Skip to main content

Full text of "Observations et Mémoires sur la Physique, sur l'Histoire Naturelle et sur les Arts et Métiers, etc"

See other formats


ES 


oo 


ne 


Lo nn ui va 


4 1 
A DRE h 
LE A TA 


| [OM | 
UC ) 
RU L EU 
oi | vu | 
LE SJ y Lot 
LR l 


VAUMRAOENE UC 
HA 


WA sou 


PARLER mA EN 
Von “D 
FERME "is nu À 

WATTS 


OBSERVATIONS 


SUR. 


LA PHYSI QUE, 
SUR L'HISTOIRE NATURELLE 


ET SUR LES ARTS: 
AVEC DES PLANCHES EN TAILEE-DOUCE; 
| DÉDIÉES 
A Monsercweur Le COMTE D'ARTOIS, 


Par M. l'Abbé Roz1ER, Chevalier de l'Eglife de Lyon, de l’ Acadèmie Royale 

des Sciences, Beaux-Arts & Belles-Lettres de Lyon, de Villefranche, de Dijon, 

de Marfeille, de la Société Impériale de Phyfique & de Botanique de Florence, 
Correfpondant de la Société des Arts de Londres, &c, ancien Direéleur de l'Ecole 
Royale de Médecine-Vétérinaire de Lyon. 


T'ONRE CHEN ONU'LIÈM'E, 


SANTE R 2775. 


% 
Le 
gs 


PAR LS 
Chez RUAULT, Libraire, rue de la Harpe, 


M. DCC. LXX V. 
AVEC PRIVILEGE DU ROI. 


TABLE 
DE SAR E I CL ES 


Contenus dans cette première Partie, 


MEN l'Origine des perits Vers ou Anguilles du Bled rachi- 
cique ; par D. Maurice Roffredi, Abbé Régulier de l'Abbaye de re 
Ordre de Citeaux , en Piémont, Pag. ï 

Défériprion d'un Enfant difforme gui, avec une apparence d'hermaphro- 
difme, étoit dépourvu de l'un & de l'autre fexe; par M. de Latou- 


Telle. 19 
Mémoire fur la Fécondation des Plantes ; par M. F. de B. 23 
Obfervations fur Les Afphyxies ou Morts apparentes €& fubites. 30 


Lertre de M. Bayen, Apothicaire-Major des Camps & Armées du Ra, fur 
la caufe de l'augmentation de la pefanteur que certains métaux acquièrent 
par la calcination, & Extrait de [Ouvrage de J. Rey fur ce fujer. 47 

Précis d'un Mémoire fur une Machine à éle&rifer d’une efpèce particulière ; 
par M. le Roy, de l’Académie Royale des Sciences. 53 

Queflions précifes, concernant le [yfiéme de l'Air fixe ; par M. de la Folie, 


de l’Académie de Rouen. 60 
Rapport fait à l’Académie Royale des Sciences le 18 Juin 1774, fur des 
Horloges marines de feu M. Rivaz. 63 
Lettre de M. Bonnet de Genève, fur les Sangfues confidérées non comme 
Baromètres , mais comme Thermormnètres, 7o 
Lettre de M. de Machy , pour fervir de Réponfe a M. le Sage de Genève 
& a M. Monne. 71 
Obfervations de M. Vallor fur Les Tourbes du Beauvoifis. 72 
Effai du Calcul d’une Machine mue par la réaëlion de l'eau ; par M. Ma- 
thon de la Cour, de l'Académie de Lyon. 73 


ASPRPERQOP BU AMENMIMONN: 


J. lu, par ordre de Monfeigneur le Chancelier, un Ouvrage ayant pour titre : 
Obfervarions Jar La Phyfique, “far lHiftoire Naturelle & Jar Les Arts, Ge par 
1. l'Abbé Roz1ER, Éfe. & je crois qu'on peut en permettre l'imprefion. À Paris, 


ce 25 Janvier 1775: GARDANE 


OBSERVATIONS 


ET MÉMOIRES 
SUR LA PHYSIQUE, 


SUR L'AISTOTrRE (NATURELLE, 
ÉASUR LESLART SET MÉTIERS. 


MÉMOIRE 


Sur l’origine des petits Vers ou Anguilles du Bled rachitique (1); 


Par D. Maurice Rorrrepr, Abbé Régulier de l'Abbaye 
de Cafanova, Ordre de Citeaux, en Piémont. 


= z k : B 
un grand nombre de Lecteurs, par les Obfervations qui y ont donné 


lieu, Plufeurs. ont effleuré le fujet ; d’autres l'ont embelli par de belles 
imaginations dénuées de réalité: il eft tems de fuivre la nature & la pro- 
greflion de ces vers dans tous les états qu'ils parcourent, depuis le mo- 
ment de leur naiffance jufqu’à celui de leur deftruétion totale, 

Eevhafard procura à M. Néedham certains grains noiratres où bruns au 
dehors , blancs & filamenteux en dedans : ce Naturalifte zélé obferva , 
aidé du fécours du microfcope (2), que ces filamens, tirés des grains 
nouvellement cueillis, & mis dans une goutte d'eau, fuivoient un mou- 
vement de flexion prefque femblable à celui d'une anguille qui nage. Il 


Le fond de ce Mémoire n’eft pas nouveau ; il le fera peut-être pour 


(1) La dénomination de cette maladie du Bled, varie fingaliérement en France ; 
prefque chaque Province lui afligne des noms différens, dont voici les principaux : 
Rovuriie, CHARBON, ÉCHAUDÉ, Avorté, Carte, MaranDre, MOUCHETURES 
Il ne faut pas confondre certe maladie avec celle nommée ErGoT. 

(z) Nouvelles Obfervations microfcopiques, C. VIII, pag. 103 & fuivantes. 


Tome VW, Pare. I, 1775. À 2 


ua 
\! 


A OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


obferva enfuire que le defsèchement de ces grains ne détruifoit pas fe 
principe d'activité dans la fubftance qui y eft renfermée ; qu'il fufifoit de 
les faire tremper de nouveau pendant quelques heures pour leur redonner 
la vie, qui fe conferve, fe perd & fe renouvelle alternativement autant 
de tems qu'on le defire , felon qu'on leur donne une nouvelle eau , ou 

u’on les laille fécher fur le porte-objet du microfcope pour leur redonner 
enfuite de l’eau fraîche. 

Depuis cette époque & ce premier pas franchi , on n’a publié aucun 
Ouvrage pour inftruire fur la nature des propriétés & fur l'origine de ces 
filamens ; on n'a même pas penfé à facilicer aux curieux les moyens de 
répéter & de vérifier les obfervations déja faites, en leur apprenant quelle 
eft précifément l’efpèce de Bled qui porte ces grains monftrueux, & quels 
font les vrais caractères auxquels on peut découvrir quels font les pieds & 
les épis affectés de certe maladie. 

M. Néedham , après avoir pris ces êtres pour des animalcules aqua- 
tiques (1), qu'il appella des anguilles , a prétendu qu’elles n'étoient vifi- 
blement que la fubitance même du grain, difpofée en filamens & exaltée 
à une vie moyenne entre la vitalité animale & la vitalité végétale. Quel- 
ques Obfervateurs ont foupçonné (2) que ces anguilles n'étoient peut- 
être que des étuis où de petits animalcules étoient renfermés ; d’aütres ont 
dit (3) qu'elles font des efpèces de machines qui fe mettent en mouvement 
dès quelles font plongées dans un fluide , & qu'apparemment elles font 
de la même nature que les filers fpermatiques. Il ÿ en a qui ont fou- 
tenu (4) qu'elles font , à n'en pas douter, des veflicules remplies de 
globules farineux , altérés dans leur conftitution par la fermentation, & 
que par leur mouvement il en devroit être de ces veflicules comme des 
grains que l'on fait bouillir dans l’eau , ou comme du sermicelli fec qui 
Sétend ; d’autres enfin ont dit (5) qu'il ne s’agifloit ici que d'une propriété 
commune aux grains , dontles fibres longitudinales , trempées dans l’eau, fe 
mettent en mouvement par l’action des globules farineux qui les rempliffent. 
Tous ces raifonnemens ont été faits pour expliquer un point important; 
il auroit beaucoup mieux valu confulter l'Obfervation , & difcourir enfuite. 

