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Full text of "Observations d'histoire naturelle, faites avec le microscope, Sur un grand nombre d'Insectes, & sur les Animalcules qui se trouvent dans les liqueurs préparées, & dans celles qui ne le sont pas, &c. avec la Description & les Usages des différens Microscopes, &c"

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: OBSERVATIONS 
D'HISTOIRE NATURELLE, 


FAITES 


AVEC LE MICROSCOPE, 


Sur un grand nombre d’Infeétes , & fur les Animalcules 
qui fe trouvent dans les liqueurs préparées, & dans 
celles qui ne le font pas, &c. avec la Defcription & 
les Ufages des différens Microfcopes, &c. 


Partie déjà publiées par feu M. Jo BL OT, Profeffeur en 
Mathématiques de l’Académie de Peinture & de 
Sculpture : partie rédigées fur fes Obfervarions pofté- 
rieures. 


Avec un grand nombre de Figures. 


TOME PREMIER: 


A PARIS, 
Chez BRIASSON, Libraire, rue Saint Jacques, à la Science, 


M. DCE; LIV. 
AVEC APPROBATIONS ET PRIVILEGE DU RO, 


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AVERTISSEMENT 


DE L'ÉDITEUR. 


Eu M. JosLor fitimprimer en 1716 fon Livre intitulé 
F Defcription de plufieurs nouveaux Microfcopes , avec des 
Obfervations fur une grande mulritude d'Infeëles qui naifflenr 
dans les liqueurs, &c. Les applaudifflemens que reçut cet 
Ouvrage , engagerent l’Auteur à continuer fes recherches 
fur l’Hiftoire naturelle, & à travailler fans relâche à perfec- 
tionner fes Microfcopes. Il mit par écrit fes opérations nou- 
velles & fes obfervations microfcopiques ; & il efpéroit s’en 
{ervir pour améliorer la feconde édition de fon Livre , qu'il 
préparoit lorfque la mort l'interrompit. Les embarras qui 
fuivent toûjours ces fortes d'évenemens , ont fait oublier 
long-temps ce manufcrit, qui à la fin, après des traverfes 
fans nombre , nous eft heureufement parvenu ; & nous avons 
crû rendre un fervice important au Public , de donner nos 
foins à le mettre en ordre & à le faire imprimer. Nous n’a- 
vons rien ajoûté de nous à ce que l’Auteur avoit préparé. 
que quelques notes dans les endroits où elles nous ont paru 
néceffaires. 

L’Auteur a beaucoup enrichi la partie de fes obfervations 
fur les Infeétes & fur l’'Hiftoire naturelle ; il femble avoir 
prévû que le temps d'écrire fur cette Science étoit arrivé : 
car avant lui peu d’Auteurs parmi nous s’étoient appliqués 
à cette matiere. Pour fuivre en quelque forte ce qui lui étoit 
fi heureufement infpiré, & l’ordre où il nous a paru nécef- 
faire de difpofer les matieres, nous avons placé dans le pre- 
mier Volume toutes les obfervations fur l’Hiftoire naturelle: 
& fur les Infeétes, en commençant par les animaux les plus 
gros , tels que le Pou, la Puce, la Mouche, &c. 

Ceux qui font bien inférieurs en petitefle , & que nous 
appellons animaux microfcopiques ; parce qu'ils s'échappent à 
Pœil, & qu’on ne peut les appercevoir qu'à l’aide du Mi- 
crofcope, compofent la feconde partie du Tome premier. 
On trouve à la fuite quelques Chapitres. fur les Plantes &c 

tr 


‘vj AVERTISSEMENT DE L'ÉDITEUR. 
les Sels, avec les figures qui y fontrelatives, La plus grande 
partie de ce Tome premier eft du manufcrit de l’Auteur , le 
refte avoit paru dans fon Livre en 1716. :.  -. 

Le Tome fecond eft tout deftiné aux Microfcopes , à leur 
ufage & à leur conftruétion ; il eft aufli divifé en deux par- 
ties, & fuivi de beaucoup de figures. Il y a beaucoup de 
chofes nouvellement traitées par l’Auteur , ainfi qu'au Tome 
premier ; le refte avoit vù le jour avec une partie du précé- 
dent Volume. 

Pour conferver à M. Jogror tout ce qui lui appartient, 
nous donnerons à la fuite de notre Avertiflement , celui 
qu'il donna lui-même au-devant de fon Livre en 1716 ; & 
nous ferons imprimer à la fuite l'Approbation dont l’Aca- 
démie de Peinture & de Sculpture décora fon Livre pour 
Jors. 


"AVERTISSEMENT 
DE L'AUTEUR. 
=] NE partie de cet Ouvrage n’eit, à propre- 
A ment parler, qu'une efpece de Journal 
#5 des obfervations que j'ai faites fur une 
ES multitude infinie de très-petits animaux, 
dont la plus grande partie eft invifible à la portée 
ordinaire de nos yeux... | 

La facilité que j'ai trouvée dans l’ufage de mes 
nouveaux Microfcopes , M'a conduit infenfiblement 
plus loin que je ne penfois , & m'a fait defcendre 
dans un détail dont il n’y a que ceux qui font accof- 
tumés à fuivre IPNature dans fes opérations, qui 
connoîtront tout le prix. Ils fçavent par expérience 
que trop de négligence fur des circonftances qui ne 
femblent préfenter rien de confidérable , a fouvent 
privé les Phyficiens du fruit qu’ils auroient tiré d’une 
plus exacte application. 

J'ai ajoûté à mes obfervations des conjectures fur 
les produétions des différentes efpeces de petits ani- 
maux qui fe trouvent dans les liqueurs: je ne puis 
applaudir à ceux qui les attribuent à la putréfaction.. 


vil AVERTISSEMENT 
Cette opinion eft d'autant moins concevable, que ce 
feroit abandonner aux irrégularités du hafard, des 
Ouvrages qui fe font toûjours dans un ordre qu’on 
ne peut jamais aflez admirer. J’en ai donc fubititué 
une autre, qui me femble répondre nettement à la 
multitude prefqu’infinie de toutes mes expériences. 
On trouvera à la fuite de mes obfervations, un 
traité fur la conftruétion & les ufages de plufieurs 
Microfcopes plus commodes & plus parfaits qu’au- 
cuns de ceux qui font venus jufqu’à préfent à ma 
connoiffance. On les voit mis en perfpective fur un 
grand nombre de Planches , avec les plans & les 
profils qui font néceflaires pour en bien faire com- 
prendre la méchanique & lufage. Il y a deux ou 
trois de ces Microfcopes qui font d’une étendue pref- 
qu'univerfelle, & particulierement celui qui a été 
repréfenté dans les Planches 20 & 21, Tome2, fur 
lequel on pourra monter en très-peu de temps & 
tout de fuite , non-feulement des lentilles de différens 
foyers , mais aufli de très-petits Microfcopes à deux 
& à trois verres, depuis un poucê*de longueur juf- 
qu'à trois, dont les plus courts ont des avantages 
confidérables , comme de faire paroître les objets 
dans leur fituation droite ou naturelle , en les repré- 
fentant clairement & diftinétement; faifant d’ailleurs 
Voffice de plufeurs loupes de différens foyers, & 
tellement conftruits , que la lentille objective y de- 
vient oculaire quand on veut, fans &ianger fenfible- 
ment la diftance des deux verres qui le compofent , 


ni le lieu qu'ils occupent dans la monture. 
Et 


DSi 


DE L'AUTEUR. ix 


Et à ce dernier Microfcope univerfel on pourra 
très-facilement & fans embarras appliquer des poif- 
{ons de différentes longueurs & grofleurs | & même 
de diverfes efpeces , comme des Tétards , des Gre- 
nouilles , des Lamproies, des Anguiïlles , des Bro- 
chetons , des Tanches , des Carpes, des Goujons , 
&c. en la queue defquels , & ailleurs, on aura le 
plaifir de voir les divers mouvemens du fang dans 
des vaifleaux diverfement courbés , formant entr’eux 
comme des fyphons dont les branches fe rencontrent 
de telle maniere, qu’elles forment tantôt un arc de 
cercle, tantôt un angle droit , tantôt un obtus ou 
un aigu. 

On y verra de plus de deux fortes de vaifleaux de 
cles très-menus & très-courts , fitués différem- 
ment entre deux plus gros vaifleaux qui font paral- 
leles entr'eux , de l'un defquels on voit le fang s’é- 
chapper par ces vaifleaux de traverfe , pour pañler 
dans l'autre à angles droits, aigus ou obtus: & il 
faut remarquer qu’on ne voit dans ces vaifleaux ni 
anaftomofes ni valvules qui empêchent le fang de 
retourner en arriere. 

Toutes ces diverfes obfervations , & plufieurs au- 
tres dont je ne parle point ici, ne peuvent être con- 
firmées que par un grand nombre d’expériences réi- 
térées , & faites avec beaucoup de foin fur les divers 
fujets dont on vient de parler ; & j’efpere que l’ufage 
des Microfcopes fe répandant de plus en plus, on 
découvrira par .. fuite des chofes nouvelles, & plus 
fingulieres peut-être que je n’ai pû faire. 

Tome I, Part, I, e 


# AVERTISSEMENT 

. Outre les nouveaux Microfcopes dont je parle, 
je donne encore des defleins & des explications de 
plufieurs autres que j'ai perfeétionnés , en étendant 
leurs ufages fans en augmenter confidérablement la 
dépenfe. On verra, par exemple, dans la dixieme 
Planche, Tome 2 , le deflein d’un Microfcope à 
tiges qui n’eft pas de mon invention ; mais les addi- 
tions & les changemens que j'ai jugé à propos d'y 
faire, pourront peut-être plaire à ceux qui ont quel- 
qu’eftime pour cet inftrument , que nous faifons {er- 
vir aux obfervations des animaux de plufieurs li- 
queurs. | 

En corrigeant quelques défauts des Microfcopes à 
canon de verre , qui ont encore été nommés trom- 
beaux, jen ai aufli étendu l’univerfalité plus loin 
qu’on navoit fait jufqu’à préfent. 

On parle de plus d’un petit Microfcope à trois 
verres , Planche 15, Tome 2, qui peut aufli fervir 
à deux verres convexes des deux côtés, en fuppri- 
mant celui du milieu , avec lequel on fera , fi lon 
veut, en un moment une petite lunette d’approche 
qui fera paroître les objets dans leur fituation droite 
ou naturelle. 

Le même verre du milieu de ce Microfcope , & 
fon oculaire , étant placés, comme on le dit, dans 
fon lieu , ferviront à faire une petite lunette d’appro- 
che qui fera voir les objets dans une fituation toute 
contraire à la précédente, n’employant pour cela 
que le corps du Microfcope même avec ce qu’il con- 
tient ; & ce même inftrument étant monté fur un 


DE L'AUTEUR x 
pié qui lui convienne , pourra encore {ervir à rendre 
vifibles les animaux de quelques liqueurs, & la cir- 
culation du fang dans la queue & ailleurs , de tous 
les poiffons qui feront d’une grandeur & d’une grof 
feur commode pour être appliqués fans peine à cette 
petite machine. 

En expliquant les ufages de chacun des Microfco- 
pes qui font repréfentés dans le Tome fecond, j'ai 
dit la maniere de préparer une même chofe diffé- 
remment pour y être appliquée & obfervée. Ces ré- 
petitions m’ont paru nécellaires en ces endroits , 
puifqu'elles fervent à rendre lufage de ces machines 
plus univerfel , & à fatisfaire ceux qui ne veulent 
avoir qu'un feul Microfcope , accompagné d’une 
explication fuffifamment étendue pour les inftruire 
des ufages qu'ils en peuvent efpérer. | 

L’Hiftoire anatomique de la plüpart des animaux 
nouvellement découverts , donne lieu d’efpérer que 
cet Ouvrage pourra être agréable au Public, tant 

ar fa nouveauté, que par l'utilité que les Phyfi- 
ciens , les Medecins , les Chirurgiens , les Anato- 
miftes , les Chymiftes & d’autres perfonnes en pour- 
ront retirer. D'ailleurs la partie inftructive fur les 
Microfcopes & leur ufage, fera très-uttle aux Defft- 
nateurs, Peintres , Graveurs , Fabricateurs d’inftru- 
mens de Mathématiques ; aux Jouailliers, Lapidai- 
res ; aux Médailliftes, Antiquaires ; aux Vérifica- 
teurs d’écritures, Horlogeurs , Lunetiers , &c. puif- 
que par le fecours des verres de nos Microfcopes, 


les Artiftes dont on parle auront l’avantage de dé- 
ei 


xij AVERTISSEMENT 


couvrir jufqu’aux moindres défauts de leurs Ouvra- 
ges, & même le moyen de les éviter, ou du moins 
d'approcher de plus près du point de perfection; ce 
qu'ils ne pourroient faire fans ce fecours. 

Je n’ai pû décrire les petits animaux qui fe trou- 
vent dans toutes les infufions dont j'ai parlé, fans 
leur donner des noms qui en fiflent connoître la dif- 
férence. Pour cet effet j'ai cherché dans la Nature 
des chofes qui me fuflent aflez connues , & qui euf- 
{ent quelque rapport de reffemblance avec les poif- 
fons que j'ai vûs dans mes liqueurs, pour leur don- 
ner les mêmes noms qu’on a donnés à ces diverfes 
chofes : mais n’ayant pas toûjours été aflez heureux 
pour rencontrer de quoi me fatisfaire | fans doute 
faute d’avoir une connoïffance' aflez étendue des di- 
vers êtres de la Nature , j'ai été contraint de nommer 
d’autres poiflons autrement , en leur donnant des 
noms qui en marquaflent les inclinations particulieres, 
ou leurs mouvemens les plus ordinaires : aïnfi jai 
nommé les premiers Cornemulfes , Ovales , Cheniiles 
aquatiques , Entonnoirs, Poules hupées,Rognons,&c. 
& j'ai donné aux autres les noms d'Aveugles , de 
Piroüetteurs, de Goulus , d’Incon/lans, de Bouffons, 
d’Elégans, &c. 

} Enfin on verra une Differtation fur la maniere dont 
les objets font vüs dans les Microfcopes & dans les 
lunettes d'approche, contenant plufieurs expérien- 
ces nouvelles , qui donnent occafion de fe détermi- 
ner en faveur de la meilleure des deux opinions 


qu’on s’y propofe. 


DEÉMLAUTEU R: xiij 


« Je ne veux pas finir cet Avertiflement fans in- 
» viter mes Lecteurs à faire avec moi la réflexion que 
» l'application aux matieres traitées dans cet ouvyras 
» ge, m'a occafionnée. Les plus petits ouvrages des 
» mains de Dieu ne font petits que par leur peu de 
» volume ; mais ils n’en font pas moins pour cela 
» des preuves éclatantes de fa puifflance fuprême & 
» de fa fagefle infinie. Rien n’eft petit ou grand que 
>» par comparaifon ; & le moindre moucheron an- 
» nonce au moins aufli énergiquement la grandeur 
» de Dieu que la Baleine & l’Eléphant ; ou, sil y a 
» quelque différence , elle eft à l’avantage des ani- 
» malcules , dont l’organifation , aufli parfaite dans 
» leur petiteffe que celle des plus gros animaux dans 
» leur groffeur , étonne encore plus Pimagination». 


APPROBATION de la premiere Edition. 


Je Iù par l’ordre de Monfeigneur le Chancelier, un Manufcrit 
qui a pour titre: Deftriprions 6 ufages de plufieurs nouveaux Mi- 
crofcopes , avec de nouvelles Obférvations , &c. par M. JoBLoT, Pro- 
feffeur Royal en Mathématiques. Outre les nouveaux Microfcopes 
que l’Auteur y décrit, 1l en perfeétionne plufieurs autres , & rapporte 
quantité d’obfervations fort curieufes qu'il a faites avec beaucoup 
de foin ; ainfi cet Ouvrage peut être utile & agréable au Public. 
À Paris ce trentieme Novembre 1716. GAUGER. 


APPROBATION DE L'ACADEMIE ROYALE 
de Peinture 6 Sculpture. 


Ujourd’hui Samedy cinquieme Décembre mil fept cent feize, 

l’Académie s’eft affemblée à l'ordinaire pour les Conférences ; 
M. JoBLoT y a apporté un Ouvrage qu’il a compofé, qui a pour 
titre: Defcriptions 6 ufages de plufeurs nouveaux Microfcopes , tant 
fimples que compofës, avec de nouvelles Obfervations faites fur une multi 
tude innombrable d’infèüles & d'autres animaux de diverfes efpeces, qui 
naiflent dans les liqueurs préparées, & dans celles qui ne le font point. 

La Compagnie, après avoir écouté la leéture de la divifion de tout 
l'Ouvrage , fait en deux Parties, & avoir examiné plus de trente 
Planches /7-4°. remplies de Figures deffinées & gravées élégamment, 
repréfentant fes nouveaux Microfcopes mis en perfpeäive , & ac- 
compagnés de tous les plans & profils néceffaires pour en bien faire 
comprendre la méchanique & l’ufage, a auffi remarqué que dans la 
feconde Partie l’Auteur met en ufage {es nouvelles Machines, pour 
faire l’hiftoire anatomique d’une multitude prefqu’infinie de très- 
petits animaux qui ont été jufqu’à préfentinconnus , à caufe de leur 
petitefle, & des grands défauts qui font inféparables des Microf- 
copes ordinaires. 

C’eft pourquoi la Compagnie ayant confideré que cet Ouvrage 
pouvoit être très-agréable au Public, tant par fa nouveauté, que 
par l'utilité que les Phyfciens, Medecins, Anatomiftes, Chymiites 
& autres en pourroient retirer, elle à bien voulu lui accorder la 


permiflion de fe fervir du Privilège que le Roi a accordé à ladite 
Académie. 


Fait 6 extrait par moi Secretaire de l'Académie, ce cinq Décembre 
mil fèpt cent feige. Signé, TAVERNI1ER, 


APPROPATION. 


°A1 là par ordre de Monfeigneur le Chancelier, un Ouvrage 
J intitulé Obférvations d’Hifloire naturelle, par P. JOBLOT, &c. 
dans lequel je n’ai rien trouvé qui puifle en empêcher l’impreffon. 
A Paris ce 29 O&tobre 1754. P. DEMOURS. 


PRIVILEGE DU RO 
Le par la grace de Dieu, Roi de France & de Navarre : 


À nos amés & féaux Confaillers , les Gens tenans nos Cours 
de Parlement, Maïtres des Requêtes ordinaires de notre Hôtel, 
Grand-Confeil, Prevôt de Paris, Baillis, Sénéchaux, leurs Lieute- 
nans Civils, & autres nos Jufticiers qu’il appartiendra, SALUT. 
Notre amé ANTOINE-CLAUDE BRIASSON, Libraire à Paris, 
ancien Adjoint de fa Communauté, nous a fait expofer qu’il defire- 
roit faire imprimer & donner au Public un Ouvrage qui a pour 
titre Obférvations d’Hifloire naturelle, s’il Nous plaifoit lui accorder 
nos Lettres de permiflion pour ce néceflaires. À CES CAUSES, 
voulant favorablement traiter l’Expofant , Nous lui avons permis 
& permettons par ces Préfentes , de faire imprimer ledit Ouvrage 
autant de fois que bon lui femblera ; & de le vendre, faire vendre 
& débiter par tout notre Royaume pendant le tems de trois années 
confécutives, à compter du jour de la date des Préfentes. Faifons 
défenfes à tous Imprimeurs , Libraires & autres perfonnes, de quel- 
que qualité & condition qu’elles foient , d’en introduire d’impreflion 
étrangere dans aucun lieu de notre obéiffance ; à la charge que ces 
Préfentes feront enresiftrées tout au long fur le Regiftre de la Com- 
munauté des Imprimeurs & Libraires de Paris, dans trois mois de la 
date d’icelles ; que l'impreffion dudit Ouvrage fera faite dans notre 
Royaume &c non ailleurs, en bon papier & beaux cara@teres, con- 
formément à la feuille imprimée , attachée pour modele fous le 
contre-fcel des Préfentes ; que l’Impétrant fe conformera en tout 
aux Réglemens de la Librairie , 8 notamment à celui du dixieme 
Avril mil fept cent vingt-cinq ; qu'avant de l’expofer en vente, le 
Manufcrit qui aura fervi de copie à l'impreffion dudit Ouvrage, 
fera remis dans le même état où l’Approbation y aura été donnée, 
ès mains de notre très-cher &c féal Chevalier, Chancelier de France, 
le Sieur DE LAMOIGNON; & qu'il en fera enfuite remis deux 
Exemplaires dans notre Bibliotheque publique , un dans celle de 
notre Château du Louvre, & un dans celle de notredit très-cher & 
féal Chevalier, Chancelier de France , le Sieur DE LAMOIGKON, 


& un dans celle de notre très-cher & féal Chevalier, Garde des 
Sceaux de France, le Sieur DE MACHAULT, Commandeur de nos 
Ordres : le tout à peine de nullité des Préfentes , du contenu def- 
quelles vous mandons & enjoignons de faire jouir ledit Expofant & 
{es ayans caufe pleinement & paifñblement , fans fouffrir qu’il leur 
foit fait aucun trouble ou empêchement. Voulons qu’à la copie des 
Préfentes , qui fera imprimée tout au long au commencement ou à 
la fin dudit Ouvrage, foi foit ajoûtée comme à l’original. Comman- 
dons au premier notre Huïfier ou Sergent fur ce requis, de faire 
pour l’exécution d’icelles tous aétes requis & néceflaires, fans de- 
mander autre permiflion, & nonobftant clameur de Haro, Charte 
Normande , & Lettres à ce contraires : CAR tel eft notre plaifir. 
Donné à Verfailles le huitieme jour du mois de Février, l’an de 
grace mil fept cent cinquante-cinq, & de notre Regne le quarantie- 
me. Par le Roi, en fon Confeil. Signé PERRIN. 


Regiftré fur le Regiftre XIII. de la Chambre Royale des Libraires & 
Tmprimeurs de Paris, Num. 472. Fol. 363. conformément aux anciens 
Réglemens ; confirmés par celui du 28 Février 1723, 4 Paris le 14 
Février 1755, Signé DIDOT , Syndic. 


OBSER V.: 


Xvi} 


_ 


TABLE DES CHAPITRES 
DU PREMIER VOLUME. 


PARTIE PREMIERE. 


CHAPITRE I. loss page 1 
CHAP. II. De la Mouche commune. 9 
CHAP. II. Defcriprion d’une forte de Mouche qui fe voi 

ordinairement fur la furface du Vin & fur celle du Vinaigre. 


12 


CHAP. IV. De la Licorne ornée de deux efpeces d’aigrettes. 


I 
CHAP. V. Des petits Papillons qu’on voit en hyver fur n. 

choux de Milan. 16 
CHAP. VI. De la Mite vagabonde. 19 
CHAP. VIL Defcriprion d’une efpece de Mouche aquatique & 


terrefire qui nage fur le dos, qui faute & marche étant hors de 
: ; 
eau. 22 


CHAP. VIT. Defcription d’une autre efpece de Mouche aqua- 


tique & terreftre. 


26 

CHAP. IX. Anatomie des Plantes en général. 27 
CHAP. X. Des Racines des Plantes , & de leurs accroiffemens. 
a 

CHAP. XI Des Sels en général. 34 


PARTIE SECOND E. 
CHAPITRE -D Es Anguilles, Serpens ou petits Vers 


que l’on trouve dans le vinaigre. page 2 


CHAP.IIL. Du Vinaigre commun. 
CHAP. II, Des Vinaigres compofés. 7 
CHAP. IV. /Vouvelles obfervations fur les Anguilles du Vinai= 
gre, faites avec le Microfcope repréfenté en la Planche fep- 
8 


I1emne. 


Tome I. Part, I, de 


XVI] TABLE 
CHAP. V. Obférvations faites fur plufteurs fortes d’infufions 
_ de Poivre en grains, mis à froid dans de. l’eau commune. 
| 12 
Du Poivre blanc. 1$ 
Du Poivre long. la même. 
CHAP. VI. Obférvations faites durant une année entiere, de 
ce qui s'eff trouvé dans une infufion à froid de Sené. 16 
CHAP. VIT. De l’eau qui fe trouve dans les huitres à l’écaille , 
& de ce que l'or y appercoit en peu de jours ou d'heures après 
étre ouvertes. 20 
CHAP. VII. Des es d’œillets mis dans de l’eau com- 
mune , chaude € froide. 27 
CHAP. IX. D'une infufion à froid d’un Bouquet compofé de 
rofes , d'œllets & de jaffemin. 30 
CHAP. X. De l'infufion des Barbeaux ou petites fleurs bleuës 
qui viennent parmi les bleds. 31 
CHAP. XI. Du Thé mis en infufion. 34 
CHAP. XII. Des infufions de queues de Framboifes mifes à 
roid dans de l’eau commune. 35 
CHAP. XIII. Des infufions de fenouil, de fauge, de melon, 

de verjus, de tiges de fouci avec les fleurs. 


36 
CHAP. XIV. D'uneinfufion de foin nouveau mis à froid dans 


de l’eau commune le 4 Juin 1711. 38 
CHAP. XV. Seconde infufion de foin nouveau. 39 
Troifieme expérience faite fur de femblable foin. 40 
CHAP. XVI. Compofiion de plufieurs infufions mifes enfemble 

dans un feul ie la même. 
CHAP. XVII. On prouve dans ce Chapitre qu'il y a de très= 

petits animaux qui en dévorent de plus gros. 41 
Qu'il y en a de ft petits, qu'ils échappent aux meilleurs yeux 

armés de Microfcopes. la même. 


Qu'au bout d’un certain temps en été on découvre de petits poif. 
fons dans l’eau de riviere ou dans celle de fontaine, fans s'être 
corrompue. 41 

2 A £ 

Qu’au bout de quatre heures | même en moins de temps , on 
trouve plufieurs efpeces de poiffons dans l’eau que l’on donne 
à boire à des oifeaux. la même. 

Et enfin comment les graines & les plantes doivent être miles er 


DES CHAPITRES, xjx 
infufion pour produire de bons effets par rapport aux expé- 
riences dont nous parlons. la même. 

CHAP. XVIII. Hypothefe pour fervir à rendre raifon de la 
naiffance, du progrès & de la mort des animaux que l’on ob- 
ferve dans les liqueurs préparées, € dans celles qui ne le [ons 
point. 44 

CHAP. XIX. Continuation des expériences fur les liqueurs. 46 

D'un ver de terre trouvé parmi des herbes potageres. la même. 

CHAP. XX. D'une infufion de Rhubarbe. 47 

CHAP. XXI. De linfufion d’un champignon mis à froid dans 

* de l’eau commune. 43 

CHAP. XXII Des petites fleurs colorées diverfement, qui fe 
crouvent dans les prés. 49 

CHAP. XXIII. Du perit bafilic qui a une odeur de citron. 54 

CHAP. XXIV. D'un Jédiment de vinaigre détrempé d’eau 


commune. SI 
Remarques importantes. $s2 
CHAP. XXV. De l'infufion des barbeaux. la même. 
CHAP. XXVI. D'une infufion de foin vieux. 3 


CHAP. XXVII. De l'infufion des fleurs d’un citroner.  $7 
CHAP. XXVIIE D'une infufion d’anémone , furnommée la 

Royale. la même. 
CHAP. XXIX. Des infufions de trois ne ons 


d’une tige de celert, mifes à part dans divers vaifleaux de 


verre. 58 
CHAP. XXX. De plufieurs infufions de paille & d’épis de 


bled. 65 
Des Signes. 66 
Des Grenades aquatiques , couronnées & barbues. 68 


CHAP. XXXI. De la paille d'orge, de celle du feigle, de 
celle d’avoine & du bled de Turquie ; chacune de ces chofes 


miles féparément en infufion dans de l’eau commune. 71 
CHAP. XXXII De l'écorce de bois de chéne qui porte le 
gland , mie en infufion dans de l’eau commune. 72 


CHAP. XXXIIL. Sue des Objervations faites fur la même 
écorce de bois de chêne, qui étoit venu flotant fur l'eau depuis 
Montarois jufqu’à Paris. 81 

CHAP. XXXIV. Des nouveaux poiflons trouvés dans une 


xx TABLE DES CHAPITRES. 
infufion d’écorce de bois de chêne neuf. roles 
CHAP. XXXV, Differtation [ur la maniere dont on appercoit 


les objets qui font väs au-travers des Microfcopes G des lu- 


nettes d’approche. 8s 
CHAP. XXXVI. Nouvelles découvertes d'Animaux trouvés 
, dans une infufion d’amadou. 96 


CHAP. XXXVII. D'un Poifjon nommé Coquille ou Cy- 


clope , qui s’eff vi dans la premiere infufion d’amadou. 


100 
CHAP. XXXVIIL. Seconde infufion d'amadou. 103 
CHAP. XXXIX. D'une nouvelle Poule hupée , vüe dans une 
. infufion de bois de chêne floité. 104 
CHAP. XL. Des Poiffons nommés Deftouches. la même. 
CHAP. XLIE Dé Poux aquatiques. 10$ 
CHAP. XLIT. Du Pou terreftre 6 aquatique. 108 
CHAP. XLIIT. D'une apparence de Chenulle dorée, couronnée 

G mafquée. 109 


CHAP. XLIV. Des Doguins trouvés nageans dans une in- 
fufion de paille de blé, qui y étoit en expérience depuis dix 


mois ou environ. III 
CHAP. XLV. Defcription de certains petits Vers rouges qui 

ont été trouvés dans de l’eau de puits. 112 
CHAP. XLVI. De l’Araignée aquatique. 114 


CHAP. XLVII. Defcription d'un petit Infeëte des plus curieux 
qui fe puiffe obferver, tant pour la diverfité des chofes qu’on y 
. découvre extérieurement , que pour celles qu’on y appercoit 
dans les parties tranfparentes. 116 
CHAP. XLVIIL Des Sauterelles aquatiques. 116 
CHAP. XLIX. Des Limas aquatiques trouvés dans une infu- 
fion faite d’un bouquet compofé de plufieurs fortes de fleurs 
miles dans de l’eau de riviere. 120 
CHAP. L. Defcription d’un nouveau Poiffon que j'ai trouvé 
dans de l’eau du baffin de S. Magloire du Fauxbourg Saint 


Jacques à Paris, qu'on peut nommer Chenille aquatique. 


: 121 
CHAP. LI. Du Poiffon que j'ai nommé Bélier , vé dans une 
eau croupie. ; nt ACTE 123 


Fin de la Table des Chapitres du premier Volume. 


CR ER. 7 Va 


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OBSERVATIONS 


D'HISTOIRE NATURELLE, 


* FAITES 


AVEC LE MICROSCOPE. 
LR RES ER ER ER ES EE GÉRÉE GÉEÉREREÉREGE 
PREMIERE PARTIE. 

CHAPITRE EL 
Introduëtion ou Difcours fur l'utilité des Microfcopes. 
>| N des plus grands obflacles (difent les Au: 
à ATAÉ] teurs du Journal des Sçavans , 1666 ) qui {e 
» IA SÉÆE foit rencontré au progrès de la fcience natu- 
AN &| relle , c’eft que les Anciens s'étant entiere 
IS ENS] ment occupés à perfeétionner le raifonne- 


» ment, ont négligé la connoïfflançe des fens , &c ont mieux 
lome:l, Pare. I, 


2 OBSERVATIONS 
» aimé deviner la plüpart des chofes que de les voir. Cepen- 
» dant comme l’ame ne connoït rien que par l’entremife des 
» organes du corps , les opérations des fens ne fervent pas 
» moins pour acquérir une parfaite connoiflance de la Nature, 
» que celles de l’efprit ; elles font même d’autant plus nécef- 
» a , que la fagefle de Dieu étant infiniment au-deflus de 
» la portée de notre imagination , il eft beaucoup plus facile 
» de connoître ce qu'il a fait, que de s’imaginer ce qu'il a 
» voulu faire. 
» Pour remédier à ce défaut les Modernes ayant travaillé 
» à perfeétionner l'opération des fens , particulierement de 
» celui de la vûe , qui eft le plus néceffaire de tous, comme 
#ileft le plus noble, ont inventé deux fortes de lunettes ; 
» le Télefcope pour approcher les objets qui font invifbles 
» à caufe de leur éloignement ; & le Microfcope pour groflir 
»_ ceux qui font imperceptibles à caufe de leur petitefle: & 
» avec ces deux inftrumens ils ont découvert plus de chofes 
» en peu d'années, que les Anciens n’avoient fait avec tous 
» leurs raifonnemens pendant le cours de plufieurs fiecles. 
» Par ce moyen toute la Nature nous a paru nouvelle ; car 
» le Télefcope nous a fait voir dans le ciel de nouveaux mou- 
» vemens, de nouvelles étoiles & de nouveaux météores ; 
» & le Microfcope nous a découvert fur la terre un petit 
# monde tout nouveau , & nous a fait appercevoir dans cha- 
» que-chofe une infinité de petites créatures qui ne font pas 
» moins admirables que toutes celles qu'on avoit connues 
» jufqu’à préfent. 
» L'ingénieux M. Hook ayant fait plufieurs obfervations 
» très-curieufes avec l’ün & l’autre de ces inftrumens, mais 
» particulierement avec le Microfcope , les a ramaflées en- 
» femble , & les a communiquées au Public dans un livre 
» qu'il a intitulé Micrographie , c’eft-à-dire, defcription des 
-» petits corps, parce qu'il y examine principalement ce quil 
:# ya de plus petit dans la Nature. 
" » Il commence par la pointe d’une aiguille très-fine, qui, 
-» bien qu’elle femble imperceptible , paroitavec le Microfco- 
*» pe dont il s’eft fervi , large comme la quatrieme partie d’un 
“» pouce. L’extrémité de cette pointe ne fe termine pas en 


D'HISTOIRE NATURELLE. 3 

# cone , comme l’on s’imagine ; elle n’eft pas non plus ni 
# ronde ni plate, mais elle eft obrufe, inégale & irréguliere, 
» & reflemble à une cheville dont on auroit rompu le bout. 
» De plus fes côtés ne font pas unis, comme nos yeux nous 
» les repréfentent , mais raboteux , & pleins de cavités 8 
» d’éminences. n 

» Il dit aufli qu'ayant confidéré avec fon Microfcope le 
» tranchant d’un rafoir bien affilé, il l’a vü épais comme le 
» dos d’un canif, & y a remarqué plufeurs dents : que la 
» furface d’une glace de miroir bien polie, lui a paru au foleil 
» pleine de raies , & compofée d’une infinité de corps iné- 
» gaux qui réfléchifloient une lumiere de plufeurs couleurs 
» différentes : 8 que les points les mieux faits, qui fervent 
» dans les livres imprimés à la féparation des périodes , ne 
» paroiflent pas plus ronds que des chataignes ; & il ne s’en 
# faut pas étonner, parce que les limes , les pierres , & les 
» autres chofes dont on fe fert pour polir ou pour arrondis, 
» étant compofées de parties inégales , il faut néceffairement 
» qu’elles laiffent aufi plufeurs inégalités fur la furface des 
# corps fur lefquels elles agiflent. 

» [Il a encore examiné de la toile très-fine , dont les fils aue 
» travers du Microfcope lui ont paru aufli gros que des cor- 
» des ; & il aobfervé que ce qui rend cestoiles deliées fitranf- 
» parentes, c'eft qu'il ya entre les fils quantité de trous pref- 
# que femblables aux treillis qu'on met aux jaloufies, 

» Il a reconnu que les ondes qui paroïflent dans plufieurs 
» étoffes de foie, viennent de ce qu'il y a dans ces étoffes 
» des parties plus élevées les unes que les autres , qui caufent 
# une différente réflexion de lumiere : & il a remarqué dans 
» les fiphons & dans les larmes de verre, plufeurs chofes 
# curieufes que l’on peut voir dans fon ouvrage , mais qu'il 
» feroit trop long de rapporter ici, | 

» Après avoir parlé des ouvrages de l'Art, il vient à ceux 
» de la Nature , auxquels le Microfcope eft beaucoup plus 
» avantageux qu'aux autres: car il y a cette différence en- 
» tr'EUX , que les ouvrages de l’Art étant tobjours fort ime 
» parfaits, ne veulent être vûs que de loin ; & plus on les 
» confidere exatement , plus on y'trouve de défauts, Mais 


À ÿ 


°& OBSERVATIONS 


Planche r. 


» comme les ouvrages de la Nature font des effets d’une fa- 
» geffe infinie , ils ne craignent point d’être examinés, & 
» paroiflent toûjours d’autant plus admirables, qu’on les re- 
» garde de plus près. M. Hook en donne dans fon livre plu- 
» fleurs defcriptions , dont il n’y en a pas une qui ne foit fur- . 
» prenante ; mais comme je ne les peux pas ici rapporter 
» toutes , j'en remarquerai feulement quelques-unes des plus 
» curieufes. | 

1. » Il fait la defcription du pié d’une mouche : il expli- 
» que pourquoi ces petits animaux peuvent fe fufpendre con- 
» tre le haut d’un plancher, & fe promener ainfi fans tomber. 
» Quelques - uns ont crû que leurs piés étoient pleins d’une 
» humeur gluante , par le moyen de laquelle elles demeurent 
» attachées à tout ce qu’elles touchent ; mais la véritable 
» raifon eft, comme l'on a reconnu avec le Microfcope, 
+ que les mouches ont au bout de chaque pié deux griffes 
» qui entrent facilement dans les plus petits pores de toutes 
» fortes de corps ; & que de plus les plantes de leurs piés font 
# couvertes d’une infinité de petits poils ou pointes fembla- 
» bles aux peignes des Cardeurs , avec lefquelles elles s’at- 
» tachent facilement aux moindres inégalités des corps les 
+» mieux polis. 

2. » Il n’y a rien de fi vilain qu’un pou ; & cependant la 
» maniere dont il nous eft repréfenté par le Microfcope, eft 
» aufñ curieufe que cet infeéte eft hideux en lui-même. En 
» voici la figure , que j'ai fait graver exaétement de la même 
+ maniere que M. Hook l'a deflinée , afin de montrer préci- 
» fément comme on la voit avec le Microfcope ; & ce qui 
» me l’a fait particulierement choifir entre plufeurs autres, 
» c’eft qu'étant la plus grande de toutes celles qui font dans 
» ce livre, & ayant plus d’un demi-pié de longueur , elle 
#» fait mieux voir que les autres jufqu'à quel point cet inftru- 
» ment peut groflir les objets. 

» Cette figure qui repréfente un pou couché fur le dos, 
» 8 tenant un cheveu avec fes pattes , fait beaucoup mieux 
+ comprendre que le difcours quelle eft la forme de cet in- 
# feéte. Il a les yeux 2 2 placés derriere les cornes CC, 
# tout au contraire des autres animaux , de peur que ; comme 


D'Histrorre NATURELLE. | 


» il n’a poirit de paupieres , les cheveux au-travers defquels 
» il pañle , ne lui bleffaflent continuellement la vüe. A l’en- 
» droit marqué £ , il femble qu'il y ait quelqu’apparence de 
» mâchoires. Ses pattes font couvertes d’une écaille , comme 
» celles des écrevifles , & ont deux griffes ab , avec lef- 
» quelles il embraffe Le cheveu FF, lorfqu’il fe promene fur 
» la tête. Il a fur la poitrine une fubftance déliée & tranfpa- 
» rente , femblable à de la corne, au-travers de laquelle on 
» voit que la tache blanche 77, qui eft peut-être le foie de 
» cet infecte , eft agitée d'un mouvement continuel. M. 
» Hook ayant enfermé dans une boiïte un de ces animaux 
» pendant deux jours fans lui rien donner à manger, & 
» l'ayant enfuite mis fur fa main , cet infeéte enfonça fon 
» mufeau D dans la peau , fans qu’il femblât ouvrir aucune 
» forte de gueule, & aufli-tôt on apperçut un petit ruifleau 
» de fang qui pañloit direétement & promptement de fon 
» mufeau dans fon ventre , par le moyen d’une efpece de 
# pompe qui étoit à l'endroit marqué 4, & qui fembloit 
» être le cœur ou le poumon. Au-travers de l’écaille de la 
» poitrine on voyoit manifeftement plufeurs vaifleaux s’en- 
» fler par ce fang , qui étoit porté & diftribué en diverfes 
» parties. M. Hook remarque que la digeftion fe fait dans 
» le corps de cet infeéte avec une merveilleufe promptitude, 
» car on voyoit le fang noir & épais, lorfqu'il le fuçoit 3 
» quand il étoit dans fes boyaux , il paroïfloit d’un beau rou- 
» ge, & la partie qui étoit diftribuée dans les veines, étoit 
» toute blanche. Il ajoûte que bien que fon mufeau D ne fût 
» pas plus long que la vingt-cinquieme partie d’une ligne, 
» & qu'il ne l'enfonçät pas encore tout entier dans la peau, 
» néantmoins on en voyoit fortir du fang : d’où il s'enfuit 
» qu'il y a du fang non-feulement dans la peau , mais même 
» jufque dans la cuticule. 

3. » La ftruéture de l’aiguillon d’une mouche, qui eft re- 
» préfenté dans la deuxieme figure (PI. r. fig. 2.) , n’eft pas 
» moins merveilleufe. Il eft compofé de deux parties , gont. 
» la premiere d2 a plufieurs nœuds ou jointures f2 41, & 
» outre cela plufeurs piquans pq rst, qui reflemblent par- 
# faitement aux griffes d’un chat, & que la mouche étend 


6 JIOBSERVATIONS 
» ou reflerre quand elle veut. L'autre partie eft la pointe de 
» l’aiguillon a , qui eft enfermée dans {a premiere , comme 
s une épée dans fon fourreau , & qui eft auffi armée de cha: 
» que côté de plufieurs griffes y x y. Ce font elles qui arré- 
» tent l’aiguillon dans la plaie que la mouche a faite, & qui 
» empêchent qu’elle ne le puifle retirer. Mais ce qui fait prin- 
#» cipalèment la douleur , c’eft une liqueur corrofive & ve- 
# néneufe qui eft renfermée dans le fourreau ; & qui étant 
# pouflée dans la plaie, ronge les fibres & caufe l’inflamma- 
5 TION. 
4. » La feuille d’ortie a beaucoup de rapport avec l’aiguil- 
» Jon ; car cet Auteur remarque qu’elle eft couverte de pi- 
# quans très-aigus , dont la bafe, qui eft un petit fac ou vef- 
» fie d’une fubftance flexible, & prefque de la figure d’un 
» concombre fauvage , enferme une liqueur acre & vené- 
» neufe ; mais la pointe eft d’une fubftance très-dure & très- 
# forte, & a un trou au milieu , par lequel cette liqueur 
» venéneufe fe coule dans la partie qui eft piquée , & y ex- 
# cite de la douleur: ce qu’on peut aifément appercevoir 
» avec un bon Microfcope, fi lon prefle du doigt le bout de 
» ces piquans contre la bafe ; car pour lors au-travers de ces 
» piquans, qui font tranfparens, on voit manifeftement mon- 
» ter & defcendre cette liqueur , comme M. Hook affüre en 
# avoir fouvent fait l'expérience. 

$. » Cet Auteur ayant examiné avec le Microfcope plu- 
# fieurs de fes cheveux , a trouvé qu'ils étoient tous prefque 
» ronds ; que par le bout ils étoient plus gros que vers la ra- 
# cine ; que depuis un bout jufqu’à l’autre ils paroiffent tranf- 
» parens comme de la corne, & qu’on ne voit point de fila- 
» mens dans leur racine , comme dans celle de plufeurs 
» plantes. Il ajoûte qu'ils font folides, & qu'il n’y a pù dé- 
» couvrir aucune cavité , non plus que dans les foies des co- 
» chons ; mais que la barbe d’un chat étant coupée, a, de 
» même que le fureau, une large moëlle dans le milieu, 
» comme elle eft repréfentée dans la figure (PL. 1. fig. 3.) 
» Le tiflu en eft néanmoins fi ferré, qu’on n’y fçauroit apper« 
» cevoir aucune apparence de pores. 

6: » Comme les opinions des Philofophes font fort diffés 


D'Hi1sTOIRE NATURELLE. 


» rentes touchant la maniere dont le feu eft produit lorfqu'om 
» bat le fufil, cet Auteur a fait plufieurs expériences pour en 
» reconnoître la vérité. Ayant donc à ce deflein battu le 
» fufl fur une feuille de papier blanc, il a trouvé à l'endroit 
»# où les étincelles étoient tombées, de petites taches noires, 
# mais lumineufes ; & les ayant confidérées chacune en par- 
» ticulier avec un bon Microfcope, il a reconnu que c’étoient 
» de petites boules rondes & brillantes, entre lefquelles il y 
+ en avoit deux différentes des autres, dont l’une étoit atta- 
»chée par un bout à un perit morceau d’acier aliez long ; 
» l’autre n'étoit qu'une petite lame d’acier fort déliée. Là- 
» deflus cet Auteur fait plufieurs raifonnemens , & enfin il 
» conclut que ces étincelles ne font autre chofe que des par- 
» ticules d'acier ou de caillou qui font quelquefois feulement 
»rougies , d’autres fois fondues , & fouvent même vitrifiées, 
» felon les différens degrés de chaleur que le mouvement pro- 
» duit: & pour confirmer cette opinion il dit qu'ayant pañlé 
» la limaille d’acier fur la flamme d’une chandelle, il en vit 
» tomber des particules brillantes , femblables à des étincel- 
» les defufil , fi ce n’eft qu’elles étoient un peu plus groffes. 
°7. » Mais il n’y a rien de plus admirable , ni qui fafle 
»# mieux voir l'excellence du Microfcope , que ce que cet 
» Auteur dit de la moïfiflure. On ne croiroit jamais que ce 
# fût un amas de petites plantes; que toutes les chofes qui 
# paroïffent moifies , fuflent autant de petits prés émaillés de 
» diverfes fleurs. Cependant M. Hook aflüre qu'ayant re- 
» gardé avec le Microfcope une tache de moififlure qui étoit 
+ fur la couverture d’un livre, il a vù diftinétement que c’é- 
» toit une touffe de fleurs , comme elle eft repréfentée par 
» la figure (PI 2.) Les unes avoient des boutons ronds, &c Planche 22 
» qui fembloient n'être pas ouverts; les autres étoient à demi 
» épanouies : quelques-unes étoient tout-à-fait fleuries, & 
»il y en avoit dont le bout paroïfloit être rompu , comme 
» fi-elles euflent commencé à défleurir. Quoiqu'elles fuflent 
#-très-proches les unes des autres, chacune avoit fa racine à 
» part. Leurs tiges étoient rouges, longues, cylindriques, 
-». & tranfparentes. Leur fubftance étoit fort tendre, & pref- 
+ que femblable à celle des champignons ; car en les touchant 


Planche 3. 


Planche 4 


HI OBSERVATIONS 


» avec une épingle , elles fe rompoient facilement ; & ayant 
» été mifes à la flamme de la chandelle trois ou quatre fois, 
» elles demeuroient en leur entier. Pour leur odeur , elle 
» étoit forte & defagréable , aüfli-bien que leur goût. 

8. » La figure de la puce ayant déja été décrite par d’au- 
» tres, je ne rapporterai ici que ce que M. Hook dit du ref- 
» fort de fes jambes. Cet infeéte en a fix qui ont chacune 
» trois jointures , dont la difpofition eft toute différente ; car 
» les articles des deux jambes de devant entrent & s’enfon- 
» cent entierement l’un dans l’autre: ceux des jambes du 
» milieu ont leur étendue tout-à-fait féparée ; mais les jam- 
» bes de derriere ont leurs articles pliés l’un fur l’autre, 
» comme la jambe & la cuifle de l’homme. Quand la puce 
» veut fauter, elle étend en même temps toutes fes jambes; 
» & les différens articles venant à fe débander enfemble, 
» comme autant de reflorts , caufent ce faut, que quelques- 
» uns ont attribué à des ailes imaginaires ». 

La punaife dont on voit la figure repréfentée dans la PI. 
4. eft la punaife domeftique. Cet infeéte eft très-commun, 
fur-tout dans les villes, parmi le petit peuple & les gens mal- 
propres. Il eft connu de tout le monde par le tourment qu'il 
caufe la nuit, fuçant notre fang avec une très-grande avi- 


dité. La figure À repréfente la punaife vûe du côté du dos, 


& la figure Z la repréfente renverfée , pour faire voir le côté 
du ventre. Cet infeéte a fix pattes, qui chacune font com- 
pofées de quatre articulations, dont la derniere eft terminée 
par deux ongles crochus : fa tête eft ornée de deux petites 
antennes qui ont aufli quatre articulations , & d’une trompe 
qui eft appliquée le long de la poitrine , lorfque la punaife 
ne s’en fert point pour prendre fa nourriture. Le corps, ainfi 
que les antennes & les pattes, paroiflent, lorfqu’on les re- 
garde avec un Microfcope , tout couverts de poils. Le corps 
de cetinfeéte , fur-tout lorfque ce font des jeunes , eft affez 
tranfparent pour laifler appercevoir au dedans le mouvement 
périftaltique des inteftins , & des liqueurs qui paflent au-tra- 
vers; ce qui préfente un fpeétacie fort agréable à examiner. 

9. » C’eft une chofe furprenante de voir la quantité de 
» petits pores que le Microfcope fait voir dans le charbon ; 


ils 


D'HISTOIRE NATURELLE: » 


# ils font difpofés par ordre , & traverfent toute fa longueur ; 
» de maniere qu'il n’y a point de charbon, quelque long qu'il 
» foit, au-travers duquel on ne puifle aifément fouffler ; & 
» fi l’on en rompt un morceau un peu court, on voit le jour 
» au-travers avec le Microfcope. Leur nombre eft fi grand , 
» que dans un rang long de la dix-huitieme partie d’un pouce, 

» M. Hook en a compté jufqu’à cent cinquante ; d’où il con- 
* clut que dans un charbon d’un pouce de diametre il n’y en 
» doit pas avoir moins de cinq millions fept cents vingt- 
» quatre mille. C’eft à cette grande quantité de pores qu'il 
» attribue la noirceur du charbon ; car il dit que quand un 
» corps a beaucoup de pores dans lefquels la lumiere n’eff: 
# point réfléchie , il paroît néceflairement noir, d'autant que 
» la noirceur n’eft autre chofe qu’une privation du lumiere, 
» ou un défaut de réflexion ». 


CHAPITRE LE 


De la Mouche commune. 


A Mouche commune , dont on voit la figure dans la Planche «4 
Planche $ , eft trop connue de tout le monde pouren 
faire la defcription. Lorfqu’on l’examine avec un microfcope, 
on y découvre des beautés infinies ; tout fon corps paroît 
HE de noir & d'argent ; fa tête eft ornée de deux calottes 
hémifphériques qui paroiflent compofées d’un nombre infini 
de petits creux femblables à un réfeau , chacun defquels eft 
un œil: ces calottes font entourées de poils qui paroïflent 
d'argent. Elle a deux petites antennes, & une trompe velue 
qui lui fert à prendre fa nourriture. Cette trompe fe plie en 
deux parties , &Belle la renferme dans fa bouche lorfqu'elle 
le veut ; l'extrémité en eft auf tranchanre qu’un couteau, 
pour lui fervir à féparèr les différentes parties de fes alimens : 
elle peut aufli en former une efpece de tuyau , lorfqu'elle 
veut fucer les liqueurs fucrées , les fucs des fruits, ou les aus 
tres liqueurs. [1 y a des efpeces de Mouches qui font plus 
tranfparentes que d’autres , & dans celles-là on peur apperz 
dore 1 Ram L, 


#0 OBSERVATIONS 
cevoir diftinétement les mouvemens des inteflins deptis 
l'eftomac jufqu'à l'anus. 

Leurs ailes qui font membraneufes & fortifiées par des 
nervures , font aufli garnies tout autour de poils affez roides : 
leurs pattes font velues , & compofées de plufieurs articles ; 
l'extrémité en eft terminée par deux griffes ou ongles cro- 
chus, au milieu defquels on apperçoit deux parties rondes 
hériflées de petits piquans , comme la coque d’une. cha- 
faigne. 

lus on examinera les Mouches avec le microfcope , plus 
on yadécouvrira de beautés ; je laifle aux Curieux le plaïfir 
d’en faire eux-mêmes l'expérience. | 

Il refte à dire quelque chofe de la facilité avec laquelle 
ces Mouches marchent fur les corps polis & luifans, en 
quelque fituation qu'ils fe trouvent. 

Les Anciens, qui n’avoient aucune connoïffance des mi- 
crofcopes ni de leurs ufages, ne pouvant examiner les par- 
ties infenfibles des petits corps , fe font perfuadés que les 
Mouches ne fe foûtenoient contre ces divers corps, qu'à 
caufe qu’il fortoit de chacune de leurs pattes une efpece de 
matiere gluante qui les y attachoïit ; mais ilsne faifoient pas 
réflexion à la difficulté qu’elles auroient à les en'féparer, ni 
à la grande quantité de cette matiere qu'il auroit fallu à ces 
animaux pour en fournir à toutes leurs pattes, afin de la 
diftribuer à chaque pas qu'ils font fur la furface de tous les 
corps qu'ils parcourent. — 

Cette fuppoñtion a été reçue par des Académies célebres, 
fans qu’elles fe foient mifes en état de faire aucune expé- 
rence qui püt les affurer d’une chofe qui étoit fi facile à 
examiner. 

S'il eft vrai qu'à chaque pas que fait la Mouche fur les 
carreaux de verre du chaflis d’une chambsetelle y laïfle par 
{es fix pattes autant de cette humeur gluante qu'il en faut 
pour la foûtenir, on en doit voir une traïnée fur ces carreaux 
de verre ; ce qui ne fe remarque pas, même en lobfervant 
avec une loupe. 

Si l’on objeéte qu’on apperçoit des taches de Mouches fur 
de furface des carreaux de verre, fur celle des miroirs , &cc. 


D'HISTOIRE NATURELLE. ts 


& que ces taches pourroient bien être la matiere gluante que 


les Mouohes y appliquent en y marchant; nous répondrons 
que cette matiere que l’on voit fur les diverfes furfaces de ces 
corps polis, n’eft pas ce qu'on s'imagine : au contraire, ce 
ne font que des excrémens grofhers fortis des inteftins de la 
Mouche ; & c’eft de quoi on pourra s’aflürer , fi l’on fuit de 
vüe la marche de quelques-unes, car on verra fortir de leur 
anus les excrémens dont je parle. 

Si l’on objeéte encore qu'il y a aux extrémités des pattes 
d’une Mouche, de très-petites pelores d’où fort la matiere 
gluante qui la tient fufpendue fur les divers corps qu’elle 
parcourt; nous répondrons que le microfcope ne nous fai: 
fant rien découvrir de ce qu’on fuppofe, il vaut mieux penfet 
que l’ufage de ces petites pelores eft d'empêcher que les 
corps raboteux fur lefquels la Mouche marche , ne l'incom- 
modent. 

Enfin, comme il fe voit un grand nombre de petits ani- 
maux qui marchent fur tous les corps polis, aux pattes def- 
quels on.ne voit aucune pelote , on doit être perfuadé que 


cette opinion n’a été reçue que faute d'en avoir une plus 
vraiflemblable. 


Maintenant fi l’on fait réflexion fur l’inégalité des parties 
qui fe remarquent avec le microfcope fur la fuperficie des 
corps polis, fur les éminences & fur les enfoncemens qu’on 
y découvre ; fur la légéreté des Mouches, fur le nombre de 
leurs pattes, fur leur grande longueur, fur la multitude des 
poils qui les environnent de toutes ‘parts, & fur les petites 
grifles très -aigués qui les terminent , nous aurons, ce me 
femble , de quoi fatisfaire à la queftion , en difant que ces 


"petites créatures appliquant, comme elles font , environ le 


tiers de la longueur de leurs pattes fur la furface des corps 
qu’elles parcourent , & cette longueur contenant au moins 
quatre à cinq cents petits poils qui entrent dans les vuides que 
laiffent entr’elles les petites éminences raboteufes des corps 
fur lefquels elles marchent , cela fuffira pour faire compren- 
dre que ces petits infeétes peuvent fort bien fe foûtenir par 
cette difpofition méchanique , fur les corps même les plus 
polis , en quelque fituation qu'ils foient. Dé 

1} 


Plane & 


x2 È OBSERVATIONS 


C HA P'PIARME "TETE 


Defcription d’une forte de Moucheron qui Je voit ordinairement: 


fur la furface du Vin & fur celle du Vinaigre. 


I l'on faifit à la pincette un de ces petits Moucherons , 
& qu'on l’examine au microfcope monté d’une feule 
lentille d'environ trois lignes de foyer, on y découvrira 
non-feulement tout ce qui eft exprimé dans les deux figures 
qui font repréfentées fur cette Planche , mais encore plu- 
fieurs autres chofes que des defleins , quelqu'élégamment 
traités qu’ils foient , ne peuvent repréfenter. 

La premiere figure repréfente le Moucheron vû par le 
dos , & la feconde le repréfente vû par le ventre. En le 
<onfidérant d’abord , on le pourra divifer en trois principa- 
les parties ; fçavoir, la tête , la poitrine, & le bas-ventre. 

La tête de cet infeête eft des plus difficiles à examiner, 
parce qu'étant en vie, comme il doit être pour le bien voir, 
1l la remue continuellement ; & d’ailleurs elle eft compotée 
de tant de parties , &c d’un arrangement fi extraordinaire, 
qu’on a de la peine à les bien examiner pour en expliquer la 
méchanique. 

Cette tête, qui eft très-mobile , eft vûe ornée de deux 
gros yeux , de deux efpeces de cornes rondes & oblongues 
qui portent deux aigrettes , & d’une face des plus furpre- 
nantes qui fe puiflent voir. 

Sa poitrine eft chargée de fix grandes pattes & de beau- 
coup de poils. - 

Enfin la troifieme partie de cet infeéte eft d’une rondeur 
oblongue, plus groffe par le haut qu’elle n’eft par le bas, 
Voilà en gros ce que j'y ai remarqué , & voici en détail 
toutes les parties extérieures qui font repréfentées dans la 
premiere & féconde figure. 

Les yeux de ce Moucheron font fort gros, .& bien con- 
vexes; on les voit placés aux côtés de fa tête, &c autant 
éloignés l’un de l’autre qu'ils le puiflent être : leurs furfaces 


D'HISTOIRE NATURELLE. ‘13 
-paroïflent d’un beau rouge-brun , & divifées par un grand 
nombre de lignes courbes qui fe croifent en partageant cha- 
que cornée en un fi grand nombre de petits rhombes ou lo- 
fanges égaux entr'eux , qu'il n’eft pas poflible de les compter 
exactement. 

M. de Puget , dans une Differtation qu'il a faite fur l'œil 
de la Mouche, nous aflure qu'il contient environ huit mille 
cryftallins. 

Toute la convexité de chaque cornée du Moucheron eft 
parfemée d’une infinité de très-petits poils d’égale hauteur, 

‘plantés très-régulierement dans les fillons ou enfoncemens 
qui terminent les rhombes ou lofanges , du milieu defquels 
on voit élevés les cryftallins dont je viens de parler, qui 
couvrent toute la cornée de chaque œil ; & ce qu'il y a de 
articulier en ceci, eft qu'on ne remarque point de fembla- 
bts poils dans les fillons de l'œil de la mouche ordinaire. 

Chaque œil de ce Moucheron eft vü quelquefois comme 
enchâffé dans un petit bord étroit & argenté qui lui fert d’or- 
nement: ce bord de l'orbite ne paroït pas toujours de cette 
couleur argentée, ni diftingué du péricrène , qui eft une 
membrane charnue qui fert d’enveloppe au crâne. 

On ne remarque point de paupieres en ces yeux, qui 
n’ont aucun mouvement ; cependant ils ne laiffent pas d’'ap- 
percevoir tous les objets qui les.environnent & qui n'en font 
pas trop éloignés , parce que la tête de ce petit animal tour- 
nant librement fur fon col, chaque petit cryftallin faifant 
l'office d’un œil, le mouvement total de la tête rend ces 
objets vifibles. 

On voit une partie du péricräne entre les yeux de cet in- 
fette , dont le fommet eit orné de deux efpeces de cornes 
rondes , oblongues , & émouflées par le bout , qui portent 
chacune une efpece d’aigrette fortant du milieu de leur hau- 
teur, placées l’une à droite & l’autre à gauche de ces deux 
cornes , qui fe voyent terminées de même que le bout d’une 
faucifle. 

Sa bouche eft fort grande , & prefque toujours ouverte, 
comme on le peut remarquer en la feconde figure. On en 
_voit fortir comme une groffe langue qui fe fépare vers le bout 


14 nÉOBSENVATIONS 

en deux parties convexes par-dehors , plattes & raboteufes 
en-dedans, pour entraîner plus facilement ce qu’elles peu- 
vent détacher d'une partie des corps fur lefquels elles les 
appliquent , pour lui fervir de nourriture. On apperçoit 
quelques petits poils fur les côtés convexes de ces langues, 
qui font fituées d’une maniere toute contraire à celle des au- 
tres animaux ; c'eft-à-dire que leurs furfaces intérieures qui 
{e joignent en fe fermant , font pofées verticalement, com- 
me on le peut remarquer en la feconde figure de cette 
- Planche. 

Le dos de ce petit infeéte repréfente à-peu-près le derriere 
d’une hotte ; il eft couvert de gros & de petits poils ; 1l pa- 
roit compofé de deux parties articulées par le bas, comme 
on le peut remarquer en la premiere figure. 

Sa poitrine , qui fe voit en la feconde figure , a prefque la 
forme d’un cœur ; elle eft munie de longs poils, & de fix 
grandes pattes compofées chacune de fept pieces, & d’au- 
tant d'articles ou de jointures , ornées de quantité de poils, 
& d’une griffe à chacune de fes extrémités. On voit aufli 
deux ailes qui ont leurs infertions au milieu de cette poitrine, 
& dont Les bord$ extérieurs font munis de gros poils , & les 
intérieurs de très-petits , difpofés régulierement en forme de 
paliffades, pendart qu'on en remarque une infinité d’autres 
qui font plantés obliquement fur la furface mince & déliée 
qui forme le tiflu de l'aile, qui fe voit foûtenue d'une efpece 
de charpente. , : 

L’ufage de tous ces poils qui environnent l'aile de la Mou- 
che, eft d'empêcher d’autres animaux d’en ruiner la ftruc- 
ture , & de leur fervir de défenfe contre l’infulte de quelques 
autres. 

Ces petits Moucherons ne font pas toüjours exempts d’a- 
voir fur leur corps d’autres plus petits infeétes qui les dévo- 
rent tout vivans ; car on trouve fouvent fous les ailes d’un 
miférable hanneton trente à quarante petits infeétes , qui font 
comme autant de poux qui les mangent , fans qu'il puifle les 
chafler de ces lieux de refuge. 

La troifieme partie de ce petit Moucheron eft à-peu-près 
femblable à un œuf de pigeon , étant vüe par le dos , comme 


D'HISTOIRE NATURELLE. 1$ 
en la premiere figure. On y compte huit petites bandes de 
peu delargeur , & autant d'articles qui n’environnent pas tota- 
lement cette partie , mais qui finiffent après avoir couvert une 
très-petite partie de fon ventre, comme on le voit dans la 
figure. On voit quantité de poils rangés en ordre dans les 
endroits où ces bandes font articulées ; mais on n’en remarque 
point fous le ventre, à moins qu’on ne l’obferve étant éclairé 
du foleil : car alors il paroît tout velu , & d’un mélange bril- 
lant de diverfes couleurs. 


CHAPITRE IV. 


De la Licorne * ornée de deux efpeces d’aigrettes. 


E petit animal terreftre ne paroît avoir environ qu’une 

> ligne de longueur, étant regardé des yeux nuds ; mais 

en l'examinant avec une lentille de cinq à fix lignes de foyer, 

on l’apperçoit à peu-près de la groffeur que je l’ai repréfenté 
dans ce deffein, 

Son corps qui eft de figure ovale , eft un peu élevé au- 
deflus de fix pattes très-déliées, chacune defquelles eft com- 
pofée de trois articles mobiles, dont le dermier eft terminé 
par deux petites pelotres & trois griffes très-fines ; ce qui 
fait quil marche très-librement fur la furface plane qui eft 
au fond d’un canon de verre & de même matiere, dans le- 
quel je l'ai enfermé. 


Tout le dos de l’animal , qui eft de couleur brune & un 


peu luifant , eft rayé par des lignes un peu élevées, qui font 
conduites à peu- près parallelement entr'elles depuis la tête 
jufqu’à l’autre extrémité de fon corps, fans fe toucher; ce 
qui donne occafion de remarquer quelques petits enfonce- 
mens dans l’efpace qui {e trouve entre ces lignes. 

* I part une longue trompe du milieu de fa tête , qui eft 


* M. de Reaurmur appelle ce petit fait tant de tort dans les greniers où 
infecre le fcarabé à tête en forme de trom-® Yonconferve des grains , eftune efpece 
pes il eft connu par les Naturaliftes fous de ce genre, lequel efttrès-nombreux, 
le nom de curculio. Le charanfon qui 


Planche 74 


6 OBSERVATIONS 


aflez ferme & roide pour foûtenir elle - même deux petites 
cornes, chacune defquelles eft compofée de deux articles 
très - mobiles qu'on voit toûjours en mouvement , & dont 
les extrémités fe trouvent ornées de deux petites houpes ou 
aigrettes qui touchent tout ce que cette Licorne rencontre 
dans fa marche , pendant que la trompe demeure immobile 
en elle-même. 

Le ventre de cet infeéte eft vü compofé de plufieurs arti- 
cles formés en anneaux emboîïtés en partie les uns dans les 
autres, ce qui me fait penfer qu'il a deux ailes qui couvrent 
tout fon dos , d'autant plus que l’on voit une féparation au 
milieu de ce dos , que j'ai marquée dans ce deflein par une 
ligne plus forte qu'aucune de celles qui fe voyent à côté. On 
apperçoit une efpece de pouflere blanche femée très-lésere- 
ment fur le dos de cet infeéte, ce qui l'empêche de paroïtre 
noir. Ïl y a lieu de croire que fa trompe eft creufe, & qu'il 
ne refpire que par ce canal, qui donne un libre paflage à 
l'air qui fe communique par-là dans fes poumons. 

On voit deux petites éminences noires aux deux côtés de 
la tête de ce petit infeéte , qu’on peut juger être fes yeux ; 
{a tête eft emboitée dans fon col , qui eft fait comme un bour- 
relet, un peu enfoncé dans fes épaules, 

Je l'ai vû vivge au moins trois femaines , fans prendre au- 
cune autre nouftiture que celle de l’air contenu dans le mi- 
crofcope à tombeau qui le tenoit comme en prifon , & où 
il eft mort. 


CHA PTT R'E"V, 


Des petits Papillons qu'on voit en hiver fur des choux de Milan: 


E Papillon eft un infeëte volant, qui tire fon origine 

d’une chenille ou d’un ver ; il a des piés & des ailes. 
Morin , fameux Fleurifte, a obfervé avec Seaucoup d'exac- 
titude durant plufeurs années , que chaque plante avoit fa 
chenille & fon papillon particülier ; il en a nourri exprès un 
grand nombre fous des ciochies de verre , qu'ila fait enfuite 
defliner fur du vélin. Swamse 


D'HisTotRe NATURELLE, 17 
Swammerdam a décrit cent quatorze efheces de Papillons 
de nuit, avec leurs nymphes dorées ; il y en a de toutes 
unies , de velues, de colorées , & de tranfparentes : il Les 
appelle en latin papilio noëlurnus où phalæna. Aldroandus en 
décrit de cent dix-huit fortes. Moufet en repréfente de qua- 
tre-vingts-fix fortes ; Hoefnagel, de cinquante ; Goedart, de 
foixante-dix-fept fortes de ceux qui volent de jour, & huit 
qui volent de nuit. Cet Auteur les a repréfentés avec des 
couleurs qui imitent celles des Papillons qu’il a examinés. 

Les ailes de certains Papillons font femées de très-petites 
plumes , qui étant vûes des yeux nuds , paroiflent comme 
une poufhiere ; & lorfqu'on examine cette poufliere au mi- 
crofcope monté d’une feule lentille d'environ une ligne ou 
deux, chaque petit corps paroit comme une tulipe , dont les 
feuilles fe terminent en pointes. 

La tête des plus gros Papillons étant dégarnie des plumes 
qui la couvrent, on voit au-travers du crane le mouvement 
de deux vaifleaux qui s’'approchent & qui s’éloignent l’un 
de l’autre alternativement , en fe fervant d’une petite loupe 
d'environ fept à huit lignes de diametre & d’autant de foyer. 

Si l’on enferme une chenille dans un microfcope à canon 
de verre, on aura le plaifir d’obferver que le Papillon qui en 
viendra n’étoit pas feulement enfermé dans la chenille , com- 
me un animal dans l’autre ; mais que la chenille eft le Papillon 
même, revêtu d’une membrane qui nous le cachoit fous fes 
membres. Il y a une infinité de chofes très-curieufes, & très- 
différentes les unes des autres, à obferver dans ces animaux, 
dont l'attention n’eft pas indifférente aux perfonnes qui ai- 
ment la folitude , & à méditer fur les ouvrages du Créateur 
qui les a formés. 

N'ayant aucune idée d’avoir lù dans les ouvrages de Swam- 
merdam ni dans ceux de Goedart, aucune chofe touchant le 
Papillon dont on voit ici deux repréfentations , peut-être à 
caufe du peu de groffeur qu’ils ont naturellement , je me 
trouve en quelque forte obligé d’en parler, pour faire con- 
noître que Morin a eu quelque raifon de dire que chaque 
plante avoit fa chenille & {on Papillon particulier ; cepen- 
dant 1l me femble qu'il auroit mieux fait de dire que chaque 

Tome I. Part. L 


Planche 8, 


48 OBSERVATIONS 
chenille où chaque Papillon a fa plante particuliere & fa- 
vorite. | 5) 

Paflons maintenant à l'explication du Papillon Milanois,, 
velouté ou enfariné : chacun de ces trois noms me femble 
affez lui convenir, comme il fera facile d’en juger, fi l’on fe 
donne la peine de l’examiner. Le deffein qu’on en voit (PI. 
8.) au-deflous de la lettre 2), le repréfente vû par le ventre; 
&c celui qui fe voit au-deflous de la tête e, le fait voir par 
le dos. 

Dans la premiere de ces deux repréfentations on remarque 
une tête dont le fommet fe voit orné de deux cornes aflez 
longues 8: mobiles, compofées de plufieurs parties articu- 
lées ; de deux trous qui répondent prefqu’au-deflous de ces 
cornes, que je crois être fes oreilles ; de deux gros yeux irré- 
gulierement terminés, & des plus enfoncés dans cette tête 
que j'aye vüs jufqu'à préfent ; & enfin d’une trompe compo- 
fée de plufieurs pieces mobiles , affez longues , & terminée 
en pointe un peu émouflée qui defcend fur fa poitrine , d’où 
Von voit partir trois grandes pattes de chaque côté , compo- 
fées chacune de trois pieces articulées , & mal terminées : 
tout le refte de fon corps æeft d’une rondeur oblongue. Ce 
petit infeéte a quatre ailes, deux petites & deux grandes, 
qui n’ont aucune tranfparence , non plus que les cornes, les 
pattes, & le corps, qui n’a au plus qu'une demi- ligne de 
longueur, parceque toutes ces parties-là font totalement 
-couvertes d’un duvet farineux & épais , qui ne permet pas 
Je paflage aux rayons de lumiere qui tombent deflus. 

On peut conferver ces petits Papillons aflez long-temps , 
& même en hiver, en les mettant dans une boîte avec les 
feuilles de chou qui leur fervent d’aliment. Lorfque la boîte 
eft découverte, on en voit quis’envolent , maïs ils ne vont 
pas loin du lieu d’où ils partent. Pour les bien examiner, if 
les faut faifir au bout de la pointed'aiguille, qui fe monte fur 
da machine nommée porte-pinceite , en employant un peu 
d’eau gommée dans laquelle on trempe le bout ‘a cette poirt- 
te d’aiguille ; laquelle étant montée au microfcope , on fe 
#ervira d’une lentille d’environ trois lignes de foyer : par ce 


Secours on pourra voir exaËtement toutes les parties de ce 


petit animal, 


D'HISTOIRE NATURELLE. T9 


CHAPITRE VL 
De la Mie vagabond. 
Le Mite peut pañler pour un des plus petits animaux que 


la fimple vüe puifle découvrir ; on la voit marcher, & 
fe détourner de quelque petit corps dont on traverfe fon 
chemin : par-là on juge feulement qu’elle peut avoir des 
jambes & des yeux ; mais ce n’eft que par le fecours du mi- 
crofcope qu’on peut exa£tement connoître toutes fes parties, 
&z que c’eft une efpece d'infeétes qui fe trouvent quelquefois fi 
menus, que la vüûe n’eft pas capable de les appercevoir, quoi- 
que blancs, & qu'ils fe meuvent fur une furface noire. Les 
œufs d’où ils font fortis font fi petits, qu’un feul ne furpañle 
pas la centieme partie de celui d'une Mite ordinaire ; les 
Mites mêmes d'une grandeur moyenne , & bien nourries, 
n'ayant guere plus de largeur que la centieme partie d’un 
pouce. Nonobftant cette extrème petitefle, notre microfcope 
nous apprend que ces petits infeétes ont une figure des plus 
jolies qui fe puifle voir, 8 que chacun d'eux eft muni de, 
huit jambes d'une belle figure & bienproportionnées, arti- 
culées & pliables en fept ou huit différens endroits, la plus 
grande partie de chacune defquelles eft couverte d’écailles 
tranfparentes , dont le bout inférieur eft frangé de plufieurs 
etites foies , & terminées-chacune par une griffe trés-aiguë. 
Le corps de la Mite ef divifé en trois parties principales : 


la partie poftérieure ou le ventre 4, paroït couvert d’une f 


feule écaille ; mais la région moyenne ou la poitrine eft cou- 
verte de deux écailles À, C, qui coulent l’une dans l’autre ; de 
maniere que la Mite s’y peut en partie retirer quand elle 
veut , ainfi que fon grouin D , qui a pareillement la facilité 
de fe raccourcir & s'allonger , felon qu'il fe reflerre ou qu'il 
s'étend fous fa couverture , dont les parties peuvent s'enga= 
gér ou rentrer les unes dans les autres, & s'en dégager. 
-_ Tout fon corps eft d’une belle tranfparence ; enforte qu'é- 
tant regardé à une lumiere direéte , comme on regarde les 


Ci 


Planche g 


3 1» 


Ce) | OBSERVATIONS. 

objets du ciel dans une lunette d'approche, on peut apper- 
cevoir divers mouvemens qui fe font dans fon corps; & 
dans cette pofture toutes fes parties font plus aifées à être 
élégamment repréfentées. Les écailles , principalement celle 
qui couvre le derriere de l’infeéte, eft fi exaétement polie, 
qu'il eft facile d’y voir l’image de tous les objets d’alentour, 
qu'elle repréfente comme fait un miroir convexe. Au haut, 
au bas &c en divers endroits de ce corps , on remarque quan- 
tité de poils longuets & blancs, qui femblent fortir de ces 
écailles , parmi lefquels il s’en voit de plus longs que n’eft 
tout le corps de l’animal. 

Tous ces poils font pliables , hormis feulement les deux 
que l’on voit fur la partie antérieure de cet infeéte, & qui 
lui fervent de cornes, ainfi qu’on le peut voir dans les figures, 
dont la premiere eft le deflein d’une petite forte de Mite qui 
va çà & là, & qui pour cette raifon peut être nommée Mite 
vagabonde ; à la différence de quelques autres qu’on peut 
nommer Mites domefhques | parce qu’elles reftent toüjours. 
dans les mêmes lieux. | 

La feconde figure eft la repréfentation d’une Mite fixée 
fur fon dos par le moyen d’un peu d’eau gommée mife fur un 

corps noir, pour faire voir de quelle façon toutes les jambes 
naïflent du corps , 8e comment elles y font attachées ; & 
donner le moyen d’obferver le jeu & les mouvemens admi- 
rables des parties qui les compofent. 

Ce petit infeéte eft très-diverfifié , non-feulement dans fa 
forme , dans fa couleur, &c. mais aufli par différentes pro- 
priétés conformes à la nature de la fubftance dans laquelle il 
a été engendré & nourri. | 

Il y en a qui font leur réfidence ordinaire fur toutes fortes 
de fubftances moifes ou pourries. : 

On en voit roder fur quelques matieres mifes en infufon: 
dans de l’eau commune, après leurs fermentations & leurs 
végétations, | 

On trouve de ces infeëtes fur des tonneaux d’où il eff forti 
quelques gouttes de vin, dont le féjour a donné occaïion aux 
œufs que leurs meres y avoient dépofés, de s’éclorre en peu 
de temps, 


D'HisTorre NATURELLE. 2! 

On en découvre quelquefois entte les feuillets des gros 
champignons tout nouvellement tirés de terre : il s’en voit 
aflez fouvent fur les taches de pourriture des vieux fruits, fur 
les figues feches , fur les limas de cave : enfin on en trouve 
une pépiniere avec leurs œufs fur de certains fromages, dont 
je parlerai plus loin. 

Si l’on fe donne la peine d'examiner quelques limas de 
cave avec une petite"loupe, on les verra chargés ou cou- 
verts d’un grand nombre de petites Mites qui ne les aban- 
donnent qu'après leur mort. Ces Mites parcourent le corps 
des limas avec beaucoup de vitefle, quoique très-vifqueux 
& gluant ; & parce qu’il n’eft pas facile de les fixer pour les 
bien voir, je dirai comment je m'y fuis pris afin de les exa- 
miner à loifir. Pour cet effet je prends un morceau de glace 
concave , ou un verre plane des deux côtés, que j’enduis 
légerement d’un peu d’eau gommée , d’une confiftence aflez 
épaifle pour que les Mites que je fais tomber deflus, sy 
puiflent attacher : je place enfuire ce morceau de glace à un 
microfcope monté d’une lentille d'environ trois lignes de 
foyer ; par ce moyen je me trouve en état de voir ces petits 
animaux , & de choifir ceux dont les attitudes me paroiflent 
les plus propres à être repréfentées. Vous en voyez trois fur 
la Planche 8. Celle qui eft au-deffous de la lettre 4, eft vûe 
de front par le ventre; celle qui eft au-deflous de Z, eft 
encore vüûe par le ventre, mais un peu de côté; & celle 
qui fe voit au-deflous de la lettre €, eft vûüe par le dos. 

Ces animaux font blancs , mais ils font trop épais pour 
être tranfparens : leurs corps ñe font pas fi unis & fi luifans 
que ceux des Mites précédentes. Ils ont quatre pattes à droite 
&t aytant à gauche de leur petit corps, compofées chacune 
de cinq membres , & d’autant d’articles ou de jointures. Ces 
pattes ne font pas efpacées également ; car on voit que la 
diftance des quatre premieres aux quatre autres , eft beau- 
coup plus grande que n’eft celle des deux premieres aux deux 
fecondes , & des deux troifiemes aux deux quatriemes. 

On voit deux longs poils aux côtés de fa rête, qui peu- 
vent pañler pour fes cornes , parce qu’ils font beaucoup plus 
gros &c plus longs que ceux qu’on voit en petite quantité 


Planche 10 


Planche 114 


13 FETOBSERVATIONS T 

autout de fon corps. Enfin on voit encore un petit mufèau 
tond , court & émouflé par le bout; mais on n'y découvre 
point d'yeux. 3 

Enfin les Mites dont je parle ; vivent très-long-temps de la 
fubftance huileufe qui fe voit fur le corps des limas de cave; 
mais dès qu’ils font morts elles les abandonnent , faute d'y 
trouver de quoi fe nourrir. Il n’en eft pas de même d’un 
grand nombre d’autres animaux , qui'ne font dévorés par 
d’autres Mites que lorfqu’ils font morts. 

On a repréfenté fur la Planche 10 une Mite de fromage ; 
&c une Mite ou pou de ferin , telles qu’on les voit avec un 
microfcope. Il fuffit de jetter les yeux fur cette Planche, 
pour s’appercevoir de la différence qu'il y a dans la figure de 
ces deux petits animaux , fans qu'il foit befoin d’en donner 
une defcription plus détaillée. 


