouta à son ouvrage quatre
cartes pour la Méditerranée, la mer et le conti-
nent réunis, la Terre Sainte et l'Egypte. Son tra-
vail achevé, il voyagea à travers l'Europe, se
présenta à plusieurs princes, pour les exciter h
une nouvelle croisade, vit le pape Jean XXII à
Avignon (1321) et lui offrit son livre, écrivit
ensuite à plusieurs personnes importantes : tout
fut Inutile. L'abbé Fleury attribue le zèle de
Sanuto à des motifs politiques. Foscarini a
combattu victorieusement cette opinion. L'ou-
vrage et les lettres de Sanuto ont été publiés,
en 1611, par Bongars, dans Gesta Dei per
Francos (Hanau, t. II, in-fol.).
(t) On a donné du surnom de Torsello plusieurs ex-
plications, que Tlraboschl démontre fausses, après avoir
prouvé qu'il appartenait depuis plusieurs siècles à la
même famille, sans qu'on en sache la cause.
319
SANUTO — SAPOR
Foscarini, Letteratura venczianu. - Tiraboschi, Storia
délia letter. ital, t. V. - Zeno, Mcmorie de' scrittorl
veneti. — Agostiui, Scrittori veneziani. — Postansque,
De Marino Sanuto; Montpellier, 1856, in-8°.
sancto {Marino), dit le jeune, historien
italien, né le 22 mai 1466, à Venise, où il est
mort , en 1535. Il paraît être de la même fa-
mille que le précédent, et avait pour père le
sénateur Leonardo Sanuto. Celait un homme
de" talent remarquable, d'érudition singulière,
de rare modestie, qui ne cessait de cultiver l'é-
tude et d'accroître de plus en plus sa belle bi-
bliothèque. Il fut membre de l'académie fondée
par Aide l'ancien. Il a écrit en italien une ample
chronique de la république de Venise (421-
1493), publiée, en 1733, dans les Ital. script.
de Muratori, t. XXII, avec le titre suivant :
Vitse ducum venetorum, ab origine urbis.
Un autre petit ouvrage, Chronicon Vene-
torum, qui raconte l'histoire de Venise pen-
dant les six dernières années du quinzième
siècle, et que Muratori a publié (t. XXIV), en
l'attribuant à Sanuto, n'est probablement pas
de cet éciiivain. Le Catalogue des manuscrits
de la bibliothèque Nani cite de lui : Vite de1
sommi pontifia, fino a Pio III , et celui de la
bibliothèque Farsetti : Storia délia guerra di
Ferrara che ebbe la repubblica di Vene&ia
col duca Ercole d'Esté.
Filippo de Bergame, Suppl. Ckronicor. — Fra Mo-
desto , Fenetiados, 1. XI.:— Tiraboschi, Storia délia
letter. ital.; t. VI, partie II.
sanuto (Livio), géographe italien du sei-
zième siècle, mort avant 1588. Il était fils du
sénateur vénitien Francesco Sanuto, qui lui fit
donner une solide instruction et l'envoya étu-
dier les mathématiques dans les plus célèbres
universités d'Allemagne. Il ne s'en tint pas aux
spéculations de la science, et appliqua les prin-
cipes de la théorie à la solution des problèmes
d'astronomie et de géographie. De ce travail sor-
tit un ouvrage fort remarquable pour l'époque,
bien que l'auteur, mort à cinquante-six ans, n'ait
pas eu le temps de l'achever. Il ne fut publié
qu'après sa mort, sous le titre de Geografia di
Livio Sanuto (Venise, 1588, in-fol.). Il est di-
visé en douze livres. Le premier contient l'exposé
des moyens d'observation et une suite d'expli-
cations sur la boussole et l'inclinaison de l'ai-
guille aimantée. Dans le second, après avoir
éclairci plusieurs passages de Ptolémée, l'auteur
établit les grandes divisions de son propre ou-
vrage, en Ptolémaïque (Europe, Asie, Afrique),
en Atlantique (Amérique), et en Australie,
c'est-à-dire les parties découvertes alors des îles
australes et de la Nouvelle- Hollande, ou celles
qu'imaginait le géographe et prévoyait le calcul
du mathématicien. Les dix livres suivants sont
entièrement consacrés à la description de l'A-
frique. « Et vraiment, dit Tiraboschi, s'il avait
donné une géographie entière écrite avec un soin
égal, peu d'autres œuvres pourraient lui être
comparées. » L'ouvrage fut enrichi de douze
S20
cartes dessinées par Livio et gravées par son
frère Giulio, et de tables de matières ainsi que
d'un avertissement sur la vie de l'auteur par son
ami Saraceni. D'après Agostini, Livio fit aussi
un planisphère céleste ; d'après Tiraboschi, il ne
fut pas exclusivement adonné aux sciences, et
trouva le temps de s'occuper de poésie : outre
quelques vers dans le Tempio di D. Giovanna
d'Aragona et un épithalame imprimé â Venise
en 1548, il publia la traduction en vers libres de
Y Enlèvement de Proserpine par C!andien
( Venise, 1551 ).
Tiraboschi, Storia délia letter. ital., t. VII, p. 11. -
Walekenaër, Fies de plusieurs personnages célèbres.
sanzio. Voy. Raphaël et Santi.
sapor ier ou Chapour (1), roi de Perse, de
la dynastie des Sassanides , mort en 273. Il était
fils d'Ardechir et d'une esclave que l'on croyail
sortie de la race des Arsacides. Il succéda à sod
père en 240. Dès le commencement de son règne,
sa conduite hostile envers l'Arménie le mit er
guerre avec les Romains. Ceux-ci furent d'aborc
vainqueurs, sous la conduite de l'empereur Gor
dien III; mais après la mort de ce prince I;
fortune changea , et l'e roi d'Arménie Chosroèi
fut assassiné à l'instigation de Sapor, laissan
son fils Tiridate, encore enfant; 1-es Perses s'em-
parèrent de l'Arménie. Après ce premier succès
Sapor conquit la Mésopotamie (258). L'empereu:
Valérien se mit alors à la tête de son armée, e
atteignit Sapor auprès d'Edesse. La victoire rest;
aux Perses. Valérien se réfugia dans son camp
qui était fortifié ; mais il fut obligé de se rendr
avec son armée. Sapor refusa d'accepter l'é
norme rançon qu'il lui offrait (260). Ce vain
queur se montra cruel envers le malheureu
empereur. Les insultes auxquelles celui-ci fu
en butte, et que le lâche Gallien ne sut pas venge
ni même adoucir, le conduisirent au tombea
(voy. Valérien). Sapor, n'épargnant pas mêm
la victime après la mort, fit écorcher so
cadavre et recouvrir de sa peau teinte en roug
un mannequin qui fut suspendu dans un templ
comme un monument de la honte des Romains
Sapor, ayant ensuite poussé un misérable fi
gitif d'Antioche nommé Cyriade à seproelarmj
empereur, le reconnut en cette quatfté, dans l'ei
poir de lui faire signer une paix avantageuse poi
les Perses et de légitimer la possession des pre
vinces conquises par ses armes. Il détruisit Arj
tioche, envahit la Syrie, prit les passages d
Taurus, mit Tarse en cendres et s'empara de C(
sarée enCappadoce;maisilneconservapas long j
temps ses conquêtes. Odenath et Zénobie, for
dateurs de l'empire de Palmyre, le repoussera
au delà de l'Eupnrate. Sapor périt assassiné p;
les grands de la cour. C'est sous ce prince qu
se répandit en Orient le manichéisme , hérési
formée de l'amalgame du christianisme avec I
religion de Zoroastre.
Sapor II, dit le Grand, roi de Perse, de 1
(1) Knzend, fils de roi.
S2I SAPOR -
dynastie des Sassanides, né en 310, mort en 381,
Il était fils d'Hormisdas II (1). Comme les autres
! princes de la famille royale voulaient usurper le
\ trône avant sa naissance, les mages firent placer
> a couronne sur le ventre de la reine enceinte,
i econnaissant par là l'enfant auquel elle devait
i tonner le jour, comme leur roi futur. Pendant sa
; ninorité, les Arabes ravagèrent la Perse; mais
i peine âgé de seize ans il envahit l'Yemen, et
poussa la cruauté jusqu'à faire briser les omo-
plates de tous les prisonniers. Il publia des
j dits de persécution contre les chrétiens. Ceux-ci
nvoquèrent l'appui de l'empereur Constantin,
papor, irrité, les soumit à un tribut, et Siméon,
vêque de Séleucie, ayant réclamé, il le fit mettre
mort. Les biens de l'Église fuient confisqués, et
îs chrétiens n'eurent bientôt le choix qu'entre
i mort et l'apostasie (344). Deux ans auparavant
apor avait conquis l'Arménie après la mort de
iridate, et il s'était montré cruel contre les
^retiens de ce pays.. L'état d'hostilité qui avait
ujours existé entre la Perse et les Romains se
langea alors en une guerre d'extermination
<oy. Constance 11). Sapor fut vainqueur à Sin-
ire, mais il fut obligé de lever le siège de Nisibe,
avement défendue par son évêque après quatre
ois d'efforts et une perte de 20 000 hommes,
an fils étant tombé au pouvoir des Romains
it mis à mort par l'ordre de Constance II.
iporfit massacrer, par représailles, les chrétiens
; l'Arménie qui étaient restés entre ses mains.
|ii 358, Constance demanda la paix. Narsès, am-
issadeur de Sapor, réclama la Mésopotamie,
Arménie et les provinces au delà du Tigre,
onstance ayant refusé, la guerre continua. En
39, Sapor prit Amide et d'autres places fortes.
Ïrsque Julien monta sur le trône, Sapor lui fit
s ouvertures de paix qui furent rejetées. Julien
it l'offensive, mais il fut défait et blessé à mort
l|uin 363). Son successeur Jovien fut obligé de
l'ider au roi de Perse les cinq provinces au delà
i Tigre et les forteresses de Nisibe, de Singare, etc.
îfrArménie, l'Ibérie, abandonnées à leurs propres
rces, furent réduites par Sapor, en 365 et les
inées suivantes. Une guerre avec les peuples
Li Caucase, une autre avec les Arsacides de la
actriane, causées par la conquête de l'Arménie,
[ïcupèrent les dernières années du règne de
ipor. Il mourut à ctésiphon, après un règne de
, /ixante-dix ans.
S.U'or III, roi de Perse, de la dynastie des
issanides, régna de 385 à 390. Agathias le fait
s de Sapor le Grand; mais, selon les historiens
.îrsans, il avait pour père un Sapor Zulaklof,
rince du sang royal. Sapor III, désireux de vivre
j paix avec Théodose le Grand, lui envoya à
Jnstantinople une ambassade solennelle avec de
phes présents. L'empereur en envoya une à son
! ur en Perse sous la conduite de Stilicon. Ces re-
1) O'après le récit des historiens persans qui nous sont
1 nous, et d' Agathias, qui a puisé aux sources orientales,
s autres écrivains byzantins le font frère d'Hormisdas.
NODV. BIOGR. GÉNÉR. — T. XLUI.
SAPPHO 322
lations amenèrent la conclusion d'un traité de paix
(384), en vertu duquel l'Arménie et l'Ibérie re-
couvrèrent leur indépendance , qu'elles avaient
perdue vers le règne précédent. Sapor laissa en
mourant son trône à Bahram ou Varanes. G. R.
Agathias, IV. — Zozimc, II. - Le Beau, Hist. du Bas-
Enpire. — Malcolm, Hist. of Persia. — Richter, Hist.
Krisischer ffersucht iiber Axe, Arsacxden uni Sassani-
de.n dynastie; Lelps.. 1804. — S. de Sacy, Hist. des Sas-
sanides, lrad.de Mlrkhond.— Beausobre, Hist.deMani-
chèe et des manichéens.
sappiio (Sa^çco ou, dans le dialecte éolien
\FaTC9a), célèbre poétesse grecque, vivait dans
le sixième siècle av. J.-C. L'immense répula-
tlon dont elle jouissait chez les anciens favorisa
la naissance et le développement d'une foule de
légendes qui dénaturèrent complètement son
histoire. C'est dans les fragments, trop peu nom-
breux, de ses poésies et dans les récits d'Héro-
dote que l'on peut trouver quelques renseigne-
ments authentiques sur sa vie. Hérodote nous
apprend que Rhodopis, esclave grecque amenée
en Egypte et depuis courtisane fameuse, fut ra-
chetée moyennant une forte somme et affranchie
par CharaxusdeMytilène, fils de Scamandronyme
et frère de Sappho. Hérodote ajoute que Cha-
raxus retourna à Mytilène, et que sa sœur lui
fit dans une chanson de vifs reproches au sujet
de cette prodigalité. Rhodopis, suivant le même
historien, vivait sous Amasis, roi d'Egypte, en
570 avant J.-C Ces indications, confirmées par
les scholiastes et les biographes anciens, établis-
sent que Sappho était fille de Scamandronyme,
qu'elle habitait dans l'île de Lesbos à Mytilène,
où selon toute apparence elle était née. Elle était
de famille noble; on l'induit de ce fait, consigné
dans ses poésies, que son frère Larichus servait
d'échanson dans les repas du prytanée. La fa-
meuse inscription connue sous le nom de Mar-
bre de Paras contient sur la vie de Sappho
un renseignement curieux. A une date effacée
sur le marbre, et qui ne peut tomber qu'entre
604 et 592 avant J.-C, il est dit qu'elle se ré-
fugia de Mytilène en Sicile. On ignore quelles
furent la cause et la durée de cet exil; mais il
est certain que Sappho revint de Sicile , puis-
qu'on la retrouve dans sa ville natale vers 570.
En supposant qu'elle avait vingt-cinq ans à l'é-
poque de son exil, vers 595, elle en avait cin-
quante lorsqu'elle écrivit sa chanson contre Cha-
raxus, le dernier fait connu de sa vie. Rien que
par ses poésies d'ailleurs on sait qu'elle dépassa
la maturité, de l'âge. Elle dit à un jeune homme
qui sollicitait son amour : « Mais toi, si tu es
mon ami, cherche une couche plus jeune, car je
ne supporterais pas de vivre avec toi, moi qui
suis plus vieille. » Sa fin, qui nous est tout à fait
inconnue, n'offrit sans doute rien d'extraordi-
naire, puisque Hérodote, si curieux des détails
de ce genre, n'en parle pas. Si quelques-uns des
faits qui composèrent plus tard la légende de
Sappho, son amour pour Phaon, son suicide au
cap de Leucade eussent été en circulation, l'his-
11
323
torien n'eût pas manqué d'y faire allusion; mais
cette légende n'existait pas encore. Elle se forma
un peu plus tard (cinquième et quatrième siècles),
grâce surtout aux comiques athéniens, qui mi-
rent six ou sept fois en scène la poétesse de
Lesbos et lui attribuèrent des aventures imagi-
naires (1). L'histoire de son amour malheureux
pour Phaon paraît remonter au poète comique
Platon, contemporain d'Hérodote. La tradition
d'après laquelle Sappho, dédaignée par Phaon, se
précipita dans la mer du haut du promontoire
de Leucade est probablement plus récente. Ce
promontoire était célèbre par son temple d'A-
pollon et par une cérémonie expiatoire qui faisait
parlie du culte de ce dieu. A certaines époques
on précipitait du haut du rocher dans la mer
des criminels condamnés à mort, et s'ils survi-
vaient à leur chute, on les mettait en liberté. Ce
lieu tragique devait une célébrité poétique à l'a-
venture de Calycé, chantée par Stésichore. Ca-
lycé, disait on, jeune fille belle et sage, éprise
d'un jeune homme, et n'ayant pu s'en faire
aimer, mit fin à ses jours. Par une association
d'idées qui nous échappe, les rites expiatoires
de Leucade, la passion et la fin tragique de Ca-
lycé, se groupèrent autour du nom de Sappho
et formèrent le dénoûment de sa légende, dé-
noûment incertain d'ailleurs, car on ne disait pas
si elle avait péri dans les (lots ou si elle en avait
été retirée vivante et guérie. On lui avait donné
pour amant Phaon, personnage fabuleux appar-
tenant à la mythologie de Lesbos ; on lui donna
pour mari un certain Cercolas, natif de l'île d'An-
dros. La grossière équivoque qui se cache sous
cet étrange nom de Cercolas atteste l'invention
de quelque poète comique athénien. Cercolas et
Phaon doivent être relégués ensemble dans le
pays de la fantaisie. Peut-être Sappho ne fut-elle
jamais mariée. On veut, il est vrai, qu'elle ait eu
une fille, et on s'autorise des vers suivants :
« J'ai une belle enfant, dont la beauté ressemble
aux chrysanthèmes, mon aimable Claïs, que je
n'échangerais pas contre loute la Lydie. » Ces
vers sont cités par le grammairien Héphestion,
sans nom d'auteur; il reste à prouver qu'ils
sont bien de Sappho, qu'elle y parle en son nom
et que le mot enfant ne s'applique pas à une de
ses élèves. Nous laissons la question indécise.
Une biographie ne se construit pas avec des don-
nées aussi incertaines. La légende n'en resta
pas là; aux inventions des comiques athéniens
les beaux esprits d'Alexandrie et de Rome ajou-
tèrent les leurs. Ovide, entreautres, composa une
(l| Ameipsias, Amphis, Antiphanes, Dlphile, Ephippus
ctTtmoclès Orcnt des comédies de Sappho. Voy. Fiagm.
corn, grœcor., édit. Dldot. Platon avait fait une comédie
de Phaon. Pliaon est un des nombreux personnages que
les traditions mythiques rattachaient à Aphrodite; il
offre, comme Adonis, le type, cher à l'imagination grec-
que, d'un beau Jeune homme périssant à la fleur de l';lge
et amèrement pleuré de la déesse. La légende de Phaon
aurait pu fournir un sujet de tragédie, mais elle prêtait
aussi à la parodie, et c'est par ce côté que la traite le
poëte comique Platon.
SAPPHO ' 32!
héroïde, ou lettre de Sappho à Phaon, oeuvre
impure et fade, qu'on ne peut lire sans dégoût.
Ainsi se forma une image de Sappho tout à fait
fausse, et qui s'est transmise jusqu'à nous. C'est
de nos jours seulement, à partir de Welcker, que
la critique est parvenue à rétablir dans sa vérité
cette noble et belle figure, si odieusement tra-
vestie. Un savant antiquaire, Visconti, dans ut
zèle louable pour la mémoire de Sappho, a ima-
giné de reproduire une opinion d'Athénée, d'A
postolius, de Suidas, d'après laquelle il avai
existé deux Sappho : l'une de Mytiiène, poëtess*
célèbre et honnête femme; l'autre, courtisan
d'Eresos, qui avait commis toutes les fautes ira
putées à tort à son homonyme : c'est une hypo
thèse gratuite. On renonce aujourd'hui à ci
procédé puéril de l'ancienne critique qui consisf
à dédoubler un personnage pour expliquer 1<
incohérences de sa légende, au lieu de recoi
naître franchement qu'une légende n'est pas c
l'histoire. Ce qu'il faut dans le cas présent, c'e {
s'en tenir aux témoignages des auteurs les pli i
voisins du temps de Sappho et aux fragmen ;
de ses ouvrages. Nous avons résumé les un:
il nous reste à parler des autres.
D'après Suidas, les poèmes lyriques de Sa
pho formaient neuf livres; elle avait aussi con
posé des épigrammes, des élégies, des ïambes
des monodies. Il y a quelques erreurs dans cel
énumération. Les monodies, ou chansons à u
voix, désignaient la plupart des odes éolienni
par opposition aux odes dorrennes, faites po
être chantées par des chœurs. 11 devait se tre
ver des vers ïambiques parmi les poésies
Sappho ; mais il n'est pas vraisemblable qu'e
eût composé des ïambes à l'imitation d'Arc
loque; on connaissait aussi d'elle des épigramn
sans doute en vers élégiaques; Méléagie, qui
avait recueilli quelques-unes dans sa Couronr\
les appelle des roses. Les trois épigrammes
figurent sous le nom de Sappho dans VAnti
logie grecque sont d'une authenticité douteu
quoique, suivant Jacobs, elles « sentent i'antii
simplicité » (Ant'hologia gracca, vol. 1 et XI
Les fragments qui nous restent des neuf liv
des poésies lyriques de Sappho sont peu n<
breux, et bien que plusieurs soient d'une ad
rable beauté, ils peuvent à peine nous donner
idée de son génie. Le plus célèbre cité par L
gin, et très-souvent traduit et imité, est une < L
malheureusement incomplète, où le poëte I
proie à l'amour exprime le trouble profond£p
émotions accablantes que suscite en lui la jp
sence de l'objet aimé. Jamais la passion n'a t
été [feinte de couleurs à la fois plus vive
plus simples ; mais il faut remarquer que c
passion, tout en se traduisant par des im;
physiques, n'a rien de sensuel. Une autre
splendide et peut-être entière nous montre ;
pho implorant l'aide d'Aphrodite. Ces c
odes ardentes étaient selon toute probal
adressées à des femmes. Il est difficile auj
I
e
s
e
325
d'hui de comprendre une pareille exaltation.
Nous croyons qu'elle s'explique par la condition
sociale et la culture intellectuelle des femmes
: de Mytilène. Les femmes chez les Doriens et
j les Éoliens jouissaient de bien plus de liberté
| qu'à Athènes; elles formaient des Métairies ou
' sociétés musicales et chantantes, rivales decelles
| des hommes. Sappho présidait une de ces so-
\ ciétés; nul doute qu'elle n'eut un attachement
| passionné pour ses élèves , parmi lesquelles on
cite Anactoria de Milet, Gongyla de Colophon,
Eunica de Salamine, Gyrinna, Athis, Mnasidica
1 et surtout Damophila et Erinna. Que cet atta-
chement eût quelque chose d'équivoque, c'est
ce que démentent tous les témoignages des vé-
ritables anciens. On raconte (Stobée, Serm.,
'XXIX, 58) que Solon ayant entendu réciter des
vers de Sappho en fut si charmé qu'il déclara
qn'avant de mourir il voulait les apprendre par
cœur. Quelque facilité de mœurs que l'on attri-
bue aux anciens, on ne saurait les accuser d'a-
voir toléré ce qui portait directement atteinte à
la famille. Solon se serait indigné de vers com-
posés dans le but de corrompre des jeunes filles,
et à Lesbos comme à Athènes la femme coupable
'l'un pareil crime aurait été punie de mort.
Sappho, que l'on représente comme consacrant
par d'immortels accents le plus indigne outrage
'aux mœurs domestiques, est précisément le poète
de l'antiquité qui a célébré avec le plus de grâce
Et d'éclat les joies légitimes du mariage. Ses épi-
' tnalames, ou chants de noces, passaient pour ses
1 chefs-d'œuvre. I! en reste quelques vers d'une
I] grande beauté, et l'on peut se faire une idée
jf [d'une de ces pièces par l'imitation de Catulle.
[Toutes ces poésies étaient dans le dialecte éolien.
[Comme- Alcée et les autres lyriques, Sappho
[joignait la musique à la poésie. Son principal
l'mode musical était le mixolydien, dont le carac-
tère tendre et plaintif convenait admirablement
] h ses compositions amoureuses ; elle chantait en
j ^'accompagnant non de la lyre, qu'on touchait
\ avec un archet, mais d'une harpe (le barbiton
1 éolien, oulapectis lydienne), dont on jouait avec
'les doigts. On lui attribue l'invention d'un mètre
: [qui porte son nom, qu'elle employait de préfé-
' 'rence et qui a été adopté par Catulle et surtout
' 'par Horace (1). Les fragments qui restent d'elle
I (1) Le vers saphtque ne diffère du vers alcaïque que par
>ine syllabe brève qui le termine, tandis qu'elle commence
je vers alcaïque; Il se compose d'un double trochée, d'un
j:horiambe, et d'un double ïambe tronqué d'une syllabe :
çaivsxai jxoi x-rivo; ta&ç 6eoiatv
llle mi par esse diis videtur
M strophe saphique se compose de trois vers saphlques,
Mont le troisième est allongé d'un choriambe suivi d'une
|iyllabe non accentuée.
i IffÔavEi y.at w^aaiov aèu cpwvEiaa; UTiaxouei.
i)n sépare généralement cette addition du troisième
j ers, et on en forme un quatrième vers, que l'on S'-andc
i oœrae un dnctyle et un spondée. C'est ainsi que Horace
remploie le plus souvent, quoiqu'il conserve quelquefois
ta vieille forme éolienne.
Labitur ripa Jove non probante uxorius amnis.
SAPPHO — SARASA 326
offrent des mètres assez variés. De toutes les
pertes qu'a éprouvées la littérature grecque, la
plus considérableest celle des œuvres de Sappho.
Parmi les poètes lyriques, elle n'eut de rival
qu'Alcée, et elle semble avoir été supérieure à
Pindare lui-même. Elle eut pour commentateurs
chez les anciens les grammairiens Chamœleon,
Callias, Dracon de Stratonica. Les fragments
de ses poésies ont été, à partir de l'édition d'A-
nacréon de Henri Estienne, 1554, recueillis,
plus on moins complètement, à la suite de ce
poète; dans les Carmin a novem illustrium
faeminarum de Fulvius Ursinus; Anvers, 1568,
in-8°, dans les Novem illustrium feminarum
fragmenta de J.-Ch. Wolf. Volger, Leipzig,
1810, in- 8°; A. Mœbius, Hanovre, 1815, in-8°
(avec une traduction allemande), en ont donné
des éditions séparées, surpassées par celle de
Neue : Sappkonis Mytileneas fragmenta ; Ber-
lin, 1827, in-4°. Les fragments de Sappho ont
été publiés par Blomfiekl, dans le Muséum cri-
ticum; par Gaisford, dans ses Poetse minores
grœci; par Schneidewin , dans son Delectus
poeseos Grascorum; parBergk, dans ses Poetse
lyrici grseci; par Ahrens, dans son traité De
Grsecise linguse dialectis, vol. I. L. J.
Hérodote, II, 135. — Strabon, XIII, p. 617, 618; XVII,
p. 808. — Marbre de Paros, dans les Fragmenta histor.
çrœc, édit. Didot. 1. 1. — Athénée, X11I, 596, 599, etc. —
Élien, Farix historiée, XII, 19. — Maxime de Tyr, Dis-
sert. XXIV. — Suidas, au mots Stmftô et 4>cxcov.
l'hotius, aux mots Aeux(£tï]j; et $àwv. — Apostollus,
Proverb., XX, 15. — "Welcker, Sappho von einem kerr-
schenden Farurtheil befreyt ; Gœttingue, 1816, et dans
ses Kleine Schrijlen, vol. II, p. 80. — Ot. i\l iiller, Lite-
rature of ancient Greece, p. 172, etc. — Plehn, Lesbiaca.
— Bode , Gesc/i. d. Hellen Dichth. — Ulrici, Gesch. d.
Hell. Dich — Bernhardy, Gesch. d. Griech. I.itt., vol. II.
— Smith, Dict. of greek and roman biography . —
L. Joubert, Essais de critique et d'histoire.
sakasa (Alphonse- Antoine de), jésuite, né
en 1618, àNieuport (Flandre), de parents espa-
gnols, mort le 5 juillet 1667, à Anvers. Admis à
quinze ans dans la Compagnie de Jésus, il pro-
fessa d'abord les humanités au collège de Gand,
se livra ensuite à son goût pour les mathéma-
tiques, qu'il étudia avec le fameux Grégoire de
Saint-Vincent, et passa le reste de sa vie dans
les exercices de la chaire et du confessionnal ,
soit à Gand, soit à Bruxelles, et en dernier lieu
à Anvers. 11 mourut d'une pleurésie. On a de lui ;
Ars semper gaudendi, demonstrata ex sola
consideratione divinse Providentiw etper ad-
ventuales conciones exposita; Anvers, 1664-
67,2tom. in-4°; réimpr. à Cologne ,11676, à
Vienne, 1683, et à Francfort, 1741, en un seul
vol. in-4° ; abrégé en allemand par Weigel (1687,
in-12), et trad. en français, sous le titre deYArt
de se tranquilliser dans les événements de
la vie (Strasbourg, 1752, 1782, 2 vol. iu-8o).
Leibniz, Wolf et d'autres savants faisaient le
plus grand cas de cet ouvrage, où l'auteur s'est
efforcé de prouver que pour être heureux il
faut s'abandonner à la Providence.
Paquot, Mémoires, IV.
il.
327
sarasin (1) (Jean-Francois) , écrivain et
poète français, né à Hermanville, près Caen,
en 1605, mort à Pézenas, en décembre 1654.
Suivant le Segraisiana , il était fils naturel de
M. Fauconnier, de Caen, trésorier de France,
dont la maîtresse, devenue grosse et mariée par
lui à un époux complaisant, accoucha de Sa-
rasin après son mariage. 11 fit ses études à Caen,
et vint ensuite à Paris, où il trouva un protec-
teur dans M. de Chavigny, secrétaire d'État, et
ne tarda pas à faire partie de sa maison. Celui-ci
voulut l'envoyer à Rome auprès d'Urbain VIII,
']ui aimait les lettres : il lui fit donner 4,000
livres pour se mettre en équipage ; mais Sarasin
les mangea avec sa maîtresse. A la place de ce
voyage en Italie, il en fit un en Allemagne, où
il s'acquit l'amitié de la princesse Sophie, fille du
roi de Bohême. Comme il était pauvre et qu'il
cherchait la fortune par tous les moyens , il se
maria avec une femme riche, mais vieille, laide,
et, qui plus est , d'une humeur tellement cha-
grine qu'il ne put plus longtemps s'accommoder
de sa compagnie, et qu'il la quitta pour entrer
au service du prince de Conti, en qualité de se-
crétaire de ses commandements (1648 ou 1649).
Ce fut surtout dans cette charge qu'il déploya
tous ses talents et toute sa souplesse de courti-
san bouffon, dansant, chantant, jouant des ins-
truments, disant de bons mots et de bons contes,
n'épargnant rien pour se rendre agréable et
nécessaire, faisant bon marché de sa dignité
lorsqu'il s'agissait d'amuser son maître : « Il fai-
sait de son esprit tout ce qu'il voulait , écrit Se-
grais. Quand MmedeLongueville lui disait: Sar-
rasin, prêchez comme un cordelier, il prêchait
comme un cordelier : Prêchez comme un . ca-
pucin, il prêchait comme un capucin. » Un jour
qu'il accompagnait le prince dans un voyage, le
maire et les échevins d'une ville vinrent haran-
guer celui-ci à la portière de son carrosse;
l'orateur étant demeuré court à la seconde pé-
riode, Sarasin sauta aussitôt de voiture, et
acheva la harangue d'une manière si bouffonne
sous sa gravité apparente que le prince en écla-
tait de rire. Le maire et les échevins, trans-
portés d'enthousiasme, lui offrirent le vin de
la ville comme à son maître. La vie de Sa-
rasin est pleine de ces anecdotes burlesques
et de ces plaisanteries de page. Il alliait l'im-
pertinence à la bassesse, et Tallemant des
Réaux raconte que souvent le prince, après
l'avoir menacé de le jeter par les fenêtres, se
laissait désarmer par ses grimaces. Il était de
la société de Pellisson et de Mlle de Scndery;
mais vers la fin celle ci s'était refroidie pour
lui, et elle resta, dit-on, dix ans sans le voir.
Il était aussi l'ami de Scarron, qui lui a adressé
l'une de ses plus jolies pièces de vers; de Mé-
nage, de Conrart , de Charleval , etc. Il figure
dans la littérature précieuse de l'époque sous le
(1) On trouve aussi sou nom écrit Sarrasin , Sarruzin,
Sarazin.
SARASIN 328
nom d'Amilcar, sans doute par allusion à son
caractère enjoué ; car Amilcar est le personnage
badin du roman de Clélie. La cause de sa mort
prématurée n'est pas bien éclaircie : suivant
plusieurs auteurs, ce fut le chagrin qu'il conçut
d'être tombé dans la disgrâce de son maître ; mais
ni Pellisson ni Ménage ne nous ont appris la
cause de cette disgrâce. Suivant Segrais, dont le
récit a été généralement adopté, il mourut d'une
fièvre chaude, causée par un coup de pincettes
que le prince lui donna sur la tempe dans un
moment de colère : « Le sujet de son méconten-
tement, dit Segrais, était que l'abbé deCosnac,
depuis archevêque d'Aix, et lui (Sarasin) l'a-
vaient fait condescendre à épouser la nièce du
cardinal Mazarin et abandonner quarante milU
écus de bénéfices pour n'avoir que vingt-ciiw
mille écus de rente. De sorte que l'argent lu
manquait souvent, et alors il était dans des cha>
grins contre ceux qui lui avaient fait faire cett
bassesse, comme il l'appelait, à cause de 1;
haine universelle qu'on avait en ce temps-1.
contre le cardinal Mazarin. » L'abbé d'Olivetdi
aussi que sa mort fut violente, a à oe qu'on
toujours oru ». Il est vrai que Daniel de Cosnac
dans ses Mémoires, récemment publiés, e
Tallemant des Réaux nient le fait ; mais on coi
naît la légèreté des assertions du dernier, et 1
démenti de l'autre est suspect; car il y avait e
quelque sorte un intérêt personnel. Sarasin fi
enterré à Pézenas. Quatre ans après, son an
Pellisson, passant par cette ville, alla pleun
sur sa tombe > et, tout protestant qu'il était, I
célébrer un service pour le repos de son an
et lui fonda un anniversaire.
Sarasin n'avait publié qu'un assez petit nombi
d'ouvrages de son vivant, et sous son nom. Comn
Voiture , dont il fut le rival, puis le succcsseu
c'était surtout un écrivain de salon , prodigua
son esprit dans les ruelles, en madrigaux, <|
sonnets , en épîtres , en petites pièces de ci
constance. Lorsqu'il mourut, il ordonna qu'i
remît tous ses papiers à Ménage, pour qu'il
disposât comme il le jugerait à propos. Ménaf
les fit imprimer en 1656, avec un discours pi
liminaire de Pellisson. Les principaux ouvrag
de Sarasin sont : Histoire du siège de Du [
kerque; 1649; — le Discours de la trogéc\
(sous le nom de Sillac d'Arbois) : œuvre
complaisance, où son amitié pour Scudéry l'e|
traîne beaucoup trop loin ; — Le Testament
Goulu, en vers français, et Atlici Seconf
G. Orbilius Musca , sive belium paras itict]
(1644, in-4°) : satires ingénieuses contre
parasite Montmaur; — la Conspiration
Walstein, petit chef-d'œuvre, écrit dans
goût de Salhiste, malheureusement inache^
— Vie de Pomponius Atticus, trad. de Co
Nepos; — La Pompe funèbre de Voiture, ai
les Miscellanea de Ménage (1652, in-4°) :
dinage spirituel, mêlé de prose et de vers,
l'éloge se relève d'un persiflage malin, et
I 32U SARASIN —
servit de modèle à plusieurs autres composi-
! lions du même genre, qui ne l'ont pas égalée;
j — opinants du nom et du jeu des Échecs,
dissertation savante et curieuse; — Dulot
. vaincu, ou la Défaite des bouls-rïmés, poëme
. héroï-comique en quatre chants, qu'il composa,
dit on, en quatre ou cinq jours : la versification
ion est facile; il y a de la verve et de l'esprit de
I détail , môme quelques passages d'un style élevé,
■mais l'invention et le plan en sont très-faibles et
fies personnifications en paraissent généralement
■ froides et forcées; — Ode de Calliope sur la
} bataille de Lens, fort belle, et dont Voltaire s'est
approprié un passage dans La Henriade ; — des
• Poésies, qui ont en général de l'aisance,de l'esprit,
[un tour agréable et vif, mais peu de correction ;
j| 1 faudrait citer surtout bon nombre de ses stances,
[l'un tour coquet, d'une allure vive et preste, où
I I tire même parfois des effets assez piquants de
■ 'a^sonnance et de l'allitération ; sa glose en faveur
I le Wranie de Voiture contre le Job de Bense-
l-ade, son églogue d'Orphée, belle imitation de
S Firgile , que déparent quelques négligences; son
| lélicieux sonnet sur Eve, si souvent cité ; un
| oug dialogue sur la question : S'il faut qu'un
ï'eune homme soit amoureux. Toutes ces pièces
1 ont partie de la ire édition des Œuvres de
\sarasin (Paris, 1656, in 4°), reproduite,
livec des augmentations, en 1658 (Paris),
[tet 1694 ( Amsterdam ). En 1675 parurent
îles Nouvelles Œuvres de Sarasin (Paris,
il vol. in-12 ) , composées généralement de
I morceaux inachevés et de productions de sa jeu-
liesse, que Ménage avait exclus dans son édition:
bn des ouvrages les plus importants de ces deux
Volumes, c'est V Apologie de la morale d'Épi*
"Aire, qui a été attribuée à Saint-Évremond. On
floit aussi à Sarasin une Lettre du marguiller
h son curé sur la conduite de M. le. coadju-
'eur ( Paris, 1651, in-4° ), à laquelle Patrice ré-
pondit par une Lettre du curé au marguiller.
V. Fournel.
' Pellisson, Discours en tête des OEuvres de Sarrasin,
-lOBfi. - Huetiana. — Menaglana. — Baillée, Jugem.
,ies savants, t. V|ij,p. i-i6. -Segrais , Mémoires anec-
dotes — Vigneul-Marville, Mélanges. — Niceron, Mé-
moires, VI.- l'ellisson et d'Olivet, JHst. de l'Académie,
fiassiiu. — Daniel de Cosnac, Mémoires.
I sarasin. Voy. Sarrasin.
; sakayia (Adrien de], théologien belge, né
m 1531, à Hesdin (Artois) , mort le 15 janvier
|16I3, à Canterbury. Sa famille était originaire
ii'Espagne. De bonne heure il embrassa la ré-
j'orme.et alla prendre à Oxford le diplôme de
porteur en théologie. Après avoir exercé le
ministère évangélique à Londres (1561) et à
Bruxelles (1562), il reçut vocation de l'église
l'Anvers, et travailla l'un des premiers à la con-
fession de foi des nouvelles églises belgiques ;
! 1 en fit répandre parmi la noblesse un grand
«ombre d'exemplaires. Il enseignait depuis 1582
la théologie à Leyde lorsqu'il entra dans lecom-
uot formé par quelques bourgeois de livrer la
SARBIEVSKl
330
ville à Leicester, qui visait secrètement, malgré
les inlruclions d'Elisabeth, à fonder en Hollande
une sorte de principauté; le complot fut décou-
vert, on exécuta quelques coupables, et Saravia,
averti à temps, s'enfuit à La Haye (oct. 1586),
d'où il passa en 1587 en Angleterre. Après avoir
tenu école à Jersey et à Southamplon, il finit par
obtenir un cauonicat à Canterbury et un autre à
Westminster; la cour récompensait en lui ses
attaques contre la discipline austère des presby-
tériens ainsi que la part qu'il avait prise à la
nouvelle traduction de la Bible. Il vécut en
grande intimité avec le fameux Hôoker. D'après
Burroan, c'était un homme avare, ambitieux, in-
constant et brouillon. Ses écrits ont été rassem-
blés sous le titre : Diversi tractatus theolo-
gici; ^ Londres, 1611, in-fol. Deux lettres de
Saravia à Juste Lipse se trouvent dans le Syl-
loge epist. de P. Burman, t. I, p. 333-365.
Strype. Life of TVhHg\fl, p. 422 et 441. - Meursius,
Athenx Batavie. — Paquot, Mémoires, XI.
sarbievski (Matthias-Casimir), en latin
Sarbievius, poète polonais, né en 1595, dans
Masovie, mort le 2 avril 1640, à Varsovie. Sa
famille était originaire d'Italie. Après avoir fait
ses études- au collège de Pultov, il embrassa à
dix-sept ans la règle de Saint-Ignace (1612), et
enseigna d'abord la rhétorique à Vilna. Envoyé à
Borne (1623), il se livra à l'étude des antiquités
et de la poésie. Quelques odes latines qu'il pré-
senta à Urbain VIII lui méritèrent l'honneur
d'être choisi pour corriger les hymnes du nou-
veau bréviaire romain. Il ne fut pas honoré,
comme on l'a prétendu, du laurier poétique;
mais en prenant congé du pape il reçut de lui
une médaille d'or d'un grand prix. Bappelé à
Vilna, il fut chargé de professer la philosophie,
puis, la théologie; mais avant d'aborder cette
dernière chaire, il voulut être reçu docteur (1 636) :
la cérémonie eut lieu avec beaucoup d'éclat, et
Vladislas IV, qui était présent, se montra si sa-
tisfait des réponses du candidat qu'il lui passa
au doigt son anneau royal. Ce prince le choisit
pour aumônier, lui donna un logement au palais,
et il prenait tant de plaisir dans sa conversation,
qu'il l'invitait même à ses parties de chasse. Sar-
bievski, accablé d'infirmités précoces, mourut à
l'âge de quarante-cinq ans. Son extérieur n'avait
rien d'agréable; mais il rachetait sa laideur par-
la fermeté de l'âme et les qualités brillantes de
l'esprit. Bien ne pouvait ralentir son ardeur au
travail : il avait, dit-on, lu Virgile soixante fois,
et les autres poètes contemporains chacun au
moins dix fois. Ce fut à ses poésies latines qu'il
dut sa renommée; sans le mettre au-dessus de
Coffin et de Santeul, il les égale souvent pour le
génie et l'enthousiasme , bien qu'on lui ait avec
justesse reproché des incorrections et des écarts
déplacés ; mais ses épigrammes sont fades et ses
dithyrambes manquent de goût. On a de lui :
Obsequium gratitudinis ; Vilna, 1619, in-4°; — '
Sacra lithotesis; ibid., 1621, in-4°; — Lyrico-
331 SARBIEVSKI —
rumlib.IIJ; Epigrammatumlib. I; Cologne,
1625, in- 12 : cette première édition est rarissime;
les quatre .suivantes ont été augmentées par l'au-
teur: Vilna, 1628, in-12, etAnvers, 1630, in-12,
1632, in-4°, et 1634, in-32 ; il s'en est fait encore
seize autres, parmi lesquelles on recherche celle
de Cologne, 1721, in-8° (très-fautive, mais avec
des pièces nouvelles) ; de Vilna, 1757, in-4°; de
Paris, Barbou, 1729, pet. in-8°; de Strasbourg,
1805, in-8". Quelques-unes des poésies de Sar-
bievski ont été trad ujtes en allemand , et en français
par fragments dans les Soirées littér. de Coupé,
t. XIV; — Honor sanclorum Vilnx reliqaiis
exhibitus; Vilna, 1631, in-4° ; — Oratio pa-
negyrica habita in prxsentia Vladislai IV ;
ibid., 1636,in-4°; — Elegia ilineraria; Dresde,
1754, in-4° : pièce publiée par Langbein; — plu-
sieurs ouvrages en manuscrit, notamment un
poème, La Lechiade, en XII livres. K.
G. Langbein, Commentatio de M.-C. Sarbievii vita;
Dresde, 1753, in-8°, et 17S4, in-4".
sardanapale, nom de plusieurs rois d'As-
syrie et qui est l'abrégé de Assur-iddana-
pallu, c'est-à-dire Âssour (le dieu tutélaire du
pays) a donné un fils, ou de Assar-adon pal,
grand seigneur d'Assyrie.
Sardanapale Ier régnait vers 1209 av. J.-C. ; il
était fils de Tiglatpileser Ier ; son nom se trouve
sur le piédestal d'une statue trouvée dans les
ruines de Ninive.
Sardanapale II régnait vers 1020; il était
arrière-petit- fils de l'usurpateur Bélitaros , fon-
dateur delà seconde dynastie.
Sardanapale III régna de 922 environ à 898.
Il fut un conquérant célèbre, et c'est lui qu'ont
en vue les historiens grecs quand ils parlent
du grand Sardanapale. il restaura à Calach
(auj. Nimroud) le palais bâti par Salmanas-
sar 1er, et y établit sa résidence (1). Ses expé-
ditions avaient pour but de faire rentrer les
tributs en nature imposés aux populations de
l'Asie centrale; comme ses prédécesseurs, il usa
de la plus grande cruauté contre ceux qui es-
sayaient de se soustraire à sa domination. Parmi
les pays qui lui étaient soumis, on remarque la
Commagène, l'Arménie, ia Chaldée, la Syrie, le
Liban et la Phénicie. Il construisit plusieurs
vùles; selon Hellanicus , il aurait fondé Tarsus
et Anchialé en Cilicie.
Saudanapale IV, dernier roi de la seconde
dynastie, régna de 795 à 798. C'est lui que Ctésias
représente comme un prince efféminé, adonné à
à la mollesse et à la luxure. Il y a beaucoup
d'exagération dans le tableau que cet historien
(1) Les restes considérables de ce monument ont été
décrits dans Nineveh de Layard. Dans le grand temple
découvert au môme endroit on a trouvé une slèle de
Sardanapale DI remplie d'inscriptions, et un énorme
monolithe portant une très longue Inscription concer-
nant ce même roi, et qui a été insérée dans les West-
ùssyrian inscriptions, pi. 17-26. Ces divers textes, tra-
duits par M. Oppcrt, se rapportent aux campagnes rie
Sardanapale pendant les neuf premières années de son
règne.
SARDANAPALE
332
si peu sûr fait de la cour de Ninive sous ce roi,
qui, sans être aussi guerrier que ses prédéces-
seurs, ne menait pas une vie plus voluptueuse
que les princes orientaux de cette époque. Les
tribus dont l'agrégation formait l'empire d'Assy-
rie avaient besoin pour rester dans l'obéissance
de sentir sans cesse le bras puissant du maître;
aussi dès que Sardanapale négligea de leur ins
pirer par des expéditions fréquentes une craint
salutaire, sa chute était facile à prévoir. Bêle
sis, grand-prêtre de Babylone, s'unit à Arba&
pour renverser le roi. Arbace excita les Mèdes i
la révolte (785) et marcha sur Ninive; battu ei
trois rencontres par Sardanapale , chez qui s'é
tait réveillée la vaillance de sa race, et repouss
au delà des montagnes, il séduisit plusieurs chef
des contingents tributaires, et les décida à fair
cause commune avec lui ; puis il attaqua le
Assyriens la nuit par surprise, et les rejeta dan
Ninive, qu'il investit complètement après avd
repoussé deux sorties dirigées par Salaïmanèi
frère du roi. Le siège dura deux ans; c'éta
plutôt un blocus, car les énormes remparts c
Ninive ne pouvaient être entamés par 1<
engins de siège employés alors. Au printemps c
la troisième année une inondation du Tigre ayai
détruit une grande partie des fortification!
Sardanapale, reconnaissant l'inutilité d'une pli
longe résistance, réunit sur un bûcher constn
dans son palais ses trésors les plus précieu
s'y plaça avec toutes ses femmes, et fit mettre,
feu (1). L'incendie se communiqua au reste de i
ville. Arbace fut reconnu roi, et détacha de s
États la Babylonie, qu'il donna à Belesis.
Sardanapale V régna de 647 à 625. 1
royaume d'Assyrie , si brillamment restauré p <
son aïeul Sargon et son grand -père Sennach
rib, commençait à tomber en décadence. Psai-
métique, roi d'Egypte, s'empara en 639 de I
Syrie, et Phraortes, roi des Mèdes, déjà mail!
de plusieurs provinces, marcha en 633 si
Ninive; mais il fut entièrement défait et per R
la vie dans la bataille. Son fils Cyaxaresval
quit à son tour les Assyriens, et vint assU
ger Ninive. Forcé de protéger ses États conl
l'invasion des Scythes , il ajourna ses dess|M
contre Sardanapale. Ce dernier avait, en vue I
l'attaque des Scythes, préposé aux principa
provinces des vice-rois chargés d'y organiser ;
résistance; c'est ainsi qu'il confia la BabylonV
Nabopolassar, qui ne tarda pas à se rendre inc
(1) Le genre de mort de Sardanapale a fait mêler il
vie des détails empruntés à ce qu'on racontait du df
Sandan, l'Hercule assyrien et phénicien, et qui, selor,
tradition, avait également péri sur un bûcher, ento
de ses concubines. Voy. Otfr. Millier, Sandon und S4'
danapal, et Movers, Das pkœnizische Alteithum ,
458. Si ces deux savants se sont trompés en dénian
Sardanapale tonte existence réelle, Niebnhr [Ccscliic\
Jssursvnd Babels) a commis une autre erreur en
voulant reconnaître qu'une seule destruction de Nin:|
en r,96, sous le roi Sarak. Il est impossible d'expliq
dans cette hypothèse comment les fouilles opérées d
les ruines de cette ville n'ont amené la découverte
d'un seul monument antérieur à Scnnachérib.
333
SARDAlNAPALE — SARGON
334
pondant. On ignore si les Scythes dévastèrent
l'Assyrie ou s'ils se bornèrent à y prélever un
tribut; néanmoins leur invasion ébranla telle
ment cet empire que vers la fin du règne de Sar
danapale les pays de Samarie, de Damas, de
Hamath avaient recouvré leur indépendance.
Kn revanche il réussit à maintenir sous le joug
le pays d'Elam ; plusieurs bas-reliefs du palais
qu'il construisit à Ninive se rapportent à ces
victoires. Dans les décombres de ce même palais
on a découvert une foule de tablettes en argile,
couvertes d'inscriptions cunéiformes, malheureu-
sement la plupart fracturées; on n'a pas tardé à
reconnaître que c'étaient les débris d'une immense
bibliothèque, où Sardanapale avait réuni des
[traités sur toutes les sciences connues des Assy-
1 riens; quelques-unes de ces tablettes paraissent
[être des grammaires, des dictionnaires; quand le
' léchiffrement en sera plus avancé, elles offriront
[ es renseignements les plus précieux sur l'an-
cienne civilisation de l'Asie. E. G.
| Diorfore de Sicile. — Justin. — Niebuhr, Ge&chichte
. issuts und Babels, Berlin, 1857. — Saulcy, Chrono-
\ ogie assyrienne.
I sardi ( G asparo), historien italien, né en
[1480, à Ferrare, où il est mort, en 1564. Sa vie
n'écoula tout entière dans sa ville natale. 11 vé-
rutà l'écart, et n'occupa aucun emploi public; il
Consacrait tout son temps à lire et à noter ce
mi lui paraissait utile, et ce fut ainsi, par un
(travail continu, mais sans esprit de critique,
BÉ'il se rendit habile dans l'histoire, les belles-
fiettres et la philosophie. Son choix n'était
j>as toujours raisonné, ni son style élégant,
•niais c'était, suivant Tiraboschi , un laborieux
(moissonneur dans le champ de l'érudition. Nous
citerons de G. Sardi : Epistolarum liber, varia
reconditaque historiarum cognilione refer-
ons'; De triplici philosophia commentario-
llui ; Florence, 1549, in-8° : il traite dans ses
Sépîtres de différents points d'érudition, et ilrend
[compte de la dispute qu'il avait engagée avec
tRicci pour savoir si l'on devait dire Atestinus
pu Estensis, comme il le supposait, plutôt
[qu'Aies tilts; cette forme, proposée par son ri-
|val, n'a point prévalu. Le traité De philosophia
[est adressé à Olimpia Morata, avec qui Sardi
jetait en commerce de lettres; — Lïbro délie
'Storie Ferraresi; Ferrare, 1556, in-4° : cet
ouvrage embrasse un espace de onze siècles et
Is'arrête à l'année 1497; il a été continué, avec
jdeux livres inédits de l'auteur, jusqu'en 1598 par
[Agostino Faustini ( Ferrare, 1646, in-4°), et jus-
qu'en 1700 par Baruffaldi (ibid. 5 1700, in 4°);
[on y trouve beaucoup de laits intéressants pre-
ssentes sans méthode et déparés par un style
ilourd, un penchant à la crédulité et de nom-
breuses inexactitudes. Pendant plusieurs années
Sardi avait travaillé à recueillir des matériaux
pour une Histoire de la maison d'Esté; mais
elle est restée en manuscrit, ainsi que beaucoup
Vautres du même auteur, notamment un voca-
bulaire de la géographie ancienne, intitulé To-
ponomasia, en dix-huit livres.
Sardi (Alessandro), érudil, fils du précédent,
né vers 1520, à Ferrare, où il est mort, le 26
mars 1588. Comme son père, il mena une vie
laborieuse et retirée, et le seul emploi qu'il ait
rempli est celui de conservateur adjoint des ar-
chives de Ferrare; le duc Alfonse 11 le lui accorda
en 1570, à la condition de travailler a la rédaction
des annales de sa maison. Sardi n'avait qu'une
passion, l'étude; mais s'il ajoutait sans cesse à
la somme de ses connaissances, il se préoccupait
bien plus aussi d'en faire étalage que d'y puiser
avec discernement. Nous citerons de lui : De
rilibus ac moribus gentium lib. III ; Venise,
1557, in-8°; réimpr.en 1577 avec deux livres de
plus : De rerwn inventoribus ;Ma\ence, in-4°;
— De numis traclatus ; Mayence, 1579, iu-4°;
Padoue, 1648, in-80'; Londres, 1675, in-4", sous le
nom de John Selden ; — De Chrisli humani-
tate; Bologne, 15S6, in-8°; — Délia poesia di
Dante; Venise, 1586, in-8*; c'est une suite de
six discours; — Anliquorum numinum et he-
roum origines; Rome, 1775, in-4° : ouvrage
estimé, dû aux soins de l'évêque Riminaldi. On
conserve de cet auteur un grand nombre d'ou-
viages inédits, dans la bibliothèque de Modène,
tels que la suite de l'histoire de Pigna, sept
livres de l'histoire d'Italie (1534-1559), cinq de
l'histoire d'Esté (1476-1505), et quarante de
l'histoire ancienne.
Barolti, Memorie de' letterati ferraresi. — G. Ferrl,
Vita di Mess. Sardi, à la tête des Numinum origines. —
Tiraboschi, mblioth. modenese.
sargon, roi d'Assyrie, mort en 704 av. J. C.
Il succéda en 721 à un prince qui avait régné
pendant cinq ans après Tiglat-Pileser IV, et
qu'on croit avoir été Salmanassar V; très-pro-
bablement il n'était pas de la famille royale;
car dans ses inscriptions il ne parle d'aucun de
ses ancêtres. Ces documents fort nombreux
donnent de Sargon l'idée d'un conquérant qui
étendit au loin sa puissance. Après avoir en 721
vaincu le roi d'Elam et soumis la Chaldée, il
s'empara de Samarie (720) , et imposa aux ha-
bitants d'Israël, dont il transporta une trentaine
de mille en Assyrie, les tributs que Tiglat-
L-i!eser IV avait exigés d'eux (1). Il étouffa
ensuite la révolte du roi de Hamath Ilonbid,
qu'il fit écorcher vif, et remporta peu de temps
après une grande victoire à Raphia sur Hanon,
roi de Gaza, et Sebecb, prince égyptien. Les ha-
bitants de Chypre, impatients du joug des Ty-
riens, invoquèrent la protection de Sargon, qui
occupa deux fois la Phénicie. Sidon et d'autres
villes reconnurent sa suzeraineté; mais Tyr ne
se soumit qu'après un siège de cinq ans (2). Vers
(1) On a presque généralement confondu cette première
transportation avec la grande captivité, qui ne fut or-
donnée par Sargon que vers 709. (Voy. un article de sir
H Rawlinson dans VAthenxum anglais du 22 août 1863.)
(2) Tous ces démêlés avec les Phéniciens racontés par
Ménandrc et l'historien Josèphc ont été à tort rapportés
S35 SARGON
715, Sargon imposa tribut aux Égyptiens et aux
Arabes; puis il fit une expédition victorieuse
contre la Médie et l'Arménie, dont le roi Ursa,
battu en 713 de nouveau, se tua de désespoir.
Dans les années suivantes, il fit sentir la puis-
sance de ses armes à diverses populations du
nord et de l'est; il marcha en 710 contre la Syrie,
qui avait secoué le joug assyrien; il prit Asdod,
dont il emmena les habitants en captivité (1), et
obligea à une paix humiliante le roi éthiopien
de Meroë. C'est à cette époque aussi qu'il mit
fin au royaume d'Israël, après avoir pris une se-
conde fois Samarie au bout d'un siège de trois ans;
la plupart des indigènes furent emmenés en As-
syrie. Il avait ainsi détruit la coalition menaçante
que les princes de Syrie et d'Egypte ainsi que
le roi d'Israël Osée avaient formée contre lui. Il
futégalement heureux contreMézodach-Baladan,
qui avait insurgé toute la Chaldée, et reprit
Babylone. En 711, il commença la construction
d'un magnifique palais à Korsabad, lieu qu'on
appelait encore au moyen âge Sar'oun ; la dé-
couverte faite dans ces derniers temps des restes
considérables de cet édifice a amené la mise au
jour d'une vingtaine d'inscriptions rapportant les
hauts faits de Sargon, qubeut pour successeur
son fils Sennachérib. E. G.
Layard, Inscriptions of the Assyrian monvments. —
Flandln et Botta, monuments de Ninir.e. — Opperl, Ex-
pédit. en Mésopotamie, t. I, Paris, 1863, in-4°, Inscrip-
tions des Sargonides. — Opperl et Menant, Fastes du roi
Sargon; Paris.1863, in-t°.
sarisbery. Voy. Jean de Salisbury.
sarmiento (Martin), érudit espagnol, né
en 1692, à Ségovie, mort en 1770, à Madrid. H
entra de bonne heure chez les bénédictins de
Madrid, alla terminer ses études à Alcala, où il
prit le grade de docteur en droit, et revint dans
la capitale pour y enseigner successivement la
philosophie, la morale et la théologie. Il se fît
connaître par une immense érudition et par au-
tant de sincérité que de modestie. Désigné par
ses supérieurs pour examiner les ouvrages du
P. Feyjoo, son confrère, et surtout les premières
parties du Teotro critico, où certains préjugés
étaient combattus avec vigueur, il eut le courage
de leur donner son approbation; cette circons-
tance le mit en butte aux attaques d'une fouie
d'auteurs, dont les écrits étaient pleins de satires
injurieuses à la mémoire de ces deux hommes
éminents. Les Œuvres du P. Sarmiento, publiées
par le couvent de Saint-Martin, forment 4 vol.
in-4° (Madrid, 1775J; le t. Ier est entièrement
consacré aux Memorias para la hisloria de La
poesia y poetas espaiioles, excellent recueil
entrepris sur le même sujet que celui de San-
chez et concluant en beaucoup d'endroits aux
mêmes résultats.
par eux a Salmannssar ; on a trouvé en Chypre une stèle
île Sargon, conservée ;m musée de Berlin.
(l)Celle piise d'Asdori, rapportée par le prophète Isaïe
(cli. xx, 1 .était la seule action de Sargon qui fût connue
avant la découverte des Inscriptions cunéiformes.
— SARNELLI
338
Courrier littér. de l'Europe, 1770. — Ticknor, liist. of
spanish literature, III.
sarnelli (Pompeo), littérateur italien, né
le 28 janvier 1649. à Polignano (roy. de Naples),
mort en juillet 1724. Envoyé à Naples pour y
achever ses études, il composa dès l'âge de dix-
neuf ans un poème italien en 1 honneur de sainte
Anne ; ce début attira sur lui l'attention dans une
époque où les lettres étaient en honneur; il lui
valut le litre honorifique de protonotaire apos-
tolique, et peu de temps après la protection du
cardinal V.-M. Orsini. Après s'être engagé dans
les ordres, il continua de cultiver les lettres, el
ajouta au renom de pcëte et de savant celui d(
prédicateur. Pendant treize ans (1679-1692), i
vécut près de son généreux patron, le seconde
en qualité de grand vicaire dans l'administratioi
des églises de Manlïedonia et de Benevento, e
reçut de lui, en 168-8, la riche abbaye du Saint
Esprit, dans cette dernière ville. En 1692, il fu I
pourvu de l'évèché de Biseglia, dans la terre d U
Bari. Ses principauxouvrages sont -.Santa Anna i
poema; Naples, 1668, in-16; — Parufras'\
elegiaca de Salmi penitenziali ; ibid., 1672 I
in-4°; — Donato distrutto nnovato; ibid, j
1675, 1690, in-12 : c'est le premier livre d'un '
grammaire qui devait en avoir neuf; — Diari I
napoletano ; ibid., in- 12, espèce d'almanac a
publié plusieurs années sous l'anagramme de Su !
lomone Lipper ,• il s'est servi du même détou i
(tels que les noms de Jîsopus Primnellius , Me
sillo Reppone), quand les écrits qu'il mettait a i
jour semblaient déroger à la gravité de son état
— Specchio del ciero sccolare, ovvero vitfl
de' SS.ohericisecolarijMd., 1678,3vol. in-4c.B
— Bestiarum schola, ad hommes erudiendc
provide ïnslituta ; Cesena, 1680, in-12; -M
Cronologia de' vescovi sipontirti ; Manfredoni;
1680, in 4°; — Scaola delï anima; Cesen;
1682, in-12; — Posillicheata; Naples, 168'
in-12 ; — Guida de1 forastieri nella città i j
Napoli; ibid., 1685, 1692, in- 1-2 : l'auteur
donné un autre Guida nelle luoghi conviciml
ibid., 1685, 1688, in-12, et on a réuni les dei
dans la traduction française; ibid., 1706, in-l!|
— Antica basilicografia ; ibid., 1686, in-4"
c'est un résumé de tout ce qui est relatif à
disposition des anciennes basiliques ; — Lette;
ecclesias fiche; Naples et Venise, 1686 171
9 vol. in-4° : elles roulent sur différents poin
de la discipline de l'Eglise; — Il Clcro secolm
nel suo splendore; Rome, 1688, in-4° : l'autei
souhaitait de voir rétablir la vie commune d
clercs ; — Memorie cronotogiche de' vescovi i
Benevento; Bénévent, 1691, in 4°; — Memori
de' vescovi di 'Biseglia; Naples, 1693, in-4'
— Annotazioni sopra il librodegti Egregol
diHenoch; Venise, 1710. in-12. Sarnelli atradij
divers ouvrages de littérature, et il a publié d
éditions des Antiquités de Pouzzoles de Loffr
do, de \' Histoire de Naples de Summonte, et
Elogx acad. delta soc, degli Spensierati di Rossar,
337 SARNELLl
t. 1er, p. î83. — Ughelll, Italia sacra. — Toppl, Bibl.
napolitana. — Niceron, Mémoires, XL1I.
SAKON. Voy. BOCHART.
$arpi (Pietro), en religion fra Paolo, pu-
liliciste et historien italien, né le 14 août 1552, à
Venise, où il est mort, le 15 janvier 1623. Fils
d'un négociant qui avait perdu sa fortune, il fut
I élevé par les soins de sa mère, et reçut sa pre-
I inièrc instruction dans l'école que tenait son oncle
! maternel, fra Ambrosio Morelli. D'une constitu-
I: tion frêle, d'un caractère réfléchi et taciturne,
[ sobre, appliqué à l'étude, d'une pénétration rare
et possédant en même temps une mémoire pro-
, ! digieuse, il passa à douze ans sous la direction
i I du servite J.-M. Capella, qui le décida à entrer,
'en 15C5, dans sa congrégation. C'est alors qu'il
• échangea son prénom de Pierre contre celui de
■ Paul. Il alla continuer ses études àMantoue, et
(jy soutint en 1570 plus de trois cents thèses avec
i I le plus grand éclat. Le duc de Mantoue le nomma
h alors son théologien, et l'évêque de cette ville
\\ l'appela à une chaire de théologie. Sans se laisser
[ i éblouir par ces succès précoces, il ne cessa pas
\\ de compléter ses connaissances dans les langues
K anciennes et orientales, et s'adonna avec une
If ardeur croissante aux mathématiques, aux
fi sciences naturelles, à l'astronomie et à la phy-
|! sique. C'est à cette époque aussi qu'il écrivit une
Bhistoire générale des conciles d'après les actes.
■f Après avoir fait sa profession solennelle (1572),
L>il fut rappelé à Venise, où il enseigna chez les
3 1 servîtes la philosophie (1575) et la théologie
■1(1578). Élu provincial en 1579, malgré sa jeu-
I jlnesse, il se rendit à Rome, et travailla à la ré-
.. [dadion de nouveaux statuts de son ordre. En
; 1588 il y retourna, en qualité de procureur; ac-
r cueilli avec faveur par Sixte V, il se lia avec
i [Bellarmin et Navarro, ainsi qu'avec le cardinal
» sCastagna, plus tard Urbain Vil, et lit un voyage
■ à Naples, où il fréquenta beaucoup le célèbre
I s Porta, qui avoue avoir beaucoup appris de Sarpi.
il Ce dernier consacrait tous ses loisirs à l'étude
• des sciences naturelles, lorsqu'un ordre de ses
li 1 supérieurs le manda en 1589 à Venise. Il con-
! [ signa les résultats de ses observations dans divers
i ; recueils manuscrits, aujourd'hui perdus, mais
i . | dont Grisellini a laissé une analyse, souvent
i i inexacte ou exagérée. Voici le résumé des dé-
couvertes importantes qu'on peut avec certitude
i attribuer à Sarpi. Dès 1580 il était parvenu à
i I' deviner le secret de la circulation du sang, trente
ans avant Harvey ; il remarqua le premier la
'f dilatation et la contraction de l'uvée dans l'œil
■i | de tous les animaux ; il connut aussi l'effet de
} l'air insufflé dans les poumons en cas de mort
il ! apparente, idée reprise plus tard par Hunier; il
i j: avait posé les fondements d'un système général
; i pour tous les phénomènes magnétiques, et il
i j précéda Gilbert au sujet de la déclinaison et des
i variations de l'aiguille aimantée. L'algèbre l'oc-
; cupa beaucoup : sur plusieurs points il corrigea
et dépassa Vieta. Uni d'uhe étroite amitié avec
— SARPI 338
Galilée, qui l'appelle son père et son maître, il
l'assista dans ses observations astronomiques. Il
est encore à remarquer que la précision de son
esprit l'empêcha de tomber dans les rêveries
alchimiques et théurgiques alors si en vogue.
Vers 1591, il aborda sérieusement la philoso-
phie. Porlé par son caractère auslère vers le
stoïcisme, il adopta le fatalisme, qui est la hase
de cette doctrine. Tout en observant scrupuleu-
sement tous ses devoirs religieux et en consa-
crant par jour huit heures à l'étude, il trouvait
encore le temps d'entretenir une vaste correspon-
dance avec les principaux savants de l'Europe,
tels que Casaubon, deThou, Saumaise, Vossins,
les frères du Puy, Barclay, Bacon, Grotius, etc.
Son seul délassement était de fréquenter les
cercles littéraires de Venise; il aimait à y inter-
roger les voyageurs qui avaient, parcouru les
contrées lointaines. Le désir d'avoir plus de
temps à donner à l'étude lui lit solliciter l'évêché,
du reste peu lucratif, de Caorle, et en 1601 celui
de Nona; mais il éprouva chaque fois un refus
à Rome, parce qu'il avait fourni au sénat des
notes relatives au différend qui s'était produit
entre Venise et la cour pontificale. Nommé en
1606, au plus fort de la lutte, théologien cano-
niste de la république, il publia en italien pour
répondre à l'excommunicalion lancée par Paul V
contre sa patrie, le Traité de V Interdit et
d'autres écrits polémiques, où, dans un style clair,
incisif et plein d'énergie, il s'appliquait à dé-
montrer la nullité des mesures pontificales. En-
couragé par l'inflexible moine, le sénat se refusa
à faire la moindre concession au pape, qui, après
deux ans d'efforts inutiles, fut obligé d'accepter
les conditions qu'on lui offrait. Sarpi, dont les
gages avaient été portés à quatre cents ducats,
reçut encore en récompense l'office de consul-
teur en droit, et l'entrée des archives secrètes lui
fut ouverte.
Le rôle important que Sarpi avait joué dans
la lutte contre la cour pontificale avait excité
chez cette dernière un ressentiment profond,
auquel il répondit par une haine aussi intense,
mais beaucoup plus calme. Ses vertus éclatantes
furent taxées d'hypocrisie, et il se vit accusé
d'être calviniste ou même athée (1). Cependant
ces calomnies ne lui ôtèrent rien de son crédit
et de sa popularité, et il continua d'exercer jus-
ci) Quoique partageant les sentiments des calvinistes
sur la prédestination, il était loin d'avoir embrassé
tontes leurs doctrines. Les faits rapportés par Burnet,
le P. Daniel et antres, sur la foi desquels Bayle, Bossuet
et Voltaire n'ont pas hésité à le présenter comme
attaché à la religion réformée, sont ou contronvés ou
remplis d'exagérations. Ses sympathies pour les pro-
testants tenaient en grande partie à des causes politi-
ques ; il aurait voulu que Venise conclût avec eux une
alliance intime contre l'Espagne. Si d'un côté Sarpi ne
désirait pas l'abolition des cérémonies catholiques,
d'un autre il caressa l idée de devenir en Italie le réfor-
mateur delà religion; et il faut reconnaître qu il pré-
tendait substituer au catholicisme orthodoxe des doc-
trines à peu près analogues à ce que fut plus tard le jan-
sénisme.
339
qu'à ia fin de sa vie la plus grande influence i
sur !es affaires de l'État. Remplissant seul une be-
sogne répartie entre trois personnes, il rédigea ;
sur les questions courantes de politique, de reli- j
gion et d'administration un très-grand nombre
de consultes ou avis, où l'on admire des con-
naissances étendues et un grand esprit de dis-
cernement. Après avoir été le promoteur de
l'alliance entre Venise et la nouvelle république
de Hollande, il continua d'entretenir chez ses
compatriotes un esprit d'opposition contre ce
qu'il appelait les empiétements de la cour pon-
tificale, avec laquelle la république ne cessait
d'avoir des démêlés. Averti parBoccalini, Sciop-
pius et Bellarmin de se tenir sur ses gardes, il
évita plusieurs attentats médités contre sa vie.
Mais le 5 octobre 1607 il fut, vers le soir, as-
sailli par une bande de spadassins qui, déses-
pérant de l'enlever vivant, lui portèrent une
quinzaine de coups de poignard. Dans les der-
niers temps de sa vie, Sarpi s'appliqua à l'as-
tronomie et à la mécanique ; le premier il conçut
alors le plan d'une carte lunaire. Il venait déter-
miner en 1615 V Histoire du concile de Trente,
lorsqu'il en communiqua le manuscrit à Dominis,
archevêque de Spalatro, qui à son insu en prit
une copie et la fit, en 1619, imprimer à Lon-
dres. Ce livre, écrit dans le but constant de pré-
senter l'œuvre du concile comme entachée d'in-
trigues et de toutes les misères humaines, eut
un immense retentissement, et raviva contre
l'auteur l'inimitié de la cour romaine. Voici le
jugement qu'a porté sur cet ouvrage célèbre
M. Ranke ( Hist. des papes ) : « Les sources
sont recueillies avec soin, consultées avec une
grande supériorité, mais remaniées dans un
esprit d'opposition systématique. A tout propos
Sarpi blâme et condamne ; son ouvrage est le
premier exemple d'une histoire écrite dans un
parti pris de dénigrement, qui s'applique à tous
les faits qu'il cite. L'arrangement de son tra-
vail, plein d'esprit et de malice, est des plus
habiles ; son style est pur, clair et simple ; et
quoique la Crusca n'ait pas voulu l'admettre
parmi les classiques, probablement à cause de
quelques expressions provinciales, il n'en est
pas moins agréable. Sous le rapport du talent
d'exposition, Sarpi occupe sans contredit la fé-
conde place parmi les historiens modernes de
l'Italie, immédiatement après Machiavel. » Sarpi
ne quitta plus guère sa cellule; la prétendue
conspiration des Espagnols (16(8) avait fait re-
mettre en vigueur la défense pour tout citoyen
de Venise de communiquer avec les ambas-
sades que Sarpi fréquentait beaucoup. 11 avait
cependant convaincu son gouvernement du peu
de gravité de cette affaire (1). Averti de sa fin
prochaine par les infirmités et les maladies, son
âme resta sereine, et son esprit lucide; sur son
(1) Loin d'avoir été chargé d'en faire la relation, ce fut
sur son avis que le conseil des Dix décida de garder un
complet silence sur cet événement.
SARPI 310
lit de mort il donna encore, à propos d'une af-
faire importante, un avis nettement motivé et qui
fut suivi par le sénat. Ses funérailles furent célé-
brées avec beaucoup de pompe, aux frais de l'É-
lat,qui fit notifier aux cours étrangères la mort de
son illustre serviteur comme une perte publique.
On a de Sarpi : Traltalo dell' lnterdetto ;
Venise, 1606, in-4°; trad. en français, dans le
Gouvernement de Venise d'Amelot de La
Houssaye; — Istoria del concil'to Triden-
tino ; Londres, 1619, in-fol. ; Genève, i629,
in-4° ; s. 1., 1757, 2 vol. in-4°, et 1656, 1660,
in-4°; Mendrisio ( Tessin ), 1835-1836, 7 vol.
in-8°; Florence, 1858, 4 vol. in-8°; traduite en
latin (Londres, 1620, et quatre autres édit. ),
en allemand (1620), en anglais (1629) et en
français, par Diodati (Genève, 1621), par Ame-
lot de la Houssaye ( Paris , 1 683 ) , et par
Le Courayer, qui y a ajouté beaucoup de notes
(Londres, 1736, 2 vol. in-fol.); — Istoria
dell' lnterdetto; Venise, 1624, in-4°; traduit
en latin et en français; — Istoria deglï Us-^
cocchi, suite de l'ouvrage deMinuccio, avec le-
quel elle a été imprimée; Venise; 1676; —
Tractatus de beneficiis; Iéna, 1681, in-12;
traduit en français (Amst., 1685, in-12); l'ori-
ginal italien n'a paru que dans les recueils des
Œuvres complètes de Sarpi publiées à Helm-
stsedt (Vérone), 1750, 2 vol. in-fol. ; ibid., 1761-
1768, 8 vol. in-4° ; Naples, 17-89-1790, 24 vol.
in-8°; d'autres recueils du même genre, mais
moins complets, avaient paru à Venise ( Ge-i
nève), 1687, 6 vol. in-12; Helmstsedt (Venise).
1718, 2 vol. in-4°; ils contiennent, outre les
ouvrages précités, plus de cinquante pièces suit
des matières de droit canon et de politique, no
tamment un Discorso sulV inquisizione, qu
avait aussi paru à part (Serravalle, 1638, in-4°)
Dans aucun de ces recueils ne se trouvent 1er
Lettres de Sarpi ; elles ont paru par parties
mais généralement dans un état de grande a!
tération, soit parce que les originaux étaient ei
chiffres, soit parce qu'elles avaient été remaniée
dans un intérêt politique : 1° celles adressées
Groslot, seigneur de l'Isle, et autres Français
Genève, 1673, in-12 ; trad. en latin , Londres
1693, in-8° ; 2° celles écrites à Lechassier,
Gillot, à Casaubon et à Priuli, dans la Slori
arcana de Fontanini; 3° celles à Foscarini <
àCastrino,Capolago, 1833. On aattribué à Sarp
mais sans -preuves convaincantes, une dizain f
d'écrits, notamment la Consolazione delli
mente nel preteso interdetto (La Haye, 2 vo
in-12), et Corne debba governarsi la reput
Mica veneziana per havere il perpeluo dt
minio, pamphlet rempli de maximes odieusi
qui, d'après une note d'Agostini, est d'un bi
tard des Gradenigo. E. G.
Micanzio, Vda di Sarpi ; Leyde, 1616, in-12 ; Mi la
1824, in- 16: cette notice, reproduite entête des 01
vres de Sarpi, n'< tant qu'une ébauche Inaclv
tient beaucoup d'erreurs et d'omissions.
l'ami Intime de fra Paolo.
evéi .
î/auteur et.
— Griselini, Memer.
NI
SARPI — SARRAZIN
342
peltanti al, a vita dt Sirpt; 1,'iisanne, 1760 . ce livre,
tinpM de documents importants et écrit tout en faveur
e sarpl, fut publie de nouveau, sous le titre de Vel
ento dl Jra Paoln ; Venise, 1785. S vol. ln-4°. — Fon-
lOlnl, Storiu arcana délia vitu di Fra Paolo ; Milan,
(.1805, in-8° . écrit dirige contre Sarpl. — Hlanchi-GIo-
1 In), titogrufiti d\ fra Paolo , Zurich, i836, 2 v0|.
3-8°, trad. en français, Bruxelles, 1863,2 vol. ln-12 :
I | uoiqnc etaut un panégyrique, ce litre est le plus rom-
let' et le meilleur de ceux écrits sur le même sujet. —
■ liinrïi, Fra l'aolo ; Carlsruhc, 1833. ln-8°. — Bergan-
ni, Ira Paolo justt/lcato; Venise, î"S2. — Koscar^iii,
i i etteraJura veuezlana : important a consulter, à cause
; es pièces, aujourd'hui perdues, que l'auteur a pu con-
I I aitre.
! sa riiasin ( Jean-Antoine), médecin fnn-
I tais, né le 25 avril 1547, à Lyon, où il est
I nort, le 29 novembre 1593. Il était fils de Pin-
if bert Sarrasin , médecin à l'Iiôtel-Dieu de
II von (I), et qui se retira à Genève, afin de
Ipuvoir professer librement la réforme. C'est
|[ans cette dernière ville que Jean-Antoine fit
kj!S études médicales, et il s'y distingua par
si >n dévouement durant la peste, qui la désola »
■ usieurs reprises. En 1573, il reçut le grade
l[: docteur à l'université de Montpellier; de
■ •tour à Genève, il fut nommé, en 1574,
I embre du conseil des Deux-Cents et appelé, en
lp.84, à une chaire de médecine. Vers la (in de
1 vie il revint à Lyon. On a de lui : De peste;
ïeneve, 1571, in-8° ; Lyon, 1589, in-8"; —
wioscoridis De matériel medica lib. V et ve-
henis lib. Il, latine versi; Francfort, 1598,
[I -8°; — Dioscoridis Opéra, cum scholiis,
! [". et lat.; Francfort et Genève, 1598, in-fol.,
. iition encore estimée.
i : Il eut trois fils : V Jean, né le 12 octobre
j74, qui fut docteur en droit, secrétaire d'État
Ei603), premier syndic ( 1C26, 1630), ebargé
Ifî missions soit auprès du duc de Savoie, soit
riprès du roi de France, et qui mourut le 30
Mars 1632 (2); 2° Philibert, né le 8, mai
j77, qui fut docteur en médecine, membre du
ijrand Conseil ( 1600), et qui a laissé quelques
ihlications médicales; 3° Jacqzies, né en
;>9i, chargé d'affaires de la république auprès
[;îla cour de France, médecin et conseiller de
i .ouïs XIII, mort à Paris, en 1663.
t S\rrasin (Louise), sœur de Jean-Antoine,
ée en 1551, à Lyon, morte en 1622, fut céièbie
pr sa connaissance des langues anciennes et
jirtout par l'étonnante précocité de son inteUi-
in.ee; on la regarda de son lemps comme une
t pèce de prodige : elle savait à huit ans le
tin, le grec et l'hébreu. Elle se maria trois
is, d'abord avec David Larchevêque, conseiller
(État de Genève, puis avec Etienne Le Du-
pât, médecin réfugié, enfin avec Marc Offredi,
lédccin, d'une famille illustre de Crémone. Elle
|1| Philibert, ne à Saint-Aubin ( Charolais), embrassa
| réforme pendant qu'il faisait ses études à Paris. Ii
fait ouvert à Agen nne école, où il ent nour élève Se
j s aîné de Jules-César Scaliger. En quittant Lyon, il
I? se fixer à Genève ( 1550), et v mourut, le 5 mal
T3.
j(2) Sa postérité occupa à Genève des postes importants
ns l'Etat, l'Église et l'Académie.
i garda jusqu'à la Gn de ses jours son goût pour
les langues savantes, et elle lisait à son dernier
mari, devenu aveugle, ies livres de médecine grecs
et latins.
Ilaag, France protestante. — Pcrnettl , lyonnais
dignes de mémoire. — Eloy, DM. hist. de la médecine.
SAHRASIK. Voy. Sarasin.
sarrazin (Jacques), peintre et sculpteur
français, né « Noyon, en 1588, mort à Paris, le
3 décembre 1060. Issu d'une famille aisée, il fut
encore enfant envoyé à Paris , où il reçut les
leçons de Guillain père, qui lui apprit à dessiner
et à modeler. Il partit ensuite pour Rome, et y
passa dix-huit années , étudiant surtout les
œuvres de Michel-Ange, dont il aimait à se dire
le disciple. Pendant ce séjour, il fut employé à
Frascati par le cardinal Aldobrandini, pour le-
quel il exécuta deux figures colossales d'Atlas
et de Polyphême (villa du Belvédère). Il se lia
d'amitié avec le Dominiquin, qui y travaillait en
même temps, et le retrouva encore à S.-Andrea
délia Valle, où il sculpta les statues du portail.
Vers 1628 il était revenu à Paris, ayant chemin
faisant exécuté quelques travaux à Florence et à
Lyon. Ses premiers ouvrages dans la capitale se
ressentirent de la bonne et Jorte nourriture
qu'il avait reçue à l'école des maîtres ilaliens;
malheureusement plus tard il subit l'influence de
Simon Vouet, dont il épousa la nièce (16 mai
1631), et son style fut loin d'y gagner. Sarrazin
débuta par quatre Anges de stuc destinés
au maître autel de Saint-Nicolas des Champs.
On lui confia presque aussitôt la décoration du
grand pavillon du Louvre ( côté de la cour) ; il y
cemposa ces fameuses cariatides, son chef-
d'œuvre, auxquelles il n'y a qu'un reproche à
faire, celui d'être hors de proportion avec les
détails d'architecture qui les entourent. Ces
belles figures valurent à leur auteur une pen-
sion du roi et un logement au Louvre, et de ce
jour les commandes lui arrivèrent de toutes
parts. On cite de iui de nombreux travaux, tels
que le Tombeau du cardinal de Berullefaux
carmélites de la rue Saint-Jacques), deux beaux
Crucifix (au noviciat des Jésuites et à Saint-
Jacques-la-Boucherie), le Tombeau de Jacques
de Souvray (à Saint- Jean-de-Latran ) , etc.
Anne d'Autriche lui confia l'exécution de l'En-
fant d'or qu'elle avait voué à Notre-Dame de
Lorette pendant sa première grossesse ; elle lui
demanda plus tard un buste en bronze de
Louis XIV enfant, et en 1643 deux Anges
(en argent) portant au ciel le cœur de
Louis XIII, placés à Saiut-Paul. Le dernier
ouvrage de Sarrazin fut le Mausolée (destiné à
Saint-Paul) de Henri de Bourbon-Condè, mort
en 1646. Le musée du Louvre possède de Sar-
razin trois statues de marbre, Saint Pierre, la
Madeleine, et la Douleur, cette dernière ayant
appartenu au tombeau de l'abbé Hennequin , mort
en 1651, et le buste en bronze du chancelier
Seguier. On ne possède aucune peinture de Sar-
343 SARRAZIN
razin, mais seulement plusieurs gravures de
Daret d'après quelques-unes de ses Vierges. On
citait de lui une Sainte Famille et quatre mé-
daillons aux Minimes de Paris, * peintures d'une
si grande beauté, dit d'Argenville, qu'on les
cioirait de Le Sueur ,>.
Sarrazin fut un des fondateurs de l'Académie
royale de peinture et sculpture; dans la pre-
mière assemblée (1648), il fut choisi pour l'un
des douze professeurs, et obtint en 1654 le titre
de recteur Le 14 septembre 1851, la ville de
Noyon a inauguré sur l'un de ses Boulevards
une statue en bronze de son illustre enfant, par
Malknecht.
Sarrazin {Bénigne), son fils et son élève,
fut un peintre de quelque talent , auquel
Louis XIV accorda une pension pour aller étu-
dier à Rome et qui eut la survivance du loge-
ment de son père au Louvre. Il mourut à Paris,
en 1692.
Sarrazin {Pierre), frère cadet de Jacques et
sans doute son élève, fut un habile sculpteur, qui
devint en 1665 membre de l'Académie, et mou-
rut à Paris, le 9 avril 1679, à l'âge de soixante-
dix-huit ans. On n'a point de renseignements sur
ses travaux; mais on sait qu'il forma un grand
nombre d'élèves, dont les plus connus sont Le-
rambert, Legros, Jacques Buirette et Etienne le
Hongre. £. B— N.
Cicognara, Storia délia seulttira, — Sauvai, Antiquités
de Paris. — D'Argenville, f'oyages en France. — mé-
moires inédits de l'Acad. de. peinture. — liarbet de Jouy,
Descript. des sculptures du Louvre. — Magasin pitto-
resque, XX.
* sakrut {Germain), publiciste français,
né à Toulouse, le 20 avril 1800. Sa famille est
originaire de l'Ariége. Placé comme boursier
au lycée de Toulouse, il avait à peine seize
ans quand il fixa l'attention sur lui par une
thèse où il s'efforçait de démontrer la supério-
rité de la poésie sacrée des Hébreux sur îa poésie
profane des Grecs. Il renonça à la carrière du
droit pour étudier la médecine à Paris, et fut
prosecteur au Yal-de-Grâce; mais en 1822 il en-
tra dans l'enseignement, et accepta la place de
censeur au collège de Pont-le-Voy; deux ans
après il en prenait la direction. L'indépendance
de son caractère lui suscita de la part du clergé
des persécutions qui l'amenèrent à donner sa
démission (1827) ; il publia à cette occasion une
lettre qui fut reproduite dans le cinquième cahier
des Rognures de M. de Salvandy. Nommé après
la révolution de juillet 1830 président de la
commission départementale de l'Ariége, il pu-
blia une série de proclamations remarquables
par l'ardeur de ses convictions démocratiques.
Refusant'.es offres du nouveau pouvoir (13 sep-
tembre 1830), il devint principal propriétaire et
rédacteur en chef de La Tribune; en moins de
quatre ans, cent-quatorze procès lui furent in-
tentés ; il prit soixante-sept fois la parole pour se
défendre, soit devant le jury, soit devant la
chambre des députés ou la cour des pairs, et il
— SARTI 344
fut condamné quatre fois à la prison. Pendant
toute cette période, il exprimait les plus vives
sympathies pour les hommes et les choses de
l'empire, espérant trouver dans une cause popu-
laire des auxiliaires au parti républicain. En
1830, ses relations avec le parti du prince Louis
lui valurent, à l'occasion du procès de Stras-
bourg, une visite domiciliaire qui n'amena au-
cune découverte. Ce fui alors que pour mieux
servir la cause démocratique il entreprit avec
Saint-Edme la Biographie des hommes dit
jour (1835-42, 12 part, en 6 vol. gr. in-8°)
dont beaucoup de notices tournèrent, selon li
gré des auteurs/en panégyriques ou en libelles
Élu en 1848 représentant du Loir-et-Cher, i
vota avec le parti démocratique dans les deu:
assemblées républicaines, et combattit la coati
tion monarchique et la politique de l'Elysée. De
puis le coup d'État, il est rentré dans la vie pri
vée. On a encore de lui : Procès à l'histoire
Paris, 1832, in-8°; — Second procès à fhis
toire; Paris, 1833, in-8° : brochure tirée à cir
quante mille exemplaires, épuisée en trois jour,1
et qui donna lieu à la présentation de la loi si
leserreurs publiques; — Discours sur la Gloire
Foix, 1830, in-8°; — Quelques mots au-ma
réchal Clausel; Paris, 18.37, in-8°; — Étudt l
rétrospectives sur l'état de la scène tragiqv j
de 1815 à 1830; Paris, 1842, in-8°; — Pan'
pittoresque ; Paris, 1842, 2 vol. in-8° : av<
Saint-Edme ; — Mémoire à consulter sur U
chemins de fer et sur le système Jouffroi
Paris, 1844, in-4° : système auquel M. G. Sa
rut a sacrifié toute sa fortune ; — Histoire t
France depuis 1792 jusqu'à nos jouis ; Pari
1848, in-4°, illustré; — des brochures de circon ;
tance, des articles dans le Patriote, la r\
volution de 1830, etc.
Vapereau, Dict. unie, des contemp: — Docnm. pa
sarti {Mauro), érudit italien, né le 4d|
cembre 1709, à Bologne, mort le 23 août 1766,
Rome. Il revêtit en 1728, à Ravenne, l'habit dj
Camaldules. Doué d*un esprit vif et d'ui
mémoire prodigieuse, il fit dans les sciences
rapides progrès, et se rendit non moins hab j
dans la théologie, le droit canon, les langu
classiques et ies antiquités. S'étant voué à Tel
seignement , il professa la philosophie dans p.I:|
sieurs monastères de son ordre, à Fabriano
Avellana et à Ravenne, et obtint en 1749
chaire de théologie dans cette dernière ville. il
pelé en 1755 à Rome, il devint abbé du couvrj
de Saint-Grégoire, et fut chargé par Benoît XI
d'écrire l'histoire de l'université de Bologr
mission dont il s'acquitta, au jugement de Til
boschi , avec autant d'érudition que d'exa<
tude. En 1765 il lut choisi comme procun
général de sa congrégation. On a de lui : Oi\
zione délie lodi del card. Raniero Simonet |
Pesaro, 1747, in-4°; — Vita di S. Giovanni
Lodi; Jesi, 1748, in-4° : trad. d'après un aj
cien manuscrit; — De aniiqua Picentum
Î45
SARTI
346
i/afe Cupra Montana; Jesi, 1748, in-8° : cette
ncienne ville serait Massaccio de Iesi; — De
eteri Casula diptycha ; Faenza, 1753, in-8° :
xplication d'une chasuble possédée par le mo-
lastère de Classe, à Ravenne ; — De episcopis
ïugubinis ; Pesaro, 1755, in-4", fig. : la série
es évoques de Gubbio y est complétée; — De
laris archigymnasii bononiensis professo-
ibus, a sxc. XI ad sac XIV ; Bologne, 1769-
1, 2 vol. in-fol. fig.; l'auteur étant mort pendant
impression de l'ouvrage, le P. Fattorini , autre
loine camaldule, fut chargé par Clément Xlllde
: continuer.
Fnntuzzi, Scrittori bolognesi. — Novelle letter. di
irenze, t. XXVII.
sarti (Giuseppe), compositeur italien, né à
aenza, le 28 décembre 1729, mort à Berlin, le
} juillet 1802. Il fit ses premières études musi-
iles à la cathédrale de Faenza, et se rendit eii-
| ;ite à Bologne pour apprendre lecontrepoint sous
direction du P. Martini. Il avait à peine vingt-
; ux ans lorsqu'il écrivit son premier opéra, Pom-
i o in Armenia, représenté pendant, le carnaval
(: 1752. En 1756, il accepta la place de maître
[ chapelle du roi de Danemark et de professeur
fi prince héréditaire, séjourna pendant neuf
[ nées à Copenhague, et y composa quelques
[éras, qui obtinrent peu de succès. En 1765 il
hit de retour en Italie. Après y avoir fait re-
Jésenter plusieurs ouvrages, il lit un voyage à
Lndres en 1769, et revint en 1770 à Venise, où
i succéda, comme maître du conservatoire de
)spedaletlo, à Sacchini, qui venait de passer
Angleterre. Les treize années qui s'écoulèrent
• 1771 à 1784 forment la période la plus bril-
nte du talent de Sarti. Parmi les opéras qu'il
rivit pendant cette période, on cite particuliè-
tment le Gelosie villane, Achille in Sciro,
\iulio Sabino, le Nozze di Dorina. A la mort de
loroni, en 1779, il remporta au concours la
lace de maître de chapelle du Dôme de Milan,
[s nouvelles fonctions lui fournirent l'occasion
Récrire un grand nombre d'ouvrages pour l'É-
se, notamment les trois belles messes qui lui
[rent demandées, en 1781, par le duc Serhel-
!jii. Au mois de juillet 1784, Sarti se rendit à
[int-Pétersbourg, et prit la direction delà mu-
hue de l'impératrice Catherine II. Une de ses
jemières productions fut un psaume en langue
sse, en chœur avec orchestre, auquel il adjoi-
nt un second orchestre de cors russes, sem-
ble à celui que Maresch avait formé trente
[s auparavant. Nous mentionnerons aussi le Te
hum, également en langue russe, exécuté à
iccasion de la prise d'Oczakow. En 1786,
fi'ti fit représenter sur le théâtre de la cour
mida e Rinaldo; cet ouvrage, dans lequel
n cantatrice Todi remplissait le principal
I e, obtint un succès d'enthou>iasme. Une
i [constance vint malheureusement arrêter le
I npositeur au milieu de ses triomphes. II avait
i -pelé auprès de lui Marchesi, l'un des meil-
leurs chanteurs qu'il y ent alors. Une concur-
rence redoutable pour Mn,e Todi s'établit entre
cette cantatrice et Marchesi. Irritée de l'appui
que Sarti prêtait à son rival, Mrae Todi, profitant
de la faveur dont elle jouissait auprès de Cathe-
rine II, mit en œuvre tous les moyens que sa
haine lui inspirait, et finit par obtenir de l'impé-
ratrice le renvoi de son maître de chapelle. Le
prince Potemkin.qui protégeait Sarti, vint à son
aide en établissant dans un village de l'Ukraine une
école de chant dont l'artiste disgracié fut nommé
directeur, avec le titre de lieutenant-major de
l'armée impériale (1). Mais à la mort de, Potemkin
(1791) Sarti prit le parti de retourner à Péters-
bourg, où il parvint à se justifier auprès de l'im-
pératrice, qui lui rendit sa place, avec un traite-
ment annuel de 35,000 roubles. Catherine II le
chargea aussi d'établir à Katerinaslowun conser-
vatoire de musique à l'instar de ceux d'Italie;
elle fut tellement satisfaite de la manière dont
Sarti remplit cette mission qu'elle lui accorda des
titres de noblesse et lui donna des terres d'un
revenu considérable, afin de le retenir en Rus-
sie. L'âge, le travail et la rigueur du climat
eurent bientôt usé les forces du musicien. Dans
l'espoir de rétablir sa santé en Italie, il se mit
en route au mois d'avril 1802; mais obligé de
s'arrêter à Berlin, il y mourut, à l'âge de soixante-
treize ans.
Disciple de Martini, auprès duquel il avait
puisé les excellentes traditions de l'ancienne
école romaine, Sarti n'était pas seulement l'un
des plus habiles contrapuntistes de son temps ;
ses mélodies sont pleines de grâce et de sua-
vité; elles ont, dans la plupart des œuvres dra-
matiques du compositeur, une justesse d'expres-
sion qui révèle l'instinct des effets de scène.
Parmi les élèves que Sarti a formés, Cherubini
était un de ceux qu'il affectionnait le plus.
On connaît de Sarti trente-neuf opéras, dont
voici les titres : en 1752, Pompeo in Armenia,
à Faenza , et II Repaslore; — Medonte, à Flo-
rence; Demofoonte ; VOlimpiade; — en 1756,
Cïro riconosciuto , à Copenhague; — La Fi-
glia recuperata; — La Giardiniera bril-
lante, 1758; —en 1765, Mitridate, Il Volo-
geso, et la Nilelti; — en 1766, Ipermeslra,
à Rome; — en 1767, / Contratempi , à Ve-
nise, et Didone; — en 1764, Sentiramide ri-
conosciuta , et/ Pretendenti delusi; — /
Calzolajo di Strasburgo; Modène, 1769; —
Cleomene, 1770; — en 1771, La Clemenza
di Tilo, à Padoue, et La Contadina fedele; —
I finti Eredi, 1773; — en 1776, Le Gelosie
villane , et Farnace; — en 1777, L'Avaro,
Ifigenia in Aulide, et Epponhna, à Turin; —
Il Militare bizzarro, 1778; — Gli Amanti
consolati, 1779; — en 1780, Fra due liti-
ganli il terzo gode et Scipione; — en 1781,
Achille in Sciro, à Florence; — V Incognito,
(1) On sait qu'en Russie toute fonction civile corres-
pond à un grade militaire.
I
347
SARTI —
à Bologne; et Gïulio Sabino, à Venise; — en
1782, Alessandro e Timoteo , et Le Nozze
di Donna; — en 1783, Siroe, à Turin, et Ida-
Ude, à Milan; — Armida e Rinaldo , à Péters-
bourg, 1786; — La Gloire du Nord, op. en
langue russe, à Pétersbourg, 1794. — On a de
Sarti trois cantates : Amore timido (1773), /
Dei del mare, à trois voix (1776), et La Par-
tanza d'U lisse da Calipso (1776). Ce compo-
siteur a écrit on grand nombre d'ouvrages pour
l'église, entre autres quatre messes à quatre voix
et orchestre, qu'il a laissées à Milan. La biblio-
thèque du Conservatoire dePariset celle du con-
servatoire de Naples renferment de lui plusieurs
volumes de morceaux manuscrits. Ce savant mu-
sicien s'était livré aussi à des travaux sur l'a-
coustique, qui en 1794 lui avaient valu le titre
de membre de l'Académie des sciences de Saint-
Pétersbourg. On lui doit l'invention d'un instru-
ment propre à déterminer le nombre de vibra-
tions qu'un son quelconque fait par seconde.
. Dieudonné Denne-Baron.
Gerber, Lexicon der Tonkunstler.— Choron et Fayolle,
Dict. hist. des musiciens. — Félis, Biogr. des musiciens.
sartine ( Antoine- Raymond- Jean- Gual-
bert-Gabriel de), comte d'Alby, homme d'État
français, né à Barcelone, le 12 juillet 1729, mort
à Tarragone, le 7 septembre 1801. D'abord con-
seiller au Chàtelet (15 avril 1752), puis lieutenant-
criminel au même siège (12 avril 1755), il fut
nommé lieutenant général de police le le'' dé-
cembre 1759. Ilexerça cette charge jusqu'en 1774,
où il fut remplacé parLenoir ; et signala son ad-
ministration par une activité , un zèle, un tact,
une habileté, dont peu de magistrats avaient fait
preuve avant lui. Il veilla soigneusement à la
propreté des rues et à la sécurité des habitants,
et remplaça par des lanternes à réverbère les
anciennes lanternes qui éclairaient si mal Paris ;
il coopéra à la construction de la halle au blé,
et ouvrit une école gratuite de dessin pour les
ouvriers. C'est de lui que date l'établissement
des maisons de jeu, mesure depuis .longtemps
réclamée, qui amena la fermeture d'un très-grand
nombre de tripots clandestins, et qu'il ne faut
pas juger avec les idées que des mœurs diffé-
rentes ont données à notre époque. Sartine or-
ganisa la lieutenance générale de police de telle
façon que rien ne lui échappait; il tirait de la
surveillance secrète, exercée avec une extrême,
adresse , des lumières sur les choses les plus
cachées; on citait, de son temps, des exemples
nombreux de sa perspicacité et de sa pré-
voyance (1); aussi, les Parisiens avaient-ils en
(1) Le trait suivant est resté célèbre. Pupil de Myons,
premier présidente Lyon, fort lié avec Sartine, prétendit
devant lui qu'il pourrrait_venir ù Paris et y séjourner plu-
sieurs. Jours, sans qu'on en fût informé. Le lieutenant
général soutint le contraire , et offrit une gageure qui fut
acceptée. Quelques mois plus tard, Pupil de Myons parlit
précipitamment de Lyon, courut jour et nuit, arriva à
Paris à onze heures du matin , et alla loger dans un quar-
tier fort éloigné de celui qu'il habitait ordinairement. A
midi précis, il reçut un billet de la pari de Sartin--, qui
SARTINE 84
lui une confiance entière, et plus d'une fois de
ministres de souverains étrangers lui demandé
rent-ils de les aider dans des recherches diff
ciles. Manuel, dans sa Police dévoilée, lui r<
proche d'avoir abusé de sa situation pour faii
espionner l'intérieur des familles et ré olter ain
de petits scandales, dont il régalait le roi et s
maîtresse; mais cette accusation , très-conforrr
d'ailleurs aux mœurs de la cour de Louis X^
est appuyée sur des documents dont la véraci
est loin d'être prouvée. Sartine, conseiller d'Ét
depuis le 5 octobre 1767, fut appelé au ministè
de la marine le 24 août 1774, et entra au coi
seil comme ministre d'État en 1775. A défaut i
connaissances spéciales , il avait la connaissan
des hommes, de la vigilance et une applicatii
suivie à son œuvre; en un mot, il était admini
trateur. Nonobstant les soins vigilants donn
depuis la paix de 1763, sous les^ ministères
Choiseul et de Praslin, au rétablissement de
marine, il restait beaucoup à faire. Bientôt l'a
proche des hostilités en Amérique, qui éci
tèrent en 1778, rendit plus urgent l'accrois;
ment de la flotte. Les constructions fure
poussées avec une vigueur dont il y avait eu.ji
qu'alors peu d'exemples dans la marine français
en une seule année on construisit et l'on mit
état de naviguer neuf vaisseaux de ligne. Mai
Sartine fut utile pour relever nos forces naval
il ne sut pas les diriger; il avait créé un hist
ment dont il ne pouvait se servir. Ce n'est po
tant pas cette raison qui amena sa disgrâce, m
la haine qu'il portait à son collègue Necker,
qu'il poussait à outrance, l'accusant d'être ver
à l'Angleterre. Necker, craignant la faiblesse
roi, profita de ce que, Sartine avait, par une
ticipation constituant une irrégularité de comp
bilité, dépassé de vingt million» de francs les foii
extraordinaires accordés au département dm
marine ; il demanda et obtint son renvoi, le'
octobre 1780. Sartine écrivit sa défense, w|
table pamphlet, qui ne parvint pas à le justif
On fit alors courir contre lui de nombreuses
grammes, parmi lesquelles on a distingué celle
J'ai balayé Paris avec un soin extrême,
Et voulant sur les mers balayer les Anglais,
J'ai vendu si cher mes balais,
Que l'on m'a balayé moi-môme.
1 Cependant Sartine putse rire des méchanci
du public, puisqu'il eut, en se retirant, une {
tificalion de 150,000 francs et une pension
70,000. Au commencement de la révoluti
cédant aux instances de ses amis, quicraigna
pour sa sûreté, il se retira en Espagne, et y
mina ses jours. Vigie a peint son portrait ■ c
une physionomie sévère, où l'on devine quel
violence sous la gravité du magistrat.
Sartine {Char les- Marie- Antoine m), fils
précédent, né le 27 octobre 1760, maître des
quêtes de 1780 à 1791, fut condamné à mort
'l'engageait à vejiir dîner ce jour-là chez lui. Il s'y rei |
et convint qu'il avait perdu la gageure.
Î349 SARÏINE —
|ie tribunal révolutionnaire, le 17 juin 1794, etexé-
hulé le môme jour. Sa femme et sa belle-mère
■partagèrent son sort.
| saint-Ediiie, Biogr. de la police. — mémoires du temps.
j. sarto (Andréa del). Voy. Vannucchi.
\ sarzane (Le). Voy. Fiasefxa.
1 sassi (Pan/do), poète italien, né vers 1455,
ii Modène, mort en 1527, à Lonzano (Romagne).
i 1 avait ouvert un cours de littérature italienne,
l 't il consacrait la plupart de ses leçons à expli-
; nier Dante et Pétrarque à ses compatriotes; ac-
pusé d'hérésie, il se réfugia auprès d'un comte
foinagnol, qui lui procura un petit emploi à
| .onzano. Les contemporains de ce poète l'ont
I our à tour porté aux nues et couvert de mépris;
| assoni avait eu le projet de donner une édition
hoisie de ses œuvres , où l'on rencontre beau-
coup de feu et d'imagination. Il improvisait fa-
I ilement en latin et en italien. « Il était doué
I i'une mémoire si prodigieuse, dit Ginguené,
iru'un antre poète 3yant un jour récité devant lui
rine épigramme à la louange du podestat de
hrescia, il le traita de plagiaire, et pour prouver
le fait récita rapidement l'épigramme tout en-
tière. Le poète, qui était certain de l'avoir faite,
i vait beau se défendre, tout le monde était con-
| aincu du plagiat; mais Sassi le tira d'embarras
In répétant la même épreuve sur d'autres épi-
hrammes, et sur tous les vers qu'on voulut ré-
liler devant lui. » On a de Sassi : Brixia illus-
liata, poème latin; Brescia, 1498, in-4°; —
mpigrammatum lib. IV; Dislichorwn lib.H;
\De bello gallico ; De. laudibiis Veronœ; EU-
hictrum lib. 7; ibid., 1500, in-4°; — Sonnet H e
\:apiloli; ibid., 1500, in-4° ; Venise, 1504, 1519,
i'n-40 ; — plusieurs opuscules.
f Tirsboschi, Ilibliot. rnodenese.— Ginguené, Hist. littér.
\ï Italie, III.
| sassi (Gmseppe-Anlonio), en latin Saxius,
[érudit italien, né le 28 février 1675, à Milan, où
lil est mort, le 21 avril 1751. Issu d'une famille
[patricienne , il embrassa la vie monastique, et
j'entra dans la congrégation des Oblats. Après
lavoir enseigné les belles-lettres, il fut reçu en
'1703 docteur du collège ambroisien, et en devint
jdirecteur huit ans plus tard ainsi que conserva-
teur de la célèbre bibliothèque qui en dépend
1(1711). Ce fut un des savants les plus laborieux
de son temps : passionné pour l'élude de l'his-
itoire, il s'attacha principalement à éclaircir les
annales du Milanais , et concourut d'une façon
active aux entreprises littéraires les plus considé-
rables; ami de Muratori, il lui remit, pour le
vaste recueil des Rerum ital. scriplores, un
grand nombre de notes et de renseignements et
des copies soigneusement collationnées de Jor-
nandès, de Landolphe,de Romuald , de Fiam-
nia, clc. Ses principaux ouvrages sont : De
studio; literariis Mediolanensium antiquis
et noms; Milan, 1729, in'8° : dans cette his-
toire, fort savante, de tous les établissements lit-
téraires de. Milan, l'auteur, aveuglé par son pa
SATURNINUS
350
triotisme, va jusqu'à placer dans sa ville natale
la bibliothèque fondée par Pline le jeune; les
preuves qu'il fournit à l'appui de cette assertion
ne sont nullement concluantes; — Hisloria lit-
terario-typographica mediolanensis ; Milan,
1745, in-fol. : insérée en guise d'introduction à
la tôle de la Bibl. mediol. d'Argellati ; c'est par
erreur qu'il fait remonter jusqu'à 1465 l'établis-
sement de l'imprimerie à Milan : le premier livre
sorti des presses de cette ville porte la dale de
1469;— De adventu MediolanumS. Barnabx
apostolï vindiciœjihld., 1748, in-4°; — Archie-
piscoporummediolanensium séries kistorico-
chronologica ; ibid., 1755, 3 tom. in-4°. On doit
à Sassi une bonne édition des Flomiliee de saint
Charles Borromée (Milan, 1747,5 vol. in-fol.)
Sassi ( Francesco-Girolamo), frère aîné du
précédent, né en 1673, à Milan, où il est mort, le
2 novembre 1731, fit profession dans la même
congrégation, et en fut élu général en 1700. 11 se
voua à la carrière de l'enseignement religieux, et
eut pour élève dans la prédication le cardinal
Gilbert Borromée. Outre quelques ouvrages de
dévotion, il a publié en vers latins : C'hristi lau-
des (Milan, 1712, in-4° ) et Mariée laudes
(ibid., 1719-24, 2 part. in-4° ).
Oltrocehi, Notice à la tête des Archiepisc. séries. —
Tiraboschi, Storia délia letter. ital. — Argellatl, Bibl.
mediolanensis.
SASSOFERRATO. Voy. SALV1.
sassoke(II). Voy. Hasse.
saturnjkus (L. Appuleius), tribun ro-
main, mis à mort, en 100 av. J.-C* Questeur en
104 et chargé de l'administration d'Ostie, il fut
remplacé dans ces fonctions parce qu'il ne s'oc-
cupait pas assez activement des approvisionne-
ments de Rome. Cette disgrâce l'irrita contre le
sénat, et lejeta dans le parti démocratique, dont
il devint un des chefs les plus violents. Son pre-
mier tribunat, en 102, le mit en lutte avec le cen-
seur Metellus le Numidique, qui tenta vainement
de l'exclure du sénat, sous prétexte de mauvaises
mœurs. En 101 il sollicita une seconde fois le
tribunat. Le parti aristocratique essaya d'em-
pêcher sa réélection, en lui intentant une accu-
sation pour fait d'outrages adressés aux ambas-
sadeurs de Mithridate. Il fut absous, et obtint
le tribunat après des scènes de violence qui coû-
tèrent la vie à son compétiteur Nonius. Glaucia
obtint en même temps la préture et Marius le
consulat. Le parti démocratique triomphait.
Saturninus, dès son entrée en charge (100), pro-
posa une loi agraire pour le partage des terres
récemment reconquises sur les Cimbres, avec
cette clause que si la loi était votée par le peuple,
tout sénateur qui refuserait de prêter serment
d'y obéir serait expulsé du sénat et condamné
à une amende de 20 talents. Après le vote, Me-
tellus refusa le serment et encourut la pénalité,
qui fut même aggravée par la proposition de
Saturninus, demandant l'exil du coupable. Cette
proposition faillit amener ia guerre civile; Me-
351
tellus la prévint en s'exilant volontairement. Le
tribun, poursuivant sa victoire, fit passer plu-
sieurs lois populaires; enfin, il obtint sa réélec-
tion pour l'année suivante. Glaucia, de son côté,
demanda le consulat, et pour se débarrasser de
son compétiteur Memmius , il le fit assassiner
en pleins comices. Ce meurtre, dont Saturninus
avait été complice, produisit une indignation gé-
nérale dans Rome. Le sénat profita de eette
disposition des esprits pour prendre des me-
sures rigoureuses contre les coupables. Satur-
ninus, Glaucia et le questeur Saufeius se réfu-
gièrent dans leCapitole; ils furent assiégés et
bientôt forcés de se rendre. Marins, qui n'avait
pu se dispenser de les combattre, essaya de les
sauver en les plaçant dans la Curia Hostilia, qui
servait aux délibérations du sénat. Mais la foule
ne respecta pas cet asile, et, pénétrant dans la
salle par le toit, elle assomma les prisonniers
à coups de tuiles. Le sénat sanctionna cet acte
de justice sauvage en donnant la liberté à l'es-
clave Scœva, qui se vantait d'avoir tué Saturni-
nus. Près de quarante ans plus tard le parti dé-
mocratique, redevenu puissant, mit en cause un
vieux sénateur nommé Rabirius, comme meur-
trier de Saturninus. (Voy. César, Cicéron,
Rabirius). L. J.
Appien, Bel. Civ., I, 28-32. — Plutarque, Marius, 28-
30. — Tite Live, Epit., 69. — Orose, V, 17. — Fiorus, III,
16. — Velleius l'aterculus, II, 12. - Valère Maxime, IX,
7. — Cicéron, Brutus, pro Sestio, pro C. Rabirio.
saturninus, un des trente tyrans, tué vers
262. Il était un des meilleurs généraux de son
temps et très-estime de l'empereur Valérien.
Dégoûté des vices de Gallien, fils et successeur
de Valérien, il accepta la pourpre impériale que
lui offraient ses soldats; mais il s'attira bientôt
leur haine pour avoir voulu les ramener à une
sévère discipline, et fut massacré par eux. L. J.
Treb. l'ollio, dans VHist. Auguste.
saucerotte (Nicolas (1)), chirurgien fran-
çais, né le 10 juin 1741, a Lunéville, où i! est
mort, le 15 janvier 1814. Il avait à peine terminé
ses études qu'il entra à dix-neuf ans dans la
chirurgie militaire, et fit la guerre de Sept ans;
mais sentant le besoin de compléter ses études,
il se rendit à Paris, où il puisa à l'école de Le-
vret une instruction solide. Muni dès 1761 du
grade de maître en chirurgie, il vint se fixer
dans sa ville natale, où le roi Stanislas, habile
appréciateur du mérite, se l'attacha bientôt,
malgré sa grande jeunesse, en qualité de chi-
rurgien ordinaire. Quelques années plus tard
Saucerotte trouvait, grâce à une fondation cha-
ritable de cet excellent prince, l'occasion de dé-
ployer sa haute habileté chirurgicale dans l'opé-
ration de la taille, où i! obtint, avec la méthode
d'Hawkins perfectionnée, des succès qui n'ont
été surpassés depuis par aucun lithotomiste.
(1) Les prénoms de l.ouis-Sêbastien , sous lequel II a
été désigné par erreur, appartiennent à l'un de ses Dis,
mort en 1797, médecin en chef de l'hôpital militaire de
Gand, alors occupé par les Français.
SATURNINUS — SAUCEROTTE 352
(Voir ses Mélanges de chirurgie, tome II). At- !
taché ensuite aux gendarmes de la reine en
qualité de chirurgien major, puis à l'époque du
licenciement de ce corps aux carabiniers-grena-
diers, Saucerotte fut appelé en 1794 à titre de
chirurgien en chef à l'armée de Sambre et Meuse.
En 1795 il venait siéger au conseil de santé des
armées. En 1798 il demanda sa retraite. L'A.-*
cadémie royale de chirurgie l'admit au nombre
de ses associés (1775) après l'avoir couronné
plusieurs fois, et en 1796 l'Institut lui ouvrit ses
portes. Les Mélanges de chirurgie (Paris, 1801,
2 vol. in-8°) contiennent, outre, des faits intéres-
sants tirés de sa vaste pratique, des travaux très-
estimés, notamment le mémoire fréquemment!
cité Sur les contre-coups (1669), où l'auteur,
élargissant le cercle de la question, ouvrait pat
des expériences encore entièrement neuves la voie
aux physiologistes qui ont depuis dirigé leurs
recherches vers la localisation des différentes fa-
cultés du cerveau. Saucerotte laissa en mourant
six fils, dont quatre avaient servi sous sa direc-
tion dans le service de santé des armées. S.
Son Éloge fut prononcé en 1814 à l'Acad. de Stanislas
par M. de Kaidat, et à la Sociélé de méd. de Paris par Vic-
tor Saucerotte, son fils.— Bégln, dans la Biogr. médicale.
* saucerotte (Antoine- Constant ), méde-
cin, petit- fils du précédent, né à Moscou, em
1805. 11 fit ses études en France, et fut reçu doc-
teur en médecine, à Paris, en 1828; sa thèse
Sur les altérations des liquides de l'écono-
mie animale mérita une médaille de la Société
de médecine de Paris. Il se fixa dès lors à Lu-
néville, où l'attachaient de nombreux liens de
famille, et malgré les offres qui lui ont été faites
à plusieurs reprises, il n'a jamais voulu quitter
cette résidence. La pratique de la médecine, les
travaux du cabinet, l'enseignement des sciences
philosophiques et naturelles y partagèrent son
temps. 11 devint médecin en chef de l'hôpital
civil et militaire (1838), et professeur d'his-
toire naturelle au collège. En 1836, l'Académie
de médecine lui décerna une grande médaille
pour son mémoire intitulé : De l'influence dt
l'anatomie pathologique sur les progrès de
la médecine, depuis Morgagni jusqu'à ?io&
jours. Il lut encore couronné dans plusieurs con-
cours par diverses sociétés savantes. M. Sau-
cerotte est correspondant de l'Académie de mé-
decine depuis 1834. Il a composé de nombreux
écrits, les uns sur l'enseignement, la philosophie
et l'histoire, les autres sur la médecine; nous
citerons : Éléments d'histoire naturelle}
Paris, 1833-34, in 4°; 1839, in 8°, avec pi.; —
Guide auprès des malades, ou Précis des\
connaissances nécessaires aux garde-ma-\
lades; Paris, 1843, 1844, 1863, in-18; — Avant \
d'entrer dans le monde; Paris, 1844, 1847,
in- 12 : conseils adressés à la jeunesse; — Aperçu
de la réorganisation de lu médecine en\
France; Paris, 1845, in-8° ; — Histoire cri-
tique de la doctrine physiologique; Paris,
53 SAUCEROTTE — SAULCY
(47, in -8°; — De V Influence des sciences
hysiques et chimiques sur les progrès récents
; la médecine, dans les Mém. de l'Acad. de
I cd. de Belgique, 1852 ;— Études sur Bichat
Pinel; Nancy, 1853-1854; — L'Histoire et
i philosophie dans leurs rapports avec la
édecine; Paris, 1864, in-18 ; — articles dans la
lazette médicale, les Mémoires de l'Académie
\s Nancy, l'Encyclopédie des gens du monde,
Dictionnaire de la conversation, la Nou-
'lle Biographie générale, etc. M. C. Sauce-
>tte a refondu et augmenté la 3e édition de
ivis aux mères de famille (1838, in-18), de
n grand-père.
Doeum. partie. — Ca\Hseu,'Medicin.Schriftsteller-Léx.
saûl ( nom qui en hébreu signifie de-
andé), roi d'Israël, mort en 1055 avant J.-C.
■ ls de Cis, riche habitant de Gabaa (tribu de
■ ;njamin), il fut sacré roi d'Israël par le prophète
unuel (1095). Un mois après, il attaqua les
nmonites, qui assiégeaient Sabès de Galaad, et
5 tailla en pièces. Son élection fut ensuite coa-
mée dans une assemblée réunie à Galgala.
îux arts après il triompha des Philistins, dont
défaite fut suivie de celle des Amalécites.
ais ayant, dit la Bible, « contre l'ordre exprès
ii Seigneur », accordé la vie au roi Agag et
mservé le meilleur du bétail des Amalécites,
fut tourmenté par un esprit malin, et son
eptre-passa dans les mains de David, que Sa-
uel sacra roi, et qui épousa plus tard Michol,
le de Saiil. Le roi tombait dans de fréquents
;cès de fureur; mais le son de la harpe avait
pouvoir de le calmer. Poussé contre son
îndre par une animosité implacable, H chercha
tus les moyens de le perdre. David échappa
lujours à Ramatha et à Nobé, à Céila, à Engaddi
t à Ziph. Au moment où il allait livrer bataille
nx Philistins, il voulut consulter à Endor une
ythonisse, qui évoqua l'ombre de Samuel;
ombre apparut, et prédit au roi la perte de la
ataille prochaine, sa propre mort et celleide ses
•ois fils. Dès le lendemain la prédiction du
rophète s'accomplit. Vaincu à Gelboé par les
hilistins, Saiil vit périr ses trois fils, et se
erça de son épée. Soumet a écrit une tragédie
e Saùl, représentée en 1821 avec succès.
Bois, iiv. 1. — Calmet, Dict. de la Bible. — Schultz,
Hss. Saulisregimen antecedentiaexhibens ; Strasbourg,
674. ln-4°. — Georgi, Diss. deSaule; Leipzig, 1690,iB-4°
■ Abarbanel, De Saulis autocheiria et fatïs extremis.
■ Trendelenburg, Hist. mortis Saulis ; Gœttingue, in-4°.
* saulcy (Louis-Félicien-Joseph Caignart
e), antiquaire français, né le 19 mars 1807, à
iille. Admis en 1826 à l'École polytechnique, il
!ntra dans l'artillerie, et alla suivre les cours
e l'École d'application de Metz. Ses progrès
ans l'étude de l'arme spéciale qu'il avait choisie
ï rangèrent parmi les officiers les plus distin-
ués-, il eut cependant le loisir de se livrer à
on goût pour la numismatique et l'archéologie,
-n 1836, l'Institut lui décerna un prix pour un
issai de classification des suites monétaires
354
NOUV. BIOGR. GÉiNÉR. — T. XL1U.
byzantines. Il devint en 1838 professeur de mé-
canique à l'école de Metz, et en 1840 conser-
vateur du musée d'artillerie de Paris. Il fut élu
le 11 juin 1842 membre de l'Académie des
inscriptions, dont il était correspondant depuis
le 8 mars 1839. Les plus difficiles problèmes de
l'épigraphie orientale exercèrent alors la sagacité
de son esprit et provoquèrent la vivacité de soa
imagination ; s'il ne parvint pas à en donner la
solution, il eut du moins le mérite d'avoir sou-
levé et éclairé des questions intéressantes. En
1850 il partit avec M. Edouard Delessert pour
la Palestine, et explora principalement les rives
de la mer Morte. Il crut reconnaître les ruines
de Sodome et de Ségor dans les décombres que
les Arabes appellent Kharbet - Esdoum et
Zouera-ef-Tahtah ; Gomorrhe, dans Kharbet-
Goumram, Séboïm , dans Telaa-Sebâan ;
Adama, dans Souq-cf'Thaemeh. 11 pensa aussi
avoir retrouvé les tombeaux des rois de Juda
dans les monuments appelés Tombeaux des
rois, et à son retour il offrit au musée du Louvre
un sarcophage qu'il regardait comme celui du
roi David. De nombreuses et vives discussions
s'élevèrent au sujet des résultats de ce voyage
en Palestine; M. de Saulcy répondit avec esprit
à ses contradicteurs , dans les Mémoires de l'A-
cadémie, la Revue archéologique et l'Athe-
nseum français, qu'H contribua à fonder en
1852. En 1859 il est entré au sénat. M. de Saulcy
est membre de la Société des antiquaires et de
plusieurs autres Sociétés savantes. Ses princi-
paux écrits sont : Recherches sur les monnaies
des évêques de Metz; Metz, 1835, in-8°, pi.;
— Recherches sur les monnaies de la cité de
Metz; Metz, 1836, in-8o, pi.; — Monnaies des
ducs de Normandie; Paris, 1836, in-8°; —
Essai de classification des suites monétaires
byzantines; Metz, 1838, in-8°, pi.; —Essai
de classification des monnaies autonomes de
l'Espagne; ibid., 1840, in-8°, pi.; — Recher-
ches sur les monnaies des ducs héréditaires
de Lorraine; ibid., 1841, in-4°, pi.; — Re-
cherches sur les monnaies des comtes et ducs
de Bar; Paris, 1843, in-8°, pi.; — Analyse
grammaticale du texte démotique du décret
de Rosette; Paris, 1845, t. I, part. I, in-4c; —
Numismatique des croisades; Paris, 1847,
in-4° pi.; — Recherches sur l'écriture cu-
néiforme assyrienne. Inscriptions de Van;
Paris, 1848, in-4°; — Voyage autour de la
mer Morte et dans les terres bibliques; Pa-
ris, 1852-54, 2 vol. in- 4°, avec cartes et pi. ; —
Histoire de l'art judaïque, tirée des textes
sacrés et profanes; Paris, 1858, in-8°. On a
de lui des articles dans le Journal asiatique,
la Revue de numismatique, le Courrier de
Paris (1857), la Bibliothèque de l'École des
chartes, etc. Il a donné avec MM. Piobert et
Didion : Cours d'artillerie de l'École d'appli-
cation (1841, in-4°).
Mmî de Saulcy, fille de M. de Bîlling, diplo-
12
355
SAULCY
mate suédois, est dame du palais de l'impéra-
trice Eugénie.
Vapereau, Dict. univ. des contemp. — Docum. part.
saïtilx de tavaknes ( Gaspard de), ma-
réchal de France, né à Dijon, en mars 1509, mort
au château de Sully (Bourgogne), le 19 juin 1573.
Il était fils de Jean de Saulx, grand gruyer hé-
réditaire de Bourgogne, et de Marguerite de Ta-
vannes (1). En 1522, il fut conduit à la eour par
son oncle, Jean de Tavannes, dernier représentant
d'une antique race alsacienne, qui le fit admettre
aussitôt parmi les pages de la grande écurie, et
dont il porta le nom, en reconnaissance de son utile
protection. Ayant accompagné le roi en Italie, il
fut fait prisonnier à Pavie et renvoyé sans payer
de rançon. De retour en France, il entra dans la
compagnie du grand écuyer, et repassa aussitôt en
Italie, où il gagna le grade de guidon. En 1537, de-
venu lieutenant de la compagnie des ordonnances
de Charles duc d'Orléans, il fit à la cour quelque
séjour, dont les chroniqueurs du temps ont noté les
joyeux et galants épisodes (2). Il suivit ensuite le
duc d'Orléans dans le Luxembourg (1542); il y
était encore lorsqu il apprit que le duc d'Enghien
s'apprêtait à livrer un combat décisif en Piémont ;
il partit avec quelques volontaires, et arriva
assez à temps pour assister à la bataille de Ce-
risaies (1544) ; puis il reprit le chemin du Luxem-
bourg, et accompagna le duc d'Orléans à Crépy
pour la signature de la paix. En 1545, à la suite
d'un brillant avantage sur des bandes d'Anglais qui
dévastaient la Picardie, il eu! la charge de cham-
bellan du roi.
Nommé maréchal de camp en 1552, il suivit
Henri H dans ta Lorraine, s'empara de Metz par
une ruse habile, contribua à la prise de Verdun,
de Dinant et de plusieurs autres places, et dé-
ploya surtout son bouillant courage au combat
de Renti (13 août 1554); il y commanda l'aile
gauche, et décida la victoire en jetant le désordre
au milieu des reitres par la vivacité de son at-
taque. Le duc François de Guise voulut lui dis-
puter l'honneur de la journée , et il en résulta
entre eux une discussion des plus vives, à laquelle
le roi coupa court en venant au-devant de Ta-
vannes, le remerciant, l'embrassant et lui met-
tant au cou le collier de l'ordre qu'il portait lui-
même (3). La lieutenance générale de Bourgogne
compléta cette récompense. Malgré cette bien-
veillance, fort méritée, de Henri II, Tavannes
fréquenta peu la cour à cette époque; il s'était
(1) La maison de Saulx, une des plus illustres de la no-
blesse bourguignonne, tire son nom d'un château qui
était situé à cinq lieues de Dijon. Elle a pour premier
auteur connu Gui, sire de Saulx, qui vendit en 1090 le
comté de Langres au roi.
(2) Compagnon des folies périlleuses du jeune prince, il
courait avec lui les aventures pendanl la nuit, s'exposant,
pour l'amour des dames ou pour la seule vanité, à des
combats singuliers et à des actes téméraires : ils pas-
saient à cheval à travers des bûchers ardents, se pro-
menaient sur les toils des malsons et sautaient quelque-
fols d'un côté de la rue à l'autre.
i3) Un tableau des galeries de Versailles représente cet
épisode de la vie du maréchal.
SAULX DE TAVANNES 356
attiré l'inimitié de Diane de Poitiers, en ne lui
ménageant ni les railleries ni les insultes, et ab
lant jusqu'à dire publiquement que « si on vou
loit se débarrasser d'eHe, il ne falloit que trouve)
homme assez hardy pour lui couper le nez
Il passait à Dijon les loisirs que lui laissait I;
guerre, et s'ooeupait à mettre en état de défensi
les fortifications de la ville : il employa même se
deniers à relever un boulevard qui a porté long
temps le nom de boulevard de Saulx. Le
janvier 1558, il assista à la prise de Calais (1),<
au mois de juin 1559, M fut un des juges d1
tournoi où périt le roi Henri H. Nommé, e
1560, lieutenant général commandant en Dau
phiné, Provence et Lyonnais, pendant l'absenc
du duc d'Aumale et du maréchal de. Saint-Andn
il parcourut ces provinces pour y réprimer k
mouvements séditieux. A Valense 1-a municipalii
montra une grande animation, et mi des consu
s'exprima devant Tavannes (Fuiie manière assi
irrespectueuse. « Il ne répondit à ce coinpi
ment que par un soufflet, en 1-e menaçant de
faire pendre pour servir d'exemple.à quiconqi
serait assez téméraire pour fair-e des uropos
tions peu conformes à ta déférence due ai
ordres du roi. » La Bourgogne commençait alo
à s'agiter sous l'influence de la réforme ; la co
voulut conserver au début une attitude dont T
vannes supportait avec peine l'ambiguïté, s'
exprimant même avec une énergie que Cath
rine de Médicis voulut toujours tourner en pJ;
santerie, disant : « Ne connoissez-vous pas T
vannes ? Je scay quel il est, nous avons esté nour
pages ensemble ! » Ces tergiversations îi'cmj
citèrent pas l'insurrection protestante d'éclal
à Dijon, à Auxerre et à Beaune, au printein
de 1-562. Tavannes réprima énergïquement i
premier mouvement; mais bientôt les réform
prirent leur revanche, en s'emparant de Lyon,
, Mâconet de Châlon sur Saéne. Tavannes r-eiii
aisément à GMlon, enleva Mâcon après un pi
mier insuccès, et il allait réduire pareiWem.
Lyon quand, le duc de Nemours arrivant pu
prendre le oommandement de l'armée, il préfr
retourner à Dijon que de se trouver en sous ord
H blâma l'édit de pacification de 1563, tout
continuant à correspondre avec la reine mf
qui l'encourageait secrètement à persévérer d
une opposition qu'elle approuvait : c'est ah
qu'il amena même les états de Bourgogne à
fuser la publication de l'édit et à envoyer ver;
roi une députation changée de respectueuses
. montrances. Le roi répondit par un.e lettre l
jussion pure et simple. Tavannes proposa d'opi
ser aux progrès des réformés une confrérie r
Saint-Esprit, sorte de ligue dans laquelle se
entrée toute la noblesse catholique. Catherin*
(1) Leduc de Guise donna lord Grey, gouverneur <|
place, à M. de Tavannes, qui exigea 10,00 écus de
çon. Tavannes semble avoir toujours trop ardemi
recherché le coté matériel des avantages que proci]
alors la guerre.
SAULX DE TAVANNES
358
[édicis approuva ce plan , mais le roi ne vou-
it pas y consentir. Pendant les années qui sui-
irent, il eut constamment à guerroyer, tantôt en
ourgogne, tantôt jusque dans le Vendômois
le pays Messin; en 1568, la reine mère le
îargea de s'emparer du prince de Condé, qui
i trouvait à Noyers, château voisin de Tonnerre;
ais M. de Saulx ne voulut jamais se prêter à
guet-apens, malgré la menaçante insistance de
itlierine, et il ne se mit en devoir d'attaquer
>yers qu'après avoir laissé à Condé le temps de
retirer. Cette action hardie, qui me semble
cuser nettement le caractère de son auteur, ne
i causa aucun préjudice à la cour : c'est même
dater de ce moment que nous le voyons y
eiidie une influence décisive. De nombreux
Demis cherchèrent à lui nuire, mais il triom-
a de tous les obstacles ; il commanda dans l'ar-
;e de Poitou, et prit une part considérable à la ba-
lle de Jarnac (13 mars 1569) ; il répara en partie
:hec éprouvé par le duc d'Anjou près de Saint-
ieix et décida le succès de la journée de ÎVlont-
litour (3 octobre). Il reçut les félicitations du
' à Tours et une véritable ovation à Paris, où
r échevins lui offrirent un vase et un bassin en-
• aux armes de la ville; puis, le 28 novembre,
iQt créé maréchal de France, dignité qu'il ambi-
nnait ardemment. Dès lors il ne quitta presque
is la cour, dont il fut un des principaux con-
illers et où il prit l'attitude la' plus énergique-
hnt hostile contre les réformés. Les historiens
ont attribué une part décisive dans le mas-
t;re de la Saint-Barthélemi. La récente publi-
iion des dépêches des ambassadeurs vénitiens
nontre que Catherine de Médicis était résolue
mis longues années à cet attentat, et diminue
isi la part de responsabilité qui pèse sur la
•IfrnoiredeTavanues; le maréchal était du reste
-»p ardent ennemi des huguenots pour n'avoir
* approuvé la reine mère. Nous savons cepen-
ijfat qu'il ne contribua pas peu à sauver le roi
•Navarre et le prince de Condé; ce fut lui qui
■rima autant qu'il put le pillage et enfin qui
■cesser le carnage en apportant Tordre aux
*' fj'upes de rentrer dans leurs quartiers. Il y a
■l'i delà aux sanglantes plaisanteries dont Bran-
la fie embellit son récit (1). Une grave indisposi-
fi empêcha le maréchal de prendre le com-
'jndement de l'expédition dirigée contre La
'•'< Jphelle (1572) ; sa santé se rétablit à l'automne,
1 <il reçut le gouvernement de la Provence, fa-
L j) M. l'etitot, dans sa notice sur Gaspard de Tavanncs,
Stage en grande partie notre opinion : il nie compléte-
i lui la vérité du récit de Brantôme, en faisant remarquer
■■ <t M. de Thon ni aucun des auteurs protestants ne men-
Jji nent ci s odieuses allégations qui auraient certainement
W relevées si elles eussent eu quelque fondement. « On
■Jt observer, dit-il, que Tavanncs détesta toujours le
Ri de traître; qu'au moment où la cour caressait les
K estants, qu'elle était résolue de perdre, Il leur té-
Wgna constamment la plus violente aversion, et qu'il
'j entraîné dans le complot le plus odieux-, moins par
' &l inclination opposée à toute espèce d'intrigue ou de
vidie que par les circunstances funestes où il se trouva
( é. «
veur qui le toucha peu : « On lui donnait, di-
sait-il, du pain, lorsqu'il n'avait plus de dents
pour le manger. » Il se montra plus satisfait
quand on y ajouta la charge d'amiral des mers du
Levant. L'année suivante , au printemps, on
reprit les opérations du siège de La Rochelle, où
le duc d'Anjou se rendit : comme elles traînaient
démesurément en longueur, le maréchal, assez
affaibli cependant, se résolut à s'y rendre de sa
personne ; mais ses forces le trahirent : il fut obligé
de s'arrêter à Montlhéry, d'où on l'emmena à
Chanteloup; le roi et la reine mère vinrent l'y
visiter. Dès qu'il fut un peu mieux, il se fit trans-
porter à Sully, et il y mourut au bout de quinze
jours (1). Il fut enseveli, suivant son désir, à la
Sainte-Chapelle de Dijon, où son tombeau subsista
jusqu'en 1793. — Le maréchal a laissé quatre
Advis au roi, qui sont toujours insérés à la suite
des Mémoires de sa vie, publiés par son fils. 11 a
laissé un certain nombre de lettres autographes,
conservées à la bibliothèque Richelieu et dont
nous préparons la publication. De sa femme,
Françoise de la Baume de Montrevel, il eut trois
fils, Henri-Char les -Antoine, qui mourut en
1 563, Guillaume et Jean , dont les articles
viennent ci-après. E. de Barthélémy.
Mémoires de Jean de Saulx-Tavannes. — Brantôme. —
Éloge de Gaspard de Saulx-Tavannes, par Fr. de Eabutin.
— Vie du même, par Perrot. — Lettres de Languet.— Le
Gendre, Hist. de France, tome 111. — Le P. Anselme. —
U. Planchet. — Courlépée. — La Cuisine (de), Hist, du
parlement de Dijon. — Mémoires du temps.
saitlx ( Guillaume de ), comte de Ta-
vannes, fils aîné du précédent, né en 1553,
mort en 1633. Enfant d'honneur de Charles IX,
puis gentilhomme de sa chambre, il fit ses pre-
mières armes à la bataille de Jarnac, et succéda
à son père en qualité de lieutenant général en
Bourgogne. Il se prononça énergiquement contre
la Ligue, et conserva au roi les places de Flavi-
gny, de Semur, où il installa le parlement, de
Saint- Jean-de-Losne et de Saulieu ; il combattit
à Fontaine-Française; mais à la paix il se re-
tira dans ses terres. On a de lui : des Mé-
moires de plusieurs choses advenues en
France, es guerres civiles depuis 1560 jus-
qu'en 1596 (Lyon, s. d., in-4° de 86 p.;
Paris, 1625, in-8°). De sa première femme,
Catherine Chabot, il eut cinq enfants, dont
Claude et Joachim, qui furent lieutenants gé-
néraux, et de la seconde, Jeanne de Pontallier,
qu'il épousa à près de quatre-vingts ans, il eut
(1) On cite de lui deux paroles authentiques, et qui
comme le remarque son plus récent biographe, M. Ca-
boche, prouvent singulièrement en faveur de son esprit.
« L'une est d'une délicatesse malicieuse, l'autre d'une
beauté sévère et tendre. » La reine mère lui demandait
un Jour comment elle pourrait connaître le caractère de
la', reine de Navarre, qui devenait la belle-mère de sa
fille : « Entre femmes, dit— Jl en souriant, commencez par
la mettre en colère et ne vous y mettez point. Vous ap-
prendrez d'elle, et non elle de vous. » — A sa dernière
heure, il fit appeler sa femme, et lui adressa ces mots :
« Que te diraHe? sinon que tu es des plus femmes de
bien du monde; ce n'est point pour l'admonester, mais
pour te dire adieu que je t'appelle. »
12.
359
SAULX DE TAVANNES — SAUMAISE
36(
Jean, qui fonda la branche des marquis de Ta-
vannes. E. de B.
Courtépée, Hist. de Bourgogne. — Moréri, Dici. hist.
saclx (Jean de), vicomte de Tavannes,
frère du précédent, né à Paris, en 1555, mort
en octobre 1629, au château de Sully. Dès
l'âge de onze ans, on le voit figurer parmi les
membres de la confrérie du Saint-Esprit en
Bourgogne, et montrer une grande ardeur à de-
meurer fidèle aux sentiments que son père lui
inspirait contre la réforme; il assista au mas-
sacre de la Saint-Barthélemi, et y sauva la vie,
à ce qu'il assure, à trois seigneurs protestants. Il
accompagna ensuite le duc d'Anjou au siège de
La Rochelle, puis en Pologne, se distingua dans
quelques combats contre les Turcs, et passa en
1574 en Moldavie; il y guerroyait depuis quel-
ques mois, lorsqu'il tomba aux mains d'une
troupe de partisans qui l'emmenèrent à Cons-
tantinople, où il recouvra, on ne sait comment,
la liberté. De retour en France au commence-
ment de 1575, il obtint une compagnie de gen-
darmes, avec laquelle, à Dormans, il dégagea le
duc de Guise, blessé, et ramena 1,500 reitres
prisonniers. Henri III lui témoigna la plus
grande faveur, et prenait souvent ses conseils ;
mais Tavannes refusa d'adhérer à la paix de
1577, et se jeta dans le parti des catholiques ar-
dents. Lorsque les huguenots eurent été dé-
clarés ennemis de l'État, il accepta le gouver-
nement d'Auxonne, et exaspéra les réformés par
ses rigueurs ; dans une émeute, il fut blessé griè-
vement, pris et enfermé dans le château de
Pagny : il trouva moyen de s'échapper en des-
cendant une muraille haute de plus de cent
pieds. Plus furieux ligueur que jamais, il se
déclara contre Henri III et contre Henri IV,
proposa d'armer le peuple avec des piques
( conseil qui fut rejeté, par crainte « de faire
naître dans les esprits des idées de républi-
que » ), et servit dans l'armée rebelle avec le
litre de maréchal de camp. 11 combattit à Ar-
ques, disputa vaillamment la Normandie aux
troupes royales, et fut pris en portant du se-
cours à Noyon (1591). Ayant refusé d'acheter
sa liberté à la condition d'indiquer le côté faible
des fortifications de Rouen, dont il était gou-
verneur, il fut échangé contre la mère', la
femme et les deux sœurs du duc de Longue-
ville. Mayenne lui donna alors le bâton de ma-
réchal de France et le gouvernement de la
Bourgogne (1592), où il alla pendant trois ans
lutter contre son frère Guillaume, demeuré
fidèle au roi. Il ne se soumit que le dernier,
bien après la bataille de Fontaine- Française et la
reddition de Dijon ; le roi le reconnut dans la
dignité de maréchal de France, lui promettant
la première vacance. En 1597, il refusa de
l'accompagner au siège d'Amiens, et fut enfermé
à la Bastille; mais il trouva encore moyen de
s'échapper. Henri IV l'oublia dans son château
de Sully, se vengeant seulement en ne lui
donnant pas le bâton que laissa vacant la mor
de Biron. Il vécut dès lors complètement dan
la retraite : le 4 mars 1614, la reine mère le
délivra de nouvelles lettres confirmatives de s
dignité de maréchal; mais cette promesse n'eu
pas plus d'effet, et il ne paraît même pas que 1
vicomte ait quitté Sully. Sa descendance s'é
teignit à la seconde génération, quoiqu'il ait e
dix enfants, entre autres : Henri , marquis 6
Mirebel, maréchal de camp et gouverneur c
Montferrat (1595-1659). Il est le véritable ai
teur des Mémoires sur le maréchal de Ti
vannes, si improprement dénommés Mi
moires de Tavannes. Il y travailla de 1601
1621, et les fit imprimer à Sully même, en lei
attribuant deux titres différents, pour miei
tromper les curieux (1). Unelettre de Gui Pati
du 13 juillet 1657, constate que ces ouvrag
avaient reçu très-peu de publicité; et ce
fut effectivement qu'en cette année qu'on
donna à Lyon une première édition pour
public. On les a reproduits dans les collectio
de Petitot, de Michaud et de Buchon. Ces ni
moires se continuent par la vie -de l'aute
jusqu'au moment où il rentra dans l'inactio
Tavannes y montre une grande irritation , v;
nement dissimulée sous un apparent dédain, <
ne trompe aucun lecteur sérieux . E. de
Voir les mêmes auteurs que pour son père,
saumaise (Bénigne de), érudit frança
né à Semur, vers 1560, mort le 15 janvier le
à Dijon. Il étudia dans sa jeunesse l'histoire,
géographie, le droit, la poésie latine et la p<
sie française. Son principal ouvrage est : 1
nys Alexandrin, De la Situation du mon«
nouv. trad. du grec en (vers) françois
illustrée de commentaires (Paris , 1597, f.
in-12), ouvrage qui n'a de remarquable <
ses notes, où l'on trouve une érudition soli
11 avait, en 1587, succédé à son père dans
charge de lieutenant au bailliage de Semur. P
dant la Ligue, il prit parti pour Henri IV, qui
nomma conseiller au parlement de BourJffl
Ach. G.
Papillon , Bibl. de Bourgogne.
saumaise ( Claude de ), en latin Sait
sius, célèbre critique, fils du précédent, n
Semur, le 15 avril 1588, mort à Spa, le 6 s
tembre 1658. Il eut son père pour pren
maître. A dix ans, il traduisait Pindare et ci
posait des vers grecs et latins. Il fit sa phi'lc
phie à Paris, et s'y lia avec Casaubon, qu^
plut à le guider dans l'étude des lettres. De
ris il alla à Heidelberg, où il étudia la ju
prudence sous le savant Denis Godefroy; t\
professa publiquement le protestantisme, <l
avait déjà embrassé secrètement plusieurs anip
auparavant. Son ardeur au travail était sigrap:
à cette époque, qu'il consacrait régulièrenfr
deux nuits sur trois à l'étude. Ce régim fi
(1) Il y en a une excellente copie dans le t. Il s
manucrits de Conrart, ln-fol io. à la Bibl. de l'Ars II'
nit à deux doigts de la mort, et il se crut lui-
nêmo si bien en danger de mourir qu'il fit son
pitaphe en grec et en latin; le Journal des
lavants, ann. 1695, p. 251, l'a conservée. Le
anger disparu , Saumaise se hâta de reprendre
es habitudes ; il s'occupa entre autres de col-
fitionner les précieux manuscrits de la biblio-
hèque palatine. Peu après (1608) il publiait les
|i eux traités du sectaire Nilus, archevêque de
hessalonique , et un ouvrage du moine Bar-
i |iam sur la primauté du pape. En 1609 il don-
ait une nouvelle édition de Florus. De retour
Dijon en cette même année, il se fit recevoir
vocat au parlement de cette ville; mais ce ne
it que par condescendance pour son père,
i il n'exerça jamais la profession. Il se livra
>ut entier à ses travaux d'érudition , qui lui
reut faire plusieurs voyages à Paris. Il épousa
i 1623 la fille d'un sieur Des Bordes, zélé
rotestant français. Le mariage ne ralentit point
i passion pour l'étude. Bientôt son ouvrage
ipital paraissait : Plinianœ exerciialiones in
ait Juin Solimi Polyhistora, etc.; Paris,
329, 2 vol. in-fol. Son père vouiut alors lui ré-
gner sa charge de conseiller au parlement de
ijon ; mais le garde des sceaux Marillac, en-
iemi déclaré des protestants , s'y opposa. Sau-
naise se consola de cet échec en étudiant
ans maître l'hébreu, l'arabe, le cophte et autres
mgues orientales. En 1631, il reçut une lettre
es curateurs de l'Académie. de Leyde : ceux-ci
îi offraient la place qu'avait occupée Joseph Sca-
ger. Les appointements considérables attachés
cette place, qui n'engageait qu'à résider à
eyde, décidèrent Saumaise à partir. C'est à
jartir de cette époque que date réellement la
[éputation européenne du critique. Si son amour
ropre était satisfait du succès de ses ouvrages,
in revanche il avait beaucoup à souffrir des
tracasseries incessantes que lui suscitait son col-
lègue Daniel Heinsius. De passage en France,
n 1635, le roi et le prince de Condé cherchèrent
p l'y retenir. Saumaise parut prêter l'oreille aux
promesses qui lui furent prodiguées ; mais il finit
:>ar refuser. « J'ai l'esprit trop libre pour mon
pays, » écrivait-il alors. En 1640, le cardinal de
[tichelieu fit une autre tentative pour retenir
Saumaise en France ; elle n'aboutit pas mieux
'lue la précédente. Le cardinal mettait pour
Condition à ses faveurs que Saumaise écrirait
''histoire de son ministère : « Ma plume n'est
pas à vendre, répondit-il, et je ne sais pas
'latter. » 11 revint à Leyde. Christine, reine de
(Suède, fut plus heureuse que Richelieu et que
•ila/.arin, qui, lui aussi, avait essayé de le faire
■evenir en France : elle réussit à fixer quelque
[emps auprès d'elle l'érudit professeur de Leyde.
[>a tactique fut plus habile que celle du cardi-
nal, il faut le dire : « Je ne puis vivre contente
[ians vous, » lui écrivait-elle. Après un séjour
[l'un an à Stockholm (1650-1651) il retourna en
jîollande. Il mourut assez singulièrement. Sa
SAUMAISE 362
femme prenait les eaux à Spa. Il s'imagina que ces
eaux, recommandées à sa femme, devaient pareil-
lement être bonnes pour lui; il avait la goutie.
Une fièvre très-forte suivit celte imprudence, et
lui enleva la vie. On l'enterra à Maestricht.
La flatterie ne contribua pas peu à gâter Sau-
maise. La reine de Suède fut le plus illustre de
ses adulateurs, mais non pas le seul : Ca-
saubon, Gronovius, Grotius, Vossius, en un
mot la plupart des savants de l'époque l'eni-
vrèrent de leur encens. Balzac lui-même, le
perspicace Balzac, osa un jour lui décerner le
titre d'infaillible. A la vérité, l'auteur du So.
craie chrestien corrigea plus tard cette épi-
thète en ajoutant : Infaillible, oui... mais à la
façon des vieux oracles de Delphes. » Le coup
n'en était pas moins porté. Les curateurs de
l'Académie de Leyde allèrent plus loin encore.
Pendant le séjour de Saumaise en Suède, ils
lui écrivirent pour l'engager à revenir parmi
eux. « Notre Académie, lui disaient-ils entre
autres choses, ne peut pas plus se passer de
Saumaise que le monde ne peut se passer du
soleil. » Aujourd'hui, on ne connaît plus guère Cl.
de Saumaise que par certaines discussions beau-
coup trop retentissantes qu'il eut avec plusieurs
de ses contemporains, l'avocat Didier Hérauld ,
le P. Petau, Daniel Heinsius, etc. Celle qu'il
eut. avec Milton, à propos de la Défense de
Charles J«'', pamphlet auquel le poëte répliqua
par la Défense du peuple anglais, fut sur-
tout remarquée : Saumaise y défendit fort mal
une fort bonne cause, et le poëte anglais eut
raison du critique. En général, ce qui distingue
Saumaise, ce n'est pas la logique, c'est l'érudi-
tion, l'énergie et spécialement l'acrimonie, quel-
quefois même la grossièreté. Le gros mol ne
lui fait pas peur. Les épithètes â'asinus, de
pecus, etc., lui sont familières.
« Hoc mihi plerumque vitium est, dit-il
lui-même, ut proutque scribendi impetus me
cœpit, animœ sensa in chartas effundam.
Qui me norunt facile mihi i&ta condonant,
quia sciunt nihil intus latere occulti veneni. »
En effet les injures qu'il prodigue à ses adver-
saires, et qui étaient du reste reçues dans la po-
lémique d'alors, ne sont que l'effusion naturelle
de son amour extrême pour ce qu'il croyait être
la vérité. « Avec cette liberté de juger, qui m'a
toujours été fort familière , écrit-il , je n'espar-
gnerois pas mon père propre, s'il avoit dit ou fait
chose où ma censure peust mordre avec raison. ■»
S'il partageait amplement l'humeur batailleuse
des savants de son temps , il était en revanche
plus exempt qu'on ne croit généralement de leur
obstination et de leur présomption. « Quant à
ce qui est de mes opinions, écrit-il à Dupuy,
elles ne me tiennent jamais. Je leur fais prou
l'amour à toutes et n'en épouse pas une; telle-
ment qu'il m'est toujours libre de m'en séparer
quand je veux, et je le veux toutes et quantes fois
que je trouve un meilleur parti ailleurs. »
3G3
La plupart des cinquante et quelques ouvrages
et opuscules de Saumaise n'étaient pas laits pour
vivre ; ils pèchent surtout par la. Corme et l'or-
donnance ; le style en est en général très-négligé.
Cela tient surtout à la précipitation de l'auteur.
Il mettait moins de temps à composer un de ses
livres les plus savants que d'autres n'en met-
taient à les transcrire. Qu'un de ses nombreux
correspondants vînt à lui demander quelques
éclaircissements sur une question, il lui répon-
dait de suite par un volume. D'après Sorbière,
qui avait vécu dans son intimité, il travaillait
le plus souvent au milieu d'un grand bruit qui
se faisait autour de lui et dans des distractions
continuelles ; il écrivait toujours sans méditation,
sans avoir dressé de plan; il ne relisait pas ce
qu'il avait écrit. Gronovius, autre ami de Sau-
maise, attribue l'imperfection de ses ouvrages à
ce qu'il était entraîné par l'abondance de son
érudition, dont il ne savait modérer le cours. On
a de lui : Duarum inscriptiomim explication
Paris, 1619, in-4°; et dans le Musxum de Cre-
nius; — De suburbicariis regionibus; 1619,
in-8°; contre Si rmond ; — De usuris; Leyde,
1638, in-8° : ce savant traité et les deux sui-
vants De modo usurarum, Leyde, 1639, in-12,
et De Fumore trapezitico , Leyde, 1640, in-12,
entraînèrent Saumaise dans une vive polémique
avec divers théologiens, qui lui reprochaient
d'avoir proclamé la légitimité du prêt à intérêt;
— De episcopis et presbyteris ; Leyde, 1641,
in-8°; sous le pseudonyme de Wallo Messalinus,
et dirigé contre Je P. Petau ; — De hellenis-
tica commentarkes, pertractans origines et
dialectos Unguse grsecx; Leyde, 1643, in-12;
— Funiis Unguse hellenisticx ; Leyde, 1643,
in-12 ; — De exsarie virorum et mulierum;
Leyde, 1644, in-12; — De coma dialogus;
Leyde, 1645, in-12 : traité badin sur les longues
chevelures, que certains théologiens hollandais
voulaient proscrire ; — De primatu papse;
Leyde, 1645, iu-4°; — Miscellx De/ensiones
de variis observationibus ad jus atticum et
romanum; Leyde, 1645, in-12; — De mutuo;
Leyde, 1645, in-12; — Juclicium de Ubro
posthumo Grotii; 1646, in-8°; Strasbourg,
1654, in-12; — Tractatus de subscribendis
et signnndis testamentis ; Leyde, 1648, in-12;
— De annis climatericis et antiqua aslro-
logia; Leyde, 1648, in-8°; — Defensio regia
pro Carolo I; 1649, in-24 ; réimprimé neuf fois
dans l'espace de trois ans , entre autres , Paris,
1650, in-12 ; — Ëpistolx ; Leyde, 1656, in-4°;
d'autres lettres de Saumaise sont imprimées dans
les recueils de celles de Casaubon, Sarrau, etc.;
un grand nombre d'inédites se trouvent aux ar-
chives de La Haye et à la bibliothèque impériale
de Paris; — De re militari Romanorum;
Leyde, 1657, in-4°; — Ad Miltonem respon-
sio; Londres, t66ft, in-12; — De hnmonijmis
hyles iairicx, de manna et saccharo;
Utrecht, 1689, in-fol. Comme éditeurSaumaise à
SAUMAISE — SAXJRIN 364
publié : les Historiée Augustx scriptores
[ (Paris, 1620, in-fol.); le traité de Tertullien Dt
| pallia (Paris, 1622, in-8°; Leyde, 1656); 1<
Commentaire sur Epictète de Simpliciu:
(Leyde, 1640, in -4°); Clitophon et Leucippi I
d'Achille Tatius (Leyde, 1640, in-12); \eDeur
bibus d'Élienne de lîyzance. — Saumaise ; U
laissé en manuscrit près d'une centaine d'écrits
Ph. de la Mare a hérité d'une partie d'entre eux j
une douzaine ont pas-sé dans la bibliothèqu
impériale de Paris. On trouvera ies indication
bibliographiques les plus détaillées sur Saumais i .
dans Papillon. Ach. G.
Papillon, BibUoîh. des auteurs de Bourgogne. — Goi
Jet, Bibliothèque française, t. IV '. — Ba\Uet,Jugem. dt fl
sav., t. I, n° 511 ; t. III, p. 72. — Clément, Fie c IJ
Saumaise. — Morérl. — Vorst , Oralio in excessvh \\
Cl. Salmasii. — Arnrl (losua ), Exercitatio deerroribi M
Cl. Salmasii in thcologia. — Haag frères, France pn m
testante. — l'aquot, Mémoires, t. XV.
sauniers. Voy. Saniïek.
saitrïn (Élie), théologien protestant, né
28 août 1639, à Usseau (Dauphiné), mort!
jour de Pâques 1703, à Utrecht. Sa famille «ta
ancienne dans la Provence, et deux de si
branches avaient embrassé le calvinisme,
était fils d'un pasteur de village, Pierre Saurii
qui prit soin lui-même de sou éducation et q
l'envoya ensuite étudier la théologie à Genèv
Admis en 16-61 au ministère, il exerça d'aboi
à Venterol, et fut appelé en 1662 par l'égli:
d'Embrun ; ayant refusé de se découvrir d
vant un prêtre catholique qui portait le viatiqi
à un malade, il fut condamné à l'amende hon<
rable et au bannissement perpétuel (1664)*
échappa à ce jugement par la fuite , et se reti i
en Hollande , où il devint ministre de l'égli j
wallonne de Delft (1665). Le procès du i
meux Labadie lui donna occasion de déploy
son zèle : chargé d'examin-er les opinions re
gieuses de ce pasteur mystique, il offrit de le i
futer publiquement, et s'employa contre luiav
tant de diligence, qu'il parvint à le faire dépos
(1669) ; toutefois il ne put se résoudre à le su
pléer à Middelbourg, pour éloigner de lui
soupçon d'avoir agi dans un intérêt particule
Eu 1671 Saurin accepta la place de Wolzog
à Utrecht; mais outre l'occupation françai
qui lui causa beaucoup d'inquiétude, il y xéçk
pendant plus de deux ans au milieu d'agitatio
continuelles, causées par les différends qu'il e
à soutenir contre Jurieu. Ce fut lui, il est vr;
qui engagea la lutte en présentant plusieu
points de la doctrine de Jurieu comme hétér
doxes et d'une très-dangereuse conséquenc
Plusieurs synodes firent de vains efforts po
apaiser, sinon rapprocher, les deux adversaire
celui de Leeuwarden alla même jusqu'à le
défendre d'écrire l'un contre l'autre, sous pei
d'excommunication, ee dont ils ne tinrent r
co?ripte. H consacra ses dernières années à
publication d'ouvrages de théologie. H ava
suivant Chaufepié, « un génie vaste et profor
J65
SAURIN
366
m discernement exquis, le jugement net et so-
ide » ; constant dans sa conduite, « il était in-
:apable d'accommoder ses sentiments aux
emps, aux lieux et aux personnes ». On a d'É-
ie Saurin : Examen de la théologie de Ju-
ieu; La Haye, 1694, 2 vol. in-8° : ce fut à
'appui de cet ouvrage qu'il publia ensuite
Défense de la véritable doctrine de l'Église
éjormée sur le principe de la foi; Utrecht,
697, in-8°; et Justification de sa doctrine;
bid., 1697, 2 vol. in-8°, avec une Suite ;MA.,
:697, in-8°; — Réflexions sur les droits de
a conscience; Utrecht, 1697, in-8° : il s'y
>rononce avec force pour la tolérance; ~
Traité de Vamour de Dieu; ibid., 1701,2 vol.
n-8o-, — Traité de Vamour du prochain ;
bid. , 1704, in-8°, ouvrage posthume.
Sa Vie, à la suite du Traité de l'amour du prochain.
- Chaulepic, DM, hist. — Haag , France protest.
SAUitiN (Joseph), géomètre français, frère
lu précédent, né le 1er septembre 1659, à
jourtaison (Comtat Venaissin), mort à Paris,
e 29 décembre 1737. Élevé dans la religion ré-
armée, il fut, à vingt-cinq ans, ministre à Eure,
cri Dauphiné. La violence avec laquelle il atta-
qua, dans un de ses sermons, les actes du gou-
vernement contre les protestants le força,
pour échapper aux poursuites, de quitter la
France. 11 alla en Suisse, où on lui donna la cure
le Bercher, dans le bailliage d'Yverdun. Un
idécret du sénal de Berne ayant ordonné, en
1685, de signer le Consensus de Genève, qui
condamnait certaines doctrines des réformés
français, Saurin, après avoir hésité près d'un
an, donna sa signature, le 8 février 1686; mais
peu après il prétendit que ce consentement lui
avait été imposé par une contrainte morale, et
manifesta l'intention de se rétracter. Ces ter-
giversations lui suscitèrent des inimitiés et des
querelles, qui auraient peut-être suffi à lui faire
abandonner la Suisse, et c'est en effet la rai-
son que dans la suite il donna de son départ ;
mais il s'y joignit une cause plus grave, une
accusation de vol. Les actes de la procédure
criminelle commencée à ce sujet ont été pu-
bliés, en 1741, par d'Olivet, dans la Biblio-
thèque raisonnée, d'après les pièces de la
chancellerie de Berne ; déjà, au mois d'avril
1736, le Mercure suisse avait imprimé une
lettre de Saurin, adressée, le l3.juillet 1689, à
son ami le ministre Gonon, dans laquelle il
faisait l'aveu de sa faute. Saurin, qui vivait en-
core au moment de cette publication, ne ré-
pondit pas. La vérité de l'accusation portée
contre lui paraît donc démontrée. Saurin re-
tourna en France avec un sauf-conduit qu'il
avait obtenu de Bossuet; il abjura, en i6S0, et
reçut du roi une pensiou de 1,500 livres. « L'é-
vêque de Meaux, dit à ce sujet Voltaire, crut
avoir converti un ministre, et il ne fit que servir
à la petite fortune d'un philosophe. » Saurin
abandonna les discussions théologiques pour la
géométrie, se fit remarquer dans dos polémi-
ques contre Huygens et Rolle, et fut admis, en
1707, dans l'Académie des sciences. Accusé par
J.-B. Rousseau d'être l'auteur des fameux
couplets qui amenèrent l'exil du poêle, il fut
acquitté, en 1712, après six mois de prison.
Les recherches faites plus tard par les critiques
donnent à penser qu'il ne fut pour rien dans
la composition des vers incriminés ; mais il
joua dans cetie triste affaire un rôle peu ho-
norable, et c'est dechez lui que sortaitcet exem-
plaire qui, envoyé chez Boindin, produisit tout
le mal. Mélange de talents et de vices, Joseph
Saurin a été jugé par Fonteneile, comme il suit,
avec quelque partialité : « D'un côté, un esprit
élevé, lumineux, qui pensait en grand, et ajou-
tait du sien à toutes les lumières acquises, un
grand talent pour toutes les opérations d'es-
prit, et qui n'attendait que son choix pour se
déterminer entre elles ; d'un autre côté, du cou-
rage, de la vigueur d'âme, qui devaient rendre
aussi les passions plus difficiles à maîtriser... Il
ne cherchait pas à se faire beaucoup de liai-
sons, et jusqu'à sa forme de vie tout s'y oppo-
sait. Il travaillait toute la nuit, et dormait le
jour... » Les écrits de Saurin sont, dans le
Journal des Savants (1702-1708), des disser-
tations scientifiques, et un Éloge historique de
Bossuet, et dans le Recueil de l'Académie des
sciences , plusieurs Mémoires sur la géo-
métrie.
Fonteneile, Hist.de l'Acad. des sciences. - Chaufepié,
Nouveau Dict. hist. — Haag frères, La France protes-
tante.
saurin (Bernard-Joseph), poète dramatique
français, fils du précédent, né en 1706, à Paris,
où il est mort, le 17 novembre 1781. Il puisa de
bonne heure le goût de ia poésie dans le com-
merce des -hôtes ordinaires de son père , qui
avait fait.de sa maison le rendez- vous des gens de
lettres; mais le besoin de se créer des ressources
l'obligeant de maîtriser son penchant, il étudia le
droit, et fut reçu avocat au parlement. Il pratiqua
le barreau avec quelque distinction, et devint
ensuite secrétaire du duc d'Orléans. Une pension
de mille écus que lui accorda généreusement Hel-
vétius, depuis longtemps son ami, le laissa tout
à fait libre de s'engager dans la carrière des let-
tres ; il choisit le théâtre, et donna à trente-sept
ansZes Trois rivaux (1743), comédie eu cinq
actes et en vers. Cette première pièce n'eut au-
cun succès, non plus que ia seconde, Aménophis
(1752) , tragédie romanesque, dont Le Mierre
appliqua le dénoûment à son Hypermnestre.
Cette double chute ne découragea pas Saurin, et
bien qu'il approchât de la soixantaine, il se re-
mit avec ardeur au travail et fit jouer en 1760
Spartacus. Cette tragédie est à peu près sou
seul titre de gloire : malgré le défaut de vérité
historique, malgré des invraisemblances de si-
tuation et de caractère, elle plut par la har-
diesse même du principal rôle et par quelques
367
SAURIN
3?
tirades énergiques où l'on rencontre des vers
frappés, comme disait Voltaire , à l'enclume de
Corneille. La louange est exagérée, et il est plus
vrai de dire que les vers prosaïques de Saurin
sentent uu peu trop l'enclume. Blanche et Guis-
card, représentée en 1763, et imitée de Thom-
son, renferme des situations plus touchantes;
mais la versification a les mêmes défauts, et les
événements s'y succèdent avec trop de précipi-
tation. La tragédie bourgeoise de Beverlei
(1768) est un autre emprunt à la scène anglaise
(voy. Lillo) : elle dut son grand succès à la
nouveauté du genre ainsi qu'au talent sublime
déployé par Mole. Tel est, avec quelques comé-
dies agréables , le bagage littéraire de Saurin. Il
remplaça en 1761 du Resnel dans l'Académie
française, et y eut Condorcel pour successeur.
Il vivait dans le grand monde, et savait se faire
estimer. Parmi les lettrés il avait pour ami Mon-
tesquieu, Voltaire, Saint-Lambert, le duc de Ni-
vemois; ce dernier prétend, avec plus de malice
peut-être que de vérité, que « ses vers étaient
sans faste , son commerce sans épines » . Quoi-
qu'il fût pétulant et orgueilleux, un peu brutal
même, suivant Grimm , il savait allier à J'énergie
la circonspection et la mesure. La crainte de la
mort, qu'il ne put jamais vaincre, troubla les
derniers temps de sa vigoureuse vieillesse. Il
s'était marié tard, à uneifemme jeune et jolie, qui,
avait-il coutume de dire, l'avait rattaché à la
■vie. Nous citerons encore de Saurin : Les Mœurs
dutemps (1761), un acte en prose; et V Orphe-
line léguée (1765), trois actes en vers, réduits
en un seul, sous le titre de L 'Anglomanie (1772),
comédies; — Mirza et Fatmé, conte indien;
Paris, 1764,in-12; — Épltres sur la Vieillesse
et sur la Vérité, suivies de Pièces fugitives
et d'une comédie en un acte en prose, intitulée
Le Mariage de Julien; Paris, 1772, in-8°; —
Épîtrèî oVHéloïse à Abeilard , imitées de
Pope; s. 1., 1774, in-8°. Oïl a réuni ces diffé-
rents ouvrages dans les Œuvres complètes de
Saurin (Paris, 1783, 2 vol. in-8°), sans y com-
prendre néanmoins ceux qui lui sont attribués
comme Les. trois Rivaux (1743), comédie; So-
phie de Francourt (1769, in~8°), roman, et
YÉloged'Helvélius (1774, in-8°), non plus que
ses Lettres et des Chansons, qu'on dit être d'un
goût excellent. Son Théâtre (Paris, 1773, in-8°)
à été réimpr. SQ"s le titre VŒuvres choisies
(Paris, 1812, in- 18). ,,,.•■
Notice, à la tète des OEuvres compl et chômes. -
Nivernois ( Duc de), OEuvres.
saurin (Jacques), célèbre prédicateur pro-
testant, né le 6 janvier 1677, à Nîmes, mort le
30 décembre 1730, à La Haye. Il était de la
famille des précédents, mais d'une branche éta-
blie clans le Languedoc (1). La révocation de
(1) Celte branche compta des hommes distingués. Le
trisaïeul de Jacques Saurin, Jean, fut colonel d'infan-
terie et gouverneur de Sommière et mourut en 1601;
son aïeul, Jean, sieur de la Blaquières, servit en 1622
sous les ordres du duc de Rohan ; son père enfin, qui
l'édit de Nantes l'ayant obligé de quitter
France, il suivit son père à Genève, et y con
mença ses études avec succès. Il céda à flii
pétuosité de son caractère en prenant à sei;
ans le parti des armes, où ses aïeux avaiei
acquis quelque renom, et s'enrôla dans le rég
ment de Galloway, entièrement composé de r<
fugiés français, et qui se trouvait alors au sei
vice du duc de Savoie. Il lit une campagne, <
obtint le grade d'enseigne. La paix ayant é
conclue entre la France et la Savoie ( septembi
1696), il retourna à Genève pour y achever se
éducation. Admis au ministère en 1700, il se rend
en Hollande et de là en Angleterre; l'église wa
lonne de Londres l'ayant appelé au nombre c
ses pasteurs (mars 1701), il s'établit dans cetî
ville, et y épousa une jeune Française. S
santé, naturellement délicate, souffrit bienti
de l'humidité du climat; en 1705 il fit un secon
voyage à La Haye, et prêcha, dit Chaufepii
avec un applaudissement prodigieux ; afin i
retenir dans le pays un si rare orateur, c
créa alors pour lui une place de ministre e>
traordinaire des nobles, qu'il remplit pendai
vingt-cinq ans. On n'aurait plus rien à ajoutt
à la vie de cet homme célèbre si la jalousie c
ses collègues n'avait pris soin de lui suscih
plus d'une affaire désagréable et de le poui
suivre, au nom de l'orthodoxie, jusqu'à son 1
de mort. Impuissants à lui disputer la pain:
de l'éloquence, ils se jetèrent sur ses livre
comme sur' une proie. La Chapelle, entre autrei
joua ce triste rôle d'accusateur : au nom de la f<
et de la morale, il dénonça Saurin comme ayai
prétendu que « Dieu n'est pas assez heureux
ou assez puissant ou assez vrai pour éviter toi
jours le mensonge ». Dans cette querelle sur ]
mensonge, à laquelle avait donné lieu une dis
sertation de Saurin, ce ne furent pas les pr<
tendus défenseurs de la vraie doctrine qui mei
tirent le moins. Saurin avait pris pour sujet c
thèse l'ordre que, dans la Bible, Dieu donna
Samuel d'aller joindre David en déguisant 1
sujet de son voyage. « Il est clair, ajoutait-i
que la précaution que Dieu inspire à Samu<
avait pour but d'induire Satil dans l'erreur i
de lui persuader que le sacrifice de cette vi'
time ( une génisse ) était le principal , mêir
l'unique dessein de son voyage. Cette actio
avait donc ce qu'on prétend être toujours cr
minel dans le mensonge, à savoir de jeter le pre
chain dans l'erreur; mais elle n'était pascrimi
nelle en elle-même puisqu'elle était faile p£
l'ordre de Dieu, il implique contradiction qii
Dieu commande une action criminelle par elli
même, d'où l'on conclut que le mensonge ei
quelquefois innocent. » La dispute s'envenira
à un tel point qu'elle fut portée dans le synod
se nommait aussi Jean, eut la réputation d'un bon avi
cat à Nimes, où il remplit les fonctions de secrétaire i
l'Académie. Dès le seizième siècle cette famille s'éta
convertie aux prédications de Calvin.
369
, j de La Haye (1730). Saurin écrivit une lettre
! fort digne, où il reproduisit ses conclusions en
ajoutant qu'il n'avait pas voulu « donner la
moindre atteinte à l'éminence des perfections
il de Dieu; » et on s'en contenta, bien qu'on eut
tout préparé pour lui faire essuyer de la part du
i synode quelque éclatante mortification. Ces
i tracasseries abrégèrent les jours de Saurin,
, j qui mourut à la fin de cette année, en protes-
tant une dernière fois au fougueux pasteur Huet
[de la pureté de ses intentions et de sa doc-
1 trine. « L'orgueil, disent MM. Haag, fut le dé-
faut le plus saillant du caractère de Saurin, qui
. était d'ailleurs généreux et bon. Gracieux et ai-
i : mable pour ses amis, il se montrait froid et
j réservé avec les personnes qui lui étaient étran-
gères ou indifférentes, et il prenait avec elles un
H'tOQ de supériorité très-propre à blesser leur
p| imour-propre. » Tl se tenait à l'écart, menant
liane vie douce et tranquille; il était désin-
I :éressé à ce point qu'ayant hérité des biens de
[i^ouis Lambert, un de ses compatriotes, il se
; làta de les restituer aux parents du défunt,
h sans en rien garder pour lui-même ; sa charité
[était inépuisable, et il mourut pauvre.
! Comme on l'a fait remarquer plus d'une fois,
fcmcun prédicateur n'offre avec Bossuet plus
j , 3'analogies que Saurin. « Le protestant, dit
IVI. Sayous, a tout ce qui est force chez le ca-
tholique; il manque de tout ce qui y est grâce et
fcnajesté calme; il a le regard perçant et vaste;
:; J embrasse les masses et démêle les résultats;
tson œil n'a pas la fine pénétration ni sa main
iila souplesse qui saisissent les délicatesses de la
iionscience ; mais son imagination est puissante
au milieu des terreurs et des ruines... Saurin,
(a dit le cardinal Maury, n'est presque jamais
^un grand écrivain. Il le serait toujours sans
^'impatience et la facilité abondante qui font
, [déborder sa parole et ne lui laissent pas le
. itemps de serrer le sens dans la phrase. 11 est
, sujet aux négligences, aux expressions suran-
nées, enfin à la gaucherie du style réfugié. En
revanche il a des coups de burin d'un bonheur
admirable ; il a le mot lumineux et inattendu ;
l avec lui on se sent tout à coup secoué et ter-
rassé, avant d'avoir prévu l'attaque. .Nul ora-
teur sacré n'a plus de ces traits imprévus. » Sa
j prédication est très-variée ; il y aborde sans
; hésiter les plus graves questions ; il en écarte
^avec soin la controverse, et loin d'y poursuivre
la cour de Rome d'imprécations, il garde avec
.elle une réserve dédaigneuse. On a de cet émi-
! nent prédicateur: Sermons sur divers textes de
[l'Écriture sainte; La Haye, 1708-1725, 1721-
î 1725, 5 vol. in-8° ; Genève, 1725,5 vol. in-12 ; ce
,sont les seuls que l'auteur ait jugés dignes de sa
jrenommée.Ceux que son fils Philippe ajouta, après
| sa mort, à ce recueil sont estimés bien au-des-
; sous des premiers : Sermons sur divers textes
[de l'Écriture sainte; La Haye, 1732, 2 vol.
in-8° ; et Nouveaux Sermons sur la passion ;
SAURIN — SATJSSAY 370
Rotterdam, 1732, 2 vol. in-8°. On connaît de ces
trois recueils plusieurs éditions , entre autres
celles de La Haye, 1749, 12 vol. in-8° ; de Lau-
sanne, 1759-1761, 12 vol. in-8o, et de Paris,
1829-1835, 9 vol. in-8°. On a une traduction
allemande presque complète des sermons de
Saurin par Rosemberg ( Leipzig, 10 vol. in 8° ),
et une traduction abrégée en anglais (Cambridge,
1775-1776, 6 vol. in-8°). En français on a
réimprimé ce qu'il y a de plus excellent dans
ses écrits, sous les titres suivants : L'Esprit
de Saurin (Lausanne, 1767, 2 vol. in-12), par
J.-F. Durand ; Principes de lareligion et de la
morale (Paris, 1768, 2 vol. in-12), par l'abbé
Pichon; Extraits de la morale de Saurin
(Paris, 1769, 2 vol. in-12 ), par l'abbé Gauchat ;
Chefs-d'œuvre de Saurin (Genève, 1824,
4 vol. in-8o), par Chenevière ; Sermons choi-
sis (Paris, 1854, in-12), par Weiss. Saurin a
encore écrit : Discours sur les événements les
plus mémorables du V. et du N. T. ; Amst.,
1720-28, 2 vol. in-fol., fig. ; les t. III à VI
de ces discours , connus sous le nom de
Bible de Saurin , sont l'œuvre des continua-
teurs Beausobre et Roques; — Abrégé de la
théologie et de la morale chrétiennes, en forme
de catéchisme; Amsterdam, 1722, in-8°; trad^
en allemand; — Catéchisme; Amsterdam,
1724, in-8° : c'est un extrait élémentaire de
l'ouvrage précédent; — État du Christia-
nisme en France; La Haye, 1725, in-8°;
La Rochelle, 1846, in-8°; — Réponse au fac-
tum de Vincent Lambert ; Rotterdam, 1726,
in-8°. p. L.
Chaufepié, Nouveau Dict. hist. — Biblioth. fran-
çaise, t. XXII, 2e partie. — Haag frères, France pro-
test. — Notice de l'édit. des Sermons ; Paris, 1829. —
Weiss, Notice, à la tête des Sermons choisis. — Sayous,
Hist. de la liltér. fr. à l'étranger pendant le dix-sep-
tième siècle, t. II, p. 105-124.
saubus. Voy. Batrachus.
sacssay (André du), savant prélat français,
né en 1589, à Paris, mort le 9 septembre 1675, à
Toul. Ses parents étaient si pauvres qu'ils fu-
rent obligés de le faire élever dans l'hôpital du
Saint-Esprit ; de là on l'envoya étudier chez les
jésuites. Un jour, dit-on, en allant à l'école avec
ses camarades , il trouva dans les restes d'une
paillasse qu'on avait brûlée une somme assez
considérable , et du partage de ce trésor il eut
environ cent écus , qu'il employa à acheter des
livres. Ayant achevé ses études avec succès, il
entra dans les ordres, et s'appliqua en même
temps à la prédication et à la controverse. 11
fut bientôt en faveur à la cour, et devint succes-
sivement curé de Saint-Leu, protonotaire apos-
tolique, aumônier du roi, grand vicaire et officiai
de l'église de Paris. Nommé en 1649 à l'évêché
de Toul, il n'obtint que six ans plus tard (11 oct.
1655) l'expédition de ses bulles, à cause des em-
barras suscités par le chapitre de Toul, qui pré-
tendait, avec l'agrément de la cour de Rome,
avoir seul le droit d'élection épiscopale. Il prit
371
SAUSSAT —
possession de son diocèse en 1657, et le gou-
verna jusqu'à sa mort, avec beaucoup de zèle
et de sagesse. Ce prélat avait, d'après Niceron,
« beaucoup d'érudition et de lecture, mais peu de
jugement et de critique ». On cite de lui : Généa-
logie des hérétiques sacramentaires , ou ca-
talogue des sectes qui ont oppugné le sacre-
ment de l'Eucharistie; Paris, 1614, in-8°;
réimpr. sous le titre d'Histoire chronologique
du combat eucharistique; Paris, 1617, in-8°,
avec des additions considérables; — Le Métro-
pole parisien, ou traité des causes légitimes
de V érection de l'évêché de Paris en arche-
vêché; Paris, 1625, in-8°; trad, en latin par
l'auteur; — De sacro ritu prœferendi crucem
major ibus prœlatis Ecclesiee; Paris, 1628,
in-4° : apologie écrite pour l'archevêque de
Paris ; — Opusculomm miscellaneorum fas-
cïculus; Paris, 1629, in-4° : il y a trois opus-
cules et la version du Métropole en latin; —
Notée, in Breviarium parisiense; Paris, 1631,
in-4° ; — De episcopali monogamia et uni-
iate ecclesiastica; Paris, 1632, in-4°; — Nul-
lité delà religion réformée; Paris, 1633, in-8o ;
— Martyr ologium gallicanum ; Paris, 1638,
2 vol. in-fol. : plusieurs critiques ont formulé
un jugement d?s plus sévères contre cet ouvrage,
rempli de fables et de bévues puériles, et qui
mérita d'être qualifié de plaustrum mendacio-
rutn ; — De mysticis Gallise scriptoribus ;
Paris, 1639, in-4° : il n'y est question que des
premiers apôtres des Gaules ; — Panoplia epis-
copalis , clericalis, sacerdotalis ; Paris, 1646-
49-53, 3 vol. in-fol. ; — Andréas frater Simonis
Pétri lib. XII; Paris, 1656, in-fol.; — Di-
vina doxologia, seu glorificandi Deum in
hymnis et canticis methodus; Tout, 1657,
in-12; — De gloria S. Remigii; Toul, 1661,
in-fol.; — Libri De scriptoribus ecclesiasticis
card. Bellarmini continuatio; 1500-1600;
Toul, 1665, in-4° : cette suite est superficielle et
peu exacte.
Gallia christiana. — Bénoist, Hist. des évêques de
Joui, p. 701. — Baillet, Jugem. des savants, —Niceron,
iWàmoires, XL
SAUSSAYE (La). Voy. L\ Saussave.
SAUSSURE (Nicolas de), agronome suisse,
né le 28 septembre 1709, à Genève, où il est
mort, en 1790. Sa famille était originaire de
Lorraine ; au commencement du seizième siècle,
Mengin Schouel, dit de Saulxures, exerçait dans
ce duché les charges de conseiller d'État et de
grand fauconnier. Le. fils de Mengin, Antoine,
fut, comme son père, grand fauconnier; mais, en
1550, la régente Christine le fit emprisonner,
sous l'accusation d'avoir donné quelque connais-
sance de la religion réformée au duc mineur
Charles. Le prisonnier s'évada, et se réfugia en
Suisse. Le père de Nicolas, Théodore, mort en
1737 , occupa différents emplois à Genève. Quant
à Nicolas, il siégea en 1745 au conseil des Deux
cents, mais il se livra surtout à l'étude de l'agri-
SAUSSURE 372
culture. Il publia plusieurs ouvrages utiles, entra
autres Essai sur la disette du blé (Gm., 1776,
in-12], Essai sur ta taille de la vigne ( ibid.,
1780, in-8°), et Le Feu, principe de la fécon-
dité des plantes (ibid., 1783, in-8° ) ; il écrivit des
articles édités par Y Encyclopédie de Diderot,
et mit tous ses soins à cultiver l'intelligence d(
son fils, qui devait si hautement illustrer sot
nom.
Senebier, Hist. Utter. de Genève.
Saussure (Horace- Bénédict de), géologu
et physicien suisse, fils du précédent, né à Con
ches, près Genève, le 17 février 1740, mort
Genève, le 22 janvier 1799. 11 fut initié par so
père aux principes de la science, et dirigé pf j
son oncle, Charles Bonnet, dans ses premiers tr: i
vaux sur l'histoire naturelle. L'université deGi
nève lui confia, en 1762 , une chaire de philo&
phie; il n'avait que vingt-deux ans, et dès s< |
premières leçons il montra cet esprit de métlioi
qui contribua si puissamment plus tard à assur j
les résultats de ses découvertes scientifique i
Les nombreux voyages que Saussure entrep
pour étudier la structure du globe terrestre, \
surtout les hautes montagnes, commencera
en 1768; il visita la Suisse, la France, l'Ang
ferre, l'Allemagne, l'Italie, et traversa qualor
fois les Alpes par huit passages différents.
3 août 1787, il s'éleva jusqu'au sommet du me
Blanc-, où n'étaient encore parvenus que del
habitants de Chamounix, Balmat et Paccai
dont l'ascension s'était effectuée le 8 août
l'année précédente. Sa dernière course fut c<
du mont Rose, en 1789. Les observations
Saussure portèrent principalement sur les i
néraux, dont il découvrit plus de quinze
pèces; il étudia leur formation, l'ordre dans
quel ils sont disposés, leur degré de fusibilii
ies causes des diverses inclinaisons de le
couches et celles de leurs dégradations. A
recherches sur la géologie, but définitif de j
travaux, il unît les sciences qui s'y lient née •
sairement, la physique, la météorologie et la
tanique. Après tant d'études et d'observatio
on pouvait s'attendre à voir Saussure édifier
système, selon un exemple trop fréquent cfc
les savants; mais il se garda des vastes lui
thèses, plus souvent brillantes qu utiles, el c
contenta de donner une suite d'observatioiB
peine reliées par un lien grammatical. Il résje
de cet isolement de chaque partie que, les lp
n'étant pas logiquement enchaînés l'un àl'auî,
ce qui est vrai en soi-même reste vrai, bien p
la première découverte dont Cuvier lui fait p
titre de gloire soit regardée aujourd'hui cou
une erreur bien constatée : « Il a détruit, dit
vier, l'idée que l'on s'était faite jusqu'à lui
feu central, d'une source de chaleur placée <p
l'intérieur de la terre (?).,. H a constaté que
granit est la roche primitive par excellence, M
qui sert de base à toutes les autres; il a t-
rnontré qu'elle s'est formée par couches, »'
373
SAUSSURE
374
cristallisation dans un liquide, et que si les cou-
ches sont aujourd'hui presque toutes redressées,
s'est à une révolution postérieure qu'elles doi-
vent leur position. Il a montré que les couches
tes montagnes latérales sont toujours inclinées
rers la chaîne centrale, vers la chaîne de gra-
îit; qu'elles lui présentent leurs escarpements,
■omme si leurs couches se fussent brisées sur
-Ile. Il a reconnu que les montagnes sont d'au-
ant plus bouleversées, et que leurs couches s'é-
oignent d'autant plus de la ligne horizontale ,
qu'elles remontent à une formation plus ancienne.
I a fait voir qu'entre les montagnes de diffé-
rents ordres il y a toujours des amas de frag-
nents, de pierres roulées, et tous les indices
le mouvements violents. Enfin, il a développé
'ordre admirable qui entretient et renouvelle
lans les glaces des hautes montagnes les réser-
■oirs nécessaires à la production des grands
leuves. » Saussure a aussi étudié avec soin
'action des eaux courantes sur les montagnes;
I a cherché à mesurer leur vitesse, leur tempé-
ature, et à constater la quantité et l'espèce des
natières qu'elles charrient. Pour la plupart de
es recherches il manquait d'instruments ou
'avait d'abord que des instruments imparfaits;
il perfectionna le thermomètre, pour mesurer
Et température de l'eau à toutes les profondeurs;
'hygromètre, pour indiquer l'abondance plus ou
noins grande des vapeurs aqueuses; l'eudiomè-
re , pour déterminer la pureté de l'air, et savoir
Ml n'y a point autre chose que les vapeurs dans
es causes de la pluie ; l'électromètre , pour co -
laîtie l'état de l'électricité, qui influe si puis-
samment sur les météores aqueux; l'anémo-
i nètre , pour donner à la fois la direction , la vi-
, '.esse et la force des courants d'air, et inventa
pnfin le cyanomètre et le diaphanomètre pour
Comparer les degrés de la transparence de l'air
i'iux différentes hauteurs. » Saussure garda sa
■chaire de philosophie à Genève jusqu'en 1786;
[il fut nommé, en 1798, professeur d'histoire na-
turelle à l'école centrale du département du
■Léman, formé lors de la réunion de Genève à la
[France. Cette nomination était un hommage, rendu
rau savant que l'Europe entière honorait, mais qui
[ne pouvait plus se faire entendre en public : en
1794, il avait été frappé de trois attaques succes-
sives de paralysie. Les bains de Plombières lui
furent ordonnés, et ne le rendirent pas à la santé ;
après quatre années de souffrances, il mourut, à
fl'age de cinquante-neuf ans. Il était membre de
lia Société médicale de Paris, des académies de
I Stockholm, Lyon, Naples, etc. C'est dans sa mai-
son que prit naissance , vers 1772, la Société des
arts de Genève, dont il fut nommé président. Il
[laissa deux fils, dont l'aîné, Théodore , fut un
savant illustre (voy. ci-après), et une fille, Alber-
tine-Andrienne (voy. Necrer).
On a de Bénédict de Saussure : Diss. de igné;
Genève, 1759, in-4<>; — Observations sur Vé-
corce des feuilles et des pétales; ibid., 1762,
in-8°; — De prxcipuis errorum noslrorum
causis, ex mentis facullatibus oriundis ; ibid.,
1762, in-4°; — De clectricitate; ibid., 1766,
in-4°; — De aqua; ibid., 1771, in-8°; — Expo-
sition abrégée de l'utilité des conducteurs
électriques; ibid., 1771,in-4°; — Essai sur
l'hygrométrie; Neuchàtel, 1783, in-4° et in-8°,
fig. : « un des plus beaux ouvrages , dit Cuvier,
dont la science se soit enrichie à la fin du dix-
huitième siècle. » C'est là que Saussure fit con-
naître son importante découverte que l'air se
dilate et devient spécifiquement plus léger à
mesure qu'il se charge d'humidité; — Voyages
dans les Alpes, précédés d'un Essai sur l'his-
toire naturelle des environs de Genève; Neu-
chàtel, Genève et Paris, 1779-96, 4 vol. in-4°,
fig. : le titre est trop restreint, puisque l'auteur
parcourt aussi dans cet ouvrage le Jura, les
Vosges, les montagnes de la Suisse, de l'Alle-
magne, de l'Italie, de la Sicile et des îles adja-
centes, et les volcans éteints de la France et
des bords du Rhin. On a publié en 1834 :
Voyages dans les Alpes, partie pittoresque
des ouvrages de H.-B. de Saussure; Genève
et Paris, in-8°; — Éloge de Seigneux; Londres
(Genève), 1787, in-8°; —Éloge historique de
Ch. Bonnet; ibid., 1787, in-8"; — Éloge his-
torique du roi de Prusse; ibid., 1787, in-8°;
— Relation abrégée d'un voyage à la cime du
mont Blanc, en août 1787; Genève, 1787,
in-8°; — plusieurs Mémoires sur divers sujets
de physique et d'histoire naturelle, dans le Jour-
nal de physique (1773 et suiv. ), le Journal
de Paris (1783 et s.), le Voyage en Italie de
Lalande, les Opuscules de physiologie animale
de Spallanzani, la Bibliothèque britannique,
le Journal des Mines (1796), etc.
Cuvier, Éloge de Saussure. — Senebier, Mémoires
hist. sur la vis et les écrits de Saussure; Genève, an ix,
in-8°. — Haag frères, France protestante.
sacssure (Nicolas- Théodore de), natura-
liste et chimiste suisse , fils du précédent, né le
14 octobre 1767, à Genève, où il est mort, à la
fin d'avril 1845. Associé dès sa jeunesse aux
travaux de son père, il l'accompagna dans plu-
sieurs deses voyages, et s'occupa d'abord d'expé-
riences relatives aux sciences physiques; la plus
remarquable est celle qui confirma la loi de Ma-
riotte sur la densité de l'air proportionnelle au
poids qu'il support*1. On s'était servi jusque-là
pour la vérifier des oscillations du pendule; il
employa un ballon de verre exactement fermé,
qu'il pesa à vingt- cinq hauteurs différentes. Mais
les découvertes de Lavoisier et des autres chi-
mistes ne tardèrent pas à attirer son esprit, en
même temps que la science nouvelle créée par
Priestley, Bonnet et Senebier; il se livra donc à
la chimie et à la physiologie végétale. De 1797
à 1804, il publia dans les journaux une suite de
Mémoires, qu'il réunit sous ce titre : Recher-
ches chimiques sur la végétation (Paris,
1804, in-8°, fig.), véritable monument de la
375
SAUSSURE — SAUVAGES
37(
science expérimentale. Plus tard, il étudia l'in-
fluence des fleurs et des fruits sur l'air atmos-
phérique, la quantité d'oxygène que les plantes
absorbent et la quantité d'acide carbonique
qu'elles émettent, les effets de l'air et de la
lumière sur la germination; il analysa l'alcool,
l'éther sulfurique, le gaz oléfiant, et fit des ob-
servations sur la combustion du gaz hydrogène
et de plusieurs espèces de charbons ; il concourut
aussi, avec MM. Boussingault et Dumas, à dé-
terminer les constantes de la nature. En 1810,
il fut élu correspondant de l'Institut. En 1814,
1824 et 1825, il siégea dans le conseil représen-
tatif de Genève (1). Il faisait partie de la So-
ciété royale de Londres, de celles de Naples, de
Munich, et d'Amsterdam, de la Société linnéenne
de Paris, etc. En 1841, il présida le congrès
scientifique réuni à Lyon. Il a laissé, outre les
Recherches chimiques, un grand nombre de
Mémoires sur la physiologie végétale et sur la
chimie; ils ont paru dans le Journal de phy-
sique (1806), le Journal des mines (1806), la
Bibliothèque britannique. (1806, 1812, 1813
et 1814), les Annales de chimie (1808, 1809
et 1811), la Bibliothèque universelle de Ge-
nève (1816, 1817, 1820), les Annales de chimie
et de physique (1819 et 1822), et les Mé-
moires de la Société de physique de Genève
(1821, 1832, 1833 et 1836).
Haag frères, France protestante. — Rabbe, Vieilh^de
Boisjolin et Sainte-Preuve, Biogr. univ. et portât, des
contemp.
sautreau. Voy. Marsy.
sauvage (Denis), sieur du Parc, littéra-
teur français, né vers 1520, à Fontenailles en
Brie, mort vers 1587* On ne connaît presque
rien des événements de sa vie, sinon qu'il eut,
on ne sait à quelle époque, la charge d'histo-
riographe de Henri II; on ajoute même qu'à la
mort de ce prince il ressentit une douleur si vive
que pendant plus de deux années il fut obligé
d'interrompre le cours de ses travaux. Il était de
bonne noblesse , mais peu pourvu de biens, puis-
qu'il s'adonna de bonne heure à l'étude des let-
tres et surtout de l'histoire. Ce fut probablement
dans un des collèges de Paris qu'il lia connais-
sance avec Jacques Peletier, alors élève en mé-
decine; à l'exemple de son ami, il s'enflamma
d'un beau zèle pour la réforme de la langue,
écrivit un traité particulier, qui n'a pas vu le
jour, intitulé De VOrtografie et autres parties
de grammaire française, et tenta d'introduire
l'usage de deux nouveaux signes de ponctuation,
la parenthèsine et Ventrejet, qui ne pouvaient,
disait-il, être remplacés par la virgule et le point;
le premier des deux est assez fréquent aujour-
d'hui, sous le nom de tiret. On doit la connais-
(1) On assure que, dans une des séances du conseil,
il s'opposa à ce que l'étude des sciences naturelles fût
introduite dans les classes du collège; il craignait que
l'attention des élèves ne fût détournée des études litté-
raires, et disait que cet enseignement ne ferait que « des
coureurs de papillons».
sance de ces efforts manques à Peletier, qui ;
rangé Sauvage parmi les interlocuteurs du Dia
logue de l'Ortografe (l'550, in-8°>. Comm
traducteur, Sauvage a fait passer en fiançais
Des vertus et notables faits des femme
(Lyon, 1546, in-8°), de Plutarque; Sommair
des histoires du royaume de Naples (ibid,
1546, in-8o) de Colenuccio ; la Circé (ibid,
1550, jn-8°), de Gel'li; la Philosophie aVamou
(ibid., 1551,in-8°),de Léon Hébreu; et Histoir
de son temps (ibid., 1552, in-fol.), de Pau
Jiovio. Les éditions qu'il a données d'ancien ;
chroniqueurs, tels que Nicole Gille (Paris, 156C
in-fol. ), Comines (1552), Froissart (Lyon, 155i
61, 2 vol. in-fol.), la Chronique de Flandri
(1562, in-fol.), Monstrelet (1572, in-fol.), or |
été longtemps recherchées, malgré les altéré
tions et les corrections qu'on lui reproche.
Sorel, Biblioth. française.
SAUVA GÈRE (La). Voy. LA SaBVAGÈRE.
sauvages de la croix ( François Bois
sier de), médecin et botaniste français, né
Alais (Gard), le 1-2 mai 1706, mort à Montpeltie:
le 19 février 1767. Il était fils d'un ancien cap
taine au régiment de Flandre, qui lui fit donm
une excellente éducation. 11 alla en 1722 étudi<
la médecine à Montpellier, et fut reçu docteur c
1726, sur une thèse où il agitait cette questic
singulière: L'amour peut-il être guéri' pc
des remèdes tirés des plantes ? Vers 1730,
se rendit à Paris, et s'y fit connaître par la pi
bîication d'un traité où les maladies , distingué*'
par leurs genres et leurs espèces , se trouvei
distribuées en différentes classes, suivant la m>
thode employée en botanique. En 1740, il fi
désigné pour faire les démonstrations des plant
au Jardin de Montpellier, et en 1751 il devin
professeur de botanique. Comme médecin,
était consulté de toutes parts : cependant s
vues eussent été plus sûres s'il avait eu moin
de penchant pour certains systèmes, en pari
culier pour celui de Stalil, touchant le pouvo
de l'âme sur le corps : c'est ce système qui, sel<
Zimmermann , a entraîné Sauvages dans les 0]
nions singulières qu'il a soutenues avee béai
coup de feu. Linné, qui entretenait une eorr*
pondance suivie avec Sauvages, adonné le no
de Sauvagesia à une plante de Cayenne. On
de Sauvages : Traité des classes des malt
dies; Paris, 1731, in-12; — Theoria febri
Montpellier, 1738, in-12. Il y prétend que
cause de la fièvre consiste dans les efforts qi |
fait l'âme pour lever les obstacles qui s'opp|
sent à la liberté des mouvements du cœur.Pr;
fond dans les mathématiques, il en fit un usage)
dicule et dangereux en médecine , en soumetta
l'art de guérir aux calculs d'algèbre les plus )
goureuxet aux démonstrations de la plus sublir
géométrie ; — Theoria inflammationis ; Bour
Saint- Andéol, 1743, in-12, avec la traducti«
française de Y Hémostatique de Haies; — Soin
theoria; Montpellier, 1740, in-4°j— Moiuu
377 SAUVAGES
vitalium causa; ibid., 1741, in-4°; — Adno-
lationes ad Hemostaticam St-Hales; Ge-
aève, 1744, in-4° : trad. en italien par Angé-
ique Ardinghelli, et en allemand ; — De hemi-
\olegia per electricitatem curanda; 1749,
tn-4°; — Sur la nature et la cause de la rage;
i Toulouse, 1749, in-4° ; — Conspectus physio-
'ogicus; Montpellier, 1751, in-4°; — Pulsus et
•irculationis theoria; ibid., 1752, in-12; —
pur les médicaments qui affectent certaines
parties du corps humain; Bordeaux, 1752,
\ n-4° ; trad. en italien et en latin ; — Embryolo-
'uia; Montpellier, 1753, in-4°; — Methodus /o-
l'iorum; La Haye, 1751, in-8°; — Theoria tumo-
t{ 'm»i ; Montpellier, 1753, in-4«; —Synopsis
tlnorborum oculis insidenlium; ibid., 1753,
ln-4°; — Sur les mouvements des muscles ;
îerlin, 1753, in-4°; — Comment l'air, suivant
U es diverses qualités, agit sur le corps hu-
nain ; Bordeaux, 1754, in-4o;trad. en italien;
h— Physiologiee mechanicœ elementa; Amst.,
I 755, in-12; — Theoria doloris; Montpellier,
[j 757, in-4° ; — De astrorum influxu in homi-
iem; Montpellier, 1757, in-4°; — Theoria con-
hulsionis; ibid., 1759, in-4°; — Medicinx si-
\\\ensis conspectus; ibid., 1759, in-4°; —
fi°athologia methodica; Lyon, 1759, in-8° :
Perfectionné par Sauvages, cet ouvrage devint
Isous sa plume un recueil très-riche en faits, et
|*eparut sous ce titre : Nosologia methodica
ïiuxia Sydenhami mentem et botanicorum
wrûïnem; Amst. [Genève], 1763, 5 vol. in-8°;
[h'x classes comprennent 295 genres, sous les-
quels viennent se ranger environ 2,400 espèces
kie maladies jusqu'alors observées. Cet ouvrage,
que Linné prenait pour base de ses leçons de
médecine à Upsal, a été réimprimé avec additions
par Cramer ( Lyon, 1768, 2. vol. in-4° ), et par
&.-F. Daniel (Leipzig, 1797, 5 vol. in-8°); trad.
ien français, par Nicolas (Paris, 1771, 3 vol.
!in-8°), et par Gouvion (Lyon, 1772, 10 vol.
Lin- 12), version supérieure à la première; — De
\natura rediviva; Montpellier, 1760, in-4° :il y
(a rassemblé tout ce qu'il avait dit ailleurs de
jiplus fort pour établir son système de l'action de
trame, comme principe des mouvements du
icœur ; — De su/focatione ; ibid., 1760, in-4" ;
►bien d'autres observations et articles dissémi-
nés dans les Mémoires de la Société des sciences
\de Montpellier (1743 et 1745), de V Académie des
I seiences de Suède (t. XII), de V Académie de
[Berlin (t. XI), les Actes des curieux de la na-
ture, et l'ancien Journal de médecine (t. II et
ïlll). Gilibert a réuni plusieurs de ces écrits,
jsous le titre de : Chefs-d'œuvre de Sauvages ;
|Xyon, 1771,2 vol. in-12. H. F.
I De Ratte, Éloge de Sauvages ; Lyon, 1768, ln-4°.-Bar-
[baste, Etude sur Boissier de Sauvages ; Montpellier,
H91, in-8°. — Desgeneltes, Éloges des académiciens de
Montpellier. — Biogr. médic.
sauval (Henri), historien français, né vers
1620, à Paris, où il est mort, en 1669 ou 1670. 11
était avocat au parlement de Paris; mais, doué
— SAUVÉ 3*8
d'un esprit curieux et ayant à un degré médiocre
le don de l'éloquence, il négligea le barreau pour
les recherches historiques. Pendant vingt années
il étudia les archives de la ville de Paris, celles
de Notre-Dame, de la Saintc-Cbapelle, de Sainte-
Geneviève, les comptes de la prévôté, les ma-
nuscrits de Saint-Victor, les registres du parle-
ment, les chartes royales. Il en tira les maté-
riaux d'un livre où sont décrits les monuments
et les agrandissements de la ville, les anciens
usages, les cérémonies publiques, et il obtint en
1654 un privilège pour le faire imprimer, sous le
titre : Paris ancien et moderne, contenant
une description exacte et particulière de la
ville de Paris. « Il y a ici, dit Gui Patin ( lettre
du 16 novembre 1655), un jeune homme, nommé
M. Sauvai, Parisien, qui travaille avec beau-
coup de soin et de peine à nous faire une pleine
histoire de la ville de Paris.... Il espère de com-
mencer à Pâques l'édition du premier tome. »
La mort prévint Sauvai, et l'empêcha de termi-
ner son ouvrage. Un de ses amis, Bousseau, au-
diteur des comptes, entreprit d'y mettre la der-
nière main, corrigea des erreurs et fit des ad-
ditions ; mais il mourut avant d'avoir pu le donner
au public. On ne l'imprima qu'en 1724, sous le
titre A' Histoire et recherches des antiquités
de la ville de Paris (Paris, 3 vol. in-fol.).
Lenglet-Dufresnoy dit de cet ouvrage que le pre-
mier volume est bon , le second médiocre , et le
troisième détestable* D'après Brossette (Notes
sur les Œuvres de Bouleau, t. I ), Sauvai a tra-
vaillé sur d'assez bons mémoires ; mais il a gâté
tout par son style, chargé d'expressions am-
poulées et de figures extravagantes. « Sauvai,
dit Costar (Mémoire des gens de lettres ) est
un écrivain d'un grand travail... Il n'a pas un
style formé ; parfois il l'enfle pour l'orner en des
lieux où la simplicité du style est requise. Ainsi
il y a encore quelque distance de lui à un écri-
vain parfait, quelque chose qu'il en croie. »
Lelong, Bibl. hist. de la France, n° 34427. — Moréri,
Grand Dict. hist. — Journal des savants, nov. 1724.
sauvé dit La Noue (Jean-Baptiste), co-
médien et littérateur français, né à Meaux, le 20
octobre 1701, d'une famille d'artisans, mort à
Paris, le 15 novembre 1761. Le cardinal de Bissy,
qui l'avait pris sous sa protection, lui fit faire ses
études au collège d'Harcourt. Est-ce par dépit
de s'être vu enlever une place de précepteur sur
laquelle il comptait, que le jeune Sauvé se fit
comédien ? Tout invraisemblable que ce fait pa-
raisse, il est certain qu'à peine âgé de vingt ans
il débutait à Lyon par les premiers rôles. Après
avoir longtemps parcouru les provinces et di-
rigé pendant cinq années le théâtre de Bouen, il
se rendit à Berlin, où Frédéric II lui promettait
de grands avantages; mais la guerre de 17-41
ayant empêché le roi de tenir ses engagements,
La Noue paya de ses propres deniers les acteurs
éconduits,et vint à Paris. Il débuta, le 14 mai
1742, parle rôle du comte d'Essex, et fut admis
379
SAUVÉ
dan» la Comédie-Française sur le désir qu'en
exprima la reine. On doit attribuer la bienveil-
lance que lui témoigna le public, moins à son
talent de comédien qu'à sa réputation d'homme
d'esprit. J.-J. Rousseau, avec lequel il fut en
rapport à propos de Narcisse (I), a dit que c'é-
tait un homme de mérite. « Figure , voix,
rapporte Grimm, il avait tout contre lui. » Vol-
taire écrit en 1742 : « La Noue, avec sa physio-
nomie de singe, a joué Mahomet (2), bien mieux
que n'eût fait Dufresne. » Malgré son extérieur
ingrat, les rôles froids et qui n'exigeaient que
de la finesse et du raisonnement, tels que ceux
du Distrait,d'AristedansLe Philosophe marié
et celui d'Ésope à la cour, convenaient à ce co-
médien.
Les soins de son état ne l'empêchèrent pas de
se livrer aux travaux du cabinet. 11 fit représen-
tera Strasbourg Les deux Bals (1734), comédie
en un acte et en vers, et à Paris Le Retour de
Mars (1735), épisode, et Mahomet II (1739),
tragédie. Zelisca, comédie-ballet en trois actes,
représentée à la cour, le 3 mars 1746, valut à
son auteur la place de répétiteur des spectacles
des petits appartements, avec mille livres de
pension. Leduc d'Orléans, qui honorait aussi La
Noue de sa protection, le chargea de la direction
de son spectacle de Saint-Cloud. La Coquette
corrigée, comédie en cinq actes et en vers, jouée,
le 23 février 1756, ajouta encore à sa réputation,
et demeura au théâtre; elle renferme quelques
jolis vers, entre autres ceux-ci, à propos de maris
trompés :
Le bruit est pour le fat, Ja plainte est pour le sot -.
L'honnête homme trompé s'éloigne et ne dit mot.
Cet acteur fit ses adieux au public le 26 mars
1757, par le rôle de Polyeucte. Les pièces de
La Noue, an nombre de six, ont été réunies (Pa-
ris, 1765, in-12), avec des poésies fugitives et
deux discours prononcés en public.
Ed. De Manne.
Mercure de France. — Almanach des spectacles. —
Lemazuriér, Galerie hist, du Théâtre- Finançais. —
Renseign. part.
sauteur (Joseph ), géomètre français, né à
La Flèche, le 24 mars 1653, mort à Paris, le
9 juillet 1716. Il était fils d'un notaire. Il fut muet
jusqu'à l'âge de sept ans, époque à laquelle se dé-
veloppa lentement chez lui l'organe de la parole ,
qui resta longtemps encore imparfait ainsi que ce-
lui de l'ouïe. « Cette impossibilité de parler, dit
Fontenelle , lui épargna tous les petits discours
inutiles à l'enfance; mais peut-être l'obligea-t-elle
à penser davantage. Il était déjà machiniste ; il
construisait de petits moulins; il faisait des
siphons avec des chalumeaux de paille, des jets
d'eau, et il était l'ingénieur des autres enfants. »
Il apprit à peu près seul les mathématiques , se
(1) Il avait dû à La Noue la réception de cette pièce à
la Comédie-Française.
(2) Ou le Fanatisme, représenté à Paris, le 9 août 1742.
Cette tragédie avait été jouée pour la première fois â
Lille, en 1741.
SATJZET 38:
rendit à pied à Paris, où il vécut en donnant de:
leçons, et fut nommé en 1680 professeur de
pages de la Dauphine. On compte le prince Eu
gène au nombre de ses élèves. En 1681, ayan
accompagné Mariette à Chantilly, pour l'aide
dans ses expériences hydrostatiques , il se trouv,
en relation avec le prince de Condé, qui lui té
moigna par la suite une grande affection
Ayant entrepris d'écrire un traité sur la fortifica
tion des placés, il voulut joindre la pratique à 1
théorie, se rendit au siège de Mons (1691), «
prit part aux opérations les plus périlleuses
Sauveur obtint en 1686 la chaire de mathéma
tiques du Collège royal, et en 1696 il entra dan
l'Académie des sciences. Quoiqu'il fût déjà dign
de cette distinction , ce n'est qu'alors qu'il corn
mença à s'occuper des recherches qui former,
la part la plus solide de sa gloire : nous voulon
parler de la nouvelle branche de physique m;
thématique qu'il créa sous le nom d'acoustiqu
musicale. Malgré la nature, qui semblait intei
dire des travaux de ce genre à un homme dot
la voix et l'oreille étaient fausses, Sauveur n
recula pas devant la difficulté du but qu'il voi
lait atteindre. S'eutourant de musiciens exercé;
d'expérimentateurs habiles, il parvint à déterre)
ner, soit dans un tuyau d'orgue, soit dans un
corde sonore, le nombre de vibrations corres
pondant à un son fixe pris arbitrairement pot
terme de comparaison. Cette donnée expérimei
taie une fois établie, le reste n'était plus poi
lui qu'une application de l'analyse mathémat
que. C'est ce qu'il exposa dans une suite de Mi
moires insérés dans le recueil de l'Académie d<
sciences, sous les titres suivants : Détermini
tion d'un son fixe (1702), Application dt
sons harmoniques à la composition des jeu
d'orgues (1707), Méthode générale pour foi
mer les systèmes tempérés de musique, t
choix de celui qu'on doit suivre (1711), Te
Me générale des systèmes tempérés de mi
sique (1713) et Rapport des sons des cord<
d'instruments de musique aux flèches dt
courbes, et nouvelle détermination de sor
fixes (1713). Sauveur avait dicté en 1697 «
Traité de musique spéculative dans ses li
çons au Collège royal; mais il se refusa à la pi
blication de ce traité, par des motifs qu'il a exp
ses dans son Mémoire sur le système génén
des intervalles des sons. On a encore de li
une Géométrie élémentaire (Paris, 16.., 175; ]
in-4°), et il a publié le Traité de la manœuvi
des vaisseaux de Renau (1689, in-8°). E. ft
Fontenelle, Éloges. — Montucla, Hist. des matkémt'
tiques. - Prony, Leçons de mécanique analytique. •
Montferrier, D'ut, des sciences mathémat. — Fétis, Bio
univ. des musiciens
SAUVIGNV. Voy. BlLLA-RBON.
* sacjzet {Jean- Pierre- Paul), homme p<
litique et jurisconsulte français, né le 23 mai
1800, à Lyon. A quinze ans il fut reçu bâche
lier es lettres, avec dispense d'âge. Son père
médecin en chef de l'hôpital de la Charité c
581
.yon , qui le destinait au barreau , l'envoya à
'aris, où il se fit remarquer à l'école de Paris par
i facilité à porter la parole. Ses études terminées,
choisit le barreau de Lyon, où il ne tarda pas à
e signaler. 11 plaidait avec le même succès les
randes causes criminelles, les questions d'é-
it civil, d'administration ou de procédure les
lus compliquées, les affaires de commerce les
lus hérissées de chiffres, sans jamais se servir
'une-note, et avec une clarté d'exposition , une
sience du droit, une finesse d'esprit et une fa-
ilité d'improvisation merveilleuses. M. Cour-
oisier, ancien procureur général à Lyon, devenu
arde des sceaux, lui offrit de le faire entrer au
arquet de la cour royale de Paris et au con-
:il d'État comme maître des requêtes. 11 re-
tsa. La révolution de 1830 éclata : M. Sauzet,
ui n'avait pas conspiré, accueillit avec empres-
:nient le gouvernement nouveau. C'est alors
ae M. de Chantelauze, ancien garde des sceaux
3 Charles X, choisit M. Sauzet, alors âgé de
enle ans, pour défendre sa cause devant la
mr des pairs. La plaidoirie de M. Sauzet fut un
'énement II s'attacha à démontrer que la res-
msabilité des ministres n'ayant été introduite
ins la charte que pour sauvegarder l'inviola-
lité du roi , cette responsabilité cessait le jour
i la monarchie était frappée. « M. Sauzet, dé-
nseur de M. de Chantelauze, dit M. Guizot,
appa la cour et le public par une éloquence
levée, abondante, pleine d'idées, d'émotions et
'images, et qui révélait dans l'orateur beaucoup
'intelligence et d'équité politique... » « L'effet
roduit fut immense, dit de son côté M. Louis
lanc ; les pairs quittaient leur place et se pré-
ipitaient au-devant de l'orateur pour le félici-
;r. * Ce discours fixa la renommée de M. Sau-
et. Fidèle à ce principe que le barreau doit tou-
mrs être le défenseur impartial de toutes les
auses vaincues, sans acception de parti, il se
liargea en 1833, de la défense du général de
aint-Priest, impliqué dans l'affaire du Carlo-
dberlo, et s'étant appuyé surtout avec force
ur le principe de l'inviolabilité des naufragés,
obtint son acquittement et celui de ses coac-
usés. À la même époque, ayant été choisi par
I. Jules Favre, qui était poursuivi par la cour
e Lyon pour avoir publié dans Le Précurseur
n compte rendu inexact de l'une de ses au-
iences, il réussit à le faire renvoyer des pour-
nites.
En 1834, M. Sauzet céda enfin aux instances
ui lui furent faites pour entrer dans la carrière
olitique. Élu par deux collèges du Rhône , il
pta pour celui de Lyon. Conservateur libéral
t indépendant, il choisit sa place sur les bancs
u centre gauche. Dans la session de 1834-1835,
prit la parole contre l'ordre du jour motive
emandéen faveur du cabinet du U octobre, et,
ans une autre discussion importante, en faveur
d'amnistie. Son désir était d'empêcher le procès
'avril en le prévenant par une amnistie; mais les
SAUZET 382
débats une fois engagés, il fut d'avis que la jus-
tice devait avoir son cours. Lors de la présen-
tation des lois, de septembre, il combattit l'une
de ces lois, qui réduisait de huit à sept la majo-
rité du jury, en toute matière; et fit adopter sur
son rapport l'autre loi, qui aggravait, contre la
presse , les garanties de cautionnement , de pé-
nalité, et étendait la juridiction de la chambre
des pairs à certains délits de la presse qualifiés
d'attentats. M. Sauzet se distinguait par ses dis*
cours, ses rapports politiques et ses rapports
d'affaires. Aussi, à l'ouverture de la session
de 1836, fut-il choisi comme vice-président. 11
défendit alors le principe de la conversion des
rentes contre le ministère du 11 octobre. Le
cabinet, ayant succombé dans cette question,
fut remplacé par celui du 22 février 1836.
M. Sauzet fut appelé à en faire partie en qualité
de ministre delà justice et des cultes. Il sou-
tint, dans la question des fonds secrets, la po-
litique du ministère, et posa un programme
d'ordre et de conciliation, qui, jusqu'à la fin de
la session, concourut à rallier la majorité au
nouveau cabinet. Il défendit, à la chambre des
pairs , le projet de loi organique sur la respon-
sabilité ministérielle qu'il avait déjà fait adopter
comme rapporteur par la chambre des députés.
Enfin, le 25 août 1836, il organisa et forma,
comme garde des sceaux , la grande commission
chargée de préluder à la réforme hypothécaire
par la révision de l'expropriation forcée. Peu de
jours après, le roi se sépara de son cabinet sur
la question de l'intervention en Espagne; le mi -
nistère, qui l'avait proposée, aima mieux se re-
tirer que de céder, et fut remplacé, le 6 sep-
tembre 1836, par le cabinet Molé-Guizot, qui
adopta la politique du roi. M. Sauzet rentra dans
les rangs de l'opposition. Il parla dans la session
de 1837 pour l'intervention en Espagne et contre
la loi de disjonction. Sous le ministère du 15 avril,
pendant la session de 1838, il resta opposant
avec ses anciens collègues sur la question po-
litique extérieure, mais il donna son concours au
gouvernement pour les lois d'affaires, et sur son
remarquable rapport sur les mines fut votée la
loi du 27 avril 1838.
Pendant la session de 1839 se forma la coa-
lition. M. Sauzet parla contre le ministère Mole
dans la discussion de l'adresse. Celui-ci pro-
nonça la dissolution de la chambre (2 février).
La coalition conquit la majorité. M. Sauzet fut
réélu député. Pendant deux mois, un grand
nombre de combinaisons ministérielles furent
tentées; le nom de M. Sauzet figurait dans pres-
que toutes. Ces tentatives avortèrent. L'émeute
du 12 mai hâta la formation d'un cabinet présidé
par le maréchal Soult. M. Passy, qui depuis
trois semaines présidait la chambre, entrait
dans le nouveau cabinet. M. Sauzet fut appelé à
le remplacer. La durée de sa présidence fut la
plus longue qui ait eu lieu sous la monarchie
constitutionnelle : elle ne finit qu'avec elle.
383 SAUZET -
M. Sauzet fut élu dix fois pendant neuf ans, tan-
tôt contre M. Thiers, tantôt contre MM. Odilon
Barrot, Dupin et de Lamartine. Pendant tout le
cours de sa présidence , il s'attacha à être cons-
tamment impartial. Il posait les questions avec
clarté et sincérité, et permettait à toutes les opi-
nions de se produire, en ne se mêlant jamais lui-
même aux débats. Sa bienveillance envers ses
collègues, surtout envers les débutants, lui avait
conquis la confiance de tous, tl avait l'art d'apaiser
les conflits personnels, de prévoir et de prévenir
les orages , et d'entretenir l'harmonie entre les
pouvoirs. « M. le président Sauzet, dit M. Dupin;
est essentiellement un homme de bien; il est
doué d'éminentes qualités : une noble prestance,
une voix sonore, une élocution brillante; il était
aussi capable de bien exposer que de bien résu-
mer les questions dans une cour de justice ou
dans un conseil d'État. Il a été excellent avocat,
orateur habile en maintes occasions, bon garde
des sceaux, homme foncièrement moral et reli-
gieux... Ajoutons des dons particuliers : une
grande affabilité de manières, des paroles ca-
ressantes pour le plus grand nombre, courtoises
pour tous, un soin infini de ménageries amours-
propres et le bonheur de n'en blesser aucun. »
La révolution de février mit un terme à ses
travaux. On sait les orages de la discussion de
l'adresse, les journées des 22, 23 et 24 février, la
retraite du ministère Guizot, enfin l'abdication
du roi et son départ. Avant que ces derniers
événements se fussent accomplis, M. Sauzet, afin,
de prêter un dernier appui à la couronne,
avança l'ouverture de la séance de la chambre ,
et pendant deux heures, isolé du pouvoir, qui ne
lui envoya aucune notification et aucun secours,
il tenta vainement de rétablir l'ordre dans l'en-
ceinte envahie. « Il annonce d'une voix ferme
mais émue, dit M. de Lamartine, que la du-
chesse et ses enfants vont entrer dans la salle.
L'enthousiasme n'a qu'un éclair comme la fou-
dre; si on se relève, on y a échappé. M. Sauzet
essaye de le ressaisir : '< Messieurs, dit-il, il me
semble que la chambre par ses acclamations una-
nimes » Les envahisseurs, qui se succèdent
sans relâche , après avoir forcé la garde de la
chambre, étouffent par leurs cris la voix du pré-
sident. La princesse et ses enfants sont forcés
de chercher un abri au palais de la Présidence.
Malgré le tumulte et les menaces, M. Sauzet
reste au fauteuil. Mais l'armée, paralysée par
des ordres contradictoires, avait laissé passer l'é-
meute, et M. de Lamartine demandait du haut de
la tribune un gouvernement provisoire et la ré-
publique. Des cris frénétiques appuient cette mo-
tion ; les vainqueurs des Tuileries demandent
ladéchéancedes Bourbons, des fusils sont dirigés
contre le bureau. Le président, ainsi que le
constate Le Moniteur, demeure encore au fau-
teuil, et tente de nouveaux efforts; mais, com-
prenant toute la gravité de la situation, et la
responsabilité qui dans l'avenir pèserait sur la
SAVAGE
384
chambre s'il laisse proclamer la république en sa
présence, il fait une dernière sommation pour ré-
tablir l'ordre. Le tumulte ayant redoublé, il dé-
clare que ne pouvant obtenir le silence, il lève la
séance. Alors seulement M. Sauzet quitta le fau-
teuil. La république proclamée, il partit poui
Lyon, et s'enferma dans la retraite, partageant'
son temps entre le culte des lettres et l'étudf
des questions religieuses et politiques. Il ht plu
sieurs voyages en Italie et de longs séjours ï
Rome. L'académie de Lyon l'a élu trois foi:
président.
Les principaux ouvrages de M. Sauzet sont
La Chambre des députés et la révolution
de Février ; Paris, 1851, in-8°. Dans la der
nière partie , il fait un appel à la fusion e
à la réconciliation des partis par l'union de
deux branches de la maison de Bourbon;
Réflexions sur le mariage civil et reli
gieux en France et en Italie; Lyon, 1853
in-8°; — Considérations sur les retraite
forcées de la magistrature ; Lyon, 1854, broel
in-8°; — Discours sur l'Éloquence acadè
inique; Lyon, 1-859, in-80; — Éloge de M. à
Chantelauze ; Lyon, 1860, in-8°; — Rome dt
vant l'Europe; Paris, 1860, in-8° : trois éditior
dans la même année ; l'auteur défend avec ur
grande habileté le pouvoir temporel du pape;
Les deux politiques de la France et le partaç
deRome;Lyon, 1862, broch. in-S° : deux éditioi
de cet écrit ont paru en France et deux tradu<
tions en Italie. Il a eu un grand retentissemei
à Rome. R. de Chantelauze.
Le Biographe et le nécrologe. — L. Blanc, Hi.\
dé dix ans. — Moniteur univ. — Procès des ministr I
de Charles X- — Procès du Carlo-Alberto. — Cormeni I
Livre des orateurs. — ^Rittiez, Hist. du règne de Louil
Philippe. — Dupin, Guizot , Mémoires. — Lamartin |
Hist. de la révolution de Février. — Daniel Stem, 1
savage (Richar'd), poète anglais, né le II
janvier 1697, à Londres, mort le 31 juillet 1743.1
Bristol. La comtesse de Macclesfield, mère de Si
vage, ayant avoué dans sa grossesse qu'elle ava
été infidèle à son mari, ce dernier obtint un a
rêt du parlement qui annula le mariage. Lo:|l
Rivers, que lady Macclesfield avait déclaré et
le père de l'enfant adultérin, consentit d'abord
servir de parrain à son fils, et lui permit
porter son nom ; mais il cessa bientôt de s'
occuper. La comtesse, à son tour, refusa de ï
connaître Savage, et abandonna l'infortuné, qui I
élevé par des étrangers. Après avoir passé qui
ques années dans une pension près de Saint-Alba
il fut placé par sa mère chez un cordonnier
Londres, dont il devint l'apprenti. Ce fut alo
qu'il découvrit par hasard le secret de sa nai
sance; mais il fit de vaines tentatives pour o
tenir une entrevue avec sa mère. II se mit aie
à écrire, et après avoir lancé une satire conl
Hoadly, évêque de Bangor, il donna au théâl
deux pièces, Woman's a riddle(ilio) et Lo
in a veil (H17), imbroglios imités de l'anci
théâtre espagnol.Ce début lui valut la protection
385
SAVAGE
Richard Steeleetde l'acteur Wilks, alors célèbre.
La tragédie de Sir Thomas Overbury (où Savage,
malgré son peu d'usage, remplit lui-même le rôle
principal), fut mieux accueillie, et produisit à
'auteur plus de 5,000 livres. Le recueil de ses ou-
vrages, qu'il publia par souscription avec une tou-
hante préface de Hill, lui rapporta en moins de
leu\ jours 2,000 livres; mais ardent et prodi-
ue , il ne sut pas les ménager en temps utile. En
727, s'étant enivré dans une taverne, il eut une
uerelle et tua son adversaire d'un coup d'épée.
I fut arrêté, jugé et condamné à mort; mais les
étails de la dispute et la mauvaise réputation des
imoins à charge laissèrent substituer des doutes
ar la justicede cette sentence. La comtesse de
ertford obtint de la reine Caroline la grâce du
pëte. Lady Macclesfield, qui déjà avait empêché
rd Ri vers de lui léguer une partie de sa fortune,
îerchaà contrecarrer l'effet de la clémence royale
i répandant le bruit que son fils avait voulu
assassiner. Il s'opéra dès lors une violente réac-
m dans l'opinion publique, et Savage trouva
>n-seulement des protecteurs haut placés, mais
i vit courtisé et devint même un des arbitres de
mode. Comme il réussit vers la même époque
btenir une pension de 5,000 livres de la fa-
ite de sa mère, en menaçant de se venger par
I violentes satires de la persécution imméri-
|8 dont il avait été l'objet, il put faire une cer-
iine figure dans la haute société, qui paraissait
puloir le protéger. De cette époque date le plus
Kig de ses ouvrages, The Wanderer (1729),
ëme qui, grâce à l'incohérence du plan, aplu-
t l'air d'un amas de matériaux rassemblés au
Hisard que d'une œuvre sérieuse. Cependant, le
muveuir de sa misère passée ne suffit pas à le
j [ndre prévoyant à l'heure de la prospérité. « Ses
Manières étaient si avenantes, dit Johnson, et sa
Ijinversation captivait tellement qu'il ne tardait
>ière à se faire un ami d'un étranger; mais ses
; agences contraignaient bientôt l'ami à redeve-
hrun étranger. » Enfin, une querelle qu'il eut
ïec lord Tyrconnel, qui lui avait accordé une
) séreuse hospitalité et qui le chassa en l'accu-
lîut d'ingratitude , lui aliéna le grand monde.
, ,vage d'ailleurs s'était fait de nombreux enne-
jlU en prenant le parti de Pope dans la polé-
mique littéraire soulevée par la Dunciade, et
1 ,ux-ci ne manquèrent pas de mettre tous les
Jps de son côté. Abandonné de tout le monde,
Retomba dans la misère aussi rapidement qu'il
; 1 était sorti. Le reste de son existence se passa
l jus d'inutiles efforts pour regagner la position
} j'il avait perdue : il employa dans ce but des
\ +>yens peu louables, attaquant et flattant tour
■tour les personnes dont il croyait avoir quel-
W3 chose à craindre ou à espérer. Renonçant à
riiais se concilier sa mère, il publia le morceau
M passe ajuste titre pour son chef-d'œuvre,
W't-à-dire le Bâtard, dont l'amertume sou-
' '[a une vive indignation contre lady Maccles-
Pjl, mais qui ne semble pas avoir réveillé la
rOUV. RIOGR. OF.NFR. — T. XLIII.
SAVAKON oS6
sympathie publique en faveur de l'auteur. On
trouvera une fidèle traductiou de ce poëme dans
la Poétique anglaise de Hennet (Paris, lt>06).
Après avoir en vain brigué la place de poëte lau-
réat, Savage réussit à obtenirdela reine Caroline
une pension de 1,250 livres, en récompense d'une
ode composée pour l'anniversaire de la naissance
de cette princesse et qu'il renouvela chaque année
jusqu'à la mort de sa protectrice. 11 retomba alors
dans le déuûment le plus complet, se relira à
Bristol, puis à Swansea, où il vécut du produit
d'une nouvelle souscription ouverte en sa faveur.
Au mois de janvier 1742, de retour à Bristol, il
fut arrêté pour dettes, et mourut dans la prison
de celte ville.
Savage doit sa renommée bien moins à son
mérite littéraire qu'à ses malheurs et à la notice
que lui a consacrée son ami Johnson. Au dire
de Boswell , les deux jeunes amis auraient erré
la nuit plus d'une fois , à travers les rues de
Londres, causant littérature, parce que l'un
d'eux au moins ne savait où aller coucher. Les
Œuvres de Savage ont été imprimées en 177-5
(Londres, 2 vol. in-12). William L. Hughes.
S. Johnson, Life of Uichard Savage; Londres, 1744,
in-8°. — Boswell, Life of Johnson. — Bentley's Misccl-
luny, nov. 1862.
savaron {Jean), historien français, né en
1550, à Clermont,où il est mort, en 162-2. Il fut
d'abord conseiller au siège présidial de Riom,
puis conseiller à lacourdes aides de Montferrand,
enfin lieutenant général de la sénéchaussée d'Au-
vergne. Lorsqu'en 1614 les états généraux furent
convoqués, il fut nommé député parle tiers état
de la sénéchaussée qu'il administrait. Ses fonc-
tions ne détournèrent pas de lui la confiance det
électeurs, et elles ne le rendirent pas non plus
moins zélé à remplir ses devoirs de député. Il se
distingua dans l'assemblée par la fermeté de ses
opinions et la franchise de son langage. Pour
être dévoué à la monarchie, il n'en signala pas
moins les abus qu'il y avait dans le gouverne-
ment. Choisi pour l'orateur du tiers, il prononça
un discours qui fut fort remarqué pour ses at-
taques pleines d'adresse et de malignité contre
les nobles ; il dit, entre autres choses, que dans
l'État l'ordre des nobles était le frère aîné et le
tiers état le frère cadet. La noblesse protesta
contre cette phrase, qui pouvait passer alors pour
hardie; elle déclara qu'il n'y avait aucune fra-
ternité entre elle et la roture, et que les deux
ordres étaient entre eux dans le même rapport
que le maître et le valet. Il y eut un échange de
paroles fort vives; un gentilhomme s'emporta
jusqu'à dire qu'il fallait abandonner Savaron aux
laquais. Savaron releva fièrement l'insulte : « J'ai
porté les armes, dit-il, et j'ai le moyen de ré-
pon Ire à tout le monde. » Tout le tiers état prit
parti pour lui, et il s'en suivit une grande que-
relle, qui ne fut apaisée que par l'intervention de
l'ordre du clergé. De retour dans sa province
après la dissolution de l'assemblée, Savaron
13
387 SAVARON
voulut être encore utile au tiers état en écrivant
une histoire, ou Chronologie, des états géné-
raux (Paris, 1615, in-8°; Rouen, 1788, in-8°).
Dans son livre il faisait remonter l'origine de
cette institution aux premiers temps de la mo-
narchie; il trouvait les états généraux sous Pha-
ramond lui-même, et, les suivant de règne en
règne, il s'attachait à prouver que la représenta-
tion nationale n'avait jamais cessé dans notre
pays, et que le tiers état avait toujours tenu sa
place dans ces assemblées. Il appuyait ces théo-
ries sur une certaine érudition et sur un assez
grand nombre de recherches. D'ailleurs, le livre
est surtout curieux comme témoignage de l'o-
pinion de l'époque où il a été écrit. Savaron a
composé d'autres ouvrages, tels que : Origines
de Clermont, ville capitale de -l'Auvergne;
Clermont, 1607, in-8°; Paris, 1662, in-fol., avec
de nouvelles pièces; — Traité contre les mas-
ques ; Paris, 1608, 1611, in 8°;— Traité contre
les duels ; Paris, 1610, in-8° : traité rare et
curieux, où l'on voit que la rage des duels était
alors si grande qu'il avait été délivré dans les
vingt précédentes années huit mille lettres de
grâce à des gentilshommes qui avaient tué leurs
adversaires en charnp-clos; — Traité de l'è-
pée française; Paris, 1610, in-8°; — Traités
de la souveraineté du roi et de son royaume;
Paris, 1615, in-8°, dans lesquels il combat la
doctrine, fort répandue depuis la Ligue, d'après
laquelle les peuples et les papes auraient le droit
de déposer un roi qui ne défendrait pas avec
assez de zèle la religion ; — Traité de l'annuel
et vénalité des charges; Paris, 1615, in-8°; —
De la sainteté du roi Clovis; Paris, 1622,
in-4°, et dans les Annales de Belleforest. Sa-
varon travaillait à l'ancienne histoire de la France,
et en mourant il laissa des notes sur Grégoire
de Tours et sur les capitulaires de Charlemagne.
Comme toute la magistrature d'alors, il aimait
les auteurs classiques de l'antiquité ; il a donné
une édition do Cornélius Nepos et «ne do Sidoine
Apollinaire. F. de C.
Moréri, Grand Diet. hist. — Nieeron, Mémoires, XVII.
— P. Durand, Éloge de Savaron, dans son édition des
Origines de Clermont. - Bazin, Hist. de Louis XIII. —
Aigueperse, Hommes illustres de V Auvergne.
savart ( Félix) , physicien fi ançais , né à
Mézières, le 30 juin 1791, mort à Paris, le 16
mars 1841. C'est à Metz qu'il commença ses
études; son père, Gérard (1), y dirigeait alors
les ateliers de l'École d'artillerie. Il ne pouvait
être mieux placé pour acquérir le goût des arts
mécaniques portés à ce degré de précision que la
science leur imprime. Cependant il embrassa la
carrière médicale; et après avoir été élève à
l'hôpital de Metz, il s'enrôla en 1810 dans le
premier bataillon des mineurs, et ne tarda pas à
être nommé chirurgien de ce corps. Libéré du
service en 1814, il alla à Strasbourg pour y
(1) On lui doit quelques inventions utiles, entre autres
une machine très-ingénieuse pour diviser les cereles.
— SAVART &
prendre le grade de docteur, mais les évéi!
méats retardèrent sa réception jusqu'en 1816. j
retour à Metz, il se retrouva au milieu des a
liers de l'École, et dès lors il se livra avec ard<
à l'étude des questions les plus ardues de la p
sique moléculaire. En 1819, il se rendit à P,
pour y publier une traduction de Celse, et p<
présenter à l'Académie des sciences un Mè
sur la construction des instruments à con
et à archets (Paris, 1819, in-8°) , qu'il voi
d'abord soumettre à Biot, auprès duquel il r.
vait du reste aucune autre recommandation
savant l'engagea à persévérer dans ses recherefc
et lui procura en 1820 dans une institution p
ticulière une place de professeur de physiq
qu'il conserva pendant sept ans. Le 5 novem
1827 Savart fut élu membre de l'Académie
sciences. En 1828 il devint conservateur du ci
net de physique du Collège de France, où il
nommé professeur de physique expériment
en remplacement d'Ampère
Il étudia les lois de la communication des
brations entre les corps, lois qui devaient se
de base à la théorie des instruments à corde
fournir l'explication du mécanisme de l'audil
et il publia dans les Annales de physique
série de mémoires, dont voici les principal
Sur la communication des mouvements
aratoires entre les corps solides (1820),
cherches sur les vibrations de Vair (if.
Sur les vibrations des corps solides cons
rés en général (1823), Recherches sur
usages de la membrane du tympan ei
l'oreille externe (1824), Nouvelles recher s
sur les vibrations de l'air (1825), SmiI
voix humaine (1825), Sur la voix des oise I
(1826), Notes sur les modes de division 'M
corps en vibration (1829), Recherches tfj
l'élasticité des corps qui cristallisent ri-
lièrement (1829), etc. Par ses derniers tra*
Savart était arrivé à trouver dans les vibra
des corps un moyen d'étudier leur struc
résultat consigné dans plusieurs notes , do U
plus importante est intitulée : Recherches si ti
structure des métaux. En outre, il a ap
plusieurs perfectionnements à ;nos instrur
d'optique, notamment à l'appareil de poli
lion de Malus. La roue dentée de SavarJ
vait .à déterminer le nombre absolu de vibra
correspondant à un son déterminé. « Observ H
dévoué, dit M. Fétis, il n'accordait sa conlrç
aux faits les moins contestés qu'après les W
soumis à l'examen le plus scrupuleux. Iwk
étaient même ses précautions à cet égard 1%
contestait les rigoureuses déductions du «ifl
lorsqu'elles lui paraissaient contredire les fa dft
l'expérience; disant qu'il y avait souvent p*
les opérations du mathématicien le plus Ififàr
un point de départ vicieux, en ce que qu ""
I
■
ns
circonstance inobservée n'était point entré*
les éléments du calcul. C'est ainsi qu'il a toi
nié la possibilité d'une bonne théorie mat!
D!
kl
389
SAVART —
tique îles surfaces vibrantes avant que l'observa-
tion en ait constaté tous les phénomènes. » E. M.
Rabbc, Biogr. univ. et portât, des contemp. - Fétis,
Btogr. univ. des miisic. — Boulllot, Bingr. ardennaise.
sAïMiV (Jacques), négociant français, né
le 22 septembre 1622, à Doué en Anjou, mort
le 12 octobre 1690, à Paris. D'origine noble, mais
l'une brandie cadette qui avait embrassé le
îommerce depuis le milieu du seizième siècle, il
•ut à peine terminé ses études à Paris qu'il entra
;hez un procureur pour apprendre la pratique
les affaires, puis il se fit agréger au corps des
nerciers. Sa fortune fut rapide, et en 1658 il
| [uitta le commerce pour la finance. Fouquet, son
sirotecteur, le mit à la tête de l'affaire des do-
r naines du roi ; mais la disgrâce du surintendant
I 1661) lui fit perdre cette place, et il ne recouvra
|iiême pas les sommes qu'il avait avancées. Ce-
| endantla maison deMantoue, qui l'avait nommé,
in 1G60, son agent d'affaires en France, continua
l'employer en cette qualité. « Le roi, dit Nice-
! m, ayant donné, en 1667, une déclaration pour
t ccorder des privilèges et des pensions à ceux
e ses sujets qui auraient douze enfants vivants,
|l I. de Savary fut un des premiers à présenter
î requête, et il fut commis par M. le chancelier
ieguier) pour l'examen de cellesdes autres. Mais
déclaration de 1667 n'ayant point été exécutée,
n'en tira d'autre avantage que de se faire con-
aîtredu cliancelier.il fut ensuite admis en 1670
ans le conseil de la réforme pour le commerce,
; ses mémoires y parurent si solides, que la
upart des articles de l'ordonnance de 1673
urent dressés suivant les avis qu'il avait donnés.
l>'où vient que M. Pussort, président de la com-
liission, appelait ordinairement cette ordonnance
i Code Savary. » Dans ses dernières années,
acques Savary fut chargé par le contrôleur gé-
jéral Le Peletier de l'examen des comptes des
lomaines d'occident, avec un traitement de 4, 000
vres. De sa femme, Catherine Thomas, qui
»ourut en 1685, il eut dix-sept enfants. Les
lembres du conseil de 1670 pour la réforme du
pmnieree pressèrent Savary de mettre au jour
pS vues sur ce sujet; c'est pourquoi il publia :
\e Parfait négociant, ou Instruction gêné-
aie pour ce qui regarde le commerce des
farchandises de France et des pays étran-
rs; Paris, 1675, in 4°; ibid., 1679, avec un
raité du commerce qui se fait par la mer
Méditerranée. Savary donna, comme suite au
marjait négociant, les Parères ou Avis et
\\mseils sur les plus importantes matières
\u commerce; Paris, 1688, in-4°. Les deux ou-
'i j rages furent réunis dans les éditions suivantes;
m septième fut publiée, avec corrections et addi-
•tons, par Jacques Savary des Brûlons (Paris,
■j'13, 2 vol. in-4°); la huitième fut revue et
> |igmentée de la vie de l'auteur par Philémon-
Mouis Savary (Paris, 1721, 2 vol. in-4°); les
i litres sont de 1749, 1763, 1777, 1800, 2 vol.
'Blf-40. On a traduit le Par/ait négociant et les
SAVARY 390
Parères en allemand , hollandais, anglais et
italien.
Nlceron, Mémoires, t. IX. —Sa Vie, à la tôle du l'ar-
fait négociant, cdit. de 1721.
savary des Brûlons (Jacques), sixième
fils du précédent, né en 1657, mort le 22 avril
1716. Louvois ayant formé le dessein d'établir
à la douane de Paris un inspecteur général des
manufactures, choisit en 1686 Savary des Bru-
Ions, qui n'avait que vingt-neuf ans. « Celui-ci,
dit Niceron, voulant se mettre au fait de toutes
les espèces de marchandises qui passent par la
douane, rangea par ordre alphabétique tous les
mots qui avaient rapport au commerce et aux
manufactures, à mesure qu'il les apprenait. De-
venu plus habile, il y ajouta quelques définitions
ou explications... Il y joignit dans la suite un
extrait des livres de commerce imprimés en
France ou dans les pays étrangers, des ordon-
nances, des arrêts et des règlements qui regardent
cette matière. « Ce plan était trop vaste pour un
homme dont la santé était débile et les occupa-
tions nombreuses; il s'adjoignit donc son frère
Phiiémon-Louis, et il crut pouvoir faire annoncer
son ouvrage dans le Journal des savants de
17 13 ; mais, accablé jusqu'à sa mort par une suite
de maladies, il ne put tenir sa parole. Son frère
le suppléa et publia l'ouvrage sous ce titre :
Dictionnaire universel de commerce, d'his-
toire naturelle, d'arts et métiers; Paris, 1723-
1730, 3 vol. in-fol.; Amst., 1726-1732, 4 vol.
in-4°; Paris, 1748-1750, 3 vol. in-fol.; Genève
et Paris, 1750-1752, 5 vol. in-fol.; Copenhague
(Genève), 1759-1766, 5 vol. in-fol., édition revue
et augmentée par Cl. Philibert et bien préférable
aux précédentes. Le- Dictionnaire de commerce
a été traduit en anglais, avec quelques change-
ments et additions (1774, 2 vol. in-fol.).
Savary (PMlémon-Louis) , frère aîné du pré-
cédent, né en 1654, mort le 20 septembre 1727.
Il embrassa l'état ecclésiastique, s'avança dans
la connaissance de l'Écriture et des Pères, et
montra du talent pour la prédication. Il rem-
porta, en 1679, le prix à l'Académie française
pour un Discours sur la vraie et la fausse
humilité, qui a été imprimé dans un recueil de
pièces d'éloquence (Rotterdam, 1707). La fai-
blesse de sa santé le força de renoncer à la pré-
dication, et il obtint un canonicat au chapitre de
Saint-Maur-les-Fossés, près Paris. II travailla
dans celte retraite, pendant trente ans, au Dic-
tionnaire de commerce de son frère, qu'il pu-
blia en 1724. Il avait donné, en 1721, une édi-
tion du Parfait négociant de Jacques Savary
(voy. ci-dessus). Depuis la mort de son père
(1690), il était chargé des affaires en France de
la maison de Mantoue.
Niceron, Mémoires, t. IX. — Journal des savants,
mars 1731. — Moreri, Grand Dict. Iiist.
savary (Anne-Jean- Marie- René), duc de
Rovigo, général et homme d'État français, né à
Marcq, canton de Grandpré (Ardennes), le
13.
391
SAVARY
39!
26 avril 1774, mort à Paris, te 2 juin 1833.
Troisième fils d'un major du château de Sedan,
il obtint une bourse au collège de Saint-Louis
à Metz, et entra, en 1790, comme volontaire
dans Royal-Normandie ( cavalerie ). Il servit
d'abord sous Cnstine, à l'armée du Rhin, passa
ensuite sous les ordres de Pichegru, puis de
Moreau, dans le grade de capitaine, et devint
aide de camp du général Ferino. Sa belle con-
duite au combat de Friedberg lui mérita les fé-
licitations du Directoire; lors de la célèbre re-
traite de Moreau, il commanda une compagnie
d'arrière-garde , et au second passage du Rhin
il dirigea les troupes de débarquement. Nommé
chef d'escadron (22 avril 1797), il suivit De-
saix en Egypte, et ne le quitta plus qu'à Ma-
rengo. Le premier consul le retint auprès de
lui comme aide de camp, et pendant plusieurs
années ne l'employa qu'à des voyages politiques,
à des missions délicates , dans lesquelles il
montra beaucoup d'adresse et de perspicacité (1).
Bonaparte, qui le prenait de plus en plus en
affection, le nomma en 1800 colonel et comman-
dant la légion de gendarmerie d'élite, destinée à
la garde de sa personne, puis général de bri-
gade (29 août 1803). En 1804, Savary, chargé
du commandement des troupes réunies à Vin-
cennes, présida à l'exécution du duc d'En-
gbien ; il fut accusé plus tard par le général
Hullin, qui présidait la commission militaire,
d'avoir hâté l'exécution pour empêcher le re-
cours en grâce, et ses dénégations n'ont pu par-
venir à le justifier (2). Le 1er février 1805, il
fut élevé au grade de général de division, et il
remplit, avant et après Austerlitz, une mission
auprès de l'empereur Alexandre : avant, il alla le
complimenter, c'est-à-dire il reconnut la force de
son armée, et après il lui porta, afin d'assurer sa
fuite un sauf-conduit écrit au crayon parNapoléon.
En 1806, à la tête d'une brigade de cavalerie légère,
il poursuivit les corps prussiens qui battaient en
retraiteaprès la bataille d'Iéna, et prit un régiment
(1) On voit dans ses Mémoires qu'il fut chargé de
découvrir les auteurs de l'enlèvement du sénateur Clé-
ment de Ris, de surveiller les armements de Brest et
de Lorient, et qu'il alla dans la Vendée, sous divers dé-
guisements, pour pénétrer les desseins des hommes que
l'on présumait complices deCadouttal.
(2) Dans l'écrit intitulé Explication offerte aux hom-
mes impartiaux, Hullin s'exprime ainsi : « A peine le
jugement fut-il signé, que Je me mis à écrire une lettre
au premier consul pour lui faire part du désir qu'avait
témoigné le prince d'avoir une entrevue avec lui, et
aussi pour le conjurer de remettre une peine que la ri-
gueur de notre position ne nous avait pas permis d'é-
luder. C'est à cet instant qu'un homme qui s'était
constamment tenu dans la salle du conseil me dit en
.n'approchant de moi : « Que faites-vous là ? — J'é-
cris au premier consul pour lui exprimer le vœu du
conseil et celui du condamné. — Votre affaire est finie,
me dit-il ; maintenant cela me regarde. » J'avoue que
je crus, et plusieurs de mes collègues avec moi, qu'il
voulait dire : « Cela me regarde d'averllr le premier con-
sul... » Savary, qui avait provoqué ces récriminations
en publiant un Extrait de ses Mémoires (1S23), reconnut
qu'il était l'homme désigné par Hullin, et se borna A
nier positivement tous les faits allégués contre lui.
de hussards ainsi que deux pièces d'artillerie
Il dirigea le siège de Hameln , place qui ca
pitula le 20 novembre 1806. Ayant reçu 1
commandement du cinquième corps , à 1
place de Lannes , il eut mission, après la ba
taille d'Eylau , de couvrir Varsovie contre le
Russes, et remporta sur eux une brillante vi(
toire à Ostrolenka (16 février 1807) ; ce fai
d'armes lui valut lé grand aigle de la Légio:
d'honneur et une pension de 20,000 francs. Aprt
Friedland, il gouverna pendant quelque temr.
la vieille Prusse, et fut, à la suite de la paix d
Tilsitf, envoyé en ambassade à Saint-Peter;
bourg. Napoléon, qui avait besoin en Espagn
d'un agent habile et dévoué, le rappela à la fi
de 1807, et le créa duc de Rovigo (févrii
1808)," avec une dotation de 15,000 fr. sur
Hanovre. Savary partit immédiatement poi
Madrid, où il décida le roi Charles IV et l
prince Ferdinand à se rendre à Bayonne, poi
accepter de l'empereur cet arbitrage mensong
qui devait leur enlever la couronne. Après l'él
vation de Joseph au trône d'Espagne, il résïgi
le commandement des troupes françaises à M
drid , et rejoignit Napoléon à Erfurt (octob
1808). Pendant deux années il ne le quilfap
un instant, fit avec lui la seconde guerre d'Ail
magne, et l'accompagna dans ses voyages en E
pagne, en Fiance et dans les Pays-Bas. Le
juin 1810, il remplaça Fouché au ministère
la police. Cette nomination excita la terreur
la surprise. « J'eus un véritable chagrin, <
Savary dans ses Mémoires, de voir la ma
vaise disposition avec laquelle on parut
cueillir un officier général au ministère de
police... J'inspirais la frayeur à tout le mond
chacun faisait ses paquets, on n'entendait par:
que d'exils, d'emprisonnements, et pis encor.
enfin, je crois que la nouvelle d'une peste rî'a
rait pas plus effrayé. Dans l'armée, on trou
ma nomination d'autant moins extraordina
que tout le monde croyait que j'y exerçais d
quelque surveillance ; cependant, j-e puis
surer, sur l'honneur, qu'avant d'être minis
l'empereur ne m'a jamais chargé d'aucune m
sion de cette espèce, hors dans les deux oo
sions que j'ai citées (en Vendée et lors de l'e
lèvement de M. Clémentde Ris)... J'étais d<
la confiance que mon prédécesseur me ;{a
serait quelques documents propres à dirij
mes pas; il me demanda de rester dans
même hôtel que moi, sous prétexte de rasse
bîer les papiers qu'il avait à me communiqué
j'eus la simplicité de le laisser trois semaii
entières dans son ancien appartement; et
jour qu'il en sortit il me rendit jour tout |
pier un mémoire contre la maison de Bourbe
il avait brûlé le reste. » L'activité et la fine
du duc de Rovigo lui donnèrent bientôt les i
formations et les hommes dont il avait beso J
et que Fouché, pour des motifs de jalousie
d'intérêt personnel, n'avait pas voulu lui fa
I
193
SAVARY
1
onnaîlre. Cependant sa vigilance fut mise en
éfaut par la conspiration Malet (voy. ce nom) ;
l'ut arrêté, le 23 octobre 1812, à sept heures
u matin, dans son lit par Lahorie et Guidai, et
onduit à la Force. Sa détention ne dura que
uelques heures; mais cet événement attira le
idicule sur l'administration de la police. Napo-
'on lui conserva néanmoins toute sa confiance.
' Savary fut du nombre des ministres qui, lors
;e la reddition de Paris en 1814 , accompa-
nèrent à Blois Marie- Louise. Pendant lescent-
. nirs il fut nommé, le 20 mars, inspecteur gè-
lerai de la gendarmerie, et le 2 juin pair de
: rance. Toujours fidèle à l'empereur, il voulut
accompagner à Sainte-Hélène; mais, enlevé
(ar les Anglais sur le Bellérophon , il futeon-
uit à Malte avec le général Lallemand et quel-
ues autres, et enfermé pendant sept mois au
[ »rt Emmanuel. C'est là qu'il prépara la pu-
'licationde ses Mémoires. Étant parvenu à
évader, dans la nuit du 7 au 8 avril 1816, il
embarqua sur une chaloupe qui allait à Odessa,
; débarqua à Smyrne, où il s'engagea dans des
léculalions commerciales qui engloutirent une
irtie de sa fortune. De là il se rendit à Trieste,
it arrêté et conduit à Gi aetz ; il y vécut libre,
|iais dans un grand dénûment. Ayant obtenu
i permission de retourner à Smyrne, il y prit
âssage sur un navire qui faisait voile pour
[Angleterre, et arriva dans ce pays en juin 1819.
se rendit à Paris pour purger le jugement
ui, le 25 décembre 1816, l'avait condamné à
nort, par contumace. Défendu par M. Dupin
îné, il fut acquitté le 27 décembre 1819, et ré-
jabli dans ses grades et honneurs , mais sans
Ire employé. V Extrait de ses Mémoires
u'il publia en 1823, sur la mort du duc d'En-
hien, et dans lequel il cherchait à se justifier
attaquant le prince de Talleyrand , faillit
jompromettre le calme de sa retraite. Il vivait
Rome avec sa famille lorsqu'il fut rappelé à
activité, le 7 février 1831. Nommé, le 16 dé-
cembre suivant, commandant en cbef de l'ar-
mée d'Afrique, il déploya, pendant sa courte
dministration en Algérie, une grande énergie,
t lit exécuter par les troupes de belles routes
traiégiques. Le mauvais état de sa santé le
)rça de repasser en France (mars 1833), où il
ion rut trois mois plus tard, à l'âge de cin-
, uante-neuf ans. De MiÎ!' de Faudoas , sa
jsmme, il avait eu sept enfants.
Le duc de Rovigo se montra, dans l'armée,
ur à la fatigue, sobre, ferme et courageux,
•ans ses missions diverses et dans l'adminis-
ration, il fut actif, habile, et d'une finesse qui
Ha jusqu'à la ruse. Son dévouement sans
ornes à l'empereur l'entraîna à des actes au
îoins regrettables pour sa mémoire. Quand le
taître avait parlé, aucune considération ne pou-
lit l'empêcher d'accomplir ses ordres. Son
illmité avec Napoléon, le bruit généralement
ipàndu qu'il dirigeait pour lui une contre-po-
SAVERIEN 394
lice, les missions secrètes dont il fut chargé,
les hautes récompenses qui payèrent son zèle,
excitèrent contre lui bien des ressentiments, et
lui firent des ennemis dont sa rudesse augmen-
tait encore le nombre. Il eut du moins le mérite
d'être, dans toutes les circonstances, fidèle à
l'homme et à la cause qu'il avait servis. Ses
Mémoires sont un des documents les plus cu-
rieux à consulter sur la période impériale : ils
ont été publiés à Paris, en 1828, 8 vol. in-8°.
On en a attribué la rédaction soit à M. Buloz,
soit à M. Saint-Germain-Leduc, soit à M. Adol-
phe Bossange, bien que le duc de Rovigo assure,
dans sa préface, en être seul l'auteur.
Saint-Edroe, Biogr. de la police. — Rabbc, Vieilh de
Boisjolln et Sainte-Preuve, lliogr. univ. et portât, des
contemp. (suppl.). — Tliiers, Hist. du consulat et de
l'empire. — Moniteur univ., il juin 1833. — Boulliot,
Biogr. ardennaise.
savary. Voy. Brèves.
savastano (Francesco-Eulalia), poète
latin moderne, né en 1657, à Naples, où il est
mort, le 23 octobre 1717. Il était jésuite, prêcha
avec succès, et enseigna dans le collège de Na-
ples la rhétorique, la philosophie et la théologie-
scolastique. Il est auteur d'un poème latin, in-
titulé Botanicorum lib. 7F;Naples, 1712, in-8°,
et féinipr. à Venise, 1749, in-8°, avec une tra-
duction en vers italiens par Bergamini; c'est
une production agréable, écrite avec élégance et
accompagnée de notes instructives.
Toppl, Bibl. napolitana.
SAVELLI. Voy. HON'ORIUS III et IV.
SAVERfEN (Alexandre), savant littérateur
français, né le 16 juillet 1720 ( 1), à Arles, mort
le 28 mai 1805, à Paris. Admis fort jeune dans
les gardes de l'étendard à Marseille, il obtint à
vingt ans le brevet d'ingénieur de marine, et
s'appliqua avec ardeur à perfectionner les mé-
thodes de construction navale. Il vint s'établir à
Paris, et dès son premier ouvrage attira l'atten-
tion sur lui par la dispute qu'il fut obligé de sou-
tenir contre Bouguer, qui lui reprochait d'avoir
préféré pour la manœuvre des vaisseaux les
principes de J. Bernoulli à ceux qu'il avait posés
lui-même. Saverien, encouragé par quelques
amis, poursuivit le cours de ses études en ma-
thématiques et en physique : en 1750 il proposa
deux machines de son invention pour détermi-
ner la marche d'un vaisseau, et il démontra l'u-
tilité d'une, académie de marine et d'un journal
particulièrement consacré à la navigation; en
1752, il fit adopter au gouvernement un octant
à simple réflection et à lunette pour observer
sur mer. Malgré ses talents, son savoir, ses
nombreux écrits, il ne réussit point à triompher
de la gêne et de l'obscurité, et finit par se dé-
mettre des simples fonctions d'ingénieur qu'il
exerça pendant trente ans au moins. En 1780
il avait complètement cessé d'écrire; en 1795 il
fut compris pour une somme de 1,500 fr. dans
(1) Le 23 juillet 1723, d'après Achard.
395 SAVERIEN
la répartition des secours accordés aux savants
parla Convention; il arriva jusqu'à l'extrême
vieillesse, et mourut presque inconnu. L'Acadé-
mie de Lyon était le seul corps savant dont il
fit partie. On a de Saverien : Discours sur la
manœuvre des vaisseaux; s. 1., 1744, in-4°;
— Discours sur la navigation et la physique
expérimentale; s. L, 1744, in-4°; — Nouvelle
Théorie de la manœuvre des vaisseaux, à la
portée des pilotes; Paris, 1746, in-S°; — Re-
cherches historiques sur l'origine et les pro-
grès de la construction des navires des an-
ciens ; Paris, l747,in-4°; — Nouvelle Théorie
de la mâture ; Paris, 1747, in-4° ; suivie de la
Mâture discutée, même année; — Art de me-
surer sur mer le sillage du vaisseau ; Paris,
1750, in-8°, pi.; — Dictionnaire universel de
mathématiques et de physique; Paris, 1752,
2 vol. in-4°, avec 101 pi. ; — Traité des instru-
ments propres à observer les astres sur mer;
Paris, 1752, in-12; — Histoire critique du
calcul des infiniment petits ; s. 1., 1753, in-4°;
— Dictionnaire historique, théorique et pra-
tique de marine; Paris, 1758, in-8°, et 1781,
2 vol. in-8°; l'auteur reconnaît avoir beaucoup
profité des travaux de Le Gentil, mais il reproche
à Bourde de Villehuet d'avoir reproduit dans le
Manuel des marins un grand nombre des ar-
ticles de son Dict. de marine, sans en indiquer
la source; — Histoire des philosophes mo-
dernes; Paris, 1760-73, 4 vol. in-4° ou 8 vol.
in-12, avec des portraits par François : ouvrage
estimable, dont le style manque d'élégance et de
précision, mais qui prouve des recherches éten-
dues et des connaissances variées; — Histoire
des progrès de Vesprit humain dans les
sciences exactes, naturelles, intellectuelles
et dans les arts qui en dépendent; Paris,
1766-78, 4 vol. in-8°: d'après Sabatier, le style
en est plus soigné, et l'érudition mieux digérée;
— Histoire des philosophes anciens; Paris,
1770, 1783, 5 vol. in-12, fig. ; — quelques opus-
cules, et une comédie en trois actes et en prose,
l'Heureux (1754, in-12), non représentée, et
qualifiée par l'auteur de pièce philosophique.
Il a aussi édité le Traité des fluxions (1749}
de Maclaurin, et le Dictionnaire d'architec-
ture (1755) de Daviler.
Aclinrd, Dict. hist. de la Provence, II. — Sabatier,
Trois siècles.
saveky (Roland), peintre flamand , né à
Courtray, en 1576, mort à Utrecht, en 1639.
Après avoir appris les éléments de la peinture
dans l'atelier de son père, paysagiste médiocre,
Savery étudia les œuvres de Paul Bril, dont il
imita les procédés patients et la coloration vi-
goureuse. L'empereur Rodolphe II, ayant vu ses
premiers ouvrages, l'appela en Allemagne et le
prit à son service. Un voyage dans le Tyrol dé-
veloppa chez Savery le goût du paysage, et,
après avoir passé deux années à dessiner et à
peindre d'après nature, il revint à Prague, où
- SA VIGNY 396
son protecteur le chargea de travaux importants.
Rodolphe II étant mort en 1612, Roland Savery
alla s'établir à Utrecht, et il mourut dans cette
ville, à l'âge de soixante-trois ans, laissant plu-
sieurs élèves distingués, parmi lesquels il faut
citer A. van Everdingen. Les paysages de Savery
sont peints avec un soin extrême et dans un
sentiment naïf qui rappelle parfois l'école du
seizième siècle; la précision rigoureuse du dé-
tail, le dessin minutieux des branches, des
feuilles et des brins d'herbe nuisent à l'effet de
l'ensemble. Ses arbres et ses gazons sont d'un
vert sombre qui fait songer à Paul Bril; par ses
lointains bleuâtres, il se rapproche de Jean
Breughel. Le Louvre ne possède aucune peinture
de Savery, mais on peut voir quelques-uns de
ses tableaux à Munich, à Dresde, à La Haye et à
Vienne. P. Mantz.
Van Eynden et van der Immerzeel, Levens der ■
Kunstsch. — Willigen, Gesch. der Faderl. Schilderlu
savsgny (Christophe de), érudit français,
né vers 1530, à Savigny-sur-Aisne ( Ardennes),
mort en 1608, dans le même lieu. Il appartenait
à une famille des plus anciennes du Rethelois,
où il possédait les seigneuries de Savigny et de
Priman. Les rares auteurs qui ont parlé de lui
ne citent que les titres de ses ouvrages, et c'est
dans l'un d'eux, le seul qui soit parvenu jus-
qu'à nous, qu'on doit puiser quelques particu-
larités de sa vie. 11 fut élevé « par des précep-
teurs très-vertueux, très-doctes et très- savants
personnages », apprit l'hébreu et le grec, et par-
courut ensuite la carrière des sciences alors cul-
tivées. Vers 1565 il entra comme grand maître
de la garde-robe dans la maison de Louis de I
Gonzague, duc de Nevers et de Rethel. Bien
qu'il eût embrassé le métier des armes, il évita
de prendre part aux querelles civiles et reli-i]
gieuses, « se récréant l'esprit, lorsqu'il lui res-
toit quelgue peu de loisir, et se repaissant de
cette pasture de la connoissance des bonnes
lettres >-. On ignore à quelle époque il se ren-
ferma dans la vie privée. L'ouvrage qui a recom-
mandé son nom à la postérité a pour titre : Ta-
bleaux accomplis de tous les arts libéraux,
contenant brièvement et clèrement, par sin-
gulière méthode de doctrine, une générale et I
sommaire partition des dicts arts, amassez
et reduiets en ordre pour le soulagement et
profit de la jeunesse; Paris, 1587, in-fol.
atlant., avec figures en bois, dessinées, selon
Papillon, par Jean Cousin. Ce tableau systéma-
tique des connaissances humaines est dédié au
duc de Nevers ; les arts y sont rangés dans
l'ordre suivant : grammaire, rhétorique, dialec-
tique, arithmétique, géométrie, optique, mu-
sique, cosmographie, astrologie, géographie,
physique, médecine, éthique, jurisprudence, his-
toire et théologie (1). Chaque partition com-
(1) Cette partie est de l'avocat Bergeron, mort en ISM;
ce dernier avait été chargé par les libraires de revoir
l'ouvrage entier de Savigny en manuscrit.
97 SAVIGNY
I rend un plus ou moins grand nombre de divi-
sions, soixante-dix -huit pour la grammaire,
i jixante-six pour l'éthique, etc. Cet ouvrage fut
aduit en portugais, sous le titre à'Enciclope
ia, par Manoel Pinto Villalobos, qui l'attribua
lar erreur à Bergeron; il était devenu fort rare
irsque le libraire Jean Libert en publia une
'■impression (Paris, 1619, in- fol.), augmentée
les parties de la poésie et de la chronologie,
■ipillon, et après lui Delisle de Sales et Boul-
jot, a revendiqué en faveur de Savigny la gloire
ravoir conçu un système encyclopédique anté-
ou r à celui de Bacon ; mais si Bacon a mérité,
imme on l'a fait remarquer avec raison, d'être
' -gardé comme le restaurateur des véritables
udes philosophiques , c'est surtout pour avoir
: diqué le premier l'ordre et la génération des
nnnaissances humaines. P. L — y.
1 La Trolx du Maine, Bibl. fr. — Papillon, Traité de la
, avurc en bois, II, 279-235. — Brunet, Manuel dtc li-
I mire. — Doulliot, Biogr. ardennaise.
1 savigny (Frédéric- Charles de), célèbre
j riseonsulte allemand, né à Francfort, le 21
vrier 1779, mort le 25 octobre 1861, à Berlin.
I était d'une famille calviniste originaire de
|»etz, et qui avait en 1622 émigré en Alle-
magne, pour éviter les persécutions religieuses;
lui aïeul avait été à la tête de la régence de
eux-Ponts, et son père était représentant à
, rancfort des princes du cercle du Haut-Rhin.
rphelin à treize ans, il fut élevé chez un ami
K> son père, à Wetzlar. En 1795 il alla étudier
droit à Marbourg, où il eut Weis pour prin-
; pal maître (i). Reçu docteur en 1800 avec
Ine excellente thèse De concursu delictorum
hrmaliy il ouvrit à Marbourg des cours libres
■àt diverses matières juridiques, et attira au-
)ur de sa chaire un nombreux auditoire.
rappé, dans l'explication du Digeste, de la di-
[ergence qui existait touchant la théorie de la
;ossession entre le texte et les commentaires,
1 composa en 1803 son traité De la Posses-
io», chef-d'œuvre de méthode et où le droit
:5main est dégagé des éléments étrangers que le
roit germanique, la pratique et les commenta-
pws y avaient introduits. Savigny reçut de di-
erses universités les offres les plus avanta-
Beoses; il les déclina afin de se livrer dans les
jibliothèques d'Allemagne et de France à des
echerches pour une histoire des glossateurs,
ont Weis lui avait inspiré l'idée. Il fut aidé
[ans ce travail par son élève Jacob Grimm et
jussi par sa jeune femme, sœur du poète Cl.
jirentauo et de Bettina d'Arnim. Nommé en
|S08 professeur à Landshut, il fut appelé, en
;810, dans la nouvelle université de Berlin, à
jne chaire qu'il remplit pendant trente-deux ans
'vec un succès non interrompu. Il s'appliqua
1 (li Ce professeur appartenait a l'école de ia jurispru-
dence élégante, qui, gardant ies traditions de la grande
|)t!)le trançaise du seizième siècle, ne se soumettait pas
1 I» lourde et fausse métaphysique introduite dans la
pn^iirtcnccpar Wolffet Tlioroasins.
398
avec un zèle infatigable à régénérer la science
du droit ; tous ceux qui s'y consacraient pou-
vaient compter sur ses conseils. Lorsqu'en 1814
Tbibaut, pour répondre au besoin d'unité qui
travaillait alors l'Allemagne, proposa l'élabora-
tion d'un code uniforme, ce projet, qui en peu
de temps avait gagné beaucoup de partisans,
fut combattu par Savigny , dans une brochure
restée célèbre, De la vocation de notre époque
p-jur la législation et la jurisprudence. Ce
n'était rien moins que la profession de foi d'une
nouvelle école qui rompait avec les méthodes du
siècle dernier. « Aussi loin que nous remon>
Ions dans l'histoire, disait Savigny, nous voyons
que le droit civil de chaque peuple a toujours
son caractère déterminé et particulier, comme
les habitudes, les mœurs, la constitution poli-
tique. Le droit n'est donc point une règle ab-
solue, comme la morale, qu'on puisse appliquer
indifféremment dans n'importe quel pays ;
c'est une des forces du corps social, avec lequel
il change et se développe, d'après des lois qui
sont au-dessus des caprices du jour. C'est par
une action lente et un développement orga-
nique que se produit le droit; il se crée spon-
tanément par la coutume, par la jurispru-
dence, par les actes particuliers de l'autorité,
sous l'empire d'une raison plus haute que la
raison humaine et que celle-ci tendrait vaine-
ment à plier à ses vues et ses opinions du mo-
ment. Aujourd'hui, ajoutait Savigny, ni les
hommes, ni l'a science, ni même la langue ju-
ridique ne sont en mesure de suffire à l'œuvre
laborieuse d'un code unique pour l'Allemagne;
il faut attendre. » Si depuis diverses matières
ont été en Allemagne l'objet d'une réglementa-
tion générale, si le besoin de codification y re-
cevra bientôt une entière satisfaction, cela tient
à ce que l'intelligence du droit a fait des pro-
grès rapides grâce aux travaux admirables de
Savigny lui-même et de ses nombreux disci-
ples. Le droit romain , le droit germanique
ainsi que le droit canonique ont été l'objet des
investigations les plus patientes et qui ont eu
les résultats les plus féconds, guidées qu'elles
étaient par ce principe établi par Savigny, qu'il
faut poursuivre jusqu'à sa première racine toute
institution et doctrine juridique, en rechercher
le principe organique de façon à découvrir ce
qui en survit encore.
L'école historique, fondée par Savigny, n'a
pas seulement rendu de très-grands services
dans le domaine de la jurisprudence; ses doc-
trines ont aussi été transportées dans la poli-
tique, et ont servi de contre-poids à ia tendance
vers les utopies. La constitution d'un peuple,
enseigne-t-elle , se produit par une évolution
naturelle et instinctive, qui la met en har-
monie avec les besoins, les mœurs et les idées
de ce peuple; elle ne peut être décrétée par une
volonté arbitraire et instantanée qui les froisse,
qu'elle émane d'un despote ou des masses. Ce
(1) Il fut é'u en 1837 membre libre de l'Académie fran-
çaise des sciences morales et politiques . à la place de
Livlngstnn.
399 SAVIGNY
système essentiellement national a été compris
par les disciples intimement initiés à la pensée
de Savigny ; mais la plupart, en le travestissant,
ont fait croire qu'il était favorable au despo-
tisme. « Les idées de Savigny, dit M. Laboulaye,
ont ainsi une portée plus grande qu'on ne le
suppose ordinairement en France ; elles se rap-
prochent de celles des excellents esprits qui
chez nous ont régénéré l'histoire et la philoso-
phie. Reconnaître en toute science morale l'é-
lément que les siècles se passent de main en
main, discuter cet élément et, la critique faite,
lui assurer sa légitime part d'influence, consi-
dérer le présent comme une arche jetée entre le
passé et l'avenir, et ne jamais oublier qu'on ne
peut rompre d'un côté sans tomber dans l'a-
bîme; ce sont là, ce semble, des données irré-
prochables et cependant toutes nouvelles. »
Pour proclamer et défendre les principes de son
école, Savigny fonda avec Eichhorn et Gœschen
une revue (Zeitschrift fur kistorische Rechts-
wissenschajt ; Berlin, 1815 à 1847, 14 vol.
in-8° ), où il a publié un grand nombre de dis-
sertations sur des points intéressants d'anti-
quités; quelques-unes passent pour de petits
chefs-d'œuvre, comme celles sur le Droit de
latinité, le Jus iialicum, le Colonat, les Im-
pôts romains, la Noblesse dans C Europe
moderne , le Droit des créanciers dans
l'ancien droit romain, etc. « La question y
est si nettement posée, les preuves si naturelle-
ment amenées, la déduction si puissante et si
facile, qu'on a peine à résister et au charme de
ce style d'une clarté toute française et à la
force de-cette logique serrée. » Les mêmes qua-
lités distinguent également V Histoire du droit
romain au moyen âge, pour laquelle il a fallu
lire un nombre incroyable de manuscrits, de di-
plômes et de livres plus rares que les manus-
crits mêmes. Savigny fait d'abord justice de
cette fable d'après laquelle le droit romain
aurait disparu avec l'invasion des barbares pour
renaître tout à coup au onzième siècle ; puis il
présente un tableau complet de l'enseignement
de ce droit dans les universités du moyen âge,
et il termine par une série de notices consacrées
aux glossateurs du moyen âge.
Au milieu de ces travaux, interrompus seu-
lement par un séjour de trois ans en Italie pour
rétablir sa santé, Savigny remplit encore des
fonctions multipliées. Membre du tribunal su-
périeur (SpruchColleghim ) que forment en
certaines circonstances les universités alle-
mandes, du conseil d'État prussien depuis
1807, de la cour de cassation de Berlin depuis
1819, professeur infatigable et donnant tous
les jours deux ou trois leçons, associé actif de
toutes les Académies de l'Europe (1), en corres-
pondance avec tout ce que l'Allemagne, la
400
France, l'Italie, la Belgique comptent de juris-
consultes distingués, Savigny, grâce à la mo-
dération de sa vie et à l'ordre qui présidait à
toutes ses actions, a pu suffire à des occupa-
tions si multipliées. Après son retour d'Italie
(1829), il prit une part plus active aux déli.
bérations du conseil d'État, et devint en 1842
ministre de la justice. L'expérience des affaires
lui fit alors reconnaître ce qu'il y avait pour
I époque actuelle de trop absolu dans sa théorie
sur le rôle du législateur, qui doit abandonner la
science pure pour aboutir à des résultats utiles.
Dans cette nouvelle voie, il rédigea son Sys-
tème du droit romain actuel, autre monu-
ment d'un labeur immense, où il a exposé avec
sa clarté habituelle ce fonds commun d'em-
prunts de théories et d'usages qui forme depuis
plusieurs siècles la législation principale de
l'Allemagne. Prenant une à une toutes les ins-
titutions à leur origine, il a déterminé exacte-
tement la valeur pratique des doctrines alléguées
devant les tribunaux , et qu'on croyait em-
pruntées aux lois romaines, tandis qu'elles
proviennent souvent d'une source moins pure.
Rentré en 1848 dans la vie privée, Savigny vit
en 1850 saluer d'une voix unanime le jubilé de
son doctorat; toute l'Allemagne fêta son plus
grand jurisconsulte. Une plus belle récompense
l'attendait encore, c'était d'assister au triomphe
de la cause qu'il avait défendue. « Ses idées onl
fait le tour du monde, dit M. Laboulaye; elle
ont transformé la science. »
On a de Savigny : Das Recht des Besitzes
( Le Droit de possession) ; Giessen, 1803, in-8°;
6e édit., 1837 ; trad. en français, Paris, 1841 ,
in-8°; — Vom Berufe unserer Zeit fur' (M
setzgebung und Rechtswissenschaft ( De la
Vocation, etc.); Heidelberg, 1815, 1840, in-8°f
— Geschichte des rœmischen Rechts in
Mittelalter ( Histoire du droit romain au
moyen âge); Heidelberg, 1826-1831, 6 vol.
in-8°; 1850-1852, 7 vol. in-8° ; trad. en frau^l
çais, Paris, 1839, 4 vol. in-8° ; — System de%
heutigen - rœmischen Rechts ( Système de
droit romain d'aujourd'hui); Berlin, 1840-
1848, 8 vol. in-8°: une labié des matières a été
donnée par Heuser, Berlin, 1851, in -8°; trad,
en français par Guénoux, Paris, 1840-1849,
6 vol. in-8° ; 1855, 8 vol. in-8° ; — Das Obli-
gationen recht (Le Droit des obligations);
Berlin, 1851-1853, 2 vol. inr8°; faisant suite à
l'ouvrage précédent; — Vermischle Schriften
(Mélanges ); Berlin, 1850, 5 vol. in-8°; mé
moires et dissertations, impr. dans Zeitschrift
fur historische Rechtswissenschaft, et dans le
recueil de l'Académie de' Berlin. E. G.
Laboulaye, F. -C/i. de Savigny , Paris, 1842, in 8°, ex-
cellente notice, à laquelle cet article est en grande
partie emprunté. — Rudorff, Erinnerung an Sa-
vigny; Weirnar, 1862, in-8°. — Stinzinpr, Fr.-C. von
Savigny; Berlin, 1862, iu-8°. — Reinlinld Schroid, dans
la Deutsche Fierteljahrssrhrift, n° 97, p. 139185.-
liluntschli. Die neueren Rechtsschulen der deiiisclw1
Juristen ; Zurich, 1841, in-8°.
savii.f. (Sir Henry), érudit anglais, né le
I.IO novembre 1549, à Bradley (Yorkshire), mort
i le 19 février 1C22, à Eton. Après avoir pris ses
brades à 0\ford , il fut agrégé dans l'un des col-
lèges de cette université, celui de Merlon, dont
>il devint principal en 1585, et y donna des leçons
l le grec et de mathématiques. Élu avec Underhill,
l'on (les procureurs d'Oxford, il remplit ces fonc-
tions pour les années 1576 et 1577 ; puis ilparcou-
| ut la France et divers autres pays, et fut choisi à
hon retour pour enseigner la langue grecque à la
eine Elisabeth. Sans cesser de diriger le collège
le Merton, il fut nommé en 1590 prévôt de celui
■'Eton, et son principal soin fut de ne laisser
Igréger à l'un et à l'autre de ces deux établis-
sements que des sujets qui pussent leur faire
honneur. Jacques 1er aurait voulu marquer l'es-
Ime qu'il faisait de lui en l'élevant à quelque
?| ignité considérable ; mais Savile se contenta
[{'accepter de ce prince le titre de chevalier
Iflfi04). Ayant perdu un fils, l'unique héritier de
■ on nom, il employa une partie de ses biens à
)niier en 1619 deux chaires, l'une de géo-
Hiétrie, l'autre d'astronomie dans l'université
» 'Oxford, et il en désigna les premiers profes-
3nr>, qui furent Briggs etBainbridge. Il mourut
plus que septuagénaire, et fut inhumé dans la
hhapelle de Merton, où on lui dressa un mau-
lolée magnifique. Les savants de son temps lui
hnt donné les plus grands éloges. Nous citerons
ie lui : Rerum anglicarum scriptores post
lerfam prxcipui ; Londres, 1596, in-fol.;
Yancfort, 1601, in-fol.; on y trouve les chroni-
; nos de Guillaume de Malmesbury, de Henri de
r iluntingdon, d'Ethelwerd, d'ingulf , et de Roger de
idoveden; — View oj certain military mat-
yprs; Londres, 1598, in-fol. : ce commentaire
e la tactique des Romains a été traduit en latin
arMarquard Freher ( Heidelberg, 1601, in-8°),
ta la suite des Notes de Gruter; Amst., 1649,
i-l2; — Prselectiones XII l in principium
ïlementorum Euclidis; Oxford, 1621, in-4°;
- Oralio coram reg. Elizabetha, Oxonix
abita,ann. 1592; ibid., 1658, in-4°. Savile a
,rad. en anglais les Histoires de Tacite (Londres,
£581, 1598, 1612, in-fol.), et il a publié le traité
)e causa Dei contra Pelagium (1618, in-fol.)
o Th. Bradwardin, ainsi que les Œtivres de
aint Jean Chrysostôme (Eton, 1613, 8 voi.
î-fol.) : cette magnifique édition, qui est toute
.recque, lui coûta, dit-on, 8,000 liv. st. (plus de
,00,000 h-. ). « Bien qu'elle soit exempte des
:,autes grossières qui sont dans les éditions de
érone et de Heidelberg. elle n'est pas si exacte
ne quelques-uns le prétendent; elle peut être
j edressée en plusieurs endroits sur les éditions
t je Paris et de Commelin. »
, i Wood, Athenx oxon. — Fuller, irorthics — Chal-
iers, Ceneral biogr. dict.
savile ( George ), marquis de Halifax,
{ icrivain politique et homme d'État, de la famille
*: u précédent, né en 1630, mort à Londres, ie
SAVILE 40:*
20 avril 1695. Héritier du titre de baronet à la
mort de son père, il prit une part active aux
événements qui amenèrent la restauration des
Stuarts, fut créé pair en 1068, sous le titre de
vicomte de Halifax , et entra en 1672 au conseil
privé. Dès cette époque il s'était placé à la tête
des trimmers ( balanceurs ), c'est à-dire de ce
parti qui cherchait à modérer les emportements
des torys et des whigs. Il parla avec force dans
la chambre hautecontre le bill de non-résistance,
qui excluait des fonctions publiques tout oppo-
sant au pouvoir royal, et contre le bill dit de to-
lérance, et qui n'en avait que le nom. Un mo-
ment exclu du conseil privé, il y rentra en 1 679, et
eut entre les mains, ainsi que Temple et lord Sun-
derland, la direction des affaires. Une fois reve-
nu à la cour, le charme de ses manières et sa con-
versation ne tardèrent pas à faire de lui un favori.
D'un autre côté, sérieusement alarmé du mécon-
tentement public, il pensa que pour le moment la
liberté était sauve et qu'il n'y avait de danger
que pour l'autorité légitime. Selon son habitude ,
il se jeta du côté le plus faible. C'est ainsi qu'il
combattit le bill d'exclusion, dont le but était
d'enlever au duc d'York, comme catholique, ses
droits éventuels au trône; c'est ainsi qu'il ne
craignit pas de proclamer l'innocence du mal-
heureux Stafford,et qu'il luttait à la cour contre
l'influence du duc d'York. Créé marquis de Ha-
lifax (avril 1682) et bientôt après lord du sceau
privé, ces nouvelles dignités ne le firent pas re-
noncer à son rôle de modérateur ; et à peine ie
torysme, par son aide, était-il prépondérant,
que lui-même redevenait whig par crainte des
excès auxquels se portaient déjà les torys. En
1682, il s'opposa à l'alliance française, prit la
défense de Russell , lors du complot du Rye-
House, et ne craignitpas, lorsqu'il futquestionde
priver de sa charte la province insoumise du
Massachusetts, de prononcer ces paroles : « Quel
prix pourrait-on attacher à la vie dans un pays
où la liberté et la propriété seraient à la merci
d'un maître absolu?» Appuyé par Francis North,
il avait pour adversaire, outre le duc d'York, le
comte de Rochester, le plus intolérant des torys.
Forcé de se défendre contre lui, il l'accusa de
malversation , et une enquête découvrit un déficit
de 40,000 liv. ste.rl. Rochester quitta la tréso-
rerie, mais il fut promu lord président; ce qui fit
dire à Halifax : « J'ai vu bien des gens à qui
on faisait descendre les degrés à coups de pied;
mais Rochester est le premier que j'aie vu les
monter de la même manière. » Sous Jacques II,
Halifax ne fut pas renvoyé; mais on chercha à
l'humilier en lui enlevant le sceau privé pour le
donner à Clarendon, frère, de Rochester, et en
le nommant lord président , poste sans in-
fluence. Ayant refusé de promettre au roi soc
vote en faveur du rappel projeté des actes du
lest et de Vhabeas corpus, il fut rayé du livre
du conseil (21 octobre 1685). Rentré dans l'op-
position, il lutta contre l'influence de Rome et de
403
SAVII/E — SAVOIE
404
la France, et contre les empiétements du pou-
voir royal. Placé à la tête du parti whig, son op-
position fut strictement légale, et il refusa de
rien savoir du projet d'invasion de Guillaume
d'Orange, bien qu'il assistât souvent aux confé-
rences tenues chez un agent du prince. Lorsque
Guillaume eut débarqué à Torbay (5 nov. 1688),
Halifax, plein de déférence et de sympathie pour
le roi menacé, lui conseilla trois concessions :
destituer tous les catholiques, rompre avec la
France, accorder une amnistie générale. U fat un.
des trois commissaires que désigna Jacques pour
traiter avec Guillaume à Hungerford, et proposa
que les points en discussion fussent soumis au
Parlement, et que lés troupes hollandaises res-
tassent à cinquante milles de Londres. La fuite-
du roi mit fin à sa mission. Placé à la tête du
gouvernement provisoire, il présida à Windsor
la réunion des pairs qui se prononça (17 déc. )
pour l'éloignement de- Jacques II de la capitale et
sa relégation à Ham, et qui avec Shrewsbury et
Delamere, fut choisie par Guillaume, avec ironie
peut-être, pour annoncer au roi cette décision.
Président de la chambre des lords quand elle
vota l'adresse qui priait Guillaume de se charger
de l'administration ( 24 déc. ), il joua le plus,
grand rôle daiîs l'établissement de la nouvelle
dynastie : il se prononça énergiquement contre
une régence et contre un partage de la couronne
entre Guillaume et la; princesse Marie* Sous le
nouveau règne, Halifax reprit le sceau privé.
Mais déjà la vivacité de son esprit s'accordait
mal avec le flegme de Guillaume, et d'anciennes
inimitiés reparaissaient entre lui et Danby, de-
venu président du conseil. Bientôt la retraite
volontaire etégoïste de celui-ci le laissa aux prises
avec tontes les difficultés de la situation. Le peu
de succès de l'expédition d'Irlande souleva- les
chambres contre lui; Guillaume autorisa, contre
lui, l'inspection des minutes. du conseil privé :
il sortit pur de cette enquête (juin-août 1689).
Cette animosité, jointe à la mort de ses deux
plus jeunes fils, l'avait profondément découragé:
il résigna, ses fonctions de lord président, et
rendit le sceauprivé. Ses adversaires triomphants
lui firent de nouveau son procès, relativement
à la mort de Russell; mais l'intègre Tillofson
vint déposer en sa faveur, et il fut complètement
absous. Retiré dans sa résidence de Rufford, il
continua jusqu'à sa mort à faire parte de l'oppo-
sition. Sa descendance mâle s'éteignit bientôt;
mais tout son esprit reparut dans le célèbre
Philippe Stanhope , comte de Chesterfield , son
petit-fils. Henri Carey, l'auteur dramatique, était
son fils naturel , et de lui descendait l'illustre
acteur Edmond Kcan.
Son portrait, qu'on trouve dans Burnet , a été
ainsi tracé par Macauiay : «■ Halifax était sans
contredit , par le génie, le premier des hommes
d'État anglais de son temps. Son intelligence
était fertile, délicate, étendue; son éloquence
brillante et passionnée, sa voix claire et harmo-
nieuse, faisaient les délices de la chambre des
lords; sa conversation abondait en pensées, en
images , en traits d'esprit. Le mérite littéraire
de ses pamphlets politiques suffisait seul pour
les faire lire, et le place parmi les classiques de
l'Angleterre... Par caractère il était conserva-
teur, mais ses théories- étaient républicaines, >*
Ses principaux ouvrages en politique sont r
Character of a trimmer, Anatomy of an
équivalent, Letters k> a dissenler, Misceila-
nies , et Maxinxs of State. Il avait laissé de»
Mémoires inédite , qui furent détruits par ses
descendants, parce qu'il étaient défavorables au
parti catholique. Eug. Asse.
English Cyclop (biogr. ). — Macauiay, Hitt. d'jwjlet,
savoie. Nous donnons ici la- liste des pre-
miers princes de la maison de Savoie, dont les
notices particulières n'ont pas trouvé place au
prénom qui les distingue.
Humbert I«r, aux blayiches mains , mort
vers 1048. Son père, Ëerihold, fut comte d«
Maurienne dès l'an 1000, puis comte de Gene-
vois. Plusieurs documents établissent que ce
Berthold était petit- fils de l'empereur Otbon ffî
et qu'il descendait de l'illustre maison de Saxe.
ce qui est confirmé par d'autres actes et par une
tradition constante. Ayant succédé, vers 1020,
aux États de son père , Humbert obtint encore
la Savoie de son suzerain Rodolphe M, roi d(
Bourgogne; Lorsque les États de Rodolphe pas
sèrent à l'empereur Conrad le Salique, il prêta
ce prince un secours actif pour combattre. Eude:
de Champagne^ qui élevait des prétentions su
la Bourgogne. Récompensé par Le don de Saint
Maurice, du Chablais et du Valais, il acconii
pagna en 1032 Conrad à Rome. Aussi brave qu
sage et habile, il fut plus tard promu au vies
riait sur le royaume d'Arles. Il fut un zélé pro
tecteur de l'Église, à laquelle il fit de nombreuse-
donations. U épousa Hanchille ou Ancihe, don
on ne connaît pas la famille.
Ame ou Amédée l9r, fils du précédent, lui sm
céda en 1048, et mourut vers 1078, laissant so
petit État à Humbert II, son petit neveu. Onn
connaît de lui avec certitude que deux donafioe
qu'il fit en 1030 au prieuré du Boiirget. Il fi
surnommé la Queue, sobriquet étrange, dont
raison n'est pas connue
©don (marquis), frère du p recèdent,. rafij
avant 1060. Il possédait des domaines sur \i
frontières , d'où lui vint le titre bénéficiaire I
marquis, et y réunit l'héritage de sa femme,Aki
ou Adélaïde, fille unique du dernier marqtt
de Suze. 11 devint ainsi maître des vallées eon
prises entre la Doire Baltée et le Pesio , et d'ut
grande partie de l'ancien marquisat d'Iv#
Quant au comté de Maurienne, c'est à tort q.a'(
lui en a attribué la possession, ainsi qu'il |
suite de nombreux actes de donations fait
aux églises ou abbayes d'Oulx , de Novalèse,
Suze, de Turin , etc. C'est de lui que desce
, dent les comtes, ducs et rois de la maison *
JJ)ie. Ses enfants connus sont le marquis
p Tt(i), "le comte Amédêe II, Berthe, mariée
il inpereur Henri IV, et Odon, évêque d'Asti,
n en 1103.
iiiédék M, fils du précédent, mort vers 1075,
xi a le titre de comte, mais sans posséder,
»me on l'a prétendu, ni la Maurienne, ni la
■ lie. Il reçut de l'empereur Henri IV l'inves-
S^e du Bugey, lorsque celui-ci traversa, en
I , le mont Saint-Bernard pour obtenir de
} oire VII le retrait de l'aoathème lancé contre
De Jeanne, fille de Géraud, comte de Ge-
, il eut Humbert II, Constance, marquise
fontferrat , et Lucrèce, comtesse de Milan.
|imbert II, le Renforcé, fils du précédent,
le 14 novembre 1103, àMoutiers. Il suc-
vers 1078 à Amédée 1er, son grand-oncle,
I ignit le comté de Maurienne et les autres
| des aînés (Chablais, Valais, Bugey ) à ceux
I arquis Odon ainsi qu'aux États italiens de
lïeule Adélaïde, héritière du marquisat de
morte en 1091. 11 avait en 1082 soumis
Jirentaise en forçant le seigneur de Brian-
i l'évacuer. Ces agrandissements sticces-
|i rent de lui un des plus grands feudataires
Empire. Il ne portait d'autres titres que
de comte de Maurienne el de mar-
en Italie. Il prit la croix en 10% , et
ur le point île suivre le frère du roi Phi-
•Auguste en Palestine; mais il n'exécuta
e dessein , et ce qui !e prouve , c'est la
e qu'il donna en 1097 à Ienne en Thuringe.
iisle ou Gisèle de Bourgogne il laissa de
3" ireux enfants, notamment Amédée III, son
:'sseur ; Guillaume , évêque de Liège , et
|, mariée à Louis VI, roi de France, puis à
«lieu de Montmorenci. Sa veuve épousa en
ij'ides noces Guillaume III, marquis de Mont-
r .
JjtEDEE 111, premier comte de Savoie, né vers
!' , moitié 1er avril 1149, à Nicosie (Chypre).
lit encore mineur lorsqu'il succéda, en 1103,
.nëert II, son père. Après avoir accompagné,
IM, Henri V à Rome, il vit ses États érigés en
Bédé l'Empire, et prit alors le titre de comte j
. ivoie. Cette condition de vassalité ne l'em-
tji point plus tard de profiter d'une vacance
It-Smpire pour envahir le Chablais et la vallée
U\ et en chasser le lieutenant- impérial qui
li'uvernait. Son mariage avec Mathilde d'AI-
N'esta longtemps stérile ; en vain pour obtenir
pjnfants fatiguait-il le ciel de ses prières et fon-
1*1 des monastères. Alix, sa sœur, excita le roi
Wi VI, son époux, à s'emparer par avance
p succession qui ne pouvait manquer de lui
Pj'ir; la guerre éclata, et les Français occu-
pt déjà plusieurs places fortes lorsqu'un fils
i't au comte (1136). Le roi de France étant
flJne de ses filles, Alix, épousa Boniface de Saluées.
R:ffet de ce mariage, les fiefs qu'elle avait apportés '
l.- placèrent les seigneurs de Saluées dans la dépen-
Ifl féodale de la maison de Savoie.
SAVOIE 40G
mort peu après, le comte chassa les envahis-
seurs, et il aurait tiré d'eux de sanglantes repré-
sailles sans l'intervention de Pierre le Vénérable,
son ami particulier, qui écrivit pour négocier la
paix (1137). Après avoir soutenu différentes
guerres avec son voisin Guigues IV, dauphin
de Viennois, Amédée, entraîné par l'éloquent
appel de saint Bernard, prit la croix, et se ren-
dit en Palestine en compagnie de Louis VII
(1147); aussi brave soldat que mauvais capi-
taine, il attira par son imprudence un tel dé-
sastre sur l'armée chrétienne que, sans sa
proche parenté avec le roi de France , on l'eût
condamné au gibet. Si le récit d'Odon de Deuil
est vrai, on peut attribuer à cet événement le
retour précipité du comte; il mourut de la peste,
en Chypre. De Mahaut d'Albon, sa femme, i-1 eut
Humbert II f, son successeur, Mathilde, qui
épousa Alfonse Ier, roi de Portugal, etc.
Humbert III le Saint, comte de Savoie, né
le 1er août 1136, au château de Veillane (Pié-
mont), mort le 4 mars 1188, à Chambéry. Élevé
par saint Amédée, évêque de Lausanne,il revêtit
de bonne heure l'habit des moines de Cîteaux, et
ne ceignit l'épée qu'avec répugnance, à la mort de
son père (1149). Malgré ses goûts pacifiques, il
fut contraint à la guerre, et il y donna des preu-
ves de valeur. En 1153 il attaqua le dauphin de
Viennois, Guigues VII, et le battit devant Mont-
mélian. Après avoir embrassé à contre-cœur le
parti de Frédéric Barberousse, il s'en détacha
pour se rallier à celui du pape Alexandre III.
L'empereur le punit en accordant aux évèques de
Turin, de Maurienne et de Tarentaise la plus
grande partie de leurs diocèses en fiefs, et en
H74 il brûla Suze avec ses archives; son succes-
seur, Henri VI, ravagea de nouveau le Piémont
en 1187, et ru>r-a -l^c'iâteau de Veillane. Ce der-
nier malheur accéléra, dit-on, la fin du comte
Humbert, qui mourut l'année suivante, laissant
de ses quatre femmes plusieurs filles et un seul
lils , Thomas , qui lui succéda. L'attachement
d'Humbert pour Cîteaux l'a fait placer parmi les
saints de cet ordre.