Il me paroît qu'on n'a pas mieux diftingué l’efpèce de Bled qui produit 
ce grain vicié, & M. Néedham lui-même la méconnue. J’établis. pour 
fait que Le Bled ergoté, qu'on a généralement regardé (6) comme l'indi- 


CRRRTET RE 

(1) Ibid. pag. 105 & 1083 Notes, pag. 225 ; 226.... Remarques fur les Décou- 
yeries microfcopiques de M. Spalanzani, pag. 162, 163. 

(2) Note de M. #/eman for les nouvelles Obfervations de M. N. pag. 107. Lettre 
à un Américain, 4° Partie, pages 144, 149.... M. Bonner, Confidérations , &c. 

(3) M. de Buffon, Hiftoire Naturelle, page 322. é 

(4) M. Gueuard, Mémoire fur les Sciences. ÆZém. XIV. 

(5) M. Aymen, fecond Mémoire fur les maladies des Bleds. Acad. des Sciences de 
Paris, Savans Etrangers, tome IV, pag. 372. 

(6) M. de Buffon, ibid., page 323... M. Till, Diflertation fur la caufe qui 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. $ 


vidu contenant les anguilles , dont parle M. Néedham, n’en contient pas 
une; & j'ajoute qu'il n'eft aucunement compofé d'une infinité de filets, 
dont la forme reflemble à des anguilles. La fubftance formatrice de l’ergot 
eft dure & compacte. Si on l'obferve au microfcope , foit à fec, foit après 
une longue macération , elle ne préfente qu'un tiflu ferré , formé par des 
filets extrèmement petits, branchus , entrelacés les uns dans les autres, & 
furmontés de petits ovales ou globules. Au refte, on n’y obferve d’autres 
fibres longitudinales que celles appartenantes à la pellicule , & formant 
l'enveloppe du grain avant qu'il A attaqué de cetre maladie, 

Je ne crois pas non plus que ce foit fur la plante d'orge qu'on doive 
chercher ces grains contrefaits , quoique M. Néedham les ait nommés de 
l'Orge-niellée (1). Cette expreflion dénote fans doute plutôt un foupçon 

u'une énonciation dictée par une connoiflance pofitive. Je ne crains pas 
de le répéter , ce Naturalifte n’a pas connu lefpèce précife qui porte ces 
grains. Il eft même à remarquer que dans fes Notes fur les Obfervations 
de M. Spalanzani , il revient aux généralités, en appellant ce grain une 
efpèce de Bled niellé. 

Quelques Obfervateurs (2), fans s'arrêter au récit de M. Néedham qui 
avoit indiqué ; pour réfervoir de ces ançuilles, un grain dont l'intérieur 
eft une fubftance blanche , entièrement compofée de longues fibres , ont 
été chercher ces anguilles dans l'infufion de la pouffière noire du Bled- 
charbonné , où apparemment ils en ont trouvé, mais sûrement de toute 
autre efpèce que celle que M. Nécdham avoit découverte dans ce qu'il 
appelle fon Bled-nielle. 

C’eft parmi les pieds de froment ou dans des monceaux de ces grains, 
qu'on peut trouver ceux-dont il s'agit, & ils y font malheureufement trop 
communs au grand préjudice du Cultivateur. Depuis que je les connois, 
j'en ai rencontré par-tout où l'envie de m'inftruire m'a engagé à les cher- 
cher. Ils font multipliés dans différens cantons du Piémont, du Mont 
ferrat, du Pavéfan , du Milanois, &cc. J'ai vifité fur-tout les criblures 
du froment, & c’eft-là où ils font en profufon. 

Ces grains différent entreux autant par la couleur que par la forme. 
La variation dans la couleur , eft depuis le noir jufqu'au brun-clair ; la 
forme fe modifie dans les fujets de plufieurs manières, & fuit la bigarrure 
des monftruofités formées par le concours des combinaifons étrangères à 
la ftruéure naturelle du fujet qui les produit. Il ne faut pas s'attendre à 
trouver de la refflemblance entre la forme de ces grains & celle du fro- 
ment, il ny en a prefque point ; & ceux qui en approchent davantage, 


aoircit les grains, page 62... M. Æymen, pages 344 & 345. 

(1) Nouvelles Obfervations, pag. 226. 

(2) Encyclopédie & M. Bomare, article Ænguille. .. M. Guertard, Mém. XIV. 
pages 481, 482. 


Tome V, Part, I. 1775. 


6 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


ont plus de rapport à la forme des grains d'orge-mondée qu'à celle’ du 
froment. Leur longueur eft environ moitié de celle des bons grains; ces 
grains font Menus ; liffes , fillonnés dans toute leur longueur , & leur 
extrémité fupérieure eft furmontée d’une ou deux pointes fines, & fouvent 
un peu arquées. Les gens de campagne prennent ces grains pour du Bled 
charbonné , ou bien ils les confondent avec ceux des autres mauvaifes 
herbes. Le Bled charbonné eft communéinent arrondi & renflé vers fon 
milieu ; il conferve à fon extrémité fupérieure les ftyles & les ftigmates 
fecs, ce qui l'a fait paroïître velu ; enfin, on l’écrafe aifément entre les 
doigts, & il en fort une poufñlière noire. Or , ces caraétères du Bled 
cherbonné fuffifent, en tous les cas, pour ne pas le confondre avec les 
grains en queftion , mais pour diftinguer ceux-ci des différens grains 
qui fe trouvent dans les criblures du froment. Il fufft de favoir que tout 
grain d'un noir luifant , ou dont la furface eft grénelée , ou qui n'’eft pas 
au moins marquée par un fillon, n’eft pas le grain qui renferme Les an- 
guilles de M. Méedham. 

La forme que je viens de décrire eft la plus régulière de celles qu'on 
rencontre dans les différens individus de ce genre. Il y en a qui font 
féparés en trois vers leur extrémité fupérieure, comme fi trois grains 
s'écoient. réunis par leur bafe de façon à n’en former qu'un feul. Leur 
monftruofité eft encore plus frappante, lorfque ces trois corps , réunis en- 
femble, font inévaux,, foit pour la groffeur , foit pour la hauteur. On 
prendroit certains. autres pour deux grains réunis ; quelques -uns mont 
qu'une pointe , mais le corps du grain eft marqué d'un ou deux fillons 
affez profonds ;.enfin , on en trouve de globuleux & irréguliers dans leur 
tondeur. La plupart de ces grains ainfi attaqués, font ordinairement trop gros 
pour pañler par tous les trous du crible, & par cette raifon même on n’en 
trouve pas beaucoup dans les criblures ; c'eft dans les tas de froment qu'il 
faut chercher les gros grains monftrueux, & les petits dansiles criblures. 