CH API TR ENTTL 
Defcription d’une efpece de Mouche aquatique & terreftre ; quë 


nage fur le dos, qui faute & marche étant hors de l'eau *. 


ETTE efpece de Mouche, qui fe pêche ordinairement 
C dans des baflins de fontaine , eft des plus curieufes, & 
d’une conftruétion des plus fingulieres qu’on en puifle voir. 
Elle paroit aux yeux nuds avoir environ trois lignes de lon- 
gueur, & une bonne ligne &c demie de largeur : fa couleur, 
quoique variée, paroiït d'un verd pâle & un peu luifant : fa 
tête paroït avoir plus de largeur qu’elle n’a de hauteur : on 
la voit ornée de deux gros yeux qui ne font pas ronds, quoi- 
que convexes : elle a fix pattes , favoir quatre petites & deux 
grandes , qui lui fervent de nageoires : enfin un corps com- 
pofé de plufieurs bandes articulées qui le terminent en dimi- 
nuant de groffeur, & plufeurs petites mafles de poils rangés 
proprement tant à droite qu’à gauche des derniers anneaux 
qui terminent fon corps. Voilà en gros ce que nous avons pù 
obferver fans le fecours du microfcope ; 8t voici ce qu'on 


% C'eftune efpece de punaife aquatique, Notonetta Linnai, 688, 


D'HisTOtRE NATURÈLLE. 2% 
en peut découvrir de plus en fe fervant d’une petite loupe 
d’un pouce de foyer, montée d’une maniere commode. 

Comme la fituation la plus ordinaire & la plus naturelle à 
cetre Mouche vûüe dans l'eau , eft d'y être prefque toûjours 
couchée fur le dos, fes detix grandes pattes étendues, & fa 
tête un peu plus baffle que le refte de fon corps ; & qu’elle 
demeure ainfi aflezlong-temps, & bien tranquille : c’eft dans 
cet état que je vais l’examiner. 

Sa tête eft aflez plate ; on la voit ornée de deux gros yeux, 
autant écartés l’un de l’autre qu'ils le puiffent être, & dont 
les cornées paroïflent brunes : la partie du péricrane qui fé- 
pare fes yeux eft bien large, &c d’un verd pâle. On apper- 
çoit qu'il tombe de fa face, ou qu'il en fort, comme d’une 
efpece de bouche , une trompe compofée de trois ou quatre 
pieces, & d’autant d'articles qui vont diminuant de groffeur 
depuis fa racine , qui paroit fort large , jufqu’à fon extrémité, 
Cette même largeur femble être féparée de haut en-bas par 
une groffe ligne noire , qui eft interceptée par plufieurs au- 
tres lignes de même couleur. Cette trompe qui paroît immo- 
bile, ne left pas toûjours; elle paroït avoir environ trois 
Hgnes de longueur , étant confidérée des yeux armés de la 
loupe , ou d’une lentille, qui fait voir les objets un peu plus 
gros que la précédente. 

- La poitrine de cette Mouche paroit par-devant tellement 
unie au-deflous de fa tête, qu’elle en cache le col. Les fix 
pattes dont j'ai parlé , ont leurs infertions tout le long de cette 
poitrine : chacune des quatre premieres eft compolée de qua- 
tre pieces & d’autant d'articles ; elles font munies de quelques 
petits poils noirs, & de deux griffes de même couleur. Chaque 
grande patte n’eft compofée que de trois parties, & d’autant 
d'articles ; elles font munies d’un grand nombre de poils d’une 
délicatefle extraordinaire : ces deux dernieres pattes n’ont 
point de griffes ; aufli n’en ont-elles pas befoin, parce qu’elles 
fervent de nageoires à cet infette, quine voyage dans l’eau 
que par fecouffes , de maniere que fon nager n’a rien d’élé2 
gant. Toutes les pattes & les nageoires fe frottent l’une l’au- 
tre de temps en temps, de même que celles des Mouches ordis 
aires, La premiere piece de chacune des pattes ef comme 


24 OBSERVATIONS 

arboutée d'une autre piece convexe extérieurement , & 
longue d'environ trois lignes , fe terminant en pointe 
émouflée, & s'étendant le long de la piece, fur laquelle elle 
eft très-intimement attachée , & qui en femble féparée par 
une ligne noire dont elle eft envifonnée. On remarque que 
les deux premieres pattes fe touchent prefqu’à l’endroit de 
leurs infertions , où elles font garnies de poil, ce qui ne fe 
voit pas aux mêmes endroits des autres pattes. 

La troifieme partie, ou le bas-ventre, nous paroît com- 
pofée de huit ou neuf bandes, ou d’autant de portions d’an- 
neaux qui fe terminent aux côtés du ventre, qui eft partagé 
de haut en-bas en divers rangs de poils très-fins, appliqués 
les uns contre les autres, paroiïflant d’une couleur dorée , & 
Juifans ; formant trois petites éminences à droite & autant à 
gauche ; efpacées également le long des bords du ventre de 
cette Mouche, dont l'anus paroït prefque toûjours ouvert, 
& comme sil en fortoit une bulle d’air; & aux côtés de cette 
ouverture on voit plufeurs mafles de longs poils très-fins ; 
dont l’afflemblage forme une efpece d'ornement. 

Les deux griffes qui fe voyent à l'extrémité de chaque 
patte fe joignent quelquefois 4 exaétement, qu’il n’y en pa- 
roit qu'une feule. 

Après avoir obfervé cette Mouche vüûe par le ventre, je 
lai confidérée de front & par le dos , & j'ai và que les cor- 
nées de fes yeux étoient compofées d’une infinité de petites 
éminences , qui font comme autant de cryftallins femblables 
à ceux de la Mouche ordinaire, mais en bien plus grand 
nombre , & plus petits de moitié : d'où il faut conclurre que 
fi les yeux de la Mouche ordinaire n contiennent environ 
feize mille, au rapport de M. de Puget, ceux de cette Mou. 
che aquatique en doivent contenir le double. N’eft-ce pas 
là de quoi faire révolter l'imagination la plus forte ? 

On voit quelques petits poils aux endroits de l'orbite, où 
ces yeux font comme fertis ; mais l’on n’en découvre aucun 
dans les fillonnages des cryftallins de la Mouche aquatique. 
Pendant que je la tenois entre les deux premiers doigts de la 
main gauche , pour en bien confidérer les yeux , je me 
fentis piqué vivement de fon aiguillon , qui me caufa une 

grande 


« 


D'HISTOIRE NATURELLE. La 
grande douleur , que je fis heureufement cefler en peu de 
temps, avec un peu d’efprit-de-vin que je mis deflus. 

Je repris après cela cetre Mouche, que j'avois remife dans 


l'eau , pour continuer à l’examiner, & j'apperçus deux pe- ” 


tites ouvertures rondes un peu au-deflus de fa bouche, que 
l'on peut prendre pour {es nafeaux. 

On voit remuer fa tête, qui n’eft féparée de fes épaules 
que par très-peu de largeur : la partie du péricrane qui ré- 
pond à fon fommet, paroît blanche, & piquée de plufieurs 
petits enfoncemens : fes épaules font couvertes d’une mem- 
brane blanche & deliée , divifées en deux bandes infépara- 
bles par une ligne courbe , concave du côté de la tête, paf 
fant d’une épaule à l’autre. 

Cette membrane ou cette efpece de colletparoïtun peu 
tranfparent & de deux fortes de couleurs ; il eft un peu mo- 
bile , & couvre le derriere de fa poitrine. Les ailes de cette 
Mouche font dures &r fermes ; elles paroiffent de plufieuts 
couleurs , & formentavec la bafe du collet un efpace trian- 
gulaire, 

La marche de cet infeête eft aflez agréable à obferver : 
on voit qu'il appuie les extrémités des deux pattes de devant 
fur la furface horifontale des corps qu'il parcourt : les deux 
fecondes pattes font à-peu-près la même chofe ; & les deux 
dernieres , qui lui fervent de nageoires , la font avancer, en 
pouffant en arriere la partie de ces nageoires qui eft munie 
de poils ; & lorfqu’il fe trouve fur le-dos , il fait un faut en 
ouvrant quelque peu fes ailes, pour fe remettre prompte] 
ment fur fes pattes. 

Enfin il arrive qu’on voit quelquefois cette Mouche nager 


fur le ventre, puis fe tenir comme debout & immobile la 


tête hors de l’eau; ce qui eftfirare , que je ne l'ai apperçue 
qu'une fois ou deux dans ces diverfes fituations. On la peut 
conferver durant plus d’un mois en vie, pourvä qu'on lui 
donne de nouvelle eau de temps en temps : le plus fouvent 


eft le meilleur. 
LOS, 


Tome JL, Par, L, D 


n 


Planche 7, 
fg. 23° 


26 -.. OBSERVATIONS 


CE HA PET RE VIII 
Defcription d’une autre efpece de M Re aquatique G terreftre*, 


CC ETTEe Mouche vüe des yeux nuds, peut avoir un 
peu plus de deux lignes de longueur, & la moitié en 
largeur. Sa couleur eft compofée de plufieurs efpeces de 
bandes interrompues , courbes & noires, fur un fond d’un 
jaune verdâtre : elle a deux gros yeux en forme de triangle 
curviligne , dont les cornées font convexes , & compofées 
d’un très-prand nombre de cryftallins femblables à ceux des 
Mouches ordinaires , mais beaucoup plus petits & en plus 
grand nombre. Le péricrane qui fépare fes yeux eft d'une 
couleur blanche ; en paflant du derriere de fa tête en-devant, 
on le voit defcendre & finir en pointe , d’où il fort, comme 
d’une bouche , une trompe très-aigué qui tombe jufqu’en- 
deçà des racines des premieres pattes de cette Mouche, qui 
ne font compofées que de deux parties , de trois articles & 
de deux griffes chacune. 

La longueur des pattes du milieu eft au moins du double 
des précédentes ; on les voit compofées de quatre grandes. 
pieces munies de quelques poils , & de deux efpeces de grif 
fes à chaque extrémité. Les deux dernieres pattes font plus 
groffes que les précédentes ; on les voit compofées chacune 
de trois pieces d’une groffe se , & de quelques poils. Tout 
le corps de cette Mouche eft environné de cinq ou fix bandes 
ou anneaux emboîïtés l’un dans l’autre , comme on le peut 
voir dans la figure repréfentée au-deflous de la lettre 4. 

Le derriere de cette Mouche fe voit environné de plu- 
fieurs petits poils : étant vüe par le dos, comme on l’a re- 
préfentée au-deflous de la lettre £ , on apperçoit que fes 
épaules font couvertes d’une piece mobile qui joint fa tête, 
& dont le bas forme un angle très-obtus. Au-deffous de cette 
efpece de collet , il fe voit deux autres pieces qui en defcen- 
dant forment un angle aigu. Enfin il part de deflous ces pieces: 


* Autre «fpece dePunaife aquatique. Motoneéla Linnei , 689. . 


D'HisToitRe NATURELLE. 27 


deux ailes tachetées de plufeurs petites bandes interrompues 
& noires , comme j'ai déjà dit, formant des petits arcs de 
cercle dont la convexité eft tournée du côté de la tête de 
cette Mouche, qui gate & faute étant hors de l’eau. 


GE ELLE EEE << QT | 
CHAPITRE. IX 


Anatomie des Plantes en général. 


« T L eft aifé de connoître (difent les Auteurs du Journal 
» JL des Savans, ann. 1676 } par les nouvelles découvertes 
» que l’on a faites en ce fiecle dans la Phyfique, que les An- 
» ciens n'ont pas*épuifé les fecrets de la Nature, & qu'ils ne 
» fe font fouvent donné la peine de connoître que ce qu’elle 
» ne prenoit pas beaucoup de foin à leur cacher. Ceux qui 
» nous ont parlé de Plantes , fe font contentés d’en décrire 
» l'extérieur ; ils n’ont pas été jufqu'à la difleétion & à l’a- 
» natomie , & ils ne fe font guere mis en peine de décou- 
» vrir par la connoïffance de leurs parties intérieures & ca- 
» chées , la raifon de plufieurs effets qui ne peuvent s'expli- 
» quer que par ce moyen. | 

» M. Grew, favant Botanifte, s’eft attaché à cela dans un 
» ouvrage, qu'il appelle pour cet effet Anatomie des Plantes. 
» Il y décrit toutes les parties dont elles font compofées, il 
» en marque les ufages ; il rend raïifon de plufieurs chofes 
» particulieres qu’il eft aifé d’obferver dans diverfes Plantes, 
» & que perfonne n’avoit encore pris le foin d'expliquer : & 
» parce que la méthode eft l'ame de tous les ouvrages, & 
» qu'il n’eft point de plus bel ordre que celui que la Nature 
» obferve en toutes chofes , cet Auteur fuit en parlant des 
» Plantes , celui que la Nature garde en les formant. Ainf 
» il commence par la graine, il vient enfuite à la racine, de 
» la racine il pañfe à la tige; & parce que la tige poufle des 
» branches , des feuilles , des fleurs & des fruits, & enfin 
» d’autres graines propres à être femées , il continue & finit 
» par-là fon ouvrage. 

» Îl'a choïfi entre les graines une grofle feve de jardin ; 


D 1j 


2$ OBSERVATIONS 
» comme une des plus propres à faire connoître les parties 
» qui la compofent. Il les décrit toutes en particulier ; mais 
» ce qu'il dit de leur ufage eft d’autant plus beau, qu'il y 
» explique tous les degrés de la végétation | & toutes les 
» démarches que la Nature obferve pot faire croitre & pour 
» faire groffir une Plante. 
1. » On y voit comment le fuc qui nourrit la feve ayant 
» été renfermé dans les peaux de la feve, comme dans au- 
» tant de réfervoirs où la Nature le conferve jufqu’à ce qu’elle 
» en ait befoin , pafle à-travers les peaux qui enveloppent 
# les deux lobes, c’eft-à-dire les deux parties qu’on voit fe 
> féparer aïfément dans la feve lorfqu’elle eft encore verte, 
# qui font marqués dans la figure ( ci-devant Planche 7. 
» fig. 4), avec leur parenchime, par les lettres aaa ,uaa; 
» & qu’ainf il n'arrive à la feve que peu-à-peu , & qu’autant 
# qu’elle en a befoin , après s’y être filtré comme dans un 
> coton très-fin , & s’y être fermenté, comme la biere & 
# les autres liqueurs fe fermentent dans les bouteilles ou dans: 
» les vaifleaux dans lefquels on les enferme. à 
. .» Ce fuc ayant reçù fa derniere préparation dans le paren- 
» chime, entre dans toutes les branches de la racine /éninale 
» bb; & de-là continuant toûüjours fon mouvement , il va fe: 
» rendre à la radicule c, dans la même partie où aboutiflent 
» les groffes branches d. La radicule étant ainfi impréonée, 
» devient la racine de la Plante ;. & alors la plumee, qu'on: 
» nomme ainfi à caufe qu'elle reflemble à un petit bouquet 
» de plume, fortant des cavités dans lefquelles elle étoit ren- 
» fermée, croit à fon tour , devient la tige de la Plante, & 
» ne laifle déployer & paroître les petites feuilles qui la com- 
» pofent, que lorfque la feve poufle & fort de la terre. , 
» Le cours de la feve dans la racine n’eft pas moins admi- 
» rable que dans le corps de la graine. Cet Auteur l'explique: 
» par une circulation à-peu-près femblable à la circulation: 
» du fang qui fe fait dans les animaux ; car faifant pañler ce 
» fuc à-travers les infertions, pour aller de l'écorce dans la 
» moëlle & de la moëlle dans l’écorce . d’où il eft chaflé- 
» plus d’une fois par un nouveau füc qui y entre encore, ik 
? fuppofe qu'enfin les parties crues du fuc retournent de la 


D'HisToiRrE, NATURELLE 25 
» même maniere de l'écorce dans la moëlle ; & que celles 
» qui fe trouvent aflez volatiles n'ayant plus befoin de cir- 
» culation, montent en droite ligne vers la tige de la Plante. 
» Ce qu'il dit du corps Lgneux qui fe trouve dans la tige, 
» eft encore particulier ; car il remarque que fes pores ne 
#» paflent que fort rarement les uns dans les autres ; mais que 
» s'étendant en long , ils demeurent toüjours diftingués com- 
» me autant de divers petits canaux. Les uns ne font que les 
» creux des fibres, dont chacune eft percée par plufieurs de 
_» ces pores, jufqu'au nombre de trente, de cinquante, ou 
» même de cent ; & les autres font les efpaces qui fe trou- 
* vent entre les diverfes parties du bois. Aïnfi ce qu’on ap- 
» pelle proprement bois dans un végétable , dans une Plante 
» ou dans un arbre , n’eft autre chofe , felon cet Auteur, 
» qu'une infinité de canaux fort petits, ou de fibres creufes. 
» La figure qui fuit (PI. 7. fig. 5.) le fait voir aifément. 
# Elle repréfente un petit morceau de tige de gloutiron exa- 
» miné d'abord avec les yeux , & enfuite avec le microfcope. 
‘» aa, eft la figure , telle qu'elle paroït aux yeux : #, fa gran- 
» deur & fa figure , comme on le voit par le microfcope : 
» cc, les infertions du parenchime de l’écorce : dd, dd, dd, 
» les fibres du corps ligneux qui font diftribuées dans la tige. 
» Les diverfes fortes de points noirs qui y paroiflent, mar- 
» quent les différentes fortes de pores. | | 
» Ceux de la moëlle, principalement dans un fureau, 
» font par-tout également entre-coupés, au contraire de ceux 
» du corps lpgneux. Cet Auteur avoue que M. Hook le lui a 
» fait voir, & qu'il l’a pleinement convaincu que la moëlle 
» n’eft autre chofe qu’un amas de plufieurs petits ouillons , 
» lefquels fe dilatent ou fe ferrent , fuivant la dilatation ou la 
» compreflion du corps ligneux ; & c’eit la raifon pour 
.» laquelle la moëlle n’eft pas fi large à proportion dans les 
» tiges des arbres, que dans celle des autres Plantes qui 
» font de même âge , parce que le corps Loneux fe trouve 
» beaucoup moins dilaté dans les arbres que dans les herbes, 
.» par exemple , où l’on voit que les derniers rejettons pouf- 
» fent fouvent jufqu’à la peau à laquelle ils fe joignent ; & 
» cette moindre dilatation du'corps ligneux dans les arbres, 


30 OBSERVATIONS 


# vient de ce que dans la plüpart le fuc n’eft pas fi impétueux 
# ni fi fort que dans les herbes. 

» [l n’y a rien de plus méprifable qu’une paille, cependant 
# il n’y a je” de plus admirabie lorfqu’elle ferr encore de 
» tige au blé. La defcriprion qu'on en trouve ici eft très- 
» curieufe ; car l’Auteur y explique comment l'élévation de 
» la tige du blé fert à mürir le fuc ; comment le peu d’épaif- 
» feur de fes côtés fert à le ménager, & à en empêcher la 
» trop grande diffipation ; & enfin comment la difpofition 
.» de certe tige, qui eft ronde & creufe , fert à le rendre fer- 
» me, & à lui donner aflez de force pour fupporter le poids 
» de l'épi, de même que les nœuds, qui font encore comme 
» des tamis, qui filtrent, & qui purifient le fuc lorfqu'il s’é- 
» leve vers l’épi pour le nourrir. 

# La Nature n'eft pas moins admirable dans la formation 
» des branches qui fortent des tiges , des bourgeons & des 
» nœuds. Les premieres viennent ordinairement du centre 
» de la tige, & ne font que des faillies du fuc qui fe fermente 
# dans la moëlle ; d’où il arrive que les Plantes qui ont moins 
» de moëlle que les autres, pouffent moins de branches ou 
» de plus petites ; & que celles qui n’en ont point du tout, 
» ne pouflent point de branches , comme nous le voyons 
» dans la tige du blé. Les bourgeons fe forment des parties 
» les plus légeres & les plus volatiles de ce fuc , en partie 
# par une extenfon pareille à celle de l'or qu’on tire pour 
» être filé, & en partie par une dilatation femblable à celle 
» de l’eau qui s'éleve en bouillons : ils s’allongent & fe dé- 
# ployent à-peu-près comme une lunette d'approche ; & for- 
» tant ainfi de la circonférence de la tige, ils fe changent 
» peu-à-peu en branches. Mais comme toutes les parties qui 
» compofent les bourgeons & les branches, font portées 
# collatéralement vers la circonférence de la tige , elles ren- 
# contrent celles qui s’élevent direétement vers le haut, & 
# s’embarraflent fouvent enfemble : il fe forme des nœuds 
# qui arrêtent encore les parties les moins fubtiles du fuc, 
» & qui filtrent les autres ; de forte qu’il n’en pafle dans les 
# bourgeons & dans les branches qu’autant qu’il leur en faut, 
# @ dans toute la pureté néceffaire. , 


D'HISTOIRE NATURELLE, 31 


 » Iln’en eft pas de même a ces nœuds pierreux , dont 
» lamas forme ce qu’on appelle la carriere dans les poires 
» nommées .ordinairement poires d’étranguillon ; car ces 
» nœuds ne font autre chofe, felon cet Auteur, que plufieurs 
» parties du fuc endurcies & coagulées de la même maniere 
» que celles qu’on voit fouvent dans les urines, dans les ton- 
» neaux de vin, & dans plufieurs autres liqueurs, par la pré- 
» cipitation que caufent quelquefois le mélange & la force 
» des fucs qui fe trouvent dans le corps Lgneux & dans le 
» parenchime , qui agiflent les uns fur les autres, 
» Il attribue à la diverfe difpofition des fibres que la tige 
» pouffe pour former les feuilles , leurs diverfes grandeurs & 
» leur figure particuliere : 1l veut même que ce foit la caufe 
» pour laquelle elles font plates ; & il remarque que la Na- 
» ture donne à chaque bourgeon , outre les feuilles dont il 
» eft compofé , plufeurs membranes qui le couvrent, & 
» qu'il appelle des fur-feurlles , qui lui font fort utiles, parce 
» que ne s’ouvrant que peu-à-peu , elles ne laïffent entrer 
» dans le bourgeon le vent, la pluie & le foleil que par de- 
» grés , & à proportion qu'il les peut fouffrir. 
» En parlant des fleurs , il rend raifon pourquoi certains 
» fruits, comme les pommes, les poires, &c. fe forment 
» fous les fleurs ; & quelques autres , comme les cerifes, 
» les abricots, &c. fe forment en-dedans. Il en attribue la 
"» caufe à la folidité ou à la délicateffe de la pulpe. Les pre- 
» miers ayant la pulpe fort folide , n’ont quafi rien à craindre, 
» ainfi la Nature ne fe met pas beaucoup en peine de les 
» mettre à couvert ; au lieu que les cerifes , les abricots & 
» les autres fruits pareils fe formant au commencement du 
» printemps , qui eft quelquefois aflez froid , périroient in- 
» failliblement , s'ils n’étoient enveloppés dans les fleurs. 
» Il explique de même PR le fruit devient générale- 
» ment meilleur à manger que les autres parties des Plantes. 
» Il croit que fa fituation y contribue beaucoup, parce que : 
» les parties les plus groflieres du fuc demeurant dans les 
- » feuilles , il n’entre dans le fruit que les plus pures & les 
» plus délicates. La figure du fruit n’y eft pas non plus inu- 
» tile ; car la plüpart des fruits érant ronds , ou à peu-prés » 


Planche 224 


32. OBSERVATIONS 


» il y entre une grande quantité de fuc, qui {e trouvant éga- 
»# lement répandu dans toutes les parties, s’y mürit & s’y 
» purifie plus doucement & mieux qu'ailleurs ; & c’eft auffi 
# pour cette raïfon qu'il marque que les fruits les plus ronds 
» font les plus délicats ; que les pommes duracines & les poi- 
» res de bergamote font ordinairement fort bonnes, & que 
» les raifins font les plus agréables de tous les fruits ; & enfin 
» ue parmi les grains de raïfin , les plus ronds font les meil- 
» leurs ». 


CHAPITRE X. 


Des Racines des Plantes, & de leur accroiffemenr. 


À. avoir donné dans le chapitre précédent une idée 
générale de l’anatomie des Plantes ,#je vais dans celui- 
ci entrer un peu plus particulierement dans le détail des par- 
ties dont elles font compofées, & que le microfcope nous 
met à portée d’appercevoir. Cet inftrument nous fert à dé- 
couvrir dans les racines des plantes , les différentes parties 
organiques dont elles font compofées, & au moyen def- 
quelles la végétation s'opere. La Planche 1 2 repréfente une. 
racine d’abfinthe , & celle d’une rave coupée tranfverfale- 
ment , telles qu'on les apperçoit à la vûe fimple, figure 1 & 
figure 3, TJ. Les deux quarts de cercle, figure 2 & figure 4, 
repréfentent une partie des mêmes racines vûes au microfco- 
pe, ou avec une forte loupe. Dans la figure 2, qui repré- 
fente la racine d’abfinthe , 1°. 44 eft la peau ou membrane 
extérieure qui enveloppe la racine : 2°. depuis À jufqu’à C 
dans la racine d’abfinthe , eft l'écorce, qui eft une fubftance 
membraneufe compofée en partie d’un grand nombre de pe- 
tites véficules 8, 8, B : 3°. le bois de la racine eft toute 


cette partie qu'on voitentre À & £ dans la racine de rave. 


& depuis € jufqu'au centre dans la racine d’abfinthe : 4°. le. 
bois de la racine eft aufli compofé de deux fubftances diffé-. 
rentes, dont l’une eftligneufe, & proprementlebois£,£, E; 
& l’autre parenchimeufe & femblable à celle de l'écorce, 

| comme 


à D'HISTOIRE NATURELLE. 33 


«comme D, D, D, qui s'infere régulierement entre les por- 
tions du bois. Ces différentes fubftances fe diftinguent fort 
aifément dans la racine d’abfinthe; mais on ne les appercçoit 
pas fi bien dans la rave & dans les autres racines : 5°. on 
voit dans le bois les orifices de différens tuyaux a,a,a, qui 
forment l'embouchure des conduitæ à air : 6°. depuis € juf- 
qu’en £ dans la rave, on apperçoit un autre petit cercle de 
“vaifleaux femblables à ceux de l'écorce : 7°. enfin depuis Æ 
jufqu’au centre de la rave fe trouve la mcelle , compofée 
d’une même fubftance parenchymeufe & fpongieufe , que les 
veficules qui forment l'écorce & une partie du bois. Mais la 
moelle n’eft pas commune à toutes les racines , on n’en ap- 
‘perçoit point dans la racine d’abfinthe. 

Quant à l’ufage de ces différentes parties , les veficules 
qu'on voit dans l'écorce , font qu’on peut la confidérer com- 
me une fubftance fpongieufe , propre à recevoir & à fucer 
les parties aqueufes de la terre, qui font imprégnées du prin- 
<ipe de la vie végétative. Cette eau imprégnée que boit 
Jécorce , eft ce que l’on appelle /eve. La peau de la racine 
{ert comme d’un filtre pour pañler la feve, & la purifier à 
{on entrée dans la racine. La feve ainfi filtrée & introduite 
dans la racine , fermente dans la fubftance de l'écorce, & 
devient par-là plus travaillée ; elle s'infirue plus aifément 


d'elle-même dans la fubftance parenchymeufe de la racine, 


après quoi cette feve eft fixée , tant par l'impulfion de la 
nouvelle feve, que par le mouvement des veficules tendues 
du parenchyme , à entrer dans les autres parties de la racine, 
& elle eft roûüjours fiitrée de plus en plus en pañlant d’une 
veficule à l’autre. Cette feve ainfi diftribuée dans toute la 
racine , fournit à fes parties organiques les principes de nu- 
trition dont chacune a befoin ; & ainfi par l'application conf 
tante de ces principes nourriflans, la racine reçoit dans cha- 
cune de fes parties fon accroiflement, fa folidité , &cc. 

Le même méchanifme eft continué de la racine au tronc 
de la plante, pour y porter cette fubftance végérable, com- 
me il eft aifé de le voir dans la Planche 13, À 1, que j'ai 
tirée de l’Anatomie des Plantes du Doëteur Grew, où T 


repréfente le quart d’une feétion de branche de noifertier, 
Tome I, Par, 


$4 OBSERVATIONS 

telle qu’elle paroït à la vûe fimple. 4 G B eft une portion 
de la même branche , telle qu’elle paroît au-travers d’un bon 
microfcope ; 4 B en eft la peau, 48 C D l'écorce, 00 0 
le parenchyme des veflies ou vaifleaux de la feve; 4 J eft un 
cercle de vaifleau d’une efpece particuliere ; P P font les 
conduits ordinaires de la feve ; C D F la fubftance du bois 
detrois ans, À LFE le bois de deux ans, MNFEF le 
bois d’un an, XX les infertions parenchymeufes , O la 
moelle pleine de veficules : les parties noires font le bois fo- 
lide ; le grand nombre de trous qu’on y apperçoit , font les: 
embouchures des conduits à air. 

La feve nourriciere monte la premiere année de la naif- 
fance d’une plante , par les vaifleaux de la moelle, après 
quoi la moelle devient feche , & continue toûjours à le de- 
venir de plus en plus. 2°. La partie fuivante , à-travers la- 
quelle la feve monte, eft le bois ; c’eft par les conduits à air 
qu'elle pañle , & ce n’eft que dans la faifon du printemps. 
3°. La troifieme partie par laquelle la feve monte dans la 
plante, eft l'écorce, & cette opération fe fait la plus grande 
partie de l’année. 

Ceux qui voudront un plus grand détail fur cette matiere, 
doivent confulter l'ouvrage du Doéteur Grew , dont j'ai tiré 
ce que je viens de rapporter, & la ftatique des végétaux 
par M. Hales. 


CEE A PAL ES ROUE NULS 
Des Sels en général. 


P ERSONNE ne contefte, à ce que je crois, qu'ilne fe 
[rencontre des Sels dans tous les corps, & que les diffé-- 
rentes figures & les diverfes impreflions de ces Sels occafion- 
nent des changemens furprenans dans les fluides aufli- bien 
que dans les folides , dans les corps animés 8 dans ceux qui 
font inanimés. Les particules falines venant à frapper lse 
nerfs des animaux , excitent la fenfation du goût & de l’odo- 
rat; & comme la forme & le degré d’impulfon de ces Sels: 


D'HISTOIRE NATURELLE. 35 


fe diverffent prefqu’à l'infini, fuivant le plus ou le moins 
de délicatefle des organes fur lefquels ils agiffent , il eft donc 
d’une très - grande conféquence de découvrir ce que nous 
pourrons fur la nature de ces Sels. 

Le microfcope fait connoître que le piquant du vinaigre 
eft occafionné par une multitude de Sels longs, ayant quatre 
angles, qui flottent dans cette liqueur. Chacun de ces Sels 
s'éleve en pyramide dans fon milieu , & il a deux bouts ex- 
trèmement pointus. On ne peut pas découvrir ces Sels faci- 
lement , parce qu'ils font extremement petits, à moins que 
l’on n’expole à l’air une goutte ou deux de vinaigre , pour 
que la plus grande partie en foit évaporée avant d’eflayer 
de les examiner. 

On voit dans la Planche 14, figure 1 , la figure des Sels 
du vinaigre. 

Si on fait infufer des yeux d’écrevifle dans le vinaigre , 
lorfque la fermentation fera ceflée, & qu’on examineles Sels, 
on les trouvera tout changés ; les pointes fembleront rom- 
pues , & ils paroïtront avoir différentes formes quarrées , 
telles qu'on les voit repréfentées dans la figure 2. 

Les différentes efpeces de vins donnent des Sels de forme 
différente ; il y en a qui reflemblent à ceux du vinaigre, 
mais ils n’ont pas les pointes fi aiguës : les uns ont la forme 
d’un batteau , les autres celle d’un fufeau. 11 y en a qui ref- 
femblent à la navette d’un Tiflerand , d’autres font quarrés, 
&tc. 

On a repréfenté dans la figure 3, a, &, les Sels du fucre 
candi. , 

Pour extraire les Sels des végétaux , il faut faire brüler les 
bois, les branches & les feuilles de quelqu’arbre ou de quel- 
que plante que ce foit, pour les réduire en cendres : on fait 
enfuite pafler de l’eau au-travers de ces cendres. Cette eau 
étant filtrée, on la met évaporer dans un lieu frais, & les 
Sels s’y formeront fuivant leurs différentes formes. 

Pour tirer les Sels des métaux & des minéraux, il faut 
les faire rougir au feu & les éteindre dans l’eau ; filtrer cette 
eau, la faire évaporer , & enfuite cryftallifer. 

De fort jolis Sels à obferver , font ceux de la potañle d’An- 

E ï 


36 OBSERVATIONS 
gleterre & de celle de Mofcovie ; le Sel d’abfinthe, le Sel 


ou fucre de faturne , le Sel de tartre, le Sel ammoniac, le Sel 
d’ambre , &c. On examinera d’abord ces Sels lorfqu'ils font 
fecs, & enfuite lorfqu’on les aura fait difloudre ; pour avoir 
le plaifir de les voir fe former fous les yeux. 

Les Sels qu’on trouve dans tous les corps qu’on analyfe 
par le feu, peuvent être confidérés comme autant de petites 
chevilles ou de clous qui pénetrent & s’infinuent dans les 
pores des autres corps, & qui collent enfemble leurs par- 
ties : mais comme les chevilles ou les clous, lorfqu'ils font 
trop gros & en trop grand nombre, fervent feulement à fé- 
parer & à déchirer les parties des corps , de même les Sels 
peuvent fouvent percer, divifer & difloudre , au lieu de 
joindre & de raffermir. Les Sels font véritablement de fim- 
ples inftrumens qui ne peuvent pas plus agir d'eux-mêmes 
{ur les corps , qu’un clou ne peut agir s’il n’eft chaflé par le 
marteau. Les Sels font chaffés dans les corps ou par la pref£ 
fion des autres corps, ou par le reflort de l'air qui agit fur 
eux. De même que les Sels entrent dans les pores de tous les 
corps , l’eau pareillement s’infinue dans ceux des Sels; elle 
en détache les particules , les fépare, & elle les foûtient fuf- 
pendues dans fes interftices ; jufqu’à ce que les particules de 
l'eau fe trouvant en repos, les Sels fe précipitent & fe réu- 
niflent en mafle : par ce pouvoir de diffolution qui fe trouve 
daus l’eau, elle devient le véhicule des Sels , & elle les in- 
troduit dans les pores des corps, où elle les abandonne pour 
y agir fuivant leur deftination. 

On peut aufli , par le moyen du microfcope , découvrir 

quelles efpeces de Sels fe rencontrent dans les eaux minéra- 
les ; ce qui peut nous faire juger dans quelles occafions ces 
eaux peuvent être employées utilement. 
: Les quatre efpeces de Sels fofliles les plus connus, font 
le vitriol, l’alun, le falpetre , & le Sel marin, auxquels on 
en peut ajoûter un cinquieme qui el moins connu, quoi- 
qu'il foit plus commun qu'aucun autre; fçavoir le Sel de 
chaux. 

Le vitriol eft produit par des marcaflites ferrugineufes, 


Lorfqu'il eft à fon point de maturité & de perfeétion , fes 


D'HISTOIRE NATURELLE. 37 
cryftaux font toûjours pointus à chaque bout ; ils font com- 
polés de dix plans dont les côtés font inégaux , c’eft-à-dire 
que les quatre plans du milieu font pentagones , & que cha- 
que pointe eft compolée de trois plans triangulaires, tels 

u’on les voit repréfentés dans la figure 4. 

L’alun brûlé & diflous dans de Feau , que l'on fait filtrer 
enfuite , donne des crityaux dont le haut & le bas font deux 
plans à fix angles ; leurs côtés paroiflent compofés de ttois 
plans qui ont aufñ fix angles, & de fix plans quadrangulaires, 
lefquels font placés alternativement ; de forte que chaque 
cryftal parfait et compoié de onze plans, fçavoir cinq fexan« 
gulaires, & fix quadrangulaires , tels qu'on les voit fig. 5. 

L'eau des fources falées, ou Sel gemme, donne des cryf 
taux dont la forme eft parfaitement cubique : il y a un des 
plans quidans le milieu paroît avoir une partie plus brillante, 
comme sl y avoit quelque chofe de manque en cet endroit ; 
les cinq autres côtés font blancs & folides , fig. 6. 

Si l’on fait bouillir de l’eau de mer jufqu’à ficcité, & que 
Pon en fafle diffoudre le Sel dans un peu d’eau , on aura aufli 
des cryftaux cubiques ; mais ils ont une différence remarqua- 
ble avec ceux du Sel gemme ; car dans les cryftaux du Sel 
marin, tous les angles du cube paroïffent abattus, & les coins 
{ont triangulaires , figure 1 1 au lieu que les cryftaux du Sel 
gemme ont tous leurs angles aigus & parfaits, fig. 6. 

Le nitre ou falpetre fe mer de lui-même en cryftaux qui 
ont fix angles , ils font longs & déliés ; leurs côtés font des 
parallélogrammes, dont un des bouts fe termine toûjours, foit 
en prifme , foit en angle, fuivant la pofition des deux plans 
inégaux ; l’autre bout eft toüjours raboteux , & il paroît 
comme sil étoit rompu. Voyez fig. 7. a, b. 

Le Sel foflile le plus général , quoique le moins connu 
parmi nous, eft une efpece de Sel de chaux que l’on tire du 
mortier des anciennes murailles ; fes cryftaux font longs & 
déliés ; leurs côtés font formés de quatre parallélogrammes 
inégaux ; un de leurs bouts eft formé de deux plans dont les 
côtés font triangulaires ; l’autre bout fe termine en deux 
plans quadrangulaires, quoique ces deux bouts fe trouvent 
rarement fans être rompus, Il y a de ces cryftaux qui fe 


38 OBSERVATIONS D'HisT. Nar. 
trouvent quelquefois avoir cinq côtés; toutes les variétés 
qui s’y peuvent rencontrer , font repréfentées fig. 8. a, b, 
<ydije; fs, 2 

Le vitriol imparfait, & qui n’a point encore acquis toute 
fa perfettion , eft un Sel blanc , dont les cryftaux font des 
cubes rhomboiïdes, comme on les voit repréfentés fig. 0. 

Les cryftaux du Sel des fources falées , qui ne font pôint 
encore à leur maturité & à leur perfeétion , font.de la forme 
qui eft repréfentée dans la figure 10. a, 6, c. 

Les particules de chacun de ces Sels, foit en tombant les 
unes fur les autres , foit en s’uniflant fur une même bafe, fe 
forment en mafles qui font toûjours invariables , & elles con- 
fervent toüjours une même figure réguliere , laquelle eft par- 
ticuliere à chaque différente efpece de Sel: mais lorfqu’on 
veut les examiner au microfcope , il vaut mieux que les 
mafles {oient plus petites , leurs figures y étant toûjours plus 
parfaites & plus diftinétes. cr 


23.I Part:I. Pl, 


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Haurvard Jeutp. 


OBSER VATIONS 
D'HISTOIRE NATURELLE; 


AVEC LE MICROSCOPE. 


SECONDE PARTIE 
DU TOME PREMIER. 


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OBSERVATIONS 


D'HISTOIRE NATURELLE, 


FA TAUESS 


AVEC LE MICROSCOPE. 


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SECONDE PARTHE. 


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CHAPITRE PREMIER. 


Des Angiulles, Serpens ou petits Vers que l’on trouve 
dans le vinaigre. 


SO E n'eft pas d’ ‘aujourd'hui qu'on eft afluré que le 


Re 


up contient en été beaucoup de petites Anguilles, 
a 1] 


2 DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 
«+ mais ce n’eft que depuis l'invention du Microfcope que l'on 
_ s'eft apperçü que ces Serpens * ont une queue fort aiguë ; 
& c’eit ce qui a donné occafon à plufeurs perfonnes de 
croire que le vinaigre ne piquoit que par l’impreflion que 
ces petits animaux faifoient fur la langue : mais les diverfes 
. expériences que nous avons faites fur ce fujer, nous perfua- 
. ‘:,dent que ce n'eft point à ces animaux qu'il faut attribuer 
”  Jacidité qui fe remarque dans cette liqueur, mais feulement 
à fes parties invifibles , puifque nous avons vû de bon vinai- 
… gre fans Anguilles. | FH 
14 “Au commencement du mois d'Avril de l’année 1680; 
nous iappérçumes aucun de ces infeétes dans du vinaigre 
* qui'avoit été expofé au foleil durant quelques heures. 
+ Vers la fin du mois de Juin de la même année, & tout 
le refte de l'été, il étroit difficile de trouver dans Paris du 
vinaigre dans lequel il n’y eût point d’Anguilles ; & cela fit 
que bien des gens qui les avoient vûes dans nos Microfcopes, 
difcontinuerent de manger de la falade. J’avois beau leur 
dire qu’elles étoient environ cent mille fois plus petites 
qu'ils ne les voyoient par ces inftrumens ; que la chaleur de 
l'eftomac les faifoit mourir en un inftant ; & que puifqu'ils 
avoient mangé de la falade jufqu’à préfent ; fans en avoir 
reffenti aucune incommodité , ils pouvoient continuer fans 
danger l’ufage d'une chofe qui leur faifoit plaifir : & quoi- 
que toutes ces raifons leur paruflent aflez {olides & aflez 


* Les conjectures, dit un Auteur 
fameux, & les hypotheles que l’on a 
formées fur la produétion, la généra- 
tion, la ftruéture & l’ufage de ces pe- 
tits animaux, ont été aufhi differentes; 
& peut-être auf éloignées de la vé- 
rité , qu'aucune qui ait jamais été for- 
mée par le caprice, ou embraflée par 


la crédulité des hommes ; maïs ces 
conjectures, cette obfcurité & ces té- 
nébres ont été bannies depuis qu'on a 
découvert par le fecours des Microf- 
cgpes,; non-feulement que ces petits 
animaux exiftent, mais encore leurs 
diflérentes figures & leurs diférens 
degrés de mouvement. James. 


convain- 


ET AQUATIQUES. SECONDE PARTIE. Chap. I. 4 
convaincantes pour les tirer de l'erreur où ils étoient ; la 
plüpart ne pouvoient comprendre que des ferpens qui leur 
avoient paru plus gros que le doigt , & plus longs que le bras, 
ne fiflent quelque mauvaife impreflion fur les membranes in- 
terieures de l’eftomach. 

Ce qui nous engagea à faire quelques experiences pour 
feparer ces animaux d'avec le vinaigre , & le purger d'une 
chofe qu’on s'imaginoit capable de nuire à la fanté. 

La premiere experience que je fis fut de pañler le vinaigre 
au travers d'un tamis aflez fin; mais je connus que les petites 
anguilles pañloient aufli avec la liqueur. 

2°. Je fis chauffer du vinaigre fur le feu fans le faire boüil- 
lir ; toutes les anguilles perirent fans que la force du vinaigre 
fut confiderablement diminuée. | 

3°. J'expofay encore de cetre liqueur durant deux heures. 
au Soleil , & la même chofe arriva , de maniere qu'au bout 
de quelque tems la plus grande partie de ces animaux furent 
précipitez au fond de la bouteille. 

Enfin faifant pañler le vinaigre au travers d’un papier 
broüillard , ou d'une chaufle , l’on aura tout d'un coup la li- 
queur comme on la veut. 

Les animaux dont nous parlons fe multiplient , & groffif- 
fent en peu de tems jufqu’à un certain point; & on remarque 
que l'air leur eft fi néceflaire , qu'on les voit s’'amañler en 
beaucoup plus grand nombre vers la fuperficie de la liqueur, 
que par tout ailleurs; & s'ils defcendent quelquefois au fond 
du vaifleau , ils remontent bien-tôt aprés jufqu'au haut pour 
y refpirer. 

Si l'on prend deux bouteilles au commencement du mois 
de May, & qu'on les remplifle d’un vinaigre pur , bouchant 
l'une des deux bouteilles , & laiflant l’autre ouverte, on ver- 
ra dans la fuite des anguilles dans celle-cy , & point dans 
l'autre , au moins pendant cout le rems qu’elle aura été bien 
bouchée. 

Ceux qui croyent que toutes les generations fe font par 
les œufs , difent qu'au commencement des chaleurs certains 
petits animaux imperceptibles à nos yeux, qui volent ou na- 
gent dans l'air , étant conune attirez par les parties fpiritueu- 


Planche 1. 


4 DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 

fes qui sexalent continuellement du vinaigre, laiflent tom- 
ber des œufs dans cette liqueur, où recevant. une chaleur 
moderée , & caufée par une douce fermentation , ils y peu- 
vent éclore , & fournir ainfi en peu de tems les petits ani- 
maux dont Je parle. 

Cette maniere de faire naître les anguilles du vinaigre , 
ne s'accorde pas avec ce que deux de mes amis ont obfervé 
dans quelques petites gouttes de vinaigre mifes dans un Mi- 
crofcope ; ni avec ce que j’ay vü dans deux femblables expe- 
riences , dont je parleray à la fin de cette feconde Partie, 
où Je rapporte exaétement les obfervations que Jay faites fur 

eux petites anguilles qui alloient & venoient dansles corps 
de leurs meres. 

Cela fuppofé, il ne paroît pas qu'on puifle rapporter l’ori- 
gine des anguilles du vinaigre à aucune corruption qu'on 
pourroit fuppofer y étre furvenuë , puifqu'on ne trouve en 
cette liqueur aucun changement fenfble , foit avant ou aprés 
leur naiflance. 

Monfieur Amontons , de l'Academie Royale des Scien- 
ces, m'apporta un jour une petite bouteille de vinaigre dif- 
tilé , qui étoit d’une force extraordinaire , & qui contenoit un 
nombre prodigieux de petites anguilles d'une tres -grande 
vivacité. Je confervay cette liqueur durant quinze mois ou 
environ , fans boucher la bouteille ; de forte que s'étant éva- 
porée , il ne refta pius au fond de cette bouteille qu'un fedi- 
ment fort épais, & d’une odeur affez defagréable. 

Ces animaux meurent fouvent d'une efpece de paralyfie 
qui attaque d’abord une partie de leurs petits corps ; fouvent 
auffi on voit qu’elles en guériflent en peu de tems , particu- 
lieremenc durant les chaleurs de l’efté , pourvû que la tête ne 
foit pas attaquée de cette maladie. 

Il eft affez rare de voir vivre ces anguilles durant une an- 
néc entiere; foit parce qu'elles manquent de nourriture , foit 
parce qu’elles ne refpirent pas un air aflez chaud , où elles fe 
confervent bien mieux qu'elles ne font ailleurs. 

En À, on voit deux de ces anguilles fisurer enfemble , de 
telle maniere qu’elles s'accordent à faire des ondulations 
pareilles; on en voit même quelquefois jufqu'à cinq fe mou- 
voir ainf{i. M 


ET AQUATIQUES. SECONDE PARTIE. Chap. I. s 

En B,B,B,B, on en voit quatre autres courbées diver- 
fement , & qui fe débandent avec autant de virefle que fe- 
roit un reflort de pendule qu’on auroit plié de mêime qu’elles 
le font. sn 

En Cil s’en voit une dont la queué eft divifce en deux par- 
ties ; ce qui eft firare, qu'en plus de 36. années d'obierva- 
tions, je n'en ay vü que deux à la queué fourchuë. 

Celle qui eft marquée D, à la bouche toute ronde de mé- 
me que les précedentes , quoy qu'elles ne foient pas repre- 
fentées de même. On a jugé à propos d'en varier ainf les 
defleins , pour fatisfaire ceux qui fe perfuadent que ce font 
veritablement des ferpens. Comme ces anguilles font d’une 
vivacité extraordinaire , & qu'elles fe mouvent avec beau- 
coup de vitefle , on eft oblige d'attendre qu’une bonne par- 
tie de la liqueur que l’on met fur le concave de verre foit 
évaporée ; afin que leur mouvement foit confiderablement 
rallenti , pour appercevoir leur bouche , & plufieurs autres 
circonftances particulieres qu'on remarque en ces petits 
poiflons. 

Le peu d’étendué qu’à cette Planche ne m'a pas permis 
de les reprefenter de la grofleur ni de la longueur que Je les 
ay vüés & fait voir à des perfonnes qui en ont été effrayées. 
Je ne la détermine point icy cette groffeur ; car cela dépend 
du foyer de la lentille dont on fe fert pour les obferver. 

Quelque attention que j'aye pü donner à obferver la tête 
de ces anguilles pour en découvrir les yeux, Je n’ay jamais 
pô en venir à bout, foit à caufe de leur pctitefle, ou à caule 
que la liqueur venant à s'épaiflir & à fe deflécher , elle les 
couvre & y forme un voile qui ne permet pas qu'on les ap- 
perçoive au travers : je fuis cependant tres-afluré qu'elles 
en ont; car les détours qron leur voit faire pour s'éviter les 
unes les autres , ne permettent pas d’en douter un moment. 

Si l’on veut conferver les anguilles du vinaigre durant plus 
d'un an, il faut avoir foin de remplir la bouteille où elles 
font , à mefure que l’évaporation s'en fait. 

Il eft tres-rare de voir dans le bon vinaigre d’autres ani- 
maux mélez avec les anguilles; mais on en trouve aflez fou- 
vent dans les vinaigres corrompus ou gâtez , & même en 


bi) 


6 DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 
tres-grand nombre, particulierenient fi l’on y mêle beaucoup 
d'eau commune, & qu'on le garde débouché durant pe 
femaines ; & ce qu'il y a de particulier à obferver eft, que fi 
l'on ajoûte une tres-petite goutte de vinaigre ordinaire avec 
celuy où il fe trouve de ces animaux, ceux-cy periflent en 
un inftant, & les premieres anguilles fubfiftent , & même elles 
paroiflent avoir plus de vigueur qu'elles n'en avoient aupa- 
ravant. 

On verra dans la fuite de cette feconde Partie beaucoup 
d’autres anguilles , qui ont pris naïflance dans des infufions 
toutes differentes les unes des autres , & qui {ont d'une autre 
nature que celles du vinaigre, | 

Enfin nous avons encore obfervé que les anguilles du vi- 
paigre fubfiftoient dans une infufion de poivre en grain mis 
dans de l’eau commune ; & que les animaux de cette infu- 
fion meurent tout fubitement étant mêlez avec quelque peu 
de vinaigre, 


Se 


C'HAP TER EM ET: 
Dn vinaigre commu, 


Es Vinaigriers font un fi grand myftere de la maniere 
de faire le vinaigre , qu'ils ne l'enfeignent à leurs ap- 
prentits qu'au bout de fept années. Peut-être fera-t’on fur- 
pris de ce qu'ils en ufent ainfi , lorfqu'on fçaura le peu de 
précaution qu'il faut prendre pour faire de bon vinaigre ; car 
il fuffit d’'échauder un baril neuf avec de l’eau commune tou- 
te boïïillante , & de mettre en fa place , le plus vite qu'il eft 
offible , le meilleur vin qu'on puifle avoir , & quelque peu 
de fel; car c'eft principalement de la bonté du vin que dé- 
end celle du vinaigre. 

11 faut obferver que le vinaigre fe perfeétionne mieux & fe 
fait plus promptement quand le vaifleau eft dans un lieu 
chaud & débouché , que lorfqu'on le tient bouché & dans un 
lieu froid : on aura ainfi au bout d’un mois ou deux d’excel- 


ET AQUATIQUES. SECONDE PARTIE. Chap. IL … 
lent vinaigre ; & pour l’entretenir il faudra avoir loin de rem- 
plir de bon vin le même vaifleau , à mefure que j'évaporation 
ou la confommation s’en fera. 

Si l'on veut que le vin s’aigrifle promptemenc, il faut met- 
tre le baril dans un lieu chaud , & y mêler de tems en tems 
la partie la plus claire de la lie du vin, tirée par expreflion. 

Monfieur Hombert , de l'Academie Royale des Sciences, 
a propofé une maniere nouvelle de faire du vinaigre avec du 
bon vin, la plus prompte de toutes : elle confifte à attacher 
une bouteille , ayant environ les deux tiers de fa capacité 
pleine de vin, à un cliquet de moulin : les frequentes fecouf- 
fes que la liqueur y reçoit brifent tellement fes principes , & 
ce qui luy donnoit de la douceur , qu'elle devient en peu 
d'heures un vinaigre tres-fort, qui fe garde long -tems dans 


le même état. 


GAP L'ÉICEN. LIT 


Des cuinaigres compofex. 


Ous les vinaigres compofez fe préparent , en y ajoû- 

tant feulement des rofes , ou des fleurs de fureau , de 
l'ail, ou de l'eftragon, &c. avec quelques clous de gerofles, 
& un peu de poivre , fi on l'aime. 

Cette compofition donne de l'agrément à ces vinaigres ; 
mais elle ne les rend pas exempts de la produétion des an- 
guilles ; tout au contraire, j'en ay plus trouvé dans ces fortes 
de liqueurs compofées, que dans le vinaigre commun, 


b üf 


8 Des ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 


CHAPITRE IN. 


Nouvelles obfervations fur les ançuilles du vinaigre ; faites 
avec le Microfcope reprefenté en La Planche feptième. 


E 25. Septembre 1710 , fur les neuf heures du foir, je 
LL. une petite goutte de vinaigre , qui contenoit des 
anguilles , fur un petit concave de verre qui fert de porte- 
objet au Microfcope ; & je m'avifay de couvrir d’un petit 
verre plan des deux côtez le deflus de ce concave , afin 
d'empêcher l'évaporation fubite de la goutte de vinaigre ; ce 
qui me réüflit parfaitement. 

1°. Il fe forma d’abord au milieu du concave un petit cer- 
cle d’air extrémement rond , qui n’occupoit qu'une partie 
du petit enfoncement , dans lequel il ne parut aucune an- 
guille. 

2°, Toute la liqueur fe plaça dans une efpece de zone ; 
comprife entre la circonference de cet air , & celle qui ter-. 
mine le concave de verre : tous les animaux qu'on avoit mis 
dans le concave, fe trouverent rangez dans cette zone com- 
me dans une prifon. 

3°. On apperçüt le lendemain, dans la même zone , un 
grand nombre de petites boules de diverfes grofleurs , qui 
paroïfloient ombrées & éclairées avec tant d'art, que plus 
on les confideroit, plus on les adnuroit. 

4°. La rondeur de ces boules , qui femblent être de fer ou 
d'acier, paroît fi exacte , & leurs furfaces fi polies , qu'il fe- 
roit impoñlible au plus habile ouvrier d'atteindre à une fi 
grande juitefle. ff SE NU 

Parmy toutes ces boules d'air, onen remarque qui ont 
bien un pouce apparent de diametre, d’autres un demi pou- 
ce; & encore de fi petites, que l’on a de la peine à les bien 
diftinguer. 

Quoyque ces boules n’ayent d’elles- mêmes aucune agita- 
äon, on ne laifle pas d'y remarquer deux mouvemens parti- 


Le à 


ET AQUATIQUES. SECONDE Partie. Chap. IV. 5 
culiers; celuy que la liqueur leur communique, & celuy qui 
leur eft cauté par les allées & venuës des anguilles qui les 
pouflent en les rencontrant; ce qui produit un fpectacle aflez 
agréable , pour récompenfer du tems que l’on employe à les 
obferver. 

Les raifons de toutes ces chofes m'ont paru fi faciles à 

trouver, que je n'ay pas crû les devoir rapporter. J’omet auf 
plufieurs circonftances dont je ne dis rien , afin de donner 
aux fpeétateurs la fatisfaétion de les découvrir. 
_ Il y a cependant une remarque à faire, qui peut , ce me 
femble , fervir à décider une queftion ; qui eft de fçavoir , fi 
les objets que nous voyons dans tous les Microfcopes en ge- 
neral , font apperçüs fimplement par une lumiere refléchie 
de deflus ces objets; comme il arrive dans les Microfcopes 
où l’on regarde les objets de haut en bas: ou fi on les apper- 
çoit dans les Microfcopes à liqueurs , par les rayons qui les 
ont traverfez fimplement , & qui paflant enfuite au travers 
de la lentille , vont peindre leurs images fur la retine ; ou en- 
fin fi on voit ces objets par des rayons de lumiere , qui n’ar- 
sivent à l'œil qu'aprés avoir traverfé les objets, s'être reflc- 
chis à la rencontre des parties folides de la lentille , & de 
celles des corps qui les renvoyent à l'œil. 

Pour réfoudre folidement toutes ces queftions , nous join- 

drons les experiences de ce Chapitre qui les regardent avec 
plufieurs autres que l'on verra à la fin de cet Ouvrage, dans 
une Diflertation particuliere. 
. En couvrant , comme J'ay dit, la petite goutte de vinaigre 
qui fe met fur le concave , on pourra facilement tranfporter 
le Microfcope ainfi préparé , & faire voir les boules d'air & 
les anguilles quand on voudra. 

Si pendant que l’on tient le Microfcope , & que l’on obfer- 
ve ce qui s'y pañle , on vient à le tourner rondement avec les 
doigts & avec aflez de vitefle , les boules d’air feront apper- 
çûës s’y mouvoir d'un fens tout oppolé ; ce qui doit néceflai- 
sement arriver : car puifque le volume d'air qui compofe 
chaque boule , eft plus leger qu'un égal volume de la liqueur 
où elle nage , il s'enfuit que ces boules d’air doivent être re- 
pouflées vers le lieu d’où ce mouvement circulaire les éloi- 
gnoir, 


Yo DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 

Le tranfport qui fe fait du Microfcope , fert à multiplier 
le nombre des boules , en diminuant leur grofleur par l'agi- 
ration qu on leur donne. 

Quand la chaleur diminué fenfiblement , on apperçoit que 
le mouvement des anguilles diminué aufli ; de forte que le 
matin elles fe remuent plus difficilement que vers le refte du 
jour ; ce qui vient fans doute de la réfiftance des parties du 
liquide où elles nagent , qui fe trouvent differemment agi- 
tées en differentes parties du jour , & du plus ou du moins 
de fouplefle des organes deftinces au mouvement de ces pe- 
tits animaux. 

Quand j'obferve dans ce Microfcope les petits globules 
qu'une pierre à fufil vient d’arracher d'un morceau d'acier 
par un mouvement tres- violent, ils me paroïflent clairs & 
lumineux du côte qui fe prefente à mon œil , en les regardant 
à la lumiere d’une chandelle, quoyqu'ils foient d'eux-mêmes 
tres-opaques : d’où je conclus, que c’eft par refléxion qu'on 
les voit ainfi dans ce Microfcope à liqueurs , de même qu'on 
les verroit avec un Microfcope à deux ou à trois verres, s'ils 
y étoient regardez comme on y regarde ordinairement les 
objets. 

Pour comprendre comment fe forment les globules d'air 
qui s'obfervent dans la petite portion de vinaigre où fe trou- 
vent les anguilles ; il fufira de remarquer que le verre plan, 
& le verre concave qui.en eft couvert , ne Îe touchent pas fi 
parfaitement , qu'il ne s'échape d'entreux peu à peu quel- 
ques particules de la Hiqueur qui déterminent une égale quan- 
tité d'air à s'infinuer dans le lieu qu'elles abandonnent ; & 
cet air fe trouvant là également preflé de toutes parts , eft 
contraint de prendre la figure d’une fphere , tres-petite d'a- 
bord , mais qui groflic en peu de tems, par l'addition de plu- 
ficurs autres qui fe joignent enfemble , par le mouvement 
continuel des anguilles de ce vinaigre qui les pouffent l’une 
contre l'autre , & qui fouvent eft allez confiderable pour dif- 
fiper les plus gros de ces globules. 

Nous n'avançons rien icy qu'on ne puifle obferver avec at- 
tention ; mais 1] eft à propos d'avertir que toutes ces circonf- 
ances ne fe manifeftent pas en un moment , & que ce qui ne 


fe 


gT AQUATIQUES. SECONDE PARTIE. Chap. IV. 11 
fe peut appercevoir dans un tems » fe pourra remarquer dans 
un autre. 

L'efpace du concave terminé par la petite circonference 
de la zone , ne contient ordinairement que de l'air, dont la 
figure eft ronde en un fens, & platte en un autre. Cer air 
s’y enferme naturellement, en y laiflant tomber le petit ver- 
re plan des deux côtez, qui fert de couvercle au concave ; 
& ilne fe crouve dans le milieu ni liqueur , ni anguilles , ni 
boules ; parce que cet air, par fa compreflion , les en a éloi- 
gnez pour en occuper la place ; d'où il fuir que le vinaigre 
qui l'environne doit comprimer ce peu d'air , & l'arrondir 
comme on le voit. | 

Le jour fuivant , à huit heures du matin, J'apperçüs deux 
ou trois de ces anguilles dont le mouvement n'étoit pas bien 
libre; leurs corps paroiïfloient roides, comme fi elles euflenc 
été attaquées d'une efpece de paralyfe : enfuite la chaleur 
de ma main ayant un peu échauffé Fair qui les environnoit, 
& La Hiqueur où elles nageoïent ; la maladie fe difipa , elles 
reprirent vigueur , & enfin on leur remarqua autant de force 
& de fouplefle qu'aux autres. 

J'obfervay aufli en même rems que le nombre des globules 
d'air s’y écoit multiplié durant la nuit, & qu’une anguille 
ayant ébranlé la plus grofle , l'avoit diflipée en des particu- 
les invifibles. Une heure après il fe produifit dans la liqueur 
une fort grofle boule d'air , qui comprimoit celuy qui étoit 
au milieu du concave , en s y enfonçant à proportion de fa 

rofleur. CN ME 

Le lendemain environ à pareille heure , j'obfervai les an- 
guilles qui fe tranfportoient aflez librement dans cette li- 
queur , accompagnées d’une vingtaine de tres-belles boules 
d'air, dont le tiers me fembloit avoir environ fept à huit li- 
gnes de diametre, & les autres plus petites, ne paroiïffant 
avoir au plus qu'une demie ligne chacune. 

Pendant que l'on obferve toutes ces chofes à la lumiere 
d'une bougie , fi l’on frappe du doigt la partie exterieure du 
Microfcope qui porte les objets, on s'apperçoït fouvent qu'il 
vient du dehors de tres-petites boules d'air qui s’introduifent 
dans la zone , en fe gliflanc entre le porte-objet & le petig 

(3 


12 Des ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES. 
verre qui fert à le couvrir ; d'où l’on doit conclure qu'il fort 
néceflairement de cette zone tout autant de liqueur qu'il y 
entre d’air groflier. Mais fi l'on donne encore quelques pe- 
tics coups à la piece du Microfcope dont Je viens de parler, 
pour y faire entrer davantage d'air , il n'y en entrera pas ; 
parce qu'alors tout eft plein, & qu'il faut donner le tems à 
quelque nouvelle portion de la liqueur de s’évaporer, pour 
faire place à de nouvel air. 

Le premier & le fecond Oétobre je m'appercûs que la li- 
queur s'étoit épaiflie , que l'efpace circulaire du milieu du 
concave s'étoit augmenté , & que les anguilles avoient plus 
de difficulté à s’y mouvoir. Le troifiéme , de cinq anguilles 
qu'il y avoit encore en vie le fecond , il ne s’y en trouva plus 
qu'une feule vivante , qui mourut le même jour troifiéme à 
midy. Ainfi ces animaux ont demeuré en vie neuf jours du- 
rant enfermez dans cette zonc. 

Jay réiteré plufieurs fois ces mêmes experiences, & j'y ay 
toujours remarqué à peu près les mêmes chofes. Toute la 
difference la plus remarquable que j'aye obfervée dans une 
même quantité de vinaigre, a été l'inégalité de tems qu’elle 
a employée à s’évaporer entierement ; une de ces gouttes 
ayant été évaporée en neuf jours , une autre en douze, & 
une autre en quinze , felon le degré de la chaleur de l'air, 
de la faïfon , & du lieu où étoir le Microfcope durant ces 
experiences, 


CHAPITRE. 
Obférvations faites Jur plufieurs fortes d'infufions de poivre er 


grain » mi à froid dans de l'eau commune. 


L y a au moins trente-huit ans que Monfieur Hartfoeker 
apporta, de Hollande en France , un nouveau Microf- 
cope à liqueurs , monté d’une feule lentille foufflée, avec le- 
quel il nous fit remarquer qu’en mettant infufer à froid des 
grains de poivre noir dans de l'eau commune , on y voyoie 


ET AQUATIQUES. SECONDE PARTIE. Chap. V. 1; 
au bout de quelques jours un nombre innombrable de petits 
animaux, qui nous ont donné occafion d'obferver pluficurs 
chofes tres-fingulieres que nous n'avions point encore vüés. 

Premierement, par le moyen de cette lentille de verre, 
on a vü des animaux de couleur d'or pâle , à peu près de la 
grandeur & de la figure qu’on les voit reprefentez dans cette 
Planche , aux endroits Marquez D, DK FLO "RE. EL, 
avec de petites taches plus tranfparentes que le refte de leur 
corps. 

2°. La figure ovale & réguliere fous laquelle ces animaux 
paroiflent ordinairement , & leur mouvement rapide , ne 
permettent pas de déterminer d’abord l'endroit de leur corps 
où eft la tête ; mais avec un peu de patience on le découvre 
bien-tôt, par la direction fuivant laquelle ils continuent à fe 
mouvoir. D'ailleurs, la liqueur où ils nagent s'épaiflifiant in- 
fenfiblement par l’évaporation de fes parties les plus fubriles 
& les plus agitces, fait diminuer peu à peu la vitefle de ces 
poiflons ; & c'eft alors que l'on peut à loilir obferver plufieurs 
chofes , qui donnent occafion d'admirer la fageñle du Créa- 
teur jufques dans la moindre partie des petites créatures que 
nous entreprenons de décrire. 

3°. On s'apperçoit que deux des animaux de cette infufion 
avançant directement, l'un de À en B, & l’autre de Cen D 
s'en retournant , le premier fuivant la ligne pon&tuée BE, 
& le fecond de D en F. 

49. Jay quelquefois obfervé que deux de ces poiflons , 
après avoir parcouru l'un la ligne G H , & l’autre la ligne 
TK , laïflent entr'eux un efpace trop petit pour permettre à 
un troifiéme marqué L, de le traverfer ; celuy-cy pris & 
ferré contre l'un & l’autre, s’allonge en fe courbant pour {e 
fauver vers M. 

s°. Il y en a qui après avoir parcouru une ligne droite ; 
comme NO, tournent fi vite autour du point O, où eft la 
tête , que leur figure ovale femble devenir circulaire , après 
quoy ils s’élancent vers p avec une promptitude extrême, Et 
l'on en remarque auffi d'autres, qui après avoir parcouru une 
ligne droite , femblable à QR , tournent fur leur centre de 
grandeur & de pefanteur marqué R, traçant ainfi un grand 

ci 


Planche 2, 


14 DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 
nombre de circonferences de cercles concentriques les unes 
aux autres ; puis s élançant avec une vitefle extraordinaire , 
on les voit parcourir une autre ligne droite marquée ST. 
Voilà ce que nous avons remarqué de plus confiderable dans 
la premiere infufion , dans laquelle il ne paroïfloit que des 
Ovales ; c'eft ainfi que je nomme ces poiflons : & voicy ce 
qui nous a paru dans une feconde , obfervée avec des lentilles 
travaillées à la main, & taillées au tour , qui eft la maniere 
de les faire beaucoup plus parfaites que les précedentes. 

La premiere figure reprefente un poiflon, que je nomme 
la Poule hupée, dont la tête eft garnie de poil au lieu de plu- 
mes : fon mouvement le plus ordinaire éroit circulaire. Ce 
poiflon eft le feul que j'aye vû dans cette infufion, & je n’en 
ay jamais apperçû de pareil dans aucune de celles que j'ay 
préparées, 

La feconde efpece de poiflon , reprefenté à l’endroit mar- 
qué 2 , font des animaux que je nomme Cornemufes argen- 
tes , & dont je parleray dans la fuite de cette Hiftoire. 

La troifiéme , eft une grofle araignée aquatique , dont la 
bouche s'ouvre aflez grande pour engloutir les cornemules 
précedentes. : 

La quatriéme figure reprefente deux de ces araignées ac- 
gouplées , qui tournent enfemble fur leur centre commun de 
pefanteur, ‘ 

La cinquiéme figure en reprefente deux autres aufli accou- 
plées , mais dont le nager s’execute en ligne droite. Nous 
décrirons plus exaétement ces grofles araignées aquatiques 
vers la fin de cette feconde Partie, en parlant des animaux 
que nous avons vüs dans une infufñon dun peu d'écorce de 
bois de chêne, qui porte le gland. 

La fixiéme figure reprefente un autre poiflon , dont le 
corps eft à peu près femblable à la navette d’un Tiflerand, 
Il à de grands poils au derriere qui luy fervent de nageoires, 

Enfin au-deflous de l'endroit marqué fept, on y a repre- 
fenté une fourmiliere de petits infectes de diverles figures & 
groffeurs qui viennent de naître, & qui fervent ordinairement 
de nourriture aux plus gros, | 


gt AQUATIQUES. SECONDE PARTIE. Chap. V. 15 


Du poivre blanc. 


D ; 4 
poiflons d’une grande beauté ; mais ce ne fera peut- 


être pas en aufli peu de jours que les précedens. Les grofles 
cornemules de cette infufion avancent & reculent prefque 
également pendant leur nager. Peu de tems avant que la li- 
queur où on les voit foit totalement defléchée , on s'apper- 
çoit qu'elles deviennent plus grofles qu'elles n’étoient aupa- 
ravant; & dans ce moment-là on a le plaifir d'obferver un 
bon nombre d'œufs dans leurs corps ;, & de remarquer qu'un 
moment après qu'elle eft defléchée , leurs corps changent 
tellement de forme, qu'ils ne paroiflent plus que comme une 
mafle confufe , à caufe de leur grande délicatefe. 


| E poivre blanc en grain mis en infufon , produira des 


Du porvre long. 


Ne infufon de poivre long mis en entier dans de 

l'eau commune , ne donnera pas moins de fatisfaction 
que les deux précedentes; car dans les premiers mois cette 
infufion eft fi nette , qu'elle facilite le moyen de découvrir 
jufqu’aux parties interieures des poiflons que l'on y trouve 
en grande quantité : & ce qui merite quelque attention, eft 
que cette infufion, ni les deux précedentes , n'exalent au- 
cune mauvaife odeur, quoy qu'elles foient confervées en ex- 
perience durant plus de quatorze mois. On trouve quelque- 
fois dans cette infufion , un peu vieillie , des animaux que 
nous avons nommez Chenilles aquatiques ; & de nouvelles an- 
guilles , plus groffes & plus courtes que celles qui fe voyent 
ordinairement dans le vinaigre ; mais elles n'y vivent pas fi 
long-tems à beaucoup prés. 

En confervant ces infufions le plus de tems qu'il eft pofli- 
ble , & en les réïterant dans des faifons & dans des années : 
differentes , on apperçoit des animaux differens de ceux qui 
font reprefentez dans cette Planche. 

Nous finirons ce Chapitre , en avertiffant que ces poiflons 
foutiennent les rigueurs d'un hyver tres-rude & tres-long , 

c ü 


36 DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 

& qu'ils fe confervent en vie au-deflous d’une glace d’envi- 
ron deux lignes d'epaifleur ; car à mefure que la furface de 
l'eau du vaifeau fe géle , les poiflons s'y enfoncent davan- 
rage. Mais fi vous faites fondre cette glace , & que vous 
gardiez cette infufion , vous y verrez ces poiflons , au bout 
d'environ quinze jours d'un tems plus doux , en beaucoup 


plus grand nombre qu'ils n'y étoient avant que cette eau fut 
gelée. 


CHAPITRE VL 


Obférvations faites durant une année entiere, de ce qui s'eft 
trouvé dans une infufion à froid de fené. 


Nviron le 15. Juillet de l'année 1710. je mis infufer à 

froid une bonne pincée de feüilles , de queuës & de 
branches de fenc ; & je m'apperçûs qu'au bout d'environ huit 
jours al y avoit dans cette liqueur quantité de tres -petits 
corps longuets , feparez les uns des autres fans fe toucher ; 
& fans avoir d'autre mouvement que celuy qu'ils pouvoient 
avoir receu de la liqueur où ils étoient. Et par plufieurs obfer- 
vations que jen ay faites à diverles reprifes , je me fuis per- 
fuadé que ces corpufcules , que vous voyez en À de la troi- 
fiéme Planche , n’étoient autre chofe que de tres-petites 
parcelles de l'écorce des branches du fené, & non pas les 
parties des fels contenuës dans ces chofes , comme le vouloit 
un Medecin à qui je les fis voir ; parce que les fels diffous 
dans autant d’eau qu'il y en avoir, ne s’y font point apper- 
cevoir , non plus que les parties de l'air qui font éparfes dans 
cette infufion. 

Tous ces petits corps étant devenus les uns plus pefans > 
par l'union de quelques autres ; les autres plus legers+, par 
leur divifion ; ceux-là fe précipiterent au fond de la carafte , 
& ceux-cy monterent à la furface de l’eau, pour y compofer 
une pellicule épaifle , molle & opaque, fur laquelle je vis 
paroître de petits vers blancs, aflez fenfibles aux yeux nuds. 


ET AQUATIQUES. SECONDE ParTie. Chap. VL j7 
Environ huit jours après ces vers difparurent , & je fus 
aïlez furpris d'en appercéVoir de nouveaux , beaucoup plus 
petits que les premiers : ces petits vers vivoient dans la fi- 
queur , & nageoientun peu au-defilous de fa furface; j'en mis 
un dans un petit Microfcope monté d’une feule lentille de 
deux lignes de foyer : fa longueur m'y parut d'environ neuf 
lignes : il étoit compofé en partie d'onze petits anneaux : fa 
tére étoit ronde à fon extrémité ; & par l’autre bout {on corps 
fe terminoit quelquefois par un plan perpendiculaire à fa 
longueur ; & d'autres fois, par trois petites éminences arron- 
dies ; de maniere que celle du milieu avoit quelque peu plus 
de faillie que les deux autres. 

I] paroïfloit au- deffous de fa peau un filer tres-blanc , & 
ployc; de maniere que fes deux bouts finifloient vers la queué, 
d'où ils s'étendoient en droite ligne vers la tête , où ce fil 
étoit recourbé. 

I M, reprefente le ver , dont la tête eft en I, & le derriere 
en M. 

Le fil dont je viens de parler eft vü en NO; & l'on re- 
marquoit qu'il s’allongeoit & fe raccourcifloit alternative- 
ment ; & par ces divers mouvemens il obligeoit les anneaux 
de ce ver à s'approcher, ou à s éloigner un peu les uns des 
autres. | 

Une partie de la liqueur s'étant évaporée pendant plu- 
fieurs jours , J’augmentay le refte par l'addition d'une eau 
commune , ce qui détrempa tellement la pellicule qui s’étoic 
formée à la furface de l'infufon, qu’elle fe précipita quelque 
tems après au fond du vaifleau , ce qui rendit l'infufion plus 
belle & plus tranfparente qu’elle n'étoit auparavant ; & me 
donna en même tems occafion d’obferver un nouveau fpec- 
tacle , dont je vais vous parler. Trois fortes de nouveaux 
poiflons fe faifoient appercevoir dans la moindre petite 
goutte que je mettois au Microfcope ; fçavoir de tres-pertits ; 
des moyens & des gros. D,E,F, en font les Figures. Les 
gros reflembloient aflez à une Cornemufe , chacun d'eux 
ayant la tête recourbée , comme vous voyez en F ; j'y remar- 
quois auffi deux mouvemens differens , l'un droit & l'autre 
circulaire ; celuy-cy fe faifoit pour l'ordinaire de F par P & 


Planche 3. 


38 Des ANIMAUX AERIENS; TERRESTRES 
Q. Ces deux mouvemens qui fe fuccedoient l'un à l’autre 
étoient aflez {ents pour être facilement obfervez. 

Dans la fuite , je découvris une fixiéme forte de poiflon , 
mais en petite quantité, dont la figure fe voit en G: ce poif- 
fon ayant aflez de refiembiance à une carpe , peut être ainfi 
nommé. Son mouvement s’executoit en ferpentant , décri- 
vant une ligne courbe à peu près femblable à la ligne abcd, 
pour arriver de a enr, où eft la tête. 


Après plufieurs jours , il parut un autre poiflon affez fem- 


blable au corbillon d’un Oublieur ; fans qu’on püt deviner de 
quel côté étoit la tête, finon lorfqu'on le voyoit fe mouvoir ;, 
parce que les extrémitez de fa longueur étoient en cout fem- 
blables en apparence. 

J'ay vüs ces poiflons fous les formes reprefentées au-def- 
{ous des lettres K , L : le mouvement de ces animaux s’exe- 
cute par ondulation, & aflez lentement. 

Tous ces animaux , excepté les vers, mouroient dés que 
j enfonçois dans la goutte de liqueur qui les contenoit , le 
bout d'une plume trempé dans du vinaigre ; & cette infufonr 
de fené ne faifoit pas e les anguilles du vinaigre le même 
effet que ce vinaigre faifoit fur celles de l’nfufion. | 

Les animaux de forme ovale , & de moyenne groffeur ; 
s'accouplent comme les hannetons , & étant aïnfi attachez , 
le plus fort entraîne le plus foible d'une vitefle furprenante. 

Ces poiflons ne s’éloignent pas du haut de ces liqueurs , 
parce qu'ils y refpirent de tems en tems un air qui leur con- 
vient, & y trouvent plus de nourriture qu'en aucun autre en- 
droit du vaifleau où ils font ; & s'ils defcendent en bas, ils 
n'y reftent pas long-tems. On ne peut pas douter de ce que 
j'avance à l'égard des anguilles du vinaigre ; & on le peut 
tres-facilement obferver dans la bouteille où elles font , avec 
une loupe. 

Les animaux des autres liqueurs étant trop petits pour 
être ainfi apperçüûs ; je me fuis avifé d’y enfoncer un petit 
tuyau capillaire , ayant pris auparavant la précaution d'en 
boucher le haut avec le pouce , que j'en Gtois lorfque le bout 
inferieur étoit au fond du vaifleau ; je retirois enfuite ce 
£uyai , aprés l'avoir rebouché , & je -mettois fur le porre- 

objet 


ÈT AQUATIQUES. SECONDE Parrie. Chap. VE 14 
ébjet beaucoup plus de cette liqueur qu'à l'ordinaire , prife 
au fond du vaïfleau qui la contenoit ; cependant je ne voyois 
dans cette groffe goutte que quatre ou cinq animaux , au lieu 
que fi y ‘cufle pris autant de la même liqueur au haut du vaif- 
leau , jen eufle trouvé pcut-être cent fois davantage. 

L'eau tiéde ne fait pas mourir en hyver les poiilons dont 
hous parlons, au contraire ils femblent s'y mouvoir beaucoup 
plus librement qu'auparavant; mais lorfqu elle eftun peu plus 
chaude , ils y periflent tous. Il y à donc un certain degré de 
chaleur qui les fait vivre, & un autre un peu plus fort qui 
les tuë. 

Le j0. Janvier 1711. j'obfervay une autre forte de poifions, 

qui vinrent en aflez grand nombre dans cette infufion de fe- 
né, dont le nager me parut fingulier ; car en avançant di- 
rcétement , ils le balançoient à droit & à gauche , de même 
que feroit un petit bateau conduit par le “fl d'une eau cou- 

fante, pendant qu'un homme debout au milieu de ce bateau, 
panchant tantôt d'un côté & tantôt d'un autre, le feroit ba- 
fancer pour fe divertir. 

J'ajoûtay de l'eau commune pour la feiziéme fois, afin d'en 
augmenter le volume , & d'en diminuer l’épaiffiffement ie 
fournir aufli en même tems quelque nouvelle fubftance aux 
animaux qui s y trouvoient. 

Je vis le lendemain que ces animaux s’y mouvoient beau- 
coup plus vite qu'auparavant , & fans s’y balancer ; dont la 

raifon ne peut, ce me femble , être attribuée qu'au plus de 
facilité que ces poiffons trouvoient à diviler ce liquide. 

Ce même jour-là , & le premier Février , Je remarquay 
d’autres infectes fi petits, & fe iNoUvaNs fi vite, que je n'en 
pôs découvrir la figure. Peu de jours après Jy Tan d'au- 
tres poiflons femblables à celuy qu on voit en H: la tête finif- 
foit prefque en pointe , & fervoit de gouvernail à tout le ref- 
te de fon corps , qui s’accordoit parfaitement avec elle ; en 
avançant aflez lentement, pour donner la facilité d’obferver 
plufieurs chofes qui féoicne trop longues à décrire. 

