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Full text of "Observations et Mémoires sur la Physique, sur l'Histoire Naturelle et sur les Arts et Métiers, etc"

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OBSERVATIONS 


SUR) 


LA PHYSIQUE, 
SUR L'HISTOIRE NATURELLE 


PT SUR EE RTS 
AVEC DES PLANCHES EN TAILLE-DOUCE, 
DÉDIÉES 


AGME RE COMTE D'AR TO ÏS: 


Par M. PAbbé ROZIER, Chevalier de l’Eglife de Lyon , de l Académie 
Royale des Sciences , Beaux-Arts & Belles-Lertres de Lyon , de Villefranche, de 
Dion, de Marfeille, de Nifmes ; de Fle[fingue ; de la Société Impériale de Phyfi- 
que & de Botanique de Florence ; de Berne, de Zurich, de Madrid , Correfpondant 
de la Société des Arts de Londres, de la Société Philofophique de Philadelphie , 
&c, ancien Directeur de l'Ecole Royale de Médecine - Vétérinaire de Lyon. 


TOME QUATRIÈME. 


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Chez RU AULT, Libraire, rue de la Harpe. 


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OBSERVATIONS 
MEMOIRES 


SUR 


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SUR L’'HISTOIRE NATURELLE 
FE SOUR LES CAR TS" ET TMÉETIENS: 


MM OL ORUE 


Sur la compofñition & la figure des Molécules du fang, 
dites communément G/obules rouges , 


Par M. GUILLAUME HERWSON. 


EL. s molécules du fang humain ont été fi généralement regardées comme 

fphériques depuis le rems de Leuwenhoeck , qu’on les a appellées par 

cette raifon les globules rouges. On a vu cependant à différentes fois, 

des Auteurs , & entr’autres le Pere de la Torré, qui a‘douté qu'elles 
Tome IV, Part, I. 1774. TUTEDET ANA 


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- 
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2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
formalfent des fphères ; les nouvelles obfervariôns que j'ai recueillies fur 
cette matière, m’engagent à en faire part au Public. f 
Une chofe bien eurieufe & bien importante , eft de voir que ces molé- 
cules foient fi généralement répandues dans tour le règne animal. On les 
trouve dañs l’homme , dans les quadrupèdes , dans rous les oifeaux ; dans 
tous les amphibies ; dans rous les poiflons, & toujours plus où moins 
rouges , comme le fang humain. Le fang des infeétes mêmes , contient 
des particules figurées comme celles du fang des animaux plus-parfaits : 
elles n’en diffèrent que par la couleur. Dans les infeétes aquatiques , 
comme l’écrevifle de-mer & la chevrette, ces particules fonc blanches: 
dans quelques infeétes verreftres, tels que la chenille & la faurerelle , 
elles paroiilent d’un verd fané, comme je m'en fuis convaincu par l'ex- 
périence. Je les ai apperçues dans un infecte qui n’eft pas plus gros que la 
tère d’une-épingle ; & je foupçonne qu’elles exiftent prefque-uriverfel- 
lement dans tout le règne!animal. ne 
C'’eft à l’aide du microfcope feulement que nous pouvons découvrir ces 
particules : & comme il faut un certain dégré d’adrele & d’exercice pour 
Le {ervir de cet inftrument, on a vu plufeurs hommes faväns & diftin- 
gués, qui ,ayant eu le malheur de ne pas réuflir dans leursexpériences, 
ont douté de la vérité de celles que d’autres avoient faites avec plus de 
fuccès. Quelques-uns font allés jufqu’à affurer qu’on ne pouvoir pas ajou- 
ter foi aux microfcopes; qu'ils nous trompent en nous reprélentant les 
objets différens de ce qu'ils font réellement. Ces affertions ne font pas 
abfolument dénuées de fondement, à l’égard d’une efpèce de microf- 
cope; mais il eft de la plus grande injuftice de les appliquer à rous fans 
exception. Dans les microfcopes compofés,, lorfque l'objer eft vu à tra- 
vers deux verres, ou un plus grand nombre , fi ces verres ne font pas 
bien adaptés l’un au foyer de l’autre, la figure de l’objet peut en être 
changée ; mais cela n'arrive jamais lorfque nous regardons un objer à 
travers une fimple lentille. Les perfonnes qui font ufage de lunerres , con- 
viennent que la forme des corps leur paroît la même qu’aux yeux nuds. 
Puifque donc un microfcope fimple n’a, de même que leslunerres, qu'une 
lentille entre l'organe de la vifon & l’objet, on ne peut pas fuppofer que 
l'un nous trompe plus que l’autre. Le microfcope compofé, ayant fon foyer 
plus étendu , eft auffi plus agréable que le microfcope fimple pour beau- 
coup de cas; mais le fimple eft toujours à préférer pour les perfonnes qui 
cherchent à s’affurer de la forme des petits corps. Je me fuis fervi dans 
ces expériences d’un inftrument de cette efpèce fupporté par,un écrou; 
& cel que M. Baker l’a décrit. La plupart de mes obfervations ont été 
faites avec des lentilles tirées des mains des meilleurs ouvriers de Lon- 
dres, & je ne me fuis fervi qu'une fois des globes de verre que le Pere 
de la Torré a préfentés à la Société Royale. Je n'ai pu faire ufage que de 
deux de ces globles, favoir , de celui qui, felon le Pere de la Torré, groflit 


SUR L’HIST. NATURELLE ET'LES ARTS. y 


fix cens quarante fois les objets ; & de celui qui les groflit douze cents 
quatre-vingt fois. Les plus fortes lentilles qu'on fafñle à Londres Dont 
qu'un cinquantième de pouce de foyer ; & ;. en accordant mème huit 
pouces de diftance de foyer , ces lentilles ne font paroitre les objets que 
quatre cents fois plus gros qu'ils fonc. Cette. force eft bien au-deffoûs de 
celle des globes > & {ur-tout du globe qui , felon le Pere dela Torré,, 
étend les diamètres de douze cents quatre-vingt fois: c’eft celui-ci qui 
m'a fervi dans quelques-unes de mes expériences. Cependant , quoique 
. nos lentilles grofiffenc infiniment moins les objets , elles les font beau- 
. coup mieux diftinguer ; les globes font pleins de nuages dûs à la famée 
de la lampe qu’on emploie pour les préparer; ce qui les empêche de 
laïffer appercevoir les objets d’une manière fatisfaifante : cette .défec- 
tuofté , jointe à l'embarras d'adapter les matières au foyer du verre, 
m'a fait préférer nos lentilles ordinaires pour toutes les expériences qui 
font contenues dans ce Mémoire , à la réferve d’une feule. Il faut ce- 
pendant avouer que la force extrème des verres de cet ingénieux 
Phyfcien a paru plus que fuffifante pour compenfer le défaut de leur 
clarté. 

Ces molécules du fang , qu’on appelle improprement des globules’, 
font véritablement des corps plats. Leuwenhoeck & d’autres Obferva- 
teurs font convenus qu’elles font plates & elliptiques dans les poiflons 
& les amphibies ; mais ils fe font prefque tous accordés à dire qu’elles 
font fphériques dans l'homme & dans les quadrupèdes. On a vu tant 
d'hommes ingénieux s'occuper à examiner le fang avec les meilleurs mi- 
crofcopes , qu'il y a de quoi s'étonner qu'ils aient pu fe méprendre furla 
configuration de ces molécules ; mais notre furprife doit être moindre , 
lorfque nous confidérons le grand nombre,de chofes qui abforbent notre 
attention, avant de pouvoir la porter fur ces parties:en outre, le fang eft 
fi rempli de ces particules dans l’homme & dans les quadrupèdes, qu’il 
eftextrèmement difficile de les voir féparément ,à moins detrouver quel- 
«que moyen de délayer le fang. C'eft à une femblable découverte que 
j'attribue le fuccès.que j'ai eu dans mes recherches ; car, lorfque j’aiexa- 
miné le fang humain, à mefure qu'il s’échappoit des vaifleaux, il m'a 
toujours paru une mafle confufe , malgré que je le répandiffe fur une 
lame de verre tranfparente , ou fur un morceau de talc. 11 me vint alors 
dans la penfée de les délayer , non avec de l’eau, car je favois qu'elle dif- 
folvoit ces molécules ; mais dans de la férofiré qui ne rifque pas de les 
décompofer : en érendant ainf le fang d'une certaine quantité de féro- 
fité , je fuis parvenu à voir cés parties diftinétement les unes des autres; 
& j'ai trouvé que ces molécules fanguines étoient aufli plates qu’une gui- 
née. J'ai encore obfervé qu'elles avoient dans le milieu une tache obf. 
cure , que le Pere de la Torré aiprife pour une ouverture; mais les ayant 
examinées avec foin, j'ai trouvé que ce n’étoit pas une ouverture, & 

776 LUBL ET: À ij 


4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


que par conféquent elles n'étoient pas annulaires. J'ai fait enfuire des 
expériences, en mêlant ces particules avec différentes liqueurs, & je 
les ai examinées fur divers animaux. Le réfulrat a été que la groffeur de 
ces molécules varie dans les différens animaux, comme le repréfente 
la planchel , où on les voir de la groffeur qu’elles m'ont paru à travers 
une lentille d’un vingt-croifième de pouce de foyer qui groflir les ob- 
jets cent Due quatre fois. 

IL eft à propos de faire remarquer ici que l’exaét Leuwenhoeck n’ayant 
pas délayé le fang humain ou celui des quadrupèdes , afin de voir ces 
molécules féparées les unes des autres, 1l ne pouvoit pas les décrire 
d’après fa propre obfervation , comme il l’a fair à l’égard des poillons & 
des grenouilles; & comme il s’imaginoit que la figure ronde étoit la 
plus avantageufe au mouvement circulatoire de nos liqueurs, cela l'a 
induit à fuppofer que ces molécules éroient fphériques dans l'homme. 
Je ferai même voir par la fuite que ce ne font pas fes obfervations mais 
fes opinions fpéculatives qui diffèrent de ce que mes expériences m'ont 
fait découvrir. ‘ 

La planche I fait voir que les molécules du fang font plus confidéra- 
bles dans le poiflon , appellé Skate , que dans tous les animaux que j'ai 
examiné, Après le Skate, elles font plus groffes dans la grenouille , dans 
la vipère & dans les autres animaux de certe clafle ; un peu plus petites 
dans les poiffons ordinaires, tels que le faumon , le merlus & l’anguille: 
danslesoifeaux elles font plus perites que danses poiffons : dans l’homme, 
moindres que dans les oifeaux ; & dans quelques quadrupedes, encore 
plus petites que dans le fujer humain. Leuwenhoeck, parlant du volume 
de ces molécules , dit : » Il eft certain qu’elles ne font pas plus confidé- 
» rables dans la baleine que dans le plus petit poiffon «3 & depuis lui, 
d’autres Auteurs ont avancé qu’elles font également grofles dans tous 
les animaux ; mais il eft évident, comme il paroïr dans la planche dont 
je viens de parler, que leur volume diffère confidérablement, & que 
celle des plus grands animaux ne font pas les plus grandes ; car nous 
trouvons qu'elles ne font pas fi groffes dans le bœuf que dans l'homme; 
& bien loin qu’elles foient plus volumineufes dans la baleine que dans 
les petits poifons , il paroît probable , en comparant la arolfeur de celles 
du marfouin qui appartient au genre des baleines, qu’elles font plus pe- 
rites dans cette forte d'animaux que dans les poiifons. Il ne faut pas croire 
pour cela , que la grofeur de ces molécules foit en raifon inverfe de la 
grandeur des animaux ; leur différence tient donc à quelqu'autre circonf- 
tance qu'au volume de l’efpèce ; car elles font aufli confidérables dans la 
fouris que dans le bœuf. 

On fe convaincra que ces molécules font applaties dans l'homme 
comme dans tous lesautresanimaux , enrépérant les expériences fuivantes, 


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SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. $ 
EXPÉRIENCE I. 


Preneg une petite quantité de férofité humaine , & battez-y un mor- 
ceau de craffamentum ou de caillot , jufqu’à ce qu’elle fe foit un peu char- 
gée de molécules rouges. Alors, avec un pinceau de poil très-doux, ré- 
pandez en un peu fur un verre tranfparent , & placez ce verre dans le 
microfcope , de manière qu'il ne foit pas parfaitement horifontal , mais 
un peu plus élevé d’un côté que de l’autre : par ce moyen, la férofité 
coulera à la partie la plus baffe du verre, & en mème-temps on verra des 
molécules rouler fur les côtés applatis, & offrir une tache noire dans 
leur milieu : on en verra d’autres tourner tantôt fur une face , rantot fur 
l’autre , en roulant fur le verre. Perfonne ne pourra plus douter de leur 
forme plane, quand on les aura vu tourner ainfi d’une face à l’autre : on 
verra qu’elles préfentent en tournant, toutes les phafes des corps plats : 
on les verra d’abord fur une de leurs faces, puis avancer fucceflivement 
fur leur bord , & tourner enfuire fur l’autre face. 

Si , au lieu de férofité , on délaye les molécules du fang avec de l’eau, 
plus chargée de fel que la férofité n’en contient naturellement , ces molé- 
cules fe montreront alors quelquefois non-feulement applaties, mais 
même un peu repliées ; comme une pièce de monnoie qui a été fauffée. 

Ces expériences prouvent que les molécules du fang font applaties, 
& non pas globulaires; & leur forme plane démontre qu’elles ne fonc 
pas fluides , comme c’eft l'opinion commune , mais bien folides ; car tout 
fluide qui nage dans un autre fluide, prend la forme globulaire , s'il n’y 
eft foluble : c'eft ainf que , fi on mile une grande quantité d'huile une 
moindre portion d'eau , ou une grande quantité d'eau avec une moindre 
d'huile , celle des deux liqueurs qui eft en plus petite proportion , fe con- 
figure toujours en globules. Mais, puifque ces molécules ne fonc pas 
globulaires, qu’elles font applaties , 1l faut qu’elles foient folides. Cette 
circonftance deviendra plus évidente par le développement des expé- 
riences fuivantes, 

Il eft néceffaire de remarquer que quelques minutes après que ces 
molécules ont été répandues fur le verre, elles s’'amaflent pluleurs en- 
femble , adhèrent les unes aux autres , & paroïffent alors confondues. 

Lorfqu'on examine attentivement une de ces molécules féparée du 
refte , & aflife fur l’une de ces faces planes , elle paroït avoir une tache 
obfcure ou noire dans le milieu , & tout le pourtour de cette tache eft 
plus tranfparent. L’ingénieux Pere de la Torré penfoit que cette rache 
étoit une ouverture, On fuppofoit que la molécule n’éroit qu’un anneau 
percé , mais un grand nombre d'expériences me font juger que cette tache 
obfcure eft une molécule folide contenue dans une véficule plate, donc 
le milieu eft rempli , la circonférence creufe, & dans un état de vacuité, 
ou pleine de quelque liqueur fubrile. Cela paroîtra évident à quiconque 

1774. JUILLET, 


6 OBSERVY ATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
prendra la peine d'exécuter foigneufement les expériences fuivantes, 


ELU POE URI UINERNIC EMI 


Prenezune goute du fang d’un animal qui a de groffes molécules, de 
la grenouille , par exemple, de poilffon ; ou, ce qui eft encore mieux , de 
celui de crapaud ; mettez ce fang fur une lame de verre tranfparent , 
comme dans l'expérience Ir, & ajoutez-y un peu d’eau , d’abord une 
goutte, puis une feconde, enfuire une troifième, & en continuant à 
verfer ainf jufqu’à une certaine quantité : à proportion que vous verferez 
de l’eau , vous verrez changer la forme des molécules ; elles deviendront 
fphériques de plates qu'elles étoient ; fi vous ajoutez beaucoup d’eau, la 
véficule deviendra fucceflivement plus claire & plus tranfparente, & elle 
finira par fe diffoudre. Quand la véficule a pris ainfi cette forme fphé- 
rique , elle roule au bas du verre d’une manière uniforme, & ne pré- 
fente plus les phafes qu’on y voyoit quand elle rournoit fur fes faces 
planes. Tandis qu’elle roule avec certe nouvelle force fphérique, on 
fuit diftinétement des yeux les molécules folides du milieu, qui vont 
heurter d’un côté de la véficule à l’autre , en roulant, comme un pois 
feroit dans une veflie. A la vérité , il arrive quelquefois qu'au lieu de 
fe porter d’une parois à l’autre, la molécule folide du milieu femble 
adhérer à une partie de la véficule ; & à mefure que la véficule devient 
fphérique , fon plus grand diamèrre fe raccourcit , comme on doit s’y 
attendre , d’après la fuppofñrion qu’elle étoit auparavant creufe & ap- 
platie. 

© Après avoir fait cette expérience fur le fang des animaux qui ont de 
grandes véficules , on pourra la répéter fur le fang humain , & l’on trou- 
vera que l’eau y produit le même effet ; les véficules deviendront fphé- 
riques; les diamètres de ces fphères feront moindres que le grand dia- 
mètre primitif de la véficule, lorfqu’elle étoir plate. 

Il eft à remarquer qu’en général il faut plus d'eau pour effectuer le 
mème changement fur le fang humain, que fur celui de la grenouille 
ou des autres animaux amphibies ; & le fang des amphibies en exige 
davantage que celui des porllons ; car la fubftance de ces véficules étant 
plus folide & plus colorée chez l'homme & chez les quadrupèdes, que 
dans les amphibies , elle doit auffi être plus lente à fe difloudre dans 
l'eau ; & comme elle eft plus claire dans les poiflons que dans les 
deux autres claffes d'animaux, elle eft aufli beaucoup plus prompte à 
fe diffoudre dans ce menftrue. Ceux qui feront curieux de répéter ces 
expériences , ne fauroient mieux faire que de les commencer fur le 
fang du crapaud & de la grenouille, dont les véficules font grandes 
& reftent quelque temps.dans l'eau fans s’y diffoudre, au moins lorf- 
qu’on s’y prend avec Les précautions que nous avons prefcrites. Par ces 
moyens , ceux qui feront allez exercés dans les expériences microfco- 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 7 


piques, pourront fatisfaire promptement leur curiolité fur ces phéno- 
mènes. ; 

La plus grande folidité des véficules du fang humain, la moindre pel- 
lucidité dont elles font fufcepribles quand on les rend fphériques par 
l'addition de l'eau , leur perirelle fi fupérieure à celle des poiffons ou 
des grenouilles , fonc qu'il eft plus difficile de voir les molécules du 
milieu rouler d’un côté à l’autre de la véficule, qui eft devenue ronde ; 
néanmoins à l'aide d'une forte lumière (1 } & d’un inftrument qui grof- 
fifloit beaucoup, j'ai vu crès-diftinétement cette circonftance dans l'hom- 
me comme dans la grenouille , le crapaud, ou le skate. 

Puifque l’eau rend ces molécules rondes, & qu’elle fait difparoître la 
tache noire du milieu’, il eft évident que les molécules rouges du fang 
humain ne-font pas percées , & que la tache noire eft due à quelque 
autre chofe qu’à une ouverture : cela fe confirme encore quand on remar- 
que que , quoique la molécule paroïlfe avoir une tache noire; qu'on 
peut fuppofer être un trou lorfqu’on l’a difpofée fur un verre obfcur, 
on apperçoit néanmoins enfuite diftinétement que cette partie du 
milieu eft feulement d’un rouge plus foncé que le refle de la véficule , fi 
on l’examine de rechef avec une lentille très-tranfparente , & à l’aide 
d'une bonne lumière. 

Quand on ajoute de l’eau au fang, les molécules du milieu pa- 
roiflent plus difficiles à s'y difloudre que la véficule plate qui les ren- 
ferme ; tellement que peu de temps après qu'on y a ajouté une fuff- 
fante quantité d’eau , les véficules plates difparoiffent, laiffant après 
elles les molécules du milieu , qui fémblent être globulaires & crès- 
petites. 

Que ces véficules rouges du fang, quoique plates , ne font pas per- 
cées , c'eft ce qui devient encore évident par une obfervarion curieufe 
que j'ai fouvent répétée fur du fang gardé trois jours d'été , & com- 
mençant déja à fe corrompre. Je délayai les véficules de ce fang avec 
de la férofité ; je lesexaminai enfuite avec une lentille d'un cinquantiè- 
me de pouce de foyer, & je trouvai qu'elles étoient devenues fphéri- 
ques; mais j’appercus encore bien plus fenfiblement ce phénomène en 
faifant ufage du verre de M. de la Torré, qui , felon fon calcul ; groflir 
1280 fois le diamètre des objets : le diamètre de ces fphères écoit moin- 
dre que leur plus grand diamètre dans leur état d’applatiffement , & 
leur furface étroit ridée de manière qu’elles reffembloient à des mûres. 

J'ai fait la même obfervarion en mêlant de la férofité , que j'avois 
tenue pendant trois jours dans un lieu chaud , & qui puoit déja , avec du 


{) Ces expériences ont toutes été faites à la lumière du jour, dans un tems 


clair & fercin, 
1774. J'UTLLET, 


8 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


fang humain récemment forti de la veine : les véficules parurent égale- 
ment globuleufes & femblables à des müres. 

En faifant ces expériences fur du fang humain qui commençoit déja 
à fubir la pucréfaction , je me fuis encore apperçu que certaines de ces 
véficules tomboient en pièces , fans devenir fphériques ; j'ai vu dans ces 
circonftances que la tache noire du centre s'ouvroit par le milieu :ce 
qui forme une nouvelle preuve qu'on ne doit pas la prendre pour une 
perforation. 

J'ai remarquédans le fang d’une anguille qui tomboit en corruption, 
que les véficules fe crevoient , & que la molécule du centre s'échappoit 
enfuire par cette ouverture. 

A mefure que la putréfaétion fait des progrès, les véficules, qui 
avoient pris la forme de fphères raboteufes , ou femblables à des mü- 
res , & celles qui s’éroient déja totalement partagées par le milieu, fe 
réduifent toutes en un grand nombre de petites parties. M. de la Torré 
femble croire que routes ces parties font articulées enfemble en ma- 
nière de joints, & qu’elles fe féparent régulièrement en fepr. Leuwen- 
hoeck a foupçonné que ces globules , ainfi qu'il les nommoit , éroient 
conftamment compoféesde fix moindres glubules; mais je fuis convaincu 
par mes propres obfervations , qu'il n’y arien de fixe dans le nombre 
des parties auxquelles ils fe réduifenc. Je les ai vu fe mettre en fx, 
fept, huit pièces, & même au-delà; car la putréfaction les décom- 
pofent de l1 mème manière qu'elle décruit les autres {olides de l’animal. 

Il eft effentiel de prévenir que ces petites parties des véficules dé- 
compofées , font auffi rouges que la véficule qui conferve encore route 
fon intégrité ; car la théorie des globules rouges, qui les fuppofe com- 
pofés de fix globules féreux, chacun de ceux-ci de fix autres de lymphe, 
n'eft appuyée fur aucun fondement , & fe rrouve ruinée par une expé- 
rience bien fimple ; puifqu'en mêlant du fang avec fix ou trente-fix fois 
fa quantité d’eau, ce menftrue, qui diflout les globules , devroit les 
mertre dans l’état d’une férofité jaune, ou d’une lymphe décolorée (1): 
mais cela n’arrive pas ; au contraire , le fang refte conftamment coloré 
en rouge, mème en y mêlant l’eau dans un plus grand rapport que de 
trente-fix parties. 

Non-feulement on s’eft généralement accordé à dire que ces véfi- 
cules rouges du fang font globulaires & fluides, on a avangé encore, 
avec la mème inconféquence , qu’elles font huileufes & plus infamma- 
bles que le refte du fang. Mais en premier lieu , il ne s’agit que de 
connoître leur extrème folubilité dans l’eau , pour fe convaincre qu’elles 
n'ont pas la propriété des huiles. Secondement , il eft très aifé de dé- 


1 


(1) Voyez Gaubii Pathologia, k 
couvrir 


SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 9 


couvrir qu’elles ne font pas d’une nature plus inflammable que le refte 
du fang, enles brülant après les avoir obtenu féparément ; ce qu’on 
peut pratiquer en agitant du caillot dans la férofité , pour le brifer &c 
y répandre fes parties ; enfuite on les laiffe précipiter, & on en foutire 
la férofité par décantation. C’eft ainfi que j'en ai fait la féparation ; 
enfuite j'ai brûlé une partie rouge, de la férofité épaiflie, & de la 
lymphe defléchée; & je n'ai pas vu qu’elles fuffent plus inflammables 
les unés que les autres ; je ne me fuis pas non plus apperçu que la partie 
rouge prit une fufion huileufe , comme quelques-uns l'ont foupçonné , 
elle m'a paru brûler fimplement comme la corne. 

Quelques Auteurs qui ont écrit fur la configuration de ces véficules 
dans les quadrupèdes & dans le fujer humain , fe font fort étendus 
fur les avanrages de leur prétendue forme fphérique pour la circulation 
du fang sil eft réellement probable qu'il n’y a point de figure plus favo- 
rable pour faciliter le mouvement. Mais dès que ces molécules font 
évidemment aplaties dans tous les animaux , nous devons croire que la 
nature avoir de bonnes vues pour les mouler ainfi. 

On a objecté que, malgré l’apparence applarie qu’elles ont quand on 
les confidère hors du coprs , elles pourroïent bien être globuleufes dans 
le torrent de la circulation animale : il feroit inconcevable , a-t-on dit, 
qu'un fi grand nombre d'hommes favans & ingénieux , qui les ont vus 
au microfcope à différens remps, euflent conclu qu'elles fonc fphéri- 
ques ; fi elles étoient réellement plates. Cependant, quelque chofe 
qu'ils aient pu voir, il n’eft pas moins vrai! qu'elles font également 
applaties tant au dedans qu'au dehors du corps: Je m’en fuis convaincu, 
pour les avoir obfervé circuler plufieurs fois dans les perits vaiffeaux 
des doigts des pieds de la grenouille , ne me fervant pour cela que 
d’un microfcope folaire , ou même du microfcope le plus fimple donc j'ai 
déja parlé ; je les ai vu rangées parallèlement lesunes aux autres felon 
leurs furfaces plates, comme des pièces d'argent qu'on auroit difpofées 
de la mème manière; & dans cer animal où elles font elliptiques, 
tantôt c’eft un fommer de l’ellipfe , rantôtun de fes côtés qui fe préfente 
à la vue. En outte, j'ai remarqué qu’en entrant dans un petit vaiffeau, 
ces véficules vont heurter contre le fommet del’angle de divifion d’où 
le vailfeau tire fon origine ; aufli là elles prennent un mouvement de 
turbination, & offrent la même variété de phafe qu'on y remarque 
lorfqu'elles tournent fur un morceau de verre. 

Je ferai remarquer à cette occafion que quelques Obfervateurs microf- 
copiques ont avancé que les molécules ou véficules changent de forme 
en s'infinuant dans les vaifleaux capillaires , & qu'elles s'allongent. Je 
préfume qu'on n’a établi certe affertion que parce qu'ony a vu paffer 
la pointe la première, 1l elt für qu’elles ont dû fe montrer alors arté- 
nuées & comme allongées par compreflion , principalement à ceux qui 

Tome IV. , Part. 1774. JUILLET. B 


jo : OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


les croyoient globulaires. Je les ai vu circuler dans des vaiffeaux fan- 
guins qu’elles ne pouvoient enfiler que l’une après l’autre , de forte 
qu'elles fe trouvoient fort à l’étroit, & elles ne pouvoient les parcourir 
qu'avec une peine extrème ; néanmoins je ne me fuis jamais apperçu 
que leur configuration s’en trouvât dérangée. | 

Puifque dans tous ces cas ces molécules fe préfenrent conftimment 
applaties , & que l’eau eft capable d'en altérer fi promprement la figure, 
comment fe peut-il que la férofité ait au contraire la propriété de l’en- 
tretenir ? 

On doit attribuer cet effet, principalement aux fels de la férofité ; 
éar fi l’on mêle à l’eau une petite quantité de fel neutre , cetre eau ne 
peut plus diffoudre ces particules; & elle n'en change aucunement Ja 
forme, fi on la farure d’une certaine portion de fel. 


Efimte ur nl EN c'e CI 


Sion mèle à du fang fraisune folution d’eau de quelque fel neutre , 
chargée au plus fort degré , & qu’on examine enfuire les globules (1) au 
microfcope , on s’apperçoit que le fel en a froncé les vélicules , & que 
la fubftance véfculeufe s’eft appliquée étroirement à la partie centrale ; 
de forte qu’elles paroïlfent entièrement folides. L’effer fe rend moins 
fenfble, à mefure qu’on érend la diflolution d'une plus grande quantité 
d’eau : fion met, par exemple, fix, huit, dix ou douze parties d’eau 
fur une de fel, elle neproduit pas, le moindre changement fur la figure 
des vefcules, l’aplatiffement devient alors encore plus vifble qu'avec 
la férofité mème. 

: Les fels neutres dont la folution m'a paru produire ces effets font les 
fels. de Glauberc, d'Epfom , lé fel ammoniacal fecret de Glaubert, le 
nitre commun, le nitre quadrangulaire , le fel ammoniac nitreux, 
la combinaifon de l’acide du nitre avec la magnéfie , ou de ce même 
acide avec la chaux, le fel marin , le fel digeftif ou fébrifuge de 
Sylvius, & la terre foliée à bafe d’alkali minéral. Il m'a fuffi de ces expé- 
riences pour me convaincre que les fels neutres pofsèdent généralement 
cette propriété, & j'ai jugé qu'il feroic inutile de les fuivre plus loin (2). 

Les acides & les alkalis opèrent encore fur ces véficules des effets 
différens. 

J'ai trouvé qu’une forte diflolution d’alkali végétal ou d’alkali vola- 
til les fronçoit; & felon que je l’étendois davantage , elle fe rapprochoit 


(1) C’eft le nom qu'on leur a affigné ; mais je ne les défignerai plus que fous celui 
de véficules. 

(2) J'ai pratiqué ces expériences , en mettant dans une raffe à ché une goutte d’une 
folurion faline bien faturée , & y ajoutant de l’eau diftillée goutte à goutte ; enfuite 
je verfai fur ce mélange de la férofité de fang très-chargée de la partie rouge. 


SURVLHISTONATURELLE) EM LES. ARTS. xx 


plus ou moins des propriétés de l'eau commune ; mais il n’eft pas aifé de 
trouver le point de faturation où elle ne peut plus rien faire fur les véf- 
cules. Il convient de faire remarquer ici que, puifque ces véficules fe 
diflolvent très-promptement dans l’eau, tandis qu’elles font infolubles 
dans les alkalis; c’eft une forte raifon à objeéter à ceux qui les ont 
foupçonné être de la nature huileufe. 

Les effets des acides diffèrent encore confidérablement. J'ai effayé les 
acides vitriolique , nitreux, marin, acéteux & phofphorique. Quand ils 
font beaucoup affoiblis , ils ont , comme l'eau, la verru de rendre les 
véficules fphériques ; mais , s’ils font plus concentrés, ils les diffolvenct 
au contraire tout de fuite. Je ne fuis jamais parvenu à trouver un point 
de faturation auquel ils n'y produififfent aucun changement. Cette 
expérience démontre encore que les véficules ne font pas huileufes, 
puifqu'elles fe diffolvenc plus promptement dans les acides que dans 
les alkalis. | 

Les fels qui réfultent de l'union de la terre de l’alun, avec quelque 
acide, crifpent conftamment ces véficules, du moins ils les rendent 
toujours fphériques. Il m'a été impofñlible de découvrir quelque point 
de faturation qui n’en altérât pas la forme. . 

L’efprit de vin m'a fourni le même réfulrat. 

J'ai aufli traité cette partie rouge avec quelques fels métalliques, tels 
que les vitriols de Chypre, de Rome, & lefablimé. Quand j'en affoi- 
bliffois beaucoup la diflolution , ils ne produifoient pas des effets diffé- 
rens de l’eau fimple ; mais , felon que je le rapprochois davantage , ils 
ridoient de plus en plusles véficules. 7 

Sil'on charge l'urine d’une grande quantité des mêmes fels , elle 
opère des effets femblables à ceux de la férofité ; mais, à mefure qu'on 
laffoiblic , fes propriétés fe rapprochent de celles de l’eau. 

Il eft donc probable que les fels qui entrent dans la compolition du 
fang entretiennent les véficules dans leur état d’applatiflement ; car il 
faut bien fuppofer quelqu'avantage à une forme fi généralement répandue 
dans le règne animal : & , puifque les diffolurions de fels neutres , tant 
fortes que foibles , y produifent chacune des alrérations différentes , il eft 
à préfumer que la nature à borné les proportions d’eau & de fels qui 
doivent fe trouver dans notre fang. Cependant il paroît qu’on doit y 
admettre quelque degré d’extenfion ; car j'ai obfervé que les véficules 
n'étoient pas plus changées , quand je ne mettois que huit goutres d’eau 
fur une diffolurion faline , que lorfque j'en ajoutois quinze. 

Les fels neutres ne font pas les feuls moyens capables d’empècher la 
férofité de diffoudre le fang; le mucilage ou la lymphe dont la férofiré 
fe trouve fi fort impregnée ; paroît aufli devoir y contribuer. 

Si on verfe un peu d’une forte diffolution de quelque fel neutre fur les 

* Yéficules , après les avoir rendu fphériques par le fecours de l’eau , elles 
1774 JUILLET. .B 2 


12 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


fe crifpenc fur-le-champ ;il y en a quelques-unes qui recouvrent leur 
forme plate; mais la plus grande partie s’amaffe irrégulièrement en de 
petites fphères. Celles qui recouvrent leur forme primitive par cetre 
voie , deviennent en général plus tranfparentes & plus minces , parce 
qu'elles ont déja perdu une partie de leur fubftance que l’ean à diffoute : 
dans ce cas il et crès-aifé de diftinguer la particule folide qu’elles con- 
tiennent. Cette expérience m'a procuré le plaifir de convaincre, fur la 
véritable compolñtion du fang , plufieurs Curieux quine fe trouvoient 
pas encore fatisfaits des preuves précédentes. 

J'ai déja dir que les vélicules font de groffeur différente dans les 
divers animaux (1). J'ai fait aufli obferver qu’elles ne font pas toutes 
d’un égal volume dans le même individu ; & que les unes fe diffolvent 
plutôt dans l’eau que les autres. Elles diffèrent encore dans les efpèces, 
felon les âges. Je les ai trouve plus confidérables dans le poulet à fix 
jours d'incubation , que dans la poule qui a pris tout fon accroïfflemenr. 
Elles m'ont paru plus grandes dans une jeune vipère que dans la mere 
du ventre de laquelle je l’avois retirée. Je n’ai pas encore tenté des 
expériences pour décider sil exifte aufli à cet égard quelque variéré 
entre l’adulte & le fœtus de naiflance. 

Dans quelques infectes, tels que l’écreviffe de mer, les véficules fonc 
blanches , au lieu d’être rouges : fi on coupe une patte à cet animal, il en 
fuinteune quantité de fanie claire , qui, après avoir refté quelque rems 
à l'air, forme une fphère de gelée , moins ferme cependant que ne le faie 
le fang des animaux plus parfaits. Quand il eit ainfi coagulé , on yremar-_ 
que plufeurs petits filamens formés , principalement fur la concrétion 
des véficules , & ce dont j'ai été perfuadé par l'expérience fuivante. 


ERA ER RIETNIEUNEC ES LIVE 


Si l'on coupe une patte à l’écrevifle de mer , qu’on recoive un peu de 
fon fans fur unelame de verre , & qu’on l’adapte fur le champ au microf= 
cope , on y diftingue des véficules plates & circulaires ,comme celles des 
poiffons communs , avec une petite molécule dans le centre, ainfi que 
chez les autres animaux; mais le changement qui leur arrive, quand elles 
ont fubi le contact de l'air , mérite qu’on y faffe attention; car fi-tôt 
qu'on les a reçu fur un morceau de verre, elles fe froncent , & de plates 
qu'elles éroient, elle prennent une forme fphérique régulière , comme 
on peut le voir à la planche I, N°. 12. Ce changement fe pale avec tant 
de rapidité qu'il faut ufer de la plus grande diligence en adaptant les 
pièces au microfcope, fi l’on veut réuflir à obferver ces phénomènes. 

Je me fuis aufli procuré de la fanie ou fang dela chevrette , en lui cou- 
pant les pattes, j'y ai découvert des véficules femblables à celles de 
l'écreviile de mer, qui m'ont aufli offert les mèmes phénomènes , après 


(1) Confultez la planche I. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 1 


avoir refté peu de tems à l'air. Cependant il m'a été impoflible de le 
foumertre aufli-tôr au microfcope , pour les appercevoit dans l’état d’ap- 
platillement ; mais , comme elles avoient changé par l'impreflion de l'air, 
j'augure qu’elles devroient être plates , tandis qu’elles éroient encore 
contenues dans les vaifleaux de l’infecte : apparemment qu'étanr plus 
fenfibles à l’action de l'air que celles de l'écreviffe , elles fe ridoient avant 
que je les euffe appliqué au microfcope. 

Leuwenhoeck a obfervé que dans le fang de la fauterelle, les véficu 
les ou les globules , fèlon lui , font verts. J'ai vu la même chofe dans 
une chenille blanche ; mais fi-tôt que la férofité eft épanchée hors des 
vailleaux , on ne peut plus en diftinguer la couleur , de même que celle 
du fang de la fauterelle. 

Le petit animal fur lequel j’ai depuis découvert de femblables véficu- 
les, eft un infecte qui n’elt pas plus gros que la rêce d’une épingle , & 
qui eft très commun dans l’eau de la T'amife. Si on met cette efpèce de 
monoculus dans un vafe avec un peu d’eau , & qu’on lui fafle recevoir 
les rayons du foleil , il eft poffible de voir battre fon cœur ; & on diftin- 

ue dans fon fang ou dans fa fanie, qui eft tranfparente , un petit nom- 
pe de véficules qui n’avancent que l’une après l’autre. 

Puifqu’on rencontre ces véficules dans un infecte d’une fi extrême 
petitefle, comme chez les plus gros animaux, n’eft-il pas vraifemblable 
qu'elles exiftenc dans rout le règne animal? Une chofe fi généralemenc 
répandue doit y être d’un grand fecours. 


RS 
EXPLICATION DE LA PLANCHE LIL 


F16 I. Groffeur des véficules dans le Bœuf, l'Ane, le Chat , la Souris 
la Chauve-Souris. 
IT. Dans l'Homme, le Lapin, le Chien & le Marfouin. 
JT. Dans les Oifeaux ; favoir, le Pigeon, le Canard, le Pinçon, &c. 
IV. Dans le Poulet , au fixième jour d’incubation. | 
V. Dans les Poiffons communs , tels que le Saumon, la Carpe, 
l'Anguille. 
VI. Dans une groffe Vipère, & dans la Tortue de Mer. 
VIT. Dans un petite Vipère tirée du ventre de fa mère. 
VIT. Dans l’Anvoye. 
1X. Dans la Grenouille. 
X. Dans la Skare. 
XI. Dans l'Ecreviffe de Mer. 
XII. Les veficules de la même Ecrevifle, telles qu'elles paroiïffent 
après avoir été expofées à l’air. 
XUI. Groffeur des globules du lait, 
1774 JUILLET. 


14 OBSERVATIONS SUR LAPHYSIQUE, | 


QE A7 EN 2 PNA Le dE: Vue à Vs de © _ nm m CITEEILEDE POSE EEE 


L'EST TOROE 


De M. Tuomas Ronwayneà M. FRaANKxciN, fur 
l'Electricité athmofphérique , par rapport aux brouil- 
lards , & à quelques autres intempéries de l'air; 


Communiquée à la Société Royale de Londres , par M. W1LL14M 
HENLEY (1). 


Yi, remarqué depuis quelques années , par le moyen de l’éleétromètre 
de M. Canton, que pendant l'hiver, l'air eft en Irlande très-propre à 
communiquer l'électricité ; cependant , pour l’obferver avec précifion, 
j'ai vu qu'il falloit abfolument avoir un morceau de liége fufpendu à un 
fil de médiocre groffeur, de fix ou fept pouces de longueur, & placé 
de manière que le vent n’en püt changer la direction, 

J'imaginai un autre moyen bien fimple , & très-propre aux recherches 
que je me propofois. Je fixai une pièce de bois menue , en forme de cône 
à un des bouts de l’éleétromètre; le plus petit, par le moyen d’un cro- 
cher difpofé à cer effet. Après avoir placé mon appareil au dehors d’une 
fenêtre de la partie fupérieure de la maïfon , j’attachai par une agraffe 
très-légère l’autre boutà un des jambages de la fenêtre. Une autre pièce 
de bois fervoir à fixer un tube de verre, & un bâton de cire d'Efpagne. 
Un de tes conducteurs étoir excité & appliqué à la furface du morceau 
de liége,, afin de déterminer plus précifément l’efpèce d'éleétricité qui 
pouvoit furvenir. J'ai toujours eu grand foin de faire mes expériences 
du côté de la maifon où le vent avoit le moins de prife. 

J'ai trouvé que l’air des environs des maifons , des arbres, des mûâts 
de vailleaux, &c. étoic fenfblementélectrifable dans l'hiver , à une dif. 
tance particulière , quand les brouillards obfeurciffoient le tems , ou 
lorfqu'il geloit, & mème pendant les plus forts brouillards , cependant 
à un moindre deoré. J'ai eu également de petits effets éleétriques dans 
les jours où le rems étoit fombre & couvert. 

L'air n’a jamais fourni dans l'été la plus pétire étincelle électrique, 
excepté dans les foirées fraîches, lorfque le ciel étoit chargé de quel- 
ques brouillards. Pendant la nuit j’obtenois des effets fenfibles d’élecri- 


nn 


* (Cr) Ces expériences ont été commencées en 1761, & continuées fans interruption 
jufqu'en 1770. J'ai eu occafion de me tranfporter en Angleterre , où je les ai répétées 
en plufeurs endroits différens, & j'y ai obtenu les mêmes réfulrats qu'en Irlande. 


.. 


VAPPTRCITRORTS PUTTe TL 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 15 


cité, quoique plus foibles que dans les brouillards de l'hyver. Ces effets 
m'ont paru les mêmes pendant un temps , comme dans un autre. 

J'ai fouvent examiné l’état de l'air pendant les aurores boréales, fans 
avoir jamais pu obtenir aucune écincelle électrique , excepté lorfquw’il 
furvenoic des brouillards ; & dans ce cas l’air a étéun aufli bon conduc- 
teur de l'électricité que dans un autre temps. Une fois , à la vérité, pen- 
dant une nuit d'un temps ferein , j'ai obtenu une foible lumière éleétri- 
que d’une aurore boréale. c 

En général l’éle@tricité de l'air eft poñitive. Je n'ai jamais vu le con- 
traire.qu'un jour d'hyver dans le temps de brouillard , quoiqu'il fit ex- 
traordinairement chaud pour la faifon. On ne peut cependant pasfe per- 
fuader que le froid éle&trife l’'achmofphère pofitivement. Perfonnein'i- 
maginera jamais que la chaleur produife un effet contraire & oppofé. 
Je préfente ce que je viens de dire comme une fimplé conjeéture, & 
non comme un fai décifif, parce que je fuis intimement perfuadé qu'une 
efpèce d'électricité eft fouvent le produir d’une autre, ce qui paroir 
démontré par les expériences du Docteur Franklin, 

Si le froid'éleétrife l’air dans nos climats , ce qui paroît probable, 


peut-on croire avec raifon que ce phénomène produifeun effet contraire 


dans les environs-de nos antipodes? Ne faut-il pas confidérer les dé- 
couvertes éleétriques de la rourmaline , comme une preuve de cerre 
opinion ? 

L’électricité de l'air, dans les temps humides , épais ou chargés de 
brouillards, n’eft pas aflez forte pour produire quelque étincelle, mênie 
en y ajoutant un fil de métal rerminé en pointe , qui attire cependant les 
corps minces à une petite diftance , lorfque l'air eft chargé de brouil- 
FD 

Lorfque le brouillard commence à devenirépais, lesmorceaux de liége 
s'approchent , & lorfqu’il revient à fon premier état, ils s’éloignenr. J'ai 
obfervé que lorfqu'il pleut dans un temps de brouillard, les balles de 
liège fe refferrent, & fe féparent de nouveau , lorfqu’il paroît un nouveau 
brouillard , & que la pluie ceffe. Malgré cela , il y a un certain degré de 


.denfité néceffaire au brouillard , pour que ces balles de liége puiflenc 
exercer leur faculté divergente. Il fant en outre remarquer que les brouil- 


lards participent d’une odeur forte , à-peu-près la même que celle 


.qu'on reffent lorfqu’on a vivement électrifé un tube de verre. L'athmof- 
.phère participe quelquefois de cette odeur. 


Comme les brouillards furviennent lorfque l’air eftchargé d'humidité, 


je ne pouvois guère imaginer quelle étoit la caufe de leur pouvoir élec- 


trique, ni favoir d’après quel principe ils la retenoient fi obftinément, 
Après m'être convaincu par dés obfervations répétées , que les corps 
éle&rifés confervoient aflez long-temns leur éleétricité dans les différens 
points d'humidité de l'air, lorfqu'on avoit le foin de les ifoler fur de la 
72 NUE L ET 


. 


16 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


cire d’Efpagne , je ne pus m'empêcher de conclure que l’humidité retar- 
doit confidérablement la communication de la matière éleétrique. 

Les corps fixés avec des fils de foie, & que j'avois fait fécher , avoient 
perdu leur éleétricité dans un court efpace de temps. Je rentai de les 
rendre non-conduéteurs, en les verniflant avec de l'huile de rérében- 
thine, ou avec du baume de foufre, où avec toute autre fubftance fem- 
blable ; mais ce fut fans fuccès. Les fils de foie, d’abord , après avoir 
éré ainf traités, devinrent conduéteurs, & en augmenrèrent confidéra- 
blement en poids, fur-tout lorfque l'air de l’athmofphère n’étoir pas véri- 
tablement fec (1). D’après ces faits, je concluds avec raifon que la foie, 
par rapport aux propriétés qu’elle a d’atrirer l'humidité, peur fervir d'hy- 
gromètre , foic qu’elle foit mife dans une balance, ou fixée à un corps 
électrifé. 

Lorfque les brouillards font épais, qu'ils fe traînent près de laterre, 
& qu'ils augmentent, les balles fe rapprochent toujours : lorfqu'ils font 
fufpendus dans l’athmofphère , & très-éloignés de la furface de la terre, 
le contraire arrive prefque dans tous les cas. J'ai fouvent trouvé une dif- 
férence entre un vent frais de nord-oueft & fud-eit. L’un fembloit quel- 
quefois prévaloir fur l’autre; & j'ai conftimment remarqué que lorfque 
certe alrernative étoit fuivie d’une brume épaifle qui refflembloit aux 
brouillards , les balles s’écarcoient mutruellemenr. L’effec étoir plus 
fenfble lorfque la brume (2) étoit parvenue à fon plus haut degré d’é- 
paifliffement. Quand elle fe réfolvoit en pluie, la répulfion éroit plus 
confidérable, & augmentoit en proportion de la groffeur des gouttes. 

L'électromètre placé fur la fenêtre de mon grenier, m'a finguliére- 
ment fervi pour déterminer la nature des nuages qui commencçoient à 
paroître. Quoique leur électricité für généralement très-forte, cependant 
elle étoit la plupart du temps incertaine , tantôt négative, tantôt pofi- 
tive. Comme le vent & la pluie mettoient des obftacles aux fuccès de 
mes expériences , j'imaginai les moyens fuivans qui m'ont très-bien 
réufi. 

Je me fuis quelquefois placé dans une chambre fort élevée, fur un 
plateau de cire, & avançant la main droite hors de la fenêtre , je renois 
une longue baguette de bois entourée d’un fil d’archal , dont le bout excé- 


oo 


(1) Le verre même attire l'humidité à fa furface , ce qui le rend un conduéteur de 
l'électricité , & n’eft pas conféquemment pour ifoler , fi propre que la cire d'Efpagne. 

(2) La faculté éleétrique d'un corps s'accroît à mefure qu'il fe contraéte en tour 
fens, comme il eft démontré dans une expérience de M. Franklin. Je me fuis aufl 
fouvent apperçu qu'en éleétrifant des pièces de flanelle ou de foie, &c. & en les tor- 
dant aufli-tôt, je les faifois érinceler de plus loin que lorfque je n’avois pas cette pré- 
caution; j'en ai même quelquefois vu partir des aigrettes éleétriques. Ne peut-on pas 
inférer de-là que l’éleétricité des vapeurs augmente en raifon de leur condenfarion , 
quand elles ne font pas en contaét avec la terre ? 


doit 


SUR L'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. > 


doit de quelques pouces l'extrémité de la baguette. Je renois en mème 
tems de la main gauche un éleétromètre. Alors je faifois électrifer rapi- 
dement par un aide le verre ou la cire. 

Une autre fois je fs ufage d'an tube d'érain de vingr pieds de longueur ; 
conique & terminé en pointe. Sa plus grande longueur forroit hors de la 
chambre , fans tre en contaét avec aucun corps, & le gros bour auquel 
étoit fufpendu l’éleétromètre, éroit fixé à l'intérieur de la fenètre avec des 
cordons de foie , ou avec des bârons de cire à cacheter, foutenus à cha- 
que extrémité par des crochets de fl d’archal. 

Souvent par le moyen de cet appareil , j'ai découvert que le brouillard 
caufoit , en paflant , des changemens particuliers qui fe fuccédoient, & 
des alternatives de l'électricité politive & négative, & qu’ils pafloienc 
quelquefois du négatif au pofiuif. Les balles s’approchoient enfemble à 
chaque extrémité à chaque tems , reftoient en contact quelques fecon- 
des , & fe repoufloient enfuite de nouveau. 

Il n’eft pas poflible de décerminer la durée de chaque efpèce d’élec- 
tricité dans les brouillards, ni la longueur du temps qu'il eft poflible de 
la reconnoître. 11 furvient dlcheioie une électricité qui eft la même 
que celle qui l'a précédée, & quelquefois c’eft une autre. Tow cela fe 
palle ainf, & par degrés, mais Les changemens font bien plus apparens 
& plus rapides lorfque les éclairs brilient, & fur-tout fi le tonnerre eft 
dans le zénich. 

Lorfque je l’avois ainfi fur ma rète, il occafonnoit les plus fortes élec- 
tricités que j'eulle pu encore découvrir, fur-tout fi l'athmofphère étoit fom- 
bre & couvert de nuages. On pourroit peur être conclure de ces expérien- 
ces, qu’une efpèced électricité agiffant feule, exerce de plus grands effets 
que lorfqu’eille fe trouve avec une autre qui agit en fens contraire. 

J'ai obfervé une fois dans un rems d’orage, que les balles exerçoient 
fur elles-mêmes un pouvoir éleétrique de répulfon & d'attraction pen- 
dant l'abfence des éclairs; je parle ici de celles qui étoient fufpendues au 
tube d’érain. Ce petit manége duroit fans inter:uption pendant dix ou 
douze fecondes. En mème-tems les balles de l'éleétromètre de M. Can- 
ton , que je tenois à une telle diftance du tube, qu'elles pouvoient s’éloi- 
gner d’un pouce mutuellement, reftèrent tranquillement dans cet étar, 
tandis que les autres éroient exrrèmement agitées. 

Ces différens effets m’invitent à penfer que la mème éleäricité fuit la 
même directions; & lorfque cette circonftance arrive , les balles font 
affectées évidemment de la même manière. Il fauc obferver ici que j'ai 
découvert plus aifément l’efpèce d'électricité préfenre dans le tube, en 
approchant la cire éleétrifée des boules d’un éleétromètre que je tenois 
à quelque diftance du tube , que lorfque j'approchois des balles fufpen- 
dugs au tube même. En général elles divergent fi fortement, qu'il eft 

Tome IV, Part. 1. 1774. JUILLET. C 


13 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


difficile d’avoir fur la main un petit tube de verre ou de la cire élec- 
trifée pour faire l'expérience. \ 

Il eft arrivé quelquefois que Les boules du tube d’étain fe font sepouf- 
fées fubirement en conféquence d'un éclair, & fe font réunies aufü-tôr 
apiès qu'il eft difparu. Dans ce cas , l'air étoit dans un état humide. 
J'ai mème cru que l'équilibre étoit rendu entre la terre & les nuages les 
plas bas, & que ceux-ci recevoient leur éleétricité des nuées plus éle- 
vées, ou que cela éroir dù à l'effet latéral de quelque explofon. 

Deux ou plufñeurs perfonnes placées à des diftances convenables pour- 
roienc convenir par fignes de la nature de l’éleétricité ; favoir , avec un 
pavillon rougespour l’éleétricité politive , & avecun-pavillon bleu pour 
l'électricité négative. On auroit par ce moyen des réfulrats beaucoup 
plus curieux & plus fatisfaifans que ceux qu’on a eu jufqu'a ce jour , rela- 
tivement à l'électricité des nuées & du tonnerre , fans avoir recours à 
l'appareil des fils de métal , n1 des chaines. 


EXP iRalaEs NUCIE $ 


Faites avec le Gyps ; 


Par M. NICOLAS-ANTOINE KIRCHBERGUER, Membre de la Societé 
Economique de Berne. 


St l’on a quelque droit à,la reconnoiffance du Public , quand on lui 
indique des richeffes inconnues , & faciles à acquérir : fi l’on accorde le 
titre de bienfaiteurs des hommes à ceux qui perfeétionnent l’agricul- 
ture, c’eft à dire, le premier & le plus nécellaire de tous les arts; certai- 
nement M. le Pafteur Mayer de Koupferzel a des prérentions bien - 
fondées pour efpérer l’un, & mériter l’autre. 

En indiquant le gyps comme un puiffant engrais, il étonna tous les 
culrivateurs ; la fingularité de la propofition devoit naturellement fur- 
prendre: cette pierre eft non-feulement différente des parties onctueufes 
qui caractérifent les engrais réputés jufqu’a préfent les plus efficaces ; 
mais encore l'acide vicriolique qu’elle contient a été envifagé comme un 

oifon pour la végétation , d’où il réfulte que les opinions les plus vrai- 
femblables & les mieux établies ne fufifent pas pour rejetter une expé- 
rience qui les choque. Mais pourra t-on jamais convaincre les hommes 
qu'ils font encore trop bornés pour diftinguer toujours d'avance ce qui 


eft pofible d'avec ce qui ne left pas ? Que de chofes le gyps de M.Mayer 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 59 


n'apprend-il pas à l’obfervateur & au juge du travail des autres? Il lus 
apprend aufli à ètre modefte. 

Si, dans uneaffemblée de Philofophes , il étoit permis de parler de 
magie, je dirois que rien ne reffemble plus à un enchantement que le 
pouvoir du gyps. En efter, qu'on fe repréfente un homme qui fe pro- 
mène fur un terrein aride, avec une petite poudre blarche dans fa poche, 
qu'il répand , chemin faifant, fur le fol-ftérile & dénué d'herbes; & que 
peu de temps après on voie fortir de la terre, par-rout où cet homme 
a pofé fes pas, des traces d’abondance; il y a de quoi éronner tous ceux 
qui ont quelque notion des engrais & de la culture. 

Ce phénomène fingulier préfente une foule de nouveaux points de 
vue. Il eft probable qu’il conduira quelque efprit philofophique à la dé- 
couverte du fecret que la nature femble s'efforcer de dérober à nos re- 
gards, & que les culcivateurs éclairés s’emprefferont à l’envi de lui arra- 
cher. Nous apprendrons peut-être à connoître quels fonc les vrais principes 
qui contribuent à la végération ? La folution de ce problème nous met- 
tra à même de répondre à un autre, & de dire comment on portera un 
terrein quelconque avec le moins de peine &c de frais à fon plus grand 
rapport. 

Ces deux problèmes réfolus augmenteront la mafle des productions 
de la terre , donneront la nourriture à des milliers d'hommes qui 
en manquent , changeront la face de l’Europe cultivée, & feront époque. 

Ce fut à la fin de l’année 1768 que M. Mayer communiqua fes expe- 
riences fur le gyps, à la Société économique de Berne ; j'afhftai à la 
féance, & l’on me fit l'honneur de me charger de la vérification de ces 
expériences ; la Société vouloit favoir fi les effets racontés par M. Mayer, 
étoient dus à quelque circonftance étrangère , ou au terrein & à la 
matière particulière employée à Koupferzel : il étoit queftion d’appren- 
dre fi nous pouvions faire les mêmes prodiges en Suifle, que M. Mayer 
avoit fait en Allemagne. 

C’eft la relation de ces expériences que j'ai l'honneur de préfenter à la 
Société ; quoique peu recommandables par leur forme, elles méritent 
cependant par leurs objets , de lui ètre offertes. 


P. RE M LE RE, 28 À CRT L'E: 


Te choifis pour mes premières expériences un fond , nommé le Rie? , 

compofé de deux enclos, dont le premier & le plus petit contenoir pour 

la plupart une terre faine , qui n'étoir ni argilleufe, ni graveleufe , ni 

humide ; il ne lui falloir qu’une bonne culture pour en tirer parti; elle 

étoit fur-tout propre à porter du bon fourrage. J'ai acquis cer enclos à la 
1774: JUILLET, C 2 


2o OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


fin de Pannée 1767 ; mon prédéceffeur n'avoir commencé à le bonifer 
que les dernières années, & n'a pas eu le tems d’en faire le tour. 

Le fecond & le plus graud enclos du Ried évoit compofé d'une terre 
beaucoup plus forte , argilleufe & enrourée de forèts. Elle contenoit, 
lorfque ie l'acquis en 1767, plufeurs places très-humides & quelques 
mares d’eau croupiffante ; le propriéraire, détourné par des domaines 
érendus , portoit fon activité ailleurs: certe terre lourde ne lui produi- 
fant qu'un peu de bled qui lui coûtoit encore très cher, il la négligea 
prefque totalement, & me la vendir à bon marché. 

Dans le petit clos du Ried j'avois trouvé un champ enfemencé de 
bled , j'y fis femer au printems 1768 de la graine de treffle par-deflus 
le bled. 

Le 28 Février 1769 je marquai fur ce champ avec des piquets, une 
place de quatre cents feize pas quarrés ; le pas compté a trois pieds de 
Berne, ce qui faifoit à-peu- près la douzième partie d’un arpent de cinq 
mille pas quarrés. Je remplis une mefure de Berne ( foit un demi-pied 
cube ), jufqu’au bord, fans la combler avec du gyps calciné & pulvérifé, 
qui me venoir de Faulenfée, de la Baronnie de Spiez. Je fis répandre ce 
gyps à la main , fur les quatre cents feize pas quarrés, marqués ci-def- 
fus. L'homme qui femoit, pouvoit avec certe mefure de gyps traverfer 
ce terrein deux fois, ce qui contribua à en rendre la diftribution d’au- 
tant plus égale. La terre étoit dénuce de neige , & médiocrement sèche ; 
le tems étoit clair; on fentoit , mais foiblement, un petit vent de 
nord-eft. 

Dans cet enclos , le mème jour, je fis femer du gyps dans la mème 
proportion , fur un vieux gazon maigre, fous des arbres fruitiers : une 
partie de ce gazon étoit encore couverte de neige. 

J'effayai encore le gyps dans une autre campagne à la Schofshalden : 
la terre de ce fond eft en général demi-forte ; dans le mêlange le plus 
propre à produire du fourrage ; aufli avoit-elle porté autrefois du foin en 
abondance, & de bonne qualité ; mais l’avidiré & la mal-adrefle des 
fermiers avoient prefqu’entièrement épuifé cette terre. Ce n’étoit que 
depuis la fin de l'année 1768 que je la faifois valoir moi-même. Je choi- 
fis, pour effayer le gyps, la place la plus ruinée de tout le fond : c’étoit 
le fommer d’une colline qui , de tems immémorial, avoit toujours été 
labouré dans le même fens. La parefle des fermiers ne Jeur avoit pas 
permis de ramener affez de terte depuis le bas de la colline jufqu'au 
fommer , pour remplir le vuide du dernier fillon. Ce fommer fe dégar- 
nilloit totalement, & ne prefentoit plus qu'une furface chauve & grave- 
leufe , à peine couverte d’une petire moufle ferrée, qu'on avoit depuis 
long-rems ceilé de remuer. 

Le 23 Avril je fis femer dans le grand clos du Ried, fur une terre 
forte , maigre & humide , deux mefures de gyps , fur deux cents vingt- 


« 


SUR L'AISTI NATURELLE ET LES ARTS. 2% 


quatre pas quarrés ; ce même fol avoit porté l'année précédente des pom- 
mes de cerre , &elleavoic éré fumée médiocrement ; cetre année, quel- 
ques jours avant d'y répandre du gyps, j'y avois fait femer du treflle 
& de l’avoine pour avoir du fourrage. 

Comme j'avois trouvé à la Schofshalden un ch:mp de bled femé trop 
épais & mal enterré , je n'ofai y mettre du treflle , de peur que le bled 
ne versâc & ne l'étouffät, ce qui effectivement arriva avant la récolte; 
car le bled, quoique dans un terrein mal fumé , verfa à plat; ce qui dé- 
ment le préjugé établi fur cet objet. Ainfi je pris lé parti de rompre un 
vieux gazon avant l'hiver, & de le labourer encore deux fois au mois 
de Mars. Au dernier labour j'enterrai dans cette pièce , de treize mille 
fix cents huit pas quarrés , trente chars de fumier de vache; je fis tra- 
vailler ce terrein avec la houe, la herfe & le rareau, avec tour le 
foin poflible ; jy femai du trefile & de l’avoine pour fourrager. 

Immédiatement à côté de certe pièce j'avois fait rompre au mois de 
Mars, dans le vieux gazon une bande de cent foixante-trois pas de 
long fur fept pas de large , avec un feul labour & fans fumier. 

Le 28 Avril, après avoir uni cette bande labourée avec la herfe de 
fer , j'y femai de l’avoine , & je l’enterrai avec la houe ; dès que l’avoine 
fur herfée , j'y femai de la graine de treffle, que je couvrois de terre 
avec une herfe de bois légère. Dans le milieu de certe bande il fe for- 
moit une penteinfenfible , peu-à-peu le cerrein fe rehaufloit, & préfen- 
toit ainfi au milieu une place batle , où l’eau de la pluie féjournoit plus 
long-tems que fur Le refte de la pièce. 

Le $ Mai je divifai ma bande en trois parties ; la première de trois 
cents trente-fix pas quarrés, éroit une terre sèche & faine ; jy femai 
une mefure de gyps. La feconde , de trois cents foixante-onze pas quar- 
rés , contenoit la place bafle & fouvent humide; j'y femai deux mefures 
de chaux éreinte à l'air. La troifième , moins humide que la feconde, 
& moins sèche que la première , contenoit quatre cents trénte-quatre 
pas quarrés ; j'y femai une mefure de gyps, & je fis encore tamifer 
une mefure & demie de cendres de bois dur par-deilus. 

Le 7 Mai j'eus la fatisfaétion de voir que le treffle dans le petit clos 
du Ried, gypfé le 28 Février , fe diftinguoited’une manière frappante 
par fa verdure foncée , de celui qui l'environnoit. 

Le 22 Mai ma fatisfaction fut à fon comble, lorfque je vis que ce 
même trefle eyplé furpafloit en vigueur celui mème que j'avois fair cou- 
vrir pendant l'hiver avec les vuidanges de latrines : le plus beau de celui- 
ci avoit deux pieds de haut; au lieu que la hauteur ordinaire du trefle 
gypfe étoit déja de deux pieds trois pouces. 

Je ne pus me laffer de voir croître mon trefle. A la fin , le 17 Juin, 
il fallut le couper ; 1l étoit d’une vigueur fingulière, & avoit trois 
pieds & deux pouces de haut ; les vaches , les bœufs & les che- 

1774 UTILE T. 


22 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


vaux (1) le mangèrent en verd avec avidité, fans lailfer aucune tige 
dans la crèche. Le crefilenon gypfé , qui environnoit mes piquéts , étoit 
d'un verd plus jaunâtre , & n'avoit tout au plus qu'entre un pied &un 
pied & demi de hauteur. th 

Je ne pus m’appercevoir d'aucun changement frappant , arrivé fur le 
vieux gazon, fous les arbres fruitiers , aypfé le 28 Février. 

Le 22 Juin, en examinant à la Schofshalden le fommer dela colline 
que j'avois parfemé de gyps le 23 Mars, j'apperçus par intervalles des 
petits groupes de trefle naturel, encore très-jeune , qui avolent percé 
les mottes arides & ferrées qui les environnoient. 

Le 22 Juin je fis faucher à la Schofchalden la bande qui avoit été 
femée en trefle & avoine le 28 Avril, & gypfée le s Mai. Le trefle 
gypfé dansla première partie , quoique femé fans fumier & avec un feul 
labour , éroir vifiblement plus beau que celui qui avoit reçu trois labours, 
beaucoup de fumier & point de gyps; le trefile , parfemé de chaux dans 
la feconde partie humide de la bande , étoit égal à celui qui avoit reçu 
du fumier; la croifième partie , gypfée & cendrée , mais un peu humide, 
éroit plus belle que la feconde, mais pas aufli riche que la première. 

Je fis couper en verd le treffle & l’avoine , gyplés le 4 Avril de la 
terre forte & humide , dans un grand clos du Ried ; le fourrage éroit 
inférieur à celui d’une pièce plus sèche & fumée qui l'avoifinoit & qui 
n’avoit point reçu de gyps. 

Pendant le mois de Juillet je fus obligé de faire , dans le petit clos 
du Ried , une aqueduc à travers une trefflière, qui étoit dans toute fa 
vigueur. 

Le 20 Juillet après midi, dès que mon aqueduc fut fermé , je femai 
du crefle fur la rerre fraîchement remuée ; le mème foir j'arrofai cetre 
place avec un tonneler d'urine de vache , mêlé avec de l’eau: huit jours 
auparavant j'avois mis dans ce mélange trois quarts de mefure de gyps 
calciné ; & j'avois foin de le faire remuer de tems en tems , & d’écrafer 
le gyps , quand il vouloit fe durcir. L'urine eut tout le rems , par la 
chaleur de la faifon, d’entrer en putréfaétion avant que je la fiffe 
répandre fur mon trefle. 

Le 24 Juiller je fus furpris de voir que ma nouvelle terre, femée 
depuis quatre jours , étoit toute verte, & que le treffle y avoit déja 
germé. C’éroit environ un feizième d'arpent. 

Le 27 Juillet je fisrépandre de l'urine de vache putréfiée , dans laquelle 
j'avois fait tremper pendant trois jours du gyps fur une pièce de treffle 


(1) Depuis quatre ans que je nourris mes chevaux avec du trefle verd, malgré un 
travail continuel , je ne leur donne pendant tout l'été aucune avoine ; ils fe foutien- 
nent néanmoins très-bien, deviennent robuftes , & prennent un poil luifant avec cette 
nourriture. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 23 


mêlé de fromental ou de fénace , dans le grand clos du Ried , quoique 
cette opération foit un peu lente. 

Pour favoir quel effet le gyps pur faifoit dans cette faifon , je choifis 
dans le grand clos du Ried une trefflière que j’avois établie au printems 
de l’année 1768 ; Le cerrein y étoit fi maigre, que malgré trois libours 
& le fumier que j'y avois mis, il vouloit déja s’éteindre, au lieu de 
treffle on ne voyoit guères qu’un petit gramen fin qui atteignoir à peine 
la hauteur de trois pouces. 

Le 29 Juillet je fis répandre du gyps fur cetre trefflière, À raifon de 
douze mefures par arpenc. La terre, quoique forte, étoirsèche ; bienrdc 
après la pluie furvinc; quinze jours après (ou le 13 Août on voyoit 
diftinétement l’effer du gyps fur ce rerrein ; aux places où auparavant 
iln’y avoit plusde treffle , on en appercevoit qui étoit déja de la hauteur 
de quatre pouces. 

Le même jour je fis encore femer du gyps fur une trefflière ruinée 
dans le même enclos. 

Le 14 Août j’examinai la place à la Schofshalden , au bout de la col- 
line, qui avoit été parfemée de gyps le 23 Mars , autrefois ftérile ; elle 
étroit alors couverte d’un treffle naturel épais , mais fort court. 

Le 19 Aoùtje fis encore répandre du gyps dans le gtand clos de Ried 
fur une pièce qui avoit été enfemencée au printems avec dutreffle & de 
l'avoine pour fourrager , & fur une grande trefflière prefque ruinée, 
toure en terre forte , mais sèche. 

Depuis le 19 Août les pluies furent continuelles jufqu'au 6 Seprem- 
bre ; alors je ne vis aucun effet du gyps femé le 19 Août. 

D'abord après la récolte du premier foin j’avois fait labourer dans la 
Schofshalden un vieux, gazon en pente; jefis charier & répandre fur 
certe terre labourée la terre qui fe trouvoit au bas du champ, je l’enlevai 
jufqu’à cinq pieds de profondeur, fur quatre pieds de largeur ; je femai 
fur le champ, au commencement d'Oétobre , de l’épaurre fans fumier. 

Le 10 Octobre je fis répandre dix-fepr mefures de chaux éteinte à 
l'air , fur fix mille cent quatre-vingr huit pas quarrés de ce champ, & 
tout à côté fur fix cents quarante pas quarrés du même champ une 
demi mefure comblée de gyps. 

Toutes les expériences pendant l’année 1769 avoient été faires avec 
du gyps calciné. 

Le 19 Mars, les 12 & 13 Avrili770 je fis parfemer de ayps non cal- 
ciné & bien pilé les vieilles trefflières dans lefprand clos du Ried, qui 
n'avoient pas été gypfées l’année précédente : il yen avoit encore envi- 
ron huit arpens, j'y mis douze à quatorze mefures par arpent. 

Depuis plufieurs années on n’avoit pas eu un printems aufli froid.& 
aufi humide ; il pluc plufeurs femaines de fuite ; le 25 Avril le vent 
de nord-eft difipa les nuages, & le beau rems revint. 

ra LA ILE TT. 


24 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Le 27 Avril je fis femer du treffle dans un verger à la Schofshalden ; 
qui n'avoir reçu qu'un labour avant l'hiver. 

Le premier Mai je fis répandre vingt-une mefures de gypfe dans ce 
verger , qui contenoit un & crois quarts d'arpent. Le même jour je fs 
femer du gyps dans le mème enclos fur la trefflière établie l'année pré- 
cédente , de treize mille huit cents huit pas quarrés. J’en fis anfli répan- 
dre dans le petit clos du Ried , de façon que je me trouvait, à l'entrée 
de cette campagne , (y compris les pièces de l’année précédente ), avoir 
gypfé plus de vingt-quatre arpens , à quarante-cinq mille pieds chacun. 

Le 3 Mai il tomba de gros flocons de neige. e 

Le 21 Mai j'examinai la trefflière dans le grand clos du Ried , qui 
avoit été parfemée de gyps le 19 Août 1769, & dont les pluies 
avoient retardé l'effet. Je trouvai les places les plus maigres garnies 
de beau trefle, qui avoit plus d’un pied de hauteur : celles qu’on avoit 
gypféesle 29 Mars , le 12 &le 13 Avril 1770, montroient aufli une 
très-belle apparence. 

Le 8 Juin , le tems étant favorable, je commençai à faire faucher 
dansle grand clos du Ried , ces mêmes trefflières qui , l’année dernière 
étoient prefque ruinées. Quelque bonne opinion que j’euffe de l'effet du 
gyps , ma farprife égala ma fatisfaétion, lorfque je vis mes ouvriers 
travailler dans un fourrage épais qui cachoit leur ceinture : c’étoic la 
plus brillante récolte de foin que j'aie vu faire dans ma vie. Quelques 
payfans d’alentour, qui avoient vu mes opérations, & qui s’éroient 
preflés de les juger & de lesscondamner , furent érourdis au fpeétacle de 
mon fuccès : 1l étoit d’autanc plus frappant , que la terre qui préfentoir 
ces richefles, écoit une terre à bled , fur laquelle ils n’avoient vu de tout 
tems que peu ou point de fourrage, 

Quelque grand & quelqu’épais que fût mon treffle , je le faifois ce- 

endant manier comme du fourrage ordinaire , le rems étant chaud, je 
pus fécher & ferrer le lendemain ce que j'avois coupé le jour d’aupara- 
vantavant midi. J'entremélai mon tas dans la grange de quelques cou- 
ches minces de paille, & j'obtins un fourrage excellent & très bien afis : 
j'attribue la bonté & la denfité de mon tas de foin à ma récolre précoce. 
Si le treffle avoit été plus vieux , j'aurois rifqué de faire un fourrage 
d’une qualité inférieure, & couru le hafard d’avoir du mauvais tems. 

Le 12 Juin je femai du gyps fur des raves. 

Le 18 Juin jefis faucher une pièce de treffle mêlé de fromental , qui 
avoit été arrofce le 27 Juillet 1769 avec l'urine de vache, putréfiée & 
mêlée de gyps. Certe pièce qui , joint à neuf cents vingt-quatre pas 
quarrés de trefle , gypfé le 24 Avrili769 , & aurant parfemé de chaux 
le ième jour , contenoit deux arpens, dont l'humidité & la maigreur 
avoient fait entièrement manquer les deux dernières parties. Je ramaffai 
fur ces deux arpens , malgré ces places reflées en arrière , encore quatre 

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chars de fonrrage fec, dont chacun contenoït rout ce que trois chevaux * 
vigoureux pouvoient tranfporter. Je recuerllis encore la même année fu 
cetre pièce deux chars de regain ou de fecond fourrage. d 

Parmi les pièces gypfées le 13 Avril, il fe trouvoir une trefflière de 
deux arpens , femée daus le bled au printems 1768 | & prefque ruinée. 
Cependant elle fe difingua des autres treflières gypfees, par le verd 
foncé & la vigueur de fes plantes. Comme etre pièce avoit reçu des 
engrais deux années de fuite , ayant été en bled, ces engrais ont fans 
doute contribué à rendre l'effet du gyps plus compler. 

Je fis voir ces prairies artificielles gypfées à un cultivateur entendu, 
(M. le Colonel Wourftenbergner). Dès-lors il employa le oyps avec’ 
fuccès , fur un beau domaine qu'il pofsède dans mon voifinage ; il s'en 
eft fervi aufli pour rétablir d’une manière frappante une ancienne & 
mauvaife luzernière. 

Le gyps que j’avois femé le premier Mai 1770 à la Schofshalden , fit 
auf un excellent effèg ; mais le creffle n'eut pas des tiges aufli hautes, 
& des feuilles auf larges qu'au Ried. dans la terre forte. 

Le 9 Juillet j’obfervai que le gyps répandu fur les raves le 12 Juin, 
avoit fait du bien, les raves gypées fe diftinguèrent des autres. 

Le 11 Juillet j'obfervai que le champ de bled, gypfé le 10 Otobre 
1769 , n'éroit pas fi beau que celui qui le rouchoit immédiarément , fur 
lequel j'avois fair répandre de Ja chaux éteinte à l’air. Comme les expé- 

‘ riences que j'ai faices fur la chaux peuvent être utiles, elles feront l'objer 
d’un fecond Mémoire. 

J'obfervai aufi dans le petit clos du Ried, que la pièce qui avoir été 
gypfée le 28 Février 1769 , donna encore pendant tout cer été un très- 
beau fourrage, plus riche qu'on ne pouvoit l’efpérer otdinairement ; 
mais il n’avoit plus la vigueur de celui de l'année précédente. 

Je réitérai cette même obfervation pendant le courant de l'été 1771. 
Toutes mes trefflières gypfées , mème celles qui éroient dans le qua 
trième été, fe foutinrenc fingulièremenc bien , & produifirent un 
fourrage que je n’avois jamais ofé efpérer fans le gyps’, dans le temps 
de leur plas grande vigueur ; mais la hauteur du fourrage étoit ie 
rieure à celle de la première année , où l'effet du gyps fe montre dans 
toute fa force. : 

À la fin de Juin j'ai vu chez M. le Colonel Thormann , qui culrive 
de vaftes poffeflions avec une activité foutenue , un exemple frappant de 
la force du gyps. Il avoit fait gypfer des pois qui par-li ont acquis une 
vigueur furprenante ; je n'en ai jamais vu de femblables. M. Thormann 
a femé aufli du tuff fur de l'avoine; elle avoit alors au moins trois fois 
la hauteur de celle qui l’environnoit. C'éroit dans une rerre très-forte. 

Le gyps, cer engrais fi efficace & fi fingulier n'eft heureufement rien 
moins que rare. Nous en avons plufeurs carrières dans notre Canton : 

Tome IV, Part, I. 1774. JHELLE TD 


6 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 

* iky en a une à Faulenfée qui forme une fuite de collines, & l'on peut 
avoir la mefure de gyps calciné & réduir.en poudre , livrée aux environs 
de la Capitale , à 6 fols de France, Il en faut douze mefures par arpent, 
ce qui fait 3 livres 12 f. même monnoic. 

L'expérience m'a fait voir que douze mefures de eyps produifoient 
plus de fourrage en treffle femé , que douze chars de fumier, qui coù- 
teroient au moins 72 livres, argent de France. 

Comme je ne me fuis pas apperçu que le eypsbrut faffe un plusgrand 
effet que celui qui a été calciné ; je préfère lé dernier , parce qué les 
pierres brutes font plus difficiles & plus coûreufes à pulvérifer. Le gyps 
calciné fe réduit facilement en poudre fur des batroirs, femblables à 
ceux dont on fe fert pour broyer le chanvre : l’eau donne le mouvement 
À cette machine , & les calcinateurs de gyps peuvent en pulvérifer beau- 
coup à bon marché. 


Voici préfentement les conféquences principales que j'ai pu tirer im- 
médiatement de mes expériences. 

Le gyps, fuivant mes obfervations , produit les plus riches récoltes 
fur une terre forte, deux fois mife en épautre ; & par conféquient deux 
fois fumée , dans laquelle on feme au mois d'Avril de la feconde année 
de la graife de trefle par- deffus le bled : d’abord après cette femaille de 
trefle on herfe le champ, lorfque le terrein , fans étre totalement def- 
féché, eft cependant plurôt fec qu'humide. Ce labour avec la herfe fait 
un très grand bien aux bleds. On ne gypfe ce champ que lorfque les bleds: 
font coupés, ou le printems d’après. Le faire avant ce rems , ce feroir 
employer mal-à propos fon plus grand effet, pour remplir le champ 
d'herbes, & rendre le bled d'autant plus difficile à fécher. 

Le gyps eft fingulièrement propre à ranimer les trefflières & luzer- 
nières ruinées. Sur le crefile femé dans un gazon fraîchement rompu, il 
m'a épargné deux labours & douze chars de fumier par arpent ; cepen- 
dant la méchode de femer le trefle dans le bled me paroït encore pré- 
férable , pourvu que le bled ne fe trouve pas femé fi épais, qu'il foic 
obligé-de verfer. 

Le eyps fait fon plus grand effet la première année ; mais la feconde 
il offre encore des récoltes rrès-riches. On peut Le femer au printems, 
pendant le courant de l'été & en automne. 

J'en ai employé depuis douze jufqu'à quatorze mefures par arpent de 
cinq mille pas quarrés | le pas compté à trois pieds de Berne). On ne fe 
trompe guère , fi l’on feme autant de mefure de s#yps, qu’on feme com- 
munément de mefures d'avoine. 

Il paroît produire moins d'effet dans un terrein huwide que dans un 
rerrein fec, & plus fur une terre forte que fur une rerre légère ; excepté fi 
l'on veut avoir du fourrage naturel , alors le cerrein féc , léger & grave- 


SUR L'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 7 
Jeux peut fort bien fervir, Semé au printems, dans pareil deffein , il ne 
déploiera fa vertu qu’au fecond fourrage. | 

La plante connue jufqu’à préfent, de laquelle il favorife le plus la vé- 
gétation, eft le rrefile rouge de Hollande, enfuire fur la luzerne & fur les 
pois , on peut l’employer aufli avec fuccès fur les raves. J'ai découvert que 
la chaux faifoit un plus grand effec fur les bleds. 

Si l’on mêle le gyps avec l'urine de vache purrifiée, l'on augmente 
fans doate fon effet; mais cette opération en grand exige une manipu- 
lation longue & pénible, I ne fera peut-être pas difficile de trouver un 
expédient qui l'abrege. 


SE CO N.DE PARTIE. 


TL fufr Ans doute d'avoir apprécié ces expériences, pour fentir com 
bieu il feroit important de découvrir les véritables caufes de cette finpgu- 
lière propriéré du gyps. Si l'on favoir au jufte comment le gyps produit 
fon etfec fur les plantes, on apprendroit jufqu’à quel point il eft pru- 
dent de s'en fervir. On fauroit lui fubftituer d’autres matières qui con- 
tiennent les mêmes principes, & qui, fous des circonftances détermi- 
nées, pourroient avoir des avantages fur le gyps , tant pour l'abondance 
que pour la proximité, ou même l'efficacité. Peut-être qu'on découvri- 
roic un des grands myftères de la nature, celui de la végétation, c’eft à- 
dige , qu'on verroit clair dans l'objet le plus intéreffant de la Phyfique. 

11 eft aifé de s'appercevoir que quelqu'un qui voudroit répan u 
jour fur certe matière , doit commencer par examiner les vrais principes 
qui conftituent le gyps; car fans cela 1l rifqueroit d’atrribuer les forces 
que nous lui connoiffons , à des parties qui n’y ont jamais exifé, 

M. le Pafteur Mayer a fait quelques tentatives dans cette intention. Il 
pulvérifa du gyps non calciné, & verfa de l’eau deflus, qu’il remua de 
tems en tems: deux ou trois jours après il décanta cette eau , & la 
laifa évaporer lentement fur un feu de braife, & il obtint par là un ré- 
fidu qu'il jugea être un fel alkali , parce qu'il fit effervefcence avec les 
efprits acides. 

Il fic une feconde expérience; il calcina du gypse dans un four; la fu- 
mée avoit une odeur de vieux fouliers brûlés ; 1l en conclut que le gyps 
contenoit beaucoup de parties huileufes, chaffées dans cette expérience 
par le feu. 4 ; 

M. le Pafteur Mayer a tant de mérite vis-à-vis de la Société, qu'il peut 
fe paller de celui d'être Analyfte. Ce titre exige nne réunion de circonf 
tances, qui fe trouvent rarement chez une perfonne fort occupée d’au- 
tres objets. Cer excellent homme remplit fi dignement les momens 

1774 UD ET. DZ 


n 1 XD 4 - x VA VTT  F'RRLS 


28 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


qui ne font pas employés aux devoirs de fa charge , qu'il feroit plus 
qu'injufte, de prétendre de lui une décompofition exacte d’un carps 
qu'il nous à fait connoître d’une manière fi utile. 

Je ne me ferois pas mème arrêté à ce paflage, fi ce n’étoit pour éviter 
les explications précipitées & dangereufes fur les caufes fertilifantes du 
gyps. Dans la première expérience de M. Mayer, l’effervefcence duréfidu 
avec les efprits acides , ne prouve pas la préfence d'un fel alkali, parce 
que d'autres corps ont cette même propriété: tels font les cendres lefli- 
vées, les os brülés , routes les terres qui prennent les caraétères de la 
chaux vive, lorfqu'on les expofe à un degré de feu fuffifant, els que les 
craies , les marbres, les pierres coquillières calcinables, les yeux d'écre- 
ville, la magnéfie blanche, les fpaths & les albâries calcinables, le tufF, 
les ftalactiques calcinables, &c. &c. Toutes ces fubftances ontune pro- 
priété commune avec les fels alkalis; elles font effervefcence avec les 
efprits acides, & on les nomme calcaires (4). 


(1) Ils'en trouve parmi ces terres, dont les parties ont été divifées & chariées par 
les eaux, & enfuite dépofées fucceflivement les unes fur les autres, qui forment une 
efpèce de cryftallifation fort nette & même tranfparente. Le Cultivareur à qui ces 
objers ne font pas familiers , curieux cependant de voir féparément les refforts que la 
nature emploie, demandera peut-être comment il pourra diftinguer les [els alkalis 
d'avec les terres calcaires? Puifque tous les deux font effervefcence avec les efprits 
acides , & que quelques-unes des rerres calcaires ont , outre cela, le caraétère de cryf- 
tallifation, qui les fait reffembler aux fels. Entre pluheurs différences effentielles je 
ne m'arrêre ici qu'a une feule. Elle répondra à la queftion , & jettera du jour fur le 
refte de ce Mémoire. 

s le cas de M. Mayer, pour favoir fi un réfidu qui fait effervefcence avec les 
efprits acides , eft un fel alkali ou une terre calcaire , il faur le combiner avec l’acide 
viriolique , c'eft-à-dire, qu'on prend de l’huile de vitriol , on l'étend dans trente fois 
fon poids d'eau , & l'on y jette peu-a-peu par petites portions le réfidu qu'on veut exa- 
miner, & qui fera premièrement délayé dans de l'eau , jufqu'à ce que ce mélange ne 
falle plus efervefcence, alors on met quelque peu dans un verre, & l'on y mêle crois 
ou quatre gouttes de fyrop de violettes ; fi la liqueur rougit, c'eft une marque que 
l'acide domine ; fi Le fyrop devient vert , c'eft l'alkali qui domine ; le point où le fyrop 
ne change point de couleur, eft appellé le point de faturation. Le point de faturation 
trouvé , on filtre toute la liqueur, & on La fair évapoter [ur un feu lent , jufqu'à ce 
qu'il fe forme une pellicule fur la furface ; alors on la fair refroidir peu-à-peu, On 
obtiendra par-là des cryftaux , que l'on peur examiner par une loupe. Si ces cryftaux 
repréfentent des folides allongés dont la furface eft ftriée dans le fens de leur longueur, 
& que dans un once d'eau, à la chaleur du cinquantième degré du thermomètre de 
Farenheit , ou du dixième au-deflus du zéro de M. de Réaumut , l'on puifle , fuivant 
les expériences du célèbre Profeffeur de Strasbourg , M. Spielmann , en difloudre cent 
foixante-huit grains ; ces cryftaux feront un fel de Glauber , & le réfidu qu'on vouloit 
examiner étoit un fel alkali minéral, Si les cryftaux repréfenrenc des petits polyedres , 
la plupart d'une forme cubique dont les angles font coupés, & qu'une once d’eau n'en 
diflolve que trente grains : ces cryftaux feront un tartre vitriolé , & le réfidu étoit un 
fel alkali végétal. 


Si les cryftaux font fi fins que l'on ne puifle diftinguer leur figure qu'a Faide d’un 


gi bec tE ut dé RITES ji. 


\ . 


SÛR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 9 


La feconde expérience de M. Mayer ne prouve point non plus la pré- 
fence des parties huileufes ; car fi , au lieu d'huile le ayps contenoit un 
acide vitriolique; cet acide, dégagé en partie par le feu, peut s’unir au 
phlosiftique des charbons , ou à l'huile empyreumarique du bois en- 
lammé, & compofer un véritable foufre , & par-là faire une impreflion 
fur l’odorat. 

Comme les erreurs fur cette matière peuvent conduire à des prin- 
cipes, peut-être nuifibles dans la pratique, je tracerai ici en abrégé 
lhiftoire des connoiffances que l’on a acquifes fur le gyps. 

M. Pott eft un des premiers qui ait foumis le gyps à des expériences 
régulières : il en fit une infinité; mais comme la plupart indiquoit fon 
rapport avec d’autres corps dans un feu violent, elles ne nous appren- 
nent rien de déterminé fur les principes qui le compofent. Il en a tiré 
par la diftillation du phlegme qui ne contenoït aucune trace de fel alkali 
volaril. Cet homme célèbre a mis le gyps, dans fa Lirhoséosnofie, au 
nombre des quatre efpèces principales de terre, & Fa diftingué de la 
terre calcaire. 

M. Macquer, dans un Mémoire imprimé dans le Recueil de l'Aca- 
démie des Sciences de Paris, pour l’année 1747, effaya d'expliquer la 
nature du oyps. Il lui parut vraifemblable qu’il conrenoïit des parties héré- 
rogènes, que les unes éroient calcinables, & que les autres ne l'éroient 
pas. Il conjectura que les parties non calcinables étoient la caufe qui fait 
durcir le gyps calciné quand on y imêle de l’eau. Il vit aufli que la chaux , 
fubftance rendre & friable lorfqu’elle eft feule, acquiert une dureré qui 
furpalle celle du gyps, quand elle eft mêlée avec du fable & de l'eau: 
cette analogie acheva de le confirmer dans l’hypothèfe, que le gyps étoit 
un compofé de terre calcaire & de fable. Quelque ingénieufe que füt 
cette fuppolition , il falloit la prouver par l'expérience : M. Macquer , 
pour imiter la nature, fit différens mêlanges de pierres à chaux pulvé- 
rifées avec différentes dofes de fable fin : il calcina toutes ces combi- 
naifons; mais après plufieurs expériences fort bien faites, M. Macquer 
avouaavec une franchife digne d’éloges , que lorfqu'il avoit pris la quan- 
tité de fable qui étoit néceflaire pour fatisfaire à rous les autres phéno- 
mènes du gyps, il n’a pu parvenir à former un corps qui eur la même 
dureré que le gyps. On apprit par-là que les analogies pouvoienr quel- 
quefois féduire, & que le gyps n’éroit pas un cotps fi facile à connoïrre. 

M. Macquer cependant ne fe rebuta pas; il conjeétura l’exiftence de 


microfcope , qu'alors ils fe préfentent fous la forme de parallélipipèdes réguliers, 
mêlés de triangles ifocèles; & que dans une pinte d’eau l'on ne puifle difloudre qu'en- 
yiron trente-fept grains, c'eft-à-dire , qu'il faille environ cinq cents parties d'eau , 
pour diffoudre une partie de ce fel; ces cryftaux feront un fel félénite, & le rélidu 
étoit une terre calcaire, 


1774 0NUTILLET. 


LS ; ! < 
* 


è LA 


3o OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


l'acide vitriolique dans legyps; & il fe fit à lui-même l’objection contre 
les deux cerres hétérogènes, qu’on pouvoir expliquer les phénomènes du 
gyps à moins de frais. Le feu qui fert à calciner le gyps, difoit-il, eft 
bien différent pour la violence & pour la durée de celui des fours à chaux : 
on pourroit donc penfer que, quoique le gyps ne für compofé que d’une 
feule efpèce de parties, il y en auroict toujours un grand nombre qui 
échapperoit à l’aétion de ce feu trop foible pour les calciner toutes, & 
qui n'ayant fait que fe deffécher , pourroient tenir lieu de fable. M, 
Macquer penfa répondre fans réplique à cetre objeétion. Si ce fyftème 
étoit vrai , difoit1l, il ne faudroit que calciner le gyps plus long-rems 
&°plus vivement pour en faire de véritable chaux ; mais bien loin 
qu'on puille le rendre plus femblable à la chaux par ce moyen, cette 
plus forte calcination lui fait perdre abfolument rout ce qu'il avoir de 
commun avec elle. Ainf ce célèbre obfervateur revint encore aux parties 
calcinables & non calcinables. Exemple frappant qui doit nous rendre 
circonfpeéts dans l'interprétation de la nature. 

Enfin M. Margraff fe mit fur les rangs ; & dans une Differtation qu'on 
trouve dans les Mémoires de l’Académie de Berlin, année 1750, il 
donna , à l’occalon de différentes pierres qui ont la propriété de devenir 
lumineufes, quelques expériences fur la pierrefpéculaire, qui n’eftqu'un 
gyps cryftallfé en grandes lames minces & brillantes , appliquées les 
- unes far les autres , & dont il réfulte des maffes tranfparentes. M. Mar- 
graff, à qui on doit tant de connoïllances exactes fur la nature descorps, 
favoir très-bien que fi le gyps contenoit un acide vitriolique , il écoit im- 
poflible de le dégager entièrement par le feu feul. Pour obtenir cetacide, 
& le retirer du gyps, en cas qu'il y fur, il fe fervit du principe des afh- 
nités; principe crès-fécond , & qui fera toujours la clef des découvertes 
les plus intéreffantes dans ce genre : il étoit connu, que l'acide vitrio- 
lique avoit la plus grande affinité avec la matièce inflammable ou le 
phlogiftique ; c'eft-à-dire , que cet acide quitte tous les autres corps , 
pour fe joindre à la matière inflammable avec laquelle il compofe du 
foufre , dès qu'on la lui préfente d’une manière qu'il puiffe s’y unirinti- 
mement; &, pour ainfi dire, par tous les points. Il prit donc deux onces 
de pierre de Boulogne, qui ne diffère dugyps que par la quantité plus ou 
moins grande des parties terreftres qui compofent leur mélange. Il la 
réduilic en poudre impalpable; il y mêla deux gros de charbon de bois, 
pulvérifé finement ; il diftilla ce mélange par un feu gradué qu'il rendit 
à la fin très-violent. L'expérience répondit à fon attente ; toute cette 
claffe gypfeufe qui, par la diftillation la pius violente , ne donnoit feule 
qu'un phlegme infipide, rendit alors à M. Maroraff un efprit de foufre 
volaril , & dans le bec de la retorte il s’éroit élevé un foufre effectif. 

M. Lavoifer , dans une excellente Analyfe imprimée dans le cin- 
quième volume des Ménoires envoyés à l’Académie des Sciences de 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 31 


Paris, pat des Savans étrangers , répéta l'expérience de M. Margraff, & 
trouva Jes mêmes réfulrats. Le réfidu dans la cornue , préfentement 
dégagé de fon acide , formoit une véritable terre calcaire; ce que ni 
M. Port, ni M. Macquer n'aurgient pu obtenir auparavant avec le feu 
le plus violent : ainfi la réponfe que M. Macquer croyoit décilive, ne 
l'écoit pas. La raifen pour laquelle , du gyps on ne peur pas faire de la 
chaux , quelque violent que foir le feu , vient uniquement de ce que 
le feu feul n’eft pas capable de dégager l’acide vitriolique qui empêche 
la calcination. 

L'on ne pourra point objeéter que M. Maroraff avoit travaillé dans 
l'expérience citée ci-deffus fur la pierre de Boulogne, & que cette pierre 
de Boulogne contient peut-être des principes différens du gyps. M. La- 
voilier, pour mettre la nature du gyps hors de route efpèce de doute, 
fe fervit d'une méthode qui eft viétorieufe dans tous les genres. Il prouva 
la vériré des principes obtenus par Panalyfe , en les recompofant par la 
finchèfe ; il prit de la terre calcaire & de l'acide vitriolique , & en fic 
un corps qui avoit toutes les propriétés du gyps. 

C’eft donc M. Margraff qui nous fit connoître les vrais principes du 
gyps; c’eft-à-dire, la rérre calcaire & l'acide vitriolique ; maïs il reftoie 
encore un autre mylftère à expliquer , c’eft l’endurciflement du syps 
calciné , lorfqu’il eft mêlé avec de l’eau. 

Ilétoit réfervéà M. Lavoiler de découvrir l’origine de ce phénomène. 
11 montra d’une manière lumineufe que le gyps dans la calcination ne 
perd que fon eau de cryftallifation, & qu’il reprend fa première forme , 
& fe durcit dès qu’on lui rend cetrè mème eau. 

On doit encore à M. Lavoifier la détermination exacte de la quantité 
d’eau qu’il faut pour la diffolution totale du gyps ; il a trouvé qu'il fal- 
loit cinq cents parties d’eau pour diffoudre une partie dé gyps. Aïnfi nous 
favons préfentement que le oyps eft un fel félénirenx entièrement foluble 
dans l’eau. Il refte encore des recherches à faire fur la caufe qui empè- 
che le gyps trop calciciné de fe laiffer durcir par l'eau. M. Lavoifier 
promet de faire des recherches pour découvrir cette caufe : je ne fache 
pas qu'illes ait encore publiées. Comme la folution de cette difficulré 
eft peur-être plus intéreffante que l’on ne penfe, j'effaiérai d'établir 
fur cer objet quelques expériences que je communiquerai à la Société, 
fi elle les en juge dignes. 

L'hiftoire des connoiffances acquifes fur le gyps , nous met en érar*de 
voir qu'il n’y a point de fel alkali, ni aucune partie huileufe & phlooif- 
tique dans le gyps. Le réfidu que M. le Pafteur Mayer a vu faire effer- 
véfcence avec les efprits acides , n'éroïit qu’une tetré calcaire que l’eau 
avoit détachée du gyps, parce que cette terre y étoit contenue--en fur- 
abondance, & en plus grande quantité que l'acide vitriolique ne pou- 
voit farurer. Et fi le gyps contenoit un principe inflammable, M. Mar- 

Nord JU ERET, 


Q 


x, 


32 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


graff n’auroit pas eu befoin d'ajouter ce principe pour dégager l'acide. 
Ce raifonnement paroîtra conféquent à l’Analyfte & au Phylfcien; mais 
peut-être que le cultivateur n’eft pas encore perfuadé , cependanril lui 
importe de l'être : j'ai fait en fa faveur l’expérience fuivante , qu'il pourra 
répéter fans frais, fans inconvénient & fans appareil. 

J'ai pris du nitreque j'ai fait fondre & rongir fur un feude charbons ; 
j'y ai jetté alors par petites portions du gyps brut pulvérifé ; le nitre 
rougi refta dans le mème état, fans s’allumer : fi le gyps avoir contenu 
la moindre parcelle de matière huileufe , le nitre fe feroir allumé avec 
explofon. Des Auteurs eftimables , en indiquant cette mérhode fi fimple 
pour connoître fi une terre contient des parties inflammables , ou non, 
ont omis une circgnftance effentielle pourle cultivateur , c’eft quele ni- 
tre doit avoir été non-feulernenc fondu , mais encore rougi, avant qu’on 
y jette la terre pulvérifée : fans cette précaution , même les charbons 
pulvérifés ne l'allument pas, & le cultivateur tirera une conclufion peu 
jufte de fon expérience. L’on peut faire rougir le nitre dans chaque 
grande cuillier de fer. 

Si le gyps ne contient aucun principe inflammable , ni aucun fel alkali, 
ni fixe , ni volatil , par où donc contribue-t-il fi puiffamment à la végéra- 
tion? Cette queftion eft importante. Peut-être eft-ce une témérité de 
propofer ici mes conjectures ; je ne le fais que pour engager quelque 
Obfervateur plus pénétrant que moi, à les examiner , à m'en dire fon 
avis, & à m'aider dans la recherche dela vérité. 

Je ferai précéder ici mes conjectures de quelques expériences faites 
par un très-habile Phyficien , M. Eller, qui les a publiées dans une 
Differtation fur la formation des corps , inférée dans le IV® volume des 
Mémoires de l’Académie de Berlin. É 

Il a pris de l’eau de fontaine diftillée au bain-marie, dans laquelle il a 
mis des branches d’arbres & des oignons de fleurs ; ces plantes y ont 
végété , grandi & confidérablement augmenté de mafle : après la com- 
bultion de ces branches d’arbres , il a trouvé qu’elles contenoient plus de 
terre qu'avant d’avoir végété dans l’eau : d’où pouvoit venir cette terre ? 
On voit bien que l’eau montant avec rapidité dans les tuyaux capillaires 


des plantes , devoir néceffairement s’y frotter, & par la tranfpiration con- 


fidérable des végétaux , aidée encore de la chaleur , ce frottement devoic 
fe réirérer fouvent. M. Eller foupçonna que l’eau, par ce frotrement, fe 
changeoir en terre : il falloit avoir autant de génie que M. Eller , pour 
foupçonner ainf : il trouva quelques traces obfcures de fon opinion dans 
les écrits de Borrichius (1). Cependant fa propofñtion étoit trop hardie, 
pour n'avoir pas befoin de preuves. Si l'hypothèfe de M. Eller étoit 


(1) Dans fon Traité de Hermetis & Æsyptiorum fapientia. 
vrale 


S'IRITHISTANAMURELILECET LES ARTS 33 


vraie , il devoit pouvoir produire cette métamorphofe par l’art; il devoir 
nous faire voir de cette terre, qui avoit été de l'eau auparavant ; il le 
fic(1),& par la fimple trituration d’une petite quantité d’eau pure dans 
un mortier de verre avec un pilon de la même matière , il obtint en peu 
de minutes une coagulation blanche, vifcide, terreftre, que la conti- 
nuation du broiement convertit dans une efpèce de terre extrèmement 
déliée & fixe. J'ai répété cette expérience de M. Eller avec de l’eau dif- 
tillée , & j'ai trouvé cette tetre , tour comme lui. La fimplechaleur mème 
peut produire ce changement , enfin fa théorie fut mife hors de doute , 
& à l’abri de l’objection que cette terre pouvoit provenir de la pouf- 
fière qui voltige dans un laboratoire, par un grand nombre d'expérien- 
ces très-bien faites par M. Margraff, inférées dans XII° volume des 
Mémoires de l’Académie de Berlin , pour l’année 1756. 

Non - feulement les expériences de M. Eller, mais encore celles de 
Van-Helmont le pere , de M. Woodward & de Rôbert Boyle prouvent 
inconftablement , qu’il entre une quantité de terre confidérable dans les 
végétaux , fans que certe rerre foit fortie du fol dans lequel ces végétaux 
éroient plantés. C’eft fur cette portion de terre fine dontles plantes ont 
befoin pour leur accroiflemenr, fans qu’elles puiffent la tirer du foloëelles 
végèrent, que j'appuie mes conjectures fur la caufe fertilifante du gyps. 

La terre du gyps , extrèmement fine, & encore divifée par l'acide 
vitriolique, ne pourroir-elle pas venir au fecours de la nature ? 
L'eau de pluie ne pourroit-elle pas s’imprégner du gyps qu'on répand 
fur la fuperñcie de la terre, & s’introduire dans les racines des plantes ? 
(Une partie de gyps délayé dans plus de cinq cents parties d'eau eft 
déja plus divifée, dès qu'elle entre en folution , qu'aucun autre fel 
connu , & il me paroït bien probable que par-tout où l’eau peut péné- 
trer ,une diffolurion de gyps pénétrera aufli. L'on connoît d’ailleurs avec 
quelle vireiTe les ruyaux capillaires attirent l’eau; pourquoi ne pourroient- 
ils pas auf bien l’attirer , quand cette eau tient quelques atomes de 
gyps en diffolution ; mais ces particules de gyps chariées peu-à-peu 
par l'eau dans ces tuyaux , aideront l'opération de la nature, par laquelle 
la terre fe forme dans les végétaux, & augmenteront la bafe, la foli- 
dité & la vigueur de la plante ? Les expériences de M. Eller nous font 
voir que le foleil produit une matière inflammable dans la rofée & dans 
l’eau de pluie : eft-ce que cette matière inflammable ne pourroit pas 
s'unir à l'acide vitriolique qui eft dans le gyps, le dégager , & former 
avec lui le principe huileux qu'on trouve dans les plantes ? Il ne refteroic 
du gyps que la terre calcaire qu’on rrouvera aufli dans la décompofñition 
des plantes. Par cette raifon , le gyps me paroît fur-tout convenir aux 


(x) Voyez fa Diflertation fur les élémens , inférée dans le deuxième volume des 
Mémoires de Berlin. 


Tome IV, , Part. 1774 DURPL'LET, E 


\ 


34 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
végéraux qui n’exigent & ne contiennent pas plus de phlogiftique que 
la rofée & l’eau de pluie peuvent leur en fournir. 

Dès qu'une fois l’on eft sûr que le gyps entre dans les plantes mêmes 
& qu'il fait fon effet comme terre fine, ou pourra trouver cette terre 
fine non-feulemenr dans le gyps , mais dans une infinité d’autres fubf- 
tances ; alors il ne fera plus nicoûreux, ni difficile de perfeétionner 
l'agriculture. 

ÎL n'y aura guères de pays & de climats affez maltraïtés par la na- 
ture, pour ne pas pouvoir fournir des fubftances qui contiennent de 
cette terre. 


OS ER VE AT E DONS 


De M. PAZUMOT , fur la réponfe de M. G. P. inferée tome I , p. 429 
fur les Queflions relatives à la Ville de Beaune, dont il à été parle dans 
Le même volume , page 126. , 


M. s1EUuR, la lettre que vous avez publiée , fait également hon- 
neur au cœur , à l’efprit & au mérite du modefte Auteur qui vous l’a 
adreflée ; mais il me pérmettra d’obferver : 

1°. Qu'il n’a point embraffé la généralité de la queftion , & qu'il l’a 
trop fimplifiée, parce qu'il l’a dégagée d’acceffoires très-néceffaires. Il a 
ifolé un fait, fans s’embarraffer de ceux qui y font néceflairement liés. 
J'obferve que l’on n’apperçoit diftinétement de la ville de Baune , les 
montagnes de la Franche-Comté & celles des Alpes (1) que la veille , où 
tout au plutôt la furveille du jour où il doit pleuvoir. 

20. Que lorfque ces montagnes font dégagées de routes vapeurs, & 
qu'on les voit rrès-nettement , on eft sûr d’avoir dela pluie le lende- 
main, non pas feulement une pluie paffagère, mais une pluie qui con- 
tinue pendant un certain tems, comme douze , dix-huit, ving-quatre 
heures , & mème plufieurs jours. 

30. Que ce changement de l’arhmofphère arrive fans que les ‘oi- 
rouettes l’annoncent , que les baromètres commencent quelquefois à 
l'indiquer , & fouvent ils ne l’indiquent point; que la pluie furvient par 
le vent du fud-fud-oueft , fud-oueft , où par celui d’oueft; & que lorfque 
l'athmofphère eft affez préparée , alors les girouetres rournent, & le 
mercure a baiffé. 

4°. Que quand le tems eft décidé au mauvais par ces vents, ils foufflent 
quelquefois pendant plufieurs jours, ème pendant plufieurs femaines , 


(x) C'eft le grand Saint-Bernard que l'on voit, & non pas le petit. 


SUR L'HIST/ NATURELLE ET LES ARTS. 3< 


fans qu’on voie les montagnes ; & que lorfqu’on vient à les appercevoir , 
c'eft un figne certain d'augmentation de mauvais tems. (Il a été très- 
facile de faire ces obfervations pendant tout le cours du mois de No- 
vembre 1773 ). 

Il réfulre de aq articles, que pour donner la folution de cette 
queltion , il ne fufht pas de dire que les montagnes doivent être vifi- 
bles, lorfque les vapeurs font élevées dans la région fupérienre aux mon- 
tagnes & qu'étant alors condenfées , elles doivent retomber en pluie, 
neige ou rofée. L'expofé de ma queltion contient cette réponfe : puif- 
FA j'obferve que quand ces montagnes font dégagées de vapeurs , on eft 

ür d’avoir de la pluie ; mais ce qui forme précifément la queftion , c’eft 
de favoir pourquoi ces vapeurs s'élèvent ; quelle caufe les élève ; s’il eft 
vrai qu’elles s'élèvent, & pourquoi ce changement d'état dans l’athmof- 
phère arrive-t-il fans que les baromètres l’indiquent , fans que les gi- 
rouettes lannoncent ; pourquoi l’un & l’autre effet ont-ils lieu quand la 
pluie eft far le point de tomber , ou lorfqu’elle a commencé à tomber ; 
pourquoi ces pluies arrivent-elles toujours par les vents d’oueft , fud-fud- 
oueft , & ordinairement par celui d’oueft ; pourquoi ces vents foufflent- 
ils quelquefois pendant quelques jours, avec un rems nébuleux , incer- 
tain, varié par des pluies, fans que les montagnes foient vifibles; & 
pourquoi le mauvais téms augmente-t-il infailliblement lorfque ces 
montagnes viennent à être vifibles ? Ainfi , Monfieur , la queftion ne me 
paroït pas tout-à-fair fimple , puifqu’il faut , pour la parfaite folation , 
établir 1°. quelle eft la connexité des vents indiqués avec le nerroïiement 
de l’athmofphère qui laiffe voir les montagnes; 2°. la caufe pour laquelle 
cette variation arrive dans l’athmofphère , fans que les girouettes ni les 
baromètres l’indiquent ; 3°. quelle peut ètre la raifon de la variation du 
vent, qui, lorfqu'il fouffle de left , fud-eft, fud-fud-eft, ne balaie point 
affez l'air , pour que les montagnes foient vifbles , & qui le nettoie au 
contraire lorfqu'il pale à l’oueft, tandis que lorfqu’il fouffle du côté de 
certe partie , 1l chaîfe en avant des vapeurs & des nuages qu'il condenfe 
& qu'il entafle ; enfin qu’elle eft la caufe de la dérermination du vent 
de l’eft à l’oueft. Pour obvier à une difficulté, je dois remarquer que lorf- 
qu'on voit ces montagnes, le ciel eft affez ferein ; il femble indiquer du 
beau tems quand il fait mauvais, & Pair fupérieur paroït tout aufli pur 
que lorfqu’on ne les apperçoit pas. Je ne dis pas pour cela qu'il n’y ait 
aucun nuage. À en juger par la vue , il paroît que les vapeurs fe font abaif- 
fées. L’explication de M. G. P.ne m'a point paru développer ces faits 
phyfiques qui fonc tous énoncés très politivement dans l’expofition de 
ma queftion, Journal de Février , tome LI , pages 146 & 147. J'obfer- 
verai que je n'ai point dit » que la plus ou moins grande vifbilité des 
» montagnes annonce une pluie plus ou moins longue «. 
Vous avez imprimé, Monfieur , dans votre Journal de Février 1773. 
1774 JUILLET, E2 


36 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


page 107, des queftions relatives à la Ville de Lyon , femblables à celles- 
ci, relatives à la Ville de Beaune. Je penfe que la folution des unes 
doit convenir aux autres. On pourroit vous en adreffer qui feroient encore 
de la même efpèce , relativement à Grenoble, & aux divers phénomènes 
phyfiques qu'on y éprouve lorfqu’on apperçoit ; dans certains états variés, 
le grand Saint Bernard , que le peuple appelle /e oz Homme. On pour- 
roit encore vous en adreller relativement à l'Auvergne, lorfque les va- 
peurs fe condenfent dans les vallées , ou lorfque les nuages paroïffent & 
s'accumulent fur les fommets du Cantal, des Monts d'Or, & fur celui 
du Puy de Dôme. C’elt identité de caufe & d’effet; mais une folution 
d’un fait ne répondra pas à ces queltions , fi on les dépouille des ac- 
cefloires. 

A l'égard de la fontaine intermittente de Genêt près de Beaune, il me 
paroît que l'explication de M. G. P......ne fatisfait pas pleinement à 
la queftion. 11 me fémble qu’il doit réfuler fimplement de fon explica- 
tion, que lorfqu'il a fufhifamment plu, la fource doit donner de l’eau , 
mais il ne s'enfuit pas que lorfque cette eau coule, le beau tems doive 
arriver. Ma queftion me paroit claire. J'obferve que » lorfque l'eau 
» commence à couler, c’elt un figne très-certain de la ceffation de la 
» pluie; & je demande quelle eft la liaifon de ce phénomène avec le 
» beau tems « ? Je ne puis difconvenir que Îles grandes pluies doivent 
être fuivies de débordemens; & que quand il a fufifamment plu , le beau 
tems doit arriver. Mais la remarque de cette loi générale n’explique 
point quelle connexité le beau tems peut avoir avec l'écoulement fubir 
d’une fontaine intermittente. Dans l'explicarion de M. G. P......:il 
doit arriver que cette fource doit couler dans le tems même qu'il 
pleut beaucoup , & continuer de couler rant qu'il pleuvra; mais il ne 
s'enfuit pas que fon écoulement annonce le terour du beau tems. 

Ce que j'ai remarqué par rapport à Genèêt près Beaune , me paroît affez 
commun aux ruiffeaux & aux rivières. Je l'ai obfervé quelquefois , & 
mème cette année, relativement aux premiers débordemens de la Seine. 
Nous avons eu à Paris quelques beaux jours , peu après qu'elle a com- 
mencé à être épanchée hors de fon canal , & le beau tems a duré juf- 
qu’au terme de la plus grande hauteur de l’eau, & même lorfqu’elle à 
commencé à décroitre. Si cette obfervation, pour la Seine , ne prouve 
point un effet général & commun à tous les ruifleaux & rivières ,ilne 
s’enfuivra pas moins que l’effer fera particulier à la fource de Genèt, & 
la liaifon de fon écoulement avec l'annonce , & l'apparition du beau 
tems n’en eft pas pour cela plus expliquée. 

Je n’ai aucunes obfervations à faire fur les différens phénomènes 
dont M. G. P....... parle, relativement à la fource d'Engftlen &,au 
puits naturel de l’Ifle au Pays de Vaux. Je me perfuade qu'il voudra 
bien apprécier mes objections, pour donner une folution plus complette , 
qui puife ré(oudre roures les difficultés, Je fuis, &c. 


SUR L'HIST. NATURELLE:ET LES ARTS. 557 


ORSBISUNEE RIVE IAE Te ON: S 


Sür'la Converfibilité de l’eau en terre. 


FE N annonçant, page 390 du III° volume , le Recueil de Differtations 
phyfico-chymiques, publié par M. de Machy (1). Nous nous engageimes 
à en faire connoître quelques-unes. Voici l'extrait de trois Differtations 
que nous rapportons , parce que les fentimens des Auteurs ne font pas 
uniformes fur les deux premiers objets. Cette diverfité engagera peut-être 
à répéter les expériences pour & contre, & à en tenter de nouvelles. 

On fe fouvienr encore du Mémoire dont M. Le Roy fit la lecture 
à une rentrée publique de l'Académie. Ce Phyfcien fe demandoir 
jufqu'à quel point l'opinion de M. Maroraff , fur la converfibilité 
de l’eau en terre prouvoit cette hypothèle. 11 ne faifoit pas diff- 
culté d'attribuer aux molécules pulvérulentes répandues dans l’athmof- 
phère de fon laboratoire, la très petite quantité de terre que lui avoit 
produit par des diftillations multipliées une certaine quantité d’eau. 
M. Margraff , en appuyant lesexpériences de M. Eller , démontroit qu’en 
effet de l’eau très-pure fe converufloit en partie en terre ; M. Valérius, 
Chymilte Suédois, avoit donné pour moyen certain de s’aflurer du fait 
la trituration de l’eau dans un mortier de verre. De ce choc d'opinions il 
écoit réfulté dans l’efprit de M. Le Roy, que le changement d'eau enterre, 
d'une part n’eft pas impoñhble , & de l’autre qu'il n’eft pas fuffifammenc 
démontré par des expériences précifes pour être adopté généralement 
par les Phyficiens. M. Lavoifier quelque-tems après lut pareillement, 
dans une féance publique , une fuite d'expériences, par laquelle il croit 
que la terre qu’on obtient, eft due à l’érofion qui fe fait du verre par une 
très- petite quantité d'acide marin fur-rout, que contient fuivant lui l’eau 
la plus pure (2). 

De fon côte, M. de Machy qui ne néglige jamais l’occafñon de rendre 
juftice à qui il appartient, après avoir fait l'éloge des ralens & du favoir 
de M.ILavoiler, préfente des doutes fur fon travail , doutes dont il 
réfulre que l’expérience de M. Lavoifer x pu être fujette à quelqu’acci- 


. 
(1) On trouve ce Recueil chez Monory, Libraire , rue & vis-à-vis la Comédie 
Françoile. 
(2) Voyez le volume du mois d’Août 1771, page 1, où cette excellente Differtas 


tion cft rapportée dans les plus grands détails, 
" 1774 JUILLET. 


38 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


dent; & après cette obfervarion , il expofe le procédé par lequel il eft 

arvenu à convertir chymiquement une certaine quantité d'eau en terre, 
Il prévient le lecteur des raifons légitimes qui font différer fon refultar 
de celui de l'Académicien auquel il avoit dans le rems communiqué 
fes Obfervarions. 

M. de Machy a fait fouder par leurs cols deux cornues de verre , dont 
une eft tubulée ; dans la cornue non tubulée il a introduit quatre gros 
d’eau diftillée , & il a placé fon appareil dans un bain de fable qu'il a 
chauffé autant qu’il le falloit pour faire bouillir l’eau : lorfque toute fon 
eau éroit paflée dans la cornue tubulée , il la foulevoir , & cette eau 
reromboit dans la cornue non tubulée dans laquelle il la chauffoit de 
nouveau. : 

Il eft curieux de voir que fucceflivement cette eau changeoit de ma- 
nière de bouillir; qu’elle reffembloit à de l'huile bouillante; qu’elle fe 
coloroit; que fa croûte s’épaifliffoit à chaque diftillation. Un accidenc 
arrivé à la feizième, a interrompu l’expérience , & alors il s’eft trouvé 
que d’une part l'eau ne pefoit plus que deux gros quarante-fix grains ; 8 
de l’autre il y avoit quatre grains d’un dépôt terreux, appartenant véri- 
tablement à cette eau, puifque l'appareil de verre n’avoit rien perdu de 
fon premier poids; les vingt-deux grains échappés par la tubulure font, 
faivant M. de Machy, une preuve à ajouter à celles dont nous avons 
fait mention dans le Cahier précédent. On verra dans la Differtation 
elle-même les foins que M. de Machy a pris, pour ne laiffer aucun doute 
fur l'exactitude de fon Obfervation, de laquelle il conclut que l’eau eft 
chymiquement converfible en terre. 


Sur le Bitume de l'Eau de la Mer. 


L'eau de la mer a certainement une faveur amère & nauféabonde, 
Depuis Pline jufqu'à Marfgli & nos plus modernes Obfervareurs, tout 
le monde Phyfcien eft d'accord fur ce point. On ne l’eft pas de même 
far la caufe de certe amertume. L'opinion qu’elle eft due à un bitume, 
eft la plus ancienne. On fe fouvient, entr'autres, de l’opinion que M. 
Monet a renouvellé, dans fa nouvelle Hydrologie, ou Examen des Eaux 
minérales (1). A croit que la préfence du fel d’epfom & des fels à bafe 
terreufe fuffit pour donner à l'eau de mer l’amertume qu’on y remar- 
que; & il fe fonde fur ce que ces fels font les réfulrars conftans de 
l’analyfe qu'il a faite de l’eau de mer dans différens parages. 

M. de Machy examine fi l'opinion, ou plutôt les rmfons de l'opinion 


(1) 11 eft bien effentiel de comparer Les preuves données pour & contre par M, de 
Machy, & par M. Monet, ë 


SUR L'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 39 


de M. Monet & de ceux dont il à adopté l’hypothèfe ; font fondées. 1] 
demande à cet effer pourquoi les mêmes fels , mis dans les mêmes pro- 
portions qu’on les retire d'une quantité donnée d’éau de mer , ne one 
nent pas à l’eau quelconque la faveur amère qu'a cette même eau : d’où 
il conclut qu'il doit y avoir une autre caufe de cette amertume que 
les fels, 

Ilexpofe enfuire comment il voir fe former néceffairement dans l’eau 
de mer une efpèce de bitume qu’il a grand foin d’avertir qu'il ne faut 
pas confondre avec aucun des bitumés concrets ou rapprochés, que nous 
connoïlons. C’eft le bitume formé per minima , & difperfé de même 
dans une quantité immenfe de fluide. 

La quantité de fubftances animales de toute efpèce ; dont le bain de 
la mer eft l'unique féjour , leur deftruétion , leur fécrétion , leur déper- 
dition de toute efpèce , lui donnent une quantité incontéftable de ma- 
tière glutineufe-animale plus ou moins altérée, dont cette eau de mer 
doit être abondamment remplie. Première confidération , 

Cette eau de mer, & c’eft fa feconde confidération , eft effentielle- 
ment chargée de fels déliquefcents & autres , mais dans lefquels l'acide 
marin eft le plus abondant & le plus démontré. Tout fel eft , fuivant 
M. de Machy , dansun étar de folution , & non de diffolurion dans l’eau ; 
& la diftinétion qui fait la bafe de fon efpèce de fyllogifme , eft abon- 
damment développée dans plufieurs de fes autres différtations , & no- 
tamment dans celle qui a pour titre : Recherches [ur le Froid produir , &c. 
page 16. Il obferve que , dans cer état de folution, les fels neutres ont 
leur acide, finon entièrement féparé de leurs bafes , au moins tellement 
difpofés à s'en féparer, qu’ils agiflent en tant qu’acides fur des fubf- 
tances auxquelles naturellement ils ne devroient pas coucher, tant qu’ils 
font unis à des bafes rerreufes ou alkalines. L'action des acides fur les 
matières glutineufes , entr’autres, c’eft de les bituminifer , c’eft-à-dire, 
de leur donner les qualités reconnues dans les bitumes , la lente folubi- 
lité dans lefprit-de vin , la faveur amère, &c. Voilà comme M. de Ma- 
chy conçoit la formation du bitume dans Peau de mer. 

Il s’agit d'appuyer cette théorie par des expériences; & fi la briéveté 
du voyage qu'il fit alors, & le défaut d'appareils ne lui ont pas procuré 
Poccafon de les multiplier, il a cru du moins , devoir aller droît au fait , 
pour celles dont la fimplicité permer qu’on les ile facilement, & il 
penfe qu’elles ne laiffent aucun louche fur les réfulrats. 

A yant fait évaporer une quantité donnée d’eau de mer js à Dieppe 
eù il éroit alors; 1l en a pris le réfidu falin fur lequel il a fait digérer de 
l'efprit-de- vin ,en le verfant fur le fel tout chaud, ear froïd, l’expérience 
n'a pas lieu; fon efprit de vin s’eft coloré & à contracté l’odeur & la 
faveur de teintures bitamineufes; il a fait déflagrer une portion de certe 

1774 JUIEEÉ T. 


40 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


teineure qui lui a laifé un péu de vrai bitume ténace, amer & coloré, 

Par une autre expérience il s’eft affuré que ce bitume devoir échapper 
à ceux qui ne veulent le trouver que dans le réfidu d’évaporation faite 
fans la précaution qu'il indique :1l a mis dans une phiole à médecine fur 
unbain de fable quatre onces d’eau de mer; ila chauffé, & à l’inftant 
où l’eau a commencé à bouillir, il a fait fentir à ceux qui concouroient 
à fon travail, l'odeur qui s’exhaloïit. Tous ont reconnu cette odeut de 
bitume , qui s’eft diflipée promprement, ce qui fert à M. de Machy de 
preuve, non-feulement que l’eau de la mer tient un bitume, mais que 
ce bitume y eft dans un état fingulier qu'il fauc faifir; & que c’eft au 
bitume & à fa manière d’être dans l’eau de mer que cette dernière doit 
fon amertume. Au réfte, dans cer Ouvrage, ainf que dans tous les au- 
tres, M, de Machy paroît difpofé à céder à quiconque fera ou démon: 
trera mieux ou la mème chofe ou le contraire. 


Sur un Phénomène éleétrique. 


Que le frottement fafle naître l’éleétricité dans les corps qui en font 
fufceptibles ; qu’on en éleëtrife d'autres par la communication de ces mê- 
mes corps éleétrifés par le frottement; que certe communication plus 
ou moins fubite, violente ou abondante donne naiffance à des phénomè- 
nes que nous fommes accoutumés à admirer depuis long-tems , on n’en 
eft plus farpris, quoique perfonne ne les ait encore expliqué à la farisfac- 
tion générale. M. de Machy , témoin de ces phénomènes, les ayant fou- 
vent fait naître dans le particulier pour fa propre fatisfaction, fe feroit 
bien gardé de furcharger fon Ouvrage de chofes aufli généralement con- 
nues. L'honnètecé dir qu'il faut fe taire quand on n’a rien de neuf à dire 
fur une matière connue. Cette même honnêteté impofe la loi contraire 
pout les chofes qui font apperçues pour la première fois, quelque petites 
qu’elles foient en apparence. 

L'eau, en s’évaporant de deflus des tiffus légers’, tels que le filer done 
nos Dames fe font tant occupées les années précédentes, cette eau , ou 
devient elle mème électrique , ou eft la caufe que les bandes de filets ont 
des mouvemens qu'on ne peut s’empècher de diftinguer de ceux, que 
leur communiqueroient la chaleur & l’action de l'air qui fe précipite 
dans toute cheminée échauffée. 

Ces bandes fe meuvent régulièrement de droite & de gauche, s’ap- 
prochent, fe féparent , fe tiennent en repos, reprennent leur mouve- 
ment pendant tout le cems que l'eau s’en évapore ; un corps métallique les 
détourne ; enfin elles ont toute la marche des corps légers.éleétrifés par 
communication, Sont-elles sèches , elles n’ont plus de mouvement; au 
fi elles en ont quelqu'un , c’eft celui qui eft déterminé par l'air chaud , 
& qui les attire fous la cheminée, 

Pour 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 41 


Pour fe procurer la fatisfaction de voir ce phénomène, on n'a pas 
befoin d'un grand appareil. Sur une tringle de fer pofée en avant de la 
cheminée, vos y placez vos bandes de filet qui pendent de fept à huit 
pouces ; la chaleur du feu n'a pas plucôc fait naître l'évaporation de 
l'eau dont ce filet doir être imbibé , que le jeu électrique com- 
mence & fe renouvelle , fi on a foin de mouiller de nouveau les bandes 
de filer. 

Un autre fait, que tout Chymilte a dû voir pinens fois; mais que 
M. de Machy annonce le premier , c'eft ce qui fe paile fur les bouteilles 
de verre mince qu’on elt obligé pour certains travaux chymiques de 
chauffer exceflivement dans le fable. 

Ces bouteilles ne forrent du bain de fable que recouvertes de molé- 
cules fableufes ; & à mefure que la bouteille refroidit, ces molécules 
fucceflivement, & jamais routes enfemble s’élancent de la furface de la 
bouteille, en formant un parabole. M. de Machy ne fait pas dificulté 
de comparer cet effec à celui qu’on croyoit appartenir uniquement à la 
tourmaline; & c'eft un bon fervice rendu à la Phyfique , qu'écarter de 
fes phénomènes le merveilleux , & d’aller dans cette fcience, comme il 
paroït que veut marcher M. de Machy, toujours doutant, obfervant & 
comparant, Les doutes de l'Auteur méritent d’être vérifiés & détermi- 
nés par de nouvelles expériences. L'objet eft affez important pour occu- 
per les Phyfciens, 


RER aË ACCES 


Des differens Jentimens des principaux Auteurs qui ont écrit 
‘ Jar lErgor. 


E ES végétaux ne font pas plus exempts que les animaux , des maladies 
capables de déranger où même de détruire leur organifatior. Les acci- 
dens qui furviennent aux premiers pendant qu'ils croiflent, & jufqu’à 
ce qu'ils foient parvenus à une parfaite maturité, font infinis, & fem- 
blent dépendre moins de leur femence ou de leurs racines que de la 
terre, des inrempéries de l’air & de beaucoup d’autres circonftances 
extérieures. La nature intérieure des racines peut être viciée par l’humi- 
dité qui s’y infinue, comme nous voyons que la fanté des animaux elt 
altérée ou confervée fuivant les alimens dont ils font ufage. 

M. Duhamel, ce laborieux & infarigable Académicien , qui a tou- 
jours dirigé fes recherches vers des objets utiles, a confacré à l'examen 

Tome IV, Part. I. 1774. JUILLET. F 


s OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


des maladies des grains le IIIe Livre de fes Elémens d'Agriculture Ces 
maladies font la nielle, le charbon, l’ergot , le grain coulé , le grain 
rerrait, le grain rouillé, le grain avorté, & enfin le bled ftérile, aux- 
quelles M. Duhamel joint encore le bled verfé; accident qui n’eft mal- 
heureufement que trop commun, & qui vaut bien une maladie. Nous 
nous bornerons maintenant à parler de l’ergor. 

L’ergot eft ce grain contre nature , qui fort non feulement de fon en- 
veloppe, mais qui croît encore le long de l’épi en forme de ligne courbe , 
ou à peu-près comme l’ergot d'un coq, d'ou lui vient fa dénomination ; 
tandis que les autres grains font renfermés chacun à part dans une balle, 
recouverts enfuite tous enfemble par l’épi, & garantis de l’action du 
foleil & des intempéries de l'air. 

On rencontre l'ergot fur prefque tous les grains de la famille des 
graminées ; mais il vient le plus communément fur le feigle : fa lon- 
gueur & fa groffeur varient confidérablement. Il y a de ces grains ergo- 
tés qui ont jufqu'à treize à quatorze lignes de long fur deux de large ; 
d’autres au contraire n’ont pas plus de dimenfion que le grain ordinaire. 
Le nombre des ergots fur un mème épi n’eft pas moins indéterminé ; 
c’eft à-peu près depuis un jufqu'à cinq, plufieurs en ont trouvé huit ou 
neuf; mais cette quantité eft extraordinairement rare. 

On appelle cetre excroiflance en Sologne & en Berri, ercor ; & en 
Gatinois , #/ed cornu ; dénomination qu’elle tire de fa reflemblance avec 
les cornes de quelques animaux : au Mans où l’ergot eft fort commun, 
on le nomme ane , & en Bourgogne ébran : on le défigne en Allemagne 
fous le nom de sutter korn , c’eft-à-dire, mère de feigle, à caufe de fa 
groffeur. Bauhin l'appelle fécale luxurians ; Lodicere, clou à lersot , 
clavus filiginis , par l'analogie qu’a fon extrémité arrondie avec la partie 
la plus arrondie des clous de gérofles. L’efpèce d'ivrefle que l’on attri- 
bue à l’ufage du pain dans lequel il entre de l’ergot , a fait donner à ce 
grain le nom de feigle ivre: on l'a encore appellé #/ed farouche, bled 
have, &c. 

L’ergor eft noir au-dehors; fa furface eft raboteufe , & laifle quel- 
quefois appercevoir des cavités & des fentes qui fe prolongent d’un bout 
à l’aurte : fa fubftance intérieure eft farineufe , d’une couleur moins blan- 
che que celle du grain ordinaire : plus certe fubftance s'éloigne du centre 
du grain, plus elle perd fa blancheur ; elle devient rougeâtre près de 
l'enveloppe commune. L’ergot joue dans fa balle, & n’adhère nullement 
à l'épi, parce que n'ayant pas de germe , il n’a par conféquent point 
de filamens qui l’attachent à l’axe. Ce grain n’a point de mauvais goût : 
plufeurs, en le mächant , n’ont éprouvé qu'une fenfation agréable de 
noifette, tandis que d’autres ont reffenti à la gorge une âcreté & une 


À 


inflammation comparable à celle produite par l'écorce du garou. Les. 


SUR L'HIST. NATURELLE ETIES ARTS. 43 


grains ergotés font fpécifiquement plus légers que ceux qui ne le font 
pas: , , 

Il y a tour lieu de préfumer que les Anciens n’avoient aucune connoif- 
fance du feigle ergoté, à moins que l’on ne penfe que le {uxuries vegeturr 
dont parlent Pline & Théophraîte, ne renferme cette excroiflance , & 
que les diflérentes maladies qui affligèrent la France pendant plufieurs 
fiècles, fous les noms de feu facré, mal des Ardens, feu infernal, & 
maladie de faint Antoine ,- ne doivent leur origine qu’à l’ufage du feigle 
ergoté , ainfi que le penfent quelques Auteurs dont nous parlerons 
bientôt. 

Thalius paroît avoir eu en vue de décrire l’ergot, en difant que les 
grains d’un épi de feigle, lorfque les fleurs font tombées, & qu'ils 
commencent à prendre de l’accroiffement , contraétent une maladie 
occafionnée probablement par la trop grande quantité de fuc nourricier 
qui s’y porte; d’où il arrive que l'écorce du grain encore tendre fe brife, 
& que fa fubftance interne s’enfle & fe raréfie extraordinairement : alors 
on voit quelques-uns de ces grains fortir de leurs balles ; ils noirciffenc 
& contiennent une farine d'une confiftance affez épaifle. Telle eft la 
defcription que nous donne ce Phyfcien, de l'origine de l’ergot ; & il 
faut convenir que fon fentiment a été adopté par beaucoup d’Auteurs qui 

ER sé 
ont traité cette matière. 

Gafpard Bauhin s'exprime à-peu-près de la mème manière que Tha- 
lius; & lon ne peut voir fans étonnement que les Botaniftes qui l’ont 
fuivi, n'aient fait aucune mention de cette produétion particulière, étant 
entré dans des détails affez circonftanciés fur 1es agarics, les galles & 
autres excroiffances & corps étrangers aux végétaux. 

L'ergot a exercé l’efprit des Culrivateurs, des Economiftes & des Phy- 
ficiens de ce fiècle ; la plupart perfuadés que l’ufage de ce grain difforme 
produifoit les effers les plus pernicieux, fe font beaucoup occupés à en 
chercher les caufes, & à nous expliquer fon origine : les uns ont attribué 
cette production particulière à une dégénération du feigle ; & ils affu- 
rent avoir conftamment obfervé que les terreins légers & fablonneux 
étoient favorables à la végétation de l’ergot, & que le feigle feimé en 
Mars y étoit plus fujer que celui que l’on feme en automne ; les autres, 
que l'ergot étoit plus commun dans les lieux bas, dans les creux des fl- 
lons, & lorfque l’année avoit été pluvieufe; ceux-ci, qu’il étoic dû à la 
piquure d’un infecte ; ceux-là, que la tranfpiration ceflant, la fève fur- 
abondante qui croupit , faute de circulation , dans les vaiffeaux du grain 
qui commence à fe former, s’accumule , rompt fesenveloppes, & s'allonge 
en excroiflance de figure & de grandeur indéterminées : enfin il yena 
qui ont foupçonné que quelques grains d’un épi qui n’avoient pas reçu 
la pouflière des éramines, & qui conféquemment n'avoient pas été 
fécondés , éroient fufcepribles de prendre cette forme particulière. 

2774 DUILEET. E'z 


44 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


M. Dodart, dans le compte qu'il rendit à l’Académie, des informa- 
tions qu’elle l’avoit chargé de faire au fujet de l’ergot , remarque que 
catte production étoit plus ordinaire dans les années humides, & fur- 
tout lorfqu’après un rems pluvieux , il furvenoit des chaleurs exceflives. 

M. Fagon , premier Médecin du Roi, dit, pour expliquer la généra- 
tion de l'ergot, qu’il y a des brouillards qui gâtent les fromens, & dont 
la plupart des épis de feigle fe défendent par leurs barbes ; que dans 
ceux où cette humidité maligne peut atreindre & pénétrer, elle pourrit 
la peau qui couvre le grain, la noircit & altère la fubftance du grain 

même; la feve qui y circule n'étant plus refferrée par la peau dans les 

bornes ordinaires , & s’amaffant irréguliérement , forme une efpèce de 
monftre qui d’ailleurs eft nuilible, parce qu’il eft compofé d’un mélange 
de cette fève fuperflue avec une humidité vicieufe. 

M. Tiliec, de l'Académie Royale des Sciences, combat cette expli- 
cation de M. Fagon, dans un Mémoire couronné à Bordeaux, & préfenté 
au Roi en 1755. Comment, dit cet habile Obfervareur , les brouiilards 
qui produifent l’ergot dans le feigle, ne produifent-ils jamais certe mala- 
die dans l'orge, dans l’avoine , n1 même dans une quantité de froment 
fans barbe , où l’on ne voit jamais d’ergot ? D'ailleurs les brouillards 
couvrant ordinairement une certaine étendue de terrein, devroient pro- 
duire un effet afez général; & fouvent un épi eft ergoté fans que le 
voifin le foit ; un arpent eft ergoté fans que l’arpent voifin ait fouffert : 
un épi mème n'eft jamais entièrement ergoté. : 

L’Auteur de l’article ergor , dansle Diétionnaire encyclopédique, dé- 
truit le fyftème de l'humidité, parce que, comme il l’obferve, le feigle 
eit ergote dans les années fèches , comme dans les pluvieufes; l’ergot , 
dit-il, n’eft pas une maladie particulière au feigle ; 1l attaque le gramen 
loliaceum , le gramen mycofuros de la plus petite efpèce , & l'ivraie. Ces 
trois plantes font ergotées dans les lieux & les rems fecs, comme dans 
les lieux & les.tems humides. M. Tillet obferve encore à ce fujet , que 
dans un terrein inondé par les eaux de fource, & dans lequel tout le 
feigle qu'on y avoit femé avoit péri , il n’avoit trouvé aucune trace de 
l'ergot dans de l’ivraie qui étoit au contraire très-vigoureufe , & avoic 
fourni des épis très-longs, & porté des grains fort pleins. 

M. Tillet, en examinant une grande quantité de grains de feigle 
ergoté, s'apperçut que plufeurs contenoient un ver à peine fenfible à 
l'œil nud; ce qui lui ft foupconner que l’ergot étroit produit par la piquure 
d’un infecte , lequel fait des grains de feigle une efpèce de galle ou ex- 
croiflance qui commence par le fuinrement de la liqueur contenue dans 
le grain altéré par la rarrière de l'infeéte. Ce favant Phyficien prévient 
cependant en même-tems qu’il a rencontré beaucoup d’ergots dans lef- 
quels il n’a pas apperçu de veftiges d’infectes. 

Quelque vraifemblable que paroille l'opinion de M. Tillec , il s’en 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4$ 


faut bien qu’elle foit généralement admife. M. Bequillet, Avocat & 
prémier Notaire des Etats de Bourgogne, faic plufieurs queftions à ce 
faiec , dans une favante Differtaion qu'il a publiée fur l’ergor, & dont 
nous avons rendu compte dans notre Journal du mois d'Oétobre 1371. 
Il demande, entr'autres chofes, pourquoi, fi l’ergor étoit l'ouvrage de la 
piquure d’un infecte, n°y auroit il jamais d’ergot, ou très-rarement dans 
l'orge, dans l’avoine & dans le bled ? Ne feroit-ce pas, obferve M. Par- 
méntier, Apothicaire Major de lHôtel-Royal des Invalides, par la 
raifon que la balle qui enveloppe ces grains, érant plus compacte, &, 
pour ainfi dire, plus croifée à la partie fupérieure , permet difficilemenc 
aux infectes d'y occafionner l'ouverture capable de favorifer un épanche- 
ment de fuc du grain. 

M. Read, Médecin de l’Hopital de Metz, après avoir rapporté dans 
fon Traité du Seigle ergoté, les faits fur lefquels M. Tillec a fondé fon 
fyftème, préfente les idées que lui ont fourni fes découvertes. Il croir 
pouvoir attribuer la couleur noire de lergot à la réunion des parties les 
plus groflières du fuc farineux , chaflées par l'effet naturel de la fermen- 
tation du centre à la fuperficie, & defléchées enfuite, & prefque brülées 
par le dernier degré de cette même fermentation & par l'aétivité des 
rayons folaires. 

D'ailleurs , cet habile Médecin dit avoir toujours remarqué que l’'hy- 
vernache qui eft un mêlange de vefces & de feigle, deftiné à la nourri- 
ture des beftiaux , contenoit refpeétivement plus d’ergor que le feigle 
femé fans mêlange. 

Dans les tomes III & IV des Savans Etrangers on trouve deux excel- 
lens Mémoires de M. Aymen , fur la nielle, le charbon & l’ergot. Cer 
Auteur, en adoptant le fentiment de M. Geoffroy, prétend que ce que le 
charbon eft au froment, l’ergor left au feigle ; que ces deux vices fonc 
produits par la même caufe, & que dans l'en & dans l’autre , la femence 
eft monftrueufe par un défaut de fécondation. C’eft ce défaut de fécon- 
dation , ajoure-r-il; qui en eft la vraie & unique caufe; car la place du 
germe eft conftamment détruire. M. Aymen a ouvert avec toutes fortes 
de précautions un grand nombre de grains ergotés ; & il a roujours re- 
marqué que le germe leur manquoir. Il a femé plufieurs fois des ergots, 
& il n’en à vu lever aucun. 

M. Read objeéte que M. Aymen n’a probablement voulu établir que 
l'analogie entre le canfes de ces deux malidies, puifqu'il n’en peut 
exifter aucune entre les phénomènes qu'elles nous préfentent; car, com- 
ment pourroit-on comparer la deftruétion rotale que nous offre le charbon 
avec l'accroiffement monitrueux obfervé dans l'ergot ? On aura même 
de la peine à fe perfuader que la même caufe puilfe produire des effers fi 
oppolés : la diverfe nature des vaiffeaux qui compofent la femence, ne 
faffifanc point pour expliquer cette différence ellentielle. En vain, 

774 MUTLLE TT. 


4 OBSERVATIONS SUR IA PHYSIQUE; 


M. Aymen appuie-t-il fon fyftème du défaut de germe conftamment 
obfervé dans les grains ergotés, & de leur défaut de végération , puif- 
qu’il eft pofible , objecte encore M. Read , que le germe développé foit 
enfuite détruit par toute autre caufe , telle que celle des maladies de la 
fève, &c. 

L'Ouvrage de M. Model, premier Apothicaire de l'Impératrice de 
Raffie, & dont M. Parmentier vient de publier la traduction (1), con- 
tient une Differtation très-érendue fur l’ergot, dans laquelle ce favanc 
Chymifte explique tout ce qu'on doit entendre fous ce nom; il expofe 
enfuite les diverfes opinions , tant anciennes que modernes que l’on a 
eu à ce fujer ; ce qu’on a dit pour ou contre la défenfe de l’ergor; enfin 
il examine les caufes auxquelles on a attribué fa malignité , telles que la 
rofée , les brouillards, la nielle, le miellat, l’humidité , le défaut de 
fécondation , la piquure des infeétes ; & il démontre qu'ils n’y ont au- 
cune part. On trouve en outre à la finde cette Differtation , une expé- 
rience que M. Model a faire dans fon jardin À relativement à la forma- 
tion & à la végétation de l’ergor qui pourroit, à ce qu'il me femble, 
lever une partie des doutes qu’on a touchant fon origine. 

M. Model ayant femé, au mois de Mai 1767, dans un endroit parti- 
culier de fon jardin, du feigle d'hyver, à deffein de voir fi, moyennant 
quelques précautions , il pourroit obtenir de l'ergot; il coupa fon feigle 
qui n'étoit pas encore bien haut , & répéra tous les mois certe opéra- 
tion, c'eft-à-dire, dès que l’herbe étoit affez forte pour pouffer des re- 
jettons; par ce moyen, il parvint à avoir de très gros tuyaux. En Sep- 
tembre , il tranfplanta fon feigle : la rigueur de l'hiver & l'humidité de 
l'automne qui l'avoir précédé , joint au printems froid de 1768, ne 
laiffoient guères d’efpoir à notre digne Cultivateur pour faire une bonne 
récolre : cependant, au mois de Juiller , la chaleur s’établiffant, fon fei- 
gle crut à vue d'œil; les tiges principales s’élevèrent à la hauteur de 
cinq ou fix pieds : elles éroient de la groffeur du tuyau d’une bonne 
plume. Les épis qu’elles portèrent , renfermoient jufqu'à cent de beaux 
& bons grains bien pleins : la tige principale avoit fix à fept tiges accef- 
foires moins grolfes & moins élevées, leurs épis ne contenoient guères 
plus de quarante à foixante grains. M. Model avoit eu aufli l’atrention , 
au tems de la floraifon , d'examiner s'il ne pourroit pas appercevoir 
comment l’ergot fe formoit , & à quoi il devoit fon origine. Il coupa 
mème l'extrémité de plulieurs grains encore tendres, dans l’intention de 
favorifer une iffue au fuc du grain ; mais il ne fut pas poñible de don- 
ner occafion à l’ergot de fe former ; cependant fon feigle continuoit de 


(x) Cette traduétion intéreffante, remplie de vues neuves & utiles, fe trouve chez 
Monory , Libraire de fon Altefle Monfcigneur le Prince de Condé , rue de la Comédie 
Françoife. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. à7 


croître & de poulfer des tiges fecondaires. En allant voir, au commen 
cement d’Août, fi ce feigle mürifloic , M. Model fur fort furpris de voir 
plufieurs jeunes tiges fecondaires pouflées & fleuries en peu de jours ; il 
apperçut en même-rems quelques grains ergotés , mais feulement aux 
épis portés fur les riges fecondaires encore vertes. Cette circonftance 
fixa vellement l'attention de M. Model, qu'il eut foin tous les jours de 
vifiter fon feigle, & rous les jours il découvrit de nouvel érgot , cepen- 
dant aux jeunes tiges des rejetrons également fleuris, portés fur des 
tuyaux courts; enfin M. Model conclut de fes obfervations , que l’ercor 
provient de toutes les tiges fecondaires; mais que ces tiges fecondaires 
font l'effet d’une bonne température & d'un terrein excellenr, & font 
par conféquent les préfages d’une abondante récolte. 

Quelle que foit la caufe de la produétion de l'ergot , il feroic bien 
effentiel de conftater les effets qu'il produit, lorfqu’il eft moulu & mé- 
langé dans le pain ; ainfi, après avoir expofé les différences opinions tou- 
chant fon origine | nous allons examiner fi réellement ce grain eft cou- 
pable des effets funeftes qu’on attribue à fon ufage. 11 n’eft fans doute 
perfonne qui ne fache très-bien qu'on cite une foule de faits contre lui, 
ë& que le plus grand nombre des Médecins place l’ergot dans la clafle 
des poifons également nuifibles aux hommes & aux animaux. 

On trouve dans le X° volume des Mémoires de l'Académie, une 
Lettre de M. Dodart, où il eft queftion d'un rapport que fr à cette 
Compagnie M. Perrault, l'un de fes Membres; favoir, que paffanc en 
Sologne , il avoit appris des Médecins & Chirurgiens du pays, que le 
feigle fe corrompoit quelquefois , enforte que l'ufage du pain dans 
lequel il entroit beaucoup de ce grain corrompu , faifoit tomber en gan- 
grène , aux uns une partie, auxautres une autre; & que l’un, par exem- 
ple, en perdoir un doigt , l’autre la main, & l’autrelenez; & que cette 
gangrène n'étoit précédée ni de fièvre, ni d’inflammation, ni de dou- 
leur confidérable; & que les parties gangrénées tomboient d’elles mêmes, 
fans qu'il für befoin de les féparer ni par les remèdes, ni par les inftru- 
mens. On poutroit douter, ajoute M. Dodart, fi ces gangrènes font 
l'effer de l'ufage de ce grain; & fi la corruption du feigle & celle des 
parties ne font pas des accidens également dépendans de la même confti- 
tution de l'air, & indépendans l’un de l’autre. Tout ce qu'il y a de cer- 
tain, c'eft qu'il n’y a que chez les pauvres gens que l’on voit ces-gan- 
grènes dont nous venons de parler, fur-rour dans les années de cherté ; 
& qu'en Sologne, la misère y eft fi grande, que pour fatisfaire à l’appé- 
tic, le habitans mangent les grains de quelque nature qu'ils foienr, & 
ne perdent rien. 

M. Noel, Chirurgien de l’Hôtel-Dieu d'Orléans, eft le premier qui 
foit entré dans quelques détails fur la maladie occafionnée par l’ufage de 
l'ergot. Il mandoit à M. Méri, en1710 ,que depuis près d’un an, il éroic 

774 JUILLET. 


48 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


venu à fon Hopital près de cinquante ; tant hommes que femmes affli- 
gés d'une gangrène sèche, noire & livide, qui commençoir par les orteils, 
fe continuoit plus ou moins, & quelquefois gagnoit jufqu'au haut de 
la cuille ; qu'il n'avoir vu qu'un feul malade qui eût été atraqué à la 
main ; à quelqu'un la gangrène difparoifloit naturellement, & fans qu'on 
y eùt rien fait; aux autres, elle fe terminoit par le fecours des fcarifica- 
tions & des tropiques : 1l y en eut quatre ou cinq qui moururent après 
l'amputation de la partie gangrénée, parce que le mal continua jufqu’au 
terme. 

A-peu-près dans ce tems, l’Académie, toujours attentive au bien pu- 
blic, informa M. le Comte de Pontchartrain far ce qu’elle favoit des 
mauvais effers de l’ergot, afin qu’il eût la bonté d’y apporter l’ordre qu'il 
jugeroit à propos. Le Roi approuva certe attention, & oidonna à ce 
Müiniltre d'écrire à M. l’Intendant d'Orléans, qu’il Fit bien connoïître aux 
Payfans de fa Généralité, le danger extrème dé l’ufage de l’ergot, & 
qu'il les obligeât à bien éplucher leurs grains avant de les faire mou- 
dre. Pour cela, on lui envoya le Mémoire que M. Fagon avoit fait fur 
cette matière. 

M. de la Hire pria en mêème-tems un de fes amis, bon Phyficien , 
qui demeuroit à la campagne, de faire quelques obfervarions fur les ani- 
maux auxquels il donneroit de l’ergot; mais les poules n’éprouvèrent 
aucune incommodité , après en avoir mangé par furprife, & elles ne 
laifsèrent pas de pondre comme à l’ordinaire. 

Le IlI® volume de la Collection académique fait mention d’une gan- 
grène endémique & très-redoutable qui défola lOrléanois & le Blailois 
en 1716, & que l’on attribua à l’ergor. if 

Dans les actes de Leipfck, de 1718 , Nicolas Longius, Médecin de 
Bafle, rapporte aufli à ce grain des effets affreux; & M. de Salerne, 
Médecin d'Orléans, préfenta, l’année 1748 , à l'Académie Royale des 
Sciences, un Mémoire fur les maladies occafionnées par le feigle ergoté. 
Il y détaille quelques expériences qu’il a faites, tant pour. vérifier les 
mauvais effets de ce grain, que pour découvrir lesremèdes propres à guérir 
ceux qui en font ufage. Il donna de l'ergor à un petit cochon mäle, 
qui mourut au bout de quelque rems. M. Read dit avoir répété la même 
expérience, & qu’au bout de quinze jours, fon animal périt dans des 
convullons : l'ayant ouvert, ce Médecin trouva les vifcères du bas-ventre 
gonflés, diftendus, & une tache gangréneufe au foie , d’un pouce de 
diamètre. 

La Société d'Agriculture du Mans ayant appris, en1770, qu'il y avoit 
eu cetre année dans la Province une très grande quantité d’ergor, &, 
péfuadée que ce grain éroir un poifon des plus fubrils , lauroit cru man- 
quer à {es plus effenrielles obligations, f elle ne fe fût empreffée de 
répandre dans rous les cantons un avis fur les moyens les plus se 

es 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4 


les plus faciles de difcerner la nature de l’ergot, & d’en prévenir les 
effets funeltes. Elle chargea en conféqeence M. Veillart, Médecin 
éclairé , l’un de fes Membres, de faire un Mémoire dans lequel l'Auteur 
a décrit la maladie attribuée à l’ergot avec beaucoup d’exaétirude, & 
enfuire une Méthode curative à mettre en ufage , fuivanc les différens 
tems de la maladie. M. Vetillart ne fait pas de difficulté de placer l’er- 
got dans la claffe des poifons les plus terribles. Il expofe les différens 
Îympromes du mal, fuivant fes différens périodes , qu'il divifeen quatre, 
afin d’en rendre la connoifflance & le traitement plus faciles. 

Un Anonyme, dans le fupplément au Mémoire de M. Vetillart , 
avance que tous les fymptomes de la maladie réfultante du feigle ergoté 
ainfi que les remèdes qu'on y a appliqués jufqu'ici avec fuccès, démon- 
trent que cette maladie n’eft autre chofe qu’une fièvre maligne , avecun 
point malinou dépôt aux extrémités ; de même que le mal de gorge eft 
une fièvre maligne avecwun point ou dépôt à la gorge : en conféquence , 
cette maladie étant rangée dans la même claffe des fièvres malignes , il 
indique , pour la traiter, les mêmes moyens qu’on emploieroit en pa- 
reille circonflance ; la faignée , les vomitifs , les véficatoires , l’émérique 
en lavage, des antiputrides , quelques alimens, les boiflons acidules 
font les remèds généraux qu’il recommande : mais , comme cerre Mé- 
thode de l’Anonyme diffère en plufeurs points effenciels de celle que 
M. Vétillart a donnée dans fon Mémoire , M. Mare, Secrétaire de 
l'Académie de Dijon, s’eft déterminé à fondre ces deux Mémoires, & 

à Her fur une colonne la maladie attribuée au feigle ergoté , de 
açon que tous les accidens font décrits avec précifion, fuivant l’ordre 
des tems où ils paroiffent. Ce favant Médecin a traité enfuite fur une 
autre colonne accolée à la première , la méthode à fuivre dans chaque 
période de la maladie; & il à raffemblé à part routes les formules des 
remèdes indiqués dans les deux tableaux annoncés. Tel eft le plan que 
M. Maret a jugé le plus convenable pour produire l’effet qu'on doit 
attendre d’une defcription des maux qui peuvent fuivre , à ce qu’on pré- 
tend , l’ufage de l’ervot & de ARR HA des remèdes capables de les 
diminuer ou de les guérir. Il eft conftant que les moins éclairés en Mé- 
decine n’auront qu’à jetter un coup-d’œil fur ces tableaux pour favoir , à 
l'afpet du malade, ce qui leur convient de faire; &, qu’à leur aide, 
on n'aura pas la plus légère méprife à redourer. 

M. Read divife le Traité qu'il a donné fur le feigle ergoté, en trois 
Parties : dans la première, il donne la defcription de l’ergot ; il examine 
les différentes caufes qu’on lui attribue ; il propofe, d’après les Auteurs, 
les moyens de le prévenir , autant qu'il eft poflible ; dans la feconde , il 
rapporte les experiences qu'il a faites fur le feigle ergoté ; il joint les 
effets de ces grains fur les animaux domeftiques : la troifième Partie 
enfin contienc les différentes maladies attribuées à l'ergor, leur nature 

Tome IV, Parc. I. 1774. TULETLET UN G 


#0 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


& le traitement qu’elles exigent. Ce traitement eft à-peu-près analogue 
à celui mentionné ci-deflus. ! 
Cependant, fi beaucoup de Savans condamnent l’ergot , de grandes 
autorités le juftifient. M. Schleger, Confeiller-Aulique , & Médecin du 
Landgrave de Heffe-Caffel a publié un Ouvrage qui contient des expérien- 
ces capables de raffurer le Public fur les effets du feigle ergoté; M. Model 
qui difculpe l’ergot des maux dont on l’accufe; prétend que beaucoup 
d'Auteurs qui ont écrit fur les maladies énoncées ci-deflus, ne paroif- 
fent pas être fuffifamment convaincus de la qualité malfaifante de l’ergor, 
puifqu'ils citenr en même-rems beaucoup d’autres caufes , qui feules 
étoient bien enétat de produire ces maladies épidémiques ; telles font 
la difertte , la cherté & la famine que les pauvres gens éprouvoient : 
les pluies froides , la rofée mal-faine, les brouillards , &c. Ce célèbre 
Chymifte ajoute que fi toutes ces circonftances peuvent influer furla mau- 
vaife qualité des alimens, & fur les fuites fâcheufes qui peuvent en 
réfulter ; nous fommes bien injuftes de taxer toujours l’ergor d’en être 
caufe ; d'autant mieux qu'il prétend que prefque toutes les accufations 
formées contre ce grain difforme ne font abfolument fondées que fur 
des ouïs-dire ; & que la plupart du tems, celui qui traite le malade qui 
fe dir incommodé pour avoir mangé de l’ergot; ne conftate jamais fi 
réellement la chofe eft certaine ; enfin, dans l’idée que l’on eft commu- 
nément, que l’ergor eft très-pernicieux, on ne fonge nullement à exami- 
ner s'il ny a pas dans le feigle lui-même quelqu’autre caufe capable % 
produire les effets terribles que l’on impute à l'ergor. 
M. Parmentier rapporte dans les Differtationsqu’il a ajoutées aux ré- 
créations de M. Model (a), une obfervation fur une efpèce d’épidémie 
occafonnée par du feigle oâté , dans quelques Paroiïfles du Bas- Anjou. 
en 1770 & 1771.Cette obfervation mérite d’autant plus d’attention que 
l'efpèce d'épidémie dont il y eft queftion , a beaucoup d’analosie avec 
celle que l’on attribue à l'ergor. M. Parmentier dit même avoir fair gâter 
exprès du feigle pour le donner enfuite à manger à des animaux; & qu'il a 
remarqué des effers qu’on n’auroit pas manqué d'attribuer àl’ergor, s’il ne 
s'éroitbien affuré auparavant que fon feigle n’en contenoit pas un atome. 
Les Auteurs, qui accufent l'ergor d’être nuifible , ne font pas d'accord 
fur fon degré de malignité. M. Tillet penfe qu'il en faut une très- 
grande quantité pour incommoder, Nicolas Langius affure qu'il y a des 
p-rfonnes à qui 1l fair plus de mal qu'à d’autres : enfin il y en a beaucoup 
qui prétendent que l’ergor eft pernicieux , fuivant les années ; d’autres, 
qu'il l’eft perpéruellément. Tous conviennent cependant que l'ergor celle 


(1) On trouve cet Ouvrage chez Monory, Libraire, rue de la Comédie Fran- 
çoile ; & ce font les réflexions de l'Auteur qui nous ont engagé à publier ce rableau 
de comparaifon, 


SURI HIST NATURELLE ETLES ARTS. , 


d’être malfaifant au bout d’un certain tems; circonftance bien favorable 
pour fa juftification. 

M. Model donne dans l'Ouvrage dont nous avons déja parlé, l’exa- 
men chimique de l’ergot, il le compare enfuite avec celui du feigle ; 
mais l’un & l’autre ne lui offrent aucune différence : c’eft même à cette 
occafon , qu'ayant porté fes vues fur la matière glutineufe du froment , 
il en a déterminé le premier la nature , en établiffant que le principe 
alimentaire des farineux étoit l’amidon ; vérité que M. Parmentier a 
mife dans le plus grand degré d’évidence. 

Sans chercher la véritable origine de toutes les accufations formées 
contre l’ergot, M. Parmentier donne le détail des expériences qu'il a 
faites pour connoître par lui-mème les véritables propriétés de ce grain 
difforme , & après avoir mêlé de l'ergot au manger d'animaux domefti- 
ques de routes efpèces , il n’a rien apperçu qui occafionnät le moindre 
dérangement , il s’eft lui-même foumis à l'expérience ; & l'ufage qu'il fit 
pendant huit jours d’un demi-gros d’ergot , tous les matins , ne l'incom- 
moda nullement. À 

M. Parmentier eft bien éloigné cependant de prétendre que l’ergot 
puilfe équivaloir au bon grain, mais il croit pouvoir aflurer qu'il s’eft pas 
malfaifant , comme on l'a avancé avec tant de confiance. Quelqu’abon- 
dant qu'on le fuppofe dans les récoltes, il n’eft jamais en aufli grande 
quantiré que M. Parmentier l’a employé dans fes expériences; &, mal- 
gré que le nombre de ce grain ergoté foit indéterminé dans chaque épi où 
on le rencontre , il va rarement à plus de quatre & cinq. M. Schleger dit 
que fur une mefure de feigle , du poids de deux cents vingt à deux 
cents quarante livres ; l’on ne peut rencontrer ordinairement que depuis 
une once & demie jufqu’à deux onces & demie tout au plus d’ergot; 
attendu , continue ce favant Médecin, que les grains ergotés tombent 
en partie dans les champs. 

On trouve des réflexions très - fages fur l’ergot dans l'Ouvrage de 
M. Model. Les obfervations qu'y a jointes fon Traducteur , confirment 
de plus en plus le fentiment du Chimifte modefte de Pérersbourg, & 
prouvent combien les grains nouveaux font malfaifans ; qu'un fruit pris 
à l'arbre a une faveur différente, & produit d’autres effets que quand 
on attend quelques heures pour le manger. 

M. Parmentier voudroit donc que lorfque le malheureux habitant de 
la campagne eft forcé de faire ufage de grains nouveaux, au lieu de lui 
indiquer à féparer par le crible une fubftance qui ne fauroic nuire , on 
lui recommandât derles faire fécher à la chaleur du foleil, à celle de 
fon four ou d’une étuve. 

Enfin , il n’eft plus guère poffible, d’après les expériences précifes & 
mulripliées , expofées d’une manière claire & détaillée dans les Récréa- 

1774 JUILLET. G 2 


s2 OBSERFY ATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


tions phyfiques , économiques & chymiques, de regarder l’ergot 
comme coupable des maux affreux dont on l’a chargé jufqu’à préfent ;, 
mais M. Parmentier penfera bien qu'il n'y a qu'une fuite de fuccès 
répétés , qui puifle détruire entièrement des préjugés accrédités par 
des noms refpeétables, tant en France qu’en Angleterre & en Alle- 
magne : aufli ce Chymifte fe propofe-t-il de reprendre dans la faifon. 
favorable cecobjer, & de le fuivre avec toute l'attention & l'exactitude 
due à fon importance. 


M EMI O LETTRE 
Sur la Mine de Fer cryftallifée de l’Ifle d’'Elbe: 


Par M TRoNSSonN Du CouDRAI. 


Dr routes les mines de fer connues, je ne crois pas qu'il y en ait une 
plus digne que celle de l’Ifle d’Elbe, d’intéreffer à la fois le Minéralo- 
gifte , le Métallurgifte, & celui qui , fous le nom générique de Natura= 
life, fans fe fixer aux productions particulières de la nature , s'attache à 
en envifager les rapports généraux. Je ne connoïs aucun Auteur qui ait 
donné une defcription détaillée de cette mine fingulière à tant d'égards. 
Je vais tacher d’y fuppléer d’après la manière dont je l'ai obfervée. 

Rien n'eft plus commun que delire & d’entendre dire que ?Ifle d’Elbe: 
eft toure de fer, ou tellement chargée de la mine de ce-méral:, qu'on ne 
peut faire un pas fans en rencontrer. On ajoute même que la bouffole 
perdant fa direétion aux approches de cette Ifle , les Navigateurs ne: 
voguent plus qu'à l’aventure, f la lumière du jour ne vient à leur 
fecours. 

Les Voyageurs & les Auteurs n’ont peut-être jamais rien avancé de 
plus fabuleux. Il s’en faut beaucoup que l’lile d’Elbe foit toute de fer. 
La mine de ce métal y eft fans doute abondante ; mais feulement dans 
un certain canton, comme on va le voir. Dans les autres , on trouve des: 
terres, des empreintes ferrugineufes qui décèlent à la vérité la matière 
du fer , mais à peu-près comme on en rencontre dans des endroits fans. 
nombre , qu'on ne regarde pas pour cela, comme des pays de mine de 
fer. Car on fait que rien n’eft plus commun par-tout que ces légers indi- 
ces ferrugineux. . 

Quant à ce qu'on raconte de la bouflole , rien n’eft plus abfurde. Le 
fer & l’aimant n’agiflent pas l’un fur l’autre à de pareilles diftances ; & 
ce qui détruit encore plus cette fable ridicule, c’eft que la mine de l'Ile 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3 


d’Elbe, comme je le dirai par la fuite, n’eft pas attirable à l’aimanr. 

Il n’y a dans route l’ifle d’Elbe qu’une feule mine de fer exploitée, 
Rien n'indique, & l’on n’a pas mémoire qu’il y en ait jamais eu d'autre. 
Elle eft fituée fur la côte qui regarde le levant, & qui borde le canal de 
Piombino, par lequel l'Ile d’Elb: eft féparée de l'Italie. 

La montagne qui borde cette côte , préfente réellement des morceaux 
de mine de fer à chaque pas , non à la furface de la terre qui eft recou- 
verte prefque par tout de plufieurs pieds de terre rougeâtre vépérale, 
mais dans tous les endroits où l'action des pluies ou de la mer a détaché 
& entraîné certe terre, ou roulé des pierres. Les rochers qui forment le 
rivage fur cette côte font tous fillonnés de veines ferrugineufes , entre- 
mêlées de quartz quelquefois blancs, quelquefois colorés en rouge > 
quelques-unes même de ces roches paroïlfent être des mafles de mine 
aflez pures. Ces rochers , ces pierres roulées dans les ravins font quel- 
quefois des fchiftes, mais généralement ce font des pierres de certe 
efpèce , qu’on nomme pierre à rafoir , qui appartient bien au genre des 
fchiftes, qui doit, comme eux, fon origine à l'argile, mais qui fair 
une claffe diftinéte de celle des pierres fchifteufes proprement dites. 

Affez fréquemment on rencontre dans cette partie de l’Ifle , & même 
à plufieurs lieues de la montagne dont je parle, des morceaux, des blocs 
même de cette pierre, qui annoncent avec quelle prodigalité la nature à 
répandu la matière du fer dansce canton. Quelques-uns font tout gerfés, 
& portent dans leurs fentes des imprefions noirâtres , femblables à ces 
fortes de végétarions figurées que laifle roujours un fluide preffé entre 
deux furfaces qui s'appliquent l’une contre l’autre, Quelques-unes de ces 
végétations font brillantes ; parce qu’elles font formées par des filtra- 
tions de mica; mais le plus fouvent elles font brunes , & ne font autre 
chofe que de l’ochre figuré. Il ÿ a de ces pierres qui ne font point gerfées, 
qui font d’un grain très-compaéte , & qui dans toute leur épaiffeur , por- 
tent de ces fortes de végérations ferrugineufes qui alors font très-petites 
& reffemblantes à de la mouffe. 

C'eft généralement la pierre à rafoir qui domine dans toute l’Ifle 
d'Elde. Elle fe montre à plufieurs degrés de perfection & de dureté. Sur 
le rivage & dans les fonds elle paroît ordinairement comme une argille 
blanche & rrès-fine qui commence à fe durcir, & par gradation certe 
pierre fe trouve devenir pierre à rafoir très-dure & très compacte. Dans 
les fonds & fur les petites montagnes , les bancs de certe pierre fonc 
affez horifontaux ; mais fur le fommer des montagnes les plus élevées , 
qui femblent avoir été formées Dar anciennement, & que par cetre 
raifon quelques Naturaliftes appellent montagnes primitives, les conches 
deviennent prefque perpendiculaires, de manière à faire croire que tout 
ke corps de ces montagnes a fait un quart de révolution, en tournanx 

2774 JU EDEN. 


s4 ' OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


verticalement fur lui-même, J'ai obfervé conftamment cette perpendi- 
cularité dans les couches des hautes montagnes de l’Ifle d’Elbe , ainfi que 
dans celle de Corfe, lefquelles, chifteufes pour la plupart, préfentent 
fort fouvent des feuillers perpendiculaires ou prefque perpendiculaires, 
conrournés quelquefois comme les filamens ligneux qui compofent ce 
qu'on appelle les nœuds d’un arbre. Cet ordre perpendiculaire , fur-tout 
lorfqu’il eft joint à ces direétions ondulées, eft fans doute ce qu’il y a de 
plus difficile à expliquer dans la formation des montagnes. Auf ne 
prétends-je pas en rendre raifon, & n’en parlai-je que relativement à 
la mine que je décris. 

La montagne où fe trouve cette mine , doit être regardée comme une 
montagne fecondaire , tant par rapport à fon élévation qui eft tout au 
plus de cinq cents pieds, que pat rapport à fa difpofition. On n'y voit 
point de ces rères de rochers qui annoncent un noyau très-anciennement 
formé & mis à nud par la chüte des pluies , la fonte des neiges & l’action 
du vent dans une immenfe révolution de tems. Elle eft route recou- 
verte d’un amas de terre végétale qui femble régner uniformément fur 
une épaiffeur confidérable, Si l’on en jugeoit par les ravins où elle fe 
montre allez conftamment fur des épaiffeurs de quinze à vingt pieds, on 
pourroit croire que la montagne en eft généralement formée. Mais l’en- 
droit où l’on peut le mieux juger de la compofition de cette montagne, 
c’eft celui où l’on exploite la mine; carelle eft entamée dans cer endroit 
fur une hauteur de plus de quarante-cinq toifes par échelons. On ne voit 
à nul ordre conftant, point de couches réoulières & fuivies : tout an- 
nonce les culbates & le défordre. On voit des lits brifés & inrerrompus 
tantôt de fable, tantôt de roche grife , tantôt d’argille , tantôt de pyrites , 
des dépôts d’ocres de toutes couleurs, des maffes de mine de fer entre- 
mèêlées fans aucune fuite, fans aucun arrangement. C’eft l’image d’un 
cahos épouvantable, On ne peut $’empècher de croire que tout le corps 
de la montagne a été entièrement renverfé par l'effet de quelque grande 
explofon , dont les tas des pyrites qu’on rencontre fréquemment , le 
foufre qui fe montre dans les crevalles, & les amas deinine de fer au- 
ront aifément fourni la matière. 

Ces explolions, ces culbutes qu'il eft difiicile de ne pas admettre dans 
la plupart des montagnes , font ici démontrées par des monceaux de fco- 
ries , qu’à leurs fouflures , à leurs fraétures on eft forcé de reconnoître 
pour des matières métalliques & des terres vitrifiables , fondues enfem- 
ble. Elles fe rencontrent à chaque pas ; elles varient de couleur & de 
confiftance , felon la nature & les proportions des matières qui font 
entrées dans leur compofñition, & le degré de feu qu’elles ont efluyé. 

Toute la malle de la montagne , au moins dans l'endroit où fe faic 
Vextraction de la mine, ayant donc été culbutée par ces grandes explo= 


S'URNL'HIST: NATURELLE ET LES ARTS. ÿs 


fions ; les matières métalliques y font dans un défordre égal à celui des 
matières cerreufes. La mine n'exifte point par filons, mais par blocs plus 
ou moins confidérables , qui fe montrent à différentes profondeurs , qui 
commencent , qui finiffent fans aucun ordre, fans aucune continuité , 
comme les autres matières qui forment en cet endroit le corps de la 
montagne. 

Ces maffes préfentent la mine dans différents états. 11 n’eft peut-être 
pas au monde d’exemple de plus d’efpèces de mines de fer réunies dans 
un mème endroit ; mine en roche grife , noire , mine de fer fabloneufe, 
mine de fer limoneufe, mica , ochres de toutes nuances , manganèfe , 
hématite , mine cryftallifée. J'y en ai vu de toutes les efpèces , excepré 
la mine de fer blanche , telle que celle d’Alvare en Dauphiné, & la 
mine fpéculaire. 

Mais la plus abondante de toutes ces efpèces , c’eft la mine cryftallifée; 
les autres ne paroiffent que fes décompofirions. Cette mine, qu’on pré- 
tend unique en fon efpèce, & abfolument particulière à l’Ifle d’Elbe , 
offre des variétés à l’infini, tanc pour la forme que pour la couleur de fes 
cryftallifations. L’efpèce la plus ordinaire eft celle qui eft cryftallifée en 
forme de pyramides ou d’aiguilles entailées les unes fur les autres, fans 
angles ni fens dérerminés , & formant cependant des maffes raffem- 
blées. Cette mine eft d’une couleur grife , comme le fer en gueufe, & 
brille à-peu-près du même éclar, 

L’efpèce la plus commune après celle-ci, eft la mine cryftallifée en 
boutons : ces boutons font ordinairemenr taillés en pointes de diamant; 
quelques-uns font courts , d’autres font allongés & forment des prifmes 
de routes les formes. Ils font ordinairement d’une groffeur médiocre. Il 
gneft cependant d’aufli gros que le doigt , comme il y en a d’une peti- 
tefle imperceptible. 

Après cette efpèce viennent les cryftallifations feuilletées ou en écail- 
les : ces écailles font implantées les unes fur les autres , felon différens 
fens. Elles forment cependant aflez ordinairemenc des fuires d’une éten- 

@ue plus ou moins grande , qui paroïffent naître d’une même bafe. On 
trouve des gâteaux de cette forte, de toute grandeur : il y en a des roches 
entières. Ces gâteaux portent des cryftallifations , non-feulement tout 
autour de leur fuperficie , mais encore dans toutes les cavités qui peuvent 
fe rencontrer dans leur épailleur. Le volume des cryftaux eft ordinaire- 
ment proportionné à l'étendue des cavités où ils exiftent, & où vrai- 
femblablement ils fe fonc formés. 

Ces deux dernières efpèces de cryftallifations n’ont point de couleur 
déterminée ; Le plus ordinairement elles ont la couleur & l’éclar de l'acier 
poli ; mais fouvenc elles font colorées en verd , en rouge , en noir, en 
jaune , en brun , en bleu, en violet de routes les nuances : quelquefois 

1774. JUILLET. 


s6 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


le quart fe mêle à ces cryftallifations métalliques , & il en adopte les 
couleurs. On voit de ces morceaux qui paroillent être l’affemblage de 
toutes les pierres précieufes, & offrir à l'œil enchanté l'apparence des 
topazes , des émeraudes, des rubis , des diamans & des faphirs réunis. 
Tout cela cependant n’eft que du fer coloré par des vapeurs phlogifti- 
ques , comme on le verra par la fuite. 

Ces cryftallifations ne confervent pas long-tems leur éclat, quand 
elles font expofées à l'air, elles fe couvrent d'une petite rouille rou- 
geâtre ou jaunâtre , qui d’abord eft peu adhérente, & qui , lorfqu’elle 
eft efluyée , laiffe à la cryftallifation cout fon brillant. Dans les cabinets 
où on les garantir de la pouffière & de l'humidité , ce brillant fe foutienc 
infiniment plus long-tems; mais à la longue , mème dans les cabinets , 
il difparoît ; & ces curiolités naturelles ont le fort des ouvrages où l’art 
emploie la même matière, & auxquels il a donné le même éclat ; la 
rouille les détruit. 

Outre la propriété d’être cryftallifée, la mine d’Elbe en a d’autres qui, 
fans lui ètre abfolument particulières , fervent cependant à la caraété- 
rifer : elle eft d’abord d’un poids plus confidérable que toutes celles que 
je connois ; elle paroïît à la main avoir la pefanteur du fer, comme elle 
en a l'éclat : elle eft cependant d'une pefanteur aflez inférieure à celle de 
ce métal, puifque dans l’eau elle perd plus d'un fixième de fon poids, 
tandis que le fer n’en perd qu’un feptième au plus. 

Sa dureté eft très-prande , lorfqu'elle eft en mafle compacte , & lorf- 
qu’elle n’a pas effuyé l’action du feu. Quand elle eft cryftallifée, elle 
doit fa fragilité aux intervalles que laïffent entr’elles les cryftallifarions. 

Elle fe préfente prefque toujours pure , c’eft-à-dire , fans être aflocice 
à des matières terreufes ou métalliques étrangères ; fenfibles à l'œil, & 
tellement confondue avec elles, qu’on ne puilfe les féparer que par Le 
bocard ou par le feu. La feule efpèce de ces dernières qu'on y rencontre, 
font des marcaflites cuivreufes qui y exiftent quelquefois en grouppes 
allez confidérables , mais rarement mêlées avec la mine de fer , de ma- 
nière à ne pas en être féparées avec le marteau feul, 

Le quartz s’y rencontre beaucoup plus fréquemment ; & il eft que 
quefois mêlé avec elle en ramifcations fi déliées, ou en cryftallifations 
fi menues, qu’on ne peur les féparer que par le feu. 

La pierre à rafoir, & le fchilte s’y mêlent aufi quelquefois, mais 
très-rarement. Je n’y ai jamais rencontré de fpaths, ni de pierres 
calcaires. 

Dans les grillages en grand où j'ai aflifté, & dans ceux que j'ai fait 
faire exprès, je n'ai jamais fenri d'odeur qui décelât la préfence de l’ar- 
fenic , mais bien celle du fouffre, & quelquefois même en fi grande 
abondance, qu’elle eft infoutenable, & qu'elle oblige les ouvriers à 
fortir de l’atrelier, 


C'eft 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 7 


C'’eft donc finguliérement par le foufre que le fer eft minéralifé dans 
la mine d’Elbe : peur être les acides vitriolique & marin y entrent-ils 
auf comme minéralifareurs, ain que je le dirai plus bas, en parlant 
des couleurs de cerre mine. 

On imagine bien qu'érant aufli chargée de {oufre , elle eft très fuf- 
ble, lors mème que les grillages qu'il faut lui faire fubir pour la traiter, 
l'ont délivrée de la plus grande partie de ce foufre. 

Les acides, aidés mème de la chaleur, n'ont point d'action fur elle, 

L'aiman n’en a pas davantage 

Télles font les propriétés remarquables de la mine d’Elbe : la plus 
fingulière de toutes fans contredit, c’eft la cryftallifarion & cer éclat mé- 
tallique qui lui font particuliers. Certe propriété ne peut sûrement être 
attribuée à ce que la matière du fer entre feule, ou prefque feule dans la 
compolition de cette mine, puifqu'on a vu que le fouffre l’a minéralifé 
fi abondamment, & qu’on verra par la fuite que fon produit en fer eft 
inférieur à celui de certaines mines qui n’ont aucun éclat métallique , 
telles que la mine d’Alvare en Dauphiné , la mine blanche de Sybérie, 
& même certaines mines ordinaires en roche grife. 

J'ofe croire qu’on peur l’attribuer à ce que cette mine eft formée de 
fubftances plus analogues , & peut-être aufli plus pures en elles-mêmes, 
& fur-tout combinées avec affez de lenteur, pour que les molécules 
compofantes aient eu toutes la liberté d’obéir à la rendance qu’elles ont 
de s’unir par de certaines forces plutôt que par d'autres. 

Car je penfe que l’on peut concevoir la minéralifation, comme on 
conçoit La cryftallifation, & faire à cette opération par laquelle la nature 
combine des minéraux, l'application des favantes théories que l'illuftre 
M. Macquer nous a donné dans les articles cry/£allifation > pefanteur , 
affiniré, & autres de fon admirable Dictionnaire de Chymie , où il traite 
de la manière dont en général les principes des corps fe combinent. 

La minéralifation étant ainfi conçue , il me paroît qu'on peut expli- 
quer d’une manière aflez probable , comme il fe fait que la mine d’Elbe 
foic cryftallifée ; comment elle eft fi compaéte ; comment, ayant une pé- 
fanteur fi approchante & tout l'éclat de ce métal, il fe fait cependant 
qu’elle foi inférieure en produit à beaucoup de mines qui n’ont pas , à 
beaucoup près , des apparences fi riches. 

Il fuffic pour cela, ce me femble , de confidérer que le foufre étant le 
minéralifateur de cette mine , & cette fubftance ayant une très forte 
analogie avec le fer, fes molécules font dans le cas de fe combiner très- 
facilement & rrès-intimement avec celles de ce métal, fi les circonf- 
tances favorifent cetre combinaifon. 

D'après cette confidération , & d’après les obfervations précédentes, 
on peut croire, 10. que la mine, ou le tout qui réfulera de la combinai- 

Tome IV, Part. 1774, JUILLET, H 


‘ 


58 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


fon du foufre & du fer, fera dans le cas d'être très-compaéte, très- 
pefant & capable mème d’une eryftallifation régulière , & qu'il aura ces 
propriétés à un degré d’autant plus éminent que la combinaifon fe fera 
faite avec plus de lenteur , & avec moins d’obftacles. 

2°, Que cetre mine devant fa pefanteur à l’union intime des fubftan- 
ces qui la compofent , bien plus qu’à la pefanteur particuliere de cha- 
cune de ces fubftances , on ne peut rien conclure de fa pefanteur, pour 
déterminer fes richeffes métalliques. 

3°. Que les srillages auxquels on expofe la mine pour la délivrer de 
fon foufre , lui laiflant toujours une portion confidérable de ce foufre ; 
& cette fubitance érant un fondant de fer extrèmement puiffant, la mine, 
après le grillage même , gardera encore une grande fufbilité , toujours 
proportionnée à la quantité de foufre que les grillages y auront laiffé. 

4°. Que cette mine fera inatraquable aux acides jufqu’à ce qu’elle ait 
été privée de fon foufre , au moins dansune certaine proportion , parce 
que le foufre étant inattaquable aux acides, défend contre leur aétion 
les molécules métalliques qui y feroient fujertes. 

5°. Que l’aimant, n'ayant point d’action fur le foufre, n’en aura pas 
non plus fur cette mine, tant que fes molécules métalliques feront en- 
veéloppées par cette fubftance. 

6°. Que lorfque le feu aura diffipé une certaine portion du foufre de 
certe mine , elle deviendra caffante, de dure qu’elle étoit, parce que le 
foufre n’aura pu fe dégager , fans laifler des interftices qui aétruiront la 
compacité , l’union des parties. 

7°. Que le foufre étant fufceprible de recevoir une grande variété de 
couleurs de la part du phlogiftique avec lequel il a une très grande affi- 
nité, & qui eft mème une de fes parties conftituantes , portera cés cou- 
leurs dans la mine où il fe trouve exifter abondamment. 

Je ferois cependant fort d’avis que le foufre & le phlogiftique ne font 
pas les feules caufes des couleurs de la mine d’Elbe. Je croirois volon- 
tiers qu'une partie de ces couleurs font dues à l'acide vitriolique & à 
l'acide marin, dont les analyfes de M. Sage nous obligent à reconnoître 
la préfence dans plufieurs mines, comme minéralifareurs ; étant d’ail- 
leurs démontré par des expériences journalieres que le fer diffout par ces 
acides adopte différentes couleurs. 

Quelques perfonnes qui ont entendu parler du fer natif, & qui ont 
ouï dire même que des Curieux en avoient de l’Ifle d'Elbe , ou à qui on 
en a montré d’ailleurs, feront peut-être éronnés que dans l'énuméra- 
tion que j'ai faire des différentes efpèces de mines de fer qu'on ren- 
contre dans cette fameufe minière, je n’aie point cité le fer natif. 

Quoique j'aie examiné avec grand foin les matières différentes qu’on 
y trouve, je ne puis aflurer qu'il n’en fera pas échappé plufeurs à mon 


SUR Ll’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. $9 


attention, lefquelles feront rencontrées par ceux qui fe porteront fur les 
lieux ; mais j'ofe croire que Le fer natif ne fera pas de ce nombre. 

S'il y a cependant une mine an monde où l’on doive efpérer d’en ren- 
contrer, c’eft la mine d’Elbe, Car fi le fer natif eft le complément des 
opérations de la nature dans la production du fer, on peut regarder, ce 
me femble , que la mine de fer cryftallifée vient immédiatement après 
dans ce gente de production ; & , qu’à juger les opérations cachées de la 
nature , de la maniere dont on juge celles qui font foumifes à notre 
examen , jamais elle n'eft plus près de former du fer natif que lorfqu’elle 
forme de la mine du fer cryftallifée, puifqu'elle ne parvient vraifembla- 
blement à former ce dernier, ainf que nous l'avons dit plus haut, que 
parce qu’elle travaille fur des matières plus pures , qu’elle combine avec 
plus de lenteur. Mais j’ofe croire, malgré cela ; que l'intervalle du fer 
natif au fer cryftallifé eft immenfe ; car il y a bien de la différence entre 
un métal pur & nn métal minéralifé. 

La nature ne peut produire du fer natif que de deux manières; 1°. par 
l’aéte de la mérallifation , acte par lequel elle uniroit les molécules pure- 
men ferrugineufes , fans en mêler d’autres dans l'intervalle de ces pre- 
mières ,aéte qui rompra feul leur continuité, & qui empècheroit alors le 
produit d’être du fer pur, du fer malléable, de vrai fer natif; 2°, en 
fondant de la mine de fer , comme il lui arrive alors des éruptions des 
feux fouterrains , & en féparant alorsle fer d'avec les parties hétérogènes 
auxquelles il étoic uni dans la mine. 

Or, fi l’on fonge 19. à la lenteur avec laquelle fe fait néceffairement 
la métallifation, à la facilité avec laquelle les acides, l’eau mème s’unif- 
fent au fer & le déruifenc , à la facilité avec laquelle if fe combine avec 
tant d’autres fubltances , qui, fi elles ne l’altèrent pas, au moins inter- 
rompent la fuite, la liaifon de ces molécules, & l’empèchent d’être mal- 
léable ou fer natif; on croira fans peine, qu’en fuppofant même que 
la nature affemble des molécules de fer pur & toutes métalliques, comme 
elle affemble très -certainement celles de l’or, elles feroient très-con- 
fidérablement altérées & mème dénaturées, avant de former des agoré- 
gats fenfibles ; & que , fupposât-on encore ces agorégats formés , ils 
auroienc rout le tems de fe détruire & de fe convertir en ochres, ou 
peut-être mème en terre tee 

Si l'on fonge 2°. que le fer eft une des matières des plus réfra@aires , 
& qu'il ne peut ètre mis en fufon, fans que prefque toutes celles qui 
peuvent l'environner , n’y foient portées ; fi l'on fonge d’ailleurs, que 
le fer ainfi fondu avec un grand nombre de matières hétérogènes , n’au- 
roit pas même la reffource de la pefanteur fpécifique pour s’en féparer , 
comme le prouve ce qui arrive aux fourneaux de nos forges, lorfque , 
par trop d'abondance de: matières réfractaires , la fonte devient trop 

L774S JIUP LED ENT. POP 


6o OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


-graffe, que le fourneau s’engorge, & que la féparation des matières mé- 
talliques ne fe fait plus : s’il eft vrai enfin qu’en admettant certe fépara- 
tion , on n'auroir encore que de la gueufe qui eft très-éloignée d’être du 
fer malléable, tel qu'on dit le fer natif, on croira qu'il eft encore plus 
difficile à la nature de produire du fer natif par la fufion des blocs de 
mine qu'occafñonneroit le feu des volcans; que par l’aéte de la métal- 
lifation. 

Je n’ignore pas que des Minéralogiftes & des Chymiftes, dont je ref- 
pecte infiniment l'autorité, croientau fer natif. Oncire même M.Rouelle 
qui , fans aucun travail préliminaire , a fait au marteau des barres avec 
du fer natif qu'un homme de la Compagnie des Indes Jui avoit apporté 
du Sénégal , où, dit-on , 1l s’en trouve des mafles & des roches confi- 
dérables. 

Mais j'ofe demander comment M. Rouelle auroit prouvé à quelqu'un 
qui Le lui auroit contefté , que le fer qu’il forgeoit n’avoit effuyé aucune 
préparation préliminaire avant d'arriver dans fes mains? qu’il éroit enfin 
tel que la nature l’avoit fait ? 

Il auroit fallu pour cela que M. Rouelle l’eût détaché lui-même de la 
roche, Je dis mème quecela n’auroit pas fuffi ; car ce morceau de fer 
auroit pu fetrouver dansle cas des outils qu’on rencontre tous les jours 
dans les anciennes mines abandonnées, lefquelles font fouvent tellement 
confondus avec la mine qui les enveloppe , qu’il n’eft pas aifé d’en faire 
la différence. | 

Je penfe, d’après les réflexions précédentes , qu’on peut mettre l'hif- 
toire du fer natif des Indes & de tout autre pays avec le falpèrre des Indes 
qui, fi l’on en croit ceux:qui nous l’apportent, s’effleurit à la furface de 
la terre en plein champ avec tant d’abondance , qu’on n’a befoin pour le 
recueillir que de balayer les champs. Comme fi les pluies, les roféesaux- 
quelles ces climats font fujets, au moins dans quelque tems de l’année, 
ne fuffifoient pas pour détruire ce falpètre, à mefure qu’ilfe formeroit, 
ou après qu'il feroit formé. 

Ceux qui font portés à croire les chofes extraordinaires; demanderont 
quel intérêt à les tromper , peuvent avoir ceux qui leur parlent du: fer 
natif & du falpêtre des Indes, pour qu’on refufe de les croire ? Ils n’en 
ont d’autre que l’envie qui exifte chez tous les hommes , de: fe rendre 
remarquables en débitant des chofes extraordinaires. C’eft cette envie 
qui remplit les livres de voyages de tant de contes abfurdes adoptés par 
le vulgaire qui croit tout , & rejettés par les Philofophes qui examinene 
tout ce qu'on veut leur faire croire. 

D'après la defcriprion que j'ai donnée de la montagne d’où l'on 
tire de la mine d’Elbe; les perfonnes mêmes les plus convaincues de la re- 
production ou de la production journalière des minéraux , qui favent qu'il 


Ati Le) tie de dé. 2: d 


SURT HIST. NATURELLE) ET LESSARTS: 6x 
n’eft pas plus rare de rencontrer dans d’anciens travaux des outils incruf- 
tés des minéraux, que des cryftallifations qui contiennent des animaux 
on des corps étrangers à ces cryftallifations ; ces perfonnes, dis-je , pour- 
roient croire que les fentes, les crevafles de certe montagne, qui fer- 
voient de conduits ou de filières aux matières métalliques ou méralli- 
fantes , ayant été bouchées , ou inrerrompues, le laboratoire lui-même, 
fi j'ofe m’exprimer ainfi, ayant été bouleverfé, la nature a dû cefler 
d'opérer, & que toute la mine qu’on trouve aujourd’hui dans cette mon- 
tagne , préexiltoit au bouleverfement. J'avois moi-même cette idée ; 
mais j'en ai été défabufé par l’infpeétion de deux pics à roc qui avoient 
été rrouvés , 1l y a deux ans, dans l’intérieur de la montagne entre deux 
blocs de mine ; ces pics étoient alors tout recouverts de mine cryftallifée ; 
mais l’Intendant des Mines chez qui on la porta , n’imaginant pas qu'ils 
puffent être un objet de curiofité, les avoit abandonnés à fes enfans; de 
forte qu’à peine y voyoit-on la bafe des cryftaux rompus , lorfqu’on me 
les a préfentés. On en voyoir cependant affez pour être convaincu que 
depuis le bouleverfement , quelle qu’ait été fon époque, la nature avoit 
repris fes opérations , qu’elle les continuoit jouruellement , & que tra- 
vaillant avec les mêmes matériaux, la mème lenteur, elle faifoit les 
mêmes ouvrages. 

Il me refte maintenant à parler de ce qui concerne l'explication de la 
mine d’Elbe. 

Cette mine n’exiftant point par filons réguliers, ainfi que je l'ai dir, 
on ne peut exploiter par des galeries. Il a fallu marcher à ciel ouvert. La 
montagne eft donc attaquée fur une hauteur de plus de vingt-cinq toifes, 
& fur une érendue circulaire de plus de quatre cents, du point où ces 
travaux paroïffent avoir été commencés jufqu’a celui où l’on travaille ac- 
tuellement , il y a environ mille toifes. Autrefois on n’exploitoit pas la 
mine à plus de vingt-cinq à trente toifes de profondeur. Depuis quelques 
années on s’eft enfoncé, & on marche actuellement à environ cent cin- 
quante pieds au-deffus du niveau de la mer. Il m’a femblé que la mine 
qu'on tiroit du fond étroit généralement plus riche & mieux eryftallifée 
que celle qu’on prenoit dans le haut ; & je préfume que plus on s’enfon- 
ceroit, plus on auroit lieu d’être content, par la raifon applicable à 
toutes les mines en général, que les filons doivent être d'autant plus 
riches qu'ils paroiffenc plus voifins du centre d’où femblent parur les 
émanations métallifantes. Je fais cependant qu’il y a des mines dont les 
filons fe montrent plus riches dans la hauteur que dans la profondeur ; 
mais cela eft rare. Il y auroit d’aurant plus d'avantage à s’enfoncer dans 
celle-ci, qu'on s’épargneroi: le déblai de la croûte de la montagne, 
dont on ne tire point de mine, puifqu'il eft, comme je l'ai dit, tout de 
terre végétale, quelquefois fur une épaiffeur de trente à quarante pieds ; 


déblai cependant indifpenfable pour marcher en avant. 
1774 M IUTLI ET. 


62 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Tout le travail de l'extraction de cette mine confifte à déblayer d’abord 
cette croûte, enfuire les amas de cetre mème terre qui fe trouvent mêlés 
avec les roches, Les ras de pyrites, les micas, les ochres, les argilles, &c. 
Plufeurs de ces matières, la roche fur tout, fourniroient peut être une 
mine dont on pourroit tirer un aufli bon parti, & peut-être meilleur que 
de la mine cryftallifée, qui ne rend pas tout ce qu'elle promer à l'œil, 
ainfi qu'on le verra par la fuite ; mais ce choix exigeroit des connoif- 
fances & de l'atrenrion dans les Mineurs. On a trouvé plus fimple de 
borner leur difcernement à la mine cryftallifée , qui, offrant l’éclat mé- 
tallique le plus décidé, ne peut tromper l'homme Îe moins connoiffeur. 

On déblaie donc tout ce qui n’eft pas certe mine. Ces déblais confif- 
tent pour la plupart'en terre facile à piocher, ou en fable ou en argille, 
& oppofent conféquemment peu d’obiftacles. Le rocher pur y eftrare, & 
fe préfente encore plus rarement en grofle mafle. Au refte , comme il eft 
toujours environné de terre, on le cerne, & s’il eft trop gros, on le 
Jaifle à fa place, & on marche aux blocs de mine qui , avec les terres , 
forment la plus grande partie de la minière. Quand on a mis ces blocs à 
découvert , on les attaque par le pérard qui les met en éclats. On rompt 
ces éclats à coup de malle ; on fépare la mine cryftallifée de celle qui ne 
l'eft pas, ainfi que des morceaux de roche, de quartz ou d'autre matiè- 
res cerreufes qui peuvent s’y trouver adhérentes. On tranfporte enfuite 
fur la plage qui elt à cinq cents toifes, certe mine qui eft alors affez pure 
pour n'avoir pas befoin d’être boccardée. C’eft là qu’on la vend le quin- 
tal, environ vingt-quatre de nos fols aux bâtimens qui viennent la 
charger. 