Dès que je connus parfaitement ces grains & leur défeuofité, je fs 
de nouvelles Obfervations pour vérifier celles qu’on connoifloit déja fur 
cet objet. M. Néedham, qui avoir d’abord reconnu que l’intérieur des 
TS LA a 1 rempli d'animalcules, a combartu depuis contre l'évi- 
gence des fens , lorfque , fans alléguer la preuvé la plus légère, fans avoir: 
feit aucune obfervation , mais uniquement afin de pouvoir articuler l’efpéce 
d’être microfcopique qui montre évidemment une puiffance vitale organique 
qui n'efl pas fenfitive (1) ; M. Néedham,, dis-je, a prétendu que ces êtres, 
femblables par la forme & par le mouvement à des ançuillés , n’étoient 
dans la réalité que la fübftance même du grain , difpofée en filets alon- 
gés. Il paroît que l’on s’eft contenté de la découverte du mouvement de 
ces êtres, & de leur faculté de fe reproduire après avoir refté long-tems à 
fec. Une loupe de cinq à fix lignes de foyer, fuffit pour faire ces obfer- 


&1) Remarques fur les Découvertes de M, Spalangani, page 163. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 7 


vations, & on s’eft fi peu appliqué à approfondir cer objet, qu'on a même 
négligé tout ce qui eft contenu dans l'intérieur de ces grains. Pour peu 
qu'on eüt obfervé , on auroit vu clairement qu'il s'agifloit ici de toute 
autre chofe que du changement de la fubftance du grain ou des fibres 
alongées ; ce que je démontrerai bientôt. Il eft à propos , avant tout, que 
je m'attache à Leur defcription, & que je la préfente d’une manière affez 
précife, pour qu'à l’aide du microfcope on voie clairement ce que font 
ces prérendues fibres au moment où on les tire des grains monftrueux qui 
font parvenus à leur maturité. 

C’eft fans fondement fs quelques Auteurs ont penfé (1) que les an- 
guilles vues par M. Néedham , étoient des corps d'une extrême petiteffe: 
elles ont = Ê ligne de longueur , & quoique leur diamètre ne foit que 
de — , il eft facile de les appercevoir avec une fimple-loupe. La figure I, 
planche I , repréfente une anguille vue au microfcope , qui agrandit 
120 fois le diamètre de l'objet. Leur couleur eft châtain-clair ; mais vers 
une des deux extrémités AB , leur corps eft plus blanc, plus tranfparent 
que tout le refte; le bout À de cette partie a une forme arrondie ; l’autre 
extrémité € eft pointue ; ce font les remarques qu’on peut faire fur leur 
extérieur. Pour l'intérieur , ce qui merite Le plus l'attention d’un Obfer- 
vateur, eft une rangée de petits globules tranfparens DD , placés par 
intervalles le long du corps de l’animalcule, à commencer depuis l'endroit 
moins tranfparent & plus coloïé B , jufques près de fon extrémité poin- 
tue C. Le diamètre de ces globules eft un peu moindre d’un tiers de celui 
du corps de l'anguille. Une autre partie doit encore fixer l'attention de 
PObfervateur , c’eft une efpèce de lunulle tranfparente C , qu'on apperçoit 
un peu au-delà du milieu de fon corps , mais qui, dans le fait, n’eft qu'un 
de vuide des matières colorées inteftinales , eflt provenant d'un 
étranglement des inteftins qui, par-l, font empêchés de remplir toute La 
capacité de l'enveloppe de l'anguille. 

Au refte, pour obferver ce qu'il y a dans l'intérieur des grains donc 
nous parlons, & l’obferver d’une manière diftincte, fans S'expofer, par des 
méthodes défectueufes , ati danger de s’égarer , on doit éviter celle 
de M. Néedham , qui tiroit en dehors les anguilles peut - être avec la 
pointe d'une aiguille ou avec quelque chofe d'équivalent. Cette façon de 
sy prendre aura fans doute donné lieu aux rêveries & pures imaginations 
qu'on s'eft hâté de débiter fur la nature & fur les propriétés de ces ani- 
malcules. Il paroît qu'on lui doit la fameufe Obiervation de M. Alle- 
man (2) que chacun s'eft empreflé d'adopter , & même que M. Néedham 
a prife pour bafe de fes raifonnemens , en établiffant pour principe que ces 


(1) M: Malouir, art. du Boulanger, page 132, Note 36, Col. 1... M. Guetrard, 
Mém. XIV, pages 483, 484. 
(2) Note fur les nouvelles Obfervations de M. Wéedham, page 107» 


Tome V, Part, L 1775. 


8 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


anguilles font un compofé d'un fac rempli de petits globules qui ont un 
mouvement inteftin, & qu'il fe manifefte dès qu'ils font fortis de l’enve- 
loppe qui les renfermoit. 

Cette Obfervation très-célèbre, mais d’ailleurs fort contraire à la réalité 
du fait, fuppofe qu’il arrive affez fouvent à nos anguilles de fe rompre; 
qu'alors Re petits globules noirâtres & enveloppés d'une membrane , 
fortent de leur corps, & que de ces enveloppes {ortent de petits glo- 
bules qui nagent avec D de viîteffe. Or, je pofe en fait, 1°. qu'il 
n'arrive jamais à ces anguilles de fe rompre naturellement ; c'eft toujours 
Obfervateur qui eft la caufe de ce dérangement : 2°, que lorfque cela 
arrive, par la manière dont on s'y eft pris Les la préparation , on voit 
réellement fortir de leur corps, comme le dit M. Alleman, des paquets 
noirâtres , c'eft-à dire, des inteicins très-vifibles , très-difcernables , remplis 
de matières noirâtres ; de ces paquets, on voit fortir des globules, mais 
ils ne nagent pas avec vitefle, ni par un principe de mouvement inteftin, 
fi l'on fait l’obfervation immédiatement après avoir tiré les anguilles du 
grain : 3°. que fi les anguilles rompues reftent quelque tems dans l'eau, 
alors l'obfervation de M. Alleman É vérifiera ; mais il eft évident qu'il ne 
s'agira plus ici que d’un phénomène commun aux infufions des fubftances 
animales ou vévétales. 

Dans les Obfervations microfcopiques , il eft de la dernière confé- 
quence que la préparation de l’objet foït nette, & autant Sie eft poffible, 
fans mélange de matières étrangères avec celle qu'on fe propofe d'ob- 
ferver. Ces paquets noirâtres dont je viens de parler, fortent de l'intérieur 
des anguilles rompues en les tirant du grain, & fe répandent dans la 

outte d’eau qui eft fur le porte-objet ; alors elles embarraffent , de plu- 
Fais manières , l'Obfervateur & l’obfervation. Je me fers , pour prévenir 
cet inconvénient, de la méthode qui fuit. 

Je coupe, avec circonfpettion , le bout de l'extrémité fupérieure du 
grain ; je le place-entre les pointes d'une petite pince ou béquerte à mor- 

ants plats, de forte que l'extrémité tronquée du grain la déborde un 
peu; alors je comprime les branches plus au moins, felon que je me 
propofe de faire fortir une plus ou moins grande portion de la fubftance 
contenue dans l'intérieur du grain ; cette fubftance étant glaireufe , tient 
enfemble & file : mais dès qu'elle touche l'eau , les corps qui la com- 
pofent sy répandent. Un peu d'habitude & de réflexion fufhfent pour en 
rendre la préparation plus ou moins fournie ; enfin, en augmentant de 
plus en plus la compreflion des branches, on parvient à vuider le grain 
& faire fortir les matières qu'il contenoit. Lorfque les grains font deflé- 
chés , il faut commencer par les faire tremper pendant huit à dix heures ; 
mais comme alors leur intérieur eft trop rempli d’eau , il eft bon, 
avant de les couper, de les laïfler hors de l'eau pendant environ une 

demi-heure, 
Dans 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 9 


Dans Les premieres expériences , entreprifes pour découvrir l'origine 
des grains contrefaits, je n'eus d'autre but que celui de vérifier la caufe 
de cette maladie , que plufieurs bonnes raifons m'engageoient à regarder 
comme contagieufe , & uniquement occafionnée par le mélange de la 
femence des-mauvais grains , avec celle des bons. Je choilis, à cet effet, 
deux portions de terrein de différente nature, & chacune fut divifée en 
deux planches. Une de ces planches , dans chaque endroit, fut en- 
femencée de bons grains tirés des épis qui en avoient porté de monf- 
trueux. Je femai les deux autres planches d’un mélange à portions égales 
de bons grains & de ceux qui étoient contrefaits , des niellés, pour me 
fervir de l’exprefion de M. Néedham. Comme le but que je me propo- 
fois dans cette expérience, n'exigeoit pas de fuivre la marche de la végé- 
tation des bleds que j'avois femés, je ne les vifitai qu'en pañlant, & 
feulement pour m'aflurer, au commencement du printems , que Les pieds 
n'avoient pas été endommagés par la rigueur de l'hiver ; enfin, je dif- 
férai à les vifiter exactement in ee tems où les épis étoient à peu-près 
parvenus à leur maturité. Le réfulrat de ces expériences fut que les Le 
planches enfemencées de bons grains n’en portèrent que de bons, à l'ex- 
ception cependant de quelques grains charbonnés ; mais dans les deux 
planches où j'avois femé les bons grains mêlés avec les mauvais , il y a 
eu plus de la moitié des épis gâtés , ou dans leur totalité, ou du moins 
en partie, par des grains contrefaits & remplis uniquement d’anguilles. 
J'ai eu le même réfultat dans les deux autres planches qui ont fervi à 
cette expérience. 