Enfin les grandes chaleurs qui furvinrent fur la fn du mois 
de Juillet 1717, durant trois ou quatre jours ; firent mourir 
prefque tous les animaux de cette infufion , qui avoit été une 


20 Des ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 
année enticre en experience ; & dans le tems que je la vou- 
lus fapprimer , je m'avifay d'en prendre encore une fois, & 
de la mertre fur le porte- objet du Microfcope dont je nv'é- 
vois fervi , afin de voir s'il y auroit quelque nouveauté ; & j'y 
apperçüûs un ver compofé en partie de treize à quatorze an- 
neaux, femblables chacun à un bourlet. 

À B, eft fa longueur apparente. À , en eft la bouche toute 
ronde , d’autour de laquelle partent trois filets qui s'étendent 
d'une extrémité à l’autre, & qui en s’enflant & fe défenflant 
font rentrer les anneaux les uns dans les autres , des extré- 
mitez à &b, vers le milieu D ; & par cette méchanique ral- 
longent & raccourciflent fucceflivement le corps de cet in- 
fe&e. €, marque fa longueur vüé aux yeux nuds. 


GHLAPETRE VIE 


De l'eau qui [e trouve dans les buiffres à l'écaille , > de ce 
que l'on y apperçoit en peu de jours ow d'heures , 
après être owvertes. 


N fçaic qu'il y a des huiftres de diverfes efpeces , tres- 

differentes les unes des autres, tant par le goût que 

par la grandeur, & la compofition du corps de ces animaux. 

L'huiftre dont nous parlons icy eft un poiflon de mer qui 

fe nourrit entre deux écailles ; il eft fort eftimé d'un grand 
nombre de perfonnes , & on le mange tout en vie. | 

Ces huiftres jettent leur fray au mois de May, c’eft-à-dire 
leurs œufs , d’où les petites huiftres doivent fortir. On à re- 
marqué qu'au bout de vingt-quatre heures ces petites huif- 
tres avoient de l'écaille , & que les meres font malades aprés 
avoir bien frayé, n'étant bien guéries que vers la fin du mois 
d’Aouît {uivant. 

Monfieur Mery fameux Anatomifte, premier Chirurgien 
de l'Hôtel-Dieu de cette Ville, & Penfionnaire de l’Acadé- 
mie Royale des Sciences , lut en public un difcours tres-cu- 
sieux fur les huiftres des étangs ; mais il manque à ce difcours 


ET AQUATIQUES. SECONDE PARTIE. Chap. VIL 2: 
les curieufes obfervations que nous avons faites fur ces fortes 
d'huiftres ou moules des étangs , ou de ceiles qu’on trouve 
dans les canaux de Seaux & ailleurs. 

Samedy 15. Novembre 1710. à midy, je fis ouvrir une de- 
mie douzaine d'huiftres , j'en mis l'eau dans un petit vetre à 
boire , & je l'y laiflay repofer environ deux heures : cette 
eau me parut trouble & d'une couleur de perle fine, ou ti- 
rant plutôt fur la couleur du petit lait, & un peu plus épaif- 
fe , portant au nez une odeur de marée. J'en oblervay une 
tres-petite goutte avec differens Microfcopes à liqueurs , & 
je n'y apperçüs rien de particulier qui merite d'être dit. 

Je n'y découvris rien le fecond ni le troifiéme jour ; mais 
le quatriéme au foir je commençay d’y voir une aflez grande 
quantité de petites huiftres , belles, tranfparentes , & dont 
quelques-unes n'avoient pasun mouvement trop rapide pour 
m'empêcher de voir la tête & le refte du corps. Leur grof- 
feur me parut avoir fait un grand progrès en peu de tems, 
par rapport à celle des animaux que j'ay obfervez dans d’au- 
tres liqueurs. En voicy une reprefentée en ab cd, dont a 
eft la cêre, & b cd le refte du corps, qui n'étoit pas égale- 
ment tranfparent. La forme de leur corps eft changeante ; 
on les voit fe plier & replier en differentes façons : leur mou- 
vement eft quelquefois dire&, & d’autres fois circulaire : on 
les apperçoit fouvent s'entre-choquer , & par-là interrompre 
leur courfe , tres-vite en plufieurs , & moins en d’autres. 

Ces animaux étoient aflez gros dés le quatriéme jour de 
leur naiflance , pour fe faire voir avec un Microfcope à trois 
verres d'environ quatre pouces de hauteur , dont la lentille 
objeétive n'avoit pas moins de cinq lignes de foyer. 

Le cinquiéme & le fixiéme jour , je vis plufeurs de ces 
animaux parfaitement en repos , de forte que je les crus 
morts ; mais en continuant de les obferver, je fus détrompeé, 
les voyant nager avec beaucoup de vitefle , les uns allans 
d'un côté & les autres d’un autre , s'entre-frolant fouvent , 
& s’arrétant quelquefois pour un moment l'un contre l'autre; 
puis étant écartez par d’autres qui faifoient effort pour paf- 
fer entr'eux, & changeoient de figure fuivant leur maniere 
de fe rencontrer , ou le retreciflement du lieu qu'ils vouloient 
traverfer. | di 


Planche 4 
Figure 4° 


2. Des ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 

On s’apperçoit quelquefois qu'une de ces petites huiftres 
pañle fur un groupe de plufieurs autres {ans les ébranler ; ce 
qui marque qu'elles n'en font pas touchées , & qu’elles font 
environnces d’aflez de liqueur pour faciliter le mouvement 
de celles qui nagent par-deflus. 

Ces animaux s'allongent & fe raccourcifflent confiderable- 
ment; & même ils s'accouplent , comme on le peut voir en 
a & c: ils fe mouvent ainfi accouplez d’a vers b, & de c vers 
d , long-tems avant qu'ils fe feparenc ; de forte que le plus 
fort entraîne le plus foible. 

Ces petits animaux tournent beaucoup plus lentement que 
ne font ceux de l'infufion du poivre en grains, ni même ceux 
du fené. do, 

Le mouvement circulaire des petites huiftres s'execute en 
deux façons toutes differentes ;la premiere les fait voir tour- 
nant autour de leur centre ; & la feconde les fait paroître 
tourner comme fur un point qui feroit vers l'extrémité de 
leur tète. 

L'eau de ces poiffons fe trouve au bout de quelques jours 
d'une odeur infupportable , mais dans la fuite elle s’adoucir 
confiderablement ; & parce qu’elle eft falée naturellement, 
il y avoit lieu de croire qu'elle fe conferveroit long-tems ; ce 
qui n'eft pas arrivé. L’experience nous a appris que la feule 
odeur du vinaigre eft un poifon qui tuë ces petites huiftres. 

Quoyqu'on ne puifle pas voir les yeux de ces animaux , on 
peut neanmoins aflurer qu'ils apperçoivent les objets qui fe 
prefentent à eux ; puifqu'on remarque certainement qu'ils 
s’en écartent en fe mouvant , & qu'ils font des détours tres- 
frequens pour les éviter. 

Le 2r. jé mis une grofle goutte de cette liqueur fur le pot- 
te-objet du Microfcope , que je portay & rapportay de for 
loin durant cinq heures au moins, qu'elle employa à s'évapo- 
rer entierement ; pendant ce tems-là les petites huiftres 
qu'elle contenoit firent l'admiration de plufeurs perfonnes À 
qui je les montray. 

Le 22. au foir je trouvay cette eau plus tranfparente qu'el- 
le n'avoit été cy-devant , quoy qu'elle fut devenuë plus 
épaifle , du moins elle ne s’erendoit pas fi facilement fur le 


ET AQUATIQUES. SECONDE PARTIE. Chap VIH, 23 
porte -objet , qu'elle faifoit auparavant. 

Je m'apperçûs d’ailleurs que la même’ eau avoit perduë 
cetre odeur forte & defagréable qui s’y faifoit fentir dés les 
premiers Jours; que les animaux s’y étoient confiderablement 
multipliez ; qu'ils fembloient être devenus un peu plus gros 
qu'ils n'étoient ; & enfin il ne m'en parut plus d'accouplez. 

Le lendemain 23. J'oblervay encore les mêmes chofes , à 
quoy l'on peut ajoûrer ces particularitez. 

Que juique icy je n'ay vû dans cette eau qu'une feule ef- 

ece d'animaux , prefque tous d'une même figure, & d’une 
grofleur affez uniforme, fe mouvans tous d'une maniere aflez 
égale. 

Comme il eft difacile de porter, avec le plus petit bout 
d'une plume à écrire , un peu de l'eau où nagent ces poif- 
fons, fans enlever en même rems quelque petite portion d’u- 
ne legere pellicule qui fe forme dés le commencement fur 
cette liqueur ; on eff tout étonné de voir que cette parcelle, 
prefque infenfible aux yeux nuds, paroït dans le Microfco- 
pe d'une étenduë extraordinaire ; en forte ‘qu'elle reflemble 
à une grofle mañle de rocher , chargée d'une multitude ex- 
traordinaire de petites crearures. 

Ces animaux femblent fe plaire davantage , & trouver 
fous cette pellicule une nourriture plus propre à leur tempe- 
rament que par tout ailleurs , vü le nombre prodigieux que 
nous y appercevons: ils y fourmillent les uns fur les autres, 
de maniere que cet endroit-là devient beaucoup moins tranf- 
parent que les autres. 

Le Samedy 13. Decembre 1710. il étoit refté tres - peu 
d'huiftres vivantes , & même elles parurent diminuées de 
groffleur. Le 16. je n'y en remarquay aucune ; ainfi mes pre- 
micres obfervations fur ces fortes d’animaux-là, finirent. 

Mais ayant prévû ce qui devoit arriver, javois déja mis 
en experience de nouvelle eau ; deux jours aprés J'apperçüs 
de ces animaux tout naïflans , qui paroifloient avoir environ 
deux lignes de longueur & une ligne de largeur. 

Le 16. & le 17. j'apperçüs ces huiftres en plus grand nom: 
bre, & j'en vis quelques-unes fous la forme d’un huit de chif- 
fre : c'éroient apparemment deux petites huiftres sep 

d ii} 


24 DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 

L'augmentation du froid, l’'épaiffiflement furvenu à cette 
eau par l’évaporation des parties les plus fubtiles & les plus 
agitées ; Joint à cela le défaut de nourriture , les fit enfin 
perir environ le 30. Janvier 1711. 

Dés ce même jour je recommençay pour la troifiéme fois 
une femblable experience ; mais depuis ce jour-là jufqu'au 
22. Février, je n'y apperçüs rien que je n’y eufle déja remar- 
qué. En voyant dans la moindre goutte de cette eau un fr 
grand nombre de ces poiflons , qu'il y en avoit , je ne püs 
diftinguer les uns d'avec les autres , tant cette eau en étoit 
obfcurcie ; c’eft pourquoy , afin de l’éclaircir , j'y ajoûtay un 
peu d'eau commune , & j'obfervay que ce mélange avoit fait 
diminuer fubitement la longueur des huiftres , en les ren- 
dant prefque toutes rondes; mais dans la fuite elles reprirent 
leur forme ovale & leur longueur ordinaire. Durant l'efpace 
de deux heures confecutives , j'appliquois fept ou huit fois 
de l'eau fraîche fur le porte-objet , à mefure que la liqueur 
s'évaporoit ; & J'aurois même pû continuer plus long -tems 
ce manége , fi J'eufle voulu prolonger davantage la vie de 
ces animaux : ainfi cette eau commune , bien loin de leur 
nuire, les accommode fort. Il n'en eft pas de même du mé- 
lange d'une tres-pctite goutte d’eau de l’infufñon du fené 
avec celle des huiftres , qui les fait mourir en un inftant. 

On remarque encore que le mélange de l'eau commune 
avec celle des petites huiftres , les fait devenir plus grofles 
& plus claires, pourvû qu'elle ne foit ni trop froide ni trop 
chaude , ce qui les tuéroir, ou du moins arréteroit leur mou- 
vement pour un tems. 

Dans une femblable experience que je fs enfuite , J'ap- 
perçüs une chofe finguliere que je n'avois pas encore obfer- 
vée ; fçavoir , deux cornes mobiles à la tête de chacun de 
ces animaux , lefquelles formoienc enfemble un croiflant ; 
comme on le voit en e , & ces cornes mobiles paroïfloient 
auffi quelquefois comme on les voit en d; mais elles étoient 
fi courtes en de certains tems, qu'on avoit de la peine à les 
voir. 

Je m'avifay enfuite d'ajoûter à une goutte de l'eau des 
huiftres une tres -petite goutte de vin avec le bout d'une 


EY AQUATIQUES. SECONDE PARTIE. Chap. VIT 25 
plume , & je vis expirer ces petits animaux prefque fur Le 
champ , & à mefure que le vin fe méloit avec cette eau , ou 
que les animaux pañloient de l’eau dans le vin. 

Le 19. Mars , dans un tems aflez chaud , je remarquay 
que les petites huiftres fe manifeftoient dans leur eau beau- 
coup plutôt qu’elles n'avoient fait dans les tems moins chauds; 
& que quelques heures auparavant on y avoit remarqué un 
grand nombre de petits corps ronds & tranfparens, qui peu- 
vent paller pour les œufs de ces poiflons. 

Le 29. du même mois, il paroïfloit dans cette eau tres- 
peu de petites huiftres ; & quoy qu'elles fuflent devenuës 
bien maigres, elles ne laifloient pas de fe mouvoir tres-vîte : 
ce fut pour lors que l'on cefla de vendre dans Paris des 
huiftres à l'écaille , à caufe qu'elles n'étoient plus bonnes à 
manger. 

Le 15. Juillec 1911. à midy , je mis dans un vaifleau de 
verre de l’eau de fix à fept huiftres ; & le 16. à fept heures 
du foir jy obfervay une bonne quantité de petites huiftres 
nageant dans cette eau , quoyque le vaifleau eût été bouché; 
ce qui femble donner occafion de penfer que ces animaux 
{ont produits des œufs des huiftres mêmes , & qu’ils ne vien- 
nenc pas des autres animaux qui volent ou nagent dans l'air 
que nous refpirons. 

Le 22, je vis dans cette même eau de deux fortes de nou- 
veaux animaux , dont plufieurs me parurent de la figure & 
groffeur qu'il paroît en f, s’allongeant & fe raccourciflant 
alternativement d’un inftant à l’autre. Ceux de la feconde 
efpece , dont un feul eft vû en &, fe mouvoient aflez lente- 
ment pour qu'on pût remarquer en eux les particularitez fui- 
vantes. 

On apperçoit vers la tête & au derriere un mouvement 
d’ondulation, dans une matiere blanche, lumineufe & tranf- 
parente , laquelle étant bien confiderée , on s’apperçoit qu’- 
elle eft caufce par les pattes , tant du devant que du derriere 
de ces animaux. On les voit marcher fur le porte -objer du 
Microfcope , fans fortir de l’eau où ils ont pris naïflance ; & 
l'on remarque que les pattes de derriere ee plus longues 
que celles du devant. Fay auffi vi dans le même rems, & 


56 Des ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 

dans la même goutte de cette liqueur, d’autres animaux urt 
peu plus gros que les anguilles du vinaigre , ayant la partie 
du derriere de leur corps affez grofle & arrondie , & la tête 
un peu plus longue que celle de ces anguilles : leur corps 
Ctoit moins tranfparent & plus court de beaucoup que celuy 
des anguilles du vinaigre. Ces nouveaux poiflons ; dont on 
voir la figure enh, changent de figure à tout momens. 

Leur nager s'execute afiez lentement ; le mouvement de 
leur tête , qui eft plus menué de beaucoup que le refte de 
jeur corps , approche aflez de celuy que J'ay remarqué dans 
les vers de quelques autres liqueurs ; ils avancent & la reti- 
rent alternativement, ils la portent à droit & à gauche , s’ar- 
tétant tres -fouvent, comme s'ils avoient peur de quelque 
objet qui traverferoit leur route. | 

Le 22. Aouft je fus furpris de ne trouver plus d'huiftres 
dans cette eau, ni même aucun des animaux de figure ovale ; 
& ce ne fut pas manque de nourriture , puifque les dernieres 
anguilles dont je viens de parler y vivoient. Enfin le 3. Sep- 
tembre , à peine pouvoit-on voir deux animaux dans cette 
liqueur ; ce qui me la fit abandonner. | 

Le 21. Oétobre 17117. nous vimes dans de nouvelle eaw 
d'huiftres , jufqu'au 4. Novembre , les animaux reprefentez: 
ent Lin, 5,08 ps | 

La figure m reprefente un ver, dont la tête eften pointe ; 
& le derriere rond. Celles qui font en n &o, reprefentene 
deux de ces vers qui fe tiennent enfemble de deux façons 
differentes , le plus fort entraînant le plus foible. 

En p, vous en voyez un plus gros d’un autre genre, & d’u- 
ne autre figure. Enfin au-deflous de la lettre q, il y en # 
deux plus petits qui fe tiennent par le bec, allant ainfi na- 
geant de compagnie. 


CHAP, 


ET AQUATIQUES. SECONDE Parrte, Chap. VIIL 35 


CHAPITRE. VLIT 


Des imfufions d'œillets mis dans de l'eau commune, chaude 
€ froide. 


FO Er4. Juillet je mis infufer à froid dans de l’eau com- 
mune-des œillets qui n’étoient pas encore épanoüis ; & 
le 19. je commençay d'appercevoir de tres -petits animaux 
nageant dans l’eau, dont voicy à peu prés la grofleur & la 
figure apparente , marquée en B, Planche 4. Figure 2. 

Quelques perfonnes prennent ordinairement les animaux 
de cette grofleur pour de petites mouches ; mais c’eft une 
erreur qui provient ou de ce que lextréme petitefle de ces 
infeétes rend leur efpece équivoque à nos yeux ; ou de la 
mauvaife figure de la lentille du Microfcope , défaut tres- 
commun aux lentilles fouflées ; ou de ce qu'elle eft mal pla- 
cée entre les diaphragmes ; ou enfin de ce que l’objet n’eft 
pas placé au point de vüë où il faudroit qu'il fur. 

Le 20. je commençay d'en appercevoir de tres-gros ; mais 
en petit nombre , ayant le corps bien tranfparent , & par- 
femé de petites taches , comme on le peut rémarquér en A. 

Le 22. les gros me parurent plus beaux & plus longs qu'au- 
paravant ; ils fe mouvoient aufli d'une maniere nouvelle. 

Le 29. j'apperçüs fur la furtace de la liqueur de petits vers 
blancs ; & un peu au-deflous de cette même furface , j'y vis 
ün nombre extraordinaire de tres-petits animaux. 

Le 1. Aouf , la mafle compofee d’une multitude prefque 
infinie de ces animaux , étoit fi épaifle & fi fourmillante , qu’à 
peine y pouvoit-on difcerner leur figure ; & l’on remarquoit 
parmy eux quelques gros vers fous la forme reprefentée 
en C. 

_ Le 20. du même mois j'apperçüs dans une goutte de cette 
infufion des efpeces d’anguilles , dont on voit la reprefenta- 
tionen E&enF, plus grofles & plus courtes que celles qu'on 
voit ordinairement dans le vinaigre; ce que je n'avois point 


Ÿ 


28 DES ANIMAUX AERIENS; TERRESTRES 
encore vü dans aucune des infufions ou liqueurs préceden- 
tes : leur mouvement s'executoit à peu prés comme celuy 
des ferpens du vinaigre. Ces nouvelles anguilles paroiïflent 
tres-blanches vers la tête & vers la queuë , qu’elles ont tres- 
courtes; tout le refte de leur corps étant d’une couleur d’am- 
bre plus ou moins claire , felon le temps qu'elles avoient de- 
meurces dans cette infufion. 

Le 22. j'obfervay un petit ver blanc, que j'avois pris en la 
furface de cette eau, dont le corps étoit aflez tranfparent 
pour me donner la facilité d’obferver au dedans de fon 
corps pluficurs filets blancs , dont les deux du milieu qui 
évoient un peu écartez l’un de l’autre , & paralleles entr'eux, 
fe recourboient vers la tête pour s'unir à, & s'étendre juf- 
qu'à l'extrémité poftericure du corps, au-delà de laquelle ils 
paroiloient avancer de plus d'une ligne. 

De chacun de ces filets droit & gauche , partoient de 
diftance en diftance d’autres filets blancs qui defcendoient 
de haut en bas, & du dos vers le ventre, où ils pouvoient fe 
joindre. 

Ces animaux ont auffi à la tête deux petits points noirs, 
qui font de veritables yeux ; puifqu'ils fe détournent à la pre- 
fence de quelques petits objets dont on fe fert pour traverfer 
leur chenmun. 

Au devant de la tête on remarque deux efpeces de cro- 
chets, dont ils fe fervent comme d’appuis pour avancer leur 
corps , par un mouvement femblable à celuy des vers que 
nous voyons ordinairement fe traîner fur la terre ; car ils 
n'ont point de pieds , leur corps étant diftinguez par plu- 
fieurs anneaux , qui s'approchent & s’cloignent fucceflive- 
ment les uns des autres, par la contraétion des fibres dont 
nous avons parlé. Vous voyez la figure de cet infeéte en D. 

Le dernier Aouft 1711. je vis au moins une douzaine d’an- 
guilles dans une tres-petite goutte de cette infufion , bien 
grofles & bien courtes , en comparaiïfon de celles du vinai- 
gre , dont le mélange les fait mourir en moins de trois mi- 
nutes. Et ce qu'il y a de particulier eft , que la tête de ces 
nouvelles anguilles devient immobile , pendant que le refte 
de leur corps fe meut encore, \ 


ÊT AQUATIQUES. SECONDE PARTIE. Chap. VIIL 29 
L’effer de ce mélange prouve , ce me femble affez , que 
ces dernières anguilles font d’une efpece differente de celles 
du vinaigre ; & fi cela ne fufhit pas, voicy dequoy convain- 
cre parfaitement de ce que j'avance. 

Prenez deux Microfcopes montez de lentilles d’un même 
foyer , afin de découvrir par la vüé les differences qui fuivent. 

1°. Les anguilles du vinaigre font beaucoup plus longues , 
plus dégagces , plus blanches , & plus également tranfparen- 
tes dans route leur longueur , que celles qui fe trouvent dans 
l'infufion d’œillets. 

2°. Celles du vinaigre figurent fouvent plufieurs enfemble, 
de maniere qu’elles accordent les mouvemens de leur corps 
avec tant de juftefle , que les convexitez & les concavitez 
des unes fe trouvent répondre exactement à celles des au- 
tres, Ce qui n'arrive pas aux anguilles de l'infufion dont je 
parle. . 

3°. La tête des anguilles du vinaigre n’eft pas fi grofle que 
celle de l'infufion d'œillets. 

4°. Ces mêmes têtes different encore en autres chofes. 

5°. Le mouvement de celles du vinaigre paroîc plus libre 
& plus aifé , que celuy des anguilles de l'infufion d'œillets. 

6°. Celles du vinaigre ne pee jamais entierement en re- 
pos, qu'elles ne foient mortes; & J'en ay vû des autres y de- 
meurer comme immobiles durant plus d'un quart-d’heure , 
& fe remettre enfuite dans un mouvement aflez prompt, qui 
durera autant de tems que la goutte de liqueur où elles na- 
geoïent demeurera à fe deflécher. 

7°. Ces anguilles font beaucoup plus fenfibles au froid que 
celles du vinaigre ; car quand les matinées font fraîches on 
a de la peine d'en prendre ; & pour en trouver je fus obligé 
de mettre au Soleil le vaifleau qui contenoit l'infufion où 
elles croient, & de luy laiffer environ un quart-d’heure , aprés 
quoy J'en trouvay deux tout à la fois. 

Enfin lorfque les anguilles du vinaigre font mortes depuis 
quelque tems , leur corps paroîc d'ordinaire comme plu- 
fieurs noyaux d'olives , enfilez à peu prés comme des grains 
de chapelets ; au lieu que le corps des autres anguilles m'a 
toujours paru en fon entier. | 

ei 


8,7 à 1 
lance 


ÉNOULC I. 
Ds 


ÿ 


39 DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 

Le 14: Juillet je mis infuler dans de l’eau boüillante une 
portion des mêmes æillets dont je viens de parler, dans la- 
quelle je ne commençay à découvrir des animaux que le 25. 
du même mois ; ils étoient tres-petits & en fort grand 
nombre. 

Le 29. je ne trouvay plus de petits infeétes ; mais je vis des 
vers aflez fenfibles aux yeux nuds , rampans fur la furface de 
l'infufion ; où il s’étoit formé une épaifleur d’une matiere 
molle , mais aflez ferme pour les foutenir. La grande cha- 
leur quil avoit fait durant quatre jours , fut la caufe de la 
mort des premiers infeétes , ce qui m'obligea à fupprimer 
certe infufion, beaucoup plutôt que je n’aurois fait fans cela. 


+ 


CHAPITRE TOUS 


D'une infufion à froid d'un bouquet compofé de rofes , 
d'œilles € de jaffémin 


E 11. May 1. je nus infufer à froid , dans de l’eau 
commune , un bouquet de rofes , d’œillers & de jafle- 
min, coupé par morceaux, pour le faire entrer plus facile- 
ment dans un petit vaifleau , tenant environ denu-feptier , 
mefure de Paris ; & je trouvay au bout de trois ou quatre 
jours un grand nombre de petits animaux parmi quelques 
gros : is fe multiplierent confiderablement , & donnerent 
durant un mois un fpeétacle agréable à plufieurs perfonnes. 
Je ferois trop long fi j'entreprenois de décrire la figure, la 
couleur & les mouvemens de ces animaux ; il vaut mieux 
vous laïfler la fatisfaétion de remarquer toutes ces merveilles 
en les examinant comme j'ay fait. : 

Je ne juge pourtant pas à propos de pañler fous filence 
une forte de nouveaux animaux que je n'avois point encore 
vûs , & qui commencerent à fe faire appercevoir dans cette 
même liqueur le fecond jour de Septembre : c’étoit une ef- 
pece de limace que je vis , en me fervant d'une lentille d’en- 
viron une ligne de foyer. Toute fa longueur , dans laquelle 


ET AQUATIQUES. SECONDE PARTIE. Chap. IX. 3 
je diftinguay trois parties confiderables , me parut d'environ 
dix à douze lignes , & fa plus grande largeur de fix à fept li- 
gnes Ou environ. 
= La premiere partie marquée À en eft la tête, qu'elle reti- 
re & avance par fecoufles lorfqu'elle va lentement; ce qw’elle 
ne fait pas lorfqu'elle nage aflez vite. 

La feconde partie marquée B eft le tronc , & C reprefente 
la partie du derriere , que cet animal retire fouvent , & à 
l'extrémité de laquelle on apperçoit comme deux grands 
pos blancs marquez D , D, qui luy fervent de nageoires. 

out fon corps , qui eft blanc & tranfparent , femble n'être 
qu'une mafle charnuË compofce de mufcles, & de filets pref- 
que impercepribles , qui s'allongent & fe raccourciflent fi ai- 
fément , que d’une forme ovale aflez longue , cet animal fe 
change promptement en boule. 

Il cache fouvent fes nageoires D, D fous luy, de maniere 
qu'on ne les apperçoit plus, fans cefler néanmoins de nager, 
Son corps ef mal terminé ,de forte qu'on le voir fouvent fous 
une forme incertaine , à caufe du changement qui s'y pafle 
par les divers mouvemens de fes mufcles ; & même lorfque 
cette limace approche de fa fin , fa figure devient fi inégale 
& fi irréguliere , qu'on ne la peut autrement exprimer que 
par le deflein marqué en E, demeurant quelque rems tranf- 
parente , ainfi qu'un gros grain de fable vû au Microfcope à 
liqueurs , ou dans un Microfcope à plufieurs verres , en y re- 
gardant comme on fait dans une lunette d'approche pour 
obferver les Aftres. 


CPR DRE 0€ 


De l'infufion des barbeaux ; ou petites fleurs bleuës qui vien- 
nent parmi les bleds 


E fecond Juin je mis infufer à froid , dans de l'eau 
commune , les queuës d’un gros bouquet de barbeaux, 

avec quelques fleurs ; & en même tems Je Jettay dans une 
| € 1j 


Planche 5. 


PipUte ur 


32 DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 
caraffe de verre des mêmes fleurs feules , fur lefquelles je 
répandis de l'eau en fuffifante quantité. Environ douze heu- 
res aprés J'apperçüs dans ces infufions des animaux de la 
grofleur & de la figure qu’on les à reprelentez en F, par le 
moyen d'un Microfcope , où j'avois mis une lentille d'envi- 
ron une ligne de foyer. Le lendemain au foir j'y vis de qua- 
tre fortes d'animaux bien tranfparens , de figure ovale , & 
d'inégale grofleur , fe mouvans diverfement. 

Le cinquiéme du même mois je me fervis d’une autre len- 
tille, qui n'a qu'un quart de ligne de foyer , & j'apperçüs les 
plus gros animaux comme en G ; mais avec beaucoup plus 
de confufion que je ne les avois obfervez au travers de la 
lentille précedente; ce qui arrive néceflairement , quand on 
fe ferc des lentilles dont le foyer eft tres-proche de l’objet, 
& par confequent fort court. 

Ces gros animaux changent de figure , & même de mou- 
vement en un inftant , s’allongeant & fe raccourciflant de 
maniere qu'on les méconnoît d'un moment à l'autre ; ce qui 
fait qu'on prend fouvent en divers tems le même animal 
pour un autre. 

Le 6. j'apperçüs une nouvelle cfpece d'animaux , dont 
vous voyez icy toute la grofleur & la figure en H, qui s’al- 
longeoit & fe raccourcifloit en nageant dans une tres-petite 
goutte d’eau , fans que j'aye pü remarquer de difference en- 
tre la têre & la queuë de ce poiflon, que je nomme infeéte 
des barbeaux ou chabot : mais parce qu'il doit y avoir une 
partie conftante où fe trouve la tête de cet animal ; je la juge 
à l'extrémité qui précede ou devance toujours l’autre dans le 
tranfport de tout fon corps. 

Le feptiéme , j’obfervay une chofe tres-curieufe en quel- 
ques-uns des plus gros ; ils avoient une figure ovale terminée 
aflez irrégulierement , trainant après eux une longue queuë 
d'environ deux pouces , d’une fubftance beaucoup plus blan- 
che & plus tranfparente que n’eft leur corps , depuis lequel 
elle s'étend directement en diminuant de groffeur, & finif- 
fant comme en pointe , ainfi qu'on le peut voir reprefenté en 
FH. Le bout de cette queuë, qui éft fouvent cinq ou fix fois 
plus longue que le corps, eft ordinairement attachée à une 


ET AQUATIQUES. SECONDE Partie. Chap. X. 33 
mafle de la matiere grofliere de l'infufon , qui fe colle au 
concave de verre où la goutte de liqueur eft en obfervation; 
& alors il y a du plaifir à voir l'animal tirer cette molecule, 
fans la pouvoir entraîner , comme en Ï; ce qui l'oblige à s’en 
rapprocher de tems en tems à reculons , en repliant fa queué, 
comme en L, qu'il redrefle en s'en écartant avec beaucou 
moins de vitefle qu'il ne s'en étoic rapproché , allant d'un 
mouvement aflez égal ; d’autres fois on voit cinq ou fix de 
ces infectes attachez autour d’une grofle mafle qui tient fer- 
mement attachée au porte-objet, dont ils fe rapprochent & 
{e retirent tour à tour , comme nous venons de dire. 

On obferve que durant cet exercice, il change & reprend 
alternativement fa premiere figure , & que cette queué na- 
turcllement droite , comme en I, reprend fa direétion , à 
mefure qu'il fait des efforts pour s’écarter en droite ligne de 
la mafle qui l'enchaïîne au concave de verre, & qu'il entraîne 
quelquefois après luy allant direétement. 

J'ay remarqué que l’exceflive chaleur de l'air en fit perir 
une tres-grande quantité , & que cinq ou {ix jours après ilen 
revint d'autres. 

Il ne m'eft pas permis de douter , après ce que j’ay vû de 
ces derniers animaux , qu'ils n'ayent des yeux , & qu'ils ne 
voyent ; car on en remarque fouvent deux qui figurent en- 
femble l'un proche de l’autre fans fe toucher , rournant tous 
deux d’une vitefle fi grande autour d’un même centre, que 
les deux , quoy qu'ovales , ne paroifloient que comme un 
feul , & tout rond. 

On voit au-deflous de M un petit poiflon , dont les extré- 
mitez font terminées par deux furfaces planes, tellement pa- 
ralleles entr’elles , qu'on n’y apperçoit rien de diftinét qui 
puifle faire juger du lieu où eft fa cête : pour le connoître , il 
faut obferver fon mouvement , qui s'execute en courbant 
differemment tout fon corps, qui va en avant, formant des 
ondulations tres-lentes; de forte qu'il fair peu de chemin en 
beaucoup de‘rems, 


226366 


Planche 5. 


Cr. 
Figure 3. 


34 DES ANIMAUX ÆAERIENS, TÉRRESTRES 


CHAPITRE XL 


Du Thé mu en infufion. 


E 15. Juillet ry1r. après avoir mis dans une théhere au+ 
tant de ché & d'eau botüllante qu'il en falloit pour fix 

grandes prifes ;j'en mis dans une caraîte de verre, d'environ 
demi-feprier , les feüilles qui refterent aprés l'infufion chau- 
de; & ayant rempli d'eau de fontaine le vaifleau , je laiflay 
repofer cette feconde infufion qui s’en faifoit à froid : dix 
jours aprés J'apperçüs dans la moindre goutte que Je pufle 
prendre de cette liqueur, une fourmilliere de tres-petits ani- 
maux de figure ronde , & dont le mouvement étoit tres-lent. 

Quelques jours enfuite , ces petits animaux y parurent en 
moindre quantité , mais beaucoup plus gros , plus clairs & 
plus diftinéts qu'auparavant : leur figure etoit ovale, & com- 
me onen voit un {eul reprefenté au-deflous de N. Le con- 
tour apparent de leur corps paroifloit noir , & le refte tres- 
blanc & tranfparent ; on les voyoit nager d’une vitefle fur- 
prenante. | | 

Le corps de ces infeétes étoit d’une confiftance fi délicate, 
qu'ils n'ont confervé leur figure naturelle que deux ou trois 
minutes aprés leur mort. | 

Le 23. Septembre j'apperçüs dans la même liqueur de trois 
fortes d'animaux , fçavoir de tres-petits, & en grand nom- 
bre; de moyens, en moindre quantité ; & de gros encore en 
plus petite ; mais ils nageoient beaucoup plus vite que les 
autres. Aujourd'huy 8. Decembre il s'y en trouve encore de 
tres-beaux ; & j'ay vû par hazard une grofle anguille dans 
une tres-petite goutte de cette infufion; on la voit icy repre- 
fentée toute entiere : elle differe des anguilles du vinaigre, 
en ce que fon corps eft plus court & plus gros , & que fon 
nager cft de beaucoup plus lent. : 

L'infufion qu'on fait des feüilles de thé, tel qu'il vient des: 
Indes , étant mifes à froid dans de l’eau commune , n'a rien: 
fait voir d'extraordinaire. 


CHA. 


ET AQUATIQUES. SECONDE PARTIE, Chap. XII 35 


SHAPEILRE" XI 


Des infufons de queuës de framboifes | mifes à froid dans 
de l'eaw commune. 


" ’Infufon des queués de framboifes , dans de l’eau com- 
mune , eft une de celles qui n’acquiert aucune mauvai- 

fe odeur , depuis le commencement jufqu'à la fin, c'eft-à- 
dire durant deux mois ; cependant elle produifit en moins 
de vingt-quatre heures les plus beaux animaux que l’on 
puifle voir dans les liqueurs , & en tres-grand nombre ; vous 
en verrez icy les Figures reprefentées en O. Ces poiffons Pa- Planche 5. 
roiflent tres-blancs & tranfparens dans le commencement de Figure 4. 
leur naiffance , avec de petites marques fur le corps ; plus 
diaphants en des endroits qu’en d’autres : cette grande blan- 
cheur fe change dans la fuite en une couleur jaunâtre | & 
toujours aflez tranfparente. 

On les voit s'allonger & ‘fe raccourcir , devenant ovales 
ou ronds , felon qu'il leur convient , par rapport aux obfta- 
cles qu'ils trouvent dans leur route. J'en ay vû fouvent deux 
fe tenir enfemble comme par le bec, ainfi que font ordinai- 
rement deux tourterelles , ou deux pigeons mâle & femelle 
qui fe careflent; & on voyoit ces animaux fe mouvoir affez 
vite , fans quitter cette attitude reprefentée en P, dans la- 
quelle on les voit même jufqu'aprés leur mort. 

Le premier Septembre de l’année 1711. j'en vis un groupe 
de huit d'une belle couleur d'ambre , & d'une groffeur re- 
marquable, figurant enfemble comme feroient plufieurs dan- 
feurs qui prendroient plaifir à divertir une compagnie : dans 
de certains momens ils nageoïent , & marchoient aflez len- 
tement pour fe faire obferver à loifir : Je n'ay pù cependant 
jufqu'icy parvenir à découvrir leurs nageoires ou leurs pat- 
tes ; mais le 8. Septembre fuivant, Je vis dans cette infufion 
quantité de gros animaux fans aucun petit; & parmi eux j'en 
apperçüs deux ronds qui ne fe quittoienr point; l’un des deux 


Planche f. 
Figure f. 


36 DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 
avançoit fur l'autre , comme font deux jettons fans être cou- 
verts totalement; d’autres fois ils fe rtouchoient feulement 
par leurs circonferences , tournant ainfi enfemble comme 
s'ils n'en faifoient qu'un feul , tantôt en un fens & tantôt en 
un autre. Enfin le 27. du même mois j’apperçüs dans cette 
infufion , pour la premiere fois, des animaux femblables à 
celuy qui eft reprefenté par Q, ayant une matiere tranfpa- 
rente & agitée aflez regulicrement, dont je ne püs difcerner 
la figure à caufe de la vitefle de fon mouvement. Cette ma- 
tiere cft fituée entre le milieu du corps de lanimal , & fa 
tête , qui eft immédiatement fous la lettre Q. Peut-être que 
c'eft le cœur de ce nr , & que les agitations qu'on y ap- 
perçoic en font le {yftole & le diaftole : ces mouvemens ne 
peuvent être remarquez que dans le tems que l'animal {e 
meut tout entier & tres-lentement. 


LQ 


CERAPIDRE AIRE 


Des infufions de fenoial , de fauge , de melon, de verjus, de 
uges de Joucy avec les fleurs. 


E rr. Aouft 1715. je mis infufer à froid , dans de l’eau 
commune , du fenoüil avec fes tiges , grofles & menues; 

& le 13. enfuivant J'obfervay que dans la moindre goutte que 
l'on puifle prendre de cette liqueur , on découvroit une four- 
milicre compofée d'un nombre prefque innombrable de pe- 
tits animaux, que nous avons reprefentez en R, parmi lef- 
quels il y en avoit d’autres de figure ronde , & environ cinq 
ou fix fois plus gros, | 
Le 22. Aouft 1711. je mis infufer à froid des feüülles de 
fauge , qui ont confervé leur odeur naturelle durant tout le 
tems de leur infufon : dans l'intervalle de douze jours ou 
environ , Je n'ay vû dans cette liqueur que quelques petits 
animaux de la grofleur d'un grain de mullet, & une infinité 
de plus petits , qui ne paroifloient que comme des points 
marquez fur du papier , avec une plume à écrire taillée des 


TN — 


ET AQUATIQUES. SECONDE PARTIE. Chap. XIII. 3 
plus fine ; & un peu au-deflous de la furface de la liqueur , j'y 
apperçüs de tres-perits vers blancs. 

Le :8. Septembre je vis dans une goutte de cette même 
eau deux fortes de petits poiflons reprefentez en S , & com- 
me ils paroifloient vûs avec une lentille d’une ligne de foyer. 
La goutte de liqueur venant à fe deffécher , on voit mourir 
les gros avant les petits , qui prennent autour des gros des 
arrangemens femblables à celuy qui {e voit icy. 

Le 22. Aouft je mis infufer à froid des bayes ou fruits d'é- 
pine-vinette , & au bout de vingt-quatre heures j'apperçüs 
des animaux de la grofleur & figure reprefentée en T, dont 
le corps étoit blanc & cranfparent; mais ils n'ont vécu que 
tres-peu de tems. 

Le 25. du même mois , au foir, je mis infufer à froid de 
petits morceaux de la côte d’un melon, avec un peu de la 
chair & de fa graine ; le lendemain au matin j'apperçus quel- 
ques animaux aflez beaux & tranfparens , dont on voit la 
figure en V. 

Le 30. au matin je ne vis plus dans cette infufon que de 
petits corps longuets , blancs & tranfparens ; comme on les 
peut voir reprefentez en X , dans une goutte de la liqueur 
mife au Microfcope, parmi lefquels on apperçoit d’autres 
petits corps moindres que celuy qu'on voit marqué T , fans 
aucun mouvement fenfible ; ce qui me fit fupprimer cette 
infufon. 

Ayant mis infufer le 14. Aouft des grains de verjus en 
grappe , dans de l’eau commune & froide , J'y apperçüûs le 
20. un grand nombre de fi petits poiflons , que je n'en pus 
diftinguer la figure. 

_ Le 25. du même mois j'y découvtis de deux fortes de poif- 
{ons ; les uns de la figure & groffeur reprefentée en Ÿ , & les 
autres fi petits , que je n'en pus voir la forme. 

Le 4. Septembre je trouvay les petits animaux de ce ver- 
jus confiderablement multipliéz ; & les gros augmentez de 
volume : j'en vis de ronds qui paroïfloient avoir une bonne 
ligne de diametre , & qui éroient joints enfemble , en for- 
mant comme un 8 de chiffie, fe mouvant ainfi tantôt circu- 
lairement , & tantôt en ligne droite, 

fy 


Figure Ca 


Figure 7, 


igute 8. 


33 Des ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 

Le 8. Septembre j'apperçüs quantité de petits vers fur une 
croute formée en la furface de cette infufion, & des anguil- 
les en aflez grande quantité dans une feule petite goutte de 
la liqueur. 

Enfin le $. Decembre Jj'apperçüs encore dans cette infu- 
fion de trois ou quatre fortes de petits poiflons , de diverfes 
grofleurs , de differentes figures, fe mouvans tres-lentement, 
à caufe de l’épaiflifiement de la liqueur , & de l’augmenta- 
tion du froid, 

Le 25. Aouft 1711. je mis infufer à froid , dans de l’eau 
commune , des tiges & des fleurs de foucy , & huit jours 
après J'y vis de trois fortes d'animaux , donties plus petits fe 
voyent reprefentez en Z Z, les feconds en &,&les derniers, 
qui n'ont pà trouver de place icy , étoient de grofles anguil- 
les , differentes en efpeces de celles du vinaigre , & differen- 
tes aufli de celles que J'ay vüës dans l'infufion d'œillets. 

Enfin le 8. Septembre je ne trouvay plus dans cette infu- 
fion qu'une feule efpece de poiflon; les anguilles même é- 
voient devenuéës invifibles , & l'infufion avoit acquis en peu 
de jours une odeur d'urine fi forte & fi défagréable , que je 
fus obligé de la fupprimer, 


e 


GHAPIERE: XIV. 


D'une infufion de foin nouveau ; mis à froid dans de l'eau 
commune ; le 4. Juin 1711. 


Ette infufion de foin nouveau neft pas vingt-quatre 
heures en experience , fans donner des marques avan 
tageufes de ce qu'on peut voir en elle: En effet, au bout de 
cinq ou fix jours on découvre dans une tres-perite goutte de 
cette eau, jufqu à cinq ou fix fortes d'animaux vivans , dif- 
ferens en couleur, en grofleur , en figure & en mouvement. 
L’extrême délicatefle du corps de ces poiflons les fait mé- 
connoître , dès qu’ils font morts , fur le porte-objet du Mi- 
crofcope. | | 


ET AQUATIQUES. SECONDE PARTIE. Chap. XV. 39 
L'odeur de cette infufion , durant les grandes chaleurs , 
eft tres-forte dans les premiers jours ; & J'ay remarqué qu’- 
elle avoit un fi grand rapport avec celle des crotins du che- 
val, que fans voir cette infufñon , on aflureroit que ce font 
des crotins qui la caufent ; mais elle diminué en vieilliffant ; 
de forte qu’elle devient dans la fuite tres-upportable. 

Dans la plûpart des liqueurs que j'ay vüés, je n'y ay gué- 
res trouvé de plus gros animaux , de plus tranfparens & de 
plus nets, ni qui durent plus long-tems que ceux-ci ; puis 
qu'au mois d'Oétobre j'y en apperçûs encore une aflez gran- 
de quantité de gros & de petits, 


CHAPIMIREN XV: 
Seconde infufion de foin nouveau. 


E 4. Octobre 1711. je mis infufer à froid , dans de l’eaw 

commune , un peu de foin nouveau, dans deux diffe- 
rens vaifleaux ; j'en bouchay un le mieux que je pus avec du 
velin bien moüillé , & Je laïflay l'autre ouvert. Deux jours 
après j'apperçüs dans l’une & dans l’autre infufion de trois 
fortes d'animaux , & en aflez grand nombre : cette expe- 
rience femble tres-propre pour perfuader que ces animaux 
étoient produits des œufs que d'autres animaux avoient dé- 
pofez fur ce foin, & non de ceux qui étoient répandus dans 
l'air. 

Le 10. du même mois je trouvay plus d'animaux dans une 
goutte de l'infufion qui avoir été bouchée , que je n'en vis 
dans une pareille quantité de celle qui ne l'étoit pas. On 
peut penfer que la fermentation & l’évaporation de la li- 
De débouchée , y étant devenués plus grandes qu'en celle 

e l’autre , elles furent les caufes occafionnelles du plus 
grand nombre de poiflons qui s'y font trouvez. 


= £ i 


40 DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 


Trosfiéme experience faite [ur de fémblable foin. 


E 5. O&obre je fis botüllir de femblable foin nouveau 

| dans de l'eau commune, durant plus d’un quart-d’heu- 
re ; Jen mis enfuice une égale quantité dans deux vaifleaux, 
à peu près de même grandeur#} en bouchay un fur le champ, 
& même avant que le tout fut refroidi : je laïflay l’autre dé- 
couvert , & J y apperçus des animaux au bout de quelques 
“Jours , & pas un dans l'infufion qui avoit été bouchée ; & 
après l'avoir gardée ainfi fermée un tems confiderable pour 
y trouver quelque infecte vivant, sil y en eût dû venir ; mais 
n'y ayant rien trouvé , Je la laiflay enfin débouchée , & au 
bout de quelques jouts J'y en rermarquay : ce qui fait com- 
prendre que ces animaux avoïent pris naiflance des œufs ré- 
pandus dans l'air; puifque ceux qui s'étoient pû rencontrer 


fur ce foin avoient été ruinez totalement dans l’eau boüil- 
lante. 


2 3 7 4 


CHAPITRE :.X VI 
Compofition de plufieurs infufions mifes enfémble dans 


ur [eul vaiffeau. 


Eflez enfemble des parties à peu prés égales de l'in- 

fufion de fené , de l’infufion de queuës de framboi- 
boifes , de l’infufon de foin , &c. & demie heure après pre- 
nez à l'ordinaire une feule petite goutte de ce mélange , 
pour la mettre fur le porte-objet du Microfcope , afin de l'y 
obferver , & vous aurez le plaifir de voir dans cette goutte 
de liqueur des animaux de toutes les infufions, dont vous 
aurez fait le mélange. À l’occafion de cecy, il eft à propos 
de remarquer que tous ces petits poifions ne fubifteront pas 
ainfi dans ce mélange fi long-tems , à beaucoup prés qu'ils 
auroient fait , s'ils fuflent demeurez chacun dans fa premiere 
infufion, Je croy encore devoir avertir que toutes fortes 


ET AQUATIQUES. SECONDE Partie. Chap. XVIL. 41 
d'infufions ne font pas propres à donner le plaifir de ce 
fpedacle , vû qu'elles doivent avoir un certain rapport pour 
y faire fubfifter les animaux en vie ; & c'eft ce que nous 
avons fait voir dans plufieurs des Chapitres de cette feconde 
Partie. 


GHAPTERE  XVIE 


On prouve dans ce Chapitre qu'il y 4 de tres-petits animaux qui 
en devorent de plus gros. 

Qw'ily en a de Ji pertrs qu'ils échappent aux meilleurs yeux armez 
de Microfcopes. 
w'an bout d'un certain tems en cflé on découvre des petits poif- 
ons dans l'eau de riviere ; on dans celle de fontaine, fans s'être 
corrompuë. 

Qw'au bout de quatre heures, C* même en moins de tems , on 
trouve plufieurs efbeces de poiffons dans l'eau que l'on à donné à 
boire à des oifeaux. 

Et enfin comment les graines & les plantes doivent être mifes en 
infufion , pour produire de bons effets ; par rapport aux experien- 
ces dont nous parlons. 


Uoyque notre vüë foit à prefent portée par les Microf- 

copes aufli loin qu'elle peut aller ; & que nous ayons 
comme forcé la nature à nous découvrir une grande partie 
de ce quelle avoit de plus caché dans les infufions dont 
nous parlons dans cette feconde Partie ; je ne doute pas 
neanmoins qu'une infinité d’efpeces d'infectes , & d’autres 
animaux, ne demeurent toujours invifibles , foit par le dé- 
faut des inftrumens, foit par la foiblefle de nos organes, foit 
par le manque d'application à fuivre & à épier ce qui fe pañle 
dans une infufon; foit enfin parce qu'il eft difficile , & mé- 
me impoflible de prendre avec le plus menu bout d’une plu- 
me à écrire, ou autre femblable corps , de toutes les diffe- 
rentes efpeces des petits animaux qui fe peuvent rencontrer 
dans une infufion, Je fuis perfuadé , par ma propre expe- 
Ficnce , qu'il ÿ En a qui échapent aux plus attentifs ; puif- 


42 DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 
qu'il m'eft arrivé plufieurs fois de n’en trouver qu'un d'une 
fcule efpece , dans quelque infufion particuliere. 

L'on découvre , mais rarement, de tres-petits animaux 
fur le poux & fur la puce ; & je ne doute pas qu'il ne s'en 
puifle voir encore de bien plus petits fur le corps de ces der- 
niers , qui les incommodent, & qui les devorent enfin ;com- 
me je l'ay fouvent obfervé , en examinant de certaines mou- 
ches qui croient mangées par des animaux environ deux 
mille fois plus petits qu'elles. 

Les infufions d’œillets , de queuës de framboifes , de fené ; 
de tabac de toutes les fortes , font éclore les œufs d'une mul- 
titude vifible d'infeétes , qui dans les premiers jours font fi 
menus que l’on à de la peine à les appercevoir, quoy qu'on 
fe ferve d'une lentille qui grofliffe confiderablement : & cela 
nous fait penfer , qu'il peut y en avoir de fi petits dans les 
liqueurs , que nous manquons de Microfcopes pour nous les 
faire appercevoir ; ou plutôt, que le peu de lumiere que ces 
petits animaux font capables de refléchir dans nos yeux, n'eft 
pas fuffifante pour caufer un ébranlement capable de les faire 
fentir. 

L'eau commune expofce à l'air durant une quinzaine de 
jours, d'un tems aflez temperé, nous prefente aux yeux ar- 
mez d'un Microfcope quantité de petits poiflons , de grof- 
feur , de figure & de mouvemens differens, qui ne fubfiftent 
que tres-peu de tems, en comparaïfon de la plüpart de ceux 
qui s'obfervent dans les infufons des plantes, ou dans celles 
des drogues telles qu’elles puiflent être , à caufe du peu de 
nourriture qu'ils y trouvent. 

La même eau dont je viens de parler étant donnée à boire 
aux ferins de Canarie , ou à d’autres oïfeaux, nous en pre- 
fente d’un jour à l’autre : il s'y en voit fouvent de quatre à 
cinq efpeces tres-differentes les uns des autres, & tres-pro- 
pres à divertir agréablement le fpe&ateur ; parce qu'en un 
moment il y obfervera des anguilles à peu près femblabies à 
celles du vinaigre , mais plus courtes : Des limafles qui s’é- 
tendent &fe raccourciffent confiderablement, en fe trainant 
& s'appuyant tantôt fur la cête, & rantôc fur le derriere , où 
l'on voit deux pointes faites en forme d'un foflet , avançant 

aflez 


ET AQUATIQUES. SECONDE Partie. Chap. XVIL 45 

affez lentement ; ce qui fournir le moyen d’obferver plufieurs 
chofes aflez curieufes. D'autres fois on voit ces animaux na- 
ger tres-vite, & alors ils paroïflent avoir deux têtes, qui s'é- 
cartent & fe rapprochent alternativement l'une de l’autre : 
leur couleur reflemble à celle de l’ambre jaune. Le contour 
. du corps de ce poiflon fe voit mal terminé; il reflemble à la 
mafluë d’un Géant, particulierement quand il étend quelque 
peu fon corps du côté de la tête feulement. 

On voit aufli dans cette même eau de petits vers longuets; 
d'une apparence d'environ quatre à cinq lignes de longueur, 
qui changent de figure en nagcant ; & d'autres animaux aflez 
femblables à une Cornemufe : enfin j'y en ay vû encore de 
figure ovale , à la referve de l'endroit où eft la tête , qui eft 
un peu applatie; traînant aprés eux une longue queuë blan- 
che & tranfparente , qui fe termine en une pointe tres- 
aiguë. 

Nous avons toujours mis les tiges des plantes, leurs feÿil- 
les , leurs fleurs, & les fruits en infufñon , fans les réduire en 
poudre , & fans les macerer ; parce qu'étant autrement pré- 
parées & mifes en infufion, elles rendroient la liqueur Opa- 
que & trop épaifle, & l'on n y pourroit rien voir de diftin&. 

L'écorce des arbres fe met en infufion par petits mor- 
ceaux, de même que le bois des gros arbres, & les gros fruits. 
Les pepins de ces fruits, les grains de poivre , & autres cho- 
{es femblables s’y mettent tout entier. 

La fuie de nos cheminées, le tabac grainé, le râpé, & ce- 
luy qu'on pafñle au tamis, produifent de petits animaux ; mais 
on les voit fi confondus avec les menuës parcelles de tous 
ces corps, qu'on n'a aucune fatisfaction des obfervations que 
l'on fait fur ces poudres, | 

Ec à l'égard des fucs , tant des fruits que des plantes, on 
en feparera la partie la plus grofliere pour mettre le refte en 
infufion dans de l'eau commune , qui les éclaircira fufifam- 
ment pour y faire appercevoir fucceflivement toutes les pro- 
ductions dont ces fucs feront capables. 

. Les experiences précedentes me paroiflent en aflez grand 

nombre , pour ofer entreprendre de jetter les fondemens 

d'une nouvelle hypothéfe, qui puifle fervir à rendre raifon 
5 


44 Des ANfMAUX AERIENS, TERRESTRES 

de tous les Phénomenes qui regardent les infeêtes , & les au- 
tres animaux contenus dans les infufions précedentes ; & 
même dans toutes celles que nous examinerons cy-aprés. 


Hypothele pour fervir à rendre raifon de la naïffance , du pro- 
grès, © de la mort des animaux que l'on obérve dans les 
liquêurs préparées ; © dans celles qui ne le Jon point. 


N a crû autrefois que tous les infeétes, & d’autres pe- 

tits animaux s’engendroient de corruption ; mais de- 
puis que pluficurs celebres Philofophes ont donnez fur cette 
matiere les obfervations qu'ils ont faites avec beaucoup de 
foin & d’exactitude , on eft revenu de cette erreur: Ils ont 
prouvé par un grand nombre d'experiences , & par des rai- 
fonnemens inconteftables , que tous les animaux , de quel- 
que nature qu'ils foient , viennent des œufs. En effet, com- 
ment peut-on comprendre que l’alteration & la pourriture , 
qui naïflent de la divifion & de la feparation des parties d’un 
corps en d’autres parties plus petites , puiffent jamais s’ajan« 
cer les unes auprès des autres, & s'unir comme il le faudroit, 
pour compofer des corps vivans , qui devinflent capables de 
chercher de quoy fe nourrir en marchant , en rampant & 
en nageant , & même de produire leur femblable , comme 
lon voit que font ceux qu'on trouve dans les infufions des 
plantes ? C’eft ce que je ne penfe pas qu'un homme capable 
de refléxion puifle s’imaginer , quelque effort qu'il faffe poux 
en venir à bout. 

Mais afin d’avoir de quoy combattre ce préjugé fi dange- 
reux à la Religion , en attribuant au hazard, c'eft-à-dire , à 
une caufe qui n’eft ni apparente ni néceflaire , ce qui eft aflu- 
rément l'ouvrage le plus parfait d’une puiffance infinie ; il 
n'y a qu'à faire attention aux experiences contenuës dans 
cette Hiftoire, & aux raifonnemens qui fuivent. 

La corruption n'eft pas la eaufe de la generation des pes 


ET AQUATIQUES. SECONDE Panrie. Chap. XVIIL 45 
tits animaux qui fe voyent, avec le Microfcope , dans l’eau 
des moules , dans éelle des huiftres à l'écaille; puifqu'on les 
ÿ découvre avant que ces mêmes eaux foient corrompus. 

Elle n’eft pas non plus la caufe de la generation d’une in- 
finité de tres-petits poiflons que nous avons vûs dans diffe- 
rentes infufions ; puifque les matieres de toutes ces infufions 
n'étoient point encore alrerées ni corrompuës , lorfqu'on à 
comimence à les y voir. | 

Si la pourriture étoit la caufe de la naïiffance des infeétes 
que nous appercevons dans une feule infufion , on les y de- 
vroit voir tous , dés que la matiere infufée feroit pourrie ; 
ce qui n'arrive pas, puifqu'on les y voit fe fucceder les uns 
aux autres durant plus de treize à quatorze mois. 

Si la pourriture contribuoit à la generation des infeétes 
dont nous parlons ; plus un corps feroit pourri, plus on y de- 
vroit voir d'animaux ; cependant on voit arriver tout le con- 
traire dans l'urine que l’on garde plufñeurs jours.” Dans une 
infufion de poreaux mis dans de l'eau commune, les cham- 
pignons , une coque d'œuf remplie d’eau, &c. font des cho- 
les que l’on eft obligé de fupprimer en peu de jours durant 
les grandes chaleurs; parce qu’elles choquent l’odorat d'une 
maniere infupportable. 

Le fang humain, fans aucun mélange , ayant été expolé à 
l'air durant prés d'un mois , & dans un tems aflez chaud , 
n'a fait fentir qu'une odeur infupportable ; & quoyque j'aye 
mis de l'eau commune dans le même vaifleau où il étoit, & 
examiné ce mélange aflez de tems, je n’y ay rien vû qui m'ait 
paru avoir aucune apparence de vic. , 

On peut encore ajoûter , qu'il y a des corps qui ne chan- 
gent que peu ou point d'odeur ; qui fourniflent des animaux 
differens les uns des autres , durant tout le tems qu'on les 
garde en infufon. | 

Voilà ce me femble des experiences en fuffifante quantité, 
pour montrer que ni l’alteration ; ni la corruption, ni la mau- 
vaife odeur , ne font point la caufe de la generation des ant- 
maux , tels qu'ils puiflent être : cela fuppofé, pañons à l'éta- 
bliffement d'une hyporhéfe , pour expliquer ce qui fe voit 
de plus furprenant dans les infufons des plantes. Je fuppo- 


8 +) 


46 Des ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES" 
feray qu'il vole ou nage dans l'air voifin de la terre , un nom: 
bre innombrable de tres-petits animaux de diverfes efpeces, 
qui s'appliquant fur les plantes qui leur conviennent, s'y re- 
pofent, y prennent quelque nourriture , & y mettent au jour 
leurs petits, pendant que d’autres y dépofent des œufs , où 
de nouveaux infectes font renfermez. | 

Et enfin que ces mêmes animaux laïflent aufli tomber dans 
l'air qu'ils parcourent, des petits & des œufs , particuliere- 
ment dans les lieux où ils font arrêtez par des corpufcules 
fpiritueux qui s'échapent continuellement des plantes, & ge 
neralement de tous les autres corps , dont les parties ont en- 
trelles quelque mouvement capable de les fubtilifer aflez 
pour en faire l'évaporation. 

De plus, il eft à propos de remarquer qu'une même plan- 
te peut être la favorite de diverfes efpeces d'animaux , & 
par-là devenir en même tems la dépofitaire des œufs & des 
petits tout vivans de plufieurs efpeces d’infeétes ; d’où il fuit 
que fon infufion fera fufifante pour faciliter la naiflance , & 
fournir tout ce qui fera néceflaire à l’accroiflement de tous 
les differens animaux que nous y appercevrons fucceflive- 
ment, pendant tout le tems que durera cette infufion. 


CHAPITRE XIX, 
Continuation des experiences fur les Liqueurs. 
D'un ver de terre trouvé parmi des herbes potageres. 


T'Ay mis dans un vaifleau de verre, de figure cilindrique; 
d'environ trois pouces de diametre, de l’eau commune, 

& un ver qui s'étoit rencontré parmi des herbes potageres ; 
long d'environ deux pouces & demi , & d’une ligne de dia 
_ mette: je le changeay de vaifleau , & je luy donnay de nou- 
velle eau commune. Au bout de trois femaines ou environ, 
il y fit de nouveaux excremens , ce qui me fit juger qu'il 
avoit trouvé dans cette eau quelque nourriture propre à le 


ET AQUATIQUES. SECONDE PARTIE. Chap. XIX. 47 
_ faire vivre durant tout ce tems-là. Je pris alors une tres-pe- 
tire goutte de cette eau; je la mis fur le porte-objet de mon 
Microfcope à liqueur , & j'y vis de deux fortes de poiflons 
qui nageoiïent dans ce peu d’eau ; les uns brillans , & de f- 
gure ovale, n'ayant au plus qu'une demie ligne de longueur 
apparente , & les autres un peu plus gros, faits comme de 
petites cornemufes blanches & tranfparentes. Tous ces pe- 
üts poifdons difparurent au bout de quatre ou cinq jours ; 
peut-être que cela vint de ce que le ver les avoit mangez y 
ou de ce qu'ils étoient morts faute d’avoir trouvé dans cette 
eau de quoy fe nourrir plus long-tems. Six femaines aprés je 
Jettay l’eau de ce vaifleau pour y en mettre d'autre ; trois 
jours aprés j'y apperçûs de deux fortes de petits poiflons : 
enfin au bout de trois mois ce ver me parut comme lié ou tors 
en un feul endroit de tout fon corps, ce qui le fit mourir aprés 
s'être bien tourmenté durant un jour. 

Cette experience , & une feconde toute femblable , que 
_ÿe fis long-tems aprés , fur un autre ver de terre de même 
nature , femblent fuffire pour prouver qu'il y a des animaux 
qui ne laiflent pas de vivre dans l’eau, quoy qu'ils ayent pris. 
naiflance fur la terre , où ils fubfiftent ordinairement. 

Voicy encore une belle experience qui prouve la même 
chofe. Ayant mis de la poudre , que l'on trouve fur de cer- 
tains fromages , parmy laquelle il y avoit beaucoup de mit- 
€es vivantes dans de l’eau commune , je m'apperçus qu'elles 
y vécurent depuis le 20. Février jufqu'au 15. Mars fuivant , 
durant lequel tems il s'y forma de trois fortes de poiflons , 
qui ne meritent pas d'être décrits. 


CH A PIRE, XX 
D'une infufion de Rhubarbe. 


€ À Rhubarbe eft une des drogues purgatives qui de: 
meure le plus de tems en infufion dans de l’eau com- 
gune , fans qu on y apperçoiye aucun poiflon > NY qu'elle 


5" 


49 DES ANIMAUX AERTENS, TÉRRESTRES 
rende aucune odeur défagréable : je l’ay obfervée durant un 
mois fans y avoir vû aucune chofe de confiderable. Enfin au 
bout de cinq femaines je commençay d'y remarquer une 
feule forte d'animaux, qui ne merite pas que j'en fafle ane 
defcription particuliere ; nous dirons feulement que le mélan- 
ge d'une goutte de cette infufion , avec autant de celle du 
fené , ne fait pas perir les poiflons de l’une ny de l’autre 
cfpece ; & qu'au bout de quinze jours , les animaux de l’in- 
fufon de la Rhubarbe fe font trouvez morts. 


CHA PIRE XX SUT 


De l'infufion d'un champignon, mi à froid dans de l'eau 
commune. 


‘Infufion à froid d’un gros champignon, produifit d’uri 
jour à l’autre une multitude étonnante de tres-petits 
animaux de figure ronde , de la grofleur d'un grain de na- 
verte ; vüs au Microfcope , qui multiplie environ vingt-cinq 
mille fois l'apparence ordinaire de ce grain. 

Ee troiliéme jour de cette infufion , jy en découvris qui 
étoient plus gros , & dont la tête un peu courbée fe termi- 
noït en pointe , & dont cout le corps étoit aflez approchant 
d'une larme de verre. 

Une troifiéme efpece parut bien-tôt parmy les deux pré- 
cedentes , s’y tremouffant extraordinairement fans pourtant 
y parcourir plus de deux lignes apparentes de chemin ; ils 
évoient de figure ovale , dont le grand diametre n’avoit au 
plus que deux lignes de longueur : & une quatriéme forte fe 
prefenta à mes yeux, n'ayant au plus que la douziéme partie 
d'un pouce de diametre , farmant un contour parfaitement 
rond en apparence. 

Cette infufion devint au bout de cinq ou fix jours d’une 
odeur tres-forte , & difficile à fupporter : ce fut alors qu'on 
apperçut de petits moucherons s’amaffer & voltiger au-def- 
fus de fa furface , où ils demeuroient aflez de cems pour y 


ET AQUATIQUES. SECONDE ParTie. Chap. XXL 459 
dépofer un grand nombre de tres-petits vermitleaux , qui fe 
nourrifloient dans la pellicule qui s'y étoit formée. 

Cette mauvaile odeur fe diflipa peu à peu : les morceaux 
de champignon fe précipiterent au fond du vaiïfleau; la pel- 
licule épaifie qui s’etoit formée à fa furface y tomba aufli , 
& les vers n’y parurent plus. Mais l’on continua de voir dans 
une tres- petite goutte de cette infufion, de petits animaux 
de figure ovale , les uns prefque en repos , & les autres En 
grand mouvement. | 

J'examinay ce champignon avant que de le mettre en 
infufion ; je le trouvay beau, vermeil , & frais ceüilly; J'Y 
apperçûs avec une loupe d’un pouce de foyer, deux petits 
animaux blancs , ayant chacun pour ornement deux belles 
cornes au-devant de la tête , plus longues que n'étoic le refte 
de fon corps. Chacun de ces petits animaux paroifloit avoir 
au plus la groffeur d'un ciron; ce qui me femble prouver 
qu'il y a des animaux qui dépofent leurs petits fur des végé- 
taux ; & confirmer en même tems une partie de ce que 
nous ayons avancé dans notre hypothéfe. 


CHAPITRE, X XI 


Des petites fleurs colorées diverfement , qui [e trouvent 
dans les prer: 


Ï vous mettez infufer à froid , dans de l’eau commune ; 

de ces menues fleurs diverfement colorées & ceüilies 
dans un pré, lorfqu'elles font nouvellement épanotüies; vous 
aurez dans l'infufion, au bout de quelques jours, une efpece 
finguliere de poiflon qu'on peut nommer femelles , à caufe 
de la reflemblance qu'il y a. On en voit un reprefenté au 
haut de cette Planche , placé entre les lettres ABC; dont 
je nager m'a paru aflez lent , & s’executer en dandidant, 
Cette lenteur qui fe remarque en luy, nous donne occafion, 
de conjeéturer que ces poiflons font tournez en forme d’une 
-gourde allongée ; parce que l'apparence de leur largeur BC 


so DES ANIMAUX AERIÉNS, TERRESTRES 
eft toujours égale à elle-même , dans le tems que la partie 
€ s'abaifle, & que B s’élevé. 

Sa tête eft immédiatement au-deflous de la lettre À ; elle 
s'incline vers B & vers C: elle s’allonge aufli & fe raccourcir. 
On voit quelquefois tout fon corps devenir rond comme 
une boule , dont la fuperficie paroît inégale & raboteufe. 
Le dedans de leur corps eft marqueté de taches longuettes, 
en chacune defquelles on à remarqué un mouvement pe- 
riftaltique. 

On voit fouvent ces animaux fe frôler les uns contre les 
autres, en fe mouvant aflez lentement ; & on les apperçoit 
rarement fe choquer par la tête, qu'ils dirigent durant le 
nager d'une maniere tres-agréable , en s'évitant les uns les 
autres , comme feroient des danfeurs figurant enfemble 
dans une entrée de balet. Leur corps eft fi cranfparent qu'on 
y diftingue toutes les parties interieures qui font plaiïlir à 
voir , par le changement de figure & de couleur qu'on ap- 
perçoit dans ces vifceres , qui brillent lorfqu’ils fe mouvent 
d'une certaine maniere. Et lorfque la goutte de liqueur ; 
mife fur le porte-objet du Microfcope, vient à s’épaiflir par 
l'évaporation qui s’en fait, on apperçoit des agitations fur- 
prenantes , qui les écartent & qui les rapprochent les uns 
des autres. 

Ces gros animaux paroiflent tout feuls dans le commence- 
ment de l'infufñon; & ce n’eft qu’au bout d'environ quinze 
jours que l’on commence d’y en appercevoir un aflez bon 
nombre reprefentez en 2; ce qui eft tout le contraire de ce 
que Jj'ay obfervé dans la plüpart des autres infufions , où les 
petits paroïflent avant les gros. 

Au bout d'un mois ou environ tous ces gros poiflons perif- 
fent dans l'infufon , où l’on continuë d’obferver les petits 
autant de tems , aprés quoy on n’y voit plus rien qui ait vie. 
Or il eftà propos que j'avertifle que cette infufion avoit été 
fcparée des fleurs , & comme tirée au clair , pour la mettre 
dans un autre vaifleau , afin de la pouvoir plus facilement 
tranfporter en divers endroits de cette Ville. 


CHAT. 


EY AOUATIQUES. SECONDE PanrrTie. Chap. XXII. sr 


CHAPITRE. XXCbLL 
Du petit bafilic qui a une odeur de citron, 


Ous avons obfervé quelques jours aprés l’infufñon à 

froid de ce bafilic , trois fortes de poiflons ; les pre- 
muers font vüs au-deflous du chiffre 1; les feconds au-deflous 
du chiffre 2 ; & ceux de la troifiéme cfpece font vûüs à peu 
prés comme celuy que l’on a reprefenté au-deflous du chif- 
fre 3. | Rte 

Le nager de ce dernier poiflon s'execute en ferpentant ; 
pliant & repliant fon corps diverfement , & en tout fens 
L'odeur de cette infulion a quelque agrément , qui diminuë 
de force de jour en jour ; & cette liqueur ne conferve fes 
animaux qu'environ quinze jours ou trois femaines. 

Nous avons reprefenté dans cette Planche [es poiflons 
marquez quatre & cinq , qui fe font trouvez dans une infu- 
fion de foin nouveau. La couleur des uns & leur figure m'o- 
bligent de les nommer Cornemufes dorées ; & celles des au- 
tres , Cornemufes argentées. Le poiflon marqué cinq , fera 
nommé Mafluë, dont la tête eft en D. 

* Ces animaux s’allongent & fe raccourciflent : ils fe plient 
& replient diverfement en nageant. 


CHAPIIRE XXIV. 


D'un fediment de vinaigre détrempé d'eau communs. 


Phinche 6. 


Ç: Jon met dans le fediment du vinaigre , qui fera refté 
_? dans un vaifleau après l'évaporation prefque entiere de 
cette liqueur , environ dix fois autant d'éau commune que 
de matiere fedimenteufe ; l’on y trouvera au bout de trois 
ou quatre jours des anguilles , & une infinité d’animaux tres- 


o L e: L. . . r 
petits, dont la figure m'a paru incertaine , & difhcile à dé- 


h 


2 DES ANIMAUX AERIENS, TERRÉÊSTRES 
Planches. terminer. La lettre À , du groupe marqué 6, en eft la tête: 
les autres figures du même groupe font des efpeces de Cor- 
nemules , découvertes dés le lendemain de cette experience. 
Les anguilles de ce vinaigre d’eau n'ont paru plus grofles 
que celles du vinaigre ordinaire , vûés l'une & l’autre avec 
la même léntille. 


Remarques smportantes. 


T arrive quon mette infufer , par exemple , du foin 
‘dans un vaifleau où il y avoit eu quelque tems aupara- 
} vant une infufion d'une plante , ou de quelques drogues aro- 
matiques tres-fortes en odeur , & que ce vaifleau n'ait pas 
été bien lavé aprés cette premiere infufion , la feconde ne 
scülira pas bien ; car cette feconde pourroit ne pas convenir 
avec la premiere. 

D'ailleurs , l’eau qu'on tire d’une fontaine de cuivre mal 
étamée , ne convient pas pour bien entretenir la vie de la 
plüpart des animaux de nos infufions ; parce que cette eau 
acquiert par le féjour qu'elle fait dans ce vaifleau , une qua- 
lité particuliere qui les empoifonne. Jay même autrefois 
oùy dire à Monfieur l'Abbé Bourdelot , Medecin de Mon- 
feigneur le Prince de Condé , que les eauës qui féjournoient 
dans ces fontaines de cuivre mal étamées , étant bûës routes 
pures, caufoient des cours de ventre. 


CHAPLERE XV. 
De l'infufion des Barbeaux. 


 E6. O&tobre 1712. je vis pour la premiere fois un non- 
veau poiffon dans une infufion de barbeaux, dont la f- 
Phnche EUTE marquée 7, reprefente le premier. À , marque la têce 
4 de ce poiflon, B la queuë, C D Ja largeur de fon corps, 
qui paroifloic divifé fuivanc fa longueur par une ligne courbe 

urée de B vers À, : 


ET AQUATIQUES. SECONDE PARTIE. Chap. XXVI. 5; 
La partie du corps de cet animal qui fe voit du côté mar- 
qué C , fembloit être remplie de plufieurs petits globules , 
moins tranfparente en cet endroit que du côté marqué D. 
Le col de ce poiflon qui eft fort long , fe raecourcit de tems 
en tems , de même que le derriere marqué B : fon nager eft 
d’une lenteur extraordinaire , ce qui me faifoit douter dans 
le commencement que ce fur quelque chofe de vivant. Ce 
poiflon ne dura pas plus de cinq à fix minutes en vie ; & 
quoy qu'il fut difhcile d'en rencontrer dans cette infufion 
où il y en avoit tres-peu ; puifqu'en cinq ou fix coups de fi- 
lets, je n'en pus découvrir que deux , & je m'apperçus que 
le fecond marqué 8. n’y dura en vie qu'environ autant de 
tems que le premier : ce dernier me parut un peu different 
du premier ; cär fon corps BC, garni de petits globules , le 
rendoit moins tranfparent qu'iln'étoiten AB, & en CD. 


CHAPITRE. XXVL 


D'une infufion de foin vieux. 


E 16. Oétobre 1712 , ayant jetté un coup de filet dans 

l'infufñion d'un foin vieux , qui avoit été mis en expe- 
rience le 20. Aouft précedent ; j'y trouvay des animaux de 
plufieurs efpeces , parmi lefquels 1l s'en trouva de deux for- 
ces qui meritent une explication particuliere , dont les moin- 
dres en longueur & en grofleur paroifloient au Microfcope, 
monté d’une lentille d’une ligne & demie de foyer, comme 
il eft reprefenté à côté du chiffre o. 

À , eft le côté où l’on appercçoit la tête, & B la queuë, qui 
fe termine par deux pointes , formant une efpece de fourche 
blanche & tranfparente, & donc les pointes luy fervent d’ap+ 
puy pour le faire avancer plus facilement , en rampant fur le 
porte-objet du Microfcope où on le met. Ces animaux ont 
encore une autre allure qui s'execute en nageant tres-vice ; 
fans qu'on puifle s’appercevoir d'aucun raccourciflement, në 
d'aucun allongement fenfible de leur corps. 


hi 


Figure 63 


54 DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 

Les feconds font des animaux des plus furprenans & des 
plus extraordinaires que j'aye encore vûs dans les infufions 
‘ des plantes , tant pour leur groffeur que pour les autres cir- 
conftances qui les accompagnent: en voicy deux que J'ay re- 
prefentez en 10, 10, fous deux diverfes formes marquées À C 
D B,& ACEEB. L'endroit qui répond au-deflous de À en 
défigne la tête , B la queué qui eft fourchuë, € le cœur qu’on 
voit mouvoir régulierement, & D les inteftins de cet animal, 
que J'appelleray Chenille aquatique, à caufe de quelques pe- 
tits rapports de reflemblance qu'elles paroiflent avoir avec 
nos chenilles terreftres, I] y en a de deux differentes cou- 
leurs , les unes font blanches & tranfparentes ; les autres font 
d'un jaune pâle ; celles-cy paroïflent d'ordinaire un peu plus 
grofles que les autres. , 

Leur allure s’execute en appuyant les pointes B fur le por- 
ce-objet du Microfcope , pour s'étendre en avant tant qu’el- 
les peuvent ; puis en appuyant l'extrémité anterieure de leur 
corps fur un autre endroit , elles en rapprochent le derriere, 
& continuent ainfi de fe mouvoir en rampant. On les voit 
fouvent s'arrêter fur un endroit du porte-objet , où fixant les 
pointes B, elles allongent & raccourciflent tout le corps à 
diverfes reprifes , fans changer fenfiblement le lieu où elles 
appliquent ces pointes. On voit auffi quelquefois tout leur 
corps fe rourner à l'entour du point B , comme un de nos fau- 
teurs fait tourner tout le fien fur fa tête , en faifant mouvoir 
fes pieds comme fur une circonference de cercle , dont le 
gentre eft à l'endroit où eft fa tête. 

Cette forte d’allure n'eft pas la feule qu'on apperçoit en 
€es chenilles; elles s’élancent quelquefois avec tant de for- 
ce , qu'elles parcourent en un inftanc une étenduë confidera- 
ble & apparente du porte-objet, où elles nagent fans fe rac- 
courcir ni s’allonger davantage qu'elles ont fait dans le mo- 
ment de la premiere fecoufle, 

Quand ces chenilles s'arrêtent , on apperçoit pour l'ordi- 
dinaire qu’elles ouvrent nne grande bouche marquée À dans 
la plus grofle des deux , dont on voit les lévres garnies de 
poils qui paroïflent noirs , & mûs avec beaucoup de virefle ; 
ce qui fait voir ayec étonnement que les petits poiflons , & 


ÉT AQUATIQUES. SECONDE PARTIE. Chap. XXVI $5s 
les autres corps qui fe trouvent n'être cloignez de l'ouverture 
de leur bouche , que d'environ un pouce apparent, femblent 
s'y précipiter. 

Dans les premieres obfervations que je fis de ces chenilles, 
J'apperçüs un petit corps marqué C, qui fe mouvoit aflez vite 
& regulierement ; Je crüs d’abord que c’étoit un petit poiflon 
encore vivant qui s'étoit Jetté dans fon eftomac ; mais en con- 
tinuant mes obfervations , je fus obligé de croire que c’étoit 
le cœur de la chenille, dont le mouvement égal executoit ce 
qu'on nomme fiftole & diaftole. 

J'apperçus aufli en même tems les inteftins de cet infe&e 
marquez D , qui formoient une mafle de matiere qui étoit 
dans un mouvement aflez irrégulier. Quand ces chenilles s’ar- 
rondiflent , ce qu'elles font aflez rarement , & qu’elles de- 
meurent ainfi quelque tems en repos, on voit briller le de- 
dans de leur corps , qui paroît fouvent d'une couleur dorée 
tres-belle. Il y en a d’autres qui paroiflent toutes blanches & 
tranfparentes , fans qu’on puifle diftinguer les parties inte- 
rieures , comme on les diftingue dans celles dont je viens de 
parler, qui apparemment font les mâles , & celles-cy les fe- 
melles. 