On n’en fond point du tour dans l’Ifle d'Elbe, à caufe du manque 
abfolu du bois qui oblige les habitans à femer des rofeaux pour parer les 
vignes. Il eft à préfumer cependant qu'il y en avoit autrefois; car le rer- 
rein y eft généralement très-convenable ; mais les anciennes exploita- 
tions de la mine les auront fort diminués, & le peu de vigilance fur 
cette importante reproduction les aura détruits. 

Le manque de bois qui fait que dans l'Ifle d’Elbe on n’a pu établir 
même un feul fourneau , fait auffi qu’on renonce à extraire du vitriol des 
tas de pyrites, qu’on rencontre quelquefois dans la minière, & qu'il 
faut déblayer pour attaquer la mine de fer. 

Aiïnf, tout ce qui n’eft pas mine de fer cryftallifée , eft porté aux dé- 
blais. Quelques ouvriers mettent feulement à part des ochres fines, lorf- 
qu'ils en rencontrent ; & ils les vendent aux Peintres ‘pour leur compte 
particulier. 

Cette mine fournit à la confommation en fer de la plus grande partie 
des Etats du Roi de Sardaigne , de ceux du Grand-Duc, à l'Etat de G&- 
nes, à celui de l’Eglife, & jufquà ce moment-ci à la Corfe. Plufieurs 
de ces pays, & la Corfe notamment , ont cependant des mines de fer ; 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 6; 


mais le bas prix auquel la facilité de l'extration a permis d'établir la 

mine d’Elbe , la commodité du tranfport pour tous ces Erats maritimes, 

la facilité d’en tirer un excellent fer , l’idée peut-être jufte, peut-être 

mal fondée, que les mines qu'ils pofsèdent ne pourroient fournir d’aufl 

bon fer , les ont fait paffer, probablement fans examen , fur le défaven- 

tage qu'il y a pour un Etat d'aller payer à l'Etranger une marchandife 
u’on a chez foi. 

C’eft principalement fur la côte de Tofcane que fe fait la grande con- 
fommation de la mine d’Elbe. Sur cette côte & dans tous les autres pays 
où l’on fait ufage de cette mine, excepté l'Etat de Gênes & la Corfe , 
on la fond dans ces fourneaux, que quelques perfonnes appellent im- 
proprement fourneaux ; après, bien entendu , lui avoir fair fubir un 
long grillage. On n’y ajoute aucun fondant ; cette mine, par fa nature, 
n’en ayant pas befoin , ainfi qu’on a pu voir. Ce travail étant abfolu- 
ment le même que le nôtre, ne mérite aucun détail ici. 

Mais , dans l’état de Gênes & en Corfe , on opère d’une toure autre 
manière. On extrait le fer fans fondre la mine. Cette manière d'opérer 
que j'ai fu depuis être celle avec laquelle on fait le fer d'Efpagne , au 
moins dans plufeurs Provinces de ce Royaume , m'a paru digne de l’at- 
tention d’un phyficien; & elle fait le fujer d’un Mémoire particulier. 

Il me fufhir de dire ici , que par la manière d’opérer ordinaire , ou par 
les hauts fourneaux la mine d’Elbe rend environ foixante-dix pour cenc 
en gueufe ou fer coulé; & que cette gueufe fe réduit de foixante-dix à 
cinquante, lorfqu’elle eft en fer battu. ' 

Par la méthode ufitée à Gênes & en Corfe , laquelle ne donne point 
de fer coulé , on tire à-peu près le même produit en fer battu. Je croi- 
rois cependant que par cette dernière méthode la mine d'Elbe rend 
davantage ; & j'en durai les raifons dans l'examen que je ferai de cette 
méthode. 

On eft étonné de ce produit qui paroït fi foible , lorfqu’on confidère 
le poids & l'éclat de cette mine qui la feroit prendre pour du fer pur. 
Ce décher inattendu eft caufé par le fouffre qui , étant très-abondanr, 
fait d’abord une perte confidérable de poids par fa difparition , mais qui 
en occafionne une autre encore par une portion confidérable de la partie 
ferrugineufe de la mine qu'il entraîne en fcories. 

Mais le fer qui réfulre de l’une ou l’autre manière d'opérer , lorfque 
les opérations ont été bien dirigées , eft de la meilleure qualité. Il fe tra- 
vaille à chaud & à froid avec la plus grande facilité ; il eft d’une difficulré 
fingulière à rompre ; il fe lime & fe polie crès-bien; il foutient parfai- 
tement le feu , quand on le ménage comme il faut; & on le fair aifé- 
mer arriver à cet état, qu'on appelle nerveux, que je crois qu'on doit 
regarder comme l'état de perfection du fer ; puifque c’eft celui où il 
jouit de route fes propriétés avec le plus d’étendue , la malléabilité, Ja 

774 UND LT ET 


és OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


ténacité, &c. & que le nerf n’eft produit que par la réfiftance que font 
les molécules de fer qui, n'étant plus féparées par des corps hétérogè- 
nes, s'appliquent les uns fur les autres par des faces femblables , & ne 
peuvent être défunies que par des tiraillemens. 

11 nv'a paru fort au-deflus de tous nos fers de France, & même au- 
deffus de celui d’'Efpagne à qui l’on reproche avec raifon le défaut d’être 
rouverain. Je le mets abfolument à l'égard du fer de Suède , fur tout lorf- 
qu'il eft le produit du travail à la Génoife , que je crois plus propre à 
épurer le fer, ainfi que je le ferai voir dans le Mémoire qui en traitera. 

C'eft fans doute à l'excellence de ce fer répandu dans toute l'Italie, 
qu'on doit ces excellens canons de fufil que bien des connoifleurs 
mettent au-deffus des canons d’Efpagne. 

Cette belle mine appartient au Prince de Piombino qui , à l'exception 
de Porto-Ferraio ufurpé fur lui par les Grands-Ducs, & de Porto- 
Longone ufurpé de même par les Napolitains , eft Souverain de toute 
l'Ifle d’Elbe. Ce Prince tire de cette mine à-peu-près quarante mille écus 
par an , tous frais faits. Il y occupe environ cent cinquante de fes Sujets , 
babitans d’un village voifin , qui travaillent tous librement, font payés 
tres-régulièrement , & qui , d'ailleurs exempts de routes efpèce d’impo- 
fitions , ainfi que le fonc tous les Infulairires , ajoutent cette feconde 
fource à celles que leur fournit une terre aflez fertile en grains , & 
abondante en bons vins (1). 


(1) Nous invitons à relire le rapport fait à l’Académie Royale des Sciences , par 
MM. Montigny & Macquer , du Mémoire préfenté par M. Tronfon du Coudray , fur 
la méthode fuivie pour travailler la mine de fer de l’Ifle d'Elbe, & fur les Forges à la 


Catalane. Ce rapport eft inféré dans le yolume d'Avril 1772, page 254, c'eft-à-dire,. 
vol. V, part. II. 


DISSERTATION 


SUR L'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 65 


DAMES NES RAT AND ATXO NN 
Sur les débris des Volcans d'Auvergne, & fur les Roches 


qui s'y trouvent ; 


Par M. MonNNET , Chanoine de la Sainte-Chapelle de Vic-le-Comte 
en Auvergne, & Membre de la Societé Tictéraire de Clermont. 


A mefure que le goût de l’Hiftoire naturelle s'étend , les hommes 
apprennent à confidérer la nature du fol ou terrein qu'ils habitent ; ils 
apprennent fouvent par-là à lire dans l'Antiquité, & à développer la 
caufe qui a bouleverfé ou changé la furface du globe que nous habicons. 
Qui plus , que les Auvergnats ont eu occalon de faire ces fpéculations ? 
Cependant ce n’eft que depuis peu, & d'après les obfervations de 
M. Guerrard (1), que quelques-uns d'eux fe font vu avec étonnement 
environnés de volcans. 

Depuis la découverte de ce laborieux & favant Naturalifte, on n’a 
point ceffé d'ajouter à fes obfervations. Prefque toutes les montagnes de 
cette Province ne font que d'anciens fonds de volcans ; & comme fi ce 
n'étoit pas affez de ces triftes marques , la furface du plat-pays eft jon- 
chée de pierres qui portent l'empreinte de ce feu terrible. 


PREMIERE PARTIE. 


Les montagnes volcanifées d'Auvergne fe reffemblent, en ce qu’elles 
font toutes bouleverfées & dégradées à un fi grand point , que nous nous 
croyons fondés à les regarder comme ne préfentant plus maintenant que 
le fond des volcans. Cette conjecture acquiert un nouveau degré d'évi- 
dence , quand nous comparons nos montagnes avec les volcans très- 
anciens qui fe trouvent dans d’autres pays. Aucun d'eux, felon les def- 
criptions qu’on nous en a données, n’eft ni dans le même état, ni ne 
préfente ces colonnes fi dignes de remarque dont nous parlerons plus 
loin. Si on retrouve de ces pierres ailleurs , on n’y reconnoiît plus les 
lieux d'où elles ont été détachées. Ces pierres ifolées font vraifembla- 
blement les marques des plus anciens volcans du monde; mais ceux 
d'Auvergne font certainement des plus anciens de ceux qui fubfiftent 


——————— 


(x) Voyez fon Mémoire fur les Volcans dela France , dansle volume de l'Acadé- 
mie Royale des Sciences, année 1752. 


Tome IV, Part. I. 1774. TULTLL ET) OI 


; 2 


66 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


encore. D'ailleurs l’Hiftoire nous apprend par fon filence fur le temps où 
ont été en feu nos volcans, qu'ils remontent à la plus haute antiquité. 
S’ils ont été allumés en même-tems, ils ont dû préfenter le fpettacle le 
plus effrayant, & le plus terrible du monde. Qu'on fe tranfporte au feul 
environ de la ville que j'habite, pour y voir plus de vingt fonds de vol- 
cans à la diftance d'une ou deux lieues les uns des autres, pour s’en for- 
mér une idée; mais parmi ces montagnes volcanifées , il y a quelques 
différences : on diftingue fur-tout ceile de Coran, de Saint-Romain & 
d'Uffon. Certe dernière eft encore remarquable par les débris du châ- 
teau qu'a habité Marguerige de Valois, première femme de Henri ]V. 
On voit que ce château étroit bâti avec les débris du volcan mème; ce 
n’eft pas le feul monument, au farplus , où l’on trouve la pierre des vol- 
cans employée ; on en voit dans les plus anciens de cetre Province. Ger- 
govie, dont il eft parlé dans les Commentaires de Céfar, éroit bâti avec 
des débris de volcans; c’eft ce qui forme une nouvelle preuve de leur 
anc'enneté ; & à ce fujer je ne faurois paifer fous filence les bancs de 
cendre folidifiées qu'on remarque faire la bafe fur laquelle eft aflife la 
Vill: de Clermont. En commencant par le quatier de Saint-Genès , on 
voit que ces bancs , qui fe diftinguent par des nuances différentes , s’in- 
clinent en allant vers le quartier de Saint-Pierre , qui eft l’autre extrémité 
oppofée de la Ville. On ne peut méconnoitre , je penfe dans cer aran- 
gement , l'ouvrage de l’eau. Ces cendres ont été dtpofées par elle, felon 
la pente naturelle qu’offroit alors la furface du terrein. Cette pente à 
déterminé l’eau furabondante à s’écouler ; ces cendres n’en ont gardé que 
ce qu’elles en pouvoient abforber. Je ferois porté à croire que c’eft certe 
partie d’eau qui , en fe coagulant (1) avec elles , les a folidifié & uni en- 
femble de telle manière, qu'elles forment une forte de roche fecon- 
daire, dans laquelle on creufe des caves , qui n’ont befoin d'aucun fou- 
tien. On trouve dans ces bancs des pierres ufées , ou gallers. Pareille 
chofe fe remarque au bas de la montagne , nommée Puy de Dôme , & 
de celles qui l’environnent. On y voit de dépôts de cendre ou terre 
brülée fous la croûte du terreau; mais ceux-ci ne font pas folides ; l'eau 
les dégrade tous les jours , & les entraîne dans le bas-fond de Clermont. 
En remontant plus haut, & allant fur les montagnes mème que je cite, 
j'ai apperçu que le deffous du terreau n’offroit autre chofe que de certe 
forte de terre; ce qui m'a perfuadé que ces montagnes étoient les moins, 
anciens volcans d'Auvergne. Aufli ces montagnes ne font point pelées &e 
hériflées de roches nues, comme les autres montagnes que j'ai citées. 
Pour peu même qu’on creufe fous ces cendres , on trouve des pierres de 


(1) Quel que foit le jugement qu'on portera fur cette ezpreffion , je n’en penferois 
pas moins toujours , que l'eau fe folidifie , & qu'elle cft la bafe fondamentale des 
corps folides , comme elle l’eft des corps Auides, 


Le 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 67 


lave & de la pierre ponce, tandis qu’on ne trouve rien de femblable aux 
autres montagnes volcanifées. Il eft vrai qu'on remarque près de Pont- 
au-Mur deux montagnes qui peuvent être regardées aufli comme de 
frais volcans, eu égard à l'ancienneté des autres de cette Province. L'une 
eft couverre de cendre & de lave jufques auprès de fon fommer; & l'autre 
offre des rangs & ondulations de lave , comme on en voit aux volcans 
éreints de l’Ifle de France & de Bourbon, de Naples, &c. Cetre dernière 
montagne d'Auvergne eft peut être le volcan le moins éloigné de notre 
tems ; enfuite viendront, felon leur degré d'ancienneté , celles qui for- 
ment la chaîne du Puy de Dôme; enfuite céux qu'offre le fond de la 
Province, pour être les plus anciens de tous. 

Mais , pour voir une preuve évidente de l'ancienneté de la plupart des 
volcans d'Auvergne, il faut confidérer la compofition de plufeurs roches 
près de Clermont , & en particulier celles qui forment le petit monti- 
cule, qu'on appelle Puy de Pège, parce qu'il en fort de l’eau qui en- 
traîne une forte de pifafphalte très puante, qui reffemble affez à la poix 
ordinaire. Ces roches fonc conftituées viliblement du débris des roches 
de volcans. C’eft mon frère qui m'a fait faire cette remarque dans 
fon dernier voyage dans cette Province , par ordre du Roi. Mon 
frère a encore obfervé que le toit des mines de charbon de Sainte- 
Fleurine & de Frugère , eft aufli compofé de parties de roches de vol- 
cans; mais ce qu'il y a de bien remarquable , eft que ces parties s’y trou- 
vent quelquefois mèêlées avec du fable des parcelles calcaires & arsilleu- 
fes ; celle-ci ont été peut-être ajoutées dans les alluvions qui ont accu- 
mulé vraifemblablement les matériaux dont fe font formées les roches. 

Mais, pour ne pas devancer ce que nous avons à dire fur la nature des 
roches volcanifées en général de cette Province, je borneraï ici ce fujet 
pour paller à la defcription de nos débris hideux de volcans. 

En remontant vers ces montagnes , on trouve les matières dépofces 
felon leur pefanteur fpécifique , à moins qu'elles n'aient rencontré 
quelques obltacles qui les aient arrêtées, ou quelques circonftances du 
terrein qui y aient mis obftacle : je fuis obligé d’avouer que ces circonf- 
tances fe préfencent fouvenr. Mais jamais on ne trouve près de ces mon- 
tagnes anciennes de volcans des cendres ou terres brülées. Depuis des 
fiècles immenfes que fubfiftent ces débris, elles ont eu le tems d’être 
détériorées & emportées par les eaux : au lieu de cendre , on y trouve 
des laves ou pierres-ponces; mais ce qu’il y a ici de bien remarquable, 
eft qu'on trouve des amas de ces pierres , même fort éloignées de leur 
origine. On croiroit que ces amas ont été faits exprès par la main des 
hommes ; car , comment s’imaginer que ces pierres foient venues fe raflem- 
bler comme tout exprès pour être enfemble ! Je ne crois pas qu'on puille 
en attribuer la caufe à l’eau; car l’eau entraîne & raflemble indiftinétemenc 
tout ce qu'elle trouve. Quoi qu'il en foit , on remarque des exemple 

1774 JUILLET. ]n2 


«8 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


frappans de ces amas à Pont-Gibau, à Nécher & à Champeix : comme 
ce dernier lieu eft celui de ma naïffance, j'ai été très à portée d’obferver 
les tas qui s’y trouvenr. Ceux-ci font très remarquables en ce qu'ils offrent 
quelque réoularité; ils fonc placés fur des hauteurs, & pofés fur des rer- 
reins étrangers aux volcans. Je reviendrai à ces roches , quand je m’oc- 
cuperai de la nature des roches de volcans en général. A l'égard des amas 
de pierre-ponce , proprement dits, on en trouve un banc confidérable 
entre Coude & Nécher, près de l’Allier. Ce qu'il y a encore de vraiment 
étonnant . c'eft que ce banc eft enfoncé de plus de foixante pieds enterre, 
tandis qu'il fe trouve par deffus des pierres beaucoup plus pefantes. Il eft 
vrai qu'on pourroit expliquer ceci, en difant que la pierre ponce étant 
la plus légère marière lancée par les volcans, elle en a été aufi la pre- 
mière éloignée ; & qu’elle s’eft trouvé par fa léoèreré propre à être em- 
portée ou roulée par l’eau bien loin , & avant que les pefantes laves aient 
été formées ; mais la formation de cette carrière fera toujours un myftère 
inconcevable, eu égard à la raifon apportée précédemment; je veux dire 
à la confufion où fe trouvent les matières que l’eau entraîne ; mais il faut 
tout dire : cela tient à l’ordre que nous voyons exifter dans le règne mi- 
néral, comme dans les deux autres règnes. Ne voyons-nous pas des pays 
où des lieux abfolument compofés d’une feule & unique matière. Là , 
des amas de craie pure, & la des carrières de tuf; & c'eft ce qui excite 
l'enchoufiafme de mon frère, qui, dans fon Traité des Eaux minérales ,- 
& dans fa nouvelle Hydrologie, s’écrie; 6 terre, qui t’a placée ainfi ? 
Cependant , pour revenir à mon fujet, je dirai, qu’à mefure qu'on 
s'approche du fommet des montagnes , on trouve les mafles de roches 
plus grandes & plus pefantes. À droite & à gauche on apperçoit des 
fragmens de roches & des tronçons de ces colonnes , à la defcriprion 
defquelles nous nous avançons. Parvenu enfin au fommet, nous y voyons 
fouvent une forte de plature (1), produite fans doute par l’abattement 
des parties qui entouroient le fond du volcan ; d’autres fois, ou fur 
d’autres montagnes , nous reconnoiflons ce fond même , par la pente 
graduée ou précipirée que laiffent entr'elles les roches qui l'entourent, 
& qui fe tiennent fur pied. Ces roches font les colonnes dont nous avons 
déja parlé, qui font plus ou moins bien figurées lorfqu’elles n'ont point 
été renverfées ; elles préfentent à leur furface fupérieure une forte de 
payé régulier, par leur ferremenr à côté les uns des autres. Nous n’irons 
pas outre , fans faire remarquer qu'il y a des grouppes de ces fortes de 
roches, qui font ifolés, & comme indépendans des volcans. La Ville 
de Saint Flour eft pofée fur un de ces grouppes qui eft affez grand pour 
former une vafte cerraffe. Mon frère en a obfervé un autre, mais bien 
plus petir, fur la Terre de Préchonet , appartenant à M. le Marquis de 


(1) Terme des Mineurs 


Pt, Ms oc Dal Le LIL 4 


SEURIL'HIST NATURELLENET LES ARTS. 69 


Langeac. Celui-ci eft Le plus ifolé de tous; car il eft comme planté exprès 
fur un fond de granit; ett-ce le refte d’un ancien fond de volsan ? Je 
ferois bien porté à le croire. Une autre fingularité qui fe préfente ici, 
eft la forme & les grandeurs différentes fous lefquelles fe montrent ces 
colonnes. Nous pourrions encore demander quelle peut être la raifon de 
tant de variétés: les unes font très régulières, parfairement pentagones, 
ayant à une de leurs deux extrémités une concavité , & à l'autre une con- 
vexité très apparente. C’eft par cette difpolition que ces pierres fe fur- 
montent les unes les autres. La partie convexe de l’une entre dans la par- 
tie concave de l’autre (1); elles s'élèvent ainf du plus profond de la bou- 
che du volcan jufqu’à la furface de la montagne. Ce n’eft que dans les 
parfaitement figurées, que cette difpofition s’obferve ; les autres fe fur- 
montent bien à la vérité les unes & les autres; mais elles n’ont pas d’em- 
boîtement exaé : celles font les colonnes qui forment l'efplanade de 
Saint-Flour. A l'égard de la grandeur de ces colonnes, il y a aufli beau" 
coup de variété. Îl y en a qui ont vingt ou vingt-cinq pieds de haureur , 
tandis que d’autres n’ont que douze ou quinze pieds ; les plus régulières 
fe voient fur la montagne qui domine la Ville de Murat, & près de Lan- 
geac. Mon frère y en a mefuré qui fe fonc trouvées de quarante-cinq 
pieds de hauteur & de fix pouces de diamètre. D'ailleurs , ces colonnes 
font tellement furprenantes & relleenr curieufes à voir, que les igno- 
rans, comme les favans qui font venus en certe Province, les ont regardé 
avec admiration. Quelques-unes de ces pierres tranfportées au loin , ou 
plutôt des fragmens de ces colonnes fervent de bornes ou de marques 
aux chemins. C’eft ainfi qu'on en remarque, nous dit-on, en Irlande. 
La caufe de la configuration de ces pierres eft toujours ce qui embarrafe 
le plus les Naturahftes ; mais peut-être que la figure prifmarique & à 
cinq côtés de ces pierres n'eft que la forme naturelle fous laquelle fe 
figent toujours les matières pierreufes, pour occuper le moins d'efpace 
poffible. Cependant, ce qui étonnera toujours , font les articulations de 
ces pierres. J'ai dit que ces colonnes ne font pas routes femblables, ni 
par leur difpofition ou arrangement , ni par leur hauteur. Celles que j'ai 
décrites dans un Mémoire particulier, fur la montagne de Saint-Romain , 
que j'ai lu à notre Société littéraire , font toutes difpofées horifontale- 
ment ; & on ne fauroit attribuer cer arrangement à autre chofe qu’à quel- 
que violente fecoufle qu'aura éprouvé cette montagne ; car la difpoñiion 
naturelle de ces colonnes eft d’être perpendiculaire ou oblique. 

Mais, pour revenir à l'état de nos triftes montagnes , je dirai, qu'a- 
près y avoir remarqué ces colonnes, ilne refte plus rien qui puiffe occu- 
per agréablement la vue. On n'y voit que des débris de roches effroya- 


a _ 


(G) C'eft ce dont M, Defmarets a déja fait mention dans fon Mémoire de 1760, 
fur la bazalte d'Auvergne. 


1774 JUILLET. 


/ : ' 


, 


zo OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


bles : fouvent des malles immenfes de laves formées vraifemblablement 
par la réunion de plufeurs de la même efpèce ; réunion qui s’eft faite 
fans doute dans Le tems que la matière étoit molle. L’embouchure , ou 
plutôt la trace du volcan qui paroît au fommet de ces montagnes eft 
encore plus trifte: quelques-unes ont dix ou quinze pieds de diamè- 
tre ; elles font peu profondes , parce qu’elles font plus ou moins comblées 
par des roches ou par des débris de roches. Ce feroit un objet digne de la 
munificence d’un Prince d'en faire approfondir quelques-unes. Tout ce 
que nous pouvons dire fans ces fecours, eft qu'il nous a paru que toutes 
ces montagnes artificielles font pofées fur l’ancienné roche ; je veux dire 
le granit. 

Cependant nous avons obfervé qu'il y a entre les roches & le granit 
une couche de fable ou rerre qui, en s'écoulant, donne lieu à ces pier- 
res de s’écrouler aufli: cet effet fe voit bien fenfiblement à Champeix. 

Il ne nous refte plus maintenant, pour terminer la première Partie de 
cette Differtation, qu’à parler d’un fond de lac qui eft la merveille d’Au- 
vergne. Ce lac eft fitaé à une lieue de la petite Ville de Belle. 11 forme 
une gorge effroyable dans le fond d'une montagne; les parois qui bor- 
denr ce lac, font compoffes de pierres de lave : ce lac, pour tout dire en 
un mot, n’eft autre chofe que l'embouchure entière d’un volcan rempli 
d’eau. Cette eau elt fi claire, qu’elle laiffe toujours appercevoir le bout 
des colonnes dont nous avons parlé. Elles fe trouvent raccourcies , en 
allant vers le centre du lac, c’eft-à-dire , vers le fond du volcan; ce qui 
forme un pavé incliné vers le centre; c’eft ce que nous avons déja re- 
marqué dans les autres volcans ; & comme ces têtes de colonnes font 
arrangées très-régulièrement entr'elles , elles forment une forte de pavé 
qui a fait donner vraifemmblablement le nom de Paven à ce lac. La tradi- 
tion fabuleufe du pays veut qu'il y ait eu autrefois une Ville à la place 
de ce lac ; mais la reconnoiflance de ce volcan nous difpenfe de difcuter 
certe opinion. Le centre de ce lac, c'eft-à-dire, le fond du volcan s’eft 
trouvé avoir deux cents quatre-vingt-huit pieds de profondeur. C’eft ce 
qui a été vérifié encore en dernier lieu par M. Chevalier , Sous-Ingé- 
nieur de la Province. On peut affurer par-là que ce lac eft une des plus 
effrayantes cataractes de la rerre. Quant à l'eau qui le remplit, on ne 
fait pas précifément d’où elle vient. On connoïît cependant un trou, 
appellé Ze creux de Souci, fitué à une lieue de ce lac, que l'on croit y 
correfpondre ; car, en y jettant quelque chofe, on dit qu’elle paroït fur 
ce lac au bout de quelques jours. Cet effet ne peut être dû qu’à un cou- 
rant d’eau qui va fe rendre dans ce lac. 


’ 


SUR L'HISTINATUREILE ET LES: ARTS. 71 


" IX PARTIE. 


Nous croyons devoir diffinguer les roches produites par les volcans 
d'Auvergne en quatre efpèces; 1° les roches de raille, telles fonr celles 
de Volvic, dont la plupart des maifons de Riom & de Clermont font 
bâties. Ces pierres font d’un gris d’ardoife bleuâtre , mais un peu plus 
clair; elles font poreufes, mais pourtant très dures à travailler. 

2°, Les véritables laves ; celles-ci ont coulé à demi fondues ; en fe 
roulant , elles ont ramaflé les différentes matières pierreufes étrangères 
qu'on y obferve : celles ci ne font & ne peuvent être d'aucun ufage ; elles 
font bourfouflées comme une fcorie mal faite; elles font les plasabondan- 
tes, & celles qu'on rencontre le plus communément dans la campagne; an 
eft forcé de les raffembler pour laifler la furface de la terre libre. De-là 
vient qu’on voit allez communément en Auvergne les champs & les jar- 
dins entourés de ces pierres, en façon de muraille. C’eft dans cette 
forte de pierre qu’on trouve ordinairement certe matière vitrifiée, noi- 
râtre, que quelques Voyageurs fe font avifés de nommer fort imal à- 
propos vo/fram ; & d’autres choer! ; fans doute , à caufe de la relfem- 
blance qu'ils ont cru y remarquer avec ces matières naturelles. Quoi 
qu’il en foit, cetre matière eft d'autant plus digne de remarque, qu’elle 
eft comme affectée à cette forte de roche. J'ai reconnu qu’elle étoic 
très-fufble ; & mon frere a cru reconnoître fon origine dans la matière 
verte , qui fe trouve affez fouvent dans la partie fupérieure des granits 
d'Auvergne, & qu'il a décrit fous le nom de choerl pierreux : cette ma- 
tière fondue lui a préfenté un verre noirâtre, tel que celui qu'on 
voit dans ces roches de lave. Si, comme il y a lieu de le croire , ces 
laves font les fecondes matières qui aient coulé des volcans , elles pour- 
roient avoir emporté avec elles cette matière fondue. Quoique certe 
pierre foit affez pefante & dure, elle ne laifle pourtant pas de fe décom- 
pofer. Que ne détruit pas le tems! On en trouve de détériorées & de 
rougeâtres dans les campagnes : celles qui s’altèrent, font recouvertes 

< d'une croûre rougeûtre , ou elles font un peu moins foncées que leur 
intérieur. Celles qui ont éprouvé plus d’un coup de feu, font cendrées 
& difpofées à fe réduire en cendres. J'en ai trouvé de telles fur la mon- 
ragne du Puy de Coran. Eft-ce donc use propriété du feu de défaire 
fon ouvrage ? Quoi qu'il en foit, j'ai reconnu dans quelques-unes de 
ces roches des parties de granit entières, on prefque pas altérées : le mica 
eft mème vifible dans quelques-unes. N’eft-ce pas la violence du feu 
qui aura Jancé au coin ces matières, avant d’avoir pu les fondre enriè- 
rement ? Après avoir éprouvé par l’eau forte qu’elles mont rien de cal- 
caire, j'ai effayé d’en fondre dans un creufer; & j'ai vu qu’elles cou- 
loient allez facilement, comme du bitume. Cependant nous favons, & 
1774. JUILLET. 


72 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


il en faut convenir , que le granit réfifte à la plus grande violence du feu , 
fans fe fondre. Y auroit-il ici quelque matière étrangère au granit ? 
quelle eft-elle ? Toujours des bornes à l'envie de favoir ! 

Cependant j'ai obfervé fur le Puy de Coran, des parties de cette 
roche qui contenoient une matière vitrifiée particulière , très-dure, 
liée & polie, & qui faifoit feu avec le briquet. Je ne pus me dif- 
penfer de regarder celle-ci comme étant le granit même ou le quartz 
fondu : je me le perfuadois d'autant plus aifémenr , que je ne pouvois 
faire la moindre comparaifon entre le feu des volcans & celui de nos 
fourneaux. Le premier me parut fi fupérieur , que je ne balançois pas à 
le croire capable de fondre tour. On a une preuve de fon activité dans 
l’efpèce de verre noir qu’on trouve en Iflande, que Cronftedt & d’autres 
Minéralosiftes ont nommé à caufe de fa grande dureté , agathe de vol- 
can. Qu'’eft-ce que certe agathe, finon le quartz lui même fondu (1)?il 
eft pourtant furprenant que je n'en aie pas encore découvert de pareil en 
Auvergne. Il eft vrai que mon frère a obfervé près de Murat une forte 
de verre brun, mais ce verre n’a aucune reffemblance avec la faufle 
agathe d’Iflande ; il ef friable : &, maloré cela, il ne fe fond que diffi- 
cilement. Pour la faufle agathe d’Iflande , il n’a pas-éré même poflible 
de l’entamer par le feu le plus violent qu'on ait pu produire. 

3°. Les pierres qui forment les colonnes dont nous avons parlé. Avec 
celles-ci, nous comprendrons toutes celles qui font aufli très-fermes &c 
compactes, telles que font celles de Champeix, qui font fonores , parce 
qu'elles font d’un tiffu plus fin & plus ferré; elles font plus foncées en 
couleur. Dans cette qualité fonore ne reconnoït-on pas celle des terres 
cuites ou fondues ? C’eft à cette efpèce qu’appartiennent la plupart des 
fragmens noirs qu'on trouve dans les torrens & les rivières de cette Pro- 
vince; ils font lices & polis à la furface , & trompent jufqu’à les faire 
prendre pour de vrais cailloux. C’eft à certe énorme dureté qu'ils doi- 
vent leur confervation ; ils s’'ufent en fe roulant à-peu-près comme le 
quartz, & prennent comme lui une forme fphérique, 

Ces pierres font comme les précédentes, intactes à l’eau forte, & fe fon- 
dent incomparablement bien plus difficilement ; ces pierres font trouées 
ou poreufes à-peu près comme celles de la première efpèce. Certe reffem- 
blance eft encore augmentée par la couleur qui approche beaucoup de 
celle de ces premières. Les variétés qu’on remarque à cet égard entre ces 
pierres , ne font que du plus au moins, peut-être qu'elles ne font 
que les mêmes effentiellement, & elles ne diffèrent l’une de l'autre que 
par les différentes circonftances où elles fe font trouvées. 11 faut ajouter 
à ceci qu'il y a beaucoup de variétés parmi ces fortes de pierres. Celles 


(1) On fait que plus les matières font difficiles à fondre ; plus elles forment de corps 
durs & folides après leur fufon. 
de 


ds Lot 


DFI , Ld F 
| 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 7; 


de Volvic fe laife tailler, comme on fait, tandis que la plupart de 
ces colonnes fe laiffent à peine entamer. 

La quatrième efpèce , font les pierres-ponces. Comme celles-ci font 
connues de tour le monde, nous ne nous y arrèrerons pas. Il ne s'agiroit 
que de favoir quelle ef leur origine véritable. Tout ce qu’on en fait, eft 
qu'elles font le produit des feux fouterreins : quelques-uns ont ajouté à 
cela qu’elles font le quartz lui-même altéré ou à demi-fondu, ou en 
efpèce de frite; mais a t-on remarqué quelque chofe de pareil dans 
cerce pierre fondamentale, de quelque manière qu’elle foir traitée, pour 
ofer fe former une telle idée ? Quelques autres l'ont regardée comme 
étant dûe à l’argille. Ceux-ci n'ont pour eux d’aurre fondement de leur 
opinion, que l'odeur de terre particulière que donnent les marnes, lorf- 
qu'on les délaie dans l’eau ; odeur qu'on remarque pareillement aux 
pierres-ponces friables, lorfqu’on les trempe dans l’eau. Les Naturahftes 
ont déja remarqué qu'il y a beaucoup de variété parmi les ponces; ce 
qui fait voir qu'elles ne doivent pas routes leur origine à la même efpèce 
de terre ou de pierre. 

C'eft ici le lieu de difcuter ft, parmi nos pierres des volcans, ilyena 
qui méritent la dénomination de hayalte. M. Defmarets, quia donné cours 
à cecre opinion, nous femble n’avoir pas été bien fondé. Sile mot bayalte 
employé ici ne fignifioit rien, & qu'il füt fans conféquence, peu nous 
importeroit qu’on nommäâc ainfi ou autrement nos pierres de volcans. 
Mais fi par-là on entend le bazalre des Anciens, alors je ne puis m'empè- 
cher de rejerter certe dénomination comme abufive , & comme capable 
de nous induire en erreur. 

Il s’agit premièrement de favoir fi la pierre que les Anciens ont défi- 

née fous le nom de hazalte , eft une pierre de volcan comme les nôtres; 
& il me femble que non, d’après les recherches que jai faites à ce fujer. 
J'ai confulré Pline, qui me paroït le premier Auteur qui ait fair men- 
tion du bazalre ; & je vois dans le XXXVI° Livre de l’Hiftoire naturelle 
de cet Auteur, par le peu qu'il en dit, que le bazalre eft une pierre rare & 
même précieufe, Il cire peu de ces pierres ; il ne fair mention que d’une 
qui fe voyoit dans le remple de la Paix, bâti par Vefpañen , & d’une 
autre à Thèbes, dans le remple de Sérapis, qu'on croit être la ftarue de 
Memnon, fi merveilleufe qu'on dir, ajoute t-il, que lorfque le foleil l’a 
dardée de fes premiers rayons, elle pétille. Le plus HAS AA à chercher 
dans Pline fur ce fujer, eft fon fentiment fur la nature de cette pierre. 
Or, après maintes recherches chez cet Auteur , je ne puis conclure autre 
chofe , finon qu'il regardoir le bazalte comme une efpèce de marbre (1). 


(1) 11 faut remarquer que cet Auteur, qui paroît n'avoir jamais eu des idées bien 
diftinétes {ur certe pierre , range les marbres indiftinétement parmi les cos. 11 (emble 
que ce foir-là le nom géuérique qu'il donne aux marbres. 


Tomè IV, Part. I, 1774 IUT LE TK 


74 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Il eft bien vrai que par le mor marbre, cet Auteur , comme plufieurs 
autres Anciens, n’entendoient pas toujours la pierre calcaire. La fur- 
face & l'apparence extérieure font ce qui les dérerminoit dans leurs déno- 
minations plus que la nature des corps qu’ils ne connoïiffoient pas; le 
luifant & le poli que prenoient les pierres, fufifoient pour les faire 
nommer marbre ; mais cela mème prouveroit contre Île pa que 
nous combattons , & prouveroit qu'il n’y a aucune forte de rapport entre 
nos pierres de volcan, & celles qu'on nommoit hazalte. Les nôtres ne 
fauroient ni fe polir, ni acquérir le moindre luifant. Celles qu’on taille, 
laiffent toujours appercevoir un tiflu groflier & fpongieux. 

I n’y a donc que la configuration de nos pierres prifmatiques qui ait 
pu porter à cette opinion ; aufli elt-ce à certe efpèce , comme la feule 
confgurée , qu'il faut faire rapporter le bazalre , felon l'opinion que 
nous combattons. La couleur plus ou moins grisätre de cette pierre eft 
encore un autre point fur lequel on s’eft cru fondé pour la faire rappor- 
ter au bazalte de Pline. Agricola, qui eft parmi nos Modernes , celui des 
Auteurs qui ait le mieux commenté l’idée des Anciens fur le mot hazalte, 
dit à la vérité dans fon Livre de la Nature des Foffiles, que cette pierre 
eft d’un gris de fer, & qu’elle eft une efpèce de marbre fort dur. Il dit 
encore que cette pierre eft angulaire, & qu’on en voit qui ont quatre & 
jufqu’à fept côtés; mais eft-ce d’après ces notions imparfaites, qu'on peut 
juftement faire rapporter le bazalte des Anciens à nos roches de volcans ? 
Il faudroit favoir avant, s’il n’y a pas d’autres efpèces de roches qui 
aient la couleur grife de fer & la figure angulaire, que celles qui pro- 
viennent de volcans ? Il faudroit favoir encoré fi l'Ethiopie ou la Haure- 
Thébaïde d’où avoient été rirées les pierres dont il eft fait mention dans 
Pline , font des pays qui aient éprouvé l'effet des volcans. Or, il nous 
paroît que non , quand nous confulrons le Géographe Strabon & les au- 
tres Voyageurs qui ont décrit les pierres de l'Egypte (1). On ne peut 
s'empêcher au furplus de croire que les pierres dont parle Strabon au 
XVII Livre de fa Géographie , ne foient les mêmes dont fait mention 
Pline; & nous ne pouvons nous empêcher d’obferver que ces pierres 
n’ont aucune forte de rapport avec les nôtres ; qu’elles font d’une nature 
toute différente. Ces pierres, felon le témoignage de cer Auteur, font 
de la mème efpèce que celle dont on fait des vafes, & qu'on travaille. 
Or, comme nous l’avons déja dit, les nôtres ne fauroient l'être. Mon 
intention étroit de poulfer bien plus loin mes recherches fur la narure du 
bazalre des Anciens; mais j’appris de mon frère, dans le rems que j'étois 
occupé à ce Mémoire, qu'il en exiftoit un très-grand de M. Gucttard , 


(1) Ce fentiment eft fortifié par l'infpeétion des fragmens de pierres venus d'E- 
gypre. Il n'y en a pas un feul qui ait la moindre reffemblance avec nos pierres de 
volcans. 


SUR T'HIST: NATURELLE ELLES ARTS. :7s 


fur le même objet , inféré dans le fecond volume de fes Mémoires parti- 
culiers fur différentes parties des Sciences & des Arts. Ce Mémoire 
très-favant & rempli d'érudition , ne laiffe rien à defirer fur ce fujer ; 
mais j'y ai vu avec peine que ce favant Naturalifte y embraffoit une opinion 
route contraire à celle que les obfervations les plus mulripliées & les plus 
réfléchies m’ont forcé d'adopter au fujet de nos colonnes que M. Guer- 
tard ne peut pas croire être l'ouvrage du feu, objeétant que le feu ne 
fauroit rien produire, qui püt ètre aufli régulier que le font beaucoup 
de ces pierres; mais M. Guettard peut-il bien affurer que les matières 
minérales fondues ne font point capables de prendre une forme régu- 
lière en fe refroidiffant ? N’avons-nous pas au contraire l'exemple de 
plufeurs métaux, comme le fer, l'argent, ie régule d’antimoine qui, en 
fe refroidiffanc, prennent une forme particulière ? 11 ne faut que peu 
d'attention pour s’appercevoir que vout fe cryftallife dans la nature, tant 
par le feu que par l'eau. Qu’ainfi il peut y avoir des pierres figurées qui 
reffemblent aux nôtres, fans que pour cela elles foient l'ouvrage du feu ; 
comme il peut y en avoir d’autres qui foient régulières & figurées , fans 
qu’elles foient l'ouvrage de l’eau. Je croisd'ailleurs devoir lever la princi- 
pale difficulté que forme M. Guettard contre la caufe de la configuration 
de nos pierres prifmatiques. Le tumulre & l'agitation violente font les 
caufes qui, felon cet Auteur , ont dù empêcher cer effer ; mais nous lui 
obfervons que la matière de nos colonnes étoit ftable , & formoit le fond 
des volcans : leur fituation aétuelle eft encore pour nous un témoignage 
authentique; ces colonnes n’y font pas étrangères, comme M. Guetrard 
s'efforce de le faire entendre ; elles font à leur place naturelle, c'eft à- 
dire dans le volcan mème dont elles forment encore le fond. Le lac de 
Paven dont nous avons parlé, peut encore venir à no‘re appui , en fai- 
fant remarquer que c’elt le volcan le mieux confervé de rous ceux d’Au- 
vergne. M. Guertard y verra les colonnes nullement dérangées, & rien 
d'étranger qui puifle faire foupçonner qu’elles y font étrangères. Il ne 
refteroit à cet Auteur que de prouver mieux qu'il n’a fait, que ces co- 
lonnes font antérieures au volcan , & qu’elles ont la forme naturelle 
qu’elles avoient avant le volcan. La réponfe à certe objection feroit, que 
ces pierres ont éprouvé l’action du feu comme les autres , qu'elles font 
au RE de la mème nature des autres laves, qu’elles n’en diffèrent que 
par un tiffu plus fin & plus ferré, parce qu’elles font reftées tran- 
uilles, & qu’elles ont éprouvé plus lentement peut-être l’aétion du 
a que les autres pierres des volcans. 
Mais, pour revenir au bazalte de Pline & d’Agricola, je dirai qu’il me 
femble qu'on feroit beaucoup mieux fondé à le regarder comme une forte 
de pierre compofée du genre des cos ou pierre de touche (1). Il ft vrai 


(1) C’eft le fentiment de M. Pott, de M, Bomare, & de plufieurs autres ; mais 
1774. JUILLET. K 2 


76 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


que l’extrème dureté qu’on lui attribue ne s'accorde guèresavec cette idée. 
Mais combien n’obfervons-nous pas de, différence parmi les pierres de 
la même nature ? car nous ne confidérons ici les pierres que felon leur 
compofñtion. Mon frère elt perfuadé que toutes les pierres de ce genre 
font compofées de pierre argilleufe , de quartz & de rerre ferrugineufe. 
11 prérend prouver fon opinion par l’analyfe; mais il faut confulter à 
ce fujer, avant tout, Aoricola , qui fait entendre que les pierres de 
Stolp font de la mème nature que celle de Pline. Ceux qui ont vu ces 
pierres, allurenr qu'elles font au fond de la mème nature que les 
cos ; & leur fentiment fe trouve appuyé par celui de Bruckmann, qui , 
dans fon Traité des Pierres précieufes, page 99 , femble avoir en vue 
les mêmes pierres qu'Agricola. Il eft vrai que ce Minéralogifte les range 
parmi les jafpes; mais il n’y aura en tout cela rien de conforme à nos 
pierres de volcans; & il en réfultera toujours que les pierres bazaltines 
ne peuvent pas être confondues avec les nôtres. On s’eft encore fair 
illufion fur la forme des pierres de Stolp, qu'on a cru femblable à celle 
des nôtres ; mais quand je ne m'en rapporterois pas à ce qu'on m'en 4 
dit, il n’y a qu’à confulter ce même Agricola, pour voir combien elle 
diffère de nos pierres à cet égard. 

M. Bomare comprenant mieux, fans doute, le paffage d’Agricola, 
ou ceux des autres Auteurs qui ont parlé de ces pierres, fair remarquer 
dans fa Minéralogie, tome 1, page 134, que les pierres de Srolp diffè- 
rent de celles du Comté d’Antrim en Irlande, en ce qu’elles ne font pas 
compolées, comme ces dernières, de plufieurs pièces rapportées & arti- 
culées enfemble ; il auroit mieux fait encore s’il avoit afluré qu’elles ne 
fe reflemblenc pas du tout; celles d’Antrim font fans doure provenues, 
comme celles d'Auvergne, des volcans; & celles de Srolp font natu- 
relles, & ne font que des mafles énormes entaffées fans régularité, les 
unes fur les autres ; anguleufes à la vérité, comme le dit Agricola ; mais 
quelle pierre dans fon état naturel n’eft pas pourvue d’angles? Quant à 
la nature de ces pierres, nous ne rapportérons pas ce que nous en avons 
déja dit : l'examen chymique de ces pierres ne dément point ce que mon 
frère & M. Pott en difent : au furplus, fi on vouloit abfolument trouver 
en Auvergne des pierres femblables au bazalte de Pline & d’Agricola, ce 
ne feroit pas dans nos volcans qu'il faudroit les chercher, mais dans 
plufeurs autres endroits qui n’ont pas été altérés par le feu. Je crois en 
avoir obfervé auprès du Mont d'Or & de Beffe : elles font auffi très dures, 
& fervent à aiguifer les outils. Mon frère a de plus obfervé, que la 
pierre qui entoure ou forme le baflin de la fontaine célèbre du Cha- 


2 


tous ces Auteurs confondent mal-à-propos ce bazalte avec les roches de volcans ; & la 


forme de ces dernières a été la caufe qu'on l'a attribuée à beaucoup d'autres d'efpèce 
bien di férente, 


ww: LA LIBRES ER 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 77 


pitre d'Aurillac, eft abfolument de la même qualité que celles de Stolp. 
Cette pierre eft de la plus grande dureré; mais elle ne feroit pas pour 
cela capable de fervir d’enclume , comme le dit Agricola. 

IL réfulce de ce que nous venons de dire, par une conféquence natu- 
relle, que fi les pierres dont parle Agricola, font les mêmes que celles 
dont parle Pline, cette dernière ne peut être nullement comparée à 
nos roches prifmatiques de volcans ; & j'ajouterai, en terminant ce 
Mémoire , une réflexion bien naturelle, qui eft que les Gaules éroient 
trop connues des Romains , au rems de Pline, pour qu'ils igno- 
rallent qu’il n’y a rien de fi commun en Auvergne que ces roches; & 
Pline auroit été bien mal inftruit, s'il n'avoir pas fu qu'il exiftoit 
dans notre Province des roches femblables à celles qu'il défignoit par 
le nom de bazalte ; cependant le filence que cer Auteur garde à ce fujec, 
prouve qu’il ne les croyoit pas de la même efpèce. 


OS ER RAT CR ON 
Sur le faux Bois de Camphre; 


Par M SONNERAT. 


Camphorata falfa Capenfis , umbellata frutefcens fo/is oblongis 
dentatis. 


L E faux bois de camphre eft un petit arbriffeau qui ne s'élève qu’à la 
hauteur de quatre à cinq pieds; la fleur eft en parafol, de couleur 
blanche ; les feuilles font oblongues, denrelées fur les bords, & cou- 
vertes d’un léger duvet blanchätre ; fes branches font également cou- 
vertes de ce düver. Cer arbriffeau eft commun fur la montagne de la 
Table; il répand une odeur forte, défagréable, fur - tout lorfqu'on frotte 
la eur ou la feuille entre les doigts. Cette odeur a un peu de rapport 
avec celle de camphre; ce qui lui a fait donner dans le pays le nom de 
faux bois de camphre. Voyez Planche I. 


# 
* 


« 
# 


1774. JUILLET. 


78 OBSERV ATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Div Sa ER LP ea 5 O5 AN 


Du Guaperva cendré ; 


Par M SONNERAT , PI. II. 


A PRÈS avoir fait connoître dans le tome III de ce Journal, p.217 &c 
445 , plufieurs efpèces du genre des Guaperva , il eft tems de parler de 
la troilième beaucoup plus rare que toutes les autres; puifque dans le 
cours de deux années, je n’ai pu m’en procurer que deux. Je la nomme 
Guaperva cinerea | à caufe de fa couleur d’un gris cendté fur le dos, & 
d’un gris plus clair fous le ventre : fa longueur eft de dix pouces envi- 
ron; il y a près de la queue une tache noire, précédée de trois cercles 
demi- circulaires d’une belle couleur bleue. Deux font éloignés du troi- 
fième , qui eft le plus proche de la queue , & qui touche la rache noire 
d’un pouce environ de longueur. 11 y a aufli une bande noire qui prend 
au-deflus de l'œil, & fe rermine vers là nageoire peétorale. La pre- 
mière nageoire du dos a quatre rayons épineux liés enfemble par une 
membrane ; la feconde eft compofée de vingt-quatre portions offeufes 
& ramifiées, ainfi que celles de la nageoire de l'anus, qui font au 
Ur de vingt-un. La nageoire pectorale en a quatorze, & la queue 
ouze. 


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SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 39 


NOUVELLES LITTÉRAIRES. 


Car ALOGUE des Curiofiés naturelles qui compofent le Cabinet de 
M. de ***, dont la vente fe fera à Paris, rue de la Sourdiere , le Lundi 
4 Juillec 1774 & jours fuivans, à trois heures précifes de relevée. 1 
vol. ir-8°, de 294 pages. À Paris, chez Claude Hériffant , rue Neuve 
Notre-Dame. 

Depuis la vente du Cabinet de M. Davila , on n’en a point annoncé 
dans certe Capitale qui füc plus digne de l'attention des Naturaliftes & 
des Curieux. Ce Catalogue eft rédigé d’après la Defcriprion méthodique 
d’une Colleëlion de minéraux du Cabinet de M. D. R. D. L. dont nous 
avons parlé, avec cette différence cependant qu'il n’y eft fait aucune 
mention des minéralifareurs, & chaque morceau y eft décrit de ma- 
nière à les faire connoître. 

» Quelques perfonnes inftruites, dit le rédacteur de ce Catalogue, 
» mais qui vraifemblablement ne connoiflent la Minéralogie que de 
» nom , fe font refufées aux preuves que nous avons déja données, de 
» la formation de certaines mines par la décompofition d’autres mines primi- 
» tives. À les en croire, nous fommes des vifionnaires, & nos afler- 
» tions font dénuées de preuves ; mais que ces perfonnes viennent & 
» voient , & nous ne doutons pas qu’elles ne changent de langage à 
» linfpeétion d’un grand nombre de morceaux qui fe trouvent dans 
» cette collection , plufeurs defquels font caraétérifés au point de por- 
» ter la conviction dans l’efprit le plus prévenu. 

On pourroir demander au Rédacteur fi ces perfonnes inftruites dont 
il parle , fe refufent à l'évidence, ou parce qu'elles envifagent la Miné- 
ralogie comme une fcience qui n’admet aucune hyporhèfe, ou fi la 
fcience minéralogique qu’elles ne connoiffent que de nom, confifte dans 
une nomenclature ? Dans le fecond cas le Rédacteur a raïfon ; mais fi 
Ja nomenclature eft une fcience fi néceffaire , 1l eft important qu’elle foit 
jufte , & qu’elle ne donne pas à un lieu le nom d’un homme, & à un 
homme celui d'un lieu. On lit page 89, article 372, échantillons de 
Galene ; deux à grandes facettes, l’un avec une mine de plomb rou- 
geârre dance fes cavités, de Blumeffin près de Vienne , & l'autre avec 
mine de plomb blanche, de Bohème. 

On connoît dans le rerritoire de Vienne trois différentes mines de 
plomb ; une au nord de cette Ville, appellée sreffin, une dans la Ville 

1274 JUIL ET. 


80 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


même de Vienne, quartier de Pont-Evèque ; la troifième enfin à une 
lieue & demie au-defous de Vienne. Aucune de ces mines ne s'appelle 
Blumeftin. C'eft le nom du Conceffonnaire , fils du célebre Mineur 
de ce nom, que Louis XIV fit venir d'Allemagne. On connoit encore 
près de Vienne une autre mine de plomb, mais c'eft à une lieue au- 
deffous de certe Ville, de l’autre côré du Rhône, & dans le Lyonnnois. 
Elle eit fituée dans le Village d’Ampius au territoire de Cote-Rôtie; & 
on en trouve des morceaux détachés dans une des vignes qui donne le 
vin le plus renommé de ce canton. On ne parlera pas des différentes 
fouilles faites dans le Lyonnois vis-à-vis Vienne ; on fe contente de cer- 
tifier qu'aucune mine ni fouille ne portent le nom de Blumenftin. Cetre 
erreur de nom n’eft pas la feule de ce Catalogue. 


Suité du Précis fur les Montres marines de France , avec un Supplé- 
ment au Mémoire fur la meilleure manière de mefurer le rems en mer, 
par M. Le Roy, Horloger du Roi, ir-4°. de 100 pages. À Paris, chez 
l'Aureur, rue du Harlai ; chez Bailly, quai des Auguftins, &c. L'alrerca- 
tion entre M M. Berthou & Le Roy au fujet des Montres marines fixe 
aujourd’hui l'attention du Public : de part & d’autre on publie des Mé- 
moires qui réfoudront bientôt le problème. 


Manuel fecret & Analyfe des Remèdes de MM. Sutton, pour l'Inocu- 
lation de la petiie Wérole ; par M. de Villiers, Docteur-Régent de la 
Faculté de Médecine de Paris, ancien Médecin des armées du Roi de 
France, & Médecin de l'Ecole Royale vétérinaire. ir-8°. de 36 pages. 
A Paris, chez Didor, Libraire , quai des Auguftins. Chacun connoît ou 
a entendu parler de la manière d’inoculer la petite vérole, & des fuccès 
que MM. Sutton ont eu en Angleterre & en France ; mais on ignoroit 
en quoi confiftoit leur remède & la manière de l'adminiftrer. On doit 
des éloges au zèle ardent de M. Villiers ; il a été affez heureux pour 
connoître l’un & l’autre & faire jouir Le Public de fes découvertes. 


Détails des fuccès de l’établiffement que la Ville de Paris a fait en 
faveur des Perfonnes noyëes : premier Supplément depuis le premier 
Avril1773, jufqu'à la fin de cetre mème année; par M. P. A. À Paris, 
chez Lorrin l'aîné, Imprimeur-Libraire, rue Saint Jacques, près S. Yves. 
in-12 de 11$ pages. Il eft inutile de faire l'éloge de cer établifement. 
I parle par lui-même , & l'éloge le plus fatteur fans contredit fe trouve 
dans les actions de graces des perfonnes qu’on a eu le bonheur de rap- 
peller à la vie. L'exemple gagne de proche en proche; & jamais une inf 
truétion qui tend au bien de l'humanité n’eft fans fuccès. Nous rappor- 
terons à l’occalion des Noyés rappelés à la vie une Lettre écrite de 
Sefanne, par M. Rochard, Docteur en Médecine à M. de Villiers, Chi- 
rurgien principal de l'Hôtel Royal des Invalides , dont le zèle les con- 

noiffances 


SUR L'HIST: NATURELLE ETLES ARTS. 81 


aoïflances fe fonc plufeurs fois manifelté à Paris dans de femblables 
occalions. Voici comment s'exprime M. Rochard, 

Le 3 Juin'dernier , je fus appellé pour voir une petite fille $vée de 
neuf ans, qu'on venoit de tirer d'un puits très-profond où elle évoir 
tombée , en y puifant de l’eau. Heureufement qu'on la vit ; on s em- 
preffa de defcendre ; & après des recherches qui durèrent plus d’une 
demi-heure, on la retira du fond bourbeux où elle éroit enfoncée, avec 
un crocher qui s’attacha à fes juppes; ce qu’on jugea par la réfiftance & 
par la terre graffe dont fon vifage & fes vtremens étoient fouillés. Quand 
J'arrivai, je la vis entourée de plufeurs perfonnes qui la tenoient, les 
pieds en haut pour évacuer , difoient-ils, les eaux qu’elle avoit avalées: 
je Gs ceffer cetre dangereufe manœuvre, & la dépouillai de tout ce qui 
la couvroit. Elle éroit froide par tout le corps, fans refpiration , fans 
pouls, ayant les yeux fixes, rernes.& à moitié fermés, enfin préfen- 
tant rous les fignes de la mort. Je la fis pofer tout de fon long fur de la 
cendre chaude mife dans les plis d’un drap, & la fis frotter par tout le 
corps avec des flanelles chauffées ; pendant qu’on employoitces fecours, 
je lui foufflois de l’air dans la bouche avec un tuyau de plume, en lui 
bouchant les narines ; une demi-heure après, la chaleur étant revenue 
par les friétions & le lit de cendres , le fentiment étant toujours abfent, 
je fis mettre une pêle au feu ; quand elle fut rouge , je l'approchai fous 
le nez de l'enfant, & je mis deffus du tabac en poudre, dont je lui fouf- 
lois la fumée dans les narines; j'y préfencai aufli par intervalle un facon 
d’eau de Luce , qui produilit un petit mouvement dans ces parties. En- 
couragé par ce fuccès, je répétai la fumigation de tabac & la vapeur 
d’eau de Luce : je joignis à cela un lavement de rabac : aufli-t6c qu'il fut 
pris, l’éternuement annonça le retour à la vie ;la Petite malade vomit 
beaucoup, & évacua par bas : elle avoit fur le bord des lèvres un écume 
fanguinolente, la refpiration haleranre , effet de l’embarras des bron- 
ches & de la rupture de quelques vailfeaux capillaires du poumon. Pen- 
dant ces évacuations, le vifage s'animoic , & les artères battoient ; & 
comme l’action de l’eau de Luce & de la famée de tabac avoit irrité trop 
fortement les narines, la malade y portoit à tour moment les mains. 
Au bour d’une heure elle bégaya quelques mots, & crois quarts d'heure 
après elle reconnut ceux qui l’enrouroient. Comme elle avoit quel- 
que contufion légère, & que la tête étoit gorgée; effet ordinaire de la 
ubmétlion : que d’ailleurs la hauteur du puits pouvoit avoir excité une 
commotion , les Chirurgiens de ce pays érant tousten campagne, je la 
faignai, & j'eus le farisfaction un quart-d’heure après, de l'entendre 
tem une converfation fuivie ; elle fut encore faignée quatre heures 
après ; le lendemain elle fe leva, & n'avoit d'autre embarras qu'un 
grand mal de rèré ; je lui fis prendre une infufion de vulnéraires Suifes. 
Ÿe la purgeai le furlendemain , & lui 6s continuer pendant plufeurs jours 

Tome IV, Part I. 1774. IOWEITET, bn 


82 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


les vulnéraires; le cinquième jour elle ne fe fentoit plus d'incommodité ; 
&depuis ce rems elle vaque à fes petites occupations. Comme cette cure 
a fait du bruit dans cette Ville, M. Moutier , Préfident du Bailliage , & 
Subdélégué de M. l'Intendant , m'a demandé un précis de cet heureux 
évènement , qu'il a envoyé à M. l'Intendant. La petite malade inter- 
rogée fur ce qu’elle a reffenti à l’inftant de fa chüte , a dir qu'elle ne fe 
fouvient de rien autre chofe que d’avoir éprouvé comme limpreffion d’un 
grand mal de tête, à l’inftant de fa chûte dans le puits dont les bord fur- 
palfent l’eau de vingt pieds. 


Obfervations météorologiques faites à Pekin par le Pere Amiot ; mifes 
en ordre par M. Meflier, de l'Académie Royale des Sciences, 1 vol. 
in-4°. de 8$ pages. A l’Imprimerie Royale. : 

Ces obfervations qui commencent au premier Janvier 1757, & fe 
terminent au 31 Décembre 1762 , ont été envoyées par le Pere Amiot, 
Mifionnaire ,à M. Bertin, Miniftre & Secrétaire d'Erar. On y lit des faits 
dont nous allons rapporter deux principaux auxquels nous ajouterons 
quelques obfervations. 

Pendant l’éré de 1761 ileft rombé plus de cinq pieds d’eau ; des Villes 
ont été inondées , des millions d'hommes noyés , & des Villes 
entières ont été englouries. Une fi grande quantité d’eau devoit pro- 
duire de tels malheurs ; mais quelle proportion y a t-il entre cinq pieds 
d’eau rombés à Pekin, avec celle qui tombe ordinairement à Paris. À 
peine comprons-nous dix-huit à vingt pouces d’eau dans les années 
mêmes les plus pluvieufes ? Et le terme le plus fort a été de vingr-deux 
pouces. 

Si on ne connoifloit pas les obfervations du Pere Amiot, on auroit 
peine à croire qu'il fic auffi froid à Pekin qu'à Paris, vu fa pofition qui 
eft d’environ neuf degrés plus méridionale ; lorfque l’on compare ce qui 
a été dit ily a dix-huitans, dans une lettre du Pere Gavbil , Miflion- 
naire en Chine, adreffée à M. de Mairan , & datée de Pekin, du 26 
Otobre 1750, dans laquelle il eft dic : » Les vieillards de Pekin n’ont 
» vu d'années où le chaud ait été aufli grand qu’au mois de Juillet 1743. 
» Dèsle 13 Juillet, la chaleur parut infupportable, & la confternation 
» fur oénérale à la vue de beaucoup de pauvres gens, fur tout gens 
» gras & réplets qui moururent fubitement , & qu'on trouvoit morts fur 
» les chemins, dans les rues & dans les maifons: Les Mandarins, par 
» ordre de l'Emperêur , délibérèrent fur les moyens de foulager le peu- 
» ple : dans les grandes rues & aux portes de la Ville on diftribuoit 
gratis des remèdes , on donnoit de Îa glace, & on faifoit par-tout 
» de grandes aumônes. 

» Depuis le 14 Juillet jufqu'au 25 du même mois, les grands Man- 
» darins comptèrent 11400 perfonnes mortes de chaud dans la Ville & 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. &®; 


» les Fauxbourgs de Pekin , tous gens pauvres; comme artifans, &c: 
» On ne compta pas les gens aifés & en place , mais il y en eut un auñi 
grand nombre, Certe chaleur extraordinaire fut mefurée à un thermo- 
mètre, divifion de M. de Réaumur, & expofé au nord. 

Le 20 & le 21 Juillet à trois heures après midi, le thermomètre 
monta à 33 3 

Le 22 & le 23 à la mème heure à 34. 

Le 244134. 

Le 25 à 3; L 

Cette chaleur eft forte à la vérité ; mais elle eft éloignée de celles qu’on 
éprouveen Syrie, qui va à-$c de celle du Sénégal de 38 1; & on eft fur- 
pris qu’elle ait été fi funefte à Pekin. Ne pouroit-on pas conclure que 
le palfage à certe grandeur a été rrop rapide, que le fang a éprouvé trop 
fubitemenc certe grande raréfaétion. Ces s0 degrés de chaleur ne paroi- 
tront plus fi extraordinaires, s’il eft vrai, comme le dir M. Sonnerat , 
(voyez le Cahier d'Avril 1774, page 256 ) que dans l’Ifle de Luçon, des 
poilfons vivent dans le ruiffeau de Laguna dont l’eau a 69 degrés de 
chaleur , divifion de M. de Réaumur. Nous avons eu en France un 
exemple d’une chaleur auffi confidérable. M. Plantade écrivoit, en 1705, 
à M. de Cafini, que de mémoire d'homme on n’avoit éprouvé à Mont- 
pellier une chaleur comparable à celle du 30 Juillet. L’air fut ce jour-là 
prefque aufli brülant que celui qui fort des fours d’une verrerie, & on 
ne trouva point d'autre afile que les caves. En plufeurs endroits on fic 
cuire des œufs jau foleil: Les thermomètres de M. Hubin caffèrent par 
la liqueur qui monta jufqu'au haut. Un thermomètre de M. Amon- 
tons, quoique placé dans un lieu où l’air n’entroit pas librement, monta 
fort près du degré où le fuif doit fondre. La plus grande partie des 
vignes furent brülées en ce feul jour ; ce qui n’étoit jamais arrivé dans 
les environs de Montpellier. On obferva que durant cer été fi ardent les 
pendules avancèrent beaucoup. 

Si on confulte encoreles Mémoires de l’Académie, on trouvera, 
anné 1774,un Mémoire de M. Tillet , fur les degrés extraordinaires 
de chaleur auxquels les hommes & les animaux font capables de réfifter, 
dans lequel il eft fait mention d’un fait très-fingulier. Une fille, au 
fervice d'un four, s'offrir poux entrer , & pour marquer la chaleur précife 
de la liqueur du thermomètre : elle y entra ; &, après avoir refté dans 
le four pendant quelques minutes , elle marqua le chermomerre à efprit- 
de-vin pour lors monté à plus de 100 degrés. Craïgnant qu'une chaleur 
aufi confidérable ne lincommodär , MM. Duhamel & Tiller l’enga- 
gèrent à fortir du four ; mais, malgré leurs inftinces , elle voulut y refter 
encore, & leur dit qu'elle éroit accoutumée à y refter plus long-tems, 
fans avoir befoin de refpirer un air frais; enfin , après dix minutes, la 
fille en fortir, & le thermomètre écoirà cent trente deorés, Cerre fille avoic 

1774 JUILLET, La 


84 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


alors le vifage fort rouge , mais elle ne parut pas plus incommodée qu'on 
ne left quelquefois dans l'été , à la fuite d'une chaleur extraordinaire , 
& fa refpiration n’avoit rien de bien précipité. 

Ces exemples nous invitent donc à penfer que la mort caufée à un fi 
grand nombre d'habitans de Pekin , vient plutôt de la crop prompte raré- 
faction du fang (ou peut-être de quelque autre caufe dont ne parle pas 
M. Meflier, d’après le Pere Amiot) que de l'excès de cette chaleur qui 
eft moins forte que celle qu'on éprouve au Sénégal ou en Syrie. 


Nouveau & parfait Limonadier, où manière de préparer le thé, le 
café, le chocolat, & les autres liqueurs, par P. Maffon. À Paris, chez 
Leboucher , Libraire, quai des Auguftins. 


A Diféours &c. Difcours fur la meilleure méthode de faire des re- 
cherches médicinales , prononcé le 18 Janvier 1774, dans une affemblée 
de la Société Royale de Londres, par M. Jacques Sims, Docteur en 
Médecine, & Membre de certe Société. À Londres, chez Johnfon. 
L'Auteur, après avoir parcouru les grandes hypothèfes fi long -tems 
difcurées en Médecine, fait voir que la meilleure manière de s’inftruire 
dans l’art de guérir, confifte à bien obferver & à en faire d’heureufes 
applications. 


Traduëtion Allemande des Mémoires de la Société économique libre 
de Saint Péresbourg, pour l’encouragement de l’Agriculrure & de l'Eco- 
nomie rurale en Ruflie. À Riga, chez Hartknoch. 


Supplément aux Connoiffances minéralogiques qui concernent lz 
Bohème, par M. Ferber in-8°. À Berlin, 1774. écrit en Allemand. 


Nouveaux Mémoires de l'Académie Royale des Siences & Belles- 
Lettres de Berlin. 


Introduëtion complette à la connoiffance & à l'hifloire des Pierres & des 
Pétrifications , par M Schræter, premier Pafteur de lEglife de Saint- 
Pierre à Weimar , rome premier , ër-4°. À Alrembourg , chez Richter. 
Cet excellent Ouvrage , écrit en Allemand, mériteroit d’être traduit en 
François. Ce fera l'Ouvrage le plus étendu qui aura paru en ce genre. 


P. Sinnerat del. 


JUILLET 1774 


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SUR L'HIST. NAZÇURELLE EVIRDESEARTS."" "48 


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Sur la vraie caufe de l’afcenfion , & de la defcente du Mer- 
cure dans le. Baromètre ; 


Et fur les moyens de tirer tout l'avantage poffible de cet Inflrument ; pour 
connoëtre & prévoir les variations de l’athmofphère ; 


Par M. CHANGEUX (1). 


1 


"he RICELLI, Defcartes, Pafcal , nousont appris que le mercure fuf- 
si dans un baromètre ,defcend d’autant plus qu’on l'élève à la fur- 
ace de la terre. MM. de Caflini, Maraldi & de Chazelles ont trouvé 
environ dix toifes d’élévation pour chaque ligne de certe defcente, en 
ajoutant un pied à la première dixaine, deux à la feconde , trois à la 
troifième , &ainfide Fire, On peut voir dans 1 Ouvrage de M. de Luc , 
(Recherches fur les Modifications de l Athmofphère ) comment il faut 
fe fervir du baromètre pour mefurer les hauteurs. 

Ces expériences ont démontré la pefanteur de l'air; & les conféquen- 
ces qu'on a tirées de cette découverte , ont éclairé prefque routes les 
parties de la Phyfique. 

Mais le baromètre offre d’autres effets aufli curieux , & d’une utilité 
plus générale , dont les caufes ne paroïffent pas avoir été aufli bien con- 
nues. Ces effers font les variations, c’eft-à-dire , l’afcenfion ou la def- 
cente du mercure dans un même lieu pendant les changemens de l’ath- 
mofphère. 


oo 


Cr) Si Fopinian que l’Auteur embraffe dans cette Differtation , eft fufceprible de 
qnelques difhcultés , c'eft au moins l'opinion la plus fimple & la plus conforme au gé- 
nie de la nature. Elle a cet avantage fur celles qui ont paru jufqu'à ce jour, qu'on ne 
fuppofe point fon principe ; les Phyficiens verront avec plaifir fon immenfe fécondité , 
pour rendre naturellement raifon de tous les phénomènes qui ont rapport aux diffé- 
fens mouvemens de baromètre. Cette doétrine peut, ileft vrai, fouffrir quelques dif- 
ficultés de la part des Leibnitiens; mais il s'en faut de beaucoup que leur opinon foit 


aufli bien fondée, 
_1774 AOUST. 


86 . OBSERVATIONS SUR A PHYSIQUE, 


On a peine à concevoir pourquoi, lorfque l’athmofphère eft le plus 
chargé de nuages , le mercure defcend. L'air pèfe donc alors moins fur 
Ja colonne de mercure qui eft en équilibre avec lui ; mais le raifonne- 
ment paroît démontrer que la preflion devroit être plus confidérable. 

Les Phyfciens, qui ont tenté d'expliquer cette efpèce de paradoxe, 
ont propofé des folutions plus ou moins ingénieufes : ces folurions n'ont 
pas paru également fatisfaifantes ; aucune ne répond à toutes les condi- 
tions du problème. 

Selon M. Daniel Bernoulli, (voyez l'Hydrodynamique de cet Auteur), 
les variations du baromètre ont deux caufes ; la raréfaétion ou la con- 
denfation prompte de l'air, &fon inertie. Mais, pour s’affurer du pet 
de fondement de cette théorie , il fuffit 14. d'opérer la condenfarion & 
Ja raréfaétion prompte de l’air contenu dans un vaiffeau de verre où l’on 
enfermera un baromètre(1); & l’on verra le peu d'effet dont ces alter- 
natives font fuivies ; 20. il eft d'expérience que le baromètre defcend & 
monte très-fenfiblement , fans que nous éprouvions les alternatives dont 
parle Le favant Géomètre. Il n’a donc fair que fuppofer la caufe qu'il 
admet; & une fuppofition n’eft point en bonne Phyfique une preuve, 
concluante. 

M. Leibnitz prétend que lorfqu'il pleut , l’athmofphère ne foutenant 
plus les nuages , n’en ett plus chargé : il eft donc plus léger ; le mercure 
moins preflé doit par conféquent defcendre. Ce raifonnement feroit 
bon , fi le mercure defcendoit toujours lorfque les nuages combent (2); 
mais l'expérience prouve le contraire. D'ailleurs, la defcente ou l’af- 
cenfion ne varieroient point fuivant les climats. Or, les pays fepren- 
trionaux & les pays méridionaux apportent des changemens très-confi= 
dérables dans les vacillations du baromètre. 

M. de Mairan a recours aux agitations de l’athmofphère , qui lui don- 
nent une pefanteur relative, plus ou moins grande, la pefanteur abfolue 
reftant la mème. Outre ces agitations ou ces variétés dans les vents, fi 
communes dans les zones tempérées, M. Halley admet la production 


(x) On fe fervira pour cela du baromètre réduit. 

(2) C'eft par cette raifon que je ne puis me prêter au fyftème , d’ailleurs ingénieux 
d'un Savant de mes amis. Il (uppofeque les nuages une fois condenfés, & fe diri- 
geant vers la terre, doivent agir fur l'air, à-peu-près comme un corps que l'on 
plonge dans un vafe plein d’un fluide : ce corps fait remonter la liqueur qu'il déplace ; 
& le déplacement eft en raifon de fa male. L'air, dit-il, eft ce fluide. Quand les - 
nuages tombent ou fe dirigent vers la terre, leur maffe déplace l'air qui , par fon élaf- 
ticité remonte ou reflue dans les régions voifines de celle que la pluie menace ; la quan- 
tité de l'athmofphère diminuant dans celle-ci, il n'eft pas étonnant que le mercure 
defcende ; & remarquez, ajoure-t-il, que plus les nuages font confidérables , plus le 
baromètre defcend, parce que le déplacement de l'air doit être en raifon du volume 
des nuages. 


de 14 


SUR'L'HIST NATURELLE ET LES ARTS. 87 


& la précipitation des vapeurs dont l'air eft plus chargé dans un tems 
que dans un autre. Le Docteur Défaguiliers prétend expliquer par ces 
principes les variations les plus bifarres ; mais aucun de ces trois Auteurs 
n’a érayé fon hypothèfe d’une manière sûre. L'agitarion artificielle de 
l'air la plus confidérable ne produit point de variations fenfibles : l’agi- 
tation naturelle de l'air peut être très-confidérable , fans que le mercure 
baiffe. 11 eft des vents même qui le font monter, comme nous le ver- 
rons par la fuite à l'égard des vapeurs qui tantôt montent, tantôt def- 
cendent dans l’athmofphère , & qui, dès qu’elles ne font pas foutenues, 
doivent le rendre plus léger ; il auroit fallu fpécifier leur nature, pour 
démontrer l’effer qu'on leur attribue ; dire que lorfqu’elles defcendent, 
elles doivent (comme Leïbnitz l’affuroit des nuages) faire baiffer le 
mercure , feroit fuppofer un fait général que l'expérience dément tous 
les jours. 

Plufieurs Philofophes fe perfuadent que l'élafticité de l'air ef la caufe 
cachée à laquelle il faut avoir recours. M. de Molières renoit à ce prin- 
cipe ; & l’on en fait encore plus d'ufage que de tous les autres. Il n’eft 
cependant pas plus fatisfaifant; l'eau, dit-on , diminue l'élafticité de 
l'air: donc, dans les téms fombres, chargés de nuages , ou pluvieux , il 
doit agir moins fur le baromètre , & le mercure defcendra. Dans les 
tems féreins & fecs il agit plus , & le mercure montera plus ou moins, 
fuivant le degré de fechereffe ; mais il faut confidérer que dans les 
tems fecs, c’eft-à-dire , lorfque les nuages ne font pas rafflemblés, & 
que les vapeurs aqueufes font à une très-grande élévarion , il eft évident 
que la région de l’athmofphère oùelles fe trouvent, eft très-humide , ce 
qui détruit toutle fyftème fondé fur l'élafticité de l'air; car ce n’eft pas 
l'état de l'air que nous refpirons à la furface de la terre, mais l'état des 
couches fupérieures , aufli bien que des couches inférieures qu’il faut 
confidérer , quand on veut évaluer les effets de cer élément. D'ailleurs , 
fi l'on rend l'air d’un récipient très-humide , & qu’on y place un baro- 
mètre ( réduit ; ilne defcend point ; une grande quantité de vapeurs de 
diverfes natures, produites fucceffivement fous ce récipient , ne caufent 
aucune variauon. Îl n'y a que celles qui abforbent de l'air & qui dimi- 
nuent fa quantité, qui faflent defcendre le mercure : toutes celles aux- 
quelles on attribue la diminution de l’élafticité de l'air, font fans aucun 
effet du moins apparent (1). 

Concluons : ce n’eft ni à la condenfation & à la raréfaétion fubite de 
l'air , ni à fon inertie, ni à la condenfation & à la raréfaétion de l’eau 
& la defcente des nuages , ni à l’agiration de l’athmofphère & à la 


(1) On trouvera quelques autres fyftèmes encore moins fatisfaifans dans l'Encyclo- 
pédie, article Baromètre. 


1774. AOUST, 


24 


88 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


variété ; à l'oppofition & à la différence combinaifon des vents, n1à la 
production & à la précipitation des vapeurs , ni à l’élafticité de l'air, que 
l'on peut attribuer les variations du baromètre. Il feroit facile de prouver 
que les Savans qui ont eu recours à ces principes, ont pris les effets 


pour les caufes. 
ISr 


Un feul coup de pifton fait fenfiblement defcendre le mercure d'un 
baromètre placé fous le récipient de la machine pneumatique. Dans une 
machine de compreflion on fait monter auffi le mercure dès que l’on 
augmente la quantité de l'air. Or , quelque caufe jufqu’à préfent incon- 
nue ne pourroit-elle pas produire une diminution & une augmentation 
réelle dinsla quantité de l’athmofphère , lors des changemens des rems ? 
Si cela étoir , il feroit aifé, par ce principe fimple, d'expliquer l’afcen- 
fion & la defcente du mercure dans le baromètre. 

Ainf , lorfque l’achmofphère eft chargé de nuages, & lorfqu'il paroîc 
pur & ferain , il feroit dans deux érats très-différens , par rapport à la 
quantité d'air qu'il contendroit. Dans le premier cas, (quelqu'extraor- 
dinaire que cela paroiffe } , il auroit beaucoup moins d'air que dans le 
fecond. 

Je me propofe d'appuyer cette théorie nouvelle , maisla plus palpable 
& la moins compliquée, par des raifons folides. 

10. Jerapporte rous les effers que produifent fur le baromètre les chan- 
gemens de l'athmofpèhre, à l'abforption de l'air, foit nautrel, foit fac- 
tice, qui s'élève dans l’athmofphère , & qui en diminue la mafle ou la 
quantité , & à la re/firution ou à la régénération de ce même air qui lui 
rend cette malle ou cette quantité. 

20. Cette abforption & cette reftitution alternatives fe font prin- 
cipalement par l’eau (ou les nuages). 

Que l’athmofphère foit plus ou moins pefant dans la proportion de 
fa diminurion & de fon augmentation , & que de-là doivent s’enfuivre 
des degrés divers de defcente ou d’élévation de la colonne de mercure 
qui eft en équilibre avec une pareille colonne d’air : cela eft trop évi- 
dent , pour que je m'y arrère ; 1l doit arriver ici le même effer que dans 
une balance où l’on fuppofe que deux corps du même poids font placés : 
ces deux corps font en équilibre ; mais fi vous retranchez à l’un d'eux 
une partie de fa mañle , l’équilibre eft aufli-rôt rompu , le corps auquel 
vous n'avez pastouché devenant fpécifiquement plus pefant que l’autre , 
fait baiffer & entraîne le plat de la balance; tandis que l’autre corps 
s'élève , parce qu'il eft devenu plus léger ; reftituez ce que vous avez 
ôté au premier, l’équilibre fe rétablit. Le baromètre , fuivant moi , eft 
cette balance : l’un des poids qui refte toujours le même, eft le mer- 
care fufpendu dans le tuyau de verre; & l'air eft l’autre poids-qui 

tantôt 


SURCFNHIST, NATURELLE ET LES ARTS. 89 
tantôt diminue , & tantôt reprend fa mafle ; c’eft ce qu'il s’agit à pré- 


feut de prouver, 
LA"L 


Soit que ce foit le foleil ou le feu central de la terre ou les fermenta- 
tions inteftimes du globe que nous habitons , qui caufe les exhalaifons 
aqueufes qui fe forment & fe raflemblent en nuages, foit que toutes ces 
caufes concourent à les produire, on convient que la chaleur eft le prin- 
cipe de ces exhalaifons : l'action de Ja chaleur fépare de l’eau les parti- 
cules les plus déliées ; ces petites maffes que les Phyfciens fe repréfen- 
tent fous la forme de ballons vuides, deviennent plus légères qu’un 
pareil volume d'air ; &, fuivancles loix de l’hydroftatique , elles vont fe 
réunir dans une région de l'athmofphère où elles font en équilibre avec 
un air moins pefant que la couche qui environne immédiatement la 
terre. Se raréfent-elles davantage par l’action du foleil , elles montent 
encore jufqu'à ce que des froids ou des vents oppofés les rapprochent & 
les condenfent ; alors, elles forment les nuages que leur poids fait tom- 
ber , quand il furpalle celuide l'air qui les foutient. Le froid faifr-il les 
particules de l’eau avant qu’elles foient réunies en groffes gouttes ? les 
nuages tombent fous la forme de neige. Quelque vent froid condenfe- 
t-il les groifes gouttes? c’eft la grêle. S'il n'arrive point de congella- 
tion , les nuages rombent fous la forme de pluie. 

Qu'arrive t-il dans ous ces cas ? un dégagement ou une production 
& une abforption fucceflifs d'air , foit naturel , foit factice. 

10. Quand à l'air raturel, l'eau , en fe raréfant par la chaleur, en 
kiffe échapper , comme nous Le verrons, une grande quantité; les plan- 
tes & tous les corps en font autant. Eit-il étonnant que lorfque l’eau 
s'élève dans l’athmofphère , il s'en forme beaucoup ? C'eft cependant le 
tems où ces vapeurs s'élèvent , (que nous appellons beau ou ferein } 
que la quantité de l'athmofphèré augmente, & que le baromètre plus 
preflé doit monter ; mais l'eau eft fort avide de reprendre l'air que la 
chaleur lui a fait perdre. Ainf, dès que les vapeurs aqueufes fe conden- 
fent, elles reprennent l'air qu’elles avoient perdu ; (& c’elt ce quenous 
voyons arriver à l'eau que l’on à fait bouillir , ou que l’on a expofée fous 
le vuide de la machine pneumatique) ; la maffe de l'athmofphère dimi- 
nue alors ; car , quoique l'air abforbé foit contenu dansles nuages, lef- 
quels eux-mêmes fe trouvent dans l’athmofphère , comme cet air n’a 
plus fes propriétés & fon élafticité , il n’agit RATS que par fa force d'iner- 
tie qui elt crès-petite, & par conféquent , {a preflion fur le mercure eft 
Fe réduite à zero ; le baromètre doit donc defcendre, lorfque les 
nuages fe réuniffent & caufent l’abforption dont nous parlons. 

Plus les nuages font expofés aux vents froids & violens & aux agita- 
tions de l’athmofphère , plus la pluie eft confidérable , & plus il fe perd 

Tone IV, Parc, II. 1774. AOUST: ° M 


50 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


d’air dans les pores de l’eau ; c’eft pour cela , comme nous le verrons, 
que dans les petites pluies , & dans celles qui font chaudes , le baromè- 
tre ne defcend quelquefois pas ; & que dans les grands vents ou les rem- 
pères , & dans les pluies froides & confidérables, il defcend ordinaire- 
ment beaucoup. : 

Sil'on veut être convaincu que l’eau contient une grande quantité 
d'air naturel, & qu’elle le quitte & le reprend tour-à-tour , que l'on 
obferve ; 

10. La quantité d’air que l’eau laiffe échapper fous le récipient de la 
machine pneumatique ; lorfqu’on fait agir le pifton ; 2°. les bulles d’air 
que fait naître l’ebullition ; 3°. cette même quantité ou à peu-près d'air 
que l’eau reprend lorfqu'on lui en redonne , après qu'elle en a été dé- 
pouillée. 

L'air que plufieurs fermentations abforbent & fourniffent tour-à-tout 
dans des vailleaux fermés, démontrent aufli la théorie que nous propo- 
fons : ce fujec fera traité dans l’article fuivant. 

Connoiffantla capacité d’un tube de verre, & la quantité d’eau épuifée 
d'air, autant qu'il eft poflible , ( par le moyen de la machine pneuma- 
tique ) qu’on introduit dans ce tube, on trouve qu'une telle maffe d’eau 
peut abforberune telle partie d’air ; l’abforption eft en raifon de la quan- 
tité d’eau & de fon agitation. 

Il en eft de mème dans les phénomènes que nous remarquons dans 
Pathmofphère; plus les nuages font agités & nombreux, plus, avons- 
nous dit, il fe perd d'air dans les pores de l’eau, c’eft-à-dire , plus 
l'eau reprend ce qu’elle avoit perdu. 


IV. 


20. L'air artificiel ne doit point être oublié dans cette théorie ; l’ab- 
forption & le dégagement fucceflifs de cer air eft peut-être la caufe la 
plus puiffante des variations du baromètre dans toutes les faifons, mais 
fur-tout dans celles où il fe fair des fermentations vives dans le fein de 
la terre, c’eft-à dire, lorfqu’il fe dégage de deffus fa furface une grande 
quantitéde fubflances gazeufes , d'air faëtice & d'émanations élafliques. 

Je ne précends prendre aucun parti fur la nature des émanations élaf- 
tiques que la fermentation dégage des corps compris fous la divifion des 
trois règnes de la nature. Je ne cherche pas fi ces émanations font un air 
fixe ou quelques-unes des parties élémentaires & conftituantes de ces 
mèmes corps ; je m'en tiens à des faits inconteftables , & qui font avoués 
par des Dhyficiens qui fur cette matière ont embraffé les opinions les plus 
oppofées ; il me fufht que ces vapeurs foient élaftiques, & qu’elles aient 
les plus intimes rapports avec l'air naturel. J'appellerai donc émanations 
élaftiques , air factice , gas ou fubitances gazeules, les vapeurs aériennes 
qui s'élèvent de farerre & de rous les corps qu’elle renferme ; ces vapeurs 


SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 9x 


naïffent de la fermentation , & je prouverai qu'il faut avoir égard à l’im- 
menfe quantité de ces exhalaifons pour expliquer d'une manière faris- 
faifante les variations du baromètre , & pour fe faire une théorie cer- 
taine des phénomènes météorologiques. 

Paracelfe , Vanhelmont , Boyle , ont parlé des émanations des corps 
dans leurs fermentations & leurs décompofitions. M. Hales , qui a été 
beaucoup plus loin que ces Phyficiens , a obfervé des produdtions & des 
abforptions de ces émanations qu’il a examinées avec une fagacité admi- 
rable. M. Prieftley a beaucoup ajouté à ces découvertes; &, ce qui eft 
beaucoup plus important ici , il a fait voir que prefque toutes les éma- 
nations ont une tendance fi grande à s’unir avec l'eau , que ce Auide eft 
fufceptible d’en difloudre un volume prefque égal au fien. 

La quantité d'air faétice qui fe produit dans les faifons où la chaleur 
fait fermenter, agite, diffout, reproduit & change plus on moins tous 
les corps, eft immenfe. On en peut juger par celles qu'ils ont fourni à 
M. Hales lorfqu'il les a foumis à la diffolution ; prefque tous ont été ana- 
lyfés par ce favant Phyficien , & lui ont donné plufeurs fois leur volume 
d’émanations élaftiques & aériennes ; un grand nombre en contient plu- 
fieurs centaines de fois leur volume. Cela pofé, voici comme nous rai- 
fonnerons. 

L'air factice , les fubftances vaporeufes ou gazeufes qui s'échappent du 
fein de la rerre ou de fa furface, s'élèvent à des diftances plus ou moins 
confidérables. D’après les obfervations les plus exactes, elles refflemblent 
beaucoup à l'air naturel par leur élafticité & par d’autres propriérés ; elles 
ont même tant de rapport avec l'air, que plufieurs Savans les ont con- 
fondues avec celui-ci. Nous ne faifons donc pas difficulté de dire qu’elles 
augmentent la malle de l’athmofphère proprement dit , ou de l'air ; l’ath- 
mofphère accru de quelques degrés commence alors à faire monter le 
mercure dans le baromèrre. 

Le volume de l'air faétice s'accroît & fe joint à l’air naturel, l’athmof- 
phère devient de plus en plus lourd; s’il continuoit à fe charger, il feroit 
mortel , non-feulement pour les animaux , mais pour les plantes elles- 
mêmes; ( c’eft ce que l’on peut inférer des expériences de M. Prieftley ). 
La pellucidité des vapeurs gazeufes, aufli-bien que la grande raréfaétion 
de l’eau , empèchent que l'air paroifle troublé ; alors , il n’y a point de 
nuages , & le baromètre monte au plus haut degré du tube. 

Mais la tendance qu’a l’air factice à fe combiner avec l'eau , vient au 
fecours des animaux & de tous les êtres vivans qui périroient bientôt fi 
l'air factice ou les émanarions continuoient à s’élever. 

Cette combinaifon ne fe fait pas lorfque l’eau eft très-divifée, & 
laiffe elle-même échapper l'air & routes les parties hétérogènes qu'elle 
contenoit ; mais elle a es aufli-rôr que les nuages fe forment , c'elt-à- 
dire, lorfque l’eau fe condenfe : ce n’eft qu’alors que l’on connoît com- 

1774. AOUST. M 2 


92 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


ment l’eau reprend avec avidité l’air dont elle doit fe faturer, pour re- 
paroître avec routes fes propriétés. Auf , pendant la formation des nua- 
ges , & avant même qu'ils foient affez près de la terre pour être vifibles, 
l'athmofphère qui perd de fa mafle, cefle-t-il de prefler auñi puifflam- 
ment fur le baromètre, & voit-on baïfler le mercure? 

La combinaifon & l’efpèce de faruration qui fe fait alors de l'air fac- 
tice avec l’eau , rend celle-ci moins pure que dans fon état naturel. La 
condenfation de l’eau jointe à l’abforption de l'air, détruit l’équilibre de 
l'athmofphère dans les régions fupérieures ; on voit alors les nuages fe 
mouvoir en différens fens ; il eft probable que l’eau ainfi chargée, vapo- 
reufe & moférique s’épure en tombant & en fe rafraîchiffant dans les 
régions del'athmofphère : de-là , les divers méréores ignés que l’on voit 
paroîcre à des diftances plus ou moins grandes de la terre ; météores qui 
font prefque toujours précédés par des nuages, des vents, & fuivis de 
pluies confidérables, 

Il eft certain que l’eau chargée de vapeurs & d’air faétice s’épure à 
Vair naturel, & d’autant plus promprement qu’elle eft plus agitée ; aufli 
la pluie eft-elle une eau très-parfaite. 

La neige & la grêle ne font pas tout-à-fait dans le mème cas., parce 
que le froid qui a congelé l’eau avant qu’elle parvint jufqu’à la terre , ne 
lui a pas donné le rems de s’épurer complètement. Voilà pourquoi la 
neige & la grèle paflent pour des engrais, c’eft-à dire , qu'elles fécon- 
âent la terre. 

Les pluies d’orage ne font pas aufli pures que les autres, foit parce 
qu’elles combent plus rapidement , foit parce qu’en balayant avec impé- 
tuofité les dernières couches de l’athmofphère où les exhalaifons font 
les plus épaiffes , les plus fixes & les plus dangereufes pour les animaux 
qui les refpirent, elles en entraînent quelques parties. 


V. 


L'on voit que tout fe réduit dans les explications que nous avons 
données des variations du baromètre , à l’abforption & à la reftiturion de 
Y'air, foit naturel, foit factice. Cette théorie fimple eft fondée fur les 
rapports de l’eau avec l'air , & avec les émanations élaftiques. En vertu 
de ces rapports, ils s’attirent & fe farurent mutuellement. L'eau réduite 
en vapeurs doit laiffer échapper beaucoup d’air, comme cela arrive fous 
nos yeux , quand on la fait bouillir & évaporer; elle en reprend enfuite, 
c’eft-à-dire, lorfqu’elle fe condenfe. L'expérience prouve qu’elle eft aufli 
très-avide des émanations élaftiques des corps. D’après ces phénomènes 
dont perfonne ne peut douter, 1l eft facile de concevoir que l’athmof- 
phère doit augmenter & perdre tour-à-tour de fa quanuré ; or, l’on fait 
que Les effers de l'air font proportionnels à {a malle : fi donc celle-ci dimi- 


SUR L'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 39; 


nue, l'effort total de l’athmofphère vers le centre de la rerre doit dimi- 
nuer, le baromètre doit defcendre , étant moins preffé par la colonne 
aérienne qui s'appuie fur lui; dans le cas contraire, le mercure doit 
monter. 

Ain , lorfque le foleil , la chaleur centrale de la terre & les fer- 
mentations font évaporer l'eau, & dégagent de cette mème eau & de 
tous les corps beaucoup d’air , foit naturel, foit factice, la quantité de 
Yathmofphère devient plus grande , & doit pefer davantage fur le mer- 
cure contenu dans le baromètre ; le plus haut degré de quantité de force 
& d’élafticité de l’air équivaut alors à vingt-huit, vingt-huir & demi, & 
même à vingt-neuf pouces de mercure : le baromètre monte très-rare- 
ment à ce degré extrème. 

Lorfque les vents & l'agitation des vapeurs forment les nuages , l’ab- 
forprion de Pair diminue la quantité de l’athmofphère, l'air pèfe moins 
fur la colonne de mercure, le baromètre defcend quelquefois jufqu’à 
vingt-fept pouces; c’eft le plus bas degré & le moins commun. 

Les nuages perdant leur appui lors de labforption de l’air, tombent 
fous la forme de pluie, de neige ou de g:êle ; l’athmofphère balayé , il 
fe forme de nouvelles exhalaifons & de nouveaux nuages, ce qui établic 
une alternative éternelle de beau & de mauvais rems, qui étoit fans 
doute néceflaire à l'organifation , & en quelque forte à la vie du globe 
que nous habitons. 

VX: 


Mais il ne fuffit pas d’avoir expofé comment la malle que perd & 
reprend tour-à-rour l'athmofphère, eft la feule caufe des variations du 
baromètre ; il faut encore démontrer que l’on peut rendre raifon par ce 
feul principe de tous les phénomènes que préfente cet inftrument, & 
qui ont paru jufqu’à préfent inexplicables. 


PRE mme RIPiR ONB L'£ M € 


Pourquoi le tems reftanrt ferein , le mercure defcend-t-il & remonte- 
t-il quelquefois très-confidérablement. 


PREMIERE REÉEPONSE. 


Des vents froids peuvent condenfer les vapeurs , & leur faire abforber 
de l'air; d’autres vents chauds peuventgles réduire dans leur premier 
état de dilatation, & leur faire rendre l'air qu’elles avoient abforbé. 
Ainf l’athmofphère aura fucceflivement pris fa malle , & en aura perdu 
fans qu'il ait tombé de pluie, ou fans que la férénité du tems ait paru 

érée fenfiblement, 

1774. AOUST. 


94 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
RIVE) PUO INNSUEMETT;: 


Le baromètre ne marque pas toujours l’état d’une petite partie de 
l’athmofphère , mais d'une portion très-confidérable , ou quelquefois 
peut-être de l’athmofphère entier , parce que l'air qui environne la rerre, 
tend , comme tous Les Auides , à l'équilibre : ainfñ, quoiqu'il ne pleuve 
pas dans les pays que nous habitons quand le baromètre defcend , il n’en 
eft pas moins vrai de dire fouvent qu'une partie des nuages eft tombée 
ailleurs. L'air diminué par la condenfation des eaux, & par leur chüte , 
cherche à fe remettre en équilibre, & remplaçant celui qui eft perdu, 
diminue en quantité ; fa preflion fur le mercure devient moindre dans 
Les pays où il ne pleut pas, comme elle peut devenir plus grande dans 
les pays où il pleur. (Voyez le Probléme Pr). 

” 


PR NoRR ELEMENTS 


Pourquoi le baromètre defcend-il quelquefois avant qu’il pleuve, & 
ne defcend:il d’autres fois que pendant la pluie ? 


RÉPONSE. 


Lorfque les nuages, en fe condenfant , abforbent plus d’air que la 
chaleur de la terre n’en fournit à l’athmofphère ; l'air abforbé dans les 
régions fupérieures où font placés les nuages , détruit l'équilibre de 
l'achmofphère ; l'air tendant à l'équilibre, les régions inférieures four- 
niffent aux fupérieures ce qui leur manque ; la quantité ou la mafle 
totale diminue ; la colonne de mercure contenue dans le baromètre eft 
moins preffée; elle doit par conféquent defcendre avant qu'il pleuve. 

L'ébranlement qui naît de l'équilibre rompu a prefque toujours lieu, 
& caufe les vents irréguliers, avant-coureurs ordinaires de la pluie. 

Mais fi l’abforption de l'air dans les régions fupérieures eft réparée 
par l'air naturel & par les émanations élaftiques que la terre fournit aux 
régions inférieures , les vents feront rrès-peu fenfibles , & ce ne fera 
que lorfque la pluie viendra abailfer ces émanations , & les faire rerom- 
ber vers la terre, que l’athmofphère acquerra une légèreté confidérable ; 
le baromètre ne defcendra que pendant la pluie. 


PrRroBzr£me IIl. 


Pourquoi les faifons, les climats & les vents ont-ils tant d'influence 
fur le baromètre ? - 
ROÉBPNONNILSIE: 


Dans certains climats & dans certaines faifons , la fermentation dé- 
gage plus d’air, foit naturel, foit faétice, que dans d’autres ; les vents 


A 


SUR L'HIST: NATURELLE ET LES ARTS. 95 


chauds ou froids ont aufli des effets très différens à cet égard; de là, 
comme nous le verrons , des variérés dans les indications du baromètre 
que l’on s’efforceroit en vain d'expliquer, en multipliant les principes, 
& qui naiflent tout naturellement du feul que nous croyons devoir ad- 
mettre ; c’elt-à-dire, de l’abforption & de la régénération de l'air. 


PERUOT EM EIMMEM IV. 


Pourquoi dans les tems de brouillards pendant l’hyver & l'automne 
le baromètre monte-t-il très-haut , même jufqu’au beau fixe , quoiqu'il 
tombe beaucoup d'eau ? 

RÉPONSE. 


Les brouillards fi communs dans les faifons dont il eft queftion | 
n'ont lieu que lorfque les vapeurs & les émanations aqueufes qui fe 
trouvent à la furface de la terre , font furprifes par des vents froids qui 
les condenfent avant qu'elles foient raffemblées en gouttes ; les couches 
inférieures de l’athmofphère plus condenfées foutiennent mieux les 
nuages ; l'air jouit de toute fon élafticité & de toutes fes propriétés ; 
enfin, dans ces circonftances il arrive quelquefois que la pluie eft jointe 
aux brouillards ; une partie des nuages, c’eftà-dire , ceux qui font les 
plus près de la terre tombent, fans que le baromètre baie fenfible- 
ment , parce que les nuages fupérieurs mieux foutenus s'élèvent, &, par 
leur évaporation , fourniffent autant d'air à l'athmofphère , que Les nua- 
ges qui defcendent en abforbent. 


PIRtONB. LE MuE VE. 


Pourquoi voit-on en tout tems des pluies très-confidérables tomber 
lorfque le baromètre eft très-haut ? 


RÉPONSE. 


Cette queftion fe réfout , & par ce que nous venons de dire, & par 
l'obfervation contenue dans la réponfe au premier Problème. 


Pinto! z: £6mtE) WI. 


Pourquoi dans l'été & dans les climats très chauds, après de grandes 
pluies, l'air devienc-il très-ferein , fans que le baromètre remonte fen- 
fiblement ? | 

RÉPONSE I. 


Les pluies, fur-tout quand elles font froïdes & qu’elles durent quel- 
que tems, arrêtent ou fufpendent les fermentations; elles éteionent 
pendant un intervalle plus ou moins long la chaleur inteftine qui déga- 

17745 AOUST, 


96 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
4 


geoit des COfps l'air naturel ou artificiel, Le gas, les émanations aérien< 
nes & élaftiques; l'air eft alors très-pur , mais n'augmentant point, il ne 
prefle pas la colonne de mercure , & le baromètre ne doit pas monter. 


ROEVP IONNMSTE MATE 


Les exhalaifons putrides & mofériques qui fortent de la terre dansles 
grandes chaleurs, ne font pas feulement arrêtées par l'eau qui empêche 
les ravages qu’elles cauferoient dans le règne animal , fans les grandes 
pluies ; la quantité prodigieufe de plantes qui décorent notre globe, eft 
une des caufes de la falubrité de l'air. M. Prieftley a remarqué qu’elles 
abforboient beaucoup d'air faétice. On peut confulter les expériences 
qu'il a faites; mais il me femble que l’on doit étendre ici fes vues , & 
confidérer dans le grand laboratoire de la nature les effets que le Phyfi- 
cien que je viens de citer, a obfervés en petit. 

| J'ajouterai que les plantes ne me femblent opérer en grande partie 
l'abforption remarquée par l'Auteur Anglois , que parce qu’elles fonc 
très-aqueufes : en effer , plufieurs expériences m'ont prouvé que plus 
elles font sèches, fibreufes & compaétes, moins elles abforbent d'aic 
factice. 

C’eft par la même raifon , que lorfque la pluie à rafraïchi les plantes 
dont les feuilles, les fleurs & les tiges étoient épuifées par la chaleur 
du foleil, elles deviennent infiniment plus avides d’air faétice , ou mème 
naturel; leur qualité abforbante ne fert pas peu alors à purger de plus 
en plus l'élément dans lequel nous vivons. 


PARFOTBNE EC Mer VAT: 


Pourquoi, dans les tems que l’on appelle lourds , le baromètre def= 


cend-il fouvent ? 
RMÉTRNONNESRES 


Dans cetrains brouillards épais de l’hyver , & dans les chaleurs de 
l'été, après des matinées humides, la tranfpiration des plantes & des 
animaux eft beaucoup diminuée par l'humidité de l’athmofphère, ce qui 
rend les fonctions de ceux-ci pénibles , & quelquefois très-douteufes. 
Deux raifons alors contribuent à faire perdre à l’athmofphère de fa quan- 
tité ; 12. l’abforption de l'air par la condenfation des vapeurs aqueufes; 
2°. l'humidité qui empèche plufeurs efpèces de fermentations ,aufli-bien 
que les excrétions chez les animaux, & par conféquent le dégagement 
de l'air factice. 

PrRoBstÈèmMEe VIII. 


Pourquoi , dans l’Ifle Sainte-Hélène, comme l’a obfervé M. Halley , 


dans les Ifles Barbades, entre les Tropiques, & dans les contrées voi- 
fines 


\ TT à 4 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 97 


fines de la Ligne & del'Equateur , le baromèrre fait-il en quelque faifon 
que ce foir, très-peu de variations, quoiqu'il y tombe fouvent de grandes 
pluies. 
RÉPONSE. 


Dans ces contrées, l’air naturel & factice & les émanations de toutes 
efpèces font fourmis à l’action uniforme du Soleil. On a remarqué que 
le mercure eft fujer à des changemens plus confidérables dans les pays 
feptentrionaux que dans les pays méridionaux ; rien de plus inconf- 
tant que la température des premiers , & lirrégularité des vents ajoute 
à cette inconftance. 

PrRroBLréème IX. 


Pourquoi le baromètre , fur-tout dans nos contrées, baiffe t-il , quand 
le vent eft à l’oueft & au midi, quoique fouvenc il ne pleuve pas ; & 
lorfqu'il eft à l’eit & au nord, le baromètre eft-il ordinairement haut, 
quoiqu'il pleuve ? 

RÉPONSE. 


Les vents d’oueft & du fud , comme plus chauds que ceux du nord & 
de l’eft, raréfienc les couches inférieures de l'athmofphere ; les nuages 
moins foutenus fe raffemblent ; le tems refte mauvais & difpofé à la 
pluie; le baromètre marque variable, & doit refter bas, ou même conti- 
nuer à baifler. Le vent du nord & quelquefois celui de l’eft condenfent 
l'air , & le rendent plus propre à foutenir les nuages. L’atmofphère , 
lors mème qu'il fait de la pluie, peut augmenter, comme nous l’avons 
vu au quatrième Problème. 


PARNO'S L'ENM EL X 


Pourquoi peut-on fouvent prévoir le changement de tems par le ther- 
momèrre , avant que le baromètre l'indique ? 


RUE PLO N SE: 


Si le froid & le chaud ont tant d'influence fur les variations du baro- 
mètre, on conçoit pourquoi , 1 °. Le thermomètre doit indiquer le beau 
& le mauvais cems; 2° pourquoi il doit l'indiquer avant le baromètre. 

Le premier point eft évident , le fecond ne l'eft guères moins ; le froid 
ou la chaleur agifent immédiatement fur le thermomètre ; & dès qu'ils 
ont lieu, ils font monter l’efprit -de-vin ou le mercure contenus dans 
çec inftrument : il n'en eft pas de mème du baromètre ; il faut que le 
froid ou le chaud aient agi fur l’athmofphère , pour que cet athmof- 
phère agifle à fon tour fur le mercure contenu dans le baromètre, & 
que le pretfanc plus ou moins, il caufe fon afcenfon ou fa defcente. 

Au refte , les règles que l’on peut établir fur les préfages virés des 


. Tome IV, Pare, II. 1774. AOUST,. N 


93 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


variations du thermomètre, appuient merveilleufement bien ce que 
nous avançons fur les variations du baromètre. 

Voici celles qui paroïffent les plus générales : 

19. En hyver, fi le thermomètre de Réaurnur defcend en peu d'heures 
de plufieurs degrés plus bas que 8 ou 6 degrés au-deff[us de o, il y a 
apparence que le vent va tourner au nord, ou à left , ou au nord-eft, s’il 
ny eft pas ; & s'il y efl déjà, 1 va s’y fixer pour un peu de tems : dans 
ces deux cas il fera fec, fi Le ciel eft ferein ; & s'il eft couvert, on peue 
craindre la neige. 

2°. En hyver, ff le thermomètre monte de plufieurs degrés en peu 
d'heures au-deffus de 4 à 8 degrés , le vent va probablement toùrner au 
fud ou à l'oueft , ou au fud oueft, s'il n'y eft pas ; ou s’il y ef} déja, 1 
va s'y fixer pour un peu de tems : cela annonce ou de la pluie, ou de la 
neige , ou du brouillard, ou un tems couvert. 

3°. En été, fi le thermomètre defcend en peu d'heures de plufieurs 
degrés audeffous de 10 degrés, le vent va tourner au nord , à l’oueft ou 
nord-oueff ce qui fera accompagné de fraicheur s'il devient nord, ou de 
pluie s'il devient oueft : s'il y efl déja , il reflera quelque tems à ce 
point. 
4°. En été, fi le chermomètre monte en peu d'heures de plufieurs degrés , 
on peut s'attendre à un vent du fud ou d'eft ; ou fud-eft, s'il n'y ef? pas 
déjà ; ce qui eff accompagné de chaleur ou de Jéchereffe ; & s’il y eft déja, 
il s’y fixera pour un peu de tems. 

Le baromètre marin, qui n’eft compofé que de deux thermomètres, 
l'un d’air & l’autre d’efprit-de-vin , eft au rapport de M. Halley (Tran- 
factions philofophiques, n°. 169) un inftrument très-sûr : 1] me femble 
en effet que pour mieux prévoir par le thermomètre , le beau & le 
mauvais tems, il ne faudroit pas fe borner aux induétions qu'un feul 
peut fournir ; il feroit plus avantageux & plus facile d'en avoir un fermé, 
& l’autre ouvert; le premier marqueroit le froid & le chaud ; le fecond 
marqueroit encore le poids de l’athmofphère avec lequel il communique- 
roit librement ; quoiqu'il en foi, fi le thermomètre indique les chan- 
gemens de l’athmofphère , long-tems avant le baromètre, c’eft qu'il 
eft évident que ces changemens reconnoiflent pour caufe première & 
éloignée la chaleur ou le froid, ce qui me paroït démontrer de plus en 
plus que la caufe prochaine & immé liace eft celle que je cherche à éra- 
blir. Sans les alternatives du froid ou du chaud, la quantité ou la maffe 
dé l'air refteroir toujours la même ; cet air diminueroit dans un égal 
degré de pureté ; plus d’abforprions , plus de vapeurs, d’émanations 
élaftiques, plus de deftruétions ni de générations dans la nature, 

Je n’ajouterai qu'un mot fur cet article. Si le baromètre monte lorf- 
que la fermentation eft la plus abondante , & lorfque le dégagement des 
vapeurs eft le plus hbre , & qu'elles s'élèvent en quantité confidérable 


a 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 95 


dans les airs, on pourra s’en aflurer par des expériences chymiques : 
c'eft en effet ce que j'invite tous les Savans à vérifier ; ils trouveront que 
les fermentations, les combinaifons, & plufieurs cryftallifations ne fe 
font jamais mieux que lorfque le baromètre monte & s'élève au-deflus 
du terme 28. Eft-il parvenu à fon plus haut degré, devient-il ftation- 
naire, ou commence-t-il à defcendre? Les opérations chymiques dont 
je parle , font moins faciles & moins parfaites ; enfin elles deviennenc 
quelquefois impoffibles, lorfque le baromètre indique les rems ora- 
geux, & fur-tout pluvieux & humides; mais, à ce terme , les décompo- 
fitions & diffolutions acides & putrides deviennent crès-faciles. 

Le baromètre pourra être un inftrument très-utile en Chymie, quand 
on connoitra parfaitement les préfages que l’on doit tirer de fes mou- 


vemens. 
PrRrosLrÈèmeE XI. 


D'après les obfervations fcrupuleufes des variations du baromètre , 
faites en divers pays, & par les Savans les plus diftingués, ne pour- 
roit-on pas rendre cet inftrument moins infidèle, & tenter une autre 


graduation ? 
RÉPONSE. 


1°. Pour rendre cet inftrument moins infidèle , il feroit néceflaire de 
corriger les erreurs que la raréfaction ou la condenfation peuvent caufer 
A Péleyation ou l’abaiffement du mercure, le baromètre peut en cela 
être redreffé par un thermomètre dont je donnerai la conftruction dans 
un autre ouvrage. 

2°, Non-feulement, on peut, mais il me femble que l’on doit tenter 
une graduation plus parfaire du baromèrre ; il ne s'agit pour cela que de 
marquer à chaque degré les diverfes indications qu'il donne. N’eft-il 
pas ridicule de voir les fignes ou indications de très-fec ou de beau 
fixe, placés à des degrés où il eft aufli ordinaire de voir monter le mer- 
cure dans des circonftances qu’il feroit très-facile de fpécifier ; l'inftru- 
ment ne feroit pas plus compliqué , & deviendroit bien plus inftruétif , 
li l'on y mettoit une autre échelle. 

Je voudrois mème qu'aux indications dont je parle, on joignit fur 
une colonne correfpondante la Table des caufes des variations du baro- 
mètre : il eft vrai, qu'avant d'en venir à ce point, il faudroit que tout 
le monde convint d'admettre ces caufes. 


1774 AOUST, N: 


500 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
Voici la forme de la graduation que je propoft. 


es 
2e degré , ou quantité extrême de  (|—— ) Très-fec , froid extrême, 
l'athmofphère. 29 29 Beau fixe ou vent nord, grand 
froid. 
Quantité très-grande, ou rer deg. DUT Beau-tems , ou vent nord-cft, 
au-deflus de la quantité moyenne. ft nord-oueft , brouillard , erefil, &c, 


Moindre quantité. Beau-tems, ou vent d'eft. 


Quantité moyenne. 28|—|28 variable ; ou vents irréguliers. 


Pluie ou vent fud , fud-oueft ; 


Diminution dela quantité moyenne. oucft , grande chaleur. 


Jer deg. au deffous de la diminution. A 1e Grande pluie où grand vent. 


Tempête, orages, athmofphère 


2 d 4 A Cy 
ACER #7 Tpurride, tremblement de gerre , &c. 


diminution de l’athmofphère. 


Ver il 


I ne s’agit plus que d'établir fuccinétement les règles fur les préfages 
que lon doit tirer des variations du baromètre ; la plupart fe trouvent 
expliquées dans les réponfes aux problèmes précédens , & dans les autres 
parties de ces recherches ; la graduation précédente en offre le tableau 


raccourci & le réfumé : ainfi , nous n'avons guères befoin que d’énoncer 
les règles dont nous parlons. 


P'R EMI ER ER EG LE 


Le mercure, qui monte & def&nd beaucoup , annonce changement de tems. 
+ 


SUR L'HIST'NATUREILLE ET LES ARTS. 


EMSMRILUT IE VAT IL ON. 
Les agitations de l’arhmofphère affemblent les nuages, & donnent 
dis à 2 É À ne 
lieu à l’abforprion de l'air , ou quelquefois , mais plus rarement , elles dif. 
fipent les nuages, les rendent plus légers, & leur font reftituer l'air 
qu'ils avoient abforbé : en général les différentes inconftances du mer- 
cure dénorent les mêmes inconftances dans le rems. 
RVENIGMERE MIT 
La deféente du mercure r'annonce pas toujours de la pluie, mais du vent, 
EPRNPÉENTIc ANT 1 ON: 


L'effet des vents eft de raffembler les vapeurs aqueufes , ou de les 
diffiper , c’eft-à-dire de rendre les nuages plus ou moins propres à abfor- 
ber l'air; par conféquent , d'augmenter ou de diminuer la quantité & 
la malle de l’athmofphère ; les vents doivent donc, fuivant leur nature, 
faire monter ou bailfer le baromètre ; & cer inftrument indique autant 


la différence des vents , que la pluie ou la fécherelle ; de-là, la règle 
fuivante. 


101 


RYEAGRI AE MIT: 


Le mercure defcend plus ou moins ; fuivant la nature des vents ; le 
mercure baif[e moins lorfque nous Jentons un vent nord, nord-efl & eft, 
que pendant tout autre vent. 


EjxtPiLeitc AUTIT ON: 


Les vents froids, & ceux qui règnent dans la baffe région , les feuls 
ue nous puillions fentir, condenfent l'air, & le rendent plus propre à 
FAR les nuages : à l'égard des vents qui règnent dans les régions 
fupérieures , ils ont un effer contraire ; & lorfqu'ils agiflenc fur les nua- 
ges, ils doivent les condenfer , & par conféquent procurer l'abforprion 
de l'air, & faire baiffer plus fenfiblement le mercure. 
RMENGHEEMLVE 


Lorfqu'il y a deux vents en même-tems l'un près la rerre , & l'autre dans 
la région fupérieure de l’athmofphère , fe le vent le plus haut eff nord, & que 
le vent bas foit fud, il furvient quelquefois de la pluie, quoique le baro- 
rnètre foit alors fort haut : f£ au contraire , C’efl le vent du fud qui eft le 
plus élevé, & le vent du nord le plus bas , il ne pleuvra point , quoique 
le baromètre [oir très-bas. 


Es Pr LUC AITOT ON. 


Dans le premier cas, les nuages font condenfés, & l’achmofphère qui 
les foutient eft raréfié ; l'équilibre eft donc rompu , & l’air ne peur plus 
foutenir les nuages. 

Dans le fecond cas , les’nuages font raréfés, & l'air qui les foutient 
eft condenfe ; il fouriendra d'autant mieux les nuages. 


1774. AOUST. 


102 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
RE IGYNLREMN: 


Pour peu que le mercure monte & continue à s'élever après ou pendane 

ane pluie abondante & longue, il y aura du beau tems. 
EL ro NANTIANMOIEN: 

La lenteur avec laquelle fe fait l'élévation du mercure & fa conftante 
uniformité à remonter, prouve 1°. que la plus grande partie des nuages 
& des vapeurs font tombés ; 2°. que la régénération de ces nuages & 
de ces vapeurs ne fe fera qu'à l'aide d’un tems aflez long ; les fermen- 
tations & la chaleur ont été arrêtées par les grandes pluies ; elles ne 
renaiffenc que par degrés. 

î RPENGHENEMAVAT: 

Le mercure qui defcend beaucoup , mais avec lenteur, indique continua= 
tion de tems mauvais ou inconftant ; quand il monte beaucoup & lente= 
ment il préfage la continuation du beau tems. 

DE x PLTAC AMEETEONN: 

Dans le premier cas, la condenfation des nuages & l’abforption de 
l'air, qui en eft la fuite, fe font par degrés lents ; l’ahmofphère ne 
s’épure & ne s’allége qu'au bout d’un tems confidérable. Dans le fecond 
cas, l'élévation des vapeurs eft graduelle , uniforme & lente ; l’athmof- 
phère ne fe charge qu'au bout d’un long-tems. 

RPENGRÉREMNANTE 

Le mercure, qui monte beaucoup & avec promptitude , annonce que le 
beau tems fera de courte durée ; quand il defcend beaucoup & prompte- 
ment, c’eft une indication oppojée. 

i Ex HP ren ARTE TNIONN: 

Lorfque les vapeurs de route efpèce acquièrent en très-peu de tems 
une malle confidérable qui fait monter beaucoup & en peu de tems le 
mercure , les moindres agitations de lathmofphère doivent déranger 
l'équilibre qui foutenoit les nuages : ceux-ci fe condenfent en grande 
abondance, & en abforbant l’air , acquièrent bientôt une pefanteur fpé- 
cifique qui les oblige à tomber. 

Lorfque ces vapeurs , ainfi que les nuages , débarraffent tout-à-coup 
l’armofphère , le feu central & les fermentations de toute efpèce régé- 
nèrent bientôt ces mèmes nuages & ces mêmes vapeurs : il n’y a que les 
pluies longues & léoères qui rafraichiffent par degrés la terre, qui s’infi- 
nuent dans fon intérieur, & y puiflent arrèter pour un tems confidé- 
rable les fermentations qui s’y opèrent. 

RSENGHENEMAVAINTE 

Quand le mercure refle un peu de tems au variable , le ciel n’eft ni 
frein ni pluvieux ; il ne fait ni beau ni mauvais; mais alors , pour peu 
que le mercure deftcnde, il annnonce de la pluie ou du vent : Ji au contraire 
il monte , ne füc-ce que de très-peu ; on a lieu d’efpérer du beau tems. 


- 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. vo; 
ERP Inr CAT I ON. 


Le confit qui s’eft opéré entre les nuages & l’air qui les foutient , fait 
refter le mercure au variable ; mais quand il remonte ou defcend , c’eft 
qu’il s’eft opéré des changemens qui, s'ils ne font pas trop confidéra- 
bles, doivent déterminer le rems au beau ou au mauvais ; car s’ils étoient 
violens, ils ne dureroient pas. ( Wyez les deux règles précédentes ). 


RASE GLEN IX 


Dans un tems fort chaud , la defcente du mercure predit le tonnerre , 
quand elle eff confidérable ; & Ji elle eff très-petite , il y a encore du beau 
tems à efperer. 

ENT IPIL 1|CNANTITIONN: 


Les grands changemens qui s’opèrent par la condenfarion des nuages 
& par l’abforprion de l'air , caufent des agitations qui éleétrifent les nua- 
ges , enflamment l'air moférique & les fubftances gazeufes qui fe fonc 
élevées par la chaleur à différentes diftances; de-là , le tonnerre & les mé- 
téores ignés qui fe rapportent à ce terrible phénomène ; on ne doit pas 
être étonné que dans les tremblemens de terre , lorfque l'air eft rempli 
d’exhalaifons chaudes , qui s'élèvent du fein des cavernes échaufftes & 
des gouffres qui s’entrouvrent & fe crévaflent , le baromètre defcende 
au plus bas degré ; l'air eft alors très-raréfié ; & comme il ne foutient 
plus les nuages , il tombe fouvent des pluies confidérables , il fe forme 
des vents, & des tempêtes confidérables agitent & foulèvent les flots 
des fleuves & des mers des voifinages. 

RAPIGHEMENIX. 

Quand le mercure monte en hyver, cela annonce de la gelée ; defcend-il 
un peu fenftblement? il y aura un dégel; monte-t-il encore lors de la 
gelée ? il neigera. 

Ebe er cu A" 10: 

Le mercure monte fouvent en hyver , lorfque le vent du nord fouffle 
dans les régions inférieures de l’athmofphère ; alors les nuages mieux 
fapportés ne fe condenfent point, & par conféquent n’abforbent point 
d’air : on en peut inférer qu’il gélera , parce que le vent du nord eft 
très-froid. 

Si un vent de fud vient à fouffler , les nuages ceffent d’être auffi bien 
foutenus, parce que l'air qui les fupportoit fe rarcfie , les nuages fe 
condenfent & abforbent de l'air ; on peut préfumer qu'il fe fera un dégel, 
parce que le vent du fud eft chaud. 

Enfin, quand le baromètre monte lors de la gelée, il ne le fait que 
lorfque les nuages , en fe condenfant & en rombant , abforbent j'air, ce 
qui rend l’athmofphère plus léger. On préfume qu’il neigera, parce que 
le vent reftant très-froid , faifira les vapeurs avant qu’elles puiflent fe 
former en gouttes d’eau. 

1774 AOUST, 


104 . OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
Eh UE 

Sur a nature du Feu; 
Par M BORDENAVE, de Genève (1). 


pets que le feu n’exifte pas, que les rayons du foleil ne font 
que ténèbres; c'eft en apparence des paradoxes de la dernière abfurdité; 
c'eft cependant ce que j'entreprends de prouver. Je ne fais f je réuflirai; 
mais fi je m'égare dans une route fi difhcile, j'efpère qu'on ne me 
blâimera pas d’avoir ofé la parcourir. 

Le Feu, comme élément , n'exifle pas dans la Nature. 


Toutes les combinaifons & les fermentations naturelles , routes les 
décompoftions ou deftruétions qui s’opèrent journellement dans la mafle 
générale de notre globe, n’ont lieu que par le tranfport continuel de la 
matière d’un lieu dans un autre , ou agitées de différentes manières ; 
d’où il réfulte diverfes formes & différentes propriétés, Ainf , la naçure 
ne fera autre chofe que la matière en mouvement. 

Cela pofé, on ne fauroit difconvenir que les combinaïfons & les pro- 
duétions artificielles n'ayent la mème origine. 

Ce n’eft pas le feu qui produit le mouvement ; mais il paroît au con- 
traire que c’eft le mouvement qui produit ce qu'on nomme feu , chaleur 
& lumière. 


(1) Lerrre de M. Macquer , à [ Auteur de ce Journal. 

Voici une petite differtation qui m'a été envoyée de Genève par M. Bordenave; 
lequel n’eft pas l'habile Chirurgien de Paris de même nom. La date de cet Ecrit eft 
déja ancienne, puifqu'elle eft du mois de Novembre 1771, tems auquel je l'ai reçu. 
Ma première idée , après l'avoir lu, étoit de le communiquer à l'Académie des Scien- 
ces ; mais deux confidérations m'en ont empêché; la première c’eft que comme il ne 
contient aucuns faits nouveaux , & qu'il eft tour en raifonnemens , j'ai bien fenti qu'il 
n'éroit point du tout dans l’efprir de cette Compagnie favante , laquelle en matière de 
Phyfique, ne fait attention qu'aux expériences, La feconde, c’eft que l’idée fyftéma- 
tique expofée dans cer écrit ne m'a paru qu'une conféquence de celles de plufieurs an- 
ciens philofophes, dont quelques-uns ont foutenu qu'il n'y a qu’un feul élément ou 
principe primitif de tous les corps, en fuppofanr que fuivant les changemens qui fur- 
viennent à la mafle ; à la figure & au mouvement de fes parties ; cer élément peut acqué- 
rir Les propriétés de toüres les différentes efpèces de matières qui nous font connues. 

Ces confidérations ont été caufe que l'écrir de M. Bordenave eft refté chez moi avec 
d’autres papiers, fans que j'en aie fait aucun ufage. J'aurois pu, à la vérité , le publier 
dans quelque RL périodique , comme cela paroifloit être l’intention de l'Auteur, 
&, à ce fujer, j'ai des excufes à lui demander de ne l'avoir pas fait : car, l'ayantrelu, 
par occafion , ces jours pallés , j'y ai trouvé plufeurs idées qui m'ont paru pouvoir mé= 
riter l'attention de ceux des Savans qui aiment la fpéculation de la haute phyfique. 

Pour réparer l’efpèce de tort que j'ai eu en cela, je vous envoie, Monfieur, la Differ- 
tation de M. Bordenaye , en vous priant de la faire imprimer dans votre Journal, 


Je fuis, &c. 
Quand 


SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 105 


Quand je vois qu'un frottement violent , qu'une fermentation extrème 
échauffent & fouvent enflamment les corps , ne dois-je pas plutôt con- 
clure que les parties conftiruantes de ces corps font mifes dans un mouve- 
ment allez rapide pour produire fur mes organes les fenfations que nous 
appellons chaleur , lamière , brûlure ; que de penfer que ce mouvement 
rellufcire, & mette en jeu le feu caché ou combiné qu’on fuppofe dans 
la nature ? Car , de quelque manière que J'on explique l'aétion du feu , 

| ilne peut agir fur les corps qu’en écartant , brifant & divifant leurs par- 
ties ; fans avoit recours à un être qu'on ne fauroir concevoir , ne trouve- 
t-on pas toutes ces propriétés dans les parties intégrantes de la matière, 
auxquelles on aura imprimé un mouvement extrème ? 

Une pierre à fufl, frappée lentement avec l'acier, ne produit aucune 
étincelle , quoique le choc ait détaché des particules de l’une & de l'au- 
tre fubitance : dans ce cas , ces portions brifées n'ont pas le degré de 
mouvement requis pour paroître en feu; mais fi lon frappe ces corps 
brufquement, on verra quantité d’érincelles voler de toutes parts, & 
enfin s'éreindre. 

Je conçois donc que , pour qu'une particule de matière paroïffe en 
feu , & qu’elle en air Les propriétés , il faut que fes parties conftituantes 
foient dans un très grand mouvement circulaire, & en tout fens. 

Il naît de-là deux obfervations bien importantes; la première , que 
ce mouvement particulier a la propriété de changer en peu de tems le 
tiffu des corps, comme dans la collifion du fer, & de la pierre à feu , 
les particules détachées fe convertilfent fur le champ en verre. La feconde 
obfervation bien plus importante encore à mon fujer , eft que toures les 
fois que la matière acquerra ceire forte de mouvement , elle aura non- 
feulement la propriété de brüler ; mais encore celle d'éclairer pour l’or- 
dinaire : cela fe conçoit facilement ; car fi l'on fe repréfente un tour- 
billon de matière mue rapidement & en tous fens , fon effet fera de brü- 
ler, c'eft-à-dire, de brifer & déchirer en mille manières les corps qui 
feront à fa portée , en les forçant de prendre en quelque forte la même 
nature de mouvement. L’évaporation fubite de l'eau en a fourni de 
cruels exemples. 

Je conçois très-bien auffi que la matière à ce degré d'agitation fera 
lumineufe ; propriété que la puiffance éternelle aura attachée à ce degré 
de mouvement. 

Îleft clair , d’un autre côté , que cette forte de mouvement de la ma- 
tière eft la caufe générale de routes les deftructions. Ce mouvement 
obfcur & deftruétiPelt le premier degré du mouvement igné ; fans lui , 
Ja nature feroit incorruptible. : 

La chaleur plus où moins forte fera une modification de ce même 
mouvement : celle, par exemple, qui eft nécelfaire à la vie de l'animal 
& à la végétation, fera produite par un mouvement doux & faluraire 

Tome IN", Part. II. 1774. AOUÛUS T0 


1066 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


des atomes de la matière. Car, fi le feu & la chaleur procédoient d’un 
feu élémentaire ou de la matière éthérée , 1l fe feroit fans doute des 
explofions continuelles & deftruétives ; heureufement cela n'arrive que 
d’une manière infenfble. 

D'ailleurs, la matière éthérée n’a pas la faculté de s’enflammer, ni 
de produire aucun feu: elle eft mêmé incapable, ainfi que l'air , de rece- 
voir l'impreflion de la lumière , comme j'en fournirai la preuve dans un 
moment. 

Comment concevoir qu'on puille faire pafler le feu par des états 
moyens , depuis la chaleur la plus douce jufqu’à l'incandefcence ? On le 
fuppofe dans tous les corps en grande abondance dans un état de com- 
binaifon & de repos , & qu'il faut qu’une caufe étrangère le metre en 
action , en même-rems qu'on le définir, un être très-fubril & très- 
actif. Il femble qu'il devroit pafler fubitemient de l’état de repos à l’ac- 
tion la plus violente , ce qui n'arrive que dans des cas particuliers. 

Deux corps durs frottés l’un contre l’autre avec preflion , commencent 
par le premier degré de chaleur , & finiflent par s'embrafer : il eft difh- 
cile de rendre raifon de cette augmentation fucceflive par les principes 
reçus, ce qui s'explique naturellement par mon fyftème , puifque le 
degré de chaleur réfulre du degré de mouvement où font les parties élé- 
mentaires d’un corps. 

Quelle quantité prodigieufe de feu n’eft-on pas obligé d’admertre dans 
la nature ? Tout eft plein de ce feu tranquille; on peut le faire paroître 
abondamment , & embraffer des mafles entières par la moindre humi- 
dité aqueufe : comme, par exemple , le pyrophore. N'eft-il pas naturel 
de penfer que le changement qui arrive à ces fubftances , n’a d’autre 
caufe que la fermentation que nous favons certainement qui s’y 
excite ? 

Un grand Phyficien de notre temsa fait confifter le feu dans l’éther 
célefte : mais, bien loin que cela foit, il eft à remarquer que cette ma- 
tière fabtile , ainfi que l’air , ne peuvent le conftituer en aucune manière. 
S'il en éroit autrement, ilarriveroit que l’air & la matière éthérée frap- 
peroient l'organe de la vue ; ce qu’on n’a jamais dit : car aucun corps 
ne peur être dans l’érat de feu , fans devenir vifible. Mais la preuve que 
ni l’un ni l’autre de ces deux corps ne fauroient devenir feu, eft, que fi 
l'on raflemble les rayons folaires par le moyen du miroir concave , on ne 
remarque dans leur foyer aucune apparence de lumière , quoiqu'il y aic 
un mouvement prodigieux & capable de fondre ou d’enflammer fur le 
champ telle fubftance qu’on y placera. De-là , on doit tirer les confé- 
quénces fuivantes : qu’il s'excite un mouvement extrême , feulement au 
point d’interfeétion des rayons folaires, mais que l'air & la matière 
cchérée où cette feétion fe fait, font trop atténués pour conftituer ou 
paroïître en feu ; &, par conféquent, le foyer d’un miroir ardent n’eft 
pas un feu, comme on l’a penfé ; & que pour être tel, il eft néceffaire 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 107 


d’y ajouter une matière moins divifée , à laquelle le foyer communi- 
quant fon propre mouvement , le feu fe forme fur-le-champ, & il n’en 
refte aucune rrace dès l'inftant qu'onen retire le corps qu'on y avoit placé. 

Ce que je viens de dire, femble prouver que le feu n’eft pas un être 
exiftant , & ce qu'on nomme ainfi, ne paroît être autre chofe qu’un mou- 
vement particulier de la matière ou de toute fubftance qui a aflez de 
maile pour être apperçue. 

J'ai tâché de prouver que les rayons du foleil ne produifent par eux- 
mêmes ni feu ni lumière; ce qui eft contraire à l'opinion commune : 
c'eft pourquoi j'en dirai encore un mor. 

Ce qu'on appelle lumière ou rayons de lumière , eft une matière fub- 
tile toujours en mouvement , & qu'il nous eft impoñlible d’appercevoir ; 
par conféquent, privée de coute fumière par rapport à l'homme ; dont 
l'organe de la vue n'eft pas difpofé à en recevoir l'impreflion. Ainf, 
un rayon qui traverfera un efpace obfcur , ne fera apperçu qu'autant qu'il 
fe trouvera quelque objet ou quelques atomes de pouflière dans la ligne 
qu'il parcourt. 

Cependant cette émanation folaire éclaire les objets; cela n'eft pas 
douteux : mais cette difhculté eft facile à réfoudre. Nous avons dir que 
cétre matière étoir toujours en mouvement. Eclairer un objer, n’eft rien 
de plus que mettre fa furface en action, & ce fera là le premier degré 
vifble du mouvement igné. Je dis le premier degré viñble, parce que 
la fermentation continuelle des parties conftitmantes des corps n’eft pas 
fenfble ; cependant il forme le premier degré de la chaleur. C’eft ce 
mouvement obfcur qui s’oppofe au froid abfolu. 

Quelle que foir la matière des rayous folaires , elle communique fon 
mouvement aux arômes fuperficiels des corps qu’elle rencontre , par là, 
les rend vifbles ; propriété bien remarquable, qui vient du foleil , 
ou de l’Auteur de la Narure. 

Tout eft lié dans l'univers; nous avons vu que l'air & la matière 
éthérée ne fauroient acquérir les propriétés du feu , que les objets vif- 
bles en éroient les feuls capables; mais la différence feroit trop fenfi- 
ble , s'il n’exiftoir une matière moyenne pour en former la nuance. Nous 
‘Ja trouvons certe marière dans les fubftances qui éclairent fans brüler : 
telles fonc la flamme de certaines fubftances, Ia lumière de quelques 
vers, du bois pourri, &c. & peut.être aufli la lumière de la lune. 

L’abondance de la matière m’oblige d’abréger cet Effai fur la nature 
du feu : fi je me fuis trompé, tout ce que je pourrois dire de plus , feroit 
fuperfu. Puitque la folurion que je pourrois donner des diférers phé- 
nomènes que le feu & la chaleur nous préfentent, feroit tirée du même 
principe. Je me bornerai à un court examen de quelques propriétés du 
feu , connues de trous les Phyfciens, & à quelques autres points rela- 
tifs à mon fujet , que je ne pouvois me difpenfer de toucher , en paflanx 

1774  AIOUST. NO'2 


108 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


lo. Le feu eft J£ Jubril , qu'il échappe aux recherches les plus pouffées. 
Boerhaave. 


L'on pourroit ajouter qu'il échappera toujours , tant qu'on le cher- 
chera par la route qu’on a fuivie jufqu’ici ; & il Faut convenir qu'on s’eft 
donné bien de la peine dans cette recherche chimérique. ’, 


1lo. Le Feu raréfie tous les Corps. 


Suivant le principe que j'ai pofé , le feu n'étant rien de plus qu'un 
mouvement particulier de la matière ,ileft évident que ce mouvement 
ne peut avoir lieu, fans que les parties conftituantes d’un corps s’écar- 
tent les unes des autres; ce qui ne fauroit arriver fans que la mafle 
augmente de volume. 


Illo. Plus un Corps eff chaud, plus ül Je dilate. 


Cette dilatation augmentera à mefure que les parties d'un corps ac- 
querront un nouveau degré de mouvement, parce que la matière fe 
fubdivife toujours de plus en plus; l’écartement, & les dimenfons en 
feront plus confidérables. 


IV°. Quand les Corps folides [ent fondus , leur dilatation ceffe. 


11 y a dans la nature un mouvement continuel de dilatation & de con- 
traction ; cependant l’on dit que les parties d’un corps font en repos, 
quand ce mouvement n’eft pas fenfible. Un corps fulible , qu'on expofe 
au feu , commence par acquérir de la chaleur ; fes parties s'écartent & 
fe mettent en mouvement par degrés, jufqu'à ce qu'enfin devenues 
libres , elles roulent facilement les unes fur les autres , alors ce corps eft 
dit en fuñon. Cer état eft le dernier degré de divifion où l’art puifle 
réduire un corps fufble fans le détruire ; ainfi 1l n’eft pas étonnant fi la 
dilatation celle. 


VS. Les particules de deux métaux , dans quelque proportion que ce foir, 
fondues enfemble, fe diftribuent également dans toute la maffe. 


Ce phénomène fera inconcevable , tant que l’on fera agir un feu élé- 
mentaire ; un être qu'on fuppofe paffer librement au travers des corps 
les plus denfes, pourroit-il faire des diftributions fi exactes dans l’inf- 
tant même de leur fufñon ? Un corps qui paffe librement au travers des 
autres, me paroît peu propre à faire des mélanges ; mais le mouvement 
qui , felon moi , conftitue le feu érant fi rapide & fe fixant en tout fens, 
à la manière d’un éclair , eft plus que fuffifant pour opérer cette diftri- 
bution fubire. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ‘09 
VI. Un Corps pénétré de feu n’augmente point de poids. 


Un corps pénétré de feu ne peut augmenter de poids, puifqu'il ne 
s’y fait aucune addition de matière ; l'éronnant feroit , s’il devenoit plus 
pefant. Il y a cependant ici une exception remarquable : la chaux de 
plomb, par exemple , augmente ordinairement par la calcination d’un 
dixième de fon poids. Ce n’eft pas dans les parties ignées qu’on doit en 
chercher la caufe, puifqu'’elles n'exiftent pas. Siles particules de feu en- 
gagées dans certe chaux produifoient certe augmentation , pourquoi un 
fer pénétré de feu , autant qu'il peut l'être , n'augmenteroit-il pas aufli ? 
L'on fair que l'air eft pefanc, & qu'il eft un des principes conftituans 
des corps ; il feroit pofible qu'il fe fit iciune nouvelle combinaifon de 


cer élément. 
Du Soleil. 


Ce globe immenfe , qui brûle depuis rant de fiècles , a donné la tor- 
ture aux Philofophes, pour trouver l'aliment qui l’entretient; tous en 
ont reconnu la néceflité,& aucun n’a pu l’afigner raifonnablement nulle 

art. Suivant les principes que je viens d'expofer , cet aftre n'a plus 
Er d'alimens pour fubfifter ; cela eft facile à comprendre. 

Le foleil eft un globe d’une matière quelconque, à laquelle le Créa- 
teur aura imprimé le mouvement néceflaire pour paroître feu , & pour 
en avoir routes les propriétés, l'ayant deftiné pour être le centre du mou- 
vement & le principal reffort qui anime la nature. C’elt principalement 
le foleil qui met en mouvement cette matière fubrile qui agite la furface 
des corps , dont l'effet eft de conftituer la lumière, comme nous l'avons 
dit, en parlant des rayons folaires. 


Du Phlogiflique. 


C’eft le phlogiftique qui joue ici le rôle le plus brillant; lui feul pro- 
duic la flamme dans la combuftion des corps. Cette matière, dont l’exif- 
tence eft bien prouvée , a la propriété d'acquérir éminemment le mouve- 
mentigné , & de le communiquer à d'autre matière de la même nature 
qui fera à fa portée , jufqu'à ce qu’enfin elle rencontre , ou qu'on lui 
oppofe quelque obftacle. 

Le phlogiftique eft, de toures les matières celle qui acquiert le plus 
parfaitement le mouvement igné. Il pofsède alors à un degré fupérieur 
toures les propriétés du feu, & a de plus, à l’exclufon de route autre 
fubitance , la faculté de s’enammer : c’eft pourquoi elle méritede tenir 
le premier rang à cet égard. Le fecond ordre fera compofé des corps qui 
acquièrent la même nature de mouvement, mais qui ne senflamment 
point; tels fonc les pierres, les terres pures, & la plupart des métaux. 
Latroifième clafle eft fournie par cette matière qui éclaire fans commu- 

1774. AOUST. 


110 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


niquer aucune chaleur fenfible ; enfin nous avons vu que l'air & la ma- 
tière échérée peuvent bien acquérir le mouvement igné, mais nullement 
la propriété de s’enflammer , ni même d'éclairer, ce qui formera la qua- 
trième clafle. 

De l'Air, par rapport à la Déflagration. 


L'on fait que fans le concours de l'air libre , le phlogiftique ne fauroit 
s'enflammer ni fe difiper en aucuhe manière. Irefte inhérent aux corps, 
quelque degré de feu qu'on leur applique. Voicicomme jeconçois que 
cela arrive. 

Tout corps en mouvement tend à parcourir une ligne droïte : cerre 
manière de fe mouvoir eft contraire à l’effence du feu, puifque nous l'avons 
fair confifter dans un mouvement de circulation. Ainf , ce fera la réfif- 
tance & le refforc de l'air qui lui feront prendre le mouvement circulaire. 
L'air , à fon tour , fera contraint de fe mouvoir de la même manière ; 
par l’obftacle réciproque qu'ils s'oppofent , ce mouvement conjugué de 
l'air & du phlogiftique conftitue la flamme. 

J'ai dit que l'air, conjointement avec le phlogiftique , prenoir le 
mouvement igné. Je ne fais fi l’on pourroit porter en preuve ce que 
l'on remarque autour des fourneaux qui ont été violemment échaufés : 
ce qu'ily a de vrai, c'eft que lon apperçoit alors dans l'air un mou- 
vement d'ofcillation très-vif , & qui cefle à mefure que le fourneau fe 
refroidir. Ce phénomène me paroît fort fingulier. L’air étant abfolument 
inviñble , ces corpufcules en mouvement qu’on y apperçoir très-diftinc- 
tement , ne peuvent être que les parties hétérogènes dont l'air eft abon- 
damment chargé, qui font forcées aufli de fe mouvoir de la même 
manière. 


Du Froid. 


Une vraie théorie du feu conduiroit infailliblement à la connoiffance 
de la nature du froid. Ce ne fera plus l’abfence du feu, comme on l'a 
prérendu ; mais ce fera le défaut de mouvement dans les corps particu- 
liers , ou dans la nature entière qui conftituera le froid : car fi l'on veut 
le faire confifter dans l'extinction des parties ignées, il fera bien diff- 
cile d’afligner le lieu où fe retire pendant un rude hiver certe quantité 
de feu qui a régné pendant l'été. 

La caufe du froid fe trouve ici très-naturellement ; ce fera une dimi- 
nution de mouvement dans la nature. Le froid abfolu feroit le repos 
parfait de la matière , ce qui ne pourroit arriver fans l'extinction géné- 
rale de tous les corps organifés. 

Cette théorie de la chaleur & du froid bien conftatée nous condui- 
roit à connoître la manière d’agir de certaines fubftances dont on fe 
fert pour exciter un froid extraordinaire. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 1 


Le plus grand deoré de froid artificiel connu a été produit par un 
mélange de glace pilée & d’efprit de nitre fumant : de-là , on pourroic 
conclure que l’efprit de nirre a la propriété de diminuer le mouvemenr 

_des corps, en interpofant fes pointes roides entre leurs parties. 

Ces deux états oppofés , la chaleur & ie froid , c’eft-à-dire , le mou- 
vement & le repos apparent qui fuccèdent alternativement dans la 
nature produifent les plus grands effets : la raifon de ces effets, une 
fois bien connue , auroit fans doute de grandes influences dans la Phy- 
fique , & particulièrement dans la Médecine. 

L'on a obfervé que l'art de guérir n’a pas fait des progrès aufli rapides 
que les autres fciences. Quelle en ef la raifon ? Ce n’eft pas qu’on ne 
l'ait culivée avec foin ; de grands Hommes y ont confacré toute leur 
vie. Si l’on pouvoit parvenir à connoître la nature du feu, de cet agent 
univerfel qui produit tour le bien & tout le mal dans la nature , & de 
la propriété des corps par rapport à fon action, peur- être qu'un nou- 
veau jour viendroit éclairer cette fcience , de toutes , la plus nécef- 
faire. 

La nature eft fimple dans les moyens qu’elle emploie pour produire 
une infinité d'effets variés. Il eft plus conforme à la grandeur de Dieu & 
à fa puilfance , de n’employer que peu d'inffrumens pour opérer toutes 
les merveilles que le EST de la nature nous offre. Voilà déja , fi 
je ne me trompe , un ément de moins : & qui fait à quelle fimplicité 
on pourroit réduire les matériaux qui entrent dans la conftruction de 
cet univers ? 

Enfin il me femble que par la route que je viens de tracer, on pour- 
roit parVenir à réfoudre les phénomènes que le feu ou fon action nous 
préfente beaucoup mieux que par aucune hypothèfe qu'on ait imaginé 
jufqu'ici. Mais ce fujer eft trop délicat pour étre manié par des mains fi 
mal-adroites ; aufli je n’ai fair qu’eftleurer légèrement la matière , crainte 
de la défigurer. 


1774. AOUST. 


NOUVELLE CONSTRUCTION 


DES QUARTS-DE-CERCLE 4 RÉFLECTION, 
Connus fous le nom d'OŒants & Sexrants Anglois ; | 


Jnventée par M. J. H. DE MAGALHAENS, Merbre ‘de la Société Royale 
de Londres , & Correfpondant de l’Académie Royale des Sciences de 


Paris. 


ke D E tous les inftrumens qu’on connoît pour faire des obfervations fur 
Mer, les Quarts-de-cercle à réflection, connus fous le nom d’oéants & 
fexeants Anglois, font les feuls fur lefquels on puiffe compter , pour pren- 
dre les hauteurs des aftres & leurs diftances refpectives, afin de détermi- 
ner avec affez de précifion les latitudes , & même pour obtenir Les longi« 
tudes jufqu’à un point prefque fuffifant dans la pratique de la Navigation. 
La fupériorité de ces inftrumens fur tous les autres qu’on employoit au- 
paravant , eft fi reconnue dans toute l'Europe , à l'exception de quelques 
Navigateurs dont les connoiffances ne vont pas au-delà de la vieille rou- 
tine, que ce feroit abufer du tems & de la patience des Lecteurs, fi je 
m'arrètois à le prouver. Ces inftrumens font également très-avantageux 
pour obferver fur terre, & prendre toutes fortes de diftances angulaires 
entre différens objets ; ce qui les rend également précieux à l'Aftronome 
qui voyage , au Géographe , & à l’Arpenteur. 1 eft facile de fe procurer 
ces inftrumens, dontle prix eft fort modique ; on les tranfpôrte fans 
peine , & on s'en fert plus commodément que des cadrans aftronomiques 
d'un rayon deux fois plus petit. 


2. M. Hadley, favant Anglois , & Vice-Préfident de la Sociéré Royale 
de Londres , fur le premier qui publia , dans les Tranfactions philofo- 
phiques de la mème Société , en 1731, la conftruction de ces inftru- 
mens, qui portent encore aujourd'hui fon nom en Aneleterre. Il y 
donna deux manières de les conftruire un peu différentes l’une de l’au- 
tre, quoique fondées fur les mêmes principes. On trouva onze ans après 
dans les papiers du Docteur Halley, un écrit de la propre main du Che- 
valier Newton, contenant la defcription d’un inftrument femblable au 
premier des deux qu'avoit décrics M. Hadley , qui , peut-être, n’en avoit 
jamais eu aucune notion. Ce fair eft inféré dans les mêmes Tranfaé, 
philofoph. année 1742,n°.46$ (1) (4); & il eft bon de remarquer que 
QUE DELL, DE A9fs PE DL TRUE PO PRG RRNT OUT EUR URAAN AGREE 18 LIRE SEE Eenesennn tte 


(1) Voyez la Note (A) à la fin de ce Mémoire. Nous renvoyons ainfi toutes ces 
notes, afin de ne point interrompre la fuite des idées, 
M. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 113 


M. de Fouchy , aétuellement Secrétaire perpétuel de l'Académie Royale 
des Sciences de Paris, dont le caractère eft au-deffus de tout foupçon , 
inventa auffi un inftrument à peu-près femblable , en 1732, fans avoir 
aucune idée de celui du Chevalier Newton, qui réellement ne fut pu- 
blié que dix ans après, ni de la publication que M. Hadley en avoit 
faite dans l’année précédente en Angleterre. Dans la fuite, ce Savanc 
inventa un autre octant bien fupérieur au premier, où il a corrigé quel- 
ques défauts, & qu'il a perfectionné par des applications & par des 
pièces fort ingénieufes, dont il donna la defcriprion dans les Mémoires 
de la même Académie , pour l’année 1740 (B). 


3. Avant le fecond octant de M. de Fouchy, il y en avoir eu deux au- 
tres, ainfi qu'il le dit lui-même, indépendamment de ceux de M. Had- 
ley. Un de ces octanrs étoit de M. Caleb Smith. Cer inftrument portoit 
un prifme triangulaire au lieu de miroir ; & l’on peut en avoir une def- 
cription aflez détaillée dans le Recueil des Obfervations du P. Pezenas, 
faites à Marfeille , édition d'Avignon, 175$, ainfi que dans fon Altro- 
nomie des Marins. L'autre oétant portoit un niveau à bulle d'air, & 
avoit été inventé par M. Elron, il étoit fort différent des autres. On en 
trouve la defcription dans les mêmes Tranfaétions phlofophiques de 
1732, n°.4233 & dans l’Appendix de M, Stone à l'Ouvrage de Bion 
fur les inftrumens de Mathématique , qu'il traduifit en Anglois, p. 274 
de l'édition de 1758. Mais Le Public n’adopta dans la fuite que le fecond 
inftrument de M. Hadley. A la vérité, ce fut avec une lenteur bien peu 
digne de l'importance de l'objer, que les Marins fe dérerminèrent à 
fecouer les préjugés qui les tenoient attachés à leurs vieilles Aèches ou 
atbaleitrilles, & à d’autres inftrumens anciens , également défectueux. 


4. Cependant, quoique le nouvel oétant, connu fous le nom de 
M. Hadley , fût devenu l’objet des attentions & des recherches de plu- 
fieurs Savans & d’autres perfonnes fort ingénieufes, pendant plus de 
quarante ans qui fe font écoulés depuis fa publication; on peut dire 
néanmoins qu'on n’a fait encore aucun changement aflez confidérable 
dans les parties effenrielles de cette conftruétion , ni dont les réfultats 
produififlent aucunes propriétés nouvelles d'une affez grande confé- 
quence. Les travaux de ces grands Hommes auroïent pu me découra- 
ger , fi je n’avois fu que nous fommes redevables au hafard d’un affez 
grand nombre de découvertes fort utiles. 

Ainfi, fans crainte d’être accufé d’une vaine préfomption, on peut, & 
même on doit fe porter à la recherche des mèmes objets où l’on a 
vu échouer des talens fort fupérieurs. Autrement, prefque routes les 
découvertes , fans en excepter celle du Dérroit qui porte le nom de 
ma famille (C), dans l'Amérique méridionale , ne devroient ètre mifes 
qu'au nombre des témérités abfurdes. 

Tome IV , Part, II. 1774. AOUST. P 


114 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


s: La nouvelle conftruétian que j’aiimaginée des Quarts-de-cercle à 
réflexion, ou, pour le dire autrement, le changement que j'ai fait dans 
leur conftruction ordinaire, renferme, fi je ne me trompe, les plus grands 
avantages. Peut-être l'amour-propre n’en impofe ; mais quelle que foit 
l'opinion que j'ai de mes découvertes, elle ne changera rien à leur fonds; 
elle pourra feulement piquer la curiofité du Public, & les faire foumettre 
à un plus férieux examen. En effet, limpartialité de fon jugement , & 


le fuccès de la pratique feront les meilleurs garants du vrai mérité de 
cette invention. 


6. Un des plus grands avantages de cette conftruétion eft, felon 
moi, que les Obfervateurs pourront être déformais à l'abri des erreurs , 
mal-adrefles & méprifes des Artiftes, aufli-bien que des dérangemens 
qui pourroient, par quelque caufe accidentelle , furvenit à cec inftru- 
ment, pourvu qu’ils veuillent fe donner la peine de l’examiner: ce qu'ils 
feront à même de faire tant fur mer, que fur terre; car ces inftrumens 
portent en eux mêmes leur propre rectification. 

11 femble que certe circonffance eft une des plus défirables pour toute 
forte d’inftrumens , mais particulièrement pour ceux dont on fait ufage 
fur mer , où l’'Obfervateur manque des moyens néceffaires pour y fup- 
pléer. Outre cela, cette méthode rend beaucoup plus étendue l’applica- 
tion de ces inftrumens, quand on veut prendre des angles plus grands 
que ne le permet leur limbe , fuivant la conftruétion ordinaire; de façon 
qu’un Oétant dont le limbe eft feulement de quarante-cinq degrés, qui 
valent quatre-vingt dix par la double réflexion des rayons vifuels , peut 
fervir, érant conftrüuit fuivant ma méthode , pour obferver par-devant des 
angles au-delà de cent vingt degrés. On peur les reétifier exaétement par 
un feul objet, pour obferver par derrière , fans aucune dépendance des 
deux parties oppofées de l’horifon , comme à l'ordinaire. Enfin on verra 
par les problèmes fuivans, que cette invention fournit d’autres avan- 


tages aflez confidérables , qu’on n’obrenoit point auparavant avec ces 
inftrumens. 


7. L'effentiel de cette conftruction confifte à difpofer les miroirs hori- 
fontaux de l'inftrument , de facon qu'ils puif[ent tourner fur un axe com- 
run, & à déterminer l'angle de leur inclinaifon refpeëtive , par le moyen de 
leur parallelifime avec le miroir de l’Index ou Alidade , en fe fervant des 
mêmes divifions du limbe de l’inftrument (D). 


8. On peut donner cette conftruétion aux Oétants & Sextants ma- 
rins en différentes manières , comme on le montrera dans la fuite; 
mais je commencerai par celle qui eft repréfentée dans la Figure 2, 
Planche 1 ; elle me paroït la plus commode pour faciliter l'intelligence 


| 
| 
. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 15 


de fes propriétés , & elle les contient routes enfemble. C'eft un inftru- 
ment de cette conftruétion , que j'ai préfenté à l’Académie Royale des 
Sciences de Paris (Æ£ ), avec un petit précis des avantages qui en ré- 
fultent, dont un rapport honorable ( F ) fur fait le 20 Janvier 1773 à 
la même Académie, par Meflieurs Lemonnier & le Chevalier de Bory, 
qu’elle avoit nommé Commillaires pour cet objer. 


9 La figure 2 repréfente un de ces Oétants nouveaux. A eft le miroir 
horifontal qui fert pour obferver , ayant le dos tourné à un des objets, 
ou, comme on le dit, pour obferver par derrière. Ce miroir eft fixé fur 
le cercle Z P, qui peut être arrèté à volonté fur chaque point de fa péri- 
phérie par l’agraffe à double charnière marquée X : laquelle paruit fous 
une échelle plus grande dans la figure 3 (G). 


10. B eft un miroir pareil! , qui fert à obferver par-devant. Il eft fxé au 
bout de la plaque ou bras B A ( voyez /a Figure 3 ) qui peut tourner 
autour de l'axe, ou centre A: & on l’arrête lorfqu’on le veut , par une 
vis ou agraffe, fur le cercle Z P. Le troifième miroir C eft tout-à-faie 
femblable au fecond B : il peut cependant être omis dans cette conftruc- 
tion ; car il n’y eft pas abfolument néceffaire , comme on le verra bienrôr, 
Le cercle Z P doit être élevé ou furbailfé tant foit peu fur le plan de 
l'inftrument , afin que l’alidade N M ne foit pas arrêtée par la partieP, 
lorfqu’on l'amène au bout R des divifons du limbe. La figure 3 repré- 
fente ce même cercle féparément, & fur une échelle plus grande, avec 
les deux bras dont je viens de parlera 


11. La figure 1 repréfente un autre Oétant, dont la conftruétion peut 
paroître plus fimple ; car les miroirs B & C.-y font fimplement arrèrés 
fur le cercle Z P , aufli-bien que le miroir A ; & on peut les ôter ou les 
remettre à volonté dans les couliffes , qu'on y voit marquées par des 
points. La figure 4 montre un Sextant, conftruit par la même méthode. 
Chaque miroir horifontal , ou fa couliffe , doit ètre garni d’un petit 
levier ou d’une vis fans fin, comme à l'ordinaire, pour pouvoir l'a- 
jufter comme il faut. Et , pour ce qui regarde les autres pièces, on 
les fuppofe telles qu'on les pratique dans les autres inftrumens de ce 
genre. 


12. Cependant il eft bon d'avertir, que la forme & les proportions 
refpectives des pièces de ces inftrumens s'arrangent beaucoup mieux dans 
la pratique, qu’elles ne font repréfentées par les figures; car on les ré- 
duit , & on les difpofe alors felon les dimenfons & les diftances refpec- 
vives les plus convenables : &, pour éviter les incidences trop obliques 
des rayons fur les miroirs , on donne à celui de l'alidade , une direc- 
tion bien différente de la ligne N M. Mais j’abandonne tous ces dérails 
à l'habileté des Artiftes, Je n'ai voulu m'occuper qu'à repréfenter ici 

1774. AOUST. : P 2 


16 OBSERVATIONS SUR L'4 PHYSIQUE, 


bien diftinétement à mes Lecteursles propriétés effenrielles de mon fujet. 


13. Les problèmes fuivans montreront les avantages de cette conf- 
truction. On ne les avoit jamais réfolu par aucun inftrument connu juf- 
qu'à préfenc ; & leur réfolution ne dépend d'aucune autre théorie 
que de celle fi généralement connue, qui fert de bafe à la conftruc- 
tion des Octants & Sextants marins ; favoir, que les rayons de lumière, 
réfléchis par deux miroirs plans, parallèles l’un à l'autre ; continuent dans 
la même direétion qu'ils avoient auparavant ; mais ft les miroirs ne font 
point parallèles , pour lors la direëtion des rayons réfléchis , fera un angle 
double de celui de linclinaifon des deux miroirs ; avec la première direétion. 
On peut voir ces principes détaillés & démontrés felon les loix de Ca- 
toptrique, en différens Ouvrages , & particulièrement dans le chapi- 
tre XII du livre II de l'Optique de Smith, traduite de l'Anglois. par 
le Père Pezenas; & dans le Mémoire Anglois du même M. Hadleÿ, qui 
eft publié dans le n°. 420 déja cité, des Tranfactions philofophiques 
de Londres, année 17313 ou dans leur Abrégé, par Eames & Martin, 
VI vol. page 1 39. Enfin je donnerai aufli une autre Démonftration, que 
je crois plus à la portée de tout le monde, dans la Note (H). 


PROBLÈME PREMIER 


Mettre , par un feul objet , le Quart-de-cercle en état de mefurer des 
angles plus grands age la valeur de fon limbe. 


STOLLAULT TION: 


14. Mettez le miroir B ( Fig. 2 ) parallèle au miroir N , ayant 
l'index oualidade à quatre-vingt-dix degrés du limbe , par la méthode 
connue de voir la coincidence exacte des deux images du même objet; 
par exemple, le Jo/eil, la Zune , une étoile, &c. l'une vue par des rayons 
dires, à travers la partie diaphane du miroir B, & l’autre par des 
rayons réfléchis de N.en B. Oblervez que les lettres K, Q,T,H,E, 
F, G, montrent les endroits de l’inftrument, où l'œil de l'Obfervateur 
doit être, pour vifer à l'objer , felon les différentes poltions des 
miroirs. 

Menez enfuite l’alidade à o degré, & faites À & C parallèles àN, 
par la mème méthode; pour lors les deux miroirs À & C feront un angle 
de quarante-cinq degrés avec B: c’eft-à dire, l'angle de l’interfection de 
leurs plans avec celui du miroir B, fera de quarante-cinq degrés; car 
on fait bien que le limbe des Oétants marins n'a feulement que qua- 
‘rante cinq degrés, quoiqu’effeétivement on y mefure jufqu'à quatre- 
vingt-dix degrés, à caufe de la double réflexion de l'image d'un des 
deux objets. 


rt 


SUR L'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 5117 


Tournez le cercle ZP, fans toucher aucunement à ces miroirs, jufqu’à 
ce que B arrivant en [, devienne parallèle à N, ce que vous reconnoi- 
trez par la coincidence des deux images du même obier. Dans ce cas, 
les miroirs À C auront tourné en arrière auarante-cinq degrés , & 
feroient parallèles à N, fi l’alidade avoit reculé autant, c’eft-à-dire, qua- 
rante-cinq degrés jufqu’à la direction N W. Par conféquent , fi l’on 
regarde par le Pinule H, on pourra obferver des angles au-delà de qua- 
tre-vingrt-dix degrés fur le miroir C qui fera pour lors en V ; & on pourra 
obferver les angles au-deffous de quatre-vingt dix degrés fur le miroir 
B, qui fe trouve pour lors en 1; de façon qu’on mefurera par-devant 
cet inftrument des angles beaucoup plus grands que la valeur de 

on limbe. 


15. On a trouvé par expérience, qu’on peut bien mefurer des angles 
de cent foixante degrés & même plus, en obfervant par-devant avec ces 
inftrumens. Maïs peut-être les Obfervateurs peu habiles y trouveront de 
la difficulté; car, en effet ,1l y en a dans certe profeflion qui vantent leur 
merveilleufe fagacité dans l’art d'obferver , & qui cependant ne rou- 
giflent pas d'avancer , comme mon Cenfeur l’a fait dans fes remar- 
ques, qu'à peine peut-on bien obferver avec les Sextants, des an- 
gles de cent vingt degrés; &, à plus forte raifon , ceux qui les excè- 
dent; quoique tout le monde foit bien à portée de vérifier le contraire, 
Voyez la Note (1). 


16. Si l'Oétant eft conftruit, comme on le voit dans la figure pre- 
mière , on mettra le miroir À , ou B, dans la couliffle C , en la tournant 
un peu , pour que le rayon réfléchi de ce miroir puiffe tomber en Q. On 
fera l’autre miroir parallèle à celui N de l'index à quatre vingr-dix degrés, 
Après cela on amènera le même index à zéro ; on rendra le miroir À , ou 
B, parallèle à celui N de l'index, en faifant rourner le cercle Z P autant 
qu'il fera néceffaire. Dans ce cas, le miroir C fe trouvera en V , & feroit 
parallèle au miroir de l'alidade , fi on la reculoit de quatre-vingt dix 
degrés au-delà de o°, c’eft-à-dire, dans la direétion N W, &c. 


17. Si l’on fait ufage d’un Sectant au lieu de l'Oétanr, il fuffit de 
prendre pour lors foixante degrés dans la première opération ; car les 
trente degrés de leur valeur réelle fur le limbe , avec les foixante degrés 
de fa longueur totale, font quatre-vingt dix degrés, comme ci deflus ; 
mais, en général il n’eft pas néceflaire de prendre au-delà du nombre 
qu’on peut obferver : & , par conféquent, c’eft affez de mettre l'index à 
foixante-dix ou quatre-vingt degrés dans la première pofition fur les 
Oétants, & à quarante ou cinquante degrés dans celle des Sextants. 


18. Un grand avanrage de cette méthode eft celui de rectifier dans 
1774. AOUST. 


118 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


le mème tems le parallelifme du mouvement des miroirs, à l'égard du 
plan de l’inftrument, c'eft-à-dire , le parallelifme de ce plan avec celui 
des rayons directs & réfléchis , moyennant les deux poftions différentes 
du miroir horifontal & de celui de l’alidade; & les différentes diftances 
de l'œil à l'égard des centres de ces miroirs. Voyez /a noce( K}. 


PROBLÈME IL 


Ajufler le miroir À à un angle droit avec le miroir N par un feul objet, afin 
de pouvoir ob/fèrver , le dos courné vers l'un des deux objets ; ou , comme 
on l’exprime , pour obferver par-derrière. 


SOL AUNTIIMIONNS 


19. Faites l'opération du problème précédent encore une fois, & 
alors le miroir À (Fig. IT) aura tourné deux fois quarante-cinq degrés, 
c’eft-à-dire, fera un angle de quatre-vingr-dix degrés avec le miroirN, 
au bout de la feconde opération. Si l'Oétanr eft conftruit comme celui 
qui eft repréfenté dans la figure première ; auffi-tôt que le miroir B eft 
en 1, & qu'on le trouve parallèle à N avec l’alidade à 0° , on le remet 
dans la couliffe S qui fe trouvera alors en B , pour faire la feconde opéra- 
tion, moyennant laquelle le miroir À aura reculé deux fois quarante- 
cinq degrés. 


20. On fait bien les difficultés qu'on rencontre pour ajufter & reéti- 
fier ces inftrumens par la méthode ordinaire, lorfqu’on veut faire une 
obfervarion , le dos tourné vers un des objets ; car il faut avoir les deux 
parties oppofées de l'horifon bien nettes & diftinétes, ce qui n'arrive 
pas toujours lorfqu’on en a befoin ; & qui d’ailleurs n’eft point praticable 
dans la nuit, lorfque ces obfervations font les plus nécelfaires pour me- 
furet les grandes diftances de la lune aux étoiles , &c, C’eft peut-être la 
raifon pourquoi on a fi fort négligé jufqu’à préfent cetre manière d'ob- 
ferver. Je donnerai une autre méthode générale, qui eft crès-süre & 
trop aifée pour faire cette mème rectification après les derniers pro- 
blèmes, n°. 52. 


21. M. Dollond, Opticien célèbre de Londtes , fort connu par fes 
lunertes achromatiques , avoit imaginé avant moi une autre méthode 
pour ajufter le même miroir horifontal , afin d’obferver par-derrière; & 
obtint un privilége excluff pour faire les inftrumens de cette conftruc- 
tion. Voyez {a Note (L). 

Cette méthode conffte à mettre une efpèce d’index ou queue au 
miroir horifontal, deftiné à cette obfervation. On l’arrère fur une mar- 
que faite exprès dans le corps de l'inftrument, On l’y fait parallèle par 


SUR L'HIST. NATUREILE ETIES ARTS. 19 


la méthode connue de li coincidence de deux images , ayant l'index à 
0°; & après cela on arrêre cetre queue , qui porte le miroir horifontal 
dans fon centre, furune autre marque faite par l’Artifte à Ja diftance de 
90° de la première. On en peut voir la defcription donnée par le mème 
M. Dollond , dans le volume des Tranfaétions philofophiques de Lon- 
dres , année 1772. M. Maskelyne en avoit déja parlé dans l'Appendix, de 
fon Almanach Nautique pour 1774 ; qui parut avantce volume des Tran- 
factions philofophiques; & en parle encore dans un Mémoire qui fuit 
celui de M. Dollond , page 101 du même volume. Voici fes paroles : 


22. Par bonheur , dit M. Maskelyne , ce defideratum fur exécuté depuis 
ptu par un ingenieux artifice iuventé par M. Dollond ..... moyennant 
an index qu'il a ajouté au miroir de l'obfervation par-derrière ; de facon 
que les deux ajuflemens peuvent être pratiqués par les mêmes obfèrvations , 
prefque avec la même exaëlitude que ceux du miroir horifontal de devant. 

On voit par le mot prefque où approckant qui fe trouve égalemenc 
dans l’appendix de l'Almanach Nautique , que l'exactitude de cetre Mé- 
thode n'eft qu'approchante , & pas auffi exacte comme celle de l’ajufte- 
ment par-devanr. L'écard qui eft dû à ce Monfieur , me porte non-feule- 
ment à adopter fon opinion, mais à montrer les circonftances qui la 
rendentindubirable; car effectivement cette méthode nouvelle de re&i- 
fierle miroir en queftion , ne peut pas être aufli exaéte comme celle pour 
ajufter l’autre miroir, fans les fuppofñtions fuivantes : 1°. Que l'Obfer- 
vateur puifle mettre la queue du miroir en queltion , précifément fur 
les deux marques que l’Artifte a faites fur l'inftrumenr ; 2°. que ces deux 
Marques aient été mefurées exaétement par un arc de quatre-vinor-dix 
degrés; 3°. que l'angle de cet arc tombe précifément dans le centre da 
mouvement de cette queue, Voyez /4 Nore ( Q }. 40. Quecetre diftance, 
qui eft néceffairement prife entre, où fur les deux bras de l’affeinblage 
de l'inftrament , n'ait pas été autrement altérée par quelque accident, 
depuis que l'inftrument à été achevé. 


23. 0. Que ces deux marques foient précifément dansle mème plan de 
Finftrament,ou dans un autre qui lui foir parfaitement parallèle ;6°. enfin, 
que l’axe du mouvement de ce miroir foit parfaitement perpendiculaire 
au plan de l’inftrument. Mais toutes ces circonftances font telles que 
l'Obfervareur ne pourra pas s’enappercevoir, fans recourir à d’autres mé- 
thodes qui ne font pas aifées pour tout le monde, fi l’on en excepte un 
très-perit nombre; & , outre cela, ileft fort difficile, pout ne pas direim- 
poflble , de les pratiquer routes fur Mer pendant le jour, & encore moins 
pendant la nuir. Il fuffit qu’il y manque une feule de ces fix conditions , 
pour que l’ajuftement foit erroné; au- lieu que ma conftruétion eft affran- 
chie des trois premières entièrement; & fi l'Obfervateur veut y faire 

1774. AOUST. 


= 


1:0 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


attention , il s’appercevra fans peine s'il y manque à quelques-unes des 
trois autres. Voyez la Note (M). . 


PROBLÈME. IIl. 


Reconnoitre tant fur Mer que fur Terre la valeur de Parc. de l'inftru- 
ment, en r'employant qu'un feul oëbjer. 


SOL AU ATTNIONN: 


14. Répérez trois fois le problème IT, & le miroir À aura parcouru 
tous les trois cents foixantedegrés du cercle entier. ‘Si ce miroir fe trou- 
ve , au bout de cette opération, parallèle au miroir N de l'index, la 
grandeur de l'arc , ou limbe des divifions, eft exacte ; mais silya 
quelque différence , on divifera par huit, & le quotient ajouté ou 
retranché de quarante-cinq degrés, felon que la différence fera en plus 
ouen moins, donnera la valeur réelle de l'arc de l'Oétant. Sic’eft un Sex- 
tant qu'on examine, la révolution entière pourra être finie en [2x 
opérations , en prenant foixante degrés à chaque fois ; alors on divifera 
la différence, s'il yena, par J£x au lieu de huit. 

Obfervez , que pour réfoudre ce problème avec l'Otant de la figure r, 
on doit metre les miroirs horifontaux fucceflivement tournés du mème 
côté , comme celui du miroir B; au-lieu que dans le problème I & 11 il 
faut mettre le miroir C dans le fens contraire. 


Ceux qui connoiffent un peu la conftruction-pratique des inffrumens 
à limbe , conviendront qu'il eft fort difficile de déterminer exaétement 
la longueur de l'arc correfpondant à la longueur du rayon pris dans l’ali- 
dade. Pour peu que la pointe du compas à verge qui fert À centre, foit 
hors du plan du cercle qu'il décrit, c’eft-à-dire , qu’elle s’enfonce dans ce 
plan un peu plus que l’autre qui décrit la périphérie de l'arc, ladiftance 
entre les deux pointes fera effectivement plus grande que le vrai rayon 
de cet arc. Outre cela, la moindre excentricité de l’axe de l’alidade peut . 
caufer des erreurs confidérables dans les divifions du limbe. Un centième 
de pouce d’excentricité donne trois minutes d'erreur dans un arc de foi- 
xante degrés dont la corde diffère de cette quantité fur ce rayon de douze 
pouces; & fix minutes d'erreur , fi le rayon n’eft que de fix pouces. 


26. Combien n’y a-t-1l pas d’accidens fur un vaiffeau dans les voya= 
ges longs qui peuvent caufer des dérangemens pareils & même plus 
grands , foit dans l'axe de l’alidade , ou dans l’affemblage des bras & 
parties de cet inftrument , lors même qu'il fera de métal ? Même, en 
fuppofant qu’il n'y a pasle moindre accident; qu'on rm 

alcment 


2 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. xt 
aifément de ces inftrumens faits par des Artiftes très-habiles ; & qu'on 
ne feroit pas difficulté de payer un aflez grand prix : ne feroit-ce pas un 
véritable avantage de fe trouver à l'abri des méprifes , dont les plus 
grands Artiftes ne font quelquefois pas exempts , & de ts roir trouver 
par foi-même, ces erreurs , pour en tenir compte, au milieu de la Mer , 
& fans aucun autre fecours que fon propre inftrument ? Ne feroit-ce pas 
un avantage qu'un inftrument de certe conftruction , étant même mé- 
diocrement fait, puifle rendre un aufli bon fervice entre les mains d’un 
Obfervareur habile & curieux , qu’un autre inftrument bien mieux fait , 
& par conféquent bien plus cher ? Voyez /a Noe(N). 


PROBLÈME IV. 


Reconnoëtre par un feul objet la valeur précife de chaque trente degrés, 
vingt degrés , ou autre nombre aliquot des degrés du limbe de linf- 
trumenet, 


à So TEvIT 1 0.N: 


27. Mertezles deux miroirs C & B, ou B& A, à l'angle que vous fou- 
hairez examiner , felon la méthode du premier Problème : parcourez 
l'arc, oulimbe, d'un bout à l’autre avec cet angle, tournant alrernative- 
mentl’index & le cercle Z P ; & divifez la différence trouvée au bout de 
toutes les opérations , en cas qu’il y en ait quelqu'une, par le nombre 
de ces opérations ; & faites le refte comme dans le nombre 24. 


28. On fera par cette méthode une table des valeurs réelles de cha- 
que intervalle des divifons du limbe qui fervira à déterminer la valeur 
exacte des angles obfervés avec l’inftrument. Lorfqu’on examinera des 
arcs plus petits que le Monius ( Voyezla Note O), qui eft gravé dans 
l'alidade , & dont la longueur n’eft ordinairement que defix degrés vingc 
minutes; dans ce cas, 1l fera plus aifé de fe fervir du même Monivs , 
pourvu qu'il n'y ait aucune erreur , comme il arrive quelquefois, ce 
qu'il faut examiner avec attention. 

Obfervez que ces deux derniers Problèmes doivent précéder les deux 
premiers dans la pratique; car ils ne peuvent donner des réfulrars qui 


fotent vrais, fans que la longueur du limbe , & l’exaétitude des divi- 
fions ne fublitenc dans l’inftrument. 


29. Quoique ce Problème , ainfi que le précédent , puilfe être réfola 
par d'autres méthodes; cependant elles ne font pas auf générales , ni 
également praticables fur Mer, où les erreurs de ces inftrumens peu- 
vent quelquefois être caufées par des accidens furvenus depuis qu'on 

Tome 1V7, Part. II. 1774. AOUST-0O 


122 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


s'eft embarqué; & pourront avoir les conféquences les plus funeftes, 
fi l'on n'y apporte pas du remède. 


30. Il eft bon d’avertir que, même en fuppofant la plus grande im- 
perfection dans l'axe fur lequel fe fair le mouvement de la platine qui 
porte les miroirs horifontaux, c'eft-à-dire, en fuppofant qu'il ait autant 
d’excentricité qu'on le voudra : ce défaut ne caufera point la moindre 
erreur dans les opérations des Problèmes précédens , comme mon Cen- 
feur l’a objecté avec fa candeur ordinaire ; car il eft évident , par la conf- 
truction, que les miroirs horifontaux reftent fans aucune altération de 
l'angle fous lequel on les a mis, randis qu’on tourne la platine qui les 
porte, pour les rendre facceflivement parallèles au miroir de l’alidade. 
Tout au plus cette excentricité , en cas qu’elle foit fort confidérable , 
feroit changer un peu l’endroit , oula pofition de la pinule oculaire H ; 
mais la vraie valeur de cet angle reftera toujours la même , & fera par 
conféquent mefurée par le mème arc du limbe. Voyez la Nore (P). 


31. En général, quelle que foit la caufe du dérangement ou de l’er- 
reur de l'inftrumenc, il ne manquera pas de devenir fenfible , en em- 
ployant ces deux derniers Problèmes avec un peu d'attention : même fi 
le défaut provenoir de celui du miroir de l'index ; car fi l'on y fait une 
marque, ou fi l’on y pale une raie fur fa furface , de façon qu’on prenne 
toujours l'image réfléchie dans le mème endroit de cette furface, ce qui 
eft affez praticable lorfqu'on n’emploie pas la lunette, on trouvera après 
l'opération de ces Problèmes routes les erreurs quien réfultent. Mais il 
faut avouer , que fans un cas extrèmement preflant , il feroit fort im- 
prudent de faire ufage de miroirs qui ne feroient pas bons. 


PROBLÈME V. 


Trouver les erreurs de divifion , ou celles qui font caufees par quelque 
dérangement accidentel dans les Quarts - de - Cercle aftronomiques. 


SOL uvuLrU MOI 


32. Ajoutez un miroir femblable au miroir N, au bout de l’alidade 
ou à la pièce qui porte la lunette du Quart-de Cercle , fur le centre de fon 
mouvement ; & un appareil de miroirs horifontaux , comme celui repré- 
fenté dans la figure 3 , fur le côté du même Cadran. Examinez par le 
Problème II la vraie longueur de fon limbe, & par le Problème préce- 
dent la vraie valeur des autres divifions : vous en reconnoîtrez les erreurs, 
silyena ; & vous en ferez une table pour reétifier vos obfervations, 
comme on l'a dit ci-deflus dans le n°, 28. Voyez /a Nore (R). 


£. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 123. 
PROBLÈME VI. 
Divifèr un Arc , ou Cercle donné. 
SOLUTION. 


33. Prenez un arc à-peu près égal au rayon du cercle, & reétifiez fa 
valeur précife par les Problmes V & 1113 cherchez enfuite les divi- 
fions & fubdivilons de cet arc , comme on vient de le montrer dans le 
Problème IV. Le premier Sexranr étant divifé , on pourra transférer fes 
divifons aux autres arcs du cercle , par la méthode infinuée dans le même 


Problème 1V. $ 
PROBLÈME VII. 


Conftruire des Sextants, felon les mêmes principes , en forte que l’ajufle- 
ment pour obférver par devant, & celui pour obferver par-derrière , 
Joient faits par une feule opération. * 


SNONTIUUTIINONN: 


34. Menez l'index du Sextant ( Fig. 4 ) à cent vingt degrés, & faires 
le miroir B parallèle au miroir N ; ramenez l'index à o° , & faites le 
miroir À parallèle au même miroir N de l'index. Pour-lors ces deux 
miroirs feront entr’eux un angle de foixante degrés ; car on a démontré 
(Note H, n°. 4) que les angles obfervésavec ces inftrumens font dou- 
bles de ceux marqués par l’alidade. Dans cet état vous obfervez , comme 
à l'ordinaire , par- devant fur le miroir A. Et quand vous voulez obfer- 
ver par-dertière , vous n’avez qu’à retourner la platine ou le cercle qui 
contient ces miroirs horifontaux, jufqu'à ce que regardant par la pi- 
nule G, vous trouviez le miroir B (qui pour-lors fera en I ) parallèle 
au miroir de l'alidade. Voyez /a Nore(R). 

Cela fait, vous avancerez l’alidade jufqu’au foixantième degré, & 
vous aurez le miroir À à l’angle droit avec celui de l'alidade ; car les foi- 
xante degrés que la platine a tourné en-arrière , avec les trente degrés, 
valeur des foixante degrés , marqués par l’alidade fur le limbe, font 
quatre vinot-dix degrés. Eft c’elt la pofition néceffaire des deux miroirs, 
pour obferver par-derrière , comme on l’a dit dans le IL°. Problème , & 
dans le no. $ de la Note(H). 


35: On peur employer dans ces Sextants la méthode du Problème HI, 
pour rectifier la longueur du limbe , tant fur mer que furrerre, par un 
feul objet ; & celle du Problème IV , pour en reconnoître les divifons : 
cependant fi l’on met les deux miroirs À B fur une platine étroite , au 

1774 AOUST. Q 2 


114 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


lieu du cercle ZP, on rendra par-là l'inftrument plus fimple. On 
pourra fe contenter alors dela rectification dont on parlera tout-à-l’heure 
dans le n°. 39, pour s’aflurer de l’exacte longueur du limbe total; & on 
cmploiera le Monius pour en reconnoître les divifions & fubdivifons. 


36. Les figures s & 6 repréfentent deux autres manières de conftruire 
ces Sexrants qui font fort commodes. On voit dans la figure $ , que le 
miroir Beft le centre du mouvement du miroir À ; & qu’on emploie 
feulement la pinule H pour ajufter le parallélifme du miroir À , lorfqu'il 
eft en V , & que l’alidade eft au o°. du limbe ; & c'eft de la même 
pinule H qu'on fairufage pour obferver par-devanr. Dans cetre conftruc- 
tion, on met le miroir N environ quinze degrés au-delà du rayon NM, 
pour que le miroir À foit à une diftance convenable-de B ; & on pourra 
employer un prifme ifocelle au lieu de ce dernier, pour éviter l'inci- 
dence trop aiguë du rayon NBK. On trouvera dans la Section III des 
Mémoires du Pere Pezenas , déja cité dans la Note (B), les formules 
néceflaires , & des avis avantageux pour employer les prifmes au-lieu 
de miroirs, & pour en déterminer les variations. 


37. Mais je confeillerois d'employer plutôt un troifième miroir affez 
petit, & qui fe trouve marqué en C par de petits points fur l’alidade de 
la mème figure $ ; de facon , que recevant le rayon de l’objet par-deflous 
le miroir B, la première réflection foit de C en B , & la feconde foit de 
Ben E où fe trouvera l’œil de l'Obfervateur , pour voir le parallélifme 
de ce fecond miroir € avecle mème miroir B, après avoir misce der- 
nier parallèle au miroir N de l’alidade : alors, fi lon mène l’alidade au 
bout du limbe à cent vingt degrés, le petit miroir fe trouvera en D , & 
le rayon qui réfléchira de D enB , aura une incidence bien moins laté- 
rale que s'il réfléchifloit de N : l’œil de l’Obfervareur fera alors en F bien 
plus commodément que dans l’endroit K, pour voir fous des angles 
bien plus grands la coincidence des deux images. Il dépendra de l’habi- 
leré de l’Arufte d’arranoer avantageufement cette conftruction , mettant 
la pinule H un ou deux pouces au-deffous de l'endroit repréfenté par la 
figure , &c. 


38. Pour ce qui regarde l’autre Sextant repréfenté par la figure 6, on 
doit obferver que le centre commun des miroirs horifontaux B & A fe 
trouve dans L : quoique j'en aie fair exécuter qui avoient ce même cen- 
tre un peu au-deflus de B, & qui néanmoins produifoient un affez bon 
effer. C’eft en regardant par la pinule G , qu’on obferve alors la coinci- 
dence des deux images de l’objet fur’le miroir À , qui pour-lors fe 
trouve en V. Voyez /a Note(T), 


| 
| 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 125 
PROBLÈME VIIl 


Reconnoître la vraie longueur de l'arc , ou limbe de ces nouveaux Sextants, 
conftruits fuivant le Probléme précédent. 


SOUL MUNTATMIONN, 


39. Mettez l'index à cent vingt degrés ; obfervez par-devant la coin- 
cidence des images de deux objets , comme de la lune & d’une étoile, 
&c. ou de deux objers terreftres aflez éloignés & bien définis, par exem- 
ple , de deux promontoires, &c. tournez le Sexrant , & obfervez par der- 
rière la même diftance angulaire de ces deux objets ; & s’il n’y a pas de 


différence entre la coincidence des deux images, pour lors la longueur 
du limbe eft exacte. 


40. Car l'angle obfervé par-derrière avec ce genre d'inftrumens, n’eft 
proprement que le fupplément de la diftance angulaire entre deux objets 
obfervés par-devant +ainfi, un angle de trente degrés, abfervé par-devant 
fera vu fous un angle de cent cinquante degrés , lorfqu’on l’obfervera 
par-derrière : la raifon en eft, que dans le premier cas on compare un 
des deux objets avec l’autre objet , dont l’image vue par des rayons direéts 
à une grande diftance, coincideroit avec fa même image vue par des 
rayons réfléchis , fi l’alidade étoit à o degré ; & dans le fecond cas on le 
compare avec un autre objet diamétralement oppofé au dernier, c’eft-à- 
dire à la diftance de cent quatre-vingt degrés. Voyez La note (H). 

C’eft par certe raifon qu’on marque les degrés { en arrière de cent 
quatre-vingt degrés du limbe) dans un ordre rétrograde de ceux qui fer- 
vent pour les obfervations par-devant , comme on le voit dans les figu- 
res 4, $, 6. La mème chofe arrive dans les Oétants; mais on n’y met 
ordinairement'que le feul rang de chiffres qui fert pour obferver par- 
devant , comme on le voit dans la figure 1 , dans l'intention que l'Ob- 


fervateur ne manquera pas d’y prendre garde , lorfqu’il fera des obfer- 
vations par-derrière, 


41. Or, puifque l'index doit fe trouver à foixante degrés, felon le 
Problème précédent, lorfque les images de ces deux objets diamétrale- 
ment oppofés fe trouvent en parfaite coincidence : il eft clair que, fi l'in- 
dex fe trouve foixante degrés au-delà de cet endroit , c’eft-à-dire à cent 
vingt degrés de l’obfervation par-devant , il fe trouve aufli à foixante 
degrés en arrière de cent quatre-ving degrés, c’eft-à-dire à cent-vingt 
degrés, en obfervant par derrière ; car cent quatre-vingt degrés moins 
foixante degrés, font cent vingt degrés. On voit donc que fi, après avoir 
obfervé par-devant un angle de cent vingt degrés avec ces inftrumens ,on 


1774 AOUST, 


516 OBSERFATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


y trouve également la mêine coïncidence des deux images obfervées par- 
derrière ; on eft pour lors affuré qu'il n’y a point d’erreur dans la vraie 
longueur de l'arc ou limbe de l'inftrument. : 


42: Mais fi l'arc de l’inftrument n’eft pas de la grandeur qu’il faut ; 
par exemple, s’il eft de foixante-un ou de cinquante neuf degrés, au 
lieu de foixante , comme il doit l'être ; pour lors, la différence du mème 
angle obfervé par-devanc & par-derrière ; fera mème x fois plus grande 
que l'erreur réelle du limbe. Il eft fort aifé de s’en convaincre , en remar- 
quant, 1°. que le mème angle étant obfervé par-devant & par-derrière, 
fe crouve deux fois au deux extrémités d’un mème demi-cerele , comme 
on le voit par ce qui a été dit au ne. 7 de la Note (H.) 


43. 20. Que l'excès ou le défaut de chaque angle devient double dans 
le point de l'union, commune où ces deux angles devroient fe toucher : 
par exemple, fi l’on prend quatre-vingt-neuf, ouquatre-vingronze degrés, 
au lieu de quatre-vingt-dix , il y aura deux degrés de moins dans le 
premier cas, & autant de plus dans le fecond ; 3°. Que fi l’on prend cent 
vingt-un oucent dix-neuf degrés au lieu de cent vingt, on trouvera alors 
foixante-deux degrés de différence dans le premier cas, & cinquante- 
huit dans le fecond ; 4°. enfin, fi les divifions du limbe appartiennent 
à un autre cercle d’un rayon plus petit ou plus long, alors on y trouvera 
la fomme totale de l’excès ou du défaut de chaque divifion au-delà du 
degré réel qui devoir y être marqué. On verra dans /a Nore (U) le 
réfulrat de ces erreurs dans un plus grand détail. 


Remarques générales. 


44. Il y a encore d’autres avantages à tirer de ces inftrumens, lorf- 
qu'ils feront conftruits felon ma méthode , que les gens habiles ne man- 
queront pas de trouver aifément ; mais je ne crois pas nécelfaire d’en 
détailler les réfultats, pour ne pas trop amplifier ce Mémbire. Il ne 
faut que confidérer l’effentiel de cette conftruction, expliqué dans le 
n°. 7 & fuivans, pour en déduire un nombre de conféquences utiles 
dans la pratique des obfervations. Le miroir À étant mobile dans un 
plan parallèle à celui de l’inftrument, ainfi que l’autre miroir B, dont 
le mouvement fe fair fur le mème axe, & pouvant tourner enfemble ou 
féparément, comme il eft expliqué dans le n°. 7 ci-defflus & fuivans : 
on eft à même de pouvoir prendre routes fortes d’angles bien au-delà 
de la valeur du limbe , non-feulement par devant, comme on l’a dé- 
montré dans le problème 1 ; mais également par-derrière, comme il eft 
très-aifé de le voir, en y appliquant les mêmes raifonnemens. Car tour 
l'objet de ces inftrumens à réflection confifte uniquement à connoïtre 


- 
f 


NE  n 


L'nultitis É _ 


SUR L'HIST: NATURELLE ET LES ARTS. 27 
l'angle que fait le miroir de l’alidade avec le rayon réfléchi du miroir 
horifontal , par lequel forrent conftamment ceux qui y tombent du pre- 
mier , c’eft-à dire les rayons qui font réfléchis par la furface du premier 
miroir fur celle du fecond. 


45. Ainf ,ayant , par ma méthode, la manière de mettre le mitoir 
horifonral à l'angle qu'on fouhaite avec celui de l’alidade, en employant 
les mêmes divifions du limbe de l’inftrument , on eft maître de donner 
la valeur numérique qu’on fouhaite à ces mêmes divifions, & de les faire 
fervir pour déterminer l'angle qu'on veut obferver ; car on lui ajoure 
une quantité connue de l’autre angle, auquel on a mis déjà le miroir 
horifontal avec le zéro degré du limbe. 


46. La poñition de la pinule ou de la lunette , pour obferver la coin- 
cidence des deux images, dont les diftances angulaires doivent être obfer- 
vées, ne change rien à la précifion de l’obfervation; pourvu cependant 
que le plan de la réfleétion des rayons, & de la vifion directe, foir paral- 
lèle à celui du limbe. Pour déterminer l'endroit où l'œil de l'Obferva- 
teur doit être appliqué, c’eft-à-dire celui de la pinule ou de la lunette il 
ne faur que chercher autour du limbe MR , ou des côtés N M & NR de 
l'inftrument, un endroit d’où l'image de la furface étamée du miroir 
de l’alidade foit vue par réfleétion dans le miroir horifontal dont on 
veut fe fervir , après l'avoir mis au degré convenable pour l’angle qu'on 
fe propofe d’obferver, moyenant la méthode des premiers Problèmes 
-ci-deflus. 


47. Suppofons qu’on veuille obferver par-devant un anple de cent 
quarante degrés avec l’Otant de la figure 2 : faites le miroir A parallèle 
au miroir N , ayant l'alidade à o degré; & puifqu'il y a quatre-vingt. dix 
dans le limbe, 1l faut feulement cinquante degrés|de plus ; merrez 
donc l'alidade à cinquante deorés du limbe, & faites que le miroir B 
foit parallèle à N; remettez l’alidade à o degré, & tournez le cercle ZP 
( fans roucher les deux miroirs qui y font fixés ) jufqu’à ce que le miroir 
B foit parallèle au miroir N dans cetre pofition , comme il 2 été dit dans 
le problème [. Alors, il ne vous refte qu’à chercher l'endroit entre NQ, 
duquel vous puifliez voir l'image réfléchie du miroir N fur le miroir À, 
que je fuppofe ttre l'endroit H ; & c’eit là qu’il faudra mettre la pinule 
avec la lunette, &c. 


48. Lorfqu'on mène l’alidade au bout du limbe des inftrumens de 
cette conftruétion , pour trouver le parallélifme du miroir horifontal avec 
celui de l’alidade, on peut bien fe fervir de cette difpofition de l’inftru- 
ment, pour prendre auffi des angles pat-devant ; ce qui ne manquera pas 
de réuflit, pourvu qu'il y ait uns diftance convenable entre les deux 
miroirs. Voyez la Noce (X). Mais alors il faudra compter les degrés 

1774 AOUST. 


118 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


obfervés dans un ordre rétrograde des nombres marqués dans le rang 
fupérieur du limbe ; ou les retrancher de quatre-vingr-dix degrés dans 
les Oants, & de cent vingt dans les Sextans , pour avoir leur valeur 
réelle. On doirremarquer dans cette difpolition de l’inftrument, que les 
angles les plus grands ont une meilleure incidence fur le premier miroir; 
ce qui fait voir le défavantage qui réfulte de la pratique ordinaire des 
Arriftes qui mettent prefqué toujours le miroir de l'alidade quelques 
degrés en avant de fa direétion , comme dans la figure $ ; d’où il s'enfuic 
que, pour obfervet des angles de cent vingt degrés & plus, on trouve 
quelquefois l'incidence des rayons trop oblique fur cemiroir. Pour obvier à 
cet inconvénient, on devroitle mettre dans une pofition tout-à-fait con- 
traire, c’elt-à-dire, plulieuts degrés en arrière, comme je le fais ordi- 
nairement pratiquer aux Arciltes qui fuivent mes directions. 


\ ! ; 54 

49. Suppofons à préfent qu’on veut obferver par-derrière un angle de 
cent foixante-quinze degrés: & qu’on veuille rectiñer cette obfervation, 
en prenant fon fupplément, cent quatre-vingt-cinq degrés , avec l'inftru- 
ment tourné dans le fens contraire. Nous favons déjà par le Problème, 
n°. 19, qu'il faut tourner le miroir À deux fois quarante cinq degrés, 
pour que le cent quatre- vingtième deoré de l'obfervation par derrière 
tombe daus le o du limbe ; mais, comme nous voulons obferver encore 
cinq degrés au-delà des cent quatre-vingr, il nous faudra faire enforte 
que le degré cent quatre-vingt , au lieu de tomber dansle o degré, tombe 
dans le degré cinq du limbe. Ainfi, après avoir fait tourner le miroir À 
par la première opération quarante-cinq degrés qui valent quatre-vingt- 
dix degrés, par la propriété effentielle de ces inftrumens à réfleétion , on 
doit prendre feulement quarante-deux degrés trente minutes (8%) dans 
la feconde opération du Problème Il ; & pour lors , on aura l'angle de ceut 
foixante-quinze degrés avec l’alidade fur les dix degrés du rang fupérieur 
du limbe : &, en tournant l’inftrument dans l’autre fens , on trouvera 
le fupplément au cercle entier, qui font les cent quatre-vingt-cinq de- 
grés en queftion, en mettant l’alidade au o degré du limbe. 


so. Par un pareil raïifonnement on verra, qu'après la premièreopération 
du Problème 1, n°. 14., la coincidence de deux objets diamétralement 
oppofés doit fe trouver en mettant l’alidade au quatre-vingr-dixième 
degré du rang fupérieur du limbe ; ce qui ferviroic à bien rectifier cetre 
opération ; mais l'interpofition de la rète de l'obfervateur empèchera de 
voir l'objet qui eft derrière. Peut-être que quelque Curieux trouvera le 
moyen d'y réuflir, en ajoutant un troifième miroir ; ce qui rendra l'inf- 
trument peut-être trop compliqué & moins à la portée de toutes fortes 


d'Obfervateurs. 