Pour lors, en examinant la conftitution des pieds qui avoient porté 
les grains contrefaits , les reftes de leurs feuilles , leurs tiges , leurs épis 
& la forme même des grains, il me fut aifé de connoître l’efpèce de 
maladie dont ils avoient été attaqués ; je ne doutai plus que ce ne 
fût la même que celle que M. Tiiler a fi bien caractériféé dans fa Dif- 
fertation fur la caufe qui corrompt @ noircit les grains des Bleds dans les 
épis, & qu'il a appellée Le rachitifme du froment , donnant le nom de 
grains avorrés au produit monftrueux des pieds rachiriques. On n'auroit 
pa# tant tardé à dévoiler le fecret de la nature fur l'origine de certe 
maladie, fi ce favant Naturalifte eût penfé que la fubftance glaireufe qu'il 
avoit obfervée au dedans des grains avortés ; étoit précifément cette même 
fabltance que M. Néedham avoit appellée blanche & ftlamenteufe. Il avoit 
confulté le microfcope pour favoir à quoi s’en tenir fur ce que le Natu- 
ralifte Anglois avoit dit de la figure “A la poulfièré noire contenue dans 
les grains charbonnés; mais pour l'intérieur des grains qu'on avoit appellés 
niellés , il penfa qu'on avoit voulu parler du Bled ergoté. ‘Au furplus, 
inftruit par les belles Obfervations du Savant que je viens de nommer ; 
que le rachitifme fe manifeftoit de bonne heure fur les pieds attaqués de 
cette maladie, & d’ailleurs ne pouvant douter de fon influence fur la 


Tome V, Part. L 1775. 


10 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


production des grains avortés, il me parut que la réfolution du problème 
devoit tenir à la connoiflance de certains procédés de la nature, qui ne 
pouvoient fe dérober aux yeux de l'Obfervateur , lorfque par un examen 
füivi, il confidéroit l’état intérieur des parties de la plante dans les dif 
férentes progreflions de la végétation des pieds rachitiques. 

En attendant la faifon de femer les bleds, je Probe de l'intervalle 
pour faire quelques obfervations fur des grains avortés, mis en terre dans 
différens pots & entretenus avec une humidité convenable. La fubftance 
noirâtre ou brune qui en forme la capfule, fe ramollit quelques jours 
après, & on y découvrit des gerfures qui pénétroient dars leur intérieur, 
Je fis tremper dans quelques gouttes d'eau la terre humide qui avoifinoit 
ces grains entrouverts , & j'obfervai au microfcope qu'une partie des an- 
guilles y étoient pañlées ; elles étoient vivantes & avoient les mêmes 
mouvemens que l'on obferve dans celles qu'on tire immédiatement des 
grains. 

J'entrepris une autre expérience, qui fut de femer dans des pots de terre 
des grains fains , avec lefquels je mélai des grains avortés. Les bleds 
levèrent aflez bien & poufsèrent avec vigueur. Je difléquai fuccefive- 
ment la plus grande partie des pieds, que J'examinai au microfcope , fans 
être parvenu à découvrir aucune anguille dans l'intérieur des plantes ; 
cependant , ayant examiné les grains avortés qui étoient entre - mêlés à 
leurs racines , je les ai trouvés prefqu'entiérement vuides d’anguilles. Ce 
mauvais fuccès ne me découragea point ; je conçus aifément qu'il fe pou- 
voit bien que des animalcules qui, dans l'été, ne s'introduifent pas dans 
une plante, s’y introduifent dans une autre faifon. 

Lorfque la faifon fut arrivée, je femai mon mélange de bons grains 
& de grains avortés ; le bled leva fort bien, & je ne remarquai aucun 
pied qui, pendant l'automne , donnât quelques indices de maladie. Il me 
parut donc inutile d’en arracher pour les obferver : mais poftérieurement 
à cette obfervation, & dans un tems où l’origine du rachitifme & des 
anguilles du grain avorté n'étoit plus pour moi un problème , j'eus la 
curiofité de favoir fi, même dans l'automne , les plantes de bled pro- 
venues des femailles faites de la façon que je viens d'indiquer , ne ren- 
fermeroient pas dans leur intérieur des anguilles, quoiqu'extérieurement 
il n’y eût aucun indice pour annoncer leur préfence , & de favoir ce que 
les anguilles devenoient dans cette faifon, Mes tentatives ont été vaines 
& fans fuccès. Il en réfulte cependant, 1°. qu'un mois après les femailles 
faites, malgré la température de l'air la plus propre à la végétation des 
nouvelles plantes, je n'ai apperçu aucun pied de froment qui renfermät 
des anguilles, au moins de l'efpèce dont il s'agit , car jen ai trouvé 
quelques-unes d'une efpèce différente , de laquelle je parlerai en fon 
lieu ; 2°. qu'il y avoit encore en terre quelques grains avortés, bien 
confervés & remplis d’anguilles, pendant que le plus grand nombre n'en 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 11 
renfermoit plus que quelques-unes ; 3°. qu'il ne m'a pas été poflible d'en 
rencontrer qui fuflent mêlées avec la terre, quoique d’ailleurs il foit évi- 
dent qu'il A y en avoir. D'autres Obfervations faites depuis cetre 
époque, & continuées jufqu'au 11 Novembre, tems où les matinées 
commençoient à être froides & glacées, ne m'ont offert aucuns nouveaux 
réfultats ; de forte qu'on peut conclure qu'en automne les anguilles ne 
fe gliffent pas dans les pieds des bleds, & il y a apparence que l'hiver 
n'eft pas une failon plus favorable. 

C'eft environ à l'entrée du printems que le rachitifme fe manifefte 
fur les pieds des bleds qui en font ga J'apperçus , à cette époque , 
une quantité de mes jeunes plantes , dont les feuilles éroient flétries & 
de couleur jaunâtre , ou bien elles avoient un principe de recoquillement. 
Telles font les marques du commencement du rachitifme , comme la 
très-bien obfervé M. T'llet. J'en tirai de terre, à différentes reprifes, plu- 
fieurs pieds , choififfant toujours ceux fur qui la maladie fe déclaroit le 
plus manifeftement. IL faut obferver que fi, après avoir difléqué la plante, 
on fe borne à en préfenter au microfcope les parties telles qu'on les a 
préparées, on n'y obfervera rien qui mérite l'attention, & oE l’ordi- 
naire on ne réuilira pas mieux fi l’on fe contente de verfer quelques 
gouttes d’eau ; il faut encore Les comprimer entre deux verres , afin que les 
anguilles fortent des vaifleaux de la plante, & fe répandent dans l’eau. 
J'ai indiqué la meilleure méthode pour ces fortes de préparations , dans 
mon Mémoire fur la Trompe des Coufins (1), & au moyen de cette_pré- 
paration , j'ai obfervé Au le collet de la plante rachitique étoit tout 
rempli d'anguilles ; plufeurs s'étoient déja introduites, mais en moindre 
quantité dans la fubftance moëlleufe de la tige : j'en ai trouvé aufli 
quelques-unes dans les racines pivotantes , & il ne m'eft pas arrivé d'en 
appercevoir ni dans les racines rampantes , ni dans les endroits où la 
tige commence à verdir. 