Dans de certains momens on les voit avoir le derriere tout 
heriflé de poils, couchez de EE en B. On les voit aufli avoir 
“le corps mal terminé , & comme s'il étoit façonné en dents 
de fcie. Et en examinant bien ce contour , on apperçoit que 
ce font des anneaux qu'on voit rentrer les uns dans les au- 
tres , & fortir enfuite avec une promptitude merveilleufe. On 
apperçoit encore dans de certains momens des filets de nerfs 
prefque imperceptibles, qui s'étendent de la tête à la queué 
de ces chenilles , qui s'enfient & qui fe défenflent alternati- 
vement dans le tems qu'elles rampent ; & font ainfi le jeu, 
curieux à voir, des annçaux qui compofent en partie le corps 
de ces infectes. ee 

Enfin nous avons encore obfervé que le mélange des infu- 
fions de foin & du celery ; dont je parleray bien-tôt, ne fai- 
foient point perir les animaux de ces deux liqueurs , & que 
ce compofé donne lieu à un fpeétacle tres-réjoüiffant ; puif- 
que dans la moindre goutte de ce compolé le peer ÿ 
i 


g DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 

peut découvrir en un inftant une douzaine de poiflons diffe- 
rens les uns des autres, & fi curieux à voir & à obferver ,que 
je ne penfe pas que le divertiflement de la Comédie , celuy 
de l'Opera avec toute fa magnificence , ceux des Danfeurs 
de cordes , des Sauteurs , & des combats d'animaux , que 
nous voyons dans cette fuperbe Ville , doivent leur étre pré- 
ferez. 

Er il eft certain que l'étude de ce que nous remarquons 
dans ces infufions durant une année , remplit davantage la 
capacité de l'efprit ,que ne font tous les grands appareils d’un 
feftin des plus magnifiques. 

Voicyle deflein d'une autre efpece de chenille aquatique, 
qui a été péchée dans une infufon à froid de la queuë d’un 
bouquet, compofc d'œillets, de jaflemin, de tubereules , & 
de quelques autres fleurs ; qui n'ayant pü trouver place dans 
la fixiéme Planche , a été deflinée & gravée de route fa lon- 
gueur apparente dans la cinquiéme. Celle-ci differe de la pré- 
cedente ; 1°. En ce qu'elle cft beaucoup plus longue: 2°. Êue 
fa queuë marquée 1 eft compolée de trois pointes, au liew 
de deux. 3°. Que l'on obferve deux petits bras à côté du 
cœur marqué 3, qui luy fervent d’appuis pour ramper , & 
pour s’élancer quand elle veut nager ; ce que je n'ay pû re- 
marquer dans l’autre. 4°. Que fes inteftins marquez 4 ne for- 
ment qu'une mafle , fans aucune divifion ou feparation qui” 
foit apparente. 

Enfin l'on n’y découvre ni anneaux , ny filets de nerfs, 
ny dents de fcie , ny poils dans la longueur de fa queuë. 
Tout le refte eft icy de même que dans la chenille préce- 
dente. 


BT AQUATIQUES. SECONDE Partie. Chap. XXVIL 57 


+ oo onu rentrant ram 


CHAPITRE ”"XXVIT 
De l'infufion des fleurs d'un Citronier. 


E 14. Aouft 1713. un de mes Amis ayant mis infufer à 
froid des fleurs d’un Citronier , dans de l’eau commu- 
ne , il y apperçut de trois fortes de poiflons en peu de jours, 
qui ne meritoient pas d’être reprefentez par des figures : 
mais en continuant {es obfervations, il en vit d’autres qu'on 
peut appeller Tortuës. En voicy une reprefentée entr, com- 
me il l’a vüé. Sa tête, que l’on voit aflez large, eft bien 
courte ; elle eft ornéc de deux cornes, à peu près femblables 
au bois d’un cerf, & comme emboëtée dans l’une des extré- 
mitez de fon corps, qui paroïfloit comme couvert d’écailles. 
Sa queué eft tres-longue , & compofée de plufieurs pieces 
emmanchces l’une dans l’autre ; & quoy qu'on n'ait pû dé- 
couvrir de pieds ou de nageoires autour du corps de cette 
tortuËë , neanmoins les divers mouvemens que l’on a obfer- 
vez dans fes démarches , font aflez juger qu'elle en étoit 
munie, 


Planche 6. 


CGÉLAPEERE XX VILE 


D'une infufon d'anémone ; [urnommée la Royale. 


À nature qui fe plaît à diverfifier fes productions , & 
Le: fe fait admirer dans tous fes ouvrages , continué à 
nous en donner des preuves dans cette infufion d’anémone , Planche 6 
préparée à l'ordinaire avec de l’eau commune ; puifqu’au 
bout d'environ huit jours on apperçut dans une goutte de 
cette infufion un animal nouveau, de la groffeur & de la f- 
gure qu'on l'a reprefenté à l'endroit de cette Planche mar- 
ué 12, 
Tout le deffus de fon corps eft couvert d’un beau mafqué 


Planche 7. 


58 Des ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 

bien formé , de figure humaine , parfaitement bien fait; 
comme on en peut juger par ce deflein, où l’on voit fix pat- 
tes & une queué , fortant de deffous ce mafque , qui eft cou- 
ronné d'une coëffure finguliere. 

On voit enfin dans cette Planche, & à côté du nombre 13; 
une anguille d’une conftruétion particuliere , que je péchay 
un jour dans l'eau commune qu'on avoit donné à boire de- 
puis quatre heures à un de mes ferins de Canarie. Cette an- 
guille paroïfloit blanche & bien tranfparente, n'ayant rien 
dans l'étenduë de tout fon corps qui fut capable d'empêcher 
fa parfaite diaphaneïté. Elle me parut plus grofle & plus 
courte que celles du vinaigre , & d’une compofition bien dif- 
ferente ; puifque fa longueur fembloit être couverte d’une 
membrane tres-délice , tournée en fpirale , formant des an- 
neaux qui rentroient les uns dans les autres , & qui en for- 
toient avec une facilité mervcilleufe. 


CHAPIFRE XXI 


Des infufions de tros differentes portions d'une tige de celeri, 
mifes à part dans divers vaiffeaux de verre. 


E premier Novembre 1712, je pris une plante de celeri 
À que je mis infufer à froid dans trois vaifleaax de verre; 
anfi que nous l'allons dire : Je mis dans le premier vaifleau 
une partie de la tige rompuë en petits morceaux, pour y 
étre mieux rangez; je verlay par-deflus de l'eau commune }; 
dont j'achevay de remplir le vaifleau : je ne mis que de l’eau 
commune dans le fecond vaifleau , par-deflus des feüilles 
vertes de cette plante ; & dans le troifiéme vaifleau je mis 
quelques morceaux de la tige de cette plante , avec des feüil- 
les & de l’eau. 
Le feptiéme jour de ces préparations , j’apperçüs pour Lx 
premiere fois des poiflons dans chacune de ces liqueurs ; j'en: 
vis de deux fortes dans le premier vaifleau , & d'une feule 


efpece dans les deux autres. 
Mais 


ET AQUATIQUES. SECONDE Partie. Chap. XXIX. 5 
Mais un mois aprés , en examinant exatement chacune 
de ces liqueurs , je remarquay que ces crois infufions conte- 
noient environ dix fortes d'animaux de diverfes grofleurs , 
de diverfes figures , & de differens mouvemens, dont je 
vais donner une explication particuliere; car il en eft de ce- 
cy comme d'un Tableau d'hiftoire qu'un Peintre celcbre 
vient d'achever, & qu'il fait voir à fes amis , qui felon le plus 
ou le moins de connoïflance qu'ils ont de la Peinture , y dé- 
couvrent plus ou moins de beauté. S 

Ceux qui font marquez 1 & 2, {ont les plus petits ; mais 
ils furpañlent en nombre ceux de toute autre efpece qui fe 
trouvent dans les trois vaifleaux. Je les reprefente icy de la 
figure & de la groffeur que je les ay vüs avec la lentille d’une 
ligne & demie de foyer:les plus petits reflemblent à un 8 de 
chiffre , quand ils font accouplez , & le plus fort des deux 
entraîne , en nageant , le plus foible. neb sirre 

Ceux qui font reprefentez en 2, que je nomme Cornemu- 
fes, s'accouplent par le bec, qu'elles ont un peu courbé & 
aflez aigu ; on voit que nonobitant cet accouplement , elles 
ne laiflent pas de nager tres-vite : leur allure eft aflez agréa- 
ble à voir; elles voyagent dans la goutte de liqueur en s’en- 
fonçant & fe relevant alternativement , & fe tenant ainfi,, el- 
les s'écartent & fe rapprochent l'une de l’autre , fans s’arré- 
ter un feul moment. | 

Toutes ces Cornemufes ne font pas entierement fembla- 
bles ; il en eft de cela comme des animaux d'un même genre, 
qui a fous luy differentes efpeces. 

Les unes nagent feules avec une rapidité extraordinaire ; 
pendant que d'autres avancent d'une vitefle mediocre ;, & 
qu'on en voit qui vont tres - lentement : quelques autres de- 
meurent aflez long-tems en repos; mais la plüpart font dans 
une agitation perpetuelle. Il y en a de longues & de courtes, 
de blanches argentées, de jaunes dorées, & de brunes. 

Une curiofité des plus fingulicres , c’eft d'obferver ce qui 
fe pañle au-dedans , & tour autour d’une mafle de matiere 
formée d’une tres-perite pellicule , que les meilleurs yeux ne 

cuvent découvrir fans Microfcope , & qui fe prend au ha- 
zard à la furface de l'infufion , s’attachant au bout de la tige 
i 


Pijanche 7 


60 DES ANIMAUX /AERIENS, TERRESTRES 

la plus menuë d’une plume à écrire , pour. les mettre fur le 
porte-objet du Microicope ; car:on y voit fourmiller tous les 
animaux dont nous parlons : ils y font en fi grand nombre ; 
& ils sy remuent avec tant de virefle ; qu'on à de la peine à 
détourner fa vûé d’un fpeétacle fi nouveau & fi furprenant : 
auf croit-on difhcilement ce que j'en dis, fi je nétois prêt 
de faire obferver toutes ceschofes à ceux qui en voudroient 
douter. Il s'en voit dans de certains endroits quelques-uns 
d'accouplez differemment; ailléurs il y en à qui s'arrêtent 
: faifant le guet comme des fenrinelles , qui femblent appré- 
hender d’être furprifes , tandis que d’autres pour aller à la 
découverte , s'éloignent de la mafle, puis s’en rapprochent, 
comme s'ils avoient quelque chofe à faire entendre à ceux 
qui.demeurent aux environs. 


 Onvoiti fouvenr dans une autre goutte de la même infu- 


fion, prife dans un autre endroit du même vaifieau , un fpec- 
tacle tout nouveau, qui donne beaucoup plus de plaifir que 
l’oncn'eir a'eu auparavant. On y découvre, par exemple, 
des efpeces de poiflons longs & plats, que j'appelle des fol- 
les : les voicy reprefentées dans les endroits marquez 3, 3, 
comme nous les avons vüëés. L'endroit de ce poiflon le plus 
aigu , eft la têce ; le refte de fon corps eft tranfparent , à la 
referve de quelques petites taches brunes que lon y voir en 
dedans. Les changemens de poftures, & la varieté des mou 
vemens que l’on remarque en ces infeétes , font beaucoup 
plus de plaifir à voir, & donnent plus de fatisfaétion, que ne 
feroit cout ce que l'on en pourroit lire dans une defcription 
particulicre. 

‘+ Dans le vaifleau où il ny a que des feüilles en infufon ; 
ony découvre entr'autres animaux , des poiflons femblables 
à ceux qui font exprimez dans les endroits marquez 6. On 
voit immédiatement au-defous ; au-deflus , & à côté de ce 
chiffre , une ouverture aflez confiderable qui paroit tantôt 
ronde & tantôt ovale ; felon qu'elle fe prefente à nous. Cette 
grande ouverture eft la bouche de ce poiflon, qui diminuë 
fi fort dans de certains momens , qu'on ne la peut plus ap- 
percevoir, Le nager de ce poiflon s'exccute en dandinant, 
de forre qu'on le voit balancer , tantôt à droit, puis à gau- 


ET AQUATIQUES. SECONDE ParTtE, Chap. XXIX. 6 
che , fe conduifant en apparence par des mouvemens circu- 
laires qu'il fait de fa tête. L'on s'apperçoit encore qu'il chan- 
ge de figure en fe pliant & repliant , en s'arrondiffant tout à 
coup en forme de boule, puis s allongeant tres-vite pour fe 
remettre dans fon état naturel. On voit par ces deffeins qu’il 
va en diminuant de grofleur depuis la téte jufqu'à la queue, 
qui le plus fouvent n'eft pas terminée en pointe ; car il ref- 
femble à un pain de fucre coupé vers le fomimet par un plan 
parallele à fa bafe. 

Ce poiflon meurt le premier de tous ceux: qui fe trouvent 
dans la petite goutte de la liqueur , mife en experience fur le 
porte-objet du Microfcope ; & un peu avant'que d'expirer , 
on le voit fe mettre en un petit peloton, dont la fuperficié 
paroît raboteufe & inégale. 

Les animaux dont je viens de parler font fi délicats , qu'ils 
perdent entierement leur confiftance , dés que la goutte de 
liqueur où ils nagcoient fe trouve évaporée. | di 

Et quoy que tous ces poïflons nagent tres-vite dans une 
étenduë qui n'a pas plus d’une ligne de diametre, & qu'ils ÿ 
foient en tres-grand nombre , neanmoins les uns & les autres 
s'évitent avec tant d’adrefle , qu'on n'en voit point s’eñtre- 
choquer ; ce qui marque qu'ils ont des yeux. fa 

Il n'en eft pas de même d’une autre efpece de poiflons'; 
qui fe découvrent parmy ceux dont j'ay déja parlé; & dont 
la plûpart femblent n'avoir ny tête ny yeux : nous les avons 
reprefentez aux éndioits Marquez 4, 4, 4; on voir leurcorps 
fe terminer par une longue queuë blanche & tranfparento. 
Nous fommes portez à croire que ces animaux n'ont point 
d'yeux ; parce que faifant route ils n’évitent aucun des corps 
qui fe trouvent dans leur chemin : on s’apperçoit qu'ils recu- 
lent dés le moment qu'ils ont touché à ces obftacles ; auffi 
remarque-t-on qu'ils avancent füuvent-trés-lentement , ainfi 
que font les aveugles des Quinze-vingts ;lorfqu’ils marchent 
dans les ruës de cette Ville , où'il y a d'ordinaire beaucoup 
d'embarras. OR ES SANTE 

Au bout de la queuë de ces fortes de poiflons, on y voit 
fouvent une petite portion de la pellicule qui fe forme fur 
la furface de linfufion d’où on les'à tirez: ils la traînent aprés 

ii 


6% Des ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES -: 
eux quand elle ne ‘tient pont au porte-objet où l’on met la. 
liqueur ; mais lorfqu'elle y tient de maniere que ne pouvant 
l'en détacher, ils reculent vers elle tout à coup, &s en éloi- 
gnent de nouveau tres-lentement. 

Dans la moindre goutte de liqueur que j’aye pû prendre 
dans le troifiéme vaifleau où font mêlées les feüilles , la tige 
& la racine ; J'y ay trouvé une fi grande multitude de petits 
animaux marquez.i , que ceux dont on a parlé cy-devant 
avoient de la peine à les traverfer en nageant entr'eux. Ec 
voilà ce que J'ay pü obferver depuis le commencement de 
ces infufions, jufqu’au troifiéme Decembre 1712. 

Trois jours aprés l'examen des experiences précedentes ; 
je remarquay que tous ceux à qui J'avois fait voir une partie 
des chofes que nous venons de décrire , prenoïent un plaifir 
{i grand à les confiderer , qu'ils avoient peine à quitter le 
Microfcope préparé d’une feule goutre de l’une ou de l’autre 
des infufons du celeri, dont je viens de parler ; en forte que 
pour examiner ce qu'ils appercevoient dans ces trois diffe- 
rentes infufions , il auroit fuffi d’un feul Speétateur pour n'oc- 
cuper durant une heure, & quelquefois plus , à préparer le 
Microfcope, & à répondre aux difficultez qu'il m'auroit fait 
Fhonneur de me propofer fur ce qu'il voyoit ; ce qui m'obli- 
gea décpenfer à une experience que voicy; en forte que sil 
arrivoit qu'elle pûr reüilir , elle feroit tres - commode pour 
diminuer des deux tiers le tems qu'il falloit employer pour 
obferver les infufions qui étoient dans les trois vaifleaux de 
verre que je faifois voir l'une aprés l’autre ; & même pour 
tranfporter dans un feul vaifleau une liqueur où il y auroit 
dans la moindre goutte qu'on en puifle prendre , de toutes 
les diverfes efpeces d'animaux qui feroient dans les trois in 
fufions de celeri, 

Pour voir fi cela réüfliroit , comme je me l'étois imaginé ; 
je pris avec uné petite-cuëilliere à caffé, une portion de l'eau 
de chaque infufion, que je verfay fur un linge fin mis au-def- 
fus d’un petit verre pour l'y recevoir, aprés avoir traverfé les 
pores de ce linge ; & immédiatement aprés je mis une petite 
goutte de cette eau fur le porte-objet de mon Microfcope ; 
& j'y apperçûs des animaux d’une beauté à faire plailir , & 


ET AQUATIQUES. SECONDE Partie. Chap. XXIX. €; 
de toutes les efpeces que j'avois vûés dans les trois infufions 
examinées féparément, à la referve de ceux en qui j'avois 
obiervé une longue queuë , & que J'ay nommez Aveugles ; 
dont Je ne fus pas furpris ; car cette queuë & la pellicule qui 
s'y attache tres-communément , fufhfoient pour faire obfta- 
cle à leur paflage , au travers des pores tres-petits du linge 
dans lequel je les mettois comme dans un tamis. 

Le plaifir que m'avoit d'abord caufé la reüfite de cette 
experience nc dura pas long-tems, puifqu’environ trois heu- 
res aprés je m'apperçüs par une feconde épreuve que pref- 
que tous les poiflons de deux efpeces étoient déja morts, & 
qu'il y en étoit refté tres -peu des autres à proportion de ce 
qu'il y en devoit avoir. Enfin le lendemain en examinant 
cette même liqueur , Je la trouvay encore dénüce d’une par- 
tie de ceux qui y étoient reftez le jour précedent. 

‘Je ne fuis pourtant pas faché d’avoir imaginé ce mélange ; 
Car quoy qu'on ne puifle pas conferver tous les animaux qui 
s'y remarquent d’abord , on ne lafle pas d’avoir bien du 
plaifir à obferver le fpeétacle qu'elle nous prefente ; & l'on 
peut dire qu'il en eft de cela comme d'une Piece d'anatomie 
qui paroîr tres-belle , & tres-propre à faire admirer l'adreffe 
de l’anatomifte, pour nous faire voir tout d'un coup des beau- 
tez furprenantes , qui ne fubfiftent fouvent qu'autant de tems 
qu'il en a employé dans fa préparation. 

On voit encore de gros poiflons ovales, comme en$, dont 
on ne peut diftinguer l'endroit où eft la tête, que par leur 
divers mouvemens , à caufe de l'égalité de figure & de grof- 
feur qui fe remarquent aux extrémitez du plus grand diame- 
tre du profil de ces poiflons. | 

Dans une feconde infufion des feüilles du celeri j'y ay vt 
un nouveau poiflon, dont on voit la figure & la grofleur ap- 
parente au-deflous du chiffre 7 : la tête répond au chiffre 8, 
où l’on découvre comme des poils mouvans de tems en tems: 
Son allure eft tres-lente , & fa figure inconitante , paroiflant 
tantôt fous la forme d'une Cornemufe , & tantôt fous celle 
d'un Croiffant. 

On apperçoit aufli fouvent des mittes dans l’infufion de la 
tige du celeri, mife fur le porte-objet du Microfcope, où 


1 1 


64 DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 
on les voit marcher d'une grande vitefle. 

Dan; une troifiéme infufion de celeri je n'ay point apper- 
çû tant de fortes d'animaux , qu’il y en avoit dans les deux 
premieres , à caufe que les deux vaifleaux où je imis infufer 
ce dernier celeri , avoient fervi à mettre en infufon de l’oi- 
gnon dans l'un des deux , & un poreau dans l’autre ; quoy- 
que ces deux vaifleaux euflent été bien lavez auparavant d'y 
mettre le celeri. 

Les poiflons , que je nomme Aveugles , ouvrent fouvent 
de grandes bouches, & alors on apperçoit que tous les petits 
corps , qui n'en font qu'à un pouce de diftance apparente , 
femblent s’y precipiter ; enfuite on voit qu'ils s’en écartent 
par les côtez , comme fi cer animal les repoufloit avec vi- 
teflc. 

On voit auffi aflez fouvent qu'en quelques-uns de ces der- 
nicrs poiflons , une partie de leur queuë eft tournée comme 
un tire-boure. 

Engre 9 & 10, on voit un autre poiflon de figure fphéroï- 
de; il prend aufñli de tems en tems celle qui eft au-deflous du 
chiffre 11, & d’autres fois celle que l'on voit au -deflous de 
12 ; & c'eft dans cette derniere qu’on le voit commencer à fe 
mouvoir d'une vicelie fi extraordinaire & fi furprenante , qu'il 
n'eft pas poflible de la pouvoir exprimer ; & de tems en tems 
on leur voit faire des culbutes qui ont du rapport avec quel- 
ques-unes de celles que font nos Sauteurs, qui mettent leur 
têtes entre leurs genotils , pour tourner en roulant fur une 
fuperficie plane , où fur un chemin uni pratiqué fur ie pen+ 
chant d'une montagne. 

Nous fimes enfuite diverfes autres infufions de celeri ; 
dans lefquelles nous apperçünies quelques autres poiffons dif- 
ferens des précedens : on en voit un au-deflous du chiffre 13, 
qui reffemble affez à une bouteille, 3h 

À l'endroit marqué 14, on y voit trois cornemufes aflez 
srofles , deux defquelles paroïflent accouplées d'une autre 
façon que celles qui font en 2. 

Enfin au-deflous du chiffre 15, on y voit un poiffon des plus 
extraordinaire que lon en puifle voir : il eft prefque tout 
rond , & fon corps eft tout couvert de poils : fon mouvement 


ET AQUATIQUES. SECONDE PARTIE. Chap. XXX. 65 
eit à peu prés femblable à celuy d’une piroüette qui tourne 
fans guéres changer de lieu. 

Jay remarque que l'infufion du celery fe géle plus difici- 
lement que celles du foin , du poivre, des écorces de plu- 
fieurs fortes de bois infufées féparément , &c. d’où l'on peut 
conjeéturer que le mouvement particulier des parties de 
cette eau de celery , eft plus grand que n’eft celuy de celles 
des infufions dont je viens de parler. 


CA PITT RE: XX. 
De plufieurs infufions de paille € d'epx de bled. 


Ü commencement du mois de Mars de l’année 1714 ; 

je mis infufer à froid de la paille de bled & deux épis, 
dans de l'eau de fontaine ; & dés le fecond jour de cette in- 
fufon , j'y apperçûs des poiflons reprefentez fous le chiffre 1, 
que je nomme Cornemules. 

H s'y en trouva aufñli plufieurs autres femblables à celuy 
qui eft marqué 2, que je nomme Uïinal, dont la bouche eft 
au-deflous de la lettre À : le dedans de leurs corps étoit rem- 
pli de quantité de petits corpufcules, les uns blancs & tranf- 
parens , & les autres bruns. Parmi ces deux fortes de poif- 
{ons , j y en apperçûs d'une troifiéme efpece , que J'ay nom- 
mez Rognons argentez : on les voit reprefentez au nombre 
de quatre , formant un groupe autour du chiffre 3, & rour- 
nant chacun fuivant l’ordre des lectres ACB. Ils fe mouvent 
aufli d'un mouvement diret & aflez lentement. 

Le corps de ce poiflon eft de couleur d'argent mat ; & 
quoyqu'il foit parfemé de petits corps bruns en des endroits, 
& tout-à-fait opaques en d’autres , il ne laifle pas d’être aflez 
tranfparent : la tête fe voit en À, le derriere en B, & fon 
dos en C. 

Une autre efpece de petit poiffon fe fit voir fous une for- 
me ovale, de la longueur d’une ligne ou environ. Peu de 
jours aprés j'y en apperçüs d'une quatriéme efpece , que j'ay 


Planche # 


66 Des ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 
nommé Bouteille dorée , à caufe de fa figure la plus conftan: 
te , & de fa couleur. 

La bouche À de ce poiflon s'applique quelquefois fur un 
corps rond qui s'y attache fortement , de maniere qu'ils pa- 
roïllent enfuite ne compofer qu'une mañle , qui reflemble à 
une gourde figurée en 6. Et ce qu'il y a de plus furprenant , 
eft de voir ce poiffon continuer fon nager avec fa proye. 

Une cinquiéme efpece de poiflon que Jay nommé Solles 
dorées , à caufe de fa figure & de} fa couleur , eft vüë icy 
dans toute fa longueur , qui eft tres-confiderable ; puifque 
depuis fa tête'qui eft en À , jufqu'à fon autre extrémité B, 
il y a environ vingt lignes : fa forme n'eft pas conftante , 
puifqu'on le voit fe raccourcir & s’allonger de moment en 
moment pendant fon nager , qui s’execute tres-vite, & en 
diverfes façons. | 

On juge facilement que ce poiflon eft plat , à peu prés 
comme une folle ; parce que durant fon nager on voit fenfi- 
blement augmenter & diminuer la largeur de fon corps. 

Voicy une feptiéme efpece d'infeéte que nous avons nom- 
mé Aveugle , mais qui differe en quelque chofe des préce- 
dens. L'endroit A défigne leur bouche , qui eft quelquefois 
fi grande , qu'elle furpañle la largeur de leur corps. BC eft 
la queuëé de ces poiflons , au bouc de laquelle on voit une 
pellicule qu'ils traînent aprés eux. 

On découvre encore de petits poifions de figure ovale ; 
qu font de diverfes groffeurs , parmi lefquels il y en a qui 
ont en tres-grand mouvement, pendant que d'autres fem- 
blent être dans un repos fi grand , qu'on n'auroit pas de pei- 
ne à croire qu'ils font morts, fi on ne les voyoit pas , comme 
on fait, prendre tout à coup l'effort : vous les voyez repré: 
fentez entre les queuës de deux aveugles. 


Des Sygnes. 
J E donne le nom de Sygnes à de certains poiflons que j'a 


A A 5 = 5 5 
vüs dans cette même infufion de paille ; parce que jy 

= : . ; DE 
trouve quelque reflemblance exterieure : en voicy trois à 
côté des chiffres 8, 8,8. L'endroit À marque l'exurémité de 
leur 


ET AGUATIQUES SECONDE PanRTIE. Chap. XXX. 47 
leur tête; B, l'extrémité de la queuë, & C, un gros ventre. 
ll s’en voir fouvent de deux efpeces dans une même petite 
goutte de cette infufon; les uns étant tres-tranfparens , & 
les autres aflez bruns au-dedans du corps, où l'on voit leur 
vifceres en mouvement. Leur nager s'execute aflez lente- 
ment , & d'une maniere grave , foit en avançant, foit en re- 
culant , ou en tournant. 

Us retirent fouvent la tête vers l'endroit marqué 8, com- 
me s'ils avoient peur de ce qu'ils apperçoivent ; En tournant 
leur tête d'un côté & d'autre : j'en ay vû un dont le milieu 
du corps fembloit être reflerré ou diminué de largeur. 

Les poiflons 9, 9, font ceux que j’ay nommez Araignées 
aquatiques , ou Goulus , & dont Je dois parler affez au long 
dans le Chapitre XXXII. de cette feconde Partie. 

À l'égard de celuy qui eft marqué 10, il eft le feul de fon 
efpece que j'aye vû dans l'infufon de paille de bled ; fa f- 
gure approche aflez de celle d’une bourfe , ou d'un pot au 
lait que nos laiticres portent fur leur tête : fa bouche qui eft 
fort grande , & qui fe voit ouverte , fe ferme totalement lors 
qu'il s’allonge pour nager , de maniere qu'on perd de vüë fes 
deux cornes, que l’on voit courbées en dedans. 

Au-deflous du chiffre 11, on voit un poiflon qu'on peut 
nommer la petite Solle. 

1 & 14, font deux poiflons de couleur d'eau, dont le 
mouvement écoit des plus lents & des plus difñciles à voir, à 
caufe de leur peticefle , qui eft environ mille fois au-deffous 
de celle d’un cheveu. 

Enfin 13 eft un poiflon , ou plutôt un ver compofé d’un 
grand nombre de tres-petits anneaux tournez fpiralement , 
& dont les extrémitez font terminées en pointes tres -lon- 
gues & tres-fines. Le corps de ce ver eft prefque immobile, 
c'eft pourquoy il eft befoin d'une grande attention pour le 
fuivre dans fon allure ; & l’on a befoin d’un Microfcope auf 
parfait que l’eft celuy dont je me fers pour cela. 

Voilà tout ce qui eft contenu dans cette huitiéme Planche. 
Er voicy maintenant l'explication de ce qui fe voit reprefen- 
té dans la neuviéme. 


Planche », 


68 DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES. 
] ° ._. 
Des Grenades aquatiques, couronnées € barbuës. 


’Ay donné le nom de Grenades aquatiques, couronnées &e 

barbuës, aux poiflons que nous avons reprefenrez dans 
cette Planche ; parce qu'ils m'ont paru avoir quelque reflem- 
blance exterieure à ce fruit. Je commençay à les appercevoir 
le matin du premier Juillet, dans une tres-petite goutte de 
linfufion de paille de bled , en me fervant d'une lentille d’u- 
ne ligne & demie de foyer. 

Ces animaux me parurent d'une belle couleur d'ambre ; 
claire & tranfparente ; ce qui me donnoit le moyen d’obfer- 
ver toutes les parties intericures de ce poiflon, que j'apper- 
cevois des plus brillantes que J'aye encore vüës. La diverfité 
des formes fous lefquelles ce poiflon s’eft fait voir, m'oblige 
de dire quelque chofe de chacune en particulier. Dans la 
premiere figure on voit quatre petites éminences au-deflous 
des lettres ABCD, garnies de poils, qui ne reftent pas 
long-tems dans cette fituation : celle qui répond immédiate- 
ment au-deflous de B, fe joint à celle qui eft marquée par À; 
& celle qui eft au-deffous de C fe Joint à D, & fi intimement, 
que le tout paroît alors, ainfi que cela eft vû en la deuxiéme 
figure au-deflous des lettres A D. Ces éminences groflies , 
forment les lévres écartées de la bouche de ce poiflon, dont 
le jeu des poils , que l’on voit mouvoir d’une maniere aflez 
uniforme , oblige tous les petits corps , qui font à peu de dif- 
tance de ces lévres, d'entrer dans fa bouche, & d’où la plû- 
part font repouflez avec autant de virefle , qu'ils en avoient 
eu pour y entrer. 

Toutes les éminences marquées ABCD, de la prenuere 
figure , ou les deux de la feconde , fe retirant quelque peu 
vers E , découvrent une efpece de couronne à quatre poin- 
tes, femblable à ce qui paroït au-deflous du chiffre 3; mais 
cette couronne fe voit bien-tôt recouverte des mêmes émi- 
nences À BCD, qui {ont tres-mobiles. 

On apperçoit un corps en E , dans chacune de ces figu- 
res, que je crois être le cœur du poiflon ; parce qu'il paroït 
soujours dans un mouvement égal, & qu'on y remarque , 


ET AQUATIQUES. SECONDE Parrre. Chap. XXX. 69 
comme au nôtre, un {yftole & un diaftole. Ce cœur a une 
liaifon tres-étroite avec le corps marqué F, qui eft plus gros 
que luy , & qui peuvent pañler pour les inteftins de cer infec- 
te, qui font toujours dans un mouvement qui me paroît af- 
fez régulier : & il faut obferver que cette mutuelle corref- 
pondance qui eft entre le cœur & le vifcere F, vient de co 
qu'il y a deux filets de nefs , ou deux petits ligamens en G, 
qui vont de l'un à l’autre , comme on le peut remarquer 
avec un peu d'attention. 

Le cœur femble être divifé en deux lobes , que l'on apper- 
çoit s'écarter & fe rapprocher lun de l’autre, en de certains 
tems; ce qui pourroit bien donner occafion de penfer que ce 
font les poulmons de ce poiflon qui environnent fon cœur ; 
& c'eft ce que Je laifle à deviner aux fameux Medecins, & à 
nos plus illuftres Anatomiftes. 

Le derriere de ce poiflon paroït rond & fermé en de cer- 
tains momens , & ouvert en d'autres ; & alors on apperçoit 
deux petites éminences pointuës , comme on voit en H de la 
premiere figure. 

Jen ay vû un feul, reprefente en la quatriéme Figure, qui 
avoit quatre de ces petites éminences aiguës , placées deux 
d'un côté de l'anus , & deux de l'autre. 

C’eft par cette ouverture que l'on voit fortir & rentrer, 
avec beaucoup de virefle , une longue queuë i 1, qui eft beau- 
coup plus grofle vers la racine 1, qu'elle n'eft ailleurs. L’ex- 
trémité L de la queuëé de quelques-uns de ces poiflons , pa- 
roît fourchuë : cette queuë eft fi blanche & fi tranfparente , 
qu'on en peut res - facilement découvrir la méchanique , & 
expliquer tous les mouvemens qu'on y remarque , avec au- 
tant de facilité qu'un bon Anatomifte en a pour expliquer 
tous ceux que nous faifons faire volontairement à la plüpart 
des parties qui compofent notre corps. Cette queuë qui eft 
tres-mobile rentre totalement dans le corps de ce poiflon; 
de maniere qu'y étant, les inteftins qui fonten F la cachent 
entierement; d’ailleuts les petits anneaux qui [a compofent 
rentrant les uns dans les autres, ne permettent pas un libre 
paflage à la lumiere ; ce qui fait qu’elle n’eft plus vifible. 

On voir de gros œufs attachez au derriere de cet animal ; 

k à 


70 DEs ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 

par le moyen de quelques filets prefque imperceptibles : il y 
a de ces femelles qui n'en portent qu'un, il y en a qui en 
portent deux, & quelques-unes jufqu’à fix , ce qui cft aflez 
rare ; & lorfqu'on y en voit tant , ils font plus petits que quand 
1 y en a moins. 

La queuë de ce poiflon frotte ces œufs à l'entrée & à la 
fortie de fon corps, tournant de côté & d'autre avec beau- 
coup de foupleffe : ces œufs paroiïflent tres-réguliers , & bien 
brillans pendant qu'ils font pleins ; mais dés qu'ils font vui- 
des, on les voit tout plats & fans rides , fous une forme ova- 
le , plus tranfparens qu'ils ne l'etoient étant pleins; & quoy- 
que vuides , les meres les portent prefque toujours attachez 
en croupe , & en nageant, comme elles les portoient aupa- 
ravantr : J'en ay vû un feul feparé du corps de ce poiflon, flo- 
gant dans la petite goutte d’eau mile en experience fur le 
porte-objet du Microfcope : cer œuf paroiïfloit immobile de 
même que tout ce qui.évoit au-dedans, J’ay aufli vû deux de 
ces œufs dans le corps d’un de ces poiflons , qui paroifloient 
comme on les voit au-deflous des lettres GG, Fig. 6. 

Ces poiflons font tres-réjoüiflans à voir , particulierement 
quand ils font des culbutes , parce qu'ils les executent avec 
beaucoup d'adrefle. Il s'en voit quelques-uns qui cournent 
circulairement , tantôt d’un côté & tantôt d’un autre , à l’en- 
tour du point F, qui eft le centre de pefanteur de l'animal. 

Dés que la liqueur eft mife fur le porte-objet du Microf- 
£ope , on les voit nager tres -lhibrement en avant; quelques- 
uns s'arrêtent enfuite , & c'eft dans ce moment qu'ils donnent 
le tems de bien obferver toutes les circonftances dont nous 
parlons. 

Ils fe frottent quelquefois l’un contre l’autre ; ils fe détour- 
nent fans fe choquer , & on les voit éviter tout ce qui s'op- 
pofe à leur chemin d'une maniere fi adroite , que bien qu’on 
ne voye pas leurs yeux , on ne peut pas douter qu'ils n'en 
foient munis, & de tres-bons. 

De tems en tems ils appuyent le bout de leur queué fur le 
porte-objet du Microfcope , & dés ce moment-là on voit 
qu'ils avancent tout le corps au-delà de ce point ; qu'ils l'en 
gpprochent enfuite & l'en éloignent; puis ils reprennent leur 


ET AQUATIQUES. SECONDE Parrie. Chag. XXXT 1 
allure ordinaire en nageant , fans qu’on puifle remarquer au- 
cune patte ni aucune nagcoire autour de leur corps. 

Le 22. Juillet j'apperçus , dans une goutte de l'infufion 
donc je viens de parler, une chenille aquatique ; & j'ay re- 
imarqué que les Grenades aquatiques dont Je finis icy l'hif- 
toire , foutiennent mieux les grandes chaleurs qu'aucun des 
plus gros poiflons que J'aye cy-devant obfervé dans les infu- 
lions précedentes ; puifque pour l'ordinaire les gros meurent 
dans ce tems-là plutôt que les petits, ce qui neft point en- 
çore arrivé à ceux de cette infufon , où je viens d’en voir 
jufqu'à quatre dans une tres-petite goutte , quoyque la cha: 
leur foit fort grande ce jour 28. Juille. 


CHAPITRE XXXL 


De la paille d'orge, de celle du fécle, de celle d'avoine, € 
du bled de Turquie 3 chacune de ces chofes mife feparément 
en infufion dans de l'eau commune. 


- 

E n’ay pas rapporté dans le Chapitre précedent tout ce 
a que j'ay vû dans les differentes infufions que J'ay faites de 
la paille de bled ; je me fuis contenté de dire ce que j'y ay 
découvert de plus remarquable , m'étant refervé d’avertir 
dans celuy-cy, que l'air contient dans une faifon ce qu'il ne 
contient pas dans une autre ; & que les animaux qui régnent 
dans un même lieu durant une année entiere , font fouvent 
differens de ceux qui s’y voyent dans un autre. Ce font ces 
varietez qui occupent agréablement les perfonnes qui fe don- 
nent la peine de continuer leurs obfervations , & même d'en 
faire en differens lieux , confiderablement éloignez l'un de 
l'autre. Par ces diverfes experiences on s’éclaircira de plu- 
fieurs faits, & l'on ne fera pas furpris fi l'on ne découvre pas 
toujours les mêmes chofes dont je parle, ni pourquoy on en 
découvrira d'autres dans une femblable infufion dont je n'ay 
rien dit; parce que les nouveaux infeétes qu'on y aura apper- 
cûs me feront échapez, ou peur-être à caufe que durant la 


K 11 


Planche 10, 


G 


72 DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 
faifon que j'avois prife pour faire cette experience, il ne s'y 
en trouva point de la même efpece. 

Jay remarqué , par exemple , dans toute l'année 1714, & 
dans une partie de 1515, un grand nombre de grofles arai- 
gnées & de chenilles aquatiques, dans fept ou huit infufions 
differentes; ce qui ne m'étoit pas encore arrivé. 

Les differentes infufons à froid de paille d'orge , d’avoi- 
nc, de fégle , & d'eau commune, faites féparément dans 
des vaifleaux bien nets, nous ont fournies de tres-beaux 
poiflons ; de même que deux autres infufions de bled de Tur- 
quie faites en divers tems. 


CHAPLERE XX XXL 


De l'écorce de borx de chêne qui porte le eland, mife en infu 


fion dans de l'ean commune. 


Nviron le quinze Decembre de l'année 1714, je mis in- 

fufer à froid de l'écorce de bois de chêne dans de l’eau 
commune , dont Je remplis un grand verre à boire , & du- 
rant l'efpace de plus d’un an j'y apperçüs fucceflivement tous 
les poiflons reprefentez dans cette Planche , à chacun def- 
quels Jay donné un nom particulier ; de forte que j'ay jugé 
à propos de nommer le premier , la Tortuë , ou le poiflon à 
la queuËë umbilicale : cet infecte s’allonge & fe raccourcir 
tres-facilement ; il prend de tems en tems une figure ronde 
qu'il ne conferve qu'un moment : on luy voit quelquefois ou- 
vrir la bouche d'une grandeur furprenante , par rapport à la 
grofleur de fon corps; & fes lévres, qui forment à peu prés 
la circonference d'un cercle , font garnies de petits poils ; 
dont le jeu fait plaïlir à voir , à caufe que ce mouvement par- 
ticuher oblige une partie des petits corps, qui fe trouvent 
correfpondre vis-à-vis de luy , d'aller fe précipiter dans fon 
cftomac , où vray-femblablement la partie qui doit fervir à 
le nourrir, demeure ; tandis que le refte eft vû s’en éloigner 
avec vitefle. Son allure eft des plus finguliere que lon puifle 


ÉT AQUATIQUES. SECONDE PARTY. Chap. XXXI 7: 
voir ; VOUS en jugerez vous-même par ce que j'en vais dire : 
fa queuë que l’on voit attachée à fon corps , à peu prés com- 
me le cordon l'eft au nombril d’un enfant qui vient de naî- 
tre , luy {ert comme d'un gouvernail pour luy procurer pref- 
que tous les mouvemens qu'on luy voit faire. Cette queuë 
eft fort grofle vers fa racine , & bien aiguë par {on autre ex- 
trémité , où elle fe divife en deux parties encore plus aiguës, 
qui fe joignent fi exaétement, qu’il femble aprés cela ne faire 
plus qu'un tout fans aucune féparation. 

Ïl arrive quelquefois que ce poiflon attache les bouts écar- 
tez de cette queué fur le porte-objet du Microfcope; & fur 
ce lieu-là il tourne tout fon corps ,en prefentant aux yeux du 
Spetareur tantôt fon dos qui eft convexe , comme le deflus 
de l’écaille d'une tortuë, & tantôt fon ventre qui paroït con- 
cave, comme le deflous de la même écaille. 

% Er il faut remarquer que l'extrémité d’en-bas de ce poif- 
{on eft fi tranfparente , que fa queué eft également vûë, com 
me fortant de fa partie convexe ou de la concave. 

La feconde figure eft un autre poiflon à ia queuë umbilica- 
le, qui ne differe du premier qu'en ce qu'il a la bouche fer- 
mée , & que fa queuë paroît n'avoir aucune féparation. 

Et la troifiéme reprefente encore un autre poiflon de fa 
même efpece que le précedent, quoyque fous une forme un 
peu differente. Ce poiflon paroît ainfi à caufe qu'il retire en 
arricre la partie fuperieure de fa tête qui eft double , & dont 
les deux avances , en forme de cornes , étoient entierement 
couvertes. 

Le quatriéme poiflon fera nommé le rat d’eau, à caufe de 
quelque reffemblance qu’il a avec cet animal: fa tête paroît 
fort bien marquée , & {es lévres garnies de longs poils , dont 
le mouvement produit le même effet que plulieurs autres , 
dont on à parlé plus haut. 

Le cinquiéme poiffon fera nommé la patte d'écrevifle , à 
caufe des deux becs recourbez qu'on luy voit, dont le mou- 
vement eft tres-lent , de même que l'eft celuy de tout fon 
corps, qui fait tres -peu de chemin en bien du temps; ce 
qui facilite le moyen de l'obferver exaétement , & de re- 
marquer dans prefque toute la longueur de fon corps un aflez 


74 DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 
bon nombre de petits globules dorez & brillans. 

Le fixiéme poiflon ayant à peu prés la figure d'une mañluë, 
fera ainfi nommé : fa tête eft fort grofle par rapport au refte 
de fon corps qui fe termine en pointe : le dedans de fon 
corps cft femé de petits grains tranfparens & opaques, qui fe 
font voir diverfement felon la maniere dont ils renvoyent la 
lumiere qu'ils ont reçüé. 

Je nommeray celuy qui eft marqué 7 , la féve de vers à 
foye ; parce que le corps de ce poiflon eft compofé de plu- 
fieurs anneaux , & de plufieurs fibres longitudinales , qui fer- 
vent à le faire allonger & à le raccourcir avec beaucoup de 
facilité. La figure de fa tête paroît peu differente de celle de 
fa queuë , & on ne la diftingue guére que par fon nager. 

Le huitiéme poiflon fera nommé Spheroïde , à caufe qu'il 
reflemble exterieurement à un œuf, dont les bouts font égaux 
& bien arrondis. o 

Sa rêce eft vûé en haut, & un peu au-deflous on y voit un 
petit corps qui fe meurt tres-régulierement , ce qui me fair 
penfer que ce pourroit bien être le cœur de ce poiflon ; & 
plus bas on apperçoit pluficurs petits corps ronds & de di- 
verfes grofleurs , qui font peur-être des œufs, que l'on voit 
agitez par les divers mouvemens du poiflon, qui s’allonge & 
{e raccourcit, qui fe plie & déplie diverfement en nageant. 

Lorfqu'on donne quelque attention à confiderer le grand 
nombre d'œufs que l’on voit dans le corps de ces poiflons , 
lon n'eft pas furpris d’un autre nombre prodigieux de ces 
animaux, qui fe voit dans la moindre goutte que l'on puifle 
prendre de cette infufñon , & l’on cefle par-là d'admirer cet- 
te multitude étonnante qui paroît & qui difparoic en peu de 
tems ; puifque l’on ceffe d'en voir de cette nature au bout 
d'environ huit jours , & qu'en leur place il s’en prefente de 
nouveaux aux yeux des fpeétareurs attentifs , qui n'en font 
pas moins touchez qu’ils l'ont été des precedens. 

En voicy de plufeurs fortes qu'on peut nommer anguilles ; 
qui different entr'elles | & qui different encore de celles du 


{ont 


vinaigre ; en forte que l'on pourra inferer de-là que ce 
des poiffons d'un même genre , & de diferentes elpeces. 
Celle qui fe voit reprefentée au-deflous du chifire 9 , ma 
paru 


ET AQUATIQUES. SECONBE Paré. Chap. XXXIIL #+ 
paru blanche & tranfparente, quoyque prefque toute la lon: 
gueur de fon corps fut parfemée d'un grand nombre de pe- 
tits grains brillans. 

Sa groffeur étoit bien confiderable , par rapport à fa lon- 
gueur , qui paroifloit n'avoir au plus que deux pouces ; & la 
grande viîtefle de fon mouvement, qui ne luy failoit parcou- 
rir que tres-peu d’efpace en aflez de cems , marque bien en 
quoy celle-cy differe des autres. 

J'en ay vû deux d’une même efpece dans [a feconde infu- 
fion que j'ay faite d'une femblable écorce , qui appuyoient 
de tems en tems l'extrémité de leurs queuës fur le porte-ob- 
jet du Microfcope , & qui faifoient autour de ces points fixes 
plufieurs mouvemens aflez agréables à obferver. La longueur 


o ° . , e 
apparente de chacune de ces anguilles étoit d'environ deux 


pouces, & la grofleur à peu prés comme celle du tuyau d’u- 
ne plume de corbeau. 

- Au- deflous du chiffre 10. il s’en voir une autre , dont la 
longueur apparente étoit d'environ cent lignes, & fa groffeur 
dans l'endroit le plus épais de tout fon corps, pouvoit étre de 
quatre lignes de diametre. 

Sa bouche , qu’elle ouvroit de tems en tems , paroifoit 
ronde , & toute la longueur de fon corps étoit munie d'un 
bon nombre de filets tres-menus qui ne fe faifoient pas voir 
à tous momens ; & au lieu de ces filets on découvroit dans 
d’autres tems une ligne fpirale qui occupoit une étenduë con- 
fiderable de la longueur de fon corps ; ce qui fuffit pour ex- 
pliquer le mouvement de cette grofle anguille , qui étoir 
aflez lent pour donner le tenis de l'obferver agréablement à 
la lumiere d’une chandelle , & de voir une belle varieté de 
couleurs dans l'érenduë d'une partie de la longueur de fon 
corps, & particulierement un rouge tres-vif tirant fur le 
pourpre : mais lorfque cet animal venoit à fe raccourcir , en 
rapprochant l’un de l’autre tous les contours fpiraux du filet 
dont Je viens de parler ; toute cette varieté admirable de 
couleurs s’efaçoit, & dans ce moment le tout devenoit brun. 

Au-deffous du nombre 11, on y voit une autre anguille 
d'une grande vivacité, qui plie , déplie & replie cout fon 
corps en arc , fe débandant d'un fens cout contraire au pre- 


36 Des ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 

mier , pour reprendre fubitement la courbure qu’elle avoit 
auparavant , Continuant aïinfi ce manége fans changer que 
tres-peu de place , n'en occupant qu'autant qu'il luy en falloit 
pour executer fes courbures. 

Le nombre 12. reprefente une groffe anguille morte de- 
puis peu de tems; je l'obfervay le 9. Mars 1715. à la lumiere 
d'une chandelle : fa longueur me parut d'environ fix pouces, 
& fa plus grande épaifleur etoit d'environ trois lignes. Ce fut 
comme par hazard que je découvris vers fa queué une petite 
anguille d'environ deux pouces apparens de longueur , qui 
fe tremoufloit beaucoup pour fortir du ventre de fa mere ; 
mais n'en pouvant venir à bout, elle y mourut enfin. Cette 
ébfervation femble fufhire , pour nous aflurer que les œufs de 
ces anguilles font couvez au-dedans du corps des meres, & 
qu'ilneft pas facile de parvenir à de femblables découver- 
ces , à caufe de la vitefle du nager de ces poiflons ; cepen- 
dant voicy un moyen für pour y arriver ; car il n’y a pour 
cela qu'à attendre que la petite goutte de vinaigre foit pref- 
que toutc évaporée , afin que la lenteur du mouvement des 
anguilles facilite la découverte de ce qu'elles contiennent. 

Ces obfervations étant faites à la lumiere d’une chandelle , 
la diftinétion de l’objet en fera plus belle qu'elle ne feroit à 
celle du jour ; parce que pouvant s'appuyer fur une table, le 
Microfcope en fera tenu plus ferme ; & d’ailleurs on reçoit 
moins de faux rayons de lumiere , que fi l'on obfervoit ces 
mêmes chofes à celle du jour, 

Par ce moyen nous eûmes le plaifir d’obferver dans la fui: 
te deux anguilles', durant prés de deux heures , parcourant 
une étendué interieure du corps d'une même mere , où elles 
alloient de la queuë vers la tête, puis revenant de-là vers la 
queué. 

Le 1°. poiflon ayant quelque reffemblance avec la navette 
d'un Tiflerand , on luy pourra donner ce nom : fon nager 
s'execute également, foit en avançant foit en reculant : lors 
quil s’eft allongé on le juge avoir à peu prés deux pouces de 
longueur , & environ quatre lignes de grofleur , prifes vers 
le milieu de fon corps, où l'on voit d’autres petits corpufcu- 
les qui femblent être des œufs, | 


ET AQUATIQUES. SECONDE PARTIE. Chap. XXXII. 

Les extrémitez de ce poiffon fe courbent differemment , de 

forte qu’elles femblent luy fervir de gouvernail, & en même 
tems de nageoires. 

Le 14°. poiflon peut être nommé le bec de Corbin, par rap- 
port à la courbure de fa tête, qui fe termine en pointe : l'au- 
tre extrémité de fon corps eft grofle & arrondie en forme 
d’une larme :on voit de longs poils fous la gorge de ce poiflon 
qui luy fervent de nagcoires ,en forte qu'enles remuantla re- 
fiftance du liquide où il nage Le fait tourner du côté de fon dos. 

Le 15° poiflon fera nommé la petite Âraignée aquarique : 
la figure de ce poiflon eft femblable à un fphéroïde , fur le- 
quel on remarque plufieurs lignes brunes & paralleles entr”- 
elles , qui s'étendent du fens du plus grand diametre de ce 
poiflon ; & entre ces lignes paralleles on y voit plufieurs cor- 
pufcules plus bruns que le refte de fon corps. 

J'ay aufli remarqué que les pattes du devant de fa tête 
étoient plus longues que celles qui font au bout oppofe , & 
que celles du milieu de lune & l'autre extrémité de tout fon 
corps font plus longues que celles qui font a côté. 

Le 16° reflemblant à une larme , fera nommé de ce nom : 
fon corps eft uniforme & tranfparent, de maniere qu'on n'y 
remarque aucune inégalité fenfible. : fon col eft long & un 
peu courbé ; & fa tête qui va diminuant de grofleur , fe ter- 
mine par une petite rondeur. ; 

Le 17° poiflon fera nommé Limas : fa tête eft ronde, & fa 
queuë aiguë : le refte de fon corps eft aflez gros par rapport à 
fa longucur , qui devient plus courte dans fon allure qui pa- 
roît aflez réguliere. : 

Le 18° poiflon a été nommé Cheniile aquatique : il s'en 
trouve de diverfes efpeces dans plufieurs infufions de plantes 
toutes differentes ; & j’ay remarqué en quelques-unes que les 
poils que nous avons dit ailleurs être comme plantez aux deux 
lévres de cette chenille , femblent tourner dans de certains 
momens , comme une molette d’éperon tourneroit en luy 
donnant un coup de doigt ; & c'eft ce mouvement qui déter- 
mine une partie des corps qui font d’une certaine grofleur à 
fe précipiter dans fa bouche, d’où ils font enfuite chaflez en 


partie, avec autant de vitefle qu'ils en avoient eu pour y ar- 
river, li 


78 Des ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES: 

Jay de plus obfervé deux petits corps cilindriques , longg 
d'environ une ligne chacun , & d'un peu moins de groffeur, 
placez l'un à droit & l’autre à gauche du corps de cette che- 
nille , & immédiatement à côté de fon cœur : ces corps fer- 
vent d'appuy à la partie anterieure de l'animal, pour luy don- 
ner la facilité d'avancer dans le tems qu'il rampe fur le porte+ 
objet du Microfcope. 

On a bien de la peine à découvrir ces fortes de petites 
pattes , à caufe qu'elles font tres-courtes, & qu'elles font 
prefque toujours fous le corps de cette chenille , ne les en 
écartant que tres-rarement, 

Le 19° poiflon fera nommé la grofle Araignée aquatique : 
fa figure approche de celle d’un ovale ; & fa bouche un peu 
enfoncée femble quelquefois fenduë jufque vers le milieu de 
fon corps. Ses lévres font garnies de petits poils en mouve- 
ment , dont la vitefle femble fe communiquer interieurement 
à un petit corps qui eft peut-être le cœur , & les poulmons de 
ce poiflon qui l'environnent. 

Le derriere eft aufli garni de poils, qui femblent former 
une efpece de queué ; & l’on voit immédiatement au-deflus 
de l'anus , un amas brun de matiere que je crois être les ex- 
cremens de ce poiflon , qui fe nourrit d’autres plus petits 
poiflons , que nous avons appellez Cornemufes , & qui pa- 
roiflent fe mouvoir dans leurs corps durant quelque tems. 

Le refte du corps de ces araignées eft d'ordinaire rempli 
de plufieurs petits corpufcules aflez irréguliers , qui peuvent 
pañler pour des œufs. 

On découvre aufli de ces efpeces de poiflons dans les in: 
fufions que l’on prépare avec de la paille de froment , de 
celle d'orge mêlée de quelques épis; dans celle que l'on fait 
avec du bled de Turquie ; dans la canne d'Inde ; dans celle 
du bois & de l'écorce d’acacias ; dans celle du poivre en 
grains, &c. Toutes ces araignées, qui different les unes des 
autres en quelque chofe , ont du poil tour autour de leurs 
corps, couché un peu obliquement de la crête vers la queué; 
ce qu'on peut facilement obferver avec une lentille de Mi- 
crofcope d'une ligne ou environ de foyer, 

Le 20° poiflon fera nommé , le poiflon à la grande gueu: 


£T AQUATIQUES. SECONDE PARTIr, Chap. XXXIE 9 
le ; parce que fa bouche occupe environ la moitic de toute 
la longueur de fon corps : fa lévre fuperieure furpafle de 
beaucoup en longueur celle de l'inferieure ; l'une & l’autre 
font garnies de petits poils , & tout le dedans de fon corps 
eft rempli de petits corpufcules d'inégale tranfparence : en- 
fin le derriere de ce poiflon eft terminé par une queuë aflez 
finguliere , & dont le mouvement eft peu fenfible. 

Le 21° poiflon fera nommé l’Antonnoir , parce que fa fi- 
gure la plus conftante luy reflemble : on le voit paroître icy 
ous trois formes differentes ; dans celle du milieu on apper- 
çoit fa bouche ouverte & ronde ; fes lévres font interieure- 
ment garnies de petits poils qui fe mouvent tres-vite : fon 
corps cft femé au-dedans de plüfeurs petits corps tres-irré- 
guliers : fa queuë, qui eft fort longue , traîne fouvent aprés 
elle une petite pellicule attachée à fon extrémité : on en voit 
un fecond à gauche qui a la bouche fermée ; & un troifiéme 
du côté droit dont le corps eft plus rond : fa queuë forme 
dans de certains tems une efpece de tire-boure , qui ne de- 
meure pas long-tems dans cet état ; car la tête de ce poifflon 
s'éloignant de fon extrémité, les fpires qui paroiffent au mi- 


O 
lieu fe redrefient. 


Le 22° poiflon , qui à la tête faite en trefle , & la queuë 
fourchuë, fera nommé le Poiflon à la tête trefle , & au der- 
riere fourchu : fa bouche eft tres - petite & bien ronde : la 
moitié de fon corps , qui eft du côte de la tête , femble don- 
ner le mouvement à tout le refte qui paroît immobile : cette 
partie qui eft du côté de la tête eft plus tranfparente que 
l'autre, & on l’a vû fe plier tres-facilement en tous fens. 

Le 23° poiflon reprefenté en AB , fera nommé Chaufon ; 
parce qu'il en a la figure , & que la courbure À C , peut paf- 
fer pour l'entrée du chauflon : le dedans du corps de ce poif- 
{on eft muni de plufieurs corpufcules tres-tranfparens , que 
lon croit être des œufs. 

Dans le tems que je me propofois de fupprimer totale- 
ment cette infufion , je m'avifay d'en mettre une tres-pe- 
tite goutte fur le porte -objer de mon Microfcope , croyant 
que ce feroit la derniere fois que J'examinerois cette liqueur; 


mais en l'y regardant je fus tout étonné d’y voir un prodige Plancherr, 
li 


Planche 11, 


&o Des ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 


des plus fingulier que j'aye obfervé dans toutes les infufions 
précedentes. 

C'étoit une efpece particuliere de chenille aquatique , & 
des plus rares, n en ayant pü voir que fept ou huit en diver- 
{es reprifes, durant trois jours feulement ; ce qui a fufñ pour 
en faire des defleins qui occupent une Planche entiere , dans 
laquelle Monfieur de Vigneux l’a reprefentée en huit formes, 
differentes en quelque chofe l'une de l’autre, ainfi que nous 
l'avons vüé. 

À B , eit l'une des reprefentations de cette efpece de che- 
nille aquatique , où l’on voit que fon corps eft compofe de 
pluficurs anneaux en forme de bourlets, qui rentrent les 
uns dans les autres, en s'approchant du milieu marqué C. 

Ce qu'il y a de plus fingulier dans ce nouveau poiflon , eft 
qu'on voit fortir de fa bouche une efpece de trompe, com- 
polée de plufieurs pieces engaînées l’une dans l'autre , qui fe 
découvent en A, D,H,N,R,YŸ,et&. 

L'extrémité de cette trompe fe voit percée en D, en H, 
enN,enŸ,ceten &, où elle cft toute ronde:elle eft refen- 
duë en deux parties en R ,&en trois en À , où elles forment 
deux ou trois petites éminences : en LL , on apperçoit deux 
lévres garnies de poils tres- mobiles ; &en TT ,onny voit 
aucun poil apparent. 

Pendant que nous obfervions toutes ces chofes , nous ap- 
perçümes tout d'un coup fortir du milieu de la poitrine de 
cet animal une efpece de corne, reprefentée en F & en P, 
dont la longueur nous parut compofée de trois efpeces de 
falanges d’inégales grofleur , qui rentroient l’une dans l’au- 
tre , comme font les tuyaux d’une lunette d'approche que 
l'on veut raccourcir ; & cette corne mouvante décrivoit par 
lune de fes extrémitez F, P, un arc de cercle , en paflant 
tantôt de droit à gauche , & tantôt de gauche à droit; aprés 
quoy elle difparoifloit entierement. 

Nous vimes au derriere de ce poiflon deux pointes tres- 
AIguËs , comme on les à marquées en Ben E ren O4" 
S,enZ,& ent. Et lorfque cet animal donne à fa queué 
une certaine fituation particuliere , il en découvre juiqu'à 
trois , ainfi qu'on les peut voir reprefentées en E. 


gr AQUATIQUES. SECONDE PARTIE. Chap. XXXHIL 8r 

Entre RS, on apperçoit cette chenille de toute fa lon- 

sueur; & en V, Ÿ et &, elle y cft vüE plus ou moins rac- 
courcie, 


CHAPITRE .KXXIIE 


Suite des Obférvations faites fur la même écorce de bo de 
chêne , qui étoit VEnu flottant [ur ! 7 depurs 
Montarçu jufqu à Parss. 


F° fapprimant l'infufion précedente , je confervay une 
partie de l'écorce , que je fis bien fécher au feu; & 
l'ayant remife en infufion dans un vaifleau de fayence bien 
net , avec de l'eau de la Seine, j’apperçüs en diverfes fois, 
& durant l’efpace d'environ deux mois, les nouveaux poif- 
fons marquez 1, 2 & 3. 

Jay nommé Gland cornu , le premier de ces poiffons , à 
caufe que fa figure approche aflez de celle de ce fruit : fa 
tête que l'on voit en haut eft ornée de deux efpeces de cor- 
nes, longues , roides , blanches & tranfparentes , aufli-bien 
que le refte de fon corps , dans lequel on n’apperçoit aucun 
vifcere , ni aucune tache, le tout étant parfaitement égal , 
& l'animal dans un mouvement tres-lent. 

Le fecond , que je nommeray le Piroüetteur concave & 
convexe , a fon mouvement circulaire : toute fa partie con- 
vexe cft garnie d'une feule rangée de poils , plus longs vers 
la queuë qu'ils ne font ailleurs : le mouvement de ces poils 
eft fi ne & fi particulier, qu'il fait tourner circulairement 
ce poiflon , avec tant de vitefle , que les autres n’en fçau- 
soient approcher durant fon piroticttement , qui dure aflez 
Jong-tems. 

Enfin le troifiéme poiflon fera nommé Volute , à caufe 
qu'il eft courné fpiralement , de même que le reflort qui eft 
renfermé dans le barillet d’une montre de poche : tout fon 
corps eft attaché à une membrane tres-fine , blanche & tranf- 
parente , fe terminant en pointe du côté de la tête , & fe 


Planche 115 


“7 
E* 


82 DES ANIMAUX AERIENS; TERRESTRES 
mouvant circulairement avec aflez de lenteur, dont {4 
raifon eft aflez évidente pour n'avoir pas befoin d’être ex- 
pliquée. 


CHAPETRE EXIX J'EN 


Des nouveaux poiffons trouvez dans une infufion d'écorce 
de boss de chêne neuf. 


Nviron le 25. Decembre de l'année 1716, je mis infu- 

fer à froid , dans de l'eau de riviere , pluficeurs petits 
morceaux d'une écorce tres-épaifle d'une grofle bâche de 
bois de chêne neuf, environ deux heures aprés j'y apperçüs 
de petits poiflons , que j'ay nommez Cornemufes argentées : 
& le 15. Janvier 1717. je commençay à voir dans une tres- 
petite goutte de cette eau cinq ou fix nouveaux poiflons 
d'un même genre ,qui me parurent aflez confiderables pour 
meriter une place dans cette Hiftoire , tant à caufe de leur 
couleur, de leur grofleur, figures & mouvemens differens ; 
qu'à caufe qu'ils font les feuls de cette nature , que j'aye ap- 
perçüs durant tout le cours de mes obfervations. 

Pour éc ire l’hiftoire anatomique de ce poiflon , j'ay fait 
ce que Jay pû pour trouver un nom qui luy convint ; mais 
ni moy ni ceux à qui je l’ay fait voir , n'onc pü y réüfir ; la 
raifon en eft, que cet infete ne conferve pas durant une 
minute la même figure fous laquelle il paroïfloit un peu au- 
paravant ; de forte qu'en tres - peu de tems on le voit fous 
routes les diverfes formes reprefentées en cette Planche : 
cependant le defir d’être , pour aïnfi dire, le parrein d'un 
petit animal aufñfi rare que l'eft celuy-cy , & aufli curieux à 
voir pendant fon nager, a fait que plufeurs perfonnes fe font 
efforcces de le nommer; mais parce que les uns l’ont apper- 
çûs d'une forme particuliere , les autres d’une autre , cela luy 
a fait donner le nom de Chenille ; celuy de Chaufle où de 
Chauffette , de Guêtre, ou d’Elegant : de Nañle; de poifion 
à deux têres : de Cornet à bouquin ; & enfin de Rognon. 

Ceux 


ET AQUATIQUES. SECONDE PARTIE. Chap. XX XIV. 8; 

Ceux qui l'ont vû fous la forme reprefentée en À , l'ont 
appellé Chenille dorée , à caufe de la reflemblance qu'il 
peut avoir avec cet animal , & de fa couleur d’ambre jaune. 
On voit dans fon corps des fibres longitudinales qui s’éten- 
dent d'un bout à l’autre, entre lefquelles on apperçoit de 
petits corpufcules aflez irréguliers, & d'inégale grofleur , qui 
font peut-être les œufs de cette chenille aquatique. 

On en voit une autre en B, qui a été nommce Chauflette 
ou Guêtre , dans l’une des extrémitez de laquelle J'avois bien 
de la peine à déterminer l'endroit où pouvoit être la tête : 
cependant comme ce poiflon faifoir fouvent voir en € , une 
grande ouverture qui changeoït à tout moment de forme ; 
Je crus devoir prendre cette partie-là pour la bouche de ce 
poiflon , dont les lévres étoient quelquefois fi étenduës & fi 
mobiles , qu'elles pouvoient luy fervir comme d’un gouver- 
nail pour fe conduire en partie dans fa progreflion; je dis en 
partie , parce que comme il paroît avancer & reculer égale- 
ment bien, & fe tourner & retourner en fe pliant & repliant 
de toutes les manieres imaginables ; cet infeéte doit avoir en 
luy de quoy fatisfaire à tous ces divers mouvemens. 

On remarque à l’entour de fon corps de tres-petits poils, 
des plus déliez qu'on puifle voir , & dont le mouvement m'a 
paru peu fenfible, à caufe de leur grande délicatefe , qui ne 
permettoit pas d'en bien faire voir le jeu. 

Un autre qui fe voir en D, aflez raccourci , gonflé, plié 
& replié , a été nommé Cornet-à-bouquin, à caufe de la forme 
particuliere qu'il a pris pour un moment. | 

Celuy qui eft reprefenté en E , s'eft fait voir fous la forme 
d’une Nafle , qui eft un inftrument fait d’ozier , dont on fe 
fert pour prendre des poiflons. | 

FGH, cft un autre poiflon , dont la partie GH reflemble 
à une jambe mal faite : le milieu de fon corps paroït comme 
s'il écoit noûc d'une ligature invifible. | 

Au-deflous de la lettre 1, ily en a un autre qui paroît d'u- 
ne grandeur extraordinaire , par rapport aux précedens: on 
y apperçoit la forme d’un pied , d’une jambe & d’une cuifle 
caflée : Je l'ay nommé Bouffon , à caufe qu'il femble {e plaire 


dans fes divers changemens , qui s'executent avec tant de 
m 


84 Des ANIMAUX AËRIENS; TERRESTRES 
yitefle , qu'on a eu de la peine d'en fixer une feule atritude, 

Celuy qui fe voit au-deflous de la lettre K, peut être ap- 
pellé la Maflué ; parce que fa bouche qui eft en bas eft tota- 
lement fermée , & que fon corps eft aflez étendu & gonflé 
dans fon milieu pour recevoir ce nom. On voit fes œufs que 
l'on y a reprefentez par quelques petits globules un peu irré- 
guliers. . 

Au-deflous de l'endroit marqué L , il s’en voit un autre, 
tellement courbé , que reflemblant à une faucifle pliée en 
deux, on luy-a donné ce nom. 

Au-deflous dés lettres M, M, on y voit deux de ces poif- 
fons morts fubitement , y paroïffant {ous une forme qui ap- 
proche aflez de celle d’un Rognon , & qui ne font vûs ainft, 
qu'à caufe qu'ils ont été faifis dans cet état au moment de 
l'évaporation totale de la liqueur où on les avoit vüs fe trai- 
ner un peu avanr leur mort. 

Dans l'inftant que ces fortes d'animaux ceffent de vivre, 
on les voit devenir blancs & tranfparens , de jaune pâle qu'ils 
étoient auparavant : la raifon en eft évidente , puis qu'elle 
eft la même que celle des liqueurs qui paroïflent colorées , 
étant en gros volume , & qui ceflent de le paroître lorfqu'el- 
les fe trouvent en petite quantité dans des vaifleaux de verre 
de peu d’épaifleur. 

N , eft encore un poiflon de même genre , qui pour la 
reflemblance qu'il a avec une racine appellée Carotte , fera 
nommé de ce nom. 

Il s’en voit un autre en O , que j'ay nommé l’'Elegant, à 
gaufe qu'il m'a paru nager avec tant de grace, & {e tranf- 
porter d'une maniere f1 grave & fi mayeftueufe durant fes 
divers changemens , que je n'ay pü luy refufer ce nom. 

P,Q,R,S,T,V,etX, font encore des poiflons de 
même nature , vüs immédiatement aprés leur mort, fous 
toutes les diverfes formes exprimées au-deflous de ces mé- 
mes lettres, 

Enfin fous la lettre Ÿ , on y voit un poiflon d’un autre 
genre , dont la forme approche aflez d’une efpece de bou- 
ceille , pour luy donner ce nom, & qui en nageant parmi les 
précedens , comme parmi un grand nombre d'autres , donf 


ET AQUATIQUES. SECONDE ParTtE. Chap. XXXV. gs 
je ne diray rien, faifoit rentrer pour un moment l'extrémité 
de fon col en dedans. 

Le froid s'étant augmenté confiderablement , peu de jours 
aprés la naïflance de ces gros infeétes, & le vent du Nord 
s'érant fait fentir de plus en plus dans l'endroit où je demeu- 
re , le nombre de ces poiflons eft diminué peu à peu ; de 
forte qu'au bout d'environ quinze jours j'ay ceflé d'en tirer 
de cette infufion. 


CEA PIERES ER X Ve 


Différtation fur la mamiere dont on apperçoit les objets qui 
A . 
Jont wûs au travers des Microfcopes , € des 
Lunettes d'approche. 


Es fentimens des Philofophes fe trouvant partagez fur 

la maniere dont nous appercevons les objets quand 
nous les regardons au travers des Microfcopes & des Lunet- 
tes d'approche; j’ay crû qu'étant muni d'un nombre fuffifant 
de ces machines , je pourrois par diverfes experiences par- 
venir à connoître aflez exaétement la’ matiere en contefta- 
tion, & donner par-là les moyens de décider en faveur des 
uns ou des autres. 

Pour nous conduire avec quelque ordre dans la recherche 
que nous voulons faire , il eft, ce me femble , néceflaire de 
bien faire comprendre de quoy il s’agit : pour cet effet, je 
diray premierement qu'en difcourant un jour avec M:° *** 
fur la differente maniere de voir les objets differemment po- 
fez dans les Microfcopes ; il remarquoit que dans ceux qui 
font montez d’une feule lentille d’un court foyer , l’objet 
étoit toujours placé entre la lumiere & l'œil; & que dans les 
autres Microfcopes montez de deux ou de trois verres , lob- 
jèt y évoit ordinairement fitué un peu au-delà , ou au-deffous 
de la lumiere qu'il recevoit pour être renvoyée à l'œil du 
Spectateur. | 
- Ces obfervatiogs étant fuppofces , nous convinmes encore 

m ij 


86 Des ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 

que les objets opaques étoient vûüs par refléxion dans les Mi- 
crofcopes à deux & à crois verres, en les y regardant de haut 
en bas. Mais on ne peut pas accorder à Monfieur *** que 
dans les Microfcopes à liqueurs on y apperçoive les objets 
tranfparens par les rayons de lumiere qui pañlent des pores 
de ces corps fur la retine, où faifanc dec impreflions ils 
gonnens occafon à l'ame de les appercevoir. 

I! faut avoüer que cette maniere d'expliquer lapparence 
des objets tranfparens , qui font vûs dans les Microfcopes à 
liqueurs, eft tres-fimple ; cependant il n’eft pas difficile d'en 
démontrer la fauflete , en prouvant que la lumiere agit dans 
ce dernier Microfcope de même que dans le premier ; c'eft- 
à-dire , qu'elle y fait encore voir les objets par refléxion ; 
mais d'une maniere un peu plus compolée : & que quand 
nous recevons des rayons qui viennent à nos yeux fans s'être 
refléchis , aprés avoir traverfé les pores des corps tranfpa- 
rens , & des rayons refléchis tout enfemble, le corps d'où ils 
Étoient partis nous en paroifloit à la verité plus clair , mais 
toujours avec moins de diftinétion qu'il n’auroit paru, fi nous 
n'euflions point receu de rayons , qui n'auroient fimplement 
fait que traverfer les pores des corps tranfparens. Et pour 
nc pas confondre les idées differentes que j’avois à l'occafion 
des mots de clair & de diftinét, je les définis en cette forte, 
afin d'éviter les conteftations qui pourroient naître , en les 
employant cy-aprés dans mes preuves , fans avoir pris cette 
précaution, 

Je dis donc qu'un objet paroït feulement clair, lorfqu'il 
envoye beaucoup de lumiere dans nos yeux. Qu'un objet pa- 
roît diftinét , lorfque tous fes points exterieurs envoyent une 
quantité fuffifante de rayons , qui s’aflemblent féparément 
en autant de divers points de la retine , qu'il y en a dans 
l'objet. 

Et qu'un objet paroït en même tems clair & diftinét , lors 
que chaque point de fa fuperficie refléchit dans l'œil le plus 
de rayons de lumiere qu'il eft poffible ; & que les rayons qui 
parsent de tous ces points de l'objet , fe réüniflent en autant 
de divers points de la retine qui leur répondent. 

Cela fuppofé , je paflay aux preuves & aux experiences 


ET AQUATIQUES. SECONDE Partie. Chap. XXXIV. 87 
Qui fuivent, en faifant premierement comprendre que les 
rayons de lumiere qui ont fimplement traverfe les pores des 
corps tranfparens , ne font pas ceux qui nous font apperce- 
voir ces corps ; puifque de rels rayons ne peuvent nous faire 
fentir que ce qu'ils rencontrent en leur chemin , & que ne 
rencontrant que la matiere fubtile contenuë dans ces pores, 
laquelle ne nous eft nullement fenfible , il s'enfuit qu'ils ne 
nous fçauroient faire appercevoir aucune partie de ces corps. 

2°. Quand par la fenêtre d'une chambre nous regardons 
les objets de dehors au travers d’une glace de miroir qui fert 
de vitre, nous ceflons de voir cette glace dés le moment que 
nous nous appliquons à bien confiderer ces objets , & nous 
les appercevons prefque aufli beaux & aufli diftinétemenc 
qu'ils nous paroîtroient fi cette glace n'étoit pas pofée en- 
tr'eux & nous ; d'où il fuit que la glace, fi elle eft bien net- 
te , ninterrompt que tres-foiblement les rayons de lumiere 
qui viennent des objets exterieurs ; puifqu'elle ne change 
rien dans l'apparence de ces objets, fi ce n'eit qu'elle les fait 
paroître en des lieux où ils ne font pas, & quelque peu plus 
bruns qu'ils ne paroîtroient , fans l'interpofition de certe 
vitre, 

3°. Si au lieu de porter notre attention au-delà de ce ver- 
fe , nous nous bornons uniquement à le confiderer ; il eft 
certain qu'en l'obfervant avec application , nous pourrons 
découvrir s’il a été bien adouci, s'il eft bien poli, s'il n'ya 
point de rayes, s'il ne s’y trouve ni bules d'air, ni points, 
ni ondes , &c. en un mot, nous y remarquerons jufques aux 
moindres particularitez fenfibles. 

I s’agit donc maintenant de fçavoir comment nous par- 
venons à la connoiffance de toutes ces chofes; fi c’eft par le 
moyen des rayons de lumiere qui nous viennent immédia- 
tement des objets de dehors ; ou fi ce font d’autres rayons 
de lumiere que la glace à reçüs du dedans de la chambre , & 
qu'elle nous renvoye enfuite , pour nous faire diftinguer cou- 
tes ces particularitez ; ou enfin fi c'eft tout enfemble de l’une 
& de l’autre maniere que nous les obfervons. 

1°, Ce n’eft pas par la lumiere immédiatement envoyée des 
objets extericurs que J'apperçois rout ce que je remarque , 
mu] 


88 Des ANIMAUX AERTENS, TERRESTRES 
puifqu’en les regardant attentivement, je cefle d'appercevoir 
la glace, & tout ce qu'elle contient. 

2°. Ce ne font point non plus les rayons de lumiere qui 
venant du Ciel, vers lequel je porte ma vûé, qui me la font 
appercevoir avec fes défauts de tranfparence , puifque je ne 
vois que le Ciel par cette façon de regarder. 

Il en faut donc premierement conclure , que J'apperçois 
cette glace par les feuls rayons de lumiere qu'elle a reçûs du 
dedans de la chambre , & qu’elle refléchit enfuite dans mes 
yeux , avec les modifications néceflaires pour me faire fentir 
tout ce que J y diftingue. 

D'ailleurs , fi pendant que je vois ainfi la glace par des 
rayons refléchis du dedans de la chambre , il arrive que j'en 
teçoive encore d’autres qui viennent immédiatement du 
Ciel ou de quelque autre objet, ces derniers rayons ne font 
qu'interrompre l'action des rayons refléchis, & m'empêchent 
d'obferver ce verre aufñli exactement que je le ferois. Et Je 
fuis d’ailleurs perfuadé , que s'il étoic poffible de tapifler d’un 
noir parfait toute la chambre où eft cette glace, on ne pour- 
roit voir du dedans de cette chambre , que les objets qui 
feroient au-delà, & non la glace: car fi vous arrêtez à l'ex- 
trémité d’un tuyau d'environ trois pouces de longueur , & 
d'un pouce de diametre , dont le dedans foic le plus noir 
qu'il eft poflible , un morceau de glace bien tranfparente , 
pendant que votre œil fera appliqué à l’autre extrémité du 
même tuyau, regardant par un trou qui occupe le centre de 
cette extrémité , & qui foit plus petit que l'ouverture de la 

prunelle ; en forte qu'aucun rayon, sil eft poñfible, ne puifle 
fe refléchir de l'interieur de ce tuyau ; vous ne diftinguerez 
rien de ce verre , & votre vûë fe terminera entierement à 
J'objet exterieur où vous la dirigez. 

Après ces obfervations , il ne fera pas difficile d'expliquer 
somiment nous voyons les objets par le moyen des Microf- 
copes à un ou à plufieurs verres , ni de prouver que tous 
les objets n'y font bien vûs , que par la feule lumiere ré- 
ficchie. 

1%, Quand au travers d’une feule lentille d'environ trois 
Egnes de foyer , montée dans le Microfcope , dont voicy le 


ET AQUATIQUES. SECONDE Parrse, Chap. XXXV. &o 
deflein , nous regardons de haut en bas de petits objets, 
comme des grains de fable répandus fur un corps noir, qui 
fert de portes-objets ; il eft indubitable que nous les apper- 
cevons par la lumiere que leur furface renvoye à l'œil ; & 
que s'il étroit pofhble d'empêcher que les rayons qui pour- 
roient les avoir penetrez, ne vinflent fe mêler fur la retine 
avec les*rayons refléchis dont je parle , nous en diftingue- 
tions incomparablement mieux cette fuperficie tournée de 
notre côté. Et comme ces objets regardez de cette même 
maniere avec un Microfcope à plufieurs verres , ne font 
point apperçüs autrement, on en doit conclure, qu'ils font 
toujours vûs dans de pareilles experiences , par des rayons 
refléchis; ainfi que nous les verrions de nos yeux nuds, & 
nullement par des rayons qui fe rompent ailleurs, que dans 
les verres de ces fortes d’inftrumens. 