51. La méchode dont je viens de parler danslen°. 49, eft fort exacte 
pour 


SUR'L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. -xr9 


pour rectifier la poñition du miroir horifontal pour l'obfervation par-der« 
rière ; çar fi l’on obferve deux objets aflez éloignés en ligne droite, où 
dont la diftance foir de cent quatre-vingt degrés ; &, qu'en tournant 
l'inftrument, on trouve la mème coincidence de leurs images, on eft 
pour lors bien affuré que la poftion d# miroir horifontal elt , comme il 
faut être pour obferver par-derrière. 


52. De même , après avoir mis le miroir horifontal qui fert aux 
obfervations par derrière , à-peu-près perpendiculaire à une ligne ima- 
inaire qui feroit produite futvant le plan du miroir de l’alidade, il fera 
aifé de rectifier exactement fa polition , en obfervant un angle’ de qua- 
tre-vingt-dix degrés par-devant & par-derrière fur chaque miroir hori- 
fontal refpectif , fans mouvoir l’alidade , qui doit être toujours au degré 
quatre-vinot-dix du limbe ; car on démontrera parun raifonnement pareil 
à celui du n°, 39 & fuivans, que ces deux angles doivent, quoiqu'obfervés 
différemment , tomber précifément fur le mème degré du limbe, Il fuffic 
que le Lecteur y faffe un peu d'attention, pour fe convaincre de cette 
vérité & pour trouver peut-être plus que ce que j'avance. 


53. M. Ludlam eft le feul que je fache, qui ait fait mention de 
cetre Méchode , pour trouver l’erreur de l’alidade dans les Otants o1 di 
naires; & il paroït qu'il n’y penfa pas aflez pour déclarer qu’elle eit la 
manière la plus fimple & la plus exacte pour mettre ce miroir horifon- 
tal dans la vraie pofition pour obferver par-derrière. Voyezle Traité que 
ce Savant compofa en Anglois fur les Octants de Hadley , dans le n°.76 & 
77, p- 53- de l'édition ir-8°. de Londres , de 1771. Je fuis fâché qu'il aic 
pris tant de peine pour enfeigner aux Marins à tenir compte des erreu s 
de l’alidade ou index ; puifqu'il ne peut y en avoir aucune, lorfque 
l'Obfervateur prend le foin de re@ifier fon inftrument avant de faire 
l'obfetvation , tournant, autant quil eft néceflaire, le petit levier ou 
vis qui fert à mettre le miroir horifontal parallèle à celui de l'alidade. 


54. Cependant, il y a des Obfervateurs négligens , & allez ignorans 
du méchanifme de ces inftrumens, qui n'ofent pas les toucher, & peut- 
être aiment mieux s’expofer à quelque méprile dans l’application de 
certe correétion. C'eft une pratique que je ne puis approuver ; car je fou- 

‘haite très fort que ous les Obfervareurs s’empreflent de bièn connoîe 
tre la nature & la conftruction de leurs inftrumens : qu’ils tâchent de 
s'affranchir , autant qu'il eft poflible , de l’efclavage de fe voir dépendans 
de la fantaifie & de l'humeur des Artiftes qui ne font bien fouvent que 
de fimples Artifans , fans la moindre connotffance théorique ; & qu'enfin 
ils fachent tirer cout le parti pofible da plus petit nombre d’inftrumens, 
en augmentant l’extenfion de leurs ufages. 


Tome IV, Parc. II. 1774. AOUST. KR 


« 


130. OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


NOTES &} 
Notre PA 


[F paroît par len°. 425 des Tranfaétions philofophiques de la Sociéré 
Royale de Londres, de l’année 1732 , que le Doéteur Halley étoit pré 
fent aux Effais qu’on fic avec l'Ottant de M. Hadley. 11 n’eft donc pas 
aifé de concevoir comment le Doéteur Halley a pu garder le filence fur 
l'invention antérieure du Chevalier Newton, concernant le même objet. 
Car M. Stone dit dans l’Appendix de l'Ouvrage de Bion , für les Inffru- 
mens de Mathématique , page 263 de l'édition de Londres, en 1758, que 
le premier Oétant de certe efpèce avoit été conftruit fuivant les vues & 
les diredions du Chevalier Newton, dans le tems même que le Doc- 
teur Halley alloit partir pour faire le catalogue des étoiles fixes dans la 
Mer du Sud , en 1672 ; ce qui eft environ foixante ans avant la publica- 
tion que M. Hadley fit de fon nouvel Oétant , fans dire un feul mot du 

remier Inventeur. M. Stone ajoute qu'il n’y avoit pas long tems que 
Fon voyoit encore dans la boutique de M. Hearh, Faifeur d'inftrumens 
de Mathématique à Londres , ce même premier Oétant du Chevalier 


Newton. 
Not EE: 


Ce fut par hafard que je trouvai une efquifle du fecond Oë&tant de 
M. de Fouchy, dont il donna la defcription dans les Mémoires de l’Aca- 
démie Royale des Sciences de Paris, pour l'anné 1740, pages 468. Jela 
vis dans le Cabinet de Phyfique de M. l'Abbé Bouriot , Chanoine de 


Bazas, & connu d'une manière bien diftinguée par fon goût & par fes 


connoiffances philofophiques. 

Pour ce qui regarde le premier Quartier à réfleétion que M. de Fouchy 
inventa en 1732 , on peut le voir dans le Recueil des Machines de la 
même Académie, publié par M. Gallon, page 79 , tome VI de l'édirion 
in-4°. de Paris, 1735 ; & dans les Mémoires de Mathématiques du Pere 
Pezenas, rédigés à l’Obfervatoire de Marfeille, imprimés à Avignon en 
175$ , in-4°. Partie [, page 152. On trouve aufli dans cet Ouvrage la 
defcriprion de quelques autres inftrumens , pour prendre des haureurs 


(1) Les Nores fuivantes contiennent quelques particularités , que l'on a cru devoir 
renvoyer à la fin de l'Ouvrage , de peur qu'elles ne fiflenc perdre de vue aux Ledteurs 
J'objer principal de ce Mémoire, 


SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 13% 
far Mer, particulièrement dans l’article troifième de la méme Partie pre- 
mière de fes Mémoires. 


NroRr ENG. 


Fernando de Magalhaens, que prefque toute l’Europe appelle Magel- 
lan , à caufe de la difficulté de bien prononcer ce nom Portugais, dé- 
couvrir, en 1520, le Détroit de l’Amérique méridionale , qui porte 
encore aujourd’hui fon nom. Il étoit Portugais, & de la mème famille 
de l’Auteur de ce Mémoire, étant frère puîné de Jacques de Maga- 
Thaens, fon cinquième aïeul. Mais ce fut au fervice du Roi d’'Efpagne 
qu'il fit fa découverte, après avoir abandonné par choix, comme l'Au- 
teur l’a fait aufli, fon pays natal, à caufe de quelques défagrémens qu’il 
y effuya de la part des envieux de fon mérite. 


NPONTE CD: 


Ce furle 27 Mars 1772 que l’Auteur eut la première idée de cette 
nouvelle conftruction. Il en rendit bientôt compte à M. le Chevalier 
de Bory, de l'Académie Royale des Sciences de Paris, qui avoit été 
nommé par la mème Académie, pour entretenir avec lui la correfpon- 
dance : & peu de tems après, il en fit part à M. Bernoulli, Aftronome 
Royal de Prufle , qui l’annonça dans le fecond volume de fon Recueil 
pour les Affronomes , imprimé à Berlin dans la mème année 1772, où 
l'on lit, page 309 ces paroles : 

» 11 y aura un article confidérable dans mon troifième volume, expo- 
» fant d’après M. Magalhaens, une idée fort heureufe, que ce Savant a 
» eue nouvellement, & qui offre de fi grands avantages... &c «, 

Mais une maladie chronique, que des applications littéraires aug- 
mentoient de plus en plus, empècha cer habile Aftronome, fi digne du 
nom illuftre qu'il porte, de publier ce troifième volume , que les Savans 
atrendoient avec empreflement. Et l’Auteur n’a pas voulu rendre public 
le déail de certe invention , avant d’être bien afluré par des inftrumens 
conftruits, fuivant fes principes, par différens Ouvriers, & bien éprou- 
vés, que la pratique en étoit aifée, & s’accordoit parfaitement avec fa 
théorie. 


NorTe E. 


L'inftrument que je préfentai à l'Académie Royale des Sciences de 
Paris, confiftoit dans un Oétant ordinaire, auquel j'avois fait adapter 
l'Appareil repréfenté par la figure 3. Voyez la Note (R). 

Mais le premier inftrument qu'on fit tout entier fuivant ma conftruc- 
tion, avoit feulement les deux miroirs marqués À & B dans la figure 2 & 3. 
Ce fut M. Ramfden, habile Artifte de Londres , qui l’exécura parfaite- 


1774 AOUST. R 2 


132 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
ment bien. Je n’eus que le tems de le montrer dans certe Ville à 
M. le Docteur Franklin ; car étant à la veille de partir pour la Flandre, 
je Le fs embarquer tout de fuire pour la France à laquelle je le deftinois M. 
Maskeline, Aftronome Royal, l’avoit également vu chez l'Arulte , entre 
mes mains; & peut-être le viril plufieurs autres fois, tandis qu'on y tras 
vailloir. Certe feule circonftance fuffit pour montrer la mauvaife foi des 
objections faites contre la conftruétion pratique de cer inftrument, peu 
de tems après mon départ de Londres. Il fut envoyé à Breft , adrefé à 
M. de Briqueville , Capitaine des V'ailleaux du Roi ; Officier fort diftin- 
gué par fon mérite, & dont les talens & les connoïffances ne font point 
du tour équivoques ; & ilne manqua pas de m'en remercier dan la fuite 
par une lettre fort polie , avec les éloges les plus flatteurs fur la bonté de 
cet inftrument. 

2°, Le même Artifte fit différens autres inftrumens de cette même 
efpèce, dans la forme repréfentée par la figure 6 , dont un fut envoyé 
l'année fuivanre au même M. de Briqueville, qui avoit cédé le premier 
à un de fes amis; & un autre fut employé avec toute farisfaétion , à ce 
que j'ai entendu dire , par le Capitaine Phips, dans fon voyage à la Mer 
du Nord. Dans la fuite, l’Auteur fit exécuter plafieurs de ces inftrumens 
par des Artiftes qui n’en avoient jamais fait d'aucune forte; & , malgré 
cela , ils réuflirent auffi-bien qu’on pouvoit le défirer. On a adreflé au 
même M. de Briqueville deux de ces derniersinftrumens , qui peut-être 
dans le cems qu’on imprime ce Mémoire , ne font pas encore parvenus 
entre fes mains ; mais j'efpère qu'il en fera également fatisfair. 


\ 


NIOMTIENCES 


J'aurois un grand tort d’eñ atrendre autant de [a part de mon 
Cenfeur Anglois, dont le caraétère vient d’être expofé aux yeux du 
Public, dans une Note qui fe trouve à la page xviij de l'Introduction du 
premier tome du Woyage fait par ordre du Roi Très-Chretien, en 
1768 & 1769, &c. publié à Paris cette année 1774, in-49. par M. de 
Fleurieu. C’eft en parlant des cracafleries du mêème.Cenfeur , contre la 
Montre marine de M. H---fon, qu’on y dit: on a vu ce que peut la foif 
de dominer, & la prétention de faire valoir une découverte, a l’exclufion 
de-toute autre. On a vu un Affronome. ...... attaquer avec un acharne- 
ment cruel, & décrier par toutes fortes de voies les productions ingénieu- 
ês......... &c. En effet cet homme intéreflé déchira la mérhode de 


M. H-- fon, afin de pouvoir établir plus facilement celles des longitudes 


par les diftances de la lune aux étoiles. Pour remplir cet objer, il rendir 
nécellaires les Ephémérides marins qu'il compofe , & dont il tire 
les émolumens. On peut fuppofer qu’il avoir quelqu’autre projer lucratif 
en vue lorfqu'il recommandoit fi fort l'invention de fon protégé, & s’a- 


SURVIE MU REILT PR EINLESHARTS. 1533 


charnoit fi violemment contre le Précis de ce Mémoire, dans lequel on 
trouve quelque chofe de mieux. Peut-être y voyoir il un obftacle pour 
Établir la réputation de l’inftrument de fon Favori, dont il vouloir 
partager les profits qui en devoient réfulter. 


Norte G: : 


Tout le monde concoit que l’agraffe à double charnière ne peut pas 
caufer la moindre déviarion ou dépreflion dans le cercle ZP. On en fait 
ufage à préfenc dans les inftrumens les plus délicats , avec tout le fuccès 
potlible. Il y a aufli des agraffes à couhiffe , qui produifent parfaitement 
bien les mêmes effers; mais mon Cenfeur ne veut pas connoître ces 
reffources. 


Norte H. 


1. Je vais donner une autre démonftrarion de la théorie de ces inftru- 
mens, qui fera, je crois, plus à la portée de tout le monde. Soit 47 c 
( Planche IT, Fig. 8) le premier plan de réfleétion, c’eft-ä-dire, le miroir 
de l’alidade qui eft mobile; & f d g le fecond plan, ou le miroir hori- 
fontal pour les obfervations par-devant, qu’on fuppofe immobile ,comme 
à l'ordinaire. Soit a o n le rayon incident fur le point » : & que les angles 
autour du centre du miroir  c foient marqués par leur nombre de degrés 
fucceflivement depuis le rayon » 40 , afin d’en faciliter l'intelligence. Si 
l'angle d'incidence a » à eft de quatre-vingt degrés, celui de réfle&ion 
c n d doit lui être égal , comme rout le monde le fair. Or, en ôtant deux 
fois quatre-vingt degrés, c’eft à-dire, cent foixante , des cent quatre- vingt 
formés par le plan réfléchiffant #nc; le relte vingt, fera l'angle a n d 
formé entre le rayon incident & le réfléchi. J'appelle cet angle érffru- 
mental, où angle de l'inffrument ; car il dépend de la diftance & pofñrion 
refpective des deux miroirs de l’inftrument, 

2. Si le miroir fdg eft parallèle à 4nc, les angles alrernes f 4x, 
dnc,&gdn,dnb feront égaux; & par conféquent l'angle 4 d'n fera 
égal à l'angle d n 4: car g d h doit ètre égale à f dr, par la même raifon 
que a n à eft égale à dnc: ainfi le rayon d'A depuis la feconde réfletion 
fera parallèle au rayon a on.Qu'’on applique donc l'œil en, ilverra l'objet 
a dans l'endroit e ; de façon que fi le miroir g d feft moitié diaphane & 
moitié étamé, on verra la moitié de l’objet a par réfleétion en e, unie 
avec l’autre moitié de l'objet e, vue par des rayons dires. 

Lorfqu'on trouve la coincidence de ces deux images, & que l’alidade e& 
à o degrés, on dit que l'infträmenc eft rectifié pour obferver par devant. 

3: Si la diftance de l’objer a eft infinie , c’eft à-dire, fi le finus r# 
de l’angle inftrumental rdn , égal à dna, n'a aucune proportion fenfi- 
ble pour le rayon a », alors on verra la coincidence de l'image d'un 
même objet par des rayons réfléchis, avec l'autre vue par des rayons 

1774. AOUST. 


134 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


dires, pendant que les deux miroirs font dans un parfait parallèlifme. 
Mais fi l'objet, vu par réfleétion, n’eft pas à une diftance infinie , il y 
aura un petit angle paralaétique qu’il faudra corriger. Voyez le n°. 10 
ci-deffous de certe Note. 

4. Soit à préfent un objet dans la direétion 7 L, dont la diftance 
angulaire a n L foit de 90 degrés, & qu’on veuille amener fon image 
dans la direction » d , pour la voir coincider avec l’objet e : il eft certain 
qu'il faut tourner le miroir c, 45 degrés en arrière depuis 80 degrés 
où il éroit jufqu'à 125 degrés, pour que l'angle d'incidence Z nm foit 
égal à celui de réflection c 7 p. Car nous avons l’angle inftrumental 
and de 10 d. qui joint à 90 d. l'angle a» L, font 110 d. Cette fomme 
étant déduite de 180 d., refte 70 d. dont la moitié 3j d. montre, que 
l'angle d'incidence & celui de réfection , n’auront que cette valeur 
chacun. Or, fi l'on ajoute 3$ degrés à so degrés, on aura 125; & 
c'eft dans cette pofition qu’il faut mettre l’alidade avec fon miroir #p 
qui étoit auparavant dans la pofition 4 c. Il eft donc évident que, pour 
mefurer l'angle L » a de 90 degrés, il faudra tourner l’alidade pendant 
l'efpace de 45 degrés au delà de la première pofrion , depuis le degré 
80 degrés où elle étoit auparavant, jufqu’à 125 d. où elle doit être dans 
le fecond cas ; & par conféquent l’angle formé par les deux pofrions de 
lalidade ne fera que la moitié des diftances angalaires entre deux objets 
dont on obferve la coincidence de leurs images, l'une par des rayons di- 
ects, & l’autre par des rayons réfléchis ; ou (comme je l'ai énoncé dans 
le n° 13 du Mémoire) la direction du rayon Z », réfléchi de » en d, 
& de den h, fera un angle Lra, ou Lrd, avec la première diretion 
a n,ou dr fa parallèle, qui fera double de l'angle br moupne de l'incli- 
naifon mutuelle du miroir mp au miroir f4g : c’eft par cette raifon que 
chaque demi-degré du limbe des Oétants & Sextants à réfléction eft 
marqué pour un degré entier. 

s- Je vais démontrer la même propofition dans la difpoñtion de l’inf- 
trument , pour obferver par-derrière, Soit + s 4, un fecond miroir hori- 
fontal à angle droit avec le miroir 4 c : que le rayon wz;nrtombefur», 
fous l’angle w » # de foixante degrés ; fa réfleétion fera par ns, for- 
mant l'angle égal cs de foixante degrés : & l'angle inftrumental wns 
fera auffi de 6o degrés; car ôtant deux fois foixante, c’eft-à-dire, cent 
vingt degrés, de cent quatre-vinor, le refte eft de foixante. Prolongez la 
ligne bc jufqu'à :, & urez par /'une parallèle ; # au rayon incident w ». 
Dans ce cac, l'angle vs», qui eft l'angle d'incidence du rayon réfléchi 
de » en s, fera la moitié de l’angle isftrumental wzs , ou de fon alterne 
nsc; car fi l’on tire par » la perpendiculaire ÿ #, parallèle à sv, l’angle 
y nb étant égal à sc, les deux complémens rw & F5 doivent être 
égaux, & de même leurs alternesusn,Fns,&%nw, ust,aufl-bien 
que l'angle oppofé à ce dernier si, qui fera par conféquent égalàusn. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 135 


Ainf, en mettant l'œil en À, on verra l’image de w ( après les deux ré 
flections en » & en s) dans la direction de la ligne : s : enfemble avec 
l'objet qui fera en r, c’elt-à-dire , dans la partie oppofée de la première 
direction du rayon w », ou à cent quatre-vingt degrés de la poñition de 
l'objet w. Lorfque ces deux images de deux objers à cent quatre-vingt 
degrés l’un de Pautre fe trouvent unies, on dit que l'inftrument eft 
rectiñé pour obferver par-derrière. 

6. Suppofons à préfenc qu'il y a un objer à quatre vingt-dix degrés 
de la pofñition de w », c’eft-à-dire, formant l'angle x r w de quatre- 
vingt-dix degrés. Nous avons fuppolé que l'angle inftrumental eft de 
foixante degrés; ainfi leur fomme fera de cent cinquante; fon fupplé- 
ment pour cent quatre-vingt deg. eft de 30 deg dont la moitié 15 deg. 
fera l'angle d'incidence , & autant celui de réflection. On voit par la 
figure , que le rayon w » pale par le degré vingt ; car il faut un angle 
d'incidence w » b de foixante degrés , & b n eft à quatre vingt degrés de 
o n. Si l'angle wzx eft de quatre-vingt dix deorés, le rayon x» pallera 
par le degré cent dix ; car 90+ 10 — 110. Or, puifque dans ce cas, 
l'angle incident doit être de quinze degrés, il faudra mettre le miroir 
de l'alidade à cent vingt-cinq, c'eft-à-dire, quarante-cinq au-deli de qua- 
tre vingt où il étoit auparavant ; & par conféquent , la coincidence des 
images de deux objets y x on £ x, dont la diftance angulaire eft de 90 
degrés, fera vue en obfervant par derrière, lorfqu'on mettra l'index 
avec fon miroir 8 c à quarante-cinq degrés, ce qui eft la moitié de l’an- 
gle entier entre les deux objets. 

7: On voit que l’image de l’objet # derrière l'Obfervateur en à, eft 
repréfentée dans la direction de la ligne is z , en coïncidence avec un 
objet s, qui eft diamétralement oppofé à la vraie poftion de l'objet w. 
Ainfi les angles mefurés de la forte ne font réellement que les fupplé- 
mens des angles obfervés par-devant, lorfqu’on compare l’objet avec un 
autre , qui eft du même côté; c’eft-à-dire, l'angle L » y eft le fupplément 
de l'angle Lrw,ou Lai, &c. 

8. Si la diftance de l’objet w eft infinie , c’eft-à-dire, fi le finus s7 de 
l'angle inftrumental s 2 # n’a pas de proportion fenfble pour le rayon 
n w ; la coincidence des rayons réfléchis par les deux miroirs &c & @ 4 
tombera fur l'objet qui lui eft diamétralement oppofé, c’eft-à-dire, qui 
eft eff-étivement à cent quatre-vingt degrés de lui, lorfque le miroir 
sq eft parfaitement à angle droit avec la ligne continuée 4 cu 1 du plan 
du miroir de l'alidade 4 c. 

9. Mais fi l’objet a ou # n’eft pas à une diftance infinie , il faudra 
pour lors que le miroir 4 c de l’alidade foit hors de fon parallèlifme avec 
le miroir fg, ou hors de fa perpendicularité au miroir @g, dans le fens 
K V', formant un petit angle Pre, qui fera plus ou moins grand , 
felon la diftance de ce même objet. Dans un cas pareil, il faudra avoir 


1774 AOUST. 


136 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


foin de corriger toujours cette parallaxe dans les obfervations entre deux 
objets, dont les diftances ue font pas très grandes. 

10. Pour reconnoître ces petits angles en queftion, on fait premiè- 
rement les ajultemens dont j'ai parlé au n°. 2 & $ de certe Note, par des 
objets céleftes , ou qui foient très éloignés : après cela on obferve la coin- 
cidence des deux images de l’objet peu diftant, donton prendra l'image 
réfléchie par vifion directe; & l’alidade montrera le petit angle paral- 
lactique qu'on doit corriger, en les obfervant par-devant. Mais fi l’on 
veut les obferver par-derrière, il faudra comparer l’image réfléchie de 


l'objer qui eft derrière l'Obfervateur, en coincidence ( dans le miroir): 


avec quelqu’objer qui lui foir oppofe en ligne droite, vu par des rayons 
dires ; & alors l’alidade , qui d’ailleurs devroit être à cent quatre-vinge 
degrés . à caufe de fon ajuftement par des objets très-éloignés, montrera 
far le limbe le petic angle parallactique , donc il faut corriger l'obfer- 
vation. 

rr. Il eft effentiellement nécellaire de conferver le centre du miroir 
de l’alidade dans le mème endroit précifément, lorfqu’on fait chacune 
de ces opérations. Mais lorfqu'il y a un feul objet à peu de diftance , qu’on 
veut obferver avec un autre très éloigné: dans ce cas, 1l fuflit de pren- 
dre ce dernier par vilion directe, & l’autre peu éloigné par réflection, 
fans qu'il y ait aucune correction à faire. 

12, On voit par la figure 8 , que les différentes diftances fenfibles de 
l’objet 4 ou w doivent être comme les tangentes des angles de la paral- 
laxe, dont je viens de parler : par conféquent, fi la perpendiculaire » r 
ou zs eft connue bien exactement, on pourra aifément reconnoître la 
vraie diftance de chacun de ces objets. Ainfi il ne fera pas difficile de 
conftruire un inftrument felon ces principes, qui fera très fimple & fort 
peu volumineux, pour mefurer exactement la diftance des objets inac- 
ceflibles, qui ne feront pas très-éloignés de l'Obfervareur, 


Nio test 


1. Il n’eft point du tout douteux qu'on peut bien voir une image réflé- 
chie par un miroir plan, fous un angle de dix degrés ( & même de cinq) 
d'incidence. Qui pourroit en douter , n’a qua en faire l'expérience. 
Or, fi l’on ôte Le double de cet angle, c'eft à dire, :c d.( ou même 1od.) 
de 180 degrés de la furface réféchufante, & qu'on donne feulement 
10 degrés à l'angle inftrumental, le refte fera de 150 degrés ; au même de 
160 degrés, fi les angles d'incidence & de réflection ne font enfemble 
que 10 degrés. Ainfi 1l eft évident qu'on pourra obferver par-devant 
160 degrés, & même plus , felon ma méthode, pourvu qu'on donne à 
F'inftrumenc la conftruction qui fera convenable pour cer effer. 

2. La feule différence dans ce dernier cas, fera que les deux réflec- 

tions 


SUR L'HIST. NATUREIIE ET LES ARTS. 137 


tions feront faires vers lebord inférieur c du miroir & c{voyez la fig. 8 ) 
& du bord fupérieur f du miroir f£ , lorfqu'on ajufte ou qu'on rectifie 
l'inftrument ; mais à mefure que la diftance entre les deux miroirs fera 
plus grande , & que l’angle inftrumental dont j’ai parlé dans la Note 
précédente, fera plus petit (ce qui dépend de l’arrangement que l’Ar- 
tifte donnera à la poftion des deux miroirs ) mieux on pourra tirer 
avantage de cette méthode. 

3. Je fuis néanmoins de l'opinion de mon Cenfeur, en ce que les 
obfervations dont je viens de parler, ne font pas aifées à faire par 
des Obfervateurs comme lui; car je me fouviens avoir entendu dire 
plus d'une fois à feu M. Short ; bien reconnu pour un très-honnêre 
homme & fort habile Aftronome de nos jours, que mon Cenfeur 
comptoit lui-mème fi pen fur fes propres obfervations, qu'il fe gardoir 
bien de les publier, avant d’ättrapper celles des autres Aftronomes , 
pour en déduire & corriger les fiennes , felon la pofition de fon obferva- 
toire, à quelque petite variation près, pour mieux cacher fon plagiat, 


Nore K. 


1. ILeft de la dernière évidence , que fi lemiroir horifontal B eft paral- 
Ièle au miroir N , non-feulement lorfque l’alidade eft à quatre-vingr-dix 
degrés , ou à cent vingt du limbe ; mais auñli lorfqu’on la ramène à o du 

même limbe ; & que le miroir N foit perpendiculaire au plan de l'inf- 
trument, comme on le fuppofe toujours, & comme il eft aifé de s’en 
aflurer ailez fouvent par la méthode connue de tous les Curieux ; alors 
le‘mouvement commun des deux miroirs B & A ne peut manquer 
d’être fait dans un plan parfaitement parallèle au plan du mouvement 
du miroir N del’alidade, c’eft-à-dire , à celui de l’inftrument; car fi ces 
deux plans n’éroient pas parallèles, leur interfection feroit une ligne 
droite ; & il n’y auroit que deux feules pofitions éloignées de cent quatre- 
vingt degrés l'une de l’autre, & non pas de quarante-cinq ou foixante 
degrés, comme dans le cas en queftion ,où l’on trouveroit la coinci- 
dence des deux images; au-lieu que dans l’inftrument favori de mon 
Cenfeur, on ne peut pas favoir fi le mouvement du miroir horifontal, 
après qu’il a été mis parallele à celui de l’alidade , eft fait ou non, dans 
un plan parallèle à celui de l’inftrument. 

2. 1l eft également de la dernière évidence, que fi le miroir N, 
(woyez fig. 4) eft parellèle au miroir B, en regardant par la pinule K ; 
& qu'on les trouve encore parellèles, lorfqu’on regarde par la pinule H, 
& que B eft en 1 ; pour-lors les axes 4 & N du mouvement de ces deux 
miroirs doivent être aufli parallèles. 

3. À préfent, fuppofons que les plans de ces deux miroirs parallèles ne 
font pas perpendiculaires au plan de l’inftrument , comme mon Cenfeur 

Ho tParenll.U1774: AOUST. 1 0S 


138 ‘OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


veut les fuppofer ; mais dans le même rems que la hauteur de la pinule 
K foic égale à la hauteur de la partie éramée du miroir B , comme elle 
doit l’être ; & que l'Obfervareur ait foin de voir l’image de l’objet réflé- 
chie dans le miroir N à une hauteur égale , foir en la prenant près de la 
ligne qui fépare la partie étamée de ce miroir de l’autre , qui eft noir- 
ae, foir qu'il y air fait exprès une marque fur cetre furface , pour fe 
guider dans fon obfervation, ce que tout Obfervareur curieux doit avoir 
foin de prévenir. Dans ce cas, dis-je, il ne fera pas poflible de voir la 
parfaite coincidence des deux images , une par vifion direéte, & l’autre 
par des rayons réfléchis fur les deux miroirs. 

4. Caril y aura quatre points fixes K B N G qui font également dif- 
tans, felon la fuppolition , du plan de l'inftrument , par tiois defquels 
doit pafler à la fois le plan de vifion dire& & de vifion réfléchie : & 
comme les plans réfléchiffans font inclinés au plan de l'inftrument, 
les rayons qui feront réfléchis dans les deux miroirs N B à des hauteurs 
égales du plan de l’inftrument, feront un angle double de l’inchinaifon 
de ces plans avec celui qui eft perpendiculaire à leurs axes, comme rout 
le monde le conçoit ; & par conféquent, ils ne pourront pas tomber dans 
le croifième point de la pinule G également diftant ; mais fi , par un dé- 
faut d’exactitude de l'Obfervateur,, il y trouvoit la coincidence , il ne 
manqueroit pas de voir double ce défaut d’exaétirude , lorfqu'il regar- 
deroit par la pinuleK , qui eft deux fois plus éloignée de B , que G ne 
left de I. 

5- On fera donc forcé d’avouer, malgré toutes les chicanes & fub- 
terfuges de mon Cenfeur, que cette nouvelle conftruétion des Oétants 
& Sextants à réfleétion, porte avec elle-même la rectification de l'inftru- 
ment, non-feulement à l'égard de la perpendicularité des deux axes ( de 
l'alidade & des miroirs horifontaux ) mais aufli à l'égard de la perpendi- 
cularité de ces miroirs au plan de l'inftrament, pourvu que l'Obfervateur 
veuille y prèter l'attention néceffaire pour bien faire ces obfervarions. 


Norte MAL 


Comme j'ai cru que mon invention étoit décidément fupérieure à 
celle de M. Dollond par les raifons que j'ai données dans lesne. 22 & 
z3 de ce Mémoire, je n'ai pas manqué de lui en parler le même jour, 
que je l’avois imaginée, qui fut le 27 Mars 1772. Je lui dis ceque je 

enfois fur l'avantage de mes principes ; & j'ajoutai que s'il croyoir que 
Ê publication de mes idées fur cer objet lui caufât quelque préjudice , à 
caufe de la depenfe qu’il avoit faite pour obtenir fon privilège, ce qui 
ordinairement monte à près de cent guinées : je lui offrois mon invention 
fans aucun autre intérèt que le plaifir de le voir uni avec fon beau-frere 
M. Ramfden , pour l’entreprife de la Manufaéture de ces inftrumens : 


SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 139 


cette circonftance étant la feule condition que j'exigeois de lui , s’il ac- 
ceproir mon offre. M. Dollond me remercia poliment de cette atten- 
tion : & peu de jours après, il me dit y avoir penfé ; mais qu'il avoit des 
raifons pour ne pas fe prévaloir de mon offre obligeante. C’eft un fait 
dont j'ai cru néceffaire d'inftruire le Leéteur , pour qu'il fache que je 
ne publie point certe invention , dans la vue de faire tort à qui que 
ce foit. 
NorTe M. 


Quelqu'un eut la fantaifie de direque ma nouvelle conftruétion éoit 
la mème chofe que celle de M. Dollond , dont j'ai parlé dans le n°.21 
de ce Mémoire. 11 faut avoir bien envie de critiquer , pour trouver des 
identités pareilles. Je fuis très-perfuadé que M: Dollond lui-même n’a 
jamais eu une telle idée. Je m'en rapporte fur ce fujec , au jugement du 
Public. 

Notre N. 


Mon Cenfeur fait une objection des plus comiques contre la folution 
de ce Problème. Il dir que les Ob'ervateurs ne peuvent répondre qu'à 
une minure près de l'exactitude de chaque obfervarion avec les Oéants 
& Sexrants marins ; ce qui en effet eft bien généreux , s’il fe met du 
nombre des Obfervateurs ; mais je fuis per!uadé que cous les bons marins 
font convaincus du contraire. Alors, par une fuppofition gratuite , il 
veut que toures ces méprifes tombent d’un côté , fans qu'il y ait la moin- 
dre compenfation ; & de. là, il conclut avec fa bonne foi ordinaire , qu'il 
peur y avoir une méprife totale de féize minutes dans la réfolution de ce 
Problème , à caufe d'autan: d’obfervations qui font requifes pour véri- 
fier un Oftant. Certe logique n’eft pas recevable, puifqu’elle eft fondée 
fur la mauvaife foi. Car, felon la folution du Problème, on doit divifer 
la fomme des erreurs qu'on trouvera au bout de toutes les opérations 
par huit dans les Oétants ; & le quotient fera l'erreur de divifon. Or, 
le quotient de feize par huit n’eft que deux , & non pas feize; & ce 
n’eft ni plus ni moins la mème quantité que cet Obfervateur doit avoir 
dans chaque obfervationqu'ilfera, mème fans réfoudre mon Problème; 
car, par l’affertion de mon Cenfeur, il peut fe méprendre d'une minu- 
te chaque fois qu'il obferve : ainfi , une minute d'erreur, lorfqu'’il ajuf- 
tera fon inftrument, & une minute lorfqu'il obfervera quelque angle, 
font les deux mêmes minutes qu'il auroit trouvées par fa mal-adrefle à 
réfoudre ce Problème, 

NrotrtenO: 


1. Je conferve l'ancien nom de Moxius à cette pièce , que Meffieurs 
les Perirs- Maîtres de la Littérature inftrumentale commencèrent à ap- 
1774" AOUST. S2 


540 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
peller Wernier\depuis peu d'années, avec un füuccès pareil à celui des 
coëffures de femmes qui, malgré tour le ridicule d’une nouveauté inu - 
tile & génante , ne manquent pas d'être imitées dans la fuire par les 
femmes de bon fens, de peur d’être marquées au coin du mauvais goût. 

2. C'eft avec une vraie joie que je recommande à ces Meflieurs un 
autre nom bien plus joli pour la même pièce , favoir celui de C/avius. 
La prononciation eftfi agréable qu'ilne manquera pas de faire fortune 
parmi tous les Affronomes & Inftrumentifles du bon ton. 

3. Mon garant pour cette nouveauté, eft le Pere Pezenas, dans le 
chapitre II, page 83 de fon A//ronomie des Marins ; imprimée à Avi- 
gnon en 1766 , in-3°. où il obferve que fon Confrere le Pere Clavius 
avoir déia parlé de cette divifon du Monius, vingt ans avant Pierre Ver- 
nier. Il eft remarquable que le même Auteur conferve , après cette 
anecdote , le mème nom de Momius. C'eft apparemment qu'il n’a pas 
plus de bon goùt que moi. J'en fuis bien fiche pour tous les deux. 


INVONTNEMP: 


Ileft fingulier que mon Cenfeur n'ait pas préva que toute la force 
de cetre objection tombe entièrement fur la conftruction de fon inftru- 
ment favori, fans pouvoir affecter aucunement le mien. Car fi le vrai. 
centre du mouvement de la queue de fon miroir horifonral ne coincide 
exactement avec le point du vrai centre dont on a tracé l’arc de 90 
degrés , pour le porter d'une extrémité de cet arc à l'autre extrémité 
dans fon ajuftement , toute l'erreur de cette excentricité fera changer la 
valeur réelle de cer arc ; de façon que fila longueur de certe queue n’eft 
que de quatre pouces, un feul centième de pouce dans l'excentriciré de 
fon axe produita une erreur de treize minures & demie dans fon angle ; 
qui vaudront 27 minutes dans l’obfervation. 

2. En voici le calcul ordinaire pour ceux qui ne connoiffent pas celui 
des logarithmes. Si, le diamètre eft de huit pouces ;-la périphérie aura 
2$ , 14285714 pouces, fuivant la proportion de 7 pour 22 ;laquatrième 
partie de cette périphérie fera 6, 25571 428$ pouces : & fi le rayon eft de 
4,01 pouces ,la circonférence fera de 25, 20571428 pouces, dont la qua- 
trième partie ele 6 , 30142871 pouces : la différence de ces deux quarts 
de cercle eft ,o15714286 de pouce : or, /la minute n’occupe dans le 
premier cas que feulement ,00116402 de pouce : ainñ ,en divifantla 
différence ,015714286 par cette valeur ,00116402 ,on trouvera 13,5 
minutes, & c'elt l'erreur qu'il y auta dans la pofition du miroir horifon- 
tal qui, par conféquent , fera double dans l’obfervarion. Je voudrois 
favoir fi mon Cenfeur peut répondre dela coïncidence du centre du mou- 
vement de fon miroir horifontal à un centième de pouce près, avec le- 
vrai centre de l’are de quatre-vingt dix degrés, que l’Artifte doit mar- 
quer dans Le plan de fon inftrument ? 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 14% 
N'IOPT ENQPNP, 32. 

J'ai fair faire chez un‘des meilleurs Artiftes de Londres un Appareil 
ou machine , comme celle repréfentée par la figure 3 ; & je l'ajoutai à 
un Oétant ordinaire, pour 1éfoudre les Problèmes de ce Mémoire. II 
réuflit fi-bien , que ce fut d’après cet inftrument que les Commiflaires 
de l'Académie Royale des Sciences de Paris, rendirenc le jugement dont 
j'ai parlé au commencement de ce-Mémoire, n°, 8. Ce même Appareil 
fe trouve aétuellement dans le Cabinet des Inftrumens de Mathémari- 
que & de Phyfique expérimentale de l’'Univerfité de Louvain , dont eft 
Directeur M. l'Abbé Thisbaert, Profefleur de la même Univerfité , fore 
diftingué par fes talens. Je fuis bien perfuadé que ce Savant tirera beau- 
coup d’avanrage dé cet inftrument , étant fort habile lui-même , & fachanr 
unir très-adroitement les connoiffances théoriques avec la pratique. 


Noire tk 


Lorfque j'annonce de réfoudre ce Problème par une fimple opération, 
cela eft relatif au problème Il, qui en effer en contient le double. Mon 
Cenfeur n’a pas manqué d’accufer cette expreflion de faufleté, à caufe 
des différentes actions qu’elle renferme; ce qui marque fon peu de con- 
noiffance fur la propriété des termes. Une action fimple , &une opération 
fimple font deux expreflions tout-à-fait différentes. La dernière peut 
avoir plufeurs des premières , fans rien perdre de fa fimplicité. Par exem- 
ple, une opération arithmétique renferme plufeurs actions phyfiques 
& intellectuelles : & cependant elle n’eft qu’une feule opération ; mais 
mon Cenfeur n’a pas voulu perdre la plus petite particularité , fans faire 


naîtré des tracalleries. 
NoresS. 


Certaine perfonne a prétendu s'approprier le Sextant de la fo. 6. 
comme de fon invention , après que je lui avois communiqué & expli- 
que les principes de ma conftruétion. Comme il 4vouoit la communica- 
tion que je lui en avois faite, je regardois fa prétention comme une 
preuve de l'excellence dema nouvelle conftruétion : d'autant plus que 
chacun voit que cet arrangement ne diffère en rien effentiellement de 
ceux exprimés par les figures 4 & ÿ : & que s’il y a une différence, c’eft 
feulement dans la poñrion de l'axe des miroirs horifontaux, qui eft un 
peu plus du côté intérieur de l’inftrument ; ce qui doit être compté pour 
rien. Cependant mon Cenfeur n’oublia pas de profiter de la foiblefle de 
cet ÂArtilte, pour tâcher de me noircir pendant mon abfence, afin 
d'indifpofer contre le Précis de ce Mémoire, ceux qui entendirene 
fes remarques. Plus on confidérera fes mouvemens & fes démarches,plus 
on fera convaincu , qu’il avoit quelque deffein fort intéreffant en vue, 


comme on l’a remarqué dans la Note F. 
1774 AOUST. 


142 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 
NorTe TI. 


1. Suppofons que l'arc du Sextant foit réellemeut de cinquante-neuf 
degrés , au-lieu de foixante. Dans ce cas, en yobfervant un angle qu'on 
fuppofe de cent vingt degrés , on n'aura en effet pris qu’un angle de 
cent dix-huit desrés. Nommons ceux-ci angles réels , & les autres angles 
Jxppofës. On voit par le Problème VIT, que pour avoir la coincidence de 
deux objers oppofés de 180 degrés réels , il faut mettre l’alidade à 60 
degrés du limbe de ces Sextants ; car on a déja les 120 degrés dansl’an- 
gle formé par les deux miroirs AB. Mais dans le cas préfent , nous avons 
feulement cet dix-huit degrés réels entre ces miroirs. Ainfi , 1l faudra 
mener l’alidade à 62 degrés réels au-lieu de 6o. Or, les degrés de ce 
limbe ayant une minute de moins chacun , il eft clair que, pour avoir 
62 degrés réels dans ce limbe , il faut prendre 63 degrés /appofes & 
deux minutes. 

A préfenc on vient d’obferver , fuivant ce Problème, un angle de 
120 degrés fuppofes, qui vaut feulement : 180. réels. Pour trouver cet 
angle, en obfervant par-derrière , il faut mener l’alidade aurant de de- 
grés réels au-delà de l'endroit du limbe où elle feroit à 180 degrés 
réels, comme eft le fupplément de ces cent dix-huit degrés ; & Von fait 
que l'ordre des chiffres pour les obfervations par-derrière , eft rétrograde 
de celui qui ferc pour lesobfervarions par devant. Or, le fupplémenr de 
118 degrés réels eft 62 degrés réels qui , par la fuppofñition du défaut de 
la divifñion du limbe , y correfpondent à 6; degrés /tppofes & deux 
minutes. Ainf, il faudra metre l’alidade à deux fois 63 degrés /appofes 
& deux minutes du limbe, c’eftà dire, à 126 degrés /appofës quatre 
minutes au-delà du zéro dans le rang fupérieur des chiffres, pour trouver 
l'angle de cent dix-huit degrés qu'on avoir obfervé par devant, croyant 
qu'il étoit de cent vingt degrés ; mais on voit par la difpolition des chif- 
fres dans les deux rangs qui y font gravés, que les cent vingt-fx degrés 
quatre minutes du rang fupérieur correfpondent à cent treize degrés cin- 
quanre-fix minutes du rang inférieur. 

3. Il eft donc évident, qu'en obfervant par-devant & par derrière , un 
angle qui eft marqué 120 degrés fuppofés fur un limbe, qui en effet n’eft 
que de 59 degrés au-lieu de 6o degrés de longueur, on trouvera 
une différence à-peu- près fix fois plus grande que l'erreur réelle du 
limbe ; & la mème chofe arrivera lorfque l'erreur eft en plus ; car fi l’on 
fappofe que les foixante degrés du limbe valent réellement foixante un 
degrés, on trouvera également par un raifonnement pareil, que la coin- 
cidence des deux images dans l’obfervation par-derrière, ne fe fera qu'au 
cent quatorzième degré quatre minutes du rang fupérieur des divilions 
ce qui correfpond au cent vingt-cinquième degré cinquante-fix minutes 
du rano inférieur. | 


5 MÉRES 


SUR\YLHIST: NATUREILE'ET LES ARTS. 1% 


4. Lors mème qu’il n’y auroit aucune erreur dans la longueur de l'arc 
de l'inftrument, mais qu'il y auroit une méprife dans la polition des 
nombres, mettant, par exemple , cent vingtun, au lieu de cent vingt 
deg. &Kc. ou que l'Obfervateur fe méprendroit d’ailleurs dans l’ajuftemenc 
ou rectification préparatoire de l'inftrument, en prenant un degré de 
plus ou de moins qu'il lui en falloir : encore , dans ce cas, il trouvera fa 
méprife, en fafanc cette même épreuve, comme on peut le voir par 
foi-mème ; car on trouvera alors une quantité double de la méprife 
réelle qu'on auroit faite. 

5. La raifon de certe variéré procède de ce que les deux angles ob- 
fervés par-devant & par derrière, font pris aux extrémités oppolées du 
demi cercle, comme il paroïr par le n°. 7 de la nore H. Ain , chaque 
méprife en plus ou en moins, doit donner deux A ou deux dé- 
faurs dans la partie fupérieure , où les bouts de ces angles fe croifent ; ce 
qui arrive dans le cas qu’on vient de confidérer. Mais, lorfqu'il y a quel- 
que erreur dans la vraie grandeur de l'arc de l'inftrument , elle devient 
double , parce que les degrés du limbe valent pour deux degsrés chacun : 
elle devient quadruple, à caufe de la méprife dans la numérarion 
mentionnée de ce dernier cas ; & outre cela, elle devient encore 
prefque deux fois plus grande, à caufe de l’augmentation ou diminution 
qu’elle caufe dans les deux rangs de chiffres, qui effectivement marquent 
les degrés plus ou moins grands qu'ils ne font. 


NNOrrNE Ur 


Suppofons que l’angle inftrumental d'a & (voyez figure 4) foit de 20 
degrés ; & que l'angle $aŸ occupé par le corps du petit miroir B foic 
aulli de 10 degrés : ces deux angles avec celui d'incidence feront la fomme 
de 60 degrés ; leur fupplément pour 180 degrés eft 110 degrés ; & c'eft 
l'angle qu'on pourra obferver avec le Sextant dans cette difpolition, en 
comptant le o degré fur le 120 degré du limbe, & ainfi de fuite dans 
l'ordre récrograde des chiffres du rang fupérieur , qui y font gravés. 

Des inftrumens pareils à ceux des figures 1, 2,4, & même ceux de 
la figure $ , pourront être employés de la forte ; mais peut-être l'Obfer- 
vateur ne crouvera pas cete poñtion de l’inftrument aufli aifée , comme 
celle des obfeivarions ordinaires, 


K,2* 
HE 


1774. AOUST. 


144 “OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


L. Kate E 


De M. PARMENTIER, Apothicaire-Major de l'Hètel- 
Royal des Invalides , 


Ecrite à l'Auteur de ce Recueil. 


D. N 5 le nombre des lettres , Monfieur , qu’on m'a fait Phonneur de 
m'écrire , relativement à l’ergot, je n'ai rien trouvé qui fût contraire à 
l'opinion de M. Model , fur l’origine & les effets de cette excroiflance 
particulière du feigle ; j’ofe même affurer que tout confirme, d’après 
mes expériences , que les accufations formées à ce fujet, n'ont abfolu- 
ment aucun fondement ; cependant, comme ce n’eft qu'après une lon- 
gue fuite de témoignages que le fentiment du célèbre Chymifte de 
Saint-Pérersbourg prévaudra , je crois devoir, en atrendant, vous come 
muniquer des obfervations, dont la fingularité m'a paru mériter l'at- 
tention des Médecins & des Phyficiens. Voici ce que Madame 
Dupille, dont la principale occupation femble ètre le foulagement des 
malheureux ; voici, dis-je, ce qu'elle a eu la bonté de m'écrire concer- 
nant l'Ergot. 

» J'ailu , Monfeur , dans le dernier Mercure de Juin 1374, un ex- 
trait de vos Ouvrages, touchant le Seigle ergoté. 1] y a quelques années 
que j'entendis parler du danger de ce grain & des maladies affreufes 
que l’on prétendoir qu’il avoit caufées en Alface, autant que je puis 
m'en fouvenir , ou dans les environs ; ce qui me furprit infiniment; car, 
depuis mon enfance , je lui connois une propriété dont je n'ai jamais vu 
de mauvais effets, non plus que ma mere, qui en a fait prendre aux 
femmes qui ont de la peine à accoucher. Je ne fais de qui elle tient certe 
recette ; elle n’a, non plus que moi, d'autre fcience en Médecine, que 
l'envie de rendre fervice aux perfonnes qui manquent de fecours, & qui 
en ont befoin. Voici comme elle le fait prendre, & comme j'en ai 
donné plufieurs fois à différentes femmes, & entr'autres, à la Fermière 
de Bertichère, près Chaumont-Vexin, lieu que j'habite : elle s’en eft 
bien trouvée , a eu un enfant depuis, & va inceffamment en avoir en- 
core un. 

Je pile ce grain ( que nous nommons communément faux feigle ) le 
plus que je peux; j’en prends enfuite plein un dez à coudre, que je fais 
avaler dans une cuillerée d’eau ou de vin, ou de bouillon, felon ce que 
je trouve fous la main. 

La femme quiena pris, doit accoucher dans le quart-d’heure. Je n’en 

donne 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 14$ 


donne , d’après ce que m'a recommandé ma mère , que lorfqu’on eft füc 
que l'enfant fe préfente bien, & que le travail eft trop lent: jamais les 
femmes, qui en onc pris, n’ont été malades après ; & certainement elles 
font plus fufceptibles alors des mauvaifes impreflions que d’autres. 
Voilà, Monfieur , tout ce que je fais par l’expérience de ma mère 
& de moi, fur le feigle ergoté ; fi cel peut vous être de quelque utilité 
pour vos travaux, j'en ferai charmée. Votre differtation m'a fort raflu- 
rée fur les effets de ce grain , que je craignois de faire prendre d’après 
tout ce que j'en avois entendu dire, & me rend la fatisfaétion de pou- 
voir délivrer en un quart-d’heure, de fes fouffrances, une femme fati- 
guée d’un travail long & pénible; car ma mère m'a allurée, & j'ai vu 
effectivement qu’elles accouchoient dans le quart-d’heure (1 ).« 


Je crois devoir vous ajouter, Monfieur , que dans quelques herbori- 
fations que j'ai faites aux environs de Paris, j'ai eu occalon de remar- 
quer cette année , que l’ergot étoit d’autant plus commun dans les 
pièces de feigle, que ces dernières étoient plus riches, & les épis 
mieux fournis , que c’eft toujours fur les bords des pièces-qu'on le ren- 
contre le plus abondamment ; & qu'enfin, mème avant la maturité par- 
faite du feigle , cer ergot tient, lors de la récolte, fi peu dans la balle, 
que le Gmple mouvement de la faucille fuffit pour le détacher ; enforte 


que c’eft un grand hafard, quand il en arrive quelques grains à la 
grange. 


Je fuis, &c. 


(1) En fuppofant même que l'ersor foit inutile dans ce cas, ce fair prouve au 
moins qu'il n'eft pas dangereux , & concourt avec les expériences de MM. Model & 
Parmentier à difliper les allarmes que la précipation à juger avoir fait naître. 


SE 


Tome IV, Part. 11. 1774. AOIUS/T-WNEL, 


146 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
PEER DEN NE EE SEP 


M É M OIR E 


Sur la réduëlion des Chaux métalliques , par le feu élerique ; 


LU A L'ACADÉMIE DES SCIENCES DE PARIS, 
le 20 Mai 1774 


Par M. le Comte DE M1rLzry. 


is us les Savans & les Phyficiens qui fe font occupés de l'Eleétriciré, 
& aux travaux defquels nous devons la connoiffance du phénomène le 
lus fingulier qui exifte, & qui paroît avoir été ignoré des Anciens, 
Énble n'avoir eu pour but que la manière de manifefter ce feu élémen- 
taire. Les expériences ingénieufes & variées à l'infini qu'ils ont faites 
fur ce fujet, n'ont fervi jufqu’à préfent qu’à démontrer , d'une manière 
évidente à la vérité, l’exiftence de ce feu invifible , répandu dans la na- 
ture, & qu'on peut rendre fenfible à la vue & au taét , avec l’aide des 
machines inventées pour cet objet ; enfuite , ils font parvenus à apperce= 
voir l’analogie qui exifte entre le feu électrique & celui du tonnerre, & 
c’eft déjà une découverte bien intéreffante ; car jufqu'’alors , l’éle@riciré 
étroit un phénomène ifolé qui fembloit n’exifter que pour l’'amufe- 
ment des Phyfciens ; mais le but de la nature dans la formation 
de la matière électrique, & l'emploi qu’elle en fait dans la compo- 
fition des corps r , eftoient encore ignorés , & fembloient avoir échappé 
aux recherches des favans Phyficiens qui s’en font occupés. Cette partie 
de l'électricité, qui regarde la compolition des corps, appartient à la 
Chymie; & je réfolus de l’examiner fous ce nouveau point de vue. 
Depuis longrems je croyois appercevoir de l’analogie entre le phlo- 
giftique des Chymiftes, & le feu éleétrique; car fi les métaux, me 
difois-je, font électriques par communication & non par frottement , 
c’eft vraifemblablement en raifon du phlogiftique qui entre dans leur 
compoftion, & qui, par les loix d’une affinité d'homogénéité, attire 
la matière électrique (1). Dans ce cas, les chaux des métaux doivent 
mm 


(1) M. Le Roy, de l’Académie Royale des Sciences, femble avoir apperçu cetre 
vérité dans un Mémoire fur l'Eleétricité vitreufe & réfineufe, publié dans ceux de 
l'Académie , de l’année 1755. Voici comme s'exprime ce favant Phyficien : » Ils {one 
» (les méraux ) comme on fait, formés en général d'une terre vitrifiable & du phlo- 
> giftique. Certe terre répond au verre, ainfi que le phlogiftique aux fubftances réfi= 
» neufes; car on peut d'autant plus fuppofer qu'il eft la fource de leur vertu électri= 


SUR L'HIST. NATURELIE ET LES ARTS. 147 
perdre la propriéré d’être éleétriques par communication , à proportion 
qu’elles feront plus ou moins dépouillées de phlogiftique. 

Pour conftarer la chofe, je remplis des tubes de verre de plufieurs 
chaux métalliques, favoir de minium, de cérufe , de chaux, de bif- 
much, de fafran de Mars, de porte d'étain, de pompholix ou chaux de 
zinc. Je foulai ces chaux dans leurs tubes avec une baguette de bois le 
plus ferme que je pus, & je bouchai les deux extrémités des tubes avec: 
des morceaux de hège , dans le milieu defquels j'enfonçai une pointe de 
fer qui pénérroit jufqu’à la chaux; j'expofai enfuite ces tubes à un cou- 
rant de matière éleétrique , après les avoir ifolés fur un fupport de 
verre (2); & je m'apperçus avec fatisfaction , que ces chaux don- 
noient moins d’aigretres électriques , en raifon qu’elles étoient plus ow 
moins privées de phlogiftique. Par exemple, les aigretres lumineufes qui 
fortoient par les pointes qui étoient enfoncées dans les tubes , contenant 
les chaux d'étain & de bifmuth ,.étoient moins fortes , à ce qu'il me parut, 
que celle du minium ; mais le minium éroït moins éleétrique par commu- 
pication que le plomb dont il eftla chaux (3), ce qui m'engagea à faire 
d’autres expériences plus décifives, & je dis : s’il eft vrai que le feu élec- 
tique & le phlopiftique des métaux foient identiques, en expofant les 
chaux métalliques à une forte.commotion éléétrique, ces mêmes chaux 
doivent fe revivifier & reparoître fous leur forme métallique. Pour cet. 
effec, je préparai une batterie compofée de fix vafe de verre de huit 
pouces de haur fur autant de diamètre , garnis de feuilles d’érain ; le cout 
pofé dans une caiffe de bois doublée intérieurement d’étain , qui a fur 
un de fes côtés pour conduéteur une platineide cuivre de quatre à cinq 
lignes d’épailfeur, qui communique du dedans au dehors de la caifle. 
Cette platine aumrebord extérieurement de quatre pouces de faillie qui 
forme un angle droir avec la platine, & qui fertà recevoir les matières 
qu'on met en expérience (4) 

Je mis toutes les chaux dont j'ai fair mention entre des cartes , & ayant 
établi la communication néceflaire, par Le moyen de petites lames d’étain 


a 


» que, que certe vertu femble augmenter à mefure que ces fubftances contiennent da- 
»-vantage de ce principe inflammable «. 

(2) Je.ne décris pas l'appareil qui eft des plus fimples, & qui eft connu de tout le 
monde, pour ne pas charger ce Mémoire, & le rendre minutieux. 

(3) Les chaux métalliques n'étant jamais dépouillées entièrement du phlogiftique, 
fônt toujours plus ou moins éleétrifables par communication. Mais on remarque une 
différence fenfible entre les aigrettes lumineufes qu'elles produifenr, & celles du 
métal d'où-elles font tirées. 

(4): Pour rendre la, defcription de certe batterie éle&rique: plus: intelligible pour 
ceux: qui n'en ont point vu, il (eroic néceflaire d'y joindre desfigures; mais ce Mé- 
moire:n/aiété fair que- pour l'Académie Royale des Sciences, -& les gens infruits qui 


entendent la matière dont il s’agit. 
1774. AOUST. NZ 


148 LOBSERV ATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


qui fervoient de conducteurs, je fixai le tout fous une preffe de bois ÿ 
j expofai cet appareil à la commotion foudroyante de fix vafzs, & je vis 
avec la plus grande fatisfaétion que routes les différentes chaux métal- 
liques furent revivifiées, excepté le feul fafran de Mars, qui, comme 
onle fait, et prefque irréduttible fousun petit volume. J'ai fair la mème 
expérience fur le verre de plomb qui s’eft réduit comme les chaux, & à 
-reparu fous une forme métallique. 

J'ai préfenté toutes les cartes au nombre de vingt, contenant les chaux 
réduites , à l'Académie des Sciences , dans la Séance du 20 Mai dernier; 
mais l’on m2 fit l'obfervation très-judicieufe , que la réduétion des 
chaux pouvoir être attribuée au phlogiftique de la matière végérale qui 
compofe le carton, & qui avoitété mis en action par le feu électrique. 
Gerre objection étroit plaufble, Pour râcher d’y répondre d’une manière 
farisfaifante ; je recommençai toutes les opérations, & je fubitituai aux 
cartes, des lames.de verre, entre lefquelles. je mis mes chaux métalliques. 
J'eus le plulir de voir que l'expérience réufifoit beaucoup mieux , 
c'eft à dire, que la chaux prenoit une teinte métallique beaucoup plus 
fenfble; mais ileft fort difficile de conferverles lames de verre en entier. 
La commotion néceffaire pour la réduction des chaux eft fi forte, qu'elle 
brife! & met en poudre les lames de verre. De plus de cinquante lames, 
je n'ai pu en conferver que trois entières ; mais ce nombre eft fufifnc 
pour prouver que l: réduétion des chaux métalliques n’eft due qu’à l’ac- 
tion feule du feu éleétrique qui, d’après cetre expérience, paroitiden- 
tique au phlogiftique des Chymites. 

Je me propofe, lorfque mon f:rvice auprès de Monfieur, frere du 
Rot, me permettra de n'en occuper , de fuivre cesexpériences , & d'en 
faire de nouvelles pour fair ; s’il m'eft poflible , l'analogie du feu élec- 
trique avec le phlogiftique dans les trois règnes de la nature, & de 
démontrer par des expériences, aurant que je l: pourrai, que ce feu eft 
un des principaux matériaux que la nature emploie dans la formation 
des corps. En attendant, je crois que je peux conclure fans témérité , 
d’après les expériences que je viens de citer, que l'électricité n’eft point 
un-phénomène ifolé, & que cetre matière fulfureufe répandue dans Pair 
fous le nom de feu électrique, eft un des principes fecondaires dont la 
nature fe fert, au moins pour la formation des métaux , & que c’eft par 
lui qu’elle difpofe la terre vitrifable argilleufe à la mérallifation. Voici 
comment je le concoïis. 

La lumière du foleil, que je regarde, ainfi que plufieurs Phyficiens 
&.Chymiftes, comme le feu principe (5 ) traverfe, pour arriver jufqu’à 


RES PURES PRE TENTE En JO DR DU D NO MT A 2 7.1 IC Meet 

(5) Plufeurs Philofophes anciens ont regardé le feu comme le principe de routes 
chofes. M. Baumé , un des: plus favans Chymiftes d'entre les modernes, penfe queile- 
feu eft la feule fubftance a@tive dans la nature, de laquelle toutes les autres tiennent 
leur a&tion. Chymieexpérimentale & raifonnée , page 48, tome I. 


SUR L'HIST: NATURELLE ET LFS ARTS. 149 


nous, la vafte région de l'air. Cet air eft le réceptacle de routes les éma- 
nations rerreftres : tous les corps qui fe décompofent fur la furface & dans 
l'intérieur des rerres, font avec le rems portés dans l’athmofphère. Ainf, 
toutes les fubftances pollibles exiftent ie l’air. Les acides s’y treuvenc 
en abondance, comme le prouvent différentes expériences faires à, ce 
fujer, (6). Or, de’ rousles corps qui font difpofés à s'unir, il n’en eft poinc 
où l'affinité chymique foit plus décidée qu'entre le feu & l'acide. Ainfi, 
une partie du feu folaire doit donc fe combiner fuivantlaloidesaffinités, 
de :préférence avec l'acide de l'air, dont il réfulre un foufre éthéié- 
‘volatil qui fe trouve difféminé entre les parties de l'air où il a été formé, 
& des autres corps qui y nagent, d’où 1l fe manifefte enfuite , lorfque 
pat un mouvement convenable ou une autre caufe quelconque, les parties 
de! ce feu difperfées & féparées par l'interpolition des corps hérérogènes 
viennent à fe réunir; d’où il réfulte le tonnerre , les éclairs, les feux 
météoriques , enfin l'éleétriciré en grand & en petit, fuivant les circonf- 
tances plus où moins favorables. | 

Le feu folaire , devenu plus fixe par fon union avec l'acide, agit in- 
fenfiblement fur vous les corps terreftres. il donne la chaleur aux ant- 
maux, l'activité aux fucs végétaux ; il s’infinue dans l'inté:ieur des ter- 
res , les pénètre infenfiblemenct, & fe combinelavecelles. Avec le rems, 
les terres vitrifiables-argilleufes s’avivent , s’impregnent de ce foufre 
aérien , & fe trouvent par cetre première combinaifon, préparées à en 
recevoir davantage, parce que les parties analogues de la matière s’unif- 
fent de préférence. Les terr2s avivées de feu élect:ique doivent nécef- 
fairement fe faifir plus aifement du phlogiftique qui fe rencontre dans 
leur fphère d'aétivité, de mème que deux gouttes d’eau , ou deux glo- 
bules de mercure fe rejoignent, lorfqu’elles font à une diftance conve- 
nable. C’eft'fans doute ce qui arrive dans le traitement’ des mines où 
l'art, pour métallifer le minerai, ajoute du phlogiftique à celui que la 
nature a déja mis dans les terres métalliques. Le minerai n'eft vrai- 
femblablement pas autre chofe qu’une terre vitrifiable , impréonée (7) 
de’feu folaire qui a été précédemment combinée wec un acide; 


(6) Nous avons fait l'expérience, dit M: de Bomare dans fa Minéralogie page 
a6i ,rome I, fur des linges imbibés d'huile de tartre par défaillance , que nous avons 
expolés au bour d'une perche attachée 3 un arbre fur la cime de là montagne de 
Vienne en Dauphiné , au mois d'Oétobre de l'année 1757. Ces linges chargés d'alkali 
fluor, (e crouvèrent , au bout de trois mois, couverts de tartre vitriolé. 

(7) M. de Morveau à dir dans fon excellent Ouvrage fur le Phlogiftique , » que 
» le principe mérallifant n'eft que le feu élémentaire , parce que c'eft lurfeul qui refte 
» uni à toutes les terres méralliques qui acquièrenr l'érar de métal , quoiqu'il ne puiffe 
» fe combiner avecle plus grand nombre , lorfqu'il eft (eul'& dégagé de roure bafe «, 
Differtation fur le Phlogifiique ; page 162. C'eft ainfi que la vérité peut frapper d'une 
manière univoque Les yeux de ceux qui la recherchent de bonne foi. Je n'avois pas 


1774 AOUST: 


iso OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


combinaifon qui, à ce que je crois, conftitue le feu éleétrique (8). 

Les métaux natifs font ceux dont les terres ont été ie plus long-tems 
expofées à l’action du fez électrique. D’après ces affertions , la terre 
mercurielle que Becker a été obligé de créer pour expliquer la métallifa- 
tion, devient inutile, & ne feroit que le foufre aérien dont je viens de 
parler; ce qui paroît au moins plus vraifemblable & moins compliqué. 

Enfin j'efpère que dans quelque tems j'aurai raffemblé affez de ma- 
tériaux pour donner plus de confiftance & plus d’étendue à ces premières 
idées : ce qu'il y a de certain, c'eft que, d’après cette hypothèfe , les 

hénomènes de l'électricité s'expliquent très-aifément, & ceux de la 
métallifation , de la produétion ie végétaux, & peut-être même de la 
génération des animaux, deviendront moins obfcurs aux yeux des Phy- 
ficiens & des Chymiftes plus habiles que moi, s'ils veulent fuivre-la 
carrière nouvelle que je viens d'ouvrir. 1] m'a fallu toutes mes forces 
pour foulever un très-petit coin du voile, il faudroit celles d’un Géant 
pour pouvoir le déchirer. 


encore lu lelivre de M. de Morveau, quand j'ai eu les idées que j'expofe dans ce 
Mémoire , qui diffèrent cependant des fiennes , en ce qu'il croit que eteft le feu 
pur qui conftitue les métaux ; & moi je penfe qu'il efk combiné avec un acide 
fous l'état de fouffre très-échéré lorfqu'il s'unir aux terres qu'il mérallife. 

(8) Je réferve pour un autre Ouvrage les raifons que j'ai de penfer ainfi, dans 
la crainte de donner trop d'étendue à ce Mémoire , qui n'eft peut-être d&a que 


trop long. 


Sr ER P PV UEN MEN IE PEINE 


À la Réponfe de M. Maupurr, Docteur en Médecine 
de la Faculté de Paris, à une Lettre de M. Becœur, 
Apothicaire à Metz , inférée dans le Journal Encyclopé- 
dique du mois d'Avril 1774. 


Par M. NicorAs, Aporhicaire à Nancy. 


CE n’eft pas par envie de devenir votre Critique , ni pour embraffer 
la défenfe de M. Mauduit , que j'ajoute quelques mots à la réponfe qu’il 
vous a adreflée dans le Journal de Phyfique (1); iln'a pas befoin de mon 


(1) Voyez tome III, page 360. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. t#tif 
apologie ; il n’a rien laiffé à ajouter à fa juitification ; fes raifonnemens 
font juites & avoués par l'expérience. C'eft ma propre caufe que j'ai in- 
rention de défendre dans celle de M. Mauduit ; adhérant à fon fentis 

ment, je fouriens que les animaux préparés avec les poifons même les 
plus violens, ne font pas à l'abri des infectes rongeurs ; & qu’ils peuvent 
en devenir la proie fans que celapuilfe nuire à la fécondité de ces der- 
niers : que conclure de ce fair, dites-vous, Jinon l'abfence du poifon ? 
Conféquence fpécieufe au premier coup-d'œil , mais que l'on trouvera 
mal déduire, en examinant la nature des poifons, & la manière de les 
employer. Les poifons les plus en ufage dans ces fortes de préparations, 
fonc le fublimé corroff, le verd-de gris, les arfénics blanc , jaune & 
rouge, connus fous les noms d’orpiment & de réalgal. On réduit ces 
fabltances en molécules aflez fines pour pouvoir en faupoudrer l’intérieut 
des peaux que l'on veut préparer ; ileft aifé de s’appercevoir qu'une relle 
préparation eft infuffante pour communiquer aux poifons la propriété 
de pénétrer par les glandes de la peau dans le tiflu délié des poils & des 
plumes, qu'ils ne peuvent conféquemment défendre de la voracité des 
infectes. 

Cette préparation , me direz-vous , n’eft pas employée généralement 
par ous les Préparateurs; pleurs d’entr'eux fe fervent de ces fubftances 
difoutes dans l’eau qui leur donne la facilité de pénétrer dans le corps 
glanduleux. 

Je répondrai à cela, que cette méthode a l'avantage fur la première, 
d'éviter à l’Artifte le danger de refpirer les parties les plus fubriles qui 
s'élèvent néceffairement lorfque l’on fe ferc de ces fubftances réduites eñ 
poudre ; mais j'ajoute que cela n’eit pas plus concluant pour vous, 

Quoique ces fubftances foient diffolubles dans l'eau, elles ne le font 
qu'à un certain point, & cela demande encore des précautions ; le fu- 
blimé corroff ne fe diffout que dans feize parties d'eau, s'il faut foi- 
xante quatre parties d’eau bouillante pour en diffoudre une d'arfénic, 
lorpiment & le réalgal qui ne font que des arfénics combinés avec le 
foufre , font encore moins folubles dans l’eau; le verd-de-gris ne left pas 
davantage. Cela pofé, je vous demande fi rous les Préparateurs obfervent 
ces loix de diffolution , je vais plus loin; je fuppofe, pour un momenr, 
que-toutes ces précautions aient été prifes, que l’on ne fe foit fervi que de 
diffolutions parfaites, que s'enfuivroit-1l ? que huit onces d’eau auroient 
réduit à-peu-près un gros de mêlange de ces poifonsà fes parties intégran- 
tes. Pourroit-on conclure de-là que deux gros de certe diffolution ( c’eft 
ce qu'il faut , à-peu près, pour préparer um oifeau ) qui ne contiendroient 
environ que deux grains de poifon, en pénétrant par les glandes de la 
peau dans le riffu des plumes, fufhroient pour faire périr tous les infectes 
Qui viendroient attaquer l'oifeau? Non, quand bien mème on fuppoferoit 
que tour Je poifon contenu dans les deux gros de diffolution que l'on 

1774 AOUST. 


152 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


auroitemployés, auroit pulpénétrer dans le tiffa des plumes, il feroit trop 
étendu pour nuire aux infeétes ; l’expérience nous démontre que les 

oifons les plus violens perdent leur acrimonie , lorfqu’ils font trop divi- 
fés ; la liqueur de Van-Swieten nous en-offre la preuve. 

D'après cela, ériez-vous fondé à trouver inconféquent le réfulrat de 
l'expérience de M. Mauduir, & avez-vous pu lui prêter le ridicule d'a- 
voir attribué des vertus fécondantes aux poifons , fans donner à foup- 
çonner que vous ne l'avez pas compris ? 

Vous vous efforcez de faire tomber en difcrédit la méthode qu'il pro- 
pofe pour la confervation des animaux préparés. De quel droit, Mon- 
fieur ,ofez vous tenter de priver les Amateurs d'Hiftoire naturelle , du feul 
moyen connu jufqu’à préfent pour conferver leurs collections ? Croyez- 
vous vos reproches bien fondés, parce qu'il réfulre un inconvénient de 
l'ufage des fumigations fulfureufes, & parce que vous avez, dites-vous , 
un préfervatif plus für? Mais que fait aux Naturaliftes ladmirable fecret 
que vous prétendez pofféder, puifque vous vous en réfervez l’ufage pour 
vous feul ? Auriez-vous envie d’en faire un objet de commerce ? Non; ne 
vous êres vous pas affez expliqué là-deflus, en appellant Marchand d'Oi- 
feaux un homme à qui vous aviez deffein de monsrer de l'humeur ? Le 
procédé honnète & généreux de M.Mauduit ne mériroit certainement 
pas un tel retour ; je crois au contraire faire plailir aux Naturalites, de 
lui en marquer ici toute ma reconnoifflance. 

Vous regardez comme un moyen fuffifanr pour conferver les fubltan- 
ces animales de leur ôter l'attrait qu’elles peuvent avoir, pour les infeétes, 
en en aliénant l'odeur & la faveur; c’eft peut-être diminuer le mal, 
mais non en détruire la caufe. Pour moi, j'ai toujours penfé qu'il étoit 
d’une nécefliré abfolue pour parvenir à ce but , non- feulement d'aliéner 
l'odeur & la faveur de ces fubftances, mais de leur en fubftituer d’érran- 
oères. Tous les infeétes qui ravagent nos collections, y font dérerminés 
par les loix que la nature leur impofe; ils y viennent chercher leur fubf- 
trance, ou un lieu propre à y dépofer leurs œufs, afin que les larves qui 
doivent en éclore, trop foiblés alors, &: dénuées de moyens pour aller 
au hafard chercher leur proie, puiffent y trouver en naïffanr, la nourri- 
ture qui leur.elt propre : qu'importe de quels moyens les infeétes fe fer- 
vent pour la prendre! Que ce foit par.des trompes ou par un organe armé 
de mâchoires , ils n’en font pas moins pourvus du fens, du goût & de 
vilcères propres à la digeftion, Qu'on leur offre une proie imprégnée de 
quelques matières âcres , on les verra platôt mourir de faim que de 
toucher à un aliment qui leur feroit devenu fi défagréable : mais com 
bien de difficultés (e font fuccédces les unes aux'auties avant que j'aie 
pu découvrir un fpécifique qui ait rempli complètement les vues que je 
m'étois propofées ! Où chercher en efferune fubftance affez âcre & péné- 
trante pour mettre les animaux préparés à l’abri des infectes ; fans occa- 

fionner 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 1:53 


fionner la chûte des poils ou des plumes, fans altérer leurs couleurs, & 
fans craindre que le tems ne fui faffe perdre fes propriétés ? 

Non-feulement mon préfervatif pofsède ces avantages, mais il réunie 
encore ceux de n’expofer le Préfervareur à aucun danger , de lui rendre 
même fon ouvrage plus facile , étant de nature mucilagineufe. 

Il mer à même de réparer les anciens embaumemens dont il arrête le 
progrès de la deftruction. 

Ses propriétés ne s'érendent pas feulement fur les animaux préparés, 
mais généralement fur toutes les pellereries, & les ouvrages en laine. 

Il a encore bien d’autres propriétés dont le détail feroit trop long; je 
le réferve pour un autre moment, dans la crainte de caufer de l'ennui. 

Enfin, Monfieur, vous trouvez encore à redire à l’expérience du 
bocal ; felon vous, M. Mauduit n’auroit pas dû renfermer feuls les ani- 
maux préparés avec une méthode dont il vouloit s’aflurer de l'efficacité, 
mais en introduire dans le bocal de différentes préparations, pour que 
d’un moyen für & décifif qu'il a employé pour s’affurer de la bonté d’un 
préfervatif, il n’en eûc fait qu’un objet de comparaifon qui n'auroit ap- 
porté que l'avantage du choix d’une compofition fur une autre, fans rien 
dérerminer fur fes vertus préfervatrices ; je n’entrerai point dansun plus 
long détail fur cette matière; M. Mauduit l’a difcuté péremptoirement. 
Mais ce que je ne puis m'empêcher de vous dire , c’eft que quand bien 
même votre propolition auroit été fuivie , c’eft-à-dire, que fi l’on eut 
renfermé dans un bocal avec des infectes rongeurs, des oifeaux que vous 
auriez préparés avec quelques-uns des miens, vous n’auriez pas eu lieu 
d’être fort fatisfait de votre expédient , j’en ai la preuve. Dans le courant 
du mois de Seprembre 1772, j'envoyai au Cabinet du Roi une belette 
& un émérillon que j’avois préparés pour être foumis à l'épreuve du 
bocal. Environ quatorze à quinze mois après , ayant eu occalion de faire 
un voyage à Paris, cela me procura l'honneur d’aller rendre mes devoirs 
à Meflieurs les Directeurs , à qui je demandai des nouvelles de mes 
animaux ; M. Daubenton me répondit qu'ils étoienc en très- bon 
état, & qu'il commencoit à bien augurer de mon préfervatif ; Monfeur 
Daubenton le jeune, que j'eus l'honneur d'entretenir quelques momens, 
eut la bonté de me dire que, jufqu’à préfent ,on n’avoit encore rien dé- 
couvert de plus efficace en ce genre ; il pouffa même la générofité, 
jufqu’à m'en offrir fon atreltation. Ceci eft fans réplique, votre préfer- 
varif avoit été foumis à l'épreuve avant le mien ; conféquemment il 
étoit compris daris le nombre de ceux qui avoient été regardés comme 
infuffifans. Mais loin que l'avantage que j'ai fur vous me donne aflez 
de préfomption pour avancer que mon préfervatif ne puifle recevoir un 
plus grand degré de perfection , j'avouerai que depuis peu j'ai encore 
découvert une méthode de l’employer plus commodément & avec plus 
d'efficacité , & je n’ai aucun doute , que manié par des mains habiles il ne 

Tome IV, Parc, IL. 1774, AOUST, V 


154 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
devienne encore plus intéreffant aux Amateurs d'Hiftoire Natureile ; c’eft 
dans cette vue que j'ai formé le deffein de confier ce fecrer à Meflieurs 
les Directeurs du Cabinet du Roi , pour y faire les additions qu'ils 
croiront nécellaires avant d'en faire part au Public; je me croirai affez 
payé des foins que m'a occafionnés cette recherche fi j'ai le bonheur de 
lui être de quelque utilité (1). 


(1) Le procédé de M. Nicolas eft celui d’un véritable amateur de l'Hiftoire Natu- 
telle; mais il feroit encore généreux , s'il donnoit publiquement fa Méthode exami- 
née & vérifiée en plufieurs endroits à la fois, elle acquerroir promptement le vrai 
fceau de l'utilité. 


L'EST NRTNERENE 


De M. Bronpeau, Profefleur de Mathématiques , de 
l'Académie Royale de Marine de Breft, 


A l'Auteur de ce Recueil. 


Moxs IEUR, dans le volume de Mai 1774, on lit un très-bon Mé- 
moire de M. de Buffon fur la platine , fur lequel je crois qu’on peur 
faire quelques remarques; les voici. 

M. de Buffon paroït très-bien prouver que cette nouvelle fubftance 
métallique eft une alliage d'or, & d’une fubftance qui a beaucoup des 
propriétés du fer, ainfi que M. de Milly l'avoit déja vu ; mais toutes les 
expériences de celui-ci confirment-elles ce que dit M. de Buffon autant 
gu'on paroit le croire ? C’eft ce dont on peut peut-être douter. Page 
327, on lit : M.de Milly pritle n°. 1, très-attirable par l’aimant & le n°. 4. 
qui ne l’étoit pas. Il les arrofa avec de l’efprit de nitre un peu fumant, 
& n’obtint point d’effervefcence. L’addition de l’eau diftillée ne donna 
encore aucun mouvement, mais les parties métalliques fe décapèrene & 
prirent un nouveau brillant femblable à celui de l’argent : l'addition de 
la liqueur alkaline faturée de la matière colorante du bleu de Pruffe, 
donna le bleu de Pruffe avec les deux numéros. Or, conclut-on, cette 
formation du bleu de Pruffe n’a jamais lieu qu’à raifon de la préfence du 
fer : donc ceci eft la démon/fration la plus complete de l’alliage de ce 
métal à l'or dans la platine. 

C'eft fans doute une preuve très-complette de la préfence d’une ma- 
tière propre à former le bleu de Pruffe : mais fi c’eit du fer, pourquoi 
l'efprit de nitre ne l’a-t-il pas attaqué ? & pourquoi le n°. 4, nullement 
attirable par l’aimant , a-t-1l donné le bleu de Pruffe comme le n°, 1 ? 


. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 155 


On ne peut pas dire que l’efprit de nitre n’a pas eu d’aétion à caufe de 
l'enduit vitreux , puifque les grains s’étoient décapés & avoient pris un 
brillant femblable à celui de l'argent, qui dans la fuppofition de l'alliage 
ne pouvoit venir que du fer; d’ailleurs , pourquoi le n°. 4 n’eft-il pas 
attirable par l’aimant , s’il contient du fer en quantité fufhfante & dans 
un état propre à donner le bleu de Pruffe comme le no. 1 ? On fait 
que l’aimant agit à travers tous les corps , excepté le fer : or, certaine- 
ment, l’enduit vitreux n’en eft pas. Je fais bien que certains corps , 
comme la molybdène & toutes les rerres ferrugineufes ne deviennent 
attirables par l'aimant qu'après quelques préparations, qui toutes fe 
réduifent, même fans doute pour la molybdène , à leur donner du 
phlogiftique ou l’unir plus intimement avec la terre martiale; mais on 
ne voit ici rien de femblable. Enfin, dans le Mémoire de l'extrait du- 
quel 1l eft 1ci queftion & que j'ai fous les yeux, M. de Buffon ne croit 
pas que toute la platine eût été enlevée par l’aimant, mais feulemenc 
qu'il en eüt enlevé encore s’il ne fe für pas ennuyé de ces expériences ; 
ilne croit donc pas que tout y foit ferrugineux également : pourquoi 
donc , encore une fois, le ne. 4 donne-t-il le bleu de Pruffe comme le 
n°. 1 ? On feroit tenté de s'arrêter un peu au fentiment que M. de 
Buffon paroît permettre d’avoir , & de penfer en conféquence que fi le 
fer entre pour beaucoup dans la compofition de la platine, il y entre 
aufli une autre matière qui n’a que quelques-unes des propriétésdufer , 
ou bien que le fer fouffre en partie dans ce mélange des altérations ex- 


traordinaires ; au-refte, je ne donne ces idées que pour ce qu'elles 
valent. 


Je fuis, &c. 


CRDP ER PTCAN TE TT ON 


Sur les Mouches communes ; 


Par M. BLONDEAU , Profeffeur de Mathématiques , de l’Académie 
Royale de Marine à Bref. 


fur une des vitres une mouche de l’efpèce la plus ordinaire, qui portoic 
à l'extrémité de fa trompe une goutte très-ronde & d’environ un quart de 
ligne de diamètre, de la liqueur de table qu'on nomme épifcopale. 
La beauté de la couleur de cette goutte m'ayant engagé à la fixer, je vis 
la mouche la retirer lentement, la faire reffortir un moment après, fen- 


2774 4 OIU)S Te NOVEEz 


Au mois de Juiller 1762, érant à Calais dans un Café , J'apperçus 


156 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


fiblement diminuée , puis la retirer encore jufqu’à ce qu’enfin elle füe 
devenue imperceptible. Je regardai cette manœuvre comme tendante à 
l'élaboration de la liqueur & comme une efpèce de rumination: Plein 
de la lecture de M. de Buffon & de ce qu'il dit contre la méthode de 
claffer les êtres parun petit nombre , ou même par une feule de leurs 
propriétés , 1l me parut fingulier que la mouche püt ainfi être dela mème 
claffe que le bœuf, & cette idée me refta. A yant fait part depuis de cette 
obfervation & de l’idée qu’elle avoit fair naître, à M. Valmont de 
Bomare , ce favant Naturalifte me parut penfer que cela méritoit atten- 
tion , & je me promis bien d'y en faire dans l’occafon , qui s’eft préfen- 
tée encore comme il fuit. 

Le 9 Oétobre 1770, vers midi, à Breft, j'ai apperçu far une des 
vitres de la fenêtre de ma chambre , une petite mouche commune, 
portant au bout de fa trompe entièrement retirée, ou à-peu-près , une 
goutte de liqueur d’un blanc-fale & demi - tranfparente. Après l'avoir 
retirée en la faifant diminuer peu-à-peu , elle a allongé fa trompe à di- 
verfes reprifes , s’eft beaucoup broflée les pattes & la tête ; puis étant 
redevenue tranquille, a fait reflortir la goutte à diverfes reprifes jufqu’à 
midi 20’ qu'elle s’eftenvolée , après avoir retiré la goutte encore affez 
groffe. Aulli-rôt , j'en ai apperçu une autre munie d’une pareille goutte. 
Pendant quelques momens , elle l’a laifée dans l’état où je l'avois vue 
d’abord , puis l’a rerirée & s’eft envolée : le tour a duré environ trois 
minutes & demie. Cette goutte étoit femblable à l'autre. Dans ces deux 
obfervations, la trompe n'éroit point faillante , ou l’éroit bien peuilorf- 
que la goutte fortoir ou lorfqu'elle étoit en dehors ; mais la mouche 
l’allongeoit après que la goutte étoit rentrée & la mouvoit rapidement 
de dehors en dedans avant que de faire reparoître la goutte. 

Le 27 Août1772, à midi, j'ai vu furune toile cirée étendue fur la fenè- 
tre de ma chambre, une mouche commune , à la trompe delaquelle étoit 
une goutte de liqueur paroiffant blanchâtre à la vue fimple : avec la loupe, 
fa couleur étoit celle d’une oj.… * fale & peu colorée : à l'aide de cette 
loupe , on voyoit dans l’intérieur & dans le bas de la goutte , quelques 
petices bules juxta-pofées. La mouche a retiré peu-à-peu cette goutte, 
enfuire a beaucoup agité fa trompe, l’allongeant & la racourciffant avec 
aflez de rapidité : après cela , elle s’eft beaucoup broffée , puis a fait 
reffortir la goutte qui m’a paru plus homogène , mais à- peu-près de la 
mème grofleur ; le nombre des bules m’a paru diminué, la mouche a 
retiré cette goutte peu-à-peu, a fait beaucoup mouvoir fa trompe comme 
ci-deffus, s’eft broffée, a changé de place plufieurs fois, a appliqué fur 
la toile cirée, à diverfes reprifes, le champignon qui rerminoit fa 
trompe & dont la partie la plus extérieure étroit hériffée de poils, comme 
pour ramalfer au moyen de ces poils de petits grains de pouflière blan- 
châtre , logés dans les cavités des rugofités de la voile; enfuite elle a de 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 157 


nouveau fait fortir la goutte qui m'a paru fenfiblement diminuée & 
encore plus homogène : elle l’a retirée enfuite peu -à- peu , a fait les 
mêmes mouvemens de fa trompe , puiss’eft mifeen mouvement à leur 
manière avec un air fi dégagé, que j'ai cru pouvoir l’abandonner, Le 
tout a duré un peu plus d’une demi-heure. 

11 femble que dans cette obfervarion, la progreflion'de l’homogénéité 
de la goutte à pris l’idée de la ruminarion : je fais bien que l'anatomie 
comparée pourroir jetrer beaucoup de jour fur cette queltion ; cependant 
la pluralité des eftomacs eft-elle néceffaire pour la rumination ? n'y -at= 
il qu'une manière de ruminer ? | 


RP RIRES IEEE EC PNR A DD ER 
MÉTHODE 
Pour renforcer les Poutres , & affurer la [olidité des Planchers j 


LUE À L'ACADÉMIE DE DIJON, 


Par M. DE MoRrvVEzAUu. 


L ORSQUE les bois étoient beaucoup plus communs qu'ils ne le font au- 
jourd’hui, on pouvoir fe procurer à un prix modique des poutres dont la 
grofleur proportionnée à leur longueur en affuroitla folidité :on fe conten- 
toit alors de les décorer par des peintures & des dorures qui ne pouvoient 
fe détériorer par le léger furbaiffement qu'une grande portée leur fai- 
foit éprouver ; au lieu que l'ufage actuel de les revêtir en plâtre, exige 
la plus grande ftabilité pour la confervation de cette croûte gypfeufe , 
nullement fufceprible de fuivre les mouvemens que la charge imprime 
à un plancher, & dont la force confifte dans la rigidité même de fes par- 
ties : ainf les fommiers d’une certaine force feroient aujourd hui bien 
plus néceffaires ; & perfonne n'ignore qu'ils font infiniment plus rares : 
d'où il arrive que la plupart de ceux qui bâriflentc, ou même des Ou- 
vriers auxquels ils s’adreffenc , incapables d’eftimer l'énorme difpropor- 
tion qui fe crouve entre la réfiftance d’une poutre de 30 pieds, par exem- 
ple, & la réfiftance d'unede 19, en fuppofant les côtés égaux, emploient 
indifféremment fur toutes les longueurs , des bois qui ne porteroient pas 
mème un pied de route face , s'ils étoient équarris à vive arrête ; & que 
ces planchers font fi peu folides , qu’il faut renoncer à les farmarcher ps 
ou s'expofer à voir s’enfoncer inégalement les pavés qui les couvrent , à 
voir fendre & tomber en morceaux les plâtres qui les revétiflentc, & à 
des inconvéniens quelquefois encore plus confidérables, 


1774 AOUST. 


558 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


L'induftrie doit fuppléer aux matériaux qui nous manquent, & rem 
placer par fes inventions ceux que leur rareté mer à un prix exceflif : elle. 
s’eft occupée depuis long-temps à rechercher tous les moyens poflibles 
d'augmenter la force des bois dans la conftruétion des ponts ; mais je ne 
crois pas que l'on en ait propofé aucun jufqu’à préfent qui puifle convenir 
aux planchers d'un édifice à plufieurs étages; & c’elt ce quime détermine 
à communiquer la méthode que je viens de mettre en ufage pour affurer 
quelques poutres dont la portée me fembloit excéder leur force, & qui 
me paroît réunir tous les avantages que l'on peut defirer, puifqu’elle ne 

êne ni le nivellementdu pavé, ni la décoration du plafond ; puifqu’elle 
prévient les furbaiffemens, & triple la force des fommiers ; puifqu’enfin 
elle eft, on ne peut pas moins difpendieufe ; condition fans laquelle 
les meilleures inventions fontinfructueufes. Je vais en développer la mé- 
chanique , après avoir rappellé les règles qui doivent fervir à en évaluer 
le produit. 4 

Il feroit impoffible de donnerdes règles certaines pour évaluer avec 
précifion la force des poutres, parce qu’elle dépend en grande partie de 
la nature du bois, du climat où l'arbre a végété , de la difpofition de fes 
fibres , dela quantité de nœuds qui en coupent ou interrompent la direc- 
tion , & d’une infiniré d’autres accidens qui forment autant de variétés ; 
cependant , il y a quelques rapports généraux qui peuvent donner une 
approximation fatisfaifante, & rarement démentiedansla pratique : c’eft 
ainfi qu'après avoir trouvé par l'expérience la fomme des poids nécef- 
faires pour rompre un parallèlipipède de cœur dec hène, on calcule celle 
qui fera néceffaire pour rompre également une poutre dans la même pof- 
tion. Il fuffit pour cela, 1°. de confidérer la poutre dans toute fa lon- 
gueur , fuppofant fes côtés égaux à ceux du petit parallélipipède , & de 
trouver le poids qui la romproit , par le rapport que donnent les lon- 
gueurs de ces différens leviers : 2°. de mettre enfuire en proportion la 
quantité des poids avec les mefures des côtés, en diftinguant néanmoins 
ceux des côtés qui font parallèles à l’horifon , qui fe courbent en confé- 
quence fous le poids de ceux qui font perpendiculaires, & qui ne fe 
courbent pas ; parce qu’en effer les forces des bois chargés comme les 
poutres , font entr'elles comme les épaiffeurs des côtés horifontaux, & 
comme les quarrés des épailfeurs des côtés perpendiculaires. 

Que l'on juye maintenant de combien une poutre devient foible 
pour réfifter à la charge; fi, tandis que d’une part on prolonge arbitrai- 
rement le bras du levier , on néglige de l’autre de donner à fes côtés , au 
moins à ceux qui font pofés de champ, une épaifleur proportionnelle à 
fa portée. La différence qui fe trouve entre deux poutres dont l’unea 
quatorze pouces d'équarrilfage , & l’autre douze feulement , eft capable 
d’effrayer tous ceux qui les emploient fans examen : la force de la pre- 
mière fera, routes chofes d’ailleurs égales, à la force de la feconde, 
COMME 2744 : 1728. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 159 


I y a une autre confidération importante. Tout le monde fait que 
l'on bâtit actuellement les murs fur une bien moindre épaiffeur que l'on 
ne le faifoir anciennement; il eft aifé de prouver que par ce changement 
dans la manière de conftruire , la force des fommiers fe trouve encore 
confidérablement diminuée : en effet, il ya une différence fenfble entre 
la force d’une poutre dont les deux extrémités font fcellées folidemenr , 
& chargées de toute la hauteur du mur , & une poutre qui repofe libre- 
ment fur deux murs. Pour s’en convaincre, il ne faut qu'eftimer ce que 
chaque moitié de la première pourroit fupporter , en fuppofant que la 
fcie l'eür partagée dans fon milieu. Mufchembroek a évalué à 18639 
livres la quantité de poids qu'il faudroit pour rompre une poutre de bois 
de chène, d’un pied feulement d’équarriffage, folidement enclavée dans 
un mur qui le dépaferoit de dix pieds. Voilà donc 37278 livres pour 
les deux portions de la mème poutre ainfi fcellée ; & elle devra cetre 
force , certe réliftance toute entière au contrepoids du mur : ce n’eft pas 
tout , i on fuppofe maintenant cette poutre ainfi fcellée par les deux 
bouts, & néanmoins d’une feule pièce , alors la réfiftance de la fibre 
ligneufe dans le milieu , s’oppofant fans celle à ce que chacun des deux 
leviers ne rompe contre Le mur, augmentera confidérablement fa force, 
ou plutôt raccourcira le levier rotal fur lequel la puiffance agit, jufqu’au 
point que le contrepoids du mur maintient en équilibre. Aufli Muf- 
chembroek a-t-il éprouvé qu’un parallèlipipède de 18 pouces de long , de 
35 pouces de toutes faces, ainfi fcellé par fes extrémités, avoit fourenu 
en fon milieu , avant de rompre , un poids de 57 livres; ce qui donne 
pour une poutre de 25 pieds de long & d’un pied de chaque face 137163 
livres trente-fept quarante-neuvièmes. 

Je fais bien que,même dans les anciennes conftruétions, le fcellement 
fur l’extrémitéfupérieure,auquel on n’a jamais fait affezd’attention,n’éroit 
peutièrre pas aflez exact pour produire tout l'effet que lui donne cette 
expérience ; que d’ailleurs les murs n’avoient pas toujours la hauteur né- 
cellaire, ou même la folidité fuppofée ; enfin , que cette puiffance étoit 
bien diminuée pour les planchers du deflus, quoique l’épaiffeur des murs 
donnât la facilité d'y enfoncer davantage les jambes de force , & de fup- 
pléer ainfi le poids du mur par le poids de la charpente &de la couverture; 
mais toujours eft-il vrai de dire qu'il reftoit un effec quelconque du con- 
cours de ces puiflances. Cet effer , quelque foible qu'il pûr être , deve- 
noit très-fenfible par la faillie des corbeaux de pierre qui reculant la 
charge de l’un des leviers , & raccourciflant l’autre , entrerenoient dou- 
blement l'équilibre , & qui, comme l’on fait, ont encore été facrifiés, 

eut-être trop légèrement à la régularité des plafonds ; au-lieu que, dans 

se conftructions actuelles , nos poutres, foibles par elles-mêmes, enga- 

gées dans des murs peu épais , fouvent trop peu folides pour réfifter à 

l'extrémité du crès-petit levier engagé qui end à fe foulever , font à crès- 
6 1774  AOUST. 


160 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


peu de chofe près, comme fi elles repofoient librement fur deux points 
d'appui. Or, ladifférence de cette pofirion eft comme de 22 à 31,même 
fans faire étac des anciens corbeaux. Il n’eft donc pas furprenant que ces 
poutres plient à la plus légére charge ; qu’en pliant, elles pouffent les 
murs , falfent éclater les plâtres, & rendent le payement inégal. 

C'eft pour parer à ces inconvéniens , que j'ai imaginé de décharger 
les fommiers À par deux pièces de bois ED , FI, P/. ZI. qui , pofées dans 
la poutremème , creufée en gargouille , à peu de diftance des murs BC, 
fe rencontrent fur fon milieu à huit ou neufpieds de fa furface par les 
extrémités oppofées , & s’érayant réciproquement, la foutiennent par un 
boulon à clavette on à écrou. La figure en donnera tout de fuite une 
idée plus exacte que tout ce que je pourrois ajouter. 

Pour eftimer maintenant toute la force que donne cette décharge, 
j'obferve d’abord que le bois que j'emploie ,n’ayant que quatre pouces 
d’épaifleur , on ne doit pas craindre que la poutre foic elle-même affoi- 
blie par le peu de bois qu'il faur ôter pour les loger , fur-rout fi l’on fait 
attention que cet évuidementr fe fait dans une partie très-prochaine du 
mur , & qu'un enfoncement de trois pouces venant à rien fur une efpace 
qui n’eft pas le huitième de route la longueur , fuffit pour donner à ces 
étais un point d'appui capable de réfifter à un effort de reculément bien 
fupérieur à celai qu’ils pourront jamais éprouver ; car cer effort n’eft autre 
que celui qui rend à allonger les fibres perpendiculaires d'un bois auquel 
on a fufpendu des poids. Or, perfonne n’ignore que c’eft en ce fens 
que fa réfiftance eft plus confidérable, & même prodigieufe. Une plan- 
che de 10 pieds de longueur , de la largeur d’un pied, d’un pouce d’é« 
paifleur , foutient 189163 livres ( 1). 

On peut donc déja être affuré que les étais ne reculeront pas; & 
comme leurs extrémités qui fe rouchent ne peuvent defcendre ni laiffer 
defcendre le fommier qui eft attaché, qu’aurant qu'ils fe rompront; 
évaluons la force néceflaire pour les rompre : foit, par exemple, une 
poutre de vingt-fix pieds de portée entre les deux murs, en éloignanc 
d’un pied l’entaille qui doit recevoir les bois de décharge , leur longueur 
entière fera de vingt-quatre pieds; mais ces bois ne peuvent jamais être 
confidérés comme un feul levier, ils en fonc exactement deux; car le 
poine où ils aboutiffent eft dérerminé par le boulon de fer ;( voyez la 
Figure [) ; ils y font aflujettis par une plaque qui les embraffe : on ne 
doit pas craindre dès-lors qu’ils fe courbenr ou fe rompent en cer en- 
droit, qui feroit juftement le point le plus foible d’un levier de ving+ 
quatre pieds ; & par conféquent : 

Le levier aufli partagé en deux, chacun de douze pieds de longueur, 


22020 à 


(1) Voyez Mufchembroek, $ 6854 
de 


SUR L'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 163 


dé quatre pouces d'épaifleur de chaque face horifontale, & de huic 
pouces de chaque face perpendiculaire , leur force eft aifée à évaluer. 
Pour y parvenir , j'ai placé fur le mème angle que forment mes bois de 
décharge un parallélipipède de bois de chêne , dont un des bouts s’ap- 
puyoit de mème dans une entaille faite dans une planche , & l’autre bouc 
contre un morceau de la même planche qui avoit été laifé à deffein ; 
ayant palfé une corde fur ce dernier qui le tiroit dans la même direction 
Ps fera le boulon de fer; j'ai fufpendu différents poids, & j'y ai ajouté 
ucceflivement jufqu'à 188 livres avant de parvenir, je ne dis pas à 
le rompre , mais à lui donner une courbure fenfble : or , le calcul établi 
fur cette expérience, donne pour réfultat une force de 81632 livres # ; 
& l'on n'aura pas de peine à le croire , lorfqu’on faura qu’en pofant une. 
de ces décharges fur une poutre de 26 pieds, on eft parvenu , en for- 
çant l’écrou, à la faire remonter de cinq quarts de pouces. 

Je n’ai pas befoin de faire obferver que les travaux venant appuyer 
fur les côtés de ces. bois en entretiendront encore la force , en lés em- 
péchant de fe courber fur leurs côtés foibles. J'ai fait voir fur la figure , 
comment on pouvoir pofer les pavés , & à plus forte raifon les parquets 
fans gène ; la tête du boulon de fer étant logée dans la poutre, ne 
gârera pas le plafond ; il fuflira de la couvrir de papier, pour empêcher 
que la rouille ne vienne falir le plâtre ; enfin, pour armer une poutre 
de cette manière, il ne faut qu’un boulon de La de vingt pouces de 
long , de quinze lignes de diamètre & une pièce de bois de plan de 12 
pieds de longueur, de 8 pouces de groffeur , que l’on fait refendre. 

Voilà ce que j'ai cru devoir communiquer , fans autre prétention que 
Pürilité publique , laiant aux Maïtres de l'Art à prononcer fur le mé- 
tite de cette méthode, ou à en propofer une meilleure, 

P. S. Depuis la leéture de ce Mémoire à l’Académie, j'ai eu occafion 
de faire une nouvelle épreuve des avantages de cette conftruétion. Etant 
entré dans le Magañn de la Rafinerie de fucre de cetre Ville , au mo- 
ment où l'on faifoir une pefée confdérable , j'obfervai que l’on avoit 
pointé deux étais vers le milieu de la poutre à laquelle la balance éroit 
fufpendue : il n’eft pas befoin de dire combien cette fujéttion étroit em- 
barraflanre & gênoit le fervice ; le fieur Bañre, propriétaire de cette 
Manufacture, qui étoit préfent , me demanda pour lors fi je ne con- 
noiflois pas quelques moyens de renforcer cette poutre, fans produire 
aucune difformité dans l'appartement qui étoit au-deflus : je lui propofai 
les deux arbalètriers en décharge, fuivant la méchode que l’on vient de 
voir : il m’envoya , en conféquence, fes Ouvriers, pour leur en commu- 
niquer les plans & proportions. Je crus devoir leur recommander pa- 
ticulièrement les coupes des deux abouts deftinés à s'appuyer l’un fur 
Vaurre ; pour que leur face für bien dégauchie & leur plan affez uni, 
pour diftribuer uniformément la preflion & empêcher les refoulemens ; 

Tome IV, Part. IT, 1774, AOUST. X 


164 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


je leur confeillai même, à cer effer, de placer entre deux une lame de 
plomb de chaque côté du boulon : ils ont pafaitement réufli dans l’exé- 
cution. On a coupé fur place les planches & travaux pour loger les arba- 
lècriers ; au-lieu d’un boulon à tête perdue, on a traverfé la poutre par 
un boulon portant crochet, pour y fufpendre la balance. 

C'eft peu de dire que depuis ce tems, on n'eut plus befoin d’étayer ; 
le fait que je vais rapporter eft bien autrement décifif. Les Ouvriers de 
cette Manufacture, qui, dans les commencemens multiplioient encore 
les pefées pour divifer la charge ; qui n’avoient pu fe familiarifer que 
par degrés à l’idée de folidité que l’on avoit voulu leur donner de cette 
conftruction, paflèrent bientôt à l'excès oppofé. La théorie n’avoit pas 
diminué leurs craintes; elle ne put modérer leur confiance , ils trouvèrent 
à la fin (heureufement fans accident) le terme de cette force tant de 
fois éprouvée & jamais eftimée ; mais ce fut le crochet de fer qui cafla; 
la poutre ne bougea point. 

ExPLICATION DES FicuREs. La première repréfente une poutte A pofée fur les murs BC, DE, 
font les bois de décharge. On a marqué du côté B la ligne de niveau du pavement , pour faire voir 
que la décharge laiffe cour l’efpace néceflaire pour les travaux , les planches, le terrein & le pavé. 

La feconde figure repréfente le boulon à clavette; fur une plus grande échelle M, eft fa clavette, 
F eit le même boulon terminé par une vis. La troifième faic voir de face la pièce P de la fig. 2. 


La fig. 4 repréfenre une planche G H pofée dechamp, fur laquelle on a mis en expérience le parallé- 
lipipède 1 , chargé de rous les poids contenus dans le panier K. 


CHRONO UR ANA) ONES, 


Sur Ja découverte de M. LorroT (1), dans l'Art de 
bâtir , avec un projet d'expérience pour en juftifier la 
fupériorité ; 

Par M. FLACHON DE LA JOMARIERE, Capitaine au Corps du Géhnie. 


Ex ne doutant pas de tous les avantages de cette découverte, ne 
feroit-ce pas en reculer l’heureufe application que d'attendre que les 
années en euffent juftifié la vérité ? ne pourroit-on pas même craindre 
que Les réliftances de l'habitude & de la pratique journalière ne recu- 
lafent un emploi dont la routine & la mauvaife volonté des Ouvriers 
pourroient même altérer le crédit jufqu’au point de la faire négliger ? 
On fait avec quelle opiniâtreté & quel acharnement les anciens préjugés 
fe défendent contre les pratiques nouvelles ; quelque fimples & quelque 
avantageufes qu’elles paroiffent aux gens éclairés dans les Arts mécha- 
niques , comme l’ufage en eft toujours livré à des gens moins inftruits, 


(1) Voyez le Cahier de Mars 1774, p. 233. 


/ 


SUR' L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 165$ 


ce n'eft qu'avec une peine infinie & une conftance foutenue que l’on 
peut parvenir à les faire prévaloir. 

Si cette difficulté fe rencontre dans les objets dont les avantages fe 
démontrent facilement & fur lefquels l'intérêt journalier éclaire conf- 
tamment ; quelle rélftance ne doit-on pas attendre dans ceux dont 
l'ufage ne peut garantir la fupériorité qu'après un tems confidérable ? 
Le plus grand nombre , mème avec quelque bonne volonté, aimera 
mieux fuivre les routes déja frayées que de fe livrer des premiers à 
une confiance qu'il voudroit voir dans d’autres. Dailleurs, comme nous 
venons de le dire, fi le fceau feul du tems peut garantir une nouvelle 
découverte, & qu’il ne refte pas d’autres moyens de s’affurer de fa bonté; 
il en réfulrera néceflairement un refroidiflement dans les efprits qui 
pe verront jamais que des efpérances où ils voudroient la rcalité. 

L’heureufe découverte de M. Loriort, Se de bâtir; la compolrion 
de fon ciment ou mortier, qui fans faire cefler notre admiration pour 
les Ouvrages des Romains, eft venu nous éclairer fur la facilité que 
leur pratique leur donnoit, a mérité de la part du Gouvernement une 
attention qui a réveillé tous les Conftruéteurs fur un objet aull inté- 
reffant : mais c’eft prefque envain qu’il a développé publiquement fes 
principes & fes préceptes fur cette matière , & qu'il a donné enfuite 
pour preuve fes propres expériences, s’il nerefte pas aux autres Arciftes & 
fur-tout à ceux qui font éloignés de la Capitale , des moyens de s’aflurer 
par eux-mêmes d’une vérité querout invite à faire croire, mais fur laquelle 
1l feroit à defirer qu'il reftâtune perfuañon & une conviction complettes. 

Un très-grand nombre a déja fait des effais, qui à fes yeux ont plus ou 
moins juftifié ce qu'il atrendoit de cette découverte : mais plufieurs d’en- 
tr'eux ne pouvant fe défendre de cet amour du merveilleux qui écarte rout 
efprit d’obfervarions, ont été déconcertés de ne pas trouver à la lettre dans 
leurs expériences l’expreflion des énoncés qui ne fe font pas trouvés affez 
développés pour la vivacité de leur imagination ;ils ont cru devoir rencon- 
erer tout de fuite dans leur réfulrat cette folidité, certe ténacité & certe 
intimité de parties que le tems feul peut donner & augmenter dans des 
amalgames faits peut-être d’ailleursavec peu de foin & d'intelligence. 

Ils ont pris une deflication apparente & fubite pour une fixité conftante 
& parvenue à fon dernier terme , fans réfléchir que ce n'eft pas-la la mar- 
che de la nature, & qu'ici ce n’eft que par une opération très lente que 
les parties de l’eau fe combinent avec la chaux. Elle femble. il eft vrai, 
l'en faturer rapidement ; mais ce n’eft-là qu'un premier mouvement 
réfultant de la pénétration réciproque des parties fenfibles ou les plus 
grofières. Ce n'eft proprement que le début de l'opération ; les parties 
enfuire fe recherchent plus intimement, & fe fubdivifent pour parvenir 
enfin à un contaét immédiat où l'eau ne peut plus être confdérée que 


comme principe, ou réduite à des parties fixes 
1774. AOUST. X 2 


166 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Loin qu'une féchereffe apparente & fuperficielle puiffe fervir d’indi< 
cation fufhfante , il femble qu’elle ne doive ètre comptée pour rien : on 
feroit mème renté de croire, que lorfque cette combinaifon fe pate dans 
l'eau, les maffes y AE plus de dureté & d’adhe- 
rence ; ne pourroit-il pas fe faire, que dans cet état la chaux fe farure 
précifément de la quantité d’eau qui lui convient, au lieu que dans l'air 
on n’a pu lui donner que partie de celle qu’elle pourroit contenir ? Ea 
dureté prodigieufe qu’acquièrent dans l’eau les anciens bettons que nous 
y avons coulés , ne femble-t-elle pas démontrer ce qu'on avance ici. 

Quoi qu'il en foit, quelques perfonnes, avec de l'attention & de la 
patience, ne fe font pas preflées de conclure, elles fe font apperçues que 
le tems ajoutoit tous les jours à ce qu’elles doivent attendre de leurs 
différentes expériences; beaucoup y ont reconnu, quand la manipulation 
y a été bien faite, cette é ee propriété qu’a le ciment en queftion, 
de devenir impénétrable à Peau. Ils ont même pu s’appercevoir que la 
dureté de ces matières augmentoit à mefure que les différens corps qu'ils 
avoient compolés , pañloient fucceflivement de l'air dans l’eau; avantage 
d'autant plus grand, qu'ils femblent par-là, défier les viciflitudes des 
tems , & fe fortifier contre des circonftances qui paroillenc jufqu’ici 
avoir été le principe de toute deftruétion. 

Tout fait donc préfamer que fucceflivement on parviendra à tirer le 
meilleur parti de la découverte de M. Loriot ; mais ce ne fera qu'après 
avoir dans chaque lieu différent fait une multitude d’effais & d’expé- 
riences relatifs aux matériaux que chaque Pays fournira avec plus ou 
moins des qualités propres aux emplois que l’on voudra faire. 

Ne feroit-ce donc pas rendre fervice à l'Art en général , que d’imagi- 
ner un moyen fimple & fatisfaifant qui puiffe d’abord rendre un compte 
fenfible, & fervir comme d'échelle de comparaifon entre les différens 
degrés de ténacité ou d’adhérence que chaque compofe particulier pourra 
acquérir en plus ou moins de tems. 

C’eft fans doute cette ténacité, cette adhérence, cette intimité d’un 
tout dans toutes fes parties qui doivent particulièrement caraétérifer les 
différens mélanges que propofe M. Loriot, & en faire efpérer cette foli- 
dité où les Anciens étoient parvenu dans leurs conftruétions , & dont 
notre Ârt a toujours été fi éloigné ; mais , encore une fois, quel moyen 
d’en mefurer & d’en calculer les différens degrés au point de fe déter- 
miner enfuire à des préférences dans lefquelles l’efprit de prévention 
n'entre pour rien ? 

Voilà quel a été le but de notre recherche ; & nousavons cru, à l’aide 
de la théorie, trouver une méthode propre à déterminer en peu de 
tems ces différens degrés de folidité fur laquelle une multitude d’autres 
expériences mettroient difficilement d'accord. 

Si l’on parvient à foumerrre des corps femblables & parfaitement fym- 


| 
| 


os 


SUR L'HIST. NATURELLE ETILES ARTS. 367 


métriques dans leur figure, compofés d’ailleurs de différentes efpèces 
de marières à des chocs occalionnés par une force dont la valeur foi bien 
connue : ne fera-t-on pas en droit de conclure du plus ou du-moins de 
réfiftance de ces différens corps, de leur dureté, de leur adhérence , ou 
de leur ténacité ? 

C'eft dans la force des percuflions ou dans le choc des corps élaftiques 
confidérés dans lachüte des graves, qu’on acru appercevoirle vrai moyen 
d'apprécier les différentes relations de ces qualités. 

L'on fair que la force ou la quantité de mouvement que deux corps 
graves acquièrent en tombant librement de deux hauteurs différentes , 
eft exprimée par le produit de leur mafle & de leur virefle acquife par 
un mouvement accéléré; que ces vireffes font entr'elles comme la racine 
quarrée des efpaces parcourues ; & que par conféquent , la force de ces 
corps, ou leur choc à la fin de leur chüte , eft proportionnel aux maffes 
de ces corps, mulripliées par la racine quarrée des hauteurs dont ils 
feront tombés, 

Si donc , avec deux demi-fphères concaves , l’on forme une quantité 
faffifante de fphéroïdes ou de boules bien régulières de même diamè- 
tre, & qu’on en diftingue différentes claffes , chacune compofée féparé- 
ment, non-feulement des différentes matières indiquées, mais encore 
dans les diverfes proportions qu’il conviendra d’eflayer , fans oublier 
d’en former avec les mêlanges anciens, & fuivant leurs procédés, afin 
d’avoir toutes les comparaifons defirables ; ne fera-t-on pas en droir, 
après un certain tems , de confidérer toutes ces boules comme autant de 
corps plus ou moins élaftiques ; & leur plus ou moins d'élafticité ne 
devient-elle pas la mefure de la ténacité & de l’adhérence de toutes 
leurs parties, & mème de leur plus ou moins de propriété à réfifter à 
la pénétration des eaux ? 

En effet, après avoir renu bien réguliérement féparées toutes les claf- 
fes de ces différentes boules manipulées le même jour, étant néceflaire 
que cette condition foit la mème pour toutes, fi on en élève une de 
chaque efpèce féparément , jufqu’à ce que par fa chûte fur une pierre 
horifontale elle vienne à s’écrafer , en rompant fon reflort , & en fépa- 
rant toutes fes parties, & que l'on tienne un compte exact des diflé- 
rentes hauteurs que chaque efpèce aura exigées pour fe décompofer par 
fon choc, alors , par la comparaifon qu’on en fera, ne fera-t-1l pas aifé 
de parvenir à fixer les différens degrés de ténacité que chaque corps 
aura acquis par rapport à tous les autres , fur-tout, fi l’on commence plu- 
fieurs fois la mème expérience pour s’affurer qu'aucune circonflance par- 
ticulière ne dérange les proportions que l'on veut avoir ? 

Enfuite , à différentes époques , répétant encore les mêmes effais pour 
s’aflurer de ce que Le temps peut produire fur rous ces divers mélanges, 
ne parviendra-t-on pas enfin, au bout de quelques mois, à afligner déf- 

1774. AOUST. 


168 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


nitivement à chacun d’eux la place qu'il doit occuper fuivant les diffé: 
rens degrés de réfiftance qu’on aura remarqués ? 

On doit pourtant obferver qu’il faut, au commencement de chaque 
expérience, pefer exactement une boule de chaque efpèce; car la force 
ou la quantité de mouvement à laquelle chaque boule aura cédé, eft en 
raifon comppfée de fa malle & de fa vireffe :1l faut donc néceffairemenc 
tenir compte des mafles , pour avoir de jaftes rapports ; & elles varie- 
ront d'autant plus, qu’elles doivent être compofées de matières très- 
fenfiblement plus où moins pefentes. 

Par exemple, fi l'on fuppofe deux boules de mème diamètre, pefant 
l'une dix onces, & l’autre onze ; que la première fe décompofe par une 
chûte de neuf pouces, tandis qu'il en faudra une de feize pour la 
feconde, on n’a qu'à mulriplier dix par trois racines quarrées de neuf, 
& onze par quatre racines quarrées de feize, on aura les deux produits 
trente & quarante-quatre qui juftifieront que le fecond corps eft à-peu- 
près d’un tiers plus dur & plus élaftique que le premier. 

L'on pourra donc de cette manière former des tables qui fixent pour 
toujours les différens degrés de ténacité qu'acquerront tous les mêlanges 
que l’on voudra manipuler fuivant le principe de M. Loriot. 

On n'indique point ici de combien d’efpèces on en peut compofer : 
elles varieront plus où moins, fuivant les matières que les lieux fourni- 
ront , & fuivant les proportions différentes que l'on voudra effayer pour 
en rechercher les dofes qui fe conviendront le mieux. Il fera même con- 
venable de tenir compte des différentes expoftions auxquelles tous ces 
corps auront été placés , comme dans des endroits plus fecs ou plus bu- 
mides , plus froids ou plus chauds, conftamment plongés dans l'eau , ou 
pañfant fucceflivement de cet état dans l'air, &c. 

Qu'il nous foit permis d'inviter M. de la Jomariere à faire les ingé- 
nieufes expériences qu’il propofe. Ce n’eft pas affez d'indiquer le bien 
qu'il ya à faire; l'Ouvrier, & même quelquefois l’Artifte ont befoin 
d'avoir l'exemple fous les yeux & d’être guidés dans les opérations les 
plus fimples. 


SUR 'L'HIST. NATURELLE ET LES pi 169 
NOUVELLES LITTÉRAIRES. 


Covrs complet de Mathématiques ; par M. l'Abbé SAuRT+, ancien 
Profeffeur de Philofophie en l'Univerlité de Montpellier ; $ volumes 
in-8°. avec figures. À Paris, chez Ruaulc, Libraire rue de la Harpe ; 
reliés 36 livres. 

Ce Cours, qui eft une Bibliothèque de Mathématiques, a paru au 
jugement du célèbre M. Delalande , plus complet que tous ceux que l’on 
aic vu jufqu’à préfent, foit en France, foit dans le refte de l’Europe. On 
y trouve la Géométrie, une Algèbre très-complette, la théorie des Sinus, 
celle des Courbes algébriques, tranfcendantes, & à double courbure , & 
tout ce que les plus fameux Géomètres ont découvert fur le calcul diffé- 
rentiel & intégral, & celui des Variations , avec une application aux 
plus beaux problèmes de Méchanique ; Optique & une belle Théorie 
fur les forces phyfiques, &c. de manière que cet Ouvrage peur tenir lieu 
de beaucoup de Livres de Mathématiques. 


Voyages métallurgiques , où Recherches & Obfervations fur les Mines 
& Forges de Fer, la Fabrication de l Acier , celle du Fer blanc , 6 plu- 
Jieurs Mines de charbon de Terre, faites depuis l’année, 1357, jufques & 
compris 1769, en Allemagne, en Suède, Norwege, Angleterre & 
Ecolfe , &c. par feu M. Jars. de l'Académie Royale des Sciences ; dédiés 
à cerre Académie, & publiés par M. G. Jars , Correfpondant de l’Aca- 
démie des Sciences, & Aflocié à celle de Lyon, 1 vol. ir-4°. À Lyon, 
qe Regnault. On fera connoître cer Ouvrage effentiel dans les Cahiers 

uivans. 


Le Secret des SUTTONS dévoilé, ou l'Inoculation mife à la portée de 
tout le monde, par M. GarpaAxe, Docteur-Régent de la Faculté de 
Paris. 7-12 de 96 pages. À Paris, chez Ruault, Libraire, rue de la 
Harpe. Prix 18 fols, franc de port par la Pofte par tout le Royaume. 

C'eft avec raifon que l’Auteur a choif pour l'épigraphe de fon Livre, 
cette phrafe des Aphorifmes du célèbre Van-Swieten. La médecine La 
Plus fémple eft la meilleure. On ne peut plus révoquer en doute les fuccès 
de l’Inoculation ; les exemples font multipliés | & font donnés par les 
perfonnes les plus chères & les plus précieufes pour l’Etar. Il ne s'agit 
plus que de mettre à la portée mème des bonnes femmes ,la mé- 
thode [a plus fimple & la moins fujette aux inconvéniens. C’eft aufli 
ce que ce Médecin Citoyen vient de faire dans l'Ouvrage que nous 

1774. AOUST. 


170 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


annonçons : il fe préfente un problème affez difficile à réfoudre. On 
demande pourquoi les nouveautés , les bagatelles , les frivolités font- 
elles faifies avec avidité en France, tandis que les objets vraiment utiles 
font toujours expofés aux contradictions , à la perfécution même ; & 
enfin pourquoi faut-il un tems très-confidérable , pour qu'ils y foienr 
généralement adoptés ? 


Differcation fur l'ufage des Caufliques pour la guérifon radicale 6 
abfolue des Hernies ou Defcentes , de facon à n'avoir plus befoin de ban- 
dages pour le refle de fa vie, pat M. GaAuraer , Confeiller-Médecin du 
Roi, Dotteur-Régent de la Faculté de Médecine de Paris. 1 vol. i7-12 
de 142 pages. À Paris, chez Jombert, rue Dauphine, & chez l’Auteur, 
aux Ecoles de Médecine, rue de la Bucherie. 

Le but de l’Auteur eft de prouver qu’on peut guérir les Defcenres & 
les Hernies par les cauftiques ; qu’il en a guéri beaucoup ; que les ban- 
dages fout infuflifans; que fa méthode, qui eft la même que celle de 
M. Mager, Chirurgien, qu'il a reifiée, eft fupérieure à tous les traite- 
mens connus jufqu'à ce jour. L'expérience feule, foutenue & multi- 
pliée, peut décider la queftion. 

On voit dans cer Ouvrage , page 81 , des obfervations générales fur 
un Mémoire lu à la Séance publique de l’Académie Royale de Chirur- 
gie , le 4 Août 1774, par M. Bordenave. M. Gautier lui reproche 
d’avoir fonné le tocfin contre fa nouvelle Méthode, & d’avoir nié des 
faits, fans donner aucune preuve. Ce n’elt pas à nous à entrer dans ces 
difcuffions polémiques ; mais le Public dira avec nous qu'il eft furpris 
de voir un Médecin difcuter avec aigreur, & employer des expreflions 
fouvent dures, quelquefois baffes , & toujours A faree Il eft fi aifé 
de prouver à un homme qu'il a tort , fans lui dire de gros mots! 


Le Socrate ruflique, où Deftription de la conduite économique & morale 
d'un Payfan, traduit de l'Allemand de M. Hirzez , Premier Médecin 
de la République de Zurich; par un Officier Suiffe au Service de 
France ; & dédié à l’Ami des Hommes. Seconde édition corrigée & 
augmentée. À Zurich, chez Heidegopuer & Compagnie. 1 vol. ëz-12. de 
408 pages. 

Le fuccès de cer Ouvrage eft décidé par l’accueil qu’il a reçu dans le 
tems que parut la première édition. En effet, c’eit un des meilleurs 
Livres-pratiques dont on ait enrichi l'Agriculture depuis plufieurs an- 
nées. La beauté typographique de la nouvelle édition feroit honneur aux 
Prefles les plus célèbres de cette Capitale. Tout y eft réuni, l’utile & 
l'agréable. 


OBSERVATIONS 


à 


Aoust, 177 


TR CAT Rage 0) dome 


7 


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RES PO 


SUR-L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 169 


à ! 


SERRE LEE EEE LE SOU RER SN EEE EEE EDEN RENE 


D AL 1h gr on 2 A 6 


Sur les Queftions relatives à la vifibilité des Alpes , regardéé 
comme un préfage de pluie; 


Par M. D, S***, Chevalier de l'Ordre Militaire de Saïnt-Louis: 


Dre je lus les obfervations faites à Lyon & à Beaune, au fujet de 
la vifbilicé des Alpes, que l'on regarde dans cette Ville commeun préfage 
uele vent doit tourner au fud , & à Beaune, qu’il doit pleuvoir le len- 
HA ou le furlendemain ; je me flatrai de pouvoir confirmer ces deux 
obfervations, par celles que l’on a faites depuis long-tems dans la partie 
du Vivarais où j'habite. On y citécommunément l’afpect des Alpes bien 
vifibles & bien découvertes, comme un pronoftic affuré que le vent doit 
tourner au fud., & qu'il amènéra dé la pluie ; ce feroir ainf une troi- 
fième obfervation qui montreroit que cet effer peut être général dans les 
poltions femblables à celle de Lyon, & à celle de Beaune ; & , comme 
M. l'Abbé Rozier a jugé ce point de Phyfique aflez intéreffant pour mé- 
siter qu'on en cherchâr la folution , je crus que, me trouvant dans une 
fituation des plus favorables pour examiner ce phéhomèné avec fes diver- 
fes circonftances , je pourrois en obferver quelqu’une qui feroit propre 
à m'en faire appercevoir la caufe phylique ; mais je crus en mème-rems 
que je devois me défier de l'efprit de fyftème qui fouvent cherche à 
donner l'explication d'un faitavant qu'il foit bien avéré. 
. Le Vivarais elt, par rapport aux Alpes , dans une fituation affez fem- 
blable à celle du Lyonnois ; l'endroit où j'habite , eft comme Lyon, à 
une diftance de quinze à dix-huic lieues des hautes montagnes du Dau- 
phiné & de la Savoie: cesimontagnes nous paroïffent de même dansune 
direction du nord äu fud; & nousles voyons dans une éréndue qui doit 
êtrede plus de trente lieues. Ces montagnes nous font prefque toujours 
vifibles; mais nous ne les voyons bien diftinétement, ou, felon l'expreflion 
de ce pays, elles ne font bien découvertes qu'en certains rems ; tels que 
ceux qui , dans l'opinion vulgaire , doivent précéder la pluie, Je l’avois 
oui dire plufeurs fois, & je me rappellois que l’effet avoit confirmé le 
préfage ; mais ,comme je ne m’étois jamais attaché à vérifier cette obfer- 
vation,, je, crus devoir examiner.fi le préfage écoit en efet auf général 
& aufli conftaré qu'on le difoit ; & au cas qu'il le für, quel pouvoir être 


Tome IV, Part, LIT. 1774. SEPTEMBRE, Y%Y 


to OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


le rapport des circonftances qui devoient le concerner. Voici enfin ce 
qui m'en a paru. Lorfque le tems eft ferein , & de quelque côté que 
foient tournées les girouettes, nous ne voyons communément les Alpes 
qu'un peu confufément; mais dans cette obfervation générale j'ai vu plu- 
fieurs fois le vent tourner au fud , quoique les Alpes n’euffent point été 
précédemment découvertes , & ce vent du fud eft ordinairement ce que 


dans ce pays on nomme vent blanc ; vent affez impétueux , qui fouffle 


fouvent fans troubler la férénité de l'air, & qui fouvent aufli fe termine 
fans pluie, ou qui, du moins, n’eft terminé que par unepluie paffagère, 
très foible , & de peu de durée. J'ai vu de même furvenir des pluies abon- 
dantes & de longue durée, fans que les Alpes euffent été précédemmenc 
plus vifibles qu’elles ne le font communément : & c'eft ce qui arrive tou- 
jours lorfqu'il pleut par les divers vents d’oueft qui font très-fouvenc 
pluvieux. J'ai vu enfin , quoique rarement ; les Alpes découvertes 
fans que leur vifibilité bien nette aic été fuivie d'aucune pluie. Je ne par- 
lerai point de plufieurs autres variétés , telles qu'un tems plus ou 
moins nébuleux , ou un air plus ou moins vaporeux , qui, fujets à varier 
dans des intervalles affez courts , m'ont paru cependant rendre les 
Alpesun peu plus ou un peu moins vifbles. J'obferverai feulemenc, au 
fujer de ces variétés paflagères , qu’elles m'ont paru produites par des 
irrégularités dans le mouvement de l’air que nous obfervons très-fré- 
quemment : nous voyons en effet, & fort fouvent, les nuages les plus 
élevés , mus dans une direction totalement contraire à celle des nuages 
inférieurs. J'ai vu mème dans un tems où l’on ne fentoit aucune impref= 
fion du mouvement de l'air , les nuages pouffés très-diftinétement par 
trois vents différens , les uns par le vent du nord, d’autres par celui du 
fud , & le troifième par le vent d'oueft. J'ai vu de même dans un tems 
où les girouettes du châreau les plus mobiles étoient tournées au fud , la 
famée des cheminées tournée & poullée vers le nord , & dans le même 
tems, la fumée des maifons plus baffes que le château, pouffées vers le 
fud , & cette différence enfin, fe maintenir pendant plus d’une demi- 
heure, & jufqu'au moment où l’on vit le mouvement de l'air plus régu- 
lier , & toures les fumées , ainfi que les girouettes , marquer le même 
vent : c’eft-à- peu près ce que voyoit Bernier en Languedocen 1688.» On 
voit ici, dit-il, les vents fe mêler, & comme fe pouffer lesuns les autres; 
ceux-là prendre le deflus , ceux-ci gliffer par deflous , & d’autres s’échap- 
per par les côtés; & tandis que le combat fe donne là haut, régner quel- 
que tems ici-bas une efpèce de calme qui dure jufqu’à ce que l’un des 
deux vents arrête l’autre , le fait rebrouffer : & ce vent qui a pris le 
deffus , dit enfuite Bernier, balaïe l'air de nuages, &c «. ( Journal des 
Savans 7 Juin 1688). Ces obfervarions nous montrent dans l’air une 
irrégularité de mouvement, que je regarde comme caufe immédiate des 
variétés palagères que nous obfervons au fujer de la vifibilité des Alpes ; 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 171 


mais, comme je n’oferois en hafarder l'explication , & qu’elles ne for- 
ment point d’ailleurs l'objet de la queftion , je me borne aux deux obfer- 
vations qui m'ont paru les plus conftantes, qui font le vent du fud plu- 
vieux que préfage la vifbilité des Alpes; & le venr blanc qui, quoique 
du même rumb, furvient fans que les Alpes aient été découvertes. Je con- 
viens donc que , felon l’obfervation la plus générale , la vifibilité bien 
nette des Alpes précède d’un jour ou deux le tems où le vent tourne au 
fud ; & sr la vue des montagnes redevient confufe , il tombe 
une pluie ou forte ou de longue durée ; ainfi l’obfervation que cite le 
vulgaire ne me paroît défectueufe qu’en ce qu’il la regarde comme une 
marque infaillible , ou du moins trop générale d’une pluie prochaine. Je 
pui affarer qu’elle l’eft encore moins que la defcente du mercure dans le 
aromètre, quin’eft pasun indice infaillible , comme le favent tous ceux 
qui l'ont bien obfervé. Quant à l'explication du phénomène & de fes 
. diverfes circonftances, voici celle que je crois pouvoir hafarder. 

On peut regarder le Vivarais, le Lyonnois & la Bourgogne comme 
une très-vafte vallée dirigée du nord au fud, & qui eft bornée au 
levant par les Alpes & les montagnes de la Franche-Comté, & que bor- 
nent au couchant les montagnes des Cévennes , du Velay, du Lyonnois , 
du Beaujollois & de la Bourgogne ; de facon que ces montagnes forment 
dans leur plus grande étendue une efpèce de parallélifme , mais qui eft 
divergent au fud , en s'approchant de la Méditerranée , & divergent au 
nord ,en s’approchant des vaftes plaines de la Champagne. L'air de certe 
vallée , felon les judicieufes obfervations du Phyficien habitant les bords 
du Lac de Genève , eft dans le tems ferein, chargé de vapeurs & d'ex- 
halaifons opaques , qui incerceprent les rayons de lumière que doivens 
nous réfléchir les montagnes des Alpes. Ces vapeurs nous en rendent 
ainf la vue confufe ; & d'autant plus qu’elles font retenues par les mon- 
tagnes collatérales, & vraifemblablement par une plus grande dilatation 
de l'air fupérieur qui ne leur permet pas de s'élever. On voit en effet 
que lorfque les Alpes font peu vifbles , les fumées , au-lieu de s'élever 
s’abatrent fouvent fur la rerre. Quant à la caufe qui nous fait découvrir les 
Alpes lorfque le vent doit tourner au fud & nous donner de la pluie, 
voici quelle eft ma conjeéture : Parmi les diverfes caufes des vents, il en 
eft une qu’admertent les Phyficiens. Tout ce qui peut, difent-ils , faire 
changer de place à une partie de l’athmofphère , & la pouffer vers quel- 
que endroit, peut être regardé comme la caufe d’un vent; & dès qu'il y 
a différence de poids dans les parties de l'air, 1l s’y forme un courant ; 
& , pour s’en convaincre , iln'ya qu’à ouvrir en hiver la porte d’une 
chambre échauffée : s’il furvient donc au nord de la vallée quelque dila- 
tation d'air, quelle qu’en foit la caufe , les parties de cet air qui par-là 
feront plus légères , rendront à s'élever , feront remplacées & fuivies par 
d'autres qui éprouveront le même changement, & fe porteront enfuite 

1774. SEPTEMBRE. Y2 


172 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; ! 


du fud au nord, quieft la diréétion de notre Vallée : ainfi,les vapeurs 
qui donnoient à notre air une‘ efpèce d’opacité , s'étant élevées & portées 
au nord , nous laiffent un air plus dégagé, plus ner & plus diaphane, 
jufqu’à ce que d’autres vapeurs les viennent remplacer ; & c’eft ce qui 
ne doir guères tarder. Notre Vallée , comme nousl’avons dit, divergente 
en's’approchant de la Méditerranée , y formé uné vafte embouchure qui 
Jui fair recevoir les vapeurs de‘cerre Mer ; ces vapeurs fuivent le courant 
d'air qui, comime nous l'avons dir, fe porte du fud'au nord , & leu: abon- 
dance joint au refferrement des montagnes , produit communément la 
-pluie que nous obfervons après la vifbilité des Alpes. Ce qui me paroît 
confirmer cetre explication , eft une obfervation que j'ai faitefur la façon 
dont fe manifefte cetre vifbilité diftinéte ; il m'a toujours paru qu’elle 
commeénçoit par la partie méridionale ; & c’eft ce qui doitècreen effer, 
‘fi l’opération fe forme felon nos conjeétures. 

On m'objecera fans doute qu'il réfulreroit de cette explication , que 
la vifbilité des Alpes devroit fe manifefter lorfque le vent doit rourner 
‘au nord, comme lorfqu’il tourne au fud ; auñli cela arrive-t-1l quelque- 
fois , mais beaucoup plus rarement ; & cela ne peur nous furprendre : 
les vapeurs dont l'air elt chargé, né doivent pas fe difliper aufli aifément 
en fe portant vers la Méditerranée qui en abonde , qu’en fe portant vers 
le nord qui.en eft beaucoup moins chargé; & l'air qui court du nord au 
fud , n’eft pas propre à nous donner de la pluie, comme tout le monde 
le fait, & en connoît la raifon. 

Il me refte à expliquer le phénomène du vent blanc qui quelquefois 
fe termine fans pluie , ou qui du moins n’en donne quetrès-peu, & qui, 
felon des obfervations très-réitérées , n’eft pas précédé d’une vifbilité 
des Alpes; voici fur ce fait une explication que je hafarde encore. Nous 
avons obfervé que toute raréfaétion de l’air furvenue dans l’arthmofphère, 
y caufe un mouvement ou courant d’air. Mais fi ce courant eft arrêté par 
un obftacle , il s’en fait un remoux femblable à celui que l’on obferve 
dans l’eau courante des fleuves où l’on voir en certains endroits l’eau voi- 
fine des bords qui remonte , tandis que celle du milieu defcend ; effer 
qu'occafonne quelque avance de terre qui forme un obftacle au courant 
de l’eau du bord: Le remoux ou contre-courant de l'air occafionné parun 
obftacle , fe démontre par une expérience très-aifée : que dans un rems 
froid, l'air d’une chambre foit fort chaud, & que l’on ouvre la porte d’une 
chambre voifine où l'air eft froid , il fe formera à cette porte de commu- 
nication un remoux ou contre courant d’air qu’il eft aifé d'obferver ; il 
n'ya pour cela qu’à placer une bougie dans la partie inférieure de la portée 
ou fur le feuil , & une autre bougie élevée à la partie fupérieure de la 
même porte, on verra alors la amme de la bougie inférieure pouffée 
avec force de la chambrefroide dans la chambre chaude ; & dansle même 
tems , la flamme de la bougie fupérieure pouffée de la chambre chaude 


net née dut die Din ver 


PRAANNNRRRS HIT 


« 


SUR-L'HIST, NATURELLE ET LESYARTS. .193 


“dans. la. chambre. .froide ,. mais par une impulfon-plus foible.; & il s'y 


forme ainfi un contre-courant qui dure jufqu’a ce que les deux chambres 
foient À là mème rémpérarure. Ne pourroit-on pas croire qu'une caufe 
femblable produit nos vents blancs ? Qu'il furvienne une dilatation de 
Fair dans la partie feptentrionale de notre Vallée mais qui ne foir pas à 
“fon excréihité ; l'air de la partie méridionale s'y portera avec force, & 
formera un vent du füd', mais ce ‘vent refférré par les montagnes colla- 
térales , & retenu par l'air condenfédu nord , hors de la Vallée, reAuera 
par la partie fupérieure , & formera le remoux d’air dont nous fentons 
:Pimpullion dañs la partie inférieure où nous nous trouvons. Ce remoux 
-eftainfi notre vent blanc qui nerend pas les Alpes plus vifibles ; d’auranc 
que l'air chargé de fes mêmes vapeurs} & retenu dans la Vallée , ñe 
trouve pas un efpace où des vapeufs puiflenc fe diffiper. Ce vent fe tér- 
mine auffi quelquefois fans pluie à la différence decelui qui avoir rendu 
«les Alpes wifibles , par la raifon que foni'mouvement ne s'étendant pas 
‘jufqu’à la Méditerranée, n’en amène pas les vapeurs; & il fe rérmine 
-aufh quelquefois par une pluie très-légère ou très-courte,: parce qu'il 
‘urvient une Mol me de vapeurs qui fie font pas bienftonfidérables, 
-& qui: ne font pas rémplacées par celles que’ fournit la Méditerrance 
Jors des fortes & longues pluies. Cette /conjecture au-refte, me paroît 
encore confirmée par la qualité & l'effet de la pluie qui termine le vent 
blanc. J'ai obfervé qu’elle réfroidie confidérablement l'air inférieu ; 
& j'ai vu dans moins de deux heures un réfroidifflement aflez confidé- 
sable pour faire defcendre le thermomètre de M. de Réaumur de onze 
degrés. Un réfroidifflement fi confidérable & fi'prompt ne fauroit vénir 
de bien loin ; & il eft vraifemblable qu'il ne vient que de la région fupé- 
tieure de l'air qui a condenféles vapeurs élevées de la partie inférieure. 
Le vent blanc & fec qui viént du fud , & le-vent pluvieux qui vient 
dumème côté , me paroïffénc ainfi produits l’un comme l’autre d’une 
dilatation d’air furvenue dans une partie feprentrionale ; mais le vent 
blanc, d’une dilatation qui s'eft faite dans l’intérieur de la Vallée 
(qu'on me permerte de donner ce nomau vafte emplacement que ren- 
ferment nos montagnes) & le vent pluvieux, d’une dilatation qui s’eft 
faite hors de la vallée & dans les vaftes plaines du nord de la France, 
ou, fi l’on veut, dans le nord de YEurope. 


es 


1774: SEPTEMBRE, 


174 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


SU Pi PYLNÉ UM ET NUIT 


Aux Obfervations fur laichaleur des Climats , inférées 
tome III , p. 245; 


Par le même. 


| Ok a obfervé qu'à la fin du feizième fiècle , la vendange étoit en étac 
d'être commencée bien avant Îe tems où nous la commençons. On peut 
juger de même qu’en ces tems-là, les moiffons fe faifoient bien plutôt 
qu'elles ne fe font à-préfent. Gamon, dont nous avons des Mémoires 
manufcrits fur les Guerres civiles du Vivarais , rapporte fur l'an 1570, 
que l’armée des Princes paffant par le Vivarais & le Velay aux lieux de 
la Maître, Nozières, Paillefés, Roche-Paule , Montfaucon , Dunière & 
Saint-Didier, fit dans cette marche beaucoup de maux & de dégâts; d’au- 
tant, dit Gamon, que c’étoit fur le commencement de Mai, les bleds 
étanc prefque mürs, & les prés prêts à faucher , &c. La façon dont s’ex- 
rime Gamon ne marque pas que cette année-là für plus précoce qu’à 
Rb  ctH ; & , quoiqu’au commencement de Mai on ajoute les dix 
jours du calendrier Grégorien, on ne trouvera pas encore un tems où 
dans les lieux qui font nommés, les bleds foient prefque mûrs, & les 
prés prèts à faucher ; les bleds ne font pas mème en fleur dans la plupart 
deces endroits avant la fin de Mai. 

Quant à la chaleur de l'été dont nous avons auguré une moindre in- 
tenté dans les anciens tems , mais une plus longue durée , nous croyons 
pouvoir en appuyer la conjecture fur un paffage de Pline. Ce célèbre 
Naturalifte dit qu'il y avoit, lorfqu’ilécrivoit, fept à huic ans qu'on avoit 
découvert dans le Vivarais, un plant de vigne dont la fleur ne duroit pas 
plus d’un jour, & qui par-là, éroit moins expofée aux gélées; ce qui avoit 
fait aufli que ce plant avoit été répandu dans tout le Pays ( Plin. ib.14 , 
cap. 3.) On voir par ce paflage qu’iln'étoit pas rare que la gelée endomma- 
geâr les vignes dans le tems où elles étoient en fleurs. L’empreffement que 
fon eut dans tour le Pays de fubftituer ce nouveau plant, en eft une 
preuve certaine. Nous ne craignons pas à préfent les gelées dans le rems 
où les vignes font en fleurs ; & ce ne feroit pas affurément certe crainte 
qui nousengageroit à rechercher ce plant,qui vraifemblablement n'avoir 
pas d'autre avantage , puifqu’on l’a laïflé perdre ; & on l’a laiffé perdre 
fans doute, lorfqu'il a ceffé d’être de quelqu’avantage. On m'objectera 
qu'on pouvoit préférer le nouveau plant, par la raifon qu'érant moins 
long-tems en fleur , il étoit aufli moins long-tems dans le danger de 
couler ; je conviendrai que ce pouvoit être fon avantage le plus réel ; 
mais l’on conviendra aufli qu'il eût été ridicule d'attribuer ce danger aux 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 17$ 


elées qui pouvoient furvenir dans le rems oùles vignes font en fleur, fi 

es gelées n’euflent pas été communes dans ces mêmes tems qui à-pré- 
fent ne fe rapportent qu’à la fin de Juin, ou tout au plurôc à fon com- 
mencement, y 


TELE LR 22e 
DT S:S ER: TT ALT: IL ON 


Qui a obtenu l’Acceflit à a Société Royale de Montpellier | fur certe 

© Qucflion propofée pour l'année 1774 : Quels font les caractères des 
Terres en général , & les moyens de remédier aux défauts de celles 
qui font peu propres à la production des grains ; 


Par M MONNET. 


REA répondre d’une manière farisfaifante à cette queftion, il me fem- 
ble qu'il faut auparavant, faire l'Hiftoire naturelle des terres , ou décrire 
les efpèces de celles qui font la bafe fondamentale des autres. Cerre 
matière aufli intéreffante que peu connue , mérite une attention parti- 
culière. Sans cette connoiflance , on rifquede s’égarer toutes les fois qu'il 
s’agit de traiter un objet pareil. D'ailleurs, on apprendra par elle à 
mieux connoître la partie folide de notre globe ; & comment l’amas ou 
le mélange de ces différentes terres primitives acquiert avec les parties 
accidentelles provenant de la deftruction des êtres qui l’habitenr, 
tant de qualités différentes. 

Nous commencerons donc par établir & décrire les efpèces générales 
des terres; nous examinerons enfuite leur mélange & leur variété ; 
après quoi , nous cherçherons la caufe de leurs différens effets dans la vé- 
gération ou production des végétaux ; & quelles font les qualités qu’elles 
doivent avoir pour être favorables aux plantes ; & enfin, qu’elles font les 
moyens de leur donner les qualités néceffaires pour cet effet. 

Ces quatre objets, traités en particulier , vont faire la divifion de 
ce Mémoire. 


LR RE ALT "EE OU EG EE PEER EEE SEEN EP EN EP TETE TR SIENS LG URONE D CPEE RE 
PREMIERE PARTIE. 


Des Terres primitives | ou efpèces générales des Terres: 


ous n’entendons pas parler ici de la première formation, ou de 
création. Notre but eft feulement d’obferver ce qui fe préfente fous nos 
yeux, pour en chercher la caufe. Par-là, nous éviterons cette difcuflion 
auf puérile qu'inutile , de favoir s'il y a une ou plufieurs terres primi- 


hives ou de première formation, 


176 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; : 

Dans la‘divifion générale des terresteft comprife néceffairement celle. 
des pierres , puifqu’elles font de la même effence , & qu’elles n’en diffè- 
rent que par-leur état, par leur forme K par leurs textures. Ce principe 
n’eft plus contefté des Minéralogiftes éclairés; & d’ailleurs , ce que nous 
dirons-par la fuite ,en fera la preuve. C’eft de cette première confé- 
quence qu'elt venue cette feconde , que les piérrés font l’origine des 
terres. Telle a été l'opinion dufcélèbte Cronfterd', eh cénfidérant , avec 
beaucoup d’autres Minéralogiftes , que la forme folide a dû précéder la 
forme pulvérulente dans notre globe; conféquemment ; queles terres ne 
fonc que les débris des pierres ; e’eft ce qui peut êrre vrai: mais, qu'il 
nous foit permis, en nous renfermant dans les confidérations de l’érat 
préfent des chofes , d’obferver qu'il exifte dans un ordre fymmétrique 
des terres proprement dires. Jerez les yeux fur ces couches d’argille 
avec leur degré d’obliquité , & fur ces mafles énormes de craie , divi- 
fées par des finuoftés ; n’eft-ce-là que le débris des roches? je le veux ; 
mais avouez qu'il exifte des terres qui n° font pas le réfultac actuel du 
débris des roches; que fi elles en proviennent originairement , elles ont 
été placées depuis par les mains dela Nature en des lieux où elles fe 
trouvent faire naturellement partie de notre planète : en un mot, qu’elles 
n'y font pas étrangères. D'ailleurs , dans quelle pierre ou partie folide 


de notre globe trouverez-vous la terre argilleufe aufli pure & aufi abon- : 


damment que nous la trouvons dans Les couches dont nous parlons (1)? 
Où trouverez-vous aufli la terre calcaire aufli pure & aufñi abondante 
que celle quenous préfentent les crayères (2) ? Je faisbien qu’ilexifte dans 
le rocher primitifou roche ancienne une forte de pierre calcaire ; maïs 
quelle apparence y a-t-il qu’elle ait pu donner nuance à la craie ou 
aux terres calcaires. Outre qu’elle n’eft pas pure, on fait qu’elle n'eft 
pas commune ? On y découvre abondamment du quartz en fable, & 
même du mica. N’eft-il pas vifible que fi la terre calcaire provenoit du 
débris de ces roches , on y trouveroit ces mêmes parties ? ce qui n’eft 
point. Nous avons donc lieu de croire que ces terres ontune autre ori- 
gine (3). Ce n'eft pourtant pas-là la feule difficulté que nous trouvons 
dans c2 fyftême, Quand M. Cronftetd a parlé des pierres quartzeufes, 


oo 


(1) IL ef certain qu'il n’y a pas le moindre rapport entre les proportions de l’une 
& de l’autre. D'ailleurs, il n'y a pas de pierre aflez pure pour être en état de fournir une 
terre véritablement argilleufe. Les chytes & les ferpentines qui en contiennent le plus, 
pe font que des infiniment petits, relativement aux argillieres, 

(2) 11 faut bien prendre garde ici que nous entendons pas! parler des bancs de 
marbre qu'on trouve hors des chaînes de montagnes révulières. L'origine de ceux-ci 
dans lefquels on trouve fouyent des débris de coquillages ; n'eft pas aflurément la 
même. < 


(3) À l'égard dela terre calcaire, on fait que plufieurs Naturaliftes l'ont voulu 
faire dériver du décricus des coquillages. 


| 
: 


méiéilisetmmas cts TO PR I ETES 


SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS, 177 


il a été forcé d’avouer qu'il ne trouvoit pas fon analogue fous la forme 
de terre; car les fables quartzeux ne peuvent pas être rangés fous certe 
dénomination, vu qu'ils gardent con!tamment , quelque fins qu'ils 
foient, une forme folide & cryftalline ; qu'ils font incapables, par con- 
féquent , de fe divifer dans l'eau; caraétère propre aux terres. 

D'après ce que nous venons de dire, on voit qu'on eft tour auf bien 
fondé à rejetter, comme à admettre une clalfe de rerres indépendantes 
des pierres. Nous nous en tiendrions à cette dernière confidérarion , par 
rapport à notre objet ; fi nous n'avions en vue en même-tems de jerter 
du jour fur la queftion des efpèces de terres fondamentales, ou effen- 
tiellement différentes les unes des autres. Ce n'eft point par l’action du 
feu feul qu’on peut parvenir à cette connoiffance, On peut bien, par 
fon moyen , découvrir quelques-unes de leurs propriétés , mais jamais 
leur eflence, ni même leur différence effentielle. Vous en voyez la 
preuve dans l’erreur même de M. Pott, qui revarde le gyps comme une 
terre particulière , ce qu'il n’auroit pas fait, s’il eût examiné cette fubf- 
tance par la voie humide. Il eût reconnu aifément, comme M. Cronf- 
tedt (1), que certe prétendue terre eft un fel à bafe cerreufe, c’eft-à-dire 
compofé de l'acide vitriolique & de la terre calcaire ; verité fi reconnue 
aujourd’hui par tous les Chymiftes & Minéralogiftes qu’il eft inutile de 

» nñ 
s'y arrêter. 

Si nous confidérons les terres d’après l'examen fair au moyen des 
liquides, (le principal moyen d’appercevoir leurs qualités & leurs pro- 
priétés effentielles } nous en diftinguerons de quatre efpèces générales , 
1°. la terre quartzeufe ; 2°. la terre argilleufe , où l’argille proprement 
dite ; 3°. la cerre calcaire , & 4°. la rerre qui fait la bafe du fel d’ep- 
fom , que nous nommerons déformais , d’après M. Black , magnéfie. De 
quelque manière qu’on s’y prenne , on reconnoîtra toujours dans ces 
terres des caraëtères effentiellement différens , qui ne permettent pas 
de les confondre enfemble. 

Les propriétés de la terre calcaire font fi connues , que nous ne nous 
y arrêcerons pas ; d'ailleurs , on n’eft point tenté de la confondre avec 
aucune des autres terres Il en eft de même de la terre argilleufe : fes 
caractères font bien décidément connus de la plupart des Minétalogiftes 
& des Chymiftes. S'il en eft quelques-uns qui fe laiffent entraîner encore 
par d'anciens préjugés, nous ne devons pas nous y arrêter, vu qu'il exifte 
aflez de lumière & allez de preuves pour fe défabufer, s'ils le vouloiene 
bien. Il fufhroit de dire aux perfonnes raifonnables , qu'il n’y a que la 
terre argilleufe qui, combinée avec l’acide vitriolique , donne le fel que 
nous connoiflons fous le nom d’a/un, Pous la terre quartzeufé, on a 


(1) Mémoires de l'Académie Royale de Suède, année 1753: 
Tome IV", Parc. IIL 1774. SEPTEMBRE, Z 


« 


138 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


voulu la confondre avec la verre argilleufe , en prétendant qu'elle poffède 
les mêmes propriétés, fur-rout,qu'elle étoit diffoluble , comme elle , dans 
les acides, lorfque fon aggrégation a été fuffifamment rompue, ou divi- 
fée par fa diffolution dans l’alkali fixe. Un Auteur moderne s’eft vanté 
d’avoir converti la terre qui fe précipite du Ziguor Jilicum en alun , 
par le moyen de l'acide vitriolique ; mais nous pouvons affurer avec 
vérité, que cela eft faux. Cette aflertion eft vraifemblablement fon- 
dée fur un pañfage de la Lithogéognofie de l'illuftre Pott , page 274, 
où cet Auteur affure que la terre quartzeufe précipitée en liquor filicum , 
fe trouva foluble dans les acides. Il a été vraifemblablement induit 
en erreur par quelques parcelles de terre calcaire qui fe font trouvées 
dans la rerre ou l'alkali ( 1 ) : un autre caraétère diftinétif de la terre quart- 
zeufe eft de fe combiner facilement avec les alkalis. M. Pott démontre 
très-bien dans fa Lithogéognofie, page 18 1, l'identité du quartz, propre- 
ment dit avec ce qu’on appelle cailloux, pierre à fufl, cryftal de roche, 
&c. Toutes ces matières ne font, à proprement parler, que la même. 

L’exiftence de la quatrième terre ,la magnéfie , a efluyé & effuie encore 
en France beaucoup de contradiétion. Quelques-uns ne voulant pas re- 
connoître le fel d’epfom pour un fel particulier , malgré les preuves de 
M. Black , & celles de l’Auteur du Traité des Eaux minérales , & s'obf- 
tinant à vouloir le regarder comme un ètre accidentel, & provenant du 
mélange de différens fels incapables d’ailleurs , de fournir la moindre 
preuve de leur opinion , ils fe bornent à un fimple énoncé. Laiflons-les 
donc fe repaître de leur chimère, & obfervons que l’exiftence de cerre 
terre eft aufli bien prouvée qu’elle puifle l’èrre ; que déjà, la plus faine 
partie de nos bons Obfervateurs la connoïflent & l’obfervent dans diffé- 
rentes pierres ; fa combinaifon avec l'acide vitriolique donne toujours 
le fel connu fous le nom de fel d’epfom. Elle ne fe convertit point en 
chaux, & ne fe concentre point non plus par la cuiffon , comme l’ar- 
gille. Elle a donc des caractères qui lui font propres , & qui ne dépen- 
dent de l’une ni de lautre terre. 

D'après certe expoñtion, je crois que nous nous trouverons fondés à 
admertre ces quatre fortes de terres, & j'efpère que les Minéralogiftes 
me fauront gré de cet éclairciffement qui leur doit être de la plus grande 
importance; car, affurés fur ce fondement folide, ils pourront établir 
leurs divifions des cerres, & reconnoître à laquelle chacune d’elles doit 
être rapportée. À 


(x) Combien de fautes ne fait-on pas en Chymie, quand on eft réduit à s'en rap- 
porter au récit des autres fur des objets importans ! On eüt fait toinber la prétention 
que nous combartons , fi on eût examiné les chofes avec plus d'attention. La principale 
atrention qu'il falloit apporter en-cela, éroit de s’affurer d'abord de la pureté de la 
terre quartzeufe, prendre du quartz pur , ainfi que de l’alkali. L'équivoque peut naître, 
très-facilement d'un alkali impur, tel qu'eft celui du commerce. L'exiftence d'unç 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 179 


SXÉRGONNeD:E:+P ART) IE. 


Du mélange des Terres , de leurs variétés ; de leurs caraëtères & 
proprietes. 


N o us avons à confidérer ici, non-feulement ces mélanges , & les va- 
riétés qui naillent des terres que nous avons décrites précédemment ; 
mais encore,ce qui réfulte du mêlange de ces mêmes rerres avec les débris 
des êtres qui habitent notre globe. Ainfi , fous le nom de terre, on 
comprend aufli le détritus des végétaux & des animaux:enun mot, 
toute fubftance rerreufe & pulvétulente , de quelque nature qu’elle foir. 
On nomme terreau le mèlange de l’un & l’autre. Pour ce qui eft de la 
terre quartzeufe, nous avons dit précédemment qu’elle ne fe srouvoit 
jamais fous une véritable forme terreufe ; que fa nature mème ne fem- 
bloit pas comporter cet étai ; en un mor, que la forme fous laquelle 
nous l'avons, eft la fableufe. Mais comme en cet état, elle joue un grand 
rôle dans la végétation, & qu’elle fe trouve très communément , nous 
en parlerons en décrivant les autres terres. 

1°. Nous comprenons fous le nom de terre fimple, les argilles, la 
craie & la magnélie ; cependant,ces rerres ne fe trouvent pas abfolument 
pures. Ce n’elt que par comparaifon que nous les nommons fimples. La 
craie examinée avec l’eau forte , ou diffoute par cet acide, laiffe fouvenc 
une’ portion fableufe , & donne prefque toujours en même-tems une 
portion ferrugineufe qui s’y décèle par la lefive du bleu de Pruffe. Les 
argilles ; Attaquées par l'acide vitriolique , donnent pareillement une por- 
tion hétérogène qui ef fableufe, & fouvent une autre qui eft ferrugineufe. 
Pour la terre de magnéfie ou du fel d’epfom, c’eft celle que j'ai trouvée 
jufqu’ici la moins pure. Elle eft le plus fouvent confondue avec la terre 
argilleufe dans les chytes, La plus pure que jaie trouvée, ou plutôt la plus 
abondante , c’eft dans les enveloppes de la mine de charbon de Littry en 
Bafle-Normandie. Certe rerre donne , après avoir été grillée, du fel 
d’epfom; preuve qu'ilexifte dans certe terre du foufre. On y apperçoit en 
effet cerre fubitance dans le grillage; elle vient s'attacher aux corps froids 
qu’elle rencontre, 

Si on peur établir quelque divifion parmi ce cahos de terres compo- 
fées, ce fera de cette manière (1): 1%. les terrres graffes , franches ou 


terre s'y démontre très-fenfiblement. M. Brandt l'y a reconnue, comme on peut le 
voir dans les Mémoires de l'Académie Royale de Suède, année 1756, aufli-bien que 
l'Auteur du Traité des Eaux minérales, 

(rt) Nous ne croyons pas devoir nous arrêter à la divifion des terres faires par plu- 


r 1774 SEPTEMBRE. Zi 


So OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


argilleufes ; elles font un mêlange de fable ou de débris de toutes fortes 
de roches, avec un limon végétal ou animal, & fouvent avec de la terre 
calcaire. C’eft, à proprement parler, la terre qu'on appelle serreau , & 
celle qui fait la plus grande partie de la croûte de la terre ; fes variétés 
font infinies. En certains endroits, elles fe trouvent plus argilleufes, & 
en d’autres, plus fableufes (1) ;, ou plus abondantes en humus. La terre 
des jardins & des prés eft fort différente de celle des champs arides. 
C’eft par ces mêlanges & les proportions différentes de ces verres, qu’elles 
font fi différentes les unes des autres. Li, elles font liantes & toujours 
humedtées par rapport à leur Awmus ; ici, elles font sèches & arides, 
par l'abondance de fable. Si vous voulez examiner un terreau , 
délayez-en à grande eau ; verfez par inclination , felon qu'il con- 
vient, il vous reftera un fable pur ; verfez fur ce fable de l’eau-forte , 
étendue dans de l’eau ; s’ily a des parcelles calcaires, vous les emporte- 
rez. Apiflez de mème à l’égard du dépôt que vous aurez obrenu du lavage ; 
ce qui appartiendra au quartz feul reftera en arrière , ainfi que ce qui 
appartiendra à l’hamus, ou à l’argille, reftera dans le dépôt. Vous pourrez 
obtenir enfuite, au moyen de l’alkali fixe , la terre calcaire que vous 
aurez diffoute. 


20, Nousavons les marnes qui font toujours des mélanges d’argilles & : 


de terre calcaire ; c’eft ce que tous les Minéralogiftes & Agriculteurs 
favent aujourd’hui : les proportions différentes de ces terres en font des 
variétés infinies. La chaux de fer qui s’y trouve très-fouvent, y apporte 
aufli beaucoup de variétés ; mais une chofe qui n’eft pas fue de tout le 
monde, eft que la magnéfie fe trouve très-fouvent dans les marnes. Cette 
rerre s’y décèle , ainfi que la terre argille, par l’acide vitriolique. Elle 
forme avec cet acide le fel d’epfom & la terre-argille l’alun. Lorfque la 
terre calcaire abonde dans les marnes , elles fait effervefcence avec les 
acides. Les marnes qui font dures & folides fe délitent la plupart du 
tems; elles abforbent l'humidité de l'air, fe gonflent & fe divifent : 
d’autres , au contraire , fe raffermiflent ; & ce font celles qui font abon- 
dantes en craie. On doit rapporter à ces terres certaines terres à foulon , 
qui ne diffèrent des marnes ordinaires, que parcequ’elles abondent plus 


fieurs Minéralogiftes, parce qu'elle eft défetueufe; elle n’eft fondée que fur les formes 
& leur apparence extérieure, 

(1) Ileft bon de dire ici, que par terre argilleufe on ne défigne pas toujours une 
véritable argille. Une terre grafle eft prefque toujours regardée où nommée arpille par 
le commun du monde. A la vérité, on découvre dans ces fortes de terres de la véritable 
argille; c'eft ce qui a fait croire à quelques. Minéralogiftes, que la terre graffe où 
l'humus fe change en une véritable aroille par le laps du tems, & que celle même 
que nous trouvons arrangée dans l'intérieur de la rérre , n’a pas d'autre origine ; mais 
c'eft ce qui ne peut fe concevoit fans fuppofer une révolution dans laquelle l'eau les 
auroit dépofées, 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 18 


en terre argilleufe. D'autres terres à foulon doivent être rapportées aux 
aroilles proprement dites, comme n'étant que la même. 

30. Terres tuffacées. Cette forte de terre eft un mélange de fable fin 
& de craie. Je l'appelle suffacée , parce que je la regarde comme le desritus 
de cette pierre, ou comme cette pierre cerrifée : quelquefois on l'ap- 
pelle fablon fin, fur-tout , quand elle eft grenue ; elle ne fe trouve jamais 
qu’en amas, comme les marnes, mais elle eft plus rare que cette der- 
nière ; l'eau forte verfée deffus , diffout tout ce qui eft terre calcaire , & 
laiffe les parties fableufes pures. 

4°. Terres rourbeafes ou limoneufes. Cette terre qui eft noire & 
friable ne femble être autre chofe que le détritus immédiat des végé- 
taux & des animaux; c’eft, fi l’on veut , l’humus le plus pur. Elle eft 
quelquefois iflammable ; elle répand fouvent une odeur d'œuf cuir : fa 
fituation ordinaire eft dans les anciens fonds de marais, 

s°. Terres bolaires. Sous cette dénomination nous comprenons tou- 
tes les terres argilleufes mélangées avec du fable & de la chaux de fer. 
Les variétés de cette verre font immenfes. Elles font reconnoiffables , 
non-feulement à leur couleur rougeätre , mais encore , parce qu’elles 
abforbent l'humidité très-promptement , & qu’elles répandent une 
odeur particulière, qu'on nomme communément odeur d’argille. 
Ce qu'il y a de plus remarquable en elles, c'eft qu’elles font les plus 
réfractaires des terres ; elles font dures au toucher, & hapent la lan- 
gue. Plufeurs obfervations nous portent à croire qu’elles n’ont pas la 
mème origine que les terres arsilleufes ordinaires. C’eft à certe ef- 
pèce de terre qu'il faut rapporter les terres ochreufes, les verres à 
four , &c. 

6°, Terres à porcelaines , nommées autrement kaolin. Nous n’enten- 
dons parier ici que de celles qui font vifiblement compofées de diffé- 
rentes parties ; car il y en a une autre efpèce, qui femble être ho- 
mogène , & qui doit être rapportée à l’argille, comme étant de même 
nature, Celle dont nous parlons ici femble être de la mème efpèce 
que le talc ou mica ; elle eft mêlée fouvent avec du fable ou quartz, 
& des grains de feld - fpath. Elle fe trouve fous la croûte du terreau , 
dans les lieux graniteux : c’eft à proprement parler la terre de mon- 
tagne ou des lieux anciens. 

Voilà , je crois, les femles efpèces de terres compofées qui méritent 
d’être remarquées. Elles fe diftinguent aufli de cette immenfité de terres 
dans lefquelles elles fe trouvent. En un mor, elles font bande à part , 
foic en formant des couches ou des amas. Mais remarquons que ces 
terres peuvent fe trouver difperfées & mélangées enfemble ; alors , 
elles doivent être comprifes fous la dénomination de terreau , comme 
nous l'avons dit précédemment, 


1774 SEPTEMBRE. 


182 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


TR OT S JE ME PAS ROME 


Effets des terres dans la végétation ; quelles font les qualités qu’elles 
doivent avoir pour la prodution des yépéraux ? 


Ne s avons à combattre ici les erreurs & les préjugés qui fe font 
accrédités fur la caufe de la végétation. La plupart de nos Agronomes 
très peu inftruits en hiftoire naturelle , ont parlé fi obfcurément fur 
cette matière, qu'on n'a pas été toujours en état de développer leur 
facon de penfer à cet égard. Tout ce qu'on fait de poñitif, eft que 
quelques Naturaliftes ont fait entendre que la végétation étoit due à 
des prétendus fucs de la terre. Cette explication , comme nous le 
verrons, fi elle n’eft pas exacte, n’eft pas non plus contradictoire. Mais 
celle des Chymiftes, qui fuppofe le paffage des fubftances rerreufes 
dans les plantes , n’eft elle pas vifiblement contre la raifon & l’expé- 
rience ? Où a-t-on vu la preuve que la terre , quelque divifée qu’elle 
foit , puille s’introduire dans la fubftance des plantes ? Quand on fup- 
poferoit même une diffolution exacte de la terre dans l’eau, on n’en 
feroit pas plus avancé; car nous verrons que les fels mêmes n’y font 
point admis. Mais a-t-on feulement examiné le fuc des plantes, pour 
voir fi on y découvriroit les parties dans lefquelles les plantes fe nour- 
rilfenr? C’étoit pourtant le premier pas qu'il falloit faire avant de fonder 
cette opinion. Mais les opinions , comme on fait, n'attendent pas 
l'expérience pour prendre faveur. C’eft ainfi pourtant qu'on fpécule, 
c'elt à-dire, fans fondement. Mais il me femble que nous avançons vers 
un tems où l'on ne doive plus fe payer de raifonnement. Nous fommes 
au contraire, près de celui où l’on fe fera un devoir d’arracher le bandeau 
des préjugés: Nous l’arracherons ce bandeau dans la circonftance préfente. 
Nous difons donc, d’après l'expérience, (& Valérius) que les plantes 
n'admettent, & ne peuvent admettre que de l'eau pure; qu'aucune terre 
ne peut s’infinuer dans les plantes ; qu'il n’y a que l’eau feule; & que 
la nature, la fage nature fait le refte. La nature caractérife & conititue 
la plante fur le modèle qu’elle s’eft tracé dans la femence; la matière 
qu’elle emploie pour cela, c’eft l’eau (1 ). Silla nourriture des plantes 
ou la fubitance, &c. qui les conititue, étoit en raïfon des ter- 


(1) Il eft inutile de rapporter les expériences de Vanhelmont,, qui font fuffammene 
connues ; mais ce qui femble meriter une attention particulière , eft Ja formation des 
êtres dans les plantes. On ne peut méconnoître en cela une nature continuellemeng 
avillante, & qui cft occupée fans cefle à former ou à décruire, 


SURVIHISTUNATURELLENETLES ARTS: 19% 


reins où elles fe nourriffent ; il feroit poffible de faire paffer à volonté , 
dans les plantes , telle rerre ou fel qu’il nous plairoir. Mais on a beau 
planter de la bourrache & de la pariéraire dans les terreins privés 
de falpètre , ces plantes n’en contiendront pas moins la quantité qu'elles 
ont coutume de donner de ce fel; ou elles dégénèrent, & feront dans 
un état de langueur. Au contraire, qu’on élève ces plantes dans un 
terrein rempli de ce fel, elles n’en contiendront pas plus que fi elles 
avoient éré élevées ailleurs. Les vareck, dont on fait une efpèce de foude 
en Balfe-Normardie, ne contiennent pasun atôme de fel aikali minéral; 
cependant, ils ont la mème nourriture que les kalis fur les bords de la mer 
méditerranée , mais ils contiennent du tartre vitrioléques les kalis ne 
donnent pas. Il eft vrai qu'on nous allure que du kali tranfporté fur nos 
Côtes feptentrionales, n'y a pas produit de l’alkali minéral. On con- 
vient en même-tems qu'ily a dégénéré, ou pour mieux dire, que 
cette plante s’y eft dénaturée. Cette obfervation, & plufieurs autres 
du même genre, ne font pas contraires à ce que nous difons ; cependanr, 
elles font la preuve que la végétation dépend beaucoup du climat ; 
que la produétion des plantes , ainfi que’ des animaux , eft relative 
à la nature du fol & à la température des lieux (1). Le caractère des 
terres diffère aufli , felon leur fituation (2). Telles font les obfer- 
vations qu'auroient dû faire nos Agronomes , pour raifonner 
conféquemment fur leur objer. Ils auroient fans doute apperçu qu'ils 
faifoient très-mal à-propos rapporter aux terres ce qui n'étoir fouvenr 
que l’effec du climar. Ils auroient apperçu vraifemblablement l'inutilité 
de leurs préceptes généraux fur l'Agriculture. De ces principes, découle 
néceffairement une multitude de conféquences toutes oppoféesaux ufages 
établis , ou aux opinions reçues. L’inftiné&t feul du Culrivateur a plus 
fait, quand il s’eft réglé felon le lieu où il s’eft trouvé, que toutes les 
inftruétions qu’il a pu apporter d’ailleurs. Ici, la terre exige d’être dif- 
pofée de telle manière ; là , elle doit l'être d'une autre façon. 
J'efpere de n'être pas démenti par les Praticiens & les vrais Obferva- 
teurs. Je fais combien il en a coûté à divers Cultivateurs , pour 


(1) Perfonne n'ignore l’efpèce de métamorphofe qu'ont fubi les animaux & les 

- plantes qu'on à tranfportés à l'Amérique. Les perfonnes qui feroient curieufes de 

voir des exemples de ces changemens, peuvent confulter le premier volume des Rechet- 

ches philofophiques fur les Américains. La dégradation des êtres n'eft pas d’ailleurs 

due , comme le penfe cet Auteur , aux influences prétendues malignes du climat , mais 
à fa nature propre, 

(2) I ne faut que peu d'attention pour appercevoir la vérité de ce que nous difons. 
On n'a qu'à jerter les yeux fur plufieurs plaines dont le terreau eft le même , on verra 
que leurs produétions font différentes , felon l'éloignement ou le degré de latitude : 
on verra que la hauteur & l'abaiffement apportent auffi de grands changemens dans les 


cfpèces végétales, 
1774. SEPTEMBRE. 


184 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


s'être livrés inconfidérément aux nouvelles fpéculations ; je fais encore 
que , revenant à l'expérience de leur climat , ils ont appris à fe méfier 
des fyftèmes de nos agronomes. 

Ne devons-nous pas conclure , d’après ce que nous avançons , qu'on 
doit fe conduire felon le lieu où l’on eft; que l’on doit étudier la meïl- 
leure pratique qui lui convient ; que la production des plantes 
ne dépend pas abfolument de la nature des terres où elles croif- 
fent, mais encore de l’état de l'air qu’elles refpirent , & de fa 
température. e à : L ". 

Jufqu’ici nous n'avons rien dit du grand moteur de la végération , je 
veux dire de l’eau. Sans elle , il n’y. a point de végétation; fans elle, 
tout languit & périt : en un mot, l’eau eft l'aliment unique des plantes ; 
mais pour leur bien-être & leur accroifflement, elles onr befoin du con- 
cours de l'air ; c’eft ce qui eft déja connu de quelques Phyficiens, mais 
ignoré de nos Agriculteurs, à qui cependant , cette connoïflance eft 
très-importante. 

Quel eft donc l’effer des terres dans la végétation ? Nous répondons 
que c’eftde difpofer , d’une manière convenable , l'eau à s’infinuer dans 
les planes, de leur donner une bafe fondamentale , de les appuyer ou 
de les maintenir. 

Laterre , pour être propre à cet effet , doit être difpofée de plufeurs 
manières , felon les genres des plantes qu’elle doit nourrir; mais en géné- 
ral, en rapprochant nosidées de la queftion propofée , nous devons ob- 
ferver que la terre, pour être propre à la végétation des plantes ou à la 
produétion desgrains, doit ètre limoneufe , rare, ou divifée de façon 
que les foibles fibriles qui pouffent de la bafe de la plante , ne trouvent 
pas d’obftacle à s’érendre ou à fe dilater. La troifième qualité que la terre 
doit avoir , eft d’être toujours humectée : fans ces trois conditions , il 
n'y a point de végétation. Voilà pourquoi elle n’a pas lieu dans les 
efpèces de terres pures, telles que la craie & l’argille, parce que leurs 

arties font ferrées & unies fortement les unes contre les autres, & 
qu'elles forment un tout enfemble. Mais fi vous les divifez, & que vous 
introduifiez dans ces terres un fable qui rompe leur aggrégation, alors 
elles deviendront propres à la végétation. 

Par ce principe on peut expliquer les variétés infinies qui fe remar- 
quent entre les différentes terres , par rapport à l’agriculture : Plus elles 
participeront des qualités défignées ci-deffus, plus elles y feront pro- 
pres; & plas au contraire elles s’en éloigneront, moins elles y feront 
bonnes. Joignons à tout ceci l'effet du climat, nous aurons les caufes 
cénérales de la diverfité des terres à cet égard. 

? Si du général nous defcendons au particulier, nous verrons que cha- 
ue plante préfente quelque différence dans fa végétation. Par exem- 
ple, il y en a qui exigent une plus gtande humectation les unes que les 
autres. 


#1 “4 


SUR LHIST. NATURBILE ET LES ARTS. 8 


autres, Quelques-unes peuvent croitre dans une malle d'eau, & les 
autres ne le peuvent que dans uneterre humeétée ; de-là vient que telle 
plante périt dans un lieu , & qu’elle profpère dans un autre. Joigne 
encore à cela l’état de l’athmofphère , vous trouverez toutes les différen- 
ces qui fe remarquent dans la produétion des plantes. Ces différences 
font fondées fur /eur allure particulière, fur la manière dont elles s’abreu- 
vent & dont elles refpirent. Mais combien de chofes ne nous refte-t-il 
pas à découvrir fur ce dernier objer ? Cependant, en nous renfermant 
dans notre fujer, nous trouverons que ces différences feront peu fenf- 
bles; car, par-tout où vous procurerez une divifion fuffifante aux terres, 
lorfque vous leur ferez acquérir les trois qualités dont nous avons 
parlé plus haut , par-tout vous ferez fruétifier les grains que vous y con- 
fierez, à moins que la pofition y foit contraire. Nous allons voir dans 
la quatrième partie la manière de rendre les cerres propres à la végéra- 
tion & à la production des grains. 


QUATRIEME PARTIE. 


Moyens de donner aux terres Les qualités néceffaires pour les rendre 
propres & la produétion des grains. 


Si toutes les terres dont nous avons fait l’énumération dans la fe- 
conde Partie , fe trouvent mélangées ou confondues, il en doit réful- 
ter néceffairement une terre propre à la production des grains ; car les 
conditions dont nous venons de parler s’y trouvent réunies. La terre ar- 
gilleufe , & la craie fur-tout , divifées l’une par l’autre , formeront 
un terreau très-propre à la végétation. Un tel terrein eft nommé marnane , 
parce que ces deux terres réunies enfemble forment une marne, C'eft 
par-là qu’on apprend pourquoi les marnes qu’on tranfporte fur les terres 
y produifent de fi bons effets ; vérité qui n’eft ignorée maintenant d’au- 
cun de nos Culrivateurs ; mais ce qu’ils ne favent pastous égalemenr, 
c’eft qu'il faut que ces terres foient encore mélangées avec le fable ; 
fans cela, elles fe durciroient , gêneroient les fibriles des racines 
des plantes, & ne préfenteroient pas d’ailleurs une bafe & un point d'ap- 
pui indifpenfable aux racines : en s’y appuyant, elles font au contraire en 
état de s'écarter & de fe répandre à droite & à gauche (1); il eft vrai 
que l’immenfité des débris des roches répandus par-tout , fupplée mer- 


(1) On voit la preuve de ce que nous difons dans es terres trop graffes qui font 
arides , & qui deviennent fertiles lorfqu'on y a répandu du fable , ou lorfque quelque 
débordement d'eau y en a amené accidentellement. 


Tome IV, Part. III. 1774. SEPTEMBRE. Aa 


” 


186 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


veilleufement à ce manque d’attention ; mais le plus grand avantage que 
le fable produit dans les terres, eft de tenir les parties graffes éloignées 
les unes desautres,& dé permettre par ce moyen à l'eau de s’infinuer par- 
tout. Si vous prenezun bonterreau, & que vous l’examiniez,vous le trou- 
verez compofé de la bonne moitié au moinsde fable ou débris derache. 

Les terres trop divifées font emportées aifémenc par l'eau, fur-tour, 
fi les terreins font en pente ; alors, le fable trop à nud ne fe trouve guères 
en état de fournir à la plante ou femence le fuc aqueux , puifqu'il ne 
fauroir le retenir lui-même. De-là vient la nécefité de renouveller les 
engrais ; & les engrais font tels qu'ils doivent être , capables de retenir 
l'eau, & de faireune efpèce de corpsavec la terre. La craie feule ne fauroit 
fuffire, parce qu’elle eft délayée trop aifément; mais joignez- y, en mêmes 
tems de l’argille, vous produirez l'effet que vous defirez, ou plutôt, 
mettez y de la marne naturelle, & vous réuflirez encore mieux. La pro- 
priété qu’elle a de fe déliter , feraencore une des caufes de ces grands 
effets. Si le rerrein eft plat, & que l’eau n'ait pas plus de cours par un 
côté que par l’autre , la cerre fine ne fera que précipitée ; alors, le feul 
labourage fuffic pour remédier à cet inconvénient , & pour remêler l’un 
avec l'autre, ou mettre les chofes en égalité. 

Je ne dois pas d’ailleurs m'arrêcer aux ufages ordinaires & déja fuf- 
famment connus de l’Agriculteur. L’académie n’exige pas, fans doute , 
l'expofñrion de ces faits , qu’elle connoît parfaitement ; telle eft encore 
la nécellité de renouveler les terres, ou de brifer le fol, & de l’at- 
ténuer. C’eft ce qu'on appelle rafraîchir, & avec fondement , puifqu’on 


détruic par-là , les plantes qui font contraires à la végétation des grains, 


parce qu’elles pompent l'humidité qui leur eft néceffaire ( 1). 

Mais l’effer que nous voyons produire à ces terres peut avoir égale- 
ment lieu avec toutes autres matières douces des mêmes qualités. Cet 
effet eft de remplir lestrop grands intervalles que laiflent les parties 
folides entr'elles. Les détricus des plantes & des animaux font en effer 
reconnus comme les meilleurs engrais qu’on puiffe donner aux plantes. 
1! paroîr que c’eft celui qu’on a employé de tout tems (2). Nous ne nous 
y arrêterons pas, parce que tour ce que nous en dirions , eft connu; & 


ET ——"—. 


(1) Leur influence extérieure leur eft d'ailleurs nuifible. On voit auffi la mêmechofe 
dans le voifinage des arbres ou arbuftes ; c'eft le plus qui attire ce qui convient au 
moins. On ne peut pas douter qu'il n'y ait une forte d’attraétion qui détermine 
l'eau & l’air à fe porter par préférence vers le plus que vers le moins. Quand les 
plantes font d'égale force, elles fe nuifent naturellement. ù 

(2) Il y a tour lieu de croire que la Coutume qu'avoient les Anciens, de répandre à 
la furface des terres leurs immondices, leur a donné occafion d'appercevoir, qu'a 
l'endroit où il s’en trouvoit, leur végétation étoir plus vigoureufe , & que les plantes 
y croifloient avec facilité. Les cimetières pourroient bien auffi avoir fervi d'exemple. 
On voir par-là, que rien n'eft inutile ou perdu. 


| 


‘ 


SUR l’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 197 


nous continuerons à détailler feulement les principes fur lefquels eft 
fondée la théorie de l'Agriculture. 

Suppofons donc que nous ayons à compofer un rerreau propre à la 
produétion des grains ; nous prendrons trois parties de fable fin, une 
partie de plantes bien pourries ; nous mêlerons le tout enfemble 
avec de l'eau, & nous fommes affurés que ce rerreau ferapropre à la 
végétation des grains, Mais, comme il eft très-difficile de trouver du 


fumier rellement pourri qu'il pniffe tout de fuire remplir les incervalles 


du fable , nous.y fubititueronsune partie d’argille fine & deux de craie, 
ou bien nous prendrons une marne , que nous mélerons à partie égale 
avec du fable. Nous fommes encore affürés que ces rerreaux feront pro- 
pres à la production des grains, parce qu'ils auront les qualités requifes 
pour leur nourriture. Ainfi, c’eft fur ces principes qu'il faut examiner la 
terre de votrechamp, & yajouter, d’après cela, ce qui y paroïîtra nécef- 
faire. Enefter, d’après ces principes, nous croyons qu'il ne fera pas dif 
ficile de reconnoître les moyens qui conviendront le mieux à l'amende 
ment d'un terrein. Eft- il trop fablonneux ou trop dépouillé des parties 
fines dont nous parlons ? ajoutez-y du fumier où de la marne (1). Eft-il 
au=contraire trop gras ? ajoutez-y du fable; mêlez le rout par le labou- 
rage ;en un mot, formez-en un terreau qui foit tel qu'il ne fe defsèche 
pas aifémenr ; qu’il conferve au contraire, l'humidité le plus long tems 
poffible , & que d’un autre côté, il réfifte affez au pañlage de l’eau 
pour l'empêcher de dégrader ce qui entoure la racine. Par-rout où 
l'on pourra produire l'effet dont nous parlons , on fera en état de 
tirer le plus grand avantage poflible de la terre ; mais beaucoup 
de rerreins , & fur-tout certains bas-fonds font cels qu'ils n’ont befoin 
que d'être remués , pour être propres à la culture des grains (2), parce 
qu'ils ont aflez de parties fines ; mais ces parties fines ont été fouvent 
enfouies au-deffous de la croûte de la terre, & ont laillé les parties 
fableufes trop nues à la furface. Pour remédier à cet inconvénient , doit- 
on fe contenter de fuperficiels labourages ? non , fans doute : il faudroit 
imaginer un inftrument qui pénérrât plus avant dans les terreins , & qui 
fût capable d'amener les terres fines à la furface. L'ancienne manière de 


(x) Le fumier , que quelques-uns s'imaginent être le meilleur engrais des terres, n'y 
eft cependant propre qu'à raifon des parties fines qu'il produit; ou, en un mot, de 
l'efpèce de terreau qu'il compofe avec le fable ; aufli, fon effet n’eft-il fenfible qu'après 
avoir été aflez arténué dans les travaux des terres. C’eft pour cela que la bonne marne 
convient beaucoup mieux , fur-tout quand on veut jouir du fruit de fes peines dans 
la même annéc. La marne , comme nous l'avons déja dit, en s'efleuriffant , fe mêle 
promptement avec le fable. 

(2) Toutes les plaines en bas-fonds ont reçu & reçoivent encore par les eaux les 
parties les plus fines des terres; aufli beaucoup de ces terreins n'exigent-ils aucune 


forte d'engrais. 
1774. SEPTEMBRE. Aa 2 


188 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


\ 2°5 N'a t HU LL - ONU OMR PAR PERFIU 


remuer la terre, je veux dire, par la bèche qui eft encore en ufage dans 
quelques cantons de nos Provinces méridionales , feroit un très-bo 
moyen, s’il n’étoit pas fi difpendieux. C’eft au refte, ce que les mA 
leurs de nos Agronomes ont obfervé avant moi; ilsont vuen 
tems que ce n'éroit que par là qu'on pouvoit parvenir à ronge entiè- 
rement l’adhérence des plantes parafires à la terre, & qui pértenc un fi 
grand préjudice à la produétion des grains. Ni ir 
Mais , une chofe effenrielle à obferver, eft que les terres Maillées 
pendant un certain tems, deviennent propres à la production des grains ; 
pourquoi cela ? C’eft qu’il fe forme continuellement un terrein fin de la 
deftrucion des plantes, de l’affemblage mème des eaux qui, ne pouvant 
pénétrer aifément la croûte de la terre , le dépofe à fa furface. De-là , 
on conçoit aifément pourquoi les roches les plus pelées & les montagnes 
les plus arides, pourvu qu'elles ne foient pas trop expofées aux ra- 
vages de l’eau , font après un certain tems en étar de produire 
du grain; c'eft à caufe du terreau qui s'y eft formé (1). Mais 
1] faut que ces roches foient dures, folides & continues, & qu'elles 
ne foient pas fujettes au délaiement ou à la détérioration (2). Nous en 
voyons la preuve par les montagnes fertiles de Sainte-Marie aux-Mi- 


(1) Nous avons une infinité d'exemples qui prouvent ce que nous avançons. On 
n’a qu'à voir l’état où fe trouvent maintenant les anciennes ouvertures ou déblais de 
Sainte Marie-aux-Mines, placés fur de très-hautes montagnes , & {ur leur penchant, 
pour fe convaincre de ce que nous dilons. J'ai remarqué en certains endroits plus de 
trois pieds d'épaifleur d'un excellent terreau. M. Délius , Affeffeur des Mines de Hon- 
grie , vient encore à notre appui, par la defcriprion qu'il fait dans fa Differtation 
Allemande , fur l'origine des montagnes & des mines de fa Tranfilvanie , page 73. 
31 parle d’un puits qui avoir été abandonné depuis environ fix cens ans, & dont l'ori- 
fice fe trouvoic enfoncé de fix pieds fous le terreau , & couvert d’atbuftes, quoique 
fur le fommer d’une des plus hautes montagnes, & expofé par conféquent aux dégra- 
dations continuelles des eaux. 


(2) Pour n'avoir pas aflez diftingué la nature des montagnes, quelques Obferva- 
teurs fonc combés dans une grande méprife à l'égard de la dégradation des montagnes 
qu'ils ont regardée comme générale. Les obfervations que nous venons de faire dans 
Ja note precédente , peuvent fervir à relever ces erreurs, & faire voir combien ces 
Obfervareurs font mal-fondés à généralifer ainfi leurs idées. Nous ferons obferver ici 
qu'il y a effectivement des montagnes fujettes aux dégradations, tant intérieures 
qu'extérieures ; mais ces montagnes font du nombre de celles que nous nommons acci- 
dentelles ou formées du débris des terreins & des roches. Les montagnes volcanifées 
d'Auvergne, qui font les premières qui aient fourni à nos Naturalilles François ces 
obfervarions , font de ce nombre. Ces montagnes diminuent infenfiblement; & on en 
a conclu mal-à-propos qu'il en étoit de même de toutes les autres montagnes; mais il 
s'en faut bien que les montagnes primivives , & compofées de granit, diminuent. Il 
eft démontré au contraire par ces faits, qu’elles augmentent par le terreau qui s'y 
forme. C'eft aufi par cette addition que la rerre entière augmente & groflit infenfi- 
blement, Que font devenues les ruines de tant de Villes qui ont difparu de la furface 
de la terre? Elles ontété furmonrées par les cerreaux, 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 189 


nes & de la Bohème. Examinez-en le terreau; vous le trouverez com- 
pofé uniquement de fable fin, & d’un limon provenant de la deftruc- 
tion des plantes. Aufli, ce terreau eft-il très-propre à produire toutes for- 
tes de grains, & fur-tout le froment, pourvu qu’il ne foit pas expofé 
dansune région très-élevée. Le chanvre vient mieux dans les bas-fonds , 
parce qu'il exige beaucoup plus d’eau. Il faut en un mot dans rout ceci 
confidérer l'allure des plantes : à la vérité, c’eft une fcience particulière 
très-étendue , & malheureufement trop peu avancée ; mais fans elle, 
nous difons hardiment , qu'on ne parviendra jamais à une véritable 
théorie de l’agriculture. 

Ce qui nous refte à difcuter , porte fur des confidérations particulières 
touchant le principe que nous venons d'établir ; favoir, qu'il faut qu'il 
fubfifte toujours une proportion jufte entre le fable & le limon fin, pour 
faire un beau terreau, & propre à la production des grains ; par-là , on 
verra combien de fautes on commet , lorfqu'on accable les terres de 
cendre , & autres terres de même nature , dont chaque partie demeure 
ifolée. De cerre manière, on dénature le terreau , & on le rend peu 
propre à la végération : par cette raifon , nous n’approuvons pas la 
réduction annuelle des plantes en cendres , fi ce terreau ne le com- 
porte pas, c’eft-à-dire , s'il n’eft pas fablonneux & argilleux ; mais s'il 
eft tel, nous ne pouvons pas nier que cette méthode ne lui foit très- 
avantageufe. La cendre y produira l'effet convenable, c’eft-à-dire , la 
légéreté ou porofité néceffaire , fans rompre abfolument la forte adhé- 
rence que les parties de rerres doivent avoirenfemble , pour ètre propres 
à la végétation des grains. La craie feroit la même chofe , & il 
en faudroit moins. 

Enfin , la dernière obfervarion qui nous refte à faire, eft à l'égard 
des terreins gypfeux ou plâtreux. On voit par-tour à regret , qu’ils font de 
nature infructifiable , & qu'ils :ne produifent qu’autant qu'il fe formeun 
terreau particulier à leur furface. Qui que-ce-foit jufqu'icine s’eftaviféd'en 
chercher la caufe , qu'on peur peut-être expliquer , en difant quele gyps, 
en qualité de fel, s'empare de l'eau, & l'empêche de paller dans les 
plantes. C’eft vraifemblablement par la même raifon qu'on peut expli- 
quer pourquoi les terreins falés & vitrioliques ne font pas propres à la 
produétion des grains. Il eft vrai qu'il exiftoit autrefois un préjugé qui 
perfuadoir que le fel marin & le falpètre éroient propres à la produétion 
des grains ; mais aujourd’hui la plus faine partie de nos Agriculteurs fonc 
revenus de cette erreur. 

Les rerreins extrèmement argilleux font abfolument arides & inha- 
biles à la végétation des grains. Leur confiftance en eft la caufe ; il leuc 
faut , comme nous l’avons dit précédemment , du fable & de la craie : 1l 
ail encore quelques années de labour, pour bien mêler l'un avec 

autre. 


1774 SEPTEMBRE. 


199 OBSERVATIONS SUR IA PHYSIQUE, 

Au refte , on fait déjà qu'à un terrein purement marneux il faut y 
ajouter du fable fin dans la proportion convenable. Nous finirons ces 
préceptes généraux, en difant que l'expérience formera le Praticien & 
le vrai Cultivateur, s’il a l'attention de fe conformer à la nature de 
fon terrein. 


6 A pe NES SA A at A 


Prononcé le 29 Mai 1774, par M. DuraAnpe, Médecin, 
pour l’ouverture du Cours botanique ; 


Dans le Sallon du Jardin des Plantes , donné à l’Académie de Dijon 
par M. LEGOUT DE GERLAN. 


Mises l’établiffement le plus avantageux ne fe forme ordinaire- 
ment que par degré. Il effuie des contradictions , & n’eft enfin accueilli 
qu'après avoir lutté long-tems contre les doures que l'on élève fur fon 
utilité ; le rems feul peut éclairer les hommes fur leurs véritables inté- 
rêts. Mais , à peine l’étude de la Botanique eft-elle propofée dans cerre 
Province , qu'une École qui, par fes fuccès, a déjà réuni tous les fuf- 
frages, concourt à y établir cerre fcience. À peineun Jardineft-il achevé, 
qu'on y épie les mouvemens & les actions de la nature , qu’on y recon- 
noît dans les plantes des propriétés utiles à la confervation des Citoyens, 
qu'on parvient à naturalifer des végétaux intéreffans , & à faire jouir le 
Public d’une partie des avantages attachés à leur connoiffance. Le récit 
de ces faits devient l'éloge du Citoyen généreux, ami des hommes & des 
fciences, qui fut fi bien choifir les moyens de fervir fa patrie : il tourne 
à la louange du pays qui femble s’emprefler à témoigner fa reconnoif- 
fance par l’accueil qu'il fait à cet établiffement. François premier aïma 
& cultiva les Plantes. Pierre Belon rapporta, au retour de fes voyages, 
plufeurs arbres & arbriffeaux curieux. Le jardin de Henri IV fut orné 
des végétaux les plus rares ; & ce fur feulemen ent 1626 que M. de la 
Broffe , Médecin ordinaire du Roi, obtint l’établiffement du Jardin de 
Botanique au Fauxbourg Saint-Victor : il en fit imprimer le catalogue en 
1636; enfin Vefpañen Robin, célèbre Botanifte, y fit, en 1640, des 
démonftrations publiques. Telle eft la lenteur, avec laquelle s’eft faic 
l'établiffement de ce Jardin qui aujourd’hui, fous la direction d’un de 
nos illuftres Concitoyens, fecondé par MM. de Jufieu & le Monier, eft 
parvenu au plus haut point de célébrité. 

Rudbeck; célèbre Botanilte Suédois, rapporta de Hollande un grand 
nombre de plantes utiles ou curieufes, des morceaux intéreffans d'Hif- 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 191 


toire naturelle. Il convoqua, par un Programme imprimé, tous les Cu- 
tieux qui voudroient profrer de fes richeffes ; il s’offrit à les montrer , 
à en faire l’hiftoire; mais il ne fe préfenta qu’une ou deux perfonnes. Le 
Botanifte ne fe dégoûra point ; il forma un Jardin, y établit des démonf- 
trations ; peu à-peu, on s’accoutuma à l'entendre ; enfin le Roi accueillit 
cette entreprife: ce Jardin s’aggrandit ; il eft devenu un lieu de délices, 
fous la direétion du célèbre Linné; & la Suède, malgré la rigueur de 
fon climat, s’eft illuftrée par fes connoiffances & fes découvertes dans 
l'Hifoire naturelle & Ta Boranique ; mais cet établiffement eut befoin , 
dans fon origine, d’être foutenu par le zèle infatigable de Rudbeck, 
qui lutra long-tems contre les préjugés & contre les efforts d’une cri- 
tique peu éclairée. 