Quoiqu'on n’apperçoive au premier abord aucune différence entre la 
conftitution de ces anguilles avec celles qu'on peut obferver lorfqw'on les 
tire immédiatement des grains avortés qu'on a confervés , il y en a ce- 
pendant une qu'il eft à propos de faire remarquer. C'eft la difpoñition 
de cette curieufe file de globules dont j'ai parlé ci-deffus , en décrivant 
l'intérieur de ces anguilles ; on ne la voit plus dans celles qui fe font 
introduites dans le bled. Une autre remarque à faire , relative à cette 
lunule dont j'ai encore parlé, c’eft que le fac des inteftins laïffe encore 
Vers ce même endroit un vuide qui ne fe préfente plus que fous des 
formes indéterminées. Quant au mouvement de ces animalcules , il eft 
plus vif dans ceux qu’on tire de la plante, qu'il ne l’eft dans ceux retirés 
des grains avortés & confervés à fec. Je fis encore quelques autres Ob- 


 (n) Mélanges de Ja Société Royale de Turin, page 10, 


Tome V, Part. I. 177$. B 2 


12 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


fervations relatives à la fingulière propriété de use être rappellés à la 
vie après un long defsèchement. Si je diffère d'en donner des rélultats , 
c'eft pour les publier enfuite dans un plus grand détail. 

La couleur jaunâtre des pieds rachitiques fubfifte peu de jours, & à 
mefure qu'ils pouffent , elle devient verte, & enfuite bleuâtre , pendant 
que les He fe recoquillent en différens fens , & que les tiges devien- 

‘nent nouées & tortues. Cependant, malgré ce dérangement qui, dans 
plufieurs pieds , eft confidérable , les progrès de la végétation n'en 
font pas retardés. Le 12 Avril, j'ai retiré de leurs enveloppes différens 
épis , dont la longueur n’excédoit pas une ligne, & ils étoient déja rem- 
plis d’anguilles à-peu-près telles que celles que j'avois vues dans l'obfer- 
vation précédente. Ni elles ne sy éroient pas encore toutes 
introduites, puifque l’obfervation m'a appris qu'il y en avoit encore une 
quantité confdérable vers le coller de la plante ; preuve quelles ne sy 
introduifent que fucceflivement. 

Lorfque la longueur de l’épi fut de cinq à fix lignes, je m'apperçus 

ue les anguilles commençoient à groflir , non pas à la vérité bien fen- 
iblement en longueur, mais en diamètre ; & dans quelques-unes , il 
étoit de trois quarts plus grand que dans celles qu'on peut obferver dans 
les grains avortés confervés à fec , & que dorénavant, pour abréger 
lexpreflion, j'appellerai anguilles communes. Toutes n'avoient pas pris le 
même accroifflement; il y en avoit quelques-unes dans le mème état qu’elles 
avoient dans Les tiges. Il paroît que la raifon de cette différence provient 
du tems où elles fe font établies dans les embrions du grain ; car c'eft 
dans cette demeure qu’elles crofliflent. 

Puifqu'il eft évident que les phénomènes du bled rachitique dépendent 
du dérangement du cours de la sève que ces petits vers occafionnent, & 
puifqu’il eft également certain que l'épi, & fur-tout les grains , fonr 
l'endroit où ils vont fe placer de préférence , il falloit bien s'attendre à 
trouver dans les grains plus de difformité, par une fuite néceffaire des dé- 
fordres dans l’économie de la végétation , que dans, toute autre partie de 
la plante. En effet, à peine les parties , dont l’épi eft compofé, fe font- 
elles fuffifamment déployé:s pour permettre de difcerner les grains , que 
je vis ceux-ci tout autrement organifés de ce que le font les bons grains. 
L'épi rachitique , encore renfermé dans fa gaîne, & n'ayant qu'un ou 
deux pouces de longueur, au lieu de porter un embrion blanc & tel que 
Yon connoït devoir être formé un bon grain lorfque ces parties com- 
mencent à fe développer , ne renferme dans fes balles qu'une capfule verte 
& globuleufe, qui fert d'enveloppe à une fubftance glaireufe où fe tiennent 
les petits vers dont nous parlons. 

Pendant que l'épi, renfermé dans fa gaîne, n’avoit qu'environ deux 
pouces de longueur , j'obfervai que celle fes anguilles placées dans l'in- 
térieur des petits grains avortés étoit déja de = de ligne, & que leux 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 13 


diamètre alloit à Z ; d’où il s'enfuivoit que leur longueur étoit double, 
& leur diamètre plus que triple de celui des anguilles communes. Mais 
comme il y a de la différence dans le rems que les anguilles font 
entrées dans un même grain, l’accroiflement dans les individus eft très- 
inégal. 

Lorfque les épis font fortis des enveloppes , on peut difcerner les ra- 
chitiques par leur port qui Les diftingue des bons épis ; on y voit fur-tout 
leurs barbes frifées & comme éparpillées. Mais je ne parle ici, & je n'ai 
parlé jufqu'a préfent, que du rachitifme Le plus décidé , Le plus complet; 
& on comprend bien que la maladie, tenant au défordre occafonné par 
les anguilles qui ont pañlé dans l'intérieur de la plante, doit varier dans 
fes degrés , relativement à la plus grande ou à la plus petite quantité d'ani- 
malcules qui s’y font introduits. Il eft donc vrai que les altérations, foic 
de la tige, foit des feuilles ou de l'épi, font inégalement marquées dans 
diférens pieds de bled ; il arrive que la tige d’un pied attaqué par les 
anguilles communes, eft droite , que fes feuilles font peu tortillées , & que 
fon épi porte beaucoup de bons grains , & à peine quelques-uns des avor- 
tés ; comme d'autre part il arrive qu'on trouve des da , où le nombre 
des grains avortés furpafle celui qu'on voit pour l'ordinaire dans les épis 
fains les mieux fournis de bons grains. Cette dernière obfervation a déja 
été faite par M. Tiliet. ° 

Les changemens qui arrivent dans l'intérieur des grains avortés , quatre 
ou cinq jours après que les épis font fortis de leur fourreau , font de 
telle nature, qu’on pourroit dès-lors regarder le problème de l'origine des 
anguilles du bled avorté comme réfolu complettement. À cette époque ou 
environ, on voit à l'œil nud des anguilles parvenues à leur grandeur 
complete, qui eft près de deux lignes , fur environ := de ligne de dia- 
mètre dans celles qui ont plus de groffeur ; ainfi leur plus grand accroif- 
fement depuis leur entrée dans le bled , eft comme 1 à 6 en longueur, 
& en diamètre comme 1 à 14. La figure 2 repréfente un de ces vers 

roffi dans la même proportion de l'agrandifflement qu'on a donné à 
l'anguille commune , figure 1 ; favoir, de 120 fois fon nor (x). C'eft 
vers ce tems qu'on découvre dans leur intérieur un ovaire [aa] quon 
peut fuivre depuis près de l'extrémité inférieure [b], jufques vers le milieu 
de fon corps [c], où l'opacité des inteftins & des autres vaifleaux ne 


0 


(x) Cette figure 2 exigeroit une defcription détaillée far la ftruêture, l'intérieur , & 
peut-être fur le fexe de certe anguille parvenue à fon dernier terme d’accroiffement, 
Mais n'ayant pas étudié à fond l’anguille dans ce dernier période avant la compofition 
de mon Mémoire, ni même avant d'écrire cette Lettre, n'étant alors occupé que de 
mon objet, je dois attendre pour donner ces détails, qui peuvent être intéreflans , que 
le retour de la faifon convenable m’ait permis de faire les oblervations néceffaires, 


* Tome F, Part. L. 1775. 