Il refte maintenant à montrer que la même chofe arrive 
quand nous regardons des objets au travers des Microfcopes 
à liqueurs , tenus dans une direétion femblable à celle que 
nous donnons à une Lunette d'approche , pour obferver ce 
qui fe pañle dans le Ciel. 

Pour cet effet , il faut fe fouvenir de ce que nous avons 
dit touchant la glace de miroir appliquée à la fenêtre d’une 
chambre ; fçavoir , que nous ne l’appercevons point par les 
rayons qui nous viennent immédiatement des objets du de- 
hors, en la traverfant fimplement ; mais par ceux qui, ayant 
penetré les pores de ce verre , font retournez de la furtace 
interieure de la chambre fur les endroits folides de la glace, 
pour entrer dans nos yeux aprés une feconde refléxion; ainfi 
les objets ou les parties de ces objets ne font point apper- 
çûés dans ce Microfcope , par les rayons de lumiere qui 
viennent d’abord du dehors, paflant au travers des endroits 
tout tranfparens de ces corps ; mais par ceux qui ayant paflez 
par ces mêmes endroits , reviennent du fond du Microfco- 
pe sc'eit-à-dire , dela partie de la lentille , que l'ouverture 
du diaphragme laifle découverte fur leur furface tournée de 
notre côté , & s’en refléchiflenr enfuite jufqu'au fond de 
Fœil, où ils peignent l'image de ces objets, 

Tout cela fe peut encore confirmer par d'autres experien- 


Planche #. 
de ja pre 
micie Pat: 
tie, 


so DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 

ces ; en voicy une que le hazard me fit un jour naître , qui 
me femble tres-propre pour montrer que nous voyons les ob- 
jets dans le Microfcope à liqueurs par la feule réflexion de la 
lumiere. 

Un tres-petit corps opaque s'étant heureufement trouvé 
dans une goutte de liqueur placée au milieu du concave cu 
porte-objet de verre, fe fit voir d'une belle coulettr argenti- 
ne dans une aflez grande étenduë de fa furface tournée de 
mon côté ; & cette étendué ne pouvoit être vûé que par des 
rayons de lunuere refléchis , pendant que les endroits qui 
en étoient un peu éloignez me paroifloient tres - opaques ; 
parce que la rondeur de cet objet ne permerttoit pas que la 
lumiere refléchie de ces mêmes endroits ; vint vers mon 
œil. 

Le même hazard qui a fait trouver le corps opaque dont 
je viens de parler , pofé au milieu du concave ou porte-ob- 
jet, pourroit bien en faire trouver un autre dans te même 
lieu , dont les parties feroient fi defunies & fi interrompuës en 
fa furface , que les rayons de lumiere refléchis fur luy s’y ab- 
forberoient entierement ; d'où il s’enfuivroit que n’en reve- 
nant pas dans l'œil du Spcétateur , ce petit objet paroîtroit 
toujours opaque. Ou enfin ce corps opaque occupant trop 
d’efpace vis-à-vis de la lentille, & empêchant par-là l'entrée 
des rayons de lumiere, ilne pourroit être vü. 

Mais fi l'on veut faire réüflir cette experience , il n’y à 
qu'à prendre une lentille d'un foyer un peu long , comme 
d’un pouce , & donner au diaphragme , dont on doit la cou- 
vrir , une ouverture qui furpañle celle du diametre du corps 
que l'on veut obferver ; alors fi ce corps opaque eft propre à 
refléchir la lumiere qu'il aura recûë fur fa furface tournée 
vers nous , il ne manquera pas d'être vü. 

On m'objeétera peut-être qu'en faifant rencontrer le corps 
opaque vis-à-vis le milieu de la fâme d'une chandelle, on 
Fy voit fi noir , que l'on ne diftingue rien du tout en fa fuper- 
fcie ; ce qui ne devroit pas arriver. 

J'avoué que fi le corps opaque eft trop petit, par rapport 
À ja grofleur de la flâme de cette chandelle , il paroîtra noir, 
3 caufe que la grande quantité de rayons de lumiere , qui 

viendra 


ET AQUATIQUES. SEC. PART. Chap. XXXV. o1 
viendra dans l'œil, fera capable d'effacer l'impreffion des 
foibles rayons qu'il reçoit de l’objet que l’on veut voir. 

Pour preuve inconteftable de cette vérité , fi nous pre- 
nons un objet plus gros pour faire cette expérience , notre 
œil recevant alors moins de rayons direéts de :a flamme de 
cette chandelle , ce peu de rayons ne nous empêchera pas 
de voir ce corps ; & c’eit une des principales raifons qui doit 
nous obliger fouvent à diminuer l'ouverture des diaphragmes 
que nous mettons fur les lentilles des microfcopes & ailleurs. 

Une autre expérience qui prouve certainement que les ob- 
jets , comme les anguilles du vinaigre, font vüs par la feule 
réflexion de la lumiere , qui retourne du fond du microfcope 
fur eux-mêmes , c’eft que fi lon applique au côté plat du 
concave ou porte-objet , un diaphragme qui couvre même 
une partie du concave où font ces anguilles , on ne cefle pas 
pour cela de voir celles qui ne fe trouvent pas daus les rayons 
de lumiere qui traverfent le milieu du concave ; & même 
celles qui permettent par leur tranfparence le paffage de la 
lumiere , qui fouffre réfrattion en traverfant le centre du 
concave & les endroits voifins , ne paroïflent pas à beaucoup 
près fi diftinétes que celles qui ne reçoivent la lumiere que 
par réflexion ; & l’on eft même fouvent obligé de détourner 
quelque peu le microfcope , pour ne pas recevoir dans ce 
moment tant de rayons direëts qui nous empêchent de voir 
l’objet Le plus diftinétement qu'il eft poflibie, quoique ces 
rayOns le faflent paroître avec plus d'éclat. 

Et il faut remarquer qu’en vous fervant d’une lentille d’en- 
viron trois lignes de foyer, vous rendrez l'expérience dont 
je viens de parler , plus fenfible que fi vous vous ferviez d’u- 
ne lentille d’un foyer plus petit; à caufe que celle-ci faifant 
découvrir un moindre champ que l’autre, les objets un peu 
écartés du trou par où pañfe la lumiere , n’en pourroient pas 
être apperçüs. 

3°. Lorfqu’on obferve exaétement les plus groffes bulles 
d’air formées dans la goutte de vinaigre qui occupe la con- 
cavité du porte-objet, & que pour cet effet on fe fert de la 
flamme d'une bougie au lieu du jour, on apperçoit l'image 
en petit de cette flamme qui paroït fur la convexité de la 


Tome I, Partie IL, n 


e2 Des ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 
bulle d’air tournée vers nos yeux ; ce qui marque infaillible- 
ment que c’eft par réflexion que nous appercevons cette pe- 
tite image ;, comme nous la verrions par le réflexion de def- 
fus un miroir convexe de métal. pt 
. Tout au contraire on appercevra cette flamme plus grofle 
au-delà de cette bulle d’air qu'on ne la vûe en-decà , parce 
que la concavité du vinaigre qui touche immédiatément le 
derriere de la bulle d’air ,a la propriété de faire paroître plus 
groffe l'image de l’objet qui lui eft oppofé. ( 
4% Si lon met des grains de fable fur le verre concave du 
microfcope ouvert par les côtés pour donner paflage à la 
lumiere , & qu’on regarde ces objets de haut en-bas avec ce 
microfcope élevé à - plomb au -deflus d’un corps qui ren- 
voye à l’œil des rayons de lumiere au-travers de ce concaye, 
pendant que ces mêmes grains de fable en réfléchiflent 
aufli, on les verra avec moins de diftinétion qu’on ne feroit 
f:.on les regardoit en mettant à la place de ce corps un mor- 
ceau de drap noir aflez près du trou inférieur de ce même 
inftrument ; d’où il fuit que la lumiere rompue venant à l’œil 
immédiatement , après avoir fouflert. quelques réfrattions 
dans ce verre concave &' dans ces grains de fable , trouble 
Paétion des rayons réfléchis’, en caufant une fenfation con- 
fufe de ces objets ; de même que.tout ce qui eft peint dans 
un tableau bien éclairé , y eft vü avec moins de diftinétion 
& de beauté qu'il ne le feroit fi les objets qui l’environnent 
ne lui envoyoient pas par réflexion une partie de la lumiere 
qu'ils reçoivent. 
.… Enfin fi c’étoit la lumiere rompue , qui vient immédiate 
ment dans l'œil du Speétateur après avoir traverfé les objets 
tranfparens , qui nous lesfit voir diftinétement , il s’enfuivroit 
que plus l'œil recevroit de rayons rompus , plus il décou- 
viiroit de parties diftinétes dans l’objet ; & c’eft précifément. 
tout le contraire de ce qui arrive , puifqu’à mefure que l’on 
augmente l'ouverture abjeétive du microfcope , pour don- 
ner paflage à plus de rayons de lumiere qui entrent immés. 
diatement dans l'œil après avoir été rompus , plus l’objet. 
paroït confus. : fs 
. On objeéte que pour voir fi un verre de lunette eft bien. 


ti 


Vi 


ET AQUATIQUES. SEC. PART, Chap. XXXV. 03 


adouci, ou s’il eft bien poli, on le regarde en le plaçant en- 
tre la lumiere & l'œil , & qu’ainfi nous en jugeons mieux 
qu’en le regardant de toute autre mamiere ; d'où l’on veut 
conclurre que nous voyons les défauts d’adoucifflement de ce 
verre par la feule lumiere rompue qui vient immédiatement 
dans nos yeux , après l'avoir traverfé. 

Cette conféquence me paroit tirée avec un peu trop de 

précipitation , & fans avoir examiné les circenftances qui 
accompagnent l'expérience dont il s’agit , puifque bien loin 
de faire contre nous , elle va nous fervir d’un nouveau moyen 
pour combattre l'opinion en faveur de laquelle on lapporte, 
en faifant comprendre qu'il n’eft pas toujours vrai de dire 
que pour voir fi un verre de lunette eft aflez adouci & aflez 
poli , on le place entre la lumiere & l'œil, puifque ceux qui 
taillent ces verres n’ont pas befoin de les démaitiquer pour 
connoître s'ils ont l’adoucifflement & le poliment requis ; ils 
ne font pour cela que regarder ce verre en tournant le dos 
à la lumiere , pendant qu'ils la font recevoir au verre qui eff 
attaché à la molette. 
. On reconnoit même encore aflez bien fi un verre de lu- 
nette a les perfeétions qu’il doit avoir du côté du travail, 
lorfqu'il eft détaché de deffus la molette , en le regardant 
appliqué fur un morceau de drap noir , pendant qu'il reçoit 
la lumiere prefqu’à-plomb , & qu’elle revient de même dans 
nos yeux, ayant le dos tourné à la lumiere du jour , afin de 
n’en recevoir par réflexion que de la furface du verre qu’on 
examine , en le remuant doucement pendant qu’on le tient 
ainfi en expérience. 

Il nous refte enfin à prouver qu’en mettant le verre entre 
la lumiere & l’œil , pour le regarder comme on le propofe , 
nous le voyons encore par réflexion ; car pendant que nous 
l’obfervons dans cette fituation , une partie des rayons de 
lumiere qui l'ont traverfé , lui eft renvoyée par les objets 
qui font en-deçà , & d’où lui viennent en même temps d’au- 
tres rayons ; enforte que ceux-ci & ceux-là retournent de ce 
verre à nos yeux, par une feconde réflexion: É 

De plus, il faut remarquer que fi dans cette expérience 
nous tournons le verre que nous voulons obferver exaéte- 

ni 


94. DES ANIMAUX AERIENS , TERRESTRES 


ment , vis-à-vis le bois d’une croifée de fenêtre , afin de rece- 
voir moins de lumiere, qui fe rompt en traverfant ce verre ; 
nous le verrons certainement avec plus de diftinétion que 
nous ne ferions fans cette précaution. 

Enfin les objets que nous appercevons par le moyen des 
lunettes d'approche, ne fe voyent aufli que par la lumiere 
qu'ils réfléchiflent à nos yeux ; & routes les réfraétions que 
les rayons fouffrent en traverfant les verres de ces inftru- 
mens , ne fervent qu’à nous augmenter l'apparence de l’ob- 
jet, à nous le faire paroïître plus proche , plus gros &c plus 
diftinét, mais moins clair qu'il ne paroïtroit aux yeux nuds, 
& fans le fecours des lunettes. : 

Nous pouvons donc maintenant conclurre que tous les 
objets apperçüs , foit par les microfcopes en général , foit 
par les télefcopes , ne font vüs bien diftinétement que par 
les {culs rayons réfléchis. 

S'il arrivoit , Monfieur , qu'après avoir examiné cette pe- 
tite Diflertation vous ne fuiliez pas de mon fentiment , je 
vous prie de me faire la grace de mettre par écrit ce que 
vous y aurez trouvé de défeétueux , tant dans mes raifonne- 
mens que dans les expériences dont je les ai accompagnés, 
afin que j’eflaye fi je pourrai parvenir à rendre plus claire & 
plus intelligible la matiere en conteftation. 

Vous aurez aufli la bonté de nous faire comprendre , 1°. 
comment , en fuivant votre hypothefe , nous voyons les 
grains de fable pofés fur le porte-objet du microfcope à li- 
queur , femblable à celui qui eft repréfenté en la figure , PI. 
7. ci-après , Tome 2. lorfque nous les regardons de haut en- 
bas. | 

2°, Comment nous appercevons les mêmes grains de fable 
par ce même microfcope , en lui donnant une fituation ho- 
rifontale. 

3°. Pourquoi nous les voyons mieux dans l’une de ces fi- 
tuations que dans l’autre. 

4°. Et pourquoi encore ces mêmes grains de fable paroif 
fent plus bruns étant vûs dans la direétion horifontale du 
microfcope , que dans fa verticale. . 

ÿ”. Pourquoi il faut moins donner d'ouverture aux dia- 


ET AQUATIQUES. SEC. PART. Chap. XXXV. 0 
hragmes des lentilles d’un court foyer, qu’à ceux des len- 
tilles dont le foyer eft plus éloigné du verre. 

6°. Pourquoi les plus petits animaux vifibles des liqueurs , 
& les plus petits atomes qu'on y découvre, font mieux 
apperçüs lorfqu'ils font hors du rayon principal, que lorf- 
qu'ils font dans ce même rayon, ou tout proche. 

7°. Et pourquoi il y en a de fi petits , qu’il n’eft pas pofi- 
ble de les appercevoir dans la lumiere qui les traverfe direc- 
tement en paflant par l'axe de Ja vifion, ou auprès ; & qu'ils 

font vüs dans l'ombre , ou hors le cône des rayons qui paf: 
fent par toute l’ouverture objeétive du microfcope. 

8°. Pourquoi nous n’appercevons pas le concave où porte: 
objet de verre, que l’on fuppofe être des plus parfaits, avec 
autant de diftinétion que nous appercevons les anguilles du 
vinaigre, par exemple, qui font fur cette concavité , puifque 
ce concave eft plus tranfparent que ces mêmes anguilles. 

9°. Pourquoi certains corps opaques font-ils vüs dans le 
microfcope à liqueur, en les y regardant comme on regar- 
de dans une lunette d'approche , quoiqu'il ne pañle aucun 
rayon de lumiere au-travers de ce corps. 

Vous verrez; Monfieur ; qu'il #’y a aucun phénomene 
contenu dans les difficultés que j'ai l'honneur de vous pro- 
pofer ici, qui n'ait été réfolu ci-devant , ou qui ne le puifle 
être facilement par l’hypothefe de la double réflexion des 
rayons de lumiere ; & que de plus il n’eft pas néceffaire d’a- 
voir recours aux réfraétions que la lumiere fouffre en les tra- 
verfant , fi ce n’eft après qu'ils font réfléchis ; & enfin que 
ces réfraétions font très-nuifibles en un fens, puifque les 
rayons ainfi rompus ,; & reçus dans l'œil immédiatement 
après, nous empêchent de voir les corps avec la même net- 
teté & la même diftinétion quenous les verrions fans cela, 


LS 


= 
e 


Planche 13. 


CHAPITRE XXXVI. 


. Nouvelles découvertes d’ Animaux trouvés dans une infufion 
d’amadou. 


| Cr petit infeéte repréfenté en la figure D & EF de la 
Planche 13. eft tout couvert d’une nymphe ou peau 
écailleufe , que j'ai fouvent obfervé naître dans de l’eau de 
pluie *, comme aufli d’étang & de riviere. Je lai nommé 
Malezieu, parce que M. de Malezieu , de l’Académie Royale 
des Sciences , eft le premier qui l'ait vü. Quelques -uns 
croyent qu'il tire fon origine de l'eau de pluie, dans laquelle, 
fi elle eft expofée quelque temps à l'air, on ne manque pas 
pendant tout l'été d'en trouver une grande quantité d’une 
vivacité extrème. 

Cet infeéte elt tout-à-fait différent, quant à la forme, de 
tous ceux que j'ai vüs , & dont le mouvement ef très - fur- 
prenant : il a une fort groffe tête, à proportion de tout le 
refte de fon corps : il a en plufeurs endroits du corps , des 
houpes de poil placées comme on les voit dans cette figure : 
il a deux cornes qui paroiffent femblables à celles d’un bœuf 
tournées en-dedans , &, comme je crois, creufes, avec des 
houpes de poil auffi aux bouts ; il les remuoit avec facilité 
&t en tous fens : peut-être que ce font fes narines. La bouche 
eft large, & femble être faite comme celle d’un crabbe ou 
gamare , & par laquelle je les ai vûs fouvent fe nourrir 

‘eau, ou de quelque matiere nutritive contenue en icelle. 
. Jappercevois fort diftinétement au-travers de fa mem- 
brane ou peau tranfparente , l'animal étant vivant, plufeurs 
mouvemens divers dans la tête, dans l’eftomac & dans le 
ventre , defquels je pourrai peut-être traiter plus amplement 
ailleurs , pour montrer la grande utilité des microfcopes pour 
découvrir la maniere d'opérer de la Nature dans les corps 
des animaux , lorfqu’elle agit dans toute fa force & libre- 


* Par des obfervations poftérieures on a reconnu que ce petit infecte n’eft 
autre chofe que le coufin dans fon état de ver, qui eft très-commun par-tout. 


ET AQUATIQUES. SEC. PART. Chap. XXXVI. 097 


ment ; au lieu que quand nous travaillons pour découvrir 
ce qu’elle a de plus caché , en la forçant par la difle£tion de 
quelqu’animal encore en vie : nous voyons à la vérité que la 
Nature opere encore , mais elle eft troublée par la violence 
qu’on lui fait. 

La forme de ce poiflon paroït très-diftinéte par le deffein 
qui eff ici repréfenté , la partie poftérieure étant compofée 
de huit articles différens , qui font marqués des léttres a, b, 
c,d,e,f,g,h, figure Ë. Du milieu de chaque article, & 
à chaque côté, fortoient trois ou quatre poils marqués z, 1, £, 
la queue féparée en deux parties de différentes façons, l’une 
defquelles eft marquée 3, armée de poils, qui paroît fer- 
vir de queue & de nageoires, pour faciliter &' régler les 
mouvemens très-vifs de l'animal. L'autre partie 2 m'a paru 
être comme le neuvieme article du corps, armée pareille- 
ment de poils ; au bas de laquelle partie, marqué z,il ya 
une efpece de boyau marqué #7, m, m, d’une couleur plus 
obfcure, qui pafle par toute la longueur du corps de Fani- 
mal , dans lequel on remarquoit une efpece de matiere noire 
qui montoit & defcendoit par des mouvemens périftalriques 
depuis la partie orbiculaire 7, qui me paroïfloit être fon efto- 
mac, jufqu’au bout z, & de-là remontoit encore en-haut ; 
lequel mouvement périftaltique j'ai pareïllement obfervé 
dans un pou , dans un moucheron, & dans plufieurs autres 
mouches dont les corps étoient tranfparens. 

La poitrine marquée o, 0, 0, 0, étoit épaifle, courte & 
tranfparente ; de façon que je voyois le cœur blanc, qui eft 
aufh la couleur du fang de cet animal, comme elle left de la 
plüpart des infeétes qui nagent dans l’eau. Ce cœur avoit fes 
mouvemens de fiftole & de diaftole , comme l'ont un grand 
nombre d’autres animaux. On y remarquoit encore plufieurs 
houpes de poils en forme de petites aigrettes marquées p, p, 
&c. il s’en voit de femblables fur fa tête, qui fe remarquent 
aux endroits marqués s, 5, 5. 

Cette rête eft large & courte, munie de deux gros yeux 
noirs, marqués 7, 7°, qui ne m'ont pas paru de differentes 
couleurs, comme cela eft arrivé dans la fuite ; & de deux 
petites cornes À , À , dont j'ai déjà parlé, 


98 Des ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 


Son mouvement & fon repos fort fort particuliers & fort, 
divertiflans à voir. Îls font très-différens de ceux que jai 
obfervés dans beaucoup d’autres animaux ; car quand il ne 
remue plus fon corps , la queue qui paroït la plus légere, & 
même que l’eau dans laquelle il nage , le fait monter dans 
l'inftant à la furface de l'eau dans laquelle il nage , où il fe 
voit fufpendu la tête en-bas. Si par quelque vivacité il arrive 
qu'il defcende plus bas que cette fuperfcie , il y remonte 
bientôt après, jufqu’à ce qu'il ait la queue au-deffus de cette 
furface. | 

La pofture pendante de cet infeéte me fait fouvenir d’un 
certain animal que j'ai vû ici à Londres, qu’on avoit apporté 
de l'Amérique, qui fe tenoit aufhi fufpendu par la queue la 
tête en-bas; & on difoit qu'il avoit coûtume de dormir en 
cette polture , avec fes petits dans un faux- ventre ou ma- 
trice que la Nature lui avoit formé pour la produétion , la 
nutrition & préfervation de fes petits, dont on trouve la 
defcription dans le Livre V. chap. 24. de l’Hiftoire naturelle 
du Bréfil, par Pifo. | 

Le mouvement de cet infecte fe faifoit la queue en-devant ; 
trainant fon corps à reculons, par le mouvement çà & là de 
cette houpe qui fort d’une partie de fa queue. Il avoit aufii 
un autre mouvement qui avoit plus de rapport à celui de 
quelques autres animaux , car il alloit la tête en-devant ; & 
par le mouvement de fa bouche il avoit la facilité de def- 
cendre doucement vers le fond du vaiffeau où il étoit, fe 
faifant un chemin en mangeant , pour ainfi dire , l’eau. Mais 
ce qui étoit plus digne d’être obfervé touchant cet infeëte, 
étoit {on changement ou métamorphofe ; car en ayant gardé 
plufeurs dans une phiole d’eau de pluie , dans laquelle ils 
avoient été produits , j'ai trouvé , après les avoir gardés en- 
viron quinze jours ou trois femaines, que plufieurs s’envo- 
loient en moucherons , laïffant leurs peaux derriere eux dans 
l’eau , nageant au-deflus de la furface , dans le même endroit 
où ils avoient coûtume de faire leur réfidence quand ils vi- 
voient encore dans l’eau, Ceci me les a fait obferver encore 
avec plus de circonfpeétion, pour voir fi je ne pourrois pas 
les trouver dans le moment de leur changement ; & peu de 

temps 


ET AQUATIQUES. SECT. PART. Chap. XXXVI. 09 
temps après j'en obfervai plufieurs changés dans une forme 
extraordinaire , & tout-à-fait différente de ce qu'ils étoient 
auparavant ; leur corps & leur tête étant devenus beaucoup 
plus gros & plus profonds , fans être plus larges , & leur 
ventre ou partie poitérieure plus menue, & entourée, pour 
ainfidire , au tour de ce gros corps , à-peu-près de la maniere 
qu’on l'a repréfentée dans les figures 7, 4, L, de la Planche 
13. La tête & les cornes nageoïent alors en-haut , & toute 
la mafle de l'animal me paroifloit être devenue beaucoup 
plus légere ; car après lui avoir fait peur , il s’enfonçoit au- 
deflous de la furface vers le fond, en pouffant ou allongeant 
promptement fa queue , de forte que le corps remontoit 
avec plus de vitefle qu'il ne faifoit lorfqu’il étoit dans fa pre- 
miere forme. 

Fobfervois de plus fon progrès de temps en temps, & je 
trouvois que fon corps augmentoit toujours ; la Nature le 
préparant ainfi pour un élement plus léger . & dont il alloit 
devenir habitant : car en l’obfervant avec le microfcope, je 
voyois {es yeux tout-à-fait différens de ce qu'ils paroïfloient 
auparavant , y remarquant plufeurs petites bofles ou émi- 
nences rondes , femblables à-peu-près aux yeux d’une four- 
mi. Enfin je voyois une partie de cet infeéte nager au-deflus 
de la furface de l’eau , & une autre au-deflous ; & quoiqu’en 
lui faifant peur il fe plongeât entierement , néantmoins il 
remontoit tout aufli- tôt , fe remettant dans fa premiere fi- 
tuation : & après avoir attendu encore quelque temps , je 
voyoisque la tête & le corps d’un moncheron commencçoient 
à paroître & à fe montrer tout-à-fait au-deflus de la furface 
de l'eau, & petit - à- petit fes pattes font forties de fa nym- 
phe; premierement les deux de devant , puis après les au- 
tres , & enfin le corps tout entier hors de fa nymphe qu'il 
laifloit dans l’eau , demeurant fur fes pattes & fur la furface 
de l’eau; & petit-à-petit il commençoit à remuer, & en- 
fuite on voyoit dans la phiole un moucheron parfait. 

Si je fuis defcendu dans un grand détail par rapport à la 
tranfmutation de plufieurs de ces petits animaux que j’ai ob-. 
fervés , c’eft parce que je n’ai encore trouvé perfonne qui 
Pait fait ; & parce que la chofe eft fi furprenante & fi diffé- 

Torne IL. Parr, IL o 


Planche 13. 


100 DES ANIMAUX AERIENS , TERRESTRES 


rente de la produétion ordinaire des autres animaux, que je 
l'ai jugée non-feulement devoir être agréable au Lecteur , 
mais même utile & néceflaire pour perfeétionner l'Hiftoire 
naturelle des Animaux. 

Touchant la génération & la produétion de ces infeëtes , 
il peut arriver ou que les moucherons ayent laiflé tomber 
leurs œufs.immédiatement dans l’eau , ou peut-être d’abord 
dans l'air ; & que le vent & le mouvement continuel de cet 
air les auroit fait voler çà & là, & retenus dans l'air pen- 
ue quelque temps , & à la fin la pluie les aura fait def- 
cendre. | 


ECM a — 1 


CHAPITRE XX XNIHTE 
D'un Poiffon nomme Coquille ox Cyclope , qui s’eft vi 


dans la premiere infufion d’amadou. 


N AYANT encore rien vû dans la Nature qui m'ait paru 


avoir quelque rapport de reflemblance avec les poif- 
{ons dont j'ai parlé dans le chapitre précédent , j’ai été porté 
à les nommer Malefeux , du nom de celui qui les a peut- 
être le premier apperçüs en France ; & je nommerai coquilles 


ou cyclopes , les feconds poiflons , que je ne commençai à: 


voir qu'environ quinze jours après qu'on m'eut fait préfent 
de la phiole où étoit l’infufñion d’amadou *. 
Le nom de coquille ng leur convient pas mal , parce que 


quand leurs queues environnent leurs têtes , ce qui leur eft 


aflez ordinaire , ils en ont à-peu-près la figure, & même la 
couleur. On peut auffli les nommer cyclopes , parce qu'ils pa- 
roiflent n’avoir qu'un œil, tellement enfoncé dans leur tête, 
qui eft tranfparente en cet endroit-là , que cet œil peut en 
apparence voir à droite & à gauche , comme s'ils en avoient 
deux. 

La groffeur naturelle de l’un de ces poiflons regardé des 
yeux nuds , approche aflez de celle d’un très-petit grain de 


* Cet animal eft encore le coufin ; mais dans un état différent de celui où l'Au- 
teur l'a examiné au chapitre précédent : ici il eft en nymphe. 


ET AQUATIQUES. SECT. PART. Chap. XXXVII. 101 


smillet ; mais en l’obfervaut avec une loupe d'environ un 
pouce de foyer , il nous a paru ainfi qu’il eft repréfenté fous 
les lettres F,G : & lorfque nous l'avons confidéré avec une 
lentille d'environ cinq lignes de foyer , nous l'avons vû fuc- 
ceflivement fous les différentes formes & grandeurs appa- 
rentes qu'il a été repréfenté au-deflous des lettres 47, /, L. 
Sa tête, fon col & fa poitrine fe trouvent tellement ramaf- 
{és , que ces trois chofes ne paroiflent compofer qu’une feule 
mafñle de matiere, fur laquelle on ne voit qu’un œil aflez gros 
& noir ,environné de quelques petits poils inégalement dif- 
tribués fur les bords de fes paupieres , qui paroiflent immo- 
biles. 

On remarque encore deux efpeces d'oreilles longues , 
rondes , & creufes comme de petits tuyaux courbés en arcs: 
tout le refte de fon corps fe voit compofé de fix ou fept pie- 
ces en forme d’anneaux articulés , qui vont en diminuant de 
grofleur , ornés de plufieurs petites aigrettes formées de poils. 

On voit encore fortir du dernier de ces anneaux deux efpe- 
ces de plumes bien tranfparentes , qui fervent de nageoires 
à ce poiflon, qui eft repréfenté de côté en À, vü par der- 
riere ou des trois quarts en Z , & en forme de coquille au- 
deflous de la lettre Z. 

Nous ne dirons rien des parties contenues fous la fuperf- 
cie de la nymphe écailleufe ou membraneufe de ce poiflon, 
parce qu'il nous a toujours paru tellement ramafñlé , que la 
lumiere ne les pouvant pénétrer , elle n’en pouvoit peindre 
les images dans nos yeux. | 

Les Malezieux , dont j'ai parlé ci-devant , ayant quitté 
leur peau, fe font admirer fous la forme de cet infeéte , qui 
ne differe pas tant du premier , que ce fecond differe du troi- 
fieme dont on va parler ; car en examinant de près ce cyclo- 
pe , on le voit nager la tête en- haut, pourremonter du fond 
de la caraffe vers la furface de l’eau , en pouffant fa queue 
avec vitefle vers le bas de l’eau , pour faire monter fa tête 
en-haut. 

En obfervant fon progrès de temps en temps , on s’apper- 
cevoit que le volume de fon corps s’'augmentoit de plus en 
plus , la Nature le préparant ainf pour luifaciliter lesmoyens 

oi 


# 
102 Des ANIMAUX AERIENS , TERRESTRES 


d’aller vivre dans un élement beaucoup plus léger , & dont 
il alloit devenir l'habitant ; car en l’obfervant avec le mi- 
crofcope à deux verres , on voyoit nager une partie de fon 
corps au-deflus de la furface de l'eau , & une autre au def 
{ous : & quoiqu’en lui faifant peur il s’enfonçât dans l’eau , on 
J’'appercevoit bientôt remonter avec beaucoup plus de viteffe 
qu'il ne faifoit lorfqu’il éroit dans fa premiere forme. 

Enfin en continuant de l’obferver , on fut tout étonné de 
voir la tête & le corps d’une petite mouche qui commença 
à s'élever petit-à-petit au - deflus de la furface de l’eau , en 
s’y dégageant de fa nymphe ; poufflant fes pattes de devant 
au-dehors de cette peau , enfuite celle de derriere , & enfin 
fon corps entier , fe difpofant petit-à-petit à prendre l’eflor 
& s'envoler en Pair. 

On me demandera peut-être comment il eft pofñble que 
cette mouche qui a commencé à vivre dans l’eau , étant en- 
veloppée de deux nymphes dont elle a fü fe débarafler , peut 
après cela continuer à vivre dans l'air. 

Pour répondre à cette demande , il n’y a qu’à faire réfle- 
xion qu'il y a des animaux qui n’ont befoin que de peu de 
nourriture pour vivre , & d'autres aufquels il en faut beau- 
coup ; que ceux dont l’eftomac digere facilement & en peu 
d'heures, ont befoin de beaucoup d’alimens pour les foûte- 
nir , comme l’homme , le cheval, &c. tout au contraire ceux 
dont l’eftomac digere difficilement en employant beaucoup 
de temps , comme les marmottes, les viperes , &c. n’en ont 
befoin que de peu. 

Nous tirâmes un jour une vipere hors d’une groffe & large 
bouteille , où elle repofoit fur un lit de fable depuis environ 
fix mois , fans avoir ufé d'aucune nourriture apparente du- 
rant tout ce temps-là : on la préfenta à la tête d’un chien 
qu’on avoit lié fur une planche pour le difféquer , elle le 
mordit à une oreille ; un moment après ce chien tomba dans 
une fi grande convulfion, qu'il en mourut en un inftant. On 
louvrit, & l’on trouva fon fang déjà figé dans les vaiffeaux 
fanguins. Je fuis perfuadé qu’elle auroit encore vécu quel- 
ques mois fans prendre d’autre nourriture. | 

Îl y a un grand nombre d'autres animaux qui vivent long: 


ET AQUATIQUES. SEC. PART. Chap. XXXVIL 103 


temps dans l'air , fans leur donner que peu ou point de nour- 
riture. Une araignée que j'avois enfermée dans un microfco- 
pe à canon de verre, que j'ai nommé tombeau | y a vécu 
plus de quatre mois , fans y avoir pris d’autres alimens que 
le fang de deux mouches ordinaires que je lui jettai en deux 
différentes fois , & qu’elle piqua à la gorge après s’en être 
faifie, pour en fuccer le fang feulement , car elle ne les man- 
gea pas. | | 

Enfin ayant appliqué plufieurs mites d’un ferin de Canarie 
fur le porte-objet d’un microfcope à liqueur, & les y ayant 
colées avec un peu d’eau gommée , pour les y faire tenir, 
je m’apperçus qu’au bout d'environ trois moisil s’y en trouva 
encore quelques-unes en vie, quoique colées fur le dos. 
Ces expériences, & un grand nombre d’autres que je pour- 
rois rapporter ici, s'il étoit néceffaire , prouvent qu’il y a 
dans l'air, comme dans l’eau , des parties nutritives qui fet- 
vent d’alimens à ces animaux ; ainfi les moucherons fortis 
des nymphes qui enveloppoient les Malcfieux & les cyclo- 
pes, pouvoient y vivre aufh. 

Le dernier poiflon que j'ai vû dans la phiole où étoient les 
Malefieux & les cyclopes , eft repréfenté fous la lettre » ; 
fa figure nous a paru femblable à celle d’une poire de bon- 
chrétien , couverte d’une infinité de petits poils : fa tête 
étoit couronnée d’un bandeau, dont la largeur étoit termi- 
née d’un côté par quelques petits ornemens , & l’on apper- 

cevoit fortir de fon front plufeurs gros poils longs & tranf- 

parens. Cet animal qui eft repréfenté vû par le dos, n’eft 
point tranfparent : on voit à gauche de longues pattes mu- 
nies de poils qui lui fervent de nageoires. 


CHAPITRE XXXVIIL 


Seconde infufion d’amadou, 


E 18 Août de l’année 1718, je préparai une infufion de 
grofle amadou ; environ 24 heures après j'y apper- 
çus quelques petits animaux , dont le contour ne me paroi: 


anche 13. 


104 D£Es ANIMAUX AERIENS » TERRESTRES 

{oit pas bien terminé : peu de jours après j’y vis des corne= 
mufes blanches & tranfparentes. Le 12 Septembre il s’y 
trouva un grand nombre de poiflons , que j'ai nommés enfans 
en maillots, qui moururent huit jours après leur naïflance ; 
en la place defquels il fuccéda beaucoup de chenilles aqua- 
tiques : il y vint auf des cloportes & des fphéroiïdes , fans 


aucun mouvement fenfble. 


Cette infufñon , qui étoit encore en expérience le 28 No= 
vembre de la même année 1718 , ne fit rien voir de plus. 

Cette expérience fait voir qu’une feconde infufion de mé- 
me nature que la premiere , n’aide pas toüjours à produire 
les mêmes chofes : la raifon en paroîtra évidente à ceux qui 
fe feront donnés la peine de lire le chapitre 18 de cette {e- 
conde partie, qui eft au fol. 44. 


CHAPITRE XXXIX. 


D'une nouvelle Poule hupée, vie dans une infufion de bois 
| de chêne flotté. 


N Ous avons repréfenté un poiffon avec des ailes, dans 
| dans la feconde Planche de la deuxieme partie de ce 
Livre, que nous avons nommé Poule hupée. En voici une 
autre que je nomme du même nom, qui na point d'ailes ; 
on la voit repréfentée fous la lettre N. La premiere n’avoit 
point de corps qui fût vifible ; celle-ci en a un fort gros, qui 
fe termine en pointe aflez longue , & fi mobile , qu’elle fert 
de gouvernail à ce poiflon pour le diriger durant fon nager, 
qui m'a paru aflez élégant. 


CHAPITRE XL. 
Des Poiffons nommés Deftouches. 
M° NSIEUR Camus Deftouches ayant eu la bonté de 


m'envoyer d’une eau tirée de fon puits , après avoir 
été mife dans un réfervoir de pierre, & expofée à un air 


ET AQUATIQUES. SEC. Part. Chap. XL. 105 


libre durant plufieurs jours, je l’examinai avec beaucoup de 
plaifir, & j’eus la fatisfaétion d'y appercevoir plufieurs ani- 
maux marchans, rampans & nageans , qui m'ont paru aflez 
finguliers pour mériter d'être repréfentés dans cette Planche. 
Je nommerai grain de mille: celui qui a été repréfenté au- 
deflous de la lettre O , parce qu’il en a à-peu-près la figure 
& la couleur. Il paroït aux yeux nuds environ de la ou 
d’une très - petite épingle : je lai trouvé nageant de côté 
parmi de petits vers rouges , dont je dois parler ci-après. 
Lorfqu'on l’obferve avec une lentille d'environ cinq lignes 
de foyer, & qu’on l’expofe à la lumiere du jour, de maniere 
qu’elle revienne à l'œil par une fimple réflexion , on s’apper- 
çoit que l'animal eft enfermé comme dans une double co- 
quille, comme les moules ; qu'il a la liberté d'ouvrir & de 
refermer , de même que l’on ouvre une tabatiere à charniere ; 
& qu’il poufle de temps en temps de longues pattes au -de- 
hors, qui fervent à le faire mouvoir fur le côté feulement, 
ne l'ayant jamais vû pofé fur fon ventre, qui eft un peu cour- 
be-concave ; ni fur fon dos, qui eft courbe-convexe. 
Cette convexité paroiît polie & un peu luifante ; elle eft 
d’un jaune-pâle , & munie de quelques petits poils aflez 
éloignés les uns des autres. Cette efpece de furtout n'étant 
pas tranfparent , il ne m’a pas été pofhble de pouvoir décou- 
vrir la forme particuliere du poiflon ; qu’il cache de toutes 
parts. Son nager n’eft pas élégant ; il ne tourne & n'avance 
que par les diverfes fecoufles de fes pattes, qui font munies 


de très-longs poils tranfparens , & aflez gros du côté de 
leurs racines. 


CHAPITRE XLI. 


Des Poux aqUAtIQUES « 


N découvre dans l’eau commune qui fe donne de 
temps en temps aux tétarts pour leur fervir de nour- 
riture , pluñeurs fortes d'animaux, parmi lefquels il s’en trou- 


ve quelques-uns d’affez finguliers pour mériter que l’on en 
fafle l'hiftoire anatomique, 


Planche 13° 


Planche 13. 


106 DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 


Celui dont je vais parler eft de ce nombre. Sa groffeur 
naturelle & ordinaire approche aflez de celle d’un ciron; 
mais étant mis fur le porte-objet d’un microfcope à liqueur , 
monté de plufeurs lentilles de différens foyers , qui s’y pla- 
cent l’un après l’autre , on l’apperçoit à-peu-près tel qu'il eft 
vû au-deflous des lettres P, Q , À; & parce que fa figure 
approche quelque peu d’un des animaux domeftiques qui 
nous incommodent quelquefois , je lui donnerai le nom de 
pou aquatique *, en attendant que quelque Naturalifte mieux 
inftruit que je ne le fuis des différens êtres de la Nature, lui 
en donne un autre qui lui convienne mieux. 

Si l’on confidere ce pou couché fur le dos & tout étendu ; 
ainf qu'il fe voit en À, on apperçoit que fa tête eft couron- 
née de plufeurs petits globules blancs & tranfparens , qui 
paroiflent comme autant de petits animaux qui s’attachent 
à fon corps pour le dévorer. J'ai reconnu depuis , que ces 
animaux refflemblent fort aux enronnoirs qui {fe rencontrent 
dans les infufions de paille &c d’épis de blé , quoique plus 
petits; & qu’au milieu il y a un petit corps noir & mobile 
en lui-même , environné en partie de plufeurs globules tranf- 
parens, qui femblent être attachés fur une partie de fa cir- 
conférence , tandis que l’autre partie {e voit environnée de 
plufieurs petits filets noirs qui le font mouvoir tour-à-tour 
de différens fens. 

Comme ces animaux préfentent toüjours cette tache noire 
aux yeux des fpeétateurs , il y a lieu de croire que c’eft l'œil 
de ce poiffon ; & parce qu'il eft tout feul, on peut nommer 
cet infeéte fecond cyclope, pour le diftinguer du précédent. 

On voit en celui qui eft marqué R , deux longs bras com- 
pofés de plufieurs articles très-mobiles , qui font munis de 
gros & de petits poils blancs & tranfparens ; & l’on apper- 
çoit encore que ces bras ainf conftruits , fervent de nageoires 
à ce poiflon. Prefque toute la largeur de ce petit animal pa- 
roit divifée en deux parties égales par une bande un peu lar- 
ge, fous laquelle & à la faveur de fa tranfparence, on dé- 
couvre vers le haut un petit corps que j'ai pris pour fes pou- 

* Selon la defcription de l'Auteur, je crois que c’eff l’infee que Swammer- 


dam appelle pulex aquaticus arborefcens , puceron d'eau branchu. 
mons , 


ET AQUATIQUES, SEC. ParT. Chap: XLI 107 
mons , à caufe de deux mouvemens égaux & réglés qu’on y: 
peut obferver très-diftinétement. | 

À droite & à gauche de la bande dont je viens de parler , 
j'ai vû deux corps longs, de figure femblable à deux portions 
de cercle aflez égales entrelles , qui fe meuvent enfemble 
de haut en - bas & de bas en-haut , fans que j’aye pù d’abord 
juger ce que ces corps pouvoient être ; mais en Continuant 
de les obferver , j'ai remarqué que l’animal avoit aflemblé 
trois jambes d'une part, & trois d’une autre part , garnies 
de longs poils ; s’allongeant toutes enfemble , & fe raccour- 
ciflant de même ; continuant ainfi ces divers mouvemens, 
jufqu’à ce que la liqueur dans laquelle il étoit , fût entiere- 
ment defléchée. 

Nous avons aufli remarqué dans un autre poiflon de même 
genre, mais d’une efpece affez différente du précédent , que 
l'office de fes jambes étoit de fervir à le tranfporrer d’un lieu 
en un autre, non en marchant, mais en nageant. 

On voit le long de fon corps une efpece de boyau courbé 
du côté de fa tête, dans lequel on apperçoit une matiere en 
mouvement , qui va & vient en ne changeant que très-peu 
de lieu : on apperçoit à côté deux autres corps aufli en 
mouvement , dont l’un eft plustranfparent que l’autre. 

Au-deflous de ces corps il y a deux efpeces d’ailes qui 
{fe meuvent très-vire & très-régulierement , ne ceflant ce ma- 
nége que quand la liqueur fe trouve totalement defléchée ; 
car alors l'animal n’y pouvant faire aucune fonétion , il y 
meurt collé fur le porte-objet du microfcope. 

On remarque aux endroits marqués 4, 4 , comme deux 
petites cornes , compofées l’une & l’autre de deux cornes 
articulées de quelques petits poils à leuts extrémités. 

Enfin le derriere de ce poiffon eft terminé par deux longs 
poils blancs , tranfparens & mobiles , dont l’ufage m’a paru 
être à-peu-près le même dans cet animal, qu’un gouvernail 
eft à un vaifleau de tranfport, 


Tome I. Part. IL, p 


Planche 14, 


108 . DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 


CHAPITRE. XLII. 


Du Pou terreftre 6 aquatique. 
D ANS une eau prife dans le tonneau qui eft au jardin 


fupérieur du Collége de Boncourt , je trouvai plu- 
fieurs animaux que je n’avois point encore vüs dans les eaux 
de cette nature que j’avois ci-devant examinées. Je plaçai 
celui dont voici le deflein , fur le concave ou porte-objet de 
verre d’un microfcope monté d’une feule lentille , dont le 
foyer eft d'environ une “one & demie de longueur ; & par 
ce fecours je vis cet infette à- peu-près comme je l'ai repré- 
fenté au - deflous de la lettre D , & d’une couleur d’ambre 
jaune peu tranfparent ; ayant la tête plus large que haute , 
& comme enchâflée dans fes épaules , qui forment une efpe- 
ce de bourrelet , & tout le refte de fon corps fe voit compofé 
de fept ou huit articles emboîités en partie les uns dans les 
autres. 
- Le devant de la tête dc cet infeéte eft orné de deux cornes 
d’une longueur & d’une ftruéture des plus extraordinaires 
qu’on puifle voir. Chacune de ces cornes eft compofée d’en- 
viron dix à onze articles , qui femblent n’avoir entr’eux que 
très-peu de liaifon : ces articles font munis & environnés de 
très- petits poils. Ce qui m'a paru de très-fingulier dans la 
ftruéture de ces cornes, ç’a été d’en voir les extrémités ter- 
minées par des parties plus grofles & plus pefantes que ne 
font celles qui les précedent. 
On apperçoit deux gros yeux placés à droite & à gauche 
de la tête de cet infeéte , dont la cornée eftraboteufe , & fem- 
blable à celle de l’œil d’une punaife. Vous voyez cet infeéte 
avec fix longues pattes très mobiles, munies de poils & ar- 
mées de griftes bien aiguës , s’approchant & s’éloignant l’une 
de l’autre , fuivant les divers mouvemens qu’il procure à fon 
corps , tant en nageant dans l’eau, qu’en marchant fur fa 
furface & ailleurs ; car il l’'abandonne quelquefois totale- 
ment, pour fe promener durant quelque temps fur celle du 
vaifleau qui la contient. 


ET AQUATIQUES. SEC. PART. Chap. XLII. 109 


La trop grande épaiffeur & le peu de tranfparence du 
corps de cet animal, nous ont empêché d'en pouvoir décou- 
vrir les parties intérieures. 

Pendant que je fus appliqué à examiner l’infe£te dont je 
viens de parler , fes compagnons fe préparoient pour pafer 
d’un élément aqueux dans un plus léger ; de forte qu’en paf 
fant de l’eau dans l'air , & s’échappant ainfi à mes yeux , je 
fus privé en peu de temps du plaïfir que je m’étois propoté 
d'avoir , & de celui que j’avois deffein de procurer au Pu- 
blic , par la defcription anatomique que j'en aurois pù faire, 


CHAPITRE XLIIL 


D'une apparence de Chenille dorée, couronnée & mafquée *. 


. 


P OUR continuer l'explication des chofes qui font con- 
tenues dans la treiziéme Planche , nous parlerons d’une 
produétion de la Nature des plus fingulieres | & des plus 
curieufes à obferver : ce font trois différentes repréfenta- 
tions d’une apparence de Chenille qui paroît en forme de co- 
que , qui n’eft attachée que par le derriere à une petite bran- 
che de fureau chargée de feuilles & de fleurs , qu’un de mes 
amis fe donna la peine de m'apporter de la campagne l'été 
dernier. Elle a été repréfentée en $ , ayant la tête en-haut , 
& vüe par-devant ; elle eft vûe en 7 par-deflus , ayant la 
tête en- bas , & le corps un peu tourné de côté ; & on la 
voit en Ÿ” de profil, pofée fur la petite branche de fureau. 
On la peut nommer Chenille mafquée | parce qu'il paroît un 
véritable mafque au - devant de fa tête , fur lequel on voit 
comme deux yeux, un nez, un menton, un front ; maisil 
n’y paroît point de bouche. 

Ce mafque femble être environné d’un voile qui ne cache 
aucune partie du vifage , laiffant les joues prefqu’entierement 


* La Chenille que décrit ici PAu- leût gardée aflez de temps , ou qu’elle 
teur, doit étre une chryfalide angulai- eût pû conferver la vie, il en auroit 
re, de l’efpece de celles qui fe fufpen-  vô naître un papillon. 
dent par leur partie poltérieure : s’il 

l'd 


Hifi. nat. 1, 
2. tab. 12 6 


23. & hifi. pif- 
cium, tab, 27. 


110 DES ANIMAUX AERIENS , TERRESTRES 


découvertes ; n’en cachant qu’autant qu'il faut pour enchAf- 
fer ce mafque , comme on enchâfle une pierre précieufe dans 
{on chaton, afin de l’y arrêter. On remarque encore à droite 
&t à gauche de ce mafque | comme deux oreilles qui paroif- 
fentappuyées fur ce voile , ce qui fait que le vifage eft entie- 
rement découvert. Sa coeffure eft une efpece de bonnet à 
deux cornes pointues , compolée de plufieurs pieces qui fe 
joignent fi exaétement l’une auprès de l’autre , que leur af- 
femblage n’en eft bien vü que par le fecours d’une loupe. 

Le corps de cette Chenille eft compolé de fix ou fept ar- 
ticles qui fe voyent un peu emboïtés l’un dans l’autre, & 
diminuer de grofleur à proportion qu'ils s’'approchent de fon 
extrémité. À droite & à gauche de chacun de ces articles, 
on y compte douze efpeces de mammelons , fix d’un côté 
&t autant de l’autre , également efpacés fur deux lignes droi- 
tes qui feroient tirées de haut en-bas. Le voile ou les ailes 
de l'animal , qui fervent comme de fertiflure au mafque, 
defcendent le long du dos de la Chenille , & fe terminent 
immédiatemeut au - deffous des trois premiers articles qui 
{ont du côté de la tête. 

Lorfqu’on m’apporta cette Chenille , je vis fa coeffure & 
une grande partie du devant de fon corps , d’une belle cou- 
leur d’or luifant : dans la fuite elle s’eft changée en celle des 
feves de caffé à demi torréfié, fans avoir perdu que très-peu 


Au luifant qu'on y avoit remarqué. Cette derniere couleur 


eft encore changeante , à-peu-près comme elle l’étoit au 
commencement , fuivant les diverfes expofitions du jour 
qu'on lui faifoit recevoir. 

Ou voit dans l’'Hiftoire naturelle de Jonffonus | Medecin 
Angiois , des effets merveilleux de la Nature , qui font en- 
core plus furprenans que tout ce que j'ai dit du poiflon maf- 
qué repréfenté en la fixieme Planche de cette feconde partie, 
fous le chiffre 12. 

Nous avons vû une agathe aflez petite , taillée d’une for- 
me un peu convexe & ronde , fervant d’une pierre précieufe 


enchâffée dans le chaton d’une bague qui repréfentoit le vi-. 


fage d’une Religieufe avec fon voile , d’une beauté fingu- 
liere. 


ET AQUATIQUES. SEC. ParT. Chap. XLIIL. 11 
C’eft une chofe aflez commune , de voir des formes de 
têtes différentes fur des boëtes de racines de buis, fur celles 
de bois d’olivier , fur des tables de marbre , fur de certains 
cailloux qu’on fcie pour faire des tables de marqueterie , &c. 
& cela fuflit pour guérir l’efprit de certaines perfonnes , qui 
ne veulent pas croire qu'il y ait dans la Nature des chofes qui 
puiflent avoir quelque rapport de refflemblance à l’homme. 
Voyez encore là-deflus ce qui eft rapporté par Jean Struys 
dans fes Voyages de différens Pays. 


ENTREE EME pe RER OP PLEINE 


CHAPITRE. XEFV. 


Des Doguins trouvés nageans dans une infufion de paille de blé, 
qui étoit en expérience depuis dix mois ou environ. 


Ous avonce parlé dans le trentieme chapitre de cette 
N feconde partie , des animaux trouvés dans diverfes in- 
fufons de paille & d’épis de blé , dont on peut voir les def- 
{eins fur les Planches 8 & 9 de cette même partie ; mais nous 
n'avions alors aucune connoïflance du nouveau poiflon qui 
{e voit ici repréfenté au-deflous de la lettre À, que M. Ca- 
mus Deftouches nomma doguin dès le moment que j’eus 
l'honneur de le lui faire voir au-travers d’une lentille d’en- 
viron dix lignes de foyer , par le moyen de laquelle nous 
vimes fa tête comme emmanchée dans fes épaules , au-delà 
defquelles il lavançoit & la retiroit fucceflivement ; il la 
tournoit aufli & la mouvoit très-librement en tous fens, 
remuant diverfement fes levres, qui paroifloient très-mobiles 
& garnies de poils aflez courts, & dont les mouvemens 
particuliers faifoient pirouetter d’autres animaux très-petits 
qui fe trouvoient à portée de fa bouche , dans laquelle il en 
faifoit entrer quelques-uns pour lui fervir de nourriture : fon 
corps que nous appercevions aflez mal terminé & changer 
fouvent de forme , nous paroifloit très-gros par rapport à fa 
longueur : nous en découvrions quelques -uns qui étoient 
tout tranfparens , & d’autres dont le bas-ventre étoit rempli 
de petits corpufcules bruns , qui ne permettoient pas un libre 
paflage à la lumiere. 


Planche 134 


Planche 13. 


112 DES ANIMAUX AERIENS ; TERRESTRES 


On apperçoit au derriere de ce poiflon deux corps longs 
& ronds, qui vont en diminuant de grofleur jufqu’à fe ter- 
miner en pointes aflez fines. Ces deux efpeces de queues, 
qui font blanches & tranfparentes, fervent de gouvernail & 
de nageoires à ce poiflon. Pendant qu’il fe tranfporte très- 
vite en nageant, on voit qu'il s'arrête de temps en temps au 
milieu de fa courfe pour faire pluñeurs culbutes , en faifant 
paffer fon corps par-deflus fa tête d’une maniere adroite & 
très-agréable à voir. ; 

Je trouvai le 8 Septembre 1718, une autre efpece de 
Doguins dans une vieille infufion d’un bouquet compofé 
de plufeurs fleurs de différentes efpeces, qui avoit trempé 
dans de l’eau de riviere dès le 25 Août 1717, qui n’ont pû 
trouver de place dans cette Planche. Le corps en étoit fi 
blanc & fi tranfparent , que je pouvois difcerner les mouve- 
mens du cœur, des poumons, & de tout ce qui étoit con- 
tenu dans la capacité du bas-ventre de cer animal. Ces der- 
niers Doguins different des précédens , en ce qu'ils font plus 
tranfparens ; que leurs queues font très-courtes & prefque 
immobiles ; qu'ils fe meuvent très-lentement ; & enfin que 
leurs bouches font plus petites de moitié que celles des pre- 
miers. 


CHAPITRE "XLV: 


Defcription de certains petits Vers rouges qui ont été trouvés 
dans de l’eau de puits. 


O N voit trois de ces petits infeétes qui ont été repré- 
fentés au bas de cette Planche , au-deffous des lettres 
V5 Y5.Y un peu plus gros qu’on ne les a vüs des yeux nuds. 
Il y en avoit de gros & de petits dans l’eau de ce puits ; les 
plus gros avoient environ quatre lignes de longueur & demi- 
ligne de diametre | étant vüs fans autre fecours que celui 
d’une lunette à nez , dont chaque verre avoit fix pouces de 
foyer. Par ce moyen je les apperçûs nager dans cette eau 
d’une maniere toute extraordinaire, n’y avançant que par les 


ET AQUATIQUES. SEC. PART. Chap. XLV. 113 


différentes fecoufles de chaque moitié de leur petit corps, 
dont ils formoient un 8 de chiffre, ou une s toute femblable 
à celle que je viens de repréfenter ; fe pliant & fe dé- 
pliant avec tant de fouplefle & de promptitude, qu'on fe 
trouvoit obligé de donner toute l'attention dont on étoit 
capable , pour bien juger de la forme qu’il prenoit à chaque 
moment ; & après qu'il s’étoit bienfatigué , on le voyoit def- 
cendre au fond de l’eau, où il étoit vû marcher & ramper 
par le moyen de quelques pattes très-courtes qu’il avoit vers 
la tête & vers la queue. Mais parce que ce vers a beaucoup 
de longueur par rapport à fa grofleur , il eft obligé de ram- 
per après avoir marché quelque peu , & pour cela il faut 
qu'il fe ferve des parties en forme d’anneaux qui font au mi- 
leu de fon corps , pour fe tranfporter plus facilement d’un 
lieu en un autre ; ce qu'il ne pourroit faire s’il n’employoit 
que fes pattes toutes feules. J'ai trouvé la méchanique de ce 
tranfport fi belle ; que j’ai crû la devoir expliquer pour la 
faire comprendre ; & cela fuffit pour nous affürer qu'un feul 
infeéte peut marcher, ramper & nager. Les vers de terre de 
la couleur de ceux dont je viens de parler, ne font que ram- 
per ; les Chenilles aquatiques rampent & nagent , & les an- 
guilles du vinaigre nagent feulement. 
Pendant que le ver repréfenté en cette Planche avance 
fa tête & qu'il la retire , il ouvre une grande bouche bien 
différente de celle des vers ordinaires , qui eft toute ronde ; 
au lieu que celle de l'infeéte dont je parle , a la levre fupé- 
tieure beaucoup plus longue que l’inférieure , & on les voit 
l'une & l’autre munies de petits poils aflez courts. Sa tête eft 
-ornée de deux petites cornes qui paroiflent émouflées par 
leurs extrémités, & de deux yeux très-brillans ; le derriere 
ft terminé par plufeurs efpeces de feuilles affez longues & 
tranfparentes : enfin on apperçoit un ou plufieurs mufcles 
«qui forment un cordon qui regne depuis fa tête jufqu’au der- 
nier des anneaux qui compofent toute l'étendue de l’animal , 
à la réferve de fa tête & de fa queue. 
Ces petits infeétes amaflent une efpece de fédiment qui fe 
forme au fond du vaifleau où ils font ; ils s’en font un petit 
‘tas qui paroït de couleur verte , dans lequel ils fe logent 


Planche 14. 


114 DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 


après s'être bien tourmentés ; & l’on remarque en la furface 
extérieure de cette male, des entrées rondes qui s’y confgr- 
vent , quoique la matiere qui les environne foit très-délicate. 
Si on la remue en l’agitant pour l’éparpiller , & rompre ainfi 
toutes leurs cellules, ces animaux [a ramaflent tout de nou- 
veau en un petit peloton, pour y former de nouvelles cel- 
lules dans lefquelles ils fe gliflent , & où ils demeurent au- 
tant de temps qu'il leur en faut pour faire de nouveaux ef- 
prits, & recommencer à nager de la même maniere que 
nous l’avons décrit. 

Je devrois parler ici de ce que deviennent ces infeétes , en 
marquant de quelle maniere ils paroïffent fe transformer en 
mouches que l’on nomme des coufins ; mais j'ai befoin pour 
cela de les examiner encore , afin de ne rien avancer que de 
certain fur ce changement , qui m’a paru des plus curieux 
que l'on puifle voir , & même des plus furprenans. 


CHAPTERE XVI 
De l’Araignée aquatique. 


Ve donné le nom d’Araignée aquatique au poiflon qui eft 
vû repréfenté fur cette Planche au-deflous de la lettre £; 
Je l'ai pêché par hafard dans une très-vieille infufion d’écorce 
de bois de chêne. Son corps eft de figure ovale , & fans au- 
cune apparence de tête ; on voit pourtant quelquefois remuer 
de très-petits poils qui bordent fes levres , dont le mouve- 
ment particulier donne occafion aux petits corps qui fe trou- 
vent dans cette infufion , d'entrer dans fa bouche pour fervir 
de nourriture à ce poiflon. À droite & à gauche de cette 
bouche, on y voit deux petites cornes articulées & mobiles, 
dont les extrémités font terminées par des efpeces de petits 
poils qui forment comme des aigrettes. On lui remarque qua- 
tre pattes toutes femblables à fes cornes, mais un peu plus lon- 
gues & plus groffes. Ces pattes & ces cornes fervent de na- 
geoires à ce poiflon , qui fe tranfporte par des fecoufles fi 
promptes & tellement fuivies , qu’on a de la peine à le bien 

Examiner ; 


ET. AQUATIQUES. SEC. PART. Chap. XLVI. 115 


examiner ; il faut pour cet effet attendre patiemment qu’une 
grande partie de la goutte d’eau où il nage , foit prefqu’en- 
tierement defléchée : alors on fe trouve en état d’en pouvoir 
obferver toutes les parties dont je viens de parler , & de re- 
connoître qu'il eft terminé par une efpece de queue faite de 
poils. 


GHAPETRE  X EVILI 
Defcniption d'un peut Infeëte des plus curieux qui fe paife 


objerver , tant pour la diverfité des chofes qu'on y découvre 
extérieurement , que pour celles qu'on y appercoit dans les 
parties tranfparentes *, | 


C E petit poiflon fe pêche dans nos baflins de fontaine , 
où on le voir nager parmi les têtars ; ila environ deux 
lignes de longueur , & une ligne de diametre par le milieu de 
fon corps. Sa conftruétion eft route finguliere ; on le voit ici 
repréfenté au-deflous de la lettre À, PI. 1$ , à - peu - près 
comme on l’a vù avec un petit microfcope à deux verres, 
qui n’a qu'un pouce de longueur : par fon moyen on voit les 
objets dans leur fituation naturelle. Le dos de cette infeëte eft 
convexe , & couvert de plufieurs efpeces d’anneaux écail- 
leux & mobiles. Chacune de ces écailles eft piquée de plu- 
fieuts petites cavités , qui fe voyent repréfentées par des 
points. Sa tête eft ornée de deux yeux noirs , de deux cor- 
nes , & de deux efpeces de bras qui fe découvrent un peu 
au - deflous de fes yeux : fa queue eft compofée de quatre 
efpeces de nageoires , chacune defquelles eft divifée en 
plufeurs articles emboïtés les uns dans les autres , & garnis 
de poils aflez gros vers leurs racines : fes jambes , qui font 
au nombre de cinq ou fix de chaque côté , lui fervent aufh 
de nageoires, & font encore garnies de poils à-peu-près {em- 
blables à ceux qui fe remarquent aux jambes d’une puce. 
Outre ces parties extérieures , on apperçoit encore vers le 
derriere du corps de ce poiflon , deux efpeces de bras plus 


* Cet Infedte et connu fous le nom de /ci/le aquatique , ou fous celui de cre- 
Yelle» 


Tome TJ, Part. IT, ( 


116 Des ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 


menus que les précédens , qui battent la mefure très-régu- 


lierement & avec beaucoup de vitefle , s’accordanr entr’eux 
à s'élever & à s’abaiffer , de même que cela s’obferve aux 
pattes de devant d’un chien qu’on fait tenir debout , & qui a 
été dreflé à faire ce petit manége. Pendant que le mouve- 
ment de ces bras dure , on voit circuler l’eau qui environne 
ce poiflon placé fur le porte-objet d’un microfcope , & qu’on 
y laifle exprès pour l'empêcher de mourir durant le temps 


. que l’on employe à l’examiner. 


Planche 15. 


Mais ce qui paroit de plus furprenant , c’eft de voir cir- 
culer le fang de ce poiffon dans les veines & dans les arreres 
des quatre nageoires qui compofent fa queue ; dans celles 


des cinq ou fix pattes qui font du côté de la lentille ; dans 


les vaifleaux des deux bras , lorfqu'ils ceffent de battre la 
mefure ; dans les deux cornes qui font fur fatéte, & dansles 
deux autres bras qui fe voyent au-deflous de fa tête. On peut 
nommer ce poiflon crevette , parce qu'ilrefflemble en quelque 
façon à un poiflon de mer qui eft de la longueur d’un doigt 
ou environ, & à qui l’on a donné ce nom. 


PCR PET EDGE 


CH AP: TR E--XEVIN: 
Des S'auterelles aquatiques *, 


ADAME la Duchefle du Maine s'étant appliquée aux 
Mathématiques & à la Phyfique d’ufage , s’eft heu- 
reufement trouvée avoir beaucoup de fagacité pour les dé- 
couvertes qui fe font avec le microfcope ; de forte qu’elle 
s’eft fait un plaifir, après la leéture de mon Livre, de poufler 
aflez loin cette matiere , pour trouver de nouveaux infeétes 


dans des eaux préparées , & dans celles qui n’ont point d’autre 


préparation que celle qui leur vient naturellement de l'air 
par fucceflion de temps. Cette Princefle m’ayant fait l’hon- 
neur de m’appeller à Sceaux , elle envoya prendre de l’eau 
dans un canal. Cette eau lui ayant été apportée , elle en mit 
une très-petite goutte fur le porte objet de fon microfcope 


+ C’eft la nymphe de la mouche éphémere. 


ET AQUATIQUES. SEC. PART, Chap. XLVIIL try 


univerfel , avec autant d’adrefle que l’auroit pà faire un ex- 
cellent Microfcopifte. Aufli-tôt qu'elle l’'eut porté à fon œil 
& mis au point de diftinétion , elle s’écria en difant : Ex voicz 
un des nouveaux que j'ai découverts ! En me préfentant Le mi- 
crofcope , Son Altefle Séréniflime me pria de l’examiner, de 
le defliner quand je ferois de retour à Paris , pour le faire 
graver , & d'en donner une defcription de fa part à Meffieurs 
de l’Académie Royale des Sciences. 

J'examinai donc cetinfeéte , que je trouvai d’abord digne 
d’admiration ; & parce qu'il étoit néceflaire de lui donner un 
nom qui lui convint, pour en faciliter la defcription , je pris 
la liberté de dire à S. A. S. que fi elle avoit pour agréable 
d’en être la maraine , j'en ferois le parain ; elle me répondit, 
crès-volontiers , de forte qu'il fut nommé /auterelle aquatique. 

Après avoir pañlé environ deux heures à faire diverfes ex- 
périences avec les microfcopes de S. A. S. je pris congé de 
cette Princefle pour m'en revenir à Paris ; où j'apportai la 
bouteille pleine de l’eau du canal dont je viens de parler , 
& d’un nombre fuffifant de Sauterelles aquatiques , afin de 
les examiner à loifir. 

Le lendemain je les mis en expérience , pour les faire 
defliner par M. de Vigneux , qui les repréfenta dans les trois 
différentes attitudes exprimées élégamment au - deflous des 
lettres 4, B , C. La premiere de ces reprélentations la fait 
voir par le dos , la tête en-haut, & pofée fur le ventre : la 
feconde la fait voir de côté, le dos en-haut, & étendue de 
droite à gauche : enfin celle qui eft vüe au-deflous de €, 
eft couchée fur le dos, ayant la tête en-haut, & le ventre 
tourné du côté du Spettateur. 

Cet infeéte nous a paru avoir environ deux lignes de lon- 
gueur , étant vû des yeux nuds , fans y comprendre l’éten- 
due de fa queue , divifée dès fa racine en trois branches clai- 
res & tranfparentes , dont chacune eft compofée de plu- 
fieurs articles qui vont diminuant de grofleur depuis le 
commencement jufqu’à la fin. La tête de cette efpece de 
Sauterelle étant vüe de front, paroit à-peu-près femblable à 
celle d’un jeune agneau ; on y voit deux gros yeux bruns , 
& fur le milieu de chaque cornée une petite tache noire , 


qi 


Planche r£, 


Pfanchers. 


118 DES ANIMAUX AERIENS , TERRESTRES 


au-deflous de laquelle il y a deux trous qui donnent pañlage 
à l'air qui entre dans fes poumons. Au-deflous de ces nafeaux 
on voit une petite tache noire & deux cornes , dont cha- 
cune furpaile en longueur tout le corps de la Sauterelle. Ces 
cornes font très-menues , bien blanches & tranfparentes , 
chacune defquelles eft compofée d’un fi grand nombre d’ar- 
ticles, que je n’ai pù les compter , non - feulement à caufe 
du mouvement rapide de la Sauterelle , mais auffi à caufe de 
la diminution extraordinaire qu’ils ont à mefure qu'ils fe trou- 
vent approcher de plus en plus de l'extrémité. 

Sa bouche qui eft fort grande , reffemble aflez à celle d’un 
petit agneau ; on la lui voit ouvrir & fermer de temps en 
temps, remuant les levres comme pour mâcher quelque 
chofe. 

Son corps qui eft de couleur d’ambre jaune , eft compofé 
de plufieurs pieces mobiles & écailleufes, à- pen- près fem- 
blables à celles qui couvrent le dos d’un cloporte ; on y re- 
marque fix pattes, chacune defquelles eft compofée de trois 
piéces & d'autant d'articles très - mobiles. Ces pattes font 
{uivies de dix ou douze petites rames toutes femblables à des 
plumes de certainsoifeaux ; leur ufage eft de fervir au tranf- 
portde ce poiffon, par le moyendes diverfes fecoufles qu’elles 
donnent à l’eau qu’elles pouflent dans le temps qu'il y nage. 

On voit fouvent cet Infeéte marcher au fond de l’eau, & 
s'élever vers fa furface par les diverfes fecouffes qu’il lui com- 
munique. 

À mefure que la petite goutte d’eau qu’on a mife fur le 
porte-objet du microfcope , s'évapore , elle s’y épaiflit ; & 
Janimal y trouvant alors plus de réfiftance , y nage moins 
vite , & donne plus de facilité de remarquer les mouvemens 
des poumons étendus tout le long de fon corps : on les y voit 
avec beaucoup de plaifir s’enfler & fe defenfler avec autant 
de régularité qu’on en peut remarquer dans les vibrations 
d’un pendule mis en mouvement. 

Une feconde Sauterelle repréfentée diverfement fur cette 
même Planche fous les lettres D, E , F, eft celle que M. 
Paris m’apporta un jour pour l’examiner * ; elle ne fe trouve 


* Celle qui eft repréfentée au-deflous de la lettre D, ft vûe par le ventre. 


ET AQUATIQUES. SEC. ParT. Chap. XLVIIL 119 


pour l'ordinaire que dans les baflins de jardin , où il s’en voit 
de grandes , de moyennes & de petites ; les plus grandes 
femblent aux yeux nuds avoir environ trois lignes de lon- 
gueur: celle-ci eft une des plus petites & des plus tranf- 
parentes. On s’eft fervi pour l’examiner, d’une lentille 
d’une ligne & demie de foyer; fa tête eft ornée de deux 
belles cornes fort longues , compofées de tant de par- 
ties & de jointures, qu'il eft très -difficile d’en compter le 
nombre : elles font aufli munies de poils d’un bout à l’autre. 
On apperçoit au-deflous de ces cornes deux petites ouver- 
tures qui peuvent pañler pour fes nafeaux ; un peu à côté on 

remarque deux beaux yeux noirs: maïs fi après avoir pris 
une lentille d'environ trois lignes de foyer , on incline le mi- 
crofcope, afin de faire tomber les rayons de lumiere fur le 
corps de l'animal, les yeux , de noirs dont ils étoient vûs 
auparavant , paroitront d’un jaune-obfcur, & feront vûs 
couverts de cryftallins, de même que l'œil d’un petit mou- 
cheron. Son corps eft compofé d'environ dix à douze an- 
neaux, qui diminuent infenfiblement de grofleur depuis la 
tête jufqu’à l’autre extrémité de fon corps. Les fix pattes 
dont elle eft pourvüe, font divifées chacune par trois ou qua- 
tre articulations, & garnies de poils dans toutes leurs lon- 
gueurs. Ces pattes ont leurs infertions dans les trois anneaux 
qui font les plus proches de fa tête ; elles font chacune ter- 
minées par une petite griffe qui fert à s’accrocher le long des 
bords du bañin où on les pêche , comme on l’a remarqué 
plufieurs fois. 

À chaque jointure des anneaux , depuis le quatrieme juf- 
qu’à l’onzieme inclufivement, on voit de petites nageoires 
compotfées de houpes de poils qui font enfermées dans des 
membranes très -fines & tranfparentes, qui fervent à fon 
tranfport le plus commun, en les agitant avec une rapidité 
extraord naiïre. Elle a trois longues queues qui paroif- 
fent femblables à fes cornes , par le grand nombre de 
pieces, d'articles & de poils qui les compofent. Sa fituation 
la plus ordinaire eft d’être fur le ventre , foit qu’elle nage ou 


celle qui eft repréfentée au deflous dela lettre Æ , eft vûe de côté; & celle qui 
eft au deflous de la lettre F, eft vüe par le dos, 


Planche 14. 


120 DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 


qu’elle marche fur le porte-objet du microfcope ; «elle fe met 
{ur le côté lorlque la goutte d’eau dans laquelle elle eft , com- 
mence à fe deflécher : c'eft dans cette fituation que l’on dif- 
tingue deux mâchoires , l’une fupérieure & l’autre inférieure, 
qu'elle ouvre de temps en temps, ce qui donne lieu d’apper- 
cevoir fes dents, & fa langue, qu'elle pouffle quelquefois 
au-dehors : la circulation du fang fe voit fort bien dans fes 
pattes , fes cornes & fa queue ; on la voit aufli des deux cô- 
tés de {on corps. 
Il eft à-propos de faire remarquer à ceux qui auront de 
ces dernieres fortes de Sauterelles aquatiques , & qui feront 
bien-aifes de les conferver quelque temps, qu’il ne faut point 
remplir la bouteille pour fuppléer à l'évaporation qui s’en 
fera, car elles mourroient peu de temps après ; il les faut 
laïfler dans la même eau où elles ont été prifes , jufqu’à ce 


qu'elles meurent d’elles-mêmes , ce qui arrivera au bout de 
peu de jours, 


CHAPITRE XLIX. 


Du Limas aquatique trouvé dans une infufion faite d’un bouquet 
compoé de plufieurs fortes de fleurs miles dans de l’eau 


de riviere. 


J ? Ar nommé le poiflon repréfenté au-deflous de la lettre 4, 
limas aquatique , parce qu’il a à-peu-près la figure du limas 
terreftre , & qu'il nage dans l’eau. On le voit ici étendu de 
toute fa longueur, vü avec une lentille d'environ une ligne 
& demie de foyer ; il paroït rond , maïs d’une rondeur iné- 
gale & fort irréguliere : il eft d’une belle couleur d’ambre 
jaune , plus claire vers la fuperficie de tout fon corps, qu'il 
ne l’eft au milieu , où l’on voit fes vifceres un peu plus bruns. 
Cet animal s’allonge & fe raccourcit fouvent dans toute 
l’étendue de fon corps ; quelquefois il n'étend & ne raccour- 
cit que fa partie fg h. Toute fa tête paroît brillante, & rem- 
plie d’une infinité de petits corps en mouvement, que j'ai 
repréfentés par des points : fa partie extérieure eft munie de 


ET AQUATIQUES. SEC. PART. Chap. XLIX. 12: 
plufieurs petits corps ronds , &c de trés-petits poils que l’on 
n’apperçoit qu'avec peine , quoique la lentille dont je me 
fuis {ervi pour examiner le tout, augmente l'apparence de 
l’objet environ cinquante-deux mille fois plus que nos yeux. 
Ses levres font munies de poils , dont le mouvement rapide 
oblige tous les petits corps qui n’en font éloignés que d’un 
pouce ou environ, d'entrer dans fa bouche pour fervir de 
nourriture à cet infette. Je nomme Zmas cet infe&te , parce 
que tout fon corps eft compolé d’anneaux mufculeux qui fe 
meuvent à tous les mouvemens qu'on lui voit faire. 

Toute l'étendue z £ eft remplie de vifceres de ce limas, 
dans lefquels on ne diftingue aucune partie qui femble être 
féparée d’une autre. Le nager de ce poiffon eft fi uniforme, 
qu'on n’y remarque aucune inégalité , fi ce n’eft qu'il tourne 
{a têre de côté & d'autre, fuivant les divers lieux vers lef- 
quels il veut fe mouvoir. 

Je n'ai remarqué aucune nageoïire , aucune patte, ni 
queue , ni gouvernail, qui puifle fervir à fon tran{port ; fon 
mouvement n'eft ni trop lent ni trop prompt pour empêcher 
de découvrir exaétement tout ce que j'en dis. 


Een 


CHAPIERE"T 


Defcription d’un nouveau Poiffon que j'ai trouvé dans de l’eau 
du baffin de S. Maglore du F' auxbourg S. Jacques à Paris, 
qu'on peut nommer Chenille aquatique *. 


LE nouveauPoiflon, quieft vürepréfenté au-deflous de la 
Œ lettre À, eft bien différent de la feconde fauterelle aqua- 
tique dont j’ai parlé dans le chapitre 47. Etant vü des veux 
nuds, il femble avoir environ deux lignes de longueur ; &c lori- 
qu’on l’examine avec une lentille qui a un peu moins de trois 
lignes de foyer, il fe fait voir fous une longueur d'environ 
trente-fix à trente-feptlignes , fans y comprendre une efpece 
de queue compofée de plufieurs longs poils, & de deux efpe- 


es 


* C’eft le ver du coufin, dont l’Auteur a déjà parlé dans fes chap. 36 & 37 ; 
lh figure en eft gravée Planche 14 


Planche 14 


122 DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES 


ces de nageoires triangulaires qu’on peut facilement remar- 
quer à fes côtés. Sa rêre , qui a plus de hauteur qu’elle n’a de 
largeur, eft très-mobile,tournant à droite & à gauche comme 
{ur un pivot, fe voit ornée de trois grands poils, de quatre 
cornes d’inégale longueur , de deux petits yeux noirs, & de 
quelques petites taches de même couleur ; on la voit termi- 
née par une aflez grande bouche dont les levres font mobi- 


les ; la fupérieure eft couronnée des trois grands poils dont 


je viens de parler , & de deux petites cornes faites de poils 
très-fins , preflés les uns contre les autres, & plus larges à 
leurs extrémités qu'ailleurs. Un peu en-decà de ces petites 
cornes on en voit deux autfes , chacune defquelles eft com- 
pofée de trois petites pieces mobiles, & d'autant d'articles 
ou de jointures : chaque extrémité eft terminée par plufieurs 
petits poils d’inégale longueur , qui en font l’ornement. 

Un peu au-deflous de ces dernieres cornes on y apperçoit 
deux petits yeux noirs, divifés, comme ceux de la fauterelle 
aquatique , en un très- grand nombre de cryftallins , fans 
poils & fans paupieres. On voit entre ces yeux trois petites 
taches de même couleur , qui forment avec eux comme un 
arc de cercle ; & au-deflous du milieu de fa concavité on en 
voit une quatrieme de figure triangulaire & de même cou- 
leur. | | 

Sa poitrine qui eft bien ample , forme comme un gros 
bourrelet , des côtés duquel , tant à droite qu’à gauche, on 
voit fortir des houpes de poils d’inégales longueurs & grof- 
feurs , dont les plus grands font munis d’un feul côté d’autres 
poils plus petits. 

Au-deffous de cette poitrine on y voit huit autres efpeces 
de bourrelets irréguliers, moins hauts que larges, qui vont 
en diminuant de groffeur en s’en éloïignant. À droite &c à 
gauche de chaque bourrelet il y a deux petits mammelons 
d'où fortent de longs poils. Enfin la derniere partie de cette 
Chenille aquatique a beaucoup plus de hauteur que de lar- 
pa cette partie eft terminée par quantité de poils très- 

ongs , à côte defquels on voit deux efpeces de queues blan- 
ches , aiguës, & fort larges vers leurs infertions , qui ref 
femblent à un triangle ifofçele , dont l’angle du fommer eft 
fort aigu. Le 


- ET AQUATIQUES. SEC. PART. Chap. E. 123 
"Le nager de cette Chenille s'exécute par les diverfes fe- 
éoufles qu'elle communique à l’eau, en fe fervant du grand 
nombre de poils qui l’environnent , & de deux efpeces de 
nageoires qu’elle a à côté de fa queue. , 

La nymphe qui l'enveloppe totalement , eft très-fine & 
bién tranfparente ; mais le milieu de route la longueur de 
fon corps eft fi brun, que je n'en ai pû voir les vifceres , ni 
les divers mouvemens qui s’y font. Je me fens obligé d’aver- 
tir que ces fortes de Chenilles-ci font fi rares, qu'elle eft la 
feule que j'aye vûe juiqu’à préfent. 