Thomas , comte de Savoie , né le 20 mars
1177, à Charbonnières (Savoie), mort le 20 jan-
vier 1233, à Aoste. En succédant à son père , il eut
pour tuteur Boniface, marquis de Moût ferrât ;
ce fut à lui qu'il fut redevable de son rétablisse-
ment dans les bonnes grâces de l'empereur Fré-
déric I!, qui lui accorda en 1207 l'investiture de
ses États sans en excepter le Chablais ni la vallée
d'Asti. Son règne, long et orageux, troublé par
des guerres et des révoltes presque continuelles,
fut pourtant l'un des plus propicesà la grandeur de
la maison de Savoie. Outre plusieurs seigneuries
dans le pays de Vaud, le Bugey et le Valais, il
acquit la ville de Chambéry et celle de Turin ;
il se mêla d'une façon active à la politique ita-
lienne en s'alliant aux Génois et en combattant
contre les Milanais. « Il semble avoir été, dit un
historien, l'initiateur de la double politique
40:
suivie depuis par ses descendants jusqu'au règne
d'Henri IV : cette politique se composait à la fois
d'une neutralité armée entre les empereurs
d'Allemagne et les rois de France, et d'une ten-
dance à appuyer le parti impérial dans toutes
les contestations qui survenaient entre l'Empire
et le pontificat, et par conséquent entre les divers
Élats italiens. » Les alliances pour ainsi dire per-
manentes de Thomas avec Frédéric II lui valurent
la dignité , devenue héréditaire dans sa maison,
de vicaire impérial pour les pays placés entre
les Alpes et les Apennins. Il n'oublia pas néan-
moins de faire sa cour au roi de France, Philippe-
Auguste, et l'aida de ses armes contre les Albi-
geois et les Vaudois. Sa seconde femme, Mar-
guerite de Faucigny, lui donna neuf fils et cinq
filles, entre autres Amédée IV, Thomas, comte
de Flandre, Pierre Ier et Philippe Ier, qui lui
succédèrent ; Boni face, archevêque de Canter-
bury, et Béatrix (1), mariée à Raymond Béren-
ger IV, comte de Provence.
Amédée IV, comte de Savoie, né en 1197, à
Montmélian, où il est mort, le 24 juin 1253. A
part la soumission définitive de Turin et la con-
quête du Valais, il eut un règne paisible et que
la protection de l'empereur rendit prospère :il
reçut de Frédéric II, en 1238, l'érection en duché
du Chablais et de la vallée d'Aoste, ce qui ne
l'empêcha pas, lui et ses successeurs, de se con-
tenter encore pendant deux siècles du modeste
titre de comte. Marié deux fois, il eut un fils,
Boniface, qui lui succéda, et cinq filles.
Bomface, comte de Savoie, né le 1er décembre
1244, à Chambéry,mort en 1263, à Turin. Son
caractère aventureux et chevaleresque lui fit
donner le surnom de Roland. Fidèle à la cause
impériale, H se prononça pour Mainfroi, son
beau-frère, qui disputait à Charles d'Anjou la
possession du royaume de Sicile. Il attira sur le
Piémont les armes de ce prince, qui, entre au-
tres places, s'empara de Turin (1202). Après
avoir battu Charles à Rivoli , il voulut châtier
la cité orgueilleuse qui saisissait avec ardeur
chaque occasion de regagner son indépendance ;
il l'assiégea, fut pris dans une sortie, et y mourut
d'une blessure qu'il avait reçue. Il n'avait pas
été marié, et son oncle Pierre hérita de ses États,
au préjudice de ses sœurs et de la descendance
de son oncle Thomas.
Pierre, comte de Savoie {voy. ce nom).
Philippe Ier, frère de Pierre, comte de Savoie
{voy. ce nom).
Amédée V, le Grand, comte de Savoie, né le
4 septembre 1249, auBourget, mort le 10 octobre
1323, à Avignon. Petit-fils du comte Thomas et
second fils de Thomas, comte de Flandre, il fut
élevé auprès de Philippe Ier, qui le prit en grande
affection, lui donna pour femme Sibylle de Baugé,
héritière d'une moitié de la Bresse, et remit
(i) Cetce princesse fut mère de quatre filles, qui épou-
sèrent les roi' de France, d'Angleterre, des Romains et
de Naples.
SAVOIR 4(
en mourant entre ses mains l'administration <
la Savoie (1). Le règne d'Amédée fut long
glorieux , bien que sans cesse troublé par
guerre avec ses voisins, les dauphins de Viei
nois, les comtes de Genevois, les marquis»
Montferrat et de Saluées. Suivant la coutume i
ses aïeux, il demeura étranger aux querell
entre les villes et les seigneurs du voisinag
excepté quand il était pour ainsi dire assuré •
tirer de son intervention quelque avantage. Ce
ainsi que, docile à l'appel des villes dlAsti
d'Alexandrie, il déclara la guerre à Guillaume
de Montferrat (1290), et le laissa périr ignon
nieusement dans la cage de fer où les Astesa
l'avaient enfermé; puis, se tournant contre Tl)
mas de Saluées, il le contraignit de lui rend
hommage pour plusieurs terres. La nécessité
se défendre contre un ennemi commun rci
procha dans la suite le comte et les deux mal
quis : l'ennemi, c'était la maison d'Anjou , pi
tectrice du parti guelfe. Après l'espèce de voya
triomphal que fit Robert, roi deNaples, dans
États de la haute Italie, Amédée n'eut point
peine à former une ligue contre ce prince, doi
les vexations de tous genres avaient provoq
des inquiétudes universelles. Le premier s<
des alliés fut d'appeler Henri VII à leur
(1310). Si la présence de l'empereur accrut la à
corde qui déchirait déjà l'Italie , elle affaiblit
maison d'Anjou en lui suscitant des ennei)
nouveaux. Quant à Amédée, il n'en tira gui
que de vains honneurs, plus propres à satisfa
la vanité d'un courtisan que l'ambition d'
prince; il reçut aussi la seigneurie d'Asti,
Brescia, de Crémone, de Gênes; mais ces vil
turbulentes lui échappèrent bientôt, et il ne ci
serva de ces conquêtes passagères que celle d
vrée. Ses liens de parenté avec les rois
France lui permirent de prendre une part act
aux affaires de ce pays. Dès 1299 il avait r
gocié le double mariage qui devait unir de
princesses françaises, Marguerite et Isabelle,
roi d'Angleterre Edouard 1er et à son fils. C'
à lui qu'en 1303 revint tout l'honneur de
paix conclue entre les deux contrées rival
Après avoir conduit des troupes à Philippe
Bel dans sa guerre contre les Flamands, ilpaJ
le premier d'accommodement et détermina
vieux comte Gui de Dampierre à se remet!
entre les mains du roi victorieux qui l'envoya
la confusion du médiateur, en prison avec i
fils (2). En 1310 il joua un rôle influent dans I*« |
(1) la succession de Philippe I" aurait dû retourner < |
branche aînée de la maison de Savoie ; branche formée ]
Thomas, comte de Flandre, et dont le chef était un arrlé
petii-fils, nommé Philippe, alors en bas âge. Lorsque p
tard celui-ci fit valoir ses droits, il obtict d'Amédée
grâce à la médiation du roi d'Angleterre, la principa
du Piémont, sous la réserve de foi et hommage, pour
et ses descendants. Ce partage des États de Savoie di
Jusqu'en 1418, époque de la mort de Louis, le dern
de cette branche.
(2| A cette époque, c'est-à-dire en 1305, \médée reces
du roi dix livres tournois par jour ( environ 100 fr. '
19
SAVOIE
410
lisition de Lyon , dont le siège était alors oc-
ipé par l'archevêque Pierre de Savoie, son pa-
nt. Enfin, en 131 G, il conseilla à Philippe le Long
• s'emparer du gouvernement parle droit de sa
issance, en attendant les couches de la reine
(■menée, veuve de Louis X (voy. Jean Ier,). Ce
nseilfut suivi, et Philippe récompensale comte
r le don de la terre de Maulevrier, en Nor-
mdie, dont la maison de Savoie a joui long-
nps. Il s'était rendu à Avignon afin d'amener
pape Jean XXH à publier une croisade en fa-
ur de son gendre, Andronic II, empereur de
nstantinople, lorsque la mort l'y surprit, à
jjedesoixante-quatorzeans(l). Marié deux fois,
1272 à Sibylle de Baugé, et en 1304 à Marie
Brabant, il eut de la première sept enfants,
rmi lesquels Edouard et Aimon, qui régnè-
' ît après lui, et delà seconde quatre filles.
' Édouakd, comte de Savoie, fils du précédent
[~>y. Edouard).
\imon le Pacifique, comte de Savoie, frère
> précédent, né le 15 décembre 1294, mort le
I juin 1343, à Montmélian. En 1329 il succéda,
vant l'usage du pays, à son frère Edouard,.
[ Igré les réclamations de la fille de ce der-
r, Jeanne, duchesse de Bretagne. La guerre
ata aussitôt avec Guigues VIII, dauphin de
'mnois, et les prétentions des deux adversaires
|ient si embrouillées, que le roi de France avait
, après de longs efforts, renoncer à les accom-
der. Le dauphin ayant été tué d'un coup
rbalète pendant le siège de La Ferrière (1333),
!non accorda la paix à son fils, et pour cou-
court à toute querelle, ils s'avisèrent enfin
procéder à une délimitation exacte de leurs
litières limitrophes. Au moment d'entrer en
te avec la France, Edouard III s'efforça d'en-
iner la Savoie dans son alliance; mais Aimon,
oique proche parent du prince anglais, se
Bpprocha de Philippe de Valois, dont il avait
Pit à craindre, et lui envoya deux fois des
Hopes (1337, 1340). Il avait épousé, en 1330,
j* Mande de Montferrat, à la condition qu'au de-
nt d'héritiers mâles les descendants de cette
BJnçesse seraient aptes à posséder le Montferrat;
■eut d'elle Amédée VI, qui suit, et Blanche,
fctnme de Galéas Visconti.
■Amédée VI, dit le Comte Vert (2), fils du
Il ^cèdent, né le 4 janvier 1334, à Chambéry,
■P>rtle2 mars 1383, près San-Stefano (Pouille).
i[ minorité, paisible d'ailleurs, fut troublée par
II réclamations du duc d'Orléans, Philippe, à
li Jeanne de Savoie, duchesse de Bretagne,
K)0 livres de pension viagère à là charge de l'hommage
; ['. (Ord. du 25 mars 1305.)
t li On doit mettre au rang des fables l'expédition en-
■tprise par Amédée dans l'île do Rhodes en 1315. Telle
■L dit-on, l'origine de la croix d'argent et de la devise
: [Savoie : F. E. R. T. Mais on voit et la croix et la de-
u[i sur les tombeaux de princes plus anciens qu' Amédée.
■]!) Il fut ainsi nommé soit à cause des vêtements qu'il
priait toujours de couleur verte, soit depuis un tournoi
Wlil donna en 1348. à Chambéry, et où il parut revêtu
■ 'ne armure verte et suivi d'un éeuyer en livrée verte.
avait légué par testament ses droits sur l'héri-
tage de son neveu ; on ne put apaiser ce rival
menaçant qu'en lui abandonnant une rente de
2,000 livres et la propriété de deux châteaux.
Le traité de transaction est en date de février
1346. A peine hors de tutelle (1347), Amédée
manifesta son humeur batailleuse en envahis-
sant le Piémont, qui appartenait alors à Jeanne de
Naples ; mais Jeanne était alors en fuite, et sans
autre motif que leur cupidité et l'occasion favo-
rable, les seigneurs voisins du Piémont, ceux
de Milan, de Savoie, de Mo.itferrat et de Sa-
luées, se jetèrent à l'envi sur cette province
comme sur une proie à dévorer. Avec l'aide de
Jacques de Savoie, prince d'Achaïe, son cousin,
le jeune comte prit rapidement Chieri, Chivasso,
Mondovi, Savigliano et Coni. Ces conquêtes lui
furent bientôt enlevées par Luchino Visconti;
pour l'arrêter dans ses progrès, il se ligua avec
le comte de Genevois et le duc de Bourgogne,
et lui livra une bataille sanglante, d'où il sortit
vainqueur (juillet 1347). Deux ans plus tard le
dernier dauphin de Viennois, Humbert ( voy.
ce nom), signait la cession définitive de ses États
au roi de France, mais en ayant soin d'en exclure
le Faucigny, qu'il déclara appartenir exclusive-
ment à la maison de Savoie. Malgré cette pré-
caution, le nouveau dauphin, Charles de Fiance
(depuis Charles V), excité par la haine de ses
sujets , n'en prétendit pas moins à la posses-
sion de cette seigneurie. La guerre éclata
(1353), et grâce à sa bravoure et à sa diligence,
Amédée y fut heureux, surtout dans le combat
d'Abres (1354), où les Genevois, alliés des
Dauphinois, essuyèrent un échec si complet qu'il
ne resta personne de leur côté, dit Guichenon,
pour en porter la nouvelle. Le roi Jean, qui ne
se souciait point de pousser Amédée dans une
alliance avec l'Anglais, se porta pour médiateur
entre son fils et lui, et leur fit signer, le 5 jan-
vier 1355, un traité par lequel le comte de Sa-
voie acquérait les terres de Faucigny et de Gex
et acceptait le cours du Guier pour limite de ses
États. Cette paix, cimentée au mois d'août sui-
vant par le mariage d'Amédée VI avec Bonne de
Bourbon (1), l'attacha aux intérêts de la France,
qu'il servit utilement contre les Anglais. Le prince
d'Achaïe gouvernait une partie du Piémont : c'é-
tait un prince brutal, avide et cruel, qui jusque-
là était demeuré fidèle au chef de sa maison . En
1358, il osa lever des impôts sur les marchan-
dises qui venaient de Savoie, et punit de mort
les officiers envoyés pour demander réparation
de cette insulte. Le comte Vert tomba à l'im-
proviste sur ce parent infidèle, prit Turin et
toutes les places qu'il tenait de lui en Piéinont,
s'empara même de sa personne, et humilia le
marquis de Saluées, Frédéric, qui avait épousé
la querelle de Jacques. Cependant, aussi modéré
dans ses ressentiments que politique dans sa
|l) Elle était sœur de Jeanne, femme du roi Chartes V,
et de Blanche, femme du roi Pierre de Caslille.
411
SAVOIE
conduite, il pardonna à tous deux; à l'un il res- i
titua ce qu'il avait conquis (1363), à l'autre, qui
s'était remis entre ses mains, il fit grâce de la '
vie et n'exigea que l'hommage du marquisat
tout entier (1364). Frédéric attaqua en 1365 son
généreux ennemi, et fut. battu par le prince d'A-
chaïe (1). Amédée se déclara satisfait, et profita
du passage de l'empereur Charles IV à Cham-
béry pour obtenir de lui des lettres patentes qui
l'établissaient son vicaire sur un grand nombre
de villes de la haute Italie.
A la sollicitation du pape Urbain V, il passa
en Grèce (1366) pour porter secours à l'empe-
reur d'Orient, Jean Paléologue, attaqué vive-
ment par les Turcs et par les Bulgares. Non-
seulement il reprit Gallipoli sur les premiers et
sur les seconds Varna et d'autres places, mais
il parvint à rétablir la paix entre les combat-
tants (1367). Depuis il devint l'arbitre des diffé-
rends qui divisaient les États italiens, et en ter-
mina plusieurs, soit par sa médiation, soit par la
force des armes. L'insolence et la perfidie des
Visconti avaient amassé sur eux des haines vio-
lentes, qui aboutirent en 1372 à la ligue formée
entre le pape Grégoire XI, l'empereur et Jeanne
de Naples : Amédée fut choisi pour la comman-
der. On arrêta que les villes conquises sur l'en-
nemi seraient rendues à leurs anciens maîlres,
et que celles qui avaient appartenu à l'Empire
seraient la récompense de ses services. Il fatigua
tellement les Visconti qu'au bout de deux cam-
pagnes ils se déterminèrent aux plus grands
sacrifices pour conclure la paix, qui fut signée
en 1375 ; mais il ne put empêcher le marquis de
Saluces de s'affranchir de toute dépendance en-
vers lui en s'assuraut un puissant protecteur
dans le roi de France. Dans le grand schisme
d'occident, il avait pris parti pour son parent,
le pape Clément VII, et ce fut pour céder à ses
vœux qu'il entreprit en 1382 de venir en aide à
Louis d'Anjou, qui aspirait au trône de Naples ;
Louis, de son côté, acheta son alliance au prix
des droits de sa famille à la souveraineté du
Piémont. Amédée se mit en campagne avec sa
vigueur accoutumée, et remporta quelques avan-
tages; atteint de la peste dans les environs de
Bitonto, il laissa son œuvre inachevée, et périt
à l'âge de quarante-neuf ans. Il fut un grand
prince, et se distingua des souverains de son
temps par la sagesse, la justice, la fermeté et la
modération. Il recula les frontières de ses États, et
sut en éloigner la guerre, bien qu'il eût souvent eu
les armes à la main. De son mariage avec Bonne
de Bourbon , il n'eut qu'un fils, Amédée VIL
Amédée VII, dit le comte Rouge (2), fils et
fi) Ce vassal remuant mourut en 1366, en disposant de
ses États en faveur d'Amédée, fils de sa seconde femme.
Le fils aîné, Philippe, issu d'un premier lit, déclara la
guerre à son frère; surpris àFossano et livré au Comte
vert, tuti ur du Jeune Amédée, il fut étranglé et jeté
dans le lac d'Avigliano.
(2) !.a couleur de ses cheveux lui avait fait donner ce
surnom.
successeur du précédent, né le 24 février lî
à Veillane, mort le ter novembre 1391, à
paille. Divers faits d'armes l'avaient rendu
lèbre : en 1380, il avait forcé le sire de Be
jolais, après l'avoir battu, à lui rendre nomma
en 1382, il s'était signalé dans la bataille
Bosebecque. Les démêlés qu'il eut avec les 1
bulents seigneurs de Saluces et de Montfe
tournèrent à son avantage. Il réunit en 138
la Savoie les villes de Barcelonnette, de Vi
mille et de Nice, qui se donnèrent à lui p
échapper aux vexations qui résultaient pour*
de la lutte entre le comte de Provence, Loui
d'Anjou, et le roi de Naples. De Bonne de B*;
qu'il avait épousée en 1376, il laissa un fils, A;
dée Vlll, qui suit, et deux filles.
Amédée VIII , fils du précédent, premier
de Savoie, et pape sous le nom de Félix V
à Chambéry, le 4 septembre 1383, mort le 7
vier 1451, à Genève. La régence fut confén
sa grand 'mère Bonne de Bourbon (1), qui
gnala son administration par la réunion du co
de Genève à la Savoie, en 1395. En 1401 Ami
acquit d'Eudes de Villars le comté de Genev
dans les années suivantes il augmenta son
fluenee au dehors par son alliance avec Bern
Fribourg, par l'hommage du marquis de Sain
par son accord avec les marquis de Montfe
et par la soumission de Verceil et de Nova
Il s'appliqua à faire régner dans ses Étati
tranquillité, la justice et la prospérité. « I
gouverna, dit Olivier de la Marche, si sagen
au temps des divisions de la France, que son |
était le plus riche, le plus sûr et le plus plai
reux de ses voisins. » Après avoir par une
marquable ordonnance abrégé les fonmes d
procédure, il assura la marche régulière è
justice et de l'administration par l'instita
d'un conseil d'État et d'une cour d'appel à Gh
béry, et par une meilleure organisation <J
cour des comptes. Son amour de la paix l'an
à s'entremettre activement dans les dén?
entre la maison d'Orléans et celle de Bourgoi
à laquelle il était allié par son mariage
Marie, sœur de Jean sans Peur. Dès 1405 i
dans ce but des séjours prolongés en Frano
ce fut lui qui négocia entre les partis enm
les traités de Bicêtre et de Bourges. 11 |S
même beaucoup de démarches pour l'extinï
du grand schisme, et envoya au concile de C
tance, convoqué à cet effet, une nombreuse
bassade. Il eut aussi à ce sujet plusieurs p
parlers avec l'empereur Sigismond, auqify
avança à diverses reprises des sommes im)i
tantes. L'empereur, reconnaissant, le créa
par un acte signé à Cbambéry, le 19 février 1'
Après avoir envoyé des troupes à Sigism
pour la guerre contre les Hussiles, ainsi q
duc de Bourgogne, qu'il essaya en vain de ré
(1) Cette princesse , une des femmes les plus rei
mandables de son siècle par sa sagesse et son hab
mourut le 19 janvier 1W>2, à Mâcon.
413
cilier avec Charles VII, il se ligua en 1426 avec
Venise et Florence contre le duc de Milan. Dans
l'intervalle il avait réuni à ses États les posses-
sions de la branche aînée de sa maison, dite de
Piémont ou d'Achaïc, et qui s'était éteinte en
1418. Il n'avait pas voulu à ce propos invoquer
son droit de succession incontesté, mais il avait
autorisé les habitants de ces contrées à élire
i comme souverain qui ils voudraient; la douceur
de son gouvernement l'avait fait choisir à l'una-
nimité. Lorsqu'on 14 32 le marquis de Montfer-
! rat, pressé par les armes de Philippe Visconti, fut
venu implorer la médiation d'Amédée, celui-ci
i y consentit sous la condition que la partie du
raontferrat située sur la gauche du Pô devien-
drait dépendante de la Savoie. Le danger passé,
le marquis voulut se soustraire à cette conven-
tion ; mais son fils aîné, se trouvant alors à Tu-
rin (janvier 1435),fut contraint de confirmer le
traité de ïhonon, qui devint par la suite le titre
au moyen duquel les ducs de Savoie s'empa-
rèrent de la plus grande partie du Montferrat.
A cette époque Amédée prit la soudaine réso-
lution de vivre dans la solitude. Plusieurs mal-
heurs l'avaient frappé vivement : la peste avait
dépeuplé ses États et lui avait enlevé son épouse
i chérie; un gentilhomme de la Bresse avait ourdi
un complot contre sa vie. Il s'établit à Ripaille ( 1 ),
i sur les bords du lac de Genève, dans une des
nombreuses maisons religieuses qu'il avait fon-
dées; sa société était composée de six de ses
anciens compagnons d'armes, qui prirent comme
lui l'habit d'ermite, et constituèrent avec lui le
(nouvel ordre des chevaliers de S. -Maurice. Ils
ne firent vœu que de chasteté, et tout en se
plaçant sous la direction des ermites augustins
qui habitaient dans le voisinage, ils ne s'astrei-
gnirent à aucune règle déterminée. Habitant une
demeure princière, entourée d'un magnifique
parc, ils assistaient Amédée dans la direction du
i gouvernement de ses États, qu'il avait conservée
après avoir nommé son filsXouis lieutenant gé-
i néral du duché. Amédée, qui en 1435 contribua
beaucoup à la conclusion du traité d'Arras , qui
pacifia la France, commença dès lors à porter
| ses visées vers la tiare ; sa réputation de sagesse,
3 bonnes relations avec presque tous les
I princes de l'Europe, et ses grandes richesses lui
faisaient espérer qu'il pourrait profiter des dis-
sidences croissantes entre le concile de Bàle et
' le pape Eugène IV. Lorsqu'en 1439 cette assem-
blée eut déposé Eugène, il fut en effet élu à sa
place après cinq scrutins (5 novembre). On
aurait tort d'expliquer ce choix par des ma-
nœuvres de corruption , bien que parmi les
onze évêques qui prirent part au vote sept ap-
partinssent à la Savoie. Amédée prit le nom
de Félix V, et après avoir abdiqué la dignité
0) Il est de pure invention qu'Amédée ait mené dans
oo lieu une vie de bonne c hère et de volupté, ce qui au-
rait donné lieu à la locution faire ripaille; ce dernier
mot vient de ripuaille pour repuaille.
SAVOIE 414
ducale (6 janvier 1440), il établit sa cour pon-
tifical* à ïhonon. Il fut reconnu par la Savoie,
la Suisse, le duc d'Autriche, la Bohême, la Hon-
grie, la Lithuanie, et l'ordre teutonique de
Prusse. L'Allemagne presque tout entière se
déclara neutre entre les deux papes; la France
et l'Italie demeurèrent avec quelques restrictions
attachées à Eugène IV; cependant Amédée eut
pour lui presque toutes les universités, celle de
Paris en tête. Couronné à Bàle, le 24 juin 1440,
il y demeura plus de trois ans, après lesquels il
transporta sa cour à Lausanne. Des discussions
pécuniaires ne tardèrent pas à s'engager entre
lui et le concile, qui ne voulait lui .accorder
qu'une minime partie des revenus ecclésiastiques
dont il disposait, et qui lui enleva la collation
à presque tous les offices ecclésiastiques. Ces
démêlés dégénérèrent, plusieurs fois en scènes
scandaleuses. Après avoir en vain fait plaider sa
cause devant différentes diètes de l'Allemagne,
il s'aliéna même l'empereur Frédéric III , par
suite de l'obstination du concile à refuser l'év£-
ché de Freisingen au frère du chancelier impé-
rial, le tout puissant Schlick. Le roi de Naples
et le duc de Milan se détachèrent de lui lors-
qu'ils eurent arraché à Eugène IV les concessions
qu'ils n'auraient pas obtenues en lui demeurant
fidèles (1443). En revanche des mobiles , égale-
ment intéressés, décidèrent les électeurs de
Trêves et de Cologne à se rapprocher d'Amédée,
à la cause duquel ils gagnèrent l'électeur de
Saxe et le palatin, qui épousa Marguerite, fille
de l'antipape. Eugène, qui avait acheté pour
210,000 ducats sa reconnaissance par l'empe-
reur, déposa par une bulle les électeurs de Trêves
et de Cologne; cette mesure impolitique faillit
entraîner le collège entier des électeurs dans le
parti d'Amédée. L'habile intervention d'Eneas
Sylvius changea ces dispositions hostiles; il
.gagna au parti d'Eugène l'électeur deMayence; la
majorité fut déplacée, et la cause d'Amédée en-
tièrement perdue. .A la fin de 1447 le concile
reçut du magistral de Bâle Tordre>de se séparer;
après des négociations conduites par l'intermé-
diaire des princes réunis en congrès à Bourges,
et notamment du roi de France, Amédée renonça,
en avril 1449, au pontificat en faveur de Nico-
las V, qui avait succédé à Eugène; il fut en
compensation nommé cardinal, légat perpétue!
dans la haute Italie, et reconnu dans sa qualité
d'évêque de Genève. Il vécut encore deux ans
dans la retraite. Les bulles et autres actes de
son pontificat sont conservés en huit volumes
manuscrits dans la bibliothèque de Milan; une
partie en est transcrite dans un volume in-fbl.
qui se trouve aux archives de Genève.
Guichenon , Hist de la .Savoie. — Costa de Beaurr-
gard, Mêm. hisl. rie la maison roy. de Savoie. — Art
de vérifier les dates. — Belgiojoso ( Mme de), Hist. de
la maison de Savoie. — Monod, Amadseus pacificus,
Turin, 162V, in-4°. — Raynaldi, annales. — Mansi, Con-
cilia, t. XXIX et suiv. — Patritius, Summa concilio-
rwm. — Chacone, Fitos pontifleum, t. 11. — Wessenberg,
Gssch. der Grossen Kirclienversannnlungen desfûnf-
415
SAVOIE — SA.VONAROLA
4:(
zcJmten Jahrhunderts: — G. Voigt, Enea Silvio und
sein Zeitalter; Berlin, 1856, t. I. — J. de Mùller, His-
toire de la Suisse. — Verdeil, Ilist. du canton de Faud;
Lausanne, 1855,3 vol., in-8°. — Archivio storico ita-
liano; Florence, t. XIII, p. 250 et suiv.
savonarola (Giovanni-Michele) , méde-
cin italien, né à Padoue, en i384,mort à Ferrare,
en 1461 (1). D'une famille illustre, il fut reçu
dans l'ordre de Saint- Jean de Jérusalem; mais
il préféra la science aux armes, et prit le grade
de docteur en médecine dans sa ville natale, où
il devint professeur. Après 1436, appelé par le
marquis Nicolas III à Ferrare, il y exerça la mé-
decine et y occupa une chaire à l'université. Ce
fut lui qui commença l'éducation de son neveu,
le célèbre dominicain (voy. ci-après). On a de
lui : Practica de œgritudinibas,a capite us-
que ad pedes; Colli, 1479, in-fol. goth., très-
rare;— Z)e Balneis omnibus llalix sicque
totïus orbis; Ferrare, 1485, in-fol. goth.; --
Practica canonica defebribus, de pulsibus,
de urinis, etc.; Venise, 1498, in-fol.; Lyon,
1560, in-8°; —De tutle le cosechese manzano
communamcntepi.il che comune, ovvero trat-
tati de i grani, délie erbe, radici, etc.; Ve-
nise, 1508, 1515, in-4°, goth. — De aite confi-
eiendi aquam vitas simplicem et compositam;
La Haye, 1532, in-8°; — De compositione me-
dicinarum; Strasbourg, 1533, in-4°. Ces ou-
vrages, plusieurs fois réimprimés, n'échappent
pas aux idées superstitieuses de l'époque, et sont
remplis des subtilités de la scolastique; mais
ils marquent l'état de la science au quinzième
siècle, et l'on y trouve quelques bons préceptes,
notamment pour bien examiner le pouls , ainsi
que de curieux phénomènes observés par Mi-
chèle Savonarola (2). Il a laissé d'autres écrits,
qui n'ont point de rapport à la médecine : Mu-
ratori a inséré de lui De magnifias ornamentis
Paduœ, dans le t. XX des Scriptores rerum
italicarum. Tiraboschi a vu du même auteur
parmi les manuscrits de la bibliothèque d'Esté
un traité De vera republica.
Tiraboschi, Sloria délia letter. ital, t. VI, lre partie.
— Éloy, Dict. hist. de la médecine. — Mogr. méd.
savonarola ( Girolamo - Maria - Fran -
cesco-Matleo), en français Sayonauole, célèbre
réformateur italien, né à Ferrare, le 21 septembre
1452, d'une famille qui existe encore, mort à
Florence, le 23 mai 1498. Il était petit-neveu du
précédent. Son père, Niccolô, paraît avoir vécu
dans une position aisée et indépendante. Troi-
sième de cinq garçons, et destiné à la méde-
cine, il reçut une éducation littéraire distinguée;
de bonne heure il faisait des vers (3) ; il aimait
(1) D'après Pic de la Mirandole.
(S) H assure que les enfants qui vinrent au monde, pen-
dant toute une génération, après la pesle de 1348, n'eurent
que vingt-deux ou vingt-quatre dents au lieu de trente-
deux ; il dit aussi avoir entendu chanter un homme doué
d'une fort belle voix, quoiqu'il fût né avec la luette
double, etc.
(3) On conserve de lui dans la bibl. Magliabechiana à
Florence deux belles eu» zone italiennes, qu'il composa à
vingt ans, avec ces titres latins : De ruina mundi, et
De. ruina Eccteiise,
la solitude et la prière secrète, et il dit quelqu.'
part que dès sa plus tendre jeunesse il avait e> :
plusieurs signes de la vérité par une illumi ,
nation spirituelle. Ayant entendu, à Faenza, ui
prédicateur augustin, son imagination fut frap
pée. Il se voua à la vie monastique, par amou
de la liberté et du repos. Le 23 avril 1475, i
s'enfuit de la maison paternelle, laissant sur si
table un traité Du mépris du monde, et entr;
chez les dominicains de Bologne. D'abord sirnpl
frère convers, jardinier, tailleur, il céda au:
ordres de ses supérieurs, fit profession en 147c i
et depuis ce temps, étudiant tour à tour 1;
philosophie naturelle, la métaphysique et le J
Pères, annotant les livres sacrés, il se destina ,
l'enseignement, et fut employé à confesser, pui
à prêcher. Après quelque séjour dans plusieur
villes de Lombardie, il fut envoyé au couvent d
Saint-Marc à Florence. A peine arrivé, il eut I
charge de lecteur, et instruisit les novices de 1 48 l
à 1486. Il prêcha le carême à l'église Saint
Laurent (1483), puis au bourg de San- Gémi
niano (1484-1485) ; mais sa voix était rauque
sa tenue gauche et roide; sa prédication, sui
vant son propre aveu, était fatigante et fasti
dieuse ; il se voua uniquement à l'explicatioi
des Écritures. Souffrant des malheureuses divi
sions de l'Italie, déjà mystique et patriote, il rc
gardait son pays comme une terre consacrée
la corruption des mœurs, l'incrédulité, les exa
gérations païennes de l'érudition et des arts lu
semblaient un outrage au christianisme. Bientô
il ne put résister à l'impulsion qui l'excitait
remonter en chaire, et en 1486, à Brescia, il si
mit à expliquer l'Apocalypse. Ce fut là que pou
la première fois il annonça que de la France de-
vait venir la révolution qui frapperait et régéné
rerait l'Italie. Après avoir prêché à B.ologne«
Brescia, Pavie, Gênes, il fut rappelé par ses su
périeurs à Florence (1490), et reprit ses leçon-:
aux novices. Sa parole éloquente, mêlée de ci
tations bibliques, attira la foule; il fut obligé d
prêcher dans le jardin du cloître, à l'abri d>
quelques arbres, et comme le jardin ne sulfisai
bientôt plus à la foule des auditeurs, il obtint di
donner ses cours dans l'église de Saint-Marc
Pendant toute une année, il annonça, en prenan
l'explication de l'Apocalypse pour texte, que Diei
châtierait bientôt (fiito et velociter) l'Italie, e
qu'il réformerait l'Eglise. En 1491, il prêcha Ii
carême à la cathédrale, et son succès fut encon
plus grand; il s'abandonnait de plus en plus i
l'inspiration divine, mais il n'osait encore parler
de ses visions que sous forme de paraboles
Nommé prieur (1491), il ne voulut pas aller rendre
hommage, comme ses prédécesseurs, a Lauren
de Médicis, résista à ses avances et triompha d<
son mécontentement; appelé à son lit de moi'l
(1492), il s'éloigna sans avoir reçu sa confession,
parce que Laurent s'était refusé, ainsi qu'il pré-
tendait l'exiger de lui, à rendre à Florence l'an-
cienne liberté républicaine.
17
SAVON AROLA.
418
La mort de Laurent et celle d'Innocent VIII,
i'il avait annoncée, lui fournirent l'occasion
une éloquence plus énergique « Peuple italien,
l 'as-tu fait P disait-il à la fin de son sermon
ir l'arche de Noé. La mesure de l'iniquité est
imble; prépare-foi à quelque grand fléau. Le
oment est venu. Un homme va venir qui en-
liira l'Italie en quelques semaines, sans tirer
pée. Il passera les monts et les rochers, et les
leresses tomberont devant lui. » Pierre deMé-
îis l'invita à cesser ses prédications, s'il ne
niait être exilé; Savonarole alla prêcher le
réme à Bologne (1493) ; et de retour, il s'oc-
Ipa plus que jamais de la réforme des mœurs;
tait au clergé, dont il attaquait hardiment les
f:es, de donner l'exemple; il commença par le
jventde Saint-Marc. 11 essaya vainement de
nsftrer les frères, loin du luxe de Florence,
• les hauteurs de Carreggia; mais il fit vendre
biens delà communauté ; il soumit les moines
travail ; il établit des chaires de théologie et
5 école de langues orientales pour les préparer
la prédication chez les peuples infidèles; il
dut surtout que la vie du cloître eût pour but
nourde Dieu et du prochain. Malgré la grande
stérile qu'il avait établie, le nombre des reli-
ux s'accrut rapidement dans sa communauté;
sieurs couvents de la Toscane s'y réunirent
acceptèrent sa règle, et il en fut élu en 1494
vicaire général. Alexandre VI, plusieurs fois
aqué par lui , chercha à le gagner, et lui fit
rir, dit-on, l'archevêché de Florence et le cha-
iu de cardinal; Savonarole refusa en disant :
e ne veux d'autre chapeau que celui de mar-
, rougi de mon propre sang. »
Dharles VI II allait commencer son expédition
[Italie ; les temps prédits par Savonarole étaient
tivés. Ses sermons étaient étranges ; il trou-
ât sans cesse dans lÉcriture des rapproche-
lits avec les hommes et les événements de son
|ique; il se laissait de plus en plus emporter
son imagination passionnée et déréglée, par-
it de salut et de damnation, mais aussi des af-
rés politiques de Florence. Le peuple était ir-
i contre Pierre deMédicis, qui avait vendu Flo-
ceà.beaux deniers comptants à Charles VIII;
suite d'un soulèvement général, les Médicis
ent chassés. On envoya une ambassade au roi
France pour apaiser sa colère; Savonarole en
partie, et fut ainsi amené, par la force des
Ë>ses, à implorer la clémence du prince qu'il
rionçait comme le fléau de Dieu ; aussi, mal à
Il aise, il ne fit que de la rhétorique devant
parles VIII. Un traité de paix fut signé à des
IPiditions honorables ; les Médicis restèrent ban-
I et Florence ne fut pas pillée. Ce succès enga-
|i Savonarole dans une voie périlleuse : ses
ïnpatriotes le prirent pour un homme politique,
Ile chargèrent de leur donner une constitution,
■mme les théologiens du moyen âge, il ne com-
Ipnait qu'une forme de gouvernement, la mo-
l'chie, et ce fut à regret sans doute qu'il se
KOCV. EÏOGU. CÉNÉR. — T. XMII.
résigna à organiser un pouvoir quasi démocra-
tique. La Seigneurie fut conservée; le grand
conseil fut composé de tous les citoyens nobles,
âgés de trente ans (3,200 personnes sur 400,000).
Le tiers des 3,200, tiré au sort, devait former
le conseil pour six mois, nommer les magistrats,
adopter ou rejeter les lois proposées, juger les
appels des jugements de la Seigneurie ; un conseil
particulier de 80 membres devait éclairer et
surveiller les seigneurs; une large amnistie était
accordée (23 déc. 1494). Savonarole fit plus; il
s'avisa de faire proclamer Jésus roi de Florence.
« Le Christ veut régner ici, s'écriait-il; qui fait
de l'opposition contre ce gouvernement se dé-
clare contre le Christ. » Quiconque manifestait son
mécontentement était frappé d'une amende de
50 ducats. Bien qu'il prétendît rester à l'écart
des affaires publiques, ce fut lui, le principal au-
teur de la réforme, qui la soutint, qui chercha
à l'améliorer, sans autre titre que celui de con-
seille)' de Florence, sans autre droit que celui
de régner sous le nom d'un monarque irrespon-
sable et sacré. Ce n'était pas une théocratie, c'é-
tait plutôt la domination d'un prêtre substituée
à celle du clergé. Aussi le clergé, qui ne se sen-
tait pas de moitié dans le triomphe, en était-ii
profondément jaloux.
La constitution réformée, Savonarole s'appli-
qua à réformer les mœurs. Florence, la ville vo-
luptueuse et païenne, qui menait « une vie de
pourceaux », sembla métamorphosée ,• les hommes
abandonnèrent le jeu pour la prière, les masca-
rades pour les processions ; les femmes renon-
cèrent, à leurs parures, aux danses, aux joyeuses
canzones, pour les soins de la famille et léchant
des psaumes ; le jeûne remplaça les banquets li-
cencieux; on ne voyait plus de viande les jours
prohibés, et il fallut réduire la taxe que payaient
les bouchers. Virgile et Cicéron, rendus respon-
sables de la dépravation publique, furent aban-
donnés pour l'étude des Pères. De toutes les
réformes de fra Hieronimo, la plus bizarre sans
contredit et la plus extraordinaire, ce fut la ré-
forme des enfants, enrégimentés par lui, au
nombre de quinze mille, dans une sorte de sainte
milice, préposée à la garde des mœurs publiques.
Divisés en paciaires, correcteurs, aumôniers,
inquisiteurs, ils maintenaient l'ordre dans les
rues, appliquaient les punitions, quêtaient pour
les pauvres, dénonçaient les scandales privés et
enlevaient des maisons les cartes, les instruments
de musique et les objets de toilette. Partout ils
étaient obéis. « C'était une véritable tyrannie,
fait observer M. Perrens, et la pire de toutes, car
les tyrans n'avaient pas l'âge de raison. » Le
jeudi gras, Savonarole fit amonceler par eux, au
milieu de Florence, une vaste pyramide de toutes
les vanités mondaines, parures, tapis aux figures
lascives, jeux, tableaux, statues, œuvres de
Boccace et de Pétrarque ; puis on y mit le feu (1).
(1) Un marchand vénitien offrit 20,000 écus de ces objets
de prix qui en valaient peut-être dix fois autant. Dans
14
419 SAVONAROLA
Mais les réformes étaient trop radicales pour être
franchement acceptées ; la ville se trouva bientôt
partagée entre les blancs, partisans de la liberté,
et les gris, partisans des Médicis; entre les
pleureurs (piagnoni), disciples de Savonarole,
et les enragés (arrabiati), ses adversaires en
général.
La Seigneurie s'émut de cette agitation, et fit
comparaître Savonarole devant une assemblée
de théologiens. De son côté, Alexandre VI, irrité
des paroles du réformateur, qui n'avait pas épar-
gné les vices du clergé et de son chef, excité
d'ailleurs par Pierre dé Médicis et par Ludovic
le More, invita Savonarole à se rendre à Rome
pour se justifier (21 juillet 1495); Savonarole
demanda un délai , puis refusa d'obéir. Le pape
ordonna impérieusement, le 8 septembre, puis
lui ôta le droit de prêcher (novembre), en me-
naçant Florence de l'interdit ; Savonarole se re-
tira alors à Saint-Marc, et se fit remplacer par
son disciple Buonvicini. Cependant la Seigneurie,
encore favorable au réformateur, obtint pour lui
un nouveau sursis ; celui-ci reparut dans la
chaire, et prêcha, en 1496, son fameux carême sur
Amos (1). Les Français revenaient alors de leur
expédition de Naples; les Florentins, indécis, ef-
frayés, après avoir mis leur ville sous la protec-
tion de la Vierge, envoyèrent Savonarole au-
devant de Charles VIII (juin 1495), qu'il effraya
par la prédiction de quelque grave malheur.
Attaqué comme prophète, il résistait à .toutes
les menaces ; les jeûnes, les pratiques religieuses
redoublèrent. « Florence a pris le froc , disait
Savonarole, ce peuple s'est fait moine. » Il
voulut terminer le carême de 1496 par une
fête des Rameaux qui devait frapper l'imagina-
tion d'un peuple impressionnable; huit mille en-
fants ouvraient la marche , portant chacun une
croix rouge et conduisant au milieu d'eux un âne
entouré de bandelettes ; la Seigneurie, le clergé,
les moines, les hommes et les femmes suivaient,
vêtus de blanc et couronnés de guirlandes; au
retour de la solennelle procession , sur la place
Saint-Marc, les dominicains commencèrent en
dansant une ronde mystique autour des enfants;
c'était là les divines folies dont Savonarole se
glorifiait-, ce fut son dernier triomphe. Il faiblis-
sait en effet; l'enthousiasme mystique ne peut
longtemps durer; et ses ennemis redoublaient
d'efforts au dedans et au dehors. Pierre de Mé-
dicis fit une tentative pour rentrer dans Flo-
rence : elle échoua , et cinq conjurés furent con-
damnés à mort (août 1497). Un mot du prieur
cet autodafé un magnifique Christ de Donateilo fut
consumé avec une frtule d'autres chefs-d'œuvre de l'art
florentin. Le 27 février de l'année suivante de nouveaux
trésors périrent encore dans les flammes par ordre de
l'impitoyable iconoclaste.
(1) Sa renommée s'était étendue loin de Florence; Ba-
jazet II se fit traduire quelques-uns de ses sermons, et
Comlnes, passant par Florence, vint demander au saint
homme si Charles VIII reviendrait heureusement en
France : « Il aura affaire en chemin, répondit Savona-
role, mais l'honneur lui restera, »
4:
de Saint-Marc eût pu leur sauver la vie : il en
gnit d'engager sa popularité, et le sang qu'il la
verser retomba sur sa tête. Alexandre VI s'éf
décidé, le 12 mai précédent, à fulminer l'excoi
munication contre le moins hérétique et rebel
11 le condamna de nouveau, par un bref du
octobre , et l'invita à venir à Rome sans escor
« On sait ce que valent les excommunicaii
disait Savonarole; pour quelques deniers, on 1
excommunier par la cour de Rome qui Y
veut. » 11 osa même s'écrier : « Pour moi, je
parle que sous la dictée du Christ; si je me
c'est celui qui me dicte qui a menti. » La S
gneurie le défendit, l'excusa ; mais le pape b
naça la république de l'interdit. Alors le réfi
mateur écrivit aux rois pour leur demander
réunion d'un concile général, afin de dépo
Alexandre VI, qui n'était pas même chrétk
le duc de Milan arrêta un courrier florentin,
allait en France, et livra ses lettres au pape,
nouveau bref fut lancé contre Savonarole, «t
riva à Florence le 13 mars 1498; la Seigneu
après avoir consulté le conseil des quatre-vinj
lui enjoignit de ne plus prêcher. Savonarole c
à la force, et se retira dans son couvent. Un n
vel incident vint le perdre tout à fait. Le peup
qui commençait à douter du prophète, lui
manda des signes; l'enthousiasme, pour serm
tenir, avait besoin de miracles. Un religieux fr
ciscain, Francesco de Puglia, prêchant contr
réformateur, avait offert de prouver, en tvm
sant impunément un bûcher, la légitimité»
l'excommunication prononcée contre lui, si
vonarole consentait à subir la même épre
pour la vérité de sa doctrine. Celui-ci hésit
mais l'un de ses disciples les plus fervents,,
menico Buonvicini, se dévoua pour lui.
outre , un grand nombre de laïques , de i
gieuses, d'enfants même s'offrirent pour en
dans le feu et soutenir les doctrines du {
phèfe. La Seigneurie, après avoir hésité k
temps, décida quel'épreuve aurait lieu . Savoaa
l'accepta enfin, mais à la condition que totu
ambassadeurs de tous les princes chréti
fussent présents, et qu'on l'autorisât, si son cl)
pion sortait intact du bûcher, à commencer
médiatemenl la réforme de l'Église. Frère Fi1
cesco ne voulut entrer dans le feu qu'avec Si
narole. Ce fut un autre franciscain, nommé ï
dinetti, qui s'offrit pour soutenir l'épreuve <
Buonvicini. Le 7 avril, veille du dimanche
Rameaux, on dressa sur la grande place un
cher long de quarante brasses, au milieu dm
se trouvait un étroit sentier ; tous deux se )
sentèreut. La foule était immense et si
cieuse; mais les formes de l'épreuve se
vèrent des discussions interminables : les en
pions devaient-ils entreï dans les flammes i
ou sans froc, avec le corps ou sans le corp
Jésus-Christ? La journée se passa dans ces
bats ; enfin une pluie violente éteignit le bûe
et fournit aux deux partis le prétexte qu'ils c
:.
121
SAVONAROLA
422
dire que Dieu ne permettait pas
•liaient poui
'épreuve.
Dès ce moment le prestige de Savonarole fut
tèrdu; le prophète avait reculé devant le naï-
ade. Le lendemain, la foule se précipita vers
e couvent de Saint-Marc ; on voulait le sang
le l'imposteur. Les partisans de Savonarole,
es moines armés, se défendirent longtemps ;
lais il fallut céder au nombre, et la Seigneurie
nit fin au combat en ordonnant de lui livrer
> prieur et deux de ses disciples, Buonviciniet
laruffi. Savonarole, les mains liées derrière le
os, sortit du couvent ; le peuple l'assaillit d'in-
îres et de pierres. On nomma pour le juger une
ammission de seize membres choisis parmi ses
onemis; deux commissaires du pape, Tur-
| ano, général des dominicains, et un docteur
spagnol, leur furent adjoints. Pendant près de
,eux mois, Savonarole l'ut interrogé tous les
, urs et soumis plusieurs fois à la torture pour
[kilarer la fausseté de ses révélations; la dou-
[ ur lui arrachait des réponses qu'il rétractait
issitôt; on falsifia les interrogatoires ; enfin, il
t condamné au dernier supplice avec ses deux
impagnons. Le 23 mai 1498, il fut conduit
ir la grande place, où s'élevait un immense
ïcher. Avant de le livrer au bourreau, l'é-
kpie de Vaison, délégué par le pape, lui dit :
Je te sépare de l'Eglise militante et de l'É-
ise triomphante. » — « De l'Église triom-
îante, jamais, » répondit Savonarole. Comme
montait au bûcher, des enfants s'approchèrent
lui piquèrent les pieds avec des bâtons poin-
s; puis le bourreau l'attacha au gibet, et les
uls mots qu'il prononça furent ceux-ci :
Ah ! Florence ! Florence ! que fais-tu ? »
uand il fut étranglé, on alluma le feu; quel-
les-uns de ses partisans dévoués voulurent re-
leillir ses restes ; mais la Seigneurie ordonna
les jeter dans l'Arno. Buonvicini et Maruffi
raient péri dans les mêmes flammes.
Les ennemis de Savonarole persécutèrent sa
éwoire et ses partisans ; le nom de piagnone
imnt un outrage ; les Ferrarais , ses compa-
ctes, étaient insultés dans les rues, et l'on vit
î libéralisme dans la débauche qu'il avait com-
ttue. Puis Florence, éclairée sans doute par
3 malheurs dont elle fut la victime, s'altendrit
r le martyr, et la foule vint chaque année ,
jour anniversaire de son supplice, prier et
er des fleurs sur la place où il avait péri.
«Savonarole ne fut ni un fourbe ni un ambi-
ux; ce fut un illuminé, sincèrement con-
jiacu, qui se laissa égarer par son imagina-
it et par sa foi; c'est à tort que Luther et
rès lui beaucoup de protestants l'ont réclamé
mme un précurseur; Savonarole est un
>mme du moyen âge et même un ennemi de
, renaissance; il n'a jamais demandé que la
(brme des mœurs ; sa plus grande hardiesse
;été de soutenir qu'un excommunié peut prê-
r. II n'a pas été non plus un grand démo-
»
b
crate; son idéal était la monarchie, et il vou-
lait surtout fonder la constitution de l'État sur
la vertu. Aussi sa mémoire est-elle restée chère
aux mystiques, comme Catherine de' Ricci et
Philippe Neri ; et l'Église ne l'a pas proscrite.
Déjà Raphaël le peignait au Vatican, parmi les
docteurs ; on vendit à Rome des médailles où
il était appelé bienheureux martyr ; sous le
pontificat de Paul IV, une commission nommée
par le pape déclara ses œuvres irréprochables,
et Benoît XIV, en 1751, le plaça au nombre
des serviteurs de Dieu, dans son livre De Ser-
vorum Del beatificatione.
« Savonarole, dit M. Perrens, a, comme ora-
teur, une valeur réelle et une rare originalité.
Mais l'art lui manqua trop souvent, ainsi que
la méthode. Jl n'a pas de style, et ne rencontre
pas toujours la véritable éloquence... La passion
fut sa principale force, parce qu elle était par-
tout : dans ses pensées, dans ses expressions,
dans son geste, dans sa voix. » Ses écrits ne
valent pas sa parole ; cependant ils sont de-
venus rapidement dans toute l'Europe, surtout
depuis un demi-siècle, l'objet d'études sérieuses
chez les théologiens comme chez les lettrés. Ces
écrits, en assez grand nombre, n'ont pas encore
été tous mis au jour ; nous citerons les princi-
paux : Compendium logice ; Pise , 1492 ,
in-4°,goth.; Florence, 1497, in-fol. ; Venise,
1542, in-S°; — De divisione omnium scien-
tiarum; s. 1. n. d., pet. in-4°, goth. : opuscule
curieux et très-rare ; — Tractato circa el
reggïmento e governo délia clttà di Fi-
renze; Florence, s. d. (vers 1494), in-4°;
ibid., 1847, in-8°; — La Examina de' pec-
cati d'ogjii peccatore ; Florence, 1495, in-4° ;
— Tractato del sacramento et de' myslerii
délia messa; s. 1. n. d., in-4°, goth. ; — Délia
oratione mentale; s. 1. n. d. (Florence),
in-4°; -- Trattati due diversi delV ora-
zione ; dieci regole convenïenti da orare
nel tempo delta tribulatione ; Florence,
1495, 1497, in-4°; — De simplicitate vitse
christianœ ; ibid., 1495, 1496, in-4°; Paris,
1511, pet. in-8°, goth. ; trad. en italien (1496,
in-4°), et en français ( Douai, 1588, in-8°), par
P. Dumont; — Délia humilité; quatre édit.,
s. 1. n. d., in-4°; trad. en latin; — Loquï
prohibeor et tacere non possum, etc. ; s. 1.
n. d., in-4° : pièce rare et curieuse sur la cor-
rection des mœurs; — Delta vita viduale ;
Florence, s. d.,et 1496, in-4°; — Del amore
di Jesu ; s. 1. n. d., in-4° ; — Compendio di
revelatione ; Florence, 1495, 1496, in-4°, fig.
sur bois; — Tractato contra li aslrologi ■
ibid., s. d. (1495), in-4° ; réimpr. en 1536 à Ve-
nise et en 1581 à Florence, in-8°; — Révélât io
de tribulationibus nostrorum temporum, de
reformatione Ecclesiœ et de conversione Tur-
carum ; Paris, 1496, in-4° ; — Expositio ps.
LXXIX, Qui régis Israël; Florence,1496, in-4° ;
trad. en italien dans la même année ; — Trium-
14
\\
423 SAVONAROLA
phus crucis de veritate fidei; s. 1. n. d.
(Florence, 1497 ), in-4° : cet abrégé de la phi-
losophie catholique obtint dans sa nouveauté
un succès qui s'est soutenu jusqu'à nos jours;
trad. en italien, puis en français ( 1588, pet.
in-8°) par Dumont ; — De veritate prophe-
tica lib. IX; Florence, s. d. ( 1497), in-4°;
— Expositione sopra il ps. XXX : In te spe-
ravi; ibid., 1498, pet. in-4°; trad. en latin
peu après, en anglais et en allemand; — Ex-
pasitio in ps. L : Miserere mei, Deus ; plusieurs
édit. in-4°,goth. de la fin du quinzième siècle;
trad. en italien, en anglais et en allemand; —
Sopra la oratione de la Vergine; s. 1. n. d.,
in-4°; — Expositio orationis dominicse; s. 1.
n. d., pet. in-4°; Paris, 1510, 1514, in-S° ; —
Eruditorium confessorum; s. 1., 1510, in-8°,
goth. ; Plaisance, 1598, in-8°; — Prediche so-
pra ilps. : Quam bonus Israël; Venise, 1528,
1544, in-8° ; — Solatium itineris mei, dia-
logus ; Venise, 1535, 1537, in-12. Les écrits de
Savonarole ont donné lieu à différents recueils,
notamment à ceux de Balesdens (Leyde, 1633,
6 vol. pet. in-1 2 ), et de Quétif (Epistolx, ex ital.
in latinum versx; Paris, 1674, in-12). Dans ces
derniers temps, on a publié de lui : Prediche;
Florence, 1845, in-8°. On imprimait à Florence les
prédications du réformateur aussitôt après qu'elles
avaient été prononcées, et toujours dans le
format in-4° ; on en trouvera la liste dans l'excel-
lente notice que M. Brunet a consacrée dans son
Manuel à Savonarole; — Poésie, traite dall'
autografo; Florence, 1862, in-8° ; M. Audin
en avait le premier donné un choix , ibid., 1847,
in-8°. Louis Grégoire.
Apologia del P. Neri in difesa délia dottrina di
G. Savonarola; Florence, 1564, in-8°. — Pic de la Mi-
randole, Fila Hier. Savonurolse ; Paris, 1674, 2 vol.
in-8° ; trad. fr. par Quétif. — Spangenberg, Historié
von Leben, Lehre vnd Tod Hier. Savonarola ; Witten-
berg, 1557, in-8°. — P. Burlamacchi, Vita di G. Savo-
narola ; Florence, 1764, in-8°. — V. Barsanti, Délia
storia del P.-G. Savonarola ; Livourne, 1782, in-4°. —
Rudelbach, Hier. Savonarola und seine Zeit; Ham-
bourg, 1833, in 8° ; trad. fr. par Recordon. — Fn-Ch.
Mêler, G. Savonarola ; Berlin, 1836, in-8°. — Em.
Marin , Vie de J. Savonarole ; Strasbourg, 1839, in-4°, —
P.-J. Carie, Histoire de Savonarola ; Paris, 1842, in-8°. —
Life and Urnes of Savonarola ; Londres, 1843, in-12. —
Maddcn, Life and martyrdom of Suvonarola; Lon-
dres, 1853, 2 vol. in-8°. — Perrens, J. Savonarole, sa
vie, ses écrits ; Montpellier, 1854, 2 vol. in-8°; 3e edit. ,
Paris, 1839, gr. in-18. — Th. Paul, /. Savonarole, pré-
curseur de la Iléforme ; Genève, 1856, In- 8°. — P. Viiiari,
Storia di G. Savonarola ; Florence, 1860, in-8°; tr. en
anglais parHorner, Lond., 1863,2 vol. in-8°. — Hase, Neve
Propheten. — Roscoe, Vie de Laurent de Médicis. —
Tiraboschi, Storia délia letter. — Gulcciardini, Délia
storia d'italia. — Nardi, Storie di Firenzé. — Tournon,
Hist. des hommes illustres de l'ordre de Saint-Domi-
nique. — Quétif et Échard, Scriptores ord. Prœdica-
torum. — Sismondi, Républ. italiennes. — Lenau, Sa-
vonarola, poKme allemand ; Sluttgard, 1831, in-8°. —
Miclielet, La Jienaissance. — Franck, Publicistes et ré-
formateurs ; Paris, 1863, in-18.
savot ( Louis ), savant médecin français,
né en 1579, à Saulieu (Bourgogne), mort en
1640, à Paris. Il s'était rendu dans cette ville
pour y étudier la chirurgie, puis il donna la
SAXE
préférence à la médecine, et paraît n'avoii
pratiqué ni l'une ni l'autre. Bien qu'il n'eût pas
pris le bonnet de docteur, il n'en obtint pas
moins un brevet de médecin du roi Louis XIII
Laborieux et d'un caractère indépendant, il rc
fusa plusieurs places avantageuses, afin de s<
livrer tout entier à la culture des sciences. I
s'occupa particulièrement de minéralogie et d<
métallurgie, ce qui le conduisit à l'étude
l'architecture, où il devint fort habile, puis àcell'
des monnaies et des médailles. Il mourut pauvre
laissant pour héritage la réputation d'un hommi
de bien, des collections d'histoire naturelle e
les écrits suivants : L'Art de guérir par i
saignée, trad. de Galien, ensemble un dis
cours sur les causes pour lesquelles on n
saigne pas encore, tant ailleurs qu'à Paris
Paris, 1603, in-12; inséré in extenso dans L
Médecin charitable de Guybert, publié ei
latin ; — Nova de causis colorum sentent^
Ejusdem de Tetragoni Hippocratici signij
catione; Paris, 1609, in-8° ; — Discours su
le sujet du colosse du grand roi Henr
posé sur le milieu du Pont-Neuf de Pari
où il est traité de Voriyine des statues
Paris, s. d. (vers 1610), in-8°; — L'Arch
tecture française des bastimens partiel
liers; Paris, 1624, 1642, 1673, 1685, in-8°; l
deux dernières édit. avec figures et des not
de Blondel; — Discours sur les médaill
antiques, de leur matière, de leur poid,
de leur prix ; Paris, 1627, in-4°. Cet ouvrag
fort estimé jadis, a été abrégé, puis trad. en 1
tin, par Lud. Kuster, dont la version a été im
dans le t. XI du Thésaurus antiq. grade.
Graevius. J.-P. Abel Jeanuet.
Blondel, Notice, à la tête de son Architecture. — Él<
Dict. hist. de la médecine. — Papillon, liibl. des a
teurs de Bourgogne. — Courtépée, Descript. de Bob
gogne. — Benauldin, Médecins numismatistes.
saxe ( Hermann-Maurice , comte de ) , û\
réchal de France, né le 28 octobre 1696,.
Gotzlar (Saxe), mort le 30 novembre 1750,
Chambord. Il était l'unique fruit des amoi
d'Auguste II, électeur de Saxe, roi de Pologr
et de la comtesse Aurore de Kœnigsmark ( 1
ce nom). Dès ses plus jeunes ans il se dist
gua dans les exercices du corps. Il n'avait
douze ans (1708) que, sans rien dire à sa mèi
il alla rejoindre, à pied, l'armée des alliés dev;
Lille. Auguste , roi de Pologne , qui y avait <
voyé des troupes auxiliaires , confia son fils
comte de Schulembourg , son général. Maur
fit donc ses premières armes contre la Franc
il fut employé au siège de Tournay en qua.>
d'adjudant général, et eut son cheval tué s<
lui, et son chapeau percé d'une balle. 11 n'assi
point, comme on l'a prétendu, à la bataille
Malplaquet. En 1710 c'est contre les Suédoi
à l'école de Pierre le Grand , qu'il apprit 1'
de la guerre. On trouva même qu'il s'y ex|
sait trop. La prise de Riga termina la campag
et il retourna à Dresde. En 1711 il accompai
/'
SAXE
la prise de
le feu fies
426
m père en Poméranie , assista à
reptov/ et passa à la nage sous
itteries de Stralsund. Le roi Auguste donna
i comte de Saxe l'agrément de lever un régi-
ent de cavalerie et d'en choisir lui-môme les
liciers. Ce régiment, composé d'hommes dé-
mîmes, fut presque totalement détruit à Sa-
■lbush. Aurore profita de cet intermède de îoi-
: forcé pour faire épouser à son fils, le 12 mars
14, Jeanne-Victoire de Lœben, fille de condi-
>n, aimable et riche, âgée de seize ans. « 11 n'a-
it pas, dit son historien , de penchant pour
mariage : le nom de Victoire que portait sa
ture, le décida. »
La guerre civile, qui se faisait en Pologne, ap-
| la Maurice dans ce royaume pour y soutenir
s droits d'Auguste II contre les confédérés.
isiégé au village de Crachnitz dans un car-
emar, espèce de bâiiment à peu près sern-
ible à ceux qu'on appelle caravansérails en
irquie , il soutint victorieusement avec dix-
lit hommes l'assaut de huit cents ennemis,
réussit à leur échapper, après des épisodes
: valeur homérique (1716). Le 21 janvier 1715,
femme était accouchée d'un fils, qui ne vécut
te quelques jours. C'est le seul fruit de ce ma-
Kge. 11 s'attira alors avec le comte de Fleming,
nistre favori d'Auguste, une querelle qui dégé-
ira en une passagère disgrâce. La plupart de ses
ographes ont avancé qu'il mit cette occasion à
l'ofit pour aller guerroyer en Hongrie, et qu'il
uva même la vie au prince Eugène, qui assié-
rait Belgrade. Ce récit est complétementerroné,
Mnine on l'a prouvé par des recherches plus sé-
euses. Maurice menait à Dresde la vie du monde
plus désagréable pour un héros ; il était ga-
|nt autant que brave, et la comtesse de Saxe
Ictrêmement jalouse. Les reproches sans fin de
i femme lui donnaient de l'humeur; celte mé-
ntelligence continuelle lui fit détester sa mai-
Mi. La France lui apparut comme la seconde
îtrie. Il partit. A son arrivée à Paris, il fut
•résenté au régent, qui lui proposa le grade de
laréchal de camp (7 août 1720). Il accepta avec
»ie; le roi Auguste ratifia ses démarches, et
la suite du voyage fait en Saxe dans ce but
ar Maurice, lui accorda une augmentation de
ension et la cession de quelques biens con-
squés. Mais la faveur dont Maurice lui fut le
lus reconnaissant, c'est de le délivrer d'une
nion hérissée d'incompatibilités. Le mariage
vec M1'6 de Lœben fut annulé régulièrement.
e comte de Saxe, de retour à Paris, obtint
agrément du régiment d'infanterie allemande
e Sparre. Il employa les loisirs que lui laissait
• paix générale de l'Europe à étudier l'art de
éfendre les places fortes. Il apporta dans ses
ludes militaires une grande originalité de vues.
étonna Folard, qui, dans son Commentaire sur
'olybe, prédisait, vingt ans avant Fontenoy, que
:>n élève serait à son tour un grand capitaine.
Les occasions manquant à son impatience,
il songea à aider les événements, et en 1725
oii le vit, s'arrachant à l'amour, prendre la
route du Nord , où allait s'accomplir un des
épisodes les plus caractéristiques de cette in-
quiète destinée. Ferdinand de Kettler, duc de
Courlande, brouillé avec ses sujets, s'était retiré
à Dant/.ig; il fut attaqué d'une maladie sé-
rieuse en 1725 (décembre). La Pologne n'atten-
dait que sa mort pour réunir ce duché à la cou-
ronne. Les Courlandais, alarmés sur l'avenir de
leur indépendance, choisirent Maurice de Saxe
pour la défendre. Celui-ci s'étant prêté aux pre-
mières négociations, dès le commencement de
1726 il était à Millau , préparant sa candidature
auprès d'Anne Ivanowna, veuve, sans enfants,
de Frédéric - Guillaume , duc de Courlande,
oncle du duemoribond. Elle ne vit pas impuné-
ment un prétendant de si belle mine, et, contre
sa promesse de l'épouser, lui promit son con-
cours. L'élection eut lieu en effet. La tsarine Ca-
therine Ire, qui préférait un de ses concurrents, se
déclara contre lui, et donna l'ordre à Menchikoff
de l'attaquer dans Mittau. Le comte de Saxe
s'y défendit avec autant d'opiniâtreté que de
bonheur, et ajouta à la liste de ses exploits un
autre siège à la Charles XII. Si l'amour le trahis-
sait à Mittau, il lui demeurait fidèle à Paris dans
la personne d'Adrienne Lecouvrenr, qui vendit
ses pierreries pour secourir l'infidèle, auquel elle
s'éfait dévouée. La diète de Pologne le cita à
comparaître devant elle. Maurice refusa. On ré-
pondit par une proscription. Il répliqua par un
appel aux armes. Le roi Auguste, justement in-
quiet de tout ce bruit, invita son (ils à renoncer à
une prétention désespérée. Maurice s'obstina, et
ajouta la disgrâce paternelle, provoquée par son
refus, à tant d'obstacles conjurés contre son
succès. Enfin il dut céder au nombre et rentrer
en France, n'emportant de son expédition qu'un
peu de gloire inutile. A peine de retour à Paris ,
la duchesse de Courlande le rappela auprès
d'elle (1728). Maurice revient et recouvre peu
à peu ses avantages. Une infidélité, constatée
par une ironie du hasard , avec toutes les
circonstances aggravantes de scandale qui ren-
dent une faute irréparable , le précipite de
nouveau du haut du succès, et il perd en même
temps que le cœur d'Anne Ivanowna , bientôt
impératrice de Russie (1730), l'occasion qui
s'offrait à lui de partager un trône avec elle. La
même année, il perdit la comtesse de Kœnigs-
mark, sa mère. A Paris, il essaya d'échapper à
l'oisiveté d'une cour plus occupée d'intrigue que
d'affaires. On le vit avec surprise s'occuper de
la construction d'une machine qui devait faire
remonter les bateaux de Rouen à Paris. Puis
il alla en Saxe achever, avec le chevalier Folard,
les fortifications de Dresde.
La mort de son père Auguste II fit diversion
pour lui à ces travaux militaires (1733). La
France s'apprêtait à combattre l'Autriche liguée
avec la Prusse contre son prétendant au trône
427
SAXE
28
de Pologne. Maurice préféra son service aux
offres brillantes de son frère consanguin, le
nouvel électeur de Saxe. Envoyé à l'année du
Rhin , il se signala au siège de Philipsbourg par
plusieurs actions d'éclat (1734). Quoique, re-
vêtu du grade de maréchal de camp, quand son
régiment était de tranchée, il l'y commandait. Il
faillit payer cher cette incroyable témérité :
dans une escarmouche, il aurait eu le eràne fendu
d'un coup de sabre, sans la résistance d'une
calotte de fer qu'il s'était résigné à porter.
Nommé lieutenant général le 1er août 1734, il fit
la guerre sur le Rhin jusqu'à la paix de 1736, et
retourna en Saxe. Le duché de Courlande l'at-
tirait toujours. Une nouvelle et définitive dé-
ception le rendit aux études et aux médita-
tions sur la guerre. C'est à cette époque (173S)
qu'il retoucha, augmenta et acheva l'ouvrage
modestement intitulé: Mes Rêveries, dont, six
années auparavant, il avait jeté l'ébauche en
treize nuits. La mort de l'empereur Charles VI
ralluma la guerre. Louis XV envoya en Bohême
une armée commandée par le maréchal de
Belle-Isle. L'aile gauche fut confiée au comte
de Saxe. Chargé de l'investissement de Prague,
il s'en rendit maître au bout de quelques jours
(nov. 1741) par un assaut qui est un chef-d'œuvre
de combinaison et d'habileté. Il fit respecter la
discipline à ses troupes, et reçut, en reconnais-
sance de l'ordre maintenu et des propriétés sau-
vées, un diamant de 40,000 écus que lui offrirent
les magistrats de la ville conquise. C'est à Egra,
qu'il enleva comme Prague, avec une mer-
veilleuse dextérité, qu'arriva au comte dé Saxe
la nouvelle que des collatéraux avides, profi-
tant de son absence, cherchaient à usurper des
biens considérables, situés en Livonie, qui lui
revenaient du chef de sa mère. Avec la [ter-
mission du roi, Maurice vole à Saint-Péters-
bourg, demande justice à l'impératrice Eli-
sabeth', en obtient la promesse, et rejoint l'ar-
mée de Bavière. Il fit la guerre défensive avec
autant de supériorité que la guerre offensive.
Ses marches et ses retraites valent ses assauts.
En 1743 , Maurice reçut la permission de
lever un régiment de hulans de mille chevaux.
Cependant le prince Charles de Lorraine avait
obtenu en Bavière des avantages si décisifs que
l'armée française dut rétrograder jusqu'en deçà
du Rhin. Le comte de Saxe venait d'être chargé
de couvrir l'Alsace lorsqu'il fut appelé à diriger
l'expédition qui devait remettre le prince Charles-
Edouard sur le trône (février 1744). Le projet
était hardi, l'homme digne du projet. 11 avait
compté sans la tempête, qui une fois encore
sauva l'Angleterre. L'escadre française fut dis-
persée par un horrible ouragan; les débris en
furent bloqués par une flotte anglaise. Louis XV
n'en donna pas moins au comte de Saxe le bâton
de maréchal de France, qu'il lui réservait à son
retour (26 mars 1744). Durant la campagne de
1744, Maurice, libre de donner en pratique à ce
1 qu'il appelait les partis volants l'importance
qu'il leur avait attribuée dans ses théories,
donne à l'attaque la rapidité des charges de ca-
valerie. Trente-neuf jours lui suffisent pour
soumettre les places de Menin, Ypres, etFurneSi
Pendant l'invasion de l'Alsace par le prince
Charles, il se retranche derrière la Lys, et se
maintient à Courtray, malgré le nombre de ses
ennemis. En 1745, le commandement de l'armée
de Flandre fut donné au maréchal, faveur tar-
dive de la fortune, qui lui souriait lorsque, déjà
minée par les fatigues de toutes sortes., sa santé
rebelle le forçait aux ménagements. Voltaire le
vit au moment du départ, et le maréchal ré-
pondit à ses conseils par cette phrase, qui le peint
à merveille : « Il ne s'agit pas de vivre, mais de
partir. » Arrivé à Valenciennes, le 15 avril 1745,
il dut se soumettre le ïS à la douloureuse opé-
ration de la ponction, nécessitée par son hydro-
pisie. Le 30 la tranchée était ouverte devant
Tournay. Maurice malade se vit obligé de se faire
traîner dans une carriole d'osier. Il ne monta à
cheval qu'au bruit du canon des alliés qui s"ap-
prochaient pour faire lever le siège. Dans la
journée de Fontenoy, il demeura égal à lui-
même. Sa prédilection pour les combats de ca-
valerie retarda le succès de nos efforts. Le canon
seul put enfoncei; les masses de l'infanterie an-
glaise, en vain chargée par la maison du roi. El -
ces quatre canons dont le feu fut si décisif, ils
furent mis en batterie, d'après l'avis de Lally,
saisi au vol par Richelieu. Quoi qu'il en soit,
il est hors de doute que la victoire de Fontenoy
fut décidée par des causes qui tiennent plus aux
circonstances qu'au génie du maréchal. Raucous
et Laufeld, succès moins vantés, lui restent en
entier et suffisent à immortaliser sa mémoire.
Louis XV fit mille compliments au maréchal et
l'embrassa devant toute l'armée en le pres-
sant d'aller se reposer sur ses lauriers. Mau-
rice en avait besoin. Il avait atrocement souffert
de la soif dont il trompait, en mâchant une balle
de plomb, les implacables ardeurs. Le roi lui
avait donné, en récompense de ses services,
la jouissance du château de Chambord, avec
40,000 francs de revenu sur le domaine. Malgré
son état de touffrance, le maréchal s'empare
d'Ath, et pendant qu'on le croyait occupé à
prendre ses quartiers d'hiver à Gand, il fondil
comme la foudre sur Bruxelles et l'obligea l
se rendre. Son retour fut une ovation perpé-t
tuelle. Partout salué par le son des cloches, k
bruit du canon, les harangues solennelles, et les
députations de magistrats et de jeunes filles , il
fut comblé d'éloges et d'égards par le roi et sa
famille, couronné à l'Opéra, et proclamé Fran-
çais pardes lettres de naturalisation (avril 1746),
qui ressemblent à un panégyrique.
Le roi étant arrivé à Bruxelles, le 4 mai 1 746,
le maréchal ouvrit aussitôt la campagne. Il par-
vint par une suite d'habiles manœuvres à rejeter
l'ennemi sur la rive droite de la Meuse. Le ft
:> SAXE
ohrc 1740, la brillante victoire de Raucoux,
l'ciiiu'ini perdit huit mille hommes et cin-
inte pièces de canon, consacra ses prévisions,
roi songea a le faire connétable. A défaut de
■Mineur unique, qu'il jugea inopportun de
ablir, il donna à Maurice le titre de maréchal
téral (12 janvier 1747), porté avant lui par Tu-
ne. La bataille de Laufeld (2 juillet 1747), qui
encore une vie'toire, consacra pour la troi-
ne fois sa supériorité sur le duc de Cum-
land , tacticien renommé. C'est à ce moment
il adressa à Frédéric une sorte de mémoire
slilicatif de ses campagnes : il y prônait son
lème favori des charges en fourrageurs ,
técutées avec succès à Laufeld , pour enfoncer
nfimterie, moyen hasardeux toutefois et dont
rédéric ne faisait pas le même cas que lui. La
illante prise de Berg-op-Zoom commença de
ire sentir aux ennemis de la France la nécessité
ila paix. Sourd à leurs ouvertures, le maré-
al y répondit par la prise de Maestricht. La
iiix d'Aix la-Chapelle l'arrêta dans cette série
; victorieuses démonstrations (18 octobre 1747).
• Le roi ajouta à ses faveurs la propriété de l'île
Tahago. L'opposition de la Hollande et de
ngleterre l'obligea de rétracter ce don, au
iment où le concessionnaire s'occupait de l'en-
>i d'un personnel et d'un matériel de coloni-
tion. Maurice résolut alors de satisfaire un
îs vœux favoris de sa vie' en allant voir de
•es le grand Frédéric. 11 fut accueilli à Berlin
rec des déférences exceptionnelles. Frédéric
i fit rendre les honneurs de prince souverain,
es deux grands capitaines eurent de fréquents
familiers entretiens. « J'ai vu, écrivait Fré-
.;ric à Voltaire, le héros de la France, le Tu-
;nne du siècle de Louis XV. Je me suis instruit
a ses discours dans l'art de la guerre. Ce
inéral pourrait êtie le professeur de tous les
linéraux de l'Europe. » Frédéric ne s'est pas
È.orné à ces éloges, Y Histoire de mon temps
)nfieut plus d'un témoignage de son admiration
; pur le héros de Prague, de Raucoux et de Lau-
».ld. A Chambord , entouré de son régiment de
ulans, qui y faisait le service régulier d'une
,iace de guerre, le comte de Saxe partageait son
laops entre les manœuvres , la chasse, la mu-
squé, des expériences et essais mécaniques,
t la conversation de tous les hommes illustres
e son temps. Il allait de temps en temps à La
range et aux Pipes, deux terres qu'il possé-
àit aux enviions de Paris. Il semblait destiné
jouir longtemps de cette glorieuse retraite,
uand, le 30 novembre 1750, une fièvre putride
'enleva, à l'âge de cinquante-quatre ans. Il
lourut avec une résignation pleine de simpli-
ste. C'est à peine s'il laissa échapper un regret.
Docteur, disait-il à Seuac, son médecin, lavie
est qu'un songe ; le mien a été beau, mais il est
Jurt. » Cette mort si subite, sans avoir été
Mystérieuse, fut controversée. Il courut plusieurs
usions. Les uns le dirent mort des suites d'un
430
duel secret avec le prince de Conti. Les autres
expliquèrent cette rencontre par le ressentiment
que leprince avait gardéde la campagne de 1740,
où son commandement lui avait été enlevé par
le roi pour être remis au maréchal. On parla
aussi d'une querelle galante, de lettres surprises,
d'insulte à la princesse de Conti. La qualité de
protestant, qui avait empêché le marécbal de
Saxe d'être décoré de l'ordre du Saint-Esprit,
s'opposa aussi à son inhumation à Saint-Denis.
Un magnifique monument funéraire, œuvre du
ciseau de Pigalle, lui est consacré dans le temple
de Saint-Thomas à Strasbourg.
Maurice de Saxe était grand et vigoureux. De
grands yeux bleus pleins de feu éclairaient
son visage basané et en tempéraient l'énergie ,
adoucie encore par un sourire cordial. Sa force
musculaire était proverbiale et a fait un des cô-
tés de sa popularité. La légende raconte qu'il
tordait entre ses doigts un fer à cheval ou un
écu de six francs et faisait un tire-bouchon d'un
clou. Un jour, à Londres, insulté par un charre-
tier dans la rue, il le saisit et le jeta dans un
tombereau de boue qui passait. Il avait de l'es-
prit, et ses mots heureux, d'une franche saveur,
faisaient les délices du bivouac. Il aimait le sol-
dat et en était aimé. Un jour, un officier général
lui proposant un coup de main dans lequel il
faudrait, disait-il, sacrifier la vie d'une vingtaine
de grenadiers, le maréchal indigné lui répondit :
« Une vingtaine de grenadiers! Passe encore, si
c'était une vingtaine de lieutenants généraux!»
Rien n'avait manqué à sa gloire que d'être de
l'Académie française. On le lui offrit. Il déclina
modestement cet honneur, par un billet qui justi-
fiait son abstention. Le voici , dans sa bonhomie
narquoise et son orthographe indépendante : « Ils
veule mefereia la cademie; sela m'iret corne
une bage à on chas. »
Une fille naturelle de Maurice, née en 1748,
fut la grand'-mère de Mme Sand (voy. Dupin).
L'ouvrage unique du maréchal, Mes Rêveries,
fut publié à Paris, 1757, 5 vol. in-4°.Ony trouve
beaucoup d'assertions téméraires , des idées
originales et l'amour du soldat. Maurice avait
prévu les avantages du recrutement légal, et il
recommandait ce mode d'enrôlement comme le
t,eul moyen d'avoir une armée homogène et fi-
dèle. Il existe à la bibliothèque de Strasbourg
et aux archives de Dresde des lettres du maréchal
de Saxe. Grimoard a publié, en 1794, des Mé-
langes tirés de ses papiers; Paris, 5 vol. in-8°.
M. DE Lescure.
Histoire du maréchal de Saxe, par le baron d'Espo-
gnac. — Éloge par Thomas.— Mémoires de d'Argenson,
du duc de Luynes, de Barbier. — Mémoires du ruarquis de
Vallons. — Les Kœnigsmark, par H. Blaze de Bury, 1855.
— Mémoires inédits du dix-huitième siècle, par Ch. Ni-
sard.— Caractères et Portraits, par Scnac de Meilhan.
— Ranft, Leben des Grafcn von Sachsen; Leipzig, 1746,
in-8°. — Lalandc, Eloge; Paris, 1760, in-12. — La Barre du
Parcq, Biographie et maximes du maréchal de Saxe;
Paris, 1851, in-S°. - Ch. de Weber, Moritz von Sachsen;
Dresde, 1863, in-S°.- Revue des deux mondes, 1er mai 1864.
431
SAXE — SAXE-WEIMAR
43
SAXE (Christophe), en latin Saxius, éru-
dit allemand, né le 13 janvier 1714, à Eppen-
dorf (Saxe), mort le 3 mai 1806, à Utrecht.
Fils d'un ministre protestant du nom de Sachse,
il fréquenta l'université de Leipzig, eut pour
maîtres Wolf et Mencken, et s'appliqua aux
belles-lettres, sous la direction des deux Er-
nesti. Reçu maître es arts en 1738, il dirigea
l'éducation du jeune comte de Bunau, puis celle
d'un autre gentilhomme. Dans le même temps,
il fournit un grand nombre d'articles dans les
Nova acta eruditorum et dans les Miscel-
lanea lipsiensia nova. Après avoir, en 1745,
parcouru une grande partie de l'Allemagne et
de la Hollande, il fut, en 1748, appelé à La Haye
comme précepteur du fils de Jean de Back, se-
crétaire d'État, et la protection de ce dernier
lui valut, en 1752, la chaire d'antiquités et d'é-
loquence à l'université d'Utrecht, emploi qu'il
exerça jusqu'à sa mort avec beaucoup d'hon-
neur. Saxe a donné lui-même, dans le supplé-
ment de V Onomasticon, la liste de ses écrits,
au nombre de quarante-six. Nous citerons les
suivants : Vindicias pro Maronis Mneide ;
Leipzig, 1737, in-4° : une des meilleures réfu-
tations des paradoxes du P. Hardouin ; — De
Henrico Eppendorfio ; ibid., 1745, in 4° ; no-
tice quirenferme des détails curieux sur Érasme;
— Lapidum vetustorum epigrammata ; ibid.,
1746, in-4° : ouvrage cité avec éloges par Ou-
dendorp et d'Orville; — Diptychon Magni
consulis; La Haye, 1757, in-fol. ; travail re-
marquable sur ce monument, jusqu'alors in-
connu, et qui appartenait à l'auteur; - De
dea Angerona; Utrecht, 1766, in-4°; —
Quxstiones literarix; ibid., 17C7, in-8°; —
Onomasticon literarium, sive nomenclator
historico-criticus prœstantissimorum omnls
œtatis scriptorum; Utrecht, 1775 1790, 7 vol.
in-8°, suivis d'un huitième, ou supplément, publié
sous le nom deMantissa; ibid., 1803, in-8°. Cet
ouvrage, dont une partie, consacrée aux auteurs
anciens, avait paru sous le même litre (1759,
in-8° ), contient par ordre chronologique en-
viron dix mille notices biographiques, la plu-
part très-sommaires sur les auteurs de tous les
pays ; le premier nom est Adam, le dernier G.
Hermann, né en 1772 ; ce qui a rendu ce livre
si utile, c'est l'indication des sources à con-
sulter sur chaque auteur ; la table générale des
matières des tomes I-V1I est imprimée dans
le septième volume. Saxe adonné lui-même un
abrégé des deux premiers volumes, sous le titre
de Onomastici literarii epilome; Utrecht,
1792, in-8° ,• — Tabulx genealogicse Deorum,
regum, virorum iltustrium, qui per tempus
mythkum viocis.se creduntur ; Utrecht, 1783,
in-fol.; — Monogrammala historix Ba-
tavx; ibid., 1784, in- 8°; — Scholia lite-
rario-critica in Muratorii Thesaurum in-
scriplionam,(];ms\es t. I-1V des Acta literaria
de la Société savante d'Utrecht. 11 a édile Dyo-
nisiï Catonis Disficha (1778), et il a eu pa j
à la rédaction du Muséum numarium Milanc
VisconUanum (1782, in-8°).
Saxe, Onomasticon, t. VIH (autobiographie). — Ha
less, yitse philologornm, t. I. — Hirsching, Hundbuc
—,Nenes Gelehrtes Europa, t. XV, p. 709-730.
saxk-weimar ( Bernard, duc de), illusti
capitaine allemand, né à Weimar, le 6 août 160'
mort le 8 juillet 1639, à Neubo'urg. Il était le ph
jeune des sept fils de Jean JH, duc de Saxe-W<
mar; il perdit son père à l'âge d'un an, et fi
élevé sous la direction de sa mère. La pédanter
de ses précepteurs (il eut entre autres le fatnei
Nihus), antipathique à son caractère, vif et ga
lui ôta le goût de l'étude , ce qu'il regretta pli
tard amèrement. En revanche, il acquit unetrè
grande habileté à tous les exercices du corps,
dix-huit ans il fit ses premières armes dai
l'armée- de Mansfeld (1622), et se signala par m
brillante valeur. En 1623 il commanda un \é{
ment dans l'armée du duc de Brunswick; après
défaite de Stadtlohe, il gagna la Hollande et ï
çut le meilleur accueil de Maurice, prince d'i
range, qui lui confia le commandement de D
venter ; il fit aussi des séjours prolongés da
le camp de ce célèbre capitaine, où affluais
les officiers de toute l'Europe; il étudia notan
ment l'art des fortifications et des sièges, où 1
Hollandais excellaient alors. Étant entré au s(
vice du roi de Danemark Chrétien IV (1625),
prit une part active aux opérations mal coml
nées de ce prince contre Wallenstein et Tilly,
commanda lors de la retraite (1627), avec lenu
grave de Bade-Dourlach, un corps de dix mi
hommes, qui fut dirigé sur l'Oldenbourg. Attaq
le 14 septembre par des forces supérieures,
s'exposa aux plus grands dangers pour ranim
ses soldats découragés; mais il ne put arrêt
leur complète déroute. Bien qu'il eût fait sapa
avec l'empereur, par l'entremise de Wallenstei
qui l'estimait beaucoup, malgré les revers qui
n'avait cessé d'éprouver depuis six ans qu'il coi
battait pour la cause qu'il croyait juste, il
prépara à une lutte nouvelle en suivant av
attention les opérations du fameux siège
Bois-le-Duc. Pendant deux années il fit de vai
efforts pour former une ligue entre les princ
protestants. La pusillanimité de l'électeur de Sa
fit échouer ce projet. Il se rendit alors au car
de Gustave-Adolphe, qui le reçut avec distincts
et le nomma colonel de la cavalerie de sa gar
(juillet 1631). Puis il signa avec lui un tra;
d'alliance, dont plusieurs clauses importantes*]
meurèrent verbales, ce qui donna lieu plus ta
à des difficultés. Détaché en 1632 vers le b
Palatinat, il prit Spire, et un heureux sti
tagème lui livra la forte place de Mannlieir
puis il fit rentrer dans l'obéissance les paysa
révoltés de la haute Souahe, et s'avança jusq
dans le Tyrol ; au milieu des avantages qn
remporta, il fut soudain rappelé parle roi
employé à l'attaque du camp retranché de W
433 SAXE-WEIMAR
lenstein, près de Nuremberg. Après la retraite, il
fut laissé en Franconic pour observer Wallen-
stein, qu'il empêcha de pénétrer en Thuringe, et
s'opposa à la jonction de Pappenheim et de Holk.
Gustave, jaloux de la gloire naissante de son
jeune élève, lui ordonna de ne rien entreprendre ;
presque en même temps il le rejoignit à A rnstadt;
à la suite d'une explication très-vive, Bernard
i donna sa démission de général suédois. Il la re-
lira bientôt, et dégagea Nuremberg. Le 6 no-
vembre suivant il était à Lutzen et commandait
l'aile gauche; il allait prendre l'ennemi entre
peux feux, lorsqu'il fut appelé à la droite, qui
litait en pleine confusion à la suite de la mort du
(l'oi; il y rétablit l'ordre, prend le commande-
( rient en chef, et malgré l'arrivée soudaine de
Ifappenbeim, qui rend un instant la victoire in-
jllécise, il la fixe sous ses drapeaux en massant
,|;es troupes en huit colonnes d'attaque.
| Appelé par la voix unanime des soldats à
remplacer Gustave, Bernard débarrassa la Saxe
ni s'empara de Bamberg. Dans les premiers
nois de 1C33, il rejoignit le feld- maréchal
S loin, avec lequel il battit Altringer. Dans l'in-
Hervalle de graves difficultés étaient survenues
I Dire lui et le chancelier Oxenstierna, qui avaient
Lu pour résultat de faire partager l'armée en
Mieux corps placés l'un sous Horn, l'autre sous
i'ernard. Cependant ce dernier obtint du chan-
celier deux choses importantes, le payement de
ta solde arriérée et la propriété des duchés de
Oambergetde Wurtzbourg, réunis sous le titre de
duclië de Franconie. Cette acquisition lui était
Fautant plus précieuse qu'elle lui donnait les
moyens de s'attacher davantage ses soldats
par des largesses et des distributions de terres.
Pendant dix-huit mois, il opéra tantôt avec
florn, tantôt seul. Trop faible d'un côté, mal
pecondé de l'autre, il ne put presque jamais
récolter le fruit de ses avantages. Son plan
jd'isoler l'Autriche de la Bavière et de l'envahir
sur deux points à la fois était hardi : il avait
ipris Ratisbonne et tout le haut Palatinal ; mais
lOxenstierna refusa de donner de l'argent , Horn
jdes soldats. Bernard, découragé, prêta l'oreilleaux
[propositions de Wallenstein, et il allait s'y rendre
lorsqu'il apprit la nouvelle de sa mort (février
>1634). Trop faible pour tirer parti du désordre
joù cet événement jeta les Impériaux , réduits
jàla défensive, il fut bientôt chassé du haut Pa-
jlatinat. Il se réunit alors à Horn pour aller sau-
ver Ratisbonne, menacé par des forces supé-
rieures; des retards causés par le général sué-
dois, qui était presque toujours en mésintelli-
jgence avec Bernard, empêchèrent ce dernier de
prévenir la chute de Ratisbonne(16 juillet 1634).
[Un mois plus tard ils marchèrent tous deux au
[secours de Nordlingen, assiégé par trente-trois
pille Impériaux. Le 26 août au soir, il arriva
javec vingt deux mille hommes en vue de l'en-
jDemi, et fit décider l'attaque immédiate; mais
Horn, chargé de déloger pendant la nuit quatre
434
cents espagnols d'une hauteur qui dominait le
camp de l'ennemi, agit avec sa lenteur accoutu-
mée, et n'opéra que le lendemain matin. Les
espagnols s'étaient retranchés; il fallut de grands
efforts pour les chasser, et au moment d'eu ve-
nir à bout, l'explosion d'une poudrière causa la
mort d'un millier de Suédois. Tout l'avantage
gagné fut reperdu. Bernard, de son côté, tenait en
écbec les Impériaux ; il envoya des renforts à son
collègue, qui, dans la crainte d'être coupé,
commença vers midi abattre en retraite. Pour
couvrirce mouvement, Bernard attira surlui pres-
que toutes les forces ennemies ; mais sa cavalerie,
repoussée par Jean de Werth, ayant culbuté les
rangs de l'infanterie, il en résulta une confusion
inexprimable, qui se changea en complète dé-
route. Bernard, auquel ce désastre ne peut êlre
attribué, faillit être pris comme Horn, et perdit
tous ses bagages. Il rallia les fuyards , les ren-
força par quelques levées , et eut bientôt une
dixaine de mille hommes, qu'il conduisit aux en-
virons de Mayence et ensuite au delà du Rhin.
Ces soldats, pour lesquels il réclama en vain de
la ligue protestante les arriérés de solde et des
vivres, se mirent à exercer des brigandages et
des excès de toutes sortes. Ce fut alors qu'il entama
(fin 1634) les premières négociations sérieuses
avec l'envoyé français, le marquis de Feuquières,
à la demande duquel il rétablit enfin l'ordre et
la discipline parmi ses troupes.
Après de longs pourparlers , il obtint le con-
cours de six mille Français pour faire lever le
siège de Heidelberg. Le 1er janvier 1635 il
passa le Rhin pour se joindre aux autres troupes
protestantes ; mais son projet échoua, par les in-
trigues de l'électeur de Saxe. Il venait d'être
investi par la ligue de Heilbronn du titre de gé-
néral en chef, ce qui lui permettait de garder en
partie son indépendance vis-à-vis de la cour de
France, lorsqu'il fut obligé par l'entrée de Gallas
dans le bas Palatinat de se retirer jusqu'à Sarre-
bruck. 11 reçut alors les secours que le cardinal
de Richelieu lui promettait depuis longtemps
(juillet 1635). Disposant de vingt mille hommes,
il dégagea Mayence, passa leRhin et livra une suite
d'engagements heureux. Le manque de vivres, les
épidémies, la désertion affaiblirent bientôt son ar-
mée au point de le forcer à opérer sa retraite
sous le feu de l'ennemi : il le fit après avoir dé-
ployé une activité, une présence d'esprit, un
génie militaire, qui fit dire à Gallas que cette
retraite était le plus beau fait d'armes auquel il
eût encore assisté. Au mois d'octobre il se porta
avec trente mille hommes à Dieuze au devant de
Gallas et du duc de Lorraine, qui n'acceptèrent
pas la bataille; il tenta de surprendre leur camp,
mais ne remporta qu'un succès partiel, parce que
les généraux français refusèrent d'exécuter ses
ordres. Dans l'intervalle la paix de Prague lui
avait enlevé tout espoir de secours à tirer d"Al-
lemagne. Il n'hésita plus à se mettre tout à fait
au service de la France, et conclut avec Riche-
435
lieu un traité secret dont les principales clauses
étaient qu'il recevrait par an quatre millions de
francs pour l'entretien de dix-huit mille hommes,
que ses intérêts et ceux de ses officiers seraient
sauvegardés lors de la paix future, et qu'il per-
cevrait pour sa personne les revenus de l'Al-
sace. Dès l'abord la cour de France se montra
très-négligente dans l'accomplissement des obli-
gations qu'elle venait de contracter. Pour la
presser, Bernard se rendit à Paris (mars 1636),
où ii reçut le plus brillant accueil , mais sans ob-
tenir entière satisfaction. Dans l'été de cette an-
née il entreprit avec La Valette une campagne
en Lorraine, d où il chassa complètement l'en-
nemi, et prit Sarrebourg, Pfalzbourg et Saverne.
Il arrêta ensuite victorieusement l'invasion en
Bourgogne entreprise par l'armée impériale tout
entière, qu'il repoussa au delà de la Saône après
lui avoir fait éprouver de grosses pertes. En 1637
il se dirigea sur la Franche-Comté ; après avoir
emporté le passage de Gray, malgré la vive ré-
sistance du duc de Lorraine et de Mercy, qu'il
poursuivit jusqu'à Besançon, il remonta subite-
ment vers le Rhin : prenant les devants avec
quinze cents hommes, il arrive le 26 juillet à
Rheinau près de Benfeld ; il occupe et fortifie à
la hâte les deux îles placées à côté l'une de l'autre
qui s'y trouvent, et facilite ainsi au reste de son
armée le passage du fleuve. Il remporta sur Jean
de Werth une victoire signalée dans les environs
d'Ettenheim; mais l'insuffisance de ses troupes,
l'absence des chevaux l'empêchèrent d'aller don-
SAXE-WEIMAR 436
deux mille prisonniers, dont les deux généraux
en chef et presque tous les officiers. Aprèsavoir
ensuite pris Rheinfelden et Fribourg , il fit oc-
cuper le Brisgau, par ses lieutenants; il tenta
d'exécuter le projet, conçu de longue date, de
s'emparer de Brisach, la clé de l'Alsace. A
peine cette place fut-elle menacée que l'empe-
reur ordonna à ses généraux de mettre tout en
œuvre pour la sauver. Renforcé par quatre
mille Français, sous Guébriand et Turenne, ce
qui porta son armée à seize mille hommes,
Bernard résolut de prévenir l'attaque de Savelli
et de Gœlz qui disposaient de 20,000 hommes,
et il les assaillit devant Schuttern (29 juillet).
N'ayant pas réussi à les déloger, il se relira; ,
mais ayantappris qu'ils avaient aussi rétrogradé,
il les poursuivit à marches forcées, les atteignit
près de Kappel, et les défit, après cinq heures d'un
combat acharné (1er août). Un immense bu-
tin et plus de quatre-vingts drapeaux tombèrent
entre ses mains. Maître du pays, il investit I
Brisach, place que la nature et l'art avaienlJ
rendue presque imprenable. Les travaux de j
siège terminés , il s'empara à la fin de sep- h
tembre de quelques ouvrages importants ; mais ;
une fièvre violente, augmentée par l'irritatior II
où le jetait l'incurie de la cour de France. , qu
ne lui expédiait que des secours insuffisants, I< j
réduisit pendant quelque temps à l'impuissance
Les Impériaux étaient revenus en force, com |
mandés par le duc de Lorraine, Gœtz et Savelli
A peine convalescent, Bernard courut au-devan
ner la main aux Suédois sur le Danube, et il i du duc, le rencontra à Thann (5 octobre), et lu
repassa le Rhin. Cette fois il alla ravitailler son
armée dans les riches 'domaines de l'évêque de
Bâle, sous prétexte qu'il avait violé Ja neutralité,
et il y leva de fortes contributions. Au commence-
ment de i638,iIobtintunmilionetdemi poursolde
des subsides arriérés et deux millions et demi
pour l'année courante; de plus on lui promit qu'un
corps français occuperait dans la Franche-Comté
l'armée du duc de Lorraine.
Déjà avant la signature de cet accommode-
ment, il avait commencé une campagne d'hiver.
A la nouvelle de la mésintelligence entre les chefs
impériaux,il se hâta de profiter du peu de soin qu'ils
mettaient à garderies passages du Rhin du côté
du Brisgau ; il part le 17 janvier 1638, par le plus
grand froid, traverse le 19 le fleuve, ets'empare le
20 de Laufenbourg, puis il mel le siège devant
Rheinfelden. II était encore occupé lorsque Jean
de Werth et Savelli, ayant enfin réuni leurs régi-
ments dipersés, vinrent lui présenter la bataille;
elle fut longue et acharnée, et resta indécise
(18 février). Bernard se retira sur Laufenbourg.
Trois jours après, le 21, il vint à son tour sur-
prendre les Impériaux restés devant Rheinfelden.
Faisant soutenir sa marche en avant par les
feux de l'artillerie, moyen de son invention qu'il
employa alors pour la première fois, il mit après
une heure de combat les ennemis dans une com-
plète déroute; ils curent quinze cents morts et
fit perdre plus de la moitié de ses hommes e
(outesonartillerie. Maislei4octobre,danslanuif
son camp fut assailli par quatorze mille Impériaux
qui faillirent mettre le feu aux magasins; les effort
qu'ils renouvelèrent ne réussirent pas mieux
Exténuée de famine, la garnison de Brisach capi
tula, le 7 décembre. Bernard prit en son propr
nom possession de la ville, où il trouva un im
mense matériel et une quantité d'objets pré
cieux.
Pour dédommager les Français, qui avaien
espéré qu'il leur céderait sa conquête, Bernai/
résolut de délivrer la Franche-Comté. A la find
décembre, il se mit avec onze mille hommes e
marche vers ce pays, dont il trouva les entrée
fort mal gardées. Sans avoir rencontré d'obs
lacles sérieux , il pénétra jusqu'à Pontarlier, 6
se rendit maître en six semaines de la partie 1
plus riche de la province. Il revint en Alsace, qu'i
regardait selon les promesses françaises comm
devant bientôt lui appartenir complètement, e
dont il prit en main l'administration. Il préparai
pour cette année de vastes opérations dans l'Ai
lemagne du sud, où les Impériaux ne pouvaien
plus lui tenir tête. Aussi la cour de Vienne cher
cha-t-elle de nouveau à le gagner par les propo
sitions les plus avantageuses ; il resta sourd à ce
ouvertures,de même qu'il résista avec fermeté au
instances de Guébriant pour qu'il adhérât à 1
SAXE-WEIMAR — SAXO
438
■mention de garder Brisach, mais au nom du
i. Sans attendre les secours qu'on ne cessait de
i promettre, il franchit le Rhin avec quelques
ailiers de soldats. Ce fut à ce moment qu'il fut
ris, le 3 juillet, d'une grave maladie; il se fit
ansporter à Neubourg, où il succomba quel-
les jours après (1). Il mourut dans les senti-
ments de sincère piété qui ne l'avaient jamais
lutté. Par son testament il confia le commande-
ment de l'armée à ses quatre lieutenants: Erlach,
\ comte de Nassau, Ehm et Rosen, et laissa à ses
lères outre sa fortune mobilière, ses conquêtes
[i Allemagne; mais la France s'en empara im-
1 édiatement par la connivence d'Erlach, qu'elle
i ait gagné à ses intérêts par une pension de
|:,000 livres, et qui s'appropria la plus grande
rlie de l'argent et des objets précieux que pos-
[dait son maître.
; Ainsi disparut au milieu des plus brillants
fomphes, au moment où il allait donner une
Uivclle face à la lutte dont dépendaient les
I stinées de l'Europe, le duc Bernard de Saxe-
r'eimar, qui fut après Gustave-Adolphe le plus
pnd homme de guerre de son temps. D'une
Savoure téméraire, il ne perdait pas de vue au
\ lieu de la mêlée la plus confuse tous les in-
jlents du combat, et remédiait aux fautes avec
[tant de bonheur que de promptitude.
(Il méditait profondément ses plans et les exé-
Itait avec une parfaite sûreté de coup d'œil,
liliant à ce que l'ordre le plus régulier présidât
|f service, dont aucun détail ne lui échappait. Il
-lit d'unejaille élancée et bien proportionnée;
(avait le tein brun, le visage agréable, bien qu'un
m allongé. Sa simplicité était remarquable; et
jse distinguait de presque tous les capitaines de
m temps , de ses compatriotes surtout, par sa
•briété et sa chasteté exemplaires. Il était d'un
rCiieil bienveillant, plein de libéralité, et très-
imiain; il n'y eut guère que deux occasions où
se laissa entraîner par sa grande vivacité à
;s rigueurs excessives; encore n'éteient-elles
is contraires à la justice, vertu qu'il cultivait à
•■gai de l'intégrité. Ernest Grégoire.
sluitf Herzoçi Bernhards ; Gotha, 1639, in-i°. —
r, Trauerprcdigt ûber Herzog Bernhard; Col-
», 1639, in-4c. — Freinsheim, Tcutscher Tugens-ùpie-
l. — Hellfeld, Ceschickle Bsrnhards des Grossen;
l| elg, 1797, in-8°. — Rœse, Herzog Bernhard des Gros-
si Weimar, 1828, 2 vol. ln-8° (excellent travail rédigé
iprts les papiers de Bernard et autres documents iiié-
w'-s). — Bazin, Hist- de Louis XIII. — Richelieu, Mé-
ioires.
saxius. Voy. Sassi et Saxe.
■saxo, surnommé Grammalicus, historien
mois, né probablement dans une des îles da-
ises, mort peu après 1203 (2). Il était de ia
i| D'après des bruits publics souvent accueillis, Ber-
rd serait mort, empoisonné, crime attribué tantôt à
iitrichc, tantôt à la France. Dans les derniers temps
M vie, le duc eut, il est vrai, à prendre des mesures
Ifiir se garder de diverses tentatives d'assassinat; mais
Rant à sa mort, elle est due, d'après l'examen appro-
■l-idi de Rœse, à des causes toutes naturelles.
Comme Sperling l'a depuis longtemps établi, ii ne
l
famille noble des Lange; son père et son
grand-père servaient dans l'armée de Walde-
mar Ier. Entré dans les ordres, il passa la plus
grande partie de sa vie dans un monastère siltié
en Scanie, comme on le présume avec beau-
coup de vraisemblance. D'un esprit vif et plein
d'ardeur, il parvint sans maître -à posséder la
langue latine à un degré d'excellence qu'aucun
de ses compatriotes n'avait encore atteint. Ce
fait, d'autant plus remarquable qu'une petite
partie seulement des classiques latins était
connue en Danemark, lui valut le surnom de
Grammaticus. Absalon, archevêque de Lund,
devint son protecteur, et le chargea d'écrire, de
concert avec Aggeson, les hauts faits de la na-
tion danoise. Une trentaine d'années aupara-
vant un moine de Roëskilde avait fait dans ce
genre un premier essai, consistant en récits
d'une extrême sécheresse. Le travail d'Aggeson
ne valait guère mieux. L'Historia danica de
Saxo, au contraire, est un des documents les
plus curieux du moyen âge; plus de la première
moitié est empruntée uniquement aux tradi-
tions populaires et aux chants des scaldes, que
Saxo traduit souvent à la lettre. Puisée à cette
source, que presque tous les auteurs du moyen
âge s'obstinèrent à dédaigner, cette partie de
Y Histoire de Saxo est du plus haut intérêt
touchant les mœurs et coutumes des anciens
Scandinaves. Mais on ne peut rien en tirer pour
l'histoire proprement dite ; c'est un tissu de ré-
cits fabuleux, où l'on aurait beaucoup de peine
à démêler un seul fait certain. Arrivé au
dixième siècle de notre ère (à partir du dixième
des XVI livres de son ouvrage), Saxo entre
enfin dans le domaine de la réalité ; mais il ne
suit pas d'ordre chronologique ; et l'on voit fa-
cilement qu'il n'a pas consulté les archives de
Lund et de Roëskilde et qu'il n'avait qu'une con-
naissance superficielle des annalistes francs et
anglais (1). Son récit faiblit et devient terne;
sur le règne de Waldemar Ier il fournit les dé-
tails les plus précieux et les plus authentiques,
puisés dans les communications de l'arche-
vêque Absalon, qui avait pris alors une si
grande part aux affaires du pays. L'ouvrage de
Saxo fut considéré longtemps comme la base de
l'histoire danoise; son autorité, combattue pour
la première fois au dix-septième siècle par Tor-
fa;us , fut encore prédominante jusqu'à ce que
Dahlmann en eut fait une analyse critique, La
première édition a pour titre : Danorum re-
gum heroumque historiée (Paris, 1514, in-fol.);
eile a été réimprimée à Bàle, 1534, in-fol.; à
Francfort, 1576, in-fol. ; à Soroë, 1644, in-fôl.,
faut pas le confondre avec un autre Saxo, son contem-
porain, prévôt de Roëskilde, et rien ne prouve que l'his-
torien lui-même ait vécu et ait été enterré à Roëskilde.
(Langebeck, Scriptorcs, t. V, p. 430 et 430. )
(1) Quoiqu'il en dise, Saxo n'a pas plus puisé ses ren-
seignements ■il.'.ns les inscriptions coniques, qui n'offrent
i du reste pas de matériaux pour l'histoire, qu'il n'a con-
I suite les travaux historiques des Islandais.
439 SAXO
avec une introduction et un bon commentaire
de Stephanius ; à Leipzig, 177l,in-4°. La meil-
leure édition a été donnée par P.-E. Millier et
Velschow ; Copenhague, 1839-1858, 2 vol. gr.
in-S°. Une traduction danoise dans un style
plein d'énergie et de naïveté, autant que celui de
Saxo est fleuri et recherché, a été publiée par
Vedel (Copenhague, 1575, in-fol. et 1845-1851,
gr. in-8°); elle est devenue en Danemark un
livre populaire; une autre traduction danoise a
été donnée par Grundtvig (Copenhague, 1818-
1822, 2 vol. in-40), E. G.
Reimcr, De vita Saxonis Crammatici ; Hclmstfedt,
17ii2, in-4°. — P. -T. Miiller, Kritisk Undersogelse af
Saxos Historié; Copenhague, 1823, in-8°. — Suhm, His-
torié af Danmurk, t. IX, p. 104. — Nyerup , Histo-
risli-statistish Skildring ,t. Il, p. 2G7 — Dahlmar.n, For-
schungen auf dem Gebiete der Geschichte, p. 149-403.
say ( Jean-Baptiste ), économiste français,
né à Lyon, le 5 janvier 1767, mort à Paris, le
15 novembre 1832. Son père, Jean-Etienne
Say, issu d'une famille protestante, originaire
de Nîmes, mais établie à Genève après la révo-
cation de l'Édit de Nantes, était venu, à la fin
du dix-huitième siècle, apprendre le commerce
à Lyon, chez un riche négociant, M. Castenet,
dont il avait épousé la fille. J.-B. Say naquit
de cette union, et n'interrompit des études bril-
lamment commencées que pour suivre ses pa-
rents à Paris, où les conduisaient ies nécessités
d'une fortune compromise. Destiné alors au né-
goce, il passa, avec son frère Horace, en Angle-
terre, où il habita le village de Croydon, près
Londres, chez un négociant dont il se fit le com-
mis. La mort de son patron l'ayant fait revenir en
France, il entra comme employé dans une com-
pagnie d'assurances sur la vie, dont le gérant
était Clavière, le futuT ministre des finances de
la république. C'est par lui qu'il connut les œu-
vres d'Adam Smith, et que, trouvant dès lors
sa vocation, il en devint d'abord le divulgateur
et bientôt le continuateur. Tout en annotant
les œuvres de Smith, il publiait, dans ÏAlma-
nach des Muses, quelques poésies fugitives,
et travaillait, avec Mirabeau, au Courrier de
Provence. Notre grande révolution ne le laissa
pas indifférent; en 1792 il partit comme volon-
taire, et fit la campagne de Champagne; en 1793
il prit le nom A'Atticus, et devint secrétaire
de Clavière, nommé ministre. Il venait d'é-
pouser M"e Deloche, fille d'un ancien avocat
au conseil ( 25 mai 1793) ; la dépréciation des
assignats réduisit les jeunes époux à une gêne
extrême : il leur fallut quitter Paris, et, placés
tous deux à la campagne, ils songeaient à ou-
vrir une maison d'éducation, lorsque les amis
de Say, Chamfort et Ginguené, lui offrirent de
fonder avec eux un journal, La Décade (avril
1794 ), qui devait mettre les lettres en harmonie
aver, l'esprit politique du temps. Resté seul à la
tête de ce recueil par la mort de Chamfort et
l'emprisonnement de Ginguené, il s'adjoignit
Andrieux, Amaury Duval, et son propre frère
- SAY 44C
Horace, qui professait l'art de la fortification è
l'École polytechnique. Cette collaboration cesss
seulement en 1800. Sa réputation dès lors étail
assez grande pour que Bonaparte, partant poui
l'Egypte, lui confiât le soin de choisir lès livres
qui devaient composer la petite bibliothèque
dont il voulait se faire suivre. Nommé tribur
en novembre 1799, il ne tarda pas à désap
prouver les tendances absolutistes du nouveai
gouvernement. «Trop faible, a-t-il dit, pou
m'opposer à l'usurpation et ne voulant pas 1;
servir, je dus m'interdire la tribune, et revêtan
mes idées de formules générales, j'écrivis de
vérités qui pussent être utiles en tout temps e
dans tous les pays. » Telle fut l'origine de
écrits économiques qui allaient le rendre si ce
lèbre et où la haine de l'arbitraire et des ei
traves gouvernementales devait se marquer :
profondément. Dès 1789 il avait publié un ess:
sur la Liberté de la Presse (Paris, in-b° ); e
1800 il fit paraître : Olbie, ou essai sur U
moyens de réformer les mœurs d'une no
tion ( Paris, in-8° ). Ce livre fut comme la pn
face de son célèbre Traité d'économie pol,
tique, ou simple exposé de la manière doi
se forment, se distribuent et se consomme)
les richesses (Paris, 1803, 2 vol. in-8° ; 6eédii
1841, gr. in-8°). De ce livre seulement datée
Europe l'existence d'une méthode simple et s;
vante pour étudier l'économie politique : Say en
définitivement cette science en l'isolant, en lad
gageant de la politique et de l'administratio
Smith avait merveilleusement analysé laprodu
tion des richesses; Say nous initia aux mystèr
de leur distribution, et nous fit connaître I
phénomènes de la consommation des produil
Pour lui toute valeur est fondée sur l'utilij
Mais ce qui le rendra à jamais célèbre, c'est, <
Blanqui, sa théorie des débouchés fondée s
cet axiome : « On ne paye les produits qu'av
des produits ; toute loi qui défend aux peupl
d'acheter ies empêche de vendre. » C'était d
lors la condamnation de la guerre, .comme pi
tard celle du blocus continental, et comme a
jourd'hui celle du système prohibitionniste.
Traité venait de paraître lorsque, dans un dû
à la Malmaison, Bonaparte, prenant Say à l'éca
chercha en vain à le convertir à ses théor
de succès pratique, de raison d'État et d'interve
tion gouvernementale. Son opposition était b;
marquée : il fut classé en septembre 1802 par
les membres du Tribunat qui durent sortir
l'an xii (1804). A celte époque on le nomi
directeur des contributions indirectes de l'Alli
( 26 mars 1804); il refusa « ne voulant p
dit-il, aider à dépouiller la France •>.
Éloigné par principe des fonctions publiqui
frappé comme auteur par la défense de publ
une troisième édition de son Traité d'Éconon
politique, Say se réfugia dans l'industrie. S'i
truisant lui-même, avec son fils, dans la sô
du Conservatoire, à l'emploi des machines;
141 SAY —
laises, il alla, en 1805, établir à Auchy, près
'Ih'Silin, dans un ancien couvent, une vaste fi-
iture, qui bientôt n'occupa pas moins de cinq
ents ouvriers. Au bout de huit ans, il se relira
Paris (18 13). La cliufe de l'empire le plaça à
tête du mouvement économique et corn-
levcial de cette époque. Dès 1814 il parut la
Ieux ième édition de son traité, dédiée à l'empereur
lexandre, qui depuis longtemps se disait son
lève; le gouvernement français le chargea de vi-
ter l'Angleterre pour en étudier l'état économi-
ne : ce voyage fut pour lui un vrai triomphe. En
815 il professa à l'Athénée de Paris. Quoique
ivant à l'écart des événements, son influence
olilique fut grande; ses théories furent étudiées
mime un instrument d'opposition et bien sou-
■nt invoquées ou combattues parles orateurs de
Me époque. Le gouvernement créa pour lui,
i 1819, au Conservatoire des arts et métiers,
ne chaire nouvelle, mais sous la dénomination
étreinte d'Économie industrielle. Comme
•ofesseur J.-B. Say était particulièrement re-
larquable par sa lucidité, sa grâce et sa cha-
ur de conviction. Il écrivait cependant ses le-
ons et ne les improvisait jamais. Nommé en
>30 membre du conseil général de la Seine, il
! démit de ses fonctions pour se consacrer en-
èrement à la chaire d'économie politique qui,
ï 1831, fut créée pour lui au Collège de France,
tais déjà ses forces étaient brisées par plusieurs
laques d'apoplexie nerveuse, et il mourut, le
5 novembre 1832, âgé de soixante-six ans.
Le temps, sans amoindrir la gloire de
.-B. Say, a cependant amené la critique de
iuelques parties de sa doctrine économique :
n lui reproche aujourd'hui d'avoir fait la part
op belle aux capitaux; d'avoir considéré le sa-
lure comme suffisant, non point parce qu'il fait
ivre, mais parce qu'il empêche de mourir; d'a-
oir accueilli enfin le triste système de Malthus
ur la population. Les économistes spiritualistes
accusent d'avoir , en se préoccupant trop
Inclusivement de l'augmentation des produits,
fxcité et multiplié indéfiniment les besoins et les
Puissances physiques des classes ouvrières, tout
lu s'efforçanl d'obtenir le produit au plus bas
mx possible. Mais s'il lui a manqué d'envisager
l'un point de vue plus social les questions de
[aupérisme et de salaire, il reste sans rival dans
M ce qui concerne les douanes , les monnaies,
p crédit public, les colonies , et ce qu'il appelle
'es fléaux de la guerre et des impôts. On a en-
iorede lui : De l'Angleterre et des Anglais;
Maris, 1812, in 8°; — Catéchisme d'économie
bolUique; Paris, 1815, 1822, 1834, in-12; —
fetit volume contenant quelques aperçus des
tommes et de la société; Paris, 1818, in-18, et
!839, in-32; — Lettres à Malthus ; Paris,
J820, in-8°; — Cours complet d'Économie
politique; Paris, 1828-30,6 vol. in-8°, trad. en
Mlomand; — Epitomé des principes de l'é-
conomie politique; Paris, 1831, in- 8°;— Mé-
SCACCIU
442
langes et correspondance ; Paris, 1833, 1844,
in-8°, publiés par Charles Comte, gendre de
l'auteur. Les principaux écrits de Say forment
les tomes IX à XII de la Collection des Econo-
mistes de Guillaumin. H a traduit de l'anglais
le Voyage en Suisse de Williams (1798), et il a
annoté les Principes de Ricardo (trad. fr., 1818),
et le Cours d'Économie de Storch (édit. de,
Paris). Il a fourni des articles à la Revue en-
cyclopédique et au Dictionnaire de la Conver-
sation. Eug. Asse.
Dict. d'Économie politique, II. — Blanqul, Notice sur
la vie et les ouvrages de J.-B. Say, lue on i8'<0 i l'Acad.
des se. morales. — Annales de la Soc. acad. de Nantes,
déc. 18S2. — Cil. Dupin, Disc, prononce sur sa tombe.
— C,h. Comte, Notice, à la tôle des Mélanges. — Jour-
nal des Débats, n nov. 1832.
* sayods ( Pierre- André ) , littérateur fran-
çais, né à Genève, le 9novembre 1808, appartient
à une famille de réfugiés protestants . Après
avoir étudié les belles-lettres et la philosophie à
l'académie de Genève , il devint principal du
collège de cette ville, puis succéda, en 1816, à
M.Topfer, son parent, dans la chaire des belles-
lettres, qui fut supprimée en 1848, comme toutes
celles de la faculté des lettres. Fixé à Paris de-
puis 1852, et employé dans les bureaux du mi-
nistère de l'instruction publique, il y devint en
1859 sous-directeur des cultes non catholiques.
On a de lui : Voyage dans les Alpes. Partie
pittoresque des voyages de De Saussure ; Ge-
nève, 1834, in-8°; — Étude littéraire sur
Calvin; Genève, 1838, in-8°, travail reproduit,
avec des modifications, dans l'ouvrage suivant;
— Études littéraires sur les écrivains fran-
çais de la Réformation; Paris, 1841, 2 vol.
in-8° : Faret, Viret, François Hotman, La Noue,
Duplessis-Mornay y sont mentionnés avec dé-
tails;— Histoire de la littérature française
à l'étranger', dix-septième siècle ; Paris, 1852,
2 vol. in-8°, couronnée par l'Académie fran-
çaise; — Le Dix-huitième siècle à l'étranger;
Paris, 1861, 2 vol. in-8°: suite de l'ouvrage pré-
cédent. Il a publié les Mémoires et correspon-
dance de Mallet du Pan (Paris, 1851, 2 vol.
in-8°), et il a collaboré à la Bibliothèque uni-
verselle de Genève, au Semeur et à la Revue
des deux mondes. E. R.
Documents particuliers.
scaccoi( For tunato), antiquaire italien, né
vers 1573, à Ancône,mortle 1er août 1643,àFano.
Issu du commerce illégitime d'un gentilhomme
d'Ancône avec sa servante, il fut élevé jusqu'à
cinq ans dans l'hôpital de l'Annonciad-e, puis
reconnu par son père, qui se repentait de l'avoir
abandonné. Ayant pris l'habit des ermites de
Saint-Augustin sous le nom de Fortunalo, il
acheva son éducation religieuse à Fano et à Ri-
mini, et obtint en 1594 la permission de passer en
Espagne. C'était l'amour de l'étude qui le poussait
vers ce pays : dénué de ressources, il fut obligé
sur mer de servir de cuisinier à quelques passa-
gers, et dans le reste du voyage de mendier son
443
SCACCHI — SGALA
pain jusqu'à Tolède. Ses confrères l'envoyèrent à
l'université d'Alcala, et il n'y employa pas moins
de sept années à étudier la théologie ; aussi l'en-
seigna-t-il avec quelque succès à Vérone , à
Perugia, à Recanati et à Macerata , comme il fit
ensuite de l'hébreu à Rome, et à Padoue. En 1618,
comme il se trouvait à Rome où s'était assemblé
le chapitre général de son ordre, il reçut un bon
accueil des savants, et en particulier du cardinal
Cobellucci, qui lui procura la chaire d'Écriture
sainte. Urbain YIII, qui avait de l'estime pour
lui, le revêtit en 1624 de la charge de sacristain;
mais il la lui ôta en 1639, et Scacchi, contraint
pour vivre de vendre sa bibliothèque, se retira à
Fano, où bientôt il perdit la vie. Ce religieux
n'avait point d'ordre dans ses affaires; il s'expri-
mait avec une vivacité maligne sur le compte
d'autrui; il oubliaitle bien qu'on lui faisait, comme
il arriva avec son frère Oliviero, qui le tira d'un
mauvais pas; enfin « il n'était pas, dit Kiceron,
irréprochable dans sa conduite, et sa trop grande
familiarité avec le sexe ne donnait que trop lieu
défaire douter de sa sagesse ». On a de lui :
Sacrorum eleeochrismatum myrothecia 111;
Rome, 1625-37, 3 vol. in-4° ; Amst., 1701,
in-fol.; La Haye, 1725, in-foh, sous le titre de
Thésaurus antiq. sacro-profanarum : l'auteur
a répandu l'érudition à pleines mains dans ce
recueil, mais il l'a rempli de digressions étran-
gères à son sujet; — Precliche e discorsi;
Rome, 1636, in-4°; — De cidlu et venera-
tione servorum Dei liber, qui est de notis
et signis sanctitatis ; Rome, 1639, in-4°: traité
inachevé. Il a aussi publié une édit. de la Bible
(Venise, 1609, 2 vol. in-fol.).
Kossi, Pinacotheca. — Du Pin, Bibliolh. des auteurs
ecclés. — Niceron, Mémoires, XXI.
scala (Mastino I"' de La), seigneur de
Vérone, né au commencement du treizième
siècle, mort à Vérone, le 17 octobre 1277. Issu
d'une des plus nobles et des plus anciennes fa-
milles de Vérone, si l'on en croit la généalogie
qui fut composée sous ses successeurs, sorti
d'une famille récemment anoblie et qui remon-
tait à des marchands d'huile, si l'on s'en rap-
porte à ses ennemis, Mastino de La Scala était
entièremeut dévoué au parti gibelin. Nommé, en
1259, seigneur de Vérone, il fit de celte ville
l'asile des gibelins qui fuyaient devant les
guelfes, devenus maîtres de tout le reste de la
Lombardie. Appuyé sureux et sur le bas peuple,
qu'il flattait pour dominer la noblesse, il fit dé-
créter, en 1262, que son pouvoir serait perpétuel.
Une révolte éclata, en 1269, contre sa tyrannie;
il en triompha , mais huit ans plus tard ses
ennemis, qui n'avaient pas cessé de conspirer,
parvinrent à le faire assassiner dans son palais.
Scala (Alberto de La), seigneur de Vérone,
frère du précédent, mort en 1301. Il était sei-
gneur de Mantoue lorsqu'il apprit le meurtre
de Mastino. Arrivant en toute hâte, à la lête
d'un corps de troupes, il déconcerta les conju-
rés, les fit arrêter et mettre à mort. Il eut tn !
fils, qui gouvernèrent successivement.
Scala (Bartolomeo 1er de La), seigneur
Vérone, fils aîné du précédent, mort le 7 m;
1304, succéda à son père , et ne régna que de
ans et demi.
Scala (Alboino 1er de La), seigneur de \
rone, frère puîné du précédent, mort le 28 <
tobre 1311, succéda à son frère, et achi j
à prix d'argent de l'empereur Henri VII le ti i
de vicaire impérial à Vérone. Il eut deux fi
qui régnèrent conjointement après leur onc j
Cane Ier le Grand.
Scala (Cane 1er de La), surnommé le Grar
seigneur de Vérone, frère puîné du précède
né en 1291, mort à Trévise, le 22 juillet 13
Il participait déjà aux affaires, et, à la tête <
troupes, il avait enlevé à la république guelfe
Padoue la seigneurie de Vicence, lorsqu'il s
céda à son frère, le 1er janvier 1312. Les '.
douans firent tous leurs efforts pour repren
Vicence; mais, après les avoir complétem
battus, Cane les força à renoncer à toutes le
prétentions sur cette ville, par un traité signé I
20 octobre 1314. Ils violèrent ce traité le
mai 1317 , espérant s'emparer de Vicence
surprise; Cane rassembla ses troupes avec 1 1
grande activité, se présenta devant ses ennecj
les obligea de se retirer, et prit la plus consi-l
rable de leurs forteresses. Sa bravoure et I
talents attiraient tous les yeux sur lui :1e 1^1
cembre 1318, la ligue des Gibelins de Loml I
die le nomma capitaine général. Sans s'inquii I
de l'excommunication que le pape Jean X I
lança contre lui, en 1320, il mena vivemenl I
guerre, s'empara de Feltre, de Cividale, f(l
Padoue à se rendre, le 13 septembre 1328,1
entra, le 18 juillet 1329, dans Trévise, qui n'a J
pu lui résister. Au moment même où il parcou t
triomphalement cette ville, il fut subitement il
d'une maladie si grave que, ne pouvant pluil
tenir debout, il se fit porter à l'église cathédri
il y mourut après quatre jours. Cane le Gri
était brave, magnanime et généreux. Sa couil
le refuge de tous les hommes qu'illustra |
leur naissance, leurs actions ou leur savoir ft
les y traitait magnifiquement. Les plus gril
poètes et les plus grands artistes de l'itali à
cette époque s'y rencontrèrent. Pendant jl
sieurs années Dante y trouva un asile. Ce r I
donc point par flatterie, mais pour exprime) n
sentiment vrai que Pétrarque appelle Can>p
Grand l'aide et le recours de tous les affli f.
Ce prince cultiva lui-même la poésie, et Qua P
parle des sonnets qu'il a composés.
Scala ( Mastino II de La), seigneur de p
rone, neveu du précédent, né en 1308, moi
3 juin 1351. Il succéda, le 23 juillet 1329, à
oncle Cane 1er avec SOn frère Albert HH) ; i
(I) Né en 1306, il mourut le 13 septembre 1352. Apr
mort de son frère il ne s'opposa pas à la proclam; «
de ses neveux.
M5
SCALA — SCALIGER
44G
;elui-ci, plus porté aux plaisirs qu'aux affaires,
e laissa seul chargé du gouvernement. Mastino
e ligua, en 1331, avec le marquis d'Esté, les
ïonzague, les Visconti et les Florentins contre le
loiJean de Bohême, à qui venaient de se sou-
| mettre plusieurs provinces de la Lombardie. Il
jorit Brescia (1332) et Parme (1335); il s'empara
Ensuite de Lucques, et voulut la conserver au
préjudice des Florentins. Ceux-ci, soutenus
par les Vénitiens et les Visconti, reyendiquèrent
[eurs droits les armes à la main, et prirent Pa-
poue (1337). Mastino , battu à Montagnano, le
| 9 septembre 1338, rentra à Vérone plein de fu-
j car, et tua de sa propre main , au milieu de la
ue, l'évoque de la ville, qu'il accusait de lui
tre opposé. Cependant, après avoir fait la paix
1 vec ses adversaires, il restait maître de Vérone,
| e Vicence, de Parme et de Lucques. Mais les
jeigneurs de Corregio lui enlevèrent Parme
(1341); il fut ensuite obligé de vendre Lucques
i ux Florentins, pour se procurer de l'argent, et
le possédait plus à sa mort que Vérone et Vi-
lence. Il laissait trois fils, qui lui succédèrent
[nsemble..
[ Scala (Can-Grande II de La), seigneur de
'érone, fils de Mastino H, né en 1332, mort
Vérone, le 14 décembre 1359. Il partagea le
louvoir avec ses deux frères, Can-Signore et
l'aolo-Alboino. Ambitieux, cruel et débauché,
i profila de leur jeunesse pour gouverner seul;
tendant son absence, son frère naturel, Fre-
[nano, s'empara de Vérone (1354). A cette nou-
velle, Can-Grande revient subitement, triomphe
[es révoltés et tue Fregnano. Il ne profita de sa
jictoire que pour satisfaire ses passions et ses
lices, La grâce et la jeunesse de son épouse, fille
lie l'empereur Louis V, ne l'arrêtèrent pas; il
I leva ses bâtards dans son palais. Son avarice lui
Lit accabler le peuple d'impôts. Son ambition le
jiorta contre ses frères à des menaces de mort,
ju'aîné, Can-Signore, craignant d'être sa victime,
je prévint, et le perça de son épée, comme il
passait à cheval dans une ruede Vérone.
| Scaia (Can-Signore de La), seigneur de
j/érone, frère puîné du précédent, mort le 18 oc-
tobre 1375. Il voulait d'abord exclure son frère
[le tout pouvoir. Paolo-Alboino ne céda pas sans
j'ésistance; vaincu et fait prisonnier, il fut en-
|,ermé, le 20 janvier 1365, dans la forteresse de
Peschiera. Can-Signore passa son temps dans
jes plaisirs, et, aussi cruel que débauché, i! fit
[trangler son frère dans sa prison, en 1375, pour
jaisser le gouvernement à ses deux fils naturels,
partolommeo et Antonio.
i Scala (Antonio de La), seigneur de Vérone,
jils naturel du précédent, né vers 1360, mort le
ti septembre 1388. Jaloux de son frère Bartolom-
\neo II, il le fit assassiner, le 13 juillet 1381. En
j 385, il déclara la guerre à François de Carrare,
eigneur dePadoue; celui-ci eut pour allié Jean
llaléas Visconti, qui s'empara de Vérone, le
[8 octobre 1387. — Can-Francesco de La
Scala, lils d.i j.iéc.é'lcnt, se réconcilia avec
François de Carrare, qui était jaloux de Vis-
conti; il tenta de rentrer à Vérone, mais Visconti
le lit empoisonner.
Scala (Guglielmo de La), fils naturel de
I Can-Grande II, fut établi dans le gouvernement
i de Vérone, le 8 avril 1404, par François de Car-
rare, et mourut peu de jours après. Ses fils,
par leurs discordes et leur inhabileté, perdirent
la protection de François de Carrare ; les Véni-
tiens, profitant de leur faiblesse, s'emparèrent
de Vérone. — L'un des fils du précédent, Bru-
noro, se retira auprès de l'empereur Sigismond,
qui le fit prince de l'Empire ; il mourut à Vienne,
sans enfants, le 21 novembre 1434. —Un autre
fils de Guglielmo, Paolo, s'établit en Bavière,
où sa postérité exista pendant un siècle.
Scala (Giovanna de La), fut le dernierrejeton
de cette famille ; elle porta les biens qui lui res-
taient dans la maison des barons de Lamberg.
Muratori, Annali d'Italia. — Parisio de Ccreta,
Chronicon veronensé. — Cortusi , Storia di Padua. —
Gattaro, Historia padovana. — Maurisio, Vicentini
Historia. — Sismondi, Hist. des républ. ital, — Tirabos-
chi, Storia délia lelt. italiana, t. V.
scala (Bartolommeo), littérateur italien,
né en 1430, à Colle de Valdelsa (Toscane), mort
en 1497, à Florence. Fils d'un meunier, il ne dut
qu'à son propre mérite de parvenir aux pre-
mières charges de la république. Ses heureuses
dispositions frappèrent Cosme deMédicis, qui le
prit sous son patronage et lui fit étudier le droit
avec Jacopo Ammanati; plus tard il lui ouvrit
le chemin des honneurs, et son fils Pierre, qui
lui témoigna aussi de l'affection, l'employa au
dehors dans la négociation d'affaires difficiles.
Il occupait depuis longtemps le poste de chan-
celier à Florence lorsqu'on lui accorda, en 1471,
le droit de bourgeoisie et, en 1472, des lettres de
noblesse. En 4484 il fit partie de l'ambassade
chargée de complimenter Innocent VIII sur son
exaltation au pontificat. En 1486 il fut élu gon-
falonier, et, son temps fini, rétabli dans la chan-
cellerie. Sa fille, Alessandra, s'est rendue cé-
lèbre par son érudition (voij, Marulli). Jaloux
du mérite de Politien, Scala eut avec lui des dis-
putes très-vives sur la langue latine, et on lui
reprocha d'écrire dans un style barbare ( ce qui
était le comble de l'offense à cette époque , et
de n'avoir pas le sens commun; décision un peu
trop dure. On a de Scala : Apologia contra
vituperatores civ. Florentise; Florence, 1496,
in-fol.; — Vita Vitaliani Borromœi ; Rome ,
1677, in-4° ; — De historia florentina; Rome,
1677, in-4° : cet ouvrage, réimpr. dans le t. VIII
des Hist. Ital. de Burmann, s'arrête en 1268;
— quatorze lettres , deux harangues, etc.
Zeno, Dissert. Foss., II, 253. — Manni, Uomini illustri
Toscani. — Niceron, mémoires, IX.
scaliger (Jules-César), célèbre philologue
et médecin italien, né probablement à Padoue, le
23 avril 1484, mort àAgen, le 21 octobre 1558.
11 était fils de Benedetto Bordoni, peintre en mi-
447
niature, géographe et astronome de quelque mé-
rite '1). Après avoir fait ses humanités à Padoue
sous Rhodiginus et avoir fréquenté l'université
de cette ville, il demeura pendant une vingtaine
d'années dans divers lieux de la haute Italie. On
n'a sur cette époque de sa vie que les détails
qu'il a donnés lui-même , et qui ne méritent
qu'une créance très-limitée. Il est cependant
assez vraisemblable, vu son humeur batailleuse
et sa force herculéenne, qu'il entra, comme il
le dit, dans l'armée de l'empereur Maximihen,
puis dans celle du roi de France, et qu'il se distin-
gua dans les campagnes d'Italie. Forcé par des
accès de goutte réitérés de quitter le métier des
armes, il étudia la médecine, et il pratiquait cet
art à Vérone, lorsqu'il fut, en 1525, emmené à
Agen par Antoine de La Rovère, évêque de cette
viïle, auquel il donnait ses soins. Il fut retenu
à Agen pour le reste de sa vie par les charmes
d'une toute jeune fille , Andiette de Roques-Lo-
bejac, qu'il épousa trois ans après, et dont il eut
quinze enfants. Il partagea son temps entre
l'exercice de son art, l'étude et la composition
d'un grand nombre d'ouvrages, qui lui valurent
une réputation telle que de Thou le plaça au-
dessus des hommes les plus remarquables de
son siècle. Pour arriver à ce degré de célébrité,
Scaliger, qui à quarante ans passés n'avait pas
encore fait imprimer une ligne (2), avait com-
(1) Ce fait, établi avec une presque complète certitude
par Maffei et Tiraboschi , est confirmé par le témoignage
de Giraldi, par les lettres de naturalisation que Scaliger
reçut en 1528 en France, et où il est appelé Lescalle. de
Bordoms {au Heu de Bnrdonis par une faute de copiste),
ainsi que par son propre aveu d'avoir dans sa jeunesse
porté le nom de Burden. Cependant dès 1529 Scaliger
se mit a prétendre à une tout autre généalogie , qui fut
longtemps acceptée sur son dire. Tirant parti du surnom
délia Scala, qu'il tenait de son père, qui avait enseigné à
Venise sous l'enseigne de l'Échelle ou dans la rue de
l'Échelle, il prétendit être fils de Benedetto délia scala ,
descendant de la maison princière de ce nom, et qui au-
rait commandé les troupes du roi de Hongrie Matthias
Corvin mais dont aucun historien ne parle. 11 raconta
ensuite sur la première partie de sa vie le roman suivant.
Né au château délia Ripa, près du lac de Garde, il aurait
eu pour précepteur Giovanni Giocondo ; mais les détails
inexacts qu'il donne sur ce célèbre religieux prouvent
qu'il n'eut jamais aucun rapport avec lui. A douze ans,
il était, disait-il, entré comme page à la cour de l'empe-
reur Maximilien, dans l'armée duquel il aurait quelques
années plus tard pris du service. Après avoir à la bataille
de P.avenne (1512) perdu son père et son frère et peu de
temps après sa mère, il eut le projet de se faire moine,
et alla étudier à Bologne la théologie et la philosophie; il
fut d'abord confirmé dans son idée par l'espoir qu'il avait
de devenir pape et de pouvoir alors reprendre aux Vénitiens
les possessions des princes délia Scala, ses ancêtres. Mais
il en fut détourné par les pratiques minutieuses des fran-
ciscains, chez lesquels il était entré , et quitta le cloître
pour se mettre au service du roi de France. Mis à la tète
d'une compagnie , il enleva par un coup de main hardi
les trésors et la maîtresse du duc de Savoie. Se trouvant
plus lard à Turin (une lettre de son ami Barth Bicei
prouve qu'il était à cette époque à Venise), il aurait fait
la connaissance d'un apothicaire qui l'aurait décidé à étu-
dier la médecine, lorsque la goutte l'obligea de re-
noncer à la carrière mllilaire.
(2j Cependant Ap.Zeno lui attribue avec vraisemblance
une traduction Italienne du second volume de Plùtarque,
imprimée à Venise, en 1525, et qui porte sur le titre Giulio
Bordonc da l'adova ; Giraldi, ami de Scaliger, déclare que
SCALIGER 448 j
mencé par attirer violemment l'attention du pu- 1
blic par la brutalité injurieuse avec laquelle il at- 1
taquaÉrasme. Celui-ci venait, en 1 528, de publier
son spirituel dialogue Ciceronianus , où il per-
siflait les fanatiques imitateurs du style de Ci-
céron. Voyant que la majorité des lettrés de
France et d'Italie accueillaient assez mal ce rnor- \
dant pamphlet, Scaliger écrivit en réponse une!
véhémente diatribe, où il traile Érasme de parri j
cide et l'appelle plus de cent fois ivrogne.
Érasme ne répliqua pas ; il déclara seulemenl
qu'un semblable fatras de mensonges ne pouvail |
être de Scaliger. Blessé au vif, celui-ci écrivit!
contre Érasme un second Discours, qui est ur I
monument curieux d'une vanité pompeuse e'
naïve à la fois, où l'auteur s'adresse à lui-mêmi 1
les compliments les plus audacieux. Ce moyen di
sortir de l'obscurité en attaquant un homme d'uni
réputation établie réussit à Scaliger. Dans &
moment, Érasme était mort; Scaliger témoign.
dans une pièce de vers ses regrets sur la mort d
son adversaire, qu'il continua cependant à censure
durementquand il en trouvait l'occasion. Il com
posa dans la suite des commentaires estimable
sur les écrits botaniques et zoologiques d'Aristot
et de Théophraste; il avait réuni un riebe her
bier, et ce fut lui qui le premier proposa d
classer les plantes d'après leurs formes caracté
ristiques et non d'après leurs propriétés. E
1540 il publia ses Causes de la langue la Unit
qui, quoique remplies d'idées fausses, contienne!
aussi beaucoup de vues ingénieuses qui exerci
rent une heureuse influence sur l'étude des pai
ticularités de la langue latine. Sa Poétique m \
son meilleur ouvrage, bien que les vers qu
nous avons de lui soient informes , souvent in
compréhensibles et qu'ils déshonorent le Pan
nasse, suivant l'expression de Huet. «On y r<
marque, dit M. Nisard, de l'ordre, delaméthod
un style vif, moins obscur qu'ailleurs etpresqt
sans emphase; une érudition riche, variée <l
très-étendue. Mais on n'y trouve rien qui dont
une autre idée de la poésie que celle d'un m<
canisme phonétique plus ou moins harmonieu:
Son goût aussi laisse beaucoup à désirer; Hi
mère est sacrifié non-seulement à Virgile, ma
à Musée. » Vers la fin de sa vie Scaliger écriv
contre le livre De subtilitate de Cardan m
énorme réfutation, rédigée dans un esprit <
dénigrement insupportable, et dans un sty
tantôt inégal et barbare, tantôt affecté et boufi
quoiqu'il ait mis sept ans à la préparer. Lorsqu '
la fit imprimer, il ne tint aucun compte di
nombreuses corrections que Cardan avait dai
l'intervalle introduites dans une seconde éditio
de son ouvrage, et signala comme des erreu ;
monstrueuses jusqu'à des fautes typographiqu
qui avaient disparu dans cette deuxième éditio
Bien plus : il feignit de croire que Cardan et;
mort de chagrin à la suite de cette critique,
ce dernier publia encore en Italie un poème latin in
tulé Elysius.
9
exprima ses regrets d'avoir causé à la répli-
que des lettres une perte aussi sensible. La
jpart de ses ouvrages sont restés inédits, tels
un traité Des origines de la langue latine,
ntil parle sans cesse commed'un chef-d'œuvre.
I était d'une vanité excessive, qui allait jusqu'à
forfanterie la plus grotesque, il était, d'un autre
é, très-bienfaisant, soignait gratuitement les
ivres et les installait même dans sa maison.
1 aimait la chasse, les chevaux, les tournois, dit
[ Nisard, toutes choses qu'on tient pour une
rque de naissance, et qui l'étaient alors en
>t. Celui-là eût été mal reçu qui lui eût con-
té en face sa noblesse ; mais l'acquiescement
[son entourage le laissait en repos là-dessus.
| conduite, et c'est son éloge, était conforme à
prétention; elle était grave et digne, de cette
;nité qui se révèle à l'extérieur, et dont il était
i modèle d'autant plus imposant qu'elle s'ac-
•dait à merveille avec sa haute taille, son grand
f naturel et sa constitution vigoureuse. Il avait
[démarche d'un demi-dieu, et quand il passait
lis les rues d'Agen, tout le monde le regardait
;c autant de respect qu'il se fût regardé soit-
| me (1). L'impression qu'il fit sur ses contem-
[ rains a été si profonde qu'elle s'est prolongée
[qu'à la (indu dix-septième siècle. Juste Lipse
lifondait dans une égale admiration Homère,
hpocrate, Avistote et Scaliger; il disait que ce
(nier avait dépassé la mesure du commun des
(mmes et qu'il était le miracle de son siècle.
Thou, Naudé, Richard Simon et vingt autres
| sont servis à peu près des mêmes termes,
fut avait de force le préjugé qui consacrait le
[nie de Scaliger. »
(On a de lui : Adversus D. Erasmum oraiio ;
Iris, 1531, in-8°; réimpr. à Toulouse, 1621,
•4°, avec la seconde Oratio, qui parut à part;
jiris, 1536, in-8°; — Commentant in Hip-
cratis librum de Insomniis; Lyon, 1538,
f-8"; — De comicis dimensionibus ; Lyon,
39, in S0; dans le t. VII du Thésaurus de
onovius; — Heroes; Lyon, 1539, in-4<> :
jcueil d'épigrammes sur divers personnages de
antiquité; — De causis linguse latinee
ip. XIII; Lyon, 1540, in- 4°; Genève, 1580,
-8°; — In Tkeophrasti de causis planla-
v.m commenlarii ; Genève, ;566, in-fol.;
non, 1566, 1586, in-fol.; — In libr. II Aris-
[telis inscriptos De plantis ; Paris, 1556,
•63, in-4° ; — Exotericarum exercitationum
ber XV De subtilitate, ad Hier. Cardanum;
pis, 1557, in-4°; Bâle, 1560, in-fol.; Franc-
rt, 1576, 1592, in-8° ; Hauau, 1634, in-8° : cet
iivrage est qualifié délivre quinzième, parce que
uteur voulait faire croire qu'il avait déjà écrit
1 1) L'Idolâtrie qa'il professait pour sa personne ne se
ontrc nulle part mieux que dans le portrait de lul-
jime qu'il traça quelques jours avant sa mort (voy.
oncle, Annales, t. III, p. B77 ) et où il dit: • Réunissez
semble les figures de Masinissa et de Xénophon, afin
composer la mienne ; mais ce portrait ne donnera tou-
Jrs qu'une très-faible idée de ce que Je suis.»
NOUV. BIOGR. GÉNÉR. — T. XL1II.
SCALIGER 450
quatorze traités aussi volumineux; — Poelices
lib. VII; Lyon, 1561, in-fol.; cet ouvrage con-
tribua à faire adopter les trois unités dramati-
ques; — Poemala; Genève, 1574, in-8°; —
Animadversioncs in Theophrasli Historias
plantarum; Lyon, 1584, in 8°; — Epistolx;
Leyde, 1600, in-8°; Hanau, 1612, in-12; d'autres
lettres de Scaliger se trouvent dans les Amœni-
tates litterariee de Schelhorn, t. VI et VIII; —
Aristotelis Historia animalium gr. et lat-,
cum commentariis ; Toulouse, 1619, in-fol.;
— De analogia sermonis latini, à la suite de
l'ouvrage d'Henri Estienne sur le même sujet;
— Départit cujusdam infantulx Agenensis,
an sit seplimestris an novem mensium, dans
le t. Vides Opéra de Sylvius. E. Grégoire.
Jos. Scaliger, De vetustate et splendore sentis Scali-
gerœ et vita J.-C. Scaligeri. — Teissier, Éloges. —
Baylc, Dict. — Coupé, Soirées littéraires, t. XV. — Nl-
ceron. Mémoires, XXIII. — Ch. Nisard, Les Gladiateurs
de la république des lettres.
scaliger (Joseph-Juste), le plus grand
philologue français, fils du précédent, né le
4 août 1540, à Âgen, mort le 21 janvier 1609, à
Leyde. H était le dixième de quinze enfants. A
onze ans il entra au collège de Bordeaux, et y
eut Muret pour principal maitre. A quatorze
ans il continua ses études sous la direction de
son père, qui tous les jours lui faisait rédiger un
discours latin. Il se familiarisa ainsi tellement
avec le latin, que de très-bonne heure il le mania
comme une langue vivante; le style de ses pre-
miers écrits est déjà remarquable par une richesse
d'expressions que personne après lui n'a possé-
dée à un égal degré. Il sut éviter l'enflure et le
pathos, défaut où son père tombe sans cesse, et
se distingua par la brièveté et par l'extrême lé-
gèreté des tournures dans une époque où la
redondance et la recherche étaient de mode,
Ses poésies latines, pleines de chaleur et d'expres-
sion, sont versifiées avec une élégance exquise.
Il s'adonna aussi , avec son père , aux sciences
naturelles , surtout à l'anatomie et à la bota-
nique. Son caractère était, chose rare , eu har-
monie avec ses talents ; s'il adopta les préten-
tions nobiliaires de son père, il ne s'en prévalut
que pour donner plus de dignité à sa vie si pure,
si intègre, si exempte de toute faiblesse. A la
mort de son père (1558), il se rendit à Paris. Iï
consacra deux années à étudier seul le grec, dont
il ne connaissait que les rudiments, et à lire la
plupart des historiens et des poètes d e cette langue.
Il aborda avec la même ardeur l'hébreu, l'arabe,
le persan et les langues de l'Europe moderne, et
ne reçut que quelques conseils de Postel. « Si
peu que je comprenne d'une langue, dit-il avee
un légitime orgueil, j'en connais aussitôt la
grammaire, les règles et les analogies (1). » Cepen-
dant il est exagéré de prétendre avec plusieurs
biographes qu'il parlait couramment jusqu'à
(1) On conserve à la bibliothèque de Gœttinguc le
manuscrit d'un dictionnaire arabe uu'il composa pour
son usage particulier,
15
451 SCALIGER
treize langues* Jamais il ne posséda, malgré une
application constante, les difficultés de l'hébreu.
Du reste, il ne recherchait pas le vain honneur
d'être un polyglotte; l'étude des langues n'était à
ses yeux qu'un moyen d'augmenter et de varier la
somme de ses connaissances. A vingt-deux ans il
embrassa en secret les doctrines de Calvin (1562),
et quand tous ses doutes furent levés, il les con-
fessa ouvertement sans renoncer à sa liberté
d'appréciation sur les écarts de ses coreligion-
naires, dont il censura plusieurs fois l'intolé-
rance. La fréquente lecture de la Bible le con-
duisit un des premiers à la connaissance générale
des antiquités profane et sacrée, qui formaient
jusque là deux domaines séparés. En 1563 il se
lia d'amitié avec Louis Chasteigner, seigneur de
la Rocheposay, auprès duquel il passa une grande
partiedesavie(l). Il l'accompagna en 1565 en Ita-
lie, dont il visita les principales villes ; à Rome,
il retrouva Muret, qui l'introduisit auprès des
principaux érudits. Mais il ne goûta pas l'esprit
des savants italiens, dont le dilettantisme frivole
répugnait à son culte sincère pour la vérité. A
-son retour, il s'arrêta quelque temps en Angle-
terre et en Ecosse (1566). La seconde guerre de
religion venait d'éclater : Scaliger y prit une
part active comme volontaire; la plupart de ses
amis y furent tués : ce malheur le plongea dans
un état d'accablement, qu'il parvint à surmonter
en 1570, après s'être rendu à Valence, auprès de
Cujas,pour étudier le droit romain. Honoré de
l'estime du maître, quilui offrit en 1578d'êtreson
collègue, il fit des progrès rapides dans la juris-
prudence,sans pouvoir néanmoins y prendre goût.
11 allait à la rencontre de Pévêque Montluc, qui
voulait l'emmener avec lui en Pologne, lorsqu'à la
nouvelle du massacre de la Saint-Barthélémy il re-
broussa chemin, et se réfugia à Genève; on lui of-
frit une chaire de philosophie; il refusa, par anti-
pathie pour cette science et parce qu'il n'avait pas
ledondeparler en public; mais il consentit à com-
menter Y Organon d'Aristote et le De finibus
de Cicéron. De retour en France (1574), il de-
meura pendant vingt ans dans les terres de son
ami La Rocheposay, en Poitou et en Touraine ,
sauf de fréquentes excursions dans le midi delà
France, pour lequel il eut l'attachement le plus
vif. Dans cette position indépendante, il se livra
à une suite de travaux qui lui firent accorder
la première place parmi les savants de son
temps. Il commença par réformer la méthode à
suivre pour la critique des textes, dont les Ita-
liens avaient fait un amusement futile à l'usage
des beaux esprits. Ses éditions des Catalecta
\\) Quoique le modique héritage qu'il tenait de sa mère
l'eût mis à l'abri du besoin , il prétend, par allusion à
cette hospitalité, que depuis la mort de son père il n'a-
vait vécu que d'aumûnes. A ce propos notons que Sca-
iiger ne Dt jamais, comme tant d'erudits de son temps,
iralic des dédicaces de ses ouvrages. Henri III lui accorda
spontanément une pension de 2,000 livres pour l'édition
{le Munilius, que lui avait dédiée Scaliger; mais ce
dernier n'en toucha jamais une obole.
4ÔÏ
de Virgile, des poètes élégiaques latins, et sur- !
tout celle de Festus, chef-d'œuvre unique d(
sagacité et d'érudition, fixèrent les principes di
la saine philologie. Ses commentaires sont rem-
plis de conjectures hardies ou ingénieuses, quel-
quefois hasardées. On regrette d'y trouver tro|
d'injures contre ceux qui selon le sens de Sca-
liger s'étaient trompés dans l'explication des au
teurs qu'il annotait ; mais outre que c'était 1
ton de la polémique d'alors, il faut noter qu>
son caractère franc, tout d'une pièce et qu
n'admettait pas d'accommodement avec l'erreur
l'entraînait à s'exprimer avec violence.
Après avoir ainsi tracé de main de maître 1
route à suivre pour le rétablissement des texte
des auteurs anciens, Scaliger entreprit des tra
vaux d'un ordre plus élevé : il tenta de pose
les fondements de la chronologie et de l'histoir
universelle, pour laquelle il n'existait encor
que des matériaux bruts et épars. Il conçut I G
premier et exécuta en grande partie l'idée grai I
chose d'un tableau de l'histoire de l'humanité
complète! de la plus scrupuleuse exactitude
Son De emendatione temporum et son Thit
sauras temporum ouvrirent aux âges futur j
un nouvel et immense horizon. 11 fut heureust i
ment servi dans son entreprise et par son inaltt
rable vigueur d'esprit et par les circonstanct i
de sa vie. Sollicité en 1591 par les curateurs (I
l'université de Leyde de prendre la place quel
départ de Juste Lipse avait laissée vacante, I
répondit d'abord par un refus. Duplessis-MornfJ
s'efforça de le retenir en France en lui offraw
l'emploi de précepteur auprès du jeune prince m
Condé. Il n'accepta pas davantage, détesta*
trop la dépendance, et peu fait d'ailleurs poil
demeurer à la cour , auprès d'un souveraf»
Henri IV, dont la versatilité lui répugnait ami
que son insouciance des belles-lettres. En lôtfl
les Hollandais revinrent à la charge, ne il
demandant que de rehausser par sa présent
l'éclat de leur université; il céda cette foi!
et partit pour Leyde, où il reçut un accueil e f
thousiaste. Une préséance incontestée lui il
accordée sur tous ses collègues. Les plus liai M
personnages de l'État, Maurice de NassauH
Barnevcld , recherchaient son commerce. 11 M
solut de terminer ses jours en Hollande, et»
sisla à toute proposition de revenir dans sa cl
trie. Dispensé de professer, il guida par ses col
seils les étudiants de talent, comme Grotii
Meursius, Rutgers, Douza et surtout Darij
Heinsius, dont il prépara la carrière et qui I
en garda une reconnaissance portée jusqu
l'idolâtrie. Par une correspondance active, il II
rigeait les travaux d'un grand nombre d'érud J
français et allemands, le jeune Saumaise,
Lind'enbrog, Elmenhorst, etc. Dans son z
pour donner une puissante impulsion à l'étt
de l'antiquité, il consacra dix mois entiers à
diger les notes, Yindex énorme et tout le t
vail critique du Corpus inscr. lat. de Grut
li Ce qui contribua à faire obscurcir sa mémoire, ce
P'tles indiscrétions des Scaligerana, où il distribue
Pi- amis comme à ses ennemis des coups de boutoir
■Von esprit à remporte-pièce rendit terribles.
53 SCALIGER
îais il ne put décider ce savant a rédiger un
•aité des antiquités fondé sur les documents
Soutenus dans ce recueil, ce qui aurait dès lors
i lit accorder à l'épigraphie l'importance qu'elle
a acquise que de nos jours. Les dernières
[ :uiées de Scaliger furent troublées par les at-
uiues des jésuites. Il s'était attiré leur aver-
on par sa gloire littéraire, dont l'éclat re-
illissait sur le protestantisme tout entier, et par
tendance de ses derniers ouvrages, où il por-
it sur la Bible, les Pères et les origines du
iristianisme un examen basé uniquement sur
s règles de la critique pbilologique, rejetant
t initie apocryphe ce qui ne résistait pas à ce
', ntrôle. N'osant se mesurer avec lui sur le ter-
; in scientifique, ses ennemis diffamèrent son
ractère et sa vie privée. Scribani l'insulta dans
dégoûtant pamphlet de V Amphitheatruin ho-
Iris; Scioppius lui contesta son origine dans
[i fameux Scaliger hypobolimœus , et le
ita d'athée et de débauché. Scaliger, si fier, si
utain surtout en face des puissants de la terre,
\ umiliait devant Dieu avec l'abandon et la sim-
pité d'un enfant; ses mœurs étaient irrépro-
{ ibles : même dans son commentaire sur les
1 tapées la pudeur enchaîne sa plume; jamais il
Lntre dans ces digressions cyniques où se com-
] isaient ses contemporains. Pourtant l'ignoble
ïtribe de Scioppius eut du retentissement; les
I ternis de Scaliger, ses envieux non moins nom-
Lux, triomphèrent ; ses amis gardaient un silence
Lbarrassé. La Confutatio fabulce Eurdonum,
ul chercha à défendre son origine première, n'eut
|> d'effet sur l'opinion. Préparé depuis long-
jUips à la mort, il fut pris dans l'automne de
1)8 d'une hydropisie qui l'enleva en quelques
Lis; jusqu'à son dernier soupir il garda un
<me et une lucidité d'esprit parfaits,
jjuoique infiniment supérieur à son siècle,
i.liger ne se renferma pas dans un égoïsme
ler, comme l'ont fait la plupart des esprits de
ilreinpe; il prit toujours la part la plus cha-
Ipeuse à tout ce qui intéressait ses contempo-
rains. Sa vie entière fut consacrée aux études
li plus élevées de la science humaine; pourtant
<|ae craignit pas de le confondre avec les faux
Sants qui ne s'occupent que de questions oi-
Ises (1). Bentley et Buhneken protestèrent
Ijtrece jugement,que Niebuhr et Bœkh sont par-
"(us à faire casser de nos jours. Scaliger était
<iie taille moyenne, mais élancée; il avait le
fit vaste et large, le nez fort et presque droit,
ljyeux d'une vivacité extrême. Il était d'une
Sj t-iété exemplaire; son seul luxe était une
■e toujours propre, presque recherchée; son
■que distraction la chasse. On a de lui : Con-
Manea in Varronem.De lingua latina; Paris,
i,5,in-8°;réimpr.àla suite des édit. de Varron,
■i:>4
données par Scaliger; Paris, 1573, 1581, in-8°;
— Lycophronis Cassandra, cum annololio-
nibus; Haie, 1566, in-k° ; — Virgilii Calalecla,
cum commentants; Lyon, 1573, et Lcyde,
1595, in-8°; — Ausonianse lectiones ; Lyon,
1574, in-12; Heidelberg, 1588, in-8"; Bor-
deaux, 159Q,in-4°; — Festus DeYerborum si-
gnifications ;ï>ms, 1576,in-8°;on cite une édit.
de 1575 qui est peu connue; — Catulli, Tibulli,
Propertii poemata; Paris, 1577, lcoo, in-8°;
— Manilii Aslronomicon ; Paris, 1579, in-8°;
Leyde, 1600, in-4°; Strasbourg, 1655, in-4°; —
De emendatione temporum; Paris, 1583,
in-fol.; Leyde, 1598, Genève, 1629, in-fol.; —
In locos animadversos Roberli Titii Animad-
versorum; Paris, 1586, in-8°, sous le pseudo-
nyme d'Y vo Villiomarus, chef-d'œuvre d'ironie
incisive, ainsi qu'un autre pamphlet de Scaliger,
qui s'est caché sous le nom de Nicolaus Vincen-
tius : Epistola ad Naudinum ; Genève, 1578,
in-8°, et où il persifle les ridicules prétentions
d'un médecin de Paris, Jean Martin, qui avait
trouvé mauvais que Scaliger eût fourni des notes
à l'édition d'Hippocrate donnée par Vertunianus;
— Cyclometrica elementa; Leyde, 1594,
in-fol.; il en parut une nouvelle édition corrigée
dans la même année: cet essai sur la quadrature
du cercle fut réfuté victorieusement par Viète;
— De Vetustale et splendore gentis Sca-
ligerœ; Leyde, 1594, in-4°, et dans les
Epistolas de Scaliger; — Proverbiales grœ-
corum versus; Paris, 1594, in-8°; — Hip-
polyti Canon paschalis cum commentario ;
Leyde, 1595, in-4°; — Publii Syri Sententiœ;
Calonis Disticha; Leyde, 1598, in-8°; avec
une traduction en grec; — Apuleii Opéra;
Leyde, 1600, in-12: le travail pour cette édition,
attribuée sur le titre à Bongars, est presque en
entier dû à Scaliger; — Elenchus Tricharesii
Serrarii, à la suite de Responsio ad Serra-
rium de Drusius; Franeker, 1605,.ia-8o; •*-
Opuscula diversa; Paris, 1605, in-8°, suivi
d'un nouveau recueil de ce genre; Paris, 1 6l0,in-4°;
— Thésaurus temporum : Eusebii Chronico-
rum lib. II ; Isagogici chronologie canones ;
Leyde, 1606, in -foi.; Amsterdam, 1658, in fol. :
résultat de recherches immenses, où Scaliger, en
réunissant une foule de fragments de l'antiquité
jusqu'alors dédaignés,, est arrivé à restituer eu
grande partie le livre 1er delà Chronique d'Eu-
sèbe, qui est perdu; — Csesaris opéra; Leyde,
1606; — Florilegium epigrammatum Martia-
lis.grxce; Paris, 1607, in-80;— Elenchus ora-
tionis chronologies D. Parei; Leyde, 1607,
in-4°; — Confutatio fabulez Eurdonum;
Leyde, 1608, 1609, inl2; —De aequinoctio-
rum anticipatione ; Paris, 1613, in-4°; — Pro-
verbiorum arabicorum centuriee II, cum
interpr. latina et scholiis; Leyde, 1614, in-4";
— Poemata omnia, Leyde, 1615, in-12; —
De re nummaria; Leyde, 1616, in-8°; et dans
le t. IX du Thésaurus de Gronovius; —Epis-
15.
I
455 SCAL1GER —
iolœ ;Leyde, 1627, in-8°; une trentaine d'autres
lettres sont disséminées dans divers recueils ; —
Scaligerana; Arost., 1740, in-8°; il se compose de
deux parties : les conversations recueillies par
Vertunien, de 1574 à 1593, publiées à part, Gro-
ningue(Saumur), 1669, in-8°, et celles recueillies
de 1603 à 16Ô6 parles frères Vassau, impr. à
part, La Haye, 1666,et Rouen, 1667, in-8°. Dans
ï'édit. des Scaligerana ; Amst., 1695,in-8° : ces
deux parties ont été fondues ensemble. E. G.
Bauditis, Orationes. — l). Heinsius, Orationes. — Ba-
leslus, Vitx. — Niceron, Mémoires, t. S XIII. — Colo-
mies, Gallia orientalis. — Crenius , Animadversiones.
— Chaufepié, Dict. — Saxe, Onomasticon, t. III, p. 351.—
Bcrnays, J.-J Scaliger;~Snlin, 1855, in-8° ; quoique un peu
trop louangeuse, cette notice, très-complète, est plus près
de la vérité que celle de M. Gh.Nisard dans son Trium-
virat littéraire. — Quarterly revietv, Juillet 1860. —
Haag, La France protestante.
scamozzi ( Vincenzo), architecte, né à Vi-
cence, en 1552, mort à Venise, le 7 août 1616.
De son père, Giovanni-Domenico, habile ingé-
nieur, il reçut les premiers principes de son art.
A dix-sept ans il composa pour les comtes
Oddi le dessin d'un palais qui , bien que non
exécuté, commença sa réputation. Il continua
ses études à Venise par l'examen attentif des
édifices de Palladio et de Sansovino. Il avait
vingt ans à peine lorsqu'il fut chargé d'ouvrirdes
jours aux trois coupoles fermées de l'église du
Sauveur, entreprise d'une grande difficulté, et
dont il se tira en surmontant chaque coupole
d'une lanterne. De retour à Vicence, il s'appliqua
à la lecture de Vitruve et à l'étude de la pers-
pective, et composa en dix livres un traité inédit
De' teatri e délie scène. Il passa en 1579 à
Rome, apprit les mathématiques avec le P. Cla-
vio, et dessina avec grand soin les principaux
restes de l'antiquité, tels que le Colysée, les
Thermes de Dioclétien et ceux d'Antonin, qu'il
publia en détail. Il entreprit jusqu'à quatre
voyages dans cette ville pour achever cette
étude. Après une visite à Naples, il se fixa, en
1580, à Venise, où il espérait de recueillir l'hé-
ritage de Palladio. En effet il fut chargé de tra-
vaux importants, tels que les mausolées du
doge Niccolô da Ponte (à la Carità ), et du doge
Marino Grimani (à S.-Giuseppe), les palais
Cornaro sur le grand canal, le vestibule de la
Zecca, et l'hôpital des Mendicanti. Après avoir
achevé la bibliothèque de Saint-Marc, com-
mencée par Sansovino, il entreprit, en 1584, les
Procuratie nuove, ces magnifiques bâtiments
qui bordent tout un côté de la place Saint-Marc,
et dont l'architecture est à la fois si simple et
si variée. Après ce chef-d'œuvre du Scamozzi,
on peut citer encore à Venise la noble église
des Talentini (1595 ), déshonorée dans le siècle
suivant par une (açade de mauvais goût. Mais ,
en 1587, il ne réussit pas à faire adopter les
deux projets qu'il avait donnés pour le pont de
Rialto, et plus tard il fut obligé, par suite d'une
intrigue, d'abandonner l'église de la Celestia,
commencée sous le modèle du Panthéon de
SCANDERBEG 45
Rome (1). Il entreprit un grand nombre d'at
très travaux dans les États de la république.
Vicence, il commença le palazzo del Con
mune, qui resta inachevé, et il termina, (
1595, le théâtre olympique, commencé par Pa
iadio ; en 1593, il fonda la forteresse de Pain
dans le Frioul ; à Rergame il construisit le p
lais du gouvernement, et à Padoue l'église Sain
Gaétan.
Scamozzi entreprit avec divers seigneurs |.
ambassadeurs des voyages à Rome, en Franc
en Allemagne, en Hongrie. Pendant un nouve
séjour à Rome (1592), il envoya à Vicence 1(
dessins du palais Trissino, édifice plein de gra
deur, où l'on admire la belle fenêtre qui si I
monte la porte d'entrée. A la demande du prir
évêque, il éleva à Salzbourg une cathedra I
dont les plans ne l'occupèrent pas moins de tr I
années. Outre les Discorsi sopra le antick.m
di Roma (Venise, 1583, in-fol. fig), on a I
cet artiste un grand ouvrage intitulé : Idea d( I
architettura universale ; Venise, 1615, 2 \\
in-fol.,fig., réimprimé à Piazzola, 1687, in-fol.
à Venise, 1694, et trad. en français par d I
viler et du Ry (Leyde, 1713, in-fol). Distrill
d'abord en douze livres, puis annoncé en 4 I
il n'en a en réalité que six. Milizia regarde!
sixième, traitant des ordres d'architecteT
comme un chef-d'œuvre, qui prouve comtj
l'auteur possédait à fond la science de son
Scamozzi a laissé une restauration de la ^l
de Pline à Laurentum, tirée de la lettre dans
quelle il l'a décrite. On a perdu son Traitél
perspective, et un opuscule sur un passage t
obscur de Vitruve ( 1. III, c. 4 ). Il a aussi (I
le Sommario del viaggio fatto da Pam
sinoin Italia en 1600, mais cette relation^
point vu le jour.
Rien que Cicognara lui reproche d'avoir c |
mencé à dévier de la noble simplicité de ses
décesseurs, on doit reconnaître en lui uni
plus grands artistes de la fin du grand siècli
on comprend que Blondel ait salué en lui»
des trois architectes (2) qui parleur scienf
leurs exemples ont rendu à leur art les
grands services, E. B — m
Temanza, T'ite de' più eclebri architetti vencsi
— Milizia, Memorie deçli architetti. — C.icogl
Storia délia scultura. — Ticozzi. Dizionario. — Qi[
Otto giorni in P'enezia. — Berti, Guida per Vic\
— Quatreraère de Quincy, Hist. des plus célèbres a\
tectes. — Scolari, Fitadi Scamozzi ,■ Trévise, 1837,
scamozzi. Voy. Bertozzi.
scanderbcg (Georges Castriot\), céïj
capitaine albanais , né en 14.14, mort le 17
vier 1467, à Alessio. Il était le quatrième fi
Jean Castriota, puissant seigneur d'Albani
de Voïzava , fille d'un prince serbe voisi
s'illustra dans sa résistance contre les Turos
(1) A Venise, on lui attribue encore, mais sans
tude, deux magnifiques mausolées de la famille
(,a S.-Krancesco délia Vigna), et le palais Cantaril
le grand canal.
(2) Vignole et Palladio sont les deux autres
•tl-
ittl
457
SCANDERBEG
458
ie nom de Scanderbeg ou mieux Iskender-
\)ey ( chef Alexandre ), qu'il reçut à !a cour de
ÏVIourad II, à cause de sa vaillance. Vers 1423,
Mourad II, maître de la Thrace et d'une partie
jle la Grèce, envahit l'Albanie et la soumit ra-
pidement à ses armes. Jean Castriota, un des
uïneipaux chefs du pays, subit la loi du vain-
lueur et livra ses quatre (ils en otage. Georges
j bivit ses frères dans l'exil, et, comme eux, il fut
! ontraint d'embrasser l'islamisme. Mais le sultan
jie tarda pas à remarquer les brillantes qualités
| e son jeune prisonnier ; charmé de son audace,
[le son habileté, de sa force dans tous les exer-
cices du corps, il lui donna des précepteurs qui
lui enseignèrent l'arabe, le turc, le slave et l'ita-
en. Nommé sandjak à dix-huit ans, et mis à la
•ptede cinq mille cavaliers, il déploya en Asie
[ i plus brillante valeur. A la mort de Jean Cas-
(U'iota (1442), le sultan, se considérant comme
\ héritier légitime de ses États, envoya un de ses
• eutenants prendre prossession du pays. Quant
i[ Scanderbeg, soit que Mourad eût trop de géné-
>psité pour craindre un homme dont il avait
it la fortune, soit qu'il voulût éprouver sa
i( délité, il lui donna une armée de vingt mille
ijjammes pour envahir la Servie. Depuis la mort
|3 son père, Scanderbeg avait été, à plusieurs
Ijprises, vivement sollicité par la noblesse d'Al-
anie pour prendre en main la cause de l'indé-
lendance de sa patrie; il jugea alors le moment
ijivorahle pour céder aux vœux de ses compa-
triotes. Dans la première bataille de la longue
fimpagne (voy. Hunia.de), perdue par les
jures ( nov. 1443), il rassembla autour de lui
fois cents compatriotes, et déserta les drapeaux
[uxquels il avait juré d'être fidèle. En menaçant
lie mort le secrétaire de Mourad, il le contrai-
[nit à délivrer au commandant de Croïa un ordre
■ ui lui enjoignit de remettre la place au porteur
ju message comme à son successeur. L'ordre
[édigé, le secrétaire fut aussitôt massacré sans
'jitié. Après avoir posté sa troupe dans les bois,
pénétra avec son neveu Hamza dans la ville,
jue le gouverneur lui livra sans défiance. La
■ ;uit venue, il ouvrit les portes à ses partisans ,
loi passèrent la garnison presque entière au fil
je l'épée. L'insurrection s'étendit à toute la
jontrée. Sans perdre de temps, Scanderbeg
jéunità Croïa les principaux seigneurs chrétiens,
■ -it concerta avec eux la prise des villes encore
u pouvoir des musulmans. Petrella, Petralba,
tellusio, bien que fortement situées, se rendirent
.ans résistance. Il avait suffi d'un mois au héros
libanais pour devenir maître, à l'exception de
(fetigrad , de toute l'Épire , comme au consul
|>main, Anicius, qui dans le même espace de
raps avait jadis fait la même conquête. Pour
.icroître ses ressources , il réunit à Alessio les
rinces voisins dans une assemblée où Venise
lit représentée; on y voyait aussi Moïse, Go-
»to , Anianites et André Thopia, de la famille
oranène, Etienne Czernovich, seigneur de Mon-
ténégro. Tous reconnurent Georges Castriota
pour leur chef, et lui rendirent hommage en
promettant un tribut annuel. Les troupes qu'ils
placèrent sous ses ordres s'élevèrent à huit mille
cavaliers et à sept mille fantassins. Ce fut avec
cette petite armée qu'il tailla en pièces, au prin-
temps de l'année suivante (1444), les quarante
mille Ottomans qui envahissaient l'Albanie sous
le commandement du pacha Ali. Vingt-deux
mille hommes seraient restés sur le champ
de bataille, deux mille auraient été pris, vingt-
quatre étendards enlevés, tandis que les Alba-
nais n'auraient perdu qu'une centaine de soldats;
c'est là une exagération évidente, qu'il faut ranger
avec mille autres détails erronés dont l'histoire
de Scanderbeg est remplie.
Afin de se fortifier dans son pouvoir, Scan-
derbeg rechercha au dehors l'alliance de la
Hongrie et de la Transylvanie. Il accéda au
plan de croisade formé par le pape Eugène IV,
et qui aboutit si malheureusement à la journée
de Varna ( 10 nov. 1444); il marchait au secours
du roi Vladislas et de Huniade lorsque la nou-
velle de leur défaite le força de rebrousser che-
min. Malgré ce désastre, il rejeta l'offre d'ac-
commodement que Mourad , dans une lettre du
15 juin 1445, ne dédaigna pas de lui faire. Ré-
duit alors à la défensive, il attendit au milieu
des montagnes les généraux du sultan, et les
battit l'un après l'autre; il massacra l'armée
presque entière de Firouz , et fit essuyer un
sort pareil à celle de Moustapha , beaucoup plus
nombreuse. Des querelles au sujet d'une question
de territoire l'amenèrent à tourner malgré lui
ses armes contre la république de Venise : l'ap-
proche d'une nouvelle, armée turque mit fin à
cette guerre inutile, et Scanderbeg la termina par
la cession de Dayna aux Vénitiens ; ceux-ci con-
clurent avec lui une nouvelle alliance et inscrivi-
rent son nom sur le Livre d'or. C'était le pacha
Moustapha qui revenait à la charge (1448);
bien qu'instruit par l'expérience et malgré la
prudence de ses opérations, il fut encore surpris
par son vigilant ennemi, et laissa, suivant les
chroniqueurs, dix-neuf mille morts sur la place.
On ne fit que soixante-douze prisonniers, entre
autres le pacha lui-même avec douze officiers
supérieurs, pour lesquels on exigea une rançon
de 25,000 ducats.
Pour venger tant de défaites, qu'il attribuait à
l'impéritie de ses lieutenants, Mourad II prit le
commandement d'une expédition, qui comptait,
dit-on, plus de cent mille hommes, et envahit
l'Albanie, dans l'intention d'occuper Sfetigrad et
Croïa, les deux plus fortes places du pays
(mai 1449). Au bout de deux mois, la trahison
lui livra la première. Au printemps de 1450 il
parul sous les murailles de la seconde. « Il
tenta, dit Hammer, la fidélité d'Uraconte, com-
mandant de Croïa, par l'offre de 200,000 aspres
et d'un sandjak ; il adressa aussi un envoyé à
Scanderbeg, ne lui demandant que la soumission
459 SCANDERBEG
avec un tribut annuel. » L'un et l'autre rejetè-
rent les propositions du sultan, qui, malade et
humilié, leva le siège et revint mourir à Andri-
nople.
Rentré dans Croïa, Scanderbeg y reçut les fé-
licitations de plusieurs souverains chrétiens, du
pape Nicolas V et d'Alphonse V, roi d'Aragon ,
46
dit-on, trente mille hommes; Hamza lui-mêm
fut fait prisonnier et envoyé comme esclave a
roi Alphonse. Sur ces entrefaites Medzi, charg
par Mahomet II de racheter un sandjali rest
entre les mains des vainqueurs, arriva à Croï;
Le but secret de sa mission était d'obtenir m
trêve avec l'Albanie; il ne put y réussir (145'j
de Naples et de Sicile. Puis, cédant aux vœux ! Alors, vers la fin de l'automne, on vit s'avanci
de ses amis, il épousa, en mai 1451, Donica,
fille d'Arrianites, l'un des plus puissants seigneurs
de l'Albanie méridionale. Le nouveau sultan ,
Mahomet II, ne lui laissa guère de répit, et pré-
para contre lui de nouveaux armements. Malgré
l'affaiblissement de sa petite armée (elle ne
comptait plus que li,000 hommes) et la perte
de quelques vaillants compagnons d'armes, Scan-
derbeg n'opposa pas moins à l'invasion de l'is-
lamisme une inflexible résistance. Invincible
parmi les défilés de sa terre natale, il entreprit
de conquérir Belgrad (aujourd'hui Eerat) , : Al-
phonse V, roi de Naples, lui avait en cette cir-
constance envoyé 10,000 soldats et de l'artillerie,
et la place était sur le point, de capituler lors-
qu'elle fut secourue à temps par les Ottomans,
qui remportèrent sur les assiégeants une victoire
sanglante. Humilié de sa défaite et affligé plus
encore de la défection de Moïse de Dibra, l'un
de ses meilleurs lieutenants, Scanderbeg par-
courut les tribus de l'Albanie et les prépara à
de nouveaux combats.
Dans la même année (1453), Constantinople
venait de tomber au pouvoir des Ottomans. La
chrétienté, sourde à la voix du dernier Paléo-
logue lorsqu'il réclamait son aide, sembla com-
prendre sa faute lorsque tout fut consommé. La
terreur se répandit au sein des peuples de l'Eu-
rope; l'Albanie surtout, menacée d'une invasion
terrible, était en émoi. Contre toutes les prévi-
sions, Mahomet II, qui ne laissait échapper au-
cune occasion d'exprimer son admiration pour
Scanderbeg, lui fit offrir la paix. Un refus éner-
gique répondit à cette démarche. Presque aussitôt
Moïse obtint du sultan le commandement d'une
expédition contre ses compatriotes. A peine
arrivé dans la basse Dibra, il n'osa affronter son
ancien chef, et laissa surprendre sa petite armée,
qui périt presque entière sous le fer des Alba-
nais. Reçu avec indignation par le sultan, il re-
vint dans sa patrie sous un déguisement, et se
jeta aux pieds de Scanderbeg qui lui pardonna
le passé et le rétablit dans ses biens. Un coup
plus pénible pour le chef albanais, ce fut la dé-
fection de son propre neveu, Hamza, qui offrit
non-seulement son épée au sultan, mais renia
son pays et sa foi. Hamza ne tarda pas à repa-
raître en Albanie accompagnant Isa, que le sul-
tan avait mis à la tête de quarante mille hommes
et qui devait suivre les conseils du transfuge.
Scanderbeg, par une fuite simulée, parvint à
tromper son neveu. Puis, tandis qu'on le croyait
dans les murs d'Alessio, il fondit sur les Turcs,
pris à l'improviste , les dispersa et leur tua ,
sur les frontières de l'Épire deux généraux turc
Oumour et Sinan , chacun à la tête de quaton
mille hommes; ils avaient reçu l'ordre de s
porter sur des points différents et de tenir l'A
banie dans une alarme continuelle sans engagi
jamais le combat. Scanderbeg ne put vainci
leur fidélité scrupuleuse à suivre de point e
point les prescriptions du sultan. Une année ei
tière se passa sans rencontre, sans luttes. Pei
dant cette sorte de trêve, la mort d'Alphonse
vint affliger Scanderbeg (27 juin 1458). A
suite de cet événement, Hamza retourna dans ;
patrie, se réconcilia même avec son oncle,
mourut peu après, à Constantinople, empoisoni
à ce qu'on croit par Mahomet II lui-même.
Profitant de la paix armée qu'il entretenu
avec l'empire ottoman, Scanderbeg, cédant ai
sollicitations du pape Pie II, porta secours au fi
d'Alphonse V, Ferdinand, dépossédé du royaun
de Naples par Jean d'Anjou. Dès son arrivée <
Italie la fortune de son allié se releva. 11 délivi
Bari, où Ferdinand se voyait près de capitule
parvint à rejoindre les troupes amenées par
duc de Milan, et livra enfin à Ursara, le 18 ac
1462, une bataille décisive, dans laquelle les pa
tisans de Jean d'Anjou furent complétemei
battus. Ferdinand, replacé sur le trône de Naple
témoigna sa reconnaissance au fidèle ami de s(
père en lui donnant, en toute propriété , Tran
Monte-Gargano et San-Giovanni-Rotondo. i\
pape, de son côté, le combla de titres et de bén
dictions, et lui promit de passer bientôt en A
banie avec une armée de croisés, beau proj
que la mort du pontife vint briser au ruome:
de son exécution
Depuis dix-neuf ans l'Albanie résistait à tou
la puissance des sultans. Mahomet il avait réso
d'en finir avec son infatigable ennemi, en er
voyant contre lui généraux sur généraux. Sina
qui entra le premier en campagne à la tète <
vingt mille hommes, fut écrasé dans d'étroi
défilés. Puis Hossein subit un désastre sec
blable à son entrée dans le pays. Un troisièm
Joussoun, vit ses troupes dispersées avant d'an
ver même jusqu'à la frontière. Un vieil Asiatiqu
le bey Karaza, demanda quarante mille homiw
au sultan, et promit de revenir v-ainqueur ; il fl
aussi battu après une sanglante bataille. A
suite de ces défaites , Mahomet II se décida
demander la paix. Les conditions en furent p(|
sées par Scanderbeg lui-même et acceptées pi
le sultan (juin 1461). Deux années s'écoulèrei
dans une entière sécurité. Malheureusemei
Scanderbeg, cédant aux sollicitations du pa|
4GI
SCANDERBEG
Pie II, qui s'épuisait en efforts pour soulever
l'Europe entière contre les Turcs , avait repris
les hostilités (14fi3), espérant se trouver bientôt
à la tête de la croisade. L'expédition ayant
échoué, il se vit réduit à ses seules ressources
jpour continuer la guerre. Vainqueur de Schere-
met et de Balaban-Badera, il voyait cependant
j ses troupes décimées dans cette lutte sans fin.
Jlluit de ses lieutenants, emportés par leur cou-
jrage, étaient tombés au pouvoir des Turcs et
: moururent en martyrs; parmi eux se trouvait
[Moïse. Deux fois vaincu, Balaban revint encore
t ienter la fortune; Albanais de naissance, ennemi
! implacable de Scanderbeg, il rêvait le pachalik
l'Albanie. A la tête de vingt mille soldais, il re-
)arut dans les environs de Sfetigiad. La bataille
l'engagea avec un acharnement sans pareil, et
'honneur en resta à Scanderbeg, qui eut un cheval
ué sous lui. Pour la quatrième fois, Balaban se
résenta avec une nouvelle armée : son plan
i onsistait à envahir l'Albanie sur deux points
pposés et à forcer Scanderbeg à diviser ses
hrces. Informé de ce projet, le capitaine alba-
nais comprit que la promptitude pouvait seule
| sauver, et grâce à la rapidité de ses mouve-
ments, il détruisit eu quelques jours les deux ar-
lliées ennemies. Cependant Mahomet II ne pou-
vait se résigner à de tels revers. « Cet angle de
KÉpire, dit Sismondi, lui semblait menacer la
(loinination musulmane tout entière. » Il se mit
lii-même à la tête d'une expédition formidable
1 466 ). Tandis que Balaban investit Croïa avec
uatre-yingt mille cavaliers, le sultan s'avança à
ii tête de cent vingt mille fantassins. Scanderbeg,
lîtiré au cœur des montagnes, tombant sur les
jartis détachés, interceptant les vivres, ne lais-
i lit aux Turcs aucun repos. Bientôt l'armée
nque se démoralisa, et le sultan regagna sa ca-
bale en laissant devant Croïa Balaban avec
ï bixante-dix-ueuf mille hommes. Dans cette cir-
Mïstance critique, Scanderbeg se rendit à Rome
|L)ur réclamer l'assistance du pape. Les plus
rands honneurs lui furent rendus, mais aucun
bcours accordé. La république de Venise seule
mit un contingent de treize mille hommes en-
kiron. Avec cet auxiliaire Scanderbeg se porta
paédiatement sur Croïa, triompha de Jonyma,
l .ère de Balaban, tandis que les assiégés opéraient
lie vigoureuse sortie, dans laquelle ce dernier
4 tué. La mort de Balaban détermina la re-
aite de l'armée turque. Les Albanais voulaient
poursuivre ; Scanderbeg s'y opposa. Il s'éleva
ême à ce sujet une sédition dans le camp, qui
! fut qu'à grand'peine apaisée. A cette nou-
i "lie on prétend que Mahomet II fit de nouveau
jruption en Épire; mais ce fait ne paraît pas
rtain. Scanderbeg, épuisé par les travaux d'une
f [terre qui durait depuis vingt-quatre ans, futat-
■ int, dans Alessio, d'une fièvre ardente, qui l'em-
i rta le 17 janvier 1467, à cinquante-trois ans (I).
' M) 11 fut enterré dans l'église Saint-Nicolas d' Alessio.
i i 1*78 son tombeau fut profané, et les Turcs se parta-
— SGAPINFXLI 462
Avec lui se termine l'épopée albanaise. Onze
ans plus tard l'étendard de Mahomet flottait sur
toute l'Épi re. Scanderbeg apparaît sur la 'in du
moyen âge comme le représentant de l'héroïsme
antique et chevaleresque , comme le glorieux
précurseur des héros de la Grèce moderne. 11
rassemblait en lui les qualités les plus oppo-
sées : à la grandeur d'àme, à la loyauté, à une
foi sincère, il joignait une intelligence excep-
tionnelle, une pénétration sûre, un esprit de
ruses sans cesse renouvelées par une imagina-
tion féconde. Les vingt-deux combats où il eut
l'avantage attestent ses talents militaires. Chari-
table et humain, généreux et accessible à tous,
il n'était plus le même homme à la guerre : fou-
gueux alors, violent, parfois impitoyable, il
épouvantait les plus braves, tant l'exaltaient sa
haine contre les Turcs et son amour de l'indépen-
dance. Habile d'ailleurs à ménager ses troupes,
Scanderbeg n'eut jamais à se reprocher de les avoir
inutilement exposées. Sa vue seule inspirait le
respect et l'admiration. Sa taille élevée, son re-
gard ardent et fascinateur, sa force athlétique
firent l'étonnement des Italiens lorsqu'il passa
chez eux pour défendre le fils dAlphonse V
d'Aragon. Jamais, dans sa vie publique et privée,
il ne donna que de salutaires exemples. La con-
tinence fut au nombre de ses vertus, et il ne se
résigna au mariage que pour accomplir un de-
voir politique. « Dans un coin de l'Europe, dit
M. Paganel, avec de faibles ressources, en face
d'un péril immense et permanent, Scanderbeg
fut un grand prince, un grand guerrier. » On
raconte qu'à la nouvelle de sa mort Mahomet II
s'écria : « Malheur au christianisme ! il a perdu
son épée et son bouclier. » Henri Thiers.
Barlesio, De vita et ?noribus ac rébus prsecipue ad-
venus Turcas gestis Geo. Castrioti ; Strasbourg, 1S37,
in-fol. ; trad. en français, par J. Lavardin. — Jlonardo,
VitadiG. Cnstriotto ; Venise, 1591, in-4°. — Cronica
del principe Jorge Castrioto ; Madrid, 1597, in-fol. —
G.-B. Pontanus, Historia G. Castrioti; Francfort.
1609, in-8». — Franco , Illustri gesti e /atti contro i
Turchi da G. Caslriotto ; Venise, 1610, in-8". — Fr.
Bianco, Vita G. Castrioti ; Venise, 1636, in-4°. — Du-
poncet, Hist. de Scanderbeg ; l'arls, 1709, in-12. — Le
grand Castriotto , roi d' Albanie-, Francfort, 1779,
in-8°. — Paganel, Hist. de Scanderbeg ; Paris, 1855,
in-8». — Sismondi, Uist. des républiques italiennes.
~ Hammer, Hist. des Ottomans. — Pouqucvilie (de ),
Voyage en Grèce.
scapikeixi (Lodovico), littérateur ita-
lien, né en 1585, à Modène, où il est mort, le
3 janvier 1634. Aveugle de naissance (1), il reçut
cependant une solide instruction, et mérita, par
ses talents et l'étendue de ses connaissances,
d'être nommé à vingt-quatre ans professeur
d'éloquence à l'université de Bologne, où il ve-
nait d'être reçu docteur (1609). Il revint à Mo-
gèrent ses ossements pour en faire de précieux talis-
mans de gloire et d'invulnérabilité. On conserve encore,,
dans le musée du Belvédère,* Vienne, une grande cuirasse
dorée, couverte de figures asiatiques, et que l'on dit avoir
appartenu à Scanderbeg.
(1) Le rhapsode aveugle de la Secchia rapita, nommé
Scarpinel, et même, dans la première édition Sca—
pinet, parait avoir eu pour modèle le poëte !.oduvice;.
463 SCAPINELLI
dène en (617, et y occupa la chaire de belles-
tettres, jusqu'à l'époque où il fut appelé à l'uni-
versité de Pise (1621). Celle de Bologne ré-
compensa dignement ses travaux, et honora la
fin de sa vie en le nommant premier profes-
seur ( 1628 ). Scapinelli était mort depuis près
de deux siècles lorsque ses écrits ont été pu-
bliés sous ce titre : Opère del dottore Lodo-
vico Scapinelli; Parme, 1801, 2 vol. in-8°.
C'est un recueil de poésies italiennes et latines,
suivi de quinze dissertations sur Tite Live. Ses
poésies ont moins de mauvais goût, de pointes
et de faux brillants que celles de ses contem-
porains ; les dissertations, trop étendues dans
leur objet, qui embrasse l'histoire, les coutumes
et les lois des Romains, sont un utile commen-
taire à l'introduction et aux premiers chapitres
de l'œuvre de Tite Live. Scapinelli a aussi laissé
sur Horace, Justin, Sénèque et Virgile, des an-
notations qui sont encore inédites.
Cœnotaphium Ludovici Scapinelli ; Bologne, 1634,
in-i°. _ Éloge, en tête des OEuvres de Scapinelli, par
Je P. Pozzetti, qui l'avait prononcé, le 25 novembre 1794,
à l'université de Modène.
scapula (Jean ), philologue allemand, né
vers le milieu du seizième siècle. Il se rendit à
Genève, où il entra dans l'imprimerie de Henri
Estienne , qui le chargea de mettre au net le
manuscrit de son Thésaurus linguee greecas et
d'en revoir les épreuves. Sept ans après la pu-
blication de cet ouvrage, qui avait coûté à son
auteur tant d'années de labeur, il en fit paraître
un abrégé, qu'il présenta comme un produit ori-
ginal de son travail, en s'attribuant même l'idée
d'avoir placé les dérivés et les composés à la
suite des mots radicaux. Estienne réclama vive-
ment (De Lipsii latinitate, pars I, p. 51-55 )
contre ce plagiat, qui allait lui porter un si grave
préjudice. « En effet, dit M. Renouard, la com-
pilation écourtée de Scapula eut la fortune de
beaucoup d'abrégé3 ; bien moins chère et en
apparence d'usage plus facile, elle se vendit, se
réimprima, tandis que le Thésaurus restait
dans le magasin de son auteur. » Le Lexicon
grseco-latimim de Scapula parut à Bàle, 1579,
in-fol. ; il y fut réimprimé huit ou dix fois; les
Elseviers en publièrent une belle édition , aug-
mentée de plusieurs morceaux; Leyde, 1652,
in-fol. ; elle a été avantageusement remplacée
par celles d'Oxford, 1820, in-fol., et de Lon-
dres, 1820, in-4°. — Scapula est encore l'au-
teur des Primogenice voces seu radiées lin-
gual grsecse ; Paris, 1612, in-8°.
Morhof , Polytiistor. — J. Fabrlcius, Hist. bibliothecae,
part. III, p. 249. — J.-A. Fabrlcius, Bibl. grœca, t. X.
scarlatti (Alessandro), compositeur an-
glais, né en 1659, à Naples (1), où il est mort, le
24 octobre 1725. On ignore quel fut son premier
maître, car il faut reléguer parmi les fables l'a-
(1) Nous suivons la date rectifiée par M. Fétls, qui,
suivant un document manuscrit, donne à Scarlatti Tra-
pani pour patrie au lieu de Napies. Ce dernier point ne
parait pas aussi sûr que le premier.
SCARLATTI
46-
necdote qui le fait aller à Rome pour prendr
des leçons de Carissimi. Il est plus probabl
qu'il fréquenta l'un des conservatoires de sa vill
natale. Quoi qu'il en soit, il reçut une bonne édu
cation musicale, et acquit un rare talent sur 1
clavecin et sur la harpe. Bien d'autres parties d
la vie de ce grand artiste sont encore obscures
À vingt et un ans il composa son premier opér;
VOnestà nelV amore; sans doute il résida
alors à Rome , puisque cette œuvre y fut repr<
sentée en 1680, dans le palais de Christine, reir
de Suède. Il eut de cette princesse le titre à pe
près honorifique de maître de sa chapelle , i
jusqu'à sa mort, arrivée en 1688, il n'écrivit pli
rien pour elle. 11 paraît que peu de lemps apn
il accepta la maîtrise de la chapelle royale
Naples; de 1703 à 1709 il remplit le même ei:
ploi à Sainte-Marie-Majeure de Rome, et r
tourna ensuite dans sa patrie, où il fut réintég
dans ses fonctions ; il y ajouta des cours fr
quents dans les conservatoires de S.-Onofri
des Poveri di Gesù-Cristo et de Loreto, et
forma ainsi quelques-uns des artistes qui fc
dèrent la gloire de l'école de Naples, tels q
Logroscino , Durante et Hasse. Son mér
comme professeur se montra d'une façon é |
dente dans un écrit non imprimé, mais dont il
plusieurs copies manuscrites : Discorso di m
sica sopra un caso particolare in arte; 171
in-fol. « Audacieux génie, dit Fétis, il unissail
la richesse , à la hardiesse de l'imagination,
savoir étendu , la pureté de style de l'école î
maine, et l'expérience acquise par d'immensest
vaux. Sa modulation , souvent inattendue, n'of
jamais de succession dont l'oreille soit bïil
sée... «Ildonna lepremierl'exempledu retour
motif principal des airs après la seconde part
il introduisit l'orchestre dans le récitatif, coi
les transitions par des ritournelles, et don
naissance à ce qu'on appelle le récitatif oblii
enfin, à l'égard de l'accompagnement des airs
leur donna un dessein particulier, au lieu
leur faire suivre le chant en harmonie plaqn
Un des caractères du talent de Scarlatti fut i
fécondité inépuisable; des cent quinze ou vr
opéras qu'il a écrits , on n'en connaît qu'i
trentaine, comme VOnestà nelV amore (Roi
1680), Pompeo ( Naples, 1684), Teodora (Roi
1693), Pirro e Demetrio (Naples, i 697) ,
Prigioniero fortunato, et II Prigioniero .
perbo (Naples, 1698 et 1699), Gli Eqiivo
(Rome, 1700), Leodicea e Bérénice (Naplt
1701), Il Figlio délie Selve (1702), il TrioM
délia libertà (Venise, 1707), il Medo (17(
il Martirio di S. Cecilia (Rome, 1709), Ci
riconosciuto (Rome, 1712), Scipione ni
Spagne, V Amore generoso et Arminio (Nap!
1714), il Tigrane (MA., 1715), Telema
(Rome, 1718), Attilio Regolo (ibid., 1719), 2
Sempronio Gracco (ibid., 1720), la Prit
pessa fidèle et Griselda (ibid., 1721), la Cad;
dei Decemviri (Naples, 1723), etc. On sait'
U65 SCARLATTI
Scarlutti a composé une immense quantité de
'morceaux de chambre et de musique d'église,
[genres dans lesquels il excella; Jomelli Consi-
dérait ses messes et motets comme les meilleurs
Iqu'on eût faits dans le style concerté. Mais le
[■plus grand nombre de ces productions est au-
jourd'hui perdu, et l'on ne cite guère que les
:;uivantes : / Dolori di Maria (1693), il Sa-
rrifizio d'Abramo (1703), il Martirio di
)S. Teodosia (1705), la Concezzione délia
Wergine, la Sposa de' sagri cantici (1710),
J5. Filippo iVeri(1718), la Vergine addolorata,
|;i722), oratorios; deux Stabat Mater, une
\ Passion, six Messes solennelles; enfin vingt
\\nadrigaux à plusieurs voix, des duos, et un
nombre infini de cantates à voix seule.
| Scarlatti (Domenico), compositeur, fils du
Précèdent, né en 1683, à Naples, mort en 1757,
ii Madrid. 11 eut son père pour premier maître;
[nais il s'appliqua moins à écrire qu'à perfec-
ionner son talent pour le clavecin. Il devint sur
ï.et instrument le plus habile virtuose de l'Eu-
rope, et ceux qui l'entendirent, comme Hasseet
i Juanz, parlaient de lui avec enthousiasme. Après
jivoir été de 1715 à 1719 maître de chapelle à
l| Saint-Pierre de Rome, il se rendit à Londres
pour y faire jouer l'opéra de Narcisso (1720), et
|>assa quelques années à la cour de Portugal.
|i£u 1729 il fut choisi pour donner des leçons de
ihlavecin à la princesse des Astuiïes, et jouit à
iVIadrid du sort le plus heureux. La fécondité de
fecarlaltr dans la composition des sonates égala
•celle de son père : on en connaît plus de 350.
Une prodigieuse variété dans les idées, une
kràce charmante dans les mélodies , et un grand
(mérite de facture en sont les qualités distinc-
[tives.
\ Scariatti (Giuseppe), neveu du précédent ,
Inéen 1718, à Naples, mort en 1796, à Vienne,
fest auteur d'une quinzaine d'opéras représentés
|(à Venise, à Naples et à Vienne, tels que Pom-
jpeo in Arminia, Adriano , Merope, il Mer-
\cato di Malmantile, la Moglie padrona. On
lignore quel fut son maître , et les événements de
Isa vie ne sont pas mieux connus.
Biogr. degli Uomini illustri di Napoli, t. VI. —
■fFétis, Biogr. univ. des music.
> scarpa (Antonio), célèbre chirurgien ita-
; lien, né le 13 juin 1747, à la Motta ( Frioul ),
mort le 31 octobre 1832, à Pavie. Sa famille
[était dans le commerce. Un de ses oncles, ec-
clésiastique instruit, charmé de trouver en lui j
un esprit vif et pénétrant, lui apprit les huma-
■ nités et les mathématiques. Comme un goût dé-
cidé le portait vers la médecine, il partit à
[quinze ans pour Padoue, et commença ses étu-
!des sous les auspices de Morgagni, qui le prit
j'en affection et le choisit à la fois pour lecteur
jet pour secrétaire. Il passa deux années à Bo-
ulogne, et suivit la clinique des hôpitaux. De re-
tour à Padoue, il reçut de son illustre maître les
insignes du doctorat, et peu de temps après ce
SCARPA
466
dernier mourut, entre ses bras (1771 ), après
l'avoir nommé son exécuteur testamentaire.
Scarpa songeait à se fixer à Venise lorsque, par
l'intermédiaire du professeur Vandelli, il fut ap-
pelé à la chaire d'anatomie et de chirurgie dans
l'université nouvellement restaurée de Modène
(1772 ). Bien qu'il n'eût pas vingt-cinq ans, il
s'atlira les suffrages unanimes par la clarté de
ses idées, la pureté de son langage et la beauté
de ses préparations. Bientôt nommé premier
chirurgien de l'hôpital militaire, il fit succéder
chaque année à ses leçons un cours d'opérations
sur le cadavre. De cette époque date la publica-
tion de ses premiers ouvrages : il s'appliqua
d'abord à l'organe de l'ouïe, ce qui l'entraîna
dans de longs débats avec Galvani, qui poursui-
vait la même étude, puis aux ganglions et aux
plexus nerveux, questions difficiles, qu'il éclaira,
sans les résoudre, de la richesse de son érudi-
tion et de la délicatesse de ses expériences. A
la mort du duc François III, sa situation changea
tout à coup •• Hercule III entreprit des réformes,
et les étendit jusque sur les écoles ; Scarpa ob-
tint alors la permission de s'éloigner avec l'ap-
parente mission d'étudier à l'étranger l'organi-
sation de l'enseignement médical ( 1780). Ses
voyages durèrent trois ans : il les employa à
visiter seulement la France et l'Angleterre. A
Paris il s'attacha d'une étroite amitié à Vicq
d'Azyr, qui lui donna un libre accès dans l'am-
phithéâtre de la Charité, vit opérer l'oculiste
VVenzel et le frère Côme, et prépara ses travaux
sur l'odorat et les anévrismes. A Londres il se
fit l'élève de Pott, des deux Hunter, de Cruik-
shank et de Sheldon, et écouta leurs leçons sur la
chirurgie, les accouchements et l'anatomie. 11
revint en Italie par Montpellier, et arriva à
Modène à la fin de 1782. Il venait de reprendre
son cours lorsqu'une lettre du docteur Bram-
billa lui apprit que, sur sa proposition, l'em-
pereur Joseph II, ayant créé à Pavie une chaire
d'anatomie, de clinique chirurgicale et d'opéra-
tions, la lui offrait avec un traitement de 400
sequins ( 1783). Scarpa, craignant d'être ingrat
envers le duc, ne se décida à l'accepter que sur
l'ordre exprès de ce prince. Il débuta par un
discours nourri de faits. « Il y donnait, dit
Pariset, l'image de ce qu'il était lui-même, soit
dans ses délicates recherches sur l'homme, soit
dans ses expériences sur les animaux. De la
patience, de l'adresse, des yeux excellents, de
grandes ressources d'esprit, un art tout parti-
culier d'observer et de conclure , voilà quels
étaient ses instruments, voilà d'où sortaient les
leçons qu'il donnait à ses élèves; non moins
éloquent par l'action que par la parole. » En
1784 Scarpa fit en compagnie de Vol ta le voyage de
Vienne, et fut comblé de présents par Joseph II,
Ce fut aux frais de la cassette impériale qu'il
visita les principales universités de l'Allemagne,
s'occupant partout des intérêts de la science ; et
cette longue excursion ajouta beaucoup à la
467
SCARPA
468
prodigieuse expérience qui le rendit un des plus
grands praticiens des temps modernes. A Pavie
rien ne lui coûta pour instruire ses élèves. En
même temps qu'il achevait ses annotations sur
l'odorat et les nerfs de la cinquième paire, il
faisait à l'hôpital civil des leçons de chirurgie
pratique, et il meublait le musée anatomique
d'un grand nombre de préparations, entre autres
sur le système nerveux et les organes des sens.
La guerre, en bouleversant l'Italie, vint donner
une autre direction aux travaux de Scarpa. Les
batailles sanglantes de Bassignana, de Novi, de
la Trebbia renvoyèrent jusqu'à Pavie une foule
de blessés, et lui fournirent l'occasion de prati-
quer de nombreuses opérations el d'augmenter
à la fois la somme de ses connaissances. En
1796 fut fondée la république transpadane.
Scarpa, dévoué à la monarchie, refusa de siéger
dans le conseil des Juniori et de prêter ser-
ment; on ne l'inquiéta point. Les Autrichiens, en
rentrant dans le Milanais, fermèrent l'université
de Pavie; la France la rouvrit en 1799. P.endu
à l'enseignement, l'éminent professeur profita de
la paix pour mettre au jour le fruit de ses der-
nières recherches sur les maladies des yeux, les
pieds-bots et les anévrismes. En 1804 i! sentit
que sa vue fléchissait, et prit sa retraite. L'année
suivante Napoléon visita l'université, et s'é-
tonna de l'absence de Scarpa. « Je ne puis souf-
frir, lui dit-il peu après, que vous restiez sé-
paré d'une institution dont vous étiez l'orne-
ment. Un homme tel que vous doit, comme un
brave soldat, mourir au champ d'honneur. » Il
le nomma son chirurgien avec un traitement de
4,000 fr. et lui donna la croix d'Honneur (1805).
Scarpa fut aussi médecin du roi d'Italie. En
1812 la mort prématurée de son plus cher élève,
celui qu'il nommait l'héritier de ses doctrines,
le docteur Jacopi, le plongea dans un profond
abattement : il quitta l'enseignement public. Il
dut pourtant en 1814 se résigner à prendre la
suprême direction des études médicales, et, ce qui
lui fut plus pénible, à conserver malgré lui ce
poste honorifique, où il ne put rendre aucun
service. Ses beaux Mémoires Sîir les hernies
avaient mis le comble à sa réputation; il devint
l'oracle de la chirurgie, et de toutes les con-
trées de l'Europe on le consultait. La collection
des Opuscules de chirurgie occupa son active
vieillesse. A la faiblesse de ses yeux près , il
conserva jusqu'au delà de quatre-vingts ans une
singulière vigueur de corps et d'esprit. « Pas-
sionné pour la peinture, pour les arts, pour les
antiquités, dit Pariset, il avait rassemblé des
chefs-d'oeuvre dans plus d'un genre, et soit pour
enrichir encore sa collection, soit pour satisfaire
une juste curiosité, il fit en 1820 dans toute l'Ita-
lie un voyage qui fut pour lui comme un long
triomphe. » Tite Live, Cicéron, Virgile étaient
ses auteurs favoris, et il atteignait souvent en
écrivant à l'harmonie de ses modèles. D'une ha-
bileté rare dans l'art du dessin, il ne partageait
qu'avec son frère Domenico le soin de composer
les planches anatomiques qui accompagnent ses
ouvrages. A une âme ferme, loyale et prompte,
il joignait un corps robuste, une haute taille,
une physionomie imposante et solennelle. Il ne
se maria point, et ne ressentit jamais d'autre af-
fection que celle qu'il avait vouée à Jacopi. On
lui a reproché d'être d'une avarice sordide, et
bien qu'il eût acquis une fortune considérable, il
ne fit pas à sa mort le moindre legs de bien-
faisance. Il appartenait à beaucoup de sociétés
savantes , notamment à l'Institut de France, qui
l'avait choisi en 1803 pour correspondant.
On a de Scarpa : De structura feneslrs.
rotundx auris et de tympano seeundario;
Modène, 1772, in- 4°, pi. : il s'efforce de dé-
montrer, en tirant ses arguments de l'anatomu
comparée, que la fenêtre ronde concourt singu
fièrement à la perfection de l'ouïe; — De gan
gliis et plexubus nervorum; Modène, 1779
in-4° : reprenant les travaux de Meckel et è
Zinn, il adopta, avec des faits et des détails nou
veaux, leur conclusion, à savoir que l'usage des
ganglions est de disjoindre, démêler, de recom-
poser les nerfs pour le-s multiplier, les nourrir
les diviser; toutefois il varia sur ces points déli
cats, surtout sur l'origine du grand sympa
thique; — De promovendis anatomicarun
administrationum rationibus oratio; Pavie
1783,in-4°; — Sopra un toro-vacca, dans ie:
Mèm. de la Société ital., t. II, 1784; — De or
gano olfactus preecipuo deque nervis nasali
bus e pari quinlo nervorum cerebri; Pavie
1785, 1792, in-4°, fig. : il continua les études d.
Sœrnmering, décrivit exactement les nerfs qu
viennent du trifacial et indiqua le premier l'exis
tence du nerf naso-palatin ; — De nervo spi
nali ad octavum cerebri accessorio, insér
dans les Acta med.-chir.de Vienne, t. Ier, 1788
— Anatomicx disquisitiones de audilu e
olfactu; Pavie, 1789, 1792, in-fol., fig.; trad. ei
allemand : il a étendu, dans une suite de décou
vertes ingénieuses, ce qu'on savait sur l'ouïe; -
Tabulas nevrologicss ad illustrandam iiisto
riam anatomicam cardiacorum nervorum
noni nervorum cerebri , glosso-pharyngei, e
pharyngei ex octavo cerebri ; Pavie, 1794, gv
in-fol-, fig. : dans ce traité, qui détruisit les théo
ries de Haller et de Behrens, il prouva que !<
coeur est sensible et qu'il a des nerfs , et mi
au jour, avec une industrie merveilleuse, tontli
système nerveux des viscères de la poitrine ;-
De penitiori ossium structura; Plaisance, s.d
(1799), in-4°; trad. en allemand, en anglais e
en français dans les Mèm. de physiol. et d<\
cliïr. de Léveillé, Paris, 1804, in-8°; et réimpr
par l'auteur, avec addit. d'un mémoire, sons l
titre : De analomia et pathologia ossium
Pavie, 1827, in-4°, pi. ; — Saggio di osserva
zioni e di esperienze sulle principali ma
lattie degli occhi; Pavie, 1801, in-4°, fig.
5e édit., ibid., 1816, 2 vol. in-8°, fig., Florence
60
SCARPA
830,1838, in-8°; trad. en plusieurs langues et
lois fois en français, par Léveillé (1802), par
Idlanger et Bousquet ( 1 82 1 ), par Begin et Four-
iier-Pescay (1821) : excellent livre, où Scarpa
3 traite une maladie de l'œil que pour en
lieux marquer et la nature et le traitement:
[: qu'il a dit de la fistule lacrymale, de la phlo-
)se, des ulcères de la cornée, de l'amaurose,
liait neuf alors, et presque toutes ses idées ont
tisse dans l'enseignement ou dans la pratique;
■ Memoria sui piedi torti congeniti; Pavie,
j!03, 1800,in-4°, fig.;trad. en français dans les
.'ém. de Léveillé; — SulC aneurisma ; Pavie,
j.04, gi\ in-fol., fig.; trad. en anglais (IS08, 1819),
en français par Delpech (1809) et par OUivier
J82I, in- 8°) : en démontrant à combien de con-
fiions variables est assujetti le traitement de
névrisme, il l'éclaira dans toutes ses parties de
lies et de préceptes pleins de justesse et de
«veauté; — SuW ernie,memorie anatemico-
, irurgiche; Mîtan, 1809-10, gr. in-fol., fig.;
i ni. en français par Cayol (1812, in 8° ); réimpr.
pavie, 1819, gr. in-fol., avec de nombreuses
tîilions, par exemple le mémoire sur la lier-
\î fémorale; ces additions ont été traduites par
| livier (1823, in-8°) : c'est un des meilleurs
I îvrages de l'auteur ; — Elogio storico di
'.-/?. Carcano Leone; Milan, 1813, in-4°;
- Opuscoli di chirurgie; Pavie, 1825-1832,
(vol. gr. in-4", fig. : ce recueil contient un grand
>mbrc de dissertations , dont la plupart ont été
ibliées à part et trad. en français. Les œuvres
empiètes de Scarpa ont été recueillies par Van-
mi, trad. en italien pour les parties latines et
'inclues de notes de divers auteurs ; Florence ,
130-39, 5 part. in-4°, avec" atlas gr. in-fol. On a
issi de ce savant anatomiste quelques écrits
îi attestent une profonde connaissance dans les
paux-arts, dont le culte fut le délassement fa-
pri de ses pénibles travaux. P.
Tipaldo, Biogr. degli Ital. Uiustri, t. III. — Tagliaferri,
'oticc à la tête des QEuvres complètes. — Bégin. dans la
ogr. mcd. — h. Augustin, dans Iiust ffandbueh der
}ir., t. XIV, 183».. — Archives génèr. de med., mal
33.— Pariset, Éloge'!. - Callisen, illedicin. Schri/t-
'.ller-Lexikon, t. XXXII, suppl.
j I scarron (1) (Paul ), écrivain français, né
(Paris, en 1610, mort dans la même ville, en
ptobre 1600 (2). Son père, conseiller au par-
iment, était, dit-on, d'ancienne noblesse, et
l?ssédait un revenu d'au moins vingt mille li-
ires. Le poète n'avait que deux sœurs, et il
buvait espérer de jouir un jour d'une raison-
nable fortune, mais les événements vinrent se
jterà la traverse. D'abord, après la mort de sa
jremière femme, le conseiller se remaria, et il
■it de cette seconde union trois enfants ; puis
)n indépendance finit par déplaire au cardinal
p Richelieu, qui le priva de sa charge et l'exila
i(l) On trouve souvent son nom écrit Scaron dans les
''cmncnts de l'époque, en particulier dans les anciens
MStrea manuscrits du Mans, contemporains de son
jatir en cette ville.
S) Il fut inlmnié le 7 à Sainl-Gcrvajs.
SCARRON 470
en Touraine (1641). Scarron n'aimait pas sa
belle-mère; il s'aperçut de ses manèges et de
ses intrigues pour faire avantager ses enfants
aux dépens de ceux du premier lit ; il se plai-
gnit et tempêta si bien que son père dut l'éloi-
gner pour avoir la paix. Il alla passer deux ans
à Charleville, chez un parent, et fut admis enlin à
résipiscence à condition qu'il prendrait le petit
collet. Vers 1634, il fît un voyage en Italie, et
lia connaissance avec Poussin (1). De retour à
Paris, Scarron continua la même vie d'insou-
ciance et de plaisirs. C'est vers 1638, comme
on le voit par divers passages de ses œu-
vres (2), qu'il faut reporter l'origine de la
cruelle infirmité qui allait faire de lui un rac-
courci de la misère humaine. Cette origine
est restée jusqu'à présent environnée de mys-
tère. Suivant Tallemant des Réaux, il fut victime
d'une drogue de charlatan qui Te rendit per-
clus « en voulant le guérir d'une maladie de
garçon ». Suivant La Beaumelle, dont le récit
peu vraisemblable a été suivi par presque tous
les biographes, il faudrait chercher la cause de
son mal dans une farce de carnaval : se trou-
vant au Mans avec quelques amis, il se serait
déguisé comme eux en se couvrant tout le corps
de plumes, et, poursuivi par les huées de la po-
pulace, il se serait réfugié dans la rivière, et
tenu blotti par un grand froid sous les roseaux.
Il semble que Scarron n'était pas homme à ca-
cher cette origine de sa maladie, mais il n'a rien
dit d'analogue, et il fait même entendre, dans
sa Requête au cardinal de Richelieu, qu'il en
ignore la nature et la cause.
Scarron avait vingt-sept ou vingt-huit ans,
quand cette aventure lui arriva. Pour comble de
malheur, il fut frustré de la partie de l'héritage
paternel qu'il espérait encore , et perdit le long
procès, qu'il soutint à ce sujet avec sa belle-mère
et ses frères et sœurs du second lit. Cependant
il fallait vivre : Scarron eut recours à un triple
moyen, d'abord à la poésie, dont il fit un gagne-
pain, puis aux dédicaces, aux requêtes, enfin à
son titre d'abbé, qui lui permettait d'espérer un
bénéfice, comme il en demandait, si simple qu'il
suffit de croire en Pieu pour le remplir. Ce fut
en 1643 qu'il obtint ce bénéfice au Mans, par les
soins de l'abbé de Lavardin, qui allait bientôt
devenir évêque de cette ville. On ne sait au juste
de quelle nature était son bénéfice et comment
il en jouit. Quoi qu'il en soit , il demeura au
Mans plusieurs années consécutives, et habita
même, contrairement aux statuts disciplinaires,
une maison canonicale, qu'il abandonna seulement
dans lecourantde l'année 1646. Revenu àParis, il
y reprit des occupations et un genre de vie plus
conformes à son caractère. A partir de ce
(1) H resta toujours en relations avec lui, car on lit
dans la correspondance de celui-ci qu'il lui envoya son
Typhon (12 janvier 164S ), et qu'il loi commanda plu-
sieurs fois des tableaux (~ février 16W, 29 mai 165C).
18) Dédicace du 2e livre du Virgile travesti, début de
Typhon, L'Infante d'Escars, Lettre ù Marigny, etc.
471
SCARRON
472
moment il multiplia ses productions, et tira
d'assez larges revenus de ce qu'il appelait son
marquisat de Quinet, du nom de son libraire.
Il était parvenu à obtenir plusieurs pensions. La
protection de Mrae deHautefort lui avait procuré
une audience de la reine, à qui il avait demandé
la permission d'être son ynalade en titre d'of-
fice ; cette charge d'un nouveau genre, dont il
s'acquittait avec intégrité, lui valut une pen-
sion qui ne dura pas longtemps. Il eut aussi de
Mazarin une pension de 500 écus ; mais en
1644 il voulut dédier son Typhon au cardinal,
qui, moins sans doute par mépris de ce poëme
burlesque que par avarice, se montra peu dis-
posé à accueillir cette offre. Scarron en fut piqué
au vif : de là l'origine de cette haine qu'il exhala
avec tant de violence dans la Mazarinade, si
toutefois, ce qui est douteux, cette pièce est bien
de lui. Mais ce qui n'est pas douteux, c'est la
part- que Scarron prit par sa parole et par ses
écrits à la guerre contre Mazarin. Il fut un des
frondeurs les plus acharnés. Quand il vit le
triomphe de Mazarin, il se remit à célébrer
Jule, autrefois l'objet de l'injuste satire.
Mais le mal était fait : il avait perdu sa double
pension de la reine et du cardinal, et il ne put
la reconquérir. Heureusement, Fouquet lui en
accorda une de 1,600 livres. Les lettres, pièces de
vers et dédicaces de Scarron montrent en lui le
plus infatigable quémandeur qui fut jamais. Il
demande de tout, de l'argent, une abbaye, un lo-
gement à la cour, du bois de chauffage, des li-
vres, une voiture, des pâtés, des chapons, des
fromages, de petits chiens, etc. ; on lui envoie
de tout, et il accepte tout avec une reconnais-
sance qui s'épanche en amples remerciements.
C'est cependant le même homme qui s'est sou-
vent moqué avec verve de l'avidité de ses con-
frères et de la spéculation si répandue des épî-
tres dédicatoires; Il sollicite du moins sur un
ton de plaisanterie et de belle humeur qui en-
lève généralement toute apparence de bassesse
à ses requêtes, rendues encore plus excusables
par sa cruelle infirmité.
Scarron a tracé à nombreuses reprises le ta-
bleau de sa maladie, entre autres dans la dédi-
cace de sa Relation du Combat des Parques
et des poètes, et il s'est fait représenter au
frontispice d'un de ses livres accroupi sur la
chaise basse où il passait tous ses jours sans
pouvoir bouger, et présentant de dos le plan ir-
régulier de sa personne. On connaît sonépîtreà
Sarasin, où il se peint comme
Un pauvret
Très-maigret,
Au col tors,
Dont le corps
Tout tortu.
Tout bossu,
Suranné,
Décharné,
Fut réduit,
Jour et nuit,
A souffrir
Sans guérir
Des lourmeus
Véhémens.
Son corps avait pris la forme d'un Z. Une pa-
ralysie complète l'avait envahi : il n'avait d<
libre que le mouvement des mains. Il pari*
j presque toujours de ses maux avec une gaieté in
j croyable ; en deux ou trois circonstances pour
tant la patience lui échappe : « Si tous les dia
blés me vouloient venir emporter, écrit-il à Ma
rigny, je crois que je ferois la moitié du che
min. » Et dans une autre lettre, plus sérieuse
ment : « Je vous jure, mon cher ami, que s'
m'étoit permis de me supprimer moi-même,
y a longtemps que je me serois empoisonné.
Les souffrances de Scarron ne le tirent pas re
noncer à son épicuréisme pratique (1). Lors
qu'il ne put aller trouver ses anciens compa
gnons de joie, il leur donna rendez -vous chez lu
Les logements qu'il habita successivement ru
des Douze-Portes, au Marais, puis rue des Sainti
Pères et rue de la Tixeranderie, devinrent u
centre de réunions joyeuses, non-seulement pou
une foule de littérateurs ses amis, comme Si
rasin, Boisrobert, Tristan l'Hermite, Segrai
Scudery, Marigny, Pellisson, Ménage, mais aus
pour beaucoup de hauts personnages, comme
maréchal d'Albret, le duc de "Vivonne, de Souvrt
les comtes du Lude et de Villarceaux, La Sa
blière, d'Elbène, Grammont, Chàtillon. Que
quefois même de grandes dames, Mmes de La Se
blière, de Sévigné, de La Suze, la duchesse c
Lesdiguières, ne dédaignaient pas de semontn
chez le cul-de-jatte ; mais il y recevait pli
souvent des femmes auteurs, comme Mme di
Houlières et Mlle de Scudéry, ou Ninon
l'Enclos et Marion Déforme. On y organisait (
joyeux repas, où chacun apportait sa part, etc
Scarron prouvait de son mieux que la paralys
n'avait atteint ni sa langue ni son estomac. I
plus, il avait avec lui, dans son logis de la ri
des Douze-Portes, ses deux sœurs, dont l'ui
aimait le vin, disait-il, et l'autre les homme
et il élevait un petit enfant, qui était son nevi
» à la mode du Marais ». C'était sans doute
fils de Françoise Scarron, la maîtresse du di
de Tresmes (2), que Somaize range au nomb
des précieuses sous le nom de Stratonice, en t
sant qu'elle a beaucoup d'esprit et l'hume
agréable. Scarron parlait toujours sur ce t(
léger de ses sœurs, et Ménage raconte qu'apr
avoir composé une dédicace burlesque à Gu\
lemette, chienne de ma sœur, il fit mett
dans Yerrata « au lieu de chienne de ma sœui
lisez : ma chienne de sœur ». Malgré la 1
gèreté de son caractère, il était charitable
bon, comme le prouve l'histoire de Céleste P
laiseau, qu'il avait aimée dans sa jeunesse; s
(1) « J'ay toujours esté un peu colère, un peu got
matid et un peu paresseux, » dit-Il dans son portrait,
(2) Quelques-uns l'ont crue mariée secrètement ai
173 SCARRON
ant retirée au couvent de la Conception à
'aiis, elle fut recueillie par lui avec une de ses
ooipagnes, lors de la banqueroute du couvent,
474
t demeura assez longtemps dans sa maison
iii fit avoir ensuite le prieuré d'Argenteuil.
| En 1652, la baronne de Neuillant, sa voisine,
mena chez lui Françoise d'Aubigné, dont elle
tait la tutrice, et qui était anivée d'Amérique
icpuis quelques mois à peine. A ce moment,
[carron projetait lui-même un voyage dans le
fouveau-Monde, dont le climat, espérait-il,
ourrait le guérir (1). Il fut ému de compassion
lu récit des malheurs de la jeune fille; et pour
1 1 tirer de la situation précaire où elle se trou-
ait chez Mme de Neuillant, femme acariâtre et
vare, il lui offrit sa main, qu'elle accepta
'sec reconnaissance après quelque hésitation :
J'ai mieux aimé l'épouser qu'un couvent, »
lisait-elle. Scarron lui reconnut par contrat
deux grands yeux fort mutins, un très-beau
prsage, une paire de belles mains et beaucoup
esprit », et lui assura pour douaire, outre uue
[imme de vingt-trois mille francs, « l'immorta-
[té ». Il ne se savait pas si bon prophète, et à
\ >up sur jamais son imaginatiou, dans ses fan-
( isies les plus burlesques, n'eût osé rêver qu'il
[jrait Louis XIV pour successeur. Mlle d'Au-
gué avait de seize à dix-sept ans. Le ma-
age eut lieu en 1652 (2).
\ La présence de Mme Scarron apporta un
fiarme de plus aux réunions habituelles de la
mison du cul-de-jatte, qui devinrent à la fois
lus brillantes et plus décentes. A partir de ce
loment, il y eut plus de tenue et de dignité
ans son logis, et lé talent même de Scarron,
omme son caractère et son genre de vie, subit
i patiente et douce influence de la femme su-
érieure. Le ménage ne vivait pas largement,
|ialgré l'intarissable fécondité de Scarron et le
oût du public pour le burlesque : cinq cents
.ancs par an devaient suffire aux dépenses,
carron , pour accroître ses ressources , eut
idée assez plaisante, mais qui ne réussit pas,
;le solliciter une place d'historiographe; il obtint
ju moins le privilège d'une entreprise de dé-
harge et de transport, dont le revenu lui ap-
porta quelque aisance. En outre, ses parents
ii rendirent alors son bien, dont il leur avait
îiit donation, et il le vendit à l'avocat Nublé
our vingt-quatre mille livres (3).
1 Scarron vécut encore huit ans après son ma-
I (1) Il s'était intéressé pour la somme de raille écus
i'ans la compagnie pour la colonisation des terres de l'O-
tenoque.
! |îï Dlém. de Mme de Sévigné, II, p. 447, note.
' (3) Une lettre de Mra« Scarron et un doenroent publié
ians le Bulletin de la Société de l'Histoire de France
pe série, t. 111, p. 316 ) nous apprennent qu'il s'effor-
!?it d'y Joindre d'autres revenus chimériques en cher-
chant la pierre philosophale, et qu'il avait même ob-
icnu en 1657 la permission d'établir un laboratoire de
jhiniie spagirique pour y préparer l'or potable et d'au-
]res secrets merveilleux du même genre. Qui eût cru à
;es fantaisies de la part d'un poète burlesque?
riage. Sa dernière maladie fut un événement. Jl
garda jusqu'à la fin tout son enjouement , et
avant de rendre l'esprit il recommanda chaleu-
reusement sa femme à M. d'FJbène, son exécu-
teur testamentaire. 11 avait composé lui-même
son épitaphe, qui est fort belle :
Cc'.uy qui cy maintenant dort
Fit' plus de pitié que d'envie,
Et souffrit mille fois la mort
Avant que de perdre la vie.
Passant, ne fais iry d2 bruit.
Et garde bien qu'il ne s'éveille,
Carvoicy la première nuit
Que le pauvre Scarron sommeille.
Scarron peut être considéré comme le créateur
et le type du burlesque ; il l'a incarné en lui, et
son nom est devenu inséparable du genre ; il le
mit à la mode, et tout un troupeau d'imitateurs,
à la suite du Typhon et surtout du Virgile
travesti, se précipita sur ses traces, surtout
jusqu'en 1660, où l'on vit tout à coup cette épi-
démie tomber comme elle était venue. Seul il a
su mettre du goût dans un genre antipathique
au goût, et le relever même aux yeux de beau-
coup de juges sévères. Pour l'apprécier juste-
ment, il faut considérer le style de Scarron
dans ses rapports avec sa personne, ses souf-
frances et sa difformité ; à ce point de vue, on
peut dire que le genre lui est propre et comme
réservé. Son talent est à l'image de son corps.
Il ne faut pas croire, d'ailleurs, qu'il ne s'élève
jamais au-dessus de la bouffonnerie. On trouve
dans ses Œuvres mêlées deux ou trois pièces
d'un ton noble, d'autres qui offrent de la délica-
tesse et du sentiment autant que de l'esprit. Il
y a de la fermeté et de l'élévation dans quel-
ques passages de ses œuvres de théâtre, de ses
Nouvelles et de son Roman comique. Enfin
il a prouvé, en cinq ou six rencontres, qu'il
avait le sentiment du beau. Voici quelles sont
les principales œuvres de Scarron : Le Typhon,
ou la Giganlomachie (1644), poème bouffon en
cinq chants, que Boileau, dans l'Art poétique,
renvoie à l'admiration des provinces, bien qu'il
convînt, au rapport de Brossette,queIes premiers
vers en sont d'une plaisanterie assez fine ; — Le
Virgile travesti; Paris, 1648-1652, in-4°; con-
tinué par Moreau de Brasei( 1706), Le Tellier
d'Orville (1733) et plusieurs autres, et traduit en
anglais par Ch. Colton (1678, liv. I et IV, in-8°).
C'est une espièglerie trop longue , mais pleine
de verve bourgeoise et triviale, de naïveté, de
naturel, d'un comique irrésistible dans certains
passages , et cachant souvent une critique lit-
téraire assez fine sous la parodie. Ce poème
servit de modèle à une foule de travestisse-
ments qui s'en prirent à Homère, Horace, Ovide,
Lucain, etc. ; — La MGzarinade ; 1649 ; — La
Baronade, ou la Baronéide , satire très-vio-
lente;— Léandre et Héro, ode burlesque,
qui est un véritable poème ; — La Relation
du combat des Parques et des poêles siw la
mort de Voilure; — des Poésies diverses.
475
SCARRON
(Paris, 1643-50-51, in-4°,etl648,in-4°) compre-
nant des sonnets, madrigaux, épîtres, satires,
chansons, etc. Nous y signalerons seulement des
vers à boire de 13 à 14 syllabes, dont le rliytlime
ne manque pas d'entrain dans sa bizarrerie; — Le
Roman comique; Paris, 1651, 2 vol. in-8°. On
sait que c'est le récit des aventures et en même
temps le tableau du genre de vie d'une troupe de
comédiens nomades, que Scarron avait rencon-
trée au Mans, et qui, d'après certains indices,
pourrait bien être celle à la tète de laquelle Mo-
lière courait alors la province. C'est, avec le Vir-
gile travesti, l'ouvrage le plus connu de Scarron,
et c'est aussi incontestablement son chef-d'œuvre.
Plusieurs de ses traits et ses types sont devenus
proverbes. Il a laissé cet ouvrage également ina-
chevé, et il a eu plusieurs continuateurs, comme
pour le Virgile travesti; — les Nouvelles
tragi-comiques, la plupart traduites librement,
ou du moins imitées de l'espagnol. Elles sont
intéressantes, et Molière a tiré grand parti de
l'une d'elles (Les Hîjpocrites) pour son Tar-
tufe, comme Sedaine de La Précaution inutile
pour sa Gageure imprévue. Dans ses œuvres
mêlées, on a recueilli , mais sans ordre et sans
dates, sa correspondance, qui est curieuse.
N'oublions pas sa Gazette burlesque, où son
libraire dut le faire plusieurs fois suppléer par
d'autres, pendant ses maladies. En outre,
Scarron a donné au théâtre les pièces suivantes :
Jodelet , eu le Maître valet, comédie en
5 actes et en vers, jouée en 1645, tirée de l'es-
pagnol , comme presque toutes ses autres co-
médies, mais sans préjudice de l'originalité per-
sonnelle de l'auteur; elle obtint un grand succès,
et mit à la mode le type des Jodelets ; — Les
Boutades du Capitan Matamore et ses Co-
médies, qui se composent d'abord des Boutades
(1646), assemblage de pièces de vers, stances,
élégies, odes, entrées, où le capitan parle seul,
puis des Scènes du capitan Matamore et de
Boniface pédant, enfin de l'abrégé de co-
médie en ridicule du Mariage de Matamore,
sur la seule rime en ment ( 1647) ; — Les trois
Dorothées, ou Jodelet souffleté, comédie en
5 actes et eu vers, jouée en 1645, reprise sous le
titre de Jodelet duelliste, en 1651 ; — L'Hé-
ritier ridicule, ou la Dame intéressée, co-
médie en 5 actes et en vers (1649), que
Louis XIV voulut voir représenter, dit-on, deux
fois on un jour ; — Don Japhet d'Arménie, co-
médieen 5 actes et en vers( 1653), la plusconnue
et la plus comique des pièces de Scarron. Elle est
restée au répertoire; mais il serait difficile de la
jouer aujourd'hui sans changements, à canse de sa
licence et de la grossièreté de quelques scènes ;
— V Écolier de Salamanque, ou les Généreux
ennemis, tragédie-comédie, en 5 actes et en vers
(1654) : la première pièce où ait paru le rôle
du valet Crispin, tel que Raimond Poisson allait
le développer et l'affermir au théâtre. Boisro-
bert et Th. Corneille ont traité la même année
- SCAURUS 4;
le même sujet, sous les titres des Généreux en
nemis et des Illustres ennemis ; — Le Gar
dien de soi-même, com. en 5 actes et en vers
jouée en 1055 ; — Le Marquis ridicule, ou l
Comtesse faite à la hâte, comédie en 5 actes (
en vers (1656), que Scarron trouvait la mieu
écrite de ses pièces. On a encore de lui des com<
dies posthumes : La fausse apparence, en 5 actf
et en vers; — Le Prince corsaire, en 5 acte
et en vers, imprimée seulement, comme la pièce
dente, en 1662; — des Fragments de diverst
comédies (1668). Tout cela a paru in-4°.
Les éditions des œuvres de Scarron sont foi
nombreuses. Parmi les principales nous c
ferons celles de 1645 (Paris, 2 vol. in-4°), dl
1695 ( Amst., 8 vol. in-12) ; de 1697, 1700, 17C l
(Paris, 10 vol. in-12). Bruzen de la Martinièi
a donné la meilleure édition de ses œuvres con
plètes (Amst., 1737, 10 vol. in-12, réimprimée
Paris, 1786, 7 vol. in-8°). L'auteur de cet articl
a publié, en 1857, Le Roman comique avec
Suite anonyme, faussement attribuée à Offra
revu , annoté et précédé d'une introductk
(Bibl. elzevir., 2 vol. in-16 ), et en 1858
Virgile travesti , avec la Suite (Bibl. gai
loise, in-18). Victor Fournel.
Segrais, Mémoires anecdot. — Talieraant des Réai
et Loret, passim. — Sorel, Bibl. franc. — Baillet, J
gem. des savants, t. VIII. — Lettres et pièces de ve
de Scarron. — Bruzen de la Martinière, Notice en tê
de l'édit. de 1737. — Guizot, dans Corneille et si
temps, — Th. Gautier, Les Grotesques. — Gerusez, i
sais d'hist. littéraire. — Cousin d'Avalon, Scarronian
scaurus ( Marcus Mmilius ) , homn
d'État romain, né en 163 avant J.-C, mo
en 89. D'une famille patricienne ancienne, ma
déchue, et fils d'un marchand de charbon,
s'appliqua à l'étude de l'éloquence , et fit ensui
les campagnes d'Espagne et de Sardaigne. É
édile curuie en 123, il obtint bientôt, malgré s<
peu de fortune, une grande autorité dans le sén
Nommé consul en 115, il conduisit une armi
contre diverses populations des Alpes, et obti)
les honneurs du triomphe. En 112 il fit partiel
l'ambassade envoyée auprès deJugurtha; l'annu
suivante, lorsque la guerre fut déclarée contre <
prince, il fut le légat du consul Bestia; l'un
l'autre reçurent de fortes sommes de Jugurlh
et lui assurèrent en revanche des conditions (
paix favorables. Lorsqu'une commission eut é
instituée pour punir cette trahison, Scaurus réu
sit à en faire partie : il échappa ainsi au châtimeo"
de même qu'il obtint dans les années suivantes**
faire repousser plusieurs accusations publiqutj
portées contre lui. En 107 il remplit pour la sil
coude fois le consulat. Quoique fort attael
au parti aristocratique, ce qui lui a valu dm
éloges réitérés de la part de Cicéron , il aval
su par ses manières graves et sévères se co'rl
cilier la faveur du peuple. « C'était, dit Sa-|
luste, un homme actif, factieux, avide de poi
voir, d'honneurs, de richesses, mais habile
cacher ses vices. » Pauvre au commencemei
177 SCAURUS -
le sa carrière, il laissa d'immenses richesses.
la parole, qui était d'un grand poids au sénat,
■tait mesurée et grave; mais elle manquait de
eu , ce qui l'a fait placer par Cicéron parmi les
[dateurs stoïques. Il reste quelques fragments
lèses discours, réunis dans le recueil deMeyer,
Ile même que plusieurs extraits des mémoires
jur sa vie, qu'il avait écrits en trois livres et
Lui ont été insérés dans les Vitx et fragmenta
liistoricorum romanorum de Krause. De sa
iemme, Caecilia, qui épousa Sylla en secondes
iioces, il laissa deux, lils et une fille, qui se
Jnaria avec Pompée.
Cicéron, passim. — Aurelius Victor. — Valère Maxime.
- Salluste, Jugvrtha. — Asconius, In Scaurum. —
! inllh, Diclionary. — Drumann, GeschicUte Rotns.
\ scai'îh s (Marcus Mmilius), homme d'État
iomain, fils aîué du précédent, vivait dans le
nremier siècle avant notre ère. Dans la troisième
fuerre contre Mithridate, il servit sous Pompée
tomme questeur; envoyé en Palestine, il en
lonna le gouvernement à Aristobule, qui lui
\ vait donné une somme d'argent considérable.
I commanda ensuite en Syrie jusqu'en 59; il fit
lors une invasion dans l'Arabie pélrée, et ne
|e relira qu'après avoir reçu trois cents talents
ru roi de ce pays. Élu en 58 édile curule, il
tlonna sur un théâtre splendide, qu'il fit élever
Il ses frais et qui contenait plus de quatre- vingt
mille spectateurs , des jeux scéniques, où pa-
I urent, outre cent cinquante panthères, cinqcro-
lodiles et un hippopotame, genre d'animaux
[non n'avait pas encore vus à Rome Cl). Ruiné
»ar les dépenses énormes qu'il venait de faire,
1 répara les brèches faites à sa fortune en pil-
lant sans merci la province de Sardaigne, qu'il
lof chargé de gouverner en 55. Accusé à son re-
four à Rome pour ses déprédations (54), il fut
iléfendu par Hortensius et Cicéron; le plaidoyer
île ce dernier a été conservé en partie. Acquitté
nalgré les preuves évidentes de sa culpabilité,
1 fut accusé en 52 pour fait de brigues et con-
damné à l'exil.
f Cicéron, passim. — Asconius, In Scaurum. — Josèphe,
ftntiqttitatcs judaicœ. — Drumann , Geschichte Homs.
j scève (Maurice), poëte français, né à
[Lyon, où il est mort, en (564. Sa famille était
issue des marquis piémontais de Seva, et s'était
établie à Lyon au quinzième siècle ; son père fut
jlocteur es lois, et échevin en 1504. Il exerça
(ui-même la profession d'avocat, et devint con-
seiller échevin. « Ilétoit, dit La Croix du Maine,
l^rand rechercheur de l'antiquité, doué d'un es-
brit esmerveillable, de grand jugement et sin-
gulière invention. » Sa curiosité pour les scien-
ces , son goût de tous les arts , principalement
de l'architecture et de la musique, et surtout
[ion talent de poëte, lui valurent les louanges
exagérées de Dolet, de Du Bellay et d'autres con-
,emporains. Marot, faisant séjour à Lyon, se lia
(1) Entre les 3,6«0 colonnes magnIGques qui soutenaient
:c théâtre, Scaurus avait fait placer jusqu'à 3,000 statues
le marbre et de bronze.
SCHADOW 4?a
avec lui d'une amitié vive et durable. Louise Labe.
fut son élève. Ce poëte n'a point la naïveté de ses
devanciers, et il est loin d'égaler pour l'érudition
et l'éclat l'école de Ronsard ; souvent il se jette
dans la recherche, et arrive à de telles obs-
curités qu'Ét. Pasquier, son admirateur, avoue
ne pas le comprendre. On a de lui : Arion, églo-
gue; Lyon, 1536, pet. in-8° : elle a pour sujet
la mort du dauphin François; — Délie, object de
plus haultc vertu, avec figures et emblèmes ;
Lyon, 1544, 1862, in-8° : recueil composé de
458 dizains à la louange de sa maîtresse; c'est
la plus inintelligible de ses œuvres; —La Saul-
saye-; Lyon, 1547, 1549, in-8°, fig.; Aix, 1829,
in-8°, églogue d'un style élégant, presque tou-
jours simple, et où l'on trouve d'heureux traits de
sentiment; — Le Microcosme, ou petit monde;
Lyon, 1562, in-4° : c'est un poème en trois li-
vres, où l'auteur raconte la création, la chute
de l'homme, l'invention des arts et des sciences,
letriomphe de l'Évangile, etc. Scève a encore écrit
les Blasons du front, du sourcil, du soupir et
de la gorge, réimpr. avec les Blasons de Méon
(1809, in-8°) ; il a traduit de l'espagnol la Dëplo-
rablefin de Flamme tte (Lyon, 1535, pet. in-8").
Les deux sœurs de Maurice, Claudine et Si-
bylle , ont été renommées de leur temps peur
la poésie; mais on n'a imprimé aucun de leurs
ouvrages. Un de ses parents, Jean Scève, prieur
de Montrotier, a publié le Tresbuchement de
Mars, dieu des guerres, aux enfers, poëme
en vers alexandrins (1559), et un livre de prières
adressé aux nobles dames lyonnaises.
Peructti, Lyonnais dignes de mémoire, t. I, — Goujet,
Bibl. française, t. XI. — Breghot du Lut et Pericaud,
Catalogue des Lyonnais, 275-78.
schadow ( Jean-Godefroi), sculpteur alle-
mand, né le 20 mai 1764, à Berlin, où il est mort, le
28 janvier 1850. Fils d'un pauvre tailleur,il n'aurait
pu suivre sa vocation pour les arts s'il n'avait eu
le bonheur d'être recommandé à Tassaert, sculp-
teur du roi, qui se plut à cultiver ses dispositions
naturelles. A vingt et un ansil devint éperdûment
amoureux d'une jeune fille, et, ne trouvant pas
les parents favorables à sa demande, il l'enleva
et la conduisit à Vienne, où il l'épousa; récon-
cilié bientôt après avec son beau-père , il reçut
de lui les moyens d'aller en Italie étudier la
statuaire antique. Étranger et inconnu, il rem-
porta à Rome le prix proposé par le marquis de
Balestra, et dont le sujet était un groupe de Persée
et Andromède. Rappelé en 1788 à Berlin comme
sculpteur du roi à la place de Tassaert, et se-
crétaire de l'Académie des beaux-arts , il en de-
vint en 1816 directeur. En 1790 il entreprit un
long voyage dans les pays Scandinaves et en
Russie pour s'instruire dans les procédés de la
fonte des statues en bronze; dans la suite il fit à
différentes reprises des séjours prolongés à
Rome. Il exécuta dans le cours de sa longue vie
un très-grand nombre de statues et de bustes,
œuvres où il s'affranchit le premier de la ma-
4:9
SCHADOW
48(
nière affectée et conventionnelle à la mode dans
le siècle dernier ; en donnant ainsi aux attitudes
du naturel et une noble simplicité, il ouvrit la
voie suivie plus tard par Rauch. Ses principales
productions sont : le Tombeau du jeune comte
de LaMarck, église Sainte-Dorothée à Berlin; les
statues colossales de Luther, à Wittemberg, et
de Frédéric II, à Stettin ; les statues des géné-
raux Ziethen et Dessau , à Berlin ; les Monu-
ments du comtede Tauenzien, du comted'Arnirn
à Boizenbourg , du prince Frédéric- Alexandre de
Prusse, à Sinzenich, du comte de Hoym, en Si-
lésie, de Blùcher, à Rostock ; le groupe de La reine
Louise de Prusse et sa sœur, au château de Ber-
lin; une Nymphe au repos, qui a figuré, ainsi que
le fameux Quadrige de la porte de Brandebourg,
du même artiste, dans le Musée Napoléon, sous
le premier empire; le Réveil d'une jeune fille;
beaucoup de bustes, dont quinze à la Walhalla;
plusieurs bas-reliefs, etc. Schadow, qui également
agravé à l'eau-forte une quarantaine de planches,
a aussi publié les ouvrages suivants : Wilten-
bergs Denhmxler der Bildnerei, Baukunst
und Malerei ( Les Monuments conservés à
Wittemberg); Wittemberg, 1825, in-4°; —
Lehre von den Knochen und Muslteln (Traité
des os et des muscles , des proportions du corps
humain et des raccourcis); Berlin, 1830, in-4°;
— Polyklet ( Polyclète , ou des Proportions de
l'homme selon le sexe et l'âge) ; Berlin, 1834-35,
in-4°, fig.; texte allemand et français; — Na-
tional Physionomien ( Physionomies natio-
nales , ou Observations sur la différence des
traits du visage); Berlin, 1835, fig.; — Kunst-
werke und Kunstansichten (Œuvres d'art et
idées sur l'art) ; Berlin, 1849, in-8°.
Schadow (Zeno-Ridolfo), sculpteur, fils aine
du précédent, né le 9 juillet 1786, à Rome, où
il est mort, le 3 1 janvier 1822. Élève de son père,
il exécuta jusqu'en 1810 à Berlin une série d'œu-
vres remarquables, telles que les statues de Paris,
d'une Porteuse de lampe; des groupes en
plâtre, Electre et Oreste, Paris et Hélène, Ju-
lius Mansuetus mourant dans les bras de son
fils ; deux bas-reliefs représentant Socrate chez
Theodota, et un Épisode du déluge. En 1810
iî reçut, par l'intermédiaire du chancelier de
Hardenberg, une pension pour se rendre à Rome,
où il alla se fixer, en compagnie de son frère
Guillaume. Là son talent, dirigé par Canova et
Thorwaldsen , prit un puissant essor; devenu
presque l'égal de ses maîtres , il se vit bientôt
accablé de commandes par les souverains et les
principaux amateurs de l'Europe. Les oeuvres
qu'il exécuta alors, et où il fit preuve d'un génie
transcendant, se distinguent par la grâce et la
naïveté des attitudes, par une ravissante har-
monie dans les proportions, par une poésie
exquise et par une rare perfection dans l'exécution
technique. Ce sont: une Jeune fille attachant
ses sandales; une Fileuse; plusieurs copies,
faites par le maître lui-môme, de ces deux chefs-
d'œuvre acquis par le roi de Prusse, existent ei
Allemagne et en Angleterre; la Jeune fille an:
pigeons, appartenant au roi de Prusse; l'A
mour, dans la galerie Esterhazy ; Paris devan
les trois Déesses, un petit Bacchus, S. Jean
Baptiste, Diane, une Vierge tenant l'en/an
Jésus, un Discobole, morceau de premie
ordre, qui est en Angleterre; un groupe de Dan
seuses; les bustes de Hœndel à la Walhalla, i
celui d'une jeune Albanaise, à la glyptothèqu
de Munich; quatre magnifiques bas-reliefs
Y Enlèvement des filles de Leucippe, \eCom
bat des Dioscures avec Idas et Lyncée , 1
Tombeau de la mère du général Koller, ( |
celui du marquis de Lansdowne. En 182
enfin Schadow venait de terminer le modèle d'u
groupe colossal d'Achille protégeant le corp
de Penthésilée ; pour l'exécution en marbre d
cette œuvre, d'un caractère grandiose , il reçi
du roi de Prusse seize mille francs, le quart d
prix fixé pour ce groupe quand il serait te:
miné ; mais les fatigues de ce travail ruinèrer
entièrement la santé, déjà affaiblie, de l'artisti
qui fut enlevé l'année suivante par une mo:
prématurée. Son groupe, achevé par son cousir
Wolf, se trouve au palais royal de Berlin.
Aulobiogr. de J.-G. Schadow, dansses Kunstwerke." ■
Nagler, Allgem. Kùnstler-Lexikon.
* schadow (Frédéric -Guillaume vu.)
peintre allemand , fils puiné de Jean-Gcdefro
né à Berlin, le 6 septembre 1789. Dirigé d't
bord par son père, et ensuite par le peinti
Weilscb, il fut en 1806 appelé au service m
Htaire et ne put reprendre les pinceaux qu'en 18K
Ayant en cette année accompagné à Rome so
frère Rodolphe, ilse joignit à ce groupe déjeune
gens de talent, Cornélius, Veit, Schncrr, etc
qui, s'inspirant des principes de leur ami Ove:
beck, ne voyaient, comme l'école romantique e
littérature, de salut pour les arts que dans le ni
tour aux idées du moyen âge. Schadow, qui s
convertit alors au catholicisme, concourut av(
eux à la décoration de la villa du consul c
Prusse Mendelssohn-Bartholdi ; il y exécuta deu
fresques, Le Songe de Joseph et Jacob recevai
la robe sanglante de son fils ; elles déeèlei
encore une certaine inexpérience. Les tableau
qu'il peignit à Rome, dans les années suivante:
sont très-remarquables; les principaux son
outre plusieurs beaux portraits : la Reine di
deux, la Sainte Famille, l'Alliance de i
peinture et de la sculpture, représentée, pil
un groupe où figurent Thorwaldsen, Rodolptj
Schadow et le peintre lui-même. De retour
Berlin en 1 S 19, il devint membre de l'Académie d<
beaux-arts; ii exécuta à cette époque plusien:
tableaux d'autel pour l'église de !a garnison
Potsnam, la cathédrale d'Ambach, et l'église (
Schulpforta; puis un Saint Luc, une Viergi
la Poésie s'élevant dans les airs , le portra
du poète hnmermann. En 1827 Schadow al
prendre à Dusseidovf la direction de l'Académ
481 SCHADOW — SCHIFFER.
à la place de Cornélius : il y fonda une nouvelle
école de peinture, d'où sortirent une foule d'ar-
I listes de talent (1), et qui l'emporta bientôt sur
i l'école rivale de Munich, à laquelle elle cèdece-
! pendant pour la peinture d'histoire ; en revan-
j che, Schadow sut développer chez ses élèves,
auxquels il était tout dévoué, une grande habi-
leté à traiter le genre et le paysage; il leur pro-
loura en même temps de nombreuses commandes
(en propageant le goût des arts par la fondation
[d'une société artistique pour les provinces rhé-
| nanes et la Weslplialie. Dans la suite cependant
| Schadow entra de plus en plus dans la voie du
[mysticisme, ce qui amena dans son école une
I scission complète ; à la tête des opposants, qui
s'attachent à un réalisme prononcé , se trouve
RLessing (voy. ce nom). Parmi les tableaux qu'il
[exécuta depuis 1827 nous citerons : les Quatre
Évangélistes, dans l'église de Werder à Ber-
flin ;.les Vierges sages et les Vierges folles, au
ImuséeStaedelà Francfort; une Carità; le Christ
httr le mont des Oliviers; 1er Christ à Em-
\maiis; Sainte Véronique; une Pietà dans l'é-
glise de Dulmen; la Source de la vie, au roi
lia Prusse; Sainte Hedwige, le Paradis , le
{Purgatoire et l'Enfer, suite de tableaux ailé-
boriques d'après Dante; Mignon, sujet plein de
[poésie, reproduit souvent par la gravure; plu-
sieurs excellents portraits , dont ceux du prince
JFrédéricde Prusse, du prince de Solms, delà fa-
tinille du banquier Beudemann, etc. Schadow
la été anobli en 1843. 11 a publié, outre divers
[articles dans le Kunstblatt, une brochure Sur
{l'influence du christianisme sur les arts
(Dusseldorf, 1842), et Der moderne Vasari
[(Berlin, 1854) : ce dernier ouvrage, où l'auteur
idonne ses jugements sur les principaux artistes
jqui avec lui ont régénéré la peinture en Alle-
gne, est un extrait de ses Mémoires, encore
[manuscrits, qu'il a dictés pendant le temps, assez
pong, où il fut privé de la vue, infirmité dont il
a été guéri par une habile opération.
[ .Roczynski , Slist. de l'art moderne en Allemagne. —
jîutmaiit), Die Diisseldor/er Malerscfmle ,- Leipzig, 1839.
;-Uechlriz, Bllcke in das Dusseldorf er Tiilnstler Lebcn;
jllusseldorf, 1839. - Nagler, Allqem. Kunstlerlexihon. -
mmnner der Zeit, t. I. — Unsere Zeit, t, VIL
| Schiffer (Jacques- Chrétien) , natura-
liste allemand, né à Querfurt (Prusse), le 30 mai
1718, mort à Batisbonne, le 5 janvier 1 790. Ayant
à l'âge de dix ans perdu son père, qui était un
toasteur sans fortune, il ne put terminer ses hu
Nanités qu'en s'im posant les plus grandes pri-
vations. Son amour pour la science lui donna le
jsourage de se rendre à l'université de Halle, bien
[ïu'il fût presque entièrement dénué de res-
sources ; pendant les six premiers mois, il ne se
pourrit guère qu'avec des fruits et un peu de
.égumes cuits à l'eau , et il passa tout un hiver
wos feu. Cette rude abstinence, jointe à un zèle
t (1) Les noms des trente plus célèbres peintres de cette
ji-cole se trouvent, encadrés de dessins de chacun d'eux,
l'ans V Album de Reinick (Dusseldorf, 1838).
KOUV. BIOGR. GBKÉR. — T. XLIII.
482
trop vif pour l'étude, faillit le faire périr de con-
somption. Il se procura quelque soulagement en
donnant des leçons dans une maison d'orphe-
lins, et en 1738 il entra comme précepteur chez
un riche négociant de Batisbonne; mais celui-ci
étant mort au bout d'une année, Schœffer re-
tourna à Halle, et fut admis au sacerdoce. En
1741 il fut rappelé à Batisbonne pour y occuper
une des places de prédicateur, bonheur inespéré
qu'il devait à quelques sermons qu'il y avait
prononcés pendant son premier séjour, et dont
l'éloquenceavait produit une impression favorable.
Dès ce moment son sort fut fixé. Tout entier à
ses devoirs, il ne se lassait pas de venir en
aide à l'infortune; c'est ainsi qu'il fonda une
caisse de prêt sans intérêts en faveur des ou-
vriers pauvres. En reconnaissance de son zèle
et de son dévouement, il fut en 1779 promu d'un
consentement unanime à l'office de surintendant
ecclésiastique, qu'il conserva jusqu'à sa mort.
Habile à tous les travaux de main , il fabriqua
plusieurs instruments d'optique et de phjsique,
remarquables par leur précision et qu'on lui
paya un grand prix; de magnifiques tables de
marqueterie, une représentation anatomique de
l'œil humain, exécutée en ivoire, des oiseaux
sculptés en bois, etc. Il perfectionna les miroirs
ardents, les microscopes, une machine à laver
le linge. Le premier il songea à faire du papier
avec des substances végétales, tels que copeaux,
sciure de bois, mousses, tiges du houblon,
de la vigne et du chanvre, feuilles, etc. (1).
Mais son principal mérite consiste dans les
travaux qu'il entreprit sur diverses parties
de l'histoire naturelle, notamment les plantes
et les insectes, et qui lui valurent d'être nommé
membre des Académies de Londres , de Ber-
lin, d'Upsal et de plusieurs autres sociétés
savantes; il était correspondant de l'Académie
des sciences de Paris. Les ouvrages qu'il a pu-
bliés sur les diverses branches de la mycologie
et de l'entomologie se font remarquer par
l'exactitude des descriptions et par la beauté
ainsi que par la fidélité des figures. On a de lui :
Apus piseiformis insecti, species noviter dé-
tecta; Nuremberg, 1752, 1757, in-4°; — De
musca cerambyce; ibid., 1753, in-4°; — Die
Arm-Polypen (Les Polypes à bras des environs
de Batisbonne); Batisbonne, 1754, 1763, in-4o;
— Die Blumenpolypen des sûssen Wassers
(Les Polypes d'eau douce); ibid., 1755, 1703,
in-4°; — Isagoge in botanicam; ibid., 1759,
in-8°; — Erleichlerte Arzneykrseuterwis-
senschaft ( La Connaissance des plantes mé-
dicinales rendue plus facile); ibid., 1759, 1773,
in -4°; — Desludii ichthyologici faciliorime-
thodo; ibid., 1760, in-4°; — Piscium bava-
rico-ralisbonensium penias; ibid., 1761, in-4°,
fig. ; — Fungorum qui in Bavaria et Palali-
(1) La 2° édlt. de l'ouvrage qu'il publia sur ce sujet (Ra-
tisb., 1772, in-4°) contient 81 échantillons de ces diffé-
rents papiers, avec treize planches,
16
43;
SCHiEFFER — SCHALL
■iS4
nalu superiore circa Ratisbonam nascuntur
icônes; ibid., 1762-1775, 4 tom. in-4°;une édit.
augmentée de ce magnifique ouvrage, avec trois
cent trente planches, a été donnée par Per-
soon; Erlangen, 1800, m-40; — Vorschlasge
zur Fœrderung der Nuturwissenschaft (Avis
sur la manière de faire avancer les sciences na-
turelles); Ratisbonne, 1763, in-4°; — Opuscirfa
entomologie a; ibid., 1764, in-4°; trad. en alle-
mand,ibid., 1764-1779, 3 vol. m- k°;— Elément a
entomologica ; ibid., 1766, 1780, in-4°, pi. col.;
suivi à'un Appendix, ibid. ,1777,in-4°; — Icônes
insectorum circa Ratisbonam indigenorum;
ibid., 1766 79, 3 vol. gr. in-4o; Erlangen, 1804,
3 vol. in-4°, avec de nombreuses et excellentes
planches coloriées ; — Elemen ta ornithologica ;
Ratisbonne, 1774, in-4°; — Muséum ornitho-
logieum ; ibid., 1778, in-4°, avec 51 pi. col.
Schlichtegrol!, NeJcroloç, . 790, 1. 1, p. 65. — Hirsching,
Handbnch. — Meusel, LexiJcon. — Biogr. méd.
" schalcken (Gode f roi), peintre hollandais,
né à Dordrecht, en 1643, mort à La Haye, le 16
novembre 1706. Fils du directeur des écoles la-
tines de Dordrecht, Schalcken reçut une éduca-
tion littéraire; mais son père ayant voulu le faire
entrer dans la carrière de l'enseignement, il ma-
nifesta alors un goût si vif pour la peinture que
sa famille consentit à le placer chez Samuel van
Hoogstraeten, où il fit de rapides progrès. Puis
il étudia quelque temps chez Gérard Dov, et c'est
en le voyant à l'œuvre qu'il apprit à peindre les
portraits de petite dimension, les scènes d'in-
térieur et surtout les effets de lumière qui lui va-
lurent une précoce renommée. Bien que le succès
eût répondu à ses premières tentatives, il par-
tit pour l'Angleterre , où il fit un assez grand
nombre de portraits, notamment celui de Guil-
laume IÎI. ïoufefois, il avait trouvé à Londres
un rival redoutable dans la personne de Kneller ;
et reconnaissant l'impossibilé de lutter avec lui,
il revint dans sa patrie et se fixa à La Haye.
Les œuvres de Schalcken ne sont pas très-rares,
et elles sont moins recherchées aujourd'hui
qu'elles ne l'étaient jadis. Ses tableaux sont pour
la plupart éclairés par la lumière artificielle
d'une lampe ou d'un (lambeau, et dans ce genre
de peinture il a montré de la patience et une
étude attentive de la nature. Mais il y a quelque
puérilité et de la monotonie dans le choix de ses
sujets et dans la manière dont ils sont traités.
Schalcken appartient à l'école de la décadence ;
le dessin chez lui est sans caractère; l'exécution
est molle, le pinceau sans esprit. P Mawt-z.
Van Eynden et van tler Willigen, Cesckied. der
Vaderl, Schilderftunst. — Immerzeel, Jjeven.
schalïj (Jean-Adam) , missionnaire alle-
mand, né à Cologne, en 1591, mort à Pékin, le
15 août 16G9. Issu de famille patricienne, il
entra en 1611 à Rome dans la Société de Jésus,
et i :udia pendant plusieurs années la théologie
et les mathématiques. Envoyé en Chine en 1622,
il fut attaché à la mission de Si-ngan-Fou;
tout en se dévouant à la propagation de l'Évan-
gile , il s'occupa d'observations et de calculs as-
tronomiques Sa réputation de savant, plus en-
core que son zèle de missionnaire le fit mander
en 1631 à Pékin, et il fut avec le P. Rho chargé,
dans le bureau des affaires célestes (sorte de
bureau des longitudes ), de la révision du
calendrier impérial, alors dans un désordre
complet. Les astronomes officiels , jaloux de la
préférence accordée à des étrangers, lancè-
rent contre les deux missionnaires de vira
lents pamphlets et multiplièrent les intrigues poui
les discréditer auprès de l'empereur. Mais leui
complète ignorance ayant éclaté à l'occasioi
d'une éclipse qui survint alors, tandis que le:
calculs du P. Schall avaient été trouvés exacts
ils furent réduits à exhaler leur fureur en d
vaines calomnies. Schall jouit de toute la bien
veillance de l'empereur Tchoung-Tehing , pou
lequel il répara l'épinette apportée à Pékin pa
le P. Ricci ; il fabriqua ensuite un clavecin neu;
et l'envoya à la cour avec un magnifique albur
représentant les principaux traits de la vie de Jf
sus-Christ. Lors de l'invasion des Tartares (1626,
Schall fut chargé, bien malgré lui, de diriger un
fonderie de canons, et l'empereur voulut recorj
naître les services du missionnaire en rédigeai
de sa propre main une inscription, où il loua
en termes pompeux sa science et ses vertu
Lorsque la bande d'insurgés commandée p*
Li-Eoung se fut emparée de Pékin, qu'ils mirei
à feu et à sang, Schali fut la providence di
nombreux chrétiens de cette ville, qu'il protégi
avec un dévouement admirable, quoique expo:
continuellement aux plus grands dangers. (
fut sous le règne de Chun-Tché, le fondateur de
dynastie tartare (1645) qu'il obtint le plus ha
degré de faveur à la cour : il fut confirmé dai
la présidence du bureau des affaires céleste
qu'il occupait seul depuis la mort du P. Rho(l
Plusieurs fois par an l'empereur venait sa)
apparat dans le cabinet de Schall, qu'il appeli
maffa (vénérable vieillard ) , s'entretenait fàïa
fièrement avec lui, écoutait ses conseils, et s'j
formait avec intérêt des travaux, des études,"
des exercices religieux des missionnaire
Schall profita de cette bienveillance pou|
cause de la religion, et il obtint en 1650 la
mission de bâtir à Pékin même une grande
catholique, et bientôt après la libre prédic:
du christianisme dans toute la Chine , ce
porta en l'espace de quatorze ans le nombn
néophytes à cent mille. I! empêcha aussi 1
Portugais d'être chassés de Macao, mesure (
avait été ordonnée pour ne laisser aux pin
aucun lieu de refuge. Mais en 1664 les régi
qui gouvernaient pendant la minorité d'.' Kh
(l) Non seulement Chun-Tché ennféra au P. Schal ■
dignité de Ta-C/ian-Sse du grand tribunal, ce qui H
faisait entrer dans la première aristocratie de i'emp ^
mais il anoblit aussi ses parents défunts jusqu'au ti L
sième degré.
iff SC HALL -
li, destituèrent Scliall, qui venait d'êlre atteint
'une paralysie soudaine, et proscrivirent sous
>s peines les plus sévères l'exercice de la reli-
ion chrétienne. En même temps un procès fut
istruit contre les missionnaires, qui le 15 avril
8G5 furent condamnés à être fustigés et exilés
n Tv.rlarie; quant au P. Scliall la sentence poi-
nt que son corps serait coupé en dix mille mor-
jeaux en commençant par les extrémités. Cette
artence inique eut peut-être reçu son exécution
i plusieurs catastrophes subites, telles que l'ap-
jarition d'une comète, un tremblement de terre,
i n incendie qui consuma une partie du palais im-
érial, n'eussent jeté la capitale dans la conster-
j stion ; on y vit des signes du courroux céleste,
\ on s'empressa de rendre le P. Schall à la li-
irté. 11 souffrit encore des tribulations nouvelles,
; t condamné au supplice de la cangue, et mourut
! très une longue carrière , toute consacrée au
i en. En 1671 le P. Verbiest, son ami, obtint de
i'inpereur Kbang-Hi un décret qui réhabilitait sa
lémoire; un superbe mausolée lui fut élevé
fins les environs de Pékin. Il avait écrit en
u'nois , sous le nom de Thang-io-wang , un
and nombre de traités astronomiques et ma-
ématiques, dont la collection est à la biblio-
èque du Vatican. On a extrait de ses lettres
Histoire des progrès des 7nissions des jé-
dtes en Chine, en latin; Vienne, 1655,in-8°.
Mailla, Hist. générale de la Chine, t. X et XI. — Le
rote, Mémoires de la Chine. — D'Orléans, Hist. des
u t conquérants tarlares. — Hue, Le Christianisme
Chine, t. II et III.
schammaï, célèbre docteur juif, vivait un
Scie avant J.-C. Il fut à Jérusalem le Père de
i maison du jugement, c'est-à-dire président
i tribunal établi pour décider les questions lé-
les. La considération qu'il s'acquit dans ces
utes fonctions l'engagea à ouvrir une école à
té de celle d'Hillel. Son enseignement eut un
and retentissement. Il ne tarda pas à être en-
uré d'un plus grand nombre de disciples que
n rival. La tradition a voulu opposer en tout
s deux docteurs : elle représente Schammaï
hume un homme opulent , tandis qu'Hillel ,
fès avoir vécu dans sa jeunesse du travail de
s mains, serait toujours resté pauvre. Celui-ci
lit d'une humilité édifiante, d'une insigne dou-
ur de caractère, d'une bonté sans pareille;
lui-làau contraire était hautain, dur envers ses
idples, tranchant dans ses décisions. Scham-
», facilement emporté par la colère, se servait
'rfois de la verge pour corriger ses élèves;
lfel, plein de bienveillance, partageait avec les
ns le peu qu'il possédait. Ces deux écoles
parent d'abord en paix; l'opposition de l'en-
gnement et peut-être aussi du caractère des
iltres finit par faire naître la discorde. Il n'y eut,
-on , presque aucun point de la loi qui ne de-
it entre elles un sujet de débats orageux. La
idition assure que les discussions entre les
ux écoles amenèrent plus d'une fois des ren-
tres à main armée et ensanglantèrent les rues
SCHAMYL
486
de Jérusalem. Ce fut un proverbe en Israël que
même Elie le Thesbitc, le pacificateur universel,
ne pourrait mettre fin aux querelles ries dis-
ciples de Schammaï et des disciples d'Hillel (voy.
Hillel l'ancien). M. N.
G. -F.. Geiger et H. Gcissmann, ISrcvis commentatio do
Hillila et Schammai; Alttlorf, 1707, in-i°.
* sciiamyl, chef circassien, né en juin 1797,
à Himry, village du Daghestan septentrional,
en Circassie, dans une riche famille, qui appar-
tenait à la classe la plus honorée du pays.
Son tempérament était ehétif, mais il prit bien-
tôt le dessus, et au milieu des exercices et de
la vie rude des montagnards il acquit une
vigueur et une agilité qui lui furent d'un grand
secours plus tard. 11 annonçait déjà dans la
maison paternelle une rare énergie de caractère.
Ne pouvant détourner son père de l'habitude
de l'ivresse, il jura qu'il s'ôterait la vie s'il le
voyait encore troublé par la boisson, et celui-ci,
qui le savait capable de tenir proie , prit l'en-
gagement de ne plus goûter de vin; jusqu'à sa
mort, qui arriva vingt ans après, il y fut fidèle,
Schamyl (équivalent du mot Samuel) se plaça
sous la discipline de son ami le savant Ghazy-
Môllah. A son école et à celle des oulémas les
plus distingués du Daghestan, il acquit bientôt
un profond savoir, qu'il alliait à une piété exaltée.
Les peuples du Caucase étaient depuis long-
temps gagnés à l'islamisme; mais la division en
sunnites et en schyites était pour eux un élément
de faiblesse. Le muridisme eut pour objet de
faire cesser ces divergences, en donnant aux
montagnards une religion commune puisée aux
plus pures doctrines des temps primitifs de l'is-
lam. D'après ce nouveau dogme les croyants
passaient par une série de degrés, dont le dernier
amenait l'âme an détachement absolu des choses
de la terre et l'anéantissait en quelque sorte en
Dieu. Cette doctrine mystique reposait sur des
principes d'égalité républicaine qui l'aidèrent à
se propager parmi les tribus montagnardes, et
bientôt elle les eut ralliés dans une haine com-
mune contre les Russes. En 1828 Schamyl figurait
parmi les murides les plus renommés, sous les
ordres de Ghazy-Mollah. Celui-ci, assailli dans
Himry par le général russe de Rosen , succomba
après avoir fait essuyer des pertes terribles à l'en-
nemi. Schamyl se précipita au milieu des Russes,
qui gardaient toutes les issues, tua trois soldats;
un quatrième le traversa de part en part d'un coup
de baïonnette; il eut cependant assez de force et
d'énergie pour faire partager à celui-ci le sort des
premiers, se débarrassa de ses autres adversaires,
et échappa comme par miracle à la mort (1831).
Cette terrible blessure empêcha Schamyl de suc-
céder à Ghazy-Mollah dans la dignité d'iman, à
laquelle l'appelait le vœu public. Lorsqu'il fut
rétabli, il seconda avec une abnégation qui éloigne
de lui tout soupçon d'ambition égoïste le nouvel
iman Hamzat-Bey. Celui-ci, à la suite d'une expé-
dition, sanglante dirigée contre l'Avarie, partie
16.
487
Daghestan, qui penchait vers les Russes, fut
égorgé avec une partie de ses murides (1834).
Schamyl pouvait sans peine s'emparer alors de
l'autorité, que nul n'était en mesure de lui dispu-
ter; il préféra convoquer tous les chefs de tribu
et les hommes marquants à quelque titre. L'ima-
nat lui fut offert à l'unanimité (2 octobre 1834).
Schamyl fut à la fois un héroïque défenseur
de l'indépendance, un profond politique et un
habile administrateur. Son ardente dévotion ne
l'empêcha pas de porter un sens très-droit dans
la pratique des affaires. Ayant consacré son in-
fluence par d'éclatantes victoires , il fit adopter
une série d'innovations qui lui permirent de
soutenir pendant vingt-cinq ans une lutte dispro-
portionnée contre les Russes. Prêtre autant que
guerrier, il fit de la religion la base de son
pouvoir. Il s'entoura d'un conseil suprême, qui
devait le seconder dans la direction des affaires,
et prit pour le garder une troupe d'élite qui de-
vait bannir toute autre préoccupation qu'un dé-
vouement sans réserve à son chef. Il partagea le
territoire en subdivisions (naïbats ) renfermant
un certain nombre d'aoïcls ou villages; les lieute-
nants de l'iman ou naïbs réunissaient les fonctions
religieuses, patriotiques, militaires, administra-
tives ; ils devaient au premier signal amener une
troupe de guerriers, qui s'entretenaient à leurs
frais. Schamyl réunit ainsi cinq mille cavaliers,
et eut à la fois sous les armes cinquante mille
hommes. Il fit des efforts constants pour intro-
duire parmi ces tribus une administration régu-
lière, active et probe. Mais il ne réussit pas à accli-
mater chez elle les ressources de la civilisation
européenne; la fonderie de canons qu'il établit ne
donna que de mauvaises pièces, et les armes des
montagnards furent toujours défectueuses. Il
chercha à stimuler le courage par des peines in-
famantes et des décorations. D'une générosité
disproportionnée avec ses faibles revenus, quand
il s'agissait de servir sa cause il recourait, pour
faire triompher la mission politique et religieuse
qu'il s'était imposée, aux châtiments lés plus
terribles, et sa justice expéditive inspirait une
épouvante superstitieuse. On le voyait à laporte
des mosquées recommander aux siens la pra-
tique de la religion, les bonnes mœurs et la
haine des Russes.
Le régime violent de cette dictature religieuse
provoqua contre l'iman des inimitiés nom-
breuses, et pour s'y dérober il fut obligé de
prendre des précautions multipliées. C'était
parmi les Tchetchenses, autrefois la nation pré-
pondérante du Daghestan, qu'il avait ses princi-
paux adversaires; il les abaissa au profit des
Lesghis, ses compatriotes, dont il ne se séparait
pas. Schamyl constitua aux Circassiensune forée
imposante, mais il renonça à soutenir contre les
Russes une lutte régulière; il leur fit une guerre
d'embuscades, de surprises, et entendit à mer-
veille le métier de partisan. Tombant sur les
Russes à l'improviste, leur tendant des pièges,
SCHAMYL — SCHANNAT 48!
il détruisait en détail leurs armées. Les gêné
raux du czar s'usèrent dans celte guerre in
grate. L'iman, inépuisable en ruses, se jouait ai
milieu de ses ennemis, et poussait des pointe
jusqu'aux abords de Stavropol et de Tauris. S
réputation s'étendait au loin, et à l'époque de 1
guerre de Crimée les alliés comptaient sur so:
concours ( 1 854) ; il le promit en effet, mais, rebut
par le langage insolent des autorités turques, :
se tint à l'écart. A cette époque la puissance d
l'iman était sur son déclin ; en concentrant en h
toute l'autorité, il avait brisé le plus puissar
ressort des populations montagnardes, l'initia
tive individuelle; toute personnalité s'effaçai
devant le dictateur, on pouvait prévoir que li
disparu la cause de l'indépendance ne se relt
verait pas. Les Russes avaient déjà gagné d
terrain, grâce au système introduit vers 1845 pi
le prince Woronzoff, en entourant le pays par ut
ligne de postes fortifiés, en traçant des routes 8
milieu des forêts et des montagnes, en jetai
des ponts , en substituant une occupation pe
manente à leurs courses périodiques. En d.
cembre 1859, il fut surplis sur le plateau <
Gounib par des forces supérieures; il sedéfenc
longtemps avec un héroïsme furieux. Des quai
cents hommes qui l'accompagnaient, quaranl
sept seulement survivaient; acculé dans ui
maison taillée dans le roc, l'iman se rendit i
prince Bariatinsky, commandant en chef, qui 1
garantit la vie -sauve et l'envoya à SainS^
tersbourg. Alexandre II traita avec générosw
l'illustre prisonnier; dans une entrevue qui
eut avec lui, il voulut qu'il conservât ses armêil
et lui assigna pour résidence la ville de Kaloug I
avec une pension de 10,000 roubles. C'est là qui
vit avec son harem et les jeunes ménages de si
deux fils. Il est resté fidèle à ses habitudes m
simplicité et de sobriété ; sa charité est inép»
sable et sa résignation celle d'un parfait croyail
La douceur du captif contraste avec le passée
chef de guerre, si terrible pour ses adversairil
et qui ne reculait pas devant les actes I
cruauté lorsque les besoins de sa cause lui se il
blaient les réclamer. Sa conversation n'est { I
sans charme, et révèle une intelligence cultiv1 m
Sa tête est- encore belle et expressive; malj n
ses dix-neuf blessures à l'arme blanche, il ce
serve un tempérament robuste, un maintien i
posant, un aspect calme et austère; c'est le ty
du musulman spiritual iste. Rien ne trahit cl)
lui l'amertume ou de vaines espérances; il coi
prend que l'indépendance de la Circassie a si
combé avec lui, et se résigne. L. Coixas,
Merlieux, Souvenirs d'une Française captive de Se)
myl; 1857, in-18. — Faddef, Soixante années de gue
dans le Caucase. — Rounovski, Schamyl. — Revue
deux inondes du 15 mai 1861. — Bodcnstedt, Les Peu}
du Caucase ; Paris, 1859.
schannat (Jean- Frédéric), historien al
mand, né à Luxembourg, le 23 juillet 1683, m
à Heidelberg, le 6 mars 1739. Fils d'un médec
il reçut une éducation soignée, étudia le droi
§9 SCHANNAT —
ouvain, et se fit recevoir avocat au conseil sou-
Tain de Malines ; mais le succès de son pre-
ier ouvrage historique le fit renoncer au bar-
au et embrasser l'état ecclésiastique, qui
■initiait favoriser mieux ses goûts pour l'étude.
ir l'invitation de l'archevêque de Prague, il se
•ndit, en 1735, en Italie , y demeura pendant
ois années, et recueillit sur l'histoire d'Alle-
agne de nombreux documents, dont une mort
ématurée l'empêcha de tirer parti. Ses prin-
paux ouvrages sont : Histoire du comte de
ansfeld; Luxembourg, 1707, in-12, en- fran-
Js; _ Vindemix littéraux, h. e. veterum
nnumentorumad Germaniam sacram prx-
' pue spectanthim colleclio; Fulde et Leipzig,
23-24, 2 vol. in-fol., fig.; — Corpus tradi-
ïonnm fuldensium, sive donationum ad ec-
esiam fuldensem collatarum (744-1323);
lipzig, 1724, in-fol., fig.; — Sammlung aller
[ slorischer Schriften archiven (Recueil d'é-
lits historiques et de documents-anciens); Fulde,
I 25, in-4°; — Fuldischer Lehnhof, sive de
mentela fuldensi; Francfort, 1726, in-fol. :
Istor essaya, dans les Analecta fuldensïa,
1> réfuter cet ouvrage; — Diœcesis fulden-
ls; Francfort, 1727, in-fol.; — Vindicix quo-
mimdam archivi fuldensis diplomatum;
Kancfort, 1728, in-fol. : réponse aux Ani-
[f adversiones d'Eckhart contre l'ouvrage pré-
iident; — Historia fuldensis; Wurtzbourg,
iT29, in-fol. : l'auteur répond à l'ouvrage
lEstor cité plus haut; — Historia, episco-
Watus Wormatiensïs ; Francfort, 1734, 2 vol.
B-fôl . : ouvrage estimé; — Histoire abrégée de
li maison palatine; Francfort, 2e éd., 1740,
ii-12; elle est écrite en français; — Concilia
mermanix; Cologne, 1759-75,41 vol. in-fol.;
Ibllection continuée par J. Hartzheim, parNeissen
I: par Hermann Schœll; les tables sont de
Ifesselmann. Les auteurs de la Bibliothèque
W\siorique de la France attribuent à Schannat
rouvrage anonyme intitulé : Lettre de M. V abbé
II. à mademoiselle G... béguine d'Anvers,
\\\ir l'origine et le progrès de son institut;
Paris (Hollande), 173 1, in-12. E. R.
« i De la Uarre de Beaumarchais, Eloge de Schannat, à la
\:lc àcVHist. de la maison palatine. — D. Calmet, Bibl.
•■ yrraine. — Ebert , Allgem. bibliograph. Lexicon. —
Kirscliing, Handbuch.
scharï» (Simon), érudit allemand, né en
i 535, en Saxe, mort le 26 mai 1573, à Spire.
i près avoir été conseiller du duc de Deux-
j'onts, il fut nommé, en 1566, assesseur à la
' hambre impériale de Spire. Il s'était rendu fort
labile dans le droit, l'histoire et les langues an-
'ienne?. On a de lui : Orationes et elegix fu-
ebres in exsequiis Germanix,principum, ab
bitu Maximiliani l; Francfort, 1566, 2 vol.
i-8° ; —De jurisdictione, autoritate et prxe-
ùnentia imperiali ac potestate ecclesias-
icà, variorum authorum script a ,Bâle, 1566,
Mol. ; Strasbourg, 1608, in-fol. ; — Opus his-
oricum de rébus Germanicis; Bàle, 1574,
SCMARNHORST
490
4 tom. in-fol.; Giessen, 1673, 4 vol. in-fol.; re-
cueil de pièces et d'opuscules sur l'histoire
d'Allemagne, terminé par un abrégé des événe-
ments qui se sont passés de 1558 à 1572; —
Lexicon juridicum; Bàle, 1582, in-fol. ; —
De clectione germanorum principum; Stras-
bourg, 1609, in-8°. Comme éditeur il a pu-
blié les Lettres de Pierre des Vignes, ainsi que
les Germanicarum rerum quatuor vêtus-
tiores chronographi (Francfort, 1556, in-fol.),
recueil qui contient les Chroniques de Turpin,
de Réginon, de Sigebert de Gemblours et de
Lambert d'Aschaffembourg.
Pantaleo, Prosopograpkia. — Ad.im, VUse jurecon-
sultorum. — Thésaurus eruditionis varias, février 1705.
scsiARNHORST (Gérard-David ne), géné-
ral prussien, né le 12 novembre 1755, à Bor-
denau (Hanovre), mort le 28 juin 1813, à Prague.
D'une famille peu aisée, il fut destiné à l'éco-
nomie rurale; mais son père ayant, par le gain
d'un procès, été mis en possession d'une assez
belle propriété, il put suivre son goût pour l'é-
tat militaire, et entra en 1776 dans l'armée
hanovrienne. Nommé en 1780 lieutenant d'artil-
lerie, il devint peu de temps après professeur à
une école de cette arme. Capitaine d'état-major
en 1792, il prit part aux campagnes contre la
France; sa conduite lors de la retraite de Menin
lui valut d'être, en 1796, promu au grade de
lieutenant-colonel. Pour profiter des recomman-
dations qu'il avait obtenues auprès du duc de
Brunswick, il passa en 1801 dans l'armée prus-
sienne, servit d'abord dans l'artillerie, et fut en
1803 attaché à l'état-major et nommé lieutenant
quartier-maître. C'est à cette époque qu'il exposa
dans des cours suivis par l'élite des officiers les
nouveaux principes de tactique, nécessaires pour
combattre les armées françaises, et qu'il déve-
loppa aussi dans divers écrits, ce qui attira sur
lui l'attention du roi, qui lui donna en 1804 le
grade de colonel et des lettres de noblesse et le
chargea de l'éducation militaire du prince hé-
réditaire. En 1806 il assista comme second lieu-
tenant quartier - maître général à la bataille
d'Auersteedt, et contribua à diriger en qualité
de chef d'état-major la belle retraite du corps de
Blucber sur Lubeck. Après avoir ensuite pris
part à la bataille d'Eylau, il fut après la paix de
Tilsit nommé général major directeur du dépar-
tement de la guerre et chef du corps des ingé-
nieurs. En 1810 il fut obligé de donner sa dé-
mission pour complaire aux exigences de Napo-
léon ; mais il n'en resta pas moins en secret à
la tête du ministère de la guerre. C'est grâce à
ses mesures habiles que l'armée prussienne se
trouva en 1813 réorganisée entièrement et prête
à venger les échecs qu'elle avait éprouvés depuis
vingt ans. Il fut aussi le premier qui mit en
pratique l'idée de Knesebeck de l'établissement
de la landivehr. Nommé alors chef d'état-ma-
jor du corps de Blucher, il fut atteint d'un coup
de feu à la bataille de Grossgœrschen : trans-
491
SCHARKHORST
porté à Prague, i! succomba bientôt aux suites
de sa blessure. On a de lui : Handbuch fur
Offiziere (Manuel des officiers, contenant les
applications de la stratégie); Hanovre, 1787-90,
1804-14, 3 vol. in-8° ; Hue édition augmentée
par Hoyer a paru à Hanovre, 1815-29, 4 vol.
in-s°; — Taschenbuch fur Offiziere (Vade-me-
-cum de l'officier); ibid., 1793, 1794, 1810,
in-8°; — Mititseriscke Denkwùrdigkeilen
(Faits militaires mémorables) ; ibid., 1797-1805,
5 vol. Scbarahorst a aussi publié en 1788 le
Nettes miittxrisches Journal.
Boycn, Beitrsege zur Kerintriiss bon Schamkorst; Ber-
lin, 1 833. — Cla usewitz, Ueber dus Leben von Scharnhorst ;
Hambourg, 1332. — Ranke, Hist. politische Zeitschrift, t.
SCSÏACt'LEIMOUSCHAUFELEïIS (HanS-Lêo-
na>rd), peintreet graveur allemand, né avant 1490,
à Nuremberg, où son père était négociant, mort
en 1539, à Nordlingen; cette dernière date est
la plus exacte , puisque sa femme s'est remariée
en 1540 avec Hans Schwarz. Il habitait la
propre maison d'Albert Durer, dont il devint
l'élève favori. En 1515 il quitta Nuremberg
pour s'établira Nordlingen, et y présida pendant
plusieurs années la corporation des peintres.
Comme son maître, il s'adonna à la peinture, et
on lui attribue certaines estampes qui sans doute
ont été gravées sur bois d'après les dessins qu'il
fit pour des libraires de 1510 à 1535; ces es-
tampes sont marquées de ses initiales, en forme
de monogramme, et accompagnées de deux pelles
(scJiau/fel, pelle.) On lui attribue générale-
ment le dessin des planches des Aventures de
Tkeverdanck (1517), poème composé par l'em-
pereur Maximilien et son secrétaire Melchior
Pfintzing ; sa marque ne figure cependant que sur
un petit nombre des planches de ce livre. Elle
se voit aussi sur queiques-uns des bois des
Triomphes de Maximilien. Schaullein est au-
teur de la suite de la Passion qui se trouve
dans le Spéculum de passione Domina (Nu-
remberg, 1507, in-fol. ) . Nagler a donné la liste
d'une vingtaine de tableaux, où l'on remarque
des détails bizarres, et qui se trouvent dans les
églises de Nordlingen et à la Pinacothèque de
Munich. Plusieurs des gravures attribuées à
Hans Schauflein et portant un millésime pos-
térieur à 1539, sont l'œuvre d'un fils de cet ar-
tiste, peintre aussi et qui fournissait également
aux libraires d'Augsbourg et de Nuremberg des
dessins, inférieurs à ceux de son père.
H. H— n.
J. Renouvier, Des types et des manières des maîtres
graveurs — Brulliot, Dict. des monogrammes. — Ma-
riette, Abcdar io. — Heinecke, Idée générale d'une collec-
tion d'estampes. — Sandrart, Academia artis pictoriœ.
— A -F. Didoi. Essai sur la gravure en bois. — Nagler.
SCHATJM BOURG. Voy. LlPPE.
scheele (Charles- Guillaume), célèbre
chimiste suédois, né le 29 décembre 1742, à
Stralsund, mort le 24 mai 1786, à Kœping. Son
père, chargé d'une nombreuse famille, ne pouvant
subvenir aux frais d'une longue éducation, le
— SCHEELE 49::
plaça chez l'apothicaire Bauch, à Gothembourg
Dès les premières années sa vocation se des
sina. « Il était silencieux et sérieux, dit de lu |
Griinberg, son compatriote ; il aimait passionné
ment l'étude; souvent il réfléchissait pendant I I
nuit à ce qu'il avait vu et observé pendant 1
jour, et lisait les ouvrages de Neumann, Lérnery I
Kunkel et Stahl. » En 1765 il fut employé I
Malmoë, en Scanie, dans la pharmacie de Ka I
strœm. En 1767, il alla diriger celle de Scharec
berg, à Stockholm, où il entra, et en 1770 il
occupa la même place chez l'apothicaire Look 1
Upsal, où Bergmann professait la chimie avej
beaucoup d'éclat. Les premiers rapports qu'eu :
rent ensemble ces deux hommes, qu'une étroit
amitié devait bientôt réunir, faillirent les sépare
pour toujours. Scheele avait adressé à Bergman
un mémoire sur l'acide tartrique; Bergmann l'a
vait renvoyé sans le lire. Un ami commun
Gahn, depuis célèbre, s'interposa et parvint à ra^
proeher les deux savants. Si Bergmann put faii
obtenir à Scheele des secours pour subvenir au
frais de ses expériences, s'il le fil nommer ass<J
cié de l'Académie de Stockholm, Scheele, psJ
les progrès qu'il imprima "à la science, fourn
souvent à Bergmann les matériaux de ses bri
lanies leçons. La réputation de Scheele grand
rapidement : on lui offrit non-seulement ej
Suède, mais en Angleterre, plusieurs positior
élevées; Scheele refusa. Mais lorsqu'il apprit i
mort d'un pharmacien à Kœping sur le lac M;
larela, il partit, s'établit chez la veuve, et partagt
ses soins entre les travaux de son officine et 1<
recherches scientifiques. Une fièvre aiguë l'a
teignit et l'emporta à quarante-trois ans, lui laii
sant à peine le temps d'assurer à la veuve chfJ
laquelle il vivait son nom et sa modeste épargni
S'il est difficile de rencontrer une vie pli
pauvre en incidents que celle de Scheele, l'eiH
semble de ses travaux est tellement imposai
qu'ils doivent à cette courte existence si bid
remplie un plus grand intérêt que ne l'auraiei
pu faire les accidents les plus dramatique
Scheele débuta dans la carrière par des rechei
ches sur l'acide tartrique et sur le spath fluor
son acide. Le mémoire le plus remarquable <
Scheele est peut-être celui qu'il publia, en 177d
sur le manganèse. ïl est très-probable que di
cette époque il obtint l'air déphlogistiqué. Toi
tefois cette découverte ne fut publiée qu'en 177 I
de telle sorte que la priorité appartient sans u
doute à Priestley. En traitant le manganèse p;
l'acide muriatique il en dégage le chlore, qu
désigne avec tant de rais on sous le nom d 'aci(
muriatique déphlogistiqué. Dans ce premier ex
men il observe presque toutes les propriétés «
chlore; il le reconnaît comme décolorant ; il r<
marque qu'il amène au maximum plusieurs con
binaisons, notamment celle de fer (1). Maist|
(1) Quand un métal présente deux degrés d'oxvdatii
ou de chloruralion, on dit souvent que la moins oxyd
est au minimum, ta plus oxydée au maximum.
93
>int important lui échappe; il écrit : « Dans cet
r, le l'eu s'éteint sur-le-champ » ; ce qui n'a lieu
ne dans un petit nomhre de cas : on est d'au-
mt plus étonné de voir Scheelene pas examiner
lus profondément les propriétés comburantes
,1 chlore qu'il lui a donné un nom qui devait
>.n ainsi dire le lui faire considérer forcément
mune comburant. Si Scheele ne cherche pas si
• chlore est simple ou composé, il faut recon-
fattre que du premier coup il arrive très-près
ê la vérité; il considère, en effet, le nouveau
a comme étant de l'acide muriatique dé-
, ouille de son phlogistique, et si on se rappelle
n'a cette époque on discuta souvent si l'air
feammable, l'hydrogène, n'est pas le véritable
lilogistique, on peut conclure que Scheele a eu
îr la nature du chlore une idée plus juste que
>us les chimistes qui ont étudié cette question
«qu'à Gay-Lussac et Thenard. Le travail sur
manganèse devait encore le conduire à deux
itfcs découvertes remarquables; il distingua
premier cette matière des combinaisons fer-
igineuses avec lesquelles elle, était confondue
«qu'alors ; enfin, la baryte, qui se trouve pres-
ue toujours mélangée au manganèse, fut ca-
ictérisée par Scheele comme une espèce dis-
BCte de la chaux. Ainsi, et c'est là un exemple
nique dans ce seul travail, Scheele découvre
u caractérise trois corps simples, chlore, Y<fl-
yum et manganèse, et on peut même soupçonner
uc c'est dès cette époque qu'il tira de l'oxyde
c manganèse l'oxygène ; ce qui rendrait son fia-
ail encore plus remarquable, puisqu'il y aurait
écouvert les deux corps comburants les plus
ctifs que possède la chimie.
^ 1775 Scheele tira du benjoin l'acide ben-
ioïque en agissant par voie humide; et traitant
acide arseuieux par l'acide azotique, le sur-
pxyda et prépara ainsi à l'état de pureté l'acide
^rsenique. Si nous passons sous silence les mé-
moires importants sur l'acide urique, qu'il tira
lies calculs de la vessie, sur le quartz, l'argile,
!U'H étudia avec soin en 1776, rions arrivons
l'ouvrage le plus considérable qu'ait publié
jàcheele, au Traité chimique de Voir et du feu
tUpsal, 1777, in-8°), trad. en français par le
ifûaron de Dietrich; Paris, 1785, in-8° (1).
il C'est un singulier mélange d'expériences ad-
mirables, de conclusions justes, puis de raison-
faements compliqués, insoutenables quand, neser-
jjrant plus d'aussi près les faits, Scheele invente
au lieu d'observer. Il donne dans ce traité
pne excellente définition d'une espèce chimique
rau'il caractérise par l'ensemble de ses propriétés ;
[bien appuyé sur cette base solide, il soumet l'air
atmosphérique à l'action de divers agents, no-
[tamment des sulfures alcalins ; il enferme dans
mile bouteille un volume déterminé d'air et le
SCHEELE 494
laisse séjourner pendant un certain temps avec du
foie de soufre; quand la bouteille est débouchée
sous l'eau, il voitcelle-ci mouler dans l'appareil,
remplaçant une portion du fluide élastique; l'air
examiné n'est plus propre à entretenir la com-
bustion ni la vie, de sorte que, comme Priestley,
il démontre dans l'air l'existence de deux fluides
différents. Malheureusement Scheele ne sait
comment expliquer la disparition d'une portion
de l'air enfermé ; il est fort empoché pour re-
trouver Vair perdu, et à bout d'explications il
ajoute : « Je vais démontrer que la combinai-
son de l'air avec le phlogistique est un composé
si subtil qu'il e4 susceptible de pénétrer les
pores imperceptibles du verre et de se disperser
en tous sens dans l'air. » On voit que la dis-
tinction entre un fluide impondérable comme la
chaleur et les gaz n'est pas faite. Scheele croit
que le gaz manquant a passé à travers le verre,
tandis qu'il s'est combiné avec les matières qui
sont restées en contact avec lui (1). Ce qui rend
l'erreur de Scheele encore plus singulière, c'est
qu'il indique quelques pages plus loin comment
on peut obtenir l'air déphlogistiqué, et i'oxygène
qui existe, aussi dans l'air, et dont il n'a pu cons-
tater la combinaison avec le foie du soufre em-
ployé pour faire l'analyse de l'air atmosphérique.
Malgré l'importance de quelques-unes des
expériences fcsérées dans le Traité de Vair et du
feu, cet ouvrage laisse beaucoup à désirer. Il est
encore imbu de la théorie du phlogistique, et
Lavoisier n'a point de peine à montrer les nom-
breuses erreurs qu'a commises le chimiste sué-
dois dans l'article inséré aux Mémoires de VA -
cadèmie en 1781, p. 396, sous le titre : Ré-
flexions sur la calcination et la combustion
à Voccasion d'un ouvrage intitulé : Traité
chimique de l'air et du feu.
Dans ses mémoires sur l'examen du lait et de
son acide (1780), Scheele caractérise l'acide lac-
tique, qu'il reconnaît incapable de cristalliser, et
obtient le sucre de lait.
En 1781 il examine l'acide tungstique. En
1782 il publie Y Essai sur la matière colo-
rante du bleu de Prusse, sujet éminemment
délicat, dans lequel il arrive à obtenir l'acide
prussique; il établit que ce corps est formé d'al-
cali volatil, d'air inflammable et d'une matière
charbonneuse. En 1784 il découvre le principe
doux des huiles, la glycérine. Un mémoire sur
l'acide citronien cristallisé, sur l'éther acétique,
sur la couleur noire de Ja pierre infernale sont
les derniers tributs qu'il paye à la science.