14 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


permet pas d'en avoir la continuation jufqu'à fon origine. Les œufs en 
leur maturité, font de figure cylindrique , également arrondie aux deux 
bouts ; le plus grand de leur diamètre eft de — de ligne, & le plus petit 
de =. Vers la même extrémité [b] , on découvre deux tubercules ou 
mamelons [dd], qui laiflent une ouverture entre deux ; on ne fauroit 
douter que ce ne foit par-là que les œufs font pouflés hors de l’animal- 
cule. Mais cette partie ne fe préfente pas toujours aux yeux de l'Obfer- 
vateur ; au contraire, l'on ne peut l'appercevoir que rarement : il ya 
apparence qu'elle ne fe déploye que lorfque l'animal eft préc à pondre 
fes œufs. 

Pour l'ordinaire, on ne commence à trouver des œufs dans l'intérieur 
des grains, que quelques jours après que les épis font fortis du canon; 
alors, en continuant de tems en tems l’obfervation fur de nouveaux fujets, 
on eft furpris de la grande quantité dont enfin on les voit fe remplir. L'œut 
de cet animalcule eft une membrane très-fine & tranfparente, qui fert d'en- 
veloppe à une nouvelle anguille qui y eft repliée fur elle-même en ma- 
nière d’entre-lacs. 

Comme les œufs, qui font dans un même grain, n’ont été pondus par 
les mères-anguilles que fuccefivement, ce n'eft auili que dans une fuite 
de tems que les nouvelles anouilles éclofent; quelquefois il n'y a encore 
dé huit à dix Jours que les épis ont paru, que l'on commence à trouver 

es anguilles forties des œufs. Au refte, il eft extrèmement rare de voir 
dans Le fait une nouvelle anguille fortir de fon œuf, fans doute par la 
raifon que l'action de l'eau, où il faut mettre les œufs pour pouvoir les 
obferver, dérange l'opération de la nature; il m’eft pourtant arrivé d’avoir 
faifi précifément le moment qu'il falloit pour cette obfervation. La figure 
3 repréfente la petite anguille [ 4] dans l'attitude où je l'ai vue fortant de 
l'œuf [b]. Les anguilles éclofes depuis peu font plus petites que les com- 
munes ; elles ont un peu moins de > de ligne de longueur ; elles font 
claires & joliment tranfparentes: mais malgré leur tranfparence, on ne 
voit pas dans leur intérieur cette file de globules dont j'ai parlé plus 
d’une fois. Voici ce qui eft réfulté d’une multiplicité d'Obfervations faites 
fur des grains avortés, qui différoient entr'eux par les degrés de leur ac- 
croiflement & de leur maturité. J'en ai trouvé où à peine il y avoit quel- 
ques anguilles éclofes; elles étoient toutes comme celles que je viens de 
décrire : dans d’autres grains le nombre des nouvelles anguilles étoit un 
peu plus confidérable , & aufli n'étoient-elles pas toutes de la même gran- 
deur; mais il n'y en avoit pas une qui égalàt les anguilles communes, 
ni qui fit paroître le rang des globules. Dans les grains un peu plus avan- 
cés, j'obfervai qu'il y avoit déja quelques anguilles communes mélées à 
un plus grand nombre de celles qui étoient plus petites, plus tranfpa- 
rentes & dépourvues de la file des petits globules : de grains encore plus 
avancés m'ont fait voir un petit nombre es ces dernières & beaucoup des 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 1ç 


premieres: enfin, l'obfervation étant faite {ur des grains parvenus à leur 
maturité, le cas d'y trouver des anouilles plus petites & autrement orga- 
nifées que ne le font celles que j'ai appellées communes , eft très-rare. Il 
paroît donc que l’organifation caractériitique de ces dernières, eft d’avoir 
cette file de petits globules ; on ne la voit pas dans les plus petites, & on 
ne la trouve plus dans celles qui ont he de l’accroiflement après avoir 
paflé dans les nouvelles plantes de bled. 

Quinze à vingt jours après que les épis font entiérement fortis de leurs 
canons, eft le tems qu'on doit choifir de préférence pour avoir le plaifir 
de voir dans un feul grain le curieux myftère de ces anguilles dévoilé & 
mis dans tout fon jour. Parmi un grand nombre d'objets que j'ai obfervés 
au microfcope folaire, efpèce de microfcope défectueux fi l'on veut, mais 
qui cependant foulage beaucoup l'Obfervateur, & qui eft quelquefois d’un 
excellent ufage pour fuppléer au défaut des autres efpèces de microfcope, 
parmi, dis-je, ce grand nombre d'objets, il ne m’eft pas arrivé d’en ren- 
contrer qui préfentaflent un fpeétacle auf fatisfaifant, aufli furprenant & 
aufli magnifique que left celui de l'intérieur d'un de ces grains, faifi dans 
les circonftances dé je viens de parler, & préparé comme il faut pour 
être obfervé avec ce microfcope. On y obferve à la fois deux fuites de 
générations, dont l’une va terminer la carrière que la Nature lui a pref- 
crite ; l'autre ne fait que de la commencer. Parmi Les animalcules qui ap- 
partiennent à la premiere fuite, on en voit qui font parvenus à leur der- 
nier période de grandeur, qui eft de près de deux lignes; on en apperçoit 
d’autres qui n'y ont pas encore atteint, & qui font d’une groffeur inégale; 
& parmi les uns, aufli-bien que parmi les autres , on en découvre qui font 
remplis d'œufs, pendant qu'on en voit qui n’en ont point. C’eft par ces 
œufs, dont on en découvre déja une furprenante quantité répandue dans 
la goutte qui fait le fujet de l'Obfervation, que commence la feconde gé- 
nération que l'intérieur de ce même grain nous préfente. En y regardant 
de près, on peut déméler, dans l’intérieur des œufs, la forme des petites 
anguilles ; leur mouvement de roulement eft fort vif & bien décidé dans 
quelques-unes, tandis qu'il n’eft pas obfervable dans l’intérieur de beau- 
coup d'œufs qui, apparemment, auront été pondus plus récemment que 
les premiers. Au même tems, de petites anguilles éclofes depuis peu , & 
jolies par leur tranfparence, ne manqueront pas de fe préfenter à l'Ob- 
fervateur, & fi le choix du grain fur lequel on fait l'obfervation, a été 
heureux, on pourra en diftinguer de celles qui font parvenues à la gran- 
deur & à la condition des anguilles communes. Ces dernières n’ont plus 
d'accroiflement à attendre, tant qu'elles demeurent dans les grains où 
elles ont pris naiflance; leur vie eft attachée à la confervation de l’hu- 
midité du grain; elles doivent enfuite fe deffécher, & attendre dans cet 
état de defsèchement, que par des circonftances favorables, qui peut-être 
n'auront lieu qu'après bien des années, les grains qui les renferment foient 


Tome PV, Pare, L 1775. 


16 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


mis en terre, qu'ils fe ramolliflent, & en fe ramolliffant s’entrouvrent & 
leur donnent par-là les moyens de reprendre leur mouvement, de s'in- 
troduire dans une nouvelle plante de bled , de fe placer dans un embrion 
de grain, & là, croître avec celui-ci & s’y reproduire. 