A peine, dans cette Ville , le projet d’établir la Botanique eft-il formé, 
que des bâtimens utiles & agréables fe trouvent élevés comme par en- 
chantement ;-que les plantes indigènes & les végétaux étrangers croiflenc 
fur un fol.qui ne produifoit que des graines ; que des perfonnes diftin- 
guées par le rang qu’elles occupent dans l’ordre des Citoyens , & recom- 
mandables par leurs fuccès dans d’autres fciences ; que de jeunes Ecclé- 
fiaftiques, jaloux d'étudier la nature , & de fe rendre un jour utiles à 
leurs Paroifliens ; que ceux enfin dont l’état exige la connoiflance des 
plantes, femblent, par leur concours, vouloir ranimer l'amour de 
l'étude dans l'ame même de leur Démonftrateur , auquel d’autres occu- 
pations avoient fait perdre de vue la Botanique. , 

Un établiffement déjà formé dans ce pays, fous les aufpices d’un 
Prince qui, non content d’avoir, pendant les guerres dernières, arraché 
les lauriers des mains même d’un jeune Héros que fa valeur rendoir fi 
formidable , s'illuftre de plus en plus par la protection qu’il accorde aux 
Sciences : l'Ecole où , fous la direétion d'un Maître habile , on apprend 
aujourd’hui l’art intéreffant du Deflin & de la Peinture, concourt déja 
à l'avancement de la Botanique , dont elle recevra mutuellement des 
fecours. Tant il eft vrai que toutes les fciences tiennent l’une à l’autre ; 
qu’elles fe prêtent des fecours mutuels; qu’un érabliffement déjà formé 
eft prefque un garant du fuccès d’un autre; que les êtres bienfaifans qui 
s'occupent des moyens de rendre les hommes meilleurs & plus heureux, 
en les éclairant, font fujets à fe rencontrer dans leurs vues, même lorf- 
qu'ils femblent dirigés par les motifs les plus oppofés. 

Le Peintre, s’il fe livre trop à fon imagination , eft fujet à s’égarer, 
à réunir dans un mème tableau des êtres bizarres, difformes, mal-aflor- 
tis. Il doit envifager la nature comme fon objet, la préfenter avec toutes 
fes graces, ou peindre fes défordres dans toutes leurs horreurs. Ses licen- 
ces ne font pardonnables qu'autan: que, fans pouvoir être apperçues, 
elles embelliffent fon Tableau. C'’eft donc dans l'étude des premiers 


ouvrages de la nature , qu'il puife le vrai goût ; ce fur aufli dans 
1774. SEPTEMBRE. 


192 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


l'intention de rendre aux Peintres certe étude facile, qu’on accueillit 
d’abord la Boranique à Paris. L’utilité de cette fcience , relativemenr 
à l'avancement du deflin & de la peinture, fut le point de vue fous lequel 
on l’envifagea : c'eft encore celui fous lequel lenvifagent en partie les 
perfonnes éclairées qui travaillent à former à Lyon un établiffemenc 
femblable à celui dont notre Ville a l'avantage de jouir aujourd’hui. 

Si la Botanique offre à la Peinture des objets dignes de l’occuper , 
celle-ci , à fon tour , rend à la Botanique les fervices les plus impor- 
tans. Elle nous montre le port des plantes, leur figure , leur firuation , la 
difpolition de leurs parties , toutes chofes qu'il eft impoflible de rendre 
affez précifément dans des defcriptions. Ces dernieres portent prin- 
cipalement fur des circonftances que le deflin ne peut exprimer ; telles 
qu'une furface plus où moins douce ou polie, plus où moins rude 
ou velue ; elles indiquent la fubftance, la folidité , le lieu ou le climat 
natal, les vertus; &, jointes au deflin, elles nous donnent de la plante 
Fidée la plus complerte (1). 

M. Picarderle fils, qui , dans un âge encore tendre, par une fuite des 
difpoñtions naturelles , jointes à une heureufe éducation , réunit le goût 
des Sciences & des Arts, nous offre ici un exemple de ce que peut la 
Peinture unie à la Botanique. La grenadille qu’il a deffinée eft une plante 
de la Nouvelle Efpagne qui ne donne point dans ce pays fon fruit ; qu’elle 
réferve pour les Indiens. Elle ne foutient mème qu'avec peine la rigueur 
de nos frimats. Ce n’eft qu’en prenant foin de la mettre à une expofi- 
tion favorable , & de la couvrir pendant l’hyver , qu’on parvient à faire 
développer fa belle fleur. Cette eur mème n’a qu'une exiftence éphé- 
mère qui nous laiffe à peine le rems de la confidérer. Le jeune Bota- 
nifte met tout le monde en étar de la voir & de la contempler. La lévé- 
reré du pinceau, l’exaditude du Peintre; tout femble répondre à la 
beauté de l’objet qui lui a fervi de modèle. 

Il eft beau de peindre la nature, de la préfenter fous des points de 
vue toujours variés, toujours agréables & roujours inftruétifs ; mais com- 
bien fes ouvrages, qui font la gloire du Créateur , ne font-ils pas dignes 
de nos obfervations ! L’homme peut-il fe laffer d’admirer des merveilles 
que Ja nature ne fe lafe point de produire ? peut-il réfilter à ce goût de 
variété qu’elle infpire, & qui le porte fans ceffe à chercher des chofes 
nouvelles; quelquefois même à fe procurer avec des foins & des peines 
infinies des jouiffances aufli momentanées. que peu inftruétives ? Sans ce 
goût, portant toujours fes regards fur des objets qui ne varient point, ou 
qui fourniffent peu à fes réflexions , il devient mélancolique comme les 
peuples dela Laponie , ou tombe dans cer excès de fenfbilité puérile 
qui fait le malheur des gens oififs. 


(1) M, Adanfon, Famille des Plantes , Préface. 


di 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 193 


À peine, au contraire, l’homme eft:il initié dans les myfères de la 
Botanique , que la campagne s’anime & femble pour lui fe parer de fes 
plus beaux ornemens. Tantôr , elle offre à fes yeux des objets nouveaux 
qu'il compare, qu’il rapproche de ceux qu'il connoïc , & dont il finit 
aifément par trouver la dénomination, fe mettant ainfi, avec le fecours 

, - de fa raifon , au-deflus des quadrupèdes qui ne voient que la terre ou 
verte ou variée pat la couleur des Heurs , fans y rien diftinguer de plus; 
tantôt , il réfléchic fur le rerrein qui convient le mieux à une plante, fur 
les caufes qui la font croître fi communément dans fa patrie, fur les ref- 
fources que fes Concitoyens peuvent y trouver : d’autres fois, méditanc 
fur l’exiftence des végétaux , fur leur germination , fur les foins infinis 
que prend la nature pour en perpétuer la race , il voit l’enchaïînement & 
l'ordre des caufes fubalrernes , remonte à l'unité, à la fimplicité de la 
caufe première, & glorifie l’Etre fuprème dans fes ouvrages. Les forêts, 
les rivières, les ruifleaux , les eaux ftagnantes, les rochers les plus efcar- 
pés font pour lui de nouvelles occafons de s'inftruire & de méditer. Par- 
tout il obferve ; & c’eft par l’obfervation que l’homme parvient à reculer 
les bornes de fes connoiffances : il n’a fi fouvenc tort, que parce qu'il 
s’empreffe de raifonner avant d’avoir ramallé un nombre fufhfant d'ob- 
fervations pour étayer fes raifonnemens. C’eft en obfervant qu'il fe 
garantit d’une confiance trop aveugle dans fes fens & dans fa raifon, & 
qu'il apprend à fe mettre au-deflus d’une méfiance exceffive qui l’éloigne 
de la vérité. 

L'obfcurité déplaït à l’efprit comme aux yeux ; mais la découverte 
d’une vérité qui puilfe un jour éclairer les hommes , ou leur fervir , ré- 
pand toujours la joie dans l'ame de l’obfervateur paifble. Il ne peut que 
devenir meilleur en fe rendant plus heureux. Tel fut Le but des premiers 
fages de la Grèce, dans l’'inftitution de leurs études, plus dirigées à la 
connoiffance des chofes qu’à la perfection du langage : telles étoient 
celles de l’homme bienfaifant qui nous a procuré les moyens d'étudier 
la nature ; fes principes ne feront point infcrits fur le fable ; la fougue 
des paflions de la Jeunefle ne les anéantira point. M. Maret le fils en 
offre la preuve : déjà difpofé à obferver & à réfléchir dans l'âge de la dif- 
fipation , il a fuivi pendant le mois d’Août dernier le développement de 
la grenadille , avec les yeux d’un Naturalifte. 

D'abord, les feuilles du calice fe déploient avec un bruit qui imite un 
peu le mouvement d'une montre ; enfuire, deux des pétales de la fleur fe 
développent avec un petit bruit femblable, 8& en même-tems fort un 
ftigmare & une étamine dont l’anthère replié en dedans fe rejette au 
dehors, Une autre pétale fe détache avec le mème bruit, & aufli-tôc fort 
une autre étamine , & ainf fucceflivement ; les anthères femblent acqué- 
rit tout-à coup un accroiffement de près de deux lignes. Ce développe- 
ment fe fair environ à midi, & exige près de dix minutes: fur les quare 

Tome 1V°, Part, III. 1774, SEPTEMBRE, Bb 


594 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


ou cinq heures, les pétales de la fleur , ainfi que les découpures du calice 
font recourbées en dehors ; ils reftent dans cet état jufqu’au lendemain 
matin ; mais dès que le foleil vient à frapper cette fleur de fes rayons, 
les pétales fe redrelfent peu-à-peu , puis fe referment brufquement, pour 
ne plus s'ouvrir. Dans ce moment, les ftigmates font rapprochés , les 
étamines ont retourné leurs anthères; elles verfent la poufhière féminale : 
la fleur perd toute fa beauté; la phalène & le papillon perdent leurs aîles, 
& expirent bientôt après avoir affuré l’exiftence de leur poftérité. Dans 
le règne végétal, ainfi que dans le règne animal, Venus corrompt & 
épuife les forces. A la bafe de cette fleur eft une efpèce de réfervoir ou 
nectair qui contient un fuc d’une faveur agréable, & qui doit nous don- 
ner une idée du fruit de certe plante dont les Indiens font leurs délices. 

Les obfervations de M. Marer le fils, darent depuis le $ Août fucceffi- 
vement jufqu'au 17. On y lit communément , qu'a fept heures du matin 
le calice & les pétales de la fleur qui , la veille, éroient très-ouverts , for- 
ment une efpèce de foucoupe : c’eft le moment où les anthères verfenc 
leur pouflière féminale : aneufheures,la fleur eft abfolument fermée. Une 
autre fleur s'ouvre à onze heures ou à midi; mais le 8 , le tems fut 
nébuleux , la leur ne s'ouvrit qu’à trois heures après midi : elle fe ferma 
néanmoins, comme les autres , le lendemain matin. Le 9 , même tems; 
la fleur ne s’ouvrit qu’à deux heures, Le 14, il plut pendant la nuit, & 
la fleur qui s'étoit ouverte la veille , fe trouva totalement fermée à fept 
heures du matin. Le 1$ , la pluie dura tout le jour: aucune fleur ne s'é- 
panouit. Ainfi le fouci d'Afrique s'ouvre le matin , & fe ferme le foir , 
mais sil ne s'ouvre point, on eft für qu’il pleuvra dans la journée. 

M. Linné obferve que la Grenadille ne s'ouvre à Scockholm qu’à 
trois heures de l'après-midi , & fe ferme à fix heures du foir. Ici nous 
obfervons qu’elle s'ouvre à midi, & ne fe ferme que le lendemain : mais 
dans les jours nébuleux les leurs ne s'ouvrent qu'à deux ou trois heures 
de l'après-midi , & dès le matin elles fe trouvent abfolument fermées , 
tandis que fous un ciel ferein elles ne fe ferment qu'à neuf heures. La 
chaleur du climat , l’intempérie des faifons rendent le développement 
de cette plante plus tardif , & la referment plus promprement : le 

_ climat rude de la Suède eft fans doute la raifon qui ne lui permet qu'une 
exiftence fi courte. 

La Grenadille indique l’heure dans les jours fereins. Elle eft d’ailleurs 
du nombre des plantes folaires qui s'ouvrent plutôt ou plus tard , à raifon 
de l'ombre, de l'humidité ou de la fécherefle : mais elle ne fe referme 
point aux approches de la nuit, comme les fleurs de la dent de lion & 
de la pimprenelle. Il eft fingulier que certe fleur s'étant ouverte par le 
foleil , attende fon retour pour fe refermer ; ou plutôt, n’eft-ce point la 
chaleur du foleil qui doit opérer l’effufion de la poufñlière féminale , en 
nous prouvant combien la nature fe refufe avec peine aux opérations 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 195 


qu'elle a coutume de mettre en ufage fous un ciel favorable pour per- 
pétuer les individus ? 

Dans le Nord où la Grenadille eft plus contrariée par le climat, elle 
fe referme le foir , parce que l’effufon de la pouflière féminale n’a point 
lieu ; d’où l’on voit que l’on pourroit peut-être établir différens degrés 
de plantes étrangères ; celles qui donnent leurs Aeurs & leurs fruits ; 
celles dont les fruits ne parviennent pas à maturité ; celles qui répan- 
dent leur pouñlière fans féconder ; celles enfin qui n’ont qu’une exiftence 
momentanée fans aucune effufñon de pouffière féminale. 

On ne peut jamais, fans un nouvel étonnement , réfléchir fur les 
moyens multipliés que la nature met en ufage pour perpétuer les végé- 
taux. Chaque point d’une plante contient des germes de racines , de 
tiges , de branches, de feuilles , defleurs & defruits; de forte que file 
développement d'une partie eft empêché par quelque circonftance défa- 
vorable , la sève au-lieu de produire une mole, une monftruofiré, comme 
dans le règne animal , offre au-contraire à nos yeux une autre partie de 
la plante. C'eft une ligne de féparation que la nature femble avoir éta- 
blie entre les deux règnes. 

Ces accidens finguliers , qui tiennent plus ou moins à l'hifloire de la 
végétation, méritent donc que l’on en conferve le fouvenir. C’eft encore 
un fervice que la Peinture peut rendre à la Botanique; & c’eft aufli ce 
qu'a fait M. Picardet le fils. Il a peint un chardon à Bonnetier des 
Champs, trouvé fur le chemin d’Ahui; les lames pliées en goucrières , 
qui renferment les fleurs, n’étoient plus que de petits piquans étroits & 
pointus ; le calice étoit double, l'intérieur très-confidérable & découpé à 
fon fommet ; la corolle étoit renfermée dans ce fecond calice : elle con 
cenoit crois étamines & un piftil fingulièrement applati & avorté. Du 
milieu de la corolle s’élevoit un pédicule qui portoit quatre ou cinq 
touffes de petites feuilles , & qui n’étoit point , comme dans les plantes 
prolifères , une production du piftil ; il paroïc au contraire que celui-ci, 
pat fon defsèchement , s’étoit refufé à la fécondation. Ainfi le germea 
fourni certe produétion fingulière qui ne peut guères être attribuée à la 
furabondance des fucs, ou au terrein maigre où cette plante a été trou- 
vée; mais qui eft conforme aux loix de la nature , la végération n’étant 
arrètée que pour la fruétification. 

C'’eft en méditant fur les reffources de la nature pour la régénération 
des végétaux , qu'un Cultivateur induftrieux de certe Ville , ayant cou- 
ché en terre des branches de ropinambour , leur a fait prendre racine, & 
fournir enfuite des tubercules peu différens pour la groffeur de ceux dela 
principale racine. Ce n’eft donc pas feulement dans les tiges des arbres L 
dans celles qui doivent fubffter pendant l'hiver , que la nature diftribue 
des germes de toutes les parties du végétal ; elle en place encore dans 
les tiges & les branches qui , tous les ans, doivent périr & fe renouvel- 

1774, SEPTEMBRE. Bb 2 


* 


196  OBSERV ATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


ler. On prérend même que les branches du topinambour coupées & 
mifes en terre , poulfent évalement des racines & des rubercules : ces 
moyens de multiplier une plante qui fournit une nourriture agréable & 
faine , méritent coute l'attention des Cultivateurs. 

Il n’eft pas moins avantageux des’occuper des moyens propres à écarter 
les caufes qui peuvent détruire les végétaux ou leurs produétions. Les 
fourmis attaquent nos fruits, & d’ailleurs indiquent ordinairement la 
préfence des pucerons , autour defquels elles fe ramaffent pour fucer la 
liqueur mielleufe ou fucrée qui fort de ces derniers infectes. Le moyen 
de fe délivrer de ces ennemis des plantes & des fruits, fera donc une 
découverte utile à la végétation. Une perfonne de cetre Ville , dans le 
laboratoire où elle diftille des liqueurs , étant très-incommodée par les 
fourmis , s’avifa de mêler avec du miel une eau que l’on vend à Dijon, 
pour faire périr les mouches : elle plaça ce mélange à l'endroit où les 
fourmis fe rendoient le plus communément, & depuis ce tems elle 
n’en vit plus. Peu après elle eut un oranger quiparoiffoit couvert de four- 
mis ; les feuilles éroient jaunes & coquillées ; elle mèla quelques gouttes 
de cette liqueur avec l’eau dont elle arrofa l'arbre qui fur bientôt rétabli ; 
& comme ce ne font point les fourmis , mais les pucerons qui s’atta- 
chent aux fleurs, & qui recoquillent les feuilles en les fuçant , cette 
diffolution eft donc également funefte à ces deux infeétes : de plus , étant 
mêlée avecune très-grande quantité d’eau, ellene nuira point aux plantes 
vigoureufes , n'ayant porté aucun dommage à un oranger qui , dans ces 
contrées , eft roujours un arbre fort délicat. 

J'ai profité de cette obfervation pour rétablir dans ce jardin plufieurs 
arbres gâtés par les fourmis & les pucerons. Celui qui vend certe liqueur , 
la nomme eau de cobalt, mais le cobalt eft indiffoluble dans l’eau, & 
mêlé avec elle il n’écarte point les infectes ; defirant connoître le prin- 
cipe auquel certe eau doit fes propriétés, j'en portai une bouteille dans 
le laboratoire de M. de Morveau. Aimant les Sciences, il accueille cou- 
jours ceux qui s'occupent de quelque recherche utile. 

La diffolution de mercure mêlée avec cette liqueur, fournit un pré- 
cipité blanc , femblable à celui que l’on obtient en verfant de l’eau 
mercurielle fur une diffolution de fel arfenical. 

La diffolution d'argent verfée fur cette eau la rend d’abord un peu 
laiteufe . & donne un précipité brun qui noircit enfuite; mais cette 
mème diffolution, verfée fur un eau chargée de fel arfenical, donne un 
précipité rougeâtre , comme l’a obfervé M. Baumé, croyant que cette 
différence de couleur pouvoit provenir de la neutralifation de l’arfenic; 
nous fimes diffoudre ce minéral pur dans l’eau bouillante , & y verfant 
de la diffolurtion d’argent , le mélange devint laiteux , le précipité brunit 
& fe noircit enfuite : 1l nous reftoit donc peu de doute , mais l’évapora- 
tion acheva de nous donner la certitude la plus complète. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LFS ARTS." 197 


Une livre de la prétendue eau de cobalt évaporée nous procura quinze 
grains d’une fubftance blanche , ayant l'apparence cryflalline, & qui, 
jettée fur le charbon , donna une forte odeur d’ail , figne de la préfence 

"de l’arfenic ; enfuite , cette poudre combinée avec le flux noir , le borax, 
la limaille étant placée dans un creufer, & pouflée au feu , nous a donné 

sun vrai régule d’arfenic ; d’où il eft aifé de conclure que l’eau qui fe vend 
à Dijon pour faire périr les mouches , n’eft qu'une eau arfenicale. Plu- 
fieurs Naturaliftes ont déja reconnu la propriété qu’a l’arfenic de détruire 
les infectes ; mais je crois devoir avertir du danger d’une liqueur que 
l'on place fans crainte dans les maifons, pour détruire les mouches , & 
dont les enfans peuvent aifément devenir les victimes. F 

Toutes les plantes méritent notre attention par les propriétés que la 
nature leur accorde. Il n'en eft probablement aucune qui ne foit utile 
à l'homme , aux animaux, ou mème aux autres plantes ; mais les Bota- 
niftes ont plus particulièrement recherché dans les végétaux les moyens 
de conferver la vie & la fanté des hommes. Cependant, quelqu’aflidues 
qu'aient été leurs études , il refte encore des plantes dont on n’a point 
reconnu les propriétés : 1l en eft d’autres qui , quoique connues, ou font 
mal appliquées, ou ne font d'aucun ufage ; de forte que tout Médecin 

ui s’appliquera férieufement à la Botanique , pourra trouver dans cette 
dune les moyens de fervir l'humanité , & de fe rendre utile à fes 
Concitoyens. Cette vérité , fi bien reconnue, vient d'engager les Ma- 

s ë 3 Crrete 
giftrats de la ville de Lille, à érablir un Cours de Botanique. Chargés 
de veiller à la confervation des Habitans de la Capitale de la Flandre, ils 
ont cru ne pouvoir mieux remplir cette obligation, qu'en formant un 
établiffement aufli utile. 

Parmi les plantes qui croiffent le plus communément dans ce pays, 
on doit compter la morelle grimpante ; elle fe trouve fur le bord des 
rivières & dans les haies. Les Nègres du Sénégal s’en fervent contre 
les maladies vénériennes. Floyer la recommande comme diurérique. 
Lobel rapporte que fon fuc , appliqué au cancer , a eu beaucoup de 
fuccès ; & on lit dans l’Hiftoire de l’Académie des Sciences , année 
1761 ,que la décoction de cette plante a été employée utilement con- 
tre la même maladie. Blair recommande l’ufage de la morelle grim- 
pante contre la pleuréfie & la péripneumonte muqueufes. Il eftrapporté 
dans le Journal de Médecine du mois de Mars, année 1765 , que 
cette plante coupée avec le lait a beaucoup de fuccès dans les ma- 
ladies de la peau. Boerhaave recommandoit la morelle grimpante 
contre la pulmonie, & Verlas s’en eft fervi utilement dans la fup- 
puration des poumons. Tragus a reconnu fon efficacité fur la fin de la 
jaunifle ; enfinWelfchius la loue comme étant le premier des dépura- 
tifs. Cet le feñtiment de M. Linné qui, reconnoiflant cette plante 
pour être propre à dépurer le fang , à provoquer les urines & à hâter 

1774 SEPTEMBRE. 


198 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


les autres excrétions, la recommande contre la jaunife , les rhumati{ 
mes , la pleuréfie & l’afthme. M. de Sauvages regardoit la morelle 
comme anti-fcorbutique ; & M. Bafou a confirmé certe propriété , en 
publiant les guérifons les plus heureufes opérées par fon fecours. 

Cependant , malgré l'autorité de tous ces Aureurs célèbres, ce vé- 

tal néroit ici d'aucun ufage. J'ai cru en trouver la caufe dans les 
Sbfervations de M. Bafou. Ce Médecin rapporte qu'aux environs de 
Nifmes, certe plante eft défignée par le vulgaire , fous le nom de 
plante de poifon. En effet, la plupart des plantes qui ont cinq étami- 
nes, un piftil, & donr le fruit eft une baie, font ou âcres ou venimeufes. 
De plus, l'ufage interne d’une autre morelle à fruit noir , pafla pour être 
dangereux , quoiqu’extérieurement fon fuc foitadouciffant & déterfif, & 
qu'une perfonne très-digne de foi m'ait afluré avoir guéri un ulcère 
chancreux furvenu à l'oreille de fon chien par l'application du fuc des 
baies de cette plante. Mais , que ce végéral tienne naturellement à une 
claffe dont les individus font fufpeéts , ou qu'une autre efpèce de ce 

enre foit venimeufe , l’analogie peur alors faire naître de l'incertitude : 
elle permet de pefer des autorités refpectables , mais n’engage point à 
les rejecter fans examen ; d'autant plus que la morelle tubéreufe , ou 
pomme de terre , autre plante du même genre , fournit une nourriture 
très-faine. 

J'ai viré l'extrait aqueux de certe plante. Deux onces de fes tiges m'ont 
fourni treize grains d'extrait d'une faveur douceatre mêlée d’amertume , 
& d’une odeur narcotique. Cet extrait, d’abord rrès-folide, s’eft en- 
faite un peuliquéfié. La même quantité de fes tiges m'a fourni vingt- 
fix grains d'extrait réfineux très-amer , & d’une faveur défagréable, 
d'une odeur narcotique. J'ai fait prendre ces deux extraits à un jeune 
chien qui n’en a pas reflenti la moindre incommodité quoiqu'il eût 
pris, en deux jours , la valeur de quatre onces d’une plante dont on 
ne prefcrir ordinairement aux malades que deux gros par jour ; obfer- 
vation qui doit détruire toutes les craintes que l’on pourroit concevoir 
far l'ufage interne de ce végétal. De plus, l'aualyfe que j'ai faite indi- 
que affez que les parties de cette plante diffolubles dans les liqueurs 
fpirituenfes , prédominent fur celles dont l’eau peut fe charger ; qu’ainfi 
une infufñon faite dans le vin ou dans quelque liqueur fpiritueufe , lor{- 
que les circonftances le permettront, aura toujours plus d'efficacité. 

J'ai employé la décoétion de certe plante dans les maladies vénérien- 
nes; & quoique la morelle grimpante foir beaucoup inférieure en 
vertu au mercure , cependant elle feconde l'effet de ce minéral, fufpend 
le progrès de la maladie , & a fuffi ponr arrêter un écoulement véné- 
rien qui avoit réfifté aux friétions & aux autres remèdes que l’on mer 
ordinairement en ufage dans ce cas. M. Marer , le Médecin, s'en eff 
fervi avec les mêmes avantages dans le crairement de ces maladies. 


SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 199 


Après une fluxion de poitrine catharrale , une femme confervoit une 
toux opiniâtre qui augmentoit le foir , & la fatiguoit routes les nuits, 
Sa refpiration étoit laborieufe ; elle reffentoit fon point dans les efforts 
de la toux , ne rejetroit que des vifcofités. Le foir , elle avoit le pouls 
inégal avec une chaleur âcre à la paume des mains. Il n’eft aucun Mé- 
decin qui ignore combien ces accidens dégénèrent aifément en pul- 
monie. La foibleife de la malade ne permettoit plus la faignée. Les 
narcotiques n'eurent aucun effet ; mais la décoétion de morelle calma 
dès la feconde nuit, & au bout de huit jours la toux fut diflipée. 11 
furvint une fuxion à la joue qui fatigua affez long-tems la malade, 
mais fans aucun danger ; c’étoit fans doute l'effet de l’humeur dé- 
placée de la poitrine par l’aétion du remède dépuratif. Depuis ce tems, 
plufieurs obfervations heureufes m'ont confirmé l'utilité de cette plante 
fur la fin des fièvres catharrales. 

La femme d’un Laboureut de Beaumont , ayant appliqué fur une dar- 
tre une pommade répercullive , eut une fièvre continue , des déchire- 
mens affreux dans la poitrine , des palpitations & des foiblefles. Les 
faignées , les Fond fn , les bains, un cautère & beaucoup d’au- 
tres remèdes , avoient été mis en ufage fans fuccès ; la morelle grim- 
pante a rendu à cetre femme fon embonpoint; & , fans lui procurer 

- fa première fanté l'a misen état de vaquer à fes affaires. Depuis ce 
tems , j'ai reconnu de plus en plus l'efficacité de cette plante contre les 
dartres fcorbutiques ; mais j'ai vu aufli que quand cette maladie de la 
peau dépendoit d’une autre acrimonie , la morelle ne devoit être pref- 
crite qu'avec beaucoup de ménagement ; qu’elle échauffe trop, & peut 
augmenter l’éruption dartreufe. 

La femme de chambre de Madame F* * * portoit dans le fein deux 
petites glandes , qui tout-à-coup devinrent extrèmement douloureufes 
avec des élancemens , Pinfomnie , le dégoût , l'agitation du pouls , le 
dérangement du flux périodique. Cette fille étoit fort cacochyme; les 
faignées multipliées, les bains , le perit-lait, les tifannes rafraîchiffantes 
& dépuratives , enfin le lait pour toute nourriture calmèrent les dou- 
leurs. L'hiver fuivant, les douleurs revinrent à la fuite d’une chûte. Cette 
fille fe confia à un de ces hommes bornés , qui , ne connoiffant ni les 
os , ni les luxations , trompent néanmoins, dans un fiècle éclairé , des 
malades crédules par les prérendues guérifons qu’ils opèrent fur des gens 
dont les membres ne font point luxés, qui n’ont que des douleurs, 
fuites de la commotion ou d'une fibre croifée. Cet homme , avec toute 
la fécurité de l'ignorance, aflura à certe fille qu'elle avoit la côte luxée ; 
il ftun bandage qui probablement, au moyen dela compreflion , calma 
pour un inftant les douleurs ; mais bientôt , la malade reconnut elle- 
même que fes douleurs étoient celles de l’année précédente. Les mêmes 
remèdes n’eurent plus aucun effer. Le fang parut fans confiftance. Je lui 

1774. SEPTEMBRE. 


300 “OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


propofai de fe laiffer faire uu cautère , ce qu’elle refufa opiniâtrément ; 
la fièvre augmenta; les douleurs devinrent extrèmes & continuelles : 
mais la morelle grimpante calma peu-à-peu tous ces accidens. Cet 
hiver , les douleurs fe font encore fait fentir, moins cependant aux 
glandes que dans la poitrine : la malade a été faignée ; fon fang a paru 
enflammé , ayant beaucoup de confiftance , & la morelle à prompte- 
ment diflipé les douleurs ; de forte que cette fille jouit aujourd’hui 
d’une très bonne fanté. Je pourrois rapporter encore plufieurs autres 
obfervations pour conftater l'utilité de certe ae ; mais ce que jen ai 
dit doit fuffire pour prouver que la Botanique eft une partie effentielle 
de la Médecine, & qu'il eft des végéraux que l’on néglige, quoique 
leur ufage puifle être très- avantageux aux malades. 

Mais parmi les maux auquels l’humanité eft expofée , il en eft peu 
d’aufi terribles que l’épilephe, ilen eft peu qui réfiftent davantage aux 
efforts de la Médecine. C’eftcontre de pareilles maladies que les Anciens 
mettoient en ufage les remèdes les plus actifs : la nature ne les guérit 
que par le bouleverfement, le renverfement prefqu'entier de l’écono- 
mie animale , par les fièvres malignes , les fièvres quartes rebelles, l’ar- 
rivée des règles. Parmi les remèdes capables d’affaiffer la nature, de 
changer fon action , de réprimer l’irritabilité extrème des nerfs, les nar- 
cotiques âcres doiventrenir le premier rang; aufli M. Storck s’eft-il fervi 
du ftramonium avec fuccès contre cette maladie. M. Odelius vient de 
traiter dans l'hopital de Stockholm , quatorze épileptiques , dont huit 
ont été guéris par ce remède. Les obfervations de ces Médecins m'ont 
engagé à faire prendre l'extrait du ftramonium à deux épileptiques de 
la Maifon de Force; l’un éroit écrouelleux , & l’autre imbécile. La com- 
plication de maladie s’eft fans doute oppofée à leur guérifon. J'ai fait 
prendre ce même extrait à une jeune fille, à laquelle j'avois prefcric 
inutilement beaucoup d’autres remèdes. Je l’ai donné également à une 
jeune femme , qui , après avoir long-tems fuivi les confeils d’un célè- 
bre Médecin de Paris, avoir pris inutilement jufqu’à une once & de- 
imie d’huile animale de dippel. Ces deux malades n’ont plus eu aucun 
accident. On fe contente , pour rejetter ce remède, de dire que le 
ftramonium eft un poifon ; mais l’émétique & l’opium ne feroient pas 
moins dangereux , fi les Médecins ne les préfcrivoient avec toute la cir- 
confpection que le ftramonium exige. J'ai employé l’année dernière ce 
remède avec quelque fuccès contre la folie ; au-moins n’a-t il pas fait de 
mal à ceux qui n’ont point été guéris : & M. Marer , le Médecin , s'en eff 
fervi utilement contre une démence compliquée avec cetrs maladie ner» 
veufe que l’on connoît fous le nom de danfe de Saint-Vir. L'humanité 
n’exige-t-elle pas du Médecin de tout mettre en ufage pour foulager des 
malheureux , dont l’exiftence eft plus cruelle que la mort même. 

S'il eft avantageux de rechercher , avec attention les propriétés des 

! plantes 


SUR L'HIST. NÂATUREIIE ET LES ARTS. ot 


plantes de fa Province, il ne l’eft pas moins de travailler à naturalifer 
celles qui font étrangères , & dont la culture peut nous intéreffer. Il 
eft confolant pour l'homme de penfer que les plantes analogues à fes 
befoins , croiffent facilement dans le fol qu’il habite ; mais on auroit, 
tort d’en conclure que chaque pays a été pourvu originairement de tou- 
tes les plantes qui peuvent lui être utiles ; ce feroit ignorer l'économie 
avec laquelle la nature exécute fes magnifiques ouvrages. Elle n’a pro- 
bablement , comme le peñfe M. Linné, pas plus fait pour les plantes 
que pour les hommes : & comme elle n’a créé qu’un feul Etre raifon- 
nable de chaque fexe , elle doit aufli n'avoir produit qu’une feule plante 
de chaque efpèce. A mefure que les hommes fe font répandus fur la 
terre , les végétaux les ont fuivis, foit que leurs femences aient été 
portées à deflein , foit que , tranfportées par les vents ou avec d’autres 
effets, elles foient arrivées dans un climat convenable , où elles fonc 
tombées fur une terre inculte ou cultivée , propre à les faire germer. A 
peine y a-t-il un fiècle que la Verge d’or du Canada fut apportée d'Amé- 
rique dans les jardins du Roi. Ses femences aigrettées furent bienrôt 
difperfées par les vents; & cette plante fe trouve aujourd’hui en France, 
enÎralie, en Sicile , en Hollande, en Allemagne. L'œnothera , plante 
de Virginie , s’eft également naturalifée en Europe. Elle croît commu- 
nément près de la ville de Nuits, & je l'ai ramaflée aux environs de 
Luxeuil en Franche-Comté. 

Si l'on conferve quelque doute fur l'utilité de la tranfmigration des 
plantes, qu’on fe promène dans nos champs, on y trouvera différentes 
efpèces de bleds & de raifins, dont la culture nous intérefle , quoiqu'ils 
ne foient point naturels à ce pays. Qu'on entre dans le jardin d’un 
Fleurifte, on reconnoîtra aifément que les beautés dont il s’applaudic 
font la plupart étrangères à cette Province. Les prunelles, les poires & 
les pommes fauvages , feroient les feuls fruits qui fe trouveroient fur nos 
tables , fi on n’eûr naturalifé ,ou au-moins métamorphofé par la cul- 
ture ces arbres, dont les fruits font nos délices & confervent notre 
fanté. La vigne qui fait en grande partie la richeffe de cette Province, 
infpira aux Gaulois le deffein de paffer les Alpes, pour aller jouir du 
fuc de cette plante en Italie , où elle étoit cultivée. Les jardins poragers 
nous prouvent également combien nous ferions réduits , fi nous ne cul- 
tivions que les plantes de cette contrée. Lechoux pommé, fi commun, 
eft originaire d'Angleterre : le choux violet vient de la Chine. Cerre 
Province n’offre qu’une efpèce de choux fauvage que nous négligeons, 
& qui, vu la facilité avec laquelle il croît dans des cerres maigres & 
fabloneufes , pourroit être cultivé pour la nourriture des animaux. Une 
lettre du docteur Rabelais fuffit pour prouver combien les jardins pota- 
gers éroient peu fournis du tems de François I. Ce Médecin , écrivant 


Tome IV, Part. III, 1774. SEPTEMBRE. Cc 


202 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


au Secrétaire du Cardinal du Bellay, le prie, entr’autres plantes com- 
munes aujourd'hui , de lui envoyer d'Italie des graines de perfil qu'il 
aime , ajoute-t-il , beaucoup. 

Parmi lesplantes étrangères , dont laculture me femble devoir inté- 
reffer cette Province , je placerai l'orge: riz qui ne fe feme qu'en Mars ,& 
peut même être femé plus tard, vu qu'il müûrit quinze ou vingt jours 
plutôt que l'orge ordinaire ; ce qui rend ce grain de première utilité, 
dans le cas où les gelées , les grèles viendroient ; dans une faifon un peu 
avancée, ravager nos campagnes. La Suiffe , la Bretagne, le Nivernois, 
le Bourbonnois , font beaucoup de cas de ce grain de Sibérie , qui rend 
au moulin un feizième de farine de plusque l'orge ordinaire, fournit un 
grain nourriffant, rafraîchiffant & peu difficile à digérer, s’accommode , 
également des terres grafles & aréneufes::J’ai fair femer cette année 
une aflez grande quantité de ce grain, pour que le Jardinier puiffe en 
fournir à ceux qui defireront le cultiver. J'en dis autant d’une avoine de 
Hongrie , dont le grain eft beaucoup plus nourri que le nôtre. On dira 
peut-être que ces efpèces étrangères dégénèrent ; ce qui arrive , il eft 
vrai , à quelques plantes des autres Contrées; mais ofe-t-on le dire 


de toutes ? Si nos peres euffent penfé ainfi, de combien de végétaux : 


uriles ferions-nous encore privés ? 


On croyoit, ily a quelques années, que la rhubarbe ne pouvoit fe 
trouver qu’à la Chine, où on l’achetoit très-cher. On ne préfumoit 
point que cette plante pôût fe naturalifer en France , quoique les froids 
foient quelquefois aufli vifs à Pékin, qu'ils le font en Suède ; & que 
le lilas , originaire desIndes, ainfi qu'un grand nombre d’autres plantes 
qui nous viennent des pays les plus chauds, fe foient fi bien naturalifés 
dans nos climats. La rhubarbe remédie aux différens maux qui pro- 
viennent du relâchement de l’eftomac ; elle eft prefque la panacée des 
vieillards & des enfans : les Chinois s’en fervent d’ailleurs pour la 
teinture. Les Anglois, les Palatins , les Flamands commencent à cul- 
tiver cetre plante qui ne diffère en rien de la rhubarbe de la Chine, ni 
pour la couleur , ni pour le goût, ni pour la qualité purgative. Plufieurs 
pieds de certe rhubarbe , que j'ai femés l’année dernière, ont paflé 
l'hiver en pleine terre ; & j'efpère d’être bientôt en état d’en fournir à 
ceux qui delireront entreprendre la culture de cette plante utile. 

Les végétaux qui croillent dans ce pays, ceux dont la vertu eft la 
mieux établie, doivent être connus des Herboriftes ; fans cela, les efpé- 
rances des Médecins font trompées, & leurs malades deviennent fouvent 
les criftes victimes de méprifes aufli faciles que dangereufes. Lors de 
la conftruction de ce jardin , un homme qui fair le métier d’herborifte , 
offrir à M. Legout d’apporter cinq cents plantes ; mais il ne put jamais 
en fournir jufqu'à dix : & comme il me préfentoit roujours les mêmes ; 


Fe 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 103 


je fus obligé de parcourir les environs de cette Ville, pour y ramaffer 
les plantes avec lefquelles ce jardin a commencé: Elles {ont depuis ce 
tems cultivées par un Jardinier , qui, s’'accoutumant à le, voir, ceffera 
fans doute de pouvoir s’y LR 

Si j'ai été obligé de commencer feul ce jardin, combien de fecours 
n'ai-je pas eus enfuite ? M. de Buffon, qui connoir fi-bien l'utilité des 
études dirigées à la connoïffance de la nature, m’a fait parvenir beaucoup 
de graines que je lui avois demandées , & s’eft engagé à rendre tous les 
ans le même fervice à cet établiffement. M. l'Abbé Guiette a parcouru 
les environs de Quincey , lieu de fa réfidence , pour nous procurer des 
plantes de Bourgogne. M. Clac, Médecin , quoique déja avancé en âge, 
n'a pas craint , dans la même vue , de fe tranfporter à une affez grande 
diftance de Saumur fa patrie. M. Daubenton, Maire de Montbart , fi 
connu par fes fuccès dans la culture des arbres; MM. Heber & Dromar 
qui fonc bien faits pour apprécier le mérite d'un établiffement qui fe 
forme fous leurs yeux , nous ont procuré plufieurs beaux arbres. 

Nous devons différentes plantes à M. Gouan , Profeffeur de Méde- 
cine à Montpellier , qui a bien voulu nous envoyer des graines. Nous 
en devons aufli quelques unes à M. Buti, Aporhicaire de Chälons-fur- 
Saone. M. de la Tourette, Secrétaire perpétuel de l'Académie de Lyon, 
m'a adreffé plufeurs plantes & un grand nombre de graines ; poffédane 
toutés les parties de l’Hiftoire Naturelle, ileft parvenu à infpirer aux 
Lyonnois , le goût de ces études utiles & innocentes. M. Daury , Apo- 
thicaire à Clermont , & de l'Académie de la mème Ville, m'a fait 
paffer des graines de plantes d’Auverge, M. Bouillet , Procureur-Gé- 
néral de la Chambre des Comptes, M, Arondel, Chirurgien, m'ont 
procuré plufeurs belles plantes de la Grande Chartreufe. M. Lemonier, 
premier Médécin ordinaire duRoi, M. Pinard , Profefleur de Botanique 
à Rouen, m'ont fait pafler des graines, des plantes & des arbres en 
très-grand nombre. Enfin, M. Avelbor-Ellis, animé du même zèle que 
fon ancien ami M. Legout, m'a envoyé d'Angleterre des graines de 
plantes de la Caroline. Le concours de tan AA RANRNES recommanda- 
bles par leurs connoiffances, & leurs talens, fuffiroit pour indiquer l’uti- 
lité de cer établiffement , & l’efpoir que les Naturaliftes ont conçu de 
le voir réufir dans cette Province. Il prouve encore la bienfaifance arta- 
chée à ces études. Les Botaniftes femblent ne jouir jamais plus , que 


‘lorfque communiquant leurs richelles, ils mettent tout le monde à 


même de contempler la nature , & de reculer les bornes d’une fcience 
qui fait leurs délices. 

Mais, Mefieurs, quelqu’utile que foit l'étude de la Botanique, 
une faifon fait naître les végétaux qui en font l’objet ; une autre les 
détruit ; le tems n’épargne rien :iln'a pas mème refpecté les jours du 

1774. SEPTEMBRE. Cc2 


204 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


Citoyen généreux, qui l’année dernière, dans cette féance, refufa le 
couronne civique qu'il avoir fi-bien méritée ; & qui, dans ce refus, déve- 
loppant une modeltie égale à fa bienfaifance , rendit fon nom encore plus 
cher à fes Compatriotes. Depuis long-tems il fembloit n'exifter que 
pour fouffrir & pour faire du bien à tous ceux qui l’environnoient. Son 
goût l’avoit porté vers toutes les fciences, qu'il cultivoit moins par 
l'efpoir d’une réputation qu'il ambitionnoït peu , que dans la vue de 
communiquer avec fes amis ; & tous ceux qui confacroient leurs travaux 
& leurs veilles au fervice de la Patrie , éroient sûrs de fa bienveillance. 
Dansun de ces voyages, où il favoit fi-bien étudier les hommes , s'en 
faire aimer & s'inftruire, il entendit le célèbre M. de Sauvages profeffer 
la Botanique à Montpellier ; & dès-lors , connoiffanr tous les avantages 
attachés à cette partie intéreffante de l’Hiftoire Naturelle , 1l s’occupa 
des moyens d’en faire jouir fes compatriotes. D’autres vues également 
dirigées au bien de la Patrie, lui firent, pendant quelque tems, ou- 
blier fes projets. Mais enfin, la Province ayant fait elle-même le bien 
qu'il vouloit faire , il revint à fes premières idées. Dès-lors , certe clô- 
ture , ces bâtimens élevés en peu de mois, prouvèrentle zèle ardent avec 
lequel il favoir fervir fa Patrie. Que je voie ce jardin achevé, le Public 
jouir de cet établiffement ; & dès-lors , ajoutoit -il, m'adreflant à l'Etre 
fuprème, je lui dirai, difpofez de votre ferviteur. Ses vues onc été rem- 
plies. Ila joui de l'accueil du Public ; j'efpérois qu'il jouiroit encore 
long-tems de certe récompenfe , la feule digne d’une ame telle que 
la fienne : mais une maladie trop forte pour un corps accablé par tane 
de fouffrances, l’a enlevé malgré les vœux de fes Conciroyens Pourriez- 
vous , Meflieurs , ceffer d’en conferver le fouvenir au fond de vos cœurs, 
où la reconnoidance a gravé fi profondément fon image ? 


x NE 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 10$ 


MARNE NUS SOIT RME 


Ecrite à lAuteur de ce Recueil ; 
Par M. 1E RoY , de l’Académie Royale des Sciences. 


LD 1 l'honneur , de vous envoyer , Monfieur, la traduction de la lettre 
de M. Walsh, fur Péleétricité de la Torpille , & des obfervations anato- 
miques de M. Hunter fur ce poiflon, que je vous ai promife. Je comp- 
tois y joindre celle d’une autre lettre imprimée de M. Walsh , que je 
viens de recevoir , & qui a été lue à la Société Royale de Londres, dans 
le mois de Juin dernier ; mais j'ai craint que le tout n’eût une étendue 
trop confidérable. J'en ferai un article à part, & j'y joindrai les réflexions 
dont j'ai parlé à M. Defmarets , mon confrère , fur la néceflité de faire 
des obfervations anatomiques , fur les poiflons qui paroiffent produire 
un effet du mème genre , que celui de la torpille, afin de découvrir fi 
les organes par lefquels ils nous fonr éprouver cet effer , ont du rapport 
avec ceux de ce poillon. 

Je vous dirai feulement que cette feconde lettre de M. Walsh a pour 
objet principal, d'annoncer aux Phyfciens qu'il y a des torpilles fur les 
Côtes méridionales de l'Angleterre, I croit très-important, pour pou- 
voir fuivre les recherches qu'il avoit déja faires fur la torpille, de s’aflu- 
rer fi en effet , comme les Naturaliftes le prérendoient, on n’en trou- 
voit pas dans les mers de l'Angleterre. M. Walsh a fair faire en conf€- 
quence différentes informations à ce fujet, l’année dernière , dans dif- 
férens ports de l'Angleterre ; & ellesont été allez heureufes , pour lui 
faire découvrir qu’on trouve des rorpilles, fur les Côtes de la Province 
de Cornouailles. On lui en a envoyé deux, prifes dans la baie de Tor, 
en Anglois Zor-Bay , d'une grandeur confidérable ; & dont l’une qui fut 
mefurée & pefée exaétement, fe trouva avoir quatre pieds de long, 
deux pieds & demi de large, & quatre pouces & demi dans fa plus 
grande épailleur ; elle pefoit cinquante trois livres (1). 

Ces rorpilles font d’une couleur obfcure-cendrée , avec une teinte de 
pourpre, & n'ont point ces différentes élévations fur la peau de nos tor: 
pilles des mers dela Rochelle. D'ailleurs , fi l'on en excepre la grandeur, 
elles leur reflemblent entièrement. C’eft une de ces deux rorpilles de 


A ——————_——————_—_ 


(1) Le poids & les dimenfions de cette torpille font exprimés ici en poids & en 
mefures d'Angleterre ; mais on a cru que ; comme il eft feulémenc queftion de généra- 
lités , il étoic inutile d'en donner la proportion avec les nôtres. 


1774. SEPTEMBRE, 


206 OBSERVATIONS SUR EA PHYSIQUES: : 
Tor-Bay , dont M. Hunter parle , quand il rapporte dans les Obferva- 
tions, dont je vous envoie la traduction, qu'on trouva dans une très- 
grande torpille onze cents quatre-vingt-deux colonnes dans l'organe 
électrique. \ 

On voit ainfi combien il eft néceffaire d’être en garde contre ces dé- 
cifions générales , prefque-toujours prononcées Iéoèrement. Si l’on en 
croyoit les Näturaliftes , il n’y avoit point de torpilles dans les mers de 
l'Angleterre; cependant, .onapprend.qu'ily en a , grace aux informa- 
tions & aux recherches de M. Walsh, & qui font plus grandes qu’au- 
cunes de celles qu'on pèchg dans les autres mers; & les Phyficiens An- 
glois obtiennent par-li l'avantage de pouvoir, fans fortir de leur Ifle, 
examiner, fuivre & obferver de près ce poifon finoulier, & qui a 
une propriété fi étonnante, ..,,! 

Je'fuis, &c. 


De M. Wars, Ecuyer, & de la Société Royale de 


Londres ; 


A4 M. BENJAMIN FRANKLIN, Ecuyer , Doëteur ès Loix, & de la 
même Societé: 


De la tue de Chefterfield, le premier Juillet 1773. 


Misiur , je fuis pénétré de n’avoir pas pu, entraîné par d’autres 
occupations , donner à la Société Royale , avant fa féparation , un détail 
complet de mes expériences fur l’éleétricité de la Torpille : ce fujer eft 
non-feulement curieux par lai-même, mais il ouvre encore un vafte 
champ aux recherches de l’Ele@ricien dans fes courfes phyfiques , & de 
tous ceux qui s'appliquent d’une manière générale ou particulière à 
l'économie animale. à C4 

Pour fuppléer ,'autanr que j'en fuis capable , à cette omiffion, faites- 
moi, je vous prie, la faveur de mettre fous les yeux de la Société | la 
fertre que je vous écrivis de la Rochelle, le 12 Juiller 1772, &-rour ce 
qui a rapport à cette matière dans celle que vous reçüres enfuice de Pa- 
ris ; car, quelqu'imparfaires & quelque découfues que foient les obferva- 
tions que je vous envoyai alors, & qui n’éroient nullement deftinées à 
voir le jour , elles font cependant encore ce que je puis vous préfenrer 
de plus farisfaifant & de plus authentique, puifque les nopes que j'ai faites 
deséxpériences mêmes , font prefque, je fuis fiché de le dire, dans l’érag 
informe & volumineux où vous avez, pris la peine deiles lire... ©, 


L 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LFS ARTS. 107 


DURE TE RUE 
De M. Wacsx à M. FRANKLIN, 


Datée de la Rochelle le 2 Juillee 1772. 


É-- Ce avec une fatisfaction particulière que je vous apprends le pre- 


» mier, que l’effec de la torpille paroïr être entiérement éleétrique, en 

ce qu'il fe tranfmer à travers les mêmes conducteurs que l'électricité , 
» tels que l’eau & les méraux, & qu'il eft intercepté par les fubftances 

qui ne la laiffent pas paller comme le verre & la cire d’Efpagne. Je ne 
». vous arrêterai pas dans ce moment par le détail de nos expériences , 
» d'autant plus que nous en faifons tous les jours de nouvelles ; j’obfer- 
» verai feulèément ce que nous avons découvert, que le dos & la poitrine de 
» cet animal font dans deux états différens d'électricité. J'entends parti- 
» culiérement les furfaces fupérieures & inférieures de ces deux aflem- 
» blages de cylindres flexibles dont vousavezsu desgravures dans Loren= 
» ini. Inftruits de cette circonftance, nous nous fommes trouvés en érac 
» de diriger les commotions ou les chocs que ce poiffon fait éprouver, 
» quoiqu ils foient fort foibles, au travers de quatre perfonnes qui les 
» ont toutes reffenties. Nous les avons fait pafler de mème à travers un fil 
» de métal d’une longueur confidérable , & que deux perfonnes ifolées 
» tenoient l’une en rouchañt la furface inférieure dü poïlfon , Pautre fx 
» furface fupérieure ; lorfqu’on mettoit en place de ce fil, du verre ou de 
» la cire d'Efpagne, le chocn’avoit plus lieu; maïs aufh-tôc qu’on remet- 
» toit le fil, ces deux perfonnes l'éprouvoient. Ces expériences ont été 
» variées d’une infinité de manières, & répétées un grand nombre de 
» fois:toutes ont conftaré que dans la torpiile, comme dans l’expérience 
» de Leyde , le choix des fubftances conduifant le chéc, doit être le 
» même ; & que les fenfations produites par l’une & par l’autre fur.le 
»-corps humain, font auf abfolumeut femblables,, Non-féulement le 

choc , mais encore cette fenfation particulière, exprimée par les mots 
» d'engourdiffement & de fourmillement, peuvent être imitésexaétemenc 
>» avec la bouteille de Leyde , au moyen de l'Eleétromètre de M. Lane: 
» On y parvient, en approchantiprefque jufqu'au, contact avec le: con 
» ducteur qui communique avec cette bouteille la,balle de la règle indi- 
» cative de cer inftrument ; nous n'avons pu appercevoir jufqu'ici qu’au- 
» cune étincelle accompagnät ce choc , ni que les petites balles de moëlle 
» de fureau en fuffent Méékées. À la vérité , la plupart denos expériences 
» ont été faites avec des corpilles dont le choc étoir rarement fenfible au- 
» delà du doigr qui Les rogchoit, Je ne m'en rappelle qu'un , de plus de 

1774. SEPTEMBRE. 


208 OBSERVATIONS SUR IA PHYSIQUE; 


» deux cents, qu’il faut que j'aie reçus, qui fe foit étendu au-delà du 
» coude. Peut-être l’Ifle de Ré à laquelle nous nous propofons de 
» rendre vifite, nous fournira-t-elle des rorpilles plus vigoureufes, étant 
» pêchées plus nouvellement, & qui pourront nous donner la facilité de 
» pénétrer plus profondément dans ces matières. Nous avons fait nos 
._» expériences particulièrement dans l'air où ce poiffon étoit plus expofé 
» à notre examen que dans l’eau. Vous obferverez que la torpille ifolée 
» nous faifoit reffentir le choc, quoique nous fuffions nous-mêmes aufñli 
» ifolés, plus de quarante ou cinquante fois fucceflivement , & à-peu- 
» près du mème endroit, & avec peu ou point de diminution dans la 
» force ; mais il faut tout dire ; ces chocs étoient très-peu confidéra- 
» bles. Chaque effort que fait l’animal pour donner un choc, eft accom- 
» pagné heureufement d’une dépreflion dans fes yeux, par laquelle on 
» peut même obferver celui qu'il fait pour le donner à des corps qui ne 
» ne le tranfmettent pas. Quant au refte du corps, il eft dans cette action 
»€n grande partie fans mouvement, cependant fans en être tout- 
> à-fait exempt. Vous aurez la bonté de dire au Docteur Banereft, 
» que nous avons ainf vérifié fes foupçons fur la torpille ; & vous com- 
». muniquerez à qui vous le jugerez à propos, ce que je viens de vous 
» mander fur cette importante matière. 
Ici, je ferai fort aife d’excirer & les Electriciens & les Naturaliftes 
à pouffer plus loin leurs recherches fur cet animal extraordinaire , tandis 
que l'été leur en fournit la facilité. 
Je fuis, &c. 


w 


EN OT 21 Rio CASOEROM 


D'une Lettre de M. Wazsx au Do@teur FRANKLIN, 


Datée de Paris , du 17 Août 1771. 


” Fa paflé une femaine entière à faire mes expériences dans l’Ifle 
» de Ré, & j'y ai eu routes les commodités nécellaires pour les fuivre 
» en entier, excepté que je ne fais pourquoi on m'a empêché de les 
» faire dans l’endroit où l’on prenoit ce poiffon. À mon retour à la 
» Rochelle , j'ai communiqué aux Membres de l’Académie de certe 
» Ville , & à plufeurs de fes principaux Habirans , rout ce que j'avois 
» obfervé dans certe Ifle fur les torpilles, afin d’exciter en eux le defir 
» de faire des recherches , non-feulemenc fur leur électricité , mais en- 
» core fur leur nature en général. La vigueur des torpilles , nouvelle- 
» ment prifes à l'Ifle de Ré, n'a pas été capable de forcer /eur fluide 

» electrique 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 209 


» électrique à paller à travers la plus petite épaifleur d'air , non plus qu'à 
fauter d’un chaînon À l’autre d’une petite chaîne fafpendue librement. 
» Enfin , la force de ces torpilles n’a pas pu faire même paffer ce fluide 
au cravers d’une féparation prefqu'invifble , faire avec le tranchant 
» d’un catif fur une petite bande de feuille d’étain , appliquée fur de 
» la cire à cacheter. En conféquence , nous ne pûmes jamais , malgré tous 
» nos efforts, ni en plein jour , ni dans l’obfcurité la plus complette , 
» découvrir où appercevoir l’étincelle, ni le bruit éclatant qui en eft 
» la fuite. Je vous fs obferyer , dans ma dernière lettre, que la torpille, 
» quoique ifolée , avoit la propriété de faire éprouver, à une perfonne 
» 1folée aufli, un grand nombre de chocs fucceffifs. 11 faut quej’enaie recu, 
» dans ces circonftances, au moins cinquante, dans l’efpace d’une minute 
» & dernie. Ainf, toutes nosexpériences nousont prouvé que l'électricité 
» de la torpille étoir condenfée dans l’inftant de fon explofon , fi l'on 
» peut fe fervir de cette expreflion, par un effort foudain de l'animal, 
» Et comme cette électricité n’éroit pas accumulée fucceflivement, & 
» qu’elle n’éroit pas retenue, comme cela arrive, dans le cas où le car- 
» reau où la bouteille de Leyde font chargés, il n’eft nullement extraor- 
» dinaire que nous n’ayons remarqué aucun mouvement d’altération ou 
» de répulfon dans les balles de moëlle de fureau. Enfin, l’effer de la 
» ne paroït réfulrer de la compreflion d’un Auide élaftique qui re- 
» prend fon équilibre de la même manière, & par les même moyens 
» que le fluide élaftique comprimé dans le verre ou le carreau chargé, 
» Quoique la peau de l'animal foit un mauvais conduéteur , telle qu’elle 
» eft cependant, elle paroït tranfmettre mieux fon électricité que la 
» lame la plus mince d'air élaftique. Er quoique l’éle&ricité de la tor- 
» pille n'ait qu’un foible reflort, cependant je fuis venu à bout , dans 
» les expériences que j'ai faites publiquement à la Rochelle , de la faire 
» pafler à cravers un cercle, partant d’une des furfaces de la torpille , 
» & revenant à l’autre, & formée de deux long fils de cuivre, & de 
» quatre perfonnzs : nombre qui a été mème augmenté jufqu’à huic 
» dans quelques occafions. On établit pour cet effet une communication, 
» & de ces différentes perfonnes entr'elles, & des dernières du cercle 
» avec les fils, au moyen de bañins , dans lefquels il y avoit de l’eau, 
» & qui éroient placés convenablement entr’elles. Ainf chaque per- 
? fonne trempoit fes mains dans les deux baflins qui en éroient le plus 
» près, à droite & à gauche ; tandis que fon voifin de part & d'autre 
» en faifoir autant , les fils trempant de la même manière dans les deux 
» baflins qui formoient refpeétivement les extrémités du cercle des per- 
» fonnes. On trouva, par des expériences fouvent répétées , que J’effer 
» de la rorpille dans l'air étoit plus de quatre fois plus fort que dans l'eau «, 

On mic dans la Gazette de France, du 30 Oétobre 1771 , un récit 
glair & précis de ce qui s’étoic paflé dans une de ces affemblées , où je 

Tome IV, Part. III, 1774, SEPTEMBRE, Dd 


ÿ 


» 
è 


110 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


fis publiquement mes expériences, & à laquelle fe rapporte ce qui vient 
d'être dit dans la Lettre précédente. Et comme la perfonne qui en eft 
l'Auteur, n’eft pas moins refpectable par fes qualités perfonnelles , que 
par les charges publiques dont elle eft revètue, je prierai la Société de 
me permettre d'appuyer d’un pareil témoignage les faits que j'aiavancés, 
en lui mettant fous les yeux ce récit. 


Eu NI RNA UT 


D'une Lettre de M. SEIGNETTE, Maire de la Rochelle, 
& fecond Secrétaire perpétuel de cette Ville ; 


A l'Auteur de la Gazette de France. 


Nous avez annoncé dans la Gazette du 14 Août, la découverte 
» de M. Walsh, Membre du Parlement d'Angleterre, & de la Société 
» Royale de Londres. L'expérience, dont je vais vous rendre compte, 
» a été faite en préfence de l'Académie de cette Ville. On plaça, fur 
» une table , une torpille vivante ; autour d’une autre table éroient cinq 
» perfonnes ifolées. On fufpendit au plancher , avec des cordons de 
» foie deux fils de laiton , chacun de treize pieds de long. Un de ces fils 
« s'appuyoit par un bout fur la ferviette mouillée, fur laquelle éroit le 
» poillon, & trempoit par l’autre dans un bafñlin plein d’eau pofé fur 
la feconde table, fur laquelle il y avoit encore quatre autres baflins, éga- 
> lement pleins d’eau ; la première perfonne avoit un doigr d'une main 
» dans le baflin où étoit le fil de laiton , & un doigt de l’autre main 
» dans le fecond baflin ; la feconde perfonne avoit un doigt d’une main 
» dans ce dernier baflin , & un doigt de l’autre main dans le troifième , 
» & ainfi de fuite , jufqu'à ce que les cinq perfonnes communiquaffent 
» l'une avec l’autre, au moyen de l’eau contenue dans les baflins. Un 
» bout du fecond fil de laiton étoit plongé dans le dernier baflin ; & 
» M. Walsh ayant touché avec l'autre bout le dos de la torpille, les 
» cinq perfonnes reffentirent une commotion qui ne différa de celle 
» de l'expérience de Leyde, que par le degré de force. M. Walsh , qui 
» n'éroit pas dans le cercle, ne reçut aucun coup. On répéta certe ex- 
» périence plufieurs fois, mème avec huit perfonnes , & toujours avec 
» un égal fuccès. L'action de la rorpille fe communique ou fe tranf- 
» met par les mêmes milieux que celle du fuide éleétrique. Les corps 
» qui interceptent l’action de l’une, interceptent de même l'aétion de 
» l'autre ; & les effets, produits par la torpille, reffemblent, à tous 
» égards, à une foible éleékriciré ve, 


8 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. aur 


Ces expériences fur la puiffance éleétrique de la torpille, fe firent 
devant l’Académie de la Rochelle , dans une affemblée qui fe tint exprès 
chez moi, le 22 Juillec 1772, & elles font inférées dans les Regiltres 
de cette Académie. 

Dans ces expériences , l’effer de ce poiffon fut tranfmis à travers des 
conducteurs aufli variés & aufi étendus, que nous avions pu le faire 
dans les précédentes ; & ces expériences renfermèrent prefque tous les 
pe dans lefquels on avoit obfervé fon analogie avec l’effec de la 

outeille de Leyde. On établit ces points devanr les perfonnes qui éroient 
préfentes , ainfi que les circonftances dans lefquelles ces deux effets 
paroïfloient différer. On leur ficobferver pareillemenr que prefquetoutes 
nos expériences avec ce poillon avoient été faites dans l'air ; que fon 
action dans l’eau étoit un point capital à déterminer ; que dans la réa- 
lité, tout ce que nous avions fait jufqu'ici, n’avoic été prefqu’autre 
chofe que d'ouvrir le chemin à de nouvellesrecherches; qu'il reftoit encore 
beaucoup d’autres chofes à examiner , foit par l’Electricien , foit par 
l’Anaromilte ; que , comme l’ectricité artificielle avoit jetté du jour 
fur l'effet naturel de la torpille , cet effer pouvoit, à fon tour , étant bien 
confidéré, répandre de la lumière fur l'électricité artificielle, fur-rout 
par rapport à ces points, dans lefquels ils fembloient actuellement 
différer ; que pour moi, j'étois fur le point de prendre congé de ce 
poiffon , la nature l'ayant refufé aux Mers Britanniques ; enfin que la fuite 
de ces recherches rouloit principalement fur Meflieurs de la Rochelle , 
qui l’avoient en grande quantité fur leurs rivages. 

La torpille, dans ces expériences , faifoir bien reffentir ce coup dif- 
tint & inftantané, fi bien connu fous le nom de choc ou de commotion 
électrique ; mais elle ne faifoit point éprouver cette fenfation plus lé- 
gère & plus continuée ou prolongée, cet engourdiffement enfin qu’il 
fait éprouver dans certains temps, & d’où il a pris fon nom : cependant, 
on l'imita par l’eleétricité artificielle, & on montra qu’on pouvoit la pro- 
duire par une fucceflion rapide de petits chocs. Il fe pourroit faire que 
cet effer eût lieu dans la torpille , par l’action fucceilive de ces nom- 
breux cilindres, à peu près comme dans un feu roulant de monfque- 
terie, &.que fon Fn & unique choc für comme une décharge sé- 
néralé. Au refte, foit que ce poilfon agiffe d’une manière fuccellive ou 
inftantanée , il retire toujours, dans leurs.orbites , fes yeux qui font ordi- 
nairement faillans. 

Les deux joursfuivans on répérales mêmes expériences, & avec les mé- 
mes torpilles , en préfence de p'ufieurs Compagnies nombreufes des prin- 
cipaux Habitans de la Rochelle. Outre le plaifir de fatisfaire la.curiofité 
des perfonnes à qui ce fujer pouvoir en infpirer, & l'envie que j'avois 
d'excirer en elles le defir de fuivre ces recherches, j2 fouhairois encore 
beaucoup de donner la plus grande authenticité poffible à des faits , qui, 

1774. SEPTEMBRE. Dld 2 


' 


. 


112 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


fans cela, anroient pu être regardés comme fort incertains, même par 
quelques unes des perfonnes qui tiennent le premier rang dans cette 
partie de la Phyfique. Des autorités confidérables avoient donné une 
efpèce de fanction à des explications de ces effets, d’un autre genre, & 
les Electriciens eux-mêmes pouvoient bien ne fe pas prêrer facilement 
à des affertions qui fembloient , à certains égards, combattre les prin- 
cipes généraux de l'électricité. J'étois fondé à virer ces conféquences 
de différentes converfations que j’avois eu fur ce fujer avec des Savans 
diftingués, & à Londres & à Paris. Mais la juftice m’oblige de dire 
que, de trous ceux de cette claffe , vous êtes celui qui m'avez le plus en- 
couragé à efpérer du fuccès de mes recherches fur certe matière; je dois 
même ajouter que vous avez été jufqu'à m'aider à former des conje- 
étures , pour dérerminer comment la torpille, regardée comme douée 
des propriétés électriques, pouvoit s'en fervir dans un élément qui tranf- 
met ce fluide comme l’eau. 

Après avoir ainfi recommandé, en général , l'examen de la puiffance 
électrique de ces poiffons, lorfqu'ils agiffent dans l’eau , je réfolus moi- 
même de faire de nouvelles expériences, relativement à cet objet, avant 
de les quitter entièrement : car, malgré la familiarité où , fi cela fe peut 
dire, nous avions vécu enfemble pendant un mois, nous neles avions 
jamais furpris dans l'exercice immédiat de leurs facultés électriques 
contre quelqu'autre poiffon renfermé, dans la même eau, foit en fe 
défendant de leurs ennemis, ou en attaquant leur proie. Or, qu'ils 
en euffent la puiflance, & qu'ils l'exerçaffent lorfqu’ils étoient en pleine 
liberté , c'eft ce dont on ne pouvoir douter, 

On prit une grande torpille qui donnoit volontiers des commotions ; 
& la tenant par les deux mains, l’une appliquée à l'organe électrique 
du deffus , l’autre à celui du deffous, on la plongea brufquement dans 
l'eau à la profondeur d’un pied, & on l’éleva de même, à une hauteur 
égale, dans l'air; ce que l’on continua de faire aufli vite qu'il fut pof- 
fible , pendant l’efpace d’une minute. On obferva, qu’à linftant où la 
furface inférieure touchoit l’eau, en defcendant, la torpille donnoit un 
choc violent, & un autre encore plus violent, à l’inftant où elle quitroit 
l'eau en remontant. Ces deux chocs, & particulièrement le dernier , 
éroient accompagnés d’une efpèce de contorfion dans le corps de l'ani- 
mal, comme s’il eût voulu s'échapper de force. Outre ces deux chocs à 
la furface de l’eau, qu'on peut regarder comme donnés dans l'air , elle 
en donnoit conftamment deux autres encore en plein air, & toujours 
un & quelquefois deux, quand elle éroit entièrement dans l'eau. Les 
chocs éprouvés dans l'eau, autant que le fentiment pût en juger, ne 
paroiffoient pas approcher du quart de la force de ceux qu'on éprouvoit 
à la furface de l'eau , & guères plus du quart de ceux qu’on recevoir hors 
de l’eau, ou entièrement en l'air. 


EE 


SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 213 


On ne compte point, dans cette occafion, les chocs avec une montre, 
comme dans les expériences précédentes, où ce poiflon étant ifolé & 
dans un état tranquille, on en avoit reçu cinquante en une minute & 
demie. Mais, d'après la vireffe avec laquelle fe faifoient les immerfions 
de la torpille , on peut préfumer qu’on en faifoit au moins vingt en une 
minute, & ainf, que le nombre des chocs, dans cer intervalle , afdû 
être de plus de cent. IL réfulre de là’, qu’en même.rems que cette ex- 
vérience nous apprend la relation de force des chocs dans l'air ou dans 
eus , où dans ceux que le poiffon fait éprouver , en déployant plus ou 
moins de force ou d'énergie, elle paroït encore déterminer que les 
organes fe chargent d'électricité, & s'en déchargent en un inftant. 

On mit enfuite la torpille dans nn panier plat, ouvert par en haut, 
mais où elle éroit'retenue par un filer à grandes mailles. Ainfi contenue, 
on la defcendir dans l'eau à un pied au-deffous de fa furface , ou aux en- 
virons. Et là, étant touchée au travers des mailles, avec un feul doige 
d’une main, fur un de fes organes électriques , randis que l’autre main 
trempoit dans l’eau à une certaine diftance , cetre torpille fit éprouver 
des chocs qui furent reffentis très-diftinétement dans les deux mains. 

Ayant réduit ce cercle uniquement au pouce & à un doigt de la même 
main , appliqués deffus & ASE le mème organe éleétrique , on éprouva 
un choc, qui, felon le fentiment que nous en eùmes , nous parut deux 
fois plus fort que celui que nous avions éprouvé , lorfque le cercle étoit 
plus étendu, les bras en Ut 

La torpille étant toujours renfermce dans le panier , on la remonta de 
manière qu'elle n’étoit plus qu’à trois pouces de la furface de l’eau. Dans 
cette poftion , on la toucha avec une efpèce de verrouil ou de boulon de 
fer, que l’on tenoit avec une main à moitié hors de l’eau & à moitié 
dedans, tandis qu’on plongeoit l’autre, comme ci-devant ,.dans l'eau, 
à une certaine diftance de la torpille, & on reçut dans les deux mains, 
par le moyen de ce fer, des chocs très forts. 

On attacha au boulon une corde mouillée que l'on tint dans la main 
hors de l’eau, pendant que ce boulon touchoit la torpille, & on eut des 
chocs à travers ces deux fubftances. 

Une torpille moins vigoureufe, fufpendue dans un petit filet, ayant 
été plongée fréquemment dans l’eau, & retirée de même, fit éprouver 
à la perfonne qui le tenoit, de légers chocs au travers de ce filer, à 
l'inftant où elle arrivoit à la furface de l’eau. 

Ces expériences dans l'eau nous montrèrent que les corps plongés 
dans cet élément, peuvent être affeétés par le contaét immédiat de la 
torpille ; que plus le cercle que l'électricité eft obligé de parcourir , eft 
petit, plus fon effet eft grand, & que le choc peut fe tranfmettre de ce 
poiffon actuellement dans l’eau , à des perfonnes dans l'air, par le moyen 
de certaines fubftances. 

1774. SEPTEMBRE. 


214 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 

On n'a pu expérimenter d’une manière affez particulière, pour fe 
mettre en état de l’aflurer , fi, comme on l’a fouvent dit, les filets 
faits de chanvre & les harpons de bois peuvent tranfmettre cer effet 
dans des circonftances femblables. C’eft pourquoi je rapporte cette omif- 
fion , dans l’efpérance que cela engagera quelques perfonnes à déterminer 
ce point , par des expériences faites exprès. Ta 

Nous avons eu lieu de nous convaincre , dans des expériences précé- 
dentes, que l’exaét Kœmpfer (1) qui décrit, avec tant de précifion, l'effet 
de la torpille, & qui le compare ingénieufement à celui de l'éclair, s’eft 
trompé, lorfqu’il a avancé qu’on pouvoit le prévenir en retenant fon 
haleine : car nous avons trouvé qu’on ne parvient pas plus par ce moyen 
à empêcher l'effet de la torpille; que l’on parviendroit à empêcher celui 
de la bouteille de Leyde. 

Plufieurs perfonnes formant différens circuits peuvent être affetées 
par un même coup de la torpilie, comme fi elles n’en formoient qu’un 
feul. Par exemple, quatre perfonnes touchant féparément fes furfaces 
fupérieures & inférieures, furent routes frappées de fon choc ; de même, 
après que fon électricité eut été tranfmife au cravers du fil de métal dans 
un bain, deux perfonnes la tranfmirent de nouveau par deux direétions 
ou deux canaux direéts , comme leurs fenfations les en affurèrent, dans 
un autre baflin d’eau , d'où elle paffa , réunie vraifemblablemenrt par le 
fimple fl de métal. On n’a point déterminé jufqu’à quel point on pou- 
voit ainf divifer & fubdivifer cet effet en différens canaux ; mais on a 
trouvé qu’en les multipliant , il s’affoibliffoit dans la même proportion 
que lorfqu’on en étendoit le cercle. 

On s’atrendra fans doute que je dirai quelque chofe des parties de 
l'animal, dont l’action immédiate eft la caufe de cet effer électrique. 
La gravure qui accompagne certe lettre, en mème-tems qu’elle fait 
voir la figure de la torpille en général, préfente une vue intérieure des 
organes qui le produifent. De plus, M. Jean Hunter donnera à la So- 
ciéré une defcription anatomique très-étendue de ces parties, dans un 
Mémoire qu’à ma prière il a bien voulu écrire expreflément fur ce fujet ; 
c’eft pourquoi il feroit fuperflu de dire quelque chofe de plus, relative- 
‘ment à leur fituation ou à leur ftruéture. 

Quoi qu’ilen foit, je dois obferver, 1°. que c’eft dans ces doubles 
organes que réfide l'électricité de la torpille, le refte du corps de l’a- 
nimal ne paroiffant en aucune façon iparticiper à fon effer électrique, 
autrement qu’en le tranfmettant ; 2°. que ces organes font foumis à la 
volonté de l'animal , mais qu'il eft difficile de s’aflurer par l'expérience, 
s’il peut les faire agir féparément ou de concert , comme on l'obferve 


(1) Kœmpf. Amœn. Exor. 1712, page $14. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 215$ 


dans les autres parties qui font doubles chez les animaux; 3°. que leurs 
furfaces fupérieures & inférieures font fufceptibles de pafler dans un 
inflant, & par la fimple action de l'animal, d’un état d'équilibre dans 
leurs électricités , à un état oppofé de plus & de moins , femblable à 
celui de la bouteille de Leyde ; 4°. que quand ils font ainfi chargés, 
les furfaces fupérieures de l'organe droit & de l'organe gauche font 
dans le même état d'électricité, comme le font pareillement les furfaces 
inférieures , quoique dans un état contraire à celles de deflus : car une 
perfonpe ifolée ne peut recevoir aucun choc eh touchant les deux orga- 
nes uniquement , ou par-deflus ou par deffous. 

Toutes les parties qui bordent ces organes , agiffent plus ou moins, 
comme conduéteurs , foit à travers leur fubftance ou par leurs fuperf- 
cies. Or, quoiqu'une perfonne qui met deux doigts fur la mème fur- 
face d'un ou de ces deux organes , ne puiffe en recevoir de choc, dès 
qu’elle en fera avancer un fur une de ces parties conrigués , elle fera fuf- 
ceprible d'en recevoir. Mais ce choc n’approchera & ne fera peut-être 
pas même la moitié de ce qu’il auroit été , fi elle avoit touché immé- 
diatement les deux furfaces oppofées de ces organes; ce qui montre que 
la tranfmiflion de ces parties contiguës elt fort imparfaite. 

Les parties qui tranfmettent le mieux ce choc , font les deux grandes 
nageoires latérales qui bordent les organes au-dehors, & l’efpace inté- 
rieur qui fe trouve entre ces deux organes. Toutes les parties au-deffous 
des doubles cartilages tranfverfaux tranfmettent à peine le choc, à moins 
que ce ne foit dans l'inftant où le poiffon vient de fortir de l'eau, & 
qu'il eft encore mouillé; le mucus qui le lubrefe , paroilfant d'une nature 
ifolante , au moins s’annonce-t-il comme cela , à mefure qu'il fe fèche. 

Il paroït que les organes éle@triques même tranfmettent , lorfqu'’ils ne 
font pas chargés , le choc vraifemblablement, extérieurement , & non 
intérieurement ; car , deux topilles ayant été pofées fur une table mouil- 
lée, près l’une de l’autre ; & une perfonne ifolée ayant touché l’une avec 
un de fes doigts, l’autre avec l’autre, & ces deux doigts repofant refpec- 
rivement fur les organes fupérieurs, elle éprouva des chocs très-fen- 
fibles donnés tantôt par l’un des poiflons , tantôt par l'autre , comme 
on pouvoit en juger par le clignement refpectif de leurs yeux. De plus, 
on s’aflura par l'électricité artificielle que ces organes non chargés fer- 
voient de maniere ou d’autre, comme conduéteurs ; car on en tiroit des 
étincelles , quand ils étoient électrifés, & ils tranfmettoient le chocou 
la commotion. 

Nous ne nous fommes jamais apperçus , que lorfque la torpille donne 
fon choc , il y ait jamais aucun mouvement ou aucun changement dans 
fes organes ; feulement que cer effet éroit accompagné fouvent d’une 
foible agitation paffagère dans les cartillages qui les environnent : cepen- 
dant elle ne peut s’obferver lorfque l’animal eft gras, & qu'il ef frais & 

1774 SEPTEMBRE, 


216 OBSERVATIONS SUR IA PHYSIQUE, 
vigoureux ; mais, à mefure qu'il perd de fes forces, on apperçoit parle 
relâchement de fes mufcles , fes cartilages à travers la peau ; & on décou- 
vre alors le léger mouvement dont ils font affectés. er 

Ne pouvons-nous pas conclure de tout ce qui précède, que l’effer de 
la torpille vient d’une modification du fluide électrique ? La torpille ref- 
femble à la bouteille de Leyde chargée ; dans cette circonftance cara@térif- 
tique, qu'il y a entre fes deux furfaces une réciprocité d'effer. Les mêmes 
milieux tranfmettent encore leurs effets criterium qui eft peur être 
le plus für pour déterminer l'identité d’une matière fubtile. De plus, 
ils produifent l’un & l’autre les mêmes impreffions fur les nerfs. Or, les 
mêmes effets ont les mêmes caufes. Maïs, on pourra m'objecter que les 
effets de la torpille, & ceux de la bouteille de Leyde, ne fe reffemblenct 
pas dans toutes leurs circonftances ; que cette bouteille chargée occa- 
fionne des phenomènes d'attraction & de répulfion dans les corps voi- 
fins , & qu'on la décharge au travers une certaine épailleur d'air : que 
cet effer eft accompagné de lumière &,de bruit ; routes chofes qu’on ne 
voit point arriver avec la torpille. 

À cela je répondrai, que la nullité de la vertu éleétrique de la torpille, 
relativement à ces différens effets, tandis que fa force élaftique eft fi 
grande, qu’elle fe tranfmet au travers d’un cercle fortérendu, en donnant 
un choc dans fon paflage , pourroit bien n'être qu’un nouveau phéno- 
mène qui ne répugneroit cependant en rien avec les loix de l'éleéricité; 
car, mème en cela, on peutimiter la nature par les opérations de l’art. 

En effet, felon que la même quantité de fluide électrique eft employée 
dans un état de rareté ou de denfté, elle produira cetre diverfité d'effers, 

: Par exemple , une petite bouteille dont la fupsrficie étamée n'a que 
fix pouces-quarrés, étant fortement chargée, renfermera une éleétricité 
ta iuimenc condenfée pour fe faire un paflage à travers un pouce d'air, 
& préfenter en mème-temps tous les phénomènes de lumière , de fon, 
d'attraction .& de répullion; mais fi la quantité de fluide électrique , 
condenfé dans cette petire bouteille, eft extrèmement écendue en la 
diftribuant à trois grandes jarres communiquant enfemble , dont les fur- 
faces étamées forment en rotalité une fuperficie quatre cens fois plus 
grande que celle de la petite bouteille ( je cire ces jarres , parce que ce 
font celles dont je me fers ) : ce Auide éicétrique, ain étendu , donnera 
tous les phénomènes négatifs, fi je puis les appeller ain, de la corpille; 
çar., alors il ne paflera pas à travers une lame d’air de la centième partie 
de ce pouce d’air qu'il traverfoit facilement dans fon état de condenfa- 
don, 1l ne paflera pas à travers la légère fépararion.de la feuille d’érain, 
létincelle- & le bruit qui l’accompagne, ne s'obferveronr plus, & pas 
même l'attraction & la répulfion des corpslégers ; enfin une pointe appro- 
chée le plus près poffible , à moins qu’elle ne foit en contaét, ne pourra 
pas la décharger. Cependant, avec certe élafticité ainfi nié dé 

uide 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 217 


fluide électrique , pour reprendre fon équilibre , parcourra en un inftant 
un circuit confidérable , formé de différens conducteurs parfaitement en 
contact, nous fera fencir une fecouffe dans fon paffage. 

Qu'on me permette de remarquer ici que la fagacité de M. Caven- 
dish à imaginer des expériences dique ; & fon adreffe à les exécu- 
ter , l’a conduit le premier , à expérimenter avec l’éleétricité artificielle 
qu’on pouvoit recevoir un choc, avec une charge qui étoit capable de 
fe faire un palfage à travers le plus petit efpace d'air. 

Cependant, après avoir découvert qu'une éleétricité très-rare par la 
grande fuperfcie fur laquelle elle eft répandue , pourroit imiter les effets 
de la torpille , on pourra demander où l’on trouvera cette grande fuper- 
ficie dans ce poiffon. Ici , nous approchons de ce voile de la nature que 
l’homme ne peut lever. Quoi qu’ilen foit , nous favons au moins qu'une 
furface infinie peut réfulter de la divifion infinie des parties; & notre 
optique , tout imparfait qu'il eft, nous apprend que ces organes finsu- 
liers dont nous avons fi fouvent parlé, font compofés , comme nos bar- 
teries électriques , d’un grand nombre de vafes , qu’on les appellecomme 
on voudra , cylindres ou prifmes hexagones, dont toutes les furfaces 
prifes enfemble fourniffenc une fuperficie confidérable. 

Je me félicire, en vous adreffant ces détails ; car celui qui a prédit & 
montré que c’eft l’éleétricité qui fait voler la foudre du Ciel, apprendra 
certainement avec intérêt, que dans la profondeur des mers elle accé- 
lère encore une autre foudre plus foible , invifible & fans bruit. Celui qui 
a analyfé la bouteille électrique ou le va/e foudroyans , apprendra avec 
plaifr que fes loix fe retrouvent encore dans un autre vafe foudroyant, 
vivant & animé. Celui que la raifon a rendu Electricien , apprendra avec 
refpect qu'il y a un Electricien d’inftinét que la nature a doué en naif- 
fant d’un appareil admirable, & de l’art néceflaire pour s’en fervir. 

Majs, quelque refpeét que j'aie pour vos connoiffances , comme Elec- 
tricien, c'eft certainement pour des connoïffances d’une plus grande 


importance encore , que je fuis pénétré de cette haute eftime avec 
laquelle je fuis, &c. 


de 
QE 
Ce" 


Tome IV, Part. III. 1774. SEPTEMBRE, Ee 


218 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


EX P'LIECGLA CT E'O:.N 


De la Planche I, qui repréfente La Torpille ; ou la Raïe éleétrique mâle 
6 femelle. 


TR GEO URNE UE: 


Vue de la femelle en deffous , ou de fa furface inférieure. 


a La repréfentation (la peau ayant été enlevée) de l'organe du côté 
gauche, qui eft compofé de colonnes blanches & flexibles, ran- 
ges dans un ordre ferré, & en grande partie hexagone , ayant 
l'apparence en général d’un rayon ou gâteau de miel en minia- 
ture. On a quelquefois caraétérifé ces colonnes de cylindres ; 
cependant ne laiffant point d’interftices entr’elles , elles font 
toutes angulaires, & principalement à fix faces. 


b La peau qui couvre l'organe, préfentant du côté intérieur , un 
ouvrage en filet à mailles héxagones, 


c Les narines en forme de croiffant. 

d La bouche en croiflant , mais en fens contraire de celui des nari- 
nes, garnie de plufeurs rangées de très-petires dents formées 
en crochet. 

e Les ouïes, au nombre de cinq de chaque côté. 

f Endroit où le cœur eft placé. 

ggg Situation des deux cartilages tranfverfaux & antérieurs , qui , paf 
fan: , l’un au-deflus de l’épine , l'autre au-deffous , foutiennent 
le diaphragme , & s’unifanc vers leurs extrémités intérieures , 
forment de chaque côté une efpèce de clavicule & d’omo- 
plate. 
hh Bord extérieur de la grande nageoïre latérale. 

ii Bord intérieur de cette nageoire fe terminant à l'organe élec- 
trique. 

& Atticulation de la grande nageoire avec l’omoplate. 

1 Le ventre. 
mmm Situation du cartilage unique & tranfverfale de la partie pofté- 
rieure qui eft joint à l'épine, & qui porte de chaque côté les 
deux petites nageoires latérales. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 219 


nn É Les deux petites nageoires. 


o L’anus. 
P Nageoire de la queue. 


FUIUGIDURPENNI IT, 
Vue du deffus ou de la furface fupérieure de la femelle. 


aa Repréfenarion de la partie fupérieure de l'organe éleétrique du 
côté gauche. 


b La peau qui couvroit cet organe. 

c Les yeux faillans & regardant horifontalement en dehors, mais 
pouvant, felon l'occafion , rentrer dans leurs orbites. 

d Deux ouvertures communiquant avec la bouche, garnies chacune 
intérieurement d’une membrane , qui, dans l'air, comme dans 
l'eau, joue régulièrement dans l'infpiration , & en arrière & 
en avant dans cette ouverture. 

e Situation des ouies du côté gauche. 

f Les deux nageoires du dos. 


gg Situation des cartilages antérieurs & tranfverfaux. 
FIGURE III. 


Vue en deflous ou de la furface inférieure du mâle, dont la gran- 
deur , & telle qu'elle eft repréfentée ici, eft en général moindre que 
celle de la femelle. - 

aa Deux appendices qui caractérifent le mâle. 


OBSERVATIONS ANATOMIQUES 
(4 Sur la Torpille ; à | 
Par M. JEAN HUNTER, de la Sotiété Royale de Londrés, 
Lues à la Société le premier Juillet 1773. 
NL Wah ayant déterminé par fes expériences à la Rochelle , que 
l'effet de la corpille eft éleétrique:, il me prias iky a quelque tems, de 


difléquer & d’examiner les organes particuliers de ce poiflon , au moyen 
1774. SEPTEMBRE. Ee2 


220 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


defquels il produit un effet fi extraordinaire ; c’eft ce que j'ai fait fur 
plufieurs torpilles qu’il m'a fait remettre. 

Il me prie aujourd’hui d’expofer à la Société , les Obfervations que 
j'ai faites ; & pour qu'on les entende mieux , de lui préfenter, de fa 
part , deux torpilles Lu l’efprit de vin, l’une mâle & l’autre femelle, 
& où l’on a expofé dans la dernière , les organes électriques fous diffé- 
rens points de vue, & au moyen de différentes fections. Il me charge 
de préfenter aufli en même-tems , à la Société , une planche, répréfen- 
tant ces organes, qu'il a fait graver exprès. 

Je ne dirai rien de la ftruéture & de l’anatomie de la torpille en gé- 
néral , puifqu’elle ne diffère pas effentiellement, excepté dans fes or- 
ganes éls@riques ( comme M. Walsh les a très-bien dénommés } des 
autres raies, à Ja famille defquelles on fait qu’elle appartient. J'aver- 
tirai feulement que la torpille, dont il eft ici queftion , a aux environs 
de dix-huit pouces de long , douze de large, & deux d’épaifleur au mi- 
lieu , ou dans l'endroit où certe épaiffeur eft la plus confidérable. Ces 
dimenfions font à-peu-près celles de la femelle , qui eft actuellement fous 
les yeux de la Société, & de celle d’après laquelle on a gravé la planche. 

Au refte , quand il y aura quelque différence dans les organes réful- 
tant de la diféente grandeur de ces poiffons, j'aurai foin d’en faire 
Ipention. 

Les organes éleétriques de la torpille , placés de chaque côté du crâne 
& des ouies , s'étendent latéralement de-là jufqu’aux cartilages demi- 
circulaires de chaque grande nageoire , & longitudinalement depuis l’ex- 
trémité antérieure de l'animal, jufqu’au cartilage tranfverfal, qui fé- 
pare le thorax de l'abdomen. Dans certe étendue ils occupent tour l’ef- 
pace entre la peau de deflus & de deffous ; leur plus grande épaiffeur 
fe trouve à leurs bords inférieurs près du centre de l'animal , & certe 
épaifleur va, en s’aminciffant graduellement , vers les extrémités exté- 
rieures. Chacun de ces organes fe trouve inégalement découpé le long 
de fon bord intérieur & longitudinal, étant adapté exactement aux 
contours faillans & irréguliers du crâne & desouies. Le bord longitudinal 
extérieur forme une courbe elliptique convexe. L’extrémité antérieure 
de chaque figure eft formée par une portion de cercle d’un petit rayon , 
& l'extrémité poftérieure fait à-peu-près un angle droit avec le bord 
intérieur. Chaque organe eft attaché aux parties environnantes par une 
membrane d’un tiflu ferré & cellulaire, & aufli par de courtes & fortes 
fibres tendineufes , qui traverfent directement , de fon bord extérieur , 
aux cartilages demi-circulaires. 

Ces organes font recouverts en deflus & en deffous par la peau de 
l’animal , fous laquelle il y a une membrane ou une Lee de bande 
mince qui les reccuvre en entier, Cette large bande eft compofée de 
fibres qui s’écendent longitudinalement , ou dans le fens du corps de 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, »xr 


Panimal, Ces fibres paroiffenc percées en une infinité d’endroits , ce qui 
donne à cetre bande l’air d’être formée elle-même par un nombre de 
faifceaux. Les bords de cette bande font, de toutes parts , fortement 
attachés à la peau , & paroiffent à la fin dégénérer ou fe confondre avec fa 
membrane cellulaire. 

Immédiatement au-deflous de cette bande où membrane il y en a 
une autre exactement de la même efpèce, & dont les fibres , en quelque 
façon , traverfenr ceux de la première , allant depuis la ligne du milieu 
du corps en dehors & en arrière ; le bord intérieur de cette membrane 
fe perd dans la première. Ses bords antérieurs , extérieurs & poftérieurs 
font en partie attachés aux cartilages demi-circulaires, & en partie vont 
fe perdre dans la membrane cellulaire commune. 

Cette bande inférieure paroît pénétrer dans l'organe électrique, par 
autant de prolongemens qu’il y a de colonnes , & forme par là, les côtés 
membraneux, ou les étuis de ces colonnes que nous allons bientôt dé- 
crire. Entre ces prolongemens, cette bande couvre l'extrémité de cha- 
que colonne , en en formant la cloifon extérieure ou la première. 

Chacun des organes électriques de la torpille, que nous examinons 
dans le moment préfent , a aux environs de cinq pouces de long , & de 
trois pouces de large à la partie extérieure , quoiqu'il n'ait qu'à peu 
près la moitié de cette largeur à la partie poltérieure. 

Chaque organe eft uniquement compofé de colonnes perpendiculaires, 
allant de la furface fupérieure du poiffon , à la furface inférieure. La 
longueur de ces colonnes varie felon l’épaiffeur des parties du corps aux- 
quelles elles correfpondent ; les plus longues ont aux environs d’un pouce 
& demi de long , les plus courtes à-peu-près un quart de pouce ; leur dia- 
mètre eft, en général , de deux dixièmes de pouce. 

Les figures de ces colonnes fonc fort irrégulières, variant & par leur 
fituation , & par d’autres circonftances. Le plus grand nombre forme des 
héxagones ou des pentagones irréguliers ; mais leur irrégularité donne 
lieu quelquefois à des colonnes , ou plutôc à des prifmes quadrangulaires. 
Celles des rangs extérieurs font ou quadrangulaires, ou héxagones, ayant 
une face externe , deux latérales; & quelquefois une ou deux in- 
rernes ; les colonnes du fecond rang font, pour la plupart, penta- 
gones. 

Leurs membranes font fort minces , & paroïflent tranfparentes ; elles 
font fortement attachées les unes aux autres, ayant une efpèce de ré- 
feau lâche , formé de fibres cendineufes , qui paffe obliquement & tranf- 
verfalement entr'elles , & qui les unit par-là encore plus fortement en- 
femble. On obferve ces fibres plus particulièrement dans les endroits 
où paflent les gros troncs des nerfs. Les colonnes ont encore d’autres 
atraches formées par de fortes fibres non élaftiques , qui vont directe- 


ment de l’une à l’autre. 
1774. SPETEMBRE. 


222 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Le nômbre des colonnes dans différentes torpilles, de la grandeur de 

cellés qui font aétuellement fous les yeux de la Société, a paru, dans 
chique éfoane, de 470, ou à-peu-près ; mais ce nombre varie felon 
leur grandeur (1) 
* Péndant que Fanimal grandit, ces colonnes augmentent, non-feule- 
ment en grandeur , mais ‘encore en nombre, de nouvelles fe formant 
peur être annuellement fur les bords extérieurs de l'organe ; ce qui eft 
d'autant plus vraifemblable , qu'ellés paroïffent beaucoup plus petites 
dan$ ces endroits. Le procédé de Ia nature pourroit être femblable à la 
formation des nouvelles dents , dans la mâchoire , à mefure qu’elle 
ELOIE. 0) A AP RONNNE j 

Chaque colonne eft partagée par des cloifons horifontales , placées les 
unes au deffus des autres , à de très-petites diftances, & formant par-là 
un grand nombre d’inteftins qui paroiffent contenir un fluide. Ces cloi- 
{ons font Fforméës d’une membrane très-mince,& fort tranfparente ; leurs 
bords paroiffent renir l’un avec l’autre; & le rout eft atraché à l'intérieur 
des colonnes par une membrane cellulaire très-déliée. Ces cloifons ne 
font pas entièrement détachées les unes des autres , & je les ai trouvées 
adhérentes en-différens endroits, au moyen des vaiffeaux fanguins qui 
alloienc de l’une à l’autre. 

Dans une rorpille qui avoit été confervée dans de l’efprit de-vin, on 
trouva , après l'avoir examinée attentivement , que le nombre des cloi- 
fons dans une‘colonne d’un pouce de hauteur, étoir de cent cinquante ; 
& ce nombre pouvoit être encore le même dans les colonnes de différens 
diamètres qui ont la même longueur & le mème degré d'humidité ; car , 
par la féchereffe , cela peut varier beaucoup, De-l , il paroît probable 
que , dans l’accroillement de l'animal , l’alongement de la colonne n’en 
produir pas un proportionnel dans les intervalles des cloifons, mais que 
cet accroilfement donne lieu à la formation de nouvelles cloifons pro- 
venant de la bande dont nous avons parlé, & qui vont fe joindre à 
l'extrémité de la colonne. 

Ces cloifons font crès: vafculaires; les'artères fonc des branches, des 
veines, des ouies , qui tranfmetrent le fang qui a éprouvél'aélion de la 
refpiration. Elles paffent & entrenravec les nerfs dans les organes élec- 
triques , où elles fe ramilient de toutes parts dans un nombre infini de 
petites branches fur les parois des colonnes ; elles renvoient de mème 
de la.circonférence vers le centre, & tout aurour, fur chaque cloifon , 
dé petites artères qui fe ramifient & s'anaftomofent deffus; & qui, paf- 
fañtaufi d’une cloifon à l'autre; vont s’anaftomofer pareïllement avecles 


Vhilléaux des cloifbns voifines.. !  ; 


D 


PITIIR I DUalis died i : SCLI TU © s'ér101) EG: Sa 
. (x) Oh rrouva dans une fort grande Torpille ; que le nombre des colonnes dans un 
organe éleétrique étoit de 1182. PAU 


SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 223 


Les veines des organes électriques, en fortent le long des nerfs , & 
paflant entre les ouies , vont à l’oreillette du cœur. 

Les nerfs qui vont s’inférer dans chacun de ces organes , naiffent de 
trois gros troncs des parties latérales & poftérieures du cerveau. Le pre- 
mier de ces troncs , en fortant , tourne autour d’un cartilage du crâne, 
& envoie plufeurs rameaux à la première des ouies & à la partie exté- 
rieute de la tête ; il pafle enfuite dans l'organe vers fon extrémité an- 
térieure. Le fecond tronc pafle dans les ouies entre leur première & 
leur feconde ouverture ; & après leur avoir fourni quelques perits ra- 
meaux , il s’'infère dans l’organe éleétrique vers fon milieu. Le troifième 
tronc , après être forti du crâne, fe divife en deux branches qui palfenc 
à l'organe électrique au travers des ouïes , lune , entre la feconde lax 
troifièmeouverture , l’autre , entre la troifième & la quatrième, en don- 
nant de petits rameaux à l’ouie elle-même. Les’nerfs étant'entrés dans 
ces organes , fe ramifient dans tous les fens entre les colonnes, 8: en- 
voient des rameaux fur chaque cloifon où ils fe perdent: 

La groffeur & le nombre des nerfs qui ont été accordés à ces organes, 
relativement à leur grandeur, doivent paroître ,. quand on y réfléchie, 
aufli extraordinaires que les phénomènes qu’ils produifent. La nature a 
donné des nerfs aux parties des animaux , ou pour le mouvement , ou 
pour le fentiment. Or, fi l'on mer à partles fens les plus importans, 
comme ceux de la vue , de l'ouïe, de l’odorat & du goût , qui n’appar- 
tiennent pas aux organes électriques, il n’y a pas même dans l'animal 
le plus parfait, de parties, qui , en proportion de leur grandeur, foient 
aufli pourvues de nerfs que ces organes. Il faur obferver encore qu'ils ne 
paroïffent point avoir befoin de ces nerfs pour aucune fenfation parti- 
culière qu'on puille regarder comme leur appartenant. Quant au mou- 
vement , il n'y a aucune partie des animaux qui foient .venus à 
ma connoifflance , quelque fortes & quelque conftantes que foienc 
fes fonétions , qui aient des-nerfs dans une aufli.grande proportion. 

S'il et donc probable que ces nerfs ne foient pas nécelfaires, ni pour 
le fenciment , n1 pour le mouvement , ne pouvons.nous pasen conclure 
qu'ils font deftinés à former , rallembler & diriger le Auide électrique , 
& d’autant plus, qu'il paroïtévident , d’après les expériences de M. 
Walsh , que la volonté de l’animal règle abfolument fa puiflance élec- 
tique , qui doit vraifemblablement dépendre de l'énergie des nerfs ? 

Mais le tems & les découvertes futures pourront feüls déterminer 

leinement jufqu’à quel point cette propriété peur être rapprochée de 
Faction des nerfs en général, & comment elle peut mener à l'explica- 
tion de leurs effets. 


LE * 


1774. SEPTEMBRE. 


124 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


SRE DEEE 2 CU EE PSP RS PRE PR 27 GARE ULTRA EEE CIRE GERS TE 


= 


EX PL TQC, AT CT ON: 


De la Planche II de la Torpille, 
F1 G'U RE "I 


Repréfentant la furface fupérieure de l'organe éleétrique. 
AA La peau de l'animal. 
B L'ouverture fervant à l'infpiration. 
C Lail. 
D La partie où fe trouvent renfermées les ouïes. 


EEE La peau difféquée ou enlevée de deffus l'organe electrique , & 
tournée en deffus. La forme de rayon de miel, de fa furface 
externe, correfpondant avec la furface fupérieure de l’organe. 

F La partie de la peau qui couvroic les ouïes avec quelques ramifi- 
cations d’un canal excrétoire qui rampe deflus. 
GGG La furface fupérieure de l'organe éleétrique formée par les extré- 
mités fupérieures des colonnes perpendiculaires. 


FU GNT ARIME RTE 


L'organe électrique droit coupé horifontalement en deux tran- 
ches ou parties à-peu-près égales , dans l'endroit où les nerfs 
s’insèrent , la partie fupérieure étant tournée en dehors. 

AA, BB,CC, DD Les parties correfpondantes des nefs fortant des ouies, 
& fe ramifiant dans l’organe électrique. 

AA Le premier ou le tronc antérieur fortant précifément au-devant 
des ouïes. 

BB Le fecond, ou celui du milieu, fortant derrière la première des 
ouïes. 

CC La branche antérieure du troifième tronc fortant derrière la 
feconde des ouies. 


DD Branche poftérieure du troifième tronc, fortant derrière la troi- 
fième des ouïes. 


PODIAENN ONE EN DEL SP PNTAGQ UN R LES 


Coupe tranfverfale de la torpille, un peu au-deffous des ouver- 
tures de l’infpiratien. 
AA La furface fupérieure du poiflon. 


BB 


SUR 'L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 215 

BB Les mufcles du dos coupés. 

C La moëlle épinière. 

D L'œfophage. 

E L'ouïe gauche fendue, pour faire appercevoir Le cours d’un tronc 

de nerf qui le traverfe. 

F La furface des parties de la refpiration de l’ouie droite. 

GG Les nageoires. 


HH Les colonnes perpendiculaires qui forment l’organe éleétrique , 
avec une repréfentation de leurs cloifons horifontales. 


1 Un des troncs des nerfs avec fes ramifcations. 


CMBASNNEN RE PC AIT ET ON 


Sur la récolte des Vins , dans le Bas- Languedoc , en 
.Vannée 1773 ; 


Par M. MourGUE , de la Socièté Royale des Sciences. de Montpellier, 
Affocié à la Societé Royale d'Agriculture de Lyon, & Honoraire de la 
Société Economique de Berne. 


rene je me fois fait une loi de ne tirer des conféquences de 
mes diverfes obfervations, que lorfque je les autois vérifiées par une 
fuite d'années, je crois devoir communiquer celles que j'ai faires fur les 
vignes pendant certe année 1773. 

Pour fuivre le cours de ce qui devient le fujer de ce Mémoire , il con- 
vient de décrire , en peu de mots , les progrès de Ja vigne , depuis le 
moment où le premier bourgeon parut jufqu’à fa maturité, 

Les alternatives de froid & de gros vents qui régnèrent pendant les 
mois de Mars , d'Avril & de Mai furent caufe que la vigne travailla rard. 
On n’apperçut les bourgeons fe préfenter dans l'alignement dés fou- 
ches (1) que du 20 au 25 d'Avril. La vigne fit peu de progrès jufqu’ay 
20, Mai. Élle travailla beaucoup jufques vers le 10 & 12 Juin. 1] fe pré- 
fenta une quantité prodigieufe de raifins. Il y avoit long-rems que le 
Vigneron n’en avoit vu autant à cette époque : Les raifins furent généra- 
lement en eur du-10 au 15 de Juin ; ce qui eft plus tard qu’on ne le 
voit ordinairement. Un vent d'ef{ très-violent, & très-humide , qui fouf- 


(1) Gabiégea | fuivant le mot vulgaire de nos Vignerons. 


Tome IV, Part. III. 1774. SEPTEMBRE. Ff 


# 


2126 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


fla les 12,13 & 14 Juin, furprit la vigne au moment de la pleine leur , 
& lui porta le plus grand préjudice , non-feulement par la quantité pro- 
digieufe de farmens caflés, mais plus encore par la fleur arrachée avant 
fa perfection. On fait que la floraifon eft le moment le plus délicar & 
le ‘plus dangereux pour-les plantes. Des bronillards qui furvinrent les 
16 & 17 Juin achevèrent le mal: la chaleur qui leur fuccédoit dès les 
fept heures duimatin , défféchoic & brüloir la fleur déja fatiguée ou rom- 
pue par les vents ; d'où il réfulta une perte confidérable qu'on exprime 
ordinairement par ce mot technique , /a vigne a coulé : les rems chauds 
& hunudes que nous eümes à la fin de Juin, firent fortir une quantité 
prodigieufe de petites grappes de raifin qui naïfloient le long du far- 
ment, au deffus de la grappe première marquée, & qui avoit tant fouf- 
fert : ces nouvelles petites grappes vinrent en fleur très-promprement & 
graduellement; c’eft à-dire, que celles qui éroient plus bas dans le far- 
ment, & plus près de la fouche , furent celles qui éroientle plus promp- 
tement en fleur, quoique les autres les fuiviffent de près. À mefure que 
les grains de railin groflirent , on vit combien les grappes étoient claires ;” 
& combien on avoit perdu; le découragement étoit général. Les raifins 
ne commencèrent à changer de couleur,,en général , que vers la fin 
d’Août , mais fi peu enfemble où à la fois, qu'il y en avoir encore beau- 
coup qui n’avoient pas noirci aû premier Septembre, même de ceux qui 
s’étoient montrés les premiers. Les pluies douces & les rems favorables 
qui régnèrent en Septembre, firent prodioieufement groffir le grain, Il 
eft prefqu'impoñlible d'exprimer les grands changemens de la vigne pen- 
dant ce mois ; cela fut au point que cette récolte qui s’étoit annoncée fi 
mal jufqu'à ce moment, donna encore grand efpoir. Le raifin mürirà 
propos , & l'inégalité qui avoir paru dansiles divers degrés de maturité 
dés grappes, ne Far prefque plus apparente. On voyoit feulement rouges 
& moins avancées ces grappes tardives qui étoient furvenues à la fin de 
Juin. Les beaux tems qui continuèrent à régner pendant le mois d’'Oéto- 
bre , firent profiter le raifin jufqu'au moment où on le coupa. On 
vendangea les vins rouges du 8 au 15 Oétobre par le plus beau rems 
poñible. Les vins fermentèrent promptement dans la cuve ; mais cette 
fermentation ne fe foutint pas avec la même force aufli long-rems 
qu’on le voit ordinairement. On a remarqué que les vins ne rendirent 
pas en général autant que la quantité de vendange portée dans les cuves 
l'auroit fair préfumer au Culrivateur qui fe trompe peu fur l’apprécia- 
tion qu'il fait de fa récolte en certains momens. On à remarqué encore 
que les vins fermenrèrent moins promprement dans le tonneau , & qu'ils 
furent verds en général. Quant à la quantité, elle fur moindre que celle 
de l’année 1772, on ne peut guères l’apprécier au jufte , parce qu'il eft des 
Communautés, des Cantons qui diminuèrent plus les uns que les autres. 

Cette expoftion du cours & des progrès de la vigne nous fournit quel- 
ques remarques elfentielles. Le tems auquel la vigne a foufferc, & les 


pere LA ul nt me 


{ 
l 
| 


SUR L'HIST NATURELLE ET. LES ARTS. 227 


caufes qui ont pu occafñonner fes pertes ; les reffources qui fe font pré- 
fentées au Culrivareur par cette quantité prodigieufe de nouvelles grap- 
pes de raifin que nous avons vu naître & furvenir après le moment au- 
quel la vigue a Le plus perdu ; enfin, la quantité & la qualité des vins 
de certe année , qui nous prouvent qu’on n’a pas fu profiter de ces ref- 
fources. 

Je n'infifterai pas fur le premier de ces objsts, fur le rems auquel la 
vigne a fouffert, & fur les caufes de cetre perte. Je ne l’ai indiqué que 
pour faire appercevoir qu'avec un peu d'att ntion, le Cultivateur pourra 
connoiïtre le moment des contre-tems qui nuifent à fes récoltes; & 
qu'en fuivant la marche des plantes qui font l’objec de fes travaux, il 
peut en général améliorer fon fort, foit pour l'année mème qui lui porte 
du dommage, foit pour les années à venir , en fe prémumilant à l'avance, 
contre tel évènement qui ne Le furprendra plus autant, 

La feconde remarque nous fournira la preuve de ce que je dis, qu'il 
eft des reffources dont il ne tient qu’à nous de profiter. 

J'ai dir que la vigne coula pendant le rems de la fleur , du 12 au 17 
Juin. Le terrein étoi affez humide à certe époque ; la chaleur étroit tem:- 
pérée ; la végétation étroit au point de fon plus fort travail ; la fouche n’a- 
voit été nullement endommagée : le fruit feul avoit fouffert, de forte que 
les racines & le corps de la fouche éroient au moment où ils fournif- 
foient le plus de fuc nourricier. Il eft à préfumer que.ce fuc abondant ne 
trouvant pas à fe placer à fon lieu ordinaire, au grain de raifin marqué, 
& que les accidens avoient détruit ou dérangé, il.eft à préfumer, dis-je, 
que ce fuc aura pourfuivi fa marche , & aura été fe développer à l'endroit 
le plus favorable. Or, l'expérience nous fait çonnoître que cer endroit le 
plus favorable , indiqué, pour ainfi dire, par la nature de la plante, eft 
à côté de chacune des vrilles qu'on voit le long du farment. Je n’entre- 
rai dans aucune des preuves de ce fait, cela m'écarteroit de mon fujer; 
mais on peut le regarder comme établi. Ce fera donc à côté de chacune 
de fes vrilles que ce fuc aura été dépofer fon réfulrar, & c’eft ce qui 
elt arrivé. 

A côté du pédicule même de la première vrille qui s’elt trouvée au- 
deflus de la grappe de raifin première fortie , on vit fortir une pre- 
mière grappe, plus ou moins groffe, fuivant la qualité du raïfin & la 
vigueur de la fouche. Au-deffus de cette première grappe rardive & du 
pédicule qui fuit en remontant le long du farment, on vit encore fortir 
une feconde grappe moins grofle que la première, & ainfi en remon- 
rant : j'en ai obfervé jufqu’à quinze fur un même farment d’une efpèce de 
raifin très-vigoureux. On peut compter qu'il y en a eu en général jufqu’à 
la troifième vrille. 

J'ai dir que ces grappes tardives parurent vers la fin de Juin, & qu'elles 
furent promptement & graduellement en fleur : la réflexon la plus légère 

1774. SEPTEMBRE. Ffz 


228 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


fera voir que la marche de ces nouvelles grappes n’aura pu être la même 
que celle des grappes qui parurent les premieres au rems où elles de- 
voient naturellement paroître ; & que par conféquent il a dû y avoir la 
même incgalité dans leurs progrès vers la maturité qu'il y a eu dans tout 
leur accroiffement. 

Certe obfervation établit la vérité des reffources dont j'ai parlé ci- 
deffus ; reMources qui m'ont patu confidérables: car, d’après des obfer- 
Vations très-fouvent réitérées fur toutes fortes de terreins, dans les meil- 
leurs comme dans les plus pauvres vignobles, j'ai jugé que la quantité 
de ces nouvelles grappes égaloir & furpafloir mème en quelques endroits 
la quantité de raïlins perdus au moment où la vigne avoit coulé. On vou- 
dra bien obferver que je n’enrends parler ici que de la quantité ou du 
volume des raifins, & non de la quantité de vin à laquelle ces nouvellés 
grappes n'ont pu totalement fuppléer , mais dont elles auroient bien 
approché fi le Cultivateur en avoit fu tirer parti, comme je vais le 
démontrer. : 

On ne peut jamais efpérer ni même défirer des tems plus beaux & 
plus favorables que ceux que l’on eut en 1773, dans le Bas Languedoc, 
avant & pendant les vendanges. Ces beaux tems amenèrent à la matu- 
rité la plus parfaite les railins premiers fortis , les raifins qui avoient 
réfifté aux défaftres que la vigne effuya en Juin. Il eft à préfumer que 
ces railins feuls, ramaflés féparément , & fans le mélange d'aucune 
des grappes cardives, auroïent fait un vin mür , moëlleux, & de la qua- 
lité la plus parfaite; mais, en cusillant ia vendange , on mêloit à ces 
railins , les premières grappes rardives qui , quoique de la même couleur, 
n'avoient pas acquis le mème degré de maturité, & ne contenoient pas 
encore ce moût doux & mielleux qui fait le bon vin. On abandonnoir, 
en vendangeant, celles de ces grappes rardives qui n’approchoïent pas 
de la couleur requife ; mais pour peu qu’elles euflent certe couleur, tout 
étoit ramalfé. Or, ces grappes rardives étant en très-grande quantité , 
elles ont nécelfairement influé fur la qualité du vin, & caufe ce goût de 
verdeur que l’on trouve aux vins de 1773. 

Deux circonftances frappantes viennent à l’appui de cette obfer- 
vation. 

On s’eft plaint que les cuves ne rendoient pas du vin en proportion de 
la vendange qu’on y avoit porté. On ne peut l’attribuer qu’à ces grappes 
peu mûres, qui ne contenant pas un moût nourri & porté à fa perfec- 
tion, n’ont pu rendre autant que les autres. I] ne s’eft échappé de ces rai- 
fins que la partie la plus liquide, qui fe trouve ordinairement au centre 
du grain de raifin, Il eft refté beaucoup de ce fuc qui, n'ayant pas atteint 
fon degré de maturité , n’a pu fe féparer des parois intérieures du grain, 
& qui, par conféquent , a dü diminuer la quantité de vin qu’on étoit en 
droit d'attendre , relativement à la quantité de vendange. 


EE RES 2 


TE PRE 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 219 


L'autre circonflance me paroît fe déduire d’une obfervation com- 
mune. [left de fair , que plus le moût approche de la maturité, plus la 
fermentation vineufe , routes chofes d’ailleurs égales, eft complette & 
fourenue. Nous avons vu cette année les vins entrer très-promptement 
en fermentation dans la cuve : cette fermentation ne s’eft pas fourenue 
aufi long-tems qu’on le voit ordinairement; d’où il eft aifé de con- 
clure que le défaut de maturité de ces grappes cardives a influé fur la 
perfection du vin. 

Ayant indiqué les raifons pour lefquelles nous avons eu des vins 
verds & en moindre quantité qu'on ne l’auroit préfumé au moment de 
la vendange , il eft tems de nous occuper des moyens qui auroient pu 
nous donner des vins meilleurs & en plus grande quantité. 

Ces moyens font fimples. I1 n’y auroit eu qu’à faire cueillir la ven- 
dange en deux époques ; on auroit ramaflé d’abord ces premiers raifins 
qui avoient réfilté aux contre-tems qui avoient fait couler la vigne en 
Juin; on en auroit fait un vin à part. Il y a tout lieu de croire que ce 
vin eût été excellent. Ces raifins étoient faciles à connoïtre ; les femmes, 
les enfans les moins experts de ceux qui vendangent, ne s’y feroient 
pas trompés , fi on leur avoit donné des ordres bien pofitifs, & fur-tour, 
fi on leur avoit bien expliqué qu’on vouloit faire une feconde ve ndange, 
On auroit attendu la maturité des grappes rardives, on les auroit ven- 
dangées à propos, & certainement, on en auroit eu-une quanuté de vin 
qui auroit indemnifé le Culrivateur des pertes qu'il avoit fouffertes par les 
accidens qui avoient fait couler la vigne. Il eft vrai que ce vin n’auroit 
pas été d'une qualité aufli bonne que le premier vendangé ;-mais les ref 
fources que nous avons de vendre les vins inféri-urs aux Fabriquans 
d’eau-de-vie , auroienc fait tirer bon parti de certe feconde vendange. 

Qu'on ne croie pas que j'exagère la quantité de vin que je dis que 
cette feconde vendange auroit pu rendre. J'en appelle aux Cultivateurs 
qui ont fuivi les opérations de cette récolte ; il n'en.eft pas un qui n'ait 
été furpris de la quantité prodigieufe de railins que l’on abandonnoït fur 
la fouche ; des Propriétaires & des Fermiers économes en ont fait ramaf- 
fer pour du vinaigre, & en ont eu beaucoup; les femmes, les enfans des 
villages & des campagnes en ont ramaflé de grandes quantités pour la 
nourriture des beftiaux dans les baffes-cours. 

On fait que tout ce qui n’eft pas ufage & habitude révolte le Payfan, 
& lui paroït impoñlible. On m’écoutoir à peine , lorfque je voulois démon- 
trer l'utilité d’une vendange en deux époques. La beauté de notre cli- 
mat fait fans doute que nous n’aurions pas befoin de fuivre cette pra- 
tique toutes les années; & je penfe que c’eft ce qui entretient cette in- 
dolence du Cultivateur : mais qu’on obferve bien, & l'on verra qu'on 
fera dans le cas de vendanger en deux époques bien plus fouvent qu'en 


ne penfe. 
1774 SEPTEMBRE. 


330 XOBSERMATIONS SUR 'TANPHNSTIQUE,;, 


C’ett l'ufage de beaucoup de pays moins chauds que le nôtre. On le 
pratique à nos portes, pour ainfi dire, avec le plus grand fuccès. On 
vendange en deux différentes reprifes les vins blancs, à Marfeille , à 
Pinet, à Pomeirols & autres Communautés des Diocèfes d'Agde & de 
Béziers. L'opération artificielle qu’on met en pratique dans ces endroits, 
donne la plus grande force à la théorie dont j'ai fait mention fur les 
grappes sardives. Vers la fin de Juin on y eft en ufage de couper le bout 
des farmens des vignes de raifin blanc ; opération qu’on y appelle chä- 
trer (1). Le farment ne pouffe plus en longueur, mais par contre-coup il 
fort le long du farment & du pédicule de chacuné des premières vrilles, 
de nouvelles petites grappes , qui , vendangées plus tard que les grappes 
premières forties, fonc encore un vin blanc , bon, agréable , & qui s'af- 
fimile fouvent dans la vente avec celui de la’ première vendange. 

Les malheurs que quelques Communautés de nos environs ont éprouvé 
cette année, nous fourniront une preuve bien convaincante des fecours 
que pourroit fournir au Cultivateur une feconde vendange bien foi- 
gnée. L'orage terrible & fi deftructeur du 17 Juin 1773 , qui ruina toutes 
les récolres du lieu de Gigean & des environs, fracaila tellement les 
vignes, qu'il ne paroiffoit aucun veltige de leur végétation précédente. 
Ces vignes firent de nouvelles pouffées à la fin de Juin, & porièrent du 
fruit allez beau , que l’on vendangea vers Le 1 $ de Novembre. Quelques 
Cultivateurs fe décidèrenc à faire vailler leurs vignes de nouveau. Il en 
a réfulté des farmens aflez vigoureux pour porter du frair qui fut ven- 
dangé aufli vers le 15 Novembre. Ce fruit des vignes taillées eût été 
infiniment plus beau, fi ces Cultivateurs euffent donné un nouveau 
labeur à leurs vignes ; les mauvaifes herbes , déja avancées , n'auroient 
pas abforbé toute la vigueur du rerrein. On peut bien juger que le vin de 
ce fruic tardif ne fur pas d'une bien bonne qualité. Il fut employé à la 
fabrique de l’eau-de-vie; ce qui fournir quelque foulagement aux mal- 
heureux Habitans de cette contrée. 

Obfervons que ce railin venu fur un bois, fur un farment qui n’exif- 
toit pas au 17 Juin, a dû être infiniment plus recardé que nos grappes 
tardives ; cependant on en a fait du vin; donc, & à plus forte raifon on 
auroic pu, on auroit dù en faire dans nos environs avec ces grappes tar- 
dives qu’on auroit laiflé mürir. 

L'exemple feul convaincra le Culrivateur : c'eft aux Propriétaires ailes 
& intelligens à le donner. C’eft à eux que je m’adrefle ; je Les prie de 
fe rappeller ces principes fimples qui font le réfultat de ce Mémoire. 

1°. Qu'on peut aifément connoitre le moment auquel la vigne peut 
ètre endommagée. 

2°. Que les grappes de raïfin qui naîtront au-deffus de la première 


( 1) Creftar. 


SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 231 


grappe qui aura coulé & perdu de fon fruit ; que ces grappes tardives, 
dis-je, étant foignées & attendues, pourront fournir un upplément de 
récolte qui indemnifera des premières pertes. 

3°. Enfin , que cette feconde vendange n’étant ni longue , ni péni- 
ble , ni difpendieufe, c’eft une négligence impardonnable de laiffer 
perdre un fruic qui fournit une denrée d’une aufli grande confommation. 


PNR EME CRT AS 


D’Expériences fur la formation de la couleur rouge du 
Cinabre , traduit de l’Allemand de M. WrecLres, 
Apothicaire à Langenfaltza , en Saxe ; 


Par M. DREUX, Apothicaire , Gagnant-Matrife de l'Hôrel- Royal 
des Invalides. 


Lpvs les Chymiftes font unanimement d'accord que le cinabre eftcom- 
pofé de foufre & de mercure, & qu'il fe forme aufli-bien naturellement 
qu'artificiellement de ces principes. Cette vérité fe démontre encore par 
la Chymie qui apprend que le cinabre fe décompofe en ces deux princi- 
pes par l’analyfe, & qu’enfuite il fe recompofe de même avec eux, con- 
féquemment qu'on peut le faire par l’art, d’après nature. 

Mais autant on a été certain de ces deux principes généraux du cinabre, 
autant aufli a-t-on été incertain & embarraffé pour répondre à la quef- 
tion , d’où vient la couleur rouge propre au cinabre ? On ne trouve pref- 
que rien là-deflus dans les écrits des Savans ; ce qui eft une preuve que 
c'eft la grande difficulté qui a fait paffer par-deffus cette explication im- 
portante. Cependant, ceux qui ont rentélde la faire, difent quecetre rou- 
geur fe forme par le mélange très-intime de ces deux corps, qui fe fait 
par la fublimation au feu le plus violent. Mais fi l’on exigeoit un plus 
ample éclairciffement ; favoir, comment ces deux corps {le foufre & 
+ le mercure ) au fein de la terre ont pu prendre cette couleur dans le cina- 
bre naturel , quoiqu’on n’ait pas apperçu dans la nature de quelle manière 
doic fe faire ce mêlange très intime ? C’eft alors que l'explication ceffe 
malgré les grands ou petits volcans que l’on veut ee intervenir. 

Quoique cela n’ait pas été fufhfant, il a fallu pourtant s'en tenir tou- 
jours à, ne pouvant aller plus loin. J'ai aufli ajouté foi à cette doétrine 
obfeure , mais en defirant toujours avoir une notion plus parfaire. 
Comme je fuis continuellement attentifà toutes les circonitances qui me 
paroillent utilesà cet objer, j’ai eu le bonheur, par une certaine expérience, 

1774 SEPTEMBRE. 


232. OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


de m'en éclaircir plus convenablement , & je vais expofer mon procédé 
pour faire voir fi la couleur rouge du cinabre peut bien s'expliquer par elle. 

Lorfqu'on mêle du fublimé corrofif en poudre , avec trois ou quatre 
fois autant d’efprit fulfureux & fumant de Béguin , le mercure aufli- 
tôr devient noir ; mais cette couleur noire fe change enfuite peu-à-peu, 
& en vingr-quatre heures elle paffe à la couleur rouge du cinabre; par 
conféquent voilà une jolie manière, prompte & facile , pour faire du 
cinabre fans feu. 

Je vais donner ici la defcription de cet efprir, parce que je penfe 
qu'il pourroit bien n’ètre pas connu de tout le monde. On prend donc 
de chaux vive nouvelle dix-huit onces ; de fel ammoniac fix onces, & 
de fouffre trois onces. On les met en poudre chacun à part ; on les mêle 
enfuite enfemble ; on met cette poudre dans une cornue de verre, & on 
y verfe quatre onces d’eau. On les fecoue bien ; & quand la maile com- 
mence à s'échauffer , il faut néceffairement placer fa retorte fur-le- 
champ dans le bain de fable , & y lutter le plus folidement un récipient 
fpacieux. Quand les vapeurs fe font appailées, & que la rerorte eft un 
peu refroidie, on peut mettre du feu pour la diftillation. On la pouffe 
d’abord peu ä-peu jufqu’au plus fort degré , & jufqu'à ce que les va- 
peurs blanches & épailles, fous la forme defquelles cer efprit palle dans 
le récipient, fe fotent totalement diflipées; ce qui eft un indice de la 
diftillarion achevée. 

D'ailleurs , cet efprit demande une autre proportion des ingrédiens 
pour le faire. Béguin, comme premier Inventeur, prend chaux vive 
deux partiès; foufre quatre parties; fel blanc ammoniac une partie. 
Vide Tyrocimiur chymicum. 

Cette proportion a enfuite été changée par le Profelfeur Hoffmann 
qui l’aaméliorée , parce qu'il a prefcrit pour la préparation de cet efprit, 
trois parties de chaux vive , deux parties de fel ammoniac & une partie 
de foufre. Cette recette eft la meilleure ; mais , cependant j'ai encore 
changé la proportion de la chaux , apres avoir apperçu d’où provenoit 
l'effentiel de cet efprit. 

En effec , il faut charger cer efprit, le plus qu'il eft poffible , d’acidum 
pingue de la chaux vive; le fel volatil doit en être abfolument faturé , & 
confequemment obtenir le plus haut degré de caufticité pour pouvoir 
diffoudre parfaitement le foufre qui monte dans la diftillation. C’eft dans 
cette intention qu'il faut trois parties de chaux vive contre une de fel 
ammeniac, pour lors, la proportion du foufre doit ètre en raifon de la 
vertu diffolvante de l’efprit cauftique qui réfulre ici. 11 n’en faut qu'une 
demi-partie en comparaifon du fel ammoniac. Car, fuivant certe pro- 
portion, conjointement avec les quantités fufdites , il s’eft encore trouvé 
quelques drachmes de foufre fublimé , ayant renu, après la diftillation 
faite & finie, la retorte au plus haut degré de feu pour faire fublimer le 

foufre 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 133 


foufre qui pouvoit y être refté. D'où il eft à voir que la proportion du 
foufre Le cerre compofirion eft fufhifante , & qu’une plus grande quan- 
tité y feroit fuperfue & inutile. 

Ainfi, je m'en fuis tenu à cette proportion naturelle, & je fuis venu 
parfaitement à bout de mon deffein. 

Cer efprit eft proprement & effentiellement un efpric de fèl ammoniac 
cauflique qui tient tout le foufre en diffolurion , ou plutôtune einture de 
Poufre volail, 

Cet efprit n’a pas feulement la propriété de faire un cinabre du mer- 
cure fublimé; mais il le fait également avec le mercure doux, avec le 
turbit minéral , le mercure coulant, le mercure diffous foit par l'acide 
nitreux , foit par l'acide vitriolique, ou par l'acide marin, lorfqu’on les 
mêle avec cet efprit. Si la rougeur ne paroifloit pas fuffifamment au 
bout de quelques heures, on n’a qu'à nur le vaifleau bien bouché à 
une chaleur tout-ä-faic douce, & l’on verra en peu de tems la plus 
belle couleur rouge fe montrer. Le mercure doux m'a particulièremenr 
donné une belle couleur & la plus extraordinaire. 

Ce phénomène n’a d’abord rien de fingulier en lui, parce que l’on 
fait très-bien que , comme dansle procédé décrit précédemment, il fe 
trouve du mercure & du foufre, qui peuvent fe dégager de leur combi- 
naifon réciproque , & fe réunir aufli de nouveau , 1l doit en réfulrer du 
cinabre : mais qu'on ne fe hâte pastrop de décider , & qu'on ne pale 
pas fi légèrement fur ce procédé, Il eft bien digne de remarque, & il eft 
peut-être capable de nous produire une connoiffance phyfique , claire & 
fufifante touchant la formation de la couleur rouge du cinabre , dont la 
caufe eft encore ignorée. va 

Il eft à la vérité très-naturel , que dans ce procédé le foufre & le mer- 
cure s'uniflent enfemble ; mais il eft fingulier & remarquable qu'il ré- 
fulre une couleur rouge de cette union faite ici fans feu. D'où provient- 
elle, & comment peut-on l'expliquer ? 11 n’y a dansce mélange froid, 
& de plus humide , de ces deux corps , aucune liaifon intime à imaginer, 
à laquelle on puilfe attribuer , comme on l’a fait jufqu’à préfent, la caufe 
de certe couleur ; car le mercure & le foufre feront bien plus intime- 
ment unis, fi on les fait fe combiner enfemble fur un es doux , & 
néanmoins il n’en réfultera point de corps rouge. Ainfi , l’on voit évi- 
demment combien peut être imparfaire l'explication de la couleur rouge 
du cinabre par le mélange le plus intime des deux corps; & que lorf 
qu'on veut fe rendre compte de cette couleur rouge , il ne fuffir pas de 
favoir quele cinabre eft compofe de foufre & de mercure, & qu'on peut 
conclure que, comme dans le procédé fufdit, le foufre fe dégage de 
l'efprir, & vient s'unir au mercure , il doit pareillement fe produire du 
cinabre. Non, point du tout ;ilne fe produit point du cinabre par le 


Tome IV , Parc, III. 1774. SEPTEMBRE. Gg 


:34 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


fimple mélange de ces deux corps , mais feulement une poudre noire 
& miaérale. 

Or , pour que cette poudre devienne cinabre , il faut la mettre à fu- 
blimer au plus grand feu , & c’eft alors qu’elle doit être portée, fuivanc 
les premières notions , à cette couleur connue. Si cela eft vrai, & sil 
artive toute autre chofe dans la préparation ordinaire du cinabre,ilne 
peur être que fort intéreffant pour la Phyfique, de chercher à fe donner 
un éclairci lement pour favoir d'où provient cette couleur du cinabre, 
lorfque le foufre & le mercure viennent à être unis enfemble par la 
voie humide fans Le feu le plus léger. 

Pour expliquer ce dernier moyen; il faut inconteftablement chercher 
d’abord à découvrir la caufe d’où provient la couleur rouge dans le cina- 
bre ; &après en avoir reconnu le principe , examiner férieufement fi 
la mème canfe ne fe trouve pas aufli effectivement dans le mélange à 
froid de ces deux parties conftituantes ; & par conféquent, fi, dans la 
formation de la couleur du cinabre on peut établir une feule & mème 
caufe dans ces deux différens procédés , quoiqu'ils foienc très diftinéts 
l’un de l’autre. ÿ 

Tout Chymifte Praticien verra clairement , fans contredit, que la 
couleur rouge du cinabre ne provient nullement du fimple mélange de ces 
deux parties conftituantes , d'autant plus que ces corps produifent bien 
plutôt une couleur noire après leur mélange , & qu'ils la confervent 
conftamment avant l’aétion du feu. 

Cependant ,commece mélange minéral & noir fouffre une fi grande 
altération de couleur au feu, & qu’au plus grand feu , la couleur noire fe 
change en rouge , il eft rrès-clair que nous devons aufli chercher la caufe 
de ce changement dans le feu même; mais ileft ici queftion de favoir 
fi ce changement s'opère par le feu , comme par un inftrument fimple- 
ment, ou bien plutôt fi une fubftance provenant du feu, & fe combi- 
nant avec chacune des parties conftituantes, n'eft pas la caufe entière 
de ce changement. | 

Cette conjecture me paroît vraifemblable ; & je vais tâcher dans la fuite 
de la démontrer de la manière la plus certaine & la plus convaincante. 

L’alcération de beaucoup de corps par l’action du feu étoit affurément 
encore un problème pour les Chyiniftes. Telles éroient la nature de la 
chaux vive, les chaux de méraux & demi-métaux, ainfi que leurs diver- 
fes propriétés , la vicrification, comme auffi les différentes manières de 
fe comporter avec certains corps minéraux qui ont été traités par le feu , 
& parmi lefquels on doit ranger notre cinabre avec fa couleur rouge 
jufqu'à ce que feu M. Meyer , d'Ofnabruck, ait fait connoître fon ex- 
cellent Syftème de la Matière du Feu, dans fon Ouvrage fur la Chaux 
vive , où il a donné à tous les Chymiftes & Phyficiens les renfeignemens 
les plus clairs & les plus inconteftables. 


n 


2 


*° 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 213$ 


Ce grand homme y a prouvé & démontré la fubftance élémentaire 
qui fort de toutes fortes ie feu : il en a détaillé toutes les propriétés & 
rous les rapports, à l'égard d’autres corps. Il à fait voir comment elle a 
coutume de s’unir aux corps qui lui conviennent, & qu’on traite par 
le feu ; conféquemment auffi, comment on doit confidérer indifpen- 
fablemenc les corps qui ont été foumis au plus grand feu, lorfqu'on 
veut en examiner fcrupuleufement les difpoftions pour en tirer de 
l'éclairciffement. 

Comme ce cinabre eft un corps femblable , qui par le feu très-violent 
a fouffert la plus grande altération , puifqu'il s'eft laiffé changer de noir 
qu'il étoit, en rouge ; il eft nécelfaire de ne pas oublier cette fubrile ma- 
tière élémentaire , dans l’explication de cette couleur rouge. 

Il eft exactement vrai que cette fubitance ,que M. Meyer a nommée 
acidum pingue , d'après fes parties conftituantes , eft abfolument indif- 
penfable pour expliquer clairement la couleur rouge du cinabre. Il ya 
plus , fans ce principe, il eft impofible de tenter aucun éclairciflement ; 
car, c’eft en lui que confifte la caufe principale : c’eft la fimple union de 
ce principe élémentaire avecle mercure qui produit la couleur rouge du 
cinabre ; & c’eft ce qui fera encore prouvé par d’autres expériences. 

Certe fubftance à , entr’autres propriétés connues, celle d’étre fubile, 
& de pouvoir pafler au travers de rous les vaifleaux rouges & embrafés, 
& de s'attacher ordinairement aux corps qui y font contenus , fi toutefois 
ils font de nature à recevoir certe fubftance. Voy. Meyer , Eflais de Chy- 
mie fur la Chaux vive ; p. 218. Ces fortes de corps font toutes les efpèces 
de terres abforbantes, les chaux métalliques, les acides minéraux & 
beaucoup d’autres corps du règne minéral, avec lefquels il faut auffi 
compter le mercure. 

Celui-ci prend immédiatement cette fubitance du feu, lorfqu'on le 
calcine feul dans un vaifleau de verre à fond plat, nommé enfer, & 
qu’on le fair paller par un feu gradué & augmenté , à la forme d’une 
poudre rouge. Le mercure fait voir par-là qu’il prend la couleur rouge 
par fa fimple union avec cette fubftance. 

Le mercure prend aufli la même couleur rouge, quand , après avoir 
été diffous dans l'acide nitreux, on le fait évaporer jufqu'à ficcité, & 
qu’il a été calciné à un degré de feutel que les pores du vaiffeau doivent 
donner pallageà l'acidum pingue, pour qu'il puifle s’infinuer dans lemer- 
cure , & lui procurerune couleur rouge, en fe combinant avec lui. 

Le mercure fublimé rouge de Kunkel , & les fublimés des métaux 
rouges , comme le cinabre, tels qu'ils fonc décrits dans Sincerus Renatus 
& dans l'A/chymie dévoilée , font redevables de la couleur rouge qu'ils 
ont reçue dans la fublimarion , à la fubftance du feu qui s’y eft mélée , 
autrement dite l'acidum pingue ; & il n'y a abfolument aucun doute 
en cela. 


1774. SEPTEMBRE. Gg 2 


236 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Deux autres produits mercuriels peuvent encore prouver que le mer- 
cure uni avec l’acidum pingue ; prend une couleur rouge. 

Lorfque le mercure fublimé corrofifeft diffous dans l’eau, & qu'on le 
mêle avec autant d’eau de chaux qu'ilen faut pour précipiter tout le mer- 
cure , il fe précipite fous la forme de poudre d’un rouge obfcur ; ce qui 
doit s’expliquer ainf : lorfque les deux folutions font mélées enfemble, 
l'acide marin du fubimé attaque la terre calcaire & abforbante de l’eau 
de chaux ; il le diffout , & par-là chaffe d'elle l’acidum pingue volatil, 
ainfi que le mercure d'avec lui ; ces deux corps devenus libres s’uniffent 
à l’inftanc enfemble, & ils obriennent alors une couleur rougeître. 

Une autre chaux mercurielle eft encore Le précipité de couleur rouge 
foncée qui fe dégage par le fel alkali fixe des diflolutions de mercure 
dans les acides minéraux, & qui au fond reçoit la même couleur par une 
caufe tour-à-fait femblale, en ce que l’on doit aufi regarder l’acidum 
pingue comme une partie conftituante des fels alkalis. 

Si on raffemble routes ces expériences , & fi on les examine attentive- 
ment , on ne peut pas manquer de voir & de convenir que l’acidum pin- 
gue, cette matière principe fortant du feu , laquelle traverfe tous les 
vailleaux rouges & embrafés , & fe mêle avec tous les corps convena- 
bles , a toujours montré une couleur rouge, comme dans les quatre dif. 
férens procédés mercuriels dont on vient de parler ; & que par confc- 
quent, certe fubitance eft la vraie caufe, l'unique & la principale de la 
couleur rouge qui s'obtient pendant la fublimation du cinabre. 

Mais , fi l’acidum pingue produit une couleur rouge un peu différente 
dans les diverfes combinaifons qu’on a rapportées avec le mercure, il 
faut aflurémentfaire entrer auflien confidération les corps qui y fonc 
unis. On doit faire attention à l'acide du nitre dans le précipité rouge 
ordinaire & dans le cinabre , le foufre doit être regardé comme une 
caufe de l’exalrarion & de l’obfcurciflement de la couleur. On le voit 
clairement dans le cinabre; car dans fa préparation , tous les Auteurs qui 
font experts , confeillent d'employer le moins de foufre qu'il eft poflible 
pour obtenir un cinabre de belle couleur ; tandis, au contraire , que fi 
on emploie trop de foufre, il en prend une couleur plus foncée & plus 
défagréable ; d’où l’on voir que le foufre n’eft pas la caufe de la rougeur , 
& qu'il noircit bien plurôtle mercure. 

Comme les obfervations précédentes démontrent évidemment que 
l’'acidum pingue eft la caufe de la rougeur dans l'union du foufre & du 
mercure dans le feu ; nous devons voir aufñli fi cette mème fubftance fe 
rencontre dans le mélange qui a été fait fans feu par la voie humide , 
& fi elle eft capable, en ce cas , comme avec le feu , de colorer en rouge 
le mercure mis en foufre , afin de pouvoir en tirer une conféquence 
jufte , en concluant que cette fabftance eft de mème ici la caufe de Ja 
rougeur , comme elle l'eft également, lorfqu'elle peut s'y mêler immé- 
diarement par le feu. . 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 37 


Pour parvenir à ce but, nous devons examiner ces deux mélanges 
fuivant leurs parties conftituantes effentielles , & voir comment ces 
parties doivent fe féparer les unes des autres dans le mélange , & fe 
recombiner énfemble de nouveau. 

Le mercure fublimé eft compofé de mercure coulant & d’acide da 
fel ; cet efprit de fel ammoniac fulfureux , contient du fel volatil , 
du foufre & de l’acidum pingue unis enfemble. Or , dès que le mercure 
vienc à cet efprit humide , le premier effet s'opère du côté da fel vo- 
latil dans l’efprit vers l'acide du fel dans le fublimé , & le mercure en 
eft féparé; & à fa place , le fel volatil s’unit avec l’acide du fel. Mais, 
aufli-rôt qu’il y a aétion du fel volatil avec lacide du fel , il arrive un 
divorce dans la compolition de cet efpric : car les parties qui renoienc 
le fel volatil diffous & combiné avec elles, d'eft-à dire , l'acidum pingue 
& le foufre , ne peuvent plus fe conferver diffoures, le {el volatil s'étant 
combiné avec un autre corps qu'il aime mieux ; mais elles fe dégagene 
& fe féparent dans la première combinaifon. Ces deux derniers trouvent 
après ce divorce le mercure qui eft devenu pareïllement libre ; & celui- 
c1 étant fufceprible d’une intime union avec eux , l’acidum pingue & le 
foufre s’uniffent donc avec le mercure , & produifent par ce nouveau 
mélange , d’abord une couleur noire , & enfuite une couleur rouge. Icile 
foufre commence à s'unir au mercure , parce qu'il peut agir bien plus 
fortement fur lui que l’acidum pingue qui eft beaucoup plus fubril , & 
il produit la couleur propre à ce mélange , c’eft-à-dire , il le rend noir; 
& tanr que certe couleur fubfifte , le mélange fenc le cauftique. Mais, 
lorfque l’acidum pingue eft entré peu-à peu dans ce mélange , la couleur 
noire fe change en rouge ; l’efprit furabondant perd fa caufticité , fur- 
tout fi l’on à gardé la jufte proportion entre l’efprit & le mercure 
fublimé. 

La même explication à lieu, fi en place de mercure fublimé corroff, 
on a employé pour ce procédé une diffolution de mercure dans l'acide 
du nitre ou du vitriol. Dé la même manière qu’agit l'acide dufel, les 
autres acides agiffent aufli; & ce qui fe fait par l’un, fe fait aufli par 
les autres : car tous enfemble, ils ne font rien pour la couleur. Cepen- 
dant , je fuis convaincu que ces acides peuvent altérer la couleur rouge, 
En effet ,on obtient du mercure doux une couleur rouge plus claire que 
du mercure fublimé , ou des diffolutions par les deux autres acides 
minéraux. 

Mais , fi l’on mêle avec l’efprit fulfureux, du mercure coulant, les phé- 
nomènes feront un peu différens. Cer efprit ne peur point agir fur le 
mercure coulant aufli promptement , parce que le mercure n’eft pas au- 
tant divifé que dans une diffolution. Ainfi, 1l eft bon de divifer Îe mer- 
cure dans l’efprit en l’agitant fouvent & fortement pour favorifer l'ac- 
cès & l'action de l’acidum pingue & du foufre. La combinaifon de ces 

5774 SEPTEMBRE. 


238 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


matières fe fair lentement, & on a l’occafñon d'y obferver clairement 
le changement par degrés des couleurs. Les globules divifés du mercure 
fe colorent d’abord en gris, enfuite, ils deviennent noirs, puis bruns, 
enfin rouges , & le fel volatil refte feul dans l’efprit, ne trouvant aucun 
corps auquel il puiffe s'unir. 

Il eft aufli remarquable que le mercure ne fe combine toujours qu’en 
proportion naturelle avec les autres parties. Si l’on faitattraper ce point 
jufte dans le dernier procédé , on obtient au-deffus du mélange un fim- 
ple efprit de fel ammoniac qui n’eft plus cauftique & qui fent rrès-peu 
le foufre. Mais , f l’on prend plus d'efprit qu’il n’en faut ,il ne fe com- 
bine plus davantage de foufre , ni d’acidum pingue avec le mercure, & 
ils reltent diflous dans l’efprit furabondant. 

D'après l’analyfe & l'explication des deux produits femblables , eu 
égard à la couleur extérieure, quoiqu'obrenus d’une manière fi diffé- 
rente & fi oppofée , je fuis porté à conclure abfolument, que , comme 
dans les deux opérations il fe trouve une feule & même fubftance, 
c’eft à-dire , l’acidumpingue , fans lequel le mercure mis avec le foufre, 
fe colore toujours en noir ; il eft aufli la caufe principale de la: couleur 
rouce dans lun & dans l’autre procédé. 

Outre cela , l'éclairciement du mélange fans feu du cinabre fous fa 
propre couleur rouge , nous fournit encore un exemple bien frappant 
pour nous donner une idée fenfible & claire desiopérations de la nature, 
quiont été fi cachées jufqu'à préfent. 
© Ona toujours eu la prévention qu'il ne pouvoit fe former de cinabre 
qu'a l’aide du feu le plas violent. C’eft pourquoi la formation du cina- 
bre-naturel.a toujours été fi difficile à éclaircir , & on 4 ignoré jufqu’ici 
comment. il prenoir fa couleur ronge propre dans:le fein de la:rerre. 
L'expérience précédente apprend combien fonr faux beaucoup: de nos 
préjugés , & elle montre Ja poffibilité où font les parties conftituantes 
du cinabre de s'unir enfemble fans l’effer du feu , & que vraifemblable- 
ment elles fe combinent ainf naturellement dans la terre. 

Dans le procédé décrit ci deffus, nous avons une preuve évidente de 
quelle. manière la nature myftérieufe opère le plus fouvent dans les 
mines où elle forme le cinabre , fans avoir recours ä aucun volcan. {lne 
faut feulement que faire rencontrer, pour s'unir enfemble , des va- 
peurs mercurielles & fulfureufes , conjointement avec l'acidum pingue 
qui eft répandu par tout , & les combiner dans une matière ; aufli-rôt 
fans la rorture du feu le cinabre naturel pourra fe faire par la nature , 
tel que nous le trouvons tout préparé dans la terre. 

Pour lever tout doute en chymie, & pour confirmer abfolument ce 
que nous avons avancé fur la formation de la couleur rouge du cinabre 
préparé fans feu , il me femble qu'il refte encore un feul procédé à faire 
pour toute décilion, 


NL EU en + ee 


SUR L'HIST. NATURELLELET LES ARTS. 239 


J'ai préparé d’une autre manière l’efprit de fel ammoniac fulfureux. Je 
me fuis fervi, pour dégager le fel volatil , en place de chaux vive, 
comme dans le premier procédé , d’un autre corps qui ne pouvoit pas 
fournir d’acidum pingue dans la diftillation de cet efprir. Je pris donc 
porafle pure, huit onces ; fel ammoniac, quatre onces; & foufre deux 
onces. Ces matières étant pulvérifées , je les mêlai enfemble , je les hu- 
mectai avec deux onces d’eau, & j'en diftillai l'efprit peu à peu de la 
manière ordinaire. 

Durant l'opération même, on appercevoit déjà une grande différence. 
Il monta d'abord le fel volaril , & il s’attacha aux parois du récipient ; 
enfuite, paffa un peu d'humidité qui a diffous le fel de nouveau; à celle- 
ci fuccéda le foufre qui s’eft en partie diffous dans l’efprit ; mais qui fe 
fublima en plus grande partie, &.1l pefoit 3+onces. 

La diftillation étant finie, je pris l’efprit pour en faire l'examen. 

Il étoic feulement d’un jaune clair & foiblement volauil à l'odeur, 

.& il ne fentoit point, à beaucoup près , aufli fort le foufre que celui 
qui a été décrit précédemment. 

J'examinerai fon effet fur le mercure, ainfi que fur fes diffolutions 
& fes chaux. Dans tous les procédés que je tentai , le foufre, tenu en 
diffolution dans l'efprit, paffa bien au mercure, & le colora en noir ; 
mais en toutes les variations , il me manqua toujours la couleur rouge. 
Je n'ai pu l’appercevoir dans aucun procédé. 

Pourquoi cet efprit ne donne-t-1l donc point de couleur rouge ? Il 
contient pourtant du foufre & du fel volaril , comme le premier. 

Selon ma conjecture fondée, je dois répondre à certe queftion, en 
difant que cf parce qu'il ne_fe trouveipoint d’acidum pingue dans cet 
efprit que le mercure n’a pas pu fe colorer en rouge. Mais comme il 
ne s’y trouve fimplement que du foufre diffous, & que c:lui-ci, fui- 
vant l'opération générale , donne la couleur noire au mélange de fou- 
fre & de mercure, cer efprit n’a pu, dans ce dernier procédé, donner au- 
cune autre couleur que la noire; puifqu'il le doit faire conformément 
à fa propriété reconnue. 


Obfervations :& ‘Additions du Traduëteur. 


J’avois déjà l’année dernière publié, dans l’Avant-Coureur, le pro- 
cédé de M. Wiegl:b pour la préparation du cinabre fans feu ; mais fur 
ce que m'a objeété un Chymifte non moins fceprique qu'éclairé, au 
fujer de ce cinabre qu'il foupçonnoit n'être pas fublimable , j'ai voulu 
éprouver moi-mème jufqu'à quel point pouvoit être fondée une pa- 
reille prévention. | 

J'ai fuivi de point en point tous les procédés de l’Auteur ; & j'ai 
trouvé , avec autant de confiance que de fitisfaétion, combien l’expofé 
de M. Wiegleb étoir jufte & conforme à l'expérience. 

1774. SEPTEMBRE. 


249 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Pour mettre encore dans la plus grande évidence la théorie de M. 
Meyer , fuivie par l’Auteur , j'ai cru pouvoir varier, à quelques égards, 
quelques-uns de fes procédés , foit par rapport aux proportions diffe- 
rentes des mélanges, foit aufli eu égard aux différens Er de cha- 
leur & de tems auxquels j'ai foumis mes opérations. 

Une des principales opérations préliminaires étoit la préparation de 
Vefprit volatil fulfureux & fumant de Beguin, fuivanc l'intention de 
M. Wiepleb , c’eft-à-dire, le plus chargé poffible de cauflicum , comme 
J'agent le plus indifpenfable pour la formation du cinabre fans feu. C’eft 
pourquoi j'ai procédé avec route l’exactitude poflible , en obfervant feru- 
puleufement les proportions requifes par l’Auteur. 

J'ai donc pris trois parties de chaux bien vive contre une de fel am- 
moniac très-fec , & une demi-partie feulement. de foufre très-pur. J'ai 
bien mêlé enfemble d’abord le foufre & le fel ammoniac réduit en 
poudre ; j'ai enfuite ajouté la chaux vive aufli pulvérifée ; & après les 
avoir mis dans une cornue de verre, j'ai verfé quatre onces d’eau ; & 
les ayant remués & placés dans un bain de fable, j'ai ajufté un grand 
récipient que j'ai luté Le plus promprement qu'il m'a été poffible. Mais 
à peine l’eau fut-elle mêlée avec les autres matières, qu'il s'eft élevé 
des vapeurs confidérables avec fifflement & une très-grände chaleur des 
vaiffeaux, au point que je craignois fort la rupture de ma cornue. Ce- 
pendant , quoique j'aie tenté de retenir, autant que j'ai pu, certe va- 
peur très-vive & rrès-fuffoquante qui forçoirt mon luc, j'en ai laiffé 
échapper beaucoup plus que je n'aurois voulu, jufqu’à ce qu’enfin les 
vapeurs venant à diminuer peu à peu , & les vaiffeaux fe refroidiffant , 
elles fe condensèrent , & il commença à pañler quelques gour- 
tes dans le récipient. J'ai laiffé tranquilles mes vaiffeaux bien lutés, & 
je n'ai mis du feu dans le fourneau , que lorfqu'ils furent parfaitement 
refroidis. Alors j'ai échauffé le bain de fable peu à peu jufqu’au plus 
haut degré , c’elt-à-dire, jufqu’à ce que les vapeurs blanches & épailles, 
fous la forme defquelles pafle l’efprit fumant , fuflent tout-à-fait appai- 
fées ; ce qui eft le figne certain de a diftillation achevée. 

Qu'il me foit permis de faire ici une réflexion touchant ce fluide 
claftique & fuffoquant qui fort avec tant de violence de ce mélange. 
Cette vapeur vive & prefque incoërcible ne refflemble-t-elle pas , par 
fon fiflement , à de l'air formé fubirement ? Mais, fuivant la doétrine 
de l'air fixe , la chaux vive, ni le fel ammoniac, ne doivent pas contenir 
d'air. Ainf il faut avoir recours à la théorie de M. Meyer, pour ré- 
foudre facilement ce problème. Or, la première aétion du caufticum de 
la chaux fe portant fur l’eau, qui fait partie conftiruanre du fel am- 
moniac, dont la réfolurion ou diflolurion eft encure aidée par l’eau 
qu'on ajoute dans le procédé til n'en faut pas davantage pour que de 
ja combinailon d’une certaine quantité d’eau avec le cauflicum , il ré- 


fulte 


v 
' 


SUR T’'HIST.! NATURELLE ET LES ARTS. 241 
falre une vapeur d'autant plus fubrile & élaftique, que la chaleur cx- 


‘cire encore leur expanfon , jointe à une rortion de fel volaril qui fe 
trouve enlevée en même-tems, & forme le fluide fubril & fuffoquant 


dont 1l eft queftion. 

En conféquence, pour obvier à la perte réelle que je croyois avoir 
faire dans mon premier procédé, je m'y fuis pris un peu différemment 
lorfqu'il m'a fallu refaire de nouvel e‘prit fumant de Béguin : car , au 
lieu de metre ma chaux vive en poudre , comme je l’avois fait en pre- 
mier lieu, je me fuis fervi de la méthode de M. Meyer, en me bornant 
à prendre ja chiux vive feulement calfée en petits morceaux , pour qu'ils 
puflenc entrer dans la cornue , & ayant d’abord intro luit mon fel am- 
moniac, mon foufre & mon eau en proportions convenables dans la 
retorte , j'ai mis enfuite la chaux caflée en petits morceaux, comme le dic 
M. Meyer, dans fon Chapitre dixième, p. 96 de fon Traité de la Chaux, 
avec le Sel ammoniac, &c. Jé me fuis bientôt apperçu que l’on n'avoit 
pas tant à craindre de perdre de vapeurs, & que la chaux en morceaux 
demandant plus de tems pour fe décompofer , on avoir toute la facilité 
de luter convenablement fes vailfeaux , avant que les matières puffenr 
agir l’une fur l’autre. 

Quant à la manière propre à l’efprit volatil & fulfureux pour colorer 
les produits de mercure , j'ai très-exatement obfervé routes les nuances 
graduées , velles que les décrit M. Wiegleb. La feuie chofe qui m'a 
furpris, c’eft que, malgré la beauté éminente qu'il annonce de la part 
du mercure doux, j'ai obtenu du mercure, dit improprement précipité 
rouge , une couleur infiniment fupérieure à celle de tous les aurres 
produits mercuriels. Je crois en devoir attribuer la caufe au feul cax/- 
ticum déja contenu dans le précipité rouge , comme on Le verra dans une 
differtation particulière. 

Aulli-tôt que j'eus mêlé une quantité convenable de mon efprit fu- 
mant., foit fur du précipité rouge, foic fur du fublimé corrofif réduit 


en poudre, ou fur du mercure doux, du turbit minéral, ou même fur 


du mercure coulant , j'ai apperçu dans Pinftant la couleur noire, & au 
bout de quelques jours, je vis avec plailir que mes précipités fe colo- 
roient plus ou moins promptement de brun en rouge. Il n’y eur que le 
mercure coulant qui, moins attaquable que les autres produits mercu- 
riels, à caufe de fon azgrégation qui doit être rompue avant qu'il puifle 
être patfairement diffous par l'hepar volatil, demanda plus de rems 
que les autres pour prendre la qualité & la couleur du cinabre. Encore 
m'en refta-t-1\ une portion en poudre noire quine voulut pas fe colorer 


en rouge , malgré la grande ténuité de la poudre qui troubloir la liqueur 


dès qu'on la remuoir. 
Enfin , perfuadé que la poudre qui reftoir conftamment noire con- 
renoit une des parties principales du cinabre, je veux dire, du foufre, 


Tome IF”, Part. III. 1774. SEPTEMBRE. Hh 


« 


24: OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


& que certe couleur noire opiniâtre n’étoit due qu’au foufre furabondant 
qui l’empêchoit de tourner au rouge, je rentai d’enlever à ce mélange 
mercuriel une partie du foufre que je foupçonnois être la caufe du dé- 
faut de coloration propre au cinabre. Je filtrai donc par le papier gris, 
toure ma liqueur devenue noire, & en la remuant j'obtins de cette 
façon toute ma poudre noire que je fis fécher. J'ai pris une partie de 
cette poudre très-noire & abfolument reffemblante à l’éthiops minéral 
par fa couleur , mais en poudre beaucoup plus fubrile ; & après l'avoir 
jettée dans une phiole, je verfai par-deffus énviron deux onces d’ef- 
prit volatil de fel ammoniac par la chaux. Mon intention étoit d’ajou- 
ter à mon éthiops, fait par la voie humide, aflez de cauflicum pour 
opérer la couleur rouge , ou au moins de la priver du foufre furabondant 
qui s’oppofoit à la couleur rouge que je defirois. 

Pour parvenir plus promptement à mon but, j’expofai mon mélange 
à une douce chaleur , ayant foin de remuer la phiole de tems en rems. 
Au bout de quelques jours, j'apperçus avec moins d’éronnement que de 
joie, que ma liqueur, de claire & limpide qu’elle étoit, comme on 
faic être l’efprit de fel ammoniac par la chaux, avoit pris une légère 
teinte de jaune , conféquemment elle avoit diffous un peu de foufre 
furabondant , ainfi que fon odeur le démontroit, & à la fin, ma poudre 
fe difpofoit à tourner, de brune qu’elle étoit devenue, en rouge , comme 
les autres préparations mercurielles. 

Je fuis obligé d’avouer que, fans mon impatience extrème , je n’au- 
rois jamais ofé rien ajouter à l’expofé de M. Wiegleb. Mais l'envie de 
réuflir , & plus encore la déférence que je porte à fes profondes lumiè- 
res, éroient des motifs trop puiffans, pour que je ne fffe pas tous mes 
efforts afin de l’imirer. Néanmoins, comment dévois-je accorder ma 
dernière expérience avec ce que ce favant Chymifte dit, lorfqu'’il rapporte 
que , fi l'on prend plus d’efprit fulfureux qu'il n'en faut , le mercure 
ne recoit plus de foufre ni d’acidum pingue davantage , & ceux-ci ref- 
tent diflous dans l'efprit furabondant ? De même que j'avois vu l’efprit 
fulfureux & fumant fe décolorer & perdre fon foufre & fa caufticité, en 
les cranfmettant au mercure dans mes divers mélanges ; de même auñfi 
j'avois apperçu , dans ma dernière expérience avec l’efprit cauftique de fel 
ammoniac, une couleur qu'il n’avoit certainement point avant fon ac- 
tion fur la poudre noire que j'ai citée. L'expérience feule devoir vérifier 
ma conjecture. Je pris donc une certaine quantité de fleurs de foufre; 
& les ayant mifes dans une retorte de verre de moyenne grandeur, j'y 
verfai de l’efprit de fel ammoniac par la chaux , environ trois ou qua- 
tre fois autant que de fleurs de foufre. Je plaçai ma cornue dans le 
bain de fable ; & après y avoir adapté un récipient ; je commençai à 
l'échauffer par degrés, jufqu’à faire prendre le bouillon à la liqueur. Il 
paffa d'abord des gouttes fans couleur ; mais au bout d’un certain rems 


SUR L'HIST. NATURELIZE ET LES ARTS, 24; 


la liqueur devint rougeâtre en bouillant, & il en diftilla pour lors une 
liqueur également colorée par le foufre qui s’étoir diffous & élevé dans 
la diftillation. Je continuai à diftiller prefque jufqu’à ficcité , & il refta 
dans la cornue une tache qui ne me parut être que du foufre fondu , 
faute d’une quantité faffifante de liqueur alkaline & cauftique. La li- 
queur obtenue de cette diftillation fentoit parfaitement le foufre, & il 
ne lui manquoit que la propriété d’être Rnu pour pouvoir être 
comparée à l’efprit fulfureux de Béguin. 

Convaincu fufffamment de la formation du cinabre fans feu par 
le moyen du cauflicum avec le mercure & le foufre , il me reftoir à les 
porter à leur dernière perfection en les foumertant a la fublimation. Ainf, 
après avoir décanté routes mes liqueurs de deffus mes poudres plus ou 
moins rouges , je plaçai toutes mes phioles dans un bain de fable , pour 
les fublimer ; & les ayant échauffées par degrés , je fuis parvenu à les faire 
toutes fublimer à peu près en mème-rems. 

J'ai remarqué que, dans tous mes mélanges, aucun ne m'a fourni que 
quelques atômes de foufre fublimé, encore n’y avoit-il que ceux dont 
la couleur me paroifloit la plus obfcure. 

A l'égard de l’autre portion de poudre noire dont j'ai parlé plus{haut, 
il me fur facile de voir que j’avots eu raifon d’y foupçonner plus de 
foufre qu’il n’en falloit ; car l'ayant mife à fublimer , j'obtins , non- 
feulement une bonne partie de foufre à part , mais mme un cinabre 
foncé & moins beau que lorfqu'on a employé les juftes proportions de 
foufre , c’eft-à-dire, le moins polible ; & j'ai fuppléé , par l'intermède 
du feu , au caufficum qui devoit lui être fourni par l'efprit famant, comme 
aux autres préparations mercurielles. Une deuxieme & troifieme fublima- 
tion m'ont donné un cinabre très-beau & crès brillant. 

M. Wiegleb avoit bien raifon de dire que cette poudre rouge n'étoit 
pas du vrai cinabre , parce qu'il lui manquoit encore la fublimation pour 
la débarraffer d’une quantité de foufre furabondant. En effer, c’eft au 
feu à y mettre la dernière main, ranr il eft vrai que la nature, toujours 
fimple dans fes opérations, l'emporte infiniment fur l’art, & que nous 
ne pouvons jamais faifir , comme il faut , les juftes proportions qu’elle 
feule fair employer à fes fins. 

Une dernière obfervation prouvera combien il eft difficile d’attraper 
la quantité jufte & requife de foufre, pour réduire une quantité donnée 
de mercure en cinabre. Prévenu par les méthodes ordinaires du peu de 
foufre qui entroit dans la compofition cinabarine, j'ai effayé d’unir à 
environ une once de mercure coulant , le moins poflible de fleurs de fou- 
fre. Je les ai triturées enfemble dans un mortier de marbre pen- 
dant quelques heures, en ajoutant peu-à-peu autant de fleurs de 
foufre-qu'il falloir pour éteindre le mercure. Enfin, je parvins à réduire 
tout mon mercure, non en poudre noire, connue fous le nom d’éthiops 

1774. SEPTEMBRE. Hh2 


244 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


minéral , mais en une forte d’'amalgame fimplement de couleur grisätre. 
Cet amalgame , fi j'ofe parler ainfi, étoit fi prédominant en mercure , 
que je ne pouvois à peine Le criturer dans le mortier, fans faire reparoi- 
tre le mercure fous la forme de globules : mais cependant, ayant mis ce 
petit mélange dans une fiole , pour le fublimer au bain de fable , je vis 
avec étonnement , que la plus grande partie étoit encore du foufre fu- 
blimé au col de la phiole, joint aufli à un peu de mercure en globules , 
tandis que la moindre portion s’étoit changée en cinabre. 

J'efpère que les Chymiftes verront favorablement toutes les produc- 
tions de M. Wiegleb; & je penfe qu’elles feront aufñli curieufes qu'in- 
téreffantes pour la Chymie & la Phyfique. C’eft pourquoi je me propofe 
de les publier partie par partie, autant que mes occupations me permet- 
tront d’en répéter ou difcuter les expériences. 


LL FRTPITAN RIRE 


EcrITE À L'AUTEUR DE cE RECUEIL. 


Par M. LESAGE , de Genève (1). 


C ROYANT tenir depuis long-tems, le Méchanifme de la Gravité; & 
ne voulant cependant pas le publier , avant que d’avoir fondé le jugement 
de plufieurs Phyficiens : j’imaginai en 1760 ; de leur envoyer une pièce 
déja toute faite, où ce Méchanifme étoir enclavé. C’éroit un Æffai de 
Chymie Méchanique ; couronné à Rouën en 1758 , en mème-tems qu'une 
differtation de M. Limsourc fur les affinités. Je fis imprimer le Corps 
feulement de cer Effai, en 155 pages in-4°. & je commençai mes Envois 
projertés , par en faire parvenir un exemplaire à ce grand Chymifte. 
L'année fuivante; il publia fa Differcation fur les Affinités chymiques : 
où il donni des 4ées générales de mon Effai, en moins de huit pages 
2n-8° ; c'eft-âdire , avec une Erendüe trente fois moindre que celle de 
l'Ouvrage ; dans lequel cependant étoient expofées des Théories entié- 
rement neuves , fur la Gravitation univerfelle & fur les Attractions élec- 
tives. 
On juge donc bien : Que cet Extrait, fut prodigieufement décharné; 
& dénué en particulier , de tous les Acheminemens qui pouvoient ren- 
dre ces Théories moins étranges. Aufli , l’Abbréviateur , eut-1l la fagele 
& l’équité , d’avertir à deux reprifes (aux pages 6 & 86) Qu'il falloit 


(1) On eft obligé de fe conformer à l’orthographe de l'Auteur. 


SUR L'HIST: NATURELLE ET LES ARTS. 245 


recourir à l'Ounvrage même; fi l’on vouloit en connoître tous les Prin- 
cipes & en voir les preuves. Et il publia le Jugemene de l'Académie ; 
où j'étois défigné par mon nom ; ma profeflion & mon domicile : de 
forte que ; les Chymiltes ou les Phyfciens qui voudroiïent férieufement 
-connoîrre l’une de ces deux Théories , pouvoient favoir où &c à qui s’a- 
dreffer, 

Quel n'a donc pas été mon étonnement ; en voyant paroître tout 
récemment , dans un Recweil, de Differtations Phyfico-chymiques ; ün 
Chapitre de 26 pages y-8°., intitulé : Théorie de M. LESAGE fur les 
Affinités ; compofé d’après la feule connoiffance de ce court Extraic ; 
& cependant, avec autant de confiance , que fi le Critique eüt connu 
mes Théories à fond. 

Mais ma Surprife a bien redoublé ; en lifant ce Chapitre , que je 
m’étois d’abord contenté de parcourir; quand j'ai vu ; Que l'Aureur du 
Recueil ; dénaturoir entièrement mes Principes ; changeoir des expref- 
fions fondamentales ; m'imputoir quelques Affertions que j'avois for- 
mellement combattues ; cronquoit d’autres Propolitions ; enfin s’égayoic 
contre moi perfonnellement , fur des Expériences que j'avois tranfcrires 
de l'Oprique de Newron , en nommant cet excellent Obfervateur, 

Comme donc je n'ai pas livré mon Æffai au Public. Je prie ceux des 
Lecteurs de votre Journal , qui n'étant pas à portée de fe procurer la 
Differration de M. LimsourG, pourroient être tentés de chercher à 
acquérir quelque connoiffance de ma double Théorie , dans l'Expof- 
tion qu’en donne l’Auteur du Recueil ; de ne point du tout ajouter foi 
à cette Expofrion : Ayant commis moi-même aflés de fautes réelles ; 
pour qu'il ne foit pas befoin qu'on m'en impute d'imaginaires. 

Er je profite de cette occafñon; pour prier aulli ceux d’entr'eux qui au- 
roient crû pouvoir puifer certe connoiïflance , dans l'Extrait incomplet 
donné par M. LimsourG ; de fufpendre leur jugement (s'ils le 

“peuvent ) fur l’Enfemble & la folidité de mes Recherches ; jufqu'à 
ce que je les publie moi-même avec leurs Développemens & leurs 
Preuves. 

Je n'accufé point l’Auteur du Recueil , d’avoir eu intention de défi- 
-gurer ainfi mes Théories. Mais feulement; d’avoir là fans attention, 
jugé légèrement, & écrit à la hâte ; Triple Précipitation, qui eft fort 
commune aujourd'hui. Et je ne defire même , que cette Preécipiration 
foit reconnue : qu'aurant que cela eft néceflaire ; pour que cer Écrivain 
ne foit pas-crü, dans ce qu'il rapporte comme venant de moi. 

Je donneroisà mon tour, une notion inexacte , du Chapitre contre 
lequel je m'inferis : Si je laiffois croire aux Lecteurs de certe Lettre, que 
ce Chapitre fe borne à lobjer défigné par fon Titre. Puifque fes deux- 
tiers , fonc occupés ; par une Critique , de l’Attraétion en général & de 
fon application aux Tuyaux capillaires en particulier ; par une Sortie, 

1774. SEPTEMBRE, 


246 : OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
contrée l’abus des Mathématiques dans la Phyfique ; & par une Hypo- 
pu fur l'action de l’'Athmofphère du Soleil pour faire approcher les 

Orps. 

Je compte affés fur votre honnêteté, Monfieur ; pour efpérer : Que 
vous ne refuferez pas , à un homme qu’on a travefti de façon à le rendre 
fort ridicule; la voie de réclamation que vôtre Journal femble offrir 
tout naturellement , pour prévenir l'effet de femblables Irrégularités. 
Savoir : En publiant d’abord , ce fimple mais promt Defaveu : & enfuite 
( fi vous le jugez convenable ) une feconde Pièce, où je fpécifierai & 
juftifierai tous mes chefs de plainte. 


Je fuis, &c. 


D'TES "CPR PL RADAR 


Des Grottes & des Cuves de Saffenage en Dauphiné, fui- 
vie d’une Analyfe & de l'Examen critique des Pierres de 
Saffenage , connues fous le nom de Pierres d’Hirondelle ; 


ADRESSÉE A L'AUTEUR be ce RECUEIL, 
Par M. D. F. Lieutenant-Géneral de Montelimarr. 


J, o15 fouvent entendu parler des Grottes de Saffenage en Dauphiné : 
je me rappellois mème d’avoir lu autrefois dans l’Hiftosien Chorier (1), 
les chofes extraordinaires & incroyables qu'il en débite, lorfque le voi- 
finage de ces grottes me détermina à aller les vifirer; j'en entrepris le 
voyage le 17 de ce mois avec M. Chriftian Wehrlin , habile Peintre 
Autrichien , qui avoit confacré fes ralens & fes pinceaux à l’Hiftoire 
Naturelle, le même qui a voyagé en Egypte par ordre de la Cour de 
Turin. Cet Artifte pafloit à Grenoble pour fe rendre de Turin à Paris; 
& c’elt dans cette Capitale de la Province de Dauphiné, que j'ai eu le 
plaifir de faire connoïffance avec lui. 

Arrivés au Village qui a donné fon nom aux grottes, & qui eft au 
pied d'une chaîne de montagnes fort élevées , nous primes un guide qui 


(1) Hiftoire Générale de la Province de Dauphiné, par Nicolas Chorier , page 48 
du tome I, 7-folio. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 247 


nous y conduifit par un chemin étroit & efcarpé, qu’on eft obligé de 
gravir pendant un quart-d’heure. ETES | 

Rien ne peut égaler l’étonnement & l'admiration que produifit fur 
nous le tableau magnifique & frappant qui s'offrit fubitement à nous, 
en fortant du Village ; nous le vimes s’accroître encore , à mefure que 
nous avancions. 

Figurez- vous , en effet , une malle énorme d’eau qui fe précipite avec 
une impétuofité fans égale d’une montagne efcarpée , qui bondit enfuite 
en défordre , & s’élance avec fureur patini des entaflemens de rochers 
rompus : ici, ce n’eft que colonnes d'eau, que cafcades , que nuages 
d'écumes ; li, on n’enremd que bruit , que fracas ; on voit ailleurs , que 
l'induftrie hardie des Habirans , voulant mettre à profit les eaux de ce 
fougueux torrent, s’eft exercée à érablir dans les pentes même les plus 
rapides, une multitude d’aqueducs groflièrement conftruits en bois, 
perchés & échafaudés d’une manière ruftique & pitrorefque. Rien de f 
agréable au premier coup-d’œil, que toutes ces eaux qui refluenr en 
abondance de leurs conduits , ou trop étroits ou mal jointés , & quife 
déployans en nappe de droire & de gauche, vont fe précipiter avec 
tumulre dans la profondeur du lit du torrent. On voit à la fuite de ces 
aqueducsune multitude de moulins & d’autres artifices de divers genres, 
aflis par étage au bord de l’eau , dont les rouages extérieurs , fans celle 
en mouvement, rendent le tableau plus piquant encore & plus animé, 

On parvient en peu de tems av pied d’un grand rocher où le chemin 
eft intercepté fubitement par les eaux qui offrent ici un nouveau fpeéta- 
cle ; car on les voit fondre en manière de lame du haut d’une large ouver- 
ture creufée par la nature dans le rocher , & y formerune cataracte qui 
me rappella fur-le-champ l’idée de la belle gravure de Sébaftien Leclere, 
repréfentant le faut de Niagara ; l’eau y figure en petit les mêmes effets, 
avec la différence cependant , que c’eit dans uné partie intérieure que 
la fcène fe paffe, que l'œil néanmoins découvre du dehors. 

C’eft à quinze pas de certe chûte, qu’en traverfant cette eau fur-des 
pe de rocher , & à l'aide des planches , qu'il faur avoir l'atrention'de 
aire apporter ; on parvient à un fentier étroit & rapide qui conduit à 
une vaite ouverture , fupérieure à la chüte d’eau dont je viens de parler, 
& attenant au même rocher. Cette grande excavation préfente, en y 
arrivant, l’idée d’un portique immenfe & majeftueux , parfaitement 
éclairé : ce n’eft-là, ainf qu’on le remarqueen y entrant, qu'un veftibule 
fpacieux qui conduit à d’autres grottes : la partie gauche de ce veftibule 
en offre une très-remarquable , fur le plancher de laquelle le torrent fe 
précipite par une large gueule qui part dela profondeur même du ro- 
cher : ici le bruit augmenté & multiplié par les échos des voûtes, ÿ 
devient infupportable; & l’enfemble de ce fpeétacle, a je ne fais quoi 
qui ébranle lame , & qui lui en impofe. 

1774. SEPTEMBRE, 


248 OBSERVATIONS SUR L'A(PHYSIQUE, 


L'eau s'échappe de cette grotte par une’ déchirure inrétieure qui 
règne le long du plancher, & va former ilat première caftade quiavoit 
frappé nos yeux en arrivant. Je ne dois pas oublier de vous dire que 
cette même grotte fert à fon tour de veftibule à différentes galleries 
qui paroiffent s'étendre bien avant dansla profondeur du rocher , mais 
d’où il découloit de l’eau alors en abondance. 

Le grand veftibule préfentoit encore les ouvertures de deux autres ca- 
vernes que nous eûmes à peine le rems de parcourir rapidement, fans 
entrer même jufqu’au fond ; il étoit tard , & nous devions être de retour 
le foir à Grenoble ; nous ne quittâmes donc nos grottes que dans le 
deffein d'y revenir au premier moment de loilir pour les examiner plus 
tranquillement & d’une manière plus déraillée. 

Huit jours après , eneffer, nous reprimes la même route ; M Binelly, 
Directeur dela mine d'argent d’Allemond,& M. Valler ancien Lieute- 
tenant de Police de Grenoble, furent de la partie : 1l étoit bien agréa- 
ble pour moi de faire ce voyage inftructif avec des Nacuraliftes' auf 
honnètes & auffi éclairés. Nous partimes debonne-heure , & nous fimes 
le vovage à pied , pour avoir le plaifir d’herborifer un peu, &:de confi- 
dérer les rochers qu’on rencontre fur le chemin 4e fis mème à ce fujet 
la découverté inréreffante d'un genre de foflille propre à inftruire fur 
les’ progrès :de la pétrification en certaines circonftances , &: dont je 
vous entretiendrai quelque jour. 

Attivés à l'entrée de la grotte, nous en contemplames à loifir les 
dehors ; l’enfemble,, les dérails & les acceffoires : M.Webhrlin chercha 
enfuite un point de vue commode , où il: alla s'établir pour defliner 
PArchicectare extérieure , & pafler de-là aux coupes de l'intérieur de la 
plus belle des grottes. b 43hël Ï 

Je mis demon côtéla main à l'œuvre , &:mefurai d'abord la largeur 
de l'ouverture par où fortoit l'eau de la première cafcade que j'ai com- 
parée à une des gravures de le Clerc; cette largeur fe trouva de vingr- 
cinq pieds fix pouces; quant à fon élévation, 1l me fut abfolument im- 

oflible:de la dérerminer , malgré ma bonne volonté; j'y rencontrai 
trop! d'obftacle & trop de danger ; je franchis :de-là le torrent, pour 
parvenir au’ fenrier:qui conduit ën montant au grand veftibule que je 
imefurai, & auquel je trouvai foixante-quatorze pieds de largeur , qua- 
fante-huit pieds d’élévarion dans fa partie la plus exhaullée ,- & quae 
rante-trois pieds de profondeur; routes ces mefures furent prifes avec 
exactitude & attention: 

Certe valte ouverture , affez irrégulièrement ceintrée , eft tournée 
du côté du Nord ; le grand jour, qui y pénètre avec facilité, montre 
À découvert des bancs intérieurs, inclinés ducôré du Levant; ces bancs 
fonr d’un beau volume, puifque j'en mefurai un qui,a fepe pieds 
d’épaiffeur, E 
La 


MPa Pal HA 


SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS, 12149 
La totalité de la pierre de ce rocher , eft en général calcaire , & d'une 
dureté remarquable : on y voir quelques noyaux d'un filex rougeâtre , de 
la nacure des pierres à fufñl ; mais ces noyaux, qui font affez gros , n'y font 
pas communs. J'ai apperçu quelques échantilions de grès mélangés 
avec certaine partie de la pierre calcaire; cela n’eft cependant pas gé- 
néral : la couleur du rocher eft d’un blanc tirant un’ peu fur le jaune ; 
certe couleur varie mème quelquefois, & fe change en gris de fer. 
Lorfqu'on eft parvenu au fond du grand veftibule, & qu'on regarde 
les aflifes du rocher en face , on apperçoit {ur la gauche une grande ou- 
VErture ; la partie droite en préfente une feconde , mais beaucoup plis 
étroire. 


, | 
De la Grotte fituée dans la partie gauche du grand Veflibule. 


Cette ouverture , creufée par la nature dans l’intérieur du rocher , eft 
façonnée d'une manière hardie; le feuil eft irrégulier , & compofé 
d'un affemblage de grolles pierres & de bancs de rochers rompus , en- 
taflés les uns fur les autres ; un fol mafif offre l’image du défordre & de 
la dégradation : cette entrée a douze pieds fix pouces d'élévation fur 
onze pieds de largeur ; & c’eft par-là qu'on pénètre , en defcendant dans 
une grotte fpacieufe faite en dôine , aflez éclairée , foic par le jour qu’elle 
reçoit du veftibule, foit encore par un autre jour que lui procure une 
brèche confidérable fituée du bas du pavé de certe grorte : c'eft fur ce 
pavé que fe précipite avec impétuoliré & avec un bruit prefque infoute- 
nable , la malle entière des eaux qui difparoît fur le champ par la brèche 
dont je viens de parler, & va former la grande cafcade qui donne 
naïflance au torrent. 

Certe grotte , belle & vafte , eft remarquable en ce qu’elle eft un des 
réfervoirs de toutes les eaux , & qu'on y voit la principale branche y 
romber prefque perpendiculairement d’une ouverture faite en forme de 
bouche, qui part du haut d’un des murs du rocher , tandis que diffé- 
rens rameaux fortent des autres galeries qui ont leur ilfue dans le même 
lieu. Notre guide nous aflura, que dans des rems de fécherelfe , il éroir 
poflible , à l’aide de plufeurs planches & des éminences du rocher , de 
parvenir dans la plus confidérable d’une de ces galeries, qui conduifoic 
par une route allez praticable , au bord d’une efpèce de petit lac fouter- 
rein , aux environs duquel on trouvoit des pierres d’hirondelles où pierres . 
précieufes de. Saffenage, dont je vous entretiendrai dans peu. 

11 nous fat impofhble de tenter le voyage; les eaux éroient trop for- 
tes, & le danger trop évident; jefortis donc de la grotte où j'avois refté 
trois quarts heure à l'examiner & la conrempler ; le bruic de l’eau m’a- 
voir érourdi à un point qu'il me fallut quelque rems pour me remettre. 
J'avois goûté de ces eaux avant de fortir ; leur goût étroit naturel, & leur 


Tome IV, Part, III. 1774, SEPTEMBRE. Ni 


250 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


limpidité admirable; la rapidité de leur chûte avoir établi dans cette 
grotte un courant d'air confidérable , chargé d’une efpèce de brouillard 
épais & pénétrant. C’eft à certe fraîcheur & à cette humidité que j'attri- 
bueroïis volontiers une efflurefcence , couleur de fleurs de pêcher, d’une 
délicatelfe & en même-tems d'une vivacité remarquable, qui rapiffe la 
partie gauche du rocher, dans les environs de l'entrée de cette grotte 
des cafcades : certe efflorefcence n’a ni faveur ni odeur ; elle eft fi adhé- 
rente à la pierre, qu’elle femble ne faire qu’un même corps avec elle. 


De la Grotte des Cuves , fftuée fur la partie droite du-grand Feflibule. 


Le grand veflibule , ainfi que je lai déja remarqué , offre deux ouver- 
tures , l’une dans la partie gauche, qui eft celle que je viens de décrire; 
la feconde, dans la partie droite qui fait face à celle-ci : fon entrée bien 
plus étroite & moins élevée, puifqu’elle n’a que quatre pieds trois pouces 
de largeur fur neuf d’élévation, conduit, à ce qu’on appelle /es Cuves. 
On imagine aflez difficilement ce qui a pu donner tant de célébrité à 
deux fimples creux ou excavarions dans le roc vif, voifins l’un de l’autre, 
qui s'offrent fubitement à l'entrée de cette grotte, & en interceptent le 
chemin. Comme le jour ne pénètre plus ici, & qu'il faut avoir recours 
aux flambeaux, j'entrai dans la première cuve, muni de tout l’'attirail 
nécefflaire pour l’examiner à l’aife & avec foin. Je m’apperçus d’abord 
qu'elle avoit été creufée primitivement de la forte par les eaux qui, 
ayant jadis charrié des pierres & des cailloux, & les ayant roulés en tour- 
billon , avoient opéré ces excavations ; l’'ufé & le poli des bords l’annon- 
cent d’une manière à lever cous les doutes. On préfume d’ailleurs aife- 
ment que les eaux ont autrefois féjourné & fait des ravages dans certe 
grotte , lorfqu’on découvre fur le rocher du côté gauche, après avoir 
franchi les cuves , un vafte conduit de communication qui fe prolonge 
dans le rocher , & va joindre la mer d’eau qui fournit les cafcades ; ce 
qui annonce aflez que les eaux , plus abondantes autrefois, venoient 
s'échapper par le même conduit ; je rentai de m’y introduire à demi- 
courbé ; mais un courant d’air froid & rapide , occafionné par la chûre 
des eaux voifines , fut caufe que je ne pus point y conferver la lumière; 
comme j'érois cependant bien aife d’y pénétrer , j'en vins à bout , à l’aide 
d’une de ces lanternes à réverbère de nouvelle invention , qu'on nomme 
lanterne de boutonnières. 

Ce ne fut pas fans une forte d’effroi , étant parvenu au bout de certe 
galerie de communication, où j'érois érourdi par le bruit, & fatigué 
par le vent, que je penchai doucement mon corps en avant, & pré- 
fentai ma lanterne au bord d’un abyme épouvantable où les eaux tom- 
boïent avec une précipitation fans égale du haut d’une voüte élevée parmi 
des débris de rochers ruinés fur Lefquels on n’appercevoit que bouillon- 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 2$r 


nemenr , que tourbillon & qu'écume; je contemplai pendant un demi- 
quart-d’heure ce fpeétacle impofant , & je revins enfuite à mes cuves. 
Je mefurai la première , c’eft-à-dire , la plus voifine dela porte de la 
galerie ; certe cuve eft d’une forme à-peu-près ronde; fon diamètre eft 
de cinq pieds , fa profondeur de trois : la feconde n’a que cinq pieds 
dans fon plus grand diamètre , & dix-huit pouces de profondeur; fa 
forme eft allez égale à la première ; j'y vis au fond quelques lignesd’eau 
rovenue du fuintement de la voure : il n’y arien de bien étrange ni de 
ien merveilleux dansces deux creux ; pourquoi donc Chorier a-t-il ofé 
en écrire, » qu'on en tire un préfage de la fertilité de la terre & de 
» l'abondance des bleds & du vin ;que plus ils font remplis , plus ils pro- 
» mettent :il ne craint pas enfuite de citer les vers fuivans «. 


Quovyè repentina magès æfluat utraque lympha , 
Spicea flaventi magis area meffe loborat ; 


Spumo/foque magis reflagnant prala licao. 


Laïffons ces rèveries , & difons que la folitude & la majefté du lieu , 
que le bruit des cafcades & le mugiffement des eaux, joint à l’obfcurité 
de ces antres profonds, pourroient avoir donné lieu aux fables qu’on 
s’eft plu à raconter de rous les tems au fujet de ces grottes; les idées 
prennent affez naturellement une teinte noire dans l’intérieur descaver- 
nes; & loin de la portée du jour, l'ame y devient mélancolique, le 
myftique s’en mêle & la cère s'échauffe : c'eft donc à des cerveaux foibles 
& malades , étrangementaffectés par l'image de ce lieu , qu'il faut attri- 
buer tous les contes qu’on a débiré fur la Fce Mélufine & fur les Nym- 
phes qui prenoient autrefois leurs repas avec elle autour d’une table de 
pierre qu'on montre encore. 

Ou plutôt, je croirois que cette tradition , qui fe perd dans l'obfcurité 
destems , eft un refte de fouvenir d’une de ces anciennes fêres commé- 
moratives , qu'un Auteur fameux a nommé Hydrophories. Je ferois d’au- 
tant moins éloigné de le penfer , que j’entrevois une analogie affez mar- 
quée entre Les fables qu’on débire fur ces grottes, & le culre religieux 
qu'on tendoit autrefois à Cérès dans des antres obfcurs & fouterrains. 

Vous favez mieux que moi ( vous qui ères fi verfé dans les connoif- 
fances de l'Antiquité ) que cette Déeffe éplorée ayant perdu Proferpine, 
fa fille , ravie par Pluton, qui avoit difparu avec elle, par une caverne 
ou un abyme profond , la chercha par tout le monde, après avoir allumé 
des Aambeaux aux feux du Mont Etna. Vous favez que ce fut après des 
courfes & des peines infinies, qu'elle la retrouva. Eleañs, où fon culte & 
fes myftères furent établis avec un appareil & une folemnité quiles ren- 
dirent f célèbres dans la plus grande partie du monde , que les Romains 

1774. SEPTEMBRE. JU QUE 


12 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


& d'autres peuples s'emprefsèrent de les emprunter. Ces myftères allé- 
goriques , relatifs aux anciennes révolutions du globe , & appliqués 
enfuire à l'Agriculture & aux produétions de la terre , fe célébroïent de 
préférence dans les antres profonds & rénébreux. Je ne rappelle tous 
ces préliminaires que pour montrer qu'il eft poffible que nos grottes aient 
fervi jadis à cer ufage; leur voifinage de l'antique Culoro (1), Ville 
autrefois confidérable, & de la dépendance Romaine, me confirme 
dans cette opinion : voici en deux mots fur quoi je me fonde. 

La croyance ancienne & populaire , appuyée du témoignage de plu- 
fieurs Auteurs , eft qu’une Fée appellé Mélufine , avoit fixé fa demeure 
dans ces grottes, où quelques perfonnes privilégiées avoient été 
dignes de lavoir. Je m’arrète fur-le-champ fur le nom de la Fée; 
& j'apperçois un degré d’affinité remarquable entre Mélufine & Serfine, 
farnom de Cérès. On fair voir dans la plus élevée des grottes une énorme 
pierre qui ef, dit-on , la table de la Fée. On montroit à Eleufisla pierre 
zrifle dont Ovide fait mention dans fes faftes ( 2). Les fères de la Déelfe 
duroient neuf jours, & le fixième éroir effentiellement uni au culte de 
Bacchus (3). Cette double innovation auroit pu donner l’idée d’un pro- 
noftic de l’abondance du bled & du vin , tout-à-la-fois. Je: pourrois éren- 
dre encore plus loin cette analogie , fi je ne craignois, avec raïifon, 

.m'éloigner trop de mon fujet , auquel je reviens, en vous priant de ne 
pas défapprouver cetre penite digreffion à laquelle je ne me fais arrêté 
que pour chercher , en paflant , d’où pouvoit venir la célébrité de ces 
deux cuves, qui font ce qu'il y a de moins intéreffant & de moins remar- 
quable dans ces grottes : au-refte, fi le fentiment que je ne donne ici 
que comme une fimple conjeéture , vous paroît peu vraifemblable , je 
paffe volontiers condamnation à ce fujer. 


Suite de la Galerie des Cuves. 


Mon intention étant , après avoir vifité les cuves, de continuer ma 
route dans la profondeur de la galerie qui commençoit à devenir étroite 
& d’un accès pénible, je fisà cer effer fixer une corde à la porte d'en- 
trée , & , à l’aide des lumières , je pourfuivis mon chemin , accompagné 
feulement du Guide & du Domeftique. J’examinai attentivement les 
voûtes, les murs de rocher & le plancher ; j'apperçus de tems à autre 
quelques ftalaétites de couleur blanche , opaques & à petits mamelons 


(1) Ancienne Métropole des Allobroges , foumife anciennement aux Romains, &. 
rétablie par Gratien qui lui donna le nom de Grationcpolis. 
(2) Hic primum Jedit gelido maflifima Saxo , 
[llud Cecropide nunc quoque trilte vocant. Ovip. faft. lib. iv, verf. $o3 & 504. 
G) Voyez l'Abrégé du Diétionnaire de Samuel Pitifeus , au mot Eleufs. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. :$3 


auffi bien que des concrérions farineufes dans le genre des ftalaétites, 
J'allois lentement & avec patience à la découverte des corps marins, 
lorfqu’enfin je remarquai dans le mur,du côté droit, & dans i partie de 
la galerie qui forme une montée rapide, trois bélemnites incruftées dans 
la pierfe ; ces corps marins éroient d’une belle confervation ; je les y 
laiffai fans les détacher , comme les feules dépouilles de la mer qui fuf- 
fent apparentes dans la grotte. 

Non loin de ces bélemnites, le chemin devient fi impraticable, qu'il 
faut abfolument s’y traîner étendu. Je voyageai quelque tems dans cette 
fituarion gènante, & dans cette efpèce de tuyau, parmi des fragmens & 
des ruines de rocher ; je compris qu’il étoit inutile & dangereux d’aller 
plus avant, & nous rétrogradâmes : arrivés au grand veftibule où je ref- 
pirai à l’aife, je pris la mefure de la corde qui avoit cent foixante-huit 
pieds de longueur. 

Il ne me reftoit plus à voir que la grotte fupérieure, c’eft-à dire, celle 
qui eft placée au-deflus de celle que je viens de décrire, & fous le por- 
tique du grand veftibule. Je la vilirai, & n’y trouvai rien de remarqua- 
ble. On y voit feulement de larges aflifes détachées du rocher ; ce qui la 
rend inégale & bafle : un de ces bancs , d’un gros volume & d’une fur- 
face égale, eft regardé comme la table fur laquelle Mélufne prenoit 
autrefois fes repas : c'eft la même pierre que j'ai comparée à la pierre 
trifte d'Eleufs. 

Je ne finirai pas, fans vous dire un mot des pierres de S:ffenage. Je 
vais examiner fi leur réputation eft aufli bien méritée qu'on l’a pu croire 
jufqu’à-préfent. 

Des Pierres de Saffenage. 


Ces pierres ont une réputation très-ancienne parmi les Naturaliftes. 
MM. Wallérius, Bercrand, Valmont de Bomare, ne font pas les pre- 
miers qui en aient fait mention. Je fuis bien-aife cependant de vous 
rappeller ce qu'en ont dit ces derniers Auteurs, pour vous faire voir que 
ces petits cailloux.affez peu intérelfans par eux-mêmes, n’ont qu'un mé- 
rite m.diocre. Wallérius, dans fa Minéralogie (1), défigne ces pierres 
fous la dénomination de pierres d'hirondelle , ou pierres de Saffenage ; 
il les regarde comme des petits grains d'agathe, qui affectent une figure 
déterminée, & qui reffemblent, pour la plupart, à ce qu’on appelle yeux 
d’écréviffes ; elles font, felon cer Aureur , de la groffeur de la graine de 
lin ; & on les trouve dans, d’autres agathes ou dans du fable ; leur cou- 
leur varie, & elles reffemblent en un mor aux pierres que l’on trouve 


(x): Defcriprion générale des fubftances du genre minéral , tome I, page 173. 
in-89, Paris, 1753. 


1774. SEPTEMBRE. 


154 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


dans le oéfier des hirondelles nouvellement éclofes. Wallérius ne fe con- 
rente pas de cette définition : il forme encore Les quatre divifions fui- 
vantes de ces, pierres. 


1°. La pierre d’hirondelle demi-fphérique. . 
Chelidonit minerales hemifpherici. 


2°. La pierre d’hirondelle concave & demi-fphérique. 
Chelidonii minerales convexo concavi. 


3°. La pierre d’hirondelle ovale. 
Chelidonii minerales ovales. 


4°. La pierre d’hirondelle quarrée. 
Chelidonii minerales quadrati. 