Si l'on réfléchit au nombre considérable de
travaux publiés par le chimiste Suédois, à la
faiblesse des moyens dont il disposait, quand
on se rappelle que ses nombreuses observations
(1) Les travaux isoles de Scheele, reunis sous le titre
i'Opnscula, ont été trad. en français par la femme de
Goytoii-Morvcau, alors Mllc Picardet ( Mémoires de chi-
mie; Paris, 1185, 2 vol. in-12 ).
(1) Nous ne connaissons pas de gaz qui passent au
travers du verre, mais à une température élevée les vases
de terre et les tubes métalliques se laissent très-bien
traverser par l'hydrogène et les gaz combustibles, et
SI. H. Sainle-Claire-Deville a publié en 1S63 sur ce sujet
plusieurs expériences dignes d'intérêt.
495 SCHEELE —
ont été faites dans une modeste officine, avec
dss pots à bière et des vessies ; quand on sait que,
sans nulle ambition , Scheele n'a jamais songé
à tiier parti de ses travaux autrement que
pour contribuer, dans la mesure de ses forces,
à la connaissance plus complète de la nature, il
faut reconnaître en lui un des types les plus
parfaits de l'homme de science. Il avait à coup
sûr au plus haut degré le génie de l'observation,
c'était un expérimentateur des plus habiles;
mais il était moins heureux quand il fallait passer
de l'expérience à l'interprétation et déduire des
faits leurs conséquences. Ce qui lui manque,
c'est un esprit moins soumis aux idées reçues,
plus confiant en lui-même ; peut-être sa pauvreté
influa-t-elle beaucoup sur sa disposition aune ti- !
midité exagérée, qu'on remarque dans ses tra-
vaux comme dans sa vie.
Si Scheele ne peut être comparé à Lavoisier
pour la rigueur de la méthode employée , si son
éducation incomplète , son génie moins large ,
moins ouvert ne le place pas au premier rang ,
il restera cependant comme une des étoiles les
plus brillantes du ciel Scandinave à côté de Linné
et de Berzelius. P. -P. Deherain.
Gezelius, BiograftsU Lexieon. — Vicq d'Azyr, Éloge de
Scheele, dans les Mém. de la Soc. roy. de méd., 1785. —
F. Hœrer, Hist. de la chimie, II.
scheels (Eabode- Hermann), en latin
Schelhis, érudit hollandais , né en 162-2, mort
en 1662. Il était d'une famille noble de l'Over-
Yssel. Après avoir fait ses études à Leyde et
voyagé en France et en Italie, il entra au service
de la Toscane ; mais il quitta bientôt l'épée pour
se livrer entièrement à l'étude. Deux mois avant
de mourir, il fut nommé gouverneur d'Yssel-
monde. On a de lui : De liber tate publica;
Amst., 1666, in-12 ;— • Depace et causis belli
anglici primi; Deventer, 1668, in-12;— De
jure Imper ii; Amst., 1671, in-16; — une bonne
édit. des opuscules d'Hygin et de Polybe D-
castrametatione (Amst., 1660, in-4°), et dans
le t. IX des Antiq. rom. de Grœvius.
Grœvius, Orationes. — Notice de Hogers, à la fin du
traité De jure Imperii. — Paquot, Mémoires, III.
SCE8EÉLSTRATE (Emmanuel de), anti-
quaire et théologien belge, né en 1649, à Anvers,
mort le 6 avril 1692, à Rome. Dès sa jeunesse il
s'appliqua à l'histoire ecclésiastique, et visita la
France et l'Italie dans le but de s'instruire et
de conférer avec les savants. Son premier ou-
vrage, où il se déclarait le champion de la pré-
rogative pontificale, lui valut, avec un canonicat,
la dignité de chantre de la cathédrale d'Anvers.
Appelé à Rome par Innocent XI, il fut nommé
garde de la bibliothèque du Vatican et chanoine
de Saint-Jean de Latran. C'était un érudit véri-
table, et qui a éclairci plusieurs points des an-
tiquités ecclésiastiques. Il est un de ceux qui
ont le plus écrit pour relever la dignité du pape
et pour étendre sa juridiction. Nous citerons de
lui : Antiquitas illuslrala circa concilia gc-
neralia et provincialia, décréta etgestapon-
SCHEÏTER 496 j
tificum, et preecipua totius hislorix eccle-
siaslicse capita; Anvers, 1678, in-4°; plus I
tard il donna une nouvelle forme à cet ouvrage,
sous le titre A' Antiquitas ecclesix disserta-
tionibus, monumentis ac notis illustrata
(Rome, 1692-1697, 2 vol. in-fol.); mais il ne
put en composer que les t. I et JI, traitant les
questions relatives à la chronologie et à la géo-
graphie, au lieu des six qu'il avait eu dessein
de publier ; — Ecclesia Africana sub primate
carthaglniensi ; Paris (Anvers), 1679, in-4° :
son but est de prouver que cette Église recon-
naissait le pape en qualité de patriarche; —
Sacrum antiochenum concilium pro aria-
norum conciliabule- ; Anvers, 1681, in-4°, avec
cinq dissertations; — Acta Constantiensii\
concilii; ibid., 1683, in-4° ; — De disciplina
arcani; Rome, 1685, in-4° : en réponse J
Tentzel, qui avait combattu l'opinion déjà expri-
mée par l'auteur touchant le secret que l'Égliss
gardait dans les premiers siècles à l'égard des
mystères ; — De s-ensu et auetoritate decre-
lorum conoïliï constantiensis circa poies-\
tatem ecclesiasticam ; ibid., 1686, in-4° : traits
destiné à réfuter celui De l'Église de Borne di
P. JVlaimbourg ; — De auetoritate patriar chah
et metropol'itica ; ibid., 1687, in-4° : écrit contn
Ed. Stillingfleet ; — De lugendis actis cler
gallicani congregati anno 1682; 2e éd., 1740
in-4°, et à la suite du livre de Veith De pri
matu rom. pontif.; Malines, 1824, in-12.
Du fin, Auteurs eeelêsiast. — Niceron, Mémoires, XXI
SCHEFFER(4n/), peintre français, né à Dor
drecht, le 10 février 1795,mortà Argenteuil, prè:
Paris, le 15 juin 1858. Son père, peintre assez ha
bile, assure-t-on, mourut très-jeune, laissante»
veuve et trois enfants en bas âge ; Ary était l'aîné
Dès sa plus tendre enfance il avait montré ut
goût véritable pour l'art, et il aurait, rapporten
les biographes, exposé à Amsterdam, à l'âge d<
douze ans, une toile qui obtint un certain succès
Devenue veuve (1811 ), sa mère (1) le conduisi
à Paris, et le plaça sou-s la tutelle de Guérin, L
jeune Ary se distinguaient d'abord par une grand
application. Il débuta au salon de 1812 avec ni
sujet religieux, puis il exposa la Mort de Saint
Loîiis (1817), le Dévouement des bourgeois d
Calais (1819), et plusieurs sujets de genre quel
gravure a popularisés ; tels sont la Veuve du soi
dat, le Retour du conscrit, la Sœur de charit
et la .Scène d'invasion. Ces petites toiles d'u:
genre anecdotique tirent leur véritable mérit
de la facilité avec laquelle elles sont composées
A l'époque où Scheffer quittait la discipline, d'un
école, un mouvement romantique s'opérait ; il n
(1] C'était une femme d'un haut mérite et du pli
noble caractère. Artiste elle-même et capable, si ell
l'eût voulu, d'atteindre à la célébrité, elle devint pou
l'aîné de ses fils et pour Henri, le plus jeune, un con
seillcr de toutes les heures; on peut rapporter à se
premiers enseignements, a ses avis ce que tous les deu
ont d'élevé et de recueilli dans leur talent. MmC Sche
fer, Hollandaise de naissance, est morte en juillet 1839,
Paris.
97 SCHEFFER
ut y rester indifférent, mais son début ne fut pas
eureux. Gaston de Foix trouvé mort après la
a/aille de Ravenne (1824) fut mal accueilli par
public et par la critique ; il voulut cependant
>nter une nouvelle épreuve, et les Femmes sou-
oies (1827) semblèrent un instant donner tort
l'opinion précédemment émise. Ary Scbeffér
;ntit lui-môme qu'il ferait mieux de tourner
es vues d'un autre côté, et c'est alors qu'il de-
ianda à Gcethe et à Byron ses inspirations.
ihacun s'empressa de louer le sentiment, tou-
! urs poétique, exprimé dans les nombreux ta-
eaux empruntés à ces poètes, et Ary Scbeffér,
ai n'avait trouvé jusque-là des admirateurs que
arnii quelques hommes initiés aux secrets de
irt, acquit tout à coup une réputation qui lui
irvivra. Dire le succès qu'obtinrent la Mar-
mite au rouet, Faust tourmenté par le
mte , la Marguerite à l'église, la Margue-
te au Sabbat, la Sortie de l'église, la
romenade au jardin et la Marguerite à la
ntaine, c'est répéter ce que tout le monde
it ; le public ne ménageait pas ses éloges, et
':passa quelquefois même les limites du vrai.
C'est encore à cette période du talent de Schef-
• qu'il faut rattacher les Mignons (1836), le
irmoyeur, et le tableau le plus complet peut-
re qu'il ait peint, la Francesca de Rimini
835) (1). « N'eût-il jamais fait autre chose, dit
. Vitet, l'auteur d'un tel tableau échapperait à
mbli. Scbeffér a pu trouver quelquefois des
;autés d'un ordre supérieur; il n'a rien produit
aussi harmonieux, d'aussi complet. Sans perdre
s qualités propres, il semble en emprunter ici
n lui sont étrangères. C'est une ampleur de
yle, une souplesse, une pureté de lignes , une
ndeur de modelé que ses poètes du Nord ne lui
spiraient pas. » Ce fut la dernière manifestation
s tendances purement poétiques du talent d'Ary
îbeffer. Il ne traita plus, à peu d'exceptions près,
îe des tableaux religieux, et ici encore ce ne
nt pas les premiers qui sont les plus habile-
ent réussis. Le Christ consolateur (1836), et
m pendant le Christ rémunérateur se ressen-
tit encore de l'influence poétique que Scbeffér
''ait subie. Il y a au contraire un véritable sen-
pont religieux dans les Bergers conduits par
linge ( 1 837), les Rois Mages déposant leurs tré-
ns, le Christ au Jardin des Oliviers, le Christ
hrtant sa croix, le Christ enseveli (1845), et
kint Augustin et sa mère sainte Monique
[846) : ce tableau résumait à lui seul les qualités
fevées quiavaient assuré aux récentes œuvres de
pheffer la renommée qui les entourait ; et comme
fil eut craint d'affronter de nouveau la critique
lires cette épreuve favorable, il n'envoya plus
|?n au Salon. Depuis cette époque il ne cessa
h travailler, mais peu de personnes furent ad-
mises à voir ce qu'il faisait jusqu'au jour où
fis amis dévoués organisèrent une exposition
l;i) I,e sujet en avait été donné par M. Hyacinthe Didot,
n en possède une répétition de la main môme de l'artiste.
— SCI1EIDT 493
de toutes les oeuvres de cet artiste qu'ils purent
réunir. On y vit pour la première fois les Dou-
leurs de la terre et l'Ange annonçant la
Résurrection, tableaux que la mort empocha
Ary Scbeffor de terminer. Il a fait aussi des
portraits remarquables, entre autres ceux de La
Fayette, de Béranger, de; Lamartine, et en der-
nier lieu de la reine Marie- Amélie. En 1821 il
avatt été choisi pour donner des leçons de pein-
ture aux enfantsdela famillcd'Orléans,àlaquelie
il resta fort attacbé, et la princesse Marie lui légua
par testament tous ses dessins. Il était marié
avec la veuve du général Baudrand, qu'il avait
connue en 1832, au siège d'Anvers, où il était
allé prendre quelques esquisses. Ary Scbeffér
avait été, le 23 août 1848, nommé commandant
de la Légion d'honneur. Il ne s'est jamais porté
candidat à l'Académie des beaux-arts.
Jamais existence n'avait été mieux et plus uti-
lement remplie; Ary Scheffer accueillait avec bien-
veillance tous les artistes qui avaientrecours à lui,
et il n'est pas d'exemple qu'il ait refusé des con-
seils aux jeunes peintres qui allaient le consulter;
il sut souvent mieux qu'avec un avis soulagerl'in-
fortune, et s'il était permis de dévoiler les secrets
de la vie privée, on pourrait montrer à côlé du
peintre célèbre un parfait honnête bomme. G. D.
Vitet, Notice, à la télé de l'OEuvre d'Ary Scheffer,
reproduit en photographie par Bingham; Paris, «86o'
in-fol. — Étex, Ary Scheffer; 1859. — Magasin pitto-
resque, marsl8G3. — Mrae Grote, Life of Ary Scheffer;
Londres, 1860, in-S".
* scheifee ( Henri), peintre, frère du pré-
cédent, né le 27 septembre 1798, à La Haye.
En 1811 il suivit sa mère à Paris, et entra,
comme son frère aîné, dans l'atelier de Pierre
Guérin. Son début au salon date de 1824; après
avoir cultivé l'histoire, il s'attacha au genre
anecdotique, mis à la mode par le mouvement
romantique, et excella surtout dans le portrait.
C'est un artiste fécond , et dont les nombreux
envois aux expositions de peinture ont été ho-
norés des plus hautes distinctions; il a eu la
croix d'Honneur en 1837. Parmi ses tableaux nous
citerons : Don Juan endormi sur les genoux
d'Haydée (1825), Charlotte Corday protégée
par les membres de la section contre la
fureur du peuple ( 1830), qui passe pour un
des chefs-d'œuvre de l'école moderne ;un Prêche
protestant (1838), Mme scheffer et ses en-
fants (1847), la Vision de Charles IX ( 1855),
la Bataille de Cassel et Jeanne Darc en-
trant à Orléans, au musée de Versailles. Une
fille de ce peintre a épousé M. Emest Renan.
Scheffer (Arnold), frère des deux précé-
dents, né en 1796, a collaboré au Globe et au
National, et il a publié des traductions de l'anglais
et quelques ouvrages historiques sous la Res-
tauration. Il a reçu en 1847 la croix d'Honneur.
Livrets des Salons. — Quérard, France littér.
sgheidt ( Chrétien- Louis), historien alle-
mand, né le 26 septembre 1709, à Waldenbourg
(pays de Hohenlohe \ mort le 25 octobre 1761,
439 SCHEIDT — SCHEINER
à Hanovre. Sa famille était noble et son père
exerçait la charge de bailli. Après avoir étudié
la jurisprudence à \ltdorf et à Strasbourg, il
préféra à une place d'archiviste, que lui offrait
le comte palatin Chrétien III, celle, plus modeste,
de précepteur de trois jeunes gentilshommes, et
ies conduisit en Suisse, en France et en Hollande.
En 1734 il accompagna à l'université de Halle
le comte héréditaire d'Œftingen, dont il sur-
veilla l'éducation. En 1730 il conduisit à Gcet-
tingue le comte de Donnersmark, et après la mort
de ce jeune homme, qui se tua d'un coup de
pistolet, il se fit recevoir docteur et accepta en
1738 une chaire de droit. Appelé en 1739 à Co-
penhague, il y professa le droit public, et fut
traité avec beaucoup de faveur par Christian VI,
qui le nomma instituteur du prince héréditaire.
En 1748, il s'établit à Hanovre comme historio-
graphe et bibliothécaire roya1, emplois qu'il rem-
plit jusqu'à sa mort avec un zèle apprécié par
l'Allemagne savante autant que l'était sa connais-
sance approfondie des antiquités germaniques. Il
se consolait par un travail assidu des chagrins que
lui causa sa première femme, une fille de J.-J.
Schmauss, personne impérieuse et libertine,
d'avec laquelle il obtint d'être séparé en 1758.
On a de lui : In argumenta nonnulla novel-
larum imper. Leonis Philosophi ; Gœtlingue,
1737, in-4°; — De cauponarum origine et
jure; ibid., 1738, 1739, 2 part., in-40;— De
buccellariis et isauris; Copenhague, 1745,
ia-4°; — Historische Nachrichten von dem
hohen uncl niederen Adel in Teatschland
( Notices historiques sur la noblesse haute et
basse de l'Allemagne); Hanovre, 1754, iu-4",
suivi d'une iïlantissa documenlorum ; ibid.,
1755, in-4° : savant ouvrage, écrit contre Pauli ,
qui avait rabaissé l'origine de la noblesse infé-
rieure de l'Allemagne ; — Anmerkungen und
Zusœlzezu Mosers Einleitung, etc. (Notes et
supplément à l'Introduction de Moser au droit
public du Brunswick-Lunebourg) ; Goettingue,
17 57, in-8°; suivi d'un Codex diplomatictis ,
ibid., 1759, in-8"; — Bibliotheca historica
Gottingensis ; ibid., 1758, in-4° : recueil de do-
cuments inédits sur le moyen âge. Scheidt,
auquel on doit encore plusieurs dissertations et
beaucoup d'articles dans les Gœttingische An-
zci yen, a aussi édité la Protogeade Leibniz (1749,
in-4°) ; enfin il a publié, en y ajoutant des notes
et de savantes préfaces, les Origines guelficœ
(Hanovre, 1750-53, 4 vol. in-fol.) : ouvrage im-
portant, compilé par Leibniz, Eccard etGruber, et
auquel Jung ajouta en 17 80 un cinquième volume.
liuscliing, BeUrœcje zur Lebensgesc/iic'de dcnkwilr-
diger Personen, t. III. — Hirsching, tJandbuch.
scheiner {Christophe ), astronome alle-
mand, né en 1575, à Wald, près Mundclheim
(Souabe), mort le 18 juillet 1650, à Neiss (Silé-
slc). Il entra chez les jésuites en 1595, et fut
longtemps professeur de mathématiques à Ingol-
sladt, à Graetz et à Rome. Il résidait encore à
50(
I Ingolstadt lorsqu'il écrivit, le 12 novembre 1611
i à son ami Marc Velser, sénateur d'Augsbourg
j que regardant, sept à huit mois auparavant, 1
j soleil au travers d'un télescope , il avait aperçi
! sur le disque quelques taches noirâtres; qu
j d'abord il y avait fait peu d'attention, mai
qu'au mois d'octobre ces taches l'avaient d
nouveau frappe lui et son compagnon d'obser
! vation, et qu'après bien des raisonnements et de
i examens ils avaient conclu qu'elles étaient su
le corps du soleil ou aux environs. Le P. Busét
j provincial du P. Scheiner, à qui celui-ci cora
! muniqua sa découverte, ne voulut pas lui per
mettre de la divulguer sous son nom (l);il 1(
laissa seulement la liberté d'en informer Mai
Velser, ce que Scheiner fit par trois lettres, qi
furent imprimées (Augsbourg, I6l2,in-4°),et
il se cacha sous le pseudonyme cVApelles pot
tabidam latens. Velser, aussitôt qu'il eut réç
la communication de Scheiner, en écrivit à Gj
lilée , dans des termes qui le montrent presqi
convaincu que celui-ci avait déjà fait une d<
couverte semblable. « Si, comme je crois, disait
ce n'est pas pour vous une chose entièremei
nouvelle, j'espère du moins que vous verr
avec plaisir qu'il y a ici deçà les monts c
personnes qui marchent sur vos traces. » Gali
lui répondit qu'en effet ce phénomène n'éta
pas nouveau pour lui, et qu'il le connaissait d
puis environ dix-huit mois, ce qui, vu la date
cette réponse , semble remonter vers les premie
mois de Tannée 1611 (2). « Nous passerons a
ce fait difficile à avérer, dit Montucla; mais
qu'on ne peut refuser à Galilée , c'est de di?coi
rir bien plus judicieusement sur ce sujet qi
le P. Scheiner. Ce père en effet prend les tadj
du soleil pour de petites planètes qui tourne
autour de cet astre , qui s'accrochent et s^
massent ensemble, et ensuite se séparent. G,
lilée établit que les taches du soleil sont cent
gués à sa surface, ou fort, voisines...» Onj|
reconnaître toutefois que par le grand nornb
de ses observations le P. Scheiner a contrito
plus que personne à la théorie des mouvemec
de ces taches. A la fin de sa vie, il quitta l'«
seignement public , et se retira à Neiss en Silési
où il fut recteur, confesseur de l'archid
Charles, et professeur de mathématiques ■
l'archiduc Maximilien. On a de lui : De m
cutis solaribus très epistolse ; de iisdem
steltis circa Jovem errantibus disquisiti
Rome, 1613, in 4° ; — De controversiis etn
vitatibus mathematicis ; Ingolstadt, 161
(1 ) On raconte que le I'. Busée lui dit : « J'ai 1» plusiei
fois mon Aristote tout entier, et je puis vous assurer q
je n'y ai rien trouve de semblable. Allez, mon (ils, tri
quilliscz -vous, et soyez certain que ce sont des défauts
vos verres ou de vos yeux que vous prenez pour des
ches dans le soleil. » Ces paroles n'ont rien d'invraise
blabie, mais elles peuvent avoir élé inventées à plaii
pour tourner en ridicule les disciples aveugles l'Arislr
(2) C'est au mois de juin 1611 que Jean Fabricl
autre concurrent à la g'oire de cette découverte, fit 1
raitre à Wittembergson livre : De Maculis in sole vi.
1)1 SCHEINER —
-4° •. défense de l'immobilité de la terre contre
système de Kopernik et de Galilée; — Novnm
liselliplicipfiscnomenum; Augsbourg, 1615,
-4°; ot Refractiones cœlesles; Fngolstadt,
17, in-4° : ces deux écrits sont relatifs à la
me elliptique que prend le soleil en approchant
i| l'horizon, et que le premier il remarqua; —
vegesis fundamenlorum gnomonices ; In-
istadt, 1616, in-4°; — Oculus, sive fun-
mentum opticum; Deux-Ponts, 1G19, in-4°;
[■mires, 1692, in-4° : excellent traité d'optique
[itérielle ; — Rosa ursina, sive sol ex aiï-
ttrando facularum et macularum suarum
Yxnomeno varius ; Braceiano , 1626 ou 1630,
[■fol., fit;. : c'est le recueil des observations de
uleur sur les mouvements des taches du so-
ll;i.l est dédié au duc Orsini, d'où lui vient ce
fre bizarre; — Pantographice, seu ars deli-
\andi ; Rome, 1631, in-4°, fig. : «Dans cet
rowge, dit Montucla, il décrit la construction
[montre les usages du panlographe , instru-
[•nt des plus ingénieux, et depuis fort connu,
lut on se sert pour copier de grand en petit,
■ au contraire, un dessin quelconque, sans sa-
ir même dessiner. Cet instrument seu! méri-
rait l'immortalité de son inventeur» ; — Pro-
oinus de sole mobiliet stabili terra, contra
lilcum; 1651,in-fol. : ouvrage posthume.
Ycidlcr, liist. astronomie, p. 433. — Montucla, Hist.
■ mathémat., t. II, p. 312. — Lalantie, Bibliogr.astron.
schelhammer. ( Gonthier-Chrislopkc) ,
turaliste allemand, né le 13 mars 1649, à
îa, moitié 11 janvier 1716, à Kiel. A l'âge de
nx ans il perdit son père, qui professait la
idecine à léna; mais grâce à sa mère (1), qui
Itiva avec soin ses heureuses dispositions , il
d'excellentes études à Leipzig, et il acheva
a éducation. médicale à Leyde, où il séjourna
ux années, puis en Angleterre, en France et
lie. A la fin de 1677 il prit le grade de doc-
ir, dans sa patrie. Après avoir professé depuis
79 ia botanique à He'mstœdt. il fut appelé
1690 à léna pour y occuper la chaire d'ana-
rdie et de chirurgie, et en 1695 il l'échangea
otre celle de médecine pratique à Kiel. Il
lait épousé la fille d'Hermana Conring. La re-
lation de Schelhammer, qui s'était répandue
ns les pays étrangers, l'avait fait agrégera
cadémie des Ricovrati de Padoue et à celle
s Curieux de la nature. Ennemi déclaré des
rtisans de van Helmont, de Descartes, de
[hius et de Stahl, il adopta le système des pé-
iatéticiens, et s'en servit pour poser les fonde-
pats de sa thérapeutique. Il est auteur de
Mjuante-deux ouvrages et de nombreux opus-
les, parmi lesquels nous citerons : De voce
usque effectibus ; léna, 1677, in-4°; — De
pitis dolore; ibid., 1678, in-4°; — Intro-
ictio in physiologiam; Helmst^dt, 1681,
•4°; — De auditu ; Leyde, 1684, m-8°; — De
1) Elle se remaria au théologien Jean- Ernest Gerhard,
Iraourut en 1671.
SCHKLHOIVN
5(1-2
genuina febris curandx methodo; léna,
1693, in-4°; — Qncologia pnrrn, seu de Tu-
morilnts humant corporis; ibid., 1695, in-4°;
— Naturel sibi et medicis vindicata; Kiel,
1697, in-8° : le but de l'auteur est de venger la
nature des outrages qui lui ont été faits par les
philosophes, Boyle et J.-C. Stiirra en particu-
lier ; — De corporum per ignem résolutions
chemipa; ibid., 1701-1703, 3 part in-4°; — De
morbis magicis ; ibid., 1704, in-4°; — Ana~
lecta anatomico-phijsiologica ; ibid., 1704,
in-4° : recueil de treize opuscules, qui avaient
déjà paru isolément; — Via regia ad a item
medendi ; ibid., 1709, in-4° ; — De humant
animi affectibus ; ibid., 1713, in-4° : cet ou-
vrage, ainsi que le précédent, est encore un
recueil de dissertations médicales, il a édité
In univers'am arteni medicam introduclio
d'Iïerm. Conring (Helmstsedt, 1687, in -4°), et il
a traduit de l'anglais : Voyages d'Henry Bloiint
( 1687, in-4°), et du français la tragédie d'A-
lexandre de Racine. Scheffel a donné un re-
cueil des lettres choisies de Schelhammer (Wis-
mar, 1727, in-8°).
Scheffel, Notice à la tôle des Epislolœ selectiores. —
Mangct, Bibl. medica. — Niccron, Mémoires, XXXIII. —
Biogr. mèd.
schelhorn (Jean-Georges), bibliographe
allemand, né le 8 décembre 1694, àMemmingen,
où il est mort, le 31 mars 1773. Fils d'un né-
gociant aisé, il étudia la philosophie, les belles-
lettres et la théologie à léna et à Altdorf, sous la
direction de Stolle, de Buddeus et de Zeltner.
De retour dans sa ville natale (1718), il y devint
bibliothécaire, puis co-recteur de l'académie,
pasteur d'une des principales églises (1734 ), et
surintendant ecclésiastique ( 1753). Il contracta
de bonne heure le goût des recherches litté-
raires, et fit dos voyages en Suisse et en Alle-
magne, tant pour augmenter ses connaissances
que pour recueillir des livres rares et curieuse.
Ses ouvrages sont une mine de renseignements
précieux à l'usage des amateurs de la bibliogra-
phie, à laquelle il fit faire des progrès. On a de
lui : Amœnitates litterarise ; Francfort et Leip-
zig (Ulm), 1725-31, 14tom. en 7 ou4 vol. pet.
in-8°; une analyse des nombreuses pièces qui
composent cet intéressant recueil a été donnée
par Hirsching ; — Reformations historié der
Memmingen ( Histoire de la réforme à Memmin-
gen) ; Memmingen, 1730, m-S°; — Dereligionis
evangelicas in provincia Satisburgensi ortu
et fatis ; Leipzig, 1732, in-4°; trad. en alle-
mand; — Amœnitates historiée ecclesias/icse
et litterarise; Francfort et Leipzig, 1737-1746,
4tom.net. in-8°; trad. en allemand, Ulm, 1762-
1764, 4 vol. in-8° : ce recueil est moins recherché
que celui auquel il fait suite; — Acta histo-
rico-ecclesiastica ssecul. XV et XV l; Ulm,
1738, in-8°; — De vila Ph. Camerarii; Nu-
remberg, 1740, in-4°; — De Mino Crise In-
quisitionis de hxreticis coercendis autore-
503 SCHELHORN
Ulm, 1748, in-4°; — De Consilio de emen-
danda ecclesia Paulï III, a quatuor cardi-
nalibus conscripto ac a Paulo IVdamnato;
Zurich, 174S, in-4" : opuscule adressé sous
forme de deux lettres au cardinal Quirini ; —
De antiquissima latinorum Bibliorum edi-
tione; Ulm, 1760, pet. in-4° : dissertation sur la
Bible imprimée à Bamberg par Pfister. Schelhorn
a publié comme éditeur : Commerça episto-
laris Uffenbachiani selecta, observationibus
illustrata (Ulm, 1753-1756, 5 vol. in-S°),
avec une Vie d'Uffenbach, qui l'avait chargé de
faire ce choix de lettres parmi sa correspon-
dance; et De optimorum scriptorum editioni-
bus qux Romas prodierunt, de Quirini (Lindau,
1761 in-4°), avec une dissertation étendue sur
les origines de l'imprimerie. Plusieurs disserta-
tions et articles intéressants de Schelhern se
trouvent dans la Bibliotheca bremensis, t. V,
VI et VII, dans le t. XII des Miscellanea lip-
siensia, dans le t. IV des Miscellanea lip-
siensia nova, dans le t. IV des Scliwœbische
Beytrœrje, où il a inséré un Mémoire sur l'im-
primeur Marc Velser.
Brucker, Pinacotheea. — Hirschlng, Handbuch. —
Beijtrœcje zur Historié der Gclahrtheit ; Hambourg,
1748, t. I, p. 17S-239.
SCHEL.1-ÎNG [Frédéric-Guillaume- Joseph
de), philosophe allemand, né le 27 janvier 1775,
à Leonberg (Wurtemberg), mort le 20 août
1854, aux bains de Ragatz (Suisse). Son père
était un prélat distingué. Il étudia d'abord la phi-
losophie et la théologie à Tubingue, où il eut
Hegel pour camarade, puis les sciences physi-
ques et naturelles et les mathématiques à Leip-
zig. Ayant fixé de très-bonne heure par des
écrits remarquables l'attention du public sa-
vant , de Goethe et de Schiller en particulier, il
fut nommé à-vingt-trois ans professeur extraor-
dinaire à Iéna (1798), et son enseignement eut un
grand succès. Il poursuivait en même temps ses
études scientifiques, et prit le grade de docteur
en médecine à l'université de Landshut. Ap-
pelé à l'université de Wurtzbourg , il y professa
quatre ans les diverses branches de la philoso-
phie, et en particulier l'esthétique. De 1807 à
1820, il vécut à Munich. Il entra à l'Académie
des sciences, et fut élu secrétaire général de la
section des beaux-arts. Une querelle avec Ja-
cobi l'engagea à se retirer à Erlangen, où il re-
prit ses leçons publiques. De retour à Mu-
nich eomme professeur, quand l'université de
Landshut futtransférée dans cette ville (1827), il
y fut bientôt comblé d'honneurs. Il fut succes-
sivement nommé, président de l'Académie, con-
servateur général des collections publiques, con-
seiller intime , anobli enfin par le roi de Bavière.
Son nom était célèbre dans toute l'Europe, et on
accourait de tous les points de l'Allemagne pour
l'entendre. L'Académie des sciences morales et
politiques de France le nomma son associé. Schel-
ling passa les dernières années de sa vie à Berlin,
— SCHELLING
50
où, sur l'invitation du roi de Prusse, il éta:
venu en 1841 remplir la chaire qu'avaient occu
péeFichte et Hegel. 11 est mor taux bains de Re
gatz, dans le canton de Saint-Gali, ea Suisst
Schelling est un des quatre g'rands penseur
de l'Allemagne au dix-neuvième siècle. Form
sous l'influence de l'école de Kaut, auditeur <
disciple de Fichte, il s'est inspiré des néoplatc
niciens, de Jordano Bruno, de Spinosa surtou
Son système est un panthéisme idéaliste :
porte le nom de philosophie de Y absolu ou c
l'identité. Sa conception première est une r
duction des deux termes établis par Kant
Fichte, le moi et le non- moi, le subjectif et l'ol
jectif, en un principe unique etsupérieur, l'absoli
qui identifie les contraires , et supprime tou
contradiction. Ainsi ce principe se développe <
une série d'oppositions où les deux termes de
pensée et de l'être, le fini et l'infini, le réel etli
déal, le subjectif et l'objectif, en se conciliai
passent à une plus haute puissance. Cette do
trine implique donc l'idée du progrès. Un p
rallélisme constant s'établit entre toutes 1
formes de la pensée et de l'existence, entre
monde moral et le monde physique, qui obéisse
à des lois identiques, et il se continue dans
science, la politique, la philosophie, la reiigio
l'art, c'est-à-diredans toutes les sphères du mon
moral. Schelling appliqua d'abord ses princip
aux sciences physiques : de là le nom de Philos
phie de la nature, que prit son système. Il f
saya de résoudre de même les problèmes
l'ordre moral dans la Philosophie de l'espri
l'art est ce qu'il y a de plus élevé dans s
théories. A la fin de sa vie, préoccupé du côté i
ligieux et désireux de protéger le christ*
nisme contre les hégéliens, il a cherché à coi
cilier la philosophie et la religion : il admet ■;
révélation, mais en l'universalisant, et ilned
fend le christianisme qu'en l'interprétant à
manière. Le système de Schelling offre un i\
pect imposant, mais il n'est au fond qu'une n
gnifique illusion. Forme particulière du ps
théisme, il soulève toutes les objections que
rai?on, le sentiment et le bon sens ont toujours*
posées à cette antique erreur. Schelling a dé'
loppé plus tard l'idée d'une philosophie ré<
et positive ; mais il ne fit guère que confirn
les doctrines de sa jeunesse en les expliquanl
en les complétant.
Il a été le chef d'une école nombreuse. Oki
Steffens , G.-H. Schubert ont appliqué
théories aux sciences naturelles et à la psycl
logie ; elles ont été professées par des espi I
religieux comme Gœrres, T. Baader, Windisn
mann ; quelques autres, comme Bloschc, s
autorisèrent pour proclamer le panthéisme
plus formel ; Eschenmayer et J.-J. Wagner
abandonnèrent, parce qu'elles choquaient :I< I
conscience religieuse. Hegel, quoique plus ;
que Schelling, adopta ses idées, et son systè |
a de grandes analogies avec celui de l'identité
!
05 SCHELLING
a guère fait, au début, que donneraux théories
a peu vagues de Schelling une forme vraiment
:ientifique, en substituant aux formes poétiques
'une brillante imagination les déductions rigou-
;uses que demande la froide raison. L'hégélia-
isme triompha du vivant môme de Schelling, qui
rotesta inutilement contre ses envahissements,
iais vécut assez pour assister à son premier dé-
liu. Le roi Maximilien Ier , élève de Schelling,
i a élevé un monument à Ragatz, en 1856.
i Les œuvres de Schelling se partagent entre
ois époques, jusqu'en 1800, de 1800 à 1809, et
î 1809 à 1815; en voici les titres français :
iées sur la philosophie de la nature, 1797 ;
j- De Vàme du monde, 1798; — Première
fquisse d'un système de la philosophie de
nature, 1799;— Introduction à l'esquisse
i système de la nature, 1799; — Système
e l'idéalisme transcendental, 1800; — Ex-
osé de mon système de philosophie, dans le
ournal de physique spéculative, 1800-1803;
Bruno, dialogue sur le principe divin et
principe naturel des choses, 1802; — Le-
ns sur la méthode des éludes académi-
es, 1803;— Philosophie et Religion, 1804;
- Aphorismes pour servir d'introduction à
philosophie de la nature, 1806 ; — Bu rap-
ort de la réalité et de l'idéal dans la na-
ire, 1806; — Du rapport des arts plasli-
ues et de la nature, 1807; — Recherches
hilosophiques sur l'essence de la liberté hu-
aine, 1809; — Monument élevé aux choses
ivines (réponse à Jacobi sur le reproche d'a-
olhéisme), 1812; — Sur les divinités de Sa-
^wthrace, 1815. Depuis lors Schelling cessa
: récrire. A l'exception d'un petit écrit intitulé :
'jugement sur la philosophie de M. Cousin
|1834), où il critique la méthode psychologique,
ikmdamne la philosophie de Hegel, et annonce
une nouvelle face de son système, il n'a plus
jrien publié de lui jusqu'à sa mort. Ses Œuvres
complètes (Stuttgard, 1856-61, 14 vol. in-8° )
l'enferment deux parties : 1° les écrits ou pu-
bliés ouinédits de la jeunesse de l'auteur ; 2° l'ex-
position longtemps attendue du système re-
ligieux de Schelling. Les ouvrages de Schelling
traduits en français sont l'Idéalisme transcen-
mntal, par M. Grimblot (Paris, 1843, in-S<>),
\Bruno, par M. Husson (ibid., 1845, in-8<>),
pt Écrits philosophiques, par M. Bénard (ibid.,
[1847, in-8°). On vient de publier à Munich (1863)
' .Correspondance de Schelling. G. R.
Revue des deux mondes, 15 février 1833 et juillet 1846.
■ Wilm, Hist. de la philosophie allemande. — Mattcr,
Schelling, ou la philosophie de la nature et la philoso-
phie de la Révélation; Paris, 1845, in-8°. — De Rcmusat,
La Philosophie allemande, dans les Mémoires de
l'Acad. des sciences morales. — Sehelling, Beitrasg zur
Ceschichte des Teges; Leipzig, 1843, ln-8°. - Roseukranz,
Schelling Forlesungen, gehalten im Sommer 1842 an
der Vniversitât zu Konigsberg; Kœnig., 1843, in-8». —
C'ber Schelling und Hegel; Kœnigsb., 1843, in-8».
SCHELSTRATE.For/. SCEEELSTIUTE.
- SCHENKELS 506
schenkels ( Lamber -l-Thomas ) , gram ■
mairien hollandais, né le 7 mars 1547, à Bois-
le-Duc, mort vers 1030, en Allemagne. Il était
fils d'un médecin, Dominique Schenkels , pen-
sionnaire de Bois-le-Duc et régent au collège de
cette ville, à qui l'on doit des poésies latines et
une version flamande des harangues de Cicéron
(1557, in-8°). Après avoir achevé ses études à
Louvain et à Cologne, il prit le parti de l'en-
seignement, professa tes humanités à Tirlemont
et à Anvers, et devint en 1576 recteur de l'école
publique à Malines. Dès ce temps-là « il se mit,
dit Paquot, à enseigner l'Art de la mémoire,
ce qu'il continua de faire pendant plus de qua-
rante ans, d'abord dans les Pays-Bas, puis en
Allemagne, en France, en Bourgogne, et jusqu'en
Bohême ». 11 mena jusque dans une vieillesse
avancée cette vie errante, réunissant partout au-
tour de lui un grand concours d'auditeurs ,
ayant l'art de faire approuver sa mnémonique
par les prélats et par les universités. En France,
où il demeura douze ans, il fut agrégé à la Sor-
bonne et obtint un privilège exclusif pour tout le
royaume. Son cours, composé de dix à douze le-
çons, coûtait vingt écus et quelquefois davan-
tage. Après avoir exigé de ses disciples un se-
cret inviolable, il leur dictait un cahier dont
chacun d'eux gardait copie. On ajoute qu'il se
vantait aussi de faire de tête les calculs les plus
compliqués, d'enseigner le latin dans moins de
six mois, de mettre ses écoliers en état de dicter
en même temps à vingt, secrétaires sur des ma-
tières différentes, etc. Si tout cela est vrai, il
est difficile de n'y pas voir beaucoup de charla-
tanisme. On a de Schenkels une quinzaine d'é-
crits en latin., notamment : Tabula publicx
scholee Mechliniensis summam rei scholas-
tiese complectens ; Anvers, 1576, in-12; —
Grammaticgs latinse prxceptiones ; ibid.,
1582, 1592, in-4o; — De memoria lib. II;
Douai, 1593, in-8°; réimprimé sous le titre de
Gazophylacium arlis mémorise ; Strasbourg,
1610, in-12; Rostock, 1619, in-12; Francfort,
1678, _in-8°, avec cinq petits traités de mné-
monique; trad. deux fois en français (Traité
de la mémoire; Douai, 1593, in-12 ; et Le Ma-
gazin des sciences; Paris, 1623, in-12), et en
allemand (Erlangen, 1804 ). Dans le liv. Ier, l'au-
teur traite des avantages de la mémoire et des
moyens de la fortifier; dans le liv. Il, des prin-
cipes de la mémoire artificielle d'après Aristote,
Quintilien, Cicéron et Thomas d'Aquin. Un de
ses partisans, qu'on croit se nommer Jean Paëp,
présenta de nouveau ce système au public en le
dégageant, dit-il, de presque toutes ses obs-
curités , et l'intitula Schenckelius detectus
(Lyon, 1617, in-16) et Crisis Jani Phaos-
phori (ibid., 1629, in-12). Ce système ne diffère
guère en somme de celui du P. Rosselli ou du
P. Gesvaldo; — Flores et sententix insi-
gniores ex Ph. Cominœo, J. Froissardo,Lip-
sio et Cicérone selecti; Paris, 1606, in-12 ; —
507
SCHliKKELS — SCHEEtER
Elcgianuii et epigrammatum lib. I ; Tou-
louse, 1609, in- 12 ; — Jovimanus imperator,
sive historia fortunx adoersse ; Prague, 1617 ;
— Methodim quomodo latina lingua sex
mensium spatio doceri posset; Strasbourg,
1619, in-12. K.
Foppens, Bibl. belgica. — Paquoî, Mémoires, XV.
schereu ( Barthélemï- Louis- Joseph), gé-
néral français, né le 18 décembre 1747, à Délie
(Haut-Rhin), mort le 19 août 1804, à Chauny
(Aisne). Appartenant à une bonne famille de la
bourgeoisie, il fit ses études, et, attiré de bonne
heure vers la vie militaire, il prit du service dans
les armées de l'Autriche. Il y devint aide-major
au bout de onze ans, et rentra alors en France,
espérant un grade équivalent, conformément à
la convention passée en 1756 entre les cours de
Vienne et de Versailles, d'après laquelle les ser-
vices rendus à l'une des deux puissances seraient
regardés comme rendus à l'autre. Nommé en \ 780
capitaine au régiment d'artillerie provincial de
Strasbourg, il passa en 1785 avec le grade de
major dans la légion que M. de Maillebois levait
pour le service de la Hollande. 11 était aide ma-
réchal des logis de l'armée lorsqu'on 1791 il
rentra en France ; il fut placé comme capitaine
au 82e de ligne, le 12 janvier 1792. Habitué à la
guerre, il fut choisi pour aide de camp par le
général Despretz-Crassier, auprès duquel il se
distingua à Valmy, puis à l'armée du Rhin par
Beauharnais. I! franchit rapidement tous les
grades, et devint général de division le 23 jan-
vier 1794. Envoyé à l'armée de Sambre et
Meuse, il reçut de Pichegru le commandement
d'un corps d'armée, et prit Landrecies (16 juillet),
Le Quesnoy, Condé et Valenciennes (t 2-29 août).
Ayant ensuite joint ses troupes à celles de Jour-
dan, il contribua, le 18 septembre, au succès du
combat de la Chartreuse, et le 20 octobre à la
victoire d'Aldenhoven. Nommé, en brumaire
an m (1794), général en chef de l'armée des Alpes,
il s'occupait à la réorganiser pour entrer en cam-
pagne, lorsqu'il reçut l'ordre d'aller pi'endre le
commandement de l'armée des Pyrénées orien-
tales (1795). La république n'avait là guère plus
de vingt- six mille hommes contre soixante mille
Espagnols, et les soldats, décimés par les ma-
ladies, manquaient d'hôpitaux, même de vivres;
le premier soin de Scherer fut de pourvoir aux
besoins des troupes; puis, malgré la dispropor-
tion des deux armées, il tenta de forcer le pas-
sage de la Fluvia, et soutint trois combats opi-
niâtres, qui n'eurent pas de résultats décisifs. La
paix ayant été conclue avec l'Espagne ( 1er août
1795 ), Scherer fut de nouveau appelé, en sep-
tembre , au commandement de l'armée d'Italie.
Adoptant les projets de Kellermann , son prédé-
cesseur, il résolut de prendre l'offensive pour
rétablir les communications avec Gênes, le seul
endroit d'où il pût tirer les vivres, les vêtements
et les munitions pour ses troupes, qui manquaient
de tout. L'armée ennemie, fortement retranchée
sur les hauteurs près de Loano, comptait cii I
quantecinq mille combattants, auxquels il i M
pouvait opposer que trente mille hommes, sai I
habits, sans souliers, sans pain. Il eut la sages: I
de consulter les généraux qui servaient depu ■
longtemps dans cette partie des Alpes , et écou I
surtout les avis de Massena . La bataille de Loai I
fut livrée le 24 novembre 1795 : les Austr* I
Sardes perdirent quatre mille hommes tués I
cinq mille prisonniers, avec la plus granofl
partie de leur artillerie, et furent mis dans ui I
déroute complète. Cette victoire ouvrit le M I
lanais aux troupes françaises. Scherer mit-if I
profit, autant qu'il le pouvait, le succès siguaiB
qu'il venait de remporter? C'est une questk ■
qui fut résolue en sens opposés à l'époque mêm I
et Scherer eut pour lui le parti des hommes q I
se croyaient prudents parce qu'ils temporisaieu |:i
comme il eut pour adversaire le parti des in I
patients, auxquels Bonaparte vint bientôt donn I
raison d'une manière si éclatante. Ne pouva I
supporter plus longtemps l'opposition qui 1 1
était faite, et sentant sa santé s'altérer, SchenB
envoya sa démission au Directoire. Bonaparti I
qui le remplaça en mars 1796, écrivit à Carnoi 11
« Il m'a paru voir en Scherer un homme pur
éclairé : ne pourriez-vous pas l'employer comn
ambassadeur? Il a la connaissance des hou
mes... »
Après quelques mois de repos, Scherer fi
chargé d'inspecter l'armée de l'intérieur, pu
celle du Rhin, et nommé, le 23 juillet 179!
ministre de la guerre. Son administration actr
lui mérita de plus en plus la confiance du goi
vernement, mais lui attira l'inimitié de bien d
gens, dont il froissait les intérêts. En février 179"
lorsque Bonaparte était en Egypte, il accepta <
nouveau le commandement de l'armée d'Iialii
qu'avaient refusé Bernadotte et Jouberf, à eau:
de la trop grande infériorité numérique de l'ai
mée française. Il attaqua, le 26 mars, l'enner
qui était retranché sur les hauteurs de Pastreng'
près de Vérone, et après des efforts opiniâtres
resta maître du champ de bataille. Il espéra
alors avoir bientôt le concours des divisions <
l'Helvétie et de la Valteline ; mais ayant appr
qu'elles étaient l'une et l'autre forcées de se ccn<
centrer dans leurs positions, parce que l'armi
du Danube venait de se replier sur le Rhin, il i
conclut qu'il ne pouvait avec ses seules forces
de beaucoup plus faibles que celles de l'ennem
tenir l'offensive , et que la prudence lui corr
mandait de faire retraite sur le Mincio. 11 essaj
donc de passer l'Adige , en masquant son moi
vement par une attaque du général Seruri<
contre Vérone, d'isoler les ailes de l'armée in
périale et d'écraser la plus faible. Ce plan iî
réussit pas; les Autrichiens débordèrent notr
droite, et restèrent maîtres du champ de de
taille de Magnano, d'où nous fîmes retrait
d'abord sur le Mincio, puis sur l'Adda. L'armé
française était couverte par cette rivière lorsqu
9 SCHERER —
Directoire rappela Scherer et le remplaça par
j reeu. Les ennemis du Directoire soulevèrent
utre le vaincu l'opinion publique •. ou l'accusa
1 i seulement d'incapacité , mais de lâcbeté ; on
I se contenta pas de l'attaquer comme général,
ij l'attaqua aussi dans les corps législatifs comme
Lustre; on prétendit qu'il avait exagéré les
( ctil's dans un but d'intérêt personnel , qu'il
j il laissé les armées dans le dénûment, qu'il
lit fait des ventes à bas prix dans les maga-
iide l'État, enfin qu'il avait ordonné la con-
I ion de gargousses et de cariouclies « ne ren-
Inant qu'un tiers de poudre et un tiers de
Buvais poussier ». Scherer répondit à ces der-
Ires accusations en publiant le compte-rendu
Isa gestion ministérielle (1799); cependant, ne
liant pas accepter pour juges des ennemis, il
lâcha, et ne reparut qu'après le 18 brumaire,
|iandant alors, par une lettre adressée au pre-
r consul, à se justifier des imputations por-
contrelui. Bonaparte lui répondit qu'il avait
né l'ordre de mettre toute cette affaire à
nt. A ceux qui l'accusaient comme général ,
erer avait répondu par le Précis des opé-
ions militaires de l'armée d'Italie depuis
l ventôse jusqu'au 7 floréal de l'an vu
(iris, 1799, in-8°). Il se retira à Chauny, où
ourut, à cinquante-six ans passés. Son nom
té inscrit sur l'Arc de triomphe de l'Étoile.
urcdlcs, Dict. hist. des généraux français. — Eabbe,
h drBoisjolinet Sainte-Preuve, Biofjr.univ.et portât.
contemp. — nionileur universel. — Tlilers, Hist.
i rëvolut.
jcheuchzer (Jean-Jacques ), naturaliste
(ise, né le 4 août 1672, à Zurich, où il est
t, le 25 juin 1733. Après avoir étudié la mè-
ne à Altdorf et à Utrecht, il fut, en 1702,
imé médecin de sa ville natale et professeur
mathématiques, En 1712, il fut, sur la recom-
îdation de Leibniz, appelé à Saint-Péters-
rg par Pierre le Grand ; mais ses concitoyens
stinrent au milieu d'eux, en lui donnant une
ire de physique et un canonicat. Il devint
la suite membre de l'Académie des Curieux
ia nature ainsi que des Académies de Berlin et
Londres. Il a le premier éveillé en Suisse
fMie de l'histoire naturelle ; il y a propagé les
fsde Newton, etil abeaucoup contribué à faire
ser à Zurich les condamnations à mort pour
pèllerie, qui y étaient fréquentes jusqu'au
pmencement du siècle dernier. Il fut encore
fies premiers à recueillir systématiquement
pétrifications, à établir que ce n'étaient pas
jeux de la nature, mais des restes d'êtres
refois animés et ayant reçu leur forme actuelle
suite d'un cataclysme, qu'il déclarait, con-
inément aux idées deWoodward, n'avoir été
'^que le déluge. Si ses explications ne peu-
t plus aujourd'hui soutenir l'examen , si son
Jème de géologie ne vaut pas mieux que
x émis par ses contemporains, il n'en a pas
ns rendu de très-grands services à la science
onstatant avec soin et e\acti!ude,el au moyen
SCHEUCHZER 510
i d'excellentes planches, une foule de faits, ob-
| serves par lui, entre autres dans les excursions
| qu'il faisait presque fous les ans dans les Alpes.
I On a de lui : Surdus loquens ; Utrecht, 169Ï,
! in-4°; — Stocheiologia ad Ilelvetiam appli-
: cala; Zurich, 1700, in-4°; — Spécimen lit ho-
I logix helveticœ curiosoc, quo lapides exfigu-
ratis seleclissimi describuntur, Zurich, 1702;
j Bantzig, 1740, in-4° ; — Physica, oder jVa-
iurioissenschafl ; Zurich, 1703, 1711, 1729,
in-8° ; — Beschreibung (1er Naturgeschichte
des Schweilzerlandcs (Histoire naturelle delà
Suisse); Zurich, 1706-1708, 3 vol. in-4° : ou-
vrage qui traite des montagnes , des eaux, des
météores et des minéraux ; — Piscium vindicix
etquerelx; Zurich, 1708, in-4°; trad. en alle-
mand : l'auteur y prouve que les poissons pé-
trifiés sont non des jeux de la nature, mais des
restesde vrais poissons qui ont eu vie ; — 'Gupscu-
çoityi; helveticus, seu itinera alpina tria;
Londres, 1708, in-4° : dans un ouvrage sem-
blable (Itinera per HelvetiJS alpinas regiones;
Leyde, 1723, 4 tom. in-4°, fig.), Scheuchzer a dé-
crit les voyages qu'il fit en Suisse de 1702 à 1711 ;
— Herbarhim diluvian uni ; Zurich, 1709, in-
fol.; l'édit. de. Leyde, 1723, est fort augmentée; —
Bibliotheca scripterum historiée naturalis;
Zurich, 1716, !75l,in-8°; — Muséum dilu-
viaîium; Zurich, 1716, in-8°: catalogue des pé-
trifications et des fossiles qu'il possédait dans
son cabinet; — Helvetice stocheiographia , oro-
graphia et oreographia; Zurich, 1716, in-4°;
— Eelvetiœ hydrographia ; Zurich, 1716,in-4°;
— Meteorologia et oryclographia Helveliœ;
Zurich, 1718, in-4°: ces trois derniers ouvrages,
écrits en allemand, ont été réunis deux fois à
Zurich, 174fi,2vol.in-4°, et 1753, 3 vol. in-4°; —
Physica sacra Jobi ; Zurich, 1721, 1740, in-4°:
explication des matières de physique et d'histoire
naturelle mentionnées dans les premiers livres de
l'Ancien Testament; — Homo dilîivii testis;
Zurich, 1726, in-4c : le squelette fossile ici dé-
crit, que Scheuchzer croyait avoir appartenu à
un homme, et qui se trouve maintenant à Harlem,
a été reconnu par Cuvier provenir d'une sala-
mandre gigantesque antédiluvienne; — Bîblia
ex physicis illustrât a , quibus res natu rates
inScriptura sacra occurrentes exhibentur ;
Augsbourg, 1731-35, 4 vol. in-fo!., avec 750
belles planches; trad. en allemand , sous le titre
de Kupjer-Bibel. (ibid., 1731-35, 4 vol. :'n-
fol.); en français, sous le titre de Physique
sacrée (Amst, 1732-37, S vol. infol.) ; en hol-
landais (ibid., 1735, S vol. in-fol. ); l'auteur a
profité de. la meniion la plus succincte faite dans
la Bible d'objets d'histoire naturelle pour les
expliquer longuement et y joindre des détails
souvent intéressants, mais qui ne s'y rattachent
que très-faiblement ; il a choisi cette manière
singulière d'exposer ainsi ses idées sur l'histoire
naturelle, afin d'empêcher ses collègues de la
faculté de théologie de les incriminer, comme
5ti SCHEUCHZER —
ils l'avaient déjà fait plusieurs fois auparavant;
son ouvrage est encore recherché, à cause des
planches. Scheuchzer, qui a aussi publié à Zu-
rich, de 1703 à 1715, un recueil périodique in-
titulé Nova litteraria helvelica , a encore in-
séré plusieurs mémoires et articles dans les Mis-
cellanea lipsiensia, les Ephemerides naturse
curiosorum, les Philos, transactions, etc.
Mercure suisse, août 1733. - Meister, Beruhmle
Schweitzer, t. II. - Hirsching, Handbiich. — Actae.ru-
ditorum germanica. part. 119, t. II, p. 761.
scheuchzer (Jean), botaniste suisse,
frère du précédent, né en 1684, à Zurich, où il
est mort, le 8 mars 1738. Après avoir servi
quelque temps dans l'armé hollandaise , il ac-
compagna le comte de Marsigli en Italie comme
secrétaire. A son retour à Zurich il s'occupa de
mathématiques et de l'art des fortifications, et fut
nommé en 1712 ingénieur de son canton. Il vi-
sita par la suite la Hollande , la France , l'Italie
et l'Allemagne, et devint en 1732 secrétaire des
états du comté de Baden ; l'année suivante enfin
il fut appelé à occuper, à Zurich, les divers em-
plois que la mort de son frère laissait vacants.
Il s'occupa spécialement des graminées , famille
jusqu'alors si négligée, même par Tournefort, et
fit connaître les caractères génériques deleurs di-
verses espèces dans un ouvrage intitulé : Agros-
tographia, sive graminum , juncorum , cype-
rorum, cyperoidum eisque affinïum histo-
ria; Zurich, 1719, pet. in-4<>, fig.; une édition
très-augmentée en fut donnée par Haller, Zurich,
1775, in-4°. « On vit alors, ditCuvier, qu'il y avait
aussi une distribution possible pour ces plantes,
qui avaient l'air de se ressembler, et que leurs
moyens de division étaient semblables à ceux
dont on s'était servi pour les autres classes. »
On a encore de Scheuchzer : Alphabeti ex di-
plomatibus spécimen ; Zurich, 1730, in-fol.
Meyer, Geschichte der Botanih. — Lutz, Ifekrolog
denlcwûrdiger Schioeitzer.
schiavone (Andréa Medula ou Medola ,
dit le), peintre et graveur, né en 1522, à Sebe-
nico (Dalmatie), mort en 1582, à Venise. Ses
parents, fort pauvres, étaient venus chercher
fortune à Venise. Il apprit à dessiner d'après
des estampes et à peindre en copiant les ta-
bleaux du Giorgione et du Titien. Pour vivre,
il se vit forcé de fabriquer de petits tableaux,
de peindre des bahuts, des meubles, et même
des façades de maison. Le Titien lui donna
quelques conseils, et le fit comprendre au
nombre des artistes appelés à décorer la grande
salle de la bibliothèque de Saint-Marc. Là il se
montra dessinateur plus correct que partout ail-
leurs. En effet ses compositions sont heureuses,
son coloris est excellent, sa touche facile et gra-
cieuse, ses mouvements vrais et variés; mais il
pèche par la correction du dessin. Malgré tant
de qualités, auxquelles il joignait l'amour du tra-
vail , cet artiste vécut dans la misère et ne laissa
pas de quoi l'enterrer. Ce ne fut qu'après sa mort
que ses œuvres furent appréciées à leur juste va-
SCHIAVONETTI 51Ï
leur. Ses principales œuvres sont : à Venise, h
Père éternel au milieu des anges, Jean-Bap
liste dans le désert; àRimini, la Nativités
l'Assomption ; à Florence, Mercure assis, l'A
dorationde l'enfant Jésus, la Mort d'Abel, Ti
tye et le Vautour ; à Pistoja, une Nativité; ai
Musée de Dresde , le Christ mort , une Ma
donc; à Berlin, le portrait de Schiavone lui
même; à Vienne, un autre portrait de l'artiste
une Adoration des bergers , une Sainte Fa
mille , Apollon poursuivant Daphné , l
Présentât;,., au temple, Curius Dentatus
au Musée du Louvre, un Saint Jean- Bai
liste.
Le Schiavone a gravé à l'eau-forte plusieurs (
ses compositions. E. B — n.
Vasari, Oriandi, Lanzi, Ticozzi. — Ridolfi, Vite dei
pitturi veneti. — Winckelmann, Neues Mahlerlexiko
schiavonett! (Luigi) , graveur italiei
né le 1er avril 1705, à Bassano, mort le 7 ju
1810, à Brompton (Angleterre). Il montra d
l'enfance le goût des arts, et son père, marchai
d'estampes et de livres peu fortuné, le mit à I
cote de dessin du Golinetto, puis le fit ento
chez Amhroise Orio, homme excellent, mi
très-médiocre graveur. L'élève eut bientôt si
passé le maître dans le maniement du but
C'était l'époque où les estampes à l'aqua-tinta
Bartolozzi avaient leur grand succès. Luigi s'
I procura, s'appliqua à les étudier, et après
| travail ardent, auquel il employait, même les nui
I parvint à faire de l'estampe A' Hector et And:
maque, d'après le tableau de Cipriani, une co
si exacte que Bartolozzi, à qui elle fut présent
put à peine la distinguer de son propre travi
Ce maître ayant appris que le jeune artiste n
vait encore que dix-huit ans conçut pour lui i
grande estime, et l'appela à Londres, où il g
établi. Schiavonetti acquit bientôt en Anglete
une grande réputation par ses talents, en mè
temps qu'il gagnait par son caractère douxi
modeste l'affection de tous ceux qui l'appl
chaient. Il n'oublia pas son père, et partagea a I
lui les bénéfices de son travail. Tous les artiil
de Londres regrettèrent sa perte prématurée I
se réunirent pour lui faire de riches obsèqij
Les œuvres de Schiavonetti, au burin, à l'aql
tinta ou à l'eau- forte, présentent toutes les mêil
qualités : exactitude dans les contours, gi|
dans l'expression, vérité dans les draperies, 1 1
admirable dans l'ensemble. Ses principales!
vures sont : Derniers moments de T^ouis X
de Benazech; Elisabeth recevant la nouv
de la mort de Marie Stuart, de Westall
Reine de Prusse et sa sœur, de Tischbi
Pèlerinage de Canterbury, de Stothard ;
taille d'Aboukir, de Loutherbourg ; le Corn^
Tippo-Saïb reconnu par sa famille, de I
gleton ; les Noces de Cana, de Pellegnni ; Mt
dolorosa. de van Dyck; portrait de Nki
Berghen, de Rembrandt; eaux-fortes, d'à
Blake, pour le Tombeau, poëme de Blair,
SCHIAVONETTI
!Son frère Niccolo travaillait avec lui ; il ne lui
guère survécu.
illpaldo, ISiogr. degli Italiuni illustri, t. IV. —Gentle-
m's magazine, t. LXXX.
j schickard (Guillaume), savant orientaliste
! astronome distingué, né à Herrenberg, près
\ bingue, le 22 arvril 1592, mort de la peste, à Tu-
ligue, le 23 octobre 1635. Après avoir étudié
j théologie, il remplit pendant quelques mois
I fonctions de vicaire dans le lieu de sa nais-
|ace et à Kirchheim. En 1613, il retourna à
Ibingue, où il commença à donner des leçons
Ibliques sur la langue hébraïque, à IV de de
huelle il s'était livré avec ardeur, riientôt
1res, il fut appelé comme diacre à Nurtingen ;
II 1616, il y fut nommé pasteur. Il eut occasion,
I 1617, de faire connaissance avec Kepler, et
I rapports qu'il eut avec cet homme célèbre
l'eillèreut en lui le goût pour les mathéma-
fcues, qu'il avait d'abord cultivées avec quelque
Ixès. Pour occuper l'activité dévorante de son
prit, il s'était exercé à la gravure en bois et en
Hle-douce; il profita de l'habileté qu'il avait
liquise dans cet art pour composer un globe
■este et pour dresser plus tard quelques cartes
■ronomiques. Nommé professeur d'hébreu à
pbingue (1619), il se mit à l'étude de la langue
Ides écrits des rabbins; et en même temps il
lidia le syriaque, le chaldéen et l'arabe. Pour
[te dernière langue, il n'eut pas d'autre secours
l'un exemplaire du Coran, apporté à Tubingue
[r Grutcr. Pour pouvoir donner à ses élèves
[s leçons d'arabe , il fut obligé de graver lui-
fcme les poinçons qui servirent à fondre les
Jractères avec lesquels on imprima quelques
Jutes arabes à l'usage de ses auditeurs. Schi-
■ard apprit également sans maître le turc et le
jrsan. En 1628, il fut admis au nombre des
pmbres du collège des arts, et en 1629 nommé
j-ipecteur des écoles de Stuttgard. L'exercice
\ ces' dernières fonctions, qui l'obligeaient de
ircourir le duché de Wurtemberg, le mit en
lit de traeer une carte de ce duché, carte qui
ilheurcusement s'est perdue. Après la mort de
fesllin (20 octobre 1631), il fut chargé de la
,aire d'astronomie, sans cesser cependant d'en-
ligner l'hébreu. Il parait qu'il ouvrit ses leçons
lîstronomie par un discours remarquable, qui
iî pas été imprimé. Après la batailledeTubingue,
[se retira avec sa famille sur le territoire au-
chien. 11 retourna à Tubingue, quand le dan-
r fut passé. Il accommoda alors une maison
j'il avait achetée, de manière à y avoir un ob-
rvatoire , et il comptait couler désormais des
Jrs tranquilles, consacrés à ses études de pré-
lection, quand après la journée de Nordlingen,
[ 1634, les armées catholiques envahirent ïu-
sogue et y apportèrent la peste. Schickard vit
jourir successivement toute sa famille, à l'ex-
ption d'un enfant, âgé de neuf ans, avec lequel
jsorlit de la ville, pour fuir la contagion. Il y
Dira cependant quelques mois après, et il ne
NOUV. BiOCR. GÉiSÉR. — T. XLIII.
— SCHIHNEH 514
tarda pas à être victimedu fléau. Il laissa en mou-
rant bien des travaux inachevés. « Combien je
regrette, écrivait-il, à la fin de 1634, mes nom-
breuses recherches, mes méditations à demi
achevées ! Si du moins j'avais parmi mes élèves
quelqu'un en état de les publier après ma mort! »
On a cependant de lui un grand nombre d'ou-
vrages, tous relatifs aux langues orientales ou à
l'astronomie. Parmi les premiers il faut citer :
Bechinat happeruschim, hoc est interpréta-
tif) hebraica in Genesin; Tubingue, l621,ia-4°;
— Biurhaophan, hoc est declaralio rotxpro
conjugationibus hebrxis noviter excogilalx;
ibid., 1621, in-8°; plus.édit.; — Horologium fie-
braeum, sive consilium quomodo sancta lin-
gua spatio 24 horarum a sex collegis suffi-
cienter addisci possil; ibid., 1623, in-12;
beaucoup d'éditions, dont la meilleure est celle
de Tubingue, 1731, in-8°, avec une vie de l'au-
teur par Speidel : cet ouvrage est le plus connu
de tous ceux de Schickard ; — Bechinat happe-
ruschim, hoc est examinis commentationum
rabbinicarum in Mosen prodromus; ibid.,
1624, in-4° : ouvrage estimé; — Paradisus
saraceno-judaicus , e genuinis auctoribus
suis; ibid., 1625, in-4°; — Jus reghim He-
brxorum e tenebris rabbinïcis erutum;
Strasbourg, 1625, in-4° ; réédité avec des notes
par J.-B. Carpzow, Leipz., 1674; — Taarich,
hoc est séries regum Persix per annos fere
400; Tubingue, 1628, in-4° : traduction, avec des
notes, d'une partie d'un manuscrit arabe de la
bibliothèque de Wolfenbiiltel ; — Purim, sive
bachanalia Judxorum; ibid., 1634, in-12, el
dans les Critici de Londres. La plupart de ces
ouvrages ont été.réunis sous ce titre : Exerci-
tationes ebraicx ; Tubingue, 1655, in-4°. Des
ouvrages relatifs aux sciences, on peut citer :
Astrocopium pro facillima stellarum cogni-
tione noviter excogitatum; Tubingue, 1623,
in-12; plusieurs autres éditions, et dans Ele-
menta astronomise de Chr. Cellarius. Schickard
avait donné le nom d' astrocopium à une carte
disposée en globe, et dans l'intérieur de laquelle
on voyait les astres tels qu'ils nous apparaissent
dans le ciel; — Ephemeris lunaris; ibid.,
1631, in-8°; — Anemographia, seu discursus
philosophicus de ventis; ibid., 1631, in-8e ;
— Disputationes dux de rébus astronomieis ;
ibid., 1632, in-8°; — De mercurio in sole viso,
seu responsum ad duas Gassendi episiolas;
ibid., 1632, in-8°; —Modus ratioque tabulas
geographicas conficiendi ; ibid., 1633, in-8°.
Schickard laissa en mourant plusieurs ou-
vrages inédits, entre autres une traduction latine
des canons géographiques d'Abulféda, avec des
notes; une grammaire arabe; quelques écrits
sur l'optique, etc. M. Nicolas.
fila SctticKardi, à la tête de l'édition de Tubingue,
1731, de Horologium hebrœum. — Joe^her, Allg. Celehr-
tea-Lexicon. — Balth. Viassius, .-Ipotheosis Schickardi.
— Sclinurrer, Schiekard's Leben ; Ulm, 1792, in-8°.
schihneh. Voy. Ib.\-as-Schihneh.
17
Si 5 SGH-LLL —
schill (Frédéric de), patriote allemand, né
en 1773, à Sothof, près de Pless, tué à Stralsund,
le 31 mai 1809. Entré de bonne heure dans l'ar-
mée prussienne, il assista comme lieutenant à
la bataille d'Auerstsedt. Se trouvantpeu de temps
après à Colberg, alors assiégé par les Français,
il y organisa en quelques semaines un corps
franc d'un millier de cavaliers, avec lequel il fit
d'abord plusieurs sorties heureuses ; ensuite il alla
se retrancher dans un petit bois (la Maikuhlé),
sous le canon de la forteresse , et il s'y défendit
pendant quatre mois, ce qui ne contribua pas
peu à empêcher la chute de Colberg. Après la
paix de Tilsit, il fut nommé major du nouveau
régiment des hussards de la garde, qui venait
d'être formé avec le corps qu'il avait levé. En
1809, lorsque la guerre recommença entre l'Au-
triche et la France, il eut l'espoir que toute l'Alle-
magne allait se soulever contre Napoléon. Vou-
lant donner le signal de l'affranchissement de
sa patrie, il conduisit son régiment par Wittem-
berg en Saxe, dans le but de le faire servir de
centre de ralliement. Mais apprenant les succès
rapides de Napoléon, qui retenaient l'Allemagne
sous la crainte, il essaya d'abord de gagner la
Frise, afin de s'embarquer pour l'Angleterre;
arrêté le 5 mai dans sa marche par la garnison
de Magdebourg, il se dirigea vers la Vieille-
Marche; poursuivi par un corps de Hollandais
et un autre de Danois, il se retira successive-
ment sur Wismar, Rostock et enfin Stralsund ,
dont il rétablit à la hâte les fortifications et où il
réunit environ deux mille hommes de troupes.
Attaqué le 31 mai, il ne put, malgré le courage
désespéré qu'il montra ainsi que les siens, em-
pêcher l'ennemi, trois fois supérieur en nombre,
de pénétrer dans la ville. Atteint de plusieurs
blessures, il continua le combat dans les rues,
jusqu'à ce- qu'il fut tué d'un coup de fusil. Les
officiers de son corps qui furent faits prisonniers
furent passés par les armes.
Schilliana; Hambourg, 1810-1819, 2 part. in-8°. —
"AAaa, Ferd. von Sefiill; Leipzig, 1824, 2 vol. — Dsering,
Leben SchiWs, liarmen, 1838.
sceî i ixEii ( Jean - Christophe - Frédéric ) ,
poêle allemand, né le 10 novembre 1759, à Mar-
bach en Wurtemberg, mort le 9 mai 1 805, à Wei-
mar. L'aïeul et le bisaïeul de Schiller furent,
l'un* après l'autre, boulangers dans le village de
Bittenfeld. Son père, Jean-Gaspard, après avoir
fait son apprentissage chez un chirurgien barbier,
partit, en 1745, pour les Pays-Bas, avec un ré-
giment de hussards bavarois, en qualité de chi-
rurgien , ou , comme l'on dit en allemand , de
« barbier de campagne ». A la paix d'Aix-la-
Ohapelle, il s'établit à Marbach, où il épousa Eli-
sabeth-Dorothée Kodweiss, fille d'un aubergiste.
Au bout de huit ans de mariage, il eut une pre-
mière fille, et, pour assurer l'avenir de sa fa-
mille, il prit du service dans les troupes que le
-hic de Wurtemberg levait comme allié de l'Au-
triche. Préférant l'épée à la lancette, il obtint le
SCHILLER 5
grade d'enseigne, et gagna peu après celui delii
tenant. Sa femme alla le voir, vers les premis
jours de novembre 1759, au camp de manœuvi
du major général Romann ; elle était dans
état avancé de grossesse, et fut saisie, au mil
de ces hommes de guerre, des douleurs de l\
fantement; elle n'eut que le temps de regagi
Marbach, où elle donna le jour à un enfant .
devint a-vec Gœthe le plus grand écrivain
l'Allemagne. La mère de Schiller aimait la p
sie. et même faisait des vers; c'est par elle <
l'enfant studieux fut initié à la lecture des pot II
allemands et aux naïfs récits de l'histoire
blique. En même temps, il trouva dans le past j
Moser un premier maître, qui lui enseigna |;
éléments du latin et du grec. Son père, devt II
capitaine et envoyé comme officier de reert
ment à Gmtind, en Souabe, avait obtenu la r \
mission de s'établir avec sa famille dans le 1
lage de Lorch, sur la frontière du Wurtemt J
proprement dit. Lorch est sMué en face du StM
ten, dans une vallée mélancolique, couroni
de sombres sapins Le futor peëte aimait il
perdre dans ces belles forêts et à rêver dansil
glise d'architecture romane, près des pierres 1
pulcrales des Hohenstauffen. Les souvenirs ! i
l'histoire nationale enrichissaient ainsi sa
moire; une nature romantique ouvrait son I
aux impressions de la solitude, et la vie moral
la famille ne laissait arriver à son cœur que
impressions pures et bienfaisantes.
Vers 1768, le père de Schiller vint s'établil
Ludwigsbourg , où il fit suivre à son fils les c(
de l'école latine, et le 17 janvier 1773 il 1
voya à l'académie de la Solitude, connue soi J
nom de Kartsschule (l'école de Charles)
établissement, fondé en 1770, par le duc de V|
temberg Charles-Eugène, était placé au mil
des bois, dans un château isolé; on y adme
particulièrement des fils de soldat Le due a;|
connu les espérances que donnait le jeune Sr
1er, offrit à son père de le recevoir gratuiterj
à la Solitude et de fournir à tous les frais de j
éducation. Les parents, et surtout la mère, i
sitèrent d'abord, parce qu'ils destinaient |
fils à la théologie ; ils ne cédèrent qu'à la
sième demande. Frédéric fut littéralement di\
au duc Charles-Eugène, car son entrée à IVj
eut pour condition qu'il se consacrerait enti
ment à la maison de Wurtemberg. Le tej
vint où il parut au poète qu'on avait, par
clause, payé trop cher sa pension. Il choisit
bord pour objet d'étude et pour carrière la j
prudence ; plus tard il se décida pour la médec
il devait traverser toutes les facultés sans
rêter dans aucune. La discipline pédante
régnait dans l'académie de Charles ne poi
guère convenir à un esprit aussi indépen
que l'était celui de Schiller; mais ce qui le
voltait plus que le régime du bâton et du
bour, c'était le joug d'une censure intellect W
qui proscrivait, même pendant les heure I
517
j récréation, tout ouvrage étranger aux leçons de
[la journée. Il parait que de fréquents conflits
i eurent lieu entre le jeune élève en médecine et
quelques-uns de ses maîtres. Les premiers essais
'poétiques (L'Etudiant de Nassau, Côme de
i Médicis), dont il donnait lecture en cachette à
ses amis, loin de porter le caractère sentimental
de l'époque, respiraient la haine de l'arbitraire
et des convenances sociales. « Je ferai un livre
'qui sera brûlé par le bourreau! » disait-il en
priant , et il tint en quelque sorte parole; car les
Brigands, conçus et écrits à l'infirmerie de l'a-
■adriiiie de Charles, répondaient un peu à ce
: i programme. Nous croyons avoir indiqué déjà la
source de cette inspiration révolutionnaire. La
serre chaude pédagogique dans laquelle Schiller
Ue trouvait renfermé contre son gré devait lui
nspirer un insurmontable dégoût. Nourri de la
(lurede Rousseau et de Shakespeare» surexcité
par Gœtz et Werther, qui avaient paru en t773
Ipt 1774, irrité à toute heure du jour par le monde
ijrannique et factice du collège, qui devenait
' »ur lui l'image du monde réel, il exhala sa co-
Bre dans le drame informe qui allait révéler à
l 'Allemagne qu'elle nourrissait dans son sein un
■faraud mécontent et un grand poëte.
En 1779, Schiller remporta quatre prix, et en
1780, après avoir fait ses thèses, il fut attaché
m régiment de grenadiers du général Auge, en
qualité de chirurgien, avec un traitement de
18 florins, environ 40 francs, par mois. Mais un
Objet plus important devint le but de tous ses
lésirs : c'était la publication des Brigands.
\près s'être adressé vainement aux libraires
Ce Stuttgard et de Mannheim, il se décida à
mprunter, sous la caution d'un ami, une somme
H'argeut, qu'il remboursa plus tard avec beau-
coup de peine, et il fit imprimer sa pièce à
ses frais (Francfort et Leipzig, 1781). 11 en
envoya quelques feuilles d'épreuve à Schwan,
ibraire a Mannheim. Celui-ci , enthousiasmé,
^'empressa de -porter l'œuvre au baron de Dal-
berg, intendant du théâtre électoral ; et en même
' enips il conseilla à Schiller de se mettre en rap-
i |»ort avec ce grand seigneur. Sur les observa-
tions de Schwan , le poëte docile refondit son
Iraroe, qui fut représenté le 13 janvier 1782,
ur le théâtre de Mannheim. La renommée
I itvait précédé la mise en scène des Brigands :
He quinze et vingt lieues à la ronde les specta-
eurs avaient afflué , et un succès immense ré-
■ondit à ces bruits avant-coureurs de la vic-
1} ioire. Le pauvre chirurgien militaire, qui pour
assister a la première représentation de son
œuvre avait dû emprunter de l'argent et quit-
er furtivement Stuttgard, y revint transformé en
ne célèbre. Le drame des Brigands, c'est
e cri d'un prisonnier qui réclame la liberté; or,
n 17S0, l'ordre social était ruiné partout. A
entendre cette fanfare, qui sonnait le jugement
lernier d'une société décrépite, on oubliait les
\agerations du langage, des caractères, de
SCHILLER
l'action
518
Schiller, en écrivant les Brigands,
avait pressenti la révolution française. Après
quelques représentations la police intervint : les
Brigands furent misa l'index, et, en raison
même de cette défense, la pièce imprimée se ré-
pandit comme une maladie épidémique. Une es-
pèce de vertige s'empara de la tête des jeunes
gens, et les gouvernements durent s'alarmer et
voir dans ce drame excentrique une déclaration
de guerre contre l'état social. Encouragé par le
succès, Schiller fit paraître ses premiers essais
lyriques, joints aux poésies de quelques amis,
sous le titre d'Anthologie pour l'an 1782, et dé-
diés à la Mort, « tsar tout-puissant de toute
chair ». L'auteur fut mandé devant le duc de
Wurtemberg, et reçut l'ordre de lui soumettre a
l'avenir chacune de ses productions avant de les
publier. La haute société de Stuttgard avait
voué l'impertinent roturier à l'exécration pu-
blique. Pour échapper à cette curatelle tyran-
nique, Schiller, après avoir vainement supplié
le baron de Dalberg de lui trouver de l'occu-
pation à Mannheim, fit en secret les préparatifs
d'un départ qui ne ressemblait pas mal à une
fuite; il était criblé de dettes, et sans l'assistance
de Streicher, son ami dévoué, il n'aurait pu réa-
liser ses projets. Le 17 septembre 1782, au mo-
ment où l'arrivée du grand-duc Paul de Russie
était fêtée à Stuttgard, il se mit en route de nuit.
Dans le lointain, le château de la Solitude bril-
lait illuminé en l'honneur du prince moscovite.
Schiller, au moyen de cette clarté, reconnut la
demeure paternelle : « O ma mère ! » s'écria-t-il,
et il se rejeta au fond de la voiture en versant un
torrent de larmes.
L'accueil qu'il reçut à Mannheim ne répondit
pas à son attente. Les acteurs du théâtre,
auxquels ri lut sa tragédie de Fiesque, la trou-
vèrent de la plus grande médiocrité. Schiller,
désespéré et craignant une demande d'extradi-
tion, partit à pied pour Francfort, et essaya de
s'y procurer quelques ressources par la vente
d'un assez long poëme, intitulé : Le démon
Amour, que nous n'avons pas. Le libraire à qui
il demandait vingt-cinq florins n'en voulut donner
que dix huit, et Schiller garda son manuscrit.
En compagnie de Streicher, qui ne l'avait point
quitté, H se rendit àMayence, puis • Oggersheim,
petite ville voisine de Mannheim. Ayant mis la
dernière main au drame de Fiesque , il l'envoya
à Dalberg. Un refus ayant accueilli sa nouvelle
tentative, il fit imprimer sa pièce par le libraire
Schwan, et en reçut un louis par feuille. La
petite somme qu'il retira de ce marché lui per-
mit de payer son aubergiste et d'entreprendre
le voyage de Thuringe, où la mère de deux de
ses camarades de l'Académie, Mrae de Wolzo-
gen, lui avait offert un asile, dans sa maison de
Bauerbach, près Meiningen. Il séjourna sept
mois dans cette demeure écartée, au milieu des
forêts et des montagnes, donnant tout son temps
à l'étude et à l'amitié. Sur l'invitation de Dal-
17.
519
berg, il revint à Mannheim le 27 juillet 1783, et
accepta un engagement d'un an comme poëte
du théâtre, avec 300 florins d'honoraires. Les
Brigands furent repris avec un succès pareil
à celui des premières représentations ; Fiesque,
remanié à nouveau, et joué le 11 janvier 1784,
fut peu goûté du public; mais Intrigue et
amour, donnée lé 15 avril suivant, fit éclater
des applaudissements unanimes. Au milieu de
novembre, n'ayant pu obtenir de Dalberg un
congé qu'il demandait pour se livrer plus com-
plètement au travail, Schiller donna sa démis-
sion, et se trouva de nouveau sans ressources.
Il se remit à Don Carlos, qu'il avait commencé
au printemps, et il entreprit en mars 1785 la
publication d'une revue littéraire et esthétique,
la Thalie rhénane. Quelques mois auparavant,
il avait été présenté au duc de Weimar, Charles-
Auguste, qui était venu àDarmstadt; cette en-
trevue lui valut le titre de conseiller. Au com-
mencement d'avril 1785, il fit ses adieux à Strei-
cher (1) et s'éloigna de Mannheim. Il était las de
son séjour dans cette ville, et dégoûté de la car-
rière dramatique. Les exigences mesquines des
acteurs exaspéraient son génie irascible; il était
d'ailleurs peu flatté des succès que lui avaient
valus des pièces révolutionnaires, et il sentait
la nécessité de se régénérer par de longues médi-
tations, par des études philosophiques et his-
toriques. 11 s'était lié avec le père de Théodore
Kœrner ; il alla le rejoindre à Leipzig et l'ac-
compagna ensuite à Dresde. Dans les pittores-
ques environs de cette ville, il acheva Don
Carlos, qui parut en 1787; mais ce drame date
de la rédaction définitive de 1804.
An mois d'août 1787, Schiller alla se fixer à
Weimar, au centre du mouvement intellectuel ;
il n'y fut pas reçu d'abord comme il l'espérait.
On paraissait nourrir quelque méfiance contre
l'écrivain dont la verve révolutionnaire avait
failli incendier l'Allemagne. Dans le monde in-
tellectuel , les fautes s'expient aussi bien que
dans le monde moral. Il se sentait lui-même
dans un état de pénible transition, et il sem-
bla renoncer, pendant une série d'années, à
l'emploi de ses puissantes facultés poétiques,
pour se plonger dans l'étude de ia philosophie
de Kant, et pour chercher dans l'histoire le se-
cret des grands caractères tragiques. Un événe-
ment heureux vint interrompre l'existence re-
tirée et monotone du poëte. Passant par Ru-
dolstadt, il fut présenté à Mme de Lengenfeld
et à ses deux filles; la plus jeune, Charlotte, réu-
nissait toutes les qualités qui pouvaient donner
le bonheur à un époux tel que Schiller : elle
était simple, pieuse, aimante ; à la faculté de
comprendre un homme de génie elle unissait
une puissance de dévouement qui dut être inap-
préciable pour Schiller durant ses fréquentes
maladies, et qui a sans contredit prolongé de
(1, Il est mort à Vienne, en 1833, fabricant de pianos.
SCHILLER 520
dix ans cette existence à la fois frêle et pré-
cieuse. Le mariage fut conclu le 20 février
1790, quelques mois après que le duc de Wei-
mar eut nommé Schiller professeur à Iéna, dans
la chaire d'histoire que venait de quitter Eichhorn.
Les leçons du nouveau professeur eurent ue
succès dû plutôt à son éloquence et à son ima-
gination brillante qu'à son érudition, quoiqu'il
fût un travailleur infatigable. Les ressources du
jeune ménage étaient fort médiocres , et Schillei
mettait une grande activité à les augmenter,
Outre ses cours d'histoire, il fit, en 1790, m !
cours privé d'esthétique sur la tragédie, et achev;
la première partie de VBistoire de la guerrt
de trente ans (1). Ces travaux contribuèrent;
miner sa santé. Au mois de janvier 1791 il (u
saisi à Erfurt d'un violent accès de fièvre. Le len
demain de son retour à Iéna, le mal éclata, e S
une maladie de poitrine le mit à deux doigts di j,
tombeau ; on répandit même la nouvelle , heu I
reusement fausse, de sa mort. Du fond du Da
nemark, le duc de Holstein-Angustenbourg et [ I
comte de Schimmelmann écrivirent au poëte e i"
lui offrirent une pension pour lui donner 1 1
temps de réparer ses forces délabrées. Schille
refusa. Une récompense,- qu'il était loin d'at |
tendre et qu'il ne connut que bien plus tard, h;
arriva de l'autre côté du Rhin; la Conventio
adopta, le 26 août 1792, un décret qui donnai
le titre de citoyen français à dix-sept étrangers
parmi lesquels se trouvait Schiller (2).
Au printemps de 1793, Schiller, qui avai
déjà renoncé à l'enseignement public, fut encor
contraint par sa mauvaise santé de cesser
cours qu'il faisait chez lui. Il partit pour so
pays natal, qu'il n'avait pas vu depuis onze ans
Le duc de Wurtemberg, auquel il avait écr
une lettre respectueuse, ne lui avait pas rt
pondu ; mais il avait dit : « S'il entre en Wu
temberg, je l'ignorerai. » Schiller passa neuf moi
dans sa famille avec sa femme, qui, le 14 ser
tembre 1793, accoucha d'un fils* (3). A son r<
tour à Iéna, il se lia avec Guillaume de Huit
boldt, et bientôt avec Gœthe, qui exercèrent toi
deux sur son développement poétique une sali
taire influence. II avait eu en 1788, à Rudolstad
sa première entrevue avec Goethe, qui l'ava
présenté à la duchesse Amélie, douairière c
Weimar; mais il ne s'était pas senti d'abord a
tiré vers le grand écrivain, qui jugeait le monc
(1) Cette histoire parut d'abord dans l' Ahnanaçh â
Dames (1790-1793). En 17S8 il avait publié l'Histoire t
soulèvement des Pays-Rus imis (Leipzig |.
(2) « Le procès-verbal delà séance métamorphosa Seli
1er en Giller; le Moniteur allongea Giller en Gillcers;
Bulletin des lois imprima tout bonnement Gille, etc'ej
à M. Gille, publiciste allemand, en Allemagne, que le m
nistre Roland adressa, le 10 octobre 1792, te diplôrao i
citoyen français. Cet imprimé n'arriva qu'au bout de ciil
ans à sa destination. On le conserve à la Bibliothèqq
publique de Weimar. » ( A. Régnier.)
(3) Cfiarles-Frëdéric-r.ouis Schiller, qui a élé co i
servateur des forêts et est mort à Stuttgard, le 21 ju
1857. Son 01s, Frédcric-Louis-Ernest, né en 1826, este |
licier dans l'armée autrichienne.
521
SCHILLER
522
autrement que lui. Chargé par le libraire Cotla
de diriger le journal mensuel intitulé les Heures,
il demanda, le 13 juin 1794, le concours de
Goethe; celui-ci lui répondit, le 24 juin, qu'il fe-
rai! de tout cœur partie de la société, et dans
une visite à léna, qui suivit de près cette lettre,
il vit Schiller et s'entretint avec lui sur divers
sujets. Bientôt de ces relations naquit entre eux
une douce et confiante amitié. C'est ici que finit
dans la vie de Schiller l'époque de transition
dans laquelle il était entré lors de la composi-
tion de Don Carlos. La philosophie, qui pen-
dant dix années avait subjugué son imagination
créatrice, cède maintenant le pas à celte noble
faculté, désormais réglée et mise au service des
grandes idées de liberté légale, des droits im-
prescriptibles de l'homme, de la civilisation du
génie humain par l'art. Le poëte confie aux
Heures et à YAlmanach des Muses ses belles
inspirations lyriques, ses ballades, ses traduc-
tions libres de Virgile et d'Euripide, ses beaux
traités sur les questions d'esthétique ou de phi-
losophie , traités qui ont , à vrai dire, popularisé
en Allemagne les théories de Kant sur le beau. Il
suffira de citer le traité Sur la grâce et la
dignité (1793); les Lettres sur l'éducation es-
thétique de V homme (1795); le traité Stir la
poésie naïve et sentimentale ; celui Sur le su-
blime; c'est aussi dans YAlmanach des Muses
que parurent, en 1796, les Xénies, mordantes
épigrammes qu'il composa avec Gcethe, « re-
nards enflammés, dit-il, dans le camp des phi-
listins ». Ce fut dans toute l'Allemagne un scan-
dale et un tumulte sans pareil. Les deux poètes
laissèrent gronder l'orage, résolus à ne pas lan-
cer de nouveaux traits. En même temps, Schil-
ler composait sa vaste trilogie de Wallenstein ,
résumé poélique de ses longues études sur la
guerre de Trente ans ( les trois pièoes ne furent
pas représentées simultanément, mais dans le
courant d'une année, 1799 à 1800). Enfin, de 1800
à 1805, ce fut le tour de Marie Stuart (1800),
de la Pucelle d'Orléans (1801), de.la Fiancée
de Messine (1803), de Guillaume Tell (1804),
de la traduction de Phèdre (1805), et d'une sé-
rie d'ébauches dramatiques, qui toutes promet-
taient des chefs-d'œuvre , lorsqu'une mort pré-
coce vint arrêter les battements de ce noble
cœur.
C'est à la fois un triste et beau tableau que
celui des dernières années de Schiller, à voir
cette haute intelligence emprisonnée dans un
corps rebelle et faisant des efforts surhumains
pour imposer à de frêles organes le pesant far-
deau du travail nocturne, les ébranlements de
l'inspiration, les soucis rongeurs de l'amour pa-
ternel. II faudrait, pour donner un récit fidèle de
cette lente agonie, grouper autour de Schiller
tous les noms célèbres de Weimar, où il était
établi depuis le 4 décembre 1799; montrer l'af-
fection tendre de Gcethe pour cet ami plus jeune,
mais marqué du sceau fatal de la destruction;
peindre la touchante amitié de sa belle-sœur,
Mme de Wolzogen (1), femme dévouée, qui re-
cueillit le dernier soupir du poêle , et raconta
avec une inimitable simplicité ses derniers mo-
ments.
Le 29 avril 1805, Schiller, qui avait été déjà
alité à plusieurs reprises par la maladie, alla pour
la dernière fois au théâtre. A la fin delà repré-
sentation, il rentra chez lui agité d'une fièvre ar-
dente. Le surlendemain, il fut obligé de rester
couché. Le 6 mai , il commença à parler avec
moins de suite; le 9, vers dix heures du matin, il
perdit connaissance et délira ; vers trois heures
du soir, sa respiration commença à s'embar-
rasser; à six heures il rendit le dernier soupir.
Après l'autopsie, on vit que s'il eût guéri de
cette fièvre, il n'aurait pu vivre que quelques
mois. Il ne respirait plus qu'avec le poumon
droit, qui lui-même était en partie adhérent.
Schiller était âgé de quarante-cinq ans cinq
mois et vingt-neuf jours. Lorsque le bruit de sa
mort se fut répandu dans la ville de Weimar,
ce fut un deuil public ; le théâtre ferma ses portes;
on n'apercevait dans les rues que des physiono-
mies attristées ; et lorsque Gcethe, malade lui-
même, eut deviné au silence de ses amis la fa-
tale nouvelle, les sanglots de cet homme, qui
ordinairement maîtrisait toutes ses impressions
et toutes ses douleurs, éclatèrent avec force (2).
Schiller est à la fois poëte, historien, philosophe
et critique. Nous avons déjà signalé une partie
de ses travaux ; mais quoique Y Histoire de la
guerre de Trente ans et celle du Soulèvement
des Pays-Bas conservent une haute valeur dans
le monde littéraire, quoique les nombreuses com-
positions philosophiques, esthétiques, critiques
de Schiller montrent avec quelle facilité ce
brillant génie savait se plier aux exigences de la
spéculation, à laquelle il prêtait le secours de son
imagination riante et de son langage coloré,
nous ne saurions, dans une esquisse rapide, nous
arrêter au développement de cette portion de
son activité intellectuelle. Il faut avant tout en-
visager le poëte lyrique et le poëte dramatique:
car c'est par les deux volumes de poésies, im-
proprement appelées fugitives, et par ses tra-
gédies, qui sont dans toutes les mémoires , qu*
Schiller a agi sur ses contemporains et qu'
agira sur la postérité. Depuis Kant et son poé-
tique disciple de Weimar, la philosophie alle-
mande a déjà traversé quatre ou cinq révolu-
tions nouvelles. L'étude plus approfondie, des
sources a éclairci, mieux que ne pouvait le faire.
Schiller, plusieurs points des guerres religieuses
d'Allemagne; mais ses œuvres poétiques brillent
(1) C'était la sœur aînée de Charlotte; elle avait épousé
le fils de la protectrice de Schiller.
(2) Le s mai 18S9 fut inaugurée à Stuttgard la statue en
bronze de Schiller, due à Thorwaldsen. En novembre
1859 le centième anniversaire de la naissance de Schiller
a été célébré dans toutes les villes importantes d'Allema-
gne, par les fêtes d'un jubilé où les princes et les peuples
ont montre de véritables transports d'enthousiis.ue.
623 SCHILLER
aujourd'hui, à quarante ans de distance, du
même éclat que le jonr où un public enthou-
siaste applaudissait à leur première apparition.
C'est un poète idéaliste; il transforme tout ce
qu'il touche de sa baguette magique; il enno-
blit les passions, même celles qui tiennent
du crime ou qui y conduisent; il purifie l'amour
et lui rend son innocence première; il jette
jusque sur la laideur morale un vernis qui,
sans l'excuser, la rend supportable à la vue.
Le secret de ces métamorphoses , il le trouve
dans son propre cœur. Schiller a été anobli par
l'empereur d'Allemagne (7 sept. 1802), et cer-
tes jamais titres de noblesse n'ont été mieux
mérités; car Schiller est le noble créateur de
pensées pures et consolatrices. Il a découvert,
comme Raphaël , le secret du beau dans l'art.
La tendance idéaliste de Schiller n'expliquerait
cependant pas à elle seule eet assentiment uni-
versel que son œuvre a rencontré dans tous les
pays du monde civilisé; car, à l'exception de
Walter Scott et de lord Byron, il n'existe, que
nous sachions, pas un seul auteur moderne qui
ait trouvé autant de traducteurs et d'imitateurs.
Nous croyons voir le motif de cette prédilec-
tion instinctive dans le cosmopolitisme ou le ca-
ractère humanitaire de l'auteur de Don Car-
los. Schiller a fait avant tout vibrer toutes les
fibres de la nature allemande; mais par son atta-
chement exalté aux droits du genre humain il
sympathise avec toutes les nations. Si nous ne
devions craindre d'éveiller de pénibles souvenirs
et de donner lieu à de fausses interprétations,
nous dirions qu'il est le prêtre de la raison et de
la vérité; poète philosophe dans la plus pure
acception du mot, il parle un langage qui a dû
être compris par tous les cœurs généreux, sans
acception de nationalité. Ce langage, on peut
souvent y reprocher un peu de déclamation
oiseuse; mais par combien de beautés Schiller ne
rachète-t-il pas ces hors-d'œuvre lyriques épars
dans ses tragédies !
Examinez une à une ses tragédies : vous
trouverez dans chacune d'elles une idée géné-
rale, qui doit intéresser l'habitant des rives de
la Seine au môme titre que l'habitant des bords
de l'Elbe. Dans les Brigands, c'est la haine de
l'arbitraire; dans Fiesque, la lutte du républi-
canisme et de l'usurpation monarchique; dans
Intrigue et Amour, la haine de la bourgeoisie
contre l'aristocratie d'une petite cour, la lutte de
l'amour avec les combinaisons machiavéliques.
Dans Don Carlos, c'est, par un heureux ana-
chronisme, le dix-huitièmé siècle avec ses idées
de réforme en présence du despotisme royal et
des traditions tyranniques du vieux monde, c'est
l'illuminisme ou la franc-maçonnerie en face de
l'inquisition, la philosophie en face de l'Église;
dans Wallensteïn, c'est la haute ambition d'une
individualité puissante, qui veut exploiter à son
protit exclusif et égoïste les embarras d'une
guerre civile, allumée pour de graves intérêts
524
politiques et religieux ; Wallenstein, c'est Bona-
parte en miniature. Dans Marie Stuart, vous
vous trouverez encore une fois en présence de
deux cultes hostiles, symbolisés par deux reines
rivales. Dans Jeanne d'Arc, dans Guillaume
Tell et dans le beau fragment du Faux D6-
métrius, c'est l'amour du sol natal qui se dresse
contre l'invasion étrangère- La moins acceptée
des pièces de Schiller, la Fiancée de Messine
(avee des chœurs d'une facture admirable), est
précisément celle qui ne met point en relief une
de ces idées eosmopolifes qui depuis la révolu-
tion de 1789 sont en quelque sorte dans l'air
que nous respirons. Enfin, dans tous ces drames
apparaissent des caractères d'une angélique
pureté, tels que la comtesse de Fiesque, Fer-
dinand et Louise, Max et Thecla, Elisabeth
de France, la vierge de Domremy, la prisonnière
de Fotheringhay, Béatrice de Sicile, Marfa; enfin
ce noble et brave Guillaume Tell, à la main si
pure, que le meurtre même ne parvient pas à la
souiller, à l'intelligence si droite, à la conscience
si haute, que la torture morale la plus violente
que puisse subir un père ne parvient pas à la
courber.
Nous ne donnerions qu'une idée imparfaite de
l'influence exercée par Schiller, si nous ne je-
tions un coup d'œil sur l'ensemble de ses poésies
romantiques et lyriques (1). Les premières , ses
ballades et romances, ont été presque toutes
composées à lénaet à Weimar, c'est-à-dire dans
la dernière partie de sa trop courte carrière;
aussi portent-elles toutes, dans la facture ei dans
l'idée mère, le cachet de la perfection. Comme
dans les drames, la tendance idéale du poète pré-
domine dans ces compositions plus restreintes.
Dans la ballade du Chevalier de Toggenbourg,
c'est l'amour désintéressé, l'abnégation chrétienne
qui est mise en relief; dans Fridolin , c'est la
naïve piété, l'innocence d'un cœur pur; dans le
Chevalier de Rhodes ^ l'obéissance passive
à la règle; dans Héro et Léandre, la fidélité
jusqu'à la mort. Le Plongeur symbolise la lutte i
de l'amour héroïque avec les monstres de l'a- j
bîme; la Caution rajeunit le lieu commun de
l'amitié; Polycrate prêche l'humilité dans la
grandeur et la fortune. Dans un seul de ces ta-
bleaux de genre, Schiller déroge à ses habitudes
sérieuses, et se donne le passe-temps de l'ironie ;
(le Chevalier Delorges, ou le Gant).
Parmi ses poésies lyriques, nous rejetons
celles qui émanent de la première période ; ce .
sont, pour la plupart , des morceaux emphati-j
ques. 11 faut excepter toutefois de cette condam- j
nation un tableau plein de mouvement, la Ba- j
taille, et le chant sauvage des Brigands, cette
marseillaise de la populace allemande et des
étudiants tapageurs. La passion qui avait inspiré
(1) L'espace nous manque pour parler en détail de
Schiller romancier. Son risioiinaire (17S6-89) n'est d'ail-
leurs qu'un beau fragment ; l'aubergiste au soleil est
une curieuse étude psychologique.
15
SCHILLER — SCHIMMELPhÎMMiNCK
i>2G
Vers à Laure n'était ni pure ni sincère;
ism les chants erotiques de cette première
riode ont-ils dû s'en ressentir. A l'époque de
însilion appartiennent : 1° l'ode sublime A la
te (1786), qui a valu peut-être autant départo-
ns à Schiller que sa plus belle tragédie ; 2° Re-
lation (1780), cette élégie du désespoir, où
poète flotte indécis entre la foi et le néant ;
Les Dieux de la Grèce (1788), protestation
étique, mais impie, contre le monothéisme
lionalistc. Il faut bien dire toute la vérité :
liiller pendant une dizaine d'années (1780-
90) a été, comme tous les hommes à forte
agination, en proie à des doutes cruels. L'é-
le de la philosophie ne l'avait jeté que plus
antdans cette voie fatale. Plus tard, le bonheur
utestique, les souvenirs vivaces de l'enfance et
I. épreuves de la vie le ramenèrent, sinon aux
nances dogmatiques de ses premières années,
moins à la foi inébranlable dans un avenir au
[là des tombeaux.
{Beaucoup de poésies de la dernière époque de
liiller ont un caractère philosophique et di-
! clique. Le poète, fort de la régénération qui
•st opérée en lui, sait condenser en quelques
irs sublimes, en quelques images frappantes
vérité , les convictions qu'il a conquises,
pis sont les Paroles de foi, les Paroles
fi l'illusion, les Artistes (1789) la Cloche
300) , cette revue poétique des principales
mses de la vie humaine; l'incomparable pièce
titulée : V Idéal et la vie, ou le Royaume
\'s ombres (1795), parallélisme ingénieux et
fofond entre l'existence terrestre et cette vie
int désirée, « où résident les formes pures, où
mragan de la douleur necourbeplus les âmes».
'autres pièces de ce recueil sont du domaine
pgiaque. Nous ne citerons, dans cette catégo-
[e, que la belle épître A un ami à l'entrée
u nouveau siècle, où le poète retrace en
uelques vers l'état de l'Europe en 1800,
pis les Illusions, élégie ou ode pleine de
[ei've, de candeur et de tristes vérités. Bon
■ombre de ces vers de la troisième période ont
f; caractère épigrammatique ou gnomique; ce
\M les produits des conférences de Schil-
pr avec le créateur de Méphistophélès et de
jaust Dans beaucoup de pièces, l'auteur ra-
fiunit les sujets usés de la mythologie et de 1 âge
éroïque des Grecs (Cassandre,la Plainte de
l'érès, les Grecs après la prise de Troie, etc.).
i nous ajoutons que d'autres vers chantent l'a-
lour, mais un amour qui n'a plus rien de com-
mun avec les inspirations dues à une Laure
jmrtembergeoise , nous aurons indiqué les
irineipales rubriques sous lesquelles peuvent se
[épartir les productions lyriques de Schiller.
i Nous ne pouvons entrer ici dans le détail des
Citions particulières des écrits de Schiller ;
;ious renvoyons pour cette bibliographie au
f cailler- Literalur in Deutschland ( Cassel,
|85l, in-8°), au Schillerbibliotek (Leipzig,
1855, in-8°),au Grundriss zur Geschichte der
deulschen Dichtung de Godeke (Dresde, 1862,
in-8"), au Serapeum (t. II et III, 1841-1842).
La meilleure édition de ses Q-luvres complètes
est celle de Stuttgard, 1802, 12 vol. in-8°. Nous
citerons parmi le* éditions précédentes celles
de Tubingue et Stuttgard, 1812-1815, l'2 vol.
in-8°; de Vienne, 1816, 20 vol. iu-12 ; deCarls-
ruhc, 1816-1817, 18 vol. in-18 ; de Leipzig,
1824, 18 vol. in-13; de Stuttgard, 1830, 1834,
1840, un vol. gr. in-8°; de Paris, 1835, 1837,
2 vol. gr. in-8° à 2 col. Les Œuvres complètes
ont été traduites en français par Ad. Régnier;
Paris, 1859-1861, S vol. gr. in-8°. Plusieurs
parties des œuvres de Schiller avaient été tra-
duites auparavant : V Histoire de la guerre de
Trente ans, par d'Arnay (1794, 2 vol. in-80):
par M. Ch. [Chamfeu] (Paris, 1803, 2 vol.
in-8°), par Mailher de Chassât ( Paris, 1820,
2 vol. in-8°); — V Histoire du soulèvement
des Pays-Bas, par J.-J. Cloet (Bruxelles, 1821,
in-8°), par le marquis de Châteaugiron (Paris,
1827, 2 vol. in-S°), par L'Héritier (Paris, 1833);
— les Œuvres dramatiques, par M. de Ba-
rante (Paris, 1821.6 vol. in-8°; 1844 et 1863,
1 vol. in-8°), par M. Mayer ( Paris, 1835, gr.
in-8° à 2 col. ), par M. X. Marmier (Paris,
1841, 1849, 2 vol. in-18 ; 1855, 3 vol. in-18).
On sait que la Marie Stuart de M. Lebrun
( 1820 ) est une imitation de celle de Schiller, et
que Benjamin Constant a imité le drame de
Walstein (Paris, 1809, in-8°) ; — les Poé-
sies, en partie par X. Marmier (Paris, 1840),
et plus complètement par P.-F. Mùller ( Mont-
pellier et Paris, 185S, in-12); — les Mélanges
philosophiques, esthétiques et littéraires, pa;
F. Wege (Paris, 1840, in-8°). L. Spach.
A. Régnier, Vie de Schiller, à la têle de la trad. des
OEuvres complètes. — Barante ( De), Notice à la tète de
la trad. des OEuvres dramatiques. — X Marmier, Vie
de Schiller, dans la Revue des deux mondes (1er oct.
1840). — VJana, Schiller's rtnd Gœthe's Leben, nebst
kritischer fViirdigung ihrer Scfiriften ; 1826, 2 vol.
in-8". — Th. Carlyle, Life of Schiller ; Londres, 1830,
in-8". — Caroline de Wolzogen, Schiller's Leben, ver-
fasst aus Erinnerungen der Famille; Stuttgard, 1830-
1843, 2 vol. in-8°. — Gust. Schwab, Uriunden ûber
Schiller und seine Familie ; Stuttgard, 1840. in-8°. —
Cari Hoffmeister, Schiller's Leben, Geistes entwicke-
limg und ÏVerke im Zusammenhang ; Stuttgard, 1836-
1842, 5 vol. rn-8°. — Ëd.-Lytton Bulwer, Life and tcor&t
of Schiller ; Londres, 1847, in-8°. -- Schiller und Lotte,
1788-1789, par Mme Emilie de Gleichen-Russwnrm. fille de
Schiller; Stuttgard ,1856. in-8°. — Parmi les nombreux
écrits qui on! paru en Allemagne à l'occasion du pre-
mier jubilé séculaire de Schiller, et donl le Scfii/ler-I.i-
teratur in Deutschland contient la liste, nous remar-
querons : Das Schiller- Buch, par Wurzlach de Tannen-
berg (Vienne, 1859, in-4°). et Schiller-Galerie, par
Fr. Pecht et A. de Ramberg (Leipzig, 1859,111-8°).
schimmelpenninck (Roger- Jean, comte);,
homme d'État hollandais, né à Deventer, le 31
octobre 1761, mort à Amsterdam, le 15 février
1825. D'une famille riche efr considérée, il reçut
une excellente éducation, et fit son droit à l'uni-
versité de Leyde. Il y obtint l'attachement et
la confiance de ses camarades, qui en 1784 le
527
SCHIMMELPENNINCK — SCHINNER
choisirent pour leur chef, au moment de prendre
les armes pour réprimer une émeute populaire.
11 se conduisit avec le courage et la prudence
exigés par la circonstance, et reçut de la régence
de Leyde une médaille d'honneur en témoignage
de la reconnaissance publique. Fixé à Amster-
dam, il y jouit bientôt, comme avocat, de "es-
time générale. Lors des troubles politiques de
1735 et 1786, il se prononça pour diverses ré-
formes, tout en s'opposant à l'exagération des
principes qu'il avait adoptés. Le parti du sta-
îhouder triompha, par suite de l'intervention
d'une armée prussienne. Après la révolution de
1 795, et la fuite du stathouder en Angleterre,
Schimmelpenninck, placé par ses concitoyens à
la tête de la municipalité d'Amsterdam, parvint
à maintenir l'ordre, et grâce à ses efforts cette
révolution conserva un grand caractère de mo-
dération. Membre de la première convention
nationale, il y fit également preuve de patriotisme
et de talent. Envoyé à la deuxième convention,
qui fut bientôt dominée par un parti violent, ii
refusa d'y siéger; mais quand,le 12 mai 1798, ce
parti fut renversé, Schimmelpenninck fut chargé
de démontrer au Directoire français la nécessité
de la révolution qui venait de s'accomplir. Sa
mission ayant eu le succès désirable, il fut nommé
ambassadeur à Paris. Il assista comme ministre
plénipotentiaire au congrès où fut conclue la paix
d'Amiens (1802), puis il fut appelé à l'ambassade
de Londres. La guerre ayant éclaté de nouveau
entre la France et l'Angleterre , il fit tous ses
efforts pour que la république batave pût rester
neutre; mais elle fut forcée de prendre part à
une lutte sanglante, qui acheva de ruiner son
commerce et sa marine. Rappelé de Londres ,
il se retira dans ses terres, et s'y occupa de tra-
vaux littéraires et agricoles ; mais il fut bientôt
obligé d'aller représenter son gouvernement à
Paris. A peine était-il dans cette ville, que Na-
poléon, proclamé empereur, lui déclara que la
Hollande devait se choisir un chef unique, ou
être réunie à l'empire français. Le gouverne-
ment batave chargea son ambassadeur de con-
sentir à tout, excepté à la réunion. Un projet
de constitution, arrêté à Paris par Napoléon, et
qui. nommait Schimmelpenninck chef inamovible
de l'État, avec le titre de grand-pensionnaire, fut
ensuite soumis à l'acceptation de la nation hol-
landaise, et il prit en mars 1805 les rênes du
nouveau gouvernement qu'il dirigea avec sa-
gesse; mais l'année suivante Napoléon, vainqueur
de> l'Autriche, érigea la Hollande en royaume, et
mit à la tête Louis Bonaparte, son frère. Loin
d'approuver ces actes, le grand-pensionnaire re-
fusa la place de président à vie de l'assemblée
.législative, et se condamna à une retraite absolue
pendant tout le règne du nouveau monarque,
qui lit de vains elforts pour l'attirer près de lui.
Après la réunion de la Hollande à la France,
Schimmelpenninck, devenu sujet français, fut
nommé comte, et appelé au sénat le 30 décembre
1810. Son fils allait être atteint par la conscri
tion, et dans la crainte que le pouvoir ne
vengeât sur ce fils de sa résistance, il vinl si
ger au sénat ; mais dès que sa patrie eut reco;
vré l'indépendance, il donna sa démission,
14 avril 1814, et se retira dans ses terres. 1
1815 il devint membre de la première chamb
des états généraux. Ses dernières années fure
affligées par une cécité complète. On n'a de 1
qu'une thèse de droit De imperio populari ri
temperato; Leyde, 1784, in-8°. E. Regnar
Moniteur univ. — Rabbe, Biog. univ. et port, des Cq
temp. — La Cour de Hollande sous Louis Bonapar.
sciiiNNER {Matthieu), surnommé le ca
dinal de Sion (1), né vers 1470, à Mùhlibacl
petit village du "Valais, mort à Rome, le 2 octob
1522. Fils d'un pauvre paysan, il fut dans si
enfance obligé , pour pouvoir fréquenter l'écol
de gagner quelque argent en chantant dans l
rues; il étudia les belles-lettres à Zurich, et si
vit à Côme les leçons de Théodore Lucino. 1
retour dans son pays il reçut les ordres, et f
chargé d'une cure de village. Son éloquence pe
suasive, son esprit de charité, son zèle po
l'étude attirèrent sur lui l'attention de l'évêqu
qui l'attira à Sion, et lui donna un canonica
ii était administrateur du diocèse lorsqu'on 15i
il ceignit la mitre épiscopale, ce qui le renc
en même temps suzerain de tout, le Valais. Bie
tôt il fut appelé à jouer dans les affaires del'E
rope unrôle considérable. Tout dévoué aux int
rets de la cour de Rome, il se rendit en 15*
auprès de Jules 11 , qui n'eut pas de peii j
à lui faire partager sa haine contre la Franct i
contribua à entraîner les cantons suiss
dans une ligue avec le pape, et conduisit li
même un corps de huit mille confédérés dai
le Milanais pour attaquer le duc de Ferrai i
en apparence, et en réalité les Français, avn
lesquels Jules II était sur le point de rompr j
L'expédition ayant échoué, les mécontents s'i
nirent au parti français, et chassèrent l'évêqu
qui chercha un asile à Rome. Ce fut ta qu
reçut le chapeau de cardinal (20 mars 15-1 f).
revint alors en Suisse, et, profitant ad roiteme:i
de l'irritation des habitants du canton <
Schwytz contre les Français, qui avaient insul
leur drapeau, il recruta dix mille soldats, qu
amena dans le Milanais. L'habileté de Gaston i
Foix lui fit essuyer un nouvel échec. Néanmoiii
il négocia en 1512 à Venise au nom du pape ui j
troisième alliance avec les Suisses. Vingt mil
hommes passèrent les Alpes; il les harangua |
Vérone (2) et après leur jonction avec les Vén j
(1) Les Français lui avaient par dérision donné le si
briquet de Soldat tondit.
(2) « Les historiens disent oue Jamais depuis saint Be |
nard, dit M. Audin , parole sacerdotale n'avait été ei
(rainante comme celle de l'évèque de Sion. Les solda
l'aimaient et l'admiraient ; il savait les fasciner de
voix, de la parole et du regard. On le trouve aux avait
postes, au centre, à ['arrière-garde, partout où il y
l'âme d'un soldat mourant à recommander à tëicu, i
fuyard à ramener, un rocher à rouler sur l'ennemi.
529
SCFIINNER. — SCHLEGEL
530
iens, i! les conduisit contre les Français, qui
urent en quelques semaines obligés d'évacuer
eurs possessions d'Italie. Après avoir contribué
i faire donner le duché à Maximilien Sforza, il
l'établit à Milan comme légat et lieutenant gé-
léral du pape. De manières rudes , d'un carac-
ère dur, il fit souvent sentir sans ménagement
mx ministres du jeune duc que, représentant et
e pape et les Suisses, il était le véritable maître
lu Milanais. En 1515, à l'approche de Fsan-
I ois Ier, il s'efforça de l'arrêter *dans les mon-
tagnes; mais il arriva trop tard, et faillit tom-
| ier entre ses mains. Il revint alors à Monza, où
j ampaient vingt mille de ses compatriotes , et
res emmena à Milan. Une partie d'entre eux vê-
laient de s'entendre avec Lautrec; beaucoup
l 'autres élevaient des réclamations au sujet de la
jolde arriérée, et leur chef même, nommé Roust,
1 tait d'avis d'accepter les propositions de paix que
: J prince français avait renouvelées. Dans cette
pnjoncture critique, Schinner, au lieu de se dé-
jourager, résolut de brusquer l'attaque, pour
f ngager par le sentiment de l'honneur tous les
Confédérés à combattre ensemble. Après une
fcrtie, il fit annoncer (la nouvelle était fausse)
[ue l'ennemi s'avançait en ordre de bataille. Ce
j u'il avait prévu arriva : les milices, qui lui
ftaient dévouées, marchèrent les premières, le
reste suivit, par esprit de corps et par patrio-
tisme. A .cheval , revêtu de la pourpre et pré-
cédé de la croix, il les conduisit dans la plaine
fe Marignan , où ils aperçurent les Français re«
ranchés dans leur camp. De nouveaux reproches
[datèrent contre lui : il y mit un terme en don-
nant, bien que le soir approchât, le signal de
(•attaque. Dans le combat qui s'engagea alors, il
lit sans cesse aux premiers rangs, et tomba entre
bs mains des lansquenets; mais il sut leur
chapper. Lorsque les Suisses commencèrent le
pdemain à battre en retraite (14 sept. 1515),
| prouva par sa bravoure et son sang-froid qu'il
furait été digne, s'il n'avait été prêtre , de com-
mander de pareils soldats (1). Sans perdre de
emps, il courut à Inspruck auprès de l'empereur
kour hâter l'envoi des troupes qu'il avait pro-
iiis ; n'ayant rien pu en obtenir, il mit tout en
teuvre pour empêcher les Suisses de conclure le
raité de paix perpétuelle avec la France, qui fut
éanmoins signé en février 1516 par la majorité
es cantons. 11 s'était auparavant rendu en
Angleterre pour décider Henri VIII à se joindre
ux ennemis de la France; le discours véhé-
louchaitsur la neige, comme le dernier goujat; il esca-
lidalt les pics de glace comme un chasseur de chamois et
livait au camp comme un ascète, jeûnant plusieurs fois
,i semaine, ne buvant que de l'eau. »
i (1) Sur un des bas-reliefs du tombeau de François Ie*1,
| Primatice a figuré le cardinal de Sion s'élançant
bntre les Français à la tête des siens; d'après des por-
tait? authentiques qui nous restent de Schinner, nous
oyons qu'il était maigre, d'une haute stature, qu'il
Uait le front haut , le nez proéminent, le menton sil-
i>onéde rides; il avait l'habitude de garder l'œilgauehc
| moitié fermé.
ment qu'il adressa à ce sujet au roi a été publié
(Londres, 1707, in-8°)par Toland, qui l'a aussi
recueilli dans son Gallus arclalogus. Avec l'ar-
gent qu'il avait rapporté d'Angleterre (150,000 flo-
rins du Rhin), il leva dans le Valais un corps de
6,000 hommes, à la tête duquel il rejoignit au
printemps de 1516 l'armée impériale en Lom-
bardie. Mais au lieu de marcher droit sur Milan,
d'après le conseil du cardinal, Maximilien perdit
un temps précieux en sièges inutiles, ce qui fit
avorter la campagne. Ce revers porta un coup
sensible au crédit de Schinner auprès de ses
compatriotes; malgré ses efforts, le traité de paix
perpétuelle avec la France fut accepté par
les cantons qui l'avaient jusque alors repoussé
(novembre 1516). Dans l'intervalle Georges de
Flûh, le chef du parti hostile au cardinal, et qui
avait presque toujours vécu dans l'exil, s'étant
emparé du pouvoir dans le Valais, exila Schin-
ner à son tour, et brûla en 1516 son château de
Martigni. Schinner réclama auprès de la diète,
qui cita Georges devant son tribunal ; mais il se
forma dans le Valais un tiers parti , qui devenu
le plus fort fit bannir Georges ainsi que Schinner;
celui-ci se retira alors à Rome, et ne prit plus
qu'une part secondaire aux affaires politiques.
Si les éloges pompeux qu'Érasme, son protégé,
lui a décernés sont évidemment exagérés, le
cardinal de Sion n'en fut pas moins un des per-
sonnages les plus remarquables de son époque.
François Ier savait l'apprécier à sa juste valeur
lorsqu' il disait : « Rude homme que ce Schinner,
dont la parole m'a fait plus de mal que toutes
les lances de ses montagnards. » E.- G.
P. Giovio, Elogia. — Anshelm, Bullinger, Schodeler,
Stumpf, Chroniques. — Guicciardlni. — B. Arluni, Bel-
lum veneUun. — Bayard, Fleuranges, du Bellay, Mé-
moires. — Glutz-Blozheim, Geschichte der Eidgenossen-
schaft. — Ranke., Geschichte der romanise/ien and ger-
mariischen Fœlkerschaften von 1494 bis 158S.
schlegel (Jean-Élie), poète allemand, né
Ie28 janvier 1718, àMeissen(Saxe), mort le 13 août
1749, à Soroë. Son bisaïeul, Christophe, avait été
prédicateur à Leutschau en Hongrie ; son grand-
père remplit les fonctions de surintendant ecclé-
siastique. Élevé avec soin par son père, qui était
conseiller à la cour d'appel de Meissen, il acheva
son éducation classique à l'école de Pforte, où il
composa, en 1737, deux tragédies envers, imitées
d'Euripide, Hécube et lphigénie en Tauride;
elles furent jouées par ses camarades, et on pro-
duisit même la seconde en 1739 au théâtre de
Leipzig. Le jeune poète venait alors d'arriver
dans cette ville ; il. y étudia l'histoire et la jurispru-
dence , tout en continuant à s'essayer dans di-
vers genres de littérature. Il publia divers mor-
ceaux remarquables de critique et de morale
dans Critische Beitrxge, dans Belustigungen
des Verstandes und Witzes, et autres recueils
dirigés par Gottsched; loin d'être un partisan
aveugle de l'école de ce dernier, il la délaissa
dans la suite, pour se rapprocher de Hagedorn et
de Gsertner. En 1743 il suivit à Copenhague
531 SCHLEGEL
l'ambassadeur Spener, qui avait épousé une de
ses tantes; plusieurs de ses comédies, où il pei-
gnit avec finesse la société danoise, furent tra-
duites en danois et jouées sur le théâtre de la
cour. Nommé en 1748 professeur d'histoire à
l'académie de Soroë, il mourut l'année suivante,
par excès de travail. Schlegel est sans contredit
le meilleur auteur dramatique que l'Allemagne
ait produit pendant la première moitié du dix-
huitième siècle. Ses tragédies , dont les princi-
pales sont Canut, Hermann et les Troijennes,
se distinguent par une versification élégante,
des situations attachantes, des caractères bien
tracés ; mais elles manquent d'animation et sont
inférieures à ses comédies, surtout à celle intitu-
lée la Beauté muette y que Lessing déclarait
être la meilleure pièce qui eût été écrite en Alle-
magne. Les poésies détachées de Schlegel ne
manquent ni de naïveté ni de grâce. On a de
lui : Der Freinde (l'Étranger); Copenhague,
i746, in-8°; recueil hebdomadaire, contenant des
remarques, la plupart très-justes, sur le Dane-
mark, ses habitants et ses écrivains;— Thealra-
lische Werlte (Œuvres dramatiques); ibid., 1747,
m-8° ;— Conjectura pro concinanda veterum
Danorum historia cum Germanorum rébus
gestis; ibid., 1749, in-4°. Ses Œuvres com-
plètes ont été recueillies par son frère Henri;
Copenhague et Leipzig, 1761-78, 5 vol. in-8°.
Hirsching, Handbuck. — Jœrdens, Lexïkon.— Schniidt,
Nekrolog. - Cramer, Gellerts LeOen, p. 39 et suiv. -
Literarische Briefe, pars XXI, p. 107-138. - Goethe,
Œuvres, t. XXIV et XXV.- Gervinus, Geschichte der
deutsclien National-literatur .
schlegel (Jean- Adolphe), prédicateur et
poëte allemand, frère du précédent, né le 18 sep-
tembre 1721, à Meissen , mort le 16 septembre
1793, à Hanovre. De l'école de Pforte, il passa
en 1741 dans l'université de Leipzig, où son frère
aîné l'introduisit auprès de Gellert, Rabener,
Gsertner, Cramer et autres écrivains de talent.
Admis dans la petite académie qu'ils fondèrent
en 1744, il rédigea de concert avec eux deux re-
cueils, Bremische Beitreege, et Vermischte
Schriften (1744 à 1757), qui contribuèrent à
épurer en Allemagne le goût littéraire. Nommé
en 1751 professeur à l'école de Pforte, il fut en
1754 appelé à Zerbstpour enseigner la théologie.
Il s'y fit une réputation méritée par ses sermons,
d'une éloquence élevée, bien qu'un peu décla-
matoire, mais auxquels son excellent débit don-
nait un grand effet. Eh 1759 il devint pasteur
à Hanovre, où il fut promu vers 1780 à l'office
de surintendant ecclésiastique. Ses poésies sont
tombées dans l'oubli, à l'exception de ses
cantiques , dont plusieurs sont encore chantés
dans les églises protestantes de l'Allemagne. On
a de lui : Sammhmg einiger Prediglen (Re-
cueil de sermons); Leipzig, 1754-64, 3 vol.
in-8°, suivis d'un nouveau recueil; ibid., 1778-
86,4 vol. in-8°; — Sammlung geistlicher
Gesœnge (Recueil de chants sacrés); ibid.,
1766-72, 3 part.in-8°; — Fabeln undErzœh-
582
lungen (Fables et contes); ibid., 1769, in-8"
— Predigten ùber die Leidensgescluchtt
Jesu - Christi ; Leipzig, 1773-1774, 3 vol
in-8o; — Vermischte Gedichte (Poésies mêJ
lées); Hanovre, 1787-89, 2 vol. in-8°; — De; j
Unzufriedene (Le Mécontent); ibid., 1789
in-8° , poëme didactique. On doit encore .
Schlegel une traduction allemande annotée de 1
Réduction des beaux-arts à un seul prin
cipe de Le Batteux (Leipzig, 1770, in-8°). 1,
laissa deux fils,- Guillaume et Frédéric (tfoj
ci-après), qui ont acquis une grande célébrité
Schlichtegroll, Nekrolog. — Hirsching, Handbuch.
schlegel ( Jean-Henri ) , historien aile ;
mandj frère des précédents, né à Meissen, I
24 novembre 1724, mort le 18 octobre 1780,
Copenhague. Après avoir étudié le droit et l'hi; I
toire à Leipzig, il fut précepteur chez le coml I
de Rantzau, et devint successivement secrtj
taire de la chancellerie, professeur d'histoire I
bibliothécaire du roi et conseiller de justic j
à Copenhague. On a de Ini : Geschichte de I
Kœnige von Dœnemark aus dern Oldei I
burgschen Stamme ( Histoire des rois de Dam I
mark de la maison d'Oldembourg) ; Copenhagu I
1769-77, 2 vol. in foi»; le t. Ier fut traduit < I
français, Amsterdam, 1776, in-4°; — Samn
lungen zur dsenischen Geschichte, Muni
Jtenntniss und Sprache (Mélanges concerna
l'histoire, la numismatique et la langue du D;
nemark); ibid., 1771-76,2 vol. in-8°; — 0
servationes in Cornelium Nepoteni; ibic
1778, in-4°; — De statu rei litterarise i
Daniasub Christiano V et Frederico IV, da;
les Acta univers. Havniensis , année 1778.'
atraduit en allemand la Vie de Chrétien IV p
Slange (Copenhague, 1757-71, 3 part. in-4°
ainsi que des tragédies anglaises , et il a pub
les Œuvres de Jean-Élie , son frère aîné.
Nyerup, Liiteratur-Lexikon. — Men.sel, Lexikon.
Tnarup. Genealogig og biographig Arch'm, t. I.
schlegel ( Auguste- Guillaume «e), c
lèbre critique allemand, fils de Jean-Adolph'
né à Hanovre, le 5 septembre 1 767, mort à Bon
le 12 mai 1845. Il acheva sa première éd<
cation dans la maison paternelle et dans J
écoles de sa ville natale; il montra de bo$i
heure les qualités qui devaient le distinguer
jour, et surtout une aptitude remarquable po.
l'étude des langues. Il se familiarisa avec la lang
i'rançaise, et s'appropria la clarté, la concisic
la pureté de nos écrivains. Au sortir du collée
il fut envoyé à Gœttingue pour apprendre latlif
Iogie. Heyne y renouvelait alors avec fem
l'étude de l'antiquité : ses leçons, où le gc
se joignait à l'érudition, tournèrent promptemn
le jeune Guillaume vers l'amour des lettres
le culte des anciens. Son premier travail tutu
dissertation latine sur la géométrie d'Bomèu
couronnée en 1787 par la Société de philolog
Presqu'en même temps il prépara pour l'édili
de Virgile que publiait son maître un index, <
H
SCHLEGEL
534
^•e un tableau complet de la poésie latine au
| ips d'Auguste. Doué d'une vive imagination, il
«pouvait manquer de prendre part au grand
Inventent littéraire qui se faisait alors en Alle-
l^ne. La réaction contre la gallomanie avait
limencé vers le milieu du dix-huitième siècle :
1 sing , repoussant les invasions étrangères ,
lit frayé la voie aux écrivains originaux. A
t Itingue même s'était formée une école poétique,
■ sein de laquelle brillaient les deux Stolberg,
■ert Leisewitz, Voss, Bùrger. Sclilegel, don-
■ t essor au côté poétique de sa nature, fit
Irer dans YAlmanach des Muses et dans
l.yce'e des beaux- arts ses premiers essais.
■•attirèrent l'attention de Bûrger, qui encou-
I ;a le jeune poète à naturaliser en Allemagne
Sonnet italien. Au sortir de l'université (1793),
Hegel accepta, pour vivre, la tâche de diriger
location des fils d'un banquier d'Amsterdam :
licut trois ans en Hollande, consacrant ses loi-
1 à des recherches sur Dante et à la composi-
i de quelques poésies. L'invasion française le
la de retourner en Allemagne (1797); il alla
pkblir à léna. Ici commence pour lui une pé-
; de fécondité, de polémique et de célébrité,
est près de Weimar. Wieland , Novalis,
er, son frère Frédéric y vivaient sous la pré-
ce de Gœthe, et y recevaient les visites de
. et de G. de Humboldt. L'éclat de la cour
llétait sur l'université voisine, où enseignait
Guillaume Schlegel, d'abord enrôié par
ailleurs, il consacrait ses loisirs à des traductions
poétiques et à des poésies originales. L'année
môme de son arrivée à léna (1797), il publia plu-
sieurs fragments de (a Divine Comédie /deux ans
après il commença sa traduction de Shakespeare,
continuée en 1810 (Berlin, 1799 1810, 11 vol«
in-8°). Il regardait en effet celui-ci comme le poète
quiavait réalisé les plus grands effets dramatiques,
et le proposait à sa nation comme une source
d'inspiration. Cette œuvre, où il vainquit d'in-
nombrables difficultés avec un art infini , fut
achevée parTieck, seulement en 1825. Un grand
nombre de poésies détachées datent de la même
époque ; quelques-unes sont des souvenirs de l'an-
tiquité, la plupart respirent des sentiments ca-
tholiques; recueillies pour la première fois (en
1800) à Tubingue, elles lurent réimprimées à Hei-
delberg en 1811. Il dirigea la même année contre
l'immoralité frivole et sentimentale de Kotzebue
une satire en vers du genre aristophanesque (l'Arc
de triomphe en l'honneur de Kotzebue) qui se
compose d'une série de sonnets et d'épigrammes,
où règne une plaisanterie plus acérée que dé-
licate (1). Il consacra l'épître de Néoptolème à
Dioclès au souvenir d'un de ses frères, mort dans
les ïndes, en 1799 , et une suite de sonnets à
celui d'Augusta Bœhmer, jeune fille qui lui était
doublement unie par des liens de famille et
d'une tendre affection. La perte prématurée de
Novalis, son confident , augmenta sa tristesse. Il
quitta léna à la fin de 1802 : peut-être l'indiffé-
Bi-ci dans la rédaction des Heures, puis de ! rence railleuse de Gœthe, les exigences et la se
mmanach des Muses, fonda avec son frère \'A-
mixum (1798), revue littéraire, qui exerça bien-
lune influence très grande. Lesauteurs mêlaient
■nouveauté des idées, à la vivacité des critiques
Barcasme et l'ironie. Arracher le talent qui ,
Ë's avoir abandonné la noblesse pompeuse du
■ septième siècle , s'affaiblissait dans une re-
Brçhe vaine du naturel, aux hasards de l'inspira-
it; prêcher l'égalité de toutes les manifestations
Ha pensée humaine, ctPimitationdel'impartia-
B du cosmopolitisme de Gœthe; donner pour-
m la préférence aux mœurs chevaleresques et
■merveilleux chrétien du moyen âge; pousser
Bersion pour la France jusqu'à l'injustice: tels
fi-nt les principes du romantisme. C'est le nom,
Bprmais fameux, de la nouvelle école (1). Les
Bx Schlegel en furent les champions. Chacun
Bix possédait un sens critique supérieur; mais
BUaume avait le jugement plus sûr, et était
m pressé de répandre ses idées. Non content
«"blâmer les défauts, il relevait les beautés et
Btmuniquait son enthousiasme à ses nombreux
Beurs. Une partiede ses articles a été recueillie
Bsle nom de Charakteristiken und Kriliken
(01).
1 Cependant l'activité de G. Schlegel se répandait
mt Le romantisme allemand, plus radical que le ro-
>» Usine français, n'a pis eu Je mérite de l'originalité.
Bpénie du christianisme est antérieur aux théories
Rh œuvres romantiques d'outre Rhin.
vérité de Schiller (2), en blessant son amour-
propre, contribuèrent- elles à ce changement.
Schlegel se rendit à Berlin : il avait alors trente-
cinq ans. Dans les premiers temps de son sé-
jour, il fut chargé de faire un cours sur la litté-
rature et les arts, et acheva une tragédie à' Ion,
en cinq actes, imitée d'Euripide (3). Il étudiait
l'art espagnol , et traduisit plusieurs pièces de
Calderon (4). Cette traduction parut à Berlin en
2 volumes. Enfin, il publia (1803-1809), sous le
nom de B lumens treeusse (Bouquet de (leurs)
un choix de poésies italiennes, espagnoles, portu-
gaises, qui se distingue par l'élégance et la flexi-
bilité de la forme. Ce fut au milieu de ces tra-
vaux qu'il rencontra Mme de Staël : elle futchar-
mée par cet esprit abondant, éclairé , ingénieux ;
Schlegel, de son côté, fut heureux d'être si bien
compris et apprécié Elle lui demanda de surveiller
l'éducation de ses enfants. Il accepta ; il partit avec
elle en 1804 pour la Suisse. Elle reconnut noble-
ment les sacrifices qu'il s'imposait en lui faisant
(1) Kotzebue avait grossièrement insulté Mme de Staël
dans la comédie de l'Ame hyperborée. Schlegel vengea
ainsi cette femme illustre avant de la connaître.
(2; La correspondance de ces deux écrivains laisse voir
les traces de ces dissentiments.
(3' Ce drame donna lieu, dans la Gazette du monde élé-
gant, à une intéressante polémique entre Bunshardr,
Schiller et l'auteur.
\k) Schiller avouait, en lisant cette traduction , que
la connaissance du poëte espagnol lui eût fait éviter bien
des fautes.
535
SCHLEGEL
un traitement annuel de 12,000 fr. Schlegel vécut
douze ans auprès d'elle, mêlé à la société spiri-
tuelle et distinguée dont elle était le centre (Ben-
jamin Constant, de Barante, Matthieu et Adrien de
Montmorency, Sismondi, Mme Récamier, etc.) ; il
y exerça par son savoir et son esprit une notable
influence; mais sa susceptibilité eut beaucoup à
souffrir des inégalités sociales, dont il exagérait les
effets (1). Benjamin Constant, dont il était, dit-
on, le rival malheureux, lui inspira toujours une
vive répugnance. Parmi les amis de Mme de Staël,
Fauriel fut celui avec lequel il contracta la liaison
la plus douce et la plus suivie, due à la commu-
nauté des mêmes études. Il avait éprouvé pour
Mnie de Staël des sentiments qu'elle découragea,
mais dont elle le dédommagea par une amitié qui
ne cessa qu'avec la vie. Il exerça incontestable-
ment une grave influence sur les travaux et les
idées de cette femme de génie, et cette influence se
manifesta plus particulièrement dans le livre De
V Allemagne. On a cru toutefois à tort que ce
livre était-en partie l'ouvrage de Schlegel. Mmcde
Staël él ait même restée en un grand nombre de
points en dissentiment avec lui ; du reste elle lisait
et possédai t parfaitement l'allemand (2; . Seulement
elle « faisait causer Schlegel », et tirait de ces dis-
cussions de nouvelles lumières. Partageant la vie
errante de Mme de Staël, il l'accompagna en Italie.
11 est resté de ce voyage une longue lettre adressée
à Goethe, sur les artistes contemporains et une
élégie célèbre sur Rome, imitée de Properce (3).
Venu en France en 1 808 , il publia en fiançais , après
avoir suivi le Théâtre-Français et entendu ïalma,
une brochure fameuse, intitulée : Comparaison
entre la Phèdre de Racine et celle d'Euripide.
Cette brochure, écrite avec science et esprit, mais
trop passionnée en faveur du poëte grec et très-in-
juste pour la tragédie française, fil un grand scan-
dale parmi les littérateurs classiques de l'empire ;
elle nous paraît encore, malgré le progrès des
idées, une injure faite au génie de Racine et au bon
goût. — La police impériale ayant éloigné Mme
de Staël, elle fit une nouvelle tournée en Alle-
magne. Schlegel, qui l'y suivit, ouvrit à Vienne
en 1808, au milieu d'une affluence considérable,
un cours de littérature dramatique, publié de-
puis en trois volumes et traduit dans toutes les
langues (4), qui mérite en partie son immense
réputation. 11 contient l'examen des théâtres
grec, latin, italien, français, anglais , espagnol et
allemand. L'auteur ne reconnaît que trois théâ-
tres originaux, le théâtre grec et les deux théâ-
tres romantiques, l'espagnol et l'anglais. Indul-
gent pour Corneille, il se montre toujours sévère
(1) Lorsqu'il se trouvait en société avec Mme rie StaCl ,
Une manquait pas de lui dire toujours :« Ma chère amie».
Mme de Staiil, tout en trouvant ce langage inconvenant,
ne lui en témoigna Jamais de mécontentement.
(2) la correspondance de Sismondi a mis ce point hors
de doute.
(3) M. Sainte-neuve en a donné une belle imitation.
(4) La première traduction française est celle lit
M1"6 Necker de Saussure (1814).
à l'égard de Racine, et ne voit dans Molière qu I
comique burlesque. Le premier volume, et I
sacré au théâtre grec, est le plus remarquab
le critique comprend la Grèce en poëte, et
parle avec élévation et enthousiasme. La ha
contre le despotisme de Napoléon , dont l'A f
magne n'avait pas moins à souffrir que la i
berté, contribua à aigrir ses préventions cor |
notre littérature. On peut dire quec'étaitl'emi
qu'il attaquait derrière la tragédie. A sondépar
Vienne, Schlegel recommença à parcourir 1'. a
rope avec Mme de Staël. Les distractions u
monde prirent à cette époque une plus gra I
part dans sa vie, sans nuire à ses travaux |
publia une traduction de Richard III, un e |
critique sur les travaux de Niebuhr (1), un e I
sur les Niebelungen, dans le Musée allema \
! que dirigeait son frère ; cette épopée était ton il
dans l'oubli ; la faveur qui n'a cessé de s'y a I
cherdatede cette réhabilitation. En 1812,pas!il
par Stockholm , où Bernadotte, qui venaM
rompre avec Napoléon, lui fit un accueil pi
; de confiance, il écrivit son pamphlet Bu : I
terne continental (janvier 1813), où il aball
le génie de l'empereur et lance i'anathème co I
son ambition effrénée. Cette brochure fut su I
d'une autre, intitulée : Tableau de l'empire fi I
çais en 1813, où il publie des dépêches sai H
par l'étranger, avec un commentaire médian 1
perfide, qu'excusent l'exil de sa protectrice |
le sien. Dans la campagne de 1813, Sch!>
suivit le prince royal de Suède en qualité de)
crétaire. Ce fut lui, dit-on, qui rédigea les |
clamations de ce prince. Ces services rendu
la coalition lui valurent des lettres de nobl |
et la décoration de plusieurs ordres.
Après les événements de 1814, Schlegel put
trer en France : il se fixa à Paris avec M"l|
Staël. La mort lui enleva cette illustre amie 1
juillet 4817, et ce coup le frappa d'autant
cruellement qu'il perdait en elle une amie fil
et puissante, dans un moment où il était ex||
à souffrir de la critique de ses adversaires,
Hoffmann et les Dussault, et des prévention!
l'esprit français, alors animé d'une défiancl
d'une rancune assez légitimes contre les if
mands. Ce mauvais vouloir, dont il fut l'ol
amena des épigrammes oubliées aujourd'
mais son nom ne s'est jamais relevé chez i
de l'impopularité dont il fut alors frappé. A'|
de quitter la France, il publia, de concert
M. le duc de Broglie et M. Auguste de Staël I
Considérations sur la révolution française
1818 parurent ses Observations sur la lar\
et la littérature provençale- Il loua les trai
de M. Raynouard, mais combattit ses assert |
snxVuniversalilé primitive du provençal.
(1) Les idées de son premier travail sur Homère I
virent de base à cet essai.
(ï) Dénoncé par M. Capelle, préfet de Genève, qui M
l'ordre d'éloigner un certain Chelèguc, 11 avait été -o j
de se retirer à Berne, jusqu'au moment où Mme de
elle-même partit pour l'Allemagne.
SCHLEGEL
538
I on de Schlegel, confirmée par Fauriel, aétépo-
I irisée par M. Villcmain (Leçons sur lemoyen
4 ) (1). Dans cette discussion , SchlegeKjcfa
i les langues, leur origine, leurs caractères une
Je d'aperçus ingénieux; il pensait justement
<j. lus troubadours n'avaient pas dû rester étran-
B;h l'épopée, el revint sur cette question dans
suite d'articles écrits au Journal des Débats
1833 et 1834) avec une clarté élégante.
e reste de la vie de Schlegel devait se passer
rjs le calme et le travail solitaire : en 1818, le
3 de Prusse réorganisait les universités de ses
j [s : on donna une chaire à Schlegel dans celle
jfionn,àcôtédeNiebuhr, d'Arndt, de Welcker,
\ .assen, de Nake, etc. Il se lia surtout avec les
I x derniers, mais préférait la compagnie de la
4 velle génération à celle de ses contemporains.
T jouis avide d'étendre le domaine des lettres ,
il ippliqua à cinquante ans aux études orien-
ta 11 avait appris à Paris en 1 8 14 les langues de
l*Ie; en 1818 il reçut du gouvernement prussien
I ission de fonder une imprimerie sanscrite. 11
I nt à Paris, et y passa huit mois à faire fondre
I caractères devanagaris. De retour à Bonn,
lnda;la Bibliothèque indienne et l'entretint
| que seul. Une traduction latine du Bagha-
Gita, épisode du Mahabahrata, des frag-
ts du Ramayana furent les fruits de ces
velles recherches. Le besoin de collationner
manuscrits , de conférer avec les savants le
da à faire plusieurs voyages à Paris, à Lon-
I à Berlin. Il fit dans cette ville en 1827 un
s sur l'Histoire des beaux-arts, traduit en
çais (Leçons sur l'histoire et la théorie des
Mux-arts ; Paris, 1831 ). Ces leçons, où les
V; hautes considérations aboutissent à des pré-
■tes pratiques, n'étaient que l'esquisse d'un
Rid ouvrage, qui resta toujours à l'état de
j[iet. Schlegel composa encore en français ses
iexions sur l'étude des langues asiatiques
.essées à M. Mackintosh (1832), et VEssai sur
(igine des Indous (1834). Dans un article
i-sérieux, demi-plaisant de la Revue des
x mondes (15 août 1836), il défendit l'inter-
ïtation vulgaire de la Divine Comédie et du
|p»ze>'o?i contre les prétendues découvertes de
■ Rosetti , professeur à l'université de Lon-
'1; (2), qu'il traite de rêveries d'un cerveau
Bade. L'existence de Schlegel depuis son retour
m sa patrie, d'abord douce et honorée, rentra
■ à peu dans le demi-jour et l'abandon. Le
Bps avait consacré ses idées; on oublia celui
Ifles avait répandues. La nouvelle génération le
W:onnut presque. En 1843, il réimprima la plu-
pt des ouvrages qu'il avait composés dans notre
Vf Raynouard répondit à son adversaire dans le Jour-
ilides savants.
è ; Ce dernier avait affirmé qu'il existait au quatorzième
l*|u quinzième siècle dans toute l'Italie une association
Pète, se rattachant à la secte des Albigeois, à laquelle
Rie, Pétrarque, Boecace étaient affiliés, que leurs écrits
B'nt composés dans un style à double entente, dont lui,
R'ttl, avait trouvé la clef.
langue ( Essais littéraires et historiques ;
Bonn, 1842). Ce livre fut froidement accueilli.
Schlegel conserva jusqu'au dernier moment cette
vigueur du corps qui tient à l'état de l'esprit. 11
s'éteignit à l'âge de soixante dix-huit ans, lais-
sant encore des travaux incomplets (1).
, G. Schlegel a été un écrivain d'une intelligence
aussi active que puissante, et son nom restera
parmi ceux des grands critiques, après celui de
Lessinget àcôtédecelui deWinckelmann. Poêle,
critique, philologue, orientaliste, traducteur, il
a beaucoup fait pour affranchir le génie de l'Alle-
magne et accroître les richesses de sa littérature ;
il a exercé même en France un empire salutaire
par ses vues élevées et étendues. S'il ,a péché, c'est
par un effort trop ambitieux vers l'universalité ,
et par une dissémination trop grande de ses
forces. Il avouait lui-même qu'il avait beaucoup
entrepris et achevé peu de chose. Il avait plus
d'un défaut de caractère. Sa vanité affectait des
formes naïves (2) ; elle le rendit morose, blessant
et parfois ridicule. Ce travers, qui s'augmenta avec
l'âge, multiplia le nombre de ses ennemis. Il avait
paru pencher longtemps vers l'Église romaine;
mais il ne prit point de résolution fixe, croyant que
« chacun doit chercher ce qui est le plus analogue
à sa manière d'être et ce qu'il s'approprie le
mieux ». Accusé d'être un crypto-catholique, et
menacé pour ce niotif de révocation, il répondit
à ces attaques par une profession de foi'protestante
(Explication de quelques malentendus ; Ber-
lin, 1828). La conversion de son frère le ramena
sur ses pas. «J'en vins, dit-il, à expier mon indul-
gence par un des plus amers chagrins de ma vie. »
Révolté du rôle que son frère Frédéric joua de-
puis 1819, il lui avait dénoncé son inimitié à la
manière des anciens Romains. En politique, il
avait réclamé l'indépendance de la pensée et fait
ses preuves contre la tyrannie ; mais il craignait
les écarts de la liberté, et accepta sans opposition
le régime « paternel » des gouvernements absolus
après 1815. G. de Schlegel se maria deux fois :
sa première femme était fille du professeur Mi-
chaëlis deGœttingue; une courte maladie enleva
celle-ci en 1802. Il épousa étant à Bonn , en se-
condes noces , Mlle Paulus, fille du célèbre con-
seiller ecclésiastique d'Heidelberg. Cette union ne
fut pas plus heureuse que la première ; elle fut
suivie d'un divorce.
Le jurisconsulte Bœcking a publié une listedes
ouvrages de G. de Schlegel : les titres seuls rem-
plissent dix-huit pages; les principaux sont déjà
connus; nous citerons encore les suivants :
Mémoire sur quelques médailles bactriennes
(Journal de la Société asiatique, 2e série, t. H);
Lettre à M. de Sacy sur les contes des Mille et
une Nuits ( 3e série, t. I.). Les ouvrages écrits
(1| On avait annoncé qu'il laissait des Mémoires ; rien
n'est" venu confirmer ce bruit depuis sa mort.
(2) On lui demandait un jour quels étaient les écrivains
contemporains dont le style pouvait servir de modèle?
Il répondit : Tieck et moi.
539
en français ont été réunis par
3 vol. in-8°; Leipzig,
M. Bœcking en
1846. G. R.
J. Schmidt, Die RomanWt, et Gesch. der Deutscken
Nationalliteratur. — Revue des deux mondes, 1er fév.
1846. — Loménie, Galerie des contemp, illustres. —
Mme de Slaël à Coppet.
schlegel ( Charles - Guillaume - Fré-
déric de ), orientaliste, frère du précédent, né
le 10 mars 1772, à Hanovre, mort à Dresde, le
12 janvier 1829. Il passa son enfance auprès de
son oncle et de son frère aîné (1), qui étaient
tous deux pasteurs protestants , vivant alors
à la campagne. Avec un esprit naturel et une
intelligence vive , il n'annonçait pas de grands
talents. Son père le destinait au commerce : il
le plaça chez le banquier Sclilemm de Leipzig;
mais le jeune commis éprouvait tant de répu-
gnance pour le négoce et les chiffres, qu'il ob-
tint à seize ans la permission de tenter la car-
rière des lettres. Il suivit pendant plusieurs an-
nées à l'université de Leipzig et à celle de Gœi-
tingue les cours de philologie, d'histoire et de
philosophie. Il prit le grade de docteur en phi-
losophie. Il étudia les langues anciennes avec
tant de zèle, qu'il connaissait tous les auteurs
grecs et latins de quelque valeur. La lecture des
tragiques grecs et des œuvres de Winckelmann,
la vue des chefs-d'œuvre de la galerie de Dresde
et parmi eux des tableaux de Raphaël Mengs dé-
veloppèrent son goût. A vingt-un ans, il publia un
premier essai sur VÉcole poétique grecque,
dans le Monalschrift de Berlin (1793), puis un
second sur la Valeur esthétique de la comédie
grecque (1794 La mort de son père avait rendu
sa situation précaire; il parcourut différentes
villes du nord de l'Allemagne. Fixé à Berlin, il
publia de 1795 à 1797 des articles dans le Lycée
des beaux-arts et dans V Allemagne de Ri-
chard, des essais sur Lessing et Forster, et
fonda avec son frère Guillaume et Tieck l'Athe-
nœum ( 3 vol. en quatre ans ). Son premier grand
ouvrage parut sous le titre : Griecken und Rcc-
mer ( Grecs et Romains; Hambourg, 1797) (2).
L'année suivante il publia Geschicnte der Grie-
cken und Rœmer (Berlin, 1798, t. Ier), où il
expose les évolutions politiques de ces peuples;
mais ce qui devait comprendre la philosophie et
l'art n'a jamais paru. Celte introduction est re-
marquable par la profondeur de l'érudition, l'ori-
ginalité des pensées et la force de la critique.
Schlegel avait commencé avec Schleiermacher
une traduction de Platon : une partie en parut en
1798; Schleiermacher se chargea de l'achever.
Schlegel s'était épris d'une violente passion pour
Mme Veit, fille de Mendelsohn. Celle ci, ayant
divorcé, IVpousa. Le scandale que causa ce
mariage l'obligea à quitter Berlin. Il se retira à
ïéna, où il donna des cours particuliers pour
vivre (1800). L'année précédente il avait publié
un roman: Lucindeoula Maudite (Berlin, 1799,
(1) vioct en 182B.
|î] Le mut de romantique paraît avoir été employé
p iur la première fois dans cet ouvrage.
SCHLEGEL
t. Ier). L'auteur y retrace , dit- on, l'histoire
ses amours en l'idéalisant, exalte la sensib
comme la source unique du bonheur et de Y
piration, et met en relief les liens secrets
unissent l'exagération des jouissances physic
et des opinions paradoxales à la folie. Ce roi
fit beaucoup de bruit, mais excita peu d'il
rêt (1). Schlegel n'osa pas ou ne voulut pa
terminer. C'est vers cette époque qu'il o
mença à se livrer à la poésie : en 1801 paru
poème d'Hercule Musagète, et en 1802 la
gédie A'Alarcos, pièce romantique dans le g(
d'Eschyle : elle ne fut jouée qu'une seule I
Ces tentatives poétiques révèlent un proi
dans les principes de Schlegel. En même tei
qu'il réagit contre le goût français, il s'aff
chit de théories conventionnelles ; il empn
ses inspirations à une vue intellectuelle d
nature, reconnaît les Grecs comme les mod
par excellence, admet implicitement la loi
devoir, et rejette la sensibilité à l'arrière-p
Dans un séjour qu'il fit à Cologne (1802]
se convertit avec sa femme au catholicisn
cette conversion fut amenée par les idées ai
rieures de Schlegel sur les arts, dont il pis
le principe dans une révélation antérieure. I
sonne n'a révoqué en doute la sincérité de c
conversion, mais elle le brouilla avec ses ai
Après avoir séjourné quelque temps à Dre:
chez une de ses sœurs qui s'y était marié
partit pour Paris, et y vécut trois ans. Il don
des leçons, et étudiait en même temps les lang
du midi de l'Europe et le sanscrit. L'Inde £
son panthéisme, ses symboles, son quiéti
fascinait son imagination religieuse. Schleg*
de notables progrès dans la connaissance
sanscrit, pour l'étude duquel il n'y avait que'
de ressources en Occident; il lut tout ce i
avait été écrit sur l'Inde en Europe ou à
ctrtta ; il entra en relation avec les oriental!
Al. Hamilton et Langlès. Il parvint ainsi à
sembler les matériaux de l'Essai sur la lan\
et la philosophie des Indiens ( Uber die S
che und Weisheit der Indier; Heidelberg, 1!
in-8°), où il traite de la langue, de la phil<
phie, de l'histoire et de la poésie de l'Inde
Malgré des erreurs, du vague, des hypothèj
cet essai a rendu de grands services à la scie*
Pour répandre ses idées sur le catholicis
Schlegel fonda un recueil, l'Europe, qui vi
trois ans. Après avoir été visiter son frèr
Coppet, il se rendit avec lui et Mme de St»
Dresde. L'espoir de trouver à Vienne des son
pour un drame historique de Charles-Quil
dont il avait formé le plan , l'attira dans c
ville en 1808. Le ministre Metternich, auqa
avait été présenté à Paris, le fit secrétaire
(1) Schleiermacher fit paraître dans V.-Jtlicuxum
lettres intimes sur le roman de Lucinde, où il se mo
favorable à cei ouvrage.
(2) Cet Essai a été trad. en français par Mazure ; P
1837, in-S°.
541
tique. Ayant suivi l'archiduc Charles dans la
guerre de 1609, il rédigea d'énergiques procla-
mations contre la France, et prédit, dans des
sonnets patriotiques, auxquels il dut le nom de
\Tyrtce de. l'Allemagne, la victoire de l'Autriche.
;\pres Wagram, il adressa à Marie-Louise, en
,;uise d'adieux, des souhaits qui furent aussi
leu réalisés que ses promesses (1). Rédacteur
iivec Pilât, Gentz, et J. de Muller, de V Obser-
vateur autrichien , il servit contre la France
[es rancunes et la haine de la chancellerie de
tVienne. En 1811 il cessa de collaborer à ce
ournal, et fit un cours dont Mme de Staël, qui
if assistait , loua la (orme originale et le savoir
[ mmense. 11 publiait en même temps le Musée
hllemand (Vienne, 1812-1813, 2 vol.). Ces
[icrits avaient préparé l'opinion au revirement
[le l'Autriche contre la France : il fut anobli en
•écompense, et lorsque, après la chute de l'em-
l tire français, la diète fut constituée, il fut envoyé
[i Francfort comme premier secrétaire. Schlegel
: tait favorable à l'absolutisme. Il accorde à l'intel-
[igence le droit de diriger les choses humaines,
nais il croit qu'elle est en général associée avec
[e pouvoir, et doit l'être chaque jour davantage.
[Antipathique par ses opinions au public et peu
[ipte aux affaires, il fut obligé de résigner ses
onctions en 1818 II retourna à Vienne, et con-
icrva comme retraite une pension de 3,000 flo-
ins. Sa vie devint depuis exclusivement liné-
aire. De 1820 à 1821, il rédigea sous le titre de
Çoncordia un journal destiné à concilier les
opinions divergentes sur l'Église et sur l'État, et
en même temps s'occupa de la publication de
ses œuvres complètes. Il s'appliqua à combattre
l'esprit raisonneur du siècle au nom de l'histoire
et de la philosophie, et fit des leçons en 1827
pour avancer le règne de la vérité. En 1828
parurent les Leçons sur la philosophie de la
pie, et en 1827 les Leçons sur la philosophie
de l'histoire. Dans le premier de ces ouvrages
'auteur s'est proposé de prédisposer les esprits
ji la recherche et à la connaissance de la vérité;
jlans le second , il entreprit de régénérer dans
l'homme l'image de Dieu. Ces livres sont remplis
l'un mysticisme exalté : l'auteur y admet la lu-
mière magnétique , la doctrine des nombres,
Je progrès de l'âme par l'illuminisme, etc.
Venu à Dresde, chez sa mère, en 1828, il y ou-
vrit un cours public pour développer les mêmes
idées ; mais il ue put l'achever. Une attaque
l'apoplexie, qu'il avait prévue du reste , l'en-
leva subitement, au sortir de table» On peut
dire qu'il avait parcouru toutes les phases
de son orbite : après avoir adopté, au départ,
'art grec comme l'expression intellectuelle de
a nature, il s'était incliné vers le côté matériel
de cette même nature et vers la sensibilité;
mais, frappé des variations de cette faculté, il
avait cherché une loi pour l'esprit dans l'autorité
SCHLEGEL 542
de l'Église, et avait admirablement compris les
beautés de l'art chrétien du moyen âge cheva-
leresque et romantique. Faisant tout dériver de
cette source, et transportant ces idées en poli-
tique, il avait abouti à {'absolutisme et au mys-
ticisme. On l'a rapproché de son frère Guil-
laume, et on les a surnommés les Dioscures
littéraires. Tousdeux ont été de grands critiques
en même temps qu'ils se distinguaient par leurs
créations poétiques. Ils ont proclamé la légiti-
mité de toutes les formes littéraires des diffé-
rents peuples, et ont imprimé l'élan et la vogue
à l'histoire littéraire en payant les premiers
d'exemple. Ils ont préconisé la nature comme
source de l'art et de l'inspiration, contribué au
triomphe du romantisme, exalté Gœthe, ca-
lomnié le goût et le théâtre français, initié
l'Europe aux langues de l'Inde et à la civilisation
de l'Orient. Frédéric est pourtant inférieur à son
frère en originalité comme en célébrité. Il a suivi
le mouvement dont celui-ci avait été le promo-
teur, et est tombé dans des excès plus fâcheux.
Ne voyant qu'un seul côté à la fois, il changeait
ensuite d'avis; il exposait ses idées avec chaleur
et véhémence ; mais comme il ne les avait pas
mûries , elles restaient enveloppées de nuages.
Il manquait aussi de persévérance, et on a
vu qu'il avait laissé la plupart de ses travaux
inachevés.
Nous citerons encore de Frédéric de Schlegel :
Geschichte der Jungfrau von Orléans (His-
toire de la puce'.le d'Orléans); Berlin, 1802: —
Philosophische Vorlesungen, publiés par
fragments de 1804 à 1806, et réimpr. à Bonn,
1836-37, 2 vol. in-8° ; — Sammlung romantis-
cher Dichlungen des Mittelalters (Recueil
des poésies romantiques du moyen âge); Paris.
1804, 2 vol. in-8°; — Lotherund Mal 1er ; Ber-
lin, 1805, iu-12 ; trad. en français, Genève, 1807,
in-12; — Gedtchte (Poésies); Berlin, 1809,
in-8°; — Uber die neuere Geschichte; Vienne,
1811, 2 vol.; trad. fr. de Cherbuliez ( Tableau
de l'histoire moderne, Paris, 1830, 2 vol.
in-8°); — Geschichte der alten und neuen
Literatur (Histoire de la littérature ancienne
et moderne); Vienne, 1815, 2 vol. in-8°; tra-
duit par W. Duckett; Paris, 1829, 2 vol.
in-8° (1). C'est le plus connu en France des
ouvrages de Schlegel. Il est remarquable par la
clarté de l'exposition et la pureté du style. On
y regrette des omissions ( ainsi Démosthènes y
est passé sous silence), des sophismes (par
exemple l'éducation du genre humain attribuée
à la noblesse) ; mais les idées qui y sont déve
loppées sur le rôle du christianisme dans les
invasions, son alliance avec le génie du Nord, la
chevalerie, les trouvères, les cycles et les lé-
gendes épiques, le culte de la femme par l'amour
sont maintenant acquises à l'histoire. Juste en-
vers Luther, Schlegel est sévère pour Descartes
(t) « Ayez, Madame, disait-il, la tête et le cœur de
Marie-Thérèse. »
(i) Schlegel a désavoué cette traduction, qui et du
reste extrêmement défectueuse.
543
SGHLEGEL
et Kant; il préfère Werner à Schiller; Calderon
est pour lui le type du poêle dramatique; il met
Camoens au-dessus de Tasse et celui-ci au-
dessus de Dante. 11 distribue les places d'après
les tendances religieuses des écrivains ; — Phi-
losophie des Lebens (Philosophie de la vie);
Vienne, 1827 ; traduction de l'abbé Guénot , Pa-
ris, 1838, 2 vol. in-8°; — Philosophie des Ge-
schichte (Philosophie de l'histoire); Vienne,
1829, 2 vol.; traduction de l'abbé Lechat, 1836,
Paris, 2 vol. in-8°. — Schlegel a encore écrit des
articles dans YAthenaeum, l'Europe, l'Alle-
magne de Richard (1796), le Musée (4 vol.
in-8°), la Concordia, VAlmanach patriotique
(1806), le Musée allemand (i8l0-l$i3) ; âes poé-
sies diverses, la plupart lyriques, des sonnets,
des tercets d'une forme trop recherchée et où
le symbole surabonde , des traductions des poé-
sies latines de Luther et de Malge, et des poé-
sies romanes de Marguerite, comtesse de Vau-
demont. La seconde édition de ses œuvres
(Sœmmlliche Werke; Vienne, 1845-46, 15 vol.
in-8") est plus complète que celle qu'il avait
donnée lui-même (ibid., 1821-25, 10 vol. in-8°).
Schlegel (Dorothée Mendelssofinne), femme
du précédent, née en 1770, à Berlin, morte en
août 1839, à Francfort. On a vu dans quelles
circonstances elle épousa en secondes noces Fré-
déric de Schlegel. Sa beauté n'avait rien de re-
marquable, mais elle plaisait par le charme de sa
physionomie. Quand Schlegel la connut (vers
1708), elle avait près de trente ans et était déjà
mère de plusieurs enfants. Son esprit était cultivé,
et elle avait l'habitude et les manières du monde.
Elle rendit à Schlegel l'affection qu'elle lui avait
inspirée, et se montra constamment dévouée
pour son bonheur. C'est pour faire l'apologie
de cet amour que Schlegel écrivit Lucinde.
Mme de Schlegel, fatiguée du séjour d'Iéna, en-
traîna son mari à Pans, qui offrait un théâtre
plus vaste à ses succès. Elle y reçut dans son
salon, à ses thés du dimanche, une société dis-
tinguée ; et c'est surtout par là que l'influence
de la nouvelle littérature allemande se répandit
en France. Mme de Schlegel écrivait; elle fit
quelques lectures de ses ouvrages, mais elle
s'effaçait devant son mari, et se réduisait au
rôle modeste de copiste. Elle est l'auteur de la
traduction De l'Allemagne de Mme de Staël,
qui a été à tort attribuée à son mari, traduction
faite avant la publication du livre original; elle
traduisit aussi des morceaux choisis de Merlin,
et fit les articles de l'Europe signés D. On lui
doit encore un roman, le Florentin (Leipzig ,
1801, in-12). G. R.
Hormayr, Archiv, 1829, n° 21. — Rabbe, Boisjolin
et Sainte-Preuve, Bioor. univ. et portât, des contemp.,
snppl. — M. Driïhl, C.esch. der Katholischen Literatur
Dcutschlands. -H. de Chczy, Unvergessenes ; Berlin, 1858.
schlichteuroll (Adolphe- Henri-Fré-
déric de), biographe et numismate allemand ,
né le 8 décembre 1765, à Waltershausen (duché
de Gotha) , mort le 4 décembre 1822, à Munich.
- SCHMAUSS 544
Fils d'un magistrat, il fit ses études à Iéna et è
Gœttingue, et devint en 1797 professeur au
gymnase de Gotha, emploi auquel il joignit en
1801 ceux de conservateur de la bibliothèque el
du riche cabinet des médailles du duc Ernest II,
Nommé en 1807 secrétaire général de l'Académie
de Munich, il dirigea la publication des huit
premiers volumes de la nouvelle série des Mé-
moires de cette compagnie. Il devint plus tard
conservateur de la bibliothèque royale et direc-
teur de l'Académie. On a de lui : TJeber den '
Schild des Herkules nach Hesiod (Sur le
bouclier d'Hercule décrit par Hésiode); Gotha,
1788; — Daclyliotheca Stoschiana ; Nurem-
berg, 1792-1805,6 part, in-fol. : explication en
allemand et en français d'une partie de cette
célèbre, collection de pierres gravées ; — Nekrolog
der Deutschen in den Jahren 1790-1800;
Gotha, 1791-1801, 22 vol. in-80, avec supplé-
ments et tables; ibid., 1798, in-8°; suivi d'une
seconde partie, qui s'arrête à 1806 (ibid., 1802-
1806, 5 vol. in-8°) ; les notices contenues dans ce
recueil, en présentant toute l'exactitude désirable ,
ne sont pas écrites avec la liberté d'apprécia-
tion qu'on réclame d'une biographie parfaite ,
circonstance suffisamment expliquée par les
convenances que l'auteur était obligé de garder
vis-à-vis des familles des personnages dont il
écrivait la vie, à peine éteinte. Son idée fui !
plus tard reprise par Schmidt, qui depuis 1823 L
jusqu'en 1852 a fait paraître tous les ans à IIJ
menau un volume de son Neuer Nekrolog der
Deutschen; — Historia numotheese Go-
thanœ; Gotha, 1799, in-8°; — Annalen der
gesammten Numismatik (Annales de l'en-
semble delà numismatique); Leipzig, 1806,
in-4°; suivi du premier fascicule du t. II, qui
n'a pas été terminé; — TJeber die bei Rosette
in Mgijplen gefundene dreifache Inschrifl
(Sur les inscriptions de Rosette); Munich, 1818,
in-4°. On doit encore à Schlichtegroll la publi-
cation du curieux Livre de tournois de Guil-
laume IV, duc de Bavière (Munich, 1817-29,
gr. in-fol., avec 31 planches).
C. de Weiller, Schlichtegrolls Leben; Munich, 1823,
in-8°. — T/eue Nekrol.dtr Deutschen, t. Ier.
schmausss (Jean-Jacques), historien ef
publiciste allemand , né le 10 mars 1690, à Lan-
dau, mort le 8 avril 1757, à Gœttingue Après
avoir étudiéà Halle sousChr. Thomasius, Gund-
ling et Ludewig, il y fit depuis 1712 des cours
publics d'histoire. Nommé conseiller auliquedu
margrave de Bade-Dourlach (1721), puis con-
seiller intime de la chambre domaniale (1728), il
continua de consacrer tous ses loisirs à l'étude
de l'histoire et du droit public. Lorsqu'on 1734
le roi Georges II érigea l'université de Gœt-
tingue, Schmauss fut appelé à en faire partie, et
il y professa d'abord l'histoire, puis le droit
des gens. En 1743 il accepta la chaire de droit
à Halle, mis il s'y déplut au point qu'avant la
fin de l'année il sollicita son rappel à Gœttingue;
545
SCHMAUSS — SCHMIDT
6 46
en y rentrant il dut se résigner à reprendre le
modeste titre de conseiller anlique qu'il avait ob-
enu du Hanovre en 1737. Selon Schœll.on doit le
Regarder comme le créateur de la science poli-
tique; ses cours se distinguaient par une mé-
thode claire, précise et philosophique. Il avait des
façons grossières et des mœurs déréglées; aussi
|m éprouva-t-il de fâcheuses conséquences dans
Plusieurs de ses enfants, qui lui causèrent beau-
Loup de chagrin. On a de lui : Staat des Erzbis-
\hums Salzburg (Description de l'archevêché
JieSalzbourg); Halle, 1712, in-8°; — Berneueste
htaatdes Kœnigreichs Portugal (L'État acluel
] u Portugal) ; Halle, 1714, 1759, 2 vol. in-8° ; —
'uvieuses Bûcher-und Staals- Cabinet (Ca-
inet de curiosité littéraire et politique); Halle,
713-21, 18 vol. in-8° : revue périodique, pu-
[ liée sous le nom d'Antoine Paullinus;— Hislo-
\isches Staats-und Helden- Cabinet (Cabinet
istorico- politique et héroïque); Halle, 1718-21,
ri part. in-8° : recueil de notices biographiques,
itù l'on trouve aussi une Histoire généalogique
tte la maison de Gramont; — Leben Kœfîigs
Uarl XI 1 von Schweden; Halle, 1720, 2 vol.
|t-8°; — Kurzer Begriff der Reichshistorie
Précis de l'histoire de l'Empire) ; Leipzig, 1720,
|( 1-8» : excellent ouvrage, qui a eu cinq édi-
tons ; — Corpus juris publia Romani Im-
merii academicum ; Leipzig, 1722, in-8°; six
litres éditions, dont la dernière (1794) a été soi-
pée pas Braun; — Corpus juris gentium aca-
ïlemicum; Leipzig, 1730-31, 3 part. in-8° : cette
Ipllection des traités conclus en Europe depuis
| euK siècles fut suivie d'un commentaire étendu,
Btitulé : Einleitung zu der Staatswissenschaft
■introduction à la science politique); ibid.,
■741-47, 2 vol. in-8° ; — Compendium juris
wublici Imperii; Leipzig, 1746, in-8°;trad.
Ifn français par du Buat, sous le titre de Ta-
Weaw'du gouvernement actuel de l'Empire
W Allemagne; Paris, 1755, in-8°; — Neues
wustem des Rechts der Natur (Nouveau sys-
Ijme du droit naturel); Gœttingue, 1754, in-8°;
Image qui avait été précédé de Bisser tationes
mris naturalis; ibid., 1740, in-8°, et qui fut
liiivi d'une Kurze Vertheidigung (Brève dé-
mise); ibid., 1755, in-8o; — Vorlesungen ûber
mps deutsche Staatsrecht (Cours sur le droit
> ,iblic de l'Allemagne); Lemgo, 1766, in-8<>; —
■usieurs opuscules historiques et politiques.
I tfirsching, Handbueh. — Putter, Gœttinyische Gelehr-
\i ^geschichte, et Lilteratur des teutschen Staatsrechts.
t 'Schmidt (Michel-Ignace), historien alle-
» ,and, né le 30 janvier 1736, à Arnstein( Bavière),
■ort le 1er novembre 1794, à Vienne. Fils d'un
s !iployé forestier, il fut élevé au séminaire ca-
6 olique de Wurtzbourg, où il étudia l'histoire ,
!f ' philosophie et la littérature française. Après
Woir été quelque temps vicaire à Hassfurt, il
■[vint précepteur chez le grand-maître de la
•fur de Bamberg, M. de Rothenhan, qu'il ac-
ftjinpagna plus tard à Stutfgard» où, admis aux
NOUV. BI0GR. GÉNÉR. — T. XLII1.
! brillantes fêtes de la cour, il apprit à connaître
J les hommes et la société. Nommé en 1771
I bibliothécaire à Wurtzbourg, il obtint bientôt
après à l'université de cette ville la chaire de.
l'histoire de l'Empire; en 1774 le prince évèque.,
qui lui avait confié en grande partie la réorga-
, nisation de l'instruction dans ses États , le fit en-
I trer dans la commission des affaires ceclésias-
; tiques, et lui donna en 1778 une prébende à la ca-
, thédrale; ce fut sur l'avis de Schmidt qu'il fonda,
I le premier en Allemagne, un séminaire pour l'ins-
| truction des maîtres d'école. En 1778 Schmidt
fit paraître le premier volume de V Histoire des
Allemands, qui eut un succès universel, et à
l'achèvement de laquelle il consacra le reste de
| sa vie. Appelé en 1780 à Vienne par Maiïe-Tlic-
rèse, il fut mis à la tête des archives de l'État,
avec le titre de conseiller aulique,et chargé d'en-
seigner l'histoire à l'archiduc François. Dans
l' Histoire des Allemands, Schmidt présenta
le premier dans un tableau d'ensemble les pro-
grès de la civilisation en Allemagne ; le premier
il initia le public aux changements que les insti-
tutions politiques avaient éprouvés dans ce pays.
Avant lui les historiens allemands ne s'adres-
saient qu'aux savants; de plus, Mascov excepté,
ils ne traitaient que des particularités plus ou
moins arides, qui ne sont que les prémices de
l'histoire. Le livre de Schmidt, écrit dans un
style simple, clair et sobre, est rédigé avec mé-
thode et impartialité; l'auteur amis à profit pour
les trois derniers siècles un grand nombre de
documents inconnus avant lui et qu'il trouva
dans les archives de Vienne. Il a joint au récit
des événements des détails intéressants, et alors
entièrement nouveaux, sur Tétât des mœurs et
des lettres à différentes époques. Bien que son
ouvrage soit maintenant dépassé de beaucoup
parles travaux des historiens modernes, ii lui
reste la gloire d'avoir été pour les Allemands
ce que Mezeray fut pour nous, le véritable père
de leur histoire. La Geschichte der Deulscken
bis au/ das Jahr 1544 parut en deux séries :
Mltere Geschichte (Ulm, 1778-85, 5 vol. in-8°;
Vienne, 1783-93, 8 vol. in-8°), et Neuere Ge-
schichte (Ulm, 1785-1808, 17 vol. in-8°); pen-
dant ces mêmes années il en parut une autre édi-
tion à Vienne (1). La première série a été trad.
en français par Laveaux (Liège et Reims, 1784-
89, 8 vol. in-8o). On doit encore à Schmidt :
Methodus catechisandi ; Bamberg, 1769, in-8°;
(1) Cette particularité de deux éditions identiques pu-
bliées à la fois en deux endroits différents tient à ce que
l'auteur retira pendant quelque temps l'impression de son
ouvrage à son premier éditeur d'Ulm : celui-ci avait
communiqué les épreuves du tome V, où il est question
de la réformation, à un théologien protestant, qui
écrivit aussitôt une attaque contre les vues expri-
mées par Schmidt sur Luther, laquelle parut chez le
même libraire en même temps que le t. V. Choqué de
ce procédé, Schmidt remit le manuscrit dut. VI à un édi-
teur de Vienne; cependant, avec sa^bienvelllance habi-
tuelle, il consenUt bientôt à ce que l'éditeur d'Ului conti-
nuât de son côté à publier le reste de l'ouvrage.
18
ô«7 SCHMIDT —
— Geschichte des Selbslgefuhls ( L'Histoire de
l'amour-propre); Leipzig, 1772, in-8o.
Oberthiir, Lebensgeschichte Ifl.-J. Sckmidts; Hanovre,
1803, in-8°. ~ Hirsclling, Handbuch.
schneideii (Jean-Gottlob), célèbre philo-
logue et naturaliste allemand, né le 18 janvier
1750, à Collmen, près de Warzen, en Sa\e, mort
le 12 janvier 1822, à Breslau. Fils d'un maçon,
il fut élevé par les soins d'un de ses oncles, qui
était administrateur du bailliage d'Elsterwerda;
après avoir étudié les langues et littératures an-
ciennes à Leipzig sous Reiske et Reiz, il vécut
quelque temps à Gœttingue,ilans une position pré-
caire. En 1774 il devint le secrétaire de Brunck, au-
quel il avait été recommandé par Heyne, et l'ac-
compagnaà Strasbourg,oùtouten complétant ses
connaissances philologiques il étudia les di-
verses branches de l'histoire naturelle. Nommé
en 1776 professeur des langues anciennes et d'é-
loquence à Francfort- sur- l'Oder, il passa en 1811
à Breslau en cette même qualité; en 1 8 16 il y devint
principal bibliothécaire- Pendant tout ce temps
il avait continué l'étude des sciences naturelles,
et avait visité dans ce but plusieurs collections
célèbres de l'Allemagne, de même qu'il avait
aussi appris à dessiner. « De tous les écrivains de
ces derniers temps, ditCuvier, Schneider est
celui qui a le mieux réuni les connaissances de
l'histoire naturelle et l'érudition. Malheureuse-
ment il avait besoin de vendre ses ouvrages pour
vivre ; écrits trop vite, ils ne présentent pas cette
mélhode, cette clarté qu'ils auraient eues s'il
avait pu y consacrer plus de temps. «On peut aussi
lui reprocher d'avoir, à l'imitation de Brunck,
corrigé les auteurs anciens trop témérairement
et sans tenir assez de compte des leçons fournies
par les manuscrits. D'après Schœll, ce fut un
homme simple, désintéressé et franc jusqu'à
la rudesse; sa vivacité naturelle dégénérait sou-
vsnt en brusquerie; mais il fut sans prétention
et «ans orgueil, et se mettait toujours au service
de ceux qui cherchaient à s'instruire. On a de
lui : Persuch iiber Pindars Leben und Schrif-
ten (Essai sur Pindare); Strasbourg, 1774,
in-8°; — Periculum criticum in Anthologiam
Céphalée; Leipzig, 1776, in-8°; — Analecta
critica; Francfort-sur-l'Oder, 1777, in-8°; —
Specimina aiiquot zoologias veterum; ibid.,
1782, in-4"; — Ichthyologise veterum speci-
mina; ibid., 1782, in-4n; — Allgemeine Na-
tur geschichte der Schildltrœten ( Histoire na-
turelle des tortues)-. Leipzig, 1783-89, 2 part.
in-8°; — Literarische Beitrxge zu der Na-
turg.eschichte aus den allen Schriftstellern
vorzûglich des 13 Jahrhunderts (Mélanges
littéraires d'histoire naturelle tirés des anciens
auteurs, principalement de ceux du treizième
siècle); Leipzig, 1786, in-8o; — Analecta ad
historiam rei melallicee veterum; Franc-
fort-sur-l'Oder, 1788, in-4°; — Amphibiorum
physiologie specimina; ibid., 1790-97, 3 part.
in-4o; — Grosses kriliscJiejs griechisch-deul-
SCHNEIDER â<
sches Wœrterbuch (Grand dictionnaire criliqi:
grec-allemand); Zullich, 1797 98, 2 vol. in-8'
Leipzig, 1 8 1 9 2 1 , 2 vol gr. in-4" : excellent travai
qui a servi de base au Lexique manuel de Pa
sow ; — Historia amphibiorum naturalis i
literuria; léna, 1798-1801, 2 pari, in 8°; -
Eclogas physicae, historiam rerum natur,
lium continentes, ex scriptoribus, przserli
graecis, excerptse; léna, 180i, 2 vol. in-8°: pr.
cieux recueil, où sont exposées les idées d
anciens sur l'histoire naturelle et la physiqui
— Beitrage zur Klassification der Riesen.
chlangen ( Matériaux pour servir à la classific
tion des serpents boas) ; Munich, 1820,in-8°; ■
De onginibus tragœdiee greecx; Breslau, 181
in-8o ; — Sammlung vermischter Abhandlu
gen zur Aujklœrung der Zoologie und Han
lungsgeschichte ( Recueil de mélanges conce
nant la zoologie et l'histoire naturelle); Berli
1824, in 8°. On doit à Schneider les éditio
suivantes, la plupart excellentes : Halieutica
Cynegetica d Oppien (Francfort, 1776, in-8' (!
ce travail, fait en commun avec Brunck, fut 1 1
pris plus tard par Schneider, qui, dans sanci
velleédition decetauteur (Leipzig, 1813, in-8'l
se permit moins de changements arbitrait
dans le texte; De Elocutione, de Demetri j
de Phalère (Altembourg, 1779, in-8<>); Dent
tura animalium, d'Elien ( Leipzig, 1784, 2 v I
in-8°); Reliqua librorum Friderici II imm
ratoriset Alberli Magni de arte venandicuî
avibus, cum cotnmentariis (Leipzig, 1788-é>|
2 vol. in-8°) ; Alexipharmaca , de Nicand
(Halle, 1792, in-8°), suivis en 1816 des TtM
riaca, du même ; Scriplores rei rusticx i>e]
res latini (Leipzig, 1794-97, 4 vol. in-81 1
Characteres, de Théophraste( léna, 1799, in-8 1
suivis de deux Auctaria animadversionuim
Orphei Argonautica (léna, 1803, in-8") ; M
architectura, de Vitruve (Leipzig, 1807-ii
4 vol. in -8°); Polilica, d'Aristote (France»
1809, 2 vol. in-8°); Historia animalhl
(Leipzig, 1811, 4 vol. in-8°); JEsopi Fabul
(Breslau, 1812, in-8Q; Epicurï Phys\\
(Leipzig, 1813, in-8»); Xenophontis Opt\
(Leipzig, 1815, 6 vol. in-8o), avec l'aide1
Bornemann : précédemment Schneider avait J
diverses époques publié séparément les prin
paux ouvrages de Xénophon; Œconomica, d i
ristote (Leipzig, 1815, in-8"); Theophral
Opéra ( Leipzig , 1818-21, 5 vol. in-8") Ou
un grand nombre de mémoires disséminés d;
divers recueils et plusieurs traductions, telles c
celle du traité de MonroSwr la structure <
poissons, Schneider a encore publié une é<|
très-augmentée du Systema ichthyologise
Bloch (Berlin, 1801, in-8o).
Manso, dans Berliner SUtats-zeïtung , 19 fév. 81
— Gazette d' Augsbourg , 1822, n° 26 du suppl. —
\ier, Hist. des sciences naturelles.
Schneider ( Jean -Georges , dit Eulog<\
agent révolutionnaire, né le 20 octobre 175i
!
-
1
49
ftpfeld, (Franconie), guillotine le 10 avril
i;94, à Paris. Ses parents étaient de pauvres
iltivateurs. Il dut aux heureuses dispositions
l'il montra dès l'enfance la protection du cha-
•lain de son village, Valentin Fahrmann, qui
i enseigna les éléments de la langue latine.
•s progrès rapides permirent de l'envoyer à
"urtzbourg suivre les cours du gymnase
1e dirigeaient les jésuites. Ce fut alors qu'il
!opta le prénom A'Eiiloge. Au bout de trois
.nées il fut admis dans l'académie; mais
mauvaise compagnie qu'il fréquenta le fit
asser de l'hôpital de Jules, où on l'hébergeait
ïtuitement; il tomba dans une misère extrême,
changeant tout à coup de conduite, il entra
tos le couvent des Franciscains à Bamberg
777). Ses études terminées, il fut chargé d'al-
professer l'hébreu à Augsbourg. En 1785 il
oroiionça sur la tolérance un sermon qui lui
scita beaucoup d'ennemis dans le clergé; mais
BJivues libérales et sentaient oratoire atti-
jent sur lui la bienveillance du duc Charles
«Wurtemberg : ce prince l'appela à sa cour en
filitéde prédicateur (1786), et lui fit obtenir la
Ipense papale. Schneider continua de prêcher
rc succès, et consacra au soutien de sa famille
Imeilleure part des appointements de sa place.
■ reporte à ce séjour de Stuttgard son initiation
lis la secte des illuminés, organisée par le fa-
tfux AYeisshaupt; ces relations, dont on ne four-
t aucune preuve, ne sont pas nécessaires pour
ipliquer la chaleur avec laquelle Schneider sa-
it la révolution française. « Maudire le fana-
ftne, écrivait-il avant qu'elle éclatât, briser le
^■ptre de la stupidité, combattre pour les
Inits de l'homme, ah! ce ne sont pas les cour-
Wins qui sont en état de le faire! «Ambitieux,
roatient du joug, dévoré de passions ardentes,
iï.e contint encore par nécessité, et accepta à la
«de 1789 la chaire de grec et d'humanités à
■nn. La publication de son Catéchisme (1790)
teréa de nouveaux embarras : plusieurs facultés
■ théologie le désapprouvèrent, et défense fut
féaux libraires de le vendre. Forcé de donner
démission, Schneider passa le Rhin et s'éta-
it, à Strasbourg (12 juin 1791). Le 28 il fut
[ramé vicaire épiscopal et doyen de la faculté
^théologie. Non-seulement il prêta le serment
tique, mais il prêcha à la cathédrale, mêlant
«l'C beaucoup de fougue et de singularité les
ii'îdents politiques aux enseignements religieux,
^1 annonça un cours sur ia jurisprudence pas-
Ifole d'après la nouvelle constitution. Le 11 no-
mbre il fut admis dans le conseil municipal, et
\ sa parole ardente, par ses nombreux écrits ,
{ son affiliation aux sociétés populaires,)"! se posa
«adversaire, souvent redouté, de Dietrich, le
Tire de la ville. Jusqu'au 10 août il se défendit
l"! re républicain ; les événements l'entraînèrent,
cime tant d'autres : avant le 10 août il dé-
cidait la déchéance de Louis XVI , ensuite il
lliit sur les massacres de septembre. La pu-
SCUNEIDER 5Ô0
bîication du journal allemand l'Anjux, fondé le
3 juillet 1792, n'avait fait qu'ajouter à son in-
fluence ; comme dans ses sermons et dans ses
discours , il mêla dans sa polémique la religion et
la politique, et fit, d'un style ampoulé, souvent
grotesque, et de la façon la plus étrange, des
applications continuelles du texte sacré aux
hommes et aux passions du jour. Jamais en effet
Schneider ne dépouilla entièrement le vieil homme,
et la révolution , en le mettant en évidence, ne
parvint pas à effacer en lui le caractère in-
disciplinable du moine réfractaire. Dans le prin-
cipe il lutta avec courage contre le parti royaliste,
qui avait à Strasbourg et dans les campagnes de
l'Alsace des attaches très -puissantes. Aussi fut-il
choisi pour remplir, durant les trois der-
niers mois de 1792, les fonctions de maire
provisoire à Haguenau , où sa présence affermit
le nouvel ordre de choses. Nommé, le 19 février
1793, accusateur public près le tribunal criminel
du Bas Rhin par les représentants Dentzel et
Couturier, Schneider fut, le 5 mai suivant,
investi du même titre près le tribunal révolu-
tionnaire. Dans l'exercice de ces fonctions re-
doutables, il se laissa entraîner à sa violence na-
turelle, et fit de la loi un instrument de terreur
plutôt que de justice. La coalition étrangère et
les troubles de l'intérieur l'exaltèrent jusqu'au
fanatisme. Tout lui devint suspect; ses que-
relles avec le maire Monet faillirent à ensanglan-
ter plus d'une fois les rues de Strasbourg. Em-
porté par une aclivité fébrile, il parcourait sou-
vent les campagnes, transportant avec lui le
bourreau et la guillotine, « faisant, comme
il disait, l'impossible pour déterrer et punir
les coupables » ; il ramena au pair les assignats,
qui perdaient 85 pour 100, et fournit à l'armée,
qui manquait de tout, plus de grains que n'en
amassèrent tous les commissaires du district
réunis. De riches marchands furent exposés au
carcan et subirent d'énormes amendes; un
grand nombre de fonctionnaires publics, accusés
de modérantisme, furent destitués; du 5 no-
vembre au 13 décembre, il envoya à la mort
trente et une personnes , tant à Strasbourg qu'à
Mutzig, Barr, Obernai, Epfiget Schelestadt; les
prisons regorgeaient de ses victimes. Il s'ani-
mait de plus en plus à sa tâche sanglante; à la
veille de sa mort même, il s'en faisait un titre
d'honneur. « On m'appela, écrivait-il alors aux
Jacobins, le Marat de Strasbourg, et je m'en
glorifiai. »
L'arrivée de Saint-Just et de Le Bas mit fin à
la dictature de ce sectaire furieux. Sur leur in-
jonction Schneider adressa, le 7 décembre 1793,
au comité de sûreté générale le compte rendu
de sa gestion avec toutes les pièces justificatives.
Sa punition fut résolue aussitôt, et le 14 dé-
cembre un arrêté des représentants le condamna
à être conduit de brigade en brigade à Paris,
après avoir subi l'exposition sur l'échafaud de la
guillotine. On prit pour prétexte sa rentrée en
18.
&51
•ville « avec un faste insolent, traîné par six
chevaux et environné de gardes, le sabre nu » ;
ce qui était exact du reste, mais on voulait
punir en lui le chef du parti ultra-révolution-
naire , qui tendait à exagérer la terreur même ,
et ce fut dans ce sens que Fouquier-Tinville fut
chargé de dresser son réquisitoire. Schneider
venait de se marier à Barr avec la fille d'un
bourgeois (14 décembre); quelques jours aupa-
ravant il avait abjuré publiquement l'état sa-
cerdotal. Enfermé dans la prison de l'Abbaye,
puis dans celle de la Force, il comparut quatre
mois plus tard devant le tribunal révolution-
naire (10 avril 1794), qui le condamna à mort.
On l'exécuta le même jour. Ses dernières pa-
roles furent : « Il est impossible d'êire plus
complaisant envers les ennemis de la république
qu'en me faisant mourir. » Il ne manquait pas
d'instruction , bien qu'en théologie par exemple
son savoir fut assez borné. Ses ouvrages sont
écrits en allemand, d'un style correct, mais dé-
clamatoire; nous citerons dans le nombre : To-
leranz Predigt (Sermon sur la tolérance);
Augsbourg, 1785, in-8°; — une traduction des
Homélies de saint Jean-Chrysostôme sur l'É-
vangile de saint Jean ;ibid., 1787-89, 3 vol.in-80:
il eut aussi part à la traduction des Homélies du
même Père sur saint Matthieu, publiée en 1786
par Fedor; — Gedichte (Poésies); Francfort,
1790, in-12, avec portr. : il y confesse qu'il n'a
pu faire dix pièces de vers sans qu'il y en eût au
moins une qui exprimât l'amour; — Predig-
ien (Sermons); Breslau, 1790, in-8°; — Ka-
iechetischer Unterricht; Bonn, 1790, in-12 :
c'est plutôt un manuel, où l'existence de Dieu,
l'immortalité de l'âme et la Providence sont re-
gardés comme les bases de toute morale; — Die
ersten Grundssetze der schœnen Kûnste
(Premiers principes des beaux-arts en général);
Bonn, 1790, in-12; — Discours sur le ma-
riage des prêtres; Strasbourg, 1791,in-8°, en
français; — L'Argus, journal bi-hebdomadaire ;
ibid.', 3 juillet 1792 au 16 juin 1794, 4 vol. in-8° :
il n'eut jamais, d'après Schneider lui-même, plus
de cent cinquante abonnés ; la collection com-
plète en est fort rare ; — Kriegslied der Mar-
seiiler; ibid., octobre, 1792, in-8°, trad. de la
Marseillaise ; — Der Guckkasten (La Chambre
obscure), poème héroï-comique; Francfort, 1796,
in-12. P- L-y.
E. Schneider's Leben und Schicksale in Vaterlandc ;
Krancfort, 1790, in-12. — E. Schneider* ernste Betrach-
tungen; Leipzig, 1794, in-12 : ectte pièce est apocryphe. —
Hcitz, Notes sur la vie et les écrits d'Euloge Schneider ;
Strasbourg, 1862, in-8° : on y trouve de nombreux ex-
traits des articles, discours, rapports, etc. de Schneider
ainsi que beaucoup de lettres écrites pendant sa prison.
— K\up!e\, Necrologium, p. 95-103. — Gazette d'Jugs-
bourg, déc. 1815 et févr. 1848. — Le Blanc, Hist. de la
rév., t. X.
Schneider ( Antoine - Virgile), général
français , né le 22 mars 1780, à Bouguenon,
commune de Saar-Union (Bas-Rhin), mort le
1 1 juillet 1847, à Paris. Il était fils d'un médecin
SCHNEIDER — SCHNETZ 5;
sans fortune. En 1799 il suivait les cours de 1' '
cole polytechnique, lorsqu'il adressa au prem:
consul un mémoire sur l'île de Corfou, mémo
qui lui valut d'être nommé surnuméraire
génie. Capitaine dans la première campa^
d'Espagne (nov. 1808), il se distingua par |
suite aux sièges de Saragosse et de Figuières. \\
ministre de la guerre Clarke se l'attacha en 18 jj
et le chargea de diverses missions, notammi
dans les îles Ioniennes. Il fit la campagne |]
Russie, et prit part avec le général Rapp à
défense de Dantzig. Prisonnier de guerre, ] |j
suite de la rupture de la capitulation, il ne rex I
en France qu'avec la paix. Pendant les ce |
jours, il fut nommé colonel et chef d'état-nu I
du général Rapp commandant le 5e corps, des) 1
à couvrir le Rhin. Rappelé à l'activité en 181! I
fit avec le 20e léger la campagne d'Espagne. I
contribua à la prise de Pampelune. Promu 1 1
réchal de camp le 22 mai 1825, Schneider I
envoyé en 1828 en Morée, enleva Patras I
Turcs, et ouvrit la tranchée du château de Mo I
après la prise duquel il obtint la croix de gra I
officier de la Légion d'honneur (22 février 18 I
Il succéda au maréchal Maison dans le c I
mandement des troupes d'occupation; et lors I
des raisons de santé lui firent en 1831 demar I
son rappel, le gouvernement grec lui offrit I
épée d'honneur. Le grade de lieutenant gén I
lui fut conféré le 12 août de cette année, il
fut chargé des fonctions de directeur du penB
nel et des opérations militaires au ministèr I
la guerre (20 novembre 1832). L'arrondisser I
de Sarreguemines l'envoya en 1834 à la chat) H
des députés, et lui renouvela son mandat jus I
sa mort. Le 12 mai 1839, après que l'éml
avait éclaté dans Paris, Louis-Philippe lui il
fia le portefeuille de la guerre, qu'il garda M
qu'au 1er mars 1840; il améliora le sort des H
ficiers par diverses ordonnances sur la sol< H
la remonte, et donna une meilleure organisa
à l'état-major général de l'armée. Enfin, le 2 I
vembre 1840, il fut investi du commande; I
supérieur des troupes de la division hors P H
qui coopérèrent puissamment aux travauxH
fortifications de la capitale, et devint en H
président du comité de l'infanterie. Au mo pi
de sa mort, il était depuis le 14 avril I
grand-croix de la Légion d'honneur. On a>H
général : Histoire et description des île.*r-
niennés, depuis les temps fabuleux etm
roïques jusqu'à ce jour (anonyme); ïB
1823, in-8°, avec atlas; — Résumé des ap
butions et devoirs de l 'infanterie légtoftA
campagne; P aùs, 1823, in-32; — plus
Mémoires sur différentes branches des scii
militaires; — divers articles de critique da
Spectateur militaire.
Moniteur univ., 15 juillet 1847. - Victoires et |Ȃ
quêtes, t. XXIV.— Bégin , liiogr. de la Moselle, —
des hommes du jour, t. IV. part. II.
* schnetz (Jean-Victor), peintre frai I
SCHNETZ — SCHOEFFER
554
à Versailles, le 14 avril 1787. Son premier
lire fut David; il passa ensuite dans l'atelier
Regnault, puis dans ceux de Gros et de Gé-
■d. Il commença à se faire connaître du pu-
: au salon de 1819; cedébut fut un triomphe,
| I reçut la grande médaille d'or pour la pein-
e historique. Sa réputation s'établit solide-
jint aux expositions suivantes, et il fut bientôt
irgé de travaux importants pour les musées
lies monuments publics. Élu en 1837 membre
I l'Académie des beaux-arts, à la place de
Irard, il fut de 1840 à 1847, directeur de
«cadémie de France à Rome, et reprit en
1)2 ce poste, qu'il occupe encore. Il envoya
I l'exposition universelle de tS55 un Christ
mpelant à lui les petits enfants, qui lui a
lu une médaille de première classe. Nommé
livalier de la Légion d'honneur en 1825, il
■reçu la croix d'officier en 1843. Parmi les
1res peintres qui cultivent encore la pein-
te d'histoire, M.. Schnetz se distingue par
I style et la correction ; s'il y a un peu de
wdeur dans sa manière, il rachète ce défaut
I l'harmonie de la composition. Ses œuvres
If Irès-nombreuses ; nous citerons : au musée.
■ Luxembourg : Bohémienne prédisant l'a-
mùr de Sixte-Quint; Scène d'inondation;
uinne d'Arc revêtant ses armes; — dans
licienne galerie d'Orléans : Pâtre clans la
wnpagne de Rome; Femme de brigand
niant avec son enfant; — au musée de Ver-
Idles : Levée du siège de Paris en 886; Pro-
vision des croisés autour de Jérusalem ;
Vise d'Ascalon; Bataille de Cérisolles; le
wànd Condé à la bataille de Senef; — au
Inseil d'État : Mazarin au lit de mort;
mëliîts prisonnier dans Pavie faisant ses
mieux à sa famille; — à l'église Saint-
lenne du Mont : des Malheureux implorant
msecours de la Vierge ; — à Notre-Dame de
Inne-Nouvelle : Sainte Geneviève distribuant
|s vivres pendant le siège de Paris; — à
îôtel de ville de Paris : Funérailles d'une
pne martyre aux catacombes ; Épisode du
tige d'Aquiléepar Attila; Alcuin présenté à
marlemagne ; Combat du 29 juillet à l'hôtel
Iville; — à la cathédrale de Tours : Saint
wwtin coupant son manteau. Il a décoré des
ppelles à la Madeleine, à Notre-Dame-de-
Iretteet dans plusieurs autres églises.
ff.ii'rcfi des Salons.
K schnitzlèr (Jean-Henri), littérateur
■içais, né à Strasbourg, le 1er juin 1802. Il
bait de terminer ses études théologiques au
Ininaire protestant de sa ville natale, lors-
l'en 1823 il fut appelé en Courlande pour y
Ire une éducation particulière. Il prêcha quel-
jefois dans la ville de Talsen,et attira toujours
I nombreux auditoire. A deux reprises, en
1 25 et 1826, il visita la Russie, sans cesser de
tnner des leçons. En 1828 il s'établit à Paris,
H il se livra pendant près de neuf ans à de
nombreux et importants travaux littéraires. De
1840 à 1844 il avait été professeur d'allemand
des princes de la famille royale, notamment <).es
ducs de Nemours et d'Aumale et de la princesse
Clémentine. Enfinen 1847 il revint à Strasbourg,
où il fut nommé d'abord' sous-inspecteur des
écoles primaires , puis chef de la division de
l'instruction publique à la mairie, fondions qu'il
exerce encore. M. Schnitzlèr s'est acquis une
juste réputation par ses travaux historiques et
statistiques ; il a été collaborateur de la Revue
encijclopédique, du Journal de Saint-Péters-
bourg, des Berliner Jahrbùcher , de l'Uni-
versel ( alors journal littéraire), des Allgemeine
politische Annalen de Rotteck,de la iVoM-
velle Revue germanique , du National, du
Journal d'Augsbour g etc. 11 a dirigé, de 1831 à
1845, l' Encyclopédie dès gens du monde, vaste
entreprise en 44 vol. in-8°, publiée à Paris par la
librairie Treuttel et Wùrtz, et à laquelle il a fourni
de nombreux articles. Il a publié : Notice sur
le Mxisée de l'Ermitage de Saint-Pétersbourg ;
Paris, 1828, in-8°; — Essai d'une statistique
générale de la Russie, Pasis , 1820, in-12;
— Bericht eines Augenzengeniiber die Ré-
volution von 1830 (Relation de la révolution de
1830) ; 1830, in-8°; — De l'Unité germanique,
ou de la régénération de V Allemagne ; Paris,
1832, in-8°; — La Russie, la Pologne et la
Finlande, tableau statistique, géographique;
Paris, 1835,in-8°; — De la création de la
richesse, ou des Intérêts matériels en France;
Paris, 1842, 2 vol. in-8°, qui ont formé pins
tard les t. III et IV de la Statistique générale,
méthodique et complète de la France, com-
parée aux autres grandes puissances de
l'Europe; Paris, 1846, 4 vol. in-8°, ouvrage
qui a été couronné par l'Académie des sciences
en 1848; -r- Histoire intime de la Russie sous
les empereurs Alexandre et Nicolas; Paris,
1845, 2 vol. in-8°; — La Russie et son agran-
dissement territorial depuis quatre siècles;
Paris, 1854, in-8°; — La Russie ancienne et
moderne; Paris, 1854, 1855, édition illustrée,
gr. in-4°. M. Schnitzlèr a reçu en 1835 la croix
de,l'ordre de Stanislas de Russie, et en 1847
celle de la Légion d'honneur. G. Silbermann.
Documents communiques.
schoeffer (Pierre) (1), imprimeur allemand,
né de 1420 à 1430, à Gernsheim, près Darmstadt
(électorat deMayence), mort vers 1505 (2). On
voit dans un document écrit de sa main qu'il
était venu faire ses études dans la célèbre uni-
(1) Dans les souscriptions Schoyfer, Schoyffer, Schoif-
fer, Schoef/er, Schiffer, Schof/er, et dans l'ordonnance
de Louis XI Scheffer; en latin Opilio, traduction de ce
nom, qui en allemand signifie berger.
(2) Le 20 décembre 1502 est la date du dernier ouvrage
où le nom de Jacques Fust figure à côté de celui de Pierre
Schceffer, dans la 4e édition du Psautier. Postérieure-
ment à cette date le nom de Pierre Schœffer ne paraît
plus, et la souscription du Mercure Trismérjiste, imprimé
par son fils à la vigile des Rameaux (8 avril) 15:3,
annonce que ce livre est le premier qu'il imprime.
SCHOEFFER
versilé de Paris, où en 1449 il exerçait !a profes-
sion rie copiste et de caliigraphe fi). On ne saurait
fixer l'époque de son retour à Mayence; mais au
mois de novembre 1455 on le voit figurerai] procès
in tenté contre Gutenberg par Jean FustouFaust,et
son nom (Pierre de Gernsheim) se trouve immé-
diatement accolé à celui de Jacques Fust, frère de
Jean Fust. Deux seuls serviteurs de Gutenberg
figurent aussi dans ce procès ; ce sont Henri Keffer
etBechtliold. Quanta Pierre Schccffer, s'il contri-
buait dès cette époque aux travaux de l'atelier
de Gutenberg et de Fust, ce ne pouvait être que
comme l'agent de Fust, et depuis peu de temps,
puisqu'en 1449 il était encore à Paris.
Schœffer occupe une place importante dès
l'origine de l'imprimerie, qui lui doit plusieurs
perfectionnements; mais son grand tort est d'a-
voir voulu substituer son nom et celui de Jean
Fust au nom du véritable inventeur, Jean Guten-
berg (2), tandis que les plus anciens témoignages
contemporains, celui d'Ulrich Zell à Cologne et
celui de Wempheliug, n'ont fait aucune mention
de Pierre Schœffer non plus que de Fust et ont
proclamé Gutenberg l'inventeur de l'imprimerie.
Cependant le fils de Schœffer, qui dans tous ses
ouvrages, à l'exception d'un seul, acontinuélesys-
tème défaire ou de dissimuler le nom célèbre de
Gutenberg, imprimait en 1505, deux ans après
la mort de son père, probablement sous l'empire
de quelque circonstance qui le forçait à dire la
vérité, « que l'art admirable de l'imprimerie fut
invenlé à Mayence surtout par l'ingénieux Jean
Gutenberg, l'an 1450, et postérieurement amé-
lioré et propagé pour la postérité par les capi-
taux et les travaux de Jean Fust et de Pierre
Schœffer (3).»
C'est dans cet endroit seul que le fils de Schœf-
fer a dit toute la vérité , mais cela suffit pour la
gloire de Gutenberg.
Quelle part revient-il réellement à Pierre Schœf-
fer dans les perfectionnements qu'on lui attribue?
C'est ce qu'il est difficile de déterminer. Jusqu'en
1455, époque on la séparation entre J. Guten-
berg et J. Fust fut prononcée, rien ne prouve
que Pierre Schœffer ait été employé dans l'éta-
blissement des deux associés; il n'y a que des
présomptions à cet égard ; or, il est constant
qu'en 1454, antérieurement à la dissolution de
la société formée entre Gutenberg et Faust , la
première des Lettres d'indulgence , où le petit
caractère qui sert au texte est admirablement
bien gravé et bien fondu , a été imprimée par
ces deux prototypographes ; et comme on y
voit employés les deux gros caractères, dits de
!1) C'est ce que constate un manuscrit maintenant à
la bibliothèque de Strasbourg, où on lit celte souscrip-
tion : Hic est finis omnium librorvm lam veteris quam
noie looire compleli. per me Pelrum de Gernslieim ,
alias de Moijuntia. anno mccccxhx in ytoriosissima
Univemitale Parisieusi.
(ï) foy, Gutenberg, t. XXII, col. 892 et sulv.
|3) Dans la préface en langue allemande qui est en tête
de la traduction de Tite Live.
forme, qui ont servi à l'impression des grande
Bibles in-fol., l'une de 36 lignes à la page, l'auti
de ni lignes, il est donc certain que dès 14£
ces trois remarquables caractères avaient é
gravés et fondus.
C'est seulement trois ans après cette sépar
lion, en 1457, qu'on voit se produire le noi
de Pierre Schœffer avec celui de Fust sur
Psalmorum codex, daté du 14 août et rein
primé par eux le 29 août 1459. Ces deux nom
qui apparaissent pour la première fois sur celivi
imprimé, figurent aussi au Durandi rational
le 6 octobre 1459,. aux Constitutiones pap
démentis F, le25juin 1460, à la Bible latine (
première avec date) du 14 août 1462; et en 14(
on lit à la fin des Offices de Cicéron (1) cet
indication : Presens Marci Tullii clarissimu
opus Johannes Fust Moguntinus civis, no
atramento, plumait canna, neque serea, st
artequadam perpulcra Pétri manu pueri m
féliciter effeci. Anno mccclxv. Ce qui prou
que de 1462 à 1465 Jean Fust avait donné
fille Christine en mariage à Pierre Schœ.ffe
comme récompense de sa coopération aux tr
vaux de l'imprimerie.
Tous ces livres , remarquables par leur be
impression, la précision de la gravure et larég
laritéde la fonte des caractères; tous, excepté
Psautier (Psalmorum Codex), qui par sa natu
exigeait un gros caractère carré et anguleux, i
de forme, sont imprimés avec un caractère, ron
plus lisible et se rapprochant de l'écriture cursi
du temps : caractère dont on est très-probabl
ment redevable à Pierre Schœffer et que peut-êl
aussi son beau-père Jean Fust aura voulu coi
prendre dans ces mots artequadam per pulchr
Le Psalmorum codex et le Durandi rati
nale sont les seuls ouvrages où Pierre Schœfi
a signalé à la fin des volumes (2), une particu
rite qui constituerait une invention ou perf
tionnement dont on lui serait aussi redevable,
qui consiste dans une impression simulianéeel
deux couleurs des ornements qui décorent I
grandes lettres initiales dans ces volumes in-f
Mais je remarque que ce procédé, qui exige bea
coup de soins, cessa d'être employé par P. Schd
fer dans ses autres impressions, probablemt
en raison des difficultés de son exécution ; aus
après avoir signalé dans la souscription à
fin de ces deux volumes, la venustas capii
Hum, n'en a-t-ii plus fait mention dans ses auti
impressions.
Est-ce à cela que se borne le progrès i
porté à l'imprimerie par Pierre Schœffer? T
theim, d'après les renseignements que lui «Ion
Schœffer, parle, il est vrai, d'un moyen plus parf
(1) C'est le premier ouvrage imprimé dans le forn
in-4° ; Jusqu'alors tous les livres imprimés l'avaient >
dans le format in-fol.
(2) Vemistate capitalium decoratus rubricationibl
que distinctus. Dans mon Rapport sur l'Expositi
tiniverselle de Londres de 1851, p. 84, j'ai fait connai
ce procédé d'emboîtement inventé par Schœffer.
7 SCHOEFFER
[fur la fonte des caractères dont on lui serait
I I levable. Et, en effet, le moule en acier, (orme
If deux parties où s'adapte une matrice mobile,
I, un instrument compliqué, mais d'une grande
II cision ; cependant, si l'on compare les Lettres
[■!, ndulgence de 1454 et 1455, qui parurent an-
1 1 ieurement à la dissolution de la société de Gu-
Rberg et de Fust, aux impressions postérieures
||i portent le nom de Schœffer, on ne découvre
ns celles-ci aucun progrès sensible en ce qui
icerne la fonte des caractères. 11 faudrait donc
nettre que vers les derniers temps de l'associa-
n entre Jean Gutenberg et Jean Fust, ce serait
■rre Schœffer qui aurait pu, au moyen de ce
«cédé du moule tel que nous le connaissons,
diser, comme quelques documents émanés de
nœffer l'affirment, l'invention de l'imprimerie,
exécutant ainsi la fonte du petit caractère des
ttres d'indulgence et celle des deux gros
•actères dits de forme qui y figurent; mais
ît-on admettre un tel résultat sur les dires de
ix qui, en traitant cette question, ont été plus
moins influencés par Pierre Scbœffer ? Je crois
voir néanmoins les reproduire,
rrétbeim, dans la Chronique d' Hirschaw, ré-
;ée en 1514, après avoir, conformément à
rich Zell et à Wempheling, attribué l'inven-
>n de l'imprimerie à Gutenberg et au concours
cuniaire de Jean Fust, ajoute : « J'ai entendu
•e, il y a environ trente ans, à Pierre Schœf-
• de Gernsheim, citoyen de Mayence, qui
lit gendre du premier inventeur ( c'est ainsi
e, mettant en oubli Gutenberg, il déclare Fust
premier inventeur), que ce procédé d'im-
ession offrait de grandes difficultés à son dé-
.t et que 4,000 florins avaient été dépensés
ant d'avoir imprimé 12 feuillets ; mais P. Schœf-
alors ouvrier et ensuite gendre (1) de Jean
;isl, unissant l'habileté à l'intelligence, inventa
ie manière plus facile de fondre les carac-
es et amena l'art au point où il est au-
urd'hui. »
Dans la souscription placée à la fin d'un Bre-
ïarhim à l'usage de l'église de Mayence en 1 505,
Lan, fils de Pierre Schœffer, déclare que ce livre
[été imprimé aux frais et par le labeur de l'hon-
lète et vigilant Jean Schœffer, dont l'aïeul in venta
\ premier Vart de l'imprimerie et le mit à
\técution. Ce mensonge il le répète en 1515, dans
i souscription à la fin de son édition du livre de
[ritheim : Compendium sive Breviarium...
l'.gum et gentis Francorum , et dans le Bre-
\iarium à l'usage de Mende, imprimé en 1516.
j;ulle part il ne fait mention de Gutenberg; ce-
pendant, à la fin des Institules de Justinien,
nprirnées en 1468 on voit maître François, qui
irait avoir rempli l'office de prote chez Jean
558
Schœffer, indiquer, dans une pièce de vers d'un
latin très-barbare et très-obscur, les premiers
imprimeurs en caractères , prol hocaragma-
tici, deux Jean de Mayence (c'est-à-dire Jean
Gutenberg et Jean Fust ) ; puis il ajoute que
« Pierre (Schœffer), bien que venu le dernier,
a dépassé ses deux devanciers» ; faisant ainsi allu-
sion au passage de l'Évangile de saint Jean où
il est dit que saint Pierre, bien que saint Jean
l'eût précédé , entra cependant le premier au
sépulcre du Christ.
Mais, dira-t on, comment expliquer que quand
partout ailleurs Pierre et son fils Jean Schœf-
fer déclarent Fust l'inventeur de l'imprimerie
sans mentionner Gutenberg, ce même Jean Schœf-
fer s'exprime tout autrement dans la dédicace
adressée en 1505 à l'empereur Maximilien, et
placée en tête de la traduction de Tite Live, où
nous avons vu qu'il reconnaissait Gutenberg
comme l'inventeur de l'imprimerie?
La date de 1505 rapprochée d'un temps où
Gutenberg laissait des souvenirs encore pré-
sents, surtout parmi les ouvriers imprimeurs,
qui auraient pu réclamer ses droits, -me paraît
le seul moyen d'expliquer cette contradiction ; en
effet dans cette dédicace, imprimée en allemand,
il était difficile de leur cacher un mensongeque
plus tard, dans ses autres publications, Schœffer
reproduisit toujours en langue latine.
Dernièrement M. Auguste Bernard, se fondant
sur une pièce trouvée dans les papiers d'Oberlin
(de Strasbourg) (1), et relative à une demande
faite par Conrad Fust, citoyen de Mayence, de
lui prêter, ainsi qu'à Pierre Schœffer, Cépoux
de sa fille , un volume de saint Thomas d'Aquin,
en a conclu, contrairement aux documents qui
font de Pierre Scbœffer le gendre de Jean Fust,
que ce serait Conrad, fils de Jean Fust, qui au-
rait donné sa fille Christine à Pierre Schœffer,
lequel se trouverait ainsi avoir épousé la petite-
fille, et non la fille de Jean Fust. MM. Helbig,
Wetter, Schaab et autres historiens de l'impri-
merie, n'ont point adhéré à cette opinion, et
j'avais moi-même quelque soupçon que ce do-
cument pouvait être un faux fabriqué par le fa-
meux archiviste de Mayence Bodman, aussi éradit
qu'habile calligraphe en paléographie, qui, après
s'être joué si longtemps des écrivains del'histoire
des origines de l'imprimerie (2), aurait- donné en-
core cette preuve de son savoir-faire en ce genre
de supercherie. On sait en effet que Bodman,
sur les instances de Fischer et d'Oberlin, qui lui
demandaient sanscesse de leur découvrir quelques
documents concernant Gutenberg , s'avisa d'en
inventer plusieurs, ce qui porta un grand trouble
dans l'histoire de l'invention de l'imprimerie, jus-
qu'à ce que la fraude fut découverte. On pouvait
(1) Petrus autem , memoratus Opilio, tune faoulus,
>steà gêner, sicut diximus, inventons primi, Joannis
"si, homo ingeniosus et prudens, faciliorem modum
mdendi caractères excogitavit, et arttm, ut nunc est,
Mplevit
(l)KUeest maintenant à la bibliothèque impériale,
parmi les manuscrits de la Correspondance d'Oberlin,
t. II, folio 1*5.
" (2) Voy. art. Giitenberc, col. 893, mon Essai sur la
typographie, et Ang. Bernard, De l'origine et des débuts
de l'imprimerie ; Paris, impr. Imp , 1S53, 2 vol. i!i-8°.
559
SCHOEFFER
56(
donc croire que ce document, sur lequel se fonde
l'opinionémise par M. A. Bernard pour donner en
mariage à Pierre Schceffer la petite-fille de Jean
Fust, était aussi l'œuvre de cet habile faussaire;
car voici ce que répond l'archiviste Bodman à
Oberlin qui demande à voir le document qu'il
lui annonce : « Si vous voulez avoir l'original, je
l'enlèverai du livre pour vous l'envoyer, et je le
recollerai ensuite. » Oberlin insistant pour avoir
cet original, qui lui était offert d'une manière si
peu ordinaire de la part du conservateur d'une
bibliothèque publique , Bodman le lui adresse
le 5 octobre 1805, avec cette lettre :
« Je ne comprends pas bien votre desiderium
au sujet de Fust. C'est pourquoi j'ai coupé le
passage; je vousl'envoie. Veuillez me le renvoyer,
afin que je puisse le recoller dans le livre.
De Conrad Fust on sait peu de chose; il était
frère de Jean et demeuraifrchez lui. Son fils était
Jean Fust, juge au tribunal de cette ville (1). »
Ainsi Bodman, après s'être permis d'arracher
un feuillet du livre d'une bibliothèque confiée
à ses soins, et en avoir envoyé à Paris le frag-
ment qu'il y avait découpé, ne songerait plus à
l'y faire rentrer pour réparer sa faute. Et ce
qui est plus extraordinaire encore, c'est que ce
registre de l'église de Saint-Pierre ne s'est ja-
mais retrouvé dans la bibliothèque deMayence,'
où on l'a vainement cherché, et qu'on n'en voit
même aucune trace sur les catalogues. Et cepen-
dant l'examen que j'ai fait de ce document à
la Bibliothèque impériale me porte à le croire
authentique.
Quoi qu'il en soit, Schceffer accompagna Jean
Fust à Paris en 1463, pour y organiser la vente
des Bibles (2); car il ne suffisait pas d'imprimer
de beaux livres, il fallait encore songer à leur
débit, et Paris, le centre des lumières alors, était
de toutes les villes celle qui convenait le mieux
à ces spéculations de la librairie naissante. Aussi
Pierre Schœffer et son beau-frère Conrad Hanne-
quis y établirent-ils peu de temps après un dépôt.
D'après un témoignage qui paraît authen-
tique (3), Fust fit d'abord passer pour des ma-
nuscrits les Bibles imprimées; elles faisaient l'ad-
miration générale, et se vendaient 40 et 50 cou-
ronnes; mais lorsqu'on,reconnut qu'elles étaient
le résultat d'un procédé mécanique, on réclama
des restitutions ou diminutions de prix. Tour-
menté par ces réclamations, Fust s'enfuit à
Strasbourg, et Walchius dit qu'il y enseigna l'art
(1) Ces derniers renseignements sur Jean Fust fils de
Conrad ont paru complètement erronés, môme à M. A.
fiernard, p. 181.
(2) Voy. Bernard , De l'origine de l'imprimerie, t. I,
p. 237. Van Praët (Catal. in-fol. p. 69) nous apprend que
dès le 5 avril 1462 (U6l nouveau style) une de ces
Bibles était vendue pour la somme de 40 écus par un li-
braire deParis, l'honnête et discret maître Jean Guyinier,
à l'archiprètre cl chanoine d'Angers [ib„ p. 239).
(3) Jean "Walchius, Decas fabularum generis humant;
Strasb.,lC09, in-4°. — Wolf, Monumenta typoar. — Mar-
chand, Dict. hist., t. II, p. 192.— Mon Essai sur la Typo-
porjraphie, col. 625.
de l'imprimerie à Mentelin. Plus tard, cependant
nous voyons Fust revenir à Paris, en 1466, aus
' sitôt l'achèvement de sa seconde impression de:
Offices de Cicéron, format in -4°, et en juillet di
cette année en donner à Paris un exemplair!
à Lavernade, chancelier du duc de Bourbon .
ce que constate la note écrite de la main menu
de Lavernade sur cet exemplaire, maintenan
déposé dans la Bibliothèque de Genève.
Fust étant mort à Paris dans le cours di
cette année, lors de la grande épidémie qui j
causa tant de ravages, Pierre Schœffer s'y rendi
en 1468, comme le prouve la quittance-, don
née par lui, à Paris le '20 juillet de cette année
aux pensionnaires du collège d'Autun , de li J
somme de 15 écus d'or, prix d'un exemplair. !
en vélin de la Secunda secunclse de saint Tho j
mas, imprimée par lui en 1467; et il s'y trouvai
encore avec son beau-frère Conrad en 1471
c'est en effet sous la date du 3 novembre 147
qu'est inscrit au nécrologe de l'abbaye d
Saint-Victor « l'anniversaire des honorable
Pierre Schœffer, Conrad Henlif (ou Hennequis
associé de Pierre Schœffer, et Jean Fust, ci
toyens de Mayence, imprimeurs en livres, et di
leurs épouses, fils et parents; lesquels Piern j
et Conrad nous ont donné les Épîtres de sain
Jérôme (publiées en 1470),- imprimées su
parchemin , pour la somme de douze écus d'or
que les dits imprimeurs ont reçus des main:
de dom Jean (Nicolaï), abbé de cette église.
Cet anniversaire fondé à l'abbaye de Saint-Victo
fait avec raison supposer que Fust y fut enterré
En 1473, un obituaire des Dominicains
Mayence constate qu'un semblable anniversain
fut fondé par Pierre Schœffer pour Jean Fus
et sa femme Marguerite (1),» et que pour prij
de cet anniversaire il donna à ce couvent de
Dominicains un exemplaire des Épîtres de sain
Jérôme et un exemplaire des Clémentines. 1
est probable que ces exemplaires étaient im
primés sur papier et non sur vélin , car il n'es
fait mention d'aucune somme payée en retour
Ce qui indiquerait combien était grande la diffé-
rence de prix entre les livres imprimés sur véiir
et ceux imprimés sur papier.
Nous avons vu que Conrad Heinlif, Hennequis
ou Heineckis , c'est-à-dire le fils de Jean, don
ces noms sont le diminutif, était l'associé d(
P. Schœffer pour le débit des livres de h
grande imprimerie de Mayence ; et une ordon-
nance de Louis XI, en date du 21 avril 1475.
prouve qu'ils avaient confié le dépôt de leurs
livres à Paris à un agent du nom de Stat-
teren ou Statthoen , lequel mourut au commen-
cement de cette année. Or, par droit d'aubaine,
le fisc s'était emparé des livres qui se trou-
vaient alors dans les magasins de cet agent, et il
les avait fait vendre. -Mais sur la réclamation
de Pierre Schœffer et de Conrad Hennequis,
(1) Probablement à l'époque de la mort de sa belle-
mère, sept ans après la mort de Jean Fust.
1 SCHOEFFER
puyéc de la protection de l'archevêque de
liyencc, le montant de la vente, qui avait pro-
fit la somme de 2,425 écus tournois, leur fut
i;titué, ainsi que le constate ce document, ho-
frable pour Louis XI et pour la typographie :
« Considérant que nos chers et amés Conrart
f nnequis et Pierre Schœffer, marchands bour-
l)is de la cité de Mayence en Allemagne, ont
jpupé grant partie de leur temps à l'industrie,
■I et usaige de l'impression d'escriture, de la-
Balle, par leur cure et diligence, ilz ontfait faire
nsieurs baulx livres singuliers et exquiz, tant
listoires que de diverses sciences dont ilz" ont
■r/oyé en plusieurs et divers lieux, et mesme-
wnt en nostre ville et cité de Paris , tant à cause
I la notable université qui y est, que aussi
kreeque c'est la ville capitale de notre royaume,
tont commis plusieurs gens pour iceux livres
kdre et distribuer, et entre autres à un nommé
Erman de Stathoen (1), etc., et est icelui Sta-
len allé de vie à trépas en nostre dite ville de
lis. Et pource que, par la loi générale de nostre
taume, toutes fois que aulcun estrangier, et
li natif d'icelui notre royaume, va de vie à tré-
Isement, sans lettre denaturalité et habilitation
Ipuissance de nous de tester, tous les biens
II a en notre dit royaume, à l'eure de son tré-
I, nous compétent et appartiennent par droit
labainage, et que le dit Stathoen estoit de ;la
llité-des sus dits et n'avoit aulcune lettre de
luralité ne puissance de tester, nostre procu-
|r ou aultres nos officiers ou commissaires
Ent prendre , saisir et arrêter tous livres et aul-
|> biens qu'il avoit en ce lieu , et depuis et
|nt que personne se soit venu comparoir pour
■demander, iceux livres et biens la plupart ont
■ vendus et adenerez, et les deniers qui en sont
Lus distribuez, etc.; attendu que Conrad Han-
Bjuis et Pierre Schœffer ont fait remonstrer
ij', combien que les ditz livres fussent en pos-
SBion du dit Stathoen à l'eure de son dit
«pas, toutes fois ils ne luy appartenoient pas ,
Es véritablement compectoient et apparte-
nant ans ditz exposans, etc., pour quoy nous,
Ichoses des sus ditz considérées , et mesme-
Intpoui- considération de ce que le très haut
1res puissant prince nostre très chier et très
|é frère , cousin et allié le roi des Romains
lis a escriptde cette matière, aussi que les ditz
Hnequis et Scheffer sont subjects et des pays
■nostre très chier et très amé cousin l'arce-
v.que de Mayence, qui est nostre parens, amy
■ci fédéré et allié, qui pareillement sur ce nous
JUcrit et requis, etc., ayant aussi considération
«t peine et labeur que les ditz exposans ont
tfispour le dit art et industrie de impression,
*au proufit et utilité qui en vient et peut en
Kir à toute la chose publique, tant pour l'aug-
i-itation de la science qu'aultrement, etc., nous
s«nes libéralement condescendu de faire resti-
■ Mon Essai sur T histoire de la typographie, col. 625.
5G2
tuer aux ditz Conrad Hennequis et Pierre Scheffer
la dite somme de 2,425 escus et 3 sols tournois. »
Comme la vie des savants et des gens de
lettres se renferme presque entièrement dans leurs
ouvrages, ce n'est que par la dateet le nombredes
publications de Pierre Schœffer qu'on peut ap-
précier ses travaux, qui l'occupèrent jusqu'en
1502, où parut le dernier livre sorti de ses
presses. Sa vie fut honorable ; il se fit recevoir bour-
geois de Francfort-sur-Meinen 1479, et dès 1489
il était juge séculier de lajustice de Mayence, ainsi
qu'on le voit par les actes signés de son sceau.
Schoeffer (Jean), son fils, lui succéda, et le
premier livre qu'il a imprimé est le Mercurius
Trismegislus, qui parut le 8 avril 1503. Fendant
trente années il exerça avec activité son hono-
rable profession. Son dernier livre est daté de
1531. Fidèle au système adopté par son père,
il a imprimé à la fin de son édition d'Appien
en 1519 et de saint Prosper en 1521 , que son
aïeul était l'inventeur de la chalcographie à
Mayence. Dans quelques-unes de ses impres-
sions le double écusson de son père est remplacé
par un fleuron représentant un berger, pat-
allusion à son nom de Schœffer. La plupart des
livres imprimés par lui sont relatifs à la religion.
Schoeffer (Pierre), frère puîné de Jean, reçut
en partage dans la succession paternelle la maison
Zum Korb, où il imprima quatre ou cinq ou-
vrages (1). Sa fortune paraît s'être dérangée,
puisqu'il emprunta, en 15 1 1 , cinquante florins d'or
sur la maison Zum Korb, qu'il vendit l'année
suivante. Il commença alors la vie nomade dont
on voit tant d'exemples dans l'imprimerie à cette
époque, et de 1513 à 1520 il imprima à Worms
cinq ouvrages, parmi lesquels est une Bible en
allemand, MDXXIX, et en septembre de la même
année : Tredecim articidi fidei Judseorum, en
hébreu et en latin ; les caractères en sont très-
beaux et l'on y voit figurer la marque du berger
avec ses brebis. L'année suivante, à Strasbourg,
il imprima onze ouvrages, dont le plus important
est intitulé Syria ad Ptolemœi operis ratio-
nem, Palestina, avec des cartes géograpliiques,
1532, in-fol. Puis en 1541 il vint à Venise, où
probablement il mourut, postérieurement à 1542,
date de sa dernière impression. Parmi les trois
ouvrages qu'il y a exécutés, une Bible en latin
in-fol. ornée de gravures sur bois est impri-
mée en fort beaux caractères. lia été rangé par
les inquisiteurs au nombre des imprimeurs héré-
tiques. « Pierre Schœffer, en quittant Mayence, sa
ville natale,laissa auprès de son frère Jean Schœf-
fer son fils unique Ives, qui succéda à son oncle
et fit sortir de son imprimerie beaucoup de bons
ouvrages de 1531 à 1552, époque de sa mort (2).
Jean Schœffer, fils de Jean Schœffer et peîit-
(1) M. Helbig, auquel on doit tant de renseignements
précieux sur l'origine de l'Imprimerie, donne dans sa no-
tice sur Pierre Schœffer le fils la liste de ses ouvrage1:.
(2) Quelques livres ont été publiés après sa mort par
les héritiers d'Ives Schœffer. Voy. Hclbig, p. 48.
563 SCHOEFFER
fils de Jean Schœffer, l'associé de Fusl, qui était
encore mineur lors de la mort de son père, alla
plus tard s'établir à Bois-le-Duc «Ses descen-
dants continuèrent à y exercer l'imprimerie jus-
qu'à la fin de 1796, où cette famille s'éteignit
dans la personne de Jacques Scheffers ou
Schœffers >- (1). A.-Firmin Didot.
Wurdtwein, Bibliothecamoguntina,\n-k°; Augsbourg,
1587. — \. Bernard, Histoire de l'imprimerie en Europe.
— -Helbig, Notes et dissertations sur l'histoire de l'im-
primerie; Bruxelles. — Le môme, Notice sur Pierre
Schœffer le fils ; Garid, 1848, in-8°.
schœll ( Maximilien-Samson-Frédéric ),
historien et publiciste allemand, né le 8 mai
1766, dans un bourg du duché de Saarbrùck,
mort le 6 août 1833, à Paris. Son père, origi-
naire de Strasbourg, remplissait des fonctions
administratives. A quinze ans il se rendit à Stras-
bourg, fréquenta ies cours de l'université et eut
le bonheur d'attirer l'attention de Koch, qui lui
procura un emploi de précepteur dans la maison
d'une Livonienne, Mme de Krook. Dans la
compagnie de cette dame, aussi instruite que
spirituelle, il visita l'Italie et le midi de la
France. Son zèle pour les principes que la ré-
volution venait de proclamer lui fit décliner les
offres de plusieurs familles russes, et en 1790
il revint à Strasbourg, où il s'appliqua à l'é-
tude du droit. En 1791 il usa de son influence
sur l'assemblée des électeurs, dont il était se-
crétaire, pour faire élire Koch comme député,
vl il entra dans le conseil général du dépar-
tement. Survinrent les événements du 10 août.
Après avoir protesté avec plusieurs de ses col-
lègues contre les derniers actes de l'Assemblée
législative, il accepta les fonctions de substitut
du procureur de la commune (nov. 1792); mais
après l'exécution du roi il donna sa démission.
Quelques mois après, il fut décrété d'arrestation
comme fédéraliste. Il parvint d'abord à se dé-
rober aux poursuites ; forcé de passer la fron-
tière, il résida à Bàle , puis à Weimar, où il se
lia avec Herder, Wieland, Bœttiger, etc. Par
l'intermédiaire d'amis influents, il-obtint à Po-
sen la direction d'une imprimerie et la rédac-
tion du Sùdpreussische Zeitung , où il inséra
sur la révolution française des articles qui furent
très-remarques. Bien que son nom eût été rayé
de la liste des émigrés , Schœll s'établit à Bàle,
et y dirigea pendant sept ans la librairie et l'im-
primerie de Decker. Dans cette ville, qui était
alors le centre du commerce littéraire entre la
France et l'Allemagne, il fut en rapport avec
une foule de personnes de marque des partis les
plus opposés. En 1803 Schœll se rendit à Paris, et
s'y associa avec Levrault pour la fondation d'une
maison de librairie. Ses relations avec l'Allemagne
lui donnèrent l'idée de composer un fonds des
meilleurs ouvrages de philologie et d'érudition
publiés par les savants de ce pays; cette entreprise
réussit à merveille. Il publia alors son Réper-
toire de littérature ancienne (Paris, 1808,
(i] Hclbip, p. ISO.
— SCHOELL 60.
2 vol. in-8°), catalogue raisonné d'auteurs clas
siques grecs et latins d'histoire et de géographi
ancienne imprimés depuis 1750; V Histoire d
la littérature grecque jusqu'à laprisede Coni
tantinople (Paris, 1813, 2 vol. in-8°, et 1832
in-8°) , et V Histoire de la littérature romain
(Paris, 1815, 4 vol.in-8<>), ouvrages pour la ré
daction desquels il profita des meilleurs et des plu
récents travaux de l'Allemagne. L'extension de so
commerce lui avait permis de se charger de l'in
pression si coûteuse du Voyage en Amérique d
Humboldt et Bonpland ; mais la crise financièi
déterminée par la chute de l'empire l'obligea, e
décembre 1S14, à déposer son bilan ; grâce au coi
cours généreux de la marquise de la Ferté Senei
tère, il put entièrement satisfaire ses créancier
Ayant renoncé aux affaires, il reçut en 181'
sur la recommandation de Humboldt, un empl
dans le cabinet du roi de Prusse, qui à son dt
part l'attacha à l'ambassade de Paris. En 1815
fut employé par Hardenberg aux travaux d
congrès de Vienne. De retour à Paris , il di
meuradeux ans comme secrétaire de légation
l'ambassade prussienne, à laquelle il rendit d<
services signalés pour le règlement de I'inden
nité réclamée par les Allemands dépouillés pi
Napoléon. Appelé en 1819 auprès de Hardei
berg à Berlin, où il reçut l'emploi de conseill
intime, il accompagna ce ministre aux congr
de Tœplitz, de Troppan,de Laybach,et plus tai
(1822) en Italie. Après la mort de son protectei
il continua de rester au service de la Pru<&
mais il ne prit plus qu'une part indirecte ai
affaires, se livrant presque exclusivement à d'
travaux littéraires et historiques. Ses dernier
années furent consacrées à écrire son Cours d'ki
toire des États européens jusqu'en 1789 (Parii
1830-34,46 vo!.in-8°), si justement estimé peu
l'exactitude des faits , la profondeur des vuesg
l'impartialité ; c'est dans le but de publier e
excellent recueil qu'il vint en 1830 à Paris, éÉi
résida depuis constamment. D'un caractère intègt
et ferme, d'un esprit vif et pénétrant, Schoi
joignait aux connaissances les plus variées
les plus solides les agréments de l'homme
monde; aussi goûtait-on sa conversation, pars
mée d'anecdotes piquantes sur les temps qu
avait traversés et les gens illustres qu'il aw
connus. Outre les ouvrages cités, on a de lu
j Voyage pittoresque en Allemagne; Stra
i bourg, 1790, in-4°: en collaboration avec l'ab
Grandidier; — Tagebuch der zweeiten Ni
j tionalversammlung (Journal de la deuxièr
■ assemblée nationale); ibid., 1792,4 vol. in-
j — UcberDietrich (Sur Dietrich, ancien mai
; de Strasbourg et ses accusateurs); ibu
I 1793; _ Précis de la révolution françai
et des événements politiques et militaires q
Vont suivie; Paris, 1809, 1810, in-18; — 1
' bleau des peuples qui habitent l'Etirof
' classés d'après les langues de l'Europ
! Paris, 1809, in-18, et 1812, in-80;-- Désert,
5 SCHOELL — SGHOKMJNG
n abrégée de Rome ancienne; Paris, 1811,
12; — Éléments de chronologie hislo-
\fue; Paris, 1812, 2 vol. in-18; — Recueil de
•ces officielles destinées à détromper les
[ançais sur les événements qui se sont pas-
iL depuis quelques années; Paris, 1814-16,
ff/ol. in-8o : cet ouvrage fit beaucoup de sensa-
Kn; il apprit pour la première fois aux Fran-
cs une foule de faits notoires dans le reste de
[urope, mais dont la divulgation avait été enfi-
chée par la police impériale; — Recueil des
mces officielles relatives a?< congrès de
wpnne; Paris, 1816-18, 6 vol. in-8°; — His-
wre abrégée des traités de paix entre les
missances de VEurope depuis la paix de
msiphalie; Paris, 1817-18, 15 vol. in-8<>; àla
I; du premier volume se trouve une Notice
mgraphique sur Koch, dont l'ouvrage sur
■ sujet servit de base à celui de Schœll ; —
|:Atoe5 historiques et politiques : recueil
■morceaux relatifs à l'histoire contemporaine;
lis, 1818-19, 3 vol. in-8°; — Annuaire gé-
milo/jique et historique renfermant des
mails sur toutes les maisons souveraines ;
|is, 1819-22, 4 vol. in-18; — Esquisse
histoire de ce qui s'est passé en Eu-
\>e depuis la révolution française jus-
\au renversement de Buonaparte; Paris,
3, in-8"; — Histoire de la littérature grecque
\>fùnc depuis son origine jusqu'à la prise
Constantinople ; Paris, 1823-25, 8 vol.
o; trad. en italien, à Venise. On doit encore
'.hœll une nouvelle édition , entièrement re-
due, du Tableau des révolutions de VEu-
e de Koch (Paris, 1823, 3 vol.); plusieurs
des dans la Biographie universelle de Mi-
nu", etc. Il avait préparé la rédaction des
moires de flardenberg, et se disposait à les
er à l'impression lorsque le gouvernement
[ssien lui ordonna d'en réintégrer le manus-
j, dans les archives.
\otice, à la tête de la 2e part du t. XLVI du Cours
fstoire moderne. — Zeitgenossen , n° XXVI. — Pihan
Jl Forest, Essaisur la vie et les ouvrages de Schœll;
lis, 1$ ■'/., in-8°.
■CiiŒ\GAlTER(Afa?7J«),dit Martin Schœn,
fctre et graveur allemand, né vers 1420, mort
■Colmar, le 2 février 1488. Le lieu de sa
tssance n'est pas connu ; on le fait naître à
Igsbonrg, à Colmar, à Ulm ; il n'est pas dou-
Ix qu'il est Allemand d'origine, etil est probable
■il appartient aux provinces du Rhin. Les
■istres de Colmar ne font pas mention de lui
iint 1469, dateà laquelle il ligure comme payant
fyrix d'une maison qu'il possédait rue des Augus-
Ijs, et l'opinion deceux qui pensent que Schœn-
Îier naquit à Colmar s'appuiesur Largkmair,au-
;l on attribue un portrait du maître, aujourd'hui
Muséede Munich, et sur le fond duquel on lit :
laître Martin Schœngauer, peintre, dit le beau
mrtin à cause de son art, né à Colmar, par ses
3ents , bourgeois d'Augsbourg. Noble d'ori-
e...., mort à Colmar 1 an 1499, le 2 février.
;66
Dieu lui fasse grâce. Et moi, Jean Largkmair, je
fus son élève en l'année 1488. » Les tableaux
connus de Schœngauer sont fort peu nom-
breux; tous ceux que les rédacteursde catalogues
mettent sous le nom de cet artiste sont au moins
fort contestables, et le seul panneau peut-être
que nous oserions lui donner d'une façon certaine
existe à Colmar, dans l'église Saint-Martin; il
représente la Vierge de grandeur naturelle, ayant
l'enfant Jésus sur ses genoux. Quant à la Mort
de la Vierge, petit tableau qui, après avoir ap-
partenu à Charles Ier, roi d'Angleterre, et à Louis
Bonaparte, figure aujourd'hui dans la National
Gallery de Londres, nous sommes fort peu d'avis
de le mettre au nombre des peintures authen-
tiques de Schœngauer ; on ne reconnaît pas en lui
l'accent germanique que révèlent toutes les pro-
ductions sorties du burin de ce maître. îl faut en
effet, pour arriver à se former une idée juste du
talent -de Schœngauer, examiner avec soin les es-
j tampes, assez nombreuses, qu'il mit au jour. C'est
, là d'ailleurs qu'il apparaît sous le jour le plus
| favorable ; personne mieux que lui ne s'entend à
agencer une composition , à faire agir les per-
sonnages qu'il met en scène et à exprimer une
action. A côté de typos presque grotesques, — l'art
allemand semble n'avoir jamais connu le beau
proprement dit, — on trouve des têtes pleines de
sentiment, qui font oublier les figures qui les avoi-
sinent. Pour ne citer qu'un exemple, il suffira de
dire que le Portement de la Croix est une
œuvre véritablement magistrale, et peut-être
la plus belle production de l'art allemand. Cette
estampe dénote en tous cas une recherche du
style élevé que l'on aurait grand'peine à trou-
ver dans la plupart des maîtres d'outre-Rhin-
Les estampes de Schœngauer atteignent dans
les ventes publiques un prix fort élevé, qui
témoigne de la haute estime dont elles sont
l'objet, et parmi les planches que les ama-
teurs semblent particulièrement affectionner,
on doit mentionner la Tentation de saint
Antoine, qui a été vendue en 1862 la somme
énorme de 2,500 francs. G. D.
Bartsch, Le Peintre crâneur, t. VI, p. 103. — Galïchon,
Martin Schouçauer, 1859. — Hrinolcen, A'eue Nacli-
richten von Kunstlern und Kuntsaeàen.
schœning (Gérard), historien danois, né
ie 2 mai 1722, dans le district de Lofoden (Nor-
vège ), mort le 18 juillet 1780, à Copenhague. De
l'école de Dronthein,oùil eut pour maître le pas-
teur Dass, il se rendit en 1742 à l'université de
Copenhague; il y donna des leçons particulières
en même temps qu'il s'appliquait à l'étude de la
philosophie, de la théologie, et surtout des anti-
quités et des langues Scandinaves. En 1751, il
retourna à Drontheim,et remplaça son bienfaiteur,
qui s était démis en sa faveur des fonctions de
recteur de l'école. Pendant le long séjour qu'il
fit dans cette ville, il travailla avec beaucoup
d'ardeur à éclaircir les annales de la Norvège,
et ce fut lui qui, de concert avec Suhm , son ami
507 SCHOENING -
intime, commença dans les États danois la ré-
forme des études historiques, non-seulement par
ses conseils et par ses propres écrits , mais aussi
par la fondation, à laquelle il eut grande part,
de la société savante de Drontheim (1760) con-
vertie en 1767 en académie royale. En 1765 il
fut envoyé à Soroë pour y enseigner l'histoire et
l'éloquence, et en 1775 il s'établit à Copenhague,
et y succéda à Langebeck dans le poste de con-
servateur des archives ( Gehejmearchivariits ).
Il était depuis 1768 membre de l'Académie
royale. On a de lui : Disp. IV de origine phi-
losophise orientalis; Copenhague, 1744-47,
jn-4°; Forsœg til de nordiste Landes isœr
Norges garnie Géographie ( Essai sur la géo-
graphie ancienne de la Norvège); ibid., 1751,
in-4° ; — ( avec Suhrn) Forbedrïnger til den
garnie danske og norske Historié (Morceaux
destinés à corriger l'ancienne histoire de Dane-
mark et de Norvège ) ; ibid., 1757, in-4° : c'est un
recueil de notices biographiques, écrites pour un
dictionnaire danois; celles d'Harald Hardraade
et de l'archevêque Eisten appartiennent à notre
auteur ; — Beskrivelse over Domkirkèn i Tron-
dhjem ( Description de la cathédrale de Dron-
theim); Drontheim, 1762, h>4° ; — Om de
Norskes Oprindelser ( De l'origine des Norvé-
giens); Soroë, 1769, in-4°; —Norges Riges
Historié (Histoire de la Norvège) ; ibid., 1771-
81, 3 vol. in-4° : ouvrage fort estimé, écrit d'un
style clair et simple , rédigé avec méthode et
critique; il n'a pas été achevé, et le t. III, publié
par Suhrn, s'arrête à la fin du dixième siècle ; —
Reise igjennem en Del af Norge (Voyages ar-
chéologiques en Norvège); Copenhague, 1778-
82, 2 part. in-4° : le reste, qui formerait encore
sept ou huit parties , n'a pas vu le jour. Schœ-
ning a encore publié plusieurs dissertations la-
tines sur des points de l'histoire Scandinave , et
il a préparé l'édition nouvelle de l'historien islan-
dais Snorro Sturleson ( Copenhague, 1777-78,
t. I et il, in-fol.), complétée après sa mort par
Thorlacius et Werlauff. Il a laissé plusieurs ou-
vrages manuscrits et beaucoup de plans et cartes
dessinés par lui-même.
Suhrn, Notice à la tète du t. III de l'IHst. de Norvège de
son ami. — Nyerup et Kraft, Àlmindeligt JAtteratur-lexic.
schœpflin (Jean-Daniel), historien alle-
mand, né le 8 septembre 1694, à Salzbourg
(pays de Bade), mort le 7 août 1771, à Stras-
bourg. Fils d'un bailli, il étudia d'abord à Bâle,
sous Iselin et Jean Bernoulli, et ensuite à Stras-
bourg; il s'y appliqua surtout à l'histoire, qui lui
fut enseignée parKubn; il passa huit ans dans
la maison de ce savant, auquel il succéda en nov.
1720. Ses leçons attirèrent bientôt à Strasbourg
une foule de jeunes gens des contrées du Nord ;
aussi lorsqu'il allait, en 1725, se rendre aux offres
de la tsarine, qui l'appelait à Saint-Pétersbourg,
la ville de Strasbourg, pour le retenir, augmenta
son traitement et lui fournit les moyens de vi-
siter pendant deux ans les principaux pays de
SCHOEPFJLIN SCS
l'Europe. Il se rendit au printemps de 1720 £
Paris, vécut cinq mois dans le commerce dt I
Montfaucon, Martène, Bignon, Hardouin cl
autres savants distingués , parcourut ensuite
toute l'Italie et le midi de la France, et passa er
Angleterre, où il fit la connaissance de Maittairt
et de Bentley; il y étudia aussi la situation poli
tique du pays, et réunit ses observations à c< ■
sujet dans un mémoire qu'il remit au gouverne ;
ment français, qui le lui avait demandé. De retou
à Strasbourg en 1728, il y reprit ses cours ainsi
que la publication de ses recherches historiques \
dont la solide érudition lui valut d'être, en 1730 I
nommé membre associé de l'Académie des ins I
criptions. Malgré les offres d'emploi les plu I
brillantes qui lui fuient faites de divers côtés, i I
ne quitta Strasbourg que pour entreprendr |
quelques voyages dans les Pays-Bas, l'Allemagn |
et la Suisse. Depuis longtemps il méditait so I
grand ouvrage sur l'Alsace; il le compléta dan i
ses nombreuses excursions, et en présenta en 175 1
!e t. 1er au roi Louis XV, qui dès 1740 aval
nommé Schœpflin historiographe et conseiller e
ses conseils. Schœpflin, qui avait aussi été él
membre de la Société royale de Londres et de
Académies de Florence et de Pétersboui-g, fi
en 1763 choisi par l'électeur palatin pour pn
sîder à la fondation de l'Académie de Manhein
Il avait réuni une précieuse bibliothèque, qu'
légua à la ville de Strasbourg ainsi que son ce
binet d'objets d'antiquité, dont la description
été publiée en 1785 par Oberlin. Doué des pli
belles qualités morales, Schœpflin unissait au
mérites que nous avons déjà mentionnés cek
d'écrire un latin pur, élégant et plein de fore»
On a de lui : Diss. qua antiquus lapis Tergei
tinus declaratur; Bâle, 1711, in-4°; — 1
origine, fatis et successione regni Navarrx a
nostra iempora ; Strasbourg , 1720, in-40;-
Panegyrici Ludovico XVregiisnatalibusdicti
ibid., 1722 à 1766, in-fol.; suite de vingt-un élogn
de Louis XV, que Schœpflin eut à prononcer»
sa qualité d'orateur en titre de l'Académie i
Strasbourg; — Miscellanea historica; ibic
1723, in-4°; — De Alemannicis antiquitai
bus; ibid., 1723, in-4°; — Observationes hist
rico-critiese ; ibid., 1723, in-4o,- — Selecta M
fonça; ibid., 1723, in-4o ; — Illustres ex hi
toria hispanica controversise ; ibid., 172
in-4o ; — Illustres ex Chlodovsei Magni hi
toria controversise ; ibid., 1725, in-4°; — 0
servationes hisloricse quibus origines rom<
nx discutiuntur ; ibid., 1725, in-4°; — Var
critica ex historia sacra et profana; Mi
\11h, in-4°; — Analecla historica; ibid
1725, in-4° ; — De Apotheosi imperatorum r
manorum; ibid., 1729, 1730, in-4° ; — De Bic
gundia cis et transjurana ; ibid., 1731, in-4
— Illustres ex Britannica historia contr
versiœ; ibid., 1731, in-4°; — Les Armes i
roi justifiées contre Vapologie de la cour
Vienne; ibid., 1734, in-4o; — Illustres
59 SCHOEPFLIN
rancica historia controversiœ ; ibid., 1737,
-4" ; — Commentationcs historicx et criticx,
ilo, 174l,in-4°: recueil de dissertations déjà énu-
I érées et qui est augmenté de quelques autres ;
■ Alaalia ilhistrala ;Co\mav, 1751-1761, 2 vol.
{ -fol., fig.; trad. en français, Mulhouse, 1849-
153, 5 vol. in-8° ; suivi de VAlsatia diploma-
;ûi, Manheim, 1772-1775, 2 vol. in-fol.; — Vin-
\ cix celticx : Strasbourg, i754,in-4° : ouvrage
marquable, écrit pour réfuter les hypothèses
hPelloutier; — Vindiciee typographies; ; ibid.,
'60, in~4° : cet écrit contient quelques opi-
ions hasardées, mais aussi plusieurs pièces cu-
feoses sur l'origine de l'imprimerie; — His-
' ria Zœringo-Badensis ; Carlsruhe, 1763-66,
1 vol. in-4°: excellent travail fait avec la coîla-
Iration de Koch;— Opéra aratoria; Augs-
'mrg, 1769, 2 vol. in-4°, avec une Vie de Schœp-
n écrite par Ring ; — une édition des Alsati-
rum rerwn scriptores; Bâle, 1768, in-fol.;
-cinq mémoires dans le recueil de l'Académie
's inscriptions, un Sur V origine de l'impri-
èrie à Strasbourg et un autre Sur les mon-
lies bractéates ;— huit mémoires daas le re-
leil de l'Académie de Manheim, etc. E. G.
l".-D. Ring, Vita Schœpflini; Car'sruhe , 176V, 1768.
-8°. — J.-M. Lobsteln, Leben Schœpflins; Giessen, 1776,
! 8° - Le Beau, Éloge de Schœpflin, dans le t. XXXVIII
: l'Hist. del'Acad. des inscr. — Brucker, Bildersàal. —
;u-U's-i, VUx philologorum.t. 111. — Hlrsching, Hand-
ich. — Leben Schœpflins ; Schwabacb, 1773, in-4°. —
uog, l.a France protestante.
scholari. Voy. Clément III.
sciiolarius. Voy. Gennadius.
schomberg (1) ( Gaspard de), capitaine ai-
:mand, né en 1540, en Saxe, mort le 17 mars
599, à Paris. II reçut une éducation soignée, et
rendit en 1561 à l'université d'Angers. Son
umeur guerrière, signalée dès lors par de nom-
lieux duels, le poussa à se mettre à la tête des
juguenots qui en 1562 défendirent cette ville
pntre les catholiques. Vaincu après une cou-
ageuse résistance , il alla rejoindre à .Orléans le
rince de Condé. Mais dès l'année suivante il se
allia au parti royal, et devint capitaine dans le
jorps de reîtres allemands. Après avoir en 1566
juerroyé contre les Turcs avec le duc Henri de
[luise, il fut à son retour nommé chambellan et
fchargé, lors de la seconde guerre de religion, de
pver un corps de six mille reîtres. Député en 1 568
[uprès des troupes allemandes que Guillaume
ji'Orange amenait au secours des huguenots , il
ps décida, par d'habiles représentations et par
les distributions d'argent, à se retirer. Son bril-
ant courage à la bataille de Montcontour lui
'alut le grade de colonel général de la cavalerie
illemande, ou des bandes noires, et des lettres
le naturalisation. En 1575 il combattit en Cham-
>agne, et se signala à la bataille de Dormans. Dé-
fi) Cette famille portait en Allemagne le nom de
"•icliœnberg, qui est. tiientique à celui de Beàvmont en
rançais; originaire de Tburinge, elle était allée s'établir
iu quinzième siècle en Misnie ; beaucoup de ses membres
e distinguèrent dans l'Église, l'armée et la diplomatie.
— SCHOMBERG 570
voué au roi, qui du reste le comblait de bienfaits,
il lui resta lidèle au milieu des intrigues de la
cour, et ne s'appliqua pendant la Ligue qu'à raf-
fermir son autorité. Lorsque Sixte V proposa à
Henri III de reconnaître pour son successeur le
marquis du Pont, prince de Lorraine, son neveu
par les femmes, ce fut Schomberg qui, par ses
représentations et par un Mémoire ( inséré dans
le Dictionnaire de Bayle, art. Heniu lit), con-
tribua le plus à ruiner ce projet. Confirmé, sous
Henri IV, dans sa charge de colonel général , il
fut obligé, à cause de sa corpulence et d'un
asthme violent , d'interrompre sa carrière mili-
taire. 11 détermina Henri à rentrer dans la reli-
gion catholique, fait affirmé par de Thon et Da-
vila, qu'il faut croire plutôt que Sully, qui
s'attribua à lui-même le mérite d'avoir décidé le
roi à faire le saut périlleux. Après la reddition
de Paris, il fut un des huit conseillers chargés de
diriger l'administration des finances. Souvent
quand il était malade le conseil se réunissait
dans son magnifique hôtel de la rue Bailleul.
Mais les finances ne se rétablirent pas, et Sully fut
en 1597 chargé seul de les gérer. Dans l'inter-
valle Schomberg était allé s'établir en Touraine
pour y négocier avec le duc de Mercœur la sou-
mission de la Bretagne; mais ce ne fut qu'en
1598 qu'il parvint à vaincre les nombreuses
difficultés) que le duc, appuyé par l'Espagne, n'a-
vait cessé de susciter. En 1597 il avait encore
reçu !a mission de préparer avec l'aide du pré-
sident de Thou , son ami, les bases de l'édit de
Nantes, dont il eut à discuter les clauses avec
les députés des protestants; négociation pénible,
qui lui attira de la part, du roi d'injustes repro-
ches sur les trop grandes concessions qu'il avait
faites aux huguenots , au dire du clergé catho-
lique. L'édit enregistré, Schomberg fut encore
consulté sur la mise à exécution; le 17 mars il
revenait en voiture des conférences qui se te-
naient à ce sujet à Conflans, lorsqu'arrivé à la
porte Saint- Antoine, il mourut subitement, étouffé
par l'asthme dont il souffrait.
Son frère, Georges , devint fort lié avec les
mignons de Henri III ; il prit part comme témoin
au fameux duel de Quelus, l'un d'eux, et y fut tué,
à l'âge de dix -huit ans, le 27 avril 1578.
Son fils cadet, Annibal de Schomberg, accom-
pagna en 1601 Bassompierre en Hongrie, dans la
guerre contre les Turcs; il mourut en 1604, à
Prague, des nombreuses blessures qu'il avait re-
çues, en prenant part à une mascarade, dans
une lutte contre des agents de la police. E. G.
De Thou, Hist. univ. et Mémoires. — A. de Sainte-
Marthe, Elogium gentis Schomberg ix. — Négociations du
sieur de Schomberg avec les princes protestants de l'Al-
lemagne, clans le t. III des Beitrœge de Moser. — Da-
vila, Hist. délie guerre civili. — Aubigné, Mémoires et
Uist. — L'Estoile, Journal. — Bassompierre, Sully, Mé-
moires. — Barthold, Kaspar von Schœnberg, dans His-
torisches Taschenbuch, année 1849, p. 165-363.
schomberg (Henri, comte de), maréchal
de France, fils du précédent, né le 14 août 1575,
àParis, mort le 17 novembre 1632, à Bordeaux.
571
Il porta d'abord le titre de comte de Nantenil (l),
et fit ses premières armes au siège d'Amiens
(1597). A la mort de son père, il lui succéda
dans le gouvernement de la Marche, ainsi qu'à
la têtedes deux régiments de reîtres et de lansque-
nets (mars 1599), qui furent bientôt licenciés.
A la fin de l'année il suivit en Hongrie le duc de
Mercœur, servit en volontaire avec une foule
d'antres jeunes seigneurs contre les Oltomans,
et fit éclater sa bravoure dans la prise d'Albe
royale (1601 ). Nommé lieutenant général du
Limousin (1608), il ramena la tranquillité dans
cette province en apaisant les querelles de re-
ligion. Après avoir passé une année en ambas-
sade à la cour d'Angleterre, il reçut en 1616 le
titre de maréchal de camp, et fut envoyé en 1617
auprès de différents princes d'Allemagne (2);
dès que la paix fut rompue, il leva par commis-
sion un corps de quatre mille lansquenets. Pen-
dant les troubles qui suivirent la mort de Con-
cini, Schomberg demeura fidèle au roi; il suc-
céda, le 20 juin 1619, au président Jeannin dans
la surintendance des finances; malgré les de-
voirs de cette charge, où il se conduisit du
reste avec désintéressement, il ne renonça point
à la carrière des armes, prit part à la campagne
de l'armée royale en Normandie et en Anjou, et
commanda l'artillerie aux sièges de Clérac, de
Montpellier et d'autres places que les huguenots
possédaient en Languedoc; dans l'espace de cinq
semaines il fit rentrer la Guienne sous l'obéis-
sance du roi. Des services si éclatants lui va-
lurent le gouvernement du Limousin et de l'An-
goumois, dont le duc d'Épernon venait de se
démettre (1622). Avec le cardinal de Retz et
Puisieux, Schomberg formait une espèce de
triumvirat, qui se croyait assez fort pour diriger
les affaires et surtout le roi, à qui il conseillait
de régner par lui-même et de poursuivre la
guerre contre les huguenots. Ses collègues par-
vinrent, à la suite d'une intrigue, à l'éloigner (28
janvier 1623); on lui reprit les finances, sous
prétexte qu'il les avait mises dans un désordre
extrême, et cependant on convenait qu'il avait
« gardé les mains nettes. » Devenu tout puissant,
Richelieu demanda son rappel au roi ainsi
que sa rentrée au conseil (août 1624), et lui
fit donner le bâton de maréchal ( 16 juin 1625).
Après avoir négocié de concert avec Bassom-
pierre la restitution de la Valteline, il fut chargé
de chasser les Anglais de l'île de Ré (1627),
battit Buckingham au moment où il regagnait
ses vaisseaux, et conduisit ensuite, sous le car-
dinal, les travaux du siège de La Rochelle, où il
entra le premier, à la tête des gardes françaises.
En 1629 il joignit l'armée d'Italie, et reçut un
coup de feu dans les reins à l'attaque du pas de
(1) Ce comté avait été acquis en 1577 par son père.
(8) Richelieu avait dressé lui-même l'instruction de
Schomberg. « La fin de son voyage il' Allemagne, dit-Il,
est de dissiper les factions qu'on y pourrait faire au pré-
judice de la France, et d'y porter le nom du roi le plus
avant que faire se pourra. »
SCHOMBERG 5;
Suze ; l'année suivante il prit part à la conque
de la Savoie, s'empara deVeillane,etconcour
à l'investissement de Casai , qui fut du res
rendu au duc de Mantoue. Il venait, avec I
maréchal de La Force , de soumettre la Lo
raine (1631), lorsqu'il fut envoyé dans le mi
pour y combattre l'armée des rebelles, cumma
dée par le frère du roi et le duc de Montmorenc;
il rencontra ce dernier à Castelnaudary ; j
promptitude et l'habileté de ses manœuvres d
cidèrent en quelques instants du succès de «
journée (1er septembre 1632). Le gouverneme
du Languedoc, que l'on ôta à son adversair
fut le prix de sa victoire. Bientôt après il mo
rait d'apoplexie, a Bordeaux. Le chagrin très-'
que lui inspira la condamnation de Montre
rency, dont il avait imploré la grâce, abrège
dit-on, ses jours. Schomberg passait pour l'i
des plus savants hommes de son temps; il
montra habile dans la politique et dans !
guerre , et protégea les gens de lettres. On a >
lui une Relation de la guerre d'Italie (Pari,
1630, in-4° ). « C'étoit, rapporte Richelieu, 1 1
gentilhomme qui faisoit profession d'être fidèl
Il avait moins de pointe d'esprit que de solidi
de jugement; il étoit homme de grand cœu
de générosité et de bonne foi. Dieu l'a signa
en l'exécution de trois grandes actions à l'Été
des plus importantes de notre siècle. » P. L. I
P. Berthier, Oraison funèbre de Henri de Schoi
berg ; Paris, 1633, in-V. — Bachot, Tombeau du mu \
de Schomberg ; Paris, 1633, in-8°. — Manifeste à \
bons François sur la mort de Schomberg , s. 1., 16î
in-4°. — Richelieu, Mémoires. — Bazin, Hist.
Louis XIII. - Courcelles, Dict. des généraux.
schomberg {Charles de), duc d'Halluii
pair et maréchal de France , fils du précéder
né le 16 février 1601, à Nanteuil-le-Haudou
mort le 6 juin 1656, à Paris. 11 fut élevé enfai
d'honneur de Louis XIII, qui lui témoigna pli
sieurs fois dans la suite son estime et son affel
tion. Le 26 février 1619 il eut par commissk-
un régiment d'infanterie, et le 22 février 161»
ie parlement le reçut comme pair du royaurm
par suite de son mariage avecia duchesse d'il;
luin. Il fit ses premières armes en Languedc
où il fut blessé, au siège de Sommières (162Î
De retour à la cour, il reprit ses relations av
les jeunes gens qui élevés près du roi étaie
devenus ses favoris, et il paraît avoir eu pa
avec Baradas au complot de Chalais contre
cardinal (1626). Il n'encourut cependant
châtiment ni disgrâce, prit part à la camnagi
du pas de Suse, et se distingua au siège
Privas (1629) et dans l'expédition de Savo
(1630). En 1632, il hérita de son père legouve
nement du Languedoc et la charge de maréch
de camp général des troupes allemandes. Bit
qu'il eût fait en toute occasion son devoi
ces dignités semblaient lui venir de la favei
plutôt que de son mérite personnel ; sa victoi
devant Leucate, enRoussillon, lui valut Festin
générale. Les Espagnols s'étaient retrancha
;3
feCHOMBERG
.74
ir une montagne, derrière des murs épais de
x pieds et flanqués de redoutes. Le duc d'Hal-
in les attaqua en personne, le 28 septembre
537, et malgré plusieurs blessures revint dix
is à la charge; l'ennemi, enfin mis en dé-
dite, leva le siège de Leucate, abandonnant ses
igages et perdant trente-sept canons. A la nou-
elle de cette brillante affaire, le roi le créa
.aréchal de France ( 26 octobre ), et lui crivit
lecomme il avait si à propos su se servir de son
>ée, il lui envoyait un bâton, afin qu'une autre
is il eût à choisir les armes, si les ennemis le
iettaient encore à portée de leur faire connaître
qu'il valait. Depuis cette époque leducd'Hal-
in fut connu sous le nom de maréchal de
momberg. Il remporta encore des succès dans
Koussillon, et s'empara de Perpignan, en 1642.
i mort de Louis XIII vint lui enlever le fruit
I ses services; il fut, comme les autres favo-
i. du roi, éloigné par la régente et par le car-
iai Mazarin. On le força même à se démettre
[ gouvernement de Languedoc, qui fut donné à
iistoii d'Orléans, et il reçut en échange celui
t pays Messin et de l'évêché de Verdun (1644).
venu veuf en 1641, il se remaria en 1646, à
nie de Hautefort (voy. ci-après). A la mort
! Bassompierre , il eut la charge de colonel gé-
Aral des Suisses (1647), et fut envoyé, le 4 mai
48, en Catalogne pour commander l'armée,
lec le titre de vice-roi. Le 6 juillet il prit Tor-
Jse d'assaut. Il se démit en novembre 1649, et
vint à Paris , où il vécut dans un repos néces-
é par la maladie de la pierre, dont il souffrit
bgtemps et dont il mourut. Il n'eut point d'en-
uits de ses deux mariages.
y. Anselme, Hist. des grands officiers de la cou-
mne. — Moréri, Grand dict. hist. — Tallemant, His-
iriettes. — Courcelles, Dict. hist. des généraux.
schomrerg (Marie de Hatjtefort, du-
esse de), femme du précédent, née le 5 février
16, au château de Hautefort près Périgueux,
t)rte le 1er août 1691 , à Paris. Presque au ber-
au, elle perdit son père, le marquis Charles de
jiutefort, maréchal de camp, et sa mère, Renée
\ Bellay. Sa grand' mère maternelle, Mme de
|i Flotte.-Hauterive, l 'éleva et l'amena très-jeune
|Paris. A douze ans (1628) , elle entra parmi
(s filles d'honneur de Marie de Médicis ; on i'ap-
jla l'Aurore, pour marquer son extrême jeu-
|sse et l'éclat de ses grâces précoces. En 1630,
je suivit la reine mère à Lyon , où le roi était
imbé malade; c'est là que Louis XIII la vit pour
} première fois. « Ce cœur mélancolique et
aste, dit M. Cousin, avait besoin d'une affection
\ du moins d'une habitude particulière qui lui
)t lieu de tout le reste et le consolât des en-
tiis de la royauté. La modestie aussi bien que
I beauté de Ml'e de Hautefort le touchèrent;
u à peu il ne put se passer du plaisir de la voir
de s'entretenir avec elle. « Après \à journée
's dupes , il donna Mlle de Hautefort à Anne
Autriche. Bientôt la favorite du roi devint aussi
celle de la reine (I). Mme de Molteville dit que
MHl- ,)e Hautefort était sensible aux hommages
de Louis XIII, mais qu'elle n'avait aucun goût
pour lui ; il la fatiguait par ses humeurs et ses
querelles constantes. Vers 1635, après une vive
discussion, il resta plusieurs jours sans lui parler,
etRiehelieu, qui la haïssait, parce qu'il n'avait pu
la gagner à son parti, fit d'un dépit passager unr;
brouille de deux ans. Mllede La Fayette remplaça
Mlle de Hautefort. En 1637, Louis XIII redevint
plus amoureux que jamais de cette dernière,
lorsque MUe de La Fayette se fut retirée au cou-
vent. Ces secondes amours ne furent ni moins
chastes ni moins agitées que les premières; et
la jeune maîtresse n'en retira pas plus de profit
pour sa fortune, si ce n'est qu'elle accepta la sur-
vivance delà charge de dame d'atours. Devenue,
par ce titre, Mrae de Hautefort, et douée d'une
grande raison unie à une véritable force de ca-
ractère, bien qu'elle eût à peine vingt deux ans,
elle lutta au bénéfice de la reine contre l'influence
du cardinal ; celui-ci trouva un auxiliaire habile
dans Cinq-Mars, qu'il plaça auprès du roi. Le
favori fit si bien par ses scènes de jalousie, que
Louis XIII exila pour quinze jours M'"c de Haute-
fort de la cour (1640); elle ne consentit à y re*
venir que sur l'ordre de la reine (mai 1643). Sa
faveur ne fut pas de longue durée : trop franche
dans l'expression de ses sentiments, trop amère
dans les plaintes que lui inspirait son dévoue-
ment, elle finit par censurer constamment la reine
sur ses relations avec Mazarin. Anne d'Autriche,
fatiguée de ses réprimandes, la renvoya le 15 ou
le 1 6 avril 1 644. Mme de Hautefort se fit conduire
au couvent des Filles de Sainte Marie de la rue
Saint-Antoine, dans l'intention d'y devenir reli-
gieuse; mais la cour de ses adorateurs, les mar-
quis de Noirmoutiers et de Gesvres, les ducs de
Liancourt et de Ventadour, le maréchal Gassion,
ne l'y laissa pas dans l'oubli. Après avoir refuec
de nombreux partis, elle épousa, à trente ans
(23 sept. 1646), le maréchal de Schomberg(yoy\
ci-dessus), qui en avait quarante-cinq Elle vécut
dès lors dans une retraite paisible. Louis XIV
estimait au-dessus de toutes les femmes la maré-
chale de Schomberg, et la proposait comme le
modèle de la vertu ; il voulut en vain l'attirer à
la cour : elle continua à habiter, rue de Charonne,
une maison modeste, et se fit aimer dans tout le
faubourg Saint Antoine, sous le nom de mère des
pauvres. Parmi ses amies, il faut mettre au
(1) « On raconte qu'un jour le roi étant entré à l'im-
proviste chez la reine, et ayant trouvé M"e de Hautefort
tenant un billet qu'on venait de lui remettre, il la pria
de lui laisser voir ce billet. Elle n'eut garde de le faire,
parce qu'il contenait quelque plaisanterie sur sa faveur
nouvelle; et pour le cacher,, elle le mit dans son sein. La
reine en badinant lui prit les deux mains, et dit au roi
de le prendre où il était. Louis X!ll n'osa se servir de sa
main, et prit les pincettes d'argent qui étaient auprès du
feu pour essayer s'il pourrait avoir ce billet; mais elle
l'avait mis trop avant, et il ne put l'atteindre. La reine la
laissa aller, en riant de sa peur et de celle du roi. »
(V. cousin, Mme de Hautefort.)
575
premier rang M^cs de Sévigné et de La Fayette ;
le plus illustre de ses protégés fut Bossuet ; elle
■vint plusieurs fois au secours de Scarron et de
Loret. Les Mémoires du temps ne se lassent pas
de louer son esprit, son caractère, sa vertu, et sa
merveilleuse beauté, qu'elle conserva longtemps.
Cousin, Madame de Hautefort. — Vie de Mme de
Hautefort; Paris, 1799, in 4°, el 1807, in-12. — Mémoires
de Mademoiselle, de La Rochefoucauld, de Mme de
Motteville, de Saint-Simon, etc.
schomberg (Frédéric - Armand , comte
de), homme de guerre célèbre, né en 1618, en
Allemagne, tué le 11 juillet 1690, à la Boy ne, était J
issu d'une famille du Palatinat, les Schœnberg, j
différente de celle des précédents. Son père, !
Hans-Meynard , qui joua un rôle important à
la cour de l'électeur Frédéric V, dont il .avait
dirigé l'éducation et négocié le mariage avec Eli-
sabeth d'Angleterre, était maréchal du Palatinat
et gouverneur de Clèves et de Juliers ; mais il
mourut peu de temps après la naissance de son
fils. Sa mère, Anne, était fille d'Edward Dudley,
pair d'Angleterre. La tutelle de l'électeur, sous
laquelle fut placé le jeune Schomberg , semble
lui avoir été plus honorable qu'efficace, car il ne
put jamais obtenir aucun compte des quatre
administrateurs chargés de la gestion de ses biens.
Bien jeune encore, il fit ses premières armes dans
l'armée suédoise, cette grande école de guerre,
assista à la bataille de Nordlingen (1634), et à la
belle retraite des Suédois vers Mayence (1635).
C'est l'époque où commençait la période française
de la guerre de Trente ans et où Richelieu pre-
nait à sa solde le duc Bernard et les meilleurs
lieutenants de Gustave- Adolphe. Scbomberg, venu
en France, reçut une compagnie dans le régiment
de Rantzau, et prit part à la campagne de 1636
en Franche-Comté. Plus tard il suivit Rantzau
en Allemagne, où il s'empara de Nordhausen;
ayant vu, à la suite même de cet exploit, ses biens
confisqués par l'empereur, il fut obligé d'aller
prendre du service sous Frédéric-Henri de Nassau,
dont il devint le plus habile lieutenant et bientôt
l'ami. A la mort Guillaume II de Nassau, fils de
ce grand capitaine (1650), il rentra dans l'armée
française. Après avoir fait en volontaire deux
campagnes en Flandre, il acheta la compagnie des
gendarmes écossais , et fut nommé maréchal de
camp (28 octobre 1652). Les campagnes de 1653
et 1654, où il assista à la prise de Rethel et de
Sainte-Menehould , au siège d'Arras et à la re-
traite du Quesnoy, lui valurent le brevet de lieu-
tenant général (16 juin 1655). C'est en cette qua-
lité qu'il participa, sous Turenne, à la prise de
Landrecies, de Confié, puis de Saint-Guislain ,
dont il fut gouverneur. En 1656, au siège de Va-
lenciennes, il vit son fils tué sous ses yeux, sans
que sa douleur pût troubler le calme et la sûreté
de ses ordres, et après l'échec de l'armée il
montra les talents d'un grand capitaine dans la
retraite. La bataille des Dunes, au succès de la-
quelle il eut une grande part (14 juin 1658), la
prise de Bergues, qui suivit (2 juillet), avaient mis
SCHOMBERG 57i
le sceau à sa réputation militaire lorsque fut cor
clue la paix des Pyrénées (1659).
L'activité de Schomberg se tourna alors ver
le Portugal, en guerre avec l'Espagne depuis 1
révolution de 1640, qui avait élevé au trône 1
maison de Bragance. Il entrait dans la politiqu
de la France d'entretenir cette plaie, par où s'É :
chappaient les dernières forces de l'Espagne
aussi Louis XIV engagea sous main Schomber
à entrer au service ;de la reine régente , moyer
nant une pension de 12,000 écus et le grade d
mestre de camp. Afin que l'influence de la Franc
restât plus secrète, Scbomberg fut dépouillé pî
le roi de toutes ses charges, et se rendit d'abor
en Allemagne, en Hollande, en Angleterre, et c
là à Lisbonne. Il y débarqua, le 13 novembi
1660, avec cent officiers français réformés, cei j
sous-ofticiers d'artillerie, et quatre cents/vieuxci
valiers. Enfin 600,000 livres, envoyées secret
ment par Louis XIV, servirent à lever quati
mille hommes (janv. 1662). Mais l'armée porti
gaise était indisciplinée, dépourvue de tout; 1!
gnorance et la jalousie des nationaux multipliaie
devant lui les difficultés; aussi, en 1661 et 1er
Schomberg resta-t-il sur la défensive, tenant se
lement en échec don Juan d'Autriche. En 16(
il le poussa sur Badajoz, lui livra bataille
Ameixial, et le battit complètement (S juin). P
nétrant alors dans l'Estramadoure, il s'empara i !
plusieurs places, défit le duc d'Ossuna à Cast< I
Rodrigo, et au moment où il menaçait la Vieill
Castille, revint sur ses pas à la rencontre de di
Caracena, qui venait de mettre le siège deva
Villa-Viciosa avec vingt-deux mille hommes. 1
bataille fut sanglante. Plusdequatremiile homm ;
'tués ou blessés, quatre-vingt-six drapeaux, dil
vhuit étendards, toute l'artillerie, tous les bagau
pris , une retraite précipitée vers Badajoz , ti |
furent pour Schomberg les résultats de cel
journée, qui achevait la ruine militaire de l'E
pagne et consommait l'indépendance du Pi
tugal. Quant au vainqueur, il fut créé grand
Portugal, comte de Mertola et gouverneur géi)
rai de l'Alemtejo. La singulière révolution de |
lais qui enleva le pouvoir à Alphonse VI pour
faire passer à son frère Pedro, amena tout
coup, et contrairement aux désirs de la Frann
le traité de paix du 12 février 1668, entre l'I
pagne et le Portugal.
Schomberg revint alors en France, et y rem
dans toutes ses charges. Cependant , mal sal
fait de n'avoir pas été compris dans la promoti
des maréchaux en 1668, il passa en Angleter
Peut-être aussi faut-il croire que ce voyage n
tait pas étranger aux desseins que Louis X
avait sur son alliée. Quoi qu'il ensoit,Schomb<
fut assez froidement reçu. Dans l'automne
1673 il reprit ses fonctions de lieutenant génér
et aida, en janvier 1674, le duc deLuxemboui'i
rentrer en France, en marchant au-devant de
sur la grande chaussée de Maastricht à Charle
et en forçant ainsi le prince d'Orange et le cor
Monterey à faire retraite. Un mois après il
lit placé à la tête de l'armée de Roussillon, qui
nait de perdre Bellegarde. Aux mauvaises mi-
es qu'il avait il ajouta quinze bataillons de
unes troupes, leva douze compagnies de mi-
elets dans les montagnes et fit garder les places
r quinze cents bourgeois du Languedoc. Alors,
scendant dans le Lampourdan , il s'empara,
us les yeux de l'ennemi, de Figuières, c l'Am-
rias et d'un fort qui dominait Girone , puis ,
rès avoir fait vivre son armée sur le territoire
pagnol, se rabattit sur Bellegarde, qui capitula
[rès dix jours de siège (29 juillet 1675). La
pompeuse suivit de près ce succès de Schom-
trg : elle l'avait même devancé dans la pensée
[ Louis XIV, qui le nomma maréchal dans
tte promotion du 30 juillet appelée la mon-
\iic de Turenne.
[En lf>76, il passa à l'armée de Flandre. Après
[prise de Condé, l'armée royale s'était établie à
[bourg pour couvrir le siège de Bouchain, entré-
es par le ducd'Orléans, lorsque, le 10 mai, tout
rnbla se préparer pour une grande bataille. De
ind matin Schoniberg avertit le roi que le
lince d'Orange s'était placé, près de Valen-
Unnes, entre Bouchait) et Sebourg; à huit
nires il est à Bouchain pour rallier le duc d'Or-
|tns, et à onze, avec vingt escadrons, il rejoint
[mis XIV, dont les troupes sont concentrées en
Le de l'ennemi. Après avoir ainsi tout préparé
|tur une victoire presque certaine, Schomberg
t la faiblesse de se ranger, avec Créqui et La
huillade, à l'avis de Louvois, opposé à toute
[.taille générale, partageant ainsi une faute dont
h se consola jamais Louis XIV. Placé à la tête
h l'armée, lors du départ du roi (4 juillet),
rchomberg contraignit Guillaume à lever le siège
h Maëstricht et le battit à Gembloux. Pour
rix de cette belle campagne, il reçut, outre plu-
feurs biens confisqués, quatre pièces de canon
pur décorer son château deCoubert (1), acquis
nnnée précédente des deniers du roi. Ce fut
Picore sous les ordres de Louis XIV qu'il coopéra
fi 1677 à la prise de Valenciennes et de Cam-
•ai, et en 1678 à celle de Gand et d'Ypres.
toujours sous les ordres du roi, il rouvrit le
|ége de Luxembourg, qui se rendit le 4 juin 1683.
f Ce fut le dernier service rendu par Schomberg
[la France : très-attaché à la religion protes-
Ute, la révocation de l'édit de Nantes (22 oc-
nbre 1685) le força de demander au roi la per-
mission de sortir du royaume; il ne l'obtint
p'en mars 1686, et à la condition d'aller en
fortugal. « Ce départ, dit Sourches, fut accom-
îgné des regrelsde toute la France, qui perdait
!) lui le meilleur et le plus expérimenté de ses
tènéraux. » La foi pour Schomberg remplaçait
f; patrie : pour elle à près de soixante-dix ans
| redevenait soldat de fortune. Les défiances de
inquisition, et surtout les projets du prince d'O-
(1) Situé dans tes environs de Brie-Conitc-Robert.
NOUY. BIOGR GÉNÉR. — T. XL1II.
SCHOMBERG 578
range, le décidèrent bientôt à quitter le Porlu-
gal. Il passa d'abord en Angleterre, où, malgré
les avances de Jacques II, il se lia avec les mé-
contents et prépara les voies au prétendant.
En 1678, il revint sur le continent, assista à une
entrevue de l'électeur de Brandebourg et du
prince d'Orange, où fut arrêté le dessein de sa
descente en Angleterre, et, pour ne pas exciter
les soupçons, se mit au service de l'électeur,
qui le nomma gouverneur de la Prusse ducale.
En 1687, il fut chargé de s'opposer à l'envahis-
sement de l'élcctorat de Cologne par les Fran-
çais. Quand tout fut préparé pour la descente de
Guillaume d'Orange en Angleterre , Schomberg
se rendit en Hollande, où le prince lui donna,
sous lui, le commandement des troupes : choix
très-habile et très-politique, qu'approuvèrent les
Anglais aussi bien que les Hollandais, les wbigs
aussi bien que les torys. La fuite précipitée de
Jacques II livra sans combat le trône à son ri-
val. Schomberg fut créé duc deTelfott, chevalier
de la Jarretière, grand-maître de l'artillerie. Loin
d'être envié, comme l'étaient Bentinck et d'autres
étrangers, il plaisait aux Anglais par sa facilité à
parler leur langue, la vivacité de son esprit et ses
habitudes à la fois élégantes et militaires. Choisi,
en 1689, pour réprimer le soulèvement jacobite
de l'Irlande, il reçut avant son départ les com-
pliments delà chambre des communes, dans
une séance solennelle, honneur extraordinaire
qui ne se reproduisit plus que, le lt juillet 1814,
pour le duc de Wellington. Débarqué à Àntrim
avec 10,000 hommes, il marcha sur Carrickfer-
gus, qui capitula après quinze jours de siège»
Marchant vers Dublin, il entra dans plusieurs
villes; mais au lieu de livrer à Jacques II, qui
attendait à Drogheda, une bataille que l'infé-
riorité du nombre eût rendue trop incertaine,
il se retrancha dans le camp de Dundalk, et
exerça ses troupes. En 1690 le roi lui amena
des renforts et marcha en avant. Dans la san-
glante journée de la Boyne (11 juillet 1690),
Schomberg, qui commandait le centre, supporta
tout l'effort de l'attaque. Voyant ses soldats
ébranlés, il ne prit pas le temps de revêtir sa
cuirasse, traversa la rivière, et rallia autour de
lui le corps des réfugiés français en leur disant :
« Allons, messieurs, voilà vos persécuteurs. »
Ce furent ses dernières paroles. Entouré par
un gros de cavaliers, il fut atteint de trois bles-
sures mortelles, deux coups de sabre à la tète et
une balle de carabine dans la gorge. La victoire
était assurée, et le corps de Schomberg fut triom-
phalement déposé dansJa cathédrale de Saint-
Patrick. Voici le portrait qu'a fait de lui Rapin
de Tboiras : « C'était un homme posé, appliqué,
d'une grande conduite, qui pensait mieux qu'il
ne parlait, intègre, modeste, obligeant, civil. On
le considérait comme le premier capitaine de
son siècle après le prince de Condé et le maré-
chal de Turenne. Il connaissait à fond les
hommes et les affaires. 11 était de moyenne taille,
19
579 SCHOMBEB.G —
bien fait, le teint beau, une santé robuste, un
air de grandeur qui imposait du respect, se te-
nant à cheval avec une grâce peu commune. Il
aimait beaucoup la propreté dans ses habits, et
conservait au milieu de la vieillesse ta gaieté de
ses premières années. » De son union avec
Jeanne-Elisabeth de Schomberg, sa cousine, il
avait eu cinq fils : Frédéric, brigadier en 1675
et mestre de camp en 1677; il mourut sans en-
fants; Meinhurdt, créé duc de Leinster en 1691,
mort en 1719; Othon, tué au siège de Valen-
ciennes (1656); Henri, mort de ses blessures à
Bruxelles; et Charles, duc de Telford, mort en
1693. Marié en secondes noces à Suzanne d'Au-
male ( 14 a\ril 1669), il n'en eut point d'enfants.
Il existe du maréchal de Schomberg une cu-
rieuse correspondance relative à la guerre d'Ir-
lande, qui a été imprimée dans les Mémoires de
Datrymple. Eugène Asse.
Beauchateau , Abrégé de la vie de Fréd. de Schom-
berg; Amst., 1690, in-12. — Razner, Leben Fried von
Schomberg; Manheim, 1789, 2 vol in-o°. — Mémoires
du comte de Doh.ua. — Journal de Dangeau , juillet
1690 — Mignet, Success. d'Espagne. — Rousset, Hist.
de J.oucois. — Macaulay, Hist. de Jacques II et de
Guillaume III.
SCHOSiEUS. Voy. SCH0ON.
SCHOKCAITER. Voy. SCHOENGAIER.
schoock ( Martin ), en latin Schockius,
érudit hollandais, né le 1er avril 1614, à Utrecht,
mort en 1665, à Francfort-sur-lOder. Après
avoir achevé ses études à Fi aneker et à Leyde,
il surveilla l'éducation de quelques jeunes gens,
et embrassa la carrière de l'enseignement. A
l'exception de la théologie et des sciences natu-
relles, il enseigna un peu de tout, et résida suc-
cessivement à Utrecht, à Deventer (163S) et à
Groningue (1640) ; sur la fin de sa vie, il quitta
la Hollande, pour se soustraire soit aux persé-
cutions des cartésiens, soit aux poursuites de
ses créanciers , et alla professer l'histoire à
Francfort-sur-POder. Il devint historiographe et
conseiller de l'électeur de Brandebourg. Peu de
savants ont égalé l'ardeur de Schockius à faire
des livres (on en connaît une cinquantaine);
peu aussi ont plus que lui abusé de l'érudition.
Il se plaisait à traiter les questions singulières et
les plus étrangères aux lettres, et loin de se
renfermer dans son sujet, il s'abandonne à des
digressions continuelles, qui le lui font perdre de
vue. C'est le plus sérieusement du monde qu'il
a écrit en latin des traités en règle sur les ha-
rengs (1649, in-8°), l'élermiement (1GÏ9, 1664,
in-12), les truffes (1658, in-12), le beurre et
l'aversion du fromage (1658, in-12), les ci-
gognes ( 1660, in-12), la cervoise (1661, in-12),
la fermentation (1603, in 12 ), les tulipes, etc.
Il eut des querelles assez vives avec Descartes,
Voet, Saumaise, et Vossius. Parmi ses autres
ouvrages, nous citerons : De hellenistis et, lin-
gua hellenislica; Utrecht, 1641, in-8° : il s'a-
git du grec avec les tours de l'hébreu, tel qu'on
le voit dans la version des Si ptante et dans le
SCHOOJNHAVEN 58
Nouveau Testament; — De ovo et pidlo; ibid
1643, in-12; — Philosophia carlesiana ; ibid
1643, in-i 2 : Descartes assigna l'auteur devar
l'université de Groningue pour réparation df
injures débitées contre lui; — De pace qux fa
deratis Belgis contigit ; Amst., 1650, in-12 ; -
Oraiiones ; Deventer, 1650, in-8°, — Statu
reip. fœderati Belgii diss. IX; Groningue
1651, in-8°; — Exercitationes sacrée Xlm
ibid., 1651, in-8°; — De inund ationibus ; ibid |
1652, in-8°; — Belgium fœderatum; Amst
1652, in-16; — De anima belluarum ; Gronii
gue, 1658, in-4°; — Fabula Hanielensis, sti
Disquisitio historica, etc. ; ibid., 1659, 166 \
in-12 : il cherche à réfuter la légende de l'invj
sion des rats qui avaient en 1284 infesté H;
meln, ville de la basse Saxe, et de l'enlèvemei
des enfants qui en avait été la suite; — Physk
generalis ; ibid., 1660, in 8°; — Physica ct\
lestis; Amst., 1663, in-8°; — Exercitalioni
varia?; Utrecht, 1663, in-4° : la ire édition, moi I
ample que celle-ci, est de 1657 ; la plupart d I
33 pièces qui composent ce recueil roulent surd I
sujets bizarres, dont le P. Niceron a donné le d I
tail ; — Observationes practiese de sacris sen I
turis ; Amst., 1664, in-12; — Politicus pin I
Groningue, 1664, in 4°; — De quadrupliez tel
regia ; Francfort-sur-1'Oder, 1668, in-8°; I
Exercitationes XII ; s. 1., 1668, in-12. Toutes] I
œuvres de Schockius ont été prohibées à Ronl
Frelier. Theatrmn. — Revins , naventria illnslruta. I
Niceron, Mémoires, XII et XX. — Paquot, Mémoires, I
schoom (Corneille van), en Latin ScA I
meus, poète latin, né vers 1540, à Gouda (III
lande), mort le 23 novembre 1611, à Harle I
Il lit ses études à Louvain, et fut appelé, en 15' I
à diriger l'école latine de Harlem; il exerça il
emploi pendant vingt cinq ans, avec beaucol
de succès. C'était un habile humaniste et l'|
des excellents poêles de son pays, où les lett
latines ont été si florissantes ; aussi a t-il
loué par les meilleurs esprits de son temps,
l'un d'eux nous apprend même dans une pii
de vers que tout en lui répondait à son nom (
qu'il avait un beau génie, une belle femme,
beaux enfants. Outre une Grammaire lath
on a de Schonseus : Carminum libellus ; I
vers, 1570, in-8°; et dix-sept comédies sacr
impr. successivement et réunies sous le ti
profane de Teientius chrislianus (Colog'
1614, 1652, in-8°; Amst., 1629, in-8°; Frai
fort, 1712, 2 vol. in-8°), titre qui avait été I
bord donné à un recueil des six premières piè
(Anvers, 1598, in 8°). Au jugement de Paqi
il a imité d'assez près son modèle pour la pui
du style, le naturel et la précision.
Paquot, Mémoires, 11.
schoonhaven (Florent), poêle latin,
en 159 i, à Gouda ( Hollande), où il est mort.
1648. Il étudia le droit à Leyde, et se fit reee's
docteur ; le spectacle des déchirements car
(1) De Schoon signiOe en flamand le Beau.
SCHOONHAVRN — SCHOPP
582
■k
les querelles religieuses le décida à embras-
s la foi catholique, et s'étant ainsi exclu lui-
me des fonctions publiques, il passa sa vie à
ïiver la poésie latine. S'il y montre assez peu
goût et de délicatesse, il est en revanche fa-
, vif et parfois élégant. On a de lui : Poe-
ta;Leyde, 1613, in- 1 G ; — Emblemata ;
ida, 1618, in-4°, tîg., trois éditions; — des
«8 dans Delicix poel. belg.^W" partie.
,i|ui>t, Mémoires, XV.
cuopp (Gaspard), en latin Scioppius, célèbre
ologue allemand, né le 27 mai 1576, à Neu-
( haut Palatinat), mort le 19 novembre
*9 , à Padoue. Il prétendait être d'une famille
le, mais déchue; ses ennemis le disaient
d'un brasseur, qui avait fait presque tous les
iers depuis celui de fossoyeur jusqu'à celui
ioldat(l). Depuis 1593 il étudia aux frais de
cleur palatin les belles-lettres et la jurispru-
«e à Heidelberg, Altdorf et Ingolsladt. Après
r écrit des poésies latines , il débuta dans la
ique par deux recueils de notes sur divers au-
Is latins ; elles témo;gnent d'une maturitédeju-
ent rare chez un jeune homme ; aussi fut-il ac-
d'en avoir pris la substance dans les Obser-
tones de Gifanius, son maître, ce qui n'est vrai
n partie (2). En 1597 il visita l'Italie, la
iême, la Pologne et la Hollande ; en 1598 il re-
ina à Rome, et y abjura le protestantisme, con-
ion sincère, mais qu'il ne manqua pas d'exploi-
lans son intérêt. Décoré aussitôt par le pape
litres de chevalier de Saint- Pierre et de comte
iacré Palais , il reçut une pension de six
s florins et un logement au Vatican. Afin
itenir davantage, il écrivit livre sur livre
certifier de son dévouement au saint-siége,
raitant d'abord avec ménagement ses an-
s coreligionnaires. Comme les grâces qn'on
accordait n'étaient pas au niveau de ses pré-
ions , il lança dans le public cette longue
î de libelles qui ont rendu son nom si fà-
x : il attaqua les réformés, puis, selon son
"et, les piinces, les savants, les congréga-
» religieuses, bref tout ce qui avait une puis-
;e ou une notoriété quelconque. Sa première
ime fut Joseph Scaliger (voy. ce nom). En-
i en 1608 par la cour de Rome à la diète de
abonne, avec la mission d'observer l'état
;ieux de l'Allemagne, il publia en cette année
jre les protestants une série de vingt et
ques pamphlet», où il conseillait contre eux
■mesures les plus violentes d'extermination.
Il; mit aussi à bafouer Jacques 1er, roi d'An-
■"rre, dans plusieurs libelles, qui sont peut-
\ les plus satiiiques et les plus venimeux qui
Voy. f'ita et parentes Scioppii, une des Satires de
'I lfi>.sins
'C'est à ceite époque aussi qu'il aurait publié un Corn-
aire liciin.ieiix sur les Pruipées, dont la première
'il certaine est dr uofi; mais -i la plus grande pariie
( livre scandaleux émane en effet de sa plume, il ne
>t avoir été mis au jour qu'à son insu, et par L'fait
'"Idast.
existent dans aucune langue; aussi ne le plai-
gnit-on pas trop, lorsque, se trouvant en 1G 14 à
à Madrid, il fut bàtonné par les gens de lord
Digby, ambassadeur d'Angleterre. Dans tous
ces écrits, dont plusieurs sont farcis d'obscénités
monstrueuses, Scioppius montre une rare con-
naissance, théorique ou pratique, de toutes les
infamies qui peuvent dégrader l'homme. Cepen-
dant les protestants ne lui répliquèrent qu'une
seule fois, et les catholiques étaient loin de le
récompenser comme il l'espérait. Il s'occupa alors
pendantson séjouràMilan(16l8-l630) àréformer
la grammaire latine;'mais sa méthode, remplie
de vues ingénieuses et utiles , n'en fut pas moins
reconnue impraticable en grand. Les professeurs
et les jésuites, dont il avait dénigré l'enseignement,
se déchaînèrent alors avec violence contre ses in-
novations et aussi contre sa personne. En 1630 il
demanda à la diète de Ratisbonne une pension en
rapport avec les services éminents qu'il croyait
avoir rendus en attaquant les protestants. Sa ré-
clamation n'obtint aucune réponse. Attribuant
cet échec à l'influence des jésuites, confesseurs
de l'empereur et des princes , il se mit à lancer
contre leur ordre plusieurs libelles diffamatoires,
où il vilipende leurs doctrines, leur savoir
et leurs mœurs ; ce qu'il inventa de formes et de
titres pour échapper aux répétitions et réveiller
la curiosité, est aussi singulier qu'incroyable.