PP RE PTE EPA TETE 
mens 


CHAPITRE LL 


D'un Poiffon que jai nommé Bélier , vé dans une eau croupie *. 


Ezrer eft le nom que j'ai donné au Poiflon que lon 
voit repréfenté au-deflous de la lettre C ; fa tête eft 
ornée de deux grandes cornes élégamment contournées , 
compotfées de plufieurs pieces bien articulées , qui diminuent 


infenfiblement de grofleur ,; & qui enfin fe terminent en 
pointes. On voit fortir de la partie fupérieure & inférieure 


de chaque jointure, plufieurs petits poils formant entr'eux 
comme des aigrettes , dont les poils qui les compofent dimi- 
nuent de grofleur à mefure qu'ils fe trouvent plus éloignés de 
la racine des cornes , dont le contour eft aflez agréable à la 
vûe. Il fort aufli de la tête deux petites cornes qui femblent 
fervir d'appuis aux deux cornes , parce qu’elles partent immé- 
diatement de deflous les racines de ces mêmes cornes. Enfin 
on voit partir du fommet de la tête de ce Poiflon, une ef- 
pece de trompe compofée de trois pieces qui s’emboîtent 
l'une dans l’autre , comme font les tuyaux d’une lunette d’ap- 
proche. Cette trompe eft peut-être une bouche allongée qui 
fert de conduit aux alimens de ce Poiflon , & à l'air qui eft 
pouffé dans fes poumons. 

Nous avons encore obfervé un très-petit corps rouge 

* Je fuis porté à croire par tout ce que dit l’Auteur , que c'eft ici l'infecte dont 
parle Leuwenhoeck n°. 288. Tranf. Phil. & dans la 1212, de fes Lettres. 


Tome I. Part, IT. 


Planche 130 


24 DES ANIMAUX AERIENS, TERRESTRES, &c. 
placé au milieu de la tête, entre les racines des deux grandes 
cornes ; mais nous n'avons pù deviner fi ce petit corps ef le 
cerveau de l'animal, qui ne paroît aux yeux nuds que de la 
groffeur d’un ciron ou environ. Le corps de cetinfette, tout 
petit qu'il eft , fe voit compofé d'environ onze à douze an- 
neaux tellement emboîtés les uns dans les autres, que les 
divers mouvemens de l’animal n’étoient point interrompus 
par les poils qu’on peut remarquer fortans des parties droite 
& gauche des articles de ce Poiflon. 

On voit fortir une queue fourchue de la partie inférieure 
du plus petit de ces anneaux , terminée par deux aigrettes 
faites de plus longs poils que ne font ceux qu'on voit autour 
des deux fourchons. Mais ce qu’il y aicide plus remarquable, 
ce font comme deux efpeces de grapes de raifin qu’on voit at- 
tachées par deux filamens un peu au-deflus de la racine de la 
queue de ce Poiffon , & dont les grains font autant d'œufs 
qui retardent la vitefle de fon nager , que nous avons vü 
augmenter immédiatement après leur féparation. 

M. Ferrand , Confeiller au Parlement de cette Ville, & 
l'un des plus curieux & des plus célebres Microfcopiftes que 
je connoiïfle, a vü, comme moi, cette grape fe féparer 
totalement de ce Poiflon , les œufs quitterles grapes , & les 
petits éclorre, qui fe mirent à nager dès le moment qu'ils 
furent fortis des œufs, 

Enfin on remarque un vaiffeau de couleur jaune, quiregne 
tout le long du corps de ce béliér, au-dedans duquel on ap- 
perçoit une matiere en mouvement , pouflée de haut en-bag 
& de bas en-haut avec aflez de régularité, 


Fin de la feconde Partie & du Tome premier 


à 


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Haussard Seulp 


OBSER VATIONS 


D'HISTOIRE NATURELLE; 


FAT. ES 


AVEC LE MICROSCOPE, 


Sur un grand nombre d'Infe@tes , & fur les Antmalcules 
qui fe trouvent dans les liqueurs préparées, & dans 
celles qui ne le font pas, &tc. avec la Defcription & 
les Ufages des différens Microfcopes, &c. 


Partie déjà publiées par feu M. Jo8Lor, Profeffeur en 
Mathématiques de l’Académie de Peinture & de 
Sculpture : partie rédigées fur fes Obfervations poftc- 
rieures. 


Avec un grand nombre de Figures. 


Ge eee a eg 
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LCONL'E, SE CON D: 


Chez BRIASSON, Libraire, rue Saint Jacques, à la Science. 
NN DOG ENV: 
AVEC APPROBATIONS ET PRIVIELEGE DU ROY. 


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— 


TABLE DES CHAPITRES 
DU SECOND, VOLUME, 


PREMIERE PARTIE. 
CHAPITRE r 1) Efcription des Microfcopes dont je me 


Jus fervi. page 1 

Defcription & ufage des nouveaux Microfcopes dont on peut fe 
fervir à la lumiere du jour ou à celle d'une chandelle. 2 
Des ufages de ce Microfcope. 6 
CHAP.IL. Defcripnon d'un autre nouveau Microfcope à L- 
queurs. 10 
CHAP. II. Defcription d’un troifieme Microfcope à liqueurs. 
12 

CHAP. IV. Defcription & ufage d’un quatrième Microfcope 
très-fimple. 14 


CHAP. V. Conftruéion d’un cinquieme Microfcope à liqueurs , 
par le moyen duquel on pourra employer des lenilles foufflées, 
& de celles qui ne le font point, depuis les plus petits | foyers 
jufqu'aux plus grands. 19 

CHAP. VI. Defcription d’un nouveau Microfcope à liqueurs, 
d’une conftruélion fort finguliere., pour mettre en ufage les len= 
alles d’un très-petit foyer. 22 

CHAP. VIL. Defcription & ufage d’un nouveau Microfcope à 
tiges ; très-commode pour obferver toutes fortes de petits objets, 
foit de jour ou de nuit , à la lumiere d’une chandelle. 2$ 

Des ufages de ce Microfcope. 28 

CHAP. VIIT. Defcription & ufage des Microfcopes à canon de 
verre , que quelques perfonnes nomment Tombeaux ; 6 d’au- 
tres, Cimeriere de divers animaux. 30 

# jj 


‘a TAB L'E 

Défcription du fecond Microftope à canon. 31 

CHAP.IX. Des ufages que l’on peut tirer des Microfcopes 
dont je viens de parler. 32 

CHAP. X. Defcripuion & ufage d’un très-perit Microfcope 
monté d’une feule lentille. 41 


CHAP. XT. Defcriprion d'un très-perir Malone a deux ver- 
res , qui reprèfente les objets dans leur fituation droite & natu- 
relle. 43 

CHAP. XII. Defcription 6 ufage d’une nouvelle machine très- 
utile aux Aantornifies AUX Deffinateurs ‘aux Graveurs, 
aux Peintres qui travaillent en migniature ; Ë généralement 
à tous ceux qui veulent découvrir ce que les yeux feuls ne peu- 
vent appercevoir, & poulfer leurs ouvrages au point le plus 


haut de perfeéon. 44 
Des ufages de cette machine. 45 
CHAP. XII. Explication de toutes les parties qui compofent un 

Microfcope à trois verres convexes des deux côtés. 46 
Explication du profil de ce Microfcope. NAT 
Du foyer de chacun des trois verres de ce Microfcope, & des di- 

verles diflances qui font entr'eux. 48 


Des ufages que l’on peut tirer de ce Microfcope à trois verres. 48 


CHAP. XIV. Defcriprion d’une petite machine nouvelle qui 


contient trois fortes de ei & deux petites lunettes 


d'approche. Lo) 
CHAP. XV. Defcriprion d’un nouveau Microfcopeuniverfel, s 2 
Des ufages de ce Microfcope univerfel. 58 


De la circulation du fang, & d'une nouvelle invention pour la 
faire voir dans la queue d’un petit Poiffon nommé Térard ou 


Chabot. GI 
Profil d’un petit Microfcope compofé de deux ou de trois lentilles 
convexes des deux côtés. 63 


CHAP. XVI. Autre nouveau Microfcope univerfel, 66 


-DES CHAPITRES. v 
CHAP. XVII. Explication d’un troifieme & dernier Microfcope 
68 


nouveau & univerfel. 
CHAP. XVIII. Comment on doit ajufler une Lamproie, une 
Anguille ou un Tétard dans un tuyau de verre , d'argent ou de 
laiton. Comment on applique ces tuyaux dans la machine re- 
préfentée en la PI, 21, fig. 4. Et enfin comment cette même 
machine doit étre placée dans la capacité du corps de ce Mi- 


crofcope. 74 
Comment & fur quoë il faut faifer les poiffons dont la groffeur ne 
permet pas de mettre en ufage la machine précédente. 76 
Comment on pourra conferver durant plufieurs mois tous ces 


poiffons. = 
SEGONDE PARTIE 
CHAPITRE XIX. 


d Efcription & ufage. de deux nou- 
P'.. veaux. Müicrofcopes univerlels à 


plufieurs verres ,.& de peu de longueur. 4 
CHAP. XX. Defcriprion 6 ufage d'un nouveau Microfcope 
univerfel ,à deux , à'trois € à quatre verres. 9 


CHAP. XXI. Des avantages qui fe nrent.de la proximité de 
deux Verres d'inégales convexités | appliqués auprès de l'œil. 
11 


CHAP. XXII. Conffruéion d’un nouveau Microfcope à deux 


| ï 

verres , qui n'a qu'un pouce ou environ de lonoueur & autant 
de diametre ; par le moyen duquel on pourra voir un objet très- 
clairement & très-diflinélement dans fa fuuation naturelle, & 
de huit groffeurs différentes , fans être oblisé d'augmenter ni 


diminuer la longueur du corps de ce Microfcope. 13 
CHAP. XXII. Nouvelle méthode pour monter les Microfco- 
es à canon de verre. 14 
CHAP. XXIV. De combien les Lenulles grofiffent. 16 


CHAP. XXV. Proportions des verres du Microfcope de Mon- 
feigneur le Maréchal d’Eflrées | dont les effits font très-agréa- 
bles à voir, l'ayant rendu univerfel, c’eft-a-dire propre à faire 
voir les petits objets ordinaires , les animaux des liqueurs , 


& La circulation du fang dans plufieurs Jortes de poiffons de 


v) TABLE.DES CHAPITRES. 


diverfes efpeces. 17 
CHAP. XXVI. Proportions des Verres d'un petit Microfcope 
qui n'a que deux pouces & demi de longueur , très-commode 
pour être appliqué à notre Microfcope univerfel. 19 
CHAP. XXVIT. Des Werres concaves que l’on fait fervir de 
orte-objets aux Microfcopes. 22 
CHAP. XXVIIL. Obyjetons 6 réponfes faites au fujet de la 
nouvelle hypothefe propofée par M. Joblot au fujet de fes nou- 
veaux Microfcopes | & des expériences qu’il en a faites avec 


ces MT, icrofcopes, + 26 


Fin de la Table des Chapitres du fecond Volume. 


AVIS AU RELIEUR. , 


On placera les quatorze Planches, Tome I. Partie I. à [a fin de 
cette Partie, avant la feconde Partie de ce Volume. 

Les quinze Planches, Tome I. Partie IL. après cette feconde Par- 
tie. 

Les vingt-quatre Planches du Tome II. en une feule fois , après 
le Tome fecond. 

Et on obfervera toûüjours de laïffer les papiers blancs, pour que 
les Figures fortent en-dehors du Livre. 


ne . 


OBSERVATIONS 
D'HISTOIRE NATURELLE. 
SECONDE PARTIE, 
CONTENANT la Defcripuon & les Ufages des 
différens Microfcopes. 


CHAPITRE PREMIER 
Déefcription des Microfcopes dont l'Auieur a fait ufage. 


PRÉS avoir rapporté tout ce que j'ai obfervé 


fingulier & de plus imperceptible à la, fimple vüûe 
dans divers mixtes, foit folides, foit liquides, & fur-tout 


-4 - Nouveaux MicroscOPEs 


Planche r. 


Planche 2. 


les petits animaux que les yeux armés d’excellens Microf- 
copes y apperçoivent, j'ai crû qu'il falloit expofer à la fuite 
toutes les pieces des inftrumens que j’ai employés à ces re- 
cherches. 


Defcripuion 6 ufage des nouveaux Microfcopes dont on peut 


Je Jervir à la lumiere du Jour ou\à celle d’une chandelle. 


| HA QUE Microfcope me paroit avoir fes ufages parti- … 
* culiers , de forte que je ne penfe pas qu’on én puifle 
inventer aucun qui renferme feul toutes les propriétés de 


eux que je vais propolfer. 

En voici un qui paroît exempt des défauts qu’on remar- 
que dans les autres, & plus univerfel que ceux que j'ai vûs': 
{eul, il fervira à toutes les expériences qu’on fait ordinai- 
rement avec beaucoup d’aûtres divetfement conftruits ; & 
quoiqu'il paroïfle d’abord fort compolé , on avouëra qu'il 
eft tres-fimple par rapport à la diverfité de fes effets : 1l a 


même cet avantage , que l’on peut comprendre en un inf-' 


tant la maniere de s’en fervir dans l'examen d’une infinité 
de nouveaux objets très-agréables à la vüe, & très-propres 


à prouver la: puiffance mfnie du Créateur, en expofant à 


nos yeux tant d’efpeces d'animaux , qui font peut-être un 
million de fois plus petits que le ciron ; que l’on peut regar- 
der comme l’éléphant de la plüpart de ces infeétes. 


Ce Microfcope repréfenté tout entier en À , eft compofé 


de quatorze à; quinze pieces principales. : À 

B, quien eff le profil, fait par la feëtion d’un plan qui 
l’a divifé en ‘deux parties égales, pouf en faire voir le de- 
dans , & les différentes épaifleurs des pieces qui le com- 
pofent. cut 

C, eft la repréfentation d’un manche qui fe monte à vis 
fous le petit canon cylindrique du Microfcope ,.où l'on a 
foudé une virole dans laquelle il y a un écrou , comme on 
voit dans le profil B."°? °° | PE 

D , eft le deffein d’une petite boëte ou porte-lentille. 


Een 


PREMIERE PARTIE. Chap. I. 3 

E ,eneftle profil; F, l'entrée ; & G , le deflous, où ily a 
un petit rebord pour fourenir un diaphragme qui doit por- 
ter la lentille marquée 2. 

1, cft une virole au bord fuperieur de laquelle on à refervé 
une moulure pour la tenir plus facilement ; elle eft refenduë 
en quatre difierens endroits également efpacez , pour faire 
l'effet d'un reflort. 0 0 

3, eft le plan du deflous de cette virole : fon ufage eft de 
retenir la lentille qui fe met dans la boëte D ,& de l’y affermir 
entre deux petits diaphragmes de plomb placez au centre. 

H, eft une platine vüë par devant , au milieu de laquelle 
il y a un trou de quatre lignes de diametre , pour recevoir 
plufieurs boëtes l'une après l’autre , comme D, dans chacune: 
defquelles il y a une lentille , dont le foyer eft different de 
celuy de chacune des autres; ce qui eft tres - avantageux 
pour réüflir dans les diverfes obfervations que l’on fe pro- 
pofe de faire. | 

1, reprefente la même platine vüé par derriere ; L, eft le 
profil de la platine H, où on voit l'épaifleur de la queuë qui 
y eft rivée & foutenuë par une rofette, comme on le remar- 
que au bas de la platine H, où eft fon profil L. 

M , eft le deflein d’un verre taillé en forme d'un quarré 
long , creufe fpheriquemenc au milieu , pour porter les gout- 
tes de liqueurs qu'on y met , en forte quon puifle aflez 
l'approcher de la lentille. | ts 0 

Ce verre M, qu'on peut nommer porte-objet , & qui doit 
avoir tres-peu d'épailleur dans le. milieu , eft taillé en:bi- 
feaux des deux côtez les plus longs , afin qu'il entre. jufte- 
ment dans une coulifle reprefentée fur la platine N ;:& qu'il 
y foit encore retenu , fi l’on veut, par un levier à reflort qui 
s'appuye deflus ; ainfi qu'on le voit exprimé dans.le deflein 
marqué N,& mieux encore dans fon profil P ©. 

O , eft le plan tout uni du derriere de cette même pie- 
ce N. 

P, eft le profil du reflort de la coulifle ; où l’on fait en- 
trer les portes- objets , qui doivent être differens & nom- 
breux , pour faire voir en peu de tems plufieurs fortes de 
chofes, 


À 


Nouvraux Mrcrosconrs. 
Q, eft le deflein d’üne autre piece vûëé par devant, qu'on 
Planche. Peut nommer porte-pincette , à caufe qu'on y en peut met- 
rie plufieurs l’une après l’autre ; tenant l’une un poux, l’au- 
tre une puce , &c. que l'on conduit vis-à-vis de la lentille 
du Microfcope , pour y être obfervée de tous côtez, par les 
Planche, Imouvemens divers de la pincette , qu'on y tourne comme 
on veut; foit en l’avançant , foit en la reculant. 
RS, eft le profil de la pincette qu’on voit arrêtée fur la 
piece marquée Q, 
« T,T,T,T, font differens defleins de plufieurs pincettes 
à reflort , plus commodes que la précedente, pour pincer 
facilement les petits infeétes vivans où morts qu'on y veut 
attacher. X, eft la reprefentation d'une platine foudce par 
le bas au petit canon cilindrique. Cette piece a deux ou- 
verturcs , la plus grande eft de onze lignes de diametre; on 
y voit l'autre reprefentée dans fa jufte grandeur , & dont les 
ufages feront cy-après expliquez. 

V, X &Z, font trois pieces qui doivent être jointes & 
attachées enfemble , de chacune defquelles il faut donner 
unc idée aflez claire pour en faire comprendre la méchani- 
que & l'ufage. 

V ,eft le deflein de la premiere des trois pieces dont je 
viens de parler , vüë par devant ;elle à une ouverture ronde 
de fix lignes de diametre, & trois petits écrous autour d'el- 
le , également efpacez : & fur le même plan on y a rivé 
deux pieces un peu élevées pour former une coulifle, 

Âu derriere de cette même piece marquée par Ÿ , & touc 
à l'entour de fon ouverture , on y à fait une élevation en 
forme de parapet ou d’une virole épaifle d'une ligne , qui 
fe loge & tourne librement dans l'ouverture ronde de la 
latine X. 

Cette platine X, qui eft la feconde & la plus grande des 
trois pieces qui doivent être liées enfemble , a onze lignes de 
diametre pour fon ouverture. 

Z , eit la troifiéme qui eft toute ronde par fes bords , & 
de peu d'épaifleur , aufli-bien que les deux précedentes;elle 
eft vûë feurement du côté pofterieur du Microfcope , & ca- 
chée du côté où font les reflorts d'acier , dont nous parle- 


PREMIERE PARTIE. Chap. I. s 
tons bien-tôt. L'ouverture qui eft au milieu n’a que fix li- 
gnes de diametre : il y a vers le bord de cette circonference 
trois petits trous qui répondent juftement aux trois écrous 
de la platine V. 

On a de plus pratiqué, autour de cette platine Z, & vers 
le bord exterieur de fa circonference , un petit canal de 
deux lignes de largeur , & de peu de profondeur , pour y 
loger à des diftances égales trois petits reflorts d'acier trem- 
pez , qui font fixez par un bout fur le fond de ce canal. 

Cela fuppole , il faut maintenant aflembler ces trois pla- 
tines ; & pour cet effet, appliquez le derriere Ÿ de la pla- 
tine V fur le devant de la platine X ; & celle qui eft mar- 
quée Z , fur le derriere de [a même platine X , en forte que 
les reflorts la touchent , faifant aufli répondre les trois trous 
de l'une aux trois trous de l’autre ; & arrêtant enluite ces 
trois platines ainfi polées , avec trois petites vis , on aura le 
mouvement de la piece V , doux, égal & uniforme , en forte 
qu'elle demeurera fixe dans tous les endroits où il fera né- 
ceflaire qu'elle refte. 

& , repréfente le deflein d’une piece compofce d’un petit 
canon cilindrique , d'une autre piece à coulifle , d'une virole 
au-dedans de laquelle il y a un écrou pour y faire entrer à 
“vis le manche qui fert à foutenir le Microfcope entier ; & 
enfin d'une petite rouë marquée b, au milieu de laquelle il y 
a un Écrou. 

a , eft la repréfentation du profil de toutes les pieces dont 
nous venons de parler dans le deflein marqué &. 

c,eft le plan de la largeur du reflort attaché interieure- 
ment au-dedans du canon , par le moven de deux petites 
vis , dont on voit les têtes & le corps dans le profil à. 

$ > 6,7; {ont trois defleins d’une même piece creufe , qui 
cft faite en forme d’un parallelepipede reétangle, à laquelle 
on 2 attaché un reflort qui regne le long de fa partie fupe- 
ricure , comme on voit en la figure 6 , & une vis à {on extré- 
mité qui entre dans lécrou de la roué b, dont l'ufage eft 
d'approcher ou d’éloigner les objets de la platine H, par un 
mouvement uniforme. 

s & 7 font deux profils de cette même piece ; l'un de ces 

À ji) 


Planche 4, 


E Nouveaux Microscopreé 

profils marqué 7 ;' fait voir le dedans de la piece , & l’autre 
qui eft reprefenté par le chiftre $, la fait voir par le côté & 
par dehors, afin de voir l'épaifleur du reflort. 

d , eft la reprefentation d’un gros canon , garni par de- 
dans d'un tuyau de velours ou dé drap noir , & de deux 
diaphragmes appliquez à fes extrémitez. 

e, cft le profil de ce gros canon cilindrique : f& g, en 
repréfentent les diaphragmes. 

h , eft une efpece de virole ou de boëte ouverte des deux 
côtez, qui fert à arrêter les diaphragmes de diverfes ouver- 
tures , qui {e placent à l'extrémité objettive du gros canon, 
auquel font attachez deux tenons à jour, par où pafñle une 
efpece de regle à coulifle , foudée à la'partie fupericure du 
petit canon &. Entre les deux tenons de ce gros canon 
cilindrique , on apperçoit un petit reflort d'acier trempé, 
dont l’ufage eft de rendre le mouvement du canon plus égal. 

La plus grande partie des pieces de ce Microfcope fe 
peut faire d'argent ou de laiton, Les portes-objets doivent 
être faits de beaux morceaux de glace des plus tranfparens, 
& des mieux choifis. On peut aufli en faire quelques-uns de 
carton , ouvert par le milieu , ou de quelqu'autre matiere 
qui convienne aux divers objets qu'on y veut mettre , com- 
me aîles de mouches, plumes menues de ferins de cana- 
rie ; &C. | : 

Nous avons negligé de déterminer par des mefures parti- 
culieres, la grandeur de chaque piece de ce Microfcope ; 
parce que les Figures les repréfentent aflez bien & aflez 


juite , dans les mêmes proportions que Monfieur le Febvre, 


tres-habile Ingenieur pour la conftruétion des inftrumens de 
Mathematiques , les a executées. 


Des ufages de ce Microfcope. 


E n’aurois jamais fait fi je voulois rapporter tous les ufa- 
ges de ce Microfcope ; c'eft pourquoy , pour ne pas en- 
trer dans-un détail trop long , je me contenteray de dire en 
general, qu'on le peut employer tres- avantageufement à 
l'examen des pevits animaux , de leur fang , & des autres 


PREMIERE PARTIE Chap. I. e 
liqueurs contenuës dans leurs differens vaifleaux ; & à la 
découverte des moindres particules, tant des mineraux que 
des plantes , où l’on apperçoit une infnité de chofes nou- 
velles dans leurs graines , dans leurs tiges " dans leurs feüil- 
les , dans leurs boutons , dans leurs fleurs; & enfin dans tou- 
tes les infufions de chacune de ces parties , ou de plufieurs 
enfemble , dont la moindre goutte contient fouvent une mul- 
titude prodigieufe de créatures vivantes d'une petitefle qui 
échape aux meilleurs yeux deftituez du fecours de l'art. 

Lorfque l’on fe propofe d'examiner quelques-unes des li- 
queurs dont il eft parlé dans cette Hiftoire, il faut enfoncer 
le pecit bout d'un menu bâton, ou l'extrémité la plus menuë 
d'une plume , jufqu'à profondeur de deux lignes au plus, & 
vers les bords du vaifieau , y faifant même toucher ce bout 
de plume , pour le porter enfuite chargé d’un peu de liqueur 
fur le milieu du concave fait fur le porte-objet de verre en- 
gagé dans la coulifle , de la piece du Microfcope marquée 
N , qui eft décrite cy-devant : par ce moyen une partie du 
peu de la liqueur, qui s’étoir attachée au bout de Ja plume, 
coulc dans cette cavité du porte-objet, & y forme une gout- 
telette du diametre d’une ligne ou environ, qui paroît au 
Microfcope comme un lac d'une vafte étenduë, dans lequel 
on voit nager une quantité furprenante de tres-petits poif- 
fons de diverfes grofleurs , figures & mouvemens. 

Nous expliquerons plus loin une nouvelle maniere d’ap- 
pliquer le vinaigre fur le porte-objer du Microfcope , plus 
convenable que celle-cy , parce qu'on y peut mettre tres- 
facilement beaucoup plus d’anguilles ; nous dirons feulement 
icy que les lentilles qui grofliflent le plus font les moins pro- 

res à obferver ces infettes , à caufe que la grandeur monf- 
trucufe fous laquelle ces lentilles les font paroïtre , empêche 
&e les voir toutes entieres ; de forte qu'il fuffñit de les obfer- 
ver avec une lentille d'environ une ligne & demie de foyer, 
pourvüû qu'elle foit excellente. 

Nous avons déja dit que les poux , les puces , & d’autres 
animaux de pareille grofleur , pouvoient s’y obferver tout 
vivans , par le moyen des pincettes qu'on ajoûtoit à la pla- 
rinc marquée Q., & nommée porte-pincertes ; & nous ajoû- 


À üj 


Planche 2. 


Planche 2. 


8 Nouveaux MiIcROsSCOPESs. 

tons de plus , que ces mêmes infectes peuvent être enfer- 
mez en un des portes-objets de verre creufé fpheriquement, 
& couvert d’une lame fort mince de verre ou de talc, afin 
de les empêcher de fortir de leur prifon. 

Pour faire tenir ce couvercle plat & tranfparent fur le 
concave , on fe fervira d'un peu d'eau gomée , ou de la fim- 
ple humidité de l’halene qu'on y pouffera de près. 

On peut encore attacher ces cipeces d'intectes , comme 
les mittes de fromage , les fourmis , &c. fur un petit verre 
plan , ou fur un concave de même matiere , an moyen d’un 
peu d'eau gomée dont on le moüille legerement avec un 
pinceau , ou avec le bout du doigt. 

Les cheveux, les aîles de mouches, les petites plumes 
des oifcaux, &c. fe peuvent attacher à des portes-objets de 
carton fin percez à Jour, qui entrent dans la coulifle de la 
platine N°, où eft attaché le petit levier à reflort qui les y 
fixe , pour y étre plus facilement obfervez. 

Les mouches, & d’autres animaux de femblable petitefle , 
s'y peuvent obferver toutes enticres, en les traverfant d’une 
aiguille , & les regardant dans cet état avec une lentille 
d'un foyer proportionne au volume de ces animaux. 

Les rubans & les étoffes de foye s'atrtachent en petits 
morceaux à l'une des pincettes dont on a parlé , ou au bout 
d'un poinçon emmanché , qui doit entrer dans le petit bras 
cilindrique & creux du porte-pincette. 

Les grains de fable , les petites graines, la poufliere qu'on 
trouve dans les fleurs , & generalement tous les corps durs 
de pareille groffeur , tranfparens ou non, s'y peuvent aufli 
voir & obferver tres-exatement. 

Les grains de fable y paroiïflent diverfement , felon les 
differentes façons de les préparer pour les y regarder. 

Premierement , on les peut répandre fur le concave ou 
porte-objet , humcété fimplement de l’halene , en obfervant 
de n’y en mettre qu'autant qu'il y en faut pour n'être pas les 
uns fur les autres, & les regarder avec une lentille de deux 
lignes de foyer feulement ; tantôt au jour, & tantôt à la lu- 
miere d'une chandelle ; car de ces lumieres differentes il 
naîtra differentes fenfations. 


PREMIERE PARTIE. Chap. I. 9 
Secondement. Si fur ces mêmes grains de fable vous y 
faites tomber une petite goutte de vinaigre, dans lequel il 
s’y trouve des anguilles , elles vous fourniront un nouveau 
fpectacle aflez divertiflant , par rapport à l'embarras où elles 
É trouvent de fe dégager d’entre les mañles de rochers for- 
mées par ces grains de fable qui leur tombent fur le corps, 
par les fecoufles qu’elles leur donnent , en les écartant les uns 
des autres, pour fe faire un paflage libre. 

TFroiliémement. Mais comme cette préparation du grais, 
ou du fable mis feul fur le concave du verre, ou avec les an- 
guilles , demande beaucoup d’adrefle pour éviter qu'il ne {e 
faîle des rayes fur ce concave ou porte-objet , qu'il faut tâ- 
cher de conferver le plus long-tems qu'il eft poflible , à caufe 
de la difficulté qui fe trouve à le bien faire ; J’ay jugé à pro- 
pos de chercher un autre moyen de donner le même plulir, 
en évitant le danger dont je viens de parler. 

Pour cet effec il n’y a qu'à fe fervir d'un porte-objet fait 
d'une lame de laiton , au milieu de laquelle on fait un trou 
d'une demie ligne de diametre , dans lequel vous mettrez 
une petite goutte de vinaigre , que vous pourrez obferver 


[e, VE 
feule , ou avec les grains de fable , en les y répandant en 


petite quantité. 

Quatriémement. Ces grains de fable fe peuvent encore 
obferver , en les mettant fur un porte-objet d’ébene noire, 
fait comme une petite dame , au bord de laquelle on y a re- 
fervé deux petites élevations qui les empêchent de tomber, 
& un petic trou fait dans l’épafleur de cette piece, où l'on 
fera entrer un manche d'argent ou de laiton , qui fervira à 
la tenir comme en l'air , en le fourrant dans le bras du por- 
te-pincette , & regardant ce qui fera deflus ce porte-objet 
de haut en bas , comme on regarde ordinairement les mé- 
mes chofes avec un Microfcope à trois verres ; puis compa- 
rant cette façon de voir à la précedente , on remarquera 
plufieurs circonftances qui feront peut-être le fujet d'une 
differtation aflez propre pour nous inftruire de plufieurs faits 
nouveaux fur l'optique. 

Toutes les graines & les autres corps d’une certaine gran- 
deur fe placeront de même , en obfervant de mettre fur 


Planche 5. 


10 Nouveaux Microscores. 

une dame noire ceux qui feront blancs, & ceux qui auront 
de la tranfparence , & les opaques fur une autre dame 
blanche. 


CHAPETRE “IT 


Defcription d'un autre nouveau Microfcope à liqueurs. 


NE Microfcope, quoyque de petit volume , ne laïfle pas 
d’être un des plus commodes que l’on ait jufqu'à pre- 
fent inventé; & principalement en ce que le porte-objet 
conferve à l'égard de la lentille le même point de diftance 
qui ne fe dérange pas, en y mettant de la liqueur nouvelle. 
1 eft compofé d'environ quinze pieces que l'on a deflinces 
{parement , afin d'en mieux faire connoître la conftruétion 
& l'ufage. 

La Figure À eft la repréfentation du Microfcope entier , 
compofe de toutes fes parties. 

B, eft une piece d’ebene façonnée , vûé par-deflous , & 
percée à jour dans fon milieu ; comme il paroît dans fon 
profil D , où l'on voit un petic rebord x x, abaïflé au-def- 
fous de fon plan inferieur, plus ou moins haut, felon l'épaif- 
feur de la lentille qu'on y veut arrêter. 

Cette piece d'ebene , dont le deflous eft vü en B, pour 
exprimer non-feulement le plan qui s'applique fur la piece 
marquée F, de laquelle on va parler , mais aufli la largeur 
du rebord x x , celle de la virole , & l'un des deux dia- 
phragmes de plomb qui doit couvrir la lentille , font ce 
qu'on nomme ordinairement le porte-lentille , dont le cir: 
cuit x x doit entrer avec juftefle dans l'ouverture pratiquée 
en F, & s’y arrêter ainfi montée par le moyen de deux pe- 
tits tenons tournans , qui fe peuvent remarquer à droit & à 

auche de cette piece F. 

H cft à propos d’avoir deux montures d’ébene ainfi conf- 
muites , & de les garnir de lentilles d’inégales convexitez , 
pour augmenter plus ou moins l'apparence des objets. 


La Figure E ou F , reprefente une plaque de laiton , aui 
Le 
| coit 


PREMIERE PARTIE. Chap. Il. It 
doit être attachée avec deux vis fur le corps du Microf- 
cope , comme on le peut voir en À. 

Cette même piece eft vûé en F par-deflus, & en E par le 
deflous , où l'on voit le reflort courbe qui y eft attaché avec 
deux petits rivez. 

Ce reflort que l'on a feparé de la piece E , eft reprefenté 
tout feul au-deflous de la lettre H; le corps de ce Microf- 
cope , qui eft une virole de laiton affez épaifle pour pouvoir 
être viflée par dehors, & avoir un écrou en dedans , eft 
repréfenté par la Figure O ou N : il doit avoir deux petits 
bras qui débordent la circonference de fon extrémité fupe- 
ricure , pour y attacher la piece E avec deux petites vis, 
comme elle paroît dans cette Figure N. 

Cette même virole , au bas de laquelle on à fait une vis, 
doit aufli avoir un écrou en dedans qui luy réponde, comme 
on le peut remarquer dans fon profil N ; elle doit aufli avoir 
deux ouvertures quarrées à fes côtez oppofez, de la largeur 
chacune d'un peu plus du quart de fon circuit , pour rece- 
voir la piece de laiton repréfentée en T M, qui y doit haufler 
& baifler librement, lorfqu'elle eft pouflée par la piece re- 
prefentée en Q, ou repoufñlée par le reflort H; & c'eft entre 
cette piece & le reflort que fe place le porte -objet creufé 
fpheriquement , de maniere que la concavité de ce verre 
{oit tournée vers la piece R, dont je parleray bien-tôt. 

La Figure Q eft une autre virole dans laquelle il y a un 
écrou pour recevoir la vis de la piece ©, qui eft le corps du 
Microfcope. 

… Cette virole a un rebord dentelé, pour empêcher que les 

doigts ne gliflent deflus en la tournant. Cette piece étant 
müûé en un fens , force le reflort , & poule la plaque T M 
vers F ; & par confequent approche de la lentille le porte- 
objet qu'elle foutient , & qui s'éloigne au contraire de cette 
même lentille , en tournant la virole Q d'un autre fens. 

La Figure marquée par la lettre P , eft le profil de la vi- 
role dont on vient de parler , où l'on voit un écrou en 
dedans. 

S, repréfente un canon cilindrique d'ébene tres-noire , 
façonné au tour & enrichi de quelques moulures , ayant en- 


Planche 6€. 


12 Nouveaux Microscopres. 

viron vingt lignes de longueur : il eft percé à jour, d'un bout 
à l’autre , pour laifler pañler la lumiere , comme on le peut 
remarquer par fon profil marqué R. Il y à une vis à l’un de 
fes bouts qui doit entrer dans l'écrou interieur du corps du 
Microfcope , & à l’autre bout quelques moulures qui ne fer- 
vent que d’ornemens , & un petit enfoncement qu'on y a 
pratique , pour y arrêter un diaphragme marqué V , au mi- 
lieu duquel on fait un trou plus ou moins grand , fuivant le 
plus ou le moins de lumiere qu'il faut , pour bien voir les 
objets qui font tout le fujet de notre attention. 

Pour fe fervir de ce Microfcope, la lentille étant arrêtée 
où nous avons dit qu'elle devoit l'être , & le porte-objet I 
placé entre la piece T M & le reflort ; il n'y a qu'à ôter le 
canon S , & dans le milieu du concave qui fe prefente , 
mettre avec le bout d'une plume un peu de la liqueur où 
font les animaux que l’on veut obferver ; puis ayant remis le 
canon , approcher ou éloigner le porte-objet de la lentille, 
en tournant ou détournant la virole Q., jufqu'à ce qu'il foit 
au foyer. 


CHAPITRE Ill. 
Defcription d'un troifième Microfcope à liqueurs. 


, Repréfente le Microfcope tout entier vü de côté, 
À B, eft le profil de ce Microfcope , fait par la feétion 
d'un plan qui divife toutes fes parties en deux également , 

our en voir les diverfes épaifleurs. 

” ©, ef le deflein du même Microfcope vû par-devant. 

a,a,a,a, reprefentent quatre defleins du porte-lentil- 
le , dans l’un defquels il eft vü de côté ; dans un autre il eft 
vû par-devant ; & les deux autres en font des profils, vès 
dans deux fituations differentes , l’une verticale , & l’autre 
horifontale. 

b, eft une platine de laiton bien dreflée des deux côtez , 
un peu recourbée par en bas , & ouverte par de haut d’un 
grand trou rond où s'enchäfle le porte-lentille , qu'on y 


PREMIERE PARTIE Chap. I. 13 
arrête fermement par le moyen de deux petits tenons , 
rivez & mobiles au-devant de cette platine. 

On a aufli rivé ou foudé au bas de cette même platine , 
une vis d'acier d'environ quinze lignes de longueur , & de 
deux lignes au moins de diametre , qui s'engage à angles 
droits dans l'épaifleur de cette même piece. 

c,c,c,C, eft la reprefentation du profil & des plans les 
plus larges d’un reflort d'acier trempé , & recourbé à peu 

rés comme font les pincettes de même matiere qui fervent 
à arracher le poil, & duquel les branches inégales contri- 
buent à approcher & à éloigner parallelement au porte- 
objet f, la platine b. Ce reflort qui n’eft attaché à aucune 
des pieces du Microfcope , s’y applique pourtant tres-avan- 
tageufement , comme on le va dire. 

On fait entrer le bout recourbé de la branche la plus 
courte de ce reflott dans une entaille ou fente faite vers 
l'extrémité fuperieure de la virole , où s'engage le manche 
du Microfcope. Et l’autre bout recourbé du même reflort 
entre dans deux petites coches taillées aux côtez du bas de 
la platine marquée b. 

d,d,d, eft une feconde platine qui fait l'office d'un ref- 
fort , fenduë en fa partie fuperieure , ouverte par fon milieu 
d'un grand trou rond , coudée un peu au-deffous de fon 
extrémité d'en-bas , où elle eft entaillée en demy cercle , 
pour embrafler la moitié du petit canon cilindrique , étant 
arrêtée d’ailleurs par une vis qui fe fait voir entre les deux 
canons du profil B, de tout le Microfcope. 

e,Cc,e,e, reprefentent une troifiéme platine, ouverte 
comme la précedente dans le milieu de fa plus large partie, 
étant foudce par fa bafe à la virole qui reçoit le manche du 
Microfcope. 

On voit au bas de cette même platine e , un petit canon 
cilindrique & creux , d'environ huic à neuf lignes de lon- 
gueur , & de deux ou trois lignes au plus de diametre ; on l'y 
voit appliqué à angles droits & foudé : il eft de plus traverfé 
de bout en bout d'une vis attachée à la platine b. 

Au derriere de la platine e , on y voit deux petits tenons 
en forme de crochets , qui fervent à arrêter init le 


Bi 


Planche 7. 


14 NôvvEaux Mrcroscores. 
gros canon au bout duquel on met les diaphragmes de diver- 
{es ouvertures. 

f,eftle porte-objet de verre, plan d’un côté , & concave 
de l’autre, pour y appliquer les liqueurs & les autres objets 
que l’on veut obferver. 

Ce porte-objet fe fourre entre les deux platinesd,e, de 
maniere que le côté plan regarde la lentille ; & dans cette 
fituation on le peut mouvoir felon le befoin. 

g,S,g,cft une petite rouë dentelée , fervant d'écrou à 
une vis attachée à la platine b, dont l’ufage, Joint à celuy du 
reflort, eft d'approcher & de reculer la lentille de l'objet. 

h,h,h,h , eft un gros canon d'ébene qui fert de dia- 
phragme , & qui fe monte derriere la troifiéme platinee , à 
peu près comine le couvercle d’un fucrier , fur le fucrier 
même. 

Des Defleins aufi corre@s & aufli élegans que le font 
ceux-cy , de routes les diverfes pieces qui compofegt ce 
Microfcope , ne me paroiffent pas avoir befoin d'une plus 
ample explication , particulierement fi l'on fe reflouvient de 
ce que nous avons déja dit de quelques pieces qui entrent 
dans la compoñition des Microfcopes précedens , lefquelles 
font femblables , ou ont beaucoup de rapport à celles de ce- 
luy que Je viens de décrire. 


CHAPITRE" IV. 
Defcription € ufage d'un quatrième Microfcope tres-fimple. 


BC, font les profils des crois pieces DEF, qui com- 
À x le Microfcope , que Je fais ordinairement d’é- 
bene. 

La piece E du milieu , qu'on peut nommer le corps du 
Mon , contient deux écrous, l’un fuperieur, & l'autre 
inferieur , qui fe découvrent dans fon profil B , pour recevoir 
les vis des pieces DF. : 

C , eft le profil d'une autre piece percée à jour , {ur la- 
quelle il ya une vis , & un verre qui eft concave d'un feul 


PREMIERE PARTIE Chap. IV. 15 
côte , dont l’ufage eft de porter les objets qu’on met deflus 
pour y être obfervez. | 

À , eft le profil d’une autre piece , où l’on voitune vis qui 
fe monte dans l’écrou fuperieur de la piece du milieu mar- 
quée B. Cette piece À peut être appellée porte -lentille ; 
parce qu'on y en met une entre deux diaphragmes repre- 
fentez en G,G ; & on les y fixe avec une petite virole de 
hiton H, qui fait reflort. 

Cette lentille Ï étant ainfi portée proche de l'œil, fait 
découvrir un champ d'autant plus grand , qu’elle en eft 
prés. Îl ne faut pourtant pas que ce verre foit fi proche 
de l'œil, qu'il en puifle être termi par la tranfpiration de cet 
organc. 

Il y à un trou au-deflus du porte-objet F, d'environ une 
ou deux lignes de diametre, qui permetle paflage aux rayons 
de lumiere qui fervent à éclairer les objets que l’on met fur 
le concave F. 

Le diaphragme de laiton ou de plomb qui fe met entre 
la lentille & l'œil , doit avoir une ouverture proportionnée 
au foyer de cette lentille ; & il faut qu'elle foit d'autant plus 
petite que la lentille aura moins de foyer. 

Je mets aufli fouvent un femblable diaphragme O , au-def- 
fous du concave F, & j'en proportionne l’ouverture aux ex- 
periences que j'en veux faire, & au plus ou moins de foyer 
de ce concave , & même à la tranfparence plus ou moins 
grande des objets placez au concave F , où on les attache 
differemment. Par exemple , fi vous y voulez mettre du 
fable , de menues graines , ou quelques poudres tranfparen- 
tes, vous les y ferez fuffifamment tenir , en humeétant de 
votre haleine ce porte-objet, 

Les aîles de mouches ou leurs pattes , les fourmis , les 
poux , les puces , les mittes de fromage , les plus petites 
plumes des oifeaux , les cheveux , &c. s y arrêtent avec un 
peu d'eau gomée , ou quelque chofe d’équivalent , qu’on Y 
applique en petite quantité , & aux endroits convenables. 

On peut aufli enfermer des animaux vivans , comme des 
mittes avec leurs œufs , entre le concave F & un verre plan 
des deux côtez, qui foit de peu d'épaifleur, a 

B ii 


16 Nouveaux MicrRoscoOPEs. 

Le fang des animaux sy met tout chaud , avec le plus 
petit bout d'une plume à écrire. 

Les gouttes de l'eau des huïftres à l'écaille , & toutes les 
infufions qui contiennent des animaux aflez gros pour y être 
vüs , s'y attachent pareiïllement d’elles-mêmes. 

Les anguilles de vinaigre fe prennent & s'y mettent avec 
un petit tuyau de verre en forme d’antonnoir , de la gran- 
deur & de la figure qui eft icy reprefentée ; ce qui fe prati- 
que tres-facilement en cette forte. J’enfonce dans le vinaigre 
la partie MN de l’antonnoir, & après l'avoir pofée fur mon 


concave , Jy fais defcendre la petite goutte de vinaigre 


contenuë dans l'efpace MN , en boûchant la plus large ou- 
verturc avec le doigt, pour prefler l'air contenu depuis L 
juiqu'en M , après quoy on met ainfi ce vinaigre aflez près 
de la lentille pour y voir les anguilles à loifir ; puifque cette 
goutte doit être aflez grofle pour n'être évaporée qu'en une 
beure ou environ dans un tems temperé. 

On peut, fi l'on veut, les y conferver durant fept ou huit 
jours en efté , & pendant quinze en hyver , en mettant fur le 
concave où elles font un petit verre plan des deux côtez, 
qui empêchera que ce peu de liqueur ne s’évapore entierc- 
ment durant tout ce tems-là , & donnera lieu à un fpeétacle 
des plus curieux , par les differentes chofes qu'on y verra, 
& dont nous devons parler dans la fuite de cet Ouvrage. 

Pour faire aufli que ce Microfcope ferve à diftinguer les 
petits objets qui ne font pas tranfparens, & à les obferver 
comme on le fait avec les Microfcopes à deux ou à trois 
verres ; il n’y a qu'à faire une ou deux ouvertures quarrées 
à côté de la piece E , qui fert de corps au Microfcope , & 


mettre ces objets fur le concave, ou fur un autre porte-objet 


qui leur éonviennent , tournant au jour l’une de ces ouver- 
tures. 

On peut tourner plufieurs pieces femblables à celle qui fe 
voit marquée par F, & garnir de differens petits corps chotï- 
fis tous les portes-objets comme F qui doivent les foutenir, 
& être aifément fubftituez les uns aux autres, afin de faire 
voir plus promptement à une ou à plufieurs perfonnes ce 
qu'on y aura appliqué. 


PREMIERE PARTIE. Chap. IV. 17 

Ce n'eft pas une neceflité de multiplier les portes-objets, 
il fufñira d'en avoir feulement deux , fçavoir un pour y fixer 
le verre concave C , & l'autre marqué F, qui ait un petit 
rebord pour mettre dedans plufieurs cartons fur lefquels on 
aura arrête divers objets , que l'on placera l’un après l’autre 
fur la piece marquée F, afin de les y obferver. 

Le defir que j'ay eu de fatisfaire la curiofité de plufieurs 
perfonnes de merite, & la neceflité où je me fuis trouvé de 
tranfporter dans des lieux éloignez quelques-unes des infu- 
fions , dont je parle dans la feconde Partie de ce Traité , 
pour y faire voir dans la moindre goutte de chacune les di- 
vers animaux qu'elle contenoit, nront obligé de chercher 
une invention commode pour fervir à ce tranfport. 

En méditant l-deflus il fe prefenta plufieurs moyens , 
dans chacun defquels je trouvois des défauts confiderables, 
qui ne me permettoient de m'en fervir , que parce que de 
meilleurs me manquoient. Je defirois toujours d'en trouver 
un, tel que le vaifleau où feroit la liqueur fut fort petit, & 
déboûche même dans le tranfport , fans pourtant que la 
liqueur qu'on y auroit mife en püt fortir d'elle-même , en 
quelque fituation qu'il fe trouvât ; que ce vaifleau fût facile 
à préparer , & enfin fi commode qu'avec peu’ d’adrefle on 
pût facilement garnir de liqueurs les portes-objets des Mi- 
crofcopes dont Je me fers. 

Toutes les conditions de ce Probléme me parürent d’a- 
bord tres-difficiles à remplir; & je puis aflurer qu'il n’y eût 
que la nécefité où J'étois d'en venir à bout qui fut capable 
de m'obliger à pourfuivre mes recherches. Et enfin je m'a- 
vifay d’une machine la plus fimple & la plus aifée de routes 
celles quon pourroit fabriquer pour l'ufage auquel on la 
deftine. | 

PQ, cft le profil d’une petite phiole de verre à long col, 
faite par un Emailleur : elle a environ trois pouces de lon- 
gueur , & la boule fix lignes ou environ de diametre : l’ou- 
verture de l'extrémité P eft d’une bonne demie ligne , & 
cela fufit pour empêcher la liqueur d'en fortir d’elle- 
même. 

Maintenant pour faire entrer la liqueur dans une de ces 


18 Nouveaux MircroOscOpPEs. 
petites machines , qu'on peut regarder comme une efpece 
particuliere de Thermomérre ; il faut fourrer en dedans un 
filde laiton RS, plus menu que fon ouverture , après l'avoir 
moüillé dans toute fa longueur , en forte qu'y étant enfon- 
cé, fon extrémite d’en-haut furpañle de deux lignes l'ouver- 
ture qui eft en P , afin qu'ayant plongé le menu bout du 
petit antonnoir dans la liqueur dont on veut garnir le Ther- 
mométre , on porte enfuite fur lextrémité R du fil ce 
même bout N par où la liqueur s’eft infinuée à la hauteur 
MN , de deux ou trois lignes , de maniere que ce fil de 
laiton y entre ; puis preflant du doigt l'ouverture fuperieure 
de l’antonnoir , l’on fera defcendre la liqueur dans le Ther- 
mométre P Q; ce qui fe réïtérera autant de fois qu’on le 
jugera à propos : & ce Thermométre ainfi préparé fe pourra 
tranfporter par tout. 

Lorfque l’on voudra garnir d'une goutte le concave ou 
porte-objet du Microfcope , il n'y aura qu'à pofer le bout P 
du Thermométre dans ce concave , & envelopper fa boule 
avec les doigts, afin qu'en échauffant & rarefiant quelque 
peu l'air qu'elle contient, il en puifle faire fortir un peu de 
liqueur. Et il faut remarquer que quand on aura mis du 
vinaigre , par exemple dans l’un de ces Thermométres , il 
n'y faudra pas mettre d’autre liqueur, parce que la feule 
vapeur du vinaigre feroit mourir fubitement les petits infec- 
tes de cette liqueur. 

Enfin fi l'on veut que ces petits Thermométres fervent 
pluficurs fois , il faudra en faire fortir la liqueur qui y fera 
reftée après s'en être fervi durant quelque tems ; parce que 
venant à s'épaiilir par l'évaporation, ce qui reftera ne man- 
queroit pas “de faire une crafle aflez épaifle pour rendre 
cette petite machine incapable de fervir une autre fois. 


CHAP. 


PREMIERE Partie. Chap. V. 19 
ES 
CHÉAPPATUIE NTE PANNE 


Confruëfion d'un cirquiéme Microfcope à liqueurs » par le 
moyen duquel on pourra employer des lentilles foufflées | > 
de celles qui ne le font point ; depuis les plus petits foyers 
jujqu'aux plus grands. 


ff ‘E Microfcope , qui fe voit reprefenté tout entier en À, 

y cft vû à peu près de la grandeur que nous l’avons 
conftruit ; il eft à la verité un peu plus compofé que le pré- 
cedent ; mais 1l a en récompenfe de plus grands ufages , 
comme il fera facile de le comprendre par l'explication que 
nous en allons donner. 

La premiere piece de cet inftrument contient deux vis; 
dont les pas font égaux : elles font faites fur des cilindres de 
differens diametres , comme on le peut voir dans le profil 
marqué I. 

Cette piece, qui cft creufée interieurement dans toute fa 
hauteur , a deux diaphragmes , l'un en B & l’autre en C, 
afin de ne laifler pañler que les rayons de lumiére qui la tra- 
verferont direétement par le milieu de € en B. 

La feconde piece marquée 2 eft cilindrique & creufe dans 
toute fa hauteur , qui n’eft pas confiderable ; puifque trois 
lignes au plus fuffifent pour y faire un écrou d’un pas de vis 
femblable & égal à celuy de la plus petite vis de la premiere 
piece fur laquelle cet écrou doit étre monté. 

E, reprefente le profil d’un verre concave d’un côté , & 

lat d’un autre ; fi mince à l'endroit creufé , qu'il n'y ait pas 
plus d’épaifleur de verre , que la lentille la plus convexe 
dont on fe fervira aura de foyer. 

On attache ce verre concave , ou une feüille de talc bien 
tranfparente , avec un peu d'eau gomée, en forte que le côté 
plat du verre concave foit exterieur ; ainfi qu’on l'a repre- 
fenté en E : il eft à propos d'avoir au moins deux pieces fem- 
blables & égales à cette feconde , l’une qui porte un mor- 


Planche 8. 


10 Nouveaux Microscoress, 
ceau de talc , & l'autre un verre plan concave , pour fervir 
à diverfes experiences. 

3 , eft une autre piecc cilindrique creufe , & affez haute 
pour faire qu'étant montée à vis , au moyen d'un écrou 
qu'on y aura formé , fa bafe L L puifle defcendre juiqu'au 
dernier pas qui eft fous mm, diametre de la plus grofle vis 
faite fur la premiere piece , aprés avoir monté la feconde 
fur la plus petite vis qui eft au haut de cette premiere pie- 
ce ; de forte qu’elle fer comme de furtout aux pieces pré- 
cedentes 1. & 2. 

On pratique au haut de cette piece un rebord tres-mince 
& fort ouvert dans fon milieu, comme on peut voir en GG; 
afin que ce peu d'épaifleur n'empêche pas d'approcher aflez 
la lentille des objets que l'on voudra obferver. 

La quatriéme piece eft un porte-lentille qui a peu d'é- 
paifleur ; il eft percé d'un trou rond d'une grandeur conve- 
nable à la lentille , & aux pieces qui luy fervent de monture. 

Quand les lentilles font d’un long foyer , par exemple de 
deux à trois lignes, on les y monte à peu prés comme nous 
l'avons dit dans l'explication du Microfcope précedent ; & 
lorfqu'elles font d’un tres-court foyer , il les faut arrêter 
entre deux petites platines de laiton gratté tres-mince , ou 
entre deux platines de plomb qui foient de peu d’épaifleur, 
& qui fe colent l'une contre l’autre vers les bords en dedans 
avec un peu d’eau gomée , ou plutôt avec de la cole dont 
les Menuifiers fe fervent. 

Cette monture fe doit enchâfler dans une petite piece 
d'ébene tournée proprement, qui foit d’un diametre un peu 
plus grand que celuy de la troifiéme piece , ainfi quon la 
voit reprefentée en la quatriéme Figure , où 1, 1 marquent 
les extrémitez de tout le diametre À cette piece qu'on ap- 
plique à l'œil, & dont le milieu H eft l'endroit où la lentille 
eft placée, 

Tout cela fuppofé ; nous paflerons à l'explication des 
ufages de ce Microfcope. Si l'on veut premierement exa- 
müner les anguilles du vinaigre , il faudra prendre tres-peu 
de certe liqueur avec la petite machine de verre faite en 
forme d’antonnoir, dont on a déja parlé, & faire defcendre 


--rp mie 


Premiere Partie. Chap. V. 21 
cette goutte dans la concavité du porte -objet de verre at- 
taché à la piece 2, puis monter cette piece fur la plus petite 
vis de la premiere ; enfuite on mettra le furtout par-deflus, 
& au haut de celle-cy le porte-lentille marqué 4, que l’on 
promenera fur G G, avec les deux premiers doigts d'une 
main, tenant en même tems avec les deux doigts de l’autre 
l'extrémité D D de la premiere piece , qu'on tournera d'un 
coté ou d'un autre , afin de mettre les objets qui auront été 
pofez dans le concave , au point de diftinétion où ils doivent 
être arrêtez pour y être apperçüs comme il faut; à l’'occafion 
dequoy il eft necellaire d'avertir, qu’on ne voit bien exac- 
tement ces animaux , que lorfque toute la goutte de vinai- 
gre eft prefque entierement évaporée , particulierement fi 
l'on fe fert d'une lentille d’un tres-court foyer , à caufe de 
l'extrême vicefle avec laquelle ils y nagent au commence- 
ment que la liqueur eft trop fluide. 

En fecond lieu , fi l'on veut examiner les animaux des 
autres liqueurs , il vaut mieux fubftituer au verre concave la 
piece où eft la feüille de talc, à caufe de la difficulté qu'il y 
a à creufer le verre comme il le doit être , pour bien faire 
ces fortes d’obfervations avec les plus petites lentilles. 

D'ailleurs , comme il faut moins de liqueurs pour décou- 
vrir ces derniers animaux , que pour les premiers , l’évapo- 
ration s'en fera plutôt, & l’on ne tardera pas à appercevoir 
ce qu'il y a de plus confiderable dans cette petite portion 
de liqueur appliquée fur ce talc. 

Ce Microfcope a cet avantage par-deflus les autres ; 
qu'on peut en un inftant connoître exactement tous les 
foyers de differentes lentilles qu'on y applique l’une aprés 
l’autre ; & quoy qu'on ne l'ait imaginé que pour les obfer- 
vations des liqueurs , il peut aufli fervir à examiner tous les 
petits corps tranfparens ; & parce qu'on peut mouvoir aife- 
ment la lentille pendant l’obfervation , on a le plufir de 
fuivre un animal dans fon allure , durant tout le temps qu'il 
parcourt l’étenduë de la goutte de liqueur qu'on à mule fur 
le porte-objet du Microfcope. 

Si l'on veut fe fervir de ce Microfcope pour examiner Îles 
cheveux , les aîles de mouches , les grains de fable , les 


Ci 


2, Nouveaux MicroscOPEs. 

mittes , &c. il faudra faire plufieurs pieces femblables à la 
deuxiéme , garnie chacune d'une petite feüille de talc bien 
tranfparente qui tienne en E, & attacher aufli de même 
ce quon veut voir, y employant les lentilles qui convien- 
vent le mieux à chacun des objets qu'on y aura attachez. 

L'on {çaura au refte qu'il y a des objets qu'il faut exami- 
ner à la lumiere d’une chandelle , plutôt qu'à celle du jour 
pour les bien appercevoir. 

Que la feconde piece de ce Microfcope doit avoir une 
ouverture aflez fpacieufe pour pouvoir facilement ôter la fa- 
letc que laïflent les liqueurs qu'on y avoit mifes en expe- 
rience , tant fur le verre que fur le talc, ce qui s’execute en 
moüillant d'un peu de falive un petit linge dont on couvre 
le doigt pour détremper & efluyer ces endroits , qui doi- 
vent être tres-nets avant que d'y remettre de nouvelle 
liqueur. 

Et qu'enfin la plüpart des pieces de ce Microfcope peu- 
vent être conftruites d'argent ou de laiton, d’ébene, &c. 

Pour peu que l’on fafle de réflexion fur tout ce que nous 
avons dit de la conftruction & des nfages des Microfcopes, 
l'on Jugera de la neceflité qu'il y a d’en avoir de plus d'une 
forte , fi l'on defire de fatisfaire pleinement fa curiofité là- 


deflus. 


C'H'ASPITT RE ONE 


Defcription d'un fixiéme Microftope à liqueurs ; d'une conf: 
truëtion fort finguliere ; pour mettre en ufage 
Les lentilles d'un tres-perit foyer. 


| E deflein AP O, reprefente ce Microfcope tout en- 

tier. : 
B , eft une petite platine d'argent ou de laiton de peu 
d'épaifleur , au milieu de laquelle eft un trou rond d'environ 
Pianche 9. quatre lignes de diametre. | 
Qn voit au haut de cette platine une petice entaille d'une | 


PREMIERE PARTIE Chap. VI. 23 
ligne en quarré , pour loger un tenon dont on va parler. Au 
nulieu du bas de cette platine on y voit une referve longue 
d'environ une ligne ou deux, & d’un peu moins de hauteur, 
pour fervir en partie à fixer cette platine fur celle dont je 
vais parler. 

C, D, font deux diaphragmes de plomb. 

E, eft une feconde platine un peu plus grande que la pré- 
cedente , & de même matiere, au milieu de laquelle on a 
fait une ouverture ronde égale à celle qui a été faite au mi- 
lieu de la premiere ; & au-delà de fa circonference on y a 
pratiqué un petit rebord creufé dans l’épaifleur de cette pla- 
tine E , pour y pofer les diaphragmes € , D, comme on 
pofe un tableau dans fa bordure. 

On voit au fommet de cette même platine , & immedia- 
tement fous la lettre E, un petit tenon qu'on peut haufler 
& baifler , ou le tourner, fi on le fait autrement , pour fervir 
à arrêter le haut de la premiere platine B. 

Il y a encore au bas de la platine E un petit trou quarré 
plus long que large , où l'on fait entrer la petite piece re- 
courbce qui a été refervée à l'extrémite inferieure de la 
premiere platine B ; ainfi on arrête fermement les deux dia- 
phragmes C, D, & la lentille du Microfcope que l’on place 
adroitement entre ces deux platines. 

Cette feconde platine E , dont on voit l'épaifleur dans 
fon profil au-deflous de G, eft foudée à angles droits fur 
l'extrémité d’un petit canon F, qui doit couler librement & 
avec juftefle dans un autre canon plus court marqué P. 

Le canon F eft ouvert par-deflous dans toute fa longueur ; 
afin que la vis attachée à la rouë H puifle appuyer fur la 
fourchette I, qui fait reflort, & tourner en avançant & en 
teculant , pendant que l’on approche de l'œil , ou qu'on en 
éloigne la lentille du Microfcope. ; 
À, eft une rouë au centre de laquelle on a rivé une vis 

d'environ un pouce de longueur , qui fert à faire mouvoir la 
platine E , que l’on peut nommer porte-lentille. 

1,1, eft une piece de laiton ou d'argent, vüé de front à 
droit , afin que lon en puifle découvrir la largeur ; & de 
gôté à gauche, pour en faire voir l'épaifleur. 

Ci : 


24 Nouveaux Mrcroscores. 

Cette piece eft courbée en équerres , & au-deflus de f4 
courbure on a fait un écrou dans un trou rond, dont on à 
retranché la partie fuperieure , pour former du refte une 
efpece de fourchette qui fe voit à l'endroit marqué I, dont 
on va parler. 

Cette petite fourchette s'introduit par -deflous la vis R ; 
qui en eft pouflée de bas en haut , à caufe du point d’appuy 
qu'elle a fur le haut de la virole du manche O ; ainfi cette 
fourchette fait l'office d’un reflort attaché par fon extrémité 
d'en-bas, au moyen d’une petite vis qui entre dans la virole 
de ce manche , à l'endroit marqué N. 

Le deffein L, qui eft à gauche , eft la reprefentation d’un 
porte-objet vü par derriere; & celuy qui eft du côté droit le 
reprefente vû par devant. 

On voit bien par ces deux figures que le verre concave 
où l’on met la liqueur que l’on veut oblerver , entre à cou- 
life dans une piece de laiton ou d’argent de peu d'épaifleur, 
dont la conftruétion en découvre aflez la méchanique , pour 
qu'on puifle fe pailer d’une explication plus étenduë que ce 
que J'en viens de dire, pour en donner l'intelligence. 

Ce porte-objet fe place au-devant d’une troifiéme petite 
platine , au milieu de laquelle ( comme au milieu des préce- 
dentes) il y à un trou rond. 

Cette petite platine eft foudée fur l'extrémité exterieure 
du gros canon qui fe voit immediatement au-deflous de la 
lettre À, par le moyen d’une ouverture qu'on à faite à cette 
platine , & de deux efpeces d'oreilles qui font reflort, com- 
me on le peut facilement juger , en jetrant pour un moment 
les yeux fur les endroits marquez Q,, Q,, dans le deflein qui 
reprefente le porte-objet L. 

On voit en Mun diaphragme façonné au tour, qui fe met 
au bout exterieur du gros canon À de ce Microfcope. Il eft 


bon d’en avoir de plufieurs ouvertures , parce qu'une feule Mn 


ne fuffit pas toujours pour qu'on puifle bien diftinguer les 
animaux de diverfes grofleurs & de diverfes tranfparences. 


O , eft la reprefentation du manche qui fert à tenir le Mi- 


crofcope d’une main, pendant que l’on obferve les liqueurs 
qi fe mettent l'une aprés l’autre fur le porte-objet ou con- 


; 

PREMIERE PARTIE Chap. VIT. 25 
cave de verre reprefente en L, qui s'approche de l'œil , ou 
qui s'en éloigne en tournant d’un côté ou d'un autre, avec 
le fecond doigt de la même main qui tient le manche du 
Microfcope , la petite rouë marquée H. 

Enfin il n’eft pas difficile de comprendre , que ce Microf- 
cope a encore l'avantage de faire partir le porte-lentille dés 
le moment que l'on commence à tourner cette rouë Éd: à 
caufe que le levier Ï, pouflant continuellement la vis R de 
bas en haut, elle l'empêche d’avoir d’autre jeu que celuy 
dont elle à befoin pour faire le bon effet que les habiles gens 
defirent icy. | 


CHERAPITRE © VIT 


Defcription © ufage d'un nouvean Microfcope à riges , tres- 
commode pour obferver toutes fortes de perits objets , foit de 
jour ou de nuit ; à la lumiere d'une chandelle. 


C Ette petite machine eft faite de trois ou quatre gros 
fils de laiton ou d'argent tirez à la filiere , ayant cha- 
cun environ trois pouces & demi de longueur, & un peu 
plus d’une ligne de diametre ; de deux doubles équerres ; 
de deux petits reflorts ; de plufeurs lentilles de differens 
foyers, & de quelques autres pieces dont je vais parler. 

On voit ce Microfcope placé debout fur un petit pied au 
milieu de cette planche , & environné des pieces qui doi- 
vent l’aflortir. 

La premiere tige E, E , eft refenduë pour former une 
pincetre , fi commode que chacun s’en peut fervir; car en 
preflant les deux petits boutons qui font rivez aux branches 
de la petite pincette , elle s'ouvre facilement , & lorfque 
lon cefle de les preffer , elle fe ferme d'elle-même. 

La feconde tige B G eft recourbée en équerre, afin 
qu'elle puifle porter d’une façon convenable les pieces que 
nous avons nommées portes-lentilles , & les approcher ou 
éloigner des objets que l'on veut obferver, | 


Planche 1e. 


26 Nouveaux MrcroscOPEs. 

La troifiéme tige H H porte une pointe d’éguille à l'une 
de fes extrémitez , pour fervir aux divers ufages dont je pat- 
leray ci-aprés. 

Chacune des doubles équerres , que l’on voit en D CD, 
eft percée en crois endroits ; fçavoir , d'un trou bien rond à 
chacune de fes extrémitez , & d’un autre trou aufli tres-rond 
dans le milicu. 

Ces équerres font adoffées l’une fur l’autre , & attachées 
enfemble par le moyen d’un clou rond , fi bien rivé par fes 
extrémitez , qu'on les puiflent tourner autour de ce même 
clou , comme on tourne les deux jambes d’un compas autour 
de celuy qui les lie enfemble. 

Les deux petits reflorts courbez en façon d’un arc, font 
deux pieces minces de laiton ou d'argent battuës à froid , de 


la longueur de l'efpace interieur compris entre chaque dou- 


ble équerre. 

Ces reflorts ainfi courbez doivent être un peu creufez en 
rond & en long fur leurs extrémitez pour recevoir une par- 
tie des tiges , les engager en quelque façon, & les empêcher 
de couler trop librement dans les yeux des équerres. 

Enfin l’on pañle deux tiges , par les yeux de chacune de 
ces équerres , après avoir placé entr'eux les reflorts qui doi- 
vent poufler ces tiges, & compofer ainfi ce qu'on peut ap- 
peller le corps du Microfcope. 

Il faut maintenant parler des autres pieces qui entrent 
dans la compofition de cette petite machine ; pour cet ef- 
fet, nous dirons premierement que la lentille eft un petit 
morceau de glace bien choifie , taillée de façon qu'elle de- 
vienne tranchante par fes bords , afin que l'axe commun à 
fes deux convexitez foit perpendiculaire aux furfaces con- 
vexes de cette lentille. 

Le porte-lentille eft une piece d'ébene , au milieu de la- 
quelle on a pratiqué un trou rond , que je nomme l'orbite de 
la lentille , parce qu’il la reçoit & qu'il fert à l’enchäfler ; 
de même que la partie de notre crâne , nommée de ce nom, 
{ert à enchâfer l'œil qui contient le criftalin, figuré de mé- 
me que la lentille dont nous parlons, & qui a de femblables 
proprietez, 


- Le 


PREMIERE PARTIE Chap. VIL 27 
Le petit trou qui eft au milieu d'un diaphragme de plomb, 
ou d’une autre matiere convenable , qui fe place fur la len- 
tille , & dont la petite ouverture doit être tournée du côté 
de l'œil , reprefente la prunelle , parce qu'elle en fait icy 
l'office. bn 
Le crou qui eft fait dans l’épaifleur du bord du porte- 
lentille , fert à mettre le bout G recourbé de la tige BG. 
Le porte-objet fimple , reprefenté en I, eft une piece d’é- 
bene noire d’un côté, & blanche de l’autre, à peu prés fem- 
blable à une dame à joüer , ayant autour de fa circonference 


une petite élevation en forme de parapet , pour empêcher 
‘que le fable , ou quelque petite graine qu'on y aura mife, ne 


= 


tombe de deflus. | 
Cette efpece de dame eft percée dans le milieu de fon 
épaifleur ; & le trou rond qu'on y a fait eft rempli d'une pe- 
ute cheville de liege , pour y enfoncer la pointe d’une 
groffe aiguille que l'on voit reprefentée au bout de la tige 


Le porte-objet MNO, qui doit fervir à l'examen des 
animaux qui fe trouvent dans les liqueurs , eft un petit 
tuyau cilindrique d’un pouce ou environ de longueur , & 
de huit à neuf lignes de diametre , garni comme on le va 
dire. 

L’une des extrémitez de ce tuyau , & la plus éloignée de 
l'œil , eft bouchée d'une piece de bois dur , au milieu de la- 
quelle on a fait un petit trou rond d'environ une ligne de 
diametre , pour fervir de diaphragme. 

On ferme aufli l'ouverture M, de ce même tuyau cilindri- 
que , d'une feconde piece de bois tournée , & tellement 
conftruite , que l’on puifle enchäfler dans fon milieu un petit 
verre concave d’un feul côté feulement , dans le milieu du- 
quel on met les liqueurs que l’on veut obferver. 

Il y a un petit trou fait au-deflus de la fuperfcie cilindri- 
que de ce tuyau , tellement accommodé à la groffeur de la 
pointe d’aiguille qui eft enchâflé en H , qu'il puifle étre ar- 
rêté fermement fur cette pointe , afin de fervir aux divers 
ufages pour lefquels on deftine ces pieces. 

La Figure P reprefente un diaphragme qui doit étre placé 


28 NovvEraux Microscorrs. 

fur les lentilles d'un long foyer , qui s'enchâffent dans des 
portes-lentilles femblables à celuy qui eft marqué par F; & 
on l'y fixe au moyen d'une petite virole à reflort , marquée 
par la lettre Q, 

Le deflein reprefenté en R eft un petit carton à jour , 
dans l'épaifleur duquel on a placé l’aîle d’une mouche, pour 
faire comprendre comment on peut arrêter certains objets , 
afin qu'on les puifle facilement obferver étant placez dans la 
pincerte. 

S , eft un petit tuyau de verre fait en forme d’antonnoir, 

our fervir comme on l’a déja dit. 

EtT , eft une petite bouteille à long col , de l'ufage de 
laquelle on à aufli parlé. 


Des ufages de ce Microfcope. 


E Microfcope , quoyque tres-fimple , ne laïffe pas d’a- 
voir beaucoup d'ufagés. Il peut fervir à obferver des 
animaux tres - petits , qui marchent ou qui rampent fur la 
terre; & même ceux qui volent dans l'air , ou enfin qui na- 
gent dans des liqueurs préparées , & dans celles qui n’ont 
aucune préparation. Il fert aufli pour obferver de tres-petits 
corps, dans lefquels on ne remarque aucun mouvement ap- 
parent , quoyque toutes leurs parties foient dans une agita- 
tion continuelle. | 
Si l'on bat le fufil fur une feüille de papier blanc , & qu’on 
ramafle une partie de ce qui fera tombé avec une lame de 
coûreau aimantée , en obfervant ces petites particules mifes 
fur un porte-objet blanc , on aura le plaifir d’y voir de pe- 
cites boules d'acier tout pur , pendant que l’on en découvrira 
qui font moitié acier & moitié verre ; & enfin d’autres qui 
feront de verre toutes pures. Et fi l'on fe donne la peine 
d'examiner le papier , les endroits où font tombées les bou- 
les paroïîtront noirs & brülez. Je ne m'arrête pas icy à ren- 
dre raifon de ces effets , parce qu'il eft facile de les ex- 
pliquer, , 
L'aîle d'une mouche ordinaire nous manifefte des chofes 
digne d’admiration, Si on l’obferve exaétement , on verra 


PREMIERE PanTie Chap. VIT 25 
que fes bords font garnis de deux fortes de poils roides & 
aigus , artiftement rangez, & cfpacez également. Qu'elle à 
des veines & des arteres, & par confequent qu'il s'y fait une 
circulation de la liqueur qui les remplit. Que le tiflu fin & 
délié de la membrane qui fe trouve entre ces veines & ces 
arteres , cft parfemé d’un grand nombre d’autres poils plus 
petits que ceux qui environnent l’aîle de la mouche ; & qu'ils 
font plantez obliquement dans l'étenduë de cette membrane 
d'une maniere tres-finguliere. ; 

La moindre petite plume d'un oïfeau, comme par exem- 
ple celle d’un ferin de Canarie , étant obfervée avec ce Mi- 
crofcope monté d’une lentille d'environ deux lignes de foyer, 
nous fait voir que fa compofition eft telle , que chaque petit 
brin de fa barbe eft une plume toute entiere, qui a fon tuyau 
& Les brins femblables à ceux de la grofle plume ; & ainfi de 
fuite. 

Le tiflu d’un morceau de toile , celuy des rubans de diver- 
fes couleurs, & des taffetas changeans , étant bien obfervez, 
il nous fera comprendre en un moment ce qui feroit devenu 
peut-être le fujet d'une meditation de plufieurs années, fi 
nous n'euflions employez que nos feuls yeux , pour regarder 
toutes ces chofes. 

Pour obferver le poux & la puce tout vivans , durant plu- 
fieurs jours de fuite , il les faut pincer par la croupe avec la 
pincetre à boutons ; par ce moyen on aura le plaifir d’obfer- 
ver toutes les parties exterieures du corps de chacun de ces 
animaux domeftiques , que l’on voit quelquefois inquietez 
par d’autres animaux qui parcourent leurs corps , & qu'on 
peut nommer le poux du poux, & la puce de la puce; tant 
par le rapport de grofleur des uns à celle des autres , que par 
la figure des petits, & celle des gros. 

Les mittes de fromage & leurs œufs, les poux des ferins 
de Canarie , les mittes des poires & celles des pommes un 
peu vicilles , s’attachent fur un porte-objet noir avec un peu 
d’eau gomée , ou avec la pointe d’une aiguille moüüillée de 
cette même eau, afin de les y voir tout vivans durant plu- 
fieurs jours de fuite. 


Les mouches un peu grofles , & plufeurs autres animaux, 
D ij 


Planche 11. 


Figure Lo 


30 NouvEaux Microseopes. 


s'empalent au moyen de la pointe d’aiguille qui eft au bout 
de l'une des tiges de ce Microfcope ; & par ce moyen l’on 
pourra tres-facilement en examiner toutes les parties exte- 
ricures , & découvrir par-là l'erreur des Anciens , & de quel- 
ques Philofophes modernes, qui fe perfuadent que les mou- 
ches ne fe tiennent fufpenduës contre les corps fur lefquels 
elles marchent, qu'à caufe qu'il fort continuellement de leurs 
pattes une efpece d'humeur gluante qui les y attache. 

Pour obferver les anguilles du vinaigre , il faut fe fervir du 
petit antonnoir marqué S , afin d’en prendre un peu pour le 
porter dans le concave de verre qui eft au bout du canon ci- 
lindrique , qui fe monte fur la tige qui porte une pointe, 
pour y être obfervé. | 

Et à l'égard des autres liqueurs , on les placera l’une après 
l’autre dans ce concave de verre , en prenant la précaution 
de le rendre net à chaque experience que l’on voudra faire. 


CHAPITRE VIII. 


Défcription € ufage des Microfcopes à Canon de “verre : que 
quelques perfonnes nomment Tombeaux : © d'autres, 
Cimetiere de divers animaux. 


Es Microfcopes , qui font au nombre de trois, & qui 

ne different entr'eux que dans la facon de les monter, 

font tres-commodes & tres-utils pour obferver une partie de 

ce qui fe pañle tant dans les animaux vivans, que dans ceux 

qui font morts, depuis la groffeur d'une puce jufqu'à celle 
d'un haneton. 

Le plus fimple cftcompofé de fix pieces , fçavoir d’un pied 
ou bafe , d’un canon de verre , d’un couronnement, de la 
piece de l'æil ou porte-lentille , d’une lentille de verre, d’u- 
ne vis ou d’une petite virole pour arrêter cette lentille. 

ÀABCDE, ceft le deffein de ce Microfcope entier. 

À , eft l'endroit où s'applique l'œil, pour voir les objets 
que l’on à mis dans ce Microicope, 


PREMIERE Partie Chap. VIII. 3I 

BB, reprefente la piece de l'œil , ou le porte-lentille qui 
fe monte à vis dans le couronnement CC , au moyen d’un 
écrou qu'on y a fait pour la recevoir. 

D, eft la reprefentation du canon de verre qui eft collé ou 
enchâflé par fes extrémitez dans la partie fuperieure de la 
bafc EE de ce Microfcope, & dans l'inferieure du couron- 
nement CC. 

G , eft la lentille d’un foyer convenable à la hauteur du 
canon D ; elle s’enchäfle dans une cavité pratiquée dans la 
piece de l'œil B , où on l’y arrête le plus fermement qu'il 
cft poflible par le moyen d’une virole H , au défaut de la- 
quelle on peut employer une vis, qui fera même plus com- 
mode à monter & démonter la lentille , lorfqu’il fera necef- 
faire de la nettoyer. 

F , eft le plan de la piece ABB, vûé par-deflus. 

EtG, reprefente la lentille. 


Defcription du fécord Microfcope à Canon. 
me fecond Microfcope , qui eft monté d'une maniere 


tres-fimple , eft compofé de fept pieces , fçavoir d’une 
bafe , d’un canon de verre , d’un couronnement , de la pie- 
ce de l'œil, d’une lentille , d’une virole, & d’une boëte qui 
luy fert de pied. 

ABCDE , eft le deffein du Microfcope tout entier, en- 
vironné des pieces qui le compofent. 

EE , eft la bafe de ce Microfcope , ornée au milieu de 
quelques moulures , au-deflus & au-deflous defqueiles on a 
reprefenté deux vis pour y monter l’étuy F, qui fe voit à 
gauche du Microfcope , & dont F qui eft à fa droite en eft le 
profil, pour en faire voir le dedans. 


Figure &.. 


Planche xr. 
Figure Ze 


D, reprefente le canon de verre ,enchäâflé & collé par fes 


extrémitez dans les cavitez pratiquées au-deflus de a bafe 
EE, & au-deflous du couronnement € C ; & au haut de ce 
couronnement on y à faic un écrou pour recevoir la piece de 
l'œil marquée BB, qui porte la lentille. 


IBB, eft le plan fuperieur de la piece de 1 


r} 


œil vûé par= 


D ii 


52 Nouveaux Microscopreé. 
deflus, dont le milieu H eft occupé par la lentille , que l’on 
voit feule du côté droit ; & G eft la virole qui arrête cette 
lentille ; parce qu'elle eft propre à faire reflort. 

La piece F, qui eft à gauche du Microfcope , eft fa boë- 
te , qui luy fert auñi de bafe, pour le tenir plus facilement. 

Le deflein auffi marqué F, qui fe voit du côté droit du 
Microfcope , eft le profil de cette même boëte , pour en faire 
voir le dedans & fon épaifleur. 

Le troifiéme Men à canon eft conftruit comme le 
fecond , à la referve feulement qu'il pañle une bafe viflée au 
travers de la piece EE , dans laquelle on a fait un écrou ; & 
c'eft fur le deflus de cette piece viflée que fe pofent les ob- 


jets pour y être examinez , en hauflant ou en baïflant la vis 
qui les foutient. 