À mefure que le grain avorté avance vers la maturité, fa couleur change, 
& de verte qu'elle étoit, elle devient noiratre ou d’un brun plus ou moins 
foncé , & en même tems les grofles anguilles périffent les unes après les 
autres; JESRRES continuent de fortir de leur enveloppe oviforme, & rem- 
pliflent enfin la capacité de la capfule où elles font renfermées. Les grains 
avortés ne fe defsèchent pas aufi promptement que le font les bons grains 
dès qu'ils font parvenus à leur maturité ; C'eft pourquoi, même quelques 
jours après que les pieds rachitiques ont été coupés, on n'eft pas obligé 
de faire tremper les grains pour en tirer des anguilles vivantes : elles Le 
font encore, & pour en obferver le mouvement, il ne faut que les faire 

affer dans une goutte d’eau; mais lorfque ces grains font entiérement 
ES les anguilles le deviennent aufli, & fe collent enfemble de manière 
qu'elles forment un petit amas qui reffemble à une toile qui feroit un peu 
claire. Dans cet amas on trouve une ou deux molécules d’une fubftance 
plus compacte & qui ne fe divife pas dans l'eau, comme cela arrive au 
paquet compofé d'anguilles. Cette matière étendue fur le porte-objet du 
microfcope après une macération de deux ou trois jours, préfente à l'Ob- 
fervateur un compofé de lambeaux de membranes, d’enveloppes des 
grandes anguilies plus ou moins confervé, de conduits inteftinaux, & enfin 

2 quelques œufs qui n’ont pas donné d’anguilles; le tout eft entrelacé & 
forme une efpèce de tiffu dans lequel on obferve auf des anouilles com- 
munes, qui y font ferrées & comme emprifonnées. C’eft par rapport à la 
nature des fubftances qui forment ce tiflu, que j'ai dit vers le commen- 
çcement de cette Lettre, que fi on eût examiné au microfcope tout ce qui 
eft contenu dans l'intérieur d’un grain avorté, on y auroit trouvé 4 
preuves évidentes qui auroient fait fentir qu'il devoit s'agir de quelque fait 
d'une toute autre nature que d’un chansement de la fubftance du grain 
en des filets alongés. 

Après le point d'Hiftoire Naturelle que je viens de traiter, & qui ap- 
partient à l’origine du rachitifme des bleds & des petits vers renfermés dans 
les grains avortés , il faut que je pafle à un autre non moins intéreffant, 
qui {e rapporte à la nature de ces animalcules , favoir à la faculté qu'ils 
ont de revivre après avoir fubfifté fort long-tems dans un état de def 
séchement & d’inaction. On n’a qu'à faire tremper pendant une dixaine 
d'heures des grains avortés, confervés depuis plufeurs années, pour en tirer 
les anguilles vivantes : lorfque l’eau leur vient à manquer (je me fers ici 
de l'expofé de M. de Buffon) ils ceffent de fe mouvoir : en y ajoutant de 
la nouvelle eau, leur mouvement recommence, & fi on garde certe ma- 
üére pendant plulieurs jours, pendant plufieurs mois, & même pendant 

plufieurs 


SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 47 


plufieurs années, dans quelque tems ske la prenne pour l’obferver, on 
y verra les mêmes petites anguilles dès qu'on la mélera avec de l'eau, 

les mêmes filets en mouvement qu'on y aura vus la première fois; en 

forte qu'on peut faire agir ces petites machines auffi fouvent & auf long- 

tems qu'on veut, fans les détruire, & fans qu'elles perdent rien de leur 

force & de leur activité. Quoique je n’aie pas la prétention de pouvoir 
donner une explication complette de ce myftère de la nature, j'ai pourtant 

un nombre d'obfervations qui pourroient bien me fournir des moyens 

au moins pour le préfenter dans fon vrai point de vue. 

Puifque ces petits vers viennent des œufs, c’eft par ceux-ci que je dois 
commencer à développer leur nature par rapport à la propriété de pou- 
voir revivre après un defsèchement de longue durée. Que les œufs puiffent 
fe conferver Be long-tems fans que Les petits animaux qui y font renfer- 
més en fouffrent, & fans que cela nuife à leur naiflance, c’eft un cas qui 
n'a rien d'extraordinaire; il l'eft pourtant, ce me femble, puifque les an- 
guilles que j'ai appellées communes, ont la LÉ dr dont il ef ici queftion : 
celles néanmoins qui font encore renfermées dans leurs œufs, périflent fans 
retour, fi elles n’en font pas forties avant le defsèchement du grain qui Les 
contient, & cependant rien de plus facile que la vérification de ce fait. Un 
examen fuivi qe œufs obfervés depuis les premiers momens qu'on peut 
en trouver dans les petits grains avortés, jufqu'à ce que ceux-ci aient 
changé de couleur & müri parfaitement, m'a fait connoître que tant que 
les grains levés des épis confervent de cette humidité naturelle qu'ils 
avoient tirée de la plante, il y a fans cefle des anguilles qui fortent de 
leurs œufs; mais qu'après que les grains font defléchés , elles n’éclofent 
plus & y périffent: alors les œufs, Faire la plupart, deviennent tranfpa- 
rens, à l'exception de quelques endroits vers le milieu, où fe rafflemble 
un petit amas de matière opaque. Inutilement j'ai trempé ces grains dans 
de l’eau, & c'eft auffi fans fuccès que j'en ai mis dans de la terre que j'a- 
breuvois de tems en tems; jamais je n'ai pu m'appercevoir que par ces 
moyens il y eût des anguilles nouvellement éclofes. Au refte, fi dans les 
différens périodes de l’accroïffement & de la maturité des grains avortés, 
on en cueille une fuite, & qu'on Les laïfle defiécher, on pourra obferver 

ue les grains qui ont müri fur pied, contiennent un nombre furprenant 
Mgules. & prefque point d'œufs ; maïs qu'au contraire les petits grains 
verts qu'on a pris fur épis lorfqu'il n'y avoit que peu de jours qu'ils étoient 
fortis de leurs enveloppes, renferment, après leur defsèchement, une 
quantité d'œufs, & à peine quelques anguilles , dont le nombre fera pour- 
tant plus ou moins grand, felon que les grains feront plus où n:oins 
éloignés de leur maturité, lorfqu'on les tirera des épis. Voilà le premier 
fait qui me paroït mériter quelque confidération par rapport à l’objec que 
j'ai entrepris d'examiner. 

Si les anguilles éclofes depuis peu, ne font pas encore parvénues avané 


Tome F, Part, I. 1775. 


18 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


leur defsèchement à cette organifation & à cette grandeur qui devroit leg 
faire ranger dans la clafle des anguilles communes, elles ne pourront 
plus être rappellées à la vie; c'eft le fecond fait. Jai ri fur le porte- 
objet celles qui étoient dans ce cas; je les ai laiflé deflécher, les con- 
fervant dans cet état pendant quelques jours; enfuite leur ayant redonné 
de l’eau, il n’y eut que les anguilles communes qui reprirent le mouve- 
ment, les jeunes reftèrent fans vie : aufli eft-ce une obfervation conftante 
de les grains avortés & defléchés hors de la plante, contiennent des 
quelettes ou des enveloppes de jeunes anguilles mortes dans les grains, 
dont le nombre eft en raifon inverfe du degré de maturité qu'avoient les 
grains lorfqu'ils ont été enlevés de deflus les épis; il n’eft pas moins conf- 
tant que les grains avortés, müris fur pied, n'en ont prefque point. 