« On est confondu, dit M. Nisard , de la quantité
de méchancetés noires , de turpitudes et d'hor-
reurs dont Scioppius a rempli ses libelles contre
les jésuites. » Mais cela ne suffisait pas encore
à sa rage enfiellée; abandonné de tous ses pa-
trons, il résolut de ne plus ménager personne,
et de porter ses coups à l'aventure. Il alla jus-
qu'à critiquer amèrement les papes et les cardi-
naux et à fronder certains dogmes de l'Église
catholique. En revanche il reprit vis-à-vis des
protestants un langage réservé, presque amical,
ce qui a fait supposer qu'il avait l'intention de se
ménager un refuge en Hollande. Pousuivi par
la haine générale , il se retira en 1.636 à Padoue,
et fut réduit, pour avoir quelque sécurité, de se
tenir enfermé dans sa maison. Il n'en apporta que
plus d'ardeur à écrire ; un nombre vraiment in-
croyable d'ouvrages sortit de sa plume; mais les
libraires, craignant de se compromettre, refusè-
rent d'en publier la plupart. Ayant voulu réaliser
sa fortune, consistant surtout en biens-fonds, il ne
trouva pas d'acquéreur pour son fief de Goïto et
son marquisat de Cavatorre. à cause de la guerre
qui désolait la haute Italie. Ses embarras pé-
cuniaires n'affaiblissaient pas la vigueur de son
esprit; il étudiait ou écrivait comme autrefois
quinze et même dix-huit heures par jour, n'ayant
d'autre délassement que les conversations des
érudits qui venaient le visiter quelquefois dans
sa solitude. 11 rédigea à cetîe époque une
quinzaine de traités de politique, où il préconi-
sait le système de Machiavel , dont il exagéra
encore les principes immoraux. Sa Pxdia
!9.
583 SCHOPP -
Ht ter arum date de la même époque; il pu-
blia une apologie effrontée de ses vertus, de
ses mœurs, deses talents et de sa piété. A l'appui
des compliments qu'il se prodigue à lui-même,
comme il l'avait déjà fait dans ses Amphotides,
dans ses Elogia Scioppiana , il rapporte une
foule de certificats et de lettres de recomman-
dation émanés de presque tous les princes et sa-
vants de l'Europe. Avant de citer les princi-
paux des cent et quelques écrits de Scioppius,
nous dirons un mot de son style, qui est loin
d'être irréprochable , bien que personne ne con-
nût mieux que lui les finesses de la langue la-
tine. Ses expressions sonl. souvent incorrectes,
ses phrases d'une longueur démesurée; les in-
cidences , les parenthèses s'accumulent les unes
sur les autres. Il demande des efforts pour être
compris, et le moderne, l'allemand surtout, se
trahit à chaque instant par son labeur et sa pro-
lixité. On a de Scioppius (1) : Poemata varia ;
Heidelberg, 1593, in-4o; — Versimilium
lib.IV, in quïbus multa veterum scriptorum
loca emendantur ; Nuremberg, i596, in-8° ; —
Suspectas lectiones ; ibid., 1597, in-8°;Amst.,
1664, in-8° ; — De arte critica ; Nuremberg,
1 597, in-8° ; — Pro autoritate Ecclesix ; Rome,
1598, in-8° ; — De veritate interprétai ionis
catholicx in ambiguis Scripturarum locis ;
Rome, 1599; Ingolstadt, 1600,in-8°;— De in-
dulgentiis; Munich, 1601, in-4° ; — De Anti-
chrislo ; Ingolstadt , 1605, in-4°; — Symbola
critica in Apuleii opéra; Augsbourg, 1605,
in-12; — Elementa philosophix stoicx mo-
mfts,\Mayence, 1606,in-8°; — De cultuet ho-
nore , ''Rome, 1606, in-8°; — Scaliger hypobo-
hjmseus; Mayence, 1607, in-4°; — Humiliatio
protestantium ; Grselz, 1609, in-4°, en alle-
mand;— Examen spiritus Lutheri; Grsetz,
1609, in-4°, en allemand ; — Observationes
lin guee latin se; Francfort, 1609, in-8°; — Ec-
clesiasticus ; Meiteingen, 1611, in-4° : contre
Jacques Ier, roi d'Angleterre, ainsi que le Col-
lyrium regium; 1611, in-8°; — Amphotides
Scioppianx ; 1611, in-8° ;_ — Alexipharma-
cum regium; Mayence, 1612, in-4° : contre
Jacques Ier et Duplessis-Mornay ; — Scorpiacum,
novum adversus protestantium hasreses re-
medium; ibid., 1612, in-4<»;— Legatus latro;
Ingolstadt, 1615, in-12 : contre lord Digby; —
Responsio ad epistolam Isaaci Casoboni;
ibid , 1615, in-8°; — Corona regia; 1615,
in-12 : sanglante satire contre Jacques Ier;
réïmpr. dans VHist. sapientix et stultitige de
Thomasius; — De calvinistarum dolo ; In-
golstadt, 1616, in-4°, en allemand; — Elogia
Scioppiana ; Pavie, 1617, in-40;— Classicum
belli sacri, hoc est de christiani Cxsaris erga
(1) Un grand nombre de ses écrits ont été publiés sous
des pseudonyme*, d int voici les principaux : Nicodemus
Nacer, Operinvs f.rtibinins, Jspasius Crosippus, flo-
/ofernes Krigsoederus , Sanctius Galindus, Alph. de
forças, Renatus i-'erdœus, Juniperusde Ancona, Ma-
riangélus a Fano Benedicti, etc.
SCHOREEL 58
principes ecclesix rebelles officio; Pavit
1619, in-4o : l'auteur y conseille l'exterminatk
complète des hérétiques; — Pxdia polilice:
Rome, 1623, in-4»; — De rhetoricarum exerc
tationum generibus; Milan, 1628, in-8°; ■
Grammatica philosophica , sive institution!
grammaticx latinx; Milan, 1628,in-8" ;Ams1
1659, 1664, in-8°; — Paradoxa litteraru
Milan, 1628, in-8°; — Mercurius bilingui
nova facilisque ratio latinx lingux addi
cendx; ibid., 1628, in-8° ; — Rudimen,
grammaticx philosophïcx ; ibid., 1629, in-8
— Actio perduellionis injesuitas ; 1632, in-4
en allemand ; — Flagellum jesuiticum ; 1631
in-4°, en allemand; — Mysteria Patrumjesuit
rum; 1633, in-12; — AnatomiaSocietatis Jes\\
Lyon, 1633, in-4°; — Astrologia ecelesiastw V
1634, in-4°; — Arcana Societatis Jesu; 16«:l
in-8° ; — De stratagematis et sophismatisp I
liticis Societatis Jesu; 1636, in-12; Cologr
1648, in-12; — Descholarum et studiorum
ratione ;Padoue, 1636, in-12; — Depxdiah§
manarum ac divinarum litterarum ; ibii
1636, in-12 ; — Mercurius quadrilingu
Bâle, 1637, in-8°; — In Vossii libros De vit
sermonis animadversiones ; Ravenne, 16'
in-12; — Infamia Famiani; cui adjui
tum de stili historici ac vitiis judiciw
1658, in-12. Comme éditeur Scioppius a put
Vairon, Symmaque, et la Minerva deSanch
Plusieurs lettres de Scioppius très-intéressan
se trouvent dans les Monumenta pieta
( Francfort, 1701, in-4° ) ; d'autres dans les Ai
litleraria de Struve et dans la Sylloge de B
mann. Plusieurs de ses ouvrages inédits s<
dans diverses bibliothèques d'Italie. E. 6
Bayle, Dict. — Niceron, Mémoires, t. XXXV. —
Nisard, Les Gladiateurs de la réptiblique deslettres, I
schoreel {Jean ), peintre nollandais, ndi
1495, à Schoreel, village des environs d'Alkrai
mort à Utrecht, en 1562. D'abord élève ded
maîtres obscurs, Willem et Jacob Cornei
Schoreel se rendit à Utrecht, où demeurait a)
Jean de Mabuse, et après avoir travi
quelque temps dans l'atelier de cet ha
peintre, il alla, dit- on, achever son éducatif.
Nuremberg, sous la discipline d'Albert Du
Mais, dominé par le goût des voyages et des I'
taines aventures , il le quitta bientôt pour f
une excursion en Orient. Schoreel vi
Chypre, Rhodes et les îles de l'Archipel; il s
rêta sur les côtes de l'Asie Mineure, et poussa
voyage jusqu'à Jérusalem, où il fit de nombi
ses études de paysages, et des dessins d'a|
les types et les costumes des Levantins, lîev
en Europe, il séjourna quelque temps à Ro
où il connut les grands artistes de la renaiss;
italienne et où il eut l'honneur de peindnl
portrait d'Adrien VI. A son retour en Hollai %
Schoreel se fixa à Utrecht, et il fut un des p
miers à enseigner aux artistes de son pays
pratiques et le style de l'école romaine. Ses
■s
SCIIOREEL
>lcaux , d'ailleurs très-rares , offrent une sorte
le compromis entre le goût italien et la manière
tollandaise du seizième siècle. Ses plus beaux
lùvrages sont conservés à l'hôtel de ville d'U-
recht, à Cologne, à Munich et au musée de
îotterdam , qui a de lui une importante compo-
ition, le Baptême de Jésus- Christ. P. M.
IromiTZL'el, Leven. — Burger, Musées de la Hollande.
scaoTAxrs ( Christian ), érudit et historien
lOllandais, né le 1C août 1603, à Scheng, près
franeker, mort le 12 novembre 1671,àFraneker.
a famille était ancienne dans la Frise et comp-
rit plusieurs savants. Destiné à l'Église, il fut
lit, en 1627, ministre de son village natal, d'où
passa en 1629 dans celui de Cornjum, où il
:emeura dix ans. En t639, il fut appelé dans
Académie de Franeker, qui l'avait eu pourétu-
iant, et y professa la langue grecque, puis l'his-
>ire ecclésiastique. Il desservit aussi l'église de
fstte ville, et fut député quelquefois au synode,
mourut d'une léthargie causée par le froid.
es principaux, écrits sont : Notx ad Euange-
fa et Epistolas; Leeuwarden, 1647, in-12; —
\atechesis; Franeker, 1653, in-12;— Colle-
Mim miscellaneorwn theologicorum ; ibid.,
554, in-12; — Beschryving van Friesland
Description de la Frise); Leeuwarden, 1656,
B64, in-4°, avec plans et cartes; — Kerkelyke
\i Wereld/yke Geschiedenissen van Oost-en
West-Friesland ( Histoire ecclés. et civile de
. Frise jusqu'en 1558); Franeker, 1658, in-fol.;
J- Bibliotheca historiée sacrx V. T.; ibid.,
h(S2 1664, 2 vol. in-fol : c'est une espèce de
pmmentaire, qui sent le fatras, touchant l'Ins-
pire de Sulpice Sévère et celle de Josèphe; —
îlectas disputationum theologicarum ; ibid.,
664, in-4° ; — Partitiones theologicx ; ibid.,
JB85 in-12. Ces ouvrages montrent que cet au-
Ipur avait un savoir assez étendu, mais mal di*
•pré. Très-vif dans ses sentiments religieux, il
le s'attacha à aucune secte en philosophie.
'| Schotanus (Jean), fils du précédent, né en
543, à Franeker, où il est mort, le 5 mai 1699.
J'vant d'exercer le ministère évangélique, il di-
f'gea le collège de Franeker; depuis 1678, il en-
bigna la philosophie dans l'université, dont il
lit élu recteur. Partisan de Descartes, il poussa
I zèle jusqu'à paraphraser en vers les six Mé-
mtations de ce philosophe (Franeker, 1688,
1 1-4°). On a encore de lui -. Exercitationes ad
mrtmamgenesimrerum ; Franeker, I687„in-12;
- Physica cœlestis et terrestris ; ibid., 1700,
|ji-t2; — des discours, des pièces de vers, etc.
htPaqnot, Mémoires, VI.
il schott (André), philologue belge, né le
i ^septembre 1552, à Anvers, où il est mort, le 23
invier 1629. Il étudia à l'université deLouvain,
Ifi il eut Juste Lipse pour condisciple, puis en-
' Mgna la rhétorique dans cette ville, au collège
II Château. Par suite des troubles des Pays-Bas,
If se réfugia en 1576 à Douai, où il devint se-
• îélaire d'un jeune noble fort instruit, Philippe
— SCHOTT 586
de Lannoy. Après la mort de ce dernier, il se
rendit à Paris comme secrétaire de Rusbecq,
alors ambassadeur de l'empereur auprès de la
cour de France, et qui avait adressé à Schott la
célèbre inscription désignée sous le nom de mo-
nument d'Ancyre. Après deux années de séjour
à Paris, pendant lesquelles il se lia avec les frères
Pithou, Passerat, Joseph Scaliger et Papire
Masson, il fut envoyé par son père à Madrid,
où il obtint aussitôt au concours une chaire de
langue grecque, qu'il échangea, en 1584, contre
unechaire à l'université naissante de Saragosse,
où il enseigna la rhétorique, le grec et l'histoire.
Là, pendant le siège d'Anvers par le duc de
Parme, il fit vœu d'entrer dans la société de Jésus
si sa ville natale rentrait sous la domination du
roi d'Espagne. Les événements ayant répondu à
ses désirs, il accomplit son vœu en 1586, et alla
faire ses études thëôlogiques à Valence. Ensuite
il enseigna la théologie à Gandia, puis, pendant
trois ans, la rhétorique à Rome, qu'il quitta pour
revenir à Anvers. Schott est auteur d'un grand
nombre d'ouvrages, dont quarante-sept sont cités
dans les Mémoires de Niceron. Les principaux
sont : Vitx comparatx Aristotelis ac Demos-
thenis; Augsbourg, 1603, in-4° ; — Bispania
illustrata, s eu rerum urbiumque Bispanix,
Lusitanix, jEthiopix et Indix scriptores
varii; Francfort, 1603-1608, 4 vol. in-fol. : cette
collection estimée a été publiée les 1. 1 et II par
Schott, le t. IV par son frère , et le t. III par
Pistorius; — Thésaurus exemplorum ac sert-
tentiarum ex auctoribus optimis, in cen~
turias IV; Anvers, 1607, in-8°; — Bispanix
bibliotheca, seu de academiis et bibliothecis ;
item elogia et nomenclator clarorum Bis-
panix scriptorum, qui latine disciplinas om-
nes illustrarunt ; Francfort, 1608, in-4°: ou-
vrage anonyme, mais dont la dédicace est sous-
crite : A. S. Peregrinus. Prosper Marchand
doute que cet ouvrage soit de Schott, l'article
Mariana n'y étant pas d'une suffisante exacti-
tude; — Adagia Grxcorum; Anvers, 1612,
in-4°; — Observationum humanarum lib. V,
quibus grxci latin ique scriptores emendantur
et illustrantur ; Anvers, 1615, in-4°, rare; —
Tabulx rei nummarix Romanorum Grxco~
rumque ad Belgicam, Gallicam, Bispanicam
et Italicammonetam revocatx ; Anvers, 1615,
in-8°; — Selecta variorum commenlaria in
orationes Ciceronis; Cologne, 1621, 3 vol.
in-8°: il a joint à ce choix de commentaires plu-
sieurs de ses propres notes. Il a été le premier
éditeur d'Aurelius Victor (Anvers, 1579, in-8°),
et il a donné des éditions de Cornélius Nepos,
de Pomponius Mêla, de Paul Orose, de Vltiné-
faire d'Antonin, des Controverses de Sénèque,
de la Bibliothèque de Photins, de la Sicilia et
Magna Grxcia de Goltzius, etc. Enfin, il a ajouté
trois chapitres importants à YAntiquitatum
romanarum corpus deRoszfeld (Trêves, 1704,
in-4°). On trouve dans le Sylloge epistolarum
I
587 SCHOTT — SCHOUVALOF
de Burman neuf lettres de Schott à Juste Lipse.
La bibliothèque royale, rie Belgique possède plu-
sieurs manuscrits d'auteurs grecs copiés à Sa-
lamanque pour Scliott, et sur lesquels se trouvent
des notes écrites de sa main. E. Regnard.
Alegainbe, Bib ioth scripturum Societatis Jesu, An-
vers. 16*3, p. 29. — Niceron, /Mémoires, XXVI. — Sweer-
tius, Athevœ belgicœ. — Foppens, Hibliotheca belgica. —
M. Bagnet, Nonce sur André Schott, dans les Mémoires
de l'Acad. royale de Belgique, t. XXIII.
schott ( Gaspard), physicien allemand, né
en 1608, à Kœnigshofen, mort le 22 mars 1666,
à Wurtzbourg. Entré à dix-neuf ans chez les
jésuites, il fut à la suite de la guerre de Trente
ans obligé de quitter l'Allemagne; il alla passer
quelques années à Palerme, où il enseigna la
théologie morale et les mathématiques dans le
collège de son ordre. Après avoir aussi fait un
séjour à Rome, où il se lia avec le célèbre Kircher,
il retourna vers la fin de sa vie en Allemagne, et
se fixa à Wurtzbourg, où il professa la physique
et les mathématiques. « Ses excellents ouvrages,
qui ont beaucoup contribué aux progrès des
sciences physiques, contiennent, dit Mercier
Saint-Léger, des faits curieux des observations
précieuses, des expériences dignes d'attention et
pouvant mettre sur la voie de plusieurs décou-
vertes; il est vrai qu'ils sont aussi chargés d'une
foule de choses inutiles, hasardées, et même
ridicules. » Les principaux sont : Mechanica
fiydraulico-pneumatica; Wurtzbourg, 1657,
in-4°; on y trouve la première relation des
expériences d'Otto Guericke; — Magia uni-
versalis naturse et artis, sive rccondita na-
turalium et artifi.cia.lium rerum scientia;
ibid., 1657-1659, 4 vol. in 4° : cet ouvrage est le
meilleur exposé des connaissances physiques au
dix septième siècle; il est divisé en quatre par-
ties : optique, acoustique , mécanique et statis-
tique , et enfin magnétisme et autres matières
alors considérées comme étant du domaine des
sciences, telles que chiromancie, physionomie,
artdivinatoire, etc. Ces différentes parties furent
réimprimées à Bamberg, la première en 1677,1a
seconde en 1674, I* troisième en 1672 et la qua-
trième en 1674; l'optique fut traduite en alle-
mand; Bamberg, 1671 : Francfort, 1677, in-4°;
— Pantome/rum Kircherianum, hoc est ins-
fiumen/uin geometricum novum, quo quic-
quid ad geometricam practicam spectans
summa facili/ate et brevitale petficilur;
Wurtzbourg 1660, 1669, in-4°; — Cursus ma-
thematicus, sive omnium mathemalicarum
disciplinai' uni encyclopedia ; ibid., 1661,
iu-fol.; Francfort, 1674; Bamberg, 1677, in-fol.;
— Physica curiosa, quitus pleraque qiuc de
angelis, deemonibus, spectris, energumcnis,
monstris, portentis, meteoris rara circum-
feruhtur. ad verîtat.is trutinam excutiunlur;
ibid., 1662, in-4°; il en parut deux autres édi-
tions, beaucoup plus complètes, en 1667 et 1697 ;
— Anatomia physico-hydros/alica fonlium
acjluminum; in qua eorum liistoria princi-
S?
pium ac variée proprietates discuthtntur
ibid., 1663, in-8°; — Technica curiosa, sic
mirabilia artis, qua varia expérimenta pnex
matica, hydraulica, mechanica, graphici
chronomelrica, aulomatica, cabalistica pn
ponuntur ; ibid., 1664, 1687, 2 vol. in-40;-
Schola stenographica: ibid., 1665; Nuremben
1680, in-4° : traité curieux sur l'art d'écrire t
chiffres; — Joco-seriorum naturse et artis
sive magiee naturalis centuriar. III; Wurtî
bourg, 1666, in-4°; — Organum mathemat
cum, quo per paucas tabellas plereeque nu
thematicee disciplinée modo novo ac faci
traduntur; ibid., 1668, 1668, in-4°; Nuren
berg, 1670, in-4°. Schott a aussi donné d
éditions augmentées de Yltinerarium extx
ticum de Kircher, et de YAmussis Ferdina:
dea, du P. Curtz.
l!e l'aeckrr, Bibliothèque des écrivains de la Société
Jésus. — Mercier de Saint-Léger, Notice des ouvrages^
P. Schott.
schopvailof ( Pierre- TvanoJ , comte de
mort le 9 janvier 1762. Il appartenait à l'ar.m
russe en 174 1, et joua un rôle actif dans !a rév
lution qui donna le trône à Elisabeth. Cette pri
cesse paya ses services en le nommant maj
général, et quelques années plus tard en lui co
férant le titre de comte. Adroit, insinuant, j<
gnant les avantages physiques à ceux de l'intel
gence, il fit une brillante fortune à la cour;
justifiait la faveur dont il jouissait par un mér
réel, surfout comme officier d'artillerie; il profil
de sa dignité de feld maréchal pour apporli
dans cette arme d'importants perfectionnement
c'est à lui qu'on dut l'invention des nouvea
obus qui portèrent son nom et jouèrent un gra
rôle dans la guerre de Prusse. Rompu au u
tier de courtisan , il sut conserver sa faveur i
tacte auprès dÉlisabeth, malgré la jalousie à
chaînée contre lui.
Sciiouvalot1 (André, comte de), fils du pré(
dent.néen l727,morten 17S9. La fortune qu'av>
acquise son père lui permit de se livrer à s
amour pour les lettres et les arts. Il apparten
à cette partie de l'aristocratie russe qui affeci
un culte delà civilisation française; Élisanet
auprès de laquelle il partageait le crédit de
père, lui confia, avec le titre de chambellan,
mission de répandre la lumière dans ses Éta
Schouvalof n'eut pas l'ambition de jouer
rôle politique; il se voua complètement àl
tude et aux travaux de l'esprit. Il parcourut
touriste intelligent presque tous les pays de l'ï
rope, mais vécut de préférence à Paris, où il rei
les encouragements et les éloges d'un grji
nombre de littérateurs français; ils n'étaient
seulement le résultat de la flatterie; ScIiouve
parlait et écrivait notre langue avec une grar
pureté; les vers qu'il composait ne trahissai
pas la plume d'un étranger, et l'on attribua mô
à Voltaire son ÉpUre à Ninon. Son Épiln
Voltaire n'est pas non plus sans mérite ; il ent
9 SCHOUVALOF
lit avec !e philosophe une correspondance suivie,
|:f ui transmit de nombreux renseignements pour
iji Histoire de Pierre le Grand. L'impéra-
tfce Catherine, tenant le comte en grande consi-
ration, utilisa en plusieurs circonstances ses
I stesconnaissanc.es, et s'en servit comme d'in-
médiane avec les écrivains français; c'est ainsi
'il offrit de sa part a D'Alemherl l'éducation de
éritier présomptif du trône de Russie. Schou-
lof, qui, outre ses services littéraires et diplo-
itiques, rendit à Catherine celui d'organiser
banques publiques, fut comble d'honneurs,
mmé granit cordon de Saint-André, sénateur
membre du conseil suprême. Il laissa un fils,
i fut aide de camp d'Alexandre et fut chargé ,
1814, d'accompagner Napoléon à l'Ile d'Elbe.
Correspondance de Voltaire, passiro. — Correspon-
de de Scliouvulof avec La Harpe.
schramm {Jean- Adam, baron), général
jiçais, né le 24 décembre 1760, à Beinlieim
as-Rhin), où il est mort, le 12 mars 1826. Entré
mine soldat au régiment suisse de Diesbach
i février 1777), il était sergent-major au mo-
»nt de la révolution, et devint le 21 août 1792
pitaine dans le premier hataiilon franc, avec
piel ii fit la campagne du nord. Il passa peu
rès à l'armée de Sambre et Meuse, puisa Tar-
ée d'Italie. Après avoir assisté à la prise de Fri-
>urg (Suisse) (2 mars 1 798), il rejoignit Texpédi-
»n d'Orient. Son nom fut honorablement cité à la
ise d'Alexaud. ie, au siège de Saint-Jean-d'Acre,
i combat de Nazareth, et la part qu'il prit à la
'îfaite des Turcs au Boghar de Lesbeh (1er no-
mbre 1799) le fit nommer chef de brigade (colo-
kl)le même jour. A Austerlitzilfit, à la tête d'un
giment de grenadiers, mettre bas les armes à
1 corps de huit mille hommes, et fut nommé
inéral de brigade (24 décembre 1805). Il servit
iras le maréchal Lefebvre pendant le siège de
/anlzig, et seconda avec succès ses opérations,
uis il porta les armes en Espagne et en Aile-
lagne, et fut grièvement blessé à 1 assaut de Ra-
sbonne. Employé à l'intérieur, il fut mis par la
remière restauration à la retraite, avec le titre
e lieutenant généra! honoraire. Dans les cent-
»nrs il reçut ce grade effectif, qui ne fut pas i e-
jnnu, et rentra dans l'obscurité. Il était depuis
808 baron de l'empire.
Fastes de la Ijeuion d'honneur, t. UI.
I Jschramm ( Jean- Paul- Adam, baron, puis
bmte), général, fils du précédent, né à Arras, le
■•" décembre 1789. Entré au service en 1804,
omme sous- lieutenant d'infanterie légère, il
>assa en 1805 dans les grenadiers, et se signala
Werlingen,oùil s'empara d'une pièce de canon,
t à Hollabriinn , où il lit un officier russe pri-
onnier, faits d'armes qui lui méritèrent la croix
l'honneur (14 mars 1806). Aide de camp de son
•ère, il prit part au siège de Dantzig; un acte
le courage le fit entrer dans la garde avec le
;raile de capitaine 1 1807). En Espagne, il se dis
!ingua à la prise de Madrid, puis à Essling et à
— SCHRKVEL 590
Wagram. Renvoyé à la fin de 1809 en Espagne,
il combattit jusqu'en 1812 dans les provinces du
nord, et mit en déroute avec cent hommes deux
mille partisans. A Lutzen, sous le feu d'une nom-
breuse mousqueterie, il enleva, au pas de charge
et à la baïonnette, les retranchements prussiens,
ce qui décida le gain de la bataille; ce coup hardi
lui mérita le litre de baron de l'empire. Deux
blessures au bras et à la poitrine firent craindre
pour sa vie; cependant, bien que dans le plus
grand état de faiblesse, il suivit les mouvements
de la jeune garde, et ne déploya pas moins de
courage dans la première journée de la bataille
de Dresde. Napoléon le nomma général de bri-
gade (26 septembre 1813); il n'avait pas vingt-
quatre ans. Attaché au corps d'armée de Gou-
vion-Saint-Cyr, il fut obligé, par suite d'une
capitulation violée par 1 ennemi , de se rendre
comme prisonnier de guerre en Hongrie. Rentré
en France le 1er juillet 1814, il commanda dans
les cent-jours le département de Maine et-Loire,
puis il vécut de 1816 à 1828 dans la retraite, et
rentra en activité à cette dernière date. Appelé
le 10 août 1830 au commandement du Bas-Rhin,
il prit sous ses ordres, le 31 décembre 1831, une
brigade de ia garnison de Paris. Dans l'exercice
de ces fonctions, il contribua dans les journées
des 5 et 6 juin au rétablissement de l'ordre, ce
qui leiit nommer lieutenant général (30 septembre
1832). Pendant le siège d'Anvers, aux premières
opérations duquel il prit une part active (1832),
il fut placé à la tète de la réserve de l'armée
du nord, et fut ensuite envoyé à Lyon contre
les insurgés de cette ville (12 avril 1834). En-
voyé en Algérie (1840), il lit, comme chef
d'état-major général, l'expédition de Milianah,
et fut blessé d'un coup de feu à l'assaut du col
de Mouzaïah. Du 19 janvier au mois de mars
1841, il remplit par intérim les fonctions dégé-
nérai en chef et de gouverneur général de l'Al-
gérie. A son retour le roi lui conféra le titre de
comte (1841). Aux fonctions militaires, Schramm
ajouia des fonctions politiques et des services
importants dans l 'administration. Conseiller
d'Etat, député de Weissembourg (1834), inspec-
teur général d'infanterie, directeur général du
personnel et des opérations militaires au minis-
tère de la guerre (1834 à 1837), par de France
(7 mars 18 :9), il présida en outre diverses com-
missions, notamment celle qui a préparé l'or-
donnance du 10 mai 1844 sur l'administration des
Corps de troupes. Il se tenait à l'écart des affaires
lorsque le 22 octobre 1850, Louis-Napoléon lui
confia le portefeuille de la guerre, dont il se démit
le 9 janvier 1 8 5 1 , pour ne pas contresigner la ré-
vocation du général Changai nier. Après le coup
d'État, il a été nommé sénateur (26 janvier 1852).
Brahaiit, Notice, à la tète de l'album de manœuvre*
d' infanterie, 185*. — Le Sénat de l'empire. — Sarrut
et Saint-Ediue, Bioyr. des hommes du jour.
sr.iiKEVEL (T/iierri ), en latin Sclirevelkts,
humaniste hollandais, né en 1572, à Harlem,,.
591 SCHREVEL -
où il est mort, vers 1654. L'un des meilleurs
élèves du docte Schonseus, il lui succéda en
1600 dans la direction du collège de Harlem,
d'où il passa en 1625 au rectorat du collège de
Leyde; en 1642 il résigna cet emploi, et se mit
à étudier les annales de son pays natal. On con-
naît de lui : Alexicacon, sive de patientia
lib. IV; Leyde, 1623, in-18; — Palxmon,
sive diatriba: scholasticx ; ibid., 1626, in-12;
— Earlemum; ibid., 1647, in-4° ■. il y a de
cette histoire de Harlem une version hollandaise
faite par l'auteur; Harlem, 1648, in-4°.
Schrevel (Corneille), ouSchrevelius, gram-
mairien, fils du précédent, né en 1615, à Har-
lem, mort le 11 septembre 1664, à Leyde. Il y
a tout lieu de croire qu'il compta son père pour
principal maître ; on ne sait s'il étudia en méde-
cine, mais il est certain qu'il fut honoré du
grade de docteur en cette faculté. En 1642 il
remplaça son père à la tête du collège de Leyde.
« C'était, au jugement de Paquot, un homme
fort laborieux, mais d'assez petit jugement. »
On a de lui : Lexicon manuale grsccolati-
num et latino-grsecum ; Leyde, 1654, 1657,
1664, in-8° ; on en cite après la mort de l'au-
teur plus de vingt éditions, dont celles d'Ams-
terdam, 1710, et de Paris, 1752, in-8°, sont les
plus complètes : cette compilation a été d'une
grande utilité, ce qu'atteste le long succès qui
l'a accueilli; mais on lui a reproché avec jus-
tesse de se borner à un choix de mots arbi-
traire, de n'en avoir pas suffisamment expliqué la
valeur, et d'avoir adopté beaucoup d'étymolo-
gies futiles. Schrevelius s'est employé plus
qu'aucun autre aux éditions d'auteurs classi-
ques dites variorum, éditions fort belles pour
la correction, le papier et le caractère, mais
dont les notes manquent de goût et de discer-
nement; il a donné Juvénal (1648), Hésiode
(1650), Térence ( 1651 ), Virgile (1652), Ho-
race (1653), Homère (1656, 2 vol. in-4° ),
Martial ( 1656), Lucain (1658,), Quinte-Curce
( 1658 ), Justin ( 1659 ), Cicéron ( 1661, 2 vol.
în-4°), Ovide (1662, 3 vol.), Claudien ( 1665),
le Lexique d'Hesychius ( 1668 , in-4°), etc.
l'aquot, Mérnoirei, XVI.
SCHREVELUTS. FoiJ. SCHREVEL.
schrœckh (Jean-Matthias), historien alle-
mand, né à Vienne, le 26 juillet 1733, mort à
Wittemberg, le 2 août 1808. Fils d'un négo-
ciant, il étudia les belles-lettres, la théologie et
l'histoire à Gœttingue et à Leipzig, où il avait
été attiré par son oncle maternel M. Bel, le ré-
dacteur en chef des Acta eruditorum et des
Leipziger gelehrte Zeitungen. Pendant plu-
sieurs années il eut à fournir régulièrement
pour ces deux recueils des comptes-rendus d'ou-
vrages nouveaux. Après avoir fait depuis 1754
des cours libres à l'université de Leipzig, où il
fut nommé en 1762 professeur adjoint, il obtint,
en ! 767, la chaire de poésie à Wittemberg, et
en 1775 celle d'histoire. Plein d'amour pour la
SCHRYVER 59
vérité et possédant une érudition suffisante, il
écrit, dans un style clair et facile, plusieurs ou
vrages d'histoire, qui ont eu un grand succè
dans l'Allemagne protestante. On a de lui : Lt
bensbeschreibungen beruhmter Mœnner (Vif
d'hommes célèbres) ; Leipzig, 1764-1769, 3 vo
in-8°; une édition refondue parut sous le titi
de Vies de savants célèbres ; Leipzig, 179(
2 vol. in-8°; — Allgemeine Biographie (Bit
graphie universelle ) ; Berlin, 1767-1791, 8 vo
in-8°; ce recueil, dont plusieurs volumes ei
rent une seconde édition, contient les vies (
quinze princes et autres grands personnages i
l'antiquité et des temps modernes ainsi qi
celles de Chr. Thomasius et de Spener; •
Christliche Kirchengeschichte (Histoire «iel'J
glise chrétienne); Leipzig, 1768-1803, 35 vo
in-8° ; les t. 1 à XI de cet ouvrage, qui a perc
beaucoup de sa valeur, ont été réimpr. de 17'
à 1794. Comme suite à son travail, Schrœcl
publia sa Christliche Kirchengeschichte si
der Reformation (Histoire de l'Église chr
tienne depuis la Réforme) ; Leipzig, 1804 181
10 vol. in-8° ; les deux derniers tomes sont
Tzschirner, qui dans le Xe a donné une Vie i
Schrœckh, remplie de détails intéressants;
Historia religionis et ecclesiaz christiar,
adumbrata ; Berlin, 1777, in-8°; ce manuel
été encore impr. six fois, la dernière en 183
— Allgemeine Wel/geschichte fur Kind
( Histoire universelle à l'usage de la jeunesse
Leipzig, 1779-1784, 4 vol. in-8°, réimp. s^
ment à plusieurs reprises, et trad. en franc;
(Leipzig, 1784-1791, 6 vol. in-8°) : c'était
meilleur résumé de l'histoire naturelle qui e
encore, paru en Allemagne.
Pœliti, Le.ben Schrœckhs ; Wittemberg, 1808, in-S°.'
Tzschirner, Schrœckhs Leben ; Leipzig, 1812, in-$*
scHRYVEit (Corneille), surnommé Gr.
pheus, poète latin, né vers 1482, à Alost ( Fia
dre), mort le 19 décembre 1558, à Anvers,
s'était rendu habile dans les poésies et la rfe
torique, et tenait probablement école publiq
lorsque la régence d'Anvers lui accorda, en 153
l'emploi de greffier ou secrétaire de la ville;
continua pourtant de s'appliquer avec succès
la musique et aux belles-lettres, qui furent s
délassement favori. Il se laissa surprendre a
réformes prêchées par Luther; mais la chd
étant connue, il fut obligé à un désaveu pnbH
ce qu'il fit le 6 mai 1522, en montant sun
jubé de Notre-Dame , en présence d'un gra
concours d'assistants. Ses principaux écr<
sont: Ex Terentii comcediis Jlosculi ; Par
1533, in-12; — Monstrum anabaptislicuiv
carmen; Anvers, 1535, in-12; — Sacra bui>
lica; ibid., 1536, in-12; — Enchiridionp.ru
cipis ac magistratus christiani ; Cologn>
1541, in-4° : composé avec Pierre Gilles;
Spectaculorum in susceptione Philippi a
paratus, etc. ; Anvers, 1550, in-fol. : la d(
cription de cette entrée solennelle de Finit
93 SCHRYVER •
hilippe à Anvers en 1549 fut en même temps
Mbliéeen français et flamand avec des vignettes
n bois ; — une édition abrégée de VHistoria de
.éfltibus septenlrionalibus d'Olaus Magnus ;
3Îd., 1562, in-12,fig., et aussi en flamand.
I Schryver {Alexandre ) , ou Graphens, fils
u précédent, fut aussi greffier d'Anvers, et cul-
tiva la poésie latine. [1 y a un -poème de sa fa-
on à la tête des Civitates orbis terrarum de
|i. Bruin ( Cologne, 1572, in-fol.).
Valère André, Biblioth. belgica. — Niceron. Mémoires,
Ll
schryver (Pierre), en latin Scriverius
loëte et philologue hollandais, né le 12 janvier
J 576 , à Harlem, mort le 30 avril 1660, à
jeyde. 11 appartenait à une famille aisée, qui
ii imposa l'étude de la jurisprudence, afin de
li ouvrir la carrière des emplois publics. 11
fréquenta par obéissance les cours de l'aca-
témie de Leyde , mais dès qu'il fut maître de ses
lîtions, il renonça au barreau , qui lui ins-
lirait une répugnance invincible, et se mit à
pltiver la littérature latine, dont il avait puisé
l goût dans les leçons du poète Schoon, son
Iremier maître. Ses ouvrages le firent bientôt
I innaître, ainsi que les éditions d'auteurs clas-
siques dont il surveilla l'impression, et il prit un
lang distingué parmi les nombreux érudits de
on pays. Le séjour de Leyde lui paraissant
treférable à celui de Harlem, il s'établit dans
Otte ville, et, sans avoir de titre ni d'emploi,
L y jouit de cette considération particulière qui
l'attache plutôt aux dons de l'intelligence
iu'aux biens de la fortune. Sans autre ambition
lue celle de l'étude, il avait choisi pour devise :
\xgendo et scribendo; il avait noué avec les
Principaux lettrés un commerce d'amitié; il
' pur ouvrait sa maison et les aidait de ses con-
teils ou de sa bourse. Bien qu'étranger à l'uni-
Jersité, il suivait souvent les cours comme un
ieune homme et se faisait un plaisir de suppléer
(tas professeurs. Doué d'une constitution vi-
goureuse, il parvint à une vieillesse avancée, et
|a cécité dont il fut affligé pendant les douze ou
Buinze dernières années de sa vie ne Tempe-
(ha point de poursuivre ses recherches habi-
tuelles et surtout de cultiver, comme il l'avait
jjoujours fait, les muses latines. Ami des libertés
|j,e son pays, Scriverius partagea les persécu-
tons qui atteignirent ses amis Barneveldt, Gro-
1U8 et Hogerbeets, et fut, pour quelques vers
j la louange de ce dernier, condamné à 200 flo-
fins d'amende. On a de lui : Des anciens Ba-
pves (en hollandais ); Leyde, 1606, in-8° : il
I publié ce livre sous le nom de Saxo Gramma-
|^cus; — Batavia illustrata : ibid. , 1609,
|i-4° : ce recueil des anciens historiens de la
hollande a été réimprimé en 1611, sous ce titre :
mferioris Germanise provinciarum unita-
«im antiquitates, avec des additions ; — An-
quitatum Batavicarum tabularium, in-
l'riptiones monumentaque antiqua reprx-
SCHUBART 594
sentons omnia; ibid., 1609, in-4°; — Mânes
Erpcniani, cum epicediis variorum ; ibid.,
1625, in-4°; — Saturnalia , sive de usu et
abusu tabaci; Harlem, 1628, in-8°; — Enco-
mium L. Coster,primi inventons arlis typo-
graphies (en hollandais ); ibid., 1628, in-4° ,
et dans les Monum. typogr. de Wolf ; — Do-
minici Baudii amores ; ibid., 1638, in-8" :
collection de différentes pièces écrites, à l'ex-
ception d'une demi-douzaine, pour dénigrer ou
railler Baudius; — Principes Hollandix et
Westfrisix, ab anno 863 usque ad ultimum
Philippum Hispanix regem ; ibid., 1650, gr.
in-fol., portr., rare : on en a extrait en partie
une Histoire ( française ) des comtes de Hol-
lande ; La Haye, 1684, in-12 ; — Commenta-
riolus de statu confederatarum Belgii pro-
vinciarum; La Haye, 1 650, 1 657, in- 1 2 ; — Chro ■
nicon Hollandix, Zelandix, Frisixet Ultra-
jecti (en hollandais); Amsterdam, 1663, in-4°.
Enfin on doit aux soins de Westerhuis les Opéra
anecdota, philologica et poetica; Utrecht,
1738, in-4° : recueil où Burman trouve bien
du mélange. Comme philologue, Scriverius a an-
noté Martial et Ausone, et il a publié de bonnes
éditions, reproduites plusieurs fois, de Végèce
(Leyde, 1607, in-4°), des poésies de J. Douza
( 1609), de Jos. Scaliger (1615), et de Jean
Second ( 1619 ), de Martial ( 1619), de Sénèque
le tragique ( 1620), et des Veteres tragici
d'Apulée ( 1629) et des Lettres choisies d'É-
rasme (1649). II est le premier qui ait avancé
que Phèdre n'était pas l'auteur des fables qui
portent son nom.
Frehcr, T/ieatrum. — Peerlkarop, Fita Belgarum. —
J.-H. Hœufft, Parnassus latino-belgicus.
schcbart de kleefeld (Jean-Chré-
tien ), agronome allemand, né le 24 février 1734,
à Zeitz, sur l'Elster ( Prusse), mort le 24 avril
1787, à Saalfeld Cobourg. Avant de s'occuper
d'agriculture, il se consacra au développement
de la franc-maçonnerie en Allemagne. Étant
maître d'hôtel de l'ambassadeur de Saxe près la
cour de Vienne, il se lia intimement avec le ba-
ron de Hundt , conseiller impérial, et tous deux
ensemble visitèrent un grand nombre des loges
de l'Autriche, de la Saxe et de la Prusse, dans
le but de les réorganiser conformément au sys-
tème de la stricte observance. Pendant la guerre
de Sept ans, il fut commissaire des guerres
dans l'armée du Hanovre, et devint ensuite
conseiller auiique dans la Hesse Darmstadt. Il
s'adonna alors à l'étude et à la pratique de la
science agricole. 11 proposa et essaya des ré-
formes très-utiles, améliora la culture de la
gaude, de la betterave et du tabac, et recom-
manda surtout, ce que recommandent encore
aujourd'hui les plus habiles agronomes, de faire
le plus de fourrages possible, afin de nourrir un
grand nombre de bestiaux et d'obtenir ainsi une
grande quantité d'engrais. De tous les fourrages,
c'est le trèfle qu'il préférait, comme amendant
595
SCHUBART
le sol en même temps qu'il donne un excellent
pâturage Bien que ses conseils tussent généra-
lement mal compris, il acquit, de son vivant
même, une assez grande réputation, et l'Aca-
démie de Berlin lui donna, en 1782, un prix
pour un Mémoire sur la culture des plantes
fourragères. Mais ce n'est que depuis sa mort,
et principalement de notre temps, que l'on a
estimé à leur juste valeur les idées de Schubart.
Il mourut conseiller intime de Saalfeld-Cobourg.
On a publié de lui : Écrits d'économie rurale
et publique; Leipzig, 1786, 6 vol. in-8°; —
Correspondance économique; ibid., 1786,
4 cah. in-8°, fig.
Rockstron, J.-C. Schubart von Kleefeld; Dresde; 1846,
in 8°. —Bibliotli. allemande universelle, t. CXI1I, p. 537.
Schubert ( Franz ) , compositeur allemand,
né le 31 janvier 1797, à Vienne, où il est mort,
le 19 novembre 1828. Il était fils d'un maître d'é-
cole, qui lui enseigna les premiers éléments de
la musique; il fut admis à onze ans, comme
enfant de chœur, dans la chapelle impériale, où
il se fit remarquer par la beauté de sa voix. Il
se livra en même temps à l'étude du piano et
s'exerça à jouer de plusieurs instruments à
corder. Son intelligence musicale était telle qu'à
quatorze ans on lui confiait la partie de premier
violon dans les répétitions d'orchestre. Nature
douce et rêveuse, la musique seule parvenait à
le distraire de sa mélancolie habituelle ; ses mo-
ments les pins heureux étaient ceux qu'il pas-
sait au milieu de sa famille, dont tous les membres,
également passionnés pour cet art, se réunis-
saient souvent le soir pour exécuter quelques
quatuors de Haydn, de Mozart ou de Beethoven.
Ruziczka, organiste de la cour, et Salieri, se-
condèrent ses heureuses dispositions , le pre-
mier en lui apprenant l'harmonie, le second en
lui enseignant l'art du chant et de la composition.
L'époque de la mue étant arrivée, il perdit sa
voix de soprano, et fut obligé de quitter la cha-
pelle impériale. Livré à lui même, il continua
seul ses études musicales , et chercha à se créer
des ressources en donnant des leçons. Schubert
mena à Vienne, où il est presque constamment
resté, une existence obscure et retirée. Toute
l'histoire de sa vie se trouve dans ses ouvrages,
dont le nombre atteste une prodigieuse fécon-
dité. Il s'est exercé dans tous les genres, et y a
fait preuve d'un remarquable talent; mais c'est
surtout dans ses ballades que son génie s'est ré-
vélé: l'Ave Maria , les Astres , la Berceuse, le
Roi des Aulnes, la Sérénade, la Religieuse,
le Départ, et plusieurs autres, sont devenues cé-
lèbres. Sous son souille inspirateur,chacunedeces
petites pièces devient un drame où la nouveauté
de la mélodie , la justesse de l'expression, les dé-
tails de l'accompagnement s'unissent pour former
un ensemble parfait. Créateur en ce genre, Schu-
bert a eu beaucoup d'imitateurs, mais point de
rivaux. Ses compositions instrumentales con-
tiennent de belles pages, entre autres un quin-
SCHULTENS 59;
tette et un trio pour piano qui sont très-asti
mes, mais elles ne portent pas le cachet m
création qui distingue ses pièces de chant sépa
rées. Il en est de même de sa musique religieuse
à laquelle on pourrait d'ailleurs reprocher de m
pas avoir assez le caractère qui convient à l'é
glise. Il a travaillé aussi pour le théâtre, mai
ses opéras y ont obtenu peu de succès. Schuber
s'éteignit à Vienne , le 19 novembre 1828, à 1,
suite d'une maladie de langueur; il n'avait p
encore atteint sa trente deuxième année
connu pour ainsi dire pendant sa vie, ileutap
sa mort d'ardents admirateurs. .Ses balla
furent redites d'un bout de l'Europe à l'autre
ces charmantes productions, dont le pauvre
tiste avait à peine tiré quelque profil, devinrei
un élément de fortune pour les éditeurs
Son frère aîné, Ferdinand Schube-kt , né
Vienne, le 18 octobre 1794, et professeur à
cole normale de cette ville, s'est fait une réput
tion comme organiste. Op. a de lui plusieu
compositions pour l'église, notamment un
quïem à la mémoire de son frère Franco
Schubert. D. Denise-Baron
Fetis, Biographie univ. des musiciens. — Bévue
Gazette musicale, de Paris. — Hormayr, Archiv., 18!
sckui.eb. Voy. Sabincs,
schitltkks (Albert), orientaliste hollà
dais, né en 1686, à Groningue, mort le 26 ja
vier 1750, à Leyde. Destiné au ministère 3m
gélique , il y fut appelé en 1708, prit en 1709
degrés en théologie, et devint en 1711 paste
de l'église de Wassenaer; mais sa vocation
portait vers la carrière de l'enseignement, qi
devait parcourir avec éclat. De bonne heure,
s'était appliqué avec une sorte de passion ai
idiomes de l'Orient; au lieu de s'en tenir art
breu, que l'on croyait alors la seule langue
cessaire à l'étude de la théologie, il apprit 1'
rabe avec l'unique secours de la grammai
d'Erpenius ; puis il suivit à Leyde les leçons,:*»
professeurs les plus en renom, et se rendi1
Utrecht pour soumettre ses Remarques sur,
l'i
'
livre de Job à Ryland , qui voulut s'en fa
l'éditeur (1). En 1713 il renonça à sa cure p(
accepter la chaire des langues orientales à Fi
neker, et il s'efforça de ruiner le système
Gousset, qui prévalait alors dans les acadérw
protestantes et d'après lequel l'hébreu étant i
langue toute divine, il ne fallait pas en éclair
les difficultés à l'aide de dialectes purement!
mains. C'est pour combattre ce paradoxe (
Schultens composa son traité des Origines I
brese. Celte lutte avec Gousset remontait d
loin puisqu'à l'âge de dix-huit ans il avait souk
publiquement contre lui que l'élude de l'arc
était indispensable pour la connaissance compl
de l'hébreu. Appelé en 1729 à Leyde, il y
d'abord la direction du séminaire de théolo
(!) Il le publia en 1703 ( Utrecht. in-S0;, et Herosterh
en lit autant en 1709 (Amst, in-5°), pour les O'oser
lions sur l'Ancien Testament, autre écrit de Schullen
97 SCHllLTKNS
Vec !a garde des manuscrits orientaux de la bi-
iliothèque, et après y avoir enseigné pendant
rois ans sans titre et sans appointements, il fut
iourvu d'une chaire d'arabe créée en sa faveur.
)évone à ses élèves, il s'occupa de faciliter leurs
rogrès, et fut douloureusement affecté, dans ses
Ornières années, par les critiques sans mesure
e Reiske, celui qui avait reçu de lui le plus de
émoignages d'affection. Schultens possédait une
rudilion profonde et variée; mais de Sacy lui a
eoroclié de n'avoir pas exactement rendu les
lées des écrivains orientaux et d'avoir dépassé
ans ses observations le but d'une sage cri-
que. On a de lui : Origines hebraese, ex Arabise
ieaetralibus r evoca tse; Franeker, 1724-1738,
' vol. in-4" : cet ouvrage fut vivement attaqué
|ar les disciples de Gousset; — Le défections
odiernae linguse hebraese; ibid., 1731, in-4°;
Ëimpr. avec le traité qui précède, Leyde, 1761,
' vol. in-4"; — lnstitutiones ad fundamenta
"igtt.T. hebraicse; Leyde, 1737, 1756, in-4°; —
,omm. in lib. Job, cum versione; ibid., 1737,
' vol. in-4° : la version de Schultens a été mise
il français, ibid. ,1748, in-4°j — Excursus lit,
ontinentes stricturas ad dissertationem
listoricam de lingua piimoeva; ibid., 1739,
,1-4" : c'est un ensemble de nouvelles preu-
es à l'appui de son opinion que ia langue pri-
mitive avait dû s'altérer après la dispersion
'es races; — Monument a vetustiora Arabise;
jid.. 1740, in-4° : choix de poésies arabes dont
ehultens a le tort de faire remonter l'origine
'jsqu'à Salomon et à Moïse; — Proverbia Sa-
pmonis, cum versione et commentario ; ibid ,
'748, in-4° ; la version a été mise en français
'ibid., 1752, in-4°), et le commentaire abrégé
|ar Voge! (Halle, 1769, in-8°); — Opéra mi-
lora ; ibid., 1769, in-4u : recueil qui ne contient
|iie des opuscules déjà imprimés ; — Sylloge
msertatiojium pfiilologico-exegelicarum;
aid., 1772-75, 2 vol. in 4° : recueil de thèses
outenues sous sa présidence. Schultens a en-
are édité les Rudiments, puis la Grammaire
irabe (1733) d'Erpenius; il a prononcé VOrai-
oii funèbre de Boerhaave, son ami, et il a
rad. en latin les Séances d'Hariri et la Vie de
laladin. Outre des Commentaires sur la Bi-
lle, il a laissé en manuscrit une Grammaire
iraméenne et un Dictionnaire hébreu.
' Vriemoet, Élor/e, dans Athenxfrisiacee, p. 762-771.
SCHULTEXS (Jean-Jacques), orientaliste,
ils du précédent, né en 1716, à Franeker, mort
n 1778, à Leyde. 11 eut son père pour maître
lans l'étude des langues orientales, et lui suc-
céda, en 1750 dans l'université de Leyde, après
ivoir professé depuis 1742 à Herborn. On a de
ni deux harangues latines et de nouvelles édi-
ions de quelques ouvrages de son père.
Schultens ( Henri-Albert), orientaliste, fds
lu précédent, né le 15 février 1749, à Herborn,
diort le 12 août 1793, à Leyde. Tout jeune il lit
le la philologie son occupation principale, et y
- SCHULTING 598
acquit sous les professeurs renommés de Leyde
des connaissances très-étendues. A l'élude du
grec et du latin il lit succéder celle de l'arabe,
qui lui facilita l'intelligence de l'hébreu et de ses
dérivés, et il consacra ses loisirs à se rendre
familier avec les littératures anglaise, française
et allemande. 11 avait choisi Éverard Scheid
pour compagnons de ses travaux. Au retour d'un
voyage en Angleterre, où l'université d'Oxford
lui conféra le diplôme de maître es arts, il fut
appelé à la chaire des langues orientales à Ams-
terdam (1773), puis à celle que son aïeul et son
père avaient si dignement occupée à Leyde (dé-
cembre 1778). L'ardeur qu'il apporta dans la
version des Proverbes de Meidani dérangea sa
santé; il gagna une lièvre lente, qui le conduisit
au tombeau à quarante-quatre ans. On a de lui :
Anthologiasententiarumarabicarum; Leyde,
1772, in-4J : ce recueil, extrait d'un manu-crit de
la bibliothèque de Leyde, contient 285 sentences
réunies parZamaschari au douzième siècle; il est
accompagné d'un commentaire et d'une traduc-
tion latine; — Spécimen proverbiorum Mei-
dani i ; Londres, 1773, in-4° : c'est une partie du
travail laissé en manuscrit par Pococke ; — Le
finibus litterarum orientalium proferendis;
Amst., 1774, in-4° ; — De studio Bel g arum in
litteris arabicis excolendis ; Leyde, 1 779 ,
in 4"; — Pars versionis arabica; libri Colei-
lah wa Dimnah, sive Fabularum Bidpay ;
ibid., 1786, in 4° : cette édition fourmille de
fautes; — De ingenio Arabum; ibid., 1788,
in-4°; — Meidanii proverbiorum arabirorum
pars, lat. cum notis ; ibid., 1795, in-4° : l'au-
teur avait pris l'engagement de donner une ver-
sion complète de Meidani, mais il n'a pu en tra-
duire que le dixième; l'ouvrage, peu exact du
reste, est dû aux soins de Schneder. On a en-
core de H.- A. Schultens des iSoles sur la Bibl.
orient, de d'Herbelot, des articles dans la Bibl.
critica de Wyttenbach, ,et un grand nombre
d'épîtres littéraires qui n'ont pis été réunies.
J. Kaiilcliier, Éloue de H.- A. Schultens (en hnll.);
Amst., 1794, in-8°. — l.e Magasin encyclop., 1797. —
W;ip:en:ier, Séries continuata histor. Batav., IIe part.,
p. 36i-SR0.
schitlting (Corneille), savant ecclésias-
tique hollandais, né vers 1540, à Steenwyck
(Over-Yssel ), mort le 23 avril 1604, à Cologne,
Sa famille était distinguée et ancienne. Il termina
ses études à Cologne, où sa vie s'écoida presque
entière. Après avoir revêtu l'habit ecclésiastique,
il enseigna pendant vingt-cinq ans les humanités
et la philosophie au collège Laurentianum, et
en devint ensuite principal. Il avait été doyen
de la faculté des arts à Cologne, et y possédait
un canonicat, à la cathédrale. Dans ses nom-
breux ouvrages, il a fait preuve de beaucoup de
savoir et de lecture, mais on y souhaiterait plus
d'ordre et de critique; nous citerons les sui-
vants : Confessio hierontjmiann, ex omnibus
B. Hieronymi operibus collecta; Cologne,
1585, in-l'ol.; — Bibliotheca ecclesiastica,
599
SCELTJLTING
seu commentaria sacra de expositione et il-
lustratione missalis et breviarii ; ibid., 1599,
4 vol. in-fol. : les cérémonies de l'Église font le
principal objet de ce recueil ; si l'auteur n'a pu
s'y dégager entièrement des erreurs populaires ,
il a saisi la vérité en beaucoup de choses , et il
fait paraître un grand fonds de bon sens et d'é-
rudition; prenant à partie les sectes du protes-
tantisme, il fait de curieuses remarques sur plu-
sieurs points de leur liturgie; — Ecclesiasticse
disciplinée lib. VI de canonica et monastica
disciplina; ibid., 1599, in-8° ; — Thésaurus
antiquitatum ecclesiasticarum; ibid., 1601,
7 vol. in-12 : recueil tiré en grande partie des
Annales deBaronius; — Bibliotheca catho-
lica, contra theologiam calvinianam ; ibid.,
1602, 2 vol. in-4°; — Hierarchica anacrisis,
seu animadversionumet variarum lectionum
lib. XVI, advenus calvinistas ; ibid., 1604,
in-fol. -. on y trouve une liste raisonnée des
synodes et des colloques où les protestants ont
figuré.
Son frère aîné, Conrad, fut député des états
de l'Over-Yssel et employé dans des négocia-
tions politiques à l'étranger.
Sweert, Athense belgicse. — Le Mire, Script, sxc. XVII.
— Hartzheim, Bïbl. colon. — R. Simon, Biblioth. cri-
tique, II, 263-83. — Paquot, Mémoires, t. xvui.
schitltz (Barthélemi), en latin Scultetus,
astronome allemand, né en 1540, à Gœrlitz, où il
est mort, le 21 juin 1614. Après avoir fréquenté
différentes universités, il vint faire des cours
particuliers à Leipzig, et compta Tycho Brahé
parmi ses élèves. Appelé en 1570 dans sa ville
natale, il ne la quitta plus jusqu'à sa mort, et y
remplit pendant seize ans le modeste emploi de
maître d'arithmétique et de sphère. Sa réputation,
qui s'était répandue au loin, lui fit confier des
fonctions municipales, comme celles de juge,
d'échevin, d'administrateur des églises et de
bourgmestre, et il s'en acquitta avec beaucoup
de sagesse, mettant partout de l'ordre et mainte-
nant une bonne police. A différentes reprises, il
fut chargé de dresser des cartes géographiques,
et l'on a conservé les planches de bois sur les-
quelles il les avait gravées; on cite notamment
celles de la haute Lusace et de la Misnie; la pre-
mière, mise au jour par P. Schenk, à Amsterdam,
fut reproduite dans le Theatrum d'Ortelius et
dans les Curiosités de Lusace de Grosser.
Schultz avait aussi des connaissances profondes
en astronomie, et il en donna des preuves par ses
travaux sur le calendrier; mais il ne sut pas s'af-
franchir des préjugés de son temps, et mêla à ses
savants calculs la plupart des erreurs de l'astro-
logie. Sa renommée lui attira un grand concours
de visiteurs, et des plus illustres; Possevino,
Peucer et Kepler allèrent l'entretenir; le pape
Grégoire XIII le consulta pour la réforme du
calendrier, et l'empereur Rodolphe II l'anoblit.
D'après l'ordre de ce prince, il dressa un calen-
drier réformé (Gœrlitz, 1601, 7 feuilles in-4°),
— SCHULZE 60
qui fut mis en usage dans plusieurs villes de l'Alk
magne. 11 mourut plus que septuagénaire, et I
graver sur sa tombe l'épitaphe suivante : Qui
agam requiris ? Tabesco. Scire quis sim cupis
Fui ut es, eris ut sum Ses ouvrages, rnalgi
leurs titres latins, sont écrits la plupart en ail*
mand ; ce sont : Jnventuris non obstant h
venta; Gœrlitz, 1572,in-4°; — Gnomonice c
solariis; ibid., 1572, in-fol., avec 84 fig. en bois
trad. en hollandais; Amst., 1670, in-4° ; — Di
scriptio cometœ anno 1577 apparentis ; ibid
l578,in-4°; — Curriculum humanitalis Jes\
Chrïsti in terris, conlinens historiam r
demptionis, Evangelium, etc.; ibid., 158
in-fol.; Francfort-surJ'Oder, 1600, in-4°. Schul
ne paraît pas être l'auteur de quelques ouvrag
qui lui ont été attribués; mais il a laissé d
Annales manuscrites de sa ville natale.
Nouveau magasin lusacien, t. III, 1824.
schulze (Jean-Henri), médecin et phil
logue allemand, né le 12 mai 1687, à Colbi
(Prusse), mort le 10 octobre 1744, à Hal
Fils d'un pauvre tailleur, il fut élevé par 1
soins du pasteur de son village, Corvinus, q
lui fit obtenir une bourse au pœdagogium
Halle, puis à la maison des orphelins. Frank
qui dirigeait le premier établissement, ne ces
pendant toute sa vie de le combler de bienfai
Après avoir étudié à l'université la médeci
sous Stahl, les antiquités sous Ceilarius, et
langues orientales sous Michaelis, Schulze
depuis 1 708 instituteur au pœdagogium, et enl
en 17 1 5 comme secrétaire chez le célèbre méc
cin Fr. Hoffmann. Reçu docteur en 1717, il
la permission de faire des cours de médecini
l'université, jusqu'à ce qu'il fut appelé en 17
comme professeur d'anatomie à Altdorf, où
fut aussi par la suite chargé d'enseigner le g!
et l'arabe. En 1732 il retourna à Halle, où
lui offrait la chaire d'éloquence et d'antiquité
il y fut en même temps attaché à la faculté
médecine. Schulze possédait des connaissant
aussi étendues que variées ; il avait réuni u
collection de plusieurs milliers de médaill»
dont le catalogue raisonné fut publié par Agi
ther sous le titre de Numophylacium Sch;
zianum (Leipzig, 1746, in-4°). On a de a
De athletis veterum ; Halle, 1717, in-4°;
De elleborismis veterum; Halle, 1717, in-4
— Historiée anatomicé specimina II ; Altdo
1721-23, in-4°; — Historia medicinae ad an
Romx 535; Leipzig, 1728, in-4°, fig.; Haï
1741, in-8° : très-bon ouvrage, qui a servi
base aux travaux de Sprengel ; — De servi n
dici apud Grœcos et Romanos condition
Halle, 1733, in-4°; — Observaliones ad ri
athleticam pertinentes; ibid., 1737, in-4°;
Therapia generalis ; ibid., 1746 , in-4°;
Chymisclie Versuche (Expériences de chimfc
ibid., 1746, 1757, 1778, in-8° ; — Physiolot
medica; ibid., 1746, in-8°; — Anleitung s
alten Mûnzwissenschafl (Instruction sur
31 SCHULZE —
jmismatiquc ancienne); Halle, 1767, in-8°;
- plus de cent cinquante dissertations, dont
îe partie a été recueillie en un volume ( Halle,
'45, in-4°), sous le titre de Bisser lationes
i medicinam ejusque historiam.
Brucker, Bildversal. — Saxe, Onomasticon, t. IV,
W2 et 691. — Hirschlng, flandbuclt. — Renauldin,
ëdecins numismatistes.
schitppen ( Pierre van ) , dessinateur et
aveur, né vers 1627, à Anvers, mort le 7 mars
02, à Paris. Il avait étudié la peinture avant
i se livrer entièrement à la gravure. A l'exemple
un grand nombre de ses compatriotes, attirés
r les encouragements accordés par Louis XIV
ix artistes, il vint se fixer en France vers 1660.
i mode était alors aux portraits gravés ; on en
nait tous les livres, et jusqu'aux thèses. Ro-
rt Nanteuil , en s'adonnant à ce genre d'ou-
ages, avait acquis tout à la fois la fortune et
ie juste réputation. Van Schuppen s'attacha à
t artiste; « il se mit comme lui à faire des
rtraits, dit Mariette, et comme il avait pour
moins une aussi belle couleur de burin, ce
'il grava dans ce genre fut reçu avec le même
plaudissement. On ne l'appela plus que le pe-
' Nanleuil. » Quoique très-laborieux, il n'a
ssé qu'un nombre peu considérable d'ou-
age.s; soigneux à l'excès, il passait beaucoup
temps sur chacune de ses planches. En ache*"-
nt avec le même soin les moindres détails, il
irépandu sur son travail une monotonie qui en
clul le charme et l'esprit. Aussi ne recherche-
>n aujourd'hui qu'un petit nombre des por-
i»its qu'il a laissés ; on en trouve quelques-uns
ns les Hommes illustres de Perrault, Van
huppen fut admis dans l'Académie royale de
inture, le 7 août 1663.
Schuppen (Jacques van), peintre, fils du
jécédent, né à Paris, le 25 janvier 1670, mort
Vienne, le 28 janvier 1751. Bien qu'il eût le
[ssein d'en faire un graveur, son père le plaça
ins l'atelier de Largillière, où il prit un goût
ononcé pour la peinture; il se consacra entiè-
ment au genre du portrait, et se fit recevoir
ps l'Académie de peinture, le 26 juillet 1704,
r la présentation d'un tableau de la Chasse
Méléagre. Quelques années plus tard il en-
i au service du duc de Lorraine, dont il devint
premier peintre. En 1716 il passa en Autriche,
devint en 1725 directeur de l'Académie fondée
Vienne, d'après ses conseils, à l'instar de celle
ffiaris. «Je l'ai fort connu dans le séjour que
ù fait à Vienne, dit Mariette. C'était un esprit
isant, et son pinceau n'était pas plus léger. Il
usinait mal, et c'est ce qui faisait que ses por-
I aits n'étaient presque jamais ensemble. »
Àbcdario de Mariette.— Fontenay, Dict des artistes. —
neric David , Hist. de la gravure en France. — Fé-
; fils, dans le Bulletin de Bruxelles, 1864.
schurmann (Anne-Marie de), femme cé-
bre par son savoir, née le 5 novembre 1607, à
ologne, morte le 5 mai 1678, à Wiewert ( Frise).
?s parents étaient nobles et professaient la re-
SCTTURMANN
602
ligion réformée. Elle les suivit d'abord à Utrecht,
puis à Francker, où ses deux frères (1) ache-
vèrent leur éducation académique, et après la
mort de son père (1623) elle revint s'établir à
Utrecht. Ce fut dans cette ville que s'écoula la
plus grande partie de sa vie. Tout enfant elle
manifesta des dispositions extraordinaires et un
génie universel, dont les auteurs contemporains,
surtout Baillet, ont tracé un tableau exagéré. Fort
adroite de ses mains, d'une conception prompte,
aidée par une mémoire des plus heureuses, elle
réussit à la fois dans les arls et dans les ou-
vrages de son sexe : à huit ans, elle apprit, dit-
on, en peu de jours à dessiner des fleurs d'une
manière fort agréable; elle devint habile musi-
cienne, joua de plusieurs instruments, et cultiva
avec un égal succès la peinture, la sculpture et
la gravure (2). Tout ce qu'on rapporte d'elle en
ce genre marque de l'adresse, de la patience
ou une invention fertile plutôt qu'un véritable
talent. On ne pouvait manquer de lui décerner le
surnom de Sapho, qui semble être l'attribut
obligé de toute femme savante. Elle fit, comme en
se jouant, ses humanités; le latin, le grec, l'hé-
breu lui devinrent familiers; elle apprit même le
syriaque et l'arabe, et composa une grammaire
éthiopienne (3) ; enfin, elle entendait sans peine le
français, l'anglais et l'italien. A quatorze ans elle
se fit connaître par une pièce de vers qu'elle
adressa au poète Cats. Là ne s'était point arrêtée
sa soif de savoir : elle avait étudié assez de géo-
graphie, d'astronomie, de philosophie et des
autres sciences pour pouvoir en parler avec dis-
cernement. « Tant d'excellentes connaissances,
dit Baillet, étaient soutenues par une modestie
incomparable et par un amour extraordinaire
pour la retraite, l'étude et la prière. Elle s'était
retranché les plaisirs les plus innocents; elle
pratiquait une abstinence extraordinaire. » Elle
refusa de se marier, et garda jusqu'à la fin le
célibat, soit pour obéir aux dernières volontés de
son père, soit qu'elle eût fait le vœu de chas-
teté. Malgré elle son mérite perça au dehors, et
lui attira en foule les admirateurs et les curieux;
pendant quinze ans elle fut obligée de paraître sur
la scène du monde, et ce rôle public lui inspirait
autant de répugnance qu'il avait d'attrait pour
Milede Gournay, contemporaine. Rivet, Vorst et
Spanheim, ses amis, la présentèrent au monde
savant. Bientôt elle entra en correspondance avec
les lettrés les plus illustres, tels que Saumaise,
Huygens, Balzac, Gassendi, Mersenne, Bochart,
Cats, Conrart, Voet, Heinsius; elle reçut des
marques d'estime du cardinal de Richelieu , et
(1) L'un d'eux, Jean-Cottschallt, est qualifié de très,
savant par Barlaeus, qui dit avoir vu un poëme français
de sa façon. H mourut en 1664.
(2| On cite comme un de ses meilleurs portraits celui
qu'elle a gravé elle-même sur cuivre en se regardant au
miroir, et qui se trouve à la tête de V Anneau nuptial
de Cats (Dordrecht, 1637, in-4°).
(3) J.-F. Mayer en possédait le manuscrit. Voy. Nova
liter. Hamburgensia, nos, p. 245.
603 SCHURMANN
l'on cite an nombre des personnages qui la vi-
sitèrent dans sa retraite Marie de Gonzague ,
Christine de Suède etMmedeLonguevil!e. Au re-
tour d'un voyage qu'elle avait fait en 1653 à Co-
logne, M'ie rfe Schurmann alla vivre à la cam-
pagne, dans les environs de Vianen ; un grand
changement eut lieu dans ses habitudes : réduite
à se charger des embarras domestiques, elle
cessa tout commerce épistolaire, et substitua à
l'étude des sciences les pratiques d'une dévotion
exaltée. En 1699 elle s'attacha au mystique La-
badie, et le suivit dans ses courses à Hervorden
et à Allona; après l'avoir vu mourir (1673), elle
rassembla plusieurs de ses disciples , et les con-
duisit dans un village de la Frise ; ce fut là qu'elle
mourut, à soixante-dix ans, ayant disposé en leur
faveur de tout ce qu'elle possédait. On prétend
■qu'elle aimait beaucoup à manger des araignées.
Cette daine a été parmi soii sexe un prodige, de
savoir; mais on ne peut s'empêcher de faire re-
marquer, avec l'abbé Paquot, que ses talents
trop vantés n'ont guère servi au public, puis-
qu'on ne trouve presque rien à apprendre dans
ce qu'elle a écrit. Ses ouvrages sont : De vitee
humanœ termino epistola ; Leyde, 1639, in-4°,
impr. par les soins de J. van Beverwyck ; — De
ingenii muliebris ad doctrinam et meliores
litteras aptitudine; Leyde, 1641, in-8°; trad.
en français par Guill. Colletet, Paris, 1646,in-8° :
la conclusion est qu'une femme qui a de l'esprit,
du bien et de bonnes vues peut s'appliquer à
tout, même à la chaire et à la politique; — Opus-
cida hebreea, grœca, latina , gallica; Leyde,
1648, 1650, pet. in- 12; Utrecht, 1652, in-8= :
Leipzig, 1794,in-4° (par les soins de Dorothée
Lœber) ; l'éditeur de ces lettres et de ces poésies
est Fréd. Spanheim; — EwÂYjpîa, seu Melioris
partis electio brevem religionis ac vitee ejas
delineationem exhibens; Allona, 1673, in-8° :
cette défense des opinions de Labadie fut atta-
quée de cinq côtés à la fois, et l'auteur, peu de
jours avant sa mort, tenta de réfuter ses adver-
saires; cette réplique parut en flamand (1684,
in-12), et en latin (Amst, 1685, in-12); les
deux parlies ont été réimpr. à Dessau, en latin
(1782,2 vol. in-8°) et en allemand (1783, in-8°).
On a encore de M"e de Schurmann quelques
lettres et opuscules. p. L.
Niceron, Mémoires, XXX 111. — Mon'ri, Dict. hist. —
ïiaillet, Vie de Descartes, lib. V. — Burman, Trajcctum
erutlitum, p. 348-355. — Paquot, mémoires, XVlli. _
Lhaufepié, Nouveau Dict. Iiist. — Coupé, Soirées litté-
raires, IX.
schitt (Corneille), peintre flamand , né à
Anvers, en 1597, mort en 1655. Élève deRubens,
Corneille Schut reçut vers 1619 son brevet de
mailrise, et il commença dès lors à travailler
pour les églises et les couvents avec une activité
qui ne se démentit jamais. La coupole de la ca-
thédrale d'Anvers, où il représenta V Assomp-
tion de la Vierge, et le Martyre de saint
Georges , conservé au musée de la même ville,
peuvent être considérés comme ses chefs- I
SCHWARTZ
G0<
d'oeuvre. En 1635, Corneille Schut, associé i
Rombouts et à G. de Craejer, prit une grand:
part aux décorations allégoriques élevées par 1,
ville de Gand à l'occasion de l'entrée du car
dinal-infant, et il fut chargé peu après de four
nir les dessins qui accompagnent la relation d.
cette cérémonie publiée à Anvers en 1636.C.Schu
était lui même un fort habile graveur à l'eau
forte; son dessin est sans style, mais ses planche
ont de l'effet et de la couleur. Doué d'une ima
gination brillante et d'une singulière facilit
d'exécution, Corneille Schut doit, malgré la fai
blesse de son dessin, être considéré comme ui
des meilleurs peintres sortis de l'atelier de Ru
bens. P. M.
Catalogue du Musée d'Anvers, 1857.
schwartz (Pierre), en latin Niger, théo
logien allemand, né dans la première moitié d
quinzième siècle, mort vers 1481, à Balde. 0;
ignore quelle était sa famille, dans quel lieu i
prit naissance, et à quelle époque il embrassa 1
règle de Saint-Dominique. Il reçut une fort
éducation, et se rendit habile dans la plupart de
connaissances humaines : ainsi il fréquenta le
universités de Montpellier, de Salamanque, d
Fribourg et d'Ingolstadt; en Espagne il s'ins
truisit à fond des lois et des coutumes des Juifs
et apprit à parler l'hébreu à un tel degré d'excel
lence qu'il fut en 1474 en état de discuter
Ralisbonneavec quelques rabbins sur les dogme
de la religion. A cette date il professait la théc
logie à Wurtzbourg. Appelé en Hongrie , par I
roi Matthias Corvin , il fut placé à la tête d
collège de Bude. Plusieurs des ouvrages de Ni
ger sont perdus; on n'en connaît plus quedeux
Tractatus ad Judseorum perftdiam extir
pendam confectus ; Essling, 1475, in-fol.
Nuremberg, 1477, in-fol.; trad. enallemand,sou
le titre de Stella Messiae (Essling, 1477, in 4°)
c'est le premier livre où on ait trouvé des cal
raclères hébreux ; il est consacré à la discussion
théologique, laquelle dura sept jours de suite
de Niger avec les rabbins de Ratisbonne; -
Clypcus thomistarum; Venise, 14H2, in-fol.
traité composé à la demande du roi Matthias.
Échard et Quelif, Script, ord. Prsedic, I, Sfil-863.
schwartz ( Ber/hold), moine allemand
né probablement à Fribourg en Brisgau, mor|
à Venise, vers 1 384. Longtemps ce religieux
sur lequel on ne possède presque aucun ren
seignernent , a été considéré comme l'inven
teurde la poudre. Un jour, disait-on, il broyai
du salpêtre et du soufre dans un mortier
lorsqu'une étincelle qui tomba par hasard su
ce mélange , détermina une lorte explosion
Schwarlz aurait renouvelé plusieurs fois eetti
expérience, et serait arrivé, après beancouj
d'essais, à fabriquer la poudre à canon. Les re
cherches modernes ont entièrement dénient
cette légende; il a été établi que la pointa
était connue bien avant le milieu du quatorzièmi
siècle, date assignée à la prétendue découverte ù"<
SCHWARTZ
i.liwarfz ((). Pendant quelque temps alors on
regardé ce dernier comme un personnage apo-
\plie, lorsque son existence a été prouvée
h un document découvert en 1838 par M. La-
i!);uie Dans le Registre Lot hier ( manusc. de la
bl.imp.de Paris;, ontrouveaufol.72 le passage
livanl : « Le 17 mai 1354 le sieur Roy estant
crlt'iié de l'invention de taire artillerie trouvée
l[i Allemagne par un moine nommé Berlhold
Jrwartz, ordonna aux généraux des monnoies
ire diligence d'entendre quelles quantités de
livre estoientau dit royaume de France, tant
Houradviser des moyens d'iceux faire artillerie,
Lie semblaiilement pour empesclier la vente
iceu \ à estrangers et transport hors le royaume. »
H es 1338 l'arsenal de Rouen possédait des
B niches à feu; en 1324 même on se servit de
s engins au siège de Metz. Dans les années
ivantes les canons, coulevrines et semblables
_|nes devinrent en France d'un usage de plus
| plus fréquent. « Pendant que la France mul-
iliait ainsi ses bouches à feu, dit M. Lacabane
& ns sa notice De la Poudre à canon, un grand
' ogres s'accomplissait en Allemagne dans
ir fabrication. Un moine, nommé Berthotd
Uhwartz, parvenait à donner aux canons une
|ce et une dimension qu'ils n'avaient pas eues
iqu'alors. Il est incontestable qu'un perfec-
nnement dans la fabrication de l'artillerie a été
porté d'Allemagne en France vers 1354. A la
ijire qu'on avait faussement attribuée à
liwarlz d'avoir inventé la poudre à canon
iccédera le mérite réel d'être l'invenleurde la
psse artillerie. » Ces conclusions sont encore
infirmées par un passage de Polydore Virgile,
> l'on attribue à un Allemand de basse naissance
[îvetition des bombardes. En 1380 Schwartz
nt à Venise, et fit fondre pour le compte du la
publique d'énormes canons, qui lançaient, selon
Chronique de Daniel Chinazzo, des boulets de
arbre de cent quarante et même de deux cents
'res, et qui furent employés au siège de Chioz-
. Lorsqu'il réclama le prix convenu pour ses
rvices, il éprouva un refus, et on répondit à ses
stances en le jetant en prison , où il mourut,
oit-on, en 1384. Ce qui explique cette façon
agir du gouvernement vénitien, c'est que, par
iexpérience, on avait augmenté démesurément
inutilement la charge de poudre de ces bom-
rdes, ce qui avait rendu la dépense très forte,
que de plus le tir avait été trouvé très-incer-
W- E. G.
lalofsky. De inventore pnlveris pjjrii et bombardée ;
'"t i"02, in-4°. — Lacabane, De ta Poudre à canon
iieson introduction en France. - Lalanne, Curiosités
titanes. — L Figuier, Hist. des découvertes scienti-
«M modernes, t. lii. — Kave, Hist. des progrès de
l) Celte tradition remonte au moins au quinzième
■Cle, à [a lin duquel Crespi peignit un tableau conservé
1 musée des Dfli/.i à Florence, et où Schwartz est re-
ssente travaillant avec des ouvriers a la fabrication de
poudre. Un mortier porte celte Inscription : Pulvn
cogitaliis 1354, Daniâ (sic), Bert/iotdn Schwartz.
SCHWARZ
606
l'artil/erin. — I.orédan Larchey, Des Origines de VAr-
titterle; l'aris, 1862, ln-18.
SCHWAltz (Chrè/ien-Goltlieb), érudit alle-
mand, né le 4 septembre lG75,à Leissnig, en Mis-
nie, mort le 24 février 1751, à Altorf Fils du
recteur de l'école de Leissnig, il fut, après avoir
terminé ses études de collège, forte par son
manque de fortune d'accepter une place de pré-
cepteur auprès des petits-fils du maréchal de la
cour de Saxe, M. de Wolframsdorf, qui deux
ans après lui fournit généreusement les moyens
d'aller à Leipzig étudier principalement sous
G. Olearius les belles-lettres, les antiquités, et
plus tard la philosophie et la théologie. Il passa
ensuite à Wittemberg,où il suivit l'enseignement
de Schurzfleisch ; s'étant fait recevoir maître es
arts, il fut en 1704 nommé professeur à l'école
Saint-Nicolas de Leipzig; cinq ansaprès, il fut ap-
pelé à la place d'Omeis comme professeur d'élo-
quence, de morale et de poétique à l'université
d'Altorf (1709); il remplit ces fonctions avec le
plus grand succès jusqu'à sa mort , sauf qu'il
échangea plus tard la chaire de poétique contre
celle d'histoire. En 1723 il reçut la dignité de
comte palatin. Il avait réuni une précieuse biblio-
thèque, dont le Catalogue parut à Altorf, 17G9,
in-s°. 11 possédait une vaste érudition ; sesconnais-
sances en bibliographie notamment étaient très-
étendues. On a de lui : De ornamentis libro-
rum apud veteres usilatis; Leipzig, 1705-1706,
Altorf, t/lt-1717,4 parties, in-4° ,— De libris
plicalilibus veterum ; ibid., 1707,in-4°; — De
varia supellectile rei librarise veterum ;\hid.}
1725, in-4"; réimprimé avec les deux ouvrages
précédents, Leipzig, 1756, in-4° ; — De quibus-
dam doctrinx antiquariœ capitibits ; Altorf,
1719, in-4°; — Miscellanea politioris humani-
tatisin quibus vêtus ta quœdam monumenia
et variorum scriptorum loca illustrantur ;
Nuremberg, 1721, in-4°; — Carmina; Franc-
fort, 1728; — Primaria quœdam documenta
de origine typographiœ; Altorf, 1740, in-4°; —
Observationes ad A'ieuport Compendtum an-
tiquitatum romanarum ; ibid., 1757,in-4°; —
Compendium institutionum oratoriarum ;
ibid., 1758, in-4°. Schwarz, auquel nous de-
vons aussi une très-bonne édition du Pané-
gyrique de Trajan par Pline le jeune (Nurem-
berg, 1746, in-4°), a encore fait paraître un très-
grand nombre de dissertations curieuses, dont
la majeure partie a été recueillie dans les trois
ouvrages suivants, dûs aux soins de Harless :
Dissertationes sélect* quibus antiquitalis et
juris romani capila explicantur ■ Erlangen,
1778, in-4°; — Exercitationes academiese
quibus antiquitates explicantur; ibid., 1783,
in-4°; — Opttscula academica varii argu-
ment; ibid., 1793, in-4°.
Harless, V itie pliilolooorum, 1. 1. — Wlll, Aurnber-
gisch.es Celehrlcn Lcxikon et Ceschichte der Vnirersi-
txt Altorf. — Biuckcr, Billersaat. — Saxe, Onomas-
ticon,t. VI, p. 31.— Hirscliing, Handbuch. — Meusel,
Lexihon.
607
SCHWARZENBERG (1) (Les princes de),
branche de la maison de Seinsheim , une des
plus anciennes familles de la Frdnconie, doivent
leur origine à Erkinger de Seinsheim, qui, en
1420, acheta la seigneurie de Schwarzenberg, en
Bavière, dont il prit le nom, et fut élevé, en
1429, par Sigismond à la dignité de baron de
l'Empire, avec voix et séance parmi les comtes
de la Franconie. La baronnie de Schwarzenberg
passa après lui à son second fils, Sigismond;
mais à l'extinction de cette ligne cadette (1046),
elle retourna à la branche aînée, fondée par
Michel Ier, fils aîné du baron Erkinger. Cette
branche s'était déjà divisée, en 1510, dans les
arrière petits-fils de Michel , Edmond et Guil-
laume. Le premier fonda la ligne des Schwar-
zenberg de Liège, éteinte en 1674. Guillaume fut
la souche de la ligne de Franconie, qui subsiste
encore. Son fils , Guillaume II, mourut des
blessures qu'il reçut à la bataille de Saint-Quen-
tin (1557), laissant pour héritier un enfant de
dix ans, Adolphe, que Rodolphe II créa plus
tard comte, en récompense des services qu'il
avait rendus dans la guerre contre les Turcs. —
Son petit- fils, Jean-Adolphe, agrandit considé-
rablement les possessions de sa famille, et ob-
tint de l'empereur Léopold 1er, en 1670, pour
lui et les aînés de ses descendants, la dignité
princière, qui en 1746 fut étendue à toute la
maison. Après la dissolution de l'Empire d'Alle-
magne (1806), le comté princier de Schwarzen-
berg fut médiatisé et soumis à la souveraineté
de la Bavière.
La famille de Schwarzenberg compte encore
deux de ses membres dont la réputation est de-
venue européenne. L'un, Adam, né en 1587,
ministre de l'électeur de Brandebourg Georges-
Guillaume, fut tout- puissant pendant la guerre
de Trente ans, et attira de grands malheurs sur
les États de ce prince, en le détournant de l'al-
liance suédoise pour le pousser dans le parti de
l'Autriche. Lorsque le grand électeur prit les
rênes du gouvernement, il dépouilla le ministre
de son père de tout son pouvoir, et ne tarda pas
à le faire emprisonner dans la forteresse de
Spandau, où il mourut, le 17 mars 1641, d'une
attaque d'apoplexie.
L'autre membre de. cette famille mérite une
place à part.
Schwarzenberg (Charles-Philippe, prince
DE),feld-marécbal,néle 15 avril 1771, à Vienne,
mort le 15 octobre 1820, à Leipzig. 11 fit ses
premières armes sous les ordres de Laudon, dans
la guerre contre les Turcs, et déploya un cou-
rage qui ne se démentit pas dans les premières
campagnes delà révolution. Il se distingua par-
ticulièrement, le 26 avril 1794, à l'affaire de
Cateau-Cambrésis, où, à la tête d'un régiment
de cuirassiers et de dix escadrons anglais, il en-
fonça l'armée française, forte de vingt-sept mille
(1) On écrit quelquefois Schwarlzenberg, à caus
la prononciation , toujours dure, du s allemand.
SCHWARZENBERG 60
hommes. La part décisive qu'il prit à la bataili
de Wurtzbourg, en 1796, lui valut le grade d
major général. En 1799 il fut nommé feld
maréchal-lieutenant, et devint propriétaire d
régiment de hulans qui porte encore son non
Dans la guerre de 1805, il commanda une d
vision sous les ordres du général Mack. A ;
bataille d'Ulm, lorsqu'il vit que tout était perdi
il passa avec l'archiduc Ferdinand à travei
l'armée française, et se retira à la tête de que
ques régiments à Egra, en Bohême. Ce fut conti
son avis que la bataille d'Austerlifz fut livr<
avant l'arrivée de Benningsen et de l'archidi
Charles. Chargé de l'ambassade de Saint-Pi
tersbourg, à la demande de l'empereur Alexand
lui-même, Schwarzenberg dut quitter cette ci
pitale en 1809, lorsque la guerre éclata denoi
veau entre la France et l'Autriche. Il prit ui
part brillante à la bataille de Wagram, et cor
manda l'arrière-garde dans la retraite de Znaïr
Après la paix devienne, ce fut à lui que l'on conl
les négociations qui précédèrent le mariage i
l'archiduchesse Marie- Louise avec Tempère
des Français. Ambassadeur à Paris , il sut g.
gner à tel point l'estime et la confiance de N
poléon,que, sur la demande expresse de ce de
nier, le gouvernement autrichien le nomma (181
général en chef de l'armée de trente nu
hommes qui devait coopérer à la campagne i
Russie. Ces forces se rassemblèrent dans la Gî
licie, passèrent le Bug, remportèrent d'abo
quelques avantages, mais se virent bientôt fo
cées de se replier sur le duché de Varsovi
Schwarzenberg prit position à Pultusk, et co
clut avec les Russes un armistice qui a
sura la retraite des Français. A la demande i
Napoléon, cette campagne lui valut le bâton <
feld-maréchal général. Le prince se rendit àcelj
époque à Paris, et y fit un court séjour (181c
A son retour il fut chargé du commandeme
de l'armée d'observation qui se concentraiula i
les montagnes de la Bohême; puis après
jonction des Autrichiens avec les Prussiens
les Russes, il fut nommé généralissime des a
mées coalisées. Nous ne reviendrons pas ici s
cette célèbre campagne, qui commença sous I
murs de Dresde et finit sous les murs de Pari
nous nous bornerons à dire que rien ne sed
cida, rien ne s'exécuta, sans l'intervention
Schwarzenberg. Après le retour de Napoléon
l'île d'Elbe, le feld-maréchal repassa le Rhin à
tête des Russes et des Autrichiens, et déjà
avait pénétré en Alsace et en Lorraine, lorsq
les événements de Paris vinrent suspendre
marche. A son retour à Vienne, il reçut
présidence du conseil supérieur de la guen
qu'il garda jusqu'à sa mort. Ce fut peu de tem
après, le 13 juin 1817, qu'il éprouva les pr
miers symptômes de l'apoplexie dont il dev,
mourir à Leipzig, le 15 octobre 1820, à la vei
même du jour où, sept ans auparavant, il avait ce
duit les alliés sur les hauteurs environnantes,
09 SCHWARZENBliRG
xpira dans la môme chambre où le roi de Saxe
vail été fait prisonnier; son cercueil sortit de
I eipzig le 19, anniversaire de son entrée dans
ette ville.
i Le frère du feld-maréchal , prince Joseph-
ean de Schwarzenberg, se distingua surtout
pmme membre d'un grand nombre de commis-
ons ou d'institutions de bienfaisance. Pendant
m séjour à Paris, en 1810, il eut la douleur
e perdre sa femme, Pauline, née princesse
Aremberg, dans l'incendie de la salle en bois
)nstruite pour la fête que donnait, en l'honneur
i mariage de Marie- Louise, son frère l'ara-
assadeur. Lui même mourut à Frauenberg
fôohême), le 19 décembre 1833.
■acliller, Vniversal Lexicon. — Cosmar, Beitrag zur
Ida/» zu Schwarzenberg , Berlin, 1826, iti-8°. — Pro-
[ sdi d'Osten , Lcben des Feldmarscâalls Cari zu
hhw.; Vienne, 1822, in-8°.
| SCHWE1DEL ( Georges - Jacques ) , biblio-
! aphe allemand, né vers 1690, à Nuremberg, où
| est mort, en 1752. Il fut pasteur de sa ville
; itale, et partagea son temps entre les devoirs
clésiastiques et la recherche des livres rares et
liguliers. Parmi les recueils qu'il a publiés
'ses frai?, et dont il tirait les éléments soit des
jUtériaux qu'il avait rassemblés, soit des ren-
lignements qu'on lui adressait, nous citerons :
Ubliotheca exegetico - biblica ; Nuremberg ,
J21, in-4°; — Description de livres rares et
mieux, en allemand; Francfort, 1731-32,
nart. in-8°; — Nouveau Recueil de livres rares
| singuliers, en allem.; ibid., 1733-34, 6 part.
[-8°; — Bibliolheca historicocritica libro-
uni; ibid., 1736, in-8°; — Thésaurus biblio-
V.ecalis, en allem.; ibid., 1738-39, 4 vol. in-4°;
I- Librorum nonnisi veterum rariorumque
\ititia; Nuremberg, 1747,' in-4°, sous le nom
a Theophilus Sincerus ; ouvrage recherché, et
|édité en 1753 avec un nouveau titre.
iCataloyue de la Bibl. de Schweidel; Nur„ 1753, in-8».
' SCHWEIGHJUUSER (Jean),_ philologue
lançais, né le 26 juin 1742, à Strasbourg, où il
tt mort, le 19 janvier 1830. Fils d'un pasteur,
i montra des dispositions extraordinaires pour
îtude, et suivit avec fruit la plupart des cours
[ï l'université de sa ville natale. Reçu maître
f. arts en 1767, il alla passer dix mois à
jaris, et s'y perfectionna, sous la direction de
luignes, dans la connaissance de l'arabe et du
riaque, qu'il étudia ensuite avec Michaelis et
i.ec Reiske, qui l'initia aussi aux finesses de la
'ngue grecque. En 1769 il visita les principales
[Iles de l'Allemagne, et noua des relations avec
jellert, Rabener, Sulzer, Mendelssohn, Les-
jng, etc., et en 1770 il passa en Angleterre, dans
> butd'y approfondir, sous Voide, Kennicot, Hunt
jtautres philologues, les langues de l'Orient. De
[tour à Strasbourg à la fin de 1770, il fut aussi-
I I nommé professeur adjoint ; pendant huit ans il
îiseigna les principes, alors peu connus sur le con-
sent, de Hutchinson, de Ferguson et des philo-
:,phes écossais, et fit dans l'intervalle des cours
— schweigha;tjser
610
N0UV. BIOGR. GENER.
T. XLIH.
particuliers. En 1775 il obtint la chaire de grec
et de langues orientales. Brunck, dont le com-
merce était difficile, le prit en amitié, et l'associa
à l'édition qu'il préparait de Sophocle ; en outre,
il le recommanda à Musgrave, qui, après avoir
éprouvé ses talents, le désigna avant de mourir,
pour achever et mettre au jour l'édition d'.lp-
pien à laquelle il travaillait. Schweigliœuser en
fit paraître le texte ( Leipzig, 1785, 3 vol. in-8°),
épuré avec une sagacité critique remarquable, et
il l'accompagna d'une excellente traduction la-
tine et d'un commentaire qui témoignait de l'é-
tendue de ses connaissances historiques et lin-
guistiques. Il publia ensuite Polybe ( Leipzig,
1789-95, 9 vol. in-8") , sur une révision com-
plète des meilleurs manuscrits. Il n'avait pas
terminé ce travail lorsque éclata la révolution ,
dont il se montra d'abord grand partisan. Élu
membre du conseil de la commune de Stras-
bourg, il se signala par ses efforts pour le
maintien du régime constitutionnel ; jeté «n pri-
son en 1793, il dut à l'adresse de son épouse,
qui était une femme supérieure, d'être relégué
à Baccarat en Lorraine. Comme il veillait sou-
vent très-tard dans la nuit, il fut dénoncé comme
suspect, et on allait le mettre en arrestation si
une lettre du comité de salut public, où on le
remerciait de l'envoi des premiers volumes de
Polybe, n'était venue à propos pour lui consti-
tuer un certificat de civisme. Il retourna à
Strasbourg, et prépara, avec l'aide de son fils
Geolfroi, l'édition d'Epictèle (Leipzig, 1798,
in- 12). Nommé en 1796 professeur des langues
anciennes à l'école centrale, il fut en même
temps élu correspondant de l'Institut. Quelque
temps après il entreprit pour la collection Bi-
pontine une magnifique édition d'Athénée
(Strasbourg, 1801-07, 14 vol. in-8°), avec une
version latine et des notes. L'école centrale
ayant été, en 1802, remplacée par un simple
lycée, il se trouva dans une situation assez gê-
née; les émoluments de sa chaire au séminaire
protestant ne suffisaient pas à l'entretien de sa
nombreuse famille. Cependant il refusa les offres
brillantes qui lui furentfaitesd'Angleterre.Ildevint
en 1806 conservateur de la bibliothèque de Stras-
bourg, eten 1809 professeur de littératuregrecque
à l'Académie nouvellement établie et doyen de la
faculté des lettres. L'année suivante Schweig-
haeuser, qui venait de publier les Lettres de
Sénèque (Strasbourg, 1809, 2 vol. in-8°), ne
recula pas, malgré son grand âge, devant l'é-
norme tâche d'entreprendre une nouvelle édi-
tion d'Hérodote ; prenant pour base celle de Wes-
seling , il y introduisit des améliorations impor-
tantes par la comparaison attentive d'une dizaine
d'excellents manuscrits, ainsi que par les obser-
vations de Creuzer et de Boissonade. En faisant
paraître ce beau travail fStrasb., 1816, 6 vol. in-8°,
avec un Lexicon herodoteum ; ibid. , 1824, 2 vol.
in-8°), il mit dignement le sceau à sa réputation
d'helléniste. La perte de la vue, causée par une
20
611
SCHWEIG1LEUSER — SCHWERIN
Gl
fatigue excessive, l'obligea en 1824 à se démettre
de ses chaires, qui passèrent à son fils Geoffroi.
En 1821 il avait été élu membre libre de l'Aca-
démie des insciipîions, et il reçut en 1826 une
des deux grandes médailles distribuées par la
Société royale de Londres pour la littérature
classique. D'une modestie à toute épreuve mal-
gré son mérite éminent, Schweigheeuser mon-
trait dans sa vie privée cette même conscience
sévère qui le guidait dans ses travaux ; à ee
sujet nous ferons remarquer qu'il fut toujours, à
l'inverse de Brunck, très-sobre de conjectures
tendant à modifier contrairement aux manuscrits
les leçons des auteurs anciens. Outre les tra-
vaux cités, on a de lui : De sensu morali;
Strasbourg, 1775, in-8°; — Sententise philoso-
pkiese; ibid., 1775, 3 part. in-8o;— Sophoclis
Electra et Etiripidis Andromache; ibid.,
1779, in-8o; — Sophoclis (Edipus et Euri-
pldis Orestes; ibid., 1779, in-8°; — Emen-
daiiones et observationes in Suidam; ibid.,
1789, in-8o; — Epictetse philosophie monu-
mental; Leipzig, 1799, in-8°; — Opuscula
academica; Strasbourg, 1806, hv80; — Me-
maria Oberlini; ibid., 1806, in-8°.
Cuvier,É/oye de Schiveighseuser; SIrasbourg,1830, in-8°.
— Dohler, itlemoria Sckiveig/ixuseri; ibid., 1830, in-8°= —
Stiévenard, Éloge de Scfnceiqhseuser. — Zeitgenossen,
n°s LXIet LXflll.— Haag, France protestante.
schyveighjecser (Jean- Geo ff?'oi ) , ar-
chéologue, fils du précédent, né le 2 janvier
1776, à Strasbourg, où il est mort, le 14 mars
1844. Il n'acheva pas ses études : la révolution
l'entraîna sous les drapeaux, et il s'enrôla dans
l'armée du Rhin, en 1792. Cependant, dès 1796
il put venir à Paris, où il collationna des ma-
nuscrits grecs pour son père, et traduisit un
fragment des commentaires de Simplicius sur le
Manuel d'Épictète. Il dirigea l'éducation des fils
de Voyer d'Argenson, écrivit dans lePubliciste,
et composa des vers pour divers recueils alle-
mands -, puis il fut chargé, en 1802, par le comte
de Schlaberndorf, de publier une édition des Ca-
ractères de La Bruyère joints à ceux de Théo-
phraste (Paris, 3 vol. in-12). Il rédigea pour Vis-
conti le texte du Musée Napoléon, et prit part
à la rédaction des Archives littéraires. Lors de
la formation de l'université de France, en 1810,
il fut nommé professeur adjoint à la faculté
des lettres de Strasbourg. En 1812, il devint
professeur de littérature latine au sémi-
naire protestant. Lorsque son père prit sa re-
traite (1824), il lui succéda à l'académie ainsi que
dans les fonctions de bibliothécaire de la ville et
du séminaire. Une maladie nerveuse, qui tourna
en paralysie, vint enchaîner son activité et affai-
blir ses facultés : pendant environ douze ans, il
ne quitta plus son cabinet, et rien n'égale le dé-
vouement que lui prodigua une épouse chérie,
fille du célèbre anatomiste Thomas Lauth, pen-
dant toute cette triste période. Il nous reste
à mentionner les titres de J.-G Schweighacu-
ser comme archéologue. L'Institut ayant de-
mandé, en 1819, aux départements des ne
tices sur leurs antiquités locales, le savant pre
fesseur, depuis longtemps livré à ces études, s
mit à l'œuvre, et obtint la première médail
que l'Académie des inscriptions décerna pour c
objet; en 1823 elle l'inscrivit parmi ses corre;
pondants. A la même époque, il commença, e
concert avec son ami M. de Golbery, la publ
cation des Antiquités d'Alsace ( Mulbousi
1825-28, 20 livr. in-fol. avec lithbgr.). Mên
pendant le cours de sa maladie, son zèle se r
veilla à plusieurs reprises : ayant fait, en 183
l'acquisition d'une collection d'antiquités gall<
romaines et de poteries trouvées à Rheinzabe
( Bavière rhénane ) , il fut constamment oectt
de leur étude, et en fit dessiner et lithographi
les pièces les plus curieuses.
Golbery, Notice sur J.-G. Schweigheeuser ; 1848, In-
schwekin (Court-Christophe, comte de
général prussien, né le 26 octobre 16S4, dans
Poméranie suédoise, tué le 3 mai 1757, (S
vant Prague. Sa famille était une des plus a
ciennes de la Poméranie, et comptait au di
septième siècle vingt-quatre branches dissér
nées dans l'Allemagne du nord, en Suède, jj
Pologne, en Courlande, etc. (1). Fils d'un rie
seigneur, il reçut une éducation soignée, etenl :
en 1700 dans un régiment hollandais comman
par un de ses oncles et par son frère aîné, c ta
lui suscita mille difficultés. Il fit ses premièi
armes dans les campagnes de Flandre, et (I
ainsi l'occasion de se former sous Eugène I
Marlborough ; en 1704 il se trouvait à la . I.
taille de Donawerth, où son frère fut tué. 1
1705 il reçut un brevet de capitaine; mais I
1706 il retourna en Allemagne avec son oncle, i
prit du service dans les troupes du duc i
Mecklembourg-Schwerin. Pourvu en 1707 d'fc
régiment, il fut en 1711 envoyé auprès de Ch<i|
les XII, alors à Bender, et y demeura une anr ;
entière, s'attachant, par de nombreux entn»,
tiens avec ce prince, à perfectionner ses conna '
sances dans l'art de la guerre. Nommé en 17 H
général major, il commanda en 1719 l'arn tel
mecklembourgeoise.fortede douze mille homm ;
que le duc opposa au corps de treize mille l Ira
novriens qui venait d'entrer dans le pays p<
mettre à exécution la sentence rendue par
conseil aulique contre ce prince en faveur d«
noblesse du duché. Il battit l'ennemi à W«H
mœhlen, et termina par des négociations habi
le différend à l'avantage du duc. Ce dern
ayant alors réduit son armée, Schwerin pai
au service de la Prusse; envoyé aussitôt conv
ambasadeur à Varsovie, il s'éleva à son ret<
jusqu'aux plus hauts grades militaires; sa i
meté, son caractère franc et ouvert, la discipl
qu'il maintenait parmi ses troupes, qui se
(1) Il n'en subsiste plus aujourd'hui que qui
branches, qui ont toutes la dignité de comte. Cell
laquelle appartenait Christophe, est aujourd'hui re|
sentée par Maximilim de Schwerin, ministre de G
laume 1er, roi de Prusse.
13 SCHWERIN -
lient remarquer par leur promptitude dans les
manœuvres, toutes ces qualités lui valurent la
! veur du roi Frédéric-Guillaume 1er, dont ii
;vint un des familiers, et qui le plaça en 1739 à
[ tête de toute l'infanterie prussienne. En 1740,
| l'avènement de Frédéric II, il fut nommé
Id-maréchal et comte. A la fin de l'année, lors
[ . la première campagne de Silésie, dont il
i ait en grande partie préparé le plan, il couvrit
|i côté de la Bohême la marche de l'armée sur
[eslau.En 1741, après avoir rejeté en Moravie
f général autrichien Browne, il rejoignit le roi,
[ marcha avec lui contre Neuperg, qui avait re-
j is une partie de la Silésie. A Molwitz, il com-
! inda le centre ; quoique ayant reçu deux bles-
res graves, il ne quitta pas le champ de ba-
lle, et enfonça les lignes ennemies, ce qui dé-
i a le sort de ia journée. Après être entré dans
eslau par ruse, il fut nommé gouverneur
Es forts de Brieg et de Ncisse. En 1744, il di-
lea le siège de Prague, qui capitula le 16 sep-
Ihbre.et il contribua par sa prudence à assurer
•retraite périlleuse des Prussiens poursuivis
I ■ le prince de Lorraine. En 1756, au début de
Iguerre de Sept ans, il pénétra en Bohême, et
|oporta plusieurs avantages sur le général Pic-
omini, dont il empêcha la jonction avec
»wne. Puis il s'avança jusqu'à Prague (1757),
vinrent se réunir à lui le roi et le prince
Lnhalt. Frédéric II ayant résolu d'engager la
lille (6 août), Schwerin commença l'attaque ;
pis ses troupes, décimées par un feu terrible,
lulèrent en désordre; le vieux maréchal,
lissant alors un drapeau, les ramena contre
Autrichiens; atteint par une décharge de
i .raille, il retomba sans vie. A cette vue ses
Mats, qui le chérissaient comme un père, ne
msentplus qu'à le venger; ils s'élancent contre
I positions de l'ennemi, qu'ils culbutent; tout
ïreste de l'armée se précipite derrière eux, et
fatôt la victoire est complète. Mais elle avait
I chèrement achetée ; « la perte de Schwerin
ait celle de dix mille hommes , » disait Fré-
qui, àansi' Histoire de mon temps, ajoute
qu'à son arrivée au trône il n'y avait dans
on armée que Schwerin qui fût un homme
et un général expérimenté. En effet
in avait été presque de moitié avec le roi
création de cette formidable armée prus-
dont les exploits excitaient l'admiration
e. Ce capitaine, dont le souvenir, perpétué
chants populaires, vit encore aujour-
n Prusse, était dans sa vie privée un
de toutes les vertus. Il était d'une piété
et a laissé plusieurs poésies religieuses
composition. Il consacrait la plus grande
Se de ses loisirs à la culture des lettres et
sciences; il recherchait le commerce des
its; et son instruction solide le mettait à
e d'en profiter.
iuU, Lebea grosser] Uelden, 1. 1. — Der Biographe
H - Hlrschlng, Handbuck. - ArchcnholU, Gesch. der
SCHWILGUE
614
siebenjxhrigen Krieges.— Stenzcl, Gesch. des preussis-
c/ien Folkss. — Prcuss , Friedrich der Crosse. —
Schrcning, Die ersten Jahre der Regierung Friedrich
des Grossen, Berlin, 1858, et Der siebcnjsckriije Krieg,
l'otsdam, 1851.— Preussens Helden,- Leip/.lg, 1862.
schwilguÉ (Jean-Baptiste), mécanicien
français, né le 18 décembre 1776, à Strasbourg,
où il est mort, le 5 décembre 1856. Dès ses plus
jeunes années il montra un goût si décidé pour
les arts mécaniques que, sans autre guide que
son intelligence et son adresse manuelle, il par-
vint à confectionner les outils nécessaires à l'é-
tablissement d'un petit atelier. L'horlogerie lui
semblait surtout le chef-d'œuvre de l'invention
humaine. Son père, attaché à l'intendance d'Al-
sace, perdit son emploi aux premiers jours de
la révolution, et alla se fixer à Schelestadt.
Jean-Baptiste en se mariant (25 avril 1796) prit
la direction d'un petit atelier d'horlogerie, et con-
sacrait à l'étude le temps que ne lui prenait point
son industrie; aussi, bien qu'il n'eût aucun
maître, il acquit assez de connaissances pour être
nommé en 1808 vérificateur des poids et me-
sures de Schelestadt, et régent de mathématiques
au collège de cette ville. C'est vers ce temps que,
songeant plus que jamais à la reconstruction de
l'horloge de la cathédrale de Strasbourg, il eut
l'idée de remplacer par un calendrier méca-
nique et mobile l'ancien calendrier de cette
horloge, qui n'indiquait qu'en peinture, sur son
disque de bois, et seulement pour l'espace d'un
siècle, les jours de Pâques de chaque année, avec
quelques-unes des principales fêtes mobiles. Le
6 décembre 1815 Selrwilgué avait terminé son
comput ecclésiastique, et le 30 octobre 1821 il
soumettait à Louis XVIII ses plans, ses calculs
et la pièce mécanique qui indiquait à perpétuité
les éléments du calendrier de l'Église. A partir
de 1822 il s'occupa de mécanique industrielle,
et la balance-bascule portative à l'usage du com-
merce, les ponts à bascule fixés sur une maçon-
nerie servant à peser les voitures chargées, tels
furent les principaux produits de son atelier,
pour la fabrication desquels il s'associa, le 24
mars 1827, avec Frédéric Bollé de Strasbourg, et
depuis lors il devint l'inventeur d'une foule
d'instruments de précision, tels que le pèse-stère,
les balances d'essai, les pompes portatives à in-
cendie sans piston, le toposcope, le marqueur
fixe, le pèse-lettres, etc. Ses appareils lui va-
lurent une médaille d'argent à l'exposition de-
1827, et la croix d'Honneur en 1835. Schwil-
gué commença vers la fin de juin 1838 les
travaux de restauration de l'horloge de la ca-
thédrale, pour laquelle le conseil municipal de
Strasbourg avait, le 7 septembre 1836, voté ua
crédit, et le dimanche 2 octobre 1842 l'admirable
mécanisme, tout entier reconstruit par lui, marche
pour la première fois devant le congrès scienti-
fique assemblé à Strasbourg. Sans parler de»,
nombreuses figures allégoriques qui se meuvent
et marquent les heures, les jours, les mois, les -
années, les siècles, on doit rappeler qu'un poids-
20.
615 SCHWILGUÉ — SCIPION
d'un kilogramme seulement, remonté une seule
fois dans l'année, met en mouvement les innom-
brables rouages de cette horloge, qui indique en-
core le jour vrai, le jour sidéral et le jour moyen,
la marche des planètes et de leurs satellites , le
comput ecclésiastique, les équations solaires et
lunaires, etc. La partie vraiment scientifique de
l'horloge est l'œuvre de Schwilgué, qui pour ce
merveilleux travail refusa toute rémunération
pécuniaire. Son nom sera donc désormais insé-
parable dans les fastes de la cathédrale de
Strasbourg de ceux, de Werner et d'Erwin.
Schwilgué fut promu officiel' de la Légion
d'honneur le 13 novembre 1853. On a de lui une
Description abrégée de l'horloge de Stras-
bourg (1843, in-I8).
Ch. Schwilgué, Notice sur mon père,J.-B. Schwilgué,
sa vie, ses travaux; Strasoourg, 1857, in-8°.
SCHTRLE. Voy. RlIEITA.
sciarpelloni. Voy. Credi ( Lorenzo di).
scipions (Famille des). C'était une branche
de la maison patricienne de la gens Cornelia;
elle était unie par la naissance et par la com-
munauté de certains rites religieux aux Cossus,
aux Lentulus, aux Sylla, aux Cethegus, aux
Merula. Le mot Scipio signifie bâton; selon
Macrobe, il aurait été donné à cette famille de-
puis qu'un de ses membres avait servi de bâton
de vieillesse à son père ; touchante histoire, qui
semble avoir été inventée tout exprès pour le be-
soin de l'étymologie. Les Scipions possédaient pour
leur famille, près de la porte Capena, un lieu de
sépulture découvert en 1780,etqui est un des restes
les plus intéressants de la période républicaine.
°* Le premier Scipion ( P. Cornélius) que l'on
trouve dans l'histoire est celui que le dictateur
Camille choisit en 396 avant J.-C pour maître
de la cavalerie. Pour les deux années suivant.es>
il fut tribun militaire avec pouvoir de consul, et
à deux reprises (391 et 369) il exerça les fonc-
tions d'interroi.
Scipion ( C. Cornélius ) fut édile curule en
366, l'année où cette magistrature fut instituée.
Scipion (L. Cornélius ) fut le premier de sa
famille qui eût été élu consul (350).
Scipion (P. Corn.), consul en 328, remplit
en 306 la charge de dictateur, mais quelques
jours seulement.
Scipion ( L. Corn, Barbatus ), fils de Cnseus,
fut successivement édile, consul et censeur;
dans la guerre contre les Samnites, il s'empara
de plusieurs villes et soumit toute la Lucanie. I!
est difficile de dire si c'est le môme personnage
qui dans les fastes consulaires est nommé à l'an
300, qui, d'après le récit de Tite Live, vainquit
les Étrusques dans une grande bataille, et qui,
trois années après, placé comme propréteur à la
tète d'une légion, fut enveloppé par une armée de
Gaulois cisalpins et massacré avec toute sa troupe.
C'est avec les guerres puniques que commence
la grandeur des Scipions.
Scipion Asina ( Cneius Corn.), fils de Bar-
6li
batus, fut consul en 260, et commanda la pre
mière Hotte de guerre que les Romains eusser
construite; mais tandis qu'il s'avançait impri
demment avec quelques vaisseaux , h se trouv
en présence de toute la flotte carthaginoise, <
fut fait prisonnier; son collègue Duillius :
vengea, et plus tard Regulus le tira de captiviti
Réélu consul (254), il construisit en trois rno
une flotte de cent vingt quinquérèmes, et repr
presque toute la Sicile aux Carthaginois. Il rei
tra à Rome en triomphe.
Scipion (Lucius Corn.), frère du précéden
fut consul en 259. Chargé par le sénat d'enlev.
aux Carthaginois la Corse et la Sardaigne,
chassa les ennemis de ces deux îles après 1
avoir battus sur mer. C'est lui qui est signa
dans la deuxième inscription du tombeau d ;j
Scipions, comme étant « de l'aveu de tous, il
meilleur entre les hommes de bien »,
Scipion Calvos {Cneius Corn.), fils >
précédent, mort en 211, (ut consul en 2:1
Chargé avec son collègue Marcellus de continj
la guerre contre les Insubres, il assiégea et p
leur ville d'Acerree (voy. Marcellus). En
il servait dans l'armée de son frère Publius,
se dirigeait avec lui vers l'Espagne, lorsqu
apprit, à Marseille, qu'Annibal franchissait d
les Alpes. Pendant que Publius revenait en te
hâte en Italie, Cneius prit le commandement i
iégions, et occupa une partie du littoral au m
de TÈbre. Il s'attacha par sa douceur les Est
gnols, que Carthage avait traités durement; i
fit des alliés parmi eux, et y trouva d'excellé
soldats. Deux armées carthaginoises occupai
lepays ; il battit en 2l8,prèsdeCissa,celled'H
non et s'empara de Tarragone. En 217, il rr.o
sur ses vaisseaux, et détruisit près des bouche.1
l'Ebro la flotte carthaginoise. Celte victoire»
pécha Asdrubai de passer en Italie, où sa j
sence, après la bataille de Cannes, aurait dé
du sort de Rome. Cneius promena sa flotte
torieuse tout le long du littoral, et cent v|
peuplades de l'Espagne se soumirent à lui; (s.
îles Baléares elles-mêmes se détachèrenl
parti de Carthage. Peu après Publius ar
avec quelques renforts; tous deux se
tèrent sur Sagonte, y nouèrent des intelligen
ot réussirent à se faire livrer une foule d'ot
espagnols, qui furent renvoyés libres ches
différents peuples. En 216, Asdrubai es
de sortir d'Espagne pour passer en Italie:
deux Scipions lui barrèrent le chemin au pas jp
de l'Èbre, et dans une grande bataille ils dé ji-
sirent cette armée qu'Annibal attendait. 1
la campagne de 215, trois armées cartl
noises assiégeaient ensemble la ville d'Ulit
alliée des Romains; les Scipions accourent,
versent le camp de l'ennemi, pénètrent dai
ville, raniment les habitants, font une sorti
avec seize mille hommes ils mettent en p
déroute soixante mille Carthaginois. La vïll<
i délivrée. La même année ils remportent er
la [;
et
ic
st ..
17
SCIPION
613
ie grande victoire, et presque toute l'Espagne
t pour eux. En 214, ils sont vainqueurs dans
lis batailles, et prennent Sagonte. En 212, ils
feraient d'en finir avec cette guerre. Deux ar-
ecs carthaginoises , commandées, l'une par
sdrubal Barca et l'autre par Magon, se (rou-
lient à cinq journées de marche l'une de
mire. Les deux généraux romains conçoivent
projet hardi de les écraser séparément; mais
mr empêcher leur jonction, ilsse séparent eux-
êmes; Cneius se porte contre Asdrubal avec
i tiers seulement des légionnaires et tous ses
ipagnols. Ce n'était pas la coutume de Rome
[avoir des mercenaires étrangers; mais à cette
ot|ue le sang romain devenait précieux, et l'I-
I lie ne pouvait pas envoyer beaucoup de sol-
its : les Scipions avaient donc enrôlé moyen-
nt une solde 20,000 Celtibères; ils croyaient
uvoir se fier à eux. Mais Asdrubal fit offrir à
lis indigènes autant d'argent pour poser les
(mes que les Romains leur en donnaient pour
imbattre : ils acceptèrent, et quittèrent Scipion
Jême en présence de l'ennemi. Cneius, réduit à
jielques milliers d'Italiens, fit retraite en évitant
| livrer bataille. Bientôt l'arrivée de l'armée de
lagon lui apprit que son frère avait été vaincu.
il recula pendant plusieurs jours, poursuivi de
lès par les deux armées carthaginoises. II
puva enfin une colline où il essaya de se re-
fancher; mais il ne put pas creuser un fossé
!ms le roc, et le terrain n'offrait pas de bois
jpur faire la palissade. Il se fit un rempart avec
!S bagages; cette faible barrière fut bientôt en-
•ncée et la petite armée romaine périt presque
Jnit entière avec son général.
Scipion ( Publius Corn.), frère du précédent,
ort.en 211, fut consul en 219. Ce fut lui qui
Itroiiuisitdans le sénat les députés de Sagonte
jii réclamaient de prompts secours; mais le
mat s'étant contenté d'envoyer une ambassade
I Carthage, Sagonte fut prise. A cette nouvelle
sénat décréta la levée de trois armées, et char-
;a Scipion, avec l'une d'elles, de se rendre en
jspagne pour y enfermer Annibal. Scipion ap-
frcnd à Marseille qu'Annibal a franchi les Py-
linées et qu'il va traverser le Rhône. Il envoie
î avant un. corps de cavalerie, qui a le dessus
tir un corps de cavaliers numides; lui-même
h met en marche pour atteindre l'envahis-
:ur; mais à la nouvelle qu'il doit être ar-
(vé aux Alpes , il laisse la plus grande partie
lasses troupes à son frère Cneius, qui doit se
''tidre en Espagne ; puis il gagne Gênes par mer,
ii chercher à Pise l'armée du préteur Manlius,
f prend sous ses ordres en qualité de consul, et
i ramène sur le Pô. Il lutte de rapidité avec
jnnibal. C'est seulement un peu en avant du
feasin qu'il peut l'atteindre (218). A la suite d'un
jrnibat désavantageux où il est blessé, Sci-
[ on repasse le Pô, veut défendre au moins la
Jve droite du fleuve; mais les Gaulois l'aban-
mnent en égorgeant quelques cohortes. Il re-
cule vers la Trébie; là, des rives boisées et cou-
vertes de collines doivent mettre son armée à
l'abri des cavaliers numides. Il veut s'y établir
dans un camp retranché, traîner la guerre en
longueur et laisser les Carthaginois s'épuiser
sans combattre. Son collègue Sempronius, qui
l'a rejoint, ne comprend rien à ce plan, et il livre
bataille. Les deux armées consulaires sont vain-
cues par la cavalerie, par les éléphants, et sur-
tout par la tactique d'Annibal; trente mille Ro-
mains restent sur le champ de bataille, et la
Cispadane est aux Carthaginois. Même après ce
ce désastre, le sénat jugea la présence de Scipion
plus utile encore en Espagne qu'en Italie, et il
l'envoya dans cette province avec le titre de
proconsul. Il y rejoignit son frère Cneius, et pen-
dant cinq ans il dirigea la guerre avec lui dans
un accord parfait. Leurs brillants succès (voy.
l'articlequi précède) eurent pour principal effet de
retenir dans la Péninsule les armées carthagi-
noises qu'Annibal appelait en Italie. En 212 les
deux frères se séparèrent, pour tenir tête à la
fois à Asdrubal et à Magon. C'est contre Ma-
gon que se dirigeait Publius; dans sa marche, il
rencontra un ennemi sur lequel il ne comptait
pas ; c'était Massinissa, alors allié de Carthage.
Ses nombreux cavaliers le harcelaient sans com-
battre. Ayant appris qu'un petit corps espagnol
est à peu de distance, il se porte contre lui;
mais il est surpris par Massinissa, atteint par
Magon. En se portant au plus fort du danger, il
tombe percé d'un javelot; l'armée romaine est
mise en déroute et presque entièrement exter-
minée. Publius avait laissé à Rome un fils, qui
fut Scipion l'Africain (1). F. de C.
Polybc, liv. I-X Tite Live, passim. — Cicéron, pro
Ptancio, 23; pro Ilalbo, 15. — Egger, P'eteris sermonis
latini rehquise, p. 100, 104, 13't. — Smith, Uictionury .
scipion l'Africain ( Publius Cornélius
Scipio Africanas major), fils du précédent, né
vers 234, mort vers 183. Il se distingua, n'ayant
encore qu'environ dix-sept ans, à la bataille du
Tessin; il paraît même que ce fut lui qui dé-
gagea le consul, son père, entouré par l'ennemi,
et qui le sauva. 11 prit part comme tribun lé-
gionnaire à la bataille de Cannes (216); ce fut
lui qui dirigea la retraite de quelques milliers
d'hommes échappés au désastre, et qui les con-
duisit à Canusium. Une foule d'officiers décou-
ragés avaient formé le complot de quitter l'I-
talie : il se rendit au milieu d'eux, et les força
de jurer, avec lui, de ne pas abandonner la répu-
blique. En 212 il demanda Pédilité curule; les
tribuns s'opposant à sa candidature, parce qu'il
n'avait pas l'âge légal, il répliqua : « J'aurai
(1) Publius et Cneius, tués tous deux en Espagne,
avaient un frère, Lucius, qui prit quelque part à leurs
succès. Le ûls de Lucius, Cneius, surnommé Hispalus,
fut consul en 171 et mourut d'une attaque de paralysie, à
Cannes, dans le cours de sa magistrature. — Celui-ci eut
aussi r.n fils, qui porta les mêmes nom et surnom; il
occupa les charges de questeur (149) et de préteur (139). —
Il laissa un fils, en qui s'éteignit cette branche, assez
obscure, de la famille des Scipions.
619 SCIPION
assez d'années si j'obtiens assez de suffrages. »
El tous les suffrages furent pour lui. Jeune en-
core, i! exerçait un grand ascendant sur la foule.
Tite-Live dit qu'il n'était pas plus admirable
pour ses véritables qualités que pour l'art qu'il
possédait de les faire valoir. C'était un carac-
tère merveilleusement maître de lui-même;
plein de passions, il n'en avait aucune qui ne
cédât à sa volonté ou à son intérêt. Il était ap-
pliqué et laborieux sous les dehors d'un ami du
plaisir. Mais ces qualités n'étaient connues que de
ceux qui vivaient dans son intimité. A la mul-
titude il présentait un autre genre de vertus; il
était généreux, prodigue, ami des fêtes, indul-
gent à (ous et accessible ; la qualité qu'il voulait
qu'on lui attribuât de préférence à tonte autre,
c'était le bonheur, qualité fort estimée du vul-
gaire dans tous les temps, et surtout des Ro-
mains, qui croyaient le bonheur inhérent à la
nature d'un homme, comme un don que les dieux
y avaient attaché en récompense de ses vertus.
Scipion aimait à parler de ses songes ; dans le
sommeil, même dans la veille, il avait des en-
tretiens avec les dieux. Il n'entreprit jamais au-
cun acte important de sa vie publique ou privée
sans avoir passé quelques heures dans le temple
du Capitole et sans avoir eu une conférence se-
crète avec la divinité. Il ne démentait pas ceux
qui disaient qu'il était fils de Jupiter et que sa
ïnèreavail eu commerce avec ce dieu sous la figure
d'un serpent. Par tous ces moyens ii rendait le
peuple et les soldats empressés à servir ses des-
seins; tous le suivaient à l'aveugle; lui seul
consultait la calme et froide raison.
En 211 son père et son oncle périrent en Es-
pagne, et Rome, qui avait envoyé à leur place
le propréteur C. Nero, résolut d'accroître le
nombre de ses troupes et de les confier à un
proconsul (210). Le jour des comices, personne
ne se présenta pour recevoir ce dangereux héri-
tage des deux généraux vaincus ; Scipion seul
sollicita les suffrages des centuries; il n'avait
que vingt-quatre ans, mais le peuple l'élut à
l'unanimité. Dès qu'il fut en Espagne, il com-
prit quel était l'unique moyen de vaincre les
Carthaginois; il fallait s'attacher les Espagnols et
se présenter à eux comme un libérateur qui
venait les arracher à la domination oppressive
de Carthage. Il affecta donc un grand esprit de
justice, et se fit des alliés par sa modération.
Voulant frapper les imaginations par un coup
hardi, i! traverse une grande partie de l'Es-
pagne et se porte rapidement sur Carthagène.
« Neptune, disait-il, lui avait inspiré cette ré-
solution »;en réalité, il savait qu'aucune des
armées carthaginoises n'était à portée de dé-
fendre la ville, qui n'avait qu'une faible garnison.
Carthagène fut prise en un jour; or, c'était le
chef-lieu de la domination des Carthaginois; là
étaient leurs arsenaux, leur trésor public, et les
bagages de leurs trois arméees; là étaient aussi
les otages des peuples soumis. Ces otages dans
62(
les mains de Scipion étaient un gage de l'aliiano
des Espagnols ; il les traita donc en amis, leu
prodigua les caresses et les présents, et leur pro
mit de les renvoyer dans leurs familles, du jou
où leurs familles voudraient être amies d
Rome. Parmi ces otages il y avait des femmes
le droit de la guerre les mettait à la discrétio
du vainqueur; mais Scipion, qui n'était pas u
modèle de continence, voulut étonner les Espa
gnols par un grand exemple de vertu, et il rer
voya ces femmes à leurs pères ou à leurs mari:
La plupart des peuples espagnols ne tardèrei
pas à lui faire savoir qu'ils abandonnaient
parti de Carthage; Mandonius et Indibilis s'o
frirent à lui avec leurs excellents soldats. Ca a
thage avait trois armées en Espagne, commai
dées parAsdrubal Barca, Asdrubal fils de Gisco
et Magon. Le plan des généraux était que 1 1
deux derniers gardassent l'Espagne et que |
premier passât en Italie, où sa présence était pi
nécessaire que jamais à Annibal , sou frèi i
Asdrubal livra bataille près de Baeculà, fut vain
et perdit vingt mille hommes (209) ; mais la 1
sant là ses morts et ses bagages, il courut I
toute hâte vers les Pyrénées; on sait d'aillei
qu'il ne rejoignit pas son frère. Scipion resl
encore en présence de trois armées ; car un ne
veau général, Hannon, était arrivé d'Afrique
est vrai qu'i". se laissa surprendre et battre par
lieutenant de Scipion (208). L'année d'apri
Magon et Asdrubal, fils deGiscon, réunirent lei
forces; Scipion les vainquit ensemble (20
Dès lors, à l'exception de Gadès, il ne resta p
lien à Carthage dans toute la péninsule. I|
que Scipion fut maître de l'Espagne, il songe;
l'Afrique; pour cela l'alliance des Numides
était nécessaire. Il se rendit en personne aup
de Syphax, qui régnait sur la Numidie occid<
taie. On dit qu'il se rencontra à sa cour a
Asdrubal, fils de Giscon; les deux généraux
passèrent plusieurs jours dans l'intimité. M
Scipion fut le plus adroit, et s'assura l'allia
du chef numide. Pendant son absence une for
dable insurrection avait éclaté en Espagne
la réprima en la frappant de terreur : la \
d'Iiiiturgi, dont la population entière comtwi
sur les murailles, fut prise d'assaut et rasée. ]
après Scipion tomba malade, et le bruit de
mort se répandit; il n'enfallut pas davantagep
que de nouvelles défections se produisissent
même temps, un corps de huit mille Romain
révolta et déposa ses chefs. A peine convalesct
il appela à lui les légionnaires révoltés en leur c
mettant de faire droit à leurs plaintes ; il les
envelopper par ses soldats restés fidèles , p |
donna à la foule et mit à mort les meneurs. En
il mena ces mêmes légions battre Mandoniu
Indibilis. Les Carthaginois occupaient enc
Gadès, grâce à Massinissa et à ses Numid
Scipion attira Massinissa à une entrevue, et a t
un allié de Rome; la prise de Gadès achev
soumission de l'Espagne.
21
[ Dès que Scipion put quitter sa province pa-
| fiée (206), il revint à Rome pour rendre compte
3 ce qu'il avait fait. Introduit au sénat, iJ énu-
i iéra les armées vaincues, les villes prises , les
tapies soumis. Il espérait qu'on lui décerne-
nt le triomphe; mais la loi défendait de l'ac-
!)rder à quiconque n'était pas revêtu d'une ma-
strature régulière; or, Scipion n'était ni pré-
urni consul, et il avait fait ses campagnes avec
ta simple commandement militaire. Survinrent
n comices consulaires ; tous les suffrages se
unirent sur lui (205) ; encore lui donna-t-on un
f)llègue peu gênant qui, se trouvant en même
; mps pontife, ne pouvait pas sortir d'Italie et
pvait par conséquent laisser à Scipion la di-
ction de la guerre. L'Espagne étant soumise et
tombai étant compté pour rien au fond du
ruttkim, c'était en Afrique qu'il fallait corn-
i ittre Carthage. Scipion , en dépit de l'opposi-
[on de Fabius , se fit donner pour province la
? cile avec l'autorisation de passer en Afrique,
Eil le jugeait utile à l'État. Il est vrai que le
t nat lui donna fort peu de troupes et encore
foins d'argent; mais Scipion trouva de Par-
fait dans tes villes d'Étrurie, des bois de cons-
•[ action dan9 la Campanie, des soldats chez les
ibins et chez les Marses; la Sicile fournit les
ïievaux; une flotte fut construite en six se-
[ aines. Dans son quartier général de Syracuse,
[prépara une formidable expédition. Caton,qui
i servait de questeur, se plaignit de l'argent
li'il dépensait» Scipion répondit qu'il n'avait pas
ipsoin d'un questeur si exact, et Caton alla por-
ta ses plaintes au sénat. Il ne s'en fallut pas
a beaucoup qu'on ne lui retirât son comman-
» ?ment. Quand fous ses préparatifs furent ache-
Ités, il s'embarqua (204), quitta la Sicile en grand
ppareil, et aborda sur la côte d'Afrique, dans
\ voisinage d'Utique. Deux combats de cava-
lerie lui permirent de prendre pied sur le tern-
aire carthaginois. 11 comptait sur le concours
fes Numides; mais des deux rois, Syphax était
levenu l'ennemi de Rome, et Massinissa , son
feri allié, était chassé de son royaume. Il ne se
écouragea pas. Syphax et Asdrubal réunirent
jne armée de cinquante mille hommes; une
-ait, Scipion mit le feu à leur camp et fit périr
;resque toute cette armée dans les flammes
'W3). C'était à la faveur d'une trêve qu'il avait
'u S'approcher du camp et y porter l'incendie,
'arthage et la Numidie formèrent une nouvelle
rnnée; Scipion la détruisit dans la bataille des
grandes Plaines. Puis pendant qu'il prenait
une après l'autre les villes qui entouraient
[arthage, Massinissa se lança en Numidie,
'ainquit Syphax et le fit prisonnier. Scipion ré-
oinpensa Massinissa en lui donnant le nom de
:oi et en lui promettant la Numidie entière, mai*
ne lui permit pas d'épouser la Carthaginoise
ojihonisbe {voy. ce nom). Annibal, qui était
evenu d'Italie, jugea Carthage sans ressource et
eïnanda la paix; mais Scipion ne voulait traiter
SCIPION 639
qu'après une victoire. Les deux généraux se
préparèrent à une suprême bataille, qui eut lieu
dans une grande plaine découverte près de Zama.
Annibal avait rangé son armée sur trois lignes,
et s'était placé à la troisième avec ses vétérans
d'Italie; Scipion fit enfoncer les deux pre-
mières lignes par ses légions, et fit tourner la
troisième par la cavalerie numide (19 octobre
202). Le vainqueur 'pouvait mettre le siège de-
vant Carthage; mais la ville n'aurait pas man-
qué de résister quelques semaines; 'or Scipion
savait que le sénat lui avait désigné un succes-
seur, et que ce serait ce successeur qui aurait la
gloire de prendre Carthage. Se hâtant donc de
traiter, il dicta des conditions de paix que Car-
thage accepta et qui furent assez avantageuses à
Rome pour que le sénat dût les ratifier. La se-
conde guerre punique fut ainsi terminée par Sci-
pion ; de retour à Rome (201), il triompha avec
un éclat inusité , et prit ou se laissa donner le
surnom d'Africain.
Pendant quelques années sa popularité fut
immense. On lenommacenseur (199), puis prince
du sénat; on parla de lui conférer le consulat à
vie, et l'on proposa que sa statue fût portée
dans les pompes religieuses avec les statues des
dieux. Scipion repoussa des honneurs qu'on
n'eût pas manqué de trouver excessifs du jour où
il les aurait acceptés. Il fut consul en 194;
mais ce second consulat n'ajouta rien à sa gloire;
le seul de ses actes de cette année qui ait mé-
rité l'attention , ce fut d'avoir établi que dans
les spectacles publics les sénateurs auraient des
places réservées : innovation qui ne laissa pas
de mécontenter le peuple. En 190, son frère
aîné, Lucius Scipion, demandait le commande-
ment de la guerre contre Antiochus; l'Africain
détermina le sénat à le lui accorder, en promet-
tant de faire la campagne en qualité de lieute-
nant. Sous ce nom, il dirigea en réalité l'expé-
dition. L'alliance du roi Philippe lui permit de
traverser heureusement la Macédoine et la
Thrace; en Asie Mineure il attira au parti de
Rome le roi de Bithynie. Sur les ruines de Troie,
il fit un sacrifice solennel suivant les traditions
grecques, et proclama, au dire dt* Tite Live,
l'origine troyenne de Rome. Il ne put pas suivre
l'armée, et il laissa son frère s'avancer seul
contre Antiochus. Ce n'est pas qu'il fût tombé
malade , comme le répètent les biographes ; mais
Scipion était l'un des prêtres sahens; or, il y
avait un mois de l'année pendant lequel la loi
religieuse ordonnait à ces prêtres, en quelque
endroit qu'ils pussent être, d'y demeurer en
quelque sorte immobiles. Mais tout en restant à
Elée, il semblait encore le chef de l'expédilion.
C'est à lui qu' Antiochus s'adressa pour obtenir
la paix, après lui avoir renvoyé son fils, qui
avait été fait prisonnier au début de la cam-
pagne. Scipion prétendit reconnaître ce service
en conseillant au roi de ne pas combattre tant
que lui -même n'aurait pas1 rejoint l'armée. II
623 SCIPION
adressa la même recommandation au consul.
Lucius Scipion livra pourtant bataille, et fut
vainqueur. Ce n'en fut pas moins l'Africain qui
fixa les conditions de la paix : Antiochus dut
abandonner toute l'Asie Mineure et payer 15,000
talents.
Lorsqu'il revint à Rome (189), il y trouva des
haines qui s'étaient accumulées dès longtemps
contre lui. Sa grandeur lui avait fait des en-
vieux, et son orgueil des ennemis: on voyait
avec peine cet arc de triomphe qu'il s'était
élevé à lui-même au Capitole. Beaucoup de
bons citoyens lui reprochaient son ambition et
son mépris delà loi. Un jour, les questeurs re-
fusaient de lui ouvrir le trésor public, alléguant
une loi formelle; Scipion leur prit les clefs des
mains, et ouvrit. Un autre jour, en plein sénat,
on lui demandait de rendra compte, suivant
l'usage et la loi, de l'argent livré par Antiochus
(187); Scipion se lève, et montre dans -ses
mains le registre où les comptes sont écrits;
« mais, ajoute-t-il, on ne les lira pas; je neveux
pas avoir la honte de paraître me justifier ». Il
déchire le registre et le foule aux pieds. De tels
actes parurent condamnables dans une répu-
blique qui avait encore le respect de la loi.
Le tribun M. Nœvius cita Scipion à comparaître
devant lui (185) : il lui reprocha les désordres
de son séjour en Sicile, les excès de son lieute-
nant Flaminius, la discipline altérée par lui,
l'argent de l'État dépensé sans compter, et en-
fin ses relations secrètes avec Antiochus. A
tous ces griefs Scipion répondit avec l'au-
dacieuse fierté qu'on lui avait toujours vue et
qui lui avait toujours réussi. « Romains, dit-il,
c'est à pareil jour que j'ai remporté en Afrique
une victoire sur le plus redoutable ennemi de
votre empire, ce qui vous procura une paix
aussi avantageuse qu'inespérée. Ne soyons pas
ingrats envers les dieux; laissons crier ce vau-
rien (il parlait du tribun), et montons au Capi-
tole pour remercier le souverain des dieux. »
Cet excès de mépris pour la magistrature et
pour la loi fascina la foule. Scipion monta au
Capitole, entraînant à sa suite le peuple romain.
Pourtant les tribuns n'abandonnèrent pas l'accu-
sation ; ils se contentèrent de remettre le juge-
ment à un autre jour. Ce jour venu, Scipion ne
se présenta pas. Alors un des tribuns, Sempro-
nius Gracchus, qui avait été jusqu'alors son en-
nemi , intercéda en sa faveur, et déclara qu'ii
s'opposait à ce que le jugement fût prononcé
tant que Scipion ne serait pas présent. Scipion
s'était retiré dans sa terre de Liternum en Cam-
panie, et s'élait condamné lui-même à l'exil. H ne
rentra plus dans Rome, et il ne paraît pas qu'il
ait élé enterré dans le tombeau de sa famille. Il
laissait deux fils ( voy. ci-après ) et deux filles,
dont l'aînée, Cornelia, épousa SemproniusGrac-
chus et fut la mère des Gracques. L'autre fut ma-
riée à Scipion Nasica Corculum (voy. ci-après).
Scipion fut l'un des premiers à Rome qui aima
62<
les lettres et qui apprécia les arts de la Grèce
il attira près de lui le poète Ennius, et lui fi j
écrire le poème de la seconde guerre punique
c'est-à-dire le récit de ses propres exploits (t;
F. DE C.
Polybe, X-XXIV. - Tite Live, liv. XX1-XXXIX. •
Valère Maxime, III, 7; VIII, 15. — Aulu-Gelle, IV, 15 j
VII, I. — Pline, passim. — Gerlach, dans Sctiweizt i
Mvseum, 1837.
scipion (Publius Corn.), fils aînédeScipio
l'Africain, ne remplit que la charge d'augure; s j
mauvaise santé l'éloigna des affaires publique
Cicérondit de lui qu'il était instruit et éloquen
Il écrivit un Traité d'histoire en grec, et d< I
discours que l'on conservait encore au temps <
Cicéron. Il adopta pour fils Scipion Émilien. I
Scipion (L. ou Cn. Corn.), frère du préc Pi
dent, ne fit rien qui fût digne du nom de sil
père. Dans la guerre d'Antiochus, il fut fait pif
sonnier, et renvoyé sans rançon (190). Apr
avoir eu beaucoup de peine à parvenir à la pr
ture (174), il fut exclu du sénat par les ce
seurs, el sa famille, honteuse pour lui, l'oblig
à se démettre de ses fonctions.
Cicéron, Brut., 19 , Cat. ma}., 11 ; de Off. 1,33. — T I
Live, XL, 42; XL1, 27. — Valère Maxime, III, 5; 1V,S
scipion V Asiatique ( Lucilius Corneli !
Scipio Asia/icus), frère aîné de Scipion l'Af
cain. Les historiens nous apprennent qu'il n
tait pas aimé du peuple, sans faire connaître
motif de cette impopularité. Il suivit son fr<
en Espagne, et lui rendit des services; il pi
en 208 l'importante ville d'Oringis, dans la E
tique. Il fit les campagnes d'Afrique, mais se)
les ordres de son frère. Il ne fut préteur qu f
193; le consulat lui fut accordé en 190. Le
Antiochus, déjà vaincu aux Thermopyles ,
vaincu encore sur mer, ne paraissait pas un
nemi bien redoutable ; le sénat ne voulait poi|
tant pas charger Lucius Scipion duïoinde<
combattre; on ne se décida à lui confier I
commandement que parce que son frère pj
mettait de faire la campagne avec lui. Ce
l'Africain qui dirigea toutes les opérations
n'élait pourtant pas présent lorsque Luc]
Scipion livra bataille à Magnésie du Sipyle
avec vingt mille Romains mit en déroute quall
(i) Nous avons essayé de tracer la vie et le carac
de Scipion l'Africain; il faut ajouter que l'histoire d
remarquable personnage est pleine d'incertitude et
contradictions. Polybe et Tite Live ne sont d'accon
sur la date de sa naissance ni sur celle de sa mort,
lybe et après lui Tite Live disent qu'il sauva son pè
la bataille du Tessin, et ce fait est démenli par plusi
annalistes. L'histoire de la belle jeune fille pris
Carthugène et rendue à son fiancé est racontée d
tout autre façon par Aulu-Gelle. Suivant Valerius d
tium, Scipion aurait au contraire gardé cette jeune
pour la faire servir à ses plaisirs. IMen de plus incet
que l'accusation qui fut portée contre lui; Tite Livi
connaît que les annalistes n étaient pas d'accord si
nom des accusateurs. Cet historien cite un dise
de Scipion répondant aux tribuns, et Aulu-Gijlf
cite un autre fort différent. On raconte une entrevu e
Scipion avec Annibal à Éphèse, et cette intrevue p.J'
impossible. Il est évident que la légende s'est glissée
l'histoire de Scipion, et l'on ne saurait dire au j
quelle part elle s'y est faite.
,25 SC1PI0N
ingt mille Asiatiques. On peut remarquer d ail-
urs dans les historiens que ce ne fut pas le consul,
iais son lieutenant, qui dicta ai' roi de Syrie 1rs
mditions de la paix. Lucius rentra à Rome en
ïomplie;il garda de son expédition le surnom
'Asiatique. Il fut enveloppé dans la même ac-
îsation que son frère; on voulait qu'il rendît
jmpte de l'argent qu'il avait reçu d'Antioclms
jur le trésor public. Il parait qu'il y eut
lelques millions de sesterces dont il ne put
tpiiquer l'emploi; iî fut condamné à une
nende. Déjà même on le conduisait en prison ,
|rsqu'un tribun s'interposa en déclarant qu'il
Milait bien qu'on procédât contre la fortune
i Scipion , mais non pas contre sa personne.
|:ipion resta donc libre, mais ses biens furent
ndus à l'encan. L'histoire ajoute, à l'éloge du
liinqueur d'Antioclms, que la vente de tous ses
[«ns ne produisit pas une somme égale à celle
■ l'on lui reprochait de s'être illégitimement ac-
liise. Cicéron rend hommage à son désintéres-
sment, et il vante son éloquence. Il passa dans
Tbscurité la lin de sa vie, et l'on ignore en
1 elle année il mourut.
jSon fils, L. Cornélius, exerçait la questure
liand Prusias visita, en 167, l'Italie.
| Scipion ( L. Corn.), son petit-fils ou arrière-
!tit-fils, se prononça contre Saturninus (100), et
mbattit dans la guerre sociale. Il fut consul avec
prbanus, en 83. Partisan de Marius, il s'efforça
arrêter Sylla lors de son retour en Italie; mais
dernier gagna l'armée consulaire, et fit lecon-
il prisonnier; il lui fit grâce de la vie, et le ren-
tya même en liberté, ce qui permet de croire
ie ce Scipion n'était pas fort à craindre. H
va pourtant de nouvelles troupes, qui l'aban-
Minèrent dès qu'il fut en présense du jeune
bmpée. Proscrit par Sylla (82), il se réfugia à
iarseille, et y passa le reste de sa vie.
Polybe, X, XXI, XXII - Tite Live, XXVII, XXXIV à
XXIX. — Appien, B. C, I, 82, 85, 86. — Cicéron, De
yvinc. consul., 8; Phil., XII, XIII.
scipion émilien ( Publius Cornélius Sci-
:o^Emilianus, Africanus minor), le second Afri-
iin, né en 185, mort en 129, à Rome. Le plus
mne des quatre fils de Paul-Émile, il fut adopté
îrson oncle, le fils aîné de Scipion l'Africain,
ont la famille était près de s'éteindre; il en prit
nom, et ne garda de sa propre famille que le
irnomd'Éinilien. Son éducation se fit parmi des
recs ; le premier maître qu'on lui donna, ce fut
philosopheMétrodore. Il vit, soit dans la maison
esonpère, soit dans celle des Scipions, un autre
frec qui vivait à Rome comme otage, l'habile et
onnête Polybe; le prêt de quelques livres, sans
outedes livres grecs, fut l'occasion des rapports
itimes qui s'établirent entre eux. Contrairement
iux usages des jeunes nobles.il évitait le forum, ne
tlaidait pas, ne courtisait ni les grands ni le
euple; aussi le regarda-t-on d'abord comme un
lOinnie inutile. Il se distinguait encore par satem-
érance et son aversion pour les mœurs licen-
626
| cieuses , par une générosité et une répugnance
! pour les calculs d'intérêt , qui étaient des i ci lus
| fort rares à Rome (1). Scipion avait lait l'appren-
| tissage des armes auprès de son père, en Grèce,
; à la bataille de Pydna (168). C'est en Espagne
| qu'il commença sa brillante carrière, et il s'y
j rendit dans les mêmes circonstances que son
i aïeul adoptif. Cette guerre d'Espagne était fort
; redoutée de la jeunesse romaine; les soldats ne
I se laissaient enrôler que malgré eux, et per-
j sonne ne demandait les commandements. Un
jour que le peuple tenait les comices pour l'é-
lection des tribuns militaires, aucun candidat ne
se présentait; Scipion se leva, et demanda à être
envoyé en Espagne à quelque titre que ce fût ;
son exemple en entraîna d'autres, et le nombre
des tribuns fut complété (151). Il resta deux ans
en Espagne comme tribun légionnaire. Un jour
il tua en combat singulier un chef barbare, un
autre jour il monta le premier à l'assaut d'une
ville; on cite encore en son honneur qu'une ville
refusant de se rendre au consul Lucullus se
rendit à Scipion, qui portait un nom respecté des
Espagnols. A cette époque Massinissa préludait
à la troisième guerre punique en attaquant Car-
tilage. Scipion envoyé en Numidie(lâO) eut la
singulière fortune d'arriver à la veille d'une
grande bataille entre Massinissa et Asdrubal;
du haut d'une éminence il assista, comme .spec-
tateur paisible, mais non désintéressé, à la ruine
d'une armée carthaginoise.
Lorsque le sénat se décida à la guerre, Sci-
pion Émilien retourna en Afrique, encore comme
simple tribun (149). Il eut l'honneur de sauver
deux fois l'armée romaine et de réparer les
fautes du consul Manilius. Sa renommée avait
grandi. Caton, en plein sénat, lui appliquait ce
qu'Homère dit de Tiresias : « Lui seul est dans
son bon sens, les autres ne sont que de vaines
ombres. » Il exerçait un singulier prestige sur
les natures africaines : Massinissa le choisit
pour son exécuteur testamentaire et presque
pour tuteur de ses fils; il détermina Gulussa et
Phameas à s'attacher à l'alliance de Rome. Vers
le temps des comices, il revint à Rome pour y
briguer l'édilité; on le nomma consul (147). Il
fallut,comme pour l'Africain, violer la loi, puisqu'il
n'avait pas l'âge requis. La guerre d'Afrique lui
était naturellement réservée. Il se rembarqua, en
compagniede ses amis Laelius et Polybe, et arriva
juste à temps pour sauver l'armée d'un mauvais pas
(l) Une fortune lui venait-elle en héritage, il en faisait
don à sa mère. Son père laissait tous ses biens a son
frère et à lui; il renonçait à sa part de !a succession,
parce que son frère était inoins riche que lui. Le fait
suivant montre a la fois le désintéressement de Scipion
et les habitudes des Romains : il avait à payer la dot de
deux sœurs de son père, mariées à Tib. Gracchu? et à
Scipion INasica ; la loi lui accordait un délai de trois ans ;
il paya sans tarder; Tiberius et Nasina . fort surpris,
crurent qu'il so trompait : sans doute il Ignorait qu'il
avait le droit de faire valoir la somme pendant trois ans;
jamais on ne voyait un Romain ne pas profiter du béné-
fice de cette loi. Scipion refusa de se faire spéculateur,
l'olybe ajoute que fiome.entière en fut surprise.
627
SCIPION
621
où le proconsul Mancinus l'avait engagée. Car-
thage était une ville de huit cent mille habi-
tants? située sur une presqu'île. Le consul coupa
l'isthme par un fossé, et isola Carthage du
continent ; en même temps il ferma son port par
une énorme digue. Les Carthaginois tentèrent
un puissant effort : ils construisirent une Hotte
avec les charpentes de leurs maisons, et se creu-
sèrent dans le roc une sortie vers la mer; mais
Scipion les repoussa, et les renferma dans leur
ville, qui fut bloquée et qui sentit bientôt la faim.
Il laissa passer l'hiver; au retour du printemps,
il- prit dans un assaut de nuit un quartier de la
ville. Restait la citadelle, l'antique Byrsa; pour
y arriver, il fallut traverser des rues étroites, où
chaque maison fut l'objet d'un siège. L'armée
romaine mit six jours et six nuits à atteindre
fa citadelle. Asdrubal, qui la gardait, se livra
aux vainqueurs ; mais des femmes , des en-
fants aimèrent mieux se jeter dans les flammes
que de' se rendre (146). Carthage n'était plus
qu'une ruine fumante. Polybe raconte qu'à ce
spectacle Scipion versa des larmes. 11 ne pleurait
pas sur l'épouvantable désastre qui anéantissait
un antique empire, une ville longtemps puis-
sante et heureuse; c'est sur Rome qu'il pleurait.
Sa pensée se portait vers l'avenir; il craignait
que sa patrie n'eût un jour affaire à un vain-
queur impitoyable comme lui ; et il prononça un
vers d'I-ïomère : « Un jour aussi verra tomber
Troie, la cité sainte, et son peuple guerrier. »
Il rentra à Rome en triomphe; il conserva de
sa victoire le surnom A"1 Africain, et ne garda
rien des dépouilles de Carthage.
Pendant plusieurs années Scipion Émilien
resta étranger aux affaires. Sauf la censure qu'il
exerça en 142 et un voyage pompeux qu'il fit en
Orient vers 138, comme ambassadeur de la ré-
publique, on le perd de vue. Sans doute il vécut
dans la retraite, s'occupant des lettres, dispu-
tant avec Panaetius, philosophe stoïcien, dont la
présence lui était chère. 11 n'avait plus Térence,
qu'il avait traité en ami jusqu'à l'aider peut-être;
il a%rait encore Lselius, aimable sage, avec qui il
passait les jours à deviser et à se promener au
bord de la mer, à jouer aux osselets. Il étudiait
les livres grecs, et formait à l'élégance sa parole,
naturellement grave et sévère. Il exerça la cen-
sure avec la rigueur dont les mœurs de Rome
avaient alors besoin. Sans pitié pour les séna-
teurs infâmes ou les chevaliers débauchés, il les
chassait de la curie ou de l'ordre équestre. Près
de sortir de charge, au moment où il terminait
les cérémonies religieuses du lustre, au lieu de
prononcer la formule accoutumée : « Que les
dieux agrandissent la république », il dit «: Que
les dieux la conservent! » Ce sage esprit trouvait
la fortune de Rome assez grande.
L'Espagne après soixante ans de guerres n'é-
tait pas encore domptée, et la petite ville de
Numance tenait en échec les armées romaines.
Scipion fut réélu consul en 134. En Espagne
comme en Afrique son premier soin fut de réta
blir la discipline, et d'endurcir ses troupes ei
leur faisant creuser des fossés et élever des mu
railles. Il refoula peu à peu les Numantins dan
leur ville, et les y enferma par une triple lign
de retranchements. Les assiégés demandèreu
une bataille ; mais Scipion ne voulut pas corn
battre contre des hommes désespérés ; il vain
quit Numance lentement, mais à coup sûr, pari
famine. Les assiégés s'étaient entr'égorgés eux
mêmes ; il ne put faire que cinquante prison
niers. Numance, cette seconde terreur des Ro
mains, disparut (133).
Au moment où il assiégeait Numance, la dis
corde avait éclaté dans Rome, et Tiberius Grac
chus avait soulevé le peuple au nom de la 1<
agraire. Scipion avait horreur des guerres ci
viles. Lui qui n'avait jamais quitté ses paisible
études que pour combattre l'ennemi étranger,
détestait instinctivement l'œuvre des Gracquci
Lorsqu'il apprit la mort de Tiberius, il s'écria
« Ainsi périsse quiconque fera comme lui ! » L
retour à Rome (132), le tribun Carbon lui d<
manda en pleine assemblée ce qu'il pensait c
cette mort. « Elle a été juste , » répondit-il.
ces mots, le peuple murmura; alors Scipion
« Silence! vous que l'Italie ne reconnaît pas poi
ses fils, » II s'adressait à cette populace r<
maine qui n'était guère alors qu'un ram<
d'affranchis de toutes nations. A cette rude apo [
trophe, le tumulte redoubla; et Scipion, repri,
nant avec hauteur : « Croyez-vous m'effraya
parce que vous n'avez plus les fers aux maini
vous que j'ai amenés à Rome enchaînés? » I
le peuple se tut. Quelles étaient les vues véij
tables de Scipion Émilien, il est difficile de I
dire. S'il ne prisait guère cette populace dépr;l
vée, paresseuse, cupide , il est certain que Tari, '
tocratie ne lui plaisait pas davantage. On a co:
serve ce fragment d'un de ses discours : « C
fils de patriciens fréquentent les écoles d|
histrions; ils apprennent à chanter, ils danse
parmi des baladins. J'ai été longtemps sans po ;
voir me persuader que des patriciens donnasse '
une pareille éducation à leurs enfants; mais, rai
tant fait conduire un jour dans une école i
danse, j'y ai vu plus de cinq cents jeunes ge
et jeunes filles, et dans le nombre le fils d'i
candidat au consulat, qui dansait aux cymbalt
exercice qui n'est pas même digne d'un affra
cbi. » Ce fragment, où il attaque l'aristocrati
appartient à un discours contre C. Gracchus(l
Il n'aimait aucune des deux factions. Forcé
prendre parti, il passa du côté des grands, sa
se faire illusion sur leurs vices comme sur le
faiblesse-A la populace et au patriciat, égaleme
corrompus, il préférait la saine et robuste ra
des Italiens; il les avait appréciés dans I
camps; il se fit leur patron au forum. II attaq
la loi agraire au nom des Italiens, qu'elle déposs
(1) Ce qui reste de ses discours a été inséré par Mej
dans les Orat. roman fragmenta.
29 SCIP10N
lit. Le peuple ne manqua pas de l'accuser de sa-
ifier les citoyens aux étrangers. Du reste, comme
ins ses attaques contre la loi agraire il se rencon-
aitavec le parti des nobles sans avoir pourtant
i mêmes vues, ce parti crut pouvoir le prendre
mrchef, et songea même à lui donner la dicta-
re. De son côté la faction populaire le regar-
iit comme le plus grand obstacle à ses projets.
isoir il était rentré dans sa maison, méditant
discours qu'il devait prononcer le lendemain
mtre les tribuns; le matin venu, on le trouva
ort dans son lit (129). Peu d'hommes vou-
rent croire que sa mort fût naturelle; il n'a-
it que cinquante-six ans, et sa constitution
lit vigoureuse. Quelques-uns prétendirent qu'il
rtait donné la mort, soit que la vue desguerres
viles lui fut insupportable , soit qu'il eût fait
\ Italiens des promesses qu'il ne pouvait pas
kir. La voix publique parla d'un assassinat;
en accusa sa femme Sempronia, sœur des
i aeques; on dit que des esclaves mis à la tor-
•e avouèrent que des hommes armés s'étaient in-
duits pendant la nuit dans la chambre où Sci-
n reposait. On dit même que sa tête portait
> traces visibles de violence, et c'est pour cela
: ^ dans le convoi funèbre son visage ne fut pas
puverl suivant l'usage. Le sénat ne fit au-
ne enquête et ne chercha pas à venger un
pinie dont il se défiait peut-être. Le peuple se
uuit de sa mort. Quelques bons citoyens le
Mirèrent. « Allez, disait Metellus à ses fils,
pompagnez la pompe funèbre; jamais il ne
is arrivera de suivre le convoi d'un plus grand
oyen. » Scipion Émilien ne laissa point d'en-
Ms. F. de C.
'olybc, XXXII-XXXIX. — Appieu. — Tite Live, Epi-
fie. — Cicéron, De légions, De republica. — Valére
[ïiine, passim. — Plutarque, Vie de Cracehus, —
filendinclli, Scipionis yEmiliani vita: Florence, 1549,
J8°. — C. Sigonio, De vita P. Scipionis jEmiliani;
logne, 1569, in-4°. — F.-D. Gerlach, Tod des P. C.
ipio sEmilianus ; Bâle, 1839, in-8°. — Nltzsh, Die
[acchen; Berlin, 1847.
scipion nasica (Publius Cornélius Sci-
p Nasica), fils de Cneius Scipjon, tué en 211 en
[pagne, et cousin de Scipion l'Africain , naquit
frt 230. 11 n'avait pas encore atteint l'âge de la
iiesture lorsqu'il lui échut un honneur inusité :
h prêtres disaient avoir lu dans les livres si-
filins que la république ne pourrait chasser
franger de l'Italie ( Annibal y était encore) que
elle faisait apporter de Pessinunte à Rome l'i-
, âge de la mère des dieux {Mater Idsea)', il
ilait de plus que cette image fût introduite dans
urne par les mains du plus homme de bien de
J cité. Ce fut le jeune Scipion Nasica qui fut
'loisi. A ce titre, et en vertu d'un sénatus-con-
'Ite, il alla chercher à Ostie la statue et l'a-
ena dans Rome en grand appareil (204). II pa-
'ît d'ailleurs avoir été peu populaire. Il ne par-
Jnt à l'édilité qu'en 196. Préteur en 194, il
t envoyé en Espagne; il remporta plusieurs
ctoires, notamment près d'Ilipa, où il iua douze
ille Lusitaniens. Il fut consul en 191. Chargé de
630
la guerre en Cisalpine contre les Boïons, il les
vainquit dans une grande bataille, et leur en-
leva la moitié de leur territoire. On lui décerna
le triomphe, malgré quelque opposition. Il ne
réussit pas à obtenir la censure, mais il futgrand
pontife. Il se fit un nom comme jurisconsulte ; Cicé-
ron le place parmi ceux qui ont le mieux connu
le droit privé et public aussi bien que le droit
religieux. Comme toute sa famille, il aimait les
lettres. p, de C.
Tite Live, XXIX, XXXIV, XXXIX. - rline, Htst.
natiir.,\ll, 34. — Cicéron ; De arusp. respons., 13; De
oratore, III, 33.
scipion Nasica Corculum (Publ. Corn.),
fils du précédent et gendre de Scipion l'Africain.
Le surnom de Corculum indiquait, suivant Ci-
céron ( Tuscul., I, 9), la sagesse de cet homme,
que les historiens représentent comme aussi ver-
tueux et aussi instruit que son père. Il accom-
pagna en 168 Paul-Émile dans la guerre contre
Persée, et contribua à la réduction de la Macé-
doine. Il fut consul en 162; mais le sénat s'a-
perçut qu'un rite religieux avait été négligé dans
son élection, et lui demanda d'abdiquer; Scipion
obéit. Après avoir été censeur (159), il fut de
nouveau consul en 155; il fit avec succès la
guerre contre les Dalmates, et donna à cette
occasion un rare exemple de modestie en refu-
sant le triomphe, qu'il ne croyait pas avoir suf-
samment mérité. Lorsque Cavthage, attaquée
par Massinissa, adressa ses réclamations au sé-
nat, beaucoup de sénateurs opinaient pour qu'on
les rejetât; ils avaient l'espoir que Carthage
poussée à bout prendrait les armes et fournirait
ainsi aux Romains un prétexte pour l'accabler.
Scipion fut d'un avis différent ; il se fit envoyer
en ambassade à Carthage, et il détermina Mas-
sinissa à cesser ses attaques et à rendre ce qu'il
avait pris. Cette médiation loyale retarda la
troisième guerre punique. 11 continua à soutenir
cette politique de modération. Lorsqu'on apprit
qu'Audriscus soulevait la Macédoine , il y fut
envoyé. N'ayant pas d'armée, il leva quel-
ques troupes chez les Grecs, chassa les Macé-
doniens de la Thessalie, où ils avaient pénétré, et
renferma ainsi la révolte dans la Macédoine,
rendant la tâche plus facile à Metellus, qui vint
le remplacer. Cicéron parle de lui comme d'un
habile orateur. F. de C.
Tite Live, XLIV, 35, 36-46. - Cicéron, Brutus, 20, 58;
De nat. deor., II, 4. — Valère Maxime, II, 8.
scipion Nasica Serapio ( Publ. Corn.), fils
du précédent, mort en 132, à Pergame. Questeur
en 149, il fut envoyé avec Hispalus à Carthage
pour recevoir les armes que cette ville livrait aux
Romains. 11 fut consul en 138. Il crut devoir
refuser aux tribuns du peuple le droit que ceux-
ci réclamaient d'exempter du service militaire
chacun des citoyens à leur choix. Pour se
venger, un tribun le fit arrêter par son v lai or
et conduire en prison; Scipion était pourtant le
premier magistrat de la république; mais un
consul n'avait pas l'inviolabilité d'un tribun.
631
Une autre fois, le même tribun traîna le consul
au forum , et prétendit l'obliger à proposer une
loi pour l'achat du blé. Nasica tint bon; on
murmurait autour de lui : « Taisez-vous, dit-il,
je sais mieux que vous ce qu'il faut à la répu-
blique. » On écouta Scipion en silence, et l'on
finit par trouver qu'il avait raison. Plus tard il
fut nommé grand pontife. Il se montra l'en-
nemi déclaré du parti populaire. En 133, lors-
que Tiberius Graccbus, pour se faire porter à
un second tribunat, occupait le Capitole avec le
peuple, le sénat, inquiet, délibérait; Nasica
somma les consuls de sauver la république ;
l'un d'eux ayant répondu qu'il ne voulait pas
violer les lois : « Le consul trahit la pairie,
s'écria Nasica; que ceux qui veulent la sauver
me suivent. « A la tête des sénateurs, des
nobles, des riches, il se porta contre la petite
troupe qui entourait Tiberius et qui s'enfuit. Ti-
berius fut tué, quelques-uns disent de la main de
Scipion. Devenu l'objet de la haine du peuple,
il ne put depuis paraître en public sans êtreinsullé
et menacé. Le sénat fut obligé de l'éloigner de
Rome : on l'envoya en Asie avec une prétendue
mission, et il y mourut bientôt après. F. de C.
Tite l.ive, Epitome. — Cicéron, De legib., III, 9. —
Pline, VU, 12. — Valère Maxime, VII, 5; VIII, 15. —
Plutarque. Tiberius Gracchus.
scipion Nasica (Publ. Corn.), fils du pré-
cédent , fut consul en 1 1 1 , et mourut dans l'exer-
cice de sa charge. Il se distingua par son inté-
grité. Cicéron vante la délicatesse de son esprit
et son éloquence. F. de C.
Cicéron, De off., I, 30; Brut., 34.
scipion Nasica [Publ. Corn.), petit-fils du
précédent, mort en 46, est plus connu sous le nom
de Metellus Scipion, parce qu'il fut adopté par
le consul Q. Caeciiius Metellus Pius (voy. Me-
tellus ). Contemporain de César et de Pom-
pée, il joua dans les guerres civiles un rôle assez
important , mais plutôt à cause de ses richesses
et de son nom que de ses talents ou de son ca-
ractère. Ses vices et ses habitudes de débauche
étaient notoires. Dans sa jeunesse, il avait été
l'un des avocats de Verres. Pour obtenir le
consulat, il voulut employer la force : en 52, il
arma une troupe de satellites et s'empara du fo-
rum; le courage de l'interroi Lepidus l'empêcha
de réussir. Le sénat, désespérant d'avoir des
élections régulières, décréta que Pompée serait
seul consul, et qu'il aurait le droit de se choisir
lui-même son collègue. Scipion donna alors
sa fille Cornelia en mariage à Pompée, et fut
choisi comme collègue par son gendre. Dans
l'intervalle on l'avait accusé de brigue; Pompée
était intervenu et avait contraint les juges non-
seulement à l'acquitter, mais même à le recon-
duire, en signe d'honneur, de sa place d'accusé
jusqu'à sa maison. Ce fut Scipion qui détermina
le sénat à repousser les offres pacifiques de Cé-
sar et à le déclarer ennemi public. En cela il
parut être l'instrument de Pompée; pourtant,
suivant César, il avait un intérêt personnel à
SCIPION — SCO LA RI , 03
faire éclater une guerre civile, dont il avait hc
soin pour éviter une mise en accusation. l'en
dant cette guerre, il reçut la mission d'aller recn
ter une armée en Syrie; il pilla la province, <
avec l'argent qu'il se procura il leva des soldat:
A leur tête il se rendit en Macédoine et e
Thessalie; surpris par la brusque anivée d
César, il éprouva un échec, et se laissa enfei
mer dans Larissa. Il fut délivré par l'approcl;
de Pompée, dont il ne se sépara plus, et dont
partagea la défaite près de Pharsale. Scipio
gagna la mer, s'embarqua, et fit voile vers l'A
frique, où il fut reconnu comme le princip;
chef de l'ancien parti pompéien. Ses res
sources étaient grandes encore : Caton et Jut
étaient avec lui ; il avait huit légions. Ses solda
étaient pleins de confiance; ils croyaient, sur^
foi d'un oracle, que le nom de Scipion éta
prédestiné à vaincre toujours en Afrique. Cési
arriva avec une faible partie de ses troupes
Scipion ne put pas le forcer à combattre, et le laisi
attendre ses renforts. Quand César eut reçu si
légions, il attira Scipion à une bataille près (
Thapsus, et le vainquit. Scipion s'embarqua poi
gagner l'Espagne et y relever encore son part
mais la tempête le rejeta vers Hippone. Pour i
pas tomber aux mains de César, il se perça de se
épée. Il est juste de dire que nous ne connai;
sons ce personnage que par les commentaires <
César ou par les écrivains de l'empire : ils i
lui sont pas favorables; mais Tite Live, dai
des livresque nous n'avons plus, rendait pli
de justice à sa mémoire, et il l'appelait i
homme remarquable (1). F. de C
César, Guerres civiles. — Plutarque, Pompée. — V
1ère Maxime. — Tacite, Annales, IV, 34.
La famille des Scipions disparaît, pour ain
dire, avec la république. On trouve encore 1
Scipion Nasica, consul sous Auguste; il n'e
connu que pour le commerce incestueux qu
entretint avec Julia, sa sœur utérine; il fi
exilé. — Un autre Scipion paraît comme si
nateur sous les règnes de Claude et de Néron
Tacite le présente comme un zélé courtisan,
rapporte plusieurs exemples de sa servilité.
FUSTEL DE COLLANGES.
Auteurs cités. — Real- Ency clopœdie der classich
Altertlmmswissensckajt. — Smith, Dict of greek m
roman binçrap/iy.
scolari (Fiiippo), comte d'Ozora,
Pippo Spano, capitaine italien, né à Florenc
en 1369, mort à Lippa, le 27 décembre 1426
était d'une famille noble, branche des Buondt
monti. Emmené en Allemagne par des marchai»
florentins, il s'arrêta à Trêves, et mit en ordre!
finances, très-embrouillées, de l'archevêque (5
Sur la recommandation de ce prélat, il fut adm
au service de l'empereur Sigismond , et gagi
(1] Ce Scipion avait un frère aine, qui fut adopté p
L. Llcinius Crassus l'orateur, son grand-père maternel
(2) Le séjour de Scolari à Trêves n'est mentionné q
par l'auteur anonyme qui a écrit sa vie; il y a peut-èi
là quelque confusion avec Trevanla , la première vl
hongroise où Scolari s'arrêta.
33 SCOLARI
ientôt la faveur de ce prince, qui lui fit présent
u château d'Ozora, avec de grandes richesses,
lui donna, du reste, de nombreuses preuves
'attachement; ainsi en 1392 il le sauva de la
hreur des Hongrois, le cacha dans son château
•ï lui fournit les moyens de comprimer la ré-
olle; en 1401, lors d'une nouvelle insurrec-
on, il partagea la captivité de Sigismond.
ommé peu après capitaine général , comte et
espann (juge suprême) de Temeswar (1), il
jiontra de grands talents et remporta plusieurs
notoires sur les Turcs, de même qu'en Dalma-
[e sur Ladislas de Naples. Après avoir été gou-
icrneur de la Servie, il fut en 1411 envoyé avec
jix mille hommes contre les Vénitiens, auxquels
enleva le Frioul en quelques semaines; il défit
nsuite entre Conegliano et Sacile les troupes
je Carlo Malatesta, et s'empara, en janvier
H12, de Bellune, de Feltre et de soixante-dix
îutres villes et châteaux. Arrêté dans sa marche
fictorieu.se par une grave maladie, il se contenta
[e laisser des garnisons dans quelques forte-
esses, et retourna en Hongrie. Ses ennemis pré-
pndirent qu'il s'était laissé gagner par l'or des
'énitiens ; leurs calomnies ont été accueillies
ar Sabellico, P. Giustiniani, Bonfinius et autres
'istoriens, qui lui reprochent aussi à tort d'a-
voir exercé des cruautés sur les prisonniers,
'vprès avoir encore guerroyé contre les Turcs, il
int à Constance lors de la tenue du concile,
tour y rendre compte de ses succès à Sigismond,
irai lui accorda de nouvelles faveurs. En 1421
1 accompagna l'empereur en Bohême; mais l'ar-
née se débanda, et pendant qu'il couvrait la
Retraite avec la cavalerie, il fut atteint et battu
par Ziska (8 janvier 1422). En 1426 il négocia
ja paix avec Venise et Florence ; puis il retourna
sur la frontière, pour repousser les invasions in-
pessantes des Turcs, avec lesquels il avait déjà
Soutenu dix- huit engagements. Ce fut sur eux
qu'il remporta sa dernière victoire : il lès tailla
en pièces à Taubembourg, sur le^Danube; mais,
épuisé par des fatigues continuelles, il expira
[quelques jours après. Il fut enterré avec la plus
jgrande pompe, à Albe Royale. Ayant perdu ses
(enfants, il légua à l'empereur ses immenses
Jrichesses, qui avaient fait autrefois dire à Sigis-
imond : « Si Pippo voulait être infidèle envers
[moi, il n'aurait qu'à me mettre un bâton à la
main, et je serais forcé de m'en aller de mon
I royaume comme un mendiant. » E. G.
Mellini, Vita di Fil. Scolari; Florence, 1570. — Gad-
[dio, Etogiograpfius; Florence, 1637. — fila di Pippo
iSpano; cette notice, écrite par un auteur contemporain
j anonyme, a été impr. dans VArchivio storico, 1843,
i p. 117, où se trouve aussi une Vie de Scolari par J. Pog-
\ glo. — Aschbach, Gescà. kaiser Sigmunds, t. IV, p. 411.
| scopas (Exottok;), célèbre sculpteur grec,
! vivait dans la première moitié du quatrième
I siècle av. J.-C. Il était né dans l'île de Paros,
dans une famille où la profession d'artiste s'exer-
çait de père en fils. On ne sait guère de sa vie
U) C'est depuis lors qu'il porta le surnom de Spano.
— SCOPAS
631
que ce que nous en apprend Pline, et les ren-
seignements de cet auteur ne sont ni nombreux
ni exacts. Ainsi il nous dit que Scopas florissait
avec Polyclète, Phradmon, Myron, Pylhagoras,
Perelius, dans la 90e olymp., 420 avant J.-C.
Cette date conviendrait tout au plus à la nais-
sance de l'artiste, car on sait qu'il était encore
dans la force du talent soixante-dix ans plus
tard. Mais si la vie de Scopas est inconnue, il
n'en est pas de même de ses œuvres, signalées
à notre admiration par de nombreux témoignages
des anciens, et dont quelques-unes subsistent
encore, sinon en original, du moins dans des co-
pies. Comme plusieurs autres sculpteurs grecs,
Scopas était en même temps architecte. Il diri-
gea la reconstruction du temple d'Athéné à Té-
gée en Arcadie, incendié en 394. Ce temple, le
plus grand et le plus magnifique du Péloponèse,
offrait dans l'arrangement de ses colonnes la
réunion des trois ordres : dorique, ionique, co-
rinthien. Les sculptures qui décoraient l'édifice
étaient probablement toutes de sa main, puisque
Pausanias, qui nous en fait connaître les sujets,
ne cite point d'autre artiste comme y ayant tra-
vaillé. Sur le fronton de la façade était repré-
sentée la chasse du sanglier de Caiydon. La
bête sauvage occupait le centre de la composi-
tion-, elle était poursuivie d'un côté par Atalante,
Méléagre, Thésée, Télamon, Pelée, Pollux, lo-
laiis, Prothous et Comètes. De l'autre côté, An-
cée, mortellement blessé, était soutenu dans les
bras d'Épochus., tandis que près de lui se tenaient
Castor, Amphiaraùs, Hippothoûs et Pirithoùs.
Sur le fronton de derrière était sculpté le com-
bat de Thélèphe avec Achille dans la plaine du
Caïque. Il ne reste de ce temple que des débris
informes. D'après un passage douteux de Pline,
on suppose que Scopas fut un des architectes
employés à la reconstruction du temple de Diane
brûlé par Érostrate. Il prit une part plus cer-
taine au fameux monument qu'Artémise, reine de
Carie, fit élèvera son mari, Mausole, mort en 352.
Trois autres sculpteurs , Bryaxis , Léocharès ,
Timothée (ou peut-être Praxitèle) lui furent as-
sociés pour ce travail d'ornementation, qui con-
sistait principalement en un bas-relief représen
tant la bataille des Amazones, et dont on a ré-
cemment exhumé quelques restes. Scopas n'était
pas moins célèbre par ses statues que par ses
bas-reliefs. Il se servait généralement du marbre
pour ses œuvres ; on ne mentionne de lui qu'une
statue en bronze. Rival de Praxitèle et de Ce-
phisodote, il empruntait de préférence ses sujets
à la mythologie. Il avait fait pour un temple do
Samothrace des statues de Vénus, ou Désir, de
Phaéton . Ses autres statues, citées par Pline ou
Pausanias, sont une Vénus nue placée dans le
temple de Brutus Callaicus à Rome et égalant
celle de Praxitèle; un groupe de bronze repré-
sentant Aphrodite Pandémos assise sur une
chèvre, placé à Élis, dans le même temple que
l'Aphrodite Uranie de Phidias; un groupe de.
(>3â
marbre d'Éros, Ilimeros et Potkos, dans le
temple d'Aphrodite à Mégare ; un Bacchus et
une Ménade; un Apollon jouant d-e la lyre,
qui fut placé dans le temple élevé par Auguste
sur le Palatin, en mémoire de la bataille d'Ac-
tium ; une statue d'Apollon Sminthée à Chrysa
dans laTroade; deux statues d'Artémis ; enfin,
la célèbre suite de statues représentant la Mort
des fils et des filles de Niobé. Ces statues du
temps de Pline étaient dans le temple d'Apollon
Sosianus; on disputait si elles appartenaient à
Scopas ou à Praxitèle. Des statues qui semblent
avoir fait partie de ce groupe célèbre, ou qui sont
des copies de statues originales, se trouvent au-
jourd'hui dans la galerie de Florence. Pline cite
encore : une Vesta assise, dans les jardins ser-
viliens; un Mars assis, dans le temple de Brutus
Gallaicus; une Minerve, à Cnide, et un groupe
dans le cirque de Flaminius. Ce groupe, le plus
estimé des ouvrages de Scopas , si l'on en croit
Pline, représentait Achille conduit dans Vile de
Leucé parles divinités marines : Neptune ,
Thétis, des Néréides assises sur des dauphins
et des Hippocampes, des Tritons. Pour complé-
ter l'énumération des ouvrages de Scopas, il reste
à mentionner une Canéphore, dans la collection
d'Asinius Pollion; un Hermès, dont il est ques-
tion dans Y Anthologie; un Hercule, à Sicyone;
un Esculape et une Hygieia, à Gortyne en Ar-
cadie; une Minerve, à l'entrée du temple d'A-
pollon Isménien à Thèbes ; une Hécate, à Argos ;
et deux Furies, à Athènes. Quelques antiquaires
pensent que la Vénus victorieuse ou Vénus de
Milo, du Musée du Louvre, est l'œuvre de Sco-
pas ; mais cette opinion nous paraît peu fondée,
quoique cette admirable statue soit digne du
ciseau de Scopas. Ce grand artiste porta dans
la statuaire une vivacité, une variété, un mou-
vement, une préoccupation de la réalité qui le
distinguèrent profondément des artistes du siècle
précédent. Il donna ainsi à ses œuvres tout l'at-
trait de la nouveauté; mais en s'attachant plus
à l'expression qu'à la grandeur et à la beauté
idéale il prépara la décadence d'un art qu'il
avait porté à la perfection. L. J.
Pline, Hist. Nat., XXXIV, XXXVI. — Pausanias, VI,
SB-, VIII, 28, 45; IX, 10, etc. — Sillig, Catalogus artift-
cum. — Ot. Miiller, Ârchxol. d. Kunst, édit. deWelcker.
— "Waagen, Kimtswerhe u. Kunstler in Paris. — Na-
gler, Kunstler- Lexicon. — Uhrlichs, Das leben Scopas;
Grlefswald, 1863, in-8°. — C.-T. Newton, A history ofthe
discuveries at Halicunassus, Cnidus and Branchida ;
Londres, 1862. — J. Fergnsson, The Mausolcum of Ha-
licarnassus ; Londres, 1S62. — Edinburgh review, oc-
tobre 186S.
sco poli (Giovanni-Antonio), naturaliste
italien, né le 13 juin 1723, à Cavallese, près de
Trente, mort le 8 mai 1788, à Pavie. A vingt ans
il fut reçu docteur en médecine àlnspruck (1743).
La passion de l'histoire naturelle l'éloigna de
l'exercice de son art, et il mit à profit son séjour
dans son pays natal pour parcourir les monta-
gnes du Tyrol et y recueillir un grand nombre
de plantes; puis il se rendit à Venise et compléta
SCOPAS — SCOTT 63
ses études par les fructueuses observatioi
auxquelles il se livra dans les jardins de la f;
mille Morosini et du botaniste Sesler. En 1754
suivit à Vienne le prince-évêque de Trente, i
obtint par l'intermédiaire de van Swieten,
après avoir subi un nouvel examen, l'humb
emploi de premier médecin à ldria,en Carnio
(1755). Ses goûts dominants lui suscitèrei
beaucoup de tribulations, qu'il s'efforça d'oublii
en dotant cette ingrate province d'ouvrages e
timés, tels qu'une Flore, une Entomologie.
des mémoires sur les mines de mercure. Notnn
en 1766 professeur de minéralogie à Chemnih
il put enfin se livrer sans contrainte aux expi
riences de chimie qu'il n'avait pu jusqu'alo
suivre qu'à la dérobée. En 1777 il alla rempl
à Pavie la chaire de chimie et de botaniqu
« Toutes les branches de l'histoire naturelle
la chimie lui étaient également familières, à
Jourdan; mais quoiqu'il ait enrichi ces dei
sciences d'une foule d'observations de détail,
ne s'est placé au premier rang ni dans l'une
dans l'autre. Une bonhomie excessive lui insp
rait une crédulité dont la malice de Spallanza
profita plus d'une fois pour lui attirer des mo
tifications sanglantes , qui troublèrent son rep<
et peut-être même abrégèrent ses jours. En bot.
nique il resta fidèle au système des corolliste,'
et donna une critique du système de Linné, q
est remplie d'excellentes remarques. » Plu^ieu
botanistes, Linné, Adanson, "Wildenow, Jacquie
Forster et Smith, ont nommé des plantes <
son honneur. Les principaux ouvrages de Se
poli sont : Methodus plantaram ; Vienne, 175
in-4°; — Flora carniolica ; Vienne, 176i
in-8°; Inspruck, 1772, in-8°; — Tentamin
physico-chymico-medica ; Vienne, 1761, in-8'
trad. en allemand : recueil de trois mémoires si
les mines de mercure d'idria; — Entomologi
carniolica; "Vienne, 1763, in-8° ; — Intr*
ductio ad usum fossïUum ; Vienne, 176;
in~8°; trad. en allemand; — Annus historié*
medicus ; Leipzig, 1769-72, 5 vol. in-8° ; trai
en allemand ; — Diss. III ad historiam ni
turalem pertinentes ; Prague, 1772, in- 8°; -
Principia mineralogiœ ; Prague, 1772, in-8'
trad. en 1778 en italien, par Arduini; — Cry,
tallographia hungarica ; Prague, 1776, in-4
pi.; — lntroductio ad historiam naturalem
Prague, 1.777, in-8°; — Fundamenta chemia.
Prague, 1777, in-8°; — Fundamenta bote
nicx; Pavie, 1783, in-8°; — Delicise florset
faunseinsubriese ;Pavie, 1786-88,3 vol. in-fol
fig.; — Rudimenta metallurgix ; Pavie, 178!
in-4°. Ce savant a publié une excellente versic
italienne du Dictionnaire dechimie deMacqui
(Pavie, 1783-84, 9 vol. in-8°).
Tipaldo, Blogr. degli Ital. illustri, n IX. — Jonrdai
dans la fiiogr. médicale.
SCOT. Voy. Duns et Érigène.
scott (Daniel), érudit anglais, néàLondrei
mort près de cette ville, le 29 mars 1759. Dac
37
SCOTT
63S
>s premières études, à Tewkesbury, il eut Butler
Secker pour condisciples ; puis il se rendit à
Ireclil et s'y lit recevoir docteur en droit. Pen-
mt qu'il habitait cette ville , il embrassa les
unions des anabaptistes; mais son caractère
dépendant l'empêcha d'adhérer complètement
aucune commfrnion religieuse. Il exerça le
inistère évangélique soit à Colchester, soit à
jndres, où il résidait tour à tour, et partagea
vie entre la prière et l'étude. Ses principaux
ivrages sont : Essay totvards a demonstra-
on of the Scripture Trinity ; Londres, 1725,
-8° ; réimprimé en 1738 et 1778, in-4° ; — New
rsion of S. Ma tt heu? s Gospel, wilh critical
\)tes ,- Londres, 1741, in-8°; — Appendix ad
'itsaurum lingxiœ greecx ab H. Stephano
nstructum; Londres, 1745-46, 2 vol. in-fol. :
vrage estimé, imprimé avec luxe, et qui an-
née une grande connaissance du grec, de la
écision et du sens critique. L'excès de travail
'il lui coûta ruina sa santé et le conduisit pré-
Purement au tombeau.
Ihaliners, General biogr. dictionary.
Scott (Sir Walter), célèbre romancier écos-
», né à Edimbourg, le 15 août 1771, mort à
■.botsford, le 2 1 septembre 1832. Il était le troi-
Ime lils de Walter Scott, écrivain du sceau (1),
d'Anne Rutherford , lille d'un professeur de
decine très-distingué de l'université d'Édim-
urg. Les Scott de Harden étaient une ancienne
nille du Teviotdale, dont le nom avait été
i\è aux vieilles luttes du border et aux guerres
files des derniers temps. Envoyé à la carn-
gne, par suite d'un accident à la jambe droite,
|nt il resta boiteux, le jeune Walter respira
s son enfance la poésie des sites et des sou-
nirs. Sa bonne tante Janet le berçait avec des
ansons jacobites ; les fermiers des environs
Elisaient encore avec terreur les cruautés de
Mimée de Cumberland ; enfin, une notoriété po-
Ilaire s'attacbait à la mémoire du vieux Bear-
|i, son arrière-grand -père, qui avait laissé
Ijrttre sa barbe en signe de regret de la chute
fis Stuarts. Son infirmité avait développé chez
li le goût de la lecture et des promenades soli-
wm, goût qui le suivit soit à la ville, où il re-
luma à l'âge de huit ans, soit à Kelso, où il
ssait ordinairement ses vacances. Pendant une
■s retraites auxquelles cette infirmité le con-
f !mnait, il eut à sa disposition une bibliothèque
k îbulante ( circîdaling library ), fondée par
l lan Ramsay, où se heurtaient pêle-mêle les
feux romans de chevalerie, les volumineux re-
ii (eils de Cyrus et de Cassandre, les nouveautés
i jour. « Je crois, dit-il, pouvoir affirmer que
lu lu à peu près tous les poèmes épiques, les
mans, les vieilles pièces de théâtre de cette
! "midable collection. » 11 étudia à l'école supé-
1 nired'Édimbourg, puisau collège, où, comme il
: dit lui-même, il ne fit pas grande figure et brilla
• fi) Ce sont des hommes de loi ayant seuls le droit de
Hger les actes soumis au sceau royal.
I plutôt (ce sont ses expressions) à la cour qu'à
la classe. A l'exception du docteur Adam, exccl-
j lent humaniste, qui sut reconnaître el cultiver
en lui quelques dispositions heureuses, ses
maîtres n'avaient pas une très-haute opinion de
; sa capacité. Son professeur de grec le déclara
i stupide un jour qu'il l'entendit mettre l'Arioste
j au-dessus d'Homère. Mais son talent pour le
j récit l'avait rendu populaire parmi ses cama-
| rades, qui en hiver, pendant les heures de récréa-
i tion, faisaient cercle autour de lui pour l'écouter.
J L'auteur a donné lui-même sur ce talent de sa
jeunesse, qui devait faire un jour sa gloire, des
détails pleins de charme. Au sortir du collège , il
mena de front la cléricature et lestage. 11 n'opta
définitivement pour le barreau qu'en 1792. Tantôt
grossoyant des actes dont le produit lui servait
à acheter des livres, tantôt, comme ce jeune
légiste qu'il a peint dans son roman de Redgaunt-
let, balayant de sa robe le parquet du tribunal ,
médiocre avocat, mais bon vivant et joyeux con-
frère, il semble n'avoir pris de la vie judiciaire
que ce qu'il lui en fallait pour tracer d'après na-
ture ses types d'hommes de loi. Le théâtre, les
clubs, les sociétés littéraires, la lecture, absor-
baient une bonne parlie de son temps. Vers la
même époque , il suivait les cours du professeur
Dugald Stewart ; mais, laissant à ses camarades
les sujets philosophiques, économiques et poli-
tiques alors en faveur auprès de la jeunesse écos-
saise , il choisissait comme textes des lectures
faites par lui à la Société spéculative, de 1790
à 1793, les Mœurs des peuples du Nord, VO-
rigine du système féodal, la Mythologie scari'
dinave, l'Authenticité des poèmes d'Ossian.
Ainsi, de même qu'en histoire il goûtait sur-
tout les souvenirs des siècles passés , de même
en littérature il s'attachait avec une prédilection
marquée aux œuvres d'imagination en tous
genres, et quand il eut épuisé le répertoire roma-
nesque de l'Angleterre, ce fut pour connaître
ceux des autres pays qu'il étudia les littératures
étrangères, surtout le français et l'allemand.
Bien que parlant assez mal notre langue (1), il
connaissait bien nos auteurs , notamment nos
historiens et nos romanciers. La muse roman-
tique de Bùrger et de Gœthe fut le premier at-
trait qui lui inspira l'envie d'écrire. Ces essais,
consistant en une traduction de Lénore, de Gœtz
de Berlichingen (1799), en imitation de bal-
lades allemandes, reçurent une publicité res-
treinte ou furent envoyés à Lewis pour être in-
sérés dans ses Taies of wonder ( 1796-99).
Pendant les vacances, voyageur infatigable, le
jeune Walter Scott parcourait les hautes et les
basses terres, le border, poussait même par-
fois jusqu'aux comtés du nord de l'Angleterre.
(i) « Mon Dieu, comme il estropiait entre deux Tins
le français du bon sire de Joinville I » disait à ce sujet
un des gentilhomme* de Charles X, avec lequel il essaya
de converser dans notre langue, lors du séjour de celui-ci
à Edimbourg en 1830.
639
SCOTT
G4(
Chez son grand-père , qui était fermier, il avait
occasion d'observer les mœurs et de gagner la
confiance des paysans. 11 rencontrait sur son
passage plus d'un de ces types aujourd'hui dis-
parus qui reportaient le jeune observateur à des
époques déjà éloignées et formaient pour lui un
lien entre le monde réel où il vivait et ce monde
d'autrefois qu'habitait sa pensée. Ici c'était un
laird montagnard qui « s'était absenté en 1745 » ;
là le vieux constable de Dundee posait pour Y An-
tiquaire , et Mme Margaret Swinton pour Ma
tante Marguerite. 11 s'en allait ainsi, observant
les caractères et les localités, dont les moindres
détails se gravaient dans sa mémoire avec une
fidélité merveilleuse, recueillant des traditions,
des ballades , des physionomies , des traits de
mœurs qui devaient défrayer ses vers et sa prose.
C'est dans une excursion de ce genre aux lacs du
Cumberland qu'il connut Marguerite-Charlotte
Carpenter, fille d'un protestant royaliste de Lyon,
réfugiée avec sa mère en Ecosse, à la suite de la
révolution française. Il l'épousa en décembre
1797, et en eut quatre enfants, deux fils et deux
filles (1). Cependant les faibles revenus de sa pro-
fession d'avocat n'auraient pas longtemps suffi
aux charges du ménage s'il n'y avait joint ceux
d'une place de sheriff du comté de Selkirk (1799),
et de clerc de session (1806), doubles fonctions
qu'il remplit l'une pendant vingt ans, l'autre
jusqu'à sa mort, avec une régularité exemplaire.
Mais la littérature devait bientôt devenir pour
lui une source bien autrement féconde de fortune
et de gloire. La vie littéraire de Walter Scott
peut se diviser en trois périodes : i° celle où il
fonda sa réputation de poète, s'étendant depuis
ses traductions deBiirger, en 1796, jusqu'à la pu-
blication de Waverley, en 1814; 2° l'époque qui
de cette dernière année à la faillite de Comptable,
en 1826, comprend la brillante et rapide succes-
sion de ses romans ; 3° enfin celle des travaux
herculéens auxquels il se livra pour rétablir ses
affaires, compromises par la crise de 1826, jus-
qu'au moment où il mourut à la tâche, en 1832.
Sans insister ici sur Glenfinlas , la Maison
d'Asper, Sir Tristram, et d'autres publications,
qui n'eurent pas de retentissement, les Chansons
du border écossais (Border minstrelsy; 1800-
1803), œuvre à la fois d'antiquaire et de poète,
furent remarquées, grâce à ce mélange de science
et d'imagination qui devait rester le principal ca-
ractère du talent de l'auteur. « Ce fut ainsi, dit-il,
que le succès de quelques ballades eut pour
effet de changer le plan et l'avenir de ma vie ,
et de métamorphoser un laborieux légiste de
quelques années de stage en un poursuivant lit-
téraire. » Bientôt les trois grands poèmes, t/ie
Lay of the last minstrel (1805), Marmion
(1808), et the Lady of the lake (1809), suivis
d'autres de moindre importance, Don Roderick
(1811), Rokeby (1813), the Lord of the isles
(1) Lady W. Scott mourut le 1S mai 1826.
(1814), auxquels il faut ajouter the Bridai o,
Triermain (1814) et Harold the Dauntles.
(1816), vinrent placer le nom de Walter Scott
comme poète, immédiatement après celui d>
Byron, et leur succès prodigieux ne put êtr.
surpassé plus tard que par celui des romans sorti
de la même plume. Tout en donnant à ces corn
positions poétiques la plus grande partie di
loisir que lui laissaient ses fonctions , il s'occu
pait d'articles pour YEdinburgh review et 1,
Quarterly review, de publications historique
et littéraires, telles que d'excellentes éditions de
Œuvres de Dryden (1808, 18 vol. in-8°), d
Miss Seward (1810, 3 vol. in-8°) et de SwiJ
(1814, 19 vol. in-8°), avec notes et introductions
les Somers's Tracts (1809-12, 3 vol. in-4°)
les State Papers de B. Sadler (1810, 2 vo
in-4°), etc.; il enrichissait la Novelists' librar
d'ingénieuses notices qui ont été réunies en Irai
çais sous le titre de Biographies des romande1)
célèbres, depuis Fielding jusqu'à nos joui
(Paris, 1825, 4 vol. in-12). A cette prodigieus
activité littéraire le démon de la propriété ava
ajouté un nouveau stimulant depuis l'acquisitic
d'Abbotsford (1811), château romantique siti
sur les bords de la Tweed, auprès des ruines c
l'abbaye de Melrose , où Scott à partir de cet
année passa l'intervalle des sessions, et dont
produit considérable de ses ouvrages suffisait
peine à payer les bâtisses, les plantations, l'ho
pitalité somptueuse (1).
Cependant l'auteur, malgré le mérite de s
poèmes, n'avait pas encore rencontré la forn
qui convenait le mieux à son talent. Il a racon
lui-même comment il fut amené à choisir cel
du roman. «Mes peintures des sites et des mœu
des highlands, dit-il, tracées d'après mes soui
nirs de jeunesse, avaient été accueillies si fav
rablement, dans mon poëme de la Dame du la
que je dus songer à essayer quelque chose
semblable en prose. J'avais fait de nombreus
excursions dans nos montagnes , à une époq
où elles étaient beaucoup moins accessibles
moins explorées qu'elles ne l'ont été depuis qu«
ques années. J'y avais connu plusieurs viei
combattants de 1745, qui, comme la plupj
des vétérans , se laissaient facilement persuad
de recommencer leurs batailles pour le plaii
d'auditeurs bénévoles tels que moi. L'idée i
vint naturellement que les anciennes traditio
et l'esprit exalté d'un peuple qui portait dans
siècle et dans un pays civilisés une si forte ei
preinte des mœurs primitives devaient offrit-
sujet favorable pour le roman , si le conl
comme on dit, n'était pas gâté par le conteur.
C'est dans cette pensée que dès 1805 il av
esquissé le commencement de Waverley; m
détourné de son entreprise par un ami, il av
relégué cet essai dans le tiroir d'un vieux nu
ble, où le hasard le lui fit retrouver en 1814.
(i) Voy. Abbotsford (Lond. 1835, ln-8»), par Wash. IrTi I
Il
SCOTT
C42
remit à l'ouvrage; Le roman parut cette
iée, sous le voile de l'anonyme (Waverley,
,7 is sixty years since, 3 vol. in-12), mais
c un immense succès. La veine était re-
^,uvée; on sait avec quel bonheur l'autour la
vit d'abord. C'est ainsi qu'on vit se succéder
i idement Guy Mannering (1815) (1) et (fie
tiquary (1816); la lre série des Taies ofmy
\dlord (Contes de mon hôte), renfermant
ick dwarf (le Nain noir, 1816) et Old mor-
tjity (les Puritains d'Ecosse, 1817); Rob Roy
(Us), et la2« série des Contes, qui contient the
fart of Mid-Lothian (la Prison d'Edimbourg,
ji8); enfin la 3e série, comprenant the Bride of
çnmermoor (la Fiancée de Lammermoor, 1818)
Il Legend of Montrose (l'Officier de fortune,
|9); puis, pour couronner cette suite de cliefe-
nuvre, Ivanhoe (1820), à qui il faut faire
I place à part entre l'épopée , dont il a l'in-
Ht grandiose , et l'histoire, qu'il a inspirée si
■reusement sous la plume d'un de nos plus
liants écrivains. Tous ces romans, qui ne
baient pour la plupart d'autre indication que
«mots magiques, par l'auteur de Waverley,
lurent au grand inconnu ( the great un-
mwn) (2), c'est ainsi qu'on l'appelait, une repu-
nu plus qu'européenne. Contrefaits, traduits
s toutes les langues , reproduits par la pein-
, par le théâtre, embellis du prestige de la
;ique, ils semblèrent pendant quelque temps
possession de défrayer seuls la littérature
mie les beaux-arts de tous les pays civilisés.
Itout on s'intéressa aux scènes et aux mœurs
pays presque inconnu jusqu'alors, parce
! sous l'étrangeté de la couleur locale on
Hinut bientôt les traits généraux et saisis-
ts qui caractérisent le genre humain.
lette époque marqua pour l'auteur l'apogée
Éa fortune et de sa réputation. Ses ouvrages
lassuraient un revenu de 10,000 liv. st. par
I Accueilli dans un voyage à Londres , à
Ëxelles et à Paris, en 1815, par les têtes cou-
inées et parles notabilités de tous genres, créé
IBt en 1819, visité à Abbotsford par une
Me de pèlerins littéraires et par des altesses
IRs, sir Walter Scott vit ses traits repro-
Bts par le pinceau de Lawrence et par le ciseau
[Ghantrey. Parmi les ouvrages qui suivirent
■41-1824), quelques-uns soutinrent au moins,
■ Ceroman de Walter Scott fut le premier qu'on tra-
18 tt en français ; il parut en 1816, traduit par M. Joseph
lUn, et fut suivi, à un an d'intervalle, tel Antiquaire,
Huit par Mn,e Maraise. A partir de 1818 le traducteur
Binaire du romancier fut Defauconpret, qui nous fit con-
Rre successivement toutes se3 productions et les publia
sîent en mémo temps que paraissait l'original anglais.
If Cet anonyme, qui dura douze ans, et sous le voile
Buei plus de quarante volumes de romans furent pu-
R% avait été pénétré de bonne heure par quelques es-
Pi sagaoes, tels que G.-L. Adolphus, qui, dans ses Let-
H « Richard Heber, publiées en 1821, arrivait par
génieuses inductions, par des comparaisons frap-
pes, à cette conclusion que l'auteur inconnu de
vierley n'était autre que l'auteur déjà célèbre de
f'mion.
NOUV. BIOGR. GÉNÉR. — T. XLIU.
s'ils ne l'augmentèrent pas, la réputation de
l'auteur; tels furent the Abbol (l'Abbé, 1820),
proclamé par un ingénieux critique « plus vrai
que l'histoire », Kenilworth (1821), Quentin
Durward (1823), heureuse excursion dans les
chroniques étrangères ; d'autres , (he Monastery
(1820), the Pirate (1822), the Fortunes of Ni-
gel ( Aventures de Nigel, 1822), Peveril o/the
Peak (Péverildu Pic, 1823), Saint-Ronan's
well (les Eaux de Saint-Ronan, 1824 ), enfin
Redgauntlel (1824), accusaient une décadence
plus sensible. Vers le même temps, les embarras
toujours croissants des maisons d'imprimerie et
de librairie Ballantyne et Constable, avec les-
quelles Walter Scott avait depuis longtemps
contracté des liaisons d'intérêt plus étroites qu'il
ne convenait à la prudence du père de famille et
à la dignité de l'homme de lettres , aboutirent,
par suite de la crise du commerce anglais en 1826,
à une ruine complète. « L'auteur de Waverley
ruiné ! s'écria à cette nouvelle le comte de Dud-
ley ; que chaque homme à qui il a procuré des
mois de plaisir lui donne seulement six pence,
et demain matin il se lèvera plus riche que Roth-
schild. » Pour lui , avec une résolution qui ho-
nore l'homme , mais qui malheureusement en-
chaînait la liberté de l'écrivain, il songea aussitôt
à dévouer le reste de sa vie au service de ses
créanciers (1). Malgré des infirmités douloureu-
ses, malgré des chagrins domestiques, la mort
de sa femme et d'un petit-fils, il se remit au
travail avec une activité fébrile. C'est à cette
période que se rapportent les Contes du temps
des croisades (Taies of the crusaders, 1825), la
lre série des Chroniques de la Canongate
(1827) et des Con(es d'un grand-père à son
petit-fils sur l'histoire d'Ecosse ( Taies of a
grand fatber, 1828), cadre familier-où il retrouva
son talent gracieux et facile; enfin, les travaux
préparatoires de YHistoire de Napoléon. Il se
rendit à Londres pour consulter les archives des
ministères, qui lui furent ouvertes, et à Paris, où
la conversation de quelques personnages émi-
nents du temps de l'empire, notamment des
maréchaux Macdonald et Marmont, devait lui
fournir des renseignements pour la partie anec-
dotique de son ouvrage. La réception flatteuse
qu'il reçut dans les deux capitales, et la solennité
littéraire où pour la première fois, à son retour
en Ecosse (23 février 1827), il se reconnut offi-
ciellement pour l'unique auteur des romans pu-
bliés sous le nom de Y auteur de Waverley,
tempérèrent quelque peu la tristesse de ces mau-
vais jours. La Vie de Napoléon (Life of N. Buo-
naparte;Edimb., 1827, 9 vol. in-8°) fut accueil-
lie, même en Angleterre, avec peu défaveur;
la France y retrouva la plume hostile des Let-
(1) Ses dettes, tant personnelles que résultant de sa
solidarité avec les maisons Constable et Ballantyne, se
montaient à environ 147,000 1. st. Ce passif, déjà consi-
dérablement diminué avant la mort de l'auteur, a été
depuis complètement éteint par le produit des éditions
successives de ses œuvres.
21
643
SCOTT
très de Paul (Paul's Letters to his kinsfolk;
eEdirab.j 1815, in-S*5) et toutes les préventions
de 1815. Cette publication attira à l'auteur des
critiques et des réfutations fort vives, surtout de
la part du général Gourgaud et de Louis Bona-
parte. De 1828 à 1830, il publia encore the Fait
maidof Perth, la suite des Contes d'un grand-
père (1829-30) , la suite des Chroniques de la
Canongate (1828); Anne of Geierstein (Charles
le Téméraire, 1829), la 4e série des Contes de
mon hôte (1831), renfermant Count Robert of
Paris et Caslle dangerous (le Château péril-
leux 1, Hislory of Scotland (Histoire d'Ecosse;
Édimb., 1830, 2 vol. in-8°), Letters ondemo-
nology and witchcraft ( Lettres sur la démo-
nologie, 1830), et ne cessa de donner des soins
jusqu'à sa mort à ce qu'il appelait son opas
magnum, c'est-à-dire la réimpression généralede
ses romans avec introductions, préfaces et noies,
qui parut de 1829 à 1834, 48 vol. in-12. On l'a
reproduite en 1837, et plusieurs fois depuis, dans
différentes formats et toujours avec succès.
L'année 1830 fut triste pour sir Walter Scott.
Deux attaques d'apoplexie et de paralysie le
frappèrent dans sa constitution physique, et la
révolution de Juillet dans ses sympathies poli-
tiques. Une 'seconde fois il revit à Holyrood,
comme aux jours de sa jeunesse, les Bourbons
exilés, et fit en leur faveur un touchant appel à
la générosité de ses compatriotes. Il fut moins
heureux lorsqu'il voulut opposer au grand mou-
vement de la réforme parlementaire les derniers
efforts d'une voix éteinte et d'une plume affai-
blie. Habitué à vivre par l'imagination dans les
régions du passé, le grand romancier n'avait pas
compris les nécessités politiques de son époque.
L'insuccès d'un pamphlet pseudonyme et d'in-
dignes outrages, à l'occasion d'un discours anti-
réformiste prononcé par lui à Jedburgh dans ses
fonctions de sheriff, répandirent l'amertume sur
la fin de cette carrière, entourée jadis de si écla-
tantes sympathies. En même temps Robert de
Paris et le Château périlleux, les derniers
et les plus faibles de ses romans , révélaient dans
son talent un déclin semblable à celui de sa po-
pularité et de sa santé. Effrayés des progrès du
mal, les médecins conseillèrent un voyage dans
le midi de l'Europe. Sur la demande du capi-
taine Basil Hall, une frégate de l'État fut mise
à la disposition de l'illustre malade, vers la fin
de 1831. Il s'arrêta successivement à Malte, à
Naples, à Rome, etc., presque insensible à ce
qui l'entourait. Une nouvelle attaque d'apo-
plexie vint le frapper à Nimègue et hâter son
retour. Le 11 juillet 1832 il revit son château,
ses arbres, ses livres clréris; mais ce fut pour
leur dire bientôt un éternel adieu : le 21 sep-
tembre suivant, il rendit le dernier soupir, en
présence de tous ses enfants, réunis autour de
lui. De ses quatre enfants, deux fils et deux
filles, l'aînée avait épousé M. Lockhart (voy. ce
nom ) , auteur de Mémoires sur la vie de sir
Walter Scott (1839-42, 10 vol. in-8°). Le
fille , Chariotte-Henrielte-Jeanne , épouse
J.-R. Hope,est aujourd'hui la seule survivar
de la postérité de l'illustre romancier.
Les œuvres de Walter Scott peuvent se i
viser en quatre séries distinctes : 1° Romai
2° Œuvres poétiques, 3° Œuvres histo'i
ques, 4° Mélanges. Les traductions de ces a
vres n'ont guère fait connaître au public fr;
çais, plus ou moins complètement, que les tr
premières; celle de Defauconpret a été le p
souvent réimprimée sous tous; les formats :
assure qu'en 1830 il s'en était déjà débité p
de 1,400,000 exemplaires. La traduction
M. Albert Montémont, 14 vol. in-8% à 2
lonnes, est moins recherchée. M. Léon i
Wailly a traduit les romans pour l'éditeur Ch
pentier,1848-1849, 25 vol. in-18. M. Louis Yrôl
entreprit en 1837 de donner une traduction p
exacte et plus complète qui devait compren I
en 24 vol. gr. in-8° les ouvrages de l'auteui
tous genres ; mais il n'a paru qu'une partie
romans. E.-J.-B. Rathery,
Mémoires de Lockhart; Paris, 1821, in-12. — Amid
Pichot, Essai sur la vie et les ouvrages de Jf.sA
1821, en tête de la traduction des OEuvres poétique, i
Allan Cunningham , Notice biographique et littérc |
1833, in 8° ;tratl.en français dans l'édition de Furne et
selin , Paris, 1834, 30 vol. in-8°. — James Hogg, Pri I
life and domestic manners of sir IV. Scott; Lon
1833, in-8°. — Jf aller Scott et les Écossais, par h |
Ritcbie, trad. de l'anglais-; Paris, 1835, in -S0.
* scott de Martinville (Édouard-Létl
correcteur d'imprimerie, né le 24 avril il|
à Paris. Seul descendant d'une famille
ginaire d'Ecosse et fixée à Rennes depuis
ques II, il entra en 1834 dans Pimprimerii I
Bachelier, alors dirigée par son père. En
de temps il y devint un correcteur habile [
la lecture des ouvrages rie science. Dans l'e
cice de ces modestes fonctions, il eut le bonlj
d'être distingué par Etienne Geoffroy Saint [
laire, qui, découvrant en lui des aptitudes
ordinaires et un esprit ingénieux, voulut
l'associer à la préparation de quelques-uni
ses travaux. En 1859 il entra dans l'imprin|
de MM. Didot, où il est encore. Nous ne
lerons pas de diverses tentatives auxqul
il se livra; à travers les vicissitudes d'un»!
laborieuse, i! est toujours resté correcteur. < f
en lisant une épreuve delà première édifia |
Traité de physiologie de M. Longet, qu'il
çut l'idée première de l'invention qui a ni
son nom au monde savant. On se demai
alors si l'on pourrait faire pour le son que
chose d'analogue à ce que Daguerre avai
pour la lumière. M. Scott imagina d'appli
les moyens acoustiques employés par la n<
dans la structure du sens de l'ouïe à la fix;
graphique du chant, des instruments de mu:
et des différents sons produits par la voix
maine. Cet art nouveau fut appelé par soi
venteur la phonaulographie. Quand, en i
M. Pouillet apprit les tentatives, si import;
345 SCOTT —
tour la science, auxquelles se livrait l'ouvrier
ypographe, il alla le voir, et à sa recommandation
i Société d'encouragement s'empressa de faire
es frais de la première annuité d'un brevet d'in-
iention (25 mars). L'année suivante M. Ro-
lolplic Kœnig, fabricant d'instruments d'acous-
Ique à Paris, offrit de construire pour les ca-
iinets de physique un appareil simplement
|émonstratii du principe découvert par M. Scott,
n 1859 une série d'épreuves de sons de tuyaux
l'orgue reproduits automatiquement à travers
air au moyen de cet appareil fut présentée par
Abbé Moigno à la réunion tenue à Aberdeen de
Association pour l'avancement des sciences.
ette sténographie naturelle des accords y excita
îe surprise telle, que le soir même le prince
[ibert, qui présidait la réunion, voulut porter
i-même ces planches à la reine, qui se trouvait
■ji Ecosse. En peu d'années M. Kœnig a pu
prer l'appareil qu'il construit, bien que rudi-
ffentaire toutefois, aux principaux cabinets de
ffiysique de l'Europe. M. Scott, ayant résilié en
Irtie le contrat qui l'enchaînait à M. Kœnig,
|ursuit seul en ce moment, avec un appareil
|rfectionné construit par ses soins, la solution
|fégrale du problème de l'inscription automa-
te du chant, de la déclamation, des articula-
ns et des bruits. Il est en outre auteur d'une
ide historique et philologique intitulée : Les
mis de baptême et prénoms; Paris, 1857,
59, in- 16.
documents communiqués.
Scotti (Giirfio-Clemente), jésuite italien, né
1602, à Plaisance, mort le 9 octobre 1669, à
idoue. Il descendait d'une famille patricienne.
très avoir achevé à Rome ses humanités,
fat admis à quinze ans dans le noviciat des
jattes et prononça en 1628 ses quatre vœux,
le représente comme ayant étudié à cette
aque avec un succès fort inférieur à ses préten-
ds. Une manquait ni d'intelligence ni de zèle,
ïsson intelligence était lourdeet peu nette; son
6 inopportun, et soutenu par une vanité ex-
irtve , l'emportait à se remplir la tête d'idées
Wresou mal conçues. On l'envoya professer la
tesophie à Parme (1631) etàFerrare(1634);
se tira fort mal de ses cours, et essuya des
Wifications dans les disputes publiques. On
loi laissa de 1639 à 1641 que le titre de
isulteur, c'est-à-dire une sinécure. Une chaire
Wléologie scolastique, tel était l'objet de son
ibition. Trompé dans son attente, il allait
ttter l'ordre et passer dans celui des Hiéro-
liites lorsqu'il revint tout à coup à résipis-
ke (mai 1641). Nommé recteur de la maison
ICarpi (1642), il perdit cet emploi pour avoir
I va voyage à Yenise sans le congé de ses su-
jfieurs. On le relégua à Rome (1644), et cette
IHtion s'aggrava, pour un homme aussi actif
I' Scotti, de l'inaction forcée où on le con-
loaa près de deux années. Ses dégoûts aug-
«alèreut, son imagination s'échauffa, et il
SCRIBAM
G4G
exhala sa bile dans un livre qu'il composa contre
la Société. Des lettres anonymes l'avertirent que
cette attaque, dont il n'avait confié le se-
cret à personne, était connue de ses supé-
rieurs; aussi, dans la crainte de tribulations
nouvelles, il profita d'un ordre qui l'exilait dans
sa province pour s'échapper en route ( février
1645); il se rendit à Venise, revêtit l'habit sécu-
lier et porta le titre de comte (1). Aucune dé-
marche ne put le résoudre à rentrer chez les
jésuites ou même à choisir un autre ordre. De-
venu indépendant, il obtint en 1650 une chaire
de philosophie à Padoue, et eu 1653 une autre
de droit canon; forcé de la résigner, sur les
plaintes de ses anciens confrères (165S), il se
relira avec une pension. C'était, selon Pallavi-
cini, un homme de mœurs pures, assez labo-
rieux, mais d'une capacité médiocre. Nous cite-
rons parmi ses écrits : Monita philosophix ;
Feirare, 1636, in-16;— Lucii Cornelii Enro-
pœi Monarchia solipsorum , ad Léon. Alla-
£w/n; Venise, 1645, in-12; réimpr. à Arnst.,
1648, in- 12; à Venise, 1652, in-12, sous le nom
deMelchior Inchofer; à Helmstadt, 1665, in-4°,
avec des écrits de Scioppius; trad. en italien, en
allemand (1663) et en français par Restaut( 1721,
1754, in-12, et 1824, in-8°).Le nom allégorique
de Solipses est donné aux jésuites parce qu'on
les accuse de ne songer qu'à eux-mêmes. Une
discussion s'est élevée parmi les bibliographes
pour savoir à qui appartient ce livre; plusieurs
se sont prononcés pour le P. Inchofer; Kne-
schke, qui a écrit sur ce point une dissertation
entière, n'ose se prononcer; pourtant le P. Ou-
din a démontré , par des preuves suffisantes,
qu'on ne pouvait l'attribuer qu'à Scotti , et de
leur côté les jésuites n'ont pas fait, dans leur
réponse, une seule allusion à Inchofer. Peu de
lecteurs sout en état d'entendre le style obscur,
plein d'allusions et de réticences, de cet ouvrage,
qui , à part quelques endroits curieux, n'est
qu'une satire dictée par le dépit; Pallavicini et
Raynaud ont réfuté Scotti; — De potestate
pontificïa ; Paris (Venise), 1646, in-4°: traité qui
fut condamné par le pape Innocent X ; — De
obligatione regularis ; Cologne (Venise) 1647,
in-4° : c'est une justification du parti que l'au-
teur avait prisde ne point rentrer dans la Société;
— Animadversionum opuscula III; Padoue,
1650, 3 vol. in-4°; —Notée LXV ad Historiam
concilii tridentini P. Pallavicinii; Cologne
(Padoue), 1664, in-4°,etc. P. L.
Sohvel, Bibl. Soc. Jesu. — Papadopoli, Hist. gymn.
patavini. — Oudin, dans les Mémoires de Niceron,
XXXIX. — Kneschke, De auctoritate Hbelli de Monar-
chie solipsorum ; 1812, in-4°.
scribani ( Charles), jésuite belge, né en
1561, à Rrnxelles, mort lé 24 juin 1629, à An-
vers. Il était fils d'un gentilhomme de Plaisance,
qui avait suivi le prince Farnèse dans les Pays-
Bas et s'y était marie. Après avoir achevé ses
(1) II ajouta aussi à son prénom ic Giulio celui de
Clémente.
21.
647 SCRIBANI
études à Cologne, il embrassa la règle de Saint-
Ignace (1 582), et se rendit au noviciat de Trêves.
L'un des douze jésuites choisis par Fr. deCoster,
. et qu'on surnommâmes Apôtres de la Flandre,
il fut peut-être celui qui travailla le plus, avec
l'appui du gouvernement espagnol, à l'établisse-
ment de sa Société ; il s'y dévoua avec un zèle
infatigable, et obtint, par l'autorité de sa parole
et de ses écrits, non moins que par son esprit
conciliateur, une influence presque sans limites.
Après avoir professé à Anvers et à Douai , il
passa dans la carrière des charges , et devint à
Anvers préfet des classes (1591) et recteur du
collège (1598) ; élu provincial , il fit deux fois le
voyage de Rome, et toujours préoccupé des in-
térêts de sa Compagnie, il lui procura la maison
professe d'Anvers, avec une magnifique église ,
le collège de Malines, le noviciat de Lyre, et plu-
sieurs autres établissements. Après avoir été
recteur à Bruxelles, il retourna en 1625 à An-
vers, où à différentes reprises il vécut près de
quarante ans. De toutes parts on avait recours à
ses lumières; les princes (1) Philippe IV, Ur-
bain VIII, l'archiduc Albert, et un grand nombre
de personnages lui donnèrent des marques de
leur estime. On a de lui : Ars mentiendi cal-
vinistica ; Mayence, 1602, pet. in-12; — Am-
phitheatrum honoris lib. III ; Namur, 1605,
in-4°; ibid., 1605, avec un 4e livre, et 1606,
avec un 5e; Anvers, 1607, in-4° : ce livre pa-
rut sous l'anagramme de Clarius Bonarchis ;
c'est un arsenal de toutes les sottises, in-
jures et infamies dont la Société de Loyola avait
été jusque-là l'objet; l'auteur ne s'est pas con-
tenté de les ramasser pour en couronner ses con-
frères comme d'un trophée de victoire, il a pris
l'offensive à son tour, mais en renchérissant de
violence sur ses adversaires. Son livre, que Ca-
saubon appelait V Amphithéâtre d'horreur,
causa tant de scandale que la Compagnie fut
forcée de le désavouer, pour un temps du moins ;
— Dominici Baudei Gnomœ comment ario
illustratœ ; Leyde (Anvers), 1607, in-12 : il
s'attache à corriger dans Baudius ce qu'il a dit
contre le pape et les jésuites; — J. Lipsii de-
fensio posthuma; Anvers, 1607, in-4°; — Or-
thodoxx fidei controversa,lib. VI ; ibid., 1G09-
12, 3 part. in-3°; — Antverpia ; ibid., 1610,
in-4° : éloge des habitants d'Anvers; — Ori-
gines Antverpiensium; ibid., 1610, in-4°, fig.;
— Chvystelycke meditatien; ibid., 1613,
2 vol. in-12; trad. en latin par Brissel (ibid.,
1615, in-8°), en français par Dinet ( Paris, 1619,
in-16), et en allemand; — Philosophus chris-
tianus; ibid., 1614, in-12; — Amor divinus;
ibid., 1615, in-8° ; trad , en français;— Den
gheslelycken Wyngaerdt (la Vigne spirituelle);
(1) Henri IV lui envoya, dit-on, des lettres de natura-
lisation pour lui témoigner le contentement qu'il avait
tiré de la lecture de V Amphitheatrum honoris, l'ouvrage.
le plus décrié de Scribani. Cette historiette, mise en avant
par les Jésuites, n'a aucun fondement.
— SCRIBE 61
ibid., 1616, in-12; — Medicus religiosus (ibid
1618, in-8°); Superior religiosus (l619,in-8°
et Cœnobiarcha religiosus ( 1624, in-8° ) : tro j
traités relatifs aux devoirs de la vie religieuse
— Politicus christianus;\b\d., 1624, I62i
in-4°, dédiéau roi Philippe IV ; — Veridicus Be
gicus; ibid., 1624,1627, in-8° : histoire abrégi
des guerres civiles en Flandre; — Christi
paiiens; ibid., 1629, in-4°. On lui attribue u
Commentaire sur le Cantique des Cant
ques.
Sweert, Athenee belgicœ, p. 170. — Sanders, Chorc
brabant.,\. 111,22.— Imago privai sœculi Soc.Jesu,^,i1 ,
79.— Alegambe, Sotwel. — Paquot, Mémoires, 111.
scribe (Augustin-Eugène) , auteur dr. j
matique français, né le 24 décembre 1791, i
Paris, où il est mort, le 20 février 1861. S ;
parents tenaient, dans la rue Saint-Denis , 1 1
magasin de soieries à l'enseigne du Chat noii
Déjà orphelin de père, il vit mourir sa mère 1 1
1807. Destiné au barreau, il entra fort jeune. I
collège Sainte-Barbe, et suivit ses classes av|
honneur et profit. Puis il commença l'étude
droit. Son tuteur, qui était en même temps
avocat célèbre, Bonnet, le défenseur du généi
Moreau, le surveillait avec la vigilance d'>«
parent dévoué; néanmoins, il s'y dérobait se I
vent, allant fort peu aux cours de l'École, e
core moins chez l'avoué où on l'avait mis po |
apprendre la pratique, mais en revanche assi I
aux spectacles et ne manquant pas une piè
nouvelle. M. Dupin aîné se plaignait aussi
l'inattention du jeune et distrait écolier, dont)
essayait de faire un apprenti légiste, pour ê
agréable à Bonnet. La première pièce de Scrill
lesDerviches, faite en collaboration avecGerm.|
Delavigne et jouée au Vaudeville (1811), fut.
échec. U ne réussit pas davantage avec les v£
devilles des Brigands sans le savoir (1812)^
deThibault, comte de Champagne (1813),
avec le mélodrame de Koulikan (1813), ou 1|
péra-comique de la Chambre à coucher (181
En 1815 il prit sa revanche du silence q|
avait gardé en 1814, et prit part à la rédact
de cinq vaudevilles ; il y en eut un fait avec 1
lestre-Poirson, Une Nuit de la garde nal
note (4 novembre 1815), qui eut un succès j
vogue, et qui émancipa son jeune auteur. Il
nonça à M. Bonnet qu'il renonçait au droill
au barreau, et depuis ce moment il signa t
ses ouvrages. — La critique a distingué tij
phases successives dans l'œuvre si diverse
Scribe. A ia première, celle qui s'étend de 1
jusqu'à la création du théâtre deMadame (18:|
aujourd'hui le Gymnase, se rattache ce
j'appellerais volontiers le vaudeville classicl
Scribe l'a rajeuni au contact des circonstai
et des idées du jour ; il y a glissé discrètes
l'allusion politique; il l'a élevé un jour, d
VOurs et le Pacha (1820), jusqu'à la plus d<
pilante bouffonnerie. Farinelli (1816); le C\
des Variétés, les Deux précepteurs, le Cc\
19
■u des montagnes, le Solliciteur (1), Encore
h Pourceaugnac ( 1817); la Volière du
ire Philippe, Une Visite à Bedlam (1818);
troline (1819) ;le Vampire, V Ennui (1820),
fat en quelque sorte les liens par lesquels
[ribe tient à la tradition.
IScribe entra dans la seconde phase de son ta-
|it, en ccssantd'écrire pour les scènes du Vaude-
Sfle et des Variétés. Delestre-Poirson, qui venait
bbtenir le privilège du Gymnase, s'empressa
[ittacher son collaborateur à ce théâtre par
| traité qui ne lui permettait plus de tra-
fciller, en dehors du Gymnase, que pour la
[wnédie-Françaiseet pour l'Opéra-Comique. Des
nantages considérables lui étaient faits, et entre
litres la prime, c'est-à-dire un bénéfice prélevé
■droit par l'auteur sur chaque pièce et antérieur
I jugement du public. C'est pour le Gymnase
le Scribe a donné, en société, le plus grand
mmbre d'oeuvres, cent cinquante, dit-on, et il
ï: pour les interpréter une troupe intelligente,
Imposée d'acteurs fins et charmants. Parmi les
Itilleurs vaudevilles de cette période, qu'il
lus suffise de mentionner -.en 1821, le Co-
\iel, le Gastronome sans argent, V Artiste,
§Mariage enfantin, le Ménage de garçon,
Secrétaire et le Cuisinier, Frontin mari
rçon, Michel et Christine; — en 1822,
carte, Mémoires d'un, colonel de hits-
ds;~ en 1823, les Grisettes, l'Intérieur
m bureau, la Maîtresse du logis, la Pen-
n bourgeoise ; — en 1824, le Baiser au
•teur, le Coiffeur et le Perruquier, la
ine d'une femme, l'Héritière, la Man-
rde des artistes; — en 1825, le Charlata-
ïme, le plus beau jour de la vie, les Prê-
tres amours, la Quarantaine, Vatel; —
1826, le Confident, la Demoiselle à ma-
\r, le Mariage de raison, Simple histoire;
en 1827, le Diplomate, la Marraine; —
1828, Malvina, le Vieux mari; — en
Ï9, Louise ou la Réparation ; — en 1830,
ilippe, la Seconde année, Une Faute. On
it due que les meilleures inspirations de
4be sont dans ce genre délicat et modéré où
H été créateur. Ni optimiste ni pessimiste, il
Irait les choses en homme sensé et fin, et
bique les mœurs qu'il a peintes se modifient
ta les jours, les tableaux qu'il a tracés res-
bnt, car le dessin en est élégant; il y a de
tactitude et de la grâce ; ses cadres sont pro-
rtionnés à ses personnages : il est le co-
:pie des classes moyennes : ce sont ses mœurs,
sentiments, ses idées qui l'inspirent. On lui
eproché ses veuves, ses ingénues et ses co-
ûtes bourgeoises : il a copié ce qu'il a eu
is les yeux; ce qui prouve combien il a été
) On sait que Guillaume Schlegel préférait celte
<;e au M isanthrope. Le philosophe Jouffroy était
'is que deux autres pièces de Scribe, l'Héritière et
Haine d'une femme étaient de celles qui ouvrent des
ipectives sur le cœur humain.
SCRIBE 650
dans le vrai, c'est le suffrage unanime des fem-
mes qui lui ont su gré de ne pas les avoir défi-
gurées, soit par trop d'enluminure, soit par ex-
cès de raillerie. M. Sainte-Beuve, quoique un
peu sévère pour les défauts de Scribe, les ex-
plique et s'en rend assez bien compte dans ce
jugement prononcé en 1840. «La naturehumaine
prise du boulevard Bonne-Nouvelle n'est peut-
être pas très-large, très-profonde, très-géné-
reuse en pathétique ou en ridicule, mais elle est
très-fine, très-variée et très-jolie. Je la main-
tiens même fort ressemblante à titre de nature
parisienne : en somme, cette comédie est l'idéal
pas trop invraisemblable d'une époq»e sans
idéal; c'est bien là le roman à hauteur d'appui
de toute notre vie de balcon, d'entresol, de
comptoir : toute la classe moyenne et assez dis-
tinguée de la société ne rêve rien de mieux.
Nul aussi bien que M. Scribe n'en a saisi et re-
produit les traits distinctifs tout en nuances,
l'assortiment de positif, d'intrigue et de jouis-
sance, l'industrialisme orné, élégant Il y a
dans les situations qu'il offre une gentillesse
d'esprit, et le dirai-je, de sensualité honnête qui
ravissent le public... »
La popularité de Scribe arriva à son comble pen-
dant la Restauration. En 1827 il était nommé che-
valier de la Légion d'honneur. En même temps
paraissait la première édition de son Théâtre
(Paris, 1827 et suiv., 10 vol. in-8°), qu'il dédiait à
ses collaborateurs, dédicace qui n'a pas été repro-
duite dans les éditions plus complètes. On y li-
sait : « Mes chers amis, on m'a souvent re-
proché le nombre de mes collaborateurs ; pour
moi, qui aile bonheur de ne compter parmi eux
que des amis, je regrette au contraire de ne pas
en avoir davantage. Souvent aussi on m'a de-
mandé pourquoi je ne travaillais pas seul : à
cela je répondrai que je n'en avais probablement
ni l'esprit ni le talent ; mais je les aurais eus,
que j'aurais encore préféré notre alliance et
notre fraternité littéraires. »
Cette heureuse transformation que le Vaude-
ville avait due à Scribe, l'Opéra-Comique lui
aussi allait l'éprouver, grâce à son actif et ha-
bile talent. Notre vaudevilliste, au lieu de suivre
les errements de Sedaine, de Marmontel et de
Hoffmann, comprit qu'il fallait faire une plus
large place à la musique, et il ne craignit pas
de développer les grands airs selon toutes les
exigences lyriques. Seulement il eut soin de
rendre l'action plus animée et au besoin plus
pathétique. Ses sujets étaient bien choisis ; l'in-
trigue était piquante, le dialogue naturel et sou-
ventheureux. L'opéra-comique renouvelé devint
en quelque sorte une succursale, un complé-
ment de cette jolie comédie qu'il avait inaugurée
au Gymnase. Le prestige de la belle musique
s'y joignait : car Scribe ne mit jamais sa rare
entente dramatique qu'au service des composi-
teurs éminents. C'est pour Auber qu'il écrivit
la Neige (1823), leMaçon (1825), la Fiancée
65 î
SCRIBE
6i
(1829), Fra Diavolo (1830), Lestocq (1834),
le Cheval de bronze (1835), V Ambassadrice
(1836), le Domino noir (1837), les Diamants
de la couronne (1841), la Part du Diable
(1843), la Sirène (1844), Haydée (1847),
Marco Spada, la Circassienne (février
1861), la Fiancée du roi de Garbe (janvier
1864), etc. Adam lui dut une part dans le succès
de Chalet (1834) et du Fidèle Berger (1837).
Il lit pour Halévy les paroles de la Fée aux
Roses (1849), pour Meyerbeer celles de V Étoile
du. Nord (1854). Massé, Clapisson eurent éga-
lement recours à lui. Mais son chef-d'œuvre en
ce genre nous semble la Dame Blanche (1825),
dont la longue et brillante carrière est loin d'être
épuisée. Les opéras de Scribe n'ont pas eu un
moindre succès que ses opéras-comiques : Le
Comte Or y (1828), la Muette (1828), le Dieu et
laBayadère (1830), le Philtre (1831), Robert le
Diable (1831), le Serment (1832), Gustave III
(1833), la Juive (1835), les Huguenots (1836),
le Prophète (1849), la Nonne sanglante
(18 ) partie5 pent au succès de la musique, à
laquelle ils fournissent un thème tantôt pas-
sionné, tantôt ingénieux. Cependant Scribe a
fait dans ses opéras trop de concessions à la
musique; il s'est soumis avec trop de complai-
sance aux exigences du compositeur; il a
laissé voir cette incurie de la correction qui a été
la lacune la plus regrettable de son œuvre.
C'est surtout dans les œuvres destinées au
Théâtre-Français que ce défaut se fait surtout
sentir. Chose singulière ! les vaudevilles an-
térieurs à 1830 ainsi que les comédies de Valérie
et le Mariage d'avgenty'jouées aux Français en
1822 et en 1827, sont en général agréablement
écrits et avec une élégance réelle. Au moment où
il travailla sérieusement pour notre grande scène
littéraire, on dirait que ces précieuses qualités
s'éloignent de lui. Je sais bien que l'on s'est plu
à grossir ce tort , beaucoup trop fréquent chez
Scribe ; je sais bien que dans un grand nombre
de ses vaudevilles les incorrections doivent être
mises à l'avoir de ses collaborateurs; je sais
qu'il n'a jamais revu les éditions de ses œu-
vres ; je sais enfin qu'au moment où il écrivait
la langue traversait une de ces crises violentes
auxquelles elle est exposée le lendemain de
chacune de nos révolutions. Le style ajoute une
valeur singulière à toute œuvre d'art ; seulement,
il faut reconnaître qu'au théâtre la forme n'est
pas tout : une idée vraie, une donnée heureuse,
des caractères bien compris et bien rendus doi-
vent passer avant tout. C'est en cela que con-
siste surtout le génie dramatique. D'ailleurs la
diction de Scribe, qui manque peut-être de relief
et de profondeur,ne pèche jamais contre la clarté,
c'est-à-dire contre la loi suprême ; jamais elle ne
ressemble à cet argot que trop de pièces con-
temporaines popularisent tous les jours sur la
scène. Bertrand et Ralon (1833) et la Camara-
derie (1837) avaient couronné la popularité de
Scribe. En 1835 l'Académie française s'ouvi
pour lui. Il fut reçu, le 28 janvier 1836, p
M. Villemain, qui ne lui ménagea point les é[
grammes, mais rendit pleine et entière justi
au talent fécond et varié du récipiendaire. 1
discours de ce dernier réussit comme une t
ses comédies, selon l'ingénieuse expression <
directeur de l'Académie, et cependant il av;
développé ce paradoxe, que son propre exemp
démentait si bien, à saVoir que la comédie po
réussir n'a pas besoin d'être ressemblant
comme si son œuvre du Gymnase n'avait pas (
le portrait légèrement flatté de la société sous
Restauration , comme si Bertrand et Rato
la Caiî).nraderie , Une Chaîne (1841), la C
lomnie (1841), le Verre d'eau (1842), ne à
vaient pas être un reflet des mœurs publiqc
entre 1830 et 1 848 ! Advienne Lecouvreur(18k'
les Contes de la veine de Navarre (188
Bataille de Dames (1851), la Czarine (185,.
qu'il fit pour Rachel, les Doigts de fée (185«
Feu Lionel (1858) et Rêve d'amour sont
dernières comédies qu'il fit jouer.
Scribe ne s'était jamais beaucoup occupé
politique; mais toutes ses sympathies étain
pour le régime qui lui avait suggéré ses m<
leures œuvres. En 1860 Napoléon III l'inscri
sur la liste des membres du conseil munici
de Paris. Scribe ne*crut pas devoir refuser
fonctions purement gratuites; 11 les prit mê
fort au sérieux, et y porta ce zèle actif et bi
veillant qui lui valaient l'estime de ceux qui
connaissaient à fond et l'amitié de presque t
ses collègues à l'Académie française, où il
montra toujours le plus conciliant et le plus r
deste des hommes. — Sa vie était fort occupe
il est peu d'écrivains qui aient été aussi
borieux que lui. Pendant plus de quarante a
de 181 5 à 1860, il alimenta les principales scè
de Paris et de la province. Il y a fait plus
quatre cents ouvrages dramatiques, sans corn]
des romans, genre où il ne réussit pas du re
Tant de succès menèrent notre auteur à
grande fortune. Il était plusieurs fois milli
naire, et se faisait gloire de tout devoir à i
travail. Ses armoiries consistaient en une pli
avec cette devise : Inde fortuna et liber,
Sur le frontispice d'un chalet dans l'intérieur
joli domaine de Sericourt (Seine-et-Marne),
lisait, dit-on, cette modeste inscription :
Le théâtre a payé cet asile champêtre ;
Vous qui passez, merci ; je vous le dois peut-êtr
Scribe se maria tard, à l'âge de cinquante i
avec Mrae Biollay, qui l'aida à faire le bi
encourageant son inépuisable générosité i
répandre sur tous ceux qui y faisaient ap
Plusieurs fois l'Association des auteurs dra
tiques, à la fondation de laquelle il avait b<
coup contribué, le nomma son président t
poraire; en 1852 , il en devint président à
Scribe vivait beaucoup en famille, l'été à IV
talais près Meudon ou à Sericourt, et l'iûv
\ «
;5S SCRIBE —
l'avis; il allait s'installer définitivement dans un
ôtel qu'il faisait bâtir rue Pigalle , quand la
îort le frappa soudainement, le 20 février 1861.
Tel fut Scribe. Ses qualités sont à lui seul ;
?s défauts viennent du temps où il a vécu ; ii
aurait de l'ingratitude à ne pas reconnaître
u'jl a été après tout le plus puissant, le plus
(•cond des auteurs dramatiques de notre épo-
que : c'est à lui qu'elle aura dû ses délasse-
ments les plus honnêtes. A ce titre, il a bien
fiéritédes lettres françaises, et toutes les objec-
ons que l'on pourra faire à Scribe n'empô-
1 leront pas qu'il n'ait fait par centaines de pe-
ftes pièces sans prétention, amusantes, lè-
pres et remplies de l'esprit français : elles n'em-
[îclieront pas le Théâtre-Français lui-même,
longtemps encore avec succès, de donner telle
j-uvre qui à la lecture laisse apercevoir des dé-
| uts plus ou moins graves, mais qui à la repré-
rntation surprend le spectateur, l'émeut, 1 en-
jaîne et triomphe ainsi de toutes les critiques
lissées et à venir que les théoriciens de l'art
ruvent adresser à l'un des plus vifs et des
[us heureux beaux-esprits de ce temps et peut-
re même de toute littérature dramatique.
Scribe n'a jamais procuré lui-même aucune
iition complète de ses œuvres. Parmi les
oins fautives nous citerons celles de 1827
rliédtre d'Eugène Scribe; Paris, 10 vol.
•8'), de 1833-1837 ( Théâtre complet, 20 vol.
i-8°, fig.), de 1840-1S42 (5 vol gr. in-8° à
j col. ), de 1345 (Œuvres choisies, 6 vol.
-12), et de 1851-1856 (5 vol. iu-8°). La moins
complète est celle de 1855 et suiv. ( 25 vol.
•18) ; encore nedonne-t-elle rien de ce que l'au-
Iur a publié depuis 1852. Outre les ouvrages
tés, Scribe a encore publié: Chansons; Paris,
29, gr. in-32 : elles sont tirées de ses pièces ;
un grand nombre de romances et de chan-
îns qui n'ont pas été recueillies ; — Discours
je réception à l'Académie française; Paris,
p6, in-4° ; — Nouvelles et proverbes ; Paris,
i38, 2 vol. in-8°, et 1840, in-12; — Carlo
roschi; La Maîtresse anonyme; Paris, 1840,
vol, in-8°; — Piquillo Alliaga, ou les
Jaurès sous Philippe III; Paris, 1847,
V.toI. in-8°; roman inséré d'abord dans le
mie et dont la propriété fut achetée 60,000 fr.
l'auteur. Il a travaillé à quelques recueils lit—
iraires et a fait précéder le Théâtre d'Alberto
ota et de Giraud ( 1839) d'un Précis histo-
ique sur la comédie en Italie et en France.
F. Colincamp.
la France, 13 février 183". — Sainte-Beuve, Por-
aits contemp. — G. Planche, Portraits littér., t. I.
• Loménie, Galerie des contemp. illustres , t. Iir. —
ng. de' Mirecourt, Scribe. — Discours prononcés sur
tembe par MM. Vitet, Maquet et Paillard de Ville-
uve. — Bévue contemporaine, février 1863. — Oct.
Juillet, Discours derécept. à l'.Jcad.fr..S6 mars 1863.
, scribonianus (M. Furius Camillus),
înéral romain et prétendant à l'empire, mort
i 53. Il fut consul sous Tibère (32) avec Cn.
SCUDERY 054
Domitius. Lôgat de Daimatie au commenoi ment
du règne de Claude, il se révolta avec ses lésions
(42); mais ce mouveiivnt fut promplcmcnt ré-
primé, et l'empereur, avec une modération rare,
se contenta d'envoyer Scriboniamis en exil; il y
mourut, dix ans plus tard, empoisonné suivant
la rumeur commune, mais plus probablement
de sa mort naturelle. y.
Tacite, Annales, VI, 1 ; XII, 52; Uislor , I, 83; 11,75.
— Suétone, Claudius, 13.
sckikonianus lakgus, médecin romain,,
vivait dans le premier siècle après J.-C. Il était
médecin de l'empereur Claude, et l'on raconte
qu'il l'accompagna dans l'expédition de Bretagne,
Il reste de lui un traité Sur la composition des
médicaments, dédié à C. Julius Callistus,. à la
demande duquel il avait été rédigé. Il contient
près de trois cents formules médicales, dont plu-
sieurs ont été reproduites par Galien. On a sup-
posé que Scribonianus l'avait écrit en grec, et
que nous n'en avions que la traduction latine.
Cet ouvrage fut publié pour la première fois à
Paris, 1529, in-fol., à la suite du Celse de
J. Ruel; il en parut la même année une autre
édition, à Bàle. Celle de J. Rhodius (Padoue,.
1655, in-4° ) n'a pas été surpassée. On trouve
aussi le traité de Scribonianus dans les recueils-
des auteurs médicaux d'Aide (Venise, 1547,.
in-fol.), et d'Henri Estienne ( Paris, 1567, in-fol.)
Sprengel, Bist. de laméd. — Fabricius, Dibl. latina.
— Clioulant, Handbuch.
SCRÏBONICS. Voy. GEAPU,EtIS.
Scisïverius. Voy. Grapileus et Schrvvér^
SCUDERY (Georges de), écrivain français,
né au Havre, en 1601, mort à Paris, le 14' mai
1667. Il était d'une famille noble et surtout qui
se piquait fort de l'être. Son aïeul et son père
avaient suivi la carrière des armes, et celui-ci
avait rempli la charge de lieutenant du roi au
Havre, Resté orphelin et presque sans for-
tune (1), vers l'âge de douze ans, il fut recueilli
avec sa sœur Madeleine par un oncle riche.
Après avoir achevé ses études, il entra au ser-
vice, fit partie de l'armée d'Italie, et se signala,
à l'en croire du moins, sur terre et sur mer. À
l'âge de trente ans, il avait un régiment. Il quitta
l'état militaire pour se livrer tout entier à la
littérature. Pendant un séjour qu'il lit dans le
midi, il avait connu le poète Théophile : en 1632,
il publia une édition de ses Œuvres, avec une
préface pleine de rodomontades, où il prend sa
défense contre ses ennemis. Dès ses premiers
écrits Scudery se révéla comme un matamore-
littéraire, d'une vanité puérile et d'une réjouis-
sante outrecuidance; il y fait sans cesse allusion
à la noblesse de sa maison, à ses exploits mili-
taires, et se pose sans cesse en gentilhomme éfe
en capitaine qui déroge en consentant à écrire :-
« S'il se rencontre quelque extravagant, dit-il
(1) Bien que le roman du Grand Cyrus, dans un pas-
sage, probablement composé p:ir lui, le présente comme
« alors extrèmement-riche », parce que son père lui avait
laissé plus qu'à sa sœur.
655 SCUDERY
dans la préface de Théophile, qui juge que j'of-
fence sa gloire imaginaire, pour luy montrer que
je le crains autant comme je l'estime, je veux
qu'il sçache que je m'apelle — De Scudery. »
Dans la préface de Lygdamon et Lydias, son
premier ouvrage dramatique : « Ces vers que je
t'offre sont sinon bien faits, du moins composez
avec peu de peine... J'ay passé plus d'années
parmy les armes que dans mon cabinet et beau-
coup plus usé de mèches en harquebuse qu'en
chandelle, de sorte que je sçay mieux ranger les
soldats que les paroles, et mieux quarrer les
bataillons que les périodes. » 11 gâte ses meil-
leures qualités par ce ton avantageux et solda-
tesque, qui le rend ridicule. La présomption de
Scudery, jointe à cette fertilité que Boileau a si
cruellement raillée dans des vers célèbres, sti-
mulée par le besoin et aussi par les succès qu'il
obtenait, le poussèrent à une production inces-
sante, surtout au théâtre. Il avait soin de dédier
ses œuvres aux personnages les plus considé-
rables, particulièrement à Richelieu. Ce fut lui
qui donna le signal de la levée de boucliers contre
Corneille après la représentation du Cid. Bien
que lié d'amitié avec le poète, il publia, sous le
voile de l'anonyme, des Observations (1637),
auxquelles Corneille répondit par l'Examen à
Ariste , puis par une Lettre apologétique.
Scudery, piqué au vif, provoqua, dans sa Lettre
à l'illustre Académie, ce corps savant a l'exa-
men de la tragédie attaquée. Non content d'a-
voir réussi dans son projet, il essaya d'opposer
au Cid une de ses propres pièces, l'Amour
tyrannique, et son ami Sarasin supplia vaine-
ment l'Académie de prouver que c'était le chef-
d'œuvre de la scène française.
En 1643, Richelieu lui donna le gouvernement
de Notre-Dame de la Garde, forteresse située
près de Marseille. Il partit pour son poste avec
sa sœur, et n'eut rien de plus pressé que de
chanter sa forteresse en vers ampoulés, qui con-
trastent singulièrement avec la description rail-
leuse qu'en firent Chapelle et Bachaumont. Mais
il la quitta quelques années plus tard, faute de
ressources suffisantes pour entretenir et payer
ses soldats. Revenu à Paris, au moment de la
Fronde, il s'attacha au parti du prince de Condé,
publia des Poésies diverses (Paris, 1649, in-4°),
puis à la mort de Vaugelas il parvint, grâce à ses
protecteurs, à se faire élire à l'Académie (1650).
C'est surtout à partir de ce moment que pa-
rurent sous son nom ces grands romans qui
firent les délices des ruelles et lui valurent la
meilleure part de sa réputation, bien que ces
romans eussent été écrits par sa sœur Made-
leine, et qu'il n'y fût lui-même que pour fort peu
de chose. En 1654 il épousa Mlie de Martin-
Vast, belle personne et d'esprit distingué. Ce fut
alors qu'il publia le poème d'Alaric (Paris, 1654,
in-fol. ou 1656, in-12). La reine Christine lui
avait promis pour la dédicace du livre une chaîne
d'or de mille pistoles; mais elle lui demanda de
65
rayer les vers où il parlait du comte de La Gai
die, qui était tombé dans sa disgrâce : « Quan
la chaîne d'or, répondit Scudery , serait aus
grosse que celle dont il est question dans l'hii
toire des Incas, je ne détruirai jamais l'autel o
j'ai sacrifié. » Sa pauvreté le força d'aller pas
ser plusieurs années en Normandie. Il finit p;
obtenir du roi une pension de quatre cents écu:
par l'intermédiaire du duc de Saint-Aignan, qi
voulut, avec Mlle de Montpensier, présenter se
premier enfant au baptême (1662). A cette da'
il avait perdu son gouvernement de Notre-Dan
de la Garde depuis environ quatre ans. Sur
fin de sa vie, Scudery devint dévot. 11 moun
d'apoplexie en 1667, à l'âge de soixante-six an
et fut enterré à Saint-Nicolas des Champs.
Outre les ouvrages cités , on a de Scudery
seize pièces de théâtre, sous le titre de tra{
comédies, écrites en vers et la plupart imprimée: [;
Lygdamon et Lydias (jouée en 1629), le Trot
peur puni (1631), le Vassal généreux (1632
la Comédie des comédiens (1634), dont
prologue et les deux premiers actes sont en pro
et les trois derniers en vers; Orante (1635),
Prince déguisé (1635), le Fils supposé (163(
la Mort de César (1636), Bidon (1637),
mant libéral (1638), V Amour tyranniqi\
(1638), Eudoxe (1639), Andromire (1641
Ibrahim, ou l'Illustre Bassa (1642), où 1
trouve quelques scènes remarquables; Arm
nius (1643), une de ses meilleures pièces, pr
cédée d'une préface apologétique ; Ax ian e ( 1 64
en prose. Scudery a aussi publié : Le Tempi
poëme; Paris, 1633, in-fol.; — L'Apologie
théâtre; Paris, 1639, in-4°; — Le Cabinet
M. de Scudery ; Paris, 1646,in-4°; — Discou
politique des rois ; Paris, 1648, in-4°. Il a ti
duit de l'italien les Harangues de J.-B. Manz
(I640,in-8o), et le Caloandre fidèle de Mar
(1658, 3 vol. in-8°). V. Fournel.
Préfaces et œuvres diverses de Scudery. — Chevrœm
— PeUisson, Hist. de V Acad. française. -- Nicerc
Mémoires, t. XVI. — Les frères Parfaict, Hist. du T
Franc., t. IV. — Tallemant des Réaux. Historiettes. i|
Cousin, La Société franc, au dix-septième siècle, t.
p. 12î et suiv. — Livet, Précieux et précieuses.
scudery (Madeleine de), femme autei
sœur du précédent, née en 1607, au Havre, moi
le 2 juin 1701, à Paris. Les particularités de
première jeunesse sont décrites dans le Grai
Cyrus (t. X, 1. II) : « Sapho n'avoit que six a
lorsque ses parents moururent. Il est vrai qui
la laissèrent sous la conduite d'une parente (
avoit toutes les qualités nécessaires pour bi1
conduire une jeune personne... Je ne m'an
terai point à vous dire quelle fut son enfance, <
elle fut si peu enfant qu'à douze ans on coi
mença de parler d'elle comme d'une persori
dont l'esprit et le jugement étoient déjà forn
et donnoient de l'admiration à tout le monde
Suivant Conrart, ce fut un de ses oncles qui
recueillit après la mort de sa mère, et lui
donner une éducation très-soignée. A la mort
57
SCUDERY
658
I incle , elle quitta la Normandie pour venir à
paris, chez son frère Georges. Admise à l'hôtel
Rambouillet, elle ne tarda pas à en devenir l'un
jes oracles. Pour payer son écot dans les dé-
fenses communes et suppléer à l'insuffisance de
i fortune, elle s'associa aux travaux de son
'ère, et en publia même un grand nombre, dus
elle seule, sous le nom de celui-ci, tant par
jne sorte de modestie, qui s'accordait pourtant
ès-bien avec la bonne opinion qu'elle avait
['elle, que parce que les ouvrages de Georges
raient la vogue et se vendaient à merveille.
Ile fit une partie des Femmes illustres, et
tmt V Illustre Bassa, dit Tallemant des Reaux,
■ui assure que son frère la tenait, pour ainsi
ire, à la tâche. Quant h Cyrus, k la Clélie, etc.,
! s contemporains même les lui attribuaient
•nanimement. Si l'on ne veut pas admettre, avec
kllemant des Reaux, que Georges ne compo-
lit que les préfaces et les épîtres dédicaloires,
[ est certain que sa part de collaboration ne dé-
|»ssa jamais les combinaisons romanesques de
Intrigue, ce qui est le côté le plus médiocre de
es ouvrages , et qu'il laissait à Madeleine le soin
«remplir à peu près en entier ce canevas banal,
hnsi le style, les portraits, les longues conversa-
bns subtiles et sentimentales, les lettres, les
îalyses raffinées, en un mot tout ce qui constitue
t>it le principal mérite de ces romans, soit leur
hractère distinctif et essentiel, tout cela est de
If'ie de Scudery. Elle avait la fécondité et la fa-
ilité de son frère. Malgré son penchant pour
monde, elle trouvait le temps d'accomplir
tiaque jour sa tâche, sans qu'on pût savoir
taand ni comment elle s'y prenait. On le com-
rend mieux en se rendant compte de la manière
ont Cyrus et la Clélie sont composés : on s'a-
erçoit alors, en effet, qu'elle trouvait chaque
>ur dans ses relations avec la* société polie les
KSments , sans cesse renouvelés, de son récit ;
lie y prenait un portrait, une conversation,
ne lettre ingénieuse et<galante, qu'elle trans-
brtàit dans son livre en changeant les noms,
tainsi les volumes succédaient aux volumes, et
eu à peu le roman se trouvait terminé sans
rand effort d'invention ni de disposition.
On sait le succès qu'obtinrent ces volumineux
uvrages , si bien en rapport , par leurs défauts
bême, avec les goûts et les besoins des lecteurs
u temps , et où toute la bonne cabale aimait à
e retrouver sous des déguisements dont elle
vait le secret. Si l'on en excepte les solitaires
e Port-Royal , Bossuet et un très-petit nombre
'esprits sévères , les personnages les plus illus-
jres professaient pour ces romans une admira-
tion hautement avouée, qui rejaillissait en respect
fur MUe de Scudery : c'étaient, par exemple,
jï duc de Montausier, Mmede Sévigné, La Fon-
taine, Boileau lui-même, dans sa jeunesse,
lonime il l'avoue dans la préface de ses Héros
l'e roman , où il déclare n'avoir pas eu le cou-
'age de publier cette satire du vivant de Sapho,
qu'il aimait etestimait beaucoup; c'étaient même
des évoques, comme Camus, Mascaron , Huet,
Godeau, Fléchier, Massillon, etc., qui se lais-
saient gagner à l'extrême pureté de sentiment
de ces ouvrages, où pourtant il n'est question
que d'amour et de galanterie, mais d'amour élevé
et de galanterie platonique. Godeau adressa à
Conrart, le 22 janvier 1655, une épître en vers
sur l'admirable Clélie; Huet l'a louée en termes
enthousiastes dans son Discours sur l'origine
du roman ; Mascaron, allant plus loin, écrivait
à MUe de Scudery, le t2 octobre 1672 : « L'oc-
cupation de mon automne est la lecture de
Cyrus, de Clélie et d'Ibrahim. J'y trouve tant
de choses propres pour réformer le monde que
je ne fais point de difficulté de vous avouer que,
dans les sermons que je prépare pour la cour,
vous serez très-souvent à côté de saint Augustin
et de saint Bernard. » Sa gloire s'étendait même
en dehors de la France : l'Académie des Rico-
vrati de Padoue l'appela dans son sein; la reine
Christine fut en correspondance avec elle, ainsi
que le duc de Brunswick , la duchesse de Hol-
stein, etc. Elle eut des pensions de Mazarin, du
chancelier Boucherat, et du roi. Mlle de
Scudery s'était fait aussi beaucoup d'amis par
l'aménité de son caractère et par ses vertus pri-
vées. Quoiqu'elle fût loin d'être belle, surtout
à eause de son teint presque noir et de ses traits
épais et lourds , elle n'en eut pas moins ses soupi-
rants en titre, avec qui elle fila le parfait amour,
suivant les théories de ses romans. On ne voit
pas qu'elle se soit jamais laissée glisser sur la
pente dangereuse de ces tendres attachements.
Sa principale liaison de coeur eut surtout pour
objeUPellisson, qui était encore plus laid qu'elle;
et elle resta fidèle à son affection , même pen-
dant la captivité de celui-ci à la Bastille, où elle
trouva moyen d'entretenir avec lui une corres-
pondance suivie, en employant les artifices les
plus ingénieux pour adoucir son malheur. Elle
l'a peint sous le.nom d'Herminius, dansla Clélie,
et elle en parle toujours avec tendresse.
Lorsque les troubles de la Fronde eurent dis-
persé le salon de l'hôtel Rambouillet, elle ré-
solut de le reformer autour d'elle, dans sa mai-
son de la rue de Beauce, au Marais. Parmi les
sociétés littéraires qui recueillirent l'héritage du
petit salon bleu, les samedis de M'ie de Scudery
méritent d'être mis au premier rang. Au nombre
des habitués, nous citerons Chapelain, Conrart,
Pellisson, Sarasin, Ménage, Ysain, les ducs
de Montausier et de Saint-Aignan ; parmi les
femmes , quelques auteurs, Mme de La Suze ,
Mlle6 Lhéritier, Chéron, de La Vigne, et un plus
grand nombre de bourgeoises spirituelles,
comme MmPS Gornuel, Legendre,.Arragonais,
Miles Boquet et Robineau, sans oublier quelques
grandes dames , Mtues de Sablé , de Rohan , de
Sévigné , etc. Ces assemblées se passaient en
conversations raffinées et galantes , en lectures
de petites pièces , en commentaires sur un son-
659
net, une élégie , etc. Les dames ne dédaignaient
pas non plus, tout en causant, de travailler à
l'aiustementde deux poupées, destinées à servir
de types à la mode, et qui donna naissance à
mille badinages et petits vers. La fameuse Carte
de Tendre, que. M1^ de Scudery devait avoir
la malencontreuse idée de transporter dans la
Clèlie, fut un des jeux d'esprit les plus fameux
des samedis. Mais le 20 décembre 1653 marque
sa date historique la plus célèbre, connue sous le
nom de journée des madrigaux. Conrart
ayant donné à Sapho un joli cachet de cristal ,
avec un madrigal d'envoi, celle-ci répondit par
un autre madrigal des plus fins et des plus ga-
lants, si bien que toute l'assemblée, transportée
d'enthousiasme et prise d'une noble émulation,
se mit à improviser madrigaux sur madrigaux
à propos du même sujet. La Journée des ma-
drigaux , conservée dans les manuscrits de
Conrart, a été publiée dernièrement.
En 1671, M»e de Scudery remporta à l'Aca-
démie, par son discours De la Gloire, le prix
d'éloquence française décerné pour la première
fois. Les samedis finirent, à ce qu'il semble, par
dégénérer beaucoup. Tallemant raconte que
Chapelain et quelques autres en faisaient une
coterie. Cette décadence se précipita davantage
encore quand !e siège des samedis eût-été trans-
porté chez une amie de Sapho , Mi'e Boquet.
Jusqu'au terme de sa longue vie, elle resta ho-
norée et aimée de tous. Les qualités de son cœur
valaient au moins celles de son esprit : elle était
honnête, dévouée, fidèle à ses affections, d'un
commerce aussi aimable que sûr, pleine de mo-
destie dans sa conduite et son langage , malgré
la haute opinion qu'elle avait, d'elle-même. Elle
vécut jusqu'à l'âge de près de cent ans, ayant
conservé toutes les facultés de son esprit ; eîle
fut inhumée à Saint-Nicolas des Champs(1701)-
Les meilleurs ouvrages de Mi'c de Scudery
sont justement ceux qui n'ont pas été réunis ,
ses Lettres d'abord , où il y a plus de naturel
et d'aisance que dans ses romans , puis ses poé-
sies légères, dont plusieurs sont tout à fait char-
mantes, par exemple son quatrain si connu sur le
grand Condé cultivant des oeillets à Vincennes,
son madrigal à Conrart, sur le cachet de cristal, et
les vers à Nanteuil qui avait fait son portrait :
NanteuUcn faisant mon image,
A de son art divin signalé le pouvoir :
Je hais mes yeux dans mon miroir,
Je les aime dans son ouvrage.
Toutes ces pièces sont dispersées dans les re-
cueilsdu temps. Lesprincipaux ouvrages deMlle de
Scudery sont : Ibrahim, ou V Illustre Bassa;
Paris, 1641, 4 vol. in-8° , celui où il y a le
plus de couleur locale; — Artamène, ou le
Grand Cyrus; Paris, 1649-53, 10 vol. in-8°:
c'est son meilleur roman : Artamène n'est autre
que le grand Condé : on y trouve toute une ga-
lerie fort curieuse des habitués de l'hôtel Ram-
bouillet et des princioaux noms du monde pré-
SCUDERY — SCYLAX CG
cieux et de la bonne cabale, à l'aide de îaquel
M. Cousin a pu reconstituer une Histoire de l
société française, au dix-septième siècle; -
Clèlie, histoire romaine; Paris, 1656, 10 vo
in-8° : publiée sous le nom de son frère, Cumu-
les ouvrages précédents; c'est en quelque sor
l'histoire de la Fronde sous un accoutremei
romain, qui nous choque plus que dans Cyrus, a
il s'agit d'une époque plus rapprochée, de non
classiques ; et ce qui rend le contraste plus di
cordant encore, c'est que tout en défigurant i<
personnages l'auteur reste à peu près fidèle
l'histoire dans l'exposition des faits. C'est daj
Clèlie qu'on trouve la description et la carte <
Tendre, qui a contribué, plus que tout lerest
à jeter sur les romans de Mll« de Scudery i
ridicule qui n'est pas toujours justifié; mais oa
trouve aussi des conversations et des aperçi
d'un assez haut intérêt, particulièrement s
toutes les questions qui tiennent à la conditii
sociale des femmes; — Almahide, ou l'a
clave reine ; Paris, 1660, 8 vol. in-8°; —L
Femmes illustres, ou les Harangues héri
ques;- Paris, 1665, in-12; — Mathilde d\
guilar, histoire espagnole; Paris, 1669, in-8
— Celanire, ou la Promenade de Versaille
Paris, 1669,in-8°; — Conversations sur dive
I» sujets; Paris, 1680, 2 vol. in-12; elle pub!
I de 1680 à 1692, diverses suites à ce recueil, so
j les titres de Conversations nouvelles, Convi
j- sations morales, Entretiens de morale,
tout 10 vol. in-12 : ce sont des causeries,
dominent les ressouvenirs de la société poli
mais où il y a pourtant quelques pages dethéo
et de critique littéraires; — Fa b les ; Paris, 168-
— et quelques ouvrages peu importants.
Victor Fournel.
Conrart, Mémoires, et ses Manuscrits, t. V. — l'ai
mant des Réaux, ffistoriettes.— Somaize, Dict.desp
cieuses, art,_SorHiE. — Titon du Tillct, Le Parna
français. — Niceron, Mémoires, t. XV. — Cousin, La ;
ciétè française au dix-septième siècle, surtout le t.
— Revue des deux mondes, 1" mars 1846.
SCCLTETUS. Voy. Schultz.
sctxax (Sxu),a|), géographe grec, d'n
époque incertaine. On a sous son nom une coi*
description de certaines contrées de l'Europe,
l'Asie et de l'Afrique, intitulée : Iïe&îtcXqu; •
6a),a<TiTYK oîxo«(isv>iç Eùûunrïiç xai 'A a-tac 1
Atëûïiç. Hérodote mentionne un certain Scyl
de Caryanda en Carie qui , sous le règne
Darius, fils d'Hystaspe, descendit l'Indus jusqi
son embouchure, et explora le littoral depuis
bouches de ce fleuve jusqu'à la mer Rouge. L
puscule que nous possédons n'est nullement
récit de ce voyage, et il a dû être composé lot
temps après Hérodote ; mais il est antérieur
Alexandre, d'abord parce qu'il n'y est pas i
mention des conquêtes de ce prince, ens»
parce qu'il est cité par Aristote (Polit., III, I
Il remonte donc au milieu du quatrième siè
avant J.-C, ce qui constitue une antiquité r
pectable. Son auteur pouvait s'appeler Scyla
51 SCYLAX —
•pendant il est probable qu'un compilateur obs-
ir aura mis sous le nom d'un célèbre voya-
>ur comme Scylax des notions géographiques ré-
silies dans divers écrivains. Du reste le pelit
aité nue nous avons n'est que l'abrégé de l'ou-
■age original. Le Périple de Scylax, publié pour
première par Hœschel, avec d'autres petits
■ogra plies grecs (Augsbourg, 1600, in-8°), et
ir Vossius (Amst., 1639, in-4°), se trouve
■rapris dans les Geographi grseci minores
Hudson, dans ceux de Gail, et dans ceux de
. Mùller, collection Didot. Klausen l'a publié
m les fragments d'Hécatée (Berlin, 1831), et
. Fabricius en a donné une édition séparée
)resde, 1848, in-8°). Suidas confond le Scylax
î temps de Darius fds d'Hystaspe avec l'auteur
i Périple, et il a attribué à celui-ci divers ou-
•ages, entre autres une réfutation de l'historien
îlybe. L. J.
Fabricius, Bibl. grxca. — Vossius , De historicis grse-
ç, p. 166, éd. Westermann. — Sainte-Croix, dans les
emoircs de VAcad. des inscr., t. XLII. — Nicbuhr,
'eine Schriften, t. I, p. 103. — TJkcrt,' Géographie
r Gricchen vnd Ramer, 1. 1.
scylitzès (Jean), surnommé Curopalate,
storien byzantin, né probablement dans le
\ème des Thracésiens, mort à Constantinople,
brès 1081. Venu de bonne, heure à Constanti-
i>ple, il y exerça les charges de capitaine des
lirdes, de gouverneur du palais (curopalate),
de maître de la garde-robe. On ne connaît
icun autre détail de sa vie. Il est auteur d'une
«portante Histoire de l'empire grec ( SuvoOyt?
rroptwv), depuis 811 jusqu'en 1081. Fabrot et
«uschen, ayant remarqué une conformité frap-
ante entre cet ouvrage et celui de Cedrenus ,
ui porte le même titre, en conclurent que
cylitzès avait pillé Cedrenus ; mais Vossius ,
abbe et d'autres érudits ont prouvé que de
aveu même de Cedrenus , c'était lui le pla-
iaire. Malgré cela on n'a imprimé dans les col-
letions byzantines du Louvre et de Venise que
(fi dernière partie de Scylitzès, de 1057 à 1180.
ijiekker l'a insérée dans son recueil ; mais il ne
[•'est pas servi du meilleur manuscrit de Scy-
i[tzès, qui est à la bibliothèque de Vienne. Une
flraduction latine du texte presque entier a été
•ionnée parGabio (Venise, 1570,in-fol.). Dans le
'[. Ierdu/î<s grseco-romanum de Leunclavius, il
i a un opuscule de Scylitzès : Suggestio prin-
\ipi Alexio oblata de ambiguitate quadam
ifwper novella de sponsalibus.
\ Lambecius, De bibliotheca Cœsaraa, t. H, et le Sup-
\\ementum de Kollar. —Fabricius, Bibl. grseca.— Labbe,
Vatalogus scriptor. hist. byzantinœ. —Smith, Dictio-
(tary.
I SCYLLIS. Voy. Dipène.
» scymxts (2y.up.voc) de Chios, géographe
j;rec, d'une époque incertaine. Il avait composé
fine description delà terre (Periegesis), citée
!>ar Etienne de Byzance et quelques autres au-
teurs anciens. Cet ouvrage était en prose, mais
'jucas Holstenius et Isaac Vossius lui ont attri-
bué une Periegesis en vers^ïambiques composée
SEBASTIANI 662
dans le premier ou dans le second siècle avant
J.-C. Bien que celte conjecture ne paraisse pas
fondée, elle a été admise par Hudson et par
Gail, qui dans leurs collections des Petits géo-
graphes grecs ont placé cette description sous le
nom de Scymnus. La Periegesis deScymnus fut
publiée pour la première fois par Iln-schel, sous
le nom de Marcien d'Héraclée( Augsbourg, 1000,
in-8°), fausse attribution, maintenue dans l'édi-
tion de Morelli. Cet opuscule géographique a été
l'objet des observations de Letronne, et le texte
en a été donné avec beaucoup de soin parMeineke
(Berlin, 1846). La meilleure édition est celle qui
fait partie des Geographi grseci minores de
C. Miiller, collection Didot. I. j.
Dodwell, De Scymno CAio, dans les Geographi de
Gail. — Letronne, Scymnus et Dicéarque ; Paris, 1840.
SEBA (Albert), voyageur hollandais, né le
2 mai 1665, à Eetzel (Frise), mort le 3 mai
1736, à Amsterdam. Fils d'un paysan, il fut mis
en apprentissage chez un pharmacien de village.
Après avoir été employé dans plusieurs officines
d'Amsterdam, il entra au service de la Com-
pagnie des Indes hollandaises, et fit plusieurs
voyages, pendant lesquels il se livra au com-
merce des drogueries. Il acquit une belle fortune,
qu'il consacra à former un cabinet des produc-
tions les plus rares de la nature; l'ayant vendu
en 1716 à Pierre le Grand, il se mit à en former
un autre, qui surpassa tous ceux que l'on con-
naissait alors en Europe. Après sa mort, cette
riche collection fut vendue aux enchères. De
son vivant, Seba avait fait décrire et graver son
cabinet, qui fut publié en latin, en français et en
hollandais, sous le titre de : Locupletissimi re-
rum naturalium thesauri accurata descrip-
tio; Amst., 1734-61, 4 vol. in-fol., avec 450
planches; réimpr. par les soins d'une com-
mission de savants français , tels que Cuvier,
Geoffroy Saint-Hilaire, Valenciennes, etc.; Pa-
ris, 1827 etann. suiv., in-4°. Le principal nié-
rite du recueil de Seba est dans les figures; et
on s'explique ainsi comment il a fait autorité
dans le dernier siècle. Quant au texte , bien que
Gaubius,Musschenbroek, Artediy aient travaillé,
il manque en trop d'endroits d'exactitude et de
critique.
Biogr. médic. — Jeta Acad. nat. curios., t VI.
sebastiani (François- Horace- Bastie/i,
comte), maréchal de France, né le 10 novembre
1772, à la Porta d'Ampugnano, village près de
Bastia (Corse), mort le 20 juillet 1851, à Paris.
Il se disait issu de famille noble et parent des
Bonaparte; mais rien n'est moins prouvé, et cer-
tains auteurs prétendent même que son origine
est fort obscure. N'ayant pas de titre à joindre
à son nom, il y ajouta celui de son lieu natal,
et se fit appeler Sebasiiani de la Porta. On le
destinait à l'étatecclésiastique;la révolution vint
changer ce projet. Les troubles de la Corse obli-
gèrent sa famille à passer en France , et il ob-
tint un brevet de sous-lieutenant d'infanterie
663
(27 août 1789). En 1793 il rejoignit comme lieu-
tenant son bataillon, qui servait en Corse, et
remplit les fonctions d'agent militaire près des
représentants du peuple en mission. Il passa en
1794 à l'armée des Alpes, devint aide de camp
du général Casabianca, et fut incorporé avec le
grade de capitaine dans le 9e dragons. Il se dis-
tingua dans les guerres d'Italie, et fut nommé
chef d'escadrbn (22 sept. 1797), pour sa belle
conduite à Arcole, puis chef de brigade (20 avril
1799) après la bataille de Vérone. La divi-
sion Serurier, à laquelle appartenait son régi-
ment, ayant été surprise à Verderio, il fit de
vaillants mais inutiles efforts pour s'ouvrir un
passage à travers l'armée russe, et fut obligé de
se rendre. Bonaparte , à son retour d'Egypte,
trouva dans Sebastiani un auxiliaire actif, qui
seconda de toutes ses forces le coup d'État du
18 brumaire. Le 20, on lut au Moniteur une
adresse du 9e de dragons et de son colonel aux
consuls, pour les féliciter des « changements sa-
lutaires qui venaient de s'opérer ». Sebastiani ne
cessa plus dès lors d'être dans la faveur de Bo-
naparte. Après avoir combattu à Marengo, il
négocia avec Marmont l'armistice de Trévise. A
la fin de 1802, il fut chargé d'une mission im-
portante en Orient, Parti le 16 septembre, le
jeune colonel porta d'abord à Constantinople des
propositions d'alliance, et de là se rendit en
Egypte, où i! somma le général anglais Stuart d'é-
vacuer Alexandrie, conformément au traité d'A-
miens, puis auprès des pachas de Syrie et des
États barbaresques, qu'il essaya de nous attacher,
dans la prévision d'une attaque contre les Indes
anglaises. Revenu en France, il devint général
de brigade (29 août 1803), et surveilla pendant
quelque temps les côtes de Bretagne. Blessé à
Austerlitz et nommé général de division (21 déc.
1805), il vit encore ses progrès dans la carrière
militaire suspendus par une nouvelle mission di-
plomatique. Napoléon l'envoya, le 2 mai 1806, à
Constantinople en qualité d'ambassadeur, pour
chercher à rompre l'alliance de la Turquie avec
la Russie et l'Angleterre. Sebastiani s'acquitta de
cette difficile tâche avec habileté, courage et dé-
cision : dès le 7 décembre, les hostilités écla-
taient entre les Turcs et les Russes, et au mois
de janvier 1807 une flotte anglaise se présen-
tait à l'entrée des Dardanelles. Elle força le
passage, et vint jeter l'ancre dans le Bosphore,
devant le sérail. La terreur du divan fut extrême;,
et le sultan ne voyait de salut que dans un
changement immédiat de politique; mais son
courage fut relevé par la fermeté de l'envoyé
français, qui s'occupa aussitôt d'armer les bat-
teries de la côte : le peuple, les janissaires , les
Grecs, les Arméniens, les Juifs, excités par
l'exemple, travaillèrent avec ardeur (1), et en
(1) C'était un curieux spectacle : les secrétaires de l'am-
bassade de France, affublés du sac de cuir, faisaient le
service de simples canonniers; le comte de Pontécoulant,
sénateur, dirigeait les hommes qui traînaient les canons;
SEBASTIANI 66-
moins de cinq jours 600 bouches à feu, cent cha
loupes canonnières, une ligne de vaisseaux rasé
et embossés menacèrent l'escadre anglaise, qr
se hâta de repasser le détroit, en perdant néan
moins deux corvettes et sept cents homme
(février 1807). La belle conduite de Sébastian
en cette circonstance n'eut pas les résultats qu'a
en pouvait attendre; Selim III ayant été déposa
et Napoléon s'étantmême, par un article secret d
traité de Tilsitt, retourné contre la Turquie, I
prépondérance russe et anglaise finit par l'en;
porter. Le général demanda son rappel, et re.vir
en France (juin 1807). Le 7 avril il avait reçu 1
grand cordon de la Légion d'honneur. Envoy
le 22 août 1808 en Espagne, il concourut au
opérations du quatrième corps d'armée sous I
maréchal Lefebvre, qu'il remplaça en janvie
1809 dans son commandement. Après avoir batt
le duc de l'Infantado à Ciudad-Real (27 mars),
s'empara des dépôts d'armes que les Espagno!
avaient formés au pied de la Sierra-Morena, t
revenant en arrière, sur l'ordre du roi Joseph
il eut part à la bataille indécise de Talaveira. Et
voyé ensuite sur la rive gauche du Tage, il reir
porta en 1810 les victoires d'Almonacid et o
Rio d'Almanzor, qui lui livrèrent les province
de Grenade et de Murcie (janvier 1810). Mais
perdit bientôt une grande partie du territoii
conquis, et il se trouvait bloqué dans Grenao
lorsque, le 10 mai, il demanda son rappel e
France pour cause de maladie (1). Après avo
subi une sorte de disgrâce, Sebastiani fut attache
l'expédition de Russie; il montra une valeur bri
lanteàSmolensk, àlaMoskowa, et dansplusieui
autres occasions, et pendant la retraite il dirigi
l'avant-garde. A Leipzig, il opéra avec sa cavaler
des charges heureuses, et à Hanau il arrêj
l'ennemi, pendant que nos troupes se retirai»
sur le Rhin. Sa conduite ne fut pas moins digt,
d'éloges dans la campagne de France, aux coni
bats de Reims, d'Arcis et de Saint-Dizier. Lor
que l'empereur eut abdiqué, Sebastiani adhé:
au nouveau gouvernement et reçut la croix <
Saint-Louis. Le retour de l'île d'Elbe réveilla s<
zèle pour Napoléon, qu'il soutint vivement à
chambre des représentants , où l'envoya le ce
lége de Vervins. Après la seconde abdication,
fut un des six commissaires députés par
le brillant marquis d'Almenara, ambassadeur d'Espagr
faisait faction, l'écouvillou sur l'épaule ; le chargé d's
faires de Hollande, en souliers à boucle et en bas i
soie, était assis flegmatiquement sur le quai du sérail,
jetait des ducats aux Grecs et aux Juifs pour les enco
rager au travail.
(1) La vanité de Sebastiani et la jactance de ses bull
tins avaient Indisposé l'empereur contre lui. Il n'avi
pas parlé de deux pièces de canon qu'il avait été obli.
de laisser sur le champ de bataille de Talaveira ; Napoléo
qui en fut instruit, adressa au major général l'ordre si
vant : « Mon cousin, vous ferez savoir au général Seba
tlani qu'il résulte de toutes les victoires qu'il rempoi
en Espagne, et dont il vous transmet les récits, qu'il
perdu deux pièces de canon, au lieu d'en avoir pris p
trentaine, ta valeur de ces deux bouches à feu lui se
retenue sur ses appointements. »
55 SEBASTIANI
ïambre à Haguenau, pour obtenir des alliés
le la France restât libre dans le choix de son
uvernement.
f Après le retour des Bourbons, le général crut
fudent de passer en Angleterre, bien qu'il n'eût
; s été porté sur la liste de proscription. 11 revint
1816,etfutadmis au traitement de demi-solde.
i 1819, la Corse le choisit pour député. Il prit
e part active aux discussions, et compla bien-
; parmi les chefs de la gauclie. En 1824
ministère parvint à empêcher sa réélection ;
pis en 1826 les électeurs de Vervins l'appe-
pent à remplacer Foy. La révolution de 1830
porta au pouvoir : il reçut dès le 1 1 août le
rtefeuille de la marine, qu'il échangea, le
{ novembre suivant, contre celui des affaires
angères. Instrument passif du roi Louis-Phi-
pe, et partisan comme lui de la paix à tout prix,
Ise vit attaqué violemment par l'opposition,
ifrtout par le général Lamarque (1). Il remit son
ifrtefeuille à M. deBroglie, en octobre 1832, et
ilîtra au conseil le 22 mars 1833, comme mi-
itresansdépartement.En 1834 la chambre ayant
fêté le traité provisoire qu'il avait signé avec
| États-Unis pour le payement d'une indemnité
I 25 millions, il se retira tout à fait du cabinet
■r avril), et accepta, le 4, l'ambassade de
pies; il la quitta au mois d'août, et prit, ie
anvier 1835, celle de Londres. Dans ce der-
r poste il suivit les négociations relatives à la
istitution du royaume de Belgique, au droit
Ti'site, à la question d'Orient. Remplacé, le
evfier 1840, par M. Guizot, il fut nommé mâ-
chai de France le 21 octobre suivant, et re-
t sa place à la chambre , où il fut jusqu'en
i8 constamment réélu par la Corse. On l'y
;endit rarement, et ses discours ne furent pas
hauteur de son ancienne réputation, plu-
rs attaques d'apoplexie ayant affaibli ses fa-
tés. La mort de sa fille unique, la duchesse de
slin (voy. ce nom), qui périt assassinée par
mari, le 17 août 1847, porta un coup fatal
santé de Sebastiani. Il passa ses derniers
1rs dans le deuil, et mourut à soixante-seize
B le 20 juillet 1851. Son corps frit inhumé
!s l'église des Invalides. Sebasliani s'était marié
Bl805, avec M"e de Coigny, morte en couches,
[> mai 1 807 , à Constantinople ; sa seconde femme,
ic de Gramont, mourut le 21 février 1842 à
Iris. Il avait reçu en 1808 le titre de comte. Son
pi est inscrit sur l'arc de triomphe de l'Étoile.
I) On a plus d'une fois reproché à Scbastfani d'avoir
|>noncé ce mot cruellement fameux, qui fut comme
.?ttaphe de la Pologne vaincue : L'ordre régne à Far~
wie. Voici le teste même de sa courte réponse aux ora-
Mrs de l'opposition, le 1B septembre 1831 : «Le gou-
i rnement a communiqué tous les renseignements qui
fiaient parvenus sur les événements de la Pologne. Il
jppris qu'une capitulation avait mis au pouvoir des
■sses la ville et la place de Varsovie ; que l'armée pu-
naise s'était retirée dans les environs de Modlin ; que
000 hommes se trouvaient en Podlaqule, et qu'en-
Ijî, au moment où l'on écrivait, la. tranquillité
'.Isnait a Varsovie. » {Moniteur} 1831, p. 1691 ),
; '2oI. )
G66
Nous n'avons vu Sebastiani qu'à l'époque où,
vieux, cassé , goutteux, les traits affaissés, les
yeux éteints, la parole lourde, il n'éveillait pas
même un souvenir de son brillant passé. Il avait
été cependant distingué par sa beauté, son élé-
gance et son esprit plus encore que par sa bra-
voure. L'abbé de Pradt l'appelait le Cupidon de
l'empire. « 11 a reçu de la nature, dit Loëve-
Weimars, un physique des plus séduisants, une
de ces allures qui font insurrection dans les sa-
lons et dans les boudoirs; il est d'une taille
moyenne, mais bien prise; tous ses gestes sont
gracieux... Sa figure ronde et pleine a quelque
chose d'angélique et de chérubin ; de longs che-
veux bouclés encadrent merveilleusement sa
tête harmonieuse , qui semble une conception
raphaélique. » Les Souvenirs de la comtesse
Merlin complètent ce portrait ; « Il causait, dit-
elle, avec une grâce à nulle autre pareille, car,
même lorsqu'il s'écoutait trop, ce qui lui arri-
vait souvent , on se sentait porté à lui pardon-
ner en faveur de sa physionomie fière et sympa-
thique. » Il ne faut pas que cette réputation, un
peu ridicule, fasse oublier les services ren-
dus par Sebastiani à la France, ses succès mi-
litaires , son ambassade de Constantinople, ses
luttes politiques de la restauration et ses tra-
vaux sous le gouvernement de Juillet. Il n'avait
pas , à proprement parler de l'éloquence , mais
une grande facilité ^d'argumentation, qui, malgré
l'emphase de sa diction compassée, embarrassait
souvent ses adversaires. On a imprimé de lui
quelques discours, et on lui attribue l'ouvrage
intitulé : État actuel de la Corse (Paris , 1821,
in-8°), et qui porte le nom de P.-S. Pompei.
Loménie , Galerie des contemp. illustres, t. VIS. —
Sarrut et Saint-Edme, Hommes du jour, t. I. lre part. —
Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État. —
Rabbe, Viellh de Boisjolin et Sainte-Preuve, Biogr. univ.
et port, dès contemp. — Loéve-Weimars, dans la
Revue des deux mondes, 15 déc. 1833. — Moniteur de
l'armée, juillet 1851.
* sebastiani (Jean-Atidré-Tiburce , vi-
comte), général, frère du précédent, né le 31
mars 1786, à la Porta d'Ampugnano (Corse).
Du prytanée de Paris il passa à l'école mili-
taire de Fontainebleau, et fut nommé en 1806
sous-lieutenant de dragons. Il servit d'abord
en Portugal , puis en Espagne, sous son frère
(1809 àl811),etpritpartauN batailles de Ciudad-
Real, de Talaveira et d'Almonacid. Appelé, en
1812, à la grande armée, il fit la campagne de
Russie , et se distingua surtout à la Moskowa.
Colonel en 1813, il combattit à Leipzig et à Ha-
nau; sa conduite fut très-brillante pendant la
campagne de 1814 ainsi qu'à Waterloo Placé
en 1818 à la tête de la légion corse (depuis
10e léger), et nommé en 1823 maréchal de
camp à l'ancienneté, ses idées personnelles et la
conduite politique de son frère ne tardèrent pas
à le faire mettre en non-activité; ses compatriotes
l'élurent en 1828 membre de la chambre des
députés. A la fin de l'année il fut attaché à
C67
SEBASTIAN!
SÉBASTIEN
66:
l'expédition de Grèce, et s'empara de Coron. Le
gouvernement de Juillet lui donna le grade de
lieutenant général, et l'envoya au siège d'Anvers
(1832). Élevé à la pairie "en 1837, il eut le 29 oct.
1842 le commandement de la division militaire
de Paris, et fut nommé grand-croix de la Légion
d'honneur (5 janvier 1845). Remplacé dans le
commandement de Paris par le maréchal Bu-
geaud, le 23 février 1848, il resta fidèle à la
monarchie qui tombait, et se retira en Corse, pour
y vivre loin des agitations politiques.
Vapereau, Dict. univ. des contemp.
SE3AST5AN0 DEL PlOMBO. Voy. LUCIANO.
Sébastien, roi de Portugal, né ci Lisbonne,
le 20 janvier 1554, mort en Afrique, le 5 août
1578. 11 était petit-fils de JoâoIH, etfilsdu prince
Joâo (1) et de Juana, fille de Charles-Quint. Or-
phelin dès l'enlance, il fut appelé en juin 1557 à
succéder à son grand-pèrè. On lui choisit pour
précepteur Luiz-Gonçalvez de Camara, jésuite,
qui devait continuer durant cette minorité la-
borieuse la politique malheureuse suivie par
Joâo III. La régence fut confiée à la vieille
reine Catharina, dont l'intelligente administra-
tion sut maintenir le royaume dans une appa-
rente prospérité. Sébastien eut une jeunesse fou-
gueuse : d'un caractère violent, d'un courage té-
méraire, il se plaisait à dompter les chevaux, à
braver la fureur des éléments, à s'aventurer sur
une frêle barque au milieu d'une tempête, à
éprouver son adresse ou sa force herculéenne ,
à s'exercer dans les tournois et dans les combats
de taureaux. A quatorze ans on l'appelait un
autre Alexandre, et on le poussait à réclamer
le pouvoir. La régente, lasse de lutter contre les
sourdes intrigues du P. Camara, se retira, et
remit au cardinal infant la direction des affaires
(1562). Quelques années après on s'occupa de
marier le jeune roi : en 1571 on entama des
négociations, qui n'aboutirent pas, pour de-
mander Marguerite de Valois , sœur de Char-
les IX. Peut-être cette alliance eût- elle im-
primé un cours différent aux destinées du
Portugal. Mais s'il faut laver Philippe II du
crime politique qu'on lui a imputé, s'il ne fut
pour rien dans la journée où l'imprudent mo-
narque joua son royaume contre une heure de
vaine gloire, on peut l'accuser d'avoir perdu son
propre neveu en s'opposant à cette alliance pour
se la réserver. Ce fui le P. Camara qui conduisit
les négociations, dont la rupture amena sa dis-
grâce (2). Sébastien ne se maria point.
Le fait qui domine le règne de Sébastien,
c'est sa double expédition en Afrique. La foi re-
ligieuse l'y entraîna : il voulait continuer les
croisades, reprendre le tombeau du Christ, de-
venir maître de la Terre-Sainte; l'idée était
(ij Né à Evora, en 1537, et mort en 1534.
(2) Ces fails, sur lesquels les historiens passent d'wdl-
nai:<î si rapidement , sont éclaircis par les documents
diplomatiques insérés dans le Quadro clemmtar dus
Rùîaçoes politicas, etc., de m. de Saatanera , t. III,
in-8".
grandiose, mais le génie manqua à l'exécution
Au temps où Sébastien devint maître de se
volontés, le Maroc était en proie aux déchire
ments de la guerre civile. Deux compétiteur.'
l'oncle et le neveu, se disputaient avec acharne
ment l'empire ; le premier, Muley Abd-el-Melefc
était parvenue refouler le second, Muley Mo
hammed, jusque dans le royaume de Sous. C
dernier, en réclamant ie concours de Sébastier
s'était engagé à lui livrer les ports les plus in
portants du territoire, qu'il convoitait. Cetf
proposition inattendue s'accordait trop avec le
secrètes espérances du jeune prince pour qu'
ne l'accueillît pas avec empressement. On sa
aujourd'hui, contrairement à ce qu'on ava
avancé, que Philippe II ne poussa pas so
neveu dans cette entreprise, et que même, dat
une entrevue qu'il eut avec lui à Guadalu[
( 1577 ), il l'en dissuada par les raisons les plt
fortes et refusa de lui accorder le moindre sul
side (1). Lorsqu'il prit le parti d'opérer une de;
cente dans le Maroc, Sébastien n'en était pas
son premier voyage dans cette contrée. Déjà, e
1574, malgré les prudents conseils de la vieil
reine, il avait entrepris une sorte de recoi
naissance sur les côtes d'Afrique, sans qu'il e
résultât pourtant rien de notable. Pour l'expéd
tion de 1578, il eut recours aux mesures l<
plus arbitraires , et ne voulut prendre couse
que de lui-même. En s'adressant au pape, i
grand-duc de Toscane et au duc de Nassau ,,
parvint à réunir treize mille hommes d'ini'ai
terie, dix-huit cents cavaliers, onze à douï
pièces de canon. Cette petite armée (2), ni
pourvue de vivres, devait en débarquant rallii
Muley-Mohammed, dont le contingent ne s'éle\
en réalité qu'à quatre cents Arabes. Le duc d'A
veiro fut nommé capitaine général ; mais l'a
dente activité du roi lui laissa peu de chose
faire; Diego de Souza commanda la flotte, for
de 900 navires. Sébastien s'embarqua queiqu<
jours avant le départ des troupes (3), qui ei
lieu le 25 juin 1578.
Sébastien recueillit quelques troupes à Lag»
dans l'Algarve, puis à Cadix, où il fut splend
dément reçu par le duc de Medina-Sidonia , fi
taie relâche qui fit multiplier les dépenses outi
mesure et jeta l'armée dans un incroyable di
sordre. A Tanger, le roi trouva le prétendai
maure et sa petite troupe ; de là il se rendit a
fort d'Arcila, où s'opéra le débarquement g<
(t) Foy., à ce sujet, Hlstoria de Portugal (Madm»
1581), d'Antonio de Herrcra. Philippe II négociait al»
avec le souverain régnant du Maroc un traité d'allian
et de commerce.
(2) On y comptait 8,000 Portugais, 3,000 Allemand
600 Italiens, et une suite nombreuse de femmes et ■
valets. Grégoire XIII avait accordé a cette petite arm
ce qu'on appelait la concession de la croisade: il av<
de plus recruté pour elle quelques hommes en Espag
et en Irlande.
(3) Plusieurs jours auparavant, i! avait reçu u:
lettre , où Muley Abd-el-Melek lui faisait connaît
avec simplicité l'état réel des choses et le sort qui l'a
tendait.
0<j SÉBASTIEN -
■léral. Quinze jours s'écoulèrent sans qu'il fit
1 iucun mouvement offensif. Pendant ce temps ,
I Îbdel-Melek, quoique atteint déjà du mal qui
levait l'emporter, agissait avec une diligence
è ktrème ; il se porta au-devant des envahis-
Bburs avec une nombreuse année, qui comptait
Ks,000 cavaliers, 7,000 gens de pied et 34 ca-
I (uns, sans parler des hordes indisciplinées qu'il
1 itrainait à sa suite. La rencontre eut lieu le
■ août 1578.au milieu d'une plaine qui s'éten-
Kjait entre l'Oued Mkhâzen et l'Oued Loukkos.
Se fut Abd-el-Melek qui commença l'attaque; il
Brait disposé sa cavalerie en un vaste demi-
Jprcle afin d'entourer de toutes parts l'armée
netienne. Sébastien, s'élançant avec impétuo-
té à la tète de l'avant-garde, remporta unpre-
ùer avantage ; mais de fausses manœuvres, la
jpériorité des forces de l'ennemi, l'insuffisance
t l'inhabileté de l'artillerie portugaise, lui
tent perdre en quelques instants ce qu'il avait
lagné. Tavora, le duc d'Aveiro, et beaucoup de
[apitaines donnèrent en vain des preuves du
plus brillant courage ; avant la fin de la journée,
i bataille était perdue complètement. Abd-el-
[elek ne jouit pas de son triomphe. Épuisé par la
îaladie, il était mort dans sa litière, en posant
n doigt sur ses lèvres pour ordonner un silence
Ibsolu. Sébastien combattait toujours ; son
heval avait été tué sous lui ; un sujet dévoué
ai donna le sien , et il se jeta au fort de la
îêlée. Ce fut là qu'il succomba, frappé de sept
lessures. Le lendemain son corps fut décou-
Rert parmi les morts ; son page le reconnut, le
laça sur un cheval, et le conduisit à Fez, où on
ni donna une sépulture provisoire. L'infant
ardinal, qui s'était fait sacrer roi le 28 août,
ntama aussitôt des négociations, pour qu'on lui
tendît le corps de son neveu : le nouvel em-
pereur de Maroc, Moula-Ahmed, le fit remettre
fans Ceutamême, le 4 décembre 1578, à Diniz
le Pereira, gouverneur de la ville. De là il fut
tansporté en Europe et enterré sans pompe au
ouvent de Belem (1). Ferdinand Dents.
Barbosa Machado, Memorias. — Manuel dos Santos,
Hittoria Sebastica. — Bernardo da Cruz, Lhronica de
Dom Sebastiâo ; Lisbonne, 1837, in-8°. — Ieronymo de
4endonça, Jornada de Africa, ein que se responde a
eronymo tranqui et se tracta do successo da batalha
ïaptiveiro, etc. ; Lisbonne, 1G07, in- 4°, et 1783, in-S°. —
Ibras ïneditas de J. Osorio ; Lisbonne, 1818. — Te-
•eira Bayam, Portugal cuidadoso e tastimoso em a
(1) Comme nulle mort de prince- souverain' ne fut
lus mystérieuse que celle de Sébastien , il n'y en a
as eu non plus qui ait suscité tant de faux préten-
ants à l'héritage d'une couronne dont Philippe II avait
Mu s'emparer. Il est certain que si les pseudo-Sébasliens,
Pfiui se succédèrent durant toute la seconde partie du sei-
zième siècle, se servirent de moyens bien grossiers et
V Surtout bien audacieux pour obtenir une couronne, il y
pfsn eut quelques-uns qui furent si prodigieusement ser-
I" Irts par une ressemblance fortuite et par les renseigne-
ments qu'ils avaient su se procurer, que leurs préten-
l Kions excitèrent les plus vives sympathies et produi-
sirent les plus absolus dévouements. Il faudrait un vo-
| |lume pour les citertous, depuis le pastelcro da Madrigal
I jlusqu'à celui qui vint à l'aris loger dans une maison de
la rue de La Harpe.
SECKENDORF
G 70
vida e perda do D. Sebastiûo; Lisbonne, 1837, in fol.
— Manuel de Menezes, Chronicado I). Sebastiûo; Lis-
bonne, i7:io, in-fol. — i.citao de Andrade, Miscellanea,
p. 72 et suiv.; Lisbonne, 1629, ln-4°. — Rebello da Sylva,
Historia de Portugal nos secvlos XFll e X^lll; Lis-
bonne, isr,2, ln-8°. — 1". Denis, Portugal.
seconde (Raimond de Sabdnde ou), philo-
sophe espagnol, né à Barcelone, au quatorzième
siècle. Sa vie est à peine connue. Il professait en
1430 la médecine à Toulouse ; on place sa mort en
1432. 11 a composé, outre plusieurs ouvrages restés
manuscrits, une Theologia naturalis, sive Liber
creaturarum (Deventer, 1487, in-fol.), dont on
a plus de dix éditions. Ce traité, dont le prologue
fut mis à l'index, contient 330 chapitres. L'auteur
expose la doctrine de saint Thomas avec la mé-
thode de Raimond Lulle. Quelques-uns de ses
arguments sont faibles, et des subtilités se mêlent
à ses explications. Ce qui a donné de la célébrité
à cet ouvrage, c'est la traduction qu'en a faite Mon-
taigne ( Paris, 1569, in-8°). Il trouve la fin que
Sebonde se propose « par raisons humaines et
naturelles d'eslablir et vérifier contre les athéistes
tous les articles de la religion chrestienne, »
hardie et courageuse, et il ajoute qu'il l'a atteinte
avec bonheur. Aussi consacre-t-il un long cha-
pitre des Essais àfaire l'apologie de Sebonde. Il
reste encorede ce dernier : Denaturahominis;
Cologue, 1501, in-4° : c'est un abrégé de la
Theologia naturalis, qui a été traduit deux fois
en français (Arras, 1600, in-16, et Paris, 1566,
in-8" ). Amos Comenius a abrégé aussi le livre de
Sebonde, sous ce titre : Oculus %dei, Theologia
naturalis (Amst, 1661, in-8°), pour en rendre
la lecture accessible et aux protestants que l'ori-
ginal condamnait, et aux hommes de goût, que
la barbarie du style repoussait. G. IL
Montaigne, Essais, liv. II, ch. xn. — Bayle, Dict —
Tieflemann , Esprit de la philosophie spéculative. —
Sainte-Beuve, Port-Royal, t. IL — J. Holberg, De theo-
logia naturali II. de Sebonde ; I8't6, in-S°.
secchi ( Giovanni-Batlista ), dit le Cara-
vaggino, peintre, né à Caravaggio, florissait en
1619. Il a laissé à Milan plusieurs œuvres im-
portantes, telles qu'une Adoration des mages,
et une Piété.