M. Bertrand, dans fon Diétionnaire des Fofiles (1) au mot Hiron- 
delle [ pierre d’hirondelle ] ou pierres de Saffenage , les nomme ché- 
» lidoines ou fauffes chélidoines, chelidonii pfeudochelidonii , chelidonii 
» minerales , achates figurd ferè hemifphericä, velovali magnitudine femi- 
» ris lini, vel paululèm majores., &c. Ces pierres font de petits grains 
» d’agathe, qui font pour l'ordinaire arrondies ou ovales, prefque toutes 
» hémifphériques, polies & luifantes : elles refflemblent aux pierres 
» qu'on appelle yeux d’écrevifles , quelquefois plus petites , comme la 
» graine du lin. On les trouve dans d’autres agathes ou dans du fable ; 
» elles font femblables aux pierres qui font dans le géfier des hiron- 
» delles nouvellement éclofes : c’eft de-là qu’elles onc pris leur nom. 
» Ces pierres diffèrent par leur couleur : il yen a de blanches, de orifes 
» & de bleuâtres; elles diffèrent encore par la figure; il y en a de 
» quarrées , d'hémifphériques, de concaves d’un côté , & convexes de 
» l’autre ; enfin, d’ovales ; elles diffèrent encorepar la groffeur. Ilyena 
» depuis la groffeur d’une: petite graine, comme celle de lin ou un grain 
» d’haricot. On en trouve en divers lieux; un ruiffeau, dans le Bailliage 
» d’Aigle, au Canton de:Berne , en charrie beaucoup. 

M: Walmonc de Bomare , au mot Pierre d’hirondelle,. de fon Dic- 
tionnaire d’Hiftoire Naturelle (2), dir » que c’eft le nom donné à la 
» petite pierrequi fe trouve dans l'eftomacde l'oifeau qui porte cenom , 
» & qu'il avoit avalée pour faciliter fa digeftion. Ce font des petits grains 
» d’agathe , orbiculaires, un peu plus grands qu’une femence de lin. On 
» les trouve auffi dans le fable : il y en a de blanches, de grifes & de 
» bleuâtres, On s’en fert, dit on , pour challer les petites ordures qui 


(1) Di&ionnaire Urniverfel des Fofliles, page 299. #n-8°. 1763. 
(2) Diétionnaire raifonné , univerfel d'Hiftoire Naturelle, page 470 du tome IN, 
édition u-4°. Paris, 17684 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, :5$ 


» entrent quelquefois dans les yeux ; on trouve aufli de ces pierres fur la 
» montagne de Saflenage , près de Grenoble en Dauphiné «. 

Voilà tout ce qui a été dit a-peu près de plus remarquable fur ces 
pierres qui , les premières ont donné leur nom aux petits cailloux de la 
même efpèce qu'on trouve dans la Suife & ailleurs. II eft bon d’obferver 
qu'on n’en voit point dans les grottes ni dans les cuves : il eft vrai que 
le Guide que j'avois pris, m'aflura qu’en fuivant une des iflues de Ja 
grotte des cafcades, on arrivoit auprès d’un petit lac fouterrain , au bord 
duquel on trouvoir quelques-unes de ces pierres ; les eaux trop abondan- 
tes alorsm'empêchèrent d'y pénétrer. Je ne puis donc rien aflurer à ce 
fujer ; mais le véritable endroit où elles abondent , & où on les ramalle 
en tout tems , eft au-deffus des grottes , dans une partie de la même 
montagne où l’on ne peut parvenir qu'en faifant un circuit d'environ trois 
heures de chemin : on aboutit après cela par une montée très-rapide 
au bord d’un ruiffeau appellé Gérme { 1) qui fort avec impétuofré d’un 
antre creufé par la nature dans le rocher , & va fe joindre enfuite , non 
loin de-là, dansunautre ruiffeau nommé Feron où il perd fon nom ; c’eft 
là où ces pierres fe trouvent en abondance dans un fable mélangé avec 
des petits fragmens d’une pierre blanche affez tendre. Je foumis, tant 
les pierres que le fable à diverfes épreuves dont voici le réfultar. 

Ayant d’abord féparé , à l’aide d'un tamis affez clair, les parties les 
plus fines d'avec celles qui avoient le plus de volume , les parties les plus 
déliées furent mifes à part, & j'en formai un premier lot ; mon fecond 
lot fur enfuire compofé de tous les menus fragmens de pierre blanche 
que je choilis grain à grain dans tout ce qui n'avoir pas pu paller par le 
tamis ; 1l me refta alors pour mon troifième lot les véritables pierres d’ki- 
rondelle , de la groffeur ordinaire, féparées du fable & des fragmens 
des pierres blanches. 

Certe opération faite , je revins au fable d’abord choifi & mis à 
part du premier lot ; je le plaçai dans un verre que je remplis d’acide 
nitreux ; 1l fe forma fur-le-champ une ébullition violente produite par 
la décompofition des petits grains de pierres blanches qui avoient pallé 
par le tamis avec le fable ; je lavai plufeurs fois le fable avec de l’eau 
ordinaire ; il me parut alors brillant & criftallin : il eft vrai que j'y 
apperçus , avec la loupe , de petits points variés en couleur qui n’éroient 
que des pierres d’hirondelles d’une petitelle extrème ; je fis fécher le fa- 
blon au Soleil , & j'en femai enfuite fur la fuperficie d'un verre rempli 
d’eau ; une partie de ce fable fe précipira, & l’autre furnagea. 

Ce premier examen fini, je paflai à celui des petits fragmens de pierre 
blanche du fecond lot; ils éroient inégaux & raboteux; la matière qui 


SRE EE DORE SEPT AA A LE LP, EI RE 


(1) Ce mor Germe, altéré par le tems, ne dériveroit-il pas du mot Gemma, 


picrre précieufe ? 
1774 SEPTEMBRE. 


256 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


les compofe refflembloir affez à une marne blanche durcie & même 
pétrifée ; cette matière m'offroit, examinée avec une bonne loupe, 
de petits grains d’un fable extrèmement fin. Je foumis alors une 
douzaine de ces petites pierres blanches à l'épreuve de l’eau forte ; 
l'acide les attaqua promptement ; l'ébullition fur des plus violentes; 
elles acquirent un mouvement de rotation qui les éleva fur la furface de 
la liqueur où elles furent entièrement difloutes en peu detems ; il fe 
formoit pendant la décompofition un précipité criftallin qui n’éroit qu'un 
fable pur & fin, mélangé avec cette pierre calcaire. Je préfamai alors, 
queles eaux qui charrioient ces pierres , les entraînent & les brifent fur 
les rochers, & que les pierres d'hirondelles s’y trouvant mélangées , en 
font ufces & façonnées en divers fens ; je penfe aufi que le poli vif & 
éclatant qui les rend fi remarquables à l'œil, n’eft que l’effer de cetre 
matière calcaire qui leur donne le beau luftre à l’aide du roulemenc 
des eaux. 

Je réfervai enfin , pour ma dernière opération, l'examen des pierres 
d’hirondelles ; je vis que leur forme varioit autant que leur couleur; 
qu'ainfi, M. Wallerius avoit eu tort de dire qu’elles affeétent une fioure 
déterminée ; celles de Saffenage n’en affectent certainement aucunes ; je 
vous en adreffe une boïte. où vous en trouverez de routes les formes, 
de rondes, de criangulaires, d’aiguës , &c. excepté cependant de quar- 
rées. C’eft encore ici où je dois faire appercevoir une erreur du même 
M. Wallerius qui, dans la quatrième divifion de ces pierres, défigne 
la pierce d’hirondelle quarrée ; tandis qu’il n’en exifte aucune de cette 
forme , du moins parmi celles de la Montagne de Saflenage. 

La matière de ces pierres elt également très-variée; on en diftineue 
d’une pâte vitreufe & criftalline; d’autres , d’une efpèce de quartz, plu- 
fieurs retlemblenc à des agaches, & en fonc effeétivement; certaines ne 
font que de pierres à fuñl ou de filex communs ; elles ne font , en un 
mot ,en général,qu'un affemblage de différentes pierres inatraquables 
par les acides , & qui prennent un poli plus ou moins brillant en raifon 
de leur dureté & de la fineffe de leur grain. 

Vous comprenez, d’après cetexamen, combien ces pierres doivent 
perdre de leur mérite ; elles peuvent renirun rang, à la vérité , dans les 
cabinets ; mais, je ne les placerai jamais parmi les agathes, mème occi- 
dentales; je leur ferai tout fimplement occuper la place qu’elles tien- 
nent dans la nature ; c'eft-à-dire, que je lesrangerai parmi les graviers 
& les pierres roulées. 

Je ne m'attacherai point à détruire les vertus ophralmiques que leur 
ont attribuées certains Auteurs , puifque cette propriété qu'elles one, 
étant introduites dans l'œil , d’en extraire les corps étrangers qui le fari- 
guent , n’eft abfolument due qu’à leur poli , qui fait qu’elles peuvent 
courir impunément fur la furface de l'œil fans le blefler, & détacher 

quelquefois 


\ 
SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 257 


quelquefois Les atômes qu’elles rencontrent fur la route; mais tous les 
corps également polis auroient la même propriété. 

Je ne dois pas oublier de vous dire en finiffant, que l'Auteur d’un 
Ouvrage utile , a fairune méprife , en parlant de ces pierres ; elles fonc 
qualifiées à la page 144, & au n°. 9 du Catalogue raifonné du Cabi- 
net de M. Davila, à l'article des Agathes , de pierres lenticulaires de diver- 
fes formes connues fous le nom de pierres d'hirondelles ; & c'eft bien des 
nôtres dont on a entendu parler , puifqu’on ajoute qu’elles viennent des 
cuves de Saffenage en Dauphiné. L’Auteur n’auroit pas dû confondre 
les pierres Zenriculaires qui ont été jadis des corps organifés, avec les 
pierres de Saflenage ou d’hirondelles (1) qui n’ont jamais appartenu 
qu’au genre minéral ( 2 ). 


Je fuis, &c. 


(1) Je voisplufieurs Naturaliftes aflurer qu'on trouve de petites pierres ovales & 
polies dans le géfier des Hirondelles nouvellement éclofes : la mère, affirme-ron , 
les leur fait avaler pour faciliter la digeftion. La chofe eft poffible ; mais quelques 
foins que je me fois donnés jufqu’à préfent pour en trouver, je n'ai point pu y réuflir. 
Il eft vrai que je n'ai pas encore été à portée de faire toutes les recherches néceffaires 
à ce fujec fur un aflez grand nombre de ces oifeaux. Je n’ignore pas qu’on trouve 
ordinairement de petires pierres dans le corps des gallinacées & dans certains oifeaux 
granivores ; mais en exifte-t-il réellement dans ceux qui fe nourriflent de vermifleaux 
& d'infeétes, qui font d'une digeftion plus aifée? Y a-t-il, en outre, des petits 
cailloux propres & particuliers aux Hirondelles ? C'eft ce qu'il feroit intéreflant de 
bien éclaircir , & ce que les Ornithologiftes devroient nous apprendre. 

(2) Il feroic à defirer que l'Auteur de l'excellenre Differtation fur les Cuves de Saffe- 
nage s’occupât de la defefiprion de la grotte de val Reas, & de la fontaine ardente de 
fa Province, qui ne font connues, pour ainfi dire, que par les abfurdités qu’on en raconte. 


Ge 


—————— 


SE — ——— (9, 


NOUVELLES LITTÉRAIRES. 


CDs ane des veines de Houille, ou Charkon de Terre, € leur 
exploitation dans la Mine qui les contient, avec l’origine des Fontaines , 
des Ruiffeaux, des Rivières & des Fleuves, Ouvrage enrichi de planches 
gravées en taille-douce , où l’on met fous les yeux vout le détail des 
Houillières ; & une Table du cours des principaux Fleuves des quatre 
parties du Monde connu , avec le niveau de leurs fources au-deflus du 
niveau de la Mer , ou la hauteur de la pente qui procure l'écoulement 
de ces fleuves, depuis leur fource dans L. chaînes immenfes des mon- 
tagnes ou élévations du Concinent , répandues fur la furface de la Terre, 


Tome IV, Part. III. 1774. SEPTEMBRE. Kk 


:5$ OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


jufqu’à l'embouchure des Fleuves dans les différentes Mers où ils fe por- ” 
tent ; par M. Gennrré, Premier Phyficien de feu Sa Majefté Impé- 
tiale. A Nancy, chez Jean-Baprifte Hyacinthe Leclerc , 1 vol. ir-8°. 
1774. 

Ce titre détaillé donne l’idée précife de tout ce qui eft contenu dans 
cet Ouvrage bien fair, très méthodique, & rempli de Recherches cu- 
rieufes & utiles. Nous ferons connoître dans le Cahier fuivant la Table, 
ou plutôt , le Tableau dont il vient d’être parlé. 


Elémens d’Aloèbre, par M. LéowarpD EULER , traduit de l Allemand 
par M. Bernourrt , avec des Notes & des Additions. 2 vol. in-8°. 1774. 
A Paris, chez la veuve Defaint. Les noms de l’Auteur & du Traduéteur 
répondent de la bonté de cet Ouvrage qui fut publié en Allemand , il 
y a environ quatre ans , par l’Académie des Sciences de Saint-Pérerf- 
bourg. 


Traité de Méchanique, par M. V'Abbé MAR , de la Maifon & So- 
ciété de Sorbonne, Profeffeur de Marhématiques au Collége Mazarin. 
in 8°. À Paris, 1774. Chez la veuve Defaint , Libraire , rue du Foin. 


Affronomiches Jahrbuch, &c. ou Ephémérides aflronomiques pour l’an- 
née 1776 , avec un Recueil des Obfervations les plus récentes , relati- 
vement aux Sciences Aftronomiques. À Berlin 1774. Elles font calculées 
d’après les Tables que M. Delalande a cru devoir ajouter à la feconde 
édition de fon Aftronomie; par M. Bone. 


Ausfuhrliche Oachriéten , &c. ou Defcription des Zoofites nouvellement 
découvertes , de Quadrupèdes inconnus , des Cavernes où on les trouve, 
& de plufeurs autres Souterrains du Haut-Bareith , avec quatorze 
planches enluminées par M. £/per. À Nuremberg , 1774. 


Verfuch Ciniger Praktifchen Anmerkungen ; &c. ou Effais de Remar- 
ques-Pratiques fur le genre nerveux , pour fervir à l'explication de diver- 
fes maladies, & particulièrement des accidens hyftériques & hypo- 
condriaques; par M. IsENFLAM , Profeffeur d'Anatomie dans l’Uni- 
verfité d'Erlang. À Erlang, chez Walther, 1774. 


Hifloire de l’Académie Royale des Sciences, 1771 avec les Mémoi- 
res de Mathématique & de Phyfique pour la même année. À Paris, de 
l'imprimerie Royale, 1774. 


Colleition académique , Partie étrangère , tome XI; & ne volume 
des Mémoires de l'Académie de Berlin; pat M. Pauz. À Paris Hôrel 
de Thou, 1774. 


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SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 259 


ADR ES 


SUR LA FÉCONDATION DES PLANTES; 
Par M BONNET , de diverfes Académies. 


L À découverte du exe des Plantes eft, fans contredit, une des plus 
intéreffantes de notre fiècle. Tournefort , ce grand Reftaurateur de la 
Botanique, étoit bien éloigné de foupconner la noblefle de la pouffière 
des étamines ; lui , qui la croyoir un excrémentide la plante. Grew, Ray, 
Morlant , Camerarius, & après eux Geoffroy (1), avoient appris au 
Mbônde favant la véritable nature & les ufages importans de cétté pouf: 
fière. L’Académicien François , qui l'avoit beaucoup plus obfervée que 
fes devanciers, avoit remarqué avec une agréable furprife, que cetre 
pouffière qui , à l'œil nud , ne femble pas différer de la pouflière que le 
vent emporte , étoit un amas de petits corps très-répuliers, & dont les 
formes & les proportions fingulièrement variées dans les différentes efpè- 
ces ; affectoienc conftamment la mème forme & les mêmes proportions 
dans chaque efpèce. Il en étoic de fphériques , d’ellypriques , de cylin2 
driques, de prifmatiques : d’autres refflembloient à des boulets ramés. 
Les uns étoient parfaitement liffes ; d’autres paroïfloient cannéles , cha- 
grinés ou hériffés de piquans, femblables à ceux d’un maron, &c. 
Geoffroy admit que la pouflière des étamines étoir la mat:ère fécon- 
dante desplantes, & qu’elle parvenoïit aux embryons: par le miniftère-du 
pifl,, Bientôt ce fentiment fut, adopté par les meilleurs Phyficiens: On 
cruc! voir que la rère du pifuil évoir percée, comme la pomme d’'uniarré2 
foir, d'une multitude de petits trous , proportionnés au diamètre d’un 
grain de la poufière , & que les grains arrivoient aux embryoi:s par de 
petits canaux ou trompes qui s'étendoient fuivant une direction paral- 
lèle à l'axe du piftil. 
Bien des annéesaprès Geoffroy , le favant Néedham ( 1), remaniane 
cer intéreflant fujer , découvrir, que la pouflière des étamines étroit biau- 
coup plus compofée qu'on ne l'avoir d’abord imaginé. Il prouva par des 


= 3:51.) 


(1) Mémoires de l'Académie, 1711. ‘ 

G) Nouvelles découvertes microfcopiques , &c. 1747. Je vois dans les Mé- 
moires de l’Académie , que l'illuftre Bernard de Juflieu avoit fair les mêmes 
Obfervarions en 1739, 


1774. OCTOBRE. KE 2 


260 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


obfervations bien faites, que chaque grain de certe pouflière étoit lui- 
même une très-petite boëre qui renfermoit dans une efpèce de vapeur 
ou de liqueur prodigieufement fubrile, un nombre innombrable de 
grains d’une peritelfe extrème qu’il regarde à bon droit, comme les vrais 
agens de la Hotte ; mais il fe trompa beaucoup fur la manière de 
cetre Fécondation, comme:je l'ai démontré dans les Confidérations fur 
les corps organifés (1). 

Notre habile Obfervateur prouva par des expériences directes, que 
d’autres Naturaliftes ont répérées ; que chaque grain contenant , eft orga- 
nifé, de manière que lorfqu'il vient à être humecté, il s'ouvre par un 
mouvement en quelque forte fpontané , & darde les grains contenus , 
difféminés dans la vapeurou la très-petite athmofphère fécondante. 


Portant enfuite fon attention fur l’intérieur du piftil , il remarqua, 
que les trompes diminuoient de diamètre, àmefure qu’ellesapprochoient 
de l'ovaire ; enforte qu’elles étoient des entonnoirs très allongés ; dont 
l'évafement répondoit à la tère du piftil, & la pointe aux ovaires. IL 
remarqua encore que les trompes éroient intérieurement enduites d’une 
humeur plus ou moins vifqueufe, & plus ou moins abondante, deftince 
à procurer la rupture des grains contenans , &c par CE MOYEN » l'émiflion 
des grains contenus, &c. 

Le célèbre Duhamel ( 1 ), qui s’eft occupé auñi de cette belle matière, 
a conjecturé que chaque grain contenant étoic originairement implanté 
dans l'intérieur des fommerts par un très-court pédicule , que le microf- 
cope n’a pu néanmoins lui faire découvrir; & que fes grains fe déta- 
choient des fommets à l'approche du tems de la fécondation. 

Cette conjecture me paroît plus que probable ; car les grains dont il 
s'agit, font de petits corps organifés', qui , comme toutes lesautres par- 
vies organiques , doivent prendre dans la plante un certain accroiffement. 
Or; l'accroiffement fuppofe néceffairement la nutrition ; & celle-ci 
fuppofe elle-même que la partie à nourrir , tient par quelques vaiffeaux 
à celle qui eft deftinée à la nourrir. 

J'irois même bien plus loin que notre célèbre Académicien ; & j'ad- 
mettrois fur le mème principe, & par une conféquence néceffaire , que 
les grains contenus font aufh implantés dans les parois du grain conte- 
nant par un pédicule proportionné à leur extrême peritefle. Ce ne feroit 
pas même ici le terme où je m'arrèterois. Je ferois fort renté de foup- 
gonner que ces grains contenus , dont la peticeffe eft déjà fi étonnante, 


ne font encore que les boëtes les plus petites, qui renferment d’autres 
) * 


(1) Tome I, art. 178. 
(2) Phyfique des Arbres, livre I, chap. 1, ann. 1758. 


4 
: 


| 


= 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 261 


grains , que je nommerois du troifième ordre , & dont le diamètre eft à 
celui des grains du fecond ordre, ce qu’eft le diamètre de ceux-ci au 
diamètre des grains du premier ordre. Je conjeéturerois pareillemenc 
que les grains du troifième ordre contiennent une vapeur d’une fubtilité 
affortie à leur peritefle & à leurs fonétions. Je dirai plus ; je ne fais fi la 
dégradation des grains contenus les uns dans les autres expire à ceux du 
troifième ordre. Il feroit poffible qu'elle s'étendit beaucoup plus loin, 
& que la férie renfermât bien d’autres ordres fubordonnés & dé- 
croiffans. 

On me demandera fans doute, pourquoi je fuppofe une fi éonnante 
compofition dans la pouflière fécondante , & pourquoi je précipite ainfi 
l'imagination dans l’abyme de l'infini ? Mais j'ai lieu de préfumer , que 
ceux qui auront lu mon Mémoire fur les Germes de l'Hypothèfe de l'Em- 
boîtement (\\, ne me feront pas cette queftion, parce qu’ils auront faci- 
lement faili dans ce Mémoire les fondemens de la conjeéture que je 
viens d'indiquer fur la pouffière des étamines. J'ai prouvé ailleurs (2), 
que la liqueur fécondante eft à-la-fois un fluide nourricier & un vrai fti- 
mulant. Ce fluide eft donc approprié aux parties à nourrir & à dévelop- 
per; & parce que ces parties ne font pas toutes conftruires fur les mêmes 
proportions, & qu’il en eft dont la petitefle & la délicareffe font extrè- 
mes , il falloit que la liqueut fécondante contint des molécules calibrées 
fur ces différentes proportions, &c. 

Je conçois donc qu'il y a dans la pouffière des éramines différens ordres 
de fluides nourriciers & ftimulans, renfermés dans différentes fioles 
emboitées les unes dans les autres : & je conjeture qu'il eft peuc être 
de ces fluides qui ont pour fin de procurer le développement des plus 
petits boutons des arbres ; je dis des boutons, parce qu'ils paroïflent fe 
développer fans fécondation apparente, & qu’un arbre auquel on retran- 
cheroïit conftamment toutes fes fleurs , ae Lili pas de pouller des 
bourgeons. 

Maintenant , je prie qu’on fe repréfente, fi l'on peut , de quelle peti- 
tefle effroyable doivent être dans l'embryon ou le germe, les bourgeons 
qu'un orme poullera , lorfqu'il fera parvenu à l’âge de cent ou de deux 
cents ans ; & on ne fera plus furpris de la dégradation étonnante que je 
fuppofe dans les liqueurs que contiennent les différens grains de la pouf- 
fière des éramines. 

Sans même pénétrer fi profondément dans la férie des germes, com- 


(1) Manière dont on peut concevoir la nutrition & l'accroiffement des germes avant 
la fécondation dans l'hypothèfe de l'emboîtement. Voyez le Journal a'Obfervations 
de M. l'Abbé Rozier , mois de Mars 1774, page 147. 


(2) Confidérations fur les Corps organifés , tome 1, chap. IL, V, VI, IX, X; 
tome II, chap, VII, VIII, 
1774. OCTOBRE. 


262 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


bien eftil de parties prefqu'infinimentc petites dans les touts organi- 
ques, appellés à fe développer les premiers au moment de la fécon- 
dation ! Quelle n’eft point la prodigieufe fubtilité que des parties fi 
petites fuppofent dans le uide deftiné à en opérer l’évolution! Quelle 
né doit point être , par exemple, la periceffe dés organes deftinés à fépa- 
rer & à élaborer dans la fleur le principe fécondant ! Maisle Lecteur 
éclairé & pénétrant m'a déja faifi ; un plus long détail feroit fuperku: 
Il feroit aWurément bien intéreflant de connoître la véritable nature 
de ce Auide renfermé fi artiftement dans la pouflière des éramines, & 
qui joue un fi grand rôle dans l’économie végétale. On a fait quelques 
tentatives pour effayer d’y parvenir ; & il a paru en réfulter, qu'il eft 
de nature huileufe ou inflammable, & qu'il ne fe mêle pas avec l’eau. Il 
eft au moins certain que la pouflière des étamines brüle à la bougie , 
comme uneréfine pulvérifée. L’efprit-de.vinen tire une teinture légère, 
mais il ne ladiflouc pas. Apparemment que l’efprit-de-vin n’agit que fur 
le fluide fubril contenu dans les pouflières. L'ingénieux Gledit{ch.(1} 
rapporte une expérience qui concourt avec les précédentes , à conftater la 
qualité huileufe de la matière contenue dans nos pouflières. Si on les eri- 
ture avec le mercure, elles changent de couleur, & il s’en forme une 
âre femblable à de lacire ; & fi l’on renferme cerre pâte dans un papier 
fin, l'huile fubtile des pouflières le pénètre , au point qu’on croiroit qu’il 
a été imbibé d'huile de pavor. Notre curieux Obfervateur a confirmé la 
même vérité, en affociant ces pouflières aux chaux métalliques , ou à dif- 


férens métaux réduits en limailles très-fines. Mais , il n’eft point du tout 


néceffaire de recourir à de femblables épreuves , pour fe convaincre de 
la qualité huileufe ou inflammable de ce fluide fubril qui opère la fécon- 
dation des plantes : n’elt-il pas aujourdhui rigoureufement démontré , 
que la cire brute n’eft autre chofe que la poufhière des éramines que l'in- 
duftrieufe abeille fair recueillir , préparer, conferver & mettre en:œuvre 
avec un art qui ne peut être bien admiré que des plus habiles Géomè- 
tres (2) ? 

Le fluide fubtil, deftiné à conferver lefpèce de la plante , eft donc 
un fluide très-aétif, car il eft tout imprégné de feu ; & l’on n’ignore 
pas que le feu eft le plus grand agent de la nature. C'elt à cer élément 
puiffant que tous les fluides doivent leur fluidité ; & rous les mixtes, leurs 
propriécés les plus tranfcendantes, Les fels dont l'énergie eft fi grande, 
&. qui viennent le premier rang parmi les compofés , n'agiroient pas 
à-peu-près comme le feu , fi cer élément n’entroit pas comme principe 


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(1) Mémoire fur la fécondation des Plantes , inféré dans le Recueil de l'Académie 


de Prufle, pour l'année 1767. À 
(2) Voyez les Mémoires pour fervir à l'Hiftoire des Infeétes du l'illuftre Réaumur, 


Mémoire VIII du tome V,. 


SUROL'HISTENATDURELLELET LES ARTS. 2163 


dans leur compofñrion. Le feu eft ainfi le principe fecrer des faveurs &e 
des odeurs ; & la Chymie moderne, devenue de nos jours une Phyfique 
très-relevée , prouve qu'il eft encore le principe des couleurs. Sans doute, 
que le feu s’unit dans les organes de la génération de la plante à d’autres 
élémens, & en particulier à l'air, qui eff, après lui, & par lui, le plus puif- 
fant agent. Le grand Newton avoit obfervé que les corps fulfureux ou 
huileux attiroient puillamment la lumière , & un de fes plus illuftres 
Difciples (x) en avoit conclu , que la pouflière des éramines , dont la 
nature fulfureufe étroit fi conftatée , devoir s’imprégner de la matière de 
la lumière ; & quelles ne font point la fubrilité & l’activité de cetre ma- 
tière , fi toutefois elle n’eft pas la même que celle du feu élémentaire ? 

Un Chymifte (2) plein de génie, & à la fagacité duquel nous devons 
bien des vérités intéreffantes nous a fait voir dans ces derniers rems, 
que les végétaux avoient été chargés par la nature , de combiner immé- 
diatement entr’eux les élémens , & que ces admirables combinaifons que 
nous ne faifons encore qu’entrevoir , éroient un des plus beaux & des 
plus profonds fecrets de la compofition de notre Monde. C’elt ainfi que 
les végétaux renouvellerit fans ceffe la face de la nature, & qu'ils donnent 
nailfance à une multitude de compofés qui n’auroient jamais exiflé fans 
eux. C'eft encore ainfi qu’ils produifent les matières inflammables dont 
les effers fe diverffient à l'infini. J’avois preflenti autrefois ces nobles 
fonctions des végétaux , & je les avois indiquées dans la Contemplation 
de la Nature (3). On ne peut guères douter que ce ne foit en ifolanc les 
élémens que les végétaux les combinent , & qu'il naît de ces combi- 
naifons tant de compofés divers. La Méchanique profonde qui préfide à 
ces belles opérations , n’eft pas au nombre de ces chofes que nous pou- 
vons efpérer de découvrit. il ne nous eft pas permis de pénétrer fi avanc 
dans les laboratoires de la Nature : nous devons noûs contenter de con- 
noître à peu-près le principe fondamental fur lequel on travaille, Pour 
ifoler les élémens , elle fair paffer la matière alimentaire par une infinité 
de filières ou de couloirs , dont les diamètres diminuent graduellement, 
& dont les branches, plus ou moins inclinéés au tronc principal , accé- 
lèrent ou retardent plus où moins la marche des liqueurs. Toures ces 
branches , en fe divifant & fe fous-divifant fans celle , fe terminent par 
des filets 1 déliés , que leur diamètre égale enfin celui des plus petites 
molécules du fluide circulant. Les plis & les replis, & les circonvo- 
lutions diverfes des vaiieaux contribuent encore à modifier le cours des 
fluides & l’action que les folides exercent fur eux. C’eft par cet art favanc 
que la nature fépare peu-à-peu d’un fond hétérogène , les divers principes 


(1) Hales, Srarique des Végétaux, ch. VI. 
(2) M. Baumé , Chymie expérimentale & raifonnée, rome I, 1773. 


(3) Partie V, chap. XVII. 
1774. OCTOBRE. 


x 


164 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


quil recèle dans fon fein. Elle les réunir enfuire, & les combine fous dif- 
érentes proportions, à l’aide des communications réciproques & infini- 
ment mulripliées qui enchaînent tous les vaifleaux , & établiffent un com- 
merce réciproque & univerfel entre toutes les parties de la machine 
organique. 

Je l'ai déja infinué : c’'eft dans les organes de la génération de la 
plante , que doivent s’opérer les fécrécions les plus fines & les plus im- 

ortantes. C’elt aufli dans ces organes que nous découvrons la ftruéture 
L plus recherchée, & les filtres les plus déliés. Nos meilleurs microfco- 
pes ne fauroient nous introduire dans ce dédale ; & rout ce qu’ils peuvent 
fure, eft de nous montrer les dehors de ces corpufcules fi organifés , 
dontl’affemblage compofe cette pouflière admirable, qu'on prenoit autre- 
fois pour un excrément de la plante. J'ai dir, que chaque grain principal 
de cerre pouflière renoit au fommer par un pédicule ; & que chaque grain 
fubordonné ou contenu tenoit pareillement au grain principal ou conte- 
nant par un pédicule proportionné à l’extrème petiteffe du grain. J'ai 
fait remarquer , qu'il devoir en être de même des grains de tous les 
ordres , que je me préfentois comme emboîtés les uns dans les autres. 
Les pédicules par lefquels les différens grains décroiffans font liés les 
uns aux autres, & font alimentés les uns par les autres, renferment donc 
les vaifleaux deftinés à féparer du fluide alimentaire les différens genres 
d’efprits fécondans , appropriés aux divers ordres de parties à nourrir & 
à développer dans le germe. Ces vailfeaux fe ramifient fans doure , & 
s’anaftomofent dans l'intérieur de chaque grain, & laiffenc enfin échap- 
per par les orifices difféminés dans les parois intérieures du grain , le fluide 
prodigieufement fubtil, qui opère la fécondation , & qui eft mis ainf 
en dépôt dans le grain , pour être dardé au-dehors au moment de la 
fécondation. Je confidère donc les différens grains de la pouflière des éta- 
mines, comme autant de très-petits organes deftinés à féparer , à élaborer 
& à répandre le fluide précieux auquel l’immortalité de l'efpèce a éré 
attachée. Mais, que de merveilles fe dérobent ici à nos regards ; & quelle 
ne feroit point notre admiration , s’il nous éroit accordé de voir jufqu’au 
fond dans la conftruétion de ces furprenantes machinules ! 

Un autre myftère qui fe refufe ici à notre curiofité avide , eft la ma- 
nière dont le fluide féminal opère la fécondation. On fent bien que je 
n'ai là-deffus que de légères conjectures à offrir. Le Lecteur éclairé 
appréciera leur vraifemblance. Je me repréfente toutes les parties du 
germe logé dans la graine, & les confidère avant la fécondation , comme 
extrêmement concentrées, pliées & repliées fur elles mêmes , & entre- 
lacées les unes dans les autres avec beaucoup d'art. On peut juger juf- 
qu'à un certain point de cet art, par celui qui brille dans l’ordonnance 
d'un bouton à fleur, ou d’un bouton à bois. J'en ai fouvenc fait la dif- 
fection , & toujours avec un nouveau plailir. Je ne me laflois point de 

contempler 


SUR L'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 216$ 


contempler la belle économie de ces petits touts organiques ; & j'en étois 
d'autant plus frappé , que je defcendois plus profondément dans leur 
intérieur, & que je rapprochois davantage les moyens de la fin. Je me 
perfuade que ce fujet , fi petit en apparence , fourniroit feul la matière 
d’un Livre très-intéreffant; & fi ce Livre préfentoit dans une fuite bien 
ordonnée de planches gravées avec foin , les principales variétés, foit 
extérieures , foic intérieures des boutons des arbres, des arbuftes & des 
herbes, je ne doute point que les yeux les moins exercés à admirer la 
nature , ne s'arrêtaffenc avec complaifance fur de femblables deflins. 
L'efprit & le cœur y contempleroient avec une égale fatisfaétion les traits 
fimulripliés & fi frappans de certe Sageffe adorable qui fe peint elle-même 
avec tant de noblelfe & d'énergie , dans le petit comme dans le grand , 
& qui femble fe rendre préfente au fond d’une graine ou d’un bouton , 
comme dans un petit fanétuaire. J'ai prouvé ailleurs (1) , d’après les 
nombreufes obfervations d’un grand Phyfiologifte (2) , que routes les 
parties de l'animal ont dans le germe, des formes, des proportions & un 
arrangement qui diffèrent fi fort de ceux qu'elles ere dans l'ani- 
mal développé , que le plus habile Naturalifte méconnoîtroit entièpé- 
ment l'efpèce , fi elle fe montroit à lui en grand, telle qu'on la décou- 
vre en petit dans le germe. Il y a tant d’analogie entre le végéral & l’ani- 
mal (3), qu'il n'y a pas lieu de douter que celui-là ne foit aufli déguifé 
fous fa première forme que celui-ci , & qu’ils ne foient appelés l'un & 
l’autre à des efpèces de révolutions, qui les font paffer fucceflivement 
par différentes formes, pour les amener par dégré à celle qui caraétérife 
l'efpèce. Je le difois dans la contemplation , » Les formes, fi élégam- 
» ment varices des végéraux & des animaux qui ornent la furface de 
» notre globe, ne font dans le fyftème de l’admirable préordination des 
» êtres vivans , que les derniers réfultats d’une multitude de révolutions 
» fucceflives qu'ils ont fubi avant que de naître, & qui ont peut-être 
» commencé dès la création. Quel feroit notre éronnement , fi nous pou- 
» vions pénétrer dans ces profondeurs , & promener nos regards dans 
>» cet abyme ! Nous y découvririons un monde bien différent du nôtre, 
» & dont les décorarions bifarres nous jetreroient dans un embarras qui 
» accroîtroir fans celle. Un Réaumur , un Juflieu , un Linnæus s’y per- 
» droient. Nous y chercherions nos quadrupèdes , nos oïfeaux, nos rep- 
» tiles, nos infectes , &c. & nous ne verrions à leur place que des figures 
» bifarrement découpées , dont les traits irréguliers & informes nous 


EEE 


(1) Corps organifés , tome I, chap. IX; Contemplation de la Nature, part. VI, 
chap. IX, X. 

(2) L'illuftre Haller , Mémoire [ur La formation du cœur dans le pouler , &c, 1758. 

(3) Voyez les traits les plus frappans de certe analogie, part. X de /a Contemplation 
de la Nature. 


Tome IV, Part, III. 3774. OCTOBRE. Li 


2168 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 

» laifleroient incertains , fice que nous aurions fous les yeux, feroit un 
» quadrupède ou un oifeau. Il en feroit de ces figures , comme de celles 
» de l'optique , qu’on ne parvient à reconnoître qu’en les redreffant avec 
» un miroir. La fécondation fait ici l'office de ce miroir; elle eft le prin- 
» cipe d’un développement qui redreffe les formes , & nous les rend 
» fenfibles «, 

Ainfi, dans mes principes , la fécondation ne forme rien ; mais elle 
procure l'évolution de ce qui éroit préformé dèsle commencement. Cetre 
évolution fuppofe maniféftement l'intervention d'une force expanfive 
qui furmonte par fon énergie la réfiftance des folides , les déploie en 
tout fens , ouvre toutes leurs mailles, & les difpofe à recevoir les nour- 
ritures moins fubriles & moins élaborées que la graine doir leur fournir, 
& qui ne fauroient y pénétrer , tandis que les folides demeurent dans 
leur état de concentration primitive. Or , dès qu'il eft prouvé que la pouf- 
fière des étamines contient une matière inflammable , il eft prouvé par 
cela mème qu’elle contient un principe très-aéif. Nous avons donc dans 
ce principe igné cette force expanfive dont je parlois il n’y a qu’un mo- 
ment ; car on n'ignore pas que le feu pofsède la force expanfve au plus 
haut degré. Le principe a@if de la pouflière des éramines eft donc mer- 
veilleufemenrc approprié aux grands effers qu'il eft deftiné à opérer dans 
l'intérieur des germes. Il n’en procure pas feulement l’évolution ; il y 
introduit encore une fubftance alimentaire , proportionnée à la fineffe & 
à la délicatelle extrèmes des folides. 

Nous favons aujourd’hui que l’irritabilité conftitue dans l'animal, ce 
qu’on peut nommer la puiflance vitale, Cette force fecrète réfide uni- 
quement dans la fibre mufculaire. Le cœur cft le mufcle où elle fe dé- 
ploie avec plus d'énergie. Elle y eft excitée par le contaét du fang ; mais 
elle peut l'être encore par le contact de tout autre fluide. C’eft par fon 
irritabilité exquife , que le cœur, le principal mobile de la machine exé- 
cute ces battemens continuels, qui ne finiffent qu'avec la vie. C’eft par 
elle encore qu’il continue de battre quelque rems après qu'ila été féparé 
de la poitrine. Si on le purge de rout le fang qu’il renferme alors, il cef- 
fera aufli-tôt de-battre ; & on y fera renaître le mouvement, en y intro- 
duifant du nouveau fang , ou fimplement de l’eau ou de l'air (1). Le 
fluide féminal accroîc lirritabilité du cœur dans le germe ; elle les mer 
en état de vaincre la réfiftance des folides offeux, ou qui doivent le de- 
venir, & conftitue ainfi dans l'embryon le principe d’une nouvelle vie. 
Le fang ou le fluide qui-en-tient lieu , eft donc chaffé avec plus de force 
dans les vaiffeaux. Cette augmentation de mouvement tend iles déployer 


(1) Confultez fur l'Irritabilité le chap. XX XIII de la partie X de la Contemplation 
de la Nature, & fur-tout la Diflertation du profond Haller fur cette belle matière , 
publiée pour la première fois en François , en 175$ 


ï 


SURCAISTNNATURELTLE ET LES ARTS. 567 


de plus en plus , & par eux tous les folides, A cer inftant commence une 
nouvelle évolution , qui continuera par l’affluence des matières alimen- 
taires donc le germe eft environné dans l'œuf ou dans la matrice. Voili 
en général en quoi confifte la fécondation qu'on nomme aufli conceprion(1). 

Je ne connois pas de faits qui établiffent d’une manière non équivoque 
l’exiftence de l’irricabilité dansle végétal. Les mouvemensfi remarquables, 
& en quelque forte fpontanés des différentes parties des plantes dont je 
me fuis tant occupé dans mon Livre fur l’ufage des Feuilles (2); les mou- 
vemens non moins remarquables de la fenfitive & de la tremelle ; ceux 
qu’on obferve encore dans les parties fexuelles de certaines efpèces , & qui 
ont quelque chofe de très- particulier : tous ces mouvemens, dis-je, peu- 
vent dépendre de caufes très-différentes del’irritabilité. Ilefterop facile de 
confondre ici les effets de l’élafticiré , de l'humidité & de la fécherelfe, de 
la chaleur & du froid , ou de tout autre agent phyfique , avec ceux de l’ir- 
ritabilité, Ce fujec intéreffant n’a point encore été aflez approfondi : il 
exigeroit des recherches très-fines , une fuite nombreufe d'expériences 
variées , & une logique févère. Mais, file végétal eft doué d'irrirabi- 
lité; fi certe force conftitue chez lui , comme dans l'animal , la puiffance 
vitale ; le Auide fubril de la pouflière des étamines produiroit dans le 
germe du végétal les mèmes effecs effenriels que la liqueur fpermati- 
que dans le germe de l’animal. Il y excireroir & y accroîtroit lirritabi- 
lité, & par elle l’impulfon des liqueurs dont réfulteroit en dernier 
reflort l’évolution complète du tout organique. 

Quoi qu'il en foir , il faut qu’il exifte quelque part dans le vegétal une 
force fecrète qui conftitue ce qu’on peutnommer proprement la vie vége- 
tale. Toute vie organique fuppofe nécellairement l’aétion réciproque des 
folides & des Auides. Il faut que les folides agiffent fur les fluides , pour 
que ceux-ci foient élevés, préparés , raffembiés, diftribués , repompés, 
évacués. Les plis & replis des vaifleaux , leurs entrelaffemens , leurs 
circonvolutions , qui ne font pas moins mulcipliés ni moins variés dans 
le végétal que dans l’animal , occafionneroient infailliblement la ftagna- 
tion , & conféquemment l’altérarion des liqueurs , fi les vailfeaux qui 
les contiennent, n’exerçoient fur elles une certaine action, analogue à 
celle que les vaiffeaux de l’animal exercent fur ces liqueurs. La mort 
n’eft donc dans Le végétal comme dans l’animal , que la ceffation de cette 
ation vitale. Le principe de la vie fera donc, dans l’un comme dans 
l’autre, la force fecrère qui mettra les folides en aétion , ou qui accroi- 
tra beaucoup cette action, Je dis accroftra , parce que j'ai montré qu’:l 


(1) Je ne fais qu'efquiffer ici ce que j'ai fort développé dans le Traité des Corps orga- 
nifés. Confultez en particulier les chapitres IX & X du tome I. 

(2) Recherches fur l'ufage des Feuilles dans les plantes , & fur quelques autres fujets 
relatifs à l'Hifloire de la Végétation. Leyde, in-4°. avec figures , 1754. 


1774 OCTOBRE, Liz 


168 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


eft poffible qne la vie organique ait commencé dans les germes dès la 
création (1). Ainfi , la fécondation s’opérera dans le végétal comme 
dans l'animal , par un fluide très fubril & rrès-aétif, qui, en déployant 
fon énergie fur Les folides du germe, leur imprimera une nouvelle vie,&c. 

Nous ne connoiffons point le principal mobile de la plante :ellene nous 
offre rien qui relfemble le moins du monde au cœur de animal; mais 
tous les animaux n’ont pas un cœur. Les chenilles & quantité de vers n'ont 
qu'une grande artère fans aucun veftige de cœur. On ne découvre dans le 
polype ni cœur ni artère , ni rien qui paroilfe en renir lieu ; & pourtant on 
ne fauroit douter de l’animalité du polype. Il y a donc dans le polype un 
principe de vie, un principal mobile qui diffère beaucoup de celui qui 
réfide chez les animaux plus élevés dans l'échelle de l’animalité. Il en eft 
apparemment de même de la plante : elle a un principe de vie à fa ma- 
nière. Je n’examine point fi ce principe de vie réfide dans une feule par- 
tie, ou dans deux ou plufeurs. Je me borne à admettre en général, qu'il 
eft quelque part dans le corps de la plante un principe fecrer d'action , 
par lequel tels ou tels vailleaux impriment le mouvement aux fluides 
qu'ilscontiennent. De jeunes tiges que j’avois fait delfécher à deffein , ne 
pompoient point la liqueur colorée que je leur préfentois. Ce n'étoir point 
parce que les orifices des vaiffeaux s'éroient relferrés par le défféchement : 
d’autres plantes qui étoient aufli defléchées , & dont les orifices des vaif- 
feaux éroienc très-vifibles à la vue fimple , ne tiroient point non plus la li- 
queur colorée. On a vu encore dansmes Recherches fur l’ufage des Feuilles 
(2) avec quelle avidiré les branches & les feuilles qui végèrent , pompent 
cette liqueur, & les conféquences intéreffantes qui découlent de ce nou- 
veau genre d'expériences , relativement à l'hifloire de la végétation. Il y 
a donc dans les vaiffeaux de la plante un jeu fecret qui ef le principe des 
mouvemens de la fève. Le célèbre Hales avoit prouvé par fes belles expé- 
riences (3), que les feuilles éroient des puiffances ménagées par la 
nature , pour élever la fève , & la diftribuer à coutes les parties de la 
plante; mais la force prodigieufe avec laquelie les pleurs de la vigne 
s'élèvent avant l'épanouiffement des boutons , indique aflez que la puif- 
fance vitale du végétal ne réfide pas uniquement dans les feuilles. 

La fibre mufculaire eft compofee de deux principes , d’une terre sèche 
& friable , & d’une gelée qui unit les molécules de cette terre. C’eft 
dans la gelée que rélide la puiflance virale ou l'irritabilité. Les enfans , 
plus abondans en gelée que les adultes, & fur-rout que les vieillards, 
font aufli beaucoup plus irritables. J'ai fait voir dans un autre écrit (4) 
RÉ TE PS ER AR EPP AIRES RES PRET CURE PONS SR UN ME 


(1) Voyez mon Mémoire fur Les Germes , inféré dans le Journal d'Obfervations de 
M. l'Abbé Rozier , mois de Mars 1774. Ë 

(2 Mémoire V, art. XC, XCI, XCII. 

(3) Statique des Végétaux. 

(4) Palingénéfie philofophique , part, XI; Genève, 1769. 


Een; 


- SUR l’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 269 


combien cette gelée animale mérite l'attention du Phyfologifte Philo- 
lofophe. Les végétaux ont aufli leur gelée , & c’eft peut-être dans cette 
gelée que réfide pareillement leur principe vital. Ce feroit donc prin- 
cipalement fur cette gelée, que le fluide fécondant déployeroit fon 
énergie : il agiroic ainfi, & comme ftimulant, & comme force expan- 
five. Dans les premiers tems de fa vie, dans ceux qui précèdent immé- 
diarement la fécondation , la petite plante n’eft qu'une goutte de gelée : 
fi donc elle eft douée d'irritabilité , c’eft fur-tout alors que cette force 
doit y être le plus excitée par un ftimulant. Au refle, quand j'ai parlé de 
Paétion propre des vailleaux , je n’ai pas prétendu exclure celle des tra- 
chées, fi généralement répandues dans le corps de la plante , & qui, par 
la dilatation & la condenfation alternatives de l'air qu’elles renferment, 
peuvent aider au jeu des vaiffeaux qu’elles accompagnent, ou dont elles 
font accompagnées. 

On n’exigera pas de moi que je rente d'expliquer comment le prin- 
cipe fécondant de la pouflière des étamines accroît la puiffance vitale des 
germes contenus dans l'ovaire : ceci tient à la nature intime de cetre 
püiffance qui nous eft abfolument inconnue. En fuppofant qu’elle eft ef- 
fentiellement la même chez tous les êtres vivans , & qu’elle git par tout 
dans l'irritabilité , la folution du problème n’en deviendroit'guère plus 
facile. La nature intime de l'irritabilité ne nous eft pas plus connue que 
celle de toute autre force. Nous ne la connoiflons un peu que par fes 
effers : nous favons feulement que c’eft en vertu de certe force , que les 
fibres où elle réfide fe contraétent fubitement à l’attouchement de quelque 
füimulant , pour fe rétablir incontinent après. Voici ce que je hafardois 
fur ce fujet ténébreux dans un de mes derniers écrits (1). 

» La nature de lirritabilité eft aufli inconnue que toute autre force : 
» nous n’en jugeons que par fes eflers; mais nous concevons très bien 
» que la fibre mufculaire doit avoir été conftruite fur des rapports dérer- 
» minés à la manière d’agir de cetre force fecretre. L’efpèce , la forme & 
» l’arrangement refpectif des élémens de la fibre font donc en rapport 
» direct avec cette force : elle réfide probablement dans le Auide élaf- 
» tique difféminé entre les lamelles de la fibre, car il ne fufhroit point 
» de recourir à la ftructure primordiale de celle-ci, pour rendre raifon de 
» fon irritabilité. Le corps, indifférent au repos & au mouvement , ne 
» left pas moins à route forte de fituation. Les élémens, rapprochés dans 
» la contraction , ne fe rétabliroient point fans l'intervention d’une force 
» étrangère. Mais cette force fuppofe à fon tour dans les élémens des 
» conditions particulières , & ce font ces conditions qui diftinguent la 
» fibre mi A de toute autre fibre «. I] pourroit donc y avoir ur 


(1) Contemplation de la Nature , part, X , chap. XXXIII. 
1774. OCTOBRE. 


270 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


rapport fecret entre le fluide élaftique difféminé dans la gelée végétale 
& l’efprit fécondant , en vertu duquel celui-ci excireroit dans celui-là 
des ofcillations plus ou moins fortes , d'où naïtroit l’accroiffement de la 
puiffance vitale dans les vaiffeaux du germe. 

Le favant Gleditfch (1) paroît admettre dans les plantes deux prin- 
cipes fécondans , dont l’un eft fourni par les éramines , l’autre par le 
piftil. Il faut que je tranfcrive fes propres termes. » Les deux fortes d'hu- 
» midités, dit-il , qui font particulièrement filrrées dans les fleurs, & 
» dont l’une tranfude de la pouflière des fleurs mâle, l’autre du tuyau de 
» l'ovaire , ou du ftile de la fleur femelle, fe réuniflent & fe confondent 
»enfemble, par où l’une alrère les propriétés de l'autre ; ce qui produit 
» une fubftance d’une troifième nature , laquelle participe à celles des 
» deux précédentes, & cela fe manifefte plus ou moins dans les jeunes 
» plantes , après la fécondation. La partie la plus déliée de ces deux fubf- 
» tances fluides, nouvellement réunies , eft portée par voie de fuccion 
» dans l'ovaire , d’où elle entre dans les goufles des femences à peine for- 
» mées & non développées «. Notre Obfervateur appuye fon fentiment 
fur ce qui fe pale, felon lui , dans la génération des animaux, qu'il croit 
dépendre aufli de la confufon ou de la combinaifon de deux liqueurs 

rolifiques: cette opinion eft très-ancienne , & a régné long-rems dans 
l'Ecole. Un excellent Phyfñologifte moderne (2) a fair fencir la faufferé 
de certe antique opinion, & a montré qu'il n’y a de liqueur vraiement 
prolifique , que celle que Le mâle fournit. On fait qu’on w’avoit recouru à 
une hypothèfe fi précaire , que pour rendre raifon de la reflemblance des 
enfans au pere & à la mère. Mais, fi l’on a un peu médité la fuite aflez 
liée de mes principes fur l'origine des êtres vivans, & fur-tout fi l'on 
s’eft rendu attentif aux faits fi nombreux , fi divers, fi bien conftatés , 
dont j'ai déduit ces principos (3) , je me flatte qu’on reconnoîtra qu'il 
eft poñfible d'expliquer, d’une manière aufli claire que philofophique, les 
principaux phénomènes de la génération , fans recourir à la fuppofition 
gratuite du concours de deux liqueurs prolifiques. Ainfi, puifqu'on parc 
ici de l’analogie du végétal & de l'animal ; ne feroit-ce pas choquer di- 
rectement cette analogie, que d'admettre dans les plantes deux principes 
fécondans? Il y a plus ; l'humidité qui abreuve intérieurement le pifil 
eft fi grofière , fi vifqueufe , fi difproportionnée avec l’extrème peritefle 


a ———————_————————"——————_—————————— 


(1) Dans le Mémoire cité ci-deffus. 

(2) L'illuftre Haller, dans fa belle Phyfologie ; & dans fes judicieufes réflexions 
fut Le fyftème des Molécules organiques. 

(3) Voyez les Confidérations fur les Corps organifés , tome, chap.IX, X; tome II, 
ch. VIT, VIIL. Amiterdam, 1762. Contemplation de la Nature, part VIL, ch. VIIT, 
IX, XI, XII Amfterdam, 1764, 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 271 


des parties du germe & la fubrilité de la vapeur des pouflières, qu’elle 
ne paroîc point du tout propre à remplir les importantes fonétions de 
principe fécondant. On a vu ci-deflus que le véritable ufage de cette hu- 
midité eft de procurer la rupture des grains de la pouflière , & , parce 
moyen , l’émiflion de l’efprit féminal ; & c’eft par-là , pour le dire en 
paflant, que les pluies & les brouillards nuifent à la ee er :en 
précipitant la rupture des grains, ils difperfent la vapeur fécondante. 
Notre habile Obfervateur de Berlin ne veut point non plus que le 
fluidé féminal des pouflières foit dardé vers l'ovaire par le reffort des 
grains qui le contenoient : il prétend que ce fluide fort peu-à-peu de 
l'intérieur des petites boëtes ou véficules , par une infnité de pores dont 
leur furface eft criblée. Mais il faut encore l'écouter lui-même. » Cette 
>» humidité, dis-il, qui , avant que de fortir des véficules de la pouflière, 
» n'eft pas encore uide , & demeure exempte de tout mélange étranger, 
» fort à diverfes reprifes fans la moindre violence , à travers les petites 
» ouvertures , les points , les canalicules , les crochets , les épines, où 
» autres parties de telle configuration qu’on voudra fe les repréfenter ; ce 
» qui eft procuré par une douce & alternative contraction de ces parties 
» vivantes & fouverainement irritables : c’eft ce dont on peut fe con- 
» vaincre, enobfervant que les globules de la pouflière des fleurs, lorfque 
» SE aétion trop forte les follicire extérienrement , comme l’eau le 
ait aifément avant leur maturité, laiffent fortir rapidement, & même 
» éclater leur matière encore crue & uide. Au contraire, cette matière de 
» la pouffière des fleurs , quand elle eft parfaite, & que fon tems de fortir 
» ft venu , ne le fait que peu-ä-peu, fans que fes véficules crèvent pour 
» ceteffer, & elles’érend fur l’eau comme une huile tout-4- fair délice «, 
J'avoue que je ne découvre point les raifons qui portent notre Aureur à 
refufer d'admettre , que le fuide fécondant contenu dans les pouflières 
eft dardé vers les germes par un mouvement élaftique des grains. Il me 
femble qu'il eftau moins très probable que la fécondation s'opère par une 
femblable méchanique , puifqu'il eft prouvé par des expériences direétes 
que les grains de la pouflière des étamines font de petits corps à reflort, & 
que l'action de l'humidité fur ces grains déploye leur reffort , & chaffe 
au-dehors par une forte de projection le fuide fécondant. Les canaux du 
piftil font toujours abreuvés d'humidité: les grains de la poufñlière ne fau- 
roient donc y pénétrer fans s'ouvrir à Pinftant, &c. Comment notre 
Auteur prouve-t-il fon opinion? Il remarque qu'on peut s'en convaincre 
» en obfervant que les globules de la pouflière , lorfque quelque ation 
» trop forte les follicire extérieurement, comme l'eau le fait aifément 
» avant leur maturité, laiffent fortir rapidement , & même éclarer leur 
» matière-encore crue & fluide «, Mais, je le répète , je ne vois rien dans 
ce pallage qui! prouve, le moins du monde, que le mouvement claftique 
dont il eft queition , foic un mouvement contre nature , ni que le fluide 
1774 OCTOBRE. 


m 


y» 


272 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


projeté par ce mouvement, foit, comme le dit l’Aureur , une matière en- 
core crue. Je ferois , ce me femble , bien mieux fondé à fourenir qu'il en 
eft des grains de la pouñlière des étamines , comme des filiques ou enve- 
loppes des graines , qui ne s'ouvrent par leur propre reflort , que lor{- 
que les femences qu’elles renferment, & qu'elles doivent répandre , font 
parvenues à leur maturité. Si l’on réfléchit enfuire fur la forme & la lon- 
gueur des divers piftils , fur la manière dont les embryons font logés dans 
l'ovaire , fur l’enfoncement de cette ovaire à la bafe du piftil ; fi , dis je, 
on réfléchit fur touces ces chofes, & fur bien d’autres , qui leur font ana- 
logues, on conviendra fans peine qu'il n’y a qu'un mouvement de pro- 
jection qui puifle porter le fuide fécondant jufques dans l'intérieur des 
germes. 

Je ne l'ai pas dit encore, mais il eft rems que je le dife : on ne fauroit 
douter aujourd hui que la poufñlière des éramines ne renferme le principe 
fécondant de la plante. Une expérience , qui a fouvent été répétée, fuffic 
pour le démontrer. Si l’on retranche les fommers avant qu’ils s’ouvrent , 
toures les femences logées dans l'ovaire fe déffécheront fans rien produire. 
Si l’on ne retranche qu'un certain nombre de fommets la muluplication 
fera affez en proportion du nombre des fommets retranchés. On com- 
prend que, pour bien faire cette expérience , il faut avoir foin d’ifoler.la 
plante , ou de difpofer les chofes de manière qu’elle ne puiffe recevoir 
les pouflières des plantes voifines. Ileft bien d’autres faits qui concourent 
à établir la grande vérité qui m'occupe. On fair qu'il y a des efpèces qui 
portent les étamines fur un pied , & les piftils fur un autre pied, ou 
dans lefquelles il eft des individus mâles & des individus femelles. Si 
l’on ifole quelques individus femelles , ou qu’on les renferme dans des 
lieux où la poufhère fecondante ne puilfe atteindre , ils demeureront tou- 
jours ftériles, & ne celleront de l'être, que lorfqu'on renfermera avec 
eux un individu mâle , ou qu’on le placera dans leur voifinage. On n'i- 
gnore pas non plus que c’eft précifément dans le tems que les fommets 
des étamines répandent leur pouflière , que les piftils s’ouvrent pour la 
recevoir. Ceft auf à l'approche de cette circonftance importante, qu'on 
voir les plantes aquatiques s'élever à la furface de l'eau ,& sy replonger 
après avoir été fécondées. En un met, tout paroîr avoir été difpofé de la 
manière la plus propre à affurer la fécondation des plantes par l’intro- 
miflion des pouflières dans l’intérieur du piftil. Je viens de toucher aux 
plantes aquatiques : elles me rappellent uneobfervarion bien intéreffante 
du célèbre Donati , qu'une mort prématurée a enlevé à l'Hiftoire Natu- 
relle, qu'il enrichifloit chaque jour, & à laquelle il avoit facrifié fon 
repos, fa fanté & fa vie. Il obferve dans fon excellent & trop court (1) 
ne —————_—_— 

(1) Effai Jur l'Hiftoire Naturelle de la Mer Adriatique , traduit de l'Italien en Fran- 


çois, & publié à la Haye en 1758, ; 
Ecrit 


NP 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 273 


Ecrit fur le Golfe Adriatique que la fage Nature, qui a façonné en pouf- 
fières régulières le principe fécondant chez les plantes rerreftres, lui a 
donné dans les plantes marines la forme d’un Auide mucilagineux. 1] faic 
cetre belle remarque à l’occafion de la Viffoide à tige cylindrique, &ec. Il 
convient que je tranfcrive fes propres termes. » Les fleurs mâles , dir-i/, 
» (1) répandent abondamment un fluide mucilagineux , médiocrement 
» gluant & tranfparent, qui renferme une infinité de corpufcules de di- 
» verfes figurés, mais ordinairement prefque ronds: ils font ou jaunâtres, 
» où d’un verd pâle : c’eft, à mon fens , la partie fécondante ; elle eft en 
» poufière dans les plantes terreftres., parce qu’elle eft dans un Auide 
» auffi léger que l’air. Ici elle eft Auide , mucilagineufe , gluante , & celle 
» qu’il faut pour être dans l’eau «, Le contemplateur de la Nature aime 
à s'arrêter fur ces traits frappans de la Sacesse profonde qui a préfidé à 
l’arrangement du monde, & qui , par-tour, a fi bien approprié les moyens 
à la fin. 

Je reviens maintenant au piftil préparé pour l’intromiflion des pouf- 
fières. Je difois qu'on nous avoit reprélenté fa tère fous l’image d’une 
pomme d’arrofoir. Les Botaniftes nomment cette tête le /fismate. J'avoue 
que je n’avois jamais bien compris comment les grains de la pouflière des 
étamines , que j'ai appellés les grains contenans , pouvoient pénétrer par 
les très-petits trous qu’on croyoit avoir obfervés, ou qu’on file 
dans le ftigmate , & defcendre ainfi dans les trompes. Je palle fous 
filence les difficultés que j'y trouvois, pour venir tout d’un coup à une 
obfervation qui m’a fort intéreffé : la voici. 

J'obfervois un jour fort attentivement le piftil d’un lys orangé; je 
crusappercevoir qu'il y avoit une ouverture entre les trois pièces donc le 
ftigmate de ce lys eft compofé : j’effayai aufli-tôt d'introduire délicate- 
ment , entre ces trois pièces , la pointe d’une épingle : Je vis avec un 
extrème plaifir , mêlé de furprife, que les trois pièces s’écartoient facile- 
ment les unes des autres, & me laifloient voir une grande ouverture 
béante , ou, ce qui revient au même , l’évafement d’un grand entonnoir. 
Dès ce moment, je ne fus plus embarraflé de me rendre raifon à moi- 
même de l’intromiilion des poullières ; je découvrois trop diftinétemenc 
l'ouverture fpacieufe ménagée pour cette importante fin. 

En continuant més recherches, je m’affurai que les trois pièces du 
ftigmate éroient douées de reffort , & que leur refforr tendoit à les tenir 
rapprochées , & à fermer exactement l'ouverture du ftigmate. Je fis en- 
fuite différentes feétions du piftil , les unes tranfverfales , les autres lon- 
gicudinales , & toutes confirmèrent ma première obfervarion. 

J'obfervai les mèmes particularités eM:ntielles dans le piftil de l’o- 
ranger , & dans celui du tilleal : Le pittil de l’oranger m'offrit en m°me- 


(1) Page 32. 
Tome IV, Part. IV. 1774. OCTOBRE. Mm 


274 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


tems une efpèce de monftruofté allez remarquable, & qui nem’y parut 
pas bien rare ; c’éroir une forte de greffe par approche d'une ou de deux 
éramines , avec la tête , ou avec Le ftyle du piftil. La partie mâle étoit fi 
étroitement unie à la partie femelle , que ce n’étoit pas fans quelque 
peine que je parvenois à les féparer. 

Il faudroic étendre certe obfervation fur L2 fruéture d’un piftil à un 
grand nombre d’efpèces. il n’y a pas lieu de douter qu'on ne découvrit 
une multitude de variétés dans la forme , la potion & Les proportions de 
l'ouverture du ftigmate. Je puis encore conjecturer avec fondement que 
le pifil , ou plutôt fon fligmate , s'ouvre par un mouvement en quelque 
forte fpontané, au moment de la fécondation, & qu'il y a des tems & 
des circonftances où l’efpèce de valve eft plus où moins apparente , plus 
ou moins facile à reconnoirre ou à découvrir. 

Je ne doute pas qu'on ne p:rvienne un jour , à force de foins , de pa- 
tience & d'invention, à découvrir bien des chofes intéreffantes , & qu'on 
ne foupçonne point encore dans le jeu des pièces du ftigmare , & dans 
celui des fommets & des pouflières qui lui correfpond. Il y a ici bien des 
perics myltères que la Nature ne révélera qu’à fes plus chers favoris , ou 
à ceux qui fauronr l’interroger , comme elle veur l'être. 

11 feroit pofible que les fommets excitaffenr fur la tère du piftl un 
léger frottement . ou qu'ils y répandiffent une liqueur qui la dérerminäc 
à s'ouvrir ; mais nos foibles conceptions refteront toujours trop au-deffous 
de la réalité. La Sacesse Orponnarrice connoît feule le fond de fes 
Œuvres. 

Lorfque je faifois fur la ftruture du piftil l'obfervation intéreffante 
que je viens de rapporter, j'ignorois ce que les Botaniftes les plus mo- 
dernes avoient découvert fur ce fujet : mais je ne me preflois point de 
croire que ce que je voyois leur eût échappé. Je le préfumois bien moins 
encore de l'illuftre Linnéus, qui avoit tant étudié les parties fexuelles 
des plantes , & qui enavoit fait une fi heureufe & fi utile application à la 
Méthode Botanique. Je me hâtai donc de confulter ce favanr Auteur, & 
voici ce que je lus dans fon curieux Ecrit intitulé, Sponfalia Plantarum , 
$- 25. Viol tricoloris C. Bauh. flos ; hoc jucundo fpeétaculo oftendit , flore 
nempè vix adhuc explicato , virgineam vulvam laféivè hiantem , globi 
inflar concavi , & ad latus aperti , albam & niridam ; fimul ac autem geni- 
zuram fuam projecerunt quinque ejus inter fe affines mariti , totam vulvam 
farinä genitali repletam , colore fufca defpurcatam obfervabis , tubä tamen 
exiflente clarä & pellucidé. Ante hanc fecundationem fi comprimas vulvam , 
Jlillabic liquor quidam lacurarum melleus ; qui farinam iflam genitalem re- 
tiner , attrahit & forcè extrahit. Gratiola , continue notre Auteur ; æf/ro 
venereo agicata piftullum fligmate hiat rapacis inflar draconis , nil nife 
mafculinum pulverem affeëtans ; at fatiata riélum claudit , deflorefcit , fe- 
cundata fruëlum fert , & un aliis alirer. Et, dans le Paragraphe 29 , ffigma, 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 275 
dit-il , eff vulva in qu agit genitura maris ; quæque hanc excipir. Srylus 
eff vagina , vel poriàs pars illa que tube fallopianæ refpondet. J'avois done 
bien raifon de préfumer que j'avois été prévenu par le célèbre ProfeMeur 
d'Upfal , & fans doute que je l’avois été par d'autres Boraniftes. Le Théo: 
phrafte de Berlin, que j'ai cité plufieurs fois dans ce petit Ecrit , paroîe 
avoir obfervé cette grande ouverture du ftigmate ; quoiqu'il ne s'exprime 
pas là- delfus d’une manière auffi claire, ni aufli détaillée, que le Chevalier 
Linnæus. Voici fes rermes (1) : quand la poufière des fleurs a obtenu la 
» perfection requife pour la fécondation, de façon que fes anthères doi- 
» vent s'ouvrir, ce qui a coutume d’arriver fucceflivement, à mefure 
» que les fleurs s’épanouiflent , & qui doit même fe réirérer à diverfes 
» reprifes ; alors aufli ces leurs ont toujours une fituation parfaitement 
» adaptée à la fécondation de l'organe femelle , c’eft-à-dire , qu’elles 
» peuvent approcher plus près ; ou retirer en arrière le ftigmare du piftil , 
» on la fente de l’ouverture qui elt au cuyau de l’urerus , autant que cela 
» eft nécellaire, & que l'irriration dure, (comme on peut l’obferver 
» dans toutes les autres fleurs hermaphrodites fertiles. ) Ce ftigmate eft, 
» pour l'ordinaire , velu en dehors, & garni, comme le font en-dedans 
» les canaux quiconduifent le fruit à l'ovaire, ou à fon urerus , de verrues 
» délices, de différentes figures, entre lefquelles la pouflière des plantes 
» eft portée exrérieurement, & répand fon huile. Ces verrues fonr de 
» perits canaux , qui, lorfque les fleurs viennent à s'ouvrir , fourniflene 
» aufli auparavant une quantité confidérable d'une fingulière humidité 
» fort analogue à celle que les véfcules de la pouflière des Aeurs tran- 
» fudent: c'eft alors proprement le point de la fécondation, & elle arrivé 
» ou avant , ou après. Gerte circonftance mérite d’être remarquée, & il 
» ne faut pas la négliger, comme on le fait quelquefois, quatid on veut 
» féconder les leurs «, Si donc je n’ai pas le petit mérite d’avoir decau- 
vert le premier lamsanière dont les poullières font introduites dans latrom- 
pe, j'ai au moins la farisfaction d'être afluré que je ne m'étois point trom- 
pé dans mon obfervation , puifqu’elle avoit été faite par les yeux les plus 
exercés à voir , & même par les plus grands Maîtres en Botanique. 

Lorfqu’on lic ce que le Pline “is Nord raconte des amours des plantes , 
& que j'ai tranfcrit ci-dellus, on croit lire les amours des mouches où 
des papillons , & on oublie bientôt qu’il ne s’agit que de la fécondation 
d’une plante. Il eft mème des plantes qui femblent fe rapprocher encore 
plus des animaux à cet égard, & dont les parties fexuelles préfentene 
dans les tems de la fécondation des mouvemens affez vifs , qu’on diroit 
très-fpontanés , & qui reflemblent beaucoup à ceux qu’on obferve dans 
l'accouplement de divers infeétes. Je me fuis attaché ailleurs (2) à 


(1) Dans le Mémoire cité ci-deffus. ‘ 
(2) Contemplation de la Nature, part, X, chap. XXX, XXXI; Palingénéfre phii 


lofophique , part. IV. 
1774. OCTOBRE, Mm 2 


276 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


montrer qu'il n’eft point du tout prouvé que les plantes foient abfoliment 
infenfibles. Je me fuis plu à raflembler bien des faits & des confidéra- 
tions de différens genres , qui paroïflent fe réunir pour nous perfuader 
que l'échelle de l'animalité eft beaucoup plus étendue qu’on ne le penfe 
communément , & que les plantes & les animaux ne compofent qu'une 
feule grande famille d'êtres fentans. Jai fuivi,»eut- être plus loin qu'aucun 
Naturalifte, les traics frappans d’analogie , qui lient le végéral & l'ani- 
mal d’une manière fi étroite, qu’en approfondiffant ces traits , comme 
j'ai tâché de le faire, on eft forcé de reconnoître qu’on ne fauroit afligner 
le caractère diftinctif de l'un & de l’autre. Les amours des plantes font 
un autre trait plus frappant encore de leur analogie avec les animaux, 
& on peur dire que tout ce qu’elles nous offrent en ce genre n’accroît pas 
peu la probabilité de l'hypothèfe qui leur attribue un certain dégré de 
fenfibilité, Combien et. il d’efpèces d’infeêtes & de coquillages dont la 
fécondation n'offre rien d’aufli animé que ce qu’on découvre dans celle 
de certaines plantes ! Je ne penfe pas que j'aie choqué les règles d’une 
faine logique, lorfque j'ai traité ce fujer fi propre à incérefler les ames fen- 
fibles ; elles ne fe refuferont pas à admettre avec moi que la SouvER AINE 
Bonré , quia fairle plus d’heureux qu'il éroit pofhible, a conféquemment 
multiplié les êtres fentans , autant que le plan de la création le permer- 
toit ; & , fi ce plan comportoit encore que tous les êtres fentans de notre 
globe parvin{fenc à un plus grand bonheur après la deflruction de ce corps 
groflier ou de cette enveloppe fous laquelle ils fe montrent aétuellement 
à nous, combien la perfpective en deviendroit-elle plus intéreffante aux 
yeux du Philofophe ! Ce n’eft pas ici le lieu de retracer les principaux 
traits de cette riante perfpective ; je dois renvoyer le Leéteur à l'Ouvrage 
où j'ai eflayé de l’efquiffer (1). 

Ce que l'œuf eft à l’animal , la graine l'eft à la plante : je crois l'avoir 
prouvé. On fait que les petits des vivipares font logés d’abord dans des 
véficules que contient l'ovaire , & que ces véficules font des efpèces 
d'œufs. On fair encore qu'on a trouvé des fœtus de vivipares , qui s'é- 
toient développés dans l'ovaire. S'il eft prouvé aujourd’hui que le pouler 
& le tètard exittent tout entiers dans l'œuf avant la fécondation (2), il y 
a bien de l'apparence que la plantule exifte de même dans la graine avant 
la fécondation. J'ai rapporté dans la Palingénéfie (3) un fait important 
qui rend ceci extrèmement probable : on parvient à voir diftinétement 
les femences des plantes légumineufes , avant que ces femences aient été 
fécondées, & tandis que les filiques font encore enfermées dans l'in- 


EL SE RSR PEER EAN U TOR TETE EL III 


(1) Voyez la Palingénéfie philofophique. L 

(2) Voyez les preuves de ces faits, Corps organifés tomel,:chap. IX 5 Paling. 
part. XI, page 426 & fuiv. de la première édition, 

(3) Tome I, page 410, 421. 


SURALPATSTEN AMURELLE) EICLES ARTS, 37% 


térieur du bouton à Aeur. Or, fi la graine eft à la plante ce que l'œuf eft 
à l'animal , & fi le poulet préexifte dans l'œuf, & fait corps avec lui , il 
devient au moins très- probable que la plantule, qui fait corps auffi avec 
la graine, préexifte avec elle à la dE Je prie qu'on n'oublie point 
que le jaune de l'œuf, qui exifte inconteftablement avant la fécondation, 
& qu'on avoit qe par ignorance pour une fimple matière nourricière , 
eft dans le vrai l'inteftin mème du pouler (1). Qu'on réfléchiffe enfuite 
un peu profondément fur la grande analogie du végétal & de l'animal , 
qui fe manifefte par des caractères fi nombreux & fi divers ; & on fentira 
combien les principes que j'ai expofés fur la génération des êtres vivans 
fonc plus probables que ceux qui ont été admis par des Phyficiens célè- 
bres , que je n’ai combattus qu’à regret. Mais les faits que je viens d'in- 
diquer , ne font point les feuls qui aient fervi de bafe à mes principes. II 
en eft bien d'autres qui ne font ni moins certains, ni moins remarqua- 
bles , que j'ai analyfés , rapprochés, comparés, & qui m'ont tous paru 
converger vers le grand principe de la préexiftence des germes & deleur 
évolution. Jai donc cru que j’étois bien fondé à rejerrer l'hypothèfe qui 
füppofe que la pouflière des étamines façonne la plantule dans la graine, 
ou qu'elle eft Le principe fecret des premiers rudimens du tour organique, 
J'ai cru encore que je n’étois pas moins fondé à rejerter pareil émenc 
l'hypothèfe, fuivant laquelle ôn admet, que la pouflière fécondante porte 
le germe de la graine , & que celle-ci n’eft en quelque forte que le 
logement deftiné à le recevoir, & où 1l doit prendre fes premiers accroif- 
femens. On voit affez que cette hypothèfe dérive de celle des vers fper- 
matiques , fi accueillie autrefois par les plus grands hommes, & qui n’a 
pu fe foutenir contre les nouvelies découvertes. Enfin , je n’ai poine 
admis d’épigénèfe ou de formation purement méchanique des corps or- 
ganifés ; premièrement , parce que je ne connoiffois aucun fait qui dépo- 
fât évidemment en fa faveur ; fecondement, parce que je ne pouvois par- 
venir à me faire des idées tant foit peu nettes d’une pareille formation, 
& qu'il m’étoit impoñfible de triompher des difiiculrés finombreufes, fi 
diverfes & fi preffantes qui afliégent de toute part cetre hyporhèfe. C’eft 
aux Maîtres dans l'art d’obferver & de raifunner , qu’il appartient de 
prononcer fur ma marche & fur mes principes. Je ferai le premier à les 
abandonner, s'ils ne les jugent pas contormes aux faits &'à ka bonne 
Philofophie (2). 

Il eft chez les végéraux comme chez les animaux , de ces efpèces de 
A 

(1) J'en ai donné les preuves d’après les belles obfervations de mon illufire ami 
M. de Haller. Corps organifés, tome 1, chap. IX. 

(2) Pour juger de mes principes fur la reproduétion des êtres vivans, on pourra fe 
borner à lire le petit Ecrit intitulé: Tableau des Confidéracions fur les Corps organifés, 
que j'ai placé au-devant de Ja Palingénéfie , & où ces, principes font plus rapprochés. 


1774. OCTOBRE. 


278 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


monftres qui portent le nom de mulers , & qui proviennent du concours 
de deux individus d’efpèces différentes. Ces mulets font de routes les pro- 
duétions organiques celles qui peuvent répandre le plus de jour fur le 
grand myftère de la génération. J'y ai beaucoup infifté dans mes écrits ; 
& j'ai fort exhorté les Phyfciens à multiplier & à varier les expériences 
far ces productions. Les végétaux leur fourniffent bien des moyens de fe 
fatisfaire en ce genre , & à peu de frais. Combien eft-il facile de priver 
une plante de fes éramines, & de répandre fur fon piftil les pouffières 
d’une plante d’efpèce différente ! Le hafard opére tous les jours dans nos 
jardins & dans nos pépinières de ces unions contre-nature; & 1l n'eft pas 
douteux que nous ne leur devionsun grand nombre de nouvellesefpèces, 
dont l'art a fu profiter, & qui n’auroient jamais exifté fans elles (1). J'ai 
indiqué (2) quelques expériences qui ont été rentrées fur les mulets vége- 
taux , & dont il a réfulté que les reflemblances ont toujours éré relatives 
à l'efpèce des pouflières, & que le fujet fécondé a eu quelque fupé- 
riorité fur le fujet fécondant. Ces curieufes obférvations , difois-je , z'in- 
diquentelles pas que dans les végétaux , comme dans Les animaux ;, le 
germe appartient originairement à la femelle ? 

Je le faifois remarquer encore (3) : il y a ici une certaine latitude, 
dont nous ne connoiflons point les limites. Les rapports les plus directs, 
les plus nombreux font affurément ceux qui lient entr'eux les pouflières 
& les germes de la même efpèce ; mais la narure n’a pas été aflujerrie 
ici a une précifion extrême. Les pouflières & les germes des efpèces les 
plus voifines foutiennent encore entr'eux bien desrapports plus ou moins 
direéts , en vertu defquels la fécondation de ceux-ci peut s'opérer par 
l'action de celles-là. A mefure que les rapports deviennent moins directs, 
moins nombreux, la fécondation devienc plus difficile ou plus incer- 
taine. Je ne faurois dire précifément en quoi confiftent ces rapports ; 
parce que les meilleurs microfcopes ne peuvent nous introduire jufqu'au 
fond des pouflières & des germes. Mais je conçois affez que ces rapports 
doivent dépendre principalement de certaines proportions entre les mo- 
lécules des fluides fécondans des divers ordres, & les mailles des folides 
dans lefquels elles fonc deftinées à pénérrer ; & encore entre la manière 
d'agir de ces molécules, & celle dont les folides reçoivent leur action , & 
la modifient. Il y aici une échelle de graduation qui exprime la fuice 
des divers rapports qui lient ou fubordonnent les unes aux, autres, les 
pouflières & les germes des divers ordres (4), &, des différences efpèces. 


(x) Confultez fur,la produétion de ces nouvelles efpèces , l'excellente PAyfique des 
Arbres. Livre Il, chap. III, art. IL. 

(2) Contemplation de la Nature, part. VIT, chap, XII. 

(3) Corps organifés ; arr. 336. 

(4): Voyez ci-deffus ce que j'ai expofé fur les divers ordres de fluides fécondans, & 
des germes que je conçois dans la: plante, 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 279 


Il ne nous eft point donné de contempler cette échelle : des intelligences 
qui nous font fupérieures , jouiffent fans doure de cet intéreffant fpecta- 
cle, & en tirent des conféquences aflorties à la profondeur de leurs 
conceptions. Outre ces rapports qui lient direétement ou indireétemenct 
les pouflières & les germes, 1l en eft d’autres qui tiennent à la forme & 
à la ftruéture des parties fexuelles , on aux proportions que les organes 
de l'un & de l’autre fexe obfervent entr'eux , & qui facilitent plus ou 
moins la fécondation d’une efpèce par né efpèce différente. 

On comprend donc par ce que je viens d’ébaucher fur la production 
des mulets végétaux , que toutes fortes de pouflières ne peuvent pas faire 
développer toutes fortes de germes ; & , comme je ne penfe point que la 
liqueur féminale du lapin püt procurer l’évolution complette du germe 
d'un poulet; je ne penfe point non plus que les pouflières d’un lys puf- 
fenc féconder les pepins d’un poirier , & opérer ainfi l’entier dévelop- 
pement du petit tout organique. Il y auroit eu une trop grande confu- 
fion dans les efpèces , fi la latitude de cette forte de fécondation s’éroit 
étendue à des efpèces de genres fort éloignés , ou de claffes différentes. 

Au refte, on conçoit allez que la confufion ou l’aétion fimultanée de 
poullières de. différentes efpèces doit produire dans les graines & dans 
les fruits des variétés fingulières, & qui participeront plus ou moins de 
l'impreflion éombince de ces différentes poufhères. On en voit divers 
exemples dans les Ecrivains de Botanique & d'Agriculture. Ce font de 
vraies monftruofités. 

Je n'ai pas voulu finir ce Mémoire , fans confulter l'Ouvrage d’un de 
nos plus favans & de nos plus zélés Botaniftes modernes : je parle des 
Familles des plantes de M. Adanfon. 11 fe déclare pour le fentiment que 
j'ai adopté fur la génération , & eflaie enfuite d'expliquer comment 
s'opère la fécondation des plantes. Voici ce qu'il dit la-deflus (1). 

» La fécondarion s'opère de la même manière dans toutes les plantes 
» où elle a lieu : il fuir pour cela, que la moindre parcelle de la ma- 
» tière contenue dans la pouflière des etamines foit répandue fur le ftig- 
» mate du piftil. L'ovaire ou fon ftyl & fon ftigmate font percés d’un 
» bout à l’autre, mème rrès-fenfiblement dans plufeurs lihiacces, dans 
», le baobab , le daviska , &cc. 8 quelques antres plantes; mais il y en a 
» beaucoup plus où ils font fermés & pleins. Cela feul fufhroit pour 
æ prouver que ce n’eft pas l'intromiflion de [a pouffière des étamines qui 
» opère la fécondation, ni qui porte le germe dans les ovaires , s’il n’é- 
» toit pas prouvé par les obfervations microfcopiques , que l'embryon 
» fe trouve tout formé dans les graines des plançes qui n'ont pas été 


(1) Famille des Plantes, tome 1, page 1213 Paris, 1763. 


1774  OCTOBRE. 


280 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


» fécondées , & dont le parenchyme ne fait qu'un corps continu avec 
» lui, de la mème manière que le fœtus fe rrouve tour formé dans les 
» œufs de la grenouille , & dans ceux de la poule avant la fécondation. 
» Elle s'opère donc dans les végétaux & les animaux par une vapeur , une 
» efpèce d’efprit vital auquel la matière prolifique fert fimplement de 
» véhicule. Cette matière qui fort des grains de pouflières des étamines, 
» lorfqu’ils crèvent , eft huileufe, & fe mêle facilement à la liqueur qui 
» humecte le ftigmare du piftil , ou à fon velouté, lorfqu’il paroît fec : 
» Ja vapeur qui s’en dégage, aufli renue fans doute , & aufli animée , 
» aufli prompte que celle qui enveloppe les corps électriques, s’infinue 
» dans les crachées qui fe terminent à la furface des ftigmates, defcend 
» au placenta , lorfqu’il y en a , paffe de-là aux cordons ombilicaux juf- 
» ques dans chaque graine où elle donne la première impulfon , le pre- 
» mier mouvement ou la vie végétale à l'embryon qui eft d’abord comme 
» inviñble , & qui, peu après fa vivification , paroït comme un point 
» blanc dansles uns , & verdâcre dans d’autres «. 

J'avoue que j'ai peine à croire qu'il y ait des efpèces dont le ftyl & 
fon ftigmate , comme laure notre célèbre Botanifte, foient fermés 
& pleins. Jene puis trop exhorter les Botaniftes à faire de nouvelles 
recherches fur ce fujet. J'incline fortement à penfer qu’ils parviendront 
à démontrer dans le piftil de ces efpèces une ouverture (1), & une ou 
pluñeurs trompes , femblables ou analogues à celles que j'ai décrites 
dans ce Mémoire. Cette ftruéture , que je fuis porté à fuppofer dans les 
piftils de toutes les efpèces , & qui paroît fi eflentielle au jeu des pouf- 
fières, peut être fi cachée ou fi déguifée dans certaines efpèces , qu'il 
foic très- difficile de l'y découvrir. La vulve , ou l’ouverture du ftigmate, 
pourroit encore avoir été placée chez ces efpèces , dans un lieu où l’on 
ne s’avife pas de la chercher. 

J'avoue encore que je défirerois fort que notre Auteur nous eût fourni. 
quelque preuve , ou au moins quelque préfomption en faveur de ce qu'il 
avance ici ; que la vapeur feécondante s’inffnue dans les trachées qui fe 
terminent à la furface du fligmate , & defcend au placenta par cette voie. 
IL éroit affurément très capable de porter la lumière dans ces ténèbres, 
& j'atrendrois beaucoup des recherches plus approfondies qu’il entre- 
prendroit fur un objet fi eflentiel à l'Hiftoire de la Génération. Dans 
mes idées, le ftigmate a été préparé pour l’intromiflion des pouflières 
dans la cavité du fyl. On le voit s'ouvrir au moment de la fécondation , 
& préfenrer alors une ouverture plus ou moins fpacieufe. On peut mème 
le forcer à s'ouvrir lorfqu'il eft refermé. Pourquoi donc recourrions- 
nous à l'intervention des trachées qui fe terminent à fa furface , pour 


y 


oo 


(1) Une valve, 
nous 


at 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 281 


rendre raifon de la manière dont le Auide fécondant parvient à l'ovaire ? 
Je fuppofe toujours que les ftigmates & les ftyls qui ont paru fermés &c 

leins , ne l’étoient point en effet. Si donc je voulois faire intervenir ici 
à trachées , ce feroit plutôt celles qu'on peut concevoir, qui rampent 
à la furface des femences logées dans l'ovaire , que je chargerois de 
l'importance fonétion d'introduire dans les germes la vapeur fécon- 
dante. Mais , combien fommes-nous encore éloignés d’avoir fur ce 
point obfcur plus que de fimples conjectures ! 

Lorfqu'on fi l'anatomie d’une féve , on découvre une multitude de 
petits vaifleaux qui fe ramifient dans la fubftance de la graine , & vont 
fe rendre à la plantule par deux troncs principaux. C’eft fur-rout par 
ces vaifleaux que la plantule fait corps avec la graine, & qu’elle ne 
compofe avec elle qu'un feul tout organique. J'ai vu ces ramifications 
fe colorer très-bien dans ces injeétions naturelles, dont j'ai traité fort 
au long dans mon Livre fur l’ufage des Feuilles. On obferve des rami- 
fications analogues dans d’autres graines & dans les fruits. Il me paroît 
donc qu'on pourroit conjeëturer avec quelque fondement, que ces 
vaitfeaux, ou quelques-unes de leurs branches, s'ouvrent à la furface 
de la graine; & que c’eft par ces orifices que l’efprit féminal pénètre 
jufqu’au germe. 

. Je le ferai remarquer en finiffanc : le rétréciffement graduel des trom- 
ps , à mefure qu’elles approchent de l'ovaire , eft bien propre à accé- 
lérer le mouvement du fluide fécondant, & à lui imprimer la direction 
qui répond au vœu de la nature. 


Tome IV, Part. IV. 1774 OCTOBRE, Nn 


282 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


M É M 0" :T'RVYE 


De M. JEAN ARBUTHNOT, Ecuyer Anglois, Membre 
de la Société Royale, & de celle pour l’encouragement 
des Arts de Londres , fur les principes & conftruétion 
de fa Charrue ; 


Communiqué à l Académie Royale des Sciences de Paris , par M. JEAN- 
HYACINTHE DE MAGALHAENS , Gentilhomme Portugais , réfidant 
à Londres , Membre de la Société Royale de certe Ville, & Corref- 
pondant de la même Académie Royale des Sciences de Paris. 


Te E N confidérant que les Laboureurs emploient dans la mème efpèce 
de fol, & pour les mêmes objets de culture , des charrues différemment 
conttruites , felon l’ufage de diverfes Provinces , je n’ai pu croire qu'elles 
fuffent toutes également avantageufes. Je n’entrerai pas dans le détail 
des réflexions & des recherches qu’il m'a fallu faire pour éclaircir cet 
objet. Cela me meneroit trop loin. Je m'en tiendrai uniquement à 
montrer quelle eft la conftruétion que j'ai cru la plus avantageule , d’après 
les principes de théorie, dont j'ai éprouvé la folidité par une longue 
fuite d'expériences. 


2. Il y a plufeurs fortes de charrues , qui font connues fous différens 
noms ; mais , dans le vrai , il n’y en a que deux efpèces, dont la conf- 
truétion foit fondée fur des principes différens : l’une eft la charrue avec 
avant-train , & l’autre fans avant-train , appellée par les Anglois fiving 
plough , & que je nommerai charrue fêmple , pour la mieux diltinguer de 
la première. Car , pour ce qui regarde les autres charrues , qui font con- 
nues fous diverfes dénominations ; elles fe réduifent , pour l’effentiel , à 
une de ces deux. Aufli me bornerai-je à parler de celles-ci. Je tâcherai 
de montrer les principes fur lefquels elles font conftruites ; & je remar- 
querai quels font les cas où il eft à propos de s’en fervir. 


3. La première dont je vais parler, eft la charrue fimple qui, felon 
moi , eft le meilleur inftrument de l'Agriculture, & qui, dans des mains 
habiles , peut être employée avec le plus grand avantage dans la plupart 
des terres labourables. La première & la quatrième figure la repréfen- 


SUR'CHIST'INATUREILE ET LES ARTS. 293 


tent en fon entier. Après l'avoir examinée, l’on verra qu’elle eft com- 
pofée de deux leviers; l’un de la première efpèce, & l’autre de la feconde, 
dont dépend la direétion du coin auquel ils font atrachés. Ce coin ouvre 
la terre ,en commençant felon le plan horifontal & vertical à la fois, & 
finiffant à-peu-près par la diagonale entre ces deux direétions. Le pre- 
mier levier et TVEF (/fg. 2.) ayant la puiffance des mains du labou- 
reur appliquée en T V : l'appui en E ; & la réfiftance en F. Le fecond 
eft celui de la flèche , favoir BAEF : il eft de la feconde efpèce ; ayant la 
force des animaux appliquée en B, Le fu/crum ou appui en E, & la réfif- 
tance en F. Enfin, le coin mis en mouvement , & foutenu par l'aétionré- 
ciproque de ces deux leviers , eft le corps ESRFQ 46, qui ouvre le 
fillon. La terre eft coupée dans le fens vertical par le coutre W : & dans 
l'horifontal par la partie tranchante R F du foc : enfuite, elle eft foulevée 
& renverfée par le plan convexo-concave de fa furface aQ FRS. 


Pufeurs Auteurs, qui ont écrit fur la charrue , ne manquent pas 
de parler de fon centre de gravité , dont ils déduifentla ligne de direc- 
tion du tirage dans le labour ; d’autres , qui ne parlent pas de ce centre, 
fixent cette ligne proche du bout À de la flèche : d'autresen E , &c. 
Mais je ne crains pas d'abandonner leur route , ainfi que celle de ceux 
qui parlent du centre de gravité , parce que je ne regarde point cette 
confidération comme elfentielle à mon objet; d’autant plus que toute lape- 
fanceur abfolue de la charruedevient prefque nulle en comparaifon de la 
réfiftance de cohéfion de la terre , qu’elle doit furmonter ; ainfi , je crois 
que ce doit être plutôt le centre de réfiftance ; ou , fi l’on veut, le centre 
de percuflion , que l’on devroit tâcher de déterminer ; car c’eft de la 
fomme des obftacles & de leurs différentes directions que la charrue 
rencontre pour ouvrir le fillon que dépend la détermination & le choix 
de la forme qu’on doit lui donner , pour mieux réuñlir dans le laboura- 
ge, & pour fixer la ligne de direétion felon laquelle le tirage des ani- 
maux doit être employé. Mais mon défaut de loifir & de connoiffance 
dans la haute Géométrie, m’empèchent d’entreprendre la réfolution de 
ce problème, beaucoup plus compliqué que celui de ia courbe de moin- 
dre réfiftance pour divifer les Auides , quoiqu'aflurément non moins 
importante pour la vie humaine , dont la fubliflance a une dépendance 
beaucoup plus immédiate de l'Agriculture que de la Navigation. J'ai déja 
tâché d’engager des Savans fort habiles à l’entreprendre dans leurs ca- 
binets , tandis que je m'occuperois de fa pratique dans mes amufemens 
champêtres. Mais aucun , que je fache , ne s’y eft encore appliqué En 
attendant ,qu’il me foit permis d'avancer mon fentiment, fans l'appuyer 
par les démonftrations qu'on doit efpérer du calcul, mais feulemenc 
par des raifons qui me fembient démonftrarives. 


s- Il n’eft pas douteux qu’un inftrument aigu étant employé à féparer 
1774. OCTOBRE. Nn 21 


2:84 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


quelque corps que ce foit , ne pourra jamais produire fon effet, fans 
que la ligne de direction de la force motrice ne pafle par le tranchant 
qui fait la féparation de ce corps. Quand les réfitances de chaque côté 
fontégales , fon mouvement ne manquera pas d’être enligne droite; 
mais fi ces réfiftances ne le font pas, ou qu’elles foient variables , pour- 
lors le mouvement fe fera obliquement , ou décrira une courbe dont 
les rangentes à chaque point feront les diagonales entre les lignes qui 
repréfenteront ces forces réfftanres : au lieu, que fi la directrice de ce 
mouvement pafloit à quelque diftance fenfible du tranchant, l'inftru- 
ment pour lors tourneroir à l'inftant de côté, & ne pourroit aucune- 
ment continuer fon action , à moins de furmonter route la fomme des 
forces réfiftantes , multipliée par les points de contact de fa furface la- 
térale; ce qu'il ne pourroit jamais effectuer, fans furmonter ou dé- 
truire , s’il étoit pollible , route la cohéfion de la malle intermédiaire 
de ce corps. Ainf ,il ne fera pas poffible de concevoir que la direction 
de la ligne du tirage , felon laquelle la charrue eft tirée pour ouvrir le 
fillon en ligne droite, puifle pafler par aucun autre endroit de la 
charrue, qui foit éloigné de la pointe du foc, afin de réuflir avec la 
moindre force poflible. 


6. En effet, fi l’on cherche le centre de la réfiftance que la charruea 
à furmonter , ilne faut pas être bien éloigné de cet endroit; parce que 
la réfiftance de la terre ne provient pas tant de fa propre pefanteur que de 
la cohéfion de fes particules, qui forment une malle affez folide, & 
oppofent leur réfiftance au devant de la charrue , felon la ligne du tirage. 
D'ailleurs, fi l'on confidère que la réfiftance latérale provenante, tant de 
la cohéfion que de la pefanteur du parallélipipède que la charrue déplace 
pour ouvrirle fillon , &ft plus grande du côté droit du verfoir, à caufe de 
l'obliquité & convexiré de fa figure; & que par conféquenr, le corps de 
la charrue eft pouffé contre le côté oppofé, qui eft rout-à-fait plat, & 
par-là capable de réagir fans aucun obftacle latéral contre cette preflion , 
dans le fens de la ligne de direction ; on conviendra que le vrai point 
de percuffion dans la charrue, doit être fort près du côté gauche , pas 
loin du plan vertical qui paife par la ligne de l’attelage & par la pointe 
du foc , quand les chevaux marchent en paire ; & que cette ligne 
doit faire un angle plus ou moins ouvert avec le plan horifontal , felon 
que l’attelage des chevaux fera à une plus ou moins grande diftance de 
la perpendiculaire tirée à plomb fur la mème pointe du foc; maisil y a 
une petitedéviation latérale du côté droit de la chartue , lorfque les che- 
vaux tirent l’un devant l’autre ; car, comme la ligne du tirage fe fait pour- 
lors dans le fillon , en tournant la terre fur la droite , tandis que la 
charrue coupe de fept à huit pouces à la gauche, renverfant la terre dans 
le même fillon par où les chevaux font le tirage; il s'enfuit que l’action 
de la charrue eft un peu oblique , & que, par conféquent, le centre de 


SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 185 


réfiftance ou de percuflion , ne peut pas être tout-à-fait dans la pointe 
du foc , mais un peu fur fon côté droit. 


7 I ne fera pas difficile de concevoir , par un raifonnement fembla- 
ble , quele point où commence l'angle du tirage avec le plan horifontal , 
ne peut pas être bien éloigné de la pointe du foc. En effec , c’eft de quoi 
je me fuis pleinement afluré par des expériences réitérées, que j'ai faites 
en particulier, aufli-bien qu’en préfence de plufeurs Culrivateurs intel« 
ligens, & des perfonnes favantes entre lefquelles je nommerai M. de 
Magalhaens , de la Société Royale de Londres , & Correfpondant de 
l'Académie Royale des Sciences, qui l’a vu exécuter plulieurs fois. Car , 
ayant fair arrèter tout d’un coup les chevaux , lorfqu’ils étoient en aétion, 
& que la charrue alloit te mieux poñlible, c’eft-à-dire , lorfque le Labou- . 
reur n'étoit obligé d'employer aucune force fur les manches de la char- 
rue, & déplaçant tout de fuite la cerre du fillon jufqu’à la pointe du foc, 
fans néanmoins remuer la charrue, nous avons toujours trouvé, qu'en 
tirant une ligne droite depuis l’épaule du cheval le plus voifin de la char= 
rue , & la faifant pañler par l’interfection de la flèche avec la ligne de 
l'atcelage , la pointe du foc fe trouvoit précifément à l’autre bout de cette 
ligne. Or, comme le cheval dans l’action du tirage s’abaiffe un peu pour 
faire l'effort néceflaire de fes mufcles ; il s'enfuir qu’alors cette ligne qui 
pafle par l’interfection de la flèche & par les épaules du cheval, doit 
aboutir un peu plus en arrière dela pointe du foc ; mais ce qui me con- 
firme encore plus dans cette idée , c’eft que fi en travaillant une terre 
friable , on y rencontre un peu de craie ou autre obftacle pareil dans le 
fillon ; on voit pour-lors , que le foc rourne à plomb , & fait hauffer les 
manches de la charrue entre les mains du Laboureur, comme fi c’éroit 
un levier de la troifième efpèce, dont la force agiroit entre l'appui & 
la réfiftance. 


8. Je conclus de-là, que la ligne centrale du tirage des chevaux ne 
peut pas manquer de tomber dès l'épaule du dernier cheval jufqu’à un 
point proche du bout du foc. Car , pour ce qui regarde les autres chevaux, 
la plus grande portion verticale de leur tirage eft foutenue par le dos du 
dernier cheval , à moins que le Laboureur n’ait l'attention d'amener 
l’actelage des autres chevaux en arrière , jufqu’au bout de la lèche ; ce que 
j'ai grand foin de pratiquer , faifant que l'artelage commun foit, au- 
tant qu’il fe peut, en ligne droite, depuis le bout de la flèche, jufqu’au 
cheval qui eft en avant , afin d’empècher que la preflion verticale réful- 
tant de l’action du dernier cheval , ne foit augmentée par le tirage des 
autres : ce qu’on peut bien reconnoître par l'angle MPF de la figure 1 ; 
car , la charrue étant tirée par un feul cheval, certe ligne fera HIF ; & 
l’étant par le cheval de devanc, elle fera MNF : de façon que l'angle 

1774  OCTOBRE. 


286 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


moyen HOM qui réfulre de ces deux, montrera pour-lors le tirage 
commun ; au-lieu , qu’en attelant le premier cheval à la hauteur P fur le 
dos du dernier ; la perpendiculaire qui romberoit deP versla ligne MF, 
repréfentera le furplus dont celui-ci fera chargé par la preflion que 
cauferont les efforts du premier. 


9. Il eft donc démontré que le bout de la flèche ne peut pas manquer 
d’être entrecoupé par cette ligne du tirage, ou de l’action de la force 
motrice ; car la théorie du mouvement compofé nous montre que le 
mouvement progreflif de la charrue entraînée par la flèche , doit être la 
diagonale du parallélograme formé par l'inclinaifon de la furface fupé- 
rieure du foc par lequel fe fait la percuflion de la charrue , & la direc- 
tion de la ligne du tirage ou force mouvante, felon laquelle fe trouve la 
réfiftance. D'où il fuit que l'angle du tirage avec l’horifun, doit être 
égal à celui du corps tranchant de la charrue, c’eft-à-dire, à celui du 
plan fupérieur du foc & verfoir avec le plan horifontal du fillon. 


18 Cependant ,il faut avouer que la différence des obftacles qui s’op- 
pofent au mouvement progreffif de la charrue dans un corps fi peu ho- 
mogène , comme laterre , même la mieux défrichée & la plus meuble , 
ne nous permettra d’avoir aucunes données conftantes pour déterminer 
avec précifion la folution de ce problème. Ainf , ilfera néceffaire d’avoir 
recours à des faits de pratique pour déterminer non-feulement le point 
central, ou centre de percuflion , dans l’action de la charrue ; mais aufli 
jes autres données d’où dépend la connoiffance de ces angles. Telles 
font , par exemple, la hauteur moyenne de l'épaule des chevaux dans 
l'action du tirage; la diftance qu'il faut accorder au cheval Le plus près 
de la flèche , pour qu'il puiffe travailler à fon aife; & de même , la 
profondeur du fillon , afin de reconnoître la hauteur perpendiculaire du 
bout de la flèche où fe fait l’inrerfeétion avec la ligne du tirage , celle-ci 
devant fe faire à quelque diftance de lafurface de la verre, pour que le 
bout de la ècherne foit pas arrêté par les inégalités. 


11. J'ai obfervé que la hauteur moyenne de l'épaule d’un cheval , 
dans le moment de foneffort, peut bien ètre fuppofée de quatre pieds 
un pouce d'Angleterre (ou trois pieds dix pouces de France) & que la 
diftance horifontale depuis la pointe de la Hèche jufqu'à la perpendicu- 
laire qui romberoit de l'épaule du cheval, doit ètre de huit pieds & demi 
d'Angleterre, pour qu'il puilfe travailler fans gène : que la profondeur 
du fillon dans le bon laboutage doit être entre dix & douze pouces (neuf 
pouces trois lignes de France) deforte qu'ileft néceffaire de donner qua- 
torze pouces perpendiculaires depuis le fond du fillon jufqu’au bout de la 
flèche. Cependant, il ef très-aiféde voir que toutes ces mefures moyennes 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 287 


ne pourront jamais correfpondre dans la pratique avec la précifion qu’il 
fauc avoir , à caufe des circonftances qui varient, foit dans la hauteur des 
chevaux, foit pour la profondeur du filon, & la qualité du terrein. C’eft 
pour remédier à cela, qu'on adapte au bout de la flècheune pièce en forme 
de croix, avec des trous dans le fens horifontal ( voyez fig. 3.) avec un 
collier ou chafis de fer , dont les figures 2,3 & 4 montrent la coupe ver- 
ticale, Ce chafis peut tourner fur le centre, & eft arrêté par la cheville & 
dans le trou qu'il faut, pour que la charrue aille droir. Son côté inté- 
rieur eft dentelé en c , pour que l’attelage des chevaux foit mis à la hau- 
teur convenable, felon que la profondeur du fillon , la hauteur des che- 
vaux, & la nature du fol le demandent. 


12. D’après ce qu'on vient de dire ci-deflus, ilne fera pas difficile de 
déterminer la longueur du fecond levier de la charrue , qui eft la lèche. 
Car, en prenant une ligne indéfinie horifontale, fur laquelle on élevera 
une perpendiculaire de quatorze pouces, & à la diftance de huit pieds 
& demi ( d'Angleterre ) une autre perpendiculaire de quarante-neuf 
pouces; la ligne qui les rafera jufqu’à couper l’horifontale, marquera 
par fon interfeétion l'endroit de la pointe du foc ; & celle de la pre- 
mière perpendiculaire marquera l'endroit du bout de la flèche, ou plutôt 
de celui de fon chaflis. Quant à la longueur de la flèche , elle dépend 
de celle du talon depuis E jufqu'à F; & cette longueur , de la propor- 
tion de la force moyenne du Laboureur pour la tendance du plan in- 
cliné de la charrue vers l’horifon , ce qui doit dérerminer les deux parties 
du levier qui, comme je lai marqué, eft de la première efpèce ; c’eft-à- 
dire, depuis le bout de chaque manche jufqu'au talon, qui eft l'appui 
commun de ces deux leviers , & de ce talon jufqu’à la pointe du foc. Mais 
je ne m’arrêterai plus fur la méthode détaillée de réduire ces proportions 
à des mefures aétuelles , croyant qu’il fera plus aife de les prendre fur la 
figure que je donnerai , foigneufement prife de celle qui me fert comme 
d'éralon pour la conftruction de mes charrues. Il n’y aura qu’à en chan- 
ger l'échelle, pour les rendre plus ou moins fortes , felon que la qualité 
du terrein & la profondeur du labourage que l’on propofe de faire, le 
demanderont. 


13. À préfent je confidérerai qu’elles doivent être la forme & la figure 
les plus avantageufes du verfoir, pour lever la rerre & la verfer de côté 
comme elle doit l'être. Je fais bien que plufieurs lui donnent la forme 
d’un coin prifmatique, dont le tranchant eft vertical. Mais j'ai trouvé 
par expérience , que cette figure n’eft pas la plus favorable ; car j'ai ob- 
fervé que la terre s’y attache dans l'angle formé par le foc & le verfoir ; 
de façon que la nature mème du labourage femble indiquer d'elle- 
même , que cette furface doir être courbe. J'ai donc penfé que la fémi- 

1774. OCTOBRE. 


228 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


cycloïde éroit apparemment celle qui oppoferoit la moindre réfiftance 
dans fon opération pour ouvrir la terre. En effet, cetre courbe defcend 
fi doucement, randis que la pointe du cercle générateur eft au-deflus de 
fon axe , qu'en la renverfant pour former la pente depuis le fommet du 
verfoir jufqu’à la pointe du foc , je m'attendois à un etter le plus avanta- 
geux pour la pratique. Je fis donc exécuter mon projet, donnant un dia- 
mètre de feize pouces au cercle générateur ; & j’eus le plaifir de voir que 
ma nouvelle charrue alloit beaucoup mieux qu'aucune autre, & qu’elle 
n’avoit pas befoin d’une fi grande force de chevaux pour labourer: ce 
qui fur prouvé devant plufeurs perfonnes qui voulurent être préfentes à 
mes elfais. Cependant, j'obfervai qu’en labourant dans une terre légère 
-& friable, ma charrue ne déchargeoïit pas aflez vite la terre de coté. 
Ainfi, au lieu de la fémi-cycloïde , j'adoptai la courbure de la moitié 
d’une demi-élipfe pour ma charrue , en la formant avec une femi-tranf- 
verfe de la même hauteur de feize pouces , dont les foyers étoient à une 
pareille diftance du centre commun. Celle-ci en effet labouroit mieux 
que la première dans une terre friable & légère ; mais l’autre , formée 
avec la femi-cycloïde la furpafloit de beaucoup dans les terres fortes, & 
faifoit encore mieux lorfque les fillons étoient profonds; ce qu'on peut 
bien juger dans un cas pareil, par la forme de fa courbure, qui doit 
tendre à furmonter plus aifément la cohéfion duterrein, dontle feul obf- 
tacle eft toujours beaucoup plus confidérable que tous les autres enfemble, 


14. La courbure dont je viens de parler , ne regarde précifément que 
la forme du devant de mon verfoir, qui n’eft autre chofe que celle for- 
mée par l’extrémité des coupes horifontales de fa folidité, mais dont la 
furface totale qui en réfulte , eft concavo-convexe , comme on le verra 
bientôt par la defcription & la figure que j'en donnerai , fans m’arrèrer fur 
la nature des courbes qui la compofent; car J’avouerai franchement que 
je ne fuis point parvenu à la configurer de la forte par aucune difcuftion 
théorique, mais par la fimple expérience accompagnée d’une obferva- 
tion aflidue fur la manière avec laquelle la terre rencontre le verfoir , 
comme elle s’y atrache ou dérache en différentes circonftances, comme 
elle tombe, & eft plus ou moins renverfée ; ayant égard aux endroits qui 
s’'ufent les premiers dans différentes charrues , ce qui me montroic 
où étoit le plus grand frottement ou réfiftance à furmonter : & fur-touc 
à l’aifance & fermeté de l’opération de la charrue, & à la moindre force 
néceffaire pour le tirage, mefurée par un reflort à boudin mis entre le 
bout de la flèche , & le tirage qui me faifoit voir la quantité de la force 
aduelle que les chevaux employoient avec route la précifion poflible, 


15. Les autres deux furfaces de ce coin triangulaire , dont le corps 
de chaque charrue eft compofé , c’eft-à-dire , la furface verticale gauche 


in 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 189 


& la furface inférieure horifontale , ne font pas tout-à-fait plates, mais 
un peu concaves , afin de donner be de fermeté à la charrue dans le 
labour ; car fi elles éroient tour à-fait plates , bientôt les extrémités de- 
viendroient convexes , & rendroient par-là à fortir de la direction con- 
venable, ce qui demanderoit des efforts extraordinaires & continuels 
pour la diriger promptement ; de façon, qu'après l'action du foc, iln’y 
a que le bout du talon qui touche le fond du fillon dans le plan hori- 
fontal: & de même , dans le plan vertical du côté gauche, il n’y a que le 
bout du talon 1, ( qui fair une feule pièce avec le foc ) & la courbe un 
peu faillante formée par la coupe verticale de la furface tant foir peu con= 
cave du verfoir , qui touchent ou frottent contre la terre déja coupée par 
le coutre. Tout le refte de ces deux furfaces eftun peu coticave pour cet 
effet, comme il eft aifé de fe concevoir par les figures. La largeur du foc 
de ma charrue ef beaucoup plus grande que dans les communes; ce que 
jé fais pour couper entièrement la bafe du parallélipipède du fillon , & le 
rendre par-là moins réfiftanc au corps du verfoir, fans laiffer de petites 
mafles de terre en entier au deflous , comme il arrive aux autres charrues. 


16. Il n’eft pas poflible de donner aucune règle générale pour la pof- 
tion du coutre ; car il faut l'adapter en diverfes fituations, felon que les 
circonftances le demanderit. Par exemple, fi la pointe du foc n’eft pas 
aflez inclinée à l’horifon, il faut mettre le coutre un peu en arrière pour 
donner plus de prife au foc. Au contraire , lorfque le foc eft trop tourné 
en bas, ou trop long, on doit mettre la pointe du coutre un peu en avant 
de celle du foc, pour qu'il ne s'enfonce pas trop : de même, lorfque la 
pointe du foc n’eft pas aflez tournée à gauche , on tournera le coutre de 
ce côté-là, &c. Mais en général on peut fe convaincre que la charrue eft 
bien faite, par la pofition qu’il faudra donner au coutre; car fi elle eft 
conftruite comme il faut, on trouvera qu'elle travaille mieux , lorfque 
le coutre eft prefque dans le plan vertical de fon mouvement progref- 
fif, & que la pointe eft tant foit peu au-deflus de celle du foc. 


17. Pour ce qui regarde la charrue à avant-train, qui affurément eft 
préférable à toute autre, lorfque les circonftances le permettent, & qui , 
malgré l'addition de l’avant-train , ne fatigue pas tanc les chevaux, ni le 
Laboureur, j'en fais le corps de l’arrière-train, comme pour l’autre , à fore 
peu de chofes près. Seulement, la pointe du foc eft un peu plus tournée en 
bas que dans la charrue fimple : car étant toujours appuyée fur l’avant- 
train à une hauteur conftante , elle ne peut pas s’enfoncer plus qu’il ne 
fau. C’eft par cette mème raifon que le labour de cette chartue eft plus 
régulier que celui de la fimple. Outre cela , comme la flèche eft pofée 
fur l'avant-train , elle fait pour lors un feul levier avec les manches, & 
£ert à enfoncer le foc lorfqu’on les preffe ; & au contraire, en les foule- 


Tome IV , Part, IV. 1774. OCTOBRE, Oo 


290 OBSERKATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


vant, on la fait fortir du fillon; au lieu que la charrue fimple entrera 
plus dans la terre, en foulevant un peu les manches , & ne s’enfoncera 
pas tant lorfqu'on es prefle ; ce qui provient du point d’appui qui, dans 
la charrue fimple , eft dans le talon , & dans l’autre, eft fur l’avant- 
train. 


48. L’angle que la flèche de la charrue à avant-rrain fait avec l’hori- 
fon , eft plus on moins grand, felon la hauteur des roues de l’avant- 
train, Celle que j’emploie fréquemment, & qui ouvre fouvent un fillon 
de dix-huit pouces de profondeur par un feul labour, ne fait qu’un angle 
de dix-huit degrés avec la ligne horifontale. Mais c’eft, felon la diverfité 
des circonftances, la qualité du terrein, & l’inclinaifon du foc qu’on doit 
changer cet angle: & c’eft à la prudence & à l’habileté du Laboureur 
qu'on doit s’en rapporter pour les changemens néceffaires. Car, felon la 
théorie ci deffus, 1l fera toujours néceflaire d'élever ou bailfer la flèche 
fur l’avant-train , jufqu’à ce que la diagonale des lignes qui repréfente- 
ront les deux efforts, deviendra parallèle à l’horifon. Dans certe char- 
rue , le tirage des chevaux eft conftamment dans la direétion de l’axe des 
roues dé l’avant-tryin jufqu’aux épaules des chevaux; au lien que dans 
la charrue fimple il fe trouvoit à peu-près dans la direétion de la pointe 
du foc. Les roues que j'emploie dans l’avanc-train fonc d'un diamètre 
différent : favoir , celle du côté gauche n’a que deux pieds quatre pouces 
de diamètre ; & l’autre du côté droit, qui marche dans le fillon, a quatre 
pieds de diamètre ; mais j'ai des roues de diamètre différent , fuivant la 
profondeur du labour que je donne. Pour ce qui regarde la chaîne de fer, 
qui fert à lier le corps de la charrue avec l’avant-train , il eft effenriel 
qu’elle foit attachée par un bout à l’axe de l’avant-train ; & par l’autre 
bout, au collier de . qui tient vers le milieu de l’angle de la flèche 
avec Le verfoir. : 


19.11 ne me refte plus qu’à dire deux mots fur les avantages qu’on 
peur efpérer de l’emploi qu’on fera de l’une ou de l’autre de ces charrues, 
felon que les circonftances du terrein indiqueront le choix qu’on en doit 
faire. Premièrement , la charrue à avant-train eft, comme je l'ai déja 
dit, beaucoup plus ferme que la charrue fimple , par la raifon que la 
profondeur du fillon eft toujours réglée par l’avant-train fur lequel pofe 
la flèche. Cette conftruétion épargne les efforts extraordinaires qui font 
quelquefois requis de la part des chevaux , aufli-bien que du Laboureur , 
en bien des cas lorfqu’on laboute avec la charrue fimple , particulière- 
ment, fi le Laboureur ne fait pas garder l'équilibre entre les deux leviers 
dont cette dernière chartue eft compofée, comme il eft dir: ci-deflus, & 
quand la variété du fol , la réfiftance des racines & des autres'circonf- 
tancés s'y oppofent ; car alors, la réfiftance perpendiculaire des obftacles 


À 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 291 


enfonce la pointe du foc tout d'un conp, & demande un effort propor- 
tionnel pour le foulever. Au lieu que celle à avant-train eft conftamment 
foutenue dans le même angle de tirage avec le fillon, & par conféquenr, 
c’eft alors la feule partie du mouvement progreflif , parallèle à la ligne 
horifontale, qui exige la force des chevaux. Lesexpériences fur cet article 
font parfaitement d’accord avec certe théorie. Je ne veux pas dire par cette 
expreflion!, que l'effort des chevaux eft employé parallèlement à l’horifon , 
comme feroit la force d’un poids, qui agiroit au bout d’une poulie, pour 
furmonter un obftacle quelconque dans le fens de la ligne horifontale. 
Tout au contraire, fi celui-ci évoir le cas, alors l’action mufculaire des 
animaux n’y pourroit point être employée de la forte au plus grand avan- 
tage, comme elle l’eft, quand la ligne de direction du tirage eft un peu 
inclinée à l’'horifon , pour que les efforts de l’aétion mufculaire des ani- 
maux contre les points d'appui , tienne une portion tant foit peu pan- 
chée à l’horifon ; ce qui eft aifé à concevoir, lorfqu’on confidère la dé- 
compofition du mouvement des forces animales. 


20, Un autre avantage de certe charrue à avant-train eft, qu’on peut 
la conftruire , en forte qu’on n'ait pas befoin d'une fi grande force de la 
part des chevaux, comme dans la charrue fimple. Car , comme laligne de 
direction n'eft pas tirée de la pointe du foc, comme dans l’autre charrue, 
mais bien de l'axe des roues de l’avant-train jufqu’aux épaules des che- 
vaux, il eft clair qu’en augmentant le diamètre des roues jufqu’à un cer- 
tain point, on gagnera l'avantage d'employer un levier plus long contre 
les obitacles, & de fe fervir de l'angle du tirage le plus favorable pour 
la force animale. Je me crois donc en droit de conclure d'après ce rai- 
fonnement, que la charrue à avant-train eft la plus propre pour les labours 
difficiles des rerres dures & forces, pleines de racines, pierres, &c. 
Cependanc, je ne puis pas omettre une circonftance du labourage de ces 
rerres fortes , qui eft pratiquée en quelques endroits ; & qui, felon moi, 
rend la charrue à avant-train fort défavantageufe. Cette circonftance eft 
le cas de labourer en billons ou planches trop hautes & étroites , pour 
obvier aux mauvaifes conféquences que la furabondance des eaux caufe 
dans les terres fortes. Mais, dans ce cas, l'inégalité de la furface fair que 
les roues de l’avant-train changent fréquemment de pofition horifon- 
tale; ce qui jette la charrue hors du plan vertical , & fait que le foc 
coupe de côté avec des irrégularités fort confidérables dans le fond du 
filon; ce qui eft forr défavantageux pour les terres fortes, à caufe des eaux 
qui reftent arrèrées dans le fond de ces tranchées ou fillons irréguliers; & 
ces mêmes irrégularités du fillon rendent les labours fuivans beau- 
coup plus difficiles. Il eft vrai qu'un Laboureur judicieux & attentif peut 
obvier à ces inconvéniens; mais je penfe que la meilleure qualité d'un 
inftrument eft celle de pouvoir être employé par toutes fortes d'ouvriers. 


1774. OCTOBRE. Oo 2 


292 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


21. Outre les inconvéniens dont on vient de parler, on doit auf 
remarquer, qu'après le premier labour des terres fortes , leurs mottes 
deviennent quelquefois fi dures, qu’en tombant fous les roues de Pavant- 
train , elles les fonc fauter à chaque pas, de façon que l’irrégularité de ce 
mouvement caufe des inégalités confidérables dans le fond du fillon. Mais 
cette charruea encore unautre défavantage , lorfqu’on eft obligé de labou- 
rer les terres fortes encore trop humides, de peur de perdre la faifon de 
la femaille ; car, dans ce cas, le cheval qui marche hors du fillon , pêrrir 
la terre à chaque pas qu'il fair. Quelques Laboureurs , pour obvier à ce 
mal, mertenc le tirage des chevaux obliquement à la direétion de la 
charrue , en les artelant en filière, pour qu'ils puilfent marcher tous dans 
le fillon. Mais, dans ce cas, cette charrue devient inférieure à la char- 
rue fimple , dont la direétion progreflive eft la diagonale entre le tirage 
ë& la tendance latérale de la pointe du foc; au lieu que dans cette cir- 
conftance , les roues de la charrue à avant-train ont un grand frottement 
latéral contre les ais ( pins en Anglois ) de leur axe, & un obftacle fort 
confidérable à furmonter par l'obliquité de leur périphérie contre la 
terre. 


22. On peut obvier à cer inconvénient , en formant les billons ou 
planches aïlez larges , de vingt-cinq à trente pieds, & en leur donnane 
une convexité régulière , de façon que le milieu des planches bembe 
d'environ dix-huit pouces à deux pieds de hauteur.C’eft ce qu'on pratique 
effectivement en quelques Provinces d'Angleterre, & généralement dans 
le Jardin de l'Europe , laFlandre Françoife. Cette méthode eftréellement 
avantageufe, Car, par la courbure des planches, les eaux coulent jufqu’aux 
rigoles par oùelles fe déchargent: & la terre devient plusfriable , & moins 
fujetre aux deux inconvéniens des deux extrémités de fécherefle & de 
grande humidité. Car il eft de fait , que la terre forte, qui a été long- 
tems fous l’eau , fe pêcrit confidérablement ( comme on le voit dans les 
Manufaétures de Briques ) & devient beaucoup plus endurcie dans le 
printems. Le peu de convexité de ces planches, dont les rayons font 
extrèmement longs, rend la furface de ce terrein prefqu'aufli aifée pour 
le labourage, que fi elle éroit plate cout-à-fair. Mais il faut avouer , 
que pour arranger les terres dans cette forme , la dépenfe ne peut pas 
manquer d'être confilérable; ce qui augmente la difficulté qu'ont les 
Fermiers en général, pour adopter des nouveautés dans la manière du 
labour. 


23. Enfin, après avoir tout confidéré des deux côtés , je ne balance 
point à donner la préférence à la charrue fimple pour le labourage ordi- 
naire prefque en général ; car tous les inconvéniens principaux qui fe 


Lil 


SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 293 


trouvent dans certe charrue , fe réduifent à trouver des Laboureurs qui 
veuillent s’accoutumer à obferver le jufte équilibre qu’elle demande 
dans fon opérarion. Je vais donner la defcription des parties confti- 
tuantes de celle dont je me fers , avec une Méchode méchanique par 
laquelle les Charpentiers peuvent apprendre à fe conformer à la vraie 
configuration de cette charrue , ou bien à celle de toute autre qu'ils vou- 
dront exécuter avec précifion. 


24. La figure première epréfente la charrue fimple , toute entière , 
comme elle eft employée dans le labourage. A B eft la Hèche , dont la 
longueur  eft de fix pieds, mefure d’Anglererre (1). La tête C D eft 
repréfentée dans la figure 2 , vue de côté ; & la Jégure 3 en montre la vue 
horifontale. Cerre tête avance de trois pouces au-delà du bout B de la 
flèche, & elle a huit pouces du haut en bas, c’eft à-dire , depuis C juf- 
qu’à D. La hauteur perpendiculaire depuis B , qui marque le bout de la 
flèche jufqu’à la ligne horifontale EFG , qui repréfente le fond du fillon, 
eft de quatorze pouces. F ef la pointe du foc à la diftance de deux pieds 
dix pouces du point X perpendiculaire fous le bout de la flèche. H re- 
Ipréfente la haureur de l'épaule du cheval le plus proche de la charrue 
qui, en moyenne grandeur , n'a qu'environ quatre pieds un pouce à- 
plomb fur le point G du fillon. La diftance de G jufqu’à X au-deffus du 
bouc de la flèche , eft de huit pieds & demi, efpace néceffaire pour 
qu'un cheval de moyenne grandeur puiile travailler à fon sife. 


25. On voit par la figure , que la ligne HF coupe la tête dentelée au 
bout de la flèche en 1, lorfque les chevaux travaillent tous en filière dans 
le filon ; mais s'ils travaillent en paire , alors, celui qui eft hors du fil- 
lon , aura fon épaule en K ; &, dans ce ces, la vraie ligne du tirage paera 
entre les deux points HK, & coupera le bout de la flèche un peu plus 
haut en L. Le point M repréfente l'épaule du fecond cheval , qui eft éloi- 
gné de huit pieds & demi de H; & la ligne MF feroit celle de fon tirage, 
paffant par N au-deflous du poinc 1 de l'attelage du premier; mais, comme 
ces deux attelages ne font pas praticables , il faut les atreler au point de 
l'angle commun ©. La merhode qu'on obferve ordinairement , eft celle 
d’atteler le cheval de devant en P fur le dos du premier , de façon que MP 
repréfente la direétion de fon tirage ; mais il eft bien aifé de voir par le 
coin du triangle M P F, que cette méthode eft très-défavantageufe , car 
on furcharge pour lors le premier cheval avec une preflion de plus dans 


(1) La provortion de la mefure Angloi(e à la mefure Françoife , eft comme 15 pour 
16; c'eft-à-dire , que 16 pieds Angloïs font à-peu-près 15 pieds de France, Mais fi on 
defire une proportion plus rigoureufe , Le pied Anglois étant divifé en 100000 parties, 


le picd François en aura 106575. 
1774 OCTOBRE. 


294 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


le fens vertical, laguelle augmentera , en raifon des efforts employés 
par le cheval de devant , pour furmonter les obftacles. 


26. Il fuffit de regarder les figures 2 & 3 , pour concevoir qu'on 
peut donner à la rète de la flèche l'inclinaifon néceffaire dans le fens 
horifontal, moyennant le fufeau a , afin que la charrue entre plus ou 
moins latéralement dans la terre : la dentelure C fert pour donner plus 
ou moins de profondeur au fillon, felon que l'anneau D (fg 4) du 
tirage y eft mis à une plus grande ou moindre hauteur verticale, QSRF, 
dans les fig. 1 & 4 , marquent le foc. On le voit toutentier dans la gs, 
PI. II du côté de la face droite du verloir ; où l’on peut obferver qu'il 
ne touche le fond du fillon que feulement en trois points FR E pour les 
raifons données ci-delfus. La figure 6, repréfente la vue ou face fupé- 
rieure du même foc ; & la figure 7 celle du deflous. Il eft compofc de 
deux pièces : celle qui eft marquée 1,2, 3,4,8, 9, eft de fer fondu, 
felon la forme qui correfpond au total du verfoir: l’autre, marquée $,6, 
7,8 ; eft faite d’acier : elle a une grainure qui reçoit la pointe & le côté 
de la première , marquée par la ligne de points 3, 4 qui y eft retenue & 
bien raffermie par deux vis à tête rafe , marquées B, C. Cerre pièce étant 
féparable dela première ; j'y trouve l'avantage de pouvoir la faire raccom- 
moder , à mefure qu’elle s’ufe , fans altérer la figure de l’autre. On doit 
obferver dans la feure 7 que la partie D s eft pliée par-deflous , afin de 
recevoir & tenir ferme le bout de la pièce U (figure 4) qui forme le- 
front du verfoir, fur laquelle le foc eft attaché par la vis à rète plate, 
marquée E dans la mème figure 7. La queue I 9 forme le deffous du talon, 
comme on le voit dans la ffgure 4; ce qui donne beaucoup de fermeté 
dans le labour , confervant le corps de la charrue dans la direétion du fil- 
lon. Toute la longueur de certe pièce avec le foc, depuis E jufqu’à F 
(figure s ) eft de trois pieds d'Angleterre. 


27. La figure 4, repréfente la carcaffe de la charrue. AB eft la flèche, 
dont la longueur eft de fix pieds. L'élévarion perpendiculaire de fes deux 
bouts fur une ligne horifontale EFG eft de quatorze pouces. La lettre U 
marque la pièce qui fait le front du vetfoir , & qui entre par fon bout dans 
le foc Q. Cette pièce a fept pouces de largeur, & entre dansla mortaife V 
de la fièche, à dix-huit pouces de A. W eft le bout inférieur du manche 
gauche qui reçoit le bout de la Aèche À B dans la mortaife A ; & elt atra- 
chée à la pièce U par la cheville X. La pièce triangulaire , marquée Y , 
eft de bois, & forme le talon de la charrue. Elle rient au manche 
gauche par la-cheville Z. VOT eft le manche droit, qui eft attaché au 
verfoir par la cheville de fer 1 : les deux bouts des manches font paral- 
lèles à l'horifon, à la hauteur de trois pieds, & à la diftance de quatre 
pieds deux pouces du bout A de la fèche. La perpendiculaire qui tom- 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS 295 
beroit de A Iuria IBAIS ITA VU 3 DA LUuperves - ne 4 P re 
du talon E. Les deux lettres m7 # repréfenrent deux traverfes horiiôn 
tales qui fervent à lier enfemble , & tenir fermes les deux manches. K 
marque le coutre qui entre dans un trou quarré fait dans la Rèche, 
garni de fer, comme il paroït par la figure : & c’eft par le moyen des 
coins qu'on y voit aufh, qu'il y eft raffermi & arrêté dans la pofñtion 


qu'il faut avoir, felon qu'on l’a remarqué ci-deflus. 


28. La fioure 8 , repréfente le corps du verfoir, dont lesfeétions hori- 
fontales & les verticales correfpondent à celles de la foure 9 , qui font 
marquées par les mêmes lettres & les mêmes fignes. On y voitla quan- 
tité précife des dimenfions refpeétives de chaque coupe, dont la ligne 
C B eft le terme pour celles qui lui font perpendiculaires ; mais, pour 
les longueurs de chaque coupe , elles font prifes du point marqué K qui 
correfpond au bout du talon (*). Au-refte , il ne fera pas aifé de fe rrom- 
per ; pourvu qu'on y prête un peu d'attention. La furface concavo-con- 
vexe du verfoir, eft repréfentée par les courbes de la figure 9, dontles 
lettres correfpondent aux feétions de la fgure 8. Si quelqu'un vouloit 
changer la forme de cette furface”, ou rendre fenfble la configuration 
d’un autre verfoir quelconque , il n’auroit qu’à altérer les courbes de ces 
coupes ou feétions, pour. fixer aifément l'idée d’une autre efpèce de 
verfoir. Toute la furface concavo-convexe de imes verfoirs, eft d’une 

ièce de fer fondu , dont le modele a été fait par le Charpentier , d'a- 
près le deflin exprimé par ces mêmes deux figures 8 & 9. 


Avis de l'Editeur. 


(*) Malgré toute l'attention qu’on emploie pour donner une idée exaëte de cette 
excellente charrue ; par les figures qui la repréfentent, on craint néanmoins que leurs 
différentes échelles , & quelques perits défauts de leur accord , ne caufent des méprifes 
confidérables dans la conftruétion-pratique. Ainfi il vaudra mieux prendre pour mo- 
dule de chaque fieure, la longueur totale de fon foc avec fa queue ( repréfenté feul 
dans les Figures 5 , 6 & 7 de ces deux Planches ) car cette longueur doit être de rrois 
pieds d'Angleterre. Lorfqu’on aura réformé chaque échelle fur cette grandeur refpec- 
tive , la ligue CB de la figure 8 (EG , figure 1 sou M G de la feure 4) fera le terme, 
comme l’Auceurle dit, pour les mefures de haureur, commeoC, £K, &c. dans la 
même figure 8. Et la ligne qui tombera à-plomb fur le point K du talon de la queue 
du foc ( qui fera en effet perpendiculaire àla même ligne CB ) fervira de terme, fui- 
yant l'expreffion de l’Auteur, pour prendre la longueur de chaque coupe horifontale, 
à la droite & à la gauche de cetre perpendiculaire. N. B. La coupe Assssg de la 
figure 9 , devoir aller jufqu'au point g de certe figure dans la P/anche II. 


pt 
1774. OCTOBRE. 


296 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


LENS 


——— RENTE ETAT EEE TEE 


RAP POINT 
FAIT À L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, 


Sur la mort du fieur LEMAIïRE , & fur celle de fon 
Epoufe , Marchands de Modes à l’Enfeigne de la Corbeille 
galante , rue Saint-Honoré , caufées par la vapeur du 


charbon, le 3 Août 1774. 


Par M. PORTAL, Profeffeur de Médecine au Collége Royal , Médecin 
de Mon/feigneur le Comte d'Artois ; de l’Académie des Sciences de 
Paris , de lInflitut de Bologne , de la Societe Royale des Sciences 
de Montpellier , & de la Société médicale d'Edimbourg. 


LAcAobee a été frappée de la manière tragique dont à péri le 
Marchand & la Marchande de Modes de la Corbeille galante , rue Saint- 
Honoré ; &, comme elle eft toujours attentive à l'avancement des Scien- 
ces , & fur-tout de celles qui ont pour objet la confervation de l’efpèce 
humaine , elle m’a chargé de lui rendre compte de ce trifte évènement, 
& des caufes qui peuvent l'avoir produit. 

En conféquence, je me tranfportai , vers les cinq heures du foir,le jour 
mème de cet accident , au lieu où s’éroit paflée certe fcène tragique. 
J'entrai dans une chambre de médiocre grandeur , qui n’étoit éclairée 

ue par une feule croifée : les murailles en étoient couvertes d’une boi- 
. nouvellement peinte , mais qui n’exhaloit aucune mauvaife odeur ; 
elle étoit habitée depuis quelques femaines. 

Au milieu de certe chambre , éroient les deux corps morts, celui du 
Marchand & celui de la Marchande ( 1). Ils avoient tous deux la face 
colorée , les yeux luifans , les membres flexibles, même la mâchoire 
inférieure ; leur peau étoit encore fouple, & affez chaude ; leur bas- 
ventre étoit très tuméfié. 

Jefis diverfes queftions pour découvrir les caufes d’un accident fi 
fanefte, & j'appris qu’il y avoit un Baigneur logé au-deffous ; que le 
tuyau de la cheminée de ce Baïgneur s’ouvroit dans celle de la chambre 
oùavoient péri ces deux perfonnes; que le Baïgneur avoit allumé du 
charbon dans fa cheminée vers les cinq heures du matin, & qu’à fept 


(:) Il y avoit aufli un petit chien qui avoit été étouffé par la vapeur du charbon. 
heures 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 297 


heutes on avoit trouvé les deux Sujets morts dans leur chambre , qui 
éroit pleine de fumée ; qu'on leur avoit fair faire une faignée à la Jugu- 
laire, qu'on leur avoit donné de l’émétique | & qu’on avoir tâché de 
eur introduire de la fumée de tabac par le fondement , &c. ; Mais que 
tous ces fecours avoient été inuriles. 

Je connoïflois les altérations qu'on trouve dans le corps des per- 
fonnes fuffoquées par la vapeur du charbon , tant , d’après la lecture de 
divers Auteurs qui fe font occupés de cer objet , que d’après plufeurs 
ouvertures que j'avois faites d'hommes & d'animaux ; morts de cetre 
manière. 

J'aurois cependant voulu m’aflurer de nouveau , par l'ouverture deces 
deux perfonnes, des vraies caufes de leut mort ; car, ce n’eft qu'à force 
d’obfervations que la Médecine s’éclaire. Je follicitai les parens, pour 

u'ils me permiffent de faire l'ouverture des corps morts : mes demandes 
Étenc inutiles ; je m'attirai des menaces, & je ne pus jamais les con- 
vaincre de l'utilité de cette opération. Alors, je crus devoir m'adref- 
fer à M.de Sartine, Lieutenant-Général de Police, pour obtenir de lui 
la permiflion de faire cette ouverture. 

Ce Magiftrat, fi zélé pour le bien public, écrivit en conféquence au 
Commillaire du Quartier, pour.me faciliter les moyens de faire ou de 
faire faire l'ouverture des corps morts ; mais les inftances de celui-ci 
furent également inutiles auprès des parens , qui s’y opposèrent toujours 
fous des prérextes puérils & fuperftitieux; de forte, que je ne pus venir 
à bout de remplir les intentions de l’Académie, ni fatisfaire l'envie que 
j'avois d'acquérir de nouvelles notions fur la caufe de la mort des per- 
fonnes fuffoquées par la vapeur du Charbon. 

Cependant, la mort tragique qui venoit d'enlever ces deux époux, & 
qui moiffonne tous les ans un fi grand nombre de Citoyens d'une ma- 
pière aufli prompte qu'imprévue, cette trifte mort fixa mon attention : 
je me rappellai mille hiftoires femblables ; & , comme je favois que plu, 
fieurs perfonnes, avec tous les fignes de la mort , avoient été rappellées 
à la vie par divers moyens, & que je craignois que d’autres n’euflent le 
malheur d'être enterrées vivantes, je crus qu’il n’y avoit rien de plus 
utile que de recueillir tous les.moyens falutaires qui avoient été mis 
en ufage, de les préfenter à l'Académie & au Public, pour en faciliter 
l'exécution ,1& pour les faire connoître de plusenplus. , 

J'ai vu plufieurs fois employer desmoyens pour rappelleràla vie des 
perfonnes fuffoquées par des vapeurs méphitiques . plus dangereux en+ 
core que la caufe pour laquelle on les employoit ; & je ne doute pas 
que plufieurs de ces malheureufes viétimes n'euffent revu le jour , fi 
on leur avoit adminiftré les fecours convenables, ou du moins ;f.on 
eût laiffé agir lanature qui rend d’elle-mème à fa confervation , lorf- 
qu'il lui refte encore quelques reffources. 


Tome IV, Part. IV. 1774. OCTOBRE. P P 


298 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Il eft doncellentiel de tracer une méthode que l’on puilfe fuivre pour 
fecourir promptement & avec fuccès les perfonnes frappées par des va- 
peurs méphitiques ; il en périt un fi grand nombre de cette manière, 
qu’on ne fauroit trop s'occuper des moyens d’y remédier. En effet, il 
n’eft point d'années que ces vapeurs n’enlèvent des Citoyens à l'Etar:, 
foit dans des chambres étroites, dans des lieux habités par trop de mon- 
de, & où l'air ne circule point affez librement, foit dans l’exploita- 
tion des mines & des carrières. L'on voir tous lesjouts des Foffoyeurs, 
des Vuidangeurs érouffés de cette manière. Ces accidens font encore 
fréquens dans les lieux où l’on fait le vin , principalement dans la 
Guienne & le Languedoc. 

Pour traiter cetre queftion avecordre , j’examinerai 1°.les altérations 
qu'on trouve dans les corps des ares font mortes fuffoquées ; 

2°, J'expoferai les recherches que j'ai faites pour découvrir la caufe 
qui les produit ; 

3°. Je traiterai enfuite des moyens qu'il faut employer pour rap- 
peller à la vie ceux qui ont été fuffoqués par cette efpèce de vapeur. 


CHAPITRE PREMPFER 


Obfervations faites à l'ouverture du corps des perfonnes uffoquées par la 
vapeur du charbon , par celles des liqueurs en fermentation , & par celle 
d’autres vapeurs méphitiques. 


N o us avons peu d'obfervarions en ce genre ; mais celles qui ont été 
recueillies, prouvent inconteftablement que l'on trouve dans le corps 
des perfonnes fuffoquées par des vapeurs méphitiques , 

1°, Les vaifleaux du cerveau gorgés de fang ; les ventricules de ce 
vifcère quelquefois pleins d'une roté écumeufe , & quelquefois fan- 
guinolente. 

2°. Le tronc de l'artère pulmonaire eft très diftendu par le fang qu'il 
contient ; les poumons paroiffent dans l’état à-peu-près naturel. 

3°. Le ventricule droit & loreillerte du cœur, les veines-caves 
& les veines jugulaires , font pleines d’un fang écumeux. 

4°. On trouve fouvent de la férofité fanguinolente dans les bronches. 

s°. Le tronc des veines pulmonaires & l'oreillette gauche , font vui- 
dés, ou prefque vuides de fang; on trouve aufñfi , pour l'ordinaire , le 
ventricule gauche & le tronc de l'aorte vuides de fang. 

6°. Le fang que l’on trouve dans les endroits indiqués , eft fluide 

ur l'ordinaire , & comme moulfeux. Il s’extravafe aufñli facilemenc 
dans le tiflu cellulaire de la rère principalement, parce que c’eft dans 
cette partie que le fang abonde. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 299 


7°. L'épiglorre des perfomnes mortes de fuffocation eft relevée , & la 
glorre ouverte & libre. 

80. Mais leur langue eft extraordinairement épailfe ; à peine peut- 
elle contenir dans leur bouche : c’eft ce que j'ai obfervé dans le cadavre 
d'un homme fuffoqué par la vapeur d'un vin qui fermentoit : fa langue 
noircit, & fe gonfla extraordinairement en très- peu de tems. Une 
Blanchiffeufe qui avoit été frappée par la vapeur du charbon, & qu’on 
croyoit morte, étant revenue à la vie , après avoir été expofée à l'air 
libre, fe plaignit pendant long-tems d’une grande difficulré d'avaler. 
Elle difoit que fa langue étoit fi groffe qu’elle ne pouvoit la contenir 
dans fa bouche. 

Je la vis huit jours après l’accidenc, & je lai confeillai de fe faire fai- 

ner à la veineranine , & de fe gargarifer avec du vinaigre affoibli avec 
de l’eau. Elle ne fe fit point faigner ; mais elle retira un fi grand avan- 
tage de l’ufage du vinaigre, qu’elle fut bientôt guérie du gonflement de 
la langue , & dela difficulté d'avaler , qu’elle avoir éprouvée. 

9°. Les yeux des fuffoqués par des vapeurs méphitiques, font faillants; 
& , bien loin d’être ternes , ils confervent leur éclar jufqu’au deuxième 
& même jufqu'au rroifième jour après la mort : fouvent leurs yeux 
font plus luifans alors qu'ils ne l’étoient naturellement : obfervation 
trèsimportante, & contraire à l'opinion de M. Winflow , qui dit 
d'une manière trop générale que les yeux des mourans fe couvrent 
d’une pellicule qui en trouble latranfparence ; car, cela n’a lieu que dans 
ceux qui meurent après une longue agonie. 

On peut aufli avancer que les yeux de tousles Sujers qui ont péri par 
un coup de fang dans la tête , font faillans & plus luifans que de cou- 
tume : c’eft ce que j'ai obfervé dans les apopleétiques que j'ai ouverts. 

10°. Les corps des perfonnes fuffoquées par des vapeurs méphiti- 
ques, confervent long-rems leur chaleur ; elle eft mème quelquefois 
plus forte immédiatement après la mort que pendant la vie & que duns 
la parfaite fanré. Le célèbre de Haën (1) a fait certe obfervation fur des 
Sujets morts de différentes maladies; mais nous nous en fommes 
convaincus principalement dans quatre perfonnes mortes fuffoquées , 
trois par la vapeur du charbon , & [a quatrième , par la vapeur du vin 
qui fermentoit. 

La chaleur fe conferve auffi très-longtems dans le corps des apo- 
plectiques : on a des exemples frappans de ce que j'avance. Je citerai ; 
entr'autres, celui du Pere Gardien des Capucins , mort fubirement à 
Montpellier, il y a environ dix ans, & qu'on conferva très long-tems 
fans l’enfevelir , parce que fon corps étoit très-chaud. Les papièrs pu- 
blics ont fait mention , 1l n’y a pas long-tems, d’un évènement à-peu- 


(x) Voyez principalement Rationis medendi , tome IL, édition de Paris, 


1774. OCTOBRE, Php 


300 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


près femblable, arrivé à Vienne en Autriche. Enfin, les Auteurs rappor- 
tent diverfesobfervations qui prouvent que les corps des perfonnes mor- 
tes d'apoplexie, ou qui ont été tuées par des vapeurs méphiriques, 
confervent long terns la chaleur. 

11°. Les membres font flexibles long-rems après la mort, & on 
peut leur faire exécuter rous leurs mouvemens avec la plus grande faci- 
lité : par conféquent , un homme peut être mort fans avoir de la rigi- 
dite dans les membres (1). . 

12°. Le vifage des perfonnes fuffoquées par la vapeur du charbon ou 
autres vapeurs méphitiques , eft plus gonflé & plus rouge qu’à l’ordi- 
naire ; les vaiffeaux fanguins qui s’y diftribuent, font gorgés de fang. 

13°. Le cou & les extrémités fupérieures font quelquefois fi gon- 
flés , que ces parties paroiffent enflées, fans cependant conferver l’im- 
preflion du doigt , comme cela arrive dans l’œdème. 

Tel eftle réfulrar des obfervations qui ont été faites par divers Ana- 
tomiltes , & que j'ai faires moi-même fur le copss des perfonnes qui 
ont été fuffoquées par la vapeur du charbon, des liqueurs en fermen- 
tation , de certains fouterrains & de quelques mines. On pourra trouver 
plufeursobfervations qui juftifient ce que j'ai avancé dans les Ouvrages 
de MM Lanfoni(2), Méad (3), Morgagni (4) & Lieutaud (5), Mé- 
feray (6), Sauvages (7), Haguenor (8), & dans divers autres qu'il 
feroit troplong de citer ici. 

Divers animaux ont été foumis à des expériences, J'ai fait enfermer 
dans une caille de bois, rantôr un chien ,tantôtun chat , & quelquefois 
des oifeaux. J'avois fair pratiquer à cette caille une ouverture à laquelle 
évoit adaptée l'extrémité rétrécie d’un entonnoir; le pavillon de cer en- 
tonnoir , étoit inférieur , & recouvroit un réchaud dans lequel on allu- 
moit du charbon, ou dans lequel on brüloit du foufre & des matières 
arfenicales. Tous.les animaux qui ont été foumis à ce genre d’expé- 
riences , onc péri en très-peu de rems :.je lesai ouvetts , & j’ai toujours 
trouvé les vaiffeaux du cerveau gorgés de fang , le ventricule & l'oreil- 
Jette droite du cœur, ainf que les vailfeaux qui s’y abouchent , égale- 
ment pleins de fang; tandis que le ventricule gauche , l’oreillerte & les 
veines pülmonaires qui lui correfpondent, étoient vuides , ou he con- 
tenoient prefque point de fang ; mais ce fang étoit fi raréfié qu'il écoit 
D STE RS SSP ES EDR RE IEEE PEER LR PERTE OBS GE BTS 

(x) Voyez auffi une Obfervation de M. Morgagni, épift. XXX, art. II, 

(2) De fedibus & caufis Morborum. 

(3) Opera omnia de Venenis. . 

{4) Expofitio mechanica Venenorum. 

(s) Hiflorta anatomica-medica, 

(6) Maladies des Armées, 


(7) Nofologia methodica.' 
(8) Sur le danger des inhumations dans les Eglifes, 


ge te sien 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3o1 


mouffeux : je ne lai jamais vu tel dans les hommes ni dans les animaux 
qui font morts noyés ; c'eft cependant ce que le célèbre Meckel à 
avancé , mais qui ne fe trouve point confirmé par nos obfervarions , 


ni par nos expériences. 


CHAR EDR: BE 


Obférvations fur la caufe de la mort des perfonnes fuffoquées par des 
vapeurs méphitiques. 


E: R M1 toutes les altérations qu'on trouve dans les corps des fuffo- 
qués, n’y en a-t-il pas une de laquelle toutes les autres dépendent, & 
qu'on puille regarder comme la caufe immédiate de la mort ; & n’eft-ce 
pas dans le poumon qu’il faut la chercher ? IL s’exhale des miafmes du 
charbon dans la première ignition, des liqueurs en fermentation , des 
fouterrains que l'on ouvre , ou des mines que l’on fouille ; à peine l'air 
eft-il chargé de ces miafmes, qu’il devient infuffifant pour la refpira- 
tion : les hommes qui y font foumis éprouvent d’abord une extrême dif- 
ficulté de refpirer ; ils ouvrent la bouche pour recevoir une plus grande 
quantité d’air (1) ; mais c’eft en vain qu'ils font des efforts pour éviter la 
mort : l'air ne peut plus diftendre leur poumon , & le fang eft forcé de 
s'arrêter & de s’accumuler dans les vaiffeaux de la tète , comme nous le 
prouverons plus bas ; ce’qui les fait périr d’apoplexie. 

Il feroi fans doute intéreffant de découvrir la qualité des miafmes qui 
corrompent l'air , de favoir comment ils le rendent infufhifantà la ref 
piration, & comment ils tuent fi promptement les hommes & les ani- 
maux (2); mais c’eft aux Phyficiens à faire des recherches à ce fujer. 11 
fuffit de nous être convaincus par l’obfervation & par l'expérience, que 
l'air infecté de pareils miafmes n’eft plus propre à la refpiration , & que 
les perfonnes qui y font foumifes périflent fubitement , avec tous les 
fymptômes de l’apoplexie. 

On eft aufli en droit de croire que les vapeurs méphitiques agiffenc 
fur les nerfs, & les affeétent dangereufement , mais d’une manière in- 


(1) À la faveur d’un verre adapté à une caïffe dans laquelle des animaux avoient 
été renfermés , & dans laquelle on introduifoit des vapeurs méphitiques , j'ai examiné 
ces animaux au moment qu'ils expiroient , & je les ai vus ouvrir léur gueule ou leur 
bec , & faire des efforts impuiffans pour refpirer, 

(2) Les oifeaux expolés aux vapeurs du charbon y réfiftent fi long-tems, qu'on a 
de la peine pour les fuffoquer ; les quadrupèdes y périffent plus vîte ; les chats réfiftenc 
davantage que les chiens. Nous en avons vu périr dans l'efpace de deux fecondes; ils 
tombent dès que [a vapeur méphicique les affe@e , ne font plus aucun mouvement, 


& périflent dans l’afloupiffement le plus profond, 
1774. OCTOBRE. 


302 OBSERVATIONS SUR LAPHYSIQUE, 


connue. Elles agiffent encore fur le fang, & le raréfient tellement , 
qu'il force les vaiffleaux qui devroient le contenir : le fang devient 
mouffeux , ce qui doit néceffairement troubler , arrêter même la cir- 
culation (1). 

Maintenant , pour concevoir comment périt un animal fuffoqué par 
des vapeurs RE ES , il faut fe rappeller la diftribution des vaif- 
feaux fanguins du poumon , & les ufages non-équivoques de ce vifcère , 
relativement à la circulation. L’artère qui porte le fang au poumon , eft 
à-peu- près aufli grofle que l'aorte ; il eft donc à préfumer qu’elle reçoit 
autant de fang que l'aorte , ou au moins une quantité très-confidérable : 
les rameaux des artères pulmonaires font extrèmement cortueux dans les 
poumons affaiflés : cela eft démontré. 

L’injection la plus fine , pouffée alors dans le tronc de l’arrère pul- 
monaire , ne parvient point dans les dernières ramifcations artérielles , 
& jamais ne pénètre dans les veines pulmonaires : mais, fi l’on poufle 
l'injection dans l’artère pulmonaire d'un poumon bien gonflé d'air, on 
la fera facilement pafler jufques dans les veines pulmonaires. 

C’eft une expérience qui nous a réuñli plufieurs fois , & qui a été 
faite par Ruyfch & par Kaau Boerhaave : elle prouve que les vaiffeanx 
du poumon font beaucoup plus perméables au fang , lorfque ce vifcère 
eft diftendu par un air élaftique , que lorfqu’il eft affaiflé, qu’il eft vuide, 
d'air , ou qu'il eft dans l’état d’expiration. L'air , en s’infinuant dans le 
poumon , en dilate le tiffu lobulaire , & rend les vaiffeaux , qui étoient 
auparavant cortueux , plus droits qu'ils ne le font lorfque le poumon eft 
affaiflé. 

Le fang parcourt donc facilement le poumon pendant l'expiration ; 
& la circulation eft très-gènée , & mème fufpendue dans le poumon 
pendant l'expiration. h 

C'eit cependant dans cer état d'expiration que font les poumons des 
perfonnes qui fe trouvent dans un lieu infeété par des vapeurs méphiti- 
ques. Le fang donc ne peur pafler du ventricule droit au ventricule gau- 
che, parla réiftance qu’il éprouve dansle poumon : s’il traverfe ce vif- 
cère , ce n’eft certainement qu'avec beaucoup de peine , & en petite 
quantité ; aufli s’accumule-t-1l dans l'artère pulmonaire , laquelle ne 
peur plus recevoir le fang du ventricule droit : la veine-cave & les 
jugulaires fe rempliffent, les finus du cerveau, & les veines de ce vif- 
cère fe dilarent par le fang qui s’y ramafle ; & fans doure que la fubf- 
tance du cerveau fouffre alors une telle compreffion , que l’apoplexie ne 


A + EE DR EP NE EE CE 


(1) Noué avons voulu imiter en quelque manière cette raréfaétion du fang, en 
failant (ouffler de l'air dans les vaiffeaux des animaux vivans * : & certe feule caufe 
a fui pout exciter des palpitations du cœur , des afloupiffemens , & enfin la mort, 


* Voyez notre Mémoire fur les maladies de l'Epiploon. Académie des Sciences ; anne 1771. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 303 


peut manquer de furvenir : cette compreflion du fang far le cerveau eft 
d'autant plus grande , que le fang eft très-raréfié & écumeux. 

MM. de Lamure & de Haller nous ont appris que , pendant l’ex- 
piration , le fing refuoit de la veine-cave , dans les veines jugulaires, 
& de celles-ci, dans le cerveau, enaffez grande quantité , pour le gon- 
fler & le foulever. 

Or, fuppofez que cet érar de violence fubfifte, comme cela à lieu 
dans une perfonne fuffoquée par des vapeurs méphitiques , & vous con- 
cevrez que la caufe de la mort CRE néceflairement du fang qui fe ra- 
maffe dans le cerveau , pat la réfiftance invincible qu'il éprouve dans le 
poumon ; & ce qui prouve bien certe réfiftance , c’elt la vacuiré des veines 
pulmonaires, & du côté gauche du cœur ; tandis que les vailleaux du 
côté droit du cœur font pleins de fang. 

Je n'ignore pas que quelques Médecins ont penfé que le poumon 
des perfonnes fuffoquées éroit plutôt dans l’état d’une infpiration forcée 
que dans celui où il fe trouve pendant l'expiration; l'air, dit-on ; qui 
s'y cft infinné , eft fi élaftique , que les forces motrices de la poitrine , & 
qui opèrent l'expiration , ne font plus capables de chaffer l'air renfermé 
dans les bronches; mais, outre qu'il eft faux que l’élafticité de l'air foie 
augmentée , puifque le mercure d’un baromètre , expofé aux vapeurs 
méphitiques, ne monte pas d’un feul degfé, comme Méad Va obfervé; 
& fuppofé que l’élafticité de l'air für augmentée , 1l faudroic qu'elle le füe 
extraordinairement, pour contre-balancer l’action des puiffances qui 
opèrent l'expiration. Un animal à qui l’on injeéte de l’eau dans les bron- 
ches , par une ouverture pratiquée à la trachée-artère , la rejerte à deux 
pieds de haut , par une forte expiration. Perfonne n’ignore que par 
l'expiration, ou par le foufle , on peut diftendre une veflie chargée d’un 
poids énorme ; il faudroit donc que le reffort de l'air füt prodigieux , 
pour égaler & pour furpalfer les puiflances qui produifenr l'expiration. 

Mais les expériences du célèbre Defaguliers prouvent évidemment 
qu'un animal peut vivre dans un lieu où l'air eft huit fois plus condenfé 
qu'il ne l’étoit primitivemenr, : 

Mais, quand bien même les faffoqués périroient par une infpiration 
forcée , il ne feroit pas moins vrai que la circulation du fang feroit arrè- 
rée dans le poumon ; car, c’eft par l'expiration qui fuccède à l'infpira- 
tion , que le fang eft pouffé des artères dans les veines pulmonaires ; & 
alors , dans l'infpiration , même forcée & trop long-tems continuée , le 
fang doit s'accumuler dans les parties fupérieures, gonfler les vaiffeaux 
du cerveau : on n’a, pour s’en convaincre , qu'à examiner les perfonnes 
qui, pour faire de grands efforts , retiennent long-tems leur haleine, 
Des enfans font morts par l’effec de la colère ; & l’on a trouvé à l’ou- 
verture de leur corps, les vaiffeaux du cerveau gorgés de fang. J'ai ou- 
vert ; dans la rue Mazarine, le corps d’un homme dont la profefio: 

1774. OCTOBRE. 
ex 


304 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


éroit de donner du cor de chaffe : il étoir extraordinairement maigre , 
& il périt en jouant de cet inftrument : je trouvai à l’ouverture de fon 
corps , les vailleaux du cerveau gorgés de fang , ainfi que ceux du pou- 
mon, Camerarius (1) parle d’un homme qui, en fufpendant fa refpira- 
tion, diminuoit fi fort les battemens du cœur & des arrères , qu'on le 
croyoit mort. 

Ces exemples, dont nous pourrions facilement augmenter le nom- 
bre , prouvent que la circulation ne fe foutient que par la refpiration , 
& qu’elle celle dès que la refpiration eft arrêtée. p 

Chez les perfonnes qui périffent fuffoquées par des vapeurs méphiti- 
ques, la refpiration eft la première fonétion léfée; & par cette caufe , 
le cœur & Les arrères perdent leurs mouvemens , fans qu’on puifle pour 
cela certifier la mort du fujer. 

Cependant, ce n'eft fouvent que d'après cette abfence des battemens 
du cœur , & des pulfations des artères:, qu’on ofe alfurer & certiñer la 
mort d'une perfonne (2). 

Mais ce figne eft fi illufoire , f incercain , que dans beaucoup de cas 
on ne fent aucun battement dans le cœur, ni aucune pulfation dans les 
artères, chez des perfonnes qui vivent (3), & qui recouvrent leur fanté 
d’elles- mêmes , ou par des fecours diverfement adminiftrés. 

Mais il eft certain que la circulation du fang peut être ralentie & 
mème fufpendue , du moins en apparence, pendant un tems plus ou 
moins long, fans pour cela que le principe de la vie foit éteint; & 1l 
fuffic alors de ranimer cette circulation, ou d’attendre que la nature elle- 
même la ranime, pour voir , pour ainfi dire , revivre le fujet ; ce qui 
eft arrivé plus d’une fois. 

N'a-t-on pas vu des afphyxies (4) qui ont duré plus d’un jour ? & 
combien de perfonnes n'a-t-on pas enrerrées qui ctoient encore 
en vie ? 

Mais, G jamais on peut commettre des erreurs pareilles, & dont l'idée 
feule révolte la nature, c’eft à l'égard des perfonnes fuffoquées par des 
vapeurs méphitiques ; & c'eft pour prévenir un tel malheur, que nous 
n'avons point craint de communiquer nos idées fur un fujet aufli im- 
portant. 


EEE ER EE VO RTS TEEN 


(1) Cité par M. Haller, E/ementa phyfol. Tome III, page 254: 

(2) Des animaux qui ont été foumis à nos expériences, plufieurs n'ont pas été rap- 
pellés à la vie, quoiqu'ils paruffent moins dangereufement affectés que d’autres qui 
ont revu le jour ; ce qui prouve combien les fignes de la mort fonc incertains , en cas 
de fuffocarion par des vapeurs méphitiques. 

(3) Voyez Bruyer, ur l'incertitude des fignes de la mort. Louis, [ur La certitude des 
Jignes de la mort. 

(4) C'eft une privation fubire du pouls, de la refpiration ; du fentiment & du mou- 


yement, ouune mort apparente, 
CHAPITRE 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 30$ 


CIORPAAT EME DURE" "TTL. 


Des fecours que l'on doit donner aux perfonnes qui ont été fuffoquées 
par des vapeurs méphitiques. 


L E premier objet qu'on doit fe propofer pour rappeller à la vie les 
ÉRRnee fuffoquées par les vapeurs méphitiques ; c’eft 1°. de diminuer 
a preffion que lefang fait fur le cerveau ; & l’on y réuflira par les fai- 
gnées , principalement par celle de la jugulaire, qui dégorge plus direc- 
tement les vailfeaux de la tête, que les faignées du bras & du pied ; 
mais il faut évacuer par cette faignée une grande quantité de fang : l'in- 
dication eft de défemplir les vaifleaux du cerveau , qui font gorgés d'un 
fang très-raréfñié ; & l'on ne peut produire cet effer, qu’en un une 
faignée très-copieufe ; il faudroit même y recourir de nouveau , fila 
première ne paroifloit pas fufifante. 

2°, L'expérience a prouvé que l’ufage des acides étoir très-falutaire, 
c'eft pourquoi l’on doit faire avaler au Sujet , fi on le peut, du vinaigre 
affoibli avec trois parties d’eau; on doit auffi Le lui donner en lavement 
avec autant d’eau froide : les friétions faites avec le vinaigre, ont été 
utiles à plufieurs. J'ai vu des perfonnes incommodées de vives douleurs 
de têre , pour s'être expofées à la vapeur du charbon , lefquelles fe fonc 
toujours bien trouvées de l’ufage du vinaigre,pris de la manière que nous 
venons de leconfeiller ; & le célèbre M. de Sauvages le recommande, 
avec raifon , contre toutes les vapeurs méphitiques. 

3°, 11 faut expofer les corps des fuffoqués au grand air, leur ôter leurs 
vêtemens fans craindre le froid : l’obfervation prouve que la chaleur eft 
alors plus préjudiciable qu'utile : elle n’eft déja que trop grande das ces 
Sujets, fans qu'il faille l'augmenter : ils ont befoin d'un air élaitique & 
pur ; c’eft pourquoi il faut promptement les fortir de leur chambre, pour 
les porter dans la cour ou dans la rue , à moins qu’en ouvrant les fenê- 
tres & les portes , on puille établir dans cette chambre plufieurs cou- 
rans d'air. 

4°. Bien loin de mettre les fuffoqués dans des lits de cendre , comme 
on le fair à l'égard des noyés, il faut leur jerter de l'eau fraîche deffus : 
c’eft ce que Borel ( 1) a’fair avec fuccès ; ce que M. de Sauvages recom- 
mande dans fa Nofologie (2), & ce qui eft conforme à la bonne théorie 
& à l’obfervation, 


(1) Cent. 2. 
(2) Tome I, pag. 814. 
Tome IF, Part. IV. 1774. OCTOBRE. QJq 


306 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 

En effer, les vaifeaux étant gorgés par le fang , qui eft très-raréfié ,1f 
eft plus naturel de le condenfer par une liqueur froide, que de l’agiter 
davantage par l'application des  e chauds; aufli n’y a-t-1l rien de plus 
préjudiciable que l'adminiftration des liqueurs fpiritueufes , qu’on s'opi- 
niâtre à faire prendre aux malheureux qui ont refpiré des vapeurs mé= 
phiriques. 

Un autre abus qu'on commet très-fonvent, c’eft de prefcrire l’émé- 
tique dans ce cas. Rien n’eft plus propre à déterminer le fang versle cer- 
veau que le vomiffement ; il faut donc l’éviter, au-lieu de l'excirer. Je 
n'ai vu aucun des fuffoqués à qui on a prefcrit l’émérique , revenir à la 
vie. Le célèbre Morgagni ; qui a blâmé l’ufage des vomitifs dansla plu- 
part des apoplexies, & qui doute qu’on doive jamais y recourir dans 
certe maladie , fe feroit bien récrié s’il eût vu prefcrire l'émérique dans 
le cas d’une fuffocation occafionnée par des vapeurs méphiriques. Il n'y 
a point d'évacuation à opérer; l’irritation qu’on produit, & les mou- 
vemens de l’eftomac qu'on fufcite, aggravent la caufe de la maladie, 
au- lieu de concourir à la diffiper. 

Je necomprends pas non plus , fur quel principe on fonde l’ufage d’in- 
troduire de la fumée de tabac par le RUE : pour quelques arômes 
de tabac qui s’infinuent dans le canal inteftinal , ily pénètre une grande 
maffe d’air qui fe développe en fe raréfiant ; alors , les ineftins & l'efto- 
mac fe diftendent , & refoulenrle diaphragme vers la poitrine; ce qui 
produit néceffairement une compreflion fur le poumon , augmente l’en- 
gorgement de ce vifcère, & s’oppofe à l'introduétion de air dans les 
bronches , & à l’expanfon du poumon, dans laquelle le fang ne peut re- 
prendre fon cours, & fans laquelle le Sujet ne peut être rappellé à la vie. 
On pourroit fuppléer à la fumée de tabac, par les lavemens irritans. 

$°. Mais enfin , fi tous ces fecours font inutiles , il faudra introduire 
de l'air dans la trachée-artère , pour gonfler les poumons. En effet, le 
principal objet qu’on doive fe propofer pour rappeller à la vie les per- 
fonnes fuffoquées par des vapeurs méphitiques , c'eft de lever l'obftacle 
qui s’oppofe à la circulation du fang dans le poumon. 

Si l’on eft affez heureux que d’y parvenir avant que le fang foir figé 
dans les vaiffeaux , il s’infinuera danses veines pulmonaires, parviendra 
dans le cœur, &l’irritera; car , il eft fon véritable /frulus (x) ; le ventri- 
cule gauche recouvrera les mouvemens qu'il avoit perdus au moment 
qu’il avoit été vuide, & de-là, un commencement de circulation : c'eft 
de cette manière que l’on a rappellé à la vie plufeurs perfonnes qu’on 


(1) MM. de Senac & de Haller Me que l’influx du fang dans le cœuren 
reflufcitoit les mouvemens ; ils on auffi obfervé que le côté gauche du cœur , qui 
meurt le premier , étoit auffi le premier vuide de fang. 


SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 307 


croyoit étouffées par des vapeurs méphitiques , & que l’on à reffufcité 
des noyés. 

En effet , l'air qu’on introduit dans les bronches , diftend le tiffu lobu= 
laire, qui éroit affailfé : les vaiffeaux, qui étoient tortueux , fe déplienr, 
& le fang n’éprouve plusautant de réfiftance ; il eft mème déterminé , par 
la preffion qu’il éprouve à s’infinuer dans les veines pulmonaires. 

C'eft en foufflant dans la trachée-artére , que Véfale ranima les mou- 
vemens du cœur d’un Gentilhomme Efpagnol ; expérience, cependant, 
gui lui fur bien fatale, puifqu’elle manqua de lui coûter la vie. On fait que 

e fupplice auquel ce Prince des Anatomiftes avoit été condamné , fut 
commué en un pélerinage à Jérufalem, au retour duquel il fut jetté dans 
l'Ifle de Zante , où il mourut de faim. Plufeurs Anatomiftes ont > depuis 
cette époque , éprouvé que le meilleur moyen de ranimer les mou- 
vemens du cœur , étoit celui de foufiler dans les poumons. 

C'eft par une telle méthode que Riolan les a reflufcités. Bien plus, 
W'epfer ne craignoit pas d'aflurer , qu’il n’y avoit pas de meilleur moyen 
de ranimer un homme mort depuis peu, & par diverfes caufes , que de 
fouffler dans le poumon : c’eft de quoi nous nous fommes convaincus par 
l'expérience fur des animaux fuffoqués, & fur d’autres que nous avions 
noyés. M.Hoffenftock , Médecin de Prague , a auf fait les mêmes expé- 
riences, & elles lui ont offert les mêmes réfulrats , principalement fur 
des animaux noyés. 

Nous dirons ici , en paffant, que nous avons foufflé dans la bouche 
d’un enfant qui n’avoit pas encore donné des fignes de vie, avec untel 
fuccès , qu’à peine le foufile parvint-il dans le poumon de cet enfant, 
qu'on le vit mouvoir les yeux, & qu’on l'entendit touffer avec effort ; 
1l rendit par la toux & par le vomiffement , des glaires qui remplifloient 
fes bronches (1), & il refpira enfuite avec facilité. Cette obfervation 
mérite d’être difcurée ailleurs plus au long ; elle eft de la plus grande 
importance. 

Mais , la méthode d'introduire de l'air dans les voies aériennes des 
perfonnes qui ont refpiré des vapeurs méphitiques, eft d’une telle uti- 
lité , que c’eft fur elle qu’on peut principalement compter pour les rap- 
peller à la vie. 

I eft deux moyens d'introduire l'air dans les bronches ; le premier , 
& qui eft le plus sûr , c’eft de faire une ouverture à la trachée-artère, & 
d'yintroduire un tuyau à vent ; mais, comme le peuple craint beaucoup 
cette opération, & que celui qui la pratique fur une perfonne fuffo- 
quée , pourroit palfer pout fon affaflin , il ne faudra y recourir que lorf- 
ri RL 

{1) Voyez l'Extrait d'un Corps de Phyfiologie expérimentale que j'ai fait aù Collége 


Royal, en 1771, publié par M. Colomb, alors Etudiant en Médecine , à préfent 
Dorteur en Médecine de la faculté de Montpellier. 


1774 OCTOBRE. Qag2 


308 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


que le fecond moyen aura manqué : ce moyen confifte à introduire un 
tuyau recourbé dans une des narines, & de fouffler dans ce tuyau : l’ex- 
trémité de ce tuyau tombe alors perpendiculairement fur la glotte , & 
l'air y pale avec autant de facilité , que fi le canal dont on fe fert pour 
porter l’air dans les poumons , & celui de la trachée-arrère , éroiert 
contigus. 

Par le moyen que nouspropofons pour fouffler les poumons , on ne 
rifque point de baiffer l’épiglotte, & de fermer l'ouverture qui conduit 
à la trachée artère , ce qui arrive lorfqu'on introduit le tuyau à vent dans 
la bouche , laquelle bouche la glotre : parvenu vers la bafe de la langue, 
il abaifle l’épig'otte : & le vent ne peut alors s’infinuer en aucune ma- 
nière dans les poumons; mais il parvient dans les voies alimentaires, 
qu'il gonfle & qu’il diftend inutilement. 

Ce moyen d'introduire l'air dans les poumons , à la faveur d’un tuyau 
infinué dans une des narines , eft autant avantageux , à tous égards, que 
l'ufage d'introduire le même ruyau par la bouche eft dangereux , puif- 
qu'on rifque d’étouffer ie malade , s’il refpiroit encore un peu. 

On doit obferver de comprimer la narine ouverte , lorfqu’on pouffe 
Pair dans le tuyau recourbé, qu'on introduit dans l'autre narine : fans 
cette précaution ,une partie de l'air pourroit refluer & forcir par la narine 
ouverte. Pour fouffle”dansla poitrine d’un homme fuffoqué par la vapeur 
d’une mine de charbon, le Chirurgien Toffach ne craïgnit pas d’appli- 
quer immédiatement fa bouche fur celle du Sujet qu’il vouloir ranimer. 
Il avoit le foin en même-tems de ferrer fes narines, pour empêcher 
l'air de refluer au dehors , & parce moyen , ilrappella à la vie un homme 
qui auroit immaquablement péri fuffoqué par la vapeur du charbon. 

On pourroit fuivre ce procédé lorfqu’on n’auroit pas fous fa main un 
tuyau à vent , quoiqu'il foit aifé de s’en procurer un : on trouve par- 
tout une pipe , un morceau de rofeau, une gaïîne de couteau , dont on 
couperoit la pointe, &c. 

Mais enfin, fices divers moyens de conduire l'air dans le poumon ne 
réufifloient pas promptement, il faudra faire une ouverture longitudi- 
nale à la partie antérieure de la trachée-artère , à la faveur de laquelle 
onintroduira l'extrémité d’un tuyau , à l’autre extrémité duquel le Chi- 
rurgien , ou quelqu'un des afliftans , foufflera avec{a bouche , à diverfes 
reprifes , pour diftendre les poumons. 

Il n’eft point inutile de dire qu’on doit mettre la plus grande célérité 
dans l’adminiftration des fecours que nous propofons : le rems preffe, 
& plus on retarde, plus on doit craindre qu'ils ne foient infruétueux. 

Si tous ces fecours font infuffifans , on peut , pour ne rienomettre , 
faire des fcarifications à la plante des pieds ou des mains : on peut auffi 
appliquer les ventoufes en divers endroits du corps; mais on doit peu 
compter fur ce moyen , quand ceux que nous avons déja confeillés n’ons 
point réufli. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 309 


Noa. Que l'un des aides qui ont été employés pour fuffoquer, des 
animaux a été atteint d’un violent mal de tête qui a été guéri par de fré- 
quens gargarifmes!avec du vinaigre, adouci avec autant d'eau, & par la 
boiffon de. l'oxycrar. Nous recommandons à ceux qui éprouveront 
des maux de rête caufés par la vapeur du charbon , l’ufage du vinaigre, 
pris de cette manière , & mème en lav mêle avec autant d’eau, 
On en aideroir l’effec par une faignée, toit néceflaire. 

La plupart des expériences fur les animaux, dont il a éré queftion 
ci-dellus , ont été faites par M. Andravi, Chirurgien crès infiruit. 


NO Tel Dior Gb 
DE M MEYER. 


Touchant la formation du Verre , pour fervir d’éclairciffe- 
ment à celle du Cryflal, & autres pierres tranfparentes ; 


Traduite de l'Allemand de M. Wrecze8, Apothicaire à 
Langen-Salrza , en Saxe ; 


Par M. DREUX , Apothicaire de l'Hôtel Royal des Invalides. 


M. Meyer avoit préfenté fes idées fur la vitrification dans fon Trairé 
de la Chaux. W y avoit avancé que l'acidum pingue devoit être un inigré- 
dient abondant du verre ; qu'il en faifoir la troifieme partie conftitaanre 
conjointement avec la terre filiceufe & le fel alkali, & qu'il n'y falloir 
rien de plus. Maïs, comme dans les propriétés de l'acidum pingüe | 
avoit aufli apperçu & fouvent démontré que cet acidum pingue étoit très- 
avide d’eau , il fe fair à lui-même cerre queftion : d’où vient que le verre 
réfifte fi fort à l’eau & à roures les liqueurs fortes ? Alors , il merenavant 
fa nouvelle opinon qui confifte en ce que; comme dans la vitrification 
de la terre calcaire & filiceufe, non-feulement il s'y mêle beaucoup 
d'acidum pingue du feu, mais qu'il s'y unit auffi très inrimemenr une 
grande quantité de matière de la lumière , laquelle matière de la lumière 
n’a aucune affinité avec l'eau , il doit s’enfuivre aufli-bien de la part de 
certe dernière , que de la part de la verre sèche , que le verre ne peut 
point fe diffoudre dans l'eau , ni fe laifler enlever l'acidum pingue qui et 
uni avec la terre ; tout dé mème que l’éhu ne peut point'avoir non plus 
d'accès auprès de l'acidim pingue dans lé charbon dé bois’, à caufe dé la 
1774. OCTOBRE. 


310 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


grande abondance des particules de lumière qui fe trouvent dans le 
charbon, & qui empêchent l’eau de pénétrer jufqu'à l’acidum pingue 
qu'il renferme. 

Conféquemment, il n’admet plus trois principes feulement dans la 
formation du verre ; mais il en ajoute encore un quatrième, c’eftà- 
dire, la terre filiceufe , uneterre alkaline , l’acidum pingue, & la ma- 
tière de la lamière. Ces dump biances formenrle verre par leur intime 
combinaifon. . 

Au moyen de cette notion, il jette du jour fur la formation des cryf- 
taux qui s’amaflent ordinairement dans les fentes des rochers. Il s’appli- 
que à trouver dans leur produétion les mêmes matières principes 
énoncées ci- deffus. 

Premièrement, pour prouver les deux terres, c’eft-à dire, la terre 
filiceufe & laterre calcaire dans les endroits où fe forment les cryftaux, 
ilcite le célèbre Apothicaire M. André ,de Hanovre, qui en rend rémoi- 
gnage dans fes favantes Lertres fur la Suiffe. Cec expert Naruralifte con- 
vient dans vingt-quatre Lettres & plus , que la terre filiceufe ou quart- 
zeufe , fe trouve toujours dans les grottes de cryftaux de la Suifle , parce 
que la pierre de Geifsberg contient beaucoup de quartz , & qu'elle ef 
diffoute par l'eau qui s’y filtre. Il y a encore obfervé que dans la grotte 
decryftal quis'y voir , ils’attache çà & là un fpath de forme rhomboïdale 
bac Heu e pierre de Geifsberg ; comme on y rencontre aufli cé fpathcal- 
caire, en particulier , dans des veines & des lits féparés. A l'égard de cette 
terre alkaline , il convient aufli qu’elle fe diffout peu-à-peu par l’infiltra- 
tion des eaux , & qu’elle eft portée & mêlée dans la leflive des cryftaux. 

Mais comme une eau fimple & pure ne peut diffoudre ni une terre 
calcaire , ni un quartz, fi elle ne contient pas beaucoup d’acidum pingue , 
ildoit fe trouver en tiers , bien abondamment de ce principe dans 
les eaux qui fe fiitrent à-travers Les terres , & les diffolyent , pour enfuire 
les combiner enfemble. La haureur des montagnes de Suifle , qui tou- 
chent aux nues , lui donnoit à penfer qu'il étoit vraifemblable & pofiible 
que la pluie qui tomboit , ou bien que les eaux de fource qui en for- 
toient, duffent recevoir de l’acidum pingue en plus grande quantité , & 
plus près de lathmofphère fupérieure , qu'il n'arrive dans les contrées 
beaucoup plus balles de la terre, 

Maintenant, pour la formation du verre , il ne fufhit pas encore 
que ces deux rerres foient diffoutes & combinées enfemble par l’acédurs 
pingue 5 mais il faut auffi que la matière de la lumière y entre en 
abondance par le feu , pour achever abfolument ce mélange , & pour en 
faire du verre : ileft befoin que , dans laformation du cryftal, 1] fe trouve 
abondamment de la matière dela lumière & en fuffifante quantité , afin 

u’elle palle aux deux autres matières , & qu’elle puiffe fe mêler avec elles. 
1 C'eft affurémenc ici la queftion de favoir, f, & comiment la matière de 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. rs 


la lumière peut parvenir jufqu’aux autres fubftances dans les grottes pro- 
fondes où fe forme le cryftal ? À ce fujer, M. Meyer penfoit, que comme 
lalumière rend continuellement versle point central de la terre, & qu’elle 
peut traverfer le verre le plus Aa ,ainfi que les cryftaux plus denfes 
encore ; il ne‘croyoit pas impoñlible qu’elle püt aufli pénétrer les rochers 
les plus épais, mais qui font beaucoup plus poreux que le verre. Il fe 
faifoit encore une objection; car , on pourroit dire ici, que la lumière 
paffe bien à-travers un corps tranfparent, mais non pas au travers d’un 
corps opaque. Or, il répond aufli-iôt, qu'il eftrrès-afluré que la lumière 
peut traverfer les corps les plusépais & les plus opaques. Ils fonc tous 
poreux , & leurs pores font aflez larges pour laiffer pafler les particules 
feules de la lunaère , qui font infiniment petites & incommenfura- 
bles. Si donc la lumière peut pafler à-travers les écorcesopaques des ar- 
bres, & pénétrer jufqu’au cœur de Parbre , pourquoi ne palleroit-elle pas 
aufli au-travers des roches épailles , quoique ces dernières foient pus 
denfes que les écorces d'arbres? Un corps opaque empêche feulemenc 
qu’on voie pafler la lumière ; mais certainement , il n'empêche point du 
tout le paflage invifble des particules de la lumière; Dans le cas où il fe 
rencontreroit quelques autresdifhculrés; favoir , que la lumière n'eft pas 
capable de pénétrer fi loin dans fon état de fimplicité ;:on'n'a qu'à fe 
reffouvenir de la propriété & de la puiffance de la lunnère , & faire atren- 
tion qu’elle ne pénètre point notre globe dans fa plus grande pureté ; 
mais , que l’eau elle-même, ce menftrue univerfel dans la nature , eft 
chargée d’acidum pingue ; & pénètre jufqu’aux lieux où fe forment ces 
cryftaux , & qu’elle peut, non-feulement , prendre dans fes pores beau- 
coup de matière de la lumière ; mais même la porter de la furface dé la 
rerre jufques dans fon intérieur. Il ne manquera pas de s’en trouver des 
preuves vraifemblables. 

M. Meyer continue , en difant que les particules de la lumière pénè- 
trent dans les roches , aufli-bien dans leur pureté ; qu'au moyen de l’eau ; 
& qu'elles parviennent aux grottes pleines d’eau, d’acidum pingue ; & 
des deux terres difloures. La, fe trouvent les matières convenables avec 
lefquelles peuvent s'unir les: particules de la lumière qui ont pénétré , 
& qui font retenues dans leur paffage ; car, ce mélange prenant de plus 
en plus des païticules de la lumière , & s'en chargeant peu -à- peu, 
comme il arrive au verre dans le feu , la leflive des cryftaux fe trouve 
totalement préparée & chargée des matières principes qui font requifes 
pour former un corps folide ; clair & vranfparent , femblable au verre, 
C’eft aufli pourquoi il arrive encore que les particules unies enfemble, 
fe détachent de l’eau furabondante , en s'appliquant peu-à-peu à tous 
les côtés de la grotte , & fe cryftallifanr comme un fel, parce que 
Peau fimple & furabondante, en perdant l'acidum pingue , & la terre 
diffoute ; n’eft plus fufceprible d'union avec la matière de la lumière : 

. 1774. OCTOBRE. 


312 OBSERVATIONS SUR IA PHYSIQUE, ! 


elle fe-filtre donc peu à-peu de la leflive des cryftaux, & la grotte 
devient par-là abfolument vuide d’eau. ‘| 

Telles fonc les réflexions que M. Meyer ina communiquées fur 
la formation des cryftaux: 

N'eft-ce pas une chofe fort curieufe & digne de notresattention, que 
les matières- principes s’uniffent enfemble , & formentune mème forte 
de corps dans l’eau, tout comme dans le feu ? Qui peut, après y'avoir 
fuffifamment réfléchi , croire encore que le feu agit feulement comme 
inftrument , par fa chaleur & fon mouvement fur les corps ? Puifqu'il fe 
faic ici la mème compolicion à froid dansles groctes des cryftaux qu'il 
fe feroicau plus grand feu , & qu'il arrive la même chofe ici dans la 
combinaifon des mêmes matières-principes , quoique d’une manière 
fort différente , comme il a été déja expliqué précédemment à la for- 
mation du cinabre. 


AD 'DYIITUIIONNAS AD UN LET RAD UECITYE UIR: 


Quelque fondée qu’ait paru aux Savans de l’Allemagne la théorie de 
M. Meyer, il étoit encore réfervé au célèbre Chymifte de Langen- 
Saltza d’y mettre la dernière main, en donnant à cette doétrine ronte 
l'extenfion dont elle étroit fufceprible. Perfonne n’étoit plus capabie que 
M. Wieoleb, de rectifier les idées de M. Meyer , qui lui communi- 
quoit toutes fes découvertes; & l'intime confiance de M. Meyer envers 
fon ami, juftifiera toujours le choix du Savant qui devoit prendre fa 
défenfe. 

En effet, l'amitié qui régnoit entre ces deux Chymiftes , n’influa jamais 
far la fcience qu'ils cultivoient; & l’on verra par la fuite que M. Wie- 
gleb étroit aufñli bon ami que rigide & judicieux Obfervateur , dans les ob- 
jections qu'il croyoit devoir oppofer aux faillies ingénieufes de M. 
Meyer. Comme celui-ci ne manquoit point de lui faire part de tout ce 
qui pouvoir intérefer la Phyfique & la Chymie , il ne favoit que louer 
ou reprendre ; & fes décifions lui procuroient fouvent le précieux avan- 
rage de faire naître à fon ami de nouvelles idées; ou, ce qui eft plus 
rare encore parmi les Savans, de le faire revenir de fes premières opi- 
nions, pour y en fubftituer d’autres plus conformes à l'expérience, 
comme M. Meyer en convient lui-même dans plufieurs circonftances. 

Tel étoit le fruic de la liaifon & du commerce de lettres entre ces 
deux habiles Chymiftes. Ainf,, il n’eft pas étonnant que la mort nous 
ayant enlevé M. Meyer; M. Wiegleb , qui en connoilloit fi-bien le 
génie , ait entrepris de protéger une doctrine que lui feul avoit apprife, 
pour ainfi dire » de la bouche de l'Auteur même ; & quil fe trouvoic 
engagé à foucenir, en pattant d'où M. Meyer étroit refté. C'eft pour- 
quoi M. Wiegleb n’a pas feulement défendu le Traité de la Chaux Re 

L 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 313- 


MM. Jacquin , de Vienne; Bohm , de Strasbourg , & quelques autres 
Anonimes d'Allemagne ; mais il a encore fait plufeurs petits Traités, 
conformément à la théorie du cauflicum où acidum pingue de M. Meyer; 
théorie qu’il applique à quantité d'opéra ions chymiques qui lui font par- 
ticulières, ou qu’il a enrichies de nouvelles oblssvarions & d’expérien- 
ces. Nous avons déja vu de lui la préparation du cinabre fans feu ; & nous 
verrons encore par la fuite plufieurs p‘océdés non moins curieux que 
propres à confirmer de plus en plus l'autorité de M. Meyer en Chymie, 
ainfi que c-lle de fon favant défenfeur. 

C'eft à la connoiffance de la doétrine de M. Meyer, que M. Wie- 
gleb avoue être r devable d’une inhinité d’éclaircilemens de phénomè- 
nes chymiques ; c'eft d’après cette doctrine, qu'il juge «le quanrité de 
pro luits qui n'avoient pas été affez examinés jufqu’aujourd’hui. Les pré- 
cipirarions alternatives de différentes circonftances métalliques, le déga- 
gement de l'alkali volaril du fel ammoniac, foit par le fer, foit par le 
cuivre, le changement de couleur de bleu en verd qui arrive à la flamme 
de l’efprit de vin par le fel fédatif, Le précipité blanc de mercure, & le 
faux précipité roue font autant d'opérations fur lefquelles M. Wiegleb 
a jetté des vues nouvelles, & qu’il a foumifes à des expériences répétées , 
ahn en facilirer l'opération, ou plu ôt, pour en tirer des éclairciffe- 
mens moins équivoques & plus raifonnés que ceux qui en avoienc été 
donnés jufqu’à préfenr. 

Il fera, par exemple , démontré clairement que ni la caufticité, ni la 
couleur rouge de la préparation mercurieile , improprement appel- 
lée précipité rouge , ne proviennent de l'acide du nitre, ni du phlo- 
giftique, comme on l’a toujours cru; mais qu'elles fon: des propriérés 
ou bien des altérations qui arrivent au mercure unrquement parle moyen 
du feu, &c. 

Comme il a été démontré précédemment, que la marière d: la lu- 
mière faifoit partie conftituante des cryftaux de roche & du verre , on 
me permetrra de dire un mot des phofphores en général, & princip-le- 
ment des pierres en qui l’on a reconnu une qualité phofphorique, comme 
dans les caïiloux , les cryftaux , les pierres cornées, le quartz, plifieurs 
fortes de fpaths, & enfin les pierres précieufes, appellées par excellence 
diamans. Mais quel labyrinthe d'opinions n° faut 1] pas parcourir pour 
arriver à une paifaite connoiffance de la cauf: unique & naturell: d'un 
effec fi furprenant en apparence ? Autant on confulre d'Auteurs qui en 
ont parlé, autant on rencontre de fentimens oppofés. Les uns y fup- 
pofoient une bife métallique que la nature avoit répandue avec profufion 
dans leur compofition. D'autres y reconnoiffoient une matière folide, 
un fuc fpécifiquement lapi jifique : quelques-uns aimoient mieux y éca- 
blir une fubftance inflammable & filine. Enfin, on feroit encore à for- 
tir de ce dédale fans M. Meyer, qui, comme une autre Ariane, nous 


Tome IV, Part. IV. 3774. OCTOBRE. Rr 


314 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


a préfenté le fil qui devoir nous faire découvrir le vrai chemin, & nous 
a appris que c'étoir d'un feul & mème principe qu'émanoit la qualité 
phofphorique des pierres naturelles, ainfi que celle de rous les corps 
lumineux, foic naturels, foit artificiels, c’eft-à-dire, dela marière de la 
lumière qui entre dans leur compofition. 

On entend le plus communément par le rom de phofphore eu de 
porte-lumière | une matière quelconque qui montre une. certaine lueur 
dans l’obfcurité. Maïs aujourd’hui, on a tranfmis. ce nom aux corps qui 
répandenr de la lumière qu'ils ont reçue, foit du foleil auquel 1js ont 
été expofés, foir de la chaleur qu'ils éprouvent ; foir de la matière élec- 
trique qui leur eft unie, foic aufli de leur propre nature qu'ils tiennent 
de la lumière mème. 

Dans ce fens , on peut admettre beaucoup de corps des trois rèenes de 
la nature. Ainf, voit-on des plantes qui reluifent éconnamment pendant 
la nuit, & que Gefner appelle /unaires. Il eft certains bois pourris qui 
brillent dans l’obfcurité, fans parler de la plante que Linnæus nomme 
tropæolum , & qu’il a obfervé fulminer au crépufcule, Nous trouvons de 
femblables phofphores naturellement placés dans plufeurs efpèces d’ani- 
maux : tels font quelques infeétes qui paroiffent étincelans pendant les 
nuits d'été, & dont la firuéture a paru jufqu’à préfent auffi admirable que 
difficile à expliquer aux Phyficiens, par rapport à la qualité phofpho- 
rique de ces corps vivans qui furprennent les voyageurs par leur clarté 
inatrendue. 

Je ferois trop long, fi je voulois rapporter à ce fujet routesles diverfes 
opinions d'une foule de Savans qui ont exercé leur géme fur ce phéno- 
mène particulier. J: me conrenterai de citer le fentiment de M. Rein- 
lein, d’Amberg cn Bavière. C: Phyfcien dit dans une Differtation phy- 
fico-chymico-médicinale fur les Phofphores, imprimée à Vienne en 


1768 : que cette forte d'infectes reluit de nuit, principalement dans le: 


tems que l’inftinét naturel l'excite à la propagation de fon efpèce. Alors, 
les parties poftérieures de ce petit animal font remplies d’une certaine 
humeur très-fubrile & vifqueufe (laquelle contient le germe de l’ani- 
malcule futur ) & eft recouverte d’une membrane rrès fine. Delà, la 
matière de la lumière qui eft très fubrile, & qui pénètre rous les corps; 
venant à y entrer, elle fe concentre p'us ou moins par la vifcofité de certe 
humeur ; de forte que la lumière, moyennanc cette concentration, fe 
fait appercevoir tantôt plus, rantôt moins dans les rénèbres ; comme on 
le voit à la différente lueur des vers luifans. 

C’eft aufli à une pareille caufe que M. Reinlein attribue l’état lumi- 
neux des viandes & des poiffons, puifqu'il eft conftanr que les viandes 
ni les poiffons ne donnent jamais de lumière, à moins qu’ils n’appro- 
chent de la putridité. Pour lors , qu’arrive t-il? La matière de la lumière 
qui avoit été prife en abondance dans ces corps, fe trouve libre par la 
diffolution ; elle paile peu-à-peu dans l'air de l’athmofphère ; & ce qui 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 315 


prouve encore mieux cer effet, c'eft que jamais on n’apperçoit cette lueur 
dans les viandes placées au fond de la cave, mais dans les endroits plus 
élevés, parce que plus l'iffue de la lumière eft libre, & plus eft certaine 
l'obfervation de l'expérience. Il en eft de mème des poiffons qu'on ne 
voit point luifans, finon nageans fur le dos & déja morts, ou jettés fur 
le rivage , ou bien confervés hors de l’eau. On peut ranger dans la mme 
claffe Hs vifcères de la sèche à huit bras , ainfi que les polypes tirés des 
cadavres qui répandent de la lumière abondamment au rapport de Bar- 
tholin, &c. 

Quant à la qualité phofphorique de plufeurs fortes d’arbres pourris , 
& fur-tout du bois de chène à qui notre célèbre Profeffeur M. Lehmann 
attribue particulièrement cette propriété, à caufe de l’acide vitriolique 
très-concentré qu’on en retire ordinairement par l’analyfe chymique , & 
conféquemment du vitriol formé de l'acide du foufre uni à une bafe mé- 
tallique ; le bois de chène étant fi abondant en bafe martiale & en acide du 
foufre parfaitement libre, & tel qu'il eft dans les fels, il doit auñli né- 
cellairement devenir lumineux. Mais fi cette raifon a lieu, pourquoi le 
vitriol calciné au jaune ne reluir-il pas ? M. Reinlein penfe au contraire, 
avec M. Meyer, que le chène étant expofé au foleil pendant des deux 
cents ans & plus avant de fe pourrir , 1l prend pendant tout ce temps là 
une énorme quantité de particules de lumière unies avec l’acidum pingue 
qui fe fpécifie fucceflivement , & devient analogue à l’acide vitriolique , 
&enfn, au moyen de la putréfaction, les particules lumineufes retenues 
auparavant en abondance , fe dégagent & font un fpeétacle brillant pen- 
dant la nuit. 

Toute la Differtation de l’Aureur que je viens de citer , n'eft généra- 
lement appuyée que fur la doétrine de M. Meyer, & ilën déduit toutes 
les preuves, tant pour les phofphores naturels, que pour ceux que l’art 
produit, & qui fe diftinguent en Lifans & brélans. 

L’Auteur entre dans le plus grand détail fur l'origine du phofphore 
artificiel, & fur les différentes manières de le préparer. Après avoir 
comparé les méthodes pratiquées par Brandt, Kunkel, Boye, Comier, 
Baudoin , Neumann, Henkel, Kayler & Binder, il palle à M. Mar- 
graff dont il répète les curieufes opérations ; & il finit par faire l’ana- 
lyfe du phofphore de Homberg, en difcutant, d'après les principes de 
M. Meyer, non-feulement les proprigtés de ces produits du côté chy- 
mique, mais aufli pour ce qui concerne abfolument la partie médicale. 