CHAPITRE IX. 


Des ufages que l'on peut tirer des Microfcopes dont je viens 
de parler. 


Près avoir expliqué les diverfes manieres de monter 
ÂÀ les Microfcopes à canon de verre, il faut dire quelque 
chofe des principaux ufages que l'on en peut tirer ; & quoy- 
que ces Microfcopes ne puiflent point fervir à voir les ani- 
maux des liqueurs, on ne les doit pas negliger pour cela. 
Ce que je vais dire de leurs proprietez, fervira à perfuader 
de la neceflité qu'il y a de s’en fervir. 

Pour obferver les petites graines des plantes, & pour en 
découvrir facilement toutes les beautez , il les faut répan- 
dre chacune à part fur des petits portes-objets blancs & 
noirs , OÙ vous aurez mis un peu d'eau gomée pour les y at- 
tacher proprement ; afin de mettre après cela ces portes- 
objets l'un après l'autre fur le fond du troifiéme Microfco- 
pe; car il eft tres-commode pour faire l’examen de ces grai- 
nes, & d'autres petits corps femblables en groffeur que l'on 
veut conferver long-tems. 


NERNSSE 


Premiere PanrTie Chap. IX. 33 

Les poux des ferins de Canarie ;ceux des poules, les mit- 
tes de fromage & leurs œufs, les petits infectes vivans , qui 
font à peu près de cette grofleur , peuvent fervir à former 
des groupes dans des Tableaux couverts de ces petits ani- 
maux vivans ; fur chacun defquels on pourra appercevoir des 
chofes furprenantes , tant dans la grofleur apparente , dans 
les couleurs , figures & mouvemens des parties de ces pe- 
tites creatures , que dans l'inégalité de la durée de leur vie. 

On méprife ordinairement ces infeétes , & d’autres petits 
animaux , que les hommes difent devoir leur naiflance à une 
matiere corrompué ; mais il eft facile de montrer que ce mé- 
pris eft injufte , & qu'il n'eft fondé que fur l'ignorance de la 
chofe qu'on méprile , & fur le préjugé , qui fait que l’on s’i- 
magine voir les corps tels qu'ils font en eux-mêmes. Il n'y a 
rien de méprifable dans la nature , & tous les ouvrages de 
Dieu font dignes qu'on les refpeéte & qu’on les admire ; 
principalement fi l'on prend garde à la fimplicité des voyes 
par lelquelles Dieu les à faits & les conferve. Les plus petits 
moucherons font aufli parfaits que les animaux les plus énor- 
mes : les proportions de leurs membres font aufli juftes que 
celles des autres; & il femble même que Dieu ait voulu leur 
donner plus d’ornemens qu'il n'en a donné aux plus gros, 
afin de récompenfer par-là la petitefle de leur corps, 

Ïls ent des couronnes , des aigrettes , & d’autres ajufte- 
mens fur leurs têtes qui effacent tout ce que le luxe des fem- 
mes peut inventer : & l’on peut dire que tous ceux qui ne fe 
font encore fervis que de leurs yeux , n'ont jamais rien vü de 
fi beau, de fi jufte , ni même de fi magnifique dans les Pa- 
lais des plus grands Princes , que ce qu'on voit avec le Mi- 
crofcope fur la tête & fur le corps d’une fimple mouche. 

Il eft vray que ces chofes font tres-petites , mais elles en 
font plus furprenantes, puifqu'il fe trouve tant de beautez 
ramaflées dans un fi petit fujot ; & quoyqu'elles foient com- 
munes , elles n'en font pas moins eftimables. 

Si l'on enferme dans ce Microfcope à canon de certaines 
chenilles , & qu'on les y examine durant quelque tems & à 
diverfes reprifes , on les apperçoit routes veluës , & couver- 
tes de longs poils brillans , de couleurs variées & difperfées 


34 Nouveaux Mrcroscopes. 

avec tant d'art, que ce qui nous effrayoit d'abord , fe trouve 
enfuite un fujet d’admiration ; car au bout d'environ cinq ou 
fix femaines on les voit quitter un charmant furtout , qui 
conferve tres-lons-tems la beauté des couleurs qu'on y avoit 
vüës , pour fe faire voir fous la forme de plufieurs coques à 
peu prés femblables à celles des vers à foye , fans qu'on 
puifle remarquer en ces coques aucun mouvement apparent : 
mais au bout de quelque tems notre étonnement femble de- 
voir fe redoubler , en voyant fortir de ces nouvelles prifons, 
qui paroïloient bien fermées , des papillons bien aîlez & 
tout vivans. 

Cette métamorphofe apparente , quoyque belle , ne con- 
tient pas tant de faits furprenans , que nous en avons remar- 
quez durant près d’un an , à l’occafion d'un petit infecte 
dont je vais parler. 

Le dixiéme Juin de l’année 1692. je trouvay à terre dans 
mon cabinet un petit ver, dont les diverfes formes fous lef- 
quelles je le vis dans un Microfcope à canon de verre , me- 
ritent bien que j'en fafle une defcription particuliere , pour 
donner lieu à l'explication de tout ce que nous en dirons de 
fingulier. 

Ce petit ver me parut d’abord de couleur brune, tirant 
fur celle d’un caffé qui n’eft pas encore aflez torrefié. Son 
corps, qui avoit fix lignes de longueur & une & demie de 
diametre , étoit prefque rond dans toute cette dimenfion. 

-_ Il paroiïfloit compofé de onze anneaux , fans y compren- 
dre la tête, ornée d'une efpece de cocluchon arondi par le 
bas. 

Le dernier des anneaux qui terminoit fon corps, finifloit 
par deux aiguillons courts & obtus, qui reprefentoient une 
queuë fourchuë. 

Tous ces anneaux beaux & luifans étoient attachez à une 
membrane tres-fine & blanchâtre , que fes contrattions & fes 
extentions alternatives pouvoient approcher & écarter les 
uns des autres , en rendant cet animal tantôt plus court & 
plus gros, tantôt plus long & plus menu. | 

On remarquoit trois petites pattes de chaque côté de fon 
corps, & une feule griffe au bout de chacune, laquelle Étoit 

d'une 


PREMIERE PARTIE. Chap. IX. 35 
d’une couleur d’ambre bien foncée ; celles des deux pattes 
les plus proches de fa tête , luy fervoient comme de main 
pour prendre fa nourriture , & pour la porter à fa bouche. 

Sa tête étoit ornée de deux yeux bien noirs , placez des 
deux côtez , au-devant defquels étoient plantées deux peti- 
tes cornes, compofées de pluficurs articles. : 

Les premiers jours que Je confideray ce petit animal, il 
étoit d'une vivacité merveilleufe , faifant des fauts qui mar- 
quoient beaucoup de force & de fouplefle dans le fujet qui 
les executoit. 

Depuis le dix Juillet jufqu'au deuxiéme de Septembre, 
cet infecte en produifit dix autres tres-menus qui luy reflem- 
bloient tous , & qui dés le premier moment de leur naïffance 
marchoient d’une vitefle furprenante. J'en garday un en vie 
durant dix jours fans luy donner aucune nourriture ; ce qui 
ne paroîtra pas trop extraordinaire , lorfqu'on fçaura que fa 
mere , pendant une année ou environ, n en confurma pas plus 
que de la grofleur d'environ un pois. 

Cer infeéte aprés avoir fait fes petits , quitta entierement 
fa peau durant vingt-quatre heures , aprés quoy il parut d’u- 
ne blancheur vive & plus gros qu'auparavant , marquant 
même plus de force & de mouvement, qu'il n'en avoit mon- 
tré depuis plufieurs Jours. 

On peut dire que cette peau luy tenoit lieu de furtout 
pour envelopper toutes les parties exterieures de fon corps; 
puifqu'on remarquoit dans ce furtout jufqu'au moule des 
yeux , des jambes & des griffes de cet animal. 

J'employai aflez de tems à confiderer cet ancien fourreau, 
fans pouvoir deviner comment l’infeéte avoit pü faire pour 
s’en dépoüiller ; parce que ce vêtement étant tout d'une 
piece , & tres-intimement appliqué fur fon corps, je ne com- 
prenois pas comment cette nymphe fi irrégulere , fi fine & 
fi délicate avoit pû être tirée fans fe rompre. Mais peu de 
tems aprés je revins de mon étonnement , & je ceffai d’ad- 
mirer cette méchanique , en découvrant fa fimplicité ; car 
cette membrane venant à fe feicher , les fibres qui la com- 
pofoient fe reflerrant laifferent voir tout l’artifice , qui con- 
fiftoit en une fente étenduë depuis le bec de l'animal jufqu’à 


7] 


36 Nouveaux Mrcroscopes. 

l'anus ; laquelle , à mefure que le ver en fortoit, fe refermoit 
en rapprochant par le reflort de la pellicule , fes bords l’un 
de l’autre , qui fe Joignoient fi juftement qu'il n’étoit pas 
poflible d'y appercevoir aucune feparation. 

Dés le foir même du jour que ce ver eût quitté fon fur- 
tout, fa couleur me parut changée ; car de blanc qu'il étoit, 
en deux jours il redevint aufli brun qu'il avoïc été ; & je luy 
vis palier tout l'hyver en cet état. Il fut affez en repos durant 
tout ce tems-là , ne remuant qu infenfiblement , ne mangeant 
point , ni ne rendant aucun excrement vifible : mais étant 
furvenu quelques beaux jours de Soleil , & l'y ayant expolé, 
il commença à s’y mouvoir un peu plus qu'il ne faifoit md 
ravant, & même il mangea quelque peu d’un carton qui fer- 
voit de bafe ou de fond au Microfcope dans lequel je le con- 
fervois. 

Surala fin du mois d'Avril je ne luy remarquai, pendant 
neuf jours qu'il demeura couché fur le dos , aucun figne de 
vie , aprés lequel tems je fus furpris de voir qu'il travailloit 
fortement à quitter un fecond furtout , qu'il poufloit tout le 
long de fon corps , de la tête vers la queué , où il en refta 
jufqu'au fixiéme Juin , durant lequel tems je le crus mort : 
cependant le même jour au foir je m'apperçûs qu’il avoit en- 
tierement quitté cette derniere peau, & qu'il paroifloit fous 
une forme nouvelle, qui ne differoit pas moins de la préce- 
dente , qu'un ver differe d’une mouche. En effec, le fixiéme 
Juin à fept heures du matin il s’étoit métamorphofé en une 
mouche tres-finguliere , ayant environ cinq lignes de lon- 


gueur, & une ligne un quart de largeur par le milieu de fon 
Corps. 


En obfervant cette mouche, je remarquai qu'entre la tête 
& fon corps il y avoit une autre partie en forme d’anneau 
mobile ; que la couleur étoit differente en divers endroits du 
corps ; le deflus de la tête, & cette partie en forme d’an- 
neau, étant d'un rouge brun, & le refte ayant une blancheur 
tirant fur le roux ; mais cette couleur blanchätre fe diflipa 
en peu de tems ; car deux heures aprés le tout parut d'un 
rouge brun, | 

À la place des onze anneaux qui fe diftinguoient dans la 


PREMIERE PanTis Chap. IX. 37 
longueur du ver , on voyoîit alors tout fon corps long de huit 
lignes, couvert de deux aîles fermes & dures. 

Au lieu de fix pattes courtes dont j'ay parlé, on en voyoit 
fix autres , chacune defquelles avoit pour le moins quatre 
fois la longueur des premieres , & étoit compolée de trois 
articles ; étant terminces par deux griffes aflez foibles , au 
lieu d'une feule un peu forte. 

Les cornes qu'il avoit au - devant des yeux étoient extré- 
mement courtes , & celles d'aprés tres-longues ; en forte que 
l'on y remarquoit onze articulations en chacune , dont il y 
en avoit huit qui reflembloient à des grains de chapelets un 

eu ovales. : 

Le huitiéme Juin au matin , il me parut d'une couleur 
brune , femblable à celle des féves de café bien correfées. 
Le neuviéme cette couleur devint noire , & les pattes de cet 
animal fe firent voir d’un rouge brun. 

Enfin le treiziéme il fit paroître quelques excremens d'un 
jaune pâle, au lieu que ceux du ver étoient fort bruns, les 
uns & les autres aflez durs , & provenans du carton qu'il 
avoit rongé , & qui failoit, comme j'ay dit, le fond du Mi- 
crofcope. . 

Nous finirons l'explication abregée des ufages de ce Mi- 
crofcope , en ajoûtant encore , que l'on découvre fur le corps 
des groffes mouches de tres-petits animaux qui les incom- 
modent durant leur vie, & qui les mangent aprés leur mort : 
ce qui fuffit pour faire comprendre , que ce qui arrive aux 
uns peut arriver de même aux autres. 

Les araignées que l’on y enferme y font leurs œufs; elles 
les y ramaflent par pelotons, qu’elles enveloppent de leur 
foye pour les conferver de la rigueur du tems ; elles vivent 
{eules enfermées dans ce tombeau durant plus de trois mois , 
fans y prendre aucune nourriture apparente. Et fi une grofle 
s’y trouve enfermée avec plufieurs petites, celles-cy en font 
mangées ; ainfi l'on remarque que les unes fervent de nour- 
riture aux autres. 

Si vous enfermez dans ce Microfcope une groffe araignée 
avec une mouche ordinaire , aufli aflez grofle , vous aurez le 
paifir d'y voir la mouche dans une grande Fe ; pen- 

1] 


38 Nouvraux Mrcroscores. 

dant que l’araignée.y demeure comme immobile , couchée 
fur le dos , les pattes en l'air & écartées les unes des autres ; 
attendant ainfi avec beaucoup de tranquilité que la mouche, 
laflée de voltiger çà & là , luy tombe fur le corps, pour l'en: 
vironner de fes pattes , la piquer à la gorge , & la faire mou- 
rir fubitement , fe contentant d'en tirer le fang fans endom- 
mager le refte de fon corps , qui demeure tres-long-tems 
dans fon entier , & jufqu'à ce que d’autres tres-perits infectes 
blancs la viennent devorer & manger en partie. 

Nous ne dirons rien icy de la conftruétion de la mouche 
ordinaire , ni de celle de l’araignée ; parce qu'il en a été 
parlé ailleurs , & que ce Microfcope à canon ne fuffit pas 
pour en faire voir aflez exactement les petites parties , qui 
ont d'ailleurs été examinées avec d’autres Microfcopes , & 
reprefentées élégamment par des Figures deflinées tres-cor- 
rettement par Monfieur de Vigneux. 

On va voir que trois differens portes-objets étant mis l'un 
aprés l’autre dans un même Microfcope à canon de verre, 
cauferont trois differentes fenfations d'un même objet qui y 


fera placé fucceflivèment , étant regardé au travers d'une 


méme lencille & d’une méme-diftance. 
Premiere Obfervation. 


Si dans l’un de ces Microfcopes à canon de verre, au lieu 
du fond noir que l'on y met ordinairement au -deflous des 
objets blancs , on en met un fait d'un morceau de glace ou 
de verre un peu épais , duquel le deflous foit brute ou dépo- 
li , & mis fur une bafe d’ébene noire fous le canon du Mi- 
crofcope ; les objets qui feront pofez fur le côté poli de ce 
morceau de glace, paroîtront comme étant en l'air, & avec 
d'autant plus de relief que ce porte-objet de verre fera plus 
épais , à caufe que la lumiere qui tombe fur la furface polie 
du verre , qui fert de porte-objet , ne vient pas en aflez 
grande quantité dans l'œil du fpeétateur , pour y faire une 
impreflion afez forte, pour nous faire juger que les objets y 
font placez ; & c'eft ce qui fait paroitre ces mêmes objets 
gomme vüs en l'air. 


LR 


PREMIERE PARTIE. Chap. IX. 39 
Seconde Obfervation. 


Les objets blancs doivent être polez fur un fond noir ; 
afin qu'en refléchiffant le moins de lumiere qu'il fera pofli- 
ble , la fenfation que nous avons des blancs , n’en foit point 
tant alcerce. 


Troifiéme Obfervation. 


_ Les objets noirs & les bruns doivent être pofez fur des 
fonds blancs ; afin que les parties folides de ces corps noirs 
& bruns , puiflent nous renvoyer plus de lumiere qu'elles ne 
feroient s'ils étoient pofez ailleurs. 

_ Ï1 fuit des mêmes experiences , qu'il n'eft pas indifferent 
de préferer un fond de couleur à un autre , fi l'on veut don- 
ner un grand relief aux figures peintes d’un Tableau. Un 
Chrift , par exemple, qui fera peint fur la furface d'une gla- 
ce de miroir, qui ne foit point étamée , étant pofce fur un 
fond des plus noirs, paroîcra en l'air ; & fon relief fera vû 
d'autant plus grand , que la glace, fur laquelle on aura peint 
ce Chrift , aura plus d'épaifleur. | 

Aprés avoir parlé des avantages confiderables qu'on peut 
tirer des Microfcopes à canon, il faut aufli dire quelque 
chofe des défauts qui les accompagnent ordinairement; puis 
cflayer d'y remedier , afin de n'être pas privé des bons ufages 
qu'on en peut faire. HT 

Ces défauts font au nombre de trois ;le premier , qui n'eft 
pas confiderable, vient de ce que l'ouverture de la monture, 
où l'on fait un écrou , étant trop petite, par rapport à la 
groffeur du canon , on a de la peine à le bien nettoyer par 
dedans ; à quoy on pourra remedier , en faifant cette ouver- 
ture la plus grande qu'il fera poflible ; ou bien il faudra faire 
en forte que la piece entiere qui couronne le deflus du canon 
puifle s'ôter & remettre quand on voudra. 

Secondement. La matiere dont le canon eft fait fe trouve 
quelquefois fi mauvaife, qu'elle poufle un fel au-dehors qui 
Fengraifle , qui le ternit , & le rend comme félé en mille en- 


E ï 


46 Nouveaux Mricroscopes. | 
droits ; de forte que perdant fa tranfparence , il devient, ‘| 
inutile. - \ | 
L'unique remede à ce défaut, eft de tâcher d'en trouver | 
un autre qui convienne ; mais parce que cela eft prefque im- | 
poflible , il faudra fe fervir du moyen que je vais donner 
pour en faire un de carton, qui fervira comme le précedent. 
Enfin , fi le canon que l’on deftine à faire un Microfcope 
eft beau , & que fa monture foit faire d'un bois qui ne foit 
pas bien fec , il change de figure par la fechereffe ; de rond 
qu'il étoit il devient ovale , & le canon fe trouvant alors plus 
preilé en des endroits qu'il n’eft en d’autres , il cafle , à 
moins que fa réfiftance ne furpafle l'effort du bois qui fe ref- 
férre, 
Pour empêcher que les montures ordinaires ne caflent les 
canons de verte, il n'y a qu'à les environner par le haut & 
par le bas de deux petites bandes ou ceintures de carton fin 
d'environ deux lignes de largeur , pour en coller la moitié 
autour de chaque canon, laiflant déborder l’autre moitié qui 
fervira d'entrée aux montures de bois, dans lefquelles on ne 
l'enfoncera que tres-peu; afin que fi le bois vient à fe refler- 
rer , il n'agifle que fur la moitié des petites bandes de car- 
ton , qui obéïront aflez pour éviter le fracas du canon de 
verre. $ 
Voicy deux nouvelles méthodes pour fe pañler de canon 
de verre , en faifant de gros Microfcopes, dont les corps du 
reront tant que l’on voudra. 
La premiere de ces méthodes confifte à faire un gros tuyau 
de bois ou de carton bien rond , & à l'ouvrir par un feul ou 
par plufieurs endroits, pour donner un libre paflage à la lu- 
nuere : puis montant ce tuyau préparé, comme fi c'étoit un 
tube de verre , on aura un Microfcope , dont les ouvertures 
pourront , fi on le juge à propos , être fermées par des pic- 
ces de verre blanc, qu'il y faudra coller tres-proprement par 
dedans. 
Au lieu de ce canon rond , on peut en conftruire d’une 
autre manicre , qui fera plus agréable à la vûëé , & même plus 
prompte dans l’execution que la précedente. Pour cet effet, 


prenez un carton fin , duquel vous couperez une bande aflez 


PREMIERE PARTIE Chap. X. AI 
Jongue & aflez large pour y tracer fix ou huit quarrez longs, 
que vous ouvrirez par autant de petites fenêtres de même 
figure , fur chacune defquelles il faudra coller en dedans des 
pieces de verre blanc coupées proprement , & des plus min- 
ces qu'il fera poflible de trouver , que l'on couvrira par aprés 
d'un fecond carton plus petit que le premier , & ouvert de 
même. Cet efpecc de canon, ou plutôt ce corps de Microf- 
cope , étant ainfi préparé , il n'y aura plus qu'à tourner une 
monture qui luy convienne , & l'on aura un Microfcope pref- 
que parfait dans fa maniere. 


GÉAA PIE RE x 


L 


Deftription © ufage d'un tres-petit Microfcope , monté d'une 
feule lentille. 


E petit Microfcope , qui n’a pas plus de neuf lignées de 
hauteur , eft vû tout entier au-deffous de la lettre À, 
ou de fon profil marqué B: il eft fait comme une petite boë- 
te cilindrique ouverte par-deflus & par-deflous , pour donner 
un libre paflage à la lumiere qui fe refléchit de l'objet que 
l'on regarde au travers de la lentille, qui fe place comme on 


la voit dans le profil B de ce Microfcope. 


Des ufages de ce Microfcope. 
Ç Ï vous obfervez un chiffre gravé fur la furface d'un ca: 


chet d'argent , vous l'y verrez d’abord enfoncé , de mé- 
me que nous le voyons de nos feuls yeux ; & fi l'on continuë 
de le regarder fans changer de fimation, on verra ce même 
chiffre d'un beau relief, éclairé & ombré du même côté que 
les enfoncemens l’étoient auparavant qu'on eût la fenfation 
de cette derniere apparence. 
2°, Si vous continuez à obferver ce chiffre avec la même 
attention que vous avez fait, ce qui vous paroïfloit de relief 
deviendra enfoncé comme ilétoit auparavant, & ainfi de fuite, 


Planche 12. 
Figure Le 


42 Nouveaux Microscopes. 

30. Îl arrive fouvent qu'ayant obfervé ces chofes, fi vous 
difcontinuez pour un moment, & qu'enfuite vous recommen- 
ciez la même experience ; vous ferez furpris de voir que ce 
chiffre , au lieu de commencer à paroître comme la premie- 
re fois, c’eft-à-dire enfoncé , il paroît de relief. 

4°. Si pendant que l’on eft tourné du côté que vient le 
jour , on fe releve en continuant de regarder la furface du 
cachet , ce qui paroifloit enfoncé femble fe relever tout à 
coup , & l'ombre paroît fouvent de part & d’autre du relief; 
mais {1 l’on continué d’obferver ce relief apparent, pendant 
que l’on fe tourne comme il faut pour recevoir le jour du 
côté droit , on voit l'ombre du côté d'où vient le jour , ce 
qui ne furprend pas peu. Et au contraire l'ombre fera à gau- 
che , fi le Jour donne fur le chiffre , en venant du côté 
gauche. qu «à 

s°. Si vous obfervez ce qui eft de relicf fur la furface d'un 
loüis d'or , par exemple, vous le verrez toujours de relief 
en quelque fituation que vous foyez , & de quelque jour qu'il 
foit éclairé. 

6°. Il y a un grand nombre de perfonnes qui obfervent les 
mêmes chofes que J'ay vüës. 

7°. Il y en a qui voyent toujours enfoncé ce qui l'eft effec- 
tivement ; & d'autres qui apperçoivent toujours le contraire. 

De toutes ces obfervations , que j’ay faites avec autant de 
foins qu'il m'a été poflible, il en faut conclure que les diver- 
{es fenfations que l’on à de cet objet ne font produites qu'à 
l'occafion du plus ou du moins de délicarefle des filets du 


nerf optique, qui font le tiflu de la Retine; puifque le moin- 


dre changement qui arrive dans ces filets , eft capable de 
faire changer l'apparence des concavitez du chiffre : & à l'é- 
gard de ceux qui voyent toujours enfoncé , ou toujours de 
relief une même chofe ; cela n'arrive qu'à caufe de la fitua- 
tion conftante & uniforme qui fe trouve toujours la même 
fur la Retine , pendant qu'ils regardent le chiffre. 

Ï eft inutile de s'étendre davantage fur les ufages de ce 
peut Microfcope ; puifqu'on peut juger , par ce que j'en 
viens de rapporter, qu'il peut tres-uilement fervir à obfer- 
ver tous Jes petits corps qui peuvent être tenus avec les 

loigts 


dd 


É Yi 


PREMIERE PARTIE Chap. XI. 45 


gts d’une feule main , ou avec des pincettes, pendant 


doi 


que l’on tient le Microfcope de l’autre main. 


CIM A PET TO RS XL 


Défcription d'un tres-petit Microfcope à deux verres ; qui 
reprefente les objets dans leur fituation droite € naturelle. 


T Onficur de Puget , dont le merite eft aflez connu 

A des Sçavans par les divers Ouvrages qu'il a donnez 
au Public, nous aflure , dans fa premiere lettre écrite au KR. 
P. Lamy Religieux Benediin , touchant les obfervations 
qu'il a faites fur la ftruéture des yeux de quelques infeétes , 
en parlant des divers effets de deux Microfcopes ; “ Que 
Monfieur Leevuenhoec raconte , que tous les objets qu'il 
voyoit multipliez par la cornée d'une mouche , luy paroif- 
foient à rebours. Les hommes, par exemple, avoient la tête 
en bas & les pieds en haut ; & que cela ne fe pouvoit faire 
autrement , puifque tous les objets qu'on voit au travers de 
deux lentilles , paroïflent toujours renverfez. 

Nous allons faire voir tout le contraire dans un Microfco- 
pe à deux verres convexes, dont voicy les proportions. 

AB , eft le Microfcope reprefenté dans fon entier, & à 
peu prés de la longueur & de la grofleur qu'il a été executé. 

C, eft la piece de l'œil, & D fon profil , où eft enchafé 
le verre oculaire. 

E , eft le porte-lentille, & F fon profil. 

G & H, font deux viroles qui fervent à arrêter les deux 
verres. 

Le foyer du verre oculaire n'a que quatorze lignes ; ce- 
luy de la lentille eft d’un peu plus de quatre lignes ; & la 
diftance d'entre ces deux verres eft de dix lignes ; d’où il 
fuit que deux lencilles femblables à celles dont je viens de 
parler , & de differens foyers , étant montées dans deux 
tuyaux , de maniere que l'un des deux puifle être tellement 
enfoncée dans l’autre , que le foyer de l’une des lentilles 


F 


Plancher, 


Figure 2 


Planche : 3. 


4 Nouveaux Mrcroseorzs, 

pale au-delà du foyer de l'autre, Ces deux verres ainfi 

montez compoferont un Microfcope , par le moyen duquel 

on verra les objets dans leur fituation sos & naturelle. 
Jen ay fait depuis plufieurs autres à deux verres plans con- 

vexes ; qui font l'effet de trois Microfcopes , & de 4. Loupes. 


DS 


CHAPITRE XII 


Defcription @ ufage d'une nouvelle Machine, tres-utile aux Ana- 
tomifles , aux Definateurs, aux Graveurs, aux Peintres qui 
travaillent en Mignature ; € gencralement à tous ceux qui 
veulent découvrir ce que les yeux feuls ne peuvent appercevoir ; 
 pouffer leurs Ouvrages au point le plus baut de perfection. 


B , eft le picd d'un inftrument , que je nomme Porte- 
loupe , qu'on peut faire de bois & de laiton. 

C D, eft un porte-objet, qui peut fe monter à vis ou au- 
trement , fur la furface plane du pied À B, tellement conf- 
gruit, qu'on le puifie hauffer & baïfler facilement quand on 
voudra, & même le fixer où il fera befoin. | 

E, eft une petite tige de laiton , élevée à plomb fur le 
bord fuperieur du picd À B, d’une force & d'une hauteur 
sonvenable aux differens ufages aufquels on deftine le por- 
te-loupe. 

F,F,F, font trois genoüils qui fe fuivent, & qui ont une 
celle liaifon entr'eux, que chacun peut être mû diverfement, 
pour concourir à produire enfemble un même effet. 
= Âu lieu de ces genoüils , on peut faire trois efpeces de 
charnieres femblables à peu prés à celles d’un compas com- 
mun qui s’entrefuivent , & qui foient affermics par le moyen 
de trois vis, & d'autant d’écrous. 

G , eft une virole de laiton, tournée proprement, & d’u- 
ne ouverture qui foit telle qu'on y puiffe enchañler juftement, 
& l’une aprés l'autre , les loupes de differens foyers ; & mé- 
me de petits Microfcopes à deux ou trois verres, pour fervir 
à des ufages particuliers. 


PraMiere Partis Chap. XII. 4 
Des nfages de cette Machine. 


, Reprefente un œil placé au-deflus de la Loupe que 

| l'on a muife dans la virole G, regardant un petit ani- 
mal pofé fur le porte-objet C D, où l’on place tout ce que 
l'on veut diflequer , pour defliner d'après les préparations 
qu'un habile Anatomifte aura mifes en état d'être repréfen- 
tées fur le papier. 

On voit bien que l'on pourra par ce moyen parvenir à 
connoître la ftruéture de la peau, celle des ongles, des poils, 
& la tiflure de prefque routes les membranes du corps des 
animaux. 

Avec ce fecours on peut entreprendre de faire l'anatomie 
des gros infeétes , & de les reprefenter avec autant d'exatti- 
tude , qu'on en aura employé à les bien préparer. 

On déja découvert la femence de plufieurs plantes, qu’on 
s’étoit perfuade , fans raifon , n'en avoir point, comme celle 
de fougeres, des moufles, des truffes , &c. 

On a obfervé que le fang eft compofé d’une ferofité blan- 
che & tranfparente, où nagent des globules rouges de diffc- 
rentes grofleurs. On l'a vû circuler diverfement dans les 
vaiffeaux de plufieurs animaux vivans , & l’on à reconnu que 
les veines & les arteres ne font que des tuyaux ou des fy- 
phons recourbez. 

La facilité que l’on aura de changer de porte -objet , de 
Loupes , de Microfcopes à deux ou à trois verres, & a 
fer fucceflivement differens petits Tableaux préparez, au-def- 
fous de cette Loupe ou de ces Microfcopes , fourniront des 
moyens nouveaux pour voir parfaitement , & en peu de 
tes, une grande varicté de chofes bien differentes les unes 
des autres. | 

Enfin il eft facile de comprendre que cette machine ren- 
ferme aufli tous les ufages des Microfcopes à canon de ver- 
re; & que ces canons n'ayant pas befoin de montures , ils ne 
feront pas fujets à fe rompre. 


Planche 14. 


46 Nouveaux Microscores. 


CHAPITRE. XIE 


Explication de toutes les parties qui compofent un Microfcope 
à trois verres convexes , des deux côtex. 


N voit d'abord dans cette Planche deux grandes Fi- 

gures deflinées l’une à droite au-deflous de la lettre À, 
qui repréfente l'élevation geometrale du Microfcope tout 
entier ; & l’autre qui eft placée à fa gauche en eft le profil, 
fait par la feétion d’un plan vertical , qu'il faut concevoir 
pafler par l'axe du Microfcope, pour le feparer en deux par- 
ties égales, découvrant dans l'une de fes moitiez tout le de- 
dans de cette machine, 

ABB, eftun bouton qui fert de couronnement au Microf- 
cope. 

CC, eft la piece de l'œil , dans laquelle on a fixé le verre 
oculaire. | 

D D, eftune autre piece , où l’on a enchaffé le verre du 
milieu. Cette piece eft colée à un petit bout de tuyau, qui 
porte un diaphragme à fon extrémité d’en-bas. 

E, eft le corps du Micrafcope couvert de chagrin, qui fert 
à recevoir le bout du tuyau colé à la piece D D. 

F, eft la bafe du corps de ce Microfcope. 

G, eft une bonnette ou porte-lentille , qui fe vifle fur la 
bafe F, pour y demeurer fermement attachée. 

H , eft une petite virole de laiton , ornée de quelques mou- 
lures , foudée à un petit bras, qui eft aufli foudé au coulant 
reprefenté à côté de la lettre I, 

C’eft dans cette virole que l’on fait entrer-le milieu de la 
bafe F, pour foutenir à plomb tout le corps du Microfcope, 

F, eft le coulant qui peut être mû fur la tige d’acier L, & 
demeurer à l'endroit de cette tige, où l’on voudra, par le 
moyen d'un petit reflort d'acier placé entre la tige & le cou- 
lant, 

M, eft le petit vafe tourné, qui fert d’ornement à la tige. 


enr! 


PREMIERE Partie Chap. XII . 47 

Immediatement au-deflus de l'endroit L, on y voit une 
petite pincette à boutons marquée N. 

O , eft un verre concave , pour fervir de porte-objet aux 
liqueurs qu'on mettra dans fa concavité. 

P , eft une efpece de porte-objet de laiton, compofé de 
plufieurs pieces, tellement ajuftées les unes avec les autres, 
qu'on le peut promener fur le pied du Microfcope marqué Q, 

R , eft une petite boëte de laiton en forme d’une virole, 
dans laquelle on met des diaphragmes de differentes ouver- 
tures. : 

S,S,S, font trois petites boules affaiflces , & attachées 
au-deflous du pied pour luy donner plus de grace. 

T, eft une platine de laiton, fur laquelle on a attaché trois 
petits reflorts, qui rendent égal le mouvement du porte-ob- 
jet marque P. 


Explication du profil de ce Microfcope. 


bb, eft le profil du bouton qui fert de couronnement 
au Microfcope. 

cc, cft le profil de la piece de l'œil, où l’on voit le verre 
oculaire placé immediatement au-deflous du couronnement. 

dd, reprefente une autre piece qui porte le verre du mi- 
lieu, & qui eft attaché à un bout de tuyau, au bas duquel eft 
un diaphragme. | 

e , cft le corps du Microfcope , dont on voit l’épaifleur , 
que nous avons dit être couvert de chagrin, & fervir à rece- 
voir le tuyau enchaflé & collé avec la piece f , qui fert de 
bafe au Microfcope. - 

g , eft le profil de la bonnette ou porte - lentille, qui fe 
monte à vis fur le bout d’en-bas de la piece f. 

h , eft le profil de la virole de laiton , foudée au bas de la 
coulifle marquée 1. 

l , eft un quarré ou verge d'acier, au haut de laquelle on 
voit un petit vafe qui luy fert de couronnement. 

- n, eft le profil d'une petite pincette à boutons. 

o , eft le profil d’un verre concave , où l'on met les li- 
queurs en plus grande quantité que celles qu'on met fur un 
tale , où fur un verre plan. 

Fu] 


43 Nouveaux Mircroscores. 

p, eft le porte-objet compolé , dont il a été parlé. 

q> cft le profil du pied du Microfcope. 

r , eft celuy de la petite boëte ou virole , qui porte les dia- 
phragmes de differentes ouvertures. 

S,S,S, font trois petites boules affaiflées , pour fervir d'or- 
nement au pied du Microfcope. 

t, eft le profil d'une petite platine de laiton attachée à 
une virole , où l’on fait entrer la petite boëte marquée r. 


Du foyer de chacun des troiï verres de ce Microfcope à CA des 
diver(es diflances qui font entr eux. 


"Oculaire , qui eft un verre convexe des deux côtez, à 
huit lignes de foyer; on l'a placé au-deflous de l'œil, à 
une diftance d'environ fix lignes. 

Le verre du milieu, qui eft aufli convexe des deux côtez , 
a dix-huit lignes de foyer ; fa diftance de l'oculaire eft de 
douze lignes. 

Et la lentille , qui eft de quatre à cinq lignes de foyer, eft 
placée au moins à la diftance de crente lignes du verre du 
milieu ; & cette même lentille s'en peut éloigner de trente- 
quatre à trente-cing lignes , fi l’on veut que ce Microfcope 
fafle paroître l’objet plus gros qu'il ne fait à la moindre dif- 
tance : mais il eft à propos d’avertir que l’objet ne paroîtræ 
pas fi bien celairé , étant vü d’une grande diftance , que s'il 
l'étoit d’une moindre. 


Des nfages que l'on peut tirer de ce Microfcope à trors verres. 


N confiderant , par exemple, la lettre À d’un loüis d'or 
avec ce Microfcope à trois verres, dont l'effet ordinai- 
re eft de faire paroïcre à la renverfe tous les objets qu'on y 
obferve ; on remarque 1°. que cette lettre qui eft de relief y 
paroît enfoncée. 
20, Que cet effet n'arrive pas toutes les fois qu'on le de- 
fire. 
3°. Que fouvent en regardant cette lettre avec beaucoup 
d'attention , & durant quelques momens , ce qui paroifloit 


Premiere PanTis, Chap. XIII. 49 
#enfoncé, paroît enfuite de relief. 

4°. Qu'un certain mouvement de tête apporte quelquefois 
du changement dans la maniere de voir l'objet. 

5°. En faifant avancer le Microfcope fur une table, pen- 
dant qu'on y regarde le lois d'or , ce qui paroïfloit de relief 
s’y enfonce en apparence , & peu de tems aprés avoir été 
ainfi obfervé , on apperçoit tout à coup que le relief revient. 

6°. Si l'on pañle d'un côte d'une table à l’autre , on eft tout 
furpris de voir que ce qui venoit de paroître en relief, paroît 
canfoncé , & au contraire. 

7°. Ces effets differens ne font point apperçüs de tous ceux 
qui font ce petit manége , dans lequel on remarque des bi- 
zarreries extraordinaires, fuivant la force ou la foiblefle des 
yeux de l’obfervaceur ; car fouvent une même perfonne ap- 
perçoit le même objet differemment, en le regardant tantôt 
d'un œil & tantôt de l’autre, & cela fucceflivement. 

8°. Il nveft arrivé quelquefois qu'ayant obfervé le relief 
du loüis d’or, & l'ayant vû comme enfonce , étant d’un côté 
de la table où étoit pofé le Microfcope , la même chofe m'eft 
encore apparué l’étant allé obferver de l’autre côté de cette 
même table. 

9°. I arrive fouvent que quand on regarde l’objet tantôt 
d'un œil & tantôt de l’autre, les objets qui font naturelle- 
ment de relief y paroiffent creux. 

10°. Un de mes amis, Officier d’artillerie , a toujours vù 
enfoncé ce qui étoit de relief, quelque fituation qu'il ait pris 
pour obferver la lettre À , dont nous parlons. 

11°. Le même caractere alphabetique d’une piece d'argent, 
produit fur mes yeux les mêmes effets que nous avons remar- 
quez touchant le loüis d’or. 

12°, Ïl arrive fouvent qu'en faifant une de ces obfervations; 
il fuffit d'approcher ou d’éloigner l’oculaire du verre du mi- 
licu , pour appercevoir un changement contraire à celuy 
qu'on apperçoit auparavant. 

13°. Voicy une autre experience qui n'eft pas moins cu- 
ricufe que les précedentes ; elle confifte à mettre un cachet 
d'argent, qui reprefente un chiffre furle porte-objet du Mi- 
crofcope : ce chiffre , quoyque gravé profondement , parof- 


6 Nouveaux Mircroscopes. 
tra de relief & fans aucun enfoncement ; ce qui ne furprend@ 
pas peu. 

14°. Quand j'obferve le chiffre gravé fur ce cachet, à la 
lumiere d’une chandelle , vis-à-vis laquelle je fuis tourné, 
je vois d’abord le creux comme il eft naturellement ; un 
moment aprés je le jugerois volontiers de relief, fans chan- 
ger de fituation ; mais en raïfonnant fur les ombres qui pa- 
roiflent , je me trouve obligé de penfer autrement ; parce 
que ces mêmes ombres me paroïflent toujours où elles doi- 
vent être $ & il en eft de même des effets de la lumiere ré- 
panduëé fur ce chiffre. 

15°. Mais quand je releve le cachet & ma tête, pendant 
que j'en obferve la furface , je vois de relief ce qui eft en- 
fonce ; parce que je ne vois plus d'ombre , à caufe du peu de 
lumiere que je reçois alors par la refléxion d’un bonet rouge 
que J'ay fur ma tête. : 

Et fi je regarde obliquement la furface de ce cachet, pen- 
dant que la lumiere de la chandelle y tombe à plomb; je ne 
le vois point de relief , parce que je ne reçois point de iu- 
miere de fes enfoncemens. 

Ceux qui préferent les Microfcopes à deux verres à celui 
dont je viens de parler, n'ont qu'à fupprimer le verre du 
milieu , fans y apporter d’autre changement ; fi ce n’eft que 


lorfqu'il s'agira de faire voir la circulation du fang dans la 


queuë d'un tétart, dans celle d’une lamproye, &c.il n’y aura 
qu'à mettre une lentille objeétive d’un foyer plus court que 
celle qui y eft. 


CHAPITRE XIV: 


Défcription d'une petite Machine nowvelle, qui contient trois 
fortes de Microfcopes , € deux petices lunettes d'approche. 


E deflein que l’on voit icy au-deffous de la lettre À ; 
 reprefente un Microfcope monté fur fon pied ; & celuy 


qui eft reprefenté au-deflous de B en eft le profil, fair par 
la 


be. 


PREMIERE PARTIE. Chap. XIV. Si 
la fe&tion d’un plan vertical qui le divife de haut en bas en 
deux parties égales , pour en faire voir le dedans ; par ce 
moyen l'on découvre les lieux où font placez les trois verres 
qui compofent le premier des trois Microfcopes. 

Celuy de ces verres qui répond à côté de la lettre c, eft 
un oculaire d'environ huit lignes de foyer. 

Le verre du milieu , qui fe voit à côté de la lettre d, a 
foixante lignes de foyer ; & la diftance d’entre ces deux ver- 
res c, d , pourra être depuis fix lignes jufqu'à dix ou douze; 
de forte que pour faire ce changement de diftance , il fera 
à propos de monter le verre d , dans un bout de tuyau qui 
puille être facilement hauflé & baïflé ; afin de l'arrêter dans 
le lieu où fon effet fera le plus convenable aux obfervations 
que l’on voudra faire , & de mettre un diaphragme à l’autre 
bout d’en-bas de ce tuyau ; comme cela fe peut voir à côté 
de la lettre f. 

La lentille objeétive qui répond à côte de la lettre e, a 
environ fix lignes de foyer : fa diftance ordinaire du verre du 
milieu fera d'environ quarante-trois lignes. ÂAinfi s'achevera 
le premier Microfcope , dont les effets ont été rapportez dans 
les Chapitres précedens. 

Si l'on veut maintenant faire un fecond Microfcope , dans 
lequel il n’y aura que deux verres , il fufira de fupprimer 
celuy du milieu marqué par la lettre d ; ce qui fe fait en ôtant 
le tuyau où il eft enchaffe , laiffant feulement c , & la len- 
tille-e. 

Et pour faire un troifiéme Microfcope qui puifle fervir à 
découvrir ce qu'il y a de plus beau & de plus fingulier dans 
les liqueurs; il faudra ôter la lentille e , & mettre en fa pla- 
ce une autre lentille de trois lignes au plus de foyer , en re- 
glant l'ouverture de cette derniere fur ce nouveau foyer ; 
ce qui n'eft pas de peu de confequence , quand on veut mé- 
nager la clarté & la diftinétion , qui font deux chofes tres- 
differentes , & qu'il eft néceflaire d’avoir dans tous les Mi- 
crofcopes. 

Si l'on veut maintenant faire une lunette d'approche , qui 
fafle paroître les objets dans leur fituation naturelle , il n’y 
a qu'à fupprimer la lentille marquée c , & la lentille e, puis 


Plancher. 


52 NouvrAux Microscores. 


mettre en la place de cette derniere lentille e , un oculaire’ 
concave ; qui convienne à la longueur du foyer du verre d,: 


qui deviendra l'objeétif de cette lunette. Et ii faut remar- 

quer que le concave eft dans une partie de fa monture , 

placé dans une petite boëte pratiquée au-dedans de la foli- 
dite du couronnement B g h, comme on l'y peut remar- 
uer. 

Enfin s’il étoit néceflaire , on pourroit encore poufler la 
curiofité plus loin , & trouver dans cette machine dequoy 
faire une feconde lunette d'approche , fans augmenter le 
nombre des verres que nous y avons employé jufqu’à prefent, 
laquelle lunette feroit paroître les objets renverfez, à limi- 
ration de celles qui s'appliquent aux niveaux , aux quarts de 
cercles, & à celles qui fervent aux Aftronomes pour faire les 
obfervations celeftes. 

Pour l'executer, iln'y auroit qu'à fe fervir de l'oculaire c, 
& du verre du milieu marqué d ; & parce que cette lunette 
deviendroit plus longue que la précedente, il faudroit qu'elle 
contint un fecond bout de tuyau , à l’une des extrémitez du- 
quel il y aura une petite monture , qui fervira à mettre l'o- 
culaire marqué c. 

I ne refte plus qu'à ajufter au bas de la tige du Microf- 
cope une petite pincette, pour y attacher les animaux tout 
vivans ; & à faire des portes-objets qui conviennent aux lir 
queurs & aux autres objets qu'on veut obierver. 


2 


CHAPITRE ;: XV. 


Déftription d'un nouveau Microfcope unrverfel , > de 
Jes ufages. 
O N à defiré depuis long -tems d’avoir un feul Microf- 


cope qui fut portatif & univerfel, c'eft-à-dire un inf- 
rument qui puifle fervir à obferver toutes fortes de petits 
objets ; les durs , les mols, & tout ce qui fe peur voir dans 
les liquides. En voicy un que l’on croit capable de renfer- 


PréMreRE PARTIE Chap. XV. s3 
fnef tous ces avantages, parce quil contient toutes les cho- 
fes qui font néceflaires pour faire l'effet de plufieurs Mi- 
crofcopes ; c’eft pourquoy il n’a pas été poflible d'éviter d'y 
faire entrer un grand nombre de pieces tres- differentes les 
unes des autres , de chacune defquelles il faut parler aflez 
exactement pour en faire comprendre la méchanique & l'u- 
fage. Mais afin d'entrer facilement dans ce détail, nous efti- 
mons qu'il eft bon de jetter les yeux fur la premiere des 
deux Figures reprefentées dans la feiziéme Planche ; qui 
nous montre le Microfcopc vû par-devant , & dans une éle- 
vation geometrale , de la même grandeur qu'il a été executé 
par Monficur le Febvre Ingenieur en inftrumens de Mathe- 


matiques ; & où l’on voit d'abord trois reflorts d'une conftruc- 
tion particuliere. 

Le premier de ces reflorts eft appliqué au haut de la pie- 
ce marquée À , fes montans fe voyent en BB, preflant le 
porte-lentille F , qui eft derriere eux. 

Le fecond marqué c eft attaché en D. | 

EE, font les montans du troifiéme reflort que l’on voit 
attaché er H, fur une platine Ï qui eft au-delà. 

Il faut premierement remarquer que les fomimets des 
montans de ces trois reflorts font un peu courbez en devant 
pour faciliter l'entrée de quelques pieces plattes & minces 
que l'on mettra derriere eux , comme on l’expliqueta cy- 
aprés. Ces trois reflorts font aufli un peu courbez vers le 
milieu de leur longueur , pour faire place aux pieces qu'on 
doit introduire derriere eux. 

F , eftle premier des deux portes-lentilles nouveaux ; 
qu'on peut nommer Eprouvette ; parce qu'il peut fervir à 
éprouver de fuite des lentilles de diverfes groffleurs & de dif- 
ferens foyers. 

Ï , eft une piece de laiton qui fert à foutenir une partie 
des pieces dont on vient de parler. Cette piece doit avoir 
plus d’épaifleur que les précedentes , & s'enfoncer un peu 
dans le milieu fupcrieur de la piece à coquille où elle ei 
foudée. HER Te. 

LL, eft un morceau de glace qui doit être des plus beaûx 
& des plus cranfparens qu'on puiile trouver, au milieu du- 


G i} 


Planche 16, 


Figure 2". 


SA Nouveaux: Microscopres, ! 
quel on a taillé un petit concave ; pour y mettre les liqueurs 
que l’on voudra obferver. 

M M, eft une grande piece de laiton, au haut de laquelle 
on à fait une ouverture en forme d’un quarré long , pour 
faire pañler par-deflus & à couliffe le morceau de glace LL, 
que nous avons appellé ailleurs porte-objet, ou porte-liqueur. 

NN, eftune grande rouë à dents , qui fert à conduire la 
lentille au point où elle doit être , pour qu’on puifle voir les 
objets le plus diftinétement qu'il eft poflible. 

O, eft une virole attachée au manche du Microfcope, au 
haut de laquelle eft un écrou qui reçoit une vis d’acier fou- 
déc au-deflous de la piece à coquilles , qui termine le bas du 
Microfcope. 

Voilà l'explication abregée de toutes les pieces vifibles de 
cette premiere Figure ; & voicy celle des pieces que l’on 
voit dans la feconde, qui en eft le profil. 

aaa, eft le profil d'une piece courbée en équerre , dont 
les dimenfions font exaétement obfervées dans cette Figure, 
& dans la précedente, 

b , eft le premier des trois reflorts qui font au-devant de 
la premiere Figure; il n’eft pas vû dans celle-cy, à caufe de 
l'épaifleur du haut de la piece 22 a, où elle s'enfonce. 

c , eft le fecond reflort que l’on voit attaché en d par une 
vis, & fixé en partie par unè petite pointe fichée dans la pie- 
ce À de la premiere Figure , afin qu'il ne puifle tourner d'au- 
cun côté. 

e , eft le fommet de l’un des montans du troifiéme reflort 
que l’on voit attaché en h, & s’infinuer dans un petit trou 
fait au haut de la piece à coquilles. 

f , eft le premier des nouveaux portes-lentilles. 

I, ne la hauteur & l'épaifleur d’une platine de lai- 
con , qui eft foudée par en bas dans le milieu de la piece à 
oniflee qui répond au-deflus de la virole O , & qui fert à 
foutenir & affermir la plus grande partie des pieces préce- 
dentes. : 

1, eft un verre concave ou porte-objet, taillé en bifeaux, 
pour étre fermement arrêté dans une coulifle faite fur la 


piece marquée m, 


PREMIERE PARTIE. Chap. XV. 5 

n , eft le profil d'une grande rouë à dents, & d’une vis 
rivée à fon centre. 

0, eft la virole qui s'attache au manche du Microfcope , 
comme il a été dit. h 

p, eft une regle d'acier rivée en deux endroits de fa lar- 
geur fur la piece du milieu marquée I. 

Cetre regle , dont on voir icy la longueur & l’épaifleur ; 
eft ouverte par le milieu en forme d’un quarré Jong qui a peu 
de largeur ; & elle en doit avoir moins que le côté horifontal 
de l’équerre aaa, qui luy eft parallele. 

q, eft une piece façonnée proprement , au bas de laquelle 
il y à un écrou par lequel on fait pañler une vis, dont le bout 
r cft formé en pivot bien rond , pour être müû avec juftefle 
dans un trou fait au bas d’une efpece de confole marquée t, 
le haut de laquelle entre quarrément dans l'ouverture de la 
regle d'acier p, & y eft fixé par le moyen d'une vis, dont la 
tête fe perd dans l’épaifleur de cette regle. 

Il faut maintenant remarquer que l'extrémité fuperieure 
de la piece q eft en partie quarrée , & en partie viflée ; & 
que celle qui eft quarrée fe termine dans l'épaifieur de la re- 
gle d'acier p, où elle peut couler librement ; & ce qui eft viflé 
traverfe le bras horifontal de l’équerre aa , fe terminant 
comme on le voit en s, où l’on peut remarquer qu'une peti- 
te rondelle de laiton en eft enfilée , & qu'on a encore mis 
par-deflus une petite rouë à dents qui a un écrou à fon cen- 
tre , pour ferrer cette rondelle , plus ou moins, fuivant le 
befoin. 

u x, eft un quatriéme reflort de laiton fermement attaché 
avec deux petites vis qui entrent dans la piece marquée I. 

y, eft le profil d'une piece de laiton mince , courbée & 
recourbée en équerre double , pour foutenir par fon extré- 
mité fupericure la virole & qui fait reflort ; parce qu’elle eft 
fenduë en fa partie fuperieure , & dans laquelle on fait en- 
trer le canon z noirci en dedans , & garni de diaphragmes 
de diverfes ouvertures. 

Voilà l'explication de toutes les parties du Microfcope vü 
de côté ; & voicy celle de chacune de ces pieces deflinées à 
part, & marquées de lettres femblables à celles de Figures 

3 sf 


56 Nouvreaux Mrcroseopes 
précedentes ; afin qu'on y puifle avoir recours , fi l'on juge 
que cela foit néceflaire. 


Explication de tout ce qui eff contenu dans la Planche 17 5 
qui a rapport avec les Figures de la précedente. 


, Eft le deflein de la partie verticale du devant de la 
À piece de laiton courbée en équerre ; au derriere de 
laquelle , & fur fes deux montans , on à rivé une piece de 
laiton mince , pour fervir d’appuy aux portes-lentilles qui 
s’adoflent contre. 

Mais auparavant que d'attacher cette piece, il faut avoir 
creufé en talus le devant de la piece À , laïflant la partie 
élevée du côté de la vis , pour loger l'extrémité de la queuë 
du reflort BB, afin que fes montans approchent plus prés de 
la piece mince qu'on aura rivée derriere. 

Cette préparacion étant fuppolée , voicy la méthode que 
lon a fuivie pour attacher les deux premiers reflorts qui font 
fur le devant de ce côté de l'équerre. On y a premierement 
fait deux trous qui fe voyent au bas de la queuë de cette 
piece À, dont le fuperieur , qui eft un peu plus grand que 
l'inferieur, fert d'écrou , & l’on à rivé un petit tenon dans 
l'autre trou , le furpaflant feulement de l'épaifleur des deux 
reflorts ; enfuite de cela on à encore fait deux trous ronds 
au bas de chacun des deux reflorts B, C, qui conviennent 
tellement aux précedens , que la queuë du premier s’appli- 
quant dans la cavité faite au-deflous du milieu des montans 
de la piece À , on puifle mettre par-deflus ce premier ref- 
fort B , le fecond C, & attacher enfemble ces pieces avec 
la vis, dont la tête paroît au-deflous de la lettre D , Figure 
z. & 2. de la Planche 16. 

ÉE, eft le troifiéme reflort qui s'applique & s'attache au- 
devant de la piece de laiton marquée Ï. 

F, eft le premier des deux portes-lentilles , où l’on voit 
une tetine pour loger la lentille ; on-le fait d'une piece de 
laiton gratte tres-mince, dont une moitié eft pliée fur l'autre. 

G , eft le fecond porte-lentille , qui eft auffi fait de laiton 
un peu plus fort que le précedent. Le deflein en fait affez 


TE 
ie 


Premiere Panrie Chap, XV. 7 
connoîtte la conftructien; il fuffira de dire, que la partie du 
deflus cft de même largeur que la queuë, & que le coulant 
fert à retenir la lentille en place. 

LL, eff un morceau de glace , au milieu duquel on a 
taillé un concave, qui fert à y retenir une petite goutte de 
vinaigre , où nagent des anguilles. 

On peut faire d’autres portes-objets de verre mince & de 
même grandeur fans le creufer, au-devant defquels, fi la len- 
tille dont on fe fervira eft d’un tres-court foyer, on mettra 
les liqueurs pour les obferver. 

M M ,eft une platine de laiton, où il y a une coulifle pour 
recevoir les portes-objets précedens. 

On en fait plufieurs autres avec du petit carton mince ; 
au milieu defquels on fait une ouverture feinblable à celle 
qui fe peut voir au-deflous de la lettre K, où l’on attache 
des objets pour être vûs l'un aprés l'autre , avec des lentilles 
de foyers convenables. 

x x, eft le quatriéme reflort qui eft attaché par deux vis 
derriere la pieceÏ, & immediatement au-deflus du côté ho- 
sifontal de l'équerre aa a, de la feconde Figure Planche 16. 
Ce reflort eft un peu courbe au fommet, pour faciliter l’en- 
trée d'une platine pliée & repliée en double équerre, & il 
l'eft encore par en bas, comme on le peut voir exattement 
exprimé dans fon profil, Planche 16. 

NN, eft je profil d'une grande roué à dents, & d'une vis 
rivée à fon centre. 

o , eft le deflein de la virole attachée au manche du Mi- 
crofcope , au haut de laquelle on à fait un écrou pour y faire 
entrer la vis qui fe voit reprefentée en o, au bas du profil, 
feconde Figure de la Planche 16. 

p, eft le plan fuperieur de la regle d'acier que nous avons 
mis icy, pour faire voir tout ce qui n’a pü être reprefenté 
dans les Figures de la Planche 16. 

q: cette piece eft aflez vifible dans le profil de la Planche 
16. pour n'avoir pas befoin d’une plus ample explication que 
celle qui en a été donnée. 

y, cft la reprefentation perfpective de la largeur d'une 
piece de laiton courbée & recourbée en double équerre , 


53 Nouveaux Mircroscopes. 
au fommet de laquelle on a foudé une virole marquée &. 

z z, eft un canon cilindrique qui coule dans la virole &; 
qui fait l'office d'un reflort. Ce canon eft garni de diaphrag- 
mes , & noirci intérieurement pour en éviter le luifant. 

Le deflein qui eft marqué des chiffres 1,2,3,4,5,6,7, 
ft une machine particuliere à ce Microfcope , que nous 
avons nommée porte-pincette. On voit qu'elle eft compofée 
de fix principales pieces ; fçavoir , d'une petite pincette à 
boutons marquée 1 ; d'un petit canon vê en 2 , dont l’un 
des bouts eft à reflort ; d'une charniere chiffrée 3, qui tour- 
ne fur une petite bande de laiton marquée 4 ; d’une tige 
ronde $, qui entre dans deux petits canons 6,6, pratiquez 
à l'extrémité de la piece 7 , qui doit être de laiton mince. 
De forte que par cette difpolition de pieces, toutes diffe- 
rentes les unes des autres , on pourra aifément mouvoir la 
pincette en tous les fens que l’on voudra. 

8, eft une tige de laiton , à l’un des bouts de laquelle on à 
monté à vis ou autrement une pointe d'aiguille, pour fervir 
aux ufages dont il fera bien-tôt parlé. 

9, eft un porte-objec d’ébene, noir d’un côté & blanc de 
l'autre ; il doit être fait à peu prés comme une dame à joüer, 
vers la circonference de laquelle on a dû avoir refervé un 
petit rebord élevé en forme de parapet , pour empêcher que 
les petits corps qui fe mettront fur la furface, tant fuperieu- 
re qu'inferieure , ne puiflent rouler en bas. 

10 , eft le profil de ce porte-objet , où l'on voit un petit 
trou rond qui fe remplit d’une cheville de liege , afin qu'en 
ÿ fourrant la pointe de la tige 8 , la dame 9 y tienne atta- 
chée. 


Des ufages de ce Microfcope univerfel. 


Ous fuppofons d’abord que cette Machine ainfi conf- 
truite , foit éncore accompagnée de plufeurs lentilles 
de differens foyers parfaitement bien œaillées, & bien mon- 
tées dans des pieces de laiton femblables à celles qui font 
reprefentées au-deflous des lettres F, G, Planche 17. aprés 


quoy on fera en état de faire les experiences qui fuivent. 
fai 
ads 


PREMIERE PARTIE Chap. XV. 59 
Mais auparavant que j'entre en matiere , je me trouve 
obligé d’avertir , qu'une explication par écrit, quelque am- 
ple qu'elle foit , ne donnera jamais l'intelligence qu'il faut 
avoir pour bien conduire toutes les pieces de ce Microfco- 
pe , pour préparer les objets qu'on y peut obferver ; & qu'en 
moins de deux heures de converfation avec une perfonne 
qui en aura l'incelligence , on apprendra plus de chofes , que 
l’on ne feroit durant huit jours , d'une leéture qui rebuteroit 
ceux qui ne font pas accoûtumez à lire ces fortes d’explica- 
tions ; c’eft pourquoy je ne diray précifement que ce qu'il 
faudra dire pour ne point ennuyer. 


Des Cartons préparez pour [érvir de portes-objets fixes. 


E deffein que l’on peut voir au-deflous de la lettre K; 

Planche 17, reprefente un des petits cartons, au mi- 
lieu duquel on a pratiqué une ouverture ronde ou quarrée, 
pour y faire répondre divers corps durs & tranfparens , com- 
me des aîles de mouches, des cheveux, de tres-petites plu- 
mes d’oifeaux, des tranches de bois tres-minces, &c. qu’on 
y attache avec un peu d’eau gomée , ou quelque autre chofe 
d'équivalent. Ces cartons étant ainfi préparez & mis de fuite 
dans la piece à couliffe de la platine M M, pour y être vüs 
avec des lentilles qui conviennent, divertiront agréablement 
les fpeétareurs par un grand nombre d'objets tous differens 
les uns des autres. 


Du Porte-pincetté ; CN des pieces qui l'accompagnenr. 


Etre Machine eft d'un grand ufage pour fervir avanta- 
eufement aux diverfes obfervations que l’on fe propo- 

fera . faire fur une infinité de petits corps durs ou mols: 
fi ces corps font durs , on les attache à la pincette à boutons 
marquée 1,1, Planche 17 ; s'ils font mols, comme les poux, 
les puces, &c. on les pince par la croupe , pour être obfervez 
toutvivans. Les mouches d'une certaine groffeur fe peuvent 
empaler avec la pointe de la tige 8, qui fe monte par aprés 
dans les deux petits canons 6, 6, de la platine 7. Si ce font 


xPlanc. 16. 


igare Ze 


60 Nouvrsaux Mrcroscorss, 

des poux de ferins de Canarie qu’on ait deflein d'obferver ; 
on trempe la pointe de cette même tige dans un peu d’eau 
gomée , aflez épaiile pour y faire tenir ces poux. On en fait 
de même pour les mittes de fromage , qui paroïflent bien 
differentes les unes des autres. 

On peut auf enduire ia petite dame 9 de cette eau go- 
mée , & répandre deflus ces petites bêtes vivantes qui s’y 
attachent , & qui y demeurent en vie tres-long-tems ; & pour 
les obferver fur cette dame , on fait entrer dans le trou qui 
cft à fon côté la pointe qui eft.au bout de la tige 8, qui y 
demeure ferme au moyen de la cheville de liege qui le rem- 
plit exaétement. Les petites graines les plus menuës fe pla- 
cent fur de femblables dames , blanches ou noires , fuivant 
la couleur des graines qu'on y veut voir , & l'on, employe à 
cet effet des lentilles convenables. Cette platine 7. fe place 
au même lieu qu’eft placée ceile qui eft marquée M M, dans 
la premiere Figure de la Planche 16. Et il faut remarquer que 
cette picce & la pincette s'y peuvent mouvoir de haut en 
bas, de bas en haut, & de côté, foit à droit, foit à gauche : 
mais pour faire avancer la lentille vers l'objet , Où pour l'en 
éloigner, il faut tourner la petite rouë * S d’un certain fens, 
puis poufler en avant ou en arriere la partie bafle de l'équer- 
re marquée a2a , l'arrétant par le moyen de cette même 
rouë où l'on juge à propos de l'arrêter , prés ou loin de la 
lentille fuivant fon foyer ; & pour achever de la mettre pré- 
cifement au point où elle doit être pour bien voir l’objet ; il 
faut appliquer l'œil tout proche de la lentille , pendant qu'on 
üicnt le Microfcope d'une main ; puis faire tourner avec un 
des doigts de la même main, dont on tient le Microfcope , 
la grande rouë marquée N N, à droit ou à gauche , & l’arré- 
ter dans le moment que vous appercevrez l'objet le plus dif- 
gintement qu'il fera pofible. 

À l'imitarion des deux tiges précedentes , marquées 1. &. 
8, on pourra en conftruire de diverfes fortes de même lon- 
gueur & groffeur ; mais de formes toutes differentes en cha- 
cunc de leurs extrémitez , fuivantle befoin que l’on en pour- 
ra avoir, Par ce moyen l'on étendra l’umiverfalité de ce 
porte-pincerte , & en même rems celle du Microfcope, qui 


PREMIERE Paris, Chap. XV. êr 
tire tous fes avantages de fa bonté, & de l’induftrie de celuy 
qui s’en fert. 


De l'ufage de ce Microfcope pour les liqueurs. 


6: l'on veut maintenant obferver ce qui fe peut découvrir 
dans une liqueur , il ny a qu'à tremper le plus petit bout 
d'une plume à écrire dans une infufion de quelque plante , 
pour en moüiller le milieu du porte-objet de verre qui fera 
enchafñlé dans la coulifie de la piece marquée M M, en la 
premiere Figure de la Planche 16. afin de la faire répondre 
vis-à-vis de la lentille qui luy conviendra , & de la mettre 
au point de diftinétion. Ainfi l’on verra dans diverfes li- 
queurs des animaux qui y nagent , d’autres qui y rampent & 
nagent , & d'autres enfin qui y marchent & qui y nagent. 

Il faut remarquer que pour mettre beaucoup d’anguilles 
en experiences , il faudra employer le verre concave, & ÿ 
mettre une aflez grofle goutte de vinaigre avec le petit an- 
tonnoir dont nous avons parlé, dans l’ufage des Microfcopes 
précedens. 


De la circulation du [ang , &* d'une nouvelle invention pour 
la faire voir dans la quenë d'un petit poiffon 
nommé Tétart 04 Chabot. 


"Une des belles découvertes que l’on ait faités dans fa 

_ Medecine, eft celle de la circulation du fang , qui eft 

dûë à Hervéc fameux Medecin Anglois , qui la publia en 

l'année 1628. ou plutôt au Pere Frapaulo , celebre Ecrivain 
de fon tems. 

Quelques bons qu’ayent été les raifonnemens & les expe- 
riences de ces deux fçavans Hommes , pour établir cette 
opinion ; tous les vieux Doéteurs de ce tems-là s’éleverent 
contre cêtte nouveauté , & firent tout ce qu'ils pürent pour 
la combattre ; parce qu'ils manquoient alors d'experiences 
aflez évidentes pour la preuve d’une fi belle découverte. En 
voicy une qui met le fait hors de conteftation. 

Pour cela, vous n’avez qu'à préparer une platine de lairois 

H :ÿ 


Pianchers, 


6» Nouveaux MiIcrRoOscOPES. 

mince , de la figure & de la grandeur qu’eft le deffein mar: 
qué A BB ; préparez aufli une bande de parchemin de la 
figure d'un quarré long , dont la hauteur {oit d'environ 18. 
lignes , & d’une longueur fuffifante pour environner les mon- 
tans BB de cette platine , & coller fes deux bouts l’un fur 
l’autre : après cela collez aufli les deux extrémitez de deux 
petites bandes de même matiere , d’environ trois lignes de 
largeur au devant de cette piece , comme cela paroît aux 
endroits c c c c, laïflant libre & dégagé tout le derriere des 
bandes ; afin que le tout étant bien {ec , vous puifiez pañler 
librement entre ces bandes , & le derriere de la piece de 
parchemin doublée, les montans B,B, de la platine de lai- 
ton A, 

Àyez enfuite un petit morceau de glace de verre de peu 
d’épaifleur , taillé proprement , d'environ huit lignes en 
quarré , dont vous ferez entrer la moitié entre les deux côtez 
d'en-bas de la machine de parchemin , dont je viens de par- 
ler , pour la coller contre fa partie anterieure feulement , 
ainû qu'il paroït en D D : coupez adroitement une piece du 
devant de cette machine , qui foit de la figure du tétart, & 
faires que cette piece tienne par en haut , comme cela fe 
voit au-deflous de la lettre E : paflez enfuite un bout de fil 
à l'extrémité du bas de cette piece libre, que vous venez de 
préparer , dont les bouts s'étendent à droit & à gauche, 
aindi qu'il paroît en F ; en forte qu'il y en aît autant d’un cô- 
té qu'il s'en trouve de l’autre ; comme on le peut remarquer 
dans ce deflein, 

Lorfque vous voudrez faire voir la circulation du fang dans 
les veines & dans les arteres qui font en la queué d’un técart, 
vous n'aurez qu’à en placer un au-deffous de la piece de par- 
chemin, que vous avez feparée en partie du refte de fa ma- 
chine , aprés y avoir fait plufeurs grands trous d'épingle , & 
humecté d'un peu d’eau l'endroit où vous le voulez enfer- 
mer , au moyen de la piece qui s’abaifle deflus , & du fil 
marqué GFG, dont vous le lierez doucement , afin qu'il 
puifle refpirer dans cet étar. 

Cette machine étant ainfi préparée, il la faudra porter à 
la place de celle qui eft marquée M M, en la Fig, 1. Planche 


nee 


PREMIERE, PARTIE Chap. XV. 63 
16 , faifant répondre la queuë du tétart fur le verre qui eft au- 
deflous, après l'avoir effuyé, l'approchant enfuite d’une len- 
tille d'environ deux lignes de foyer , vous aurez le plaifir de 
voir au Jour , ou à la faveur d’une chandelle allumée, le fang 
ruifleler dans un aflez grand nombre de veines & d’arteres; 
découvrant en même tems plufieurs autres Phénoménes aflez 
curieux à obferver. 

Cette nouvelle maniere d'obferver la circulation du fang, 
& les animaux des liqueurs , eft préferable à toures celles où 
l’on employe un miroir plan, que l’on ajufte dans une boëte 
préparée à cer effet ; car le mélange qui fe fait de la lumiere 
refléchie par les parties folides du devant de la glace , de 
celle qui part de la furface du vif-argent mélé avec l’étain ; 
& de celle de l'air qui fe trouve dans les pores de cet amal- 
game, ne produit qu'une lumiere confufe , qui empêche le 
fpectateur d’avoir une parfaite diftin&ion de l’objet qu'il re- 
garde. 

Nous fupprimons aufli la Loupe placée entre la lumiere 
& l'objet , que l’on y place dans le deflein d'éclairer davan- 
tage une petite étendué de la queuë du poiflon ; parce que 
cette grande quantité de rayons de lumiere differemment 
modifiée , bien loin d'être avantageufe dans cette occafion, 
elle y nuit beaucoup , en empêchant le fpettateur d'avoir 
une diftinétion parfaite de l'objet éclairé de cette maniere. 

On peut aufli voir la même chofe , en découvrant un plus 
grand champ , ou une plus grande étenduë de la queuë du 
tétart , en fe fervant d’un petit Microfcope à deux ou à trois 
verres convexes des deux côtez , dont voicy les proportions, 


Profil d'un petit Microfcpe , compofe de deux ou de trois 
lentilles convexes des deux côte, 


N voit au haut de cette Planche le profil des trois len- 
tilles HIK , qui doivent être des plus parfaites, & 
montées dans le corps du Microfcope , dont le profil fait par 
la feétion d’un plan, paffant par l'axe de toute fa longueur , 
eft reprefenté au bas de cette même Planche , avec les ver- 


res qui le compofent, 
E il 


Planche: 8« 


64 Nouveaux Mrcroscores, 

L'oculaire marqué H , doit avoir fix lignes de foyer : fe 
verre Ï du milieu fera d’un pouce ; & K , qui reprefente la 
lentille , aura pour le moins deux lignes de foyer. 

La diftance de l’oculaire au verre du milieu fera de quin- 
ze lignes ou environ ; celle du verre du milieu à la lentille, 
fera de deux pouces; & la diftance de l'œil à l'oculaire , fera 
d'environ quatre lignes. 

Enfin fi l’on veut faire un Microfcope à deux verres, il n’y 
aura qu'à fupprimer celuy du milieu, & laifler le refte en l'é- 
tat qu'il fe trouve. 

Ce Microfcope à deux ou à trois verres , étant ainfi conf- 
truit , s’enchaffera dans la virole reprefentée en L ; en forte 
qu'il y foit fermement arrété. M eft le profil de cette virole, 
qui eft un peu ouverte du fens de fa largeur , afin qu’elle fafle 
l'office d'un reflort : fon épaïfleur , qui eft vüë en N , doit 
être imaginée plus haute que le plan O , fur lequel fa partie 
bafle eft enchafiée de dix lignes ou environ en profondeur. 

Ce plan O reprefente une petite platine mince de laiton 
d'environ quatorze lignes en quarré , percé au milieu d’un 
trou rond qui a cinq lignes de diametre , dont l'ufage eft de 
recevoir la bonnette qui fixe la lentille du Microfcope , com- 
me cela fe peut remarquer au-deflous de la lettre P , qui eft 
le profil de l'épaifleur de cette platine ©. 

Cela étant ainfi préparé , on engagera cette platine PQ, 
entre la piece À & le reflort C de la premiere Fig. Planche 
16 ; par ce moyen on aura le plaïfir d’appercevoir tout ce qui 
fera dans une petite goutte d’une infufion mife fur le porte- 
objet du Microfcope , & d'y découvrir un champ beaucoup 
plus grand que n’eft celuy que l’on découvre ordinairement 
avec une feule lentille , maïs avec moins de clarté. 

Ïl a encore un avantage particulier , qui eft de fervir à dé- 
eouvrir les objets d’une diftance plus grande que l'on ne fe 
roit avec une lentille d'un tres-court foyer. 

Ce Microfcope à deux ou à trois verres, étant monté de 
même que ceux qui font compofez d’autant de verres , fer- 
vira aux mêmes ufages, | : 

En continuant de parler des ufages du Microfcope univer- 
fel, nous dirons que pouvant écarter , tant & fi peu qu'on le 


PREMIERE PARTIE Chap. XV. 6s 
veut, le porte-lentille de l'objet qu'on veut voir , on a la fa- 
cilité de mettre en ufage des lentilles de divers foyers ; & 
par confequent celuy de faire , avec cette nouvelle montu- 
se, un grand nombre d'expériences qu'on ne peut pas faire 
avec plufieurs autres d’une conftruttion differente. 

Comme on peut approcher en un inftant la lentille de 
l’objet, avant que de porter le Microfcope à l'œil, & ache- 
ver de la mettre aflez prés ou afiez loin de l'objet, par le 
moyen de la rouë N N, que l'on tourne avec un feul doigt 
de la main qui le tient, cela donne le moyen de promener 
l’objet avec l’autre main , & de découvrir toute l’étenduë de 
la petite goutte d’eau mife fur le porte-objer , & en même 
tems ce qu'elle contient. 

Cette rouë NN, fa vis, & la piece marquée qs, dansle 
profil de la Planche 16 , font que ce Microfcope à une pro- 
prieté qui conffte , en ce que dans le moment que l'on com- 
mence à tourner la rouë NN , la lentille part pour s’appro- 
cher ou pour s'éloigner de l’objet , ce qui fait juger de fa 
bonté ; car étant excellente , fon meilleur effet paroït à une 
feule diftance de l’objet ; au lieu que fi elle n’étoit que me- 
diocre , fon cffet fe feroic voir le même en des diftances in- 
égales. 

Le nouveau porte-lentille , marqué F , eft fi commode , 
qu'on peut par fon moyen employer des lentilles d’un fi court 
foyer que l'on voudra , & mertre les liqueurs au devant où 
au derriere du porte-objet de verre ; ce qui donne occafion 
d'obferver les poiflons qui nagent dans ces liqueurs par de- 
vant ou par derriere , & de découvrir s'ils rampent ou s'ils 
marchent fur le porre-objet, ou enfin s'ils nagent dans l'eau 
que l’on examine. 

On voit bien que ce Microfcope ainfi conftruit , & accom- 


pagné de toutes les pieces qui en doivent faire l’aflortiment, 


eft prefque univerfel , & qu'on peut faire avec cet inftrument 
soutes les experiences dont j'ay parlé dans ce Traité , à la 
referve de quelques-unes qui fe font commodement avec les 
Microfcopes à canons, & le porte-Loupe ; car il eft évident 
qu'on ne Îe peut employer dans les diflections des petits ani- 
maux vivans ou morts; quil ne peur fervir à les defliner ni à 


Planche :#, 


Pfancher#; 
"17e 


ge Nouveaux MicroOscoPEes. 

les graver élégamment , ni même à les cenir enfermez du2 
rant plufieurs mois dans de petites prifons bien éclairées , 
comme on fait dans les Microfcopes à tombeaux , où l'on 
voit comment les uns y font leurs œufs , & d’autres leurs pe- 
tits tout vivans ; comment ils sy nourriflent ; comment ils y 
changent de couleur; comment ils y combattent ; & où en- 
fin l’on découvre avec beaucoup de plailir plufieurs efpeces 
de métamorpholes, qu’on ne fe lafle point d'admirer. 


CHAPIAMRE, RIVIT 
eAutre souwveau Microfcope univerfel. 


Oicy un fecond Microfcope univerfel , plus fimple 

que le précedent , & qui a par-deflus cela quelques 
avantages qui ne s y rencontrent pas. On le voit reprefenté 
dans cette dix-neuviéme Planche , en deux pofitions toutes 
differentes ; la premiere , eft une élévation géometrale du 
Microfcope tout entier vü par devant ; & la feconde le re- 
préfente vû de côté. 

Ce Microfcope étant conftruit de plufieurs pieces fembla- 
bles à celles du précedent , & ces pieces ayant icy les mé- 
mes ufages , nous paflerons légérement par-deflus , nous con* 
tentant de nous étendre autant qu'il le faudra fur celles qui 
font d’une nouvelle conftruttion , & dont les fonétions font 
plus parfaites & plus commodes. 


Explication de la premiere € [econde Figure, qui repréfentent le 
Microfcope tout entier vi par devant € de côté ; où 1l faut re- 
marquer que les groffés lettres fervent de renvoy à la premiere 
Figure ; @ les petites, à la féconde. 


A À;,cft une piece de laiton foudée par en bas, àune pe- 
Âi: piece ronde & platte , ornée de quelques moulures 
pour fervir de bafe à cette maîtrefle piece , & de couronne- 
ment à la virole du manche fur laquelle elle fe monte à vis, 


conume on le peut remarquer au bas de la feconde Figure. 
Cette 


L 


PREMIERE PARTIE Chap. XVI. 67 

Cette piece À À , qui reflemble en quelque façon à une 
petite palette , dont les enfans fe fervent pour jouër au vo- 
lant , cft nommée la maîtrefle piece ; parce qu’elle fert à 
foutenir & à porter les autres parties de ce Microfcope : {a 
longueur , fa largeur & fon RE font exaétement repré- 
fentées dans la premiere & feconde Figure. | 

b, eft un canon en forme de quarré long, repréfenté en la 
feconde Figure , foudé par un bout au-deflus du milieu de la 
maîtrefle piece À À , ou a a. 

cc,eftunautre petit canon creux & de même figure , qui 
entre juftement dans le précedent: ce petit canon eft foudé 
à une petite piece de laiton marquée D ou d._ 

E,ouee, repréfentent une vis qui tient à la piece d , fur 
laquelle tourne la rouë FF, ou f. 

G,oug, eft un reflort d'acier trempé , dont le bas ef at- 
taché fur la maïitrefle piece À À, ou a 4. 

Le bout d’en-haut de ce reflort eft feparé en deux par- 
ties , formant une efpece de fourchette platte par fes extré- 
mitez , pour laïfler un paflage libre à la vis ee; de maniere 
que les deux extrémitez du haut de ce reflort appuyans con- 
tre le milieu de la piece marquée d , elles la pouflent conti- 
nuellement en avant. 

On voit en la feconde Figure , tant au-deflous de la lettre 
h, qu'au-deflus di, les bouts de deux petits reflorts d’acier 
placez , l'un dans le gros canon b , & l’autre dans le petit 
marqué c , pour rendre uniforme le mouvement du petit 
canon , & du bras horifontal de l’équerre 111 , dont on va 
parler. 

L,ou 111, eft une grande piece de laiton, formant une 
efpece d’équerre , dont la branche horifontale eft toute fim- 
ple, au lieu que fa verticale eft plus compofée. La branche 
la plus fimple eft femblable à une petite regle ordinaire , 
dont toutes les furfaces oppofées font paralleles entr’elles ; 
afin qu'étant ainfi d'égale épaifleur , elle puifle couler libre- 
ment, & d'un mouvement égal, dans le conduit qui aura été 
pratiqué au-dedans du petit canon marqué c. 

La branche verticale de cette équerre eft conftruite de 
pieces femblables à ceiles du Microfcope univerfei préce 


68 Nouveaux Microscopres. 

dent , “eprefentées dans la Planche 16. Figure r. & 2. parles 
lettres A, BB, C, & expliquées dans le Chapitre XV. qui 
précede celuy-cy. 