Lanzi, Sioria. — Pirovano, Guida di Milano.
SECHEELES. Voy. HERAULT.
seckendorf (Gui-Louis de), homme d'É-
tat et historien allemand, né le 26 décembre
1626, à Herzagenaurach (Bavière), mort le 18
décembre 1692, à Halle. Sa famille était une des
plus anciennes de laFranconie. Fils d'un colonel,
il fut élevé sous la surveillance d'Ernest le Pieux,
duc de Gotha, qui, après lui avoir fait étudier à
Strasbourg la philosophie, l'histoire et le droit,
prit soin de l'instruire lui-même sur les points
les plus difficiles de la politique et du droit
public. A vingt-deux ans il était son chambellan,
et à trente conseiller intime. Nommé chancelier
en 1664, il quitta la cour en 1665, on ne sait pour
quel motif, et entra au service de Maurice , duc
de Saxe-Zeitz , qui le prit aussi pour chancelier
et le mit à la tète du consistoire. Après la mort de
671
SECKENDORF
67Î
Maurice (1681), il se retira dans ses domaines, à
Meuselwitz près d'A'ltembourg, et partagea son
temps entre l'étude et l'éducation de deux de ses
neveux, dont l'un devint feld-maréchal. En 1692
il fut nommé chancelier de l'université de Halle,
nouvellement fondée, et dont il réconcilia les
professeurs , pour la plupart partisans de Spener,
avec les pasteurs orthodoxes de la ville. Modèle
de toutes les vertus , Seckendorf possédait des
connaissances aussi étendues que variées. On a
de lui : Der deutsche Fûrstenstaat (La Prin-
cipauté allemande); Gotha, 1665; Iéna, 1720,
1754, in-8° : exposé de la meilleure manière de
gouverner les États de l'Allemagne ; — Chris-
tensiaat (L'État chrétien) ; Leipzig, 1685, 1716,
in-8° : défense du christianisme contre les libres
penseurs; — Reden (Discours); Leipzig, 1686,
in-8° ; — Comm. historicus et apologeticus de
Luthéranisme; Leipzig, 1686-1692, 1694,
5 vol. in-fol.;trad. en allemand, Leipzig, 1714,
3 vol. in-4o, un abrégé fait par Junius etRoos a
ététrad. en français, Bâle, 1784, 5 vol. in-8° :
cet ouvrage, dirigé contre V Histoire du Luthé-
ranisme du P.Maimbourg, est précieux, surtout
par les nombreux documents inédits, concer-
nant la réforme et que Seckendorf a tirés des
archives saxonnes ; — Jus publicum romano-
germanicum ; Francfort, 1687, in-8°. Secken-
dorf a collaboré aux Acia eruditorum et i! a
mis la Pharsale en vers blancs (Leipzig, 1695).
Chr. Thomasius, Oratio in Seckendorftum ; Halle, 1692,
in- 4°. — Schreber, Vita Sechendorfii; Leipzig, 17S3,
in-'<-°. — Schrœckh, Lebensbeschrcibungen beriihmter
Celehrten — Pipping, Mémorise theologorum.
seckendorf (Frédéric- Henri, comte de),
capitaine et diplomate, neveu du précédent, né le
16 juillet 1673, à Kœnigsberg en Franconie, mort
le 23 novembre 1763, à Meuselwitz. Il fut élevé
chez son oncle et instruit dans les belles-lettres
par Cellarius. Il abandonna l'étude du droit pour
s'engager dans l'armée hollandaise. En 1697 i!
reçut un brevet de capitaine dans les troupes du
margrave d'Anspach ; il se distingua dans les
campagnes du Rhin, de Hongrie et des Pays-
Bas. A la bataille deHochstedt, où il commandait
un régiment de dragons, sa bravoure lui valut
les félicitations de Marlborough et du prince
Eugène. Placé à la tête d'un régiment d'infan-
terie , il prit une part active aux guerres de
Flandre jusqu'en 1709. A cette date il passa au
service d'Auguste, roi de Pologne, qui l'envoya en
1712 en ambassade à La Haye et qui le chargea
en 1713 de réprimer une insurrection qui avait
éclaté dans ses États. En 1716 Seckendorf rentra
dans l'armée impériale avec le grade de feld-
maréchal lieutenant, et seconda habilement les
opérations du prince Eugène contre les Turcs.
En 1719 il alla s'enfermer dans la place de Mi-
lazzo en Sicile, assiégée par trente mille Espa-
gnols, parvint à les faire battre en retraite,
et s'empara avec une rare audace de l'île de Li-
pari. Nommé en 1726 ambassadeur d'Autriche
auprès du roi Frédéric-Guillaume 1er, il s'in-
?inua avec tant d'adresse dans ses bonnes g'-âess
qu'il lui fit signer, contre l'intérêt manifeste d<
la Prusse, un traité d'alliance avec l'empereur
Ce fut encore lui qui négocia le maiiage di
prince royal ( plus tard Frédéric II ) avec uni
princesse de Brunswick, contre le gré duprino
et des parents eux-mêmes, qui avaient en vni
d'autres alliances. En revanche, il sauva la vii
au jeune Frédéric , que son père voulait fain
condamner à mort après sa tentative de fuite
En 1732, il fut attaché à l'armée du Rhin pou
seconder le prince Eugène ; en 1735, à la têted
quarante mille hommes, il défit à Clausen l'ar
mée française, ce qui détermina la conclusio
de la paix. En 1737 il prit le commandemeii
en chef des troupes impériales envoyées contr
les Turcs. Mais le déplorable état de l'armée «
des forteresses, le mauvais vouloir de plusieur
de ses généraux et diverses circonstances ma!
heureuses lui firent éprouver revers sur reven
et [il fut forcé de se retirer derrière la Save. Le
nombreux ennemis qu'il s'était faits à Ja corj
de Vienne , en dénonçant les dilapidations d(
fonctionnaires chargés du matériel de guerre <
des approvisionnements , s'empressèrent d'e)
citer contre lui la haine populaire, arrachèrent
l'empereur sa destitution et le firent mettre «
jugement pour trahison. Quoique la commii
sion nommée à ce sujet l'eût déclaré innocen
il fut retenu en prison pendant trois ans. A se
avènement Marie-Thérèse lui rendit sa liber
et tous ses emplois (1740); mais l'époux (
cette princesse lui fit supprimer son traitemei
de feld-maréchal. Avide de vengeance, Seckei
dorf se mit au service de l'électeur de Bavièr
qui venait d'être proclamé empereur et qui 1
confia la direction presque entière de la guerr
Il fit preuve de grands talents militaires ; ma
l'insuffisance de son armée, qui fut mal
condée par les Français, paralysa ses opén
lions. En revanche il fut très-utile à i'étectei
en négociant en sa faveur l'union de Francfo
(1744 ). Après avoir, peu de temps après, recoi
quis la Bavière sur les Impériaux dans ui
brillante campagne, il résigna son command
ment, et négocia l'année suivante, entre le fi
de Charles Vil et la cour d'Autriche, le traité i
Fussen, que Frédéric H, toujours partial quai
il parle de Seckendorf, lui a si injustement r
proche. Rétabli à cette époque dans toutes l
charges qu'il avait exercées en Autriche, il allai
fixer dans ses terres, à Meuselwitz. Il se vit en 1 il
arraché de sa retraite et transféré dans la fo
teresse de Magdebourg, par ordre de Frédéric]
qui le soupçonnait d'entretenir une correspoi
dance avec les ministres autrichiens ; il ne f
relâché que six mois après, contre le payeme
d'une rançon de dix mille écus. De manier
simples, ouvertes, et empreintes d'une certaii
gravité, Seckendorf savait effacer l'effet disgr
cicuv de sa physionomie par une habileté coi
sommée, par une conversation appropriée
k
3 SECKENDORF
ractère de ses interlocuteurs, et où il savait
ns l'occasion faire valoir son instruction solide.
■ tichmettau, Mémoires de la guerre de Hongrie. —
H llnltz, Mémoires. — Frédéric II, OEuvres. — La mar-
1 ivc de liayreuth, mémoires. — Thereslus de Sccken-
mtrt, Lebensbeschrcibung de Grafen von Seckendorf ,•
H pîlg, 1792-1794, tn-8°. — Woltiuann, Geschichte und
Mlitik, année 1801. — Fœrster, Die Cabinette Europas
1 y.er dem Kuiser Karl VI.
sf.com» (Jean EvEiUERTS,dit Jean), en la
Secundus (1), poëte latin moderne, né à La
ye, le 10 novembre 1511, mort à Tournai, le
>clpbre 1536. Il était fils d'un magistrat dis-
gué, Nicolas Everaerts, qui mourut en 1532.
Kit d'excellentes études , et se passionna de
ane heure pour la poésie latine. Son père l'en-
ya faire son droit à Bourges, sous Alciat; et
! reçut le bonnet de docteur, en 1533. De re-
iràMalines, où résidait sa famille, il accepta,
ur voyager, les fonctions de secrétaire intime
l'archevêque de Tolède. Charles-Quint l'at-
bha à sa personne, et l'emmena dans son expé-
'ion contre Tunis, en 1534. Le climat de l'A-
pie ayant altéré sa santé, il fut obligé de re-
lair dans son pays natal. L'évêque d'Otrecht,
orges d'Egmond, qui résidait à Tournai, le prit
rs à son service; mais la maladie dont il avait
jporté le germe de Tunis le conduisit préma-
ément au tombeau. Il mourut à l'âge de vingt-
q ans. J. Second doit sa célébrité à ses poésies
ines : les Baisers (Basia), au nombre dedix-
uf, y tiennent le premier rang. Il faut y joindre
bis livres d'Élégies, des Épigrammes, des
fies, des Épîtres, etc. Du feu, de la grâce et de la
luceur, des accents tendres, voluptueux, joints
beaucoup de naturel, ont assuré à J. Second ,
ïlgré quelque afféterie et un abus de facilité,
des premiers rangs parmi les poètes de la
naissance. On peut le comparer à Catulle chez
anciens. La première édition de ces poésies
ide 1541 (Utrecht, in-12) ; elles ont été sou-
nt réimprimées, soit séparément, soit avec
Iles des frères de l'auteur. Bosscha les a pu-
ées avec des commentaires (Leyde, 1821,
ol. in-8°). Elles ont été traduites en tout ou en
[rtie par Dorât, E.-T. Simon (1786), Mirabeau
790), le poëte Tissot (1806) et Loraux (1812).
Deux frères de J. Second , Adrien- Marius et
colas- Grudius Everearts, ont cultivé comme
la poésie latine et s'y sont fait un nom.
eerlkamp, ntx Belgarum. — Van der Aa, Biogr.
oordenboek der Nederlanden.
secondât (Jean-BaptisteMronDE), agro-
me français, né en 1716, à Martillac (Gironde),
Ort le 17 juin 1796, à Bordeaux. Il fit de bonnes
odes sous la directionde Montesquieu, son père,
l'accompagna dans quelques-uns de ses voya-
is. Il demeura toute sa vie simple conseiller
parlement de Bordeaux. Il adopta avec sa -
.1) Selon Burmann , il prit le nom de Second pour se
Hjtlnguer d'un oncle nommé aussi Jean. Selon Bosscha,
jle reçut de son père, qui, ayant perdu l'un de ses dix-
lut enfants, rebaptisa celui-ci du nom de celui qui était
3rt auparavant.
NOUV. BIOGR. GÉNÉR. — T. XLIU.
— SECOUSSE 674
gesse les principes de 1789 et, protégé à la fois
par la simplicité de sa vie, par ses vertus mo-
destes et par la gloire de son père, il échappa
aux persécutions. Il consacra aux lettres tous scè
loisirs. On a de lui : Mémoire sur V électricité ;
Paris, 1750, in-8» : réfutation de la théorie que
l'abbé Nollet venait de donner de cette décou-
verte, alors récente ; — Observations de phy-
sique et d'histoire naturelle sur les eaux mi-
nérales de Dax, de Bagnères et de Baréges ;
Paris, 1750, in-12; — Considérations sur la
constitution de la marine militaire de la
France ; Londres, 1756, in-8°; —Mémoires
sur l'histoire naturelle du chêne, sur la ré-
sistance des bois, sur la maladie des bœufs
en 1774, sur laculture de la vigne; etc.; Paris.
1785, in-fol. lia aussi traduit de l'anglais de Gee
Considérations sur le commerce et la naviga-
tion de la Grande-Bretagne (Paris, 1 750, in-12).
Son ;ieveu, Secondât-Montesquieu {Jean-
François de Paule, chevalier de), né en 1752,
fut capitaine au régiment de Jarnac, et mourut
le 21 juillet 1821, à Auch.
Bernadau, Hist. de Bordeaux.
second© (Giuseppe-Maria), littérateur ita-
lien, né en 1715, à Lucera (royaume de Naples),
mort en février 1798, à Naples. Il fit de bonnes
études à Naples , fréquenta le barreau et entra
dans la magistrature; la dernière charge qu'il
remplit fut celle de conseiller de la cour su-
prême de justice. Il avait été gouverneur civil de
l'île de Caprée. C'était un véritable érudit, aussi
versé dans l'antiquité latine que dans la littéra-
ture de la France et de l'Angleterre. On a de
lui : Belazione storica dell' isola di Capri;
Naples, 1750, in-8°, et dans le t. III des Sym-
bolse litterariœ de Gori; — Storia delta
vita di C. Giulio Cesare; ibid., 1776-77, 3 vol.
in-8°,fig.; Venise, 1782, 5 vol. in-12 : c'est l'ou-
vrage le plus étendu auquel César ait donné
lieu; il a été écrit d'après les sources originales.
Secondoatrad. del'anglais: Vita di Cicérone de
Middleton (Naples, 1744, 1762, 5vol. in-8°), et
Ciclopedia, o Dizionario universale de Cham-
bers(ibid., 1747,9 vol. in-4°), avec des additions.
Dizionario storico italiano.
secousse (Denis-François), historien fran-
çais, né le 8 janvier 1691, à Paris, où il est mort,
le 15 mars 1754. Sa famille était de robe et son
père, Jean-Léonard, mort en 1711, avait plaidé
avec un certain éclat. Il avait un frère cadet, qui
mourut eu 1770,curéde l'église Saint Eustache(l).
Ayant achevé sous la discipline de Rollin de
fortes études, il se fit recevoir avocat au parle-
ment de Paris (1710). Peu de temps après la
mort de son père, ;il se consacra tout entier à
l'investigation scrupuleuse des annales grecques,
romaines et françaises , se proposant sur toute
matière, suivant la méthode des Ducange, des
Duchesne, des Montfaucon, des problèmes his-
(i)'U s'appelait Jean- François- Robert, et il est auteur
de deux brochures anonymes, et d'un éloge de son frère.
22
675 SECOUSSE
toriques , littéraires ou politiques, qu'il s'effor-
çait ensuite de résoudre avec une entière indé-
pendance. Admis en 1722 à l'Académie des ins-
criptions, il en fut un des membres les plus
laborieux. La liste des mémoires qu'il lui com-
muniqua est considérable. En 1728, après la
mort d'Eusèbe de Laurière, il fut chargé par
D'Aguesseau de continuer le vaste recueil des
Ordonnances. En 1746 il fut préposé par le
roi à l'examen des pièces conservées dans les
archives des villes des Pays-Bas nouvellement
annexées au territoire français, et il reçut
ordre de dresser une. Table chronologique des
chartes et diplômes concernant l'histoire de
France et disséminés dans divers recueils. Une
affreuse infirmité vintinterrompre les travaux de
Secousse quelques années avant sa mort : sa vue,
insensiblement affaiblie par des lectures trop
assidues, se perdit tout à fait ; il finit ses jours
dans une cécité complète , après s'être soumis
vainement, en 1751, à l'opération de la cataracte.
Il légua par son testament à la Bibliothèque du
roi un recueil d'extraits faits par lui-même en di-
vers dépôts, et se rapportant tous à l'histoire
de France. N'oublions pas de rappeler qu'il sut
exercer avec une modération constante les fonc-
tions de censeur royal, et qu'il refusa toujours
les émoluments de cette charge. On a de ce sa-
vant : Ordonnances des rois de France; Paris,
1723 et suiv., t. II à IX, in-fol. : il mourut avant
la publication de ce t. IX, qui tout entier est
son ouvrage; les excellentes préfaces qu'il a
mises en tête des volumes sont d'un philosophe
et d'un homme d'État; — Mémoires de Condé;
Londres (Paris), 1743, 5 vol. in-4°; l'édition de
Rouen, 1740, in-12, ne peut être comparée à
celle-ci; -— Table chronologique des Diplô-
mes ,in-foh; l'ouvrage ne commença de paraître
qu'en 1769, parles soins de Bréquigny; c'est
pourtant à Secousse qu'on doit les matériaux
des premiers volumes; — Mémoires pour ser-
vir à l'histoire deCharles H, roi de Navarre;
Paris, 1755-58, 2 vol. in-4° ; — Mémoire sur
les principales circonstances de la vie de
Roger de Saint-Lary de Bellegardé , maré-
chal de France; Paris, 1764, in-12. Outre ces
ouvrages, Secousse a communiqué à l'Académie
des inscriptions plusieurs dissertations, dont
quelques-unes ont été analysées, quelques autres
intégralement imprimées dans l'ancienne collec-
tion académique. On remarque parmi ces der-
nières : Sîtr V expédition d'Alexandre contre
les Perses ; Histoire de Sabinus et d'Epo-
nina;Sur l'union de la Champagne et de la
Brie à la couronne de France ; Paul de Foix,
archevêque de Toulouse; Sur l'attentat com-
mis par une partie des chevaliers de Malle
contre le grand-maître de La Cassière, etc.
B. Haijréau.
Mss. de Blanchard , à la Biblloth. des Avocats. — Éloye
de Secousse, par Bougalnvllle ( Htst. de l'Jcad. des
inscript., t. XX V), par Vilcvault, a la tête du t. IX des
Ordonnances, et dans la Biblioth. historique de Fcvret
- SEDAINE
de Fontette, t. III; par son frère, François Robert, à ' ,\
tête du Catalogue des livres de D.-F. Secousse, 17! ' i
in-8°. — Préface du t. I de la Table chronol. des <
•plûmes, par Bréquigny.
SECRETAIS ( Louis), homme politique suiss
né en 1758, à Lausanne, où il est mort, le 21 m
1839. Il s'était déjà fait connaître comme pub
ciste quand éclata en 1798 la révolution suiss
Nommé député au corps législatif, il pr
posa de rendre aux Israélites les droits de (
toyen dont ils avaient autrefois joui dans 1
cantons. Devenu avec La Harpe et Oberl
membre du Directoire exécutif, il essaya de r
péter à Berne le coup d'État qui s'était accor
pli en France le 18 brumaire. Les triumvi
suisses ne réussirent pas dans leur tentativ
Secretan perdit sa popularité, et fut soumis da
sa commune à une surveillance rigoureuse. C
pendant sa conduite modérée le rétablit da
l'opinion, et il rentra dans l'administration *
son pays, où il ne tarda pas à reprendre de l'il
fluence. 11 siégea en 1803 à la consultedes canfol
suisses convoquée à Paris, et en juin même anc
à la diète de Fribourg, où il approuva toutes
mesures prises par Napoléon comme médiate
de la Confédération helvétique. Les événemei
de 1814 et de 1815, en mettant fin à ses rappo
avec la France, ne changèrent rien à sa po
tion, et il continua de représenter le canton
Vaud à la diète, tout en occupant les fonctio
de vice-président de la cour des appels suprên
de ce canton. On a de lui : Réflexions sur ,
gouvernements; Londres, 1792, in-8°; — C
sei'vations sur la constitution helvétiqn
Lausanne, 1798, in-8°; — Réflexions sue
fédéralisme en Helvétie; Berne, 1800, in-î
— Mycograpkie suisse, ou Description c
champignons qui croissent aux environs
Lausanne; Genève, 1833, 3 vol. in-8°. lia |
biié les Mémoires de Falchenskiokl (Pas
1826, in-8°), avec une vie de l'auteur.
Moniteur universel, an vin. — Jay, Jouy, etc., Bit
nouv. des contemp.
sedaine {Michel-Jean), poète dramatiq
français, né à Paris, le 4 juillet 1719, mort
17 mai 1797, dans la même ville. Son père, <
était architecte, lui fit commencer ses étudt
mais ayant dissipé sa fortune, il l'emmena ai
lui dans le Berry, où on lui avait procuré
emploi dans les forges. Il ne tarda pas à y mû
rir de chagrin, et le jeune Sedaine revint à Par
Se trouvant, très-jeune encore, l'unique sout
de sa famille, il prit résolument son parti, et
fit maçon. Mais il avait gardé le goût des Ieitr»
et tout en travaillant de son rude métier de ta
leur de pierres, il continuait à lire et à étiidi
Un jour, l'architecte Buron le surprit un lii
à la main, dans l'intervalle des travaux : il l'i
terroge, il s'informe; bref, il le reçoit au noml
de ses élèves, et finit par se l'associer. Plus ta
Sedaine reconnut ce bienfait en élevant cornu
son enfant le petit-fils de Buron, qui fut le peint
David. Des pièces de vers d'un caractère fra
I
m
SEDAINE — SEDANO
678
■t enjoué le firent peu à peu connaître, notam-
I nent YÉpitre à mon habit, qui lui valut la
[(iroteclion efficace d'un magistrat, M. Lecomle.
Après avoir débuté en 1752 par un Recueil de
riùccs fugitives (Pms,m-12; réimpr. enl760),
aujourd'hui très-justement oublié, il aborda en
[ 11756 le théâtre par le Diable à quatre, ou la
double métamorphose, opéra-comique en trois
Jetés, donné à la foire Saint-Laurent avec beau-
coup de succès ; Philidor en avait fait la musique.
. la findel'année, il éprouva un échec au Théâtre-
talien avec la petite comédie d'.4ttac/'eoH;mais
se releva, en 1759, avec le charmant opéra-
omique de Biaise le Savetier. Puis vinrent suc-
gssivement l'Huître et les Plaideurs (17 59),
°,s Troqueurs dupés (17G0), qui ne réussit pas ;
î Jardinier et son seigneur (1761), On ne
■avise jamais de tout (1761), musique de Mon-
gny; le Roi et le fermier (1762), tiré, comme
? Diable à quatre, du théâtre anglais; Rose
? Colas, qui couronna, le 8 mars 1764, cette
lite déjà longue de succès par un triomphe
Jus éclatant que les autres. Tous ces ouvrages,
: spécialement les derniers, peuvent faire con-
dérer Sedaine comme un de ceux qui ont le
^us contribué à donner à notre opéra-comique
caractère et la forme qu'il a gardé, jusqu'à ces
erniers temps.
Encouragé par ces succès, il voulut s'élever
isqu'à la Comédie française. Il n'y donna que
eux pièces, mais toutes deux sont restées au
jpertoire : le Philosophe sans le savoir ( 2 dé-
ambre 1765), et la Gageure imprévue {17 68).
a première surtout n'est pas loin d'être unchef-
'œuvre (1). Sedaine fit encore jouer à l'Opéra -
lomique de nombreux ouvrages avec un bon-
eur qui se démentit rarement et auquel la col-
iboration musicale de Grétry ne fut sans doute
as étrangère. Ilsuffirade citer les Sabots (1768),
î Déserteur (6 mars 1769), Aucassin et M-
olette (1780), et Richard Cœur de lion
21 octobre 1784), qui est peut-être de toutes
es pièces celle qui obtint le succès le plus ex-
aordinaire. Il donna à l'Opéra Aline, reine de
oleonde, avec Monsigny (1766), Amphytrion
t Guillaume Tell. En 1786 il entra daDs l'A-
àdémie française à la place de Watelet. Il était
Èjà secrétaire de l'Académie d'architecture, quoi-
Iie, suivantLaHarpe, dont il ne faut pas prendre
i boutade à la lettre, il eût à peine quelques no-
ons d'architecture et n'en eût aucune de gram-
maire. La révolution ruina Sedaine, et le priva du
ftrequi lui était le plus cher, celui d'académicien.
I! se dédommagea, en se créant pour ainsi dire
i ne autre académie dans le Lycée des arts, où,
•près sa mort, son éloge fut prononcé. La vie de
fedaine se prolongea jusqu'à soixante-dix-huit
MA On raconte que, avant de la soumettre au jugement
jji public, il la lut à Diderot, et que l'enthousiaste cri-
jioe, transporté d'admiration, se jeta dans ses bris en
it-criant : a Mon ami, si tu n'étais pas si vieux, je te
ruinerais la main de ma fille. »
ans ; mais les infirmités vinrent avec la vieillesse.
11 tomba gravement malade, et sa mort ayant
été faussement annoncée, les journaux reten-
tirent d'éloges en son honneur. Il s'éteignit entre
les bras de sa femme et de ses enfants ( un fils
et deux filles), auxquels il ne laissait guère que
son nom pour fortune.
Malgré sa causticité naturelle, sa vivacité et
sa susceptibilité, le caractère de Sedaine était
bon, et surtout foncièrement honnête. Il s'était
fait un grand nombre d'amis, non-seulement parmi
les gens de lettres, mais parmi les artistes,
comme Houdon, Pajou et David. Avec son style
abrupt et son ignorance absolue de toutes les
finesses de la langue, il réussit, par l'irrésistible
attrait de la nature, à charmer cette société raf-
finée du temps de Louis XV, qui se reconnais-
sait dans les œuvres de Marivaux, Crébillon fils
et Dorât. Quelquefois , il est vrai, l'étonnement
de l'auditoire , dépaysé dans des parages nou-
veaux pour lui, se manifestait aux premières
représentations par un silence de mauvais pré-
sage, ou même par des murmures; mais, le pre-
mier moment de surprise passé, on applaudis-
sait à cette gaieté simple et vive, à ce dialogue
naïf et vrai, à ce sentiment toujours juste, à ces
situations claires et émouvantes, à cet art d'ao-
croitre l'intérêt et de le faire progresser jusqu'au
dénoûment. Sedaine était original, novateur
même à sa manière : il devait tout à l'instinct
de son génie, rien à l'imitation : il ne lui a peut-
être manqué, à cause des lacunes de sa première
éducation, que l'étude de la grammaire, le soin
et le sentiment du style, pour s'élever aux pre-
miers rangs. Indépendamment des œuvres citées,
on doit aussi à Sedaine : L'Impromptu de Tha-
lie, comédie impr. à la fin du Recueil de pièces
fugitives; — Maillard, ou Paris sauvé, tra-
gédie en prose, qui n'a pas été jouée; — Le
Vaudeville , poëme didactique en IV chants;
Paris, 1756, in-8°. Beaucoup de ses pièces de
théâtre figurent dans les répertoires de Petitot,
Lepeintre, etc. On a plusieurs fois réuni séparé-
ment ses OEuvres choisies, par exemple dans
la Collection des classiques français stéréo-
types ( 3 vol. ) , dans la collection Lahure
(1 vol. ), etc. V. Fourwei..
Grimm, Correspondance. — Fréron, Année littéraire.
— La Harpe, Cours de littérature. — Vie de Sedaine,
dans les OEuvres de Ducis. — Mme de Salm , Éloge de
Sedaine; Paris, 1797, in-8°.
sedano (Juan-Jose-Lopez de), littérateur
espagnol, né en janvier 1729, à Alcala de Hena-
rès, mort en 1801, à Madrid. Après avoir fré-
quenté les universités d' Alcala et de Salamanque,
il alla s'établir à Madrid , où la protection du
marquis de Squillace, alors ministre de Char-
les III, lui fit obtenir la direction du cabinet des
médailles. Il eut aussi la charge d'interprète des
langues orientales. Ses travaux littéraires l'ont
placé au second rang des écrivains de cette
époque; ils témoignent plus d'érudition que de
talent original. Ami de LaHuerla, et, comme lui,
22.
I
679
SEDANO
dévoué à la littérature nationale, il combattit les
partisans des idées françaises, et publia, outre
le drame de Jahel, une collection des meilleures
poésies, sous le titre de Parnaso espanol (Ma-
drid, 1768-78, 9 vol. in-12). Cet ouvrage, bien
que mal conçu et où l'on souhaiterait plus de
choix et de critique, est encore un monument
précieux pour la littérature espagnole depuis
Boscan et Garcilaso. Néanmoins Moratin et ses
amis en furent très-mécontents,et Yriarte, colla-
borateur de Sedano dans la feuille littéraire El
Balianisliterario, l'attaqua en 1778 dans un dia-
logue plein de sévérité. Sedano se justifia dans
une longue réplique, intitulée Colozquis de Es-
pina (Malaga, 1785, 4 vol. in-12), et signée
Juan-Maria Chavero y Eslava de Ronda. On a
encore de lui : Dissertation sur les médailles
et les monuments anciens trouvés en Espa-
gne; Madrid, 1789, in-4° ; — Explication des
inscriptions et des médailles trouvées en
Catalogne; Madrid, 1794, in-8°; — plusieurs
Mémoires communiqués à l'Académie d'histoire,
dont il était membre.
Ticknor, Hist. of spanish literature, III.
sedecias, dernier roi de Juda, né en 619
av. J.-C, mort vers 585, à Babylone. Il n'avait
que vingt et un ans quand Nabuchodonosor le
plaça sur le trône de Juda, à la place de Jecho-
nias. Son règne, qui dura onze ans, ne fut qu'une
suite de débauches et d'impiétés. Méprisant les
conseils du prophète Jérémie, il refusa de payer
tribut à Nabuchodonosor, qui, pour le punir de
sa mauvaise foi, envahit la Judée. Après avoir
repoussé le roi d'Egypte, que Sedecias avait ap-
pelé à son secours, ce prince assiégea Jérusalem,
et s'en empara au bout de dix-huit mois d'un
siège pendant lequel la ville eut à supporter les
horreurs de la famine et de la peste. Quant au
roi de Juda; il fut pris près de Jéricho( et con-
duit, chargé de fers, à Nabuchodonosor; on
massacra ses fils et ses amis ; on lui creva les
yeux et on le mena en captivité à Babylone, où
il mourut peu après. En lui finit le royaume de
Juda (587) ; il avait duré trois cent soixante-
quinze ans sous vingt et un rois.
Les Rois. — Jérémie. — Éiéchiel. — Josèphe, Hist.
anc. des Juifs, liv. x, ch. 10 et il.
sedi j.lot (Joseph), médecin français, né
en 1738, à Lyre (diocèse d'Évreux), mort le
15 février 1825, à Paris. Il fut d'abord chef du
service médical de l'hospice de la Salpétrière.
Il prit à Reims le grade de docteur, pratiqua à
Paris l'art des accouchements, et devint membre
de l'Académie de chirurgie. On a de lui deux
observations dans le t. Ier du Journal général
de médecine. Il a le premier fait usage de l'on-
guent mercuriel à l'intérieur dans tous les cas
de maladie vénérienne.
Sedillot ( Jean ) , médecin , frère du précé-
dent, né aux Vaux de Cernay, près Rambouil-
let, le 13 janvier 1757, mort aux Batignolles
(Seine), le 5 août 1840. Il étudia la médecine à
SEDILLOT C80
Paris, fut élève des hospices de la Salpétrière
et de la Pitié, puis entra à l'hôtel des Invalides,
dont Sabatier était alors chirurgien en chef. H
obtint à Reims, en 1784, le grade de docteur,
et devint bientôt médecin de la maison de Condé
Il fut le fondateur de la Société de médecine de
la Seine, qui le choisit pour secrétaire général
On a de lui : Réflexions sur Vétat présent de
la chirurgie dans la capitale et sur ses rap-
ports militaires; Paris, 1791, in-8°; — Ré
flexions historiques et physiologiques sur U
supplice de la guillotine; Paris, 1795, in-8°
l'auteur combat les idées de survie et d'arrièn
douleur dans la tête après la décapitation
créa en 1797 le Journal général de médecine
de chirurgie et de pharmacie, qu'il rédige;
pendant vingt ans, et dont il fit paraître 63 vol
in-8°. Il a collaboré à l'ancien Jotirnal de mé-
decine et au Dictionnaire des sciences médi
cales, et il a publié les Mémoires et observa
tions de B. Pelletier, son beau-frère (1798
2 vol. in-8° ), avec l'éloge de l'auteur. E. R
Biogr. univ. et portât, des eontemp. — Biogr. met
— Docum. partie.
sedillot (Jean - Jacques - Emmanuel)
orientaliste français, delà famille des précédents
né à Montmorency, le 26 avril 1777, mort
Paris, le 9 août 1832. Il était fils d'un notaitt
En sortant de l'École polytechnique, il fut l'a
des premiers élèves de l'école des langues orier
taies vivantes, dont il devint secrétaire apri
y avoir été attaché comme professeur adjoii
pour la langue turque, place supprimée en 1 SU
Il était depuis 1814 adjoint au bureau des loi
gitudes pour l'histoire de l'astronomie chez Ii
Orientaux. On a de lui : Traité des instn
ments astronomiques des Arabes, trad. t
Varabea" Aboul-Hassan-Ali, de Maroc; Pari:
1834-35, 2 vol. in-4°, ouvrage posthume mis 3
jour par le fils cadet de l'auteur. Il a donné d<
articles aux Recherches asiatiques, au Mage
sin encyclopédique, et au Moniteur univers*
(1807 et 1810). Tout ce qui est relatif aux Arab
et aux Orientaux dans VHist. de Vastronom
au moyen âge de Delambre est dû à Sedilfijl
que l'auteur cite fort souvent. E. R.
Notice en tête du Traité ci-dessus. — Rapport d
travaux de VAcad. des sciences, par Delambre, 1817
*sedillot (Charles- Emmanuel), chin
gien français, fils du précédent, né à Paris,
14 septembre 1804. D'abord élève interne d
hôpitaux, il embrassa la carrière de la m
decine militaire, et devint chirurgien sous-ai
en 1825i Dans la campagne de Pologne, qu
fit avec les insurgés (1831), ses services lui v
lurent la croix du mérite militaire. Chirurgi
aide-major en 1832, il fut nommé en 18
agrégé de la faculté de Paris, et en 1836 cl
rurgien-major et professeur à l'hôpital militai
du Val -de-Grâce. Envoyé en 1837 en Afriqu
il fit la campagne de Constantine. Professe
de clinique chirurgicale à la- faculté de Stra
:■
81 SEDILLOT •
>urg (1841), et professeur à l'hôpital militaire
• celte ville, il a obtenu en 1850 le grade
a médecin principal de première classe. 11 est
irrespondant de l'Académie des sciences et de
académie de médecine. Ses principaux ouvrages
>nt : Manuel de médecine légale; Paris, 1830,
336, in-18; trad. en italien et en portugais; —
ie la clique polonaise ; Paris, 1832, in-8°; —
dation de la campagne de Conslantine de
i37; Paris, 1838, in-8°; — Recherches sur le
meer; Strasb., 1846, in-8°; — Traité de mé-
ecine opératoire, bandages et appareils;
aris, 1839,2 vol. in-8°; ibid. , 1853-55, 4 vol.
-18, ouvrage dans lequel sont décrits la plupart
îs procédés inventés par l'auteur ; — De l'in-
msibiiité produite par le chloroforme et par
éther; Paris, 1848, in-8°; — De Vinfection
urulente, oupyoémie; Paris, 1849, in-8°; —
ouvelles considérations sur remploi du
Uorojorme ; Strasbourg, 1850, in-8°; — Des
ïgles de l'application du chloroforme aux
aérations chirurgicales ; Paris, 1852, in-8°.
es Mémoires de l'Académie des sciences, ceux
3 l'Académie de médecine, et les journaux de
lédecine et de chirurgie de Paris et de Stras-
ourg contiennent de nombreux travaux de cet
ibile chirurgien.
* Semllot ( Louis-Pierre-Eugène- Amélie ),
rientaliste, frère du précédent, né à Paris , le
3 juin 1808. Licencié es lettres et en droit, il
evint en 1831 agrégé d'histoire, puis successi-
lement professeur d'histoire aux collèges Bour-
ion et Henri IV et au lycée Saint-Louis, auquel
est encore attaché. Il est en outre secrétaire
i Collège de France et de l'école des langues
rientales vivantes. Nous citerons de lui : Lettre
ur quelques points de l'astronomie orien-
île; Paris, 1834, in-8°; — Manuel de chro-
ologie universelle ; Paris, 1834, in-18 ; 4e édit.,
)id., 1850, 2 vol. in-18; — Recherches nou-
illes pour servir à l'histoire des sciences
lathématiques chez les Orientaux; Paris,
1837, in-4° ; — Mémoire sur un sceau du
ktltan Schah-Rokb, fils de Tamerlan, et sur
'uelques médailles des Timourides de la
Yansoxiane ; Paris, 1840, in-8°; — Mémoire
ur les instruments astronomiques des Arabes;
aris, 1841-45, in-4° : inséré d'abord dans le
Ier des Mém. étrangers de l'Acad. des inscr. ;
'est le complément du Traité arabe trad. par
on père, et qu'il a édité; — Mémoire sur les
ystèmes géographiques des Grecs et des
\lrabes; Paris, 1842, in-4°; — Matériaux pour
fcrvir à l'histoire comparée des sciences ma-
thématiques chez les Grecs et les Orientaux;
'aris, 1845-49, 2 vol. in-8°; — Prolégomènes
tes Tables astronomiques d'Oloug-Beg, texte,
iraduction et commentaire; Paris, 1847-53,
[ vol. in-8°; — Histoire des Arabes; Paris,
b854, in-12. Il a publié les Mélanges de litté-
rature orientale (Paris, 1861, in-8°) de Sil-
estre de Sacy. On trouve des articles de lui
SKDULIUS
6s:
dans la Revue encyclopédique, la Revue bri-
tannique, le Journal asiatique, le Diction-
naire de la Conversation, le Bulletin de la
Société de géographie, etc. E. R.
Renseignements particuliers.
SEDL.EY (Sir Charles), poète anglais, né en
1639, à Aylesford (Kent), mort le 20 août-1701.
Il quitta Oxford sans prendre aucun grade uni-
versitaire, et vécut dans sa province natale jus-
qu'à la restauration. A cette époque il se fit une
réputation de bel esprit. Adonné à la débauche,
il encourut en 1663 une très-forte amende à la
suite d'une escapade que son état d'ivresse n'excu-
sait pas, ce qui ne l'empêcha point, peu de temps
après, d'être élu membre du parlement, où il
représenta le bourg de New-Romney (comté de
Kent). Plusieurs de ses discours comme dé-
puté ont été reproduits dans le recueil de ses
œuvres ; ils ne sont pas de nature à donner une
haute idée des talents politiques de l'orateur.
Sous Jacques II, Sedley, dont la fille était de-
venue une des maîtresses de ce prince, parait
s'être retiré de la cour, qu'il avait fréquentée
assidûment du temps de Charles II. Lors de la
révolution, il embrassa le parti de Guillaume
d'Orange. Ses œuvres, publiées en 1702, 1707,
1722etl776,2 vol. in-12, se composent de poésies
amoureuses, de discours parlementaires, de tra-
ductions tirées de divers poètes latins, de deux
comédies, le Mûrier thJBellainira, et d'une tra-
gédie, Antoine et Cléopâtre, imitée de Shakes-
peare. On lui attribue d'autres pièces. Ses meil-
leures pièces de vers se trouvent dans les Spé-
cimens d'Ellis. W.-L. H — s.
Fie de Sedley, en tête des JforliS in prose and verse.
— Knight, Cyclopcedia of biography.
sedulius ( Caius Cœlius) , poète latin , du
cinquième siècle. La plus grande incertitude règne
sur ce personnage; on ignore même s'il a été
prêtre, comme le prétend Isidore de Séville.
Ses écrits ont été réunis après sa mort par le
consul R. Asterius, c'est-à-dire vers 496. Le
plus connu est un poème en vers hexamètres
intitulé : Carmen Paschale, id est de Christi
miraculis. Ce poème est divisé tantôt en cinq
livres, tantôt en quatre seulement : il était dédié
à l'empereur Théodose IL Bayle a loué le génie,
le cœur noble et grand, les pensées poétiques
du Carmen Paschale , mais il l'a fait sur l'au-
torité de Dupin , de Baillet , c'est-à-dire d'écri-
vains qui avaient plus d'érudition que de goût.
M. Ampère a porté sur l'œuvre de Sedulius un
jugement moins favorable, mais qui parait plus
vrai ; en voici le résumé : Sedulius, sans être
éloquent, est plus orateur que poète; on re-
trouve chez lui les traits d'affectation et de sub-
tilité habituels aux rhéteurs du temps. 11 aime
à moraliser, et il puise ses leçons dans les homé-
lies des pères de l'Église. L'Évangile et la vie de
Jésus sous sa plume commencent à devenir une
de ces allégories devenues depuis familières au
moyen âge. S'il renonce à invoquer les dieux du
683
SEDULIUS
paganisme, il calque ses vers sur ceux de Virgile,
par une imitation mécanique et maladroite ; de
sorte que toute son inspiration est dans sa mé-
moire. La langue latine est chez lui, comme chez
les poètes chrétiens ses contemporains, encore
belle et même élégante, mais morte. Sedulius a
mis son poëme en prose sous le titre A'Opus
Paschale, à la demande du prêtre Macedonius.
Le Carmen Paschale a été imprimé probable-
ment dès 1473, in-fol. goth.; les éditions les
plus connues sont celles de Leipzig, 1499, in-4°
goth.; de Milan, 1501, in-3° ; de Saragosse, 1515,
in-4°; de Paris, 1585; de Halle, 1704, in-8<>; de
Louvain, 1761, in-4°; de Rome, 1794, in-4°
{c'est là meilleure). On trouve quelquefois réunies
au Carmen deux hymnes du même auteur, dont
l'une en acrostiches.
Bayle, Dict. — Smith, Pict. of roman and greek biogr.
— Ampère, dans la Revue des deux mondes.
sefï, sultan de Perse, mort en 1642. Il était
le petit-fils d'Abbas le Grand, qui l'avait désigné
pour lui succéder, à la place de ses propres en-
fants; il se fit proclamer avant que la mort de
son aïeul fût encore connue (1628). Son véritable
nom était Sam-Mirza ; il le changea en celui de
Sefi, en mémoire de son père, qui était mort tra-
giquement sous le dernier règne. La politique
des sophis était de répandre la terreur autour
d'eux, d'étouffer dans le sang tout semblant de
résistance à leurs caprices et de faire disparaître
tous ceux qui leur portaient ombrage ; Sefi y fut
fidèle, et surpassa en cruauté tous ses prédé-
cesseurs. Les appétits sanguinaires se joignaient
chez ce monstre à l'habitude de l'ivresse et à
une lubricité éhontée. Nul ne trouvait grâce de-
vant sa férocité ; la mort était le sort inévitable
de ceux à qui il confiait quelque mission im-
portante ; il égorgea ses ministres, ses généraux,
ses parents, sa mère elle-même. Iman-Kouli-
Khan, dont les victoires avaient tant contribué
à 'affermir son trône, ne fut pas épargné, et toute
sa famille fut enveloppée dans sa proscription.
Sefi eut à soutenir des guerres contre les Uzbecks,
contre l'empereur mogol, qui lui enleva Candahar ;
mais celle que lui avait transmise Abbas le Grand
avec les Ottomans fut bien plus sérieuse. Le
sultan Mourad IV, après diverses vicissitudes ,
s'empara d'Erivan et de Bagdad ; la première de
ces places fut reprise par Sefi, mais Bagdad resta
aux Turcs, et le schah se résigna en 1638 à signer
la paix qui assigna aux deux empires les limites
qu'ils ont aujourd'hui. Malgré les cruautés de cet
odieux monarque, il faut reconnaître qu'il main-
tint en Perse une police sévère et que le peuple
jouit sous lui d'une tranquillité et d'une sécu-
rité auxquelles il n'était pas habitué; sa férocité
ne s'étendit pas jusqu'aux chrétiens, qui furent
même traités par lui avec quelque bienveillance.
Sefi mourut en 1642, à Kachan, après un règne
de quatorze ans.
Malçolra, Uist. of Persia.
segaud ( Guillaume de), prédicateur fran-
- SEGHERS 684
çais, né en 1G74, à Paris, où il est mort, le 19 dé-
cembre 1748. A seize ans, il entra chez les Jé-
suites. Ses supérieurs ie chargèrent d'abord
d'enseigner les humanités au collège Louis-le-
Grand, la rhétorique à Rennes et à Rouen, puis
il futdestiné-à la chaire. C'est à Rouen qu'il fit
l'essai de son talent. Appelé à Paris en 1729, il
ne tarda pas à y être goûté, et prêcha un Avent
et trois Carêmes devant le roi, qui lui donna une
pension de 1,200 livres. Sous un extérieur simple
il cachait des mérites éminents, et ses sermons
renferment un grand fonds d'instruction, beau- I
coup d'élégance et d'énergie et surtout cette
onction qui pénètre l'âme et la dispose à profiter I
des vérités évangéliques. On a du P. Segaud : a
Sermons, mystères et panégyriques, publiés '
par le P. Berruyer; Paris, 1750, 6 vol. in-12. Il I
avait aussi composé plusieurs pièces de vers ■
latins, entre autres un poème sur le camp de
Compiègne, Castra Compendiensia. Il a édité
les Sermons du P. Martin Pallu (Paris, 1744,
6 vol. in-12).
Dict. des prédicateurs. — Catalogi Societatis Jesu
— Richard cl Giraud , Biblioth. sacrée.
seghers (Daniel), peintre flamand, né en |
1590, à Anvers, mort en 1661. Ce remarquable
artiste, qu'on désigne quelquefois sous le nom du
Jésuite d'Anvers, fut élève de Breughel de Ve-
lours, et obtint la maîtrise en 1611. Trois ans
après, il entra au noviciat de la Compagnie d<
Jésus à Malines , et après avoir prononcé se.1
vœux il vint habiter à Anvers la maison pro
fesse de son ordre. Un voyage à Rome est 1<
seul fait important de sa vie. Les jésuites , qa
eurent en mainte circonstance besoin de soi
pinceau , le laissèrent cultiver librement l'ar
qu'il aimait : les tableaux de fleurs qu'il pei
gnait avec un rare talent étaient envoyés par II
Compagnie aux souverains et aux princes étran.
gers dont elle voulait acquérir les bonnes giâ
ces. Seghers a été lié avec tous les artistes di
son temps : Corneille Schut, Diepenbeke, Érasmi
Quellin ont été ses collaborateurs habituels. Ai
centre des guirlandes de fleurs que le jésuife
peignait d'un pinceau si large et si fin, ces mai
très plaçaient des portraits ou des sujets reli
gieux. Les églises de la Flandre et les palais de
princes d'Allemagne s'enrichirent des produc
tions de Seghers , dont le dessin est exact san
être sec, et dont le coloris brille de toutes le
qualités de l'école flamande. Le musée du Louvn
possède de sa main une guirlande de fleurs qui
entoure un sujet peint par Dominiquin. P. M.
Catalogue du Musée d'Anvers, 1857.
seghers (Gérard), peintre flamand , né ei
1591, à Anvers, mort en 1651. D'après une tra
dition dont la critique moderne a fait justice
il a longtemps passé pour le frère du jésuite Da
niel (voy. ci-dessus); mais il est constant au
jourd'hui qu'il n'y eut entre eux qu'une commi
nauté de nom et de patrie. Quoi qu'il en soif
Gérard fut initié à la peinture par H. van Balai
SEGHERS — SEGNl
G86
par Abraham Janssens, et il fut reçu maître
1608. Il voyagea en Italie, en Espagne, et
is tard en Hollande, et il paraît avoir joui
me réputation qui s'est quelque peu affaiblie.
;st cependant un peintre habile : il a traité
préférence des sujets religieux, mais il reste
jsi de lui un certain nombre de tableaux où,
1 manière de son maître Janssens, de Man-
di et de Valentin, il a réuni des musiciens,
> joueurs, des buveurs, représentés à mi corps
is dos intérieurs sombres ou éclairés par des
nières artificielles. Seghers, qui devint riche
qui se fit bâtir à Anvers une maison somp-
iwe, resta d'abord fidèle au souvenir de son
yage en Italie et peignit . longtemps dans nue
nière un peu sèche , mais pleine de vigueur ;
idant la seconde période de sa vie, il se con-
rtit aux doctrines de Rubens, et il adopta des
•cédés plus larges et plus lumineux. Ses meil-
rs tableaux décorent les églises et les musées
la Belgique. P. M.
h- Blanc, Histoire des peintres. — J. Sandrart, Aca-
lia nobilissimse artis picloriee.
jegneui (Paolo), prédicateur italien, né à
jttuno, le 21 mars 1624, mort à Rome, le
lécembre 1694. D'une famille originaire de
Imc, il entra en 1638 dans la Compagnie de
nus, et eut pour principal maître dans le coi-
te de Saint-André , à Rome, le P. Sforza Pal-
(icini, depuis cardinal, qui s'appliqua à le
imer à l'éloquence. Tout en professant une
sse degrammaire, il étudia avec tant d'ardeur
■pure, les Pères, les ouvrages de Cicéron et
Démoslliènes qu'il en contracta une surdité
ji lui dura toute sa vie. N'ayant pu obtenir
utorisation d'aller aux Indes travailler à la
aversion des infidèles, il parcourut comme
hple missionnaire les principales villes de l'I-
^e, et pendant vingt-sept ans ( 1665 à 1692),
jcontinua ces fonctions, marchant toujours à
fd, vêtu d'une soutane usée , un bréviaire sous
iras et un crucifix sur la poitrine. Pérouse
iMantoue furent le premier théâtre de son
le. Depuis Savonarole, drt-on, nul homme n'a-
it jamais exercé en Italie une plus grande in-
ence sur la multitude. Innocent XII l'appela à
me pour y remplir en 1692 la place de son
Èdicateur ordinaire. On l'entendit sans doute.
EC plaisir, mais sa voix n'excita pas autant
tdmiration au Vatican qu'au sein des campa-
BS. Toutefois , il fut nommé théologien de la
Bitencerie et examinateur desévêques; mais à
jse de sa surdité , il demanda bientôt à être
chargé de ce dernier emploi. Usé par ses tra-
vaux apostoliques et par de continuelles aus-
ités , il succomba à une maladie de langueur.
\ a de lui: II Quaresimale; Florence, 1679,
fol.; Rome, 1752, in-4° ; Padoue, 1826, 3 vol.
8°-, — La Concordia ira la fatica e la
iete; Venise, 1680, in-4° ; trad. en latin, Mu-
ïh, 1706, in-4° : ce livre contre la doctrine de
j'inos faillit lui coûter la vie, tant cemystique
avait séduit de dévots à Rome; il fut censuré,
et l'on ne rendit qu'une tardive justice à son
auteur; — Il Cristiano istruito; Florence,
1680, 3 vol. in-4o ; ces sermons ont été trad. en
français, Avignon, 1836, 5 vol. in-12; —llln-
credulo senza senso; Florence, 1690, in-8° ;
— Il Pénitente isl* uito; Venise, 1691, in-12;
trad. en français, Paris, 1802, in-12; — Pane-
girici sagri; Venise, 1692, in-12, — Il Paro-
cho istruito ; Florence, 1692, in-12; trad. par
Buffier (Pratique des devoirs des curés ; Lyon,
1701, in-12); — La Manna delV anima; Ve-
nise, 1693, 3 vol. in-12; trad. sous ce titre :
Méditations sur des passages de l'Écriture;
Paris, 1713; Avignon, 1843, 5 vol. in-12 ; —
Prediche dette ncl palazzo apostolico ;Rome,
1694, in-4°. Les ouvrages du P. Segneri l'ont
fait considérer comme l'un des écrivains les plus
purs et les plus corrects du dix-septième siècle,
et les académiciens de la Crusca en ont recom-
mandé la lecture. Les ouvrages du P. Segneri
ont été réunis à Venise (Opère; 1712, 1758,
4 vol. in-4°);à Parme (1714, 3 vol. in-fol. pré-
cédés de sa Vie par Massei) ; et à Milan (1837-
1838, 3 vol. gr. in-8°). H. F.
G. Massei, Vitadel P. Segneri; Venise, 1717, in-12;
trad. en latin par Ant. Mayr; lugolstadt, 1741, in-8°. —
Meneghelli, Elogio storico di P. Segneri ; Padoue, ISIS,
ln-8°. — Dell' eloquenza del P . Segneri; Venise , 1845,
in-8°. — Tiraboscïii, Storia délia letter. italiana, t. VIII,
p. 418. — Niceron, Mémoires, t. I.
segneri (Paolo), dit le jeune, jésuite, ne-
veu du précédent, né à Rome, le 18 octobre 1673,
mort à Sinigaglia, le 15 juin 1713. A l'exemple de
son oncle, il entra chez les Jésuites, et se livra,
comme lui, aux missions. Après les tremblements
de terre de 1703, il fit entendre sa voix aux
Romains consternés, et ce début l'encouragea à
continuer la carrière apostolique. A la demande
du grand-duc Corne III, il occupa la chaire des
principales églises de Florence, de Modène, de
Bologne, et la cour et la ville formèrent son au-
ditoire. C'est à la suite d'un de ses sermons que
le prince Frédéric, fils aîné d'Auguste Ier, roi de
Pologne, abjura le luthéranisme. Il mourut d'une
inflammation de gorge, avant sa quarantième
année. On a de lui : Isiruzione sopra leconver-
sazioni moderne (anonyme); Florence, 1711,
in-8° ; — Esercizi spirituali; Modène, 1720,
2 vol. in-8°, publiés par Muratori, avec la vie de
l'auteur. Ses ouvrages ont paru tous ensemble,
sous le titre à' Opère posthume (Bassano, 1795,
3 vol. in-S°).
Galluzzi, Vita del P. Segneri juniore ; Rome, 1716,
ln-S--. _ Muratori. Fie cilée ci-dessus.
segni (Bemardo), historien italien, né à
Florence, où il est mort, le 13 avril 1558. Sa fa-
mille était ancienne et s'occupait de négoce. Après
avoir appris le latin et le grec dans l'université
de Padoue, il fut obligé d'interrompre le cours
de ses études pour céder au v<> u de son père,
qui l'envoya chez un commerçant d'Aquila, dans
les Abruzzes. Il n'y fit pas un long séjour; de
687 StGïSt -
retour en 1520 dans sa patrie, il fut en 1527
mêlé à la révolution qui chassa les Médicis. Par
l'influence du gonfalonier Niccolo Capponi, son
oncle maternel, il entra dans les charges publi-
ques. Mais son zèle pour la liberté n'alla point
jusqu'à lui sacrifier son repos, et il fut en 1537
des premiers à saluer le retour de la famille
qu'il avait contribué à faire proscrire. Afin de ne
pas se compromettre, il avait soigneusement
caché, il est vrai, l'éloge enthousiaste qu'il avait
consacré à la mémoire de Capponi ; on ne con-
naissait pas davantage sa grande Histoire des
troubles de Florence, et ce ne fut qu'un siècle et
demi après sa mort que l'on put porter un blâme
sur ses tergiversations politiques. Citoyen pai-
sible et obscur, il parut durant sa vie unique-
ment adonné à des recherches d'érudition ou
à des controverses philosophiques; aussi eut-il
la réputation d'un homme sage et éclairé, et mé-
rita-t-il par l'élégance de ses écrits d'être compté
parmi les plus honorables membres de l'Aca-
démie délia Crusca, dont il fut en 1542 élu consul
à la place de Vettori. Le grand-duc Cosme Ier
apprécia ses talents , et lui confia plusieurs mis-
sions, celle entre autres de traiter en 1541 avec
Ferdinand , roi des Romains. Segni a publié :
Rettoricae Poetica (Florence, 1549, in-4°);
Trattato dei governi (ibid., 1 549, in-4°) ; et Etica
(ibid., 1550, in-4°), ouvrages trad. d'Aristote et
réimpr. tous trois séparément, à Venise, 1551,
in-8°. Après sa mori on a mis au jour : Trat-
tato sopra i lïbri delV anima di Aristotlle;
Florence, 1583, in-4°, qui est, non une version
d'un traité d'Aristote, comme le ferait supposer
la réimpr. de 1607 avec un changement de titre,
mais bien un ouvrage original ; — Storie floren-
tine (1527-1555), con la VitadiNicc. Capponi;
Augsbourg, 1723, in-fol.; Païenne, 1778, 2 vol.
m-4°, et dans les Classiei italiani de Milan,
3 vol. in-8°. Cet ouvrage estimé, dû aux soins
de Settimani, est moins une histoire qu'une
chronique, où l'abondance des détails embar-
rasse souvent le récit. Cependant il faut rendre
justice à l'esprit prudent et réservé de l'auteur.
« Partout, dit Ginguené , il se montre ami du bien
public et des intérêts populaires, ennemi des
nouveautés dangereuses, franc et véridique; >•
— L'Edipo principe, ir. da Sofocle; Florence,
1811, in-8° : cette tragédie avait déjà paru à la
suite du Trattato delV anima et des Storie.
Segni est un des auteurs classiques reconnus par
l'Académie délia Crusca. P.
Cavalcanti, P'ita dei Segni, à la tfite des Storie. — Sal-
vini, Fast.i consolari. — Notizie delV Accad. florentina.
— Ginguené, Hist. liltér. de l'Italie, t. "VIII.
segni. Voy. Innocent III.
segrais ( Jean Regnauld de), poète fran-
çais, né le 22 août 1624, à Caen, où il est mort,
le 9.5 mars 1701. D'abord destiné à l'état ecclé-
siastique, il fit ses études chez les jésuites de
Caen, s'y livra de bonne heure à son goût pour
la poésie , et, après avoir hésité pendant quel-
SEGRAIS
ques années sur le choix d'une profession , ei
brassa celle d'homme de lettres. 11 y cherc
surtout des ressources pour venir en aide à
famille, composée de quatre frères et de dei
sœurs, réduites à l'indigence par un père dis:
pateur.Ses premières productions, odes, cha
sons et pièces galantes, furent accueillies fav '
rablement du public. Il composa ensuite u
tragédie, la Mort d'Hippolyte, et les dâ
premières parties d'un roman de Béréni
Il avait atteint sa vingtième année, écrit
P. Martin (1), lorsque le comte de Fiesq
le rencontra , et se lia d'amitié avec lui ; il
présenta en 1647 à MUe de Montpensier, c
se l'attacha en qualité de gentilhomme 9
naire et de secrétaire de ses commandemen
Segrais subit toutes les vicissitudes de
Fronde; mais peu s'en fallut qu'ilne suivîtle ci
seil qu'il donnait à Ménage lorsque , dans «
de ses odes, il l'engageait à se retirer en Suè<
Scarron lui proposa de prendre la direcl
d'une compagnie qu'il voulait envoyer en A»
rique, dans l'espoir d'y faire fortune; le proi
fut abandonné. Segrais suivit Mademoiselle d£
son exil de Saint-Fargeau , et en 1657, au Luxe
bourg, où se réunit l'élite des beaux-espri'
Sous les inspirations de la princesse, dever
elle-même auteur, furent composés un grgi
nombre de portraits ; Segrais, qui y trava
probablement, les réunit de concert avec Hu
et les publia. Il donna aussi sous son nom,
1659, deux écrits nouveaux de Mademoiselle,
Relation de l'Ile imaginaire , et la Pr
cesse de Paphlagonie , roman allégorique,
second exil de Mademoiselle l'obligea de s'él
gner de Paris ( 1669), ce qui n'empêcha ;
qu'il ne fût, en 1662, reçu dans l'Acadéi
française, à la place de Boisrobert. Il avait
dès 1645 conduit par M. de Montausier à l'W
Rambouillet. Là, il acquit cette noble aisance
cet air de bon ton qui distinguèrent ses ouvra
et lui firent donner par ses compatriotes le n
de Voiture caennais. La comtesse de Fies*
le présenta au duc d'Enghien, qui, reconnaiss
des vers consacrés à ses exploits, lui acco
son amitié.
Après avoir été pendant vingt-quatre ans
service de MUe de Montpensier, Segrais sesép
de cette princesse. Il avait encouru sa disgrâ
pour lui avoir conseillé de ne plus admet
Lauzun dans son intimité, après la rupture
son mariage. Accueilli par Mme de La Fayp
(1671), chez laquelle il trouva de nouveaux ai
dans La Rochefoucauld , de Pomponne, Mines
Sévigné et de Thianges, il publia sous son n
Zaïde et la Princesse de C lèves, rorn
pleins de charmes, auxquels il mit certai
ment la main. En 1676 il se retira dans sa v
natale, et y épousa une riche héritière, sa 1
sine. Il put désormais jouir d'une brillante e?
(1) Cordelier, auteur de VAlhenx Normannorum, ras
la bibliothèque de Caen.
ii
389
SEGRAIS — SEGUIER
G90
ence, et il refusa la place de gouverneur du duc
lu Maine, que lui offrit Mme de Maintenon. Le
Segraisiana, recueil dans lequel sont consignés
in grand nombre de détails sur notre poëte et
;on temps, fut composé d'après ses conversations
jîcrites sur le moment môme où le spirituel cau-
seur charmait la société polie de la ville de
Jaen. L'intendant de la généralité, Foucault, lui
lonnait dans son salon une place réservée, der-
rière laquelle était caché un homme de con-
iance, chargé d'écrire tout ce qu'il disait. Nous
r apprenons que Segrais remplit à Caen , de
683 à 1686, les fonctions de premier échevin.
1 avait fait construire l'église des Jésuites, au-
jourd'hui Notre-Dame de la Gloriette. C'est à
lui que l'Académie de Caen , désorganisée en
1674, dut sa reconstitution. Dès 1676 il fit dis-
poser dans son hôtel une salle destinée à ses
éances; il y avait fait placer les portraits
le ses principaux membres : Vauquelin de La
'resnaye, Huet, Daléchamps, Antoine Halley,
ailles Macé, Bertaut, Sarasin (1). Plein d'ad-
iniration pour Malherbe, il avait fait placer sa
tatue en pierre , plus grande que nature, dans
ne niche préparée pour la recevoir et au-
jlessous de laquelle il avait fait graver des vers
n son honneur, sur une table, de marbre noir,
vprès avoir été très-longtemps lié d'amitié avec
Tuet, il se brouilla avec l'irascible évêque d'A-
ranches au sujet d'un passage de Virgile. Une
lydropisie l'enleva en 1701, à l'âge de soixante-
■lix-sept ans.
I Les ouvrages de Segrais sont : Athis, poème
jastoral ;s. d.,in-8°; — Bérénice, roman; Paris,
Ï648, 1651, 4 vol. in-8°; — Nouvelles fran-
çaises, ou les Divertissements de la princesse
"wurèlie; Paris, 1656-1657, 2 vol. in-8° ; LaHaye,
W742, 2 vol. in-12, fig. ; — Poésies diverses;
faris, 1658, in-4° ; — Le Tolédan, ou His-
toire romanesque de don Juan d'Autriche;
>aris, 1659, 5 vol. in-8°; — L'Enéide de Vir-
ale, trad. en vers; Paris, 1668-81,2 vol. in-4°;
! a aussi traduit les Géorgiques , ouvrage post-
lume; Paris, 1712, 2 vol. in-8°; — Seyre-
Ï4ana, ou Mélange d'histoire et de littérature ;
i'l.aHaye( Paris), 1721, 1722,2 vol. in-12: à la re-
piéteduduc deNoailles,qui trouvait que Mrae de
i>|ïaintenon n'y était pas traitée avec assez de res-
ect, le chancelier Daguesseau fit saisir la plus
rande partie de l'ouvrage. Les Œuvres diverses
e Segrais (Amst., 1723, 2 vol. pet. in-8°, et
'aris, 1755, 2 vol. in-12) ne sont qu'une réim-
pression des matières contenues dans le Segre-
iana. Citons aussi l'édition des Poésies (Caen,
823, in-8°). Ses églogues obtinrent un grand
IJuccès : les savants le comblèrent d'éloges, par-
fais exagérés, mais confirmés par le jugement de
jftoileau en ce qui concerne la grâce et l'aisance
jje la versification et l'élégance du style. Il
jféussit moins dans sa traduction de VÉnéide
' j (1) Ces portraits ornent la bibliothèque de Caen.
que dans celle des Géorgiques. Il y a plus de
verve et de poésie dans les odes adressées à Cha-
pelain, à Ménage, et au comte de Kiosque.
C. HlIM'EAU.
Hucl, Origines de Caen.— Mcerçn,Mimoires, t. XVI. -
Segrcslana. — Les Poètes normands. — Hredif, Se-
grais, sa vie et ses œuvres ; Paris, 1863, ln-8°.
seguier (Pierre), magistrat français, né
en août 1504, à Paris, où il est mort, le 25 oc-
tobre 1580. D'abord avocat au parlement de
Paris, il s'y distingua autant par son savoir
que par l'énergique concision de sa parole :
on l'y avait surnommé multa paucis, et il y
eut Christophe de Thou pour contemporain et
pour émule. François Ier le fit, en 1535, avocat
général à la cour des aides et chancelier de la reine
Éléonore d'Autriche, et il devint en 1550 avocat
général au parlement de Paris. Lors du différend
qui s'éleva, en 1551, entre Henri II et le pape
Jules III, au sujet d'Octave Farnèse, à qui le roi de
France venait de garantir la possession du du-
ché de Parme, fief relevant alors du saint-siége,
Seguier, répondant à des menaces d'excommuni-
cation, requit l'enregistrement de l'édit qui dé-
fendait, sous peine de punition corporelle, « d'en-
voyer à Rome ni or ni argent ». Il était président
à mortier depuis 1554 lorsqu'il se rendit, avec
sa compagnie, près du roi à Villers-Cotterets
pour lui faire les célèbres remontrances contre
l'introduction de l'inquisition en France (1555).
Au moment d'entrer dans le cabinet du roi on l'a-
vertit qu'il fallait avoir l'oreille basse, et Guise,
Montmorency et le cardinal de Lorraine étaient
là pour défendre l'édit qu'ils avaient inspiré. Le
courage de Seguier n'en fut pas ébranlé , et il
parla si haut et si ferme que l'édit fut retiré.
Lorsque les procès de religion commencèrent et
que les protestants furent traduits devant le
parlement, il se distingua par sax modération.
Ce fut lui qui défendit encore le parlement
contre la chambre des comptes, au sujet des
gages,.et le succès 'Suivit ses paroles. Après la
Saint-Barthélémy, il ne parut plus devant le roi,
a dit Le Maistre « que pour émouvoir son cœur
par des conseils pleins de douceur et de sagesse».
Il mourut à l'âge de soixante-seize ans. De son
mariage avec Louise Boudet, petite-nièce de l'é-
vêque de Langres , il avait eu seize enfants, entre
autres François, mort en 1 572, président aux en-
quêtes ; Pierre II, président à mortier ; Jérôme,
grand maître des eaux et forêts , dont le fils ,
Tanneguy, présida, en 1634, les grands jours
de Poitiers, et mourut en 1642; Antoine, qui
suit; et Jean, père du chancelier.
Il existe de Pierre Seguier un ouvrage latin,
De cognitione Dei et sui; 1636, in-12, traduit
en français, par Colletet.
Moréri, Dict. hist.
seguier (Antoine), magistrat,. fils du pré-
cédent, né le 22 juillet 1552, à Paris, où il est
mort, le 15 novembre 1624. D'abord maître
des requêtes, il fut, en 1576, avec le prési-
dent de Mesmes, envoyé en Provence, comme
691 SEGUIER
surintendant de justice. 11 y revint avec le titre
de conseiller d'État et en compagnie du bouil-
lant d'Épemon, et se fit remarquer par son
courage au milieu de la peste qui ravagea la ville
d'Aix. Nommé avocat général (1587), il fut le
premier qui porta le titre de premier avocat
général. Fidèle au roi pendant la Ligue, il suivit
le parlement à Tours. Défenseur des libertés de
l'Église gallicane, il fit sur ses conclusions con-
damner la bulle de Grégoire XIV, « se disant
pape» (5 août 1591). Henri IV lui dit un jour :
« Vous êtes entré dans mon affection comme
moi dans mon royaume, malgré la résistance et
les calomnies de mes ennemis et envieux. » Il
était président à mortier depuis 1597 lorsqu'il
fut, en 1598, envoyé en ambassade à Venise :
il sut détacber la république du parti du duc de
Savoie, dont la perfidie allait forcer la France à
reprendre les armes. Lorsque Henri IV, pressé
par Sully, résolut de poursuivre et de punir les
traitants qui pendant la guerre civile s'étaient
enrichis aux dépens de l'État, ce fut Seguier qu'il
■chargea de présider la chambre créée à cet effet
par l'édit de mars 1607. La chambre, dirigée ac-
tivement par Seguier et Nicolaï, procéda à de sé-
vères enquêtes, et lança contre les financiers des
décrets de prise de corps, auxquels n'échap-
pèrent pas même Claude Paget, trésorier de
l'épargne, et Ant. Mural, trésorier de l'extraor-
dinaire des guerres. Fondateur de l'hospice de
la Miséricorde pour les jeunes orphelins, pas-
sionné pour l'étude, à laquelle il consacrait une
partie de ses nuits, on ne regrette dans sa belle
existence que de voir son nom parmi les juges
de la maréchale d'Ancre.
Morérij Dict. hist.
SEGUiER ( Pierre III), chancelier de France,
neveu du précédent, né le 28 mai 1588, à Paris,
mort le 28 janvier 167 2, à Samt-Germain-en-Laye.
Le 9 avril 1596 il perdit son père, Jean Seguier,
lieutenant civil de Paris, qui n'avait pas voulu
fuir celte ville, que la contagion ravageait. Une
tradition, Irès-répandue au dix-septième siècle ,
nous le représente tourné d'abord vers les aus-
térités de la vie monastique. Confiné au couvent
des Chartreux de Paris, il en est rappelé trois
fois par son oncle , le président Antoine, qui le
destinait à la magistrature , et trois fois il y re-
tourne. Il prit même l'habit, et ne rentra dans le
monde qu'après un temps assez considérable
passé dans le cloître. Successivement conseiller
au parlement, maître des requêtes, intendant de
Guienne, il devint président à mortier en survi-
vance de son oncle Antoine , qui , au retour de
son ambassade à Venise, se démit de cette
charge (17 avril 1624). Pendant neuf années, il
exerça ces fonctions avec éclat, «entendant mer-
veilleusement ses devoirs, comprenant avec une
facilité admirable les affaires les plus embrouil-
lées, infatigable au travail ». Ces grandes qua-
lités et peut-être aussi, comme le dit l'auteur des
Mémoires pour servir à Vhistoire du dix-
692
septième siècle , «cette complaisance aveugle
pour le premier ministre, » le désignèrent au
choix de Richelieu, qui lui confia les sceaux qui
venaient d'être enlevés à Châleauneuf (25 fé-
vrier 1633). Chancelier de France, le 11 dé-
cembre 1635, à la mort d'Etienne d'Aligre, {].]
apporta dans cette dignité la vigueur, l'applica-
tion, le zèle, plus peut-être que cette inaltérable
équité qui pour tous doit être un refuge assuré.
Comme chef suprême des cours de justice, il
rappela le parlement aux usages antiques, tom-
bés en désuétude. On lui dut des règlements
sur la préséance et les honneurs dûs aux chance-
liers, sur l'âge requis des juges et l'absence de
parenté qui est exigée entre eux, sur l'usage des
mercuriales qu'il remit en vigueur « afin que \i
crainte d'être blâmés et repris retînt les magis-
trats dans le devoir » (1638). Toutefois, on peui
croire qu'il eut le tort de montrer dans ces ré- j
formes un peu de vanité puérile, puisque Talle-
mant des Réaux l'accuse « d'être l'homme di
monde le plus avide de louanges , de s'être avis<
le premier d'être traité de grandeur, et de ni
vouloir faire un pas sans exempts et sans ar
chers ». Quoi qu'il en soit de ces travers, il étai
fort apprécié du cardinal, qui lui confia plus d'un*
de ces missions où son intérêt n'était pas moin!
enjeu que celui de l'État. En 1637, quand Riche
lieu soupçonna Anne d'Autriche de correspondn
avec l'Espagne, Seguier fut chargé de visiter le!
papiers de la reine. Le 23 août, accompagné d<
l'archevêque de Paris, il se fait ouvrir les porta
du Val-de Grâce, pénètre dans la cellule royale
et interroge la supérieure. Il n'est pas vrai
comme l'a dit La Rochefoucauld , démenti pai
les Mémoires de Richelieu, que le chanceliei
ait interrogé Anne d'Autriche « ainsi qu'une cri-
minelle », ni davantage" visité ses poches e
fouillé jusque dans son sein », comme l'affirmi
Montglat ; et cela parce que la reine était alon
à Chantilly, avec le roi et Richelieu, entre les
quels la grande scène tragique se passa. Mais c<
qui est probable, c'est que Seguier, habile à mé-
nager tout le monde, avait fait prévenir la reine,
par l'intermédiaire de son gendre, le marquis de
Coislin. On ne trouva aucun papier, et le chan-
celier ne put rien tirer de la supérieure , non
plus que de La Porte, qui n'avoua que ce qu'ii
voulut. « Par sa politique conduite, fait observei
Saint-Simon, Seguier s'assura pour toujours h
faveur de la reine, sans se commettre avec le roi
ni avec le cardinal. » Celui-ci lui confia la mis-
sion, plus grave, de réprimer la révolte des nu-
pieds de Normandie (1639). Envoyé, comme « la
justice armée » du roi, chancelier et connétable
tout ensemble, Seguier était chargé « d'exécuter
les séditieux sans jugement et par ordre ver-
bal ». « Je viens à Rouen, disait-il lui-même en
interdisant au clergé et aux magistrats toute in-
tervention miséricordieuse, je viens non pour
délibérer, mais pour prononcer et exécuter les
choses dont j'ai été d'avis. » Pour auxiliaire de
r
Lie justice, il avait sous ses ordres directs
Esion et une armée de sept mille hommes : le
kjétaire d'État Phelypeaux le suivait pour
lier, en commandement, ses ordres, re-
lias par là émaner du monarque lui-môme. Son
Bée militaire à Rouen (2 janvier 1640) fut
fcftitot suivie de l'interdiction et de l'exil du
Bernent , de la cour des aides et du bureau
Bfinauces; du désarmement des habitants, et
Biombreuses exécutions, la plupart sur sen-
Bc verbale, que Seguier ne voulait point faire
B/e. « L'arrêt est au bout de mon bâton »,
Bmdait-il au capitaine des gardes Picot, qui
Bandait à voir l'arrêt avant de l'exécuter.
Bes avoir établi à Rouen une chambre de jus-
Bjtemporaire, il passa en basse Normandie, et
■les mêmes moyens comprima la révolte à
Bi, à Bayeux et à Coutances. De retour en
Bpl640, il reçut le cordon du Saint-Esprit,
B il ne voulut pas garder la donation que
Bs XIII lui avait faite de toutes les terres
Bios comprises dans les pays qu'il venait de
H/Zer. Ce désintéressement fut uni dans Se-
Br à une haine vigoureuse contre fes pillages
il fut témoin dans sa mission de Normandie :
; sont des voleurs et non pas des soldats »,
it-il écrié, dans une violente colère, en ap-
|~ant que Rouen n'avait pas été imposé à
îs de 1,085,000 livres. Aussi regrette-t-on
tant plus de le voir siéger dans presque
is les commissions qui eurent à condamner
encore qu'à* juger les ennemis de Riche-
j II avait fait partie, en 1639, de celle qui
iamna, par contumace, le duc de La Valette
ort ; il fut encore de celle qui prononça sur
irt de Cinq-Mars et de Thou. Le P. Griffet
;use d'avoir, en leurrant Cinq-Mars de vaines
rances , surpris de lui des confidences acca-
Ites pour de Thou.
k mort de Richelieu aurait pu être fatale à
àveur,car il avait été trop des amis du car-
"l pour ne pas craindre les représailles de la
nte. Il fut question de mettre Châteauneuf
place; mais Châteauneuf donnait par son
«tion trop d'ombrage à Mazarin'. 11 fut donc
ntenu; lord Montaigu, son ami, et sa sœur,
lélite et fort avant dans l'amitié de la reine,
irent pas étrangers à ce résultat. Non moins
>ué à Mazarin qu'il l'avait été à Richelieu ,
«ta constamment, durant la Fronde, attaché
fortune, justifiant ainsi cet éloge que lui a
né Voltaire : « Toujours fidèle dans un temps
s'était un mérite de ne pas l'être. » Les Fron-
rs l'appelaient le chien aie grand collier.
premier acte fut de demander l'annulation
testament de Louis XIII. Le 26 août 1648,
le de la fameuse journée des barricades,
'} rendait au parlement pour lui intimer les
res de la régente, lorsqu'il fut, sur le Pont-
if, assailli par la populace. « Le chancelier,
Retz, se sauva à toute peine dans l'hôtel d'O,
le quai des Augustins... Le peuple rompit
SEGUIER
G94
tn-
les portes, y entra avec fureur; et il n'y eut que
Dieu qui sauva le chancelier en empeschant que
cette canaille ne s'advisast pas de forcer une pe-
tite chambre dans laquelle il s'estoit caclié. »
Dégagé par le maréchal de La Mcilleraie, il vit
la reine ériger en duché- pairie ses terres de Saint-
Liebaultet de Villemor (janvier 16;>0) ; mais, soit
par suite d'une irrégularité, les lettres patentes
n'ayant pas été enregistrées, soil par une noble
répugnance pour un souvenir des guerres civiles,
Seguier n'en prit jamais publiquement le titre,
et on ne le rencontre que sur quelques-uns de
ses portraits. Lorsque la reine fut obligée de faire
quelques concessions aux frondeurs, il remit les
sceaux à Châteauneuf (2 mars 1650), qui les
garda jusqu'au 3 avril 1C51. Garde des sceaux
du 3 au 13 avril, Mole les rendit alors à Seguier
pour les reprendre, le 9 septembre 1651, et les
conserver jusqu'à sa mort (3 janvier 1656). A
cette époque , les sceaux sont de nouveau remis
à Seguier, qui ne les quittera plus désormais.
Quand s'ouvrit, à la mort de Mazarin, le vé-
ritable règne de Louis XIV, Seguier, par son âge,
par ses longs et fidèles services, était en posses-
sion d'une véritable autorité : malheureusement
il ne sut pas en user, même au profit de la jus-
tice, pour maintenir le pouvoir royal dans de
justes bornes. « Le plus grand homme de son
siècle, a dit de lui Mme de Motteville, si, avec sa
science et sa grande capacité, il eût eu une âme
assez élevée pour préférer sa gloire à sa fortune, a
Le procès de Fouquet (1661-1664) est la page la
plus triste de la vie du chancelier. Le 7 septembre
1661, il nomma quatre commissaires à l'inven-
taire des papiers de Fouquet; le 23, sur l'ordre de
Colbert, des mousquetaires enlevèrent, à Saint-
Mandé, une partie de ces mêmes papiers. La
première pensée de faire juger Fouquet par une
commission ayant été abandonnée, ce grand pro-
cès s'ouvrit, au parlement, le 3 décembre. Se-
guier présida cette première audience; son dis-
cours montra «le roi, non content d'avoir donné
la paix à ses peuples , voulant les affranchir de
la guerre intestine dont l'avidité des financiers
les affligeait depuis longtemps ». Deux partis di-
visèrent presque aussitôt le parlement : l'un,
celui de Seguier, suivi par Poncet, Voysin, Pus-
sort, voulait que l'affaire fût menée rapidement;
l'autre, ayant à sa tête le ferme et intègre La-
moignon, tenait à respecter les formes établies.
On connaît les longueurs de ce procès. En dé-
cembre 1662 Lamoignon s'étant retiré peu à peu,
ce fut le chancelier qui vint présider lui-même.
Agé alors de soixante-quatorze ans , tantôt « il
sommeillait doucement » , tantôt il se plaignait,
avec impatience, delà longueur de ce procès « qui,
disait-il, durerait plus que lui »#. Souvent il allait,
dans ses accès d'humeur, jusqu'à malmener les
magistrats qui siégeaient à ses côtés. Ceux-ci
pensaient eux-mêmes que le chancelier « faisait
ainsi connaître son empressement pour plaire a
la cour ». Dans le public, les hommes les plus
C95
SEGUIER
6
graves lui devenaient injurieux : « Ce Pierrot dé-
guisé en Tartufe », disait de lui Arnaud d'Andilly.
Quand vint le jour delà sentence, Seguier, que Fou-
quet avait vainement récusé, opinait pour la mort
ainsi que Voysin, Poncet et Sainte-Hélène. Heu-
reusement pour sa mémoire, le chancelier allait
clore sa longue carrière par une participation
glorieuse aux célèbres ordonnances de 1669 et
1670 qui réformèrent la justice civile et crimi-
nelle. Peut-être contribua-t-il, avec Pussort, à
imprimer à l'ordonnance criminelle ce caractère
de rigueur contre lequel luttait déjà l'équitable
Lamoignon ; mais ce défaut, plus des temps encore
que des hommes, ne doit pas amoindrir le mérite
de cette œuvre suprême du chancelier. Il mourut
à Saint-Germain, le 28 janvier 1672, et fut en-
terré aux Carmélites de Pontoise, dont sa sœur
Jeanne était prieure. De son mariage avec Made-
leine Fabri, morte le 6 février 1683, il n'avait eu
que deux filles, Madeleine, mariée au marquis de
Coislin, puis au marquis de Laval ; et Charlotte,
d'abord duchesse de Sully, puis femme du duc
de Verneuil, fils naturel de Henri IV et de Hen-
riette d'Entraigues.
Si le chancelier Seguier, comme politique et
surtout comme chef de la justice, peut être
sévèrement jugé , il est en lui une gloire à l'abri
de toute atteinte, c'est celle d'ami et de protec-
teur des lettres. La France lui doit l'Académie
française au moins autant qu'à Richelieu : il en
proposa le plan et voulut en être membre; ii en
devint protecteur à la mort du cardinal, et, après
lui, ce titre n'appartint plus qu'au roi lui-même.
A la mort de Richelieu , il rendit sédentaire
l'Académie, jusque-là ambulatoire, en la réunis-
sant dans son hôtel de la rue de Grenelle-Saint-
Honoré. Ce fut lui qui proposa de s'assembler
deux fois par semaine pour avancer le diction-
naire. Les abbés de Cerisy, de La Chambre et
Esprit durent à leur seul titre d'écrivains d'avoir
sa maison pour demeure. Lui-même, d'après le
témoignage de l'abbé de La Chambre , « s'était
appliqué soigneusement aux belles - lettres , et
avait pénétré dans les parties les plus curieuses
de la philosophie et de la théologie ». Sa biblio-
thèque, qu'il légua à l'abbaye de Saint-Germain-
des-Prés, était une des plus précieuses du temps.
Il coopéra à la fondation de l'Académie des ins-
criptions et médailles (1663), et de l'Académie
de peinture (1664). Il construisit la moitié de
l'église Saint-Eustache. Comme orateur, l'abbé
Tallemant l'a appelé « l'homme le plus éloquent
du monde, » et Mascaron a dit de lui « que sa
parole était facile, claire, énergique et grave, et
portait le caractère de son esprit et de sa di-
gnité ». Parmi les portraits qui existent de lui,
on remarque ceux de Moncornet (1633), deMel-
lan (1639), de Lasne(1643), de Nanteuil, d'après
Lebrun (1657), etde van Schuppen (1668).
Eugène Asse.
Oraisons funèbres de P. Seguier par Mascaron, Laisne,
Tallemant, de La Chambre. — Barère, Éloges acadé-
miques; Paris, 1806, in-8°. — Bazin, Hisl. de Louis XI
— Cousin, y)/™e de C/tcvreuse. — Barante, Vie
M. Mole. — Floquet, Diuire du chancelier Seguii
Rouen, 1842. — Sapey, Les Seguier, discours de rentr
1860.
seguier (Antoine-Louis), magistrat fre
çais, né à Paris, le 1er décembre 1726, mor
Tournay, le 26 janvier 1792. Fils de Louis-Ac
Seguier, conseiller, il descendait de Claui
Alexandre, chef delà branche des Seguier d'Auc.
Avocat du roi au Chàtelet en 1741, avocat gêné
au grand conseil en 1751, il fut appelé le
mars 1755 à remplir cette dernière charge
parlement. La sollicitation du président Mo
son parent, n'avait pas été étrangère à son
vation. Toutefois on aimerait à rencontrer di i
le futur adversaire des encyclopédistes < j
mœurs plus graves et un autre début qu'i
aventure qui fit alors scandale et où il se tro
mêlé avec une dame Deschamps , femmej
auteur de l'Opéra-Comique et un procureur nom
Roger. Mais ce serait beaucoup demander à,
temps, et il convient d'appuyer sur le savoir
sur l'éloquence dont il fit preuve dans l'affs
du juif Levy, où il défendit l'indissolubilité
vile du mariage, quelle que soit la loi religie
des époux ; dans celle de Fezensac , où il
débrouiller un vrai chaos généalogique, en l
dans celle de la Rosière de Salency. Son n j
le fit élire, le 21 mars 1757, membre de l'A j
demie française, à la place de Fontenelle. Ap
l'apparition du célèbre article Autorité, il i
fera l'Encyclopédie au parlement (févi
1759) ; il prétendait dans son réquisitoire « q
existait un complot formé par plusieurs écriva
pour renverser la religion et l'État » . Aprèi
suppression de l'ordre des Jésuites ( 6 août 17<
il dénonça l'Histoire impartiale des Jésuiv
apologie très-peu impartiale de la congrégati
et en prit matière pour réprouver « une soci
dont la passion jalouse était de dominer l'Ég
et l'État ». En 1768, à l'occasion d'un bref
Clément XIII, il soutint l'indépendance des s
verains temporels en face de la papauté. L
du procès de Lally (1766), Seguier tint une ne
conduite. Après avoir lu toutes les pièces a
une attention infatigable, et s'être pleinem
convaincu de l'innocence de l'accusé, « il ne ci
gnit pas de le dire hautement devant les juges
dans tout Paris».
Le nombre toujours croissant des livres ai
religieux avait motivé une lettre pressante
pape à Louis XV (mars 1770); l'assemblée
clergé l'avait appuyée d'un mémoire Sur
suites funestes de la liberté de penser
d'imprimer. C'est alors que Seguier lança
fameux réquisitoire (20 août 1770) qui comme
par ces mots de Cicéron : « Jusques à qui
abusera-ton de notre patience? » Il demano
dans cette nouvelle catilinaiie la condamnât
de sept ouvrages, au nombre desquels se trou*
le Système de la nature de d'Holbach. Le p
lement, tout en rendant un arrêt de condam
\
1
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| SKGU
, n'autorisa pas, en haine des gens 'du roi,
tression .ie ce réquisitoire, qui fut pourtant
fih'mé de l'exprès commandement du roi.
«ni les philosophes, il y eut grand émoi. Tho-
M devint l'interprète de leurs sentiments. Le 26
;u , en pleine Académie, il flétrit dans son
Mje de Marc-Aurèle, « ces hommes en place
<|i. par amour-propre ayant désiré d'être admis
(I; . le sein de l'Académie, la trahissent ensuite
■plonmiant les lettres et leurs sectateurs ».
L septembre, de semblables allusions se pro-
mirent dans le discours du même écrivain re-
niant à Loménie de Brienne, nouvellement
■ Le scandale lut tel que Seguier, d'abord
■ décontenancé, crut ensuite devoir se plaindre
[chancelier. Celui-ci défend l'impression du
■ours de Thomas; sur quoi, Brienne déclare
q- 1 ne fera pas davantage paraître le sien , et
«demie décide que « ce n'est que par respect
' le nom de Seguier qu'on ne prendra contre
aucune délibération, mais qu'on ne commu-
era plus avec lui ». Alors coururent ces vers :
C98
Entre Seguier et Fréron;
Jésus disait à sa mère :
« Enseignez-moi donc, ma chère,
Lequel est le bon larron. »
t le bruit qui environna cette affaire donne
le ton des esprits à cette époque. Aussi
aire ne fut-il pas peu surpris de recevoir, à
ney, la visite de Seguier (octobre 1770). D'A-
bert et Condorcet l'avaient quitté le jour
|ne où Seguier y arrivait, ce qui faisait dire
malin vieillard : « J'aurais bien voulu qu'ils
ent dîné ensemble : Dieu n'a pas permis
e plaisante scène ; mais quoiqu'il n'y eût que
ix acteurs, elle n'a pas été sans agréments. »
en peut juger en sachant que Seguier dit à
hôte qu'on le pressait de dénoncer YHis-
e du Parlement, et que cela pourrait aller
loin. Voltaire nous apprend l'issue de cette
tire, dans cette phrase, aussi courte qu'acérée :
in requit autre chose de ces Messieurs. » En
ft, en 1771, les parlements furent dissous, et
,oup d'État Maupeou fut accompli. Seguier, qui
vait pas eu plus à se louer des parlementaires
des philosophes, et que Louis XV aimait
ticulièrement, se montra dans cette lutte plein
idépendance. Dans le lit de justice où fut pro-
Iguél'édit de création d'un nouveau parlement,
sa dire en face du roi que « l'interversion des
a été plus d'une fois la cause ou le prétexte
révolutions ». Lé lendemain (14 avril 1771),
e démit de ses fonctions. Il ne les reprit qu'en
4, lors du rappel des parlements par Louis XVI.
isprit parlementaire devint de plus en plus
rqué dans Seguier : c'est ainsi qu'il s'opposa
enregistrement des édits sur l'abolition de la
vée, des maîtrises et jurandes, et sur la li-
du commerce des grains. On le voit suc-
ssivement demander la condamnation de l'JBfis-
re philosophique des Indes de Baynal (1780),
servir d'organe au parlement dans ses remon-
trances contre la' refonte des monnaies d'or ef-
fectuée par Calonne (1785) (1). Plus impartial
lorsque les intérêts de la politique ou de la reli-
gion n'étaient pas en jeu, il constitue ainsi la vé-
ritable propriété littéraire, dans un compte so-
lennel qu'il rendit aux chambres assemblées
(1779) : « Le droit, dit-il, qu'a un auteur de faire
imprimer et réimprimer est aussi sacré dans sou
principe qu'illimité dans sa durée; et ses héri-
tiers , jusqu'à la dernière génération, doivent jouir
du fruit de ses veilles et de la production de son
génie. »
Trop attaché au passé pour se plier au nouvel
ordre de choses, Seguier fut un des premiers du
parti de l'émigration, et mourut à Tournai, le
2 janvier 1792 ; ilavaitsoixante-cinqans. Bien que
l'homme politique domine en lui, cependant l'ami
des lettres se révèle aussi par le choix des sujets
comme par la forme de ses mercuriales devant
le parlement ; citons celles sur V Amour des
lettres (1770), V Amour de la gloire (1774),
V Esprit du siècle, la Stabilité de la ma-
gistrature (vers 1785). Il reçut Chamfort à
l'Académie, et prononça dans sa réponse l'Éloge
de La Curne de Sainte-Palaye. Eug. Asse.
Grimm, Corresp. — Voltaire, Lettres. — Bachaumont,
Mémoires. — Portalis, Éloge iïAnt.-L. Seguier; Paris,
1806, in-8°. — Sapey, Les Seguier.
seguier (Armand- Louis- Maurice, baron),
diplomate, fils cadet du précédent, né le 3 mars
1770, à Paris, où il est mort, le 14 mai 1831.
Page du roi en la grande écurie ( 1785), il fut
nommé, le 22 janvier 1788, sous-lieutenant des
dragons de Lorraine. Il suivit sa famille dans
l'émigration. Après avoir fait les campagnes de
l'armée de Condé , il rentra en France après le
18 brumaire, et fut envoyé comme consul à Patna,
puis à Pondichéry. Fait, en 1802, prisonnier par
les Anglais, il ne recouvra sa liberté qu'en 1806, et
devint alors consul à Trieste, titre qu'il échangea
quelques années après contre celui de consul gé-
néral dans les provinces illyriennes. Louis XVIII
le chargea en 1816 des mêmes fonctions à Lon-
dres, et lui conféra en 1821 le titre de baron.
Outre un petit poëme, la Naissance de la mode
(Paris, 1819, in-8°), on a de lui plusieurs vau-
devilles joués sur les théâtres de Paris , et des
mémoires étendus restés en manuscrit au minis-
tère des affaires étrangères.
Jay, Jouy, Biogr. nouv. des contemporains.
seguier (Antoine- Jean-Matthieu, baron),
magistrat, frère aîné du précédent, né le 21 sep-
tembre 1768, à Paris, où il est mort, le 3 août
1848. Il fut, en 1789, présenté par son père au
serment d'avocat. Il venait d'être nommé con-
(1| 11 n'eut pas, comme Servan, l'honneur de préparer
la réforme du droit criminel, et fut, dans l'affaire des
trois roués Simarre, Bradier et Lardoise, le défenseur
de la théorie des preuves légales , suivant laquelle les
témoignages se comptent plus qu'ils ne se pèsent, et où
condamner sur la foi d'un témoin qui peut être suspect,
mais qai n'est pas reproché, ce n'est pas condamner
sans preuve (1786). Triste théorie, que Dupaty eut l'hon-
neur de combattre dans un mémoire resté célèbre !
699 SEGUIER
seiller du roi et substitut du procureur général,
lorsque. la suppression des parlements (6 sep-
tembre 1790) l'arracha brusquement à ses fonc-
tions judiciaires. Émigré avec sa famille ( mars
1791), il revint en France après le 9 thermidor,
et résida quelque temps à Montpellier. Le nouvel
ordre de choses qui fut la conséquence du 18 bru-
maire lui rouvrit les rangs de la magistrature.
Particulièrement protégé par Cambacérès, dont
il était l'allié par sa mère, Seguier devint en 1802
commissaire près le tribunal de la Seine, et par-
ticipa à la rédaction du nouveau code de procé-
dure. A trente-quatre ans, il succéda à Treilhard
dans la présidence de la cour d'appel de Paris
(8 décembre 1802). Créé, en 1804, commandeur
de la Légion d'honneur et baron en 1808, il devait
trop à l'empire pour ne pas être particulièrement
touché des grandes choses qui s'accomplis-
saient sous ses yeux. Mais, manquant de mesure,
il porta une exagération adulatoire jusque dans
les harangues qu'il adressa à Napoléon Ier à
la tête de sa compagnie; c'est ainsi qu'il disait
après Tilsitt : « Napoléon est au delà de l'his-
toire humaine, il appartient aux temps héroï-
ques :il est au-dessus de l'admiration; il n'y a
que l'amour qui puisse s'élever jusqu'à lui » ;
qu'il parlait, pendant la guerre d'Espagne, « de
la personne sacrée de l'empereur » ; ou bien en-
core, après la retraite de Russie, qu'il s'écriait :
« Nous sommes prêts à tout sacrifier pour votre
personne sacrée, pour la perpétuité de votre
dynastie (1). » Nobles paroles, à une époque où
on ne séparait pas le souverain de la patrie, et
auxquelles il ne manqua que l'assentiment de la
fortune et la constance politique de l'orateur.
Le 6 avril 1814, la cour impériale, sur la propo-
sition de Seguier, rendait un arrêt solennel,
dans lequel « sentant tout le prix des efforts qui
ont enfin délivré la France d'un joug tyran-
nique , >> elle adhérait à la déchéance de l'em-
pereur. Lui-même complimentait le comte d'Ar-
tois ( 18 avril ), puis Louis XVIII, à Saint-Ouen
(2 mai 1814), dans des paroles où l'on peut
regretter encore le même défaut de mesure. Des-
titué et exilé pendant les cent-jours, il fut réin-
tégré dans ses fonctions de premier président en
1815 (17 août), et nommé pair de France (18 sep-
tembre). Délégué par le chancelier pour procéder
• à l'instruction du maréchal Ney, il en fit le rap-
port. Un discours de rentrée, qu'il prononça en
novembre 1816, et qui fut un véritable réquisi-
toire, souvent un peu puéril, contre les mœurs,
l'esprit, la législation du temps et « la manie de
s'envelopper des laines de l'Orient >>, devint
l'occasion d'une des chansons les plus finement
ironiques de Déranger. Lors du funeste attentat de
Louvel, il prononça ces paroles, qui frappèrent
alors de stupeur : « Si Votre Majesté pensait que
les magistrats pussent la servir encore efficace-
ment, rendez-leur des moyens dont l'utilité n'est
: ianv. 1806, 28 juin. 1C07,
(1) Voy. les discours des
lanv. 1809 ci 28dcc. 1812.
pas oubliée. » La prudence de Louis XVIII e
pécha la reproduction de ce discours au Mo
leur. 11 fut un des commissaires chargés
procéder à l'instruction contre Louvel ( févi
1820). Cependant le royalisme exalté de M. ;
guier sembla se. modérer dans les dernières ;
nées de la restauration : son attitude corc
président dans les procès du Constitutionnel
du Courrier français lui concilia même bi
tôt la presse libérale, tandis que ses sentime
de gallicanisme et de libéralisme modéré é
gnèrent un peu de lui les bonnes grâces dt
cour. La révolution de 1830 ne changea rie
sa situation. Conservé par son inamovibilité ,
tête de la cour de Paris, il se renferma de plus
plus dans l'exercice de ses fonctions judiciair
mais ce n'était pas, toutefois, sans faire quelque
d'assez vives sorties contre certaines tendaii
sociales ou politiques. Me Marie, dans l'affi
du Barrois mouvant, ayant dit : « Le tiers <
s'étant mis à côté de la royauté après avoir
longtemps à ses genoux. » — « Non pas à côté,
terrompit-il, mais plus bas, bien plus bas. » C
dans ces fonctions, qu'il exerçait depuis prèsd
demi-siècle, que la mort le prit, le 3 août 18
Il avait reçu en 1834 la grand'eroix de laLég
d'honneur. Comme magistrat , si on a pui
reprocher d'aimer trop à se laisser aller à
saillies, souvent spirituelles, mais quelque
assez étranges dans la bouche d'un magist
on peut cependant répéter ce qu'a dit de
M. Sapey : « Magistrat intègre jusqu'au se
pule, esprit vif, ouvert aux affaires, habile à
saisir, prompt à les décider », il sut, par le
ractère et l'esprit, plus peut-être que pai
science du jurisconsulte, se mettre à la haut
des devoirs qu'il eut, comme magistrat, si lo
temps à remplir. Eug. Asse.
Sapey, Les Seguier.
* seguier (Armand- Pierre, cheval
puis baron), membre de l'Institut, fils du f
cèdent, né à Montpellier, le 3 juillet 1803. R
avocat en 1824, il devint conseiller auditeur i
cour royale de Paris (décembre 1826), et c
seiller après 1 830. Il se démit de ses foncti
en février 1848, et se consacra dès lors à
travaux de mécanique. Doué d'une grai
adresse et d'une aptitude fort rare en ce ge
chez un homme du monde, M. Seguier est
des hommes les plus versés dans la connaissa
des machines et des procédés mécaniques
l'industrie. L'Académie des sciences l'admit
21 janvier 1833, comme membre libre. Il
depuis 1851 officier de la Légion d'honne
Outre de nombreux Rapports et Mémoires
géant ou indiquant divers perfectionnements
traduits dans la science ou dans l'industrie,
a de lui : Sur les appareils producteurs
la vapeur; Paris, 1832, in-8°; — Péri
Uonnements dans la navigation à vapei
Paris, 1848, in-4°; il s'agit d'un mode de co
truclion navale en fer et en bois combinés ai
01 SEGUIER
uo d'une mâture mobile et d'une roue à pa-
ttes pivotantes suivant le rayon, appropriées à
i navigation mixte par le vent et la vapeur; ce
ouveau système a été réalisé à bord de la
oëlette à vapeur la Persévérance.
Docum. part.
SEGVIRR (Sidoine-C harles-François) , mar-
uis de SajiNt-Brisson, littérateur français, né le
novembre 1738, moitié 20 avril 1773, à Sainl-
risson (Loiret). De la môme famille que les pré'
îdents, il descendait du frère puîné de Pierre Ier
icolas, qui fonda la branche des seigneurs
5 Saint-Cyr et de Saint-Brisson. Le titre de
kirquis avait été donné à son trisaïeul. Destiné
l'état militaire, il devint en 1647 capitaine au
giment de Limousin. S'étant passionné pour
s doctrines des philosophes , celles surtout
; J.-J. Rousseau , il voulut rompre avec
; mère et apprendre l'état de menuisier, « le
ut pour faire !e petit Emile ». Rousseau, à
ù il avait confié ce beau projet, lui écrivit le
: juillet 1766 une lettre fort remarquable, et
rvint à le faire rentrer dans le devoir. « Saint-
isson, revenu de ses folies, dit-il dans ses
mfessions, en fit une un peu moins cho-
lante, mais qui n'était guère plus de mon
lût •• ce fut de se faire auteur. Il donna coup
r coup deux ou trois brochures, qui n'annon-
ient pas un homme sans talents, mais sur les-,
celles je n'aurai pas à me reprocher de lui
oir donné des éloges bien encourageants. » En
pit de cette déconvenue, Seguier resta fidèle
nx principes qu'il avait embrassés, et ce fut à
; propager qu'il consacra les travaux d'une
urne facile, mais peu exercée. On a de lui :
riste, ou les Charmes de V honnêteté ;
iris, 1764, in-12; — Lettre à Philopeménès,
Réflexions sur le régime des pauvres;
ans, 1764, in-12; — Traité des droits du
Inie; Carlsruhe, 1769, in-S°,où il examine si la
^naissance de la vérité est utile aux hommes.
écrits sont anonymes.
J.-J. Rousseau, Confessions. Jiv. XII. — Docum.
irtic.
seguier ( Nicolas- Maximilien- Sidoine) ,
ftfquis de Saint-Brisson, érudit français, fils
». précédent , né à Beauvais , le 7 décembre
f73, mort à Paris, le 22 mai 1854. Né post-
Mue, il fut élevé par sa mère; à dix-sept ans
ifaiigra, entra dans l'armée de Condé, et ne
i quitta qu'après son licenciement. Le désir
achever ses études le conduisit à Leyde, où
itude des langues anciennes eut pour lui un
trait particulier. De retour en France, il figura
lelque temps dans le génie militaire, voyagea
'Suite en Allemagne, en Pologne et en Russie.
»us l'empire il s'occupa de ses études fa-
ites. Le 3 novembre 1814 il fut appelé à
préfecture du Calvados, qu'il ne put retenir,
'ndant les cent-jours, sous l'obéissance du roi.
administra successivement la Somme (12 juil-
t 1815), la Meurthe (1816), la Côte-d'Or
702
(1821), l'Orne (1823), et lu Nièvre ( 1830); le
14 août de cette année il donna sa démission,
et se retira à la campagne. Déjà membre de plu-
sieurs sociétés savantes, il fut élu en 1832
membre libre de l'Académie des inscriptions.
On a de lui : De l'emploi des conjonctions
dans la langue grecque; Paris, 1814, in-8°;
— La Philosophie du langage exposée d'a-
près Aristote; Paris, 1838, in-8°; — Sur le
fragment de Longin contenu dans la rhé-
torique d'Apsine; Paris , 1838, in-8° ; ~ Es-
sai sur le pokjthéisme; Paris, 1840, 2 vol.
in-12 ; — Mémoire sur Miltiade et les au-
teurs de sa race; Paris, 1841, in-40;— La
Préparation évangélique, d'Eusèbe Pam-
phile, traduite du grec avec des notes ; Paris,
1846, 2 vol. in-8°; — Examen des IX livres
de Sanchoniaton ; Paris, 18 , in-8°, suivi
d'une Dissertation sur l'authenticité des
fragments de l'histoire phénicienne. Il a
fourni des articles philologiques au Journal
des Savants (1810), à l'Institut (i836), au
Journal asiatique, et aux Annales de la phi-
losophie chrétienne.
Biogr. univ. et portât, des contemp. — Docum.
partie.
seguier (Jean-François), antiquaire et
botaniste français, né le 25 novembre 1703, à
Nîmes, où il est mort, le 1er septembre 1784.
Issu d'une famille qui n'a aucun lien de parenté
avec celle des précédents, il était fils d'un con-
seiller au présidial, qui le destinait à la magis-
trature. Il fut élevé chez les jésuites, et se lit re-
marquai' par un goût peu ordinaire pour la nu-
mismatique, à ce point qu'apprenant un jour
qu'on avait trouvé quelques médailles dans un
puits du collège, il s'y fit descendre la nuit par
un de ses camarades au péril de sa vie. En-
voyé à Montpellier pour suivre les cours de
droit, il y fréquenta moins l'école que le jardin
royal où Chicoyneau faisait la démonstration
des plantes. Sur les pressantes sollicitations
de son père, il allait se résoudre à entrer au
présidial de Nîmes, lorsqu'en 1732 l'arrivée
du célèbre Maffei décida de son avenir : ce
savant sut bientôt apprécier son mérite, et
persuada ses parents de lui laisser suivre sa
vocation. Seguier, pénétré de reconnaissance,
voua à Maffei la plus tendre amitié, et parcourut
avec lui la plus grande partie de l'Europe, exa-
minant les productions de l'art, les monuments
antiques, les curiosités naturelles, A Paris, l'abbé
Bignon le chargea de mettreen ordre au cabinet du
roi un herbier de plus de vingt-deux mille plantes.
A Vienne, il observa l'éclipsé de soleil du 3 mai
1734, en présence du prince Eugène, qui le pria
d'accepter le télescope dont il s'était servi.
Après avoir visité Rome et les principales villes
de l'Italie, il se fixa auprès de Maffei à Vérone,
où il s'appliqua plus particulièrement à la bo-
tanique et à l'histoire naturelle. Après la mort
de son ami, Seguier revint à Nîmes (1755), ap-
703
SEGUIER — SEGUR
70
portant avec lui l'ample moisson de livres , de
plantes, de médailles, de minéraux, etc., faite
pendant ses vingt-trois années d'absence. Par les
vestiges des lettres de l'inscription de la Maison
Carrée, par quelques trous qu'ont formés, entre
la frise et l'architrave, les clous qui avaient servi
à fixer ces lettres., il parvint à découvrir que
ce monument avait été consacré en l'honneur de
Caïus et de Lucius, fils d'Agrippa et petits- fils
d'Auguste, princes de la jeunesse. Seguier, déjà
membre de plusieurs académies de France et d'I-
talie, fut admis en 1772 à l'Académie des inscrip-
tions en qualité d'associé. Une violente attaque
d'apoplexie l'enleva subitement à plus de quatre-
vingts ans ; par testament, il avait légué à l'A-
cadémie de Nîmes son cabinet d'histoire na-
turelle, sa bibliothèque, ses médailles, ses ma-
nuscrits et sa maison, qu'il avait ornée d'un
grand nombre d'inscriptions et monuments an-
tiques. Lors de la destruction des sociétés sa-
vantes, le legs Seguier fut réuni à la bibliothèque
de la ville. On a de Seguier : BiUiotheca bota-
nica; La Haye, 1 740, in-4° ; réimpr. à Leyde, 1 760,
in-4°, par les soins de Gronovius, qui y a joint
un supplément: recueil bien fait, mais que celui
de Haller a fait oublier ; — Osservazioni sopra
la cometa di 1744 e di due eclissi lunari
faite in Verona ; Vérone, 1744, in-8°, publiées
en société avec J.-P. Guglienzi; — Plantée Ve-
ronenses; Vérone, 1745-1754, 3 vol. in-8°, pi. :
dans ces deux ouvrages, il suivit une méthode
qui lui était particulière, et qui tient beaucoup
cependant de celle de Tournefort ; il n'avait point
adopté, au moins alors, la méthode sexuelle ; —
Viridariiim lusitanum ; s. 1., 1749, in-12; —
Dissertation sur V inscription de la Maison
Carrée; Paris et Nîmes, 1759 et 1776, in-8°.
On lui doit aussi la traduction des Mémoires du
feld-maréchal Alexandre Maffei, frère deson
ami (La Haye, 1740, 2 vol. in-12). Parmi ies ou-
vrages manuscrits qu'il a laissés, nous citerons :
Inscriptionum antiquarum index absolutus,
2 vol. in-fol. ; une Histoire critique de tous les
écrits publiés sur cette matière jusqu'en 1764,
2 vol. in-fol., servant d'introduction à l'ouvrage
précédent, et 4 autres vol. in-4° et in-fol., con-
tenant des suppléments, des notes et des tables;
une Histoire de V astrologie judiciaire; un
Recueil des inscriptions trouvées à Nîmes et
dans les environs, et une collection de 17 vol.
in-fôl. de lettres qui lui avaient été adressées
par les savants avec lesquels il entretenait une
correspondance suivie, tels que les présidents
Bouhier et d'Orbessan , J.-J. Rousseau, deBoze,
Barthélémy, etc. H. Fisquet.
Dacier, Éloge de Seguier, dans le t. XLVII des Mé-
moires de l'Académie des inscript. — Desgenettes, Élo-
ges des académiciens de Montpellier. — De Ratte,
Éloge de Seguier. — Journal de Paris, 178i, n° 284. —
Magasin encyclopéd,, décembre 1805.
segur (Henri-François, comte de), géné-
ral français, né Je 1er juin 1689, mort le
18 juin 1751, à Metz. Sa famille était connue
dès le neuvième siècle dans le Limousin , *
forma plusieurs branches , la plupart éteintes
et dont une, les Segur-Bouzely, embrassa 1
religion réformée. Celle à laquelle il apparte
nait a jeté le plus d'éclat; il était fils de Henr
Joseph, marquis de Segur-Ponchat, mort ej
1737. En sortant des pages de. la chambre d
roi, il fit ses premières armes en Flandre, dans h
mousquetaires, joignit en Aragon le régimei
de son nom , et en devint colonel à dix-sej
ans (1706), sur la démission de son père,
servit avec le rang de mestre de camp aux siégt
de Denain, de Douai et du Quesnoi. Pourvu e
1718 de la lieutenance générale des provinces d
Champagne et de Brie, il conserva cet office jus
qu'en 1748. Lorsque la guerre éclata, il fut e:;
voyé en Italie (1733), et y remplit les fonctioi
de maréchal des logis de la cavalerie. Nomtr
maréchal de camp (février 1734), il eutpartau
victoires de Parme et de Guastalla. En 1737
négocia le mariage du roi de Sardaigne avec
princesse Elisabeth de Lorraine. Promu e
grade de lieutenant général (1er mars 1738), ,
attaché en cette qualité à l'armée de Bohên j
(1741), il fut chargé, avec dix mille Français i
Bavarois, de défendre la haute Autriche; assail
par près de trente mille Impériaux et coupé ( i
ses communications avec Belle-Isle, il se je
dans Lintz, ville sans défense , et capitula
23 janvier 1743. Après avoir servi en Fland
sous les ordres du roi (1744) , il conduisit i
petit corps d'armée en Bavière, et battit les Ai
trichiens à Lichtenau (28 janvier 1745) ; mais ei
taure par des forces supérieures, il prit positi»
sur les hauteurs de Pfaffenhofen, livra trois cor
bats meurtriers dans le même jour, et opéra
retraite en bon ordre. En 1746 il ouvrit la trai
chée au siège de Charleroi, investit Narnur et
trouva à la bataille de Raucoux; en 1747 il ca
duisit vingt-trois escadrons à celle de Laufelc
A sa mort il commandait la place de Metz. De si
mariage avec Angélique de Froissy (1718), fil
naturelle du régent, il eut un fils, qui suit.
Pinard, Chronologie milit., V. — De Courcelles, Di
hist. des génér. français. — De Luynes, 31émoires.
segur ( Philippe- Henri, marquis de), m
réchal de France, fils du précédent, né le 20ja
vier 1724, moitié 3 octobre 1801, à Paris,
quinze ans il entra au service ; à seize ans il étf
capitaine de cavalerie, et à dix-huit color
d'un régiment d'infanterie. De bonne heure
essuya l'épreuve du feu, et sa conduite dans
guerre de Bohême fut très-brillante ainsi qu'<
Italie , où il combattit sous les auspices de &
père. Après avoir servi aux sièges de Mons,'
Charleroi et de Namur, il fut atteint à Raucoi
d'un coup de feu qui lui traversa la poitrin
et à Laufeldt d'un coup de canon qui lui fr
cassa un bras; il commanda encore une de
nière charge et ne se soumit à l'amputation qu'
près la victoire. Dans la même année (174;
il obtint la croix de Saint-Louis et la lieut
) Pendant qu'il commandait le camp de manœuvres
emblé à Corapiègne (1767), un déserteur fut con-
inê à mort; la marquise de Segur alla se jeter aux
Istlu roi, qui lui accorda la grâce du coupable. Ce fut
*te occasion que Scdaine écrivit, dit-on, l'opéra du
erteur.
|r05 SFGUR
jiance générale de Champagne et de Drie sur
u démission de son père. Maréchal de carnp
In 1749, il rendit de, brillants services durant la
iuerre de Sept ans; sa conduite à Hastemheck, à
:revelt et à iMinden fut récompensée par le grade
e lieutenant général (18mai 17C0). Au combat de
1 Varbourg il sauva un corps d'armée, à celui de
lostercamp il fut forcé de se rendre à l'ennemi,
iprès avoir été frappé de deux coups de sabre et
[un coup de baïonnette (i). Après la paix il fut
mimé chevalier du Saint-Esprit, et dès 1753
; était gouverneur du comté de Foix. Pourvu en
! ?75 du commandement temporaire de la Franche-
|omté, il s'efforça, par sa franchise et son es-
i it conciliant, d'y faire régner la tranquillité,
j enacée par les divisions politiques. Le 23 dé-
tmbre 1780 il remplaça le prince de Montbarey
lins le ministère de la guerre, sur la proposition
| ; Necker, qui, en l'appelant à ce poste, désirait
[en faire un appui pour son crédit. Tout en-
I r aux affaires de son département, doué d'un
1ns droit et d'une franchise un peu rude, Segur
Jpugna toujours à se mêler aux intrigues de la
}ur, el s'appliqua avec un zèle souvent heu-
! ix à réformer les vices de l'administration et
introduire autant qu'il lui fut possible de l'ordre
1ns les dépenses. Il fut dans le conseil un des
I is chauds partisans de la guerre d'Amérique.
[i lui dut, en 1783,1a création d'un corps per-
inent d'officiers d'état-major, destinés à aider
officiers généraux dans le service de cam-
Igne; l'ordonnance sur le régime des casernes
des hôpitaux militaires fit honneur à son hu-
anité. Mais on regrette de voir son nom au bas
me autre ordonnance, plus fameuse, qui attri-
ait à la noblesse seule les emplois d'officiers
ns l'armée; d'après les Mémoires de son fils
ié, cette mesure impolitiqueauraitété proposée
r un comité spécial, et contre l'avis du ministre
la guerre, qui en aurait au contraire signalé
funestes résultats. La dignité de maréchal de
ance avait récompensé ses services (13 juin
83). A peine le cardinal de Loménie eut-il pris
ns le cabinet la première place, que Segur s'em-
ssa de résigner son portefeuille (29 août 1787);
je retira dans sa famille, et assista en spectateur
le aux mouvements tumultueux d'une révo-
ïon qu'il avait accueillie avec peu de sympathie,
jqni lui enleva avec ses dignités la pension qu'il
tait du roi. Sous la terreur il subit une détention
iquelques mois, d'autant plus cruelle que, privé
in bras et tourmenté de la goutte, il lui fut interdit
voir recours aux soins de ses enfants ou même
mdomestique. Informé de sa position précaire,
naparte, premier consul, lui fit, en 1800, comme
.ïoehambeau , un traitement de 4,000 francs.
sa femme, M'ie de Vernon, riche créole de
70G
Saint-Domingue, morte en 1778, à Paris, il eut
deux (ils, Louis- Philippe et Alexandre , qui
suivent.
De Courcelléi, Dict. hitt. des uénèr. français. — L.-l'h.
de Segur, Mémoires, et Notice sur le maréchal, dan.?
son Recueil de famille; 182G, in-8°. — Durozoir, dans le
Dict. de la Conversation, t. XLVlii.
SfiGUR {Louis- Philippe, comte de), diplo-
mate et historien français, fils aîné du précédent,
né le 10 décembre 1753, à Paris, où il est mort,
le 27 août 1830.11 reçut, sous les yeux de son
père, une éducation soignée, et la compléta à
Strasbourg, où il suivit même le cours de droit
public professé par Koch. A quinze ans il fut
attaché comme sous-lieutenant au régiment de
Mestre-de-camp cavalerie (1769); à dix-huit ans
il y était capitaine, et à vingt-trois il commandait
en qualité de colonel en second le régiment
d'Orléans (1776). « Né avec une imagination
vive, dit-il dans ses curieux Mémoires, au mi-
lieu d'une cour et d'un siècle où l'on s'occupait plus
des plaisirs que des affaires, des lettres que de la
politique; aimant avec passion la poésie et cette
philosophie nouvelle qui semblait devoir assu-
rer le triomphe de la raison, » il se laissa aisé-
ment entraîner dans le tourbillon d'un monde
léger, vain, spirituelet galant; quelques duels et
de jolis vers le mirent en peu de temps à la mode.
Il fréquenta les salons de M«ies du Deffand et
Geoffrin , il rechercha l'amitié des écrivains
spirituels et hardis; La Harpe et Marmontel
louèrent ses premiers essais ; Voltaire lui-même,
lors de son retour à Paris, l'encouragea par quel-
ques conseils et lui prédit « d'heureux destins ( 1 ) » .
Ami enthousiaste des idées nouvelles, il exprima
vivement le désir d'aller combattre pour l'indé-
pendance des colonies américaines à côté de La
Fayette, son parent; mais il ne put obtenir cette
faveurqu'en 1782; la guerre alors tirait à salin, et
il assista à des engagements sans importance. A son
retour, il fut nommé colonel des dragons de Se-
gur (5 décembre 1783). Après avoir travaillé pen
dant plusieurs mois auprès de son père, qui diri-
geait le département de la guerre, il fut désigné
à la fin de 1784 pour l'ambassade de Russie; ce
ne fui pas sans une vive répugnance qu'il ento-a
dans une carrière où il devait déployer autant
d'énergie que d'habileté. A la cour de Péters-
bourg il réussit à merveille : Catherine II l'ad-
mit presque aussitôt dans son intimité, le combla
de présents et l'invita à toutes les fêtes. A voir
la faveur constante dont il jouit près d'elle, on
pourrait penser qu'il fut le rival heureux d'Oiiof
et de Potemkin. Il lui adressa des vers louan-
geurs, et composa des pièces pour son théâtre
particulier. Quelquefois il cessait de se montrer
au palais et ne correspondait plus avec lalzarinc
que par intermédiaire. Il l'accompagna dans le
fameux voyage de 1787 en Crimée; il y tint une
des premières places, et il en a écrit une relation
NOUV. EIOGR. GÉNÉR.
T. XLIII.
(1! Voltaire avait eu dans sa jeunesse des liaisons assez
intimes avec les parents de Louis de Segur; il alla en
1778 les visiter deux ou trois fols dans leur hôtel.
23
707 SEGUR
des plus intéressantes. Mais en vain chercha- t-il,
sur les conseils de son père, à former avec le
concours de la France, de l'Autriche, de l'Es-
pagne et de la Russie, une quadruple alliance,
qui eût consacré probablement la chute de la
Turquie et le partage de la Pologne; ce projet,
caressépar Catherine et Joseph II, échoua devant
les répugnances de Louis XVI, et Segur, dont la
position devenait fort délicate depuis que la ré-
volution avait éclaté, n'eut plus qu'à revenir à
Paris (nov. 1789). Il retrouva la France tout
enfiévrée : lié d'amitié avec les principaux chefs
de l'Assemblée constituante, il soutint, dans les
journaux et dans des brochures, le parti de la
liberté; cependant il n'agit qu'avec réserve, et
jusqu'à la chute de la monarchie il lui demeura
dévoué. Désigné, en mars 1791, pour remplacer
le cardinal de Bernis dans l'ambassade de Piome, il
n'alla pas plus loin que Florence : le pape Pie VI
refusa de laisser pénétrer dans ses États l'envoyé
de la révolution. Le grade de maréchal de camp
dédommagea Segur de cet affront; toutefois il
refusa le ministère des affaires étrangères, qu'il
avait d'abord accepté, en remplacement de
Montmorin. Envoyé à Berlin avec la mission
de détacher la Prusse de la ligue qui venait
d'être conclue à Pilnitz, il reçut des pouvoirs
étendus ainsi qu'une somme de trois millions
de francs, dit-on , destinée à corrompre les mi-
nistres et les favoris du roi. Le secret de sesins-
truclions fut mal gardé : Frédéric-Guillaume II
en eut connaissance, et en témoigna tant d'irrita-
tion que le jour où l'ambassadeur lui présenta ses
lettres de créance (12 janvier 1792), il lui tourna
le clos sans répondre. A quelques jours de là
Segur, atteint par une insulte encore plus
grave, fut trouvé tout sanglant dans sa chambre;
le bruit courut d'un suicide. Ce fut une am-
bassade manquée, et aussitôt rétabli Segur sol-
liciia son rappel, et revint en France (mars 1792).
Après le 10 août, il se retira avec sa famille au
village tic Cbâtenay, près de Sceaux, et vécut
là paisible et oublié, voyant peu de monde, et
n'ayant conservé de relations suivies qu'avec
Boissy d'Anglas. La révolution du 9 thermidor
ne le fit pas sortir d'une retraite où il se plai-
sait et où le condamnait d'ailleurs le peu de for-
tune qui lui était resté. Se reprenant au goût de
sa jeunesse pour les lettres, il composa pendant
le Directoire quelques-uns de ses plus impor-
tants ouvrages, comme l'Histoire de Frédéric-
Guillaume II, et les rédigea dans un esprit de
modération auquel on n'était plus accoutumé. En
même temps il se montrait assidu aux séances
des Dîners du Vaudeville et du Portique ré-
publicain. Sous l'empire il ne confia rien à la
presse, autant par prudence que pour faire sa
cour au nouveau maître qu'il s'était donné. On
raconte en effet que Bonaparte, qui n'aimait pas
les fonctionnaires publicistes, lui avait demandé
un jour, d'un ton dédaigneux, « s'il était parent
■ lu Segur qui faisait des livres »,
70J
Après le 18 brumaire, Segur rentra dans la vit |
publique. Il appartint d'abord comme député di
la Seine au Corps législatif (27 février 1801); il fi j
décréteren juillet 1802 l'ouvertureimmédiated'ui |
registre pour le vote individuel des députés su
le consulat à vie. Le 25 décembre suivant, il de
vint conseiller d'État, et rédigea en cette qualit
un grand nombre de rapports sur des matière
d'administration. Les plus hautes distinction
furent la récompense de son zèle : Napoléon le fi
grand maître des cérémonies (18 juillet 1804'
grand'croix de la Légion d'honneur (1er févrie
1805), comte de l'empire (1810) et sénateu
(5 avril 1813); niais il est assez remarquabl
qu'en le confinant dans les emplois de coi
il ne lui accorda jamais ni pouvoir réel ni il
fluence. Durant la campagne de France, il l'eiJ
voya avec de grands pouvoirs dans la 18e div 1
sion militaire (Haute-Marne et Côte-d'Or); I
était déjà trop tard pour organiser une défen: I
sérieuse, et Segur fut aussi impuissant que si I
collègues en mission à rien exécuter. 11 vota |
déchéance de l'empereur, et se rendit au-diva;
de Louis XVIII à Compiègne; il fut compris p;
l'ordonnance du 4 juin 1814 dans la Chamb
des pairs. La restauration éphémère de Napt
léon le rétablit dans sa charge de grand maîtr
et il fut appelé à la nouvelle chambre haut
Après Waterloo il soutint avec beaucoup d'<
nergieles droits de Napoléon II ; il offrit même
suivre l'empereur partout où il devrait alk
Ainsi que tous les pairs de 1814 qui avaient s
cepté la pairie des cent-jours, il fut éloigné
Luxembourg par l'ordonnance du"24 juillet 18
mais on lui en rouvrit les portes le 21 novei
bre 1819, et il y siégea jusqu'à sa mort avec j
siduité, prenant souvent la parole et votant to
jours avec le parti libéral. Il salua la révoluti
de 1830 avec l'enthousiasme de ses jeuE
années. « 11 est temps, écrivait-il le 5 ac
au président de la chambre, que la nation frai
çaise se voie, par de fortes garanties, à VU
de toute tentative tyrannique, et qu'elle joui!
dans une pleine sécurité de la liberté politique
individuelle, et delà liberté de la presse, qui
défend toutes. » Peu de temps après il s'él
gnait, dans sa soixante-dix-septième année, i
suite d'une longue et douloureuse maladie
Segur consacra à la culture des lettres lad*
nière moitié de sa vie; il y déploya les
beaux dons de l'esprit et du cœur, « cette ar
nité de formes, de caractère et de langaj
cette délicatesse de style, cette finesse de pi
santerie, ce mélange de bonhomie et de n
lice, cet esprit varié qui passait avec tant d
sance de la chanson à la politique, des p
hautes questions d'Élat aux passe-temps
plus frivoles de la littérature (1) ». Admis
1803 dans l'Académie française, il en était I
des doyens, et y représenta, avec l'autorité
(1) Viennet, Disc, de récept. à V Académie.
'09
SEGUR
710
'ang cl les grâces de l'esprit, cette forte généra-
ion d'écrivains qui avaient préparé la révolution
1 1 à l'école desquels il avait appris à penser et à
icrire. Ses ouvrages, accueillis au moment de
■ur apparition avec beaucoup de faveur, n'ont
[as mérité l'oubli auquel ils semblent déjà con-
'anwés; on y trouve, surtout dans ceux qui
[feignent les événements où il a pris part, des
jîtails neufs et piquants, des pensées ingé-
euses, des portraits finement observés, et la
ain qui les a tracés possédait le secret, qui se
; Ttl de plus en plus, d'une langue claire, élé-
liinte, aisée et agréable jusque dans ses défail-
WQces. Nous citerons de Louis de Segur : Pen-
tes politiques; Paris, 1795,in-8°; — Théâtre
:l H ermitage; Paris, 1798, 2 vol. in-8°: sous
r( titre il a réuni les pièces qu'il avait écrites
fur le Ihéâtrede la tzarineà Saint-Pétersbourg,
H les que Crispin duègne, V Enlèvement,
Homme inconsidéré, comédies; Coriolan,
jgédie, etc.; — Tableau historique et
iitique de V Europe (1786-1796) , conte-
nt l'histoire des principaux ^événements
\règne de Frédéric- Guillaume II, roi de
russe, et un Précis des révolutions du
\abant, de Hollande, de Pologne et de
tance; Paris, 1801, 3 vol. in-s°, publié en
)0 sous le titre d'Histoire de Frédéric-Guil-
•tme II, et en 189.8 sous celui de Décade his-
fiqiie; le Mémoire sur la révolution de Hol-
fide, qui embrasse tout le dernier volume, est
Lièrementdû à Caillard, archivistedes relations
Eérieures; — Politique de tous les cabinets
l'Europe pendant les règnes de Louis XV
de Louis XVI; Paris, 1801, 1822, 3 vol.
8° : Segur n'est à vrai dire que l'éditeur de
ouvrage, composé en grande partie des écrits
Favier, imprimé en 1792, et qu'il a enrichi
potes, mémoires et commentaires; — Contes,
fies, chansons et vers; Paris, 1801, 1809,
(8o; _ Galerie morale et politique; Paris,
:7-23, 3 vol. in-8° : la Galerie morale a été
popr. seule en 1843, in-18; — Abrégé de l'his-
se universelle ; Paris , 1817 et ann. suiv.,
|bl. in-18, fig. et cartes ; ibid., 1823 et suiv.,
I. in-18; ibid., 1835, 12 vol. in-8°, fig.;
ibid., 1847-48, 6 vol. in-12 : plusieurs
s de cette collection ont paru isolément,
des titres particuliers; — Les Quatre âges
ia vie; Paris, 1819, in-8°; — Romances et
msons ; Paris, 1819, in-S°; — Histoire de
ce; Paris, 1824-30, 9 vol. in- 8° : elles'ar-
la mort de Louis XI; — Mémoires ou
nirs et anecdotes; Paris, 1824, 3 vol.
}°,et 1842,2 vol. in-12 : ces mémoires présen-
beaucoup d'intérêt et d'agrément; — Recueil
Me; Paris, 1826, in-8° : il est composé
:es de vers, de notices et de comédies, et
pas été mis dans le commerce. — M. de
w est encore l'auteur d'un grand nombre
ticles insérés dans les Nouvelles politiques,
istorien, le Publiciste, les Archives litté-
raires de l'Europe, la Bibliothèque française,
le Mercure, le Journal de Paris, la Revue
encyclopédique , etc., articles qu'il n'a pas juge
à propos de recueillir dans ses Œuvres com-
plètes (1824 et suiv., 34 vol. in-8° et atlas), dont
il a surveillé lui-même la publication.
Segur {Antoinette- Elisabeth Marie D'A-
guesseau, comtesse de), femme du précédent,
née en 1756, à Paris, où elle est morte, le 5 mars
1828, était petite fille du célèbre chancelier
• D'Agucsseau. Elle épousa, le 3 avril 1777, M. de
Segur, et se fit remarquer par l'élévation de son
âme, la force de son esprit et la bonté de son
caractère. Afin de ménager la vue, très-afl'aiblie,
de son mari , elle lui évita la fatigue d'écrire
lui-même, et c'est à elle qu'est dû tout le ma-
nuscrit de Y Histoire ïiniverselle. Elle eut de
son mariage deux fils, Octave et Paul-Philippe
(voy. ci-après). P. L.
L.-Ph. de Segur, Mémoires.— Viennet, Disc, de récept.
à VAcad.fr., 1830. — Arnault, Disc, prononcé sur la
tombe de Segur. — Sainle-Beuve, dans la Bévue des
deux mondes, 15 mai 1843. — Biogr. univ. et port, des
contemp.
segur (Joseph- Alexandre- Pierre, vicomte
de), littérateur et poète français, frère du précé-
dent, né à Paris en 1756, mort à Bagnères, le 27
juillet 1805. Successivement colonel des régi-
ments de Noailles, de Lorraine et des dragons
de son nom, il fut nommé maréchal de camp
le 19 mars 1788. A l'époque de la révolution il
quitta le service, et ne s'occupa plus que de lit-
térature. Homme du monde, d'un esprit léger,
d'une conversation agréable, d'une aménité char-
mante, il brillait dans la société par ses bons
mots, ses couplets et ses malices sans fiel. Aux
dîners du Vaudeville, dont il était un convive
assidu, ses chansons gracieuses et faciles eurent
un grand succès, le Déluge et le Temps et l'A-
mour , par exemple. On lui a reproché la pu-
blication des Mémoires de Besenval ; voici sa
défense : poursuivi en 1795 , il déposa ces Mé-
moires, peu de jours avant d'être emprisonné,
chez un conventionnel estimé ; transcrit par une
main infidèle, le manuscrit arriva en 1805 entre
les mains du libraire Buisson, qui allait l'im-
primer lorsqu'il apprit que les Mémoires appar-
tenaient à M. de Ségur ; il lui conseilla alors,
puisque la publication en devenait inévitable, de
donner lui même au public le texte authentique,
en supprimant ce qu'il jugerait à propos de ne
pas livrer à la curiosité des lecteurs. Segur sui-
vit ce conseil ; mais les personnes intéressées
trouvèrent qu'il n'avait pas assez supprimé et
crièrent au scandale. Avant de s'occuper de
théâtre, Segur avait publié : Correspondance
secrète entre Ninon de Lenclos, le marquis
de Villarceaux et Mme de M... (Maintenon);
Paris, 1789,- in-8°; roman épistolaire, où il
glissa, dit-on, plus d'une lettre que ses lectrices
ont pu reconnaître, car il avait à un rare degré
le don de plaire aux femmes; — La Femme
, jalouse; Paris, 1790, in-8° : médiocre imita-
711
SEGUR
tion des Liaisons dangereuse de Laclos; —
Réflexions sur Vannée et sur les rapports
à établir entre elle et les troupes nationales ;
Paris, 1789, in-8°; -- Essai sur l'opinion
considérée comme une des principales cûtises
de la révolution de 1789; ibid., 1790, in-8°.
On trouve cette note à la page 46 : « La véri-
table cause de nos malheurs actuels est l'éton-
nante médiocrité qui égalise tous les individus.
Si un homme de génie paraissait, il serait le
maître. » Il a donné au Théâtre-Français : Ro-
salinde et Floricourt, comédie en deux actes,
en vers libres, 1790; le Fou par amour, drame,
un acte, en vers, 1791 ; le Retour du mari,
comédie en un acte, en vers libres, 1792; — a
l'Odéon : Saint- Elmont et Verseuil, drame en
cinq actes, en vers libres, 1797; et l'Amant
arbitre, comédie en un acte, en vers, 1799;
— à l'Opéra-Comique : les Vieux fous, 1796;
la Dame voilée, 1800; et le Cabriolet
jaune, 1800; — à l'Opéra : la Création du
monde, oratorio trad. de l'allemand, musique
d'Haydn, 1801 ; — au Vaudeville et au théâtre
Montansier, plusieurs petites pièces, soit seul,
soit en collaboration. On a encore du vicomte de
Segur : Ma prison depuis le. 23 vendémiaire
jusqu'au 10 thermidor ; Paris, 1795, in- 8°; —
Les Femmes, leurs mœurs, leurs passions,
leur influence, etc.; Paris, 1803, 3 vol.
in-12, fig. : ouvrage fort agréable, plusieurs fois
réimpr., et augmenté par Barginet (1819), par
S. Ratier (1828) avec des notes de Ch. Nodier,
par H. Raisson (1835), etc. On a fait, sous le
titre A' Œuvres diverses ( Paris, 1819, in-8° ),
un choix des articles littéraires, de la Corres-
pondance secrète et des Chansons de M. de
Segur. L'auteur avait publié lui-même un sem-
blable travail en donnant au public ses meil-
leures Comédies, chansons et proverbes ( Pa-
ris, 1802, in-8°).
Fayolle, Notice, à la tête des OEuvres diverses. —
Rabbe, Vieilh de Boisjolinet Sainte-Preuve, Biographie
univ. des contemp. — Querard, La France littéraire.
— Courcelles, Dict. hist. des généraux.
segur {Octave- Henri-Gabriel de), fils
aîné de Louis de Ségur, né en 1778, à Paris,
où il est mort, le 15 août 1818. Élève distingué
de l'École polytechnique, il s'appliqua d'abord
à l'étude des sciences physiques et naturelles. A
viiigl-deux ans il fut nommé sous-préfet à Soissons;
bientôt après (vers 1803) il disparut decette ville,
et alla s'engager dans un régiment de l'armée d'I-
talie. Il tomba aux mains des Autrichiens, et fut
envoyé comme prisonnier de guerre en Hongrie.
En 1811 il servait en Espagne avec le grade de
capitaine; en 1812 il devint chef d'escadron, et
fit la campagne de Russie. En 18 1 7 il entra dans
l'état-major de la garde royale. Des chagrins do-
mestiques troublèrent sa vie, et le poussèrent
plus d'une fois à chercher la mort sur les champs
de bataille ; il finit par se détruire lui-même en
se jetant dans la Seine. On a de lui des Lettres
élémentaires sur la chimie (Paris, 1803
2 vol. in-12), et quelques traductions de l'a
glais. De M"e Félicité d'Aguesseau, sa femm
il eut trois fils :
1° Segur (Eugène, comte de), né le 15 févri
1798, à Paris, et qui avait hérité en 1830 de
pairie de son grand-père; il s'est marié avecu
des filles du général russe Rostopchine, femr
d'un esprit aimable et cultivé, à qui l'on d I
plusieurs livres agréables à l'usage de la je I
nesse. Son fils aîné, Anatole- h enri-Philipi
né en 1827, est entré en 1846 au conseil d'Ét
où il a rang de maître des requêtes dep 1
1852; en 1851 il a administré les préfectures I
l'Ariége et de la Haute-Marne. On a de lui < [
Fables ( Paris, 1848, in-12), et d'autres écri
2° Segur- Lamoignon [Adolphe- Louis- Mar
comte de), né à Paris, le 31 août 1800, a epoi j
M"e de Lamoignon, et avait hérité de la paj
de_son beau-père', dont il prit les nom et tij
par ordonnance du 23 décembre 1823.
3° Segur d'Aguesseau (voy. ci-après).
Biogr. univ. et portât, des contemp.
*segur< d'Aguesseau (Raymond-
seph-Paul, comte de ), sénateur, troisième
du précédent, né à Paris, le 18 février 18031
a joint à son nom celui de sa mère, dont la
mille s'est éteinte en 1826. Après avoir tern
à Aix l'étude du droit qu'il avait commence |
Paris, il devint auditeur au conseil d'État
décembre 1828 ), substitut du procureur du I
à Rambouillet (15 octobre 1829 ) et substitut
procureur général à Amiens (25 mars 183
en cette dernière qualité il présenta sur la qi
tion de permanence des listes électorales
conclusions favorables au parti libéral. Norl
substitut à la cour royale de Paris (août 18
il fit condamner plusieurs journaux démoc f
ques qui n'avaient pas voulu se soumettre
lois sur la presse, remises en vigueur peu a|
la révolution. Appelé, le 14 juillet 1833, à la
lecture des Hautes-Pyrénées, il fut oblige ■
prendre, dans l'intérêt de l'autorité méconT
quelques mesures de rigueur; en juillet 18
passa à la préfecture du Lot, et reprit en 1
sur sa demande, possession de celle des Haï
Pyrénées ; son indépendance aux élections
nérales de cette année amena sa destitu f
Après avoir échoué plusieurs fois comme
didat à la députation, il représenta en 184i|
Hautes- Pyrénées à l'Assemblée législative,
s'attacha à la politique du prince Louis-K|
léon. Aussi devint-il en décembre 1851 meil
de la commission consultative et le 26 jail
1852 .membre du nouveau sénat. Vice-prés f
du conseil général des Hautes-Pyrénées, il
23 août 1852 émettre le vœu qu'usant de
tiative à lui confiée par la constitution, le
proposât au peuple français le rétablisseme I
la dignité impériale. En août 1858, un grav<
sentiment qui s'éleva entre lui et le prêt
département, lui fit donner avec éclat sa d(
sion des fonctions de membre du conseil
13
SEGUR
714
al. L empereur examina personnellement les faits
e cet incident, et le préfet reçut une autre des-
ination M. de Segur d'Aguesseau est officier de
1 Légion d'honneur depuis 1855. Il a épousé en
825, à Rome, Nadine-Espérance de Swetchine,
^lle-lille de Mme de Swetchine; elle est morte
; 15 juillet 1836, aux eaux de Saint-Sauveur.
Le Sénat de l'empire, t. II. — Docum. partie.
Jsegiir (Philippe- Paul, comte de), gé-
éral et historien, second tils de Louis de Segur,
é à Paris, le 4 novembre 1780. 11 n'eut pas
'autre instituteur que son père. A peine âgé de
ix-sept ans, il fréquentait la réunion chantante
BS Dîners du Vaudevillle, où il fit entendre
aelques bluettes de sa composition. Après le
J brumaire, il s'enrôla comme simple hussard
février 1800) dans la légion qui forma depuis
garde des consuls. Nommé sous-lieutenant et
rvoyé au corps d'armée commandé par Moreau,
lit la campagne de Bavière et combattit à Ho-
;nlinden. Après avoir été aide de camp de
acdonald dans les Grisons, il l'accompagna en
memark, où il fixa l'attention du colonel
aroc, qui remplissait une mission dans ce
ys. L'appui de ce dernier lui facilita les
oyens d'être appelé comme officier de son
it-major auprès de Bonaparte, à la fortune
quel il demeura depuis attaché jusqu'en 1814.
usieurs fois il fut chargé de missions délicates
l'étranger, et il occupa longtemps auprès du
emier consul un poste de confiance relatif à
sûreté et à la garde de sa personne. Il fut aussi
iuverneur de ses pages, vers la fin de l'empire. Il
était que capitaine (1804) lorsqu'il reçut l'ordre
Inspecter tous les ouvrages militaires des côtes
la Manche, de la Belgique et des frontières du
tin. En 1805, il fut deux fois envoyé commie
rlementairedans Ulm, décida le général Mack
fendre cette piace, et assista ensuiteà la bataille
iVusterlitz. Attaché, sur sa demande, au service
Joseph, roideNaples, il se distingua au siège de
[ële et rentra en France avec le grade de chef
fcècadron. Aussitôt après son mariage avec la
le du comte de Luçay, premier préfet du pa-
is, il repartit pour faire avec la grande armée
campagne de Prusse, et fut cité honorable-
nt à Iéna. 11 prit comme aide de camp de Na-
éon une part brillante à la guerre de Pologne;
ssé deux fois à Nazielsk, il tomba aux mains
Cosaques. On l'interna à Vologda, au delà
Moscou, et il ne put être échangé qu'après
paix de Tilsitt (7 juillet 1807). En 1808, il
ssa comme major en Espagne : au combat de
mo-Sierra (30 novembre), à la tête de 80 che-
n-légers polonais, il attaqua 1,400 Espagnols,
itenus par quinze pièces d'artillerie, les chassa
leurs retranchements, et enleva leurs ca-
iis. Ce beau fait d'armes lui valut le grade de
onel ; mais criblé de blessures, il lui fallut
ftrer en France, et l'empereur le chargea de
senter au corps législatif soixante-quatre
peaux pris à l'ennemi. Après avoir été em ■
ployé, en 1810 à plusieurs missions difficiles,
M. de Segur fui, le 20 juin 1811, nommé général
de brigade, et toujours attaché à l'état-major de
Napoléon, il le suivit dans cette désastreuse cam-
pagne de Russie, dont il se fit plus tard l'his-
torien. Placé en 1813 à la tête du 5e régiment
des gardes d'honneur, il contribua avec ce corps
à sauver l'armée à Hanau, et défendit la ligne
du Rhin, de Landau à Strasbourg. 11 ne se dis-
tingua pas moins pendant la campagne de France
à Montmirail, à Château-Thierry et à Meaux.
A l'affaire de Reims (14 mars 1814), suivi d'une
centaine de cavaliers, il attaqua l'ennemi avec
tant d'à-propos qu'il lui détruisit six cents che-
vaux, lui prit quatorze pièces de canon et em-
porta un des faubourgs ; malgré deux blessures
graves, il alla rendre compte de cette affaire à
Napoléon , qui n'apprit ses blessures qu'en le
voyant tomber sans connaissance. Après la ca-
pitulation de Paris, M. de Segur offrit ses ser-
vices à Louis XVIII, qui l'appela à l'activité
comme chef d'état-major des corps royaux de
cavalerie formés de la garde impériale. Pendant
les cent-jours, il resta sans emploi jusqu'au
siège de Paris, où il fut chargé de la défense de
la rive gauche de la Seine. Mis en disponibilité
pour avoir accepté ce commandement, il fut de
nouveau porté au cadre d'activité en 1818, mais
sans être employé. Pendant la Restauration, il
s'occupa presque exclusivement de travaux lit-
téraires. L'Académie française lui ouvrit ses
portes le 25 mars 1830, en remplacement de
M. deLevis.
Après la révolution de 1830, M. de Segur re-
parut sur la scène politique; le 27 février 1831,
il fut nommé lieutenant général, et le 19 no-
vembre suivant, pair -de France. On cite de lui
plusieurs discours remarquables prononcés au
Luxembourg, entre autres celui du 21 février
1832, où, en demandant la suppression de !a dé-
nomination ex-roi donnée à Charles X dans une
loi qui fut amendée, il s'éleva vivement contre
la commémoration du 21 janvier; c'est à ce su-
jet que Royer-Collard lui dit alors : « Mon-
sieur, ce n'est pas seulement un beau discours,
c'est une courageuse et bonne action. » Depuis
1848 il est rentré dans la vie privée. On a de
lui : Lettre sur la campagne du générai Mac-
donald dans les Grisons; Paris, 1802, in-8";
— Histoire de Napoléon et de la grande
armée pendant l'année 1812; Paris, 1824,
2 vol. in-8°. Cet ouvrage eut dès son appari-
tion un succès immense , et en est aujourd'hui
à sa 15e édition; il a été traduit dans pres-
que toutes les langues de l'Europe. L'auteur
raconte les scènes qu'il a vues, et dont il était
lui-même acteur; il dévoile en homme d'État
les vues et les desseins de l'expédition; il trace
en tacticien le plan de la campagne. Les discours
qu'il met dans la bouche de ses héros, les
rumeurs qu'il recueille dans l'armée, à la ma-
nière de Thucydide et de Tite Live, donnent a
71&
ses récits une physionomie particulière et un
mouvement continuel. Cependant, on a reproché
à cet ouvrage trop de pompe et d'apparat dans
le style. Il donna lieu à de nombreuses réfuta-
tions, une entre autres, du général Gourgaud,
laquelle était conçue en termes si énergiques
qu'elle amena un duel où M. de Segur fut
blessé; — Histoire de Russie et de Pierre le
Grand; Paris, 1829, in-8°; — Histoire de
Charles VIII, roi de France; Paris, 1834,
1842, 2 vol. in-8° : c'est la première partie de
la continuation de Y Histoire de France de son
père, restée suspendue au règne de Louis XI.
Nous ajouterons encore : Éloge historique du
maréchal Lobau; Paris, 1839, in-8°; des
discours à la chambre des pairs, des articles
dans le Journal des sciences militaires, dans
le Dictionnaire de la Conversation, etc.
Chevalier de la Légion d'honneuren 1804, M. de
Segur est devenu grand officier (23 mai 1825), et
grand'-croix (28 avril 1847).
Bioijr. univ. et portât, des contemp. — Moniteur
universel, passim. — Vapereau, Dict. univ. des con-
temp. — Annuaire hist. des souverains, etc., 184t. —
Documents particuliers.
segsjy (Joseph), prédicateur français, né à
Rodez, eu 1689, mort à Meaux, le 12marsl761.
A peine eut-il embrassé l'état ecclésiastique,
qu'il se fit remarquer par son éloquence. On le
chargea, en 1729, de prêcher devant l'Académie
française le panégyrique de saint Louis; son
succès fut très-grand, et le cardinal de Fleury le
récompensa en lui donnant l'abbaye de Genlis.
L'oraison funèbre du maréchal de Villars, qu'il
prononça dans l'église Saint-Sulpice, le 27 jan-
vier 1733, augmenta encore sa réputation. Il se
présenta à l'Académie française, qui le connais-
sait non-seulement pour ses discours, mais aussi
pour le prix de poésie qu'elle lui avait donné en
1732, et il y fut reçu le 15 mars 1736. L'abbé
Seguy eut le titre de prédicateur du roi, et
continua le ministère de la prédication jusqu'à
un âge avancé ; il passa ses dernières années dans
la retraite, à Meaux, où il avait un canonicat.
Les caractères de son éloquence sont l'onction ,
l'élégance et la correction ; elle manque de force,
de mouvement et de grandeur. 11 a laissé : les
Oraisons funèbres de Villars (1735), du car-
dinal de Bissy (1737 ), et d'Elisabeth, reine de
Sardaigne (1741) ;— Panégyriques des saints;
Paris, 1736, 2 vol. in-12; — Discours acadé-
miques et poésies; La Haye, 1736, in-12; —
Sermons pour le carême ; Paris, 1744, 2 vol.
in-12 ; — Nouvel Essai de poésies sacrées ;
Meaux, 1756, in-12.
Son frère, qui était ami de J.-B. Rousseau, a
donné une édition des OEuvres de ce poète
( 1743, 3 vol. in-4° et4 vol. in-12 ), avec umpré-
face qui a été réimpr. à part à Paris, 1 825, in-8°.
Il était gouverneur du prince de Wurtemberg.
Haramiucs prononcées par les académiciens, t. V et
VI. — Goujet, Uiblioth. française, t. II.
SEHiKF.t.AY. Voy. COLBERT.
SEGUR — SEÏSSEL 7li
sejslas ou ciaslas, chef dalmate, vivai
au milieu du neuvième siècle. Il était fils d
Rodoslas, petit cbefesclavon qui s'était renrîi
indépendant. Après avoir battu les Croates, i
permit à ses soldats de vendre comme esclave
les prisonniers de guerre. Rodoslas voulut garde
pour lui le produit de ce trafic; il en résulta u
grand mécontentement dans l'armée, qui à Fins
tigation de Sejslas se souleva et le plaça sur 1
trône. On prétend que Seislas fut ensuite, ver
860, fait prisonnier par les Hongrois, qui l'auraier
massacre ; mais ce n'est que trente ans plu
tard que ce peuple envahit les contrées voisin*
de la Dalmatie.
Cattalinicli, Storia di Dalmazia ; Zara, 183», t. II.
SEISSEL (Claude de), historien françai
né vers 1450, à Aix en Savoie, mort le 31 m
1520, à Turin. Il était fils naturel d'un genti
homme savoyard, qui veilla à ce qu'il reçût ui
bonne éducation. Après avoir étudié le droit
Pavie sous Jason Maino, il alla l'enseigner
Turin avec beaucoup de succès ( 1487 ). L'inv
sion des Français ayant fait fermer l'universi
de cette ville, il vint à Paris, où Louis XI
à la sollicitation du cardinal d'Amboise, l'avî
invité à se rendre. Ce prince le nomma coi
seiller d'État, puis maître des requêtes, et
députa en 1508 en ambassade auprès d'Hen
VII, roi d'Angleterre. On place vers cette ép
que de sa vie son entrée dans les ordres, sa
que l'on connaisse du reste aucun détail
éclaircisse un changement si brusque el à i
âge déjà avancé. Il administrait le diocèse de La
lorsqu'il fut, à la recommandation expresse d u r
élu évêque de Marseille ( 1509 ) ; mais retent
la cour par des affaires importantes, il ne p
possession de son siège qu'à la mort
Louis XII ( 1515), et après avoir assisté eh q
lité d'ambassadeur de France à la diète
Trêves (1512) et au concile de Latran (1514);
n'y fit pas long séjour, et permuta en 1517 l'«
chevêche de Turin avec Innocent Cibo, I
prit sa place à Marseille. Avant de mourir
maria sa fille naturelle avec une dot de 5,000 éc
d'or. Ce prélat n'avait pas des connaissan*
étendues ; il ne s'était pas beaucoup appliq
aux humanités, à l'éloquence et à la théolog
mais il brillait par la sagacité et le jugemei
et eut la réputation d'un habile jurisconsulte,
écrivait avec facilité ; toutefois ce serait le loi
à faux que de prétendre, comme on l'a fa
qu'il est le premier qui ait commencé à écr
notre langue avec quelque pureté. On a
Claude de Seissel : Les Louanges du H
Louis XII, translatées par l 'auteur du lai
en français; Paris, 1508, in-4°, goth. :cetc
vrage a reparu, avec quelques corrections
style, sous le titre d'Histoire singulière
roy Louis XII; ibid., 1558, pet. in-8°; réim
à Paris, 1587, in-8o, et avec 1; 'Histoire
Louis XII par J. d'Auton, ibid., 1615, 16
in-4° ; — La Victoire de Louis XII contre
7 1 7 SEISSEL
Vénitiens ; Paris, 1510, in-4° : il s'agit de la vic-
toire d'Aignadel ; on trouve ce poème à la suite
des Louanges de Louis XII; — Moraiis expli-
catio Icap. Evangelii Lucx ; Paris, 15l4,in-4°,
dédié à LéonX ; — In III priora Lucx cap. de
triplici statu viatoris ; Turin, 1518, in-4° ; —
De'divina providentia ; Paris, 1518, in-4°;trad.
par l'auteur en français; — La Grande Monar-
cfiit de France; Paris, 1519, 1540, 1557, in-8°;
traii. en latin par Sleidan, Strasbourg, 1548,in-8°:
cet ouvrage, encore recherché, traite de la reli-
gion et de la justice, de l'organisation militaire,
ides alliances et des conquêtes; — Disputationes
adversus errores Valdensium ; Paris, 1520,
fim-b0; trad. en français par l'auteur; Lyon, s.d.,
■-fol.; — La Loi salique des François; Paris,
s. <)., in-8°, et dans les édit. de 1540 et de l'ou-
vragé précédent ; — Ecpetitiones in jure civili;
Lyon, 1553, in-fol. ; — Spéculum feudorum;
Bâle, 1566, in-8°. Les traductions de Cl. de
jSeissel n'ont paru qu'après sa mort; outre celle
je Justin (1559, in-fol.), il avait rédigé, mais
i'après des versions latines, celles de Thucydide
' 1527 ), de la Cyropédie ( 1529 ), de l'Histoire
,jfcs successeurs d'Alexandre de Diodoie de
Sicile (1530), d'Appien (1544), et d'Eusèbe et de
ses continuateurs (1553-1554, 2 vol.).
La Croix du Maine, Biblioth. — Panciroli, De Claris
'egum interpretibus, lib. Il, c. 137. — Du Pin, Bibl. des
ivtcurs ecclés. — La Monnoye, Notes sur Baillet. —
Rallia christ. — Niceron, Mémoires, XXIV.
séjan (slSlius Sejainus), favori et ministre
le Tibère , né à Vulsinies en Étrurie , mis à mort
pn 31 après J.-C. Son père, Seius Strabo, che-
i/alier romain, commanda les prétoriens à la lin
ihi règne d'Auguste et au commencement de celui
je Tibère. Dès l'avènement de ce dernier (14)
flLIius Séjan fut associé à ce commandement, et il
?n resta seul chargé lorsque son père eut été
îommé gouverneur de l'Egypte. Son courage phy-
sique, son audace mêlée de ruse, son apparence
dévouement absolu lui valurent une influence
sans bornes sur l'esprit de Tibère. La faveur im-
lériale lui permit de tout espérer, et le poussa
i tout entreprendre. Il osa aspirer à l'empire.
Snlre lui et le pouvoir suprême se trouvaient d'a-
)ord Drusus, fils de Tibère, puis les enfants de
Jermanicus II parvint à corrompre Livia, sœur
le Germanicus et femme de Drusus, et la décida
f devenir complice de l'empoisonnement de son
Knari. Il ne lui fut pas plus difficile de ruiner la
amille de Germanicus. Il touchait donc au trône,
nais dès ce moment son ambition devint trop
ipparente pour que le défiant empereur pût s'y
pomper. Tibère, craignant d'avoir un compétiteur
ilans ce ministre qui disposait des prétoriens et
Comptait parmi ses adhérents quelques-uns des
[tremiers personnages de l'État, se mit à préparer
ja ruine avec une ruse profonde. Il redoubla de
jiienveillance à son égard, le choisit pour col-
lègue dans le consulat, en 31, lui donna une place
|!e ponlife, et lui fit entrevoir comme prochaine
on association à la puissance tribuni tienne,
H
— SÉJAN 718
c'est-à-dire à l'empire. Séjan soupçonnai! bien la
duplicité de cette conduite, mais il n'osait prendre
l'initiative d'une, rupture; il espérait d'ailleurs
que Tibère ne se déciderait jamais à frapper le
chef des prétoriens. Il se trompait. Les mesures
prises par le vieil empereur contre son tout-puis-
sant ministre ont été racontées à l'article Mackon,
qui en fut le principal agent. Séjan assistait au
sénat à la lecture d'une lettre de Tibère, tandis
que Macron achevait les derniers arrangements
pour son arrestation. La lettre longue et équi-
voque se terminait par une dénonciation formelle
contre le ministre. Ce fut assez ; le sénat comprit
les intentions du maître, et les réalisa avec un
empressement inspiré par la haine. Au milieu
d'insultes et d'outrages de toutes sortes, Séjan
fut arrêté et conduit en prison. Le même jour le
sénat le condamna à mort et le fil exécuter. Le
peuple montra de sa chute une joie furieuse et
sans doute sincère , car Séjan avait été le grand
persécuteur de la famille de Germanicus, si chère
aux Romains. On abattit ses statues , on traîna
son cadavre dans les rues, et on en jeta les lam-
beaux dans le Tibre. Nous n'avons plus les pages
où Tacite racontait la déchéance et le supplice
de Séjan , mais l'admirable tableau que Ju vénal
a tracé de cet événement peut en tenir lieu. La
mort de Séjan fut suivie de la proscription de ses
amis et de ses parents. Son fils et sa fille, encore
enfants, périrent, et le supplice de la jeune fille
nous a été transmis avec des détails si horribles
qu'on aime à les croire calomnieux. La révélation
du crime qui avait coûté la vie à Drusus , révé-
lation faite par Apicata, femme de Séjan, ranima
des rigueurs qui commençaient à s'adoucir, et
toute la fin du règne de Tibère ne fut plus qu'une
suite d'exécutions, de sorte qu'après avoir été
funeste aux Romains par sa vie, Séjan le fut encore
plus par sa mort. De son passage au pouvoir, il
resta une disposition durable •. la réunion dans un
seul camp des cohortes prétoriennes, qui jusque-
là avaient été stationnées dans divers quartiers
de la ville ; il les plaça aux portes de Rome. Cette
mesure eut de graves conséquences : en donnant
aux prétoriens plus de cohésion et plus d'esprit
de corps, elle les rendit redoutables aux empe-
reurs même. L. J.
Tacite, Annales, III, IV, V, VI. — Velleius Paterculus,
II, 127. — Suétone, Tiberius. — Dion Cassius, LVII,
LV1I1. — Juvenal, Satir. X. — Tillemont, Hist. des
empereurs, t. I. — Merivale, The Romans under t/ie
Empire, t. V.
séjan (Nicolas), musicien français, né le 19
mars 1745, à Paris, où il est mort, le 16 mars
1819. Il lit quelques études au collège d'Har-
court, et s'adonna à la musique contre le gré^de
son père , qui le destinait au commerce. Il eut
pour maître Forqueray, son oncle; ses progrès
furent si rapides qu'à treize ans il improvisa,
dit-on, à S.-Merry un Te Deum que l'on admira-
beaucoup. A quinze ans il obtint l'orgue de Saint-
André-des-Arts (1760), et à vingt-sept il devint,,
en entrant à Notre Dame (1772), le collègue des-
719
SEJAN — SELDEN
72(
plus célèbres organistes du temps, Daquin, Cou-
perin et Balbâtre. En 1783 il passa à Saint-
Sulpice, dont la place, rendue vacante, lui fut
offerte sans coucours. La révolution lui fit perdre
ses emplois; mais il fut, en 1807, attaché à l'é-
glise des Invalides, et en 1814 à la chapelle du
roi, où il avait été nommé en 1789. « Séjan, dit
M. Fétis, avait l'instinct d'un meilleur style de
musique d'orgue que celui de ses contemporains
français, et l'on peut dire qu'il fut le seul orga-
niste de talent qu'il y ait eu à Paris dans la se-
conde moitié du dix-huitième siècle. » Delille a
parlé de lui avec enthousiasme dans les Trois
règnes de la Nature. On a de Séjan : 6 so-
nates pour piano et violon, des rondeaux et
airs, 3 trios, et de» fugues et noëls.
Fétis, Diogr. univ. des musiciens.
selden (John), célèbre jurisconsulte etpu-
bliciste anglais, né le 16 décembre 1584, à Sal-
vington ( comté de Sussex), mort le 30 novembre
1654, à Londres. Il appartenait à une famille ho-
norable. A quatorze ans il fut admis dans l'u-
niversité d'Oxford, à dix-huit il vint étudier le
droit à Londres, et à vingt il exerçait la profes-
sion d'avocat. S'étant lié avec Spelman, Cotton
et Carnden, il se livra, en même temps qu'aux
devoirs de son état, à des recherches sur les
antiquités anglaises, et composa, en 1606, un
Ânalecton Anglo-Britannicon, dont ii reconnut
lui-même la faiblesse. Sa réputation s'accrut
beaucoup lorsqu'il fit paraître, en 1614, les
Titres d'honneur, ouvrage qui prouve une
grande connaissance de l'histoire constitution-
nelle de l'Angleterre. En 1617 il fit insérer dans
le Pilgrimage de Purchas un article sur l'exis-
tence des juifs en Angleterre, qui, ainsi que son
célèbre livre De Diis Syris, révéla en lui un
profond savoir de l'histoire et des antiquités
bibliques. Un traité que Selden fit paraître en
1618, et qui était consacré à l'Histoire des dîmes,
blessa singulièrement le clergé anglican, car il
avait pour objet de démontrer que cette nature
d'impôt ne provenait d'aucune origine divine,
mais rementait seulement à Charlemagne. Les
chefs de ce clergé voulurent s'en venger. Us ob-
tinrent, au mois de décembre 1618, que l'auteur
serait appelé à comparaître devant une commis-
sion nommée par le roi Jacques Ier. Il se pré-
senta devant elle accompagné de ses amis Ben
Jonson et Edouard Heyward. Les théologiens
royaux se complurent à lui signaler les passages
les plus blâmables de son livre. Selden reconnut
ses erreurs, et souscrivit une rétractation qui
lui a été reprochée. Une querelle s'éleva, en
1621, entre Jacques Ier et la chambre des com-
munes, à laquelle la couronne contestait ses
prérogatives. Selden, consulté sur cette grave
question, rédigea une savante dissertation qui
eut pour effet de porter la chambre à résister.
Le roi en ressentit un tel mécontentement qu'il
fit emprisonner Selden et sir Edward Sandys,
membre très-actif du parti parlementaire. Mais
cet emprisonnement dura peu. Nommé en 162^
membre de la chambre des communes, il siège*
dans le parti populaire, et y montra du courage
et les qualités qui caractérisent le bon citoyen
Il eut une grande part au bill des droits, et dé-
fendit avec chaleur la liberté de la presse contn
les décrets de la chambre étoilée. Il s'opposa i
la levée d'impôts illégaux, particulièrement à ui
droit de tonnage qui avait été établi sans l'au
torisation du parlement. Ces résistances ame
nèrent, en 1628, la dissolution de la chambre de
communes. Selden fut arrêté avec Hollis, Elliof
Stroud et d'autres membres éminents de cett
chambre (janv. 1629), et ils furent conduits pa
ordre du conseil du roi à la tour de Londres. J
fut ensuite renfermé dans d'autres prisons d
Londres, et ne fut rendu qu'en 1634 à la liberté
Ce fut en 1636 que Selden fit paraître son plu
célèbre ouvrage, sous le titre de Mare clausum
C'était uneréponseau Mare liberumàe. Grotius
qui, dans l'intérêt de la Hollande, avait soutenu I
doctrine de la liberté des mers. Selden, au con
traire , se fondant sur les principes favorables
l'Angleterre, prétendit que la mer, par le dro
delà nature et des gens, n'est pas commune
tous les hommes, mais qu'elle peut être possé
dée en souveraineté particulière et en propriéh
et il allait jusqu'à dire que le roi d'Angleterre ei
maître absolu de l'Océan britannique et que dé
lors ses sujets ont sur cette mer la propriété d
la pêche. Charles Ier fut si satisfait de l'oi
vrage de Selden qu'il ordonna qu'il en serait d<
posé un exemplaire dans les archives de la cou
un autre dans celles de l'échiquier et un tro
sième dans celles de l'amirauté. Sarpi, Puffer
dorf , Wolff et Heineccius se rangèrent du cà
du publiciste anglais. Azuni a résumé ainsi se
opinion sur cette grande controverse : « La po «
térité adû juger que Grotius soutintmal uneexce
lente cause, et que Selden en défendit bien ur
très-mauvaise. » Selden reparut dans la vie pi
blique, en 1640, lorsqu'il fut choisi par l'unive
site d'Oxford pour la représenter au long parli
ment. Il y joua un rôle très-modéré, et membi
d'une commission chargée de préparer l'accusatic
((•contre Strafford, il s'opposa vivement à cet
accusation , ce qui lui valut d'être considéré pi
le parti populaire comme un des ennemis de t
justice. Son nom se trouve aussi mêlé à des qii
relies relatives au clergé. Il fit à cette époqn
avec d'autres membres des deux chambres
partie d'une assemblée de théologiens dans h
quelle, dit Wtu'telocke, dans ses Mémoires,
parlait admirablement et confondait la fausi
science de plusieurs d'entre eux. Quelquefois]
lorsque, pour prouver leur assertion , contint
ce diplomate, ils citaient un texte de i'Écriffl
il leur disait : « Peut-être est-ce traduit ain
dans votre petite bible de poche dorée surtranch<
mais le grec ou l'hébreu signifie telle ou teli
chose», et il les réduisait iinsi au silence. La coi
duite modérée de Selden le rendit suspect i
n SELDEN —
rti violent, et lui fit. supposer qu'il avait trempé
[lins le complot de Waller, avec Wliitelocke et
erpoint; mais il dissipa ces soupçons, et il fut
1613 nommé garde des archives de la Tour.
Eh chambre des communes lui accorda en 1646
■qe somme de 5.000 liv. st, on récompense de
s services publics. Selden resta très-attaché
l'université d'0\ford, à laquelle il avait voulu
sser sa précieuse bibliothèque. Mais comme on
i avait refusé de lui prêter un manuscrit appar-
aanl à la bibliothèque Bodleyenne, il en fut
rt mécontent , et ne réalisa pas son projet; toute-
s, ses exécuteurs testamentaires se crurent,
rès sa mort, autorisés à accomplir ce dessein.
On ne peut ni trop louer le caractère de Sel-
o, dit Clarendon, ni trouver d'expressions
i donnent une juste idée de son mérite et de
vertu. Il était d'un si prodigieux savoir en
ijtes choses et dans toutes les langues, ce que
Duve la supériorité de ses excellents écrits,
'on aurait cru qu'il n'avait jamais vécu qu'a-
c les livres ni employé une seule heure de
p temps à autre chose qu'à étudier et à com-
■ser; cependant sa douceur, sa .courtoisie , son
àbilité étaient telles qu'on aurait pensé qu'il
ait été élevé au milieu des cours les plus polies ;
ris l'excellence de sa nature, son humanité,
n plaisir à faire le bien et à communiquer tout
qu'il savait étaient encore au-dessus de sa
rfaite éducation. »
■Les principaux ouvrages de Selden sont : Jani
ngloram faciès altéra; Londres, 1610, 1681,
;-8°; trad. en anglais ( 1683, in-fol.) par Adam
ttleton; —The Duello, or single combat;
pndres, 1610, 1706, in-4°; — Tilles of ho-
mr; Londres, 1614, in-4°, et 1631, 1671, in-
I.; trad. en latin, Francfort, 1696; — Ana-
ctôn anglo britannicôn Mb. Il ; Francfort,
K15, in-8° : édit. très-défectueuse; — De diis
ris syntagmata 11; Londres, 1617, in-8°;
byde, 1629, in-8°, avec des addit. de l'auteur;
feipzig, 1668, 1672, in- 8°; — History of tythes ;
ondres, 1618, 1680, in-4°; — Spicilegium in
admeri VIlib. H istoriarum; Londres, 1623,
-fol ; — De successionibus in bona de-
mcti secundum leges Hebrxorum; Londres,
531, in 4° : ce traité a été réimpr., avec celui
ai l'accompagne De successione in pontifica-
«m, à Leyde, 1633, in-4o; — Mare clausum,
m De dominio maris; Londres, 1636, in-8°;
iad. deux fois en anglais, Londres, 1652, 1663,
i-fol.; — De jure naturali et gentiumjuxta
isciplinam Hebrseorum; Londres, 1640, in-
il.; — De annocivili et calendario judaico;
ondres, 1644, in-4°; — Vxor hebraica, sive
e nuptiis et divortiis, etc.; Londres, 1646,
k»°; — Fleta, seu Commentarius juris an-
ftcani; Londres, 1647, in-4°; — De syne-
riis et prarfecturis Hebrxortun lib. lit;
ondres, 1650-55, in-4° ; — Eut y chu Mgyptii
Scclesias suas origines, cum versione et com-
lentario; Oxford, 1656, in-8°, impr. avec les
SELEUCUS
722
Annales du même auteur. On a imprimé après
sa mort plusieurs écrits de Selden; ils ont été
tous réunis par D. Wilkins dans une belle édi-
tion (Opéra omnia; Londres, 1726. 3 vol. in-
fol.). Il a aussi travaillé aux Marmara arun-
dclliana ( 1629, in-4°) ; il a composé des vers
grecs, latins et anglais. Un de ses secrélaires,
Rîch. Milward, a publié ses pensées sur divevs
sujets .( Table-talk, being the Discourses of
J. Selden, etc.; Lond., 1689, in-4°); mais ce
recueil n'a pas grande autorité. A. Taillandier.
Notice, à la tôle de l'édlt. Ae. Wilkins. — J. Aikin ,
Life of J. Selden; Lond., 1812, in-8°. — G. Johnson ,
Memoirs of the life and times of J. Selden ; Ibid , 1835,
ln-8°. — Ebert, Eloçiia. — Morhof, Poli/hislor. — Uibl.
britttnnica. — Chaufepié, Nouveau Dict. Iiisr. — Koscoc,
Uves of eminent british lawyers. — Lowmles, Biblio-
çrapher's manual, t. VIII. — Lodge, l'ortraits.
SULEUCUS 1er, JSicator ( 2s),euxo: ), roi de
Syrie, né vers 358 av. J.-C, mort en 280. Son
long règne ne fut guère qu'une longue lutte pour
se conquérir un royaume Son père, Antiochus,
était un des généraux de Philippe ; sa mère s'ap-
pelait LaodiCe. Officier dans la garde (ê-coûpoe)
d'Alexandre le Grand, il le suivit dans son expé-
dition, et le conquérant estima assez sa valeur
pour en être jaloux. Lorsqu'il épousa Barsine,
fille de Darius , il fit épouser à Seleucus A pâmé,
l'une des filles du satrape Artabaze (ses deux
sœurs épousèrent l'une Ptolémée, l'autre Eu-
mène). A la mort d'Alexandre (323), Seleucus
remplaça Perdiccas, devenu régent, dans le com-
mandement des hétaïres, et le seconda dans ses
entreprises; mais lors des désastres qui signa-
lèrent l'invasion de l'Egypte , il se joignit aux
soldats mutinés, et les conduisit dans la tente du
régent, qui périt sous leurs coups (321). Dans le
second partage, qui eut lieu peu après , il eut
pour lot la satrapie de Babylone. Il sut se rendre
indépendant, à l'exemple des autres généraux
d'Alexandre, et résista aux efforts que tentait
Eumène pour le faire rentrer dans le devoir. Battu
d'abord, il appela Antigone à son secours ; leurs
armées réunies soumirent la Susiane, et tandis
qu'Antigone poursuivait Eumène dans la haute
Asie, Seleucus mit le siège devant Suse, dont il
s'empara. Antigone, débarrassé d' Eumène , vint
lui demander compte des revenus de sa pro-
vince, espérant se défaire d'un allié devenu son
rival. Seleucus, incapable de lui résister ouver-
tement, s'enfuit de nuit avec 50 cavaliers, et se
retira près de Ptolémée, gouverneur d'Egypte
(316). tl entraîna ce dernier, ainsi que Lysimaque
et Cassandre , à former une ligue contre leur
ennemi commun, et prit à la guerre qui s'ensui-
vit (voy. Ptolémée I) une part active. Après
avoir commandé la flotte égyptienne, qui opéra
sur les côtes de l'Asie et dans la mer Egée, il
décida Ptolémée à entrer lui-même en cam-
pagne (312). Ils rencontrèrent à Gaza Demetrius,
le fils d'Antigone, et la victoire, longtemps dis-
putée, leur resta. Seleucus, avec un millier
d'hommes, parvint à recouvrer la Syrie, et Ba-
723 SELEUCUS
bylone lui ouvrit elle-même ses portes. De ce
retour de Seleucus à Babylone date l'ère des
Séleucides, appelée aussi ère des Grecs ou d'A-
lexandre, encore en usage chez les chrétiens
d'Orient; elle part du 1er octobre 312. Nicanor,
gouverneur de Médie pour Antigone, vint l'atta-
quer avec dix mille fantassins et sept mille cava-
liers; Seleucus n'avait que trois mille quatre
cents hommes : il le défit pourtant, et le tua
de sa main. Cette victoire augmentant ses forces,
il soumit la Susiane et la Médie. Pendant
qu'il était retenu dans la haute Asie , Antigone,
qui avait réuni de nouvelles forces, envoya son
fils Demetrius contre lui, pendant qu'il se diri-
geait sur l'Egypte ; Demetrius entra dans Baby-
lone, mais ne put s'y maintenir. Seleucus, resté
paisible possesseur de son vaste empire, prit le
titre de roi (306). Ses possessions s'étendaient
de l'Euphrate à l'Indus, et tous les princes de
l'Orient reconnurent sa domination. Il résolut
de soumettre l'Inde; Sandrocottus,qui avait dé-
livré ce pays du joug des Grecs, régnait alors
sur les Gangarides ou Prasiens. Seleucus, s'a-
percevant qu'il ne pourrait se maintenir dans ces
régions, traita avec lui, épousa sa fille, et lui céda
les provinces au delà de l'Indus, moyennant
un secours de cinq cents éléphants de guerre.
C'est pour cela que Demetrius appelait Seleucus
le surintendant des éléphants.
Antigone n'avait pas renoncé à réunir tout
l'héritage d'Alexandre. Seleucus s'allia une se-
conde fois contre lui à Cassandre, à Lysimaque
et à Ptolémée (302). Les quatre rois rencon-
trèrent Antigone et sou fils Demetrius dans les
plaines d'Ipsus (301). La bataille fut sanglante :
Antigone y perdit la vie. Les vainqueurs ayant
partagé ses États , Seleucus réunit la Syrie au
reste de l'Asie, qu'il possédait déjà. C'est alors
qu'il fonda sur l'Oronte , au pied du mont Sil-
pium, une ville qu'il nomma Antioche, en l'hon-
neur de son père, et qu'il peupla avec une colonie
de Grecs, de Macédoniens et de Juifs (299).
I! avait fondé auparavant Séleucie, destinée à
servir de port à Antioche, et agrandi ou embelli
plusieurs autres ciiés, auxquelles il donna les
noms de Laodicée, d'Apamée, de Stratonice,
qui rappelaient ceux de sa mèreou de sesépouses.
Sa puissance effraya ses anciens alliés Lysi-
maque et Plolémée : ils s'allièrent contre lui.
Seleucus chercha à se rattacher Demetrius,
resté maître des côtes de l'Asie, en épousant la
belle Stratonice, fille de ce prince. La mésintel-
ligence les ayant désunis, Seleucus se rapprocha
de Plolémée, et de concert avec lui dépouilla son
beau-pèredes provinces qui lui restaient. Pendant
que ce dernier était occupé à enlever la Macé-
doine aux fils de Cassandre, et à se défendre
contre Lysimaque, Seleucus mit à profit la paix
qui suivit pour fonder, sur la rive droite du
Tigre, en face de Ctésiphon, la grande Séleucie,
qui, devenue bientôt la rivale de Babylone,
dont elle amena la ruine, ouvrit au commerce
71
une nouvelle voie par le fleuve Cyrus, la Ca
pienne, le Phase et la Colchide. C'est à cet
époque de sa vie qu'il faut placer un épiso
qui tient plus du roman que de l'histoire. A
tiochus, son fils, aimait en secret sa belle-mèi
Stratonice, et la violence de cet amour lui av;
causé une maladie mortelle. Son père, averti .
cette passion par le médecin Erasistrate, I
céda Stratonice, avec la souveraineté de la hat
Asie (293). Il trouva bientôt l'occasion de donn
une autre preuve de sa générosité. Demetri
. l'avait encore une fois attaqué en 290. Seleuci
Ptolémée, Lysimaque et Pyrrhus, roi d'Épir
réunis, l'ayant forcé à fuir après une longue
valeureuserésistance, Demetrius vint se remett
aux mains de, son gendre (28G). Seleucus, loin .
consentir à le faire mourir, comme le propos:
Lysimaque, se contenta de le garder prisonni
dans Apamée. Il fut entraîné dans une lutte av
Lysimaque par Ptolémée Ceraunus, qui déshéri
du trône d'Egypte avait trouvé un asile à;
cour; après avoir déclaré roi son fils Antiochu
il s'avança contre Lysimaque. La bataille fut livr
à Cyropédion en Phrygie(281). Lysimaque y pé
avec tous ses fils. Seleucus, victorieux et màît
des États de Lysimaque , partit pour la Mac
doine; mais Ptolémée, auquel il refusait l'ex
cution de ses promesses, le fit assassiner au n
lieu d'un sacrifice à Lysimachia enïhrace (280
Anliochus Ier, son fils, lui succéda. 11 avait régi
trente-deux ans. Seleucus Ier a mérité en partie
gloire par ses grandes qualités. Généreux ju
qu'à la faiblesse, il devint le bienfaiteur de s
peuples. Il protégea les sciences et les arts,
laissa un grand nombre de fondations utiles. 1
dynastie dont il est le chef devait pendant pr
de trois siècles gouverner presque tout l'Orier.
G. R
Appien, Syr,, 53 à 62. — Diodore de Sicile, XVIII
XXI. — Strabon, XV, XVI. — Plutarque, Demetrius.
Frœlich, Annales regvm Syrix. — Eckhel, I. III, p. 21
211. — Droysen, Bellenismus, t. Il, p. 651, eso-^O.
seleucus il, Callinicus, roi de Syrie, mo
en 226. Fils d'Antiochus II, il devint roi en 24'
Son premier acte fut d'ordonner la mort de :
belle-mère Bérénice. Le roi d'Egypte, Ptolémi
Évergète, frère de Bérénice, entreprit de la vç
ger : il envahit les États de Seleucus, ets'avam
jusqu'au delà de l'Euphrate ( voy. Ptolémée III
Après une lutte sanglante, dont les événemen
sont mal connus , Ptolémée conclut une trêve I
dix ans avec son ennemi, et se retira. Seleuci
eut alors à combattre son frère Antiochus Hi(
rax, Tiridate, roi des Parthes, puis Ptolémée, qi
rompit la trêve; il passa le reste de son règne <
se défendre contre ses adversaires, et ses vit
toiles furent si nombreuses qu'elles lui valurei
le nom de Callinicus (beau vainqueur). C'ei
à la suite d'une de ces victoires qu'il fonda si
l'Euphrate la ville de Callinicopolis (maintenai
Raldtals). La guerre se ralluma entre les deu
frères; mais Seleucus remporta en Mésopotam
une victoire décisive sur Antiochus, qui fut I
i
25 SELEUCUS
uit à s'enfuir en Cappadoce. Il entreprit aus.si
ne grande expédition contre les Partîtes, on
e sait à quelle époque, et fut battu par Arsace.
>n a prétendu que Seleucus fut fait prisonnier
es Parthes dans une nouvelle expédition contre
ux; mais ce fait n'est pas prouvé. 11 mourut
'une chute de cheval , après vingt ans de règne.
es deux fils, Seleucus 111 et Antiochus III,
ii succédèrent l'un après l'autre. G. R.
Appicn, Syr., 66. — Justin. XXVII. - Niebuhr, Kl.
:hrift., t. 1er, p. 276-286. — Droysen, Hellen., t. II.
seleucus m, Ceraunus {Alexandre), roi
3 Syrie, mort en 223 av. J.-C. 11 succéda très-
une à Seleucus II, son père (226>. D'un tcmpé-
iment maladif, mais d'un caractère résolu , il
itreprit de repousser les envahissements d'At-
de, roi de Pergame, en Asie Mineure, et se mit
a route avec son cousin Achseus pour franchir
Taurus ; mais le manque d'argent mécontenta
ts troupes, et un de ses généraux Nicanor,
impoisonna (223). Antiochus III, son frère, lui
iccérla. G. R.
Polybe, IV, 48. - Appien, Syr., 66.
seleucus iv, Philopalor,vo\die Syrie, mort
î 175 av. J.-C. 11 succéda en 186 à Antiochus III,
>n père. La guerre qu'Antiochus avait soutenue
«tre les Romains avait affaibli la Syrie ; Se-
ucus eut en outre à payer aux vainqueurs des
)mmes immenses. Contraint à une politique
mide, il s'attira le mépris de l'Orient. Quelques
întatives de vexations contre les Juifs et une
Itaque contre Eumène, roi de Pergame , pour
éfendre Pharnace, roi de Pont, attaque à la-
melle s'opposaient les Romains, signalent seules
je règne. Seleucus périt empoisonné par son
iiinistre Héliodore, après avoir régné douze ans.
►on frère, Antiochus IV, lui succéda. 11 eut un
Is, DemetriusJer, qui régna en 150, et une fille,
.aodice, femme de Persée , dernier roi de Macé-
oine.
Tite Live , XXXII , XXXV à XXXVII. — Polybe ,
IviII, XXI. - Appien, Syr., 66. - Frœlicb., Annal, syr.
SELEUCUS V , fiis de Demetrius II Nicator,
e fit proclamer roi après le meurtre de celui-ci
124 av. J.-C. ); mais sa mère, Cléopâtre, qui
vait fait périr son mari pour s'emparer du pou-
oir, se débarrassa aussitôt d'un fils dont la har-
iesse avait trompé ses espérances. Elle lui donna
our successeur un autre fils, Antiochus VIII.
Appien, Syr., 68, 69.
seleucus VI, Épiphane,ii\s, aîné d'Àntio-
ims VIII, devint en 96 roi de la portion de la
yrie qui était restée à son père. Il chassa d'a-
ord d'Antioche , sa capitale , l'usurpateur Hé-
acléon, mais en fut chassé, à son tour, par son
ompétiteur Antiochus de Cyzique, son oncle.
iîelui-ci s'étant tué au moment où ils allaient en
enir aux mains, son fils disputa Antioche à Se-
sucus, qui, forcé de se retirer en Cilicie, périt à
lopsueste, dans une révolte des habitants (94 av.
.-C. ). Son frère Antiochus XI lui succéda.
Josèphe, Ant„ XIII. — Appien, Syr.
seleucus Cybiosactes ( marchand de pois-
— SELIM 726
son salé ) , roi d'Egypte pendant quelques mois
de l'an 58 av. J.-C. Quelques historiens l'ont
regardé comme un aventurier d'une origine
inconnue; maison le croit plus généralement fils
d'Antiochus X, roi de Syrie, et de Cléopâtre
Séléné. En 58, les Alexandrins, qui avaient
chassé Ptolemée XI Aulètes, et donné la cou-
ronne à deux de ses filles, Cléopâtre Tryphène
et Bérénice , appelèrent Antiochus à régner avec
elles ; mais il mourut subitement. Son cousin
Philippe, désigné comme son successeur, périt
presque aussitôt. Seleucus, proclamé roi à son
tour, partit pour l'Egypte, et épousa Bérénice, la
seule survivante des deux reines. Sa laideur et ses
débauches répugnaient à cette princesse ; elle le
fit étrangler. Ptolemée XI, rétabli en 55 par Aulus
Gabinius, la fit périr. G. R.
Dion Cassius, XXXIX. - Strabon, XVII. — Vaillant,
Bist. des rois de Syrie.
selim 1er, sultan ottoman, né en 1467, rnortle
22 septembre 1520. Son caractère belliqueux
lui concilia debonne heure la sympathie des janis-
saires, qui résolurent de l'élever au trône à la place
de son père, Bajazet II, qui leur paraissait trop
pacifique. Une première tentative échoua, et il fut
exilé en Crimée; une seconde fut plus heureuse,
en 1512. Selim proposa à Bajazet de partager le
pouvoir ; mais celui-ci répondit que le même four-
reau ne pouvait contenir deux épées, et il prit le
chemin de l'exil. Toutefois, comme il paraissait
se retirer trop lentement , le poison débarrassa
l'ambition du nouveau sultan de toute inquié-
tude. Selim inaugura son règne par le meurtre
des deux frères d'Ahmed , de Korchud et de ses
neveux; il fut toujours fidèle à cette politique
inflexible et ombrageuse qui renversait sans
scrupule tout ce qui lui faisait obstacle et bri-
sait au moindre soupçon les instruments dont il
s'était servi. Un poète turc a dit : « Tu ne saurais
te délivrer J'un rival, à moins qu'il ne devienne
le vizir de Selim. » L'honneur d'être son ministre
était en effet presque toujours payé du dernier
supplice. Un ambassadeur vénitien écrivait en
1512 : « Ce prince est le plus cruel des hommes;
il ne rêve que conquêtes, et s'occupe unique-
ment de ce qui a rapport à la guerre. » Il ne
tarda pas à donner aliment à sa passion domi-
nante et au fanatisme guerrier des janissaires.
Ajournant la continuation des conquêtes otto-
manes sur les chrétiens, il porta en 1514 ses
armes contre la Perse, où les sophis venaient de
commencer leur grandeur. Il voulait se venger
de l'appui prêté par Ismael à son frère Ahmed et
satisfaire sa haine contre les schiites ; après
avoir commencé par massacrer 40,000 de ces
sectaires dans ses propres États, il prit la route
de Perse, et rencontra les ennemis à Tsclialde-
ran; il y remporta une victoire chèrement
achetée. Mais les pertes qu'il avait faites, la di-
sette et les murmures des janissaires le forcè-
rent de retourner sur ses pas, en se contentant
de la conquête du Diarbekir et du Kurdistan.
727 SEL1M
Selim avait laissé à ses lieutenants le soin de ché vif (1571)
poursuivre cette guerre après son départ de la
capitale de la Perse ; mais il dirigea en personne
celle contre les Mamelouks d'Egypte. 11 rem-
porta en 1516 à Mardjdabik une première vic-
toire sur le sultan Kansson-Ghawri, et, devenu
par là maître de la Syrie, s'avança contre son
successeur, Touman-Bey; puis, ayant encore
écrasé les Mamelouks dans les plaines de Gaza et
de Rudania (1517), il entra au Caire. L'exécution
de Touman-Bey et la mort de nombreuses vic-
times accompagna la chute de l'empire guer-
rier qui datait de la croisade de saint Louis.
La fortune accorda alors à Selim une nouvelle
faveur. Le dernier descendant des Abassides sé-
journait en Egypte entouré des respects des mu-
sulmans; il mit au service du fils de Bajazet le
prestige religieux qui s'attachait à sa naissance :
il lui transmit le titre d'iman et l'étendard du
prophète. Par cette concession importante, les
sultans de Constantinople devenaient les chefs
de l'islamisme, les représentants de Mahomet, in-
vestis d'une suprématie incontestée sur tous les
princes musulmans; la soumission de l'Arabie
en était la conséquence. De retour à Constanti-
nople, Selim nourrissait bien d'autres projets : il
se proposait de rompre la paix qu'il avait entre-
tenue avec les princes chrétiens et de conquérir
Rhodes, lorsque la mort le surprit, le 22 sep-
tembre 1520. Ce prince terrible, qui avait versé
à flots le sang de ses ennemis et de ses servi-
teurs, connaissait cependant le prix des lettres
et protégeait les littérateurs ; lui-même cultivait
la poésie. Malgré sa cruauté, sa mémoire est
pourles Ottomans l'objet d'un culte respectueux.
Soliman 1er lui succéda. L. Collas.
De Hanxner, Hist. de l'Empire ottoman.
selim il, sultan ottoman, fils de Soliman le
Magnifique et de Roxelane, né en 1524, moitié
12 décembre 1574, à Constantinople. 11 succéda à
son père, en 1566 ; mais il n'en eut ni les qualités
ni les talents. Ce prince « intempérant, l'un des
sultans qui ont le plus souillé le trône d'Osman par
de honteuses débauches » (de Hammer), ouvrit
une période de décadence. Malgré l'indignité du
monarque, son règne, grâce à l'impulsion donnée
par Soliman Ier, ne fut pas sans gloire. Des incur-
sions dans la Carniole précédèrent la conclusion
d'un traité avec l'empereur Maximilien IL Après
avoir renouvelé la paix signée avec la Pologne
et envoyé une ambassade en France, il tourna
ses armes vers l'Orient, et s'empara de l'Yémen
(1 569 - 1 570) ; mais cette province ne fut guère plus
soumise qu'elle ne l'avait été après une première
occupation. En 1570 une guerre plus importante
éclata contre Venise. L'île de Chypre avait sur-
tout, à cause de ses vins, un grand prix pour ce
prince, passionné pour la boisson. Nicosie,
Famagouste, et bientôt le pays tout entier tom-
bèrent aux mains des Turcs, qui souillèrent
leur victoire par d'affreuses cruautés; le gou-
verneur de Famagouste, Bragadino, fut écor-
728 i
Cette conquête effraya la chré- !
tienté, et Venise signa avec le pape et le roi
d'Espagne une ligue contre les Ottomans. Le
commandement de la flotte confédérée fut donne
à don Juan d'Autriche, qui remporta,* le 7 octobre
1571, la mémorable victoire de Lépante. Les
Turcs perdirent 224 vaisseaux et 30,000 hommes;
15,000 prisonniers furent délivrés. Mais les vain
queursne surent pas tirer parti de leur triomphe:
les Turcs réparèrent leurs pertes, et le grand visii
put répondre à l'envoyé vénitien : « En vous
arrachant un royaume, c'est un bras que nous
vous avons coupé; et vous, en battant notre )
flotte, vous n'avez fait que nous raser la barbe, i
En effet les Vénitiens, lassés d'une guerre don
ils portaient tout le poids, signèrent en 1573 1;
paix à des conditions humiliantes. Les Espa
gnols s'emparèrent, il est vrai, de Tunis cett
même année, mais perdirent leur conquête dix
huit mois après. Une guerre heureuse contre le
Moldaves, qui s'étaient insurgés et furent obligé
de se soumettre, couronna les événements mili
taires de ce règne. Selim n'eut pas le temps d
poursuivre sérieusement le plan qu'il avait fonn
de joindre par un canal le Don au Volga; ui
premier essai ne réussit pas. Le 12 décerner
1574 Selim mourut, d'une chute causée par l'i
vresse. Ce prince, livré aux débauches de toute
sortes, ne se montra pas à la tête des armées, et
malgré les victoires de ses généraux, activa pa
son exemple la décadence morale des Ottomans
Mourad III, son fils, lui succéda. L. Collas
De Hammer, Hist. de l'Empire ottoman.
selim m, sultan ottoman, né le 14 décembr
1761, mort le 29 juillet 1808, était fils de Mus
tapha III, qui fut remplacé (,1774) par son frère
Abdul-Hamed. Celui-ci, ne paraissant pas des
tiné à avoir de postérité (conjecture qui ne s
réalisa point), traita avec sollicitude son neve
qu'attendait le trône des Ottomans. Du fond c!
sérail , où il était renfermé , Selim méditait su
les causes de la décadence de l'empire et sur le
remèdes qui pouvaient la conjurer. Il s'entoi
rait de quelques conseillers qui, imbus de
mêmes idées que lui, l'entretenaient dans se
projets de rénovation ; il se mit même en rela
tion avec le gouvernement français , et réclam
son appui pour la haute mission qu'il s'attri
buait. La mort d'Abdul-Hamed, arrivée le 7 avri
1789, lui permit de faire passer dans la réalit
les rêves dont il avait entretenu son esprit dan
la retraite.
Il se trouva bientôt aux prises avec de grande
difficultés; après l'enthousiasme provoqué pa
l'avènement de Selim 111, les Turcs s'effrayèren
bientôt des projets d'un prince qui voulait lou
voir par lui-même, voulait partout introduire de
réformes, sans toujours s'inquiéter si elles étaien
heureuses et opportunes; quelques exécution
sommaires répandirent la terreur. La guerr
continuait avec les Russes et les Autrichiens
Malgré la perte d'Oczakow, prise par les pie
729
SELIM
730
iniers en 1788, Selim s'obstina à continuer la
lutte, sans toutefois oser suivre son propre désir,
contraire aux avis de ses ministres, qui le dé-
tournèrent de prendre le commandement de
'armée. De nouveaux désastres humilièrent les
Turcs; ils furent battus à Focziani, (1789), pér-
iment la Moldavie, la Servie, la Bessarabie. Enfin
5elim, pressé par les puissances amies, signa le
août 1791 la paix deScistowa avec l'Autriche,
;>]ui rendit toutes ses conquêtes, sauf Choczim.
Vprès de nouvelles victoires des Russes, notam-
ment celle de Rimnick, le sultan, que la paix, de
Verela, entre Catherine II et les Suédois, privait
l'une diversion précieuse, signa, le 9 janvier
1792, la paix de Jassi : aux concessions du traité
"le Kaïnardji la Porte joignait l'abandon d'Oc-
/akow, de la Crimée, des embouchures du Bug
».t du Dniester.
Aux humiliations de la politique extérieure
e joignaient pour les Turcs des maux de toutes
lalures; le trésor était vide, l'administration li-
vrée à l'anarchie; les provinces se soulevaient;
es troupes, mal payées, menaçaient de se révol-
-er; l'empire semblait tomber en dissolution.
»elim cherchait les moyens de combattre tous
.es fléaux et d'opérer la régénération projetée,
ies sympathies et les traditions ottomanes le
lortaient à s'appuyer sur la France; la forme
■épnblicaine de son gouvernement l'en éloignait.
;1 se décida cependant à s'adresser à elle pour
élever la puissance d'une vieille alliée; en effet,
l'après sa prière, une colonie d'ouvriers, d'ar-
istes, d'ingénieurs, d'officiers de terre et de mer
ut envoyée à Constantinople pour travailler
;ous ses ordres aux réformes qui devaient élever
Ba Turquie au niveau des puissances chrétiennes.
Mais les désordres de l'empire, alors troublé par
ia révolte victorieuse du fameux Passwan-Oglou,
étaient le principal obstacle à la prospérité du
pays. L'expédition de Bonaparte en Egypte (1798)
froubla la bonne harmonie de la France et de
a Turquie; celle-ci se jeta dans les bras de
'Angleterre, à qui elle laissa prendre pied dans
es îles Ioniennes. Le premier consul renoua les
■dations d'amitié, et parvint à signer un traité
le paix en 1802. La reconnaissance de l'empire
tançais fut un nouveau sujet de contestation;
iprès la bataille d'Austerlitz, Selim s'y résigna,
îi fiit dès lors l'allié fidèle de Napoléon. La po-
itique française étant victorieuse à Constanli-
■lople, l'Angleterre et la Russie proférèrent des
menaces, qui furent bientôt suivies d'effet. Pen-
dant que les Russes envahissaient la Moldavie et
a Valachie, la révolte était en Servie, en Alba-
nie, en Arabie, presque partout ; enfin, le 20 avril
1807, l'amiral anglais Duckworth franchissait les
Dardanelles avec neuf vaisseaux. Heureuse-
ment le général Sebastiani releva le courage du
îivan; les Turcs montrèrent une activité inac-
coutumée, et repoussèrent les Anglais, qui firent
les pertes sensibles.
Selim 111 avait montré dans cette circonstance
i
critique une remarquable énergie; il apporta
toujours la môme ardeur dans ses réformes,
mais il ne sut pas les accomplir avec le tact et
les ménagements qui seuls pouvaient en assurer
le succès. Guidé par des officiers français, il éta-
blit une fonderie de canons, et organisa un corps
de troupes qu'il arma, habilla et disciplina à
l'européenne; ce devait être le point de départ
d'une transformation complète de l'armée otto-
mane ; ce projet, ayant transpiré, provoqua une
violente irritation, et l'on accusa Selim de rompre
avec toutes les traditions de lïslamisme : aussi,
lorsque en 1805 il ordonna de prendre partout
des hommes d'élite pour les incorporer dans les
nizam-djedid (on appelait ainsi les nouveaux
soldats) l'opposition fut telle qu'il dut ajourner
l'exécution de son projet. D'autres tentatives
de réformes aigrirent encore les esprits, et de
farouches derviches prêchèrent la résistance aux
ordres du sultan; les malheurs qui fondaient sur
l'empire, les révoltes sans cesse renaissantes
semblaient des châtiments de ses crimes. En
1807 un incident peu important provoqua la
révolte préparée depuis longtemps. Les troupes
ayant été disséminées dans les châteaux du Bos-
phore et des Dardanelles, Selim voulut leur im-
poser un nouveau costume. On avait adjoint
aux nizam-djedid 2,000 soldats appelés yamak-
tabialis (servants de batteries). Comme ils
avaient la même solde et une destination ana-
logue, il était à croire que les deux troupes sou-
tiendraient de concert la réforme. Mais -autour
de Selim quelques conseillers perfides cher-
chaient à entretenir les divisions. L'ordre donné
aux yamaks de revêtir le nouvel uniforme fut
le signal de l'insurrection. Us massacrèrent Mah-
moud-Elfendi, plusieurs de leurs officiers, s'exci-
tèrent à détruire le corps des nizam et à arrêter
l'État sur la pente où l'entraînaient les partisans
des réformes, et marchèrent sur Constantinople.
Là ils donnèrent la main aux janissaires et égor-
gèrent plusieurs des principaux personnages de
l'État. Selim en livrant la têle de ses serviteurs
crut sauver son pouvoir. Mais les chefs de la
révolte, encouragés parleur succès, demandèrent
au muphti, interprète de la religion, si un prince
violateur du Koran devait continuer à régner.
La réponse fut négative, et Selim alla remplacer
dans le sérail son cousin Mustapha, qui fut in-
vesti du pouvoir. Ainsi tomba ce prince, victime
de ses efforts pour arracher l'empire à ses ha-
bitudes stationnaires Au reste, Mustapha IV, qui
servait de jouet à la réaction, ne resta pas long-
temps sur le trône.
Un partisan dévoué de Selim, Mustapha-Ba-
raïktar, pacha deRoustchouk, profitant des fautes
de ses ennemis, fit appel aux adversaires des
ulémas et des janissaires, et marcha sur Cons-
tantinople avec 4,000 hommes d'élite que sui-
vait une petite armée. Il dissimula ses vérita-
bles projets, massacra les yamaks , et parut se
contenter de quelques concessions que le nou-
731 SELIM
veau sultan s'empressa de faire. Mais Baraïktar
attendait l'occasion de rétablir Selim 111.
Un jour que Mustapha, endoi mi dans une trom-
peuse sécurité, était allé passer la journée au
Kiosque de Guenk-Soué , Baraïktar fit empri-
sonner le grand-vizir, et avec les conjurés as-
saillit le palais; là il fut arrêté par la résistance
des serviteurs du sultan, qui était venu les en-
courager par sa présence. Pendant que Baraïk-
tar essayait de renverser ces obstacles, l'ordre
était donné de massacrer Selim. Lorsque les
bourreaux pénétrèrent dans son appartement, il
réciiait sa prière tourné vers la Mecque. Doué
d'une force athlétique, il ne succomba qu'après
une longue résistance (28 juillet 1808). Son cou-
sin Mahmoud II devait le venger et reprendre
ses réformes. L. Colias.
Lavallée, Hist. de l'Empire otloman. — Lamartine,
liist. de la Turquie.
selis (Nicolas- Joseph), littérateur français,
né le 27 avril 1737, à Paris, où il est mort, le
9 février 1802. Après avoir fait ses études comme
boursier au collège de Montaigu, il fut envoyé
comme professeur au collège d'Amiens, lors de
la suppression des Jésuites. Il épousa dans cette
ville la nièce du poète Gresset. Il s'y lia intime-
ment avec Delille, professeur au même collège ;
tous deux furent rappelés à Paris pour occuper
des chaires de l'université, et plus tard, Delille,
devenu célèbre, lui fit obtenir celle de rhé-
torique au collège Louis -le Grand, à Paris.
Membre de l'Institut en 1795, il devint en même
temps professeur de belles-lettres à l'école cen-
trale du Panthéon (plus tard lycée Napoléon),
et examinateur des élèves du Prytanée. L'ab-
sence de Delille le fit nommer, le 3 octobre 1796,
professeur de poésie latine au Collège de France;
mais Selis déclara, par une lettre rendue pu-
blique, qu'il ne se considérait que comme pro-
fesseur suppléant et que dès le retour de l'an-
cien titulaire il lui rendrait sa chaire, ses titres
et ses droits. Cette déclaration demeura sans
effet, car Delille ne revint à Paris que cinq mois
après la mort de Selis. Les ouvrages qu'on a
de lui sont : L'Armée romaine sauvée par les
prières de la légion fulminante, poème; Pa-
ris, 1760,in-l2;— V Inoculation du bon sens;
Londres, 1761, in-12; — Relation de la ma-
ladie, de la confession et de la mort de Vol-
taire ; Genève, 1781, in-12: brochure pleine de
sel et de finesse, qui eut trois éditions la même
année; — Épîtres en vers sur différents su-
jets; Paris, 1776, in-8° : elles ont de la facilité
et offrent une douce philosophie; — Disserta-
tion sur Perse; Paris, 1783, in-8°; — Lettre
àun père, de famille sur les petits spectacles
de Paris; Paris, 1789, in-8°; — Lettres écrites
de la T.rappe par un novice; Paris, 1790, in-12.
Selis a traduit les Satires de Perse, avec des
remarques ( Paris, 1776, in-8°), traduction fort
estimée, et l'épisode de Narcisse, des Métamor-
phoses d'Ovide, impr. à la suite de Narcisse dans
SELVE 73!
l'île de Vénus de Maïfilâtre (1795, in-12). On
encore de lui plusieurs Mémoires dans le recuei
de l'Institut, et Barbier lui attribue Bien ne
nouvelles et anecdotes ; Apologie delà flalteri
(1788, in-8°). Enfin, il a révisé une partie del
6e édit. du Dictionnaire de l'Académie (1798)
Le style de Selis est pur et élégant, et ses ver
ont autant de grâce que d'harmonie. Comrn
professeur, il s'était distingué par son esprit e
la pureté de son goût.
Moniteur universel, 1802. — Journal de Paris, 180S
— Biogr. univ. et port des contemp.
selve (Jean de), seigneur de Cromières
de Villiers et de Duyson, magistrat et ambassa
deur, né en Limousin (1), de Fabien de Selve
lieutenant de la compagnie des gendarmes di
comte de La Marck, gouverneur d'Auvergne
mort à Paris, en décembre 1529 (2). Il était ei
1507 premier président au parlement de Roue
et en 1514 à celui de Bordeaux. Lors de la cou
quête du Milanais, il s'y rendit comme vice
chancelier (1515), suivit les Français dans leu
retraite, et fut placé à la tête du parlement d
Paris (1521). Après la bataille de Pavie, la du
chesse d'Angoulême,mèredu roi, le chargea, ain;
que l'archevêque d'Embrun et Philippe Chabot, d
traiter à Madrid de la délivrance de François Ie
(1525). Ce fut Selvequi harangua Charles-Quint
Après avoir fait appel à sa magnanimité et à s;
clémence , il proposa que François Ier fût mis
rançon; mais il repoussa toute demande déj
faite sur le domaine de la couronne. Il invoqu.
les liens du sang, et après un grand nombr
d'exemples tirés de l'Écriture, des histoire
grecque et romaine, selon l'habitude des ora
teurs de l'époque , il dit « qu'il y avait plus d
gloire et plus d'honneur à faire régner un roi
après sa prison, qu'il n'y en avait à l'avoi
vaincu par guerre.» Charles renvoya les am
bassadeurs discuter avec ses ministres. Le,
conférences s'ouvrirent à Tolède. Le chancelie:
Gattinara revendiqua, au nom de son maître, li
duché de Bourgogne, comme ayant été usurp»
par Louis XI sur la fille de Charles le Téméraire
puis comme il avançait que François Ier avai
offert de restituer le duché, Selve répondit « qui
le roi n'en aurait pas le pouvoir, étant en li
berté, à plus forte raison, étant en prison, c
que cela devait être vidé devant le parlement.»
Ces conférences, commencées le 20 juillet, si
prolongèrent durant tout le mois d'août el
n'eurent pour résultat, dit Champollion-Figeac,
que de montrer que le chancelier Gattinara el
le premier président de Selve étaient « gens d(
grande littérature et que les disputations ne sonl
pas bonnes pour arriver à paix.» La paix con'
due (14 janvier 1526), Selve revint à Paris. A
l'assemblée générale des états tenus en présence
du roi, pour traiter de la délivrance des enfants
(1) Probablement à Tulle.
(2) Bcriand, qui a fait une épilaphe de Jean de Selve,
dit qu'il fut inhumé dans l'église de Saint-Nlcolas-dU-
Chardonnet, le il décembre 1529.
33 SELVE -
e Fiance, donnés en otage à Charles-Quint, il
orla la parole pour les cours souveraines. Il a
té beaucoup loué par ses contemporains, tant
atome négociateur habile que comme magistrat
jvant et intègre. La bibliothèque impériale pos-
^le eu manuscrit ses Négociations et discours,
m lui a attribué le traité De bénéficia com-
lenté par Dumoulin et Joly; mais il paraît que
m frère, conseiller au parlement de Paris, et
ni signait aussi Jean de Selve, en est l'auteur.
Selve (Georges de), prélat, (ils du précé-
dent, né en 1506, mort en 1541. Dès 1524 il
lait évêque de Lavaur, et fut ambassadeur à
enise, en Angleterre et en Espagne. On a de
i : Huit Vies des hommes illustres de Plu-
irque, trad. en français par ordre de
tançais 1er ; Paris, 1547, in-8°, et 1548, in-
11.; et plusieurs écrits réunis en un volume;
iris, 1559, in-fol.
Parmi ses frères étaient: 1° Selve (Jean-
ïul de), ambassadeur à Rome, en 1557, mort
êque de Saint-Flour, en 1570, et qui a laissé
i manuscrit ses Négociations, et des Lettres;
Selve (Odet de), sieur de Marignan, prê-
tent au grand conseil, mort à Rome, où il fut
ambassade. Martial Audoin.
Je Lurbe, De illustrions Aquitaniie viris. — L'her-
be de Souliers, Éloges des premiers présidents de Pa-
r, p. 6t. — Bayle Dict. kist. — Lelong, Biblioth. Iiist.
Chanipollion-Figeac, Captivité du roi François Ier
sémiramis, reine d'Assyrie, vivait dans la
Bonde moitié du treizième siècle avant J--C.
s historiens grecs ont laissé à son sujet des
|cits entremêlés de divers mythes et faussés
r plusieurs confusions ; nous allons en donner
substance, pour en élaguer ensuite, à l'aide de
critique moderne, ce qui doit êlre réellement
pporté à Sémiramis. Celle-ci, dit Ctesias, qui
répandu sur elle le plus de fables, était fille
Derketo ou Atergatis, déesse de la nature
nératrice, dont le culte avait son siège prin-
>al à Ascalon. Derketo exposa le fruit de son
lour clandestin pour un beau jeune homme ;
ufant fut recueillie par un berger du nom de
.nas, d'où celui de Sémiramis. Oannès ou Anu,
uverneur de Syrie, l'épousa pour sa beauté
Jatante. Accompagnant son mari au siège de
ictra, dirigé par le roi d'Assyrie Ninus, elle
:liqua le moyen de réduire la forteresse, et
signala par sa bravoure lors de l'assaut,
nerveillé, le roi la prit pour épouse; après sa
f>rt elle lui succéda (1). Par une suite de bril-
iites victoires elle étendit au loin en Asie la
mination assyrienne ; elle porta ses armes jus-
'en Egypte et en Ethiopie; elle conduisit
l) Selon une antre tradition, rapportée par Athénée et
adore, Sémiramis aurait été vendu.: comme esclave
iir le harem de Ninus. Un caprice du roi lui permit
jouer le rôle de reine pendant cinq jours. Lors des
es qu'elle organisa alors, et en commémoration des-
elles on institua pius tard les sacées, elle gagna les
ncipaux chefs de l'armée, et se fit attribuer la cou-
ple; sur ses ordres Ninus fut mis en prison ou, selon
lattes, massacré.
SEMLER
734
même une expédition contre le royaume de
l'Inde; mais elle éprouva une complète défaile.
Elle construisit un grand nombre de puissantes
cités, Babylone entre autres, et éleva plusieurs
magnifiques monuments, tels que les jardins
suspendus en Médie, une des sept merveilles
du monde. Après un règne «le quarante-deux
ans, elle abdiqua en faveur de son lils, Ninias,
disparut de la terre sous forme d'une colombe, et
fut depuis adorée comme déesse. En cette qua-
lité elle représente l'amalgame entre la chaste
déesse de la guerre Tarais, ayant pour emblème
la lune, et l'impure Mylittaou Astarté, à laquelle
étaient consacrées les colombes. La plupa'rt des
traits de sa vie, son humeur belliqueuse, sa vo-
lupté effrénée s'expliquent par ce mélange de
mythes. D'autres faits qui lui sont attribués
sont de pures inventions; quelques-uns ont été
misa tort sur son compte par Ctesias, parce qu'il
rapporta à cette princesse des événements qu'il vit
représentés par des bas-reliefs des palais assy-
riens. Enfin, il faut encore noter qu'elle a été
confondue avec une autre Sémiramis (Semmou-
ranoth sur les monuments ), également reine
d'Assyrie, femme de Bélochus IV; cette der-
nière, qui porte aussi le nom d'Atossa, vivait au
huitième siècle; c'est la seule que connaisse Hé-
rodote.
Malgré l'obscurité, presque inextricable, qui
existe au sujet de la grande Sémiramis, il serait
néanmoins téméraire de lui dénier toute existence
historique et de ne voir en elle par exemple que
l'expression de ce fait que des tribus sémitiques
( Simas, Sémiramis) fondèrent le second empire
assyrien, qui remplaça le royaume kouschite
établi par Nemrod. E. G.
Movers , Die Phœnizier. — Niebuhr, Geschichte As-
surs uni Babels, Berlin, 1S57. —G. Rawlinson, Iheftve
great monarchies, t. II, Londres, 1863.
semler (Jean-Salomon), théologien alle-
mand, né le 18 décembre 1721, à Saalfeld , où
son père était pasteur, mort le 14 mars 1791, à
Halle. Élevé au milieu du piétisme, il modifia
se? tendances religieuses à l'université de Halle.
Pendant ses études , il s'attacha à S.-J. Baum-
garten, qu'il aida dans la publication de son His-
toire universelle. En 1749 il fut appelé à Co-
bourg, en qualité de professeur, et il y rédigea
la Gazette. Après avoir enseigné l'histoire et la
littérature à Altdorf (1751), il obtint à la fin de
celte annnée une chaire de théologie à Halle.
En 1757, il succéda à Baumgarten dans la di-
rection du séminaire théologique. Semler était
doué d'une merveilleuse aptitude pour saisir les
rapports des faits les uns avec les autres , poul-
ies apprécier à leur juste valeur, pour en dé-
mêler avec une finesse remarquable les plus
minces détails. Il manquait, il est vrai, de cet
esprit philosophique qui voit les choses engrand
et dans leur ensemble; mais dans les choses
d'érudition et de critique il était doué des fa-
cultés les plus heureuses. C'est dans ce genre
735 SEMLER —
qu'il a surtout brillé. Un des services qu'il a
rendus, c'est d'avoir fait sentir que pour inter-
préter les livres bibliques qui ont été écrits à des
époques très-diverses, il faut tenir compte de
toutes les circonstances se rapportant à l'his-
toire du temps auquel chacun d'eux a été com-
posé. Semler a été le père de l'herméneutique
historique, comme Ernesti celui de l'herméneu-
tique grammaticale. Le premier, il soumit à une
étude approfondie et impartiale la question du
canon. Il signala ce fait remarquable que le
canon dans les premiers siècles de l'Église n'é-
tait pas tout à fait identique à celui qui est de-
venu ' définitif. Il montra encore que tous les
livres saints ne peuvent pas avoir la même va-
leur au point de vue de la doctrine; que l'Apo-
calypse et le Cantique des cantiques , par
exemple, ne sauraient être mis sur la même
ligne, sous ce rapport, avec des écrits didac-
tiques. On ne peut pas passer sous silence les
services qu'il rendit à l'histoire des dogmes. Ap-
portant dans ce champ d'études le même esprit
critique qui l'avait dirigé dans ses autres tra-
vaux, il suivit le développement des doctrines
admises dans l'Église chrétienne, signalant la
formation de celles-ci et les modifications de
celles-là, et indiquant sous quelles influences
ces changements successifs se sont produits.
Grégoire dans son Histoire des sectes et la
Biographie universelle accusent Semler d'avoir
réduit le christianisme à n'être qu'une doctrine
purement humaine : cette accusation est injuste.
Il est possible que la voie dans laquelle il
a marché conduise en définitive à ne voir
dans le christianisme qu'une religion analogue,
sous beaucoup de rapports , à toutes les autres ,
quoique les dépassant toutes en grandeur et en
pureté; mais ce n'est pas certainement ainsi
que le considérait Semler. S'il a sacrifié, s'il a
combattu certaines doctrines communément re-
gardées comme parties constitutives de la religion
chrétienne, c'est, d'un côté, parce qu'il ne re-
gardait les doctrines que comme des superféta-
tions illégitimes dont elle s'était chargée dans les
différents milieux qu'elle a traversés, et il a
cherché, l'histoire à la main , à en donner la
preuve; c'est, d'un autre côté, parce qu'il pensait
que le christianisme ramené à sa pureté primi-
tive échapperait aux attaques dont il était l'objet
et qui portaient précisément sur ces doctrines
parasites qu'il en retranchait. Il ne faut pas ou-
blier que s'il s'éleva contre la manière dont
l'orthodoxie de son temps entendait la religion
chrétienne , il ne s'opposa pas avec moins de
force aux théories contenues dans les Frag-
ments de Wolfenbultel et aux systèmes de l'é-
cole de Basedow et de Bahrdt, qui allaient à
enlever au christianisme toute origine surnatu-
relle et à le transformer en une pure philoso-
phie.
Des nombreux écrits de Semler les pricipaux
sont : De dsemoniacis quorum inNovo Testam.
SEMONVILLE 73?
fit wiew^o,- Halle, 1760, in-8°, trois autres édit.
— Umsteendliche Vntersuchung der dgemoni
schen Laute (Recherche circonstanciée sur li
son que font entendre les démoniaques ) ; Halle
1762, in-8°; — Sammlungen von Brie/en um
Anfragenûber die Gassnerischenund Schrsep
ferischen Geislerbeschwasrungen (Recueils d
lettres et de questions sur les conjurations d'es
prits faites par Gassner et Schraepfer ) ; Franc
fort, 1775-1776, 2 vol. in-8°; — Versuch eine,
Mblischen Dœmonologie (Essai d'une démono
logie biblique); Halle, 1776, in-8°; onaencor
quelques autres écrits de Semler sur le mêm
sujet, qu'il considère à un point de vue rationm
ne voyant dans les possessions de démons qi
des maladies mentales ; — De mysticarum inie
preta/ionum studio, hodie parum ittili; Hali
1760,in-8°; — Vorbereilung zurtheologisch
Hermeneutik (Préparation à l'herméneutiqi
biblique); Halle, 1760-69, 4 part. in-8°; — Âp
parafas ad liber am Novi Testamenti inter
pretationem ; Halle, 1767, in-8°; — Apparatu
ad liberam Veteris Testamenti interpre
tationem; Halle, 1773, in-8°; — Abhanà
lung von fréter Vntersuchung des kanon
(Traité d'une libre recherche du canon); Hallt
1771 et suiv., 4 vol. in-8° : un des ouvrages k
plus remarquables de Semler; — De discrimin
notionum vulgarium et chrislianarum i
libris Novi Testamenti observando ; Halle
1770, in-4°; — Christ, freye Untersuchun
ueber die sogenante OJfenbarung Johanm
(Recherches libres sur la soi-disant révélatio
de Jean); Halle, 1769, in-8°; — Commente
tiones historix de antiquo chrislianorm
statu; Halle, 1771-1772, 2 vol. in-8°;— Vet
such eines fruchtbaren Auszugsder Kirchei
geschichte (Essaid'un précis substantiel de l'hi
toire de l'Église); Halle, 1778, 3 vol. in-S0;-
Observationes novse quibus historia christic
norum usque ad Consiantinum Magnumi
lustratur; Halle, 1784, in-8°; — Institua
ad doctrinam christianam liberaliter discei
dam; Halle, 1774, in-8°. Michel Nicolas.
Semler's Lebensbeschreibung von ihm selbst versjass
Halle, 1781-82, 2 vol. in-8°. — Eicnorn, Allg. Bibliott
t. V, p. 1-202 — Fr.-A. Wolf, Ueber Semler's lezte t
benstage; Halle, 1791, in-8°. — H. Schrold, Theoloq
Semler's; Nordlingen, 1858, i'n-8*.
semolei. Voy. Franco (Battista).
semon ville (Charles-Louis Huguet, nj§
quis de), diplomate, né à Paris, le 9 mars 175!
mort dans cette ville, le 11 août 1839, était fils (■
Huguet de Montaran , secrétaire du roi et à
conseil . Reçu avant l'âge de dix-neuf ans coi
seiller aux enquêtes du parlement de Paris, ils
fit bientôt remarquer par la finesse et la distin
tion de son esprit; mais il fixa surtout l'attei
tion publique par un discours prononcé dai
l'assemblée générale des chambres du parlemei
(1788), où il proposait la convocation des éta
généraux, comme le .seul moyen de franchir I'
embarras de la situation. 11 n'obtint pourta;
•A
il
il
SEMONVILLE
788
! 'une élection de suppléant aux états généraux,
il ne fut pas appelé à siéger; mais son ta-
|it inné pour l'intrigue en fit un auxiliaire très-
le au lieutenant civil Talon , dans les négo-
tions qui préparèrent la défection de Mira-
111 et dans celles qui eurent pour objet de
I tacher aux intérêts de la cour quelques-uns
h chefs du parti patriote. Le ministre Mont-
|»rin l'envoya à Bruxelles, pour étudier la
hrche du mouvement insurrectionnel qui ren-
[ la Belgique indépendante de l'Autriche pen-
[tit une année (1790). Au mois d'août 1791,
[nonville fut nommé envoyé extraordinaire
Its la république de Gênes. Dumouriez,
1rs ministre des affaires étrangères, tenta, par
[»pât de quelque extension territoriale, de dé-
[!ier le roi de Sardaigne de la politique autri-
jînne; mais ce prince, avant d'avoir reçu la no-
liation de Semonville au poste d'envoyé à
lin, donna ordre de ne pas lui laisser franchir
■ frontière piémontaise (avril 1792). Semon-
|e fut alors appelé à l'ambassade de Cons-
tinople ; mais le sultan Selim , influencé par
représentations des puissances coalisées, re-
i de le recevoir. Bien qu'engagé secrètement
c certains membres du gouvernement répu-
ain, il jugea prudent d'abriter sa position
tonnelle sous le couvert d'une mission d'ob-
ration, qui lui fut donnée pour la Corse; il
lia d'amitié avec Paoli, et y fit la connais-
3e du jeune Napoléon Bonaparte. Destiné de
veau à l'ambassade de Constantinople ( mai
3), il reçut ordre de s'entendre avec Maret
I maintenir les principautés italiennes dans
•alliance avec la république française.IIs par-
jnt ensemble de Genève; mais à leur arrivée
[ovale, sur le territoire neutre des Grisons,
5 juillet 1793, les deux négociateurs furent
vés par l'ordre du gouverneur de Milan, et
rluits dans la forteresse de Mantoue, puis à
ïstein , dans le Tyrol , où ils subirent trente
s d'une étroite captivité. En décembre 1795,
. suite de l'échange qui eut lieu de la fille de
lis XVI contre les députés Camus, Quinette,
[cal et Lamarque, les deux captifs furent
lis en liberté. Semonville ne prit aucune part
coup d'État du 18 brumaire; mais il rap-
au premier consul les rapports qu'il avait
fetenus précédemment avec lui , et fut
■"gé, le 30 décembre 1799, sous le titre de
Bistre plénipotentiaire , du soin important de
Bsolider l'alliance existant entre le gouverne-
Bit français et la république batave. Il partit
Pfr La Haye, et réussit pleinement dans sa né-
gtation. Le département des Ardennes l'élut,
■803, candidat au sénat conservateur. Il y entra
B6' février 1805, en vertu d'une nomination
aMbre choix de l'empereur, et par les qualités
éjnentes de son esprit il parvint à obtenir une
Graine influence sous le régime impérial. D'a-
P|> Mounier, ce fut sur une insinuation de Se-
Hiville que la famille souveraine d'Autriche se
NOCVi BIOGR. GÉNÉR. — T. XL1H.
décida à contracter avec Napoléon cette étroite
alliance qui ajouta plus à la splendeur de son
trône qu'à sa puissance et à sa solidité. Semon-
ville servit d'organe aux commissions sénato-
riales chargées en 1809 et en 1810 de préparer
l'enregistrement des décrets de réunion du Va-
lais , de la Hollande et de la Toscane à l'empire.
II s'empressa d'adhérer à la délibération de dé-
chéance de Napoléon; mais il combattit éner-
giquement la proposition faite au sénat par
l'empereur de Bussie pour la réhabilitation du
général Moreau. Uni par une ancienne amitié à
MM. Dambray et Ferrand, Semonville fit partie
de la commission chargée de préparer la charte
constitutionnelle. Il fut compris avec le titre de
grand référendaire dans la première promotion
des pairs (5 juin 1814). Trop clairvoyant pour
croire au succès durable de l'entreprise du 20
mars, il se retira pendant les cent jours dans
une de ses terres, et ne reparut à Paris qu'a-
près le retour du roi. Mais, fidèle à la tactique
de toute sa vie, il avait pris soin de se ména-
ger un appui éventuel dans le général Mon-
tholon, son beau-fils, que Napoléon venait d'atta-
cher à sa personne en qualité d'aide de camp;
en même temps il exhortait le frère de ce mili-
taire à suivre Louis XVIII dans son exil.
La seconde restauration rendit à Semonville
toute lafaveur dont il avait joui sous la première,
et il faut reconnaître qu'il la justifia par l'intel-
ligente fidélité avec laquelle il se dévoua à ce
gouvernement, qui lui fut redevable de quel-
ques conquêtes précieuses. Personne enfin n'était
mieux placé , soit par ses antécédents , soit par
la souplesse et la conciliation de son caractère,
pour opérer d'utiles rapprochements entre les
hommes de l'ancien et ceux du nouveau régime.
Louis XVIII lui fit à plusieurs reprises l'honneur,
fort peu prodigué, de le visiter dans ses somptueux
appartementsduLuxembourg. Semonville occupa
d'ailleurs rarement la tribune , et semblait ré-
server pour les discussions particulières les
ressources d'un esprit éminemment propre à la
conversation. Doué d'une certaine indépendance
de langage, malgré la souplesse habituelle de
ses attachements et de ses principes, il faisait
entendre parfois aux dépositaires du pouvoir
quelques vérités incommodes , et n'épargna rien
pour combattre les tendances politiques qui se
traduisirent, au 25 juillet 1830, en un coup d'État
sans rapport avec la gravité réelle delà situation.
Le 29 il résolut de conjurer par un suprême
effort les dangers de la monarchie. Après avoir
vainement exhorté les ministres, réunis aux
Tuileries, d'abdiquer un pouvoir impopulaire,
il se rendit à Saint-CIoud accompagné de M. d'Ar-
gout, et eut avec Charles X un long et pathétique
entretien, dont le résultat, péniblement obtenu, fut
la convocation du conseil et le retrait des funestes
ordonnances. L'évacuation inopinée du Louvre
et la retraite de l'armée royale firent avorter
ces généreux efforts, que Semonville accom-
24
739
pagna de démarches plus intimes destinées à
sauvegarder le principe de l'hérédité monar-
chique. Moins d'un an après, le 25 juillet 1831,
le vieux courtisan faisait pavoiser la salle des
séances de la chambredes pairs de quarante dra-
peaux autrichiensenvoyésen 1805 par Napoléon au
sénat conservateur, et ménageait ainsi au jeune
duc d'Orléans l'occasion d'une allocution belli-
queuse et populaire. Le 21 septembre 1834, il fut
remplacé dans ses fonctions de grand référen-
daire par le duc Decazes, et il alla abriter à Ver-
sailles, dans une habitation qu'il avait récemment
acquise, le dépit mal dissimulé que lui fit éprouver
sa disgrâce. Il mourut dans sa quatre- vingt-et-
unième année, des suites d'une chute dont la
violence défia toutes les ressources de l'art, II
avait épousé Mi'e de Rostaing, veuve en pre-
mières noces du comte de Montholon , belle-
mère des généraux Joubert et de Sparre et du
maréchal Macdonald* Ii tenait de Napoléon le
titre de comte (1808) et de Louis XVIII celui de
marquis (1819). En lui s'éteignit un des der-
niers types de i'ancienne urbanité française mo-
difiée parles épreuves du régime révolutionnaire.
Il est juste de dire à sa louange que peu
d'hommes se sont montrés plus obligeants et
ont rendu plus de services. Né dans des jours
tranquilles, Semonville, doué de mœurs douces,
d'un sens exquis, d'un esprit conciliant, d'une
nature éminemment généreuse, u'eût point porté
dans sa vie extérieure ces habitudes cauteleuses,
cette incroyable souplesse de caractère et de
maximes à la faveur desquelles il cherchait à se
faire accepter sous tous les régimes, et dont le
succès, chez lui comme chez tant d'autres, a si
activement contribué parmi nous à la décadence
progressive des mœurs politiques. A. Boullée.
Mémoires tirés des papiers d'un homme d'État. —
Mouaier, Éloge de Semonville. — Polignac ( De) , Études
historiques. — Moniteur du 14 avril 1839.
sempronius longus, général romain,
vivait à la fin du troisième siècle avant J.-C.
Consul avec P. Cornélius Scipion en 218, dans la
première année de la seconde guerre punique, il
eut la Sicile pour province. Il y poussait les hos-
tilités avec vigueur et même avec succès, lorsque
le sénat le rappela en toute hâte dans le nord
de l'Italie, pour l'opposer à Annibal. Au cœur de
l'hiver Sempronius traversa en quarante jours la
péninsule dans sa longueur du détroit de Mes-
sine à Rimini. Il opéra ensuite sa jonction avec
son collègue sur les bords de la Trebia, et tous
deux livrèrent bataille à Annibal. Ils furent com-
plètement vaincus et forcés de se réfugier der-
rière les murs de Placentia. En 215, Sempronius
ent un commandement dans l'Italie méridionale,
et défit Hannon près de Grumentum en Lucanie.
1! mourut en 2t0. Y.
Tite I.ive, XXI, 6, 17, Kl -56. - l'olybe, III, 40, 41, CO,
75. — Appien, Annib., 6, 7.
sempronius ( C. Tuditanus ) , homme po-
litique et historien romain, vivait dans le second
siècle avant J.-C. Il appartenait à une maison
SEMONVILLE -~ SENAC 74
(.gens Sempronia) que les Gracques rendirei
illustre; les Tuditam, quoique moins cél.èbn
que les Graccbi, comptent cependant plusieu
personnages importants : P. Sempronius Tud
tanus,trïb\m militaire àlabataille de Cannes (21€
censeur en 209, consul en 204; Sempronh
Tuditanus, tribun du peuple en 193, consul i
185. Le C. Tuditanus qui fait le sujet de cet a
ticle était le fils d'un personnage du même no
connu seulement pour avoir été un des dix cor
missaires chargés en 146 d'organiser la Grè'
méridionale en province romaine. Il fut prête
en 132 et corisul en 129. Pendant qu'il était
charge, Scipion l'Africain lui fit conférer la in;
sion de résoudre les difficultés sans nombre <j
naissaient de l'application de la loi agraire i
Tiberius. S. Tuditanus, voyant qu'il ne pourc
la remplir sans se brouiller soit avec le sén/i
soit avec le parti de Gracchus , trouva moyen
i quitter Rome, sous prétexte d'aller faire la guei
aux Illyriens. Cette expédition fut heureuse,
I Tuditanus à son retour eut les honneurs
! triomphe. Cicéron fait un vif éloge de la polites
de ses mœurs et de l'élégance de ses discoui
! Denys d'Halicarnasse le compte avec Caton
Censeur parmi les plus savants chroniqueurs i
j mains, et son histoire, dont nous ne connaisse
I pas le sujet précis et dont ii ne reste rien, i
I plusieurs fois citée par les anciens. L. J,
Cicéron, Ad Attic, XIII, 30; 32; De natura deon
j II, S ; Brutus, 25. — Velleius Palerculus, II, 4. — Appi
j Bel. civ., I, 19;Illyr,, 10. — Tite Live, Ëpit. — Krav.
j faites et fragm. hist. romanorum. — Smitn, Dictiont
of greek and roman bionr., art. Tuditanus.
sempronius. Voy. Gracchus.
senac (Jean-Baptiste) , médecin frança
I né en 1693, près de Lombez (Gers), mort
j 20 décembre 1770, à Paris. On ne sait rien
{ certain sur la première moitié de sa vie. S'il f<
j en croire un bruit répandu par Jes ennemis
sa fortune, il se fit de protestant, catholique,
devint d'aspirant au ministère de l'Évangile, afi
à la compagnie de Jésus. Mais les faits pW
sont inconnus; on ne peut même affirmer d.
quelle Arille ni à quelle époque il prit ses grad
D'après Y État de la médecine en Europe pi
1777, il était docteur de la faculté de Reir
d'après la Biographie médicale, il était bacl
lier de celle de Paris ; d'après d'autres , il 9
tous ses examens à Montpellier. Quoi qu'il
soit, nous le voyons en 1745 attaché com
médecin à la personne du maréchal de Saxe
le suivre dès lors dans ses campagnes. Le s
réchal étant mort, Senac s'établit à Versaill
il y obtint d'abord une charge de médecin a
sultant de Louis XV, et devint premier méJe
du roi à la mort de Chicoyneau (avril 1752)
eut, en cette qualité, le titre de conseiller d'É
puis celui de surintendant des eaux minérales
royaume, et fut membre del'Académie des scien
ainsi que de la Société royale de Nancy. Grin
qui ne l'aimait pas et qui lui reproche un car
tère difficile et jaloux, fait néanmoins l'éloge
tl
SENAC
742
•n talent et de son esprit. La réputation de
sûac, très-grande de son vivant, lui a survécu
i partie. Ses ouvrages sont écrits d'un style
air et pur. On a de lui : Discours sur la mè-
.ode de Franco et sur celle de M. Rau lou-
tant l'opération de la taille; Paris, 1727,
1-12; — Lettres de Julien Morisson sur le
\oix des saignées; Paris, 1730, in- 12 : ces
très, dans lesquelles, sous le voile d'un pseu-
nyme, Senac attaquait vivement Silva, furent
tribuées à La Mettrie , et contribuèrent à son
il; — Traité des causes, des accidents et
la cure de la peste, avec un recueil d'ob-
rvations sur la peste de Marseille; Paris,
M, in-4°; — Traité de la structure du
pur, de son action et de ses maladies;
'ris, 1749, 2 vol. in-4°; 2e édjt., augmentée
t Porta) , ibid., 1774, 2 vol. in-4°, fig. : ouvrage
oital de l'auteur, première bonne monographie
foliée en France sur l'organisme; — De Re-
ndita febrium intermittentium tum re-
Utentium natura; Paris, 1759, in-8° ; —
aité des maladies du cœur; Paris, 1774,
78,2 vol. in- 1 2; — des Mémoires dans le Jour-
l des savants et dans le Recueil de l'Aca-
mie des sciences, entre autres Sur les Noyés
Sur le Diaphragme. Il avait publié dans sa
ftnesse une traduction de YAnatomie d'Heister,
te des Essais de physique sur l'usage des
rties du corps humain ; Paris, 1724, in-8°,
1753, 3 vol. in-12, fig.
Senac eut deux fils : l'un fut fermier général ;
utre est connu dans la littérature sous le nom
Senac de Meilhan {voy. l'art, suivant).
!loy, Diet. hist. de la méd. — Biogr. mèd.
senâc dê meilhan ( Gabriel), publiciste,
du précédent, né à Paris, en 1736, mort à
enne, le 5 avril 1803. 11 reçut une éducation
perficielle. A peine frotté d'humanités, il entra
ns la carrière administrative. Il débuta comme
»ître des requêtes (1764), et fut ensuite intendant
s provinces d'Aunis (1766), de Provence (1773)
3eHainaut(1775). Cette carrière ne fut pas pour
sans honneur, si l'on en croit le souvenir que
allées de Meilhan ont conservé de lui à
irseille, et surtout ce beau portrait de sous-
ption, peint par Duplessis, gravé par Bervic,
e la ville de Valenciennes reconnaissante fit
icer dans son hôtel de ville (1783). En 1776
int-Germain, alors ministre, l'appela à une
ice de création extraordinaire , celle d'inten-
nt général de la guerre. Mais il ne fut pas
ureux dans cette mission difficile de régir le
tftentieux et de soumettre le désordre des
irnitures à la régularité nécessaire ; sa ma-
ire d'agir déplut bientôt au prince de Mont-
rey, secrétaire d'État adjoint au ministre , qui
igea et obtint son renvoi. Senac avait de
une heure eu beaucoup de goût pour les
très : à dix-neuf ans, il avait envoyé une
tee de vers à Voltaire, qui l'avait appelé « fa-
n d'Apollon m. Mais il eut la sagesse de re-
noncer à la poésie et d'ajourner jusqu'à l'âge mûr
son véritable début littéraire. Il passa sa vie
dans le monde, se dépensant en conversations,
en mémoires, en intrigues et en succès de toutes
les sortes. Tour à tour assidu auprès de Mme de
Pompadour, des Noailles et des Choiseul, il eut
la bonne fortune d'obtenir l'amitié de la mar-
quise de Créqui. Il lui dut plus d'un encoura-
gement et plus d'un bon conseil; il lui dut d'ar-
river par une pente insensible à la dure réalité
de la vieillesse. Celte liaison plaide encore, par-
tout où l'estime hésite, en l'honneur de sa mé-
moire (1). Tous deux se rencontrèrent vers
1781; la sympathie qui les porta l'un vers
l'autre fut une pure attraction d'esprit. Nous
pouvons juger de ce que fut cette amitié, dont
l'influence fut doublement féconde et salutaire
pour Senac, par les Lettres publiées récem-
ment (2). C'est là qu'on apprend à connaître
dans ses moindres replis l'homme capable
d'inspirer un si beau sentiment, en dépit du
scepticisme qui le tourmente et de l'ambition
qui l'agite ; homme complètement aimable s'il
l'eût été sans le savoir, homme complètement
estimable s'il eût pu estimer les autres et s'es-
timer lui-même.
C'est par un travail d'ingénieuse marquetterie,
par une mosaïque de renseignements empruntés
aux mémoires du dix-septième siècle mis en
œuvre avec un art raffiné , que Senac débuta
dans les Lettres, c'est-à-dire par les Mémoires
(supposés) d'Anne de Gonzague, princesse
palatine (Paris, 1786, in-8°). Le nom de l'au-
teur et la question de savoir si son livre était
authentique occupèrent beaucoup le public. On
peut lire les pièces de ce débat dans le Journal
de Paris et dans les Correspondances de
La Harpe et de Grimm. Senac ne se fit pas con-
naître dans la réimpression qu'il donna en 1789
des Mémoires, en y ajoutant des morceaux
nouveaux. Singulière recommandation auprès
de l'Académie, à laquelle il aspirait, qu'un premier
succès équivoque et désavoué comme tous ceux de
ce genre (3). Dans ses Considérations sur le
luxe et les richesses (Paris, 1787, in-8°), il se
posa en rival de Necker, qu'il eût remplacé sans
répugnance. C'est un travail hâtif el écourté, où
l'on rencontre d'ingénieux raisonnements et quel-
ques vues fines. L'ouvrage le plus remarquable
de Senac de Meilhan a pour titre : Considéra-
tions sur l'esprit et les mœurs (Paris, 1787,
(1) Ce qui pourrait faire hésiter l'estime, ce sont les
mœurs de Senac, qui furent des plus mauvaises en un
siècle où il n'y en eut guère de bonnes. On peut voir là-
dessus les Mémoires de Tilly et Monsieur Nicolas, par
Rétif de la Bretonne.
(2) Lettres inédites de la marquise de Créqui à Senac
de Meilhan ; Paris, 1856, in-12.
(3) M. Salgues ( note du t. II] de la Se partie de la Cor-
respondance de Grimm ) regarde Senac comme l'au-
teur d'un poïme lubrique dont le titre même ne peut
être cité, et qui fut imprimé en 1173, in-8°. Il y a dans
les œuvres et dans la vie de Senac quelques-uns de ces
péchés par où l'homme s'échappe et qui rendent le mo-
raliste suspect.
24.
743
SENAC — SENANCOUR
74
in-8° ) ; réimpr. en 1789, sans certains passages
libres et d'une crudité parfois insolente. Précieux
comme mine de renseignements historiques et
d'observations morales,, il pèche surtout par ce
défaut de réserve, défaut caractéristique du
temps, et par la hardiesse des détails. On y
trouve plus d'esprit que de goût, plus de talent
que de profondeur.
Dans l'année 1789 les dernières chances de
succès et de pouvoir échappent à la fois à Senac :
il a des démêlés désagréables avec le duc de
Croy, président des états du Hainault; il perd
sa femme, qui l'adorait, dit Mme de Créqui; il
perd sa dernière occasion d'être de l'Académie
française , à la mort de Richelieu. En vain le
comte de la Marck le fit dîner avec Mirabeau :
ils ne purent ni s'entendre ni s'estimer. Retiré à
la campagne, Senac publia, comme un manifeste
de cette opinion conservatrice qui avait tant de
peine à se former un parti , une brochure inti-
tulée : Des Principes et des causes de la ré-
volution (Paris, 1790, in-8°), et qui passa
presque inaperçue. Il se décida à émigrer, et
pour adieux à la France, il lui laissa les Deux
cousins, conte philosophique « très-spirituel,
dit M. Sainte-Beuve, et des plus distingués par
l'idée », et la traduction des deux premiers li-
vres des Annales de Tacite. 11 était à Aix-la-
Cbapelle en 1791. 11 séjourna un moment à
Brunswick, où l'on avait, dès 1789, imprimé des
Mélanges de philosophie et de littérature
qui réunissaient ce qu'il avait déjà publié. «Bientôt
il passa en Russie, dit M. de Levis, où l'im-
pératrice Catherine, qui avait lu avec plaisir ses
ouvrages, l'invitait à se rendre. Elle voulait lui
faire écrire les annales de son empire et sa
propre histoire. Dans ce dessein, elle l'accueillit
avec une grande bonté, et s'empressa de l'ad-
mettre dans sa société intime ; mais elle ne fut
pas, à beaucoup près, aussi contente de l'homme
que de l'auteur. Elle trouvait que tout son esprit
ne rachetait pas de graves inconvénients : une plai-
santerie de mauvais goût, quelquefois peu de sou-
plesse et souvent trop peu de retenue; enfin, une
teinte de pédanterie mal déguisée sous une légèreté
• d'emprunt. » Toutefois l'impératrice ne lui enleva
pas sa pension de six mille roubles, et il la con-
serva jusqu'à l'avènement de Paul Ier. C'est à
Pétersbourg que Senac donna une Lettre à
Mme de *** ( 1792, in-8°), récit de sa première
entrevue avec Catherine II ; il l'y comparait,
pour la louer sans doute comme elle voulait
l'être, à la basilique de Saint-Pierre de Rome.
En sortant de Russie, il s'établit à Hambourg,
centre de l'émigration intelligente et littéraire. Il
s'y répandit peu ; mais il y publia l'ouvrage par
lequel il nous demeure le plus sympathique et le
plus utile : Du gouvernement, des mœurs et
des conditions en France avant la révolu-
tion (1795, in-8°), ouvrage suivi d'une pre-
mière galerie de Caractères et Portraits. C'est
moins une histoire des causes de la révolution
que de ses effets ; il est excellent dans sa parti
restreinte, d'une instructive et attrayante lec
•ture. A Hambourg parut aussi une sorte de n.
man , moitié historique, moitié familier, intitul
l'Émigré (1797,4 vol. in-8°). Il est curieu
d'y voir les préjugés et les fautes de l'émigratio
jugés par un émigré avec une inexorable ind(
pendance. Malheureusement l'ouvrage est trèi
rare. Et il faut encore le regretter au point c
vue même purement historique; car il a i
importance pour l'appréciation de l'influei
de la révolution française en Allemagne, et sui
tout, ainsi qu'il a été dit d'abord , des idées c
l'émigration, de ses souvenirs, de ses espéranci
et de ses regrets. De Hambourg Senac vint
Vienne, où il vécut dans l'intimité du prince
Ligne ; il y mourut, âgé de soixante-sept ans.
avait laissé un assez grand nombre de manu
crits , d'où le duc de Levis a tiré la galerie i
Portraits et Caractères du dix-huitièn
siècle (Paris, 1813, in-8°), avec uneiVo^ceq
ne pèche point par l'indulgence, quoiqu'il fût si
élève. Les Œuvres choisies de Senac ont é
publiées par l'auteur de cet article (Paris, 186
in-18). M. de Lescuee
Grimm, La Harpe, Voltaire, Corresp. — Journal
Paris, 1786. — Année littéraire, 1787. — Craufur
Essai biographique sur Senac de Meilhan ; Par
1803. — Mémoires du prince de Ligne, de Besenval,
Tilry. — Clia infort, Caractères et Pensées. — Notice
duc de Levis. — Lettres inédites de M"e de Créqui.
Sainte-Beuve, Causeries du lundi, t. X.
senancour (Etienne Pivert de ), écrivs
français, né à Paris, en novembre 1770, ni(
à Saint-Cloud, près Paris , en janvier 184G.>
appartenait à une famille lorraine (1) ; son pi
était contrôleur des rentes. Il eut une enfas
maladive , casanière , ennuyée. Placé d'aboi
chez un curé de campagne, près d'Ermenonvil
il commença, les souvenirs de Rousseau l'aidai
à sentir et à aimer la solitude. Puis il entra
collège de la Marche pour achever ses éttic
classiques. En sortant de cette maison (1785
il devait passer dans le séminaire de Saii
Sulpice; mais il avait en aversion la prêtrise,
d'ailleurs ses instincts de vie contemplati
s'étaient déjà révélés dans des promenades s<
taires et des excursions de vacances au mit
des rochers et des futaies de Fontainebleî
Soutenu en secret par sa mère, il prit la fuite,
se rendit en Suisse. Il résida quelque teiï1
dans le Valais, au hameau de Charrière,
consacra ses loisirs à peindre le paysage (<
lassement qu'il ne tarda pas à abandonner tou
fait ) et surtout à errer au hasard dans les m
tagnes. Puis il s'établit chez une famille no
du canton de Fribourg. « Une demoiselle de
maison, qui s'y trouvait peu heureuse, coni
le jeune étranger, s'attacha à lui; des cor
dences et quelque intimité s'ensuivirent. » Ce
jeune fille ayant refusé l'alliance qu'on lui d
)i
l;
i
(1) Le village de Scnancour est situé dans le dép:i
ment de la Meuse.
Bel
I
k
.1
,IS
;.
Il
SENANCOUR — SENAR
746
ait, une explication eut lieu , et Senancour
Itausa, plutôt par scrupule de conscience que
|r affection, celle qu'il craignait d'avoir com-
jmise (1790). Ce mariage ne fut point heureux;
l'léfraya plus tard l'histoire de Fonsalbe, dans
l''ermann. Ici commencent les mécomptes de
I lancour. Quoique déclaré émigré, il osait, de
rnps à autre, rentrer en France ; une fois il
I arrêté, dit-on, mais relâché presque aussitôt.
a père et sa mère moururent vers 1796, puis
femme, qui avait donné le jour à deux en-
its, fut emportée par une maladie lente. Enfin
-même, privé des ressources sur lesquelles il
ait compté, se vit contraint par une dure né-
»sité de renoncer à la retraite et d'embrasser
genre de vie qui répugnait invinciblement à
habitudes et à ses penchants. Ajoutons à
i de précoces infirmités, provenues, dit-on, de
sage du vin blanc trop alcoolique du Valais,
surtout d'une chute et d'un séjour trop pro-
igé dans un torrent glacé, par lequel il s'était
<sé entraîner de la montagne au fond de la
lée. Bref, revenu à Paris, où il habitait rue de
Cerisaie, il fut réduit à demander à sa plume
.moyens d'existence, et fit bon gré mal gré cer-
tes besognes indignes d'un talent qui a une
dente parenté avec ceux de Rousseau, de
âteaubriand et de Mme de Staël. Vers la fin
sa vie, il reçut une pension de M. Thiers,
rs ministre de l'intérieur, et M. Villemain lui
[fit donner une autre sur les fonds de l'ins-
iction publique. Il a laissé un fils, qui suivit
carrière des armes, et une fille, auteur de
)ductions morales pour la jeunesse. L'ou-
lage principal de Senancour est Obermann,
re étrange, désolant, où l'auteur semble avoir
int l'état de son âme dans ce personnage « qui
sait ce qu'il est , ce qu'il aime , ce qu'il
ut; qui gémit sans cause, qui désire sans ob-
et qui ne voit rien sinon qu'il n'est pas à sa
Ice; enfin, qui se traîne dans le vide et dans
infini désordre d'ennuis ». Cet ouvrage est,
urne les autres, un tissu de pensées bizarres,
traits profonds, de tableaux pittoresques, le tout
é sans lien et sans art. Le traité De V amour
! trop parsemé de paradoxes ; l'individualité y
poussée jusqu'aux conséquences les plus
pures. Les Libres méditations offrent une
plus consolante à méditer, et échappent au
me, grâce à l'esprit de mansuétude qui les
lénétrées. Avant de donner la liste des ou-
iges de Senancour, nous devons faire remar-
gr que dans ceux qui ont été réimprimés il
pratiqué d'importants changements à chaque
Ition nouvelle ; en voici les titres : Rêveries
<" la nature primitive de l'homme ; Paris,
K8-1799, 1802, 1833, in-8°; — Obermann,
très; Paris, 1804, 2 Toi. in-8°;ibid., 1833,
roi. in-8°, avec préface de Sainte-Beuve, et
40, I847,in-12, avec introduction de Georges
id; — De l'amour considéré dans les lois
\lles et dans les formes sociales de l'union
des deux sexes; Paris, 1805, 1828, in-8°;
1833, in- 18, et 1834, 2 vol. in-8°; — Lettres
( deux) d'un habitant des Vosges sur Buona-
parte, Chateaubriand, etc.; Paris, 1814,
2 broch. in-8° ; — Simples observations sou-
mises au congrès de Vienne; Paris, 1 814,
in-8°; — De Napoléon ; Paris, 1815, in 8»; —
14 juillet 1815 ; Paris, 1815, broch. in-8o; —
Observations sur le Génie du Christianisme
et les écrits de M. de B (onald ) ; Paris, 1816,
in-8o; — Libres méditations d'un solitaire
inconnu; Paris, 1819, in-8°, et 1830, in-18;
— Résumé de l'histoire de la Chine; Paris,
1824, in-18; — Résumé de l'histoire des tra-
ditions morales et religieuses chez tous les
peuples; Paris, 1825, 1827, in-18 : ce livre fut
déféré aux tribunaux, parce que l'auteur y avait
outragé la religion catholique en appelant Jésus
un jeune sage; condamné le 14 août 1827 à
neuf mois de prison et 300 fr. d'amende par le
tribunal de police correctionnelle, il fut acquitté,
le 22 janvier 1828, par la cour royale de Paris;
— Petit Vocabulaire de simples vérités ; Paris,
f833, 1834, in-18 ; — Isabelle, roman ; Paris,
1833, in-8°. L'héroïne de cette bizarre fiction est
une sorte d'Obermann en jupons, mais qui n'a
rien de la femme, et qui se borne à végéter en
dehors des sentiments humains; pas d'action,
pas d'intérêt, nulle intrigue dans ce livre in-
compréhensible, terminé par une dissertation sur
les fleurs qui vient là on ne sait pourquoi. —
Senancour était un des rédacteurs anonymes de
la Biogr. univ. des contemp. de Rabbe. 11 a
participé à plusieurs recueils et journaux, tels
que le Constitutionnel (1818 à 1828 j, l'Ob-
servateur, la Minerve, le Mercure, la Revue
encyclopédique, etc. A. de B — y.
Sainte-Beuve, Portraits contemp., t. Ier. — G. Sand,
Préface de l'Amour. — Quérard, France littéraire.
senar (Gabriel-Jérôme), agent révolution-
naire, né en 1760, à Chàtellerault, mort le
10 mars 1796, à Tours. Il était avocat à l'Ile-
Bouchard quand la révolution éclata; on le
nomma officier municipal ; mais à la suite de
quelques différends il vint exercer sa profession
à Tours. A la fin de 1791 il devint procureur de
la commune ; c'était alors un fougueux patriote,
« révolutionnaire par principes , » d'après son
propre aveu, et qui ne reculait pas devant l'em-
ploi des mesures énergiques. On trouva son zèle
déplacé, et on le destitua, ce qui le laissa sans
ressources. Par l'entremise des conventionnels
en mission dans son département, il entra dans
le comité de sûreté générale; il y servit à la fois
de secrétaire et d'agent secret ; il fut chargé
d'interroger les suspects comme de diriger les
arrestations. Bientôt on ne le laissa plus sortir
de l'enceinte du comité sans être accompagné
d'un gendarme. Cette mesure fut-elle prise afin
de le protéger contre ses ennemis ou pour s'as-
surer de sa discrétion ? On a prétendu qu'en le
voyant revenir à des sentiments modérés, on
747
SENAR — SENARMONT
74
avait craint qu'il ne révélât les faits dont il était
chaque jour témoin, comme s'il n'eût pas été
plus simple de l'expulser au iieu de le garder à
vue. Après le 9 thermidor, il fut jeté en prison
comme terroriste, et troubla plusieurs fois de ses
dénonciations le triomphe deTallien et de sa fac-
tion, qu'il accusait de n'avoir renversé Robes-
pierre que pour s'emparer du pouvoir. Sa déten-
tion dura une année. Il mourut à trente-six ans,
d'une maladie de langueur (il se croyait empoi-
sonné par le comité), et fit devant ses conci-
toyens amende honorabie de sa conduite passée.
On a de lui : Les Brigands de la Vendée en
évidence; Paris, 1794, in-8°; — Révélations
puisées dans les cartons des comités de sa-
lut public et de sûreté générale; Paris, 1824,
in- 8°; publiées par Dumesnil dans la Collec-
tion des mémoires relatifs à la révolution :
c'est un abrégé fait par l'auteur d'un ouvrage
volumineux qu'il avait composé sur le même
sujet ei qui a été perdu. Grand terroriste, op-
presseur de Tours, ce fut au plus fort de la
réaction contre Robespierre, avec l'échafaud en
perspective, qu'il rédigea ce livre, rempli d'er-
reurs, d'absurdités et de calomnies. « C'est un
arsenal, dit L. Bianc, où les ennemis systéma-
tiques de la révolution ont beaucoup puisé. »
Aussi ne doit-on le lire qu'avec beaucoup de
précaution.
Rabbe, Bioçr. univ. et port, des contemp. — Notice à
la tête des Révélations. — L. Blanc, Hist. de la rév.,
t. X, p. 10, li.
senarmont (Alexandre- Antoine Hureau,
baron de ), général français, né à Strasbourg, le
21 avril 1769, mort devant Cadix, le 20 octobre
1810. D'une famille dont plusieurs membres se
sont distingués dans nos fastes militaires , il fut
admis en 1784 à l'école d'artillerie de Metz, ser-
vit dans le régiment de Besançon , devint capi-
taine en 1792, et fut attaché aux armées des Ar-
dennes et de Sambre et Meuse. Sa valeureuse
défense du pont de Monceaux , près Charleroi
(13 juin 1794), luivalut les félicitations du comité
de salut public, qui, te 13 novembre suivant, le
nomma chef de bataillon. Une maladie le força
à cette époque de demeurer plusieurs mois à
Givet et d'accepter la sous-direction de Douai;
mais à peine guéri, il concourut au siège de
Luxembourg. Il siégeait au comité d'artillerie
lorsqu'en mars 1800 il fut appelé comme chef
d'état-major à l'armée de réserve; ce fut lui qui,
le 24 mai, fit passer la première pièce d'artillerie
sur le mont Saint-Bernard et sous le feu meurtrier
du fort de Bard, qui fermaitle chemin de Milan. La
façon dont il dirigea à Marengo ses batteries fut
remarquée du premier consul, qui, le 6 septembre
1800, le nomma chef de brigade et lui donna, le
17 décembre 1801, le commandement du 6e ré-
giment d'artillerie. Après avoir servi à l'armée
des côtes de l'Océan, Senarmont passa, le 3 mai
1805, à la grande armée comme sous-chef de
de l'état-major général d'artillerie , assista à la
bataille d'Austerlitz , et fut nommé général (
brigade ( 10 juillet 1806). Les batailles d'Iéna, c
Golymin, d'Eyiau , de Friedland furent témoii
de son intrépidité , et dans cette dernière
donna à l'artillerie une impulsion dont Napoléc
lui-même fut étonné. Un décret du 26 août 18C
le nomma au commandement de l'artillerie d
1er corps de l'armée d'Espagne. Une action d'écL
au passage du défilé de Sommo-Sierra où, avt
six bouches à feu , il délogea l'ennemi des pos
lions qu'il occupait, lui valut le grade de génér
de division (7 décembre 1808). La bonne directic
qu'il sut donner, le 19 novembre 1809, à son ai
tillerie contribua au succès de la bataille d'(
caria. Chargé de l'artillerie au siège de Cadix,
avait déjà fait établir plusieurs batteries , et e
sayait la portée de ses pièces lorsqu'un obi
tiré des batteries de la place le frappa mortell
ment, le 26 octobre 1810. L'armée porta pendai
un mois le deuil de Senarmont, et par ordre (
l'empereur son cœur fut déposé dans l'église (
Sainte-Geneviève. Ce général avait reçu dès 18(
le titre de baron; son nom est inscrit sur l'a:
de triomphe de l'Étoile.
Marion, Mémoires sur le gén. d'artill, de Senarmon
Paris, 1846, ïn-8°. — Fastes de la Légion d'honn., t. III.
SJïNARMONT (Henri Hureau de), miner:
logiste, neveu du précédent, né à Broué ( Eun
et-Loir), le 6 septembre 1808, mort à Paris,
30 juin 1862. Après avoir été élevé aux collég
Rollin et Charlemagne , à Paris, il fut admis
l'École polytechnique, d'où il sortit le premi
comme élève ingénieur des mines (1829). C
l'envoya à Rive de Gier, puis au Creusot , où
se rendit si utile qu'on lui confia la direction <
ces importantes usines. Ingénieur de 2e. classe»
1835, il passa dans la lre en 1841, et fut pron
ingénieur en chef, le 22 mars 1848. Dans i'inte
valle, il fut choisi comme examinateur à l'Éco
polytechnique , membre de la commission i<
machines à vapeur, professeur de minéralogie
directeur des études à l'École des mines, 'où
fut aussi conservateur de la bibliothèque et Si
crétaire du conseil. Après la mort de Beudan
il fut élu, le 5 janvier 1852, pour lui succéder dai
l'Académie des sciences. Les travaux de Sena
mont consistent en divers mémoires sur laiorii
taliographie , la physique et la géologie, inséïi
dans le recueil de l'Académie, dans les Annal
des mines, et les Annales de physique ei c
chimie. Le premier mémoire qui ait altirési
lui l'attention traite Des modifications que l
réflexion à la surface des cristaux imprin
à la lumière polarisée ( Paris, 1840, in-8°).
démontra que les substances cristallines douéi
de l'opacité métallique impriment à la lumièi
des modifications tout autres que les miroi
homogènes métalliques. Dans un second mémoii
(1847), il étudia la polarisation elliptique
émit l'opinion que les cristaux opaques réfrai
tenl la lumière suivant les mêmes lois que I'
autres et sont doués comme eux de la double r
i
ï
]'
h
149
SENARMONT — SENEBIER
750
raction. 11 écrivit ensuite avec la môme justesse
l'observation Sur la conductibilité des substan-
:escristaUisésparlachaleur(iM7,m-8°);Sur
'es propriétés optiques des corps isomorphes, où
1 prouva que les corps isomorphes géométrique-
ment et chimiquement présentent souvent des
tropriétés optiques très-différentes, et que lorsque
les sels sont unis par cristallisation en rapports
livers , ils modifient leurs propriétés opposées
iar une sorte de concession réciproque, en for-
mant des cristaux mixtes doués de propriétés
intermédiaires; enfin, Sur la fabrication arti-
ficielle des minéraux. On a encore de lui : un
yssai de description géologique du dép. de
'ieine-et-Marne (Paris, 1844, in-S°) et un autre
'le Seine-et-Oise(1844, jn-8°), ainsi qu'une tra-
lluctiondu Traiiéde cristallographie de W.-H.
Miller (Paris, 1842,in-8°).
Bertrand, Éloge de Senarmont, lu à la Société des
imis des sciences , ig avril 1863. — Docum. partie.
senault (Jean-François), hagiographe et
prédicateur français, né en 1601,-à Auvers, près
Pontoise , mort le 3 août 1672, à Paris. Son père,
Merre Senault, était commis greffier au parle-
ment de Paris et l'un des seize sous la Ligue. Il
it ses études à Douai, et entra en 1618 dans la
ongrégation naissante de l'Oratoire. Destiné au
ninistère de la prédication , il s'y prépara par
jne étude sérieuse de l'Écriture, des Pères et des
meilleurs écrivains français. Pendant quarante
binées , il prêcha avec succès à Paris, à la cour
jst dans les provinces, contribua à purger la
Chaire de ce vain étalage d'érudition et de ce lan-
gage malséant qui la déshonoraient et remplaça
ices faux ornements par une éloquence douce,
(naturelle et digne. C'est le témoignage que lui
(rendit surtout le P. de Lingendes, son émule
(dans l'éloquence de la chaire. Supérieur du sé-
minaire de Saint-Magloire à Paris, il forma de
jeunes ecclésiastiques dans la carrière qu'il avait
parcourue, et Mascaron, Fromentières, Hu-
bert, etc., furent ses principaux élèves. A la
imort.du P. Bourgoing (22 octobre 1662), ses
Icon frères l'élurent supérieur général de l'Ora-
Itoire , qu'il administra jusqu'à sa mort avec au-
tant de douceur que de prudence. Sa modestie
lui fît toujours refuser des pensions, des bénéfices,
quelque peu considérables qu'ils fussent , et la
reine Anne d'Autriche ne put le faire consentir à
recevoir la dignité épiscopale.
On a de lui : Paraphrases sur Job ; Paris,
1637, in-8°; 9e édit., Rouen, 1667, in-8° ; —
De Vusage des passions; Paris, 1641, in-4°:
plus, éditions, et quatre traduct. différentes : il
y a dans ce traité plus d'élégance que de profon-
deur, et le style n'est pas exempt d'afféterie;
l — Harangues funèbres de Louis XIII et de
\ Marie de Médicis ; Paris, 1643-44, in-4° ; —
I L'Homme criminel; Paris, 1644, in-4°; —
j Vie de Madeleine de Saint-Joseph, carmélite;
I Paris, 1645, in-4°; — Vie de Regnauld de
i Saint- Gilles, doyen d'Orléans; Paris, 1645,
in-4"; — Vie de J.-Ii. Gault,oralorien ; Pa-
ris, 1647, in-4°; — L'Honneur chrétien; Pa-
ris, 1648, in-40;— Vie de Catherine de Mon-
tholon, fondatrice des ursulines de Dijon;
Paris, 1653, in-4° ; — Panégyriques des saints;
Paris, 1655-58, 3 vol. in 4° : on en compte envi-
ron quatre-vingts; quoique supérieurs à tout ce
qui avait été composé jusqu'alors en ce genre, ils
manquent d'élévation et de mouvement. Les
sermons du P. Senault n'ont jamais été im-
primés.
Le Long, liibl. Iiist.—Du Pin, Auteurs ecclés. du dix-
septième siècle. — De Fromentières, Oraison funèbre du
P. Senault, dans ses OEuvres mêlées. — Mien, de Ma-
rlilac, Vie (manuscrite ) du P. Senault.
senebier (Jean), naturaliste et littérateur
suisse, né le 6 mai 1742, à Genève, où il est
mort, le 22 juillet 1809. Sa famille, protestante
et d'origine française , s'était réfugiée à Genève,
dans le seizième siècle. Il était fils unique d'un
négociant, qui siégea dans le conseil des Deux-
cents. N'ayant point de goût pour le commerce
et obligé de choisir un état, il se décida pour le
ministère évangélique, et fut reçu pasteur en
1792. Appelé en 1769 à Chancy, il administra
cette petite église avec beaucoup de zèle jusqu'en
1773, époque où on lui donna la place de bi-
bliothécaire à Genève. Malgré les services qu'il
avait rendus , il fut forcé, lors des troubles de
1792, de quitter la ville, et trouva un refugechez
les parents de sa femme , à Rolle ( canton de
Vaud)'; cette espèce d'exil cessa en 1799, et il
mourut dix ans plus tard, à la suite d'une cruelle
maladie. Tels sont les faits, peu nombreux, qui
ont marqué la vie d'un des hommes qui, dans
le dernier siècle , ont le plus honoré leur patrie.
Doué d'une intelligence vive, d'une mémoire
tenace, assidu au travail et se délassant de
l'étude par l'étude même, Senebier s'appliqua
avec un zèle égal à des recherches fort diffé-
rentes; on le vit passer sans effort comme sans
lassitude de la théologie à la botanique, du clas-
sement des livres à l'observation microscopique,
de la physique à l'histoire. Chacun de ses tra-
vaux dénote de l'exactitude, delà méthode, un
talent sérieux et réfléchi. Il venait de s'essayer
dans la littérature légère lorsque, sut le conseil
deCh. Bonnet, son ami, il traita ce difficile sujet,
l'Art d'observer, que l'Académie de Harlem ve-
nait de mettre au concours. La science en effet
était sa véritable voie. S'il n'eut pas le prix, il sut,
dans la suite, en en élargissant le cadre, faire de
son mémoire la base de son plus utile ouvrage.
Ce fut encore à la prière de Bonnet qu'il tra-
duisit les Opuscules de Spallanzani ; ce travail le
mit en rapport avec ce savant, et devint entre eux
l'origine d'une amitié durable. Mû par une cu-
riosité'louable, il répétait souvent les expériences
qui en chimie excitaient vivement son intérêt. Il
publia sur l'influence de la lumière solaire des
mémoires dans lesquels il démontra qu'elle agis-
sait sur la décomposition de l'acide carbonique
par les végétaux. Il jeta un grand jour sur la
751
SENEBIER — SENEFELDER
75.
respiration animale, et découvrit l'emploi du
suc gastrique dans le traitement des maladies
chroniques. Pendant huit ans il se livra à une
série d'observations sur l'état de l'atmosphère
pour la Société météorologique de Manheim.
Enfin , il méditait sur une théorie des causes
finales et il donnait beaucoup de temps à la cri-
tique sacrée, lorsqu'il mourut. Senebier appar-
tenait à la plupart des académies de l'Europe.
Decandolle a donné le nom de ce savant au Lepi-
dum didymum de Linné. On a de Senebier :
De polyyamia; Genève, 1765, in-4°; — Mé-
moire sur cette question : En quoi consiste
l'art d'observer? dans les Mémoires de la
Soc. de Harlem, 1769, et Harlem, 1772, in-8°;
réimpr. sous le titre d'Essai sur l'art d'ob-
server et défaire des expériences ; Genève,
1775, 2 vol. in-8°, et 1802, 3 vol. in-8° : ou-
vrage utile, où l'on voit que l'auteur s'était ob-
servé lui-même avant d'enseigner cet art aux
autres ; les pensées en sont fortes, et il ne leur
manque que d'être exprimées avec une éloquence
plus entraînante; — Éloge historique d'Albert
de Haller; Genève, 1778,in-8o; — Catalogue
raisonné des manuscrits conservés dans la
bibliothèque de Genève; ibid., 1779, in-8° :
excellent travail , qu'on peut regarder comme un
modèle en ce genre ; Senebier a aussi rédigé ,
de concert avec Diodati, un Catalogue des
livres imprimés du même établissement; —
Mémoires physico-chimiques sur l'influence
de la lumière solaire; ibid., 1782, 3 vol.
in-8°; suivis, en 1785, de Recherches sur l'in-
fluence de la lumière solaire pour méta-
morphoser l'air fixe en air pur par la végé-
tation, in-8° ; — Almanach météorologique ,
ou les prognostics du temps; ibid., 1784, 1785,
1810, in-16; — Recherches sur la nature de
l'air inflammable; ibid., 1784, in-8°; — Ob-
servation sur Vusage du suc gastrique dans
la chirurgie ; ibid., 1785, in-8°; — Histoire
littéraire de Genève; ibid., 1786, 3 vol. in-8° :
recueil estimé malgré des erreurs , des préten-
tions et des citations trop fréquentes ; — Physio-
logie végétale; ibid., 1800, 5 vol. in-8° : il exa-
mine les divers systèmes de botanique, et en si-
gnale avec sagacité les lacunes et les défauts ; il
a refondu dans cet ouvrage les articles qu'il a
écrits là-dessus pour l'Encyclopédie métho-
dique; — Mémoire sur la vie de H.-B. de
Saussure; ibid., 1801, in-8°; — Rapports de
Vair avec les êtres organisés; ibid., 1807,
3 vol. in-8° : extrait en grande partie des ma-
nuscrits de Spallanzani. Senebier a traduit de ce
dernier savant : Opuscules de physique ani-
male et végétale {Mil, 2 vol. in-8°), Expé-
riences sur la digestion (1783, in-8°), et Ex-
périences pour servir à l'histoire de la géné-
ration ( 1785, in-8°). En outre, il a fourni des
articles au Journal de Genève, au Journal de
physique, aux Annales de chimie, au Magasin
encyclopédique, et il a laissé entre autres ou-
vrages inédits : Observations sur la vie de Ji J
sus, in-4°, et Essai de téléologie, ou Théori
des causes finales ; 2 vol. in-4°.
Maunolr, Éloge de J. Senebier. — Le Magasin encycl,
t. VI, p. 106. — Haag frères, France protestante.
senecé. Voy. Bauderon.
sexecio (Herennius), homme politique ro|
main , vivait dans le premier siècle après J.-C ! i
Il était natif de la Bétique en Espagne. Apre i
avoir été questeur dans son pays natal, il aban i
donna les affaires publiques, et devint un dei I
chefs du parti qui, sous la dynastie flavienne
continuait, en les exagérant, les traditions d< m
Thraseas. Ce parti professait les doctrines stoï-
ciennes, et il devait voir triompher ses idéen
dans le siècle suivant; mais sous Vespasien e
Domitien il traversa une période de persécu-
tion. Non content de refuser les emplois, Seneck
écrivit une Vie d'Helvidius Priscus, une de;
plus nobles victimes de la politique de Vespasien
Ces actes d'opposition ouverte ne pouvaien
rester impunis sous un tyran ombrageux commi
Domitien. Senecio fut condamné et mis à morl
sur l'accusation de Metius Carus. Tacite et Plin<
le jeune, qui appartenaient au même parti, quoi-
qu'ils n'eussent ni l'un ni l'autre refusé de ser
vir Domitien, ont illustré sa mémoire. L. J.
Dion Cassius, LXV1I, 13. — Tacite, Agricola, II, 45. -
Pline, Epist., I, 5 ; IV, 7, 11 ; VII, 19, 33.
senefelder ( Aloïs) , inventeur allemand,
né à Prague, le 6 novembre 1771, mort à Mu-
nich, le 26 février 1834. Il commençait ses études
en droit à Gœttingue quand il perdit son père
acteur estimé , et qui ne lui laissa aucune for-
tune. Abandonnant aussitôt une carrière qui lu:
répugnait, il débuta en 1791 sur le théâtre d(
Munich , et fut accueilli avec tant de froideui
qu'on ne voulut l'engager que comme com-
parse. Sans renoncer à cet humble emploi, il se
mit à écrire quelques pièces, qui eurent du suc<
ces. Ses devoirs d'auteur lui ayant fourni sou-
vent l'occasion d'observer le travail des ouvriers
de l'imprimerie, il finit par. acquérir une connais-
sance complète des procédés de cet art, ce qui
lui inspira le désir d'imprimer lui-même ses
ouvrages. Il songea d'abord à imprimer ses ou-
vrages par la gravure à l'eau-forte. Un premiei
essai lui procura une sorte de stéréotypage sui
la cire à cacheter et sur le bois. Ayant aban-
donné cette entreprise, il se mit à écrire à re-
bours sur une planche de cuivre polie, enduite
du vernis ordinaire à l'usage des graveurs.
Après avoir acquis assez d'habileté pour co-
pier à la main la forme approchée des carac-
tères typographiques , il comprit combien il
était difficile d'écrire une page entière sans faire
de fautes ; pour les corriger, avant de répandre
le mordant , il imagina un vernis composé de
cire et de savon mêlés avec du noir de fumée, et
délayé dans l'eau ; en en recouvrant les passages à
corriger poul écrire de nouveau dessus, il par-
vint à obtenir quelques épreuves qui fortifièrenl
753 SENEFELDER
ses espérances. Mais sa planche s'usait; d'ail-
leurs il la trouvait trop grossière, et il y substi-
tua des pierres calcaires, qu'il alla ramasser sur
es bancs de sable de l'Inn. Toutefois, ses essais
le gravure en creux sur la pierre ne donnèrent
! jue de faibles résultats , et Senefelder avoue
pi'il serait revenu aux planches de cuivre dès
jue ses ressources le lui auraient permis, lors-
|ue la chose la plus simple lui procura la plus
donnante découverte. Il venait de dégrossir une
ilanche de pierre pour y passer ensuite le mas-
ic et continuer ses essais d'écriture à rebours,
jrsque sa mère le pria d'écrire le mémoire du
nge qu'elle allait donner à laver. La blanchis-
reuse attendait avec impatience, tandis qu'il
therchait inutilement un morceau de papier
lanc. Sa provision se trouvait épuisée par ses
ipreuves et son encre ordinaire desséchée. Il
lavisa alors d'écrire le mémoire sur la pierre qu'i 1
lenait de débrutir en se servant à cet effet de son
(acre composée de cire, de savon et de noir de
*mée; puis il lui vint à l'idée de voir ce que dé-
pendraient les lettres tracées avec son encre à
i cire, en enduisant la planche d'eau-forte et
issi d'essayer s'il ne pourrait pas les noircir
iimme-on noircit les caractères de l'imprimerie
1 de ;la taille des bois pour ensuite les impri-
er. Les essais qu'il avait déjà faits pour gra-
;r à l'eau-forte lui avaient fait connaître l'ac-
pn de ce mordant, relativement à la profon-
Hir et à l'épaisseur des traits, ce qui lui fit
résumer qu'il ne pourrait pas donner beaucoup
; relief 'à ces lettres. Cependant, comme il avait
«rit assez gros pour que l'eau- forte ne rongeât
is à l'instant les caractères, il se mit vite à
Essai. Il mêla une partie d'eau- forte avec dix
orties d'eau et versa ce mélange sur la planche
trite , où il resta cinq minutes à la hauteur de
Mix pouces. Examinant l'effet opéré par l'eau-
rte, il trouva que les lettres avaient acquis un
Jief à peu près d'un quart de ligne. 11 ne lui
istait plus qu'à trouver les moyens d'encrer
itte planche sans le secours des outils ordi-
pres : pour y parvenir, il se servit d'un tam-
m de crin recouvert d'une peau fine; ce tam-
m ayant l'inconvénient de mal distribuer l'encre
i de la faire prendre aussi dans les interlignes,
en forma un autre , au moyen d'une petite
anche unie, recouverte d'un drap très fin à une
laisseur d'un pouce. Cette opération terminée,
obtint facilement des épreuves. La lithographie
ait inventée.
i Senefelder ne put immédiatement tirer au-
ra parti de son importante découverte. Re-
lit presque à l'indigence , il consentit à rem-
acer un artilleur, qui lui;;offrit deux cents flo-
(is; mais l'autorité militaire d'ingolstadt , à
flfaelleil se présenta, le refusa comme étran-
ï". De retour à Munich , il eut la pensée que sa
£thode pourrait servir utilement à la repro-
tetionde la musique. Il fit des propositions au
facteur de la musique de la cour, Gleissner,
— SÉNÈQUE 754
avec lequel il fonda en 1796 une imprimerie
musicale. A cet effet , il inventa plusieurs sortes
de presses qui diffèrent peu de celles dont on
se sert actuellement. Malgré la modicité de leurs
bénéfices et le peu d'encouragement qu'ils trou-
vaient ( l'Académie de Munich fit l'effort de leur
accorder un secours de douze florins ), les deux
associés ne se découragèrent pourtant pas, et pu-
blièrent un bon nombre d'ouvrages. Après de
nombreuses péripéties, en 1799, le palatin de
Bavière, Maximilien-Joseph, accorda un privi-
lège exclusif pour quinze ans à Senefelder et à
son associé Gleissner, qui prirent également des
brevets à Londres et à Paris, et bientôt l'inven-
tion nouvelle fut connue du monde entier. En
1809, le gouvernement bavarois ayant établi nn
atelier de lithographie près des bureaux du ca-
dastre, Senefelder en fut nommé directeur l'an-
née suivante, et remplit ces fonctions jusqu'à
sa mort. On a de lui : L'Art de la lithographie,
ou instruction pratique, etc., précédée d'une
Histoire de la lithographie et de ses divers
progrès (traduit de. l'allemand par Nicolas
Ponce); Paris, 1819, in-4°;— Portefeuille li-
thographique; Paris 1823, in-fol.; — Recueil
papyrographique ; in-4°; — VAqua-tinta li-
thographique; Paris, 1824, gr. in-4°. H. F»
Biogr. univ. . et port, des contemp. — Encycl. des
gens du monde. — Hist. de la lithogr., dans le principal
ouvrage de Senefelder.
sénèque (Marcus Annœus Senega), rhé-
teur latin, né à Cordoue, vers 61 av. J.-C. Sa
famille était sans illustration politique. Il appar-
tenait à l'ordre équestre, et possédait une fortune
considérable. Il se trouvait à Rome dans les pre-
mières années du règne d'Auguste; il eut pour
maître le rhéteur Marillius et pour intime ami
le rhéteur Porcius Latro. Étant retourné à Cor-
doue, il épousa une dame espagnole du nom
d'Helvia, qui lui donna trois fils, Marcus Nova-
tîts(l), Lucius Annœus Seneca (voy. ci-après),
et Lucius Annœus Mêla, dont le plus grand
honneur fut , suivant Tacite , d'être le père de
Lucain. La date de sa mort n'est pas connue ;
mais il est probable qu'il prolongea sa vie jusque
yers la fin du règne de Tibère, et qu'il mourut
soit à Rome, soit en Italie. Sénèque avait une mé-
moire prodigieuse. C'était un homme de lettres
à la mode de son temps, où la fausse éloquence
était en vogue. Les deux recueils qu'il a laissés
sont l'œuvre de sa vieillesse; l'un, Controver-
siarum lib. X, ne se compose que de cinq livres
et de fragments; l'autre, Suasoriarum liber,
paraît également mutilé ou incomplet. On les
trouve d'ordinaire ensemble, à la suite des œuvres
de Sénèque le philosophe. L'édition particulière
qu'en a faite Schott (Heidelberg, 1603, in-8°) a
(1) 11 prit le nom de Jnnius Gallio, et devint proconsul
d'Achaïe. C'est à son tribunal que les juifs traînèrent
saint Paul, l'accusant d'innover en matière de religion.
C'était, dit la Chronique d'Eusèbe, un rhéteur distingué,
et, au témoignage de son frère le plus tolérant des
hommes.
755
été effacée par celle des Elseviers (1672, in-8°).
Ces deux ouvrages ne sont qu'un ramas de lieux
communs et de puérilités, et le mérite du style
est loin d'y racheter le vide des idées.
Juste Lipse, Electorum lib. I, c. I.
sénèque (Lucius Annarns Seneca), cé-
lèbre philosophe stoïcien, fils du précédent, né à
Cordoue, l'an 2 ou 3 de l'ère chrétienne, mort
à Rome, en 65. Il vint à Rome au sortir de la
première enfance. I! joignait à un tempérament
délicat et maladif une sensibilité vive, une faci-
lité d'enthousiasme et une ardeur d'imagination
singulières ; les soins assidus de sa tante réta-
blirent sa santé, qui du reste ne fut jamais bien
solide. Son père fut son premier maître; il apprit
à son école les éléments de l'art oratoire, et y
puisa sans doute ce goût des antithèses, des faux-
brillants alors à la mode et qui caractérise les
périodes de décadence littéraire. L'amour de la
philosophie s'éveilla de bonne heure dans cet
esprit naturellement curieux. « Encore enfant,
dit-il, je m'assis à l'école de Sotion. » Il entendit
aussi Sextius, Attale, et jusqu'à la fin de sa vie il
goûta les austères leçons de Metronax, de Fabia-
nus Papirius et de Démétrius le Cynique. La pa-
role de ces divers maîtres fit sur l'âme du jeune
Sénèque une profonde impression; il recueillait
avidement et tendait à appliquer les préceptes
qu'on développait devant lui. Il était le premier
arrivé à l'école d'Attale, il se retirait le dernier.
Le rencontrait-il par hasard , il le provoquait à
parler, et s'imprégnait tout entier de ses ensei-
gnements. De même les leçons du pythagoricien
Sotion frappaient si fortement son imagination ,
qu'après l'avoir entendu il s'abstenait volontaire-
ment de la chair des animaux. « Mon âme, dit-il,
en devenait plus légère et plus agile (1). » Ainsi la
philosophie n'était pas pour Sénèque adolescent
une lettre morte, un exercice oratoire, mais une
règle pratique d'après laquelle il s'efforçait de
conduire sa vie.
Le père de Sénèque blâmait dans son fils ces
exagérations et ces pratiques ascétiques, qui sen-
taient le sectaire. Aussi lorsque Tibère expulsa
de Rome par un décret du sénat les cuites juifs
et égyptiens, le vieux Sénèque, qui craignait
moins les délateurs qu'il ne haïssait les philo-
sophes , remontra à son fils que l'abstinence de
certaines viandes était un des caractères com-
muns des cultes proscrits , fit sonner à ses
oreilles la raison d'État, et le ramena de la sorte
aux usages ordinaires. Sénèque cependant con-
serva, au sein même des richesses, et jusqu'au
déclin de l'âge, l'habitude d'une vie frugale jus-
qu'à l'austérité.
L'influence paternelle et peut-être aussi la voix
secrète de l'ambition jetèrent bientôt Sénèque
dans une autre route. Il laissa la philosophie poul-
ie barreau. Il plaida longtemps et avec éclat. Il
se fit un nom au forum, et eut l'honneur d'ex-
SENÈQUE 75e
citer la jalousie de Caligula, qui se piquait d'é- i
loquence. Selon Suétone , cet empereur n'aurai !
cherché contre son rival d'autre arme qu!un<
dédaigneuse raillerie : « Ses harangues, disait-il i
sont des morceaux académiques ; c'est du sabli
sans chaux. » Mais Dion rapporte que l'envie di
rhéteur couronné l'emporta bien plus loin, el
qu'après l'avoir entendu plaider une affaire dan
le sénat, il voulut le faire mourir, et ne l'épargn. I
que sur le conseil d'une de ses concubines, qui
lui représenta que la phthisie lui rendrait bientâ li
le service de l'en débarrasser (1). Tourmenté de [,i
son enfance par la maladie, rétabli par les soin i)
de sa famille, Sénèque était retombé. La fièvris
le minait. Il était d'une maigreur effrayante i I
souffrait cruellement. « Plus d'une fois, dit-il i
j'eus la tentation de mettre fin à mes jours. l|
pensée de mon vieux père, qui n'aurait pu sup
porter un tel coup, me retint. Je me command;
de vivre. Quelquefois il y a du courage à sup
porter même la \ie (2). « Est-ce sous Caligul
ou sous le règne précédent qu'il obtint la ques
ture ? On ne saurait le dire précisément. Not
savons seulement que sa tante s'entremit à (
sujet, et brigua fort activement pour son neve
des suffrages que ses talents et sa réputatic
d'orateur ne suffisaient pas alors à lui concilier (3
Sénèque demanda de bonne heure aux voyag<
le supplément de lumières et d'expérience qu'c
en retire. Son oncle maternel était préfet d'I
gypte. Il alla visiter ce pays, qui présentait t
si vaste champ aux observations d'un
prit curieux et enthousiaste. Peut-être men
poussa-t-il jusqu'à l'Inde (4). C'est dans ci
courses qu'il put recueillir les matériaux de se
traité De la superstition, que nous ne conuai,
sons que par une mention de Tertullien et pi
les citations de saint Augustin (5). C'est là peu
être qu'il composa un autre livre perdu et qu
désigna lui-même comme un ouvrage de i
jeunesse (6) , le traité Sur les Tremblemen
' de terre. C'est là assurément qu'il ramassa
faits sur l'Égypie et sur le Nil qu'il fit entr
plus tard dans ses Questions naturelles. C
voit que Sénèque , suivant en cela les traees (
Varron, aspirait à embrasser le cercle entier d
connaissances humaines.
Dans la première année du règne de Ciaudt
Sénèque fut frappé d'un arrêt d'exil et relégué <
Corse (41). Était-ce comme complice de Jul
fille de Germanicus, accusée d'adultère par Mei
k
H
a
(1) Ep. ad Lucil , CViu.
(t) £p.,LXXVIIl.
(2) Cons. ad. Helviam, XVH,
(3) Ibid.
[<t) Pline le naturaliste fait entendre que Sénèque a?;
écrit un mémoire sur l'Inde. « Seneca cliam apud m
dit-il, tentata Indix commentatione , septuaginta omn
ejus prodidit gentes duodeviglnta centumque. » (//i.
natur.f vi, n.j
(S) Tertullien, Apologet.; Saint Augustin, De Civit. D-
VI, 10. Cet ouvrage est sans doute le môme que m©
tionne Servius ( Vje livre de V Enéide) ■ sons le titre ,
| litu et sacris jEgyptionvm.
1 (6) Quœst. natur., VI, 4.
7Ô7
tl saline? Dion l'insinue, et c'est de cette source,
1 1 qui n'est pas toujours pure, que ce fait a passé
dans nos histoires. S'il y a quelque relation entre
|) l'exil de Julie et la condamnation de Sénèque,
on peut en conclure que le crédit de ce dernier
s'était accru , et qu'il était devenu un person-
nage, appelé ou accueilli auprès des grands.
Quoi qu'il en soit, on ne peut s'empêcher d'es-
timer comme un honneur pour le philosophe
d'avoir encouru l'inimitié de Messaline et d'avoir
été frappé dans un temps où la vertu risquait
de passer pour une satire des mœurs impériales.
Il passa à peu près huit ans en Corse, calme et
heureux d'avoir retrouvé sa liberté, de s'être
'retrouvé lui-même, heureux d'être rendu à ses
travaux et à ses méditations, demandant aux sé-
'fieuses études de remplir et d'occuper sa vie.
Woilà le Sénèque de la Consolation à Helvia, le
Sénèque de la première année d'exil. On ne s'a-
loerçoit de la secrète blessure qu'il a reçue qu'au
isoin qu'il prend de la cacher, qu'à la peine qu'il se
idonne pour démontrer à sa mère qu'il n'a rien
oerdu , que la disgrâce l'a renversé sans l'a-
battre , que l'exil, la pauvreté, lignominie ne
sont pas des maux. Il y a dans ce petit traité,
malgré l'accent du rhéteur qui y perce quelque-
fois, de nobles paroles et des sentiments éle-
vés. Mais combien différent est le Sénèque de la
'Consolation à Polijbe, le Sénèque de la troisième
année d'exil ! Énervé, abattu, avili, se répandant
en misérables flatteries, en basses adulations,
:3e prosternant aux pieds d'un affranchi de l'em-
ipereur, épuisant à l'endroit de Claude les plus
emphatiques protestations d'admiration , de dé-
nouement et d'humble respect, baisant et ado-
Irant dans la poussière la main qui l'a frappé,
invoquant sa divine clémence! Est-ce donc la
même plume qui a écrit ces deux morceaux?
Les panégyristes de Sénèque voudraient en
douter. Juste Lipse a imaginé que la Conso-
lation à Polybe n'avait vu le jour que par une
indiscrétion. A quoi eût-il servi à Sénèque de
S'abaisser de la sorte, si ses supplications eussent
dû rester ignorées et ses flatteries inédites?
Non, celle Consolation adressée au courtisan a
Été écrite pour être mise sous les yeux de l'empe-
reur, ou tout au moins pour que l'écho en vînt
jusqu'à lui et que le pardon en fût le prix.
C'est que dans le même Sénèque il y a deux
hommes qui ont passé leur vie à s'infliger les
lus tristes démentis. L'un c'est le pythagori-
cien exalté, qui se refuse presque le nécessaire
et incline à l'ascétisme; l'autre l'avocat, l'ambi-
tieux qui recherche les succès du barreau , la
réputation, les honneurs publics , les richesses,
'"'amitié des grands : l'un qui remplit tant d'ou-
(éaircs de si pures maximes; l'autre qui écrit
'apologie du parricide : l'un qui enseigne le mé-
pris des biens de la fortune; l'autre qui possède
une fortune énorme , des maisons de campagne
flans toutes les parties de l'Italie, et qui, dit-on,
prête à usure : l'un est enthousiaste de la vertu :
SÉNÈQUK 7.58
il n'y a pas un sentiment pur ou élevé qui lui
soit étranger; l'autre vit pendant plus de quinze
ans dans une cour où tous les vices, tous les
crimes, toutes les infamies s'étalent au grand
jour : chez l'un toutes les grandeurs de la
pensée, toutes les élévations de l'âme trouvent,
leur expression; chez l'autre se rencontrent
tontes les faiblesses d'une vie mal ordonnée et
mal conduite. Ame élevée, imagination grande el
enthousiaste, cœur rempli des plus nobles sen-
timents, avec un caractère faible, vulgaire el
sans assiette, voilà tout Sénèque. Il lui manqua
toujours de savoir mettre d'accord ses principes
et sa conduite. Il eut toute sa vie l'amour du
bien , mais cet amour fut trop platonique. Lui-
même sentait bien les défauts et les contradic-
tions de sa nature, quand se défendant d'être
autre dans sa vie , autre dans ses paroles et ses
leçons, il écrivait : « Je ne suis pas un sage et
même je ne le serai jamais Ce n'est pas de
moi que je parle , c'est de la vertu ; et lorsque
je fais le procès aux vices, je commence par
les miens. Quand je le pourrai, je vivrai comme
il faut vivre (1). »
Une sorte de révolution du sérail ramena Sé-
nèque sur la scène, et recommença sa fortune.
Agrippine venait d'épouser Claude ; elle songea
dès lors à frayer le chemin du trône à son fils
Néron. Grâce à son tout-puissant crédit, Sé-
nèque fut rappelé (49) , nommé préteur, admis
dans le sénat et chargé de plus de l'éducation du
jeune Néron (2).
C'est ici que commence pour notre philosophe
cette misérable vie de transactions, d'actes équi-
voques, pour ne pas dire plus, où se traîna sa
conscience et qui lui ont mérité les justes sévé-
rités de l'histoire. Agrippine empoisonne à la
fin Claude, trop lent à mourir au gré de son am-
bition (54). Claude mort, on joue dans le palais
je ne sais quelle triste comédie pour évincer
Britannicus et faire proclamer Néron. Sénèque
ne pouvait rien empêcher sans doute ; mais on a
le droit de lui demander ce qu'il faisait à la cour
au milieu de ces scènes odieuses ou ignobles, et
si c'était bien là la place d'un pur disciple de
Zenon. Le jour des funérailles de Claude, l'o-
raison funèbre du dieu nouveau que Néron pro-
nonça, et qu'on n'entendit pas sans rire, tant
l'éloge allait loin , avait été composée par Sé-
nèque (3). Agrippine espérait trouver dans Sé-
nèque et Burrhus, ses créatures, des complaisants
tout prêts à laisser glisser dans ses mains l'au-
torité impériale. Il n'en fut rien. Ces deux mi-
nistres honnêtes gens , plus unis, comme ;Ie re-
marque Tacite, qu'on ne l'est d'ordinaire quand
on partage le pouvoir, parurent se liguer pour
contenir d'une part l'ambition envahissante de la
mère, et les appétits impatients du fils. Les vio-
(1) De F'itabeata, xvin; voy. aussi les cliap. xvn
six et xx.
(2) Tacite, Annales, XII, S.
(3) Idem, ibid., XIII, 3.
759 SÉNÈQUE
lences d'Agrippine et les mauvaises passions de
Néron traversèrent bientôt les efforts de Sénèque,
et ce qu'on a appelé récemment les difficultés
de famille ne tardèrent pas à éclater sous la
forme de sanglantes tragédies. Néron s'était épris
d'un violent amour pour Acte, une jeune affran-
chie. Sénèque se prêta avec un peu trop de
complaisance à celte intrigue (1). Agrippine, ja-
louse de toute influence qui l'écartait de son fils,
osa menacer Néron de défaire ce qu'elle avait
fait et nommer Britannicus. Ce fut pour celui-ci
un arrêt de mort, et Néron le fit empoisonner
à sa table (55). La disgrâce complète d'Agrip-
pine suivit : une accusation fut même essayée,
et dans cette circonstance Sénèque et Burrhus
firent subir, par ordre de l'empereur, un inter-
rogatoire à leur ancienne bienfaitrice (2).
Sénèque, dans la haute fortune où l'impératrice
mère l'avait placé , entendait monter jusqu'à lui
des insinuations que ses ennemis ont recueillies
trop avidement, sans tenir compte de quelle
bouche elles sortaient. Un P. Suilius, accusé et
coupable sous le dernier règne de plus d'une in-
famie, poursuivait de ses invectives le ministre
philosophe. « Par quelle philosophie, disait-il,
par quelle sagesse, par quels préceptes, Sé-
nèque, pendant quatre ans de faveur, a-t-il
amassé trois cent millions de sesterces? Les
testaments et les citoyens sans héritiers sont pris
comme dans ses filets; l'Italie et les provinces
épuisées par l'énormité de son usure (3). » Une
sentence d'exil, prononcée contre Suilius et mille
fois méritée (58), fut la réponse du ministre,
qui ne souffrit pas que le fils du condamné por-
tât, comme quelques-uns le voulaient, la peine
d'une prétendue complicité. C'est l'époque où le
crédit de Sénèque est à son apogée. Il fut ins-
crit sur la liste des consuls dans la seconde moi-
tié de l'an 58 (consuls substitués).
On connaît l'histoire de la mort d'Agrippine.
Après l'avortement du naufrage artificiel, Néron,
qui connaît sa mère, se croit perdu; Il mande
Sénèque et Burrhus. « On ne saurait dire, ajoute
Tacite, s'ils étaient déjà dans le secret du crime.
Tous deux demeurent longtemps silencieux.
Enfin, Sénèque se tourne vers Burrhus, et lui
demande si l'on ordonnerait aux soldats le
meurtre d'Agrippine; Burrhus fait entendre que
les prétoriens hésiteront à rien oser contre la fille
de Germanicus. Anicetus, moins scrupuleux, se
charge de la besogne. » Le crime consommé (60),
Néron adressa au sénat une lettre apologétique où
il énumérait les attentats d'Agrippine et concluait
que sa mort était un bienfait pour l'État. Sé-
nèque était l'auteur de cette lettre; Tacite ledit
expressément : « Ce n'était plus contre Néron
que se tournaient les murmures accusateurs,
l'indignation n'avait plus de mots pour tant de
barbarie, mais contre Sénèque, qui avait écrit
. (1) Tacite, Annales, XIII, 13.
(2) Idem, Md., 20, 21.
(3) Idem, ibid., 42.