Je finirai ces obfervarions par une expérience qui , toute fimple qu’elle 
eft, n’en eft pas moins capable de confirmer inconteftablement la foli- 
dité de la doctrine que nous adoprons. Nous devons cette nouvelle pro- 
duétion à {a fagacité de M. Rouffean , Profeffeur en Chymie à Ingolf- 
tadt en Bavière. 

Nous ignotons encore dans quelle intention le mélange dontileftquef- 

1774. OCTOBRE. KRr2z 


316 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


tion , fut fair; mais tout ce que nous favons, c’eft qu’en mêlant de la 
pierre à caucère bien faturée & faite fuivant les proportions convenables 
de chaux vive & d’alkali, prefcrires par M. Meyer avec l’efflence de 
térébenrhine en quantité fuffifante pour bien difloudre la pierre à cau- 
tère, on obrient une forte de phofphore extemporané qui devient très- 
lumineux dans l’obfcurité à chaque fois qu'on le remue dans le mortier. 
Nous avons répété plufeurs fois l'expérience avec le plus grand fuccès. 


, SET PT RE 


ADRESSÉE À L'AUTEUR DE CE RECUEIL, 


Par M. le Comte DE MILLY. 


F N publiant, Monfeur, par la voie de votre Journal, mes expérien- 
ces fur la réduction des chaux métalliques par le feu éleétrique, j'igno- 
rois totalement qu’elles avoient déja éré centées par le Père Becacria, de 
l'Académie de Bologne : ainfi j’éois dans la bonne foi, quand je les ai 
données pour nouvelles ; mais depuis la publicité de mon Mémoire, j'ai 
recu une lettre de M. le Comte de Saluces, Secréraire de la Société 
Royale de Turin, & Sav:nt de la plus grande diftinction , qui me mande 
que le Père Beccaria avoit publié des expériences pareilles aux miennes 
dès l’année 175%, dans un volume in-folio ; imprimé en Italien, qui a 
pour urre : Eleürifcimo Athmosferico Letrere dy gion Bella Beccaria ; &c. 

Il importe peu au Public, par qui ces expériences fe faffent, pourvu 
qu'elles foient intéreffantes ; mais il importe beaucoup à l’homme déli- 
cat, & ami de la vérité, de ne pas être foupçonné d’avoir voulu s’appro- 
prier le travail des autres; & quoique j'aie fait une partie des expé- 
riences dont il s’agit, dès l’année 1772, fans avoir eu aucune connoif- 
fance de celles du Savant Italien, & que l'application que j'en ai faite, 
ainfi que les conféquences que j'en ai tirées pour la métallifation des 
terres, foient à moi; je me hâre de vous prier de publier cette lettre, 
pour rendre juftice à qui elle appartient. 

11 m'eft aufi revenu que le fieur Comus réclamoit les mêmes expé- 
riences qu'il dit avoir faites en 1773 : en lui paflant l’époque qu'il ena 
fixée, ce feroit encore un peu tard pour fe les approprier : ce qu'il ya 
de certain, c’eft que je n'ai jamais vu chez le ficur Comus qu'une expé- 
rience d'électricité, qui confifte à réduire des feuilles de métal en 
chaux; mais cetre expérience ne reffemble en rien à celies du Père Bec- 
earia ni aux miennes ; elle fembloit au contraire devoir éloigner l’idée de 
réduire les chaux métalliques en métal par le même moyen qui réduifoic 
les métaux en chaux. 

Je fuis, &c. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 317 
DRM RLE LUE LE PEN PEER PEN 77 RP LRU OL2/ PP EL EST SPP ES ET EE SPRL EPS YPO IN. ZONE 


MNT RRE 


Ecr1TE À L'AUTEUR DE ce REcuE1z, 


Par M. FONTAINE, Secrétaire des Commandemens de Monftigneur le 
Duc d'Orléans, & de Monfeigneur le Duc de Chartres. 


L] 


M oNsEIGNEUR le Duc de Chartres m'ordonne, Monfieur, de vous 
prier de fa parc, de vouloir bien inférer dans votre Journal, que l'ex- 
périence de la réduction des chaux métalliques dont fait mention un 
Mémoire lu à l’Académie des Sciences de Paris, le 20 Mai dernier, a 
été faite fous les yeux du Prince par le fieur Comus, le 15 Mai 1773, 
ainfi que beaucoup d’autres revivifications; & que ce procédé eft conf- 
taté par MM. d’Arcer & Rouelle que Son Alreffe Sérénifime y avoit 
menés, pour lui en rendre compre, 


Je fuis, &c. 


Le Mardi 27 Septembre 1774, à midi, en préfence de Son Alteffe 
Séréniflime Monfeigneur le Duc de Chartres, & de M. Rouelle, Apo- 
thicaire de Son Alrefle Monfeigneur le Duc d'Orléans, Démonitrareur 
en Chymie au Jardin Royal des Plantes, &c. le fieur Comus a procédé à 
une opérarion électrique, inconnue jufqu’alors. Cette opération confifte 
à réduire les métaux en chaux métalliques par l'électricité, & à revivifier 
aufli-tôt après ces mêmes chaux par l’éleétricité. La chaux de chaque 
métal aflujertie fur fa carte par l'étincelle éleétrique a été revivifiée, par- 
tie fur la même carte, & l’autre, fur une glace pofée deflus, par une 
forte étincelle. Les fix métaux ont été revivifiés par le même procédé. 

Son Alreffe a voulu voir fi la revivification du fafran de Mars étoie 
poflible, ainf que l’Auteur l’avoit annoncé : elle a réufli parfaitement, ainfi 
que celle de l'émail noir dont la bafe eft le Mars , qui, es l’érincelle ; 
eft devenu parfaitement attirable par l'aimant. Son Alrefle, pour s’affurer 
de la certitude de ces opérations, les a répétées avec fa machine éle@&ri- 
que, & elles lui onc réuffi, ainf quille certifie. L. P, J, » OxLrans, 


La 


1774. OCTOBRE, 


318 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


L RP T) AAMES 
DYE M DIE 'LANTOURERETTE, 


A UE AQU M EUR. Di CE NUE CHUME TT 
Sur Les Variolites de la Durance. 


ji à E hafard m'a procuré, Monfieur, une petite découverte qui peut 
conduire à dérerminer la nature de la Variolite, mieux qu'elle ne l’a été 
jufqu’à ce jour. Je vais vous en rendre compte, & vous communiquer 
quelques obfervarions auxquelles cette découverte a donné lieu. 

Sous le nom de variolite , pierre de petite vérole , lapis variolarum , je 
ne prétends point confondre avec quelques Naturaliftes (1), routes les 
efpèces de pierres , à la furface defquelles on trouve des taches colorées 
ou des protubérances qui imitent des boutons ; accident qui peut fe ren- 
contrer dans des marbres roulés, dans des agathes, dans des granites, 
enfin dans des pierres de genre fort différent. Depuis que l'Hiftoire Na- 
turelle eft éclairée par le Hambeau de la Chymie, on ne doit pas fe 
contenter des accidens & des formes extérieures , pour fixer un genre, 
ou même une efpèce. 

Je parle d’une pierre roulée, arrondie comme un caillou ou gallet , 
très-pefante, très-compacte, réfiftante aux acides , faifant feu contre 
Pacier, fufceprible de poli, de couleur verte, à fond brun , parfemé de 
taches obrondes, plates ou relevées en boffe : ces raches font quelquefois 
ifolées, le plus fouvent rapprochées , fe confondant alors les unes dans 
les autres; leur couleur eft d’un verd pâle, livide; & lorfqu'elles font 
protubéranres, elles reffemblent affez à des grains de petite vérole en 
maturité, Ce n’eft pas un fimple accident de la furface ; «elles pénètrent 
la pierre, de manière qu'en la eaffant, on voit qu’elles fonc dues à de 
perits corps arrondis, contenus dans une matière d’un verd plus foncé, 


qui fait le fond: 


(1) Voyez M. d’Argenville, Oryétol. pages 211 & 237. Voyez dans l'Encyclo- 
pédie le mot Wariolire. M. Wallerius , lui-même , n'a confidéré la variolite que 
comme un jeu de la Nature , & n’en décrit que la forme extérieure. ( Minéral. 
trad. Franç. tome II, page 139). Ce qui paroït avoir décidé plufieurs Auteurs 
méthodiftes à Ja pafler fous filence. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 319 


En un mot, j'entends parler de la variolite , décrire dans le Diétion- 
naire oryctologique de M. Bertrand; dans le Diétionnaire d’Hiftoire 
naturelle de M.de Bomare, & plus anciennement dansle Traité des Dro- 
gues fimples de M. Lemery, fans néanmoins adopter entièrement les 
defcriptions.de ces Aureurs, 

Le dernier ne connoifloit que la petire variolite, qu’on apportoit des 
Indes, fous le nom de gamaicx ,, à lagnelle un préjugé populaire atta- 
choit de grandes propriétés contre le venin variolique. Cependant, Olaus 
Borichius avoit parlé depuis long rems (1) dans les Actes de Copen- 
hague , des pierres de perite verole , qu'il avoit trouvées dans la France 
méridionale , & notamment fur les bords de la Durance, où le Peuple 
les nomme Pierres picor. 

Je crois en effer que les bords de la Durance, dont les Auteurs que je 
viens de citer n’ont pas fait mention, font les lieux du Royaume, & 
peut-être de l'Europe , où ces pierres font les plus communes. M. Ber- 
trand rapporte qu'on en trouve fréquemment auffi dans la rivière d’Emen 
en Suiffe. 

Je n'ai jamais pu en découvrir fur les rivages du Rhône , aux environs 
de Lyon , quoiqu'il s’y rencontreune grande diverfité de pierres roulées. 
JL n’eft pas rare d'y voir des pierres chargées de boutons , qui ne font 
que des grains de quartz, engagés dans des roches ou des fragmens de 
corps marins, compris dans des marbres diverfement colorés , particu- 
lièrement des entroques ou trochites , qui , à raifon de leur dureté, ré- 
fiftent au frottement , plus que le marbre dans lequel elles font incruf- 
tées ; mais ce ne font point-là de vraies variolites. 

J'en polfédois deux petites , que j’avois eu des bords de la Durance. Je 
m'étois contenté de les placer dans ma collection , faivant la méthode de 
M. Wallerius, avec les pierres figurées , parmi lefquelles je préfume au- 
jourd’hui qu’elles font aufli déplacées que les œrires ou pierres d’aigles , 
qui, fans doute doivent être mifes parmi les concrérions martiales , à la 
fuite des mines de fer limoneufes , ophus tubalcaini. Lin. Miner. 

M. Briffon , notre Confrère à l'Académie de Lyon, revenant en1772, 
d'un voyage au Comté, qui avoit eu pour objet des obfervarions utiles 
aux Sciences & aux Arts dont vous avez rendu compte , Monfieur , dans 
votre Journal (2), eut la bonté de m'apporter quelques minéraux des 
Pays qu'il avoit parcourus. Dans le nombre , je diftinguai une grofle 
pierre roulée, que je foupçonnai une variolite , à caufe des protubérances 


(Gr) Dix-huit ans auparavant [a publication du Traité des Drogues fimples, qui 
parut pour la première fois en 1691. Voyez Collect. Académ. pait. étrang. tome IV , 
page 351. Obferv. 84, année 1679. 

(2) Journal de Phyfique , année 1772, tome I, part I, page 217. 


1774. OCTOBRE. 


320 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


de fa furface, quoiqu’elle für couverte de limon, & fi brute au-dehors ; 
qu'on ne pouvoir en difcerner la couleur. Elle avoit quatre pouces de 
long fur trois de largeur. Je ne me rappellois pas d’avoir vu aucune pierre 
de perice vérole d’un tel volume. Je m'empreilai de la nettoyer , m’érant 
affuré que l’efprit de nitre ne l’atraquoit pas, je la lavai fortement avec 
une eau feconde qui lui rendit fa couleur ; en la frottant avec de la potée 
d’érain , je lui donnai bientôt un peu de luftre ; il ne me refta plus de 
doute fur fon efpèce. 

Paffanr à un examen détaillé , je diftinguai facilement, à la couleur & 
au grain, les boutons & le fond dans lequel ils font comme incruités ; la 
plupart étoient confluans , ils avoient peu de faillie. Je trouvai rarement 
dans leur centre le point que quelques Naturaliftes leur aflignent , comme 
un caractère conftant ; mais j'apperçus autour de plufieurs des boutons 
ifolés , un petit cercle noir quiles circonferit, & qui paroïr les déracher 
du fond , dont la couleur eft moins brune. Quelquefois une zone blan- 
châtre & concentrique accompagne intérieurement le cercle noir, & 
forme une forte d'onyx qui rappelie les agathes oculées : en général, le 
grain des boutous approche de celui du jafpe. 

Le fond,examiné à la loupe,m’a paru, comme M. de Bomare a femblé 
le foupçonner (1), avoir quelque chofe de métallique , ce qui s'accorde 
avec le poids extraordinaire de la pierre. Le fond prend moins de poli 
que les boutons : fa confiftance eft en effet moins compaéte , d’où il fait 
aufi que le frottement éprouvé par la pierte , lorfqu’elle eft roulée par 
les eaux, doit ufer le fond plus facilement que les taches arrondies, ce 
qui fair qu'elles deviennent faillantes , & prennent l'air d’un bouton, 
étant déja diftinguées par leur couleur. 

Ne pourroit-on pas fuppofer encore , que fi le fond contient des par- 
ties méralliques, il doit s’altérer à l'air par décompoftion , par efloref- 
cence ; & dès-lors s’ufer, s’affaiffer, tandis que les boutons qui ne 

réfentent rien de métallique, fe confervent dans leur intégrité ? 

Le fond brun n’eft pas toujours uniforme ; il eft quelquefois traverfé 
de veines blanches qui prennent un beau poli de jafpe: On y voic auf 
des veinules ou des taches ternes d’une couleur ochreufe , qui ne fonc 
point fufcepribles de poli. 

Une obfervarion plus importante fxa bientôt mon attention. J'ap- 
perçus diftinement des parcelles brillantes , comme inférées dans les 
veines & dans la portion de la furface que j’ai nommées le fond. Je crus 
d’abord que c’étoit de petits feuiliers de glimmer ou mica ; minéral fi 


oo 


(1) Voici les termes du Dictionnaire d'Hiftoire Naturelle, au mot Wariolite….. 
Peut-être la VWariolite n'efi-elle formée que par des gouttes d'eau pierreufe & métal- 
dique, &c. 

commun 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. jt 


commun dans les fchiftes & dans les granites de nos Provinces; maisun 
poinçon d’acier m’affura de leurconfiftance , & l’infpeétion avec la loupe 
me perfuada que c’étoit une vraie fubftance métallique , très-brillante, 
d'un grain très-fin & d’une belle couleur argentée; en un mot , des grains 
d'argent natif , arrondis , raflemb'és, & en aflez grande quanrité. 

Néanmoins, comme tout obfervareur , peur être fage , doit être mé- 
fianc ,& que fouvent il croit voir un objet extraordinaire , parce qu'il 

-defire de le voir en effet, je ne négligeai rien pour m'aflurer de la 

nature de ces petits globules brillans, en les comparant à d'fférentes 
mines, chargées d'argent natif. Cette comparaifon vint à l'appui de 
l'obfervarion. 

Pour la confirmer , l’idée me vint de frotter ces corps avec la vive arète 
d'une pierre de coucheéquarrie. Effectivement , il s’en détacha fuffifam- 
ment pour former une raie fenfible fur la pierre ; à côté de cette raie, 
j'en formai une pareille avec de l'argent natif d’une mine du Haartz; 
j'en traçai une troifième avec de l'argent monnoyé. Cette dernière fur 
la plus chargée , parce que l'argent monnoyé , à raifon de l’alliage , eft 
plus mol, mais les deux premières préfentèrent à mes yeux , armés d’une 
forte loupe , la plus éxaéte conformité, 

Cette découverte m'engagea à revoir les deux petites variolites que 
j'avois dans mon Cabinet. Âu premier afpect, mes yeux n’y trouvèrent 
rien de métallique ; mais la loupe me découvrit ce que je cherchois 
fur l'une des deux pierres l'argent s’y montroit en forme de grains 
extrèmement petits, noyés dans la portion dela pierre que j'ai appellée 
le fond, En poliffant avec le doigt la partie où je l’apperçus, je parvins 
même à la rendre vifble à l'œil nud, 

Certainement, fi je n'avois pas éré inflruit par la groffe variolite, 
qu'on pouvoit trouver dé l'argent natif dans une pareille pierre , je n'au- 
rois jamais réufli à l’y voir. C’eft ainfi que les découvertes en Hiftoire 
naturelle fonc enchaînées les unes aux autres , comme le font routes les 
vérités, Si l’on ne tienc pas le principe ou le premier chaïnon , ceux qui 
lui font liés reftenc voilés à nos yeux. De-là , une multitude d’erreurs en 
morale , & la lenteur dés progrès dans la Phylique. 

On éprouve chaque jour dans l’érude de la Botanique. Lorfqu’un 
genre aété fixé par un caractère bien faili , les efpèces de ce genre pré- 
fentent peu de difficultés au Botanifte inftruir. Il lui eft facile de les con- 
noître , fielles ont déja étéobfervées; & de les déterminer, fi elles font 
nouvelles. Mais , lorfque les caractères aflignés font vagues, que le mot 
de la nature , fi j’ofe m'exprimer ainfi, n’a pas été prononcé, l'Obfer- 
vateur tâtonne , & la fcience refte en défaut. 

Pour affurer fa marche, il faut partir d’un point fixe ; la détermina- 
tion de ce point eft donc une chofe très-importante en Hiftoire natu- 
relle; mais on n’y parvient qu'après un long examen , & fur-tour par la 


Tome IV, Part. IV, 1774. OCTOBRE, Ss 


D 


522 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


comparaifon des objets , & de leurs rapports. D'où il fuit , qu'il ne faffie . 


pas de fixer fon attention furun individu; & que, pour en bien con- 
noïtre un feul , il faut en obferver plufeurs, fi lon court rifque de 
prendre un accident pour un caraétère , une variété pour une efpèce. 

Pénétré de ces réflexions, peut-être trop étendues ici, je crus ne de- 
voir pas me contenter d’avoir vu de l’argent natif dans deux variolites ; 
qu'il convenoir d’en foumertre plufieurs à un examen plus approfondi , 
& qu'il falloit, fur-tout , obferver leurs parties antérieures. 

Je me faifois une peine de brifer celle qui avoit donné lieu à la dé- 
couverte; je pris le parti d'écrire à Avignon ,à M. Calvet , Correfpon- 
dant de l'Académie des Infcriptions, Affocié de celle de Lyon, très- 
verfé dans l'étude de l'Antiquité, de l’Hiftoire naturelle & de la Méde- 
cine ; je lui confiai mon obfervation, & le defir que j'avois de la répé- 
cer fur plufeurs morceaux. Il s’emprefla de répondre à mes intentions 
avec une complaifance dont j'ai fouvent éprouvé les effets. Il m'envoya 
trois variolites qui étoiertt dans fon Cabinet, l’une à grains plaës & unis; 
lPautre , proéminens & relevés; la troifième, creufe & enfoncée : 
c'étoit la petite vérole commencée, avancée & rerminée. 


Ces varicrés intéreffantes dans une collé@ion, ne fatisfirent point mes 
> P 


vues ; je n’y découvris aucune trace d'argent ; mais bientôt un envoi plus 
confidérable me mit dans le cas de multiplier Les obfervations. M. Calvet 
avoit écrit pour moi à un de fes amis, vers les bords de la Durance: 
quoique ces pierres ne foient pas communes , les recherches furent 
faires avec tant d'activité , que j'en reçus près d’une trentaine. 

Mon premier foin ; après les avoir fait nettoyer , fut d’y chercher de 
Vargent natif. Une feule m’en préfenta quelque apparence au dehors ; 
les autres m’apprirent feulement à connoître les variétés de l’efpèce dont 
je vais vous donner une idée. 

Il en eft depuis la groffeur d'une feve, jufqu’à celle d’un très-gros 
caillou : la plus groffe qui für dans lenombre , a cinq pouces & demi de 
long , quatre de large , trois d’épaifleur , & pèfe cinqlivres onze onces. 
Elle eft diftinguée par une particularité ; on ne voit des taches ou bou- 
tons qu'à une de fes extrémités , fur un fond d’un verd foncé. Tout le 
refte de la pierre eft d’une teinte uniforme , glauque, tenant de la cou- 
leur des boutons. On y remarque néanmoins des efpèces de nuages, 
quelques légères taches circulaires , mal prononcées, & çà & là, quel- 
ques points de la couleur brune du fond. 

En général , toutes les variolites de la Durance font vertes ou parti- 
cipent de cette couleur ; & ce caractère, quoiqu'il foit ailleurs pure- 
ment accidentel , paroïît effentiellemenr lié à la nature de leur fubftance; 
mais leurs nuances varient beaucoup. 

Quelques - unes , au premier coup-d’œil, paroïffent avoir un fond 
bleuâtre ;fale , d'où s'élèvent des boutons prefque blancs; cependant, on 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 323 


y trouve toujours une teinte verdâtre : d'autres paroilfent noires, ce 
font celles dont les taches font caves , au lieu d’être relevées ; en les 
mouillant ou leur donnant du poli , la couleur verte s'annonce encore. 
Ces cavités occupent la place des boutons, & ne préfentent point la 
même fubftance : ce font de petits creux formés dans la fubftance du 
fond, lequeleft ici méle de petits points blanchâtres de la mème nature 
que les veines dont je parlerai bientôt. 

J'ai dit que les boutons faillans font le plus fouvent entourés d’une 
zône blanchâtre , accompagnée quelquefois d’un cercle noir concentri- 
que ; plus le bouton eftrelevé, plus cela eft fenfble; mais d’autres bou- 
tons paroiffent faillans , fans l'être en effer. C'eft une illufion d'Oprique, 
femblable à celle que produit la Peinture; elle eft due à des reintes 
nuancées , à ces zônes qui entourent la tache ronde, & formentune 
efpèce d’onyx. 

Il eft rare , comme je l’ai obfervé , de trouver des points noirs dans le 
centre des boutons ; mais les veines blanches que j'ai remarquées fur la 
première variolite , fe trouvent dans plufeurs ; elles les traverfent en 
divers fens, quelquefois plus relevées que le fond , quelquefois plus en- 
foncées : leur couleur eft d’un blanc mar; leur grain a la fineffe & l'œil 
du jafpe. 1f} haies < 

Après cet examen extérieur , répété fur un grand nombre de vario- 
lites , j'en fis caffer plufeurs, pour voir leur compoftion interne. On 
reconnoît d’abord que les taches circulaires de lafurface, font dues à de 
petits corps arrondis , placés çà & là dans la fubftance brune , comme 
des poids qu'on auroit mélés dans une matière molle , qui fe feroit en- 
fuire durcie. 

Je remarquai néanmoins que ces corps ronds ne font pas diftinéts 
du fond , comme les petits filex dont l’aggrégation forme la pierre , que 
les Anglois nomment pudding-flone (1) , les corps arrondis du poudingue 
fonc réellement diftingués du ciment qui les lie, puifque, fuivanc 
M. Cronfted , ce font différentes pierres filiceufes , unies par la terre du 
jafpe (2). Mais les petits corps rondsde la variolite , fe confondent inti- 
mêment avec la mañle, & ont un cel rapport avec elle, qu’elle paroît 
évidemment n'être compofée que d’une feule fubftance dont les parti- 
cules les plus épurées, les plus homogènes , & par conféquent les plus 
dures, fe font raffemblées çà & là en globules , lors de la formation de la 
pierre, de la mème manière qu'ont dù fe former les cercles des agathes 
oculées , & ceux qu'on remarque dans plufeurs jafpes de la Principauté 
de Deux Ponts. 


(1) Saxum Silicinum. Lin. Miner. ; 
(2) Saxum filicibus amorphis materié jafpideä glutinatum. Nouvelle Minéralogic ; 


trad, Franç. $. 273 , page 345. « 
1774 OCTOBRE. Ss2 


524 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Enun mot , on obferve ici certe modification graduée d’une fubftance 
homogène qui diftingne certains minéraux dans lefquéls on fuir à l'œil 
le pañlage du filex à l’onyx ,de l’agathe au quartz lucide, de ce quartz au 
cryltal; pallage qui démontre l'analogie de toutes ces fubitances 
entr'eles. 

Je fuis donc très éloigné de confidérer les petits corps ronds de la 
variolite, comme ayant été originairement des corps organifés. Auff 
M. de Bomare ne préfente t-il cette opinion que comme une conjeéture 
vague ; ileit trop bon Obfervateur pour s’y être arrêté. Rien n’annonce 
ici un pareil corps. L'intérieur des petits globules eft de la plus grande 
fimplicité ; leur couleur eft uniforme , fans aucune trace d’organifation , 
aucun point central. Il eft même fingulier qu'on ne découvre jamais 
dans leur intérieur quelques zônes ou cercles, femblables à ceux que 
l'on voir autour d'eux. Ceux ci s’apperçoivent fouvent dans l'intérieur 
de la pierre caffée , ainfi qu’à fa furface. 4 

Enfin , malgré des recherches répétées , aucune des variolites que j'ai 
brifées ne m'a montré dans l'intérieur l'argent natif en grains , que j? 
cherchois ; mais la plupart m'ont offert de l'argent natifen feuillets 
très-brillans, à la vérité fi petits , fi tenus , que je les euffe pris cérrai- 
nement pour du mica, fije n’avois été conduit par l'analogie & par la 
comparaifon. D'autres variolites n’ont ptéfenté dans leurs caflures au- 
cune apparence métallique. 

Ces faits reconnus, je palfai à quelques épreuves ; 1°. je fis polir & 
luftrer la variolite qui contenoit les grains d'argent les plus confidéra- 
bles. Il s’en faut bien que le poli de cette pierre ait le brillant de celui 
d'un beau marbre : il eft encore plus inférieur à celui des jafpes & des 
agaches ; il conferve un œil un peu terne , gras comme le jade , les laves, 
&c. enfin, ce qui compofe le fond brun de la pierre, fe luftre encore 
moins que les-boutons ; & cela s'accorde avec la différence que je viens 
d’obferver dans la finelfe & la pureté de leurs parties conftituantes. 

À l'égard des grains d’argent , ils prennent l'éclat de l'argent poli ; ce 
qui fait reffembler la pierre à ces plaques de mines d'argent , fcices &e 
polies, qu’on voit dans quelques Cabinets, fur-tout à Londres. 

2°, La variolite fait feu contre l'acier , fe caffe difficilement, fe 
divife en petits morceaux bruts, & non pas en éclats brillans , aigus & 
irréguliers , comme ceux du quartz & des minéraux analogues. 

3°. Si l’on jette des fragmens de variolite dans l'efprit de nitre, on 
voit d’abord s’élever quelques petires balles d’air qui s'en échappent, 
mais aucune effervefcence ne fuit. Ces fragmens, plongés pendant plu- 
fieurs jours dans l’efprit de nitre , n’ont été altérés ni dans leur confif- 
tance , ni dans leur couleur. 

4°. De pareils fragmens expofés à un feu ordinaire, ne fe calcinent 
pas , ne crépitent point , ne deviennent pas phofphoriques ; leurs extré- 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 315 


mités les moins épailfes , rougiffenr comme l'acier ; leur couleur s’altère 
peu. Je n'ai pas employé un feu fufhifanc, pour pouvoir les mettre en 
fufon. iv 

5°. Le poids extraordinaire des variolites, les portioncules ochreufes 
que j'avois apperçues dans quelques unes; la nature & la conrexture du 
fond bran ; m'ayancfair foupconner qu’elles devoientrenfermer quelques 
parties mattiales, je btifai un fragment, le réduifis-en poudre , 8e le fis 
totréfier à un feu de bougie; après yavoir mêlé de la poufière de char- 
bon de bois. 

Je préfentai enfuite une pierre d’aimant armée; je fus fort étonné 
de lui voir attirer de très-loin des parcelles brillanses , que je reconnus 
à laloupe pour être un fer très-fin. Je revins de ma furprife, en m’ap- 
percevant que , pour pulvérifer ma pierre, je m'étois fervi d'un petie 
marteau d'acier d'Angleterre, dont la variolite, par fa dureté , avoit fait 
fauter une écaille que j'avois pulvérifée avec elle. Je rapporte certe 
méprife , parce qu'il importe de l'éviter en pareil cas. 

Je recommençai l'opération ; je m'affurai qu'il n’y avoit aucun corps 
étranger , mêlé à la pouflière de variolite. Après la torréfaction , l'aimane 
en attira plufieurs parcelles qui avoient confervé en partie leur couleur 
verte ; mais il fallu approcher l'aimant prefque. jufqu’au conta@ : d'où 
1l fuit que cette pierre contient réellement du fer, mais, vraifembla- 
blement,, en petite quantité. 

6°. Il reftoic à faire un véritable effai de la variolite, pour favoir fi 
c'eltune vraie mine d'argent; & fi, indépendamment de l'argent natif , 
elle en contient de minéralifé. N’étant pas pourvudes inftrumens nécef- 
fäires, je m'adreffai à M. Jars , dont je. connoiflois le zèle & les lumiè- 
res : l'épreuve fut faire à fon fourneau d’effai , établi à Saint-Bel. Je lui 
remis à cet effet un morceau d’une variolite dans laquelle je n’avois 
apperçu aucune apparence d'argent natif, & je ne dis point d’où il pro- 
venoit : le réfultat de l’effai fut , que mon minéral ne contenoit aucun 
métal. 

J'avoue que cette décifion me découragea & ralentit mes recherches. 
Je me propofois néanmoins de répéter l'épreuve fur d’autres morceaux; 
mais différens objets étant venus me diftraire de cette idée, ma petite 
découverte refta enfouie dans mes notes avec d’autres obfervarions qui 
attendent peut être quelque circonftance pareille à celle qui fe préfente. 

Voici ce que M. Calvet me mande d'Avignon , dans une lettre du 
24 Juillet dernier. » Le Pere Papon , de l'Oratoire, diftingué par fes 
».connoïffances en tout genre , & chargé actuellement de faire une Hif- 
» toire de Provence , vint me voir dernièrement ; nous parlâmes de fon 
» grand objet ; je lui donnai fans choix & fans confidence quelques-unes 
» de nos variolites de la Durance. De retour chez lui , ilen caffa une, 
» & ilarriva que la fraéture lui préfenta dans l’intérieur de cette pierre, 

1774. OCTOBRE. 


326 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
» ungrand nombre de petites lames d’argent bien décidées : il vint me 
5 les montrer ie lendemain ; je trouvai en effer ce morceau beaucoup 
» plusriche qu'aucun de ceux que j’avois vus ; dès-lors, votre fecrec fut 
» découvert , & je me fuis cru obligé de vous faire part de cet évène- 
» ment, afin que vous ne foupconniez pas ma difcrétion , &c «. 

Cettenouvelle, Monfieur , a réveillé mesidées, & confirmant d’une 
manière bien authentique mes anciennes obfervations, m'a engage à 
rechercher les notes que j'avois gardées , à les raflembler, & à vous les 
adrefler. : 

Que fi vous me demandez quelle eft en conféquence ma facon d 
penfer précife à l'égard de la variolite , je vous répondrai qu'avant d’af- 
feoir un jugement définitif, je crois qu'il faudroit la foumettre à une 
analyfe chymiqué qui paffe mes forces , maïs qui me paroït digne d’oc- 
cuper les habiles Chymiftes de la Capitale, qui enrichiffent la Phyfique 
de tant de découvertes uriles aux Arts, à la Médecine & à l'Hiftoire 
Naturelle. 

Cependant, s’il m’eft permis de m'expliquer , en attendant leurs lu- 
mières, je dirai qu'il paroît fuivre de toutes les obfervations rappor- 
tées, que la variolite eft une forte de porphyre d’une efpèce indérermi- 
née jufqu’à ce jour, & qui mérite d’être diftinguée , comme l’a été le 
caillou d'Egypte (1) parmi les flex. 

Cette efpèce , en ne la confidérant qu’à l'extérieur & par ces acci- 
dens, peut avoir quelque rapport avec les Ja/pes arous des Naturalif- 
tes (2), & peut-être avec le {ex virefcens de M. Von-Linné (3), qui ; 
felon cer Auteur, tientun milieu entre le jafpe & le quartz. 

Si l’on examine fa nature intérieure , aucun corps ne me paroît avoir 
autant d’analogie avec la pierre de petite vérole , que l’opkite des An- 
ciens ; ainfi nommé , parce qu'il imite la peau de ferpent. Les Italiens 
lappellent /érpentino antico. C’eft une forte de porphyre antique, verd, 
femé de taches claires, dont on ne connoiït pas la carrière, & queles 
Romains tiroient vraifemblablement de l'Egypte. La conformité de 
nom ne doit pas le faire confondre avec la /érpentine , pierre argilleufe 
& ollaire. 

IL n'eft pas rare de trouver des fragmens de /érpentine anciennement 
travaillés dans les décombres de Rome , à Lyon même, à Vienne & 
par-tout où les Romains ont eu de grands établiffemens. 


(1) Silex hemachates. Lin. (yft. nat. miner. pag. 68. Achates brunneus epacus venis 
nigris dentriticis. Cronfted, Minéral. trad. Franç. $. LX , page 80. 

(2) Voyez le Cabinet de Davila, tome IT, art. CCCCXLYIII , n°. XIII, XIV » 
XV, page 92. 

(3) Syft. nat. minéral. page 70. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS 327 


L'ophite ou ferpentin, eft le porphyrire ; n°.1 de M. Cronfted (1). 
M. Von-Linné le place à la quatrième variété des porphyres , fous le 
nom de faxum porphyrius , £. viridis (2). . 

Comparé à la variolite , c’eft à-peu près fon grain, fa dureté , fa réfif- 
tance aux acides , fa manière de fe caller , fa manière de fe polir , de 
faire feu : ce font les mêmes couleurs, les mêmes dégradations, les 
mêmes taches ; avec cette feule différence ; que dans la variolite, les 
taches font roujours circulaires , ovales ; arrondies ; & que dans le fer- 
pentin elles forment des quarrés longs qui fe croifent ordinairement , 
de manière qu’elles expriment des croix ou des éroiles. 

La nature de ces porphyres ne s'éloigne peut-être pas beaucoup de 
celle des jafpes ; l'une & l'autre paroïllent l'indiquer. J'ai remarqué 
dans la variolite des veines d'un vrai jafpe blanc , opaque ; & j'ai apporté 
de Rome des ferpentins dans lefquels on voit des taches de caleédoine 
& d’agathe cornaline. 

Ce qui femble diftinguer la variolite, c’eft d'être métallique. Les 
obfervations que j'ai rapportées, confirmées ‘par célles de M.Calver & 
du Pere Papon, ne laiffent aucun doute : elle tient du fer & de largenc , 
plus ou moins. 

Je fais qu’il eft rare que des pierres aufli dures que le porphyre & le 
jafpe , renferment des métaux. Ils font ordinairement minéralifés dans 
les quartzs, les fpaths , les roches, &c. dontla rexture eft moins com- 
pate Ce qui a fair dire à M. Lehmann, dont le témoignage eft d’un 
grand poids ; que , » lorfqu'on rencontre des métaux fur la pierre de 
» corne , le jafpe & fur les pierres précieufes; ce_n’eft qu’à leur furface, 
» à laquelle ces métaux ne font même que légèrement attachés (3) «. 

Mais cette affertion , très-vraie pour l'ordinaire, n’eft cependant pas 
une loi conftante. Les couleurs des jafpes, des agathes , des pierres 
précieufes , font dues à des fubftances métalliques : on ne peut guères , 
à la vérité , en extraireles métaux , mais ils peuvent donc 5’y allier inti- 
mement ; & dans le fait , on retire mème de certains grenats , du fer, 
de l’érain & du plomb (4). Le mandeljtein de M. Cronfted , eft un jafpe 
qui contient du fer (5). En 1743 , on découvrit aux environs de Frey- 
berg une mine de fer grife dans un jafpe jaune , dont je pofsède un mor- 
ceau qui vient du Cabiner de M. Davila (6). 11 eft fi compaë&, qu'on em 


oo, 


(1) Effai de Minéralogie , traduétion Françoife , $. CCLXVI , page 337. 

(2) Syft. nat. Minér. 72. 

(3) Lehmann. Formation des Métaux , trad. Franç. page 332. 

(4) Voyez Effai de Minéralogie , traduétion Françoife , $. LXX & fuivans . 
page to7. 

(5) ibid, $, CCLXVIIT, page 341 de la traduét. Franc. 

(6) Tome II du Catal. art, CCCCXXVII, n°, Il, page 148. 


1774 OCTOBRE. 


328 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


fair destabarières d’un beau poli. Enfin, feu M. Jars, en revenant dé la 
Suède, me donna une mine de fer minéralifé dans un jafpe rouge, rrès- 
riche, & qui s’exploite à Longbace, firué à fixlieues de Philipftad. Il 
eft donc bien prouvé , qu’en certaines circonftances , les jafpes & les 
pierres les plus dures, peuvent fervir de matrice aux métaux. 

A l'égard de la variolite , elle n'a été connue jufqu'à ce jour, que 
comme une pierre ifolée, roulée avec d’autres par le courant des eaux. Il 
feroit intéreffant , fans doute, pour éclaircir {a formation , de s’allurer 
de fa nature & compléter fon hiftoire; de remonter le cours des rivières 
qui en charrient, & de râcher de la découvrir dans le véritable lieu de 
fon origine. 

Voilà , Monfeur , où fe bornent les obfervations que j’avois à vous 
communiquer à ce fujer. Je les foumers avec confiance à vos lumières. 
Si vous les jugez dignes d’avoir place dans vorre favant Journal, jem'en 
rapporte totalement à vous & à votre amitié qui m'eft chère depuis 
long-rems ; & je me félicierai d’avoir trouvé l’occafion de publier les 
fentimens qui nous uniflent. 


Je fuis, &c. 


L-5E6 T0AT MR oùE 


Sur les Tourbes du Beauvaifis , & fur le Vitriol qu'on 
en retire ; 


Par M. BRISSON, Infpeëteur du Commerce & des Manufaëtures 
4 a Lyon. 


L E territoire de Beauvais, Monfieur , ne paroît pas avoir encore été 
foigneufement examiné par aucun Naturalifte, ou du-moins l'on ignore 
quel a été le réfulrac des recherches que l’on y a faites. Ce Paysientre- 
coupé de vallons , de collines , de rivières , de bois & de prairies ; ce 
Pays , dis-je, où l’on voir une variété confidérablé dans le fol qui eft 
compofé de rerres marneufes , fabloneufes , créracées, baffes, hautes, 
humides & sèches , eft certainement digne d'occuper d’ardens Amateurs 
de l'Hiftoire Naturelle. : 

Les fofiles entre lefquels oh peut remarquer les argiles à pot & à 
foulons mériteroient une attention particulière, Il.eft très-vrai, comme 
j'a dir, je crois, Bernard Palifly , que l’on fait à Savignies près de Beau- 

VAIS » 


k 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 319 
vais, des bouteilles de terre où l’on peut conferver l’eau-forte ; nos Tein- 


 turiers en écarlate en ont journellement ja preuve: On y fait aufli des 


creufets excellens. 

Plufeurs fontaines font chargées de matières minérales, &: fur-tout 
de fer. On confeille l’ufage de leurs eaux avec fuccès en plufieurs cir- 
conftances. Ces eaux fe rencontrent principalement près des rourbes que 
je me propofe de vous faire connoïître , en vous communiquant mes 
obfervations pendant mon féjour ici. 

I ya dix-huit à vingt ans, Monfieur , que l’on jugea que des prés 
bas & humides, à une lieue environ à l’oueit de Beauvais, contenoient 
des matières combultibles ; c’étoic des terres brunes , même noires, plus 
ou moins chargées de feuilles, de filamens , de racines & d’autres dé- 
bris d'arbres, d’arbuftes & d’herbes. 

On y voir mème des morceaux de charbon de boïs qui indiquent avec 
évidence une ancienne combulftion, fur les circonftances de laquelle il ne 
faut peut-être pas fe hâter encore de former des conjectures. 

Les freres Guerin, Teinturiers à Beauvais, connus par des travaux fur 
la garance nationale, furent les premiers à employer ces courbes, dont 
les cara@ères extérieurs leur indiquoient une analogie avec les courbes 
qu’ils avoient vu confommer à Amiens. 

Le profic de fubltiuer ces matières au gros bois , les a déterminés à 
en continuer l’ufage; & ils ont été imités, mais ni rapidement , ni géné- 
ralement. Cependant , la confommation s’eft augmentée ; d’abord , on 
n’avoit fouillé la terre qu’à Saint-Paul ;'enfüuite , on a reconnu & pris des 
rourbes à Goincourt , à Onfembray , à la Chapelle-aux Pots, à Froid- 
mont, à Brefle, à Merlemont, &c. Quelques Habirans des lieux en ont 
fait ufage dans leurs foyers : on en a brûlé en pleirs champs, fans autre 
objer que d’avoir les cendres pour engrais; & vous fentez que les ter- 
reins qui les contenoient, ont augmenté confidérablement de valeur. 

Cette valeur s’eft prodigieufement accrue à l'égard de quelques ter- 
reins de Goincourt, quand on a reconnu que les courbes que l’on en 
tiroit , contenoient du vitriol de fer. 

* En confommant les rourbes de ces différens lieux , on s’apperçut que 
celles de certains cantons donnoiïent un feu dont l’intenfité éroit bien 
plus grande que celle du feu que donnoient les autres. Les grilles des 
fourneaux & les chaudières étoient promptement corrodées; & les frais 
de réparation emportoient une grande partie de l’économie fur le bois. 
L'embarras de nommer avec précifion celui qui a dit le premier aux con- 
fommareurs de rourbes corrodantes, qu’elles pouvoient contenir du 
vitriol , eft une nouvelle preuve de marquer l'époque de la naiffance des 
Arts dans chaque lieu. 

Quoi qu'il en foit, il fe forma , il y a cinq ou fix ans, une affocia- 
tion de quatre perfonnes de profeflions fort différentes , pour établir au 


Tome IV, Part, IV, 1774. OCTOBRE MINE 


339 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


canton de Bequet , Paroiffe de Saint-Paul , une Manufa@ure de vitriol 
de Mars. On en a établi enfüuite une autre à Goincourt, Je vous en expo- 
ferai ci-après les opérations. 

IE fut donc alors conftaté que les rourbes de ce Pays dévoient fe divi- 
fer en deux claffes; les unes contenant du vitriol , & que l’oh peut par 
conféquent nommer virrioliques ; & les autres n’en concenant pas, qu'il 
fe faut nommer que combuftibles. 

Les tourbes vitrioliques ne renferment plus de matières végétales, du 
moins fous leur forme première : elles font pefantes. On y diftingue des 
molécules luifantes, ferrugineufes, mais non attirables par l'aimanr. 

Les tourbes, qui ñne contiennent pas de vitriol , font fort légères. 


Ce n’eft, pour ainfi dire, qu'un feutre compofé d'herbes & de débris de 
végétaux dont un grand nombre n’eft pas encore affez détruit , pour que 
l'on puiffe méconnoïtre leur genre. H y en a néanmoins dont le tiffu eft 
plus ferré, qui fonc plus compactes ; ou, fi l’on veut , même déja plus 
homogènes que d’autres ; & ces nuances entr’elles font très-varites, en 
forte que l’on peut dire de ces premières tourbes, qu’ellès font plus ow 
moins vittioliques; & des fecondes, qu’elles font plus ou moins com- 
buftibles. 

Les tourbes combuftibles fe trouvent ordinairement dès la furface , & 
jufqu’à huit à dix pieds de profondeur. Aux couches inférieures, les ma- 
tières végétales ne font plus dans la mème intégrité qu’aux.couches fupé- 
rieures; mais ni leur pofition , ni la plus parfaite deftruétion des ma 
tières qui les compofent, ne leur procurent point de qualités vitrio- 
liques. , 

Les tourbes, qui ont cette propriété, la doivent très-vraifemblable- 
ment aux eaux qui les baignent. Ces rourbes font prefque toujours à 
quelques pieds au-deffous de la furface du cerrein ; mais on en trouve 
aufli à la furface & à dix pointes contiguës de profondeur. On appelle 
pointes la longueur du fer de Loucher ; qui eft environ d’un pied. 

On reconnoît facilement à l’œil aujourd’hui la qualité des couches 
en exploitation. Les eaux, en s’y filtrant, y ont quelquefois dépofé ün 
ochre épais, jaune ou rougeâtre , qui tapifle le fond & les bords d’une 
partie du lit où elles coulent à découvert. La matière moins grafle, moins 
bitumineufe, plus métallique , fi vous voulez me pañler ce terme, fait 
entendre un petit bruit de frottement , lorfque le fer du loucher la tra- 
verfe ; & quand on jette fur la terre sèche voifine les morceaux enlevés 
avec le louchet, ils s'émietrent. La tourbe combuftible, au contraire , 
dont les parties ont plus d’adhérence, garde fa forme qui eft à-peu-près 
celle d’une brique; car on fe fert ici, comme ailleurs , pour l’exploita- 
tion de ces tourbes, du /oucher à afle. 


Quand les tourbes combuftib!es font rirées de terre, on en forme de 


LCR 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 331 


petits tas ou châcelets, pour les faire fécher; & elles font en état d’être 
Léblées, : 

Les toutbes vitrioliques font à peine extraites & jettées fur terre, 
qu'elles s'ouvrent de plus en plus par l'impreffion de l'air , & leur deflica- 
tion s'opère. Quoiqu'elles ne foient pas miles en tas bien épais, elles fer- 
mentent bientôt. On voit les effets d’une partie de l’expérience citée par 
plufeurs Aureurs, & qui confifte à enterrer de la limaille de fer avec 
du foufre : ce mêlange produit bientôt de la fumée, du feu & une 
explofon. 

La fermentation de nos tourbes vitrioliques , jointe à l’aétion du 
foleil qui fait bientôt éfleurir la fuperficie du tas, réduiroit fans doure 
promptement le tout en uo caput mortuum , fi on ne le tranfportoit fous 
des hangars couverts de paille. On y étend la terre vitriolique par cou- 
ches de trois à quatre pouces d’épaiffeur, & on l'y laifle jufqu'au moment 
où fon tour viendra d’être leflivée. | 


Alors, on en met fuffifante quantité dans de grands cuviers de maçon- 
nerie , où l’on verfe enfuite de l’eau chaude qui traverfe ces terres , & 
ge l’on reçoit dans des baquets, d'où, après la lefive , elle eft mife 

ans de grandes chaudières de plomb de 1800 pintes environ ; elle y 
bout pendant plufieurs heures, & il s’évapore environ un huitième ou 
neuvième de fa malle. C’eft par la feule diminution , à ce qu'il paroït, 
que l’on juge du tems d’arrèter l’évaporation, en diminuant le feu. 


On verfe la leffive dans de grands baflins de maçonnerie, revêtusen 
ciment, qui ont fix à fept pieds de longueur , deux pieds & demi de 
largeur au fond, fur trois pieds environ de diamètre en haut , & fepc 
à huit pieds de profondeur. C'eft là que la cryftailifarion s'opère contre 
les parois liffes de ces baflins. La croûte qui s'y forme en cryftaux de 
vitriol , acquiert trois pouces & plus d’épaiffeur en douze à quinze jours, 
& n’augmente plus. On puife l'eau-mère ou furabondante , & on la 
fait chauffer pour la jetter fur des terres neuves où elle s'enrichit de 
nouveaux feis. 

Tel eft donc l’ordre de la manipulation. 


Les tourbes vitrioliques féchées en plain air pendant quelques jours , 
& réduites en efpèce 2e cendres, font étendues fous des hangars couverts 
de chaume, La fermentation qu'y produifent l'acide vitriolique & le 
feu qu’elles contiennent , par la jufte proportion qui s’érablit entre ces 
fubftances & la quantité d’eau quiles baïgnoit , & qui donne à leur affi- 
nité roure l'énergie poñlible , atténue ces tourbes déja devenues fem- 
blables à de la cendre. On peut les comparer à de la limaille, quand 
elles forcent de deffous les hangars. En cet ëtar, on les leflive avec une 
eau chande qui a déja paflé fur d’autres, ou même qui a déja été mife 
à cryltallifer. Quand ces terres neuves ont été ainfi leflivées , on verfe 
< 1774. OCTOBRE. Tt2z 


33: OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


deffus une autre eau nouvelle & toute chaude, que l’on fait réchauffer 
enfuite , pour être jertée fur d’autres terres neuves. 

Ainf , les terres neuves font leflivées par une eau déja aiguifée ; & les 
terres vieilles font leflivées par une eau fimple & nouvelle. 

Les terres ou cendres de ces leflives font rejettées dans les lieux d’où 
onen a extrait, & font fufcepribles, fans doute, de s’y charger de nouvelles 
matières vitrioliques , fi les eaux martiales viennent à s'y filtrer, & que 
l'acide vitriolique s’y uniffe de nouveau avec les parties minérales qu’elles 
y dépoferont. 

Quand on a enlevé le vitriol des parois des baflins où il s’eft formé, 
il n’y a plus qu'à le mettre dans les tonneaux, pour l'envoyer à fa defti- 
ation. Il fe vend 3 livres le quintal en gros. Les deux Manufaétures ; 
établies près de Beauvais, en fourniffent au moins trois milliers par jour 
de travail entr'elles deux. 

IL paroit furprenant que les bafins fervant à la cryftallifation ne foient 
garnis dans le milieu d'aucune traverfe qui puifle multiplier les points 
d'appui que cherchent les cryftaux en fe formant. Ces balins ne devroient 
pas, ce me femble, être dans le même lieu où l’on chauffe l’eau à lefi- 
ver, & celle à évaporer. Le travail dans les chaudières de plomb n'ayant 
pour objet que l’évaporation , elles devroient avoir une forme conique 
très-évafce , afin d'augmenter la furface par laquelle feule fe fair l'éva- 
poration. 

Depuis peu de tems on a placé dans un ou deux baflins plufeurs hé- 
riffons ou petices perches garnies de chevilles, & la cryftallifarion s’y eft 
faite allez rapidement; mais on prétend que les eryftaux font moins gros 
que ceux formés le long des parois des baflins. 

La rivalité des Entrepreneurs de ces deux Manufadures accélérera 
fans doute , les progrès de l’art de faire le vitriol de Mars, ou couperofe. 

Cet art eft tout nouveau dans ce Pays où la Chymie n'ayant fait, 
comme ailleurs, que des progrès trop foibles jufqu’à ce jour , on igno- 
roit ce qui elt écrit dans mainrs Ouvrages, même dans l'Encyclopédie , 
au mot Houille ; que cette fubftance contient quelquefois du virriol 
de Maïs. 

On pourroit tirer fans doure auffi de l’alun de nos tourbes , en précipi- 
tant le fer des leflives ou eaux de cryftallifarion, & fabftituant à l'acide 
vitriolique dont elles font fortement imprégnées, une bafe convenable. 

La vapeur de cet acide & du phlogiftique fe fair bien fortement 
fentir , quand on brûle ce qui n’a point paffé ni dans les leffives, ni dans 
les fourneaux. On forme de longues couches de routes les matières 
fecondes, fi je peux me fervir de ce rerme ; ce fontles couches extérieu- 
res du ciel des tourbes vitrioliques ou autres , les pouffières & déblais 
des rourbes vitrioliques, & les fonds des lieux d’où on les a extraites. 
On y mer le feu facilement, & il s’y entretient fous une efpèce de croûte 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 333 


qui fe forme. La cendre qui en réfulre eft plus ou moins rouge , À raifon 


. du plus ou moins de fer qui s’y trouve; & il y a des parties que l'on 


pourroit employer à faire du crayon, fi l’on vouloir fuivre les procédés 
néceffaires. Ces cendres fervent, comme vous favez , Monfieur , à fécher , 
réchauffer & dellerrer les terres humides, froides & renaces. 

On y emploie aufli les cendres des tourbes que l’on confume dans 
les fourneaux; & certe confommation eft devenue fi grande , que l’on 
fair des extractions de tourbes uniquement pour en obtenir les cendres 
quisfe vendent fur le pied de 2 livres 10 fols à 3 livres le feprier de Paris. 
Vous concevez quelle valeur ont dû acquérir les terreins qui contien- 
nent les courbes, & fur-rout les tourbes vitrioliques. Les Propriétaires 
ont joui à cet égard des avantages que la liberté & les circonftances leur 
ont donnés. 


Je fuis, &c. 


RASE NE OL O NES 


Sur une neuvelle Méthode pour extraire en grand l’acide du 
Soufre par l’intermède du nitre , fans incommoder fes 
voifins ; 


Par M. DE 14 FOLLIE, de l’Académie de Rouen. 


Dir: très-long-tems en France , comme en d’autres Pays, les 
Chymiltes ont connu les cliffus du foufre , & par conféquent l’extraétion 
de l'acide vitriolique par la combuftion du phlogiftique ; mais la mani- 
pulation pour opérer en grand, n’étoit point encore devenue l’objet de 
recherches afidues. Le peu de confommation de cet article en France, 
p’avoit point piqué l’induftrie des Particuliers ; & même , ce défaut de 
confommation fur un des obftacles qui arrècèrent les premiers travaux 
en grand , qui furent faits il y a près de vingt ans. 

En effet, les feuls Teinturiers en laine filoient confommation de 
cet article; ils s’en fervoient pour leur bleu de Saxe & leur verd de 
Saxe ; mais il falloir fi peu d’huile de vitriol au Teinturier le plusen 
vogue pour ces mauvaifes couleurs, qu'il n’auroit jamais cherché un 
objet de lucre, en préparant lui même cer acide. Aujourd’hui @et article 
eft devenu d’une confommation bien plus étendue , parce que les Manu- 
factures d’Indiennes fe font introduites & multipliées en France, autant 
qu’elles le font en Angleterre & en Hollande; & l'huile de vitriol eft 
une des drogues très-uciles à cette fabrication. . 

1774. OCTOBRE. 


. 


334 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


En effet, la première opération pour toutes les Indiennes , avant d’ap= 
pliquer le mordane, eft de paffer les pièces entières dans des eaux aci- 
des à un degré affez fort poar enlever les matières calcaires dont les 
Curandiers ont pu fe fervir pour le blanchiffage de ces toiles, fur-tout 
celles à chaînes de fil ; & ces eaux ne fervent que pour une opération. 
Quant aux Indiennes fond bleu , nommées reintes en réferve , on les 
pale au fortir de la cuve d’indigo dans des eaux très-acidulées pour 
ronger les matières calcairés qui ont pu refter dans la tiffure , & pour 
donner , par conféquent au bleu & à la partie réfervée , un éclat plus vif. 

Un de ces Manufacturiers d’Indienne-ayant remarqué qu’il confom- 
moit par an pour neuf à dix mille francs d'huile de virriol , me fit parc 
qu'il avoit envie de fabriquer lui-même cet acide , & qu’il avoit déja 
difpofé fes vafes ; il m'obferva qu'il ne faifoit pas la déconnation dans 
des ballons de verre, vu qu'ils font trop petits pour cette opération en 
grand : d’ailleurs , que plufeurs ballons de verre donneroient beaucoup 
d'embarras, ne pouvant y mettre que quelques onces de matière à 
la fois. 

En conféquence , je fus curieux de voir fes apprèts ; je vis un vafede 
plomb laminé d’une ligne d’épaiffeur , & hermériquement foudé. Ce 
vafe avoir quatorze pieds de hauteur fur douze de largeur, & dix de 
longueur. Sa forme étoit un peu elliptique ; elle étoit plus étroite de dia- 
mètre dans la partie fupérieure ; mais elle l’éroit encore davantage dans 
la partie inférieure, afin d’avoir plus de facilité pour retirer huile de 
vitriol après l'opération. Ce vafe étoit enfoncé d’un tiers au-deffous du 
niveau de la terre , & le refte étoit fupporté par des poutres & des plan- 
ches ; le tout avec économie. 

Au milieu de ce vafe ,& à hauteur commode , étoir une trappe de 
deux pieds & demi de largeur fur deux de hauteur, & s’ouvrant du bas 
en haut fur des charnières de plomb. Au niveau de cette trappe, étoient 
deux pièces de bois couvertes de plomb, traverfant horifontalement le 
milieu duvafe, & appuyées fur le côté oppofé, Je vis aufli deux autres 
pièces de bois, pofées perpendiculairement environ aux deux extrémi- 
rés du vafe; mais je jugeai , avec raifon , qu'elles ne fervoient qu'à 
foutenir l'édifice. 

Voici, me dit le Fabriquant, en me montrant une efpèce de petit 
charriot ou chailis monté fur quatre roues garnies de plomb. Voici fur 
quoi je poferai fix cuvettes ou chaudières de fer coulé, danslefquelles 
brûlera le mélange de foufre & de nitre. D'abord, je jetterai vingr- quatre 
pots d’eau dans ce vafe de plomb; je glifferai enfuite ce charriot dans 
le vale fur les rainures des deux pièces de bois qui traverfent le vafe. 
J'allumerai le mélange contenu dans les cuvettes, & de fuite , la trappe 
fera exactement refermée. Alors, Les vapeurs fe condenferont fans perte, 
& iobriendrai de l'huile de vitriol en grande quantité à la fois, 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 33 


J'avoue que, nonoblftant le peu de diffolubilité du plomb dans l’acide 
vitriolique ; il fuftit qu'il y foit difloluble, pour que j'euffe rejetté toute 
idée d’entreprife avec un vafe de ce méral ; & je m’attendois qu'avant la 
combuftion du premier quintal de matière, ce ballon ou récipient de 
piomb alloit tomber en morceaux. Point du rot ; à peine y eut.il une 
apparence que le plomb eür été corrodé. Au refte , ce fera l’objet d’un 
examen de comparaifon avec l'huile de vitriol faite dans des baïlons de 
verre ; & l’on pourra effayer fi par les alkalis on obtiendra des précipités 
de plomb; & s'il en peut réfulter quelques différences pour certaines 
opérations , &c. 

Quoi qu'il en foir, trois cens livres de foufre pulvérifé & mélangé 
avec vingt-cinq livres de nitre , furent brülées avec profit ; mais le Fa- 
briquant trouvoit que l’opération n'alloit pas affez vite ; qu'il fe formoit 
fouvent des croûres fur la matière ; & qu'on étoit obligé de brifer ces 
croûtes & de rallumer ce mélange : il vouloit donc faire conftruire un 
récipient de plomb deux fois plus grand que celui-ci. Je remarquai qu'il 
fe férvoit de foufre natif & de falpètre de la première cuitte. Alors, 
n'étant plus étonné de la formation fréquente de ces croûtes , fans doure 
plus abondantes à caufe du fel marin à bafe terreufe , contenu dans rout 
falpètre de la première cuitte, je lui confeillai d'employer le nitre rafiné, 
tel qu’il eft prefcrit dans le chapitre VIIT de l'Art du Difillareur, de 
M. Demachy. 

IL prit donc un nouveau quintal de foufre; & l'ayant pulvérifé & 
mélangé avec neuf livres de nitre raffiné , & ayant fait détonner ce mé- 
lange, c’eft-à-dire , par portions de neufà dix livres, il s'appercut que 
fon opération éroit plus prompre , moins de croûte, moins de décher ; 
mais 1l exiftoit coujours un grand inconvénient. Le voici : 

Quoique ce récipient de plomb füt affez grand , on ne pouvoit cepen- 
dant pas y brûler plus de neuf à dix livres de matière à la fois, ou bien 
ilauroït fallu mettre plus de nitre ; ce qui auroit augmenté la dépenfe. 
On éroit donc obligé , après une combuftion ou détonnation de neuf à 
dix livres , d'attendre que la condenfarion für achevée, pour recharger 
les cuverres du charriot ; autrement, file charriot eût été couvert d’une 
plus grande quantité de matière , l'abondance des vapeurs, après la 
combuftion de neuf à dix livres, auroit éteint la matiére excédente, & 
même auroit nui par la fuite à fa combuftion. On ouvroit donc la trappe, 
pour remettre de nouvelle matière ; mais chaque fois que l’on ouvroit 
cette trappe , quoique l'on eût eu le foin d’attendre que la condenfation 
des vapeurs füt faite , il fortoit roujours par certe ouverture une quantité 
d'acide fulfureux qui incommodoit beaucoup l’ouvrier, & caufoir d’au- 
tres dommages. 

En conféquence , voici le nouvel appareil fort fimple & très ingé- 
nieux qu'a imaginé ce Fabriquant ; car , pour ce qui concerne l'opération 

1774  OCTOBRE. 


336 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


dans un grand vafe de plomb & l'ufage du chariot, il n’a fait que fuivre 
ce qui fe pratique encore plus en grand dans les Fabriques Angloifes & 
Hollandoifes. Qu'’a-r-il fait ? il a entièrement abandonné l’ufage du char- 
riot , & la trappe ne lui fert que pour retirer l'huile de vitriol, lorfque 
l'opération eft finie. Mais, comment procède-t-il? Rien de plus fimple. 
Que l’on fe figure en-dehors du vafe de plomb un poële de terre, dans 
la forme d’un poële de fer coulé; de moyenne grandeur, à lexceprion 
que le cuyau eft pofé perpendiculairement au haur de la voüre du 
poële, & que ce tuyau élevé de quatre pieds, aulieu d'entrer dans 
une cheminée, entre dans ce grand ballon de plomb. On met dans 
certe efpèce de poële ou d’alembic neuf à dix livres du mélange de fou- 
fre & de nitre pulvérifé. On allume ce mélange par une perite ouver- 
ture que l’on referme de fuite exaétement; on allume aufli un peu de 
feu fous cet alambic, pour accélérer la combuftion. Alors, les vapeurs 
palfent avec vivacité dans le cuyau du poële, & vont fe condenfer dans 
le grand récipient de plomb; & ces vapeurs fe condenient d’aurant plus 
promptement , que le vafe de plomb eft bien moins échauffé par cette 
nouvelle manipulation , puifqu’il n’y a plus de feu dans fon intérieur. : 
Enfuite, il n’eft queftion que d'ouvrir ce petit alambic, pour y remettre 

de la matière , & l’on continue ainfi l'opération avec beaucoup de fuc- 

cès, moins de perte, moins de danger, puifqu'il n'exhale prefque 

pas d’acide fulfureux. 

Dans le cas où l’on voudroit brüler trop de matière à la fois , les 
vapeursreflueroient par le tuyau ; & c'eit ce qu'il faur éviter. 

Enfin , comme la prompte condenfation des vapeurs eft ce que l’on 
defire principalement dans cette opération, parce que non feulemenr 
elle eft lucrative en accélérant le produit, mais encore que moinsil y 
aura de perte pour le Fabriquant , & moins les voifins feront expofés à 
être incommodés. Voici donc ce que j'ai imaginé, & dont j'efpère le 
faccès Le plus heureux. C’eft d'ajouter une pompe foulante & afpirante 
en- dehors du vafe : cette pompe fera chargée d’eau froide. Le ruyau de 
fon jet fera hermétiquement foudé dans le vafe, & aura fa direction au 
haut de la voûte; ce bout du jet fera percé d'une quantité de petits 
trous , en forme d’arrofoir. Chaque fois que l’on aura brülé neuf ou dix 
livres de matière dans l'alambic, on donnera un coup de pompe avec 
force ; alors l’eau divifée ira frapper la voûte intérieure du vafe ou ré- 
cipient de plomb , & les gouttes d’eau rejailliffantes accéléreront certai- 
nement par leur fraîcheur & leur pefanreur la condenfation & la chüte 
des vapeurs au fond du vafe. 

Il réfultera donc de certe opération la facilité de recommencer promp- 
tement une nouvelle combuftion; moins de perte & moins d'appré- 
henfon d’incommoder fes voifns. 

11 eft fenfible que ce Fabriquant, au-lieu de charger préalablemenc 

fon 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ‘337 


fon vafe de vingt-quatre pots d’eau, n’en mettra qu’une très-perire quan- 
tité, & la diftribuera ainfi par portions de pinte oupinte & demie. 
Nonobftant cette addition qui pourra devenir très-intéreffante , voici 

ar cette nouvelle manipulation plufeurs milliers d'huile de vittiol, 
Atass fans que les voifins aient encore éprouvé d'incommodité , au- 
lieu que par l'ouverture du vafe mème où fe faifoit la condenfation 
des vapeurs, il s’en exhaloit affez pour occafonner bientôt quelques 
plaintes. 

Déja, pluñeurs arbres fitués fur le terrein de ce Fabriquant, & du 
côté de l’ouverture de la trappe , avoient beaucoup fouffert ; mais ces 
inconvéniens n’exiftent plus. 

Quant à la reétification , il fe fert du fourneau nommé galère, fi 
bien décrit par M. Demachy, dans l'Art du Diftillateur d’eau forte. Je 
lui ai confeillé auffi d'employerle bois au lieu dé charbon de terte , pour 
éviter une odeur défagréable à fes voifns , d'autant plus, qu'il faut peu 
de bois, & qu'il n'a pas trouvé quela dépenfe en für beaucoup plus 
confidérable. 

D'ailleurs, je lui ai obfervé qu'il eft inutile de faire les frais de rec- 
tification fur l'acide vitriolique qu'il emploie, puifque cet acide devant 
être noyé dans beaucoup d’eau , il n’eft queftion que d’en combiner 
la quantité proportionnellement au‘degré dé la concentration requife 
pour la vente. 

Enfin , il eft certain , que par cette nouvelle manipulation du poële 
ou alembic, en y ajoutant la pompe pour condenfer fubirement les va- 
peurs , en y ajoutant aufli un tuyau & une chante-pleure de plomb au 
* bas du récipient de plomb , afin de retirer l’huiledu vitriol, fans ou- 
vrir le grand vafe ; il eft certain , dis-je, que quand même on opéreroit 
avec des vafes & des quantités trois fois plus confidérables, on fera 
toujours à l'abri des plaintes ; ‘ou fi l'on en forme alors, l'injuftice & 
le préjugé en feront la bafe, 


Tome IV , Part. IV. 1774. OCTOBRE. Vyx 


333 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Ce — 5 —— 7169) 
NOUVELLES LITTÉRAIRES. 


ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES, BELLES-LETTRES 
& ARTS pe RouEzn. 


Séance publique du Mercredi 3 Août 1774 , pour la partie des Sciences. 


M. Dambourney , Secrétaire perpétuel pour les Sciences & Arts, 
rendit compte d’un appareil imaginé ( par un Imprimeur en Toiles- 
peintes à Rouen ) pour extraire l'acide vitriolique en grand , fans aucune 
perte de vapeurs. M. de la Follie a fuggéré des moyens pour accélérer 
cette opération, & pour n’ouvrir le récipient dans aucun cas , pendant, 
ni même après le travail, comme on vient de le voir , page 337. 


2°. De deux Differtations de M. Parmentier ; fur le Seigle ergoté , 
& fur les champignons. 


3°. Des Réflexions de M. /e Chandelier, pour diminuer les dangers 
du fucre purgatif. Sans ceffer de blâmer l’ufage de ce remède, l’Auteur 
propoie de l’envelopper d’un mucilage de gomme arabique , ou de ré- 
duire les fubitances réfineufes à la vingr-quatrième partie de Scamonce 
feulément. 


4. Des Éxpériences faites par M. David, dans la tour de Saint- 
Ouën, à cent foixante-dix pieds au-deffus, du pavé de l'Eglife ; pou 
favoir fi les Graves placés plus près ou plus loin du centte de la terre, 
ont une force différente de gravirarion ; & fi certe force fuit les loix 
Newtonniennes du quarré de la diftance au centre ? Loin que ces expé- 
riences répétées deux fois viennent à l'appui de certe loi , le poids fupé- 
rieur l’a conftamment emporté fur l’inférieur : cependant , cer excès du 
poids fupérieur eft beaucoup moindre que ne l'annonce le Pere Bertier, 
de l'Académie des Sciences; puifqu'il ne s’eft trouvé que d’un grosfur 
un poids de 7; livres, & que d'un peu plus d'une once fur un poids de 
1220 livres (1). 


(x) Nous ajouterons à cette occafion le précis d'une Lettre qui nous a été écrite de 
Montmorenci , par le Pere Corte , de l'Oratoire , où il s'exprime ainf : « Nous avons 
æ répété, en préfence de plufieurs témoins , le Pere Bertier & moi, l'expérience des 


un rt 


mn 


SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 339 


s°. De la fuite des obfervarions de M. l'Abbé Dicquemare fur les 
Anémones de Mer , & de la reproduction d'une quatrième efpèce plus 
grande & plus belle que les trois autres. Celle cine jette point fes perits 
par la bouche; mais dans un rems marqué , il fe fait à fa bafe des déchi- 
remens de petites parties, grofles comme une lentille. Ces corps, 
d’abord informes , s'arrondiflent peu-à-peu , & en deux ou trois mois 
ils acquièrent une bouche , des apparences de bras, une organifation 
intérieure , & la fenfbilité..En répondant à la Lettre qui annonçoit 
certe fingulière reproduction, le Secrétaire propofa à M. l'Abbé Dic- 
Date de prévenir ces déchiremens naturels par une feétion violente 
e petites portions de cette bafe. A près plufeurs effais , il eft arrivé que 
toutes les parties coupées où l’on remarquoit une petite bulbe, ont pro- 
duit un animal, & que les autres feulement ont péri. Cerre quatrième 
efpèce , exclufivement aux trois premières , eft donc un polype parfait. 


Elle fera gravée dans le Mémoire général que l’Auteur doit publier 
inceffamment. 


6°. D'un moyen indiqué par le mème, pour hâter de huit années la 
jouiffance des fleurs du cierge épineux , & fur des fujets de deux pieds 
de hauteur. Il confifte à prendre un rejeton de certe force bien enraciné, 
le laifler faner & rider pendant quinze jours , puis le planter renverfé, 
les racines en l'air. Il reverdira fans poulfer , pendant deux années , dans 
cette polition contre nature, Auprintems de la troifème année , il faut 
le replanter dans la polition naturelle, les racines en terre ; & dès le 
mois d'Aoùût, 1l fe couvrira de belles fleurs, 


7°. D'un Mémoire deIM. Dufay de Dieppe fur les Ourfins de mer. 
Il en réfulte qu'un Ourfin.de quatre pouces & demi de diamètre fur 
trois pouces de hauteur, eft formé de neuf cens cinquante pièces , par- 
femées de quatre mille cinq cens mamelons, dont chacun fert de genou 
à une épine mobile ; & qu'il eft perforé de trois mille huit cens qua- 
rante petits trous, par lefquels paflent autant de cornes flexibles qui 
aident aux fenfarions de l’animal. 


2 


#» balances ous la voûte de notre Eglife qui a quarante-cinq pieds d'élévation. Nous 
» nous fommes fervi de balances fort exaétes , & nous'avons mis en équilibre deux ! 
» poids de cent cinquante livres chacun Nous avons enfuite fufpendu l’un de ces 
#,poids à une corde qui defcendoir dans l'Eglife, L'équilibre a été rompu , quoique les 
» poids fuflent les mêmes ; & pour le récablir, nous avons été obligés d'ajouter deux 
» livres au poids fupérieur. Il paroïr, ainfi que le Pere Bertier l’a déja annoncé, que 
5» plus les poids font forts , plus la différence de, pefanteur eft grande «. Nous laiflons 
à:nos Letéurs à tirer les conféquences de la difproportion énorme quife trouve dans 
1e rélulrat des/expériences faites à Montmorenci & à Rôueni 


1774. OCTOBRE, Vv 2 


Te 


x 


4 


340 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


8°, D'une Differtation de M. Defcroifilles, Apothicaire à Dieppe, 
qui recommande comme un fupplément au hé de la Chine , les ombel- 
les, les graines naïffantes , les pédicules , & même les iges de l'Ange- 
lica fativa , lorfqu’elle a porté graine. 5 

De quelques épis de bled pris dans une pièce frappée de la foudre 
dans le Soiflonnois , & envoyés à M. Ballière. Soit qu’on confidère l’épi 
entier, oule grain & fes enveloppes, la paille & les feuilles féparé= 
ment , la forme eft complètement confervée ; mais la couleur notre & 
brillante comme celle du crayon nommé #ine de plomb d’Anglererre , 
feroit penfer /que le tout a été minéralifé , fi fon extrème légéreté n'e- 
cartoit pas cette idée. - 


10°. D’un Mémoire de M. Sellier | de Académie d'Amiens, fur là 
Tourbe de Picardie. Le:banc eft de quinze à dix-huit pieds d’épailleur , 
affis fur une vafe affez dure que fupporte un lit de fable & de gravier, 
lequel étant percé, l’eau monte & forme une fource bouillante. C’eft le 
moyen qu’on emploie pour fe procurer de bons puits dans la Wa/lée de 
Somme. Quelques fources , même minérales, fe ae horifontalement un 
pallage au-travers de la courbe, fans perdre leurs qualités, & fans con- 
tracker les défauts de l’eau ftagnante dont elle eft imbibée. Il y a beau- 
coup de précautions à prendre pour bâtir fur un fonds aufli mobile ; il 
faut challer des pilotis dont la longueur n’excède point l'épaiffeur du 
banc, & fouvenren chaffant l’un on déchaffe celui qui eft voifin :enfin, 
le bâtiment conftruit feroit:bientôt renverfé , fi l’on venoit à creufer aux 
environs quelques foffés ou tranchées qui détruiroient l'équilibre. 


11°. Deplufieurs morceaux de bois & d’offemens pétrifiés, trouvés 
par M. Scanegatti, dans la Paroifle d’Ecalle près le Pont-Audemer. 


120, Du problème de Méchanique hydraulique , réfolu par M. de 
Valernod , de l'Académie de Lyon, pour diminuer des deux tiers la 
dépenfe de l’eau dans les machines mues par fon choc. 


13°. D'un Mémoire de M. Duperron , Infpecteur des Ponts & Chauf- 
fées à Lyon, fur les abus qui réfultent de la liberté laiffée à chaque 
petit éducateur de vers à foie, de filerlui-mème fa foible récolte, & 
pour folliciter des réglèmens pareils à ceux qui depuis fi long-tems font 
fleurir cet arc dans le Piémont. 


14°. Du moyen que le fieur Quentin, Pompier à Rouen, a trouvé 
pour entamer en-dehors & en dedans des tuyaux de cuivre de trois pieds 
de long, & depuis onze lignes jufqu'à deux, de trois pouces de dia- 
mètre. L'Auteur a placé des pompes formées de pareils tuyaux dans des 
puits dont l’eau ne peut ni intérieurement, ni à l'extérieur du tuyau, 


, 


ei tué 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 341 


attaquer le cuivre , ni contraéter aucune empreinte de vert de gris , dont 
la quantité la moins fenfible devient funefte par un long ufage. 


15°. D'un nouveau Crible À bled ; inventé par le fieur Har/ay , des 
meurant à Bucchy prèsla forêt de Lions , au moyen duquel on fe pro- 
cure le bled le plus parfait pour la femence & pour le pain. Cetre ma- 
chine , qui ne coûte que quarante-cinq livres , eft encore convenable 
pour cribler & féparer en divers degrés de fineffe le ciment , la chaux- 
vive, les fragmens de charbon de terre & de mâche-fer , recommandés 
par M. Loriot , dans la compoñition de fon nouveau mortier. 


16°. De divers Papiers fabriqués à Rouen , d’après /es inffruëlions de 
M. Delafollie. La pâte blanchie promprement & fans frais dansles piles, 
donne un papier blanc , fupérieur à celui de Hollande. Il a teint cette 
même pâte aufli dans les piles , & notamment fon papier violer conferve 
fa couleur dans l’eau feconde, randis que celui de Hollande , éprouvé en 
concurrence , n’a gardé qu'un jaune-fale. Une couleur aufli tendre , por- 
tée à froid fur une matière végétale aufi réfractaire que l’eft la pâte du 
papier, a paru un problème intéreffanc pour l’Art de la Teinture. 


17°, D'un degrè de perfeétion que M. David , Chirurgien en chef 
de l'Hôtel-Dieu de Rouen ; a ajouté à l'inftrument qu’il avoit inventé en 
1772, pour lier & faire tomber, par fuite de morufication, les polypes 
de l’uterus. Telqu'il étoit-alors , il eft devenu l’objer d’une chèfe pu- 
publique qui en a confacré la fupériorité fur diverfes renettes de M. 
Levret. Mais on étoit obligé de tordre à plufeurs reprifes le fil de la 
ligature ; M. David a prévenu cet inconvénient , en ajoutant un petit 
treuil , qui donne la faculté de ferrer cetce ligature par degrés , & juf- 
qu’à étranglemenr. « 


18°. Du Mémoire de M. Pamard fils , Chirurgien en chefà Avignon, 
fur fa méthode d’extirper les Joupes & autres tumeurs , en confervant 
exactement ce qu'il faut de peau pour recouvrir la plaie après l’opéra- 
tion. Pour y parvenir avec la précifion requife, l’Auteur indique dans 
tous les cas l'application préliminaire d’une figure de Géométrie fimple , 
qui fixera l'érendue que doivent avoir Les angles de la plaie. 


19°. D'un Mémoire accompagné de figures & modèles en relief, qui 
expliquent la méthodede M. Fourneaux , pour tracer les cinq corps régu- 
liers dansun cylindre & dans ur cône fealène. Les Commiffaires nommés 
ont “dit dans leur rapport. » que cette découverte doit mériter à fon 
» Auteur l’approbation de l'Académie ; & que M. Fourneaux peut la ren- 
» dre publique, parce qu'indépendamment de la très grande difhiculré 
» vaincue , elle eft préférable à tout ce qu’on a mis jufqu’à préfent en 
» ufage, tant pour abréger letravail, que pour l’économie de la matière «. 

1774 OCTOBRE, 


342 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


20°, D'un Mémoire de M. Chef: d’Hôrel ; fur l’extraétion de laracine 
quarrée des quantités numériques , par une propriété de la fuite natu- 
relle des nombres impaires 1, 3,5, &c. 


210. M. Scanegatti, qui partage avec l’Académie & tous les bons 
Citoyens la reconnoiffance due aux foins patriotiques du Corps muni- 
cipal , s’eft occupé des moyens de perfectionner quelques - uns des 
inftrumens deftinés à fecourir les perfonnes noyées. Son attention s’eft 
particulièrement fixée fur l'injection de la fumée de tabac, & fur l'inf- 
piration de l'air chaud. La répugnance pour la première , la force des 
mufcles peétorauxqu’exige la feconde de ces opérations indifpenfables , 
lui a fait imaginer une feringue qui remplit ce double objet. Le corps 
& le pifton n'ont rien de particulier ; mais le fond eft percé de deux 
trous diftans d'environ un pouce : ils font l’un & laurre garnis de fou- 
papes, mais placées différemment. L’une eft à l’intérieur d’un des trous, 
& s'ouvre dans l’infpiration du pifton ; l’autre foupape eft à l'extérieur 
de l’autre trou , & celle-ci s'ouvre dans le refoulement , tandis que la 
première feferme, & vice versä. Chacun de ces orifices eft furmonté à 
l'extérieur d’une portion de tuyau à vis, fur lequel fe monte un écrou 
qui tient à un boyau de cuir plus ou moins long, terminé encore par une 
vis d’étain , à laquelle on adapte les différentes pièces convenables à 
l'ufage qu'on en veut faire. 

En fuppofant , par exemple, qu’on veuille injecter de la fumée , on 
viffe fur l’orifice où fe trouve la foupape intérieure , une pipe de métal 
remplie de tabac allumé : fi l’on élève le pifton, la feringue fe charge 
nécelfairement de fumée, qui , lors du refoulement, ne trouvant d'iflue 
que par la foupape extérieure , eft obligé de fuivre le boyau de cuir , ter- 
miné par une canule. L'on peut, fans la déplacer , pomper & fouler 
alternativement, & faire ainfi paffer dans les inteftins du Submergé, 
autant de fumée de rabac qu’on le juge à propos. Ce moyen à paru plus 
fimple & plus affuré que celui du foufflet actuellement en ufage. 

Veut-on introduire de l'air chaud & humide , tel que le fourniroit 
un homme , en appliquant fa bouche fur celle d’un Submergé ? On fubf- 
citue à la pipe , un tuyau de cuir dont l’autre extrémité fe vifle au-deflus 
d’une petite bouilloire dans laquelle on échauffe un verre d’eau par une 
lampe à efprit-de-vin. Si l’on afpire , la feringue fe charge de l'air chaud 
& humide qu’exhale la bouilloire , & qui, en refoulant, palfe dans le 
boyau terminé alors par une efpèce d’auge très applatie , laquelle fur- 
montée d'une embouchure ou de fauffes lèvres, pour prévenir toute éva- 
poration , porte cet air dans la bouche , puis dans les poumons, en telle 
force & quantité qu'il eft nécellaire. On peut continuer cetre opération 
fans déplacement ; & cetreinjeétion d’air eft bien fupérieure à celle que 
peut fournir la bouche d'un homme qui, indépendamment de la répu- 
gnance, ft bientôt rebuté par la fatigue. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 343 


220, M. Scanegarti fit voir aufli dans cerre Séance un nouveau levier 
qui lui permer de faire agir une pompe. A quelque diftance que le local 
exige que le moulin à vent foit placé ; il communique, le mouvement 
horifontalement & verticalement. Le moteur étant appliqué à un des 
bras de ce levier, fait éprouver fa force entière en raifon inverfe au 
pifton dela pompe attachée à l’autre bras ; de forte que ce pifton foule 
ou afpire alternativemenr. Cetre impreffion , qui ne lui eft donnée que 
par des tirans rendus, permer de n'employer que des fils de fer , là où 
on auroit befoin debarres, dont il faudroit vaincre le poids. I] ne refte 
de frottement que dans deux tourillons ; & cette machine peut égale- 
ment fervir dans des puits très-profonds , en changeant feulemenc les 
points de puifflance & de réfiftance. 


23°. M. Delafollie lut le détail de fon Examen d’une terre verte 
trouvée en grande abondance aux environs du Pont Audemer. Il fit part 
aufli de quelques Aménités chymiques , pour colorer les pérales des Aeurs 
& les poudres à cheveux , pour employer le bleu de Prulle en teincure fur 
les riffus de matières végétales ; enfin, il donna un Procédé pour former 
le bleu de Pruife, fans s’expofer, ni fes voifins, à l’odeur atroce qu’ex- 
hale la combuftion du fang de bœuf. L 


111 
On diftribua les Prix fondés par le Corps municipal pour l'Anatomie ; 
la Chirurgie , la Botanique, les Mathématiques , l'Hydrographie, & 
l'Art des Accouchemens. 


Le grand Prix des Sciences éroit deftiné cette année à celui qui indi- 
queroit fuivant les vues de l’Académie ; 

» Quelles ont été les découvertes anaromiques depuis le commence- 
» ment de ce fiècle , & quels avantages l'Art de guérir en a retiré ? « 

Entreles Mémoires envoyés au concours , on a particulièrement re- 
marqué celui dont l’épigraphe eft , & fungar inani munere. 

Mais , quoique fon Auteur aitexpofé d’une manière fatisfaifante les 
progrès de l’Anaromie, depuisle commencement du fiècle , l'Académie 
auroit defiré qu’il eût donné un peu plus de développement à quelques 
découvertes anatomiques qu’il n’a fait qu'annoncer , & qu’il fe für borné 
à un fimple énoncé de ces mêmes découvertes , lorfqu'’elles ne portent 
pas fur des objets intéreffans pour la pratique de l’Art de guérir. 

L’expofition des avantages que cet Art a retiré des progrès de l’Ana- 
tomieen ce fiècle, eft trop fuccinte dans ce Mémoire. L’érudition & les 
connoiflances de l'Auteur annoncent qu'il. peut faire mieux. L'Académie 
n'a -pas cru borner les Concurrens à n’expofer que ces avantages. Elle 
pe qu'on travailleroir encore eficacement, en indiquantle peu d’ui- 


ité de quelques-unes de ces découvertes, Quelques réflexions à cer 
1774 OCTOBRE, 


344 OBSERWATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


égard pourroient rapprocher vers les objets utiles ceux que l'avidité de 
découvrir emporte au-delà du but. L'Académie invite à redoubler d’ef- 
forts pour traiter la même queftion , qu'elle a jugée affez importante 
pour la propofert: nouveau. 

Les Mémoires feront adreflés, francs de port , & dans la forme ordi- 
naire, à M. L. À. Dambourney, Secréraire perpétuel , & ne feront 
reçus que jufqu'au premier Juiller 1775 iuclufivement. 


ANNÉE 1776. 


L'Académie de Lyon propofe pour Prix de Phyfique, qui fera diftri- 
bué en 1776 , le Sujet fuivanc: 

» L'éledricité de l’athmofphère a-t-elle quelque influence fur le 
» corps humain ? Quels font les effets de certe influence ? « 


L'Académie avoit propoié, pour le Prix de l'année 1774, le Sujet 
qui fuit: : 

» Trouver des Plantes indigènes qui puiffent remplacer exaétement 
» l'ipécacuanha, le Quinquina & le Séné ». N'ayant pas été fufhifam- 
ment fatisfaite des Mémoires qu’on lui a adreffés, elle a continué le 
mème Sujet , à l’année 1776 , en annonçant les Prix doubles ; & , pour 
faciliter le fuccès du concours , elle s’eft déterminée à généralifer fa 
demande : les Prix feront décernés à ceux qui lui auront communiqué, 
dans le règne végétal , les découvertes lés plus importantes , relativement 
à la matière médicale. 


Une feule découverte utile fera dans le cas de mériterle Prix; mais 


elle doit ètre établie par des faits conftatés d’une manière authentique , 
& fuffifamment détaillés par les Auteurs, pour qu’on puifle facilement 
répéter leurs expériences . avec les précautions qu'infpirent la prudence 
& l'amour de l'humanité. 

Les conditions font les mêmes que celles ci-deffus. Les Prix propofés 
confiftoient en deux médailles, la première en or, de la valeur de 300 
livres; la feconde en argent, du prix de 2$ livres ; l'une & l'autre feront 
doubles , & diftribuées en 1776 , après la fête de Saint-Pierre. Les Mc- 
moires ne feront admis à concourir que jufqu’au premier Avril de la 
même année. 

AN NÉE 1777. 


L'Académie avoit demandé , pout le Prix des Arts qui devoir être 
diftribué en 1774 : 

» Quels font les moyens les plus fimples & les moins fujets à incon- 

» véniens , d'occuper dans les Arts méchaniques , ou de quelqu'autre 

» manière , les Ouvriers d’une Manufacture d’étoffe , dans les tems où 

» elle éprouve une ceflation de travail; l'expérience ayant appris que la 

» plupart 


4 
5 
0 


%» 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 34 


s plupart de ces Artifans font peu propres aux travaux de la Cam- 
» pagne « ? 

L'Académie s’eft vue contrainte, à regret, de renvoyer également ce 
Prix, dont la diftribution revient tous les trois ans; mais elle a crudevoir 
continuer ce fujer important pour la Ville de Lyon, & redoubler le prix. 
Elle a arrêté en même-tems de conferver le droit du Concours aux Ou- 
vrages déja reçus, en invitant les Auteurs à développer davantage les 
moyens qui feroient nécelfaires pour mettre à exécution les projets qu'ils 
propofent: l’Académie a principalement en vue l’Auteur d’un Mémoire 
intéreffant écric en Latin , dont la devife eft, Homo fum , humani nil à 
me alienum puto. Terent. 

Les conditions comme ci-deffus. Le prix fera double , confiftant en 
deux médailles d’or, de la valeur chacune de 300 livres. On n’admettra 
aucuh Mémoire au Concours , paffé le premier Avril 1777. La diftribu- 
tion fe fera la mème année, après la fère de Saint - Louis. 


PRIX DE MATHÉMATIQUES, 
Fondé par M. CHRISTIN; 
Pour l'Année 1775. 


» Quels font les moyens les plus faciles & les moins difpendieux, 
» de’ procurer à la Ville de Lyon, la meilleure eau, & d’en diftribuer 
» une quantité fuffifante dans rous fes quartiers « ? 

L'Académie a demandé de joindre aux projets, les plans des ma- 
chines , les calculs du produit & de l'entretien, & un devis général. 

Le Prix eft double, & conffte en deux Médailles d'or , de la valeur 
de 300 liv. chacune..Il fera décerné, en l’année 1775 , après la fère 
de S. Louis. Les Mémoires , pour être admis au Concours, doivent 
être reçus avant le premier Avril de la même année. 


PÉRPCINT R R O' POSE 
Par M PouTEAu, 


Académicien ordinaire , Chirurgien gradué ; de l’Académie Royale de 
Chirurgie de Paris , & de celle de Rouen. 


Pour la même année 1775. 


Sur la demande de M. Poureau , l’Académie a propofé le fujet fui- 
yant : » Donner la théorie & le traitement des maladies chroniques 
» du poumon, avec des recherches hiftoriques & critiques fur les prin- 
» cipaux moyens de guérifon , employés contre ces maladies, par les 
» Médecins anciens & modernes, & mème par les Empiriques «. 

La fomme dépolée par M. Pouteau , eft de Goo livres. Le Prix fera 
décerné par l'Académie , en l’année 1775, après la fête de S. Louis, 


Tome IV, Part. IV. 1774. OCTOBRE. Xx 


346 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Les Mémoires feront envoyés avant le premier Avril de la même an née; 
les autres conditions, conformes à celles des Programmes ci-deffus. 


Effai fur les moyens d'améliorer la f[alubrité du fejour de Nancy , 
pat M. Coste, Médecin de l'Hopital Royal & Militaire descette 
Ville : Mémoire couronné par l’Académie des Sciences, Arts & 
Belles-[Lertres de Lorraine, le 8 Juin 1774, 7-80. 2 pages. A 
Nancy, chez Leclerc. Ce Mémoire, rempli d'excellentes vues bien 
préfentées , eft non-feulement utile & effentiel pour la ville de Nancy, 
mais encore à toutes les grandes Villes, où , à l'exception de quel- 
ques vices locaux, tout le refte y eftégal. On remédie lentement, à 
la vérité, aux grands objets qui font pernicieux ; mais, fi lon com- 
paroit le mal qu'ils produifent avec l’aggrégation de celui produit par 
les perires caufes, on verra prefque toujours ce dernier l'emporter de 
beaucoup fur le premier. 


Lettres à l’ Auteur anonyme de deux prétendus Extraits inférés dans 
le Journal des Savans des mois de Novembre & Décembre 1773 , pu- 
bliés contre le plan général & raifonré du Monde primitif analyfé € 
comparé avec le Monde moderne, & contre les Allegories Orientales , 
ou le Fragment de Sanchoniaton , &c. par M. Courr. DE GEBELiN. 
À Paris, de l'Imprimerie de Valeyre, rue de la Vieille Boucierie , 
in-4°. 6G pages, & fe vend à Paris , chez Ruaulr , Libraire, rue dela 
Harpe. Seroit-ce trop avancer fi on difoir que cette manière de répon- 
dre & de difcuter, eft un chef d'œuvre? Nous profiterons des fages 
avis que l’Auteur donne aux Journaliftes en général. 


Eclaircifflemens fur l'invention, la thécrie , la conftruëtion & les épreu= 
ves des nouvelles Machines propofées en France pour la détermination 
des longitudes en mer par la mefure du tems , fervant de fuite 4 lEffai 

* Jurl’Horlogerie & au Traité des Horloges marines ; de Réponfe à un 
écrit qui a pour titre : Précis des Recherches faites en France pour la 
détermination des longitudes en mer par la mefure artificielle du tems , & 
de réponfe à /a fuire de ce même Précis, par M.Ferdinand BerrHouD, 
Horloger Méchanicien du Roi & de la Marine, ayant l’infpeétion de 
Ja conftruétion des Horloges marines, & Membre de la Société Royale 
de Londres, in-4° de 164 pages. À Paris, chez Mufer , fils, Quai 
des Aupguftins. ; É 

Démonftration de la Quadrature définie du cercle ; par M. Louis Dure 
LarrainAye, Ecuyer, Valer-de.Chambre de S. A. S. Monfeioneur 
le Duc d'Orléans. À Paris, chez d’Houry : rue de la Vieille Bouclerie , 
in-8°. de 31 pages. 

Confultation fur la Quadrature définie du cercle, par M.le ROHBERGHERT 
DE VAUSENVILLE , Correfpondant de l’Académie Royale des Sciences ; 
brochure de 15 pages , à Paris , chez Simon, Imprimeur du Parlement. 


: 


__Echelle dl de la la Figure 


= 
= 
Ë M N E s _ Es TU TA 
£Echelle de la Figure 4° en Pieds Analots . 
—— ee ——— 2 — ————_—_—_— à 
Le] I 2 de) 4 6 [e} 


fAD 


6 et 


pour des Fqures 
——— 
2 


— 


Pieds d'Anoletere 


Figure 7e 


- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 347 


— 


ROLE EAN M EN 


* D'une Terre verte que l’on trouve abondamment aux envi- 
rons du Pont-Audemer en Normandie, & probablement 
en d’autres endroits : avec diverfes expériences qui pa- 
roiflent démontrer que les couleurs variées de toutes les 
plantes , ne font que le réfultat des précipités ferrugineux ; 


Par M. DELAFOLLIE, de l’Académie de Rouen. 


L A terre, que j'ai examinée , préfente au premier coup-d’œil la décou- 
verte d’une mine de cuivre fort riche , appellée Mine de cuivre foyeufe. 
En effer , on y appercçoir diftinétement un précipité verd , mêlangé avec 
de petits quartz; mais, d’après quelques expériences, l’illufon ceffe; 
& l’on ne voit dans cette terre qu’un mélange de fer très-phlogiftiqué , 
de l'acide vitrivlique, & les trois efpèces de verres vitrifiable , calcaire 
& argilleufe. ; : 


PORVEMMIMEUR EN EUX PEUR IVE NC E, 


J'ai verfé fur une portion de cette terre de l’alkali volaril ; & cette 
épreuve , qui eft décifive pour reconnoître fur-le-champ la préfence du 
cuivre , m'a indiqué qu'il n’exiftoit dans cette terre aucune partie cui- 
vreufe. J'ai fair la mème opération fur des pyrites rrès-jaunes que con 
tient certe terre, & que j'avois fait diffloudre ; même réfultac : il n’y 
exifte donc aucune partie cuivreufe ? 


E x ®'E R1EN c'e Il 


J'ai fait calciner cette terre à feu ouvert ; il y a fort peu d’évapo- 
ration fulfureufe. Je l'ai pilée, lavée , & j'ai décanté les parties de terre 
les plus légères. J'ai remis au feu le précipité le plus pefant ; alors, toute 
cette malle eft devenue comme une éponge, c’eft-a-dire , entièremenc 
criblée & légère. Cette terre, qui étoit d’un très-beau noir , eft devenue 
rouge , lorfqu’elle a été fondue fur de l'émail, & eft devenus jaune à un 
feu plus confidérable, ce qui démontre bien l’exiftence du fer. 


1774. NOVEMBRE. Xx2 


348 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Expérience IIl. 


J'ai verfé de l'acide nitreux fur une autre portion de certe même terre 
verte. Il s’eft fair une perire diffolurion ; je l'ai laiffée à l'air pendant 
quelques jours, enfuite je l’ai décantée , & y ayant ajouté autant d’eau, 
j'ai verfé par degrés dans certe diffolution de l’eau de foude , ce mêlange 

-eft devenu jaune , enfuite rouge ; enfin, étant devenu verd , ila pañlé au 
bleu , lequel bleu s’eft précipité ,.& a formé un bleu de Prufle très-beau. 

Ayant fair le même travail fur les pyrites que contient cette terre , 
elles ne m'ont fourni qu'un ochre jaune. Le même acide nitreux, affoi- 
bli par une égale quantité d'eau, & la même eau de foude , mêlés enfem- 
ble , ne m'ont point donné de bleu de Pruffe ; ils n’éroient ni affez phlo- 
giftiqués , ni affez concentrés , pour m'avoir induit en erreur ; & d’ail- 
leurs , la quantité de bleude Prulle obrenue , ne m'a pas permis de douter 
que je devois fa formation au phlogiftique & au fer contenu dans cette 
terre. Il eft donc conftant que cette terre verte ne doit elle-même fa 
couleur qu’au bleu de Pruffe qu’elle contient, & par conféquent au fer 
phlogiftiqué uni à d’avires portions de fer moins phlogiftiquées , & de 
couleur jaune. : 

Réflexions. 


En confidérant cette formation de couleur que préfente la nature dans 
cetre terre, & connoiffant quel en eft le principe, ne peut-on pas pré- 
fumer avec plus d’évidence que cette belle couleur verte de toutes les 
plantes, & même les autres couleurs de routes les fleurs ne font que le 
réfulrat de précipités ferrugineux? On fera moins étonné que ces pré- 
cipités puiffent pénétrer dans les pores des fleurs , en obfervant que 
toures les reintures qui fent elles-mêmes, pour la plupart, des précipités 
ferrugineux , entrent dans des pores très-Étroits. 


EXEMPLE. 


Je prends du bleu de Pruffe, vel qu'on le vend dans le commerce, 
c’eft-à dire, fait fuivant la méthode ordinaire. On fait par des expé- 
riences conftanres , que ce bleu eft le fer lui même précipité. J'écrafe 
donc des morceaux de ce bleu dans de forte eau de foude. La diffolution 
devient rouffe. J'y trempe des morceaux de fil de coton & de foie; & , 
après les avoir bien imbibés de certe diffolution , je les trempe de fuire 
dans de l'eau où j'ai jerré quelques gouttes d'huile de vitriol. Aufl-rôt 
ces morceaux d’éroffe, qui étoient de couleur roule, deviennent d’un 
bleu crès-éclarant ; & , après avoir été lavés,, ils confervent ce bleu , au 
point que, frortés fur un papier blanc , ils n’y impriment pas la moindre 
trace. J'obferve que voilà l'unique mérhode pratiquable en grand, pour 
teindre avec le fer les matières végétales en couleur bleue d'outremer. 


m ‘a 
A 


SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 349 


Cetre belle couleur réfifte bien aux impreflions de l'air ; elle réfifte & 
s’embellit même dans tous les acides, fans en excepter l’acide nitreux,, 
dans lequel la couleur de l'indigo difparoît entièrement ; mais elle ne 
rélifle pas aux leflives & au favon. 

Revenons au principe théorique de cette expérience. L'acide ayane 

lus d’affinité avec l’alkali qu'avec le fer , il s’unic avec l’alkali, & 
Lire précipiter le fer ou bleu de Pruffe dans les pores des matières 
qu'on y a trempé. Voilà donc évidemment un précipité ferrugineux in- 
corporé dans des fubitances dont les pores font étroits. 


PATUETERVE NE XTE M PIT E: 


Je jette un écheveau de foie blanche dans de l’acide nirreux ou eau- 
forre , au dégré qu’elle eft vendue dans le commerce : cet échevean en 
trois ou quatre minutes devient d’un beau jaune jonquille. Je le lave À 
plufeurs eaux, afin que la foie ne foit point alrérée. Cette couleur refte 
fixe à toutes les épreuves poilibles , & la foie conferve tout fon luftre. 
Voici donc encore un précipité ferrugineux qui a pénétré dans les pores 
de la foie. 

En effet, l’eau- forte contient toujours du fer en diffolution , & cet 
acide ayant plus d’affiniré avec le phlogiftique de la foie qu'avec le fer, 
1] la colore , parce qu’il laiffe précipiter dans fes pores le fer qu'il tenoit 
en diflolution. La preuve de certe vérité eft, que l'eau-forte ne colore 
en jaune que les fubftances très phlogiftiquées , telles que les fubftances 
animales, Une autre preuve décifive, c’eft qu'après avoir coloré une 

uantité de fubftances animales , & l’eau-forre qui les avoit colorées ne 
Éourniffarre plus de couleur jaune , je lui ai rendu fa qualité colorante , 


-en lui donnant du fer à diffoudre , & en la diftillant; car certe diftilla- 


tion eft néceifaire pour obrenir un beau jaune-jonquille , au lieu de la 
couleur de rouille. La foie qui a été reinre avec le bleu de Pruffe, & 
que l’on trempe dans l'eau-forre, y prend la couleur verre. Voici donc 
un verd réfultant de deux précipités ferrugineux , jaune & bleu. 

Si l'on trempe dans de l’alkali en liqueur, la foie colorée par Peau- 
forte , elle devient d’une belle couleur orangée. Voici donc ce mème 
précipité ferrugineux qui donne la couleur rouge. 

Je n'ai fair ces expériences , qui ne font nullement relatives aux 
procédés ordinaires de teinture , que pour acquérir des connoiffances 
fur les principes théoriques. Il eft donc certain que ft l'art peut varier 
ainf la couleur des précipités ferrugineux , en les incorporant dans diver- 
fes fubftances, quoique d'un uffu crès-ferré , il n’eft pas étgpnant que 
la nature combine dans les plantes & dans les Aeurs ces mêmes préci- 
pités ferrugineux avec une variété infinie. 

Ayant verfe de l’huile de vicriol fur du rocou , je vis avec étonne- 


1774. NOVEMBRE. 


- 


350 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


ment ce rocou, certe fécule de plantes devenir rout-à-coup d’un bleu 
très-éclatant. 

Cette tranfition fubite du jaune au bleu , qui ne fe trouve dans au- 
cune des expériences phyfiques fur les couleurs , m’intéreffa beaucoup ; 
mais je fus également furpris de voir difparoître certe couleur en deux 
minutes , & fe méramorphofer en un précipité gris. Enfin , ces précipités 
de rocou étant incinérés , me préfentèrent du Fer attirable par l'aimant, 
de même que toutes les autres plantes. 

_ Voici une nouvelle expérience affez intéreffante fur la couleur des 
rofes , qui tend encore à la démonftration des principes colorans , fer- 
rugineux. 

Beaucoup de perfonnes fe font amufées à expofer des rofes à la vapeur 
du foufre , ce qui blanchit en un moment toutes les fommités des feuil- 
les, & la couleur rofe qui tranfpare dans la partie inférieure forme un 
panaché très-agréable , d’autant plus que , quand on a foin defaire l’opé- 
ration vivement dans un cornet de papier renverfé , afin de ramafler 
plus promprement l'acide fulfureux , fans trop échauffer les rofes , elles 
confervent alors leur éclat & leur odeur. 
= J'avois donc blanchi quelques rofes , & ayant choifi celles qui avoient 
confervé plus de fraîcheur , je trempai un pinceau dans de l’eau de foude 
un peu forte, & j'en frottai quelques endroits des feuilles blanchies ; 
en un moment, toutes ces feuilles fe trouvèrent peintes & bigarrées d’un 
verd d’émeraude très-éclatanr. Je trempai un autre pinceau dans de 
l'acide, foit en eau-forte , foit huile de vitriol affoiblie avec de l’eau, & 
j'en frottai quelques endroits de ces mêmes feuilles blanchies; dans 
l'inftant les endroits frottés reprirent un rofe beaucoup plus rouge que 
celui de la rofe, ce qui forma un mélange de couleurs d’aurant plus 
agréable, que nos parterres ne nous ont jamais préfenté de pareilles rofes. 

Ayant trempé promptement ces fleurs dans de l'eau ; & les ayanc 
fecouées , l'odeur ne fuc nullement altérée, & les couleurs fe confer- 
vèrenc crès-bien, c’eft-à dire , autant que le peuvent des rofes dont on 
ne peut jouir quelques heures fans févrir leur beauté. 

De cette expérience fimple il réfulte une obfervation très-importante. 
La voici : puifque la rofe devient blanche à la vapeur de l'acide fulfureux, 
qui n’elt autre chofe que l’acide vitriolique uni au phlogiftique, & que 
cette mème rofe reprend au contraire une couleur très-rouge par l’acide 
vitriolique feul ; il eft donc évident que les vapeurs fulfureufes répan- 
dues fur la furface & dans les entrailles de la rerre , agiffent fur rous les 
corps de la nature, plutôt comme phlogiftique que comme acide, 


Seconde Obférvation. Les feuilles de rofes blanchies à la vapeur du 
foufre frottées avec l'alkali, deviennent d’un verd plus vif & moins jau- 
nâcre que celles qui n'ont pas été blanchies, Je viens de démontrer que 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 35i 


ces feuilles pénérrées d’acide fulfureux, font devenues plus phlogiftiquées 


- que les autres. Or, l’on fait que plus des portions de fér divifé reçoivent 


de phlogiftique , plus il fe forme de bleu de Prufle. C’eft donc par cette 
raifon , que les feuilles de rofe , qui font moins phlogiftiquées, font d'un 
verd plus jaunatre. FE 

Les feuilles de coquelico font d’un rouge très-vif ::que l’on trempe 

un baguetre dans de forte eau de foude , & que l’on prelfe avec certe 
baguette quelques endroits de ces feuilles ; en les macérant un peu, 
aulli-rôt ces endroits paroiffent noirs. Qu'omlles regarde en les inrerpo- 
fan à la lumière, on voit qu'ils font d’un bleu très-vif. Une infinité d’au- 
tres fleurs rouges, traitées de même ; ne préfentent que la couleur verte; 
& en effet , l'on a expérimenté depuis long-rems que l’alkali jetré dans 
le fyrop de violette, le rend de couleur verte ; mais l'exiftence d’un 
précipité bleu fur le coquelico , m'a démontré que la couleur verte, 
extraite des fleurs rouges , n’eft elle-mêmé qu'un précipité bleu mélangé 
avec un précipité jaune : & ces deux précipités font également ferrugi- 
neux ; ils ne diffèrent de couleur que par plus où moins de phlogiftique 
qui dilate ou refferre leurs pores. 
« Les Teinturiers font des bleus affez vifs, mais peu folides, avec le 
bois violet, &un peu de vitriol de Chypre. Cette couleur bleue, extraite 
du bois violer , n’eft autre chofe que du fer précipité par le cuivre. Cerre 
alfertion étonnera peur-èrre quelques perfonnes qui, connoiffanr les laix 
des affinités chymiques, vonr me dire : Quoi , vous nous annoncez ici 
du fer précipité par le cuivre; & c'eft au contraire le fer qui précipite 
le cuivre ! Telle eft la loi des affinités. Oui, j'en conviens ; mais certe 
loi des affinités ne fubfiite plus lorfque le phlogiftique du fer eft déja 
combiné avec un acide tel qu'il l’eft en effet dans le bois violer. 

Tout le monde connoît les effers d'une addition d’acide dans la tein- 
ture extraite du bois de Bréfil , lorfqu’on n’y a point ajouté d'alun ou 
autre fel neutre ; mais on n’a point encore allez obfervé combien cette 
teinture et fubrile & fidèle pour reconnoïtre fur-le-champ fi l'acide ou 
l’alkali domine dans une autre fubftance. 


EVXLE MP\I.E. 


Ayant fait bouillir deux onces de bois de Bréfil dans une pinte d'eau, 
& ayant laiflé dépofer le bois, je verfai de cetre teinture rouge fur de 
Pamidon. A l’inftant tout cet amidon fe trouva coloré d'un beau jaune, 
Cerre épreuve me démontra que l’amidon eft une fubftance où l'acide eft 
dominant ; car fi cer amidon eût contenu un alkali dominant , ou qu'il 
y eûc eu de la chaux , au lieu de fe colorer en jaune , 1l fe feroit coloré 
en role violer : & en effer , j'ajoutai une très perire quaurité de chaux 
dans de l’amidon, & la même eau de bois de Brefil le colora en rofe- 
violer auli promprement que fi j'y eufle ajouré un fel alkali. 
” 1774. NOVEMBRE. 


352 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Cette épreuve eft commode pour reconnoître fur-le-champ l’infidé= 
lité d’un Parfumeur qui incorporeroit de la chaux dans les poudres. 

Je dois ici , pour l’ufage du beau fexe , rendre compte des fuites de 
certe expérience , quoiqu elles n’aient point de rapport avec le fujer que 
je traite. | 

Plufeurs Dames, pour relever l'éclat naturel de leur teint & guidées 
par le ban goût, adoptent pour leur coëffure l'ufage de la poudre blonde; 
d’autres , par fantailie , veulent une poudre d’une teinte plus foncée : 
enfin, quelques autres , peur-être par caprice , exigent une poudre 
entièrement rouffe. 

Les Parfumeurs , pour fe conformer à la variété des demandes, font 
brûler de la poudre ordinaire. Cette poudre échauffée & defféchée , au 
point d’avoir perdu un tiers de fon poids , eft broyée & tamifée. La der- 
nière poudre, c’eft-à-dire, celle qui eft formée par les parties charbon- 
neufes , eft plus foncée en couleur ; mais ces nuances ne facisfaifant pas 
quelques perfounes,, ils remontent la couleur avec du tocou , du colcotar 
ou autres drogues femblables, qui, mêlées avec la poudre déja échauffée 
& defféchée au point d’avoir perdu un tiers de fon poids fur le feu, 
forme un compofé très-mal-fain fur la peau, & nuifble à la confervas 
rion des cheveux. Mais voici le moyen de faire des poudres de diffé- 
rentes nuances nullement dangereufes , & plus agréables que routes celles 
qui font ufitées. il 

Dans un por d’eau de fontaine l’on fait bouillir pendant une demi- 
heure fix onces de bois de Bréfil; on laiffe repofer & refroidir ce bain 
d’eau rouge, & l’on en jette environ la moitié fur une livre de poudre ; 
de façon que la pâte que l'on forme ne foi pas trop liquide. On étend 
& on divife certe pâte pour l'expofer à l'air où elle sèche , enfuite on 
l'écrafe, & on la fair pailer au tamis. Certe poudre eft d’un beau jaune- 
_chamois. On remer fur le feu le reftant du bain rouge, pour y faire fon- 
dre un demi-gros d’alun ; & l’ayant laiflé repofer & refroidir , on verfe 
de cerre décoction fur une autre livre de poudre ; alors , cetre poudre 
prend & conferve au fec une belle couleur rofe. Si , après avoir fait bouil- 
lir trois onces de bois d’Inde dans une pinte d’eau , on y fait fondre deux 
gros d'alan de Rome, il en réfulte un gris rofé très-agréable. Si, au lieu 
d’alun , on emploie dix-huit grains de vitriol de Chypre , la poudre 
colorée par cette décoction eft d’une belle couleur lilas. Voici un phéno- 
mène digne d'attention ; c'eft que la furface de cette poudre expofée 
à l'air, deviencentièrement bleue. On remue cette poudre, elle redevient 
de couleur lilas 3 mais bientôt fa furface reprend encore la couleur 
bleue. 

Ces changemens de couleurs s’opèrent autant de fois qu’on renou- 
velle les furfaces. À 

Les poudres que jai colorées avec Le bleu de Prufle, & mélées avec 

les 


SUR L'HIST. NATURELLE ETILES ARTS. 34; 


les poudres rofes, ont produit de belles couleurs violettes & lilas ; mais 
les furfaces n’éprouvoient point à l'air ces changemens finguliers ; enfin, 
la même opéragion de teinture faite avec le vitriol de Mars, au lieu du 
vitriol de Chypre , n'offre point les mêmes effers ; il en réfulre un bleu 
ardoifé uniforme. Eh bien , demandera-t-on , d’où provient donc ce 
phénomène ? Telles font mes idées. 

J'ai remarqué que la diffolution du vitriol de Mars , féchée fur des 
fubftances végétales , ne les détruit pas, tandis que la diffolurion du 
vitriol de Chypreles détruit en peu de tems. D'après cette obfervation 
fort fimple, j'ai conclu que l'acide vitriolique uni au fer eft combiné 
avec une plus grande quantité de phlogiftique , que ne left ce même 
acide uni au cuivre. 

Ayant donc une conviction que l'acide du vitriol de Chypre eft plus 
libre & moins faturé de phlogiftique que ne l’eft l'acide du vitriol mar- 
tial , n’en réfulre-t-il pas que cer acide plus libre a une plus grande affi- 
nité avec l’alkali phlogiftiqué ambiant dans l’athmofphère ? Or, notre 
poudre colorée par l’intermède du vitriol de Chypre , étant plus acide 
que celle colorée par l’intermède du vitriol de Mars , ne doit-elle pas 
avoir plus d’affinité avec l’alkali volatil de l’athmofphère & la furface de 
cette poudre , comme étant la plus expofée au contrat de cet alkali? ne 
doit-elle pas prendre une couleur plus foncée que la maffe , en raifon 
d’un précipité qui doit s’y former ? Voili, je crois , la raifon de ce 
phénomène. 

Cette mème raifon expliqueroit auffi le principe de ces mutations de 
couleurs obfervées depuis long-tems fur les furfaces liquides de diffé- 
rentes diffolurions. En général, il me paroît conftant que le premier 
effer de l’air , eft de communiquer de l’alkali phlogiftiqué aux fubftances 
acides, & de communiquer de l'acide aux fubftances alkalines ; nous 
ferons moins farpris de ces effets contradictoires en apparence, lorfque 
nous réfléchirons que l’air eft un torrent rapide , dont les vagues acides 
& alkalines ne fe confondent pas toujours pour former dés fels neutres. 
Or, le conraët de chacune de ces vagues doit agir fur les corps , en raifon 
de leurs affinités. 

Enfin, l'on a obfervé depuis long-tems que la couleur écarlate qui ne 
doit fon éclat qu'aux acides, fe pourpre à l’air par les alkalis volatils 

ui s’y crouvent difléminés. Voici un effet inverfe qui eit également 
Eat. L'étoffe qui fort entièrement verte de la cuve bleue alkaline, 
n’acquiert à l'air la couleur bleue que par le contaét de l'acide. 


Preuve. 


Après avoir plongé dans la cuve de bleu deux morceaux d'étoffe, on 
les retire colorés d’un verd-jaunâtre : qu'on les jette en même-tems, 
J'un dans un verre d’eau acide, l’autre'dans un verre d’eau alkaline; celui 


Tome IV, Part. PV, 1774. NOVEMBRE. Y y 


354 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


trempé dans l’eau acide devient bleu dans l’inftant même où on le 
plonge ; l’autre refte verd jufqu'à ce qu’on l’expofe à l'air , ou qu'on le 
plonge dans un acide. te 

Je pourrois citer d’autres exemples de ce tranfport de l’acide répandu 
dans l'air fur les fubitances alkalines; exemples encore plus frappans 
que celui du tartre vitriolé, formé à l’air. Je cirerois, entr’autres, la for- 
mation de véritables félénites réfulranres de l’eau de chaux abandonnée 
dans une crache de grès expofée à l'air ; & qui, ayant filtré infenfible- 
ment au travers du grès, & préfenté confequemment à l’air beaucoup 
de furfaces , s’eft combinée avec l’acide ambiant, & a formé après quel- 
ques mois des félenites affez groffes & abondantes fur la furface exré- 
rieure de la cruche ; mais de plus longues dilfertations à cet égard m’é- 
carteroient de mon fujet. J'y reviens. 

Dans divers mélanges de nos poudres colorées, il réfulte un nom- 
bre de nuances fuffifantes pour fatisfaire tous les goûts, & à bien peu 
de frais. Il eft évident que, par cette opération , la poudre n’eft nulle- 
ment alrérée , tellement que fi l’on a employé une poudre un peu odo- 
rante , elle conferve exactement la même odeur après l'opération. Dans 
le cas où l'on voudroit beaucoup d'odeur , on peut ajouter quelques 
gouttes d’ellences ou des aromates broyées, tel que le calamus aroma- 
zicus , la graine de lavande , la poudre de clou de girofle, un peu de 
civette, d'ambre ou de mufc , &c. Je ne m'étendrai pas davantage fur 
ce fujet. L'on voit donc que les bois de ceinture donnent les précipités 
fufcepribles d'une grande variété de couleurs , en raifon du plus ou moins 
de phlogiftique qu’on leur rend , ou qu’on leur enlève. Or, l’expé- 
rience nous démontre que les chaux ferrugineufes font particulière- 
ment fujetres à de tels changemens. 

Enfin, l’indigo , cette fécule de plante, ne doit fa couleur qu’à un pré- 
cipité ferrugineux ; la couleur cuivreufe qu'il nous préfente , n’eft occa- 
fionnée que par le phlogiftique , de mème que nous voyons la couleur 
jaune-cuivreufe de certaines marcaflites qui ne contiennent cependant 
que du fer & du foufre ; & en effec , le fer expofé au phlogiftique des 
charbons, prend d’abord une couleur cuivreufe. Ce précipité ferrugi- 
neux de l’indigo étanr donc plus chargé de phlogiftique , & mieux com- 
biné avec lui que ne l’eft la fécule de tournefol ou celle dutbois d'Inde, 
ou des fleurs bleues , il réfulte que certe fécule bleue de l'Indigo fe con- 
ferve mieux dans les acides tels que le vinaigre , l'efprit de fel, l'huile 
de vitriol; & en effet , il n’y a que l'acide nitreux qui puiffe détruire la 
couleur de l’indigo , parce que cet acide eft , comme on le fait, plus 
infatiable de phlogiftique que les autres acides, mais le plus léger acide 
change la couleur des Heurs bleues ou du tournefol. Pourquoi ? Parce 
que ces fécules contiennent moinsde phlogiftique que celles de l'indigo. 
Une preuve frappante de ces vétités , c’eft que l’indigo brüle avec une 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 355 


inflammation très.vive qui ne permet pas de douter de la préfence con- 


‘fidérable du phlogiftique ; & c’eft ce qui n'arrive pas lorfque l’on brûle 


la fécule du tournefol ou autres Aeurs. 

Si donc quelque Curieux a le tems de chercher à imiter en France 
la formation de l'indigo , & travaille en conféquence fur les fécules de 
nos plantes , qu'il réfléchiffe que le climat de France étant moins phlo- 
giftique que celui des Pays où abonde l'indigo, il lui eft d’abord eifen- 
tiel d'y fuppléer par des additions de matières phlogiftiquées , telles 
que les.eaux grafles & nitreufes , &c. 

Je viens d'annoncer que les précipités ferrugineux qui donnent la 
couleur bleue dans les fleurs , ne perdent cette couleur dans les acides , 
qu’en raifon de ce qu'ils font combinés avec moïns de phlogiftique. En 
effet , depuis que par une addition de phlogiftique, je fuis parvenu à 
rendre fixe aux acides la couleur bleue - violette du bois d'Inde avec 
laquelle on teint aujourd’hui beaucoup de papiers, fupérieurs par certe 
fixicé de couleur à ceux de Hollande, je me fuis permis de pofer ce 
principe avec aflirance. Mais voici encore une nouvelle preuve qui tend 
à confirmer Ja vérité de ce principe. 

Si l’on igtte de l’eau de chaux ou bien de l’eau de cendre gravelée 
dans une diffolurion de vitriol martial , il fe forme une couleur bleue ;' 
mais certe couleur difparoîc auffi-côt qu: l'on y ajoute de l'acide. Si , au- 
lisu d’eau de chaux ou de cendre gravelée , on emploie le fel alkali de la 
foude (1) qui, quoique moins phlogiftiqué que la chaux, eft moins fuf- 
ceprible de retenir fon phlogiftique , & le communique par conféquent 
plus aifément & plus intimement au précipité ferrugineux; alors, le pré- 
cipité bleu qui en réfulte ne perd point fa couleur dans les acides. 

Je vais à cer égard donner une nouvelle préparation de bleu de Pruffe 
moins laborieufe que celle qui eft ufitée, épargnant , tant à ceux qui le 
compofent qu'à leurs voifins, le défagrément de l’odeur féride qui 
réfalre de la combultion du fang de bœuf. 

J'ai fait fondre quatre onces de couperofe verte dansune demi-pinte 
d’eau froide. J'avois fair de l’eau de foude avec quatre onces de foude en 
poudre & une pinte d’eau que j'avois bien agitée K enfuite virée à clair. 
J'ai donc verfé de certe eau de foude peu-à-peu fur l'eau de couperofe 
jufqu’à ce que le mélange foic devenu un peu épais. J'ai mis au filere & 
lavé ce précipité dont la furface éprouve à l'air différens changemens de 
couleurs fort finguliers ; enfuire , j'aijetté peu-à-peu fur ce précipité , de 
l'huile devitriol noyée dans cinq ou fix parties d’eau ; à l'inftant ce préci- 
pité, qui étoit mélangé de gris, de verd, & de couleur de rouille, s’eft 


eq 


(1) Ibeft à préfumer qu'il en eft des alkalis comme des acides; ils ne diffèrent 
entr'eux qu'en raifon de leurs différentes combinaifons & adhérences avec le phlo- 


giftique, 
LA 1774. NOVEMBRE, Yy2 


356 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
diffout & métamorphofé en un beau bleu qui s'eft précipité lui même 
après quelques heures, & qui étant lavé, a formé du bleu de Pruffe 
d'une grande intenfité. 


Remarque théorique, 


Si, au-lieu de l'eau de couperofe , on emploie une difolution de fen 
dans l’acide nitreux , on n’obrient alors que la couleur de rouille, & pas 
un atôme de bleu de Pruffle. Pourquoi ? parce que l'acide nitreux eft 
trop avide de phlogiftique, pour en avoir laiflé fuffifamment au préci- 
pité ferrugineux, relativement à fa quantité. 


Remarque - Pratique pour les étoffes. 


Les Peintres fur étoffes & rubans de foie emploient le bleu de Pruffe 
diffout dans l’efpric de fel ; & cet acide defféché fur la foie l’altère quel- 
quefois en peu de tems. [ls peuvent employer le bleu dont j'indique 
la préparation, en le délayant dans de l’eau d’alun. Ils feront la couleur 
aufli foncée qu'ils defireront; elle réfiftera à l'eau comme au frottement ,. 
&. n'endommagera jamais l'écoffe, 


Autre remarque pour les tableaux. 


Ce bleu, mèlé avec le blanc d’érain, conferveroit bien mieux fa cou 
leur fur les tableaux que les bleus de Pruffe ordinaires qui ont pour bafe 
ha terre argilleufe de l’alun , & les tons que les Peintres donneroient à: 
leurs nuances , ne feroient point expofés à fe déranger, parce que la terre- 
argilleufe eft bien plus fujerte à reprendre du phlogiftique, que ne l'ef 
la chaux d’étain. 


Autre remarque pour Pimpreffion des papiers. 


Ceux qui feront ce bleu pour l'appliquer en grande quantité fur des 


papiers , le mêleront avec fix à fepr parties de terre argilleufe , précipitée 


de l’alun par une leflive , & lavée, ou bien l’incorporeront avec de belle 
terre à pipe, dont ils auront obtenu par l’eau les parties les plus fines, 
& qu’ils auront enfuite lavé avec une eau un peu acidulée, pour enlever 
la terre calcaire qui pourroit s’y trouver , & ternir le bleu. 

J'ajoute ici une dernière obfervarion ; c'eft que la première eau que 
l'on décante de ce bleu de Pruffe, fournit encore une pareille quantité de 
bleu , en y ajoutant de l’eau de foude & de l'acide. 

Je ne difcuterai point quel eft le principe colorant de toutes les tein- 
tures : nous connoiflons l'expérience que l’on fait avec plufieurs prif- 
mes, devant lefquels on oppofe des cartons percés , de façon à ne laïffer 
paffer à la fois qu'un feul rayon coloré, tantôt le rayon rouge feu 


RL PEUR A 


SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 357 


tantôt le rayon bleu feul ; & il réfulre que le corps fur lequel tombent 
ces rayons cft où d'un rouge uniforme , ou d’un bleu uniforme, fans 
qu'il paroifle plufeurs couleurs en même-tems. . 

Je crois que cette expérience pourroit nous fuffire pour expliquer le 
méchanifme des couleurs fur le corps; car routes les opérations de la 
nature doivent émaner du même principe. En effer, tous les corps 
ne contiennent-ils pas des petits prifmes ? Que ces petits prifmes foient 
de légères portions de terre virifiée , ou qu'ils foient des parcelles 
aqueufes ; l’effer en eft le même :or , les pores de ces corps, qui fonc 
autant de petits cartons percés, ne peuvent-ils pas être arrangés unifor= 
mément , de façon à ne laifler réfléchir à nos yeux que tel ou tel rayon ? 
Alors, nous concevrons fenfiblement comment , en reflerrant ou reli- 
chant , ou changeant de direétion , les pores d’un corps, nous opérons 
deschangëmens de couleur. Nous concevrons auflicomment la FE Sp 
proportion de phlogiftique différencie les couleurs , puifque nous voyons 
que les pores de tous les corps font dilatés ou refferrés par plus ou moins 
de phlogiftique (1). 

Vs refte , je ne prétends pas ici m’engager dans un fiftème : cette 
idée fuccinte que je préfente, n’eft qu’une réflexion fur la conféquence 
des premiers principes, & fans doute , trop laconique pour donner en fi 
peu de tems la folution de ce problème. 

Mon unique but a été d’expofer que le principe fecondaire des cou- 
leurs de routes les plantes de la nature , eft un précipité ferrugineux, 
fufceptible d’une variété infinie de couleurs par fes différentes combinai- 
fons avec le phlogiftique , l'acide & l’alkali ; & les expériences que je 
viens de citer, m'ont paru former cette démonftration. 


(1) Il y a plufieurs années que j'expofai mes premières idées à cet égard dans 
un Mémoire préfenté à l'Académie des Sciences de Paris. 


1774. NOVEMBRE, 


358 OBSERVATIONS SUR IA PHYSIQUE; 


NOR MEME NS 
De calmer les vagues de l’eau avec de Phuile (1). 


P, us on étudie la nature, plus on apprend à fufpendre fon jugement 
fur ce qui eft faux ou vrai , pofible ou impoflible, 

La Philofophie a décruic bien des erreurs accréditées par le long 
témoignage des Nations & des fiècles; mais elle a quelquefois aufli 
rejetté crop légèrement des opinions qui lui paroïfloient abfurdes , & 
dont le remsoule hafard ont prouvé la vérité. On ne fauroit trop répé- 
ter que le doute eft le commencement de toute bonne Philofophie ; & 
c'en eft trop fouvent le terme. 

Pline dit que l'huile calme les flots dela Mer , & que les Plongeurs 
en prennent dans leur bouche pour la répandre. Voici le paffage : Mare 
oleo tranquillari & ob id URINANTES (2) ore fpargere, quoniam naturam 
cranquiltat afperam. Hift. nat. b. IL , cap. CIIL. - 

Plutarque avoit dit la même chofe ; & il rapporte mème l'explication 
peu (3) incelligible que: donnoit Ariftote de ce Phénomène : Quir & in 
Jfluëlus Marinos ft invergatur ( oleum) tranquillitatem facit ; non ventis 
ob levitatem ejus inde dilabentibus ( quod Arilloteles putavit) fèd quia fluc- 
eus quovis humore itus [ubfidat. Plut. De primo frigido. 


(1) Nous nous faifons un plaifir, & même un devoir de prévenir que tout cet arti- 
cle a éré inféré dansla Gazette de Littérature , qui fe diftribue à Paris, Hôtel de Thou, 
rue des Poitevins, aux numéros 75, 76, 78 & 793 & nous le répérons, parce que 
cette découverte mérite d'être examinée par l'importance dontelle eft. Pline fera donc 
encore une fois juftifié ! On l’a fi fouvent condamné fans l'entendre ! Je demanderoïis 
à plufieurs Auteurs d'Ouvrages périodiques , qu'ils euffent pour moi les mêmes égards 
que j'ai pour eux, c'eft-a-dire , que lorfqu'ils copient ou donnent par extrait des arti- 
cles tirés du Journal de Phyfique, ils indiquaffent au moins la fource où ils ont puifé , 
fans cela, c'eft courir un lièvre qu'on n'a pas eu la peine de lancer. Cette Gazette de 
Littérature a changé de forme. Voyez les Nouvelles Lirtéraires. 


(2) Ce mot eft fynonyme à celui d'urINATORES , qui veut dire P/ongeurs ; & le 
premiereft pris du verbe urinari , urinor | qui fignifie plonger. 

(3) L'explication d'Ariftote ef très-claire , quoiqu’en dife Plutarque , fi parle mor 
levitatem, on entend comme on le doit: luni , Le poli de la furface de l'huile. Alors, 
on dira avec Ariltote , que le vent ne fa‘fanc que gliffer fur la furface de d'huile, à 
saifon de fon poli extrême, il ne peut foulever l’eau qui eft fous cette huile, & par-là, 
il eft contraint de porter fon impétuofité plus loin, où il ne rencontre pas de tels 
obftacles indè dilabentibus ; il giiffe de cet endroit. Nous fuppofons que cetre explica- 
tion , quoique rrès-naturelle, puifle n'être pas vraie , mais elle n'a rien d'obfcur. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 359 


Tout cela époit mis au rang des fables de l'Antiquité : rien ne paroît 
cependant plus vrai, fi nous devons nous en rapporter aux témoignages 
les plus refpeétables & les plus mulripliés. Lestpreuves de ce phénomene 
fi étrange au premier coup-d œil , viennent d’èrre produites en Angle- 
terre , dans une lertre adrefée à la Société Royale parle célèbre M. Fran- 
clin , l’un des meilleurs Obfervareurs & des plus fages Philofophes de 
ce fiècle , & précédée d’une autre lettre fur ce fujer, écrite à un ami de 
ce grand Phyfcien. Voici cette dernière. 


Tout ce qu'on m'a rapporté de l'expérience de M. Franklin, me 
paroît un peu exagéré. » Pline dit, à la vérité, que certe propriété de 
» l'huile étoit connue des Plongeurs de fon tems, qui s'en fervoienc 
» afin de voir plus clair au fond de l’eau (1). Les Marins ont auf obfervé 
» de nos jours , que le fillage d’un vailfeau nouvellement efpalmé , agite 
» beaucoup moins l’eau que celui d’un vaiffeau auquel on n’a pu donner 
» le fuit depuis long-tems. M. Pennant raPRQre une autre obfervation 
> faite par ceux qui pêchent au veau marin en'Étolfe. ( British. Zoology, 
» vol IV . art. fcal. ) Lorfque ces animaux dévorent un poiffon très-hui- 
» leux , ce qu'ils font toujours au fond de l’eau, on remarque que la 
» mer à la furface eft d’une tranquillité fingulière , ce qui apprend aux 
» Pècheurs que c’eft en ces endroits qu'ils doivent chercher les veaux 
» marins. Je fuis porté à penfer qu'on ne donne pas ordinairement à 
» Pline toute la croyance qu'il mériteroit d'obtenir. Je ferai charmé 
» d’avoir une defcription authentique & exacte de l'expérience de Kof- 
» wick ; & ficelle eft conforme à ce qu'on en a rapporté, je n’héfiterai 
» pas à ajouter foi à un autre phénomène bien plus furprenant, dont 
» parle Pline , lorfqu'il affure qu’on calme une tempère en jectant un 
» peu de vinaigre dans l'air «. 

Nous ajouterons ici un fait qui ne fe trouve pas dans la Brochure 
Angloife. h 

Les vaiffeaux pêcheurs de Saint-Malo , fur le grand Banc & fur 1 Ifle 
de Terre Neuve , font dans l’ufage de retirer des foies de morues une 
affez grande quantité d'huile. À leur retour pour l’Europe, lorfqu'ils 
font battus par de violentes tempêtes , il eft arrivé fouvent qu'ils ont 
jetté à la mer quelques tonneaux de cette huile à laquelle on reconnoît 
depuis long-tems la propriété de calmer les Alors, & de les empêcher 
de fe brifer trop violemment contre les vaifleaux. 


(Gi) >» M. Gilfred Lavofon, qui a fervi long-tems dans Îes troupes de Gibraltar, 
# m'affure que Les pêcheurs de cet érabliffement fonc dans l'ufage de verfer un peu 
» d'huile fur la mer, afin qu'en calmant fon agitation, ils puiffent voir les huitres 
qui font au fond. M. Lavofon a été fouvent témoin de ce Fair ; & il dir que certe 
» pratique s'obferve de même fur les autres parties de la côte d'Efpagne <<. 


1774 NOVEMBRE, 


360 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


EE: TER SANTE 
D'une Lettre du Doteur FRANKLIN 
Au Doileur BROWNRIGG. 


JE vous remercie des remarques que votre favant ami m'a envoyées. 
J'avois lu, étant jeune, & je m'érois moqué de ce que dit Pline, des Ma- 
rins de fon tems qui appaifoient les vagues lors d’une tempête , en ver- 
fant de l’huile dans la mer. Je fis le mème cas de l'huile dont fe fervent 
les Plongeurs ; mais la méthode de calmer une tempête en jettant du 
vinaigre dans l'air , m'avoit échappé. Je crois ,avec votré ami, que 
les Modernes méprifent quelquefois trop légèrement les Anciens ; & les 
Savans ne font pas toujours affez d’attention aux connoiïflances du 
vulgaire ; le refroidifflement par l’évaporation , & cette manière de 
calmer les vagues en font les preuves. 

Je vais vous faire part des expériences que j'ai faites fur cette 
méthode, & de ce qu’on n'en a dit, & de ce que j'ai lu. 

En 1757, je me trouvai en mer au milieu d’une flotte de quatre-ving- 
dix vaiffeaux deftinés contre Louisbourg, & je remarquai que le remoüt 
au-deflous de deux vaifleaux étroit uni & tranquille, pendant que fous 
les autres l’eau étroit très-agirée par le vent qui fouffloir grand frais. Ne 
pouvant pas me rendre compte à moi-même de cette différence, j'allai 
en parler au Capitaine , & lui demandai là-deflus fon avis. Les Cuifi- 
niers ont fans doute, me répondit:il, vuidé par les dalots leur eau graffe, 
ce qui aura un peu graiflé les côtés de ces bâtimens. Il accompagna cette 
réponfe d’un petit air de mépris qu’on fe permet à l'égard de quelqu'un 
qui ignore ce que chacun fair. Sa folution ne me faisäit pas d’abord , 
quoiqu'il me füc impofñlible d’en trouver une meilleure. Jeme rappellai 
alors ce que j'avois vu dans Pline; & je réfolus d'examiner à la pre- 
mière occafion par des expériences les effets de l'huile fur l’eau. 

En 1762, jefis encore un voyage fur mer, & j'obfervai pour la pre- 
mière fois le calme furprenant que produifoit l'huile fur l'eau agitée dans 
nne lampe de verre que j'avois fufpendue au plancher de la chambre du 

" Capitaine. J'examinois fans cefle ce phénomène, & je cherchois à en 
découvrir la raifon. Un vieux Capitaine de Marine , qui étoit alors paffa- 
ger comme moi, medit , que c’étoit un effet de la propriété de l'huile 
qui rend unie l’eau lorfau’on en verfe deflus; & il ajouta que Îles Ber- 
mudiens employoient cet expédient pour harponner le poiffon qu’ils ne 
pouvoient pas voir quand la furface de la mer étoit agitée par le ee 

€ 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 361 


Je n'avois jamais entendu parler de cette pratique ; il me parut cepen- 
dant qu’il avoit tort de regarder les deux expériences comme étant fem- 
biables. Dans un cas, l’eau eft tranquille & unie, jufqu'à ce qu'on y verfe 
de l'huile, & enfuite elle eft agitée : dans l'autre, elle eft agitée avant : 
qu'on y jetre de l’huile , & alors, elle fe calme & devienr unie. Le même 
Capitaine m’appric encore que , lorfque les Pècheurs de Lisbonne veu- 
Jent rentrer dans le Tage, fi la houle trop forte fur la barre leur fait ap- 
préhender qu'elle ne rempliffe d’eau les bateaux , ils vuident dans la 
mer une bouteille ou deux d'huile , ce qui calme ies brifans, & leur per- 
met de pafler en sûreté. Je n'ai pas eu occafon de vérifier par la fuite 
ce fait; mais en difcourant de ces expériences avec un de mes amis qui 
à navigué fur la Méditerranée , il m'informa que les Plongeurs de cette 
mer travaillant fous l'eau , la lumière du foleil qui eft interrompue par 
ka réfraction d’une multitude de petires vagues, n'arrive à eux que bri- 
fée & très-foible; que de rems en tems, ils vomilfent de leur bouche 
une petite quantité d'huile qui , en montant à la furface , la rend unie, 
& permet à la lumière d'arriver plus direétement à eux. Il eft furprenant 
que nos livres de Phyfique expérimentale ne parlent point de ces faits. 

Je voulus faire un jour cette expérience fur l'étang de Clapham ; le 
vent élevoit de groffes rides fur la furface ; j’envoyai chercher une petite 
bouteille d'huile , & j’y en répandis une partie. Je vis cette huile s’éten- 
dre avec une rapidité furprenante fur la furface ; mais elle n’applanir pas 
les vagues, parce que je l'avois d’abord jerrée au côté fous le vent de 
l'étang où les vagues étoient plus grandes, & où le vent rejettoit l'huile 
far lebord, J'allai enfuite au côté du vent où les vagues commencoient 
à fe former : une cuillerée d'huile que j'y répandis , produifit à l'inftant 
fur un efpace de plufeurs verges en quarré un calme qui s’érendir par 
degrés jufqu'à ce qu'il eût gagné la côte fous le vent ; & bientôt , l'on 
vit route cette partie de l'étang, qui étoit d'environ un demi-acre , aufi 
unie qu'une glace. L 

En répétant ces expériences , j'ai été fur tout frappé de voir une 
goutte d'huile fe répandre cour-à-coup fur la furface de l’eau à une dif- 
tance fi confidérable , & avec une célérité extraordinaire ; circonftance 
remarquable dont je crois que perfonne n'avoir encore parlé. Si on verfe 
un goutte d'huile fur une table de marbre bien polie , ou fur une glace 
placée horifontalement , la goutte refte au même endroit & s’érend très- 
peu ; mais lorfqu’on la jette fur de l'eau , elle s'étend à l’inftant de tous 
côtés ; elle devient affez mince pour produireles couleurs prifmatiques 
dans un efpace confidérable ; & au-delà de ce premier cercle, elle s'amin- 
cit infenfblement jufqu’à n'être plus fenfible que par les vagu s qu’elle 
calme, & qu’elle rend unies. Il femble que dès quelle a touchié l'eau, 
il s'exerce entre les particules qui la compofent une répulfion mutuelle & 
fi forte, qu’elle agit fur les autres corps légers nageant à la furface, 


Tome IV, Part, V, 1774. NOVEMBRE, Zz 


362 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


comme les pailles , les feuilles, &c. & les force à s'éloigner des envi- 
rons de la goutte, en laïffant tout au tour de ce centre un grand éfpace 
dégagé de tout corps étranger. ë 

Dans notre voyage au nord de l'Angleterre, quand nous eûmes le 
plaifr de vous voir à Ormathwaïta , nous allâmes rendre vifite au célè- 
bre M. Smeaton Occupés un jour à applanir devant lui les rides d’un 
petit étang qui eft devant fa maifon, un jeune homme de beaucoup 


d’efprit, M. Jenap qui étoit préfent , nous parla d'un phénomène qu'il 


avoit apperçu depuis peu fur cet étang. Il nous dit, que voulant laver un 
petit vafe dans lequel il tenoit de l'huile, il jetta fur l’eau quelques mou- 


ches qui s’étoient noyées dans l’huile : ces mouches s’agitèrent fur le: 


champ , & fe mirent à tourner très-rapidement , comme fi elles avoient 


été en vie, quoiqu'en les examinant il reconnut qu’elles étoient mortes. 


J'en conclus tout de fuite , que le mouvement étoit produit par la force 
de répulfon dont je viens de parler ; & que l’huile fortant peu-à peu du 
corps fpongieux de la mouche , entrerenoit ce mouvement. Il trouva d’au- 
tres mouches noyées dans de l'huile, avec lefquelles il repéta fous nos 
yeux la même expérience. Pour voir fi ces mouches n'étoient pas reffuf- 
citées, je coupai de petits morceaux de papier ou de carton huilé, en 


forme de virgule, & de la groffeur d’une mouche ordinaire ; je les jectai. 


furle mème étang , & je reconnus que le courant des particules renaif- 
fantes qui fortoient de la pointe, faifoit tournerla virgule en fens con= 
traire Onne peut pas réitérer cette expérience dans fon Cabinet. Un 
vafe d’eau ne fuffic pas ; 1l faut un efpace confidérable , pour que la petite 
quantité d'huile ait affez de place pour s'étendre. Sion laifle tomber la 


plus petite goutte d'huile au milieu d’un vafe d’eau , toute la furface eft. 

dans un moment couverte d'une peau mince & graiffeufe provenante de: 

la goutte ; mais dès que certe peau a gagné les côtés du vafe , la courre: 
£ 5 q P S » lag 


conferve fon état naturel; elle ne diminue plus, parce qu’alors les 
parois du vafe empêchent que la peau ne fe développe davantage. 

Notre ami le Chevalier Pringle fe trouvant en Ecoile , apprit que les 
Pècheurs de la baleine découvrent de loin où font les colonnes de ha- 
rengs, parce que l'eau eft tranquille & unie dans ces endroits , peut- 
être à caufe de quelque huile qui s’exhale des corps de ces poiflons. 

Un Habirant de Rhode-Ifland en Amérique , m a dir avoir remarqué 
que le hâvre de Neuport eft toujours caline & tranquille pendant que les 
bâtimens de la pche de baleine y mouillent. Il eft probable que ce phé- 
nomène n'a pas d'autre caufe que celle dont je parle ici. Les orties de 
mer (blubbers ) qu’on entafle au fond de cale, & les barils qui diftillent 
fans doute à travers les douves une huile qui fe mêle avec l’eau qu'on 
pompe de tems en tems pour nettoyer le bâtiment, & cette même 
huile peut s'étendre fur toute la furface de l’eau dans le hâvre, & em- 
pêcher qu'ilne s’y forme des vagues, 


SUR L'HIST. NATURELLE ETLFS ARTS, 363 


Il ne paroît pas qu’il y ait entre l'air & l'eau aucune répulfion naturelle 
qui empêche les molécules de ces deux élémens de fe toucher ; cet 
pourquoi on trouve de l'air dans l’eau; & fi l'on en tire au moyen de la 
machine pneumatique , cette même eau, expof£e de nouveau à l'air, em 
abforbera bientôt une égale quantité. 

L'air en mouvement, qui eft le vent , en frappant la furface unie de 
l'eau, la frotte & y forme des rides, lefquelles fervent à produire d’au- 
tres vagues, fi le vent continue. 

La plus petite vague , une fois formée , ne fe caline pas fur le-champ, 
&e ne laifle pas en repos l’eau qui l’avoifine ; mais en fe calmant , elle met 
en mouvement à-peu-près une aufli grande quantité d’eau qu'elle en con- 
tenoit elle-mème; ainfi , une pierre qu'on laiffe comber dans un étang , 
excire d’abord autour d’elle un cercle qui en forme un fecond ; le Ê 
cond , un troifième, & ainfi de fuite dans un efpace d’une fort grande 
étendue. 

Une petite puiffance qui agit fans cefle produit une grande aétion; le 
vent agiffant continuellement fur les petites vagues formées les premiè- 
res, elles augmentent toujours en grandeur, quoique la force du vent 
ne devienne pas plus grande; elles s'élèvent peu-à-peu, & elles étendenct 
leurs bafes jufqu’à ce que chaque vague contienne une groffe maffe d'eau 
qui, étant en mouvement , agit avec une grande force; mais s'il y a une 
répulfion mutuelle entre les particules d'huile, & qu'il n'y ait point d'at- 
traction entre l'huile & l’eau, l'huile répandue fur l’eau ne s’atrachera 
point par adhéfion à l'endroit où elle tombera, l’eau ne la pénétrera pas, 
elle fera en liberté de s'étendre, & elle s’étendra fur une furface qui, 
outre qu’elle eft parfaitement polie, empèche peut-être en repoulfant 
l'huile tout contact immédiat ; ainf,l’expanfon continuera jufqu'à ce que 
la trop grande diftance affoiblifle & réduife à rien la répulfion mutuelle 
qui eft entre les particules de l'huile. 

J'imagine donc que le vent en foufflant fur l’eau ainfi couverte d'une 
pellicule d'huile, ne peut pas aifément y produire les premières rides ; 
mais qu'au contraire 1l gliffe defflus: il eft vrai qu'il agite un peu l'huile, 
qui, étant entre le vent & l'eau , fert à le faire gliffer & empècher le frot- 
tement , comme elle fair fur les parties d’une machine qui, fans cet 
expédient, frotteroient trop fortement l’une contre l'autre. C'eft pour 
cela que l'huile verfée fur l'eau d'un étang au côté où rembe le vent, 
s'avance par degrés vers l’autre côté, comme on peur le voir par le calme 
qui fe produit fucceflivement fur tout l'étang; car le vent ne pouvant 
plus foulever la furface de l'eau, de manière à y produire les premières 
rides, que j'appelle les élémens des vagues ; rout l'étang fera bientôt 
uni & tranquille. 

On viendroit donc à bout d’appaifer pat-tout les vagues , fi on pou- 


1774. NOVEMBRE. Zz21 


364 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


voit fe placer à l'endroit où elles commencent à fe former : il eft rare 
& fouvent impolible de prendre cette poñtion fur l'Océan; maisil feroit 
peutêtre aifé dans des cas particuliers de modérer la violence des va- 
gues lorfqu'on fe trouve au milieu des eaux, & de prévenir des brifans 
lorfqu'ils font dangereux. 

Car, lorfque le vent fouffle grand frais fur le dos de chaque lame, 
il s'élève un certain nombre d’autres petires vagues qui rendent la fur- 
face raboteufe, & donnent prife au vent qui les pouffe avec plus de force. 
Il eft clair que cette lame aura moins de prife , fi on empêche les peti- 
tes de fe former ; peut être auffi, lorfque la furface d’une lame eft hui- 
lée, le vent en paflant deflus , la comprime, & contribue plutôrà l'abaif- 
fer qu’à l'aggrandir. 

Cette explication que je donne par conjedture, mériteroir peu d’at- 
tention , fi les effets de l'huile verfée au milieu des vagues n’étoient pas 
très-confidérables , & rels qu’en adoptant un autre fyftème , il eft difi- 
cile d’en rendre raifon. 

Lorfque le vent eft fi fort, que les vagues ne font pas affez promptes 
pour obéir à fon impulfon , le fommet de ces vagues étant plus mince 
& plus léger, elles fonc poullées en avant, brifées & converties en écume 
blanche. Les vagues ordinaires foulèvent un vaiffeau fans entrer dedans ; 
mais quand les lames font grandes , elles brifent quelquefois fur la cale, 
montent fur le pont & par les fabords, & caufent du dégât. 

En m'entretenant dernièrement fur cette matière avec le Comte 
Bentink de Hollande, fon fils le Capitaine Bentink , & le favant Pro- 
fefleur Allaman, fous les yeux defquels je fis l'expérience de calmer dans 
un jour de neige la grande pièce d’eau qui eft au haut de Greenparc ; le 
Comte me parla d’une lertre qu’il avoit reçue de Batavia, à l’occafon 
d’un vailfeau Hollandois qui avoit échappé au naufrage lors d'une tem- 
pète, en verfant de l’huile dans la mer. 


Extrait d'une Lertre de M. TENGUAGEL, à M. le Comte 
DE BENTINK, écrite de Batavia le 15 Janvier 1770. 


»Près des Ifles Paulus & Amfterdam, nous effuyâmes un orage qui 
» n'eut rien d’aflez particulier pour vous être marqué , finon que notre 
» Capitaine fe trouva obligé , en tournant fous le vent, de verfer de 
» l'huile contre la haute mer, pour empêcher les vagues de fe brifer 
» contre le Navire; ce qui réufhit à nous conferver, & a été d’un très- 
» bon effet; & comme il n’en verfa que très-peu à la fois, la Compa- 
» gnie doit peut-être fon vaiffeau à fix demi-aumes d’huile d'olive. J'ai 
» été préfent quand cela s’eft fair, & je ne vous aurois pas entretenu de 
certe circonftance, fi nous n'avions pas trouvé les gens de Batavia fi 


SUR LHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 36$ 


» prévenus contre l’expérience , que les Officiers du bord ni moi n'avons 
» fait aucune difficulté à donner un certificat de la vérité «. 

Je fis part au Capitaine Bentink d'une idée qui s'étoit préfentée fou- 
venc à mon efprit, en lifant les voyages de nos derniers Navigateurs, 
far-tout , lorfqu'ils nous parlent d'Ifles agréables & fertiles fur lefquelles 
la maladie leur faifoit defirer de débarquer , & dont l’abordage étoic 
impraticable à caufe de la violence de la houle qui brifoit fur la côte. 
Je penfe que peut-être en louvoyant à quelque diftance de la partie fous 
le vent de la côte, & en verfant continuellement de l'huile dans la mer, 
les vagues auroient pu fe calmer & s’affoiblir avant d'atteindre la côte, 
de manière à diminuer la hauteur & la violence de la houle , & à per- 
mettre de débarquer. Les circonftances & le befoin où ils étoient, au- 

roient fufñ pour ne pas regretter les dépenfes d’huile qu'il auroit fallu 
pour cela. 

Le Capitaine Bentink m’invita à aller à Porftmouth, m’affurant qu'il fe 
préfenteroit probablement dans peu de jours une occafion de faire cette 
expérience fur quelqu’une des côtes des environs de Spithéad, & il voulue 
bien me promettre de m'accompagner & de me procurer toutes les faci- 
lités & trous les fecours qui me feroient nécellaires. Je me remdis à fon 
invitation; & vers le milieu du mois d'Octobre dernier , j'allai à Portf= 
mouth avec plufeurs de mes amis. Il furvint enfin un jour de vent qui 
mettoit fous le vent la côte entre l’Hopital d'Haflar & la pointe près de 
Silkeker ; nous nous embarquâmes fur le Centaure , & nous defcendîmes 
enfuite dans la chaloupe , & le grand bateau, & nous navigâmes vers 
cette côte : voici quelle étoit notre difpofition. La chaloupe mouilloit à 
environ un quart de mille de la côte , une partie de notre compagnie 
débarqua derrière le Pointel , endroit qui étoit plus à l'abri de la mer, 
& ils vinrent fe placer vis-à-vis de la chaloupe où ils pouvoient obferver 
la houle , & remarquer fi elle fubiroit quelque altération , lorfque nous 
vetferions l’huile. Une autre troupe qui montoit le grand bateau alloic 
de plus près contre le vent de la grande chaloupe, en le tenant auffi loin 
de la chaloupe qu’elle l’éroit de la côte; ils firent des bordées d'environ 
un demi-mille chacune; ils avoient une grande cruche remplie d'huile, 
& ils en verfoient fans cefle par un trou un peu plus gros qu'une phupe . 
& pratiqué dans un bouchon de liége. L'expérience n'eut pas fur epoint 
capital tout le fuccès que nous en atrendions ; car on ne remarqua aucune 
différence effentielle dans la hauteur, ni la force de la houle fur la côte ; 
mais ceux qui étoient dans la chaloupe, apperçurent une traînée d’eau 
tranquille & unie dans tout l’efpace où le grand bateau verfa de l’huile : 
& ils virent cette traînée s'étendre par degrés en largeur vers la cha- 
loupe. Je dis qu'elle éroit unie , non qu’elle fût de niveau , mais parce 
que malgré la houle qui continuoit, fa furface n’éroit pas hériffée des 

1774. NOVEMBRE, 


366 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


rides & des petires vagues dont j'ai parlé plus haut; & dans tout cet 
efpace, on n’apperçut aucun où très-peu de chapeaux blancs, vagues, dont 
les fommers fe convertillent en écume , quoiqu'il y en eût une grande 
quantité au-deffus du vent & fous le vent. Un bateau à voile qui dou- 
bloit la pointe en allant à Portfmouth , fembloit marcher fur cette trai- 
née de préférence ; & il la fuivit d'un bout à l'autre. 

Il eft quelquefois utile de rapporter les circonftances d’une expérience 
qui n’a pas réufli , parce qu'elles peuvent donner des idées fur la ma- 
nière de les faire mieux réuffir lorfqu’on voudra les répéter. Voilà pour- 
quoi je me fuis fi fort étendu fur ces détails. Je ne dirai plus qu'un mot 
far ce qui m'a paru empêcher la réuflite de notre tentative. 

Je conçois que l’effe de l’huile fur l'eau eft d’abord d'empêcher que 
le vent ne forme de nouvelles vagues; & en fecond lieu , qu'il ne pouife ‘ 
pas avec autant de force celles qui fe fonc élevées les premières: par 
conféquent , elles conferveroient la mème hauteur qu’elles auroient eue, 
fi leur furface n’avoit pas été huilée ; mais l'huile n'empèchera pas que 
les vagues ne foient produites par une autre uiffance , par une pierre, 
par exemple , qui romberoit dans un étang calme & uni; car alors, elles 
s'élèvent par l'impulfion méchanique de la pierre que la graiffe de l’eau 
environnante ne peut pas diminuer ou prévenir, parce que malgréelle, 
les vents fouleveront la furface, & y formeront des vagues. Or, foit que 
les vagues aient éré une fois formées par le vent, ou que par quelqu’autre 
puiffance , elles éprouvent la même action méchanique par laquelle elles 
continuent à s'élever & à tomber, comme un pendule continue à ofciller 
long-tems après que la force qui a produir le premier mouvement ceffe 
d'agir. Cependant , ce mouvement ne ceffera qu'après un certain tems : 
c’elt pourquoi l'huile répandue fur une mer agitée peut affoiblir la force 
d’impulfon du vent fur les vagues dont la furface en eft couverte : ainf, 
la nouvelle impulfon qu’elles reçoivent étant moins forte, elles peu- 
vent fe calmer peu à peu: mais il faut peut-être un tems & un efpace 
confidérable pour que la houle diminue fur la côte , d'une manière fen- 
fible ; car nous favons que lorfque le vent ceffe cout-à-coup, les vagues 
qu'il a excitées ne retombent pas fubitement ; elles s’appaifent graduel- 
lement, & ne difparoiffent que long-tems après que le vent a ceflé: 
ainfi, quand même , en répandant de l'huile fur les vagues , on empè- 
cheroit que le vent agit de nouveau fur elles, il ne faut pas s'attendre 
que ces vagues fe mertront fur-le-champ de niveau. Le mouvement 
qu’elles ont reçu durera pendant quelque tems ; & fi la côte n’étoit pas fort 
éloignée, elles y arriveront fi-tôt que leur effet fur le rivage ne fera pas 
{enfiblement diminué. Si nous avions donc commencé nos opérations 
à une plus grande diftance, il eft pofible que l'effet de l'huile eût été 
plas grand & plus vifble ; peut-être aufli que nous ne verfimes pas affez 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 367 


d'huile. Les expériences qu'on fera par la fuite , pourront réfoudre tous 
ces doutes. 


CB RUES RP Et LOS: 


Sur le prétendu Baromètre de Sang-fue ; 


Par M. VALMONT DE BoMARE , Démonfirateur d’Hiffoirs 
Naturelle, 


L., N a fait mention, il y a quelque tems , dans les Papiers publics, 
qu'un Curé des environs de Tours avoit découvert dans les fang-fues un 
thermomètre animal, au moyen duquelon pouvoit connoître tous lesma- 
tins, fur cout lors des variations de l'athmofphère, le tems qu'il devoir 
faire le lendemain : pour cela , il fuffoit , fuivant l’Auteur , d'cbferver 
les mouvemens & la pofition d’une fang-fue mife dans un bocal de verre 
contenant une demi-livre d'eau ou environ , & recouvert d’un linge, 
Suivant les obfervations de ce Pafteur , la fang fue , par un zems 
Jerein & beau , reftoic au fond du bocal, fans mouvement, & roulée en 
fpirale ; mais s’il devoir pleuvoir avant ou après midi , elle montoit juf- 
qu'à la furface de l’eau , & y reftoit jufqu'à ce que le rems fe remiîe 
au beau ; lorfqu’il devoit faire grand vent, la fang-fue parcouroit fon 
habitation liquide avec une vitefle furprenante, & ne cefloit de fe mou= 
voir que lorfque le vent commençoir à fouffler. Quand il devoir furve- 
nir quelque rempéte avec ronnerre & pluie , la fang fue reftoit prefque 
continuellèment hors de l’eau pendant plufieurs jours qu’elle paroifloie 
mal à l'aife , & éprouvoit des agitations & des convulfons violentes z 
pendant la gelée, elle reftoit conftamment au fond du bocal, & dans la 
même figure ( roulée en fpirale } qu’elle prenoit en été dans un tems: 
clair & ferein: enfin , dans les tems de neige ou de pluie elle fe 
fixoit contre l’embouchure mème du bocal. Telles ont été les obferva- 
tions annoncées für la fang-fue , telles que je les ai lues dans différens. 
Journaux. On fe les rappelle fans doute. 

Sur l’expofé de cette merveilleufe nouveauté, j’ai été curieux d’en: 
voir toutes les fingularités par mes propres yeux. J'étois alors au château. 
de Chantilly , où j'ai pallé fix mois pour le nouvel arrangement des 
cabinets de Phyfique & d'Hiftoire naturelle de fon Alrefle Sérémflime 
Monfeigneur le Prince de Condé. Voici le réfulrat très fidèle de mes: 
obfervations fur les fang-fues : je n’ai pu les fuivre que pendant quinze: 
jours ; mais ce peu de tems m'a fufñ pour favoir à quoi m'en tenir fu 


1774 NOVEMBRE. 


368 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


le baromètre de fang fue. Le Lecteur fe reffouvient peut-être encore du 
ton d’affurance avec lequel l’on avoit aufli annoncé , il y a quelques an- 
nées , que fi on coupoit la tère aux /imaçons à coques ou incoques , il leur 
repoulloir en peu de tems une autre tête. J'ai démontré & configné 
publiquement le faux de cette obfervation , d’après l’expérience que je 
fis fur cinquante-deux limaçons , au château de Chantilly; & en pré- 
fence de perfonnes diftinguées, foit par leur rang, foit par leurs con- 
noiffances en Phyfique. Je reviens aux fang-fues. 

Ayant rempli aux trois quarts d’eau un grand & long bocal de verre 
blanc, d'environ trois pintes, mefure de Paris, j'y mis trois fang-fues 
{ deux grandes & un petite ) toutes très-vigoureufes : je couvris le bocal 
avec un linge fin & vieux, que j’affujettis avec un fil ; c’étoit le 7 Mai 
dernier. Le foleil étoit beau , mais l'air un peu venteux : je mis le bocal 
ainf préparé fur une fenêtre expofée au nord. Une grande fang-fue s'eft 
toujours cenu hors de l’eau , attachée contre les paroïs intérieures du 
bocal : la petite fang-fue n’a ceflé de nager: la troifième , qui étoit de 
la grande efpèce , eft refté agitée au fond de l'eau. 

Le 8, matin — rems couvert — elles ont refté peu agitées au fond de 
eau : —à midi, beau- tems — ont monté au niveau de l’eau : — le 
foir, beau-tems — fe font comportées de même qu’à midi. 

Le 9, matin — mème rems que l'après-midi du 8, — même manière 
des fang-fues ; à midi— peu de foleil — l’une hors de l’eau , & les 
deux autres au fond, d’ailleurs rranquilles ; le foir , beau-rems—fe 
fonc fixées au niveau de l’eau. 

Le 10, matin—tems couvert par-ci par-là: — deux ont refté au 
fond de l’eau , peu agitées ; la troifième a rampé , montant & defcen- 
dant contre les parois du bocal pendant une demi-heure, & a fini par 
refter au fond de l'eau ; à midi, beau rems — fixées au niveau de l'eau; 
fur les quatre heures , beau tems — montées au-deffus de l’eau ; le foir , 
chaleur — defcendues & fixées au fond de l'eau. 

Le 11, matin— tems affez beau — une fang-fue au niveau de l’eau, 
les autres au fond. A midi — de mème; le foir — chaleur , & le rems 
menaçant d'orage — font reftées routes au fond de l’eau. 

Le 12, matin — pluie douce — font reftées au fond ; à midi— même 
tems— même poltion ; le foir —rems aflez pluvieux — fe font agi- 
tées au fond de l’eau , ont nagé en ferpentant, montant & defcendanr. 

Le 13, — à fix heures du marin —tems fort couvert & venteux; — 
fe font agirées au fond de l’eau; à dix heures — pluie — toujours au 
fond , mais moins agitées; à midi— tems moins couvert que Île ma- 
tin — montées & fixées au niveau de l'eau; le foir —tems comme au 
matin — ont defcendu au fond de l’eau. 

Le 14 , matin—beau foleil, mais un peu de vent ; l’une a monté 


& s’eft fixée à un pouce au- deffus du niveau de l'eau, les deux autres font 
reftées 


\ 


è SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 369 


reftées au fond : à midi — j'ai retiré une des grandes fang-fues, & l'ai 
mife dans un bocal d’environ une demi-livre ; beau tems jufqu’au 
foir — celles du petit bocal (une grande & une petite ) font reftées au 
fond : celle du grand bocal s'eft renue au niveau de l’eau. 

Le 15, — beau foleil pendant toute la journée — les fang-fues des 
deux bocaux fe font fixées au niveau de l’eau. Ce même jour, je chan- 
geai d’eau celles du grand bocal. 

Le 16, matin —tems couvert — toutes rampoïent à leur manière , 
contre les parois du bocal, & fe fixèrent à quelques lignes au-deffous 
du niveau de l’eau ; après-midi — beau foleil — tems chaud : — elles fe 
font fixées au niveau de l’eau. 

Le 17, matin — beau foleil; — font reftées au niveau : depuis midi 
jufqu’au foir — beau foleil — chaleur affez forte — routes ont defcendu, 
& fe font fixées au fond de l’eau. 

Le 28, matin — tems frais — un peu couvert — ( la perire fang-fue 
s'étoic échappée & perdue; (celle du grand bocal refta au fond de l’eau; 
celle du petit bocal fe fixa au niveau de l’eau ; de midi jufqu’au foir — 
beau tems, fe fonc fixées au niveau. 

Le 19 , — pluie — pendant toute la journée ; — font reftées au fond 
de l’eau fans s’agiter. 

Le 20; — mème-rems — mème poftion que le 19. 

Le 21 ,'matin—tems couvert — ont monté & defcendu : celle du 
grand bocal arpentoit contre les parois intérieures du verre : celle du 
petit bocal nageoïit en ferpentant rapidement ; à midi jufqu’au foir — 
vent — peu de foleil — fe font fixées auffond du bocal. 

Le 22, matin—tems couvert —air frais — font reftées au fond de 

® l'eau ; à midi — elles s’étoient fixées au linge que je dérachai du bocal : 
elles me parurent foibles. Un valer que je chargeai de les changer d’eau, 
& de les détacher du linge , pour les plonger dans la nouvelle eau , exé- 
cuta certe befogne avec tant de répugnance, ou fi mauffadement, qu'il 
maltraira affez mes fang-fues pour les faire périr. Ainfi finit le petit 
journal de mes obfervations. 

#, 11 m'a paru que les fang-fues de Chantilly ne fe comportoient pas 
régulièrement dans l’eau, comme celles du Curé desenvirons de Tours : 
quelquefois les mouvemens de mes fang-fues n’avoient aucun rapport 
entr'eux ; & , fi je ne me trompe, il n’eft pas pollible d’en tirer des 
réfulrats abfolus. Je conclus donc que le Baromètre de fang-fue a été pro- 
pofé fur un fait, finon précaire , au moins ifolé. Y auroir-1l une faifon, 
un climat, une variété d’efpèces uniquement propres au phénomène 
annoncé ? Je ne peux le croire. 

Tandis que je faifois mes obfervations à Chantilly , des perfonnes 
inftruices, & qui habirent ce mème pays , entr'autres M. Briollét pere , 
Chirurgien ; M. Leroi, Architecte; M. Toudouxe , Lieutenant des 


Tome IV, Part. V, 1774. NOVEMBRE. Aaa 


33o OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Chaffes ; tous attachés à Son AltefTe Séréniflime Monfeigneur le Prince 
de Condé , faifoient de leur côté , & à ma follicitation , des obferva- 
tions fur des fang-fues. Je vifirois leurs prifonnières, je m’informois 
jour par jour de leur allure ; leurs fang-fues fe comportoient le plus fou- 
vent comme les miennes, & elles maigrirent beaucoup en moins de 


deux mois. 


Voici le rableau des réfultats moyens, tirés jour par jour fur les fang- 


fues de Chantilly. 


1°. Beau foleil—vent— au def- 
fus de Peau, fouvent au niveau, 
quelquefois au fond de l’eau. 

2°, Tems couvert — & venteux — 
au fond , roulées en fpirale. 

3°. Tems couvert — calme —au 
niveau, mais agitées. 

4°. Tems chaud—menaçant de 
l'orage — , au fond. 


5°. Beau tems—air chaud , au 
niveau , raccourcies , ou en fer à 
cheval. 

6°. Pluie douce , au fond & tran- 
quilles , tantôt ércendues , tantôt 
raccourcies. 

7°. Pluie forte , au fond ; agi- 
tées, montant & defcendant. 

3°. Tems frais — couvert , tan- 


toc au fond , tantôt au niveau, 


Ces réfulrats offriroient peut être des différences à quiconque vou- 
droit en répéter les obfervarions. 


D ns ER de dl ON 


Sur quelques Familles fex-digitaires du Bas-Anjou (x) ; 


Par M RENOU, ancien Chirurgien , Aide- Major de Armée, & 
Chirurgien à la Pommeray en Anjou. 


C ETTE variété, ou plutôt cette monftruofité dans l’efpèce humaine, 
fans être rare , n’eft pas commune ; & nous n'avons que peu d’obferva- 
tions fur cet article de l'Hiitoire naturelle de l’homme : quoique beau- 
coup de perfonnesaient vu desindividus affeétes de cet excès d’organe. Je 
ne connois aucune defcription dérallée des circonftances & des différens 


(x) Nous avons rapporté avec plaifir certe defcriprion des mains fex-digitaires , 


parce que certe variété ne-fe trouve pas com} rife dans les Recherches fur quelques 
conformations monfirueufes des doigts dans l'homme ; inférées dans le volume de 
l'Académie Royale des Sciences pour l’année 1771. Les répétitions font ici inutiles; 


aufi nous renvoyons à cet excellent Mémoire de M. Morand , qui a mis fous les yeux 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. mn 


accidens qui l’accompagnenr. Comme il fe trouve dans plufieurs Paroiffes 
duBas-Anjou ( & cela de tems immémorial) des familles fex-digiraires, 
& que certe difformité s'y perpétue, quoiqu'alliées avec des perfonnes 
qui en font exemptes , je crois intérefler le Public , en lui faifant part 
de quelques remarques fur ce fujer. 

C'eft toujours à côté des pouces que croiffent les doigts furnumérai- 
res, & leur première phalange, qui eft firuée far los trapeze du carpe, 
& qui répond aux os du metacarpe , eft contigu dans toute fon érendue 
avec celle du pouce que la même peau recouvre ; quelquefois , les deux 
autres phalanges fuivent aufli la même direction & la même contiguité 
dans toute leur longueur , & forment , par ce moyen , un pouce double qui 
eft un peu fourchu à fon extrémité oùil ya deux ongles. (Voy. a fig. I(1) 
D'autres fois , le fixième doigt fe fépare du pouce à la feconde articula- 
tion ; & cela fe fait tantôt en-dehors, c'eft-à-dire , à fa partie latérale 
externe ( PL I, fig. 11) ou bien à fa partie contraire ; c’eft-à-dire , dans 
l'efpace qui eft entre lui & le doigt index ( Voy. fig. III). Que cefoit 
le pereou la mere qui foient atteints, & qui propagent certe diffor- 
mité, leurs enfans des deux fexes en fonc indifféremment affectés. Ils 
n'ont pas toujours les pouces doubles, mais fouvent contrefaits , plus 
longs d’un tiers que dans l’état naturel , applatis, & avant les dernières 
phalanges d’une articulation lâche , & rerournées vers l'extrémité de 
l'index où elles atteignent prefque. Cette conformation extraordinaire 
n'empêche pas ceux qui l’ont , de faire rous les ouvrages de la campa- 
gne ; &il y en a mème qui exercent des métiers. 

Un homme ou une femme fex-digitaires ont quelquefois une partie, 


du Leéteur le précis de tout ce qui a été dit à ce fujet. M. de Maupertuis, & plufieurs 
Auteurs après lui , ne fe font-ils pas un peu trop hâtés de conclure ; quoique plufeurs 
exemples les invitaffent à penfer que cette conformation monftrueufe eft héréditaire , & 
qu'elle fe tranfmet de pere en fils? Nous pouvons certifier connoître une famille dont 
le père eft fex-digiraire des deux mains , tandis que les mains de fes frères & de fes 
fœurs font conformées comme celles des autres hommes. Nous ajouterons encore 
que les mains des enfans de ce fex-digitaire ne participent en aucune manière à 
la monftruofité de celles de leur pere. Cet exemple , il eft vrai, ne détruit pas 
la généralité de la propoftion de M. de Maupertuis & de plufeurs autres ; mais 
il fait une forte exception. Combien en trouveroit-on de femblables , fi on prenoit 
la peine de les chercher ? 

(1) La Planche] , figure I repréfente la main d'un petit garçon de deux ans , ayant 
le pouce double ; défaur qu'il tient du côté paternel. La figure II eft la main d'une 
petite fille de crois ans , dont le doigc furnuméraire eft à la partie latérale externe du 
pouce :*elle eft fœur du précédent. La figure III eft la main d'un garçon de quatorze 
ans , dont le doigt furnuméraire eft fitué entre le pouce & l'index. Ce fujer eft oncle 
paternel du précédent, & tient cette conformation de fa mère qui, quoique de race 
fex-digiraire, n'a cependant que cinq doigts à chaque main, mais elle a le pouce 
tord, comme feroit celui de certe figure , fi le furnwnéraire étoit retranché, 


1774 NOVEMBRE. Aaa:2 


372 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
& même tous leurs enfans exempts de cette difformité ; tandis que ces 


derniers au contraire, produifent des rejettons chez qui elle paroït dans 
le plus grand degré. On a été furpris que dans quelques familles qu’on 
ne foupçonnoit pas de ce vice , il naifloit un enfant avec fix doigts 
à une main , & quelquefois autant à chacune. Que dis-je? On en a 
même vuunenavoir fx à l’une & fepe à l'autre ; mais après avoir exa- 
miné la famille, & remonté à la fource, il s’eft toujours trouvé que 
quelqu'un des ancêtres avoit eu pareil vice de conformation : preuve 
fans doute que dans la nature, l’inconftance même ya fesloix; qu’elle 
tend toujours à fuivre & à revenir mème à fa marche primitive, & cela, 
jufques dans fes égaremens ; car on ne peut qu’appeller ainfi une organi- 
fation qui n’ajoute au corps que des membres non-feulement inutiles, 
mais même incommodes & défagréables. Auffi, les parens les font-ils 
retrancher , autant qu'ils le peuvent, dès le moment de la naïffance de 
leurs enfans. Il m’eft arrivé d'en amputer deux, il y a quelques années , 
à une petite fille qui venoit de naître; & quoiqu'il me fallür atteindre 
jufqu’à leurs bafes, & qu'il furvint hémorrhagie , la petite fut guérie 
en très-peu de jours ; & maintenant les cicatrices ne font prefque pas 
fenfbles. Malsré cela, fa main eft difforme, fon pouce ayant la der- 
nière phalange, renverfée du côté de fa face latérale interne , & attei- 
gnant prefque jufqu'à l’extrémité du doigt index (1). 


Les trois fivures ci-jointes ont été tracées fur les fujets mêmes. 
8 J 


(1) Ce n'eft pas feulement aux mains que fe trouvent les doigts furnuméraires ; 
M. Guérif, célèbre Chirurgien à Saint-Florent-le-Vieil , m’a dit depuis peu avoir 
accouché une femme d'un enfant qui avoir deux pouces à un pied ; mais ce fair 
cft plus rare que les précédens. 


SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 373 


À, ONG PPS ERP DE ADO 


D'une  colletion minérale que le Roi de Suède a en- 
voyée à Son Altefle Séréniflime Monfeigneur le Prince 
de Conpé; 


Faite par M. VALMONT DE-BOMARE , Direëleur des Cabinets 
de Chantilly (1). 


(Bee collection , qui contient plufieurs morceaux dont la richeffe & la 
variété peuvent flatrer les regards les moins exercés , n’eft pas moins inté- 
reffante pour les Savans , par la fuite très-nombreufe des échantillons en 
tout genre dont elle eft compofée. On fait que la Nature a afligné à cha- 
que contrée de notre globe des productions particulières; & que le 
Nord , 8 fingulièrement la Suède, eft le fein ou la patrie de la plupart 
des fubftances qui appartiennent au règne minéral. La colleétion que 
nous annonçons ici elt une preuve de cette affertion, Elle a été ordonnée 
en 1772 , par le Roi de Suède Guftave III; & dans le cours de la même 
année , elle a été complètée & dépofée dans les tiroirs d’une grande & 
magnifique armoire dont voici la defcription. 

Cette armoire ( ou Mufæum minéralogique } a huit pieds de hauteur 
fur fix de largeur , & de deux pieds deux pouces de profondeur. Elle eft 
compofée de quatre grandes parties qui ont été emballées dans autant de 
caifles particulières , pour être embarquées & portées au lieu de leur 
deftinarion. 


(1) Jamais les Arts n’ont été fi floriffans, que lorfque des Princes éclairés les ont 
cultivés , & les ont encouragés par leur protection. C'eft au milieu des Savans que le 
Vainqueur de Lens, de Fribourg, & de Rocroy , venoit autrefois fe délafler à Chantilly, 
des travaux & des fatigues de la guerre. Qu'il eft fatteur pour les Sciences de voir 
l'héritier de fon nom & de fa gloire marcher fur fes traces, & enrichir ce fuperbe 
Château des plus rares productions de la Nature! Guftave HI , que le bonheur de la 
Suède a enlevé trop promptement à l'admiration de la France , a cru qu'il ne pouvoit 
donner à Son Altefle le Prince de Condé, rien qui fartât plus fon goût que la colle&tion 
des mines de fon Royaume dont on va donner la defcription. Les Phyficiens rrouve- 
ront dans ce magnifique préfenr déja annoncé dans la Gazette de France , le 19 Septem- 
bre , de quoi fatisfaire leur curiofité ; & l'Europe entière verta avec la plus douce fatis- 
fation deux jeunes Héros faire fervir au progrès & à l'avantage même des Arts, les 
preuves qu'ils fe donnent des fentimens glorieux qui les uniffent. 


1774 NOVEMBRE. 


374 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


La première partie , qui eft un foubaffement , ouvrant en deux pan- 
neaux , contient les cafes de fix tiroirs en deux rangs : ce foubaffement 
eft porté par quatre pieds de forme conoïde , en colonnes cannelées, 
terminées par des chapiteaux ornés de guirlandes. Les intervalles des 
cannelures font de métal ; la frife du foubaffement eft décorée aux en- 
coignures de poftes fleuronnées , avec des agraffes fentes , & terminée 
par une baluftrade pleine qui fait certiffure , en recevant la feconde par- 
tie ou pièce qui doit s’y emmancher. 

La feconde partie, & c’eft la plus confidérable , offre au-devant une 
grande table qui s'ouvre enla manière des bureaux , connus fous le nom 
de fécrétaires. L’effort ou le poids le plus léger fait tomber horifontale- 
ment cette table, & la mème force la fait relever & refermer. Cette 
méchanique eft due à deux balanciers artiftement emmanchés dans certe 
table , & qui ont leur jeu dans le vuide des épaiffeurs latérales de cette 
feconde pièce, & dans celui de la frife du fouballemenr. Cette table 
faite en bois de bouleau de Suède ( lequel imite une étoffe fatinée d’un 
blanc-cendré) offre fur le côté extérieur un defin très-bien exécuté en 
marqueterie ou bois de rapport de différentes reintes, & fiartiftement 
travaillées , qu’on les prendroit pour l'ouvrage du plus habile pinceau. 
C’eft une double ouirlande à trois agraffes : à l’agraffe du milieu pendent 
deux autres guirlandes en couronnes & enlacées , auxquelles eft attaché 
un trophée compofé des uftenfiles propres au Mineur, un flambeau allu- 
mé , une tarrière , un fleuret, un marteau. L'intérieur de cetre feconde 
partie contient les cafes de vingt-un tiroirs en fept rangs, & les carcaffes 
de ces cafes, ainfi que celles du foubaffement peuvent être retirées à 
volonté. 

La troifième partie , qui fait la corniche , s'emmanche dans la feconde 
partie , de même que celle-ci dans la première. La corniche a des avan- 
cemens par degrés, & offre en fon milieu une niche en demi-cercle ou 
fauffe archivolte , furle plein-fond de laquelle fe trouvent appliqués les 
Armes & attibuts de Son Alreffe férénifime Monfeigneur le Prince de 
Condé. Au deffus eft un focle d’entrelacs en bronze. 

La quatrième partie eft le couronnement de ce beau meuble : ce cou- 
ronnement , qui entre dans la certiffure du focle , offre dans toute fon 
étendue un trophée minéralogique. C’eft un affemblage bien grouppé & 
compofé de gros morceaux de mines de cuivre , de plomb , d'argent, de 
cryftaux de roche, de fpath, de quartz, de grenats , d'amiante, &c. 

L’enfemble de certe fabrique, qui eft richement décoree, eft d’une 
forme très-noble & très-élégante ; fon exécution ne peut manquer de 
faire honneur aux Artiftes Suédois. Tous les bois d’ufage en marqueterie 
y trouvent leur place; mais le bouleau fatiné , qui eft particulier à la 
Suède , eft celui qui fe fair le plus remarquer. Les tiroirs font en bois de 
Mahagoni, excepté celui de devant qui eft en bonleau, En un mor, l'or- 


LADA NES LRO PS 


POUR a ER CRE 


SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 335 


donnance & la manière dont la ferrurerie & les bronzes font exécutés, 
dorés & finis, prouvent qu’à Stockholm, les Arts du Fondeur , du Do- 
reur , du Cizeleur , de LÉbénifte , du Serrurier &c. font parvenus à un 
Cgal degre de perfection. 

ous donnerons ci-après un extrait fidèle du faperbe catalogue (1) qui 
expofe avec beauconp d'ordre & de clarté la lifte fynoptique des fec+ 
tions, des genres & des lieux dans les différentes Provinces du Royaume 
de Suède, où les échantillons iminéralogiques ont eté recueillis, & tels 
qu’ils font dépofés dans les tiroirs de l'armoire donc il eft mention 
ci - deflus. 

Section 1. Calcarea (Pierres calcaires), On y voit 1°. les pierres à 
chaux plus où moins folides & brillantes , variées par le tiffu & les cou- 
leurs, & qui ont été fournies par les miniers des Provinces d'Œfer- 
goetland , de Nerike , de W'eflergoerland , de w'efimanland, de Vermland, 
de Soedermanland , de Jemtland, 

2°. Viennent enfuite les pierres calcaires fpathiques ; variées de même 
que les pierres précédentes , les unes mêlées de quartz, d’autres de pyrite 
cuivreufe , d’autres formant une veine entre l’asbefte & la mine de fer: 
elles ont été recueillies dans les minières des Provinces de Smo/and , de 
Jemcland, de Dakhlarne , de #ermland & de la grande & fameufe minière 
d'argent de Sahlberg en #’e/fmanland. 

3°. Les /puths calcaires cryflallijes & les cryflaux fpathiques brillans , 
parmi lefquels il s’en trouve qui réfléchiflent fimplement les objets, les 
autres doublement , &c. Lesuns font ou de forme pyramidale , ou rhom= 
boïdale , ou prifmatiques, triangulaires , ou en hexagones drufes, plus 
ou moins tronqués : d’autres ont une figure irrégulière. Il s'en trouve de 
mêlés au bafalre ftrié, à la pyrire*cuivreufe, à la mine de fer calciforme, 
au mica, à la gelene; & ces fpaths fi variés entr'eux par la couleur , par 
le tiflu, par la configuration , ont été ramalés dans les minières des 


Provinces de Wermland, de Weflmanland , d'Oerflergoetland & en 
Lapponie. 


4°. Les gyps , dont les uns offrent un plâtre cryftallife, mêlé de fpath 
&cde pyrite : d’autres font en ftalaétite , & font plus ou moins mêles de 


(1) Ce Catalogue eft du format in-folio , très-bien écrit en latin , fur parchemin 
doré fur cranche, & relié en beau maroquin aux armes de Suède , femé en plein de 
couronnes en or; aux quatre coins le double G ou double chiffre de Guftave; une 
riche bordure à la Grecque , & porrant au dos cette infcriprion : Minere Suecie colle 
M. DCC. LXXII, s'enfermant dans la tranche d'un étui en carton marbré & en forme 
de livre , portant au dos qui ef relié en veau, la même inferiprion Mirere, &c. 8e 
ce carton entrant par le dos d'un fecond étui auffi en forme de livre reliéen veau, 


jafpé de noir, trés-habilement doré , & au milieu le G fimple avec un 3, qui eft le 
chiffre fimple de Guftave III. 


1774 NOVEMBRE 


376 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


bafalte. Il y a aufi différentes efpèces de pierres de porc, de couleur 
brune (Zapis fuillus fuftus) dont une offre des empreintes d'infeétes. 
Ces fubftances ont été trouvées dans les minières#des Provinces de Dak- 
larne, de Nerike , de Weflercoerland ; de Wermland & en Lapponie. 
SEcrion Il. Silicee. Elle contient différentes fortes de pierres fcinril- 
lantes. On y trouve 1°. diverfes efpèces de quartz , les purs & fans 
couleur ; d’autres font imélés à de la pyrite ou cuivreufe , ou aurifere, & 
font colorés ; d’autres quartzs ont le tiffu brillant , ou grenelé; d’au- 
tres offrent de crès-beaux cryftaux de montagne plus ou moins tranfpa- 
rens.Il y a aufi le quartz en Drufen , tantôt parfemé de galene , & tantôt 
de feld-fpath, Ces fortes de pierres ont été détachées des minières des 
Provinces de Smoland , de Soedermanland, de #'ermland , de Dahlarne, 
de Jemtland, de #’eflmanland, d'Okflercoetland & de la Lapponie. 


2°. Les petro-filex & les jafpes de couleur variée : il y en alrem- 
plis de grenats & de bafalte. Ils ont été trouvés dansles minières métal- 
liques des Provinces de 7/e/fmanland , de W'eflergoctland , de Smoland , 
de Wermland & de la Lapponie. 


Secrion Ill. Granateæ. On y trouve 1°. une belle fuite de grenats fer- 
rugineux & d’un rouge plus ou moins foncé. Les uns font de figure in- 
déterminée , & mêlés de quartz, de bafalte ; de pyrite : d’autres font 
cryftallifés en dodécaëdres réguliers , tantôt ifolés, tantôt en drufes: il 
y en a dans des gangues de fpath fufble , d’autres dans la pyrite cui- 
vreufe , d’autres dans le fpath calcaire. On diftingue dans cette même 
Section un très beau fragment de grenat, gros comme le poing. Ces 
pierres précieufes ont été recueillies dans les minières des Provinces de 
Smaland , de W'ermland , de Soedermantand , de Dahlarne & de ef 


zanland. 


2°, Unefuite plus nombreufe encore de bafales de diverfes couleurs 
& figures, & dans des gangues très-varices. En effer , il y en a de noirs, 
de figure irrégulière dans une matrice quartzeufe ; d’autres font verds 
dans une gangue fpathique & calcaire ; d’autres font unis ou à de la py- 
rite ou à de la mine de fer blanche :il y enaen ftriés, on parallèles, ou 
étoilés dans une matrice d’asbefte : enfin, il y a des cryftaux de bafalte de 
figure prifmatique, accompagnés de pyrite dans une gangue de pierre 
ollaire; & ces fortes de pierres (bafaltes) qui ont occafionné un grand 
nombre de difcuflions polémiques parmi les Naturaliftes modernes , ont 
été trouvées dans les minières ( la plupart métalliques } des Provinces de 
W'eflmanland ; de Smoland , de Dahlarne & d'Oeffergoetland. 

Section IV. Arpillacee. Elle eft compofée de différentes fubftances 
que les Méchodiftes placent parmi les argilleufes. On y trouve 1°. les 
ftéarites grifes , jaunes, vertes; les unes mêlées de fer, d’autres de 9a- 
Îene, d’autres de pierre calcaire : une efpèce eft verdâtre & imite di 

fu 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 377 


tiflu de l’asbefte. Elles ont été détachées des minières métalliques de 
Persbere en Wermland & de Sahlbers en Wefimantend. 

2°. Plufieurs fortes de pierres ou de terre martiale, un peu bolaire, 
rouges ou grifes ; les unes mèlées de pyrite, d’autres font dans une gan- 
gue de pierre calcaire : elles ont été rirées de la mème veine argilleufe , 
qui a fourni , il y a quelques années, une grande quantité d’argent dans 
la minière de fer de Brattfors-Grufvan en Wermland. Y y a aufli des ef- 
pèces de bols de couleur noirâtre, les unsfriables, d’autres folides , & 
qu'ont fourni les mines de Smoland & de Weflergoerland. 

Secrion V. Micacee. Elle offre différentes efpèces de inica; 1°. les 
uns font en lames , en écailles , ou jaunes ou blancs ou noirs , & ont pour 
gangue , tantôt une fabftance granatifere , ou le fpath calcaire avec la 
pyrite , l’argille martiale , ou le quartz , ou les mines de fer & de cuivre. 

29, D'autres efpèces de mica font en écailles contournées , folides & 
mêlées à la pyrite , cantôt cuivreufe, & tantôt martiale. 

3°. Enfin , il ya du micaen drufèn dans une gangue quartzeufe mêlée 
de bafalte. Les minières métalliques des Provinces de We/?manland , de 
Socrdermanland , d’Oeffercoetland , de Medelpad , de Wermland , de 
Smoland , & de Dahlarne , ont fourni ces variétés de mica. 

Section VI. 4sbefline , contient une belle fuite d’asbeftes & d’amian- 
tes : 1°, les efpèces de cuir foffile dans une gangue calcaire & fpa- 
thique. 

La chair de montagne dans la mème gangue que ci-deffus, & quel- 
quefois accompagnée de pyrite, 

3°, Le biffus mol & Aexible { amiante ) dans une gangue de ftéaite 
verte. 

4°. Les différentes efpèces d’asbeftes plus ou moins folides, fibreufes; 
les unes en couches, d’autres en maffes contournées dans une matrice 
fpatheufe, fouvent accompagnée de pyrite. Toutes ces fubltances fe fonc 
formées & ont été prifes dans les minières métalliques de Sahlberg en 
Weffmanland , de Persberg & de Taberg en Wermland & de Fahlun en 
Daklarne. 

* Secrion VII. Zéolires. Elle eft compofée de fix fortes de ce genre de 
pierres nouvellement connues. Ces zéolites varient entr'elles par la cou- 
leur & le tilfu. Leur gangue eft ou fpathique ou depyrite de cuivre. Elles 
ont été découvertes dans les minières d’Ædelfors en Smo/and , de Guf- 
taff-Grufvan en Jemrland & à Svappavara en Lapponie. 

Section VIII. Fuores. Elle offre un fingulier échantillon de uor ver- 
dâtre , de figure itréoulière , &.mêlé à de la pyrite. On l'a trouvé dans la 
minière de cuivre de Stripasen Pe/fmanland. 

La Section IX. Magneffs, contient différentes variérés de Manga- 
naife plus ou moins friables, &ec. dans une gangue quartzeufe : elles 
font forcies de la minière de cuivre de Gorpagrufvan en Oeftergoceland, 


Tome IV, Part. V. 1774. NOVEMBRE. Bbb 


378 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


La Secrion X. Salia , offre quelques beaux échantillons de vitriols 
natifs, de fer , de cuivre, de zinc ; un feul , lequel contient ces trois dif- 
férentes efpèces; des fchiftes lumineux. Ces fubftances falines & natu- 
relles ont été recueillies dans la minière de cuivre de Fahlun en Dahlar- 
ne , & dans la mine d’alun d’Andrarum en Skone. 

La Secrion XI. Palogiftica mineralia , offre 1°. du fuccin blanc-fauve 
de Skone , 1°. Du maltha de Fahlun en Daklarne ; 3°. Une très grande 
fuite de pyrites , de marcaflites qui offrent beaucoup de varietés dans ce 
genre de faux métaux. 

Rien de plas varié pour la figure, pour la couleur , & par rapport à la 
gangue : il s’y trouve des pyrites fuifureufes englobées dans la pyrite mar- 
tiale & dans la faufe ga ène ; d’autres contiennent du bafalte noir, du 
quartz, du fparh calcaire, de la galène, de la pierre puante: ilyena 
de chatoyantes en drufens , en cryftaux féparés , & dont quelques-uns 
font hexagones , d’autres poligones , cubiques , &c. celles dont on tire le 
foufre en grand ; 4°. dans cette même Seétion fe trouvent auffi des échan- 
tillons de molybdène , mêlée de mines d’érain & de fer minéralifées par 
le foufr. Les minières de Fahlun en Dahlarne , de Guftafs- Grufvan en 
Jemtland , de Loos en Helfingland , de Klefva en Srmoland , de Tunaberg 
en Soedermantand,de Dilta en Merike, de Taberg & Presberg en Werm- 
land, de Sahlberg en We/manland , d'Andrarum & de Bofarp en Skone, 
de Risgrufvan en Smoland , de Mullcorp en W'eflergoerland , & de Kofvo 
en Lapponie , ont fourni tous les échantillons de cette Section. 

Sicrron XII. Aurum. Elle annonce les métaux, & contient treize 
échantillons d’or & de pyrites aurifères , rirés de la minière d'Ædelfors 
en Sr10/and, 

Secrion XIII. Argentum. Elle eft compofée de vingt-un échantillons 
d'argent & de mines d'argent , recueillis dans les minières de Locfas 
en Dahlarne, de Sunnerskog en Smoland , de Sahlberg & de Hellefors 
en Wefimanland , d'Aldern en Jemtland, & de Nafafhell en Lapponie. 
On y diftingue 1°. l’arpent vierge , folide & denté dans une galène de 
plomb minéralifée par le foufre & l'arfenic ; 2°. l'argent natif, fuperf- 
ciel dans une mine de cuivre grife, avec des grenats & du quartz; 3°. la 
mine d’atgent rouge dont quelques morczaux ont pour gangue , tancôt le 
petro filex , ranrôt le bafalte, tantôt la pierre calcaire, &c. 4°. la mine 
d'argent blanche ; 5°. les galènesargentifères, les plus riches en métal 
fin, & accompagnées de pyrites rougeâtres & de gangues pierreufes les 
plus varices. 

Secrion XIV. Plumbum. On y trouve quarante-un échantillons de 
mines de plomb qu'ont fourni les minières de Sahlberg en We/fmanland , 
de Nafañell & de Lilla-Hierta en Lapponie , d’Aldern en Jemtland, de 
Loefas & de Fahlun en Dahlarne , de Hiftgrufvan en Wermland, de Rid- 
dare-Grufvan, d'Hellefors , &c. en #’efmanland , d'Uggelflugan, de 


| 


nd 


me “il tuutt dt i too - ti dite ès 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 379 
Tunaberg, de Rahbo, &c. en Soedermanland. On y diftingue les galè. 
nes à grands & petits cubes & charoyantes; les unes mélées de bafalre 


cryftallifé en prifmes ou en ftries avec du fpath calcaire ; d’autres font 


mélées de fauile galène, de pyrires de différentes couleurs, d’asbefte, 
de petro-filex, de quartz cryftallifé ; d’autres font luifantes & mélées 
de fluors ou bleus ou verds , de marcafire arfenicale , de mica ; d’autres 
galènes font'en écailles pofées fur champ , & qui divergent d'un centre 
commun ; d’autres ont le tiffu d'acier , &c. 

Section XV. Cuprum. Elle eft compofée de cent huit beaux échantil- 
lons de minesde cuivre qu'ont fourni les minières de Printz Guftafs- 
Grufvan, de Frédricsberg , de Sunnerskog , &c. en Smoland ; de Loefas 
& de Fahlun en Dakhlarne , de Svappavara , de Nafaffiel; de Sperkuin- 
gen, &c. en Lapponie, de Gultafs- Grufvan en Jemrland , de Cathrinæ- 
berg & de Garpa en Oeffergoerland , de Liufnedahl en Herjeadahl , de 
Tunaberg , en Soedermanland, de Nyakopparberg, &c.en Wefimanland. 
Parmi ces morceaux on diftingue 1°. le cuivre natif, denté, dans une 
gangue quartzeufe , femée de grenats ; le beau cuivre de cémenra- 
tion ; 30. le bleu de montagne natif, les malachites globuleufes, & 
celles en ftalactire; 40. les mines de cuivre grifes de différentes formes, 
avec ou fans bafalte ;° 50. les mines de cuivre azurées , avec une gangue 
quartzeufe & parfemée rantôt de bafalre , & tantôt de grenats; 60.les 
mines de cuivre pyriteufes & folides d’un jaune verdâtre , avec une gan- 
gue fouvent graniteufe ou de petro-filex , ou de bafalte : il y en a à tiflu 
d'acier dans une pierre ollaire; 70. les mines de cuivre jaune, accom- 
pagnées de nœuds de quartz , de cryftaux de bafalte & de fpath , fouvent 
de galène & de mine de Cobalt , quelquefois de pyrite ou fulfureufe, 
ou martiale , ou arfenicale ; 80, les mines de cuivre d’un jaune pâle, py- 
riteufes , brillantes, mélées de bafalte ftrié , ou traverfées de veines de 
gyps ;ou femées de mica en écailles de différentes couleurs ; 0. la mine 
de cuivre virreufe , folide , &c. 