MM, font deux reflorts de laiton attachez fermement 
l'un à droite & l’autre à gauche , de la largeur de la piece 
A À, par le moyen de deux vis dont on voit les têces , & de 
deux petites goupilles invifibles , qui font rivées aux extré- 
mitez d'en-bas de ces reflorts , courbez en deux fens diffe- 
rens , comme on le peut remarquer en h & en m , afin de 
faciliter l'entrée , & l’enfoncement des diverfes pieces qui 
doivent s’'introduire derriere ces mêmes reflorts. 

Au milieu de l’épaifleur , & à l'extrémité fuperieure de la 
maîtrefle piece À À , ouaa, il y a une ouverture faite en 
forme d'un petit quarré long , dont les moindres côtez font 
également diftans de la largeur de la platine À À, dans la- 
quelle on fait entrer le bras vertical d'une petite regle de 
laiton d'environ vingt lignes de longueur, & de trois lignes 
de largeur , pliée par le milieu pour former une équerre , 
dont le bout horifontal n porte la virole p, qui fait reflort, 
dans laquelle on fair mouvoir le canon © , garni de même 
que celuy du Microfcope précedent. 

Les portes-lentilles , les portes -objets , les und ie 
tes, &c. s'executent de même qu'ils font reprefentez dans les 
Planches du premier Microfcope univerfel, & les ufages de 


routes ces pieces doivent être icy les mêmes , c'eft pourquoy 
nous n'en parlerons pas. | 


CHAPITRE. SVTE 


Explication d'un troifiéme € dernier Microfcope nowveas 
€ univer[el. 


HE vais finir la premiere Partie de ce Livre, par l'expli- 
] cation d’un troifiéme Microfcope nouveau , & un peu 
plus univerfel que le précedent , où nous n’avons employé 
que des cétarçs pour faire voir la circularion du fang ; au lieu 


” 


PREMIERE PARTIE Chap. XVII. (D 
que dans celuy-cy on y pourra ajufter des poiflons de plu: 
ficurs efpeces, de differentes longueurs , & de diverfes grof- 
feurs. Et parce qu'il a d’ailleurs tous les avantages du préce- 
dent , on l'y doit préferer ; mais comme il contient beaucoup 
de pieces qui ont un grand rapport à celles de ce Microfco+ 
pe-là , & qu'elles ont été expliquées dans le Chapitre préce- 
dent , nous ne devons prefque parler icy que de celles qui 


‘en font differentes. Et afin d’abreger cette defcription au- 


tant que nous le pourrons , nous avertiflons que les grofles 
lettres qui fe voyent fur les parties de ce Microfcope, repre- 
fenté en la premiere Figure de la Pianche 20 , fervent de 
renvoy aux petites lettres de même nom, qui font fur les 
mêmes parties du profil de ce Microfcope , Figure 2 ; afin 
que par ce moyen on puifle avoir une intelligence plus par- 
faite de la conftruction & des ufages de toute cette machi- 
ne. Mais parce que les proportions de la hauteur , de la lar- 
geur, & de lépaifleur du corps de ce Microfcopes dépen- 
dent de la longueur , de la largeur & de l'épaifleur des poif- 
fons , dans la queuë defquels on voudra voir circuler le fang ; 
cela fait qu'on ne peut déterminer toutes ces chofes qu'à peu 
près , & en donner des mefures qui répondent à celles des 
animaux dont le choix eft plus convenable ; & d'autant que 
les petits poiflons ont la queuë plus mince & plus tranfpa- 
rente que neft celle des gros, il les y faut préferer, & ré- 
duire la grandeur des parties du Microfcope dans le moin- 
dre volume qu'il fera poflible , afin d'en faciliter le tranf- 
port. 

Pour cet effet, nous avons jugé à propos de donner en- 
viron huit pouces de hauteur à toute la machine; mais cette 
Planche n’en ayant pas aflez pour la contenir toute entiere, 
nous avons réflolu d'en marquer toutes les dimenfions par 
des mefures exactes , afin que fur ce détail on la puifle faci- 
lement executer. Aïnfi nous dirons que le corps du Microf- 
cope eft fait de laiton ; que fa hauteur AB eft divifée en 
deux parties ; que la poignée CD à quatre pouces de hau- 
teur ; que fa largeur FF eft de vingt lignes , & fon épaificur 
GH de treize ; que cette poignée eft creufe & de figure ci- 
lindrique un peu applatie , en forte que fes extrémitez font 

Li 


70 Nouvraux Microscorrs. 
devenuës ovales, demeurans dans les mêmes proportions cy- 
deflus marquées. 

La feconde partie fuperieure AT, eft faite à peu près 
comme un parallelepipede reétangle , dont la hauteur à 
vingt-fept lignes ; la largeur par le bas , tant du devant que 
du derriere , eft de feize lignes , & par le haut des mêmes 
côtez de dix-huit; & que chacun des autres plus petits cô- 
tez n'a que dix lignes. 

Cette même partie À I eft inégalement divifée en deux 
autres ; celle de deflous a feize lignes , & celle de deflus on- 
ze : les deux côtez de la premiere partie qui touchent la poi- 
gnée , font ouverts ; & ceux de la feconde , qui répondent 
immédiatement au-deflus , font fermez. 

À peu près vers le milieu de la partie fupericure du de- 
vant, & du derriere du corps du Microfcope , on y a atta- 
ché deux plattes-bandes marquées 11, dans le profil Figure 
2 , qui en occupent toute la largeur , & dont les extrémitez 
font entaillées pour fervir de coulifle ; & au milieu de la 
platte-bande du derriere du Microfcope , on y a foudé une 
vis m d'environ un pouce de longueur , de deux lignes de 
diametre, & d’un pas aflez gros, 

Maintenant dans les entailles des deux pieces à coulifles 
dont on a parlé, on y fait entrer les côtez creux d'une dou- 
ble équerre oo , dont la concavité eft faite en forme d'un 
quarré long. 

Cette double équerre oo entre à coulifle par le devant du 
Microfcope , & fes extrémitez pofterieures , qui font faites 
en tenons percez, reçoivent une piece de laiton platte mar- 
quée pp, qui eft retenuë par deux goupilles ; & il faut re- 
marquer 1°. que la vis m dont nous venons de parler traverfe 
librement le milieu de cette piece de laiton ; 2°. Que cette 
piece de laiton jointe à la double équerre forment un châflis 
- quarré qui environne le corps du Microfcope , & qui pourra 
Être mû en avant & en arriere , pour fervir aux ufages donr 
on parlera cy-après. Et enfin qu'au derriere du corps de ce 
Microfcope on y a attaché un reflort d'acier marqué q, Q, 
dans la feconde & troifiéme Figure , d'environ trois pouces 
de longueur & de huit lignes de largeur , dont l'effet eft de 


‘14 


PREMIERE PARTIE Chap. XVII. 71 
poufler le chäflis en arriere ; & ayant monté une rouë den- 
telce r r fur cette vis m, dont le diametre exccde un peu les 
côtez de la double équerre, elle fervira à poufler le châffis 
d'un fens oppofe à celuy du reflort marqué Q, 

Dans les deux côtez creux des pieces à coulifles , & par le 
devant du corps du Microfcope, on fait entrer deux lames 
d'acier ss , aux extrémitez defquelles eft rivée une piece 
platte marquée T , t, Figure 1. & 2 , Planche 20. recourbée 
en double équerre , comme on le voit dans le profil de la fe- 
conde Figure , & dans celuy de la cinquiéme , Planche 21. 

Le haut de cette partie platte , ainfi recourbée, eft com- 
pofc de pieces toutes femblables à celles du haut du Microf- 
cope précedent ; & ces pieces doivent avoir icy & là à peu 
près les mêmes proportions & les mêmes ufages. 

On voit paroître au-deflous des lettres V , V , le haut de 
deux reflorts d'acier , dont les extrémitez inferieures font at- 
tachées interieurement au corps du Microfcope , par le 
moyen de deux vis dont les têces paroïflent en X X , & ces 
reflorts font retenus fermement en la fituation qu'on les voir 
par deux petits tenons, dont les bouts paroiïffent quelque peu 
plus bas que ne font les têtes de ces vis. 

Au deflus , & au derriere de la partie iuperieure de tout le 
corps du Microfcope , on y a pratiqué, dans le milieu de fa 
longueur & de fon épaifleur , une cavité reguliere d'environ 
dix lignes de profondeur , de huit lignes de longueur , & d'un 
peu moins d'une ligne d'épaifleur , pour y faire entrer la 
queuë & d’une virole 1. qui fait reflort , & dans laquelle on 
introduit le canon 2, garni de diaphragmes. 

La troifiéme Figure de la 21. Planche, reprefente le Mi- 
crofcope vû par derriere , & dans une élevation géometra- 
ie, où l’on peut voir la hauteur de la poignée IB couverte 
de chagrin , le grand reflort d'acier marqué Q, la vis qui 
lattache à peu près au milieu de cette poignée , la rouë den- 
telée R , montée fur la vis M qui en traverfe le milieu ; le 
refte du corps du Microfcope , le derriere du canon garni 
d'un diaphragme , & d'une virole qui le retient fur le bord 
de ce canon; & enfin une petite partie de tout ce qui fe voit 
seprefenté au-deffous de la quatriéme Fig, ÉRRÈOE 21, 

uÿ 


Pianche2o. 
Figure 2e 


72 Nouveaux Mrcroscopres. 

Cette quatricme Figure reprefente une machine compo 
fée d’un porte-canon z z, concave d'un côté & convexe de 
l’autre : on voit au milieu un petit anneau marqué & & , que 
l'on a refervé de part & d'autre de la même piece dont le 
canal eft fait, fur le milieu duquel on à, attaché un reflort 
d'acier trempé marqué Ï, qui fe voit terminé en Ÿ Ÿ , dont 
les extrémitez fonc recourbées d’un fens contraire à celuy du 
canal de laiton marqué z z qui luy répond , afin que ces deux 
corps ainfi figurez concourent enfemble à retenir les tuyaux 
de verre, d'argent ou de laiton, gros & menus, dans la ca- 
vité defquels on introduira les poiflons qu'on y voudra 
mettre. 

La partie fuperieure 2 2 , de ce porte-canon, eft faite de 
laiton mince , & elle eft de la même grandeur & de la même 
figure que le deflein la reprefente. On y voit en haut & au 
milieu une ouverture en forme d’un quarré long, fur laquelle 
on poufle à coulifle un verre plan de même figure & de peu 
d’épaifleur , mais un peu plus grand , taillé en bifeaux tout le 
long de fes plus grands côtez. 

Enfin la Figure $, qui eft au bas de la Planche 27, eft le 
profil d'une piece qui tient à la platte-bande T , Fig. r. Plan- 
che 20 , recourbée en double équerre , & fur le devant de 
laquelle on voit deux doubles reflorts d’inégales largeur & 
hauteur, derriere lefquels on introduit le porte-lentille , & l& 
piece qui doit fervir à foutenir un petit Microfcope à deux 
ou trois verres convexes des deux côtez , comme il a été ex- 
pliqué dans l’ufage de l’un & de l'autre des deux Microfco- 
pes précedens. | 

Outre les pieces dont je viens de parler , qui accompa- 
gnent celuy-cy , on doit encore l'aflortir d’un porte-pincet- 
te, d’un porte-tétart, d’un porte-objet à coulifle , pour y 
introduire des verres taillez diverfement, & d'autres portes- 
objets , qui doivent fervir à des ufages differens, & dont il 
a été parlé ailleurs aflez au long , pour n'avoir pas befoin 
d’une plus ample explication. | 

J'avertiray feulement que la curiofité & le delir de rendre 
cet Ouvrage autant parfait qu'il n’a été poflible de le faire , 
m'ont engagez à rechercher les moyens de fatisfaire pleine- 


PREMIERE ParTtre Chap. XVI. “3 
ment ceux qui voudront fçavoir fi le fang circule d'une mé- 
me maniere dans des poiflons d'une même efpece ; sil fe 
meut differemment dans ceux qui font de diverfes natures ; 
s’il va plus vite dans les vaifleaux des uns que dans ceux des 
autres ; s’il y eft plus ou moins rouge ; fi les globules du fang 
qui paflent d’une artere dans une veine , fe divifent en d’au- 
tres globules plus petits ; fi toute la mañle du fang eft unifor- 
me , ou fi on la voit compofce de parties hécherogenes ; fi 
les arteres & les veines ne font que des tuyaux recourbez , 
comme les fyphons ; fi l'on voit le fang s'arrêter dans quel- 
ques vaifleaux d'un même poiflon , pendant que fon mouve- 
ment fe continué en d’autres ; fi tout le fang d'un petit poif- 
fon , ou de quelque autre animal , comme d’une mitte de 
ferin de Canarie, peut cefler de fe mouvoir pour quelque 
tems feulement ; s'il eft plus épais en de certains poiflons 
qu'en d'autres ; pourquoy il paroît blanc en quelques-uns, & 
rouge en d’autres, &c. C’a donc été pour fatisfaire ceux qui 
nous font l'honneur de nous propofer de femblables quef- 
tions , & pour faciliter la réfolution d'un nombre prefque 
infini d’autres, qui rendent la Phyfique tres -utile & tres- 
agréable , que j'ay fait conftruire ce troifiéme Microfcope 
univerfel, dans lequel on pourra facilement appliquer quand 
on voudra , & durant toute l’année , tantôt des tétarts ou 
chabots , tantôt de petites anguilles , quelquefois des lam- 
proyes , d’autres fois de petites tranches ou des carpes , dans 
la queuë defquelles on aura le plaifir d’obferver, comme on 
le va dire , à la lumiere du jour ou à celle d’une chandelle, 
toutes les chofes dont je viens de parler. Et avec ce feul Mi- 
crofcope , accompagné des pieces qui doivent laflortir , on 
pourra aufli faire toutes les experiences dont les deux précez 
dens Microfcopes font capables, | 


TA Nouveaux MicROSCOPES. 


GEL API TRE CN TT 


Comment on doit ajufler une Lamproye , une Anguille, on un te- 
tart, dans un tuyau de verre, d'argent on de laiton. Comment 
on applique ces tuyaux dans la machine reprefentée en la Plar- 
che 21. Fig. 4. Et enfin comment cette même machine doit être 
placée dans la capacité du corps du Microfcope. 


Our cet effet prenez un de ces tuyaux, qui foit un peu 

plus court que la lamproye , ou l’anguille que l’on y 
voudra faire entrer, & tellement conftruit , que l’un de fes 
bouts foit taillé à peu près comme celuy d’une plume à écri- 
re , pendant que l'autre bout du même tuyau fe terminera 
en pointe un peu émouflée & percée , afin que Fanimal qu'on 
y fera entrer y puifle facilement refpirer. Il faut obferver 
que le tuyau dans lequel on fera entrer le poiflon ne doit 
pas être trop grand , parce qu'il en pourroit fortir de luy- 
même , aprés l'y avoir fait defcendre , en commençant par 
ha tête. 

Cela fuppolé , arrêtez la queuë de l’animal après l'avoir 
fait furpañler de quelques lignes , le bout d’en-haut du tuyau 
taillé obliquement, avec un peu de papier ou de linge , que 
vous ferez entrer dans ce tuyau fans beaucoup preffer la 
queuë de l'animal , qu'il faudra faire répondre fur le verre à 
coulifle ; enfuite de quoy il n’y aura plus qu'à mettre cette 
machine, ainfi préparée , dans l’efpace vuide du corps de ce 
Microfcope , en l'y arrêtant du fens qu'il faut, derriere les 
reflorts d'acier que l'on voit reprefentez en V V, de la pre- 
miere Fig. Planche 20. faifant encore répondre le bout de la 
queuë de ce poiflon vis-à-vis la lentille que l’on mettra faci- 
lement au point de diftinétion , par le moyen de la grande 
rouë à dents ; alors vous aurez le plaifir d'obferver à loifir le 
mouvement du fang à la lumiere du jour , ou à celle d'une 
chandelle. 

Je ne devrois rien dire icy de la préparation du tétart , 
parce que J'en ay parlé dans l'ufage du premier Microlcope 

univeriel , 


di 


PREMIERE PARTIE Chap. XVIII. 7$ 
univerfel, ni de plufeurs autres chofes qui ont été expli- 
quées ailleurs ; cependant jc me fens obligé de parler d'une 
nouvelle maniere de les faifir avec beaucoup plus de facilité 
qu'on ne peut faire en fuivant la méthode précedente. Elle 
confifte 1°.à prendre un tuyau de verre comme ab, qui foic 
un peu plus long que n'eft le poiffon qu'on y voudra faire en- 
trer , pour tailler l'extrémité b, ainfi que cela fe voit en la 
Fig. 6. de la 21. Planche. 

2°. De faire un autre tuyau c de, de carton ou de papier, 
qui puifle entrer par le bout a du premier tuyau , afin de fer- 
vir à poufler l'animal qu'on y mettra jufqu'au point où il 
doit être , pour que fa queué réponde au milieu de la largeur 
du verre dont il a été parlé ci-devant , afin d'y obferver le 
fang en mouvement. Ces deux tuyaux doivent être ouverts 
d’un bout à l'autre ; afin de donner moyen au poiflon, qui 
fera placé dans le prenuer a b, d'y pouvoir men facile- 
ment. 

Pour l'arrêter dans ce tuyau de verre , on peut tres-utile- 
ment fe fervir d'un petit morceau de linge fin & moüillé, 
une partie duquel doit être dans le tuyau , l'autre partie s'y 
mettra aufli après y avoir placé l'animal : enfin ce tuyau étant 
ainfi préparé , on le fait entrer , comme on l'a dit, dans la 
machine qui eft au-deflous de la Figure 4. Planche 21. Et 
s'il arrivoit encore qu'aprés avoir ainfi faifi l'animal , il vint 
à feparer fa queuë du verre fur lequel on l’avoit ajuftée , on 
l'y fixeroit une feconde fois mieux qu'elle n’étoit, en appli- 
quant fur fa partie la plus épaifle une petite bande étroite de 
linge fin moüillé , afin qu'elle s’y attache , & qu'elle y fafle 
demeurer ftable cette partie du poiflon, durant le tems des 
obfervations qui s’en feront. 

Cette nouvelle méthode de fixer les lamproyes, les an- 
guilles , les tétarts , &c. dont la grofleur ne furpañle pas le 
diametre interieur des tuyaux de verre qu'on peut faire en- 
trer dans la machine dont Je viens de parler, eft préferable 
à celle dont on s'eft fervi jufqu’à prefent , parce qu'elle évite 
des défauts confiderables , qui naiflent de l'impoñibilité où 


l'on fe trouve d’avoir des tuyaux de verre aflez minces, aflez 
K 


76 Nouveaux Microscopres. 
tranfparens , & qui foient d’ailieurs exempts des filets qu’on. 
y voit ctendus d'un bout à l’autre de leur longueur , ce qui 
empêche le bon effet des meilleurs Microfcopes. 

Ï ne refte plus qu'à dire comment & furquoy il faut faifir 
les poiflons , dont la groffeur ne permet pas de mettre en 
ufage la machine qui eft reprefentee au-deflous de la Figure 
4. Planche 21. Pour cet effet, il n’y a qu'à préparer un porte- 
objet de laiton , dont la hauteur & la largeur égalent celles 
des poiflons qu'on y doit appliquer : pour le faire , tirez fur 
un carton fin, ou fur du laiton qui foit environ de l'épaifleur 
de deux cartes à Jouër , une ligne droite , longue de deux 
pouces huit lignes , à l’une des extrémitez de laquelle vous 
éleverez perpendiculairement une autre ligne droite d'un 
pouce , afin que par ce moyen vous puifliez achever un quar- 
re long , duquel vous divilerez le plus grand côté fuperieur 
en deux parties égales, prenant enfuite de part & d'autre 
de ce milieu deux longueurs chacune de fept lignes, & fur 
leur extrémitez vous y éleverez deux perpendiculaires , cha- 
cune de deux pouces fix lignes , pour terminer la hauteur 
des montans du porte- objet : après cela vous prendrez à 
droit & à gauche de ces montans une largeur de quatre li- 
gnes au plus , & par les points qui la rermine vous tirerez 
deux autres lignes paralleles aux deux précedentes. 

Divilez enfuite en deux parties inégales toute la hauteur 
de l’efpace qui fe trouve entre ces deux montans , qu'il fau- 
dra vuider pour en ôter le fuperflu , donnant un pouce à 
celle d’en-bas pour la hauteur d'un morceau de glace des 
plus tranfparens qu'on pourra trouver , lequel étant taillé en 
bifeaux à droit & à gauche, on le fera entrer à coulifle dans 
deux rainures bien faites qui feront pratiquées dans l'épaif- 
feur des montans de ce porte-objet ; & fur ce verre on def- 
cendra encore à coulifle une piece de laiton d'environ qua- 
tre pouces fix lignes de longueur , dont la partie qui doit 
toucher le fommet du morceau de glace, & fe terminer aux 
extrémitez des montans , fera plane , & le refte un peu 
creux , & plus large qué la partie qui eft au - deflous ; afin 
que le COrps de chaque poiflon qui ft convexe , & quil , 


PREMIERE PARTIE. Chap. XVIII. 77 
faudra coucher de toute fa longueur , s'y puifle mieux ajuf- 
ter qu'il ne. feroit {1 cette piece Ctoit platie dans toute fon 
étendué. 

En Ôtant aprés cela le fuperflu qui fe trouve à droit & à 
gauche de cette nouvelle machine , on aura le porre-objet, 
do les montans feront plus Fons fi l'on referve aflez de 
matiere par le bas pour les terminer par deux doucines , ac- 
compagnces de filets quarrez, qui leur ferviront comme de 
baies, & d'un couronnement des plus gracieux qu'on puille 
faire: 

On voit bien que la hauteur & la largeur de toute cette 
machine , doivent étre proportionnées à réclés des poiflons 
qu'on y veut faifir , & que moins ils auront d'âge , plus la 
queuë en fera mince & tranfparente, ce qui dates lieu d'y 
obferver plus agréablement la circulation du fang , que l'on 
ne feroit , fi la queuë de ces poiflons étoit plus épaille , dont 
la raifon ef fi évidente que chacun la peut appercevoir, pour 
peu d'attention qu'on y donne. 

Cela fuppolé , lorfqu'il s'agira d'appliquer fur cette ma- 
chine une tranche , une carpe, un brocheton , &c. vous n'au- 
rez qu à y conchor un derces poiflons tout de fon long, en 
faifant répondre fa queuë fur le milieu du morceau de gla- 
ce, jettant enfuite fur la longueur de tout fon corps une pe- 
üte bande de moufleline , moüillée ou non; puis arrétant le 
tout avec un petit ruban étroit, vous cranfporterez le porte- 
objet ainfi chargé entre les Ad brelonsda té qui fe voyent 
au-deflous de V V , Figure premiere de la vingtiéme Plan- 
che , pour faire vos oblervations avec des lentilles qui leur 
conviennent, 

Et parce que cette explication pourroit paroïtre trop dif- 
ficile à comprendre , n'étant pas accompagnce d'un deflein 
qui reprefente la machine dont je parle ; j ay jugé à propos 
de la reprefenter icy telle que je l'ay décrite , & d'ajoûter en- 
core que ABC, eft le porte-objet de laiton. 

BC , les montans à rainures. 

D, fe morceau.de glace taillé en bifeaux , pour entrer à 
couliffe dans les rainures des montans. 

FE, ft unc fcule piece de laiton qui eft plane depuis F 


Pjanche22 


78 Nouveaux Microscopes. 

jufqu'en € , & concave depuis C jufqu’en E; & que c’eft tout 
le long de cette derniere piece que l’on applique les poiflons, 
en les y faififlant la tête vers E , & la queué étenduë fur le 
milieu du verre marqué D. 

Je crois devoir encore dire comment on pourra conferver 
durant plufieurs mois les poiflons dont je viens de parler , 
afin d’en avoir toujours de plufieurs fortes, foit en efte, foit 
en hyver, pour fervir à faire voir la maniere dont le fang cir- 
cule dans les vaifleaux des uns & dans ceux des autres. 

Les Jartes de bois un peu profondes feront tres -propres 
pour y conferver les tétarts, en leur donnant tous les jours de 
l'eau nouvelle , de riviere ou de fontaine. Et pour faciliter 
ce changement fans les toucher , on n'aura qu'à verfer tout 
ce qui fera dans la jatte, dans une pañloire de terre vernif- 
fée ; afin que l'eau s'étant feparée des tétarts , on les puifle 
remettre dans leur vaifleau avec de l'eau nouvelle , & quel- 
ques petits morceaux de petit pain. J'en ay gardé aïnfi dans 
mon Cabinet depuis le commencement de l’efté dernier juf- 
qu'à prefent r. Fevrier 1718. que j’avois fait pêcher dans les 
baflins des Thuilleries , & dans celuy du Jardin qui eft au 
Palais de Luxembourg. 

Les lamproyes ne font pas fi communes que les tétarts, il 
les faut faire pêcher aflez loin de cetre Ville, & les confer- 
ver dans des vaifleaux de terre ou de grais , où l’on met de 
l’eau commune & du fable de riviere , dans lequel elles s'en- 
foncent & s’y cachent pour quelque tems. Erquoy qu'on foit 
obligé de changer d’eau aflez fouvent, parce qu'elles y trou- 
vent leur nourriture, on ne l’eft pas d’en faire de même du 
fable , qu'il fuffira de laver une fois ou deux durant huit jours. 

Les petites tanches,, les carpes & les brochetons, fe peu- 
vent conferver aflez de tems, en les mettant dans un vaif- 
feau qui leur conviennent, avec autant d’eau de riviere & de 
pain qu'il en faudra pour les nourrir durant deux ou crois 
jours. 


Fin de la premiere Partie. 


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ET USAGE 


DES 


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Tome II, Par, LL (4) | 


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SECONDE. PARTIE. 


CHAPITRE XUX: 


ts PR ÉS être entré dans un aufi grand détail fur la 


donner la proportion des vertes qui entrent dans 
la compoftion des nouveaux Microfcopes dont je parle, 
croyant en avoir aflez dit pour que les Curieux puiflent les 
faire exécuter. | 

fe er (4 ÿ) 


a% conftruction & fur la monture des Microfcopes, 

a que je l'ai fait dans les chapitres précédens , je. 

S V3 me contenterai dans celui-ci & les fuivans, de 
[7 


Planche 23, 


4 DESCRIPTION ET USAGE 
Defcriprion & ufage de deux nouveaux Microfcopes univerfels 


à plufieurs verres , 6 de peu de longueur. 


Le premier Microfcope , qui n’a environ que deux pouces 
de longueur, eft và repréfenté tout entier dans la vingt: 
troifieme Planche de cette feconde Partie , au-deflous de la 
lettre 4, de la longueur & de la groffeur qu'il a été exécuté. 
Sa conftruétion eft telle , qu’on le peut allonger d’un pouce; 
{on corps C eft un petit tuyau couvert de chagrin, & cou- 
ronné d’une piece d’ébene repréfentée entre les lettres 24. 
Le bas de ce tuyau couvert de chagrin, eft monté fur une. 
feconde piece aufli d’ébene , marquée e, au bas de laquelle 


on voit la bonnette marquée f. 


. La feconde figure qui eft repréfentée au-deflous de la let- 
tre 2, eft le profil de ce Microfcope fait par la fe&tion d’un 
plan, qui pañlant par la longueur de fon axe , le divife en 
deux parties égales pour en faire voir le dedans , où l’on peut 
remarquer les épaifleurs des tuyaux ce & dd ; celles des trois 
verres #, », &, qui font partie de fa compofition , & les dif- 
tances qui fe trouvent entre ces mêmes verres. 

La troifieme figure qui eft au-deflous de la lettre Z, eft 
le profil de toutes les parties qui compofent le Microfcope, 
pofées de fuite les unes au-deffus des autres, pour faire com- 
prendre dans le détail comment toutes ccs pieces s’emboi- 
tent l’une dans l’autre. 

bb, eft la piece de l'œil , dans laquelle j'ai fait un écrou: 
Æ eft un petit cylindre de bois creufé dans toute fa lon- 
gueur, qui a deux vis à fes extrémités, pour y monter la 
piece de l'œil 26, tantôt d’un côté & tantôt de l’autre, fui- 
vant les ufages que l’on en pourra faire. 

£g, h ÿ font deux verres de figure lenticulaire , taillés d’iné- 
gales convexités , afin que leurs foyers foient inégaux. 

m , eft une piece de bois que l’on monte à vis au bas du 
cylindre À, pour y arrêter le verre . A 

‘n, eft le profil du tuyau qui reçoit le petit cylindre À, & 
qui fe met dans le tuyau couvert de chagrin , pour fervir à 
allonger le Microfcope d'environ un pouce, quand on juge 
à-propos d'augmenter la grandeur apparente des objets. 


Des Microscopes. Sec. ParT. Chap. XIX. 


o, eft le profil du tuyau couvert de chagrin, dans lequel 
on fait entrer le haut de la piece d’ébene marquée des lettres 
epe, qui fe voit immédiatement au-deflous, portant la bon- 
nette ja que l’on y monte à vis, après y avoir mis une len- 
tille qui eft marquée par la lettre z. 

Cette piece epe doit être collée au bas du tuyau marqué o. 

Comme on eft obligé d'employer des lentilles de diffé- 
rens foyers , il faut aufli des bonnettes qui leur conviennent 
pour y monter ces lentilles l’une après l’autre, afin de ren- 
dre l'univerfalité de ce Microfcope d’une plus grande étendue 
qu'il ne feroit autrement. Les lentilles les plus convexes, 
comme font celles d’une ligne ou d’une demi-ligne de foyer, 
y feront facilement arrêtées par le moyen d’un petit tuyau 
cylindrique marqué f, ouvert dans toute fa longueur, & 
dont les bords appuyant fur la lentille , l’arrêteront dans le 
fond de la bonnette de maniere qu’elle s’y placera, enforte 
que fon axe concourt avec les axes des autres verres. 


Proportions des verres de ce Microfcope. 


L’oculaire marqué # , monté dans le petit cylindre À, n’a 
que neuf lignes de foyer : le verre 4 en a trente. La diftance 
de la convexité extérieure de l’oculaire g à celle de l’oculaire 
4, eft d'environ fept lignes. Cette diftance peut être plus 

rande ou plus petite ; # elle eft plus grande, le Microfcope 
fera voir les objets plus petits & plus clairs : au contraire fi 
elle eft plus petite, l'objet paroïtra plus grand & moins clair ; 
& s'il y a quelques défettuofités apparentes dans le verre du 
milieu , la grande proximité les fera difparoître. Par ces dé- 
feétuofités je n’entends pas celles qui pourroient provenir 
d’une mauvaife forme qu'on auroit fait prendre à ces verres 
en les taillant , mais feulement de quelques petites raies qui 
s’y feroient faites en les poliffant. 


Des ufages de ce Microfcope. 


Premierement , cette petite machine à trois verres étant 
montée d’une lentille objeétive d'environ une ligne de foyer, 
{ervira à faire voir les animaux d’une liqueur deux fois plus 
longs & deux fois plus larges qu’on ne les verroit avec cette 


a DESCRIPTION ET USAGE 
feule lentille : on les verra aufli ayant quatre fois plus de fur- 
face, & huit fois plus de folidité, als 1110 


2°, Le champ que nous découvrons avec ce petit Mi- 


crofcope eft d’une étendue fi vafte , que l’œil a de la peine à 


l’appercevoir toute entiere ; ce qui fait que les animaux des 
liqueurs y nageant, l’œil les y apperçoit avec plus de fatis- 


fattion qu'il ne feroit s'ils étoient vüs à l’ordinaire par une 


feule lentille d'environ une ligne de foyer. COREr 
_ Cette grande & vafte étendue qu’on nomme Z champ du 
ÎMicrofcope , furprend tous ceux qui ont un peu de connoif- 
fance de l'effet des Microfcopes ordinaires , qui font compo- 
{és de trois verres, particulierement fi l’on compare la peti- 
tefle de l’un avec la grandeur ‘des autres ; & ce qui mérite 


d’être obfervé , eft que toute cette grande furface eft vüe par 


le peu de lumiere qui traverfe le petit trou qui eft au bout 


de la bonnette , qui n’a environ qu’un quart de ligne de dia- 


metre. Cette petite ouverture que je fais à cette bonnette 
eit fufifante pour des lentilles qui ont depuis un quart de. 
ligne de foyer jufqu’à une ligne ; mais elle ne l’eft pas pour: 


celles qui font au-deflus de cette longueur. … 


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: 3°. Les anguilles du vinaigre font vûes quelquefois de la 
grofleur du petit doigt , particulierement lorfque la liqueur 


acheve de s’évaporer : c’eft dans ce temps-là qu’on peut re- 
Marquer quelques petites anguilles en mouvement dans le 
corps de leurs meres, cherchant une iffue pour en fortir. 

- 4°. Les cheveux y paroiflent plus gros que les petites an- 


guilles du vinaigre ; & fi on les regarde par leurs bouts bien 


éclairés, on pourra découvrir les cavités &: l’épaifleur de 
ces efpeces de tuyaux ; qui paroïflent d’une groffeur éton- 
nante. On avertit feulement que les cheveux blonds & fé- 
parés de la tête depuis long-temps , font plus propres à ma- 


nifefter leurs cavités, que ceux qui font d’une autre couleur - 


& nouvellement coupés. ni us 
s°. Le petit tuyau cylindrique À, qui entre dans celui 


qui eft marqué V, du profil quieft fous la lettre Z, s’y pou- 


vant retourner bout pour bout, & les deux verres étant de 


différens foyers , fourniflent un autre Microfcope qui a les 
mêmes avantages que le premier dont je viens de parler ;: 


mais les objets y paroiflent plus ou moins éclairés, 


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Des Microscopes, SEC. ParT. Chap. XIX. # 
‘6°, Si les deux verres qui font dans le petit tuyau cylin- 
drique À, éroient d’égales convexités , enforte que le foyer 
de l’un fût de même longueur que le foyer de l’autre, ces 
deux verres produiroient un bon effet ; mais l’univerfalité 
du Microfcope n’en feroit pas fi grande qu’elle ef. 
. 7°. En ôtant la lentille objeétive d’une ligne dé foyer, & 
mettant en fa place d’autres lentilles l’une après l’autre, qui 
{oient de foyers inégaux & plus longs, on aura le plaifir de 
pouvoir obferver tous les autres petits corps. | 

8°. Si l’on ôte le verre du milieu.de ce Microfcope à trois 
verres, on aura un autre Microfcope à deux verres. 

9%. En remettant en place la lentille que l’on a ôtée, & 
{upprimant l’autre, l’on aura encore un autre Microfcope à 
deux verres , qui differera du précédent en ce qu’il fera voir 
les objets plus ou moins grands & plus ou moins clairs. 

. 109%, Le petit tuyau cylindrique À étant féparé de fon 
coulant V, pourra fervir de.deux autres Microfcopes à deux 
verres; & en le montant fur notre Microfcope univerfel re- 
préfenté en la vingtieme Planche , par le moyen d’un porte- 
lentille fait exprès, on pourra obferver un très-grand nom- 
bre d'objets vivans ou morts, attachés à la pincette ou aus 
trement . dans chacun defquels on verra une plus grande 
étendue qu'on ne feroit avec une feule lentille. FR 

_ 11%, Les cinq ou fix lentilles dont ce Microfcope doit être 
aflorti, étant montées chacune à part dans autant de portes 
lentilles de laiton , pourront tenir lieu d’une partie de celles 
que l’on applique ordinairement au Microfcope univerfel , 
& par ce moyen en diminuer le prix. : SR 

Ce n’eft pas une néceflité d’avoir un Microfcope univerlel 
pour fervir de pié au petit Microfcope dont je parle, on lui 
en peut conftruire un tres-fimple, d’un prix médiocre, & 
l'aflortir des pieces qui font néceflaires pour le rendre com 
mode, & propre à exécuter toutes les expériences que l’on 
voudra faire fur les petits corps durs ou liquides, vivans ou 
morts ; & examiner les divers mouvemens du fang dans-les 
moindres vaifleaux d’un grand nombre d'animaux k. diverfes 
efpeces, & y remarquer des chofes dignes d’admiration, : & 

Ayant trouvé des avantages confidérables dans le peu de 


$ DESCRIPTION ET USAGE 


longueur de ce Microfcope , j'ai eflayé d’en faire un fecond 
qui fe voit repréfenté en la quatrieme figure, Planche 23 , 
qui fût encore plus petit en confervant les mêmes avanta- 
ges ; de forte que n'ayant que dix-huit lignes de longueur 
entre l’oculaire & la lentille objeétive , il ne laifle pas de 
fatisfaire pleinement les connoiffeurs. 

J'ai voulu poufler la petitefle de ce petit Microfcope en- 
core plus loin, & j'aitrouvé qu'on en pouvoit faire plufieurs 
à trois verres de différens foyers , pour fervir feulement à 
l'examen de ce qui fe trouve de plus beau dans les infufons 
des plantes & dans les eaux croupies. Ce dernier petit Mi- 
crofcope eft fi facile à faire, fi utile & de fi peu de dépenfe, 
que j'ofe me promettre qu'il fera agréablement reçû du Pu- 


. blic : l'application qu'on en pourra faire à une nouvelle. 


Figure 4. 


Figure 5, 


monture , lui fera peut-être mériter. de tenir le premier rang 


entre tous ceux qui ont été inventés jufqu’à préfent. En at- 
tendant cette nouveauté , je donne ici les proportions de 
deux que j'ai exécutés. L’oculaire marqué par la lettre g, a 
douze lignes de foyer ; le verre du milieu marqué, n’en a 
que dix ; & la lentille qui eft à côté de la lettre f, n’a qu'une 
ligne de foyer : on pourra lui en donner quelque peu davan- 
tage , fi l’on veut avoir plus de lumiere ou de clarté pour 
examiner les animaux des liqueurs ; & lorfqu’il s’agira d’ob- 
ferver d’autres objets, on pourra employer des lentilles ob- 
jeétives de trois , de quatre , de cinq & de fix lignes de foyer. 
La diftance des deux verres g, r, marque leur éloignement. 


P roportions des verres du troufieme Microfcope repréfenté 


dans le profil de la cinquieme figure. 


L’oculaire de ce Microfcope a fix lignes de foyer ; il eft 
marqué par la lettre f. On avertit que la diftance de l'œil à 
ce verre eft très-petite. 

Le verre du milieu n’a que quatre lignes de foyer : il eft 
marqué de la lettre z. Ces deux verres doivent être très-pro- 
ches l’un de l’autre. 

Et la lentille objeétive qui fe voit à côté de la lettre x, 
n'aura qu’une ligne de foyer, à la place de laquelle on pourra 
en mettre d’une ligne & demie , ou de deux au plus. se 

6 


pes Microscorrs. Sec. PART. Chap. XIX. 9 


Il eft facile de comprendre que ce dernier Microfcope ne 
pourra fervir utilement que pour examiner des corps tranf- 
parens , puifqu'il refteroit trop peu d’efpace entre les corps 
opaques qu'on y placeroit, & la lentille objeétive marquée 
z, pour que la lumiere y pût tomber & s’en réfléchir en 
affez grande quantité ; & qu'après la perte qui s’en feroit 
faite à la rencontre des verres du Microfcope, il en arrive 
encore aflez dans l’œil du Speétateur, pour y faire une im- 
preflion fuffifamment fenfible. 


CHAPITRE XX. 
Defcription & ufage d’un nouveau Microfcope univerfel, 


à deux , à trois & à quatre verres. 


’OcuLAIRE que l’on voit en À, peut avoir environ 
1h feize lignes de foyer ; fa diftance à l'œil eft à-peu-près 
de dix lignes. 

Le verre du milieu qui fe voit en 8, PI. 24. figure 1. a 
trente lignes de foyer ; fa diftance à l’oculaire eft de treize à 
quatorze lignes. Ce verre eft monté dans un bout de tuyau 
qui entre dans celui qui contient l’oculaire , en forte qu'on 
peut l'en approcher on l’en éloigner, panr l’arrêter dans 
l'endroit où l’on le jugera capable de produire le meilleur 
effet qu'il fera poflible. 

La lentille qui fe voit en C , peut être de trois, quatre ou 
cinq lignes de foyer ; fa diftance au verre du milieu eft d’en- 
viron quatre pouces neuf lignes : & parce que les deux ver- 
res A, B, font montés dans un tuyau particulier qui entre 
dans un plus gros & plus long , ces deux verres'peuvent être 
approchés plus ou moins de la lentille C , pour faire paroître 
l'objet plus ou moins gros. 

Il y a deux autres petits verres repréfentés en D , PI. 24. 
fig. 2. qui font montés dans une petite piece d’ébene, pour 
fervir comme d’un feul oculaire , qui fe monte quand on veut 
en la place de celui qui eft en 4. Ce Microfcope eft bon à 
deux verres, à trois, à quatre, à cinq, & fes effers font dif- 

Tome IT, Part, IL. (B) 


Yo DESCRIPTION ET USAGE. 


férens, felon les diverfes combinaifons qui feront faites des 
mêmes verres dans les mêmes lieux qui leur feront deftinés. 

1°. En fupprimant le verre du milieu & les deux oculai- 
res qui tiennent enfemble, on aura un Microfcope à deux 
verres qui fera paroître les objets renverfés. 

2°. Si l'on tient feulement d’une main les deux oculaires qui 
{ont attachés enfemble , on aura un autre Microfcope nou- 
veau qui fera paroître les objets dans une fituation droite, 
même de deux grandeurs inégales. Avec ce petit Microfco- 
pe, qui n'a tout au plus que quatre lignes de hauteur, & 
environ huit lignes de diametre , on fait des expériences 
très-curieufes , & en très-crand nombre. 

3°. Maintenant fi vous remettez en fa place le verre du 
milieu , vous aurez un Microfcope à trois verres, qui fervira 
à l'examen des corps opaques & tranfparens , à la lumiere 
du jour ou à celle d’une chandelle. 

4°. En fupprimant le verre du milieu & l’oculaire , puis 
mettant en la place de ce dernier verre les oculaires qui tien- 
nent enfemble, vous ferez un nouveau Microfcope à trois 
verres, qui fera paroitre les objets d’une groffeur extraordi- 
naire , avec un champ beaucoup plus grand que le précé- 
dent ; & par ce moyen les animaux des liqueurs paroïtront 


{e mouvoir en nageant dans un lac d’une belle & vañfte éten- 
due. = 


Çç°. En remettant le verre du milieu en fa place, vous au- 
rez un nouveau Microfcope à quatre verres, qui fera voir 
un champ de dix pouces ou environ de diametre, & les ani- 
maux des liqueurs encore plus gros qu'ils n’ont paru, & 
avec tout autant de diftinétion qu’il foit poffible de voir dans 
une machine fi compofée. | 

6°. Vous ferez deux nouveaux Microfcopes lun après 
l’autre de cinq verres chacun , en laiffant les trois premiers 
dans les endroits qui leur conviennent , en mettant enfuite 
fur le tout les deux oculaires attachés enfemble, que l’on 
retournera pour obferver un effet tout nouveau. 

7°. Enfin les deux grands verres du milieu étant mis dans 
ce même lieu l’un fur l’autre, feront avec la lentille un Mi- 
crofcope d'environ quatre pouces de longueur, qui fera un 


Des Microscopes. Sec. ParT. Chap. XX. 11 


excellent effet. Ces deux verres étant de différens foyers, 
feront paroitre les objets d'inégales groffeurs. 


CHAPITRE XXI. 


* 


Des avantages qui fe tirent de la proximité de deux Verres 
d’inégales convexités ; appliqués auprès de l'œil. 


1 I. champ que l’on découvre de l’objet que l’on re- 
garde, paroït beaucoup plus grand qu'il ne feroit, 
fi ces Verres étoient placés à une plus grande diftance l’un 
de l’autre : mais cette partie de l’objet eft vüe moins claire 
qu'on ne la verroit, fi ces Verres étoient plus éloignés l’un 
de l’autre. 
2°, La lentille fe trouvant dans ce Microfcope beaucoup 
plus éloignée de l’objet que ne feroit une feule lentille qui 
feroit paroître l’objet aufli gros , on évite de la plonger dans 
la liqueur que l’on obferve ; ce qui eft un avantage confidé- 
rable. 
3°. En approchant l'un de l'autre les deux oculaires , on 
évite de faire voir les défauts du Verre du milieu, ce qui 


n'eft pas une chofe de peu de conféquence. 
4°. Cette nouvelle méthode de placer ain à très-peu de 


diftance les deux Verres d’un Microfcope qui en contient 
trois, a des avantages confidérables par - deflus l’ancienne. 
D'abord elle raccourcit beaucoup la longueur du Microfco- 
pe , dont les plus petits peuvent être utilement appliqués à 
notre Microfcope univerfel ; on peut par fon moyen obfer- 
ver tout ce qui fe trouve de plus remarquable dans les infu- 
fions des plantes, dans les eaux croupies ; on peut voir dans 
un grand nombre de poiflons qui fe trouvent nageant dans 
ces eaux, non-feulement la circulation du fang , que leur 
petitefle extraordinaire ne nous permet pas d’y remarquer, 
mais encore le mouvement particulier d’un liquide blanc & 
tranfparent, qui, quoique fans globules, peut pafler pour 
le fang de ces animaux. 

5°. Nous trouvons dans la conftruétion des Verres de ce 


(87) 


12 DESCRIPTION ET USAGE 


Microfcope un autre avantage confidérable , qui eft qu'ayant 
très -peu de diametre , ils fe peuvent facilement tailler au 
tour , en bien moins de temps qu’on ne taille les grands Ver- 
res des autres Microfcopes , & par conféquent la dépenfe 
en eft bien moindre. 

. 6°. D'ailleurs la monture de ces petits Microfcopes coûte 
très-peu de chofe , au lieu que celle des grands revient à dix 
fois davantage. 

7°. Les oculaires d’en-haut d’un de ces petits Microfcopes 
étant taillés de différentes convexités, auront leurs foyers 
de différentes longueurs ; d’où il fuit que chacun de ces Ver- 
res étant placé l'un auprès de l’autre du côté de l'œil, le 
Speétateur aura deux fenfations de groffeurs différentes en la 
préfence d’un même objet ; ce qui n’eft pas un avantage 
qu'on doive négliger. 

Par exemple, f1 le Verre 4 B , Plunche 24. fig. 3. placé 
du côté de l'œil, n’a que fix lignes de foyer, & que le 
Verre C D en ait neuf, il eft évident que l’objet apperçû 
lui paroîtra plus grand qu'il ne feroit fi l’on retournoit la ma- 
chine de maniere que le Verre C D füt placé du côté de 
l'œil. Ceux à qui les élémens de l’Optique ne feront pas in- 
connus , n'auront pas de peine à m’accorder ce que j'avance. 


8°. On peut faire un petit Microfcope à trois Verres, qui 
n'aura au plus que deux pouces de longueui , Que l’on pourra 


appliquer au Microfcope univerfel , en donnant cinq lignes 
de foyer au Verre oculaire, fept lignes au Verre qui eft 
tourné du côté de la lentille ; & à cette lentille, depuis deux 
lignes & demie de foyer jufqu’à trois ou quatre lignes, & 
même davantage , fi l’on veut voir de gros objets. | 


Voici d’autres Proportions. 


Donnez douze lignes à l’oculaire, 

Quatorze lignes au Verre du milieu, 

Et fix lignes de diametre à chacun de ces Verres, la len- 
tille peut être depuis trois lignes jufqu’à fix. 


pes Microscopes. Sec. Part. Chap. XXI. 13 
Autres Proportions. 


Donnez fept lignes de foyer à l’oculaire, 

Neuf lignes au Verre du milieu, 

Et trois, quatre ou cinq lignes à la lentille, 
Cela fera un Microfcope d'environ trois pouces. 


QT 
CHAPITRE XXII 


Conftruthion d’un nouveau Microfcope à deux verres , qui n’a 

qu'un pouce où environ de longueur & autant de diametre ; 

ar le moyen duquel on pourra voir un objet très -clairement 

& très- diflinélement dans [a fituation naturelle, & de huic 

groffeurs différentes , fans être obligé d’auomenter ni diminuer 
la longueur du corps de ce Microfcope. 


OUR le conftruire, prenez deux oculaires plans con- 
vexes, l’un de vingt-trois à vingt-quatre lignes de 
foyer, & l’autre de dix-huit : placez-les dans une petite 
boite d’ébene qui foit ouverte des deux côtés, enforte que 
les convexités fe regardent ; & cette premiere difpofition 
de verres fera l'office de deux Microfcopes , ou de deux 


loupes de différens foyers. 
Tournez Cnfuite ces mêmec srorroe do façon 5 qu'étant re 


mis dans la boîte les côtés plats fe regardent, fig. $. vous 
aurez deux autres Microfcopes quiiferont l’office de deux 
nouvelles loupes , puifque la diftance d’entre les furfaces 
planes fera diflérente de celles des deux convexités fituées 
comme elles étoient en premier lieu. 

Remettez après cela la iconvexité de l’un des verres en 
dehors, laïffant l’autre en fa place , figure 6. vous aurez un 
troifieme Microfcope , ou deux loupes qui feront paroître 
l’objet d’inégale groffeur , puifque les diftances de leurs fur- 
faces feront différentes de ce qu’elles étoient dans les fitua- 
tions précédentes. 

En fupprimant enfin l’un des deux oculaires, laiflant l’au- 
tre où1left, vous aurez de quoi produire l’effet d’une feule 
loupe , fig. 7. | 


Planche 24: 
fig. 4 


14 DESCRIPTION ET USAGE 


Puis Ôtant celle-ci de fa place, en mettant l’autre dans la 
fienne , vous en aurez un autre qui fera un autre effet, puif- 
que fon foyer eft différent de celui de l’autre verre, fig. 8. 

. Voilà donc un moyen infaillible de faire paroître un objet 
de huit groffeurs différentes. 

J'oubliois d’avertir que la diftance d’entre le repos des 
deux verres n’a tout au plus que fix lignes , & que cette dif- 
tance peut être plus ou moins grande , en obfervant feule- 
ment de n’éloigner ces deux verres l’un de l’autre, qu’autant 
qu'il faut pour que le foyer de l’un fe trouve plus près de 
l'autre verre, que n’eft la diftance de ce verre-ci à fon 
foyer. 

C'eft-à-dire de faire enforte que l’un des foyers pañle au- 
delà du foyer de l’autre. 

Sur ce fondement l’on pourra faire avec les deux oculai- 
res dont nous venons de parler , tant de Microfcopes que 
l’on voudra avec d’autres verres de foyers différens, qui au- 
ront de femblables propriétés. 

Je ne dis rien des autres avantages de ces Microfcopes, 
l'expérience les fera aflez connoiître : il fuffit d’avertir feule- 
ment que les trois premieres figures font voir la fituation des 
verres des trois premiers articles, & que les deux autres re- 


préfentent les deux verres qui fervent feuls pour les loupes. 
Si les repns ou fouilluroc qui {ont dans la boîte ont trop 


de diametre , il y faudra mettre des diaphragmes dont les 
ouvertures foient proportionnées aux foyers des oculaires 
qui feront pofés deflus ; par ce moyen l’objet qu'on voudra 
examiner, en fera vù plus diftinétement qu'il ne le feroit fans 
ce fecours. | | 


CHAPITRE XXIIL 


Nouvelle méthode pour monter les Microfcopes à canon de verre. 


"EXPÉRIENCE m'ayant fait connoître qu'il étoit difhcile 
de conferver long-temps un Microfcope à canon de 
verre , fans avoir le chagrin de le trouver caflé au bout de 


pes Microscopes. Sec. PART. Chap. XXIIL 5 


quelques jours , j'ai crû qu'on pouvoit très- utilement en 
conftruire de cette forte , en évitant le fracas que font les 
montures ordinaires : en voici la maniere. 

Préparez le canon du Microfcope que vous voulez mon- 
ter, enforte que les deux ouvertures rondes fe trouvent pa- 
ralleles entr’elles ; collez enfuite une bande de velin au bas 
de ce canon, d'environ trois à quatre lignes de largeur, qui 
en fafle le tour entier, faifant enforte qu’une moitié de la 
largeur de cette bande {oit appliquée fur le canon de verre, 
& l'autre moitié fur l’épaifleur du bord d’un morceau de 
glace bien arrondi, pour le faire fervir de fond au canon du 
Microfcope : faites faire après cela un pié d’ébene, ou de 

uelqu’autre bois qui foit le plus fec qu'il fera poffible. Le 
ane de ce pié doit être creufé, pour y loger feulement 
l’épaifleur du morceau de glace qui fervira de bafe au canon. 

Pour en faire le couronnement , voici comment il s’y faut 
prendre. Préparez un cercle de bois bien fec, épais d’envi- 
ron une ligne : de ce cercle ôtez-en un autre qui ait deux 
lignes ou environ moins de diametre ; pofez le refte fur la 
partie fupérieure du canon, & l'y collez, afin que la piece 
d’ébene qui aura un écrou, fe puifle coller fur fa furface fu- 
périeure , en n’embraffant feulement que l’épaifleur de la 
piece platte qu’on a attachée avec la bande de parchemin. 
La vis qui doit enchâffler lacnlaire, fe fera à Pardinaire , & 
la plus groffe qu'il fera poñible , afin de laiffer une grande 
ouverture à l'entrée du canon , pour y mettre les objets 
qu'on y voudra obferver. Il eft facile de juger que ce Mi- 
crofcope ainfi conftruit, pourra fubfifter très- long-temps ; 
& qu'il fera facile de le nettoyer quand on voudra , tant au- 
dedans qu’au-dehors , à caufe de la grande ouverture qu’on 
y aura laifée libre. 


Re 


16 DESCRIPTION ET USAGE 


CHAPITRE XXI V. 
De combien les Lentilles groffiffent. 


N cheveu étant appliqué fur le porte-objet d’un Mi- 
crofcope , & obfervé avec une des plus petites Len- 
tilles que l’on puifle travailler des deux côtés , nous avons 
trouvé que fon diametre apparent étoit d'environ quinze 
lignes. Cette groffeur énorme m’a donné occafon de cher- 
cher combien il faudroit de ces cheveux placés à côté les 
uns des autres, pour faire un corps cylindrique de quinze 
lignes de diametre, & d’autant de hauteur; & j'ai trouvé 
par le calcul que j'en ai fait, 71583750 lignes. 
1°, Pour faire ce calcul j’ai tiré une ligne droite a &, de 
quinze lignes , pour repréfenter le diametre apparent du che- 
veu vû au Microfcope. 
2°. J'ai examiné enfuite combien il falloit d’épaifleurs de 
cheveux qui fuflent ä-peu-près d’une même groïleur, pour 
occuper la longueur d’une ligne, & j'ai trouvé qu'il en fal- 
loit environ 30 ; d’où j'ai conclu qu’en multipliant les 15 


lignes ab par 30, on auroit 450, nombre des cheveux qu’il 
faudroit pour sesuper touto la longueur a à dun cylindre , 


que je fuppofe maintenant avoir la même hauteur. 

3°. Pour trouver la circonférence de ce cylindre , duquel 
a b eft le diametre, je dis : Si 7 lignes de diametre donnent 
22 de circonférence , combien 450 , valeur de la ligne ab? 
le quatrieme terme s'eft trouvé être de 1414 lignes. J'ai en- 
fuite multiplié 707, moitié de cette circonférence, par 225, 
moitié du diametre ab, & j'ai trouvé 1$907$ pour la fur- 
face du cercle ; laquelle étant multipliée par 450, hauteur 
du cylindre ab, il eft venu 71583750 pour la folidité en- 
tiere de ce cylindre. 

Remarque. Plus une Lentille eft convexe , plus fon foyer 
eft court; plus le foyer d’une Lentille eft court , moins il 
faut lui donner d'ouverture ; moins cette Lentille a d’ouver- 
ture , plus l’objet paroït obfcur : d’où il fuit néceffairement 

que 


Des MicroscopPes. SEC. PART. Chap. XXIV. 17 


que les Lentilles qui augmentent le plus la grandeur des ob- 
jets , font celles qui les rendent moins clairs. 

Ainfi les Lentilles d’un foyer très-court ne font bonnes 
que pour faire voir jufqu'où l’on peut pouffer l'augmentation 
apparente d’un objet, & nullement pour en découvrir clai- 
rement & diftinétement jufqu’aux moindres parties, parce 
que l'ouverture qu'on leur donne doit être fi petite, que le 
peu de lumiere qui la traverfe , ne peut l’éclairer aflez pour 
fatisfaire l’Obfervateur. 

De tout ce que je viens de dire on en peut conclurre que 
le Microfcope monté d’une feule Lentille à la fois, & taillée 
à la main, eft à-préfent au point le plus haut de perfeétion. 


CHAPITRE XX V. 


Proportions des Verres du Microfcope de Monfeigneur le Maré- 
chal d’Eftrées , dont les effets font très-agréables à voir, l'ayant 
rendu univerfel, c’eff-à-dire propre à faire voir les petits objets 
ordinaires , les animaux des liqueurs , & la circulation du fang 


dans plufieurs fortes de poiffons de diverfes efpeces. 


E Microfcope a environ quinze pouces fix lignes de 
hauteur , y Compris la mvnture , qui cit d’un bois de 


gayac des plus beaux qui fe puiffent voir. 

L’oculaire de ce Microfcope a environ deux pouces de 
foyer ; fa diftance à l’œil eft de feize lignes. Le verre du 
milieu a trois pouces fix lignes de foyer , & deux pouces fix 
lignes de diametre. 

Sa diftance à l’oculaire eft de quatre pouces. La lentille 
peut être de quatre, de cinq ou de fix lignes de foyer. Sa 
diftance au verre du milieu eft de fept pouces fix lignes. 
Cette diftance peut devenir plus grande, par le moyen d’un 
tuyau qui {e peut haufler & baïifler. 

Lorfque ce Microfcope eft dans fa moindre hauteur, un 
feul petit grain de millet y paroiït d’une longueur apparente 
de quatre pouces ; & parce que fur la longueur d’un pouce 
on y en peut mettre jufqu’à dix , il s'enfuit que les quatre 

Tome II, Part, IL, (C) 


18 DESCRIPTION ET USAGE 


pouces en contiendront quarante ; lefquels étant multipliés 
par ce même nombre, la furface fera de 1600, & la folidité 
de 64000 : ainfi ce Microfcope fait paroître un feul grain de 
millet 64000 fois plus gros que nos yeux. Mais cette grof- 
{eur apparente furpañlera confidérablement ce nombre, en 
l'exhauffant d'environ quinze lignes, puifqu’alors un feul 
grain de millet y paroïtra fous une longueur apparente de fix 
pouces, ou foixante fois la longueur du grain de millet ; d'où 
il fuit que fa furface fera de 3600 fois plus grande , & que 
{a folidité fera de 216000. Cette mafle apparente contiendra 
donc deux cens feize mille fois celle du grain de millet vû 
de nos yeux fans le fecours de ce Microfcope. 

Pour faire une belle fuite d'expériences avec ce Microfco- 
pe à trois verres, & pour donner aux Speétateurs une agréa- 
ble idée de fon univerfalité, on pourra commencer, fi l’on 
veut, à faire obferver la beauté du grez réduit en pouñliere, 
que l’on verra être à-peu-près femblable à des morceaux 
d’alun de roche taillés à facettes, qui paroiffent brillantes 
&t colorées lorfqu’elles font expofées aux rayons du foleil. 

La femence de perle, & celle des coquilles qui {e trou- 
vent dans le fable de certaines rivieres & fur les bords de 
quelques mers , étant mifes fur la dame-noire de ce Mi- 


crofcope , on y remarque des beautés furprenantes. 
Toutes les petites graines des plantes s’y peuvent obfer- 


ver, pourvû que leur grofleur ne furpaile pas celle d’un grain. 


de millet. 

Toutes les couleurs dont les Peintres fe fervent , y peu- 
vent être obfervées. 

Les fleurs des plantes nous y font remarquer une infinité 
de chofes que nos feuls yeux n’y apperçoivent pas. 

On remarque dans les étoffes de foie , dans les rubans tif 
fus d’or & d'argent , des ouvrages de l'Art & de la Nature 
d’une beauté parfaite. 

Les ailes des mouches & la ftruéture de la cornée font 
dignes d’admiration , quand on les voit au Microfcope. 

Les plumes des oïfeaux, l’écaille du ventre d’une folle, 
la pouffiere que l’on fépare de l’aile d’un papillon , les che- 
veux, le poil d’un rat, & une infinité d’autres petits corps, 
font beaucoup de plaifir à voir, 


! 


Des Microscopes. Sec. Part. Chap. XXV. 19 


Les moindres gouttes d’eau prifes féparément dans les di- 
verfes infufions des plantes, nous préfentent un nombre 
immenfe d'animaux différens qu’on y apperçoitnager, ram- 
per, & marcher. | 

Les eaux croupies en contiennent une grande quantité de 
diverfes efpeces. 

Le vinaigre de vin, celuide biere, &c. nous manifeftent 
des anguilles de différentes efpeces. 

La circulation du fang fe voit dans la queue d’un têtard, 
dans celle d’une petite tanche , dans celle d’une carpe, dans 
celle d’une petite anguille , d’une lamproie , dans le dia- 
phragme d’une grenouille , &cc. 

Il y a des manieres différentes de préparer toutes ces di- 
verfes chofes, de les faifir, & de les appliquer au Microfcope 
pour les y obferver, dont il feroit difficile de donner des 
explications meilleures que celles qui font traitées au long 
dans mon Livre. La fimple vûüe d’une préparation fait bien 
plus d'impreflion fur l’efprit qu'un difcours par écrit n’en 
peut faire , quelqu’étendu qu'il puifle être. 


CHAPITRE XX VI. 


Proportions des Verres d'un perir IVficrojCope qui n'a que deux 
pouces & demi de longueur, très-commode pour être appliqué 
à notre Microfcope univerfel. 


E petit Microfcope eft compofé de trois lentilles con- 
@ vexes des deux côtés, & tranchantes par les bords. 

Le verre de l'œil & celui du milieu font d’une égale con- 
vexité , ayant chacun dix lignes de foyer. Ces deux verres 
fe touchent prefque , n’ayant entr'eux qu’un petit diaphrag- 
me qui n’a pas une ligne d’épaifleur ; & la diftance du verre 
{upérieur à l'œil n’eft que de trois lignes. 

La lentille objeétive a trois lignes de foyer. On pourra 
mettre une lentille de deux lignes & demie de foyer , ou d’un 
peu moins , lorfqu’on voudra examiner les animaux des li- 
queurs. Lorique l’on employera une lentille qui augmentera 


(Cu) 


0 DESCRIPTION ET USAGE 


confidérablement la groffeur des objets, il fera plus avanta- 
geux de les regarder à la lumiere d’une chandelle qu’à celle 
du jour. 


Proportions d’un petit Microfcope à trois verres ; de la facon 


de M. Villette. 


L'oculaire de ce Microfcope à cinq à fix lignes de foyer. 

Le verre du milieu a douze lignes de foyer, & la lentille 
deux lignes. 

La diftance de l’œil à l’oculaire eft de quatre lignes. 

La diftance de l’oculaire au verre du milieu, eft d'environ 
quinze à feize lignes. 

La diftance du verre du milieu àdla lentille, eft de vingt- 
quatre à vingt-fix lignes. : 

Les verres de ce Microfcope font montés dans trois 
tuyaux , ce qui eft un avantage très-confidérable. 

Toute la hauteur de ce Microfcope, fans y comprendre 
le pié , eft d'environ trente-fix lignes. 

Il y a dans le pié une petite monture qui contient deux 
oculaires plans, convexes, un peu diftans l’un de l'autre , 
pour fournir plus de lumiere. 

Ce Microfcope ainfi monté d’une lentille objeétive de 


deux lignes de foyer feulement , ne peut fervir que pour voir 
les animaux des liqueurs , à vaufe qu'il y faudroit ajoûter 


une lentille de quatre à cinq lignes, pour fervir à l'examen 
des autres objets, &c. 


Autres proportions d’un petit Microfcope à trois verres. 


Un oculaire de fix lignes de foyer, 

Un verre du milieu de douze lignes, 

Et une lentille de quatre lignes : 

Le tout monté dans trois différens tuyaux. 


Autres Proportions. 


Une lentilie d'environ fept lignes de foyer, 

Une autre de huit lignes , montées à quatre lignes de dif 
tance l’une de l’autre*, qui étant dans un éloignement d’en- 
viron trois pouces d’une petite lentille de trois ou trois & 


pes Microscopes. SEC. PART. Chap. XXVI. 2r 
demi-lignes de foyer, font un bon effet pour examiner les 
animaux des liqueurs , & la circulation du fang. 
Chacun des deux oculaires étant pris féparémént avec la 
lentille objeétive , feront un bon effer. 


Proportions des verres d’un Microfcope que M. le Bas à vendu 
à Madame la Ducheffe du Maine , que j'ai rendu univerfel ; 
de maniere qu'il peut maintenant fervir à faire voir la circu- 
lation du fang dans diverfes fortes de poiffons , 6 les perits 
poifons qui Je crouvent dans des infufions préparées | 6 dans 
d’autres liqueurs qui ne le font point. 


L'oculaire À a huit lignes de diametre : Planche 24 
Sa diftance à l’œil eft de quatre lignes. fig. 19° 
Le foyer de ce verre eft d'un pouce : 

Sa diftance au verre du milieu eft de douze lignes. a 

Le verre du milieu, 8 , a dix lignes de diametre : 

Son foyer eft de feize lignes ou environ. 

La diftance de la furface fupérieure du verre oculaire , à 
l'inférieure du verre du milieu, eft de douze lignes. Ces deux 
verres ainfñi montés, forment un Microfcope particulier qui 
fait l'office de plufieurs Microfcopes, & dont M. le Bas n’a- 
voit aucune connoiflance. 

Depuis le verre du milieu jufqu’à la lentille €, il y a trois 


pouces ouu environ 1] faur remarquer que le tuyau qui con 
tient les deux oculaires, doit être hauflé & baïffé facilement, 


afin de pouvoir fervir utilement à trois lentilles de différens 
foyers , qui font montées dans trois différens porte-lentilles 
qui fe viflent l’un après l’autre au bout d’en-bas du corps de 
ce Microfcope ; & que la lentille du plus court foyer eft très- 
propre pour faire voir la circulation du fang dans la queue 
des térards, & dans diverfes parties de plufeurs infeétes aqua- 
tiques, &c. 


FU 


22 DESCRIPTION ET USAGE 


CHAPITRE XXVET 


Des Verres concaves que l'on fait fervir de porte - objets 


aux M zcrofcopes. 


N fair que la néceflité occafionne fouvent les nouvel- 

les inventions, & que fans elle nous ferions privés” 
d'un grand nombre de belles connoiffances très-utiles & très- 
agréables, 

Les Microfcopes que nous avons rendus univerfels & 
commodes, doivent être accompagnés d’un nombre fuff- 
{ant de diverfes pieces féparées du corps, pour en rendre 
l'univerfalité plus étendue , parmi lefquels il y en a deux que 
plufieurs perfonnes voudroient fupprimer ; mais ne les ayant 
imaginées que par une néceflité indifpenfable , je me trouve. 
obligé d’en faire fentir les bons effets. 

Ces nouvelles pieces font l’entonnoir ou pompe, & les 
verres concaves de diverfes fphéricités. 

L’entonnoir ou pompe eft un petit inftrument de verre fait 
à la lampe d’Emailleur, dont le deffein fe voit répréfenté en 
la PL 7. de la premiere partie de ce Livre, & fon ufage en 


la page 16 de la même partie, 
Le verre concave fe voit taillé diverfement , & repréfenté 


fur les Planches 2, 5, 6, 7, 9,10, 17, &c. En voici quel 
ques ufages. 

1°. Une groffe goutte de vinaigre y peut être vüe durant 
une bonne heure dans un temps aflez tempéré ; ce qui n’ar- 
rive pas à la même quantité appliquée fur un verre plane, 
parce qu’elle y coule & s’y étend fi confidérablement , qu’on 
ne la peut obferver. 

2°, Lorfqu’on met le vinaigre dans un petit concave de 
verre, on a la liberté de promener le porte-objet à volonté, 
fans qu'il y ait lieu d'appréhender de gâter les platines qui 
le faitiffent ordinairement dans de certains Microfcopes. 

3°. On pourra conferver , fi l'on veut, une goutte de 
vinaigre mile dans ce concave , durant fept ou huit jours en 


Des Microscopes. Sec. PART. Chap. XXVII. 23 


été, & durañt quinze jours en hyver, pendant lefquels on 
obfervera plufeurs circonftances très-utiles & très-curieufes, 
rapportées en divers endroits de ce Livre. Ces verres con- 
caves doivent être taillés diverfement , fuivant les diverfes 
expériences pour lefquelles on les aura deftinés. 

Si l'on veut avoir le plaïfir de découvrir d’un feul coup 
d’œil toute l'étendue d’une petite goutte de vinaigre, par 
exemple , qui aura été mife avec la pompe dans un de ces 
concaves , 1l faut qu'il foit taillé fur une fphere ou portion de 
{phere d’un petit diametre , dont le foyer foit proportionné 
à celui de la lentille que l'on employera à cet effet. 

Ce fpeétacle eft beaucoup plus curieux qu'il n’eft utile ; 
cependant on peut découvrir dans une petite cavité qui 
n'aura pas plus d’une ligne de diametre , une cinquantaine 
d’anguilles, dont la moindre aura en apparence plus d’un 
pouce de longueur, & dont le mouvement paroitra' fi rapide, 
qu'il fera peut-être l’étonnement le plus furprenant qu’on ait 
jamais eu en d’autres circonftances , quelque fingulieres 
qu'elles ayent été. 

Quand les concaves font d’une très-petite portion de 
{phere , on ne les doit creufer qu’autant qu'il eft néceffaire 
pour empêcher que la liqueur qu’on y mettra n'en puifle for- 


tir; & encore afin que les animaux qui fe tranfportent vers 
les bords, n’en parotffent guere anvinS Peaux que les autres, 


Il y a des expériences particulieres qui obligent à les creu- 
{er davantage , comme , par exemple, lorfqu’on y veut en- 
fermer un animal vivant : il fuffira pour l’ufage que la boule 
fur laquelle on les taillera , s’y enfonce environ d’un tiers de 
{on diametre. 

Les Lunetiers , qui ne raïfonnent que très-peu fur ce 
qu'ils font , ne font guere propres à exécuter ces fortes de 
concaves ; tout ce qui demande quelque précifion & beau- 
coup de propreté , ne leur convient pas. Les mérhodes qui 
{ont en ufage parmi eux, & dont ils fe fervent prefque tous, 
font peu propres pour faire de beaux & de bons ouvrages ; 
‘ils fe bornent à ce qui expédie , & négligent ainfi ce qui peut 
tendre à acquérir de la réputation : de forte qu’on ne doit 
pas être furpris fi le travail d’une vie aflez longue n’a fouvent 


« 


24 DESCRIPTION ET USAGE 


rien ajouté aux connoiffances qu'ils ont lorfqu'ils fortent d’un 
apprentiflage de plufieurs années. Un Tourneur, par exem- 
ple, ne fait pas faire une vis & un écrou au bout d’un an 
d’apprentiflage ; un Lunetier pendant le même temps ne fait 
pas une bonne lunette à mettre fur le nez : cependant on 
peut par d’autres méthodes particulieres enfeigner à l’un & 
à l’autre à faire une bonne vis , un bon écrou & une bonne 
lunette à nez en moins de huit jours. 

Revenons à nos concaves. Sion en creufe de maniere qu'il 
ne refte que très-peu d’épaiffeur entre la concavité & la fur- 
face plane du verre, on aura l'avantage de pouvoir em- 
ployer des lentilles d’un très-court foyer, parce qu’en met- 
tant la petite goutte de liqueur au milieu du concave , & le 
tournant dans le Microfcope , enforte que la furface plane 
du verre {oit du côté de la lentille, cette lentille pourra 
s'approcher très-proche de l’objet, fans courir le rifque de 
s’y falir, puifque par ce moyen on évite de la plonger dans 
la liqueur , ce qui ne doit pas être compté pour rien. 

Nous avons par ce moyen l'avantage que l’on tire des 
feuilles de talc, fur lefquelles on a coûtume de mettre la 
liqueur, & nous évitons en même temps deux grandes in- 
commodités qu’on y apperçoit en peu de temps, defquelles 


tous ceux qui s’en fervent fe plaignent. La premiere eft que 
ce talc eit rempli de raies ; & la feconde, qu'il ne peut fer- 


vir qu'une feule fois pour voir les anguilles du vinaigre, & 
guere davantage pour examiner ce qui fe trouve de confi- 
dérable dans les autres liqueurs , à caufe qu’en efluyant la 
crafle que les gouttes de liqueurs y laïflent, on le dépolit en 
peu de temps , ce qui le rend après cela inutile. 

On employe les grands concaves très-utilemeut, pour y 
conferver en vie plufeurs gros animaux enfermés entre deux 
concaves, ou entre un concave & un verre plan, ou enfin 
dans un concave fans être couvert. 

Quand les concaves à mettre le vinaigre ou quelqu’autre 
liqueur , font parfaitement polis, ces liqueurs ont beaucoup 
de difpofitions à fortir des cavités de ces foræs de verres ; 
c'eft pourquoi il y faut apporter un remede : en voici un 
parfaitement bon, par le moyen duquel on évitera ce défaut, 


qui 


pes Microscores. SEC. ParT. Chap. XXVIT. 24 


quieft très-confidérable. Pour cela il n’y a qu’à effacer le poli 
qui eft du côté du concave, en rendant brute toute la furface 
qui l’environne. Pour cer eflet vous n’avez qu’à travailler ce 
côté-là fur une forme platte , avec un peu d’éméril fin & de 
l’eau , jufqu’à ce que le morceau de glace foit d’un grain fin 
& égal, & cela fera capable d'arrêter la goutte de liqueur 
que vous aurez mife dans ce concave. 

On objeëte que le verre concave eft capable de changer 
la forme de l’objet que l’on y met pour y être apperçà. 

Képonfe. Le verre concavene change pas la forme de l’ob- 
jet qu’on met deflus ; car ne fervant ici que de porte-objet, 
il ne peut ni l’augmenter , ni le diminuer , ni l’eftropier, puif 
que ce n’eft pas le verre concave qui le fait voir, mais feu- 
lement la lentille, qui eft l’ame du Microfcope , pour ainfi 
dire , à laquelle ce pouvoir eft réfervé : & fi l’on voit quel- 
quefois l’objet eftropié & difforme , il en faut attribuer la 
faute à la lentille qui eft mal travaillée , n’ayant ni la forme, 
ni l’adouciflement , ni le poli qui lui convient pour qu’elle 
produife le bon effet qu’on en pourroit defirer. 

Il y a feulement une chofe à obferver , qui eft qu’une ien- 
tille ne peut avoir fon foyer exaétement correfpondant à 
tous les points de la furface du concave où l’on met une 


goutte de liqueur ; c’eft pourquoi on eft obligé d'approcher 
ou d’éloigner cette lenrille ,fivanr l'endroit du concave que 


lon voudra regarder. 

Lorfque l’on fe fert d’un verre plan des deux côtés, & 
qu'on le promene pour découvrir toute l'étendue d’une 
goutte de liqueur qu'on y aura mife en expérience , il y aura 
moins à changer la diftance de la lentille, que fi l’on fe fer- 
voit d’un petit concave pour cet effet, & cela fuppofe qu’on 
fafle ces expériences avec une lentille d’un court foyer ; car 
fi elle avoit trois ou quatre lignes de foyer, & que la goutte 
de liqueur füt très-petite , il ne feroit pas néceflaire de chan- 
ger la diftance de la lentille pour voir diftinétement toute 
l'étendue d’une très-petite goutte de liqueur ; à caufe que 
plus la lentille a de foyer , plus on découvre de champ. 


Tome IT. Par, IL. (D) 


16 DESCRIPTION ET USAGE 


CG HA P'EFR ESCORT. 


Objeëtions & réponfes faites au fujet de la nouvelle hypothefe 
. propofée par L. Joblot , au fujet de fes nouveaux Microfcopes, 


& des expériences qu'il a faites avec ces Microfcopes. 


N peut former plufieurs difficultés contre cette hypo- 

thefe : en voici une qui fe préfente d’abord à ceux 
qui n’ont que peu ou point d’ufage des Microfcopes à li- 
queurs. 

On demande pourquoi on n’apperçoit pas les œufs & les 
très-petits animaux qui ont été dépolés fur les plantes, avec 
les lentilles de nos Microfcopes à liqueurs , de même qu’on 
les voit dans l’eau où ces mêmes plantes ont été mifes en 
infufion. 

KRéponfe. Si l’on obferve les feuilles ou les fleurs d’une 
plante , avant qu’on les mette en infufion, en fe fervant pour 
cet effet d’une lentille d’un grand foyer , on ne pourra apper- 
cevoir que les gros infeétes, ou leurs œufs qu'ils y auront 
dépolés, parce que ces lentilles, qui font d’un grand foyer, 


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n cpmenent pas aflez l’apparence de l’objet ; & lorfquon 
voudra effayer de voir les plus petirs, en fe fervant d’une 


lentille d’un court foyer, il l'en faudra approcher de fi près, 
que la monture qui enchäfle cette lentille ne permettra pas 
le paflage à la lumiere ; d’où il fuit qu’on ne les pourra voir. 

Pourquoi de certains corps mis en infuñon, font-ils dé- 
couvrir de petits poiflons une heure ou deux après être mis 
en infufion ; & que d’autres corps ne fervent à en faire voir 
qu’au bout d’un temps très - confidérable ? 

KRéponfe. C’eft parce que les petits animaux étoient déjà 
tout vivans fur les premiers corps mis en infufion, & qu'il 
n’y avoit encore ni petits ni œufs fur les feconds. 

Et fi on les vouloit regarder en les expofant entre l'œil & 
Ja lumiere du jour ou d’une chandele, les corps fur lefquels 
font les œufs &r les petits tout vivans, n'étant pas tranfpa- 
rens on ne les y pourroit voir. 


Des Microscopes. Sec. PART. Chap. XXVIIL. 27 


On objeële encore contre notre hypothele , que les animaux 
qui volent ou nagent dans l'air, pouvant y laifler tomber 
leurs œufs & leurs petits tout vivans, & cet air s'appliquant 
continuellement fur la furface de la liqueur contenue dans 
nos vaifleaux mis en expérience , y abandonne les œufs & 
les petits. | 

Réponfe. Cette opinion qui paroït d’abord affez probable, 
perd toute fa vraiflemblance en l’examinant avec attention ; 
car, premierement, fi elle étoit véritable , il s’enfuivroit 
qu'on appercevroit toüjours les mêmes poiflons dans toutes 
les infufñions, quoique différentes , & placées en un même 
lieu les unes auprès des autres , puifque l'air qui tranfporte 
les œufs & les petits tout vivans, n’agiroit pas moins fur la 
furface de l’une de ces infufions, que fur la furface des autres. 

2°. 11 s’enfuivroit encore que les poiflons de deux infu- 
fions différentes qui auroient été préparées en même temps, 
& mifes l’une auprès de l’autre, y devroient paroïtre à-peur- 
près en un même jour, ce qu'on ne remarque pas : tout au 
contraire, on obferve qu’il y ena quine fe manifeftent qu’au 
bout de quinze jours , tandis que d’autres fe font voir le 
même jour de la préparation. 

3°. On ne devroit jamais voir d'animaux dans une infu- 


fiof bouchée immédiatement après la préparation, puifque 
Vair ne s’appliqueroit pas fur la furface de la matiere mife en 


infufion ; ce qui eft contraire à l'expérience. Voyez le chap. 
15. fur le Foin nouveau. 

D'où vient que les mêmes plantes, les mêmes graines ne 
produifent pas toûjours de femblables animaux ? 

Réponfe. Ce ne font ni les plantes ni les graines mifes en 
infufon , qui produifent les animaux que nous appercevons 
dans les liqueurs ; mais ce font les meres de ces poiflons qui 
nagent dans l'air qui répond au-deflus de ces infufions , où 
étant attirées par les vapeurs diverfes des chofes infufées, 
y pondent leurs œufs, & y dépofent même leurs petits tout 
vivans. 


Fin de la feconde Partie du Tome fecond. 


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HR a