7G0
dans un pareil discours l'aveu du crime (1). »
Voilà la grande bassesse de Sénèque, la grande
tache qui demeure sur sa vie malgré toute la
peine que Diderot a prise pour l'en laver (2). :
Papinien, lorsque Car.acal'la lui demanda d'écrire
l'apologie du meurtre de Geta, son frère , qu'il
avait tué, n'hésita pas à répondre « qu'un par-
ricide était plus difficile à justifier qu'à com-
mettre ». Pour trouver ce mot (qu'il ait été dit
ou non , peu importe) il n'était pas besoin d'être
stoïcien , il suffisait d'être un honnête homme.
Au reste, Sénèque s'abusait étrangement s'il es-
pérait, après un tel excès de complaisance, pou-
voir conserver quelque autorité sur Néron. Après
la mort de Burrhus, peut-être empoisonné par son
maître (63), il demanda à l'empereur qu'il lui
fût permis de quitter la cour et tous les biens
dont il l'avait comblé. Néron se récria , joua les i
beaux sentiments, et protesta qu'il ne pouvait i
se priver des conseils d'un ami tel que lui. Le \ I
philosophe céda; mais de ce jour il parut plus
rarement au palais, prétextant la maladie ou >
l'étude, et vécut avec une simplicité vraiment c
stoïque, occupé d'agriculture, se nourrissant de i
fruits sauvages et ne buvant que de l'eau cou- 1
rante. Tacite fait entendre à deux reprises que
Néron essaya de lui faire donner du poison (3),
mais la tentative échoua. Au commencement I
de l'année 65 éclata la conspiration de Pison. ' f
Sénèque y fut impliqué. II était dans une de ses
maisons de campagne à quatre milles de Rome, ;i
à table avec Pauline, sa femme (4) et deux amis
lorsqu'un tribun vint l'interroger. Il répondit ! i
avec une noble assurance, se défendit simple- |<l
ment, et rappela que Néron avait plus souvent [>1
fait l'épreuve de sou indépendance que de sa i 5
servilité. On lui fit annoncer qu'il fallait mourir, i :
Il faut lire dans Tacite cette scène touchante j I
des derniers moments de Sénèque. Plusieurs
traits rappellent la fin du Phédon : « Les amis I
qui l'entouraient fondaient en larmes, et lui les !
rappelait à la fermeté, tantôt avec douceur, tan-
tôt avec le ton d'un maître qui répii mande. Que
sont devenus, disait-il, les préceptes de la sa-
gesse? Était-il un seul homme à qui la cruauté
de Néron ne fût connue? Et que restait-il au
prince, après avoir tué sa mère et son frère, si ce
n'est de tuer son gouverneur et son maître (5) ? »
Pauline voulut mourir avec son époux, et le
même fer leur ouvrit les veines des bras. La
mort était lente à venir ; Sénèque avala de la
ciguë, mais le poison fut sans effet. Enfin on le
porta dans une étuve dont la vapeur l'étouffa.
Pauline, sauvée par l'ordre de Néron, survécut
quelques années, et garda diguement son sou-
venir. Tacite rapporte, comme un bruit qui
(1) Tacite, Jnn., XIV, il.
(2) Essai sur la vie de Sénèque , chap. xliv et cvn.
(3) Tacite, Ann.,XV, 45, 60.
(4) Sénèque avait épousé Pompeia Paulina après son
exil. 11 avait perdu une première femme. H parle en effet
de son fils Marcus dans sa Consolation à Helvia.
(5) Tacite, Jnn., XV, 62.
761
couru alors, que les conjurés avaient songé à
donner l'empire à Sénèque comme à un homme
irréprochable, et vraiment appelé au trône par le
seul éclat de ses vertus (1).
Telle est la vie de Sénèque. On voudrait en
effacer plus d'un trait indigne, non pas seule-
ment d'un philosophe, mais d'un cœur droit et
bien situé. On voudrait que Sénèque n'eût pas
I vécu à la cour d'Agrippine et de Néron, ou tout
1 au moins qu'il eût quitté le palais, comme un
>i repaire, quand il vit quels hôtes l'habitaient et
ce qu'il y fallait souffrir. Il y resta, combattu
sans doute par une conscience qui valait mieux
que ses actes; l'ambition le retint d'abord, puis
l'habitude. Tacite, juge assez sévère, comme on
sait, lui est d'ordinaire favorable, il est vrai.
Mais il s'en faut qu'il le place au nombre de ses
héros, les Thraseas, les Boranus, les Helvidius
jiPriscus. C'est à ses yeux un homme d'une vertu
moyenne, une âme honnête mais mal trempée,
un esprit plus agréable que vigoureux et bien fait
I pour parler à la mollesse de ses contemporains (2).
Il est temps de laisser de côté l'homme pu-
blic pour considérer le philosophe et l'écrivain.
Sénèque est stoïcien, mais non pas stoïcien
orthodoxe. On chercherait vainement dans ses
B écrits un système rigoureux et bien lié dans
toutes ses parties. Il professe une grande liberté
en face des maîtres qu'il aime d'ordinaire à
suivre, et ne veut subir en esclave l'autorité de
personne (3). Son éducation lui avait donné une
assez grande largeur d'esprit. Adolescent, il
goûta les leçons d'un pythagoricien; plus tard
il prit plaisir à lire Platon, à converser avec
Démétrius le Cynique, à feuilleter les livres
d'Épicure. Il s'inquiète moins de l'origine des
pensées qu'il rencontre que de leur justesse et
de leur valeur morale, et ne se fait nul scrupule
de s'approprier et de déclarer sien tout ce qu'il
rencontre de bon, où que ce soit (4). Cette li-
berté n'a rien qui surprenne quand on songe
que Sénèque n'est pas un sectaire retiré à l'ombre
d l'une école, mais un homme mêlé aux choses
du monde. De plus , la doctrine stoïcienne su-
bissait alors une nouvelle transformation : elle
prenait chaque jour de plus en plus le caractère
d'une discipline morale aspirant à donner aux
âmes les règles pratiques qu'elles demandent
chez nous à la religion, et que les ministres
d'un culte discrédité ne s'inquiétaient guère de
fournir. Ce qu'il y a de plus vivant et de plus sain
dans la philosophie de Sénèque vient de son
(1) Tacite, ^n».,XV, 65.
(S) « Fuit ilii viro ingenium amœnum et temporis ejus
' auribus accommodatum (Jnn., XIII, 3). » Qui ne voit que
| cet éloge est une amère critique ? Chacune des* expres-
sions de ce jugement est comme imprégnée de dédain.
(3) Non me cuiquara mancipavi, nullius nomen fero
( Ep. 45 ). — Soleo et in aliéna castra transire ( Ep. 2 ).
— Non ergo sequor priores ? Facio, sed perœitto mibi
otinvenire aliquid et mùtare et relinquere. Non servio
1 Hlls, sed assentio ( Ep. 80 ).
(4) Quidquid bene dictum est ab ullo meum est (Ep.
t6). — Quod verum est meum est (Ep, 12 ).
SÉNÈQUE 762
âme même plus que de la vieille doctrine de
Zenon. Les principes et les préceptes généraux
ne manquent pas sans doute ; mais Sénèque les
donne pour ainsi dire par acquit de conscience,
comme s'il doutait de leur efficacité. Il sait qu'ils
ne suffisent pas pour le but qu'il s'est proposé
et qu'il poursuit avec un zèle, ajoutons avec
une ardeur de prosélytisme fort rare dans l'an-
tiquité, où la sagesse est en général égoïste. Il
enseigne non pour amuser les oisifs ou se faire
un nom, mais pour former les mœurs. C'est là,
suivant lui, l'office du vrai philosophe : il doit
être le médecin des âmes ; son œuvre est de
les fortifier, de ramener à la santé celles qui
sont malades, de soutenir celles qui sont chance-
lantes, d'offrir enfin à toutes les infirmités et à
toutes les faiblesses morales des remèdes ou des
palliatifs convenables. « Si on m'offrait la sa-
gesse, dit-il, à cette condition de la posséder
pour moi tout seul, je n'en voudrais pas (1). »
Et il ne s'adressera pas seulement à quelques
âmes de choix , mais à toutes celles qui ont
besoin de secours. « La philosophie luit pour
tout le monde, » selon son expression (2). Elle
doit aller vers tous ceux qui souffrent , leur
tendre la main, les éclairer, les guider, les re-
lever, les consoler, et ne désespérer de leur
salut que quand elles sont tellement endurcies
et enfoncées dans le mal que son ministère serait
inutile et ses efforts perdus (3).
Il faut voir aussi comme Sénèque s'élève contre
ceux qui perdent leur temps en vaines arguties
et en chicanes de mots. « Qu'importe, dit-il,
que vos discours plaisent, il faut qu'ils portent
fruit. L'intérêt des âmes est ici en jeu. Le ma-
lade n'a que faire d'un médecin beau parleur; il
en veut un qui sache guérir... Qu'est-ce que
tous ces jeux puérils ? dit-il en parlant des logi-
ciens raffinés et des faiseurs de sophismes inex-
tricables, vous êtes au chevet de malheureux
qu'il faut soigner (4). » Il ne laisse pas aussi
d'être sévère contre ceux qui n'ont leurs con-
seils que sur les lèvres, enseignent bien et vi-
vent maL II veut (que ne l'a-t-il voulu toujours
pour lui-même! ) qu'on enseigne par l'exemple
et la pratique (5). Il sait quelle autorité une vie
(1) In hoc gaudeo aliquid discere ut doceam : nec me
ulla res delectabit , licet eximia sit et salutaris, quam
raihi uni sciturus sim. Si cum hac exceptione detur sa-
pientia, ut illam inclusaœ teneam, rejiciam ( Ep. 6). —
On attribue à Fontenelle la pensée opposée. Laquelle des
deux est la plus chrétienne?
(2) Non rejicit quemquam philosophia nec eUgit: om-
nibus Iucet [Ep. 44).
(3) Ep. 112.
(4) Non délectent verba nostra sed prosint... Alise
aries ad ingenium iota; perlluent, hic animi negotium
agitur. Non quaerit aeger medicum eloquentem sed sa-
nantem ( Ep. 75 ). Quld mihi lusoria ista proponis :
Non est jocandi locus : ad miserosadvocatus es (Ep. 49,
Ep. 117).
(5) Non est beatus qui scit ista sed qui faclt ( Ep. 75 ).
Eligamus non eos qui verba magna celeritate précipi-
tant et communes locos volvunt, et in privato circulan-
tur, sed cos qui vltam docent; qui quum dixerint quid
faciendum sit, probant faciendo ( Ep. 52 ).
763
bien réglée donne à de bonnes leçons. Il veut,
qu'on*fasse entendre le langage de la vérité, non-
seulement en public, mais dans le particulier;
les bons conseils s'insinuent mieux dans les
âmes par une familière causerie qu'au milieu du
fracas de l'enseignement public. Ce n'est pas
assez ; il voit au delà de son temps, et espère
que la postérité pourra profiter de ses avertis-
sements et des expériences qu'il a faites sur
lui-même (i). Et en effet , comme on l'a montré
dans un travail ingénieux (2), que de pages
dans les traités et surtout dans les lettres de
Sénèque qui seraient d'une lecture utile pour un
directeur de consciences! Quelle connaissance
profonde du cœur humain et de ses plus in-
times faiblesses ! Quel tact délicat pour manier
les âmes !
On trouve aussi dans Sénèque des thèses de
stoïcisme classique, si je puis dire : l'éloge de
l'impassibilité absolue; des invectives contre
les passions en général et contre la pitié en par-
ticulier; le portrait du sage, c'est-à-dire de cet
être de raison à qui il ne manque pour être
homme que l'humanité, etc. Mais ce sont là des
lieux communs d'école. Ces souvenirs du stoï-
cisme primitif ont assurément échauffé l'imagi-
nation de Sénèque ; mais ils ne sont pas descen-
dus de sa tête à son cœur ni à sa raison de tous
les jours. Il a beau nous montrer avec une
emphatique admiration son Caton impertur-
bable au milieu des ruines de l'Etat, et se déro-
bant par une mort volontaire à la servitude pu-
blique : il est certain que ce n'est pas là son
idéal. La pensée de son vieux père n'a-t-el!e
pas suffi à le retenir dans la vie? Il a beau nous
dire que le sage ne doit pas s'émouvoir, que son
âme doit être aussi exempte de troubles et
d'orages que l'air qui est au-dessus des nua-
ges (3) ; qu'il doit ignorer la pitié, ce défaut des
petites âmes, selon son expression (4) ; qu'il ne
doit être ému ni de la perte de ses parents ni
de la mort de ses amis. Il proteste lui-même
contre ces exagérations quand il avoue qu'on ne
peut défendre à la nature de sentir (5) ; quand
il écrit : « 11 y a des mouvements dont nous ne
sommes pas les maîtres : nos larmes jaillissent
souvent malgré nous, et ces larmes nous sou-
lagent... On peut obéir à la nature sans compro-
mettre sa dignité (6). » Quelle délicate critique
du stoïcisme de Zenon dans ce dernier mot!
Dans le stoïcisme de Sénèque, la nature reprend
ses droits, et tous les battements du cœur humain
ne sont ni étouffés ni proscrits, comme on voit.
Dans la philosophie naturelle (7) Sénèque se
(1) Ep. 38. Posterorura negotiura ago : Mis aliqua quae
possint prodesse conscrlbo.
(2) De la Morale pratiqtte dans les Lettres de Sénè-
que, par Martha; Strasbourg, 1854, In -8°.
13) Talis est saplentis anlmus , qualis mundi status
super lunara. Semper Mie. serenura est {Ep. B9).
(4) ne Clementia, II, 15.
(8) Sensum hominis nulla exult virtus ( Ep: 88 ).
(«)Ep. 89.
(7) Sénèque divise la philosophie en trois parties : la
SÉNÈQUE 1Q
complaît bien souvent à exposer la pure théori |
stoïcienne des deux principes dont l'intim
union compose le monde vivant et harmonieux
un Dieu qui pris isolément est une pure abi
traction; une matière qui, destituée de la fore
divine, est indéterminée, sans forme et sans vii I
Dans cette théorie la personnalité divine e: !
absolument niée. Et cependant que de pas
sages dans les traités et dans les épîtres à Lv. j
cilius où il est parlé de la Providence, de ne
espérances d'une vie à venir et de la prière avt |
un accent religieux.! Ceux qui enseignent ûi
Dieu insensible et indifférent au sort des bon j
mes, « n'entendent donc pas, dit-il, les voi
suppliantes des mortels, ni cette multitude c
vœux publics et particuliers qu'on adresse au ;
dieux de toutes parts, les mains étendues vei
le ciel (1) » ? Et encore : « Le premier hoinmaç
qu'on doit aux dieux, c'est de croire en eux;
second de reconnaître leur majesté et surtoi
leur bonté, sans laquelle il n'y a pas de majestc
de savoir qui ce sont eux qui président a
monde, qui gouvernent l'univers comme lei
domaine propre, qui veillent à la conservatio
du genre humain en général et quelquefois d<
individus en particulier : ils ne peuvent envoy<
le mal, il n'est pas en eux ; au reste, ils répri
ment, ils punissent, et quelquefois ces punition
sont des biens apparents (2). » Là et ailleun
car on ne peut tout citer, n'entendons-nous pas 1
cri d'une conscience qui se révolte contre un sys
tème trop étroit ? Que reste-t-il donc du sioïcism
dans Sénèque? Il reste entier, mais c'est un sto
cisme tempéré et mieux accommodé à la faibless
humaine, bien qu'il soit toujours destiné à nou
armer contre cette faiblesse même et ne la ca
resse jamais. C'est au nom même du princip
stoïcien de la vie conforme à la nature qu
Sénèque, suivant en cela la voie de Diogène d
Babylone et de Pansetius, adoucit sans tes énerve
les préceptes du stoïcisme. Il ne fléchit pas su
ce peint ,qui est l'arche sainte du système, à s;
voir que le seul mal véritable est le vice et 1
péché et tout ce qui porte atteinte à la dignit
de l'homme ; le seul bien l'honnête , la vertu
mais, avec l'opinion, disons mieux, avec le bo
sens, il admet des biens secondaires, accessoires
qui ont par eux-mêmes une certaine valeui
comme la santé et la richesse. Il reconnaît qu'
ne faut pas laisser prise sur nous aux passion
qui bientôt nous envahissent et nous renden
esclaves ; mais il admet les sentiments modéré
et honnêtes ; il ne refuse pas à l'homme d'êtn
touché de ce qui arrive de bon ou de mauvai
à ses proches, à ses amis, à son pays. 11 aime i
dire que le sage est parfait, qu'il est souverai
nement heureux, qu'arrivé au sommet où il as
philosophie morale, la philosophie naturelle, et la philo
sophie rationnelle. Cette dernière comprend selon lui l
dialectique et la rhétorique ( Bp . 89 ).
(1) De benef., IV, t.
(2) Ep. 95. Voir aussi De Providentia, passim.
1765
pire il ne peut plus monter; mais il avoue que
dans la réalité les plus purs et les plus sages ont
encore et toujours des progrès à faire, et pour
ce qui le regarde, il sait ce qui lui manque et ne
craint pas de s'accuser. Il se plaît à donner des
[préceptes austères, mais c'est parce qu'il sait
[qu'il faut demander à l'homme plus que son
j devoir pour obtenir qu'il le fasse à moitié, et
iqne, vu ses défaillances et les concessions qu'il
io fait à lui-même, ne pas exiger trop, c'est
l'exiger pas assez.
La morale de Sénèque, nous pouvons le dire
après Lactance, qui aime à la citer, est douce,
luimaine, élevée, religieuse; la tendresse de
'accent lui manque seule. Sénèque résume
quelque part cette morale en une phrase qu'on
uut répéter en tout temps et écrire sans pres-
que y rien changer dans le catéchisme des en-
fants, car c'est l'abrégé de la vraie et univer-
selle morale : « La philosophie nous apprend, à
idorer Dieu et à aimer les hommes, à penser
lue les dieux sont les maîtres de toutes choses
■t que les hommes forment une seule fa-
nille (1). » Il s'en faut,selonSénèque,que la morale
oit tout entière renfermée dans les prescriptions
le la loi positive. « Que c'est peu, dit-il, d'être
iiommc de bien selon la loi ! Que de devoirs
obligent l'homme qui ne sont pas écrits dans les
;odes (2) ! » La loi du temps de Sénèque consa-
rait l'esclavage : le philosophe le condamne au
nom de la raison, qui proclame l'égalité naturelle
Je tous les hommes (3). La loi autorise à ré-
clamer vengeance de l'injure : le philosophe ne
tfeut pas qu'on rende le mal pour le mal ; il veut
iju'on pardonne à son ennemi (4). La loi se tait
sur la bienfaisance et la charité : le philosophe
Écrit que tous les hommes sont an monde pour
li'entr'aider mutuellement, « homo inadjutorium
inutuum generatus est » (De3 ira, I, 5) ; qu'il faut
faire du bien même aux inconnus, même aux
Méchants, même à ses ennemis (5). La loi et
'opinion autorisent les combats de gladiateurs;
;e sont fêtes officielles : le philosophe proteste
sontre ces jeux sanglants et leur pernicieuse
nfluence sur les mœurs publiques. Il n'y a
«resque pas une vertu chrétienne dont il n'impose
A pratique. Qu'on lise le De Ira ou le De Dene-
Hciis, et à travers des redites un peu fatigantes
»n trouvera les plus purs et les plus excel-
ents préceptes de la morale la plus saine et
plus élevée. Quelles règles de conduite que
Celles-ci, par exemple : « Agissez avec vos in-
férieurs comme vous voudriez que vos su-
(1) IIeec (philosophia) docet colère divina , humana
llligere, et pênes Deos iraperiura esse, inter horaincs
(fonsortium [Ep. 90).
: (2) De Ira, II, 27.
(3) Ornnes si ad primam origincm revocentur a Diis
tint... liona mens omnibus patet (Ep. 44). Servi sunt?
'imo homines. Servi sunt? Imo contubernales. Servi sunt?
mo humiles amici. Servi sunt? Imo conservl.
(4) De Ira, 11,32-34. De Constantia Sap. ,i6{ Ep: 47).
15) De F'ita beata, 20. De Const. Sap., 28. De Ira, 1, 5.
4. De Benef,, passim..
SÉNÈQUE 7GG
1 péricurs agissent avec vous..... Ne vous per-
mettez rien que vous ne puissiez faire devant
votre ennemi (1)... Montrez à ceux qui font le mal
des sentiments doux et paternels, et vous sou-
venez que nul n'a le droit de s'absoudre soi-
même et de se déclarer innocent » (2). Enfin Sé-
nèque par son exemple semble conseiller à cha-
cun de faire tous les soirs son examen de cons-
cience, de repasser sa journée et de se juger
soi-même au tribunal de son for intérieur (3).
Tout cela est profondément ehrétien. Ceux
qui refusent à la raison humaine la capacité
naturelle de s'élever par ses seules forces, et sans
le secours de la révélation, à une morale digne
de ce nom, trouveraient ici de quoi s'étonner
s'ils n'avaient sous -la main une vieille légende
avec laquelle tout, paraît-il, s'explique fort ai-
sément. Saint Paul, vers l'an 62, était à Rome,
dans une captivité très-douce, comme on sait.
Il pouvait voir et recevoir qui il voulait. Or Sé-
nèque n'a pas pu ne pas connaître et ses aven-
tures et ies motifs de son appel à César. Il est
donc entré en relation avec lui ; H a conversé
avec lui; il a appris de lui la morale qu'il a en-
seignée. Rien donc de surprenant si cette morale
ressemble à la morale chrétienne. C'est saint
Paul lui-même qui parle par la bouche du stoï-
cien Sénèque. Et comme preuve nouvelle de ces
rapports de l'apôtre et du philosophe, on allègue
une correspondance composée de quatorze lettres
qu'ils auraient échangées, et le témoignage de
saint Jérôme, qui parle de ces lettres sans s'ex-
pliquer sur leur authenticité (4-). Il n'est pas
besoin d'être très-versé dans la langue latine ni
Irès-familiarisé avec le style de Sénèque pour
s'assurer que cette correspondance n'est pas de
l'époque de Lucain et que Sénèque n'a jamais
écrit les huit lettres demi-barbares qu'on lui attri-
bue. La plus simple lecture démontre une pieuse
fraude commise entre le troisième et le cinquième
siècle, comme il s'en commettait tant alors à
Alexandrie ou à Antioche. Que reste-t-il de celte
tradition, si la correspondance est apocryphe ?
Une hypothèse ou plutôt plusieurs hypothèses :
que saint Paul a dû faire grand bruit à Rome;
que Sénèque ne put manquer d'en entendre
parler; qu'il eut sans doute la curiosité de le
voir; qu'il le vit donc et s'entretint avec lui;
qu'il fut inévitablement touché de ses discours,
en garda la vive empreinte, et la fit passer dans
ses écrits. On ne discute pas des hypothèses aussi
hasardeuses, et elles ne valent guère la peine
d'être réfutées (5). Il suffit peut-être de faire re-
marquer que Sénèque est mort au commence-
ment de l'an 65, et qu'avant 62, avant même
60 , date très-probable de YÉpître aux Ro-
(1) Ep. 3.
(2) De Ira , I.
(S) De Ira, 111, 36.
(4) Saint Jérôme, De Vir. ill., XII.
(5) Voy. Étude critique sur les rapports supposés
entre Sénèque et saint Paul, par Aubcrtin; Paris, 1857,
in 8°.
767
mains (de laquelle, du reste, Sénèqueeût pu très-
malaisément tirer" la morale qu'il enseigne), le
philosophe avait écrit presque tous ses ouvrages
et quelques-unes même des lettres à Luci-
lius (1). Or, comment aurait-il pu empruntera
saint Paul des idées qu'il déposait dans son De
ira vers l'an 44 au plus tard, ajors que saint
Paul n'avait pas encore écrit sa première épître
et qu'aucun livre du Nouveau Testament n'a-
vait probablement vu le jour? La morale de
Sénèque appartient tout entière aux stoïciens,
à Cicéron, à Platon et à Pythagore, à ces divers
maîtres qu'il aimait à consulter, à lui-même
enfin, qui arrive dans l'histoire après un mou-
vement philosophique de plus de six siècles et
le continue selon ses forces. Il n'y a ni emprunt
ni plagiat. C'est le produit de la raison humaine
éclairée par tout le travail du passé. C'est aussi,
si l'on veut, le témoignage d'une âme natu-
rellement chrétienne, comme la morale de So-
crate et celle de Platon.
Ne pouvant nous dispenser de dire un mot du
style de Sénèque, nous laisserons parler sur ce
point un critique classique dans un temps de
décadence littéraire, Quintilien, dont le jugement,
quoique un peu sévère , ne saurait guère être
cassé. « 11 est plein de pensées brillantes, et par
rapport aux moeurs la lecture de ses écrits ne
peut qu'être utile ; mais son style est générale-
ment corrompu et d'autant plus dangereux qu'il
abonde en défauts séduisants (dulcibus vitiis).
On voudrait qu'il eût écrit avec son esprit et
avec le goût d'un autre : car s'il eût dédaigné
certains faux brillants, s'il eût été moins ambi-
tieux, s'il n'eût pas été épris de tout ce qu'il
produisait, s'il n'eût pas affaibli la gravité des
sujets en morcelant ses pensées, le suffrage des
hommes de goût bien plus que l'engouement de
la jeunesse ferait aujourd'hui son éloge. Toute-
fois, tel qu'il est, on pourra le lire quand on
aura le goût déjà sûr et suffisamment formé par
un genre d'élocution plus sévère; car, je le ré-
pète, il y a en lui beaucoup à louer, beaucoup
même à admirer, pourvu qu'on sache choisir.
Que ne l'a-t-il fait lui-même! Un tel génie était
digne d'aspirer à la perfection, lui qui réussissait
dans tout ce qu'il essayait (2). »
Ouvrages de Sénèque. Les ouvrages de Sé-
nèque qui sont venus jusqu'à nous sont : De
Ira; Consolatio ad Helviam; Consolatio ad
Polybium; Consolatio ad Marciam ; De Pro-
videnlia; De Constantia sapientis; De Otio
sapientis; De Tranquillitate animi ; De Cle-
mentia;De Vita beata ; De Brevitate vïtae;
De Beneficiis; Epistolec ad Lucilium, au
(1) Dans l'Ep. 91, Sénèque parle de l'incendie qui dé-
truisit Lyon en 62.
(2) Quintilien, Inst. Orat., 1. X. Sénèque avait le sen-
timent de sa valeur personnelle. Ce sentiment éclate
bien vivement dans ce mot adressé à Lucàllus : « Habebo
apud posteros gratlam, possum mecum duratura noirrina
educere » (Ep. 20). C'est l'accent sincère de Vexegi mo-
numentum d'Horace.
SÉNÈQUE 71
nombre de 124; Quxstionum naturaliu
libri VII.
Enfin, on lui attribue généralement une sali
sur la mort de Claude, qui a pour titre Clam
Cccsaris A7toxoXoxuvra><TK;.
Et on met quelquefois sous son nom dix ti
gédies ; plusieurs critiques les donnent à
autre Sénèque, qu'on désigne sous le nom
Sénèque le Tragique. Juste Lipse de ces dix t:
gédies n'attribue au philosophe que Médée (:
Plusieurs écrits de Sénèque ne sont pas ven !
jusqu'à nous : les vers et les pièces de poéi
qu'il a composés; ses plaidoyers ; le tra i
De Terrsemotu; celui De Matrïmonio, cité r.
saint Jérôme ( Adv. Jovinian., lib. 1); Hi
toria, citée par Lactance (7>!s£. div., VII, 15);
traité De Super stitione, cité par saint Augusti
Dialogi, mentionnés par Quintilien ; Moraliv
libri, cités par Lactance, II, 2 ; Exhortations
libri , cités par Lactance. Nous ne mentionno
pas la correspondance avec saint Paul, de
Juste Lipse dit qu'elle a été écrite pour se jou
de nous, in ludibrium nostrum.
Éditions de Sénèque. La première en d;
est celle de Naples, 1475, in-fol. Les suivanl
méritent d'être citées : Bâle, 1515-29, d'Érasm
Rome, 1585, in-fol., de Muret; Paris, 1C(
1619, 1627, in-fol. avec de longues notes; Leyc
1640, 3 vol. pet. in-12; Anvers, 1652, in-fo
de Juste Lipse; Amst., Elsevier, 1672, 3
in-12; Paris, 1827-32, 6 vol. in-8°, collecti
Lemaire. Il existe en fiançais plusieurs tradi
tions complètes de Sénèque : celles de Chah
(1604, in-fol.), de Malherbe, du Ryer et Bc
douin (1649, 2 vol. in-fol.), de Lagrange (171
6 vol. in-12, et 1819, 13 vol. in-12), de la 1
blioth. Panckoucke (1832, 8 vol. in-8°) et
la Collection Nisard ( 1838, gr. in-8° ).
B. Aube.
Ouvrages cités. — Suétone, Caligula et Néron.
Dion Cassius, Caligula, Claude et Néron. — Quintilii
VIII, 315; IX, 2; X. — Aulu-Gelle, XII, 5, Nuits
tiques.— Lactance, [nst. Div., làVII. — Saint A
gustin, De Civ. Dei, VI, 10. — Érasme, Commi
taires de son édition. — Juste Lipse, Vie de Sénèq\
— Ritter , Hist. de la philosophie ancienne , t.
— J. de Maistre, IXe entretien des Soirées de Sai
Pétersbourg. — Gelpke , Tractatiuncula de fat.
liaritate quss Paulo Apostolo cum Seneca philo,
pfio intercessisse traditur verisimillima ; Leipzig, 18
in-4°. — c. de Rosmini, Délia vita di L. A. Senec
Roveredo, 1793, in-8°. — Klotzsch, Seneca; Wittembe:
1799-1802, 2 vol. in-8°. — Reinhardt, De Senecse vita
scriptis; Iéna, 1817, in-8°. - Vernier, Abrégé de la i
et des œuvres de Sénèque ; Paris, 1812, in-8°. — J. Simc
dans la Liberté de penser, déc. 1848 et janvier 1849.
Am. Fleury, Sénèque et saint Paul ; Paris, 1853, 2 v
in-8°. — Baur, dans le Journal de théol. scientif., 18
(1) Quintilien et d'autres auteurs latins les donnent
Sénèque. En voici les titres : Hercules furent, Thyest
Thebais ou Phœnissss, Hippolytus, OEdipus, Iroadt
Medea, Agamemnon, Hercules OEtœus, et Octavs
Elles ont été traduites en français par Coupé (1795,
in-8°),et par Levée (1822,3 vol. in-8°). et ont donné li
à plusieurs imitations sur notre scène classique,
meilleures éditions du texte latin sont celles d'Arm
1672, in 8°; de Leyde, 1707, in-8°; de Délit, 1782, ln-4
deLeVpzig, 1819, 2 vol, In-8°.
'69 SENNACHERIB — SENNERT
SENNACHERIB, roi d'Assyrie , assassiné en
;80 av. J.-C. Il succéda en 702 à son père, Sar-
;on (voy. ce nom). Une partie de ses nom-
breux exploits est rapportée dans deux inscrip-
ions cunéiformes, dites cylindre de Bellino
;t prisme de Sennacherib . Ce sont presque
oujours des expéditions, qui se terminaient par
es levées de tributs ; nous signalerons les sui-
antes, qui offrent de l'intérêt. Dès son avéne-
nent Sennacherib marcha contre la Chaldée, et
i fit en peu de temps rentrer sous le jong as-
,yrien, qu'elle avait secoué quarante-cinq ans
uparavant. Après avoir établi a Babylone comme
ice-roi Bel-ipni ( le Belibus des Grecs), il se
irigea vers la Médie. Il prétend dans ses ins-
riptions y avoir fait des conquêtes considé-
Ubles ; mais nous savons par d'autres documents
tue les Mèdes , s'affranchissant alors de la do-
mination assyrienne, remirent toute l'auto-
té à un seul chef, qui fut Déjorès. En 701
Bnnacherib, apprenant qu'une coalition se far-
tait contre lui entre les souverains d'Egypte,
B Judée, de Syrie et de Phénicie, envahit ce
îrnier pays, qui se soumit aussitôt, sauf Asca-
•n, qui fut pris d'assaut : après avoir battu le
>i deMeroë, il se tourna contre Ézéchias, roi de
jda, s'empara de quarante-quatre villes de la
alestine , força Ézéchias à lui payer un tribut
'Misidérable et le dépouilla d'une partie de son
>yaume. La quatrième campagne de Sennache-
b fut dirigée contre l'ancien roi de Chaldée, qui
Wut trouvé des partisans chez les Élamites.
ians sa septième et huitième campagne, il étouffa
près une longue résistance la révolte des Sou-
jiirs et des Anads, qui furent aidés par les Éla-
ites et les Bahyloniens. Le conquérant raconte
lans une inscription comment il employa la ruse
; le fer pour les vaincre. « Sur la terre mouillée,
ts harnais, les armes nageaient dans le sang
es ennemis comme dans un fleuve. J'entassai
}S cadavres de leurs soldats comme des tro-
hées, et je leur coupai les extrémités. Je mu-
lai ceux que je pris vivants comme des brins
paille, et pour châtiment je leur coupai les
îains. » Sennacherib paraît avoir été heureux
ans ses entreprises jusqu'en 689, année où il
prouva une catastrophe, d'où date la décadence
i l'empire assyrien. Une nouvelle coalition des
jgyptiens et des Juifs lui remit les armes à la
»ain. Avec sa rapidité accoutumée , il envahit
basse Egypte et commença le siège de Péluse ;
ùis il entra en Judée, et occupa les principales
_ >rteresses. Ézéchias offrit alors de se soumettre
la loi du vainqueur, qui exigea de lui une
Mnme de 30 talents d'or et de 300 talents d'ar-
Ent. Mais cette contribution énorme ne satisfit
as le prince assyrien; il continua de ravager
i pays, de rançonner les "villes, et assiégea Jé-
îsalem. Les éloquentes exhortations d'Isaïesou-
inrent le courage des habitants, qui résistèrent
vec d'autant plus d'ardeur lorsqu'ils apprirent
u'une armée égyptienne s'avançait à leur se-
NOUV. BIOGR. GÉNÉR. — T. XLII1.
770
.'
cours. Tout à coup on vit Sennacherib lever le
camp et s'enfuir avec précipitation : une épidé-
mie cruelle avait éclaté parmi ses soldats, et dans
l'espace de quelques jours elle avait fait tant de
victimes qu'il ne restait aux gens survivants
d'autre salut que dans une prompte retraite. La
Bible prétend que 180,000 hommes furent frap-
pés à mort par l'ange du Seigneur. De leur côté,
les Égyptiens racontaient à Hérodote qu'il fallait
attribuer le désastre des Assyriens à une armée
innombrable de rats envoyés par Vnlcain et qui
avaient rongé leurs armes. Ce fut Sennacherib
qui restaura Ninive, qui était restée en ruines
depuis la prise de la ville sous Sardanapale V-,
il y fit exécuter des travaux gigantesques, par la
multitude de captifs qu'il avait ramenés, entre
autres un magnifique palais, dont les restes con-
sidérables ont été récemment découverts. E. G.
Oppert, Expédition en Mésopotamie, t. I, et Inscrip-
tions des Sargonides. — Hérodote, édit. Rawlinson. —
Layard, Ninevefi. — Niebuhr, Gesch. Assurs une liabels.
— Ewald, Gesch. des Folkes Israël, t. 111.
sennectère. Voy. Ferté (La).
sexnert (Daniel), médecin allemand, né
le 25 novembre 1572, à Breslau, mort lé 21 juil-
let 1637, à "Wittemberg. 11 était fils d'un cor-
donnier, qui, malgré son humble condition, ne
négligea rien pour le bien élever. Après avoir
étudié la philosophie et la médecine à Wittem-
berg, il y prit le grade de docteur (1601), et fut
pourvu en 1602 d'une chaire, qu'il occupa jus-
qu'à sa mort. II fut élu six fois recteur de l'uni-
versité, ce qui était sans exemple, et l'électeur
de Saxe, qu'il avait guéri en 1628 d'une maladie
grave, l'admit au nombre de ses médecins. Sen-
nert jouit d'une réputation étendue, qu'il devait
à ses écrits et à son habileté dans la pratique.
Jamais il ne refusait son assistance, n'exigeant
rien pour ses peines ou se contentant de ce qu'on
lui offrait. Les épidémies qui désolèrent Wit-
temberg pendant la guerre de Trente ans lui
donnèrent de nombreuses occasions de faire
éclater son zèle; mais après avoir si souvent
bravé la contagion, il en devint la victime, et
mourut, à l'âge de soixante-cinq ans. Dans l'en-
seignement de la médecine, il s'écarta sur quel-
ques points importants des routes battues ; ainsi
il fit preuve d'indépendance en combattant l'au-
torité d'Aristote et en préconisant l'étude de la
chimie, qu'il introduisit le premier dans l'Aca-
démie de Wittemberg. A ce double titre, il peut
être regardé comme un novateur, qualité qui
lui suscita bien des ennemis. On ne doit pas
moins lui savoir gré de s'être élevé contre le
faux spiritualisme des scolastiques ; mais ses
théories sur l'origine des âmes peuvent paraître
hasardées, bien qu'elles ne méritassent point
d'être taxées de blasphème et d'impiété, comme
le firent les théologiens. Portai a parlé avec trop
de dédain des ouvrages de Sennert, à qui il ac-
corde pourtant du jugement et de l'érudition ;
Halier les regardait comme une sorte d'encyclo-
pédie médicale indispensable au médecin, et
25
771
SENNERT — SEPULVEDA
T,
Éloy en recommandait la lecture, même après
les modernes. Ils ont eu, dans le siècle où ils
ont paru, de fréquentes réimpressions; nous ci-
terons les suivants : Questionum medicarum
controversarum liber; Wittemberg, 1609,
in-8°; — Institutionum medicinee lib. V ;
ibid., 1611, 1628, 1667, in-4° : Christ. Winc-
kelmann a réduit cet ouvrage en tables (ibid.,
1636, in-fol.), et l'auteur en a fait un abrégé;
— Epitome naturalis scientise; ibid., 1618,
in-8°; — De chymicorum cum Aristotelicis
et Galenicis consensu; ibid., 1619, in-8°; —
De febribus lib. IV; ibid., 1619, in-8°; — De
scorbuto ; ibid., 1624, in-8° ; — Medicinœ prac-
UCcS lib. VI ; ibid., 1628-35, 6 part. in-4°; —
Uypomnemata physica; Francfort, 1635,
1636, in-8°. C'est dans ce recueil que Sennert
donna carrière à sa verve paradoxale. D'après
lui, l'âme était dans la semeuce avant l'organi-
sation, et c'est elle qui formait le corps; les
métaux devaient leur création à des esprits in-
telligents, et l'âme des bêtes n'était point maté-
rielle. Ces rêveries, attaquées avec emportement
par J. Freytag et le P. Fabri, trouvèrent un
défenseur chaleureux dans Sperlingen, disciple
de Sennert; — Paraliponiena; Wittemberg,
1642, in- 12. Tous les écrits de ce médecin ont
été réunis plusieurs fois; la dernière et la plus
ample édit. est celle de Lyon, 1676, 6 vol. in-fol.
Sa Fie, à la tète de ses OEuvres. — Freher, Tfiea-
trum. — Bayle, Dict. — Niceron, Mémoires, t. XIV. —
Halter, Bibl. medica. — Portai, Hist. de VAnaiomie,
t. II. — Biogr. mëd.
sennert (André), orientaliste, fils du pré-
cédent, né en 1606, à Wittemberg, où il est mort,
le 22 décembre 1689. II s'appliqua dès l'âge de
dix ans à l'étude des langues sémitiques, sous
la direction de Martin Trostius. Selon l'usage, il
compléta son éducation en visitant les princi-
pales universités de l'Allemagne et de la Hol-
lande. En 1638 il fut appelé à la chaire d'hébreu
dans sa patrie, et la conserva jusqu'à sa mort.
Une de ses filles épousa le médecin Daniel Ma-
jor. Ses principaux ouvrages sont : Tabulas in
grammalicam hebrœam M. Trostii; Wittem-
berg, 1637, in-4°; — Chaldaismus et Syrias-
mus, h. e. prsecepta utriusque lingux; ibid.,
1651, 1666, in-4°; sous les titres d'Arabismus
(1658) et de Rabbinismus (1666), il a publié
aussi des grammaires arabe et rabbinique ; Po-
cccke en parle avec éloge; — Exercitationes
in VII psalmos pœnitentiales ; ibid., 1654,
in-4°; — De Cabbala; ibid., 1655, in-4°; —
Athenx et inscriptiones Wittembergenses ;
ibid., 1655, 1678, 1699, in-4° : on y trouve l'his-
toire de l'Académie depuis sa fondation, en 1502;
— Centuria canonum philologicorum de
idiotismis linguarum orientalium; ibid.,
1657, in-8°; — Compendium lexici arabici ;
ibid., 1657, in-4°; — Compendium lexici
ebrœi; ibid., 1663, in-4°, d'après les travaux
de J. Buxtorf ; — Ilypotyposis harmonica lin-
guarum orientalium cfialdeœ, stjrx, arabi-
casque cum matre hebrsea; ibid., 1665, in-4
— Exercitationes philologicas XXI; ibic
1675-81, 3 vol. in-4°; plusieurs autres disserl
fions philologiques de Sennert remplissent
t. VII du Catalogus disputationum de l'Ac
demie de Wittemberg; il a réuni ses 1bès
théologiques sous le titre de Christianus i
dictus; 1688, in-4°; — E'ibliotheca academ
Wittembergensis ; ibid., 1678, in-4° : c'est
catalogue assez succinct; — Schediasma
linguis orientalibus ; adamxa, noachic
phœnicea, canansea, etc. ; ibid., 1681, in-4
recueil intéressant et rare. Sennert a édité
Grammatica hebrœa de Trostius (1643, 16(
in-4°), avec additions.
G. -H. Goez, Elogla philologorum. — lîagen, Mémo:
philosophorurn, II, 367. — Niceron, Mémoires, t. XX X
septchènes (N.... Le Clerc de), littéi
teur français , né à Paris, mort à Plombières,
9 juin 1788. Fils d'un premier commis d
finances, il se passionna pour l'étude, et voj
gea en Angleterre, en Hollande, en Italie et
Suisse. A son retour, il devint secrétaire
cabinet de Louis XVf. Tous les loisirs de
charge furent donnés à des recherches sur l'a
tiquité grecque et latine. Son intelligence et
ouverte aux idées de progrès; ses mœurs était
aimables, son caractère doux, avec un pendu
à la mélancolie. Après quelques années de rr
riage, il perdit sa femme, qui mourut d'une n
ladie de poitrine. Rongé du même mal, il sec
peu à peu décroître ses forces , partit pour i
talie et s'arrêta à Plombières, où il s'éteign
« Combien il est rare, écrivait à ce sujet I
lande, et combien il est beau , quand on |
jeune, riche et libre, de se livrer à l'étude,
point de lui faire le sacrifice de sa vie ! ■»
principal ouvrage de Le Clerc de Septchènes i
l'Essai sur la religion des anciens Grt
(Lausanne, 1787, 2 vol. in-8°); la distributi
en est assez méthodique, et la forme, un p
sèche, a de la netteté. On a encore de lui : Élc
de M. (Métra); Londres (Paris), 1786, in-)
Il a traduit une partie de Y Histoire de Vempi
romain par Gibbon (Paris, 1777, 3 vol. in-8
travail qu'on a parfois attribué à Louis X\
L'édition des Œuvres de Fréret, publiée so
son nom en 1796 (Paris, 20 vol. in-12), est i
complète et défectueuse; il avait en effet pi
paré ce travail, mais ce n'est pas lui qui y a n
la dernière main.
Journal de Paris, 24 juin 1788. — Lalande, dans
Journal des Savants, déc. 1788.
SEPTÏME SÉVÈRE. VolJ. SÉVÈRE.
SEPTiKiivs. Voy. Serenos.
sepclveda (Juan-Ginès de), théologi
ethistorien espagnol, né vers 1490, à PozoBIam
près Cordoue, mort en 1573, à Mariano, près
même ville. D'une famille noble mais pauvr
il suivit son goût pour l'étude, et fréquenta pe
dant trois ans l'université d'Alcala; puis comi
il voulait s'appliquer à la théologie sans être
i
lil
■
73
SEPULVEDA
liargc à ses parents, il passa en Italie (1515), et
btint une place dans le collège d'Albornoz à
iologne. Pomponazzi fut un de ses maîtres, mais
ne partagea pas sa doctrine, comme on le voit
ans une de ses lettres, où il prétend qu'Aris-
ite s'est prononcé pour l'immortalité de l'âme
i termes irréprochables. S'étant rendu à Rome,
trouva dans Alberto Pio , prince de Carpi, un
ligne appréciateur de ses talents, logeadans son
alais, et prit part aux réunions littéraires qu'il
:nait souvent chez lui. Ce fut alors, dit-on, que
désir de lire Aristote dans sa langue, au lieu
avoir recours à des traductions défectueuses,
i fit approfondir l'étude du grec avec Musufus
Tryphon de Byzance; il entreprit même de
Indre en latin quelques ouvrages de cet auteur,
j|il le fit avec un grand succès. Après le sac de
orne (1527) il s'attacha au cardinal Cajetani,
■ l'il suivit à Naples, et en 1529 au cardinal
fjinones. II commençait à se lasser d'un genre
vie où il n'avait récolté que de maigres profits,
sque Charles V le choisit pour historiographe
i36) et le mit en qualité de précepteur au ser-
^e de son fils Philippe. Dès lors il vécut à la
5 ur; on voit par ses écrits qu'il n'y apprit pas
traiter les affaires ni les gens avec beaucoup
scrupule. II avait justifié l'absolutisme et la
erre, d'un ton véhément et dogmatique à la
s, « déclarant aux princes, dit M. Hauréau,
'il leur était ordonné par les saintes Écritures
combattre les hérétiques, d'anéantir les infi-
les, et qu'ils avaient même, suivant les lois di-
îes et humaines, le droit de tirer l'épée sim-
,«ment pour accroître leurs États ». Cette doc-
ne paradoxale , appuyée du reste par les con-
Ulers de la couronne , rencontra pour adver-
ses Melchior Cano, Antonio Ramirez, évêque
Ségovie, et Las Casas, qui ne cessait de plai-
I à la cour la cause des malheureux Indiens,
.traité que Sepulveda écrivit sous le titre de
tnocrates secundus , seu De juslis belli
usis (1), porta la querelle au plus haut degré
inimation : il y concluait à la justice et à la
jessité de la guerre des Indes, et sans pré-
dre justifier les actes de cruauté envers les
meus, il les déclarait justement punis par la
ifiscation de leurs biens et par l'esclavage.
pte l'Espagne se partagea sur ces brûlantes
stions. Le clergé tint plusieurs assemblées,
afen 1547 les académies d'Alcala et de Sala-
nque condamnèrent l'ouvrage. Une. réunion
docteurs, convoquée en 1550 par Charles V,
endit tour à tour Las Casas et Sepulveda, et
sa se prononcer entre les deux champions. Un
re exprès leur ferma la bouche, et la dispute
eiguit faute d'aliment. En 1557, Sepulveda
tta la cour pour aller vivre dans une maison
campagne qu'il avait à Mariano. Il y mourut,
ogénaire. Quoiqu'il fût engagé dans le sacer-
>e, il ne remplit jamais de fonctions ecclésias-
Ce traité, qui a fait tant de bruit, n'a jamais été
Mme; on en connaît plusieurs copies.
— SEUAO 774
tiques. C'est un érudit et un écrivain à la fois,
et qui par la belle ordonnance de son style, loué
d'ailleurs par Erasme, a mérité d'être appelé le
Tite IJve espagnol. On a de lui : Jierum ges-
tarum AZgidii Albornolii cardinalis lib. III ;
Rome, 1521, in-fol.; Bologne, 1522, 1628, in-fol.;
trad. en 1566 en espagnol et en 1590 en italien :
cette vie du cardinal Albornoz commença sa
réputation; il a mis à profit celle de Garzoni,
écrite sans ordre et d'un mauvais style; — De
fato et libero arbitrio lib. III ; Rome, 1526,
in-4°; Paris, 1541, in-8° •• réfutation des prin-
cipes de Luther; — Pro Alberto Pio antapo-
logia in Erasmum; Paris, 1531, in-4° ; Rome,
1532, in-4°; — De ritu nuptiarum et dispen-
salione; Rome, 1531, in-4°; — Démocrates
primus, seu De convenientia militaris dis-
ciplinas; Rome, 1535, in-S°; trad. en espagnol :
dialogue dédié au duc d'Albe, et dont le but est
de montrer que le métier des armes n'est point
contraire aux maximes du christianisme; —
Theophilus , seu De ratione dicendi testi-
monium in causis occultorum criminum,
dialogus ; Valladolid, 1 538, in-4° ; — De cor-
rectione anni mensiumque romanorurn;
Venise, 1546, in-8°; — Apologia pro libro De
justis belli causis; Rome, 1550, in-8° : il y ré-
pond à la fois à l'évêque Antonio Ramirez , à
l'université d'Alcala et à celle de Salamanque;
— Epistolarum libi VII; Salamanque, 1557,
in-8o; — De regno et officio régis; Lerida,
1571, in-8°. Ces différents écrits de Sepulveda ont
été réunis ensemble; Cologne, 1602, in-4°. L'édi-
tion publiée par l'Académie d'histoire (Madrid ,
1780, 4 vol. in-4°) est de beaucoup préférable,
puisqu'elle renferme en outre des ouvrages iné-
dits, tels que De rébus gestis Caroli V (t. I et
II), De rébus Hispanorum gestis ad novum
orbem Mexicumque (t. III), et De rébus gestis
Philippi II (ibid.). On n'y a pas compris toute-
fois les traductions du grec, et c'est peut-être
la meilleure part de ses travaux : Aristotelis
Meteori (Paris, 1532, in-fol., avec plusieurs
opuscules) et Politica (Paris, 1548, in-4°; Ma-
drid, 1775, in-fol.), et Alexandri Aphrodisxi
Commentaria (Rome, 1527, in-fol.). P.
André Schott, VUa Sepulvedse. à la tête du recueil de
1603. — De P'ita et scriptis Sepulvedse, à la tète del'édit.
de 1780. — N. Antonio, Bibl. hispana nova.^ — Niceron,
Mémoires, t. XXIII. — Hauréau, dans "le Dict. des
sciences philos.
serao (Francesco), médecin italien, né le
11 octobre 1702, à San-Cipriano, près d'Aversa,
mort le 5 août 1783, à Naples Envoyé à douze
ans dans cette dernière ville , il y fréquenta les
écoles des jésuites, et s'appliqua ensuite à l'é-
tude de la médecine, sous la direction de Cirillo,
qui pratiquait alors avec succès. Après avoir été
reçu docteur, il ouvrit, en 1725, des cours par-
ticuliers sur différentes branches de son art; la
clarté de ses leçons, son érudition précoce et la
nouveauté des théories qu'il exposait lui conci-
lièrent d'honorables suffrages. En 1732, il fut
25.
775 SERAO -
admis par voie de concours au nombre des pro-
fesseurs de l'université : il y enseigna d'abord
l'anatomie, puis la pathologie (1733) et la cli-
nique (1740), et fut des premiers à introduire les
doctrines de Boerhaave. En 1755, il y prit pos-
session de la première chaire de médecine. A la
suite d'un voyage qu'il avait fait dans la haute
Italie, il fut nommé premier médecin du royaume
et attaché au service du roi Ferdinand IV (1778).
Serao, attaqué d'une maladie chronique qui l'a-
vait rendu incapable de travailler, mourut plus
qu'octogénaire. On a de lui : Storia delV in-
cendiodel Vesuvionel 1737; Naples, 1738, in-8°
et in-4° : publié en 1737 en latin, ce traité fut
trad. en italien par l'auteur, et en français par
Duperron de Castera; Paris, 1741, in-12; —
Vita Nicolai Cirilli , à la tête des Consulti
medici de Cirillo; Naples, 1738; — Lezioni ac-
cademiche sulla tarantola;Md., 1742, in-4° :
les recherches curieuses de Serao offrent un
excellent antidote de tout ce que de grossiers
préjugés avaient fait débitenjusqu'alors sur les
dangereux effets de la morsure de cette espèce
d'araignée," appelée par les naturalistes phalan-
gium apulum et par le peuple tarentule; —
Osservazioni sopra le malattie delV armate;
Bassano, 1781, in-4°, trad. de l'anglais de Pringle;
— plusieurs dissertations de moindre importance.
Lupoli, Vita Serai, dans le t. XIV des Fitse Italorurn
de Fabroni. •- Fasano, De vita et scriptis Serai ; Naples,
1784, in-8°. — Vicq d'Azyr, Éloges. — Uomini illustri
del regno di Napoli, t. III.
serao. Voy. Serrao.
serapion (Saint), dit le Scolastique, mort
au quatrième siècle. Ami particulier de saint
Antoine, il devint le. supérieur de plusieurs mo-
nastères répandus dans les solitudes d'Arsinoé
(haute Egypte). Il avait sous sa conduite plus
de|dix mille solitaires, qui partageaient leur temps
entre les exercices de la prière et le travail des
mains. Vers 340, il fut ordonné par Athanase ,
évêqne de Thmuis, dans la basse Egypte. L'un
des défenseurs de la divinité de Jésus-Christ, il
assista au concile de Sardique (347), et ce fut à
sa prière que le patriarche d'Alexandrie composa
la plupart de ses écrits contre les ariens. Député
auprès de l'empereur; Constance, afin d'apaiser
son courroux contre Athanase, il n'obtint proba-
blement aucun bon résultat, puisque peu de
temps après il partagea l'exil de plusieurs évêques
égyptiens orthodoxes comme lui. Il avait com-
posé un traité Sur les titres des psaumes, di-
verses lettres et un traité Contre les mani-
chéens ; il ne reste de lui que ce dernier ouvrage,
inséré dans la Bibliothèque des Pères.
Saint JérOme, In Catal., cap. 99. — 'Saint Atlianase,
Ep. ad Dracon., p. 267. — Sozomène, Hist., lib. 4. —
Baillet, fies des Saints. — Ceillier, Hist. des aut. ceci.,
t. 6. — fies des SS. Pères d'Orient, t. I.
serâssi (Pier- Antonio), biographe italien,
né le 17 février 1721, à Bergame, mort le 19 fé-
vrier 1791, à Rome. Il alla terminer ses études à
Milan, sous la direction des jésuites, et embrassa
SERASSI
77
l'état ecclésiastique. Son goût pour l'étude, si
talents précoces, un esprit vif et agréable 1
firent ouvrir les portes de l'académie des Tra.
format^ où il reçut les encouragements de Pi
rini et de Passeroni. De retour dans sa patri
il y professa les belles-lettres. Au bout de que
ques années il quitta l'enseignement pour s'
donner tout entier aux travaux historiques q
ont honoré son nom ; il y apporta du soin et i
la méthode, et sut faire un emploi judicieux d
matériaux qu'il consulta. A une vaste éruditi
il joignait un style abondant et facile, et d'u
élégance toute classique; deux qualités qui
désignèrent au choix de la Crusca quand ce'
académie résolut de remanier son Dictionnaii
La Vie du Tasse passe à bon droit pour s
meilleur ouvrage, et ce qui le rend encore uti
c'est qu'il présente moins la vie du grand poi
qu'un tableau animé de l'histoire littéraire de s
temps. Appelé en 1754 à Rome par Furietti, s
compatriote, l'abbé Serassi administra d'abc
le collège Ceresoli ; puis il fut secrétaire de l
rietti, devenu cardinal (1759), place qu'il reni|
aussi auprès du cardinal Calini. Un autre meml
du sacré collège, Gius. Spinelli, le fit admettre
1760 dans les bureaux de la Propagande. (
différents emplois, peu fatigants du reste,
laissèrent le loisir de poursuivre ses recherch
il travaillait même à une Histoire littéraire
Bergame lorsque la mort termina, à l'âge
soixante-dix ans, sa laborieuse existence.
1790, sa patrie fit frapper en son honneur i
médaille avec cette légende : Propugnatori \
trise taudis. On a de lui : Parère intorno a
patria di Bern. Tasso e di Torquato ; I
game, 1742, in-8°; — Vita di P. Spino, d;
le recueil de Calogera, t. XXXI; — Diss. soj
Prudente qrammatico, même recueil, XL1,
Parme, 1787, in-12; — Vita del P. G.-P. M
fei, écrite en latin pour les Œuvres de ce jési
(1746), puis trad. en italien par l'auteur;
Vita di T. Tasso; Rome, 1785, in-4°; B
game, 1791, 2 vol. in-4°, avec addit.; — Vita
Jacopo Mazzoni; Rome, 1-790, in-4°; — l
qionamenlo sopra le controversie del Tas.
delP Arioslo; Parme, 1791, in-fol. — Ser;
a publié les éditions ou les recueils suivants,
sont estimés, et en les enrichissant de remarq
critiques et de notices détaillées sur chaque é
vain : Canzoniero di Petrarca; Bergame, 17
1752, in-12; — Basilii Zanchi Poemata ; ib
1747, in-8°; — Rime di il/oZsa; ibid., 1747^
in-8°; — Stanze di Poliziano; ibid., 13
jn-4°; — Rime di Bern. Tasso; ibid., 1-7
2 vol. in-12; — Rime di Dom. Veniero; ibi
1751, in-8°; — LaDivina Commediadi Dan
ibid., 1752, in-12; — Rimedi P. Bembo; ib.
1753, in-8o; — Rime di Bern. Cappello; ib
1753, 2 vol. in-8°; — Carmina quinque ill
trhim poetarum (Bembo, Navagero , Ca
glione, Casa et , Poliziano); ibid., 1753, in.
avec quelques autres pièces inédites; — Pot
N
77 SERASSI — SERGARDI
i Lorenzo de Medici; ibid., 1763, in-S°; —
\\.ettere di Ann. Caro; Padoue, 1760, 3 vol.
l)-8°; — Poésie volgari di B. Casliglione;
778
j;ome, 1760, in-12; il a aussi édité les Leltere
| Padoue, 1769-71, 2 vol. in-4°) et écrit la Vie de
|et auteur pour ses Œuvres; — L'Avarchide
'Alamanni; Bergame, 1761, 2 vol. in-12; —
'oesic d'alcuni antichi rimatori toscani;
oitie, 1774, in-4°; — La Gerusalemme libe-
lla; Parme, 1789, in-4°; — Lettere inédite
iT.Tasso;P\se, 1827, in-8°, ouvrage posthume,
erassi a laissé plusieurs écrits qui n'ont pas vu
i jour. P.
'Diiionario degliuomini illustri, èà.Bassano, t. XVIII.
Loinbardi, Continituzione al Tiraboacki, t. IV. —
Hpaldo, Diogr. degli llaliani illustri, t. X.
se rce y ( Pierre- César-Charles- Guillaume,
arquis de), marin français, né au château du
su, près d'Aulun, le 26 avril 1753, mort à Paris,
10 août 1836. D'une famille de la Bourgogne,
lentra dans la marine à treize ans, et prit part
des expéditions dans l'Inde ainsi qu'aux voyages
ki amenèrent, en 1772, la découverte des terres
strales. Nommé enseigne (mai 1779), il servit
us les ordres du comte de Guichen, et se dis-
igua dans le combat livré, le 17 avril 1780, au
;e-amiral anglais Hyde Parker, en vue de la
iminique. Les diverses missions périlleuses
'il remplit pendant le siège de Pensacola lui
Sritèrent, le 9 mai 1781, le grade de lieutenant
vaisseau, puis la croix de Saint-Louis. Après
•e demeuré en station aux îles du Vent, il rentra
Fiance, où la révolution venait d'éclater, et s'y
antra tout d'abord favorable. Commandant en
90 la frégate la Surveillante, il fit partie
: l'escadre destinée à réprimer l'insurrection
la Martinique , et nommé capitaine en 1792,
«e trouvait à Saint-Domingue lors des premiers
Dubles de cette colonie, dont il protégea et se-
lurut les habitants de tous ses moyens. Élevé
| grade de contre-amiral (1er janvier 1793), il
ul l'ordre de prendre le commandement de la
Msion en rade du Cap et d'escorter jusqu'en
ance tous les bâtiments de commerce qui se
•uvaient dans ces parages; il en avait réuni
is de cinquante richement chargés lorsque
lata la révolte des noirs. Forcé d'évacuer la
le, Sercey ne mit à la voile qu'après avoir reçu
r ses bâtiments six mille colons, qui, échappés
in flammes et au massacre, étaient venus im-
>rer sa générosité. L'état de ses approvision-
nent^, la guerre avec les Anglais, et la fai-
isse de sa division navale, ne lui permettant
I» de gagner les côtes de France, il dirigea son
fivoi sur la Nouvelle-Angleterre, où il arriva
i»s avoir perdu un seul bâtiment. De retour à
est (décembre 1793), il fut destitué, comme
ble, arrêté et conduit à Paris, où on l'incarcéra
(Luxembourg. Le 9 thermidor le rendit à la
srté.En décembre 1795, le Directoire lui confia
'commandement des forces navales destinées
cansporter aux îles de France et de la Réuniûn
deux commissaires civils, BacoetBurnel, chargés
d'y mettre à exécution le décret de la liberté des
noirs. Sercey, redoutant pour ces colonies le
bouleversement qui avait ruiné Saint-Domingue,
s'empressa de dénoncer aux colons les instruc-
tions des commissaires, qui ne purent mettre
pied à terre. Cette révolte contre le Directoire
n'eut aucune suite, malgré les réclamations éner-
giques des commissaires. Boissy d'Anglas et
Siméon approuvèrent au conseil des Cinq cents la
conduite de Sercey, et firent décréter qu'il avait
bien mérité de la patrie. Pendant ce temps, en
effet, il soutenait dans l'Inde la gloire du pavillon
français : il battit près de Sumatra le Victo-
rieux et V Arrogant (8 sept 1796), et dis-
persa en 1799 la croisière qui bloquait l'Ile
de France. Après la paix d'Amiens, il demanda
sa retraite, qu'il n'obtint qu'en septembre 1804,
et se retira à l'Ile de France, dont il défen-
dit vigoureusement contre les Anglais, en 1810,
la partie méridionale. A la paix de 1814, le
gouvernement des Bourbons le nomma prési-
dent de la commission chargée de traiter en An-
gleterre de l'échange des prisonniers français sur
les pontons; à son retour, il fut nommé vice-
amiral (28 mai 1814). Admis à la retraite en
avril 1832, il fut appelé, le 7 novembre suivant,
dans la chambre des pairs.
Fastes de la Légion d'honneur, t. III. - Biogr. miiv.
et port, des contemp. — Moniteur universel.
seRext. Voy. Mathias de Saint-Bernard.
SERENUS (Aldus Septimius), poète lyrique
latin, vivait vers la fin du premier siècle après
J.-C. Une nous est connu que par les citations de
quelques grammairiens. Son principal ouvrage,
intitulé Opuscula ruralia, était, comme le titre
l'indique , consacré à la vie rurale. Il est impos-
sible de juger par le petit nombre de vers qui
nous restent de lui, s'il avait mis dans ses tableaux
rustiques de la vérité et du sentiment; mais il
avait apporté dans ses mètres assez de variété
et de soin pour être souvent cité par les scho-
liastes. Il inventa un mètre que l'on appela fa-
lisque, du nom de sa principale pièce de vers,
laquelle était une description de sa ferme dans
le pays des Falisques. Les fragments de' Serenus
ont été recueillis par Wernsdorf (Poetœ lati-
ni minores, t. II, p. 279), qui, sans aucun motif
plausible, lui attribue le Moretum, inséré parmi
les œuvres de Virgile. L. J.
Terentianus Maurus,p. 2421-27, édit. de Putsch. — Bur
mann, Anthol. lat., 1, 27; III, 67.
serenus. Voy. Sammomicus.
sergardi (Lodovico), poète italien, né le
27 mars 1660, à Sienne, mort le 7 novembre 1726,
à Spoleto. Ses parents étaient de noblesse an-
cienne ; il fut élevé sous leurs yeux, et rien ne
fut négligé pour développer ses heureuses dis-
positions. Outre les lettres, il cultiva même la
peinture, non sans quelque succès. La poésie,
pour laquelle il avait un goût marqué , fit son
occupation favorite et sa célébrité; envoyé à
779
SERGARDI — SERGE
78
Rome , il délaissa la jurisprudence, qu'il devait
étudier, pour la lecture des poètes latins, l'entre-
tien des beaux-esprits et l'applaudissement des
gens du monde. Le prince Chigi avait été son
premier Mécène ; il s'attacha ensuite au cardinal
Ottoboni, qui durant son court pontificat, sous
le nom d'Alexandre VIII (1689-91), lui confia
une parlie de la correspondance latine avec
l'Église de France. Vers la fin de sa vie il reçut,
avec le titre de monseigneur, la charge élective
de préfet de la basilique vaticane (curatore
délia fabbrica di S. Pietro); mais s'étant per-
mis d'apporter à la décoration extérieure quel-
ques changements d'un goût douteux, il s'attira
un grand nombre de plaisanteries; dégoûté du
séjour de Rome, il résigna ses fonctions, et se
retira à Spoleto ; on prétend qu'il y_.mourut, de
chagrin. Cette fin a tout lieu de surprendre chez
un homme qui avait poussé jusqu'à la licence le
droit de médire des autres. Nul n'avait manié
avec autant de force l'arme du ridicule. Son
principal titre à la renommée littéraire, il le doit
au recueil de satires sous lequel il écrasa le sa-
vant Gravina, qui avait critiqué ses vers. Cette
querelle s'envenima au point que les deux poètes
en vinrent un jour aux mains en sortant de
table; ils remplirent Rome de leurs récrimina-
tions , et obligèrent l'Académie des Arcades à se
partager en deux camps. Au reste Sergardi , ins-
piré par l'orgueil blessé , a écrit presque un
chef-d'œuvre], tant pour l'élégance du style que
pour la finesse des traits et la richesse des ima-
ges. On a de lui : Oraiio pro eligendo summo
pontifice post obitmn Innocenta XI; Rome,
1689, in-4°; — Quinti Sectani Satijrœ (XIV)
in Philodemum ;Naples (Rome), 1694, in-8° : le
nom de Sectanus cache l'auteur, celui de Phi-
lodème Gravina; réimpr. à Cologne (Rome),
1698, in-S°, avec quatre satires de plus, et trad.
en tercets par Settimio ( Palerme, 1707, in-8o),
par l'auteur lui-même (Zurich [Florence], 1760,
in-S°),et,par Missirini (Pise, 1820, 2 voh in-8°);
on a une bonne édition de ces satires, ainsi que
des différents écrits en prose de Sergardi, la-
quelle est due aux soins du P. Giannelli-, Luc-
ques, 1783, 4 vol. in-8°.
Notice à la tête des Satyrx, éd. de Lucques. — Fa-
broni, Vitx Italorum, t. X. — Tipaldo, Biogr. deyli Ita-
liani illustri, t. X.
serge ou sergius 1er ( Saint), pape, né
à Palerme, vers 635, mort à Rome, le 8 sep-
tembre,.701. Tibère, son père, originaire de
Syrie, leifit élever à Rome, où le pape Adéodat
l'admit, vers 672, dans le clergé. Léon II le fit
prêtre en 683. Élevé sur le siège pontifical, le
15 décembre 687, après la mort de Conon, il
eut pour compétiteur l'archidiacre Pascal; ce
dernier lui fit souffrir une longue persécution,
par le moyen de Jean Platys , exarque de Ra-
venne, qui l'obligea de demeurer pendant près
de sept ans absent de son église. Serge refusa
d'approuver les canons du concile tenu en 692 à
Constantinople, et où les prélats grecs avaiei
décidé qu'il serait permis aux prêtres mari* 9
avant l'ordination de garder leurs femmes. Irri jî
du refus du pape, Justinien II envoya Zacharii
son protospataire, avec son ordre de le cor il
daire à Constantinople. Le peuple romain .'9
souleva pour défendre son pasteur, et chas;9
Zacharie delà ville. Serge institua quelques pr< 9
cessionset admit au baptême un roi du Westse:9
Son culte est lixé dans le martyrologe romain é 9
9 septembre. On a de lui une Lettre à GéçM
fride, abbé en Angleterre , et quelques . décret 9
Jean VI lui succéda.
Serge II, pape, né à Rome, où il est mort, J
27 janvier 847. Orphelin à douze ans, il f
élevé par les soins du pape Léon III, et ordon
prêtre par Pascal Ier. A la mort de Grégoire I
il fut appelé à lui succéder (10 février 844
malgré un diacre appelé Jean, qui, à la tête
quelques mutins , s'était emparé de vive force
palais de Latran. L'empereur Lothaire ordon
à son fils Louis II, roi d'Italie, d'examiner 1'
lection de Serge ; après en avoir reconnu la r
gularité , Louis régla avec le clergé et le peur
que les papes ne pourraient à l'avenir et
couronnés sans le consentement de l'empereu
Serge donna à l'évèque Drogon , fils de Charl
magne, des lettres de vicaire apostolique da
toutes les provinces au delà des Alpes. Léon 1
fut son successeur.
Serge III, pape, né à Rome, où il est mort,
août 911. 11 appartenait, dit-on, à la maison
Conti. Ayant aspiré en 898 au pontificat, il écho
et fut chassé de Rome. L'influence d'Adalbei
marquis de Toscane, le fit élire, le 9 juin 904,
la place de Christophe, qu'il fit emprisonn
dans un monastère, où il mourut misérablemei
C'était, dit Baronius, « le plus méchant de to
les hommes et livré à toutes sortes de vices
Ennemi déclaré de Formose, il approuva !a pi
cédnre d'Etienne VI contre ce pape, et annulai
actes de Théodoric II et de Jean IX qui avaie
réhabilité sa mémoire. S'il faut en croire Lu
prand, il ne tint cette conduite qaepar les oo
seils de l'intrigante Marosia, avec laquelle il e
tretenait un commerce criminel et dont il e
même un fils, qui ceignit la tiare sous le no
de Jean XI, en 931. Toutefois, il redoubla de zi
pour détruire les doctrines de Photius, quicoru
taient en Orient un grand nombre de partisan
Il eut dans son pontificat, ajoute Baronius, i
cattivo ingresso, un peggiore progresso, <
un pessimo egresso. Anastase III lui succéd
Serge IV, pape, né à Rome, où il est moi
le 13 juillet 1012. Il portait le nom à&Pier,
Bocca di Porco (groin de porc). Évêque d'A
bano depuis cinq ans, il fut élu, le 11 octob
1009, pour remplacer Jean XVII ou XVIII, q
avait abdiqué le pontificat. Platina fait l'éloge i
ses vertus. Son règne ne fut signalé par auci
événement important. Il eut Benoît VIII po>
successeur. H. F.
s
1
781 SERGE -
Anastase, Liber Pontiflcalis. — Baronius, annales. —
k[ Sigebert de Gemblours, Clironicon. — Platina, Vitx l'a-
j j parum. — Fleury, Uist. ccclés. — Artaud de Montor,
| Hist. des souverains pontifes.
■ serge (Saint), un des patrons de la Russie,
i i. né à Rostof, en 1314, mort à Troitza, le 25 sep-
|[ tembre 1392, était fils d'un boyard. A vingt-deux
\\ ans, il résolut d'embrasser la vie cénobitique, et
!1 se construisit une cellule dans une épaisse forêt à
l soixante verstes de Moscou. D'abord, il n'y eut
I pour compagnon qu'un ours, avec lequel il parta-
geait ses repas ; mais bientôt quelques jeunes gens
vinrent imiter ses austérités , et la réputation
de ses vertus se répandit rapidement dans toute
la Russie. Le métropolitain de Moscou, Alexis,
*voulut en vain l'avoir pour successeur; le grand-
prince Dmitri Donskoi l'employa utilement à la
pacification de ses peuples, et lui attribua l'hon-
neur de la victoire qu'il avait remportée sur les
Mongols à Koulikovo. L'histoire du monastère
que Serge a fondé se confond avec celle de la
Russie, comme il en est le sanctuaire le plus vé-
néré et le plus fréquenté. Les Grecs unis et non
unis s'accordent à célébrer sa fêtele 25 septembre,
;e qui prouve qu'il ne prit point part aux dissen-
sions qui les divisent. A. G — n.
Histoire de Russie, par Karamzin et Solovief. — Hist.
ie la Hiérarchie russe. — Dict. biogr. de Bantich-Ka-
iienski. — Kulc/.ynski, Spécimen ecclesise Ruthenicce.
sergent (Antoine- François), convention-
nel, néle 9 septembre 1751, à Chartres, mort en
uillet 1847, à Nice. D'une famille obscure et
ipauvre, il reçut peu d'instruction, vint jeune à
Paris, et s'adonna à la gravure, où il eut pour
maître Augustin de Saint-Aubin. Malgré la mé-
ïiocrité de son talent, il parvint à suffire à ses
jaesoins en travaillant pour la librairie,; car on
'a accusé, sans preuve aucune, d'avoir rendu à la
jolice des services qu'elle paya grassement. Sorti
lu peuple, il vivait au milieu du peuple; il en
Irvait les façons un peu rudes, les mœurs simples,
jst aussi les préjugés comme les passions vio-
entes. La gravure en couleur était alors démode:
ly acquit quelque réputation et fournit plu-
ieurs planches de ce genre aux Portraits des
irands hommes ( Paris, 1787-89, 25 livr. in-fol.).
I avait gravé d'après ses dessins des scènes fa-
nilières, telles que V Enlèvement de mon oncle,
'l est trop tard et la Foire des barricades
ï Chartres, et les portraits à&Necker et du pa-
riote Van der Noot, remarquables par la res-
semblance; il fit aussi ceux de Haùy, d'après Fa-
■art, et de Monsieur, d'après Duplessis; et
B lus tard celui de Marceau. Dès que la révolution
data Sergent s'en montra lechaud partisan : il se
nêla aux mouvements populaires, présida en
790 le district de Saint- Jacques de l'Hôpital, et
ut élu secrétaire du club des Jacobins. Dans
'exercice de ces fonctions, il donna le premier
idée de comités de bienveillance, demanda la
hre publication des ouvrages d'art, et s'érigea
u protecteur des soixante sous-officiers et sol-
atsqui le 15 septembre 1791 avaient été ren-
SERGENT
782
voyés pour insubordination du régiment de
Royal-Champagne; il s'employa môme à les faire
rentrer dans l'armée, où sept d'entre eux de-
vinrent généraux et un, Davout, maréchal. Plus
tard il arracha à la mort un assez grand nombre
de victimes , parmi lesquelles on cite Gosscc,
Hubert Robert, l'abbé Barthélémy, Larive,
Barré, le marquis de Chàteaugiron, etc. Officier
municipal en 1792, il fut chargé de l'adminis-
tration de la police. On le vit figurer, mais à
l'arrière-plan, dans les journées du 20 juin et
du 10 août. Après la prise des Tuileries, il s'oe-
cupa, avec son collègue Panis et en présence
dejquelques agents, de dresser l'inventaire des
appartements, parce que ce devoir rentrait dans
ses attributions (1). Son rôle dans les journées
de septembre est odieux : ce fut lui , Panis et
deux autres membres que la Commune chargea
d'organiser les massacres des prisons. S'il ne
fut pas l'instigateur du meurtre, il le disciplina en
quelque sorte, il en tint l'épouvantable compta-
bilité. Enfin il signa avec Marat la circulaire où l'on
proposait aux départements l'exemple de Paris
afin de « purger la nation d'un million de traîtres » ;
mais cette circulaire est l'œuvre de Marat.
Dans la Convention nationale Sergent fit partie
de la députation parisienne. Il siégea à la mon-
tagne, et vota la mort de Louis XVI. 11 parut
peu à la tribune, et rendit d'utiles services, soit
comme inspecteur de la salle, soit comme
membre du comité des arts et de l'instruction
publique. En cette dernière qualité, il embellit
les Tuileries (2), fonda le Musée français (27 juil-
let 1793), et provoqua l'érection d'une statue à
J.-J. Rousseau; il se joignit à Chénier pour
créer l'Institut national de musique (le Conser-
vatoire), et pour faire assurer aux auteurs la
propriété de leurs œuvres. Après le 9 thermidor,
personne ne songea à l'inquiéter; il n'en fut pas
de même après le 1er prairial : accusé d'avoir
excité les sections à la révolte et décrété d'ar-
restation, il prit la fuite, et demeura en Suisse
jusqu'à l'amnistie du 4 brumaire (26 oct. 1795).
C'est vers ce temps qu'il épousa la sœur aînée de
(1) On lui imputa plus tard le vol d'un camée antique,
d'une agate tricolore valant, dit-on , plus de cent mille
livres. C'était une épave des Tuileries , suivant les uns,
ou l'une des sanglantes dépouilles arrachées aux vic-
times de septembre, suivant les autres. Voici comment,
cinquante ans plus tard. Sergent s'est justifié de cette-
accusation : « Lorsque les membres [du Comité de sur-
veillance ] décidèrent sans moi la vente des bijoux, j'a-
chetai une agate, assez mal montée en or... Les bijou-
tiers présents l'avalent estimée deux louis. Le conseil
général de la Commune ayant désapprouvé cette vente,
ainsi que toutes les autres, j'ai remis ma bague comme
tous les autres acheteurs. » Cette remise eut lieu à la
Convention, dans la séance du 22 brumaire an 11. Cepen-
dant, malgré des preuves répétées de désintéressement,
malgré l'honneur d'avoir été l'époux librement choisi par-
la sœur de Marceau, malgré un long exil, noblement
supporté, le surnom de Sergent Agate l'a suivi Jusqua
dans la tombe.
(2) Il y fit apporter les chevaux de Marly, les orangers-
et plusieurs statues de Versailles, remplaça par des fleurs
et des arbustes les plantes de pommes de terre, cl con-
fia la garde du jardin à une compagnie d'invalides.-
783 SERGENT
Marceau, et qu'il ajouta ce nom, déjà illustre, au
sien. Sous le ministère de Bernadotte, il fut
nommé inspecteur général des hôpitaux mili-
taires; quelques mois après, la révolution du
18 brumaire lui fit perdre cet emploi, et pour
échapper aux tracasseries de la police consu-
laire, il quitta la France. 11 vécut successive-
ment à Turin, à Brescia, à Milan, à Venise, et
à Nice, dans une honorable pauvreté , occupé de
travaux d'art et dévoué jusqu'à la dernière
heure au souvenir d'une révolution à laquelle il
avait tout sacrifié. Depuis 1830 il recevait du
roi Louis-Philippe, jadis son collègue au club
des Jacobins, une pension de 1,800 fr. Sergent
mourut presque centenaire. Il a publié quelques
ouvrages, tels que : Costumi dei popoli antichi
e moderni; Brescia et Milan, 18.., in-4° pi.; —
Notice historique sur Marceau; Milan, 1820,
in-8° et in-12, fig.; — Fragments de mon
album et nigruni; Brignolles, 1837, in-8° : ils
contiennent des détails minutieux sur sa femme;
— Lettre à M. Didron, secrétaire du comité
des arts; Chartres, 1839, in-8°. Il a en outre
fourni cinq notices à la Revue rétrospective de
1830, et il a trad. ïlconologie dePistrucci (1821)
et le Musée Chiaramonti de Visconti (1822).
Sa femme, Marie Desgraviers-Marceau, née
en 1754, à Chartres, morte le 6 mai 1834, à Nice,
n'était dépourvue ni d'instruction ni de talents;
elle gravait et dessinait avec goût. Ce fut elle
qui veilla sur la première éducation de son jeune
frère, qui devait illustrer le nom de Marceau. La
conformité des goûts , le même zèle patriotique
la rapprochèrent de bonne heure de Sergent, et
après la mort de son premier mari, Champion
de Cernel , procureur à Chartres , elle n'hésita
point à lui donner sa main. D'un caractère éner-
gique et tendre à la fois, elle partagea son exil et
l'aida dans ses travaux. Outre un grand nombre
de planches gravées, elle a laissé en manuscrit,
sous le titre de Glanures dans le champ de la
vérité (6 vol. in-4°), des extraits commentés de
ses lectures. Sergent la nommait Emira, ana-
gramme de Marie. P. L — y.
Noël Parfait, Notice bioa*. sur A. -F. Sergent ; Chartres,
184S, in-8e — L. Blanc, Hist. de la révolut fr. — Vil-
liaumé, Idem. —M. Ternaux, Hist. de la terreur, t. III.
serieys (Antoine), littérateur français, né
en 1755, à Pont de Cyran (Rouergue), mort le
7 août 1829, à Paris. Destiné au barreau , il vint,
en 1779, à Paris et fut placé par Marmontel, à
qui ii était recommandé , chez un procureur. En
1780 il obtint, par l'intermédiaire de D'Alembert,
un emploi de répétiteur de mathématiques à
Passy. Cet état lui déplut bientôt, et il alla faire
un voyage en Italie. A son retour il fonda à
Paris une maison d'éducation, qui ne prospéra
pas. Bailly, qui le connaissait, le fit admettre en
1791 dans les bureaux du comité chargé de re-
cueillir les livres et manuscrits qui provenaient
des établissements religieux. Malgré son incon-
duite et l'inconsistance de son caractère , il rentra
- SERIEYS 784
dans l'instruction publique , et devint successi-
vement professeur d'histoire à l'institut des
Boursiers (depuis le Prytanée), puis au collég<
de Douai (1804). Envoyé en 1805 à Canon
comme censeur des études, il ne tarda pas à êtr<
destitué, et revint à Paris, où il demanda à s;
plume des moyens d'existence. 11 avait de l'es-
prit et des connaissances ; mais les production.'
multipliées de sa plume lui ôtèrent tout crédi
auprès du public. Il eut alors recours, pour s<
procurer des ressources, à des supercheries qu
ne lui réussirent guère, comme de publier sou:
son nom des manuscrits d'auteurs connus oi
de mettre ses propres écrits sousle patronage d<
noms célèbres; l'abbé Sicard, à qui il avait rendi
des services dans la révolution, eut la faibless>
de se prêter à ce dernier trafic. Serieys habitai
sous l'empire à Montsouris , hameau voisin d
Paris ; il mourut la plume à la main, comme i
avait vécu. Nous citerons de lui : L 'Amour e
Psyché, poëme en VI chants; Paris, 1789
1804, in-12; — Lettres originales de Patkul
général de Pierre le Grand; Paris, 1790
2 vol. in-12; — Les Révolutions de France, oi
la liberté, poëme en X chants; Paris, 1790
in-8°; — Les Décades républicaines; Paris
1795, 7 vol. in-18 : histoire abrégée de la repu
blique française; — Mémoires pour servir c
l'histoire secrète de la révolution; Paris
1798, 2 vol. in-S°; — ( avec J.-F. André) Zi
comte d'A**" (d'Artois), ou les Aventures d'ut
jeunevoyageur sorti de France en 1789; Paris
1800, 2 vol. in-12; —(avec le même) Anec
dotes inédites de la fin du dix-huitième siè
cle; Paris, 1801, 1805, 1807, in-8° :ony trouvi
quelques particularités intéressantes ; — LaMor,
de Robespierre, trag. en trois actes et en vers
Paris, 1801, l802,in-8°, accompaguéede 14 Dia
logues sur les personnages marquants de cetti
époque ; — Histoire de l'État de Liège, par h
comte de B.; Paris, 1802, in-8°; -- Tablette,
chronologiques de l'histoire ancienne, et mo-
derne; Paris, 1803, in-12: chacune des cinq édit
de ce livre (la 5e est de 1817 ) a été continuel
jusqu'à l'année de sa publication; — Éléments
de l'histoire des Gaules; Paris, 1804, in-12
— Dictionnaire généalogique et critique dt
l'Écriture sainte, par l'abbé ***, revu et cor-
rigé par l'abbé Sicard; Paris, 1804, in-8°;
dans la dédicace à Portalis, Sicard a poussé lé
complaisance envers Seiieys jusquà prétende
que l'auteur de cet ouvrage avait été massacré
en septembre 1792; — Souvenirs du comte dt
Caylus, sur ses originaux inédits; Paris
1805, in-8° ou 2 vol. in-12 : c'est un ramassis
d'histoires apocryphes; — Napoléon au Salon
poëme en IX chants; Paris, 1811, in-18, (ig.; —
Romulus second, en vers latins et français:
Paris, 1811, in-4° : on trouve dans les Hom-
mages poétiques trois autres pièces de lui éga
lement relatives à la naissance du roi de Rome;
— Epitome de l'histoire ancienne; Paris.
I
Jay, Jouy, etc., Biogr. noiw. des contemp. — Journal
\ela librairie, 1825. — Barbier, Dict. des anonymes
- Quiirard, France litiér.
serionne {Joseph Accarias de), littéra-
eur fiançais, né en 1709, à Châtillon-Saint-
fean, près Romans, mort en 1792, à Vienne, en
Autriche. Il fit ses études au collège de Die,
embrassa la carrière du barreau, devint avocat
ni grand conseil, et acheta une charge de secré-
taire du roi. Il avait, dit-on, ce dernier titre
wrsqu'il mourut, à Vienne, où il s'était établi on
|ae sait pour quel motif ni à quelle époque. C'é-
tait un érudit et un publiciste à la fois, qui a
(laissé, sous le voile de l'anonyme, des écrits es-
timés et d'une lecture agréable ; il n'était point
favorable aux idées nouvelles, et prétendit que
(& liberté de penser ou d'écrire ne pouvait con-
duire qu'aux plus fâcheuses conséquences. On
la de lui : L'Etna de P. Corn. Severus, et les
Sentences de P. Syrus, avec des remarques;
Paris, 1736, in-12, avec un plan et une carte;
Mémoire concernant l'exécution du Con-
cordat germanique; 1747, in-12; — Le Com-
merce de la Hollande; Amst., 1765, 3 vol.
in-12; — Les Intérêts des nations de l'Eu*
tope développés relativement au commerce;
Leyde, 1766, 2 vol. in-4°; Amst, 1767,4 vol.
in-12 : il présente cet ouvrage comme le fruit de
(plusieurs années de pratique, de voyages et d'ob-
servations'; — • La Richesse de la Hollande;
1768, 3 vol. in-12; Leyde, 1778, 2 vol. in-4° ou
5 vol. in-12 : ouvrage qu'il a, dit-on, écrit en
société avec Luzac; — La Richesse de l'Angle-
terre; Vienne, 1771, in-4°; — La Liberté de
penser et d'écrire; Vienne, 1775, 2 vol. in-8°,
[avec dédicace à l'impératrice Marie-Thérèse ; —
IX'Ordrc moral, ou le Développement des
\iprincipales lois de la nature, etc.; Augs-
i [bourg, 1780, in-8°; — Situation, politique ac-
htuelle de l'Europe, considérée relativement
là l'ordre moral; Augsbourg, 1781, in-8°. Cet
SERIPANDI 786
auteur a encore trad. la Vie de Laurent le
Magnifique de Fabroni (Berlin, 1791, in-8"1),
et Du Commerce des peuples neutres en temps
de guerre de Lampredi (La Haye, 1793, in-80;.
Ersch , France littér. — Descssarts , Siècles littèr.
seripandi (Girolamo), théologien italien,
né le 6 mai 1493, à Naples (1), mort le 17 mars
1563, à Trente. Il était destiné au barreau; la
mort de ses parents le laissa libre de renoncer
à une carrière qu'il n'aimait pas, et à quatorze
ans, cédant à sa vocation pour la vie monas-
tique, il entra dans l'ordre des Augustins (1507).
Ses progrès dans l'étude furent rapides , et en
peu de temps il fut en état de servir d'instituteur
à ses condisciples. Lecteur à Sienne en 1515,
professeur de théologie à Bologne en 1517, vi-
caire général en 1523, il s'adonna en même temps
à l'éloquence de la chaire, et prêcha avec succès
à Cesena, à Ravenne, à Venise, à Naples, à Vé-
rone. Au retour d'une ambassade dont ses com-
patriotes l'avaient chargé auprès de Charles V,
il fut élu général de son ordre (1539), distinction
qu'on lui décerna en 1547 pour la seconde fois.
Désigné pour occuper l'évêché d'Aquila (1551),
il déclina cet honneur pour se retirer dans un
humble couvent du mont Pausilippe , où il se
livra avec la rigueur d'un ascète à la vie contem-
plative. La ville de Naples lui ayant confié une
seconde mission pour l'empereur (1554), il alla
le rejoindre à Belgrade, et reçut de lui sa nomi-
nation à l'archevêché de Salerne. H gouverna
ce diocèse avec une douceur exemplaire. Pie IV
le décora en 1561 de la pourpre romaine, et le
choisit pour un de ses légats au concile de
Trente. Seripandi se distingua dans cette assem-
blée par ses connaissances non moins que par
son esprit de modération. L'excès du travail,
les fatigues et les privations qu'il s'imposait
abrégèrent sa vie : il mourut à Trente, où l'on
célébra ses funérailles avec une pompe extraor-
dinaire. Les contemporains de ce prélat en ont
parlé avec de grands éloges; mais s'il mérita
sa réputation sous le rapport du savoir et de la
piété, on ne peut lui accorder le talent oratoire.
Ami des lettres, il favorisa de tout son crédit
l'établissement de l'imprimerie à Rome, et il mit
fin aux longues disputes de Sigonio et de Rober-
tello en réconciliant les deux adversaires. On
a de lui : Novae constitutiones ordinis S. Au-
gustini; Venise, 1549, in-fol.; — Oratio in
funere Caroli V imp.; Naples, 1559, in-4°;
— Prediche sopra il simbolo degli Apostoli;
Venise, 1567, in-4°; Rome, 1586, in-8°; le traité
De arte orandi (Louvain, 1681, in-12) n'est
peut être qu'une version latine de ces sermons ;
— Commenlaria in epist. Pauli ad Eomanos
et Galatas; Naples, 1601, in-4°, avec une vie
de l'auteur; — plusieurs lettres, insérées dans
Poggiani Epist. et orationes, recueil publié
par Lagomarsini. P.
(1) Quelques-uns le font naître à Troja, dans la Capita-
nate ; nous avons suivi les auteurs napolitains.
787
SERIPANDÏ — SEÏUIAO
Tafuri, Scrittorl Napolitani, t. III. — Ossinger, Pibl.
jtugustiniana. — Ughelli, Ilalia sacra.
serizay (Jacques de), poète français, Dé
vers 1590, à Paris, mort en novembre 1653, à
La Rochefoucauld (Charente). Bien qu'il ait
vécu à la cour, qu'il ait fréquenté les gens du
monde et les poètes, et qu'il ait joué un certain
rôle dans la fondation de l'Académie française,
il est presque inconnu, et son nom est absent de
la plupart des recueils historiques. On connaît
mal sa vie, qui paraît s'être écoulée sans tri-
hulation ni secousse. 11 était d'une famille aisée
et de petite noblesse. On ne sait comment il en-
tra dans la maison de La Rochefoucauld ; mais
il y remplit jusqu'à sa mort la charge d'inten-
dant, et il lui était fort attaché. Comme plusieurs
gentilshommes de son temps, il aimait les let-
tres, recherchait ceux qui les cultivent, et rimait
à l'occasion pour son plaisir. Son nom figure
pour la première fois, croyons-nous, dans le
Tombeau d'honneur du baron d'Ardres (Pa-
ris, 1623), en compagnie des noms de Chape-
lain, Garnier, Colletet et Boisrobert. Il faisait
partie dès 1630 de l'assemblée des beaux-esprits
qui se réunissait chaque semaine chez Conrart.
Lorsque Richelieu voulut la constituer en corps
littéraire, la plupart des habitués en témoignèrent
du déplaisir, et Serizay ne fut pas des derniers,
au dire de Pellisson, à regretter qu'un tel excès
d'honneur ne troublât la douceur et la familiarité
de leurs conférences. La volonté du cardinal
l'emporta; l'Académie française fut fondée, et
le choix des nouveaux élus désigna, conformé-
ment aux statuts, l'adversaire le plus constant
de cette fondation, Serizay, pour remplir les
fonctions délicates de directeur (janvier 1635);
il y fut continué pendant quatre années de suite.
Le principal motif de cette faveur fut le talent
qu'il avait à un rare degré de parler aux grands
et de tourner une harangue publique avec con-
venance. Souvent il porta la parole, et il s'en
acquittait merveilleusement bien, dit Pellisson.
Comme il parlait d'abondance, ses discours,
« qui satisfaisaient tout le monde au dernier
point », ne se retrouvent plus. Il fut adjoint à
quatre de ses confrères pour revoir définitive-
ment l'examen critique de l'Académie sur la tra-
gédie du Ciel, et l'on prétend que, dans un es-
prit de modération, il en enleva ce qui pouvait
offenser Corneille. La part qu'il prit au Dic-
tionnaire est beaucoup plus certaine. Serizay
était, à ce qu'il paraît, un raffiné de langage; il
poussait la délicatesse à l'extrême, et s'efforçait
de proscrire les locutions vieillies ou certains
mots, comme d'autant, cependant, toutefois,
or, encore, néanmoins, etc. C'est ce qui (it dire
à Ménage dans sa Requête des Dictionnaires :
Bref ce délicat Serizay
Eust chaque mot féminisé,
Sans respect ny d'analogie,
Ny d'aulcune élymologle.
On trouve quelques pièces de vers de Serizay
dans les recueils poétiques publiés par Sercy et
Crarnoisy, mais saus nom d'auteur. C'est lui qu
l'Académie chargea de composer l'épitaphe e
l'honneur de Richelieu. 11 eut pour successeu
Pellisson. p. l.
Pellisson, Hist. de l'académie française, t. !«■-.
serlio (Sebastiano ), dit Basliano da Bt
logna ou Sebastiano Bolognese, peintre, ar
chitecteet graveur, né à Bologne, en 1475, moi
à Fontainebleau, en 1552. Élève de son père, ;
fut d'abord comme lui peintre de perspective
On sait que de 1511 à 1514 il habitait Pesarc
Le genre de peinture qu'il pratiquait le condui
sit naturellement à l'étude de l'architecture. ]
se rendit à Rome, et choisit Peruzzi pour maître
il se perfectionna surtout par l'étude particu
lière qu'il fit des monuments antiques. Toutefoi
il a mieux mérité de l'art par les règles qu'i
posées que par les exemples qu'il a laissés. Ser
lio fut employé à Bologne, ainsi qu'à Venise, o
il bâtit l'église Saint-Sébastien.
En 1541, il fut appelé en France par Fran
çois Ier, qui lui demanda des dessins pour
Louvre; il fut, dit-on, le premier à préférer
son propre projet celui de Pierre Lescot. Nommi
surintendant des bâtiments du roi et architect
de Fontainebleau, il éleva dans ce château 1;
façade orientale de la cour, de la fontaine et 1;
grotte du jardin, soutenue par quatre cariatide.1
colossales. Serlio fut aussi graveur, et il exéeut;
lui-même, tant sur cuivre que sur bois, une suitt
de cinquante portes qui trouva place dans ce
ouvrage, son plus beau titre de gloire, intitulé
Architetlura (Venise, 1584, gr. in-4°, et 1619,
1663, in-fol., avec une trad. latine). Les si>
premiers livres furent publiés par lui de 1537 à
1551, in-fol.; le septième et dernier ne parut
qu'en 1575, à Francfort. La version française
de J. Martin (Paris, 1545-50, in-fo!.) n'est pas
complète. Il a su réunir dans cette œuvre, de-
venue classique, tous les préceptes donnés par
Vitruve, en joignant à l'appui des exemples ju-
dicieusement choisis parmi les monuments an-
tiques. E. B— n.
Vasarl, Vite. — Milizia, Memorie deyli arclUleiti. —
Lanzi: Storia. — Ticozzi, Dizionario. — Gualandi , Me-
morie originali di belle urti. — Quatremére de Qnincy,
Fies des architectes. — Atuorini, Elogio di S. Serlio;
Bologne, 1823, in-fol.
serna ( La). Voy. La Seknà.
SEROUX. VOIJ. ACINCOURT.
SERRANUS. VOîj. LAMBERT et SERRES.
serrao ( Giovan-Andrea ), prélat italien,
né le 4 février 1731, à Castel Monardo (au-
jourd'hui Filadelfia), dans la Calabre ultérieure,
massacré, le 24 février 1799, à Polenza. Destiné
au sacerdoce, il termina ses études à Rome, y
consacra douze années, et eut pour maîtres Bot-
tari, Foggini, Catalano, Jacquier et Vez-zosi.
Après avoir réorganisé en 1759 le séminaire de
Tropea, il vint s'établir à Naples, et se lia d'a-
mitié avec le marquis Fraggianni, dont il écrivit
la vie, et avec l'abbé Genovesi, qui lui prêta à
différentes fois le secours de ses lumières. Ce
:
78'J
SERRAO — SERRE
790
fut à ce dernier qu'il dut, après l'expulsion des
Jésuites, son admission dans l'université royale
comme professeur d'histoire sacrée et profane,
puis la chaire de théologie morale au collège du
Sauveur (1768). Nommé, le 5 juin 1782, évêque
de Potenza, il ne fut sacré que plus d'un an
après, délai dont il faut attribuer le motif réel à
la chaleur qu'il avait apportée à défendre la cour
de Naples dans ses récents démêlés avec le
saint-siége. On incrimina ses écrits ; mis en de-
meure de se justifier par devant un auditeur dé-
signé, il refusa de le faire; le roi l'approuva, et
Ja commission nommée pour examiner l'affaire
déclara l'interrogatoire inadmissible. A la suite
id'une longue négociation, la cour romaine se
contenta d'une lettre de Serrao, protestant de sa
soumission pleine et entière. Il reçut la consé-
cration à Rome, et quand on réclama de lui le
serment d'obéissance absolue, il répondit :
« Oui, sauf celle que je dois à mon souverain. »
A son retour on l'accueillit avec les témoignages
de la plus haute estime. A une piété active et
éclairée il joignait une vaste érudition, et culti-
vait avec un égal succès plusieurs branches de
Ja littérature ; aussi l'Académie royale de Naples
l'avait-elle, lors de sa réorganisation (1778),
choisi pour l'un de ses secrétaires perpétuels.
Lorsque la révolution envahit l'Italie à la suite
des armées françaises, Serrao, qui depuis long-
temps favorisait le progrès des idées de liberté
<et d'égalité, devint suspect, et il paya de sa vie
le triste privilège d'avoir devancé la civilisation
de son pays. L'invasion du cardinal Ruffo et de
ises bandes avait mis les Calabres en feu : une
jtroupe de scélérats pénétra un matin dans le
palais du prélat, l'égorgea dans son lit, et lui
coupa la tête, qui fut portée dans les rues au
Ibout d'une pique. On a de Serrao : De vita et
scriptis J.-V. Gravinse; Rome, 1758, in-4°;
— De Sacris Scripluris liber, qui est loco-
rum moralium primais ; Naples, 1763, in-4°;
— De Claris çatechislis ; Naples, 1769, in-8° :
ouvrage attaqué par Mamachio et défendu par
l'auteur dans son Apolog e tiens ; ibid., 1771,
in-8° ; — De rébus gest'ts Marise-Theresix
Aiistriacx; Naples, 1781, in-8°; — La Pram-
matica sanzione di S. Luigi, re di Francia,
proposta ai re/ormatori delU ecclesiastica
disciplina; Naples, 1788, in-12. Il a publié
deux traités de Patrizio , et a traduit en ita-
lien l'Economia de Xénophon (Naples, 1774,
m-8°).
Davanzati, Fie d'André Serrao; Paris, 1806, in-8°. —
Nouvelles ecclésiast., 1782 et 1783. — Biogr. degli uo-
mini illustri del regno di Napoli, t. XIII. — J. Lamou-
reux , Notice sur A. Serrao; Paris, 1806, in-8°.
serrao. Voy. Seiuo.
serre (Pierre-François-Hercule, comte
de ), homme d'État et orateur français, né le
12 mars 1776, à Pagny -sur -Moselle, près de
Pont-à-Mousson, mort le 21 juillet 1824, à Cas-
tellamare. Sa famille, originaire du comtat Ve-
naissin, était depuis longtemps établie en Lor-
raine (1). Fils d'un oflicierde cavalerie, il se des-
tinait à la carrière des armes ; la révolution le
trouva à l'école d'artillerie de Cliâlons-sur-Marne.
A quinze ans il émigra, et servit dans l'armée de
Condé. Rentré en France après l'amnistie de 1802,
il recommença son éducation, étudia le droit et
fut admis au barreau de Metz. Déjà il y avait
acquis une réputation méritée d'éloquence lors-
que, en 1811, lors de la réorganisation des tri-
bunaux, Napoléon le nomma d'abord avocatgéné-
ral à Metz (23 février), puis premier président de
la cour impériale de Hambourg ( 14 juillet). Ses
sympathies bien connues pour le gouvernement
des Bourbons le firent nommer premier prési-
dent de la cour de Colmar (janvier i815 ). En
apprenant le retour de l'empereur, il harangua
sa cour, lui fit renouveler le serment de fidélité
au roi au moment même où sa ville arborait le
drapeau tricolore, et alla rejoindre Louis XVIII
à Gand. La seconde restauration le réintégra
dans ses fonctions. Élu député du Haut-Rhin ,
il prit place parmi cette minorité qui servit
de point d'appui à la royauté pour résister aux
emportements réactionnaires de la chambre
introuvable. Durant la session de 1815-1816,
il proposa, sans succès, un amendement au
projet de loi suspensif de la liberté individuelle,
et se prononça, à l'égard des cours prévôtales,
pour la restriction la plus étroite de celte juri-'
diction exceptionnelle. Défenseur de Massena,
contre lequel une pétition demandait que des
poursuites fussent commencées, il se prononça
encore fortement contre le l'apport de M. de
Kergorlay sur la restitution des biens non vendus
au clergé. C'est dans cette dernière discussion
qu'il fut rappelé à l'ordre pour s'être écrié, étant
violemment interrompu : « Messieurs , je suis
dans la question, veuillez m'écouter; je réclame
la liberté de la discussion, cette liberté qui a sou-
vent été violée et détruite dans celte enceinte. » De
cetempsdatela liaison étroite deM. de Serre avec
Royer-Collard,qui, formée d'abord par la politique,
devint bientôt un besoin de l'esprit et du cœur,
et qui ne se rompit, non sans de grands déchire-
ments de l'âme, qu'en 1820. Réélu en 1816, M. de
Serre siégea dans la nouvelle chambre avec la
majorité ministérielle. Désigné comme président
par 112 suffrages, il succéda, en janvier 1817, à
M. Pasquier, et resta dans ce poste jusqu'à la fin
de 1818, où il fut remplacé par M. Ravez. Dans
le cours de ces deux sessions on le vit se pro-
noncer, dans la discussion de l_a loi électorale,
pour l'électoral direct, mais en même temps es-
sayer d'en amoindrir la portée démocratique en
proposant l'établissement dans chaque départe-
ment d'un collège des villes et d'un collège des
campagnes; on le vit s'opposer à la réélection
des députés nommés à des fonctions amovibles,
et approuver la suspension de la liberté indivi-
duelle, comme un mal nécessaire et passager.
(1) Son bisaïeul était conseiller au parlement de Nancy.
791
SERBE — SERRES
792
M. de Serre entra comme garde des sceaux
dans le ministère Decazes (30 décembre 1818),
et présenta trois lois sur la presse (i) qui ré-
glèrent complètement, en cette matière, la péna-
lité, le mode d'instruction et les conditions de
publicité. Affranchissement de toute censure
préalable, compétence du jury même pour les
délits correctionnels, admission de la preuve
testimoniale contre les fonctionnaires , telles
étaient les bases de cette nouvelle législation, et
on peut dire que ce régime fut le plus libéral
que la presse ait jamais connu sous la monar-
chie. Attaqué par les royalistes, accablé des
éloges intéressés des journaux de l'opposition,
M. de Serre s'efforça vainement de rallier la
chambre à ses opinions modérées. Dans la séance
du 21 juin 1819, à l'occasion d'une pétition qui
réclamait le rappel des bannis, il se sépara avec
éclat de la gauche : non-seulement il demanda
l'ordre du jour, mais il prononça ces paroles
violentés : « Les exilés temporaires peuvent en-
core espérer de revoir le sol de la patrie ; les
régicides, jamais ! » Ces derniers mots (2) pro-
duisirent un revirement subit de l'opinion li-
bérale contre l'orateur. Décidé à changer la loi
des élections, M. Decazes s'était vu abandonné par
MM. Dessoles, Gonvion Saint-Cyr, Louis. M. de
Serre resta, égaré peut-être par le mirage trom-
peur d'une grande réforme constitutionnelle,
monarchique et libérale à la fois, qui devait se
lier au changement de la loi électorale et dans
laquelle il se promettait d'affermir la royauté en
développant le gouvernement représentatif (3).
Après la mort du duc de Berri, M. de Serre ne
suivit pas ses collègues dans leur retraite ; soit
qu'il crût la monarchie en danger, soit que le dé-
sir de plaire à sa jeune.femme lui rendît nécessaire
l'éclat de ses hautes fondions, il conserva, dans
le cabinet Richelieu, le portefeuille de la justice.
Revenu, à la fin d'avril 1820, de Nice, où l'a-
vaient conduit les premières atteintes d'une ma-
ladie de poitrine à laquelle il devait succomber,
il engagea aussitôt la lutte avec une ardeur et
une éloquence incomparables. Pour faire triom-
pher la nouvelle loi électorale, présentée le 17
avril 1820, il lui fallut combattre les doctri-
naires, dont il était autrefois le chef, et rompre
avec Royer-Collard. En même temps l'esprit de
parti , qu'il avait jusque-là si sagement écarté
de l'administration -de la justice, commença à
reparaître autant dans les circulaires minis-
térielles que dans le choix des magistrats. C'est
alors que, pour épurer le conseil d'État, M. de
Serre écrivit à MM. Royer-Collard, C. Jordan, de
Barante et Guizot, qu'ils avaient cessé d'en faire
(1) OEuvre collective de MM. de Serre, Royer-Collard,
Guizot et des principaux doctrinaires.
(2) L'effet eu fut si profond que le ministère fit
ajouter après le mot jamais dans le Moniteur ■' « Sauf
la tolérance accordée par la clémence du roi a l'âge etaux
infirmités. »
(S) Ce projet a été conservé par M. Guizol [Mémoires,
1. 1, p. MO ).
partie. Lors des élections de 1821, il favorisa de
tout son pouvoir l'élection des anciens membres
de la chambre de 1816 ; en espérant se ménager
de nouveaux auxiliaires, il ne fit qu'augmenter le
nombre de ceux qui voyaient en lui un révolu-
tionnaire dangereux. Ayant refusé de faire partie
du cabinet Villèle, il remit les sceaux à M. de Pey-
ronnet (15 décembre 1821 ). Cordon bleu depuis
le 29 septembre 1820, il reçut alors le titre de
comte et celui de ministre d'État.
Rentré dans le centre droit, M. de Serre eut la
bonne fortune de défendre, contre le nouveau
cabinet, la compétence du jury en matière de dé-
lits de presse. Ce fut le dernier éclat de son élo-
quence ; le gouvernement , qui redoutait sans
doute la puissance de sa parole, l'éloigna de la
chambre en le nommant à l'ambassade de Naples
à la place du duc de Narbonne-Pelet (9 janvier
1822 ). II ne quitta la cour de Naples que pour
paraître un instant au congrès de Vérone. Pro-
fondément attristé de son inaction parlementaire,
il tenta en vain de se faire réélire lors des élec-
tions en 1824. Il mourut près de Naples, à Cas-
tellamare, dans la nuit du 20 au 21 juillet 1824,
des suites de la maladie de poitrine dont il était
atteint. Il avait épousé la fille du baron d'Huart,
célèbre par sa grâce et sa beauté; sa veuve re-
çut de Charles X une pension de 15,000 fr.
M. Guizot, qui fut un moment l'allié politique et
l'ami de M. de Serre, a tracé de lui dans ses
Mémoires, un portrait qui est le type du véri-
table orateur. Eug. Asse.
Guizot, Mémoires, t. I. — Vieil-Caste], Ilist. de la
Restauration, t. IV et V. — Le Drapeau blanc, du 3 août
i82i. — Mahui, Annuaire nécrologique, 1824.
serre (la). Voy. La Serre.
serres (Olivier de), seigneur du Pradel,
célèbre agronome français, né vers 1539, au
domaine du Pradel , près Villeneuve de Berg
(Ardèche),mort le 2 juillet 1619, dans le même
lieu. Sa famille était du Languedoc et comptait
parmi la petite noblesse; son père, Jean de
Serres, avait embrassé la communion protes-
tante, et s'était réfugié à Genève, où il exerça
le ministère évangélique. Les détails ne sont pas
nombreux sur sa vie, et c'est surtout dans son
Théâtre d'Agriculture qu'il faut les puiser. Il fut
l'aîné de quatre frères, et calviniste comme tous
les siens. On a conjecturé, non sans raison, qu'il
avait dû s'expatrier dans sa jeunesse en même
temps que son frère Jean ; il parle de l'orangerie
d'Heidelberg en homme qui l'a visitée et étudiée
dans tous ses détails En 1559 il épousa Mar-
guerite d'Harcous, de Villeneuve de Berg. En
1561 on le voit diacre de l'église de Berg, et à
ce titre député à Genève par ses coreligionnaires,
à l'effet d'obtenir de Calvin un ministre de l'É-
vangile; il réussit, et les registres de sa ville na-
(ale donnent à ce propos de curieux détails sur
l'installation matérielle de Jean Béton, le mi-
nistre baillé par Calvin à la requête d'Olivier de
Serres. Quelle part prit-il dans les luîtes san-
:
793 SERRES
glantes qui désolèrent le Vivarais? Probablement
aucune. « Une certaine analogie de nom, disent
MM. Haag, a fait attribuer par quelques-uns à
notre pacifique agriculteur ce que d'Aubigné et
de Thou rapportent d'un capitaine Pradelles ou
La Pradelle, qui avait facilité la reprise de Vil-
leneuve sur les catholiques, en 1573, en indi-
quant le moyen de pénétrer dans la place par
un égout. » Au reste, il suffit de lire la préface
de son livre pour se convaincre de la fausseté
de cette assertion. « Mon inclination et Pestât de
mes affaires, dit Olivier, m'ont retenu aux
champs en ma maison et faict passer une bonne
partie de mes meilleurs ans, durant les guerres
civiles de ce royaume, cultivant ma terre par
'mes serviteurs.... Soit que la paix nous donnast
quelque relasche, soit que la guerre, par di-
verses recheutes, m'imposast la nécessité de
garder ma maison, j'ai treuvé un singulier con-
tentement en la lecture des livres de l'agricul-
ture, à laquelle j'ai de surcroist adjousté le juge-
ment de ma propre expérience. » Le seigneur du
Pradel ne quitta plus son domaine qu'à la voix
de Henri iV : celui-ci fit appel à son expérience
au moment où, malgré Sully, il voulut introduire
en Fiance la soie et les industries qui s'y rat-
tachent. L'agronome répondit aux vues du roi
en publiant la Cueillette de la soye par la
nourriture des vers qui la font; Paris, f599,
in-8° de ils p., traité trad. en allemand ( 1603) et
en anglais (1007), puis la Seconde richesse du
meurier blanc; Paris, 1603, in-8° de 28 pages.
Henri IV trouva si convaincantes les raisons dé-
veloppées dans le premier mémoire qu'à partir
de 1600 les jardins de ses maisons de plaisance
furent plantés de mûriers; il écrivit lui-même
une lettre datée' de Grenoble, le 27 septembre
1600, afin qu'Olivier de Serres s'entendît avec
aie surintendant général des jardins du royaume
de manière à introduire la soie jusqu'au cœur
de la France. Quant au grand ouvrage qui
avait été le travail et la distraction de toute sa
vie, Olivier de Serres le fit paraître avec ce
titre : Le Théâtre d' 'Agriculture et mesnage
des champs; Paris, 1600, in-fol. Ce livre, dé-
dié au roi, eut un grand succès (1). L'auteur
n'y fait pas fi de ses prédécesseurs; mais il
n'adopte leurs idées que sous bénéfice d'inven-
taire, c'est-à-dire quand elles sont conformes à
l'expérience et aux meilleures habitudes de la
science rurale. Le seul avec lequel il ait plus
d'une ressemblance est Bernard Palissy qui, à la
suite de ses leçons publiques, avait donné en
1580 le Moyen de devenir riche par l'agricul-
ture. Comme Palissy, il se fit le champion de
[l'agriculture rationnelle et méthodique. On le voit
î bien au plan de son ouvrage , qui rappelle celui
des Géorgiques et de Varron. Il est divisé en
791
(1) Voy. p. xxi du t. II du Théâtre d'Agriculture,
i réédité en 1804, la description détaillée de l'édition prin-
ceps et des dix-neuf qui l'ont suivie, donnée par Huzard
dans la Notice bibliographique de ce livre.
huit lieux ou livres ; chaque lieu contient un
certain nombre de chapitres. Toutes les matières
d'agriculture y sont traitées en détail : le do-
maine, le blé, le vin, le bétail, la basse-cour, le
jardin, l'eau et le bois, les recettes domestiques.
L'auteur a rempli, sans jamais rester au-dessous
de sa tâche , chacune des parties de ce vaste
programme. C'est ce qu'a constaté un juge com-
pétent, François de Neufchàteau, qui ajoute :
« Le Théâtre d' Agriculture réunit trois avan-
tages : le sujet en est bien saisi , l'ordonnance
en est simple et grande ; quant au langage de
l'auteur, on voit qu'il avait fait d'excellentes
études, et que les formes de son style sont celles
des auteurs classiques. 11 jette dans ce moule
des notions si justes , des idées si précises et
des conceptions si nettes qu'une sorte de charme
est encore attachée à sa manière de les rendre. »
On peut voir toutes les innovations que cet ou-
vrage devait vulgariser, entre autres la produc-
tion de la soie, la culture du houblon, du maïs,
de la betterave , et même de la pomme de terre,
s'il fallait en croire Haller. Olivier de Serres est
au courant de tout ce qui se tente autour de lui ;
il entreprend des voyages pour se rendre compte
des procédés nouveaux. S'il dédaigne tout le fa-
tras de recettes puériles qui, depuis le vieux
Caton, encombre les traités agronomiques, il ne
sépare jamais en revanche l'utile de l'agréable,
et il s'intéresse autant à ce qui peut rendre la
vie plantureuse qu'à ce qui peut la rendre douce
et agréable. Pour s'en convaincre, on n'a qu'à
lire ce qu'il dit du jardin bouquetier et ses con-
seils au jardinier qu'il appelle l'orfèvre de la
terre. Par ce sentiment de ce qu'on pourrait
appeler la beauté rurale, il se distingue éminem-
ment des agronomes de l'antiquité. Olivier de
Serres met une sollicitude touchante à suivre
d'un bout à l'autre la vie de son mesnager dans
tous ses détails : il aime l'homme encore plus
qu'il n'aime la terre et les résultats qu'elle pro-
cure. Aussi, outre le Théâtre d'Agriculture, il
se proposait, dit-il au lieu V, chap. xn, de don-
ner un traité exprès sur les parcs et sur la chasse
en grand , ainsi qu'un Traité de V architecture
rustique, afin d'apprendre au père de famille à
se bien bâtir aux champs, selon le vrai art,
la vraie beauté, avec commodité et espar gne.
Aucun de ces ouvrages n'a paru.
Olivier de Serres put jouir de sa gloire : de
son vivant huit éditions de son livre se succé-
dèrent rapidement. Dans le dix-septième siècle,
de 1629 à 1661, il y en eut quatre éditions à Ge-
nève; cinq parurent à Rouen, et une à Lyon, en
1675. Depuis ce moment Olivier de Serres cessa
tout à coup d'être réimprimé ; et à son œuvre, si
originale, on préféra la médiocre Maison rus-
tique, de Ch. Estienne, complétée par Liébaut.
Il est probable que le calviniste fit tort à l'agro-
nome; de même que son frère Jean de Serres
l'historien, il fut une des victimes posthumes
de la révocation de l'édit de Nantes. On sait
795 SERRES
{jue les privilèges de tous les livres composés
par des protestants furent retirés, et celaexplique
comment pendant cent vingt-sept ans le Théâtre
cV Agriculture ne fut pas reproduit chez nous,
la presse appartenant exclusivement aux œuvres
catholiques. Les étrangers vengèrent notre plus
grand agronome de l'injuste oubli où il était
tombé dans sa patrie. L'Écossais Patullo, Hal-
ler, Arthur Young le proclamèrent « l'un des
premiers qui eussent paru dans le monde ».
Enfin Rozier, Parmentier, Chaptal remirent son
nom et son livre en honneur. Deux ministres de
l'intérieur, Benezechen 1796, François de Neuf-
château en 1799, invitèrent et encouragèrent la
Société d'agriculture de Paris à préparer une
nouvelle édition du Théâtre d'Agriculture; elle
parut à Paris, 1804-1805, 2 vol. in-4°, fig. En
1804 le préfet de l'Àrdèche , Cafarelli, fit élever à
la mémoire d'Olivier de Serres un petit obélisque
sur une place de Villeneuve de Berg; enfin, en
1856 une statue en bronze lui fut érigée dans la
même ville.
"La diction d'Olivier de Serres mérite de faire
époque dans l'histoire de notre langue. Placé par
sa date entre les Essais de Montaigne et Vln-
troduction à la vie dévote de François de
Sales, le Théâtre d'Agriculture est un des
premiers ouvrages didactiques qui réunisse les
qualités qui seront l'honneur de la prose fran-
çaise au dix-septième siècle, c'est-à-dire la mé-
thode et le naturel, l'art et jusqu'à un certain
point l'inspiration. Olivier de Serres est vérita-
blement inspiré par un sujet qu'il aime, qu'il
connaît bien et qu'il explique avec une parfaite
clarté. En un mot, c'est avant le Discours de
la méthode de Descartes une des deux ou trois
œuvres dans lesquelles on trouve une parfaite
convenance entre le style et le sujet. La langue
un peu périodique de l'auteur, chez qui les lati-
nismes ne sont pas plus rares que les expres-
sions créées pour le besoin de l'idée, est devenue
pour les philologues une étude aussi utile qu'at-
trayante. F. C — l— p.
Dans redit, de 1804 , on trouvera l'indicition la plus
complète et la plus méthodique de tous les travaux re-
latifs a Olivier de Serres. — Haag frères, France protest.
FS6
SERRES ( Jea)inE ), en latin Serranus, his-
torien et théologien, frère cadet du précédent, né
à Villeneuve de Berg, vers 1540, mort à Genève,
le 31 mai 1598. A Lausanne, où il fut envoyé
peur faire ses études, il s'appliqua particulière-
ment aux langues anciennes et à la philosophie.
La Saint-Barthélémy le ramena dans cette ville,
où il se réfugia avec toute sa famille. A cette
époque il s'était déjà fait connaître par plusieurs
ouvrages d'érudition et d'histoire. En 157S, il
fut appelé à Nîmes en qualilé dé recteur de l'A-
ie et de principal du collège des arts.
L'année suivante il concourut à l'établissement
de l'imprimerie dans cette ville. Il assista aux
assemblées calvinistes de Sommières et de
et aux états du Languedoc (1587). Il accepta en
1591 vocation de l'église de Moniéiimar, et
passa bientôt après à Orange. Il représenta, cette
ville au synode de Saumur. On y profita , à ce
qu'il paraît, de quelques difficultés qu'il éprouva à
rendre publiquement compte de certaines sommes
qu'il avait recueillies pour les besoins de la cause
protestante, pour mettre sa probité en suspicion.
Duplessis-Mornay chercha à le consoler de ces
tracasseries , qui s'expliquent aisément. Jean de
Serres était un de ces hommes qui, dans le
parti protestant, croyaient la modération plus
avantageuse que les violences. Plus d'une fois
il s'était opposé à ceux qui voulaient recourir aux ■
armes. Aussi les hommes ardents l'accusèrent
de trahir la cause. A la suite des désagréments
que lui attira cette affaire, il se retira à Genève.
Cayet et après lui la pluplart des historiens ca-
tholiques prétendent , sans en donner de preuve,
qu'il voulait se convertir au catholicisme, et que
les Genevois, pour empocher cette démarche,
qui aurait pu être d'un mauvais exemple, l'em-
poisonnèrent. Ces assertions se réfutent d'elles-
mêmes. Ce n'est certes pas à Genève que se se-
rait retiré un homme décidé à passer au catho-
licisme. Ce qui est vrai, c'est que J. de Serres
se berçait de la trompeuse espérance de réunir
les protestants et les catholiques. Il avait même
composé un livre dans lequel il prouvait par les
anciens docteurs que la religion protestante était
conforme à l'ancien catholicisme, et que l'Église
romaine en avait au contraire dévié. L'appari-
tion de cet opuscule fit beaucoup de bruit; les
églises de la Suisse et du Palatinat le dénoncè-
rent au synode de Montpellier, qui recommanda
aux églises de France de s'en délier ; celui de
Gergeau, en 1601, revint cependant sur cette
condamnation, prononcée un peu à la légère, et
chargea l'église de Paris ( qui n'en fit rien da i
reste ) d'examiner si les propositions censurées
étaient réellement dans ce livre. Mais si le désir,
fort aventuré, de J. de Serres de réconcilier les
deux églises lui attira la haine des hommes ardents
de son parti , il lui gagna d'un autre côté la bien-
veillance de Henri IV, qui lui donna, en 1597,
le titre d'historiographe de France. On a de
J. de Serres : Mémoires de la troisième guerre
civile, 1568-1569; s. 1., 1570, in-8°; réimpr.
en 1571, in-8°, enquatrelivies; — Commentant
de statu religionis et reipublicse in regno
Galliœ; Genève, 1571-72-73-77, et Leyde, 1580,
5 vol. in-8° : ouvrage devenu excessivement
rare; chacune des cinq parties est divisée en
trois livres , et a été l'objet de fréquentes réim-
pressions, soit isolée, soit réunie à d'autres. C'est
une histoire détaillée des guerres de religion de-
puis 1557 jusqu'en 1576. Ce livre est, suivant
MM. Haag, un des plus curieux et des plus
importants sur cette période de notre histoire*
De Thou, qui le tenait en grande estime, y a fait
de nombreux emprunts ; — Psalmorum Da
M'uitauban. ainsi qu'au synode de Vitré (1583) l vidis aliquot melaphrasis grxca; s. 1. (Go
1 97 SERRES
Pève), 1575, in-16; — Platonis opéra qux Paris faire
\\xstant omnia,ex nova J. Serrant inlerpre-
mtione, perpetuis ejusdem nolis illustrata;
[1. 1. (Genève), 1573, 3 vol. in- fol..: cette traduc-
on a été sévèrement jugée par Dacier; mais
I ■! P. Lami estd'avis que les sommaires de Serres
1 îffisent à l'intelligence de la doctrine de Platon ;
Commontarias in Salomonls Ecclesiasten ;
enève, 1580, in-8°; trad. en anglais; — Doc-
inx Jesuilarum prxcipux capila retexta
confutata; La Rochelle, 1584-88, 6 vol.
1° : recueil de quatre ouvrages de controverse,
l'on trouve aussi imprimés séparément; —
éfense de la vérité catholique et troisième
xti-jêsuite contre les calomnies de Jean
ay ; Nîmes, 1584, in-8° ; — Discours de Imm-
ortalité de l'âtne ; Lyon, 1590, in-8°; —
?cueil des choses mémorables advenues en
•ance sous le règne de Henri II, Fran-
is II, Charles IX et Henri III ; s. 1. (Ge-
ivc), 1595, in-8°; réimpr. en 1598 et 1603,
os le titre d'Histoire des cinq rois, in-8°,
ec le règne de Henri IV en plus; — In-
ntaire général de l'histoire de France, il-
stré par la conjérence de l'Église et de
mpire; Paris, 1597, in-16 de 1,202 pages,
os les pièces liminaires. Le volume finit
a mort de Charles VI. « La mort ayant em-
ché l'auteur, disent MM. Haag, de mettre en
ivre les nombreux matériaux qu'il avait re-
eillis pour la continuation de cette histoire,
an de Montlyard s'en chargea, et après lui, di-
rs auteurs catholiques, d'où résulte une bi-
rrure très-désagréable. » Cet ouvrage a été
imprimé avec des suppléments successifs un
and nombre de fois. On en a une 19e édit.,
iris, 1660, 2 vol. in-fol. Cassiodore deReinal'a
id. en latin sous le titre : /. Serrani Syl-
bus annalium Gallix , a Pharamundo ad
mricum IV (Francfort, 1612, in-4°); cette
iduction, continuée jusqu'à Louis XIII, a été
mpr. en 1625 et mise en anglais; — Appa-
tus ad ftdem catholicam; Paris, 1597,
fol.; réimpr. sous le titre : Defide catholica
paratus, sive de principiis religionis chris-
mx, communi omnium christianorum con-
nsu, semper et ubique ratis ; Paris, 1607,
c'est l'ouvrage qui causa de si nombreux
«agréments à l'auteur; — L'Usage de l'im-
irlalité de l'âme pour bien vivre; Rouen,
97, in-12. La bibliothèque de Bàle possède un
rage inédit de Jean de Serres : Dialogus
institutione rhetorica, et la bibliothèque
périale des Lettres de lui, dans le t. 104 de
collection Dupuy. M. Nicolas.
rosper Marchand, Dict. hist. — Niceron, Mémoires,
)Vet X. — Haag, La France protest. — Aymon, Syno-
nationaux. — Senebicr, flist. litlêr.de Genève, t. II.
; serres (Etienne-Renaud- Augustin),
ysiologiste français, né le 28 décembre 1787, à
Wrac (Lot-et-Garonne). Fils d'un médecin,
i le destinait à la même profession , il vint à
798
ses études , fut nommé interne au
concours de 1808, et reçut en 1810 le diplôme de
docteur. L'un des inspecteurs de l'hotel-Dieu
( 1812 ) et chef des travaux anatomiques de
l'amphithéâtre central (1814), il se distingua
durant les deux invasions étrangères par son
zèle et par son courage à soigner les blessés,
soit à Paris, soit dans les environs. Les ser-
vices qu'il avait rendus contribuèrent non moins
que ses travaux de physiologie et d'embryogénie
à lui faire donner en 1822 les fonctions de mé-
decin en chef de la Pitié ; il ne cessa de remplir
ces fonctions actives et ne renonça à la pratique
de son art qu'en venant remplacer M. Flourcns
dans la chaire d'anatomie comparée (janvier
1839), dont irest encore en possession au Jardin
des plantes. Après avoir été agrégé à l'Académie
de médecine, où du reste il se montra rarement,
il fut élu le 28 juillet 1828 membre de l'Académie
des sciences à la place de Chaussier; appelé en
1841 à présider ce corps savant, il reçut à cette
occasion la croix d'officier de la Légion d'hon-
neur, et celle de commandeur en 1846. Parmi
les commissions dont il a fait partie à diffé-
rentes époques, nous citerons celles des hautes
études scientifiques et littéraires en 1848. La
plupart des travaux de M. Serres se rapportent à
trois objets principaux : 1° l'anatomie et la phy-
siologie du cerveau et des autres parties du sys-
tème nerveux, considérés , chez l'homme et les
animaux, soit à l'état d'adulte, soit à l'état du
jeune âge , de fœtus ou d'embryon , soit à l'état
normal, soit dans leurs monstruosités ; 2° les ma-
ladies du cerveau et dé la moelle épinière, au
traitement desquelles ce savant a rapporté les
connaissances nouvelles qui sont le résultat de
ses nombreuses découvertes anatomiques et phy-
siologiques; 3° les lois de l'organisation ani-
male. « Les recherches que M. Serres a entre-
prises sur ce dernier objet, a dit un écrivain, et qui
ont opéré une grande révolution dans la science,
l'ont conduit à établir que le développement
des animaux et de leurs divers organes se fait
de la circonférence au centre, et non du centre à
la circonférence, comme on l'avait toujours pensé.
C'est la découverte de ce fait capital qui a ou-
vert à M. Serres une voie si féconde en beaux
résultats, en l'obligeant à envisager sous un nou-
veau point de vue la plupart des théories ana-
tomiques. » Ses principaux ouvrages sont :
Traité de la fièvre entéro-mésentérique; Pa-
ris, 1813, in-8°, composé avec A. Petit; — Des
lois de l'ostéogénie; Paris, 1815, in-fol. et
atlas : ouvrage qui a remporté en 1820 le prix
de physiologie expérimentale proposé par l'Aca-
démie des sciences; — Essai sur l'anatomie et
la physiologie des dents; Paris, 1S17, in-S°;
Anatomie comparée du cerveau dans les
quatre classes des animaux vertébrés; Pa-
ris, 1824-26, 2 vol. in-8° et atlas, in-4° : ou-
vrage quia obtenu le grand prix. del'Acad. dos
sciences en 1821 ; — Anatomie comparée des
799
monstruosités, in-fol. pi., ouvrage manuscrit
présenté en 1825 à l'Académie; — Traité des
maladies organiques de V axe cérébro-spinal
du système nerveux, in-fol. inanusc, commu-
niqué en 1828 à l'Académie; — Théorie des
formations et des déformations organiques
appliquée à l'anatomie de Rita-Chrislinaet
de la Duplicité monstrueuse; Paris, 1832,
in-4o et atlas; — Principes d'organogénie ;
Paris, 1842, gr. in-S°. M. Serres a rédigé un
très-grand nombre de mémoires ou d'articles
pour les recueils de, l'Académie des sciences
et du Muséum d'histoire naturelle, les Ar-
chives générales de médecine, V Encyclopédie
des sciences Médicales, la Bévue médicale,
les Annales des sciences naturelles, etc.
Lachaise, Médecins de Paris. — Sarrut et Saint-
Edme, Hommes du jour, t. VI, lre part. — Callisen,
jVedicin. Schri/tsteller-Lexicon.
serrurier. Voy. Serueuer.
serry ( François - Jacques - Hyacinthe ),
théologien français, né en 1659, à Toulon , mort
le 12 mars 1738, à Padoue. Il était fils d'un
médecin de la marine. Admis de bonne heure
dans Tordre de Saint-Dominique , il fut envoyé
à Paris pour y achever ses études, puis il y en-
seigna la philosophie et se livra à la prédication
avec quelque succès. En 1690 il se rendit à
Rome, et devint théologien du cardinal Altieri
et consulteur de l'index. De retour à Paris en
1696, il y prit en 1697 le bonnet de docteur;
dans la même année, il fut appelé à Padoue
comme professeur de théologie, et il occupa cette
chaire jusqu'à sa mort. Serry était un zélé tho-
miste ; il avait de l'érudition , mais ses nom-
breux écrits, fort appréciés dans un temps où
les controverses religieuses étaient à la mode,
ne trouvent plus de lecteurs ; nous citerons les
principaux : Historiée congregationum de
Auxiliis divinse gratise lib IV; Louvain
(Bruxelles), 1700, in-fol.; Anvers, 1709, in-fol.
avec un 5e livre : une polémique s'engagea entre
lui et les jésuites, et il répondit à ses adver-
saires, le P. Germon entre autres , par l'His-
toire des congrégations De Auxiliis, justifiée;
Louvain, 1702, in-8°, et par le Correcteur cor-
rigé; Liège, 1704, in-fol.; — D. Augustinus
a calumnia vindicatus; Cologne, 1704, in-12;
— Schola thomistica vindicata,; Cologne,
1706, in-8° ; — Le Mahométisme toléré par-
les jésuites dans Vile de Chio; s. )., 1711,
in-12; — Exercitationes de Chrislo ejusque
mettre ; Venise, 1719, in-4°; — Theologia sup-
plex; s. 1., 1736, in-12; trad. en français en
1756, in-12 : Il y demande une intelligence
plus explicite de la bulle Unigenitus.
Échard et Quétif, Bibl. scriptorum ord. Prœdicato-
rum, t. Ier. — Achard, Dict. hist. de la Provence.
sertorius (Qtiintus), général romain,
d'une famille obscure , né à Nursia, village de la
Sabine, tué en 72 av. J.-C. en Espagne. Son
corps robuste s'endurcit de bonne heure à la
fatigue. 11 fit sa première campagne contre les
SERRES — SERTOR1US 80u
Cimbres, sous Q. Serv. Caepio, et il échappa
presque seul au massacre de l'armée (105 av.
J.-C). Tout blessé qu'il était, il traversa le
Rhône à la nage, couvert de sa cuirasse et sans
abandonner son bouclier. Il revit en 102 les mêmes
ennemis, sous Marius. Un jour que les armées
étaient en présence , il offrit au consul d'aller re-
connaître le camp des Teutons ; il avait appris
leur langue ; il se mêla parmi eux, s'informa de
tout ce qu'il lui importait de savoir, et revint
i vers son général, qui ne manqua pas de lui
décerner les récompenses honorifiques en usage
dans l'armée. En 97, il servit en Espagne comme
tribun légionnaire, et il se signala par plusieurs
traits d'heureuse audace. De retour à Rome, il j
fut nommé questeur (91) et on lui assigna pour
province la Gaule Cispadane. C'était le temps de
la guerre des Italiens ; Sertorius montra une ac-
tivité extraordinaire à réunir des troupes, d« I
l'argent, des vivres, et il prit part à plusieurs r^
combats contre les Marses. Salluste dit qu'il s<
distingua par des exploits que l'obscurité de Sel
naissance et la malveillance des écrivains oni
laissés dans l'oubli; c'est dans celte campagne
qu'il perdit un œil; mais, ajoute Salluste, ilti
rait orgueil de cet œil crevé et de son visage
couvert de cicatrices. Lorsqu'il revint à Rome
et qu'il parut au théâtre, le peuple entier l'ap-
plaudit. Il appartenait à la faction populaire ei
était l'ami de Marius, qu'il contribua à rappelei
de son exil d'Afrique. Marius , Cinna et Ser
torius, à la tête des trois armées, se rendiieir
maîtres de Rome (87); mais, des trois, Serto
rius fut le seul qui ne marqua pas sa Yictoiri
par des proscriptions. Il fit même massacrer uni
troupe d'esclaves que Marius avait armés et qu
avaient commencé par égorger leurs ancien:
maîtres. Quand Sylla revint d'Orient, Sertorius
devinant aux mauvaises dispositions des soldat:
qu'on ne pourrait pas lui résister, quitta l'Italii
et se porta en Espagne (83). Il y trouva uni
population belliqueuse, indocile à la dominatioi
romaine , et qui était lasse d'être maltraitée e
pillée par les proconsuls; il se l'attacha par li
diminution des impôts , par son esprit de justice
par la douceur de son commandement. Avan
qu'il eût eu le temps d'organiser une armée, i
lut surpris par les troupes syllaniennes et fora
de sortir d'Espagne. Pendant' quelque temps i
erra, sur sa flotte, de l'Afrique aux Baléares I
cherchant un asile, et partout repoussé, il
pensa, dit-on, à aller s'établir, au delà de ïo
céan Atlantique, dans les régions inconnues e
mystérieuses que les anciens désignaient sou;
le nom d'Iles Fortunées. Ses marins refusèren
de l'y conduire, et le déposèrent en Afrique, oi
il prit part aux petites guerres des princes de I.
Mauritanie.
C'est là que Sertorius reçut les députés de
Lusitaniens, qui le conjuraient de venir semettr
à leur tête pour les affranchir de la duredomi
nation du proconsul Annius. 11 accepta leur offre
>
;
SOI
SERTORIUS — SERUELAS
802
ît fut investi par eux d'une autorité absolue, i
Ses forces, à l'origine, ne comprenaient que
leux mille Romains, sept cents Africains, et cinq
aille Espagnols; avec cette petite armée il bât-
it trois généraux romains , Cotta sur mer, et
lur terre Fufidius et Thoranius (80). De proche
n pioche il fit reconnaître son autorité aux
îlifférents peuples espagnols; la plus grande
i>artie de la péninsule lui obéissait. Il agissait
I ur l'esprit de ces peuples par la superstition,
par faisant croire qu'il avait des relations
•>vec les dieux par l'intermédiaire d'une biche
il lanche. Il parvint ainsi à se faire obéir, et
i -.ïompha de la défiance et de la versatilité nalu-
a ailes à ces barbares. Sylla envoya contre lui Me-
iillus (79), dont les talents militaires étaient
I )nnus ; mais Metellus ne réussit en rien. Ser-
! trius avait soin d'éviter les batailles en plaine ;
I s'attachait au contraire à mettre l'ennemi dans
I mpuissance de combattre, le harcelant dans
Ls marches, ou, chaque fois qu'il s'arrêtait ,
I i coupant l'eau et les fourrages. Avec ses sol-
1 its agiles eUiabitués aux montagnes, il dérou-
I it la tactique prudente des Romains, fatiguait
■ s légions, usait etruinaitten détailles grandes
lemées, qu'il. né pouvait pas aborder de front. Il
■ ait la ruse, l'audace, l'à-propos, tous les mé-
rn.es, enfin qui conviennent à la guerre de parti-
|n sur le sol de l'Espagne. Metellus , comme
■ rnièreressource, mit sa tête à prix, et estima
A la valeur de cent talents l'assassinat de Ser-
■rius ; mais il ne se trouva pas encore de meur-
■ter. En 77, Perpenna arriva d'Italie avec 12,000
fcmmes; il comptait faire la guerre pour son
■opre-*, compte , mais ses soldats le contraigni-
Bntà se joindre à Sertorius. Le sénat, inquiet de
■tte.jguerre, qui sevprolongeait, envoya Pompée
Bec unenouvëlle armée (76). Sertorius tint-tête
■la fois à Metellus et à Pompée, vainquit ce
■jrnier près du fleuve Sucrone , et le repoussa
«qu'au delà des Pyrénées. Pompée était aux
Kois, et réclamait à grands cris des renforts,
JJplarant que s'il n'en recevait pas, Sertorius
rait bientôt en Italie. En réalité, malgré Pom-
\î et Metellus, Sertorius resta maître de l'Es-
;ne pendant huit années, de 80 à 72. Les Es-
»nols lui fournissaient de l'argent et des sol-
|s ; avec les Romains qu'il avait près de lui, il
lit composé un sénat, qui siégeait dans Osca,
;apitale. C'était parmi les Romains qu'il choi-
sait ses questeurs et ses lieutenants , ne don-
it aucun grade élevé aux Espagnols. Ce qu'il
rait de remarquable en lui, c'est que dans sa
ie contre les armées romaines il ne perdait pas
me la domination de Rome. C'était au nom
tome et de son sénat qu'il prétendait com-
îder, et il ne traita jamais les Espagnols au-
vent que comme des barbares. Plutarque
qu'il ne songea jamais à s'établir définitive-
it en Espagne et qu'il eut toujours le plus
i désir de retourner dans sa patrie; il offrit
\e plusieurs fois de traiter avec les généraux
KO'JV. BIOGR. GÉNÉR. — T. XLIir.
ennemis, à la condition qu'on le laissât vivre à
Rome en simple particulier. « Je préfère, dirait-
il, la vie la plus obscure dans Rome à l'empire
du monde entier dans l'exil. » Mithridate solli-
cita son alliance, lui promettant tout ce qu'il
voudrait d'argent et de vaisseaux, et demandant
en retour qu'il lui reconnût la possession' de
toute l'Asie Mineure. Sertorius refusa de céder
un seul canton de la province romaine, et
l'alliance fut conclue dans les conditions qu'il
voulut. Les événements militaires des an-
nées 73 et 72 sont inconnus. 11 est certain que
cette domination que Sertorius savait exer-
cer, soit sur les Romains bannis , soit sur les
barbares, n'avait pas de racines et ne pou-
vait pas durer. Un temps vint où les séna-
teurs romains laissèrent voir leur jalousie
et les villes espagnoles leur mécontentement. A
mesure que Sertorius se sentit moins obéi, il de-
vint plus cruel; son caractère s'aigrit; il ne sut
plus ni modérer ni dissimuler ses ressentiments.
Ses rigueurs augmentèrent les haines ; le mas-
sacre de plusieurs enfants de noble famille qui
étaient élevés par lui comme otages , indigna
toute l'Espagne. Ce fut pourtant des Romains
que partit le 'coup qui tua Sertorius. Perpenna
et quelques complices l'égorgèrent dans un repas
(72). Cette sorte de république romaine qu'il
avait fondée à six cents lieues de Rome périt
avec lui; les Espagnols firent leur soumission;
Perpenna tomba aux mains de Pompée , et fut
mis à mort. F. be C.
Plutarque, Sertorius et Marins. — Applen, passim. —
Valère Maxime. — Salluste, Fragments. — Drumann,
Gesch. des Rœms.
sercllas (Georges- Simon) , pharmacien
français, né à Poncin (Ain), le 21 novembre
1774, mort à Paris, le 25 mai 1332. Fils d'un no-
taire, qui le destinait à lui succéder, il fit à cet
effet de bonnes études; mais en 1793 il s'en-
rôla, suivit à Rourg un cours de pharmacie, et
fut nommé pharmacien militaire. Une cam-
pagne dans les Alpes lui permit d'apprendre
avec Lambert la botanique, la physique et la
chimie. Pharmacien major à vingt ans , H passa
plusieurs années en Italie, et fut chargé, après la
publication du blocus continental , de préparer
pour la consommation des hôpitaux de l'armée
une énorme quantité de sirop de raisin destiné
à remplacer le Tsucre. Il fit comme pharmacien
principal dans le corps d'armée du maréchal Ney
toutes les guerres d'Italie et d'Allemagne, et en
18121a campagne de Russie. En sortant de Tor-
gau, où il était demeuré longtemps bloqué, Se-
rullas devint pharmacien en chef, puis premier
professeur de l'hôpital militaire de Metz. Dès
lors il se livra avec ardeur au genre de spécu-
lations vers lesquelles il s'était toujours senti en-
traîné, et on le vit, à quarante-deux ans, com-
mencer l'étude du grec et des mathématiques.
En 1825, il fut appelé au même titre à l'hôpital
du Val de Grâce à Paris, et entra à l'Académie
20
803
SERTJIXAS
des sciences (28 décembre 1829) comme suc-
cesseur de Vauquelin ; il venait d'être nommé
professeur de chimie au Jardin des plantes, lors-
qu'il fut enlevé par le choléra, dont il ressen-
tit les premières atteintes aux funérailles de Cu-
xier. L'énumération des découvertes queluidoit
la chimie prouve combien y ont été rapides ses
succès; ses premiers travaux sont : deux Mé-
moires pour le perfectionnement des moyens
d'obtenir la matière sucrée des végétaux in-
digènes, couronnés en 1810 et en 1813; deux
autres Mémoires, le premier Sur la conversion
de la matière sucrée en alcool, le second, Sui-
tes fumigations chloriques, dans les Mém. de
méd. et de ckir., 1817; Observations phy-
sico-chimiques sur les alliages du potassium
et du sodium avec d'autres métaux; Metz,
1821, 2 part. in-8°; Moyen d'enflammer la
poudre sous l'eau; Metz, 1822, in-8°; Notes
sur l'hydhodate dépotasse et l'acide hydrio-
dique; Metz, 1822, in-8°. Serullas entreprit sur
l'iode, découvert en 1813, une série d'expé-
riences d'un grand intérêt : en 1823, il dé-
couvrit le proto-iodxire de carbone, et en
en 1824 l'iodure de cyanogène, et il donna un
moyen économique d'obtenir le per-iodure de
carbone. Serullas mit autant de persévérance
dans ses recherches sur le brome , découvert
en 1826 par Balard ; il a ajouté à ce que ce chi-
miste avait fait connaître un bromure de cyano-
gène, un bromure de sélénium, diverses com-
binaisons du brome avec l'arsenic, le bismuth et
l'antimoine, et un éther hydrobromique. Con-
trairement aux expériences de M. Balard, il
constata que le brome se solidifie à la tempéra-
ture de 18 degrés, et que l'hydrocarbure de
brome reste concret à 7 degrés, ce qu'on avait jus-
qu'alors ignoré. 11 fitdebons travaux sur le chlore,
et trouva un de ses composés , le perchlorure
de cyanogène (1828). On doit encore à Serul-
las : Sur Vacide cyanique (1828), une Ana-
lyse de tous les travaux que les chimistes
ont faits relativement à l'action de l'acide
sulfurique sur l'alcool et les produits qui
en résultent (1828); Mémoire sur l'action
des différents acides, sur Viodate neutre de
potasse , les iodates acides de celle base, etc.
(1829), dans les Mém. de VAcad. des se;
— dans les Annales de chimie, ses re-
cherches Stir quelques composés d'iode, tels
que le chlorure d'iode, sur faction mu-
tuelle de Vacide iodique et de la morphine
ou de ses sels, sur l'acide iodique cristallisé
(1830) : la partie de ce mémoire qui traite de
l'action mutuelle de Vacide iodique et de la
morphine est d'une grande importance sous le
rapport de la médecine légale; trois Mémoires
sur la cristallisation de l'acide oxychlo-
rique perchlorique (chlorique oxygéné) et
sur quelques propriétés nouvelles de cet
acide (1831); Moyen propre à obtenir la sé-
paration du chlorure et du brome contenus
SERTJÏUER 8M
dans un mélange de chlorure et de bromure
alcalins (1S31).
Lodibert, Éloge hist. da Serullas; Paris, 183", in-8". — ,
Bioçr. tmiv. et port, des contemp. — Moniteur univ.,
mal 1S32. — virey, Notice sur Serullas ; Paris, l332,-in-8».
sekitriek ( Jean -Matthieu - Philibert.
comte), maréchal de France, né à Laon, h
8 septembre 1742, mort à Paris, le 21 décembre
!819. Fils d'un officier de la maison du roi, i
obtint à treize ans un brevet de lieutenant au?
grenadiers royaux de Laon. En 1759, il de
vint enseigne dans le régiment de Mazarin, et ail;
servir à l'armée de Hanovre. Il eut la mâchoiii
fracassée à l'affaire de Warbourg (31 juille
1760), fit la campagne de Portugal en 1762, e
celle de Corse en 1768. Il n'obtint qu'en 17S1 !
croix de Saint-Louis pour ses utiles services. , I
cinquante ans il fut promu au grade de colont
(1792). Envoyé à l'armée du Vai, il s'y rit el
butte à d'absurdes dénonciations ; on le traita à |
suspect et on le raya des cadres. « Je servirai
dit-il, comme grenadier tant que l'ennemi m< |
nacerala France. » En effet, il prit un fusil, il
se mêla dans les rangs comme un simple solda I
Le commandement de son régiment lui fut rendi •
Chargé, le 28 février 1793, d'attaquer Utello, I
trouve le pont coupé, se jette le premier dai|
la Vesubia, au milieu de la fusillade , et entraîr I
sa colonne. Le 22 août suivant, il fut nomn
général de brigade, et devint général de dh
sion le 13 juin 1795. Il concourut, le 23 n
vembre, à la victoire de Loano, en tourna
l'aile droite des Autrichiens. Dans la campag)
de 1796, la division Serurier forma la réservi
.elle s'empara le 16 avril des postes deBatïfob
Bagnasco et Nocetto; le 19, elle enleva la pos
tion de Saint-Miche! ; le 22, c'est à elleque revi
la meilleure part de la victoirede Mondovi. Apr
avoir également contribué à la victoire de Ca
tiglione, Serurier reprit le siège de Mantoue,
en signa la capitulation, le 2 février 1797. Il si
vit alors la marche offensive de l'armée, par
cipa à la bataille du Tagliamento, traversa l
sonzo, et s'empara de Gorizia dans les Alp
Carniques. Les préliminaires de Leobcn an
tèrent sa marche. Bonaparte le chargea,
3 juin 1797, d'apporter à Paris vingt-deux di
peaux pris dans les dernières affaires; il disi
dans sa lettre au Directoire : « Le général S
rurier a, dans ces deux dernières campagne
déployé autant de talent que de bravoure et
civisme... II est extrêmement sévère pour h
même; il l'est quelquefois pour les autres. A
rigide de l'ordre, de la discipline et des vert
les plus nécessaires au maintien de la sociéf
il dédaigne les intrigues et les intrigants, ce ç
lui a quelquefois fait des ennemis. » De retc
à l'armée, il gouverna Venise, et mérita pars
désintéressement absolu le singulier surnom
Vierge d'Italie. A la fin de 1798 il obtint d'ê
employé sous les ordres de Jonbert, sans ci
cevoir de jalousie contre un général qui co
i
SOS SERUUIER
( mençait à peine sa carrière militaire. Il s'em-
para de la principauté de Lucques, puis fut
appelé à la gauche de l'armée, que commandait
Scherer. Sa belle conduite sur l'Adige et à Ma-
«nano ne put empêcher la défaite de l'armée fran-
çaise, qui se relira jusque sur l'Adda. Moreau
emplaça Scherer, et les Russes entrèrcnten ligne
ivec Souvorof. Serurier fut attaqué, le 20 avril,
\ Lecco, chercha à se rapprocher du centre de
l'armée; mais isolé et cerné au village de Ver-
ierio, il se battit pendant toute la journée du
27, prit quinze cents hommes , et se servit des
nunitions des prisonniers pour continuer le
;ombat, espérant, d'après les ordres qu'il avait
ireçus, que le général en chef viendrait le déga-
ger; accablé par dix-sept mille hommes, n'ayant
)lus une cartouche, coupé de toutes communi-
'eations, il se rendit, le 28, par une capitulation
honorable. Ce fut la dernière campagne de Seru-
rier, qui retourna en France. Pendant les jour-
nées des 18 et 19 brumaire, il commanda à Saint-
]Ioud, et prêta à Bonaparte une coopération ac-
ive. 11 fut nommé sénateur le 24 décembre 1799.
le 24 avril 1804, Napoléon 1er l'appela au gou-
vernement des Invalides, et le créa, le 19 mai,
maréchal de France. Il reçut en 1805 le grand
ordon de la Légion d'honneur, et en 1808 le
ïtre de comte. Lors de la première invasion, Se-
urier, ne voulant pas voir enlever les drapeaux
onfiés à la garde des Invalides , fit brûler, le
îO mars , dans la principale cour de l'hôtel, les
Quatorze cent dix-sept drapeaux et étendards
lui étaient suspendus sous les voûtes du dôme.
Cependant, il adhéra à la déchéance de l'empe-
beur, et accepta le 4 juin un siège à la chambre
les pairs. Au retour de l'île d'Elbe, il présenta à
fapoléon une adresse contenant l'expression du
lévouement et de la fidélité des Invalides, ce
jui lui fit ôter le gouvernement de l'hôtel' le
!7 décembre 1815. Il vécut depuis dans la re-
raite. En 1864 on lui a élevé une statue en
»ronze dans sa ville natale. La vie de Serurier,
:omme militaire, est digne de tout éloge, et le
haréchal Snchet a pu dire justement de lui :
Serurier s'était proposé Catjnat pour modèle;
omme lui , il fut brave , loyal et modeste. »
Moniteur universel, 1819, p. 1625. — Courcelles, Dict.
ist. des généraux français. - Fastes de la Légion
'honneur, t. II. — Suchet, Éloge de Serurier, prononcé
la chambre des pairs, le 9 mars 1820.
servan ( Antoine- Joseph- Mie fiel) , magis-
rat et publiciste français, né à Romans, le 3 no-
embre 1737, mort à Saint-Remi, près Tarascon,
b4 novembre 1S07. Il commença ses études à
.yon, et les termina à Paris, où, conformément
*x désirs de son père, et malgré un goût très-
j'if pour la poésie, il apprit la jurisprudence,
femme avocat général au parlement de Gre-
noble à vingt-sept ans (1764), le premier dis-
ours de rentrée qu'il prononça, en 1765, Sur
es avantages de la vraie philosophie, fit
■ressentir ce que serait bientôt le jeune orateur.
)elui de 1766, Sur V administra lion de la jus-
— SERVAN
806
lice criminelle eut un succès immense; il dé-
nonçait les abus de la législation existante, et
appelait les réformes que la révolution a réalisées.
Voltaire et les philosophes applaudirent aux
idées qu'il développait. Dans le Discours pour
une protestante (1767), abandonnée de son
époux catholique, qui invoquait la nullité du
mariage aux termes des édits de Louis XIV,
Servan plaida la cause du mariage, avec une
fermeté, une netteté et une hauteur de vues, qui
font de ce discours son chef-d'œuvre oratoire.
La même année, il fut député auprès du roi avec
deux autres magistrats, pour lui présenter des
remontrances; comme il sortait de l'audience
royale, M. de Choiseul lui annonça que le roi
l'appelait à son conseil, en qualité de maître des
requêtes ; mais l'avocat général refusa, et retourna
à Grenoble. En 1769, son Discours de rentrée sui-
tes mœurs produisit un tel enthousiasme, qu'il
se hâta de se renfermer chez lui pour échapper
à l'ovation dont il était l'objet; mais les membres
du parlement, les nombreux étrangers qui étaient
venus l'entendre et la ville entière se pressèrent
devant sa maison', en forcèrent la porte et obli-
gèrent Servan à se présenter pour recevoir de
nouveau les témoignages de l'admiration uni-
verselle. Cette brillante carrière du jeune magis-
trat fut brisée par une opposition consciencieuse
aux tyranniques partis pris de l'opinion publique,
et qui ne l'honore pas moins que ses plus grands
triomphes. Le comte de Suze, qui avait sous-
crit une obligation de 50,000 francs au profit de
la demoiselle Boh,chanteuse de l'Opéra, dont il
avait été l'amant , en demandait l'annulation as
parlement; le public était contraire à cette de-
mande; Servan la soutint, en se plaçant sur le
terrain de la moralité; le public, selon sa varia-
bilité ordinaire, poursuivit d'épigrammes et de
calomnies celui qu'il avait naguère si haute-
ment honoré. Servan resta calme et ferme de-
vant ce caprice de la popularité; seulement,
ayant appris que ses conclusions devaient être
siftlées, il supprima la dernière partie de son
réquisitoire, et annonça qu'il terminait son dis-
cours et sa carrière publique (1772). Depuis cette
époque il ne voulut accepter aucune fonction, et
refusa, en 1789, de siéger aux états généraux,
et, plus tard , au Corps législatif. Ses loisirs en
France et en Suisse, où il vécut de 1792 à 1802,
furent employés à la rédaction de mémoires sur
les abus de notre ancienne législation, et d'opus-
cules sur la nécessité des réformes dans toutes
les branches de l'administration publique. Dans
les années 1788 et 1789 seulemenl,il publia dix-
sept brochures. Mais, bien que l'activité de son
esprit ait produit des écrits utiles, surtout à
la restauration de l'ordre judiciaire, ce n'est pas-
comme publiciste, c'est comme orateur que
Servan est resté illustre. Il paraît que sa voix
et son geste avaient quelque chose d'impé-
tueux , d'entraînant , et que la chaleur de son
éloquence excitait les plus vives émotions dans
26.
807
SERVAN
808
l'âme des spectateurs. Cependant, la lecture
de ses plaidoyers laisse froid et fatigue ; tout y
est tendu, cherché, embelli de figures qui de
son temps peut-être se faisaient applaudir, mais
qui nous paraissent aujourd'hui bizarres et par-
fois ridicujgs. On voudrait une élégance moins
constante et] plus d'abandon, moins de préten-
dus mouvements oratoires et plus de cette sim-
plicité qui laisse les idées paraître dans toute
leur force. Outre les Discours cités et quelques
autres moins importants, il reste de Servan de
nombreux écrits sur la législation , la politique
et la morale, entre autres : Réflexions sur les
Confessions de J.-J. Rousseau; Paris, 1783,
in-12; — Essai sur la formation des assem-
blées nationales, provinciales et municipales ;
Paris, 1789, in-8°; — Adresse à MM. les cu-
rés; Paris, 1789, in-8°; — Adresse aux amis
de lapaix ; Paris, 1789, in-8° ; — Aux grands ;
Paris, 1789, in-8° ; — Entretien de M. Nec-
ker avec la comtesse de Polignac, le ba-
ron de Breteuil et l'abbé de Vermont;
Londres, 1789, in-S°; — Essai sur la conci-
liation de l'intérêt et de la justice, ou Ré-
flexions sur la liquidation du papier-mon-
naie en France; Paris, 1795, in-12. M. de
Portets a publié les Œuvres choisies de Servan
(Paris* 1823-25, 3 vol. in-8°), et un Choix
d'oeuvres médites du même (1825, 2 vol. in-8°).
X. de Portets, Notice, à la tète des OEuvres choisies.
— Rabbe, vieilh de Boisjolin et Sainte-Preuve, Biog. univ.
et portât, des contemp. — Querard, France littéraire.
— Correspondance de Voltaire, 1767 et 1768.
servan de Gerbe y (Joseph), homme d'État,
frère du précédent, né à Romans, le 14 février
1741, mort à Paris, le 10 mai 1808. Engagé vo-
lontaire dans le régiment de Guienne (1760), il
passa dans celui du dauphin (1762), y fit la
campagne de 1769 en Corse, et s'éleva au grade
de capitaine (7 juin 1772). Il fut nommé en 1779
major des grenadiers royaux à l'Ile de France. Il
fut aussi pendant quelques années sous-gouver-
neur des pages de Louis XVI. Il employa ses
loisirs à l'étude des questions sociales, dont se
préoccupaient alors les esprits. Les principes
qui triomphèrent en 1789 lui parurent dès sa
jeunesse la seule base solide du bonheur des
hommes; c'est en ne perdant pas ce but de
vue qu'il écrivit pour l' Encyclopédie des ar-
ticles sur l'art militaire, et qu'il publia le Sol-
dat citoyen (Paris, 1781 , in-8°). Lieutenant-
colonel dans le Vermandois infanterie (1791),
colonel du 104e régiment, le '7 mars 1792, il fut
promu, le 8 mai suivant, au grade de maréchal
de camp. Le lendemain 9 le parti de la Gironde,
où il comptait de nombreux amis, le fit accepter
à Louis XYI comme ministre de la guerre. Ce
fût lui qui, à l'insu de ses collègues, proposa de
former sous Paris un camp de vingt mille fédérés,
qui serait destiné à protéger l'assemblée et la
capitale. Ce projet fut accueilli avec empresse-
ment par la majorité de l'Assemblée, composée
de girondins; mais Dumouriez demanda en plein
conseil à Servan, et avec une grande vivacité, à
quel titre il avait fait une proposition pareille. Il
répondit que c'était à titre d'individu. « En ce cas, i
répliqua Dumouriez, il ne fallait pas mettre à î
côté du nom de Servan le litre de ministre delà
guerre. » La dispute fut si vive, que sans la pré- j
sence du roi, le sang aurait pu couler dans le
conseil. Quelques jours après (12 juin 1792), Ro-
land , Clavière et Servan recevaient leur démis-
sion. Mais dans la journée du 10 août, l'Assem- j
blée , à l'unanimité, les réintégra chacun dans
leur département. Bientôt les Prussiens mena- !
cèrent la frontière et même Paris. Servan,;
quoique maladif, veilla sans relâche à l'appro- i
visionnement des armées, au transport des effets |
et munitions, et à la réunion de nouvelles levées. I
Il partait tous les jours de Paris quinze cents à I
deux mille volontaires. Cependant Dumouriez
victorieux n'oublia pas son inimitié contre
ministre de la guerre; il l'accusa d'obéir ave<
une servilité qui ressemblait à l'amour plus qu'É
la complaisance, aux influences de Mme Roland
et de faire échouer tout le plan d'invasion ei
Belgique. Servan donna sa démission (3 octobr*
1792), et fut remplacé parPache. Le conseil exé-
cutif l'avait nommé , le 25 septembre précédent
lieutenant général, et le 6 octobre il lui remit 1<
commandement en chef de l'armée des Pyrénées
occidentales. Servan s'occupa avec activité de 1;
reconstituer, et remporta même quelques avan-
tages sur l'ennemi. La chute de la Gironde en-
traîna la sienne. Dénoncé par Robespierre, il fu
destitué (mai 1793), conduit à Paris, et enferrm
dans la prison de l'Abbaye , où il fut oublié jus
qu'au coup d'État du 9 thermidor. Cependant oi
ne lui rendit ses biens et son grade que le 23 sep
tembre 1795. Après avoir été chargé, en juille
1796, d'inspecter les troupes des deux armée:
du midi, il fut admis à la réforme, et ne ren
tra en service actif que sous le consulat, où i
commanda la division militaire de Périgucm
(déc. 1799), celle de Toulouse (mai 1800), e
devint inspecteur en chef aux revues (10 mar,
1803) Il reçut la croix d'officier de la Légioi
d'honneur, et fut mis, le 3 mai 1807, àla retraite
Son nom figure sur l'arc de triomphe de l'Étoile
Servan a laissé la réputation d'un homme di
bien, d'un administrateur habile et d'un généra
médiocre. Il a encore publié : Projet d'un
constitution pour l'armée des Français; Pa-
ris, 1789, in-8°, avec avec Lacuée de Cessac
— Notes sur les Mémoires de Dumouriez et se
Correspondance avec le général Miranda
Paris , 1795, in-8° ; — Supplément à l'art mi-
litaire de /'Encyclopédie méthodique; Paris
1802, in-4°; avec Lacuée de Cessac ; — His
toire des guerres des Gaulois et des Fran^
cais en Italie; Paris, 1805, 7 vol. in-8°, atlas
îe t. Ier est de Jubé de La Perelle; — Tableai
historique de la guerre de la révolution d>
France; Paris, 1807, 3 vol. in-4°; les t. I et I
sont de Grimoard.
:.
•;
l
809
SERVAN — SERVANDONI
810
Thicrs, IUst. de larëv. franc., t. II. — Lamartine, [Jist.
des Girondins, t. 1. — Fastesde la Légion d' honneur, l. IV.
servan de Sugny ( Pierre-François- Jules),
poète français, né le 24 novembre 1796, à Lyon,
mort le 12 octobre 1831, près d'Orléans. Il était
le la famille des précédents ; sa mère s'appelait
\nne Royer de Sugny. En sortant du lycée de
Lyon, il alla étudier le droit à Grenoble, puis à
Paris , et se fit inscrire en 1824 au barreau de sa
fille natale ; il y plaida non sans succès ; mais la
rentable vocation de son talent l'entraînait vers
es lettres. Des études solides l'avaient initié à
ous les secrets de la langue d'Horace et de
/irgile, et elle lui était devenue à ce point fa-
nilière qu'il rédigeait presque seul, dit-on,
'Hermès romanus de Barbier-Vémars et qu'il
e fit connaître par la publication d'un Alma-
xach des muses latines (Grenoble et Paris,
817-18, 2 vol. in-12), où il fournit la plupart
les pièces. Outre les auteurs anciens, il connais-
ait à fond les meilleurs d'entre les modernes, et
il sut tirer des fruits précieux de la lecture et de
^comparaison de tant de modèles. N'ayant pas
outefois choisi sa place dans l'une ou l'autre
f:ole qui se disputait alors le domaine poétique,
lercliant à réconcilier les novateurs avec les
assiques , il passa presque inaperçu ; on ne
endit pointa ses vers gracieux et faciles Iajus-
ice qui leur était due, et le découragement qui
'empara du poète, joint aux cruelles souffrances
'un mal de poitrine, le^conduisit rapidement au
ambeau. On a prétendu même que,. par dégoût
)e la vie et de ses propres efforts, il avait lui-
|ûême abrégé ses jours. On a encore de Jules Ser-
Ian: Idylles de Théocrite,en vers; Paris, 1822,
820, in-8°; — La Famille grecque, poëme,
ffuivi de poésies diverses; Paris, 1824, in-18;
- Les JSoces de Pelée et de Thétis, trad. de
àtulle; Paris, 1829, in-8o; — Clovis à Tol-
iac , tableau historique en vers; Paris, 1830,
i-8o; — La Chaumière d'Oullins, roman;
'aris, 1830, in-S°; — Le Neveu du chanoine,
u Confessions de Vabbé Guignard, écrites
ar lui-même; Paris, 1831, 4 vol. in-12; —
e Réveil de la liberté, ode; Paris, 1831,in-8°;
Satires contemporaines et mélanges; Pa-
is, 1832, in-8° : ce recueil est dû aux soins
e Bignan, ami de l'auteur, qui y a inséré, outre
es écrits imprimés, des fragments drama-
ques et des morceaux inédits; — Le Suicide,
oman; Paris, 1832, in-8°. On trouve encore de
et écrivain des articles littéraires dans le Mer-
«re,la Revue encyclopédique, la Gazette de
,yon,\e& Archives du Rhône, etc.
Bignan, Notice, à la tfete des Satires contemp. de l'au-
- Boissieu (A. de), Éloge de Servan de Sugny ;
1832, in-8°. — Beucbot, dans le Journal de la li-
rairie, oct. 1831. — Nécrologe lyonnais, 1826-1835.—
irille, Lettres à Paul Lacroix, 1846.
servandoni (Jean- Jérôme) , architecte et
cintre, né à Florence, le 22 mai 1695, mort à
(aris, le 29 janvier 1766. Il se livra d'abord à la
einture , sous un maître dont le nom est resté
yo
inconnu , puis il alla à Rome, où il fréquenta l'a-
telier de G.-P. Panini. Afin de mettre plus de
correction dans ses paysages, accompagnés de
ruines, il prit de G.-G. de' Rossi des leçons d'ar-
chitecture. Entraîné par le goût des voyages , il
partit pour le Portugal, où on lui demanda des
décorations pour les fêtes publiques et pour le
Théâtre- Italien de Lisbonne. Cette nouvelle
branche de l'art convenait à son imagination, riche
et féconde, et le succès qu'il obtint lui mérita
l'ordre du Christ. De là vient le titre de chevalier,
qu'on ajoute souvent à son nom. En 1724 il vint
en France, et fut attaché à l'Opéra, pour lequel il
peignit, en 1728, les décorations, si pittoresques,
à'Orion. En 1731, il se présenta à l'Académie de
peinture, et fut reçu par acclamation ; son tableau
représentant un Temple et des ruines est au
musée du Louvre. En 1732, il fut nommé archi-
tecte du roi et chargé de la construction du por-
tail de l'église de Saint-Sulpice (1733-1745). La
beauté de cet édifice, son caractère noble et impo-
sant, qui résulte de l'harmonie qui règne dans
toutes ses parties, attestent le goût et le génie de
l'architecte (1). Cette église lui doit aussi la ma-
gnifique chapelle de la Vierge et les tribunes de
l'orgue. On peut encore citer de lui le portail de
l'Enfant Jésus, à Paris, le maître autel des Char-
treux de Lyon et celui de la cathédrale de Sens, et
l'église de Coulanges en Bourgogne. Quant aux
projets dont il est auteur, le nombre en est incal-
culable. On lui en demandait de tous côtés, «"t. il
les concevait avec une promptitude et une variété
d'invention peu ordinaires. Son projet pour la
décoration de la place Louis XV est un de ceux
qui attestent le mieux sa préoccupation constante
des effets, son goût pour les choses d'apparat, qui
souvent l'entraîna dans l'oubli des règles : il vou-
lait disposer cette place pour les fêtes publiques,
et il l'ornait de 360 colonnes et d'une double ga-
lerie et de péristyles. En 1738, Servandoni avait
obtenu la jouissance de la salle dite des Ma-:
chines aux Tuileries, et il y donna de nombreuses
représentations de scènes dramatiques qui n'é-
taient que le prétexte de décorations magnifiques.
En 1739, il avait dirigé les fêtes splendides qui
eurent lieu à l'occasion de la paix et du mariage
d'Elisabeth de France avec l'infant d!Espagne Phi-
lippe. Parmi les scènes qu'il produisit sur son
théâtre, les plus remarquables furent la Descente
d'Énée aux enfers (1740), le Retour d'Ulysse
à Ithaque (1741), Héro et Léandre (1742), la
Forêt enchantée du Tasse (1745), etc. Eu 1749,
il fut appelé à Londres pour présider à un pro-
digieux feu d'artifice, qui coûta, dit-on, cent mille
(1) Les tours étalent dans l'origine fort basses , et en
quelque sorte réunies par un fronton qui, dégradé en
1770, a été remplacé par une balustrade. Plus tard Je curé
les fit démolir, et un architecte médiocre, Maclaurin,
éleva des tours, pires que celles de Servandoni/ à en
juger d'après celle qui existe encore au midi; celle du
nord a été refaite par Chalgrln en]i777, et il serait bien à
désirer que la seconde fût à son tour reconstruite sur le
même modèle.
821
SERVANDONI — SERVEÏ
8!2
guinées; en 1755, il fît pour Auguste III, roi de
Pologne, la place du théâtre de Dresde et les dé-
corations de l'opéra d'Aétius, qui lui valurent
une pension et le titre d'architecte décorateur de
ce prince; à Vienne, en 1760, il fut chargé de la
direction des fêtes du mariage de Joseph II avec
l'infante Isabelle; il donna au duc de Wurtem-
berg des spectacles qui n'encoururent d'autre
reproche que celui d'avoir nécessité des dépenses
hors de proportion avec les finances d'un si
petit État.
Servandoni s'était marié à Londres; il mourut
à Paris, laissant la réputation d'un homme géné-
reux, prodigue même, ayant moins travaillé pour
le gain que pour la gloire. Son style en archi-
tecture fut grandiose et de meilleur goût géné-
ralement que celui de ses contemporains. Son
nom a été donné à la rue qu'il habitait derrière
Saint-Sulpice. E. B— n.
Quatremère de Quincy, Vies des architectes. — Ticozzi,
Dizionario. — Winckelmann. Neues Mahlerlexihon.
— Magasin pittoresque, t. I et XVIII.
seîivèt (Michel), médecin et philosophe
espagnol, né en 1509, à Villanueva (Aragon),
brûlé à Genève, le 27 octobre 1553. Il quitta l'Es-
pagne à dix-neuf ans. Ayant commencé l'étude
du droit à Toulouse, il l'abandonna bientôt pour
.se livrer avec passion à celle des questions reli-
gieuses soulevées par la réforme naissante. En
1530, il se rendit à Bâle auprès d'Œcolampade
et à Strasbourg près de Bucer et de Capito. Ses
audacieuses négations épouvantèrent ceux-ci :
ils s'unirent pour maudire « le méchant et scé-
lérat Espagnol ». Servet en appela de cet ana-
thèmeau public par son livre De Trinitatis er-
roribus lib. VII (Haguenau, 1531, in-8°; Nu-
remberg, 1791, ia-12) et des Dialogues sur le
même sujet (ibid., 1532,in-8°). La doctrine
de Servet fit un tel scandale en Allemagne qu'il
changea son nom en celui de Michel de Ville-
neuve, et gagna la France. En 1533, il vivait à
Paris, étudiant la médecine sous Sylvius etFernel.
Il y prit le bonnet de docteur, et professa avec
éclat au collège des Lombards. Ii donnait dans
les visions de l'astrologie judiciaire ; il devinait
la circulation du sang , que Harley démontra
soixante ans plus tard (1). Il attaqua même vio-
lemment Gallien et la Faculté dans son traité sur
les sirops (Syruporum universa ratio; Paris,
1537, in-8° ; Lyon, 1546, in-8° ). C'est alors que
(1) Voici comment s'exprime M. Flourens à cet égard :
« Comment une découverte de pure et profonde physio-
logie se trouve-t-clle dans un livre sur la Restitution du
christianisme? Quand on jette un coup d'oeil sur les
écrits de Servet, on s'aperçoit bien vite du parti qu'il a
pris, en théologie, de s'attacher uniquement et obstiné-
ment au sens littéral.... L'ÉcFiture dit que l'âme est
dans le sang, que l'âme est le sang môme. Alors, dit
Servet, pour savoir comment se forme l'âme, il faut
voir comment se forme le sang; pour savoir comment
il se forme, il faut voir comment il se meut, et c'est
ainsi que, à propos de la Restitution du christianisme,
il est conduit à la formation de l'âme, de la formation
de l'âme à celle du sang, et de la formation du sang à
la circulation pulmonaire. » Voy. le Journal des sa-
vants, avril 185*.
Servet rencontra Calvin pour la première fois.
Après plusieurs conférences, ils avaient pris jour
pour un cartel théologique ; mais Servet man-
qua à sa parole. Il sortit de Paris en 1538, et
s'établit successivement à Lyon , à Charlieu, à
Avignon, peut-être en Italie. Obligé pour vivre
de se mettre aux gages des libraires, il publia
une édition delà Géographie de Ptolémée ( Lyon,
1535, in-fol., fig. ; Vienne en Dauphiné, 1541,
in-fol., très-rare), une Bible annotée (Lyon.
1542, in-fol. ) et des arguments pour une Sommi
espagnole de saint Thomas. Un ami des lettres.
Pierre Paulmier, archevêque de Vienne, lui
donna, en 1541, un asile honorable dans soi
palais, Servet avait formé le projet de converti]
Calvin à ses doctrines : mis en communicatior
avec lui par le libraire lyonnais Frellon , il ni
fit qu'irriter son ancien antagoniste. Le prO'
sélytisme et aussi l'orgueil le poussèrent alor;
à publier son grand ouvrage de la Reslitutioj
du christianisme (1). L'obscurité des idées
les incorrections du style, la rareté du livre lui-
même ont fait porter sur la doctrine de Serve
des jugements contradictoires. Voici en quo
elle consiste : Luther et Calvin ont attaqué I<
dogme catholique en un point, la rédemption
mais d'autres points du christianisme primiti
ont été corrompus par Rome; il faut une révo
lution. Servet aspirait donc à refondre l'cnsemhli
de tous les mystères; comme le théologien es
doublé chez lui d'un philosophe , il explique l
dogme religieux à l'aide d'un système de la mé
taphysique avec le panthéisme néo-platonicien
en faveur depuis la renaissance; il admet l'indi
visibilité absolue de Dieu, et nie par conséquen
toute diversité nécessaire, toute distinction d<
personnes en lui. Dieu, un, simple, entre en rap
port avec le monde par les idées, à la fois type
éternels et principes substantiels et actifs des être:
qui sont contenus en elles. Dieu est tout, ton
est Dieu. Servet refuse ainsi de reconnaître deu:
natures en Jésus-Christ, et soutient que c'est 1
fils de Marie qui est consubstantiel à Dieu. Il es
un intermédiaire entre Dieu et l'homme, en c
sens que Dieu se manifeste par lui et que tous le
êtres émanent de lui. Servet admet l'incarnation
mais l'explication rationaliste qu'il en donni
détruit ce dogme. Il attaque même la moral
chrétienne en niant la transmission du péch
(1) En voici le titre : Christianisme restilutio. Totiu
ecclesise apostolicœ ad sua limina vocatio , in inte
gntm restituta cognitione Dei, fldei Christi, justiflea
tionis nostrse, regenerationis baptismi et cœuœ Domin
manducationis ; s. 1. (Vienne en Dauphiné), 1653, in 8
de 734 p. : cet ouvrage, signé in fine des initiales M. S. V
fut tiré à 800 exemplaires ; il n'en existe plus que dem
l'un dans la Bibl. luip. de Paris, l'autre dans celle d
Vienne. L'exemplaire de Paris avait appartenu à Colla
don, un des accusateurs de Servet, et fut placé sur 1
bûcher; quelques pages portent les traces des flamme:
Ce livre si célèbre a donné lieu à deux réimpression
seulement; encore celle qu'avait entreprise le doîLeu
Mead ù Londres n'a pas été achevée; l'autre est de Mui
(Nuremberg, 1790, in-8°), et reproduit fidèlement l'or!
glnal.
813
SERVET — SERV1EN
811
originel et en ne reconnaissant pas la nécessité
de la grâce ni celle de la foi pour le salut. Cette
doctrine, dégagéede ses principes philosophiques,
aboutissait pratiquement aux conséquences du
socinianisme ; elle",soulevait les chrétiens de tous
les partis. On peut dire pourtant avec Saisset
« qu'il essaya, non sans génie, une sorte de dé-
duction rationnelle des mystères du christia-
nisme », et qu'il fut le « précurseur inattendu
de Spinosa et de Strauss. »
Calvin prévit que les excès de Servet feraient
tort à la cause commune. D'ailleurs ce dernier
l'avait pris à partie personnellement; l'impla-
cable sectaire saisit avec empressement l'occa-
sion de venger son amour-propre en même
temps que de sauver sa foi. Servet fut dénoncé,
probablement à son instigation , à l'inquisition
et au cardinal de Tournon, archevêque de
Lyon, et Calvin se. laissa arracher des lettres
confidentielles qui servirent de témoignage contre
l'accusé. Celui-ci fut mis en prison. S'étant
évadé, il eut la malheureuse idée, pour se rendre
en Italie, de passer par la Suisse, et de s'ar-
rêter à Genève près d'un mois à l'hôtel de la
Mose. Calvin, qui sans doute craignait de le
voir s'unir au parti puissant des libertins, et
qui voyait1 peut-être aussi dans sa présence une
sorte de défi et de provocation, le dénonça (août
1553). Sept ans auparavant il avait prédit à Servet
lui-même que s'il venait à Genève, il n'en sor-
tirait <pas vivant. Il avait donc prémédité la mort
de son ennemi, et cette vengeance lui parut d'au-
tant-plus nécessaire qu'elle servait sa politique.
L'hérésie était d'ailleurs un crime pour les pro-
testants comme pour les catholiques. Non content
d'avoir fait arrêter Servet, il conduisit les débats,
prêcha contre lui , et le réfuta dans les traités
intitulés Sentenlix excerptx ex libris Serveti
et Brevis rejutatio errorum. Servet se dé-
fendit avec énergie. Le procès dura trois mois;
les débats y eurent le caractère d'une pédanterie
féroce; les souffrances de Servet l'exaspéraient;
•après avoir attaqué lui-même Calvin, il refusa de
lui répondre; c'était courir à sa perte. Dans sa
fureur, Calvin alla jusqu'à provoquer les églises
des cantons à porter des sentences défavorables
au vaincu. Servet fut condamné, malgré les ef-
forts du président du conseil de la république,
Amied Perrin, à être brûlé vif (26 octobre). Ser-
ve!, resté inébranlable dans sa foi , refusa de se
rétracter malgré les instances de Farel, accouru
de Lausanne pour l'assister dans ses moments
suprêmes. Le lendemain 27, il marcha, à la
mort d'un pas ferme en s'écriant : « O Dieu !
sauve mon âme! ô Jésus, lîls du Dieu éternel,
aie pitié de moi! » dernier témoignage de sa foi.
En voyant s'allumer le bûcher, il poussa un cri
déchirant, et expira après une demi - heure
d'affreux tourments. Une tradition populaire,
dénuée d'authenticité , représente Calvin caché
derrière une fenêtre pour repaître ses yeux du
-•supplice de sa victime; c'est une erreur. Il paraît
même que Calvin aurait désiré que Servit ne
fût pas brûlé. Cependant, il n'en maintint pas
moins avec énergie, ainsi que Th. de Bèze, le
droit qu'il avait de châtier les hérétiques.
Outre les ouvrages cités, on a encore de Ser-
vet : In Léon. Fuclisium apologia pro Symph.
Campegio; Paris, 1536, in-8" ; — Apolugelica
disceptalio pro astrologia ; Paris, 1 538, in-8° :
écrit dirigé contre les médecins de Paris et sup-
primé par arrêt du parlement. On lui a attribué
sans fondement le Thésaurus animx Chris-
tianx. G. R.
Boysen, JJistoria Mich. Servcti ; Wlttcmberg, 1712,
tn-4°. —Impartial history 0/ Midi. Servetus ,- Londres ,
1721, in-8». — Alvvœrden, Hist. M. Serveti; Helmstseclt,
1727, ln-4°. — Mosheim, Geschichte Midi. Serveti;
IU-lmst., 1748, in-40.— Trectisel, Mich. Servet und seine
f'orgoenger; Heldelberg, 1839, in-8». — Drummond,
Life of Mich. Servetus, Vie spunisfi physician ; Londres,
1848, in-12. — Wigand, De Servetismo ; Ratisbonnc, 1575,
in-8°. — Chaufepié, Dict. fiist. — Saisset, dans la Revue des
deux mondes, 15 février et 1er mars 1848. — Bungener,
Fie de Calvin. — Audin, ld. — Sand, Bibl. antitrini-
tariorum. — Grégoire, Hist. des sectes religieuses, t. II.
— Schadé, Éludes sur le procès de Servet; Strasbourg,
1853, in-8°. — Dict. des sciences philos. — Mém. de la
Soc. d'hitt. et d'archéol. de Genève, t. III, p. 158.
servien (Abel), marquis de Sablé et de
Boisdauphin, comte de la Roche-Servien , cé-
lèbre diplomate français, né à Grenoble, en 1593,
mort au château de Meudon, le 17 février J659.
Fils d'Antoine Servien, procureur général des
états du Dauphiné(l), il fut pourvu, dès 1616,
de la même charge près le parlement de Gre-
noble. En 1617 il siégea dans l'assemblée des
notables tenue à Rouen, et reçut en 1618 le bre-
vet de conseiller d'État. Appelé à Paris, le 22
mars 1624, comme maître des requêtes de l'hô-
tel, il prit part à la délibération des affaires, et
se fit remarquer de Richelieu, qui, le (3 avril
suivant, entra au conseil. Dansées fonctions, « il
montra si haut ce qu'il valait », que lors du bou-
leversement des huguenots dans le midi il fut
envoyé en Guienne, en qualité d'intendant de
justice (1627). Le parlement de Bordeaux, hos-
tile à cette création nouvelle des intendants, qui
faisait échec au pouvoir parlementaire, lança
d'abord des arrêts contre lui; mais Servien sut
calmer ces défiances en même temps que servir
efficacement le roi. En 1628 il mit fin au diffé-
rend élevé entre la France et l'Espagne à l'oc-
casion des vallées de Baréges et Brotto , et fixa
les frontières des deux États; ce fut son début
dans la carrière diplomatique. Envoyé en 1629 à
Turin pour résoudre les difficultés pendantes
entre les ducs de Mantoue et de Savoie, il ne
put y parvenir, et exerça en 1630 les fonctions
de sous-intendant dans l'armée d'Italie com-
mandée par le cardinal. La même année le vit
en outre président en la justice souveraine
de Pignerol , président du parlement de Bor-
deaux (26 juin), et secrétaire d'État de la guerre
(Il décembre). Toutefois son habileté diploma-
(1) Son grand-père, Gérard, était conseiller au parle-
ment de Grenoble, ou simple huissier, comme l'assure
T.illemont (k-sRêaux.
815
SERVIEN
816
tique le fit de nouveau députer, avec le maré-
chal de Toiras, comme ambassadeur extraordi-
naire en Italie. Dans les négociations qui sui-
virent, sa moralité se montra inférieure à sa ca-
pacité, et il manifesta à supporter tout partage
dans l'autorité cette impatience qui le porta
à desservir alors son collègue Toiras , comme
plus tard le comte d'Avaux. Sa politique tendit
à éluder l'imprudent traité de Ratisbonne et l'é-
vacuation du Piémont, Par le traité ostensible de
Cherasco (6 avril 1631), les ambassadeurs fran-
çais, en compensation de l'investiture du duché
de Mantoue donnée par l'empereur au duc de Ne-
vers, abandonnèrent à Victor- Amédée Ifir tout ce
que la France avait conquis en Savoie et en Pié-
mont; mais, par un traité secret et antérieur avec
Victor- Amédée lui-même, ils avaient eu soin de
se faire céder Pignerol et les forteresses vau-
doises (3 1 mars ) ; cette dernière transaction fut
rendue publique le 19 octobre 1631. Un dernier
traité (5 mai 1632) termina cette babile négo
dation, en dispensant la France de payer la
somme qu'elle avait promise pour Pignerol. Mais
déjà Servien était de retour en France, non sans
s'être fait très-apprécier de Mazarin, alors simple
médiateur du traité de Cherasco. En 1634 l'A-
cadémie française l'admit parmi ses membres (1).
Ainsi brillante et élevée, la situation de Servien
s'écroula pourtant deux ans plus tard, d'une chute
soudaine (16 février 1636). Quelle en fut la cause?
Peut-être l'esprit dominateur et inflexible de
Servien, qui fit ombragea Richelieu lui-même;
mais certainement aussi les intrigues de cour,
qui expliquent tant de choses de l'ancienne
France. Servien n'attenditpas la disgrâce; il remit
de lui-même sa charge, et reçut de Sublet de
Noyers , son successeur, cent mille écus.
Jusqu'à la mort de Louis XIII, Servien vécut
à Angers ou dans sa terre.de Sablé. « Il y chassoit
et coquettoit »,dit Tallemant. Mais il finit par se
prendre à ses propres appeaux, et « quoiqu'il ne
fût pas trop épouseur » il s'y maria avec une
jeune femme, «"jolie et coquette et qui eût été la
petite-fille de son mari », Augustine Le Roux,
veuve du comte d'Onzain. La toute-puissance
de Mazarin le rappela aux affaires. Destiné d'a-
bord à l'ambassade de Rome ,-1'influence de son
neveu, Hugues de Lionne, le fit substituer à
Chavigny pour aller débattre à Munster les
conditions d'une paix générale (1643). Sans vou-
loir entrer dans les détails'des longues négocia-
tions des traités de Westphalie, où Servien ne
se rendit pas moins célèbre par son habileté que
par son humeur altière, qui le fit appeler « l'ange
exterminateur de la paix », et où ses querelles
avec lé comte d'Avaux n'occupèrent pas moins
la renommée que ses discussions diplomatiques
avec les envoyés des autres puissances, disons
(1) « Le 13 marsM'Académle, écrit Pellisson, se tenant
honorée de la priOre que M. Servien lui a fait faire d'y
Être admis, a résolu qu'il en sera remercié... Le
10 avril, M. Servien y vint, et ût son compliment.»
que l'histoire n'a peut-être pas encore dit la
vraie raison de cette attitude singulière de
Servien; elle ne fut le plus souvent qu'une
adroite comédie, dont Mazarin avait le mot, et
destinée à traîner en longueur des négociations
que le cardinal voulait clore à son jour et à son
heure. Il est en effet un point certain, c'est que
Servien eut seul le secret de Mazarin, qui vou-
lait continuer la guerre. Servien et d'Avaux,
nommés plénipotentiaires, n'arrivèrent à Munster
qu'en mars 1644, bien que les conférences fussent
ouvertes depuis le mois de juillet précédent.
Alors commencèrent d'interminables contesta-
tions de préséance, où Mme Servien ne laissa pas
de jouer son rôle; puis survinrent des débats,
plus irritants et plus sérieux, entre Servien et
d'Avaux sur la rédaction et la signature des dé-
pêches , et qui aboutirent à créer deux corres-
pondances diplomatiques séparées, et où d'A-
vaux accusait son collègue de libelles diffa-
matoires , tandis que Servien se disait menacé
dans son existence même par d'Avaux. Le duc
de Longueville, envoyé en 1645 pour concilier
les deux ambassadeurs, rentra en France en
1647, fatigué qu'il était de ces interminables
lenteurs ; l'inimitié reparut plus vive que jamais
entre Servien et d'Avaux : ce dernier fut rap-
pelé en 1648, sous un prétexte honorable, et
Servien signa seul les deux traités du 24 oc-
tobre 1648. Dès le 30 janvier la paix avait été
signée entre l'Espagne et les Provinces-Unies,
par suite de la conduite trop peu modérée de
Servien. 11 s'était rendu en effet inopinément à La
Haye, afin d'engager les états généraux à sus-
pendre leurs négociations avec l'Espagne; mais il
prononça devant eux un discours véhément,
auquel le président ne répondit qu'en termes-
vagues. Tout oe qu'il put obtenir fut un traité de
garantie mutuelle de leurs États respectifs, entre
la France et les Provinces-Unies (29 juillet 1647 ).
De retour en France, Servien reçut, pour prix
de ses services, le titre de ministre d'État (24 avril
1649). Pendant la Fronde, sacrifié avec de Lionne
et LeTellier,aux impérieuses exigences de Condé,
il resta fidèle à Mazarin. Aussi fut-il appelé, con-
jointement avec Fouquet, à la surintendance des
finances (2 janvier 1653). Mais Mazarin se lassa
bientôt de la roideur, probe mais brusque, de Ser-
vien; il vit en lui une sorte d'épouvantail pour
ces gens d'affaires, dont les expédients lui étaient
si commodes. Fouquet fut seul chargé des re-
cettes ( c'était la partie délicate); Servien, de celle
des dépenses. Heureuse combinaison,-qui procura
à Mazarin une épargne de 300 millions et de
riches dots pour ses nièces ! C'est d-ans l'exer-
cice amoindri de ces fonctions qu'il mourut. Il
■ fut enterré, près de sa femme, morte en 1652,
dans l'église des Ardilliers, de Saumur. Comme
beaucoup de ministres des finances, Servien fut
ipeu regretté, «pas même, dit Tallemant, de ses
1 valets de chambre ». Il laissa près de 1,600,000
livres de dettes, en partie contractées pour sou-
fi 817 SERV1EN
j tenir l'éclat d'une alliance illustre, celle du duc
' de Saint-Aignan , mari de sa nièce, Antoinette
BServien. Tout en tenant compte de cette « bile
>!fière et brûlante » et de cette hauteur qui rendit
|| son commerce si difficile, on peut reproduire ce
portrait de Servien, fait par un contemporain :
Bien qu'il fût extrêmement appliqué aux affaires,
I ne laissait pas d'aimer la musique, la chasse,
a promenade et la bonne chère, qui faisaient ses
)rincipaux divertissements. Il était encore ga-
ant et faisait facilement des vers. 11 avait fort
)onne mine, et un œil qu'il avait perdu par ac-
ident défigurait peu son visage. » Le P. Bou-
eant, l'historien des traités de Westphalie,
dit de lui : « Il avait l'esprit vif et pénétrant. Il
tait prompt dans ses relations et ferme jusqu'à
opiniâtreté. Il écrivait avec feu et justesse, et
'il n'avait pas l'esprit aussi orné que le comte
'Avaux, il avait le style plus serré et plus fort. »
De son mariage, il avait eu Marie-Antoinette,
uchesse de Sully, morte le 16 janvier 1702;
■ouis- François, marquis de Sablé, mort le 29
un 1710, sans avoir été marié; et Augustin,
it l'abbé Servien, mort le 6 octobre 1716. On
ossède de Servien les ouvrages suivants : Ha-
angue faite à La Haye, en V Assemblée
es États; Paris, 1647, in-4°; — Lettres de
TM. d" Avaux et Servien: Cologne, 1650; —
uelqucs écrits dans les Divers Mémoires con-
îrnant les dernières guerres d'Jtalie ( Paris,
665, in-12), et dans les Négociations secrètes
nichant la paix ( La Haye , 1725, in fol.). Son
ortrait a été gravé par Lasne, Moncornet,
(ellan et Bignon. Eug. Asse.
G. Ménnge, Ilist. de Sablé. — Tallemant des Réaux,
iistoriettes. — Ch. Cotin, Or aison funèbre ; 1698, in-4«.
Jacques Bigout, Idem , 1659, in-4°. —Mémoires de
vuquet. — Fauvelet du Toc, Hist. des conseillers d'É-
\t. — Moréri, Grand Dict. hist. — Rochas , Biogr. du
miphiné.
serviez. (Jacques Boergas de), historien
i-ançais, né le 16 avril 1679, à Saint-Gervais
diocèse de Castres), mort en janvier 1727, à
aris. Sous les yeux de Percin de Montgaillard,
fêque de Saint-Pons, il reçut une éducation
»ignée; puis il étudia le droit à Montpellier,
oyagea en Italie, et s'arrêta à Borne, où il
iaida avec succès, devant le sacré collège, la
ause d'une vieille religieuse qui réclamait la
^solution de ses vœux. Sous la régence, il vint
ibiter Paris, et s'adonna entièrement à la cui-
re de l'histoire. On a de lui : Les Femmes
es douze premiers Césars ; Paris, 1718, in-12 ;
Jmpr. sous ce titre: les Impératrices romai-
ns, en 1720, 2 vol., et en 1728, 3 vol. in-12 ; l'édit.
i 1744 est la plus correcte : c'est une histoire
irieuse et bien écrite, selon Lenglet-Dufresnoy;
- Les Hommes illustres du Languedoc; Bé-
ers; 1723, in-12 : ouvrage qu'il n'a pas continué,
|>n plus que le précédent, qu'il voulait conduire
jsqu'à la chute de Constantinople ; — Le Ca-
riée, roman; Genève, 1724, in-12. On lui a
i al à propos attribué V Histoire secrète des fem-
— SERVIN
818
mes galantes de l'antiquité, qui est de Dubois.
Dcscssarts , Siècles littér., VI. — Magasin encycl., t. V.
SEiiviLius (Cneius), consul romain, mort
en 180 avant J.-C. En 212 il parvint à ravi-
tailler la citadelle de Tarente, assiégée par Anni-
bal. Il fut élu pontife en 210, édile plébéien en
209, édile curule en 208, et dans cette dernière
année le dictateur T. Manlius Torquatus le
choisit pour maître des cavaliers. Préteur en
206, il eut pour province la Sicile, et consul en
203, avec l'Étrurie pour province, il envahit la
Gaule Cisalpine, où il délivra son père d'une cap-
tivité qui durait depuis quinze ans, En 201 il
fut nommé dictateur pour tenir les comices;
l'on remarque que jusqu'à Sylla aucun autre
Bomain ne fut investi de cette dignité. En 183
il succéda à P. Licinius Crassus dans la place
de souverain pontife. Y.
Tite Live, XXV à XXXI, XXXIX, XL.
SERViLius. Voy. Cépion et Geminus.
servilics. Voy. Knaep.
servin (Louis), magistrat français, né vers
1555, dans le Vendomois, mort le 19 mars 1626,
à Paris. Il dut à sa mère, Madeleine Deschamps,
une des femmes savantes de son temps, une
éducation forte et un goût très-vif pour les let-
tres. Sa jeunesse fut laborieuse : pendant qu'il
s'initiait avec Fr. Baudouin à la jurisprudence,
il cultivait la poésie latine et française, et fit une
traduction de Denis le Périégète; plus tard il
entreprit de mettre le Cantique des cantiques
en vers phaleuques. Bien de tout cela n'a vu le
jour. Cependant sa réputation d'éiudit était si
grande que beaucoup de savants, Scaliger entre
autres , se faisaient gloire d'entrer avec lui en
commerce de lettres. Lorsqu'Henri III trans-
porta à Tours, par l'édit du 24 mars 1589, le siège
du parlement parisien, il nomma Servin, à la
recommandation du cardinal de Vendôme, avocat
général à la place de Jacques Faye, qui devint
premier président. Dans l'exercice de sa charge,
qu'il remplit sous les règnes d'Henri IV et de
Louis XIII, il se montra fort attaché aux inté-
rêts de la couronnne. Son zèle pour les libertés
de l'Église gallicane et contre les prétentions ul-
tramontaines lui fit des ennemis , et la Sorbonne
fulmina, le 16 février 1604, un arrêt de censure
contre les Plaidoyers qu'il venait de publier. 11
mourut victime de son dévouement à l'État.
Louis XIII tenait un lit de justice pour faire en-
registrer des édits bursaux ; Servin en démontra
l'illégalité : le roi l'interrompit dans ses remon-
trances, et s'emporta même jusqu'à menacer ie
courageux magistrat, qui, ne,pouvanUurmonter
son émotion, s'évanouit dans-1'assemblée et mou-
rut quelques heures après, chezlui, d'une attaque
d'apoplexie. Quelques auteurs prétendent qu'il
tomba mort aux pieds du roi. Ce tragique évé-
nement inspira au conseiller Bouguier les vers
suivants :
Scrvlnum una dies pro Hbertate loquentem
Vld.lt, et oppressa pro libertate cadeotero.
819
SERVIN — SERVIUS TULL1US
820
On cite de Servin : Vindiciue secundum liber-
tatem Ecclesïx gallicanx; Tours, 1590, in-8° ;
Genève, 1593, in-8°; — Actions notables et
plaidoyers; Paris, 1603, 1620, 1626, in- 8°, et
1640, in-fol. : la première édition fut censurée; il
y a, suivant le goût du temps, grand étalage d'é-
rudition et beaucoup dehors-d'œuvre et de cita-
iions inutiles ; — Pro libertate reip. Vene-
lorum; Paris, 1606, in-4°; — Remontrance
sur le livre de Bellarmin De summo ponti-
fice; Paris, 1610, in-4°. La Bibliothèque impé-
riale possède de Servin un Traité (ms.) touchant
l'origine de la convocation des états géné-
raux,fonds Saint-Germain, n° 249.
Servin n'avait qu'un fils , qui « étoit, dit Pas-
quier, un prodige en vivacité d'esprit, facile
compréhension, admirable mémoire, aptitude à
toutes sortes de sciences et exercices, arts, mé-
tiers et fonctions ». Mais il n'avait nulle religion ;
il était en outre « déloyal, cauteleux, menteur,
sanguinaire, lâche, poltron, pipeur, ivrogne,
gourmand, brelandier, rufian »; il mourut à
Londres, d'un vilain mal et dans un mauvais
lieu.
L. Servini, N. Verduni et H. Haquevillsei elogia, ex
Rod. Botereio ; Paris, 1626, in-8°. — La Justice en dpull
de la mort de L. Servin; Paris, 1626, in-8°. — Le Tom-
beau de L, Servin; Paris, 1626, in-8°. — J. Grangier,
Oratio funebris in laudemL. Servini; Paris, 1626, in-4°.
— Pasquier, Recherches de la .France, lib. VI, c. 47. —
Scaligcrana. — Moréri, Grand Dict. hist.
servin (Antoine-Nicolas) , historien fran-
çais, né le 14 août 1746, à Dieppe, mort le
30 mai 1811, à Rouen. Reçu avocat au parle-
ment de Rouen, il exerça cette profession avec
un parfait désintéressement. Ses ouvrages mon-
trent en; lui un historien consciencieux et un lé-
giste philosophe ; en voici les titres : Histoire
de la ville de Rouen; Rouen, 1775, 2 vol.
in-12; — De la Législation criminelle; Bàle,
1782, gr. in-8° : ce mémoire a été édité par Isaac
Iselin, ami de l'auteur, qui l'a accompagné de
Considérations générales sur les lois et les
tribunaux de judicature ; l'impression en
avait été défendue deux fois en France, mesure
qu'on prétendit justifier par les articles où il est
iraité de l'inceste et des délits contre nature.
«. Cet ouvrage, dit Guilbert, abonde en idées
neuves (1); le jurisconsulte y combat l'usage
trop fréquent de la peine capitale ; il y plaide la
cause de l'humanité » ; — Manuel de juris-
prudence,<nxilurelïe ; Paris, 1784, in-12.
Guilbert, Jflèmoires biogr. et littér.
servius (Maurus ou Marius Honoratus),
(1) On y trouve certaines idées bizarres ou paradoxales,
coimneje moyen de frapper le peuple d'une terreur sa-
lutaire. 11 propose en effet d'établir dans les endroits où
se rend la justice une enceinte présentant un aspect lu-
gubre, aux raurailles>noircies à l'intérieur, et défendue
par des molosses. « C'est là que, couverts de baillons ,
nourris de pain et d'eau, prives de l'usage de la parole,
les criminels, attachés à des poteaux, seraient forcés
pendant le jour à un travail opiniâtre. Chacun porterait
sur son front la marque de son crime, et l'atrocité des
grands forfaits serait distinguée par l'horreur plus grande
dont on aurait soin d'environner les coupables. »
grammairien latin, vivait dans le quatrième siècle
après J.-C. On ne sait rien de sa vie, on en
ignorerait même l'époque siMacrobe, qui vivait
vers la fin du quatrième siècle, n'avait fait figurer
dans ses Saturnales un Servius, grammairien
célèbre, qui ne peut être que celui-ci. Son plus
célèbre ouvrage était un Commentaire sur Vir-
gile, compilé d'après un très-grand nombre d'an-
notateurs précédents. Ce commentaire nous est
parvenu altéré, abrégé, interpolé par les copistes
du moyen âge; mais même dans ce triste état
il constitue un précieux trésor d'informations sur
l'histoire et la mythologie des anciens; on le
trouve souvent imprimé, mais toujours d'une
manière défectueuse dans les anciennes éditions
de Virgile. Robert Estienne, Masvicius et Bur-
man ont beaucoup fait pour en améliorer le
texte; même après leurs travaux et ceux de
Lion, qui l'a publié séparément ( Gœttingue, 1825
2 vol. in-8°), une nouvelle édition serait dési-
rable. On a encore de Servius : In secundam
Donati editionem interpretalio, publiée pai
J.-Th. Bellovacus, dans ses Grammatici illus-
tres XII ; Paris, 1516, in-fol., et inséré dans
les Grammat. lut. de Putsch ; — De ratiom
ultimatum syllabarum,ad Aquilinum liber,
dans le recueil de Putsch; — Ars de cenlum
metris, seu centimetmm; ibid., et dans Gais
ford (Script, lat.; Oxford, 1837); ces deux der-
niers écrits avaient été impr. en 1476, in-4". Y"
Macrobe, Satur., I, 2, 24; VI, 6,7; VII, il. — Heyne
De antiquis Virgiiii interpret. — Smith, Dict. of greei
and roman biographe .
servius tullius, sixième roi de Rome
de 578 à 534 av. J.-C. L'histoire de Serviu
Tullius, comme celle des autres rois de Rome
est légendaire, c'est-à-dire qu'elle repose sur de
traditions diverses , plus ou moins vraisembla
blés, mais toutes également dénuées d'autorité
Les rapporter ici serait inutile, puisqu'elles n
peuvent fournir à la biographie aucun fait au
thentique; il suffira de résumer rapidement 1
récit le plus accrédité. Le père de Servius Tul
lius était un noble de Corniculurn ; il fut tué Ior
de la prise de cette ville par les Romains; &
mère,Ocrisia, alors enceinte, fut menée captive.
Rome et donnée à la reine Tanaquil, femme d
Tarquin l'ancien. Ocrisia accoucha dans le pa
lais d'un enfant destiné à régner sur les Romains
Le jeune Servius, élevé comme un enfant royal
justifia cette éducation par son courage. Tarquii
lui donna sa fille en mariage, et lorsqu'il péri
assassiné, les Romains, qui avaient déjà éprouv*
la modération et la justice de Servius Tullius, L
proclamèrent roi. Son règne de quarante-quatr
ans fut paisible, puisqu'on n'y signale qu'iu*
seule expédition, victorieuse, contre les Véiens
Ce qui le distingue, ce sont les œuvres accom
plies à l'intérieur. Servius établit une constitu
tion, qui fit participer les plébéiens au gouver
nement; il étendit le pomœrium ou enceinte d>
la cité, et agrandit Rome par l'annexion du Qui
tt:
h
I 821
SERVIUS TULLIUS
822
rina!, du Viminal et de l'Esquilin, en même
temps qu'il l'entourait d'une forte muraille ; enfin,
il forma entre les Latins et les Romains une
j ligue qui eut pour centre le temple de Diane sur
If l'Aventin. Ces diverses mesures auraient dû
\\ rendre Servius cher au peuple tout entier, mais
les patriciens ne lui pardonnaient point d'avoir
Il favorisé les plébéiens. L.Tarquin, l'aîné des petits-
I fils deTarquin l'ancien, protitadece mécontente-
■ ment pourreprendre le trône de son aïeul. Poussé
I) par sa femme Tullia, fille de Servius, il forma un
H complot dans lequel entrèrent beaucoup de patri-
E| ciens (voij. Tarquin). Servius Tullius vit son
autorité méconnue dans le sénat, et au sortir de
cette assemblée, il fut tué par l'ordre de son
gendre. Tullia, revenant du sénat, fit passer son
char sur le cadavre de son père, jeté au milieu
de la rue, laquelle reçut de cet acte abominable
le nom de rue du Crime (uicus Sceleralus).
Les plébéiens gardèrent toujours la mémoire de
ce prince; ils célébraient sa fête les nones de
chaque mois, car on disait qu'il était né au
temps de nones, sans pouvoir indiquer le mois.
Tel est, dépouillé de ses détails les plus poéti-
ques et les plus romanesques , le récit de Denys
dllalicarnasse et de Tite Live; c'était celui des
annalistes romains. Les annales étrusques en
contenaient un tout différent. L'empereur Clau-
dius, grand amateur de curiosités archéologiques,
l'avait rapporté dans un discours célèbre que
Tacite nous a transmis d'une manière si écourtée
et si peu fidèle, mais dont on a retrouvé des
fragments considérables sur deux tables- de
bronze découvertes à Lyon, au seizième siècle :
« Si nous suivons les Toscans, dit Claudius,
Servius fut le compagnon le plus fidèle de Cae-
lius Yivenna et associé à tous les hasards de sa
vie; après que, contraint par le changement de
fortune, il eut quitté l'Étrurie avec les restes de
l'armée de Caelius, il occupa le mont Cselius,
qui fut ainsi appelé du nom de son général, Cee-
lius. Lui-même, ayant quitté son nom étrusque
de Mastarna, fut appelé comme j'ai dit, et il ob-
tint la royauté avec un très- grand avantage pour
la chose publique. » Cette légende est intéres-
sante ; mais la date des annales auxquelles Clau-
dius l'empruntait nous est inconnue; nous ne
pouvons décider ni si elle est plus authentique
ni si elle est plus ancienne que la tradition suivie
(par Tite Live. De ces légendes nous passons à
un sujet qui n'offre guère plus de certitude : la
constitution de Servius Tullius. Cette constitu-
tion était la grande charte des Romains, une
charte qui n'avait pas été écrite, ou du moins
dont le texte écrit s'était perdu. Les plébéiens,
qui l'invoquaient sans cesse dans leurs débats
contre les patriciens, auraient été incapables de
préciser en quoi elle consistait. Les notions que
l'on trouve à ce sujet dans les historiens anciens
ne sont ni claires ni concordantes ; cependant
sur les principaux points Tite-Live et Denys
4'Hcdicarnasse sont d'accord , et ils nous ap-
prennent ce que les Romains du temps d'Au-
guste entendaient par la constitution de Servius
Tullius.
Avant Servius Tullius, la constitution romaine
reposait sur des clans, ou maisons patriciennes
(génies). Le chef du clan avait sous ses ordres
tous les hommes de son sang, et tous ceux qui
lui tenaient par des liens de clientèle. Ces
génies se répartissaient dans trois tribus (çuXal
y&HKtd ) : les Ramnes, les Tities et les Lucères,
et exerçaient le pouvoir au moyen d'assemblées
qu'on appelait coinicia curiala, et qui for-
maient une sorte de chambre des pairs. Tous
ceux qui ne faisaient pas partie des maisons pa-
triciennes n'avaient ai droits politiques ni droits
civiis ; ils ne pouvaient ni se porter candidats
pour aucune fonction publique, ni voter, ni être
admis dans la milice ; ils ne pouvaient même
accomplir aucun acte civil que par l'intermé-
diaire d'un patricien qui leur servait de patron.
Servius modifia cet état de choses ; il constitua les
plébéiens, qui formaient la grande majorité de la
population romaine, en un corps civil et politique.
Rome fut divisée en quatre arrondissements ur-
bains (regioiies urbanx) et en vingt-six arrondis-
sement rustiques (regiones rusticœ); les habi-
tants de chaque région formèrent une tribu, avec
un phylarque, ou curator tribus, pour chef, et
chaque région se subdivisa en communes ( pagi
pour les régions rustiques, vici pour les régions
urbaines) ayant chacune un maire (magister
pagi ou magister vici). Cette organisation
était surtout fiscale, et avait pour but principal
de faciliter l'établissement et la perception des
impôts. Les patriciens en faisaient partie en tant
que payant l'impôt, mais ils conservaient leurs
privilèges politiques.
Après l'organisation fiscale vint l'organisation
militaire. Rome n'avait pas d'armée permanente,
elle n'avait qu'une milice. A la milice féodale de
l'ancien temps Servius substitua une garde na-
tionale , fondée sur ce double principe que les
charges du service militaire doivent être en
raison de la fortune, et qu'on ne doit appeler à
défendre l'Étal que ceux qui ont quelque pro-
priété. 11 divisa la population en milice à cheval
( équités ) et milice à pied (pedites) ; celle-ci se
subdivisa en classes, la ire classe comprenant
les citoyens qui avaient 100,000 asses de for-
tune ; la 2e ceux qui en avaient 75,000 ; la 3' ceux
qui en avaient 50,000 ; la 4e ceux qui en
avaient 25,000; la 5e ceuxqui en avaient 10,000.
Toute la milice se répartit d'ailleurs en milice
sédentaire (seniores, de quarante-six ans à
soixante) et milice mobile (juniores, de dix-sept
ans à quarante-cinq).
Cette organisation militaire servit de base à
l'organisation politique. Servius ne donna pas le
droit de voter à chaque citoyen individuellement,
mais à des collections de citoyens, lesquelles for-
maient autant de subdivisions des classes, et que
l'on appela centuries. Chaque centurie eut un
81}'.
SERVIUS TULLIUS — SESOSTRIS
824
Tote; et, afin d'assurer un plus grand nombre de
votes aux plus riches, Servius forma 18 centuries
avec la milice à cheval, 80 avec la lre classe
de la milice à pied, 20 avec la 2e, 20 avec la 3e,
20 avec la 4e, 30 avec la 5e ; 5 avec les citoyens
qui quoique faisant partie de la milice n'y figu-
raient que comme ouvriers et comme musiciens;
1 enfin de ceux qui n'y figuraient que comme
réserve (accensi velatï), ou n'y servaient que
dans les cas d'extrême péril et aux frais de l'État
(proletarii) ou qui en étaient absolument ex-
clus (capite censi); en tout 194 centuries, dont
176 pour l'infanterie. Les centuries votaient en
commençant par les chevaliers, ou milice à che-
val, par ordre de classes ; et comme la première
classe comptait à elle seule 80 centuries, il suffi-
sait qu'elle fût d'accord avec les chevaliers pour
être assuré de la majorité. Quant aux citoyens
pauvres, relégués dans les dernières classes et ne
comptant qu'un petit nombre de centuries, leur
influence était nulle. Cette constitution peut donc
paraître très-aristocratique ; mais elle fut un pro-
grès réel sur l'état antérieur, puisqu'elle donna à
la fortune, sans distinction de naissance, ce qui
avait été jusque-là le privilège des patriciens.
Les comices des centuries furent l'assemblée
souveraine de la nation ; mais les patriciens gar-
dèrent un droit de sanction et de contrôle, avec
leurs comices par curies, chambre des iords
placée à côté de la chambre des communes.
Cette constitution, qui n'était pas incompatible
avec la royauté, lui survécut, et fonctionna avec
des modifications pendant presque toute la ré-
publique; les changements qu'elle subit eurent
généralement pour but de favoriser les plébéiens,
que Servius avait laissés dans une infériorité po-
litique et sociale; il leur avait bien donné le droit
de suffrage, mais non le droit des honneurs, ou
éligibilité aux fonctions publiques ; il leur avait
donné le commercium, ou droit de posséder et
d'ester en justice, mais non le connubïum, ou
droit de mariage avec les patriciens. Ces droits,
les plébéiens les conquirent par de longues luttes
qui remplissent la première partie de l'histoire de
la république romaine. Léo Jocbert.
Tite Live, I, 42-47. — Denys d'Halicarnasse, IV, 9-14.
— Cicéron, De re.publica, II. — Niebuhr. Histoire ro-
maine, t. II, tra.duct. de Golbery. — Gœttling, Geschi-
chte der rcemischen Stuatsverfasmng. — Cerlach , Die
Vcrfassung d, Kœnig Servius Tullius ; Bâle, 1837, in-4°.
— Huschkc, Die Verjassung d. Ser. Tullius; Heldel-
berg, 1838, ln-8°. — Peter, EpocJien d. Ferfassunglder
rcBmischen Republ.; Leipzig. 1841. — Walter, Gesch. d.
rœmiscfi. Rechls. — lieckcr,Handbuch d. rœmisch. Al-
terthûmer. — Duruy, Hist, des Romains, t. I.— Morom-
sen, Hist. romaine, t. I. — R. de Raumer, De S. Tullii
censu; Erlangen, 1840, in-8°.
sesac 1er ou shishak, roi d'Egypte, régna
de 979 à 959 (1). Sur les monuments il porte le
nom de Scheschouk, adopté par Syncelle etEu-
sèbe. Il succéda à Psusennès, le dernier pharaon
de la 2 te dynastie, et fonda la 22e ; 0n ignore par
(1) D'après les calculs de Lepsius et de Bunsen. Selon
d'autres savants, 11 serait arrive au trOne vers 890.
quels moyens il usurpa le pouvoir et en éloigna
le prétendant légitime, Hor Ptukan, qui se con-
tenta de l'office de grand prêtre d'Ammon. Hos-
tile au peuple d'Israël, Sesac donna protection
et appui à Jéroboam, qui s'était révolté contre
Salomon. En 974 il réunit une immense armée,
et marcha contre Jérusalem, que Roboam ne sut
pas défendre (1) ; il s'en rendit maître, la pilla
et emporta les richesses accumulées par Salomon
dans le temple et dans son palais. Il porta encore
ses armes dans d'autres contrées de l'Asie et de
l'Afrique ; mais ces conquêtes, les dernières que
firent les pharaons d'Egypte, furent bientôt per-
dues sous ses successeurs.
Trois autres rois de la vingt-deuxième dy-
nastie ont encore porté ce nom , à savoir : S esac II,
de 934 à 919; Sesac III, de 918 à 906, et Se-
sac IV, de 867 à 830.
Le Livre des Rois et la Chronique, —Bunsen, DieStet-
lung Egyptens in der Weltgeschichte, t. v. — Sharpe,
History of Egypt. — Lepsius, Chronologie der Egypter.
sesostrÏs (2), nom que les auteurs grecs
donnèrent à un puissant roi d'Egypte qui au-
rait étendu ses conquêtes en Asie, en Afrique
et même en Europe. Quelque précis que soient
les longs détails qu'ils nous ont laissés sur ses
expéditions, la critique moderne n'a pas tardé à
reconnaître qu'ils avaient attribué à tort à un
seul roi les actions de cinq rois au moins , Se-
sortesen de la troisième dynastie, Sesortesen I
et III de la douzième dynastie, Kamsès II et III
de la dix-neuvième, et que de plus leurs récits
étaient entremêlés de fables. Le nom de Sesostris,
qui ne se trouve sur aucun monument égyptien,
n'est qu'une modification de Sesortesen (3). Cham-
(1) Sur les monuments qu'il Ct élever à Karnak figure ,
parmi les prisonniers, un personnage au type juif très
prononcé et qu'une inscription qualifie de roi de Juda : ce
serait donc le portrait de Roboam.
(2) Sesoosis selon Uiodore.
(3) Sesortesen, troisième roi de la troisièmedyuastie,
vivait vers 2300 avant J.-C. Aristote l'appelle Sesostris.
Plein de sagesse, il s'attacha pendant un règne pacifique de
vingt-cinq ans environ à hâter chez ses sujets les progrès
de la civilisation. 11 fut législateur, et on lui attribue la
division des castes. Il s'avisa le premier de la taille des
pierres, et simplifia les caractères hiératiques, afin de les
rendre propres à l'écriture cursive.
Sesortesen Ier, second roi de la douzième dynastie,
rt'gna de 2803 à 2757 selon Brugsch, ou de 2371 à 2325,
selon Lepsius. Pendant sept ans, il partagea le pouvoir
avec son prédécesseur, Araenhema Ier. Les monuments
le représentent comme un prince puissant ct juste; il fit
fleurir les arts et l'industrie, comme le témoigne le tom-
beau de Beni-Hassan. Les inscriptions de ce monument
et d'une stèle du musée de Naples nous apprennent que
Sesortesen soumit pour la première fois à une domina-
tion permanente les Éthiopiens, et qu'une famine désola
l'Egypte sous son règne. Bunsen s'appuie sur ce dernier
fait pour placer à cette époque l'entrée des Israélites en
Egypte. Sesortesen fu.t le fondateur du temple d'Ammon
à Karnak ; le plus ancien obélisque connu, celui rie Ma-
tarleh, remonte à son époque. Il s'associa au trône son
successeur Amenhema II. On fait dater de son règne le
plus ancien livre connu, publié avec traduction et notes
par M. Chabas ( Paris, 1864, ln-8°).
Sesortesen II régnait de 2719 à 2691 selon Brugsch.
On ne sait presque rien de lui.
Sesortesen III régna de 2691 a 2653 selon Brugsch.
Prince guerrier, il envahit plusieurs fois la Noble, et re-
825
SESOSTRIS — SETTALA
826
pollion , Salvolini et plusieurs autres savants ont
cru, sur l'autorité d'Hérodote et de Tacite, que la
grande majorité des hauts faits racontés au su-
jet de Sesostris devaient être rapportés à Ram-
sès II le Grand. Mais Bunsen a combattu avec
succès cette opinion. Ramsès II, il est vrai,
avait pour surnom populaire Sestesou-ra ; Ma-
nétlion l'appelle Sethosis (fils de Sethos), Pline
Sesothis. Cela explique comment les Grecs ont
pu reconnaître en lui le Sesostris qu'ils avaient
inventé. Mais on ne saurait lui attribuer les ac-
tions les plus marquantes que Diodore et Héro-
dote racontent sur ce conquérant, telles que les
expéditions victorieuses en Nubie, en Thrace,
l'immense développement donné à la marine
égyptienne, la division exacte des terres et leur
assujettissement à de fortes redevances, etc.
Un plus grand nombre des hauts faits de
Sesostris doivent être rapportés à Ramsès III,
qui fonda en 1288 la vingtième dynastie. Ses
exploits sont figurés sur les murailles du beau
temple d'Ammon de Medinet-Abou et sur celles
des deux sanctuaires qu'il construisit à Karnak.
Il était de sang royal, et s'éleva sur le trône au
milieu des troubles qui marquèrent le règne de
Siptali et de Thousiris. Il inaugura une nouvelle
ère de gloire et de puissance pour l'Egypte.
L'organisation militaire qu'il établit était 'aussi
remarquable que sa tactique. 11 triompha des
confédérations formées contre lui par divers
peuples de Libye, et anéantit en 1280, par une
grande victoire remportée dans la Syrie du nord,
une ligue des Hethites, des Philistins et autres
populations du pays de Canaan et des îles de la
Méditerranée; une puissante flotte soutint alors
ses opérations sur terre. Il soumit à sa domina-
tion la Phénicie et l'Arabie, et noua des relations
de commerce avec l'Asie intérieure, avec laquelle
l'Egypte n'avait eu jusque-là aucun rapport. Son
vaste tombeau, orné de curieuses représenta-
tions, se trouve dans la vallée de Biban-el-Mo-
louk.
Bunsen, Egyptens Stellung , t. II, III et IV.— Brugsch,
Histoire d'Egypte. — Smith, Dictionary.
sethos Ier, roi d'Egypte, régnait au com-
mencement du quatorzième siècle avant notre
ère, selon Brugsch de 1458 à 1407. 11 était fils
de Ramsès Ie»". Dans les premières années de
son règne, il entreprit plusieurs expéditions vic-
torieuses , dont de nombreuses scènes sont re-
tracées sur les murs de la grande salle du temple
d'Ammon à Karnak. 11 défit les Arméniens, les
Assyriens, les Sasou du désert (les descendants
des Hycsos), les Punt (habitants de la Mauri-
tanie), les Mésopotamiens, les Arabes, etc. Il
cula les frontières de l'Egypte jusqu'au delà de la se-
conde cataracte , en les marquant par deux stèles qui
existent encore ; non loin de là, à Seuneh il éleva sur chaque
rive du Nil une forteresse. La mémoire de ce roi ne cessa
de grandir, et plus tard on lui éleva des temples comme à
un dieu.
Bunsen, Egyptens Stellung. — Brugsch, Histoire de
l'Egypte .■ Berlin, 1860,10-4». — Lepsius, Kœnigsbtuh et
Veber die zwœlfte Dynastie.
eut surtout de longs et sanglants démêlés avec
les Hethites, peuple du pays de Canaan, auxquels
il enleva Rédès (Édessc). Les sculptures et ins-
criptions des temples de Gourna, de Redesieh,
la stèle gravée sur le rocher d'Assouan prou-
vent qu'il maintint et agrandit la domination
égyptienne en Ethiopie. Mais c'est à tort que
Manétlion affirme qu'il s'empara aussi de la Phé-
nicie ftt de Chypre. Il bâtit dans les pays con-
quis de nombreuses forteresses ; les gouverneurs
qu'il y plaça lui envoyaient des rapports sur
l'administration de leur province; quelques-uns
de ces rapports, écrits sur papyrus, nous ont été
conservés. Sous son règne une nouvelle ère de
gloire et de prospérité s'ouvrit pour l'Egypte,
qu'il couvrit de beaux monuments, parmi les-
quels nous citerons le temple d'Osiris à Abydos,
et dont l'art peut rivaliser avec celui des épo-
ques antérieures à l'invasion des Hycsos. Il
commença le creusement du canal entre le Nil
et la mer Rouge, qui fut continué par son fils et
successeur Ramsès le Grand. Son vaste et cu-
rieux tombeau se trouve dans la vallée de Bi-
ban-el-Molouk.
Sethos h, arrière-petit-fils du précédent,
régna pendant dix-neuf ans, vers la fin du qua-
torzième siècle avant notre ère. Il était fils du
pharaon Menepthé, sous lequel les Israélites émi-
grèrent d'Egypte. Son règne fut insignifiant ; il
a construit un petit temple à Karnak.
Bunsen , Egyptens Stellung in der TFellgeschichte.
— firugscli, Histoire de l'Egypte.
settala (Lodovico), en latin Septalius,
médecin italien, né le 27 février 1552, à Milan,
où il est mort, le 12 septembre 1633. 11 appar-
tenait à une ancienne famillermilanaise, dont
plusieurs membres s'étaient distingués dans le
barreau et dans l'Église-, l'un d'eux, Henri,
mort en 1230. avait occupé avec éclat le siège
archiépiscopal de sa patrie. Il fit preuve de ta-
lents précoces : à l'âge de seize ans il soutint
ses thèses en philosophie en présence de Charles
Borromeo, qui lui adressa, des félicitations pu-
bliques, puis il se livra à l'étude de la médecine
dans l'université de Pavie, où il eut Cigalini
pour principal maître. Reçu docteur en 1573, il
fut appelé en 1575 à Milan, et il y enseigna son
art. La réputation de Settala franchit rapide-
ment les limites de la Lombardie; des proposi-
tions avantageuses que lui adressèrent des sou-
verains et des universités il ne voulut accéder
qu'à celle de Philippe IV, roi 'd'Espagne, qui en
1627 lui conféra le titre de premier médecin du
Milanais. Deux fois la peste éclata dans sa pa-
trie; celle de 1630 y causa d'effroyables ra-
vages, et Settala, qui s'était dévoué au soulage-
ment des malades, fut atteint à son tour; il
guérit, mais, frappé d'apoplexie, il demeura jus-
qu'à sa mort à ..moitié paralysé et dans un état
voisin de l'imbécillité. Il fut constamment at-
taché à la doctrine d'Hippocrate, et sut donner
du prix à ses écrits par des remarques pleines
827 SETTALA
de justesse et des préceptes excellents. Nous
citerons de lui : In Wppocratis librum De
aère, aquis et locis, comm. V; Cologne, 1580,
jn.8° ; — in Aristotelis problemata commen-
taria; Francfort, 1602-1607, 2 vol. in-fol. ; —
De nxvis; Milan, 1605, in-S° ; Pacloue, 1628,
1651, in-8° : il attribue les envies ou taches de
naissance à l'imagination frappée des femmes
grosses, et il prétend que ces signes, répandus
comme par hasard sur les diverses parties du
corps, conservent pourtant un certain ordre, qu'il
explique par les lois de l'astrologie. Par exemple
un signe placé au coin de l'œil en annonce un
autre à l'aisselle du même côlé, etc. Ce traité
de Settala, quelque bizarre qu'il soit, est le plus
répandu de ses ouvrages ; — Animadversionum
et cautionum rnedicarum lib. VII; ibid.,
1614, in-8°;et 1629, in-8°, avec deux livres de
plus :• recueil estimé, qui a été revu par Perius
et réimpr. à Dordrecht, 1650, in-8°, et à Pa-
doue, 1652, 1659, in-8° ; — De margaritis ;
Milan, 1618, in-4°; — De peste lib. V ; ibid.,
1622, in-4°; — De ratione instituendes et gu-
bemandse familiee lib. V; ibid., 1626, in-8°;
— Délia ragion di Stato lib. VII; ibid.,
1627, in-4°; trad. en latin, Francfort, 1679,
in-4°; — De morbis ex mucronata cartila-
gine evenientibus; Milan, 1632, in-8°. Ce mé-
decin a laissé beaucoup d'ouvrages en ma-
nuscrit.
Crasso, Eïog'xa. — Argellati, Biblioth. mediolanensis.
— Manget, Biblioth. script, med., IV. — Curtius, ne
medicis mediolan. scriptoribus. — Éloy, Dict. hist. de
la méd.
settala (Manfredo), mécanicien italien,
l'un des dix-huit enfants du précédent, né le
8 mars 1600, à Milan, où il est mort, le 16 fé-
vrier 1680. Après avoir fréquenté les écoles de
Pavie, de Sienne et de Pise, il prit ses degrés
en droit, et s'adonna de bonne heure à l'étude
de la mécanique et des sciences exactes. Le
désir de connaître la nature lui fit entreprendre
de longs voyages : il visita la Sicile, Chypre,
Candie, Constantinople, l'Asie Mineure et les
côtes d'Afrique, et revint en 1630 dans sa pa-
trie. Le cardinal Frédéric Borromeo l'admit au
diaconat et le pourvut d'une prébende à l'église
de Saint-Nazaire. Settala fut un homme remar-
quable, plutôt un ami de la science qu'un sa-
vant; il possédait plusieurs langues modernes;
philosophe et mathématicien, il fabriquait lui-
même les instruments nécessaires à ses expé-
riences ; il n'était point étranger aux lettres et
aux arts, et il composa un cabinet très-curieux
de médailles, d'antiquités et de machines ingé-
nieuses, toutes de son invention. Ce cabinet,
qui passait pour une des merveilles de l'Italie,
fut dispersé après la mort de Settala; on en a
«ne description en latin par Terzago (Musxum
septaliamim; Tortone, 1664, in-4°), laquelle
a été mise en italien par Fr. Scarabelli (ibid.,
1666, 1077, in-4o).
Settala. {Carlo), frère du précédent, mort
SEUME
828
en mai 1682, à Rome, embrassa l'état ecclé-
siastique, devint archiprêtre de Milan, et occupa
depuis 1653 l'évêché de Tortone. II. a écrit di-
vers ouvrages, entre autres Misterj délia messa
romana ed ambrogiana (Tortone, 1672,
in-4°), et Nobililas Septalise gentis (s. 1. n.d.,
in-4<> ).
Settala (Senatore), frère des précédents,
mort en 1636, à Milan, fut reçu docteur en mé-
decine en 1616, et édita quelques-uns des der-
niers ouvrages de son père.
Argellati, Bibl. mediolanensis. — A.-B. de Yrissarri,
Compendio de. la vida de Manfredo Settala ( eu espa-
gnol ) ; Milan, iesi,in-4°.
seume (Jean-Gottlieb), poète et voyageur
allemand, né le 29 janvier 1763, à Posern, village
de Saxe, mort le 13 juin 1810, à Tœplitz. Il était
fils d'un paysan. Ses heureuses dispositions frap-
pèrent le comte de Hohenthal-Knauthain, qui le
fit élever à ses frais, dans l'école de Borna. De
là il se rendit à Leipzig, chez l'archéologue Mar-
tini, recteur de l'école Nicolaï; admis dans l'u-
niversité, où il devait étudier la théologie, il
profita de la liberté qui lui était laissée pour
étudier l'histoire et les langues anciennes et pour
lire les ouvrages de Bajle, de Bolingbroke et
de Shaftesbury; cette lecture acheva de lui en-
lever ses croyances religieuses. A peine eut-il
achevé ses cours que, résolu à s'ouvrir lui-même
une earrière, il partit à pied pour Paris. L'épée
au côté , quelques chemises dans son sac, deux
ou trois livres classiques dans sa poche, il marcha
jusqu'à Bach, où il tomba aux mains de recru-
teurs hessois, qui le traitèrent comme un prison-
nier. « Malgré toutes mes protestations, dit-il
lui-même, le grand courtier d'hommes de ce
temps-là, le landgrave desCassel, se chargea
de mes gîtes ultérieurs , depuis Bach jusqu'en
Amérique. » Depuis ce moment, la vie de Seume
est semée de tant d'incidents qu'elle ressemble
à un roman. Il en a écrit une partie ; le reste est
" dû à la plume de deux de ses amis, qui ont pu-
blié cette intéressante autobiographie ( Mein Le-
ben; Leipzig, 1813, in-8°).
Après une navigation de six mois, Seume,
avec quinze cents autres victimes de la traite
pratiquée par le landgrave pour le compte de l'An-
gleterre, aniva dans la baie d'Halifax. Il parvint
au grade de sergent; mais la paix fut conclue
avant qu'il eût pris part à la guerre (1783). Le
corps hessois fut ramené en Europe , et comme
le bruit courait qu'il allait être vendu par le
landgrave aux Prussiens, Seume, aussitôt dé-
barqué à Brème, s'empressa de déserter; n'ayant
pas eu le temps d'ôter son uniforme', il fut saisi
par des recruteurs prussiens, emmené à Embden,
et incorporé dans un régiment comme simple sol-
dat. Deux fois il tenta d'échapper aux traitements
humiliants que lui infligeait la discipline si rigide
de Frédéric II : chaque fois un sort funeste le
ramena parmi ceux-là même dont il pensait
s'être débarrassé. Traduit devant un conseil de
S j;29 SEUME — SÉVÈRE
I uerre, il fut condamné à passer douze fois par
j '9 verges; la peine fut commuée en six semaines
e prison au pain et à l'eau. Sa position s'amé-
ora de beaucoup; mais quel adoucissement
cuvait à ses yeux tenir lieu île la liberté? Notre
oldat malgré lui rêvait à une désertion nou-
elle, lorsqu'un babitant d'Embden lui en sug-
éra l'occasion : il l'engagea à demander un congé
t fournit une caution de 80 tbalers (320 fr.).
ie retour à Leipzig, Seume consacra aussitôt
u remboursement de cette somme la traduction
'Henriette, Warren (1788), roman anglais ; en
îême temps il donna, pour vivre, des leçons de
indues, et reprit avec plus de vigueur qu'au-
efois le cours de ses études. En 1792, il, reçut
! diplôme de docteur en philosophie avec une
lèse Sur les armes anciennes et modernes
Jeber Bewaffung ; Leipzig, 1792, in-8°). Admis
aranie précepteur chez la comtesse Igelstrœhm,
acheva l'éducation de son fils, et devint en
79.3 secrétaire du générai Joseph Igelstrœhm,
ui commandait les forces russes en Pologne et
ui le fit nommer lieutenant de grenadiers. Ce
ît Seume qui rédigea, pour Catherine II, tous
« actes diplomatiques importants relatifs au
artage de la Pologne , quoiqu'il eût sur les at-
tires de ce pays une tout autre opinion que le
énéral et l'impératrice elle-même. Lors de l'in-
unection polonaise de 1794, il se trouvait dans
rarsovie, et prit part à la défense de celte ville;
éparé des siens, il se consiilua prisonnier après
voir erré trois jours sans prendre de nourriture.
ia reprise de Varsovie par Souvorof le rendit à
a liberté. Désigné par l'impératrice pour accom-
agner un jeune noble blessé, il le conduisit à
ieipzig. Ce fut là qu'il mit au jour l'intéressante
dation des événements de Pologne (Wichtige
fachrichten; Leipzig, 1796, in-8°). Peu de
emps après, Catherine II mourut, et Seume
(erdit avec elle l'espoir de s'élever à un grade
Mus considérable. On le raya des cadres de
rarmée russe, et, disant adieu à l'état militaire,
jl recommença à donner des leçons. Sa plume
lie resta pas oisive, et il composa un essai Sur
[a vie et le caractère de Catherine II (Leipzig,
[797, in-8°), et des mélanges sous le titre d'O-
ise* (Obolen ; ibid., 1797, 2 vol.in-8°). A la fin
Je 1799, il accepta l'offre de son ami Gœschen,
libraire à Grimma, et surveilla l'impression de
(es publications littéraires. « Je consens, lui dit-il
|. ce propos, à rester deux ans sur une chaise ;
laais après ce temps il me faudra courir un peu.
("'irai à Syracuse. » Le lendemain du jour où ex-
pirait son engagement (décembre 1801), il partit,
lit revint au bout de neuf mois, au jour fixé par
jui à son départ. Il avait parcouru, presque tou-
fours à pied, l'Autriche, l'Italie, la Sicile, la Suisse
lit une grande partie de la France. Le récit de
î;ette excursion pédestre parut sous le titre de
ppaziergang nach Syrakus (Promenade à Sy-
racuse; Brunswick et Leipzig, 1802, 3 vol.).
Vers la même époque il écrivit en latin ses Iîe-
830
marques siir Plutarque, accompagnées d'une
préface si bardie, qu'aucun éditeur ne voulut
l'imprimer et qu'aucun censeur n'en autorisa
l'impression. On ne sait ce qu'est devenu ce ma-
nuscrit. En 1805 il fît encore un voyage, et visita,
en partie à pied, la Russie, la Finlande et la
Suède (Mein Sommer im lahr 1805; Ham-
bourg, 1806, in-8°). Les tendances de Seume
ont été, à plus d'un égard, toutes françaises.
Ses prophéties, tant de fois réitérées, se sont
accomplies. Les Français devinrent les maîtres
du continent, et du fond de sa retraite Seume
suivait tranquillement le cours de leurs con-
quêtes. C'est à cette époque qu'il composa la
tragédie de Miltiade (1808, in-8° ) et les Apo-
cryphes, pensées et maximes, qui ne furent pu-
bliées qu'en 1811 après sa mort. Ses Poésies, qui
dataient de 1801, obtenaient alors une troisième
édition, bien qu'elles ne se distinguassent ni par
l'originalité des idées , ni par la beauté du style.
Au printemps de 1810, Seume voulut faire une
visiteàWieland,qui résidait à Weimar. Ce voyage
le fatigua beaucoup, et ajouta une intensité plus
grande aux souffrances de la maladie d'entrailles
dont il était attaqué. On lui conseilla l'usage des
eaux de Stœplitz : il n'en éprouva aucun bien, et
mourut dans cette ville, à l'âge de quarante-sept
ans. Sur les instances de Wieland, il venait d'ob-
tenir une pension de l'empereur Alexandre Ier.
« Une absence rare de besoins, rapporte un de
ses amis, beaucoup d'originalité, de bizarrerie
même, mais en même temps une grande éléva-
tion de sentiments et le commerce le plus doux
semblent justifier le nom de noble cynique, que
Wieland lui avait donné. » Les Œuvres com-
plètes de Seume ont été l'objet de plusieurs
éditions : celle de Wiesbaden, en 5 vol. in-8";
celle de Leipzig, 1826-27, 12 vol., et celle de
1835, gr. in-8°, publiée par Ad. Wagner. H. W.
Seume's SeWstbtographie. — Athenseum français, 12
juillet 1856.
sévère i" ( Lucius Sept imius Severus),
empereur romain, né le 1 1 avril 146, près Leptis
en Afrique, mortle 4 février 211, àYork ( Grande-
Bretagne). Sa famille était originaire des Gaules,
et appartenait à l'ordre équestre. Il se rendit
de bonne beurediabile dans les lettres grecques
et latines; et dès l'âge de dix-huit ans il dé-
clamait en public. Venu à Rome pour ac-
croître ses connaissances , il fut présenté par son
oncle le consulaire Septime Sévère à l'empereur
Marc-Aurèle. Sous ce prince il obtint la charge
d'avocat du fisc, et fut admis au sénat. Il fut dési-
gné préteur dès l'âge de trente-deux ans. Le zèle
qu'il mit à remplir ces diverses fonctions ne
l'empêcha pas de se livrer d'abord à la fougue
d'un tempérament violent. Il fut même accusé
d'adultère, et ne fut absous que grâce à l'inaul-
j gence de Didius Julianus , son juge, celui même
qu'il détrôna plus fard. Mais une fois marié,.il se
fit estimer par la sévérité de ses mœurs et par
son intégrité. A l'avènement de Commode, il lit
831
SÉVÈRE
83î
un voyage en Grèce, où il visita Athènes et se fit
initier aux mystères d'Eleusis. Après avoir été
gouverneur de la Gaule lyonnaise, légat de
Pannonie et proconsul de Sicile, il fut en 185 au
nombre des vingt-cinq consuls créés par Cléandre.
En 186 il commanda l'armée de Pannonie et
d'Illyrie. Lorsque Didius Julianus , en achetant
l'empire, mis à l'encan pour la première fois , eut
soulevé l'indignation universelle, les légions pro-
clamèrent Sévère empereur (mai 193) à Car-
nutum, en Illyrie. Il fit semblant de refuser, mais
céda aux instances des soldats, et donna à chacun
d'eux cinquante mille sesterces (9,687 fr. 50 c.) ;
avec une activité qu'on a comparée à celle de
César, il marcha droit sur Rome, en se présentant
partout comme le vengeur de Pertinax. Didius
Julianus lui offrit de partager l'empire en même
temps qu'il envoyait des émissaires pour le
tuer. Sévère, pour toute réponse, commanda
aux prétoriens de massacrer Didius, et ils
obéirent ( 1er juin 193). Le sénat s'empressa de
décerner à Sévère le titre d'empereur. Afin d'af-
fermir son pouvoir, il fit faire d'abondantes distri-
butions au peuple, et forma avec l'élite de ses sol-
dats d'Illyrie une nouvelle garde prétorienne. Ces
précautions n'étaient pas inutiles, car il avait
deux compétiteurs redoutables, Pescennius Niger
en Syrie, et Clodius Albinus en Bretagne.
Sévère, caressant Albinus pour le moment, le
désigna consul, et s'empressa de marcher contre
Niger, qu'il savait être aimé des Romains. Ni-
ger, vaincu à Issus et à Nicée , fut tué par
ses soldats à Cyzique (194). Se contentant
d'exiler la femme et les enfants de son rival.
Sévère punit de mort les sénateurs, et priva
de leurs droits Byzance et les autres cités
qui avaient pris parti pour celui-ci (196).
Dans cette même campagne (195), Sévère s'a-
vança jusqu'à TEuphrate, soumit les Arabes,
les Adiabènes et vainquit les Parthes , qui
avaient fourni du secours à Niger. Restait Albi-
nus, qui venait de se laisser proclamer auguste
par ses légions. Pendant qu'il s'avance vers l'I-
talie, où il compte une foule d'amis secrets, Sé-
vère le fait déclarer ennemi public, quitte la
Mésie, et l'atteint en Gaule. Il remporte sur
lui à Trévoux, près de Lyon (19 février 197),
une victoire complète. Dépouillant alors la mo-
dération qu'il a feinte jusque-là, il foule aux
pieds le cadavre du vaincu , fait égorger sa
femme et ses enfants, proscrit ses complices
et détruit Lyon , qui lui avait résisté. Cette
vengeance ne lui suffit pas; il fait mettre à
mort vingt-neuf sénateurs liés avec le frère
d'Albinus, et impose au sénat l'humiliation de
mettre Commode au rang des dieux. En même
temps qu'il effraye les grands par ses rigueurs, il
se.concilie.le peuple.par des fêtes et des distri-
butions, et achève de gagner les soldats en fa-
vorisant l'indiscipline. En 197 éclata une guerre
contre les Parthes, qui, instruits par des pros-
crits du parti de Niger dans la tactique romaine,
avaient envahi la Mésopotamie et assiégeaient
Nisibe. Sévère, obligé de retourner en Orient,
entre dans la Syrie, prend Babylone, Séleucie
et Ctésiphon, capitale des Parthes. Ne pou-
vant conserver ces conquêtes lointaines, i
conclut une paix avantageuse , s'alite ensuitf
au roi d'Arménie, et pénètre jusque dans h
royaume d'Atra. Enfin, il se rend en Egypte, oî
il s'initie avec une avide curiosité aux livres sa-
crés de ce pays. II était de retour à Rome en
202. C'est alors qu'on'lui éleva au pied du Ca-
pitale l'arc qui subsiste encore aujourd'hui,
Les jeux qu'il célébra à cette occasion surpas-
sèrent en magnificence tous ceux qui avaient été
donnés précédemment. Rome fut embellie pai
ses soins; il restaura le Panthéon, construisit le
Septigonium et plusieurs autres monuments.
Sans pitié à l'égard de ceux qui lui faisaient om
brage, Sévère se montrait juste et clément poui
le reste de ses sujets. Il eut recours aux lu-
mières du célèbre jurisconsulte Papinien , qu'i
nomma préfet du prétoire, rendait au derniei
des citoyens une justice rigoureuse , allégea les
charges des provinces, et essaya d'arrêter h
corruption croissante des mœurs. Son intérieui
fut attristé par les débordements de sa seconde
femme, Julia Domna, que sur la foi d'un horoscope
il avait fait venir de Syrie, et par les dissensions
sans cesse croissantes de ses deux fils, Caracalla
et Geta. Il avait fait épousera Caracalla la fille de
Plautien. Cette alliance fut cause de la perte
de ce favori. Craignant pour sa fille , il trama
un complot contre Sévère , et périt victime de
sa faveur même (203).
En 207, les Calédoniens se révoltèrent. Se-
vère se rendit dans la Grande-Bretagne avec ses
deux fils, qu'il voulait accoutumer aux fatigues
de la guerre (208). Cette expédition lui coûta
cinquante mille hommes ; mais il étendit la
domination romaine jusqu'à la Clyde. Le mur
qu'il fit construire pour empêcher les incur-
sions des barbares, plus au nord que celui
d'Adrien, resta la limite de l'empire dans cette ré-
gion. Les infirmités l'ayant forcé depuis de confier
à Caracalla le commandement, ce monstre, dans
l'espoir d'exclure son frère Geta du trône, cher-
cha à séduire les troupes. Le vieil empereur fit
mettre à mort ses complices, mais l'épargna lui-
même. Caracalla ne recula pas devant la pensée
d'un parricide. Sévère souffrait de la goutte
quand il apprit ce projet : le chagrin irrita
son mal. Sentant sa fin approcher, il fit venir
ses deux fils, les exhorta à se réconcilier,
puis, leur montrant l'urne qui devait contenir
ses cendres : « Tu renfermeras bientôt, dit-il,
celui que n'a pu contenir l'univers. » Le der-
nier mot d'ordre qu'il donnafut : « Travaillons »
(laboremus). Il expira à York (Eboracum)à
l'âge de soixante-cinq ans (211). Ses restes furent
rapportés à Rome, et il reçut les honneurs de
l'apothéose. Spartien dit qu'il avait laissé des
mémoires. Caracalla lui succéda.
833
Machiavel a rangé Sévère parmi les grands
| princes , « parce qu'il unissait la férocité die
j [ lion à la ruse dît renard », et qu'il sut se
* » faire craindre du peuple sans être haï du sol-
| dat (Le Prince, chap. xjx). Montesquieu, tout
lien lui accordant de grandes qualités, remarque
j rque la douceur, cette première vertu des princes,
k 1 lui manquait ; il lui reproche d'avoi r relâché par ses
l|largesses la discipline militaire. « Après lui.onvit
ij régner toutes les horreurs, » ajoute-t-il. Il ne faut
tipasoublier qu'il tolérad'abord les chrétiens, restés
I »à l'écart des luttes politiques de son règne, et qu'il
fcfdonna même pour précepteur à son fils aîné le
Dhrétien Proculus. C'est à son retour de chez les
l fParthes qu'irrité par une révolte, il renouvela
ibontre les Juifs les édits rigoureux de Trajan.
■Pette persécution, rendue plus cruelle par la
■ ureur populaire, dura de 197 à 202 et peut-être
■ même «jusqu'à sa mort; elle sévit surtout en
■ Egypte, où Clément d'Alexandrie fut obligé de
■quitter son école. C'est à Septime Sévère que
■ rertullien a dédié sa célèbre Apologie, qui doit
■ivoir été écrite vers l'an 200. G. R.
■ Histoire Auguste. — JEl\ixs Spartlea. — Hérodien. —
)ion Casslus, 1. XXIV, XXV, XXVI. - Eutrope, VIII. -
|j. urél. Victor, De Cses., xx. — Orose, VU, 11. — Gibbon;
Wst. de la décadence de l'empire romain.
sévère h (Flavius Valerius Severus),
mpereur romain , né en Illyrie, d'une famille
■bscuré, mort en avril 307. Il embrassa l'état
mlitaire. Quoiqu'il ne se distinguât par aucune
ualité, il parvint aux grades les plus élevés de
armée. II s'était voué corps et âme au parti
;e Galère, et fut l'un des césars que choisit ce
lernier, devenu auguste (305). On lui donna
lors le gouvernement de l'Italie et de l'Afrique,
'onstance étant mort, Galère s'adjoignit son
rotégé avec le titre d'auguste (306), et lui or-
onna d'étouffer la rébellion de Maxence (voy.
e nom). Sévère l'assiégea dans Rome; mais
es troupes l'abandonnèrent, et il se jeta dans Ra-
■ennc , puis se livra lui-même à son ennemi.
Kelui-ci le mena captif à Rome, et, violant la
Ëromesse qu'il lui avait faite de le traiter hono-
rablement, il ne lui laissa que le choix du
■upplice. Sévère se fit ouvrir les veines dans
ne bourgade de la voie Appienne.
■ Victor, De Cxsar., 40; Epit,, 40. — Eutrope, X, 2. —
■mith, Dict. of roman biogr.
I sévère m (Libius Severcs), empereur ro-
■îain, né en Lucanie, mort le 1 5 août 465, à Rome.
■ resta longtemps obscur. Son incapacité fut son
■îul titre au trône. Ricimer le désigna pour suc-
■éder à Majorien, au meurtre duquel il avait con-
■"ibué. Sévère fut proclamé auguste à Ravenne,
m 19 novembre 461. Son règne dura quatre ans.
■I n'est remarquable que par les ravages des bar-
aares. Les Vandales, sous la conduite de Genseric,
«Hlèrent la Sicile et l'Italie, et se rendirent maîtres
le la Sardaigne ; les Visigoths dévastèrent les
■rovinces méridionales de la Gaule; les Saxons
■'établirent dans l'Armorique : enfin, les Ger-
lains envahirent l'Helvétie. Pendant ce temps
NOCV. BIOGR. GÊNER. — T. XLIII.
SÉVÈRE — SEVERINO
834
Sévère vécut confiné dans son palais. Ricimer
lui donna pour successeur Anthemius.
Idalius, Chronicon.— Ctironicon Alexandr. — Evagr.,
H, 7.— Tneoph., p. 97.— Jornandès, De reb. got/t., c. xlv.
sévère. Voy. Alexandre.
sévère. Voy. Sulpice.
su ver ix (Severinus), pape, né à Rome,
où il est mort, le 1er août 640. II était l'ami
d'Honorius Ier, qui l'employa dans plusieurs né-
gociations, et il lui succéda, le 28 mai 640, après
un interrègne d'environ dix-huit mois. Son élec-
tion fut contestée par l'empereur Heraclius, qui
exigeait de lui pleine adhésion à la profession
de foi qu'il avait publiée en 638 au sujet du mo-
nothélisme. Les légats de Severin promirent à
ce prince que le pape signerait cette formule;
mais celui-ci désavoua leur conduite, et con-
damna même le décret impérial. Heraclius
donna l'ordre à Isaac, exarque de Ravenne,et à
Maurice, gouverneur de Rome, de s'emparer des
trésors de l'Église et du palais de Latran. Sur
ces entrefaites le pape tomba malade, el mourut.
Jean IV lui succéda.
Artaud de Montor, Hist. des souverains pontifes.
SEVERINO ( Marco- Aur elio) , médecin ita-
lien, né le 2 novembre 1580, à Tarsia, en Ca-
labre, mort le 16 juillet 1656, à Naples. Il était
fils deGiacomo Severiuo, jurisconsulte de talent.
Après avoir fait ses humanités à Cosenza, il fut
envoyé à Naples et remis entre les mains des
plus illustres maîtres du temps; grâce à des dis-
positions peu communes et à un travail infati-
gable, il s'appliqua avec un égal bonheur à la
plupart des connaissances humaines : Campa-
nella l'initia aux doctrines de Telesio, qui en phi-
losophie venait de secouer le joug d'Aristote;
Tancredi, Buongiovanni et Jasolino lui ensei-
gnèrent la médecine; il avait aussi appris de
Stelliola les mathématiques et de Scarlato la
jurisprudence. Il paraît même que, pour com-
plaire à ses parents, il avait choisi pour pro-
fession cette dernière science, et qu'il avait écrit
sur les Pandectes un commentaire, dont le ma-
nuscrit lui fut volé par un puissant personnage
et qui n'a pu être retrouvé. Aussitôt qu'il eut
pris le diplôme de docteur à Salerne, il s'établit
à Naples, et obtint' au concours la chaire d'ana-
tomie et celle de .médecine; il conserva ces
doubles fonctions jusqu'à sa mort, et y joignit
plus tard celles de chirurgien en chef de l'hô-
pital des Incurables. Severino s'était fait, autant
par son mérite que par la hardiesse de son ca-
ractère, un grand nombre d'ennemis parmi ses
confrères; ils réussirent un moment, à force
d'intrigues, à l'éloigner de Naples ; mais iltriom-
pha de leur persécution, et fut rappelé d'une voix
unanime dans sa patrie. Malgré son extrême
vieillesse, il pratiqua son art avec le même zèle,
et il fut victime de son dévouement à soigner
les malades durant la peste qui, en 1656, décima
le midi de l'Italie. A un savoir des plus étendus
Severino joignait une rare sagacité, un jugement
27
835 SEVERINO -
prompt et ferme; son nom suffit à attirer dans
l'université napolitaine un grand concours d'é-
trangers. Il fut en Italie le principal restaurateur
de la chirurgie, et la ramena aux principes sé-
vères des Grecs. Il remit en honneur dans les
opérations l'emploi du fer et du feu, auquel il
eut recours avec une audace souvent heureuse;
et, malgré d'assez nombreuses erreurs de théorie,
il laissa un certain nombre de préceptes pra-
tiques qui se sont transmis jusqu'à nous. Parmi
ses écrits on remarque : Historia analomica
observatioque medica eviscerati corporis;
Naples, 1629, in-4°; trad. en français (Enchi-
ridion anatomique; Paris, 1629, 2 vol. in-12),
par J. Vigier; — Derecondita abscessuum na-
turel lib. VIII; Naples, 1632, in-4° : c'est le
meilleur ouvrage de Severïno et le premier qui
ait traité spécialement des abcès ; on en connaît
huit ou dix éditions; — Vipera pythiœ, seu de
viperse natura , etc.; Padoue, 1643, in-4°; —
La Querela delV et accorciata; Naples, 1644,
m-4° : badinage en faveur de la conjonction et,
que les Italiens modernes ont privée de sa der-
nière lettre; — Zoo tomia democrïtea, id est
anatome generalis totius animanthim opi-
ficii; Nuremberg, 1645, in-4°, fig. : dans cet ou-
vrage, encore grossier, et qui est dû aux soins de
Wolckamer, on trouve des généralités fort pré-
cieuses sur l'anatomie comparée, celle-ci, par
exemple, que la nature semble avoir suivi un
plan commun dans les formes qu'elle a don-
nées aux différentes espèces, surtout parmi les
vertébrés; — Scilophlebotome castigata;
Amst., 1645, in-4°; — De e/Jîcaci medicina
lib. III; Francfort, 1646, 1682, in-fol.; trad.
en-sfrançais, Genève, 1668, in-4° : il y exagère
les avantages du fer et du feu dans la cure de
presque toutes les maladies; — De lapide fun-
gïfero epist. II, impr. dans le traité De cœna
deB. Fiera; Naples, 1649, in-4°, et à part, Wol-
fenbuttel, 1728, in-4° : « il s'agit , dit Jourdan,
d'une espèce de tuf volcanique très-poreux et
imprégné de blanc de champignon, qui donne le
bolet tuberastre, qu'on mange habituellement à
Naples; ■» —Therapeuta neapolilanus^aples,
1653, in-8° : c'est un vade-mecum rédigé par
un élève de l'auteur; — Trimembris chirur-
gia; Francfort, 1653, in-4° ; — Qusesliones
anatomicx IV; Hanau, 1654, in-4°; —De
psedanchone malïgna; Francfort, 1655, in-8° :
mémoire écrit à l'occasion d'un croup épidé-
mique qui avait sévi en 1618 à Naples; — An-
tiperipatias, hoc est adversus aristotelicos
de respiratione piscium diatriba; Naples,
1659, 1665, in-fol. : ii y prouve que les poissons
respirent comme les autres animaux et qu'ils
ont le sang chaud; sur la circulation du sang il
n'a point d'opinion arrêtée; — La Filosofia de-
gli scacchi ; Naples, 1690, in-4°. Severino a
traduit de l'espagnol en latin : De chocolata
d'Ant. Colmenero (Nuremberg, 1644, in-12), et
on a publié la première partie de l'édition com-
- SÉVIGNÉ 836
•mentée qu'il avait préparée des Rime e prose
de G. délia Casa (Naples, 1694, in-4°); le reste
de ses notes a été inséré dans l'édition du même
livre faite en 1728, à Venise.
Origlia..ttoHa dello studio di Napoli, II, 82.— Zavar-
roni, DM. calabra. — Magiiaiï, Elogio istorico di
■ M.- A. Severino; Naples, 1815, in-i°. — Crassi, Elogi
■ d'uomini letterati. — Portai, Hist. de l'anatomie, II,
493. — Jourdan, dans la Biogr. méd.
severus ( Cornélius ), poëte latin, vivait
dans le premier siècle après J.-C. Il était le
contemporain d'Ovide, qui lui adressa une de ses
Epitres écrites du Pont. 11 composa un poëint
Sur la guerre de Sicile (Bellum siculum):
Sénèque nous en a conservé un passage surlï
mort de Cicéron. Severus avait aussi parlé di
l'Etna, soit dans son poëme séparé, soit plus
probablement dans son poëme Sur la guern
de Sicile. Si l'on en croit Quintilien, Corne
lius Severus était plus remarquable comme ver
sificateur que comme poëte. Le passage eit
par Sénèque et quelques fragments insignifiant
' ont été recueillis par Wernsdorf dans ses Poeté
latini minores, tome IV. Y.
Ovide, Epist. ex Ponto, IV, 2. — Sénèque, Suasoriu
VII; Epist. LXXIX. - Quintilien, X, I.
severus {Julius), grammairien latin, d'unr
époque incertaine. Il nous reste de lui un opus
cule sur la versification, intitulé De pedibu
expositio. Heusinger le publia avec un traité d
; ! Flavius Mallius Theodorus sur le même sujt
(Wolfenhuttel, 1755; Leyde, 1766); on le trouv
dans les Scriptores latini rei meiricee de Gai;
ford; Oxford, 1837. Y.
Smith, Dictionary ofgreek antiroman biograpJitj.
sétigké (Marie de Rabotes -Chantal
marquise de), née le 6 février 1626, à Paris (1)
morte le 18 avril 1696, à Grignan (Drôme
Elle était la fille unique de Celse-Bénigne de R;
butin , baron de Chantai, et de Marie de Cor
langes. Elle était encore an berceau lorsqu'el!
perdit son père : le baron de Chantai fut tué 1
22 juillet 1627, en combattant sous les ordrt
du marquis de Toiras, pour repousser les Aï
glais de l'île de Rhé. Sa veuve ne lui survéci
que cinq ans. Restée orpheline à l'âge de si
ans, Marie de Rabutin fut placée sous la tutel
de son aïeul maternel jusqu'en 1636, où elle
perdit. Elle demeura depuis sous la surveillai
de l'abbé de Coulanges, son oncle (2). Rien r
fut négligé pour qu'elle reçût autant d'instrut
tion qu'il était permis alors aux femmes d'e
avoir : Ménage, qu'on lui donna pour précepteu
lui apprit le latin , l'italien, l'espagnol; Chap<
lain contribua aussi à l'instruire. Aux sérieusi «
leçons de ces deux maîtres succédèrent celli Ii
d'une cour élégante et polie, la cour d'Am Ss
d'Autriche, où elle passa les plus belles annéi
de sa jeunesse. Elle se maria, à l'âge de dix-lns
(1) Ainsi qu'il résulte de son acte de baptême.
(î) C'est lui qu'elle désigne dans ses lettres sous
nom de Bien bon, et pour lequel elle témoigne si so
vent, avec cet accent de sensibilité qui lut appartien
une reconnaissance toute filiale.
i
^él
837
ans, avec Henri de Sévigné, maréchal de camp,
issu d'une ancienne maison de Bretagne ( 1er août
1644). Prodigue, et passionné pour le plaisir, le
marquis de Se vigne dissipa une lionne partie de son
bien, cl délaissa sa femme pour des maîtresses.
11 était d'autant plus difficile de lui pardonner
ses infidélités et ses désordres, qu'il joignait à
on goût pour la dissipation une humeur brusque
t un caractère rude et difficile (i). Cette union
i mal assortie dura sept années. Le marquis de
iévigné et le chevalier d'Albret courtisaient en
nême temps Mmc de Gondran. Cette rivalité
unena une rencontre, dans laquelle le premier
'enferra sur l'épée de son adversaire. La bles-
ure était mortelle : il expira peu de temps après
e combat (5 février 1051). On n'a qu'un très-
etit nombre de lettres écrites par Mra= de Sé-
kigné pendant son mariage «t les premières an-
ses de son veuvage; mais dans ces quelques
4tres on remarque déjà cette facilité, cette
ivacité spirituelle, cette grâce ingénieuse et dé-
cate qui l'ont immortalisée.
Elle avait eu de son mari un fils et une fille.
Ile renonça au monde tant que dura leur en-
wnce, et se réduisit au commerce de quelques
mis. Afin d'être tout entière à ses enfants, elle
3 voulut point, si jeune qu'elle fût encore, pro-
ter des occasions qui s'offrirent plusieurs fois
our elle de se remarier. Ceux qui eussent voulu
; faire agréer d'elle comme amants furent écon-
.uits. Turenne, le prince de Conti et Fouquet
; parvinrent pas à toucher son cœur; encore
oins le chevalier de Méré et M. du Lude , qui
rent aussi au nombre des soupirants; encore
oins le bonhomme Ménage, car lui aussi fat
iessé au cœur, et risqua plus d'une fois, malgré
[. timidité et sa gaucherie, des déclarations qui
iaient repoussées avec de piquantes et inoffen-
|ves plaisanteries. Assurément sa résistance
lavait point sa source dans l'indifférence d'une
iture froide; peu de femmes eurent une sensi-
lité plus active, une imagination plus vive
f'elle. Mais elle voulait être sage, et la perfec-
>n de sa raison lui donnait la force de l'être.
me de Sévigné refusait ceux qui sollicitaient
s bonnes grâces, de manière à les décourager
ns les fâcher. « Il n'y a guère que vous dans
royaume, lui écrivait Bussy, qui puissiez ré-
jdi Jre un amant à se contenter d'amitié; nous
sj în voyons presque point qui d'amant écon-
,.(i |it ne devienne ennemi ; et je suis persuadé
^ i'il faut qu'une femme ait un mérite extraordi-
1 jre pour faire en sorte que le dépit d'un amant
m jiltraité ne le porte pas à rompre avec elle. »
m jssy avait raison de conclure ainsi,
m Mme de Sévigné reparut dans le monde quand
1) « Le marquis de Sévigné, dit Conrart dans ses Mé-
trés, disait quelquefois à sa femme qu'il croyait qu'elle
été trè^-agréiible pour un autre, mais que pour lui
ne pouvait lui plaire. On disait aussi qu'il y avait
j aBte différence entre son mari et elle, qu'il l'estimait et
iltK l'aimait point, au lieu qu'elle l'aimait et ne l'estimait
ut
SÉVIGNÉ 83S
elle crut pouvoir le faire sans que l'éducation
de ses enfants en souffrît (1654). Le beau temps
de l'hôtel de Rambouillet durait encore. On sait
qu'elle fut une des dames les plus admirées du
cercle fameux que présidait M'nc de Monlausier.
Son esprit gagna encore en légèreté et en déli-
catesse dans le commerce de cette société ingé-
nieuse : elle s'y raffina, sans s'y gâter. On la
compta au nombre des précieuses (1); mais ce
nom était alors synonyme de femme d'esprit.
Si elle ne connut pas les tourments de l'amour,
elle éprouva bien vivement les peines de l'ami-
tié. Le premier coup lui fut porté par le galant
et peu scrupuleux Bussy, qui avait plus d'une
fois essayé d'ébranler les sages résolutions de sa
cousine. En 1€58, se trouvant dans un pressant
besoin d'argent pour faire la campagne de cette
année, il s'adressa à Mme de Sévigné pour un
prêt de dix mille livres. Certaines formalités un
peu longues ayant retardé l'envoi de la somme,
il se persuada qu'on l'avait joué par une pro-
messe vaine. Il avait l'habitude de se venger
avec emportement de tous les torts dont il était
ou se croyait victime : aussi inséra-t-il dans son
Histoire amoureuse des Gaules un portrait sa-
tirique de Mme de Sévigné, où non-seulement il
présentait sous un jour ridicule les qualités de
son cœur et de son esprit, mais lui prêtait des
défauts et des vices qu'elle n'avait jamais eus.
Ainsi, méconnaissant cette vertu si pure à la-
quelle il avait lui-même rendu hommage, il l'ac-
cusait de cacher sous lés dehors d'une prude
les désordres d'une femme galante. Cependant
il suffit au coupable de donner, un an après,
quelques marques de repentir, ponr obtenir un
pardon complet. En 1661 , Mme de Sévigné vit avec
un profond chagrin la chute de Fouquet, qu'elle
comptait au nombre de ses amis les plus dévoués.
Elle suivit avec, anxiété les débats de son procès,
et en transmit les détails à M. de Pomponne,
qui avait été enveloppé dans la disgrâce du sur-
intendant. Dans toute la correspondance de
Mme de Sévigné, il est peu de parties qui offrent
plus d'émotion et d'éloquence. Tandis qu'elle ne
songe qu'à rendre compte de ce qu'elle a vu et
de ce qu'elle a senti, elle trace un tableau dra-
matique et fout vivant de cette grande scène
judiciaire; elle écrit un admirable plaidoyer.
M,ne de Sévigné se consolait du chagrin que
lui causaient les torts des amis ingrats ou ies
malheurs des amis fidèles, en voyant sa fille
(voy. Grignan), objet de tant de soins et d'a-
mour, croître chaque jour en beauté, en esprit
et en grâces. Elle la présenta dans le monde en
1663, et la vit avec orgueil s'attirer les hom-
mages de tout ce qu'il y avait de distingué à la
ville et à la cour. En 1669 elle lui donna pour
époux le comte de Grignan, âgé alors de qua-
rante ans, et qui avait déjà été marié deux fois.
Elle se réjouissait d'une alliance qui, en lui fai-
(1) Voir le Dict des précieuses, parSomaize.
27.
839
SÉVIGNÉ
sant attendre pour sa fille une haute fortune,
lui laissait l'espérance de la garder auprès d'elle;
cette attente fut trompée en partie. M. de Gri-
gnan fut nommé, le 29 novembre 1669, lieute-
nant général au gouvernement delà Provence,
et il emmena sa femme avec lui. Mme de
Sévigné aimait sa fille avec idolâtrie (1). Cette
séparation creusa dans sa vie un vide pro-
fond et douloureux, auquel elle ne put jamais
s'accoutumer. Pour le combler, elle eut recours
à la grande ressource des âmes tendres contre
l'absence : elle écrivit des lettres , et les multi-
plia , sans jamais se rassasier de cette douceur.
Elle ne revit sa fille qu'au moyen des voyages
qu'elle faisait en Provence, ou des visites, beau-
coup trop rares à son gré, qu'elle recevait d'elle
à Paris. Mme de Sévigné avait eu de l'ambition,
non pour elle, mais pour ses enfants; aussi les
vit-elle avec peine rester en chemin. M. de Gri-
gnan ne sortit pas de son commandement de Pro-
vence ; quant au marquis de Sévigné, auquel sa
mère avait acheté la charge de guidon, puis
celle de sous-lieutenant des gendarmes du Dau-
phin, il n'obtint aucun avancement.
« Nous ne sommes pas heureux », ces mots
reviennent plusieurs fois dans les lettres écrites
à Bussy. Vers 1678, Mme de Sévigné, qui ne se
retira jamais du monde, se retira à peu près de
la cour; elle ne s'y fit plus présenter qu'à de
longs intervalles; elle était lasse d'y figurer sans
titre, sans faveurs pour elle ni pour les siens.
En 1680, elle écrit des Rochers à sa fille : « Mon
fils dit qu'on se divertit fort à Fontainebleau.
Les comédies de Corneille charment toute la
cour. Je mande à mon fils que c'est un grand
plaisir d'être obligé d'y être , et d'y avoir un
maître, une place, une contenance; que pour
moi, si j'en avais eu une, j'aurais fort aimé ce
pays-là ; que ce n'était que pour n'en avoir point
que je m'en étais éloignée; que cette espèce de
mépris était un chagrin, et que je me vengeais
à en médire, comme Montaigne de la jeu-
nesse J'ai vu des moments où il ne s'en fal-
lait rien que la fortune ne me mît dans la plus
agréable situation du monde ; et puis tout d'un
coup c'étaient des prisons et des exils. » Elle
veut sans doute ici parler de la mort de Tu-
renne, de l'emprisonnement du cardinal de Retz,
de Fouquet, de Bussy, et de l'exil de M. et de
Mme de Pomponne. Dans la société d'élite où
(1) L'amour maternel, quand il déborde ainsi, ne garde
pas toujours toute la dignité qui lui convient et qu'il
peut conserver même dans la familiarité de l'entretien
le plus intime. M"1* de Sévigné tombe quelquefois à l'é-
gard de sa fille dans une espèce d'idolâtrie minutieuse,
puérile, indiscrète , qu'on ne pardonnerait qu'à l'amour,
et dont le lecteur, même le mieux disposé, s'étonne, dont
Il se sent un peu confus pour elle. Il est difficile de ne
pas éprouver quelque chose de cette impression quand
on la voit, à soixante ans, prodiguer mille petits soins,
mille petites caresses, mille petites flatteries à une fille
de quarante, et, après une séparation déjà longue, s'a-
larmer de tout pour elle, et ne pas lui laisser faire un
pas, un mouvement, sans l'accabler de recommanda-
lions, d'avertissements, de prières.
elle vécut toujours, elle trouva beaucoup d'ami
mais peu qui fussent en possession d'un grar
crédit. Ceux qu'on vient de nommer dispari
rent de la scène brusquement , et n'eurent pas
temps de faire agir leur bonne volonté pour ell
Du reste, il ne faut pas croire qu'elle ne sut p
supporter ces mécomptes : elle était trop sa:
pour n'être pas capable de se résigner. Dans 1
longs intervalles qui s'écoulèrent entre les visit
de sa fille ou ses propres voyages en Provenc
Mme de Sévigné ne vécut point toujours à Pari
Il lui fallait de temps en temps aller passer m
saison dans sa terre des Rochers, pour dema:
der des comptes à ses fermiers, ou pour répar
par les économies d'un séjour en Bretagne 1
dépenses qu'en bonne mère elle s'était imposé
pour le prodigue marquis. Alors, du milieu
cette vie de conversations délicates et de fêl
brillantes qu'elle menait à Paris, elle se trouv
tout à. coup transportée dans la solitude d'
antique manoir, à peine troublée par les visil
de quelques provinciaux , insipides ou ridiculi
Mais ces temps d'exil n'avaient rien de ru
pour elle. Le plus grand de ses plaisirs, la co
solation inépuisable de sa vie , la suivait p;
tout : c'était cette correspondance de tous '
jours qu'elle entretenait avec sa fille adort
D'ailleurs elle avait des amis dont la société
lui manquait nulle part : c'étaient ses livi
chéris, Virgile, Montaigne, Molière, surtout Pa
cal, qu'elle mettait de moitié à tout ce q
est beau; Arnauld et Nicolle, dont le beau h
gage la séduisait aux opinions de Port-Roya
et Corneille, qui la transportait d'admiration
point de la rendre injuste pour Racine. A
goût sérieux et passionné pour l'étude, elle ji
gnait un vif amour des beautés de la natui
qu'on a eu raison de remarquer comme un c
traits caractéristiques de son génie. Dans le s
pittoresque au milieu duquel s'élevait sa c
meure, dans les bois séculaires qui l'entourai
elle trouvait toujours de quoi charmer sesye
et occuper sa pensée. Elle en parle sans cesi
elle nous les représente sous tous les aspe*
que leur donnaient les changements des saisc |
et les diverses heures du jour, avec une adi
ration naïve et poétique qui surprend, di ^
cette époque si peu*'Soucieuse des champs et (
plaisirs simples qu'ils procurent , si exclusi1
ment éblouie par l'élégance de la vie sociale
le luxe des cours.
Parvenue à la vieillesse, Mme de Sévigné
en Provence, en 1694, un voyage qui fut le d
nier. La famille des Grignan venait "de céléb
sous ses yeux un double mariage, celui de s
petit-fils avec la fille d'un fermier général (
et celui de sa petite-fille, de cette charma
Pauline dont elle avait commencé l'éducatii
avec le marquis de Simiane; quand Mme
Grignan, dont la santé donnait des craintes <
(1) C'était une mésalliance; mais, disait Mm° de C
gnan, il faut bien qiwlqtief ois fumer ses terres.
'.
ni
■l
:
h
mis plusieurs années, fut atteinte d'une maladie
lui pendant quelque temps mit ses jours en pé-
il. Mme de Sévigné, dans cette circonstance,
essentit avec tant de force les émotions d'une
aère tendre, et en remplit les devoirs avec tant
ardeur, que sa santé, jusque-là excellente, en
Jt grièvement altérée. Dans l'instant où Mme de
!;rignan commençait à se rétablir, elle tomba
angereusement malade elle-même, et fut at-
einte de la petite vérole; le 18 avril 1696,
lie avait cessé de vivre. Le vœu touchant
u'elle avait exprimé plusieurs fois dans ses
îttres fut réalisé. On a pu remarquer la lettre
ni commence ainsi : « Si j'avais un cœur de
ristal, où vous puissiez voir la douleur triste
t sensible dont j'ai été pénétrée en voyant
omme vous souhaitez que ma vie soit composée
<e plus d'années que la vôtre, vous connaîtriez
«ien clairement avec quelle vérité et quelle ar-
eur je souhaite aussi que la Providence ne dé-
ange point l'ordre de la nature, qui m'a fait
maître votre mère et venir en ce monde beau-
oup devant vous. C'est la règle et la raison, ma
lie, que je parte la première ; et Dieu, pour qui
•os cœurs sont ouverts, sait avec quelle instance
i lui demande que cet ordre s'observe en moi. »
Du vivant même de Mme de Sévigné, son ta-
înt épistolaire était célèbre à la cour et dans
i grand monde. Louis XIV avait lu avec intérêt
îs lettres d'elle qui s'étaient trouvées dans les
assettes du surintendant Fouquet, et celles que
iussy avait entremêlées dans ses Mémoires.
•ouvent, quand une lettre charmante, comme
lie en écrivait tant, avait été lue par le parent
u l'ami auquel elle s'adressait, celui-ci en par-
lit, la montrait, la prêtait. Elle n'ignorait point
es indiscrétions, et ne s'y opposait pas. Il y
vait ainsi des lettres d'elle qui couraient de
laain en main, et qu'on désignait par un nom
|ré de ce qui en faisait le sujet principal ou le
rail le plus saillant. Mme de Coulanges lui écri-
vit en 1673 : « Je ne veux pas oublier ce qui
ta'est arrivé ce matin ; on m'a dit : Madame,
toilà un laquais de Mme de Thianges. J'ai or-
onné qu'on le fît entrer. Voici ce qu'il avait à
de dire : Madame, c'est de la part de Mme de
Ranges, qui vous prie de lui envoyer la
lettre du cheval de M">e de Sévigné et celle
te la prairie (1). J'ai dit au laquais que je
es porterais à sa maîtresse, et je m'en suis de-
nte. Vos lettres font tout le bruit qu'elles me-
ttent, comme vous voyez; il est certain qu'elles
ont délicieuses,et vous êtes comme vos lettres. » Il
tait difficile que la correspondance de Mmede Sé-
igné demeurât ignorée après sa mort. Le premier
ecueil imprimé parut en 1726 (La Haye, 2 vol.
n-12), par les soins de l'abbé de Bussy, évêque
le Luçon, fils cadet du comte de Bussy, auquel
iroe de Simiane avait remis des copies d'un assez
(1) La lettre du cheval n'a pas été conservée. On a celle
e la prairie, adressée à M. de Coulanges sous la date
u 22 juillet 1671, lettre fort jolie, mais un peu tournée.
SÉVIGNÉ 842
grand nombre de manuscrits de son aïeuie. En 1734,
il en parut un autre (Paris, 4 vol. in-12), dont l'édi-
teur fut le chevalier de Perrin, ami de M"1<;de Si-
miane. La famille de M">e de Sévigné n'avait point
autorisé l'édition de l'abbé de Bussy ; elle donna
son autorisation au nouvel éditeur, entre les mains
duquel elle remit les originaux de toutes les lettres
déjà connues , et de celles qui ne l'étaient pas en-
core. Mais comme certains passages des pre-
mières éditions avaient soulevé beaucoup de
plaintes de la part des familles sur lesquelles
Mme de Sévigné révélait des détails peu hono-
rables, Perrin fut chargé d'y faire des modifi-
cations et quelques retranchements , et en
outre d'arranger tous les passages d'où l'on
pouvait tirer des conjectures fâcheuses sur le
caractère de Mrae de Grignan. Ce double vœu fut
docilement exécuté. Il est résulté de là que l'é-
dition de i754 (Paris, 8 vol. in-12), plus com-
plète que les précédentes, est cependant moins
fidèle. C'est ce que n'ont pas aperçu les édi-
teurs qui se sont succédé depuis 1754 jusqu'en
1806 (Paris, 8 vol. in-8° ou 11 vol. in-12), et
qui tous ont reproduit, sauf additions, le Iravail
de Perrin. M. de Monmerqué publia le premier
un texte véritablement restauré (Paris, 1818-
1819, 10vol.in-8° ou 12 vol. in-12), texte qui a
servi de base à l'excellente édition de M. Ad. Ré-
gnier (1862-64, 12 vol. gr. in-8°).
Un esprit fin , délicat, pénétrant, enjoué;
une raison droite et sûre, souvent profonde,
une imagination active, mobile, féconde, qui
s'intéresse à tout, qui reproduit avec une vé-
rité et une vivacité singulières de mouvements
et de couleurs tous les objets qui l'ont frappée;
une sensibilité vive et douce, qui a sa source,
non dans la tête, mais dans le cœur, qui s'é-
panche aisément, abondamment, et dont toutes,
les émotions se communiquent : tels sont les élé-
ments divers dont se compose le génie deMinede
Sévigné. Pour se révéler avec toute leur force
et tout leur éclat quand elle tient la plume, ces
dons heureux de sa nature n'ont pas besoin que
le travail et l'art viennent les élaborer, les com-
biner, les transformer. Pour être spirituelle, ai-
mable, profonde, entraînante , Mffle de Sévigné
n'a pas besoin de vouloir et de calculer ; il lui
suffit pour cela de se livrer à ses facultés : elle
n'a qu'à être elle-même. Le naturel, l'abandon,
l'élan spontané, ces qualités chez elle accom-
pagnent tontes les autres, pour en doubler le
prix. De là ce style négligé, naïf, expressif, plein
de saillies, pittoresque, hardi, varié, qui dans sa
familiarité prend tous les tons et rassemble tous
les genres d'éloquence, même l'éloquence su-
blime. Sans doute ces lettres reçoivent un grand
prix des détails qui s'y trouvent sur tant de per-
sonnages et d'événements du grand siècle ; elles
forment un livre d'histoire rempli de faits cu-
rieux ou instructifs ; mais cet intérêt historique
n'a contribué qu'en second lieu à leur succès.
Ce qui fait le charme le plus puissant de ce
843 SÉV
recueil, c'est la mise en œuvre de tant d'événe-
ments grands et petits , par l'esprit et par l'ima-
gination de Mme de Sévigné. Ce qui frappe, ce
qui séduit, c'est bien moins l'importance ou la
nouveauté des faits, que la finesse où l'élévation
du penseur, que le colons du peintre. A qui en
douterait, il n'y aurait qu'à faire lire les lettres
qu'elle écrit des Rochers ; là, elle est bien loin
de la cour, elle ignore toutes les nouvelles; ces
lettres ont-elles moins d'agrément? Elle nous
attache alors seulement par la nature de ses sen-
timents et de ses pensées, et par la forme dont
elle les revêt; elle nous intéresse aux plus petites
choses, par la manière vive dont elle les sent ,
les conçoit, les exprime. Mme de Sévigné est
naturelle, naïve; mais il faut bien se garder, en
lui appliquant ces mots, de les prendre ou de
paraître les prendre dans un sens trop absolu.
Sa naïveté n'est pas, ne peut pas être l'instinct
aveugle d'un talent qui s'ignore lui-même, comme
semblent le croire beaucoup de ses admirateurs,
qui en appréciant son génie n'ont à la bouche
que les mots de candeur, ingénuité, abandon ,
et retournent et commentent ces mots en tant de
façons et en leur laissant un sens si étendu ,
qu'ils font d'elle, en vérité , une sorte de phé-
nomène impossible, une femme d'esprit et de
génie de la société de Louis XIV, presque aussi
naturelle et aussi spontanée que l'arbre qui
donne son fruit. Formée à l'école des an-
ciens par Ménage; élevée dans l'amour intelli-
gent des choses délicates par la cour d'Anne
d'Autriche; vivant au milieu d'un monde qui
savait le prix du bon goût et le recherchait; ha-
bituée des sa jeunesse aux hommages les plus
flatteurs (1) sur son esprit et son bien dire,
Mme de Sévigné ne pouvait répandre dans ses
lettres tant de traits charmants ou profonds
sans s'en douter, et par une sorte d'inspiration
fortuite et aveugle. Sans doute elle ne travail-
lait point ses lettres ; qui oserait l'en accuser (2) ?
(1) Il y en aurait long à citer si l'on voulait rassem-
bler tous les éloges de son talent, toutes les définitions
et toutes les appréciations adiniratives de son esprit,
que ses amis lui adressèrent à elle-même. Corbinelli al-
lait jusqu'à dire, dans un style entortillé, « qu'il voulait
lui donner envie de la conformité que Cicéron pouvait
avoir avec elle sur le genre épistolaire ». Dès 1668 Bussy
avait fait mettre au-dessous du portrait de sa cousine
qu'il avait dans son salon cette inscription, dont il lui fit
part : « Marie de Rabulin, marquise de Sévigné, fille du
baron de Chantal,fcromed'un génie extraordinaire et d'une
solide vertu, compatibles avec la joie et les agréments.»
Tandis qu'elle trouvait dans chacun de ses amis un cri-
tique louangeur, elle jouait continuellement le même
rôle à l'égard de sa fille. Elle ne cesse de célébrer et de
caractériser le style de Mme de Grignan. non-seulement
avec la complaisance d'une mère tendre, mais avec la
curiosité littéraire , la critique exercée, Vacumen d'une
femme de goût, d'une connaisseuse en fait de style
épistolaire.
(2) Il est bon de remarquer d'ailleurs que cela lui eût
été matériellement impossible. En effet, il lui arrive sou-
vent d'écrire plus de vingt lettres par mois à sa fille;
et cela, non dans la solitude des Rochers, mais à Paris,
au milieu des affaires, des visites, des fêtes, sans compter
2es correspondances avec d'autres, qui allaient leur
train.
IGNÉ 844
Mais croyons que, sans y mettre aucun apprêt,,
sans se préoccuper de leur succès pour le pré-
sent ni pour l'avenir , elle avait conscience et se
sentait heureuse d'y verser toutes les saillies ,
toutes les réflexions fines , tous les mots élo-
quents que son fertile génie trouvait sans peine;
que, sachant très-bien l'admiration dont elles
étaient l'objet, elle y souscrivait sans en être
fière, sans en concevoir de hautes espérances de
,gloire, mais non sans en être agréablement flat-
tée. Disons même qu'il est presque impos-
sible qu'en les écrivant, malgré la rapidité avec
laquelle courait sa plume, elle ne se plût souvent
à exciter encore, par un léger et facile effort,
l'enjouement, la finesse, la verve de son esprit,
soit pour se divertir par cette épreuve faite en
jouant sur elle-même, soit pour mieux satis-
faire son obligeant désir d'amuser sa fille ou ses
amis, soit même pour s'attirer ces éloges, cet
admirations, dont elle ne croyait, au reste qu'une
partie, et dont sans doute elle se fût passée
très-aisément. Cette espèce de calcul ingénieux
et rapide, qui n'est qu'un léger coup de foueï
donné à l'esprit , qu'emporte assez sa propre
verve, ne se fait-il pas sentir dans ce passage j
qui, nous n'en doutons pas, a été écrit aussi
vite que d'autres :
« Je ne vois pas, dit-elle à sa fille, un momen:
où vous soyez à vous ; je vois un mari qui voui
adore, qui ne peut se lasser d'être auprès de vous
et qui peut à peine comprendre son bonheur. 3<
vois des harangues, des infinités de compliments
de civilités, de visites ; on vous fait des honneur
extrêmes, it faut répondre à tout cela; vous ête:
accablée : moi-même, sur ma petite boule, je n'j
suffirais pas. Que fait voire paresse pendant tout ci
fracas? Elle souffre, elle se retire dans quelque pe
lit cabinet, elle meurt de peur de ne plus retrouvei
sa place ; elle vous attend dans quelque moment
perdu, pour vous faire au moins souvenir d'elle, e1, *f
vous dire un mot en passant. « Hélas ! dit-elle, m'a
vez-vous oubliée? Songez que je suis votre plut
ancienne amie, celle qui ne vous a jamais abandon-
née, la fidèle compagne de vos plus beaux jours ; que lï
c'est moi qui vous consolais de tous les plaisirs, ei lie
qui même quelquefois vous les faisais haïr ; qui vout jjj,
ai empêchée de mourir d'ennui,et en Bretagne et dan
votre grossesse. Quelquefois votre mère troublai
nos plaisirs, mais je savais bien où vous reprendre
présentement je ne sais plus où j'en suis ; les hon
neurs et les représentations me feront périr, si vous
n'avez soin de moi .» 11 me semble que vous lui dites
en passant un petit mot d'amitié, vous lui donnea
quelque espérance de vous posséder à Grignan;
mais vous passez vite, et vous n'avez pas le loisii
d'en dire davantage (I). Le devoir et la raison soni
autour de vous, et ne vous donnent pas un moment
de repos; moi-même, qui les ai toujours tant hono
W
lei
ï
a.fc
il,
k-
(1) La préciosité de ce passage est charmante. Mais
quelquefois Mme de Sévigné tombe dans une autre es-
pèce de préciosité, plus apprêtée et moins agréable. Elti
écrit à Bussy en 1G80, à cinquante-quatre ans : « Je sui:
un peu fâchée que vous n'aimiez pas les madrigaux. N<
sont-ils pas les maris des épigramraes? Ce sont de si
jolis ménages, quand ils sont bons!» De pareils traits
sont rares heureusement. Mme de Sévigné n'avait pi *.
traverser tout à fait impunément l'hôtel de Rambouillet |jjj
*i SÉVIGNÉ — SEXTUS
es, je leur suis contraire et ils nie le sont : le moyen
lu'ils vous laissent le temps de lire de pareilles
internerics? »
846
On fait très-bien, toutes les fois qu'on veut se
endre compte de la composition des lettres de
troc de Sévigné, d'éloigner toute idée d'artifice et
'ambition littéraire.d'immoler k la gloire de cette
jjmme unique tous les talents épistolaires à la
'line le jeune, et de proclamer le naturel comme
tant l'attribut propre et distinctif de son génie.
lais pour la juger au vrai point de vue , pour
lieux saisir les traits de cette délicate physio-
omie, il faut reconnaître que le naturel se mé-
nage chez elle d'une douce et facile coquetterie,
[me de Sévigné unit fréquemment à une naïveté
•ès-réelle des raffinements ingénieux, quelque-
lis même légèrement subtils. Elle est femme
tgénue et elle est artiste habile; mais, ce qu'il
î faut pas oublier, son art lui-même est tout
i premier mouvement ; ses raffinements lui
■Mutent peu; ils sont improvisés comme le reste,
'est une précieuse pleine de bonhomie, de feu
\ d'abandon; c'est un bel esprit qui improvise
après son âme et son cœur, et qui désirant de
.aire aux autres , y tient bien plus pour les
«très que pour lui-même. E. J.
Sabatier, Éloge de la marquise de Sévigné; Avignon,
77,in-12. — M»e de Brisson, idem; Paris, 1778, in-12.
J.-A. Walsh, Fie de Mm* de Sévignë; Paris, 1841,
-18. — W'alckenaër, Mémoires touchant la vie et les
irits de Mm* de Sévignë; Paris, 1842-52, 5 vol. ln-IS. —
abenas, iiist. de Mme de Sévigné ; Paris, 1842, iu-8°. —
•me de Sévignë and her contemporaines; Londres,
,41, 2 vol. in-8". — L. Dubois, Mme de Sévigné- et sa
[rresp. relative à f itrê et aux Rochers; Paris, 1838,
8°.— J. Babou,/,es Âmoureuxde Mme de Sevigné; Paris,,
.62, in-8°. — Nutices dans les édlt. de Vauxcelles (1801),
Il Grouvelle (1806), de Monmerqué et Saint-Surin (1818)',
:Gault de Saint-Germain (1822), de Carupenon (1822), de
i. Nodier (1835), de Mme Tastu (1841), de Silvestre de
cy (1861), de Régnier (I862t,etc; — Revue des deux mondes,
sept. 1843. — Sainte-Beuve, Causeries du lundi, et
ouveaux hindis. — Bruaet, Manuel du libraire.
sévigné: ( Charles, marquis de), fils delà
;écédente, né en 1647, à Paris, où il est mort,
I 27 mars 1713. Il servit en qualité de volon-
lire dans la guerre de Candie (1669), acheta la
targe de guidon, puis celle de sous-lieutenant
i:s gendarmes du Dauphin, et se distingua au
«nbat de Semef (1674) et à Saint-Denis, près
•ns (1678).. Il se dégoûta de sa eharge, et la
«dit. Après son mariage avec la fille d'un con-
fier au parlement de Bretagne (1684), il se
ftira aux Rochers, et dans la suite à Paris, où
termina une vie inquiète et dissipée dans les
tatiques de la dévotion et sous la conduite des
eilleurs guides ecclésiastiques. C'était un brave
ïïcier, et un homme de beaucoup d'esprit. Ses
ganteries, son commerce avec Ninon de l'En-
et laChampmeslé, son goût pour le plaisir et
dépense, ne l'empêchaient pas de bien faire son
viee, mais lui étaient l'esprit de suite et l'ac-
uité nécessaires pour se pousser par l'intrigue.
n'eut point d'enfants, et fut 1e dernier de son
m. Il eut avec Dacier un différend littéraire
i sujet d'un passage d'Horace; les écrits qu'ils
ï
échangèrent alors ont été publiés sous le titre de
Dissertation critique sur l'Art poétique d'Ho-
race (Paris, 1698, in-16).
Aubenas, Hist. de Mme de Sévigné.
sevin (François), philologue français, né
à Villeneuve-le-Roi , en 1682, mort à Paris, le
12 septembre 1741. Après avoir terminé ses
études à Sens, chez les jésuites, il alla étudier I»
théologie à Paris, au collège des Trente-trois.
Renvoyé pour une infraction au règlement, il
trouva un protecteur dans l'abbé Boileau, ancien
grand-vicaire à Sens, qui lui fournit les moyens
de compléter son éducation ecclésiastique, et le
recommanda à l'abbé Bignon. Celui-ci le prit
pour secrétaire. Sous la direction de ce guide
érudit, Sevin fit de rapides progrès et fut admis,
en 1711, au nombre des élèves de l'Académie
des inscriptions. Il venait d'en être nommé pen-
sionnaire, en 1728, lorsque, par ordre du roi, il
partit avec l'abbé Fourmont pour Constanti-
nople, afin d'y rechercher des manuscrits ; il en
rapporta plus de six cents, d'une conservation
parfaite, et en reçut encore beaucoup d'autres
des correspondants qu'il s'était ménagés dans le
Levant. Il obtint, pour prix de ses travaux, une
pension sur un bénéfice ecclésiastique; mais Une
quitta point Paris, et fut nommé, en 1737, garde
des manuscrits de la Bibliothèque du roi ; il s'oc-
cupa d'en dresser le catalogue avec Fourmont et
Melof (manuscrits orientaux et grecs). Son pre-
mier ouvrage avait été une Dissertation sur Me-
nés, premier roi d'Egypte (Paris, 1705), où il
soutenait que Menés ne différait pas deMisraïm,
fils de Cham, et qu'il' fallait voir en lui le Mercure
des Égyptiens. Il a inséré dans le Recueil de
l'Académie des inscriptions un grand nombre de
remarques philologiques, des corrections sur des
passages grecs et latins, des recherches sur
les histoires d'Assyrie, de Lydie, de Carie, etc.,
et des dissertations sur Juba, roi de Mauritanie,
sur Hécatée de Milet, sur Nicolas de Damas , etc.
Les Lettres sur Constantinople de Vabbé Se-
vin au comte de C'aylus (Paris, 1802, in-8°),
ne contiennent que quatre lettres de lui. Il a
laissé en manuscrit un long Commentaire sur
la Bibliothèque d'Apollodore ; Clavier s'en est
servi' pour la traduction de cet ouvrage.
De Eoze, dans les Mémoires de l'Acad. des inscr.,
t. Vf. — Journal des savants, 1710.
sextus de Chéronée, philosophe grec delà
secte stoïcienne , vivait dans le second siècle après
J.-C. Il était le neveu dePlutarque, et fut l'un
des précepteurs de l'empereur Marc-Aurèle.
Suidas et après lui beaucoup de biographes l'ont
confondu avec Sextus Empiricus, qui vivait à
peu près à la même époque. On rapporte qu'il
tenait une place trèsélevée dans la faveur de
Marc-Aurèle, et qu'un jour ce prince l'invita à
s'asseoir sur le tribunal où il rendait la justice.
On raconte aussi qu'un imposteur qui lui res-
semblait beaucoup essaya de se faire passer
pour lui, et d'obtenir à la faveur de cette fraude
847
SEXTUS EMP1RICUS
848
des honneurs et de l'argent. Le pseudo-Sextus
fut découvert à son ignorance de la philosophie
grecque. Suidas cite de Sextus de Chéronée
deux ouvrages qui ne sont pas venus jusqu'à
nous : Ethica et Episceptica. On lui attribue
cinq courtes dissertations Sur le bien et le mal,
Sur l'honnête et le honteux , Sur le juste et
l'injuste, Sur la vérité et le mensonge, Si la
vertu et la sagesse peuvent s'enseigner, pu-
bliées pour la première fois , sans nom d'auteur,
par H. Estienne dans ses Fragmenta Pytha-
gorxorum, réimprimés avec une traduction la-
tine et des notes par JohnNorth, dans les Opus-
cula mythologica, physica, ethica de Gale;
Cambridge, 1670, et Amsterdam, 1688, in-8\ La
conjecture qui attribue ces opuscules à Sextus
de Chéronée est très-incertaine. L. J.