Secrion XVI. Ferrum. Elle contient trente-deux échantillons de mi- 

nesde fer, préfentés par ordre de colleétion topographique, & recueillis 
dans les différentes minières de ce genre de métal en Lapponie Sué- 
doife, dans celles de Longbans-Hyttan, de Normarken , de Fiunberg, 
de Taberg , de Persbers, d'Agegrufvan en Wermlard , de Giængesberg, 
de Bisberg en Dahlarne ; de Ryddarhittan & de Nyakopparberg en Wejt- 
manland, de Liufnedahl en Herjeadhal , de Garpagrufvan en Merike , 
de Fahlun en Dañlarne , de Nykocping, d'Utoe , &c. en Soederman- 
land, d’Atved , &c. en Oeflergoetland , de Lefeboda & de S:orbro en 
Smoland. 
. Parmi ces échantillons ferrifères , on diftingue les mines en roche de 
toutes lescouleurs & figures ; celles à tiffu vitreux ou fpéculaire ; les hé, 
matites brillantes , bleuâtres, en écailles ou en drufen ; celles qui font 
1774. NOVEMBRE. Bbb 2 


380 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


artraétibles & rétraétibles , englobées ou traverfées de pyrite martiale ; 
&c de quartz, de fpath calcaire , de bafalre ftrié , d’ochre jaune, de 
grenats ; celles en cryftaux ou oétaëdres ou irréguliers. 11 y en a aufi de 
chatoyantes : on obferve que leur gangue eft ou de petro-filex ou de 
jafperouve , de pierre ollaire colorée de mica : enfin ,:on y trouve les 
mines de fer limoneufes, celles de lacs & de marais. 

Secrién XVII. wifrnuturm. Elle annonce les demi-méraux , & com- 
mence par le bifmuth. [ly a des mines de bifmurh en lames & en écail- 
les , mêlées de quartz, de bafalte noir & ftrié, de pyrite cuivreufe & de 
cobalt; ces morceaux ont été rirés des minières de Loos en He/- 
England. 

Secrion XVIII. Zircum. Elle offre douze échantillons de mines de 
zinc, ramallés dans les minières de Tunabers en Soedermanland , de 
Fahlun & de Loefas en Dahlarne , d'Adolphs Grufvan , de Tyskgruf- 
van & de Sahlberg en We/tmanland., de Bioerkskogfnæs en Wermland , 
de Frédericsberg en Smo/and , & de Cathrineberg en Oecffergoerland. 
On y difingue ,fur-tour, les fauffes galènes, les unes famelleufes , les au- 
tres cellulaires & luifantes , mêlées de pyrite cuivreufe , de quartz, de 
pierre calcaire, de galène arfenicale, de pierre ollaire & de bafalre 
ftrié. 4 

Section XIX. Ancimonium. Elle contient un bel échantillon de mine 
d’antimoine ftriée mêlée de galène & de pierre calcaire. On l'a trouvé 
dans la grande minière d'argent de Sahlberg en Weffmanland. 

Secrion. XX. Arfenicum. Elle eft compofée de quelques échantillons 
depyrite arfenicale , folide , chargée de fluors verdâtres : ces morceaux 
ont été pris dans les minières de Loefas en Dahlarne, & de Gasborn 
en We/imanland. 

Section XXI. Cobaltum. On y diftingue douze beaux échantillons de 
mines de cobalt qu'ont fourni les minfères de Loefafen en Dahlarne , 
de Loos en Æe//inglard & de Tunaberg en Soedermanland. Un morceau 
très intéref{fant, eft d'ochre de cobalt rouge & fuperficielle. Il y en a qui 
contiennent du bifmurh , du bafalte , ou ftrié, ou en étoiles, & ont 
pour gangue le petro-filex & le quartz, ainfi que d’autres échantillons de 
mines de cobalt qui font ou à tflu d’acier , ou fpéculaires & chatoyans. 
On obferve que plufeurs de ceux-ci ont leur gangue entremêlée de 
pierre calcaire & de pyrite cuivreufe ; enfin , on y voit la mine de co- 
balt cryftallifée en drufen , & des cryftaux de cobair de figure polygone. 

Section XXII. Nrccolum. Elle offre la mine de nickel , mélée d’ochre 
de nickel martiale & verdâtre. Elle a été prife dans la minière de cobalt, 
de Loos en Helfingland. 

Secrron XXIIL. Saxa ( petre compofite ). Elle comprend quarante- 
un échantillons de pierres plus ou moins compofées , & recueillies dans 
les fouilles de Tunaberg & de Windorufvan en Socdermantand | de 


Rire ù , E 
LA 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 381 

Longbanshitran, de Remsgrufvan, de Lerviken, &c. en Wermland, 
* deFahlunen Dahlarne , de Sahlbere & de Nyakoppaiberg en Wef/man- 
land , d'Ædelfors en Smoland, ge Handoel en Jemtland , d'Afcbro- 
grufvan en Ocffergoerland & de Loos en Helfingland. On y voit, 

10, Les ophices , dont plufeurs contiennent du bafalre , du mica , de 
la pierre calcaire , de la ftéarire & des grenats. " 

20, Différentes efpèces de ftællften ( mica brillant & en petites écail- 
les) mêlées de quartz , de bafalte , de pierre calcaire & de pyrire cui- 
vreufe, 

3°. Le norka ( efpèce de mica talqueux ) mêlé de grenats & des autres 
fubitances qui accompagnent le fiællften. 

4°. Les pierres ollaires & ftéarites , folides ou molles , de différentes 
Sgures & couleurs , particulièrement l’efpèce grife , de forme contour- 
née , & dont on fait des vafes pour l’ufage de la cuifine ; celle donc les 
écartemens font brillans & remplis de pyrite cuivreufe. 

5°: La pierre appellée srapp. Voyez Minéralogie de Bomare , tomel , 
page 222 ,227 & 229, édition de 1774. 

6°, La pierre furnommée cos. Voyez Minéralogie , ibid. 

7°. Une pierre amygdaloïde , compofce de fragmens de quartz à figure 
elliptique , & difpofés en étoile. 

Secrion XXIV. Appendix. Ce fupplément offre de très-beaux mor- 
ceaux ; 10, de pyrite cuivreufe , mélée de faulle galène d’un tiflu teffu- 
pus 3, de pyrites en drufèr ; avec fpath calcaire, & dans une mine de 

er. 

20, D'un jafpe fort dur, rouge & brun, mêlé d’hæmatite bleuâtre. 

3°. D'un bafalte en drufen dans une veine de mica avec grenats, 

4°. Des grenats grouppés tumultuairement ; une pierre poudingue , 
compofée de grenats , de pyrites, decharbons ; & recueillie en 1730, 
dans les minières de Fahlun , précifément dans l'endroit qui fur culbuté 
& encombré quelques années auparavant. 


1774 NOVEMBRE, 


LETTRES M ARURE 


De M. MauvpDurT, Doieur ex Médecine de la Fa- 


culte de Paris ; 
ANT OA UOTE AUAR AD IE MCE A RME NCEUNE RES 
Sur quelques objets du Règne animal, apportés de la Louiftane. 


M. Lebeau, Docteur en Médecine, employé au fervice de la France, 
d’abord en Canada, enfuite à la Louifiane , eft revenu depuis peu à Paris. 
Ce Médecin , qui confacroit à l'étude de l’Hifoire naturelle , le loïlir 
que lui laïfloit l'exercice de fa profeflion , a rapporté de la Louifiane une 
collection intéreffante par le nombre, le choix & la belle confervarion 
des objets qui la compofent. Il a eu la bonté de me permettre d’exami- 
ner ces objets, & de confentir que je vous priaffe d'inférer dans votre 
Journal la defcriprion deceux qui me paroïtroient les plus frappans & les 
moins connus. J'emploierai la lettre que j'ai l'honneur de vous écrire, 
à vous parler d’un poilfon , d’un ferpent , du travail de deux efpèces de 
mouches, d'une chryfalide d’une efpèce fingulière , d’un fcarabé & d’un 
ichneumon fans aîles. 

Le poiffon eft de la claffe des poiffons cartilagineux , du genre des 
requins. L’individu , d'après lequel je fais ma defcriprion, n’a que cinq 
pouces deux lignes de l'extrémité de la rère à celle de la queue; mais 
l'efpèce devient beaucoup plus grande , & offre des individus qui ont juf- 
qu’à vingt pouces de long. On pêche ce poilfon dans le Midiflipt où 1l 
eft crès-abondant. Les Habitans Européens des bords du fleuve le nom- 
ment /patule. Ce nom lui convient très bien , relativement au prolon- 
gement qui termine fa tête, & qui a la forme de l’inftrument employé 
chez les Apothicaires, dont on lui a donné le nom (Voyez Planche IF). 

La peau eft liffe & fans écailles. Il n’y a qu'une nageoire fur le dos : 
elle prend fon origine à fix lignes de celle de la queue ; fes fibres fonc 
inclinées de devant en arrière. Sa plusgrande longueur eit de huit lignes, 
& fa plus grande largeur eft d’une ligne trois quarts. 

Il y a cinq nageoires en-deflous du ventre ; favoir , quatre fur les 
cotés, & une au milieu. 

Les deux premières font placées à la partie antérieure du ventre, très- 
peu au-deffous de fa jonétion avec latèce. Elles fe correfpondent , n’ont 
chacune que cinq lignes de long , & à-peu près une ligne de large. 

Les fecondes nageoires prennent naïffance à fept lignes de diftance des 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 38; 


pis ; elles fe correfpondent de même ; elles ont quatre lignes de 
ong , & à-peu-près une de large. 

Enfin , la cinquième nageoire, qui eft unique, prend naiflance à trois 
lignes des fecondes, & laille , entre fon extrémité & l’origine de la 
queue, quatre lignes de diftance ; fes fibres font inclinées de devant en 
arrière ; elle a fix lignes de long , deux & demie de large. 

Je ne vous ai point parlé, Monfieur , de la forme des nageoires ; elle 
n'offre rien de particulier ; & un coup d'œil fur la planche vous inflruira 
mieux à cer égard que je ne pourrois le faire en y employant beaucoup 
de mors. . 

La queue eft comme celle de rous les poiffons de ce genre , en croif- 
fant , dont une des cornes excède la longueur de l’autre ; la cornée fupé- 
rieure, depuis l’origine des premières fibres jufqu’à l'extrémité , eft d'un 
pouce de long ; la feconde n’a que neuf lignes de long; les fibres du 
milieu du croiffant , n’ont que trois lignes. 

La membrane qui recouvre les ouies, mérite une attention particu- 
lière & par fa forme & par fon extrème longueur : elle s’érend depuis 
fon origine furles côtés jufqu’a onzelignes , & va, en fe retréciflant, juf- 
qu'à fon extrémité, qui fe termine en une pointe obtufe, relevée en 
forme de corne. 

La bouche eft placée au-deffous , prefque au milieu du corps ; de l’an- 
gle des mâchoires à l’origine de la queue, il n'y a que deux pouces de 
diftance. 

La mâchoire inférieure a fix lignes & demie de long , elle eft arron- 
die fur les coins, & pointue au milieu & en devant. Je n'y ai pu difcer- 
ner de dents non plus qu'à la mâchoire fupérieure; le palais m'a paru 
une mafle épaifle, rude, fillonée par des rugofités, des lignes creufes 
& des afpérités, couverte d’une peau âpre autoucher ; peut-être, & ily a 
apparence, que dans lesindividus plus âgés ,ce palais eft de l'efpèce de 
ceux qu’on nomme palais pavés. 

La mâchoire fupérieure qui recouvre entièrement l’inférieure, & dans 
laquelle le crâne eft contenu , fe rermine en un prolongement de deux 
pouces de long. On y remarquedans le milieu en-deflus une éminence 
allongée , qui difparoït aux deux tiers de la mâchoire. La forme du pro- 
longement total eft exaétement la même que celle des fpatules dont fe 
fervent les Apothicaires, avec cette différence , que le prolongement eft 
à-peu-près d’égale largeur dans toute fa longueur ; il a fix lignes de large 
à fa bafe, & huit dans fa plus grande largeur qui eft aux deux tiers de fa 
longueur ; il fe termine par un arrondillement applati, & fon épaiffeur 
va toujours en diminuant de la bafe à la poinre. Une duplicature de la 
peau, qui borde la mâchoire fapérieure , forme un bourreler dans lequel 
eft reçue la mâchoire inférieure. 

! Enfin, l’on voit en-deflus, à l’origine de la mâchoire fupérieure, deux 
1774: NOVEMBRE, 


534 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


très-perits trous ronds qui font les narines , & fur les côtés un peu plus 
bas ,les yeux qui font deux points arrondis, peu ouverts & peu faillans. 

Tel eft, Monfieur, un poiflon que M. Lebeau m'a affuré ètre très- 
abondant dans le Mifiipi , dont quelques Naturaliftes ou quelque 
Voyageur a peut-être parlé , mais le filence du plus grand nombre à fon 
égard , fa rareté dans nos cabinets où je n’ai rien vu qui lui reflemblät, 
la nouveauté dont il a été pour les perfonnes les plus verfées dans l’Hif- 
toire des poiflons , à qui Je l’ai montré , tout cela nva engagé à vous 
en faire la defcription. 

Le ferpent repréfenté ( fig. 11) eft du genre de la vipère, commeil eft 
aifé de s’en convaincre par la forme triangulaire & applatie de fa ère, 
& fur-tour, par l'infpection des deux crochets entourés d’une véficule à 
leur bafe, dont fa mâchoire fupérieure eft armée ; fa longueur, de l'ex- 
trémité de la tête à celle de la queue , eft de dix-fepe pouces. Il à dix neuf 
lignes de circonférence, mefuré vers le milieu de la longueur du corps; 
de ce point , en s'éloignant vers les deux extrémités, il diminue confidé- 
rablemerit de volume ; maisle côté de la queue fur-rour fe rerrécit fubi- 
rementau-deffous de l’anus, & finit en un fouet de la groffeur d’une forte 
ficelle ; le deffus du dos depuis la bafe du crâne jufqu’à la queue , eft re- 
levé par une efpèce d'arête ou de crête ; & les cotés étant déprimés, le 
dos entier paroît triangulaire, le ventre eft arrondi & légèrement dé- 
primé , comme il a coutume d’être dans les ferpens ; les écailles qui 
recouvrent le dos, font grifes fur les côtés , mêlées de diftance en dif- 
tance de deux.écailles noires à côté l’une de l’autre, qui forment une 
rangée de tachesle long des Aancs ; les écailles qui recouvrent la faillie 
ou la protubérance qu'on remarque fur le dos , font brunes & mèlées 
auffi de diftance en diftance de-trois écailles noires à côté l’une de l’au- 
tre , qui forment également une rangée de taches le long du COTPS ; les 
écailles qui recouvrent le venrre font d’un blanc-gris ; traverfées par des 
bandes ou raches noires inégales & fans ordre, ce qui fait paroître tout 
le ventre comme marbre, 

La queue qui, dans le ferpent que nous confidérons , eft la partie la 
plus remarquable , eft terminée par un appendice de fubftance cornée , 
compofé de neuf anneaux : ces anneaux & l'appendice entier ont la 
même forme , & font de la même fubftance que l'appendice & les an- 
neaux qui terminent la queue du ferpent à fonnettes. Ils font articulés 
de même ; & en comparant les chofes à côté les unes des autres , iln’y 
a de différence entre l'appendice du ferpent que je confidère , & celui 
du ferpent à fonnetresordinaire , que le volume ; les fonhertes de celui- 
ci font infiniment plus petites dans la proportion des dimenfions de fon 
corps , que ne le font celles du ferpent à fonnetres commun, dans la 
proportion de fa taille énérale, à , s 

On fe tromperoit , il’on conjedturoit que le ferpent, ou plutôr la 

vipère 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 38; 


vipère que je viens de décrire , eftune jeune de l’efpèce du ferpent à fon- 
nettes ordinaire. D'abord , la robe de l’un & de l’autre, quoique peu 
différente , n’eft pastout-à-fait la mème. En fecond lieu , les taches noi- 
res qu'on voit fur celles du ferpent à fonnettes ordinaire, font compofées 
de plus de deux écailles : quoique ces taches foient plus grandes dans le 
ferpent ordinaire , elles doivent être formées par le même nombre 
d’écailles & la grandeur des taches devroit dépendre feulement de celle 
des écailles , & non de leur nombre. Mais ce qui lève toute difficulté, 
c'eft que les fonnettes d’un ferpent à fonnertes commun , de dix-fept 
pouces de long, comme celui que j'ai décrit , ont peut-être dix fois plus 
de volume que n’en n’ont les fonnettes que porte celui qui nous occupe. 
Enfin, quoique ces deux efpèces de ferpens fe trouvent à la fois dans 
certaines parties de l'Amérique, cependant, il ya d’autres parties où l’on 
ne trouve que le ferpent à fonnertes ordinaire , & où on ne rencontre 
pacs celui que je viens de décrire. C’eft fur tout le Mexique qu’il ha- 
ite ; & on le trouve encore dans les prairies de Barararia , dans le Pays 
des Apeloufas & des Atacapas , Peuples qui occupent l’efpace fituéentre 
la Louifiane & le Mexique ; mais il ne s'étend pas au-delà : la Louifiane 
n'en nourrit point , & je n'ai pas oui dire qu'on le connût dans la Guiane 
où le ferpent à fonnettes ordinaire eft fort commun. Cependant, MM. de 
la Borde & Bajon, l’üun Médecin, & l’autre Chirurgienà Caienne , m'ont 
envoyé l'un & l’autre la defcriprion des ferpens qui paflent à la Guiane 
pour être dangereux. 11 paroït donc démontré que l’efpèce de ferpenc 
repréfentée ( figure Il) eft une feconde efpèce de ferpens à fonnettes. 
M. Lebeau, qui , pendant fon féjour à la Louiliane , a eu occafon de 
voyager chez les Acatapas, m’acertifié que la morfure de la feconde efpèce 
de ferpens à fonnettes avoit des effets plus rapides encore, & plus meur- 
triers que n’en a la morfure du ferpent à fonnettes ordinaire , toute 
dangereufe & mortelle qu’elle eft , nu n'y apporte un remède très- 
prompt. Celui que M. Lebeau a toujours employé avec fuccès contre la 
morfure du ferpent à fonnettes ordinaire , & plufeurs fois aufli avec 
fuccès contre celle de la feconde efpèce de ferpent, eft l'alkali volatil 
donné dans un véhicule convenable. Ce remède eft d’autant plus efficace 
qu'adminiftré très-promptement , il prévient l'infection du fang ; donné 
cinq à fix heures , & même plus tard , après la morfure du ferpent or- 
dinaire, il peuc encore rappeller à la vie ceux qui ont eu le malheur d’é- 
tre mordus ; mais il eft déja tard rrois heures après celle du ferpent de 
la feconde efpèce. L'aétivité du poifon de ce ferpent n’eft pas la feule 
raifon qui doive le faire redouter : il eft encore plus À craindre que celui 
de la première efpèce , parce qu’étant plus petie, il glifle plus aifément 
entre les herbes ; 1l eft plus facilement caché , on le découvre de moins 
loin , & l'on n’eft pas , comme de Ja part de l’autre efpèce, averti de 
fon approche , par le cliquetis de fes fonnettes, quand Left en mouye= 


Tome IF, Part. V, 1774. NOVEMBRE. Cce 


386 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


ment : celles de celui-ci fonc fi petites , qu’elles ne peuvent pas rendre 
un fon fenfble , ou au-moins capable d’avertir à une certaine diftance. 
On peur donc regarder lefpèce du petit ferpent à fonnettes comme 
une des plus dangereufes & des plus farales qui exiftent. Il faut ajouter 
que dans les pays qu'il habite , ilne fe rient que danses prairies où il 
eft caché en nombre infini parmi les herbes. 


Quoique j'aie compté neuf anneaux à l’appendice qui termine la 
queue du ferpent que j'ai décrit , je ne donne pas ce nombre comme un 
caractère. Il y à des ferpens à fonnertes ordinaires qui ont plus ou moins 
d’anneaux à l'extrémité de la queue; & ce nombre ne conftitue nulle- 
ment des efpèces différentes. Ilen eft fans doute de même de la feconde 
efpèce de ferpens à fonnettes : la quantité des anneaux toujours plus 
nombreux dans les plus grands ferpens , paroît un effer de l’âge , fans 
que j'ofe affurer avec les Européens qui vivent dans les pays où fe trou- 
vent ces ferpens, qu’on peut compter le nombre de leurs années par 
celui des anneaux qu’ils portent à l'extrémité de la queue. Je ne don- 
nerai pas non plus comme un fait avéré , mais feulement comme un fait 
qui paife pour certain à la Louifiane , que la morfure de l’un ou de l’au- 
tre ferpent donne la mort prefque fubitement & fans aucun efpoir de 
falut, à toute perfonne qui eft mordue , après avoir mangé du lait. 


Les figures III & IV repréfentent deux différens nids, qu'on peut 
décider, fans avoir vu les infeétes qui les conftruifent , être des nids 
d’efpèce de mouches maçones. 


Le premier nid (Jg. III) eft formé par un amas d’alvéoles longs, 
cylindriques , dont quelques-uns font légèrement fillonnés en travers, 
& dont le plus grand nombre eft uni, placés à côté & au - deffus les 
uns des autres ; chaque alvéole a un pouce deux lignes de long & quatre 
lignes de diamètre , y compris l’épaitleur des parois. La partie antérieure 
elt fermée dans les avéoles d’où l’infeéte n’eft pas forti par un couvercle 
affez mince, de même fubftance que l’alvéole, & pratiqué à fon intérieur. 
Dans les alvéoles d’où l'infede eft forti, il ne refte qu'un trou rond de 
moins d’une ligne de diamètre ; l’autre extrémité de l’aivéole fe rermine 
en un cul de-fac arrondi, formé par le rapprochement & la réunion 
des parois. 


11 y a communément deux rangées d’alvéoles placées au-deffusles unes 
des autres , & quelquefois il y en a jufqu’à trois. Quant au nombre de 
ces alvéoles en général, & à l'étendue totale du nid ,ce font deux arti- 
cles que je ne peux fixer, parce que je n'ai point vu de ces fortes de 
nids entiers. 

Tous les alvéoles portent fur une bafe coinmune. C’eft un maflif dont 
l'épaiffeur inégale a depuis quatre jufqu'à huit lignes de hauteur. Les 
alvéoles de la première couche ou de celle qui pofe fur le maflif, ne fonc 


F , 
: 
{ 


LA 
LS 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. :87 


pas toujours contigus. L'inégalité d'épaiffeur de la bafe en eft la raifon. 
La couche fupérieure, & la troifième, quand elle a lieu , contiennent 
des alvéoles exaétement placés les uns à côté des autres. 

La matière du nid entier eft une terre grife , très légère, grafle , & 
qui fe détrempe à l’eau très-aifément. C’eft un limon , une vérirable vafe 
defféchée. 

On trouve ces nids à la Louifiane , attachés le long des murailles des 
maifons & de tous les bâtimens. Ils y font très-communs & fi nombreux, 
que M. Lebeau allure que les maifons en paroiflent, en certains endroits, 
comme incruftées du haut en bas. 11 y a lieu de préfumer qu’on en trouve 
aufli le long des cerres coupées à pic, ou peut-être le long du tronc des 
arbres ; à moins que l’infeéte qui a préféré aux feules bafes qu’il püt choi- 
fir avant l’arrivée des Européens , les maifons qu'ils ont conftruites, ne 
trouve dans leur furface une étendue qui fuffic à la mulriplication de fon 
efpèce entière, 

En examinant avec foin plufieurs fragmens de nids affez étendus , & 
dont plufeurs contenoient au-delà de vingt alvéoles, je m’apperçus que 
dans un affez grand nombre d’alvéoles , qui tous étoient ouverts , il y 
avoit une efpèce de mouche qui y étoit demeurée ; j'en tirai une. 
M. Lebeau me dit qu'il regardoit cette mouche, & qu'elle pafloit à la 
Louifiane pour l’ouvrière qui conftruit les nids que j’examinois. Avant 
de difcurer cet article, je crois qu'il eft à propos de décrire la mouche. 

C’eft un ichneumon, M. Geoffroy à qui je l’ai montré, lui en a trouvé 
tous les caraétères , & aucun qui l'en diftinguät. Il a un pouce deux lignes 
de long; la rêre, le corceler , le filet qui joint le corcelet & le ventre, 
cette dernière partie elle-même , font d’un brun noir. On apperçoit far 
la rère deux taches tranfverfales jaunes. Il y en a trois pareilles fur lecor- 
celet , une en devant , & deux à la partie poftérieure ; le ventre eft auf 
taché de jaune fur les côtés à fon origine , & marqué de blanc aufli fur 
les côtés à l'origine de chacun des anneaux poftérieurs. 

Les deux premières jambes font jaunes en entier , excepté le haut des 
cuiffes qui eft noir ; la cuiffe de la troifième jambe eft route noire, & le 
refte du pied eft jaune ; les aîles font demi-tranfparentes , lavées de brun ; 
les antennes & les yeux font noirs. Je n'ai point vu l’aiguillon : l’étran- 

lement, ou le filer qui unit le corceler & le ventre , a quatre lignes 
de long. 

La première conjecture que vous eufiez formée, Monfeur , en voyant 
les avéoles & la mouche que je viens de décrire , eüt été fans doute que 
Pichneumon qu'offroient les alvéoles , n’éroit pas l'infeëte qui les avoit 
conftruits ; qu'au contraire, il avoit vécu aux dépens & de la fubftance 
des larves de l'infeéte qui en étoit le véritable ouvrier. 

Telle fut aufli, Monlieur , ma conjeéture , & j'en fs part à M. Lebeau ; 
mais il m’aflura que les mouches que je voyois ; pafloient , comme il me 

1774. NOVEMBRE. Ccc2 


x 


388 OBSERVATIONS SUR L A4 PHYSIQUE, 


l'avoit déja dit, pour les ouvrieres desalvéoles ; que jamais il n’en avoit 
vu d’autres autour de ces demeures, qui font fi nambreufesà la Louifiane. 
D'ailleurs , M. Duhamel du Monceau m’a communiqué un deflin fair à 
la Guadeloupe , qui repréfente des alwéoles & un ichneumon parfaite- 
ment femblables à ceux que j'ai décrits; & il m’a afluré qu’on lui donnoit 
l'ichneumon repréfenté dans le deflin , comme le véritable auteur des 
alvéoles. 11 fuivroit des obfervations faites à la Louifiane & à la Guade- 
loupe, qu'il y auroit dans ces contrées des ichneumons qui travaille- 
roienc pour former un logement convenable à élever leurs petits de la 
mème manière que travaillent dans nos campagnes quelques efpèces 
d’abeilles. Mais ce fait , qui contrarie les loix de lanalogie, ne me 
paroit pas aflez exactement obfervé pour prendre un parti décifif à 
cet égard. J'avoue qu’il paroîtra extraordinaire que toutes les loges, que 
j'ai obfervées en grand nombre,euffent été infeétées par des ichneumons; 
& que pas une des mouches qui devoient les habiter , n’eût été épargnée. 
Mais ce fair eft cependant très-poflble. IL fuffir que le nid que j'ai été 
à portée d'examiner fe fût trouvé expofé aux infulres d'un ichneumon 
femelle , qui, chargée de plufeurs centaines d'œufs, en auroit dépofé 
un dans chaque alvéole en particulier. Ainfi, je perffte à douter fi les 
alvéoles fonr.le travail d’une abeille qui nous foit inconnue , ou celui de 
l'ichneumon que j'ai décric. 

Le fecond nid repréfenté (fig. V ) eft conftruit avec la même terre que 
le précédent. Ileft compofé d'alvéoles cylindriques arrondis & fillonnés 
en deflus & fur les cotés , applatis en deffous du côté où ils pofent fur la 
bafe qui les foutienr. Ces alvéoles, dont je n'ai pu mefurer la longueur, 
parce que je n'ai pas vu de nids entiers, font percés dans leur longueur 
à des diftances inégales par des trous ronds , ouverts de 3 ou de 4 lignes 
de diamètre. La circonférence de Falvéole mefuré en dehors , eft de z 
pouces. L’efpace qui eft entre chaque trou eft crès-irrégulier. J'ai mefuré 
cet efpace entre des trous qui n'étoient diftans que de huit lignes, &e 
d’autres qui l’étoient de treize. Si on ouvre un alvéole , on le trouve 
creux en dedans ; fa fuperficie eftliffe & polie, & ileft partagé dans fa 
longueur par des cloifons mitoyennes qui répondent au bas de chacun 
des trous qu’on apperçoir à l’exrérieur. Chaque alvéole eft donc une fuite 
de loges féparées par des cloifons mitoyennes, & le nid , un affemblage 
d’alvéoles conftruits à côté les uns des autres. 

Je n’ai point trouvé de mouches dans ce fecond nid , comme j'en 
avois trouvé dans le premier. Tous les alvéoles étoient vuides , & les 
loges percées d’un trou. Je n'ai trouvé dans ces loges que la dépouille 
des infectes qui lesavoient habitées , c’eft-à-dire , une coque brune , cy- 
lindrique , fermée d’un bout, & ouverte par celui qui répond au trou 
de la loge , longue d’environ fix lignes. 

J'ajouterai feulement que j'ai rrouvé dans ces avéoles en grande quan- 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 389 


tité des débris & des reftes d'araignées qui m'ont paru avoir tous appar- 
tenus à la mème efpèce ; & que fans doure ces débris éroient les reftes 
d'araignées que la mouche,quelle quelle foit, renferme dans fes alvéoles, 
après les avoir tuées , pour fervir de proie à fes petits. Ce dernier fair 
donneroit à penfer que ce fecond nid , ainf que le premier, pourroit en 
effet appartenir à des ichneumons dont on fait que plufieurs efpèces 
donnent la chaffe aux araignées. 

Les figures V, V repréfentent les deux hémifphères d’une boule 
creufe qui me paroîr une cryfalide tout-à-fait fingulière & inconnue. 

M. Lebeau faifant travailler à fon jardin à la Louifiane , s'apperçut 
que dans le moment où l'on avoit retourné une motte de terre d’un coup 
de bèche , il avoit roulé du milieu des débris de cette terre une boule qui, 
dans le mouvement qu’elle reçut , s’ouvrit en deux parties égales ; il en 
vit fortir un infeéte qui prit la fuite ; il Le faifit , ramalfa les deux parties 
de la boule qu’il trouva creufe , compofée d'une terre vafeufe , molle 
& glutineufe ; il remit l’infeéte dans fa loge, rapprocha les deux parties 
qui étant fraîches , fe réunirent aifément , & conferva la boule. Il la 
apportce en France. Il me l’a montrée , m'en a fuit l’hiftoire , & me l’a 
donnée. 

Une boule fi fingulière devoit naturellement exciter ma curiofité. De 

‘retour chez moi je l'ai aufi-tôt examinée. J'ai trouvé , en la mefuranc 
avec un fil , qu’elle avoit quatre pouces trois lignes de circonférence. Je 
me fuis fervi d’une fcie très- fine pour l'ouvrir dans fon milieu ; & con- 
duifant la fcie autour du grand diamètre de la boule , je fuis parvenu à la 
féparer en deux hémifphères égaux. Ces deux hémifphères m'ont offert 
dans leur milieu une cavité & un infecte defféché & défiguré , contenu 
dans certe cavité. Elle éroit life & polie en dedans ; mais la terre y 

aroifloit à nud , & n’étoit recouverte d'aucune fubftance qui püt rendre 
e logement de l’infeéte plus moller & plus commode. Peut-être a-t-3l 
péri avant de pouvoir prendre cette précaution dont la plupart des infec- 
tes ont coutume d'ufer avec plus ou moins d'art. La cavité avoit huit 
lignes de diamètre , & les parois fix lignes d’épaiffeur. 

L'infeéte que j'ai trouvé, à l’intérieur de la cavité, n’avoit pas un vo= 
lume qui répondit à la groffeur , à la maffe de la boule, & à l'ampleur 
de la cavité où il éroit logé. Ce n’éroit qu'une larve defféchée, repliée 
en deux fur elle-même , & qui ne paroifloit pas plus groffe qu'un pois, 
Cette larve ainf defféchée , devoir avoir perdu par l'évaporation , peut- 
être une fois autant de volume qu’elle en confervoir ; &, dans certe 
fappoñtion , fa groffeur , dans le tems qu’elle vivoir , étoit proportion- 
née à la cavité deftinée à la loger. 

En examinant la larve , quoique defféchée , on pouvoit aifément 
remarquer que fa crête étoit écailleufe , jaune, armée de deux dents fail- 
lances , noires & de deux antennes formées par une fuite de grains 

1774 NOVEMBRE, 


399 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


arrondis ou de nœuds, placées à côté des yeux : que les trois premiers 
anneaux du corps foutenoient chacun deux pattes écailleufes-jaunâtres ; le 
refte du corps n'étoit qu'une mañle applatie, ridée & extrèmement deffé- 
chée. On ne peut pas, fans doute, prononcer pofitivement fur l’efpèce dont 
eft une telle larve ; mais elle à tant de rapports avec les larves des fta- 
philins, qu'il y a lieu de préfumer que c’auroit éte un infeéte de ce genre 
qui en feroit provenu. C’eft mon fentiment , ainfi que celui de M. Geof- 
froy, que j'ai prié d'examiner cette larve. Il faut encore -ajourer au 
rapport de conformation, celui des habitudes ; or , plufeurs efpèces 
de ftaphilins dans nos campagnes ne fe forment point à la vérité de 
coques de terres pour s’y métamorphofer ; mais elles fe creufent fim- 
plemenr des trous , à l’intérieur defquels elles fubiffent leur changement. 
Il y a donc rapport de conformation entre la larve apportée de la Loui- 
fiane , & les larves de nos ftaphilins ; il y a conformité entre les précau- 
tions que certe larve prend pour fe métamorphofer , & celles dont ufent 
les ftaphilins que nous connoïffons : il y a donc tout lieu de conjeéturer 
que la larve apportée de la Louifiane , eft une larve de ftaphilin, & la 
boule une véritable coque d’une efpèce fingulière. 

L'embarras eft de concevoir comment un infeéte qui ne paroïît pas 
plus fort , peut parvenir à former une bouleauff groffe , aufli folide , aufli 
pefante. Il vaudroir mieux fans doute attendre que l'obfervation pronon- 
çât fur ces difficultés; mais dans l'éloignement où nous fommes des lieux 
où fe palle le travail que nous examinons , dans l’impoffbilité pref- 
que démontrée que l’obfervation prononce ; j’oferai propofer mes con- 
jectures. 

Le terrein de la Louifiane eft tout entier une terre légère , vafeufe, 
un dépôt charrié & abandonné par le fleuve qui roule à travers ce valte 
Continent l'immenfe quantité de fes caux. C’elt à une grande profondeur 
une terre nouvelle ‘un dépôt de création fecondaire. Nulle part,on n’ap- 
perçoit de rochers, de couches de pierres, de minéraux, qu'en fouillant 
au deffous de la couche rapportée ; & l'on nè voir à fa furface nuls débris 
des matières de l’ancienne couche. Une femblable terre eft néceflaire- 
ment très-poreufe, très légère , très-facile à remuer. Elle a encore, à 
caufe de fa nature, la propriété de s’agglutiner aifémenr en la foulant, 
en la p°triflanr, On peut donc concevoir qu'une larve telle que celle que 
j'ai décrire , mais ayant toute fa vigueur, puifle, en foulant , en battant, 
en pêtriffant une certaine quantité de terre, formerune boule de la grof- 
feur de celle que nous avons examinée. La chofe fera d’aurant plus facile, 
que l’infecte fe mettra au travail après une pluie qui aura rendu la terre 
plus liante & plus propre à fon deffein. La boule formée, je conçois que 
l'infecte la perce ; qu'ayant poullé le trou qu'il y fair jufques vers fon 
centre, en portant alors {a tête en tout fes , à force de frapper autour 
de lui, il parvienne à former une cavité capable de le recevoir & de 


un 


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Ÿ 


SUR LHIST, NATURELLE ET LES ARTS. 391 


loger tout fon corps. Il reftera à boucher le trou qu'il aura fait pour s'in- 
troduire ; il y parviendra en aggrandiflant fa loge, ou en raclant les parois 
avec fes mâchoires, & en pouffant la rerre qu'il en aura détachée juf- 
qu’à l'orifice du trou qu’il veut fermer. La première couche appliquée au 
bord du trou, contiendra toutes les autres jufqu’à ce que le trou foit en- 
tièrement bouché. Cependane, il ne paroîtra point à l’extérieur d'indice 
du trou qui aura éré rebouché par une terre qui, meuble, détrempée, 
fe fera liée , & aura fait corps avec les parois du moule qui l'aura con- 
tenue. L'infeéte tranquille dans fa retraite , à l'abri de route infulte, y 
attendra le moment de percer, revêtu de fa dernière forme, les parois 
de la cavité qui le contenoit. . 

Si l'on concevoit encore des diflicultés fondées fur la difproportion de 
la larve & de la boule entr'elles, il faudroir, pour les faire évanouir , fe 
rappeller ce qu’exécutent fous nos yeux certains fcarabées ftercoraires ou 
pillulaires qui parviennent à former des boules entre lefquelles & le 
volume de leur corps il n’y a pas pour l'étendue & le poids, moins de 
difproportion qu'entre la larve & la boule apportées de la Louifiane. 

Quant à ce que l’infeéte s’eft trouvé mort & defféché dans fa coque , 
tout le monde fentira, & vous res convaincu , Monfieur , que cet effet 
a dépendu de ce que la boule retirée de la terre où elle devoit refter , 
s’eft defféchée , de ce que la larve a perdu l'humidité & la température 
qui lui éroient nécelfaires. C’eft ainfi que les larves de certaines che- 
nilles qui fe métamorphofent fous terre, périffent, fi, en les retirant, 
on n'a pas foin de conferver à la terre dans laquelle on les doit replacer, 
pour qu'elles fe métamorphofent, l'humidité dont elles ne fauroient fe 
paller. É 

J'ai faic repréfenter ( fg. VI & VII) deux infeétes, tous deux appor- 
tés de la Louifiane. Le premier (fig. VI) eft un fcarabée : il a deux pouces 
quatre lignes de long , onze lignes de large ; fon corceler de la bafe à la 
pointe qui le termine, a neuflignes de long, & fes élytres en ont dix-neuf. 

Le corceler eft arrondi, lille & poli en deflus & fur les côtés; il eft 
d’un verd olivâtre-clair, de la même nuance que le fond des élytres du 
fcarabée connu fous le nom de mouche-taureau ; 1] eft bordé tout autour 
par un bourreler noir, arrondi & relevé; en devant & en deflus, il eft 
terminé par une pointe monffe, légèrement bifurquée à fon extrémité, 
courbée , tourne en bas, noire, life, de trois pouces de long , arrondie 
en deffus & fur les côtés, applatie en deflous & couverte de poils courts, 
roides, ferrés, bruns; deux épines noires, droites , très-aiguës, d'une 
ligne de long, dirigées rout droit en avant , font placées fur le corceler 
au-deffous , & à une ligne de diftance fur le côté de la bafe de la pre- 
mière protubérance. k 

Dans une cavité qui eft au bas du corcelet applati & épais à fa bafe, 
eft logée la tête ; elle elt petite, noire, furmontée d’une corne relevée, 

1774 NOVEMBRE, 


592 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


life, polie & arrondie d'environ deux lignes & demie de long , tournée 
vers la pointe de l’appendice du corceler. À la bafe de cette corne, font 
placés les yeux qui font gros, faillans, & couleur de corne pâle : au-def- 
fous des yeux font placées les antennes qui font brunes. Entre l'origine 
des élytres eft un écuflon triangulaire. Il eft petit, noir, life, &afa 
pointe tournée vers l'extrémité poftérieure du corps. 

Les élytres, dont le fond de la couleur eft le même que celui des ély- 
tres de la mouche-taureau, fonc liffles ; parfemés de taches irréou- 
lières, noires, arrondies; les plus larges font au milieu des élytres, & 
les plus petites occupent les côtés; chaque tache paroît compofce de deux 
ou trois autres moindres taches réunies & confondues enfemble ; un 
léger rebord noir entoure les élytres dans tout leur contour. 

Le deffous du corps, les cuilles & les jambes font noires, liffes & 
brillantes. 

La phrafe fuivante paroïtroit défigner affez bien ce fcarabée. 


Scarabeus Americe meridionalis , viridefcens , nigro maculatus ; nafi- 
cornis , tauri volantis congener. 


L'infecte repréfenté ( fig. WII) eft connu à la Louifiane fous le nom 
de fourmi rouge. C’eft une dénomination très-ufirée , non-feulement à la 
Louifiane , mais à Cayenne, aux Antilles & dans route l'Amérique méri- 
dionale , & cependant très impropre & très mal appliquée. Les defcrip- 
tions des fourmis rouges, que j'ai lues dans les Voyageurs; celle que 
m’en a envoyée de Cayenne M. Bajon, Chirurgien dans cette Colonie, 
ne me permettent pas de douter que la prétendue fourmi rouge , obfervée 
dans différentes parties de l'Amérique, & très-connue dans toute fa par- 
tie méridionale , ne foit la même que celle que M. Lebeau a apportée de 
la Louifiane, & que je vais décrire , non pas fous le nom de fourmi , 
qui ne fauroit lui convenir, mais fous celui d’ichneumon aptere ou fans 
aîle. 

Sa longueur eft de huit lignes, la largeur de fon ventre, de deux, celle 
de fon corceler , d’une & demie; fa cète, fon corcelet recouverts en deffus 
de poils ferrés, foyeux de couleur d’un roux vif &jcirant fur le rouge, 
font noirs en deffous; un étranglement très-marqué fépare le corceler & 
le ventre. Cette dernière partie eft en forme de poire allongée ; elle eft 
couverte de poils qui forment à fon origine une tachenoire , circulaire, 
triangulaire dans fon milieu , dont la pointe eft tournée en arrière; paroit 
enfuite une large bande rougeâtre-circulaire, puis une bande noire plus 
étroite , & le ventre finit par une bande rouge : il eft armé dans l'indi- 
vidu que je décris, d’un aiguillon faillanr, crès-fin, brun, fort, roide, 
de deux lignes de long. Je dis dans l'individu que je décris; car on fait 
que les mâles des ichneumons n'ont point d’aiguillon; les pattes font 
noires & velues ; les antennes font filiformes , d’une feule pièce; les 

yeux 


ut 


L 
’ 


 &.+ à MP PÉ/ SENS LA PES PAT 4 , 3 u SE : 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 395 


yeux font petits , noirs & brillans au milieu du roux de la tête. 

La forme des antennes, l'aiguillon,, décident que cet infecte doir être 
mis au rang des ichneumons ; le défaut de la pièce écailleufe , toujours 
placée dans les fourmis au-dellus de l'étranglement qui fépare le corcelet 
& le ventre , prouve qu'on ne fauroir le rapporter au genre des fourmis 
dont les antennes font d’ailleurs coudées, & dont aucune efpèce n'eft 
armée d’aiguillon. Ce dernier caratère paroît fi etfentiel, que cour in- 
fete qui en eft pourvu, eft par cela mème, d’une efpèce différente de 


_celle des fourmis. Ce n’eft donc qu'une apparence trompeufe , réful- 


tante de l'enfemble, de tout l'extérieur, & non une conformité de rap 
ports entre les parties caraétériftiques ; l'habitude de ces infectes à cou- 
rir avec vivacité fur terre, comme les fourmis , à fe conftruire, comme 
elles, une retraite où ils vivent en fociété , leur en a fait donner le 
nom. Un Obfervareur digne de foi écrivoir, il n’y a pas long-tems, de 
Cayenne, que les fourmis rouges s'y conftruifent des fourmillières , 
qu'elles y font le fléau des Cultivateurs, qu’on leur y donne aufli le 
nom de fourmis manioques | parce qu'entre toutes les plantes , elles 
préfèrent la racine de manioc; qu’au défaut de cetre plante, elles s’ac- 
commodent de toutes les autres ; qu’elles font fur-rout avides de 
rocou, d'indigo, du cafker; qu’elles rongent les feuilles, les boutons, les 
fleurs, & jufqu’à l'écorce Es racines ; que quand elles fe font adon- 
nées en grand nombre dansun champ , le mal et fans remède ; qu'on eft 
réduit à le leur abandonner jufqu'à ce qu'ayant tour détruit, leur propre 
dévaftation & la famine les oblizent à chercher une nouvelle retraite 5 
que quand elles ne font qu’en petit nombre , on arrête leur propagation 
en pouflant de tems en tems dans leur fourmillière, par le moyen d’un 
foufflet , de la vapeur de foufre enflammé. 

L'Auteur du récit que je viens de faire, n’a point décrit les fourmil- 
liéres dont il parle. On ne fauroic-donc conclure de ce qu'il rapporte, 
qu'il y ait analogie entre les fourmis rouges & les véritables fourmis, 
par la conformité de leur afyle. 11 en réfalte feulensent que les infeétes 
appeilées fourmis rouges , vivent en fociété ; mais la fociabilité ne carac- 
térife pas les fourmis parmi les infeétes, & ne leur eft pas particulière , 
puifqu'on connoît bien d'autres infeétes qui vivent en fociéré. Les four- 
mis rouges n'ont pas dans leur conftiution les caractères reconnus par les 
Naturalifles pour ceux qui font propres aux fourmis, mais ceux qui 
appartiennent aux ichneumons; les fourmis rouges, en fuivant les prin- 
cipes des Naturaliftes, font donc improprement nommées fourmis; & ce 
nom doit être changé dans le Dictionnaire de la Science , en celui 
d'échneumons. Mais peut-être feroit-il plus vrai de conclure avec eux 
pour qui les caractères des nomenclareurs ne font que des fiones de con- 
vention équivoques , & non les rèoles de la nature & les limites qui fépa- 
sent fes produétions , que les fourmis rouges font des êtres à part, qui, 


Tome IV, Part. V, 3774. VOVEMBRE. Ddd 


394 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


fans être ni des fourmis ni des ichneumons, font une famille féparée, 
dont les individus ont des rapports avec les fourmis & Îles ichneumons ? 
Ne pourroit-or pas, en fuivant ce fentiment qui approche davantage de 
la majefté, de la liberté de la nature, nommer d’un feul mot latin les 
fourmis rouges formica ichneumones ; & en françois, les formico.ichneu- 
mons ? 

Je ferai deux obfervations avant de terminer ma lettre. La première, 
que f la vapeur du foufre enflammé , pouffée par le vent d’un fouffler , à 
l'air libre, dans un champ, fuffit pour détruire beaucoup de fourmis 
rouges, on les exrermineroit, fi on couvroit leur afyle d’un tonneau 
défoncé d’un bout, renverfé fur la fourmillière qu'il couvriroit; qu'on 
allumât du foufre fous ce tonneau, en y fufpendant une mèche foufrée, 
& que pendant l’inflammation , on bouleverfât par le trou du bondon, 
l'afyle dont on voudroit détruire les habitans. 

Ma feconde obfervation regarde des infeétes qu’on trouve dans nos 
campagnes, mais en petit nombre , & qui vivent ifolés. Ces infectes 
ont la forme , & à peu de différence près, la taille & les couleurs des 
fourmis rouges ; ils piquent comme elles, rrès-vivement. Les Nomen- 
clateurs les ont rangés parmi les ichneumons, & en ont fait une fection 
à part, qu'ils ont nommée ichneumnons aptères : comme tous ces infectes 
ont des aiguillons, ils les ont pris pour des femelles d’une efpèce dont 
les mâles qui leur font inconnus , font fuppofés aîlés, parce que parmi 
les ichneumons aîlés, les femelles feules ont des aiguillons. L’analo- 
gie feule a conduit les Obfervateurs; ils ont vu des phalènes fans aîles , 
dont les males en font pourvus ; ils ont remarqué des infectes en qui ils 
reconnoilloient les caraétères affignés aux ichneumons qui n’avoient point 
d'ailes, & qui avoient un aiguillon , partie propre à la femelle dans 
certe efpèce. Ils en ont conclu que c’étoient des RAR d’ichneumons. 
On ne fauroit douter de l’obfervation, par rapport aux phalènes, parce 
qu'il eft aife de les obferver , & qu’on les a vues fouvent accouplées avec 
leur mâle, parce que leurs œufs ont produit des chenilles; parce que 
de ces chenilles une partie eft devenue des phalènes aïlées, & l'autre, 
des phalènes fans ailes. Mais jufqu’à une obfervation aufli décifive , il 
me paroîtra au moins douteux que les ichneumons aptères foient véri- 
tablement des ichneumons. L’analogie entre les phalènes aprères & les 
ichneumons qui le font, eft incomplète en ce que les phalènes dépour- 
vues d’aîles entières , en ont au moins des moignons, au lieu que l’on 
n’en apperçoit pas même de trace fur les ichneumons fans aîles. 

Je ne crois pas de ce que les ichneumons fans aîles qui vivent en 
Europe, y mènent une vie ifolée, & de ce que ceux qui défolent l'Amé- 
rique, y vivent en fociété, on en puifle conclure qu’ils ne font pas de 
même genre. La fociéré eft le réfulrar du grand nombre; c'eft fon rap- 
prochement : l'emploi des forces mulripliées & réunies, dirigé par la 


SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 39 


nature vers un même but pour l'utilité commune. Il n’y a pas à en atten- 
dre; il n’en fauroit réfulter de quelques individus peu nombreux, comme 
le fonc les ichneumons aprères de nos campagnes, fuffenc-ils réunis. La 
nature ne leur infpire donc pas de fe raffembler : ainf les caftors tous réu- 
nis en fociétés nombreufes, en peuplades fur les lacs du Canada, vivene 
feuls fur les bords du Rhin & du Danube où leur efpèce eft réduite à un 
petit nombre d'individus dont les efforts réunis ne ferviroient à rien 
pour le bien & l'utilité publique. 


noie HO el Noisiel sons | 


De M MauvDurT, Doë&eur-Regent de la Faculté de 
Médecine de Paris ; 


A la feconde Critique de M. B£cœur , Apothicaire 
à Mer ; 


Inférée dans le fecond Volume de Septembre du Journal Encyclopédique 
de 1774. 


IL faut, Monfeur, que vous ayez un intérêt bien vif de prévenir la 
confiance que pouvoit infpirer la manière que j'ai publiée de conferver les 
animaux defféchés , & que vous en craigniez bien les effets ! J'ignore quel 
eft le motif du zèle dont vous brülez. Je ne ferai point de réflexions à cet 
égard : je ne répondrai pas non plus à la longue Diatribe que vous venez 
de compofer contre moi , dont je n’ai lu qu'une partie , & dont celle que 
je ne connois pas, eft annoncée pour le Journal prochain. 

Je vous repréfenterai feulement que je fuis furpris que dans votre 

remière Critique, vous vous foyez. fervi d’une sournure , comme vous 
ie dans la feconde. Ce mot fonne mal ; il emporte avec lui, quand 
il eft relatif à une aétion , je ne fais quoi qui ne s’interprète jamais favo- 
rablement pour celui qui en fait ufage. Vous me permettrez encore 
d’obferver que /a tournure que vous avez imaginée, n’eft ni aufli hon- 
nète, ni aufli fine que vous le penfez. 

Il n’eft pas honnète de fuppofer gratuitement que je fois un Mar- 
chand , puifque vous connoiffez ma profeffion. Il n’eft pas fin d’en faire 
la fuppoftion , parce que j’ai dir le moyen d’empècher le dépériffement 
de ma prétendue bare , & que j'ai mis les acquéreurs fuppofés à 
portée de fe fervir , comme moi, du moyen que j'emploie, parce que 
j'ai avancé que je ne connoïflois pas de méthode de préparer les ani- 

1774. NOVEMBRE. Ddd 1 


’ 


396 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
maux , qui les mît à l’abri de l'atteinte des infeétes , & que je crois 
une pareille méthode impofhble à trouver. Si elle n’exifte pas , fi elle 
ne fauroit exifter , fi d'ailleurs les animaux defléchés font, comme tout 
le monde le fait, des objets très deftructibles, perfonne n’en achetera, 
perfonne n’en voudra. Ma franchife reflemble-t-elle à la manière de s’ex- 
primer, qu'un Marchand eüt employée? Ne lui conviendroit-il pasplutôr, 
& ne feroit-il pas de fon intérêt & dans fon caraétère , dé fourenir pofiti- 
vement le contraire de ma propofition. Qu'en penfez-vous vous-mème ? 
Mais, pour terminer enfin, & oppofer les faits aux argumens, je vous 
invite, Monfieur, fi vos affaires vous appellent quelque jour à Paris, à 
venir voir ma collection, ou fi vous ne faites pas le voyage de Paris , 
chargez une perfonne éclairée de la voir pour vous, Vous reconnoîtrez 
vous-même, ou vous vous convaincrez par le rapport de ceux que vous 
aurezcharoës de ce foin , que fi la conférvacion & la tenne (1) des animaux 


(1) M. Bécœur , dans {a feconde Critique, me demande f; a renue & la conferva- 
tion des animaux du Cabinet du Roï font les meilleures pofibles ? Il ne m'appartient mi 
d'apprécier la queftion , ni d'y répondre : ila Ja bonté , dans un autre endroit , de m'in- 
diquer la conduite que j'aurois dû tenir vis-à-vis de M. Daubenton l’aîné. Les confeils 
qu'il me donne font juftement ceux que j'ai pratiqués, fans les avoir reçus. Avant de 
faire imprimer maréponfe, j'avois prié MM. Daubenton de l'examiner 3 & je ne l'ai 
envoyée à Meflieurs les Journaliftes qu'après que MM. Daubenton meurent affuré 
qu'elle ne contenoit , relativement à ce qui les concernoïit , que la vérité la plus exaéte. 
Commenr M. Bécœur a-t-il pu fuppofer que j'eufle manqué au devoir de bienféance &e 
d'honnéreté qu'il croit me faire connoître ? Eft-ce qu'il n’auroit pas regardé comme 
une obligation indifpenfable de communiquer avant l'impreflion à Meflieurs les Gardes 
du Cabinet du Roi , les endroits de fes Manufcrits où il les cite, où il parle de la 
Colle&ion donc ils prennent foin , & rapporte des paflages des lettres de complimens 
qu'ils lui ont écrites? Eh bien, il faurle dire, il n'en a rien fait. J'appris a MM. 
Baubearon , en leur lifant le manufcrir de ma réponfe a M. Bécœur, qu'il exiftoit de 
Jui, une Critique imprimée contre moi, dans laquelle ils étoient fouvent cités , où il 
parloit beaucoup de la colleétion qu'ils font chargés d'entrerenir , où il rapportoit fans 
ies en avoir prévenus, des paflages des Lettres qu'ils lui avoient écrites. M. Bécœur 
m'a donné un confeil crès-honnête & indifpenfable à fuivre; mais pourquoi ne l’a-t-il 
pas pratiqué 2: Je n'en fais, hi n’en cherche la raifon. 

M. Daubeénton l'aîné inculpoit le foufre en 1761, & ne l’a pas inculpé en 1774, 
quand je lui ai lu ma Réponfe; parce que c'eft dans l'intervalle de 1761 à 1774 qu'il 
a connu la manière & le rems convenables d'employer le foufre. 

M. Bécœur m'objeéte que le foufre né brüle pas dans des vaifleaux fermés; &il tire 
de cerre objection des conféquences qui font juftes, mais il pouffe l'objeétion trop loin. 

Le foufre s'éteint comme tout corps inflammable, lorfqu'allumé dans un vaifleau 
où l'air nc fe renouvelle pas, il en a confumé la quantité néceflaire à fon inflamma- 
tion ; mais le foufre ne s'éteint dans une armoire qu'on calfeutre, qu'après avoir en- 
voyé des vapeurs fi épaifles, qu'elles dérobenc à la vue les objets qui y fonc renfer- 
més ; & ces vapeurs Pne fufifanres pour détruire les infeftes. Cette vérité, dont on 
peur s’affurer paï l'expérience , détruic les objections faites à ce fujer. 

A Dieu.ne plaife que j'aie eu , comme M. Bécœur m'en accufe , l'intention de man- 
quer au refpect dû à la mémoire de M. de Réaumur! Mais quand cet homme refpec- 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 307 


qui compofent ma collection , ne font pas les meilleures poflibles ; c'eft 
cela à-peu près. Vous n'êtes pas en droit de me nier, vous ne le ferez 
pas, que les moyens que j'ai indiqués , foient ceux dont je me fers, & 
les feuls que j'emploie. Ils ne font donc pas infuffifans. Il fuffic d'ouvrir 
les yeux pour s’en convaincre. Ces moyens, je le fuppofe fans le croire, 
ne valent pas ceux dont vous vous réfervez la connoiffance ; mais que 
fait au Public que vous poffédiez un beau fecret que vous gardez pour 
vous, pour vos amis , au nombre defquels tout le monde ne peur pas 
avoir l'honneur d’être admis; pour ceux qui vous enverront des quatre 
parties du monde , les animaux qu'ils pofféderont pour les préparer à 
Metz , tandis qu'ils voudront établir leur colleétion à Paris ,a Lyon, à 
Pérersbourg, à Berlin, à Londres, Madrid, &c. ce qui eft d’une très 
grande commodité , & un moyen fi prompt que la Science en recevra 
des accrojffemens très rapides ? Ou faites comme moi, dites , publiez 
ce que vous favez , vous direz mieux & de meilleures chofes ; mais, ou 
dites-les , ou fouffrez que j'apprenne des moyens qui, pour n'être pas aufli 
bons que ceux que vous cachez ,ne font pas pour cela infuffifans , & font 


sable , parce qu'il étoit utile, qui faifoir part au Public de tour ce qu'il apprenoit , 
eût connu, comme on les connoît aujourd'hui , les effets du foufre pour la conferva- 
tion des animaux, & que j'aurois fuppofé que cette connoïffance lui maiquoit, j'aurois 
enlevé à fa gloire à-peu près dans la proportion dont on diminue un grand fleuve, 
en détournant de fon cours une goutte d'eau. 

M. Bécœur, toujours perfuadé, comme il l'étoit dès le tems de fa première Cri- 
tique , de l'inutilité de connoître l'Hifloire des infeétes deftruéteurs, n'a pas lu ce que 
j'ai écrit à ce fujet. S'il y cûr fait attention, il ne me défieroit pas d'indiquer les 
moyens de reconnoître la préfence des infeétes , quand ils font aflez forts pour qu’on 
ait intérêr à les détruire , de fixer le cems, ou en employant le foufre à propos, on 
peut par. une feule fumigation exterminer une génération entière. Je n'entrerai pas 
dans des répétitions inutiles. ‘Ceux qui n'ont point d'intérêt à ne me pas croire ou à 
ne me pas entendre, reconnoîtront par l'expérience , que je leur ai dit la vérité. Je 
n'entreprendrai pas de convaincre les autres. Il n’eft rien de fi vrai & de fi clair, que 
les argumens ne puillenc obfcurcir, 

L'exemple des oifeaux achetés depuis neuf mois chez M. Morand, par M. Grand- 
clas, ne prouve pas qu'au moyen du foufre on puifle conferver une colleétion pen- 
dant quarante ans. Cet exemple atrefte que des oifeaux qui font fortis de chez 
M: Morand, infeétés d’infeétes qui alloient achever de les dérruire, en ont été délivrés 
& mis à l'abri de leur atteinte par l'ufage du foufre, Il prouve encore que l’ayanc 
employé à propos, les générations que les infeétes avoient laiflées , ont été détruires 
par une fenle fumigation , puifqu'il n'a pas paru de leur poftérité pendant neuf mois, 
dont fix ont été fix mois de printems & d'été, L'exemple cité enfin, fait foi que les 
précautious prifes en préparant les oifeaux achetés chez M. Morand, qui que ce foit 
qui les eüt préparés, ne valent rien. 

Comme je n'ai pas attendu pour répondre, la fuite de la Critique de M. Bécœur, qui 
ne doir être inférée que dans le volume du Journal Encyclopédique prochain , qui ne 
paroît pas encore , & que je fuis décidé à ne plus écrire à ce fujer, on ne fera pas 
furpris que je m'arrêce en cer endroit, fans répondre au refte de la Cririque , ni à 
celles qui pourront la fuivre. 


1774. NOFLMBRE. 


393 OBSERVATIONS SUR'LA PHYSIQUE, 


les feuls jufqu’à préfent capables de fuppléer au fecret ( x ) que vous ne 
J P PP e 
communiquez pas. En attendant que vous le publiiez, trouvez bon que 
je dife avec le Poëte : 
...... Si quid novifii reéliès ifiis, 
Candidus imperti, J? non , his utere mecum. 


Mettez enfin le Public en état de choïfir. Il donnera, comme il arrive 
toujours, la préférence à celui qui l'aura le mieux fervi. Jufques là, je 
crois avoir droit à fon fuffrage. Je fais très-peu , & c’eft ce que je fais 
le mieux; mais j'ai fait part au Public du peu que je fais. Vous, Mon- 
fieur, vous favez beaucoup , & vous lui faites un myftère de vos con- 
noiffances ? J'ai l'honneur d’être crès - cordialement & fans rournure, 

Monfieur , &c. ; 
Le $ O&tobre 1774. 


(1) Nous invitons à relire le Mémoire de M. Mauduit /ur la manière de conferver 
Les loifeaux defféchés, inféré dans le fecond volume de ce Journal pour l'année 1773 , 
p- 390, & celui /a manière de fe procurer les différentes efpèces d'animaux , de les pré- 
parer & de les envoyer des pays que parcourent les Voyageurs Mème volume p. 472. 


LB TaMTrSRPAUE 


De M. RazourT, Doëteur en Médecine, Correfpondant 
de l'Académie Royale des Sciences ; 


ADRESSÉE A L'AUTEUR DE CE RECUEIL. 


I L eft certain que rienn’eft à négliger dans l'examen de la nature, fur- 
tout encore dans l’orsanifation des êtres. Le plus petit objet, la plusfoi- 
ble circonftance fourniffent fouvent matière à des difcuffions importantes. 
Dans de pareils fujers on ne fauroit trop s’aflurer des faits, & de la ma- 
nière de les voir ; c’eft ce qui m'engage , Monfieur , à vous adreffer 
certe lettre qui fert de confirmation à ce que M. Blondeau a avancé fur 
les Mouches communes (1). J'ai vu ce que ce Savant avoit déja vu , avec 
quelques circonftances particulières dont je vous rends compte. 

Je m'érois déja plus d’une fois apperçu que certaines mouches avoient 
au bout de leur trompe une goutte de liqueur ; mais je n’avois pas fait 
attention à ce que cela pouvoit être, Depuis que j'ai lu les obfervations de 
M. le Profeffeur de Breft, je me fuis propofé de ne pas laiffer échapper 
la première occafion qui fe préfenteroit de vérifier le fair en queftion. 
Je n’ai pas eu befoin d'attendre fort long-tems. Le 24 Oétobre à deux 


(1) Journal de Phyfique , Août 1774, tome IV , page 154. 


| 


_ HAE NE se HE 


SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 399 


heures après midi, j'étois devant la fenêtre d'un fallontrès-bien expofé, 

où le foleil donnoit en plein ; j'apperçus une mouche commune qui me 

parut un peu plus grofle que les autres, foir qu’elle für d’une efpèce 

particulière , foit qu’elle eûr plus d’embonpoint. Elle étoit fur le rebord 

du chaflis à verre du troifième carreau de la fenêtre , par conféquenc 

très-à portée de l’examen. Elle portoit au bout de fa trompe une goutte 

deliqueur qui me paruc à la vue fimple, opaque , trouble, blanchâtre. 

Cette goutte pouvoir avoir ,comme l’a très-bien obfervé M. Blondeau, 

trois quarts de ligne de diamètre. La mouche retiroit cetre goutte peu- 

à-peu , & la faifoir reflortir de même : à chaque fois qu’elle rentroic, 

on la voyoit fenfiblement diminuer de groffeur ; & la liqueur paroifloic 

plus claire. La mouche s’eft beaucoup brolfé la tête avec fes deux pattes 

de devant, & la partie poftérieure de fon corps avec fes pattes de der- 

rière. Dans le moment où j'étois le plus attentif à l’examiner , une 

autre mouche plus petite de prefqu'un tiers, eft venue couvrir celle-ci : 

elle jui a preffé la rêce, & la lui a fait baïffer jufques fur le bois où elle 

éroir ; elle a enfuite adapté fon derrière avec celui de la groffe mouche, 

imitant affez exactement la manière dont les coqs couvrent les poules. 

Il n’eft pas néceflaire de dire que notre mouche femelle n’a pas manqué 

pendant cette opération de retirer vire fa goutte de liqueur en-dedans 

de fa trompe. Elle s’eft enfuite broffé de nouveau tout le corps , après 

quoi , elle a refté fans remuer en aucune manière, & dans un état de 

tranquillité qui me faifoit défefpérer de revoir la goutte que j'avois 

déja obfervée A près quelques fecondes elle a poulfé en-dehors fa trompe 

petit-à petit, & la goutte a reparu de la même groffeur & de la même 

opacité : comme la première fois la goutre a diminué de volume, en 

devenant plus claire, plus homogène. Enfin, j'ai vu fenfiblement la 

vérité de tout ce que M. Blondeau a avancé dans fes Obfervations. J'ai 

été à même de voir répéter ce méchanifme de rumination à cinq à fix 

fois. La mouche a refté près de demi-heure dans la même poftion , mal- 

ré les autres mouches qui fouvenr ont tâché de la troubler ; elle ne 

RE aucun mouvement de fon corps : on ne voyoit que fa trompe fe 

mouvoir feule ; elle en appliquoit plufeurs fois le pavillon fur le bois 

É où elle repofoit chaque fois que la goutte difparoïlloit ; on voyoit la 

trompe s’allonger , fe retrécir de la même manière que font tous les 
animaux pour exécuter la fuccion. 1 

Aureite, Monfieur , je n’ai pas été le feul à obferver ce que je viens 

de vous décrire. J'ai fait appercevoir à M. de Maïlip , à Madame Baron 

& autres perfonnes qui étoient avec moi, le méchanifme de la goutte 

réitéré plufieurs fois, toujours de la même manière. La mouche , après 

avoir bien ruminé , a paru plus lefte & plus légère dans fes mouve- 

mens, & nous l'avons perdu de vue. 
Jefuis, &c. 


400 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


M = ETATS )O TERRE 


Sur la charge que peuvent porter les Pierres ; 


Par M. GAUTHEY , Ingénieur des Ponts & Chauffées à Chälons- 
Jur - Saône. 


L A charge ou le poids que peuvent porter les pierres que l’on emploie 
dans la conftruétion des édifices , a dû être un des principaux objets qui 
ait attiré l’attention des Architectes des premiers tems. Cette confide- 
ration paroît même fi importante , que c’eft elle qui probablement a 
donné lieu aux autre$* proportions des prémières colonnes qui furent 
conftruites. 


Mais les premiers Conftruéteurs furent timides ; & ce n’eft qu'à pas 
lents que les Arts fe perfeétionnent : le défaut d’expérience les faifanc 
dourer de la force des matériaux , ils firent d’abord les colonnes très- 
grolfes, relativement à leur hauteur; celles qui nous reftent des plus 
anciens monumens de l’Egypte & de la Grèce, n’ont pour hauteur que 
trois ou quatre fois leur diamètre ; ils donnèrent enfuire à cetre hauteur 
cinq & fix fois le diamètre ; & dans les beaux tems de l’Archire&ure 
de la Grèce, on devint plus hardi, & l’on donna à la hauteur descolonnes 
corinthiennes près de dix fois leur diamètre ; mais cette proportion 
parut le dernier rerme de l'élégance en ce genre ; & l’on plaçoitces 
colonnes affez proches les unes des autres pour compenfer par leur nom- 
bre le défaut de force qu’on leur fuppofoir. Les Architectes Goths ont 
été beaucoup plus hardis. Il y en a qui ont plus.que doublé cette propor- 
tion ; maisles modernes , par un préjugé peut-être raifonnable , fe con- 
tentent d'admirer la délicateffe des proportions de l’Architeéture gothi- 
que, & s'écartent peu de celles que les anciens ont fuivi conftamment. 


Cependant , lorfqu'on fera convaincu du poids énorme que peuvent 
porter des pierres médiocrement dures , l’étonnement ceffera, & l’on 
n'accufera plus de témérité des Architectes qui, en fe conformant au 
goüt de leur fiècle, ne faifoient que proportionner leurs piliers à la 
charge qu’ils leur faifoient porter , & ne cherchoient qu’à les mettre 
d'accord avec le refte de leur Architecture. 

Quoique ce foit probablement la confidération de la charge que les 
pierres peuvenc porter, qui ait donné le premier & principal fondement 
des règles de l'Architecture, quoique cette confidération foit des plus 

uule , 


SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS, 4o1 


utiles, non-feulement pour connoître le poids que peuvent porter direc- 
tement ou indirectement les parties d'un édifice, mais encore pour 
régler l'épaiffeur des voûtes , & par ce moyen celle de leurs ieds-droits, 
ilne paroît pas que l'on ait encore bien examiné cette Bree en elle- 
même , & que l'on ait cherché à établir une théorie démontrée fur cer 
objet. 

M. Mufchenbroeck , après avoir rapporté pluñeurs expériences fur la 
force des bois, & LA fur la force des pierres, mais qui ont 


été faites en petit, conclud que le poids qu’elles peuvent porter , eft en 


raifon compofée de la longueur de leur bafe, du quarté de leur largeur , 


, & en raifon inverfe de leur hauteur. 


M. Euler, dans un Mémoire inféré dans ceux de l’Académie de Ber- 
lin , de l’année 1757, croit que cette force eft en raifon compofée du 
quarré de la largeur du quarré de la longueur , & en raifon inverfe du 
quarré de la hauteur. 

Il faut remarquer que l’un & l’autre de ces Auteurs n'ont donné cette 
théorie que par analogie avec la force des colonnes de bois far lefquelles 
les expériences avoient été faites ; cependant, le cas n’eft pas ici le même. 
Une pièce dé bois longue , poféede bout, & que l'on charge par le def- 
fus , plie ordinairement du côté le plus mince, parce que le bois eft un 
folide élaftique bien différent de la pierre qui fe rompt tout-à-coup, fans 
plier auparavant. 

Quoique ce foit aux folives de cette efpèce que l'on doive appliquer 
le principe de Galilée fur leur réfiftance ; qu’il détermine en raifon di- 
recte de la largeur , inverfe de la longueur , & en raifon doublée de la 
hauteur ; cetrerègle ne paroït pas encore applicable aux pierres qui font 
chargées d’un poids. A leur partie fupérieure elle ne pourroit avoir lieu 
de par une pierre pofée en encorbellement >Où qui s'appuieroir par les 

eux extrémités , & qui feroit chargée dans le milieu. Ainf , je ne crois 
pas qu'aucune de ces règles puiffe être mife en ufage pour déterminer le 
poids que peut porter une pierre qui n’a pas ordinairement une hauteur 
confidérable , relativement à fa longueur , & qui eft appuyée, tant à fon 
lit fupérieur qu’à fon lit inférieur ; ces pierres ne peuvent ni fe plier , ni 
fe calfer, puifqu’elles ne peuvent pas baifler davantage me milieu 
qu'ailleurs; elles ne peuvent que s’écrafer par le refoulement de leurs 
parties les unes fur les autres. y 

L'on conçoit aifément que ce refoulement doit dépendre principale- 
ment de la qualité de la pierre; celle qui eft rrès-dure , relle que certains 
marbres , doit porter un poids plus confidérable , fans contredit , que la 
pierre tendre ; cependant, le grèstendre qui n'eft qu’un fable à demi-lié, 
quoique compofé de parties très-dures, doit porter des fardeaux peu 
confidérables , à caufe du peu de cohéfion de fes parties. [l en doit même 
porter de moindres qu'une pierre rendre, telle que la craie qui feroir fort 


Tome IV, Part. V. 1774. NOVEMBRE, Eee 


42 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


compacte : du marbre très dur , maisdontles parties ne feroient ni bien 
liées ni homogènes , pourroit aufli s’écrafer facilement; ainfi,, l'on con- 
çoit que la charge que peuvent porter les pierres ne dépend pas toujours 
de leur dureté ni de leur pefanteur , quoique l’une & l’autre qualité y 
doivent entrer pour beaucoup. ; 

Mais l’on voit aifément que de deux pierres de même qualité , & qui 
auront une épailleur égale , celle qui aura plus de longueur & de largeur , 
c’eft-à-dire, plus de furface dans fes lits, portera le poids le plus lourd. 
Il paroît même démontré que, toutes chofes égales d'ailleurs, ce poids 
doit être à - peu - près proportionné à cette furface ; mais il n’eft pas 
auffi a fé de déterminer fi la hauteur des pierres augmente leur force, 
ou fi elle la diminue : il n’y a guères que l'expérience , qui doit être 
le guide le plus certain des Arts, qui puiffe donner quelque lumière 
à ce fujer. 

Comme cette matière m’a paru affez importante pour les conftruc- 
tions , & qu’elle n’a pas encore été traitée avec quelque érendue , j'ai 
fait conftruire une machine folide pour faire ces expériences avec des 
pierres d’un volume affez grand, pour que l'on puille en tirer des con- 
féquences utiles dans la pratique, & principalement pour connoître avec 
un peu d’exaétitude quels font les poids dont on peut charger chaque 
efpèce de pierré , fans craindre qu'elle puilfe s’écrafer. 


La machine que j'ai employée , eft compofée d'un levier de fer de 
fepc pieds de longueur , de deux pouces & demi de groffeur en quarré à 
l’un des bouts , & de dix-huit lignes à l’autre. L'extrémité la plus groffe 
eft applatie & percée d’un trou rond pour recevoir un boulon d’un pouce 
de diamètre , & à trois pouces & demi du milieu de ce trou, on a fait 
fous cette barre une rainure de trois lignes de profondeur , pour rece- 
voir un petit coin de fer qui lui fert d'appui ; ce coin eft fixé à l’une des 
extrémités d’un morceau de bois ou billot de deux pouces & demi d’écar- 
riffage fur environ un pied de longueur , garni à fes deux extrémités 
de plaques de fer. 

Le banc pour porter la machine , eft compofé d’une femelle traînante 
à laquelle font affemblés deux montants retenus par une entre-toife, 
& fervant à affembler un plateau placé à trois pieds de hauteur : ce pla- 
teau eft percé près de l’un des montants d’une mortaife quarrée de deux 
pouces & demi dans laquelle on place le billot qui fert d'appui , de telle 
forte qu'il puifle gliffer aifément fans s'incliner plus d’un côté que de 
l'autre : l’un des montantsexcède la hauteur du banc, & doit avoir pour 
hauteur celle qui fe trouve depuis le pavé à la poutre de l'endroit où l'on 
place la machine , afin de fervir à la fixer folidement : à fept pouces au- 
deffus du banc, on a percéun trou fur le côté de ce montant , pour placer 
le boulon; & fur le devant du même montant, on a fait une mortafe 


* 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 405 


ur faire entrer & jouer librement fur le boulon, la partie applatie du 
108 

Pour faire les expériences, on fixe le levier au poteau , par le moyen 
du boulon, & l'on place ce levier horifontalement, & même un peu 
élevé à fon petit bout ; on place fous ce levier le billot , de telle forte 
que le coin entre dans la rainure; & l’on mer fous ce billor de petits 
morceaux de pierres fciés en parallélipipèdes de toutes fortes de dimen- 
fions ; on les garnit de cartons fur leurs deux lits, & d’une plaque de fer 
au-deffous ; l’on mer encore entre cetteplaque de fer &l'entre-toife, des 
morceaux de bois de différentes épailleurs pour remplir exatement l’ef- 
pace , de telle forte que le levier qui appuie fur le billot fe tienne à-peu- 

rès horifontal; on met ,enfuite à l'extrémité du levier , un plateau de 
be dont les cordes font attachées à un anneau fixé à l’extrémité du 
levier : la diftance de cet anneau au-milieu du boulon , eft vingt-quatre 
fois plus grande que celle de la rainure qui eft fous le levier , & qui 
appuie fur le billot; & l’on charge le plateau de balances de différens 
poids jufqu’à ce que la pierre, qui eft entre les deux plaques de fer, fe foic 
écrafée. Pour favoir enfuite le poids dont le levier & le bañin tiennent 
lieu , l'on ôre du baffin tous les poids, & l’on attache le crochet d’une 
romaine. À l'extrémité du levier , la romaine étant en équilibre, le 
poids s’eft trouvé de foixante- fept livres. On ajoute à ces foixante-fept 
livres tous les poids qui étoient dans le baflin, & multipliant ce nombre 
par vingt-quatre , on a le poids réel qu'a porté la pierre, 

Comme la machine étoit faite avec exactitude , que fes parties 
étoient bien graiflées, le frottement en diminuoit fort peu l’effer. 

Les expériences principales ont été faites fur deux qualités de pierres, 
l'une blanche , médiocrement tendre, & dont leslits ne font pas bien 
marqués ; le pied cube de cette pierre pèfe cent quarante-cinq livres ; 
l'autre qualité eft rouge, affez dure avec des lits bien marqués : le pied 
cube de celle-ci pèfe cent foixante-cinq livres. 

On 2 fcié toutes les pierres de certe efpèce dans un même mor- 
ceau , afin qu’elles foient de même qualité : on a choifi celles qui étoient 
le plus homogène , & où ily avoit moins de parties caillouteufes , dures, 
attendu que 7e la même carrière les qualités font fouvent fort diffé- 
rentes; chaque expérience a été faite fur trois morceaux de pierre exac- 
tement des mèmes dimenfions ; afin que l’on puifle prendre pour réful- 
tat un poids moyen entre les trois ; mais , malgré cous mes foins , je n’ai 
pu empècher qu'iln’y eût quelquefois une très-grande variation dans ces 
poids , ce qui provenoitou de ce que les deux lits de la pierre n’étoienc 
pas bien parallèles , ou de ce que le billot n’appuyoit pasbien également, 
ou de ce que les morceaux de pierre , quoique pris dans le même bloc, 
n’étoient pas parfaitement homogènes; mais ; au-lieu de prendre pour 
le poids moyen le tiers des trois poids, j'ai pris un poids moyen entre 


1774. NOVEMBRE, Eee 2 


404 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


les deux réfulras qui éroient le moins différent entr'eux, en augmentant 
cependant quelquefois ce réfulrat, ou le diminuant relativement autroi- 
fième poids,lorfque ce troifième poidsn'éroit pas bien différent des autres. 

J'ai d'abord fait ces expériences fur des pierres de même hauteur & 
de différentes furfaces de lit ; après quoi , j'ai fair écrafer des pierres de 
même bafe & de différentes hauteurs : & , comme j'ai choifi deux qua- 
liés de pierres, l’une médiocrement rendre, & l’autre paffablement 
dure , le réfultat donnera le poids. moyen que peuvent porter les pierres 
de ces deux efpèces; l’on pourra d’ailleurs modifier ce réfultat relative- 
ment aux différentes qualités de pierre que l’on aura à employer. 

J'ai marqué dans la table ci-joince les réfulrats de cent cinquante ex- 
périences que j'ai faices fur ces deux qualités de pierre ; la feconde , 
troifième & quatrième colonnes marquent les dimenfions des pierres 
que j'ai employées ; la cinquième marque la furface de leurs lits; dans 
Ja fixième on a marqué le poids que chacune de ces pierres a porté , en 
s'écrafant ; & dans la dernière , le poids que chaque ligne quarrée du 
lit de la pierre a porté. L'on a marqué dans les accollades, le poids 
moyen qui a été porté par chaque ligne quarrée. 

Il réfulte de ces expériences, que le poids que portent les pierres, 
avant que d'être écrafées , eft conftamment d'autant plus fort que la fur- 
face de la bafe eft plus grande; mais l’on voit , en comparant la fixième 
& la huitième colonne , qu’il ne laiffe pas d’yavoir une affez grande 
différence dans le poids que porte chaque ligne quarrée des pierres qui 
ont mème hauteur , puifque us les fix premières expériences on trouve 
que le plus petit poids eft au plus grand , comme 9 5 eft à 143. L'on 
voit encore que ces réfultats ne paroïffent fuivre aucuns rapports conf- 
tans , ni des racines , ni des quarrés des dimenfions, puifque , quoique 
dans ces fix premières expériences , les furfaces augmentent d’érendue ; 
cependant les poids tantôt augmentent, & tantôt diminuent. 

Quoique ces différences proviennent probablement des caufes que 
j'ai indiquées ci-deflus , iky en a encore quelques autres qui pourroient 
y contribuer. il eft probable que de deux pierres dont les lits auroient 
même furface , celle qui aura moins de circonférence , relativement à la 
furface, ou qui approchera le plus du quarré, devroit s’écrafer moins 
facilement qu'une autre dont la longueur différeroit beaucoup de fa 
largeur ;on pourroit encore foupçonner que les pierres larges doivent 
porter davantage à proportion de leur étendue , & que le rapport de leur 
circonférence à leur furface , influe fur ce poids. 

Cependant, en comparant entr’elles les expériences , on ne trouve 
pas que ces préfomptions foient confirmées, Dans vingt-une comparai- 
fons, il y en a huit dont les:poids font effectivement d'autant plus forts 
que la circonférence eft plus petite,relativement à la fuface;mais dans les 
autres, les poids font plus petits,quoique la circonférence foit plus petito. 


1 éd 


SUR LHIST. NATURELLE ET LES ARTS, 40 


L'on ne voit pas encore par ces expériences, que la hauteur de la 
pierre influe beaucoup fur le poids qu'elle peur por On voit dans les 
vingt deuxième, vingrtroifième, vingr-quatrième , vingr-cinquième , 
& vingc fixième expériences fur la pierre rendre, où les pierres avoient 
même bafe , & pour hauteur , un ; deux, quatre, fix, huit pouces que le 
poids qu'elles ont porté, a été 14%, 95, 142, 1073 & que ce poids 
n'a aucun rapport à la différente hauteur de ces pierres. 

En examinant avec atrention la manière dont les pierres fe font écra- 
fées dans toutes les expériences , on reconnoïit cependant , malgré la 
diverfité des effets, qu'il y en a deux principaux qui dépendent beau- 
coup de la manière dont les lits font raillés. Lorfque le lit fupérieur eft 
un peu concave , alors, la preffion fe faifant fur les arêtes , les'arêres s’é- 
clatent bienvôt, & la furface qui porte étant diminuée de largeur , finit 
de s’'écrafer d’aurant plus facilement , que cette concaviré elt plus grande. 

Si, au contraire , la furface de ce lit eft convexe , la partie du milieu 
qui porte tout le poids, s'enfonce la première, & forme un véritable 
coin qui écarte alors les deux parties de la pierre : cer effer m'a paru tres 
fenfble dans plufeurs expériences. 

Si Le lit fupérieur étoit abfolument plat , alors les fentes feroient plus 
perpendiculaires & en plus grand nombre, & il fe formeroir plufsurs 
coins au lieu d’un feul qui fe forme dans les petires pierres, lorfqu'elles 
font convexes. 

Il eft aifé de voir par ce que je viens de dire , que ces coins font auffi- 
tôt formés à la furface d’une pierre épaille qu’à celle d'une pierre mince, 
puifque leur formation n’a aucun rapport avec l'épaifleur de la pierre , 
& ne dépend que de l’adhérence plus où moins grande de fes parties & 
de l'étendue de la furface qui porte ; d’où l’on peut conclure, avec aflez 
de certitude, que la hauteur des pierres ne contribue pas beaucoup à leur 
donser une plus grande force, puifque , lorfque les coins font formés, 
comme ilsagiffent avec beaucoup d'avantage pour fendre la pierre , elle 
ne réfifte pas beaucoup plus à cette ation lorfqu'elle eft épaille , que! 
lorfqu’elle eft mince. 

On doit cependant obferver que lorfqu’une pierre n’a pas affez d'épaif- 
feur , pour que les coins fe forment une pointe, la pierre pourra bien s’é- 
crafer plus facilement que fi elle eùt été plus épaifle; mais elle ne paroïtra 
pas écrafce , parce que la pointe des coins qui fe feront formés, portera 
fur le point d'appui inférieur ; & avant que la pierre s’écarte tout-à- 
fait, il faut que la preflion faffe encore fendre ce coin en plufieurs 
parties. 

L'on voit effectivement que les pierres épailfes s’éclarent fubirement, 
tandis que les pierres minces fe fendent légèrement & long-tems avanz 

ue de s'éclater rour-à-la fois; j'en ai même vu qui évoient tout en pouf- 
4 & qui avoient porté un poids double de ce que de pareilles pierres, 
1774 NOVEMBRE. 


406 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 

mais qui étoient épaifles, avoient porté. Une pierre mince, bien taillée 
& polée de manière qu'elle porte par-tout également, fupportera un 
poids égal à celui que fupportera une pierre épaifle ; mais fi elle ne porte 
pas par-tout également , elle fe catfera plus facilement : au refte, lorf- 
qu’elle fe fera fendue , elle pourra encore porter un poids confidérable, 
fanséclarer; ce qui n’arriveroit pas à une pierre de haut appareil. 

Pour favoir enfin quel eft le poids que peuvent porter les pierres , il 
faut jeter un coup-d’œil fur le réfulrar des expériences que j'ai rappor- 
tées ; & l’on connoîtra que le moindre poids qu’ait porté chaque ligne 
quarrée de la bafe des pierrestendres, a éré de 7 liv. +, & le plus fort de 
18 Liv. +, comme onle voit ci-deffous ,ou j'ai rapporté les vingr-fix réful- 
tats des expériences que j'ai faires fur cette pierre: 71, 8r: 95» 9%, 
9.91, 93, 92, 9% 913 103 107, 10%, 10755 1130 1251 
13255 1375 13%5 145 ld369 42e 145 ECC IT» 18% 

Mais, comme leurs réfultats extrèmes peuvent provenir de quelques 
caufes étrangères, puifqu'il n’y a que deux expériences où le réfulrat eft 
de 7 à $ livres, & trois où ce réfulrar eft de 16, 17 & 18 livres, & 
qu'il y en a huit où ce réfultat eft entre 9 & 10, & huit où il eft entre 
12 & 15 : je crois qu'on peut fixer les limites de ces irrégularités entre 
o & 15, & Le poids moyen à 121 livres. 

D'où il fuir que le moindre poids que puiffe porter une ligne quarrée 
de la pierre tendre de Givry , étant de 9 livres, chaque pouce quarré por- 
cera au moins 1296 livres, & chaque pied quarré 186624 livres, le poids 
le plus fort que puille porter une ligne quarrée de cette efpèce de pierre 
étant de 15 livres, chaque pouce quarré pourra porter 2160 livres, & 
chaque pied quarré 311040 livres. 

Et le poids moyen étant de 12 livres, chaque pouce quarré portera 
1728 liv., & le pied quarré 248832 liv.; ce qui équivaut à 1716 pieds 
cabes de la mème pierre ; de forte que l’on pourroit conftruire avec cette 
efpèce de pierre une tour de près de 300 toifes de-hauteur, fans que les 
aflifes inférieures fuflent écrafées. 

A l'égard de la pierre dure, il réfulte des quinze premières expériences 
qui ont été faices fur ces pierres pofées fur leurs lits, que chaque ligne 
quarrée a porté 18 livres? , 22, 24, 25,26, 28, 30; 32, 34, 543 
37, 41, 412, 42, $7 livres, où l’on voit que le moindre poids eft de 
181, & que le plus fort eft de $7 livres 3 mais, comme le réfulcar 
des autres expériences eft fort éloigné de ceux-ci, il eft plus naturel de 
prendre pour termes extrèmes 22 & 42, & pour terme moyen 32, d’au- 
tant plus qu'il y a autant d'expériences qui ont donné des réfulrats au- 
deffous de 33 liv. qu’au-deflus ; par conféquent, on conclura de ces expé- 
riences , que le moindre poids que puiffe porter la pierre dure de Givry 
eft de 22 livres par chaque ligne quarrée ; le pouce quarré porteroit 3 168 
livres, & le pied quarré, 456192 livres. 


os ans 


Re LT 


SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 407 


Le poids le plus fort que puifle porter une- ligne quarrée de cette 
efpèce de pierre éranr de 42 livres, le pouce quarré portera 6048 livres, 


& le pied quarré, 870911 livres. 


Et enfin, le poids moyen étant de 3 2 livres par chaque ligne quarrée, 
chaque pouce quarré portera 4608 livres , & chaque pied quatré 663552 
livres ; ce qui équivaut à 4021 pieds cubes; de forte qu'avec cette efpèce 
de pierre, on pourroit conftruire une rour de 670 toifes de baureur , fans 
craindre que les pierres inférieures puiflenc s’écrafer par le poids; les 
tours de Notre-Dame n’ont pas la vingtième partie de cette hauteur. 

En comparant la force de la pierre tendre à celle de la pierre dure, on 
trouve que le rapport de la force de ces pierres eft comme 3 à 8. 

. On peut à-préfent comparer avec ces expériences le poids que portent 
certaines colonnes gothiques quiont toujours étonné par leur hardieffe, 
parce qu’on ne s’étoit pas encore rendu compte de la ru des pierres. 

Les colonnes de l’Eglife de Touffaint d'Angers font peut étre ce que 
nous avons de plus hardi en ce genre. On trouve par le calcul, qu’elles 
portent environ 60 milliers ; elles n’ont cependant que 1 1 pouces de dia- 
mètre, & 24 pieds de hauteur : ainfi leur plan contient 9$ pouces 
quarrés; chaque pouce porte par conféquent 631 livrest, & le pied 
quarré porteroit 90947 liv.; ce qui n'eft cependant que les +de ce que por- 
teroit la pierre tendre de Givry , & moins du feprième de ce que por- 
teroit la pierre dure; & quand on fe fixeroit à la moindre charge qu’aient 
porté les pierres des expériences, on fera toujours convaincu que les 
colonnes de cette Eglife ne portent que la moitié du plus petit poids que 
l'on a trouvé pour les pierres tendres, & le cinquième du plus petit poids 
trouvé pour les pierres dures. On voit par cet exemple feul, f la har- 
dieffe des édifices gothiques doit beaucoup nous étonner. 

Lorfque j'ai dit que la hauteur des pierres influoit peu fur le poids 
qu'elles peuvent porter, je n’ai pas entendu parler des ouvrages pareils 
aux colonnes que je viens de citer, qui ont pour hauteur vingt cinq fois 
leur diamètre Il a fallu beaucoup d’art fans doute pour que ces colonnes 
n'aient pas plié dans leurs joints. On prévient effectivement cer effet, 
en boulonnant les pierres, & mettant des tables de plomb entre ces 
joints, afin d'éviter lesséclats fur fes arrêres; cependant, malgré ces 
précautions, l’une des colonnes du Réfeétoire de Saint-Maruin-des- 
Champs à Paris a plié ; mais cet exemple ne prouve pas que li ces colon- 
nes eulfent été d'une feule pièce , pofées bien à plomb, elles n’euffent 
plié, au lieu de s'écrafer. Nous ne faifons'pas d’ailleurs des colonnes , ni 
aucun ouvrage d'archireéture de certe efpèce. 

J'ai aufli fair quélques expériences fur les pierres dures, pofées en 
délit, & j'ai rrouvé qu’elles ont porté un plus grand poids que lorfqu'elles 
étoient placées fur leur lit de carrière; ce qui contredit ablolument l'opi- 
nion commune. On voit par les expériences 16, 17,18, 19, 20,21, 

1774 NOVEMBRE. 


08 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


22,23, 24, qui ont été faites fur des pierres pofées en délit, que le 
moindre poids qu'aient porté ces pierres , eft de 23 livres, le plus fort de 
62, & le poids moyen de 42 ; ce qui fait un tiers de plus que le poids 
moyen que portent les pierres pofées fur leur lit; l’on ne doit cependant 
pas inférer de ces expériences qu'il vaut mieux pofer les pierres en délit 
que fur leur lit ; car fi la pierre porte davantage, elle fe fendra auffi beau- 
coup plus facilement fur fa hauteur , pour peu qu’elle ne porte pas par-tout 
également: 

Outre ces deux efpèces de pierres fur lefquelles j'ai fait le plus grand 
nombre de mes expériences, j'ai encore écrafé d’autres pierres de diffé- 
rentes qualités : depuis les plus dures jufqu’aux plus tendres , j'ai choifi 
des pierres connues par-tout, ou que l’on peut fe procurer aifément, 
afin que l’on puiffe comparer les expériences que l’on pourroit faire fur 
d’autres efpèces de pierres avec les miennes ; &c j'ai dreifé la Table fui- 
vante fur laquelle il faut obferver que l’on a pris les mêmes précautions 
pour exprimer les réfulcats , que pour les autres expériences , mais qu’elles 
n'ont pas été répétées crois fois , comme dans les premières. 


TABLE du poids que peuvent porter différentes efpèces de pierres 
& de marbres. 


Lepoids | Le plus Hauteur 
à Poids |Le pluspetit!moyen fur {grand poids|dont les pier- 
Noms des pierres & des dupied|poidsquiait}lequel on |qui ait étéfres peuvent . 
marbres, cube. |éréporté. |peutcomp- |porté. être char- 
1 }]rer. 1. ligées.  toifes. 
Le porphyre............l201. |429911:1$329162.15619456: 4418 
Le marbre de Flandres..|184. |1824768.12239488.12592000.|2027 
Le marbre de Gènes....|189. | 691482.| 770688.|1002240.| 679 
La pierre dure de Givry.|165. | 456192.| 663552.) 870911.| 670 
LapierretendredeGivry.|145. | 186624. 1248832.) 311040. 186 
La pierre de Tonnerre..|120. | 180440. 222942. 2179836.| 306 
La brique...............109. | 290304! 321403.] 373248. 491 
Le grès cendre...........|174. 5390.) 84241 189586. 

L'on voit par cette Table, que le poids que peuvent porter les diffé- 
rentes efpèces de pierres, n’eft aucunement proportionné à la pefanteur 
fpécifique de ces pierres, puifque le grès tendre qui pèfe plus que la 
pierre dure de Givry , ne porte cependant pas la quatre-vingtième partie 
du poids que porte cette pierre. Al eft vrai que le grès que j'ai employé 
eft extrèmement tendre cependant, il fe taille, & on l’emploie dans les 
bâtimens; mais 1l fe durcit à Pair. 

2°. Quoique la brique pèfe moins qu'aucune efpèce de pierre, elle 
porte cependant plus que la pierre cendre. La brique que J'ai employée 

Étoir 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 409 


étoit très-bonne & bien cuite. Il y en a beaucoup qui ne porteroiént 
pas la moitié de ce que celle-ci a porté. 

3°. La variéré dans le poids que peuvent porter les pierres de diffé- 
rentes efpèces , eft très confidérable. On trouve que le porphyre porte 
deux fois & un tiers de plus que le marbre de Flandre, & fept fois 
plus que le marbre de Gênes; il porte huit fois plus que la pierre dure 
de Givry, vingt-une fois plus que la pierre tendre, vingt-quatre fois 

lus que la pierre de Tonnerre, feize fois plus que la brique , & plus de 
Ëx cents fois plus que le grès rendre. 

J'ai joint à cette Table une dernière colonne pour marquer quelle 
feroit la hauteur où l’on pourroit élever une tour ou un mur bâti de 
chacune de ces efpèces de pierre fans que celles du bas faffent écrafées , 
en fuppofant que cette rour ou ce mur auroit dans touré fa hauteur la 
même épaifleur que fa bafe; on voit qu'un mur de grès rendre ne 
pourroit être élevé qu’à 48 pieds, & qu’un mur de brique pourroit être 

rélevé à près de 500 toifes. 

Les pierres que l’on emploie dans la conftruétion des bâtimens, font 
placées ordinairement fur une bafe folide, & font deftinées à porter 
direétement ou indirectement des murs ou des fardeaux de toute efpèce ; 
mais on les emploie aufi à d'autres ufages. 

- On pofe quelquefois les pierres en encorbellement , en les engageant 
en partie dans lépailfeur des murs, & on les charge dans la partie qui 
fait faillie d’un poids qui peat être fouvent affez confidérable pour les 
faire cafler près de leur point d’appui. 

Dans d’autres occafions, on ne les fait appuyer que fur leurs extrémi- 
tés , comme lorfqu’on fait les deffus de porte & de fenêtre d'une feule 
pièce, & on les charge fouvent par le deffus. 

Enfin , on peut employer les pierres à fourenir des fardeaux en ré- 
fiftant fuivant leur longueur, comme celles qui portent les clefs pëndan- 
ces dans l’Architeéture gothique. 

Après avoir fait des expériences fur le poids que peuvent porter direc- 
tement des pierres de différentes efpèces avant que d’être écrafées fous 
la charge, j'ai aufli cru qu'il évoir important de faire d’autres expérien- 
ces pour connoître le poids dont on peut charÿer des pierres qui font 
pofées par encorbellement & qui ne font appuyées que par leur extré- 
mité; j'en ai fur-tout fait un grand nombre pour connoître le poids 
qu'elles HE ri en les tirant fur leur longueur. 

J'ai pris pour faire ces expériences , des pierres de mème qualité que 
celles An je me fuis fervi pour chercher le’ poids qu’elles pouvoient 
porter avant que d’être écrafées, je Les aï fait fcier en parallélipipèdes 
de quatre à cinq pouces de longueur, & je les ai ferrés fous le valet 
d'un Menuifier , en atcrochant à l’autre extrémité un baflin de balance 
que j'ai chargé de différens poids jufqu’à cé que les pierres fuffent caf- 

Tome IV, Part. V. 1774 NOVEMBRE, Fff 


410 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 

fées ; j'ai varié les expériences non-feulement en laiffant des interval- 
les plus où moins grands entre le point d’appui & le point où le 
bain éroit accroché, mais encore en variant les dimenfions des pier- 
res, & en foumettant à ces expériences des pierres de différentes qua- 
lités, placées fur leur li de carrière, ou placéesien délir. 

C’eft, fans contredire, à certe manière d'employer la force des pierres 
que convient la règle de Galilée fur là réfiftance des folides,. puifque 
la pierre eft une matière prefque inflexible qui rompt tout-ä-coup. M. 
Mufchenbroek a trouvé certe règle conforme aux expériences qu'ilafaires 
fur des morceaux de glace; mais dans les expériences que j'ai faites fur 
les pierres , les réfulrats ne fe font pas toujours accordés avec la théorie : 
il y a apparence que les coups que l’on eft obligé de donner fur le valer 
pour ferrer la pierre, peuvent influer fur les effets & occalionner leur 
irégularité , indépendamment des différentes. qualités de la même 
pierre. 

J'ai commencé par éprouver quatre morceaux de pierre dure de mèmes 
dimenfons ; ils avoient deux pouces de longueur, dix & douze lignes 
de groffeur en quarré; 1ls ont porté 111, 147 167, 196 livres, 
& par conféquent , le poids moyen étoit de 155 livres ; j'en ai éprouvé 
trois autres de 18 lignes de longueur entre les points d'appuis ; & de 
8 & 18 lignes de groffeur, pofés fur le plat , ils ont porté 121, 126, 

*183 livres; ce qui donne cent quarante-trois livres pour le poids moyen. 

En fuivant la règle de Galilée, on trouve, relativement aux quatre pre- 
mières expériences, qu'un morceau de cette pierre qui auroit eu un pouce 
de quarré & un pouce de longueur entre les appuis, auroit porté 445$ 
& 321 livres fuivanc les fecondes expériences; ce qui donne 383 livres 

our poids moyen. 

Il réfulte de pareilles expériences que j'ai faires fur la pierre tendre, . 
qu'un morceau de pierre de pareilles dimenfions auroit porté 70 livres; 
de forte que la force de la pierre tendre eft à celle de la pierre dure, 
comme 70 elt à 383, ou comme 1 eft à 5=. 

Pour favoir fi la réfiftance des pierres pofées en encorbellement fe 
trouvoit conformément à la théorie en raifon du quarré de l’épaiffeur , 
j'ai pris quatre autres morceaux de pierre tendre de deux pouces de lon- 
gueur für 8, 12, 18 & 24, lignes d’épaiffeur , dont la diftance entre les 
points d'appui éroit de deux pouces , & j'ai trouve que les poids qu’elles 
ont foutenu, étoient 196, 130, 46, 32 livres , au lieu que fuivant 
la théorie , il auroient dû être de 196, 108, 49, 22 livres. 

L'on voit que la première & la troifième expérience s'accordent affez 
bien avec cette théorie, que la feconde eft de £ trop forte, & la qua- 
trième d’un tiers. 

Pour favoir enfuite fi cette réfiftance étroit en raifon inverfe de la 
longueur, j'ai pris trois morceaux de pierre tendre d'un pouce d’épaif- 


\ 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 417 
feur & d'un pouce de largeur, & j'ai placé les poids à 18 , 24 & 48 
lignes du point d'appui ; ces pierres ont porté 1 , 46 , 41 livres, 
au lieu que fuivant la théorie 4ls auroient dû porter 61, 46, 23 liv. 
le premier poids elt trop fort de +, & le dernier eft trop fort de près 
du double. 

J'ai répété ces expériences fur la pierre dure & fur la pièrre tendre, 
& malgré les précautions que j'ai prifes , je n'ai pu trouver des -réful- 
tats allez uniformes pour pouvoir confirmer , ou pour contredire la théo- 
rie 3 mais comme ces irrégularités proviennent de différens accidens 
qui n’ont pas lieu dans les conftruëlions en grand , je penfe que l’on 
doit toujours regarder comme un principe certain que le poids que peut 
pie une pierre pofée en encorbellement , eft en raifon compofée de fa 

rgeur , du quarré de fa hauteur , & de l'inverfe de la diftance du point 
d'appui aa point où eft appliqué le centre de gravité de la charge. En 
admettant ce principe, il réfultera des expériences précédentes ; 1°. Que 
le plus grand poids que puifle porter un encorbellement de pierre dure 
d'un pied en quarré, & dont la diftance du point d’appui au centre de 
ge de la charge eft d’un pied , feroir de 81216 livres, que le poids 

plus foible feroit de 39168 liv., & le poids moyen de 55728 livres. 
2°. Que par rapport à la pierre tendre, le poids le plus fort feroit de 
14400 liv., le plus foible de 6624 liv. , & le poids moyen de 10080 liv. 

Sur quoi il faut obferver que la tenacité des parties de la pierre n’é- 
tant pas toujours en raifon de leur pefanteur ; il peut arriver qu’une 
pierre dure fort lourde portera moins qu’une pierre tendre & légère : 
j'ai aufli remarqué que les pierres pofées en délit porroient quelque chofe 
de plus que celles qui éroient pofées fur leur lit, & que l’on peut comp- 
tér fur un huitième de plus environ. 

Il réfulce des expériences que j'ai faires en chargeant fur le milieu 
des pierres placées fur deux appuis, que le poidsle plus forr que puille 
porter une pierre dure d’un pied de largeur fur un pied de hauteur, pla- 
cée entre deux appuis éloignés d’un pied l’un de l’autre , eft de 264354 
livres; que le poids le plus foible eft de 173952 livres, & que le poids 
moyen eft de 105632 livres. 

3°. Que le poids le plus fort que puiffe foutenir fa pierre tendre avec 
de pareilles dimenfons , eft de 43100 livres; le poids le -plüs foible de 
34560 livres , & le poidsmoyen de 38592 livres. 

En comparant enfemble le poids moyen que-peut porter chaque efpèce 
de ces deux pierres , on trouve que le rapport de la force de la pierre 
dure à celle de la pierre tendre eft à-peu-près comme $ 5 eft à 1 , ce qui 
eft à-peu-près le mème rapport que j'ai trouvé pour les pierres qui font 
pofées en encorbellement ; fur quoiil faur obferver que les pierres qui 
portent fur deux appuis , portent prefque le double de ce’que portent 
celles qui font pofées en encorbellement lorfqu'ellés' fonñt dé même di- 

1774 NOVEMBRE. FffF2 


412 . OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


menfon , & que Ja diftance de la charge aux points d'appui eft la même : 
j'ai de plus remarqué que la règle de Galilée s’appliquoit avec affez d’exac- 
titude aux réfulrats de ces expériences, parce que je n’ai point ferré les 
extrémités avec des valets; il eft néanmoins probable que fi ces pierres 
avolent été ferrées par leur extrémité , elles auroient porté beaucoup 
davantage, & peut-être un tiers de plus ; comme M. Belindor l’a obfervé 
dans les expériences qu'il a faires fur la force des bois. 

La difhculté de faire de grandes plates-bandes fans y employer beau- 
coup de fer ;. m'a fait naître l’idée d'en rejetter l'effort fur des arcs conf- 
truits au-deflus de ces plates-bandes , en laiffant à ces arcs des clefs 
pendantes pour foutenir des pierres minces qui forment les plafonds, 
ainfi que je l’ai expliqué dans mon Ouvrage fur la conftruction des voü- 


tes & des dômes; & comme j'ai eu occafion de faire conftruire de fort” 


grandes plates-bandes , j'ai cherché à m'affurer du fuccès par plufeurs 
expériences. 

J'ai pris à cet effer des morceaux de pierre de quatre, cinq ou fix 
pouces de longueur & de différentes groffeurs, tanten pierres dures qu’en 
pierres tendres , j'ai ferré ces pierres par leurs extrémités entre deux 
Éraux en plaçant entre les pierres &, les éraux des morceaux de bois où 
de carton, & après avoir attaché au plancher l’un de ces éraux , j'ai fuf- 
pendu au fecond un baflin de balance dans lequel je merrois des poids 
jufqu'à ce que la pierre für caffée ; & comme cette rupture fe faifoir-pref- 
que toujours contre l’un & l’autre étau , j'ai fait fur chaque pierre quatre 
ou cinq épreuves différentes , & j'ai marqué dans la table ci-jointe le 
poids moyen qu'ont porté ces différentes pierres. 


Expériences faites pour rompre des pierres en les tirant felon leur longueur. 


Epaifleur[Largeur| Surface] Poids | Poids moyen| Poids que chaque ligne ; 

de la de la |dela rup-| moyen {que peut por- | quarrée aura porté , en fup- Difé- 

pierre. pierre. |ture. quia été rerchaqueli-| pofant que ce poids eft pro-| rence. 
porté. |gne quarrée. | portionné à la furface. 


Pierres dures. 


1. L. L pou: ff . | one, 

8... 84.1 64ié | 46.fho rt... Lise seesesseeres TT 
Sn... 1142.6|1l96. 5 14h27 eh cedric eee 
8..:..1 16::f128.2 [281.35 2.3, no ON Le 

Pierres tendres. 

Dr] 1e AN Sell ee ebes Here nee ae 5 
Den TS LOG 2e 18e IS Be ee | Se sein ele] : 4teoctecesste-tel le 
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SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 413 


I réfulre de ces expériences que le poids que peuvent porter des pier- 
res par l’adhérence refpettive de leurs parties, eft non-feulement d’au- 
tant plus confidérable que la furface de la rupture eft plus grande, mais 
que cette proportion eft beaucoup plus forte que celle des furfaces 
feules. : 

On feroit mème porté à croire que cette proportion approche du 
quarré des furfaces , c'eft-à dire , que le poids de chaque ligne quarrée 
a porté eft proportionné à la furface totale de la rupture. On voit par 
la table ci-jointe que les différences des réfultats de la cinquième à la 
fixième colonne font peu confidérables , & qu'il y a autant d’expé- 
riences où la proportion eft même plus forte que le quarré , qu'ily ena 
où elle eft moindre. 

Je crois cependant difficile de donner une raifon fatisfaifante pour 
confirmer cette proportion ; à moins que ce ne foit par une raifon ana- 
logue à celle pour laquelle une corde compofée de plufieurs petits cor- 
dons réunis & rordus enfemble , porte davantage que lorfque ces cor- 
dons font féparés, ainfi que l’a prouvé M. Duhamel. Mais je doute 
que la portion du quarré des furfaces fuit celle que lon doive adop- 
ter pour les pierres; fi elle paroïît conforme aux expériences, on peut 
croire que c’elt parce que l’on diminue laforce de la pierre en la ferranc 
entre les éraux, & que cette diminution de force eft d'autant plus 
grande que l’épaifleur & la largeur des pierres eft plus petite. 

Comme ces expériences n’ont été faites que fur des pierres de trois 
pouces quarrés au plus , & que l’on en emploie de beaucoup plus fortes 
pour l’ufage des plates-bandes , on peut fans rien rifquer pour la pra- 
tique , prendre pour principe d'expérience qu’un pouce quarré de pierre 
dure porte 320 livres, conformément à la troifième expérience, & en 
pierre cendre 110 livres, conformément à la feprième ; & comme il eft 
au moins certain que la proportion augmente dans une plus grande rai- 
fon que les furfaces, en prenant feulement le rapport des furfaces fim- 
ples, on trouvera qu’une clef pendante d’un pied cube portera 45 504 liv. 
en pierre dure, & 15840 livres en pierre tendre , ce qui et fufhfanc 
pour faire adopter l’ufage des clefs pendantes dans les plates-bandes , 
puifqu’elles peuvent porter au-moïins 300 pieds cubes par pied quarré fi 
elles font conftruices en pierre dure, & 100 pieds cubes fi elles fonc 
conftruites en pierre tendre , & qu’il n’eft jamais néceflaire de leur faire 
porter plus de cinq à fix pieds cubes au plus. 

Comme il peur arriver que la longueur de la pierre influe fur le poids 
qu’elle peut porter , j'ai examiné dans les expériences qui ont crée faites 
en plaçant les éraux à différentes diftances, fi les effers fuivoient quel- 
que loi relative à ces diftances ; mais je n’ai rien trouvé qui puille con- 
firmer cette opinion :.il eft vrai que cette confidération , qui doit néan- 
moins avoir lieu dans la pratique , ne peut guère ètreapperçue dans des 

1774 NOVEMBRE, 


414 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


expériences où l'on n’a pas employé des poids plus forts que trois cent 
livres, & où les pierres éroient trop petites pour que les caufes étran- 
gères , beaucoup plus fenfibles pour de petites pierres que pour des 
groffes , donnent toujours beaucoup d'irrégularités dans Les réfulrats. 


Conclufion. 


Il réfulre de toutes les expériences que j'ai faites fur la force des pier- 
res ; 1°. que Le pied cube de pierre dure porte avant que d’être écrafé 
63552 livres, & le pied cube de pierre tendre 248832 livres ; le rap- 
port de la force de ces deux efpèces de pierres eft donc comme 25 eft 
avt 

20. Que le pied cube de pierre dure pofée en encorbellement , & fai- 
fanc faillie d’un pied , porte 55728 livres , & le pied cube de pierre 
tendre 10980 livres ; le rapport de la force de ces deux pierres eft dans 
ce cas comme $+ eft à 1. 

3°. Que le pied cube de pierre dure dont les appuis font éloignés d’un 
pied , porte kr fon milieu 205632 livres, & le pied cube de pierre 
tendre 38592 livres ; le rapport de la force de ces deux pierres eft alors 
comme s+eftàr. 

4°. Enfin , que le pied cube de pierre dure qui eft tiré dans ce fens de 
fa longueur porte au - moins 45 oc livres , & le pied cube de pierre 
tendre 1ÿ8solivres, & que le rapport de la force de ces deux pierres eft 
comme 2}à1. 


MoÉ OM OUTRE 


Sur fa manière de rendre la préparation du Mortier-Loriot 
moins dangereufe , plus économique & plus sûre ; 


Préfenté à l’Académie de Dijon , le 11 Août 1774. 
Par M. DE MoORVE AU. 


M. LortoTn'eft pas le premier qui ait propofé de mêler une por- 
tion de chaux vive au mortier ordinaire ; mais 1l a l’avantage d’avoir le 
premier publié cette méthode en France , de l'avoir annoncée avec des 
promeffes fondées fur des épreuves-pratiques capables d’éveiller latten-. 
tion & d’infpirer la confiance : or, il eft certain que c'eft le plus fou- 
vent à ce dernierpas que tient l'utilité des découvertes ; elles reftent dans 
les livres , comme des tréfors ignorés que mille gens touchent, fans en 


/ 


SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 415 


connoître le prix; &commec’eft celui qui nous met en poffeflion qui 
mérite notre reconnoiflance , il n’eft pas étonnant que fon nom fe con- 
fonde dans la mémoire des hommes avec l’idce de fon invention, de 
manière à lui aflurer la gloire de tout ce que le:tems pourra y ajouter, 

M. Macquer lut à l'Académie des Sciences en 1747, un Mémoire 
fur le plâtre ; & dans le nombre des expériences qu’il rapporte, pour 
prouver que le gonflement de cette fubitance eft dû à plufieurs de fes 
parties qui s’éreignent après-coup , il indique le mélange d’une partie de 
chaux vive pulvérifée , avec le mortier ordinaire qui eft également fuf= 
ceptible de gonfler , à proportion de la quantité de chaux ajoutée , & fui- 
vant qu’elle eft plus ou moins vive. À la vérité, ce Savant n’en tireaucune 
conféquence par rapport à l’ufage de ce mélange dans les conftructions , 
& je me garderai bien de le laïffer penfer ; il a trop à lui pour fouffrin 
qu'on lui faffe honneur de ce qui ne lui appartient pas ; fon travail avoit 
un objet tout différent ; il paroît même qu’il n’examina pas la folidité 
de cette préparation , puifqu'il jugeoit que le gonflement devoit altérer 
l’adhérence des parties, produire des vuides, diminuer la dureté, 
tandis que le mortier employé avec partie de chaux vive , devient non- 
feulement plus dur que le plâtre, mais encore beaucoup plus que le 
mortier ordinaire : or , de ce fait bien conftaté , je ferois fort portéa 
conclure que le gonfement à un certain degré & avec certaines con- 
ditions , augmente réellement la folidité, non que je fuppofe que le: 
volume puille devenir plas confidérable fans que la denfité diminue, 
mais parce qu'il s’en faut beaucoup que ni la folidité nila dureté , fui 
vent conftamment le rapport de la pefanteur fpécifique , & que ces deux 
qualités paroiflent bien plutôt dépendre de l’arrangement que prennent 
les parties en paffant de la diffolution à la concrétion , & qui produit: 
plus ou moins d’adhérence. Dans cette hypothèfe , l’action expanfñve> 
des parties qui s’éteignent, fe trouvant rellerrée dans-un efpace déter- 
mine, par la réfiftance des parties environnantes; & agiffant en même- 
tems fur ces parties , encore aflez liquides pour fe mouler exactement, 
il eft évident que fi l'augmentation de volume total n'eft pas propor- 
tionnelle à la fomme des efforts d’expanfion, c’eft que l’excédent de 
cette action s’eft: porté fur la compofition intérieure, .c'eft qu'en preffant 
fes molécules , elle a multiplié néceffairement les points de contat : 
l'action fimultanée de la chaux vive fur l’eau qui délayoit ces molécu- 
les, a encore déterminé leur rapprochement ; enfin certe eau qui, dans 
le mortier ordinaire , fe feroit-évaporée pour la plus grande partie , eft 
ici abforbée & retenue, par la chaux vive , de mamière à ne la laiffer: 
aller qu’à une nouvelle calcination. Ceux qui font un peu verfés dans la 
Chymie, favent bien que l'eau ainfi fixée par l'afhnité, ne peut nuire à 
la folidiré ; 8& il fuffira d’ebferver aux autres que l’eau entre dans la 
compoftion du marbre , comme dans les cryftaux des fels. 

1774. NOVEMBRE. 


416 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


I ne fera pas inutile d'obferveren pallant, que cette explication toute 
fimple s'accorde très-bien avecroutes les conditions d’une bonne prépa- 
ration du Mortier de M. Lorior. c 

10. Il faut que la chaux vive foit réduite en poudre tiès-fine ; fans 
cela , l’aétion expanfive feroit trop puiffante ; le gonflement deviendroit 
trop confidérable. J'ai vujun enduit de dix lignes d’épaifleur , fe bom- 
ber en moins de deux minutes, de 4 pouces, fur deux pieds de lon- 
gueur, parce que la chaux n’étoit pas aflez pulvérifée; le frottement ne 
permettant pas une expanfon parallèle au mur , tout l'effort fe porta en 
avant. 

20, Les partiés de chaux vive doivent y ètre diftribuées également , & 
dans une proportion avec la qualité abforbante de cette chaux: 
n’y en a-t-il pas allez , ou n’eft-elle pas affez vive? l'effet manque , il y 
a plus de mélange que de combinaifon ; c’eft un mortier qui n’eft plus 
travaillé par l'ai , qui contient une quantité d'eau furabondante, 
dont l'évaporation laiffera des interftices. Ÿ en a-t-il crop, ou la chaux 
eft-elle trop vive ? la defficarion des parties voifines eft fubite , leur 
déplacement n’eft plus fuccefif, elles font violemment heurtées par 
le mouvement expanff ; & au-lieu de les arranger , il les brife , comme 
quand on remanie du mortier trop fec : aufli ai-je conftamment obfervé 
que dans ces circonftances , ce niortier étoit friable , & s’écachoit facile- 
ment, même après le refroidiffement, 

30. On doit obferver & failir le moment de mettre en œuvre cette 
préparation , peut-être avec plus d’exaétitude encore que pour le plâtre : 
en rendant ce mortier plus liquide avant que d’y mêler la chaux vive , 
on peut empècher qu'il ne prenneaufli promprement , mais c’eft roujours 
aux dépens de la folidité ; la chaux fe fature d’eau , elle fair tout fon 
effet dans l’auge de l’ouvrier ; ilcroit employer le mortier de M. Lorior, 
& ce n’eft plus qu'un mortier ordinaire, où l’on a mis une nouvelle 
portion de chaux éteinte; il faut le prendre dans l’inftant précis où il 
ne refte plus aflez d'action à-la chaux vive pour changer fenfiblement 
fes dimenfions fous la truelle, où il lui en refte affez pour opérer un 
mouvement intérieur qui fe mette en équilibre avec la tenacité du 
mélange : c’eft dans ce jufte milieu qu'il acquiert la confiftance néceffaire 
quand il a été convenablement délayé ; & je me fuis bien convaincu 
que c’eft de-là que dépend conftamment le fuccès. 

Je ferai connoître dans un inftant la méthode qui me paroît la plus 
sûre, la plus économique , pour remplir toutes ces conditions ; mais 
j'ai promis d'indiquer auparavant tous les Ouvrages qui font venus à 


ma counoiflance , & où il eft parlé de l'ufage de la chaux vive, & je 


rapporterai à ce fujet une notice qui m'a été communiquée par une 
Dame dont les amufemens ne fe bornent pas aux fleurs de la Littéra- 
ture , 


eat 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 417 


ture, & qui à déja fait paffer en notre Langue un morceau intéreflanc 
d'Hiftoire Naturelle. Cette notice eft tirée d’un Journal Anglois qui a 
pour titre: The annual Regifler , &c. pour l’année 1771 , imprimé à Lon- 
dres en 1772. ( page 121 , feconde Partie ). En voici la traduction. 

» Méchode pour faire un mortier impénétrable à l'humidité, par M. 
» Doflier , fecond Volume des Mémoires d'Agriculture «. 

» Prenez de la chaux non éteinte & du fable fin , dans la proportion 
» d’une partie de chaux fur trois parties de fable, autant qu'un ouvrier 
» peut en travailler en une fois ; en ajoutant l'eau par degré, mêlez 
» le tout jufqu'à ce qu'il foit réduit à la confiftance de mortier ; em- 
» ployez le pendant qu’il eft chaud , comme on emploie le mortier & 
» e ciment , fur la brique, la pierre ou le plâtre dont vous voulez en- 
» duire la furface : il fermente pendant quelques jours dans les lieux 
» fecs, & devient enfuire dur & folide ; dans un lieu humide, il fera 
» trois femaines & plus fans s’affermir , mais il acquerra à la longue 
» de la dureté : il fe confervera comme la pierre , & réfiftera à l’humi- 
» dité , quand même il feroit continuellement baigné par les eaux «. 

» Pour la perfection de ce mortier, il faut que les matières foient 
» bien mèlces , & appliquées tout de fuite; c’eft pourquoi on doit em- 
» ployer cinq ouvriers à le préparer pour le fournir à celui qui met en 
» Œuvre «, 

» M. Doffier rapporte que cette méthode a été trouvée par un Gentil- 
» homme de Newcaftle, dont la maifon fituée au bas d’une montagne, 
» & en partie creufée dans le-roc, étoit fort incommodée par les 
» eaux; qu'il n’étoit parvenu à s’en garantir que par ce mortier qui avoir 
» enfin rempli fon objet , & qui éoit devenu fi tenace & fi ferme, qu'il 
» avoit été porté à croire que c’étoit en effet la compolition du mortier 
» des anciens «, 

Ce procédé indique , comme l’on voit, l'ufage de la chaux vive; mais 
il ajoute bien peu de chofe à la pratique connue de tout temps, & gé- 
néralement répandue, de faire un ciment de briques pilées & de chaux 
vive , pour enduire les murs expofés à l'humidité ; il fubftitue le fable 
à la brique pilée , ce qui me paroïît indifférent, lorfque celle - ci a 
été fuffifamment cuite & pulvérifée au même point; & l’on ne peut 
attribuer le bon effet que l’on a obfervé, qu’à l'attention que l’on 
a eu d'employer ce ciment avec la plus grande célérité , condition trop 
négligée jufqu’à préfent par les ouvriers qui n’en fentoient pas l’impor- 
tance , condition prefqu'impofñfble lorfqu’on fe fert de la chaux vive en 
pierre , parce que ne fe divifant qu’à mefure qu’elle fufe , elle s’éreinc 
néceffairement , pour la plus grande partie, avant que l’on ait achevéde 
la mêler. Au-refte , j'ai fair plufieurs effais fuivant cette recetre, c’eft-à- 
dire , en employant fimplement la chaux vive pulvérifce & le fable; & 
j'ai conftamment obfervé,par la comparaifon, que la méthode de M. Lo- 


Tome IV', Parc. V, 1774 NOVEMBRE. Ggg 


«18 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, . 


riot éroit fupérieure ; ainf, quand il auroit eu connoiffance de celle de M, 
Doflier , on ne lui doit pas moins de reconnoiffance d’avoir donné cer 
objer toute l'attention qu'il méritoit, d’avoir combiné une nouvelle 
compofition dans des vues plus étendues , d’après des reckerches & des 
expériences multipliées , de l'avoir enfin foumife à quelques principes, 
feul moyen d’en affurer l'effet contre les écarts infenfibles de la routine. 

Mais , puifque nous fommes aujourd’hui en poffeflion de la compofi- 
tion de ce mortier, les moyens d’en rendre la préparation moins dange- 
reufe , plus économique & plus sûre , ne peuvent être indifférents ; or, 
celui que je propofe réunit tous ces avantages : il confifte à laiffer érein- 
drela chaux à l’air libre , en lieu couvert , jufqu’à ce qu’elle foit tombée 
en farine ou pouflière impalpable , à la recalciner enfuite , à mefure que 
l’on en a befoin, dans un petit four fait exprès avec des briques. 

19. Je dis que certe préparation fera bien rroins dangereufe : c’eft le 
danger auquel font expotés les ouvriers en pilant la chaux vive qui m'a 
fait naître cette idée. Chargé de veiller aux conftruétions ordonnées par 
l’Académie, dans l’hôcel qu'elle a acquis , je jugeai que ce feroit entrer 
dans fes vues que de faifir l’occañon de faire en cette ville la première 
épreuve du mortier de M. Loriot dont le Mémoire venoit de paroïtre: 
on en formalechamp demi-circulaire où devoit être placée l'infcription 
au-deffus de la porte principale , & les deux ouvriers employés à pul- 
vérifer la petite quantité de chaux qui étoir néceffaire, ne purent ache- 
ver cette opération, fans que le fang les prit au nez très-abondamment. 
Le danger n’eft pas moins confidérable , lorfqu'’il faut bluter ou tamifer 
cette chaux ; le mouvement volatilife les parties les plus fubriles; & tous 
ceux qui ont quelquefois manié de la chaux vive en poudre , favent bien 
qu'il en émane une forte odeur nauféabonde , aufli incommode que 
imalfaifante : j'en ai éprouvé par moi-même les effets dans mes différen- 
tés préparations d'expériences. Que l’on ne dife pas que les ouvriers 
pourront fe couvrir la bouche , comme il fe pratique dans les ateliers 
où cette opération fe repète habituellement ; cela n’y remèdie qu'impar- 
faitemenr, & même d’une manière qui rend le travail plus pénible, 
puifque l'on ne prévient l’afpiration des parties fubriles de la chaux , 
qu’en gènant confidérablement la refpiration. L'humanité ne permettra 
donc pas de les laiffer expofés aux fuites de cette manœuvre , dès qu’on 
pourra remplir autrement le même objer. 

2°, Je dis que la préparation fera plus économique : le prix des ouvra- 
ges les plus grolliers n’eft pas feulement en proportion du tems & de 
la force qu'ils exigent , il faut mettre en ligne de compte ce qu'ils ont 
de défagréable , de rebutant , & à plus forte raifon , de dangereux ; & 
fi l'on ne trouve des manœuvres pour piler le plâtre dont les émanarions 
font bien moins nuifibles , qu'au moyen d’une augmentation de falai- 
res; que fera-ce lorfqu'il faudra pulvérifer & tamifer de la chaux vive ? 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. Èto 


mais je puis négliger cet article, & par un tableau comparé de la dé- 
penfe des deux mérhodes , démontrer aifément l'avantage de celle que 
je propofe. 

Suppofons que l’on aitbefoin d’un muid de chaux vive en poudre, 
c’eft tout ce que pourront faire dans une journée huit hommes vigou- 
reux, exercés à ce genre de travail, mème en admettant qu'il puifle 
être continu , que de la pulvérifer & de la paffer au tamis ou au bluteau : 
fi la chaux eft récente , elle a prefque la dureté de la pierre mème; fi 
fes parties ont éprouvé un commencement de défunion par l’aétion de 
l'air , elle fera d’aurant plus foible, il faudra en augmenter la dofe dans 
la compofrion du mortier ; il n’y aura dès- lors, rien à gagner pour l'é- 
conomie : mettons donc hardiment & au plus petit pied 10 livres de dé- 
penfe , à raifon de 25 fols par homme , pour la préparation d’un muid 
de chaux vive. 

Pour préparer à ma manière la même quantité , il faut au plus un 
travail de fix heures d’un feul ouvrier , & le quart d’une corde de bois 
( la corde de bois de 4 pieds de haut , de 8 pieds de couche, de 3 pieds 
6 pouces de longueur ) ou l'équivalent en fagotage ; or , il eft évident 
que ces deux objets réunis ne peuvent monter à 10 livres en quelque 
pays que ce foit : voici en quoi confifte toute l'opération. 

On commencera par conitruire un four à-peu près dans la forme des 
fours de fonderie , ou plutôt des fours à fritte; (on peut confulrer à ce 
fujet l'explication des planches de l'Encyclopédie , articles Forges & Ma- 
nufaëlure de glaces) ce four peut être de telle grandeur que l’on jugera 
convenable par rapport à la confommation de chaux vive ; mais comme 
c’eft une matière dont on ne doit pas faire provifion , & que le four 
une fois échauffé, exige moitié moins de bois pour les fournées 
fucceflives ; il y aura de l’avanrage à le tenir dans de moindres dimen- 
fions. Pour le conftruire dans une proportion moyenne & commode, je 
lui donnerois 4 pieds de long , 2 pieds de large, & 1 pied de haut , de 
forme ovale ou elliptique , ouvert à fes deux extrémités : l'une de ces 
ouvertures ferviroit à la commnnication de la Aamme de la roquerie ou 
du tifard ; l’autre feroit la bouche du four par laquelle la flamme s’échap- 
peroit dans la hotte de la cheminée, après avoir circulé dans l’intérieur ; 
c’eft par-là que l'ouvrier introduira la chaux éreinte , la remuera avec un 
rable , & la retirera lorfqu’elle fera fuffifamment calcince. 

On fent bien que pour la commodité de l’ouvrier, l'aire du four doit 
être à la hauteur d’environ 3 pieds +, & que le tifard doit être placé 
parallèlement ou au moins en retour, afin que le coup de vent qui ferc 
à entretenir le feu, n'imprime pas à la flamme un mouvement trop ra- 
pide : ce tifard deftiné à recevoir le bois , pourra avoir 2 pieds de lon- 
gueur, 1 pied de largeur , & 18 pouces de haut ; terminé au-deffus par 


1774 NOVEMBRE. Ggg 2 


aùe OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


une voûte en briques , en bas par une grille pofée à 10 pouces au-deffous 
de l'aire du four , & un cendrier fous certe grille (1). 

Le four ainf difpofé, l’ouvrier aura fous fa main une grande caiffe 
remplie de chaux que l’on aura laïlfé éteindre à l'air , dont on aura féparé 
avec un rateau les pierres qui n’auroient pas fufé ; il en jettera dans le 
four environ 2 pieds cubes, il pouffera le feu jufqu'à ce qu'elle foit 
rouge , ayant foin de l'étendre & la rerourner de tems à autre, avec un 
rable à long manche , pour rendre la calcination plus égale & plus 
prompte : cette portion calcinée , il la ramenera avec fon rable, il la fera 
tomber ou fur le pavé, ou dans une caiffe de rôle , & procédera de 
même pour les fournées fucceflives , dont la durée ne peur ètre de plus 
d’une heure & demie pour chacune. 

On ne manquera pas d’oppofer que la conftruétion de ce four aug- 
mentera la dépenfe : mais la réponfe eft facile ; elle eft fondée fur les 
vrais principes de l'économie dans les arts, qui compte pour beaucoup 
la diminution d’une dépenfe qui fe répète au moyen de quelques avan- 
ces une fois faites : enviton un demi millier de briques , deux tom- 
bereaux d’argille , & quelques barreaux de fer pour la grille du tifard, 
voilà rout ce qu'il faut pour conftruire un four , rel qu'il eft ci-deflus 
décrit ; encore peut-on retrancher une partie des briques , en plaçant 
l'aire du four fur un mañlif de moëllons , en bâtiflant en pierres le cen- 
drier du tifard. Pour peu que l’entreprife foit confidérable , ces frais 
fe répartiront fur tant de fournées, qu'ils ne formeront plus un objet ; 
& il eft aifé de prévoir que le bénéfice de cette répartition deviendra 
plus général, à mefure que l'ufage de ce mortier fera plus familier, 
parce que les Entrepreneurs établiront chez eux des fours pour cette 
préparation, comme les Plâtriers pour la cuiffon du plâtre. 

3°. Je dis que la préparation fera plus sûre , & c’eft ici un article im- 
portant. On a vu que tout dépendoit de la jufte proportion & de la qua- 
lité de la chaux vive ajoutée ; c’eft la conféquence de la théorie que j'ai 
développée au commencement de ce Mémoire : M. Loriot infifte avec 
raifon fur la néceflité d’avoir continuellement de la chaux nouvelle : il 
defire qu’on établifle à cer effet, dans les travaux fuivis & en grand, 
{ page 33 de fon Mémoire ) des fours à chaux comme ceux que l’on voit 
aux environs de Chartres où l’on ftratifie la pierre concaflée avec des lits 
de charbon : il a bien fenti que l'augmentation de la proportion de chaux 
vive, pour fuppléer à la qualité, n’éroir qu'un remède infidèle , un tä- 


D —— 


(x) L'Académie qui fe propofe d'employer le mortier-Loriot pour garantir de Ja 
filtration des eaux plufieurs voûtes qui font fous le pavé de fa cour, vient de faire 
conftruire un four fur ce plan. On y a fair feulement quelques changemens , pour en 
érendre par la fuire l'ufage au fervice de fon laboratoire. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4n 


tonnement fujer à mille incertitudes ; & quand on feroit sûr de retrou- 
ver toujours exaétement la même fomme de parties abforbantes , en 
variant les dofes , je ne croirois pas encore que cela fût entièrement 
indifférent, du-moins à un certain point, parce que la préfence d'une 
certaine portion de chaux qui n’eft ni vive ni fondue > qui n'eft plus 
que de la pouflière de pierre, change nécellairement la diftribution des 
parties compofantes ; d’où je conclus, d’après M. Loriot lui-même , 
que fes vues ne peuvent être bien remplies que par la méthode que je 
propofe, & que fi l'idée lui en für venue, il l'auroir infailiblement 
préférée à celle qu'il indique, comme beaucoup moins coût-ufe , d'une 
application plus facile à toutes fortes de travaux , d'une pratique plus 
commode pour fournir de moment en moment, & épargnaut enfin deux 
opérations à la-fois pénibles & dangereufes, la pulvérilarion & le blu- 
tage. ‘ 

La Chymie eft actuellement trop répandue , pour qu'il foit befoin 
d'établir que la chaux éteinte à l'air , & calcinée de nouveau, redevient 
chaux vive, & a la même force à la dernière calcination qu'à la première, 
fi le feu a été poulfé au même degré; quoique les Phyficiens ne foienc 
pas, à beaucoup près, d'accord fur la queftion de favoir ce qui conf- 
titue la chaux vive, il n’en eft point qui ne convienne qu’à la différence 
du gyps, la pierre calcaire eft roujous fufceprible de former de la chaux 
vive de mème qualité, quelques changemens que l’on lui air fucceffi- 
vement fait éprouver par la calcination & l’extinétion (1). Ceux qui en 
douteront, pourront confulter les expériences de M. Duhamel , ( Mém. 
de l'Acad. R. des Sc. ann. 1747, page 50.) Je puis auf citer les mien- 
nes; car on juge bien que quelque convaincu que je fuile de certe théo- 
rie, je ne me fuis pas décidé à publier cette méthode, avant d’en avoir 
fait l'épreuve, ne fut-ce que pour obferver les progrès , les conditions , 
les accidens de l'opération , où même pour avoir des faits à offrir à ceux 
fur qui ils font plus d'imprefhon que les principes. 

J'ai donc pris à différentes fois de la chaux que j’avois laiflé éteindre 
à l'air, jufqu'à ce qu’elle fût réduite en pouflière impalpable; je l'ai 
placée fous la mouffle d’un fourneau de coupelle , & en la remuant avec 
un crochet de fer, je l’ai reviviñiée en l’étar de chaux vive; c’eft avec 
cette chaux que j'ai préparé tous mes eflais : le petit vafe cylindrique 
que je mers fous les yeux de l'Académie , eft formé d'une partie de cette 
chaux mélée à fec avec trois parties de fable de Bretigny , dont on fe 
fert à la Manufacture des glaces pour drefler les coupes fur le rondeau : 


(1) Dans les pays où l'on amène la chaux de très-loin, & où par conféquent le fable 
eft de pure rerre vicrifiable, il y auroit peut-être de l'économie à faire calciner les 
vieux mortiers ; & dans ce cas on ne doit pas héfiter d'y introduire cer ufage. 


1774 NOVEMBRE, 


f 


41% OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 

le mêlange fait, j'y ai ajouté une partie de chaux fondue que j'ai dé= 
layée fur-le-champ avec fufhifante quantité d’eau : il s’en faut beaucoup 
que le mottier de ce vafe qui n’a pas encore fix jours , ait acquis toure 
fa dureté ; cependant il s’eft féché fans fe gercer , fans prendre de re 
traite, & tient l’eau; c'en eft affez pour prouver qu'il remplit toutes 
les conditions du mortier de M. Loriot. S'il eft toujours eflentiel que 
ce mortier foit folide & compacte, il n’eft pas moins important, en plu- 
fieurs circonftances , qu’il adhère fortememt aux matières qu’il doit en lier 
ou revêtir; pour l'elfayer fous ce point de vue, j'ai réuni par une 
couche du mêlange ci-deflus , deux portions de pierres ou de briques 
de forme régulière : plufieurs de ces effais ont été placés dans l’eau pour: 
y examiner les progrès de leur concrétion , d’autres laïffés à l'air, quel- 
ques-uns chargés à différens degrés pour obferver l’effer du taflement; 
ces épreuves ne font pas encore affez avancées pour en comparer les ré- 
faltats; mais je puis affurer qu’en eftimant la force de ce mortier d’a- 
près le calcul des furfaces , & la quantité de poids néceffaire pour défunir 
les briques, on apperçoit déja une différence très-fenfible avec le mor- 
tier ordinaire. 

Il me refte à prévenir une dernière obje@tion : on dira peut-être que, 
faivant ma méthode, la chaux étant toujours en poudre, il ne fera plus 
poñlible de juger des progrès de fon exrinétion pour dofer en confé- 
quence, & que le travail de la calcination étant néceffairement aban- 
donné à des ouvriers peu intelligens , il y aura fouvent à craindre que 
la chaux ne foit pas revivifiée à un degré convenable ; je réponds d'a- 
bord que cette connoïffance/imparfaite du progrès de l'extinétion de- 
viendra inutile, puifqu'on ne préparera la chaux vive qu’à fur & mefure 
du befoin, qu'ainfi.elle fera toujours dans faiplus grande force; & c’elt 
un avantage que l’on nelpeut fe procurer par aucun autre procédé. Pour 
ce qui eft de la feconde partie de l’objeétion , j'avouerai que ce feroit 
un très-grand inconvénient que l’on füt obligé de s’en rapporter fur un 
article aufli important au tâtonnement des ouvriers; mais je puis leur 
tracer une règle fi fimple & fi sûre, que le moins habile fera en état 
de juger du premier coup, du fuccès de fon opération : elle confifte à 
ramener la chaux éteinte au même poids qu’elle avoit avant l’extinétion : 
ainfi, ayanc pefé, par exemple, 180 livrés de chaux vive en pierre, & 
avant toute extinction, ce qui fait à-peu-près deux pieds cubes d’une 
bonne pierre dure bien calcinée, on la laiffera fufer féparément, & 
quand elle fera bien réduite en poudre , on la portera au four pour la 
recalciner , jufqu’à ce qu’elle ait perdu tout le poids qu’elle avoit ac- 
quis, & qui fera d'environ 6o livres : il n’eft point de Manœuvre qui, 
après avoir vu une ou deux fournées pareilles, n’acquiert l'habitude de 
connoître fans le fecours de la balance, par la couleur de la chaux, 
par la durée & Paétiviré du feu qu’elle aura éprouvé, quand la calci- 


ne. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 413 


nation fera à fon point; les petites erreurs qu'il pourra commettre en 
plus ou en moins, ne feront pas même comparables aux variations de 
degré de cuiffon des pierres qui fortent des grands fourneaux , foit par 
rapport à l’état de l'air, foit par rapport à leur pofition refpective, & 
que l’on eft bien forcé de négliger. 


P.S, Depuis la lecture de ce Mémoire, j'ai vu dans le Mercure 
d’Août une Lettre de M. Patte, qui contient des détails très-inftruc- 
tifs fur la manière de préparer & d'employer ce mortier , fuivant le 
procédé de M. Loriot ; & dans le Journal de Phyfique du mème mois, 
des réflexions de M. de la Jaumariere , fur les moyens d’eftimer la fo- 
lidité des différentes compolitions de ce mortier: ces deux ouvrages 
prouvent de plus en plus toute l'importance de la matière; & comme 
je la confidère fous un point de vue abfolument différent , je puis efpé- 
rer que l’on verra avec quelque intérèt la nouvelle méchode que je 
propofe. 


Je fouffigné certifie que MM. les Commiffaires nommés par la déli- 
bération du 1 1 de ce mois, pour l'examen de ce Mémoire, m'ont remis 
leur rapport dans lequel ils font d’avis que M. de Morveau peut faire 
imprimer cer Ouvrage , & y prendre le titre d’Académicien. À Dijon, 
ce 31 Août 17-4. ! 

MARET, Sécrétaire perpétuel de l’Académie. 


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1774 NOVEMBRE, 


424 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


# 


NOUVELLES LITTÉRAIRES. 


T' ABLE ou Diëfionnaire des Articles contenus dans les Volumes de 
L Académie Royale des Sciences de Paris depuis fon établiffement en 1666 
jufqu’en 1770, dans ceux des Arts & Métiers ; publiés par cette Acadé- 
mie, & dans la Colleëtion académique : Ouvrage publié pat foufcription 
dans les premiers jours du moïs de Mai 1774: 


Le premier volume de cette Table paroîtra le 10 du mois de Décem- 
bre prochain; & Meflieurs les Soufcripteurs font priés de faire incef_ 
famment retirer leurs Exemplaires, chez l’Auteur, place & quarré 
Sainte-Geneviève. On avoit annoncé, en publiant le Profpeëtus de cet 
Ouvrage, qu'il n’auroit que deux volumes pour lefquels Mefieurs les 
Soufcripteurs payeroient 14 livrés, & qu’on n'en tireroit que le nombre 
d’Exemplaires demandés par eux; deux conditions qu'il n'a pas été 
poffible de tenir. 

Il n’eft point fait mention dans le Profpettus, de la Table des Arts 
& Métiers. On a cru devoir l’y ajouter , pour completter l'Ouvrage , & 
on avoir calculé fur une impreflion plus ferrée ; mais, comme la juftifica- 
tion de la page eft fort grande , les caractères ferrés, le coup d'œil en 
eft devenu défagréable, & la vue fariguoit beaucoup pour fuivre la lon- 
gueur deslignes. Ce motif a déterminé à laiffer plus de blanc, & l’aug- 
mentation de la Table des Arts a porté cet Ouvrage à quatre volumes. 

En retirant le premier volume à l’époque fixée, Meflieurs les Souf- 
cripteurs paieront 12 livres , pareille lomme en retirant le fecond au 
premier Février 1775, @ livres pour le troifième au premier Mai; & ils 
recevront gracis le quatrième volume au premier Août; cependant, fi 
Meffieurs les Soufcripreurs trouvoient mauvais la petite augmentation de 
6 livres pour les deux volumes dont il n’eft pas parlé dans le Profpec- 
tus, on leur rendra la foumiflion qu’ils avoient envoyée. 

Cette augmentation de volume a doublé la dépenfe de l'imprefion; il 
a donc fallu, pour couvrir tous les frais, tirer quelques Exemplaires fur- 
numéraires, qu'on trouvera chez Ruault, Libraire , rue de la Harpe, où 
il fera payé 48 livres par Exemplaire. 

Quelques perfonnes ont repréfenré qu’elles ne pouvoient fe réfoudre 
à faire la Table des volumes qui paroïtront à l'avenir. Nous nous enga- 
geons à donner à la fin de chaque année , & au prix de l'impreffion , des 
Feuilles détachées, contenantes la Table des Articles des volumes qui auront 
paru dans l'année. On n'aura plus que la peine de les tranfcrire ee 

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SUR L'HIST. NATURELLE ETLFS ARTS. 415 


Table générale. Nous prions ceux qui defireront ces Feuilles, d'avoir la 
bonté de nous prévenir de bonne heure, afin de ne pas nous engager 
dans une dépenfe inutile. É 

Le Profpectus diftribué dans le rems a fait connoître l’utilité de cette 
Table. C’eft au Public à juger aétuellementc fi le but eft rempli. Nous 
nous contenterons de dire, & nous difons avec confiance que l'édition eft 
de la plus grande beauté , qu’elle fait honneur à la preffe de M.Cloufier, 
& qu'elle peut aller de pair avec les plus belles éditions connues; que 
l'indication des Mémoires, des volumes & des pages , eft dela plus grande 
exactitude , puifque chaque article a été vérifié de nouveau fur le volume 
original , en corrigeant les épreuves. 


Hifloire de l’Académie Royale des Sciences 1771, avec lés Mémoires 
de Mathématique & de Phyfique pour la mème année. De l’Imprimerie 
Royale, 1774. 


Colleëlion académique , Partie étrangère, rome XII, & IIIe volume des 
Mémoire de l’Académie de Berlin ; par M. Paul. ‘A Paris, Hôtel de 
Thou. 1774. 


Connoif[ance des veines de Houille ou charbon de terre ; & leur exploi- 
tation dans la mine qui les contient , avec l’origine des fontaines € des 
ruiffeaux , des rivières & des fleuves ; Ouvrage enrichi de planches 
gravées en taille-douce , où l’on mer fous les yeux tour le détail des 
Houillières ; & une table du cours des principaux fleuves des quatre par- 
ties du monde connu; avec le niveau de leurs fources au-deflus du 
niveau de [a mer, ou la hauteur de la pente qui procure l'écoulement 
de ces fleuves, depuis leur fource dans les chaînes immenfes des mon- 
tagnes où élévations du Continent , répandues fur la furface de la Terre, 
jufqu’à l'embouchure des fleuves dans les différentes Mers où ils fe por- 
tent; par M. GENN&TÉ, premier Phyficien de feue Sa Majefté Impériale. 
À Nancy, chez Jean Baptifte-Hyacinthe Leclerc, Imprimeur-Libraire. 
1 vol. ër-8°. 1774. 

Ce titre détaillé donne l’idée précife de tout ce qui eft contenu dans 
cet Ouvrage bien fait, très-mérhodique & rempli de recherches curieufes 
&utiles. Nous ferons connoître dans le Cahier fuivant la Table , ou plu- 
tôt Le Tableau dont il vient d’être parlé, 


Abrécé du Cours complet de Mathématiques , où Précis d? Mathéma- 
tiques , à la portée de tout le monde, à l’ufage des Colléges & Penfons; 
Ouvrage deftiné à l'inftruction des enfans du plus bas âge & de ceux qui 
mayant pas le fecours d’un Maître de Mathématiques , veulent s'initier 
dans cette Science en pèu de tems & fans beaucoup de peine , avec des 
figures; par M. l'Abbé SAurr, ancien Profeffeur de Philofophie en 
L'Univorhté de Montpellier. A Paris, chez Ruault, Libraire, rue de la 


Tome IV, Par, V. 3774. NOVEMBRE, Hhh 


46 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Harpe. 1 vol. in-12 de 128 pages. Prix 38 fols broché , franc de port par 
tout le Royaume, C’eft un vrai livre claflique & élémentaire. 


Elémens d’ Algèbre, par M. Léonard Eurer, traduits de l’ Allemand , 
par M. BerNouzLi, avec des notes & des additions , 2 vol. in-8®. 1774. 
À Paris, chez la Veuve Defainr. Les noms de l’Auteur & du Fraduc- 
teur répondent de la bonté de cer Ouvrage qui fut publié en Allemand , 
U y a environ quatre ans, par l’Académie des Sciences de Saint-Pérers- 

ourg. 


Elémens de Gécmétrie- Pratique, par M. Duruy fils, Aide-Profef- 
feur aux Ecoles Royales d’Artillerie de Grenoble, & Profeffeur Royal en 
furvivance. À Grenoble, chez Bretre, Libraire. 2 vol. ir-8°. en tout de 
682 pages avec feize gravures. Ces élémens font le plus grand honneur 
à M. Dupuy, foit par la clarté avec laquelle les objets font préfentés, 
foit par la méthode qu'il a fuivie. 


Specimina Phyficæ, &c. Effais de Phyfique ; par M. Charles Bar- 
LETTI, des Ecoles pies. À Milan , chez Galeari, Libraire. 1 vol. ir-8°. de 
184 pages. L’équité qu’on a droit d’attendre de nous, ne nous permet 
pas de refufer à cet Ouvrage les juftes éloges qu’il mérite. On doit le 
regarder comme un de ceux dans lequel la théorie du célèbre Franklin 
eft la mieux expofée & la mieux défendue. La réfutation du fyftème de 
M. l'Abbé Nollet, quoique très-concife, eft auñli folide qu’honnère. 11 
eft fâcheux qu’on ne puille pas également applaudir aux expreflions peu 
délicates dont l’Auteur s’eft fervi pour réfuter quelques ee infé- 
rées dans les notes ajoutées à la traduétion françoife de l’Hiftoire de 
l'Elecricité publiée en Anglois, par M. le Docteur Prieftley, quand 
même elles feroient auili fautives que M. Barletti l'indique. L’honnêteté 
ne nous permet pas de dire quibus fané verbis fuam potiès leviratem quam 
Franklianus artis vitia patefacit....ineptè putant Imperiti, non Phy- 
Jici, &c. Ces expreflions pourroient être mifes au rang de celles que 
M. de Voltaire appelle des Aonnétetés littéraires ; cependant, le mérite de 
l'Ouvrage de M. Barletti exigeroit qu’un Phyfcien entreprit de le cra- 
duire en François. 


Traité de la Culture du Figuier ; fuivi d'obfervations & d’expériences 
fur la meilleure manière de le cultiver, fur les caufes de fon dépérifle- 
ment, & fur les moyens d'y remédier , avec figures; par M. px LA 
Brousse, Docteur en Médecine , de la Société Royale des Sciences de 
Montpellier, & Maire d'Aramond. À Paris, chez Valade, Libraire, 
rue Saint-Jacques , in-12 de 83 pages. On doit louer l’Auteur de n’avoir 
pas cherché à groflir fon volume ; 1l a dit cour ce qu'on devoir dire, & 
a parlé en Agronome. Il feroit à fouhaiter que ceux qui écrivent, fui- 
vilfent l’exemple qu’il a tracé. L’Auteur nous permettra cependans 


à 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 47 


de lui dire qu'il eft furprenant qu'il ignorât, avant la découverte de la 
manipulation du Payfan dont il se , qu'une goutte d’huile d'olive 
placée fur l'iris de la figue, la fr groflir & mürir plutôt. Ce fait eft con- 
figné dans la majeure partie des livres qui ont pour objet la culture du 
Figuier , & principalement dans le Diétionnaire économique de Cho- 
mel. Nous ajouterons encore qu’il ne faut pas s’en rapporter trop légè- 
rement à la parole des Jardiniers & des Payfans, & que dans les points 
de faits on doit les vérifier par l'expérience, avant de les rapporter. » En 
» plantant une branche de figuier ( dir ce Jardinier ) le premier jour de la 
» lune, elle porte la première année : en la plantant le fecond jour de‘la 
» lune , elle porte la feconde année: que fi elle eft mife en terre, les 4, 
#5, 6,7,8, 9 & 10° jour & ainfi de fuite, elle ne portera quela3, 
»4,5,6,7, 8,9 ou 10° année, en fuivant toujours l’ordre des jours 
» de la plantation «. Ce fait feroit bien fingulier s’il étoit vrai. 


Traité de Méchanique , pat M. l'Abbé Mare, de la Maifon & Société 
de Sorbonne,Profeffeur de Mathématiques au Collége de Mazarin. ir-4°. 
A Paris, chez la veuve Defaint. 1774. 


Aftronomifthes Jahkrbuch, &c. ou Ephémérides aftronomiques pour l’an- 
née 1776 , avec un Recueil des Obfervations les plus récentes, relarive- 
ment aux Sciences aftronomiques. À Berlin, 1774. Elles font calculées 
d’après les Tables que M. de Lalande a cru devoir ajouter à la feconde 
édition de fon Aftronomie ; par M. Bone. 


Mésnoire fur la meilleure méthode d'extraire & de raffiner le Salpétre ; 
par M. Tronson Ducoupray , Capitaine au Corps de l’Artillerie. A 
Paris, chez Ruault, Libraire, rue de la Harpe, 1 vol. ir-8°. de 122 
pages. Voyez dans le tome VI, partie [, c’eft-à-dire dans le volume 4r- 
12 du mois de Mai 1772, page 223 , le rapport de ce Mémoire fait à 
l’Académie Royale des Sciences , par MM. de Montigny & Macquer. 
L’Auteur a ajouté à fon excellent Ouvrage plufieurs nouvelles obfer- 
vations & expériences, 


Ausführliche Nachrichten, &c. ou Defcription des Zoolites nouvelles 
ment découvertes , de quadrupèdes inconnus , des cavernes où on les 
trouve, & de plufieurs autres fouterrains du Haut Bareith, avec qua- 
torze planches enluminées , par M. Efper. À Nuremberg. 1774. 


Verfuch einiger praktischen anmerkungen , &c.ou Effais de Remarques- 
Pratiques fax le genre nerveux, pour fervir à l'explication de diverfes 
maladies, & particulièrement des accidens hyftériques & hypochondria- 
ques; par M. Isenrcam, Profeffeur d’Anatomie dans l'Univerfité d’Er- 
lang. À Erlang , chez Walcher, 1774. 

1774 NOVEMBRE. Hhh 21 


428 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Analyfe des Eaux thermales d’ Aix er Savoie, dans laquelle on expofe les 
diverfes manières d'ufer de ces eaux. La méthode & le régime de vivre 
qu'il convient de fuivre pendant leur ufage, & les différentes maladies 
pour lefquelles elles font employées , avec plufeurs obfervations qui y 
font relatives pour en conflater les propriétés ; par M. Daquin , Docteur 
en Médecine, de la Faculté Royale de Turin, Médecin de l'Hôrel- Dieu 
de Chambéry, & Secrétaire perpétuel de la Société d'Agriculture de la 
même Ville, A Chamébry, chez Gorrin, 1 vol. &7-80, de 184 pages. Le 
titre de cet Ouvrage annonce fon utilité pour ceux qu’une trifte nécefiré 

-réduir à l’ufage de ces eaux. Le Médecin y trouvera de bonnes obferva- 
tions , & le Chymifte une analyfe bien faire de ces eaux. 


Mémoire fur la recherche des caufes qui entretiennent les fièvres putrides 
à Chambéry; par le mème, À Chambéry, chez Lullin. £r-8°. de 42 pages. 
Quoique cet Ouvrage ait pour but direé la Ville de Chambéry, on peut 
en faire l'application à toutes les grandes Villes, où en concentrant 
une mulutude d'individus, on multiplie les caufes de la putridité. 


Effai fur l'amélioration de P Agriculture dans les Pays montueux, & en 
particulier dans la Savoie , avec des recherches fur les principes & les 
moyens propres à y augmenter la population, la vivification & le-bien- 
être des Peuples; par M. Costa, des Sociétés économiques de Cham- 
béry & de Berne , de l’Académie des Arcades, & même Honoraire de 
celle de Saint-Luc de Rome. A Chambery, chez Gorrin. 1 vol. ër-8°. de 
286 pages, avec figures; par M. le Marquis De Costa. La manière de 
voir , de préfenter les objets, juftifie le titre de ce livre , qu'on peut ap- 
peller un ouvrage plein. La Société économique de Chambery , quoi- 
qu'établie des dernières, n’eft pas une de celles qui a le moins travaillé, 
Par les foins des Membres qui la compofent , on voit avec farisfaétion le 
Pays montueux de la Savoie changer de face, & de riches moiffons cou: 
vrir des champs qui ne produifoient autrefois que de maigres récoltes. 


La Bibliographie Parifienne ; où Catalogue des Ouvrages de Sciences, 
de Litrérature, & de tout ce qui concerne les Beaux-Arts, imprimés 
tant à Paris que dans le refte de la France , pour l'année 1769. 1 vol. 
ën-8°, À Paris, chez Ruaulr, Libraire, rue de la Harpe. Prix 3 livres 
12 fols broché. Cer Ouvrage entrepris & difcontinué-paroît aujourd’hui 
fous une‘fofme méthodique , plus conéife & plus commode pour celui 
qui veut trouver dans le moment l’article qu'il defire connoître. Ce 
tableau raccourci des produétions de l'année , offre aux Amateurs les 
dates & le nombre des éditions des Ouvrages , un jugement fuccinét , 
une defcription, une divifion, & l’hiftorique d’un Livre. Cer Ouvrage 
eft effentiel pour tous ceux qui s'occupent de Littérature , de Sciences 
& des Arts agréables, mais fur-tout aux Bibliographes. 


4h 


+ 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 419 


Tables univerfêlles des Connoiffances humaines ; fyftème général de tous 
les êtres connus & de routes les connoiffances univerfelles qui en déri- 
vent , gravées en douze planches de cuivre. On peut y voir clairement & 
en abrégé l’origine, les dépendances, les connexions , les déduétions 
& les divifions des connoiïflances humaines, 

Table 1; fyftème des êtres univerfels, & de routes les connoiffances 
qui en dérivent en général. . 

IL. Syftème des connoiflances humaines, univerfelles , par rapport à 
tous les êtres connus , & felon l’ordre de leurs objets. 

III, Syftème de toutes les connoiffances humaines , tant dans le genre 
que dans l’efpèce , felon la manière de confidérer & de traiter leurs 
objets. 

1V. Syftème des connoiffances humaines , felon l’ordre de leur gé- 
nération & déduction entr’elles. 

V: Plan général des attributs de l'être néceffaire , éternel , infini, très- 
fimple & fuprème , rels que nous les connoiffons par Ja lumière natu- 
relle & la révélation divine. 

VI. Syftème de la nature & des facultés de l’homme, tant quant à 
l'ame que quant au corps. 

VII. Syftème des natures , facultés, propriétés & divifions des ani- 
maux, végétaux , minéraux & élémens. 

VII. Syftème du Monde univerfel, quant à fes parties principales 
& conftiturives. 

IX. Plan général de Philologie ou des Arts libéraux & Belles-Lettres, 
& de leurs parties & divifons. 

X. Plan général de la Science hiftorique en général, & de fes parties 
& divifons. 

XI.Plan général des Sciences philofophiques , & de toutes leurs parties 
& divifons, avec les Sciences & les Arts qui y font fubordonnés. 

XII. Plan général de toute la Science facrée & eccléfiaftique. 

On demande, 1°. 200 Soufcripteurs ; 

2°. En foufcrivant, on payera 6 livres; au bout de fix mois, en rece- 
vant les fix premières Tables 6 livres; au bout de l’année, lorfqu’on 
recevra le refte des Tables, 3 livres ; 15 livres en tout. 

3°. La foufcription fera ouverte pendant fix mois , à commencer du 
premier Oétobre 1774. 

4°. Chaque Table fera de 26 pouces de France en Jargeur, & de 18 
pouces de hauteur , fur d’excellent papier. 

5 *- On fera fervi fuivant l’ordre de foufcription. 

6°.On foufcrir chez C. L. Bouber, Emmanuel Flon, & C, Vanden- 
Berghen, Libraires à Bruxelles. 

L'Auteur eft Dom Théodore Manu, Prieur de la Chartreufe Angloife 


1774. NOVEMBRE. 


430 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
à Nieuport, Membre de l’Académie Impériale & Royale des Sciences & 
Belles-Lertres de Bruxelles. 

On peut voir ces Tables manufcrites chez M. l'Abbé Needham, Di- 
recteur de la même Académie , à Bruxelles. 


Journal de Politique & de Lirrérature, pat M. Lineuer. 

Le fieur Panckoucke, Libraire à Paris, étant devenu, par acte du 4 
Octobre 1773, Propriétaire de la Feuille périodique , intitulée : Avant- 
Coureur ; 11 Va depuis réformée , & en a joint les droits au Journal ou 
Gazette de Littérature , des Sciences & des Arts , dont il a obtenu le pri- 
vilége en date du 15 Oétobre 1773. : 

Depuis , le fieur Panckoucke , par autre acte du 10 Oétobre de cette 
année , eft devenu Propriétaire du Privilége d’un Journal de Politique er 
concurrence avec celui qui fe diftribue fous le nom de Genève, &il a 
obtenu la permiflion de réunir ce Journal de Politique à la Gazette de 
Littérature, pour en compofer un feul & mème Ouvrage , qui fe diftri- 
buera fous le nom de Journal de Politique & de Littérature ; 1 contien- 
dra toutes les matières comprifes , tant dans le Journal Polirique de 
Genève , imaginé & propofé primitivement par le fieur Panckoucke, 
que dans la Gazerte de Littérature. On y annoncera, 1°. les principaux 
évènemens de toutes les Cours ; les Guerres , les Traités de Paix, les 
Négociations, &c. 1°. les Nouvelles de la République des Lettres, & 
les autres objets de la Gazette de Littérature. | 

En conféquence de ce nouvel établifflement , la Gazette de Littérature 
eft fupprimée dès ce jour. 

Le nouveau Journal fera compofé de deux feuilles & demie ir-8o, 
mème caractère que la Gazette de Littérature; il paroîtra les $ , 15 & 
25 de chaque mois, avec la régularité la plus ferupuleufe. 

Un Ecrivain connu par l'élégance & l'énergie de fon ftyle ( M. Liw- 
GueT } a bien voulu fe charger de la compofition & de la rédaction géné- 
rale. D’autres plumes connues & exercées , contribueront avec lui à la 
perfection de cet Ouvrage , où le goût & la curiofité trouveront auf tout 
ce qui peut les fatisfaire. Les évènemens qui influent fur le fort des peu- 
ples, & les découvertes , ou les produétions nouvelles qui indiquent les 
progrès de l’efprit humain , y feront expofés avec un foin égal: il fera auffi 
éloigné de la fatyre que de la latterie : on y conciliera toujours fcrupuleu- 
fement le refpect qu'exige la vérité , avec les égards dûüs aux perfonnes, 

Le Journal fera divifé en deux parties diftinétes , l’une confacrée à la 
Politique, & l’autre à la Lirrérature ; la première fera la plus confidérable. 

Le prix de la foufcription , franche de port, tant pour Paris que pour 
la Province, eft de 18 livres. 

A Bruxelles ; & on foufcrit actuellement à Paris , Hôtel de Thou, 
rue dés Poirevins ; & dans les Provinces, chez MM. les Directeurs & 
Contrôleurs des Poftes , ainfi que chez les principaux Libraires, 


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Novembre177g| 


SUR LHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 431 
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Aux Réflexions de M. 1 E SAGz, Pr fleur de Mathéma- 
tiques-x Genève, fur les expériences du R. P. BERTIER, 
Correfpgndant de l’Académie des Sciences de Paris ; 


Inférées dans le Journal de Phyfique du mois de Noxembre 1773 ; 


Par M. DAviDp, Doëteur. en Médécike , Profeffeur dé fhirurgie 


d’Anatomie , & Membre de l'Académie des Sciences de Rouen (1). 


A VANT d’avoir connu les réflexions de M. le Sage fur une nouvelle 
expérience du Pere Bertier, qui prouveroit que la pefanteur augmente 
à mefure qu’on s'éloigne de la terre, & même fuivant une progreflion 
fort rapide, j'avois cru, commg lui, que l'excès de pefanceur d’un corps 
de 24 livres ,’ placé à foixante-quinze pieds plus haut qu'un autre de 
même poids , ne fauroir être d’une once trois gros, ou d'une partie fur 
278 ; ce qui n’a pu être que le produir de quelqu’accident que n’a pas 
apperçu ce Phyficien , ou de l’imperfection de l’inftrument dont il s’eft 

etvi; mais prononcer affirmativement , comme le fait M. le ec > qu'un 
excès de pefanteur pour les corps placés à une plus grande diftance du 
centre de la terre n’a point lieu, fans avoir fait foi-même des expé- 
riences propres à affeoir fon attention ; c'eft prononcer , ce me femble, 
un peu trop légèrement. Celles qui furent faites en 1662, 1664 & 1631 
* par M. Hooke, & par divers autres Membres de la Sociéré Royale de 
Londres , foit à la Cathédrale de Saint Paul, foit à l'Abbaye de Weft- 
minfter , &c. fur des poids égaux , placés à des hauteurs de 204 pieds de 
différence, & dont ni le fupérieur ni l'inférieur ne fournirent aucun indice 


(1) 11 feroit effentiel de lire le Mémoire de M. le Sage , inféré dans le premier 
volume , année 1773. La lettre du Pere Bertier , même année, tome II , autre expé- 
rience du P.-Bertier, page 275 ; Obfervations fur ces expériences, par M. de la 
Periere; & Réflexions fur ces mêmes expériences , par M. le Sage de Genève , p. 378 3 
enfin année 1774 , tome IV , page 340 , la lettre du Pere Corte de l'Oratoire, & l'ex- 
périence de M. David , fur ce même fujer. Les anti-Newtoniens nous reprochent de 
n'imprimer que ce qui eft d’accord avec la doétrine du célèbre Anglois, La publica- 
tion de ce Méinoire eft une preuve de notre impartialité. 


« 1774 DECEMBRE. 


te 


432 - OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


d’excès de pefanteur l'un fur l’autre,ne me paroilfent rien moins qu'avoir 
réfolu la queftion ; & ce font les obfervations même de M. le Sage far l’in- 
ftrument qu'on employa à faire ces expériences qui favorifent mon fenti- 
ment. Les balances dont on fe fervit évoient fi parfaites, dér-il, qu'un 
feul grain par livre les faifoit crébucher : d’après ce fait , il me fera per- 
mis de lui obferver que l'excès de pefanteur d’un corps fur un autre, (en 
le fuppofant mème réel cer excès) devant tre en raifon directe de l'excès 
de longueur du rayon à l'extrémité duquel il eft placé , un excès de 204 
pieds d’élévation de la part d’un des poids, ne devoir guères donner 
qu'une différence en excès d’un demi-grain par livre : d’après cela, il eft 
évident que la balance dont on fe fervit, n’étoit point propre à fe prêter 
à la preuve qu'on cherchoit (1). 

M. Hooke avoit fans doute mieux vu cet objet, lorfqu’il propofoit de 
fubltituer à ces expériences infructueufes , celle du nombre d’ofcilla- 
tions que feroit en tems donné un mème pendule placé alternativement 
au pied & au fommet d’une montagne ; mais le pendule fimple que ces 
mots placé alternativement défignent , n’eft pas l'inftrument auquel il eût 
fallu avoir recours. M. le Sage en doit concevoir de refte les raifons : 
c'eft cependant ce mème pendule fimple dont fe font fervis Meflieurs les 
Académiciens envoyés au Pérou , & fur l'accélération duquel ils comp- 
toient fi bien, lorfqu'il étoit placé dans les ftations inférieures , que 
lorfqu’ils parlent de ces expériences , ils nous difent : » nous fimes les 
» expériences du pendule pour favoir de combien il retardoit, lorfqu'il 
» étoit placé à une ftarion fupérieure « (2). La particule 7 ne fe trouve 
point dans leurs expreflions, elle fuppofe le doure ; mais il n’évoit pas leur 
compagnon de voyage , comme l’a très-bien dit l’Auteur d’une Differ- 
tation fur la fgure de la terre: leur efprit étoic fubjugué;& dans cet état, 
le cœur fe difpenfe difficilement d'être de la partie. Les loix Newto- 
niennes de l'attraction & de la pefanreur étoient admifes comme fi inva- 
riables, qu’on cherchoit moins à s’aflurer de leur réalité , qu’à trouver 
des moyens de les érayer par des faits; la meilleure preuve que nous 

uiffions en fournir , c’eft la déviation des fept fecondes de la part du fil- 
à-plomb qu’on crut obferver à Chimboraco, & qu'on veut apporter en 


(x) J'ai fair des expériences avec des balances plus parfaites que celles que nous 
cite M. le Sage , puifque ces balances chargées de 140 livres, trébuchoïent de l’un ou 
l'autre côté , & cela conftamment, parle moyen d'un demi-gros. 

(1) Voici les propres expreffions de M. de la Condamine. Je fis à Pitchincha cinq 
expériences , les unes de douze, les autres de vingt-quatre heures avec mon pendule de 
métal , pour reconnoëtre quelle étoit dans un jour La différence du nombre de [es ofcilla- 
rions en ce lieu & à Quito , & combien la pefanteur des corps diminuoit dans un lieu plus 
élpigrié au centre de la terre de fept cens cinquante toifes ; mefure des trois premiers 
degrés du méridien , tome I, page 1693; mais je re fache pas qu'il nous ait donné 

€ pis f j 
nulle part le réfultat de ces expériences. 


preuve 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. #33 


preuve de l'attraction exercée par cetre montagne ; quoique , par la com 
paraifon de fa mafle-à celle de la totalité du globe , certe déviation,dût 
être de cent trois fecondes. Les antagoniftes de l'attraction fe permet+ 
troient-ilsdes moyens aufli pitoyables & aufli mefquins ? D'ailleurs , pour 
ce qui concerne les expériences du pendule , peut-on aflurer que le fl de 
Pite, employé le plus fouvenr par M. de la Condamine, pour former fon 
pou fimple, n'eûr pas le jeu d'un hygromètre par la fécherefle ou 

‘humidité de l'air que l’on fait pouvoir varier d’un inftant à l’autre ? M, 
Bouguer, fon Collègue, l'attribuoir bien ce jeu d’hygromètre au gros 
mur , dans lequel M. dela Condamine avoit fixé une lunette dans le 
champ de laquelle paffoient pluñeurs étoiles fixes pendant un efpace de 
tem$ aflez court; & cela, parce qu'il ne trouvoit pas d'autre moyen 
d'expliquer le phénomène bien fimple de l’éléyation & de l’abaiffement 
irrégulier de ces étoiles , qui paroifloient tantôt plus rapprochées , tantôt 
‘plus éloignées de la ligne du zénich. 

Mais, quand les moyens dont s’eft fervi M. de la Condamine , pour 
former fon pendule fimple, ne pourroient pas être chargés des différen- 
ces qui auroient pu s’obferver dans leurs ofcillations , lorfqu'ils écoient 
placés à des ftarions plus voifines ou plus éloignées du centre du globe ; 
l'on auroit des raifons de douter qu’elles aient été très - favorables au 

 fyftème de la gravité agiflante en raifon inverfe du quarré de la diflance 
au centre, Je n’en veux pour preuve que ce que dit M. Bouguer , dans 
fon Traité de [a figure de la Terre, où il annonce que /e rapport entre les 
denfités des montagnes € du fond des vallées peut être telque, même fui- 
vant les loix de l'attraflion Ne:wtonienne , la pefanteur, foir plus grande 
au fommet qu’au pied des montagnes ; le don de prefcience qu’une 
pareille réflexion fuppofe, n’aura-t-il pas été le fruit de plufieurs expé- 
riences qui ne fe feront rien moins que prérées;aux delirs de cet Acadé- 
micien , qui, par un rapport fuppofé différenr entre les denlités des 
montagnes & du fond des vallées , aura cru fauver les loix Newtonien- 

* nesde l'attraction du difcrédit dans lequel elles auroient pu tomber par 
des expériences qui auroient donné le même réfultat que celui dont il 
paroïît n’entrevoir que la poffibilité ? au-moins faut-il convenir qu’une 
pareille réflexion n’a pu guères fortir d’une tête route Newtonienne, 
fans avoir été dérerminée par des réfultats diamétralement oppofés à 
ceux qu’elle atrendoit de fes expériences. 

Deux pendules à fecondes dont les ofcillations euffent ‘été parfaite- 
ment ifocrones, & dont la conftruétion des verges eût paré à l'inconvé- 
nientde l'allongement & duraccourciffement des métaux par la chaleur 
& par le froid , placées l'une à une ftation inférieure , & l'autre à une 
ftation fupérieure , pourroient feules fournir la folution qu'on cher- 
choit , & cela parce qu’elles additionnent , & marquent exaétemenc tous 
les petits produits de l'excès ou du défaut de pefanteur dans l’une où 


Tome IV, Part. VI, 1774 DÉCEMBRE. ii 


434 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Vautre tation : d’où il arrive que ces produits, qui né doivent pasètre 
fort {enfibles dans une efpace de rems aufli court que celui que durent 
les ecpériences du pendule fimple ,'perpéruellement additionnés les uns 
aux autres , forment à la fin des quantités remarquables. C’eft au- moins 
ce qu'aveient apperçn MM. Mercier & Coultaud , que M. le Sage 
traite de Romanciers ; maisle fuflent-ils, on leur à , & 11 paroîr en con- 
venir, l'obligation d’avoir fourni le moyen le plus fimple de décider uné 
des plus grandés queftions de Phyfique. 
Perfonne n’eft plus à portée que M. le Sage, de répérer ces expé- 
riences , & de mettre enfin le Monde favant dans le cas de favoir à quoi 
s’en tenir. Mais fon parti eft trop manifeftement pris , pour qu’on puifle 
atrendre de lui qu'il s’y prête ; il ne lui eft jamais venu, à ce quil dir, 
aucun fcruple fur la loi Newtonienne de la gravité; il la croit appuyée 
fur des preuves rrès-mulripliées & fouverainement folides. Pourroit on 
cependant lui demander d’où il tire la folidité de ces preuves qu'il ne 
fair qu’énoncer ? lui viendroïient-elles de ce qui fe pale à la lune , où 
certainement le célèbre Newton n’a fair aucune expérience qui puiffe 
donner quelque vraifemblantce à ce qu’il nous dir dela fi fuivante laquelle 
cette planète gravire vers notre globe? Si M. le Sagefait venir ces preuves 
de filoin , il me permettra de les croire plus que furiles : eft-ce parce 
que Newton a dit qu'un grave qui commenceroit à tomber de la lune 
vers la terre, neparcourroit dans une minute que quinze pieds, que 
nous devons l’en croire ? Je fais comment il eft parvenu à cette affertion 
que l’on trouve être le dernier effort de l’efprit humain, & que l’on 
pourroit traiter de ridicule , file refpeét que l’on doit, à tant d’autres 
égards , au Philofophe Anglois, permettoit une pareille épichète. 
D'abord , rien de ce qui eft dans la lune ne peut, ni ne doit tomber 
vers nous ; comment a-t-il donc pu favoir qu'un grave placé là, fe rap- 
procheroit de quinze pieds de la terre , en tombant vers elle pendant 
une minute ? ne s’eft-il pas montré homme par des erreurs palpables , je 
pourrois même dire très-groffières en Phyfique ? Cet Auteur célèbre n’a- 
t-il pas avancé que le fo/eil & Les étoiles s’épuifent par des émiffions con- 
tinuellés de lumières & de vapeurs, & que l’épuifément peut aller jufqu’au 
point de les éteindre ? N’a-t-il pas foutenu que les planètes s’épuifoient auf] 
par des exhalaifons abondantes qui les privent de l humidité dont elles ont 
befoin , & qui peuvent les rendre incapables de route produétion ? Ne dit-il 
pas que /es émiffions des comètes qui forment leurs queues, fe mélant avec 
les emiffions des étoiles & du foleil , rombent toutes enfemble par leur pro- 
pre pefanteur fur les planètes, done les pertes font par-la abondamment 
réparées ? N'eft-ce pas lui qui ajoute à ces premières affertions , que ce 
qui nous vient du foleil , des étoiles & de la queue des comètes , fe convertit 
avec le rems , en boue , en foufre , en corail, & fur-tout , en eau © n'ajoute- 
til pas que /ans ce fecours les planètes feroient depuis long -tems dé- 


Cote 


SUR L'HIST. NATURELLE ET EES ARTS. 435 


pourvues de fleuves & de mer (1) ? Je le demandeà M, le Sage :, que 
dirions-nous d’un Phyficien qui nous débiteroir de pareilles abfurdités ? 
notre globe ( & rous les autres peuvent fans doute être rangés dans la 
même clafle ) n’a perdu, ne perd, & ne perdra jamais un grain des 
fubftances qui lui ont étéaflignées en partage ; il n’a donc pas befoin de 
réparation. hs 

Le célèbre Newton , en donnant dans des érreurs qu’un homme même 
ordinaire dédaigneroit de réfurer , n’a pas fans doute dû acquérir le 
droit de fubjuguer notre raifon ; n'énervons pas fon activité par une cré- 
dulité qui fait honte à l’efprit humain ; fervons-nous, au contraire,de ce 
flambeau que nous a accordé la nature , pour montrer combien font 
ruineux les fondemens dont le Philofophé Anglois a fait dériver fa loi 
de la raifon inverfe du quarré de la diltance au centre. 

Les loix de l'accélération des graves vers la furface de la terre étant 
connues par des faits qui prouvent qu'un même grave qui commence à 
tomber vers le centre de la terre de quinze pieds pendant une feconde , 
s’en trouveroit rapproché à peu-près de 3600 fois 1 $ pieds à la fin de la 
foixantième feconde , les efpaces parcourus étant dans le rapport du 
quarré des tèms : le célèbre Newton a cru voir dans les faits fournis par 


-la Phyfique expérimentale, que les graves rendent au centre avec d’au- 


tant plus de vitelfe qu’ils en font placés plus près, & qu'ils fuivent, en 


-s’en rapprochant , la loi directe du quarré ; dès-lors , en prenant pour 1 


la diftance du centre de la terre à fa furface où il avoit vu qu'un grave 
tendoit à parcourir 3600 fois 1$ pieds pendant une minute, & en s’éle- 
vant au-deffus de notre globe à 6o demi:diamècres cerreftres ; ou la dif- 
tance multipliée par elle-même , donne 3600 comme le quarré des inf 
tans quidivifencune minute : il a fuppofé que fi la péfanteur des graves 
diminuoit en raifoninverfe du quarré de la diflance au centre , un grave 
qui commenceroit À tomber de là , ne s'approcheroit de la terre que de 1 $ 
pieds dans une minute; c’elt-à-dire , que fa chûre y feroit 3600 fois moins 
rapide que vers la furface de la terre; mais il falloit un corps grave placé 
à une pareille diftance qui pût nous fournir quelques indices de la réa- 


lité de certe loi. La lune s’eft trouvée très-à-propos à certe diftance de la 


‘terre, ou plutôt on l'y a placée ; ce n'étoir cependant pas-là roux : il fal- 


loir qu'elle rendit à tomber vers la terre, & on lui a imprimé cette ten- 
dance ; il falloit encore que la quantité de cette tendance für de 15 pieds 
pour une minute ; & on lui a fabriqué tour exprès une courbe de circu- 
lation autour de la terre qui donne jufte pour une minute un finus verfe 
à à ë IEEE L 
de 15 pieds, qui exprimant , felon Newton & fes feétateurs, la quan- 
2 


(1) Toutes ces affertions {e trouvent dans laquarante-deuxième propoftion du troi- 
fième Livre des Principes mathématiques de la Philofophie naturelle de Newton, 


1774. DÉCEMBRE. ii: 


456 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
tité dont la lune‘tend à fe rapprocher de la terre pendant cet efpace de 
tems, réalifent ou réduifent, dit on, en certitude ‘phyfique la loi de 
la péfanreur en raifon inverfe du quarré de la diftance au centre: un 
pareil acco:d eft bien fait pour féduire ceux qui aiment mieux croire à 
üti fyftime préfenté par uñ homme dont l'autorité a beaucoup de poids, 
que de prendre la peine d’analyfer les différentes pièces dont ce fyftème 
elt compofé ; mais lors mème que l'efpèce d'accord qu'on croit y voir, 
fe t'ouveroit dans la nature, ce pourroit être un hafard , fans que la loi 
que l'on voudroit conclure de cet accord , en eûr plus de réalité(r1). 
Mais fi cer accord appartient à l’Auteur du fyftème ; f tout ce qu'il a 
dénné pour fait , n’eftqu'un tiflu de fuppofitions, la plupart très abfur- 
des , que doit alors devenir le fyftème ? Ne doit-il pas ërre livré au mé- 
prisqu'il mérite? D'abord, qui eft-ce qui a dit ; qui a appris au Philo- 
fophe Anglois, que la lune gravitoit vers laterre ; quelle preuve ena t-il 
eue, & quellés font celles que M. le Sage pourroit en fournir, & dont la 
raifon ‘pût être farisfaite ? Elt-ce parce qu’elle décritune courbe autour 
de la terre, fans jamais cependant s’en approcher ; mais cette cireula- 
tion mème qui n'eft qu'une apparence , peut-elle bien être exprimée par 
uüe courbe dont la concavité regarde’ toujours la terre ? J'attends de 
M.le Sagé cer effort de Géométrie , de me tracer une ligne où la lune, 
touren parcourant par jour $ 57000 lieues , & par conféquent près de 17 
millions de lieues-dans la portion d’orbire qu’elle décrit antour du foleil 
pendant fa révolution périodique , remplit à la fois cette condition, & 
celle d'avoir la terre à l’un des foyers d’une ellipfe qu’elle n’a jamais par- 
courue ; les figures par lefquelles l’on exprime la circulation de la lune 
autour de la terre Fe les livres d’Aftronomie, font bonnes pour 
les enfans (2). Rien de tel ne fe palle dans l’efpace abfolu que parcou- 
rent la terre & fon fatellite : mais cette apparence que nous-donne la 
lune d’une circulation autour de la: terre , fe convertit-elle en réalité ? 
l’afertion de la gravitation de ce farellite vers notre planète, feroit-elle 
moins téméraire, moins ridicule même ? La circulation d’un corps au- 
tour d’un autre, néceflire-t-elle de leur part une: gravitation réciproque ? 
& un mouvement circulaire ne fauroit-il être produit fans un pareil 
agent ? Il faudroit au-moins que cela füc, pour avoir acquis le droit 


oo 


(1) Pendant près de vingt fiècles , la terre étant jugée ftable , on prédifoit les éclip- 
fes auffi fürement qu’on le fait aujourd’hui, & à la faveur des épicicles de Prolomée, 
Le mouvement accéléré, ftationnaire & rerardé des planètes de notre fyftème trouvoit 
une explication fatisfaifante ; & cependant rien de fi abfurde , que le repos de la terre 
& les épicicles parcourues par les. planères. ; 

(2) Kepier, le feul Kepler a tracé la véritable courbe que la lune décrit dans l'ef- 
pace abfolu. Vid. 4ffronomia nova Kepleri , capite XXXWII, page 1825 in-folio, 
Praga, ann. 1609. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 437 


de prononcer aufli affirmativement fur des phénomènes qui fe pafent 
fi loin de nous. 

Quant à la diftance que l’on dir être entre lalune & nous, y at-il 
bien d'ici à ce farellire 6o demi-diamètres terreftres ? Cerre diftance, je 
le demande à M. le Sage , eft-elle bien exacte ? comment l'a-t-on mefu- 
rce ? quelle opération de Trigonométrie a pu nous en rendre certains ? 
On ne peur guères y compter pour calculer une diftance avec quelque 
précifon , que lorfqu'on a une bafe dont on connoïît exactement la va 
leur; & encore faut-il que la bafe du triangle que l'on cherche à former, 
aitune proportion ra’/ennable avec les autres côtés : où at-on pu pren- 
dre certe bafe ? fur notre globe? mais comprit-elle cour fon diamètre 
dont la valeur n’eft pas encore exactement connue, cette bafe n’auroit 
guenten 3000 lieues, pendant que les deux autres côtés du triangle 

eroient de 90000 lieues ; quand on compteroit pour rien la réfraction 
qu'éprouve la lumière en traverfant notre athmofphère, & peut-être 
encore un autre fluide refringent qui peut fe trouver entre la lune & 
nous , pourroit-on conclure exactement la diftance de la lune à la terre 
pe une opération de D HBS ROMA? Ne voit-on pas que le célèbre 
ewtona pris certe diftance par préférence à toute autre, parce qu’elle 
favorifoit fon fyftême de gravité, commeil a pris pour la même raifon 
une nature de courbe dans laquelle lefpace parcouru par ce farellite 
pendant une minute, pût donner, pour cet efpace de tems , un finus 
verfe de quinxe pieds ? Maisil n'y a que les hommes qui tiennent un 
fyftème dont l’enfemble leur a coûté autant de peine à étudier, qu'il 
en avoit coûté à fon Auteur , pour lui donner quelqu’accord , ou ceux 
ui croient tout fans rien examiner , pour qui les autorités l'emportent 
te la raifon , qui puiffent admettre tant de fuppoñtions qui n’ont pas 
même le moindre fait pour bafe. 

M. le Sage fait mieux que perfonne , que le finus verfe de la courbe 
décrite par la lune pendant 15 fecondes , au-lieu d'èrre de 3 pieds 9 
-pouces , ne feroit que de 11 pouces; ce qui exprimeroit, en admettant 
même toutes les autres invraifemblances , la quantité donc la lune fe 
feroit rapprochée de la rerre pendant cer efpace de tems. Si donc le 
finus verfe eft de 15 pieds à la fin de la première minute, la lune aura 
donc eu depuis la quinzième feconde jufqu’à la foixantième , une accé- 
lérarion bien marquée dans:fa tendance vers la terre ; mais, fi l’accélé- 
ration a eu lieu pendant tous les inftans qui ont fuivi la quinzième 
feconde , il n’y a pas de raifon pour qu’elle foit fufpendue pendant la 
troifième demi-minute : c’eft cependant'ce qu'il faut qui arrive dans le 
fyftème Newtonien ; il ne doit jamais y avoir chüte que de 15 pieds 
dans une minute. Les loix de l'accélération, fi notoires vers notre globe 
& fur lefquelles il faut avoir été Newton pour ofer trancher ; font ici 
mifes à l'écart ; & cela , parce que l'édifice s'écroule , fi on les admer. 

1774, DECEMBRE. 


. 


433 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Que de contradiétions ! Peut-on en foutenir l’afpeét , & prétendre au 
titre de Phyfcien ? mais elles ne font pas encore toutes raffemblées. 11 
faut néceffairement qu’elles aient pour accolites une projection primi- 
tive de la lune de l'Occident vers l'Orient , quoiqu’on puiffe aufli-bien 
dire de l'Orient vers l'Occident, une projection qui une fois imprimée, 
ait un effet toujours permanent & fans décher : pour fe tirer de ce nou- 
vel embarras , il a fallu appeller à fon fecours l’exiftence ridicule du 
vuide qu’on ne peut cependant concevoir, & que tout défavoue , mais 
qu'il faut bien admettre, parce que fans ce nouveau venu , le mouve- 
ment continué par une première iinpulfion ne fautoit avoir lieu. 

Ce n’eft cependant pas là tout. Voici, fur-tout , un fait fur lequel je 
prieroïs M. le Sage de s'expliquer. Suppofé que la terre für percée de 
part en part, & que l'énorme puits que formeroit cette ouverture , ne 
füt rempli que d’un fluide rare‘comme notre athmofphère ; un corps 
grave accéléreroit fans doute fa chûte jufqu’à l’inftant où il palferoit au 
centre du globe, & il commenceroir à perdre au-delà du centre , en 
s’élevant vers nos antipodes, la virefle acquife par fa chute ; & lorfque 
cerre virefle feroit réduite à zéro , ce qui arriveroir peut-être 10, 20 ou 
30 lieues au-deflous de la furface oppofte du globe ; ce grave commen- 
ceroir à recomber vers le centre , le dépafferoit enfuite en fens oppofé , 
autant que le lui permettroit le déchet de fon mouvement qui feroir le 
produit de la réfiftance qu’il éprouveroit dans fon paffage de la part du 
fluide qu’il traverfe ; & après plufeurs allées & venues,dont nous ne fau- 
rions calculer le nombre, il jouiroit enfin au centre du globe du repos 
qu'il chercheroit , ou plutôt , il feroit au feul endroit que les graves qui 
conftituent une planète, ne rendent pas à quitter lorfqu’ils l’occupent. 

M. le Sage croiroit-il que ces allées & venues que nous pouvons tout 
aufli bien nommer ofci!lations que celles d’un pendule, ne feroient pas 
de même duréé lors mêmes qu’elles feroient taccourcies de moitié , des 
deux tiers, des quatre-vingt-dix- neuvième & centième même ? s'il ne 
le croit pas, il eft évidemment hors de la nature ; car le pendule a dès- 
long-temis prononcé fur ce point. Qu’arrive-t-il en effet , lorfqu’un 
grave fufpendu par un fil eft tiré hors de la ligne à-plomb, qui eft la 
feule qui rende à occuper ? il a des ofcillations qui diminuent de gran- 
deur , jufqu’à ce qu'il ait atteint le feul rerme où il puifle jouir du repos; 
mais il n’eft jamais venu dans l’idée à perfonne de dire que ces ofcilla- 


‘tions ou ces allées & venues, ne foient pas de même durée , foit qu’elles 


foient grandesou petites (1). Si nousavions, par exemple , un pendule de 
675 pieds de longueur , écarté autant qu'il feroit poffible de fon centre 
d'ofallation , il y pafferoir vers la feprième feconde & demie, & l’ofcil- 


(1) Je dis de même durée, parce qu'elles le font toujours à très-peu près. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 439 


lation complète feroit d'environ 1 $ fecondes ; mais le grave éloigné d’un 
pied feulement de fa ligne ä-plomb ou de ce centre d’ofaillatiun , 1l 
demeureroit 7 fecondes & demie avant d’y être parvenu, comme dgns 
le premier cas. M. le Sage nous diroit-il qu’il n'y a pas d’analogie entre 
les ofcillarions d’un pendule, & celles d'un grave qui pourroit fuivre 
librement fa tendance vers le centre de la verre ? elle eft rrès - exacte 
cetteanalogie; &1l n’y en a certainement pas une pareille à fournir en 
faveur du fyftème Newtonien, fuivant lequel les ofcillations du corps 
qui pafleroit par le centre du globe , feroient d’une durée d'autant plus 
courte , qu'elles deviendroient moins grandes ; & il ne faudroit pas 
pour cela que les élémens de la virefle des graves crüffent fuivant le 
rapport direct du quarré de la diftance au centre. 

Suivant la loi de Newton , quand le grave auroir raccourci fes ofcil- 
lations au point de ne plus dépafler le centre du globe que de 750 
lieues ( en exprimant cette diftance par 1 , & par 2 celle que nous donne 
le rayon pris à la furface de la terre )au-lieu de commencer à fe préci- 
piter à certe diftance avec une vitelle de 15 pieds pour une feconde, 
comme , lorfque ce grave étoir éloigné de 1500 lieues du centre , il par- 
courroit dans la première feconde de fa chûte Go pieds, & 3 fois 60 
pieds dans la deuxième feconde , & ainfi de fuite ; ce qui reporteroit 
bien vite le grave vers le centre; & ce feroit lorfqu'il roucheroit à l'inf- 
tant du repos que les élémens de fa vitefle feroient dans une proportion 
énorme avec les élémens de fa vitelle vers la furface du globe. La nature 
nous a-t-elle jamais fourni l'exemple d’une pareille marche. 

Les graves placés près du centre du globe , doivent y tendre d’autant 
moins vite qu'ils font plus ‘près du terme de leur tendance : il leur eft 
prefqu'indifférenc d’être exaétement à ce terme , ou d’être dans fon voi- 
finage; mais il n’en eft pas de même lorfqu’ils font placés à 1 $00 lieues 
du centre : leur tendance vers ce but eft bien plus aéhve , & les élémens 
. de la viceffe avec laquelle ils y rendent , fonc alors tels qu'ils donnent 
15 pieds pour la première feconde, pendant que placés à 20 lieues de ce 
centre , ces élémens font peut-être tels qu'ils ne donneroient pas fix 
pouces de chüte pour la première feconde. 

En voilà-t-il aflez contreles preuves des loixNewtoniennes dela pefan- 
teur que M. le Sage dit être direétes & inconteftables ? S'il en a de 
telles , je le prie de vouloir bien les fournir : fi elles ont pour bafe quel- 
ques expériences de faits qui fe paflent , non à 90000 lieues de nous 
comme à la lune , ou à 300 millions de lieues comme à Saturne , mais 
fous nos yeux , alors , il peut s'attendre qu’on leur donnera toute la con- 
fiance que la raifon , éclairéealors par ces faits, prefcrira de leur accorder. 
Je lui avouerai que ce font de pareils faits que je crois prefque qu'il nous 
a annoncés lorfqu'il dit : quand Je confidère Les objervations direëtes & 
nombreufes par lefquelles Newton a prouve la diminution de la pefan- 

1774 DÉCEMBRE. 


440 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, - 
teur , à mefure qu'on s'élève ; & la puiffante analogie par laquelle il a rem= 
pli les lacunes de ces obférvations, Je fuis prefqu’aufft affuré de cette dimi- 
. nätion , que je fuis affuré de la diminution du poids d’un grave queje n'ai 
jamais vu , quand on me rapporte que quelqu'un lui en a enlevé une partie 5° 
mais , fice ne font pas des faits qui lui donnent l’affarance avec laquelle 
il prononce fur la diminution de pefanreur de la part des corps plus éloi- 
gnés du centre de la verre ,ilinduit en erreur par le ton afirmatifqu'il 
prend , & qui fuppofe nécellairement ces faits : ayant l'honneur de les 
connoître, je me rangerois moi-même à cette idée , fi de pareils faits | 
pouvoient exifter fans que j’en eufle au- moins quelque connoiffance , 
depuis le cems que la Phylique fait un de mes objets de récréation. 
Mais je vais mettre M. le Sage dans le cas de les fournir ces faits, & ; 
de donner aux loix Newroniennes de la pefanteur , toute l'évidence que | 
le Public impatient de voir enfin terminerune queftion importante, peut | 
defirer. Il affure avec Newton & tous les Newtoniens , que les graves Î 
pèfent en raifon inverfe du quarré de la diftance au centte : le pendule | 
eft le moyen de s’en aflurer. MM. Bouguer , Clairaulc, Maupertuis, ; 
de la Condamine , &c. l'ont cru : routes les expériences qu’ils ont faites 
avec cet inftrument , en font la preuve. Il n’y a pas d'apparence que 
M. le Sage ait d’autre fentiment qu'eux fur ce point ; car il paroît trop 
affuré de l'excès de pefanteur des graves placés plus près du centre 
de la terre, pour douter des réfultats que lui fournira cer inftrument : 
ainfi, qu'il prenne deux bonnes pendules que les excellens Horlogers , 
qui fonc à Genève , peuvent aifément lui fournir, lorfqu'il les aura 
comparées, & que leurs ofcillations feront pafaitement ifocrônes ; 
qu'il en tranfporte une au haut de la montagne qui eft à une lieue & 
demie de fa demeure , pendant qu'il gardera l’autre chez lui : à l’éléva- 
tion de $000 toifes que cette montagne peut lui fournir , la pendule 
lacée la lui donnera , fi la pefanteur décroit feulement en raifon directe 
de la diftance au centre , 1 3 fecondesde retard par jour ; & s’il la faifoit 
tranfporter fur le grenairon ou fur le glacier du Buet, où fon ami M. da 
Luc a fait fes Obfervations du Baromètte , il trouveroit à la placer à 
1200 toifes d'élévation au - deffus du niveau du Lac de Genève. Or, 
1200 toifes étant la 2723° partie durayon terreftre, la pendule qu'il 
pourroir aifément y tenir tout un été, luiadonneroit une feconde de 
retard fur 2723, c’eft-à-dire, 31 fecondes par jour , & par conféquent1$ 
minutes 30 fecondes par mois , qui feroient la quantité dont la pendule 
inférieure fe trouveroic avoir accéléré fur la fupérieure ; mais la diffé- ; 
rence dans la marche des deux pendules, devra être bien plus remarqua- 
ble , s’il eft vrai que la pefanteur agiffe en raifon inverfe du quarré de la 
diftance. Je paile cependant fur le furcroit de différence qui feroirle 
réfulrat de l’admiflion de cette loi. Je ne lui tiens pas même rigueur fur | 
la quotité du produir en retard qu'il devroit avoir de la part de fa pen- « 
dule 


" RS me 


*$ 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4 


dule fupérieure, en admettant feulement la pefanteur décroiffante en 
raifon directe de l'allongement du rayon. 

Mais fi les expériences qu'il auroit faites, bien loin de lui donner 
du retard pour la pendule fupérieure, & de l'accéiération pour la pèn- 
dule inférieure, lui offroient des réfulats diamétralement copofés , je 
lui demande du-moins la permiflion de rire tout à mon aile des loix 
Newtoniennes de la pefanteur, & de les regarder comme un être de : 
raifon, malgré la célébrité des hommes qui leur ont donné toute leur 
confiance. Depuis que les Journaux nous parlent des expériences de MM. 
Coulraud & Mercier , je n'aurois pas manqué de vérifier ces expériences, 
fi je m'écois trouvé dans une fituation aufli favorable que M. le Sage : 
n'euffai-je même dans le voifinage de la Ville que j'habite , qu'une mon- 
tagne de 100 toifes d'élévation, 1l ne tarderoït pas à avoir le réfulrat, quel 
qu'il fût, qu'auroient fourni deux pendules ces fur des rayons dont 
l'un n’auroit fur l’autre qu’un excès de 100 toifes de longueur. 

Je ferai encore obferver à M. le Sage, que les expériences de M. 
Hooke , qu'il invoque lui-mème pour infirmer celle du Père Bertier , 
auroient du nous infpirer du doute , & le rendre moins affirmatif; car il 
annonce que les graves placés à la balance inférieure ou fupérieure ne 
donnèrent l'indice d'aucun excès de pefanteur l’un fur l’autre ; ce qui ne 
feroit point favorable à l’artraétion Newtonienne , fuivant les loix de 
laquelle le grave placé dans la balance inférieure auroit dû l'emporter fur 
celui qui étoit placé dans la balance fupérieure. On pourroit bien lui 
donner des expériences faites avec foin qui ont fourni, finon le réful- 
tat annoncé par le Père Bertier, du-moins la preuve de l’excès de pefan- 
teur de a part du corps placé fupérieurement ; mais ce feroit pour lui un 
miracle , & il n’y croit pas : il faudra donc attendre que ces expériences 
aient été fuffifamment répétées & variées, pour qu’elles ne paroiflent 
plus des exceptions aux loix les plus conftantes de la nature ; car, malgré 
le perit défi que je prends la liberté de lui faire , je ne préfume pas qu'il 
répète les expériences des pendules comparées & placées à des hauteurs 
différentes : cela fuppoferoit des doutes à éclaircir ; & M. le Sage n’en a 

as fur ce point. Fontenelle difoit cependant , après avoir vu pendant une 
Tongie carrière les opinions des hommes fe fuccéder , qu’il avoit rou- 
jours dans fon efprit une place pour le doute ; une auffi excellente maxime 
eft bonne à adopter, 


Tome IV, Part. VI. 1774. DÉCEMBRE. Kkk 


44 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


ZE PRE IE SEE EE EEE LITERIE APE ENEPE RE EE ER 


» NOUVELLES EXPÉRIENCES 
De PEledricité ; | 


TL n’eft pas donné aux Phyficiens les plus laborieux &e les plus zélés de 
faire chaque jour de nouvelles découvertes ; leurs recherches ne fonc 
pas pour cela infruétueufes, & on trouve toujours à profiter de leurs tra- 
vaux. La revivification des chaux métalliques , quoique connue depuis 
1758 en Italie, fembloit totalement ignorée en France. Si l'époque de 
cette importante découverte paroît devoir être fixée en France aux ter- 
mes que nous avons indiqués dans ce Journal, tomelV , pag. 146, & pag. 
318 du même tome, ou fi cette époque doit être reculée encore plus loin ; 
toujours reftoit-il quelqu’incertitude fur la puiffance revivifiante. La diff- 
culré faire par l’Académie à M. le Comte de Milly, quoique réfolue 
par la réponfe qu’il y donna, ne laifloit pas de prendre quelque cré- 
dir, par la difficulté qu’on éprouvoit à faire ces fortes de revivifcations 
entre des glaces : mais le procédé de M. Sigaud de la Fond ne laiffe au- 
cun fcrupule , & fait voir manifeftement que ces fortes de revivifications 
font totalement dûes à la matière éleétrique , qui fait ici fonction de 
phlogiftique. 

Nous proficons avec plaifir de la permiflion que ce laborieux Phyfcien 
nousa donnée , de le publier & de faire connoître en mème-tems plufieurs 
expériences d'électricité dans le vuide , qu'il vient de modifier d’une 
manière aufli furprenante qu’agréable, & bien propre à exciter de plus 
en plus le goût des Amateurs fur une marière aulli importante, & qu'on 
peut encore regarder comme neuve. 

Nous croyons devoir prévenir nos Lecteurs que le fuccès de ces fortes 
d'expériences dépend de la bonté & de l'exactitude de l'appareil. Celui 
dont M. Sigaud de la Fond fait ufage, eft compofé d’une glace de 2: 
pouces de diamètre bien ifolée dans fa monture. Son premier conduc- 
teur, qui eft en cuivre, eft de 42 pouces , y compris l'arc qui porte les 
goders. Il eft ifolé au moins de 1 $ pouces au-deffus de la table qui porte 
tout l’appareil, & il communique avec deux grands conducteurs de bois 
revêtus de feuilles d’érain, & terminés à chaque extrémité par des bou- 
les de 6 pouces de diamètre. 

Sa batrerie eft compofée de 4 grands bocaux de 9 pouces de diamètre 
& de 9 pouces de hauteur. Il faut voir la fimplicité avec laquelle elle eft 
montée. Nous n’avons encore rien connu de fi exact & de fi commode 
à manier, 


d 


. l'un des conduéteurs de Ia machine éle&rique, il électrifoit cer à 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 443 


‘Pour revivifier une chaux métallique , M. de la Fond renferme une 
pincée de cette chaux dans un petit tube de verre de 2 pouces de lon- 
gueur & de deux lignes oa environ de diamètre. Il faic entrer parchaque 
extrémité du tube, une tige de métal qui fe termine en dehors par un 
gros bouton de même métal. Il ferre ces deux boutons entre deux vis qui 
traverfent deux poupées &-fe lèvent au-deflus d'une petite tablette qui 
porte tout l’apparcil. IL fait communiquer l’une des deux vis avec le ventre 
de l’un des quatre bocaux, & lorfqu'ils font tous fuffifamment chargés , 
il tire l'explofon avec un excitareur, dont l'une des extrémités eft appli- 
quée contre la vis oppofée de l'appareil. Une feule explofon revivife une 
portion plus ou moins grande de la chaux métallique ; & fi on veut en 


revivifier une plus grande quantité , il ne s’agit que de répéter plufeurs 


fois de fuite l'expérience , fans déranger l'appareil. Le foin eft le même 
lorfqu'au lieu de deux tiges de cuivre dont nous venons de parler, il 
fe fert de deux fiches de bois humide. 

Les nouvelles expériences qu’il fait dans le vuide font affez analogues 
à celle d'une machine qu'il imagina il y a quelques années, &c qui nous 
parut alors fort ingénieufe. 11 avoit mis plufieurs plans de glaces taillés 
en héxagones les uns au-deffus des autres, & revêtus fur chaque face d’une 
petite lame métallique. Les dimenfions de ces glaces alloient en dimi- 
nuant , & elles repréfentoient parfaitement une pyramide tronquée. Le 
tout étoit établi dans une petite caiffe de cuivre qu’il pofoic fur la pla- 
tine de la machine pneumatique. Il recouvroit cet appareil d’un réci- 
pient, furmonté d’une boëte garnie de colliers de cuirs, à travers lef- 
quels pafloit une tige de métal. Il viffoit au bout de cette tige & en de- 
dans du récipient , une petite lame de cuivre taillée pareillement en 
hexagone, & de mêmes dimenfons que le plan de glace fupérieur fur 
laquelle il l'appliqnoir. 11 faifoit le vuide aufli exaétement qu'il éroic 
pollible , & faifant enfuite communiquer la tige de la boëte à vis avec 

à à e ; cdére 
reil. On voyoit alors des jets de feu fortir des angles du plan fupérieur 
de glace, & romber d’angles en angles fur tous les plans inférieurs ; ce 
qui produifoit une cafcade de feu très-agréable. Nous avons été témoins 
plufeurs fois du fuccès de cette expérience , mais fufceprible des impref- 
fions de l'humidité, & ne s’accommodant point fur-tout de la tranfpi- 
ration & des haleines d’une multitude de Spectateurs qui s’approchoient 
pour la voir de plus près, nous l'avons aufli vue manquer quelquefois. 

Jaloux , comme on ne left point, du fuccès de fes expériences, M. de 
la Fond s'eft appliqué particuliècement à rectifier Ve appareil, & 
il a été plus que dédommagé des foins qu'il a pris, & du tems qu'il 
a facriñié à étudier fes défauts. Il ne mérite cependant pas d'être 
négligé, & fon effet , lorfque le tems eft favorable, eft on ne peut 


1774. DÉCEMBRE. Kkk 2 


444 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
plus curieux. Voici comme il procède pour ces fortes d'expériences qu'il 
varie fingulièrement. 

1°. IL établit fur les cuirs de la machine pneumatique une platine de 
cuivre mince, portée fur trois boutons, dont la hauteur excède celle de 
la térine qui domine toujours le centre de la platine d'une machine 
preumatique. Il pofe alors par-deffus un grand récipient de cryftal, fur- 
monté d’une boëte à cuirs, à la tige de laquelle il a eu foin de viffer 
auparavant une autre platine de métal de fx pouces pareillement de dia- 
mètre. 1l évacue l'air de fon récipient aufli exactement qu'il eft poflible. 
Cela fait, il établit une communication entre l’un de fes conduéteurs & 
la tige de la boëte à cuirs, & il fair électrifer cet appareil. On voit auli- 
tôt plufieurs bandes de feu qui fe croifent en différens fens, en par- 
tant des bords de la platine fupérieure fur la platine inférieure , à quel- 
que diftance que ces deux platines foient éloignées. 

L'expérience devient encore plus jolie, & le feu part régulièrement 
d'un plus grand nombre de points lorfqu’on n’électrife pas continuelle- 
ment cet appareil ; c’eft-à-dire , lorfque la communication de l'appareil 
avec le conducteur n’eft pas permanente. Pour cet effet, 1l laifle pendre 
à fon conduéteur une tige de métal , terminée de part & d’autre part de 
gros boutons de cuivre; il attache une longue foie au bout de cette tige , 
& tenant cetre foie à la main, à une affez grande diftance du métal , 1l 
approche à plufeurs reprifes la tige électrifée qui traverfe la boëte à 
cuirs, & à chaque fois , on voit une multitude étonnante de bandes de: 
feu s’'élancer de tous les points de la circonférence de la platine 
fapérieure , & s’entrelacer d’une manière admirable , en tombant fur 
l'inférieure. On multiplie ces phénomènes à volonté, en preflant & 
en accélérant le choc entre les deux tiges, 

2°. Un effet du genre du précédent & qui ne lui cède en rien pour 
la curiofité, c’eft le fuivant. On laiffe encore la petite rablerre de métal 
fur la platine de la machine pneumatique , mais on fubititue une boule 
de 15 à 18 lignes de diamèrre à la platine fupérieure. Cette boule doit 
porter le mème pas de vis que la platine, pour fe montrer également fur 
l'extrémité de la même tige. On fait le vuide & on établit d'abord une 
communication entre la boëte à cuir & l’un des conduéteurs. Si on élec- 
trife continuement cer appareil, on voir un jet de feu d’une couleur pour- 
pre fuperbe , qui s’élance du milieu de la boule fur la platine. Ce jer eft 
accompagné de plufeurs autres, mais dont la couleur eft beaucoup moins 
vive. Ceux-ci fe courbent en différens fens dans l’efpace qui fépare la 
boule de la platine inférieute. Cer efpace n’eft point limité , on peut 
remonter la boule jufqu’au haut du récipient. Il nous a paru cependane 
qu'il y avoit une certaine diftance à laquelle ces effers éroient plus fenf= 
bles & plus beaux. 


‘ 


SUR L’HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 445 


Is le font encore davantage, & on ne peut décrire les mouvemens 
finguliers de cerre lumière , lorfqu’au - lieu d’éleétrifer continuement 
l'appareil , on l’éle&trife à plufeurs reprifes, en fuivanc la méthode indi- 
quée ci-deflus. 

3°. Si on fubftitue à la boule dont on vient de faire ufage , une platine 
de cuivre découpée en forme d'étoile à cinq branches, & qu’on difpofe 
l'appareil de la même manière que pour les expériences précédentes , 
on obferve 1°. qu’en éleétrifant continuement cet appareil, il s'échappe 
de chaque pointe de l'étoile un faifceau de lumière qui fe reploie fur 
lui-même, & vient tomber fur la platine qui eft au-deflous. La cou- 
leur de ce faifceau varie. Elle eft rrès-vive & très-purpurine à l’origine 
de fa chûte ; elle devient enfuite plus rare, & elle eft blanche, lorfqu’elle 
arrive fur la platine. 2°. Si on électrife enfuire cet appareilà plufieurs 
reprifes , le phénomène change d’efpèce, au-lieu de cinq jets de feu, 
on en voit une multitude étonnante qui fe ramifent & qui fe croifenc 
de différentes manières , dont on ne peut donner une idée bien exacte , 
tant il y a de variétés dans les mouvemens de cette matière. 

4°. Les effets fuivans, quoique toujours du même genre , font encore 
plus étonnants, & font la fenfation la plus agréable. 

On enlève la platine de cuivre qui étoit pofée fur celle de la machine 
pneumatique, & on laifle le cuir de cette machine à découvert. Nous 
croyons devoir prévenir que pour le fuccès de cette expérience , ainfi que 
des précédentes , il faut que le cuir de la machine foit le moins moulé 
auilfoic poflble , & il faut même avoir foin chaque fois qu'on change 
d'appareil de bien effuyer le dedans du récipient. Îl eft encore mieux de 
le préfenter quelques momens au feu , après l'avoir effuyé. 

Ces préparations faites, on vifle au bout de la tige de la boëte à cuir 
un petit anneau de cuivre de deux à trois pouces de diamètre ; cet an- 
neau porte pour cela, fur un des points de fa circonférence , une petite 
tige de cuivre taraudée par le haut. Cet anneau 2 la forme d’une zone. 
de cuivre de fix lignes de largeur. | 

On difpofe cet appareil vers le milieu de la hauteur du récipient. On 
fait le vuide , & on n’électrife ici que par reprifes. On voir à chaque fois 
des rayons lumineux qui s’élancent de tous les points de la zone méral- 
lique, & fe jettent de tous côtés dans la capacité du récipient. Le 
dedans de la zone refte obfcur & nébuleux. 

Si on électrifoit continuement cer appareil , on ne verroit alors que 
quelques jets de lumière qui fortiroient de la courbure inférieure de 
l'anneau, & l'effet en feroit incomparablement moins beau. 

Veut-on que la partie nébuleufe de l'anneau devienne lumineufe , & 
imite parfaitement les rayons du foleil? Voici comment on procède. 

On établit fur la platine de la machine pneumatique un petit pied de 


métal , furmonté d’une tige de même matière. Cette tige coudée vers 
1774. DECEMBRE. 


446 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


le haut à angle droit , porte une pointe horifontale, fuffifamment lon- 
gue , pour parvenir au centre de l'anneau placé exactement à ce cen- 
tre, & n’excédant point la demie largeur de la zone ; on électrife l'ap- 
pareil de la même manière que dans l’expérience‘précédente , c’eft.a- 
dire , à plufieurs reprifes ; on voit alors, outre les rayons extérieurs dont 
nous venons de parler, une multitude de nouveaux rayons également 
lumineux , qui s'élancent de tous les points de la furface intérieure de 
la zone, & viennent en fe reployant fe réunir à la pointe qui eft au 
milieu. Cette pointe paroît conftamment lumineufe pendant route la du- 
rée de l'expérience , & cette lumière eft très-vive & purpurine. Un peu 
d'habitude à manier ces fortes de machines , beaucoup d’exaétitude dans 
le procédé , & le vuide toujours fait auffi parfaitement qu’il eft poñlible , 
font des conditions nécelfaires pour le fuccès de ces fortes d’expé- 
riences , fans contredit, les plus curieufes qu’on ait encore fait en ce 
genre. 

On verra fans doute les figures de ces appareils gravées dans un 
Ouvrage que M. de la Fond va pablier , dans lequel il fe propofe de 
décrire toutes les machines de Phyfique , & la manière d’en faire ufage. 
Nous fentons déja le prix d’un Ouvrage de cette efpèce, fait par un 
homme aufli habitué à perfetionner & à manier des machines , & 
nous nous emprefferons dans le tems de le faire connoître. 


* 


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MES EO ITR 


Sur la calcination des Métaux dans Îles vaifleaux fermés , & 
{ur la caufe de l'augmentation de poids qu'ils acquièrent 
pendant cette opération ; 


Lu par M. LAVOISIER , de l Academie Royale des Sciences à la Séance 
publique de la même Académie ; le 12 Novembre 1774 (1). 


IL réfulce des expériences rapportées dans les chapitres V & VI de 
Ouvrage que j'ai publié au commencement de cetre année , que lorf- 


(x) Ce Mémoire n’eft qu'un extrait très-abrégé d'un Ouvrage beaucoup plus con- 
fidérable , dont l’Auteur eft occupt. Les circonftances l'ayant obligé de fe refferrer 
dans des bornes très-étroires , il s'eft vu forcé de fupprimer tous les détails, quelqu'ef- 
fenriels qu'ils fuflent, Il fe croit en conféquence obligé de prévenir le Public, que les 


RS Te I CNT TS PE pee 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 447 


qu'on calcine au verre ardent du plomb ou de l’étain fousune cloche de 
verre plongée dans de l’eau ou dans du mercure , le volume de l’air con- 
tenu fous la cloche , diminue environ d’an vingtième par l'effet de la 
calcination , & que le poids du métal fe trouve augmenté d’une quan- 
tité à peu- près égale à celle de l'air détruit ou abforbé,. 

J'ai cru pouvoir en conclure alors , qu'une portion d’air ou d’une ma- 
tière quelconque contenue dans l'air , fe combinoir avec les métaux pen- 
dant leur calcination ; & que c’éroit à cetre caufe qu'étoit due l’aug- 
mentation du poids des chaux métalliques. 

L'effervefcence qui a lieu dans la vitrification des chaux métalliques, 
eft venue à l'appui de cette théorie. Je crois avoir prouvé que cette effer- 
vefcence étoit due au dégagement d'un fluide élaftique d’une efpèce 
d'air qu'on pouvoit rerenir & mefurer; & il a réfulté des expériences 
multipliées auxquelles je l'ai foumis fiqu'il ne différoit en rien de ce 
qu’on a nommé impropremenr air fêxe : que cette fubftance étoit tou- 
jours la mème, foit qu’elle für dégagée des chaux métalliques par la ré- 
duction des végétaux, par la fermentation ou des alkalis falins & ter- 
reux , par leur diffolution dans les acides. 

Quelque décifives que paruffent ces expériences , elles étoient en con- 
tradiction avec celles publiées par Boyle, dans fon Traité de la Pefan- 
teur dela Flamme & du Feu. Ce célèbre Phyficien avoit effayé de calciner 
du plomb & de l’étain dans des vaifleaux de verre fcellés hermétique- 
ment. Il étoit parvenu à les y calciner eneffet , du-moins en partie ; & 
les chaux qu’il avoit obtenues , s’étoient trouvées de quelques grains plus 
pefantes que le métal employé. Boyle en avoit conclu , que la matière 
de la flamme & du feu pénétroit à travers la fubftance du verre ; qu’elle fe 
combinoït avec les métaux ; que c’éroit à cette union qu'étoit due la con- 
verfion des métaux en chaux , & l'augmentation de poids qu’elles 
acquièrent. 

Des expériences auffi précifes , faites par un Phyficien aufi exact, 
étoient bien capables de me mettre en garde contre ma propre opinion, 
quelque démontrée qu’elle füt à mes yeux : & je me fuis propof£ , en con- 
féquence, non-feulement de les répéter telles qu’elles ont été faites par 
Boyle ; mais d'y ajouter même routes les circonftances qui me paroïtroient 
propres à les rendre plus concluantes encore , s'il étoit poflible. 

Voici d’abord le raifonnement que je me fuis fait à moi mème; fi 
l'augmentation de poids des métaux calcinés dans Les vailfeaux fermés eft 
due , comme le penfoit Boyle , à l'addition de la matière de la flamme, 


expériences telles qu'elles font énoncées dans cet Extrait , font dangereufes, & 2 la 
rigueur, impoflibles. L'objet de cette déclaration eft, 1°. de mettre l’Aureur 2 l'abri des 
reproches qu'on pourroit lui faire d'avoir omis des circonftances néceflaires; 2°. de 
tenirceux qui voudront répéter ces expériences en garde contre le danger des explofons, 


1774. DÉCEMBRE, 


, 


443 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


& du feu qui pénètre à-travers les pores du verre, & qui fe combine 
avec le métal ; ils’enfuit que fi, après avoir introduit dans un vaiffeau 
de verre une quantité connue de métal, & l'avoir fcellé hermétique 
ment , on en détermine exaétement le poids ; qu’on procède enfuite à la 
calcination par le feu des charbons, comme l’a fait Boyle ; enfin , qu'on 
repèle le mème vaiffeau après la calcination , & avant de l'ouvrir, fon 
poids doit fe trouver augmenté de route la quantité de marière du feu 
qui s’eft introduit pendant la calcination. 

Si , au-contraire, me fuis-je ditencore , l'augmentation de poids de la 
chaux métallique n’eft point due à l'introduction de la matière du feu , 
mais à la combinaifon , à la fixation de l’air , ou d’une matière quelcon- 
que contenue dans la capacité du vaifleau , il s'enfuir évidemment que 
le vaifleau ne doit point être plus pefant après la calcination qu'aupara- 
yant ; il doit feulement fetrouvêr en partie vuide d'air; & ce n’eft qu'au 
moment où la portion d’air manquant fera rentrée , que l'augmentation 
de poids du vaifleau devra avoir lieu. 

D'après ces réflexions , j'ai coulé d’une part en petits lingots une quan- 
tité fuffifante de plomb & d’érain, j'ai préparé de l’autre un certain 
nombre de cornues de verre blanc de différentes capacités: j'ai introduit 
dans chacune d’eiles huit onces de plomb ou d’érain, puis jeles ai fcel- 
lées hermériquement à la lampe d’Emailleur ; & j'en ai déterminé le 

oids à l’aide d’une balance qui , chargée detrois ou quatre livres, tré- 
buchoit fenfiblement à moins d’un grain. 

Tout étant ainf difpofé , j'ai préfenté les cornues fur un fourneau 
rempli de charbons ardens , ayant foin de les échauffer lentement , & de 
les tenir toujours à quelque diftance des charbons , pour éviter les frac- 
tures; enfin, j'ai entrecenu le plomb & l’érain en parfaite fufion pendant 
deux heures dans chacune des cornues : & voici ce que j'ai eu lieu 
d’obferver. 

Premièrement , le plomb ou l’érain dans toutes, a commencé par fe 
couvrir d’une pellicule terne : infenfiblement , une portion du métal s’eft 
convertie en une poudre grife-jaunâtre pour l’érain , cendrée pour le 
plomb, laquelle , au-lieu de nager fur le métal en fufon, s’eft précipitée 
au fond. La quantité de cette poudre a augmenté peu-à-peu pendant une 
heure environ; à compter de ce terme, la calcination a entièrement ceflé 
d’avoir lieu , & la furface du métal qui étoit terne auparavant, a repris 
prefque tout fon brillant métallique. 

Secondement , la quantité de poudre grife ou de chaux, a été conftam- 
ment plus confidérable dans les grandes cornues que dans les petites, 
fans que cependant les quantités aient été proportionnelles à la capa- 
cité des cornues. 

Troilièmement , dans routes les expériences , les cornues pefées avec 


Ja plus fcrupuleafe attention avant & après la calcinarion & le refroidif- 
fement, 


SURIL'HIST. NATURELLE) ET LES ARTS. 49 


fement , mais fans avoir été ouvertes , n’ont pas préfenté la plus légère 
p 


différence de pefanreur. 

Quatrièmement, dans le momerit où l’on rompoit la petire pointe de 
la foudure hermérique, pour rendre de l'air au vailleau ,on entendoic 
un fiflement long. occafionné pat la rentrée de l'airextérieur, &le fif- 
lement éroit | routes chofes d'aillears égales, plus rapide, plus fort & 
plus long dans les grandes cornues que dans les petites. 

Cinquièmement, ces mêmes cornues rrepefées après Ja rentrée de 
l'air, {2 font toujours trouvées augnientées de poids : cette augmentation 
étroit aÎlez exaétement proportionnelle à la capacité de la cornue ; & ce 
qu eft crès-remarquable, elle a toujours été exaétemient égale à l'aug- 
mentation de poids qu’avoit acquis le méral pefé féparémenr. 

Il réfulte bien évidemment de ces expériences , que l'augmentation 
de poids des métaux calcinés! dans les vaifleaux fermés, ne provient ni 
de la matière du feu , ni d'aucune matière extérieure à la cornue ; que 
c'eft de l'air feul contenu dans le vaiffeau, que le métal emprunte la 
fubftance qui en augmente le poids; & qui le convertit en chaux ; 
enfin, que ce qui avoit trompé Boyle, c’eft que dans toutes fes expé- 
riences , il avait négligé de pefer le vaifleau avant de l'ouvrir , & il avoir 
attribué à la matière du a une augmentation de poids qui venoit 
réellement dela portion d’air extérieur , rentrée ‘dans le vaiffeau. 

Les bornes que les circonftances me prefcrivent ne me permettent pas 
d'entrer ici dans des détails très effentiels ; cependant, pour le fuccès 
des expériences que je viens de rapporter, & je me vois à regret obligé 
de les réferver pour nos Séances particulières; elles m’ebligenr éga- 
lement de paffer fous filence toutes les expériences que j'ai faires fur 
l'air qui a fervi à la calcination des métaux. Cet air ainfi dépouillé de 
fa partie fixable , ( je pourrois prefque dire de la partie acide qu’il con- 
tenoit ); cet air, dis je, eft en quelque façon décompofé; & il m'a 
paru réfulrer de cerre expérience un moyen, d’analyfer le fluide qui 
conftitue notre athmofphère ; & d'examiner les principes qui le confti- 
tuent, Quoique je ne fois pas arrivé à cer égard à des réfulrats entière- 
ment fatisfaifans , je crois cependant être en état d’afluier que l'air auffi 
pur qu'on puille le fuppofer , dépouillé de toute humidité & de toute 
fubftance étrangère à Ba exiftence & à fa compoñtion , loin. d'étré un! 
être fimple , un élément , comme on le penfe communément , doit être 
rangé, au contraire , tout au moins dans Ja claile des mixtes, & peut: 
être même dans celle dés compofes. 


WA 


Tome IV, Part. VI. 1774. DÉCEMBRE. Lil 


l - 


4jo . OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


NA SAGA ARAE Ma NE 5 


EcrITE A L'AUTEUR DE cE RECUEï:ILzL, 


Par M. LAVO1SIER, de l’Académie Royale des Sciences , après lui 
avoir envoyé lé Mémoire qu'on vient de Lire. 


NE , je vous prie de vouloir bien faire imprimer la note ci- 
jointe à la fuite de mon Mémoire far la Calcination des métaux fur les 
vaifleaux fermés ,que vous avez defiré de faire paroïtre dans votre Jour- 
nal. S'il n’eft plus rems , & que l’impreflion foit achevée , j'efpère que 
vous voudrez bien l’inférer dans la feuille fuivante. Il m'importe que le 
Public foit convaincu , le plutôt poflible, que je n'ai point l'intention 
de m’approprier Le travail d'autrui ; & je fuis convaincu que la délica- 
telle en Lisrérature & en Phyfique, n’eft pas moins ellentielle’ qu’en 
Morale. Quoique l’éxpérience du Pere Beccaria diminue de quelque 
chofe la nouveauté de mes-expériences; je vous avouerai cependant que 
fa Letrre m'a fairan très-grand plaifir, & que j'ai été rrès-charmé de 
voir adopter & confirmer par un Phyficien célèbre la théorie de l’augmen- 
tation de poids des chaux métalliques, que je crois avoir développée le 
premier, & qui me paroît maintenant aufli folidement établie qu'un 
fait puiffe l’être en Phyfique & en Chymie. 
Je fuis, &c. 
Paris , Le 12 Décembre 1774. 


Le Mémoire dont l’Académie vient d’entendre la leéture , a été 
rédigé , il y a déja plufieurs mois ; & il a été paraphé par M. de Fouchy 
dès le 14 Avril dernier. Je ne connoiflois alors que Boyle qui eür effiyé 
de calciner dès métaux dans des vaiffeaux de verre fcellés hermétique- 
ment dans la vue de déterminer quelle pouvoir être la caufe de l’augmen- 
tation de poids qu’ils acquéroient pendant leur calcination; & que 
M. Prieftley qui eût annoncé que la calcination dans les vaiffeaux fer- 
més , avoit un térme au-delà duquel elle né pouvoit plus avoir lieu. J'ai 
appris depuis par une Lettre du Pere Beccaria qu'il avoit annoncé certe 
dernière vérité , il y a plus de quinze ans , & qu’il en étoit fait mention 
dans les Mémoires de l'Académie de Turin. Je m'empreffe de rendre à 
ce Phyficien célèbre la juftice qui lui eft due ; & , pour que le Public 
puiffe apprécier ce qui lui appartient dans certe découverte. Je vais 
tran(crire ici & la Lettre du Père Beccaria & le Pallage rapporté dans 
le come Il des Mémoires de Turin. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4x 


Exirait d'uné Lettre du Pere BECCARIA , écrite de Turin Le 1% 
Novembre 1774 ; à M. LAVOISIER , de l’Académie des Sciences 
de Paris. 


Je crois devoir vous indiquer une expérience par laquelle j’ai démon- 
tré depuis très long-tems l'incalcinabilité des méraux dans les vaiffeaux 
fermés. Le Docteur Cigna en a fait mention dans le fecond volume des 
Miffillinea de Turin , page 176. 

Je fonds de la raclure d'étain dans une bouteille de verre très-forte ; 
fcellée hermétiquement ; il s'y forme une pellicule de chaux très-mince s 
mais elle n’augmente pas davantage. Si, à cetre bouteille je foude her- 
mériquement des flacons, la portion de chaux qui fe forme ; croît en 
proportion de leur capacité , la forme totale du poids (en. prenant 
garde d’ôter de la bouteille le léger enduit qu'y forme,la flamme de 

“efprit-de-vin dont je me fers pour cette opération), refte le même ; 
mais les facons ajoutés qui , avant la calcination, fe trouvoient en équi- 
libre fur un-certain point , ceffenc d'y être après l'opération, & fe trou- 
vent plus légers. 


Paffage d'un Mémoire de M. C1GN A > imprimé! dans le Recucil des 
Mémoires de l'Académie de Turin , page 176 , tome Il. 


Le Pere Beccaria a de même éprouvé ( ainfi qu'il me l'a dit lui- 
mème) qu'ayant mis de la limaille 2 plomb ou d’érain dans des vaif- 
feaux de verre fcellés hermétiquement, &les ayant expofés fur le feu 
pour les calciner , il n’avoit pu en réduire qu'une portion en çhaux, & 
que cette portion s’étoit trouvée d’autant plus grande , que les vailfeaux 
avoient plus de capacité. 


1774. DÉCEMBRE, Lil: 


452 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


RASE 2 RE ET PL TL PT ES ER EC PR PRET FREE ne 


OMR 9 LEURS VAS AU EE OUR 


Sur le nouveau Miroir ardent du Louvre, 


ON vient de conftruire à Paris ; aux frais de M. Trudaine, Intendant 
des Finances , & fous la direction des Commiflaires nommés par l’Aca- 
démie Royale des Sciences, ( MM: de Montigny , Macquer, Cadet, 
Lavoifer & Btiflon), un grand verre ardent qui eft le plus beau & le 
plus forc initriimént dé cé genre qu'on ait jamais conftruir. Certe len- 
tille , qui 4 été placée au’ Jardin'de l’Infante!, ef compofée de deux 
glaces épatiTes dé huir lignes , courbées en portion de fphère de huic 
pieds de rayon, &'qui étant jointes énfemble par leurs bifeaux , laiffene 
entrelles un vuide lenticulaire de 4 pieds de diamètre , & qui a au cen- 
tré 6 pouces 5 lignes d'épaïlleur*Ce vuide eft rempli d’efprit-de-vin, 
& 'én contient environ 140 pintes. C'elt certe liqueur qui devient le 
corps réfringent. Cette lentille a été exécutée avec beaucoup d’adreffe, 


d'intelligence & de perfection , par M. Bernières , Contrôleur des Ponts. 


& chauflées, dont le mérite & les talens font déja bien connus. Le 
fupport , qui eft une: efpèce de chariot ; deftiné à porter la lentille & à 
lui faire fuivre avec facilité les mouvemens du foleil , a été auffi exécuré 
par le mème M. Bernières , fecondé par M. Charpentier, habile Mé= 
chanicien , avec toute le: fimplicité & route la commodité pofñibles. 


Deux manivelles fént mouvoir toute la machine : l'une ferc pour le 
mouvement horifontal , & l’autre pour lé mouveinent vertical; an feul 
homme peut, fans fatigue, produire & diriger ce double mouvement, 
lors mème que la plate-forme eft chargée de 8 à 10 perfonnes. Lagrande 
quantité de rayons que peut raffembler une lentille d’un aufli grand dia= 
mètre, forme, à 10 pieds 10 pouces du centre de cette lentille, un 
foyer der j lignes de diamètre, & qui eft fiactif, que l'or , l'argent & 
le cuivre y fondent , même en grandes malfes en moins d’une demi- 
minute, & fe mettent fur-le-champ en bain parfair. Si on raccourcir le 
cône de lumière avec une feconde Lutle d’un foyer un peu court , le 
fer forgé y fond prefqu'auffi aifémenc que les aucres métaux au foyer nud 
de la grande ; & firôc qu'il eft fondu , s’il eft placé fur un charbon , il 
en part une grande quantité d’étincelles qui produifent en l'air, & en 
peut, les effets des étoiles d'artifice. On n’a connu jufqu’à prefent au- 
cun verre ardent , capable de produire fur le fer de femblables effets. 
La grande activité du foyer de certe lentille ; fair efpérer que la Phyfique 
& la Chymie en ureront de grands fecours. 


SUR LHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 453 


La grandeur de cette lentille a donné lieu à Mefieurs les Commif- 
faires de l'Académie d'acquérir de nouvelles connoiflances fur l'aberra- 
tion de fphéricité , ainfi que fur celle de réfrangibilité ; ce qu'on ne 
pouvoit faire avec de petites lentilles. 


VE ESP RES LIN ER DUC ETC TE TER LEP LT LUS LUCE PE PEEMEETUES 
e Es En enTe RUE 
ADRESSÉE A L'AUTEUR DE CE RECUEIL. 


Sur l’Acide marin comme Minéralifateur ; 


Par M. Sr1ELMANN , Correfpondant de l Académie Royale des 
Sciences ; & Profeffèur de Botanique à Strasbourg, 


pi lu dans votre Journal du mois de Mai 1774, le rapport fait 
à l’Académie des Sciences , fur la mine de plomb blanche de Poul- 
lawen. Je vais confirmer ce que j'ai toujours cru d’après différens effais 
que j'avois faits, que tant l’arfenic que l'acide du fl marin ne {e trou- 
vent pas toujours dans les mines de plomb vertes & blanches. M. 11- 
femann , très-habile Apothicaire de Claufthal, m'a communiqué , il 
y a quelques années, fon Analyfe {ur la mine blanche du Sellerfeld , 
dont les beaux morceaux font l’ornentent des cabinets des Curieux. 11 
eft évident par cetre Analyfe, qu'il ne s’y trouve ni arfenic, ni acide 
du fel marin. J'ai fait quelques expériences fur la mine de plomb 
blanche qu'on trouvoit , il y a quelques années, à la Croix en Lor- 
raine, fur les frontières de l'Alface ; de même que fur celle qu'on ren- 
contre quelquefois au Wofzrand , près de Fribourg , dans le Brilgaw , 
toutes les deux n'ont pas un foupçon d’arfenic, mais toutes les deux con- 
tiennent de l'acide du fel marin. La mine verte cryftallifée qui fe trouve 
avec la dernière au Wofgrand, n’a point d’arfenic ; mais elle eft évidem- 
ment pourvue de l’acide du fel marin; fa couleur lui vient d’une très petite 
partie de cuivre que j'y ai trouvé. Le plomb fe réduifant fi aifément en 
chaux blanche par l’eau même, je ne vois pas pourquoi on eft obligé d’a- 
voir recours à un propre Minéralifateur, quand on le trouve dansles mines 
fous une telle forme ; mais comme l'acide du fel marin fe rencontre 
copieufement fous terre, & qu'il a une affinité très. marquée avec le 
plomb, je ne fuis pas furpris qu'on le trouve fouvent uni avec lui. Rien 
n'empêche de même larfenic à s’y joindre , quand il fe trouve dans fes 
minières. 4 particulari non valet confequentia ad univerfale. 


Je fuis, &c. é 
1774. DÉCEMBRE. 


44 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


OP ‘SERV AMONLAOMNNESS 


Sur la Lettre du Pere BERTIER , de l’Oratoire, 
À l’Auteur du Journal de Politique & de Littérature, 
Inféée dans le Cahier , n°. IV du 2$ Novembre 1774, page 154. 


» Ox» vient de m'’avertir qu'or avoit lu dans le Journal de Phyli- 
» que l'expérience que vous avez eu la bonté d’inférer dans votre 
» Gazette littéraire ; qui porte, qu'un poids de cent cinquante livres en 
» équilibre dans un plateau de grofle balance, au haut de lEplife de 
» Montmorenci, a pefé deux livres de moins que fon contre-poids, 
» quand il a été quarante-cinq pieds plus bas, & que le Journal ajoute, 
» que cette expérience étant répétée à Rouen par M. David, le poids 
» inférieur a diminué aufli, mais en moindre quantité ; & l’on demande 
» à quoi l’on doit attribuer cette différence (1) ? 

> La première, eft l'excès de hauteur de Montmorenci fur Rouen. Ce 
» premier lieu, fuivant le calcul du Père Corte, eft de foixante-dix toifes 
» plus haut que Rouen; or, plus les corps font élevés , plus ils ont de 
» force centrifuge , ou gravitation pour porter fur leur à-plomb ; plus 
» par conféquent, le corps fupérieur excède en gravitation l’inférieur. 

» Il peut y avoir d’autres caufes de certe différence d’excès dé gravi- 
» tation ; mais il faudroit pour les favoir, avoir le détail de l’expé- 
» rience de M. David , que nous efpérons avoir avec le rems; mais, en 
» attendant, celle-ci fufhit (2) «. 

Dans une difcuflion auffi importante en Phyfique, le P. Bertier permettra 
fans doute des obfervationsfur certe Lettre. Avant d'écrire, il faur lire, afin 
de ne pas fe compromettre , ou de ne pas compromettre l’Auteur qu’on fait 
parler. Si on n'apit pas ainfi, c’eft ou enthoufiafme pour fes idées , qui ne 
permet pas de réfléchir, ou une petite malice littéraire dont certainement 
on n’accufera pas le Père Bertier, Cependant, ce Phyficien favoit par ex- 


EE 


(x) Voyez Journal de Phyfique , tome IV, page 341. On n'y demande pas la raifon 
de cette différence ; mais il y eft dit qu'on Laiffe aux Leëteurs à virer les conféquences de 
l'énorme difproportion qui, à Rouen, fe trouve feulement d'un peu plus d'une once fur 
un poids de 1120 livres , tandis qu'à Montmorenci elle a éré de deux livres fur un poids 
de 150. 

(2) Nous prions M. David d’avoir la complaifance de nous les communiquer, pour 
Les inférer dans le Journal de Phyfique. 


Aie 


{ Tome IV. Nov. page 406." 


aites pour écrafer des pierres dures > pefant 
16$ livres le pied cube. 


Poids que | 
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lorphyre, pefant 201 livres Le pied cube. 
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100. .|1350. . Pie 
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309: |37201 He. 
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109 Livres le pied cube. 


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14. 


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Sur la pierre de FE pefant 120 livres Le pied cube. 


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Sur le grès tendre pefant 114 livres le pied cube. 
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Tome IV. Nov. page 406. 
Expériences faites pour écrafer des pierres dures , pefant 
165 livres Le pied cube. 


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Sur les pierres dures potes en délit. 
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Sur le marbre de Gênes, pefanc 189 livres le pied cube. 
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Sur le marbre de Flandre, pefant 184 livres le Hé cube. 


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Sur le porphyre, pefant 201 livres le pied cube. 

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| 6..| nl 6..| 24..| 6408. .\27r1 .n 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 45 


périence , depuis que M. le Sage de Genève a démafqné les impoftures des 
Coultaud & des Mercier (1), qu'on ne devoir plus s’en rapporter fur des 
on dit , on vient de m’avertir qu'on avoit lu , &c. I] lui éroit fi aifé de fe 
procurer le Journal de Phyfique ! Nous pouvons dire avec afurance qu’il 
eft entre les mains de tous ceux qui s'occupent de Phyfque en général, 
ou feulement de quelques unes de fes parties féparées ; & que fi quelque 
chofe peut adoucir la peine qu’il donne à rédiger, c’eft l'accueil qu'il 
reçoit des perfonnes en étar de le juger (2). 

Père Bertier , foyons de bonne foi l’un & l’autre. Cet air de mépris 
pour le Journal de Phyfique, ne proviendroit-il point d'un petir levain de 
rancune, de ce que dans le mois d'Avril dernier je ne voulus pas y inférer 
votre Critique de la Lettre de M. le Sage (3), affez volumineufe pour 
remplir quatre grandes feuilles d'impreffion, & ne contenant qu'une 
fimple répétition des mêmes principes & des mêmes conféquences que 
vous aviez déja fait imprimer dans un Ouvrage intitulé : Principes de 
Phyfique ? 

Vous vous fouvenez encore que je vous la renvoyai, pour vous prier 
de la réduire à quatre pages , ou de la donner à d’autres Journaliftes qui, 
difiez-vous, vous l’avoient demandée : enfin, vous vous fouvenez encore 
que dans la cour du Louvre , le jour de la rentrée publique de l’Acadé= 
mie après Pâques , vous vous miîtes dans une grande colère, lorfque je 
vous annonçai que je n'imprimerois point cette Critique, tant qu’elle 
feroit aufli volumineufe. Alors, vous ajoutâtes poliment que vous m'y 
forceriez par des ordres fupérieurs. Père Bertier , introduire en Phyfique 
des lertres de cacher pour l’attraétion, pour la force centrifuge ou cen- 
tripère ! ce n’eft pas bien. Comme ces petites alrercations entre Aureurs 
ne rouchent point an fond de l'affaire , venons à notre objet, & repre- 
nons les expériences qui ont été faires pour déterminer fi les corps pèfent 
plus où moins, à melure qu'ils s’éloignent ou qu'ils approchent plus de 
la terre. 

1°. Pour la gloire de la Phyfique, mertons de côté les expériences des 
Coulraud & des Mercier; & remercions enfemble M. le Sage, d’avoir 
dévoilé l’impofture , & démontré que les perfonnages & les expériences 
éroient controuvés. 

2°, Vous favez qu’en 1662, 1664& 1681, M. Hooke & plufieurs Mem- 
bres de la Société Royale de Londres, firent des expériences en tout fembla- 


(1) Voyez dans le Journal de Phyfique, année 1773 , tome 1, page 250 , ce que 
J'Auteur dit des prétendues expériences faites fur les montagnes de Samoens en Fauci- 
gny, Province de Savoie. 

(2) Nos Lecteurs font priés de pardonner cette petite apologie du Journal de Phy- 
fique. C'eft la première Éis que nous nous la permettons ; & ce fera auffi la dernière. 
La circonftance eft notre excufe. 

(3) Voyez tome II, année 1773, page 378. 3 

1774. DÉCEMBRE 


456 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


bles aux vôtres, dans la Cathédrale de Saint-Paul, à l'Abbaye de Weft- 
minfter, à la colonne appellée le monument : que ces Académiciens fe 
fervirent de balances fi parfaites, qu’un grain par livrefaifoit trébucher ; 
que l'un des poids égaux étoir plus élevé que l’autre , tantôt de 204 
pieds , tantôt de 71 pieds, comptés depuis le terrein , tantôt de la même 
hauteur de ces premiers : enfin, ces expériences furent variées dans tous 
les fens ; & les Académiciens Anglois n’apperçurent jamais entre ces 
deux poids aucune prépondérance , toutes les circonftances étant d’ail- 
leurs égales. 
3°. Dans le Cahier du mois d'Oétobre 1773 (Journal de Phyfique) 
age 251, j'imprimai les détails de votre première expérience faite dans 
l'Eglife de l'Oraroire de Paris, dont la voûte eft élevée de 75 pieds en- 
viron. Vous trouvâres , à vorre grande fatisfaction , que le poids fupé- 
rieur l’emportoit fur l’inférieur ; & vous obfervâtes que plus-les poids 
étoient forts, plus le fupérieur l'emportoit; mais vous n'avez pas alors 
articulé la différence refpeétive de lun à l’autre, 
4°. On lit page 148 , Cahier de Février 1774, du Journal de Ver- 
dun. , .,( c’eft vous qui parlez) j'ai fait une cinquième répétition de mon 
expérience au haut du dôme des Invalides , élevé environ de 180 pieds, 
un peu plus du double de la hauteur de la voûre de l’Eglife de l'Ora- 
toire, ( C’eft fous cette voüre qu'ont été faites les premières expérien- 
ces ), & j'ai rronvé /e réfultat proportionnel à la hauteur & au poids. 
s°. Enfin, dans le même Journal de Verdun pour le mois de Novem- 
bre 1774, page 185 (c'eft encore vous qui parlez : ) j'ai mis à la voûte de 
l'Oratoire de Montmorenci, haute d'environ 45 pieds, dans un plateau 
d’une groffe balance , trois poids, chacun de 50 livres ,en équilibre avec 
trois contre-poids , chacun de so livres, y comprisune corde de 45 pieds 
de long ; enfuite j'ai defcendu cette corde & ces contre poids à un pied 
de la cerre , obfervant d'empêcher qu’elle ne fe balançäât point , & nous 
avons vu, mes Adjoints & moi, que le poids d’en-haut l'emportoit fur 
le poids d’en-bas & fur fa corde, d’un peu plus de deux livres. 
Vous ajoutez encore : Je ne doute pas que ceux qui ne cherchent que 
Ja vérité dans la Phyfique, ne fe rendent à cette expérience, & qu'ilsne 
foient charmés de voir confondus ces Epicuriens, ces Auteurs de fyfté- 
mes oppofés à la nature, qui voudroient nous enlever notre Père , notre 
Dieu, en foutenant que les corps s'attirenc & fe meuvent d'eux-mêmes 
fans'premier moteur. 
6°. M. David a répété vos expériences à Rouen , dans la tour de 
Saint-Ouen, à 170 pieds au-deffus du pavé de l’Eglife; & il n’a trouvé 
qu'un gros fur un poids de 75 livres, & un peu plus d’une once fur un 
poids de 1120 livres. 
Tel eft à-peu-près l'état fuccinét , mais fidèle , de cout ce qui, en gé- 
HÉTA! 


SUR L’'HIST.-NATURELLE ET LES ARTS. 457 


néral , a été fait fur cet objet. Il eft rems de parler de deux nouvelles ex- 
périences. 

Le 6 Décembre 1774 , depuis dix heures du matin jufqu’à deux heures 
& demie de l'après-midi, & en préfence de plufeurs témoins dignes de 
foi, autant par leurs lumières que par leur état , nous avons procédé , 
ainf qu'il fuit. Dans le dôme des Invalides & fur la partie plate formée 
par la vouffure de la grande coupe, c’eft-à-dire , cent foixante- huit pieds 
au-deffus du pavé de l'Eglife, & à quinze pieds environ de la clef de la 
voûte du dôme (1); nous avons trouvé une échelle d’engin, des balances, 
des poids, des cordes, du fil de fer, enfin, tour ce qui étoit néceffaire 
pour faire des expériences relatives à la pefanteur des corps (2). Le Aéau 
de la balance a été attaché à la partie fupérieure de cette échelle. Les deux 
baflins parfaitement en équilibre trébuchoient de part ou d'autre par l'ad- 
dition du poids de la pefanteur d’un gros ; d’un côté, on a placé une 
corde & des poids jufqu’à la concurrence de deux cens livres ( y 
compris celui de la corde ) ; & dans l’autre, quatre poids chacun de cin- 
quante livres, qui ont donné un équilibre parfair. Un gros ajouté faifoic 
également trébucher les deux bafins. Les poids bien reconnus, le pla- 
teau qui avoit fervi à pefer la corde & les poids, ont été defcendus fur 
le pavé de l’Eglife. La corde pefoit vingt-huit livres douze onces ; & on 
avoit par conféquenten poids réels, cent foixante-onzelivresquatre onces; 
en tout deux cens livres, la corde comprife. 

La corde tendue de hauten bas, tenant au nœud d'un bout du fléau , 
& fufpendue à un pied de terre, il a fallu la raccourcir de plufieurs pieds, 
c’eft-à-dire, la replier fur elle-mème , parce qu’elle s’éroit alongée , &c 
le balin ou plateau touchoit à terre. Les chofes mifes dans le point né- 
ceffaire pour l'opération, le poids fupérieur l'a emporté fur l'inférieur de 
12 gros , c'elt-à-dire, d'une once & demie. L'expérience bien examinée 
& bien vérifiée par les affiftans , nous avons procédé à la feconde. 

Après avoir fupprimé la corde, on a adapté à fa place un fil de fer 
pefant quatre livres & une once; & on a ajouté dans le même baflin de la 
première expérience , quatre-vingr-quinze livres quinze onces. Le baflin 
oppofé , c’eft-a-dire, celui placé au haut du dôme, a été chargé de cent 


(1) C'eft le (eul endroit dans cette partie fupérieure du dôme où il foit poffible de 
placer une machine de cetre force. On avoit penfé à placer la corde pour fufpendre 
Jes balances dans le trou formé à la clef de la voûte ; mais il n’auroit pas été poflible 
de placer les poids dans les baffins. : 

(2) C'eft aux foins empreflés & au zèle pour le progrès des Sciences que culrivent 
par goût M. de Chaumont, Intendant de l'Hôtel, & M, de Frémenville k Tréforier < 
que nous fommes redevables de routes ces facilités, pour procéder à ces expériences. Il 
fuiloic de defirer ; le defir mêmeétoir prévenu. Cependant, on a peu d'idée de la 
difculté extrême qui s'eft rencontrée pour érablir cet appareil. Avec un plaiGr égal à 
notre reconnoiflance , nous publions nos obligations envers ces Mellieurs. 


Tome IV, Part, VI. 1774 DECEMBRE. Mmm 


458 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


livres, & au grand étonnement des fpeëtateurs , l'inférieur Pa emporté fur le 
fupérieur de douxe gros. 1 eft effentiel de remarquer que M. Chemin, 
Maître Balancier de Paris, a fourni le fléau de la balance, & qu'il étoit 
de la plus grande précifion ; que c’eft lui, aidé de fes ouvriers, qui a 
toujours manié & dirigé fa balance. On ne dira donc pas que des mains 
peu exercées conduifoient l'opération. 

Le baflin fupérieur a enfuite été fucceflivement chargé par des poids 
de deux cens livres , les mêmes qui avoient déja fervi ; l'inférieur com- 
mençoit à être chargé de cent cinquante livres, & on continuoit à placer 
des poids pour le mettre en équilibre avec le fupérieur , lorfque le fit 
de fer a callé. Ce contre-tems a mis fin à nos expériences. Elles n’en 
refteront pas là, & nous nous propofons de les continuer avec une ma- 
chine encore plus parfaite, qui facilitera les moyens de juger voile par 
toife la variation, s’il y en a, dans les poids , & de fixer précifément à 
quelle hauteur cette variation commencera. 

Eh bien, Père Bertier, vous ne vous attendiez pas à un femblable 
réfultat ? Cet hargneux fil de fer vient fingulièrement embrouiller la quef- 
tion. De qui eft-ce la faute? Certes, ce n’eft pas la mienne. Voilà dans 
un feul moment & par un feul trait, ous vos raifonnemens'à perte de vue 
fur la pefanteur de la lune, des éroiles, &c. un peu en défordre. Mais 
auf , pourquoi fe hâter fi précipitamment de conclure ? Le plus pru- 
dent eft de fufpendre fon jugement , & de rechercher la vraie caufe de 
cette variation & difproportion fingulières de poids d’une expérience à 
une autre. 

J'en appelle ici à votre témoignage, Père Bertier : dans les fepe répé- 
titions de vos expériences , avez-vous toujours eu ( toutes circonftances 
& proportions égales ) des réfultats abfolument analogues? Arriculez, je 
vous prie ou oxi ou mon. Soyons de bonne foi ; vous voyez que je ne 
déguife rien de ma première expérience qui appuie votre fyftème ; & je 
vous promets qu'il y a la même vérité pour la feconde. Si quelqu'un 
entreprend de la répéter, & qu'il y trouve des réfultats différens , tant 
mieux. Cette différence autorifera encore plus les Phyficiens à fufpendre 
leur jugement, & fur- tour, à ne pas hafarder des conféquences. Car enfin, 
Père Bertier, on croiroit que votre expérience du dôme des Invalides a 
été faite avec des machines proportionnées à celles dont vous vous êtes 
fervi fous la voûte de l’Eglife de l'Oratoire de Paris , ou fous celle de 
Montmorenci. Point du tout ;une balance de poche compofoit tout votre 
attirail. Un poids de deux livres (ou de trois, pour éviter toute chicane) 
defcendoit majeftueufement au bas du dôme, & votre balance étoit atta- 
chée au barreau de fer élevé de trois pieds au plus, au-deffus de la plate- 
forme où étoit placée notre échelle d’engin. Certes, il n’y a ici ni pro- 
portion entre les poids & les hauteurs dont vous avezparlé ; cependant, 
c'éroit le cas de défigner quelle différence préfentoir le ré/ülrar propor- 


SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 459 


tionnel à la hauteur & au poids : maïs, pour qu’on ne dife pas qu’une ex- 
périence de plus ou de moins ne détruit pas l’effec de celle de Mont- 
morenci , j'accorde que toutes font vraies, exactes, & à l'abri de tou 
foupçon. Ainl récapitulons. 

1°. À Londres en 1662, &c. les expériences des Académiciens n’ont 
préfenté aucune différence dans la pefanteur. 2°. Vous ne fpécifiez pas 
de différence dans l'énoncé des quatre expériences fur la voûte de l'O- 
ratoire. 3°. Vous gardez le même filence pour celle du dôme des Inva- 
lides. 4°. Votre expérience de Montimorenci dérermine deux livres & 
plus fur un poids de 1 so livres placé à la hauteur de 45 pieds. $°. Celle 
de M. David à Rouen, à 170 pieds d'élévation , donne un gros fur 7$ 
livres, & un peu plus d'une once fous un poids de 1120, 6°. Lamienne, 
fous le dôme des Invalides, offre une once & demie furun poids de 200, 
& lorfque je fubititue un fl desfer à la corde , le poids inférieur l’em- 
porte de 12 gros fur le fupérieur. Que doit-il réfulter de ces faits fi peu 
concordans entr'eux ? Qu'il faut douter lorfque des expériences en con- 
tredifent d’autres; qu'il faut les répéter, & Cie fon jugement 
jufqu’à ce qu'on ait parfaitement reconnu & dérerminé la vraie caufe de 
la difproportion des unes aux autres: c’eft, je crois, le parti le plus fage , 
ou du moins le plus prudent pour n'être pas en butte à la critique. 

Rien n’eft plus clair, fuivant vous, Père Bertier , que la caufe de cette 
différence. Montmorenci eft élevé de 70 toifes au-deflus de Rouen , 
c'eftä-dire, de 420 pieds, & de cette différence de hauteur dérive la 
différence de deux livres pour un poids de 150 fur celle d’un peu plus 
d'une once fur un poids de 1122. À préfent , fuivant les Mémoires de 
l’Académie des Sciences de Paris , (1) la Salle de l’'Obfervatoire eft au- 
deffus du niveau de la mer de 276 pieds. Cetre Salle eft au-deflus du 
fond de la rivière de Seine, près le Pont Royal, de 163 pieds. (2) Le 
fond de la rivière dans cer endroit eft donc au-deffus de la mer de 113 
pieds. Il eft reconnu que la flèche du dôme des Invalides à $4 toifes de 
hauteur, c'eft-à- dire, 324 pieds. Il eft encore reconnu que la bafe de ce 
dôme, prife au niveau du pavé, eft 30 pieds environ plus haure que 
le fond de la rivière; ainfi, vous & moi dans nos expériences, nous 
étions à 198 pieds plus élevés de la mer, de 28 pieds plus élevés que 
la tour de Saint-Ouen, enfin, moins élevé que vous à Montmorenci de 
222 pieds. Ainf, nous avons 250 pieds de différence entre le fommet 
de la tour de Saint-Ouen & Montmorenci. 

Si vous aviez opéré à Montmorenci avec un poids de 1:20 livres, 
le réfulrat de votre expérience auroit dû être un excédent de 15 livres, 
mème évalué au plus bas, & de 18 à 20 & peut-être encore plus, puif- 


(1) Année 1703, page 231. 
(2) Année 1762 , page 368. 
1774. DECEMBRE. Mmm 2 


460 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


que vous dites que les poids augmentent dans la région fupérieure à 
raifon de leur pefanteur & de leur volume. Il eft donc clair que l'éléva- 
tion de 250 pieds au-deffus de la tour de Saint Ouen, auroit produit à 
poids égaux de 15 à 20 livres : n'admertons que 15 livres ; or, dans ces 
15 il y a 240 onces, c’eft donc un peu plus d’une once par pied. Quelle 
découverte pour la Géométrie , l’Aftronomie, &c! 

Si on ajoute actuellement l'expérience faite avec le fil de fer dans la- 
quelle il a fallu ajourer 12 gros, que deviendront ces calculs, ces rap- 
ports, ces élévations? Nous laifons aux clairvoyans à tirer la confé- 
quence. 

Vous avez des expériences en votre faveur , Père Bertier ; celle de 
Londres & celle du fil de fer font à la nôtre. Dans certe incertitude , 
quel parti doic prendre le public? Ne croire ni à l’un ni à l’autre; je ne 
dis pas de nier les expériences, mais desconvenir que tant que les ré- 
faltats offriront de f grandes difproportions , ( toutes chofes d’ailleurs 
égales, ) il ne peut attendre que du rems & de l'expérience à en dé- 
couvrir la véritable caufe. Le doute eft le commencement de la fcience 
& de la fagelTe. N’allez pas conclure de ce que je viens de dire que je 
fais un Septicien, un Epicurien , un Auteur de Jyffémes oppofés à la na. 
sure qui veut enlever Dieu en foutenant que les corps ‘s'attirent E Je meue 
vent d'eux-mêmes fans premier moteur. Je commence par faire ma profef- 
fion de foi dans tous les genres, je crois en un Etre fuprème , principe 
de toutes chofes ; j'y mers ma gloire, & j'y trouve la force de mon bon- 
heur. Je crois à l'attraction en Phyfique & aux affinités en Chymie, l'un 
& l’autre jufqu’à un certain point. Newton , le grand Newton, fe feroit- 
il imaginé que plas de quarante ans après fa mort, le Père Bertier le trai- 
teroit d'Epicurien, de Déifte ? On ne s’imaginera pas non plus que le 
Père Bertier eût voulu au dix-huitième fiècle rendre l’attraétion une 
affaire de Religion. Convenez, mon Révérend Père, que vous êtes in- 
juite dans vos conféquences; & où en feriez-vous , fi, à votre exemple, 
on en tiroit d’après vos principes ? Vous annoncez qu'un corps ne peut 
être mu que par un autre corps, puifqu'il n’y a point d’attraétion. Dans 
ce cas , comment l’ame agit elle fur votre corps ? Comment l’Erernel a- 
t-il imprimé le mouvement à l'Univers? Dieu & lame font donc des 
corps? Voyez combien votre orthodoxie auroit à fouffrir de telles con- 
féquences toujours fauffes, parce qu’elles dérivent d’un principe faux ? 
Refpeétons la Religion , ne la compromettons jamais ; &, croyez-moi ;, 
la force centrifuge & la force centripète ne font pas plus faites pour y 
élever un fchifme que les affinités Chymiques. Les Chymiftes font donc 
aufli des Epicuriens, des Déiftes? pourquoi pas des Athées? 

Le même jour, c’eft-à-dire le 6 Décembre , à une heure & demie 
après-midi, le baromètre placé fur le pavé de l'Eglife , éroit à 28 pou- 


A 


ces & une ligne. Le baromètre placé en haut du dôme , étoit à 28 pou- 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 461 


ces moins une ligne & demie. La différence eft donc de deux lignes & 
demie ? 

A la même heure , le thermomètre placé en bas, étoit à fix degrés & 
demi au-deflus de la glace. Celui du haut du Dôme étoit à cinq degrés 
& un quart. La différence eft donc d’un dégré & un quart ? Je ne fais, 
fi chaque fois que l’on répétera ces expériences , s’il ne feroit pas nécef- 
faire d'examiner le chermomèrre , le plus ou moins d'humidité ou de 
fécherefle de l'air, &c. enfin, s’il ne conviendroit pas de les répéter 
plufi£urs fois de fuite avec le même appareil, & dans différens mois 
de l’année ? 


CONBRSICUE RERO LAEOTE EUORTCAE 
Lue à l’Académie par M. Bawau, Docteur en Médecine, 


Au fujet d'une perfonne fuffoquée par la vapeur du charbon ; qui a été 
rappellée à la vie par la Methode propofée par M. PORT AL, dans 
le Rapport imprimé par ordre de l'Académie. 


L'Aciotrne à été frappée des triftes effets des vapeurs méphiti- 
ques & principalement de celles du charbon : elle à engagé M. Portal, 
l’un de fes Membres , à publier un Ecrit à ce fujer , & les papiers publics 
ont fait mention de quelques cures opérées par cette méthode. 

Voici une nouvelle obfervation qui mérite, à ce que je crois , d’être 
connue de l’Académie. Les en A particulières qui l'ont accom- 
pagnée , m'ont engagé à la communiquer à cette favante Socicré, & je 
me flarte qu’en faveur de l'importance du fujet , elle me permettra de 
lui en rendre compte. La vapeur du charbon enlève tous les ansun f 
grand nombre de Citoyens à l'Etat , qu’on ne fauroit trop faire connoî- 
tre fes dangereux effets pour les éviter , & qu’on ne fauroic trop divul- 
guer les remèdes qu'il convient d’adminiftrer à ceux qui ont eu le mal- 
heur d’en être atteints, d'autant plus, que la méthode que l’on fuivoic 
généralement, & fur-tout à Paris, avant que M. Portal publiât fon 
rapport, ne paroît pas efhlicace. 

M. l'Abbé Briquet de Lavaux , Prêtre de la Communauté de Saint-Jac- 
ques du Haut-Pas, crut devoir prendre un bain le 28 Novembre vers 
les fix heures du foir. L'eau de ce bain avoit été chauffée avec un cylin- 
dre , dans lequel on avoit allumé du charbon. Mais à peine M. l'Abbé 
Briquet fut-il plongé , qu'il perdit connoïiffance, I] n’avoit perfonne dans 
fa chambre , & l’on ne fait pas ce qui fe palfa en lui dans cet inftant. 
Cependant , M. Royer , fils du premier Chirurgien du Roi d'Efpagne & 

1774 DECEMBRE, 


462 OBSERVATIONS SUR LA PAYSIQUE, 


moi , fûmes frappés d’une voix baffe , plaintive & mourante qui partoit 
d’une des chambres de l'appartement où nous étions. Incertains d'abord 
d’où pouvoir venir le bruit, nous ne favions où potter nos pas. Bientôt, ces 
foupirs qui nous avoient frappés ne fe firent plus entendre. Cependant , 
nous crûmes devoir nous tranfporter dans la chambre où M. l'Abbé Bri- 
quet prenoir le bain. Mais quelle fut notre farprife ou plutôt notre 
frayeur , lorfque nous vîmes ce refpectable Eccléfiaftique la tête penchée 
& pendante au- dehors de la baignoire ! Nos crisatrirèrent quelques voi- 
fins qui nous furent d’un grand fecours. Nous fortimes l'Abbé de Lavaux 
hors de l’eau, & quoique la chambre dans laquelle il éroit füt fpacieufe, 
nous crûmes devoir Le tranfporter dans une chambre voifine afin de lui 
procurer un grand courant d'air. Ce tranfport fe fit avec tant de précipi- 
tation , que nous poufsâmes violemment M. P'Abbé Briquet contre une 
porte vitrée : un carreau de vitre qui en fur caflé, fit deux profondes 
bleffures que notre fuffoqué ne fentit point , ce qui prouve qu’en pareil 
cas, on ne doit point regarder l'infenfbilité comme un figne de mort. M. 
l'Abbé de Lavaux étoit abfolument fans pouls & fans refpiration , fon 
vifage très-rouge & boufh , fes yeux faillans. Il ne donnoit aucune mar- 
que de vie, & fi l'on en excepte la putréfaction , il avoit tout les fignes 
de la mort. Cependant , comme dans des cas défefpérés , il vaut mieux 
tenter un remède incertain que de n’en faire aucun , nous crûmes devoir 
faivre letraitement publié par ordre de l'Académie ; alors, nous étendi- 
mes Le corps du fuffoqué toutnud fur le carreau , & quoique les fenêtres 
fufent ouvertes, & qu'il y eût dans la chambre un courant d'air rapide 
d'un vent glacial, tel qu’on l’a reffentile 28 du mois dernier à fix heu- 
res du foir, nous crûmes devoir faire jerter de l’eau froide fur fon corps, 
ce qui fut fait avec un tel fuccès, que nous vimes d’abord la bouche du 
fuffoqué fe couvrir d'écume, les mufcles de la face & ceux des yeux 
commencèrent à fe mouvoir allez irrégulièrement , les yeux roulèrent 
dans les orbites , les lèvres fe contra@tèrent & fe refferrèrent : c’eft dans 
ce tems que la nature étoit agitée, que nous lui fimes flairer & avaler 
da vinaigre. Le fuffoqué parut alors éprouver quelques fenfations agréa- 
bles par cer acide : aux premières impreflions du vinaigre , ilactira l'air 
glacial avec une avidité fi extraordinaire , que nous en fûmes frappés 
d’admiration ou plutôt d'étonnement : peu de tems après , le malade 
prononça d’une voix embarraffée , je me meurs : nous fimes encore quel- 
‘ques tentatives pour lui faire prendre du vinaigre , mais le gofier étoit 
en fi grande convulfion qu'iline pur jamais l’avaler ; cependant , les 
efforts qu'il fit , lui furent faluraires ; peu-à-peu il recouvra lufage de fes 
fens, & nous l'avons vu renaître avec une telle farisfaétion , qu'il eft 
impotlble de la dépeindre, ÿ 
M. l'Abbé Briquet de Lavaux ne fe rappelle point ce qui.s’eft palfé ; 
peine fe fouvient-il du moment où il s’eft plongé dans le bain ; 1l aflure 


A 
a 

il n° u | indre fenti inté d’ ler du fl 
qu'il n'a pas eu le moindre fentiment intérieur d'appelier du Iécours, 


SUR L‘HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4; 


n'ayant diftingué aucun effet fenfible de la vapeur du charbon. Il n’a 
point fenci les éclats du carreau de vitre qui lui-ont fait deux plaies à 
un bras, & qui paroiffent encore. Il n’a pas fenti le bain de glace dans 
lequel on l’a mis en fortant du bain chaud. 11 eft revenu à la vie, 
comme on revoit le jour quand on s’éveille ; ce qu'il y a feulement de 
remarquable , c’eft qu'il a éprouvé pendant une demi-heure un grand 
mal de cêre , il lui fembloit qu’elle étroit ferrée avec un bandeau très- 
étroit ; ce qui a difparu en lui faifant refpirer la vapeur du fucre brûlé. 
M. l'Abbé de Lavaux fe.porte aujourd’hui parfaitement bien , il remplit 
les fonctions de fon miniftère comme ci-devant; & comme il feu tour 
le prix du traitement qui lui a été adfniniftré , & que beaucoup de per- 
fonnes peuvent en avoir befoin ; il a confenti & même defiré que cette 
obfervation für rendue publique , ce que je fais avec d'autant plus de 
plañr, que je crois fervir l'humanité S rendre un témoignage aurhen- 
tique à la méthode publiée par ordre de l’Académie, de traiter les 
fuoqués par la vapeur du charbon , & dont j'ai la gloire d’avoir fait 
une fi heureufe application 


EE" TOP RISE 
DE M MONNET, 
A P'Auteur de ce Recueil. 


O N lit page 38 , tome IV de votre Journal, des obfervations fur 
l'eau de la mer, extraites du nouvel Ouvrage de M. de Machy, qui me 
paroiffent mal fondées quant à ce qui me concerne & même contraires À 
la vérité. On fe fouvienr , eft-il dit, page 38 , entr'aurres de l'opinion que 
M. Monnec a renouvellé au fujer du prétendu bitume de l’eau de la mer., (je 
n'ai jamais renouvellé d'opinions). J/ croit que la préfence du [el d’epfom 
& des fels à bafe cerreufe , fuffic pour donner à l’eau de la mer l’amertume 
qu'on y remarque. Je fuis d'autant moins fondé à adopter cette affer- 
tion , que je n'ai jamais admis d’amertume dans l’eau de la mer. M. de 
Machyÿ examine JE l'opinion ou plutôt La raifon de l'opinion de M. Mon- 
net , & de ceux dont il a adopté l'hypothèfe ;.eff fondée. Je prorefte encore 
que je n’ai adopté de perfonne aucune hypothèfe, que je me fuis con- 
tenté d'examiner l’eau de la mer & de dire ce que j'en penfois. On 
ne trouvera aucune preuve de ce qu'avance M. de Machy dans mor 
Traité des Eaux Minérales , ni dans ma nouvelle Hydrologie. Je pafle 
fous filence les expreffions peu niefurées , employées contre moi par 
cet Auteut , ur individu de cette efpèce ; un Monner ! cette manière de 


parler ne doit pas éronner de la part de M. de Machy 
i774. DECEMBRE. 


464 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
PRE EEE DEEE TRE PRET PPT PP AE DT DNS ET CEE 


DCE SES CM NT EP ER RPAONN 


De deux Pigeons du Cap de Bonne-Efpérance; 


Par M. SONNERAT, de l’Académie Royale des Sciences | Peaux- 
Arts 6 Belles - Lertres de Lyon ; Correfpondant du Cabinet du. Roi, 
& de l’Acadèmie Royale des Sciences de Paris. 


L ES Pigeons font en général des oifeaux qui appartiennent à l’ancien 
& au nouveau Continent; ils vivent dans les climats chauds, dans ceux 
qui font tempérés, & ils s’écendent fort avanc dans le Nord. On trouve 
dans l’ancien Continentdes ramiersen Sybérie , & dans le nouveau, plu- 
fieurs efpèces de pigeons dans le Canada. Les climats chauds femblenct 
mieux convenir à leur efpèce ; elle y eft plus nombreufe & plus variée : 
quoique ces oifeaux ne pondent que deux œufs à la fois , quoiqu'ils 
foient expofés à la voracité des oifeaux de proie auxquels ils fervent de 
pâture la plus ordinaire ; les individus dans chaque efpèce font fort 
multipliés, & fouvent leur nombre eft prodigieux; ce qui vient fans 
doute de ce que ces oifeaux font plufieurs pontes par an ; de ce que leur 
conftitution eft robufte , qu'ils peuvent s’habituer par-tout, y trouver un 
climat & une nourriture convenables à leur multiplication. C’eft cetre 
force de leur conftitution & l’ardeur de leur tempérament , qui font que 
les pigeons font de tous les oifeaux , après la poule & quelques autres 
gallinacées ; les oifeaux les plus aifés à tranfporter , à s’habituer à un nou- 
veau climat , à y mulriplier. Ils ont généralement une forme élégante , 
un plumage bien nué, &les mœurs douces & fociables : ils font d’une 
grande utilité pour la nourriture de l’homme & celle d’un grand nombre 
d'animaux; & dans l'entretien général, ils rendent beaucoup plus qu'ils 
ne coûtent. La couleur dominante de leur plumage eft le gris ou le brun ; 
& ils ont pour l'ordinaire les pieds ronges ; car je ne confidère que les 
pigeons qui vivent en pleine liberté , & non ceux dont l'état de domef- 
ticité a plus ou moïns altéré l’efpèce : la plus part ne fe nourriffent que de 
grains ; quelques efpèces cependant ne vivent que des fruits qu’ils ava- 
Jent fans les caffer ; ils font fidèles à leur compagne , & ne s’attachent 
jamais qu’à une femelle, 

Ces oifeaux font mis par M. Von-Linné dans l’ordre des Aves paf= 
fères. Ils ont pour caraétères quatre doigts dénués de membranes , trois 
devanr ,un derrière ; tous féparés environ jufqu’à leur origine ; Les us 

es 


| 
L 
: 


SUR L'HIST: NATURELLE ETLFS ARTS. 46 


bes couvertes de plumes jufqu’au talon; le bec droit, le bout de la man- 
dibule fupérieure un peu renflé & courbé ; les narines à demi-couvertes 
d’une membrane épaille & molle (1). Les deux efpèces dont je donne la 
defcriprion , quoique fort commune au Cap de Bonne-Efpérance, n’ont 
jamais été décrires par aucun Naturalifte. 

La première efpèce ( Planche T , Figure I) ou le Pigeon-ramier gris 
du Cap de Bonne-Efpérance , eft à peu près de la groffeur du ramier 
d'Europe ; le plumage de fa tèe eft d'un gris de charbon pâle , le col eft 
d'u lilas clair, la poitrine, le ventre , les cuites & les perires plumes 
des aîles , font d'un gris- cendré ; les couvertures du deflous des aîles 
fonc d'un gris-vineux: les grands plumes des aîles font noires; la queue 
eft aufli noire , mais l'extrémité des grandes plumes eft blanche. ]l y a de 
chaque côté fur les petites plumes de l'aile, cing taches noires ; le bec, 
l'iris & les pieds fonc d'un rouge- vineux. Cette efpèce fe trouve en 
grande quantité aux environs de la Perle , à douze lieues du Cap de 
Bonne-Efpérance. 

La feconde efpèce ( PL. I, fig. II) ou la grande Tourterelle lilas du 
Cap de Bonne Efpérance , elt de la taille de notre pigeon pattu : elle a 
la rête, la poitrine, le ventre & les cuiffes d’un gris cendré-clair ; le 
col eft d’un gris-vineux , garni de plumes longues, étroites, & qui pa- 
roiffent n'avoir point de tuyau ; les plus petites plumes des aîles fonc 
couleur de laque dans leur cor mencement, & blanches à leur extré- 
mité; les grandes plumes de l’aîle & la queue font noires. Il y a autour 
des yeux une tache dénuée de plumes de couleur rouge ; le bec, l'iris & 
les pieds font noirs. € 


(1) Briflon, clafle INT, ordre Lj tome I, page 67. 


Tome IV , Part, VI. 1774. DÉCEMBRE. Nnn 


\ 


466 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


LE. 86 CRU PETER OMAN 
D'une Méfange du Cap de Bonne - Efpérance ; 


Par le même. 


L Es Méfanges font des oifeaux qui fe noutriflent de vermines ; elles 
volent de feurs en fleurs , pour y chercher des infeétes, prefque imper- 
ceptibles, que le gluant de la fleur retient prifonniers. Cette manière de 
volriger comme le papillon, a fait croire qu’elles ne vivoient que du fuc 
des fleurs ; elles grimpent le long des troncs &des branches des arbres , 
ce qui a donné lieu à quelques Naturaliftes de les ranger dans la claffe 
des pics; mais leurs caraétères n'ont aucun rapport entr’eux. 

Ce genre d’oifeau a pour caractère quatre doigts dénués de mem- 
branes , crois devant, un derrière; tous féparés environ jufqu’à leur 
origine; les jambes couvertes de plumes jufqu’au talon, le bec en 
alène ; les narines couvertes par les plumes de la bafe da bec(1). Woyez 
Planche II. Fig, I. 

Celle ci eft plus petite que notre méfange d'Europe ; elle a toute la 
iète , le col, le dos , la partie inférieure du corps & les petites plu- 
mes des aîles d’un gris-cendré-clair; les grandes plumes des aïles 
font noires , bordées en dehors par une raie longitudinale , blanche ; la 
queue eft noire en deflus , blanche en deffous; le bec, l'iris & les 
pieds font noirs. 


Elle place fon nid dans les buïffons les plus épais , & le fait avec une. 


efpèce de coton qui n’eft point connu dans le Pays. 11 reffemble affez à 
une bouteille ; le col en elt étroit ; fur le côté en dehors, il ya une pro- 
fondeur B qui fert de logement au mâle, pendant que la femelle couve 
les œufs. Lorfque la femelle eft fortie du nid, le mâle, en fuivant 
fa compagne , frappe avec force de fes aîles fur les côtés du nid ; & les 
bords P & Q , en fe touchant , fe lient enfemble , & ferment entière- 
rement l'entrée: c’eft ainfi que par une induftrie fingulière tous les êtres 
cherchent à mettre leurs petits à l’abri de la voracité des infectes & des 
animaux qui peuvent leur nuire. 

1Left bon de comparer ce que M. Sonnerat vient de dire de la méfange 
du Cap de Bonne-Efpérance , avec ce qui eft dit dans les Mémoires de 
JAcadémie de Bologne , d’un oifeau qui a beaucoup de rapport 
avec elle. 
SE ———————————————————— ————_——— .… —————…"…—— — …—————…— —— .—— —————— —— 


(x) Bon , claffe II ; ordre X , fection II, tome II], page 538. 


SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. ‘467 


L'oifeau que nous appellons perdulino , dit M. Cajetan Monti , parce 
u’il fafpend foa nid à un arbre, furpaile de beaucoup les autres oifeaux 
du terrivoire de Bologne, par l'induftrie qu'il fair paroître dans la conf- 
truction de fon nid. Il eft rare de rrouver cet oifeau , & il fe cache aifé- 
ment entre les rofeaux & les faules des marais. Le peuple Bolonnois le 
regarde comme un oifeau facré, & n’ofe le toucher dans la crainte 
d'attirer fur lui par fa mort des dangers ou des malheurs. Il s'imagine 
encore que ce nid fufpendu fur la porte de Ja maï'on , la préferve de la 
foudre. Ce nid fingulier a été décrit par quelques Naruräliftes , & en- 
tr'autres pat Aldrovande , Bonani & Rzaczinfch, & c:s Auteurs ne font 
point d'accord entr'eux. Aldrovande penfoir que l'oifeau qui fait ce nid 
étoit la méfange à longue queue ou des montagnes ,( parus caudatus , 
five monticola) , & il ajoute qu'on l'appelloit pendulino dans les environs 
mafécageux de Bologne. Les autres , au contraire, penfent que c'eftun 
oifeau peu connu, & cependant commun en Lirhuanie où 1l porte le 
nom de remix, Il rélulte de leur defcriprion , que remix eft le mème 
oifeau que le pendulino. Nous nous tranfportâmes en Tofcane où ces 
oifeaux fonc plus mulcipliés , & 1 Oifeleur nous apporta ce nid fi defiré, 
avec l’oifeau & fes petits. Voici ce que j'ai obferve fur le mâle & fur la 
femelle, & je m'aflurai que le perdulino étoit un oifeau inconnu , & que 
ni Bellon , ni Gefner, ni Aldrovande , ni Wüloughbi , ni aucun autre 
Auteur n'en avoient parlé. 

Le pendulino eft un très-petit oifeau , & fon volume n'excède pas 
celui du roitelet fans crère , du moineau troglodite ou de la méfange , 
dite petit-charbonnier. M reffemb'e affez bien aux méfanges par fon port 
& la forme de fon bec, ce qui m'avoit fait penfer à lui donner le nom 
de méfange des marais fujpendant fon nid. Son bec eft court, pointu, un 
peu épais à fa bafe , d’une couleur plombée. La partie fupérieure de la 
rère , la nuque , le col, la gorge , la partie fupérieure du dos jufqu’à la 
naillance des aîles , fonc couverts de plumes cendrées , mais un peu plus 
blanches auprès de la gorge. De chaque côté, depuis la fente du bec 
jafqu’à l’occiput, en paffant par les yeux , s'étend une tache très-noire ; 
l’efpace contenu entre ces deux taches au-deflus de la bafe du bec juf- 
qu'au fommet de la tête , eft roux dans le mâle, & ce fonimer eftcendré. 
Le dos eft roux, ainfi que les aiffelles & les plumes quicouvrent les aîles; 
ces plumes donnent un peu fur le verd vers leur extrémité, mais très- 
foiblement. Les plumes ramières ou des aîles (remiges ) font d'un noir 
plus ou moins foncé , & couvertes d’autres plumes plus perites & rouf- 
sâtres. La poitrine, le ventre , les cuifles & la partie fupérieure du 
croupion, ont une couleugmoyenne entre le cendré & le roux ; la queue 
eft compofé: de douze plumes noires. Cependant , les extérieures qui 
recouvrent les autres , font rouffes pour la plus grande partie. Les jant- 
bes, les pieds , les ongles, ont une couleur plombée. “Tai 


1774. DÉCEMBRE. Nnna2 


468 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


La femelle ne diffère pas beaucoup du mâle. La couleur de fes aîles , 
de fon dos , eft un roux un peu clair , & elle n’a autour de fon bec au- 
cune plume qui porte la même couleur, mais toute fa vète eft cendrée , 
àl’exception des deux taches noires dont j'ai parlé. Tout le deffous dé 
fon corps eft coloré & comme cendré. Ayant difféqué le gélier de cet 
oifeau, je n’y trouvai que quelques infeétes extrèmement broyés. 

Je penfe que le pendulino n’eft pas du nombre de ces oifeaux qui 
changent de climat aux approches de l'hiver. Hfemble , en effec ,qu'il ne 
craint pas le froid , puifqu'il habite de préférence les pays du nord , tels 
que la Pologne, la Volhinie, & la Lithuanie qui eft entourée de forêts 
glacées ; & dans l'été, tout le monde voir les nids qu'il conftruit ici. Le 
pendulino , comme la plupart des autres oifeaux , niche deux & peut-être 
trois fois dans l’année , favoir , au printems & en été. L'induftrie qu'il 
montre dans la conftruction de fon nid eft rout-à-fait fingulière. En 
effer , pour ménager à fes petits un domicile aufli sûr , aufli commode 
qu'il eft poñhble , il ne fair point ce nid ouvert en forme de coupe, 
comme le commun des oifeaux , mais fermé par en-haut, prefque ter- 
miné en pointe, & ayant la figure d’un fac fermé ou d’une beface; & il 
le fafpend à l'extrémité d’une branche de quelqu’arbre qui donne fur 
l'eau, en l'entortillant avec des brins d'herbes menues. Ïl laiffe à côté 
pour y entrer, une porte ronde qui fe prolonge en un tuyau court. Lama- 
tière dont il le forme, eft un duvet mollet & blanc qu'il arrange avecfon 
bec & auquel il donne la forme d’un drap ferré &c épais. Il le munit en de- 
hors par quelques fibrilles , & garnit le dedans d’une quantité de duvet 
non ouvré, afin que fes petits y repofent mollement. La femelle pond 
dans ce nid quatre ou cinq œufs dont la coque eft blanche, & nour- 
rit les petits qui en éclofent ,avec des infectes de marais. On deman- 
dera peut-être d’où ces oifeaux tirent une fi grande quantité de matière 
cotoneufe pour la conftruétion de leurs nids? Les planres & les arbres 
qui croiffent au bord des marais les fourniffent. Les faules , les peu- 
pliers , Aeuriffent dès le commencement du printems , & produifent bien- 
tôt des ciges à fruit qui mûriffent peu de tems après ; favoir , au mois 
d'Avril & de Mai, & répandent avec leurs graines, une quantité pref- 
que incroyable d’une matière cotoneufe qui voltige dans les airs à une 
très-grande diftance. Un ou deuxmois après, on voit poulfer vigoureufe- 
ment& fleurir dans ces lieux la maffe-deau , plante très-commune dans 
les marais ,.& dont les feuilles fervent à faire des nates en Italie, Les 
habitans des pays marécageux, fe fervent encore de lefpèce de bourre , 
de duver qui enveloppe fon épi pour en remplir des matelats & des 
oreillers. Le pendulino emploie l’une & l’autge de ces matières pour la 
conftruction:de fon nid, mais plus ordinairement celle que fourniffent 
les faules & les peupliers. La couleur des nids fuflit pour reconnoîrre 
la matière dont ils font compofés, Ceux faits avec le duvet dés faules & 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 469 


des peupliers , eft plus blanche que celle que produit la maffe - d’eau. 

Les Anciens n'ont fait aucune mention du pendulino. Aldrovande en a 
exaétement décrit le nid ; mais il s’eft trompé , parce qu’il n’avoit jamais 
vu cet oifeau, Il s’imaginoit que le nid étoit l'ouvrage de la méfange à 
longue queue, oifeau très-connu. Il eft vrai qu'il y a quelque reflem- 
blance entre les nids de ces deux oïfeaux. La méfange à longue queue 
fait aufi fon nid fermé par en haut , & comme voûté , laiffant pareille- 
ment par le côté une ouverture ronde pour y entrer. Mais la grande & conf- 
taite différence qu’il y a entre ces nids, c'eft que la méfange ne fufpend 
jamais le fien , mais le place feulement entre les branches fourchues de 
quelque arbre , & qu’elle lui donne une forme arrondie ou ovale, fans 
en prolonger l'ouverture , en un tuyau prééminent en dehors ; qu’elle le 
compofe de plufieurs matières différentes ; que, Qu D EH emploie 
principalement le duvet du faule & du peuplier , elle ne lui donne pas 
une confiftance auffi ferrée ; qu’elle l'enveloppe extérieurement de brins 
d'herbes, de follicules , de Zichen & de mouffe sèche, fans qu’on voie de 
duvet ; enfin , qu’elle en &arnir le dedans avec des plumes d’oifeaux , 
& non d’une matière cotoneufe. Ainfi le premier & le dernier de ces 
nids dont Aldrovande a donné la figure , font à la vérité des nids de 
méfange à longue queue ; mais le fecond eft indubitablement un nid de 
pendulino. 

Le Pere Bonanni, Jéfuite, dans fon Mufeum Kirkerianum , donne la 
figure du nid d’un oifeau de Lithuanie , appellé Remix ; & ce nid, comme 
on en peut juger par {a defcription & par fa figure , eft parfaitement fem- 
blable à celui du pendulino. Voici fes propres paroles. » Au précédent 
> nid j'en joins un autre qui a été porté de la Lithuanie. 11 eft compofé 
» d’une laine molle , affemblée avec un art furprenant ; il a la forme d’an 
» fac rond , ou plutôt d’une bourfe fermée par en-haut : c’eft l'ouvrage 
» d’un oifeau que les Polonois nomment Remiz. C’eft un très petit 
» Olféau ; mais il eft fans doute très grand par fon induftrie , puifqu’il 
» conftruit fon nid de cette manière , pour mettre fes petits à l'abri des 
» ferpens, & qu’il le fufpend toujours à l’extrémité d’une branche d’ar- 
» bre fur une eau courante ». Il ajoute qu'un de fes amis lui ayant en- 
voyé deux nids trouvés dans le lac de Thrafymène , il les avoit trouvés 
parfaitement femblables à ceux qu'il avoit reçus de Lithuanie. 

Je donne le nom de pendulino à cet oifeau , qui jufqu’à préfent n’en 
a point eu en Latin ni en Grec. J’aurois pu également lui donner celui 
de Remiz ; mais je ne vois aucune raifon qui doive m’engager à préférer 
ce nom étranger au nôtre , qui approche du Latin , & qui exprime aflez 
bien l'inftinét de cer oifeau , pour fufpendre fon nid à un arbre. 


1774 DÉCEMBRE. 


470 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


DE “SC RUE CP MINIT OUT 
De la Fontaine de Tonnerre , nommée la Foffe d'Yonne. 


L E nom de cette fontaine , & les merveilles que la prévention popu- 
laire lui attribue , exigent quelques obfervations. 

Cette fontaine eft fituée dans le fauxbourg de Tonnerre , nommé 
Bourbereau. Elle eft placée au pied d'une côte fort efcarpée, dont la 
direction générale eft à-peu-près nord-oueft. Cette côte forme derrière 
la fontaineun enfoncement fort rapide & difpofé en amphitheâtre. Des 
arbres & des arbriffeaux très-épais en recouvrent le terrein , & fon forn- 
met eft garni de vignes. 

Le baïlin de cette fontaine eft de figure grculaire, & a environ qua- 
rante pieds de circonférence hors d'œuvre ; fa plus grande profondeur 
eft dirigée à l’oueft , & n'excède pas celle de vingt-fix pieds ; mais la 
fource paroît fortir obliquement du pied de la montagne. Le Peuple qui 
voit par-tout du merveilleux , & plufieurs perfonnes qui croient fur 
parole & fans examen, ont hardiment avancé que cette fource fort de la 
montagne avec une impéruofité capable de repoulfer les pierres & les 
autres corps pefans qu'on y jette ; cependant il n’en eft rien. On y a 
laiffé tomber des cailloux fort minces & de deux pouces de diamètre ; 
bien loin que la fource les ait repouflés, ils font defcendus paifible- 
ment, & n'ont éprouvé que le mouvement de volutarion qui les déran- 
gcoit un peu de la perpendiculaire. Le baflin de cette fontaine eft rempli 
au moins aux deux tiers par des plantes nommées poramogeton par les 
Botaniftes. Plufieurs tiges de ces plantes ont été arrachées , & le flot n’a 
pas eu la force de les repoulfer. Il eft vrai que lorfque ces expérisnces ont 
été faires , les eaux étoient fort balles , & que la fource donnant en hiver 
une plus grande abondance d'eau , & fortant avec plus de rapidité, les 
corps pefans ne defcendroient peut-être pas aufli perpendiculairement. 
Malgré cetre différence , il eft très-démontré que les corps pefans ne 
furnagent point les eaux de cette fontaine , & qu’elle n’eft pas fans 
fond , comme on le dit communément. 

La mème prévention lui a fait donner le nom de foffe d'Yonne, parce 
qu'on fuppofe que par des canaux fouterrains elle vient de la rivière 
d'Yonne. Cette opinion eft rout aufli abfurde que les premières. Les 
eaux d’Yonne font fouvent troubles , & pendant ce tems , celles de la 
fontaine ne perdent rien de leur tranfparence ordinaire. Pour connoître 


SUR LHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 471 


fon origine , il eft inutile de recourir à des caufes éloignées; il fufic 
d’examiner le terrein auquel elle eft adoffée , & on verra clairement que 
les pluies dont il eft imprégné chaque année fuffifent pour entretenir 
cette fontaine. 

Tout le pays fitué entre Tonnerre, Coran , Sevigny , & beaucoup plus 
haut que Le baffin de la fauffe d’Yonne, eft coupé par différens vallons qui 
n'ont que peu ou prefque point de dégorgement. Le fond de ce terrein 
eft pierreux & peu compaéte ; la roche même eft fans liaifon: c'eft ce 
qu'on appelle roche pourrie ; la glaife ne s’y rencontre qu’à une grande 
profondeur. Il eft donc fort vraifemblable que les eaux qui tombent dans 
toute cette étendue de pays ( qui eft de plus de trois lieues quarrées } 
font l'origine de cette nine & font plus que fuffifantes pour fon 
entretien. On peut, pour s’en convaincre, lire ce que M. Mariorte a 
écrit fur le mouvement des eaux, & fuivre les calculs par lefquels il 
prouve que le tiers des eaux de pluie, qui montent , année commune, 
à dix-huit ou à dix-neuf pouces, fuffit pour entretenir les fontaines & 
les rivières. 


CDS ELEC EN OA CETTE ON 


Sur quelques endroits du Traité des Pierres de BERNARD PALISS1. 


C ET Ouvrage aufl rare que curieux , trop peu connu même par ceux qui 
fe livrent entièrement à l'étude de l’Hiftoire naturelle, demandoit qu’un 
Obfervateur judicieux vint le virer de l'oubli où il fembloit être plongé, 
ou plurôr lui rendre l'éclat & la gloire qui lui appartiennent à f jufte titre. 
Nous nous hätons d’en annoncer une nouvelle édition actuellement fous 
prefle , remplie de notes inftruétives, intéreffantes, très-judicieufes , 
enfin dignes du Naturalifte qui s'en occupe. Ce fut en 157$ que Palifñi 
commença à Paris fes Cours d’Hiftoire naturelle ; & il offroit alors aux 
Amateurs le cabinet le plus riche & le mieux choif ; dont on prendra 
l'idée en lifant fes Ouvrages. 

Palifi éroit Proteltant, & ( au milieu des horreurs des guerres de 
Religion } des Médecins , des Chirurgiens, de grands Seigneurs, des 

ens de Loi , des Eccléfiaftiques de la première diftinétion , en un mot, 
l'affemblée la plus nombreufe & la plus brillante compofoit le premier 
Lycée François; ouvert par qui ? par un fimple Potier de terre. 

Paliffi examinant les changemens arrivés dans le globe, & s’occupant 
des caufes de la diminution & de la dégradation des pierres & des 
rochers, dir: Confiderez la grande quantité de pierres qui eff confumée 

1774. DECEMBRE. 


472 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
tous les jours ; Éc. page 264; fur quoi l’Edireur fait les obfervations 
fuivantes. 

Des détails exacts & fidèles fur les caufes qui concourent à la def- 
truétion , ou plutôt à la décompofition des matières dures que nous con- 
noiffons fous la dénomination de pierres de rochers, de cailloux , &c. 
feroient auili intéreffans qu'inftruétifs. 

Les frimats, les fortes gelées dans certaines circonftances , comme 
après des tems humides & pluvieux, ruinent & dégradent à la longue de 
tès-gros rochers qui fe brifant & combant par éclat , en ébranlent & en 
detruifent fouvent eux-mêmes d'autres à leur cour. Des pluies fubites 
dans les ardeurs de la canicule, des vents impérueux & de longue durée , 
des orages tumulrueux produifenc les mêmes effets. 

Comprons pour peu tous les matériaux que la main des hommes 
arrache ! Cette multitude infinie d'habitations & de malles énormes qu'ils 
ont eu le courage & l'art d'élever, couvriroit, il en faur convenir ; de 
très-valtes furfaces , fi elles étoient toutes réunies; mais lorfqu’on vou- 
dra contempler la nature en grand & dans fon enfemble, on verra fur-le- 
champ que les hommes ne fonc à cet égard que de fimples arômes fans 
celle en mouvement, qui fe rourmentant depuis leur naïffance , font 
enfin parvenus après des peines infinies à foulever , à l'exemple de cer- 
tains infectes , quelques parcelles de matière que l'œil apperçoit à peine 
de loin. 

Cetre canfe cependant doit être comptée, puifqu’elle eft aufli ancienne 
que l’homme, & qu'elle fera aufli permanente que lui ; mais les furfa- 
ces extérieures des corps les plus durs font principalement atraquées par 
une caufe qui a échappé jufqu’à préfent à l'œil de la plupart des Obfer- 
vateurs. 

On remarque dans le printems & dans d’autres faifons de l’année des 
rochers perpendiculaires, nuds, délavés par les pluies, entièrement 
recouverts, malgré cela, d’une fubftance blanche qui, à la première infpec- 
tion , invite à penfer que ces rochers font compofés d’une véritable craie , 
qui, par une illufion d'optique, paroït même friable ; mais l'œil dé- 
trompé apperçoit de plus près que cette couleur n’eft due qu’à une efpèce 
de lichen extrèmement adhérent à la pierre dont le rocher fe trouve en- 
tièrement tapiffé ; de forre que ces mêmes rochers qui éblouilfenr d’a- 
bord par leur blancheur , ne doivent, pour ainfi dire, cet éclat, qu'à 
certe efpèce parafite qui les tapiffe. Lorfqu’on veut enlever enfuite ces 
moules , on remarque avec étonnement qu’elles font comme incruf- 
tées fur la furface de pierre , qu’elles en pompent , fi je puis m'expri- 
mer ain , le fuc lapidifique , & qu’elles réduifent en une terre végé- 
tale la fubftance des plus durs rochers. 

On fait que rien n'eft autant varié par la forme, par les couleurs & 
les qualités que la multitude de ces lichen qui fe nourriffent & croiffent 

fur 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 47; 


‘fur les rochers. Veut-on les en arracher? Il eft impoffible de les enlever 
fans détruire des particules même de la pierre : il arrive encore que ce 
végétal ayant acquis fon dernier degré d accroiffement & de maturité, 
fuit la route ordinaire des êtres foumis aux loix de la nature, il périr pour 
. ou pour fervir à reproduire d’autres individus. Il fe forme alors 

couches légères d'une rerre compofée des molécules du végétal & de 
la fubftance mème de la pierre qui s’eft dénaturée. Ces moulfes fe fuccè- 
dentenfuite, & meurent pour renaître. Le lit de rerre augmente; des 
phantes nouvelles plus fortes & plus nerveufes, quelquefois mème certains 
arbuftes viennent s’y établir $& profiter de ce fingulier défrichement ; le 
travail des racines opère ici plus en grand ; elles y font bientôc ligneufes : 
les pluies , les gelées les dilatant , leur font produire en petit les effets 
prodigieux de ces coins de bois humeétés donc on fe fert avec tant de 
fuccès pour rompre la dureté de certains quartz, ou pour enlever les 

ierres meuillières & les granits les plus intraitables. 

Confidérons à préfent toute l'étendue & :’immenfité des grandes chaî- 
nes qui couronnent en divers fens la furface de la terre, & donc les 
cimes font routes à découvert , telles que les Alpes , les Pyrénées , 
le Taurus, le Caucafe, les chaînes du Japon, l'Atlas, les monragnes 
de la Lune , celles du Monomotapa, des Cordilières, &c. Elevons-nous 
fur tous ces pics qui percent les nues. Conremplons delà routes les mon- 
tagnes , les collines & les élévarions fubordonnées dont la terre eft telle- 
ment hériffée de route part , qu’on la prendroit, au premier afpett, 

our une mer couverte de vagues. 

Que de furfaces en évidence , que de corps durs de toute efpèce à 

découvert , afaillis fans cefle, non-feulement par l’aétion des feux 
fourerrains, des pluies, des vents, des frimats, mais encore atraqués , 
minés & infenfiblement détruits par les forces réunies & mulripliées 
d'une végétation conftante ! 

Qu'on ne dife pas que certe manière imperceptible d'opérer ne doit 
être comptée pour rien , puifqu’elle exigeroit des millions de fiècles 
pour produire des effers remarquables ; & quand cela feroit , ignore- 
t-on que pour l'Ouvrier fuprème , des millions de fiècles ne font qu'un 
poinc ? 

Mais fi, laïffant pour un inftant la terre , nous voulons examiner ce 
qui fe pafle au fond des mers , nous appercevrons que les rochers qui 
y font enfevelis tendent à une décompolition bien plus prompte & beau- 
coup plus confidérable; elle eft occafiunnée,non feulement par l’agitation 
prefque continuelle des vagues , par les divers mouvemens périodiques 
& journaliers de la mer, par la qualité corrofive de fon fel , mais encore 
par une caufe bien approchante de celle que nous avons indiquée, relati- 
vement aux rochers terreftres. En effet , une végétation modifiée, d’un 
genre plus noble & plus parfait, fi l’on peut s'exprimer ainfi , nous fait 


Tome IV, Part, VI. 3774. DÉCEMBRE. Ooo 


x 


#73 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


voir une infinité de molécules pierreufes , déplacées, mifes en aétion 
& en mouvement dans le fein des mers; ici, des multitudes innombra- 
bles d'infeétes de divers genres ont les moyens & l’art de percer certains 
rochers, de s’y créer des habitations, comme le ciron dans le bois : 
d’autres appuient & fondent leurs demeures d’une manière non me 
furprenante far ces mêmes rochers, y conftruifent des chefs-d'œuvre 
variés à l'infini, qui offrent des formes analoaues à certaines plantes 
connues, & claffées par plufeurs dans la famille des vépétaux , par 
d’autres, dans la claffe des concrétions purement pierreufes , & par 
ceux qui ont le mieux analyfé & le mieux vu, dans celle des produc- 
tions animales. Elles font fi multipliées ces produétions différentes, que 
certaines mers paroilfent comme rougies par toutes celles qui ont la 
teinte éclatante du corail : elles offrent ailleurs des forêts d’arbuftes , 
fe prolongeant quelquefois d’un Continent à l’autre, & qui fe plaifent 
fur les bafes folides des rochers. I n’eft peur-être point de corps dans la 
mer qui ne ferve d'établiffement & de domicile à certaines efpèces de 
ces parafites. Si mous joignons encore à tour cela certe mulitude infinie 
d'huitres qui paroiffent fortir du fein des rochers mêmes , tant elles y 
font adhérentes, & dont la variéré & l’efpèce eft fi mulcipliée, qu'on les 
compte par bancs de plufieurs lieues. 

Que penfer alors de cetre multitude d’individas occupés depuis des 
tems immémorés à déplacer & à s’aflimiler fans ceffe les parties d'une 
matière aufli dure qu'inanimée, pour la tranfmuer en molécules propres 
à tenir un rang plus noble & plus élevé dans l’enchaînement & la combi- 
naifon des êtres? Combien ce coup-d’œil , fait pour aggrandir nos idées 
au premier abord , doit en mème-rems nous hamulier far les bornes 
étroites de nos connoiïffances ! 

Je ne crois pas qu’on füc fondé à m’objeéter ici que les madrépores , 
les coraux, les litophytes , les plantes corallines , &c. font fimplemenr 
attachés aux rochers dans le même ordre des plantes faufles paralites 
qui ne nuifent directement pas aux corps fur lefquels elles font adhé- 
rentes : mais, qu'on fafle attention que toutes ces différentes produc- 
tions animales font d’une fubftance crétacée, parfaitement analogues à 
routes les pierres calcaires, qu’elles en ont tous les principes, qu’elles 
s'érabliffent pour l'ordinaire & de préférence fur des rochers de certe 
efpèce où on les voit incruftées d’une manière à faire préfumer qu’elles 
s'en approprient les particules qui leur conviennent. | 

L'Auteur de certe édition promet de prouver dans un autre Ouvrage 
certe queftion d'une manière beaucoup plus détaillée. Ce qu'il vient.de 
dire n’eft que pour faire voir que certe efpèce de métamorphofe pour- 
roit feule , & à la rigueur , cendre à changer infenfiblement la forme des 
matières & produire à la longue des déplacemens propres à occafionner 
des changemens confidérables fur la furface du globe. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 475 


NoTeE fur les Ætites ou pierres d’aigle , ou Geodes dont PALISS1 faic 
mention. 


Jamais aucune pierre n'a eu autant de célébrité parmi les Auteurs 
anciens que celle-ci , nous lui avons donné, d’après eux, une origine 
& des vertus fabuleufes. 

Des Naruraliftes de réputation n'ont pas craint de la divifer, en 
mâle , en femelle, en hermaghrodite , &c: & routes ces diftinétions 
n'ont fair qu'embrouiller de plus en plus la matière ; voyons, en peu de 
mots , s’il feroit poffible de la fimplifier. 

I nous paroîr en premier lieu, qu'on ne devroit plus appeller ces for- 
tes de pierres du nom d'erires , dénomination qui eft rirée du mot grec 
aerce, aigle ; or, comme il eft reconnu qu'elles n'ont abfolument aucun 
rapport avec ce roi des oifeaux, il convienc de bannir & le mot d’avires 
& celui de pierre d’aigle. 

On pourroir leur conferver celui de peodes qu’elles prenoient dan: cer- 
taines circonftances, ce mot deviendroit générique , & ferviroir à défi- 
gner en général ces pierres qui fonc tantôt rondes, tantôt ovales, tantôt 
triangulaires , qui affectent en un mot différentes formes & différentes 
groffeurs , mais qui doivent avoir toujours une cavité plus ou moins cen- 
trale, Ces pierres varient également par leur cavité extérieure & par les 
matières qui y fonc contenues , il feroit donc effentiel de défigner 
chaque efpèce par des phrafes qui les caraétériferoient. 

1°. Si ces pierres étoient , par exemple, femblables À celles qu'on 
rencontre dans lé bas Dauphiné , à mi-côre de la montagne de Clanflaye , 
à quatre lieues de Montelimart, on les appelloit alors, Geode d'une 
Jubftance ferrugineufe , arenacée  très-compaëte, donnant des ét'ncelles 
avec l'acier, de forme ovale , & variant dans fa groffeur qui eff depuis 
celle d'un œuf d’oie, jufqu’à celle du plus gros melon, remarquable encore 
par la cavité qui efl conffdérable , & toujours remplie d’un fable fec , fria- 
ble & ferrugineux. Si l'on trouve cette définition un peu loneue, qu'on 
fafle attention qu’elle eft néceflaire cependant, & qu'il vayr beaucoup 
mieux, en fait de fcience , ètre prolixe qu'obfcur. 

2°. Si ces pierres renferment de l’eau, n’eft-il pas plus fimple de les 
nommer Geode renfermant de l’eau ? 

3°. Si elles font à noyau adhérant ou mobile, les appeller Geode de telle 
ou de telle qualité à noyau mobile ou adhérant , en délignant la matière. 

4°. Si la pierre a plufeurs cavités, la nommer Geode chambrée , &c. 
& ainf des autres, en faifant roujours mention des formes & des ma- 
tières. Je fuis perfuadé qu’en s’y prenant ainfi & de cette manière qui 
paroît plus fimple & plus naturelle , on parviendroit à dépouiiler ce fu- 
jec de fes embarras & de la confufon qui règne dans les noms & dans 
les divifons, : 

1774 DÉCEMBRE. Ooo 2 


. 


476 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Mais dans quelle claffe ranger les cailloux également creux, mais 
intérieurement cryftalhfés, que plufeurs Auteurs ont confondusavec les 
premiers , quoiqu'ils en diffèrent effentiellement , puifque ceux qu'on 
nomme improprement avites ,ne contiennent que delaterre, du fable ou 
de l’eau , où enfin un noyau quelquefois adhérent , d’autres fois détaché, 
& que ces derniers renferment de véritables cryftallifations. Je ne balan- 
cerai pas à en faire une claffe à part, & je les nommerai fimplement cail- 
loux intérieurement cryflallifés ;, d’un tel ou d'un tel endroir, ou fi l’on veut 
s'attacher encore à leur ancien nom, qu’on les appelle geodes cryflallifées 3 
en indiquant toujours par des phrafes, la nature des cryftaux & celle des 
cailloux. Car avouons de bonne foi, qu'il y a une différence tropeffentielle 
entre un beau caillou du Mont-Liban, rempli d’une brillante cryftallifa- 
tion, & une fimple pierre caverneufe qui ne contient , pour l'ordinaire ; 
qu’un peu de terre ou de fable, pour les confondre & les ranger les uns 
& les autres fur la même ligne. 

Mais où les placer donc ? ou avant ou à la fuite de la famille des 
cryftaux dont ils peuvent être regardés comme les rudiments, c'eft 
peut-être même à l'aide de l’analogie & de la comparaifon de ces petits 
cryftaux dans leur matrice , avec les grandes mafles de cryftaux de ro- 
ches, qu'il eft poflible de parvenir un jour à voir un peu plus clair dans 
la théorie très-obfcure des cryftallifations. 

La Province de Dauphiné, une des plus riches dans ce dernier genre 
de cailloux, en fournir en trois différens endroits de remarquables, non- 
feulement par la forme & le brillant des cryftaux , mais encore par des 
ammenites d’un beau volume , qui fe font remarquer tantôt fur la furface 
du caillou , tantôt dans fon intérieur ; toutes celles qui font extérieures 
font d’une confervation admirable, tandis que celles qui font dans le 
centre de la pierre, font pour l'ordinaire prefque dénaturées , & recou- 
vertes en certains endroits par une multitude infinie de petits cryftaux. 

Je dirai encore que lorfque ces cornes d’ammon ont des caraétères in- 
téreffans , on doit ne plus faire attention au caillou , du moins , quant 
à fa cryflallifation , pour ne s'occuper que de l'individu marin , qu'il eft 
plus naturel alors de ranger parmi les pétrifications de fon efpèce. 


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Claviculés 


on clavicalés 


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À come creule. - » 


c des dents à Denrs à la mâchoire inférieure, 
Dents aux deux mâchoires . . 


MSc 


3 


Dre 


CLS CT CAD) 


CO PA 


ARE AIT E 


L'HISTOIRE ANATOMIQUE ET NATURELLE DES CORPS VIVANS OU 


Publiée le 22 Novembre 2774, à la Séance publique de l’Académie Royale des Sa 


Par M. Ferix VICQ D'AZIR. 


ee Singes. 0 
2 Ecureuls : « 

4° famille... ... Loirs . 
4 fmille. . ee sue Taupes - « « 


Moyenne taille. ÿ 


4° famille 


: Hippopotame. 


11e famille 
t . Eléphanr, Rhinocéros. 


Li® famille . . . 


Grande taille. 


Balcines 
- Cachalots . 
#0. Narwals 


Dauphins - - « 


emi palmipèdes. Poules d'eau. : 
s. Pélicans 
, Toucan: 
1e famille. . . Corbeaux. 
je famille, « . Méfanges 
4e Famille. + ; Pigeons : 
je famille, . . Dindons, . .. 
(M: Daubenton) 


à x c ag au douce, 
à pluficur£ cornes Our 
. Cœur 
CH Poulfe-pieds, 


Limac 
. Vers de 
Ver foliraire 
3 Vers cucurt 5 
5 . . Polypäpanache 

.. . Polypesäcor 
Polyp. tuyaux. 


grand Plyp. du Nord. 


. Coraux 
Coraline: 
Lithopli 


Mille-po 


parafites. 


Tome IN, Décémibre, page 477: 


ORGANIQUES, 


Juadrupèdes 
Hseliie «Nine en ee Ef 
Vailleaux ux. Oifesux . A 
Lympathiques . . . : C quelques amphibies, Ph 


lire. . . . SRepriles. 


Uroiffons 


Nutrition . À Tiffu cell! 
Vaiffeaur rranfparens 
oublanchätres. . . L 
Tiffù cellulaire 
Vaïlleaux capillaires 


Tiffu cell 


Quadrupèdes. . 


aire 


quelq: Infeêtes. 
quelques Vers. 
Œufs qui fe dé 
veloppent dans 
le ventre de la 
femelle, ouim 


Plufieurs amphibies: 


médiatement Jpoiffons cartlagineux. 
sprès en être É 
ES es. Jlortis. 
Génération Ovipares. Note 
Œufs qui ledé- L'Amphibies récrapèdes. 
veloppentquel- Ÿplufieurs amphibies apodes. 
que rems après 7 Poillons épineux. 
] leur fortie. Huledes, 
_ mrmrere = Vers. 
Plantes. 
Gutre Infeêtes, 
Par bourures. D 
Plantes 
TE ————————————————— 
Polypss. 
f le corps) Infecte 
raëtile… - Ulafëtes mol 
rQu 
Mufeli As 2e to) ux 
. eur. - - : }Amphibies 
Icritabilité Croittor 
eur ? 
à peine quelque Çpinres 
f actile } 9e 
€ } vi 
sk , Ol x 
(roc es À 
+ ( Quelques Qu [A 
(re fans véfieule, à QUEUES OÙ 
Tafe@tes, \ 
CEE Rue rot 
(: lus & vélie $ Il 
CHE 2 dri 
; çQ c 
fémi 20 
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| où moins aromatique { ÿ NAS 
| 
| 1 ï 
ireu LI 
| = == = EE ——— 
| 
| ] 
| mon f J 
| dE 
| ( i ) sT 
| } rigmates .Ù Ver 1, Da 
DD) VTT Poumons . . Céta ufil 


Offificarion 


Un où plufieurs eflomaes (bien diftiné 


Eflomac peu difinet du boyau . 


\ 
ES 

| / mac ul. . . - RAGUTUËNE {r 

| au, nieflomac . 5 à ÈS f * 


de) Hs 
|seubiti ON ne eee de 20 ['infeé 


2e TR 


Fondions ou Caraëères propres aux Corps vivans. 


n Refpiration. 


Offfication. Digeftion. 


Senb 
IPS) 


PR ver 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 41 


EE 7e 


Fo ABC L'SE 
Pour fervir à l’Hifloire Naturelle & Anatomique des Corps 


organiques & vivans , 


Préfentée dans la Séance publique de l’Académie Royale 
des Sciences, le 12 Novembre 1774, 


Par M. FÉLix Wice D'AziR, Doëleur en Médecine , & de la même 
Académie. 


NÉE croyons rendre fervice à nos Lecteurs de leur préfenter un pa- 
reil tableau, & d’avoir confervé fa forme. L’œil le parcourt plus facile 
ment, & l’efprit en fent mieux les rapports & les liaifons. Cet ouvrage 
eft le premier qui ait été exécuté en ce genre, & il ne paroît pas qu'on 
eùr encore fongé à fe fervir des caractères anatomiques. L'Auteur , fé- 
rieufement occupé à l’anatomie dont il fait des Cours publics , fuit dans 
fes leçons la marche qu'il vient de tracer. Il feroit à Pie que dans 
les Cours, en tout genre, le Profeffeur préfentâr de femblables tableaux , 
les leçons feroient plus faciles à préparer & à retenir, & par confe- 
quent plus utiles. M. d’Azyr eft dans ce moment occupé par ordre du 
Gouvernement , & comme Commiffaire choifi par l’Académie, à par- 
courir nos Provinces méridionales, où une funefte épizootie enlève pref- 
que tous les beftiaux, malgré le fecours qu'on avoit cherché vainement 
à leur donner avant l’arrivée de cet Académicien. 


ONRBLA SALUE RENTE AN PER ON 


Sur un Phénomène de la glace. 


RE eft grand dans la nature, & mérite d’être obfervé avec foin, 

parce que les objets qui paroiffenr, au premier coup d'œil, minutieux, tien- 

nent à coup sûr à l’ordre général, & fouvent la connoiflance des chaïnons 

conduit à de grandes chofes. Accumulons les faits , abandonnons les 

théories ; elles nuifent quelquefois plus à la fcience , qu’elles ne lui fonc 

utiles. En favorifant la parefle du lecteur , en penfant pour lui, il ne prend 
1 1774 DÉCEMBRE, 


/ 


478 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, : 
pasla peine de rédéchir, & dans fon apathie, il fe laife, fans trop favoir 
pourquoi , entraîner par le torrent. de 

Les fortes gelées du mois dernier ont fourni l’occafion de faire fur 
l’eau glacée une remarque qui.paroïe mériter l'atrention des Phyfciens. 

Un matin, pendant la gelée qui duroit depuis quelques jours , on fit 
cafferda glace qui-couvroit l'eau d’un baflin; le domeftique avertit qu’elle 
fumoit. L'eau gela de nouveau , & la glace fut caifée de la mènie ma- 
nière ; une vapeur femblable à celle qui fort du poumon pendant le froid 
& au moment de lexpiratiôn ; ou fi mieux on aime, femblable à celle 
dé l'eau qui commencée à s’échauffer , fe manifefta très-vifiblement aux 
yeux de plufeurs fpectareurs. Il y a plûs ; cette vapeur eft chaude , ou 
du moins ellé le paroît. On ne dira pas qu'on doit attribuer cer effer 
au froid que l’on reffentoit à la main , puifqu’elle avoit été renue très- 
chaudement fous l'habillement & appliquée contre la peau. 


0. 8:25 EE RON AT ON 


Sur la Température des Caves de l'Obfervatoire de Paris, 


' 1 vient de s'élever un doute fur un changement arrivé dans la tem- 


érature de cés caves. MM. Maraldi & Jeaurar ont obférvé, à 30 années 
de diftance , & avec le mème thermomètre à efprit-de-vin, le degré de 
la cempérature de ces caves, dont la profondeur depuis le rez de-chaufée 
eft de 85 pieds. Cette température en Mars 1733 étoit, felon M. Ma- 
etat ele ouai eee Potter to Er teen Enr Lee CiRo ans 1120 
En Mars 1773 elle étroit, felon M. Jeaurat, de... 82. 
C'efti-dite 15 plus froide en 1773 qu'en 1733, ce qui répond à 
une différence de 7 lignes fur le thérmomètre donc on s’eft égalemenc 
fervi dans les deux différenres obfervations ; mais cette variation de 
température a befoin d’être vériñée de nouveau. L’efprit-de-vin du ther- 
momètre eft devenu prefque blanc , & peut-être fa graduation ne répond- 
elle plus à 100€ dans l’eau bouillante ; à 32% de la chaleur naturelle du 
corps humain ; à o dans l’eau qui gèle; & à 15 au-deffus de la congéla- 
tion, dans un mélange de deux parties de glace qui fond , & d’une partie 
de fel marin, ce qui produit à-peu-près le plus grand froid qu'on ait à 


Paris. 
Ÿ 


-SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 479 


LOE LR ET RCE 
De M. MESS1ER, de l'Académie Royale des Sciences , 
ADRESSÉE A L'AUTEUR DE ce REcueiL, 
Au fijet d'un Froid extraordinaire obfervé dans des Vofges ie 27 Nov. 1774. 


Pair ,; Monfieur , que j’aie l'honneur de vous communiquer la 
relation d’un froid extraordinaire qui a été obfervé à Senones, Chef-lieu 
de la Principauté de Salms dans les Vofges , le 27 Novembre 1774, par 
M. l'Abbé de Chaliony, ancien Profefleur de Mathématiques à Metz. 

Les obfervarions furent faices à deux thermomètres, l’un à mercure, & 
le fecond à l'efprit-de-vin. J'avois faic faire à Paris ces deux inftrumens, 
il y a trois mois , & j'avois été témoin de leur graduation , fuivant l'é- 
chelle de M. de Réaumur ; l'un & l’autre alloïient également : de plus, 
M. de Chaligny me mande que, voulant êrre afluré de la marche à ces 
deux thermomètres , il les avoir mis l’un & l’autre à la glace pilée ; celui 
à mercure marquoit un demi- degré au-deflus du zéro ; le fecond à l'ef- 
prit-de-vin, un demi-degré au-dellous. D'après ces vérifications , il 
ne refte aucun doute fur leurs conftruétions ; de plus , les tubes ont été 
calibrés par l'Ouvrier à Paris. + 


Voici le réfultat des obfervations du Froid, faites à Senones , avant & 
| apres le 27 Novembre 1774. 


1774 Heures du! Baromètre, | Ther. 2]Therm. à 


joue metrcur, |efp. de v. 
PE. o o 
Nov. 22|7:. mat:|17.,. 12 — g+|—.10 Neige, 
aie ES Fr Que Er: — 10; 
23161 mat.|27... o!l— 9 
7ze mat.l........|— 9 
8.. foir.|.........]—10 |— 11 


24/73. mat.|26... 8]— 4i|......INeige. 
9.. foir.|26... $ 

26/55. mat:|26... 9 |— 5: 
85. oir.|.........l— 6+ 

27164 mat.|27... o|— 14 |— 15 |Ciel ferein, vent N. E. 
7e marut. 4 — 15 |— 15È 
8..imari|...,.44|—u55l— 16 

28/61. matil26... 3 |—11}|— 12%lle Ciel nébuleux. 
8... mar.|...,.....]— 112 125 

2917. matu|26..: 9 [— 3 |— 4 

ee cou 26... 7:]— 0 |— o|dégel. 


1774. DÉCEMBRE. 


480 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Les moins— avant leschiffres indiquent les degrés de froid au-deffous 
de la première congélation qui eft zéro. 

L'on remarque pat cette table , que le plus grand froid eft arrivé le 27 
Novembre à 8 heures du matin par un ciel ferein , le vent nord-eft , que 
le thermomètre à mercure eft defcendu à 1 $ degrés un quart au-deffous de 
zéro, qui eft le terme de la première congélation , & le fecond à l'ef- 
prit-de vin à 16 degrés : la terre étoir couverte d'un pied de neige { Ce 
froid égaloit celui qui fur obfervé à Paris en 1709). À Paris , le même 
jour 27 Novem're à 7 heures & demie du matin , j'obfervai de mon 
obfervato re le degré de froid du thermomètre qui éroir defcendu à 7 

egrés ; le ciel éroit de même qu’à Senones, ferein , le vent nord-et, 
& l: baromètre à 28 pouces o ligne un quart : les trois jours d’aupara- 
vanc il étoir tombé 14 lignes de neige qui exiftoient le 27. On voit que 
le même jour , & les circouftances étant les mêmes à Senones & à 
Paris , le froid a été plus confidérable à Senones de 9 degrés ; cependant 
Senones & Paris font fous Le même deoré de latitude : latitude de Senones 
48 degrés 23 minutes 25 fecondes. 

Senones eft 18 minutes 37 fecondes à lorient de Paris : fa pofition 
eft dans un fond environné de montagnes qui tiennent à Senones, éle- 
vée de 12 à 1500 pieds perpendiculaires : la plupart des pentes de ces 
montaunes qui resardent Senones, fonc ftériles ; les fommets font cou- 
ver:s de fapins : une colline laifle le vent du nord-eft libre , pour fe faire 
fencir à Senones. 

Perfonne à Senones, & dans les environs, ne fe fouvient d’avoir 
éprouvé un froid aufh vif & aufli prématuré que celui du 27 Novembre, 


D 
ME MO T1 RE 


Sur la manière d'élever les larves des Papillons ; les précautions qu'il 
faut prendre à l'égard des Chryfalides ; & fur la méthode employée pour 
fe procurer des Métifs en ce genre. Par M. NicoLAs. 


S: L eft fatisfaifant pour un Curieux de pénétrer dans les fecrers de la 
nature ; rien aufli n’eft plus capable de rabaifler l'amour-propre que 
l'étude de certe Science : quelles font en étfet nos connoiffances , relati- 
vement aux découvertes qui nous reftent à faire ? Où chercher un génie 
affez vafte pour rendre raïfon (je ne dirai pas des phénomènes de cetre 
motrice de l'Univers , } mais feulement pour définir la moindre de fes 
opérations. Les premiers pas que nous faifons dans l'examen de la na- . 
ture , fervent à nous démontrer la brièveté de la vie, & l'infufhfance de 
notre efprit pour embraffer, l'immenfité de fes productions. Ce 
e 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 481 


C'eft cette trifte & humiliante vérité qui a engagé les hommes célè- 
bres qui ont traité de l’Hiftoire naturelle à la divifer en différentes par- 
ties ; mefurant ainfi nos foibles lumières , 1ls ont laiffé à chacun la liberté 
de fe prefcrire une tâche , & les moyens de la remplir fans confufon. 

Une de fes plus belles branches, fans contredir, eft celle qui comprend 
les infeétes à quatre aîles farineufes ; la richefle & la vivacité de leurs 

‘couleurs attirent les regards des perfonnes même les plus indifférentes 
pour l’Hiftoire naturelle : ces infeétes brillans font l’ornement le plus 
précieux de nos cabinets. De tous les Aureurs qui ont entrepris leur hif- 
toire , aucun n’a mieux rempli fon objet que M. Geoffroy. Cet habile 
Obfervareur jugeant combien peu feroit fatisfaifante une hiftoire quine 
feroit fondée que fur la fèche nomenclature , eft entré à leur égard dans 
un détail, qu’il n’appartenoit qu’à ce favanr Médecin de donner. Il n’y 
a point de Le qu'il auroit épuifé la matière, fi l’érendue de l'Ouvrage 
gl a donné au Public en ce genre, lui eût permis d’entrer dans un 

étail plus circonftancié fur les précautions qu'il faut apporter pour éle- 
ver les chenilles. C’eft à quoi je vais tâcher de fuppléer par ce petit 
réfulrat de mes Obfervarions. 

Rien de plus facile que de nous procurer les papillons de jour , grace 
à la trouble de M. de Réaumur , qui a imaginé ce moyen; maisil n’en 
eft pas de même à l'égard des fphinx , des phalenes & des reignes. Vai- 
nement centeroit-on d'aller la nuit, la trouble à la main, pour fe faifir 
de ces infectes , quand bien même on emprunteroit le fecours d’une 
lanterne; bientôt on feroit rebuté d’une chaîle dont on retireroit fi peu 
de fruit. Le meilleur moyen de fe procurer ces papillons , eft de nourrir 
leurs larvés que l’on rencontre affez communément par-tout. Voici les 
précautions que j'ai cru néceffaires. 

H faut avoir plufeurs boëtes quarrées, de la hauteur d'environ un 
pied & demi fur huit pouces de large , auxquelles on enlève le find, 
pour en fubftituer un de canevas ou d’une toile de crin, montée fur un 
petit chafis que l’on atrache à la boëte avec quelques clous d’épingles. 

Le couvercle de la boëte doit s'ouvrir par charnière , & fe refermer 
facilement : on le perce de plufieurs petits trous pour faire circuler l'air 
dans la boëte : on attache ds le fond , des côtés du couvercle & du 
canevas , deux planchettes, pour pouvoir retenir de la terre à la hauteur 
au moins de quatre pouces. 

Cela ainfi difpofé , quand on rencontrera une chenille on évitera , s’il 
eft poffible , de la toucher avec les doigts, dans la crainte de la bleffer : 
on la rapporterafur la branche de la plante fur laquelle on l'aura trouvée; 
onintroduira le bout de la branche dans le col d'une fiole pleine d’eau, 
que lon placera d’un côté de la boëre, ce qui entreriendra la fraîcheur 
de la plante , & fournira un aliment agréable aux larves. 

Quand au bout d’un certain tems on s’appercevra que la plante eft 


Tome IV, Part. VI, 1774. DÉCEMBRE. Ppp 


s 


432 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


r ngée, on prendra une autre branche que l’on introduira de mème dans 
le col d’une fiole remplie d’eau ; que lon placera à côté de l'autre: 
queljue tems après, la chenille attirée par lappas d'un nouvel ali- 
ment , quitrera celui qui commençoit à r’avoir plus rant d’attrait pour 
elle. C’eft dans ce moment qu'il faut ôter la branche rongée pour être à 
mème de pouvoir en fubitituer alternativement de nouvelles jufqu’au 
tems de la métamorphofe, 

Certaines chenilles vivent en fociété , ce dont on s’affure , quand on 
en ‘rouve plufieurs fur la même plante. Celles de ce nombre peuvent 


‘êrre renfermces en famille , dans la mème boëte. 


Il n’en eft pas de même à l'égard de quelques-unes qui fe battent & 
fe bleffent lorfqu'’elles fe rencontrent ; de ce nombre font notamment les 
larves du coffus , dela queue fourchue & de prefque tous les /phiax ; il 
faut les renfermer feules, non dans des boëtes de bois ; les larves du 
coffus & de la queue fourchue les rongent avec facilité ; maisdans d’au- 
tres faices en fer blanc , conftruices à-peu-près de la même manière. 

Les chenilles fonc fujetres à des maladies ; la plus commune & celle 
qui en fair périr le plus grand nombre, eft une efpèce de diarrhée :elles 
deviennent foireufes & languiffantes : on remédie à cer inconvénient, 
eu leur donnant pendant quelques jours un aliment qui aura été expofé 
un moment au foleil, pour le priver d’un peu de fon eau furabondante. 

Il eft encore fort à propos d’examiner avec attention les chenilles que 
l'on veu élever, afin de s’affurer fi elles n'auroient pas été bleflées ou 
piquées par les ichneumones; ce que l’on remarquera aifément, quand 
on s’appercevra qu’une chenille a quelques points ou taches qui ne font 
pas parallèles : dans ce cas il faut les jetrer ; vainement tenteroir-on de 
leur donner des foins , elles ne réufliroient jamais. 

2°. A l'égard des chryfalides , le rems de la métamorphofe arrivé, il 
femble que chaque chenille foit avertie de l’inftant où elle doit ceffer 
de manger. 

Vous voyez les unes occupées à fe filer une coque , les autres à ronger 
le bois , le poil & les plumes pour en employer les débris à conftruire 
les leurs, & d’autres enfin à chercher dans le fein de la terre un lieu 
commode pour fubir ce changement. 

La marche de ces infeéles, toute bifarre qu’elle nous paroît , doit être 
refpectée par les Curieux. Il n’eft pas indifférent pour la réuflire des 
papillons , d’enlever les chryfalides de la place qui aura été choifie par 
la larve pour les réunir fous un feul point de vue. 

Souvent, en les détachant des parois de la boëte , ou en les retirant 
de la terre, on bleffe la nymphe , ou on cafe la double enveloppe en 
terre que s'étoit pratiquée l’infeéte ; ce qui feul quelquefois peut empè- 
cher la réuflite. 

Ceux qui ont propofé ; pour faire éclore des papillons ; d'expofer les 


SUR L'HIST. NATUREILE ET LES ARTS. 48; 


chryfalydes dans un air tiède , ne nous ont pas dit combien peu ils réuf- 
filoient de cette manière, Cela accélère à la vérité le moment de la naïf 
fance de celles qui ont pu échapper à certe épreuve ; mais la plus grande 
partie périt, parce que cet air fec venant à frapper fur les parois des 
coques , les défsèche & les durcit, de telle forte que fouvent l'infc@e 
eft forcé de périr dans fa prifon , n'ayant pu franchir l’obitacle qui s'oppo- 
foi à fa liberté. 

Il eft donc plus avantageux de les laiffer éclore dans le lieu de leurs 
métamorphofes : la feule précaution qu’il faut avoir à l'égard des boëtes, 
eft de les mettre à l'abri des injures de l'air, & de les fouftraire à l'excef- 
five rigueur du froid & du chaud. 

3°. La grande variété que l’on rencontre dans les papillons , m'a fait 
foupçonner qu'elle pourroit bien n'être due en parmie qu'à l’accouple- 
ment de quelques individus d’efpèce différente : pour éclaircir mes 
doutes , j'ai fair les elfais fuivans : 

J'ai fait faire un chaflis à quatre pièces , de cinq pieds de hauteur fur 
deux & demi de largeur ; je l'ai couvert d’un filer dont les trous étoienc 
affez refferrés ; pour ne point laifler échapper les papillons : jai couvert 
de ce chaflis une place d’un jardin qui raffembloit quelques fleurs & un 

etic arbufte de faule ; j’ai renfermé fous le chafis pluficurs mirimes à 
des & quelques femelles de l’apparent , l’une & l'autre efpèce éroient 
éclofes dans mes boëres , & n’avoient pas été fécondées. 

Ces infedtes ont vécu quelque rems fans apparence qu’ils penfaffene 
à l'acte de la génération : je commençois même à défefpérer de la réuf- 
fice, lorfqu’un matin , allant à mon ordinaire vifiter mon chaffis , je trou- 
‘vai deux femelles accouplées avec deux minimes à bandes ; la répu- 
gnance chez eux avoit vraifemblablement long-tems combattu ; mais 
enfin le befoin avoit rapproché leurs efpèces. La femelle dépofa fes œufs 
fur le jeune faule.qui devint la proie des jeunes larves qui en éclorent : 
elles ne différoient de celle de l'apparen que par leurs couleurs qui 
étoient beaucoup plus foncées par une ligne de points d'un Jaune roux 
qu’elles avoient fur le dos, tandis que celles de l'apparent l'ont de cou- 
leur citron, fouvent même plus foncée. 

Leurs chryfalides éroient plus groffes & moins noites que celles de 
l'apparent : enfin l'infeéte parfait participoit de l’une & l’autre efj èce, 
ayant la partie fupérieure des aîles fauves , & l’inférieure blanche , avec 
une ligne tranfverfale. 

J'ai procédé de la même manière à l'égard des ziozags mâles & des 
femelles de l’écaille martre hériflonné , fubftituant un orme au faule. 

Cela m'a donné des papillons d’une variété fingulière ; ce qui me per- 
fuade que par ce moyen on pourroit s'en procurer de la plus grande 
beauré. C'elt un effai que je propofe aux Amateurs , les priant de vou- 
loir bien nous faire part des découvertes qu'ils feront dans cette partie. 


1774 DÉCEMBRE. Ppp21 


’ 


M: ÉSNENE ROBE 


Pour faire l’Ether vitriolique en plus grande abondance ; 
plus facilement , & avec moins de dépenfe qu’on ne le 
fait jufqu'ici ; 


Par M. CADET, ancien Apothicaire-Major des Camps & Armées 
du Roi ; de l'Académie Royale des Sciences de Paris ; de l Académie 
Impériale des Curieux de la Nature, & Affocié de celle des Ares & 
Sciences de Lyon , &c. 


C sr à une pratique fuivie & continuelle qu'on doit la progreffion 
& la perfsétion des nouvelles découvertes qui naiffent, la plupart du 
rems, des procédés les plus connus dans la Phyfque & dans la Chy- 
nie. Je vais en cirer quelques exemples. 

Lorfque le célèbre Margraff fit voir que l'alkali fixe végétal n'étoit 
point l'ouvrage du feu, mais qu’il exiftoit entièrement dans les végé- 
taux , ces expériences fembloienc ne laiffer rien à defirer fur cer objer. 
On n’en a pas moins publié depuis deux exceilens Mémoires qui conf- 
tatent plus que jamais la vérité d'un fait auffi important pour la Chymie. 

Voicicomment s'explique l’Auteur de ces deux Mémoires: (M. Rouelle) 
M. Margraff & moi fommes les premiers qui avons fixé les idées, & 
donné des preuves directes & formelles de certe vérité. 

On ne peut cependant refufer de reconnoître que Junker eft un des 
premiers qui ait parlé de certe découverte (1), & qu’on lui eft redevable 
d’avoir obfervé la préfence de l’alkali fixe rout formé dans les végétaux : 
car c'eft ainfi qu'il s’énonce dans fon édition Latine de 1738, fur le 
Tartre, tome Il. Tartarus cum acido vitriolico rraëlatws , profert Tar- 
tarum vitriolatum. Cette alfertion ne doit point être ; ardée comme 
une conjecture , & avec d’autant plus de son que Henckèl dit dans fon 
Flora faturnifans , imprimé en 1722 : » Le fellixiviel fe manifefte aufli 
» dans les végétaux, fans qu'ils aient éprouvé l’action du feu; ce qui 


RE 


(1) MM. Groffe & Duhamel ont rendu compte dans les Mémoires de l’Académie, 
de 1732 , de quelques expériences qui , dès ce rems , ne laifloient aucun doute fur la 
prélence de l'alkali fixe tout formé dans les végétaux : auffi M. Rouclle a-t-il eu l'at- : 
tention de les citer dans fes Mémoires. 


“ 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 485 


» paroîtra incroyable à bien du monde, Cer homme illuftre ajoute de 
» plus , qu’il eft aifé de prouver, par un grand nombre de phénomènes 
» & de its , qu'ilen exifte de tout fait dans les végétaux. 

Il en eft de mème des nouvelles expériences fur la deftruétion du dia- 
mant. Lorfque le Grand- Duc de Tofcane fit publier que cette pierre 
précieufe fe détruifoit entièrement au feu du miroir ardent & à celui de 
nos fourneaux , on auroit eu peine à fe perfuader alors que ces expérien- 
ces , qui paroifloient tenir du prodige , fe feroient répétées de nos jours 
avec le même étonnement; cependant elles ont donné lieu à une infinité 
d’autres qui n’en font pas moins intérellantes , & qui n'ont fait que 
confirmer tout ce que l'on favoit déja fur cet objer. 

Ces expériences ont pourtant contribué à nous faire connoître que le 
diamantoffreune efpèce d’auréole ou de lumière pendant qu'il fe détruic 
au feu ; obfervation que l’on doit à M. Macquer , & quia été vérifiée 
depuis par d’auttes habiles Chymiftes. 

L'Académie a prouvé aufli que le diamant n’eft pas volatil, qu'il ré- 
fifte au feu le plus violent , lorfqu'il eft Parfaitement à l'abri du conta& 
de l'air, & qu'il fe difipe en entier lorfqu'il y eft acceffible. 

Avant que M. Hellot eût communiqué à fen MM. Geoffroy, Rouelle 
& de la Planche un procédé pour faire l'éther en grande quantité , les 
Chyimiftes François étoient fort embarrallés à fe procurer de lécher 
en abondance. 

On peut mettre au nombre des découvertes les plus intéreffanres dela 
Chymie , moderne les opérations par lefquelles on obtient les liqueurs 
connues fons le nom d’éther. 

Ees premières connoiffances que les Chymiftes François ont eu fur 
cette liqueur volatile & inflammable, .f utile dans la Phyfique & dans 
la Médecine , nous ont été données par MM. Duhamel & Grolle, de 
cette Académie , comme on peut le voir dans leur Mémoire de 1734. 
Avant les expériences de ces deux Savans , de célèbres Chymiftes en 
avoient tenté plufieurs fur la combinaifon de l'efprit-de-vin avec l'huile : 
de vitriol. Quelques-uns de leurs réfulrats prouvent qu’ils avoient fait de 
lécher; maisn’en connoiffant pas la nature , il n’étoit pas étonnant qu'ils 
ignoraflent alors la manière de pouvoir l'en féparer , ce fuccès étoic 
réfervé à Frobenius. Non-feulement ileft parvenu à nousfaire connoître 
l’exiftence de lécher; mais on lui doic aufli les moyens de le faire en 
grand. Ce fameux Chymifte envoya de fon éther à feu M. Geoffroy , 
M. Groffe en reçut aufli quelques facons de M. Hanchwitz. C'eft 
fur cet éther que MM. Groffe & Duhamel firent leurs premières ex- 
périences. Il ont enfuite cherché à en obtenir de femblable par la 
diftillation de différens mêlanges d’efpric-de-vin & d’huile de vicriol; 
leurs fuccès n'ont pas été abfolument complets , on peut dire qu'ilsn’en 

1774 DÉCEMBRE, 


x & 


486 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
étoient point éloignés, puifque, par plufieurs procédés, ils avoient 
obrenu de véritable écher. 

Mais en mème-tems M. Groffe convient que ces méthodes de faire 
l'éther, quoique rrès-promptes, ne réuflilfent point toujours; ce qu'il 
attribuoit alors à l’efpèce de l'huile de vitriol ou de l'efprit-de-vin qu'il 
employoit , quoique ce dernier für très-rectifié. M. Grofle ajoute cepen- 
dant qu'ileft perfuadé qu'on peut obrenir de l’éther par d’autres moyens, 
peur-êrre plus courts que par les trois méthodes qu'il propofe. 

M. Hellot auquel ( ain que je viens de le dire } les Chymiftes Fran- 
cois font redevables de la manière de faire de lécher en grand , y avoit 
travaillé dès 1734, de concert avec MM. Groffe & Duhamel : ilécrivit 
alors à celui - ci une lertre par laquelle il lui rend compte de plufieurs 
expériences infruétueufes, & de l'appareil d’un vaiffeau à feu de lampe 
avec lequel il avoir répété avec fuccès les différens procédés de MM. 
Groffe & Duhamel. Certe lertre eft inférée dans le Mémoire de 1734, 
que je viens de citer. M. Hellot ne fentit point alors toute la valeur du 
moyen Fe employoit ; c'eft cependant à ce moyen que je me fuis 
principalement attaché. 

Quoique ma méthode de faire l’éther vitriolique diffère peu des pro- 
cédés les plusufités, j'ai cru devoir la faire connoïtre , parce je me 
fuisaffuré qu’elle fourniffoit de l’écher en bien plus grande quantité , & 
à moins de frais. Si je me détermine à donner ce procédé , ce n’eft pas 
que je veuille le comparer aux découvertes effentielles qui ont éré faites 
jufqu'à préfent fur cet objer. Mais, comme l’éther eft devenu une 
liqueur d'un affez grand ufage dans la Chymie , dans la Médecine , & 
même dans les Arts, j'ai cru que tout ce qui pouvoit contribuer à en 
faciliter l'opération , à en multiplier les produits , & à en diminuer le 
prix , méritoit d'être communiqué aux Artiftes. à 

Un des principaux avantages de opération que je vais expofer , c'eft 
que fon réfidu , que les Chymiftes avoient coutume de rejetter , eft la 
matière qui peut fournir le plus d’éther ; & je puis avancer qu’il contri- 
bue à en donner au moins neuf fois plus que par le procédé ordinaire. 
Voici ma méthode. 

Je prends ,comme Frobénius , parties égales en poids d'huile de vitriol 
blanche de Rouen ou d'Angleterre , & de bon efprit-de-vin rectifié. 

Lorfque le mélange de ces deux liqueurs eft exactement fait , je le 
laiffe repofer quelque tems pour en féparer un dépôt falin qui, bien 
examiné, n’eft que de l’arcanum duplisatum. J'en ai retiré près de deux 
gros & demi fur trois livres de mélange : ce fel neutre ne s'y trouve 
qu'accidentellement. 

Dans la fabrication de l’huile de vitriol d'Angleterre, & peut-être 
dans celle de Rouen , on fe fert de nitre pour hâter la déflagration du fou- 
fre : il n’eft donc pas étonnant qu'on retire de l'ercanum duplcatum de 


FAN e 


dre. 


SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 487 
l'huile de virciol. I pourroit bien auffi ètre dû à un tour de main très- 
connu , qu'on emploie dans le commerce, pour blanchir l'huile de 
vitriol devenue noire ou colorée par une portion de phlogiflique ; car 
l'on fait qu'ilen faut crès-peu pour la noircir. En jettant une perire 
quantité de nitre fur cet acide avec la moindre chaleur , on parvient à 
la décolorer entièrement ; l’acide du nitre, forcé par l'acide vitriolique, 


de fe dégager de fa bafe alkaline , entraine la portion de phlogiftique 


qui donnoit lieu à la couleur noire de l'huile de vitriol; & dans ce cas, 
l'alkali du nitre forme néceffairement avec l'acide virriolique la portion 
d'arcanum duplicatum dont je viens de parler. 

M. Baumé, dans fa differtation fur l'éther , parle aufli de cette ma- 
nière de blanchir l’huile de vitriol, en employant deux gros & demi de 
picre, fur huit onces d'huile de vicriol crès-noire. 

Le dépôt falin étant féparé du mélange, on prendra une cucurbite de 
verre ou de cryftal qui, avec le chapiteau, ne doit faire qu’une feule 
pièce. Le haut du chapiteau doit être tubulé, &’fermé par un bouchon 
de cryftal ufé à l’émeril. La capacité de la cucurbite peur être de trois 
pintes & demie , mais quandelle feroit plus petite , cela feroit indif- 
férent, parce que dans l'opération dont il s’agit , le vaiffeau peut être 
plus des ærois quarts plein fans courir le moindre rifque. 

On verfera donc trois livres de mélange dans certe cucurbite , par ie 
moyen d’un entonnoir à long bec, & l’on y adaptera un récipient. 

Quelques Auteurs recommandent pour l'opération de lécher, delutrer 
à la cornue un grand ballon percé d'un petit trou , qu'on débouche de 
tems en tems, afin de faciliter la forte de l'air, & des vapeurs trop 
ratéfiées. Ces précautions font ici inutiles. Elles ne erviroient qu’à faire 
perdre beaucoup d’éther. Le récipient dont je me fers, eft une boureille 
du verre le plus mince , l'ouverture en eft étroite , cette bouteille pleine 
peut contenir environ trois chopines. C’eft dans ces bouteilles que nous 
vient le vin de Syracufe. On les envoye toutes entourées de jonc afin de 
les préferverd’accidenr. Je lutre au chapiteau de la cucurbite cette efpèce 
de récipient avec du lut gras, & j'applique par-deflus pour le contenir 
un morceau de veflie enduite de colle de farine ; il faut avoir foin de ne 
donner aucune communication d'air, afin de ne point perdre lécher, 
quoique malgré ces précautions, il s’en échappe toujours un peu. 

On procédera à la diftillation au bain de fable à un feu de lampe à 
quatre mèches chacune d'environ so fils. Il palfera , comme dans le pro- 
cédé ordinaire ,un peu d’efprit-de-vin qui porte d’abord une légère odeur 
d’eau de Rabel, & qui peu après prend celle de l'éther. On continuera 
le feu jufqu’à ce que la diftiligrion paroiffe fe rallentir d’elle-même , & 
qu’on apperçoive s'élever dans le chapiteau des vapeurs blanches. Alors 
on laiffera refroidir les vaifleaux pour délutter le récipient , dans lequel 
on trouvera près de 10 onces d'écher non reétifié, nageant au-dellus 

1774 DÉCEMBRE. 


438  OPSERV ATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


d'environ deux ou trois onces d’une autre liqueur fpiritueufe & flegma- 
tique qui contient aufñ de l’éther, 

On renfermera ces liqueurs dans un flacon de cryftal exactement bou- 
ché, & l'on verfera fur le réfidu de la diftillation unelivre d’efprit de- 
vin déflegmé par le fel de rartre. Cette feconde diflillation donnera plus 
de 14 onces d'un éther aufli bon que celui dela première opération , & 
on le verra nager fur environ une once ou deux d’une autre liqueur qui 
participe encore de Fécher. On peut procéder de même fur ce réfidu fix 
à fept fois de fuice , en mettant à chaque fois une même quantité d'ef- 
prir-de-vin déflegmé. On fera sr de recirer à chaque difillarion , à 

eu de chofe près , une même dofe d’éther. J'ai feulement obfervé que 
e fixième produit de l’éther que j'ai obtenu , quoiqu’auffi confidérable 
que les autres , éroit moins fec, & par conféquenr un peu plus mifcible 
à l’eau : car en le verfant dans le facon, je nele voyois point comme 
les autres fe féparer de l’autre portion de liqueur qui paffe ordinairement 
avec l'éther, vaifemblablement ces deux liqueurs s’étoient confondues. 
Je jugeai alors que fi j'avois employé dans cette dernière diftillation 
moitié moins d'efprit de-vin, j'aurois eu un écher très-diftinét de 
Pautre liqueur. J'en ai eu la preuve , car huit onces d’efprit de-vin , 
ajoutées à ce dernier réfidu, ont produit l'effet que j'en attendois. J'ai 
retiré plus de cinq onces de bon éther qui nageoit parfaitemenr fur une 
autre portion de liqueur. Cer écher paroifloir très-fec , & laïfloit fur 
lamain, après s'être évaporé de lui-même , une légère odeur d'huile 
douce affez agréable. | 

Le réfidu de ces différentes diftillations étoit devenu fort épais, j'en 
ai féparé environ cinq gros d'une réfine noire très-luifante qui s’éroit 
formée fur la fin des dernières diftillarions. Je ceffai alors l'opération 
du feu de lampe. J'effayai de mettre fur la langue une goutte de ce réfi- 
du ; je le trouvai fi corroff, & différant fi peu de l’huile de vitriol par 
{on acidité , que je penfai qu’il pourroit fournir encore de l'éther , à 
l'aide d’un nouvel efprit-de.vin déflegmé ; je pris à cer effet un réfidu 
femblable, produit d’une diftillation de fix livres de mélange fait à parties 
égales en poids d'huile de vitriol & d’efprit-de-vin , & fur lequel j'avois 
diftillé à plufieurs reprifes , fuivant mon procédé, treize livres de bon 
efprit-de-vin déflegmé par le fel de tartre. Je rediftillai pour la huitième 
fois ce réfdu à feu nud dans un fourneau de reverbère , avec nne livre 
d’efprit-de-vin déphlegmée dansune cornue de verreluttée d’argille; elle 
étoit foutenue par une petite capfale de terre garnie de fable, j'em- 
ployai un feu de charbon très-ménagé, qui néanmoins entretenoit la li- 
queur toujours bouillante. Je reviraide cegre diftillation une livre quatre 
onces d'éther , nageant fur près de deux onces d’une autre liqueur , je 
ne m'attendois nullement à un poids aufhi confidérable. Je penfe qu'il 
vient de ce que le réfidu retenoit encore une portion d'éther que le fÈ 

€ 


SUR L'HIST. NATURELLE ETLES ARTS. 489 


de lampe n’avoit pu en dégager. Je remis une autre livre du même ef- 
“prit-de-vin fur ce même réfidu , ce nouveau mélange a fourni à la diftil- 
lation douze autres onces d’écher. Enfin, une livre d'efprir-de.vin que 
je cohobai fur mon réfidu , en augmentant un peu plus le feu , me four- 
nit encore1s onces d’éther; laffé , pour ainf dire , d’avoir continuelle- 
ment à chaque fois une fi grande quantité d’éther; je voulus pouffer la 
diftillation jufqu’à ficcité , je retirai deux onces d'huile douce d’une 
couleur citrine qui nageoit fur environ 12 à 14 onces d’un acide ful- 
fureux très-volatil , & très- pénétrant. 

On ne fera point furpris de voir retirer par ce procédé autant d'huile 
douce, lorfqu'on réfléchira à la quantité d’efprit-de-vin qui a été em- 
ployée à cette opération; ce produit d'huile douce eft fept fois plus con- 
fidérable que celui qu’on obtient par le procédé ordinaire ; on n’en re- 
tire ordinairement que depuis un gros jufqu'à deux fur fix livres de 
mélange (1). 

J'ai voulu enfin avoir un réfultat de la quantité réelle d’écher fec & 
pur que peut donner cette manière d'opérer. J'ai mélé tous ces différens 
produits d’éther, & de liqueur éthérée que j’avois obtenus de fix livres 
d’un mélange à partie égale en poids d’huile de vitriol & d’efprit de-vin; 
ainfi que ceux des quinze livres d’efprit-de-vin que j'y ai ajoutés à diffé- 
rentes reprifes dans le cours de mon opération. Je les ai rectifiés fur un 
peu d'huile de tartre par défaillance, afin de leur enlever entièrement 
la portion d’acide fulfureux mêlée dans ces produits, & je me fuis 
fervi pour cette rectification du même appareil de vaifleau que pour 
les premières diftillations. 

… Lorfque le vaiffeau commence à être échauffé , la chaleur d'une mèche 
d'environs 50 fils fufft pour faire palfer tout l’éther. On eft quelquefois 
obligé de l’éreindre pour un moment lorfque ladiftillation va trop vire. 
Par certe rectification, j'ai retiré en toralité dix livres deux onces d’écher 
parfaitement fec, & à l'épreuve de la gomme élaflique , qui eft un des 
moyens les-plus sûrs, & une des meilleures pierres de touche que M. 
Macquer a indiqué aux Chymiftes pour juger de la bonté de l'éther ( 2 ). 

D'après la table que M. Baumé a donné fur les variérés dans les quan- 
tités d’écher que les mêmes mélanges rendent fuivant les faifons; dans 
l'hiver, on retire de fix livres de mélange d'huile de vitriol & d’efprit- 
de-vin , une livre deux onces d’écher reétifié ; & dans l'été , on n’en 
obtient que quatorze onces. Il réfulteroit, d’après ce calcul, que d'un 
pareil mélange dont j'ai obrenu l'hiver dernier dix livres deux onces 
d’éther reétiñé , on ne devroic retirer en été qu'environ huit livres , à 
taifon dela diflipation qui fe fait par la chaleur de l’atmofphère , ce qui 


(x) Voyez la Differtation fur l'Erher, par M. Baumé, page 31. 
(2) Voyez les Mémoires de l'Académie des Sciences, de 1768 , page 209. 


Tome IV, Part. VI. 1774 DÉCEMBRE, Qgqq 


490 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 

fait près d’un quart de perte; mais ce procédé que j'ai indiqué , a un 
avantage fur celui qu’on pratique ordinairement ,ence que, ( ainfi que 
je m'en fuis affuré plus d'ane fois), l'on retire la même quantité en été 
comme en hiver, bien entendu toutesfois qu'on opérera dans un en-° 
droit tempéré , & à l'abri du foleil, & qu'on aura eu foin de bien lutter 
les vaifleaux fans leur donner de communication avec l’air. Malgré la 
quantité confidérable d'éther que j'ai retiré, je fuis intimement perfuadé 
que le réfidu que j'ai abandonné, en auroit encore fourni beaucoup plus 
en y mettant le rems nécelfaire. Comme ce procédé n'a été indiqué 
dans aucun ouvrage que je connoiffe , j'ai cru faire plaifir aux Artiftes 
en leur communiquant un moyen facile de tirer au-moins neuf fois 
plus d’écher que par ceux qu'on a employés jufqu'à préfent , & que l'on 
a enfeignés dans les Cours publics & dans les Traités de Chymie. 

Quoique M. Linguet, dans fon Journal Littéraire & Politique, en 
rendant compte dece qui s’eft paflé dans la dernière Séance publique de 
l'Académie du 12 Novembre 1774, ait ajouté à mon article par forme 
de note qui lui a été adrefféé , que mon procédé de faire l'éther étoit 
connu de tous ceux qui le font en grand, & M. Baumé ayant paru 
adopter cette Note, en affurant l’Académie, dans la dernière Séance 
du 26 Novembre 1774, que mon procédé étroit imprimé dans M. Port, 
& dans les Mémoires de l'Académie donnés par M. Hello fur lécher 
en17393 on me permettra de nier entièrement cette prétendue affer- 
tion jufqu'à ce que M. Baumé en ait donné une preuve complerre. 

J'affirme de plus que les Chymiltes François les plus connus dont j'ai 
eu occafon de confulter les Ouvrages , n’ont jufqu'à prefent fait men- 
tion que du procédé de Frobenius dont on eft redevable à M. Hellor. 

J'affare encore qu’il n’eft pas dit un mot de mon travail dans les 332 
pages de la Differtation de M. Baumé fur l'éther , ni dans fa Chymie 
qui vient de paroïtre en 3 volumes. 

Le feul ouvrage poftérieur au mien , je dis poftérieur , attendu que 
mon Mémoire étroit paraphé par M. de Fouchi , avant que l'euvrage done 
il va être queftion ait paru : c’eft l'Arc du Diflillateur d’'Eaux-fortes par 
M. Demachy , il eft dit dans cet Art, que pour faire lécher & la liqueur 
d'Hoffman en grand, on fait un mélange à partie égale en mefure d'huile 
de vitriol & d’efprit-de-vin de Melafle , qu'on partage ce mélange dans 
plufeurs cornues qui diftillent fur un bain de fable dont ‘on fépare les 
premières liqueurs pour enfuite les rectifier fur la potafle , ce qui 
donne un éther à toute épreuve en ce qu’il furnage l’eau , & qu'il fe 
difipe fans laifler d'humidité, mais il a le défaut de porter par lui- 
même une odeur bitumineufe qu’on a eflayé envain de lui enlever ; fur 
le réfidu des premières diftillations , il eft dic aufli qu'on diftille jufqu’à 
cinq à fix fois crois pintes d’efprit de Melaffe qui peut être moins rec- 
tifié que le premier , ce qui fait dix-huit pintes d’efprit de Melaffe qui 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 40 


ont diftillé fur deux pintes d'huile de vitriol , fans compter les deux 
premières pintes qui ont été réfervées pour faire l’écher. 

Le fourneau qui fert à l'opération , contient quatre cornues , il s’en- 
fuit qu'on a à-peu-près foixante pintes de liqueur à reétifier dont on 
retire près de cinquante par l’alembic au bain-marie , c’eft ce que les 
dir diftribuent dans l'Allemagne & dans la Hollande , fous le nom 

e liqueur d'Hoffman , dont le prix eft de deux ou‘trois fchellings , ou de 
40 fols à 3 livres 3 fols de notre monnoiïe par livre. 

Pour apprécier au jufte cette liqueur , dit M. Demachy , ce n'eft que 
de l'efprit-de-vin légèrement éthéré. De tous les Chymiftes, M. De- 
machy elt , je crois, le feul qui ait indiqué un procédé , dont quelques 
circonftances peuvent fe rappocher du mien ; mais comme on vient de 
l'entendre , ce procédé des Anglois ne confifte principalement qu’à faire 
une très foible liqueur minérale d'Hoffmann. Mon travail ne peut donc 
être comparé en rien à cette opération, puifque la mienne ne tend uni- 
dE qu'à fournir en abondance de l’éther le plus pur & le plus par- 

ait, & à l'épreuve de la gomme élaftique. 

J'ai été moi-même à la recherche de cette Note pour prouver à l'Aca- 
démie mon peu de prétention fur mon procédé de faire l’éther , la lec- 
ture de mon Mémoire a dû l’en convaincre , c’étoit pourtant la feule 
Note que je connoiffe qu'on pente fe promettre de citer dans la cir- 
conftance préfente, & non l’Ouvrage de M. Port , puifque M. Hellot 
convient que ce célèbre Chymifte à donné une Differtation curieufe 
fur cette opération , dont cependant on ne peut tirer qu'un foible fe- 
cours par rapport à l’éther. Se Î 

Si l’objet des Anglois, dont je viens d'indiquer la manipulation , a été 
de faire lécher en grand , ils n’y font point parvenus , ils ont pris au con- 
traire , une route infruétueufe & toute oppofée à la mienne , puifque du 
rélidu de leur opération de l’éther , ils n’en tirent, fuivant M. Dema- 
chy , qu'une très-foible liqueur minérale d'Hoffman , au lieu d’en avoir 
retiré, ainfi que moi , une très-grande quantité de bon éther ; & certe 
différence de produit ne vient que de la trop grande quantité d’efprit 
de Melaffe que les Anglois emploient proportionnellement à celle de 
Phuile de vitriol. 


1774 DÉCEMBRE. Qqgg2 


492 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
NOUVELLES LITTÉRAIRES. 


© 


DE: SCT RATS TR TRIREEN 
DES ARTS ÊT MÉTIERS, 


Par MM. de l'Académie Royale des Sciences ; avec figures 
en taille-douce , é-folio , grand papier , broché. 


Chez SAILLANT & NYON , Libraires, rue Saint-Jean-de-Beauvais 5 
vis-à-vis le Collége (1). 


as mee ee MDI Nr SENTE 


Ci 
4 
Bb co 5 


Ancres , (Fabrique des) par MM de Réaumur & Duhamel. : $ 
Chandelier, par M. Duhamel du Monceau. . ...+ + + + 3] 
Epinglier, par MM. de Réaumur & Duhamel. . . . 7 
Papetier, par M. de la andere SP PR NL TER ER NZ 
Fer , ( Forges & Fourneaux à) I'° & Ile Sections , par M. de 
Caron & Bonchu tete eu NET en CNE ERRS 
Ardoifier, par M. Fougeroux de Bondaroy. . nb LIL 
Cirier, par M. Dabamel du Monceair Ne CIS ENNNEESRS URO EnTG; 
Parcheminier , par M. de la Lande. . . . . + + + + + 3 16 
Cuirs dorés , par M. Fougeroux de Bondaroy. AE MNT 
Fer, ( Forges & Fourneaux à } Ille Section, par MM. de 
Courtivron &Bouchu. . .'. . . . . + . SE CO 
IV: Section, par les mêmes. RIRE PTE ETS 
Cartier, par M. Duhamel du Monceau. . . . . + ITALEG 
Cartonnier | pat M. de la Lande. . . + + + + + + + 2 7 
Teinture en foie , par M. Macquer. . . . + - + + + 7 10 
Fer fondu , (Art d'adoucir le) par M, de Réaumur. . + 10 
Chamoifeur , par M. de la Lande. . . . . . + : + * 4 6 
Tuilier, & Briquetier , par MM. Duhamel, Fourcroy & Gallon. 7 8 


TS 


(1) Plufieurs perfonnes s’adreffent à nous pour favoir quels Arts ont été publiés par 
l’Académie. En voici la lifte, leur prix & l'ordre dans lequel ils ont paru. Elle leur 
tiendra lieu de réponfe de notre part. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 493 


Tonnelier , par M. Fougeroux de Bondaroy. . . Te NEUE 
Rafinage du fucre, par M. ÉRAme du Monceau. RL 
Tanneur, pat M. de la Lande. > 8 
Cuivre rouge converti en jaune , par M. Géllon.. 9 
Drapier, pat M. Duhamel du Monceau, . . . . . . 13 
Chapelier, par M. l'Abbé Noller. . . .,. . . . . . 7 
Mégiffier , par M. de la Lande. . . RC Rent SE D D CE 
Couvreur , par M. Duhamel du Monceau, de Cet ip apte M 
Tapis de la Savonnerie, par le même. Of. LANG 3 
Ratine des Etoffes de Laine , par le même. . , . 1 
Maroquinier, par M, de la Lande. . . . . . . . 2 
Horgroyeur par lemèmett. 221) 31h) 4, te LapRt x 2 
Chaufournier , par M. Fourcroy. . . . . . . , + 10 
Orgues , Section Ie, par D. Bedos. . . rl Lotus + 30 
Paumier & Raquetier , par M. de Garfaule. she NT 4 
Corroyeur , par M. de la Lande. . 4 
Tuilier & Briquetier ( Supplément) par M. Jars. “Ho 
Meunier , Vexmicellier , Boulanger , par M. VARIE Haut 
Perruquier , Baigneur-Etuvifte , par M. de Garfault. . . . 4 
Serrurier , pat M. Duhamel du Monceau. . , . HULL 
Cordonnier, par M. de Garfault. . $ 


Inffrumens de D ÉRRE D AE ( divifon des ) par M. le Duc de 
Chaulnes. . . TD tEnt 
Charbon de terre , par M. ‘Morand , Te Partie Me de 1$ 
Fil d’Archal , par M. Duhamel du Moncean es Le 4 
Menuifier , pat M. Roubo ; Menuifier , 1° Section. . . 28 
Pefthes , ( Traité des ) par MM. Drasmel & de la Marre, 


Jre Scétion. . de © te NUE: 
Tailleur , par M. de Garlaule: SE Side PR lue et 
Orgues, par D. Bedos , Ile & III° Seétion. PU doi 


Pefches , par MM. Duhamel & de la Marre , Il° Section, T2 
Pefches , par les mêmes , fuite de la 11° Se&ion. RAS Fe LRO 
Menuifier ; par M. Roubo, Ile Seétion. . . . . . . . 75 
Brodeur , par M. de Saint-Aubin, Déffinateur. : . . . . 
Indisorier ; par M. de Beauvais He But Le ste OUR CN ro 
Charbon de bois, ( Supplém.) par M. Duhamel. . . 

Colles , ( Art de faire les ) par METEAA 2 RATE 
Pefèhes , par MM. Duhamel & de la Marre, ile Sedions SET 
Menuifier Carroflier, par M. Roubo , Ille Seétion. . +. . 33 
Pipes à tabac, par M. Duhamel. . . . . PPS PET: 
Lingere, par M. de Garfaul. . . . . RARES NE À 
Coucelier , pat M. Perret, Courelier , Me Sedion. . . 

1774. DÉCEMBRE. 


494 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Porcelaine , pat M.le Comte de Milly. 5. 4 . .. : 9 16 
Kelieur 5 par M.Dudinst 40,840 NAS NA NET 
Coutelier en ouvrages communs, par M. Fougeroux. . . . 6 4 
Coucelier pour les inftrumens de Chirurgie ; par M. Perret , 
TSsSeétions Later Mae RUN A TRES ds ER 
Pefthes, par MM. Duhamel & de la Marre, Irc Section de la 
LE Partie ie Ne le ee Med lie ENT O TS 
ZAmidonnien (1) 00010 VA MOMIE TETE 
Bourreliers re) Te US SRI INT SN NU ER RE SAT 4: 
Courelier , faite des inftrumens de Chirurgie , Ile Seétion. . 29 18 
Fabrique des Etoffes de foie, IVe. Seétion. . . . . . . 
Menuifier en Meubles & en Ouvrages d'Ebénifterie , JV® Sec- 
tion. sito ie ITEM EST ENT) eat ES ere Se te lee ALLAN 
Faëleur d'Orgues, IV° Seétion. :. . + + + «+ + . + . : 
Savon ( Art de faire le). . RE D da pu 
Traité des Pêches ; Xe Section dela LI Partie ; & addition à la 


précedente." 1. Rule bte ol ES LEE 
Posles.C Artidéfatre les}, 120 UMP SPA NTSES 
MOREL ANA a MINE SN RSS M REMNR ES RTE Sa 
Plombier = Fontainiers lire, 20 en el AE AE TONNES 22 RC 
Charbon: deterre, “Partie SIN EI WE MODE NEA O5 ro 
Porier de Terre halte PNA ES NE RER ES 


Diflillareur!, eaux fortes... 2.4: 0er ST Lan MG, 10 
Péintre {ur verre ser Vitrier. TE UOTE MEN NS MT ONE 


La Mafcalena ; o fia la Medicina vecerinaria Ridotta ai fuoi veri 
Principi Opera dedicata alla S. R. M. di Vittorio Amedico , Re di 
Sardegna da Gioanni BLUGNONE , Chirurgico Collegiato ; ella Regia 
Univerfita di Torino ; e Direttore della Sceccola Veterinaria, 


Della Zootomia Tom TI, che contiene l’Anatomia in generale, e l'Ip- 
pomeétria; 


Le premier tome de cet Ouvrage, qui, ainfi que le titre l’annonce, 
contiendra plufeurs volumes , commence par une longue Préface rem: 
plie d’éradition, dans laquelle , après avoir fait remonter l’origine de 
l'Art vétérinaire aux fiècles les plus reculés , l'Auteur fe plaint de l’a- 
viliement ; dans lequel cet Art eft généralement plongé , & fait voir 

ar combien de ticres il mériteroit d'être mieux cultivé , foir que l’on 
ait égard aux fecours que nous tirons des animaux domeftiques , foie 


oo 


(1) Les Arts dont le prix n'eft pas marqué , font aétuellement fous preffs. 


SUR LHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 495 


que l’on faffe atrention aux lumières , que la médecine des animaux 
exercée par des hommes inftruits, répandroit infailliblement fur la mé- 
decine humaine. Hyppocrate fe fert dans plufieurs endroits des lumières 
qu’il avoit dans la Zootomie & la Médecine vétérinaire pour éclaircir 
certains points de la Médecine des hommes. Celfe , de qui nousavons un 
fi bon Ouvrage fur la Médecine humaine , avoit écrit, ex profeffo , fur 
la vétérinaire ; plufeurs Médecins crès - célèbres de ce fiècle n'ont pas 
non plus dédaigné dans certaines occafions écrire’ fur les maladies des 
animaux. L’Auteur attribue l’aviliflement dans lequel eft tombé l'Arc 
vétérinaire , à la grofliéreré & à l'ignorance de la plupart de ceux qui 
l'exercent. Cette ignorance eft caufe que l’on a trés- peu de confiance 
aux Maréchaux, & que tour le monde fe croit être en étar de traiter 
les maladies des animaux par l'exemple de Gafpard Saunier , qui ne nous 
a laifé qu’un très-mauvais Ouvrage fur l’'Hippiatrique, quoiqu'il l'ait 
exercée fur une infinité de chevaux pendant une très longue fuite d'an- 
nées : on prouve que la prétendue pratique ne fuffit pas pour faire un 
bon Maréchal ; qu'il faut qu’elle foic encore éclairée par une bonne 
théorie , autrement , ce n’eft qu'une routine aveugle, incapable du 
moindre fuccès. On rermine la Préface par démontrer, que comme le 
corps des animaux eft compofé des mêmes parties que le corps de 
l'homme , ainfi la Médecine vétérinaire , doit être appuyée fur les 
mêmes principes que la Médecine humaine. 

La Zootomie, c’eft-à-dire , l'Anatomie des animaux , eft régardée par 
l'Auteur comme la bafe & le fondement de toutes les connoiflances vé- 
térinaires ; cet pourquoi il commence fon Ouvrage par un Chapitre 
unique fur l’Anatomie en général, où il donne la divifion de l’Anatcmie 
en fes différentes parties , & une explication abrégée de tous les termes 
de l'Art , comme ffbres , os, cartilages , ligamens , vaifleaux , humeurs , 
pour préparer le Lecteur à l'intelligence de ces mêmes termes , dont il 
et fouvent obligé de fe fervir dans le cours de ce premier tome. 

Le Traité propre de ce rome eft l’Zppometrie : on donne ici le nom 
d’Ippométrie à cette partie de l’Art vétérinaire , qui traite de l'exrérieur 
du cheval, qui en démontre les beautés , les défauts, & les maladies 
externes, & qui enfeigne à découvrir les fraudes des Maquignons, & à 
s'en garantir. On divife ce Traité en douze Chapitres, & le plus grand 
nombre des Chapitres en feétions & en paragraphes. 

Le Chapitre premier donne la divilion, la dénomination , & les 
limites des différentes parties du corps du cheval. Il a mieux aimé 
divifer cet animal en quatre parties , en véte , en encolure, en corps pro- 
prement dir, & en extrémités, que de fuivre la divifion admife par les 
Ecrivains François, en avant-main , en corps, & en arrière-main, quine 
lui a pas paru aflez naturelle , fans compter que la Langue Italienne n’a 
pas de termes propres , ou équivalens à ceux d’avant-main & d'arrièrc- 

1774. DECEMBRE. 


496 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


main. À la fin de ce Chapitre, il y a une figure de cheval vu de côté, 
pour mieux indiquer la fituation de toutes les parties. 

Les proportions & les mefures des parties principales du corps du 
cheval , font l’objet du fecond Chapitre. La beauté confifte dans la pro- 
portion & dans l'harmonie du tout aux parties, & des parties au tout. 
La cère du cheval fert pour apprécier les dimenfions des autres parties : 
deux tères & demie donnent la hauteur & la longueur du corps ; & lorf- 
que ia tête n’eft pas proportionnée, on prend deux cinquièmes de cette 
hauteur ou longueur du corps pour mefurer les autres parties. A la fin 
de ce Chapitre, il y a une feconde planche repréfentant trois chevaux , 
l'un vu de face, l’autre de côté, & letroifième par- derrière , avec toutes 
les lignes & lettres qui indiquent la mefure de chaque partie. 

Dans le troifième Chapitre, à l’aide d’une troifième planche fembla- 
ble à la feconde, on démontre quelle doit être la potion & la direc- 
tion des jambes dans l’érar naturel , quels font les inconvéniens qui ré- 
fulrent du changement & de la perverfion de cette même direétion, 

Dans le Chapitre IV, qui eft divifé en RP ARE , après avoir 
rapporté Îles dimenfions, les beautés, & les défauts de la tère confidé- 
rée en général , on parcourt en particulier chaque partie dépendante de 
la tête, les oreilles, les yeux , les joues , les nafeaux, la bouche , la 
Barbe , les ganaches, le canal, &c. on indique les défauts de chacune 
de ces parties, & on donne les fignes généraux des maladies qui les 
attaquent. 

Dans le Chapitre V, après avoir fait l'énumération & fixé des 
noms propres à routes les dents du cheval , on enfeione la méthode d'en 
connoître l’âge par ces mêmes dents jufqu’a la onzième ou douzième 
année. On fait mention de routes les tromperies des Maquignens , en 
indiquant les moyens de les découvrir. 

Les Beaurés, les défauts, & les maladies de l’encolure , font l’objet 
du VI Chapitre. 

Le VII, qui eft divifé en dix paragraphes , démontre quelles doi- 
vent être les dimenfions, quels font les vices de conformation , & 
les accidens de chacune des parties qui compofent le corps propre- 
prement dit. 

Le Vilic. embraffe deux fections , fubdivifées chacune en différens 
paragraphes , dans lefquels les extrémités antérieures & poftérieures 
font décrices. 

Dans Le Chapitre IX, on examine les pieds, on fait mention de tou- 
tes les maladies auxquelles ils font fujets, & des opérations chiruryi- 
cales donc ils fonc fufceptibles. 

Les fignalemens des chevaux tirés de l’âge , de la robe , du nom, des 
balfanes , des épis, & de la taille , avec une énumérarion abrégée des 
maladies cutanées, font l'objer du Chapitre X,. 

Le 


- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 497 


Le XIe. enfeigne la méthode d'examiner , dans le repos , le cheval que 
l'on veu acheter, & indique les qualités qu'il doit avoir fuivant l’ufage 
auquel on le deftine. | 

Les allures naturelles du cheval , qui font le pas , le trot, le galop & 
l’amble ; les mouvemens des jambes dans ces différentes allures ; les qua- 
lités des chevaux , qui font la force, la légéreté , le courage, & un 
tempérament ni trop ardent, ni trop tardif ; les vices & les maladies 
pour lefquelles on garantit le cheval à Paris, en Piémont & à Naples , 
font les objets du XIIe, & dernier Chapitre qui termine ce premier tome, 
compofé de dix-neuf feuilles & demie. 


Thermomètre univerfel , ou nouveau Tableau des Graduations imagi- 
nées par chaque Auteur ; pour términer la marche des différens Thermo- 
mètres qui ont été conftruits jufqu’à préfent, mis au jour par le fieur 
Goubert ; Conftructeur des Baromètres êt autresinftrumens de Phyfque, 
rue Dauphine, vis-à-vis celle d'Anjou , à Paris. 

Si on jette les yeux fur le Thermomètre général de comparaifon, que 
nous publiâmes dans le cähier du mois d’Oétobre 1772 , c’eft-à-dire, 
tomell, partiel, vol.in-12, pag. 147 ,on aura une idée du Tableau 
publié par le Sr Goubert. Nous avouons avec plaifir que celui ci eft plus 
compler que le nôtre , puifqu’il y a réuni les Échelles de M. du Luc & 
qu'il renferme vingr-huit colonnes ou comparaifons. On y trouve en 
outre , la Table des étés & des hivers obfervés au Thermomètre de M. 
de Réaumur, depuis un pôle jufqu’à l’autre , d’après les Mémoires de 
l’Académie des Sciences. La Table des zônes & des climats rerreftres, 
pris de l'Equateur au pôle, pour fervir à fixer l'étendue des cinq rem- 
pératures générales de la Terre, la correfpondance ou fituarion que les 
lieux obfervés ont avec les zones & les climats; enfin , la durée des plus 
longs jours ou des nuits de chaque latitude. L'idée de ce Tableau eft 
très-ingénieufe , & le fieur Goubert y place des Thermomètres à efpric- 
de-vin ou à mercure , fuivant les defirs de l’Achereur. 


Traités des Rivières & des Torrens, par le Pere Frisi, Barnabite, 
Profeffeur Royal de Mathématiques à Milan, de la Société Royale de 
Londres , de l'Inftitut de Bologne , des Académies de Pétersbourg , de 
Berlin , de Stockholm , & Correfpondant de l’Académie Royale des 
Sciences de Paris ; augmenté du Traicé des Canaux navigables : Ouvrage’ 
traduit de l'Italien , par M. ve Serey. 1 vol. in-40. De l'imprimerie 
Royale , 1774; & fe vend à Paris, chez Ventes, Libraire des menus 
Plaifirs du Roi, au-bas de la montagne Sainte- Geneviève. Voilà un 
Livre qu’on peut appeller utile & bien fair. 


Mémoire fur la manière dont on extrait en Corfe le fer de la mine 
Tome IV, Part. VI, 1774. DÉCEMBRE. Rre 


498 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


d'Elbe , d'où l’on déduit une comparaifon de la méthode Caralane en 
général , avec celle qui fe pratique dans nos Forges ; par M. Tronson 
ou Coupraï, Capitaine au Corps de l’Artillerie, Correfpondant de 
l’Académie des Sciences de Paris. À Paris , chez Ruault, Libraire , rue 
dela Harpe. 1 vol.ir-8°. avec figures, prix 3 livres. Voyez le rapport 
raifonné fair à l’Académie des Sciences de Paris, fur cet objet inféré 
dans Le Cahier du mois d'Avril 1772 , c’eft-à-dire, tome V, partie Il , 
page 254; ce qui nous difpenfe d'entrer ici dans aucun détail. Tout ce 
qui fort de la plume de M. du Coudrai , a -des droits aux fuffrages & à 
la reconnoiffance du Public; & on lira avec intérêt les dérails qu’il donne 
des travaux de nos Forges, comparés avec ceux des Forges Catalanes. 
LR 

Effai fur les Comèces en général, & particulièrement fur celles qui 
peuvent approcher de l'orbite de la Terre; par M. Dronis pu Sésour , 
de l’Académie Royale des Sciences de Paris, & Confeiïller au Parle- 
ment. 1 vol. ir-80. À Paris , chez Valade, Libraire , rue Saint Jacques. 
Nos yeux , plus occupés à pénétrer dans l’intérieur de la verre, à en 
examiner les productions , font peu accoutumés à porter leurs regards 
dans les Régions fupérieures, & par conféquenr , à faifir les beautés de 
cet Ouvrage , dont les Connoiffeurs font le plus grand cas ; c’eft d’après 
leur avis que nous ofons dire que le nom de M. du Séjour fuffit pour 
en annoncer le mérite. . 


Expofition raifonnée des différentes méthodes d’adminiftrer le mer- 
cure dans les maladies vénériennes , précédée de l’Examen des préfer- 
vatifs; par M. »'Horne , Docteur en Médecine , ancien Médecin des 
Camps & Armées, & en Chef des Hopitaux militaires, Médecin de 
Son Altefle Séréniflime Monfeigneur le Duc d'Orléans, 1 vol. ir-8°. 
A Paris, chez Monory , Libraire , rue de la Comédie Françoife. Prix 
4 livres, broché. Si on veut avoir une idée précife de toutes les métho- 
des publiées , fi on veut connoître par l’analyfe chymique la compofi- 
tion des remèdes , dont tant de perfonnes ont fait un fecrer & un myf- 
tère , 4l fuflira de confulter cet Ouvrage , pour en avoir une idée claire 
& précife. La partie chymique.eft fupérieurement traitée; & c’eft aux 
Praticiens , & non à nous à décider fur la partie médicale. 


L'Académie de Bordeaux avoit remis à cette année à prononcer fur 
le Prix qu’elle avoit propofé pour l’année dernière , fur la queftion : 
Quels font les principes qui conflituent F Argille , & les différens chan- 
gemens quelle éprouve ; & quels féroient les moyens de la rendre 
fertile ? Ê si 

Les Pièces qui avoient d’abord mérité le plus fon attention fur ce 
fojec , ne lui ayant point paru dans le nouvel examen qu’elle en a fair, 


en 


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Decembre, 1774. 


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SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 39) 
voit fuffifamment rempli fes vues, elle a réfervé le Prix qui luiavoir 
té deftiné. 

Elle en avoit propofé trois cette anneé-ci. 

10, Un Prix double , réfervé de 1771, fur Ze Raffinage du Sucre. 

2°, Un Prix fimple fur Ze Trairement des Maladies qui enlèvent avant 
de feptieme jour de conches , La majeure partie des femmes , dont l’accou- 
chement a été laborieux & contre-nature ; 

N'ayant reçu aucun Ouvrage fur le premier de ces deux fujets, & 
n'ayant point été fatisfaite de ceux qui lui ont été envoyés fur le 
fecond , elle a été également obligée de réferver ces deux Prix. 

Cette Compagnie a déja prévenu qu’elle aura, l'année prochaine, 
deux Prix à diftribuer : 

1°. Un double , qu’elle a, pour une feconde fois. ( Voyez fon Pro- 
gramme du 25 Août 1772 ) deftiné à cette Queltion importante : Quelle 
cf? la meilleure maniere de mefurer fur Mer le fillage des vaif[eaux , indé- 
pendamment des Obfervations aftronomiques , & de l’impulfion ou de la 
force du vent ; & Ji , à défaur de quelque méthode nouvelle ; & meilleure 
que celle du Locx ordinaire , il n'y auroit pas-quelque moyen de perfec- 
cionner cet inffrument ? &v. 

2°, Un fimple, fur ce fujet : Quelle eff la caufe des Bulles & des 
Fils ou Stries que l’on obfèrve dans prefque tous les Verres optiques ; & 
quels féroient les moyens d'y remédier, © de rendre par-l&" ces Verres 
plus propres aux opérations pour lefquelles on les emploie ? 

Elle a prévenu auñli qu’elle en a deftiné un double pour l’année 1776, 
à certe queftion : Zndiquer les propriétés medicinales du règne animal ; 
celles , fur-tout ; des Vipères , des Ecreviffes , des Tortues , des Cloportes , 
& du blanc de Baleine ; en donner l’analyfe chymique , & l'appuyer d’ob- 
fervations faites avec foin dans les maladies. 

Aujourd’hui, elle annonce qu’un Citoyen, animé du bien public, mais 
affez modefte pour defrer de n'être point connu , ayant deftiné une 
fomme de soolivres pour prix d'un Ouvrage qui indiqueroit /a meil. 
leure maniere de tirer parti des Landes de Bordeaux , quant à la culture 
& à La population ; elle propofe ce fujet intéreffant pour la mème année 
1776. 

Les paquets feront adrelfés , francs de port , à M. de la Montaigne, 
Confeiller au Parlement , & Secrétaire perpétuel de l'Académie, 


Fin du Tome II & de la VI Partie. 


1774 DÉCEMBRE Rrtri 


LL 


_$oo TABLE GÉNÉRALE 


TABLE GÉNÉRALE 


D\E S A R'T TE MDIENS 
CONTENUS DANS CE QUATRIÈME VOLUME. 


PH W 29 PO UNE 


: ea de M. TuomAs RonaAvne à M. Frankuin , fur l'Elec- 
tricité athmofphérique , par rapport aux brouillards & autres intem- 
péries de l'air, page 14 

Obfervation fur un phénomène éleëtrique, par M. ve Macuy , 40 

Lettre de M, le Comte De Mir, fur la réduilion des Chaux métal- 
liques par le feu éleétrique , 316 

Lettre de M. FONTAINE , fur la réduitlion des Chaux métalliques par 
léleëtricité , 317 

Mémoire fur la réduétion des Chaux métalliques par le feu éleëtrique , 
par M. le Comte De Miriy, 318 

Nouvelles Expériences d'Eleëtricité fur la revivification des Chaux mé- 
talliques , 442 

Lettre de M. WaAisn à M. FRANKLIN , fur l’éleétricité de Ja 
Torpille , 106 

Lettre de M. 1e Roy , de l’Académie des Sciences ; fur la tradu&tion 
des Lettres de M. Waisn à M. FRANxuIN , Jur l’éleütricité de la 


Torpille , 205 
Extrait d’une Lettre de M. SelGNETTE , relative à l’éleëtricité de La 
Torpille , 210 


Obfervations anatomiques Jur la Torpille, par M. HUNTER , 219 
Moyen de calmer les vagues de l’eau avec de l'huile , 358 
Extrait d'une Lettre de M. FRANKLIN , relative à l'effet de l'huile 


fur Peau de la mer, 360 
Extrait d'une Lertre de M. TeNGUAGEL , relative aux Effais de l'huile 
fur des vagues de la mer, 364 


Obfervation fur la converfibilité de leau en terre ; par M. De 
Macuy , 37 


DFE ST ABTRTIFI CLL'E;S. soi 

Idées Jur la fécondation des Plantes , par M. BoNNET , 259 
Obférvation de M. Pazumor , fur la Réponfe de M. G. P.; inferée 
dans le Tome II ; page 49 , [ur des queflions relatives à la Ville 
de Beaune , dont il a été parlé dans le même Volume , page 116, 34 
Obfervations fur les queflions relatives à la vifibilité des Alpes , regar- 
dée comme un préfage de pluie , par M. D.S., 169 
Recherches fur la vraie caufe de l'afcenfion , & de la deftente du mer- 
cure dans le Baromètre, & fur les moyens de tirer tout l'avantage 
polible de cet inflrument ; pour connoïtre & prévoir les variations de 


l’athmofphère , par M. CHANGEUXx, 85 
Obférvation fur un prétendu Baromètre de fang-fue , par M. V ALMoNT 
DE BOMARE, i 367 


Obfervations météorologiques faites à Pékin par le Pere Amor , & 
miles en ordre par M. Messier , de l’Académie des Sciences, 82 
Supplément aux Obfervations fur la chaleur des climats ; inférées 


Tome IIT, page 248 , par M. D.S., 174 
Obférvations fur un froid extraordinaire obfervé dans les Vofges , le 
17 Novembre 1774 , par M. Messier, 479 


Réponfe aux Réflexions de M, 1E SAGE , fur des Expériences du Pere 
BERTHIER , relatives à la pefanteur des corps , par M. Davin, 431 
Obfervation fur la Lettre du Pere BERTHIER , de l’Oratoire , inférée 
dans le Cahier de Novembre 1774 , relative à la pefanteur des 


+ COrpS ; 454 
Obfervation fur un phénomène de la glace , 477 
Obférvation fur la température des Caves de l’Obférvatoire , 478 


COPAINS ECNRNLULE 


OxszrvatTion Jur le Biqume de l'eau de la Mer , par M. 
pe Macay , page 38 
Effai fur la Nature du F1, per M. BORDENAVE , de Genève, 104 
Précis des Expériences jur la formation de la couleur rouge du Cinabre , 
traduit de l'Allemand de M. Wiecreb, par M. Dreux. 235 
Lertre de M. 1e SAGE de Genève , relative à un livre intitulé , Théorie 
de M. ve SAce fur les Affinités , 244 
Lettre fur les Tourbes du Beauvaifis ; & fur le vitriol qu’on en retire , 
par M. BRissoN , 328 
Réflexion fur une nouvelle Méthode ; pour extraire en grand l'acide du 
foufre par l’intermède du nitre, fans incommoder fes voifins ; par 
M. DE LA Foie, 335 


so? TABLE GÉNÉRALE 

Examen d'une Terre verte que l'on trouve abondamment aux ehvirons 
de Pont.Audemer , avec des Expériences qui paroiffent démontrer que 
les couleurs variées de toutes les plantes ne font que le réfültat des 


précipités ferrugineux , par M. DE LA Forte, 347 
Lettre de M. LAvoisier , für la calcination des métaux dans des vaif- 
feaux fermés , & Extrait dune’ Lettre du Pere BeccartA, 450 


Mémoire fur la calcination des métaux dans les vaiffleaux fermés , € 
fur la caufe de l'augmentation du poids qu'ils acquièrent pendant cette 
augmentation ; par M. LAVOIsIER , 446. 

Lettre fur l'acide marin comme minéralifateur, par M.SptELMANN, 453 

Lectre de M. Monnet , en réponfè à quelques applications que M. 
pe Macuy @ faires dans fon Ouvrage , 463 

Méthode pour faire l’éther viriolique en plus grande abondance | & avec 
moins de dépenfe qu'on ne l'a fait jufqu'ici, par M. CADET , de 
l’Académie des Sciences , 484 


HISTOIRE NATURELLE. 


O BSERVATIONS fur quelques endroits du Traité des pierres de 


BerNarD Parzissy , page 471 
Lectre de M. BLonoeAU fur la Platine, 154 
Deftription de la Fontaine de Tonnerre ; nommée la Foffe d’Yonne , 

par M. Pazumor, 470 
Mémoire fur la Mine de fer criftallifée de*PIfle d'Elbe , par M. 

Tronsson DucoupRraAy, s2 


Differtation fur les débris des Volcans d'Auvergne , © fur les roches 
qui s'y trouvent ; par M.Monner , Chanoine de la Sainte-Chapelle 
de Vic-le-Comte, 65 

Notion corrigée de M. Meyer , touchant la formation du verre ; pour 
fervir d’éclairciffemént à celle du cryftal & autres pierres tranfpa= 
rentes , traduites de l'Allemand par M. Dreux, 309 

Notice d’une Colleëtion minérale que le Roi de Suède a envoyée à Son 
Alveffe Le Prince de Condé, par M. VALMONT DE BOMARE , 373 

Lettre de M. De LA TouRRETTE, fur les variolires de la Durance, 318 

Defcription des Grottes & des Cuves de Saffenage , en Daupline , & 
Réflexions fur les pierres de Saffenage , connues fous le nom de 
pierres d'Hirondelle, par M. D.F., 246 

Difèours prononcé par M. DurANDE , pour l'ouverture du Cours de 
Botanique , à Dion ; 190 


D'FISARRMEUN CG LE S. 503 
Supplément à la Réponfe de M. MaAuwubDuU1iT , à une Lettre de M. 


Bécœur, par M. Nicoras., Apothicaire à Nancy , 150 
Réponfe de M. MauDuit à la Critique de M. BÉCŒUR , fur la manière 
de préparer & conferver les oifeaux , 395 


Mémoire fur la manière d'élever les larves des papillons , les précau- 
tions qu’il faut prendre à l'égard des chryfalides , & fur la Méthode 
employée pour fe procurer des Métifs en ce genre , par M. NicoLas, 


80 

Deftription du Guaperva cendré , par M. SONNERAT, À 
Lettre de M. Mavouir fur quelques objets du Règne animal apportés 
de la Louiftane , 382 
Obférvation de M. BLONDEAU fur la rumination des Mouches communes , 
156 

Lettre de M. Razour fur la Mouche commune , DS 
Deftription de deux Pigeons du Cap de Bonne- Efpérance , par M, 
SONNERAT , 464 
Defcription d'une Méfange du Cap de Bonne-Efpérance ; par M. 
SONNERAT , 466 
Defcription du Pendulino, & de la manière dont il fait fon nid , par 
M. Ca5EeTAN Mort, 467 


Obférvation fur le faux Bois de Camphre, par M. SONNERAT, 77 


MCE D ESC CITENRLE: 


M ÉMOIRE fur la compofition & la figure des Molécules du [ang , 
dites communément Globules rouses , par M. GuirrAume 


HERwWSON, page # 
Obfervations fur quelques Familles fex-digitaires du Bas-Anjou , par 
M. Renou, 370 
Table pour fervir à l'Hifloire Naturelle & Anatomique des Corps orga- 
niques & vivans , par M. Féuix Vico-p’Azrr , 477 
Détails des fuccès de l’établiffement que la Ville de Paris à fait en 
faveur des perfonnes noyées , 8o 
Rapport fait à l Académie des Sciences , Jur la mort du fieur ze Maire, 


caufée par la vapeur du ‘charbon , par M. PorTaAL, 296 
Obférvations au fujet d’une perfonne fuffoquée par la vapeur du charbon ; 
qui a été rappellée à la vie, par M. Banav, 461 


TABLE GÉNÉRALE 


GR I C UCL FOUPRÈE 


Be ÉRIENCES faites avec le Gyps confidéré comme engrais des 
Terres , par M. KiRCHBERGUER , Membre de la Societé Economique 


de Berne, page 18 
Précis de ‘divers fentimens des principaux Auteurs. qui ont écrit [ur 
lErgot, SL: 4x 
Lettre de M. PARMENTIER @ l’Auteur de ce Recueil , relative à 


PErgot, 144 
Differcation qui a obtenu l'Acceflit à a Société Royale de Montpellier, 
Jur cette queflion : Quels font, les caraétères des terres en général , 
& les moyens de remédier aux défauts de celles qui font peu 
propres à la production du grain, par M. Monner, 175$ 
Obférvations fur la récolte des Vins dans le Bas-Languedoc ; en l'année 
1773 , par M. MourGuE, 22$ 
Mémoire de M. ArRBuTHNOT Jur les principes & conftruëlion de fa 
Charrue , 282 


N OUVELLE Conjtruëlion des Quarts-de-cercle à réfletion , connus 
fous le nom d'Otans & Sextans Anglois, par M. MaAcaLrHAENs, 
page 112 

Méthode pour renforcer les Poutres , & affurer la folidité des Planchers, 
par M. ne MoRvVEAU, 157 
Mémoire fur la charge que peuvent porter des Pierres ; par M. 


GAUTHEY , 400 
Confidérations fur la découverte de M. Loriot, dans l'art de bäcir, 


avec un projet d'expériences pour en juflifier la fupériorité , par M. 

FLACHON DE LA JOMARIERE, 164 
Mémoire fur la manière de rendre La préparation du Mortier-Loriot moins 

dangereufe , plus économique & plus füre, par M. ne MORVEAU, 414 
Obfervation fur le nouveau Miroir ardent du Louvre , 452 
Nouvelles Littéraires ; pages 79, 169, 257 » 338 , 414, 492. 


Fin de la Table des Articles du quatrième Volume, 


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