Fabricius, Bibl. grseca, t. V, p. 528.
sextcs empiricus , médecin et philosophe
grec, florissait vraisemblablement dans la pre-
mière partie du troisième siècle de l'ère chré-
tienne. D'après Diogène de Laerte, il fut le dis-
ciple d'Hérodote de Tarse. On est également
réduit à de simples vraisemblances sur le lieu
de sa naissance. Tennemann le fait natif de Mi-
tylène : « C'est ce que Visconti, dit-il, établit
dans son Iconographie, d'après le témoignage
d'une médaille de cette ville. « C'est à tort qu'on
l'a confondu quelquefois avec Sextus de Chéro-
née. Cette erreur a été démontrée par Brucker
et par Kuster. Son surnom d'Empiricus lui
vient de la secte de médecine à laquelle il ap-
partenait. Comme philosophe sceptique , Sextus
recueillit l'héritage de Pyrrhus, de Timon, d'M-
nésidème, d' Agrippa. Tout en profitant du tra-
vail de ses devanciers, il sut, comme le fait
observer Tennemann, « fixer avec beaucoup
d'habileté l'objet, le but et la méthode du scep-
ticisme ». Avec lui, cette doctrine dit son der-
nier mot dans le monde ancien : car Sextus ne
laissa qu'un assez obscur disciple, Saturninus.
Des ouvrages de Sextus Empiricus sur la mé-
decine il ne reste rien. On a perdu ses Mé-
moires sur la médecine et ses Mémoires em-
piriques, qui sont peut-être le même ouvrage.
Quant à ses œuvres philosophiques, plusieurs
sont également perdues pour nous: de cenombre,
son Traité de l'âme, ses Mémoires sceptiques,
et un autre écrit encore, qui lui est attribué
sous le titre de Questions pyrrhoniennes , à
moins cependant (ce que nous n'affirmons pas)
que, sous des dénominations différentes, ces
deux derniers écrits ne soient la même chose
que ses Hypotyposes. Les seuls écrits qui nous
restent de Sextus Empiricus sont relatifs à la
philosophie sceptique. Le premier a pour titre :
IIpo; toùç (iaGy)[AaTixouç ( Contre les sa-
vants), et comprend deux parties distinctes :
dans l'une, composée de six livres, Sextus
combat les grammairiens, les rhéleurs, les géo-
mètres , les arithméticiens , les astrologues, les
musiciens; l'autre est dirigée contre les philo-
sophes logiciens, naturalistes et moralistes.
Sextus paraît avoir pris pour but de mettre aux
prises les unes avec les autres les diverses opi-
nions des philosophes, afin de montrer ainsi qu'il
n'y a rien dont il soit possible de tomber d'ac-
cord, et que tout est livré à une controverse
éternelle. Les nombreux documents que contient
cet ouvrage sur les différents systèmes et sur les
diverses écoles le rendent très-précieux pour
l'histoire de la philosophie.
C'est surtout dans le second traité de Sextus,
intitulé : IIvp£ «veiai OTrôTUTtwasi; ( les Sypoty-
poses pyrr honiennes), qu'il fautchercher les prin-
cipes de la philosophie sceptique formulés pai
Py rrhon, Agrippa, jEnésidème. Il se divise en trois
livres. Le livre Ier a pour objet l'exposition des
principes généraux du scepticisme. Sextus com-
mence par partager tous les philosophes en dog-
matiques , académiciens, et sceptiques. La phi-
losophie sceptique consiste à examiner toutes
choses, à les comparer ou à les opposer entre
elles , et à parvenir ainsi, à cause des raisons
égales et contraires qui s'y rencontrent, à la
suspension du jugement, ètcox^, et de là à
ràTapa|(a , c'est-à-dire à l'exemption de toute
espèce de trouble. Sur quels principes se fonde
Ylnoyfi? Ces principes de doute sont au nombre
de dix, que Sextus réduit d'abord à trois, en les
tirant 1° de celui qui juge, 2° de ce dont on
juge, 3° de l'un et de l'autre à la fois, et qu'enfin
il rapporte au seul principe tiré de la relation,
A leur tour, les nouveaux sceptiques ( et par ce
mot nouveaux Sextus veut probablement dési-
gner iEnésidème et Agrippa), ont posé cinq
principes de doute, dont il donne renumération
Cela posé, il conclut qu'aucune chose n'est plus
vraie que son contraire. De là le oû5èv p.àXXov
des sceptiques , pas plus ceci que cela; de là
aussi leur aphasie, àq?a<ua (de a privatif et dei
çy](aé , dire), c'est-à-dire cette situation d'es'
prit en vertu de laquelle nous nous abstenons
de prononcer en quoi que ce soit. Le livre II des
Hypotyposes a pour objet l'application de ces
principes à la logique. Sextus s'attache à annu
1er toute espèce de critérium, et à essayer de
montrer qu'il n'y a rien qui soit naturellementvrai,
Le livre III est une application des principes du
doute à ce que Sextus appelle la physique. Les
questions du mouvement , du changement, du
lieu, du temps, du nombre, celle de la cause,
celle de Dieu, celle du bien en général, celle des
biens et des maux, etc., deviennent tour à tour
l'objet de son examen, et chacune d'elles donne
lieu, de sa part, à la même conclusion. Le
chapitre iv offre, au point de vue historique, un
intérêt tout particulier, en ce que l'auteur y fait
connaître, dans une rapide énumération, les
opinions des philosophes anciens sur la nature des
principes matériels. Telles sont, dans leur en-
semble, les Hypotyposes pyrrhoniennes. Elles
renferment le dernier mot, sincère ou affecté, du
scepticisme ancien. Désormais, il faudra Hume
849
I
■ et Kant pour rajeunir la doctrine du doute, pour
la revêtir d'une nouvelle forme, pour lui prêter
un nouveau langage.
Ces deux traités ont été imprimés en grec, d'a-
bord à Paris, 1621, in-fol., et d'une façon incom-
plète. Henri Eslienne a traduit en latin les Hypo-
\lyposes( Paris, 1562, in-8°) et Gentien Hervet
les autres livres (Paris, 1569, in-fol.). Le texte grec
a été de nouveau édité, avec les versions ci-
dessus,par Fabricius (Leipzig, 1718, in-fol. ),etseul
par J.-G. Mund (Halle, 1796, t. 1er, pet. in-4°)
tt par E. Bekker (Leipzig, 1842, in-8°). Il y a
fles Hypotyposes une version française par
iHuart ( Ams'L, 1725, in-12), et une version alle-
mande par J.-G. Bnhle (1801, in-8°). Ajoutons
qu'une traduction latine de ces mêmes Hypoty-
iposes avait été faite à une époque antérieure au
quatorzième siècle , et qu'elle a été découverte
par M. Ch. Jourdain, en 1858, dans les feuil-
lets 83-132 d'un manuscrit de la Bibliothèque
mpériale, fonds de Saint-Victor, inscrit au nou-
veau catalogue sous le n° 32. C. Mallet.
Tennemann, Manuel de l'histoire de la philosophie.
— Gull. Laneius, De veritatibus geometricis, adv. Sexlum
Vmpiricum ; Copenhague, 1636, in-4°. — Gotfr. Plou-
]uet, Examen rationum a Sexto Empirico tam ad
vropugnandam quam impugnandam Dei existentiam
:olleclarum; Tubingue, 1768, in-8°. — Dict. des sciences
ihilosophigues. — Ph. Le Bas, Scepticx philosophix se-
oundum Sexti Empirici l'yrrhonias hypotyposes, vel
institutiones, expositio ; Paris, 1829, in-4°.— C. Jourdain,
Sextus Empiricus et la philosophie scolastique; Paris,
1858, in-8°.
SEXTUS LATERANUS. Voy. LATERA.NUS.
seydlitz (Frédéric-Guillaume de), géné-
ral prussien, né le 3 février 1720, àKalkar (du-
ché de Clèves), mort le 3 novembre 1773, à
jMinskowsky. Ayant perdu très-jeune son père,
qui était capitaine de cavalerie , il entra à
douze ans comme page chez le margrave de
Schwedt, renommé par son adresse à tous les
bxercices (1). Nommé en 1738 cornette de cui-
rassiers, il assista en 1741 à la campagne de
Silésie; fait prisonnier en 1742, il fut conduit à
Raab , et réussit à lever le plan de cette forte-
resse, et le communiqua plus tard à Frédéric II,
dont il sut gagner les bonnes grâces. Appelé en
1753 à commander un régiment de cuiras-
siers, il assistaaux batailles dePrague (1757) et de
Collin, et couvrit la retraite de l'armée par un mé-
lange de prudence,de ruse et d'heureuse hardiesse.
Après avoir, par un habile stratagème, fait aban-
donner sans coup férir Gotha au prince de Sou-
bise, il détermina le gain de la bataille de Rosbach
'^novembre 1757),oùil commandait en cheftoute la
cavalerie prussienne. Blessé assez grièvement, il
testa néanmoins à cheval, et lança en avant ses
escadrons pour prendre à dos l'infanterie , que
le roi commençait à charger; lorsqu'il la vit
ébranlée , il se jeta sur elle au moment décisif,
ce qui amena la déroute complète des alliés.
Seydlitz justifia ainsi la confiance du roi, qui lui
(1) H ne tarda pas à égaler son maître; il devint si
scellent ècuycr, qu'il n'hésitait pas à passer à cheval
lîntre les ailes d'uu moulin à vent en mouvement.;
SEXTUS EMPIRICUS — SEYMOUR
8»0
avait laissé toute liberté d'action, et qui le récom-
pensa par le grade de lieutenant général. Après
avoir, au commencement de 1758, pris part à la
campagne de Moravie et protégé la retraite de l'ar-
mée lorsque Frédéric marcha contre les Russes,
il se trouva à la bataille de Zorndorf (août 1758),
et décida encore une fois du gain de la journée
par l'habileté de ses mouvements et l'impétuosité
de ses attaques. Deux mois plus tard ce fut lui
surtout qui, par sa présence d'esprit et son ha-
bileté à profiter des moindres avantages du ter-
rain, assura la retraite de l'armée prussienne, sur-
prise à Hochkirch par les Autrichiens. En 1759 il
aida puissamment Frédéric à suppléer par des
mouvements hardis à l'infériorité de ses forces. A
Cunnersdorf, quelques moments avant le combat,
il eut la main droite fracassée par une décharge
de mitraille ; après avoir lutté en vain contre la
douleur, ne voulant pas quitter son commande-
ment, il tomba évanoui, et fut transporté à Ber-
lin. Ce fut à son absence que Frédéric attribua
avec raison la perte de la bataille. Après de
longues souffrances, il était à peine en conva-
lescence lorsqu'il repoussa par des mesures aussi
habiles qu'énergiques l'attaque des Russes contre
Berlin (1760). En 1761, il fut attaché à l'armée
du prince Henri, et son espritplein de ressources
lui suggéra les moyens de remporter avec des
forces inférieures de brillants avantages. A la
journée de Freyberg (octobre 1762), il comman-
dait l'aile droite, et improvisa sur le champ de
bataille un mouvement stratégique qui causa la
défaite des Autrichiens. Nommé après la paix
inspecteur général en Silésie, il y établit une
école de cavalerie , dont la renommée attira une
foule d'officiers. Tout en l'appréciant à sa valeur,
Frédéric, qui le nomma en 1767 général de cava-
lerie, ne put se décider à lui confier la direction
entière de cette arme, qu'il aurait réorganisée
d'après ses vues particulières. Peut-être l'esprit
frondeur et mordant de Seydlitz lui inspira-t-il
quelques reparties trop vives, dont le roi garda
rancune. Seydlitz avait épousé en 1760 la jeune
et belle comtesse de Hake, qui, quelques années
après, le força par son inconduite à demander le
divorce. Miné par une maladie de poitrine, il
mourut prématurément; lorsque le roi vint en
1773 le visiter à Ohlau, il dit en partant : «Seyd-
litz a vécu sans être dépassé; il meurt sans
pouvoir être remplacé. »
Blankenburg, Charakter des Gênerais von Seydlitz;
Leipzig, 1797, in-8°. — Le comte de Bismark, Der Gene-
ral Fr. von Seydlitz; Carlsruhe, 1837, ln-12. — Varnha-
gen d'Ense, Leben des Gênerais von Seydlitz; Berlin,
1834, in-8°. — Frédéric II, Mémoires sur la guerre de
Sept ans. — HirschlDg, Handbuch. — Preuss, Biogr.
Friedrichs II et Friedrich II mit seinen Freunden.
seymour (Jeanne), troisième femme de
Henri VIII, née à Wulf-Hall (Wiltshire), morte Je
23 octobre 1537 (1), à Londres. Elle était l'aînée
des quatre filles de sir John Seymour, cham-
(1) Cette date est établie par une relation contempo-
raine des funérailles de Jeanne Seymour, déposée dans
le Collège of arms de Londres.
851 SEYMOUR
bellan du roi et gouverneur du château de Bris-
tol. Sa naissance et ses talents l'ayant appelée
à la cour, elle devint une des demoiselles d'hon-
neur d'Anne Boleyn, et sa beauté fut la cause
innocente de la mort de cette reine. Henri VIII
s'éprit d'une violente passion pour elle : sa
femme lui inspira une telle aversion, qu'il ob-
tint contre elle un arrêt de mort, et le jour
même de l'exécution selon les uns , trois jours
après selon les autres, le 17 ou le 20 mai 1536,
il épousa Jeanne. Le parlement félicita le roi
d'avoir choisi pour compagne « la vertueuse et
excellente lady Jeanne, dont l'âge convenable, la
beauté et la riche complexion promettaient, Dieu
aidant, des héritiers à sa majesté. » En effet, en-
viron quinze mois après , la reine accoucha d'un
fils (Edouard VI); mais elle succomba quelques
jours plus tard. L'historien Haywarde affirme
qu'il avait été nécessaire de recourir à l'opéra-
tion césarienne. Les nombreux services religieux
qui précédèrent ses funérailles furent célébrés
selon le rituel de l'Église catholique romaine, et
ce fut la princesse Marie , déshéritée par son
père, qui conduisit le deuil. W. H— s.
Hume, History of Enijland. — Audin, Hist. de Hen-
ri Vlll. — Lodge , Portraits of illustrions personages.
— Agnès Stricfcland, Lives ofthe queens of England,
Jrom officiai records, t. 111.
seymour (Edward), duc de Somerset,
frère de la reine Jeanne et oncle d'Edouard VI,
exécuté le 22 janvier 1552, à Londres. Ayant
achevé ses études à Oxford, il rejoignit son
père à la cour, où ses goûts chevaleresques le
recommandèrent au roi. Après avoir figuré dans
la brillante ambassade de Wol'sey à Paris
(1527) et dans l'entrevue du camp du Drap d'or
(1532), il accompagna le duc de Suffolk lors de
l'expédition dirigée contre la France en 1 533. Le
mariage de sa sœur lui valut les titres de vi-
comte Beauchamp et de comte Hertford. Il se
distingua en 1542, dans la campagne d'Ecosse,
sous le duc de Norfolk, et à sou refour fut fait
grand chambellan. En 1544 il repassa en Ecosse,
avec le grade de lieutenant général des provinces
du nord, ayant sous ses ordres deux cents
vaisseaux. Les succès qu'il remporta vengèrent
l'affront subi par le prince Edward, auquel les
Écossais avaient refusé la main de leur jeune
reine; il revint parterre, et alla retrouver le roi
au siège de Boulogne. Désigné dans le testament
de Henri VIII comme un des seize gouverneurs
chargés de veiller sur les intérêts du roi mi-
neur, il parvint, malgré l'opposition soulevée par
le chancelier Wriothesley, à se faire nommer pro-
tecteur du royaume, puis duc de Somerset, le
12 mars 1547. Contrairement aux dernières vo-
lontés de Henri VIII , il exerça un pouvoir
presque royal, dont il profita en 1548 pour dé-
clarer la guerre à l'Ecosse. L'exécution de son
frère Thomas diminua beaucoup la popularité
de Somerset. La partialité qu'il témoigna aux
membres de la chambre des communes lui alié-
na l'aristocratie, tandis que le palais qu'il se fit
852
construire, à une époque où régnaient à Londres
la peste et la famine, augmenta encore le nombre
de ses ennemis. Les catholiques détestaient en
lui un partisan de la réforme, et les mercenaires
italiens et allemands qu'il entretenait causaient
aussi un vif mécontentement. Effrayé enfin du
parti formidable qui s'élevait contre lui, il manqua
d'énergie, offrit sa soumission au conseil avec une
précipitation pusillanime, et renonça au protec-
torat. Le 14 octobre 1549, conduit à la tour de
Londres, il fut condamné à payer l'énorme
amende de 2,000 livres sterling par an et à se dé-
mettre de tous ses emplois. Cependant le 16 fé-
vrier 1550, il rentra en grâce auprès du roi, et
siégea de nouveau dans le conseil. Cette récon-
ciliation avec le parti qui l'avait renversé dura
peu; car en octobre 1551 il se vit arrêté pour
la seconde fois, accusé d'avoir voulu pousser le
peuple à la révolte et formé le projet de faire
assassiner Te duc de Northumberland et le comte
de Pembroke. Déclaré coupable de félonie, mais
non de haute trahison, il fut décapité le 22 janvier
1552 et subit sa sentence avec une fermeté peu
commune. La plupart des historiens regardent
l'accusation portée contre Somerset comme une
invention de ses ennemis , qui siégèrent comme
.juges et prononcèrent l'arrêt. Brave, pieux, af-
fable dans la grandeur, mais opiniâtre, meilleur
général qu'homme d'État, il n'avait pas les ta-
lents nécessaires pour gouverner un royaume.
Sa vanité l'exposait d'ailleurs à devenir la dupe
des flatteurs, et il a encouru le reproche de cu-
pidité. Il a laissé : Epistola exhortataria missa
ad populum Scotise; Londres, 1548, in-4°, et la
traduction anglaise d'une épitre consolatrice que-,
lui adressa Calvin; Londres, 1550, in-&°.
W. H— s.
Burnel, History of the Reformation. — Birch, Headt
of illustrions persons of Great, Britain. — Chalmers,,
Riogr. Dictionary. — Lodge, Portraits of illustrions
personages.
SETMOtrsi ( Thomas ) , baron de Sedelev,
frère du précédent, exécuté le 20 mars 1549, a
Londres. Aussi brave et non moins ambitieux
que son frère Edward, il était doué d'une grande
fermeté de caractère. Après avoir servi avec
distinction dans la guerre contre les Français
vers 1544, il devint grand amiral avec le titre
de baron de Sudeley. Après la mort d'Hen-
ri VIII (1547), il offrit ses hommages à la reine
douairière, Catherine Parr, qui l'épousa en qua-
trièmes noces. Il noua bientôt une intimité sin-
gulière avec la princesse Elisabeth, alors âgée
de quatorze ans, et qui s'amouracha de lui. Les
intentions de Seymour étaient faciles à deviner:
si la princesse eût cédé à ses importunifés, il
comptait l'obliger à l'épouser pour cacher sa faute.
Il est vrai que Catherine vivait encore; mais à
cette époque un homme puissant, ambitieux,
énergique et dénué de principes ne devait pas se
préoccuper d'un pareil obstacle. Lady Sudeley,
du reste, mourut en 1548. Instruit des dange-
reuses intrigues de son frère, le protecteur cher-
8')3
eha à le ramener par de nouvelles faveurs;
mais sa propre sécurité et celle de l'État l'obli-
gèrent à l'aire acte d'autorité; le 16 janvier 1549
il le fit arrêter. Le procès du grand amiral (de
l'avis de la plupart des historiens, dont Hume
cependant ne partage pas l'opinion) fut conduit
avec impartialité; il occupa le parlement du
24 lévrier au 5 mars, et se termina par une con-
damnation à mort. W. II — s.
■lune, llist. of Eïigland. — Lodge, Portraits.
sèze ( Raymond (1), comte de), magistrat
français, né le 26 septembre 1748, à Bordeaux,
mort le 2 mai 1828, à Paris. Issu d'une ancienne
famille de la Guienne, il était le quatrième des
neuf fils de Jean de Sèze, avocat distingué du
parlement de Bordeaux. Il reçut au collège des
jésuites une forte éducation. Avocat à dix-neuf
ans, il se fit remarquer par l'éclat de son talent
et par les grâces de sa diction. Parmi Tes causes
dont il fut chargé, une des plus curieuses fut
celle de la marquise d'Anglure (1782), qui ré-
clamait sa légitimité, contestée par des collaté-
raux ; les mémoires qu'il publia pour la défense
e cette dame, à laquelle s'intéressait vivement
de Vergennes , excitèrent tellement l'atten-
icnde ce ministre qu'il engagea Élie de Beau-
ont à témoigner de sa part à de Sèze le désir
qu'il avait de le voir attaché au barreau de
Paris. Celte invitation honorable décida ce der-
ier à s'établir dans la capitale. Target, qui se
retirait alors de la plaidoirie, confia à son nou-
veau confrère la dernière cause qu'il avait ac-
ceptée, celle des filles dTïeîvefius; de Sèze la
plaida (4 août 1784) avec un succès qui marqua
d'un seul coup sa place parmi les maîtres de la
parole. Il ne fut pas moins heureux en 1789,
dans la défense du baron de Besenval, accusé
de haute trahison, et le fit acquitter par le Châ-
telet. Lorsqu'aux parlements détruits on substi-
tua des juridictions nouvelles, il refusa d'en recon-
naître l'autorité, et quitta le barreau pour n'y
plus rentrer (1790). En effet parlementaire et
monarchiste à la fois, il ne pardonna pas à la
révolution d'avoir entrepris une réforme radi-
cale du passé; les nouveautés l'étonnèrent sans
le conquérir; les bouleversements l'affligèrent
sans l'effrayer. Le procès du roi fut l'occasion
douloureuse qui devait agrandir ses destinées.
Sur la demande expresse de Malesherbes, il fut
choisi par Louis XVI comme un secours néces-
saire, et accepta, sans hésiter (16 décembre
1792) , la pénible tâche de concourir à sa dé-
fense. Un décret du 17 prononça son adjonction,
et dans la soirée ses deux collègues le présen-
tèrent au royal captif. Depuis le 18 tons ses mo-
ments furent consacrés au dépouillement des
dossiers, et tout en donnant ses dernières jour-
nées au travail d'examen et de discussion avec
le roi , il composa son discours dans les nuits
du 21 au 24 décembre. Le 25, à midi, il le lut au
(J) Le prénom de Romain, sous lerjuel il a été parfois
'désigné, ne ligure pas sur son acte de baptême.
SEYMOUR — SEZE 854
Temple. La péroraison, qui était des plus tou-
chantes, émut Tronchet et Malesherbes jus-
qu'aux larmes; le roi la fit supprimer : « Je ne
veux pas les attendrir, » dit-il. Il avait fallu
effacer encore d'autres passages. « Vous voulez
donc, lui avait-on dit, nous faire, massacrer à la
barre? » Heureusement le conseil laissa passer
ce morceau, devenu si célèbre : « Citoyens, je
vous parlerai avec la franchise d'un homme libre :
je cherche parmi vous des juges, et je n'y vois
que des accusateurs. Vous voulez prononcer sur
le sort de Louis , et c'est vous-mêmes qui l'ac-
cusez! Vous voulez prononcer sur le sort de
Louis, et vous avez déjà émis votre vieu ! Louis
sera donc le seul Français pour lequel il n'exis-
tera aucune loi ni aucune forme? Il n'aura ni les
droits de citoyen ni les prérogatives de roi. Il ne
jouira ni de son ancienne condition ni de la nou-
velle. » Un morceau d'un caractère non moins
noble, ce fut cette apostrophe aux Français, ter-
minée par un admirable portrait de Louis XVI,
où chaque trait est à la fois un éloge et une vé-
rité : « Entendez d'avance l'histoire, qui redira à
la renommée : Louis était monté sur le trône à
vingt ans, et à vingt ans il donna sur le trône
l'exemple des mœurs; il n'y porta aucune fai-
blesse coupable, ni aucune passion corruptrice;
il y fut économe , juste , sévère; il s'y montra
l'ami constant du peuple », etc. Le 26 décembre
de Sèze porta la parole devant la Convention.
« Après le discours, a écrit Hue , le roi et ses-
trois défenseurs passèrent dans nne pièce adja-
cente à la salle de l'assemblée. Là, prenant entre
ses bras M. de Sèze , le roi le tint étroitement
embrassé, prit ensuite nne chemise, la chauffa
lui-même pour M. de Sèze, et lui rendit tous
les soins d'un ami. » Pendant les trois semaines
qui s'écoulèrent jusqu'à l'appel nominal, de Sèze
ne cessa de visiter chaque jour le roi, et vécut
dans une perpétuelle alternative d'espoir et de
crainte. Le jugement consommé, il se retira au
milieu des siens, dans une maison qu'il possédait
à Brevannes, près Paris; ce fut là qu'il fut ar-
rêté, le 20 octobre 1793. Conduit à la Force, puis
dans l'ancien couvent des Miramiones de Picpus,
il dut à la protection efficace d'un ami resté
inconnu d'atteindre en sécurité le jour de la dé-
livrance; trois semaines après le 9 thermidor, ii
fut rendu à la liberté. Mais, fidèle à ses convic-
tions monarchiques , on ne le vit exercer aucun
emploi public sous la république et sous l'em-
pire; il alla jusqu'à refuser, par amour de l'in-
dépendance, de siéger au conseil de discipline
de l'ordre des avocats lorsqu'il eut été rétabli. H
vécut à l'écart, dans l'intimité d'un petit nombre
d'amis, tout à fait étranger aux hommes et aux
affaires du temps; aussi est-il impossible de
comprendre à quel enchaînement d'idées se rat-
tachait une exclamation violente de Napoléon,
qui le 1er janvier 1814 le dénonça publiquement
comme un agent secret de l'Angleterre.
Ayant survécu à Malesherbes et à Tronchet,
855
SÈZE — SFONDRATI
85(5
de Sèze fut destiné à recueillir seul la reconnais-
sance royale. Nommé premier président de la
cour de cassation à la place de Muraire (15 fé-
vrier 1815), il lui succéda une seconde fois après
les cent jours, qu'il pa6sa auprès de Louis XVIII
à Gand. Le 17 août 1815 il entra dans la chambre
des pairs , et se mêla souvent aux travaux des
commissions ou aux débats publics. Lorsqu'il
fut créé comte(31 août 1817), il obtint du roi la
faveur de donner aux trois tours de son écusson
la forme du Temple et d'en changer le croissant
en des fleurs de lys sans nombre. L'année précé-
dente il avait été élu à la place de Ducis membre
de l'Académie française (23 mai 1816). Il fut en
outre trésorier commandeur de l'ordre du Saint-
Esprit et chevalier de Malte. Il succomba, à
l'âge de quatre-vingts ans, aux suites d'une
fluxion de poitrine. Charles X ordonna qu'un
monument fût érigé à sa mémoire dans l'église
de la Madeleine; mais il n'a point été exécuté.
Une autre ordonnance de Louis XVIII a donné
son nom à une rue de Paris. Bordeaux et Lyon
possèdent aussi une rue de Sèze. Cet éminent ma-
gistrat a laissé quelques écrits, tels que : Défense
du roi Louis XVI, prononcée à la barre de la
Convention ; Paris, impr. nat, déc. 1792, in-8° ;
la 2e édit, 1793, in-8o, fut répandue à profusion
dans Paris par les soins du chevalier O'Caritz,
ministre d'Espagne par intérim; 3e édit., Paris,
1824, in-8\ Ce plaidoyer,dont l'original, écrit de la
main du secrétaire du défenseur, fut déposé dans
les Archives nationales, n'a été impr. qu'en ré-
sumé dans le Moniteur; — Discours de ré-
ception à l'Académie française; Paris, 1816,
in-4° ; — Réponse au discours de réception de
M. Cuvier ; Paris, 1822, in-4°.
De Sèze a eu, outre deux filles, un fils Etienne-
Romain, né en 1780, mort en 1862, qui se dé-
mit en 1830 de la pairie par refus de serment.
Moniteur du 20 juin 1828. — Chateaubriand, Éloge du
comte de Sèze ; Paris , 1861, in-18. — Marmontel, Mé-
moires. — Hue, Dernières années de Louis XVI. — Ba-
ramte, Disc, de récept. du 20 nov. 1828 à l'Acad. franc.
sfondrati (Francesco), prélat italien , né
le 25 octobre 1493, à Crémone, où il est mort, le
31 juillet 1550. D'une famille noble qui était ori-
ginaire de Milan, il perdit en 1497 son père,
Giovanni-Battista , éminent jurisconsulte, qui
avait dans plusieurs ambassades représenté le
duc Louis Sforza. Après avoir pris à Pavie le
grade de docteur en droit (1520), il enseigna
cette science dans les universités de Padoue, Pa-
vie , Bologne et Rome. Le duc de Savoie Char-
les III lui donna une chaire à Turin, le mit au
nombre de ses conseillers et de ses sénateurs , et
le chargea de diverses négociations. Appelé en-
suite à la cour du duc François Sforza, il y jouit
d'un grand crédit; et il ne fut pas moins en fa-
veur auprès de Charles Quint, qui le combla de
biens et de dignités. Nommé gouverneur de
Sienne , il se conduisit avec tant de douceur et
d'équité que les Siennois lui décernèrent à son
départ (1542) le titre de Père de lapatrie.Vea
après il entra dans l'Église. De nouveaux hon-
neurs l'attendaient dans cette carrière. L'un des
conseillers intimes de Paul 111, il le seconda dans
ses entreprises politiques et dans ses tentatives
de réforme religieuse , et le représenta comme
légat auprès de l'empereur et à la cour d'Angle-
terre, qu'il s'efforça vainement de ramener dans
le giron de l'Église. Il reçut de ce pape le cha-
peau de cardinal (1544) et l'évêché de Crémone
(1549). Ce prélat est connu dans les lettres par
un poëme latin, De raptu Helense, en trois
livres; Venise, 1559, in-4°; réimpr. dans Deli-
cix poetarum ital., t. II, et dans Carmina ill.
poet. ital., t. IX. Sa correspondance est restée
manuscrite ainsi que les traités de jurisprudence
qu'il avait composés.
De sa femme, Anna Visconti, morte en 1535,
il avait eu six enfants, dont deux fils,
Paolo, qui fut créé comte par Philippe II, et
Niccolo, qui parvint au pontificat sous le nom
de Grégoire XIV (voy. ce nom) , et quatre filles,
toutes religieuses et qui se firent remarquer par
leur érudition.
Argelatï, Bibl. mediolanensis. — Ughelli, Italia sacra.
— Panciroli, De Claris legum interpreti-bus.
sfondrati (Paolo-Emilio), cardinal ita-
lien, petitfils du précédent, né le 20 mars 1560,
àMilan,mort lel4février 1618, à Tripoli. 11 était
fils du comte Paolo, et neveu du pape Gré-
goire XIV. Élevé parmi les religieux oratoriens,
il fut élevé à la fin de 1590 au cardinalat par
son oncle, qui se reposa sur lui de beaucoup de
soins; outre la légation de Bologne, il eut à Rome
le gouvernement du palais et la direction de l'in-
quisition. Il s'acquitta de ces fonctions avec une
grande vigilance , et mena au milieu des gran-
deurs une vie simple et modeste. A la mort de
Grégoire XIV (1591), il prit le parti de la retraite,
et s'occupa de restaurer l'église de Sainte-Cécile,
dont il était titulaire. 11 occupa en 1607 l'évêché
de Crémone, et depuis 1611 celui d'Albano. Ce
prélat a surveillé l'impression du Rituale ro-
manum, publié par ordre de Paul y.
Son frère aîné , Ercole , duc de' Montemar-
ciano, fut envoyé en France par Grégoire XIV
pour amener des troupes au secours de la Ligue,
et mourut en 1637.
Argelali, Bibl. mediolanensis.
sfondrati (Celestino), cardinal, petit-
neveu de Paolo-Emilio, né à Milan, le 11 janvier'
1644, mort à Rome, le 4 septembre 1696. Après
avoir fait ses études à l'abbaye de Saint-Gall, il y
prit l'habit de religieux bénédictin, et y professa
successivement la théologie, la philosophie et le
droit canonique. Il venait d'être pourvu d'une
chaire de théologie à Saltzbourg lorsque parut la
fameuse déclaration du clergé de France (1682).
Sur l'ordre de l'archevêque de cette ville, il plaida
la cause du saint-siége, et le fit avec une rare
énergie. L'évêché de Novare le récompensa de
son zèle (1684); mais il s'en démit en 1687, pour
devenir prince-abbé de Saint-Gall. Il reçut la
857
SFOISDRATI — SFORZA
858
pourpre d'Innocent XII, le 12 décembre 1695.
Voici ses principaux ouvrages : De lege in
prxsumptione Jundata adversus probabilis-
simum; s. I., 1681, in-4°; — Tractatus rega-
lia', contra clerum gallicanum; Saint-Gall ,
16S2, in-4°; — Regale sacerdotium romano
pontifici assertum et quatuor propositioni-
bus gallicani clcri explication; ibid., 1684,
in-4° : fous le nom d'Eugène Lombard ; — Gai-
liavindicata ;ibid., 1687,in-4°;Mantoue, 1711,
in-4°; — Legatio Romam viarchionis La-
vardini, ejusque cum Innocentio XI dissi-
dium; ibid., 1688, in-4<>; — Cursus philoso-
phons ; ibid., 1699, 3 vol. in-4°; — Nodus
prxdestinationis dissolutus; Rome, 1696,
in-4° : des idées peu exactes sur la grâce, sur
ie péché originel, sur l'état des enfants morts
sans baptême, décidèrent Le Tellier, le cardinal
de Noailles , Bossuet et d'autres prélats à dé-
férer ce livre au pape par une lettre du 23 fé-
vrier 1697; le cardinal Gabrielli en prit la dé-
fense, et les évêques de France ne réussirent pas
à en obtenir satisfaction.
Journal des savants, 1697, 1708 et 1709. — Argelati,
Jjibl. mediolanensis. — Dict. hist. des auteurs eccl.,
t. IV. — Auberi, Dict. des cardinaux.
sforza ( Giacomuzzo Attendolo), en fran-
çais Sforce, capitaine italien, né le 10 juinl369, â
Cotignola,village de la Romagne, mort le 4 janvier
1424. Il était fils d'un pauvre paysan. D'abord il
fut connu sous le nom de Giacomo, dont Giaco-
muzzo est un diminutif; quant à celui de Sforza,
qu'il devait illustrer, il le porta plus tard, l'ayant
reçu vraisemblablement de ses compagnons,
comme un hommage rendu à la force de son
bras ou de ses armes* Voyant un jour passer
une compagnie de soldats, il jeta, dit-on, sur un
arbre le coutre de sa charrue, après s'être dit
que si cet instrument s'accrochait à l'arbre, ce
serait une marque de sa vocation militaire ; le
coutre ne retomba point (1), et Jacques s'enrôla
sur-le-champ. Jamais époque ne fut plus favo-
rable aux officiers de. fortune ; l'Italie en était
couverte, et chacun d'eux recrutait pour son
compte une bande de soldats mercenaires. A
trente ans Jacques , qui avait de l'ambition, com-
mandait cent cinquante gendarmes ; bientôt il réu-
nit six cents cavaliers, et sa réputation en attira
dans la suite jusqu'à mille sous ses enseignes,
s. Il avait appelé auprès de lui tous ses parents,
■ dit Sismondi, et donné à tous quelque comman-
dement, trouvant entre ces hommes, élevés
comme lui dans la pauvreté et,la fatigue, un grand
nombre de braves guerriers, d'officiers intrépides
et fidèles, quin'avaientd'autre ambition que celle
de rendre puissant le chef de leur famille, d'exé-
cuter les projets qu'il concevait seul, et de de-
meurer les instruments d'un génie supérieur. » Son
armée se renouvelait sans cesse , mais les cadres
ne changeaient pas; il la gouvernait à la fois en
(il D'autres racontent que ce lut sa cognée qu'il lança
' contre un chêne.
roi et en chef de famille. Mettant son épée au
service du maître le plus généreux, Sforza se
distingua dans la guerre des Florentins contre
Pise (1405). Étant à la solde de Nicolas III,
marquis d'Esté, il fit assassiner dans une confé-
rence Ottobone Terzi, son adversaire (1409). 11
trahit Jean XXIII pour passer dans l'armée de
Ladislas, l'ennemi de ce pape (1412). On le dé-
cora du titre de grand connétable du royaume,
et il conduisit avec succès plusieurs expéditions.
Mais à la mort du roi (1414), il revint àNaples,
épousa la sœur de Pandolfo Alopo , fdvofi de
Jeanne II, et partagea avec lui l'autorité souve-
raine. Le brusque retour du mari delà reine,
Jacques de Bourbon, mit fin à cette usurpation :
Alopo périt dans les tourments, et Sforza, ar-
rêté à Bénévent, eût subi le même sort sans
l'énergie de sa sœur, qui fit enlever par les con-
dottieri quatre ambassadeurs napolitains en
menaçant d'user sur eux de représailles. Un
an plus tard il recouvra la liberté (sept. 1416).
A la prière du pape Martin V, il abandonna en
1420 le parti de Jeanne II, qui l'avait comblé
d'honneurs et de biens, pour prendre la défense
de Louis III d'Anjou ; puis, voyant son armée
détruite, il rentra au service de Jeanne (1423),
qui l'envoya combattre Alfonse d'Aragon, son
fils adoptif, avec lequel elle s'était brouillée.
Sforza réussit à chasser ce prince de Naples;
mais en marchant au secours de la ville d'A-
quila, il se noya au passage du fleuve Pes-
cara. Il s'était marié trois fois, et avait eu six. en-
fants, entre autres Bosio, mort en 1477, tige des
comtes de Santa-Fiore ; et Carlo , qui, sous le
nom de Gabriel, fut ermite de Saint- Augustin,
général de son ordre, et en 1454 archevêque de
Milan; il mourut le 12 septembre 1457. Sforza
avait eu aussi six enfants naturels, d'une maî-
tresse avec laquelle il avait longtemps vécu avant
de se marier; le plus connu est Francesco Ales-
sandro, duc de Milan ( voy. ci-après ) ; un autre,
Alessandro, devint seigneur de Pesaro. L. G.
Minuli, Vie (ms.) de Muzio Sforza, à la bibl. Trlvulzi,
à Milan. — Giovio, De vita magni Sfortiœ. — Sismondi,
Hist. des républ. ital., t. VIU. — Ratti, Memorie
délia famiglia Sforza; Rome, 1794-95,2 vol. in-4°.
sforza {Francesco- Alessandro), duc de
Milan, fils naturel du précédent, né à San-Mi-
niato, le 23 juillet 1401, mort le 8 mars 1466.
De bonne heure il se distingua par son courage,
en combattant sous les yeux de son père," sur-
tout à Toscanella; aussi, à sa mort (1424),
garda-t-il sous ses drapeaux^tous ses capitaines
d'aventuriers. Grand et robuste, habitué à tout
supporter, à tout braver, il.fut un bon général;
le premier il sut se servir avec habileté de l'ar-
tillerie, et faire manœuvrer les bataillons par
masse ; ce fut la tactique des sforzeschi. Il fut
longtemps la ressource des États italiens dans
leurs guerres continuelles , cherchant partout à
gagner gloire, butin, et surtout domaines. On le
voit en 1426 au service du duc de Milan , Phi-
lippe-Marie Visconti ; puis à celui de Lucques en
859
SFOIIZA
SfiO
1430. Il s'empara de la marche d'Ancône en
1434, et força le pape Eugène IV à lui concéder
■ce fief considérable, avec le titre de marquis.
Après avoir battu le condottiere Forte-Braccio,
il commanda les troupes d'une ligue formée par
le pape, Venise et Florence contre le duc de
Milan, et triompha de son rival, le plus constant
et le plus redoutable, Niccolo Piccinino, àBarga
(1437). Visconti, pour le gagner, lui offrit sa fille
naturelle, Bianca, avec Asti et Tortone pour dot,
et l'espoir de lui succéder; il le chargea de se-
courir René d'Anjou, qui luttait alors contre Al-
fonse d'Aragon, pour la possession du royaume
de Naples; mais, en 1439, Sforza, qui se déliait
de Visconti, accepta de nouveau le commande-
ment des troupes du pape, de Venise, de Flo-
rence et de Gênes, réunis contre le duc de Mi-
lan; il eut encore pour adversaire Piccinino, et
par la paix de Cavriana (1441), il obtint que
Crémone, Pontremoli et une partie du district
de Milan formeraient la dot de Bianca-Maria,
qu'il épousa enfin. Visconti n'aimait pas et re-
doutait son gendre; il excita contre lui le pape
Eugène IV, qui voulut reprendre la marche d'An-
cône avec l'aide de Piccinino. Sforza déploya
beaucoup de courage et d'habileté dans ces cir-
constances difficiles; et, après la mort de son
rival, il resta maître de ses acquisitions, aux-
quelles il ajouta même Pesaro (1443). Les répu-
bliques soutinrent également Sforza dans une
nouvelle guerre contre son gendre Sigismondo
Malatesta, auquel s'étaient unis le pape, AlfonseV,
roi de Naples, et le duc de Milan. Il venait de se
réconcilier avec son beau-père, quand le der-
nier des Visconti mourut, le 13 août 1447.
Le moment était décisif: Fr. Sforza aspirait
depuis longtemps à prendre rang parmi les
princes ; et c'est alors qu'il déploya surtout cette
habileté qui devait exciter l'admiration de
Louis XI. Plusieurs prétendants, Alfonse V,
Louis de Savoie, Charles d'Orléans, réclamaient,
sans titres bien sérieux, l'héritage des Visconti ;
le peuple de Milan, dirigé par plusieurs fa-
milles puissantes, proclama la république; les
chefs de condottieri la reconnurent; mais les
anciennes rivales de Milan, Pavie, Parme, Tor-
tone, etc. se constituèrent aussitôt en répu-
bliques indépendantes. L'ambitieuse Venise crut
l'instant favorable pour s'agrandir aux dépens
de la Lombardie, et reçut l'hommage de Plai-
sance et de Lodi. Dans ce danger, la république
ambrosienne ( Aurea ambrosiana ) prit à sa
solde Fr. Sforza, qui dissimulait avec art ses
prétentions et ses espérances, en lui promettant
Brescia on Vérone. Il repoussa les ennemis, re-
prit Pavie, saccagea horriblement la malheu-
reuse Plaisance (16 nov. 1447), brûla la flotte
vénitienne à Casal-Maggiore (17 juillet 1448), et
fit l'armée prisonnière à Caravaggio (15 sept.).
Craignant alors l'ingratitude ou les défiances des
Milanais, Sforza, entraînant avec lui tous les
condottieri, s'unit aux Vénitiens (18 oct. 1448),
et marcha contre Milan. Cosme de Médicis lui
envoya de l'argent; toutes les villes, Pavie, No-
vare, Parme, Plaisance, Tortone, Alexandrie,
Crème , Lodi, Vigevano , par crainte ou par ja-
lousie de Milan, se donnèrent à lui. Alors les Vé-
nitiens proposèrent de partager la Lombardie
entre leur allié et la république ambrosienne ; la
proposition était insidieuse ; Venise voulait divi-
ser pour mieux assurer sa domination. Sforza i
feignit d'accepter, retira ses troupes, et quand
les Milanais, trop confiants, eurent épuisé leurs
provisions pour ensemencer leurs terres, il revint |
rapidement , repoussa les Vénitiens et bloqua
étroitement la ville. Les Milanais n'avaient plus
qu'à se donner à Venise ou à Sforza; le peuple
préféra le prince, s'insurgea, s:empara du palais
du gouvernement, et reçut sans conditions le
redoutable chef de condottieri, qui allait le nour-
rir et lui donner l'ordre et la paix (26 février 1450).
L'empereur Frédéric III et le roi de France
refusèrent de le reconnaître ; mais leur opposi-
tion était peu dangereuse, et François sut bien-
tôt, par son habileté et son énergie, se faire ad-
mettre au nombre des princes d'Italie. Après une
ligue im puissante de Venise avec Alfonse de Naples
et le marquis de Montferrat contre l'usurpateur,
François fat solennellement reconnu comme d uede
Milan, lors du traité de fédération générale contre
les Turcs, signé à Lodi, le 5 avril 1454. Plus
tard la seigneurie de Venise, excitée par Frédé-
ric III, échoua encore dans une nouvelle ligue
contre lui, et François fit partie du congrès de
Mantoue, réuni contre les Turcs en 1459. A l'in-
térieur il avait solidement établi sa domination
sur toute la Lombardie; les princes d'Italie re-
cherchèrent son alliance ; Cosme de Médicis était
depuis longtemps son ami. Louis XI regardait
comme son guide le grand politique italien ; il
renouvela, le 23 décembre 1463, l'alliance of-
fensive et défensive qu'il avait contractée avec
lui, même avant son avènement; il lui aban-
donna avec Savone les prétentions de la cou-
ronne de France sur la seigneurie de Gênes, et
les Génois , toujours affaiblis par les factions,
menacés par les intrigues et les armes de Fr. Sforza,
subirent la domination milanaise, après un vain
simulacre d'élection (avril 1464). Leduc de Mi-
lan reconnaissant donna ses conseils au roi de
France pendant la ligue du bien public, et en-
voya à son secours son fils Galéas, qui vint atta-
quer avec quatre à cinq mille hommes d'élite le
Forez et les domaines 'du duc de Bourbon.
François mourut à l'âge de soixante-cinq ans,
après avoir gouverné seise ans avec sagesse.
Sans être un lettré, il accueillit les Grecs chassés
de Constantinople; Philelphe fut son favori, et
Simonetta son secrétaire et son historien.
Sa première femme, Polissena Ruffo, veuve
de Giac. Marilli, grand sénéchal de Naples, ne
lui donna point d'enfants ; mais il eut de la se-
conde, Bianca-Maria, morte en 1468, six fils et
deux filles, savoir : Galeazzo-Maria, qui suit;
|i
f
Et
.:
8G1 SFORZA.
Fi'Jppo-Marîa, né en 1447, fiancé avec une fille
de Louis, duc de Savoie; S for za- Maria, né en
i 44'.), mort en 1479, créé duc de Bari par Ferdi-
nand Ier,ToideNaples, qui lui donna en mariage sa
petite-fille Leonora; Ludovico-Maria,q\3\ succéda
à Jean-Galéas (voy. ci-après) ; Ascanio- Maria,
cardinal [voy. plus loin ) ; Ottaviano, qui se noya
en 1470 ; Jppolita-Maria, femme d'Alfonse II,
roi de Naples; et Elïsabetta-Maria, femme de
Guillaume VI, marquis de Montferrat. Il laissa
aussi plusieurs bâtards, dont un, Polidoro,
mourut en 1513 archevêque de Gênes. L. G.
Slmnnetta, De rebus gestis Fr. Sforex, mediol. ducis ;
Milan, 1480, 146G, in-»f.ol.; trad. en italien. — Gtovlo, De
vita m unit i Sfortiœ- — Hoyer, Franz Sforza I; Magtlc-
jourg, 1846, 2 vol. in-8°. — Sismondi, Hist. des républ.
tal., t. VIII et IX. — V. Urquhard, Life and limes of
Fr. Sforza; Édimb., 1832, 2 -vol. in-S°.
sforza [Galeazzo- Maria) , duc de Milan,
ils aine du précédent, né à Fermo, le 14 janvier
1444, assassiné à Milan, le 26 décembre 1476. A
a mort de son père, il guerroyait en France
ontre les seigneurs de la ligue du bien pu-
blic (1); il échappa, sous un déguisement, aux
lièges du duc de Savoie, et rentra à Milan, où
;a mère, Blanche, et le ministre Cecco Simonetta
ivaient maintenu l'ordre. Il soutint Pierre de
tfédicis et les Florentins contre les exilés que
/enise encourageait; et, sous les auspices de
jouis XI, il épousa Bonne de Savoie, belle-sœur
lu roi de France , qui lui apportait en dot la
lossession des pays disputés depuis longtemps
iar les ducs de Savoie au Milanais (6 juillet 1468).
?ils indigne de l'habile Fr: Sforza, Galéas (2)
elégua sa mère à Crémone, et on l'accusa de
y avoir fait empoisonner (24 octobre 1468). Fas-
uenx, comme on peut le voir dans le voyage
(u'il fit à Florence, pour visiter son ami Lau-
ent de Médicis (mars 1471), aimant les pa-
ades militaires, sans avoir les talents du gé-
téral, débauché, heureux, des supplices et de
a vue des tortures, il régna en véritable tyran.
1 établit de nouveaux impôts; et, quoiqu'il par-
tit avec facilité, il ne protégea pas les lettres,
omme les princes ses contemporains. Une cons-
«ration se forma contre lui. Pour se venger de
on ancien précepteur Cola de Montano, il l'a-
ait fait fustiger et promener ignominieusement
lans les rues de Milan. Excités par les leçons
épublicaines de leur maître, trois jeunes nobles,
.ampugnani, Carlo Visconti et 'Olgiati, vou-
èrent venger leur patrie et les injures que leurs
îmilles avaient reçues. Galéas fut frappé par
ux au moment où il entrait dans l'église deSaint-
Itienne (26 décembre 1476). Lampugnani fut
ué immédiatement ; Olgiati et Visconti périrent
ur Téchafaud ; Cola de Montano, qui s'était en-
ui, fut pris en se rendant à Borne, jugé etpendu
n 1483, à Florence.
(1) Louis XI lui accorda le droit de porter les fleurs de
s ecartelées avec la yuivre de Milan.
I (2) H affectionnait ce nom, qui rappelait la famille des
nsconti.
8C2
Galéas eut deux femmes : l'une, Doi ul( a, filledc
Louis III, marquis de Mantoue, qu'il empoisonna,
en 14C8; l'autre, Bonne deSavoie,morteen 1485,
et qui lui donna : Giovanni- G aleazzo- Maria,
qui suit; Ermes , qui se retira en Allemagne;
Bianca-Maria, femme de l'empereur Maximi-
lien 1er, née le 5 avril 1472, morte le 31 dé-
cembre 1510 ; et Anna, femme d'Alfonse Ier, duc
de Ferrare. Il eut aussi des enfants naturels, entre
autres une fille, Catarina [voy. plus bas), qui
s'est distinguée dans les lettres- L. G.
Argeiiti, lsibtioth. mediolanensis. — Ripamonir, llis-
toria mediol., 1. VI. ~ Macchiavelli, lsloria, 1. VII. —
U. Corio, Hist. mediol. , p. VI. — Giovio, Eloyia. — Sis-
mondi, Hist. des républ. ital., t. X et XI.
sforza ( Giovanni -Galeazzo - Maria ),
duc de Milan, fils aîné du précédent, né en 1468,
mort le 20 octobre 1494, à Pavie. Il avait huit
ans lorsqu'il succéda, en 1476, à son père, sous
la tutelle de sa mère, Bonne de Savoie. La ré-
gence de cette princesse, secondée par le ministre
Simonetta, fut habile et ferme. Elle eut à lutter
contre les cinq oncles du jeune duc, soutenus
par les Gibelins, contre Bobert de San-Severino
et le roi de Naples ; et elle triompha de leurs ef-
forts pour lui enlever le pouvoir. Elle secourut
Florence contre Sixte IV, et soumit les Génois,
qui se révoltaient. Mais, à l'instigation de son
amant, Antonio Tassino, elle sacrifia Simonetta à
son beau-frère, Ludovic le Maure. « Vous y per-
drez l'État et moi la tête », lui avait dit le mi-
nistre prévoyant. En effet, l'ambitieux Ludovic,
bientôt tout-puissant, exila le favori, et fit déca-
piter Simonetta (30 octobre 1480); après avoir
renvoyé tous les serviteurs delà duchesse, il la
força de se retirer à Abbiategrasso (2 novembre),
et se fit proclamer régent le lendemain. Dès
lors commença véritablement le règne de Lu-
dovic. Il abandonna les Gibelins et favorisa les
Guelfes; les Gibelins voulurent l'assassiner sur
le seuil de l'église de Saint- Ambroise ; le com-
plot fut découvert. Ils excitèrent contre lui Ve-
nise, le pape, Gênes, Sienne, etc.; Ludovic fut
soutenu par Florence, Naples, Mantoue, et força
les Vénitiens à signer la paix de Bagnola (août
1484); Gênes dut reconnaître de nouveau la
domination de Milan; et le duc Jean-Galéas
épousa, en 1489, Isabelle, fille d'Alfonse, duc de
Calabre. Les continuelles disputes de préséance
entre cette princesse et Béatrix d'Esté, femme
de Ludovic, fournirent à ce dernier l'occasion
qu'il attendait de se débarrasser de son neveu;
il le relégua avec Isabelle dans le château de Pa-
vie. C'était une véritable captivité. Alfonse de
Calabre et son père, le roi Ferdinand, se décla-
rèrent les défenseurs du jeune prince; Ludovic
rechercha l'alliance d'Alexandre VI et de Venise;
puis il donna l'une de ses nièces, Blanche Sforza,
en mariage à Maximilien 1er, avec une dot de
400,000 ducats, pour obtenir de l'empereur l'in-
vestiture du duché de Milan. Enfin, comme il
craignait de plus en plus l'attaque des Napoli-
tains, il pressa vivement par ses ambassadeurs
863
SFORZA.
£64
Charles VIII de faire valoir ses droits sur le
royaume de Naples, lui promit des secours, et
l'accueillit quand les Français traversèrent le
Milanais. Le jeune roi cependant ne put se dis-
penser d'aller visiter à Pavie son cousin Jean-
Galéas; Isabelle se jeta à ses pieds pour implo-
rer sa générosité. Charles fut ému, mais conti-
nua sa route, et quelques jours après, le duc
mourut d'une fièvre empoisonnée (febbre at-
tossicata ) , comme dit un chroniqueur. II avait
eu d'Isabelle d'Aragon, qui mourut à Bari, le
11 février 1524, trois enfants : Francesco, qui
suit; Bonna, née en 1491, femme de Sigis-
mond Ier, roi de Pologne, et morte à Bari, le 17
novembre 1558 ; et Ippolita, morte en bas âge.
Sforza (Francesco), fils du précédent, né
en 1490, à Milan, fut emmené en France par
Louis XII (1499), qui lui donna en 1504 l'ab-
baye de Marmoutiers ; il mourut en 1511, d'une
chute de cheval qu'il fit à la chasse. L. G.
Guicciardini, Istoria, 1. 1. — Sismondi, Hist. des républ.
ital., t. XI et XII.
sforza (Ludovico-Maria), dit leMaure (1),
duc de Milan, né le 23 août 1451, mort le 17 mai
1 508,àLoches en Tou raine. Quatrième fils de Fran-
çois Sforza, il s'empara du pouvoir comme régent
de son neveu (voy. l'art, précédent), et s'em-
pressa, après la mort du malheureux prince
(1494), de revenir à Milan, où il fut proclamé
duc. Le duc d'Orléans engageait vivement Char-
les VIII à profiter de l'indignation générale pour
occuper le Milanais ; mais Charles s'était engagé
à soutenir Ludovic contre tout ennemi, en échange
de l'argent, des soldats et des vaisseaux qui
lui avaient été promis, et il continua sa route
vers Naples. « Ludovic, dit Comines, qui l'avait
bien connu, estoit homme très-saige, mais fort
craintif et bien souple quand il avoit peur, et
homme sans foy s'il veoit son prouffit pour la
rompre. » Aussi ne resta-t-il pas longtemps l'allié
des Français; il était effrayé des prétentions peu
cachées du duc d'Orléans, comme héritier des
Yisconti; il voyait auprès de Charles VIII son en-
nemi personnel, J.-J. Trivulzio, banni de Milan
depuis 1483 et qu'il avait fait pendre en effigie;
on ne lui avait pas donné la principauté de Ta-
rente, qui lui avait été promise ; enfin, on pouvait
croire que Charles voulait dominer toute la pé-
ninsule. Ludovic entra donc dans la ligue de
Venise (31 mars 1495) , conclue en apparence
pour défendre contre les Turcs la chrétienté et en
réalité contre les Français. Il se chargea de cou-
per les convois venant de France et de prendre
Asti; pendant que Charles VIII était vainqueur
à Fornovo, il assiégea le duc d'Orléans dans
Novare, et obtint des conditions avantageuses
par le traité de Verceil (10 oct. 1495) : Charles
lui céda Novare et lui laissa Gênes comme fief
de la couronne de France; il y avait amnistie
pour tous ceux qui avaient soutenu les Français,
(1) On lui donna ce surnom à cause de son teint ba-
sane ou parce qu'il avait un mûrier dans ses armes. f_
et Trivulce rentrait en possession de ses biens;
de son côté Ludovic s'engagea à abandonner les
intérêts du roi de Naples et même à se déclarer
contre Venise, si elle ne traitait pas dans
deux mois. Néanmoins la bonne intelligence ne
fut pas complètement rétablie entre Milan et la
France ; puis le duc s'attira de nouveaux enne-
mis en soutenant avec perfidie Pise contre Flo-
rence, Florence contre Venise; il avait excité
contre lui bien des haines, quand Louis XII, en :
montant sur le trône de France , prit le titre
de duc de Milan. Au mois d'août 1499 com-
mença l'invasion du Milanais. Ludovic était sans i
alliés : mais il avait de nombreux mercenaires, ,
et il les mit sous les ordres de son gendre Galéas
de San-Severino. Rien ne put résister à la furie
française : toutes les places se rendirent l'une
après l'autre; San-Severino abandonna son ar-
mée, qui se dispersa; et, à la nouvelle de la prise
d'Alexandrie et de Pavie, les Milanais, mécon-
tents des impôts, irrités de la perfidie cruelle
du duc, et toujours mobiles, se soulevèrent et
massacrèrent son ministre des finances, Lan-
driano. Ludovic envoya en Allemagne ses deux
fils, sous la garde de son frère le cardinal Ascanio,
avec une partie de ses richesses, plaça des gar-
nisons à Gênes, dans le château de Milan, et,
après une nuit passée près de l'urne de sa femme
Béatrix, il se rendit par la Valteline en Alle-
magne (2 septembre 1499).
Louis XII fut reçu comme duc de Milan , et
reconnu par tous les États de l'Italie, excepté
par le roi de Naples. Mais il avait fallu payer
des contributions de guerre, et les sages me-
sures de Louis XII furent bientôt oubliées sous
l'administration de Trivulce, qui persécutait les
Gibelins et satisfaisait ses haines d'exilé. Ludo-
vic, avec l'aide de l'empereur, put enrôler des
Allemands et des Suisses ; il franchit les Alpes
(février 1500), et fut reçu avec joie dans Milan, i
Trivulce s'était retiré par Novare jusqu'à Mor-
tara; des secours considérables lui arrivèrent
pendant que la citadelle de Novare résistait en-
core. Les cantons suisses avaient rappelé leurs
compatriotes qui se trouvaient à la solde du duc;
ils obéirent, et tout ce que Ludovic put obtenir
à force de larmes, ce fut de pouvoir se glisser
travesti dans leurs rangs, pour s'éloigner avec
eux ; mais, signalé par un Suisse à ses ennemis,'
il fut pris avec trois frères San-Severino (10 avril
1500). Mené en triomphe à Lyon, il fut conduit
au château de Loches et retenu dans une étroite
captivité. Ce fut seulement dans les derniers temps
de sa vie qu'on lui donna tout le château pour
prison. Il mourut en 1508, à cinquante-sept ans. s'j"
Intelligence active et âme basse.Ludovic croyait
que l'habileté était tout; il se vantait d'avoir, par
son astuce, appelé et chassé Charles VIII, puni
et relevé les Aragonais , en ajoutant que « le
Christ dans le ciel et le More sur la terre sa-
vaient seuls le but de cette guerre ». Il avait
appelé les Français en Italie; il fut leur première
■il
SFORZA
866
time. La dure expérience ne lui enleva pas la
ine opinion qu'il avait de sa sagacité; dans
testament il ne savait recommander aux
nces italiens d'autre expédient que la peur:
ir descondottieri, peur des ministres, peur des
ants; il les engageait à ne pas s'entourer de
sonnes d'un rang élevé. Cependant il protégea
lettres, et s'entoura d'érudits, de poètes,
listes ; il ouvrit un théâtre, forma une aca-
rie, agrandit l'université de Pavie; Milan,
le, Vigevano, etc., furent embellis d'édifices
erbes, et Ludovic le More put être considéré
me le digne rival de Laurent le Magnifique.
trouvera dans Argellati la liste des épîtres
îes, harangues, instructions diplomatiques et
ies italiennes que l'on a de ce prince, soit dis-
inées dans divers recueils, soit en manuscrit.
e sa femme Béatrix, morte le 2 janvier 1497,
it Massimiliano et Francesco-Maria, qui
ent. Il laissa aussi quelques enfants naturels,
mment Giovanni- Paolo, tige des marquis
aravaggio. L. G.
nti, Vita di Lud. Sforzu; Rome, 1653, ln-iî. —
:iardinl, Istoria. — Rlpamonte, Hist. tirbis Mediol.
gellaU, Bibliotk. mediol. — Saint-Gelais, Hist. de
i XII. — Louis de La Trémoullle, Mémoires, ch. x.
ire\ini,De captivitate Lud. S/ortix, in-4°, trac!, en
ais.— Sismondi, Hist. des républ. ital., t. XI à XIII.
<orza ( Massimiliano), duc de Milan, fils
du précédent, né en 1491, mort en juin
>, à Paris. Réfugié en Allemagne depuis 1499,
afita des échecs de Louis XII pour réclamer
ilauais. Les Suisses le proclamèrent par tout
iché, et le cardinal de Sion lui remit au nom
alliés les clefs de Milan (29 déc. 1512);
. le pape , les Suisses , les Grisons s'étaient
ares des villes à leur convenance, le Mila-
était démembré. Louis XII voulut reprendre
uché, en 1513; il y envoya une armée, con-
; par La Trémoille et Trivulce. Maximilien
'erma dans Novare; les Suisses, qui lui
jnt restés fidèles, sortirent hardiment de la
marchèrent à l'ennemi et remportèrent sur
ulce une victoire complète (6 juin). Ledu-
le Milan resta donc à Maximilien, et les villes
ardes, Milan surtout, en lurent quittes pour
r de fortes amendes au duc et aux Suisses,
ue François Ier envahit l'Italie (1515), les
es seuls défendirent Maximilien, qu'ils re-
lient comme leur avoyer dans la Lombar-.
Après la défaite de Marignan , il s'enferma
la citadelle de Milan; mais, effrayé du jeu
nines que dirigeait le célèbre Navarro, il
nia le 4 octobre 1515, abandonnant tous ses
sur le duché et s'engageant à vivre obscu-
!nt en France; le roi lui garantissait le
nent de ses dettes et une pension de 30,000
s. On dit que ce prince, faible et sans ins-
«on, se montra satisfait d'être délivré de
lence des Suisses, des exactions de l'ém-
ir et des fourberies des Espagnols. Il mou-
tas avoir été marié. L. G.
ondl, Hist. des républ. ital, t. XIV.
NOUV. BIOGR. GÉNÉR T. XLIII.
[ji
sforza ( Francesco-Maria ) , dernier doc
de Milan, frère du précédent, né en 1492, mort
le 24 octobre 1535, à Milan. Rentré à Milan avec
Maximilien, qu'il aida sans éclat, il s'enfuit en
1515 avec le cardinal de Sion , et fit valoir ses
droits sur le Milanais. Le 8 mai 1521, Léon X
et Charles V firent alliance contre François Ier
pour remettre sur le trône de Milan les Sforza.
Après la défaite de Lautrec à La Bicoque (avril
1522), François reprit, avec six mille lansque-
nets, possession du Milanais, désolé par la guerre
et par une épidémie, qui emporta soixante mille
personnes. Quand les Français .conduits par le
roi, rentrèrent en Italie, le duc se réfugia avec
son ministre, Morone, au château de Pizzighet-
tone; mais la bataille de Pavie (24 février 1525)
délivra tout le duché, et Sforza n'eut plus à
craindre désormais que Charles V, son protec-
teur trop puissant. L'empereur l'avait investi du
duché, moyennant 600,000 ducats et l'obligation
de recevoir des garnisons allemandes; mais il
songeait à réunir le Milanais à ses possessions
héréditaires lorsque l'occasion serait favorable.
François, bon, mais faible et d'une mauvaise
santé, se laissa entraîner par Morone dans une
ligue pour rendre à l'Italie son indépendance;
Henri VIII d'Angleterre, la régente de France
promirent des secours; mais Pescaire révéla
tous les détails du complot : Morone fut arrêté
par Antoine de Leyva, le duc fut indignement
traité , et Milan, assiégé, bombardé, fut forcé de
jurer fidélité au roi d'Espagne. François Ier dé-
livré sembla entrer avec ardeur dans la Sainte-
Ligue , dont Henri VIII et Clément VII se décla-
raient les protecteurs ; on devait rendre le Mi-
lanais aux Sforza. Les Italiens , commandés par
le duc d'Urbin, ne surent pas agir; Milan resta
livré à tous les excès des soldats d'Antoine de
Leyva ; le duc, assiégé dans le château, ne fut pas
secouru et dut capituler (24 juillet 1526); puis
les bandes de Bourbon vinrent achever la ruine
de Milan. Pendant plus de deux ans les troupes
impériales, puis les Français de Lautrec et de
Saint-Pol, répandirent la dévastation dans la
Lombardie, désolée par la guerre, la famine et
la peste. Charles V resta victorieux. François
implora alors sa générosité; il était malade, ne
paraissait pas pouvoir vivre longtemps et n'avait
pas d'héritier; l'empereur consentit à lui laisser
le Milanais, sauf Pavie, dont il investit Leyva;
il garda Côme et le château de Milan, comme
gage des 900,000 ducats qu'on devait lui payer,
moitié comptant , le reste dans l'espace de
neuf ans (traité du 23 décembre 1529). Fran-
çois Ier voulut l'entraîner dans une nou-
velle ligue contre Charles V ; le duc prêtô d'a-
bord l'oreille aux insinuations de Meraviglia,
agent secret du roi de France; puis, craignant
d'être découvert et puni , il le fit arrêter et dé-
capiter, sous le prétexte d'un meurtre. Char-
les V, satisfait, donna en mariage à Sforza sa
nièce Christine de Danemark (avril 1534). L'an-
28
867
née suivante le dernier des Sforza s'éteignit, sans
laisser de regrets. Le duché de Milan cessa dès
lors d'être indépendant, et, malgré les réclama-
tions du roi de France, tomba au pouvoir de la
maison d'Autriche. Louis Grégoire.
Assaraci, Trivultius, seu historia rerum a Fr.-M.
gestarum, poëme hist. ; Milan, 1316, in-fol. — G. Capella,
De bello mediotanensi lib. VI II; Milan. 1531, iii-4°. —
Giovio jeune, fita Fr.-HI. Sforziœ ducis ; Rome, 1539,
in-4°. — Guicciardini, Istoria. — Ratti, Me.morie délia
famiglia Sforza. — Léo et Botta, Hist. d'Italie. —
Canlu, Hist. des Italiens.
sforza (Ascanio- Maria), cardinal, fils du
duc François, né le 23 mars 1455, à Crémone,
mort le 27 ou 28 mars 1505, à Rome. Destiné à
l'Église, il fit de bonnes études à Rome. Après
le meurtre duducGaléas-Marie, son frère (1476),
il partagea les vicissitudes de safamille: proscrit
par Simoneta, il applaudit à la chute de ce mi-
nistre; mais l'usurpation de Louis le Maure le
jeta parmi les mécontents, et il ne tarda pas à
reprendre le chemin de l'exil. Dans la suite les
deux frères se rapprochèrent, et Louis demanda
pour Ascagnele chapeau de cardinal, que le pape
Sixte IV lui accorda, en 1484, en considération
du mariage de Jérôme Riario et de Catherine
Sforza. Ascagne jouit à Rome d'une grande fa-
veur : outre l'administration des diocèses de Pe-
saro, de Crémone et de Novare, il eut à gouver-
ner comme légat le patrimoine de saint Pierre.
Son crédit s'augmenta encore sous le pontilicat
d'Alexandre VI : ayant eu une part notable dans son
élection, il reçut en récompense l'office de vice-
chancelier, plusieurs bénéfices, quantité de terres
et de châteaux, et le palais Borgia; mais, ne se
croyant pas en sûreté dans Rome , non-seule-
ment à cause de ses richesses considérables,
mais parce qu'il passait pour le chef du parti
français dans le sacré collège, il en sortit, et se
retira sur le domaine des Colonna. Lors de l'in-
vasion des Français en Italie, il fut l'un des
quatre ambassadeurs que Charles VIII députa
auprès du pape (décembre 1494). Sans respect
pour le droit des gens, il fut arrêté et conduit
au château Saint-Ange ; mais on le rendit bientôt
à la liberté, et il figura, le 31 décembre, dans
l'entrée solennelle que fit Charles VIII à Rome.
Tant que vécut ce prince? il représenta auprès de
lui les intérêts du saint-siége. Il n'en pouvait
être de même avec Louis XII, qui avait juré la
perte de Louis le Maure et la ruine des Sforza : il
revint à Milan, et se joignit à son frère pour ar-
rêter par tous les moyens l'irruption des Fran-
çais. Ce ne fut qu'au dernier moment qu'il
chercha son salut dans la fuite : livré par un
traître aux Vénitiens et par ceux-ci à Louis XII
(1500), il fut enfermé d'abord à Pierre en Cise,
près Lyon, puis dans la tour de Bourges. En
1503 il lui fut permis de se rendre au con-
clave à la condition de céder sa voix au
cardinal d'Amboise; comme il n'en fit rien, il
eut ordre de rentrer dans sa prison, ce que le
pape Jules II empêcha. De partisan de la France
SFORZA 86
Ascagne était devenu son plus violent ennem
et il s'occupait sans relâche à lui susciter df
embarras, lorsque le poison ou la peste, on r
sait lequei, l'arracha brusquement à ses tén<
breuses intrigues pour le conduire au tombeai
Bien qu'il eût du goût pour les lettres, il ne 1
rien paraître des harangues , des dissertations
des vers et des épitres, qu'on a encore de lui «
en manuscrit.
Fedro, Oratio funebris Mc.-M. Sfortiœ; Catan
1522, in-l°. — Arisi, Cremona litterata. — Ughelli, Il
lia sacra. — Sismondi, Hist. des republ. ital., t. 3
et XIII.
sforza (Catarina), fille naturelle de G.
léas-Marie, née en 1460, morte à Florence. El
épousa, au mois de mai 1477, Jérôme Riari<
dont elle eut six enfants. Aidé des secours |
Sixte IV, son oncle, qu'il avait compromis en
mêlant à la conjuration des Pazzi, son mari s'
tait emparé des villes d'Imola et de Forli, où
vivait en prince indépendant. Il s'attira par u
longue suite d'actes tyranniques la haine de s
sujets; trois d'entre eux le massacrèrent à For
le 14 avril 1488. Puis le peuple saccagea le pal.
de fond en comble, se saisit de Catherine, air
que de son fils aîné, Octavien Riario, et somi
la citadelle de se rendre. Le commandant aya
déclaré qu'il ne la remettrait qu'à la veuve
son maître, on permit à Catherine d'y entrer,
on garda ses fils comme otages. A peine entr
dans la forteresse, Catherine monte sur les cr
neaux et ordonne aux chefs de la révolte de d
poser les armes; ils la menacent de faire pé:
ses fils , si elle ne tient pas sa promesse. Aloi
avec un fier courage et un mépris public
toute pudeur, elle soulève ses vêtements,
s'écrie : « Vous voyez que je puis en fai
d'autres (1). » Les rebelles, attaqués par les alli
de Catherine, furent forcés de se rendre (29 av
1488). Cette princesse vengea cruellement
mort de son mari sur les assassins et Iet
complices. Elle gouverna ses États avec viguei
et déjoua plusieurs conspirations ourdies conl
son autorité et contre sa vie. Vers 1496, elle
maria en secondes noces, avec Jean de Médic
qui mourut le 14 septembre 1498. En 1499,
pape Alexandre VI, qui convoitait les Romagn.
déclara les Riario déchus de leurs fiefs, prête
dant qu'ils n'avaient pas payé le cens dû ,
saint-siége , tandis que ceux-ci prouvaient qu'
lui avaient fait des avances considérables. (
sar Borgia se rendit maître d'Imola, et le 19 <:
cembre 1499 la ville de Forli lui ouvrit i
portes. Catherine s'enferma dans la forteres:
qui fut prise d'assaut, le 12 janvier 1500, api
un siège de vingt-deux jours. Faite prisonnièi
elle fut transférée au château Saint- Ange,
(l) Rispose lore quelta lorte remina che se avess
fatti périr que' figliuoli, restavano a lel le forme
farncdegllaltri; e vi ha che dice (questa giunta fo
fu immaginata e non vera | aver' ella anche alzata
gonna, per chbrirll che dicca la verita. ( Crontca-6
siana, apud Muratori, Ann., t. IX, p. 556.)
;
39
SFORZA — 'S GRAVESANDE
870
itexandre VI lui intenta un procès criminel,
ius protexte qu'elle avait essayé de le faire em-
nsonner. Mise en liberté, par l'intercession
i roi de France (juillet 1501), elle se réfugia à
orence, où elle mourut, dans la retraite.
Buricl, Fita di Catarina Sforza; Bologne, 1785,
vol. ln-8. — Rattl, IHemarie delta famiqlia Sforza. —
•rll, Fita di Catarina Sforza di Medici (médite).
'S gravesande ( Guillaume- Jacob ), physi-
en, algébristeet philosophe hollandais (1), né à
)is-lc-Duc, le 27 septembre 1688, mort à Leyde,
2S février 1742. Sou père descendait d'une
eille famille patricienne de Delft, et sa mère
ait petite-lille du médecin Heurnius. A seize
is, il fut envoyé à Leyde pour y étudier le droit ;
; 1707, il fut reçu docteur avec une thèse qui
ait pour objet le suicide, De autochciria. Il
la alors s'établir à La Haye pour s'y livrer à
pratique du barreau ; l'un des principaux
embres de la société qui se forma pour la pu-
ication du Journal littéraire (2), il y fit in-
rer un grand nombre d'articles, parmi les-
lels il faut citer, d'une part ses Remarques
x la construction des machines pneuma-
pies(t, IV), Essai a" une nouvelle théorie sur
choc des corps ( t. XII) , et ses Remarques
x la force des corps (t. XIII); d'autre part
Lettre sur le mensonge (t. V) et sa Lettre
x la liberté (t. X). En 1715, il accompagna
qualité de secrétaire les deux ambassadeurs
oisis par les états généraux pour féliciter
roi Georges 1er sur son avènement au trône.
;ndant son séjour à Londres, qui dura près
rane année, il se lia avec l'évêque Burnet et
ec Newton, qui le fit recevoir membre de la
iciété royale. En juin 1717, les curateurs de
miversité de Leyde le nommèrent professeur
dinaire de mathématiques et d'astronomie.
Gravesande y donna le premier un cours corn-
et d'expériences physiques. Ayant ajouté, en
'34, le titre de professeur de philosophie aux
res qn'ij portait déjà, il fit des cours sur la
gique et sur la métaphysique ; et ce fut dans
itte occasion que, fidèle à la méthode qu'il avait
loptée déjà dans l'enseignement de la physique,
entreprit de composer un abrégé des deux
jiences, destiné à être mis aux mains de ses
iditeurs. Appelé à donner également des leçons
i morale, et très-indécis sur le choix d'un au-
ur à suivre, il s'était déterminé à écrire un
irégé de morale, lorsque la mort vint mter-
mpre ses travaux.
Dans le cours de sa laborieuse et brillante
tarière , "s Gravesande était entré en relations
(1) Le nom de cette famille est Storm vah 's Gra-
'.SAHDE; on Ignore quelle est l'origine de ce dernier
>m.
tî) Le Journal littéraire, fondé en mai 1713, eut pour
'dacteurs 's Gravesande, Marchand, van Effen, Sal-
ngre, Alexandre et Saint-Hyacinthe. Suspendu en 1722,
Tut continué de 1729 a Juin 1732, sous le même titre,
!ir les soins de s' Gravesande et de Marchand, qui s'ad-
ïgnirent Supervise, de Joncourt, Sacrelaire, Calan-
inl et Cramer.
scientifiques avec plusieurs savants distingués
et avec plusieuis princes allemands. A diverses
reprises, le landgrave de liesse Cassel l'invita à
venir passer quelque temps auprès de lui pour
le consulter sur des machines qu'il avait à faire
construire. La publication de ses ouvrages lui
valut des lettres de félicitation, qui lui vinrent
à la fois de l'Angleterre, d'Allemagne, de France.
Enfin , il reste des traces d'une correspondance
qu'il eut avec Voltaire. Ses œuvres se rapportent
aux sciences proprement dites ou à la philoso-
phie. Ce sont : Physices elementa mathe-
matica, experimentis confirmata, sive in-
troductio ad philosophiam newtonianam;
La Haye, 1720, 2 vol. in-4°, fig.; Leyde, 1725,
1742, 2 vol. in-4°; trad. en hollandais (1721) et
en français (1746, 2 vol. in-4°). Le mérite decet
ouvrage consiste principalement en ce qu'il est
peut-être le premier dans lequel on ait vu les
expériences et les démonstrations substituées
aux hypothèses. Il se divise en quatre livres :
le premier, sur les corps et les mouvements des
corps; le second, sur les fluides; le troisième,
sur la lumière; le quatrième, sur l'astronomie.
Dans une excellente préface, l'auteur expose la
méthode qu'il a suivie, méthode qui est celle de
Newton; — Philosophix newtonianœ institu-
tiones, in usus academicos ; Leyde, 1723,
1728, 1744, 2 vol. in-8° : abrégé de l'ouvrage
précédent. Les changements et les développe-
ments que l'auteur y introduisit en firent un
livre nouveau, bien que les principes et la mé-
thode fussent restés les mêmes ; — Mathescos
universalis elementa, quibus accedit spé-
cimen commentarii in arithmeticam univer-
salem Newtonii; Leyde , 1727, in-8° : traité
d'arithmétique et d'algèbre, que 's Gravesande
publia également pour les besoins de son ensei-
gnement; — Introductio ad philosophiam,
metaphysicam et logicam conlinens; Leyde,
1736, 1756,in-8°; trad. en français (1737, in-S°)
et en hollandais (1746). Dès son apparition, cet
ouvrage avait été l'objet d'une telle estime, que
les auteurs du Journal des savants termi-
naient un extrait qu'ils en donnaient par l'ap-
préciation suivante : «Nous ne connaissons pas
de meilleure introduction à la philosophie. » Ten-
nemann dit « qa'on doit à 's Gravesande le dé-
veloppement d'excellentes règles pour la re-
cherche de la vérité ». Venu à une époque
où Locke et Deseartes se partageaient encore
exclusivement l'empire de la philosophie, 's Gra-
vesande tient entre ces deux chefs d'école
une aorte de milieu, qu'il a su choisir en ré-
pudiant ce que peut avoir d'exagéré la doc-
trine de l'un et de l'autre, et en ne reconnais-
sant d'autre maître que le bon sens. D'accord
avec Descartes sur le critérium du vrai, il s'en
sépare néanmoins sur la question du doute uni-
versel, pris comme point de départ de la mé-
thode, attendu qu'il regarde ce doute universel
comme intellectuellement impossible. D'accord
28.
871
'S GRAVESANDE — SHAKESPEARE
87:
avec Locke, trop d'accord peut-être, sur le pro-
blème de l'origine des idées , il s'en sépare sur
la question de savoir si Dieu a pu donner à la
matière la faculté de penser, et n'hésite pas à
résoudre hardiment par une négative toute spi-
ritualiste cette question, que Locke s'était plu à
maintenir dans les termes d'un doute timide.
Bien que d'accord sur la plupart des points
avec le sens commun, la philosophie de 'sGra-
vesande n'est cependant pas exempte d'erreurs.
Ainsi, cet écrivain se trompe quand il soutient
que l'âme ne pense pas toujours et quand il
introduit divers degrés dans l'évidence; il se
trompe gravement sur la question du libre
arbitre, quand il fait de nos actes la consé-
quence d'une nécessité morale, à laquelle notre
âme obéirait de la même manière que la balance
se laisse entraîner par le plus grand poids.
Mais à côté de ces erreurs combien de ques-
tions traitées avec une puissance de raison et
de bon sens qu'on ne retrouve pas toujours
à un égal degré même chez des philosophes
que la renommée a mieux favorisés : telles
que la question de la probabilité , celle des
causes et des remèdes de nos erreurs, celle du
raisonnement, enfin celle de la méthode, notam-
ment en ce qui concerne les moyens de perfec-,
tionner l'attention, l'intelligence et la mémoire!
'S Gravesande a composé aussi plusieurs discours
écrits en latin, et il a donné ses soins à l'impres-
sion des ouvrages suivants : Opéra varia et re-
ligua ( Leyde et Amst. , 1724-28, 4 vol. in-4° ), de
Huygens; Introductiones adveram physicam
et veram astronomiam (ibid., 1725, in-4o), de
J. Keill, son ami; et Ouvrages adoptés par
V Académie royale des sciences (La Haye, 1729,
1. 1. à VI, in -4°). Tous les écrits de cet auteur
ont été rassemblés sous le titre A" Œuvres phi-
losophiques et mathématiques; Amst., 1774,
2 vol. in 4°, mis en français, et enrichis de
remarques et d'une notice étendue par Alla-
mand , l'éditeur. C. M.
Vie de 's Gravesande par Allamand , dans le Dict.
historique de Prosper Marchand. — Dictionnaire des
sciences philosophiques. — Mémoire sur la vie et
les écrits de 's Gravesande, par C. Mallet , dans le
Compte-rendu des séances et travaux de l'académie
des sciences morales et politiques, année 1858, t. Ier.
shadwell (Thomas), poëte angiais, né en
1640, dans le Norfolk, mort en 1692. Il commença
par étudier le droit; mais il y renonça bientôt
pour voyager à l'étranger. A son retour en Angle-
terre, il se lia avec les beaux esprits du jour,
notamment avec Dryden, Otway, Rochester.
Peu de temps après, il donna sa première comé-
die, the Sullen Lovers (1668), dont le succès
fut assez grand pour le décider à embrasser la
carrière dramatique. 11 ne tarda pas à devenir
célèbre, et les whigs le posèrent en rival de
Dryden, dont il avait cessé d'être l'ami à la suite
d'une petite guerre de préfaces. Lorsque ce der-
nier donna sa démission de poëte lauréat, Shad-
well lui succéda, grâce à la protection de lord Ro- ,
chester. 11 mourut empoisonné par une dose d'o
pium plus forte que celle qu'il prenait d'habi
(ude. Si le nom de Shadwell a surnagé à l'oubli
il faut l'attribuer aux railleries dont Drydei
l'accabla dans Mac Fleknoe,or a Satire oi
the true-blue Protestant T. S., publié ei
octobre 1682. Ses œuvres se ressentent de 1,
hâte qu'il mettait à les composer; mais l'accu
sation de sottise et de lourdeur portée contr
lui est fort injuste. Il ne manque ni de tact
ci d'esprit d'observation, ni de vivacité. Le
œuvres de Shadwell ont été publiées en 172t
(Lond., 4 vol. in-12). Il a laissé quelques tra
ductions estimées des classiques latins.
Shaftesburï. Voy. Cooper.
W. Scott, Life of Dryden. — Knlght, English Cycle
psedia (biogr.).
Shakespeare (i) (William), le plus gran
des poètes anglais, né le... avril (2) 1564, a Strat
ford-sur-Avon , dans le comté de Warwick
mort le 23 avril 1616, dans la même ville. J
était fils de John Shakespeare et de Mary Arden
La gloire du fils rejaillissant sur le père a donn<
lieu à de minutieuses recherches et à d'intermi
nables discussions sur la position et la vie de ce
obscur bourgeois de Stratford. Si l'on se borm
aux faits authentiques recueillis dans les re
gistres de la ville, on trouve que dès 1556 Johi
Shakespeare était membre d'un jury à Stratford
que vers la fin de 1557 il fut élu membre de li
corporation municipale de cette ville; qu'ei
1558 et 1559 il remplit les fonctions de cons-
table; qu'en 1561 il devint un des chambellan:
de la corporation. Deux de ses filles furent b
tisées,Jone (sic) le 15 septembre 1558, Margare.
le 2 décembre 1562. Margaret mourut âgée dt
quelques mois, et fut ensevelie le 30 avril 1563.
il est probable que sa fille aînée mourut auss
dans l'enfance, puisque une autre de ses filles fui'
baptisée en 1569, sous ce même nom de Jone,
(1) Les controverses an sujet de ce célèbre poëte com-
mencent avec l'orthographe de son nom, que l'on trouve
écrit Shakspere, Shakespere, Shakespeyre, Shaxper,
Chacsper, Shakespeare, Shakspeare, etc.. La forint
Shakespeare est la plus conforme à l'étymologie ( qu
agite, qui brandit la lance, hasti-vibrans, selon la tra-
duction de Fuller ) ; elle est consacrée par les première:
éditions de ses poésies, faites sous ses yeux, et par 1<
première édition de son théâtre complet (1623) : c'esl
celle que nous avons adoptée dans cet article; mais la
forme abrégée Shakespere et Shakspere était la plus
usitée dans son comté natal, et lui-même signait habi-
tuellement Shakspere, comme on lit très-distinctement
sur son exemplaire du Montaigne de Florio, acquis par
le British Muséum, Les trois signatures de son testa-
ment ne sont pas assez nettes pour qu'on soit sur de
l'orthographe. Sur un autre acte authentique on trouve
son nom signé Shaksper.
|8) Sur le registre des baptêmes de l'église paroissiale
de Stratford-sur-Avon, William Shakespeare est inscril
a la date du 26 avril 1564 ( Gullelmus, filius Johannes
Shakspere); on peut supposer que William était né la
veille ou l'avant-veille, le 25 ou le 24 avril; il se peut aussi
qu'il fut né huit ou dix jours plus tôt; cependant, tous les
biographes le font naître le 23, nous ne savons sur quelle
autorité , peut-être simplement pour faire concorder
plus exactement la date de sa naissance et celle de sa
mort.
73
SHAKESPEARE
874
William (ut probablement le premier des enfants
; John qui dépassa l'enfance, de sorte qu'il se
ouva l'aîné de la famille.
Nous voyons par ce qui précède que John
iakespeare était un honnête bourgeois de
^ratford; mais quelle profession exerçait-il? Ici
champ est ouvert aux hypothèses , car les re-
stres de Stratford ne nous apprennent rien de
récis sur ce point. Nous savons par des actes
ithentiques que John Shakespeare avant son
'ariage avait acquis deux propriétés dans Strat-
rd, toutes deux avec jardin, et une avec un
Mit clos de champ (1556); que par son ma-
age avec Mary Arden il devint possesseur de
propriété d'Asbies à peu de distance de Strat-
rd, et d'une petite propriété rurale à Snitter-
:ld; qu'en 1570 il était fermier pour 8 liv. st.,
mme assez considérable pour le temps, d'une
airie de quatorze acres avec ses appartenances,
:uée à deux milles de Stratford et appelée In-
jn. De ces faits on peut conclure que John
flakespeare vivait de ses propriétés et de ses
Tmes, les exploitant lui-même, pour ne pas
oir à partager avec un fermier les profits de
culture. Il n'y aurait à cette conclusion nulle
fficulté si divers témoignages ne nous repré-
ntaient le père du poète autrement que comme
î propriétaire et cultivateur rural. Ainsi le
uieux et médisant antiquaire Aubrey, qui vi-
iiit.vers la fin du dix-seplième siècle, dit que le
!:re de Shakespeare était boucher. Rowe, sur la
i de l'acteur Betterton, qui au commencement
Il dix-huitième siècle fit un voyage dans le
»mté de Warwick pour recueillir des anec-
rtes touchant Shakespeare, dit que son père
>hn était marchand de laine (woolman). Ma-
ine trouva dans un vieux cahier de procédure
lie John Shakespeare était glover ( aujourd'hui
kntier, mais au seizième siècle ce mot avait un
tos plus étendu) .Ces assertions, en apparence con.
(adictoires, peuvent facilementse concilier entre
les et avec le fait que John était un propriétaire
lirai. A cette époque la division du travail était
3ii pratiquée, et les propriétaires fonciers même
ches ne se faisaient pas faute d'exploiter direc-
(ment les provenances de leurs propriétés; ils
;venaient « bouchers , tanneurs , éleveurs de
oupeaux, bûcherons, et denique quid non, »
tome le dit Harrisson, qui s'élève avec indigna-
on contre ce monopole. Nous n'avons donc an-
tine peine à concevoir que John Shakespeare ,
ropriétaire à Stratford et à Asbies, fermier
une prairie considérable, ait, à l'occasion,
oattu lui-même et débité les veaux de son her-
îge , qu'il ait vendu la laine de ses moutons et
^ême du bois de charpente (ce que l'on trouve
jssi dans un ancien acte), et qu'avant de livrer
j corroyeur les peaux de ses animaux, il leur
t subir cette préparation qui consiste à séparer
u cuir la laine ou le poil , opération qui rentrait
ans le métier du glover ou fellmonger (pel-
Wer). Si plus tard nous trouvons que William
aida son père dans ces divers emplois et trafics,
nous n'aurons garde d'en conclure qu'il fut lui-
même boucher, marchand de laine ou pelletier
de profession.
Sa mère, Mary Arden, appartenait à une des
plus considérables et des plus riches familles du
comté de Warwick. Elle était petite-fille d'un
gentilbomme ou valet (groom) de la chambre
du roi Henri VII, et arrière-petite-nièce d'un
écuyer du même prince (squire of the body).
Son père, Robert Arden, de Wellingcote ou Wil-
mecote, mourut en 1550, lui léguant, comme à sa
plus jeune fille, toute sa terre d'Asbies. La pro-
priété de Mary Arden a été évaluée à 1 10 liv. st.
environ de la monnaie du temps, ce qui équi-
vaut à près de 600 1. du nôtre (1 5,000 fr. environ).
Mary épousa John Shakespeare en 1557; elle
survécut de sept ans à son mari (mort en 1601),
et ne mourut qu'en 1608, lorsque son fils était
dans tout l'éclat de la fortune et de la gloire.
On montre encore à Stratford , dans la rue
Henley,la maison où naquit, dit-on, Shakespeare,
et où certainement il passa son enfance. C'était
une des plus belles de cetle petite ville rurale,
qui comptait alors 1,200 habitants environ et qui
était fort mal bâtie. Tandis que le futur poète
grandissait dans cette demeure à demi rustique,
son père s'élevait aux honneurs municipaux : en
1565, il fut élu alderman;en 1568 il devint bai-
lijf, c'est-à-dire premier magistrat de Stratford,
et pendant qu'il était en fonctions il obtint une
patente d'armes ou titre de noblesse , de sorte
qu'à partir de cette époque son nom sur les re-
gistres est précédé de la qualification de mas ter.
Le fils du bailiff ne pouvait manquer de rece-
voir de l'éducation, puisque Stratford possé-
dait une école où les enfants des membres de la
corporation étaient élevés gratuitement. Cette
école, qui remontait à Henri VI, et qui avait
reçu une charte d'Edouard VI, avait des maîtres
instruits, gradués des universités; les deux qui
la tinrent successivement pendant le temps
d'études de Shakespeare se nommaient Thomas
Hunt et Thomas Jenkins. On a beaucoup discuté
sur le degré précis d'instruction qu'il put ac-
quérir à cette école : ce fut , selon toute appa-
rence, une bonne instruction moyenne, c'est-à-
dire le latin et un peu de grec; il n'apprit sans
doute que plus tard , et à Londres, le fiançais ,
l'italien, et peut-être l'espagnol. Son plus ancien
biographe, Rowe, prétend que son éducation resta
incomplète, parce que son père fut forcé par la
gêne domestique de le retirer «le l'école avant le
temps. Rowe ajoute que John Shakespeare avait
une nombreuse famille, dix enfants en tout. Ce
dernier fait, donnécomme une cause ou du moins
une circonstance aggravante de son état de gêne,
n'est pas exact. John Shakespeare n'eut jamais
dix enfants à la fois; en 1578 il n'en avait que
cinq: William, âgé de quatorze ans, Gilbert de
douze, John de neuf, Anne de sept, Richard de
quatre. Il lui naquit un dernier fils, Edmond, en
875
SHAKESPEARE
1580; mais Anne était morte l'année précédente.
Quel que fût du reste le nombre de ses enfants,
John Shakespeare pouvait s'être trouvé dans la
gêne; c'est ce queMalone s'est efforcé de prouver.
Les faits qu'il a recueillis à cet égard pourraient
sans doute, pris isolément, s'interpréter dans un
autre sens ; mais nous croyons que considérés
dans leur ensemble ils témoignent en effet qu'à
partir de 1578 John Shakespeare subit quelque
revers de fortune. En 1592 encore il était sous
le coup d'une menace d'emprisonnement pour
dettes ; c'est du moins le prétexte qu'il alléguait
pour ne pas aller à l'église. Depuis 1586 il avait
cessé ses fonctions A'alderman. Peu après il se
releva, sans doute avec l'aide de son fils, alors
auteur dramatique célèbre. La patente d'armes qui
lui fut donnée en 1596, confirmant celle de 1568,
atteste qu'il était dans un bon état de fortune.
Celte gêne ou cette ruine passagère eut cer-
tainement de l'influence sur la destinée de
William; elle ne l'obligea point, comme le
veulent Rowe et Malone, à quitter l'école avant
d'avoir reçu une instruction suffisante ; mais elle
le mit tout jeune aux prises avec les nécessités
de la vie, et le força à se créer des moyens
d'existence. Il dut assister son père dans les
diverses occupations d'un propriétaire, telles que
nous ies avons définies plus haut, et les récits qui
nous le représentent comme garçon boucher et
marchand de laine n'ont fait que généraliser des
circonstances passagères de sa vie de jeunesse.
On dit aussi qu'il fut maître d'école et clerc chez
un procureur ( attorney) de Stratford ; on a même
donné pour preuve de ce dernier emploi les nom-
breuses expressions légales qui se trouvent dans
ses pièces , expressions toujours appliquées avec
une exactitude technique. Ce ne sont là que. des
traditions ou des conjectures; mais, à moins de
laisser un vide dans toute cette partie de la vie
du poète , il faut bien les admettre. Le premier
fait authentique que nous rencontrions est son ma-
riage. Par acte du 28 novembre 1582 (découvert
et publié en 1836), deux fermiers de Stratford se
portent caution, sous peine d'une amende de
40 Hv. st., qu'il n'existe pas d'empêchement lé-
gitime à la célébration du mariage entre William
Shakespeare et Anne Hathaway. L'acte était à
l'effet d'obtenir de l'évêque de Worcester une
dispense pour que le mariage se fît après une
seule publication de bans. Il est donc probable
que cetle union fut célébrée dans les premiers
jours de décembre; mais comme on n'en a point
trouvé trace sur les registres de Stratford, on
ignore si elle eut lieu dans cette paroisse. Shake-
speare avait alors dix-huitans et huit mois. Anne
Hathaway, née en 1556, avait huit ans de plusque
lui; elle était d'une bonne famille de propriétaires
établis dans le hameau de Shottery, près de
Stratford. La différence des âges des deux con-
joints ne fut pas la seule circonstance singu-
lière de cette union; les registres de Stratford en
constatent une autre : le premier enfant de Wil-
liam et d'Anne Shakespeare, une fille, Suzani
fut baptisée le 26 mai 1583, cinq mois après U
mariage. D'après ce fait il est naturel depenw
que cette union fut nécessitée par une faute
jeune couple; mais des critiques anglais, jalo
de la réputation morale de leur poète, ont I
observer que des fiançailles devant témoins coi'
tituaient alors un mariage valide, auquel
ajoutait, plus ou moins longtemps après, la co
sécration religieuse. L'union de William
d'Anne n'aurait donc rien offert d'irrégull
Quoi qu'il en soit, si c'était là un mariage d
mour, il n'y parut guère par la suite. Shali
speare semble de tout temps s'être médioc
ment occupé de sa femme. Quelques vers de
Douzième nuit, où il prescrit très-nettemi
à la femme de choisir un époux plus âgé qu'el
sont sans doute une allusion à son propre n
riage, précoce et mal assorti. Cependant il n
faudrait pas conclure que Shakespeare fut m
heureux en ménage; rien ne l'atteste, et la •
rite toute simple est que sa femme tint fort r
de place dans sa vie. Elle lui donna encore de
.. jumeaux, un fils et une fille, baptisés le 2 févr
1584 (1585 nouveau style ). Ce furent leurs di
niers enfants. Peu après Shakespeare quii
Stratford, et se rendit à Londres, où il s'associ
une troupe d'acteurs.
Le fils d'un alderman se faire acteur, un pi
de famille quitter sa femme et ses enfants ,
sont des actes qui ont paru assez étranges pc
qu'on leur ait cherché une cause extraon
naire. Rowe nous apprend que William, aya
eu le malheur, assez communaux jeunes gei
de fréquenter mauvaise compagnie, se lais
entraîner par ses camarades à braconner av
eux dans le parc de sir Thomas Lucy de Ché
lecote, près de Stratford. Le gentilhomme
poursuivit en justice pour ce fait, et Williai
irrité, se vengea par une ballade satirique conli
sir Th. Lucy ; celui-ci redoubla ses poursuites,
le jeune homme n'eut d'autre moyen de s'y sot
traire que de se réfugier-à Londres. On racor
cette historiette de deux ou trois manières,
rien n'en garantit l'authenticité. Ce qu'on pe
dire en sa faveur, c'est qu'elle était de traditioi
Stratford, où longtemps encore après la mort
poète on citait quelques vers de la ballade qu
avait affichée à la porte du parc de sir Thom
Lucy (1). On veut que la tradition soit confirm<
(1) Oldys, qui rapporte ce fait, le tenait d'an M. Jou
qui mourut en 1703, à l'âgé de quatre-vingt-dix ans,
qui l'avait entendu raconter à de vieilles gens de Stra
ford. Un parent de ce M. Joncs communiqua à OM*
qui nous l'a transmis, un couplet de la fameuse ballad
Ce couplet, si l'on en juge par certains anachronlsm
d'expression, a tout l'air d'avoir été fabriqué longtem
après le seizième siècle; le voici :
A parliament member, a justice of peace,
Al home a poor scarescrowe, at London an asse,
lf lowsie Is Lucy as sonie volke mlscnll it,
Then Lucy is lowsie, whatever befall it.
He thinks himseir great,
Tet an asse In his state
"We allow by his ears but with asses to mate.
177
SHAKESPEARE
878
mr la première scène des Joyeuses femmes de
Windsor, où le squire et juge de paix Robert
ihallow se plaint que Falslaff a battu ses gens,
ué son daim et forcé la porte de son parc. Nous
;royonsen effet, d'après certains détails ( l'écus-
;on de Shallow, le jeu de mot sur luce et louse)
m'en peignant le personnage de master Robert
sliallow , Shakespeare s'est rappelé son ancien
voisin sir Thomas Lucy. Jusque-là nous admet-
ons la tradition; mais nous pensons qu'elle a
ort amplifié les suites de cette escapade. Ni le
«t de braconnage ( deer stealing ), délit des
)lus véniels sous Elisabeth, ni même la ballade,
lélit plus grave, ne le forcèrent à se réfugier à
londres; il s'y rendit pour d'autres motifs, qu'il
jst facile de conjecturer. A vingt et un ans, sans
brtune, avec des charges domestiques déjà
•ourdes, il aurait pu, comme son père, chercher
des ressources dans une exploitation rurale;
mais il avait peu de goût pour ce genre de vie.
L'immense génie littéraire qu'il portait en lui le
poussait impérieusement vers la carrière des
lettres; or, cette carrière avait alors deux
principales issues : la poésie lyrique et épique
à la manière de Spenser et le théâtre. La pre-
Imière ne pouvait attendre sa rémunération pré-
caire et insuffisante que du patronage de la cour
et de quelques grands seigneurs ; le théâtre, au
contraire, extrêmement goûté du public, promet-
tait à ceux qui le pratiquaient, plutôt comme
acteurs que comme auteurs, des moyens de sub-
sistance assurés et quelquefois très-larges. Wil-
liam avait d'abord songé à la poésie, comme le
prouvent son Adonis, sa Lucrèce, composés ou
du moins commencés à Stratford; son génie,
«les nécessités domestiques, des relations d'a-
mitié le portèrent vers le théâtre. Depuis 1569
■dès troupes d'acteurs appartenant aux comtes
<1e Leicester, de Warwick , de Worcest er et autres,
donnaient presque tous les ans quelques repré-
sentations à Stratford , et parmi ces acteurs plu-
sieurs étaient originaires du même comté que
Shakespeare. James Burbadge, père de Richard
Burbadge, un des futurs camarades du poète,
1 on était parti pour aller fonder à Londres le
théâtre des Blackfiiars ; Heminge, Slye, Tooley
en étaient aussi ; enfin, Thomas Greene était de
Stratford même. On comprend que Shakespeare
assistant à des représentations qui éveillaient
son génie dramatique se soit lié avec plusieurs
de ses compatriotes déjà engagés au théâtre,
qu'il ait songé à les accompagner ou à les re-
joindre à Londres; qu'eux-mêmes, frappés de
ses talents naissants, l'y aient encouragé. Il quitta
donc Stratford vers l'âge de vingt-deux ans, et
trois ans plus tard nous le trouvons un des co-
propriétaires de BlackfriaTs (skarers in the
JBlacke Fryers playehouse). Dans une pétition
•adressée en novembre 1589 aux lords du Con-
seil privé « par les pauvres acteurs de Sa Majesté »
(Her Majesty's poore plqyeres), William Sha-
kespeare figure le douzième sur une liste de
seize signataires, parmi lesquels on remarque
trois (ou quatre, car on croit que Thomas Pope
était aussi du Warwickshire) de ses compa-
triotes : James Burbadge, Thomas Greene et
Nicholas Tooley.
Que s'était-il passé dans ces trois ans 1586-
1589? L'histoire naturellement n'en dit rien, un
acteur n'étant pas alors un personnage assez
important pour que l'histoire s'occupât de ses
faits et gestes. Les traditions recueillies beau-
coup plus tard sont sans autorité et sans vrai-
semblance. Ainsi on prétend que William, arrivé
à Londres et dépourvu de ressources, se vit
réduit à garder à la porte d'un théâtre les che-
vaux des curieux. On s'est donné la peine de
réfuter ce conte; c'était inutile. Nous n'en sa-
vons pas assez, il est vrai, pour préciser ce que
fil Shakespeare dans les trois premières années
de son séjour à Londres; mais nous en savons
assez pour affirmer que ce ne fut pas en gardant
des chevaux à la porte qu'il obtint une part dans
la propriété du théâtre. Il l'acquit sans doute
en se rendant utile à ses camarades, d'abord
comme acteur, puis bientôt comme auteur. Au-
brey nous dit qu'il « jouait excessivement bien ».
Son nom figure, suivant l'habitude, parmi ceux
d'autres acteurs en tête de quelques anciennes
pièces, mais sans indications particulières. Rowe,
qui a fait des recherches sur ce point, a pu cons-
tater seulement que son meilleur rôle était le
fantôme dans Hamlet. Quelque talent qu'il ait
montré en ce genre, ce fut par un aulre mérite
qu'il se fit promptement une place distinguée
parmi ses camarades. Sans doute on n'a aucune
preuve qu'il ait rien écrit avant 1589; cependant
les probabilités sont qu'il avait déjà composé
Vénus et Adonis et Lucrèce; le premier de ces
poèmes fut publié en 1593, le second en 1594.
Tous deux sout dédiés au comte de Southamp-
ton. Le poète dit, dans la dédicace de Vénus
et Adonis, que c'est son premier ouvrage ; mais
Lucrèce est incontestablement de la même
époque, et tous deux remontent à la jeunesse
du poète et à son séjour à Stratford. Ils appar-
tiennent à ce genre élégiaque pastoral et des-
criptif que Surrey, Wyatt et surtout Philippe
Sidney avaient mis à la mode et que Spenser
éleva à la hauteur de l'épopée-, ils attestent, avec
l'ardeur sensuelle de la jeunesse, une imagina-
tion opulente et une force, une originalité
d'expression étonnantes. Shakespeare maniait
déjà en maître l'idiome de son pays. En même
temps on remarque dans ces deux poèmes une
tendance vers le drame; le récit proprement
dit y tient peu de place, les discours au con-
traire y sont très-longs et très-nombreux. Évi-
demment l'auteur de pareils ouvrages ne pou-
vait pas vivre au milieu d'acteurs et jouer des
pièces sans que l'idée lui vînt d'en composer lui-
même. Nous ne connaissons pas ses premiers
essais. A cette époque, les pièces de théâtre s'im-,
primaient rarement; la troupe de comédiens qui
879
SHAKESPEARE
88
les avait acquises les gardait comme une pro-
priété privée , et ce n'était que subrepticement
que quelque libraire avide s'en procurait une
copie pour l'impression. Les comédiens trai-
taient fort librement les pièces achetées aux au-
teurs; ils les corrigeaient, les remaniaient, les
refaisaient pour leur rendre l'attrait de la nou-
veauté; quelquefoisilsencomposaient eux-mêmes
au grand déplaisir des auteurs de profession.
Dans la compagnie deBlackfriars, où entra Sha-
kespeare, le sociétaire habituellement chargé de
ce travail de remanier, de refondre les pièces
ou d'en faire de nouvelles, était G. Peele. Tant
qu'il resta à Blackfriars, Shakespeare ne vint
qu'en second ; mais on croit qu'il quitta la troupe
en 1590, et dès lors le jeune poète de Stratford
s'employa de plus en plus activement à compo-
ser des pièces pour le théâtre de Blackfriars.
Comme on n'a pas conservé les registres de
ce théâtre, comme il n'existait alors ni journaux
ni revues, pour rendre compte des pièces nou-
velles, et que ces pièces ne s'imprimaient que
plus ou moins longtemps après, et fort irrégu-
lièrement, il est impossible de donner une chro-
nologie précise des compositions dramatiques
de Shakespeare; mais on peut cependant les
classer par époques, et déterminer avec une
exactitude suffisante les périodes de sa carrière
théâtrale. D'abord on a eu tort de prétendre
qu'il ne commença d'écrire pour le théâtre que
vers 1592; des témoignages contemporains per-
mettent de faire remonter ses débuts à trois ou
quatre ans plus haut. Nashe, dans une Epître
aux étudiants des deux universités, placée en
tête de YArcadia de Bobert Greene (1589), dit
ironiquement que la lecture de la traduction an-
glaise de Sénèque « peut fournir des Hamlets
entiers (c'est-à-dire des discours tragiques) à
pleines mains ». Nashe fait-il ici allusion à un
premier Hamlet de Shakespeare, plus ancien
même que l'ébauche que nous possédons au-
jourd'hui ? Nous le croyons d'autant plus que
l'allusion n'est pas amicale^ Bobert Greene, qu'il
ne faut pas confondre avec Thomas, en voulait
aux comédiens de Blackfriars, et particulière-
ment à Shakespeare. Après cette allusion nous
en trouvons une autre, toute différente et très-
amicale, dans les Complainte de Spenser, pu-
bliées en 1591 ; une de ces complaintes est inti-
tulée les Larmes des Muses : Thalie se lamente
sur le déclin de la comédie, qui a tout perdu en
perdant « cet homme que la nature elle-même
a fait pour la contrefaire et pour imiter la vé-
rité, le plaisant Willy ». Ce Willy, mort récem-
ment, dit Spenser (mais l'expression ne doit pas
se prendre à la lettre), n'est-ce pas William
Shakespeare, que quelque incident inconnu au-
rait momentanément éloigné du théâtre? On ne
voit pas à quel autre auteur pourraient s'appliquer
les éloges de Spenser. On est confirmé dans l'i-
dée qu'il s'agit bien de lui par ce fait que Spen-
ser en 1 594 donna une preuve non équivoque
de son admiration pour Shakespeare; il le dés I
gne dans son Colin Clout sous le nom du bei
ger Aétion, « dont la muse, pleine de hautes in
ventions, chante héroïquement ». Le témoignas
d'un ennemi s'ajoute aux paroles de l'ami poi
attester que Shakespeare était déjà célèbre à un
époque où beaucoup de biographes supposer
qu'il n'avait encore rien écrit. Bobert Green |
mourut en 1592, laissant un ouvrage que publi
peu après Chettle, poète dramatique. Ce livr
intitulé : A Groatsioorth of wit, bought voit,
a million of repentance, est précédé d'un
adresse « à ceux qui dépensent leur esprit
faire des pièces », où Greene exhale son dépi
contre les comédiens qui empiètent sur le do
maine des auteurs. « Il y a, dit-il, un parvenu
une corneille parée de vos plumes, qui, ave
son cœur de tigre enveloppé dans la pea\
d?un acteur (1), suppose qu'il est aussi capabl
d'enfler un vers blanc que le meilleur de vous
et qui, étant un absolu Johannes Fac-Totum
est dans sa propre idée le seul É branle- Scèn*
(Shake-scene) du pays. Laissez ces singes imite
votre excellence passée, et ne leur faites jamai;
plus part de vos inventions admirées. » On voi
que Shakespeare était déjà connu en 1591, puis^
qu'il excitait l'envie. Mais quoique par ses ap
titudes diverses il fît aux auteurs de professioi
une concurrence assez redoutable pour s'attirer
leur haine, il savait aussi s'en faire estimer el
respecter. 11 s'émut de l'attaque de Greene, el
Chettle, qui avait eu le tort de la publier, s'excusa
humblement de n'avoir pas effacé le passage in-
jurieux. « J'en suis aussi fâché, dit-il dans son
Apologie, que si la faute originelle en était à moi,
parce que j'ai apprécié par moi-même ses ma-
nières, aussi civiles qu'il est excellent dans sa
profession ; en outre diverses personnes de qua-
lité m'ont rapporté sa droiture de conduite, qui
prouve son honnêteté, et la grâce plaisante de
ses écrits, qui prouve son art. » Six ans plus
tard nous trouvons sur Shakespeare un témoi-
gnage bien plus important et le plus explicite qui
nous soit fourni par un contemporain. Mères,
maître es arts de Cambridge, publia en s 598 :
Palladis Tamia, wit's treasury, collection de
sentences morales tirées des anciens à l'usage
des écoles. En tête se trouve « un discours com-
paratif des poètes anglais ». Or, voici comment
il y est parlé de Shakespeare :
«Comme l'âme d'Euphorbe était pensée vivre dans
Pythagore, ainsi la douce, spirituelle âme d'Ovide
vit dans Shakespeare à la langue de miel, témoins
son Vénus et Adonis, sa Lucrèce, ses sonnets su-
crés parmi ses amis privés. — Comme Plaute et
Sénèque sont comptés les meilleurs pour la comé-
die et la tragédie parmi les Latins, ainsi Shake-
speare parmi les Anglais est le plus excellent dans
les deux genres de théâtre; pour la comédie, té-
moins : ses Gentilshommes de Vérone, ses Erreurs,
ses Peines d'amour perdues, ses Peines d'amour
(1) Parodie d'un vers A' fleuri VI.
881
SHAKESPEARE
882
gagnées, son Songe d'une nuit d'été, et son Mar-
chand de Fenisc ; pour la tragédie : son Richard II,
Richard III, Henri IF, le Roi Jean, Titus An-
dronicus , et son Roméo et Juliette. — De même
qu'Épius Stolon dit que les Muses parleraient avec
la langue de Plante si elles voulaient parler latin,
je dis que les Muses parleraient avec le beau langage
de Shakespeare si elles voulaient parler anglais. »
A l'aide de ces témoignages , et en les com-
plétant au moyen des données fournies par les
pièces elles-mêmes, on peut se faire une idée
assez exacte de la première partie de la carrière
dramatique de Shakespeare. Lorsqu'il arriva à
Londres, il trouva les représentations théâtrales
très-aimées du public, mais peu estimées des
gens de goût. L'art dramatique avait débuté en
Angleterre par des mystères , c'est-a-dire par la
mise en scène des livres saints. Plus tard on
avait ajouté aux saintes Écritures comme ma-
tière du drame l'histoire profane , ancienne, mo-
derne et même contemporaine, et les romans
d& chevalerie, mais sans y joindre aucun art de
composition et de style. La renaissance eut son
influence sur ce genre littéraire comme sur tous
les autres; l'étude de Plaute et de Sénèque ap-
prit aux auteurs à grouper les scènes dans un
certain ordre, à mettre dans leur composition
plus de concentration, à donner à leurs carac-
tères plus de suite et de relief. Sénèque surtout
eutiûrie très-grande influence sur le théâtre an-
glais • mais si on copia en l'exagérant encore
son emphase et ses déclamations, on ne s'avisa
pas de lui emprunter les unités de temps et de
lieu. Ledrame anglais jouissait encore de toute
la liberté des anciens mystères lorsque Shake-
speare vint le féconder de son génie. Les divers
genres de ce drame n'étaient pas séparés entre
eux par des lignes tranchées; cependant on pou-
vait distinguer quatre sortes de pièces : les
histoires, ou mise en scène de faits historiques,
quelquefois très-récents ; les tragédies, mise en
scène de faits historiques , légendaires ou fabu-
leux, traités à la manière de Sénèque, mais sans
égard aux unités de temps et de lieu ; les comé-
dies, mise en scène de faits fictifs , traités à la
manière de Plaute , mais avec la même liberté
quant au temps et au lieu; enfin, un quatrième
genre, qui tient des trois précédents, empruntant
ses sujets à des romans, à des recueils de nou-
velles , et mêlant la comédie avec la tragédie.
Les premières pièces de Shakespeare correspon-
dent à ces divisions. Nous avons d'abord l'His-
toire d'Henri VI, en trois parties , pièce mé-
diocre, conduite sans aucun art, et dont quelques
scènes seulement appartiennent à Shakespeare;
Titus Andronicus, détestable tragédie,composée
en 1588 ou 1589, à une époque où Shakespeare
imitait deux auteurs en vogue, Kyd et Marlowe;
la Comédie des erreurs, imitation des Mé-
nechmes de Plaute, qui renchérit encore sur les
invraisemblances de l'original ; la Méchante ap-
privoisée, comédie gaie et vive, mais bien infé- |
rieure à ce que le poëfe fit depuis en ce genre;
enfin Pétioles, drame romantique très-imparfait,
mais curieux comme premier essai du poëte
dans un genre qu'il devait porter à la perfection.
Les Gentilshommes de Vérone marquent
la transition entre la première période (1587-
1591), période d'imitations et de tâtonnements,
et la seconde (1591-1600), où le poëte ayant
trouvé sa voie s'y précipite avec ardeur et
multiplie des œuvres qui ont la vivacité, le
charme, la force de la jeunesse, mais n'ont pas
encore la profondeur qu'on remarquera dans les
chefs-d'œuvre de sa maturité. Les voici dans
leur ordre le plus probable; d'abord les pièces
romantiques qui suivent naturellement les Gen-
tilshommes de Vérone : Peines d'amour per-
dues ; Tout est bien qui finit bien (Peines
d'amour gagnées, dans la liste de Mères);
Roméo et Juliette, délicieuse et touchante com-
binaison du drame romantique et de la tragédie ;
le Songe d'une nuit d'été, le Marchand de
Fenise, compositions ravissantes où le poëte
maître de lui, mais dans l'heureuse ferveur de
la jeunesse et du succès, prodigue la poésie avec
une abondance qui enchante. Shakespeare s'exer-
çait en même temps dans des compositions plus
sévères. Le succès de Henri VI l'engagea à
clore le cycle des deux Roses par une pièce qui
montrât les Tudors héritant des prétenfions ri-
vales et s'élevant sur les ruines communes des
maisons de Lancastre et d'York; il le fit dans
Richard III (écrit vers 1595), drame remar-
quable, quoique le principal personnage res-
semble un peu trop aux tyrans de tragédie. Ri-
chard II (vers 1596) n'a pas grande impor-
tance comme œuvre dramatique, mais il ouvre
la série des trois magnifiques pièces sur l'avéne-,
ment et la grandeur de la maison de Lancastre. '■
C'est dans ces trois pièces (les deux parties1
de Henri IV et Henri V) qu'on admire com-
ment le génie s'empare d'éléments historiques!
pour les modeler sans les déformer, et les fait'
concourir à une action dramatique. Dans les'
deux parties d'Henri IV, un comique vigou-
reux, original se mêle aa sérieux et lui donne
un relief étonnant. Dans Henri V (1599), c'est le
lyrique qui relève le sérieux et en rehausse l'é-
clat; cette pièce est un véritable chant de
triomphe. 11 y a beaucoup de comédie aussi dans
le Roi Jean, un peu antérieur; et il n'y a que
de la comédie dans les Joyeuses femmes de
Windsor (vers 1599), où sont si gaiement expo-
sées les mésaventures désir John Falstaff, le plus
amusant personnage du drame de Henri IV.
Dans toutes ces pièces, ce qui distingue Sha-
kespeare, c'est la vivacité des caractères, l'abon-
dance de la poésie, une humeur franche et
joyeuse, une incomparable fraîcheur d'imagina-
tion; mais à partir de 1600 ses pièces prennent
une teinte plus sévère, revêtent des couleurs
plus dures , et expriment des sentiments plus
creusés, plus compliqués. La distinction sans
S83
SHAKESPEARE
884
doute ne se marque pas brusquement, mais elle
est réelle, et il est certain que les pièces de cette
troisième période (1600-1609) ont un autre carac-
tère que celles de la période précédente. Cette dif-
férence s'explique par le progrès de l'âge et par
certaines particularités de la vie de Shakespeare.
Nous avons vu ce poète dès 1589 co-proprié-
taire d'une entreprise théâtrale, à la prospérité
de laquelle il contribua largement par ses pièces.
Tel était, le succès de cette troupe de comédiens
qu'ils bâtirent un nouveau théâtre,celuidu Globe,
en 1595, pour servir aux représentations dans la
belle saison, et qu'ils agrandirent leur ancien
théâtre; à cette occasion ils eurent à se défendre
contre l'opposition de quelques voisins, et ils
adressèrent à l'autorité uue apologie signée de
huit sociétaires (1596). Shakespeare est le cin-
quième sur la liste. Sa famille se ressentit de sa
fortune. Chaque année, si l'on en croit Aubrey,
il allait visiter Stratford. Là son seul enfant mâle,
Hamnet (sic), mourut au mois d'août Ï596; là
son père, sa mère, sa femme, ses filles, sa sœur
vivaient dans une aisance qui était son œuvre.
En 1597, il acheta la plus belle maison de Strat-
ford, la grande maison comme on l'appelait. A
Londres, il habitait dans Southwark, près du
Bear Gard en. Enfin, il semble que les dons de
la fortune s'unissaient à ceux du génie pour lui
composer une heureuse existence; et cependant
son esprit n'était pas parfaitement à l'aise, et il
ressentait quelque souffrance de sa position de
comédien. Il existe un très-curieux témoignage
■de ses sentiments à cette époque ; c'est un recueil
de cent cinquante-quatre sonnets, qui se rap-
portent presque tous à la vie intime de l'auteur.
L'histoire de ce recueil est singulière. Shake-
speare avait publié avec beaucoup de succès, en
1593, le poëme de Vénus et Adonis, et en
1594 le poëme de Lucrèce (1), tous deux dédiés
à lord Southampton, jeune et brillant seigneur,
aimant passionnément le théâtre et patron gé-
néreux des acteurs et auteurs. Excité par ce
succès, un libraire, W. Jaggard, publia en 1599,
sous le titre de The passionate Pilgrime (2) et
sous le nom de Shakespeare, un recueil de petits
poèmes qui évidemment ne lui appartenaient pas
tous ; on y trouvait deux de ces sonnets signalés
par Mères, et déjà presque célèbres quoique en-
core inédits. Dix ans plus tard seulement (1609)
un recueil de ces sonnets parut sous ce titre :
Shakespeare's Sonnets, never before imprin-
ted (3). 11 est précédé d'une inscription énigma-
(1) P^enus and Adonis ; Londres, i593,!pet.in-4° ; le seul
exemplaire cité de cette édition esta la blb!. bodlélenne;
réimpr. huit fois, en différents formats, jusqu'en 1636.
— Râpe of Lucrèce; Lond., 1594, pet. in-4°; réimpr. six
fois Jusqu'en 1655.
(2) Cette publication (Lond., 1599, ln-16) a été repro-
duite en 1612, sans autre différence que l'omission du
nom de Shakespeare.
(3) L'édition de 1609, in-4°, est unique; on l'a repro-
duite en fac-simiie en 1862, — Les poëmes et sonnets ont
■été réimpr. ensemble : Londres, 1709, pet. in-8° ; 1843,
gr. in-4", fig., et 1861, in-fol„ Gg.
tique qui a prodigieusement occupé les commen-
tateurs et que nous donnons textuellement :
TO. THE. ONLIE. BEGETTER. OF.
THESE. INSUING. SONNETS.
M. W. n. ALL. HAPP1NESSE.
AND. THAT. ETERNITIE.
PROMISED.
BY.
OLP.» EVEX. UVING. POET.
W1SHETH.
THE. WELL. WISHING.
ADVENTtlHER. IN.
SETTIKG.
FORTH.
T. T.
(Au seul père de ces sonnets suivants M. W. H.
tout bonheur et cette éternité promise
Par notre immortel poète désire
Le bien désirant qui s'aventure à les publier. T. T.)
Cette inscription a été généralement regardée
comme une dédicace adressée parle libraire T. T.
(Thomas Thorpe) au seul père ou inspirateur
de ces sonnets, M. W. H. Quel nom désignaient
ces initiales ? Nous remplirions des pages en
énumérant les hypothèses auxquelles ces deux
lettres ont donné lieu. Devons-nous croire avec
Farmer que W. H. signifie William Harte, qui
ne naquit qu'après que plusieurs de ces sonnets
eurent été composés; avec Tyrwhitt, qu'ils dési-
gnent W. Hughes, dont l'existence même est dou-
teuse; avec Chalmers, qu'il s'agit de la reine Eli-
sabeth ; avec Barnstorff, que W. H. c'estWilliam
Himself, c'est-à-dire Shakespeare lui-même ? Ces
hypothèses ne méritent pas même d'être réfu-
tées. Mais il faut prêter plus d'attention à Boaden,
qui voit dans W. H. William Herbert, comte de
Pembroke, et à Drake, qui y voit Henri Wrio-
thesley, comte de Southampton. Il est vrai que
William Herbert, né en 15S0, n'avait à l'époque
où ces sonnets furent composés que de quatorze
à dix-sept ans, et qu'il ne peut en avoir été le
seul inspirateur. Ce n'est point un enfant de cet
âge que Sbakespeare aurait si vivement pressé
de se marier. Mais s'il n'inspira pas ces sonnets,
ne put-il pas plus tard en être le confident, le
dépositaire et enfin l'éditeur? Dans ce cas W. H.
serait, suivant une conjecture très-ingénieuse de
M. Philarète Chasles, non pas le onlie begetter
qui reçoit l'offrande du recueil, mais l'éditeur
qui a recueilli ces sonnets sucrés parmi les amis
de l'immortel poète et qui les offre à l'ami qui
les a inspirés. Cette hypothèse vraisemblable
nous laisse toujours dans le doute quant au onlie
begetter. Ce doute cependant n'est pas absolu,
et toutes les vraisemblances s'accordent pour
nous faire reconnaître l'inspirateur des sonnets
dans H. W., comtede Southampton, ce généreux
patron qui avait déjà reçu les dédicaces de Vé-
nus et Adonis et de Lucrèce. Le comtede Sou-
thampton, né en 1573 et résidant à Londres de-
puis 1590, s'était lié avec le poète d'une amitié
885
SHAKESPEARE
830
aussi intime qu'elle pouvait exister entre per-
sonnes de rangs si différents. Rovre rapporte, sur
la foi de William Davcnant, qu'il lui donna une
fois une somme de 1,000 liv. st., cadeau énorme
si l'on songe que l'argent valait alors à peu pies
cinq fois plus qu'aujourd'hui. Cette libéralité
passe la vraisemblance ; mais il est possible que
Shakespeare ait reçu de ce jeune lord des ser-
vices d'argent. Il lui portait une vive et recon-
naissante affection, où le respect du à une haute
naissance n'excluait pas la familiarité, comme le
prouvent la dédicace de Lucrèce et mieux en-
core les Sonnets. Là le poète, comptant que ses
vers ne sortiront pas du cercle de l'amitié,
exprime ses sentiments avec une vivacité sin-
gulière, et on peut dire avec une exagération
qui conviendrait mieux à la perspective du
théâtre qu'à la familiarité de la poésie intime;
car même dans ce genre de poésie Shakespeare
ne pouvait se dépouiller de son puissant génie
dramatique ; c'est à quoi ne pensent pas assez
ceux qui veulent chercher dans ces sonnets des
révélations autobiographiques. 3e crois qu'il
n'en faut attendre que des indications générales
sur l'état de l'âme du poëte à l'époque où il les
écrivit, de 1594 à 1597. Les cxxvi premiers son-
nets sont adressés à un ami, les xxvm derniers
à une femme mariée que le poëte aimait, et qui
n'était pas plus fidèle à son amant qu'à son mari.
Dans la première partie de la collection, le sen-
timent est certainement plus passionné que dans
la seconde, ce qui paraît étrange et a môme
donné lieu à des suppositions choquantes ; mais
il faut, si on ne veut pas les mal interpréter,
tenir compte de la phraséologie poétique du
temps. Par exemple le mot love doit se traduire
par amitié ou attachement. Le poëte l'emploie
en ce sens dans sa dédicace de Lucrèce, où as-
surément il n'aurait jamais songé à afficher un
sentiment coupable.
Du reste, cet attachement de Shakespeare pour
Henri Wriothesley, tel qu'il s'exprime dans les
Sonnets, est essentiel dans la vie du poëte et
mériterait d'être analysé avec un soin minutieux ;
les bornes de cet article nous obligent à n'en in-
diquer qu'un des traits principaux. Évidemment
le poëte souffrait de l'inégalité de condition qui
existait entre lui et son jeune ami, et devant le
noble comte il rougissait de son métier d'acteur.
Ce sentiment ne se trahit pas par d'obscures
allusions; il se marque de la manière la plus
forte, par exemple, dans les sonnets ex, exi, cxti,
dans lesquels il se plaint de sa mauvaise for-
tune, qui l'a forcé de gagner sa vie par un métier
public, d'où il résulte que son nom a reçu une
flétrissure, et que le scandale a gravé une marque
sur son front. Ce qui augmentait encore l'amer-
tume de ce sentiment, c'est que le poëte ne
pouvait pas s'en prendre de ce scandale flétris-
sant uniquement à la mauvaise fortune. Ses
mœurs irrégulières y étaient pour quelque chose.
On raconte à ce sujet diverses anecdotes. Dans
ses voyages annuels à Sfratford, il s'arrêtait à
Oxford à l'auberge de la Couronne. L'hôtelier
John Davenant et sa femme lui faisaient grand
accueil; ils le donnèrent pour parrain à leur fils,
le futur poëte William Davenant. La chronique
de l'endroit voulait qu'il fût plus que le parrain
de l'enfant, et William Davenant acceptait com-
plaisammcnt cette parenté, aussi illustre qu'ir-
régulière. L'anecdote nous vient d'Aubrey, vers
1680. En voici une autre, que nous tenons de
Manningham, qui l'écrivait du vivant du poëte,
vers 1602. Une bourgeoise de Londres, charmée
du jeu de l'acteur Richard Burbadge, ami de Sha-
kespeare, lui donna un soir rendez- vous dans sa
maison, en lui disant de frapper à la porte sous
le nom de Richard ni. Shakespeare, qui avait
entendu l'invitation, se glissa à la faveur du mot
de passe dans la maison de la dame, qui par
précaution avait éteint les lumières. Peu après
Burbadge vient frapper à la porte; mais en vain
il s'annonce comme Richard III, Shakespeare le
renvoie avec ces mots : « Je suis Guillaume le
Conquérant. » L'anecdote a l'air d'un conte,
mais elle montre ce que les contemporains pen-
saient des mœurs du poëte. Les Sonnets con-
tiennent à ce sujet une révélation plus sérieuse.
On l'y voit amoureux d'une femme sans beauté
et indigne de lui. Dans cette triste liaison, il eut
pour rival beureux son jeune ami, sans que l'in-
fidélité de la dame le détachât d'elle , sans que
le tort de l'ami altérât le tendre attachement qu'il
lui avait voué. Ces mœurs faciles s'expliquent
par les habitudes du théâtre et l'entraînement
de la jeunesse; mais à mesure que l'âge vint
avec la gloire et la fortune, on comprend que le
poëte grand et noble ait ressenti quelque honte
de sa profession et de sa conduite, et que ce
sentiment de dépit contre la fortune, contre les
autres, contre lui-même, ait donné à un certain
nombre de ses pièces la teinte satirique et mi-
santhropique qui les distingue. C'est l'opinion
d'un critique froidement judicieux, M. Hallam.
«. Il semble, dit-il, qu'il y eut une période de la
vie de Shakespeare où son cœur était mal à l'aise
et mécontent du monde ou de sa propre cons-
cience. Le souvenir d'heures mal employées,
l'angoisse d'une affection mal placée, ou non
payée de retour, l'expérience des pires côtés de
la nature humaine , expérience que donnent par-
ticulièrement les rapports avec des compagnons
mal choisis , ces choses tombant dans les pro-
fondeurs d'un grand esprit semblent l'avoir ins-
piré non- seulement dans la conception de Lear
et de Timon, mais aussi dans ce caractère de
censeur de l'espèce humaine qui paraît d'abord
dans Jacques. » En effet, si nous exceptons la
Douzième nuit, jouée en 1602, nous trouvons
de 1600 à 1607 toute une série de pièces mar-
quées de cette empreinte satirique; elle se re-
connaît dans la mélancolie philosophique de
i Jacques {Comme il vous plaira, vers 1600);
| dans la malignité sombre et cruelle du bâtard
887
SHAKESPEARE
888
Jean (Beaucoup de bruit pour rien, vers 1601);
dans les perplexités et le doute amer d'Hamlet
(vers 1603), dans la méchanceté envieuse et
atroce de Iago ( Othello, vers 1603), dans la sé-
vère tristesse du duc Vincentio (Mesure pour
mesure, vers 1604), dans la formidable intensité
tragique de Macbeth (vers 1605), dans la dé-
mence de Lear (vers 1606), et dans la misan-
thropie furieuse de Timon d'Athènes. Les don-
nées manquent pour fixer même approximati-
vement la date de cette dernière pièce; mais
d'après la vraisemblance intérieure, nous la
croyons écrite à peu près vers le même temps
que le Roi Lear, quoique plusieurs critiques la
placent deux ou trois ans plus tard. Les autres
pièces de Shakespeare, composées, si l'on excepte
peut-être Jules César, après 1607, présentent
un autre caractère, plus calme, moins amer, et
ce caractère concorde bien avec ce que l'on sait
du reste de la vie de Shakespeare.
Nous l'avons laissé récent acquéreur de la
grande maison ou Maison neuve (New place de
Stratford), plaçant avec intelligence ses profits de
théâtre. Dans les années 1601-1603, il acheta
trois pièces de terre dans sa ville natale, et en
1605 il acquit les dîmes de Stratford, Old Strat-
ford, Bishopton et Welcom pour la somme de440
liv. st., opération qui lui donna sans doute un
profit considérable. On a remarqué qu'en même
temps qu'il s'enrichîssait il voulut s'anoblir. Ne
pouvant, à cause de sa profession, réclamer le
droit d'avoir des armoiries, il en fit donner à
son père ; ou du moins il fit confirmer par les
patentes de 1596 et 1599 le titre de noblesse
que John Sbakespeare aurait obtenu vers 1568.
On peut croire que cette faveur ne fut pas sol-
licitée par l'ancien bailiff, qui achevait tran-
quillement sa vie dans la maison de son fils à
Stratford. Il mourut en 1601; sa veuve vécut
jusqu'en septembre 1608. A la mort de son père,
Shakespeare parait avoir eu encore trois frères
vivants : Gilbert, Richard, Edmond. Le premier
résidait à Stratford, où il surveillait probablement
les affaires de son frère, car en 1602, quand Wil-
liam acquit 107 acres de terre, Gilbert figura
dans le contrat; comme son nom ne se trouve
pas dans le testament du poète, on suppose qu'il
mourut avant lui. Edmond, né en 1580, alla re-
joindre son illustre frère à Londres, et se fit
acteur. Peut-être était-il destiné à lui succéder
dans sa part de propriété théâtrale; mais une
mort prématurée l'enleva, en 1607. Le troisième,
Richard, mourut en 1613.
Le 5 juin 1607 Shakespeare maria sa fille aînée
à John Hall, de Stratford, médecin. Il était grand-
père à l'âge de quarante-quatre ans. A cette
époque il avait déjà depuis trois ou quatre ans
quitté la profession d'acteur; mais il continuait
d'être co-propriétaire des théâtres de Blackfriars
et du Globe, dont la prospérité allait croissant.
Jacques Ie', aussitôt après son avènement, et sans
doute sur la recommandation du comte de South-
ampton, accorda à cette compagnie de comé-
diens, jusque-là dits acteurs du lord chambel-'
lan, le titre de serviteurs du roi. Sur la liste des
sociétaires auxquels cette faveur fut accordée,
Shakespeare figure le second. Laurent Fletcher
est le premier; les autres sont: Richard Bur-
badge, Augustin Philips, John Heminge, Henri
Condell , William Sly, Robert Armyn , Richard
Cowley. Malgré leur titre de comédiens du roi,
les sociétaires de Blackfriars furent exposés à
diverses tracasseries de la part de la eité de
Londres. En 1608, le lord maire et les alder-
men voulurent faire démolir leur théâtre. A
cette occasion lord Southampton s'employa utile-
ment en leur faveur. Il écrivit une lettre trouvée
dans les papiers du lord chancelier Ellesmere, à
qui elle était probablement adressée ; c'est un do-
cument biographique d'un haut intérêt, dont on
a sans motif contesté l'authenticité. Après avoir
parlé deRichard Burbadge, « le Roscius anglais »,
lord Southampton continue : « L'autre est un
homme qui ne mérite pas moins de faveur, et
mon ami particulier; jusqu'à ces derniers temps,
acteur distingué dans la compagnie et mainte-
nant co-propriétaire dans la même; auteur de
quelques-unes de nos meilleures pièces anglaises,
qui, comme le sait votre seigneurie, étaient très-
particulièrement aimées de la reine Elisabeth,
quand la compagnie était appelée à jouer devant
Sa Majesté à la cour, à la Noël et au carnaval....
Cet autre a nom William Shakespeare , et ils
sont tous deux du même comté, et presque de la
même ville. Tous deux sont très-fameux dans
leur genre.... Leur pétition a pour objet de ne
pas être molestés dans leur profession, par la-
quelle ils se maintiennent eux-mêmes, leurs
femmes et leurs familles , étant tous mariés et
de bonne réputation, aussi bien que les veuves
et les orphelins de quelques-uns de leurs cama-
rades morts. » Cette recommandation produisit
son effet, car on voit la même année les magis-
trats, ne pouvantexpulser de force les aoteurs de
Blackfriars, tâcher de les exproprier moyennant
indemnité. La négociation n'aboutit pas; mais
l'indemnité réclamée par Shakespeare jette du
, jour sur sa position de fortune. Il demande pour
sa garde- robe et autres objets lui appartenant dans
le théâtre , 500 liv. st., et pour ses quatre parts
dans la société lajnême somme que ses cama-
rades Burbadge et Fletcher, 933 liv. 6 sh. 8 den.,
en tout 1,433 liv. 6 sh. 8 d. Si l'on songe que
l'argent valait alors près de cinq fois plus qu'à
présent, on a là une somme qui représente en-
viron 170,000 fr. de nos jours. Ce n'était du
reste qu'une partie de sa fortune; nous avons
déjà parlé de ses acquisitions à Stratford ; il
faut ajouter que les pièces nouvelles, qu'il ne
cessait de donner au théâtre, lui étaient bien
payées. Dans le Journal du révérend John Ward,
vicaire (cwra^)deStratfordrSur-Avon, journal qui
s'étend de 1648 à 1679, on lit, entre autres dé-
tails piquants sur Shakespeare, qu'il avait un
889
SHAKESPEARE
590
revenu de 1,000 liv. st. par an, c'est-à-dire en
valeur de notre temps à peu près 120,000 fr.
Cette somme nous parait tout à fait exagérée;
mais nous croyons qu'en estimant de 4 à 500 I. s.,
c'est-à-dire à 50,000 fr. environ, le revenu annuel
du poëte, on approchera beaucoup de la vérité.
Il semble que les dernières pièces de Shake-
speare se ressentent de cette position indépen-
dante et fortunée qu'il avait acquise par de longs
travaux et dont il jouissait à Stratford; elles
sont écrites avec une facilité, une abondance qui
ne dégénèrent jamais en langueur, mais qui ont
quelque chose de l'abandon du génie satisfait,
produisant sans efforts. La maturité de l'âge et
la lecture de Plutarque , qui semble avoir été
avec Montaigne son auteur favori, le portaient
vers les sujets antiques, qu'il avait déjà abordés
quelques années plus tôt si, comme on le croit,
Jules César est de 1602. Antoine et Cléopâtre
(composé vers 1607-8) est une admirable
mise en scène d'une biographie de Plutarque;
le drame romanesque de Troïlus et Cressida
(vers 1608) est à la fois^une imitation et une pa-
rodie d'Homère; Cymbeline (1609) n'a d'an-
tique que quelques noms, mais il offre la per-
fection du genre romanesque , comme Coriolan
(1610) offre la perfection de l'interprétation"
dramatique de l'histoire ancienne. Après cette
tragédie sévère et vivante, qui clôt par un chef-
d'œuvre la série de ses études sur l'antiquité,
Shakespeare se plut à revenir à ce genre de
comédie fantastique qui, vingt ans plus tôt, lui
avait inspiré le Songe d'une nuit d'été; il
se surpassa lui-môme, non pour le charme de
la poésie , car rien en ce genre ne saurait sur-
passer le Songe dune nuit d'été , mais pour
l'intérêt dramatique dans la Tempête (vers
1611). Le Conte dhiver, du même temps ou
même un peu antérieur, est une pastorale hé-
roïque, une tragédie aboutissant à un délicieux
roman , les amours de Florizel et de Perdita. Le
poëte, comme pour mieux transporter le specta-
teur dans un monde idéal , n'a eu aucun souci
de la vraisemblance. Le savant Ben Jonson l'en
reprit, et lui reprocha entre autres choses d'a-
voir placé un port de mer en Bohême; il alla
jusqu'à traiter le Conte dhiver et la Tem-
pête de drôleries. Mais Shakespeare montra
que s'il s'abandonnait parfois aux caprices de
son imagination, il retrouvait quand il le fallait
toute !a fermeté et tout le sérieux de son génie.
Sa dernière pièce, Henri VIII, sans égaler comme
drame Henri IV et Henri VI, a beaucoup d'am-
pleur et d'éclat; c'est une pièce vraiment royale,
qui clôt très-bien la suite des pièces historiques
de Shakespeare. Ce fut aussi la fin de sa car-
rière dramatique. Par une curieuse coïncidence,
tandis qu'on jouait Henri VIII (29 juin 1613),
le théâtre du Globe prit feu, et fut entièrement
brûlé.
Sur les trois années qui s'écoulèrent entre cette
dernière pièce et la mort de Shakespeare on n'a
point de détails. Le grand poëte s'enferma dans
la retraite de Stratford, avec un dédain de sa
propre renommée qui n'est pas un des traits les
moins étonnants de sa carrière. En février 1616 il
maria sa seconde fille, Judith, avec Thomas
Quiney et ne survécut que deux mois à ce mariage.
Dans le journal déjà cité de J. Ward on lit :
« Shakespeare, Drayton et Ben Jonson eurent une
joyeuse réunion, et il semble qu'ils huren t trop lar-
gement, car Shakespeare mourut d'une fièvre con-
tractée à ce repas. » Cette assertion nous paraît
fort exagérée, quoique vraisemblablement Sha-
kespeare fît de temps en temps un voyage à Lon-
dres et qu'il y vît ses anciens confrères, les joyeux
associés du club de la Sirène, à propos duquel
Faller nous dit dans ses Célébrités (Worthies)
d'Angleterre, publiées en 1662 : « Nombreux
furent les combats d'esprit entre lui et Ben Jon-
son, lesquels deux je compare à un grand ga-
lion d'Espagne et à un vaisseau de guerre anglais.
Maître Jonson, comme le premier, était bâti
bien plus haut en savoir : solide, mais lent dans
ses manœuvres; Shakespeare, comme levais-
seau de guerre anglais, moindre en masse, mais
plus léger à manœuvrer, pouvait tourner avec
tous les temps , virer de bord et prendre avan-
tage de tous les vents, par la vivacité de son es-
prit et de son imagination. »
Le testament de Shakespeare est daté du
25 mars 1616, un mois avant sa mort. Il y règle
ses affaires avec un soin minutieux. Il institua
pour sa légataire principale sa fille aînée, Suzanne
Hall, et il mit pour conditions que ce legs cons-
tituerait un bien de famille transmissible de mâle
en mâle, par ordre de primogéniture. A sa se-
conde fille il légua 150 liv. st. pour sa dot, et 150
payables sous diverses conditions. Il n'oublia ni
sa sœur, ni ses neveux, ni les pauvres de Strat-
ford, auxquels il légua 10 livres, ni ses vieux
amis de cette ville, ni ses camarades de théâtre
John Heminge, Bichard Burbadge et Henri Con-
dell; enfin, à sa femme (1) il légua « son second
meilleur lit, avec la garniture». Le legs est mo-
dique, et il est fait dans les termes les plus la-
coniques. On s'en est étonné, et on a conclu que
le poëte n'avait nul attachement pour sa femme.
La conclusion n'est pas fondée. Shakespeare, dans
ses dispositions testamentaires, n'avait pas à
s'occuper de sa femme puisque la loi fixait la part
de celle-ci dans la succe&siori maritale ; et si le legs
qu'il lui fait n'est accompagné d'aucun terme
d'affection , il en est de même de tous les autres
legs. On a remarqué que Shakespeare mourut le
jour anniversaire de sa naissance, le même jour
où expirait le grand romancier espagnol Cervan-
tes. Nous avons dit que le premier de ces faits
est très-douteux; le second est faux. Shake-
speare et Cervantes sont bien morts le 23 avril
1616; mais comme on suivait en Angleterre le
calendrier julien, et en Espagne le calendrier
(1) Elle mourut le 6 août 1623.
891 SHAKE
grégorien, il y a entre la mort du poëte et celle
du romancier une distance de dix jours (1).
Suzanne Hall mourut en 1649. Sa fille Elisa-
beth, mariée, en 1626, à Thomas Nash et en se-
condes noces à John Bernard, d'Abingdon, mou-
rut sans enfants, en 1670. Sa seconde fille, Judith,
était morte en 1662 ; elle avait eu trois (ils, dont
aucun ne se maria.
Shakespeare (2) ne songea point à faire un
recueil de ses pièces; il est même probable qu'il
n'en publia aucune séparément; celles qui pa-
rurent de son vivant furent publiées par quel-
ques libraires, qui non-seulement se passaient de
l'autorisation de l'auteur, mais qui profitaient de
sa réputation pour publier sous son nom des
pièces qui n'étaient pas de lui. Ces éditions ori-
ginales n'en sont pas moins précieuses. Quelque-
fois elles servent à corriger l'édition princeps
in-folio de 1623; plus souvent elles indiquent
les remaniements que le poëte fit subir à ses
pièces. Voici la liste des éditions originales :
Thetroublesome raigne of John, king of En-
gland ; Londres, 1591, in-4°, sans nom d'auteur;
ibid., 16 1 1, avec les initiales W.Sh., et 1622, avec
le nom de William Shakespeare. On s'accorde a
reconnaître que cette pièce, quoique publiée sous
le nom de Shakespeare, n'est pas de lui ; mais elle
a servi de base à celle du Roi Jean; — The
firsl part of the Contention betwixi the
twofamous houses of Yorke and Lancaster ;
Londres, 1594, in-4° : c'est dans l'in-folio la se-
conde partie d'Henri VI; — The true tragé-
die of Richard dukeof Yorke; Londres, 1595,
1600, in-4° : c'est dans l'in-folio la troisième
partie d'Henri VI. Ces deux pièces ne portent
pas le nom de Shakespeare; elles sont attribuées
à Robert Greene; mais Shakespeare les remania
assez fortement, comme on le voit en comparant
les éditions in-4° avec l'in-folio , pour se les
approprier ; il n'en est pas de même de la pre-
mière partie d'Henri VI, qui parut pour la pre-
mière fois dans l'in-fol., et à laquelle Shake-
speare n'eut part que pour quelques scènes ; —
An excellent conceited tragédie of Romeo
and Juliet; Londres, 1597,in-4°; réimpr. avec
des corrections et des additions, ibid., 1599,
1607, 1609, in-4°; — The tragédie of king
Richard the second; Londres, 1597, 1598,
in-4°; la même, with new additions of the
parliarnent sceane and the deposing of king
Richard..., by William S hakespear; Londres,
1608, 1615, in-4°; — The iragedy ofking Ri-
chard the third; Londres, 1597, in-4°; réim-
primée quatre fois avant l'in-folio , qui contient
(1) EnH"40 un superbe mausolée fut érigé à Shake-
speare dans l'église de Westminster; une souscription
particulière de< dames anglaises fit les frais de C3 monu-
ment. F.n 1864. un Jubilé en l'honneur du grand poëte a
été célébré en Angleterre avec un certain éclat. L'initia-
tive de cette fêle avait été prise en 1769, par Garrlck.
(2) H. Bonn , dans la réimpression du Bïbliographer' s
Maminl de Lowndes, énumère deux cent soixante-deux
éditions de Shakespeare; nous ne citons ici que celles
qui peuvent servir à l'histoire du texte du poëte.
5PEAB.E 892
une rédaction très-différente; — A pleasant
conceited comédie called Love's labors lost,
neuly corrected and augmented by W. Sha-
kespere; Londres, 1598, in-4°; — The History
of Hernie the fourth.... icith the humourous
conceits of sir John Falstalfe; Londres, 1598,
in-4° : on en connaît cinq autres éditions jusqu'à
l'in-fol.; — The second part of Henrie the
fourih, continuing to his death by Wil-
liam Shakspeare; Londres, 1600, in-4°; —
The chronicle history of Henry the ûft...\
Londres, 1600, 1602, 1608, in-4°; éditions très-
différentes de l'in-folio ; — The most lamen-
table romaine tragédie of Titus Andronicus;
Londres, 1600, 1611, in-4° ; Langbaine en cite
une édition de 1594; — A Midsummer nighfs
dream; Londres, 1600, in-4°; — The excel-
lent history of the Merchant of Venice;
Londres, t600, in-4c; — Much adoe aboui no-
ihing ; Londres, 1600, in-4°; — A most plea-
sawnt and excellent conceited comedy ofsyr
John Falstaffe, and the Merry wives of
Windsor..., by W. Shakespeare ; Londres,
1602, 1619, in-4° : c'est, la première version de
Shakespeare, très-différente de la pièce de
l'in-folio ; — The iragicall historié of Ham-
let, prince of Denmarke, by W. Shakespeare;
Londres, 1603, in-4°; la même, enlarged to
almosi as much againe as it was, according
to the true and perfect coppie; 1604, 1605,
1609, 1611, in-4° : ou ne connaît de l'édition de
1603 qu'un seul exemplaire; encore est-il in-
complet; — M. William Shakespeare, his
true chronicle history of the life and death
of king Lear and his three daughlers ; Lon-
dres, 1608, in-4°; — The famous historié of
Troylus and Cresseid; Londres, 16C9, in-4° :
la préface de cette édition porte que la pièce n'a
Jamais été jouée; la même année les mêmes édi-
teurs en donnèrent une seconde édition , avec
l'indication : jouée au théâtre du Globe ; — The
late and much admired play called Pericles,
prince ofTyre. by W. Shakespeare; Londres,
1609, in-4°; 1611, 1619, 1630, 1635, in-4° :
omise dans l'in-folio de 1623, recueillie dans
l'in-folio de 1664; — The tragœdy of Othello,
the Moore of Venice; Londres, 1622, in-4°:
publiée lorsque Othello de l'édition in-folio était
déjà imprimé.
Sept ans après la mort de Shakespeare, deux de
ses camarades de théâtre, désignés dans son tes-
tament, John Hemingeet Henri Condell publièrent
le premier recueil de ses pièces sous ce titre :.
M. William Shakespeare's Comédies, Histo-
riés and Tragédies. Published according tothe
true originall copies ; Londres, 1623,in-fol. Sur
la même page que le titre se trouve un portrait de
Shakespeare par Droeshout, et au revei s de la page
on litquelques vers de Ben Jonson au sujet du por-
trait. Sur la page suivante on trouve une dédicace
des deux éditeurs aux « incomparables frères Wil-
liam, comte de Pembroke, et Philippe, comte de
893
SHAKESPEARE
894
Montgomery ». Celte dédicace, écrite d'un style
peu élevé et où les pièces de Shakespeare sont
[ appelées des bagatelles ((rifles) est suivie d'un
I avis aux lecteurs (1) qui l'ait médiocrement hon-
neur à Heininge et à Condell,carils y promettent
ce qu'ils n'ont pas tenu. Après avoir signalé dans
les termes les plus sévères les éditions précé-
dentes, comme subreptices, et déformées par
les fraudes des imposteurs, ils déclarent qu'ils
donnent ces mêmes pièces soignées et « par-
faites dans leurs membres » ; quant aux autres
pièces, ils les donnent, disent-ils, «absolument
comme il les avait conçues; ce qui leur a été
d'autant plus facile que ses manuscrits ont à
peine une rature ». Qui ne croirait qu'une édi-
tion faite sur les manuscrits de l'auteur, des ma-
nuscrits parfaitement lisibles, devait être excel-
lente? Celle-ci cependant ne l'est pas, il s'en
faut de beaucoup. Heminge et Condell don-
nèrent les pièces déjà publiées (excepté Péri-
clès)au nombre de dix-huit, et en ajoutèrent
dix-huit nouvelles ; neuf comédies : the Tem-
pest, the Two Gentlemen of Verona, Measure
formeasure, the Comedy oferrors, As you
Me it, the Taming of the shrew, All's well
thatends well, Twelfthnight , Winler's Taie;
trois histoires : King John, Henry Y 1 (part
first); Henry VIII; six tragédies : Timon of
Athens, Coriolanus, Julius Ceesar, Anthony
and Cleopatra, Macbeth, Cymbeline; trente-
six pièces, en tout. Arec les manuscrits parfai-
tement nets de l'auteur, les éditeurs auraient pu
donner un texte correct ; ils en ont donné un
criblé de fautes d'impression de toutes sortes ,
d'omissions et de transpositions de mots ; la ponc-
tuation est extrêmement défectueuse; des vers
sont imprimés comme de la prose, et de la prose
comme des vers ; mais arec tous ses défauts cette
édition est unique; elle a pour nous l'autorité
des manuscrits, puisque ceux-ci sont aujourd'hui
perdus ; c'est elle seule qui doit servir de base
aux autres éditions. La seconde édition (Londres,
1632, in-fol.) fut faite probablement sans le se-
cours des manuscrits ; elle n'est pas moins fau-
tive que la première , mais comme elle ne l'est
pas toujours aux mêmes endroits, elle peut ser-
vir à la corriger. Cette édition contient « une épi-
taphe sur l'admirable poète dramatique W. Sha-
kespeare », par Milton, digne de figurer à côté des
vers de Ben Jonson. La troisième édition (Lon-
dres, 1664, in-fol.) reproduit le texte des deux
premières, mais elle contient sept pièces de plus
que la tradition attribuait à Shakespeare ou qui
avaient déjà paru avec ses initiales : Pericles,
prince of Tyre; the London prodigal; the
History of Thomas lord Cromwell; Sir John
Oldcastle lord Cobham; thePuritan Widow;
(1) L'avis aux lecteurs | to the great varietg of readers)
est suivi d'une longue et belle pièce de vers de Ben
Jonson « A la mémoire de l'auteur, mon très-aimé (my
beloved\ William Shakespeare. » Cette pièce contient use
appréciation de Shakespeare enthousiaste, mais nulle-
ment exagérée et généralement très- judicieuse.
a Yorlshire tragedy ; the Tragedy of Locrine.
La quatrième édition (Londres, 1685, in-fol.)
est une réimpression de la troisième.
Les quatre in-folio constituent ks éditions an-
ciennes, la première période du texte de Shake-
speare, la période originale. La seconde période,
celle que l'on peut appeler littéraire, et où les
éditeurs s'efforcent de corriger le texte, moins
avec le secours d'une critique sévère, qu'an nom
et avec les inspirations du goût littéraire de leur
temps, commence avec l'édition de Rowe (Lon-
dres, 1709, 7 vol. rn-8°, fig.), et se continue
par celles de Pope (1725, 6 vol. in-4° >, de Theo-
bald (1733, 7 vol. in-8", fig., sept éditions), de
Hanmer (Oxford, 1744-46, 6 vol. in-4°, fig.),
de Warburton (Londres, 1747, 8 vol. in-8° ),
de Blair (Edimbourg, 1753, 8 vol. in-12), et se
termine par celle de Samuel Johnson ( Londres,
1765, 8 vol. in-8°), plus remarquable par l'ad-
mirable préface de l'éditeur et par son commen-
taire que par les soins donnés au texte.
Une troisième période , celle où l'on s'efforce
de corriger, d'éclaircir, d'interpréter le texte du
poète, au moyen des œuvres des poètes ses
prédécesseurs et ses contemporains, commence
avec l'édition de Steevens ( Londres, 1766, 4 vol.
in-4°), et s'est continuée jusqu'à nos jours. Ca-
pell (ibid., 1767-68, 10 vol. in-8°) fait peut-être
exception, et se rattache à la période précédente
•mais avec plus de critique. Deux noms, ceux
de Steevens et de Malone, caractérisent cette
période. Steevens avait bien mérité de Shake-
speare en le réimprimant en 1766 et en se joi-
gnant à Johnson pour publier une édition cri-
tique (1773, 10 vol. in-8°); mais par l'audace
et la prodigalité de ses conjectures, il contribua
plus à corrompre le texte qu'à l'épurer; son
édition de 1793, 15 vol. gr. in-8°, passe toute
mesure; cependant elle a été plusieurs fois réim-
primée, et elle a fait longtemps autorité. Malone ,
moins hardi, vaut beaucoup mieux. Sa première
édition (Londres, 1790, 10 vol. in-3°)est esti-
mable, et son édition (posthume) de 1821,
21 vol. in-8°, ouvrait la voie à un retour vers
le véritable texte de Shakespeare.
Ce retour, qui ne pouvait se faire qu'en revenant
aux éditions originales, caractérise la quatrième
période, la période critique. Les deux éditeurs
qui jusqu'ici ont le mieux mérité de Shakespeare
sont Charles Knight et John Payne Collier. Le
premier, dans son magnifique pictoruil Shaks-
pere (Londres, 1838-1843, 8 vol. gr. in-S°, fig.;
réimpr. en 1S42-44, 12 vol. in-8°. et en 1847,
7 vol. in-8°), se distingue par un attachement
peut-être superstitieux à l'in-folio de 1623. Comme
critique littéraire, il est supérieur à John Col-
lier ; celui-ci reprend l'avantage comme critique
philologue et antiquaire. Ses collations des an-
ciennes éditions, ses recueils de variantes don-
nent beaucoup de prix à son édition (Londres,
1841-1844, 8 vol. in-8°). A ces deux éditions on
peut joindre, comme les corrigeant quelquefois
895 SHAKESPEARE
heureusement, les Remarks d'Alexandre Dyce
( Londres, 1844 et 1852, in-8°. )
Il semblait que pour obtenir un texte de
Shakespeare aussi pur que possible on n'eût plus
qu'à marcher dans cette voie; c'est ce que firent
en effet Singer dans sa seconde édition (la pre-
mièreest de 1826) ; Londres, 1856, 10 vol. in-12),
Halliwell (Londres, 1851-53, 4 vol. gr. in-8°, et
1853-61, t. I à X, in-fol.), Dyce (1857, 6 vol.
in-8°), White (New-York, 1857-60, 12 vol.
in-8o), Staunton (Londres, 1858-60, 3 vol. gr.
in-8°, fig.), et Chambers (Edimbourg, 1861-62,
12 vol. in- 8°). Mais M. Collier a eu l'idée malheu-
reuse de bouleverser le texte qu'il avait tant con-
tribué à établir. Un hasard complaisant lui avait
mis entre les mains un exemplaire de l'in-folio de
1632, couvert d'innombrables corrections (vingt
mille à peu près), qui portent sur la ponctuation,
sur des lettres, sur des mots, et s'étendent parfois
à des passages entiers ; l'écriture du correcteur
semblait être du dix-septième siècle, et M. Col-
lier pensa qu'il avait dû faire usage des manus-
crits aujourd'hui perdus. S'il en eût été ainsi, la
découverte était inappréciable. M. Collier se hâta
de publier ses Notes and emendations to the
text of Shakespeare's Plays from early
ms. corrections ( 1852, 1853, in-8°), et il les fit
suivre d'une nouvelle édition de Shakespeare,
fondée sur son exemplaire annoté (Londres,
1853, 8 vol. in-8° ), et reproduite en 1858. Cette
publication produisit parmi les autres éditeurs
un véritable soulèvement: Knight, Singer, Dyce,
Staunton assaillirent le correcteur anonyme et
son éditeur responsable. Nous n'avons pas à
raconter cette controverse, qui rappelle les plus
furieuses querelles déplume de la Renaissance.
Les résultats qui semblent acquis sont ceux-ci :
l'in-folio annoté n'a aucune autorité pour la res-
tauration du texte de Shakespeare ; le correcteur,
loin d'appartenir au dix-septième siècle, est rela-
tivement récent; les trois quarts de ses correc-
tions sont inutiles ou mauvaises; dans le dernier
quart, plus de la moitié est empruntée aux pré-
cédents éditeurs et commentateurs du poëte. Que
reste-t-il donc de cette découverte annoncée avec
tant de fracas ? Quelques bonnes conjectures,
dont les futurs éditeurs de Shakespeare feront
leur profit (1). MM. W.-G. Clark, J. Glover et
W.Wright ont commencé en 1863 (Cambridge
et Londres) la publication d'une édition critique,
la seule même vraiment critique de Shakespeare ;
elle doit former 8 vol. in-8°.
Pour donner au lecteur une idée suffisante du
génie de Shakespeare , il faudrait analyser une à
à une les trente-six pièces qui nous restent .de
lui, indiquera quelles sources chacune d'elles a été
puisée, et montrer comment le poëte a su trans-
896
former les éléments que lui fournissait l'histoire
ou le roman , de manière à en tirer les créa-
tions les plus neuves ; ce travail serait intéres-
sant, mais il dépasserait les limites d'un article
de biographie. Nous nous bornerons donc, avant
de tenter une appréciation générale de Shake-
speare, à rappeler les pièces que nous avons déjà
énumérées, mais qu'il ne sera pas inutile de ca-
ractériser brièvement.
Nous dirons d'abord quelques mots d« ce
qu'on peut appeler son théâtre apocryphe , c'est-
à-dire des pièces qui lui ont été attribuées , et
dont six parurent dans l'édition de 1664. Les cri-
tiques anglais ont généralement fait peu de cas
de ces productions; Schlegel, au contraire, ne les
croit pas indignes du poëte. Thomas lord Crom-
well, Sir John Oldcastle et la Tragédie du
Yorkshire (1) lui paraissent non-seulement ap-
partenir incontestablement à Shakespeare , mais
mériter d'être classées parmi ses ouvrages les
meilleurs et les plus mûrs. Hazlitt est d'un avis
tout différent, et pense que ces trois pièces sont
fort insignifiantes. Quant aux trois autres pièces,
elles ont encore moins d'importance. Sept autres
pièces ont été attribuées à Shakespeare : the
Merry devil of Edmonton; the Accusation of
Paris; the Birth of Merlin; Edward the
third; the Fair Emma; Mucedorus; Arden
of Feversham. De ces pièces la dernière seule
est remarquable ; encore, suivant Hazlitt, elle est
bien plus dans la manière d'autres écrivains
contemporains que dans celle de Shakespeare. Si
ce grand poëte a été pour quelque chose dans
ces diverses pièces , c'était sans doute dans sa
jeunesse, lorsqu'il n'était pas encore en posses-
sion de son originalité , lorsqu'il imitait ou re-
maniait les œuvres des autres.
L'imitation est sensible dans ses premières
pièces authentiques. Titus Andronicus est une
tragédie dans le genre de celles de Kyd et de
Mariowe. L'auteur, sans s'astreindre à la pein-
ture d'une période déterminée de l'antiquité, a
largement employé ses souvenirs classiques. Ti-
tus Andronicus s'est mis en état par ses exploits
militaires de disposer de l'empire romain; il le
donne à Saturninus avec sa fille Lavinia, déjà
fiancée à Bassianus. Celui-ci ne veut pas renon-
cer à Lavinia, et il est soutenu par les fils mêmes
de Titus, qui, indigné, tue l'un d'eux. Après ce
meurtre un accord intervient entre Bassianus et
Saturninus; le premier garde Lavinia; Saturni-
(1) Voir sur cette controverse, qu'on a appelée plai- i
samment une nouvelle affaire du Collier .- Hamllton, j
An enquiry into the genuineness of the Ms. corrections 1
in Mr J -p. Collier's unnotated Shakespeare folio 1632; j
Londres, 1860, in 8», et Inglebv, A complète view of the \
Shakespeare controversy ; Londres , 1861, in-8°. I
(1| Cette pièce a pour sujet un crime qui avait vivement
ému le public. Un gentilhomme du Yorkshire nommé Ca-
verley avait tué sa femme et ses deux enfants, le 83 avril
1605. Ce tragique événement fit tant de bruit à Londres
que les acteurs du Globe désirèrent le mettre immédia-
tement au théâtre; ris durent naturellement s'adresser à
leur camarade, auteur célèbre. La pièce est très-proba-
blement de Shakespeare; mais 11 est probable aussi qu'il
se fit aider par quelques-uns de ses confrères. E4Ie est
très-courte. On croit qu'elle fut Jouée peu de jours
aprèsle crime, avant le Jugement et le supplice du cou-
pable; la plus ancienne étilion connue est de 1608; elle
porte le nom de Wlll. Shakespeare.
897
SHAKESPEARE
89S
nus épouse Tamora, reine des Col lis, que Titus
vient de ramener captive et dont un des fils a été
sacrifié aux mânes des Andronici , ce qui donne
pour un seul acte un sacrifice humain et le
meurtre d'un fils par son père. Au second acte,
l'impératrice Tamora est amoureuse du Maure
Aaron. Dans une partie de chasse, au moment
où elle l'invite à entrer dans une grotte, comme
firent Énée et Didon , elle est surprise par Bas-
sianus et Lavinia, qui ne lui épargnent pas les
reproches. Ses deux fils, Démétrius et Chiron,
viennent à son aide; ils tuent Bassianus, violent La-
vinia et lui coupent la langue et les mains, de ma-
nière qu'elle ne puisse dénoncer leurs crimes; c'est
la fable de Térée et de Philomèle. Deux des fils
de Titus, accusés du meurtre de Bassianus, sont
mis à mort; le troisième , Lucius, se réfugie chez
ies Goths, et revient bientôt à leur tête, comme
un autre Coriolan, pour venger les malheurs de
sa famille. Dans l'intervalle Lavinia a pu avec un
bâton placé entre ses dents, écrire sur du sable
les noms des vrais coupables; le vieux Titus
joue alors le rôle de Brutus, et par une folie
feinte, il attire dans un piège Tamora et ses deux
fils. Le moment de la vengeance est venu , une
vengeance digne de l'outrage. Démétrius et
Chiron sont liés, bâillonnés. Titus, qui se sou-
vient d'Atrée et de Thyeste, leur annonce , en
termes intraduisibles, que de leurs os moulus
pétris avec leur*sang il fera une pâte, et que
Jans cette pâte il mettra un pâté fait de leurs
têtes, et que de ce pâté il régalera leur mère.
Après quoi il leur coupe la gorge, et Lavinia re-
çoit le sang de ses ravisseurs dans un bassin
qu'elle tient. entre ses deux moignons. Bientôt
après, le banquet commence. Titus, habillé en
uisinier, sert à Tamora et à Saturninus le pâté
ju'il vient de préparer. Puis, passant du rôle
ie Brutus et d'Atrée à celui de Yirginius , il tue
3a fille; il tue Tamora; Saturninus tue Titus;
Lucius tue Saturninus, et est proclamé empe-
reur; son premier acte est de faire exécuter
Aaron. Ainsi finit la tragédie. On aimerait à
roire.que cet amas d'invraisemblables horreurs
l'est pas de Shakespeare; mais cette pièce lui
st bien positivement attribuée par Mères, et
ieja manière dont celui-ci la cite, i! semble
qu'elle avait de la réputation. Il est probable en
ffekqu'elle obtint du succès; aujourd'hui en-
:ore elle<est curieuse, en ce qu'elle nous montre
point de départ de Shakespeare, et nous
lermet d'apprécier l'immense réforme qu'il
)péra dans le théâtre anglais.
Cette réforme est encore peu sensible dans
Périclès, pièce qui ne lui appartient qu'en par-
ie ; les incidents n'en sont pas aussi révoltants
me dans Titus Andronicus, mais la fable n'est
>as mieux construite; et la principale situation,
:elle qui nous montre l'héroïne Marina dans un
ieu de prostitution, est des plus choquantes ,
rien que sa vertu ne reçoive aucune atteinte,
e sujet, emprunté directement à une traduc-
NOUV. BIOCR. GÉNÉR. — T. XLW.
tion anglaise des Gesla Romanorum par Lau-
rent Twine, et à la Confessio amantis de
Gower, poète anglais du quatorzième siècle, dé-
rive d'un roman grec du cinquième ou sixième
siècle, Apollonius de Tyr, dont on ne connaît
qu'une version latine. Il est généralement admis
que Shakespeare n'a fait que remanier une pièce
un peu plus ancienne.
Les trois parties A' Henri VI ne sont encore
que des remaniements , et comme les originaux
de la 2e et de la 3e partie existent, on peut
juger delà part qui revient à Shakespeare. Pour
la première, on n'a pas le même moyen de com-
paraison; mais on peut affirmer qu'il y a peu de
chose de lui dans cette première partie, consacrée
aux luttes malheureuses des Anglais contre les
Français. Il est probable que Shakespeare, vou-
lant compléter la série de ses histoires, adopta
une pièce jouée avec succès, et se contenta d'y
intercaler quelques scènes qui servent de lien
entre cette partie et les deux suivantes, consacrées
aux malheurs de la maison de Lancastre et à l'a-
vénement de la maison d'York. Il en résulta une
pièce sans unité, sans intérêt, où brillent quel-
ques belles scènes, entre autres celles de la mort
des deuxTalbot, lesquelles, selon toute apparence,
ne sont pas de Shakespeare. On a les mêmes
raisons de croire qu'il n'est pour rien dans les
tristes scènes où Jeanne d'Arc est odieusement
travestie. Cette tragédie historique est générale-
ment fondée sur la Chronique de Hall.
La 2e et la 3° partie d'Henri VI sont fondées
sur la Chronique de Hall et sur celle d'Holin-
shed ; l'auteur suit ses deux guides avec une fi-
délité presque servile, bien différente de la ma-
nière large dont l'histoire est traitée dans Hen-
ri IV et Henri V. La seule unité dramatique
qu'on y puisse apercevoir provient du sujet lui-
même, éminemment tragique. Le poète a peu fait
pour donner aux éléments que lui fournissait
l'histoire une concentration qui en eût augmenté
l'intérêt; sur ce point il a faiblement corrigéson
prédécesseur; mais ce qui lui appartient en propre,
ce sont de belles scènes, des passages d'une ad-
mirable poésie et par-dessus tout le touchant
caractère d'Henri VI , que Robert Greene avait
faiblement ébauché. Au contraire, le caractère
ambitieux, féroce et rusé de Richard de Gloster
avait été fortement indiqué par Greene; Shake-
speare n'a fait à ce sombre portrait que quelques
retouches excellentes, il est vrai, et qui annoncent
ie futur peintre de Richard III.'
La Méchante apprivoisée est un remaniement
d'une pièce qui fut imprimée en 1594, et qui avait
été jouée quelques années auparavant. Shake-
speare en a gardé le titre et le double cadre,
car la Méchante apprivoisée est censée se jouer
pour l'amusement du chaudronnier ivrogne Sly,
qu'un lord a fait ramasser endormi dans la rue
et transporter dans son palais, comme le dor-
meur éveillé des Mille et une Nuits. Sly, à qui
l'on persuade qu'il est un grand seigneur, d'a-
29
899 SHAKESPEARE
bord rétif à dépouiller sa personnalité, s'habitue
assez vite aux douceurs de son nouvel état, parmi
lesquelles figure la représentation d'une comédie.
Cette pièce préliminaire est courte, mais excel-
lente. De la grossière ébauche de son prédéces-
seur Shakespeare a tiré un de ses meilleurs per-
sonnages comiques. Sly est dessiné en quelques
traits qui valent toute une pièce. La comédie de
la Méchante n'est pas moins heureusement re-
maniée. Ce que l'original renferme de trop brutal
a été adouci et embelli ; l'intrigue principale, celle
d'unejeunef!lle,Catherine3acariâtreetintraitable;
qu'un homme vaillant, en apparence emporté,
bon au fond et de joyeuse humeur, amène à la
douceur et à la soumission , est variée par une
intrigue secondaire empruntée aux Supposés de
Gascoigne, traduits, en 1566, des Suppositi de
l'Arioste. L'influence italienne est sensible dans
cette comédie, comme dans plusieurs des pre-
mières pièces de Shakespeare.
Les Méprises ( Comedy oferrors) avaient été
précédées d'une pièce jouée à peu près sous le
même titre ( Historié oferrors), en 1576 ; comme
l'original est perdu, on ne sait jusqu'à quel point
Shakespeare s'en est servi ; je crois qu'il en a
fait peu d'usage et qu'il est remonté directement
aux Ménechmes de Plaute. 11 a doublé ou triplé
l'invraisemblance de la pièce latine en supposant
deux couples de jumeaux, les deux Antipholus
et les deux Dromions. Mais dès qu'on accepte
l'impossibilité radicale de la donnée, il est difficile
<le ne pas admirer l'art avec lequel le poète a tiré
parti de cette source continuelle de méprises qui
naît de l'étrange ressemblance des deux frères
et de la ressemblance plus étrange encore de leurs
deux valets. Les incidents se succèdent sans con-
fusion', et sortent naturellement du su}et; fort
amusants par eux-mêmes, ils se dessinent plus
vivement sur l'événement tragique qui fait le
fond du tableau. La tragédie suspendue pour
ainsi dire sur toute la comédie la relève, l'em-
pêche de dégénérer en farce, et donne à l'heu-
reux dénoûment un caractère touchant. Non-
seulement les situations plaisantes abondent,
mais les caractères sont tracés avec une netteté,
une finesse qui dépassent les figures, d'ailleurs
pleines de relief et de vie, du vieux poète latin.
Les Deux Gentilshommes de Vérone sont
une pièce romanesque,toute de l'invention de
Shakespeare, car l'histoire de Félix et Felis-
mena daus la Diane de Montemayor ne lui a
guère fourni qu'une idée, et c'est à peine si l'on
peut admettre que YArcadie de Sidney lui ait
fourni une situation. Deux amis, Valentinet Pro-
lée, brouillés par une rivalité d'amour, une jeune
fille qui court après un amoureux infidèle, la
iille d'un duc qui devient amoureuse'd'un gentil-
homme, et ce gentilhomme, le plus honnête
homme de la pièce, devenant chef de bandits,
ce sont là des caractères et des incidents qui
n'ont rien de bien neuf et de bien intéressant ;
de plus, l'intrigue est conduite avec négligence
900
et se termine par un dénouement trop brusque.
Malgré tous ces défauts, cette pièce est agréable
et abonde en passages de la plus charmante
poésie. On voit bien que le jeune auteur n'étail
pas encore maître de son art; mais déjà il n'a-
vait pas de rival comme poète.
Un jeune roi de Navarre qui avec ses courti-
sans s'est voué à trois ans d'études et de retraite
une princesse de France qui avec ses dame!
essaye inutilement de les faire manquer à leui
austère résolution, tel est le fond de Peines d'a-
mour perdîtes, imitation et parodie des roman;
de chevalerie et du langage des euphuisles
Avec un pareil sujet, il était impossible de fair
une pièce animée et pathétique , et il a fallu tou
l'esprit et toute la poésie de Shakespeare pou
en faire une gracieuse et plaisante comédie. « S*
nous devions sacrifier une des comédies d
notre auteur, ce serait celle-ci, dit Hazlitt. Pour-
tant nous aurions de la peine à nous séparer d
don Adriano de Armado, ce puissant potenta
du non-sens,ou de son page, qui a de l'esprit
pleines mains; de Nathaniel le curé, ou d'Holc
fernes le maître d'école, qui discutent après dîne
sur les cadences d'or de la poésie; de Costar
le clown ou de Dull le constable. Biron est u
caractère trop accompli pour en priver ]
monde; etc. » Une pièce où l'on aurait tuntd
choses à regretter n'est pas de celles que l'o
sacrifie.
Tout est bien qui finit bien est comm
la contre-partie de la pièce précédente , et c'es
avec beaucoup de raison qu'on l'identifie ave
les Peines d'amour gagnées, dont parle Merei [ei
C'est une histoire , romanesque empruntée so
au Palais de plaisir de Painter, soit directe
ment au Décameron de Boccace. Une jeune fill
est amoureuse d'un jeune homme de conditio
très -supérieure ; elle le suit à la cour de la France
là, grâce à un secret qu'elle tient de son père, sa
vant médecin, elle guérit le roi d'une maladi
mortelle; comme récompense de cette cure, ell
demande et obtient la main du jeune homme
celui-ci,indigné d'une mésalliance forcée, s'éloign
de sa femme, qui parvient à le reconquérir pE
des marques redoublées d'amour et de dévoue
ment. Le caractère d'Hélène, l'héroïne, est trac
avec beaucoup de délicatesse; c'est un charmai
mélange d'innocence, de tendresse et de résoh
tion. Bertram, le mari malgré lui, est froid, va
niteux, libertin, mais brave et capable de gêné
rosité. Le poltron, menteur et vantard Parolles
est une réjouissante caricature,qui annonce Tin
comparable Falstaff.
L'histoire tragique qui fait le sujet de Rome
et Juliette remonte à un roman grec de Xé
nophon d'Éphèse et à une nouvelle de Massue
cio (1470); elle a pris sa forme actuelle dan
la Giulietta de Luigi da Porto (1535) et dan
une nouvelle de Bandello. De celui-ci elle pass
dans une nouvelle française de Pierre Bois .
tuau, et le poète anglais Arthur Brooke en î *
nvra
f-
01
a Tragique histoire de Roméo et Juliette
1562). C'est à Brooke, et peut-être à une pièce
nglaise, que Shakespeare a emprunté directe-
ment son sujet ; mais il a éclipsé tous ses pré-
écesseurs. Sa tragédie est trop connue pour
voir besoin d'être analysée; elle est composée
vec un art, un respect pour l'unité de temps
aisonnablement entendue et l'unité d'action que
hakespeare a rarement montré. La construc-
on en est harmonieuse et presque symétrique,
lais c'est ià son moindre mérite. Sa principale
eauté réside dans l'heureuse variété des carac-
:res si finement étudiés, même dans les person-
ages secondaires, la nourrice, Mercutio, et
ar dessus tout dans le charme enivrant d'une
assion amoureuse qui ileurit dans l'intervalle
e sanglantes querelles. Les deux êtres aimables
estinés à être les victimes expiatoires des haines
e leurs familles s'aiment du premier moment
vec un dévouement absolu, auquel aucune joie
iirrestre ne suffirait, et qui se trouve plus puis-
mt que les suprêmes épreuves de la mort. Ce
ue leur passion aurait de trop brûlant et de
op sensuel est admirablement tempéré par
ambre qu'un destin tragique toujours présent,
»ême lorsqu'il est invisible , étend sur ces deux
l»urs ivres des ardeurs de la jeunesse, mais si
lénéreux, si vaillants, si bien préparés aux plus
doutables sacrifices. C'est la plus belle histoire
l'amour qui ait été écrite dans aucune langue.
•n a dit qu'on trouve dans ce poëme « ce qu'il
a de plus enivrant dans un printemps du midi,
je plus ravissant dans la chanson du rossignol,
e plus voluptueux dans !a première éclosion de
i rose. » Ces vives images sont encore insuffl-
antes. L'amour pour Roméo et Juliette n'est pas
eulement le parfum qui les enivre, c'est un
jrage qui les foudroie. Mais l'orage, rapide comme
m éclair, épure l'atmosphère chargée de haines,
es innocentes victimes triomphent de la féro-
ité des querelles civiles : le vieux Capulet tend
i main au vieux Montague près de la tombe où
;s deux amants revivront en statues d'or. Cette
éconcilialion est la dot et le douaire de la vraie
t tidèle Juliette ( true and faith/ul Juliet ).
Le Songe d'une nuit d'été n'a pas l'intérêt
je la tragédie de Roméo et Juliette, mais il Fé-
ale en beauté poétique et la surpasse en origi-
alité. J..à Shakespeare ne doit rien qu'à Iui-
lême. C'est à peine si Chaucer lui a fourni le
SHAKESPEARE 902
et de Démétrius pourHermia, d'Hermia pour
Ly sandre, d'Héléna pour Démétrius; si réelles
sont les grotesques figures des artisans athé-
niens : Bollom le tisserand, Quince le charpen-
tier, Snug le menuisier, Flûte le raccommodeur
de soufflets , Snout le chaudronnier, Starveling
le tailleur, qui viennent répéter dans un bois
cette fameuse tragédie de Pyrame et Tàisbé
qu'ils doivent jouer aux nocesdu duc d'Athènes;
si délicatement et si distinctement sont repré-
sentés ces êtres aériens : Oberon, ïitania, Puck,
que l'esprit ne trouve nulle invraisemblance aux
folies de cette nuit enchantée; et en même temps
tous les éléments de la fable sont traités avec
tant de légèreté, peints de couleurs si transpa-
rentes et si fines, que lorsque le soleil dissipe
les illusions du crépuscule et que le son du cor
mêlé aux longs aboiements de la meute de Thé-
sée réveille la forêt, les aventures de la nuit,
les brouilles des amants, les malices de Puck,
l'illusion de Titania, la transformation de Bot-
lom, ce type de la sottise contente d'elle-même
qui s'admire et qui trouve des admirateurs, de
cet heureux Bottom qui porte avec une calme
satisfaction sa tête d'âne et reçoit sans étonne-
ment les déclarations amoureuses de la reine des
fées, toutes ces merveilles nous paraissent un
rêve, le plus charmant et le plus plaisant qu'ait
jamais rêvé un grand poëte.
Le Marchand de Venise est fondé sur deux
récits des Gesta Romanorum et doit quelquas
détails au Pecorone de Ser Giovanni Fiorentino.
On ne peut trop admirer l'habileté avec laquelle
Shakespeare a mêlé ces deux histoires : celle
d'un débiteur qui s'engage à donner à son créan-
cier une livre de sa chair, s'il ne l'a pas payé au
jour convenu, et celle d'une jeune fille dont le
mariage est subordonné au choix que chacun de
ses prétendants fera d'une des trois cassettes
léguées par son père; de sorte qu'elles se forti-
fient mutuellement. La tragédie dont le sinistre
contrat de Shylock et d'Antonio est le centre
fait ressortir la comédie romanesque de Portia
et de Bassanio , les tendres folies de Jessica et
de Lorenzo; et le cinquième acte tout musical
et amoureux repose délicieusement de l'étrange
tragédie du quatrième. C'est une des pièces les
mieux conduites de Shakespeare. Les caractères
sont très-vivement tracés. On ne peut avoir
plus de grâce légère, plus de charmante étour-
adre des noces de Thésée et d'Hippolyte. La I derie que Jessica. Portia, si hardie et si pure.
jélicieuse féerie qui fait l'âme de la pièce est tout
ntière une conception du poëte. Le monde de
t. passion avec ses troubles , ses contradictions ,
es erreurs ; le monde de la réalité vulgaire avec
es petits intérêts, ses petites vanités et ses ri-
ibles sottises ; le monde de la féerie avec ses
|jgères querelles, ses enchantemenls aériens,
es plaisantes illusions, s'entre-croisent dans le
Crépuscule limpide d'une nuit d'été, au sein d'un
is magique, et se mêlent sans se confondre,
i vraie est la peinture des amours de Lysandre
?
est un des personnages les plus sympathiques de
toute l'œuvre du poëte. Mais Shylock surtout
est admirable. Ce juif vindicatif, cet atroce usu-
rier a tout ce qu'il faut pour être ridicule et
odieux; il est raillé, insulté, dupé par tous; sa
fille le vole, son débiteur lui échappe; ses pro-
jets de vengeance tournent à sa ruine; et cepen-
dant il garde au milieu de ses mésaventures une
sorte de grandeur sombre, celle d'une haine im-
placable, et non tout à fait injuste, qui nous em-
pêche de le mépriser.
29.
903
SHAKESPEARE
904
Les pièces historiques de Shakespeare for-
ment une chronique dramatique de l'histoire
d'Angleterre depuis le douzième siècle jusqu'au
seizième; elles sont toutes fondées sur la Chro-
nique d'Holinshed, que le poète complète quel-
quefois d'après d'autres sources, mais dont il
s'écarte rarement.
Le Roi Jean est un tableau fidèle et par cela
même pénible d'une des plus tristes périodes de
l'histoire d'Angleterre. Jean, aussi lâche que cruel,
ne ressemble guère aux autres tyrans de Shake-
speare, qui sont de Taillants scélérats, et sa bas-
sesse est rendue d'autant. plus manifeste par le
contraste avec le bâtard Faulconbridge, soldat
déterminé et sans scrupules, plein d'audace et
de bonne humeur, franc jusqu'au cynisme et
aussi incapable d'hypocrisie que de peur. Ar-
thur, -victime innocente de la cruauté de son
oncle , est extrêmement touchant, soit que dans
une scène admirable il obtienne grâce pour ses
yeux, qui devaient être crevés, soit qu'il expire
au pied de ia prison d'où il essayait de s'enfuir.
Constance, sa mère, dans l'emportement de ses
lamentations, est d'un pathétique digne de la tra-
gédie grecque. En général cette pièce a quelque
chose de sentimental, une sorte d'élégance litté-
raire qu'on ne trouve pas dans les autres pièces
historiques d'une touche plus franche ou plus
rude.
La déposition et la mort de Richard II, la
révolte et l'avènement de Bolinghroke (Henri IV),
chef de la maison de Lancastre, forment le sujet
de la pièce de Richard II, qui, pour les événe-
ments et les caractères, est conforme à l'histoire.
C'est le meilleur modèle de l'histoire dramatisée,
c'est-à-dire de la chronique mise en scène sans
le secours d'inventions poétiques.
Dans les deux parties d'Henri IV, le poète
au contraire intervient pour une large part. Ii
ne dénature pas les éléments qui lui sont four-
nis par les chroniques, mais il n'en accepte que
ce qui convient à son sujet, et il les groupe au-
tour d'une action que l'histoire lui suggère plu-
tôt qu'elle ne la lui fournit expressément. Les
luttes que Henri IV eut à soutenir pour con-
server un trône acquis par une usurpation
forment le fond du tableau; les personnages
placés au premier plan, ceux sur qui se concentre
l'intérêt, sontleprince de Galles (depuis Henri V)
et son joyeux compagnon , sir John Falstaff. Le
prince de Galles, emprunté à une tradition pro-
bablement exagérée, et qui est consignée dans la
vieille pièce des Famous Victories of Henry V,
est un jeune prince plein d'intelligence et de cou-
rage, que la fougue de l'âge et un violent besoin
d'excitation entraînent dans les excès les plus
incompatibles avec son rang. Mais au milieu des
folies qui semblent le posséder tout entier il
garde son sang-froid, et se promet, dès qu'il sera
roi, de rejeter loin de lui, comme un déguise-
ment, toute sa folle vie de jeunesse. Falstaff
au contraire se plonge sincèrement dans cette
existence de débauche, la seule où il puisse vivre
Lui aussi a un besoin d'excitation qui lui renc
le repos insupportable. Le fonds inépuisable d<
bonne humeur qu'il porte en lui veut absolumenl
s'épancher, et le désordre est son élément natu
rel. Ii semble qu'il aime moins les vices en eux-
mêmes que comme un exercice turbulent indis-
pensable à sa santé. Il faut qu'il vive au cabaret,
parce que là seulement il trouve des compa-
gnons capables de lui fournir la réplique. Il s(
brouille avec les magistrats pour se donner h
plaisir de les railler, et il fait des dettes pour s<
moquer de ses créanciers. Rien ne saurait le gué
rir de ses habitudes de désordre, parce qu'elles
sont devenues sa nature même. Le prince di
Galles, qui le sait à fois irrésistible et incorri-
gible, sehâte dès son avénementde le faire mettn
en prison, comme le seui moyen d'échapper à sei
séductions. La pièce, suivante nous raconte la fil
du joyeux chevalier qui meurt, comme il avai
vécu, au cabaret.
Henri V est la suite des deux pièces précé
deutes. Le jeune débauché est devenu un gran(
roi qui n'a gardé de sa jeunesse que le couragi
et la bonne humeur du soldat. Son caractèn
n'est pas exempt de la rudesse du temps , mail
il est noble et loyal. Du reste c'est moins un c»
ractère que le poète a voulu représenter* que li
triomphe de l'Angleterre sur la France, triomphi
remporté à Azincourt et consacré par le traiti
de Troyes ; de là la manière épique dont il
traité son sujet. Les choeurs qui servent d'intro-
duction au dialogue s'élèvent souvent à la plu!
haute poésie. Il résulte de ce ton plus élevé qui
les scènes familières mêlées à cette légendt
épique paraissent déplacées. Un autre défaut
c'est le mépris que le poète témoigne pour le
adversaires des Anglais. La plus folle jactance'
l'incapacité, quelquefois même la lâcheté caracté:
risent les Français qu'il met en scène. Ce n'es
pas ainsi qu'Homère traite les Troyens et qu'Es-
chyle parle des Perses. Ce drame aurait gagné i
être, plus dégagé des préjugés nationaux.
Richard III raconte la ruine de la maisoi
d'York, qui avait elle-même détruit cette maisoi
de Lancastre dont Henri V célèbre la gloire. Lei
perfides intrigues de Richard contre son frèn
Clarence, dont il cause la mort, son mariage avei
lady Anne, dont il vient de faire tuer le mari,
le meurtre de ses deux neveux, les enfants d'E-
douard IV, sa tyrannie et sa mort à Boswortt
sont exposées dans une suite de scènes animées,
mais qui pourraient être plus fortement liée!
entre elles. Le personnage de Richard se prêt*
très-bien à la représentation théâtrale ; c'est un
caractère à effet. Rusé et cruel , furieux de si
difformité physique, méprisant les hommes, s(
faisant un jeu du crime, brave d'ailleurs,!
trouve dans l'excès même de sa perversité un(
certaine grandeur diabolique, qui fascine. Ce n'esl
pas, il s'en faut, une des meilleures créations di
^Shakespeare, maisc'est une des plus saisissantes,
05
tichard III est une des rares pièces où il ait
icrifié la vérité humaine au désir de produire de
effet, et où il ait donné non un homme mais un
Me.
Falstaff reparaît dans la comédie des Joyeuses
îmmes de Windsor ;mais ce n'est plus ce co-
iissede bonne humeur, d'effronterie et d'entrain,
imperturbable dans les accidents, si plein d'à-
ropos et d'expédients, c'est un pauvre diable
esoigneux, plus impudent que spirituel, cher-
hant à capter l'argent de deux bourgeoises qui
moquent de lui et le drapent de toutes les fa-
ons. Sans doute en nous montrant cette déca-
ence de Falstaff, Shakespeare a voulu nous ap-
rendre à quel degré d'humiliation conduit le dé-
ordre. La pièce est d'ailleurs amusante. C'est
seule comédie de Shakespeare consacrée à la
einture de la vie commune; c'est aussi la seule
ù l'intrigue ait plus d'importance que les carac-
tères; en ces deux points elle se rapproche du
enre de la comédie française.
Un duc détrôné par son frère se retire dans la
orêtdes Ardennes,oùil vit doucement occupé de
iravaux champêtres, avec quelques courtisans
testés fidèles à sa fortune. Son frère, jaloux de
Ion bonheur, veut le faire périr; mais au moment
ll'accomplir son projet, il en est détourné par un
eligieux. Touché de repentir, il rend le trône au
>rince légitime, et se consacre lui-même à une
rie de solitude et de dévotion. Dans l'intervalle
les deux filles des deux princes courent de com-
pagnie la forêt des Ardennes et y trouvent deux
rères ennemis qui se réconcilient et qui les
;pousent. Ce double mariage termine la pièce
le Comme il vous plaira. Telle est la fable
}ue Shakespeare a empruntée à Rosalynd, ro-
uan pastoral de Lodge, publié en 1590. Rosa-
inde, hardie dans ses propos , honnête dans ses
ictes, Celia timide, mais rendue courageuse par
'amitié sont de charmants ca ractères dont l'inven-
tion appartient en partie à Lodge et à l'auteur
l'un vieux conte en vers intitulé Taie of Ga-
melyn. Ce qui n'appartient qu'à Shakespeare,
c'est Jacques , ce contemplateur morose, ce mi-
santhrope railleur qui aime mieux voir la folie
humaine à l'œuvre que d'y prendre part, qui
reste fidèle au duc dans la disgrâce parce que le
jspectacle d'une disgrâce est intéressant , et qui
(dès que le duc est rétabli sur le trône le quitte
ipour s'attacher à l'usurpateur pénitent , parce
[qu'il y a beaucoup à apprendre d'un ambitieux
idevenu ermite.
I Beaucoup de bruit pour rien est tiré d'une
jnouvelle de Bandello, Timbreo de Cardona; la
jDoême histoire forme l'épisode à'Ariodante et
\Cinevra dans le Ve chant de VOrlando de l'A-
rioste; on la trouve également dans le IIe chant
|de la Fairie Queenne de Spenser. Un accès de
jjalousie causé par un faux rapport brouille deux
Ifiancés, Claudio et Héro ; mais la calomnie se dé-
couvre, et après beaucoup de bruit pour rien,
le mariage s'accomplit heureusement. Par J'inté-
SHAKESPEARE 90G
rét de l'action, par la variété des caractères,
par l'habile mélange du sérieux qui touche au
tragique et du plaisant qui touche au grotesque,
c'est une des meilleures comédies de Shake-
speare; elle a quelques rapports avec le sombre
drame d'Olhello. Héro innocente et calomniée
fait penser à Dcsdemona , et John le bâtard en-
vieux et perfide nous prépare à Iago.
La Douzième nuit (la nuit des Rois), ou Ce
que vous voudrez, est une comédie romanesque,
dont on peut chercher la source dans les In-
ganni, pièce italienne jouée en 1547; dansZe*
Jumeaux de Bandello, dans les EngaTws de
Lope de Rueda, enfin dans le conte d'Apollonius
et Silla de Barnaby Rich. Les confusions qui
naissent de la ressemblance de deux jumeaux,
frère et sœur, n'avaient rien de neuf, et en re-
produisant ce moyen Shakespeare faisait à peine
un emprunt. Du reste, il ne doit qu'à lui-même
la poésie délicieuse, les sentiments exquis, la
plaisanterie inépuisable qu'il a répandue sur un
sujet invraisemblable. La partie comique abonde
en caricatures amusantes ; la partie romanesque
offre deux figures charmantes et finement con-
trastées : Olivia, la jeune femme ennuyée qui sou-
pire après l'amour, Viola, la jeune fille hardie et
chaste qui joue avec l'amour.
Mesure pour mesure est un drame sévère ,
qui, quoique habilement conduit, intéresse peu,
parce que le sujet en est désagréable et que les
personnages ne sont pas sympathiques. Shake-
speare en a pris l'idée et les principaux incidents
au Promos et Cassandra, pièce de George
Whetstone, publiée, non jouée, en 1578. Whet-
stone lui-même avait imité une nouvelle de Gi-
raldi Cinthio. Quoique Shakespeare ait corrigé
ce que l'œuvre de ses devanciers avait de plus
impur et de plus odieux, il a dû conserver la
donnée principale , celle d'une chaste jeune
fille, Isabelle, qui pour sauver la vie de son
frère Claudio, est placée dans la nécessité de
consentir à un sacrifice dégradant; il est vrai
qu'elle élude cette nécessité, mais la supposi-
tion seule en est choquante. Le juge Angelo, qui
condamne Claudio pour une faute qu'il a com-
mise lui-même, est un hypocrite sensuel, ca-
pable d'un crime pour assouvir sa luxure, et de
tous les crimes pour sauvegarder sa réputation
usurpée de vertu. Le duc Vincentio est un aus-
tère et mélancolique personnage, qui en gouver-
nant les hommes a reconnu qu'ils valent peu, et
qui trouve un amer plaisir à les mettre à l'é-
preuve. Le style de cette pièce, plein de pensées
philosophiques, est souvent très-obscur.
Le sujet d'Othello est emprunté à Giraldi
Cinthio. C'est une des plus célèbres tragédies de
Shakespeare. Rien n'est plus émouvant que le
spectacle de cette jeune et innocente femme,
tombant victime de la jalousie insensée de
l'homme pour lequel elle a commis sa seule
faute, celle de désobéira son père. Desdemona, si
pure qu'elle ne comprend pas même l'idée du
907 SHAKESPEARE
mal, si aimante qu'elle n'a que des paroles de pi-
tié et de pardon pour le fou furieux, qui la tue;
Othello, nature franche, ouverte, droite, avec
un fonds de barbarie native, capable de l'acte de
la plus féroce vengeance quand il croit qu'on a
violé le droit à son égard, niais aussi sévère pour
lui-même que pour les autres, et dès qu'il se re-
connaît coupable, se condamnant et se frappant
avec une calme et implacable rigueur : ces deux
caractères sont si universellement admirés qu'il
suffit de les rappeler. Il n'en est pas de même de
Iago. On a souvent pensé que Shakespeare en
avait voulu faire un profond scélérat , calculant
froidement ses avantages, et les poursuivant
à travers tous les crimes, et on a trouvé que
ses motifs d'action n'étaient pas suffisants, et
que les moyens qu'il emploieétaient plus propres
à le perdre lui-même qu'à le conduire à son but;
mais il nous semble que Shakespeare n'a voulu
donner à Iago aucune grandeur, pas même celle
ducrimeetde l'habileté dans le crime. Il en a fait
le type de l'homme médiocre,envieux, exaspéré
de se voir au-dessous de gens qu'il méprise.
L'envie le corrompt et l'empoisonne si profondé-
ment qu'il ne peut sortir de lui que le mal.
Quand même il verrait son intérêt à faire le bien,
il en serait incapable, tant il trouve de jouissance
naïve dans les souffrances des autres. Qu'il le
veuille ou non, il empoisonne tout ce qu'il touche.
Il n'est pas probable qu'il ait médité et prévu le
le meurtre de Desdemona; mais il est lui-même
enveloppé dans le tourbillon de furieuses pas-
sions qu'il s'est amusé à déchaîner; il est pris
dans le filet où il lui plaisait de voir se débattre
ses victimes ; pour en sortir il commet crime sur
crime, jusqu'à ce que la justice le saisisse, morne
et farouche comme une bête féroce prise
dans un piège, et le jette aux tortures du sup-
plice. C'est un caractère d'une vérité terrible ,
mais si absolument répulsif qu'on a quelque
peine à rendre justice au poëte qui l'a tracé.
L'histoire ft Hamlet remonte à Saxo Gram-
maticus, chroniqueur danois du commencement
du treizième siècle ; de là elle passa dans les nou-
velles françaises de Belleforest. La nouvelle de
Belleforest fut traduite en anglais. Rien ne
prouve mieux le génie de Shakespeare que le
parti qu'il a su tirer de ce rude et informe récit.
On connaît deux versions de sa tragédie, et on
a tout lieu de croire qu'il en existait une plus
ancienne. Le premier Hamlet, de 1588 ou 1589,
était probablement conçu dans le genre de Mar-
lowe et de Sénèque;il était entièrement consa-
cré à la vengeance que le jeune prince danois tire
du meurtre de son père, et à la feinte folie par
laquelle il prépare et dissimule son projet. La
vengeance et la feinte folie tiennent encore une
place prépondérante dans l'édition de 1603 (re-
produisant une pièce antérieure de plusieurs an-
nées), quoique le caractère méditatifd'Hamlet s'y
dessine nettement. Dans la pièce définitive, ce
caractère est développé pleinement, au delà
I
90}
même de ce qu'exige l'action dramatique. Ui
jeune prince d'une imagination vive et inquiète
d'un esprit pénétrant et rêveur, d'un cœur nobli
et sensible, mais de cette sensibilité maladiv
qui tourne à l'irritation et au dédain, promp
à penser, lent à agir, capable de résolution;
brusques, mais retombant aussitôt dans se:< ?;
doutes et ses perplexités, ce jeune homme si pet
propre à l'action est mis dans la nécessité d'ei
accomplir une qui exigerait la nette décision d'ui
caractère mâle et hardi ; il faut, pour venger soi
père, qu'il frappe le roi de Danemark, ce roi qu
est son oncle et le second mari de sa mère. Soi g
père même est sorti du tombeau pour lui im- è
poser ce devoir accablant. Hamlet ne sait pa;
accepter résolument la tâche terrible, et le senti'
ment de sa faiblesse augmente encore son amen
mélancolie. Il répand partout autour de lui 1<
trouble de son âme; il égare la raison d'Ophelia.
qu'il aime pourtant; il tue Polonius par un ha-
sard qui lui cause à peine un regret; enfin, i,
succombe lui-même dans la confusion d'une tra-
gédie fortuite qui frappe à la fois le roi coupable,
la femme fragile, elle jeune homme emporté qui,
pour venger sa sœur et son père, s'était fait le
complice d'une trahison. Cependant, malgré ses
défaillances et ses sarcasmes, Hamlet reste pro-
fondément sympathique; on ne peut s'empêcher
d'aimer ce rêveur altier que les vices indignent,
que la bassesse dégoûte, et qui agite si doulou-
reusement en lui-même le problème des gran-
deurs et des misères de l'humanité.
Le Roi Lear appartient aux chroniques fabu-
leuses de la Bretagne. Shakespeare l'a pris dans
Holinshed , et dans une pièce dont on ne con-
naît qu'une édition, de 1605, mais qui était d'une
quinzaine d'années plus ancienne. Au début nous
voyons deux pères qui pèchent gravement. Le
premier, Lear, emporté; égoïste, faible, partage
ses États entre deux filles, Regana et Gonerille,
qui le flattent par de feintes démonstrations de
tendresse, et déshérite sa troisième fille, Cordelia,
qui, révoltée de cette hypocrisie, garde le silence;
le second, Gloster, met une affectation immorale à
partager sa tendresse de père entre son fils lé-
gitime, Edgard, et sou fils bâtard, Edmond ; puis
crédule aux calomnies d'Edmond, il provoque
contre Edgard une sentence de mort. L'expia-
tion ne se fait pas attendre. Gloster a les yeux
crevés par le fait de son bâtard , et ne trouve
de soutien que dans le fils qu'il a proscrit. Lear,
chassé par ses filles, en proie à un furieux dé-'
sespoir qui le conduit à la démence, est recueilli
et consolé par Cordelia. L'indignation frénétique
de Lear, sa sombre démence traversée d'éclairs
de raison, son désespoir suprême après le
meurtre de Cordelia, sont peints avec une élo-
quence prodigieuse. Nulle part, pas même dans
Hamlet, Shakespeare n'a fouillé plus profondé-
ment l'âme humaine pour en faire jaillir ce
qu'elle contient de bon et de mauvais.
Macbeth est une tragédie terrible, mais elle
)09
SHAKESPEARE
910
st moins navrante et moins déchirante que le
loi Lear. Dans cette pièce, empruntée, par l'in-
ermédiaire d'Holinshed, aux chroniques de l'É-
osse, nous voyons à l'œuvre la férocité simple
'un âge barbare. La prédiction de quelques
orcières a fait concevoir à Macbeth l'idée de pos-
éderle trône qui appartient à Duncan. Lady Mac-
Iteth, enivrée de cette espérance, excite son mari
tuer Duncan ; elle le pousse au meurtre avec
n emportement aveugle. Le crime est accom-
pli. Macbeth et sa femme régnent sur l'Ecosse,
liais le trône ne leur donne pas le bonheur es-
éré. Lady Macbeth, dès qu'elle n'est plus pos-
édée par l'ivresse de l'ambition, est saisie par
î remords, qui ne la quitte plus et qui la tue
Mitement. Macbeth, au contraire, si hésitant
vant le crime, semble y puiser une énergie inat-
andue. 11 n'a pas le temps de se livrer aux
emords ; il faut qu'il se défende contre ses en-
emis ; il faut qu'il tue pour ne pas être tué.
I tue en effet, et ce n'est qu'après une longue
mite de meurtres qu'il succombe à son tour, à
heure prédite par les sorcières.
Après les sombres tragédies d'Othello , de
ïamlet, de Lear et àzMasbeth, le conte drama-
ique de Cymbeline a beaucoup de charme. Un
oman champêtre dont l'invention appartient pro-
bablement au poète, un roman d'amour et de
alousie pris dans le Décameron de Boccace, se
léroule sur un fond d'histoire légendaire era-
irunté aux chroniques d'Holinshed. Là encore
,ious voyons à l'œuvre des passions violentes et
coupables; mais elles se produisent dans un mi-
lieu moins orageux et ne déterminent pas de
Mortelles explosions. Un dénoûment heureux
lious montre les deux fils de Cymbeline, roi de
Bretagne, Guidevius et Arviragus, rendus à leur
bère après avoir longtemps vécu dans une soli-
tude champêtre comme des fils de berger. La
tendre et dévouée Imogène, !a plus parfaite
figure de femme qu'ait tracée Shakespeare, re-
trouve l'affection de son mari, que la calomnie
lui avait ravie.
Troïlus et Cressida est une pièce du même
genre que Cymbeline, mais elle est loin de l'é-
galer. Le sujet en est pris dans Chaucer, qui
l'avait pris dans Boccace. C'est l'histoire des
amours de Troïlus, fils de Priam, avec Cressida,
Glle de Calchas, prisonnière des Troyens. Cres-
sida rendue aux Grecs devient bien vite infidèle
avec Diomède. Shakespeare ne s'en est pas tenu
à la seule source de Chaucer. 11 a demandé
beaucoup de détails , d'idées et d'images à la
Destruction de Troie de Caxton, au Livre de
Troie de Lydgate, et surtout à la traduction
d'Homère de Chapman. Mais quoiqu'il ait fait de
ces divers éléments un usage souvent heureux,
il ne les a pas maîtrisés et transformés avec sa
puissance ordinaire. Sa pièce a trop souvent
l'air d'une parodie de l'antiquité homérique. Ses
personnages ne sont guère qu'ébauchés, et les
«lieux étudiés, le complaisant Pandarus, la fra-
gile et sensuelle Cressida, sont antipathiques.
Timon est un Athénien généreux, qui ne sait
rien refuser aux nombreux amis de sa prospérité,
ou plutôt qui va au-devant de leurs demandés.
11 prodigue ainsi sa fortune, se souciant peu
qu'elle s'épuise: n'a-t-il pas ses nombreux amis
comblés de ses dons ? Mais quand il veut faire
appel à leur bourse, il n'éprouve que des refus.
Cettemarqueinattendued'ingratitude le jette dans
une véritable frénésie ; il se 'prend d'une haine
etfroyable pour tous les hommes; il ne veut plus
avoir de commerce avec eux, et il va ensevelir
dans une solitude sauvage le reste de sa vie. Un
pareil personnage, fou bienfaisant au début, fou
furieux au dénoûment, n'était point dramatique,
et la pièce de Timon d'Athènes est moins une
tragédie qu'une satire dialoguée.
Jules César est la première des trois pièces
que Shakespeare a empruntées à Plutarque, qu'il
lisait dans la traduction de North. Cette tra-
gédie s'appellerait mieux Brutus; celui-ci en est
le véritable héros, et sa mort termine l'œuvre.
Ce caractère est admirablement tracé, conforme
à l'histoire et idéalisé suivant les conditions de
la poésie; il est plein de douceur dans la vie
privée, et d'une parfaite intégrité morale; le
motif qui le pousse au meurtre est noble et dé-
sintéressé; mais le meurtre n'en est pas moins
un crime, et il imprime sur lame de Brutus
une tache ineffaçable. A partir des ides de
mars, une sombre mélancolie le possède et lui
fait chercher la mort comme un asile. Le ca-
ractère de César est moins bien tracé. Shake-
speares'en esttenuà Plutarque, et îi n'enapas tiré
tout le parti possible. Son César est un tyran
hautain et capricieux ; on ne voit que trop son
orgueil , on n'aperçoit pas assez son génie.
Antoine et Cléopâtre est la mise en scène
d'une biographie de Plutarque. Antoine est bien
l'homme que nous représente l'historien, vail-
lant et violent, plus capable de générosité que
le froid Octave. Cléopâtre est bien aussi la
femme que peint Plutarque; mais Shakespeare
a montré dans ce caractère une vivacité, une
vérité, une richesse de couleurs, qui en font
une de ses plus merveilleuses créations. Il y a
bien des fautes dans cette pièce; les scènes ne
sont pas assez fortement liées; mais le carac-
tère de Cléopâtre compense tout, et donne à la
pièce une sorte d'unité et de centre d'intérêt.
L'unité d'intérêt de la pièce de Coriolan est
aussi tout entière dans le caractère du héros,
que le poète nous représente avec toute sa
grandeur et sa rude fierté. Corioiau domine
tous ceux qui l'entourent, à Rome et hors de
Rome-, son orgueil est excessif, et pour le
rendre supportable il faut sa droiture et sa fran-
chise. On ne s'étonne pas des calamités que cet
orgueil attire sur lui, mais on ne cesse pas de
sympathiser avec le héros, parce que ses vertus
rachètent ses fautes , et que ce même homme,
si terrible dans la mêlée , si dur à ses conci-
611 SHAKESPEARE
toyens,est plein de douceur etd'affection pour sa
mère et pour sa femme.
Après la sévère grandeur de l'histoire, Shake-
speare se plut à revenir à la fantaisie, qui lui
avait si bien réussi seize ou dix-huit ans plustôt.
Il composa la Tempête , dont on ne connaît
pas la source, mais dont probablement l'idée
première ne lui appartient pas. Un duc de Milan,
Prospero, trop adonné à l'étude, a perdu son
trône qu'a usurpé son frère Antonio, assisté par
Alonzo . roi de Naples. Il vit dans une île dé-
serte, seul avec sa fille, la charmante Miranda,
ayant pour serviteur, soumis à son pouvoir
magique (car le savant duc est magicien), Ca-
liban, fils d'une sorcière et du Diable, monstre
de laideur et de brutalité, stupide et féroce sau-
vage, avec une étincelle de sociabilité et de
poésie. Des esprits, entre autres le bienfaisant
Ariel, sont aussi au service de Prospero. Avec
leur pouvoir il soulève une tempête, qui jette
sur le rivage de l'île un vaisseau portant
Alonzo, Ferdinand, son fils, Antonio, et divers
courtisans. le but de Prospero est d'amener un
mariage entre sa fille et le fils du roi de Naples.
Ce dénouement prévu est habilement retardé
par les intrigues d'Antonio et de Sébastien
contre Alonzo, et délicieusement préparé par les
naïves amours de Ferdinand et de Miranda.
Le Conte d'hiver est, comme la Tempête, un
drame de ce genre que l'on peut appeler des
opéras sans musique, où l'éclat et l'étrangeté du
spectacle, la variété des incidents et des carac-
tères tiennent lieu du développement naturel
de l'action et de la peinture de caractères réels.
Shakespeare en a pris le sujet dans une nou-
velle de Robert Greene, Pandosio, ou l'histoire
de Dorastus et Faivnia, qu'il a fort embellie,
sans en atténuer beaucoup les invraisemblances.
Un roi de Sicile, Léontès, qui, dans un accès de
jalousie mal fondée, ordonne de mettre à mort
sa femme, Hermione, et la fille qui vient de naître
d'Hermione ; une femme dévouée, Pauline, sau-
vant Hermione, qui passe pour morle; le mari
de Pauline sauvant l'enfant royale, qui est élevée
par un berger; puis, au bout de seize ans, un
prince de Bohême devenant amoureux delà jeune
bergère et l'épousant; Hermione rendue à son
mari repentant : ce sont là des événements pu-
rement romanesques; mais Shakespeare lésa
parés de tant de poésie, la peinture de la ja-
lousie de Léontès est si vive, Perdita a tant de
pureté et de charme, Florizel tant de fraîche pas-
sion, Hermione est si vertueuse et si résigDée, le
quatrième acte est si délicieux, le cinquième est
si pathétique, qu'il est impossible de condamner
un ouvrage où brillent de pareilles beautés,
bien qu'on ne puisse pas le mettre au nombre
des chefs-d'œuvre de l'auteur.
Henri VI H est une pièce de circonstance, qui
doit une partie de son intérêt à la pompe du
spectacle. Le véritable sujet en est la naissance
d'Elisabeth et la prédiction faite sur son faer-
912
ceau. On pense que Shakespeare se contenta
d'ébaucher cette pièce et qu'il laissa à quel-
qu'un de ses confrères, probablement à Flet-
cher, le soin d'y mettre la dernière main. Beau-
coup de passages en effet sont dans la manière
de Fletcher. Les caractères de Buckingham, ce
grand seigneur altier, imprudent à la cour, fier
et calme devant la mort ; de Wolsey, politique
rusé, ministre hautain, gardant sous la pourpre
romaine l'insolence d'un parvenu; de Henri VIII,
monstre d'égoïsme et de sensualité, populaire
pourtant; de la reine Catherine d'Aragon, si
grande dans sa vertueuse résignation; d'Anne de
Boulen, gracieuse et chaste, mais laissant entre-
voirune légèreté qui fait pressentir ses malheurs:
tous ces caractères attestent la main du maître,
mais le fond sur lequel ils se meuvent est peint
avec négligence.
Cette analyse des œuvres dramatiques de
Shakespeare nous dispense de donner une ap-
préciation détaillée de son génie. On a vu par ce
qui précède quel grand nombre d'êtres vivants,
non des types abstraits, il a tirés de son cer-
veau; avec quelle puissance il fait concourir les
personnages les plus divers à une vaste repré-
sentation de la vie humaine ; quelle richesse de
combinaisons il déploie pour mettre en jeu les
passions tragiques ou comiques, tendres ou vio-
lentes, bienfaisantes ou mauvaises de l'humanité;
quelle vérité profonde, quelle réalité saisissante et
en même temps quelle poésie colorée il apporte
dans la peinture de ces passions ; et par là on a pu
juger qu'il possède au plus haut degré le don
suprême du poëte, la puissance créatrice. Après
avoir ainsi montré son génie, il est juste de
parler de ses défauts. Tandis que les poètes dra-
matiques français se préoccupent presque uni-
quement de l'action , Shakespeare attache sur-
tout de l'importance aux caractères, mais il porte
cette préférence si loin que l'action dans ses
pièces est parfois décousue et confuse. 11 a aussi
trop peu de souci de ia vraisemblance. Dès
qu'il a besoin qu'un de ses personnages soit
méconnu, même de ceux avec qui il a passé sa
vie, un simple déguisement lui suffit; ce com-
mode artifice revient plus d'une fois, et n'est pas!
justifiable, quoique le poëte en ait tiré de grands
effets dramatiques. A ces deux défauts, la confu-
sion et l'invraisemblance, qui intéressent la
contexture même du drame, il faut ajouter de
gravis défauts de style. Shakespeare, admirable
dans ses conceptions, n'est pas toujours heureux
dans sa manière de les exprimer, et il ne l'est
jamais moins que lorsqu'il s'efforce d'être beau,
brillant, sublime. Il manque souvent ce qu'il
eût obtenu sans peine s'il se fût contenté d'être
simple. Dans sa jeunesse il trouva à la mode un
détestable genre d'écrire, plein de jeux de pen-
sées et de jeux de mots, de rapprochements im-
prévus et d'images extraordinaires; il se piqua
de faire aussi bien en ce genre que ses contem-
porains, et il y réussit, c'est-à-dire qu'il fit tout
913
aussi mal ; cette recherche de style se remarque
fâcheusement dans quelques-unes de ses meil-
leures pièces, entieautresdansflo;«eoe^y«/ie^e.
Plus tard il se délit de cette effervescence de lan-
gage, mais ce fut pour tomber dans le raffinement
de la pensée et l'obscurité de la diction ; son style
abonde en métaphores et en termes insolites. Sha-
kespeare n'a pas seulement la recherche et la sub-
tilité de son temps, il en a aussi la licence ; il est
peu de ses pièces qui ne contiennent des expres-
sions choquantes; ce défaut est relatif, car tel
mot qui nous choque aujourd'hui pouvait n'avoir
rien d'offensant à la fin du seizième siècle; mais
la licence ne se borne pas à quelques mots , elle
s'étend aux caractères mêmes. Les jeunes filles
que Shakespeare met en scène sont aussi libres
dans leur langage qu'honnêtes dans leurs mœurs.
Ce contraste, quoique piquant, enlève quelque
chose au charme de ces délicates créations.
Ce sont là des défauts réels, mais on leur a
attribué trop de gravité lorsqu'on a dit que Sha-
kespeare manquait d'art, qu'il était ignorant et
barbare. Comme l'art n'est que l'ensemble des
moyens employés pour arriver à un but, et que
Shakespeare, mieux qu'aucun autre poète, a at-
teint le but de la poésie dramatique : donner
une représentation vraie et. idéale de la vie hu-
maine , il serait absurde de prétendre qu'il
manque d'art. On a voulu dire qu'il manquait
de cet art, plus ou moins renouvelé des Grecs,
que Racine porta à la perfection ; il est vrai qu'il
ne le connut pas ou plutôt qu'il le dédaigna. On
ne voit pas ce qu'il eût gagné à le pratiquer; on
voit trop ce qu'il y eût perdu. Il n'est pas une
seule de ses pièces, si l'on excepte les Joyeuses
femmes de Windsor et peut être la Tem-
pête, qui ne fût complètement dénaturée si on lui
appliquait les unités prétendues classiques. Sha-
| kespeare, en épurant et en perfectionnant les
puissantes ébauches dramatiques des poètes ses
prédécesseurs immédiats, se lit à lui-même un art,
dont il serait possible de découvrir et d'exposer
les règles. De même qu'Aristote fit une poé-
tique d'après Sophocle, on ferait une poétique
d'après Shakespeare ; à quoi bon ? Il suffit de
constater que des œuvres comme le Marchand
de Venise, Roméo et Juliette, Macbeth, Othello,
ne sont pas le produit d'un génie sans art.
Le reproche d'ignorance n'est pas fondé. Les
anachronismes qu'on relève dans les œuvres de
Shakespeare né prouvent rien ; les uns sont des
inadvertances , les autres sont volontaires et
tiennent à une idée très-juste des conditions de
la poésie dramatique. La représentation d'un
événement passé, si elle se faisait avec la minu-
tieuse exactitude d'une restitution archéologique,
serait inintelligible pour le plus grand nombre
des spectateurs ; précisément pour conserver la
vérité du fond, il est indispensable de sacrifier
l'exactitude des détails. Mais dans ce qui est es-
sentiel au drame, c'est-à-dire dans la repré-
sentation des divers caractères et états mis en
SHAKESPEARE 914
scène, Shakespeare ne se trompe jamais ; le juge
parle la langue exacte d'un juge, le marin
celle du marin. Cette exactitude a été remar-
quée avec raison, et témoigne chez le poète d'un
savoir varié. Bien d'autres indices prouvent
qu'il lisait beaucoup. Il possédait le latin et un
peu de grec, à peu près ce qu'en savaient Cor-
neille et Molière; comme eux, il connaissait l'ita-
lien et peut-être l'espagnol, et il avait sur eux l'a-
vantage de lire les auteurs français et de pouvoir
écrire dans leur langue, tandis que Corneille,
Molière, P.acine ne savaient pas un mot d'anglais.
Le reproche de barbarie n'est guère plus
juste. Sans doute Shakespeare a souvent mis en
scène, sous les yeux des spectateurs, ce que les
poètes classiques cachent derrière le rideau;
c'éfait l'habitude parmi les dramaturges du sei-
zième siècle, et loin de les surpasser par l'étalage
des crimes, il adoucit la barbarie très'réelle du
théâtre de son temps. Il eut surtout grand soin
de ne jamais choisir de ces sujets odieux, chers
aux poètes classiques, où les sentiments naturels
sont méconnus ou violés. On ne voit point chez
lui une Médée qui tue ses enfants; une Chimène
qui près du cadavre encore chaud de son père
cause d'amour avec le meurtrier, et l'invite à
sortir vainqueur d'un combat dont elle est le
prix ; il n'eût jamais imaginé de prendre pour
sujet d'un drame un sacrifice humain, comme
l'a fait Racine; encore moins, comme d'autres
poètes, eût-il mis en scène un fils tuant sa mère ;
Hamlet dans son plus sombre égarement eût re-
poussé avec horreur l'idée de cet acte abomi-
nable. En général Shakespeare a pour les senti-
ments de la famille un respect admirable ; il n'y
a point chez lui de femme adultère; et s'il nous
montre des enfants dénaturés, c'est pour les
frapper aussitôt d'un châtiment exemplaire. Des
poêles fort civilisés n'ont pas eu le même res-
pect. Ainsi, à propos de Jules César, nous avons
l'histoire qui nous apprend les motifs noble-
ment spécieux auxquels obéit Brutus en concou-
rant au meurtre du dictateur; elle nous apprend
aussi quels rapports d'amitié existaient entre
César et Brutus, de quinze ou seize ans plus
jeune que lui. Mais outre l'histoire, il existe une
fiction inventée pour servir de thème à des con-
troverses de rhétorique : on a supposé que
Brutus était le fils de César, et qu'il avait eu h
débattre cette intéressante question : s'il tuerait
son père pour sauver sa patrie, ou s'il perdrait
sa patrie pour sauver son père; il y avait du
pour, il y avait du contre; et les apprentis rbé-
toriciens y trouvaient une admirable matière à
discours. Shakespeare et Voltaire ont traité le
sujet du meurtre de Jules César; le premier a
suivi simplement la donnée historique, à la fois
vraie et non révoltante; Voltaire n'a pas manqué
de choisir la donnée de rhétorique, qui est à la
fois fausse et atroce, ce qui ne l'empêchait pas
de dire et de croire que Shakespeare était un
ignorant et un barbare.
9! 5
SHAKESPEARE
S!6
Shakespeare avait été justement apprécié par
ses contemporains, qui le placèrent au-dessus de
tous- ses rivaux; si dans la génération suivante
sa renommée subit quelque éclipse, c'est que la
guerre civile et le triomphe des puritains ame-
nèrent l'interruption des représentations drama-
tiques. Dès que la restauration eut rouvert les
théâtres, les pièces du poêle de Stralford, quel-
quefois remaniées pour les accommoder au goût
du jour, attirèrent de nouveau le public. L'in-
fluence de la littérature française, alors générale
en Europe, se reconnaît sans doute dans les ju-
gements qu'on porta en Angleterre sur Shake-
speare; mais il ne fut jamais ni oublié ni même
méconnu. Les critiques dures et inintelligentes
de Rymer trouvèrent peu d'approbateurs. Si dans
la première moitié du dix-huitième siècle on joua
moins ses pièces, ce fut faute d'acteurs suffisants;
mais les éditeurs soigneux et les commentateurs
illustres ne lui manquèrent pas. Pope, tout clas-
sique qu'il était, parla de Shakespeare avec une
vive admiration; en accusant nettement ses dé-
fauts, en le plaignant d'avoir écrit pour le peuple
et sans art, il constata pleinement son génie.
Theobald et "Warburton émirent à peu près la
même opinion. A partir de 1741, Garrick ranima
la popularité de Shakespeare en jouant admira-
blement ses pièces, et en 1765 Johnson publia,
en tête de son édition , cette célèbre préface qui
est le dernier mot de la critique classique sur
l'auteur à'Hamlet. Johnson est prosaïque dans
ses jugements , il sent peu le côté poétique et idéal
de Shakespeare, il ne rend pas pleine justice à
son génie créateur; mais il comprend si bien son
génie d'observation, le naturel de ses peintures
de moeurs et de ses caractères, l'excellence de son
comique, que sa préface est une des meilleures
choses à lire sur Shakespeare. Si ce poëte avait
pu lui-même lire lés jugements portés sur lui, il
aurait certainement préféré l'admiration cordiale,
le blâme honnête de Johnson, aux brillantes dé-
clamations de Schlegel et de son école.
Une ère nouvelle pour la critique de Shake-
speare commença avec Schlegel et Coleridge. Les
côtés que Johnson avait méconnus furent pleine-
ment mis en lumière; mais à force de vouloir
pénétrer dans les intentions du poète, on lui at-
tribua assez souvent des idées qu'il n'eut jamais.
En somme, cette critique philosophico-poétique
nous pareît souvent conjecturale et artificielle,
pleine de fausses lueurs et d'illusions, surtout
chez Schlegel; il faut en tenir compte, il ne faut
pas s'y asservir. Gervinus est le représentant le
plus judicieux et le plus éclairé de cette école.
En France la critique n'a rien produit de bien
neuf ou important sur Shakespeare. Voltaire ,
pendant son séjour en Angleterre, avait eu occasion
de connaître les œuvres de ce poëte, et il en avait
été vivement frappé; il le jugeait à peu près
comme Pope, un poëte de génie sans art. Ce fut
ainsi qu'il en parla à son retour, et qu'il con-
tribua à le faire connaître. Plus tard il fut cho-
qué de voir quelques enlhousiastes le placer au-
dessus de nos grands tragiques, au nombre des-
quels il se comptait. Quand il sut que ie traduc-
teur Le Tourneur (1) l'avait appelé « le dieu du
théâtre », sa colère ne connut plus de bornes, et
il adressa à l'Académie une lettre extravagante
(1776) où il prodigue les plus grotesques injures
à Shakespeare et à son traducteur. Ce fut peine
perdue. « L'abomination delà désolation était dans
le temple du Seigneur. » La traduction de ce
« misérable, impudent, imbécile, faquin.» Le
Tourneur obtint un grand succès, et eut sur la lit-
térature française une influence telle qu'aucune
traduction n'en avait exercé depuis la version de
Plutarque par Amyot. Les prétendues imitations
de Ducis, qui n'avaient de Shakespeare que les
noms de quelques personnages et quelques si-
tuations, attestèrent et propagèrent celte vogue.
Plus tard M. Guizot, parla préface de sa révision
de Le Tourneur, M. Villemain, par un travail bio-
graphique exquis, M. Benjamin Laroche, par une
traduction plus fidèle que les précédentes, et enfin
M. François-Victor Hugo, par une version tout à
fait fidèle et littérale, ont contribué à faire con-
naître en France un poëte plus admiré que com-
pris. L'école romantique, en se faisant de sa
gloire une arme de guerre contre nos poètes
classiques, avait compromis sa cause auprès de
beaucoup d'esprits modérés ; mais cette manière
étroite de considérer Shakespeare n'est plus de
mise aujourd'hui. Nous admirons Shakespeare en
(1) Trente années auparavant, P.-A. de La Place avait
entrepris de foire connaître Shakespeare en France; il
lui avait consacré plus de la moitié de son Théâtre
anglais (Paris, 1743-1748, 8 vol. in-12), el avait traduit ou
analysé toutes ses pièces. La traduction faite par Le
Tourneur et ses collaborateurs anonymes (Paris, 1776-3
1783,20 vol. in-8°) renferme beaucoup d'omissions et
d'infidélités; elle a été revue et corrigée par MM. Gui-
zot et Pichot (Paris, 1821, 13 vol. in-8° ), ainsi t|ue par
M. Avenel ( Paris, 1822, 12 vol. in-18 [.Citons encore les
traductions de Benjamin Laroche ( Paris, 1838 et 1339 ,
2 vol. gr. în-8° à 2 col.; 1841-1843, 7 vol. in-18; 1339,
6 vol. iu-18 ), de M. Fr. Michel ( Paris, 1839-1840, 3 vol.
in-8°), de M. Fr.-V. Hugo ( Paris, 1859-1862, 12 vol.
in-8° ), et de M. Guizot ( Paris, 1S60-1862, 8 vol. in-8° ).
Les Poèmes et Sonnets de Shakespeare ont été mis en
vers par Ern. Lafond ( Paris, 1836, in-8"), et les Son-
nets, en prose, pur F.-V. Hugo ( 1837, in-18 ). — En Al-
Jemagne, Shakespeare a rencontré autant d'admirateurs
que dans son propre pays. Ses œuvres ont été vulgarisées
par quinze ou vingt auteurs différents : Wieland est le
premier en date (Zurich, 1762-1766, 8 vol. in-8°], puis vient
Eschenburg, quia corrigé et continue la version de Wic- '
land (ibid., 1775-1782, 13 vol. in-8°). L'un et l'autre ont
été effacés par Auguste de Schlegel et Tieck (Berlin,
1797-1811, 11 vol. pet. in-3°),dont la traduction, reproduite
pour la septième fois en 1856 ( Berlin, 12 vol. in-8° ), s'est
maintenue dans la faveur du public, malgré les traduc-
tions plus récentes des deux Voss ( 1818 ), de Binda
( 1825), de J. Meyer et Pcering (1824), de Bceiliger et
antres (1836), d'Oitlepp (183?), de Relier et Rapp
( 1843 ), etc. — En Italie, Shakespeare a eu pour inter-*
prêtes un potîte, Mich. Leoni (Vérone, 1819-1822, 14 vol.
in-8»), et un prosateur, Carlo Rusconi ( Padoue, 1831,
2 vol. in-8°). — Il a encore été traduit entièrement en
hollandais par Brunius et autres ( Amsterdam, 1778-1782,
S vol. In-S° ), en danois ( Copenhague, 1805-1825, 9 vol.
in-8°),en hongrois, en polonais, en russe, en suédois; mais
une version complète de Shakespeare fait défaut dans les
langues espagnole et portugaise.
9*17
SHAKESPEARE — SHARP
918
lui-même, et non par opposilion à Corneille et à
Racine ; nous trouvons excellent le système dra-
matique qui a produit Othello, Macbeth, Ham-
let, sans trouver moins bon pour cela le système
qui a produit Polycucle , Athalie, le Misan-
thrope ; nous croyons de plus que ce système
appartient si bien au poêle qui l'a créé qu'il est
impossible de le lui emprunter. Shakespeare est
un de ces génies souverains qu'il faut étudier
comme on étudie la nature, dont il faut s'inspirer
comme on s'inspire de la nature, mais qu'il ne
faut pas copier. Toute imitation serait vaine. Le
seul moyen par lequel on puisse approcher de lui
est aussi la seule chose qui ne s'imite pas , c'est
l'originalité. Léo Jolbert.
I.a seule liste des ouvrages relatifs à Shakespeare rem-
plit plusieurs volumes in-folio du catalogue de la biblio-
thèque du Brillsh Muséum : c'est dire que le nombre en
est presque infini; nous ne citerons que ceux qui nous
paraissent avoir quelque importance. — Francis Mères,
Palladis Tamia, or the If'its' commonwealth, 1598. —
Fuller, IVorthies. —Edward Philipps, Theatrum poeta-
fum, 1675. — Dryden, The Ground of criticism in tra-
gedy, 1679. — Rymer, A short Viewof Iragedy ; ils ori-
ginal excellency and corruption ; with some réfections
on Shakespeare and other practitioners for the stage,
1693. — Prévost (abbé), Le Pour et le Contre, 1733 1740.
— M1"6 Lennox, Shakespeare illuslrated , or the Novets
and historiés on whicli the plays of Sh. are founded,
collected and translated from the original authors;
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— Tieck, Dramaturgisches Blaetter. 1886. — Hallam, In-
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C. Larob, Essays. — C. Simrock, Quellen des Sh. ; Berlin,
1831, 3 vol. in-s°.— T. deQuincey, Biography of Sh., dans
VEncyclopsedia britannica , et dans ses Œuvres, t. XV,
1863. — Taine, Uist. de la Littérature anglaise ; Paris,
1864, 3 vol. in-8°. — Lowndes, Bibliographer's Manual
(édit. H. Buhn), 8* part. — J. Hennis, Letters on the
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in-8». — P. Whalley, Enquinj into the learning of
Sh. ; ibid , 1748, In -8°. — Z. Grey, Critical, historical
and explanatory notes on Sh. ; ibid., 1754, 2 vol. in-8°.
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Lond., 1767, 1821, ln-8*. — Elizabcth Montagu, Essay on
Sh.., compared icith the greek and french dramatic
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logie de Sakespeart (sic); Paris, 1777, in-8°. — Prés-
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J. Colfier, Sh.'s library ; ibid., 1843, 1850, 2 vol. in-3°.
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2 vol. ln-8°. - lialllwell, Life of Sh.; ibid., 1847, ln.-P°.
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ibid., 1840, 2 vol. in-8». — Gervinus, Shakespeare ; Leip-
zig, 1849-18Ô0, 4 vol. in-8° ; trad. en anglais par Bun-
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temps; Paris, 1852, in-8». — Halllwell, Sh. retics; Lon-
dres, 1852,in-4°. — l'h. ( hasles. Études sur Sh.; Paris.
1852, in-18. — J. Collier, Notes and emendations to 5A.;
ibid., 1853, in 8". — Singer, ^indication of Sh.'s text
versus Collier ; ibid., 1853, in-8°. — A. Lacroix, Hist. de
l'influence de Sh. sur le théâtre français; Bruxelles,
1856, gr. in-8°. — Ch. Knight, Studies and illustrations
of Sh.; Londres, 1859, in-8°. — S. Neil, Critical biogra-
phy of Sh. ; ibid., 1861, tn-8». — Fullom, History of Sh ;
ibid., 18g2, 2 vol. in-8°. — Notices et préfaces sur Sh.
par les éditeurs de ses œuvres, Rowe, Pope, Theobald,
Warburton, Johnson, Capell, Steevens, Malone. Singer,
Knight, Cowdcn Clarke, Collier, etc. — V. Hugo, Jfil-
liam Shakespeare ; Paris, 1864, in-8».
Sharp (John), prélat anglais, né le 16 février
1644, à Bradford (Yorkshire), mort le 2 février
1714, à Bath. 11 acheva ses études classiques à
Cambridge, et s'engagea dans les ordres. A la re-
commandation d'Henry More, il devint chapelain
de sir Heneage Finch, qui lui confia aussi l'édu-
cation de ses fils; ce seigneur le prit en grande
amitié, et se chargea de sa fortune : ce fut grâce
à lui que Shtrp s'éleva jusqu'aux plus hautes di-
gnités de l'Église anglicane. On le vit successi-
vement archidiacre du Berkshire (1672), recteur
à Londres (1677), doyen du chapitre de Norwich
(1681), aumônier de Charles II et de Jacques II,
doyen de Canterbury(1689), et archevêque d'York
(8 mai 1691). En 1686 il fut suspendu pendant
quelque temps pour s'être opposé dans un de ses
sermons aux envahissements des doctrines ca-
tholiques. Sous le règne d'Anne, il jouit d'une
influence, considérable, et empêcha Swift d'arri-
ver à l'épiscopat; il siégea au conseil privé, et fut
depuis 1702 grand aumônier de la reine. C'était
un prélat fort pieux ; il a laissé un bon recueil
de Sermons, écrits d'un style clair, aisé, correct,
et publiés d'abord en 4 vol.; l'édit. de Londres,
1740, a 7 vol.in-80; on les a réimprimés en 1840,
à Oxford.
Life of archb. Sharp, par Th. Sharp, son fils. —
Wood, Athenœ Oxon. — Burnet, Own Urnes.
shakp (Thomas), théologien, fils du précé-
dent, né vers 1693, mort le 6 mars 1758, à Dur-
ham. Élève et agrégé de l'universitéde Cambridge,
il entra dans l'Église, obtint plusieurs bénéfices,
et devint archidiacre (1722), puis doyen du JNfor-
thumberland (1755). Il est auteur de différents
écrits de controverse et d'archéologie, qui ont été
réunis en 1763, Londres, 6 vol. in-8°, et d'une
vie de son père, Life of archbishop Sharp,
qui n'a vu le jour qu'en 1829, ibid., 2 vol. in-8°.
Il a laissé trois fils, John, archidiacre du Nor-
thumberland, mort en 1792; William, chirur-
gien dislingué, mort en 1810, à Londres; et
Granville, qui suit.
Chalmers, General biogr. dict.
919
SHARP
920
sharp (Granville), philanthrope, fils du i
précédent, né en 1734, à Bradford Dale, mort le I
6 juillet 1813, à Londres. Après avoir embrassé j
la carrière d'avocat, il y renonça pour entrer
dans les bureaux de la guerre ' ordnance of-
fice). Lorsque les colonies d'Amérique reven-
diquèrent leur indépendance, il donna sa dé-
mission ( 1775), et refusa même des emplois
importants, parce qu'il n'approuvait pas la poli-
tique du gouvernement. Grâce à sa position de
fortune, il put se livrera ses goûts et mener une
existence studieuse dans l'Inner Temple, une
de ces cités de Londres qui ne sont guère habi-
tées que par des avocats ou des lettrés. Bien
qu'il ait écrit sur la philologie, le droit, la théo-
logie et la politique, Sharp est surtout connu
comme philanthrope et comme défenseur de la
liberté. Il doit sa réputation à la hardiesse et
au succès avec lesquels il attaqua l'esclavage
des nègres. Après avoir lancé contre la traite
des noirs un livre qui produisit une certaine
sensation ( A Représentation of the injustice
of tolerating slavery in England; Londres,
1769, 1772, in-8°),il se signala par l'activité
personnelle qu'il déploya afin d'empêcher que
l'esclavage fût reconnu en Angleterre. Un nègre
du nom de Somerset étant tombé malade, son
maître, qui le croyait mourant, le jeta à la
porte. Sharp trouva ce malheureux dans la rue,
le fit admettre dans un hospice, et lui procura
plus tard une place. Deux ans après, le maître
de Somerset rencontra par hasard son esclave,
et le réclama. L'infortuné s'adressa à son pro-
tecteur, qui se chargea de le défendre. La cause
fut plaidée devant le lord maire, qui décida la
mise en liberté du nègre. Cependant le maître
insista sur ses droits, et s'empara du nègre en
dépit de la sentence contraire. Sharp lui intenta
un procès, et la question, référée à douze juges,
occupa trois sessions ( janvier à mai 1772 ) et
eut un résultat mémorable : il fut déclaré que
tout esclave devient libre dès qu'il met le pied
sur le sol anglais. C'est à Sharp que revient
J'honneur d'avoir formé la Société pour l'aboli-
tion de la traite des nègres (1787), dont il
fut le premier président (1). Il fonda aussi la
colonie de Sierra Leone, où il envoyait à ses
frais les nègres abandonnés dans les rues de la
capitale. Il ne se borna pas à demander la li-
berté pour ceux dont le seul crime était d'avoir
une peau plus foncée que la sienne ; il défendit
également les droits politiques de ses compa-
triotes. Entre autres abus, il s'opposa à la presse
maritime; un citoyen de Londres ayant été
saisi et envoyé à bord d'un vaisseau de guerre,
Sharp, invoquant la loi de Yhabeas corpus, fit
relâcher la victime. Dès lors chacun put invo-
quer un précédent contre un usage arbitraire,
qui menaçait de se perpétuer. Il se posa aussi
|1) Dans l'origine, elle comptait douze membres, tous
quakers, à l'exception de Sharp, zélé partisan de l'Église
établie, et d'un autre.
en avocat de la réforme parlementaire, et publia
dès 1778 sa Déclaration of the people's na-
tural rights to a share in the législature
(Londres, in-8°). En somme, Sharp est un de
ces hommes qui, s'ils ne jouent pas un rôle
marqué dans l'histoire; rendent de grands ser-
vices à leur patrie. Nous mentionnerons encore
parmi ses ouvrages : Remarks on several
very important prophecies ; Londres, 1768,
5 part. in-8°; — Remarks on the uses of the
définitive article in the greek of the New
Testament; Durham, 1798, 1804, in-8°; —
Account of the ancient divisions of the en-
glish nation into hundreds and tithings ;
Londres, 1784, in-8°.
P. Hoare, JUemoir of Gr. Sharp ; Lond., 1810, in-4°,et
1828, s vol. in-8».
sharp ( Abraham), mathématicien anglais,
né en 1651, à Little Horton, près Bradford,
mort le 18 juillet 1742, dans le même lieu. Sa
famille et celle de l'archevêque d'York (voy.
ci-dessus ) avaient les mêmes origines, dans le
Yorkshire. Il céda à la volonté de ses parents
en entrant chez un marchand de Manchester
pour y apprendre le commerce; mais il n'a-
cheva pas ses années d'apprentissage, et alla
s'établir à Liverpool, où il ouvrit une école pour
les gens du peuple. Forcé de renoncer à un mé-
tier si précaire, il se fit douanier. Un petit hé-
ritage qui lui survint fort à propos le mit à
même de ne se livrer qu'aux travaux de son
goût. Aussi adroit que patient, il réunissait en
lui les talents les plus divers; il s'était formé
lui-même, et aucune des sciences mathémati-
ques ne lui était étrangère. Lorsqu'il vint à Lon-
dres, il avait dépassé la trentaine, et tout en ne
cessant d'ajouter à ses connaissances, il jugea
nécessaire, afin d'épargner son avoir, de tenir
les livres chez un négociant. Ce fut dans cet
humble emploi que le connut un des premiers
savants de ce temps, Flamsteed, et qu'il le tira
de l'obscurité pour l'associer à ses durs et nom-
breux travaux : après l'avoir placé dans l'ar-
senal de Chatam, il l'appela auprès de lui à
Greenwich (août 1688). Sharp était bien l'aide
qu'il fallait à un pauvre astronome qui, comme
Flamsteed, était réduit à faire lui-même les frais
de ses instruments au moyen des plus mesquines
ressources : si le maître ne reculait devant au-
cun sacrifice pour l'amour de la science, l'élève
montra un zèle infatigable, une bonne volonté
toujours prête et les aptitudes les plus variées.
Non-seulement il étudiait le ciel, mais il cons-
truisit et gradua pour l'Observatoire royal un
mural dont l'arc mesurait 140 degrés; il observa
la longitude des étoiles fixes, leurs ascensions
droites et leurs déclinaisons; il eut une large part
au fameux catalogue d'environ 3,000 étoiles ; il
dressa la plupart des tables qui remplissent le t. H
de VHistoria cœlestis; enfin il dessina les belles
cartes de l'atlas qui accompagne la deuxième
édition de cet ouvrage. La santé de Sharp, déjà
921
SHARP — SHAW
922
délicate, fut tellement ébranlée par un labeur si
multiplié, qu'il fut, à son vif regret, obligé de se
séparer, au bout de plusieurs années, d'un
maître qui demeura son meilleur ami ; il se re-
tira dans son pays natal, et pour y continuer des
études qui lui étaient chères, il fit élever un petit
observatoire, qu'il garnit d'instruments, tous exé-
cutés de ses propves mains. Jusqu'à la fin de sa
vie (il mourut nonagénaire) cet ingénieux sa-
vant s'adonna au travail, confiné dans une re-
traite presque absolue, n'admettant auprès de
lui que deux voisins, qui le visitaient de loin en
loin, n'ayant pour compagnie qu'un vieux servi-
teur; il entretenait une active correspondance
'avec les principaux mathématiciens de son
siècle, qui avaient recours à son étonnante faci-
lité pour le calcul. Il mangeait fort peu, et plus
d'une fois il oublia, au milieu de ses études, de
prendre le maigre repas qui lui était servi par un
guichet de son cabinet. On a de lui un ouvrage de-
venu fort rare, intitulé : Geometry improved
( Londres, 1717, in-4° ), et signé de ses initiales ;
il contient une table des segments du ceucle, un
traité des polyèdres, un précis des meilleures
méthodes connues pour le calcul des sinus, des
sécantes et des tangentes naturelles, et une table
de logarithmes pour les cent premiers nombres
et des nombres premiers compris entre loi et
1,100, tous calculés avec soixante et une figures
décimales. P. L — y.
Chnlmers, Général biograph. Dict. — Hutton, Die-
tionary. — Gentletnan's Magazine, t. II.
v sharp ( William), graveur anglais, né le
29 janvier 1749, à Londres, mort le 25 juillet
1824, à Chiswick. Il était fils d'un armurier.
Après avoir appris chez un graveur du com-
merce la pratique de son art, il épousa une Fran-
çaise, et s'établit pour son propre compte. En
1782, il céda sa boutique et se mit à reproduire
au trait les tableaux des vieux maîtres. Bientôt
après, il fut chargé, avec Angus, Heath et Col-
lyer, d'illustrer le Novelists' Magazine d'a-
près les dessins de Stothard. Il termina vers la
même époque la belle gravure que Woolett
avait laissée inachevée du Débarquement de
Charles II, d'après West. En 1814, sa réputa-
tion avait tellement grandi qu'il fut élu membre
des académies de Vienne et de Munich. Sharp,
tout en faisant preuve d'une grande originalité,
s'est formé un genre qui réunit les mérites di-
vers des plus habiles d'entre ses prédécesseurs.
Les demi-teintes et les ombres de ses composi-
tions sont d'un effet merveilleux. Son dessin si
correct n'a rien de froid. Parmi ses nombreux
ouvrages, nous citerons : La Dispute des doc-
teurs et VEcce Homo, d'après Guido Reni-
Sainte Cécile, d'après leDominiquin; la Vierge
à V Enfant, d'après Carlo Dolci; Diogène, d'a-
près Salvator Rosa; la Sortie de Gibraltar,
d'après Trumbull ; la Destruction delà batterie
flottante devant Gibraltar, d'après Copley,
et le portrait de John Hunter, d'après Rey-
nolds. Cet artiste était d'un caractère cré-
dule et enclin au merveilleux ; il s'enthousiasma
pour les doctrines de Mesmer, de Jeanne
Southcott et de Richard Brothers, et se laissa
dépouiller de la meilleure partie de ses écono-
mies par ces deux derniers personnages.
Knight, EnglishCyclopxdia (blogr.).
shaw( Thomas), voyageur anglais, né vers
1692, à Kendal ( Westmoreland ) , mort le
15 août 1751, à Oxford. Il embrassa l'état ecclé-
siastique, et fut attaché comme chapelain au
comptoir anglais d'Alger. 11 conserva ce poste
pendant douze ans , et ne revint en Angleterre
qu'en 1734. Aussitôt il fut admis dans la Société
royale de Londres. Après avoir publié le récit de
ses voyages, il fit présent à l'université d'Oxford,
où il avait pris ses degrés, de sa riche collection
de curiosités naturelles, de médailles et d'objets
d'art. En 1740, il remplaça Felton dans le prin-
cipal du collège de Saint-Edmund, et fut pourvu
du bénéfice de Bramley. Peu après il obtint la
chaire de gpec. Shaw a visité toute l'ancienne
Numidie, la Syrie et le nord de l'Egypte, et il
a laissé, sur beaucoup de pays ou de, localités
alors mal connus des observations intéressantes
et des renseignements exacts. Il n'a rien négligé
de ce qui pouvait concourir à l'instruction
comme à l'agrément de ses lecteurs; aussi a-
t-il fait de son ouvrage un des meilleures que l'on
connût encore sur l'Afrique. Il a pour titre :
Travels or observations relatin gto several
parts of Barbary and the Levant ; Oxford,
1738, in-fol., fig. et cartes ; il a été réimpr. à
Londres, 1757, in-4°, avec supplément, et à
Edimbourg, 1808, 2 vol. in-8°, et traduit en
français (La Haye, 1743, 2 vol. in-4°, fig.), en
allemand et en hollandais. Les services que ce
voyageur a rendus à la botanique ont fait donner
le nom de SJiawia à une plante zélandaise de la
famille des corymbifères.
Notice, a la tête de l'cdit. d'Edimbourg.
shaw ( George ) , naturaliste anglais , né le
10 décembre 1751, à Bierton (Buckingham-
shire), mort le 22 juillet 1813, à Londres. Fils
d'un pasteur et destiné à l'Église, il fit ses études
à l'université d'Oxford, reçut en 1774 les or-
dres mineurs, et desservit deux chapelles de la
paroisse de Bierton. Il ne tarda pas cependant à
quitter une carrière où il n'était entré que par
obéissance , et , s'abandonnant à son goût pour
l'étude de la nature, il se rendit à Edimbourg, et
fréquenta pendant trois ans les cours que pro-
fessaient Black et Cullen sur la chimie et la mé-
decine. Choisi en 1784 comme suppléant de
John Sibthorp, qui allait parcourir la Grèce, il
enseigna la botanique à Oxford pendant l'ab-
sence de ce savant ; mais, après avoir pris le
grade de docteur, il alla s'établir à Londres (oc-
tobre 1787), et y exerça la médecine. Plus tard,
en 1796, à la mort de Sibthorp, il se présenta
pour lui succéder comme titulaire ; les bons
souvenirs qu'il avait laissés dans l'université,
923 SHAW — SHELBURNE
son savoir étendu, le rang élevé que ses tra-
vaux lui avaient assigné parmi les botanistes
contemporains, son humeur aimable et spiri-
tuelle, tout concourait à assurer son élection :
il fut en effet nommé professeur royal d'une
voix unanime, mais il dut se retirer devant un
ancien statut non abrogé et qui excluait du
professorat quiconque s'était donné à l'Église.
Shaw n'avait alors plus rien à ajouter à sa ré-
putation , comme praticien : il était recherché et
possédait une clientèle lucrative; il dissertait
avec beaucoup d'aisance et de clarté, et ses
cours (lectures) attiraient au Leverian mu-
séum un auditoire nombreux et éclairé; il avait
concouru en 1788 à l'établissement de la So-
ciété linnéenne, où il figurait comme vice- pré-
sident; il était depuis 1789 membre de la So-
ciété royale; enfin, en 1791, il avait renoncé à
la pratique de son art, qui assombrissait son
humeur, naturellement gaie, pour entrer au Bri-
tish muséum en qualité de conservateur adjoint.
Cette modeste place, dont il devint titulaire eu
1807, lui permit de se livrer sans réserve à son
goût dominant pour l'histoire naturelle. La
mort le surprit au milieu de la publication de sa
Zoologie générale ;il n'avait pas soixante-deux
ans. « On admirait, dit Cuvier, l'étendue de ses
connaissances et la profondeur de son érudi-
tion. » Il écrivait le latin avec élégance, et se
délassait de ses travaux sérieux en composant
d'agréables pièces de vers. Toutefois il n'avait
que les talents d'un érudit, et il a contribué aux
progrès de l'histoire naturelle plutôt en en pro-
pageant le goût par ses nombreux écrits qu'en
y introduisant des vues nouvelles. Nous citerons
de lui : The Naturalises Miscellany ; Lon-
dres, 1789-1813, 24 vol. gr. in-8°, pi. col. : cette
revue mensuelle se compose de 286 numéros et
d'un index général ; — Musei Leveriani expli~
catio anglica et latina ; Londres, 1792-96,
2 vol. in-4°, fig. : description du cabinet de sir
A. Lever; — Zoology of New Holland;
Londres, 1794, in-4°, fig. ; — Cimelia physica;
figures of quadrupeds, bircls, etc., wlth inost
élégant plants; Londres, 1796, in-4°, fig. : ce
recueil est, avec le Muséum Leverianum , un
des plus magnifiques qui soit sorti des presses
anglaises; — General zoology ; Londres, 1800-
1813, t. I à VIII, gr. in-8°, fig. : ce n'est, au ju-
gement de Cuvier, qu'une compilation sans cri-
tique; l'ouvrage a été continué de 1816 à 1819
par Stephens, et comprend 1 1 vol. gr. in-8°; —
A Course of zoological lectures; Londres,
1809, 2 vol. gr. in-8°, fig. Shaw a fourni des
articles aux Mémoires de la Société linnéenne,
et il a travaillé, de concertavec Hutton et Pearson,
à la publication de YAbridgement of the Phi-
losophical Transactions (1809,18 vol. in-4°).
Centleman's Magazine, t. LXXXIH. — Cuvier, Hist.
des sciences naturelles.
SHEFF3EILD. Voy. BUCKINGHAM.
sheil [Richard- Lalor) , homme politique
924
anglais, né à Dublin, en 1793, mort à Florence,
le 23 mai 1851. II était fils d'un négociant de
Cadix. Élevé dans la religion catholique, il acheva
ses études au collège de la Trinité à Dublin; puis
il se rendit à Londres pour se préparer au bar-
reau anglais , qui récemment avait été ouvert à
ses coreligionnaires. La ruine commerciale de
son père l'obligea d'aller faire son droit en Ir-
lande, et il fut reçu avocat en 1814. Il défraya
ses frais d'étude par des travaux littéraires, vers
lesquels du reste l'entraînaient ses goûts et sa
vive imagination, et composa le drame d'Adé-
laïde, qui eut du succès, et ceux de V Apostat, de
Bellamira, d'Evadné et du Huguenot. Il
fournit aussi au New monthly magazine une
série d'Esquisses sur le barreau irlandais.
Né orateur et écrivain, il quitta la profession d'a-
vocat, qui lui inspirait peu de sympathie, et parla
souvent dans les meetings publics tenus en Ir-
lande. Membre actif de l'Association catholique,
il fut choisi en 1825, avec O'Connell, pour la
défendre'devant la chambre des lords; mais le
hili présenté pour la dissoudre fut adopté, et
cet échec exalta à un si haut degré le zèle reli-
gieux et l'éloquence de Sheil que des poursuites
furent commencées contre lui pour langage sédi-
tieux. Après avoir largement contribué à l'élec-
tion d'O' Connell (1828), il fut envoyé à son tour
au parlement pour le bourg de Milborne Port
(1829), par suite de l'appui que lui donna le
marquis d'Anglesea, alors lord-Iteutenant d'Ir-
lande, qui devina que l'agitateur une fois élu se
calmerait et se rendrait utile. Sheil devint un
orateur des plus brillants, bien que les sujets ne
fussent pas toujours au niveau de la profusion
orientale de ses images et de son débit passionné.
Lorsque, en 1832, O'Connell recommença l'agita-
tion à l'effet d'arriver au rappel de l'acte d'Union,
Sheil ne consentit à le seconder qu'avec une cer-
taine répugnance. Depuis cette même année, il
représenta le comté de Tipperary, où, par son
mariage avec une riche veuve, il était devenu
possesseur de biens considérables. En 1838, il
accepta du cabinet Melbourne un des commissa-
riats de l'hôpital de Greenwich , sinécure bien
payée. En 1839, il fut nommé vice-president du
conseil de commerce, et membre du conseii
privé. Il était depuis Jacques II le premier ca-
tholique à qui eût été conféré cet honneur. C'était
un témoignage de l'esprit libéral du temps autant
qu'une récompense pour des services rendus en
politique. A l'avènement du ministère Russell
(1846), Sheil fut pourvu de la surintendance de la
Monnaie, place qu'il occupa jusqu'en novembre
1850, où il se rendit comme ministre à la cour
de Toscane. Le suicide de son gendre lui porta
bientôt un coup dont il ne put se relever, et' il
succomba à une goutte remontée. J. C.
M' Cullagh, Memoirs of B. Sheil.
shelbcrne (William Petty, comte de),
marquis de Lansdowne, homme d'État anglais,
né le 2 mai 1737, mort le 7 mai 1805. Son nom
I
|925 SHFXBURNE
de famille (Hait Fitz-M aurice , et il descendait
par sa grand' mère (1) de William Petty, l'éco-
nomiste (votj. ce nom). Il servit d'abord avec
distinction dans la guerre de Sept ans; puis
Georges III, qui l'avait admis dans son intimité,
le prit pour aide de camp (1760), et le nomma,
en 1765, major général. Mais ses penchants et
ses relations de famille le portaient vers la poli-
Itique. Il venait d'être élu député pour Wycombe
lorsqu'il fut appelé dans la chambre haute par
suite de la mert de son père (10 mai 1761). 1!
soutint d'abord avec zèle par ses votes et quel-
ques discours remarquables les mesures du mi-
nistère et les vues de la cour. Les dissentiments
avec les colonies d'Amérique commençaient.
Shelburne, opposé à la politique impérieuse que
les ministres, dominés par le souverain, vou-
laient suivre à l'égard des Américains, combattit
plusieurs des mesures proposées. Le roi lui en
sut très-mauvais gré, et le témoigna par sa froi-
deur. Shelburne se rapprocha alors de lord
Chatam, dont il partageait les opinions, et ac-
cepta, dans son ministère (1766), le département
du sud, qui renfermait les colonies. C'était un
poste dont les circonstances relevaient beaucoup
l'importance. Afin de prévenir l'insurrection ou-
verte des colonies, Shelburne se mit en rapport
avec leurs agents en Angleterre, et leur exposa
l'intention du gouvernement d'adopter des me-
sures conciliantes. Mais la plupart de ses col-
lègues ne partageaient pas ses vues libérales, entre
autres lord Grafton et le chancelier Townshend,
qui s'inquiétaient avant tout d'être agréables au
roi. Chatam , dont la maladie nerveuse se pro-
longeait, finit par quitter le cabinet, et Shelburne
suivit son exemple (1768). Dès lors il prit place
dans l'opposition, et saisit jusqu'en 1782 toutes
les occasions de combattre les mesures des mi-
nistres concernant la guerre d'Amérique , l'abus
des prérogatives de la couronne, l'accroissement
de la dette publique. Il déploya dans cette lutte
des talents supérieurs d'orateur et de dialecticien.
Il succéda en 1778 à lord Chatam dans la con-
duite du parti whig, redoubla à chaque session
d'attaques contre lord North (voy. ce nom), et
acquit une grande popularité. Ce ministère suc-
comba enfin sous le poids de ses fautes (mars
1782). Les partis dont Rockingham et Shelburne
étaient les chefs s'entendirent pour former une
administration nouvelle : Shelburne y fut chargé
des affaires étrangères, et Rockingham choisi
comme chef et premier lord de la Trésorerie.
D'excellentes réformes, qui en présageaient
d'autres, furent accomplies. Malheureusement la
mort de Rockingham vint, peu de mois après,
remettre en question l'existence du ministère
(1er juillet); à la suite de diverses négociations,
(î) Fille de W. Petty, elle avait hérité des biens et
titres de ses frères, et les avait portés dans la famille
de son mari Tuomas Filz-Maurice, premier comte de
Kerry. Leur fils John obtint en 1753 une pairie anglaise,
■et mourut en 17G1. /
— SHELDON
920
il fut reconstitué, avec Shelhurne, comme pre-
mier lord de la Trésorerie. Sept mois plus tard
il était renversé par la scandaleuse coalition de
Fox et de North, deux adversaires politiques qui
avaient épuisé l'un contre l'autre l'outrage des
invectives (février 1783). Shelburne eut la satis-
faction de voir ce temps de son ministère illustré
par la fin du siège de Gibraltar, par les succès
maritimes de Howe et de Rodney, et par la con-
clusion des préliminaires de la paix avec l'Amé-
rique. Le cabinet North et Fox succomba en
décembre 1783, sous les attaques des partis op-
posés. On s'attendait à voir Shelburne revenir
aux affaires; mais Georges 111, qui ne l'avait
accepté que sous le coup de la nécessité, préféra
le jeune Pitt. Shelburne et ses amis ne lui mon-
trèrent point d'hostilité. Le nouveau ministre té-
moigna autant d'estime que de déférence pour
l'ancien chef du cabinet dont il avait fait partie, et
il contribua à lui faire accorder le titre de marquis
de Lansdowne (novembre 1784). Shelburne dès
lors passa une grande partie de son temps dans
ses terres. Avant la révolution, il fit un voyage
en France. Il reparut sur la scène politique lorsque
la révolution de 1789 eut éclaté, et combattit avec
force les mesures qui devaient conduire à la
guerre avec la France. A l'époque où fut discutée
l'union de l'Irlande à l'Angleterre, il se montra
un chaud défenseur de cette mesure, et conseilla
avec instances un esprit libéral à l'égard des Ir-
landais.jMarié deux fois, il eut deux fils consan-
guins, qui portèrent l'un après l'autre le titre de
marquis de Lansdowne ( voy. ce nom).
Lord Shelburne n'est pas regardé en Angle-
terre comme un grand homme d'État, bien qu'on
lui reconnaisse une instruction fort étendue, des
principes élevés et libéraux, surtout une con-
naissance des affaires étrangères et une intelli-
gence des intérêts du commerce supérieures à
celles des hommes politiques de son époque. On
doit pourtant faire observer que, par suite des
circonstances , il n'exerça pas longtemps le pou-
voir, dont la durée l'eût mis à même de former
de grands plans et de les exécuter. On lui a re-
proché de manquer de sincérité. Franklin, qui
l'avait beaucoup vu, affirme dans son journal
qu'il « ne lui a jamais donné de preuve de ce
défaut ». Lord Rrougham, qualifiant cette accu-
sation de mensongère, en attribue la source aux
pamphlets qui émanèrent du parti tory. Lord
Shelburne avait consacré ses loisirs à former une
des plus belles bibliothèques d'Angleterre en po-
litique et en histoire. A sa mort, les livres furent
vendus à l'encan, et les manuscrits achetés poul-
ie British Muséum, au prix de 4,925 liv. st.,
somme qui fut votée par le parlement. J. C.
Brougham, Statesmen of the Unies of George III. —
Quarterly revieti, janvier 185*. — Lodge, Portraits of
illuslrious personayes, t. VIII. — Collins, Peerage.
sheldon ( Gilbert), prélat anglais, né le 19
juillet 1598, àStanton (comté de Stafford ), mort
le 9 novembre 1677, à Londres. Il était fils d'un
927
SHELDON
serviteur de lord Gilbert de Shrewsbury, qui fut
son parrain. Destiné à l'Église, il prit ses degrés
à Oxford, et fut agrégé au collège des Trépassés,
dont en 1635 il fut élu principal. En même temps
qu'il entrait dans les ordres (1622), il devint
chapelain du garde des sceaux Coventry, et non-
seulement cet homme d'État le pourvut d'une
prébende à Glocester el d'autres bénéfices ecclé-
siastiques, mais encore il le recommanda à
Charles 1er comme un homme habile, sûr et
rompu aux affaires. Lord Clarendon portait de
lui un semblable jugement. Aussi le roi l'attacha-
t-il à sa personne avec le titre d'aumônier (1630),
et l'admit-il dans son intime confidence. Ce fut
en sa présence qu'il fit à Oxford (1646) un vœu
solennel par lequel il s'obligeait, si Dieu le res-
taurait sur son trône, à rendre à l'Église tous les
biens qui lui avaient été enlevés ; témoin de ce
vœu, Sheldon ne le rendit public qu'au rétablis-
sement de la monarchie. Son dévouement au roi
inspira des soupçons : pendant le procès on
l'emprisonna, puis on l'éloigna de la capitale.
Charles II l'accueillit avec déférence, et lui donna
deux fois la succession ecclésiastique de Juxon,
c'est-à-dire l'évêché de Londres (9 octobre 1660)
et l'archevêché de Canterbury (11 août 1663);
mais il lui ôta sa confiance quand le prélat
l'exhorta à renvoyer de la cour Barbara Villiers,
sa favorite. Sheldon mourut presque octogénaire.
Sa charité était inépuisable, ainsi qu'il en fit preuve
lors de la grande peste qui décima Londres en
1665; son extrême libéralité se fit voir par les
sommes qu'il donna autour de lui, notamment
pour l'érection du théâtre d'Oxford. Mais, selon
Burnet, il était plus honnête homme que bon
chrétien et mettait la religion au service de là
politique.
Wood, Mhenœ Oxonienses. — Parker, Comm. de ré-
bus sui temporis. lib. I. - Burnet, Oivn Urnes.
shelley (Percy-Bisshe), poète anglais, ne
le 4 août 1792, à Fieldplain (Sussex), moit le
8 juillet 1822. Sa famille était riche et ancienne.
Dès sa jeunesse, à Eton et à Oxford, il se fit re-
marquer non-seulement par son penchant à la
mélancolie et au mysticisme, mais aussi par un
esprit de révolte qui, du régime universitaire,
s'étendit bientôt à l'état social tout entier. Chassé
de l'université pour un ouvrage anonyme intitulé
Defence of alheism (Londres, 1811, in-8°), il
apporta dans le monde, où le formalisme des
mœurs anglaises ne devait pas moins le choquer
que le pédantisme du collège, un cœur déjà
froissé par la persécution , une intelligence bril-
lante, mais incomplète, un parti pris de déclarer
la guerre à toutes les idées sociales. Doué d'un
sentiment religieux vague et profond, il transporta
dans la poésie le système de Spinosa, el se créa
une sorte de panthéisme philosophique et senti-
mental, qui ne parut à la sévérité anglicane que
de l'athéisme et de l'immoralité. La société traita
Shelley en ennemi. Son père l'éloigna de la
maison paternelle, et, pour demeurer fidèle à ses
SHELLEY 928
principes, il renonça au riche héritage de son
aïeul (1). Devenu père lui-même par suife d'un
mariage irréfléchi contracté à Gretna-Green en
août 181 1, il devait se voir priver par la loi des
droits et des douceurs de ia paternité. Séparé de
sa première femme (2) par consentement mutuel
dès 1813, il visita le continent en compagnie de •
Marie Wollstonecraft, fille naturelle de Godwin,
qu'il épousa plus tard, et dont le philosophisme
hardi, les idées bizarres s'accordaient bien avec
ses propres penchants. Dès son séjour au collège,
où son esprit actif, bien qu'ennemi de toute
règle, s'était successivement appliqué au grec, au
latin, au français, à l'allemand, à la chimie, etc.,
Shelley avait composé des romans, dont un en
vers, le Juif errant (3), en société avec son
parent, le capitaine Hedwin; il avait même pu-
blié en 1810 un recueil anonyme, Posthumous
poems of my aunt Margaret Nickolson, dont
l'objet était de ridiculiser le sentimentalisme de
certains révolutionnaires français. Le premier de
ses ouvrages, autour duquel il se fit du bruit et
du scandale, fut la Reine Mab, poème qu'il ne
voulait pas mettre au jour, et dont la publication
(Londres, 1813, in-8°, avec des notes où était
consigné le système politique et religieux de
Shelley; réimpr. en 1821 el 1829, avec des sup-
pressions), provoqua des poursuites judiciaires.
Lorsqu'en 1816, à la mort de sa première femme,
il réclama à la famille de celle-ci les deux enfants
nés de leur mariage, on les lui refusa, et la cour
de la chancellerie valida ce refus en se fondant
sur les opinions professées dans un ouvrage paru
sans la participation de l'auteur. 11 quitta alors,
avec sa nouvelle épouse, l'Angleterre, que, sauf
un court séjour en 1817, il ne devait plus revoir.
A Genève, il se lia intimement avec Byron, qu'il
retrouva plus tard en Italie. Venise, Rome et
Naples lui servirent tour à tour d'asile. Voué à
la cause de toutes les insurrections contre toutes
les tyrannies , il encouragea de ses vers l'éman-
cipation de la Grèce, partagea la joie prématurée
que la révolution napolitaine avait inspirée aux
amis de la liberté, et lui adressa une belle ode
qui offre de frappants rapports avec la Messé-
nienne de C. Delavignesur le même sujet. Après
la catastrophe, il se retira en Toscane, où le reste
de sa courte carrière se passa au sein de l'étude,
entre sa femme, un fils qu'elle lui avait donné,
et un petit nombre d'amis, parmi lesquels il faut
compter Byron, Keats et Leigh Hunt. Il se noya
par accident, le 8 juillet 1822, dans un trajet en
bateau sur la Méditerranée. L'auteur de Childe
Harold, d'après le vœu exprimé, dit-on, pat
(1) En 1813, Il entra en accommodement avec son père,
qui lui assura un revenu de 800 liv. par an (20,000 fr.).
Le vieux baronet, sir Timotbée Shelley, mourut en 184*,
laissant pour héritier de son titre un 01s d'un second lit,
né en 1819.
(2) Elle était fille d'un ancien maître d'hôtel nommé
Westbrooke.
(3) On en inséra quatre chants en 1831 dans le Frazer't
Magazine.
929
SHELLEY — SHERARD
930
Shelley, ou, suivant d'autres, tout simplement
pour se conformer aux lois de la quarantaine,
léposa le corps sur un bûcher et le réduisit en
cendres.
Outre les poèmes d'Alastor (181c) et de Revolt
^/s/awi (181 8), composésen Angleterre, Shelley
crivit en Italie plusieurs ouvrages, parmi les-
quels nous citerons Prometheus unbound
1818) et the Cenci (1819), essais dramatiques
)ù l'auteur a su reproduire tour à tour les beautés
évères de la muse antique et les plus sombres ins-
«rations de la dramaturgie moderne. Mme Shelley
publié les Poésies posthumes de son mari
Londres, 1824, in-8°), avec quelques suppos-
ions; ses Œuvres poétiques (1839, 4vol. in-12),
t ses Œuvres en prose et ses lettres (1840,
vol. in-8°). C'est d'après ses papiers qu'on a
ait paraître Shelley Memorials (1859, in-12)
t Relies of Shelley (1862, in-12). Le nom de
helley a grandi depuis sa mort; à son ins-
liration panthéiste et métaphysique s'est ratta-
hée en Angleterre toute une école, qui l'a sur-
lommé le poète des poètes, et son génie vigou-
eux, quoique incomplet, les persécutions même
lont il fut victime ont valu une célébrité post-
îume à ce nom, très-con testé du vivant de l'auteur.
Shelley (Mary), femme du précédent, née
n 1798, morte le 1er février 1851, à Londres.
£Ile était la fille naturelle du romancier God-
vin et portait les noms de sa mère, Mary
jvVollstonecraft, qui avait revendiqué les droits
le son sexe. Elle avait seize ans lorsqu'elle
onnut Shelley, et sans hésiter elle le suivit en
llemagne. Bien qu'ils fussent tous deux d'un
aractère fantasque et bizarre, ils vécurent en
lonne intelligence, et leur union paraît avoir été
leureuse. A dix-huit ans Mary Shelley avait
onquis un renom littéraire par la publication
'un roman fantastique, Irankenstein (Lon-
Ires, 1816; traduit en français, 1821, 3 vol.
n-12), et pourtant, malgré le prodigieux succès
le ce début , elle ne se pressa point de re-
prendre la plume, et employa tous ses instants à
oigner son mari. Les romans qu'elle écrivit en-
uite, Valperga, Falkland, the Last man et
\he Fortunes of Perkin Warbeck, ne répon-
lirent pas à l'attente qu'elle avait fait naître. On
ui doit aussi le récit des voyages qu'elle a faits
;vec Shelley ( Rambles in Germany and
Italy). E. Rathery.
Th. Mcdwio, Life of Shelley ; Londres, 1847, 2 vol.
[-S». — Tb.-J. Hogg, Idem ; Ibid., 1858, 2 vol. in-8°. —
:h. Middleton, Shelley and his works; ibid., 1858,
vol. in-S°. — Quarterly revietc, octobre 1861. — Revue
es deux mondes, 5 Janvier 1848.
shenstone ( Willïtim), poète anglais, né en
lovembre 1714, aux Leasowes, près Haies Owen
Shropshire), mort le 11 février 1763, dans le
nême lieu. Après avoir passé trois années dans
université d'Oxford, où il ne prit aucun grade,
l débuta en 1737 par un recueil de vers (Poems
ipon varions occasions ; Oxford, pet. in-8o),dont
détruisit plus tard un grand nombre d'exem-
NODV. BIOGR. GÉNÉR. — T. XLH1.
,'
plaires. En 1745, il renonça à la vie de loisir
élégantequ'il avait menée jusqu'alors, etretourna
dans son domaine des Leasowes, dont il devait
rendre le nom célèbre. Il le tranforma avec tant
de goût que les étrangers accouraient le visiter ;
le plaisir des yeux était tout pour lui. « En réa-
lisant ce beau rêve pastoral des Leasowes, a
écrit Disraeli, il forma chez ses compatriotes ce
goût pour les jardins pittoresques qui ne tarda
pas à se répandre dans toute l'Europe. » Du
reste, ses plantations, ses cascades, ses grottes
et ses inscriptions lui coûtaient tant d'argent
qu'il ne se trouvait pas à même de réparer le
toit de sa maison, où il se voyait inondé le»
jours de pluie. Les inquiétudes que lui causèrent
ses embarras financiers abrégèrent même sa
vie. Dans ses poésies pastorales, Shenstone a
montré, selon Johnson , de l'aisance et de la
simplicité ; mais il manque de variété. On relit
encore avec plaisir sa Maîtresse d'École (1741)
et ses Essais en prose, qui dénotent une grande
connaissance du cœur humain. Ses œuvres, réu-
nies par Dodsley (1764, 3 vol. in-8°), ont été
réimprimées plusieurs fois depuis, et ses poésies
par le rév. Gilfillan ( Londres, 1854, in-18), avec
une notice biographique.
S. Johnson, Fie de l'auteur, à la tête des Essays on
men and manners, — W. Seward, Recollections ot the
life of W. Shenstone ; Londres, 1788, in-8». - Dis-
raeli, Curiosities of Literature. - Temple Bar maga-
zine, février 1864. -
sherard ( William ), botaniste anglais, né
en 1659, à Bushby ( comté de Leicester), mort
le 12 août 1728, à Eltham. On ignore à quelle
époque et pour quel motif il changea son véri-
table nom, qui était Sherwood. Après avoir
achevé ses études , il devint agrégé d'Oxford
(1683), et accompagna l'un après l'autre deux.
jeunes seigneurs dans leurs voyages sur le conti-
nent. Il avait alors déjà parcouru plusieurs comtés
anglais, l'Irlande, Jersey, dans le but de con-
tribuer aux progrès delà botanique, dont l'étude
était sa passion dominante. Partout il recher-
chait le commerce des savants, et à l'étranger
il se lia avec Boerhaave, Hermann, Tournefort,
Vaillant, Micheli ; en 1694 il fournissait au Syl-
loge stirpium europxarum de Ray un cata-
logue des plantes jurassiennes; en 1697 il pu-
bliait le Paradisus batavus d'Hermann, et eu
1700 il communiqua à la Société royale un mé-
moire sur les vernis du Japon. Il était commis-
saire des marins malades à Portsmouth lors-
qu'en 1702 il fut nommé au consulat de Smyrne.
Sans négliger aucune occasion d'être utile aux
lettres ou à l'histoire, il mit à profit son séjour
dans le Levant pour s'adonner à ses travaux
favoris ; ce fut dans sa villa de Sedekio qu'il
I réunit ses richesses scientifiques et qu'il com-
j mença son vaste herbier, qui passe encore en
I Angleterre pour un trésor national. A son re-
j tour (1718), Sherard reçut d'Oxford le diplôme
de docteur. Il fit encore plusieurs excursions
1 sur le continent; la plus féeonde assurément fut
30
SIIEP.ARD — SHERIDAN
îl (lécicia Vaillant à vendre à
931
celle de 172.,
Boerhaave la description et les dessins des
plantes du jardin du roi (1), et où il amena d'Al-
lemagne Dillenius ( voij. ce nom ), pour le mettre
à la tête du jardin botanique de son frère. C'é-
tait moins un savant de profession qu'un ama-
teur enthousiaste. Il n'avait aucune prétention;
il aimait la science pour elle-même. On eût dit
qu'il trouvait à aider les autres plus de plaisir
qu'à produire de lui-même : déjà collaborateur
de Ray et de Boerhaave, il travailla aussi à la
Natural historij of Carolina de Catesby et à
YHortus ÉUhamensis de Dillenius. Pourtant
ou a quelque raison de le croire auteur d'un
petit catalogue du jardin du roi à Paris, et qui a
pour titre Schola botanica (Amsterdam, 1689,
1691, 1699, in-12 ) ; on y voit les initiales S. W.
A., qui pourraient, à notre sens, signifier She-
rard William Anglus. En mourant il rendit
deux services signalés à la botanique : l'un de
léguer à l'université d'Oxford son herbier, riche
d'environ 12,000 espèces, et l'autre d'y fonder
une chaire spéciale. Linné a donné le nom de
Sherardia à un genre de plantes delà famille des
rubiacées.
Pulteney, Botany. — Rees, Cyclop. — Gentleman's
Magazine, t. LXV1.
shkrburne ( Sir Edward), poète anglais,
né le 18 septembre 16.18, à Londres, où il est
mort, le 4 novembre 1702. Il était d'une bonne
famille du Lancashire. En sortant de l'école de
Thomas Farnaby, célèbre instituteur du temps ,
il voyagea sur le continent, sous la tutelle d'un
poète médiocre, nommé Charles Aleyn. A la fin
de 1641 il succéda à son père dans la charge
d'intendant de l'artillerie; mais quelques mois
plus tard il en fut dépouillé par ordre de la
chambre haute, à cause de son adhésion au parti
du roi, et subit un emprisonnement rigoureux.
Aussitôt qu'il fut libre, il rejoignit Charles Ier,
et s'acquitta de ses fonctions militaires jusqu'en
1646, où il vint se cacher à Londres. Ayant vu
confisquer ses biens et piller sa maison , il se
consola de la pauvreté en cultivant la poésie.
Vers 1651 il devint l'intendant de sir George Sa-
vile, et de 1654 à 1659 il accompagna le jeune
Jchn Coventry dans ses longs voyages. A la
restauration il obtint avec beaucoup de peine
d'être rétabli dans sa charge, parce qu'en le
soupçonnait d'être catholique, et son refus de
prêter serment à Guillaume III la lui fit perdre
de nouveau en 1688. Il vécut depuis dans la
gêne. On a de lui : Medea; Londres, 1648,
in-8° : tragédie traduite en vers sur celle de Sé-
nèque ; — Poems and translations ; Londres,
1651 , in-8° ; — The Sphère of Manilius, ruade
an english poem, ivith annotations and as-
tronomical index; Londres, 1675, in-fol.,
dédié à Charles II; le commentaire est estimé ;
(1) Ce recueil parut, en 1727, sous le titre de Bota-
nicon parisiense; Sherard en soigna lui-même la révi-
sion.
932
Bentley en a parlé avec éloge; — Troades, tra-
gedy ; Londres, 1679, in-8°, trad. de Sénèque.
Chalmers, General biogr. dictionary.
shersoan {Thomas), acteur et littérateur
anglais, né en 1721, à Quilca, mort le 14 août
1788, à Margate. Il était fils d'un ecclésiastique
excentrique (1), tombé en disgrâce pour avoir
prêché à l'occasion de l'anniversaire de la nais-
sance de Georges II un sermon sur ce texte :
A chaque jour suffit sa peine. Après avoir
fait ses études à Dublin, il se trouva sans res-
source à la mort de sod père, et résolut de se
vouer à l'enseignement de la déclamation.
L'idée de régénérer le genre humain en général
et ses compatriotes en particulier en les ren-
dant plus éloquents le poursuivit pendant le
reste de ses jours. Afin de se perfectionner lui-
même, il débuta, en 1743, dans Richard III, et
fut engagé en 1744 à Covent Garden, où de ma-
ladroits amis le posèrent en rival de Garrick. De
retour en Irlande, il dirigea pendant huit ans le
théâtre de Dublin ; mais à la suite d'une, émeute
causée dans la salle par son refus de laisser ré-
péter certains vers du Mahomet de Miller, où
l'on voyait des allusions politiques, la salle fut
dévastée parles spectateurs, qui défendirent au
directeur de reparaître sur la scène (1754).
Toujours poursuivi de l'idée que l'étude de la
déclamation suffisait à assurer la prospérité du
pays, il prétendit réformer le système de l'édu-
cation (British éducation, the source of the
disorders in Great Britain; 1755, in-8°), puis
il professa à Londres, en Ecosse, à Oxford et à
Cambridge des cours qui furent tres-suiviâ. A
l'avènement de Georges III, on lui accorda une
pension, il cessa de jouer en 1776; mais lors-
que son fils devint propriétaire de Drury-Lane,
Thomas Sheridan eut pendant trois ans la direc-
tion de ce théâtre, qu'il abandonna de lui-même,
mécontent du peu d'autorité qu'on lui laissait.
Il publia alors : Dictionary of the english
language; Londres, 1780, 2 vol. in-4°; 4meédit.,
1790, 2 vol. in-8° : ouvrage estimé; — Life of
J. Swift; ibid., 1784, in-8o : qui a eu un succès
mérité; — Course of oratorical lectures.
Sheridan (Frances), femme du précédent, née
en Irlande, en 1724, morteè.Blois,le 17septembre
1766. Son nom de fille était Chamberlaine. Des
troubles qui avaient éclaté au théâtre de Dublin
lui donnèrent l'occasion d'écrire en faveur du
directeur une brochure fort spirituelle; cet
(1) Thomas Sheridan, né en 1684, dans le comté de
Cavan (Irlande), fut un des amis intimes de Swift, qui lut
procura en 1725 un assez riche bénéfice. L'ayant perdu
dans l'occasion que nous rapportons plus haut , il en
obtint un autre à Dnnboyne, et finit par quitter l'fcglise,
où il n'avait eu que tribulations et déboires, pour aller
tenir école à Cavan. « Il ne se passait pas un jour, dit
lord Cork, qu'il n'enfantât un rébus, une anagramme ou
un madrigal. 11 était paresseux, pauvre et gai, connais-
sait plus les livres que les hommes et ignorait complè-
tement la valeur de l'argent. » 11 mourut le 10 sep-
tembre 1738, laissant une traduction de Perse (1729 j et du
Pklloctète de Sophocle.
933 SHERIDAN
acte de justice désintéressée excita la recon-
i naissance de Sheridan, qui épousa celle qui l'a-
vait si bien défendu. On la représente comme une
femme aimable et accomplie. On admira beau-
coup dans leur temps ses Memoirs of Sidney
Biddulph (Londres, 1761, 5 vol. in-8°) et son
History of Nourjahad ( ibid., 17G7, in-12),
romans traduits en français, le premier en 1762
et en 1S01, le second en 1769 et en 1848. On lui
doit aussi deux médiocres comédies, the Dis-
covery et the Dupe. W. H— s.
Moore, Memoirs of R.-B. Sheridan. — JJiographia
dramatica. — Alicia Lefanu, Memoirs of the life and
"Writini/s of Frances Sheridan; Londres, 1824, in-8°. —
Life of Th. Sheridan, dans la 4e edit. de son Dict., 1790.
sheridan (Richard- Brinsley- Butler (1)),
auteur dramatique et orateur, fils des précé-
dents, né à Dublin, le 30 octobre 1751, mort à
Londres, le 7 juillet 1816. Il fit ses études à Du-
blin, puis au collège d'Harrow. Ses professeurs
déclarèrent que c'était un élève aussi paresseux
qu'incapable, dont il n'y avait rien à espérer. A
'époque où il quitta Harrow, son ignorance
5tait telle qu'il ne pouvait épeler correctement.
Quoi qu'il en soit, il débuta de bonne heure
dans la carrière littéraire ; car à dix-huit ans il
publia, en collaboration avec son àmi Halhed,
plus savant que lui, une traduction des Épitres
d'Aristénète. Il habitait Londres alors, et y
menait une vie oisive et décousue. Il devint pas-
sionnément, épris d'une jeune cantatrice, qui
n'avait pas plus de seize ans, M"e Linley, et à
seine majeur, il l'enleva et l'emmena en France,
jù il l'épousa secrètement. A son retour, son
union restant toujours cachée, il eut à peu d'in-
tervalle deux duels avec un capitaine Mathews,
jui, .après avoir tenté de séduire RH'e Linley,
ivait eu la lâcheté de la calomnier. On trouve
lans la biographie de Moore de longs détails
sur cette affaire où l'adversaire de Sheridan joua
usqu'au bout un fort vilain rôle. Enfin, lors-
qu'il fut parvenu à arracher le consentement de
M. Linley , il renouvela la cérémonie du ma-
•iage (1773). On raconte que tandis qu'il se
:rouvait séparé de sa femme, qui était rentrée
lans sa famille, il s'était plus d'une fois dé-
juisé en cocher afin de la conduire à la salle de
xmeert où elle devait chanter. Par un sentiment
l'orgueil facile à comprendre, il ne voulut pas
consentir à ce que Mme Sheridan continuât à
îhanter en public. N'ayant lui-même aucune
bofession, la nécessité le força bientôt à chev-
iller des ressources dans la littérature, et il
iborda le théâtre. En 1775, on joua à Covent
îarden sa première comédie, les Rivaux ( the
îivals), si pleine d'incidents, de contrastes, de
■aillies. Encouragé par le succès, il donna dans
a même année la Saint-Patrick (St-Patrick's
lay ) et la Duègne, œuvre accomplie, au dire
le Hazlitt , sous le rapport des couplets. En
034
(1) Ces deux préDoms lui avaient été donnés en sou-
enir de Brinsley Butler, comte de Lanesborough; mais
1 ne signait pas d'ordinaire le dernier.
f 1776, il devint directeur du théâtre de Drury-
Lane. Moore s'étonne de la facilité avec laquelle
Sheridan se procura la somme très-considérable
qu'il lui fallait pour désintéresser les proprié-
taires de la salle ; mais il n'y aurait certes pas
de quoi s'étonner s'il faut encroireles Mémoires
de Waltcr Scott, par Lockhart, où il est dit
que l'acquéreur se dispensa de payer. En 1777,
le nouveau directeur remania pour son théâtre
une pièce de Vanbrugh ( the Relapse ), et fit
représenter la meilleure de ses comédies, l'É-
cole du Scandale (the School for scandai),
qui eût suffi à elle seule pour établir sa répu-
tation. Comme la traduction a popularisé en
France le chef-d'œuvre de Sheridan, il semble
inutile de l'analyser ou de le louer ici. En 1779,
il donna le Critique (the Critic), une des
farces les plus amusantes, sinon des plus origi-
nales du répertoire anglais. « Les passages les
plus admirés du Critic, a dit Leigh Hunt, ne
sont pourtant qu'une suite d'emprunts aux sa-
tiriques qui avaient précédé l'auteur. »
En 1780, Sheridan, qui se trouvait en rela-
tions d'amitié avec Fox, s'aventura dans la
carrière politique, sous les auspices du célèbre
orateur, et vint représenter dans la chambre des
communes le bourg de Stafford. Ce fut par dé-
férence pour son ami, bien plus que par con-
viction personnelle, qu'il s'attacha au parti
whig, auquel il resta toujours fidèle. Il parut
pour la première fois à la tribune à l'occasion
des mesures de répression adoptées par le
gouvernement lors de l'émeute provoquée par le
fanatique lord George Gordon, mesures qu'il atta-
qua avec un talent qu'on ne lui soupçonnait pas.
Pendant la courte administration de Rockingham
(mars à juillet 1782), il remplit le poste de
sous-secrétaire d'État. Il fonda ensuite le Jé-
suite, feuille frondeuse, qui ne tarda pas à s'at-
tirer des représailles judiciaires. Le triomphe
des whigs lui permit de figurer, dans le cabinet
Portland, parmi les secrétaires du trésor (avril
à décembre 1783 ). Rentré dans les rangs de
l'opposition, il prononça le plus remarquable
discours qu'on ait entendu dans le mémorable
procès de Warren Hastings. « Aujourd'hui, a
écrit Burke, Sheridan a surpris des milliers d'au-
diteurs qu'il tenait sous le charme de sa parole
par un discours sans parallèle dans nos annales
oratoires. » Pitt ajoute qu'il « a surpassé l'élo-
quence des temps anciens et des tem ps modernes » .
En 1795, Sheridan, resté veuf depuis trois
ans, épousa en secondes noces la fille d'un ecclé-
siastique, M'ie Ogle, dont la fortune ne suffit
pas à rétablir ses affaires embarrassées ; car il
avait toujours manqué d'ordre, il avait poussé
à l'excès la passion du jeu , et dépensé bien au
delà de son revenu. En 1798, il adapta pour la
scène de Drury-Lane deux pièces de Kotzebue,
Pizarre et Misanthropie et Repentir (the
Stranger). Il vendit alors la direction de son
théâtre au prix de 375,000 fr., acheta le domaine
30.
935 SHEPJDAN — SHERLOCK
de Polesden, près Leatherhed, et fut nommé rece-
veur général du comté de Comouailles, où il son-
geait à se retirer. Fox ayant été chargé de former
un ministère s'empressa de nommer son ami
membre du conseil privé et trésorier de la ma-
rine (1800 ). Par malheur, la mort du ministre
suivit de près son accession au pouvoir ; des
dissentiments au sujet du projet d'émancipation
catholique amenèrent la dissolution du parle-
ment, de sorte que la brillante position à la-
quelle Sheridan venait enfin d'arriver fut trop
éphémère pour ne pas ressembler à une ironie
du sort. Les déboires, le manque de la santé,
l'approche d'une vieillesse précoce lui rendirent
insupportables les embarras qu'autrefois il
noyait dans le vin ou qu'il oubliait dans la so-
ciété de joyeux compagnons. Ses amis du grand
monde ( parmi lesquels on comptait le prince
régent, dont il avait souvent égayé par ses sail-
lies les intimes réunions ) disparurent dès que
la maladie el la gêne eurent rendu sa conversa-
tion moins attrayante. Les emprunts n'étaient
plus possibles, les créanciers ne se contentaient
pas de vaines promesses; la ruine approchait, et
ce fut assailli par les recors qu'il expira, le 7
juillet 1816, auprès de sa femme mourante.
Tout le monde l'avait abandonné, sauf le Dr
Bain, Samuel Rogers, Thomas Moore et lord
Bolland. il est vrai que toute l'aristocratie du
pays, y compris les ministres et des princes du
sang, se pressa à son enterrement, et qu'il fut
inhumé à Westminster, contraste qui inspira à
Moore une admirable pièce de vers.
Les Œuvres dramatiques de Sheridan, aug-
mentées de quelques pièces de vers , ont été
recueillies par Thomas Moore (Londres, 1821,
2 vol. gr. in-8°), qui y a ajouté une notice fort
étendue. Ses Discours politiques ont eu deux édi-
tions, en 1816, 5 vol. in-8°, et en 1842, 3 vol.
in-8°. On a aussi réuni sous le titre de Skeri-
daniana la plupart des bons mots; saillies,
traits piquants dont il se montrait aussi pro-
digue que de son argent, et qui auraient suffi à
lui assurer la réputation d'un bel-esprit. On a
fait passer en français presque toutes les comé-
dies de Sheridan , et dès 1784 on devait à
Mme de Vasse une version à peu près fidèle des
Rivaux et de VËcole de la médisance. Cette
dernière pièce a encore été traduite une dizaine
de fois, et sous les titres de l'Homme à senti-
ments, le Faux Usurier, l'École du scan-
dale, les Deux Cousins; la meilleure traduc-
tion est celle de Merville, dans les Chefs-d'œu-
vre des théâtres étrangers, que M. Ville-
main a accompagnée d'une spirituelle et fine
notice. Le Théâtre complet a été traduit par
Bonnet ( Paris, 1836, 2 vol. in-8°), et par Benj.
Laroche ( Paris, 1841, in-18).
On a quelquefois attribué à cet écrivain des
romans médiocres qui sont l'œuvre d'un homo-
nyme, William Sheridan.
Sheridan (Charles-Francis) , son frère
m
aîné, siégea aussi dans la chambre des com
munes, et publia une Histoire de la révolutioi >
de Suède du 19 août 1712, trad. en français;
Lyon, 1783, iti-8°. W. H— s.'
Memoirs of the life of Sheridan; Londres, «799
in-8°. — Sheridaniana, a biographical sketch ; ibid.
1816, in-12. — J. Watkins, Memoirs of Sheridan; ibid.
1816, 2 vol. in-4°. — Hazlitt, Lectures on the cornu
poets; ibid., 1819, in-8°. — Tliom. Moore, Memoirs o,
Sheridan ; ibid., 1825, in-4°. — Lord Brougharo, Bis-
torical sketches of statesmen. — W. Smyth, Memoir,
of Sheridan; Lceds, 1840, in-12. — Leigh Hunt, Uiogr
sketch, à !a tète de l'édit. de 1840. — Sheridan anc
his Urnes, by an octogenarian ; Londres, 1859, 2 volt
in-8°. — Vniversal review, janvier 1859. — Macmil-
lan's Magazine, janvier 1861. — Timbs, l Anecdotes oj
ivits and humourists ; Londres, 1862, 2 vol. in-8°.
SHERIDAN KNOWLES. Voy. KnowleS.]
sherlock (William), théologien anglais,
né en 1641, à South wark, alors près de Londres
mort le 19 juin 1707, à Hampstead (Middlesex)
Après avoir fait ses études à Cambridge, il recul
les ordres, et administra comme recleur la pa-
roisse de Saint-Georges, àLondres (1669).Nomm(t
en 1681 chanoine de Saint-Paul, il fut suspende
en 1689 de ses bénéfices, parce qu'il avait réfiial
de prêter serment au nouveau souverain ; dans
la suite il s'y détermina, et devint en 1691 doyen
de son chapitre. Selon Burnet, « c'était un écri-
vain clair, poli, bon logicien, et qui s'était acquis
un grand renom sous le règne de Jacques II
par ses écrits contre les catholiques; mais il avaii
du penchant à la vanité, et il traitait avec trôj
de mépris ses adversaires. » II est auteur d'une
cinquantaine d'ouvrages de piété ou de contro-
verse, parmi lesquels nous citerons : A Dis-
course concerning the knoivledge of Christ;
Londres, 1674, in-8° : traité qui donna lieu à
une vive controverse ; — The Case of résis-
tance to the suprême powers resolved accor-
ding to the holy Scriptures; ibid., 1684, in-S°;
en 1690, il écrivit le Case of allegiance, et tira
de ia même source des arguments contraires ; il
eut au moins , dit-on , le mérite de la bonne foi
en chantant ainsi la palinodie; — Preservative
against papism ;ib\d., 1688,2 part. in-4°;trad.
en 1721 en français; — On death ; ibid., 1690,
in-8° : ce traité, qui a eu plus de quarante édi-
tions, est peut-être le seul de Sherlock qui ait
encore des lecteurs; — Vindication ofthe doc-
trine of the Trinity; ibid., 1691, in-4° : l'ex-
plication qu'il essaya de donner excita beaucoup
d'émotion dans le clergé, et il fallut l'interven-
tion du roi pour y mettre un terme : Sherlock
prétendait que la Trinité signifiait l'accord com-
plet de trois intelligences, dont deux émanaient
du Père, dans chacune de leurs pensées ; — On
future judgment; ibid., 1692, in-8"; nom-
breuses réimpressions ; — OnProvidence; ibid.,
1694, in-4°; trad. en 1721, en français; — Ser-
mons; ibid., 1700 et suiv., 2 vol. in-8°; trad.
en 1723, par Élie de Joncourt; — On religioui
assemblies; ibid., 1703, in-8°; — On the hap-
piness of the good men and the punishment
o/ the wickcd; ibid., 1704, in-8» ; trad. sous le
937
SHERLOCK — SHIRLEY
033
titre : Traité de V immortalité de Vâme et de
la vie éternelle ; Amst., 1708, in-8°.
Sheklock (Thomas), prélat, fils du précé-
dent, né en 1G78, à Londres, où il est mort, le
18 juillet 1761. Il puisa dans les excellentes
études qu'il fit à Eton et à Cambridge le goût des
lettres et cette fleur d'atticisme qui se fait re-
marquer dans ses ouvrages. Comme son père, il
embrassa l'état ecclésiastique. Reçu presque en
même temps maître es arts et agrégé, il fut promu
en 1704 à une maîtrise du Temple, et tint avec
Ihonneur cette chaire, qui était depuis 1682 oc-
cupée par son père. Ses talents précoces justi-
fient une élévation si rapide, et il mit tant de
zèle à s'en rendre digne qu'en peu d'années il
compta parmi les premiers prédicateurs de son
temps. Ce fut dans la double charge de principal
du collège de Sainte-Catherine et de vice-chan-
celier de l'université (1714) qu'il fit briller sa
capacité dans les affaires; aussi Bentley lui
Idonna-t-il, durant ses disputes avec Cambridge,
le surnom de petit Alberoni. En 1715 il devint
doyen de Chichester, et se montra constamment
dévoué à la politique des tories. Dans la fameuse
querelle excitée par Hoadly (Bangorian contro-
versy), il fut l'adversaire le plus redoutable de
ce prélat, qui avait avancé que le clergé ne pou-
vait avoir aucune juridiction temporelle. Il se fit
plus d'honneur en réfutant Collins, Woolston et
d'autres libres penseurs, qui rejetaient la divinité
du Christ et l'évidence des miracles. Il succéda
deux fois à Hoadly, dans l'évêché de Bangor (1727),
puis dans celui deSalisbury (1734), et après avoir
refusé de remplacer Potter comme archevêque
de Canterbury (1747), il consentit en 1748 à
£tre transféré à Londres. Son instruction, sa pru-
dence bien connue et son éloquence lui valurent
dans la chambre haute un crédit considérable.
Sa vieillesse fut accablée d'infirmités ; mais bien
qu'à peu près privé de l'usage de ses membres
«t de, l'organe de la parole, il n'en acquitta pas
moins autant qu'il lui fût possible ses devoirs
episcopaux, et il mit la dernière main à ses ou-
vrages. Il légua par testament à l'université de
Cambridge sa propre bibliothèque et une somme
de 7,000 liv. st. pour en former une autre à l'u-
sage des étudiants. Ses principaux ouvrages sont :
Vindicaiion of the corporation and test acts ;
Londres, 1718, in-8°: contre l'évêque de Bangor;
— The Use and inlent of prophecy in the
several âges of the world; ibid., 1725, in-8o;
4eédil., 1744, in-8°; trad. en 1729 en français :
la controverse à laquelle donna lieu cet écrit fut
ravivée, en 1750, par Middleton; — The Trial
of theivitnesses of the résurrection of Jésus;
ibid., 1729, in-8°; trad. en 1732 en français : il
y examine ce miracle dans les formes de la pro-
cédure anglaise; c'est un chef-d'œuvre de logique,
qui a eu plus de quinze éditions; — Sermons ;
ibid., 1755-1756, 4 vol. in-8°; on y a ajouté en
1776 un 5e volume; le P. Houbigant en a publié
un choix en français (1768, in-12). P. L—y.
Chaînera, General biogr. dict. — Darlin^. Cyclop.
bibliotjrapkica.
sniRLUY (James), poêle anglais, né vers
1591, à Londres, où il est mort, en octobre 1666.
11 appartenait à une ancienne' famille du Sussex.
Après avoir achevé ses études à Oxford, il alla
prendre ses degrés à Cambridge, et s'engagea
dans les ordres. Il était pourvu d'un humble bé-
néfice à Saint-Alban ou dans les environs lors-
qu'il s'en dépouilla, par suite des doutes que lui
avait inspirés la vérité de la communion angli-
cane; du même coup il quitta l'habit religieux,
et se convertit à la foi romaine. Comme il n'a-
vait point de fortune, il ouvrit une école à Saint-
Alban, mais celte occupation le lassa bientôt, et
il vint à Londres. Là, installé dans le collège de
Gray (Gray's inn) , il se mit à composer des
pièces de théâtre, et gagna à ce métier non-
seulement de quoi vivre, mais aussi les bonnes
grâces des gens de qualité, de la reine Henriette
surtout, qui le prit à son service. Quand éclata
la guerre civile, Shirley cessa d'écrire, et suivit
à l'armée royale le duc de Newcastle, son patron.
Vers 1646, il rejoignit à Londres sa femme et
ses enfants; mais, plus pauvre que jamais et
voyant la représentation de ses pièces interdite,
il vécut des bienfaits de Thomas Stanley, le sa-
vant écrivain, et reprit son ancien métier de
maître d'école. Le rétablissement de la monar-
chie lui rendit un peu d'aisance. 11 n'en profita
guère toutefois , et perdit tout ce qu'il possédait
dans le grand incendie qui dévora en 166G une
partie de Londres; cette catastrophe le saisit si
fort, lui et sa seconde femme, qu'ils moururent
tous deux dans l'espace de vingt-quatre heures;
on les enterra le 29 octobre 1666. Shirley tient
le premier rang parmi les poètes du second
ordre; il écrit avec élégance et pureté; il pose et
définit bien les caractères, et s'il manque d'in-
vention, ij tire du contraste des passions un parti
convenable. Depuis longtemps on a cessé do jouer
son: répertoire, mais quelques-unes de ses co-
médies valent encore la peine d'être lues. Il té-
moigne de la modestie dans ses ouvrages, et
ne parle de ses confrères qu'avec des sentiments
de bienveillance. Son Théâtre, dont une édition
complète a été donnée par A. Dyce (Londres,
1833, 6 vol. in-8°), comprend plus de quarante
comédies et tragédies, la plupart en vers, parmi
lesquelles on remarque : the Wedding (1629),
the Grateful Servant (1630), the Bird in cage
(1633) : dédié par ironie à W. Prynne, le fameux
antagoniste des spectacles ; the Gamester(wdl),
la meilleure , pièce de Shirley, reprise en 175S,
par Garrick, avec quelques changements; the
Bail (1639) , avec Chapman; the Constant
Maïd (1640), the Sisters (1652), trad. en fran-
çais dans la Collection des théâtres étrangers
en 1836, etc. On a d'autres écrits de Shirley, à
savoir : Poems; Londres, 1646, in-8°; — Via
ad laiinam liaguam complanata ; ibid., 1649,
in-8°; — Grammatica anglo-latina; ibid.,
939
SHIRLEY — SIBOUR
94C
1651, in-s°, en vers latins et anglais; — Ma-
nuductio; MA., 1656, in-8°, abrégé de l'ouvrage
précédent.
Langbaine, Dramatic poets. — Wood, Athense Oxon.
— Baker, Biorjr. dram. — Notice, à la tête de redit, de
Dyce. — Mézières, Contemp. de Shakespeare.
shore (Jane), maîtresse d'Edouard IV, roi
d'Angleterre, née vers 1460, à Londres, morte en
1524 ou 1525, à Ludgate. Eiie appartenait à une
assez bonne famille et joignait à une grande beauté
les grâces d'un esprit cultivé par l'éducation.
L'intérêt seul ayant présidé à l'union que ses pa-
rents lui firent contracler de fort bonne heure
avec un riche négociant nommé Shore, elle
n'aima jamais son mari. Elle céda donc aisément
à la passion qu'elle inspira à Edouard IV, qui,
malgré son inconstance habituelle, lui demeura
attaché tant qu'il vécut. Après la mort du roi
(1483), elle eut avec lord Hasting ou avec le
marquis de Dorset, peut-être avec l'unet l'autre,
une liaison qui excita la colère de Richard II],
dont ces deux seigneurs étaient les ennemis.
Arrêtée et livrée à la cour ecclésiastique, comme
impie et adultère, elle fut condamnée à faire
amende honorable en face de Saint-Paul; ce
qu'elle fit le 18 juin 1483, en chemise et un cierge
à la main. Ruinée par le protecteur, qui s'était
approprié tout ce qu'elle possédait, elle fut exilée
à Ludgate, où elle mena une existence des plus
misérables; privée du simple nécessaire, réduite
à contenter sa faim avec les plus vils aliments ,
elle arrachait pour vivre quelques brins d'herbe
dans un champ voisin de la cité. Durant sa pros-
périté éphémère, elle avait obligé par pure bien-
veillance tous ceux qui approchaient d'elle ; mais
personne ne songea à secourir sa vieillesse indi-
gente. Thomas More, qui écrivait environ trente
ans après la mort d'Edouard IV, dit que ceux qui
avaient connu Jane Shore dans sa jeunesse dé-
claraient qu'elle était si belle que personne ne
trouvait rien à critiquer en elle, sauf sa taille, qui
aurait pu être un peu plus élevée. W. H — s.
H. Walpole, Règne de Richard III. — Hume, Hist. of
England. — Lingard, Idem.
siagkius. Voy. Syacrius.
sibilet (Thomas), littérateur français , né
vers 1512, à Paris, où il est mort, le 28 novembre
1589. « C'était, ditL'Estoile, son ami, un homme
de bien et docte. » Avocat au parlement de Paris,
il s'occupa moins de plaidoierie que de l'étude de
la poésie et des langues. Il visita l'Italie, et connut
dans ce voyage Etienne Pasquier, à qui il donna
d'utiles instructions. Il fut mis en prison avec
L'Estoile, comme ennemi de la Ligue, et mourut
peu de temps après avoir été rendu à la liberté.
Son principal ouvrage est Y Art poétique fran-
çois ; Paris, 1548, 1555, in-12; Lyon, 1556,
1576, in-16. Il est divisé en deux livres, .le pre-
mier sur les principes généraux de la poésie
française, le second, plus curieux et mieux fait,
sur chaque genre de poésie en particulier; les
définitions en sont claires et les préceptes bien
exposés. Citons encore de Sibilet : Iphigénie
d'Euripide, tournée du grec en français^
Paris, 1549, in-8o : version bien défectueuse, el-
surtout singulière par le parti pris d'y faire entrer
des vers de toutes mesures, même des monosyl.
labes : Traité du mépris de ce monde; Paris,
1579, in-16; — Paradoxe contre l'amour;
Paris, 1581,in-4°, à la suite de YAnteros deFre»
gose. Il a aussi laissé sans nom d'auteur plusieurs
traductions du latin et de l'italien mentionnées
par La Croix du Maine.
Du Verdier et La Croix du Maine, Ilibl.fr. — Goujet,
Bibî. française, t. III. — L'Estoile, Journal.
siBouit (Marie-Dominique- Auguste), pré-
lat français, né à Saint- Paul -Trois- Chat eaux
(Drôme), le 4 avril 1792, assassiné à Paris, le
3 janvier 1857. Fils d'un marchand dauphinois, qui
vint sous l'empire se fixer à Pont-Saint-Esprit ,
il y commença ses études et alla en 1807 faire
au séminaire de Viviers ses cours de philosophie
et de théologie, qu'il termina à Avignon. Envoyé
à Paris, il professa les humanités au séminaire
de Saint-Nicolas-du-Chardonnet. Il alla ensuite
passer près d'une année à Rome, et y fut ordonné
prêtre (13 juin 1818). A son retour à Paris, il
fut attaché à la paroisse de Saint-Sulpice, puis à
la chapelle des Missions étrangères. Le diocèse
de Nimes ayant été reconstitué, M. de Chaffoy,
qui en devint évêque, désira s'attacher l'abbé
Sibour, et lui obtint, le 9 novembre 1822, un ca-
nonicat dans la cathédrale. Ces fonctions n'em-
pêchèrent point M. Sibour de se vouer aux tra-
vaux de la chaire, et sa réputation le fit désigner
pour prêcher devantCharles X le carême de 1831.
La révolution de Juillet l'en empêcha ; mais, pour
occuper ses loisirs, il entreprit une traduction
de la Somme de saint Thomas, et prit part à la
rédaction de V Avenir. Appelé, le 28 septembre
1839, à succéder dans Tévêché de Digne au vé-
nérable Miollis, il apporta dans ce diocèse un
dévouement sans bornes et une charité toufe
pastorale, sans rester néanmoins étranger aux
grandes questions qui agitaient alors le monde
religieux. Il prit part à la lutte pour la liberté de
l'enseignement, et le Mémoire qu'il publia est un
traité complet sur cette matière ; il se mêla aussi
aux discussions relatives au rétablissement des
officiantes et de la liturgie romaine. En avril 1848,
un grand nombre de fidèles le choisirent pour
candidat à l'Assemblée constituante ; mais huit
jours avant les élections , il jugea à propos de se
désister. Le 15 juillet suivant, le général Cavai-
gnac, alors chef du pouvoir exécutif, l'appela à
remplacer M. Affre, enlevé par une mort si déplo-
rable au siège archiépiscopal de Paris. Le nouveau
prélat prit possession en personne le 17 octobre;
quelques jours après, il accomplissait un pieux
pèlerinage dans le faubourg où son prédécesseur
avait été mortellement frappé et apportait dans
plusieurs ateliers de la capitale des paroles de
paix et de concorde, conseillant ù tous le respect
et la défense des lois , et enseignant à la popu-
lation ouvrière ce qu'il appelait « la rédemption
i
941 SIBOUR —
du prolétariat par le travail. » Le 12 novembre,
il présida à la cérémonie religieuse qui eut lieu
sur la place de la Concorde pour la promulga-
tion de la Constitution. L'invasion du choléra
redoubla en 1849 son zèle. Du 17 au 28 septembre
de cette année, il présida le premier concile
provincial tenu en France depuis plus d'un
siècle, et du 30 septembre au 5 octobre 1850
un synode diocésain; les actes de ees deux as-
semblées ont été imprimés. Par un mandement
du 24 août précédent, il avait infligé au journal
l'Univers un blâme sévère, qu'il renouvela
le 17 février 1853, en défendant à tous les ec-
slésiastiqies de son diocèse la lecture de cette
feuille. Le 3 janvier 1852, il célébra à Notre-Dame
un Te Deum solennel en actions de grâces du
coup d'État de décembre. Nommé sénateur le
27 mars 1852, il bénil le mariage de Napoléon III
(30 janvier 1853). Pour aider à l'accord de la
cience et de la foi, il fonda le 16 novembre une
fête annuelle qui devait avoir lieu dans l'église
Sainte-Geneviève sous le aomde fêtedes Écoles.
En 1856, il établit une nouvelle démarcation des
paroisses de Paris, en créa six nouvelles, et
attribua à chacun des trois archidiaconés un res-
sort territorial dans le dép. de la Seine. M. Sibour,
qui le 30 octobre 1842, avait, comme évêque de
Digne, assisté à la translation des reliques de saint
Augustin, à Bone, alla à Rome pour se trouver,
le 8 décembre 1854, à la promulgation du nouveau
dogme de l'Immaculée Conception, qu'il fit à son
retour solemniser avec pompe dans toutes les
paroisses du diocèse. Le samedi 3 janvier 1857 il
inaugurait à Saint-Etienne du Mont la neuvaine
de Sainte- Geneviève, lorsqu'il fut, à l'entrée de la
nef, frappé au cœur d'un coup de couteau par Jean
Verger, prêtre interdit, qui se vengeait ainsi des
rigueurs nécessaires dont avaient usé à son égard
ïes ordinaires de Meaux et de Paris; dans sa
monomanie, il donnait à ses projets de meurtre
le prétexte de venger la religion des excès de dé-
votion à la Vierge Marie , et s'écriait : Pas de
déesse! Outre de nombreux Mandements , des
Discours plus ou moins politiques prononcés de
t848 à 1851 dans diverses circonstances, et pu-
bliés en brochures ou reproduits par les jour-
naux, on a de M. Sibour : Institutions diocé-
j s aines ; Digne et Paris, 1845, 2 vol. in-8°, où il
! réclame à la fois plus d'autorité pour les chapitres
et plus de liberté pour le clergé inférieur; —
Actes de l'Église de Paris, touchant la disci-
pline et l'administration; Paris, 1854, in-4°.
Chevalier de Légion d'honneur depuis le 13 no-
vembre 1848, il fut promu commandeur le
16 juin 1856. H. F.
Diqgr. du Clergé contemp., t. X. — Fisquet, France
pontificale, t. 1er; Paris, 1864, ln-S°.
sibouyah (Amrou ben Osman Kanbour),
grammairien arabe', né à Béidah (Farsistan),
vers le milieu du huitième siècle, mort en Perse,
en 796, selon d'autres en 809. Il appartenait à la
classe des affranchis, qui en Orient comme chez
SIBTHORP 942
les Romains, s'occupaient alors de travaux lit-
téraires. Il fut élevé à Bassora, où il eut pour
maîtres Isa ben Orner et Chalil, et devint plus
tard le chef de l'Académie de cette ville. Ensuite
il se rendit à Bagdad, et il y discuta avec Kisaji
sur un point grammatical devant le vizir Yaya
le Barmécide, ou, selon d'autres, en présence du
prince Enfin, lils d'Haroun-al-Raschid. Ce serait
à la suite de cette dispute, dont la conclusion
n'aurait pas tourné à son avantage, qu'il se se-
rait retiré en Perse. S'il est inexact de dire que
Sibouyah a établi la grammaire arabe, mérite
qui appartient à Eboul-Eswcd-Dueli, mort en
688, on doit convenir qu'il a beaucoup contribue!
à en fixer les règles. L'ouvrage qu'il a laissé sur
cette matière, et auquel il ajouta un commen-
taire sur un millier de distiques, n'a jamais été
imprimé; il se trouve en manuscrit dans la bi-
bliothèque de l'Escurial ( voy. le Catalogue de
Casiri). Les Arabes l'ont en une telle estime
qu'ils le nomment simplement le Livre.
Aboulféda. — Ibn Khallikan. — Soyoulhi. — Harumer,
Hist. de la littèr. arabe, t. III, p. 213.
SIBÏH-IBJS-'AL-OJAUZÏ. Voy, IBN - AL-
Dmuzi.
sibthorp (John), botaniste anglais, né le
28 octobre 1758, à Oxford, mort le 28 février
1796,àBath. Son père, Humphrey Sibthorp, pro-
fessait la botanique à Oxford ; il s'appliqua de
bonne heure à l'étude de cette science , et dès
qu'il eut achevé son éducation classique, il se
rendit à Edimbourg , puis à Montpellier, pour
suivre les cours de médecine. A son retour il
succéda à son père (1784) et prit le diplôme de
docteur. Mais, laissant à Shaw le soin d'occuper
sa chaire, il repartit aussitôt, et prépara à loisir
soit à Gœttingue, soit à Vienne, l'expédition
scientifique dont il avait conçu le projet. La Grèce
en était te but, ainsi que les îles de l'Archipel.
En compagnie de Ferd. Bauer, habile dessina-
teur, Sibthorp s'embarqua à Naples, le 6 mars
1786. Après avoir passé l'été à Candie et l'hiver
à Constantinople, il visita en détail Chypre, My-
tilène, Scio, Cos, Rhodes, une partie du littoral
de l'Asie mineure, et les différentes provinces de
la Grèce ; il touchait l'Angleterre en décembre
1787. On le combla d'honneurs : la Société !in-
néenne en 1788 et la Société royale en 1789 l'ap-
pelèrent dans leur sein; il fut élevé au rang de
professeur royal. Malgré la richesse de ses cata-
logues (il avait rapporté plus de trois mille es-
pèces ), malgré, la nouveauté de ses observa-
tions, il se remit en route (mars 1794) afin de
porter au plus haut degré de perfection la des-
cription qu'il voulait faire de la Grèce. Son se-
cond voyage dura dix-huit mois. Il revint par la
Morée, les îles Ioniennes et Otrante; mais sa
santé, naturellement débile, ne put se relever
de fatigues si multipliées, et il mourut d'une fièvre
maligne, à trente-sept ans. Outre une Flora
oxoniensis (Oxford, 1794, in-8°), ce savant est
auteur d'un magnifique recueil, Flora grxca,
943
SIBÏHORP
pour l'impression duquel il légua à l'université
d'Oxford une rente considérable; il a été publié
sous la direction de J. Smith et de J. Lindley,
en deux éditions, l'une de trente exemplaires
seulement (Londres, 1806-1840, 10 vol. gr. in-fol.
avec 966 pi.), l'autre, moins chère (iLid., 1845-
46, 10 vol. in-fol., avec les mêmes pi.), et pré-
cédées d'un Prodromus annoté par Smith (ibid.,
1806-16, 2 vol. gr. in-8°), et dont Sibthorp avait
(également laissé les matériaux.
Kees, Cyclopsedia.
SIBYLLE D'ANJOU. Voy . Gui DE LUSIGNAN,
îoi de Jérusalem.
sicard ( Roc fi-Ambr oise Cucurro;*-, abbé),
instituteur de sourds-muets , né au Fousseret
(Haute-Garonne), le 20 septembre 1742, mort à
Paris, le 10 mai 1822. Après avoir fait ses études
à Toulouse, il entra dans la congrégation de la
doctrine chrétienne, puis dans les ordres, et ne
quitta l'exercice du ministère que pour se mettre
à la disposition de M. Champion deCicé, arche-
vêque de Bordeaux. Ce prélat, ayant résolu d'é-
tablir une école de sourds-muets, envoya l'abbé
Sicard à Paris, pour y apprendre la méthode
de l'abbé de l'Épée. A son retour, en 1786, il le
plaça à la tête de l'établissement qu'il avait
fondé à Bordeaux, et c'est à cette époque que
l'abbé Sicard connut Massieu, alors âgé de qua-
torze ans , et dont les étonnants progrès de-
vaient tant ajouter à la réputation du maître.
L'abbé de l'Épée étant mort le 23 septembre
1789, Sicard fut appelé à lui succéder dans la
direction de l'établissement de Paris, après avoir
été examiné par des commissaires dans les trois
académies. Sicard avait adopté avec beaucoup de
modération les principes de la révolution ; on ne
lui demanda point le serment à la constitution
civile du clergé, mais après le 10 août il prêta
celui de liberté et d'égalité. Arrêté le 26 de ce
mois comme suspect, il fut détenu à la mairie.
Ses élèves adressèrent à l'Assemblée nationale une
pétition touchante pour redemander leur maître,
et on décréta que le ministre de l'intérieur ren-
drait compte des motifs de l'arrestation; mais
la Commune passa à l'ordre du jour sur ce dé-
cret et sur la iettiede Roland. Le 2 septembre,
Sicard fut transféré avec d'autres prêtres à
l'Abbaye. La plupart de ses compagnons furent
égorgés en arrivant. Lui-même eût éprouvé le
même sort, si l'horloger Monnot ne l'eût couvert
de son corps. Il demeura en prison, toujours dans
les angoisses d'une fin prochaine. Après beaucoup
de démarches faites en sa faveur, on vint le ti-
rer de l'Abbaye le 4 septembre, à sept heures du
soir, et on le conduisit à l'Assemblée nationale,
où il prononça un discours pour remercier ses
libérateurs. L'abbé Sicard a donné lui-même une
Relation détaillée des dangers qu'il courut en
cette occasion ; on la trouve dans les Annales
religieuses, t. 1er, p. $3 et 72. Rendu à ses élèves
sur la proposition de Chabot, il traversa paisi-
blement l'époque de la terreur. Lors de la I
— SICARD 944
création de l'École normale (30 octobre 1794), il
fut nommé professeur de grammaire générale, et
son cours eut un grand succès, qu'il faut attri-
buer surtout à la manière facile et ingénieuse
avec laquelle il soumettait les procédés de la.
grammaire aux opérations de l'analyse. Il faisait
partie de l'Institut (1) dès sa création (25 octobre
1795). Au commencement de 1796, il se joignit
à l'abbé Jauffret, pour publier les Annales re-
ligieuses, mais ils n'en donnèrent que les dix-
huit premiers numéros, et abandonnèrent la ré-
daction à l'abbé de Boulogne; seulement Sicard
continua de s'intéresser à cette entreprise, ce qui
le fit comprendre, après le 18 fructidor, an]
nombre des journalistes condamnés à la dépor-
tation. Il parvint à se cacher dans le faubourg
Saint-Marceau, où la peur lui dicta des protesta-
tions de soumission au gouvernment établi. Mais
ce n'est qu'après le 18 brumaire, qu'il fut rendu
à ses fonctions. Il trouva un zélé protecteur dans
Chaptal, alors ministre, et obtint qu'on établit à
l'usage des sourds-muets une imprimerie, qui fut
mise en activité eu décembre 1800, et qui servit
à imprimer la plupart des ouvrages du maître.
Dans ses exercices publics comme dans ses livres,
il s'abandonnait volontiers à son enthousiasme
pour sa méthode, et il en parlait avec une effu-
sion qui faisait sourire quelquefois, mais que
pouvaient faire excuser sa haute réputation et la
conscience des services qu'il avait rendus. C'est
lui qui a inspiré un intérêt général pour une
classe malheureuse. Cependant Napoléon ne put
jamais le souffrir, et quelle que fûtla cause de son
antipathie, elle fut aussi constante que marquée:
il ne voulut point en 1805 ratifier sa nomination
à un canonicat titulaire de Notre-Dame et lui re-
fusa la croix d'Honneur. De nombreux chagrins
vinrent accabler la vieillesse de Sicard. Pour-
suivi pour des dettes qu'il n'avait pas contractées,
la nécessité de les acquitter le réduisit à un état
voisin de la misère. Il était pour lui-même sobre
et économe; sa vie privée fut toujours celle d'un
digne prêtre, mais il ne sut pas se garantir des
pièges que lui tendaient des flatteurs empressés
et d'adroits intrigants. Le nom du savant ins-
tituteur était connu dans toute l'Europe; aussi
quand les souverains alliés vinrent à Paris en
1814 et 1815, ils assistèrent à ses exercices. En
1817, il fit le voyage d'Angleterre avec quelques-
uns de ses élèves. Plus heureux sous la Restau-
ration que sous l'Empire, il fut nommé cheva-
lier de la Légion d'honneur (8 avril 1815), ad-
ministrateur de l'hospice des Quinze- Vingts et
de l'institution des Jeunes Aveugles, et chanoine
honoraire de Notre-Dame (2). On ne saurait
mettre en doute que Sicard n'ait ajouté aux dé-
couvertes de l'abbé de l'Épée. Celui-ci avait dé-
fi) Il y fut rappelé par élection le 22 Juin 1800, à la
place du grammairien de Wailly, et passa en 1803 dans
l'Académie française.
(2) II n'a jamais été chanoine de Condom, ni vicaire .
général de Bordeaux. Son nom ne se trouve point dans la
France ecclésiastique de 17G3 à 1790.
945
SICARD — SICINIUS DENTATUS
946
sespéré d'initier ses étèves aux objets intellec-
tuels, et sa méthode semblait à cet égard se ré-
duire à un pur mécanisme. Sicard osa introduire
les sourds-muets dans le champ de la métaphy-
sique : on peut lire dans son Cours d'instruc-
tion d'un sourd-muet les développements de
la marche qu'il a suivie, et l'on jugera combien
il lui fallut d'adresse et de patience avant de
faire arriver à l'esprit de ses élèves des notions
qui ne semblaient pas être à leur portée. Mais
cette méthode,: tout ingénieuse qu'elle est, ne
peut avoir de succès que dans l'enfant d'une in-
telligence peu ordinaire. Tous les sourds-muets
ne sont pas des Massieu, des Leclerc, des Ber-
thier; néanmoins tous ont dû gagner plus ou
moins aux soins que leur instituteur prenait
d'eux , et ses travaux leur ont sans doute été
surtout utiles sous le rapport de la religion, dont
il leur faisait mieux connaître, par ses procédés,
l'esprit, la doctrine et les préceptes. On a de
l'abbé Sicard : Mémoire sur Vart d'instruire
les sourds-muets de naissance; Bordeaux,
1789, h>8°; il y a un Second Mémoire; Paris,
1790, in-8°; — Catéchisme à l'usage des
sourds-muets ; Paris', 1796, in-8°; — Manuel
de l'enfance; Paris, 1796, in-12; — Éléments
degrammaire générale appliquée à lalangue
française; Paris, 1799, 1808, 2 vol. in-8o; —
Cours d'instruction d'un sourd-muet de
naissance; Paris, 1800, 1803, in-8°, mentionné
honorablement dans le concours des prix décen-
naux; — Journée chrétienne d'un sourd-
viuet; Paris, 1805, in-12; — Relation histo-
rique sur les journées des 2 et 3 septembre;
Paris, i806, in-8° : l'abondance des détails nuit
à l'effet du récit et jusqu'à un certain point à la
vraisemblance; — Théorie des signes pour
l'instruction des sourds-muets ; Paris, 1808,
1823, 2 vol. in- 8°; c'est à peu de chose près le
même ouvrage que les Éléments de gram-
maire générale; — Rapport lu à l'Institut
sur le Génie du christianisme de Chateaubriand;
Paris, 1811, in-8°. Sicard a été en outre l'édi-
teur de la 5e édition des Tropes de Dumarsais,
et il a traduitde l'anglais De l'Homme et de ses
facultés de Hartley (1802, 2 vol. in-8°). Il avait
imaginé un système de Pasigraphie ou écriture
universelle, et il l'a développé dans un livre
espécial, qui est resté manuscrit; on peut voir ce
qu'il en a dit dans les Annales religieuses,
t. 1er, p. 621. Nous n'avons pas cru devoir
ajouter à la liste des ouvrages de l'abbé Sicard
ceux auxquels Serieys(i>oy. ce nom), abusant du
caractère obligeant de ce vieillard, lui faisait
apposer son nom, pour donner plus de prix à
ses compilations. H. F.
Frayssinous, Disc, de rècept. à VAcad. française. —
VAmi de la Religion, t. XXXH, p. 19. — Moniteur uni-
versel, 1822. — Revue encyclopédique, t. XIV, p. 454.
*sichel (Jules), oculiste français, né en
1802, à Francfort. ;I1 appartient à une famille
juive. Après avoir suivi à Vienne la clinique
ophthalmologique de Jœger (1825), et à Wur/-
bourg celle de Schœnlein à l'hôpital Julius, il
vint en France (1829) ; bien qu'il eût été déjà reçu
docteur en médecine à Berlin, il prit de nouveau
ce grade à Paris (1833). L'année suivante, il fut
naturalisé français. Il a été le premier à se livrer
à l'enseignement clinique spécial des maladies
des yeux, dans un établissement qu'il a fondé
et qu'il continue d'entretenir de ses deniers.
M. Sichel est l'un des oculistes les plus répandus
de Paris. On a de lui : Mémoire sur la cho-
roïdite; Paris, 1836,in-8°; — Traité de
l'ophthalmie , de la cataracte et de Vamau-
rose; Paris, 1837, in-8°, pi. col.; trad. en alle-
mand; — Cinq cachets d'oculistes romains;
Paris, t&45,in-8°; — Recherches sur les Di-
valia et les Angeronaliades Romains, comme
culte secret de Vénus Genilrix ; Paris, 1846,
in- 8° : travail qui l'a entraîné dans une polémique
avec Letronne; — Poème grec inédit, attri-
bué au médecin Aglaias, publié d'après un
manuscrit de la bibliothèque royale de Paris;
Paris, 1846, in-8° ; — Iconographie ophthal-
mologique; Paris, 1852-57, gr. in-4°, avec atlas
de 80 pi. col.
Documents particuliers.
sicinics dentatus, guerrier romain, as-
sassiné en 450 avant J -C. Il fut un des héros
de la grande lutte des plébéiens contre les patri-
ciens, célébrée par des chants populaires, qui ne
sont pas venus jusqu'à nous, et dont les anna-
listes latins ne contiennent qu'un sec résumé.
Voici l'histoire ou plutôt la légende de cet
Achille romain, comme l'appelle Aulu-Gelle. Il
combattit dans cent vingt batailles, tua huit en-
nemis en combat singulier, reçut quarante-cinq
blessures , dont il gardait les cicatrices , gagna
d'innombrables récompenses honorifiques, et sui-
vit le triomphe de neuf généraux pour des vic-
toires principalement dues à sa valeur. Tribun
en 454, il traduisit devant le peuple et (it con-
damner le consul T. Romilius. En 450, sous le
second décemvirat, Sicinius conseilla aux soldats
de se retirer, à l'exemple de leurs pères, sur
le mont sacré. Les décemvirs, redoutant son in-
fluence, résolurent sa mort. Le consul Fabius le
chargea d'aller faire une reconnaissance, en lui
donnant pour l'accompagner une troupe d'assas-
sins. Sicinius, assailli à l'improviste, vendit chè-
rement sa vie; mais il succomba sons le nombre.
Les décemvirs répandirent le bruit qu'il était
tombé sous les coups de l'ennemi, et lui firent
faire de magnifiques funérailles. Cette fabîe et
ces honneurs ne trompèrent pas les soldats sur
les véritables auteurs du meurtre de Sicinius
Dentatus; l'indignation qu'ils éprouvèrent de
cette trahison fut une des causes du soulève-
ment populaire qui mit fin à la domination des
décemvirs. L. J.
Denys d'Halicarnasse, X, 48, 52 ; XI, 25-27. — Tive Live,
111,43. —Aulu-Gelle, II, 11. — Pline, Hist.nat., VII, 27.—
Vaiere Maxime, II, 3. — Niebuur, Hist. romaine, t. IV,
trad. de Golbery.
947 SICKINGEN
sickingex (Frantz ce), célèbre capitaine
allemand, né en niais 1481, au château d'E-
bernbourg, mort !e 7 mai 1523, à Landstuhl.
[1 était d'une ancienne famille de cbevaliers qui
au quatorzième siècle s'était fixée dans le Pala-
tinat, où elle possédait la ville de Landstuhl. Son
père Schweickhard , grand maréchal du Pala-
tinat, eut de longs et sanglants démêlés avec les
villes du cercle du Rhin, qu'il accabla d'exac-
tions. Fait prisonnier en 1504 dans la guerre de
la succession de Bavière, il fut exécuté pour
avoir violé les ordres de l'empereur. Habile à
tous les exercices du corps, Frantz recul une
éducation soignée, que dirigèrent Reuchlin et
Geyler de Keisersberg; il avait une connais-
sance suffisante du latin et écrivait avec facilité
l'allemand et le français. Son caractère, naturel-
lement violent, s'était adouci sous l'influence de
sa femme, la belle Hedwige de Flersheim ; mais
il conserva une soif insatiable de grandeur et
de gloire. De bonne heure il aspira à l'honneur
d'être le défenseur du faible. Lorsqu'on 1515,
Sloer, riche notaire de Worms, fut dépouillé de
ses biens à l'instigation des nobles, Sickingen,
se déclarant le champion de l'opprimé, leva une
armée, que sa réputation militaire, établie par
sa brillante conduite dans la guerre contre Ve-
nise, éleva au chiffre de huit mille hommes.
Il occupa le territoire de Worms, bloqua la
ville, et en fit le siège régulier ; mais, n'ayant pu
y entrer, il conclut avec elle une trêve de deux
ans. De concert avec le comte de Geroldseck, il
déclara la guerre au duc de Lorraine, et en-
vahit ses États à l'improviste (mai 1516). La
déroute de son allié arrêta le cours de ses dé-
prédations; il consentit à rebrousser chemin
moyennant trente mille écus et une grosse pen-
sion. Attiré par Robert de La Marck à la cour
de François Ier , il entra au service de ce
prince avec une pension de trois mille livres.
En 1518 il intervint dans la querelle entre le
comte Schluchterer et la ville de Metz, qu'il
vint assiéger avec vingt et un mille hommes. Sur
la menace qu'il fit de détruire toutes les vignes
du pays, les Messins s'empressèrent d'acheter la
paix vingt-cinq mille florins d'or. Continuant son
rôle de grand-justicier, il força le landgrave Phi-
lippe de Hesse à céder aux réclamations que
lui adressaient plusieurs seigneurs. Sur ces entre-
faites il se réconcilia avec l'empereur, quitta
sous un prétexte le service de François Ier pour
celui de Charles d'Autriche. En 1519 il com-
manda l'armée que la ligue de Souabe dirigea
contre le duc Ulric de Wurtemberg, qui fut
dépouillé de ses États. Après la mort de Maxi-
milien, il exerça sur l'élection de son successeu»
une influence considérable : après avoir gagné
à ses vues l'archevêque de Mayence, il vint avec
quinze mille soldats camper sous les murs de
Francfort, où les électeurs étaient réunis, et dé-
cida ainsi leur vote en faveur de Charles V, qui !e
nomma capitaine de ses armées (1520\ Cédant
948
aux instances dece prince, il se joignit en 1521 au
comte de Nassau, pour la conquête du duché de
Bouillon, qui appartenait à Robert de La Marck,
son ami. Lorsque la guerre eut éclaté entre
l'empereur et François itr, il alla, toujours eu
compagnie du comte de Nassau, assiéger Mé-
zières. L'entreprise, qu'il avait déconseillée du
reste, échoua.
Après avoir rejoint Charles V en Picardie,
Sickingen revint à Ebernbourg, et licencia la
plus grande partie de ses bandes (1). Son châ-
teau était devenu dans l'intervalle le refuge et
l'arsenal de la réforme naissante. Gagné aux
idées nouvelles par Ulric de Hutten, il avait
établi chez lui une imprimerie, d'où sortaient
une foule d'écrits contre l'Église romaine, et ii
donnait l'hospitalité à Melanchthon, à Bucer, à
Œcolampade, dont il fit son chapelain, etc: En
même temps il protégeait efficacement contre
les persécutions des dominicains de Cologne
Reuchlin, son précepteur. Ce qui le rapprocha
de Luther, ce fut sa sympathie pour les op-
primés et aussi l'espoir d'acquérir de nouveaux
domaines par la sécularisation des biens du
clergé. En espérant de profiter des troubles re-
ligieux, Sickingen avait le projet de les faire
servir à la réalisation d'un plan politique qui
ne manque pas d'une certaine grandeur. Il vou-
lait d'une part affranchir le peuple de la tyrannie
qui pesait sur lui et de l'autre régénérer la
noblesse en la rendant opulente et libre ; peu-
ple et noblesse, tels devaient être les seuls élé-
ments de la société qu'il rêvait de fonder. A ce
sujet il convoqua à Landau une grande assem-
blée de chevaliers ( 1522), qui adopta ses idées
avec enthousiasme ; il fut élu le chef absolu d'une
vaste ligue qui s'étendait sur l'Allemagne en-
tière. Ce premier succès lui fit entrevoir l'es-
pérance de s'élever sur la ruine de tous les
pouvoirs établis jusqu'à la couronne impériale.
Avec l'appui secret de l'électeur^ _ Mayence,
du duc de Lorraine et de la plupar? des villes
du Rhin, il rassembla une armée d'environ
vingt mille hommes et une nombreuse artillerie.
Il porta ses premiers coups contre Richard, élec-
teur de Trêves, le plus énergique défenseur de
l'Église. Mais ce fut en vain qu'il l'assiégea
dans sa capitale, il recula devant Philippe de
Hesse et l'électeur palatin, qui s'étaient ligués
contre lui. Cet échec découragea le parti des
chevaliers, jeta la division parmi eux. Sic-
kingen, quoique lourmenté de la goutte, organisa
la résistance avec un courage indomptable : as-
siégé à son tour dans Landstuhl par les trois
princes ses ennemis, il vit bientôt tomber en
ruines les fortifications qu'il croyait avoir ren-
(iuesjmprenables. Le 2 mai 1523, pendant qu'il
se farSait porter en litière sur les remparts par
deux serviteurs, ceux-ci, renversés par des
(1) II ne reçut en dédommagement de ses frais de guerre
qu'une assignation de 75,000 florins d'or, laquelle ne lui
fut jamais paye».
949 SICKINGEN
éclats de maçonnerie, le laissèrent tomber sur
îles palissades ; grièvement blessé, il capitula
trois jours plus tard. Les trois princes vinrent
le trouver dans la caverne où on l'avait trans-
porté. 11 était mourant lorsque l'archevêque de
Trêves lui reprocha d'avoir envahi ses États ; il
répondit : « J'aurais bien des choses à dire là-
dessus ; mais je vais répondre à un maître plus
grand que vous. » Il expira, ayant reçu les
sacrements des mains d'un prêtre catholique.
On sait qu'Albert Durer a immortalisé la noble
(igure de ce capitaine dans son fameux Cheva-
lier de la Mort. Ses domaines et ses richesses
furent partagés entre les trois princes; vingt ans
plus tard, par l'entremise de Charles-Quint, ses
fils recouvrèrent la plus grande partie des pos-
sessions de leur famille. Parmi les descendants
de Sickingen, dont le dernier mourut en 1837,
aucun ne montra les brillantes qualités qui,
malgré tous ses écarts, lui avaient valu une si
éclatante renommée. E. G.
Th. Leodius, Historia Fr. de Sickingen, dans les
Script, de Freher, t. III. — Fleuranges, Mémoires. —
Wiïrdtwcin, Kriege und P/edschaften des edlen Fr. von
Sickingen; Manheim, 1787, in-8°. — Long, Historisches
Taschcnbuch, t. 1er. — Buddeus, Fr. von Sickingen ; Go-
tha, 1794, in-8°. — Munch, Fr. von Sickingen; Stutt-
gart!, i827, 3 vol. in-8°. — Boutelller, JJist. de Fr. de
Sickingen ; Metz, 1860, in-8°.
siddons (Sarah Kemble, mistress), cé-
lèbre tragédienne anglaise, née à Brecon ( pays
de Galles), le 14 juillet 1755, morte à Lon-
dres, le 8 juin 1831. Elle était de cette famille
Kemble (voy. ce nom) qui a donné au théâtre
anglais tant d'artistes distingués de l'un et
l'autre sexe. Son père , Roger, dirigeait une
troupe ambulante où dès son enfance elle rem-
plit toutes sortes de rôles, chantant même l'o-
péra au besoin. Elle avait quinze ans lorsqu'il
s'établit entre elle et un jeune acteur nommé
Siddons une liaison que ses parents crurent
rompre en plaçant leur fille comme dame de
compagnie dans une famille du comté de War-
wick. Mais l'affection du jeune couple résista à
cette épreuve, et il fallut consentir à leur union,
qui eut lieu à Covenlry, le 26 novembre 1773.
Rentrée au théâtre, où elle ne tarda pas à con-
quérir, dans la province, une assez grande cé-
lébrité, Mme Siddons fut appelée à Londres par
Garrick (décembre 1775 ). Elle joua avec lui
plusieurs rôles sans grand succès : la timidité
paraît avoir été la principale cause de cette es-
pèce d'échec. Jusqu'en 1782 elle travailla,
comme elle le dit elle-même, « à fortifier ses
nerfs » et à perfectionner son jeu, en donnant
des représentations dans plusieurs villes, telles
que Manchester, York et Bath. Enfin, le 10 oc-
tobre 1782, elle reparut à Covent-Garden avec
une maturité de talent et un éclat de succès qui
se soutinrent dans les représentations qu'elle
donna à Dublin et à Edimbourg, et qui ne se dé-
mentirent point jusqu'au moment où elle joua
pour la dernière fois sur la scène de ses débuts,
« 9 juin 1818. La nature avait donné à M™e Sid-
SIM-MOITAMMED 9.iO
dons un port de reine, des traits réguliers, une
voix sympathique. Elle perfectionna ces dons
naturels par un travail soutenu et intelligent,
dont témoignent les remarquables études qu'elle
a laissées sur les rôles de Constance dans le Roi
Jean et de lady Macbeth. Parmi les autres rôles
auxquels son nom restera attaché, on peut citer
Marguerite d'Anjou dans Edouard IV, Juliette,
Ophélia, Portia du Marchand de Venise, Bcl-
videra de Venise sauvée, Callista de la Belle
pénitente, Jane Shore, Lsabella, et enfin lady
Randolph du Douglas de Home, où elle lutta
avec une artiste célèbre dans son temps ,
Mme Crawford, et dans lequel plus tard elle fit
ses adieux au public.
Mme Siddons obtint de ses contemporains des
hommages unanimes, que justifiaient ses ta-
lents hors ligne et la dignité de sa vie privée. Le
vieux Johnson trouva pour elle un mot galant :
comme elle était allée le visiter dans son galetas,
le docteur eut peine à trouver une chaise pour
la faire asseoir. « Madame, lui dit-il, partout où
vous paraissez, les sièges manquent. » Byron
disait qu'elleavait tellement rempli l'idée qu'il se
faisait d'une grande actrice qu'il refusa d'aller
voir Mile O' Neil dans le rôle de lady Macbeth,
pour ne pas déranger son idéal. Mme Siddons,
dans le souvenir des Anglais ainsi que dans le
portrait de Reynolds, restera comme la reine de
son art. On a publié des lettres d'elle dans Jour-
nais and Corresp. of Th. Whalley ; 1863,2 vol.
Son fils, Henry Siddons, né en 1774, a été ac-
teur et directeur de théâtre; il a aussi fait re-
présenter quelques pièces. E. R — y,
J. Eoaden, Memoirs of the Uje of Mrs Siddons ; Lon-
dres, 183?, 2 vol. in-8°. — Th.CainpbeU, Life of Mrs Sid-
dons; ibiil., 1834,2 vol. in-8°. — Biogr. dramatica.
SIDI-3JOHASS.MED, empereur du Maroc, né
vers 1702, mort le 11 avril 1790, à Rabat. 11
était depuis longtemps associé par son père,
Muley-Abdallah, aux soins du gouvernement
lorsqu'à la mort de celui-ci, en 1757, il fut appelé
à lui succéder ; il n'avait pas de frères, ne ren-
contra pas de compétiteurs, et son avènement
s'accomplit sans troubles. Prince moins violent
et brutal que ses prédécesseurs, il comprit les
bienfaits de la civilisation, et chercha à la faire
pénétrer dans ses États. Il voulut sortir de la
situation de guerre perpétuelle où s'était trouvé
jusqu'alors le Maroc avec les États chrétiens ; il
conclut donc des traités de paix avec l'Angle-
terre, la Hollande, le Danemark, la Suède, Ve-
nise, la France, l'Espagne, le Portugal, l'em-
pereur d'Allemagne, la Toscane et les autres
États d'Italie. Ce nouveau mode de gouverne-
ment porta bientôt ses fruits; les étrangers
vinrent s'établir au Maroc et l'on y vit régner
une activité commerciale dont on n'avait pas
l'idée auparavant; les ouvriers européens con-
tribuèrent à la prospérité et à l'embellissement
de l'empire. En 1760 fut bâtie la ville de Moga-
dor ; le palais de l'empereur à Maroc fut Irans-
951 SIDI-MOHAMMED — SIDNEY
formé et les fondements de la ville de Fédali
jetés en 1773. Malheureusement Sidi -Moham-
med eut la malencontreuse idée d'élever les
droits de douane, et celle, plus mauvaise encore,
d'exercer ie monopole du commerce. Les calculs
de l'avarice, son vice favori, furent trompés, et
le mouvement commercial qui faisait la fortune
du Maroc diminua dans des proportions consi-
dérables. Au milieu de ces préoccupations po-
litiques, il n'oubliait pas la guerre, et l'argent
qui provenait des impôts et de l'exportation du
blé était en partie consacré à se procurer de
l'artillerie et les ressources nécessaires pour
engager la lutte. En 1769 il assiégea Mazagran,
qu'il enleva aux Portugais. Mais lorsqu'il
voulut, en 1774, prendre Melilla aux Espagnols,
il rencontra une résistance qui le rebuta ; il se
décida à en lever le siège, et demanda la paix au
roi Charles Uï; elle ne fut cependant signée
qu'en 1780; mais à partir de ce moment Sidi-
Mohammed entretint avec ce prince des rap-
ports de franche et cordiale amitié ; lorsque les
Espagnols assiégèrent Gibraltar, il refusa aux
Anglais toute assistance, et ouvrit au contraire
le port de Tanger à leurs adversaires ; il eut en-
core d'autres occasions de témoigner ses bonnes
dispositions au gouvernement de Madrid. Une
petite guerre de Sidi-Mohammed avec les Hol-
landais fut sans importance. Ce prince versait
rarement le sang; il était populaire, et son règne
fut rarement troublé par des révoltes. Eu 1772,
l'année même où il perdit son parent et son mi-
nistre sur lequel il se reposait presque entière-
ment des soins du gouvernement , un marabout
essaya de troubler le royaume par ses prédica-
tions fanatiques; mais ses partisans furent faci-
lement dispersés et lui-même mis à mort. En
Ï778 une insurrection plus sérieuse éclata; les
troupes nègres, qui formaient une armée de
cent mille hommes environ, irritées d'un re-
tard dans le payement de leur solde, se révol-
tèrent et mirent à leur tête Muley-Yézid, un des
fils de l'empereur. Celui-ci s'empressa de mar-
cher contre eux , arrêta par son sang-froid Je
mouvement, et relégua son fils à La Mecque.
Pour prévenir de nouvelles révoltes, il licencia
une partie des noirs, et réduisit cette troupe à
quinze mille hommes. Les soupçons avaient
aigri le caractère du vieil empereur ; ii prit
bientôt ombrage de l'altitude de Muley-Yézid,
qui de retour au Maroc ralliait autour de lui les
mécontents ; il employa en vain les prières et les
menaces pour l'amener à la cour. A la fin il
marcha à la tête de ses troupes contre le fils
indocile, qui, retiré dans un lieu sacré près de
Fez, se jouait de ses ordres; mais il tomba
malade en route, et mourut en 1790. Sous
lui le Maroc avait joui d'une sécurité bien
plus grande que sous ses prédécesseurs. 11
témoignait sa sollicitude à ses peuples en ren-
dant lui-même la justice trois fois par semaine.
Son fils , Muley-Yézid , lui succéda.
952
Chenier, Recherches hist. sur les Maures. — Le Ma-
roc, dans l'Univers pittoresque.
sidmouth. Voy. AnniNGTON.
sionef (Sir Philip), homme d'État et litté-
rateur anglais, né à Penshurst (Kent), le 29 no-
vembre 1554, mort à Arnheim, le 17 octobre.
1586. Fils d'un seigneur qui avait occupé des
emplois importants à la cour d'Edouard Vï, de
Marie et d'Elisabeth, il fit de brillantes études à
Shrewsbury, puis à Oxford et à Cambridge , et
dès l'âge de douze ans il écrivait à son père en
latin et en français. En 1572, il partit pour le
continent, et se trouvait à Paris lors du massacre
delà Saint-Barthélémy; mais comme il habitait
la maison de l'ambassadeur d'Angleterre, sir
Francis Walsingham, auquel son oncle, le comte
de Leicester, l'avait recommandé, il ne courut
aucun danger, quoi qu'on en ait dit. D'ailleurs il
venait de recevoir du roi Charles IX le titre
de gentilhomme de sa chambre, dont le brevet
était conçu dans les termes les plus flat-
teurs (1). En quittant la France, Sidney visita
successivement les Pays-Bas, l'Allemagne, la
Hongrie et l'Italie, se perfectionnant dans les
exercices du corps aussi bien que dans les tra-
vaux de l'esprit, et puisant dans les voyages une
instruction à la fois brillante et solide. A Franc-
fort, il se lia d'une amitié durableavec le fameux
Hubert Languet, qui lui adressa des Epilres
politiques et historiques, recueillies en 1633. On
assure qu'il connut le Tasse à Padoue. Son retour
en Angleterre eut lieu en mai 1575. C'était alors
un cavalier accompli. Il obtint la faveur de sa
souveraine, et débuta dans la littérature par un
de ces intermèdes ou masques alors à la mode,
la Reine de mai (Lady of may}-, qui fut repré-
senté en 1575 devant. Elisabeth à Wanstead.
Son crédit, attesté par une brillante ambassade
à la cour de Vienne (1576-77). et que n'avait pas
même ébranlé une remontrance publique contre
le projet d'union de la reine d'Angleterre avec le
duc d'Anjou, souffrit une éclipse à la suite d'une
querelle avec le comte d'Oxford et d'une pro-
vocation en duel qui déplut à la souveraine.
Obligé de s'éloigner de la cour (1580) et retiré à
Wilton, Sidney y composa, à l'imitation de
Sannazar, sa pastorale de VArcaclie (2), dé-
diée à sa sœur, la comtesse de Pembroke, et
(1) Les brevet et retenue, dont nous avens trouve la
copie dans le recueil Cangé, à la Bibliothèque impériale
(Imprimés), t. 73, portent : « Considérant combien est
grand la maison deSidenay en Angleterre et le rang qu'ils
ont toujours tenu près la personne des rey.s et reynes
leurs souverains; désirant, en considération de ce, bien
et favorablement tralcter le Jeune Sr de Sidenay, et,
pour les bonnes et louables vertus qui sont en luy, sui-
vant la bonne et parfalcte amitié qui est entre la reyne
d'Angleterre, nostre bonne sœur et cousine, sa souve-
raine, et nous, aimer ses subjects et les voir converser
avec les nostres, pour ces causes, etc. >•
(2) Ce roman célèbre, écrit en prose et en vers et in-
terrompu après le troisième livre, parut par les soins de
lady l'cmbroke, sous le titre de The countesse. of Vem-
brokës Arcadia; Londres, 1590, in-4° de 32 ff., très-
rare; ibid.,9e édit., 1638, in-fol. II a été mis en français
par Baudouin ( Paris, 1624, 3 vol. in-8°J.
953
dont le succès fut constaté par une quinzaine d'é-
ditions et par des traductions dans presque toutes
les langues de l'Europe. Malgré une aïfectation
de style à laquelle on donnait alors le nom d'cît-
phuisme, ou peut-être à cause de cette affecta-
tion même, le roman poétique de Sidney, lu et
admiré par Cowley, par Waller, charma les
heures de captivité du roi Charles Ier, qui lui a
emprunté l'une des prières de l'Icon Basilikè.
L'Arcadie est un peu oubliée aujourd'hui, mais
on goûte toujours sa Defencc of poesy, com-
posée en 1581, quoiqu'elle n'ait été publiée qu'en
1595, revue judicieuse et animée des poêles du
temps, où tous les genres sont appréciés avec
une liberté d'esprit remarquable, sans en excepter
la poésie populaire, alors peu remarquée, et dont
on s'étonne de trouver un éloge bien senti sous
cette plume aristocratique.
Vers cette époque, le mariage de lad y Pénélope
Devereux, qu'il aimait et qu'il avait célébrée sous
lesnomsde Philocleaetde Stella, fut pour Sidney
la cause d'un désappointement pénible. Il épousa,
en 1583, Fiances, fille unique de son vieil ami
Walsingham (l). Au commencement de 1585, il
songea à se joiudreàla seconde expéditiondeDrake
dans les Indes; mais la reine, craignant de
perdre celui qu'elle appelait « le plus beau joyau
de ses domaines », opposa une défense formelle
à son départ. Il fut question aussi de l'attirer en
Portugal pour appuyer les prétentions de don
Antonio, et en Pologne, où l'on offrait de l'élire
pour souverain, car cette renommée cheva-
leresque attirait également les rois et les
peuples. Dévoué de tout temps à son oncle le
comte de Leicester, qu'il défendit contre Par-
sons {Leicester's Commonvjealth, 1584), il se
décida à servir sous ses ordres dans les Pays-Bas,
avec les titres de gouverneur de Flessingue et de
général de cavalerie (1585). Il sauva l'armée an-
glaise à Gravelines, et combattait avec sa valeur
ordinaire à Zutphen (22 sept. 1586) lorsqu'il reçut
à la cuisse une blessure mortelle. Transporté à
Arnheim , il passait devant les rangs de l'armée
et venait de demander à boire, lorsqu'il aperçut
un pauvre soldat blessé comme lui qui jetait un
regard d'envie sur le breuvage déjà approché de
ses lèvres : « Tiens, dit-il en le lui tendant, tu en
as plus besoin que moi. » Cette destinée si bril-
lante, tranchée à trente-deux ans, excita les regrets
de l'Angleterre. Rien ne manqua aux funérailles
deSidney,ni les hohneursd'une sépulture à Saint-
Paul, ni un deuil public, dont on donna pour lui
le premier exemple, ni les témoignages de regret
que lui prodiguèrent à l'envi les corps savants,
les littérateurs et les poètes. Son nom a droit à
un souvenir spécial de la part de la France : il y
avait pour correspondants Henri Estienne, Hot-
man , Pibrac, à qui il reprocha son apologie de
(1) Elle eut encore deux autres maris, le comte d'Es-
sex, exécuté en 1600, et le grand comte de Clanricarde.
L'unique enfant qu'elle avait eue de Sidney épousa le
comte de Rutland.
S1DJNEY 954
la Saint-Barthélémy, Duplessfc-Mornay, dont il
faisait traduire par Arthur Golding le Traité sur
la vérité de la religion chrétienne.
Ph. Sidney a encore écrit le poème intitulé :
Remedy for love, le recueil de sonnets (Aslro-
phel and Stella; 1591, in-4°) adressés à la
belle lady Pénélope; beaucoup de vers insérés
dans England's Heiicon, England's Pâmas-
sus et Davidson' s Rhapsody ; une version
poétique des Psaumes, etc. Tousses écrits ont
été réunis par W. Gray (Miscellaneous icorks;
Londres, 1829, pet. in-8°), et sa correspondance
a été publiée par Collins (Lelters and mémo-
riais of State writlen and collecledbij Henry,
Philip and Robert Sidney; ibid., 1746, 2 vol.
in-fol. ). E.-J.-B. Rathep.y.
Wood, Athenx Oxonienses. — Naunton, Fragmenta
regalia. — Fuiler, TForthies. — F. Greville, Life of sir
Ph. Sidney ; Londres, 1652, in-8». — Th. Zouch, iVe-
moirs of the life of Ph. Sidney; York, 1808, in-;». —
G. Whestone, Sir Ph. Sidney; Lond., 1816, in-t°. —
Bourne, 3/emoir of sir Ph. Sidney, l.ond., 1862, in-8".
sidney (Algernon), patriote anglais, né vers
1622, décapité à Londres, le 7 décembre 1683. Il
suivit son père, Robert, comte de Leicester,
dans ses ambassades de Danemark (1632), et de
France (1636). Celui-ci ayant été nommé lord
lieutenant d'Irlande (1641), le jeune Sidney, à la
tête d'un corps de cavalerie, prit, ainsi que son
frère aîné, le vicomte Lisle, une part active et
brillante à la campagne qui suivit la rébellion de
ce pays. Au mois d'août 1643, les deuxi. frères,
de retour en Angleterre, allaient rejoindre
Charles Ier à Oxford lorsqu'ils furent arrêtés par
ordre du parlement. Le roi crut à une connivence
de leur part; ce qu'il y a de certain, c'est que
Sidney finit par accepter, dans l'armée parlemen-
taire, le grade de capitaine, puis celui de colonel
de cavalerie (1645), que lui donna Fairfax. En
1646, 3 fut nommé lieutenant général et gou-
verneur de Dublin. Élu député dans la même
année, il siégea parmi les juges de Charles Ier,
mais ne prit point part à la condamnation pro-
noncée contre lui , quoiqu'il l'ait plus tard dé-
fendue et glorifiée. Pendant le protectorat de
Cromwell et de son fils, il se retira des affaires
publiques pour n'y rentrer qu'au moment où le
long parlement fut rétabli. Il fut nommé con-
seiller d'État le 13 mai 1659. Le 5 juin suivant,
il fut un des trois négociateurs envoyés pour mé-
nager une alliance entre le Danemark et la Suède.
Ce fut pendant son séjour dans ce premier pays
qu'il écrivit sur l'album de l'université de Copen-
hague cette profession de foi républicaine :
Manus haec inimica tyrannis
Ense petit placidam sub libertale quictem.
Au lieu de rentrer en Angleterre, où la res-
tauration venait de s'accomplir, Sidney préféra
promener pendant dix-sept ans, en Allemagne,
en Italie , en Suisse , en France , sa vie errante
et ses opinions bruyamment républicaines. On
assure que le roi Louis XIV ayant eu envie d'un
cheval qu'il l'avait vu monter à la chasse, Alger-
955
SIDNEY — SIDOrsIUS APOLLINARIS 155
non, pressé de le lui céder, aima mieux tuer la
bête d'un coup de pistolet (1).
En 1677, sur la demande du vieux comte de
Leicester, qui témoigna le désir de revoir son fils
avant de mourir, demande appuyée par les am-
bassadeurs de France et d'Angleterre, Sidney
obtint du roi Charles II son pardon et la per-
mission de rentrer dans sa patrie. Mais bientôt,
affranchi par la mort de son père des ménage-
ments que les opinions de celui-ci lui imposaient,
il devint le coryphée de l'opposition et la terreur
des ministres dans le parlement, où les élections
générales de 1678 l'avaient fait entrer.
Les relations dont nous avons parlé à l'article
Russell (voy. ce nom), et qui s'établirent à cette
époque entre le gouvernement français et les
chefs de l'opposition en Angleterre, eurent pour
principal moteur et agent Sidney, qui figure pour
500 guinées dans le compte des sommes distri-
buées aux patriotes par l'ambassadeur français
Barillon. Du reste, dans ce fait, établi d'une ma-
nière authentique, on aurait tort de voir un
abandon des principes qu'il avait hautement pro-
clamés toute sa vie. La correspondance du même
ambassadeur atteste que Sidney, avec l'esprit
énergique et un peu étroit qu'on lui connaît,
poursuivait toujours son rêve du rétablissement
de la république en Angleterre, auquel il avait
de tout temps cherché à intéresser la France
monarchique. Comme Mirabeau, il accepta de
l'argent pour professer des opinions qui étaient
les siennes : telle est la mesure de ses torts. Us
ne sauraient justifier les moyens auxquels le
gouvernement anglais eut recours pour établir
sa complicité dans le complot de Rye-house et
pour amener sa condamnation. Le nom du juge
Jefferies, la conduite du principal témoin, lord
Howard, l'usage que l'on fit de fragments poli-
tiques trouvés dans les papiers de l'accusé et
restés à l'état de théories purement spéculatives,
imprimeront éternellement à toute cette procé-
dure le sceau de l'illégalité (2). Condamné le
(1) Un honnête conseiller au parlement de Bourgogne,
Pierre le Gouz, a consigné dans des notes manuscrites
l'effet qu'avaient produit sur lui la personne et les uto-
pies du républicain anglais. « J'ai souvent, dit-il, mangé
à Paris avec le comte de Sidney, en 1677. J'étais logé
dans la rue de Tournon, et j'allais prendre mes repas,
avec ce comte, à l'hôtel d'Antragues. 11 était homme
d'esprit, mais républicain outré; il regrettait le temps de
Cromwell, ou plutôt le temps qui avait précédé la domi-
nation de cet usurpateur. 11 disait que le dessein des
Anglais était de faire une république sur le modèle de
celle des Hébreux avant qu'ils eussent des rois, et de
celles de Sparte, de Rome, de Venise, prenant de chacune
ce qu'elle avait de meilleur pour en faire un composé
parfait 11 assurait que tandis que l'armée du parle-
ment avait été sur pied jamais on n'avait vu un soldat
'urer Dieu; qu'on n'y souffrait point de cartes, ni de dés,
ni de filles ; que chaque soldat portait à sa poche une
llible en anglais ; que tous s'exerçaient à la lutte ou à
des Jeux utiles et propres à fortifier le corps, etc. »
(2) L'annulation des sentences prononcées contre Russell
et Sidney fut un des premiers actes parlementaires qui
suivirent la révolution de 1688. On y releva en détail
toutes les illégalités commises dans le cours de L'instruc-
tion et du procès.
26 novembre 1683, il monta avec courage sur
l'échafaud qui avait vu périr son ami et co-accusé
William Russell, et, malgré la différence de leurs
caractères, ces deux noms resteront toujours
unis dans la mémoire des hommes comme des
types de constance politique et de martyre souf-
fert au nom de la liberté.
Sidney, dit Burnet, avait étudié à fond toutes
les branches de la science politique. Le plus
connu de ses ouvrages, Discourses concerning
government (Londres, 1698, in-fol. ) publié par
Toland, a eu un grand nombre d'éditions ; celles
de 1751, de 1763 et de 1772 contiennent les
lettres de l'auteur à Henry Savile, ambassadeur
en France. Les Discours ont été traduits en
français par P.-A. Samson (La Haye, 1702,
3 vol. pet. in-8°). E.-J.-B. Rathery.
G. Meadley, Life of Algernon Sidney ; Lond., 1813,
1816, in-8°. — Bleocowe, Sidney Papers; ibid., 1S25,
in-8«. — R.-C. Sidney, Brief memoirs of A Sidney ; ibid.,
1835, in-8°.— G.vanSantvoord, Life of A. Sidney; New-
York, 1851, in-12. — State trials, t. IX, p. 357-1000. —
Lord Grey, The secret History of the Ryehouse plot;
Lond., 1754. —-Th. Mollis, Notice à la tête des Discourses,
édit. 1751. — Collins, Memoirs of the Sydneys , à la tête
des Letters and Memorials. — Macaulay, Hist. of En-
gland.
SIDONIUS APOLL1KARIS (CaïUS Sollius),
en français Sidoine Apollinaire, écrivain latin,
né à Lyon, le 5 novembre 430 ou 431, mort le
21 août 488. Il était d'une très-ancienne famille;
son aïeul et son père avaient été préfets du pré-
toire en Gaule. Élevé à l'école de sa ville natale,
il y eut pour professeurs Eusèbe et Hœnius. A
vingt ans il épousa Papianilla, fille d'Avitus.
Lorsque son beau-père fut proclamé empereur
(456), il l'accompagna à Rome, et y prononça le
panégyrique du nouveau césar en vers; en ré-
compense il eut le rang de sénateur et la charge
de préfetde laville, et sa statue fut placée sous le
portique deTrajan. Après la chute d'Avitus (457),
il s'attacha au parti de Marcellin , s'enferma dans
Lyon, et endura les périls du siège ; mais la ville
prise il fit sa soumission, et célébra le nouvel em-
pereur, Majorien, dans un panégyrique où respire
la plus hyperbolique flatterie; aussi obtint-il
de grands avantages pour sa ville natale, et pour
lui le titre de comte et divers emplois honori-
fiques. A l'avènement de Sévère III (nov. (461),
il quitta la cour, et se retira dans sa belle villa
d'Avitaticum,en Auvergne. Il y passa plusieurs an-
nées dans la société de ses amis, et occupé surtout
de l'étude des lettres. Appelé en 467 à Rome par
l'empereur Anthemius, il composa le panégy-
rique de ce prince, qui le récompensa par les of-
fices de chef du sénat, de patrice et de préfet
de Rome. En 471 il fut élu, malgré lui, par
les suffrages unanimes du peuple et du clergé
à l'évêehé de Clermont. Il se sépara de sa
femme, et, se consacrant tout entier aux fonc-
tions sacerdotales, il abandonna ses dignités,
renonça à la poésie profane et à ses goûts
païens. « S'il écrivit encore des vers, dit M. Ger-
main, ce fut rarement et presque toujours sur des
957 SIDONIUS APOLT
sujets religieux. Claudien, son ami , vanle son
zèle pour l'étude de l'Écriture, et son immense
charité, dont Grégoire de Tours a du reste éter-
nisé le souvenir. Il fut. constamment le père et
le défenssurde son peuple, pour lequel il brava
toutes les persécutions. » Sa sollicitude s'étendait
encore au delà de son vaste diocèse : on le voit
à tout moment occupé à consoler les infortunes
des nombreux malheureux qui s'adressaient à lui;
Ce fut à lui que les habitants de Bourges con-
fièrent le soin de leur choisir unévêque. Lorsque,
malgré tous ses efforts, sa chère Auvergne fut
tombée sous le joug des Visigolhs, il n'en con-
tinua pas moins à lutter courageusement pour
préserver sa patrie d'adoption contre l'envahisse-
ment de l'arianisme, que propageaient les nou-
veaux maîtres. Le roi Eurik le fit alors enfer-
mer au château de Livia (entre Carcassonne et
Narbonne); il en sortit grâce au rhéteur Léon,
ministre d'Eurik. Mandé à Ja cour de ce prince
barbare, il consentit à chanter en vers ses
louanges, afin de pouvoir rentrer librement dans
son diocèse. Depuis il se renferma dans l'exer-
cice de ses fonctions et dans la publication de
ses écrits en prose. Dans ses dernières années ,
il fut en butte aux intrigues de deux prêtres,
qui essayèrent en vain de l'expulser de son
siège. L'église de Clermont l'a, ainsi que celle
de Lyon,. placé au nombre de ses saints. Aiméj
cstiiîifé. des plus nobles prélats,. tels que Rémi,
Mamert, Loup, etc.,Sidonius fut chanté par tous
les beaux esprits de son temps, qui reconnais-
saient en lui leur maître et qui savaient quels ef-
forts il faisait pour arrêter la décadence de la
littérature et des études. Sidonius possédait une
grande facilité de composition; il improvisait
même en vers. Il a laissé un recueil de poésies
et un autre de lettres. Ses poëmes se composent
des panégyriques dont nous avons parlé et de
plusieurs petites pièces de circonstance. Ces
œuvres, qui choquent notre goût par l'emploi
presque constant de la mythologie païenne ap
pliquée à des sujets de l'époque même de l'au-
teur, sont encore déparées par de froides allégo-
ries, de nombreuses imitations , de fréquentes
réminiscences. Il n'en est pas moins un des
meilleurs poètes de la décadence; on trouve
chez lui quelques morceaux, des descriptions
surtout, inspirés du vrai génie de l'antiquité. Ses
poésies contiennent beaucoup de détails pré-
cieux sur les mœurs et les événements contem-
porains, mérite que ses lettres, ont encore à un
plus haut degré. Ces lettres, au nombre de sent
quarante-sept, divisées en neuf livres, ne sont
qu'un choix fait par lui-même parmi sa vaste
correspondance, et qu'il a cherché à rendre
attrayant par une grande variété. Elles nous
offrent un tableau à peu près complet de la so-
ciété gallo-romaine. Malheureusement le style en
est affecté, métaphorique à l'excès, plein d'allu-
sions inintelligibles. Les Œuvres de Sidonius ont
été d'abord publiées à Milan 1498, in-4o; puis
1NARIS — S1EGF.N
9Ô8
à Lyon, 1552, 1598, in-8°; à Hanovre, 1617,
in-s", etc.; la meilleure édition est celle du
P. Lahhe; Paris, 1052, in-4°. Reproduite dans
\aBibi, Pntrum <le Galland,et la Bibl.maxima
Pulrum, elles ont été traduites avec le texte en
regard par J.-F. Grégoire et Collombet (Lyon,
1836, 3 vol. in-8o). E. G.
I/ist. litter.de la France, t. !*>•. — - Ampère, Revue
des deux mondes, t. xvm et /-Jist. littér, do la France.
— Fauricl, Hist. de la Caille méridionale, t. I. — Patin,
dans le Journal des savants , année 1838. — Germain,
Essai sur .-ipollinaris Sidonius : Montpellier, 1840,in-8°.
siebenkjes (1) ( Jean- Philippe), hellé-
niste allemand, né à Nuremberg, le 14 octobre
1759, mort à Altdorf, le 25juin 1796. Il était fils
d'un organiste distingué , qui a composé beau-
coup de musique religieuse. Après avoir étudié
les belles-lettres et la théologie à Altdorf, il de-
vint en 1782 précepteur chez un banquier alle-
mand, à Venise. Avec le secours de Morelli, il
examina avec soin les manuscrits de Strabon,
d'Homère et d'Héliodore déposés dans la biblio-
thèque de Saint-Marc. En 1788 il se rendit à
I Rome , où il eut pour protecteur le cardinal
Borgia, et continua dans la bibliothèque du Vatican
j ses recherches philologiques. De retour en Al-
lemagne à la fin de 1790, il fut pourvu en 1791
I de la chaire de philosophie à Altdorf. On a de
lui : Von der Religion der alten Teutschen
und nordischen Vœlkern (De la Religion des
anciens Germains et des peuples du Nord);
Altdorf, 1781, in-8°; — Lebensbeschreibung
der Bianca Capello di Medici; Gotha, 17S9,
in-8° ; — Expositio tabulée hospitalis in mu-
seo Borgiano asservatœ ; Rome, 1789, in-4° ; —
Versuch einer Geschichte der venetianischen
Staats-Inquisition ( Essai d'une histoire de
l'inquisition d'État à Venise); Nuremberg, 1791,
in-8°; — Ueber den Tempel und die Statue
des Jupiter zu Ohjmpia (Sur le temple et la
statue de Jupiter à Olympia) ; ibid., 1795, in-8°;
— Anecdota grœca, ex ltalicarum biblio-
thecarum codicibus; ibid., 1798, in-8°; —
Handbuch der Archxologie (Manuel d'archéo-
logie); ibid., 1799, in-8°. On doit encore aux
soins de Siebenkses les excellentes éditions de
Strabon ( Leipzig, 1796-1806, 4 vol.in-S°), et des
Caractères de Théophraste (Nuremberg, 1738,
in-8°).
Kœoig-, Memoria J.-P. Siebenkees; Altdorf, 1796, in-fol.
— Schlichtegroli , Nekrolog, ann. 1796. — Hirsching,
Handbuch.
siegen ( Louis de ), inventeur de la gravure
à la manière noire, né en 1609, à Utrecht, mort
vers 1680, à Wolfenbtittel. Sa famille, noble et
ancienne, était originaire de Westphalie; l'un
de ses aïeux, secrétaire du comte Philippe de
j Nassau en 1450, s'établit dans les Pays-Bas.
! En 1619 il perdit sa mère, de souche espagnole,
! et peu après il suivit à Cassel son père, Jean
j de Siegen, qui venait y prendre la direction du
I collège récemment fondé par le landgrave Mau-
' (!) Et non Siebenhees.
959 S1EGEN •
ricedeHesse pour l'éducation des jeunes nobles.
Ce fut dans cet établissement qu'il fut élevé. En
1620 la peste qui ravagea Cassel dispersa de
tous côtés les jeunes élèves. Le collège fut
fermé, et Guillaume V, qui succéda au savant
Maurice ( 1627), ne jugea point utile de le rou-
vrir. Jean de Siegen se retira alors à Juliers,
puis à Kampen, en Hollande, où il termina sa
vie, en 1655. Quant à son fils Louis, on perd ses
traces pendant une dizaine d'années; on sait
seulement qu'il voyagea en France et dans les
Pays-Bas. En 1637 il devint, grâce à la régente
Amélie de Hanau, page du prince Guillaume YI,
et de 1639 à 1641 il remplit dans la petite cour
de Hesse l'office de gentilhomme de la chambre.
C'est durant ce séjour à Cassel qu'il inventa
sa nouvelle manière de graver; mais il quitta
cette ville sans faire connaître son secret. Le
19 août 1642 il adressa d'Amsterdam une lettre
au jeune landgrave, en y joignant quelques
épreuves d'un portrait de sa mère Amélie; il y
parle de ce portrait, son œuvre, comme d'une
estampe exécutée d'une surprenante et nouvelle
manière inventée par lui, et qu'aucun graveur
ne serait en état d'imiter (1). Toutefois, il ne
publia sa découverte que l'année suivante, et les
deux premières planches qui l'attestent, repro-
duisant les traits d'Amélie de Hanau et d'Eli-
sabeth de Hongrie, avec la signature L. a S.,
portent la date de 1643. A la paix de YVest-
phalie (1648), il entra dans l'armée du duc de
Wolfenbuttel. En 1654 on le retrouve en Hol-
lande; en 1655 il rencontra à Bruxelles le prince
Rupert (voy. ce nom), généreux protecteur des
arts, artiste lui-même. Le prince, charmé de sa
découverte, lui vint en aide pour exécuter de
nouveaux essais, et le mit en rapport avec le
peintre Vaillant; chacun d'eux grava, de 1656
à 1658, soit à Francfort, soit à Bruxelles, plu-
sieurs estampes d'après la nouvelle méthode.
De là est venue l'erreur de quelques écrivains
qui ont attribué au prince Rupert tout l'honneur
d'un procédé qu'il n'a fait que propager (2).
Siegen paraît avoir renoncé de bonne heure à
la gravure. Il revint à Wolfenbuttel , parvint
en 1674 au grade de major, et mourut oublié.
(1) Cette curieuse lettre existe encore dans la biblio-
thèque de Cassel.
(2) Si une semblable erreur s'est répandue du vivant
même de l'inventeur, peut-être convient-il d'en imputer
le blâme au prince lui-même. A son retour en Angle-
terre, en 1660, il fit connaître à son ami John Evelyn le
procédé de Siegen ainsi que la part qu'il y avait eue.
Evelyn travaillait alors à une histoire de la gravure,
et par flatterie probablement il ne fait mention que. du
prince dans le ch. vi de cet ouvrage, publié en 1662 ;
ce chapitre a pour titre en effet : Of the new way of
engraving, or mezzotinto, invented and communi-
cated by his highness prince Rupert. Pourtant il se cor-
rige lui-même à quelques pages de là , et il est loin
d'être aussi affirmatif dans les extraits qu'il insère d'un
mémoire rédigé sous les yeux du prince et destiné à
Être lu ( ce qui n'eut pas lieu ) devant la Société royale
de Londres, à peine établie. « Cette invention, dit-
Il, est due à un soldat allemand'; » mais 11 ne le nomme
pas.
- SIEYÈS 960
Outre les portraits déjà mentionnés, et dus au
dessin même de Siegen, on cite encore de lui :
Eléonore de Gonzague, femme de l'empereur
Ferdinand 111(1643) et Guillaume de Nas-
sau (1644), d'après Hondthorst; Augusta-
Marie, fille de Guillaume (1644), Ferdi-
nand 111 ( 1654), un Saint Bruno ( 1654), un
Saint Jérôme, enfin une Sainte Famille, dite
aux lunettes, d'après Ann. Carrache.
Evelyn, Sculptura, or Hist. of ehalcography. — L.
de Laborde, Histoire de la gravure en manière noire ;
Paris, 1839, gr. in-8°. — Nagler, Neues ullgem. Kiinstler-
l.exicon.
siexa ( Giovanni et Giorgio di Giovanni
da ), dits Gianella, peintres italiens du seizième
siècle, nés à Sienne. Ils furent au nombre des
meilleurs élèves de Beccafumi. On doit à Gio-
vanni quelques fresques, qui existent encore à
Sienne dans l'église supprimée délia Morte.
Son fils Giorgio, peintre et ingénieur militaire,
peignit à Sienne , dans la cour du palais Sara-
cini, un portique, où l'on remarque les pendants,
Junon et Cérès, Neptune et Amphitrite. Il
travailla ensuite à Rome , où il devint l'ami et
l'imitateur de Jeand'Udine.-
Romagnoli, Cenni storico-artistici di Siena.
si en a (da). Voy. Duccio et Guido.
siexa (da). Voy. Memmi (Simone).
siëyès (l) (Emmanuel-Joseph, comte), cé-
lèbre publiciste et homme d'État français, né à Fré-
jus, le 3 mai 1748, mort à Paris, le 20 juin 1836.
Son père, qui avait sept enfants, jouissait d'une
modeste aisance et occupait la place de contrôleur
des actes. Il commença ses études sous la direc-
tion d'un précepteur qui le conduisait au collège
des jésuites pour y suivre les cours ; il passa en-
suite au collège des doctrinaires à Draguignan.
Lorsqu'il les eut terminées, il voulait suivre la
carrière de l'artillerie ou du génie; cependant les
instances de sa famille, secondées par celles de
l'évêque de Fréjus, le firent entrer dans l'état ec-
clésiastique. A l'àgede quatorze ans, il fut envoyé
à Paris, au séminaire de Saint-Sulpice. «Dans une
position si contraire à ses goûts naturels, a-t -il
dit lui-même dans une sorte d'autobiographie, il
n'est pas extraordinaire qu'il ait contracté une
sorte de mélancolie sauvage, accompagnée de la
plus stoïque indifférence sur. sa personne et son
avenir. » Il sortit du séminaire après avoir suivi
en Sorbonne ce que l'on appelait le cours de li-
cence et avoir reçu la prêtrise. On comprend fa-
cilement que pendant ces dix années d'une vie si
monotone, Sieyès ait profondément étudié la mé-
taphysique : Locke, Condillac, Bonnet étaient se*
lectures favorites. H se délassait en cultivant la
musique. En 1775, il fut doté d'un canonicat en
Bretagne, à Treguier, près de l'évêque, M. de
Lubersac, qui, transféré en 1780 à Chartres,
l'appela dans le diocèse, où il devint successive-
ment vicaire général, chanoine et chancelier;
puis conseiller commissaire, à la chambre su-
it) Ce nom se prononçait Siès.
961
SIEYÈS
C62
périeure du clergé de France (1787). Fuyant, d'a-
près son aveu, « toutes les occasions qui eussent
pu le mettre en évidence cléricale, il n'avait ja-
mais prêché ni confessé ».
On approchaitde l'époque où la révolution allait
éclater; déjà les assemblées provinciales étaient
convoquées. Sieyès fut nommé membre de celle
d'Orléans ( 1787). Dans l'été de 1788, il fit im-
primer les Vues sur les moyens d'exécution
dont les représentants de la France pourront
^disposer; mais il crut devoir en suspendre la pu-
blication jusqu'à l'année suivante. Jeté au milieu
des émotions profondes qui agitaient toutes les
âmes, il fit paraître l'Essai sur les privilèges
(nov. 1788, in-8°), et son célèbre pamphlet :
Qu'est-ce que le tiers-élat (janvier 1789, in-8°;
3e édition très-augmentée, 1789). Ce dernier ou-
vrage plaça Sieyès à la tête des publicistes qui se-
condaient la révolution. Les assemblées de bail-
liage venaient d'être convoquées : il rédigea,
pour le duc d'Orléans, des Délibérations à
prendre pour les assemblées de bailliage , qui
furent envoyées par les procureurs fondés de ce
prince dans les nombreux bailliages de son apa-
nage. Des travaux si remarquables et en si grande
harmonie avec l'opinion publique appelèrent sur
Sieyès l'attention des électeurs de Paris : il fut
nommé, par le tiers état de celte ville, le ving-
tième de ses députés aux états généraux. Dès
son entrée dans cette assemblée , il y prit la place
que ses talents le destinaient à y occuper. Il fut
le principal promoteur de la réunion des ordres
et le rédacteur du serment du Jeu de Paume. Le
roi, dans la séance du 23 juin, ayant cassé tous
ces arrêtés, et envoyé son grand-maître des cé-
rémonies à l'assemblée pour lui ordonner de se
séparer, Sieyès, après l'apostrophe célèbre de
Mirabeau, dit avec son flegme habituel : « Nous
sommes aujourd'hui ce que nous étions hier...,
délibérons. » Nous n'entreprendrons pas d'analy-
ser les grands travaux de Sieyès à l'Assemblée
Constituante : nous nous contenterons de rap-
peler que, membre du comité de constitution, il
jeta les bases de la déclaration des droits, dans un
excellent écrit intitulé : Reconnaissance et ex-
position des droits de l'homme et du citoyen
(juillet 1789, in-8°). Il eut la plus grande part à
la division de la France par départements, et
publia un Aperçu d'une nouvelle organisation
de la justice et de la police en France (mars
1790, in-8°). Il ne put toutefois faire prévaloir
ses idées sur l'établissement du jury en matière
civile, ni sur le rachat de la dîme ; ce fut à l'oc-
casion de l'abolition de cette dernière qu'il dit
le mot fameux : « Ils veulent être libres, et ne
savent pas être justes. » Néanmoins son influence
était telle alors sur l'Assemblée que Mirabeau le
désignait souvent sous le nom de Mahomet.
Quoiqu'élu président le 8 juin 1790, il joua un
rôle presque passif pendant la dernière période
île l'Assemblée constituante. Administrateur et
membre du directoire du département de la
NOUV. EIOGR. CÉNÉR. — T. XI.III.
Seine (février 1791), on voulut le faire élire
évêque de Paris; mais il s'empressa d'écrire au
corps électoral qu'il n'accepterait pas.
Sieyès s'était retiré à la campagne pendant la
durée de l'Assemblée législative (1), et il y était
encore lorsqu'il apprit sa nomination à la Conven-
tion, où il avait été élu par les départements de
la Sarthe, de l'Orne et delà Gironde ( 1792). Il
opta pour celui de la Sarthe, et fut placé au co-
mité d'instruction publique; mais il joua dans
cette orageuse assemblée le rôle d'un observa-
teur plutôt que celui d'un acteur. Dans le pro-
cès de Louis XVI, il se prononça pour la mort,
sans ajouter un mot de plus à son vote. Du reste,
il ne prit aucune part aux actes sanguinaires
qui signalèrent cette époque ; il ne rappela son
nom au public que par quelques travaux légis-
latifs, tels qu'un Rapport sur l'organisation
provisoire du ministère de la guerre, et un
Nouvel établissement d'instruction publique,
qui fut communiqué à la Convention par Lakanal.
Cette dernière proposition fut rejetée par l'in-
fluence du parti montagnard, et Sieyès exclu
du comité. A l'exception du jour où il remit ses
lettres de prêtrise (2), il ne prit jamais la parole
dans la Convention, et se contenta de voter en si-
lence toutes les mesures révolutionnaires; ce qui
lui faisait dire plus tard, comme on lui demandait
ce qu'il avait fait sous la terreur : « J'ai vécu. »
Après la révolution du 9 thermidor, il demeura
encore longtemps silencieux, et ne voulut pas faire
partie de la commission qui allait préparer la nou-
velle constitution ; consulté au nom de cette com-
mission sur son travail, il refusa de donner ses con-
seils. Cependant il fut nommé membre du nouveau
comitédesalut public(5 mars 1795), et fit adopter
le Rapport sur une loi de grande police (21
mars). Élu président de la Convention le 21 avril
suivant, il n'accepta pas ces fonctions, et partit
avecRew'ueil pour la Hollande, où il signa le traité
de paix (16 mai) entre les deux républiques.
C'est durant cette mission que naquit l'aversion
mutuelle qui fut une des causes du refus de
Sieyès d'entrer dans le Directoire, où il aurait
(1) Sollicité après la fuite du roi de faire connaître
s'il était républicain, il fit une réponse fort explicite,
où l'on remarque ce passage. « Ce n'est ni pour ca-
resser d'anciennes habitudes, ni par aucun sentiment su-
perstitieux de royalisme, que je préfère la monarchie;
je la préfère parce qu'il m'est démontré qu'il y a plus
de liberté pour le citoyen dans la monarchie que dans la
république. Le meilleur régime social, à mon avis, est
celui où non pas un, non pas quelques-uns seulement,
mais où tous jouissent tranquillement de la plus grande
latitude de liberté possible. »
(2) Dans la séance du 10 novembre 1793. On célébrait
alors les fêtes de la Raison. « Quoique j'aie déposé de-
puis un grand nombre d'années, dit-il, tout caractère
ecclésiastique, et qu'à cet égard ma profession de foi
soit ancienne et bien connue, qu'il me soit permis de
profiter de la nouvelle occasion qui se présente pour
déclarer encore, et cent fois s'il le faut, que je ne re-
connais d'autre culte que celui de la liberté et de l'éga-
illé, d'autre religion que l'amour de l'humanité et de'la
patrie. » Il fit en même temps l'abandon de 10,000 livres
de rentes viagères que la loi lui avait conservées comme
indemnité d'anciens bénéfices.
31
9G3
SIETÈS — • SIGALON
964
eu Rewbell pour collègue. Dans le conseil des
Cinq-cents, où il vint prendre place, Sieyès
continua, en présence des partis en lutte, de se
renfermer dans un prudent silence. Cependant son
crédit grandissait de jour en jour : il fut appelé
dans le sein descomités, et on lui confia des tra-
vaux importants. Ce fut vers cette époque qu'une
tentative d'assassinat eut lieu sur lui par son com-
patriote, l'abbé Poulie : une balle lui fracassa le
poignet, une autre lui effleura la poitrine(l2 avril
1797] ; l'assassin fut condamné à vingt ans de fers.
Le coup d'État du 18 fructidor le fit sortir de
sa réserve, et, suivant son habitude, il s'attacha
à la cause des vainqueurs. Il eut part, avec
quatre autres députés, à la rédaction du décret
qui frappa de proscription cinquante-deux de
ses collègues. Ainsi qu'il l'avait déclaré plu-
sieurs fois, c'était dissoudre l'assemblée; il
continua néanmoins d'y siéger, et en fut même
nommé président ( 22 novembre 1797 ). Il ve-
nait d'être réélu membre des Cinq-cents lors-
qu'il fut envoyé en ambassade à Berlin ( 10 mai
1798 ). « Toujours boudant et frondant le gou-
vernement, dit M. Thiers, par humeur contre
une constitution qu'il n'avait pas faite, il ne
laissait pas d'être importun. On eut l'idée de
lui donner une ambassade. C'était une occasion
de l'éloigner, de l'utiliser, et surtout de lui
fournir des moyens d'existence. » Sieyès fut ac-
cueilli à la cour de Prusse avec une rare bien-
veillance, et y devint, pendant un séjour de
plus d'une année , l'objet des hommages des
penseurs de l'Allemagne. Désigné par le sort
pour remplacer Rewbell dans le Directoire
( 16 mai 1799), il revint à Paris, et ne tarda
pas à prendre la présidence du gouvernement
(19 juin). Tandis qu'il s'écriait dans les ha-
rangues officielles que « la royauté ne se relè-
verait jamais, » il conspirait le renversement de
la république et s'abouchait avec Bonaparte. Ce
qu'il voulait avant tout, c'était imposer son
système de constitution dont on parlait beaucoup
depuis longtemps , mais que l'on connaissait à
peine; car Sieyès semblait croire que bien peu
d'esprits étaient à portée de le comprendre. Bo-
naparte, de son côté, voulait aussi renverser le
Directoire à son profit. Ces deux hommes s'en-
tendirent, espérant bien, chacun de son côté,
jouer le principal rôle dans l'organisation du gou-
vernement nouveau. Sieyès agissait auprès des
députés influents, appartenant à l'opinion répu-
blicaine modérée, pour les engager à porter la
main avec lui sur la constitution de l'an ni; et
comme il éprouvait de la résistance, il leur dit :
« Si vous ne voulez pas agir avec nous, je me
tournerai du côté des jacobins. »
On sait l'histoire du 18 brumaire : Sieyès y
montra beaucoup de sang-froid, et fut immédia-
tement nommé le premier des trois consuls
provisoires. Mais là devait s'arrêter, à propre-
ment parler, sa vie politique. Bonaparte, qui avait
son armée derrière lui, et qui était environné
du prestige de la gloire, n'eut pas de peine à
effacer son rival. Sieyès ne put faire triompher
son plan de constitution; sa politique métaphy-
sique ne pouvait convenir à un esprit aussi po-
sitif que celui de Napoléon. La constitution de
l'an vin ne contint qu'un pâle reflet des idées de
Sieyès. Napoléon amortit tout à fait son influence
en le faisant sénateur et en lui donnant (31 dé-
cembre 1799), comme récompense nationale, le
beau domaine de Crosne (Seine-et-Oise), qui
montra que cet ambitieux dupé savait se con-
soler, au milieu de la fortune et des honneurs, de
l'échec de ses efforts et de la perte de la liberti
de son pays. Sieyès fut plus tard nommé prési-
dent du sénat, grand -officier de la Légion d'hon-
neur (1804), et comte de l'empire (1808), mais il
ne tarda pas à résigner la présidence. Il était men*
bre de l'Institut (classe des sciences morales el
politiques) depuis la création de ce grand corps:
il entra à la classe de littérature (Académie fran
çaise) au moment où Napoléon supprima la class<
des sciences morales (1804!). Après avoir été
dans les cent-jours, membre de la Chambre de;
pairs, il fut proscrit, au second retour des
Bourbons, par suite de son vote sur la mort M
Louis XVI ; il se réfugia à Bruxelles , où il m
s'occupa guère que des soins de sa santé. Il rentra
en France après la révolution de 1830, et mou-
rut à Paris, à l'âge de quatre-vingt-huit ans.
Sieyès fut un des esprits les plus vastes de 1;
révolution. Son influence a été immense pendan:
le premier acte de ce grand drame. Sa constitu)
tion n'a jamais été bien connue ; on en trouve
dans l'Histoire de la révolution de M. Mignei
un tableau qui a été communiqué par Daunou,
Sous le titre de Théorie constitutionnelle de
Sieyès et de Constitution de Van vin, Boulaj
(de la Meurthe) a publié deux chapitres de
ses Mémoires inédits ( Paris, 1830, in-8° ), oî
cette constitution est exposée avec détails.
Outre les écrits de Sieyès que nous avons cités,
on a encore de lui : Quelques idées de consti-
tution applicables à la ville de Paris; 178^.
in-8°; — et plusieurs discours, projets deç^
et rapports. Cramer avait entrepris de publV*,
la Collection des écrits de Sieyès; il n'en i
donné qu'un volume, 1796, in-8°, qui a été
traduit avec d'autres ouvrages en allemand pat
Œlsner (Paris, 1796, 2 vol. in-8°). C'est à ce
dernier écrivain qu'on attribue généralement 1
Notice (1795, in-8°) que Sieyès passe pour avoir
rédigée sur lui-même. A. Taillandieb.
Notice stir la vie de Sietjès. — OElsner, Des opinions
politiques de Sieyès et de sa vie comme homme public;
Paris, 1800, in-8°. - Seida ( De ), Sieyès vnd Napoléon ;
Heidelberg, 1824, in-8°. — Mignet, Notices historiques,
t. Ier. — Edm. de Beauverger, Étude sur Sieyès; Paris,
1881, in-8°. — Thiers, L. Blanc, Hist. de la révolution
française. — Lamartine, Les Constituants. — Bertrand
de Molevllle, Mémoires. — Bioyr. du Clergé contemp.,
1. 1".
sigalon (Xavier), peintre français, né a
Uzès (Gard), en 1788, mort à Rome, le 18
août 1837. Il était fils d'un pauvre maître d'é-
f»65 SIGALON
cole que la nécessité de faire vivre sa nom-
breuse Camille conduisit à Nîmes. Il entra bien-
tôt à l'école centrale de dessin, et y fit des pro-
rès lapides, qui le mirent en état de donner à
son tour des leçons et de crayonner quelques
portraits. Ce fut d'un obscur élève de David,
établi à Nîmes, le peintre Monrose, frère du co-
médien de ce nom, qu'il apprit les procédés ma-
tériels de la peinture. Dès lors mettant à profit
ses études solitaires, il exécuta plusieurs ta-
bleaux religieux , entre autres : la Mort de
saint Louis, pour la cathédrale de Nîmes, et
la Descente du Saint-Esprit sur les Apô-
tres, pour l'église des Pénitents d'Aigues-
Mortes. Avide devoir et d'apprendre, il parvint,
ï force d'économie, à amasser une somme de
1,500 francs, et partit pour Paris. Il avait alors
ringt-neuf ans. Après avoir fréquenté quelque
iemps l'atelier de Guérin, il reprit ses anciennes
labitudes de travail solitaire, passant ses jour-
nées au musée du Louvre, étudiant en silence
es chefs-d'œuvre des maîtres, des Vénitiens sur-
tout, ne les copiant pas, mais cherchant à péné-
trer leurs secrets. Aprèsdeux années dece travail
ibstrait, courageusement poursuivi au milieu des
privations les plus dures, Sigalon exposa au salon
Je 1822 la Jeune courtisane, tableau qui fut
icheté 2,000 fr. et placé au Luxembourg. En
1824, on vit de lui Locuste essayant des poi-
sons ; cette toile, bien qu'assez faible, fut acquise
par le banquier Laffitte au prix de 6,000 fr.,
et appartient aujourd'hui au musée de Nîmes.
En 1827, il donna Athalie faisant massacrer
ses enfants, qui fait partie du musée de Nantes.
L'horreur du sujet, la violence de la composi-
tion et de l'exécution excitèrent la sévérité des
critiques. Sigalon, froissé des reproches qu'on
lui adressait et éclairé sur les défauts de son
œuvre, ressentit, dit-on, un tel chagrin qu'en
une nuit sa barbe devint blanche. Toutefois, il
Bnvoya au Salon de 1831 deux ouvrages que
ui avait commandés la liste civile, la Vision
$e saint Jérôme (musée du Luxembourg;) et
Christ en croix. A part un Sujet ana-
wéonliqite exposé en 1833 et donné à M. Laf-
fitte, Sigalon n'avait jamais traité que des com-
positions historiques. Ses instincts et ses études,
2n le poussant vers la grande peinture, le con-
damnaient à ne travailler que pour le gouver-
nement. Aussi le jour où les commandes de
l'État vinrent à lui manquer, il se vit plus mi-
sérable que jamais. Le découragement le prit
alors; il revint à Nîmes, résolu à gagner sa vie
en faisant des portraits. Bientôt M. Thiers, alors
ministre de l'intérieur, le rappela pour lui pro-
poser d'aller peindre à Rome l'immense fresque
du Jugement dernier de Michel-Ange. Si-
galon partit en juillet 1833. Aidé de son élève,
Numa Boucoiran, il accomplit en trois ans et
demi le difficile travail dont il s'était chargé. La
Copie terminée fut exposée à Rome dans une
salle des Thermes de Dioclétien : elle produisit
S1GAUD-LAFOND 966
une vive sensation , et le pape Grégoire XVI
vint l'y voir en grand cortège. Le prix de la
copie du Jugement dernier avait été fixé à
58,000 fr. ; le ministère ajouta à cette somme
une indemnité de 30,000 fr. et une pension via-
gère de 3,000 fr. Il ne restait plus à Sigalon qu'à
copier les pendentifs de la chapelle Sixtine.
Pressé de terminer son œuvre, il repartit pour
Rome, où le choléra venait d'éclater, et y suc-
comba dans la même année, à l'âge de qua-
rante-neuf ans. Il avait reçu la croix d'Hon-
neur. Son buste a été inauguré en 1839 dans le
musée de Nîmes. H. H — n.
Ch. Saint-Maurice, Éloge hist. de X '. Sigalon; 1848,
in-8°. — magasin pittoresque, 183S. — Ch. Eiane, Ilist.
des peintres. — Pesquidoux, foyage artist. en France.
— Clément de Ris, Les Musées de province.
si(;vrii-i,AFOSi) ( Joseph- Aignan) (1) ,
moraliste et physicien français, né le 5 janvier
1730, à Bourges, où il est mort, le 26 janvier
1810. ■ Il était fils d'un horloger moitié ar-
tiste, moitié homme de lettres. Placé au collège
des Jésuites de Bourges, il renonça à suivre la
carrière ecclésiastique pour étudier la médecine;
puis il partit pour Paris, entra à l'école de
Saint-Côme, et fut reçu maître en 1770. Il s'a-
donna à la pratique des accouchements, et y ac-
quit de la célébrité en substituant à l'opération
césarienne la section de la symphise du pubis.
Il l'accomplit heureusement en 1777, sur une
femme difforme et rachitique, et l'Académie de
chirurgie fit frapper une médaille en son hon-
neur* Mais un goût très-vif l'appelait vers l'ob-
servation des phénomènes de la nature inorga-
nique : après avoir été l'un des auditeurs les
plus assidus du physicien Nollet, il entra comme
répétiteur de philosophie et de mathématiques
au collège Louis-le-Grand; il y eut dès 1759 1e
titre de démonstrateur de physique expérimen-
tale. L'examen des fluides impondérables préoc-
cupait alors le monde savant ; l'attention de Si-
gaud se porta de ce côté. Agé seulement de
dix-neuf ans, il s'était déjà distingué, par une
amélioration dans les appareils destinés à faci-
liter ces expériences; on lui doit en effet la
substitution de l'isoloir de verre aux anciens
gâteaux électriques de résine, et plus tard il
introduisit le plateau circulaire de verre dans
les machines électriques. En 1776 il expérimen-
tait avec Maquer. « Occupés, dit un de ses bio-
graphes, à étudier le gaz hydrogène, qu'on nom-
mait alors air inflammable, ils reconnurent
que sa combustion produisait de l'eau.... Sans
doute il y a loin de ce premier jet de lumière
aux grands résultats produits par l'appareil que
Lavoisier imagina en 1783; mais il n'en reste
pas moins démontré que l'honneur de la décou-
verte appartient à Sigaud-Lafond. » En 1760 il
succéda à l'abbé Nollet dans sa chaire de Louis-
le-Grand, et joignit aux cours de ce savant des
(1) C'est à tort que plusieurs auteurs lui ont donné les
prénoms de Jean ou i'Jndré, et qu'ils l'ont fait naître
à Dijon.
81.
967
SIGAUD-LAFOND — SIGEBERT
$68
cours d'anatomie et de physiologie. Il était de-
puis quatre ans revenu à Bourges lorsqu'il y ob-
tintla chaire de physique (1786). La révolution en
fermant les collèges rendit la position de Sigaud
difficile ; mais la réorganisation de l'instruction pu
blique lui permit en 1795 de rentrer comme pro
fesseur de physique et de chimie à l'École centrale
qui remplaçait l'ancien collège; et lors de la créa
lion des lycées, Fourcroy, qui avait été son élève
le fit nommer pro viseur decelui de Bourges (1799);
il résigna cet emploi en 1808, et mourut, à l'âge
de quatre-vingts ans. Le décret du 16 avril 1795
l'avait compris au nombre des savants qui avaient
reçu de la Convention un secours de 3,000 livres
chacun. Depuis 1796 il faisait partie de l'Institut
national, en qualité de membre associé, titre rem-
placé en 1803 par celui de correspondant, et il
appartenait aussi aux académies de Montpellier,
de Florence, de Pétersbourg, etc. La liste des ou-
vrages de Sigaud-Lafond est assez longue ; nous
citerons : Leçons de physique expérimen-
tale; Paris, 1767, 2 vol. in-12; — leçons
sur l'économie animale; Paris, 1767, 2 vol.
in-12; >- Almanach physico- économique,
pour 1770 et 1771 ; Paris, in-12 et in-24; —
Traité de l'électricité; Paris, 1771, 1776,
in-12; — Lettre sur V électricité ; Paris, 1771,
in-12; — Description et usage d'un cabinet
de physique expérimentale; Paris, 1776,
2 vol. in-8°, lig. ; réimpr. à Paris, 1785, et à
Tours, 1796; — Récit de ce qui s'est passé
à la faculté de médecine de Paris au sujet
de la section de la symphise des os pubis ;
Paris, 1777, in-8°; — Essai sur différentes
espèces d'air qu'on désigne sous le nom
d'air fixe; Paris, 1779, 1785, in-8°; —Dic-
tionnaire de physique; Paris, 1780-1782,
5 vol. in-8°, fig. ; — Précis historique des
phénomènes électriques; Paris, 1781, 1785,
in-8°; — Dictionnaire des merveilles de la
nature; Paris, 1781, 2 vol. in-8°;ibid., 1802,
3 vol. in-8°; trad. en allemand par Webel; —
L'École du bonheur, ou Tableau des vertus
sociales; Paris, 1782, in-12, et 1791, 2 vol.
in-12; — La Religion défendue contre l'in-
crédulité du siècle; Paris, 1785,6 vol. in-12;
— L'Économie de la Providence dans l'éta-
blissement de la religion ; Paris , 1787, 2 vol.
in-12; — Physique particulière (faisant
partie de la Biblinthèque-des Dames); Paris,
1792, in-12; — Examen de quelques prin-
cipes erronés en électricité; Paris, 1795,
in-8"; — De l'Électricité médicale; Paris,
1803, in-8°. Il a aussi traduit le Cours de phy-
sique de Musschenbroek (Paris, 1769, 3 vol.
in-4°), et a réimprimé les Récréations physi-
ques d'Ozanam ( 1778 ) et la Statique des vé-
gétaux de Haies (1780). H. Boyer.
Méchtn-Desqulns, Notice sur Sigaud-Lafond. —
Chevalier, liioyr. berruyère — Quérard, France littër.
sigebert ier, roi d'Austrasie, né en 535,
assassiné en 575, à Yitry, près Douai. A la mort
de son père, Clotaire Ier (561 ), il partagea au
sort avec ses trois frères le royaume des Francs ;
ce fut l'Austrasie ( tout le nord-est de la Gaule
et la Germanie entière), plus l'Auvergne et quel-
ques villes comme Avignon, qui lui échut; Reims
était sa capitale. Brave, éloquent, habile, il réu-
nissait toutes les qualités convenables au chef
d'un peuple guerrier, sans les inclinations fi
roces trop ordinaires aux Mérovingiens. En
565 il courut au-devant d'une horde d'Avares
qui allait envahir la Germanie, et les repoussa.
A son retour il trouva ses États presque en-
tièrement occupés par son frère Chilpéric : aus-
sitôt il marcha sur Soissons, capitale de ce der-
nier, s'en empara, se retourna ensuite contre
l'armée de Chilpéric, et la mit en fuite. La mé-
diation de leurs autres frères Caribert et Gon-
tran rétablit la paix entre eux. En 566 Sigebert
épousa la fille du roi des Visigoths , Brunehaut
( voy. ce nom ), pour laquelle il conserva toute
sa vie un attachement passionné. A la mort
de Caribert ( 567 ), il hérita d'une portion du
pays chartrain, Meaux, Avranches et le tiers du
territoire de Paris. En 568 il se ligua avec Con-
tran pour punir Chilpéric du meurtre de Ga-
leswïnthe, sœur de Brunehaut. Vaincu, Chil-
péric fut obligé de se présenter devant l'assem-
blée des chefs francs, et fut condamné à re-
mettre à Brunehaut comme prix du sang les
cités de Bordeaux, Limoges, Cahors, le Béarn et
leBigorre. Dans la même année Sigebert, surpris
par une nouvelle invasion des Avares, éprouva
des revers, et ne parvint à les éloigner qu'à
force d'éloquence et aussi par de magnifiques
présents. Peu de temps après il assaillit Gon-
tran à l'improviste, sans autre motif que celui de
lui arracher la Provence ; il ne réussit pas, et se
déclara de nouveau l'ami de son frère. La ri-i
valité de Frédégonde et de Brunehaut ralluma
la guerre entre Chilpéric et Sigebert ( 573 );
le premier commença, le second se défendit avec
l'aide de Gontran, puis il lança sur la Neustrie
des bandes de Germains païens , qui y com-
mirent d'affreuses dévastations. Avec une armée
formidable, il joignit sur le Loir Chilpéric, et le
défia ; mais Chilpéric, qui ne se sentait pas le
plus fort, demanda la paix, qui fut conclue par la
médiation de l'évêque Germain (574). Quelques
mois plus tard il renouvela la lutte avec une cer-
taine audace ; la diligence de Sigebert confondit
ses desseins, et bientôt, abandonné de ses soldats,
il fut réduit à s'enfermer dans Tournai, la seule
ville qui lui fût restée fidèle. Sigebert était sur le
point de céder tout le pays entre Rouen et Paris
à ses auxiliaires germains , lorsqu'il en fut dé-
tourné par les Neustriens, qui s'engagèrent à le
reconnaître pour leur roi : il convoqua leurs
chefs à Vitry sur la Scarpe, et fut solennellement
élevé par eux sur le pavois. En ce moment
deux jeunes gens de Thérouanne, gagnés par
Frédégonde, s'approchèrent de lui, et feignant de
vouloir lui parler lui plongèrent dans Je flanc
969 SIGEBERT — SIGÉE
fleurs couteaux empoisonnés. II mourut quelques
instants après ; ses meurtriers furent aussitôt
massacrés. Son fils Childebert lui succéda en
Austrasie, sous la tutelle de Brunehaut.
Grégoire de Tours, llv. IV. — Aug. Thierry, Récits
mérovingiens.
sigebert il, roi d'Austrasie, né en 601,
avait douze ans lorsqu'il succéda à Thierri II,
son père (613). Peu de temps après il fut enve-
oppé dans la catastrophe qui précipita Brune-
laut, et tué par ordre de Clotaire II.
sigebert in (Saint), roi d'Austrasie, né en
530, mort en 654. 11 avait quatre ans lorsqu'il
oartagea avec son frère Clovis le royaume de Da-
;obert Ier, son père. Le gouvernement de l'Aus-
rasie fut exercé durant son règne, assez insi-
imifiant, par Pépin et par Grimoald, son fils.
jkgissî pieux que son frère était débauché, il ne
'occupait que d'œuvres de dévotion, et fonda
[es abbayes de Stavelo et de Malmedy. Il ne
laissa en mourant qu'un fils en bas âge, Dago-
ert II, qui lui succéda dix-huit ans après.
Frédégaire et ses continuateurs. — Gesta reçium Fran-
orum, — Sigebert de Gembloux, Fit* sancti Sigeberti.
sigebert de Gembloux (1), chroniqueur
lelge, né vers 1030, dans la Belgique wallonne,
Inort le 5 octobre 1112, à Gembloux. Il reçut
fïhez les bénédictins de Gembloux une ins-
ruction soignée, et il était encore jeune lorsqu'il
Ha remplir au couvent de Saint-Vincent à Metz
es fonctions d'écolàlre. De retour à Gembloux
'ers 1070, il y passa le reste de ses jours, dans
'élude, refusant les dignités auxquelles sa
;rande réputation lui donnait droit. Quoique ob-
ervateur fidèle de ses devoirs monastiques, il se
ignala, comme presque toute l'église de Liège,
>ar son atlachement à l'empereur Henri IV,
lont il soutint vivement la cause dans la lutte
le ce prince contre Grégoire VII (2). Ses con-
laissances étaient aussi étendues que variées.
1 ne manquait pas de talent poétique, et il ma-
nait le latin avec facilité; son style cependant
st assez souvent incorrect et recherché. Sa
'hronique a pendant plusieurs siècles joui
'une grande autorité; ce n'est que dans ces
erniers temps qu'on y a signalé beaucoup d'in-
xactitudes. Son but principal n'était pas de
apporter des faits, mais de poser des bases un
teu certaines pour la chronologie des légendes
ui formaient alors une branche si étendue de
littérature historique. Il ne vainquit qu'en
artie les difficultés de son entreprise , bien
(u'il possédât un sens critique remarquable et
u'il eut dépouillé avec soin les sources histori-
jues qui lui étaient accessibles. On a de lui :
hronicon ab ann. 381 ad ann. 1111; Paris
H.Estienne), 1513, in-4°; Anvers, 1608, in-4°; la
(1) Gemblours ou Gembloux est un bourg Irés-ancien,
itué dans les environs de Naïuur.
(2) Faisons remarquer à ce sujet qu'un écrit relatif à
querelle des investitures et qui a été impr. dans le
I«r de Heinrich iy de Flolo ( Leipzig, 1859) a été à tort
ttribué à Sigebert.
970
meilleure édition de cette chronique, reproduite
aussi dans divers recueils, a été donnée, d'après
le manuscrit autographe de l'auteur, dans le
t. VI des Monumenta de Pertz par M. Beth-
mann, qui a purgé le texte de nombreuses
interpolations, et y a joint les divers continua-
teurs de Sigebert ; — Vila Theodorici epis-
copi Metensis, dans les Scriplores Brunswi-
censes de Leibniz et dans le t. IV de Pertz; —
Vila Wioberti cœnobii Gemblacensis fun-
datoris , dans Acta Sanctorum, 23 mai , et
dans le t. VIII de Pertz ; — Gesta abbatum
Gemblacensium, dans le Spicilége de d'A-
chery; une édit. plus complète se trouve dans
le t. VIII de Pertz ; cet ouvrage, qui contient
des détails précieux, a été continué après 1048
par Godescalc, disciple de Sigebert ; — Vila'-
S. Maclovii prologus , dans le t. VIII de
Perlz; — Vita S. Theodardi, episeopi Leo-
diensis, dans Acta Sanctorum, 10 sept. ; —
Vita Sigeberti Austrasiorum régis, dans le
t. II du Recueil de dom Bouquet; trad. en fran-
çais, Nancy, 1616, in-8°; — De viris Mus-
tribus, sive scriptoribus ecclesiasticis , dans
Bibl. ecclesiastica de Le Mire et dans celle de
Fabricius; — Epistola ad Leodienses , dans
le t. II du Corpus historicorum d'Eccard :
écrit dirigé ainsi que deux autres épîtres
contre les tendances de la papauté; — un poème
De passione Sanctorum Thebeeorum. E. G.
Histoire littéraire de la France, t. IX. — Hirsch, Di
vila Sigeberti; Berlin, 1841, in-8°. — Wattenbach,
Deutichlands geschichlsquellen ; Berlin ,'1858, in- 8°, p. 291.
sigée ( Louise ) , ou Aloysia Sigea , femme
savante, née à Tolède, morte le 13 octobre 1560,
à Burgos. Elle fut élevée avec soin par son
père (1), et reçut cette forte éducation clas-
sique qui était plus commune qu'on ne pense
chez les femmes de ce temps. Emmenée en Por-
tugal, elle devint la compagne de la princesse
Marie, la dernière fille du roi Manoel; et comme
elle était à peu près du même âge, elle partagea
les jeux et les leçons de son enfance. Elles ap-
prirent ensemble à connaître l'antiquité, son
histoire et ses écrivains ; elles avaient le même
goût de l'étude, le même éloignement du
monde. Un contemporain, le savant Resende,
a tracé de Louise un portrait enthousiaste'; il
nous la montre, à peine âgée de vingt et un ans
(vers 1538), occupée sans cesse à feuilleter
des livres latins, grecs, hébreux, syriaques et
arabes, linguarum quinque perita. C'était
probablement pour saluer l'avènement du pape
Paul III que notre jeune savante lui avait
adressé une épître en cinq langues. Elle de-
vint l'une des institutrices de Marie de Por-
(1) Didier Sigee, son père, était Français de nation.
Il s'établit vers 1520 au Portugal, dirigea l'éducation des
fils de Jacques, duc de Bragance, et fut ensuite chargé
par le roi Jean III d'Instruire les jeunes nobles de la
cour. 11 mourut à Torresnovas, et fut enterré chez les
carmélites avec cette epitaphe :
Jqui jac Diogo Sigeo.
S7t SIGÉE —
fugal, fille de Jean III, et elle l'accompagna à
Madrid lorsqu'on 1543 cette princesse épousa
l'infant Philippe d'Espagne. Malgré le vœu
qu'elle avait fait de se consacrer au célibat, elle
céda aux prières d'un gentilhomme, Alfonse de
Cuevas, qu'elle avait rencontré à Burgos, en
1556, à l'époque du retour en Espagne de
Marie, gouvernante des Pays-Bas. Elle se maria
^iprès en avoir eu l'agrément du roi de Portugal,
et mourut peu de temps après, âgée de qua-
rante ans environ. Cette femme, cujus pudi-
citia cum eruditione linguarum ex œquo
certabat, ainsi que rapporte son épitaphe, doit
une fâcheuse célébrité à un ouvrage des plus
obscènes intitulé : De arcanis Amoris et Ve-
neris, imprimé dix ou douze fois sous son nom
et dont l'avocat Chorier est l'auteur. Quant à
ses propres écrits, qui consislent en épitres et
poésies latines, et en un dialogue De diffé-
rentiel vitas rusticee eturbanx, ils n'ont jamais
vu le jour.
Sa sœur Anna excella dans la musique et
dans les langues anciennes.
Antonio, Bibl. hispana. — Pericaud, L. LabéctL. Sigée.
sigeric, roi des Visigoths, mort en no-
vembre 415, était un chef goth, qui participa au
meurtre d'Ataulphe pour venger la mort de
son frère, que ce prince avait fait tuer, en 412.
Puis il se proclama le roi, et n'usa d'un pou-
voir éphémère que pour faire égorger les en-
fants d'Ataulphe et maltraiter la reine Placidie.
11 périt dans une révolte de ses propres sujets,
qui le massacrèrent après un règne de huit
jours. Wallia lui succéda.
Aschbacb, Geschichte der JJ^estgothen, p. 107.
SIGIS350SD, roi de Bourgogne, assassiné à
Orléans, en 524. Baptisé de bonne heure par
Avitus, il succéda en 516 à Gondebaud, son
père, et obtint aussitôt la dignité de patrice de
l'empereur Anastase, qu'il était allé voir à Cons-
iantinople (1). En 517 il convoqua à Épaone
(dans le Bugey) un concile, où assistèrent vingt-
sept évêques bourguignons , ce qui permet d'é-
tablir à peu près les limites de son royaume. I!
gouverna avec sagesse; très-libéral envers les
églises, il avait fondé en 515 le monastère d'A-
gaune à Maurice (Valais), qui devint célèbre.
Après la mort de sa première femme, Amalberge,
fille de Théodoric, roi des Ostrogofhs, il se ma-
ria avec une suivante de cette princesse, nommée
Constance. Ce fut d'après les instigations se-
crètes de sa nouvelle épouse qu'il fit étrangler
son fils Sigeric (522) , qu'elle avait accusé de
conspirer la mort de son père. Attaqué en 523
par trois des fils de Clovis (2) que leur mère
Clotilde excitait contre lui, il fut impuissant à
(1) Il existe dans le recueil des Lettres d'Avitus plu-
sieurs épitres de Sigismond à cet empereur, pleines de
tcrmf« du plus grand respect, qui, bien qu'exagérés par
la politesse, témoignent des excellents rapports entre
les deux cours.
(î) Le quatrième, Tblerrl, refusa de combattre Sigis-
mond, dont il avait épousé la fille.
SIGISMOND
9J2
leur résister, et succomba à la supériorité du
nombre. Il avait déjà reçu la tonsure et pris
l'habit religieux, lorsque quelques-uns de ses
sujets le livrèrent aux Francs. Emmené à Or-
léans, il y fut, en 524, ainsi que sa femme et ses
deux enfants, mis à mort par ordre du roi Clo-
domir, qui avait appris que Gondemar, frère de
Sigismond , s'était fait proclamer roi de Bour-
gogne. Sigismond fut bientôt honoré comme
martyr; sa fête est au 1er mai.
D'après Savigny ( Hist. du droit romain
au moyen âge, t. II), ce serait à Sigismond, et
non à son père, qu'il faudrait attribuer la rédac-
tion du code des Bourguignons, connu sous le
nom de loi Gambette; mais cette opinion a été
combattue victorieusement par Gaupp ( Die ger-
manischen Ansiedlungen ; Breslau, 1844,
p. 296-317)1; il n'y a que le titre 52 de cette loi
qui pourrait avec quelque vraisemblance être
rapporté à Sigismond ; en revanche, ce dernier
fit ajouter au code recueilli par l'ordre de Gon-
debaud un Additamenlum divisé en vingt titres.
( Voy. Davoud-Oghlou, Législation des Ger- ,
mains, t. I). Enfin, une ordonnance, jusqu'ici
inédite, de Sigismond se trouve dans le t. Ier de
la nouvelle édition des Diplomata, chartes, etc.,
de Brequigny.
Grégoire de Tours. — Dubos, Établissement de la mo-
narchie française. — Mascov, Geschichte der Teutschen,
liv. XI, ch. 31-33.
sigismond, empereur d'Allemagne, né le 14
février 1368, mort à Znaïm, le 9 décembre 1437.
Il était fils de l'empereur Charles IV et d'Anne
de Silésie, sa troisième femme. A huit ans il fut
investi de la marche de Brandebourg. Élevé avec
beaucoup de soin , il devint habile à tous les
exercices du corps, et on l'accoutuma de bonne
heure au maniement des affaires publiques. Outre
sa langue maternelle, il parlait avec aisance le
français, le latin, le hongrois et le bohémien.
Fiancé en 1380 avec Marie de Hongrie (il l'é-
pousa en 1385), il reçut en 1382 le gouverne-
ment de. la Pologne, dont Louis, son beau-père,
lui destinait la succession; mais il ne put em-
pêcher les Polonais d'appeler au trône Hedwige,
sœur cadette de sa femme (1384). Plus heureux
dans la Hongrie, qui lui était échue en partage
par la mort de Louis, il en fut, en 1387, proclamé
l'un des régents, et s'efforça d'étouffer la révolte
des seigneurs et de maintenir dans le respect les
nations environnantes. La mort de Marie (1392)
le laissa sans contestation seul maître du royaume.
Ce fut pour refouler les Turcs qu'en 1396 il prit
la direction d'une nouvelle croisade, et qu'à la
tête de plus de cent mille hommes, où brillait la
fleur des chevaliers de France, d'Allemagne et de
Pologne, il alla mettre le siège devant Nicopol:s.
Le sultan Bajazet accourut au secours de la ville;
le 28 septembre eut lieu une bataille, qui se
termina par la défaite des chrétiens. Sigismond,
monté sur une barque qui descendait le Danube,
atteignit la flotte vénitienne dans la mer Noire.
973
Lorsqu'il débarqua en Dalmatic, il apprit que la
Hongrie presque entière avait choisi un nouveau
souverain dans Ladislas de Naples. Sa prodiga-
lité excessive, son amour des plaisirs, ses accès
de violence et ses actes de cruauté avaient con-
tribué à lui aliéner ses sujets. Sans perdre cou-
rage, il rallia quelques magnais fidèles, et eut
en peu de temps raison des rebelles. Ceux-ci
exercèrent sur lui d'humiliantes représailles.
Le 28 avril 1401, ils envahirent son palais à
Budc, s'emparèrent de sa personne et l'enfer-
mèrent dans une forteresse. Grâce à Venceslas,
son frère aîné, qui le tira de ce mauvais pas, tout
s'arrangea, et moyennant un pardon général il fut
de nouveau reconnu roi à la diète de Papa. Si-
gismond témoigna sa reconnaissance à Venceslas
en profitant des embarras où il se trouvait pour
lui enlever la Bohême, qu'il traita en pays con-
quis, et même pour lui ravir la liberté. Pendant
son absence la Hongrie insurgée acclama Ladislas
(1403); mais les partisans du roi de Naples lâ-
chèrent pied devant le comte de Stibor, hardi ca-
pitaine qui replaça, dans une courte campagne,
tout le pays, sauf la Dalmatie et la Croatie, sous
le sceptre de Sigismond. Ce dernier toutefois ne
réussit pas à conserver la Bohème, que son frère,
■devenu libre, avait reconquise; il compensa cet
échec en regagnant sur les Turcs une partie de
la Bosnie (1400), et sur Ladislas la Dalmatie,
Zara exceptée (1.412). Dans l'intervalle il avait
pris en Hongrie d'excellentes mesures ; avec le
concours de quelques magnats, Hermann Cilly,
Stibor, Scolari, Gara, etc., il modéra le pouvoir
excessif du clergé, ajouta aux prérogatives de la
petite, noblesse et de la bourgeoisie, et adoucit la
condition des paysans. Ses dispositions au sujet
du commerce et de l'industrie, ainsi que de la
sécurité publique, sont également remarquables.
La mort de Robert lui permit, en 1410, d'as-
pirer à l'Empire. Après une élection très -dis-
putée (1), Sigismond fut proclamé le 21 juillet
1411. De graves préoccupations l'empêchèrent -
pendant plusieurs années de prendre en main le '
gouvernement de l'Empire. Après avoir laissé à
Ladislas de Pologne la possession viagère de la
Podolie , de la Russie rouge et de la Moldavie,
après avoir réglé les différends de la Pologne et
de l'Ordre teutonique, et apaisé à l'amiable les
querelles des ducs d'Autriche, il fit la guerre à
Venise, qui ne voulait pas restituer Zara, rem-
porta quelques avantages, et conclut, en 1413,
une trêveavec cette république, qui acheta la paix
moyennant 200,000 ducats. Il recruta ensuite
deux mille soldats en Suisse, et se proposait de
()) Une première élection, d'où était sorti Josse, mar-
grave de Brandebourg (1er octobre 1410), ne fut pas dé-
clarée valable. Le monde eut alors le curieux spectacle
de trois empereurs vivants, comme ii y avait trois papes,
et ce qui Était plus singulier, tous trois appartenaient à
la même maison. Josse mourut le 8 janvier 1411; Sigis-
mond fut élu à l'unanimité, et Venceslas, qui n'avait
cessé, quoique déposé, de prétendre à l'Empire, acquiesça
enfin à l'élection de son frère.
SIGISMOND 974
faire à leur lête une sorte de reconnaissance mi-
litaire dans la haute Italie; mais ses soldats,
qu'il ne payait pas, se débandèrent, et ce fut à
peu près seul qu'il s'avança jusqu'à Corne. L'u-
nique fruit qu'il retira de ce voyage , outre de
forles sommes d'argent qu'il préleva sur les cités
et abbayes où il passait pour renouvellement de
privilèges, fut la satisfaction d'avoir décidé le
pape Jean XXIII à convoquer à Constance un con-
cile général, dans le but de mettre lin au schisme
de l'Église.
Le 8 novembre 1414, Sigismond fut sacré roi
des Bomains à Aix-la-Chapelle. De là il se, rendit
au concile de Constance, où il arriva la veille de
Noël. Jean XXIII, qu'il y retrouva, avait fait ar-
rêter Jean Hus (voy. ce nom), malgré le sauf-
conduit impérial. Sigismond protesta contre cette
infraction à ses ordres; mais voyant que le pape
cherchait avidement un prétexte pour dissoudre
le concile, il n'insista pas sur la mise en liberté
de Hus, qu'il se proposait de sauver ; en revanche,
il résista à toutes les suggestions, à toutes les
tentatives de corruption que lit le pape pour lui
persuader de ne rien changer à la scission reli-
gieuse; lui, d'ordinaire si léger, si inconstant,
si accessible à des offres d'argent, se montra pen-
dant toute l'affaire du schisme au-dessus de lui-
même. Après la fuite du pape, opérée avec le
concours de Frédéric, duc d'Autriche, il força ce
dernier à lui remettre ses États, et s'assura ainsi
de la personne de Jean, qui, ramené prisonnier
à Constance, fut déposé le 29 mai 1415. Ce ne
fut pas sans une vive répugnance que l'empereur
céda aux instances des théologiens qui le solli-
citaient de reprendre le procès de Hus ; il ne se
rendit qu'à la crainte d'augmenter les maux de
l'Église, lui qui avait attaché sa gloire à les guérir
par la fin du schisme. Voyant qu'il était impos-
sible de sauver le prêtre bohémien tant qu'il per-
sisterait dans ses sentiments, il l'abandonna,
quoique avec regret, à lajustice religieuse. Quand
l'œuvre de sang fut accomplie , Sigismond tra-
vailla de nouveau à l'œuvre de paix, dont l'eue-
cution devait lui mériter la reconnaissance de
l'Europe. Après avoir persuadé à Grégoire XII
dtTrésigner le pontificat, il quitta Constance, le
21 juillet 1415, et entreprit, à la seule fin d'obtenir
l'abdication du troisième pape, Benoît XIII, un
long, périlleux et coûteux voyage. Il alla à Per-
pignan s'aboucher avec les envoyés de Benoît et
avec les princes espagnols de son obédience. S'il
ne put rien gagner sur l'esprit opiniâtre du pre-
mier, il parvint à détacher les seconds de son
parti et à leur faire signer le concordat de Nar-
bonne((4 déc. 1415), par lequel ils reconnais-
saient le concile de Constance. Cette négociation
terminée, il se rendit à Chambéry pour ériger en
duché le comté de Savoie, et s'achemina ensuite
vers Paris, sur l'invitation du roi Charles VI,
qui l'avait prié de ménager sa paix avec les An-
glais. Il y entra le 1er mars 1416. Les divisions
qui régnaient à la cour paralysèrent ses efforts
975
SIGISMOND
976
pour amener une transaction acceptable (1). Après
avoir fait avec beaucoup de peine rédiger des
propositions d'accord, il passa en Angleterre
pour les soumettre à Henri V; celui-ci refusa de
les agréer, tout en ménageant à Sigismond l'ac-
cueil le plus brillant. A Londres iî fut rejoint
par Guillaume VI, comte de Hollande, qui le pria
de sanctionner la transmission de ses vastes États
à sa fille unique, Jacqueline; il rejeta cette de-
mande, contraireaux lois de l'Empire. Guillaume,
irrité, se rembarqua aussitôt en emmenant les
vaisseaux qui devaient servir au retour de l'em-
pereur. Sigismond se trouva alors à la merci de
son hôte, qui ne lui permit de quitter l'Angleterre
qu'à la condition de signer an traité d'alliance
et de commerce. Ainsi tombent les accusations
de perfidie que la cour de France éleva contre
lui. Après avoir remonté le Rhin, Sigismond re-
vint, le 17 janvier 1417, à Constance, où le con-
cile l'attendait avec impatience pour mener à fin
l'œuvre de la pacification religieuse. Dans l'inter-
valle il n'avait cessé, il est vrai, de s'entretenir
par lettres avec les Pères assemblés : même sur
les affaires purement ecclésiastiques ses avis
étaient écoutés avec déférence; mais après son
retour son influence s'amoindrit; il échoua dans
son projet d'abolir, avant de procéder à l'élection
d'un nouveau pape, les abus qui relâchaient les
liens de la discipline. Martin V fut élevé au pon-
tificat, et s'empressa d'éluder une réforme géné-
rale de l'Église. Dans l'intervalle Sigismond avait
multiplié ses efforts pour faire admettre par les
états de l'Empire un édit de paix générale, qui
mît fin à l'anarchie croissante à laquelle il avait
en vain essayé de remédier par des mesures
particulières; ses projets échouèrent, à cause de
la résistance intéressée des princes; mais ils de-
vinrent la base d'un édit semblable décrété sous
Maximilien 1er. t| ne réussit pas non plus à main-
tenir les droits de l'Empire sur les Pays Bas, qui
passèrent à la maison de Bourgogne. En 1419,
il retourna en Hongrie, et vengea ce pays des
incursions incessantes dont il avait été l'objet de
la part d es Turcs en rem portant sur eux une grande
victoire entre Nissaet Nicopolis.
Il venait alors de succéder, par la mort de Ven-
ceslas (août 1419), à la couronne de Bohême.
L'insurrection des hussites, guidés par Ziska
( voy. ce nom ), avait livré ce royaume à la guerre
civile. Si l'empereur eût marché droit aux rebelles,
il les eût peut-être aisément dispersés ; en négli-
geant de le faire, il les laissa grossir en-nombre
et s'organiser, et lorsqu'en mai 1420 il entra en
Bohême, il trouva partout de la résistance ; avec
(!| Plusieurs incidents curieux marquèrent son séjour
à 1 aris. Toujours galant envers les dames, il en réunit
cent vingt à un grand festin au Louvre, et leur fit distri-
buer à chacune une belle bagr.e. Un antre jour, se trou-
vant ù une séance du parlement où l'on opposait à l'un
des plaideurs sa qualité de roturier. Il se leva, et, le tou-
chant de son épée, le créa chevalier. Cet acte tout spon-
tané lut mal interprété par les légistes français, qui
firent semblant de croire que Sigismond avait voulu
s'arroger un pouvoir de suzeraineté en France.
une armée de plus de cent mille hommes, il s'ou-
vrit un chemin jusqu'à 'Prague; non-seulement il
ne put s'emparer de cette ville, mais il essuya
une déroute complète. La Bohême s'affranchit
presque tout entière de son autorité, et il fut
déclaré déchu du trône par la diète de Czaslau.
En novembre 1421 il revint avec quatre-vingt
mille hommes, et ne put tenir tête à Ziska. En
janvier 1422 il battit en retraite; atteinte à
Deutschbrod, sa cavalerie hongroise fut tailléeers
pièces, le reste de l'armée s'enfuit en désordre.
Très-mal secondé par l'Empire, il ne profita point
des profondes divisions qui éclatèrent parmi les
hussites après la mort de Ziska (1424). Aussi en
1426 parut-il se résigner àla pertedela Bohême;
il ne s'occupa plus que de la Hongrie et des pays
danubiens, d'où il voulait entièrement chasser
les Turcs; mais ses ressources n'étaient pas ea
harmonie avec la grandeur de ses vues , et au
lieu de rejeter en Asie les musulmans, il eut la
douleur de les voir, à la suite de la journée de Ga-
lambotz (mai 1428), s'établir en maîires dans la
Servie et la Valaquie. Quant à l'Allemagne, il l'a-
bandonnait au gouvernement des électeurs, qui,
tout en se plaignant de son inaction, ne l'avaient
jamais aidé à rien tenter pour le bien général.
Aussi, pendant près de dix ans, ne se mêla-l-il
guère que d'une seule affaire importante concer-
nant l'Empire, la succession de Bavière, qui fut
réglée selon ses dispositions. Il laissa même aux
états de l'Empire le soin de prendre des mesures
contre les hussites, qui, enhardis parleurs suc-
cès, ravageaient cruellement une partie de l'Al-
lemagne; les expéditions dirigées contre eux
aboutirent toutes à de honteuses déroutes.
L'imminence du danger finit par rapprocher
l'empereur et les princes allemands. Sigis-
mond consentit à présider en 1431 la diète de
Nuremberg ; une trêve générale fut signée pour
un an; on réforma la procédure du tribunal
suprême de l'Empire, ainsi que l'organisation
de la Vehme, ou tribunal secret de Westphalie;
la compétence de cette terrible autorité, qui seule
maintenait encore quelques principes de justice
au milieu de l'anarchie, fut réduite à la demande
des princes , qu'elle traitait comme de simples
particuliers. Sigismond avait noué des négocia-
tions avec les hussites, qui ne se refusaient pas
à le reconnaître s'il leur accordait le libre exer-
cice de leur culte; les pourparlers se rompirent
dès l'approche de la grande armée impériale,
qui, mal disciplinée et mal conduite, fut forcée,
après quinze jours de campagne, d'évacuer la
Bohême avec des pertes énormes (août 1431).
Trois mois plus lard, Sigismond passa en Italie,
caressant de vastes projets, à l'exécution desquels
il ne pouvait fournir ni argent ni soldats ; ainsi
ii voulait se faire couronner à Rome, gagner des
alliés contre Venise, avec qui il était encore une
fois en guerre, accorder le pape Eugène IV et !e
concile de Bàle, qui à peine ouvert était déjà en
lutte avec le pontife; et surtout rétablir au delà
977
SIG1SM0MD
978
des monts la suzeraineté de l'Empire. Pendant
plus d'une année il résida successivement à
Parme, à Lucques, à Sienne, au milieu de conti-
nuels embarras, en butle aux. coups de ses en-
nemis. Il échappa à une tentative d'empoison-
nement; mais il s'exposa à la malignité publique
en compromettant sa dignité parmi d'obscures
intrigues amoureuses. Sans cesser d'encourager
l'opposition du concile à la cour de Rome, il
avait entamé avec ceile-ci des négociations d'où
sortit enfin le traité deFcrrare, qui pacifia l'Italie
(avril 1433). Un mois après il -fut couronné à
Rome. Dès lors il prît le parti du pape contre
le concile de Bàlc (1), et par une intervention
énergique amena enfin un accord entre le saint-
siége et cette assemblée (avril 1434). Dès le
30 novembre 1433 il avait obtenu qu'on accor-
dât aux hussites modérés, dits calixtins, les
quatre articles, connus sous le nom des Com-
pactâtes de Prague. Lorsque ce parti eut écrasé
tous les autres après la bataille de Bochmisch-
brod, Sigismond fut reconnu roi et couronné à
Prague (1436). Lorsqu'il vit son autorité recon-
nue sans contestation , il commença à retirer
plusieurs des concessions qu'il avait faites aux
hussites, ce qui provoqua un vif mécontente-
ment; bientôt on vit partout renaître l'esprit de
révolte. Le comte Frédéric de Cilly, son beau-
frère , qu'il avait accablé, de bienfaits , eut l'idée
de profiter de cet état de choses; il s'assura le
concours de sa sœur, l'impératrice Barbe, femme
licencieuse, qui faisait profession d'athéisme et
dont Sigismond avait été obligé de réprimer leà
débordements, et noua des intelligences avec
les hussites. On résolut de s'emparer de
l'empereur et de proclamer Barbe reine de Bo-
hême. Sigismond fut averti à temps : il sortit de
Prague (novembre 1437), et se dirigea vers la
Hongrie; mais une maladie, aggravée par le
chagrin que lui causait la perfidie de ses proches,
le força de s'arrêter à Znaïm, où il mourut, le
9;décembre, après avoir assuré la succession
dans ses États à son gendre Albert d'Autriche.
De ses deux femmes, l'une, Marie de Hongrie,
était morte en 1392, sans enfants; l'autre, Barbe
de Cilly, morte le il juillet 1451, lui avait donné
Elisabeth, femme d'Albert.
D'une figure régulière et belle, d'une taille
imposante, Sigismond avait un extérieur d'une,
grande majesté , qu'il savait tempérer par une
extrême affabilité. Il avait beaucoup d'esprit na-
turel , parlait bien , et avec abondance même ,
sans préparation sur les affaires les plus impor-
tantes; Eneas Sylvius nous a conservé plusieurs
de ses nombreuses saillies, dont on avait fait un
recueil spécial. A côté de grandes vertus morales
et d'aptitudes politiques remarquables, il possé-
dait tous les défauts de la maison du Luxem-
bourg, le goût pour la dissipation, une impétuo-
(1) Il fit alors graver sur le grand sceau un aigle à
deux têtes, pour marquer sa double qualité de roi des
Romains et d'empereur couronné.
site dont rien ne pouvait contenir l'explosion, et
avec cela une légèreté excessive. Jeté au milieu
d'une anarchie déplorable, s'il ne réussit pas à la
maîtriser, il eut au moins le mérite d'arrêter le
cours des maux qui désolaient alors l'Europe.
Ernest Gkécoike.
Vindeclt, V ita Sigismundi, dans les Scriptores Ac.
Mcncke. — Katona, ilist. reçium llunijarorum. — En-
gel, Geschichte von Ungarn. — Palacky, Cesck. von
Bœhmetl, t. lll. — Lenfant, Hist. du concile de Cons-
istance. — Wessenberg, Gesch. der grossen Kirclienvcr-
ffsummlnngen. — Aschbach, Ccsch. Siglsmvnds ; Ham-
bourg, 1838-45, 4 vol. in-8°.
sigismond Ier, dit le Grand, roi de Po-
logne, né à Koziénicé, le 1er janvier 1467, mort
à Cracovie, le 1er avril 1548. 11 était fils de Ca-
simir IV, et avait pour frères Wladislas, roi de
Hongrie et de Bohême, et Alexandre 1er, roi
de Pologne. A la mort de ce dernier, il gouver-
nait le duché de Silésie, appartenant à la Polo-
gne. Ses vertus lui firent offrir par les Lithua-
niens la couronne ducale (20 octobre 1506), et
les Polonais le proclamèrent roi le 8 décembre
suivant. Lorsqu'il fut couronné, il changea la for-
mule du serment, et se dit appelé au trône non
par la grâce de Dieu et du Sauveur, mais « avec
le consentement des prélats, des grands et du
peuple ». Le royaume était alors dans un triste
état. Sigismond redressa les abus, en améliorant
les finances, dilapidées par les rois Jean-Albert
et Alexandre. Jean Boner, son trésorier, racheta
les domaines royaux qui se trouvaient engagés,
et rendit à la couronne ses revenus sans avoir
établi de nouveaux impôts. La Moscovie était
déjà menaçante. Les Russes, nsatiables dans
leurs conquêtes, avaient envahi plusieurs des
provinces dépendantes de la Lithuanie. Le tsar
Vassili, sollicité par Sigismond de restituer ce
qu'il avait pris dans cette province, refusa de
rien rendre. La guerre éclata entre eux, par la
trahison du prince Michel Glinski. Ce puissant
feudataire lithuanien avait joui sous le précédent
règne d'une influence illimitée; mis à l'écart et
traité par le nouveau- roi avec une sévérité peut-
être injuste, il jura de se venger sur celui qui
l'avait remplacé auprès du trône, Jean Zabrze-
zinski ; il s'introduisit dans sa maison de cam-
pagne, et l'assassina. Ce crime fut le gage de son
alliance avec le tsar; d'ailleurs il avait sa parole
d'être élevé au rang de prince souverain*de Smo-
lensk. Après avoir appelé sur sa patrie l'invasion
des ïatars et des Yalaques , il rejoignit l'armée
moscovite; tous ensemble ils ravagèrent la Li-
thuanie et assiégèrent Minsk. Sigismond Ier
arrêta les progrès de l'ennemi en remportant
une brillante victoire à Orsza, sur le Dnieper
(14 juillet 1508), pendant que Jean Firley et
Constantin Ostrogski s'avançaient au delà de la
frontière. L'insubordination de ses lieutenants
s'opposa à ce qu'il retirât aucun fruit de ses suc-
cès : il consentit à la paix, moyennant laquelle
tout rentra de chaque côté dans le même état
qu'auparavant; quant aux. adhérents ou aux
S79
SIGISMOND
980
parents de Giinski, il pardonna les uns et per-
mit aux autres de rejoindre leur chef en Russie:
Le tsar, vaincu, suscita à son trop généreux en-
nemi des embarras nouveaux : ce fut par suite
de ses intrigues que Bogdan, le chef des Mol-
daves, envahit la Pologne au midi (1510). Battu
sur les bords du Dniester, il conclut alors le
traité qui soumit la Moldo-Valachie à la Polo-
gne, et d'où sortirent plus tard de longues et
sanglantes guerres avec les Ottomans.
Le pape Jules II envoya complimenter Sigis-
mond sur la gloire de ses armes, et lui offrit le
commandement d'une ligue destinée à chasser
les Turcs de l'Europe. Sur ces entrefaites, une
victoire remportée par Lançkoronski et Os-
trogski sur les Tatars, et qui leur fit perdre
37,000 combattants, assura pour longtemps la
tranquillité des frontières (1512). L'influence de
la Pologne en Hongrie et en Bohême, sa gran-
deur militaire, l'alliance de son souverain avec
la fille du vaïvode de Transylvanie, portaient
ombrage à l'empereur Maximilien; n'ayant au-
cun mo'tif de rompre la paix, il excita le tsar à
se remettre en campagne, et lui promit de le sou-
tenir. En 1514, les Moscovites firent irruption
dans la Lithuanie, au nombre de 80,000, et s'em-
parèrent par surprise de Smolensk, dont la pos-
session leur fut plus tard abandonnée; mais,
arrêtés dans leurs déprédations à Orsza par
l'armée polonaise, qui ne comptait que 30,000
hommes, ils furent taillés en pièces (8 sep-
tembre 1514), et laissèrent sur le champ de
bataille drapeaux, armes, canons, deux géné-
raux, 37 princes, 6,000 prisonniers et 30,000
morts. Ces événements engagèrent Maximilien
à rechercher l'amitié de Sigismond, et il l'invita
à siéger dans le congrès qui se réunit en 1515 à
Vienne. S'il n'en résulta aucun bien pour la Po
iogne, en revanche on y décida un mariage qui
eut pour conséquence de placer les couronnes
de Hongrie et de Bohême sur la tête des mo-
narques autrichiens. L'empereur promit, il est
vrai, de forcer Vassili à respecter la Pologne et
les chevaliers teutoniques à lui rendre hommage,
mais il ne tint point parole. Pendant les négo-
ciations qu'il avait entamées ouvertement avec
Vassili, les Moscovites et les Tatars, obéissant
à de secrètes incitations , recommencèrent leurs
courses en Pologne. Après les avoir refoulés,
Sigismond voulut punir l'insolence ■''de l'Ordre
teutonique, qui avait envahi la Prusse polonaise :
il battit le grand maître Albert, son propre ne-
veu; il le battit encore, malgré le concours que
lui prêtèrent les Danois (1520), et lui accorda
une trêve de quatre ans. En 1525 il favorisa son
ambition en lui conférant le titre de duc héré-
ditaire de Prusse, sous condition de foi et hom-
mage. Le vasselage de la Prusse dura jusqu'en
1657, époque où le traité de Velau proclama son
indépendance. Sigismond fut le seul prince chré-
tien qui prêta aide à la Hongrie contre la for-
midable invasion musulmane, où le roi Louis II
trouva la mort (1526), et un corps nombreux de
cavaliers polonais lutta héroïquement contre les
vainqueurs de Mohacz.
Les dernières années de son règne ne furent
signalées que par la rébellion des Valaques, qui
essuyèrent plusieurs défaites, entre autres celle
d'Obertyn,en 1531. Ce prince mourut plus qu'octo-
génaire, et eut Sigismond II, son fils, pour suc-
cesseur; c'était l'unique enfant de son second
mariage, avec Bonne Sforza, fille du duc Jean-
Galéas (1518), princesse aussi belle qu'instruite,
mais dont le désordre, l'impiété et l'effronterie
ouvrirent la porte à tous les scandales. Il laissa
après lui la réputation d'un prince juste, sage et
magnanime. La modération et la loyauté for-
maient les principaux traits de son caractère.
Afin de se consacrer à son pays, il refusa la cou-
ronne de Hongrie et celle de Suède.
Les papes Jules II, Léon X, Clément VII et
Paul III lui donnèrent des marques de considé-
ration. Le sultan Selim 1er le respecta; Soliman
le craignit. Il encouragea les arts et les sciences,
et ne se montra pas hostile à la réforme reli-
gieuse, malgré les édits qui frappaient d'incapa-
cité ceux qui changeraient de culte, ou qui dé-
fendaient à ses sujets de fréquenter les écoles
de l'Allemagne. Il joignait à une haute taille et
à une beauté mâle une vigueur de corps ex-
traordinaire. Sous son règne, la Pologne retrouva
son ancienne prospérité; et ce fut avec une pro-
fonde conviction que Paul Giovio écrivit : « Si
Charles-Quint, François Ier et Sigismond 1er
n'avaient pas régné dans le même temps, chacun
d'eux aurait mérité de régner sur les Étais des
autres et d'avoir à lui seul l'empire du monde
entier. » L. Ch.
I.clewel, Hist. de Pologne. — Moraczewski, Idem. —
Forstcr, La Pologne, dans l'Univ. pitt.
sigismond is Auguste, roi de Pologne,
fils et successeur du précédent, né à Cracovie, le
1er août 1520, mort à Knyszyn, le 18 juillet
1572. Déclaré héritier du trône à la fin de 1529
et couronné en 1530, il se distingua d'abord par
un goût très-vif pour les plaisirs. Après avoir
épousé Elisabeth d'Autriche, fille de l'empereur
Ferdinand Ier (1543), il prit l'administration
du grand-duck-é de Lithuanie, et alla tenir sa
cour à Wilna. La mort prématurée de cette
princesse, qui avait su le ramener à une con-
duite plus digne de lui, le laissa retomber entre
les mains des flatteurs. Séduit par les charmes
et les vertus de Barbe Radziwill (voy. ce nom),
il contracta avec elle une union (1546) qui de-
meura secrète jusqu'à sou avènement au trône;
mais alors elle rencontra chez la noblesse une
opposition unanime. A l'instigation de la reine
mère, deux diètes déclarèrent l'une après l'autre
le mariage nul, et sommèrent le roi de congédier
sa femme ; mais le roi repoussa ces prétentions
avec une fermeté qu'on ne lui connaissait pas,
et fit couronner Barbe le 9 décembre 1550. Le
bonheur de Barbe fut son arrêt de mort; elle
981
SIGISMOND
932
succomba le 12 mai 1551, à un cancer, dit-on,
mais plus probablement aux suites du poison
administré par l'ordre de la reine mère (1). La
diète de Piotrkow, ouverte en 1552, fut le.lhéàtrc
de débats Irès-vifs sur la tolérance en matière
de foi; mais l'attention principale des esprits se
dirigea vers les progrès de la puissance maho-
métane, et l'on vota des impôts pour aider les
Hongrois dans leur lutte contre l'ennemi com-
mun. Cédant aux vœux de ses sujets, Sigismond
prit en 1553 une troisième alliance, avec Cathe-
rine d'Autriche, sœur de sa première femme et
veuve du duc de Mautoue (2). A la suite de
dissensions civiles, la Livonie, pour échapper au
jougmoscovite, s'était réunied'elle-mème à la Po-
logne (1557). La Suède, le Danemark et la Mos-
covie déclarèrent la guerre aux Polonais. Ces
derniers furent victorieux ; cependant il advint
que la Livonie et l'Esthonie se trouvèrent par-
tagées entre les puissances belligérantes. L'acte
le plus important du règne de Sigismond II fut
la réunion irrévocable de la Lithuanie à la Po-
logne, réunion qui fut prononcée, après de longs
débats, dans la diète de Lublin (1569). A la
suite de cette union intime, l'élection des rois
devait se faire par les suffrages de la noblesse
entière; la convocation des diètes devait être
applicable aux deux nations, et Varsovie, ville
centrale, devait en être le siège; les sénateurs re-
ligieux et séculiers furent confondus; toutes les
dignités durent être dédoublées et occupées dans
chaque .province par des nationaux spéciaux. Le
roi assista encore aux diètes tenues à Varsovie
en 1570 et 1572; puis il se dirigea vers la Lithua-
nie, et mourut avant d'y arriver, à l'âge de cin-
quante-deux ans. Avec lui s'éteignit la descen-
dance mâle des Jagellons, qui avait régné sur la
Pologne, la Lithuanie et la Ruthénie pendant
cent quatre-vingt-six ans. Il eut pour succes-
seur le duc d'Anjou, depuis Henri III. Il avait
l'esprit cultivé, et on a publié de lui un recueil
intitulé Epistolas, legationes et responsa (Leip-
zig, 1703, in-8°). L. Ch.
Lelewel. — Moraczewski. — Forster.
sigismond ni, roi de Pologne et de Suède,
né à Stockholm, le 20 juin 1566, mort à Varsovie,
le 30 avril 1632. Il était fils de Jean III, roi de
Suède, et de Catherine, sœur de Sigismond IL
Après la mort d'Etienne Batory, il dut son élec-
tion à l'avantage d'être issu du sang des Jagellons
et au concours de Jean Zamoyski et de ses par-
tisans (19 août 1587).. L'archiduc d'Autriche
Maximilien, son compétiteur, ne parvint pas,
malgré l'appui des Zborowski, à réunir la ma-
jorité des suffrages; il en appela aux armes,
(1) Ses désordres croissants, ses intrigues, la dilapida-
tion du trésor national la firent exiler, en 1S56; elle s'é-
tablit à liari, dans la Fouille, et y périt, en 1358, empoi-
sonnée par son favori Papadoga, qui lui vola ses objets
les plus précieux.
(2) 11 la renvoya en 1565 à l'empereur, après avoir
vainement sollicité du sénat et du pape l'autorisation
de se séparer d'elle, parce qu'eUe ne lui avait pas donné
d'eofants.
mais il fut battu par Zamoyski en Silésie (24 jan-
vier 1588) et fait prisonnier; il ne recouvra la
liberté que plus d'une année après. Sigismond III
subit par-dessus tout l'influence des jésuites.
Après seize mois de règne, il parut dégoûté du
trône. Il ne voulait se conformer ni aux mœurs
ni aux lois polonaises; il s'enfermait avec l'al-
chimiste Wolski pour chercher au fond d'uu
creuset l'or qui lui manquait toujours; enfin son
aveugle attachement à l'Autriche porta l'irrita-
tion au comble(159l). Le 21 mai 1592 il épousa
l'archiduchesse Anne, mariage qui fut sévère-
ment blâmé par la diète, dite d'inquisition, de
Cracovie. A la mort de Jean 111, son père, il se
rendit en Suède (1593) en compagnie du nonce
Malaspina et de plusieurs jésuites, déploya uu
zèle intempestif pour ramener ses sujets au ca-
tholicisme, et après avoir confié l'administntion
du pays à son oncle, le duc de Sudermanie, revint
en Pologne. Les empiétements successifs de ce-
lui-ci, qui aspirait au pouvoir suprême, le rappe-
lèrent en Suède (1598) : il y fit une campagne
de trois mois, qui aboutit à une paix humiliante.
En 1600 il réunit l'Esthonie à la Pologne ; Charles,
furieux de voir cette province perdue pour la
Suède, s'en vengea en ravageant la Livonie, et
en 1604 il exclut son neveu du trône, et se pro-
clama roi sous le nom de Charles IX. La Moscovie
était déchirée par la guerre civile et livrée aux usur-
pations des imposteurs. Après leur fin tragique,
les Russes élurent, le 27 août 1610, Wladislas,
filsdeSigismond,poursouverain,etle 13 juin 4611
la ville de Smolensk fut reconquise. Zolkiewski
amena à Varsovie, comme prisonniers, le tsar
Schouïskoï et ses deux frères. Sigismond III te-
nait entre ses mains le sort de toute la Slavonie;
mais son indolence et les intrigues de ses favoris
paralysèrent toute action utile pour l'avenir du
Nord. Wladislas, par sa lenteur à venir à Mos-
cou, lassa la patience des Russes, qui élevèrent
au trône Michel Romanoff. En 1620, une nou-
velle guerre éclata en Moldo-Valaquie, où périt
Zolkiewski. En 1621, une formidable invasion
des Ottomans fut repoussée à Choczim ; mais
là mourut le célèbre Chodkiewicz. Depuis cette
même année jusqu'en 1P29 Gustave- Adolphe
envahit la Livonie, à sept ois différentes; mais
battuàStuhm, le 28 juin 1629, il proposa la paix,
en promettant de céder la Livonie et l'Esthonie,
à condition que 6igismond III renoncerait à la
couronne de Suède. L'Angleterre, là France et la
Hollande conseillèrent d'agréer cette proposi-
tion, et les Polonais étaient de cet avis; mais
l'Autriche, qui avait intérêt à susciter une guerre
entre la Pologne et la Suède, en détourna Si-
gismond.
Il s'était remarié en 1605, avec Constance d'Au-
triche; ses fils Wladislas VlIetJean-Casimirlui
succédèrent successivement. L. Chodzko.
Albertrandy. — Waga. — Lelewel. — Moraczewski. —
Niemcewlcz, Hist. du règne de Sigismond III; Varso-
vie, 1819, 3 vol.
983
S1GMAR1NGEN — SIGNORELLI
984
SIGMARINGEN (Saint Fidèle de), martyr,
né en 1577, à Sigmaringen, mort le 24 avril 1622,
à Sévis (pays des Grisons). Son nom de famille
étaitRei, et son prénom, Marc. Après avoirachevé
ses études à Fribourg, il accompagna, de 1604
à 1610, trois jeunes nobles qui parcoururent di-
verses contrées de l'Europe. A son retour il
acheta une charge de conseiller à Colmar; il se
dégoûta bientôt de cette carrière, et entra chez
les capucins de Fribourg (1612). Quelques jours
avant sa profession, il légua au séminaire sa bi-
bliothèque et ses biens patrimoniaux. Ainsi dé-
taché des choses du monde, il s'adonna à la prière
et à la prédication. Après avoir été gardien du
couvent de son ordre à Feldkirchen, il fut nommé
par la congrégation de la Propagande chef de la
mission chargée d'évangéliser le pays des Gri-
sons. Il s'acquitta de ces fonctions avec zèle;
mais un jour qu'il allait à l'église de Sévis pour y
prêcher, il rencontra une troupe de soldats qui
le maltraitèrent, et tandis qu'il priait Dieu de les
éclairer, un de ces furieux l'étendit mort d'un
coup de feu. Le pape Benoît XIV le canonisa en
1746, en fixant sa fête au 24 avril.
Godescard, Vies des Pères, des martyrs, etc.
signorelli (Luca), dit Luca da Cortona,
peintre italien, né à Cortone, vers 1440, mort
eu 1 525. Il était fils d'une arrière-grand'tante de
Giorgio Vasari. Il reçut d'abord les leçons de
Matteo da Siena, et entra ensuite dans l'atelier de
Pietro délia Francesca, dont il saisit avec tant
d'habileté la manière que souvent on a confondu
leurs ouvrages. Son talent plein de sentiment et
de correction joint à la pureté de ses mœurs lui
acquirent une renommée à laquelle bien peu d'ar-
tistes atteignirent de leur vivant. Il a beaucoup
travaillé, tant à l'huile qu'à fresque , et ses ou-
vrages sont nombreux dans l'Italie, surtout en
Toscane. Ses premières fresques, dont il ne reste
plus rien, furent peintes en 1472, pour Saint-
Laurent d'Arezzo , puis une belle Circoncision
pour Saint-François, à Volterre ; plusieurs sujets
dans la cathédrale de Cortone; et deux sujets
mythologiques , la Découverte des oreilles de
Midas et Enée emportant son père, qui du
palais de Pandolfo Petrucci ont été transportés
au musée de Sienne. Appelé à Rome par Sixte IV
(1474), il peignit dans la chapelle Sixtine le
Voyage de Moïse et de Séphora en Egypte et
la Mort de Moïse. Il suffit d'indiquer les onze
sujets de la Vie de saint Benoit, qu'il exécuta
pour le monastère de Chiusuri, et qui sont infé-
rieurs à ce qu'il avait fait jusqu'alors. Du reste
il interrompit cette décoration pour se rendre à
Orvieto (1499), où il fut chargé d'achever la
chapelle de la Madonna di San-Brizio , laissée
imparfaite par frà Angelico. Il déploya dans ces
fresques une science remarquable de l'anafomie,
beaucoup d'expression et une grande variété. La
plus célèbre est le Jugement dernier, compo-
sition à laquelle Michel-Ange et Canova n'ont
pas dédaigné d'emprunter le mouvement de
quelques figures. Les autres sont la Chute de
l'An le- Christ et la Résurrection universelle.
De retour à Cortone dans an âge très-avancé,
Signorelli ne travailla plus guère que par plaisir.
Les principaux tableaux de cet artiste sont : à
Rome, palais Braschi, une Adoration des Mages ;
— à Florence, à l'Académie, la Vierge, saint
Augustin, et la Trinité, et un gradin d'autel
représentant la Cène, le Jardin des Oliviers
et la Flagellation; à la galerie publique, une
Sainte Famille et un autre gradin avec l'An
nonciation, la Nativité et l'Adoration des
Mages; — à Pérouse, dans la cathédrale, la
Vierge et plusieurs saints, et une Madone au
palais Penna; — à Volterre, V Annonciation et
une Madone, toutes deux datées de 1491 ; — au
musée de Brera, um Madone et une Flagella-
tion; — au musée de Berlin, deux volets de trip-
tyque; — au musée de Vienne, une Sainte Fa-
mille;— au Louvre, une Nativité de la Vierge,
une, Annonciation, et une Adoration des Mages,
œuvre capitale du maître, provenant de la collec-
tion Campana.
Signorelli eut pour élèves Turpino Zaccagnî et
Arcangelo Bernabei. Son fils Antonio, mort en
1550, et son neveu Francesco Signorelli exer-
cèrent aussi la peinture. E. B— n.
Vasari, Fite. — Délia Valle, Lettere sanesi. — Or-
landi, Abbccedario. — Zani, Materiall. — Ticozzi,
Dizionario. — Lanzl, Storia pittorica. — Gualandi,
Memorie originali di belle arti. — Romagnoli, Cenni
storico-artistici di Siena. — Storia del duomo d'Or-
vieto. — Catalogues des Musées.
signorelli ( Pietro- Napoli), littérateur
i italien, né le 28 septembre 1731, à Naples, où ii
t est mort, le 1" avril 1815. Après avoir fait ses
■ classes chez les jésuites , il fréquenta l'université
{ de Naples, et tout en étudiant le droit suivit les
cours deMartorelli etdeGenovesi. A peine admis
au barreau, il renonça à exercer une carrière
qui lui répugnait, et se mit, selon un de ses bio-
graphes, à cultiver le jardin des Muses. Une pas-
sion malheureuse et des chagrins domestiques le
décidèrent à passer en Espagne (1765) : il obtint
à Madrid une sorte de sinécure, la garde du sceau
de la loterie royale, qui lui permit de composer
des vers et des comédies; une entre autres,
Faustina, fut couronnée dans un concours à
Parme. Comme auteur dramatique, il était tout
acquis à l'influence française et la modifiait ,
comme l'avait enseignéMartorelli, par l'étude cons-
tante des Grecs ; il chercha, durant un séjour de
dix-huit ans, à faire prévaloir ses idées en Es-
pagne, et il réussit à les exposer dans un drame
sacré, Rachel , qui fut traduit en castillan et
joué avec succès. Signorelli était lié avec les
principaux écrivains de Madrid, et fréquentait le
club littéraire de la Fonda de San-Sebastian,
où se réunissaient Moratin, Cadahalso, Ayala,
Yriarte, etc. En 1783 il revint à Naples, et fut
nommé, en 1784, secrétaire de l'Académie royale.
Les révolutions de sa patrie troublèrent sa vieil-
lesse. Lorsque la république parthénopéenne fut
985
S1GN0RELU — SIGONIO
986
établie (1799), il fut appelé à 6iéger dans le co-
mité de législation ; lorsqu'elle tomba , il se dé-
roba aux persécutions par la fuite. Son exil ne
fut pas oisif : après avoir professé la poésie au
lycée de Brera (1800), il occupa la chaire de di-
plomatique et d'histoire à Bologne (1804). On lui
permit en 1807 de retourner dans son pays, et il
obtint même une pension du roi Murât; il con-
sacra ses dernières années à la révision de ses
ouvrages et aux travaux de l'Académie ponta-
nienne, dont il était secrétaire, à défaut de l'A-
cadémie royale, qui, dans sa réorganisation,
avait ;omis de le comprendre au nombre de ses
associés. Ses principaux écrits sont -.[Satire VI ;
Gênes, 1774, in-8°; — Storia critic.a de' thea-
tri antichi e moderni; Naples, 1777, in-8°;
ibid., 1787-1790, 6 vol. in-8°; et 1813, 11 vol.
in-8° : il y a de l'érudition, mais le goût et la
critique y font presque entièrement défaut; —
Faustina, comédie; Lucques (Naples), 1779,
in-8°; Paime, 1783, in-8°; — Tableau de l'état
actuel des sciences et de la littérature en
Espagne; Madrid, 1780, in-#°; — Vicende
délia coltura nelle Due Sicilie ; Naples, 1784-
1786, 5 vol. in-8°, et 1810-1811, 8 vol. in-8°;
le plan de cette histoire littéraire, la première
qu'ait possédée l'Italie méridionale, est largement
conçu , mais exécuté d'une façon diffuse et avec
trop de partialité; — Orazione funèbre di
Carlo III, re délie Spagne; Naples, 1789,
in-4° ; — Opuscoli varj; Naples, 1792-1795,
4 vol. in-8° : la plupart des morceaux qui s'y
trouvent avaient déjà paru isolément; — Regno
di Ferdinando IV; Naples, 1798, t. Ier, in-8° :
l'occupation française empêcha l'auteur de con-
tinuer cet ouvrage, dont il refondit les matériaux
dans la 2e édit. des Vicende délia coltura ; —
Elementi di poesia rappresentativa ; Milan,
1801 , in-8° ; — Délie migliori tragédie greche
efrancesi, traduzione ed analisi compara-
tive; Milan, 1804, 3 vol. in-8<>; — Elementi di
critica diplomatica,con istoria preliminare ;
Milan, 1805, 4 vol. in-8°; — Lezioni accade-
miche; Naples, 1812, in-4°.
Avellino, Elogio storico diP. Signorelli ; Naples, 1815,
in-4". — G. Boccanera, dans Biogr. degli uomini illuslri
di Napoli, t. IV. — Ticknor, ffist. of spanisfi litera-
ture, t. III.
sigonio (Carlo), en latin Sigonius, célèbre
érudit italien, né en 1524 (1), à Modène, mort le
12 août 1584, près de cette ville. Ses parents
étaient d'honnêtes bourgeois, qui ne négligèrent
rien pour tirer parti de ses heureuses disposi-
tions. Il fit de fortes études au lycée de Modène,
et apprit le grec d'un savant Candiote, Fr. Portus,
qui venait d'y être appelé; puis il alla passer
trois ans à l'université de Bologne, où il suivit
les cours de médecine et de philosophie. Incer-
tain sur l'état qu'il devait embrasser, il se rendit
à Pavie, dans l'unique but d'y accroître la somme
(1) Cette date est plus probable que celle de 1520, don-
née par quelques auteurs.
de ses connaissances. En 1545, le cardinal Ma-
rino Grimani, qui aimait les lettres, l'attacha à
son service; mais quelques mois après, ce prélat,
sentant sa fin prochaine, le céda, bien qu'à re-
gret, aux instances de ses compatriotes, qui le
demandaient pour remplir la chaire de Portus,
son ancien maître (1546). Sigonio avait alors
vingt-deux ans. A l'enseignement de la langue
grecque il joignit l'éducation du fils et du neveu
de la comtesse Lucrezia Rangone. Soit qu'il eût
achevé cette éducation, soit que les tracasseries
de Bandinelli l'eussent dégoûté du séjour de
Modène, il accepta en 1552 la chaire de belles-
lettres à Venise. Les huit années qu'il y professa
comptèrent parmi les plus douces et les plus
fructueuses de sa vie; ce fut alors qu'il connut
Panvinio et qu'il se lia avec son jeune émule
d'une franche amitié, fortifiée par un échange de
continuels services. A cette époque la réputation
de Sigonio était faite : il avait suffi pour l'établir
de la publication des Fastes consulaires , le
premier ouvrage où l'histoire de Rome était ex-
posée avec une saine critique. Plusieurs des su-
jets qu'il traita ensuite appartenaient au même
genre de recherches , et dans tous il épuisa si
bien la matière qu'on a peu trouvé depuis à y
reprendre ou à y ajouter» excepté sur les objets
que des monuments nouvellement découverts
ont mieux éclaircis. Il était le premier qui, à
proprement parler, eût apporté, suivant le mot
de Ginguené, « des lumières sûres dans les té-
nèbres de l'antiquité romaine ». Rome et Padoue
se disputaient l'honneur de le posséder : il se
décida pour Padoue,et y vint enseigner l'éloquence
(1560). Les démêlés qu'il eut avec l'irascible
.Robortello et l'insulte grave qu'il essuya l'obli-
gèrent à quitter cette ville, vers la fin de 1 563 ( I ).
A Bologne, où il professa ensuite, il se lit telle-
ment aimer qu'on lui donna le titre et les droits
de citoyen et qu'on éleva ses gages jusqu'à six
cents écus d'or. Aussi demeura-t-il fidèle à l'en-
gagement qu'il avait pris de ne plus quitter cette
ville hospitalière; il ne s'en éloigna que pour vi-
siter les archives des villes d'Italie, pour faire un
voyage à Rome (1579), où il reçut du pape Gré-
goire XIII l'accueil le plus flatteur , et pour aller pas-
ser ses vacances dans sa terre natale. La république
des lettres, comme le fait remarquer Moréri,
(1) Robortello eut les premiers torts : furieux de se
voir surpasser dans une question qu'il avait traitée le
premier ( De nominibus Romanorum), il attaqua Sigonio
dans une lettre mordante, et le harcela depuis dans
d'autres ouvrages. Sigonio riposta enfin, mais." sans plus
garder de mesure que son adversaire. Le cardinal Seri-
pandi, qui était envoyé au concile de Trente, s'arrêta
tout exprès à Bologne pour mander auprès de lui les
deux savants; Us se réconcilièrent, du moins en appa-
rence (1651). S'étant retrouvés à Padoue, la guerre se
ralluma entre eux, plus envenimée que jamais. La paix
de l'université en fut troublée. On eut recours des deux
parts aux écrits, aux placards, aux épigrammes; c'était
un scandale public, qui ne cessa que par l'ordre exprès
du sénat de Venise. A quelque temps de là un ami de
Robortello poussa l'insulte jusqu'à frapper Sigonio en
pleine rue au visage.'
987 SIGONIO -
gagna beaucoup au long repos dont il jouit. Non-
seulement il tenta d'éclaircir les antiquités de la
Grèce et d'expliquer avec autant d'ordre que
d'exactitude tout le système religieux et politique
des Hébreux , mais il entreprit et exécuta son
grand ouvrage du règne des Lombards en Italie,
c'est-à-dire d'une époque ingrate et obscure,
« horrible désert, dit Tiraboschi, où personne
n'avait encore osé pénétrer ». Des travaux si
considérables, auxquels il faut ajouter une foule
d'opuscules, le firent regarder comme un érudit
du premier ordre, et le pape Grégoire X11I lui
donna, en 1578, mission de continuer l'histoire
ecclésiastique ébauchée par Panvinio. Son carac-
tère doux et paisible ne le mit pas à l'abri des
disputes, si fréquentes parmi les savants de son
temps. Celle qu'il soutint avec Robortello l'em-
porta hors de toute mesure ; celle que lui suscita
Grouchy sur les droits des comices ne se termina
pas à son avantage ; une dernière, engagée contre
Riccoboni , son élève , lui fit peu d'honneur, en
ce qu'il s'obstina à donner comme étant de Cicé-
ron le traité De Consolatione, qu'il venait de
compléter et qui était son propre ouvrage. Il sur-
vécut peu à cette vaine querelle. Il avait refusé
de se marier, disant à ce propos que Minerve et
Vénus n'avaient jamais été bonnes amies.
Sigonio a l'un des premiers fait de l'érudition
une véritable science; aucun savant, excepté
Scaliger, n'avait encore déployé dans ses re-
cherches tant de profondeur et d'exactitude à la
fois. lia ouvert à l'histoire des routes nouvelles;
il a éclairci les antiquités de Rome et de la
Grèce; il a restauré la diplomatique. Rien n'éga-
lait son ardeur au travail , et en présence des
nombreux écrits qu'il a laissés, tous si instructifs,
si pleins d'efforts- et de recherches, rédigés d'un
style si élégant et dans une méthode si claire,
on éprouve, fait observer Ginguené, « un de ces
mouvements de surprise qui deviennent plus forts
à mesure qu'on s'éloigne davantage de ce temps
des fortes études ». Nous citerons les princi-
paux : Regum, consulum, dictatorum ac cen-
sorum romanorum fasti , una cum actis
triumphorum; Modène, 1550, in-fol.; Venise,
1556, in-fol.; réimpr. sans le commentaire, à
Venise (Paul Manuce), 1550, 1555, in-fol., et à
Oxford, 1802, in-12 ; — De nominibus Roma-
norum; Venise, 1553, 1556, in-fol.; — Frag-
menta e libris deperditis Cieeronis collecta
et scholiis illustrata ;MA., 1559, 1560, in-8°;
— Orationes VII ; MA., 1560, in-8°; — De
antiquo jure civium romanorum ; de antiquo
jure Italiee; de antiquo jure provinciarum ;
ibid., 1560, in-fol.; l'édition qu'a donnée J.-C.
Franck de ces traités (Halle, 1728, in-fol.) est
estimée; — De dialogo ; Venise, 1561, in-8°;
— Disputationum patavinarum lib. II;
Padoue, 1562, in-8#; — De republica Athe-
niensium; de Alheniensium et Lacedemo-
niorum temporibus ; Bologne, 1564, u>4°; —
De vita et rébus geslis P. Scipionis JEmi-
S1GORGNE <J8S
liani; MA., 1569, in-4°; -- De judiciis Ro-
manorum; MA., 1574, in-4° ; — De reg.no
llaliae lib. XX; Venise, 1580, in-fol.; les édit.
précédentes ne contiennent que quinze livres.
Comme les matériaux lui manauaient pour traiter
cet aride sujet, il eut le coutage de visiter les
archives de toute l'Italie, d'en examiner par lui-
même ou par ses amis les titres et les monu-
ments, de recueillir, même dans les familles, les
chroniques écrites depuis le dixième siècle; au
reste, il publia en 1576 le catalogue des sources
où il avait puisé; — De occidentali imperio
lib. XX (281-575) ; Bologne, 1577, in-fol. : c'est
le premier ouvrage sur cette période peu connue
avant Sigonio qui soit digne du nom d'histoire j
— Historiarum bononiensium lib. VI usque
ad ann. 1257; ibid., 1578, in-fol.; — De re-
publica Hebrseorum ; ibid., 1582,in-4°; — De
episcopis bononiensibus ; ibid., 1586, in-4". I!
a encore traduit en latin la Rhétorique d'Aris-
tote, et a donné une édition de Tite-Live. Les
œuvres de Sigonio ont été recueillies par Argel-
lati; Milan, 1732-1737, 0vol.gr. in-fol., et accom-
pagnées de notes et d'observations de Muratori,
de Stampa, de Sassi, de L. Maffei et de plusieurs
autres savants italiens; P. L — v.
Muratori, Pita C. Sigonii, à la tête de ses OEuvres.
— Tiraboschi, Biblioteca madenese, t. V, p. 76-119, et
Storia délia letter. ital., t. VII. — Baillet, Jugements
des savants. — Ginguené, Uist. littér. d'Italie, t. VII.
sigorgne (1) (Pierre), philosophe et physi-
cien français, né le 25 octobre 1719, à Rerriber-
court-aux-Bois (Lorraine), mort le 19 novembre
1809, à Mâcon. Il entra dans les ordres, et prit
ses degrés en Sorbonne. Nommé en 1740 pro-
fesseur de philosophie au collège du Plessis, il
dirigea son enseignement contre la doctrine de
Descartes, qui régnait alors dans toutes les
écoles, l'attaqua dans plusieurs ouvrages, et
contribua beaucoup au triomphe du système de
Newton. Ces études sérieuses n'enlevèrent pas
à son esprit un penchant à la satire, qui s'al-
liait assez bien avec son goût pour la polémique :
une chanson , dans laquelle il blessa ses supé-
rieurs, lui fit interdire le séjour de Paris. 11 se
rendit à Mâcon, où il fut bientôt nommé vicaire
général. Chargé presque seul de la direction du
diocèse, il l'administra pendant plus de cinquante
ans avec beaucoup d'habileté et de prudence.
Les soins de son ministère ne l'empêchèrent pas
de s'occuper de lettres , de sciences et de phi-
losophie. 11 écrivit contre les encyclopédistes et
sur la querelle dé J.-J. Bousseau avec le conseil
de Genève, abrégea le système de Leibniz, et
fit de nombreuses expériences de physique. 11
vécut dans la retraite, et sans être inquiété,
pendant la révolution. En 1803, on le nomma
correspondant de l'Institut; il faisait déjà partie
des académies de Nancy et de Mâcon. Ses pre-
miers travaux avaient concouru aux progrès de
la physique; dans les derniers, il s'éleva contre
(1| On prononçait Sigognc.
989
SHÏORGNE
les progrès de la chimie nouvelle, ilonl il mé-
connut tout à fait l'immense portée. Sigorgne
s'est essayé à l'éloquence sacrée, et a prononcé
l'oraison funèbre du dauphin en 1766, et celle île
Louis XV en 1774. Ses principaux ouvrages
sont : Examen et réfutation des leçons de
physique expliquées au Collège royal par
Privât de Molières; Paris, 1741, in- 1 2 ; —
Réplique à M. de Molières, ou Démonstration
physico-mathématique de V insuffisance et
de l'impossibilité des tourbillons ; Paris, 1741,
in-12; — Institutions newtoniennes , ou In-
troduction à la philosophie de Newton ; Paris,
1747, 2 vol. in-8°, ouvrage dont l'abrégé, trad.
en 1748 en latin, eut un très-grand succès en
Allemagne; — Mémoire sur la cause de l'as-
cension et de la suspension des liqueurs
dans les tuyaux capillaires, qui eut le prix à
l'Académie de Rouen, en 1748; — Lettres
écrites de la Plaine, en réponse à celles de
la Montagne; Amsterdam, 1765, in-12; — Le
Philosophe chrétien; Avignon, 1765, in-12;
Mâcon, 1776, in-s<>; — Institutions leibni-
tiennes; Lyon, 1767, in-4° et in-8tf.
Chaudon et Delundine, Dict. hist.univ.
sigovèse , chef gaulois, vivait au commen-
cement du sixième siècle av. J.-C. D'après une
tradition fabuleuse rapportée par Tite Live, il
aurait été neveu d'Ambigatus, roi des Bituriges.
Ce prince, trouvant ses États trop peuplés, envoya,
dit-on, après avoir consulté le vol des oiseaux ,
Sigovèse et Bellovèse, ses neveux, fonder au
dehors des colonies. Une troupe de guerriers, de
femmes etd'enfants, sous laconduitede Sigovèse,
sortit de la Gaule, et se dirigea en partie vers la fo-
rêt Hercynie, en partie vers les Alpes illyrienues,
massacrant el dévastant tout sur son passage.
Ce qu'il y a de certain, c'est qu'à la suite des
violents bouleversements causés en Gaule par
les invasions cimbriques, les tribus du nord-est,
de la Séquanie et de l'Helvétie allèrent occuper
en effet, avec leur chef Sigovèse, les contrées
de la forêt Hercynie.
Tite Live, liv. V. - Justin, liv. XXIV. - Am. Thierry,
Uist. des Caiilois, t. I.
sigvekza (José de), historien espagnol,
né vers 1545, à Siguenza, mort en 1606, àl'Es-
curial. Selon la coutume des ermites de Saint-
Jérôme, il prit, en revêtant leur habit, le nom
de sa ville natale; quant à celui de sa famille,
on ne le connaît pas. 11 fit d'excellentes études
et eut pour maître dans le grec et l'hébreu le
célèbre Arias Montanus; il se rendit aussi très-
habile dans la connaissance de l'histoire et dans
l'éloquence sacrée. Mais ses talents et les témoi-
gnages d'estime de Philippe II, qui écoutait ses
sermons avec plaisir, ne firent qu'exciter l'envie
de ses confrères. Traduit devant le tribunal de
l'inquisilioD, il resta près d'une année en prison
dans le monastère de la Sisla; son prétendu
crime était d'avoir manifesté des sentiments lu-
thériens dans un commentaire de l'Ecclésiaste
— SIGURD <)90
intitulé Jésus heri el hodie ipse et in sxcula.
Enfin, il se justifia et obtint d'être réintégré dans
ses charges. Ramené en triomphe au couvent de
Saint-Laurent de l'Escurial, il devint supérieur
de l'ordre, et ce fut là qu'il finit ses jours. On a
de lui : Vida de san Geronimo; Madrid, 1595,
in-4°; — Historia de la orden de San- Gero-
nimo; ibid., 1600-1605, 2 vol. in-4° : c'est un
« talent supérieur, a dit de lui M. de Puibusque,
qui a su écrire l'histoire de son ordre de manière
à faire regretter qu'on ne lui ait pas confié l'his-
toire générale de la péninsule ». Cette histoire a
élé continuée en 1680, par Francesco de los
Santos.
N. Antonio , Dibl. hispana nova. — l'ulbusque (De),
Uist. comparée des littèr. espagnole et française, t. 1er.
— LIorente, Uist. de l'Inquisition, t. II.
sigurd 1er, roi de Norvège, né vers 1089,
mort le 26 mars 1130. Proclamé en 1098 roi des
îles Hébrides, des Orcades, de Man, d'Anglesea
et autres, il succéda en 1 103 à Magnus III, son
père, sur le trône de Norvège et partagea avec
son frère Eystein, qui avait un an de plus que
lui, les revenus du pays. S' étant mis en 1107 à
la tête d'une flotte de soixante vaisseaux, il fit
voile pour la Palestine, et n'y parvint qu'en 1110,
après avoir éprouvé de nombreuses aventures;
il eut à combattre les riverains de la Gallicie et
du Portugal, et défit dans le détroit de Gibral-
tar une tlo,tte sarrasine. Arrivé à Jérusalem, il
reçut le meilleur accueil du roi Baudouin, qu'il
aida dans la prise de Sidon. Il se rendit en-
suite à Constantinople (1111), où beaucoup de.
ses compagnons le quittèrent pour entrer au ser-
vice de l'empereur Alexis, auquel il céda ses
vaisseaux; et il regagna la Norvège par la Bul-
garie, la Hongrie et l'Allemagne. Dans l'inter-
valle son frère Eystein (1) avait gouverné le
pays avec beaucoup de sagesse. Sigurd s'appli-
qua à consolider le christianisme par l'établis-
sement d'une hiérarchie religieuse, décréta des
lois ecclésiastiques pour le district deNigen, qu'on
possède encore, et convertit par la force la pro-
vince suédoise de Smaaland. Vers la fin de sa
vie il répudia sa femme , une princesse russe ,
pour se marier avec une jeune Norvégienne. Il
eut pour successeur son fils illégitime, Ma-
gnus IV.
Sigurd, dit aussi Sigurd II, frère du précé-
dent, mort le 13 novembre 1139. C'était un fils
naturel de Magnus III. 11 quitta les ordres où i:
s'était engagé, et parcourut l'Europe en quête
d'aventures; il vint aussi à Jérusalem. De retour
en Norvège, il forma un parti, complota la mort
de Harald IV, son frère, et le tua la nuit dans
son palais de Bergen (décembre 1136). Obligé
de fuir devant la colère des habitants de Ber-
gen, il fut reconnu roi dans les contrées de
l'est, tandis que le district de Drontheim pro-
clamait Sigurd III, fils de Harald, âgé de quatre
ans, et le district de Wigen, Ingon, autre fils de
(i) 11 mourut en 1132.
991
SIGURD — SILHOUETTE
992
Harald, âgé de deux ans. Sigurd, pour renforcer
son parti, tira du cloître le roi détrôné Magnus
l'Aveugle, et annonça qu'il partagerait le pou-
voir avec lui ; mais il ne put se maintenir contre
les fils d'Harald ; il alla alors recruter des sol-
dats en Suède et en Danemark, et revint avec
une flotte de trente navires attaquer dans la baie
de Wigen les vingt vaisseaux que les deux
jeunes rois lui opposèrent. Il fut vaincu, fait
prisonnier, et massacré.
Sigurd III, roi de Norvège, né en 1132, tué
le 10 juin 1155. Fils de Harald IV, il partagea
le royaume avec 6on frère Ingon. Débarrassés
en 1139 de l'usurpateur Sigurd, ils furent obligés
«n 1142 d'admettre au partage du pouvoir Eys-
tein II, leur frère illégitime. Sigurd II, qui était
d'un caractère violent, et l'avide Eystein se li-
guèrent pour écarter Ingon, qui était infirme ;
mais Ingon fut défendu par l'habile général
Gregorius, qui remporta une victoire où Sigurd
périt.
Snorro Sturluson , Heimskringla. — Torfaeus , Hist.
Norvegica, t. III. — Munch, De norske Folks Historié.
silanion (SiXavîwv), statuaire grec, vivait
dans le quatrième siècle avant J.-C. Suivant
Pline, il était contemporain de Lysippe; cepen-
dant il semble avoir été un peu plus récent.
Pausanias dit qu'il était Athénien. Silanion ap-
partenait à cette école qui chercha à se rappro-
cher de la réalité et voulut donner à la statuaire
plus de vérité et d'expression. Ainsi dans sa sta-
tue de Jocaste mourante, il s'efforça de rendre
la pâleur livide de la mort en mêlant l'argent et
le bronze; ainsi dans sa statue du sculpteur
Apollodore, qui, dans des accès de dépit, était
sujet à briser ses œuvres, il rendit si vivement
la physionomie du modèle qu'il « fit non pas un
homme, mais la Colère », dit Pline. Ces raffine-
ments et ces procédés étaient bien au-dessous
de l'art simple et grand de Phidias et de Po-
lyclète, mais ils étaient faits pour plaire. Plu-
sieurs de ses statues représentaient des vain-
queurs aux jeux olympiques, entre autres
Satyrus d'Élys, Telestes, et Demaratus de Co-
rinthe. 11 avait aussi fait la statue de Sappho que
Verres enleva du Prytanée de Syracuse et dont
Cicéron parle avec les plus grands éloges. L. J.
Pline, Hist. nat., XXXI V, 8. —Pausanias, VI, 4. —
Cicéron, Verr., IV, 57.
silhon (Jean de), littérateur français, né
vers 1596, à Sos, près de Nérac, mort en février
1667, à Paris. Vers 1624 il entra au service de
Richelieu, et fut employé dans les affaires poli-
tiques et administratives jusqu'à la mort du
cardinal, qui reconnut ses talents par le titre de
conseiller d'État. Pendant la Fronde son atta-
chement à la cour lui fit subir des pertes con-
sidérables ; sa maison fut pillée dans une émeute.
L'âge et les infirmités l'obligèrent à la retraite;
mais la pension qu'il retira de ses longs services
fut si mal payée qu'en 1661 il adressa au roi un
placer pour lui demander qu'on y mît plus
d'exactitude. II fut en 1635 un des membres qui
composèrent l'Académie française, et il en était
directeur (1638) lorsqu'il proposa, dans la dis-
cussion du Dictionnaire, de se borner à corriger
les anciens lexiques. Ses ouvrages lui avaient
donné quelque droit de figurer parmi les fonda-
teurs de cette compagnie. Bayle le regarde
comme l'un des plus solides et des plus judicieux
auteurs de son temps, et Chapelain, qui le loue
de son style et de son savoir, ne trouve à re-
lever en lui qu'un défaut de méthode et un excès
d'amour-propre. Nous citerons de Silhon : Les
deux Vérités, l'une de Dieu et de la Provi-
dence, Vautre de V immortalité de Vâme;
Paris, 1626, in-8° : dans une troisième partie,
dont le plan seul a été conçu [voy. les Lettres
de Faret), il devait démontrer la vérité du chris-
tianisme; — Panégyrique au card. de Riche-
lieu sur ce qui s'est passé aux derniers
troubles ; Paris, 1629, in-4°; — Le Ministre
d'État, avec le véritable usage de la poli-
tique moderne; Paris, 163 L -43, 2 vol. in-4°;
réimpr. par les Elseviers à Leyde, 1641, et à
Amst., 1661, en 3 vol. in-12, y compris le traité
De la Certitude : il combat d'une part les pré-
tentions de la cour de Rome, et de l'autre l'a-
grandissement de la maison d'Autriche; — De
l'immortalité de l'âme; Paris, l634,in-4°, et
1662, in-12; — la préface du Parfait capi-
taine du duc de Rohan; Paris, 1638, in-4o; —
Éclaircissement de quelques difficultés tou-
chant l'administration du cardinal Maza-
rin; Paris, 1650, in-fol.; trad. en latin; —De
la certitude des connaissances humaines;
Paris, 1661, in-4°. « En homme sensé et pra-
tique , dit M. Franck, il voyait les ravages qu'a-
vait faits dans les esprits le scepticisme de Mon-
taigne et de Charron; mais il fallait pour les
combattre antre chose que des lieux communs » ;
— trois Traités, dans les Mémoires concer-
nant les guerres d'Italie; Paris, 1669, 2 vol.
in-12.
Pellisson, Hist. de V Jcad.fr. - Chapelain, Mélanges,
p. 213. — Bayle, Questions d'un provincial, t. I, ch. 67.
— Lelong, Bibl. Iiist. de la France. — Franck, Dict.
des sciences philos.
silhouette (Etienne de), contrôleur gé-
néral, né à Limoges, le 5 juillet 1709, mort à
Brie-sur-Marne, le 20 janvier 1767. Il était fils
d'un receveur de tailles. Des voyages hors de
France, des traductions de l'anglais, des écrits
sur l'histoire, la philosophie et la politique des
peuples, des études sur le système financier de
l'Angleterre, lui acquirent d'abord une certaine
réputation. Successivement conseiller au parle-
ment de Metz, maître des requêtes, secrétaire
des commandements du duc d'Orléans, chan-
celier de ce prince, un des trois commissaires
chargés de régler les limites des possessions fran-
çaises et britanniques en Acadie ( 1749), com-
missaire du roi près la Compagnie des Indes,
il finît par devenir contrôleur général des fi-
nances ( 4 mars 1759 ). Un parti puissant ayant
993
SILHOUETTE —
pour chef le prince de Conti tenta de l'éloigner de
ce poste; mais ce parti échoua devant le crédit de
M'"e de Pompadour. On accueillit le nouveau mi-
nistre comme un libérateur. Après avoir réformé
quelques abus introduits dans les fermes, il créa
soixante-douze mille actions de mille livres cha-
cune donnant droit à la moitié des bénéfices dont
jouissaient les soixante fermiers généraux titu-
laires. Cette opération de finance, quiproduisiten
vingt-quatre heures soixante-douze millions, fut
fort applaudie, en ce qu'elle ne chargeait en rien
l'État. La suspension de plusieurs privilèges con-
cernant la taille le fit bénir dans les campagnes.
JLa réduction des pensions, dont la multiplicité
était devenue une charge énorme pour le royaume,
prouvait qu'il ne redoutait pas de se faire des en-
nemis. La cour prit en lui une confiance aveugle.
On lui fit l'honneur sans exemple de l'appeler au
conseil des ministres quatre mois seulement après
sa nomination. Tout cequ'il proposa fut accepté.
Mais au lieu des projets lumineux qu'on attendait
<ie lui, on ne vit éclore que des opérations tyran-
niques et maladroites, propres à faire perdre à la
France son crédit au dehors et à la ruiner au de-
dans. L'édit de subvention rencontra tant d'obs-
tacles qu'il resta sans exécution. Silhouette fouilla
alors dans les caisses des particuliers pour
étayer une banque nouvelle, et suspendit pen-
dant un an le payement 'des billets des fermes,
des rescriptions, et le remboursement des ca-
pitaux qui devaient être faits par le trésor royal
et par la caisse des amortissements. En même
temps il exhorta les sujets du roi à porter leur
vaisselle à la Monnaie, pour être convertie en
espèces applicables aux besoins de l'État, et fit
<lonner l'exemple par Louis XV, qui y envoya la
sienne. Bientôt le cri public s'éleva contre lui.
On vit clairement qu'il n'avait ni plan ni vues,
qu'il ne cherchait qu'à se tirer d'un embarras
..iomentané en se replongeant dans un autre. Son
nom fut une injure. On fit des portraits à la
Silhouette (1), des culottes à la Silhouette;
les linéaments des uns tracés sur l'ombre et le
manque de gousset des autres en formaient l'é-
wigramme : ils indiquaient à quel point le con-
trôleur général avait réduit les individus et leur
fcourse. Voltaire, qui l'avait appelé « un génie
calculateur et courageux , » et qui proposait de
lui « trouver une niche à côté de Colbert »,
n'osa plus prendre sa défense. Rousseau, qui ne
le connaissait pas , lui adressait un compliment
sur son renvoi et lui attribuait « la gloire de
l'homme juste » ; mieux informé plus tard, il
qualifia cette lettre d'intrépide étourderie.
Silhouette quitta le ministère le 21 novembre
1 759. Après sa chute, il afficha le plus grand faste.
Ne pouvant alors résister aux sarcasmes qui
l'assaillaient chaque jour, ni aux injures ainsi
qu'au mépris des grands et du peuple, ayant en
outre perdu sa femme, il se retira à Brie-sur-
(I) On dit à présent une silhouette. L'Académie fran-
çaise a admis ce mot dans son Dictionnaire depuis 1835.
SOUV. BIOGK. CÉNËR. — T. XI.UI.
SILIUS ITALICUS 994
Marne, où il chercha des consolations au pied
des autels. Il mourut à cinquante-sept ans, d'une
fluxion de poitrine. On a de Silhouette : Idée
générale du gouvernement et de la morale
des Chinois; Paris, 1729, in-4°, et 1731, in-12,
avec une réponse à trois critiques ; — Ré-
flexions sur les plus grands princes, et no-
tamment sur Ferdinand le Catholique, trad.
de l'espagnol de Gracian ; Paris, 1730, in-4° et
in-12; — Lettres sur les transactions publi-
ques du règne d'Elisabeth ; Amsterdam (Lon-
dres), 1736, in-12; — Essais sur la critique
et sur l'homme, de Pope, trad. en prose;
Paris, 1736, in-12; réimpr. plusieurs fois avec
le texte en regard : celte traduction est littérale,
mais peu élégante, de l'aveu même de l'auteur;
— Essai d'une traduction des Dissertations
de Bolingbroke sur les partis qui divisent
l'Angleterre'; Londres, 1739, in-12; — Traité
mathématique sur le bonheur, par Irénée
Krantzovius (pseudonyme), trad. de l'anglais ;
1741, in-12; — Mélanges de littérature et de
philosophie, trad. de Pope; Londres, 1742,
2 vol. in-12; — Dissertation sur l'union de
la religion, de la morale et de la politique,
trad. de Warburton; Londres, 1742, 2 vol.
in-12 : ouvrage devenu rare parce que, dit Vol-
taire, Silhouette en racheta beaucoup d'exem-
plaires ; — Mémoires des commissaires du
roi et de ceux de S. M. Britannique sur les
possessions et les droits respectifs des deux
couronnes en Amérique (avec La Galisson-
nière et l'abbé de La Ville ) ; Paris, 1755-1757,
4 vol. in-4°, et 1776, 8 vol. in-12; — Voyage
de France, d'Espagne, de Portugal et d'I-
talie en 1729; Paris, 1770, 2 vol. in-8" ou
4 vol. in-12. Il existe un Testament politique
de Silhouette ( Mil, in-12), dont la composi-
tion est attribuée à Le Seure. Martial Atjdoix.
Voltaire. Corresp. — Moufle d'Angerville, Pie pri-
vée de Louis XV, t. III, p. 22. — Grirarri, Corresp. —
Dutens, Mémoires d'un voyageur qui se repose, t. II,
p. 22. — Observations sur les écrits modernes, t. V,
r. 262 et t. XIII, p. 169. — Lacretelle, Hist. du dix-hui-
tième siècle, liv. II, p. 198. — Bresson, Hist. financière.
silius italicus, poète romain, né en 25
après J.-C, mort en 100. Son surnom à'Ita-
licus, dont l'origine nous est inconnue, a fait sup-
poser qu'il était né soit à Italica dans la Bé-
tique, soit à Corfinum dans le pays des Péli-
gniens, ville qui pendant la guerre sociale avait
reçu le nom d'Italica : deux conjectures contra-
dictoires et également dénuées de preuves. Il ap-
partenait sans doute à l'illustre famille des Si-
lius qui fournit plusieurs victimes à la tyrannie
impériale. Un C. Silius, consul en 13, coupable,
seulement d'avoir été l'ami de Germanicus, fut
accusé de lèse-majesté sous Tibère, et prévint
une condamnation capitale par une mort vo-
lontaire ( 24 après J.-C. ). C. Silius, fils de ce
proscrit, eut une fin encore plus déplorable : il
subit le dangereux amour de Messaline, et pour
s'être associé aux projets extravagants de cette
32
995 SÏL1US ITALICUS — S1LLERY
princesse, qui poussa la folie jusqu'à l'épouse.' du
vivant de son mari, l'empereur Claudius, il fut
mis à mort, en 48. La carrière de Silius Italiens
échappa à de pareilles extrémités. Modéré et
même timide de caractère , aimant les lettres,
avocat disert, imitateur assidu de Cicéron et
de Virgile, il arriva sans peine aux honneurs,
et les remplit sans péril sous les plus mauvais
empereurs. S'il paya son avancement et sa sé-
curité par des complaisances serviles, s'il alla
jusqu'à se faire accusateur à une époque où une
accusation était un arrêt de mort, la faute en
fut surtout aux circonstances. Dès qu'il n'y eut
plus de danger à être honnête homme, il se
montra irréprochable. Il était consul en 68, lors-
que Néron, abandonné par les prétoriens, se
donna la mort pour échapper au supplice que
lui destinait le sénat. Il ne prit aucune part à
cette révolution, et quelques mois plus tard,
ami et confident de Vitellius, il ne fut pas en-
traîné par la chute de ce prince. Sous la dy-
nastie fia vienne, il eut le gouvernement de l'Asie,
dont il se tira à son honneur. Après avoir ainsi
parcouru les plus hautes dignités sans exciter
ni l'envie ni la haine, il passa ses dernières an-
néesdans un repos opulent, partageant son temps
entre ses nombreuses villas, toutes fournies de
livres et peuplées d'œuvres d'art. Ses deux ré-
sidences favorites étaient une maison près de
Puteoli, qui avait appartenu à Cicéron, et une
maison près de Naples, qu'avait occupée Virgile.
Il employait son loisir à mettre en vers imités
de Virgile la prose de Tite Live et de Polybe.
La retraite lui était si chère qu'il ne voulut pas
la quitter pour aller saluer à Rome l'empereur
Trajan. Pline loue Trajan d'avoir permis cette
abstention, et il loue aussi Silius de l'avoir osée.
Atteint, vers l'âge de soixante-quinze ans, d'un
mal incurable (insanabilis clavus), il abrégea
ses souffrances en se laissant mourir de faim,
genre de suicide alors à la mode. Dernier consul
nommé par Néron, il fut aussi le dernier survi-
vant des hommes politiques de ce règne ora-
geux. Silius Italicus, avec ses faiblesses et ses
qualités, représente bien ce que pouvait être
sous Néron et ses successeurs un homme hon-
nête, modéré, éclairé, qui ne se souciait pas de
mourir comme Thraséas. Ses contemporains
parlent de lui avec égards; Martial va jusqu'à
l'admiration, mais ses éloges sont suspects, ins-
pirés qu'ils étaient sans doute par les libéralités
du riche consulaire.
Le temps a respecté le poëme que Silius com-
posa dans ses villas de Puteoli et de Naples.
Pline le jeune, qui en avait entendu ou lu quel-
ques passages, y trouvait plus de soin que de
talent. La postérité a confirmé ce jugement, et
l'interminable rhapsodie de Silius passe pour
l'œuvre la plus ennuyeuse que nous ait léguée
l'antiquité. C'est un poème en dix-sept chants
sur la seconde guerre punique. L'auteur com-
mence au siège de Sagonte et finit à la bataille
095
de Zama, n'admettant aucun des événements
accomplis dans l'intervalle, et racontant par ma-
nière d'épisodes beaucoup d'autres faits de
l'histoire romaine. Il prend généralement le fond
de son récit dans Tite Live et Polybe; mais
comme il était studieux et qu'il avait des livre»
à sa disposition, il a ramassé et mis en œuvre
un assez grand nombre de renseignements his-
toriques, géographiques, mythologiques puisés
à des sources aujourd'hui perdues, et par consé-
quent précieux. On regrette seulement qu'il ait
pris la peine de mettre en vers des détails d'é-
rudition qui en prose seraient plus courts et
plus clairs. Quant au poëme en lui-même, c'est
l'œuvre d'un copiste et d'un rhéteur appliquant
sans discernement et sans goût les vieilles for-
mes du merveilleux épique à des événements
historiques qui sous ce travestissement per-
dent toute grandeur et tout sérieux. La diction
n'est pas mauvaise, et il serait facile de déta-
cher de cette prétendue épopée d'assez beaux
passages; il était impossible qu'un homme de
savoir et de patience, adorateur de Virgile,
composât plus de dix mille vers sans en ren-
contrer beaucoup de passables et quelques-uns
de bons ; mais l'ensemble est inanimé, dénué de
chaleur et d'invention.
Le poëme de la Guerre punique (Punica),
peu connu du vivant de son auteur et oublié
après sa mort, futdécouvert par Poggio, à Saint-
Gall, pendant le concile de Constance. Sweyn-
heim et Pannartz en donnèrent la première édi-
tion ; Rome, 1471, in-fol., réimpr. en 1471, et en
1481. Les meilleures éditions sont celles de Cel-
larius, Leipzig, 1695, in-8°; de Drakenborch,
Utrecht, 1717, in-4°; de Th. Ernesti, Leipzig,
1791-1792, 2 vol. in-8° ; deRuperti, Gœttingue,
1795-1598, 2 vol. in-8°, et de Lcmaire,. 1823. Si-
lius Italicus a été traduit en français par Ville- j
brune (Paris, 1781.3 vol. in-12) et dans les col-
lections Panckoucke et Nisard. Non content de tra-
duire Silius, Villebrune en publia, 1781, in 8°, une
édition qu'il appela operis integri editio prin-
ceps ; il se vantait de donner le premier le texte
complet, parce qu'il avait ajouté au XVIe chant
trente-quatre vers qui manquaient dans toutes
les éditions; malheureusement ces vers sont de
Pétrarque, qui a composé, lui aussi, un poëme
sur la guerre punique. L. J.
Pline, Epist., 1. III, 7. - Tacite, Hist., III, 65. —
Martial, IV, 14; VI, 64; VII, 63; VIII, 66; IX, 86; XI.
49, SI. — Sidoine Apollinaire, Excus. ad Felicem, 260.
silla. Voy. Lunghi (Giacomo ).
sillery (Nicolas Bruslart, marquis de ),
chancelier de France, né en 1544, à Sillery, en
Champagne, où il est mort, le 1er octobre 1624.
Sa famille était ancienne dans la robe. Fils aîné
d'un président aux enquêtes, il tenait de sa
mère, Marie Cauchon, le titre de Sillery. Con-
seiller au parlementde Paris, en 1573, il était
maître des requêtes lorsque Henri III l'envoya,
en 1585, traiter avec le roi de Navarre, dont ii
997
SILL
désirait alors l'alliance. Sillery fut deux fois am-
bassadeur en Suisse, en 1589 et en 1595. Au
retour de sa seconde mission , il fut président
à mortier au parlement. Ministre plénipoten-
tiaire à Vervins, il conclut la paix avec l'Es-
pagne (1598); puis il alla en Italie, et né-
gocia, à Rome, le divorce d'Henri IV et de Mar-
guerite de Valois, et, à Florence, le mariage du
roi avec Marie de Médicis ( 1599 ). En 1602, il
fut envoyé une troisième fois en Suisse, pour y
renouveler l'alliance. Patient, souple, adroit,
remplaçant par un rare esprit d'observation
l'insuffisance de son éducation première^ qui
avait été fort négligée, il avait montré dans ses
nombreuses négociations une grande expérience
des hommes et des choses, et les avait conduites
à la satisfaction du roi. Ses services furent ré-
compensés : il eut les sceaux à la fin de 1604,
fut nommé chancelier de Navarre en 1605, et
chancelier de France le 10 septembre 1607.
Ligué avec Jeannin et Villeroy contre Sully et
les autres membres du conseil, il se proposait,
d'accord avec la reine , d'amener Henii IV à
s'allier avec l'Espagne et à exterminer les héré-
tiques. Au moment où se répandit au Louvre la
nouvelle de l'assassinat de Henri IV, Sillery,
Jeannin et Villeroy, qui tenaient conseil, accou-
rurent auprès de la reine; celle-ci, en les
voyant , s'écria : « Le roi est mort !» — « Vous
vous trompez, madame, répondit Sillery ; en
France le roi ne meurt pas. » Marie de Médicis,
devenue régente, garda Sillery auprès d'elle,
et non-seulement l'appela au conseil qui se te-
nait tous les matins, mais souvent elle le con-
sulta en secret. Il avait alors soixante-six ans,
et, s'il conservait encore sa finesse et son habi-
leté, il était devenu timide, irrésolu, et passait
pour un vieillard avide d'argent, dont la cupi-
dité pouvait amener la corruption. De puissants
ennemis l'attaquèrent, et le marquis d'Ancre le
fit éloigner du conseil (1612). Cependant, il
garda les sceaux jusqu'en mai 1616; il fut rap-
pelé en 1617, mais les sceaux ne lui furent
rendus qu'à la mort de Caumartin (23 jan-
vier 1623). Richelieu, qui redoutait son in-
fluence ainsi que celle de son fils , Puisieux ,
réussit bientôt, avec l'aide du surintendant La
Vieuville, à les perdre dans l'esprit du roi. Sil-
lery rendit les sceaux le 2 janvier 1624, et, en-
tièrement disgracié, avec son fils, il fut renvoyé
le 3 février suivant ; il se retira dans sa terre
de Sillery, où il mourut, quelques mois plus
tard. Son fils Pierre est plus connu comme
marquis de Puisieux (voy. ce nom).
Sully, Richelieu, Bassompierre, Mémoires. — Toumet,
Discours funèbre sur le trépas de Nie. Britslart de
Sillery ; Paris, 1624, in-8°. — Bontrays, Breviarium
Vitse Nie. Brulartii ; Paris, 162i, in-8°. — Polrson, Hist.
de Henri If'. — Bazin, Hist. de Louis XIII.
sillery (Fabio Brulart de), prélat fran-
çais, né le 25 octobre 1655, au château de
Pressigny (Touraiue,), mort le 20 novembre
171 't, à Paris. Arrière-peîit-fils du précédent, il
ttRY 998
fut tenu sur les fonts de baptême par le car-
dinal Piccolomini, qui lui donna le prénom du
pape régnant, Alexandre VII (Fabio Chigi;. Il fit
sa philosophie au collège de la Marche , et fut
reçu en 1681 docteur en Sorbonne. En 1685 il
siégea dans l'assemblée du clergé. Nommé en juin
1689 évêque d'Avranches, il permuta en octobre
ce diocèse avec celui de Soissons, dont Huet était
titulaire; mais il ne fut sacré que le 23 mars 1692.
Il complaît que sa nouvelle qualité lui faciliterait sa
translation a l'archevêché de Reims; mais on le
laissa de côté malgré sou dévouement à la cour et
aux jésuites, malgré tout ce qu'il put faire en fa-
veur de la constitution Unigenilus.A&onlh de
mort il témoigna, dit-on, le plus vif regret de
l'avoir soutenue contre sa conscience. Ce fut
une sorte de scandale. « On mit bon ordre, dit
Saint-Simon, que le roi n'en sût rien, et avec
cela tout fut gagné. » Il ajoute que ce prélat
« avait beaucoup d'esprit et du savoir, mais
l'un et l'autre fort désagréables par un air de
hauteur, de mépris, de transcendance ; » et qu'il
« se piquait de beau monde, de belles- lettres,
de beau langage ». Membre honoraire de l'Aca-
démie des inscriptions (1701), il remplaça Pa-
villon dans l'Académie française (7 mars 1705).
On a de lui : Harangue Jaite au nom du
clergé à Jacques II, roi d'Angleterre ; Paris,
1695, in-4°; — Réflexions sur l'éloquence,
Paris, 1700, in-12 : ce recueil contient deux
lettres de l'auteur au P. Lami, qui avait mal-
traité la rhétorique de collège, et des morceaux
d'Arnauld et d'autres sur la même matière; —
Statuts synodaux; Paris, 1730, in-12, publiés
par Languet de Gergy, son successeur à Sois-
sons ; — deux pièces de vers, insérées dans le
Recueil de vers choisis du P. Bouhours; —
des dissertations sur des points d'archéologie.
De Boze , Hist. de l'Jcad. des inscr. — Flsquet,
France pontificale. — Saint-Simon, Mémoires.
sillery (Charles- Alexis Brulart, mar-
quis de), comte de Genlis, né le 20 janvier
1737, à Paris, où il est mort, le 31 octobre
1793. Il était cousin du secrétaire d'État mar-
quis de Puisieux, mort vers 1773. Orphelin de
bonne heure, il entra dans un régiment qui par-
tait pour les Indes. A quatorze ans, il passa
dans la marine, où il eut bientôt le grade de
lieutenant. A vingt ans , après un combat au-
quel il survécut presque seul parmi les offi-
ciers, mais couvert de blessures, on le nomma
capitaine de vaisseau. Sa conduite au siège de
Pondichéry fut digne d'éloges ; blessé, fait pri-
sonnier, et transporté en Angleterre, il y connut
Ducrest de Saint-Aubin , qui était tombé aux
mains des Anglais eu revenant de Saint-Do-
mingue ; la vue du portrait de Mlle de Saint-
Aubin lui inspira pour elle un amour passionné,
et il forma le projet de l'épouser. Le mar-
quis de Puisieux, ancien ministre des affaires
étrangères, négocia la liberté de son parent ; à
son retour en France, il lui fit quitter la ma-
32.
f 99 SILLERY -
vine, et obtint pour lui le titre honorifique de |
colonel des grenadiers de France. Le comte de
Genlis, suivant, malgré sa famille, le penchant
de son cœur, épousa MIIe de Saint-Aubin (1762).
Celle-ci, par la protection de sa tante, Mme de j
Montesson, fut mise au nombre des dames de la ;
duchesse de Chartres ( 1770 ) ; en même temps,
son mari eut la place de capitaine des gardes :
du duc de Chartres, dont il devint bientôt l'ami
et le confident. A la mort de la maréchale d'Es-
trées, fille du marquis de Puisieux, il hérita de !
la terre de Sillery et de cent mille livres de
rente ; il prit alors le titre de marquis de Sil-
lery, tandis que sa femme gardait, dans le
monde et dans ses ouvrages, le nom de com-
tesse de Genlis. Sillery était recherché dans les
salons les plus distingués ; on le plaçait parmi
les hommes aimables et spirituels de l'époque.
Élu député aux états généraux par la noblesse
de Champagne, il se joignit aux membres de
son ordre qui se réunirent au tiers état, le
25 juin 1789. Sa conduite dans l'Assemblée
constituante fut réglée sur celle du duc d'Or-
léans, auprès duquel il siégea. Il demanda la
permanence des assemblées nationales, repoussa
le veto absolu , vota pour une déclaration des
droits, mais à la condition qu'elle serait com-
plétée par une déclaration des devoirs, et se
déclara contre les Bourbons d'Espagne dans le
cas où s'éteindraient les Bourbons de France. Il
fit partie de la commission chargée de réorga-
niser la marine, et prit une part active à ses tra-
vaux. Le département de la Somme le nomma,
en 1792, député à la Convention, et il fut en-
voyé en qualité de commissaire près de l'armée
de Champagne. Dans le procès de Louis XVI, il
vota pour l'appel au peuple, la détention et le
bannissement à la paix. Après la fuite de Du-
jnouriez, il fut mis en suspicion ; compris d'abord
dans l'accusation portée, le 4 avril 1793, contre
le duc d'Orléans, il fut atteint aussi par l'accu-
sation lancée, le 3 octobre, contre les députés
delà Gironde, avec lesquels cependant il n'avait
jamais eu de relations particulières. Condamné
à mort, le 30 octobre, il fut exécuté le lende-
main, avec vingt et un de ses collègues. 11 monta
sur l'échafaud avec calme et assurance, salua à
droite et à gauche les spectateurs, et mourut le
premier.
ftime de Genlis, Mémoires. — Arnault, Jay, etc.,
Bionr. nouvelle des Contemp. — Guadet, Hist. des Ci-
rondins.
silo, roi d'Oviedo, mort en 783, succéda à
Aurelio. Ce fut un roi élu par les nobles (774),
à qui du reste son courage et ses talents, non
moins que son alliance avec la fille d'Alfonse le
Catholique, donnaient quelque droit de porter la
couronne. Son règne fut paisible. Un fils naturel
d'Alfonse, Mauregat, lui succéda.
Art de vérifier les dates, t. VI.
silva {Jean-Baptiste), médecin français,
fté à Bordeaux, le 13 janvier 1682, mort à Paris,
le 19 août 1742. Né d'un père juif qui exerça la
SILVÈRE
IOOO
médecine à Bordeaux pendant soixante-quatre
ans, il embrassa la môme profession ; mais avant
d'aller à Montpellier faire ses études il se con-
vertit à la religion chrétienne. Reçu docteur en
171 1, il vint à Paris, et fut protégé par Chirac,
son ancien professeur. Plusieurs cures impor-
tantes le mirent bientôt en grande réputation et
le firent rechercher dans les maisons les plus
distinguées. Helvétius lui confia une partie de sa
clientèle, et comme dès 1721 il avait été plu-
sieurs fois appelé aux consultations tenues lors
de la maladie de Louis XV, il eut en 1724 la
place de médecin consultant du roi. L'électeur
de Bavière le manda auprès de lui à Munich.
La tsarine Anne lui offrit en 1738 d'être son pre-
mier médecin avec des avantages considérables.
La même année, Louis XV lui donna des lettres
de noblesse. Les agréments du caractère de Silva
contribuèrent à ses succès autant que son savoir
et sa sagacité ; c'est de lui que parle Voltaire dans
ces beaux vers sur la transformation du sang :
Demandez à Silva par quel secret mystère
Ce pain, cet aliment dans mon corps digéré,
Se transforme en un lait doucement préparé , etc.
Silva laissa à sa mort une fortune considérable;
son fils, Adrien- Clément, était conseiller au grand
conseil. On a de lui : Traité de l'usage des
différentes saignées, principalement de celle
du pied; Paris, 1727, 2 vol. in-8" ; Amst., 1729,
2 vol. in-12 : ouvrage dirigé surtout contre Hec-
quet, qui y répondit dans son Traité de la diges-
tion; — Dissertations et consultations mé-
dicinales de MM. Chirac et Silva; Paris,
1744-55, 3 vol. in-12.
Bruhier, sa Fie, à la tête des Dissertations. — Éloy,
Dict. de la méd. — Biogr. médicale.
silva {Garcia de). Voy. Figueroa.
silvère (Saint), Silverius, pape, né a F rosi-
none, prèsde Rome, mortle 20 juin 538, dans l'île
dePalmaria, vis-à-vis deTerracine. Fils du pape
Hormisdas, qui avant d'entrer dans les ordres
avait contracté un mariage légitime, il était sous-
diacre à Rome lorsque Théodat, roi desGolhs, le
plaça par violence, le 8 juin 536, sur le siège ponti-
fical, vacant par la mort d'Agapet Ier. Peu de temps
après, Bélisaire s'empara de Rome, et Théodora,
femme de Justinien, demanda à Silvère de réta-
blir Anthime sur le siège de Constantinople, de
recevoir à sa communion les hérétiques de l'O-
rient et de révoquer le concile de Chalcédoine.
Sur le refus de Silvère, on l'accusa d'avoir des
intelligences avec les Goths, et, malgré les efforts
du roi Vitigès, qui était venu assiéger Rome, Béli-
saire le fit enlever, le 17 novembre 537, l'exila
en Lycie , et lui donna Vigile pour successeur.
Instruit du véritable état des choses, l'empereur
ordonna de rétablir Silvère; mais en revenant eu
Italie, celui-ci fut arrêté de nouveau par Béli-
saire et relégué dans l'île de Palmaria; selon
Liberatus, on l'y laissa mourir de faim, ou, sui-
vant Procope, il y fut massacré. Silvère est ho-
noré le 20 juin.
îoo;
S1LVERE — SILVESTRE
1002
Lberatus, fireviarittm , cap. 22. — Jeta smictorvm
lunil, t. IV, p. 13. — Platina, De vitis pontljlcum, —
Artaud de Montor, //<.«<. des sou», pontifes romains, 1. 1.
SILVESTRE ier, Silvesler,p»[>c, né vers 270,
à Rome, où il est mort, le 31 décembre 335. Fils
deRufînus et de sainte Juste, il fut, à trente ans,
ordonné prêtre par le pape Marcellin. Ses vertus
le firent choisir, le 31 janvier 314, pour succéder
à Melchiade. L'hérésie d'Arius, qui éclata en 319,
jeta la perturbation au sein de l'Église. Pour l'a-
batere d'un seul coup, Constantin convoqua lui-
même, d'accord avec Silvestre, le premier des
conciles œcuméniques; il se tint à Nieée, du 19
juin au 25 juillet 32;>. Silvestre, retenu à Rome
par des infirmités, y envoya deux prêtres appelés
Gui et Vincent, et chargea Osius, évêque de
Cordoue, de le présider en son nom. Il adressa
au clergé divers règlements, dont Rède et San-
gallo ont fait l'éloge. Il conserva leurs noms au
samedi et au dimanche, mais il voulut que les
autres jours portassent le titre de fériés. Tout
ce qu'on raconte encore de lui est complètement
apocryphe, par exemple la prétendue, donation
que Constantin lui aurait faite de la ville de Rome
et de la puissance temporelle. C'est le premier
pape qui ait été représenté coiffé de la tiare, et
sa fête se célèbre le 31 décembre. Saint Marc fut
son successeur.
Ciaconius, Platina , Anastase, Vilœ pontifieum. —
L. Jacob, Biblioth. pontif. — Combcûs , Vie de saint
Silvestre, en grec et en latia; Paris, 1660, in-8°.
silvestre il, pape, né à Aurillac, en Au-
vergne, mort à Rome, le 12 mai 1003. Il s'appe-
lait Gerbert, ou, suivant la chronique d'Aurillac,
Gerlent. Tous les historiens attestent l'obscurité
de son origine. 11 fit ses premières études à l'é-
cole claustrale d'Aurillac, dans le monastère de
Samt-Gérauld. Il y avait ensuite pris l'habit reli-
gieux, et il y résidait quand Borel, comte de
Barcelone, vint en ce lieu. « L'Espagne, demanda
l'abbé, a-t-elle des hommes habiles dans les
sciences? » Sur la réponse affirmative du comte,
l'abbé le pria d'emmener au delà des monts un
jeune moine indocile, désireux de tout apprendre,
qui par son mépris pour l'ignorance de ses con-
frères les avait irrités contre lui. C'était Gerbert.
Le comte Borel s'empressa de condescendre aux
désirs de l'abbé, et Gerbert le suivit en Espagne.
A Barcelone, et peut-être à Séville, à Cordoue,
il fréquenta, dit-on, sans trop de scrupules, les
maîtres arabes. Dans toutes les sciences les
Arabes étaient alors bien supérieurs aux Latins.
S'ils eurent avant Gerbert d'autres Latins pour
disciples, on ne les connaît pas; Gerbert paraît
avoir été le premier. Ses contemporains, étonnés
de son prodigieux savoir, l'ont représenté, dans
une légende, volant à travers l'espace sur les
ailes du démon , et transportant au delà des Py-
rénées de gros livres dérobés à un infâme né-
cromant. Suivant Richer, c'est Dieu lui-même
qui le ramène chez les Latins ; Dieu, pris de pitié
pour l'ignorance de son Église, inspire au comte
Borel la résolution d'un voyage à Rome, et le
persuade en même temps de conduire Gerbert
au pape Jean XIII. Le pape voit Gerbert, l'in-
terroge, l'écoute, l'admire, et s'empresse d'é-
crire à l'empereur Olhon Ie» que l'Espagne vient
d'envoyer en Italie un jeune moine qui sait,
chose prodigieuse, les mathématiques. L'empe-
reur répond qu'il faut le retenir à tout prix, et
lui donne l'abbaye de Bobbio. Aussitôt que le
mathématicien Gerbert y eut ouvert une école,
on y accourut de toutes les régions de l'Europe
chrétienne. Cependant il n'y séjourna pas long-
temps. Des seigneurs voisins pillèrent ses biens;
des rivaux de sa gloire accusèrent ses mœurs;
on le dénonça même à l'empereur comme un
sujet infidèle. Forcé de fuir ses ennemis, Gerbert
se retira d'abord en Allemagne.
Lothaire, roi des Francs, ayant envoyé comme
ambassadeur à Othon un archidiacre de Reims
très-habile en logique, Gerbert obtint la permis-
sion de le suivre à son retour dans les Gaules,
L'église de Reims avait alors pour ponlife un pro-
tecteur zélé des savants, Adalberon, qui voulut
l'avoirpour secrétaire et pour ami. Initié déjà par
son commerce habituel avecles gens de la cour im-
périale aux grandes affaires de l'Europe, Gerbert
y prit, comme conseiller du puissant archevêque
de Reims, une part active. Ses lettres datées de
ce temps sont d'un politique et aussi d'un mé-
content, qui ne dissimule guère ses griefs contre
les perturbateurs du repos des peuples, c'est-à-
dire les rois. Mais il ne. néglige pas ses études.
De tous côtés il fait venir des livres : la géomé-
trie et l'histoire, l'astronomie, la physique, la
logique et la poésie l'intéressent à la fois. II
compose, en outre, des instruments d'astronomie
et de mathématiques; Richer décrit en détail
trois sphères de son invention, qui lui servaient
à démontrer les mouvements divers des planètes.
L'école de Reims est par lui restaurée et de-
vient une pépinière de docteurs ; il y a pour élève
le fils d'un roi de France, le prince Robert. Uu
passage curieux de Richer est celui où , disciple
et ami de Gerbert, il nous dit suivant quelle
méthode ce docteur enseignait les arts, et en
particulier la logique. Il expliquait d'abord 17-
sagoge de Porphyre sur la traduction de Victo-
rinus, puis faisait connaître à ses auditeurs le
commentaire de Boëce sur le même ouvrage (1);
il abordait ensuite les Catégories et Y Inter-
prétation d'Aristote, les Topiques de Cicéron ,
les quatre livres De Differentiis topicis de
Boëce, et ses traités sur les Syllogismes caté-
goriques, sur les Syllogismes hypothétiques,
sur la Division et la Définition. Ainsi, dès la
fin du dixième siècle le trésor de l'érudition
scolastique se composait déjà de tous les écrits
péripatéticiens que nous retrouverons, à la fin
(1) Boece, entre autres surnoms, avait ceux d'Anicins
Manlius Torquatus ; Richer l'appelle Manlius, contra
l'usage. Ce qui a trompé le traducteur de Richer, M. Gun-
det, qui le confond avec le consul Flavius Mailiu*
Tlieodorus.
1003
SILVESTRE
1004
du douzième, commentés par les principaux ré-
genis des écoles de Paris. Les poètes latins avec
lesquels Gerbert familiarisait ses élèves sont
Virgile, Lucain, Stace, Térence, Juvénal, Perse
et Horace. Enfin Richer nous fait assister à une
controverse qui eut lieu à Ravenne, en 970, de-
vant Othon Ier , entre Gerbert et le Saxon Otric,
sur la classification des sciences, sur la création
du monde, et divers autres problèmes.
Adalberon mourut en 988, et eut pour succes-
seur Arnoid, fils naturel de Lothaire et neveu
du prince Charles, que l'avènement de Hugues
Capet avait éloigné du trône, et qui travaillait à
le conquérir. On suppose que Gerbert poussa le
faible Arnoul dans le parti de ce prétendant. 11
est plus certain qu'Arnoul s'étant engagé dans ce
parti sans aucune réserve, Gerbert l'abandonna,
et, d'après une lettre qui nous a été conservée,
le répudia comme parjure; cette lettre, d'une sin-
gulière énergie, est de 990. Dans le même temps,
le roi Hugues écrit au pape Jean XV, l'informe de
la trahison d'Arnoul, et le prie de pourvoir au
règlement de cette affaire. Les évêques des Gaules
adressent à Rome une autre requête, demandant
un concile. Le pape tardant à répondre, un con-
cile se réunit, mais par les ordres du roi, à Saint-
Basle, près de Reims. Dans les circonstances où
il a été convoqué, quel est le principal accusé?
C'est le pape; et ses accusateurs sont les prélats
des Gaules. On ne refusait pas à l'évêque de
Rome l'hommage de la déférence ; mais comment
interpréter son long silence, si ce n'est un déni
de justice? Que la cour de Rome en soit donc
avertie : l'Église n'a pas besoin de son concours
pour juger les crimes d'État commis par des
clercs. Que le pape s'abstienne, s'il lui plaît; l'É-
glise s'assemble, et prononce. Quant à l'arche-
vêque Arnoul, ayant avoué ses connivences avec
le prince Charles, ii est déposé. Gerbert avait été
le secrétaire et l'âme du concile de Saint-Basle;
aussi reçut-il du roi l'archevêché vacant ( 991 ).
Le pape Jean XV, à la nouvelle de la déposition
d'Arnoul et de l'ordination de Gerbert, casse l'une
et l'autre. Celui-ci se donne de grands mouve-
ments pour inspirer quelque chose de son énergie
aux évêques interdits par le saint-siége comme
complices de son ordination. Une de ses lettres à
l'archevêque de Sens est remarquable : il y déve-
loppe cette thèse que l'évêque de Rome n'est pas
plus infaillible qu'impeccable; que la sagesse de
Dieu s'est manifestée tout entière dans l'Évangile,
et qu'observant la lettre de l'Évangile, les évêques
chrétiens n'ont point à s'enquérir des jugements
quelepape rend sur leur'conduite; qu'ilspeuvent
même au besoin , lui citant l'Évangile , le con-
damner à son tour comme infidèle et publicain.
En 995, un nouveau concile est convoqué par
Jean XV dans la ville de Mouzon. Gerbert y plaide
sa cause. Les esprits se partagent, et aucune dé-
cision n'est prise : si le pape favorise Arnoul, le
roi tient pour Gerbert; les évêques n'osent con-
clure. Mais en 996 la mort enlève à Gerbert son
puissant protecteur, etGrégoire V, successeur de
Jean XV, poursuit auprès du jeune roi Robert la
réparation de l'injure faite, dit-il, à son Église.
Robert entend cette plainte, et ne cède pas en-
core. Mais bientôt il a besoin du pape pour épouser
Berthe, sa parente : il attend, il sollicite un bref
qui ratifie ce mariage, et il ne l'obtiendra pas tant
qu'il soutiendra Gerbert. Celui-ci juge bien alors
que sa cause est perdue, et, avec une habileté
dont il a donné beaucoup d'autres preuves, il
change subitement de langage, s'humilie, de-
mande simplement, dit-il, une décision régulière,
prêt à s'y conformer et à montrer toute sa dé-
férence pour le prince des évêques . Il est dé-
posé (996). Il quitte Reims, et se rend à la cour
de l'empereur Othon HI, qui l'accueille avec bien-
veillance. Sur ces entrefaites Jean, archevêque de
Ravenne, abandonne son égl i se , et cette métropole
réclame un nouveau pasteur. Othon propose Ger-
bert : Grégoire V s'empresse de l'accepter (997).
Son savoir, sa grande expérience de toutes les
affaires, la confiance qu'il sait inspirer à tous les
princes et sa grande renommée dans l'Église
font de Gerbert un personnage dont un pape
même doit être jaloux de gagner l'affection.
Nous le voyons alors occuper la première place,
après ie pape, dans les assemblées de l'Église,
et quand Grégoire V meurt, le 18 février 999,
c'est Gerbert qui est appelé à lui succéder. L'É-
glise aurait-elle pu déférer la tiare à un évêque
plus illustre, d'un plus haut esprit, d'un plus
ferme caractère? Il est permis d'en douler. Les
légendaires ont donc mal à propos fait inter-
venir le diable dans cette élection. Que l'empe-
reur Othon ait patronné Gerbert comme le plus
grand philosophe de son temps, et que ce pa-
tronage ait été d'un grand secours à sa candi-
dature, nous l'admettrons volontiers; mais il
n'est pas aussi probable que le diabie se soit em-
ployé à faire pape le plus docte et le plus émi-
nent de tous lés évêques chrétiens.
Gerbert fut intronisé pape, sous le nom de
Silvestre II, le 2 avril 999. Dès son avènement
il obtint de l'empereur des lettres solennelles
qui, terminant de longues contestations, affer-
mirent le domaine temporel du saint-siége, en lui
imposant des limites. Un de ses premiers actes
fut la confirmation d'Arnoul sur le siège de
Reims ; d'autres, à sa place, eussent donné satis-
faction à d'anciennes rancunes. Que d'affaires,
que de soucis pour un pape dans ces temps de
permanente discorde! En Allemagne les évêques
de Magdebourg, de Mersbourg, de Mayence,
d'Hildesheim sont en guerre ouverte; en Italie,
les habitants de Tibur ont levé l'étendard de la
révolte, et se sont déclarés indépendants de
l'Empire; à Césène, c'est l'autorité du saint-siége
que l'on refuse de reconnaître ; à Rome même,
une insurrection redoutable conteste à la fois
les droits du pape et ceux de l'empereur. Que
Silvestre ait terminé tous ces différends de la
manière la plus équitable, à l'avantage du meil-
100.-)
SILVESTRE
1006
leur parti, nous pouvons en douter; nous loue-
rons, du moins, la vigilance dont il fit preuve
dans le règlement de ces nombreuses et graves
affaires. En moins de cinq ans, il sut, par sa
prudence, sa vigueur et son zèle, en un mot par
l'habileté de toute sa conduite, mériter le re-
nom d'un des plus grands évoques qui aient
occupé la chaire de Saint-Pierre. De même que
l'on a fait jouer au démon un grand rôle dans la
vie de Silvestre , ainsi le fait-on apparaître au mo-
ment de sa mort, réclamant sa proie, et contrai-
gnant le malheureux agonisant à faire devant le
peuple l'aveu de ses crimes. Platina lui-même a
répété ces fables, en plein quinzième siècle.
Les écrits laissés par Gerbert sont nombreux,
mais pour la plupart inédits. Ses Lettres sont
d'un grand intérêt pour l'histoire civile, pour
l'histoire ecclésiastique, et pour l'histoire lit-
téraire du dixième siècle ; on y trouve de nom-
breux renseignements sur les entreprises des
princes , les brigues des évoques , les études ,
les travaux des lettrés ; elles sont d'ailleurs
d'un style vif, ferme, concis, qui s'élève quel-
quefois jusqu'à l'éloquence. Faut-il toujours se
lier aux récits de Gerbert, aux jugements qu'il
porte, aux arguments qu'il emploie pour plaider
la cause de ses intérêts ou de ses passions? Non.
Mais avec quelle énergie s'y peint lui-même, cet
homme vraiment supérieur ! Que de fierté et que
de souplesse, que de résolution et que de pru-
dence! Comme on reconnaît à ces marquespro-
fondément empreintes un homme né pour com-
mander ! La première édition des lettres de Ger-
bert est de Papire Masson (Paris, 1621, in-4°),
qui les publia avec d'autres lettres, de Jean de
Salisbury et d'Etienne de Tournai. En 1636,
André Duchesne en donna une édition plus
considérable,-dans le t. II des Historiens de
France. Les t. IX et X des mêmes historiens,
par dom Bouquet, offrent, au nombre de 161, la
plupart des lettres éditées déjà par Duchesne,
mais en bien meilleur ordre. Enfin, quelques let-
tres de Gerbert qui manquent à ces trois recueils
ont été publiées en divers autres endroits.
S'il a composé plusieurs ouvrages de pure phi-
losophie, un seul de ces ouvrages nous est connu :
De rationali et ratione uti, publié par Bernard
Pez, dans le t. Ier du Thésaurus novissimus.
L'empereur Othon le Grand se trouvant enltalie,
etayant dans sa compagnie, suivantson habitude,
de nombreux savants, ceux-ci, dans leurs loisirs,
se querellèrent sur le sens d'un passage de Por-
phyre qui concerne la différence spécifique de
l'homme. Il s'agissait de savoir si cette dif-
férence, rationale, est plus ou moins voisine de
la substance première que la chose exprimée par
ces mots faire usage de la raison, -S> Àôyw
XpvjerGai, ratione uti. Question puérile, il faut
en convenir. Ce qu'il y a de mieux dans l'opus-
cule de Gerbert, c'est son argumentation, qui,
diffuse, embarrassée, prenant de longs détours,
est néanmoins fermement platonicienne. 1! se dé-
clare en effet pour l'hypothèse des exemplaires
éternels, appelés plus tard univetsaux anterem,
hypothèse qui alors devait paraître nouvelle,
mais qui fera fortune au douzième siècle.
Les livres de Gerbert sur les diverses parties
des mathématiques sont plus nombreux. Les
auteurs de V Histoire littéraire désignent d'a-
bord le Liber sublilissi7nus de arithmelica,
ouvrage inédit, rencontré par Bernard Pez dans
la bibliothèque de l'abbaye de Saint-Emmerand,
à Ratisbonne. — Ils en désignent un autre, qu'ils
intitulent Abacus, et qui se trouve aussi, disent-
ils, à Ratisbonne, en s'appuyant du témoi-
gnage de Bernard Pez; mais ils se trompent
lorsqu'ils affirment que trois exemplaires de
cet Abacus se voient dans les manuscrits du
Roi, cotés 5366 (G), 4312 et 2231. Les deux
premiers, aujourd'hui inscrits sous les numéros
7188 et 2650, ne contiennent en effet aucun
Abacus, ni de Gerbert ni d'aucun autre ; quant
au volume de Colbert autrefois désigné par le
numéro 2231 , et maintenant par le numéro
7189 (A), il nous offre un écrit de Gerbert tout à
fait différent de celui que précède, dit-on, dans
le manuscrit de Ratisbonne une épître à l'em-
pereur Othon. Cet écrit, qu'on peut lire encore
dans le volume, beaucoup plus ancien, qui porte le
numéro 6620, est intitulé Rationes numerorum
Abaci, et c'est un traité de quelques pages.adressé
soit au moine Constantin, soit à un certain Théo-
phile, grand ami de l'auteur. En voici Yincipit :
« Vis amicitiae pêne impossibilia redigit ad pos-
sibilia. Nam qnomodo rationes numerorum Abaci
replicare contenderemus, nisi te adhortante ? »
Ce mot, replicare signifie-t-il que Gerbert avait
antérieurement écrit un autre et plus consi-
dérable Abacus ? Nous n'osons pas le décider.
Ajoutons que le traité intitulé Rationes nume-
rorum Abaci a été d'abord publié, par une
étrange inadvertance , dans les Œuvres de
Bède le Vénérable, t. I, p. 123, et récem-
ment réimprimé sous le nom de Gerbert par
M. Chasles : Explication des traités de l'A-
bacus, et particulièrement du traité de Ger-
bert. — Un manuscrit légué par Scaliger à la bi-
bliothèque de Leyde renferme, dit-on, un traité
de Gerbert intitulé Libellus multiplicationum.
Ce que nous nous contentons d'affirmer au sujet de
cet ouvrage, c'est qu'il n'est pas dans le volume
du Roi où les auteurs de l'Histoire littéraire
supposent qu'on peut le rencontrer. — On signale
aussi deux manuscrits, l'un de Papire Masson et
l'autre d'Isaac Vossius, qui contiennent, assure-
t-on, un traité de Gerbert sur la division, De nu-
merorum divisione. Au rapport de M. Chasles, ce
n'est lui-même, sous un titre différent, autre
chose que le Rationes numerorum Abaci. —
Rythmimacfiia ou Rythmomachia, c'est-à-dire
Numerorum pugna, ou Ludus numerorum,
dans les manuscrits 1095 de Saint-Germain et
7185 du Roi. L'abbé Lebeuf attribue cet opuscule
à Gerbert, et nous remarquons en effet qu'il se
1007
SILVESÏRE
100S
trouve réuni, bien qu'anonyme, à des ouvrages
authentiques de notre docteur dans les deux ma-
nuscrits ci-dessus. Suivant Oudin, ce Rylhmi-
machia aurait été publié à Leipzig, en 1 6 1 fi, dans
un recueil, qui est d'une extrême rareté. Il n'est
pas démontré que ce jeu de chiffres, véritable
puérilité, soit du docte et grave Gerbert. En effet,
dans le manuscrit du Roi 7185 il commence par
ces mots: « Quiperitusarithmeticse; » et Jean de
Tritenheim attribue à Hermann Contract un traité
sous le même titre, commençant par les mêmes
mots. Dans le manuscrit de Saint-Germain Vin-
cipit diffère; mais cette différence importe moins
qu'il ne semble, puisqu'on retrouve dans ce der-
nier manuscrit des portions considérables du
premier. Aussi l'opinion dé M. Ravaisson (Rap-
ports, p. 155 ), à laquelle nous adhérons volon-
tiers , est-elle que tous les ouvrages connus
sous le titre de Rythmimachia sont des
abrégés ou des amplifications de l'ouvrage ori-
ginal d'Hermann. — De Geomelria, ouvrage pu-
blié par Bernard Pez, Anecdot., t. III, part. 2,
p. 1. Comme celte édition, ainsi que l'ont re-
marqué les auteurs de l' Histoire littéraire,
n'est pas une exacte reproduction du texte ori-
ginal, et surtout des figures qui l'accompagnent,
nous ne négligerons pas de désigner ici un beau
manuscrit du onzième siècle où se trouve la
Géométrie de Gerbert, le numéro 7185 de l'an-
cien fonds du Roi. — De Astrolabio , dans les
manuscrits 980, 1759 delà Sorbonne, et 1095
de Saint-Germain. Jean de Tritenheim, l'abbé Le-
beuf, les auteurs de VHistoire littéraire et
M. Cousin attribuent à Gerbert, sans aucune
difficulté, ce traité de l'Astrolabe. Dans plu-
sieurs manuscrits il porte son nom. En outre,
comme le fait observer M. Cousin, « on y trouve
une connaissance de l'astronomie et de la
langue scientifique des Arabes, telle que lui seul
pouvait la posséder dans ce siècle ». Mais Jean
de Tritenheim ne se trompe-til pas en distin-
guant le traité de l'Astrolabe et le traité du Ca-
dran ? On remarque en effet dans le traité de
l'Astrolabe une dissertation sur les cadrans so-
laires. — Epistola Gerbcrti Constantino de
Sphasra, dans le numéro 1094 de Saint-Ger-
main : publié par Mabillon dans le t* II des
Analecta. — De Dissonanlia arithmetica
et geometrica ; manuscrit du Roi , provenant
de Delamare, numéro 7377 (C). Il s'agit dans
dans cette simple lettre de la mesure d'un triangle
équilatéral. Pouvons-nous attribuer avec assu-
rance cet ouvrage à Gerbert ? Il suit, il est vrai,
dans le manuscrit, une lettre ainsi intitulée : Adel-
bodi episcopi ad Gerberlum de Crassitudine
spherx : mais, comme le premier traité, le se-
cond est peut-être d'Adelbode; le titre qui donne
celui-ci à Gerbert est d'une main moderne. — Ici
(initie catalogue des ouvrages composés par Ger-
bert ou inscrits à son nom, concernant les diver-
ses parties desmathématiques. Pour compléter ce
catalogue, il faudrait avoir sous les yeux plusieurs
manuscrits signalés dans les bibliothèques de
Hollande, d'Angleterre et d'Italie. On nous per-
mettra de terminer cette nomenclature en fai-
sant une supposition. Au tome XII de V His-
toire littéraire, on lit une notice sur Gerland,
chanoine de Saint-Paul à Besançon vers le mi-
lieu du douzième siècle, et parmi les ouvrages
de ce docteur on désigne un traité que les ma-
nuscrits nous présentent sous ces titres divers :
Computus , Abactis et Tabulée Gerlandi.
Nons connaissons d'autres écrits de Gerland;
ces écrits ne paraissent aucunement avoir été
composés par un computiste. Voici d'ailleurs
un manuscrit de la Bibliothèque impériale,
suppl. latin, numéro 409, auquel on assigne
une date plus ancienne que le douzième siècle.
Si cette appréciation est exacte, l'ouvrage n'est
pas du chanoine de Saint-Paul, mais il pourrait
être de Gerbert, à qui la chronique d'Aurillac
donne le nom de Gerlent. Ce n'est pas encore
YAbacus rédigé pour l'instruction particulière de
l'empereur Othon, et il débute par un petit poème
d'une incorrection choquante.
Les auteurs de VHistoire littéraire men-
tionnent quelques vers de Gerbert sur BoëceP
l'empereur Othon II, le roi Lothaire, un duc
nommé Frédéric, un scolastique nommé Adal-
bert. Ces vers, imprimés dans divers recueils,
sont dépourvus de tout mérite ; c'est l'opinion
de l'abbé Goujet et la nôtre. Gerbert avait aussi
composé, dit-on, des séquences, ou proses; mais
elles paraissent perdues. Telle semble avoir été la
fortune d'un traité de Gerbert sur la rhétorique,
traité dont il parle lui-même dans une de ses lettres
à Bernard, moine d'Aurillac.
Voici encore d'autres écrits de Gerbert : Sy-
nodus Ecclesix gallicanse habita Durocurli
Remorum (S. Basle); Francfort, 1600, in-12,et
dans le recueil des Centuriateurs de Magdebourg,
t. X, p. 457. Des éditions mutilées ont été faites
par les catholiques; les protestants seuls ont
intégralement reproduit le texte conservé dans
quelques manuscrits. Dans les grandes Collec-
tions des Conciles manquent les actes de Saïnt-
Basle; ils sont en effet outrageants pour l'au-
torité du saint-siége. Comme il a fallu quelque
prétexte pour les supprimer ainsi, on a mis
en doute la sincérité du secrétaire, Gerbert,
qui les a rédigés. Les auteurs de VHistoire
littéraire ont en deux mots très-bien prouvé
que ce prétexte n'a pas le moindre fondement. î!
est incontestable que Gerbert a de sa main écrit
tout le procès-verbal de l'assemblée de Saint-
Basle. Personne de son temps n'a eu ce style vif,
alerte, et vraiment littéraire. On lit d'ailleurs
en tête du procès-verbal une préface dans laquelle
Gerbert nous fait connaître qu'il met cette pièce
sous les yeux du public pour répondre aux ca-
lomnies de ses adversaires, les fauteurs d'ArnouI
dépossédé (1); — Oratio Gerberli in concilio
(1) Voy. à ce sujet la thèse De qvodam Gerberli opus-
cicto (Paris, 1838, in-8°), de Jos. Varin.
1003
SILVESTRE
1010
Mosomensi (Mou/.on) , dans le P. Labbc , Con-
cilia, t. IX, col. 747, et Recueil des historiens
de France, t. X, p. 533. Ce discours, dont toutes
les parties sont également étudiées, peut être
considéré comme un modèle. Gerbert accusé se
défend avec tant d'habileté, il traite avec tant de
hauteur, quoique sans violence , la personne de
son antagoniste, qu'après l'avoir entendu les
évoques assemblés n'osent rien conclure, et pro-
noncent une déclaration d'incompétence; — De
Informatione episcoporum, que l'on intitule
aussi De dignitate sacerdotali et De vita et
ordinatione episcoporum ; dans les Analecta
de Mabillon, t. II. Cet éloquent discours sur les
obligations du ministère pastoral a été longtemps
attribué à saint Ambroise, et se trouve dans le
recueil des Œuvres de ce père. C'est Mabillon
qui, sur l'autorité des manuscrits, l'a restitué à
Gerbert; — De Corpore et Sanguine Christi;
dans le Thésaurus Anecdotorum de B. Pez,
1. 1. Cet ouvrage avait été publié en 1655 par le
P. Cellot, sans nom d'auteur, dans son appendice
à l'histoire de Gotschalc, et Mabillon avait cru
pouvoir l'attribuer à Hen'ger, abbé de Laubes.
Mais Bernard Pez a démontré sur ce point l'er-
reur de Mabillon; — Canticum de Spirïtu
Sancto, cantique inédit, que mentionne le cata-
logue des manuscrits de Thomas Bodley. Enfin
les auteurs de X Histoire littéraire mettent au
nombre des œuvres de Gerbert un traité qu'ils
intitulent Disputatio christianorum et judsco-
rum Romœ habita, traité imprimé, disent-ils,
à Rome en 1544 , mais qu'ils mentionnent sur la
foi d'autrui. Après eux nous avons fait pour le
découvrir de vaines recherches. B. Hauréau.
Histoire littéraire de ta France, t. VI, p. 559. — Ri-
cher, Historia, t. Il, passim. — GaUiachristiana,t. IX.
— Hugo Flaviniacensis, Chronicon Firdunense, dans
le t. I de la Biilioth, nova manuscript. du P. Labbe. —
Tlatina, De vitis rom. ponlif. — Baronius, Annales.
— Abraham Bzovius, Silvester II ; Rome, 1629, in-4°. —
Trithelm, Chronicon Hirsaugiense. — Ademari Caba-
nensis Chronicon, dans la Bibl. nov- manus. du P.
Labbe. — Chasles , Explication des traités de J'Abacus.
— Henri Martin, Bist. de l'aritlimétique, dans la Revue
archéologique, 1857. — C.-F. Hock, Gerbert, oder Pabst
Sylvester JI und sein Jahrundert; Vienne, 1837, in-8° ;
trad. en fr., Paris, 1842, in-8e.
silvestre m, antipape, né à Rome. Le 1er
mai 1044, le pape Benoit IX, à peine âgé de
vingt ans, ayant été chassé par les Romains, à
cause de sa vie licencieuse, le consul Ptolémée fit
élire à sa place Jean , évêque de Sabine , sous le
nom de Silvestre III. Mais il ne régna que trois
mois environ , car les comtes de Frascati prirent
aussitôt les armes, et parvinrent à replacer leur
parent Benoît IX sur le trône. Celui-ci, se voyant
méprisé du clergé, vendit la tiare à Jean Gratien,
qu'il couronna sous le nom de Grégoire YI, de
sorte que Rome eut alors le scandaleux spectacle
de trois papes à la fois. L'empereur Henri III
tint, en décembre 1046, à Sutri, un concile où il
fit déposer les trois papes, puis élire à leur place
Clément II.
Platina, De vitis pontiflcum. — Mittler, De Schismale
in Ecclesia romana ttiïb llenedicto IX orto. — Artaud de
Montor, Hlst. des souv. pontifes.
silvestre (Silveslro de' Gozzolini, saint),
fondateur d'ordre, né en 1 177, à Osimo (Marche
d'Ancône), mort à Fabriano, le 26 novembre
1267. Promu aux ordres sacrés, il devint cha-
noine d'Osimo, et se dévoua à l'instruction re-
ligieuse. Ayant résolu de renoncer au monde, il
se retira en 1227 à dix lieues d'Osimo , dans une
solitude où il vécut au sein d'une pauvreté ex-
trême et d'une austérité extraordinaire. Quelques
personnes pieuses s'étant réunies à lui, il jeta
en 1231 les fondements de la congrégation des
Silvestrins , qu'il plaça sous la règle de Saint-
Benoit. Le pape Innocent IV l'approuva en 1248,
et lui donna dans Rome une maison qui subsiste
encore. A la mort de Silvestre, cet ordre comp-
tait en Italie vingt-cinq maisons.
Fabrini, Chronica délia congreg. dei monachi Sil-
vestrini. — Hermant, Hist. des ordres rclig. — Surius,
Baillet, Fies des saints.
silvestre (Israël), dessinateur et graveur,
né à Nancy, le 15 août 1621, mort à Paris, le 11
octobre 1691. Il était issu, dit-on, de la famille
écossaise des Silvester, établie en Lorraine de-
puis le commencement du seizième siècle ; son
père, Gilles, peintre verrier, avait épousé une
fille du peintre Claude Henriet. Ayant perdu son
père, il vint se fixer à Paris, auprès d'Israël
Henriet, son oncle et son parrain, qui avait
donné des leçons de dessin à Louis XIII. Sous
sa direction, il prit une manière qui se rappro-
chait à la fois de Callot et d'Etienne de La Belle.
Cependant il travaillait d'après nature en copiant
des vues de Paris et de ses environs (1). Il en-
treprit plusieurs voyages en Italie de 1640 à 1653,
et en rapporta, aussi bien que de diverses excur-
sions en France, un grand nombre de croquis,
qu'il grava. Ayant hérité du commerce d'estampes
de son oncle (1661), il s'associa avec de La Belle
pour lui donner plus d'extension. En 1662 il fut
nommé dessinateur et graveur du roi, et en 1675
maître à dessiner du dauphin. Agréé à l'Aca-
démie en 1666, il fut reçu membre titulaire le 6
décembre 1670. L'œuvre gravé d'Israël Silvestre
se compose d'environ 372 pièces, représentant
des vues d'Italie et de France, très-intéressantes
au point de vue historique. La Belle, Le Paultre,
les trois Perelle, H. Swanwelt, Goiraud, Fr. Colli-
gnon et Jean Marot ont travaillé aux planches de
Silvestre aussi bien que ses deux élèves, Noblesse
et Meusnier. Le Brun, son ami intime, a peint
son portrait, qui a été gravé par Edelinck. D'Hen-
riette Selincart, sa femme, morte en 1680, il eut
quatre enfants , qui tous cultivèrent les beaux-
arts (voy. ci-après).
Son ffère aine, François, â gravé des paysages .
Meauroe, Recherches sur qitetqucs artistes lorrains.-
Cl. Henriet et les Silvestre; Nancy, 1852, in-8°. —Le
Blanc, Manuel de l'amateur d'estampes. — Mariette,
(1) Plus tard il utilisa les études de sa jeunesse, et c'est
ainsi qu'on voit dans son œuvre un certain nombre de
monuments qui étalent détruits au moment où il les gra-
vait et les datait
iOîl
SILVESTRE
1012
Abcdario. — Faucheux, Catalogue de l'œuvre d'Israël
Silvestre; Paris, 1857, in-S°.
SILVESTRE (Charles-François de), dessi-
nateur, fils du précédent, né le 11 avril 1667, à
Paris, où il est mort, vers 1738. Il fut élève de
son père, ,de Le Brun et de J. Parrocel, et alla
compléter ses études en Italie. On a de lui plu-
sieurs paysages et des sujets historiques gravés
sur ses propres dessins et d'après ceux de son
frère Louis. Il fut anobli par Auguste III, roi de
Pologne. Il enseigna le dessin aux enfants du grand
dauphin, et jouit depuis 1691 du logement qu'a-
vait occupé son père au Louvre.
De son mariage avec Suzanne Thuret, nièce
de Jacques Thuret, célèbre horloger, il eut 1° Ni-
colas-Charles (voy. ci-après), 2° Suzanne,
née vers 1694, mariée au peintre Le Moine, et
qui a gravé un certain nombre de portraits d'a-
près Rubens, van Dyck, Nocret, Largillière, Le
Brun et Vivien.
Silvestre (Louis), dit Louis l'aîné, frère du
précédent, né le 20 mars 1669, à Paris, où il est
mort, le 18 avril 1740, devint membre de l'Aca-
démie le 30 octobre 1706, comme peintre de
paysages.
Silvestre (Alexandre), frère des précédents,
né à Paris, le 27 décembre 1672, est l'auteur de
quelques pièces gravées , et d'une traduction en
vers latins de l'Imitation de Jésus • Christ
(Paris, 1609, in-12). Il était entré dans les ordres.
Silvestre (Louis de), frère des précédents, né
le 23 juin 1676, à Paris, où il est mort, le 10 avril
1760. Il reçut les leçons de son père, de Le
Brun et de Bonde Boulogne. Peu après son voyage
en Italie, il fut reçu à l'Académie (24 mars 1702),
sur la présentation d'un tableau de la Forma-
tion de F homme par Prométhée , qui est au
musée de Montpellier. Appelé, en 1716, à la cour
de l'électeur de Saxe , il fut mis à la tête de l'A-
cadémie de Dresde, et la dirigea pendant vingt-
quatre ans. Comblé des bienfaits du roi Au-
guste III, qui l'avait anobli en 1741, il revint en
France, et fut nommé, en 1752, directeur de l'A-
cadémie de peinture. Au dire de Mariette, la for-
tune considérable qu'il avait amassée en Saxe dis-
parut pendant la guerre de Sept ans. La plus
grande partie des œuvres de cet artiste se trouve
dans la galerie de Dresde. Il a décoré plusieurs
pièces du Palais électoral et du Zwinger, château
bâti en 1711. Il a formé plusieurs élèves, entre
autres Eléazar Schœnau.
E. Meaume, Recherches. — Dussleux, artistes français
à l'étranger. — Nagler, Kùnstler-Lexicon.
silvestre (Nicolas-Charles de), peintre
et graveur, fils de Charles-François, né en 1698,
à Paris, mort le 30 avril 1767, au village de Va-
lenton (Seine-et-Oise). Il avait succédé à son
père dans la place de maître à dessiner des en-
fants de France. Il fut admis dans l'Académie
comme peintre de paysages, le 30 décembre 1747,
et le morceau de réception qu'il offrit est encore
au musée du Louvre. Mariette en parle comme
d'un amateur passionné d'estampes et de dessins.
D'une fille du graveur Le Bas, il eut :
Silvestre (Jacques -Augustin de), né le 1er
août 1719, à Paris, où il est mort, le 10 juillet
1809. Il fut maître de dessin des enfants de
France. Son riche cabinet d'estampes fut vendu
en 1810. H. H— s.
E. Meaume, Recherches. — Duplessis, Hist. de la
gravure.
silvestre (Augustin- François, baron de),
agronome français, fils de Jacques-Augustin, né
le 7 décembre 1762, mort en septembre 1851,
à Paris. Il étudia d'abord le dessin et la pein-
ture, et fit un séjour de quatre années à Rome
pour se rendre digne d'occuper la place de maître
a dessiner des enfants de France; mais cette
place, qui n'était pas sortie de la famille depuis
plus d'un siècle et demi, lui manqua, et il reçut
en compensation celle d'adjoint à son grand-père
maternel dans les doubles fonctions de lecteur et
de bibliothécairede Monsieur, depuis Louis XVIII
(1782). Dès lors il se livra à l'étude des sciences
exactes et naturelles, et prit part à la fondation
de la Société philomathique (1788), dont il fut le
secrétaire général jusqu'en 1802. En môme temps
qu'il rédigeait presque entièrement les quatre
premiers volumes des Mémoires de cette société,
il reproduisait les expériences de Spallanzani et
d'Ingenhouz, et communiquait aux Annales de
chimie, au Journal de physique, aux Mé-
moires de la Société d'agriculture, divers
écrits relatifs aux volcans , aux effets de l'élec-
tricité sur les végétaux, à la culture en grand des
plantes potagères, aux maladies du blé, à l'em-
ploi du sel marin comme engrais , aux moyens
d'enseigner l'économie rurale dans les écoles. La
révolution, qu'il n'avait point appelée de ses
vœux, ne l'inquiéta ni dans ses biens ni dans sa
personne; bien que compris à titre d'ex-noble
dans les décrets de bannissement, il demeura à
Paris, et grâce à de puissantes amitiés il fut
même « mis en réquisition » par le comité de
salut public pour extraire des Voyages d'Arthur
Young une instruction populaire. Animé du désir
d'être utile, il s'associa à toutes les réunions dont
le but était de développer en France l'industrie,
l'agriculture et l'instruction générale, et participa
à toutes les œuvres de bienfaisance qui lui étaient
proposées. La Société d'agriculture , qui i'avait
admis dans son sein en 1792, le choisit en 1798
pour secrétaire perpétuel, et il occupa cette charge
pendant quarante-quatre ans. De 1793 à 1798,
Silvestre professa l'économie rurale au Lycée ré-
publicain, et en 1795 il fut placé à la tête de la
maison d'instruction des élèves de l'École des
mines. Peu après il devint chef des bureaux de
l'agriculture et des haras, et dirigea cette divi-
sion du ministère de l'intérieur durant tout l'em-
pire. Il siégea aussi dans le conseil supérieur de
l'agriculture et du commerce. Lors de la pre-
mière restauration, il reprit auprès deLouisXVIH
la place de bibliothécaire, puis celle de lecteur,
1013 S1LVESTRE
et reçut de ce prince le titre de baron. Rudement
froissé dans ses opinions politiques par la révo-
lution de 1830, il vécut depuis à l'écart, partagé
entre les soins d'une santé qui s'affaiblissait de
jour en jour et les travaux de la Société d'agri-
culture et de l'Académie des sciences, qu'il sui-
vait avec intérêt, mais sans plus y prendre part.
Silvestre était entré en 1806 dans l'Institut; il
faisait également partie d'une vingtaine de so-
ciétés savantes en France et à l'étranger. S'il n'a :
pas altaché son nom à quelque grande entreprise
ou à quelque ouvrage mémorable, on peut dire
qne par ses conseils, par ses nombreux écrits,
par son zèle, par son amour du bien, il a con-
couru aux progrès de l'industrie agricole. On |
doit mettre en première ligne parmi ses travaux
les notices biographiques qu'il a rédigées, au j
nombre de soixante-onze, depuis 1793 jusqu'en
1839, et qui ont été tirées à part, entre autres
celles d'Olivier de Serres, Parmentier, Thoiiin , ;
Rose, Yvart, Tessier, Fourcroy, Dupetit-Thouars, j
Bernard de Jussieu, François de Neufchâteau, j
Huzard. Cette collection remarquable forme le
plus beau titre de Silvestre. Citons encore de lui :
Observations sur Vétat de l'agriculture en '.
France, extrait d'Young; Paris, 1793, 1800, I
in-8°; — Rapports généraux de la Société :
philomathique (1788-1800); Paris, 1S01, 4 vol.
in-8°, en société avec Riche; — Essai sur les i
moyens de perfectionner les arts économi- j
ques en France; Paris, 1801, in- 8°, fig. : cet '
ouvrage, relatif à l'instruction et à la police des
canspagnes, fut approuvé par l'Institut ; — Rap- !
port sur les travaux de la Société impériale j
d'agriculture; Paris, 1805, in-8°; il en rédigea
un second en 1823, sur les travaux de la même |
société en 1822; — Annuaire de la Société I
philanthropique; Paris, 1819, pet. in-8°, fig. !
Il a eu part à l'édit. de 1804 du Théâtre d'à- '
griculture ainsi qu'au Nouveau Cours d'agri- j
culture (1821-1823, 16 vol. in- 8°). P.
Payen, Notice sur Silvestre, dans le Moniteur du 17
nov. 1851. — Bouchard, Notice lue à la Soc. d'horlic. —
Quérard, France littér.
SILVESTRE. Yoy. Sacy.
sklvio (Domenico), doge de Venise, de 1071
à 1084, succéda à Domenico Contarini. Il vint
au secours des Grecs contre les Normands, et
lui-même se mit à la tête de la flotte destinée à
leur faire lever le siège de Durazzo ; il les battit
en 1083, mais l'année suivante il fut battu, et le
peuple, inconsolable de la perte de tant de vais-
seaux, s'en prit au doge et le déposa. Vitale Fa-
lieri fut son successeur. Ce fut, dit-on, sous Silvio
que l'église Saint -Marc fut achevée. Il avait
épousé une tille de l'empereur Constantin Ducas.
Dura, Hist. de f'enise, t. Ie*-.
si si art (Pierre- Charles), statuaire français,
né le 27 juin 1806, à Troyes, mort.le 27 mai 1857,
à Paris. Fils d'un menuisier, il fut envoyé à dix
ans à l'école de dessin; mais à douze il rentrait
comme apprenti dans l'atelier de son père. Sa
vocation l'emporta pourtant, mais, non sans peine,
— SIM ART 1014
sur la répugnance de ses parents. Ayant obtenu
par le crédit de Paillot de Montabert une pension
annuelle de 300 francs (1) du conseil municipal,
il vint a Paris (1823), où il eut successivement
pour maîtres Desboeufs, Dupaty, Cortot et Pra-
dier. Ses premiers travaux furent quatre bas-
reliefs de bronze, la Foi, l'Espérance, la Cha-
, rite et la Libéralité, destinés à l'église Saint-
I Pantaléon de Troyes ; un buste de Charles X et
: une statue de Coronis blessée par Apollon
J (tous deux au musée de Troyes). Après avoir
remporté, en 1831, le second grand prix de
sculpture, il fut jugé digne du premier en 1833,
avec un bas-relief tiré de la fable de La Fontaine,
le Vieillard et ses trois fils. A Rome il retrouva
dans M. Ingres un maître et un ami. Les envois
qu'il fit à Paris furent des plus remarquables :
nous citerons la belle copie un Gladiateur mou-
rant (dans la cour de l'École des beaux-arts),
Pallas enseignant aux hommes l'art d'atte-
ler la charrue, un Discobole, Sara et Tobie,
et un Oreste (au musée de Rouen). Cette statue,
qui figura au Salon de 1840, valut à son auteur
une première médaille. Depuis, Simart exécuta
pour le compte du gouvernement deux bas-reliefs,
l'Architecture et la Sculpture, pour l'hôtel de
ville; la Justice et l'Industrie, figures colos-
sales adossées aux colonnes de la barrière du
Trône; la Philosophie (1843) et la Poésie
(1845), statue pour la bibliothèque du Luxem-
bourg, une Fierté (1845), pour la cathédrale de
Troyes; des sculptures au plafond carré du
Louvre (1851); le fronton du pavillon Denon,
le Berceau du prince impérial et l'Art de-
mandant ses inspirations à la Poésie, son
dernier ouvrage. De 1846 à 1852, Simart com-
posa les dix bas-reliefs allégoriques du tombeau
de Napoléon Ier aux Invalides, la Légion d'hon-
neur, les Travaux publics, le Commerce et
l'Industrie, la Cour des comptes, le Concor- '
dal, le Code, le Conseil d'État, l'Adminis-
tration et la Pacification des troubles civils;
il en sculpta lui-même sept. En 1852, il remplaça
Pradier dans l'Académie des beaux-arts. 11 con-
sacra dix des dernières années de sa vie à cette
magnifique restitution de la Minerve de Phidias
qu'on a admirée à l'exposition universelle de 1855,
ce splendide essai de résurrection de la statuaire
chryséléphantine commandé par le duc de
Luynes et exécuté sur ses indications. La fin de
cet artiste fut des plus malheureuses. Le 18 mai
1857, il se rendait au Palais de l'industrie, où
l'appelaient ses fonctions de membre du jury
d'admission ; en descendant de l'impériale d'un
omnibus dans l'avenue des Champs-Elysées, il
tomba, et se blessa grièvement au genou ; sa bles-
sure s'envenima, et il expira quelques jours plus
tard , au moment d'accomplir sa cinquantième
et unième année. Il était depuis 1856 officier de
(1) En 1832 elle fut élevée à 1,000 fr.; mais en partant
pour Rome Simart en abandonna le montant à ses
parents.
1015
SMART — SIMÉON
la Légion d'honneur. 11 était aimé de tous ceux
qui l'approchaient, et qui le trouvaient toujours
prêt à les aider de ses conseils, de son temps,
de sa bourse. E. B — n.
Beulé, dans la Revue des deux mondes, 1er fév. 1856. —
Ch. Lévèque, Notice sur la vie et les œuvres de Simart ;
Paris, 1857, ln-8°. — G. Eyriès, Simart, statuaire; Paris,
1860, in-8°. — Halévy, Notice sur la vie et les ou-
vrages de Simart ; Paris, 1861, in-4°. — Magasin pitto-
resque, t. XXX.
SIMÉON Stylite (1) (Saint), anachorète, né
vers 390, à Sisan, sur les confins de la Cilicie
et de la Syrie, mort le 1er septembre 460. Fils
d'un berger, et berger lui-même, il entra à treize
ans dans un monastère, où quelques frères l'ini-
tièrent à la connaissance des saintes Écritures.
Vivant parmi des religieux austères, il les sur-
passa tous par la rigueur de ses mortifications,
de sorte que le supérieur, dans la crainte que son
exemple ne prévalût sur la règle, finit par le ren-
voyer. Après avoir vécu trois ans dans une solitude
dumontTélénisse,oùil passa, dit-on, sans manger
les quarante jours du carême, ce qu'il renou-
vela ensuite pendant beaucoup d'années, il s'en
alla sur le haut d'une montagne de Syrie, et s'y
construisit une sorte d'abri avec des pierres
entassées les unes sur les autres. Pour se sous-
traire aux importunités des gens qui venaient
en foule lui demander la guérison de leurs maux,
il imagina vers 423 d'établir sa demeure sur la
plateforme d'une colonne, qu'il exhaussa de six
à douze, à vingt-deux , et à trente-six coudées.
La plateforme de cette colonne n'avait que trois
pieds de diamètre , avec une balustrade assez
haute. On ne pouvait y être couché , et Siméon
s'y tenait debout la nuit et le jour. Un genre de
vie si extraordinaire fut en général regardé
comme un trait d'extravagance ou de vanité. De
son réduit aérien l'ascète faisait des instructions
au peuple, et donnait des consultations. Trois
empereurs chrétiens , Théodose le jeune, Mar-
cienetLéon vinrent le voir. Il mourut à soixante-
neuf ans, d'un ulcère d'où sortaient une quantité
de vers. Son corps fut transporté à Antioche. Les
Latins célèbrent la fête de Siméon le 5 janvier.
On a de lui une Lettre adressée à Théodose le
jeune pour le détourner de rendre aux juifs leurs
synagogues, et insérée dans la Bibl. oriental.
d'Assemani. On trouve dans le t. VII de la Bibl.
maxima Patrumune homélie De morte assidue
cogilanda, laquelle est attribuée à Siméon ainsi
qu'à saint Macaire d'Egypte, à saint Ephrem et
à Théophile d'Alexandrie.
Théodoret, fjist. ascetira, cap. 26. — Ceillier, fJist.
des auteurs sacrés, t. XV, p. 439. — Acta sanctorum
Januarii. — Muratori, Acta SS. martyrum orienta-
lium. — Lautensach, De Simeone Stylita; Wittemberg,
1700, ln-4°. — Krebs, De stylitis; Leipzig, 1753, in-4°. —
Uhlcmann, Simeo das furst Stylita; Leipzig, 1846, in-8".
siméon de Durham, chroniqueur anglais,
mort après 1130. Il enseigna les mathématiques
à Oxford, et fut ensuite prœcenlor dans la ca-
thédrale de Durham. On lui doit une Hislorïa
(.0 De cxûÀo;, colonne.
1016
de gestis regum Anglorum, de 616 à 1129,
continuée jusqu'en 1156 par Jean d'Hexham, et
insérée dans Anglicanx historiée scriptores X
deTwysden (Londres, 1652, in- fol.)- Ce n'est
le plus souvent qu'une reproduction littérale de
la Chronique de Florent de Worcester, mort en
1118. Siméon est aussi l'auteur d'une lettre De
archiepiscopis Eboraci, et il a donné sous son
nom, sans y rien ajouter, un autre ouvrage, His-
toria de dunelmensi ecclesia, impr. dans le
recueil de Twysden, et qu'il faut rendre entière-
ment, ainsi que l'a démontré Selden, à Turgot,
prieur de Durham, mort en 1115, lequel en est
le véritable auteur.
Th. Wright, Biogr. britannica literaria, t. Ier.
siméon de Polotzk, né à Polotzk, en 1628,
mort à Moscou, le 25 août 1680. Moine et poëte,
il tient une place honorable dans l'histoire de
l'Église et dans celle de la littérature russe.
Élevé à l'étranger, il fut appelé, après la prise
de Smolensk , par le tsar Alexis à faire l'édu-
cation de son fils aîné, et initia le Kremlin au
goût des lettres. Il composa des drames, qui y
eurent pour interprète principale Sophie, l'intelli-
gente sœur de Pierre Ier. Quand le tsar Théo-
dore monta sur le trône (1676), son précepteur
obtint la permission de fonder une imprimerie
dépendante du palais. Ce fut lui qui introduisit
l'usage, jusqu'alors inconnu, d'accorder une
grande part à l'improvisation dans la chaire. Il
forma le grand dessein de réformer l'Église.
Soupçonné, non sans motif, de tendances catho-
liques, il fut protégé par son élève contre l'ani-
madversion du patriarche moscovite. On a de
Siméon plusieurs traités religieux et poétiques;
mais la plupart de ses œuvres demeurent en-
fouies dans la bibliothèque ecclésiastique de
Moscou et dans celle de Novgorod . A. G.
Eugène, Dict. historique. — Stcbebalski, La Régence
de la tzarivna Sophie.
siméon (Joseph-Jérôme, comte), homme
d'État français (1), né à Aix en Provence, le
30 septembre 1749, mort à Paris, le 19 janvier
1842. Après avoir achevé ses études au collège
du Plessis, à Paris, il fit son droit à Aix, et fut
reçu avocat (1769). S'il n'eut pas au même de-
gré que son père le don de la parole, il brilla
par la netteté de l'esprit, la pénétration du ju-
gement, la force de la dialectique, et les causes
qu'il plaida furent si nombreuses qu'il remplit
de sa main dix-neuf volumes in-folio de consul-
tations et de plaidoyers. Professeur de droit à
l'université d'Aix depuis 1778, assesseur de Pro-
vence en 1783, il accueillit la révolution avec
peu de sympathie. Il commença par refuser
(1) Siméon ( Joseph-Sextius ) , son père, né le 8 mai
1717, à Aix, où il est mort, le 6 avril 1788, exerça depuis
1737 la profession d'avocat dans sa ville natale, et s'y fit
une grande réputation par un beau talent oratoire et
une connaissance approfondie des lois. 11 fut nommé en
1748 professeur de droit et en 1782 secrétaire du roi en
la chancellerie pour le parlement de Provence. De ses
deux fils, l'un, Pierre- Antoine , mourut en 1190, capi-
taine du génie; sa fille épousa Portails.
1017
d'adhérer à la constitution civile du clergé, et
perdit sa chaire. Lorsque les girondins appe-
lèrent le midi aux armes, il s'associa au mou-
vement fédéraliste, et s'il ne voulut point siéger
dans l'assemblée qu'on devait opposer à la Con-
vention, il accepta les fonctions de procureur
syndic, qui le mettaient à la tête de la rébel-
lion en Provence. Le soulèvement du •midi fut
bientôt comprimé. Siméon, mis hors la loi, s'em-
barqua le 25 août 1793, et aborda en Italie, où
il vécut tantôt à Pise , tantôt à Livourne. Les
décrets du 22 germinal et du 22 prairial an ni,
qui complétèrent la contre-révolution du 9 ther-
midor, lui permirent de rentrer en France. A
peine arrivé à Marseille, il reçut des représen-
tants Isnard, Cadroy et Chambon , l'ordre de
reprendre, sous peine d'être réputé mauvais
citoyen, les fonctions de procureur syndic du
département, et de travailler à arrêter les san-
glantes représailles de la réaction. Sa fermeté
conciliante contribua beaucoup à calmer les es-
prits. Appelé à siéger au conseil des Cinq-cents
(1795), il prit place dans les rangs des modérés'.
Son premier acte fut de dénoncer les actes arbi-
traires de Fréron dans le midi ; il fut lui-même
en butte à des attaques passionnées, et le cons-
pirateur royaliste La "Villeheurnois se croyait
en droit de le désigner dans ses papiers comme
minisire futur de Louis XVIII. Il s'appliqua,
autant qu'il le put, à restreindre l'action popu-
laire dans les questions politiques (1); il s'inspira
surtout des traditions parlementaires dans la
discussion des lois nouvelles sur le jury, le di-
vorce, le droit criminel (2), etc. Il présidait le
conseil lors du coup d'État du 18 fructidor, et il
protesta avec énergie contre l'envahissement de
l'assemblée par les soldats d'Augereau. Inscrit
sur la liste de déportation, îl erra dix-huit mois
d'asile, en asile; mais au commencement de
1799, le Directoire ayant ordonné à ceux des
proscrits qui avaient échappé aux poursuites de
se rendre à l'île d'Oléron, sous peine d'être
traités en émigrés, Siméon obéit, et il occupa
les loisirs de sa captivité par des travaux litté-
raires. Le 18 brumaire lui rendit la liberté. Ap-
pelé à la préfecture de la Marne, il refusa, par
raison de santé ; il accepta néanmoins les fonc-
tions de substitut du commissaire près le tribunal
de cassation (9 avril 1800), et fut appelé au Tri-
bunat, le 28 avril suivant. L'autorité consulaire
eut en lui un défenseur et un apologiste constant.
Par sa parole mesurée, prudente, adroite; par sa
connaissance de la jurisprudence et sa pratique
des affaires, il concourut aux actes les plus im-
portants de cette époque. Son rapport sur le
(1) Il s'opposa vivement au serment de haine à la
royauté. Après les élections de l'an V, qui donnèrent un
avantage si marqué au parti royaliste, Siméon accentua
son opposition au Directoire, et demanda la dissolution
des clubs cl la répression des journaux.
(2) Ce fut sur lçs conclusions du rapport de Siméon
que l'assemblée passa à l'ordre du jour sur le message des
Dlecteurs en faveur de Lesurques (26 octobre 1796 ).
SIMÉON 1018
concordat a été regardé comme un chef-d'œuvre ;
ses travaux dans la section législative du Tribu,
nat pour préparer le Code civil , ses discours
pour le soutenir devant le corps législatif, sont
de solides commentaires de cette grande oeuvre.
Au mois d'avril 1804, lorsque son collègue
Curée eut proposé d'élever Bonaparte au trône
impérial, Siméon, tout dévoué à l'ambition du
premier consul , s'exprima en termes plus vifs
et moins prudents qu'il n'en avait l'habitude.
« Opposerait-on, dit-il, la possession longue,
mais si solennellement renversée de l'ancienne
dynastie; les principes et les faits répondent. Le
peuple , propriétaire et dispensateur de la sou-
veraineté, peut changer son gouvernement...
Le retour d'une dynastie détrônée, abattue par
le malheur moins encore que par ses fautes,
ne saurait convenir à une nation qui s'estime...
Ne sont-ils pas coupables ceux qui, portant
de contrée en contrée leur ressentiment et leur
vengeance, excitèrent cette coalition qui a coûté
tant de pleurs et de sang à l'humanité gémis-
sante?.. » L'empereur appela Siméon au conseil
d'État (1804), et le nomma, en 1807, avec
Beugnot et Jollivet, l'un des trois commissaires
qui devaient présider à la formation du royaume
de Westphalie. Le royaume établi , Siméon fut
chargé des ministères de l'intérieur et de la jus-
tice, ainsi que de la présidence du conseil d'État
(7 décembre 1807), En peu de temps, il orga-
nisa tout le système judiciaire, fit appliquer le
Code civil, et tâcha, dans ses circulaires, de dé-
montrer aux Westphaliens les avantages que
leur apportaient la division régulière des terri-
toires, l'égale répartition de l'impôt, la liberté
des cultes, la destruction des privilèges. Après
avoir résidé à Berlin comme ministre plénipo-
tentiaire de Westphalie, et avoir rempli la même
mission près la confédération du Rhin, il fut
ramené en France par les revers de 1813. Il
reconnut sans hésiter le gouvernement des
Bourbons, et il accepta la préfecture du Nord
(mai 1814). Pendant les cent-jours, le dépar-
tement des Bouches-du -Rhône l'envoya à la
chambre des représentants, où il garda le si-
lence. Après Waterloo, il représenta les électeurs
du Var dans la chambre des députés, et se mon-
tra opposé aux exagérations du parti royaliste.
Le 24 août 1815 il devint conseiller d'État, et
soutint à la chambre des pairs, en qualité de
commissaire du roi, la politique du ministère
Decazes. Il était inspecteur général des écoles
de droit (7 mai 1819) lorsque, le 24 janvier 1820,
il devint sous-secrétaire d'État au département
de la justice. Le 21 février suivant il remplaça
Decazes au ministère de l'intérieur, et fut chargé
de présenter les projets de loi contre la presse,
contre la liberté individuelle et contre la loi
d'élection du 5 février 1817, qu'il modifiait par
l'établissement du double vote. Obligé de se re-
tirer avec ses collègues ( 14 décembre 1821 ), il
reçut le titre de ministre d'État et membre du
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SIMÊON — SIMEOK1
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conseil privé. Le roi l'avait nommé pair le
25 octobre précédent. Après la révolution de
1830, il reconnut le nouveau gouvernement, et
garda son siège dans la chambre haute, où il se
montra jusqu'à la fin fort exact et laborieux.
Le 29 décembre 1832, l'Académie des sciences
morales et politiques l'admit au nombre de ses
membres. Enfin le 27 mai 1837 il succéda à
M. Barthe dans la présidence de la cour des
comptes, et se démit de ces fonctions le 31 mars
1839. « On le voyait à quatre-vingt-douze ans,
dit M. Mignet, se rendre à pied et d'un pas
ferme encore, à l'Institut ou à la chambre des
pairs, prendre part à leurs travaux, se livrer
avec une infatigable obligeance aux démarches
qui devaient servir les désirs ou les intérêts
d'autrui, et le soir paraître dans le monde, où,
presque toujours debout , le visage serein , le
regard animé, il se mêlait aux divers entretiens
et y portait les agréments d'un esprit vif et
orné, les ressources d'une expérience instructive
et indulgente. » Siméon avait été créé baron par
Napoléon (1808) et comte par Louis XV11I
(1815). On a de lui : Éloge de Henri IV; Aix
et Paris, 1769, in-8°; — Choix de discours
et d'opinions ; Paris, 1824, in-8° ; — Sur l'om-
nipotence du jury; Paris, 1829, in-8°; —
Discours prononcé à Poccasion du décès de
M. de Barbé-Marbois ; Paris, 1838, in-8°. Il
a fait insérer dans le Recueil de l'Académie des
sciences morales un Mémoire sur le régime
doial et le régime en communauté dans le
mariage (1837). J. M — r— l.
Mignet, notices et portraits, t. II. — Portalis, Dis-
cours prononcé à la chambre des pairs, le 10 mars 1843.
— Sarrut et Saint-Edme, Biogr. des hommes du jour,
t. I. — Rabbe, Vieilli de Boisjolin et Sainte-Preuve,
Biogr. univ. et portât, des contemp.
siméojs (Joseph- Balthazar, comte), homme
politique, fils du précédent, né à Aix, le 6 jan-
vier 1781, mort à Dieppe, le 14 septembre 1846.
D'abord élève aux affaires étrangères (janvier
1800), il fut attaché à Joseph Bonaparte au con-
grès de Lunéville, secrétaire à Florence, puis à
Rome, et chargé d'affaires à la cour de Stuttgard.
Depuis 1807 il représenta le nouveau roi de
Westphalie à Berlin, à Darmstadt, à Francfort et
à Dresde. Il adhéra au retour de Louis XVIII, et
fut appelé, le 12 juillet 1815, à la préfecture du
Var, puis à celle du Doubs (27 mars 1818) et à
celle du Pas-de-Calais (10 juillet 1818), qu'il garda
jusqu'au 1er septembre 1824, puis il fut révoqué
par Corbière. Dans l'intervalle, il reçut le titre
de gentilhomme honoraire de la chambre et de
maître des requêtes au conseil d'État (1821). A
l'avènement du ministère Marlignac , il reçut la
direction générale des beaux arts (13 janvier
1828) et devint conseiller d'État (26 août 1829).
L'avènement du ministère Polignac lui fit quitter
sa direction; mais la révolution de Juillet le main-
tint dans ses fonctions au conseil d'État. 11 entra
dans la chambre des pairs le 11 septembre
1835, prit une part active aux discussions, et
remplit plusieurs fois l'office de rapporteur, no-
tamment sur la loi de la propriété littéraire.
Des raisons de santé lui firent en 1842 deman-
der sa retraite, et de juillet 1845 à juin 1846 il
voyagea en Italie. A peine de retour, il alla
prendre les bains de mer de Dieppe, et y mourut.
11 fut membre de la Société des antiquaires de
France (1829) et membre libre de l'Académie des
beaux-arts (23 août 1828). Siméon aimait les
beaux-arts et les cultivait avec goût. Il pei-
gnaitet gravait à l'eau-forte. Ami de Granetetde
de Forbin, connaisseur éclairé, il avait su avec
des moyens bornés se créer une collection re-
marquable délivres, de tableaux, de gravures et
de médailles. On a de lui: Notice sur les usages
et le langage des habitants du Haut-Pont,
faubourg de Saint-Omer ; Paris, 1821, in-8°;
— des Rapports faits à la Chambre des pairs ; —
un Éloge du baron de Morogues, et une Notice
sur le comte de Forbin.
Biogr. univ. et port, des contemp. — Moniteur uni-
versel, 1846, p. 2417.
SIMÉON. Voy. MÉTAPHRASTE.
simeoni (1) (Gabriello), littérateur italien,
né le 25 juillet 1509, à Florence, mort en 1575,
à Turin. Dès l'enfance il montra des dispositions
brillantes pour apprendre, et à six ans il fut pré-
senté au pape Léon X, qui promit de veiller à
sa fortune; on ne voit pas que cette promesse ait
eu aucun effet. La vie de Simeoni n'offre qu'une
suite de tribulations et d'orages. Quoi qu'il fit et
malgré les talents les plus divers, « il ne put
parvenir, dit Ginguené, à vaincre sa mauvaise
étoile, qui était dans son caractère hautain, ca-
pricieux, exigeant et insupportable. Il resta tou-
jours pauvre, toujours accusant dans ses écrits
les hommes et la forlune, et toujours se don-
nant à lui-même les éloges les plus outrés. »
Son éducation se fit dans sa patrie. A dix-neuf
ans il fut attaché avec Giannotti à l'ambassade
florentine envoyée à la cour de François Ier, et
n'eut point de peine à être bien vu de ce
prince en composant beaucoup de vers pour la
duchesse d'Étampes, sa maîtresse; en 1534 il en
obtint une pension de mille écus pour une élé-
gie sur la paix qui venait d'être conclue ; mais
il en fut bientôt dépouillé, et le dépit de n'être
pas indemnisé de cette perte le conduisit en An-
gleterre; il y demeura quelques années, et repa-
rut en t539 à Florence. La gêne où il était ré-
duit le força d'accepter dans l'administration du
grand-duc un emploi subalterne. En 1542 il se
remit à courir le monde, résida tour à tour à
Rome, à Ravenne, à Venise, poussa jusqu'à
Lyon (1547), et revint en Piémont, où le prince
de Melfi, qui gouvernait pour le roi de France,
lui accorda un grade militaire. La mort de ce
protecteur le laissa de nouveau sans ressources
(1550). Il s'attacha au fils de ce dernier, An-
tonio Caracciolo, l'accompagna dans la Mau-
rienne, dont il a tracé une fidèle descrip-
(1) Il a souvent écrit son nom Symeoni.
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SIMEONI — SIMIANE
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tion, puis à Troyes; à force de sollicitations et
d'éloquence, il réussit à le réconcilier avec le
saint-siége, contre lequel ce jeune prélat était entré
en guerre ouverte; mais ce raccommodement
déplut si fort au chapitre de la ville, qu'on l'ac-
cusa de partager les sentiments hérétiques de
l'évêque, et qu'il fut retenu dans un cachot du-
rant tout un hiver. A peine libre (1556), il suivit
le duc de Guise dans l'inutile expédition d'Italie
(1557), et repassa les monts avec lui. 11 s'ar-
rêta de nouveau à Lyon, se lia avec l'impri-
meur Roville, et y publia plusieurs ouvrages
d'érudition et d'histoire, dont il lirait un assez
bon parti. L'évêque de Clermont, Guillaume Du-
prat, qui l'avait emmené au concile de Trente,
l'appela plusieurs fois auprès de lui et le chargea
de décrire la Limagne et les curiosités de Royat.
Enfin Simeoni trouva pour sa vieillesse le repos
et. un abri à la cour du duc Emmanuel- Philibert
de Savoie. Il n'avait guère moins de confiance
dans son propre mérite, de faste dans ses ma-
nières et d'avidité pour l'argent que l'Arétin, qu'il
célébra et dont il fut l'ami. Par son orgueil, il
s'était exposé aux extrémités les plus fâcheuses,
et il était enivré de son savoir, qui n'était pas
considérable pourtant, au point de parler en ces
termes de lui-même :
Ipse animo saltem vixi nec regibus lmpar.
Ses principaux ouvrages écrits en italien et en
français sont : Commentarj sopra alla tetrar-
chia di Vinegia, di Milano, di Mantova e di
Ferrara; Venise, 1546, in-8<> : cet abrégé su-
perficiel a été traduit en français par l'auteur
( Epitome du duché de Ferrare; Paris , 1553,
in-8°) et le reste par Corrozet; — Le III parti
del Campo de' primi studj di G. Simeoni;
Yenise, 1546, in-12 : mélanges en prose et en
vers; —Satire alla berniesca, ed allre rime ;
Turin, 1549, in-4°; — Interprétation grecque,
latine, toscane et française du Monstre, ou
énigme d'Italie; Lyon, 1555, in-8° : ce
monstre, c'est l'Italie, à la conquête de laquelle
l'auteur, plus courtisan que patriote, invite le roi
Henri II; — De la Génération, nature, etc.,
des comètes; Lyon, 1556, in-8°; — Illustres
observations antiques; Lyon, 1558, pet. in-4°,
fig. : ila, sous ce titre, décrit son voyage de 1557
en Italie et en Provence; la plupart des monu-
ments dont il parle sont faux ou modernes; —
Livre Ier de César, renouvelé par des ob-
servations militaires; Paris, 1558, in-8°; le
livre II, impr. en 1570, est de Fr. de Saint-
Thomas; — Vit a e metamorfoseo (sic) d'O-
vidio , in forma d'epigrammi; Lyon, 1559,
1584, in-4% avec des vignettes gravées par le
petit Bernard ; — Devises et emblèmes hé-
roïques et morales; Lyon, 1559, in-4", fig.; le
texte italien a paru en même temps : Imprese
eroiche; ibid., 1559, in-4°, et a été traduit en
français, en latin et en espagnol ; — Dialogo
pîo e speculativo ; Lyon, 1560, in-4°, fig.jtrad.
par Chappuis, sous le titre de Description de
la Limagne d'Auvergne; ibid., 1561, in-4",
avec une grande carte; — Figure délia Bi-
blia, illuslrale di stanze toscane; Lyon,
1565, in-8°; Venise, 1574, in-8°.
Mencke, Dissert, litterarix , p. SIS, — Manni, fet/lie
piacevoli, t. Il, p. 80. — tiiuguené, IJist. titter. de l'I-
talie, t. IX, p. S17-225.
simiane (Charles - Emmanuel- Philibert-
Hyacinthe de), marquis de Punesse, né en
1608, mort à Turin, en juillet 1677. Issu d'une
ancienne maison de Provence, il était le fils
unique de Charles de Simiane , gouverneur de
Savoie, et de Mathilde, sœur naturelle du duc
Charles-Emmanuel Ier, qui fut son parrain. Après
avoir signalé sa valeur dans les guerres du
Montferrat et du pays de Gênes, il fut envoyé
en 1631 en ambassade à Vienne, et obtint de
l'empereur Ferdinand II, avec les investitures
ordinaires, celle d'une partie du Montferrat, que
le traité de Cherasco venait d'accorder au duc
de Savoie. La guerre s'étant rallumée en Italie, il
servit de nouveau , et gagna par des exploits
souvent téméraires le grade de colonel général
de l'infanterie. Pendant la régence de Christine
de France, il présida le conseil, et fit paraître
dans toute sa conduite une capacité et des ta
lents administratifs qui lui acquirent l'estime
générale. Suffisant à tout, on le vit même en
personne surprendre et emporter d'assaut la
place forte de Verrue , puis se mettre à la tête
des troupes chargées de combattre les sujets
rebelles des vallées d'Angrogne et de Lucerne;
Son zèle pour la religion lui ayant fait com-
prendre le néant des grandeurs humaines, il
quitta la cour, résigna toutes ses charges, et
s'enferma dans le monastère de Saint-Pancrace
(1667), dont il était fondateur. Son dessein était
d'achever ses jours dans la retraite; mais le duc
Charies-Emmanuel II parvint à le faire revenir à
Turin, où il entra néanmoins dans la maison des
prêtres de la Mission. Il n'en sortait que lorsque
le duc l'appelait dans son conseil pour donner
ses avis sur les affaires de l'État, et c'est là qu'il
mourut, au milieu des exercices de la piété et de
la charité. On a de lui : Piissimi in Deum af-
fectus cordis, ex divi Augustini Confessioni-
bus delecti; Paris (s. d. ), in-12; — Traité de
la vérité de la religion chrétienne, composé
en italien, traduit en français, par le P. Bou-
hours (Paris, 1672, in-12). Il laissa en ma-
nuscrit un Traité généalogique de la maison
de Simiane.
Préface du P. Bouhours, à la tête du Traité de la
Vérité — Morérl, Dict. hist., édit. 1759. — Mercure de
France, Juillet 1677.
simiane (.Pai^ine d'Aduémar DE Monteil DE
Grignan, marquise de), née à Paris, le 16 août
1674, morte à Aix , le 2 juillet 1737. Fille du
comte de Grignan et de M"ede Sévigné, filleule
du cardinal de Retz, une destinée brillante sem-
blait s'offrir à la jeune Pauline, que sa vive
intelligence appelait à continuer les traditions de
1023
SIM I ANE
1024
sa famille. Il n'en a pas été ainsi, et il faut
chercher les causes de cette demi-obscurité où
Mme de Simiane s'est volontairement effacée,
dans le besoin de repos et de silence. Dès son
heureuse enfance, on devine déjà chez elle une
âme facile à troubler, par quelques indices de
cette inégalité d'humeur, seul défaut que les amis
de MITje de Simiane eussent à lui reprocher, et
qui provenait d'une trop grande sensibilité.
Mnie de Sévigné, avec un discernement exquis,
comprenait ainsi le caractère de sa petite-tille ,
et, de loin, donnait des conseils dont la sagesse
devait tempérer les principes sévères de Mme de
Grignan. Celle-ci, après huit ans de séparation,
retrouve, en 1688, Pauline difficile à gouverner,
et songe à la remettre dans les mains des reli-
gieuses d'Aubenas, à qui elle l'avait confiée du-
rant son absence. C'est alors que l'aimable
grand-mère combat cette idée en présentant à
Mme de Grignan ses devoirs maternels comme
une tâche pleine d'intérêt; elle réussit à gagner
sa cause. La jeune fille reste auprès de ses pa-
rents, et égayé, par sa grâce et sa vivacité, le
somptueux séjour de Grignan. « Son esprit sera
sa dot, » disait sa grand'mère. C'est qu'en effet
il fallait faire valoir celte considération auprès
de Mme de Grignan, inquiète de l'avenir. Déjà,
trois de ses filles ou belles-filles s'étaient faites
religieuses; il ne restait que Pauline, Mlle de
Mazargues, pour qui il semblait difficile de
trouver un bon parti. Cependant elle fut mariée
d'assez bonne heure, et épousa, le 29 septembre
1695, au retour d'un voyage à Paris qu'elleavait
fait avec sa mère , Louis de Simiane du Claret,
marquis de Truchenu et d'Esparron, premier
gentilhomme de la chambre du duc d'Orléans,
lieutenant des gendarmes écossais, qui succéda
en 1715 à son beau-père dans la charge de lieu-
tenant général de Provence. Mme de Simiane fut
nommée dame de compagnie de Mraela duchesse
d'Orléans, et resta à la cour jusqu'en 1704. La perte
de son frère et de sa mère , qui moururent en
1704 et en 1705, la mort de son mari, arrivée en
1718, les procès qu'il lui fallut soutenir contre
les créanciers de son père, achevèrent d'attris-
ter son existence, et lui firent prendre le parti de
ne plus sortir de sa retraite. Une seule fois nous
la voyons encore au nombre des quatre dames
choisies pour accompagner à Antibes Mue de Va-
lois, fille du régent, qui allait épouser le duc de
Modène. Elle éleva et maria deux de ses trois
filles, Sophie, au marquis de Vence, dont la pos-
térité existe encore, et Julie- Françoise, au
marquis de Castellane.
C'est dans sa terre de Belombre, près d'Aix,
que Mine de Simiane passa ses dernières années,
très - recherchée par quelques amis fidèles,
parmi lesquels on distingue Massillon et le mar-
quis d'Héricourt , intendant de la marine à Mar-
seille, à qui sont adressées presque toutes les
lettres que l'on possède d'elle. Cette correspon-
dance ne comprend que les dernières années de
sa vie (1731 à 1737). 11 n'y faut pas chercher
l'intérêt et la variété des lettres de son aïeule,
mais un esprit, au fond solide et sérieux, l'ai-
sance d'une femme du monde, et elles donnent
l'idée d'un commerce agréable. Il y a loin de là à
ces lettres de la jeune Pauline, dont sa grand'-
mère disait : « Mme de La Fayette en oublia
l'autre jour une vapeur dont elle était suffoquée. »
Mais c'est que la transition d'une jeunesse bril-
lante à une existence austère et dépouillée s'est
faite par des années de souffrances et de tracas-
series, parmi lesquelles on doit compter dix
années employées à plaider. On cite quelquefois
ces vers qu'elle adressa à un de ses juges :
Lorsque j'étais encor cette jeune Pauline,
J'écrivais, dit-on, joliment;
Et sans me piquer d'être une beauté divine.
Je ne manquais pas d'agrément.
Mais depuis que les destinées
M'ont transformée en pilier de palais,
Que le cours de plusieurs années
A fait insulte à mes attraits,
C'en est (ait, à peine je pense;
Et quand, par un heureux succès
Je gagnerais tout en Provence,
J'ai toujours perdu mon procès.
On a encore quelques pièces de vers de Minc de
Simiane, ainsi qu'une allégorie en vers et en prose,
adressée à sa cousine, la présidente de lîandol,
sous ce titre : Le Cœur de Loulou, qui, en
1715, avait paru dans un recueil intitulé Porte-
feuille de Mme ***. Elle se délassait dans ces
simples exercices de l'esprit, sans prétendre à
aucune réputation littéraire. Ses Lettres, après
la publication qu'en fit La Harpe (Paris, 1773,
in-12) reparurent dans l'édition de Grouvelle
des Lettres de Mme de Sévigné, et se retrou-
vent dans toutes les éditions suivantes. C'est
à Mn>e de Simiane qu'on doit la publication des
lettres de sa grand'mère; mais, cédant à des
scrupules de délicatesse plutôt que de dévotion,
comme on l'a dit, elle anéantit en grande partie
la correspondance de sa mère , où devaient se
trouver des détails intimes dont elle redoutait
la publicité. Mme c. du Parquet.
Notice sur Mme de Simiane, par le chevalier de Perrln,
éd. de Grouvelle, Paris, 1806. — Mémoires de Saint-Si-
mon, t. XVII, p. 409. — Histoire de Mme de Sévigné, de
sa famille et de ses amis, par J.-Ad. Aubenas.
FIN DU QUABANTE-TROISIEME VOLUME.