Le troifième fait qui doit paroître, ce me femble, encore plus furpre- 
nant que les deux dont je viens de parler, eft que la faculté de revivre 
après un entier defsèchement, eft une propriété qui n'appartient aux an- 
guilles communes, que jufqu'à ce qu'elles fe foient introduites dans une 
nouvelle plante de bled : après cette époque , leur mort eft une fuite im- 
manquable de leur defsèchement. J'ai examiné les anouilles dès qu'elles 
étoient parvenues à fe porter dans les racines & dans le collet de la nou- 
velle plante de bled:je les ai obfervées dans la fubftance moëlleufe du 
canon, dans les embrions des épis & des grains; je les ai vues dans les 
petits grains verts avortés, groîlles par degrés, & enfin parvenues à leur 
dernier point d’accroiffement; par-tout je les ai apperçues pleines de vie 
& d'activité, lorfque j'ai tiré les fujets d’une plante où d'un grain encore 
humide: mais elles n’ont jamais donné la plus petite marque de vie, tant 
que je les ai prifes fur des pieds ou des grains déja defféchés. Pour vé- 
rifier cette obfervation , on n'a qu'à arracher au printems quelques pieds 
de bled où le rachitifme commence à fe manifefter; on les laiflera fe de 
fécher entièrement; enfuire on choifira vers le cœur du cellet quelques 
petits paquets de fibres qu'on fera tremper aufli long-tems qu'on le jugera 
à propos: fi on prépare ce paquet de filets dans une goutte d’eau entre 
deux lames de verre, de la même manière qu’on le feroit fi on vouloit 
obferver les anguilles logées dans Le collet féparé de la terre depuis peu, 
on verra, à la vérité, avec le microfcope, plufieurs anguilles forties de 
ce paquet; elles paroîtront fort bien confervées , & cependant ce fera en 
vain qu'on s’attendra à les voir prendre du mouvement; elles font mortes, 
& mortes fans efpérance de retour. On peut s'y prendre de la même manière 
pour faire l’obfervation fur Les embrions des épis & fur les petits grains verts 
avortés & qui ont la groffeur de la tête d’une petite épingle. J'ai obfervé 
dernièrement ces petits grains cueillis le 12 & le 15 de Mai; ils conte- 
noient à-peu-près une trentaine de groffes anguilles aflez bien confervées 
quant à l'apparence, mais mortes en effet, & une quantité d'œufs d'où pas 
même une feule ançuille n'étoit éclofe. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 19 


Actuellement, fi d’une part on fait attention à la totalité des circonf- 
tances qui accompagnent ces trois faits, fi l'on fonge que l'anguille placée 
dans une jeune plante de bled, eft un animal à qui la nature a fourni 
tous les moyens néceflaires pour fe conferver, fe nourrir, croître & fe 
reproduire; fi d'autre part on penfe que tel eft l'ordre du cours connu 
de la nature, que tel eft l’ayrangement & la difpofition des circonftances, 
qu'il n'eft prefque pas poflible que cette même anguille ne fe defsèche 
avant de pouvoir parvenir à pafler dans l'intérieur d'un= plante affortie à 
fa nature & à fes befoins, on fera faifi d’admiration en penfant que la 
propriété fingulière de ces animalcules de revivre après avoir fubfifté long- 
tems en guife d'une fubftance friable, eft un de ces traits de la fouveraine 
fagelle de l'Eternel; mais qui fe fait fentir d’une manière encore plus frap- 

ante dans les différens moyens qu’elle a donnés à la nature pour fuivre les 
oix qu'elle lui a prefcrites, & qu’elle fait fi bien approprier à chaque 
objet & à fes différentes fituations. Dépouillons, pour un moment, les 
anguilles communes de cette rare propriété ; faifons les périr dès qu’elles 
feront defféchées; la perte de cette propriété des individus fera Dientôc 
fuivie de celle de l'efpèce même : mais ces anguilles fe font-elles intro- 
duites dans le bled ? la confervation de l’efpèce ne demande plus qu'elles 
& leurs œufs, & les anguilles qui en proviennent, confervent cette pro- 
priété admirable qui leur eft accordée pour le befoin, & qui leur eft re- 
fufée dès qu'elle cefle d’être néceffaire. 

Malgré mon attention pour être concis dans les détails des faits que 
je viens de rapporter, j'ai déja pañlé les bornes d’une Lettre, & cepen- 
dant plufieurs faits fe préfentent encore: ils ont trop de rapport à la ma- 
tière que j'ai traitée pour les pafler fous filence; je les réferverai pour 
une feconde Lettre, 

Le Public ne peut trop applaudir aux recherches de M. Roffredi, 
& l'invicer à les continuer. On doit dire qu'il a pris La Nature fur le fait. 


De Sa Rte ET L-ON 


D'un enfant difforme qui, avec une apparence d'hermaphrodifime, ctoit 
dépourvu de lun & de l'autre fexe ; 


Par M. pe LATOuRETTE. Décembre 1774. 


Te jeux de la nature ont, de tout tems, attiré les regards des Phy- 
ficiens , foit qu'ils cherchent dans fes écarts à reconnoître les Loix par lef- 
quelles elle fe conduit ordinairement, foit qu'ils veuillent s'exercer à ex- 
pliquer les caufes de fes erreurs, foit que La foibleffe humaine éprouve 
une forte de farisfaction à trouver en défaut la nature elle-même. 


Tome V, Part. I. 1775. Le 2 


20 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Ün enfant monftrueux, né depuis quelques mois dans la Ville de Lyon, 
m'a paru préfenter, en ce genre, un phénomène digne d'attention. J'en 
dois la connoïffance à M. Flurant, Chirurgien - gradué, de l'Académie 
Royale de Chirurgie, connu par plufeurs Mémoires, qui lui ont mérité 
cetteaflociation;parun: Fraité des Vifcères, publié fous le titre de Splanchno- 
logie raifonnée; & par les fuccès qui l'ont difingué dans toutes les parties 
de la Chirurgie, particuliérement dans les accouchemens. 

M. Flurant fur sppellé, dans le mois de Juin dernier, pour accoucher 
une Dame de cette Ville qui n'étoit grofle que de fept mois. L'enfant 
qu'elle mit au monde parut fouffrant, d’une conftitution foible & d'une 
petitefle fingulière, proportionnément même au terme de fept mois. 
‘M. Flurant, qui avoit vu la mère pendant fa groffefle, ne put s'étonner, 
ni de fon accouchement prématuré, ni de la foiblefle de fon enfant: certe 
Dame avoit éprouvé, dans le cours de fa groflefle, des pertes très-con- 
fidérables, que le repos & les autres moyens connus avoient à peine mo- 
dérées. 

L'état de l'enfant annonçoit donc une mort prochaine; néanmoins 
M. Flurant cru devoir lui donner les fecours d’ufage: mais en y procé- 
dant il fut frappé de la difformité qu'il trouva dans les parties génitales 
de ce petit infortuné. Après fa mort, l'Obfervateur obtint qu'il lui fût 
confié pour en faire l'examen & la diffetion. Il eut la complaifance de 
m'en donner avis & de m’engager à y aflifter. Pour donner aux Obferva- 
tions fuivantes le poids & l'authenticité qui leur font dés, je dois ajouter 
que ce font les Obfervations mêmes de M. Flurant, dont je ne fuis au 
plus que le témoin & le rédacteur. 

A la première infpection, le petit enfant auroit pu pafler pour herma- 
phrodite , fi l'hermaphrodifme, dans l'efpèce humaine, n'étoit pas regardé 
aujourd’hui comme une chimère. L'enfant montroit, en efler, l'apparence 
des deux fexes; mais il éroit né pour préfenter encore une particularité 
plus fingulière. 

La partie mâle paroifloit dominer, & s’annoncoit la première. Un 
pente charnu repréfentoit la verge, foit par le lieu qu'elle occu- 
poit, foit par la forme qu'elle affectoit, cependant elle étoit terminée par 
une pointe moufle, fans apparence de gland ni de prépuce. Au-deflous 
de cet appendice, une petite éminence hémifphérique fembloit indiquer 
le fcrotum; mais en relevant lappendice, on voyoit que l’éminence étoit 
divifée, dans fon milieu, longitudinalement par une légère dépreflion, 
une ligne renfoncée, qu'on peut, en quelque forte , comparer au raphé. Cette 
éminence, ainfi divifée, avoit beaucoup de rapport aux lèvres de la vulve; 
& vers le haut de fa divifion, c’eft-à-dire fous le pli de l’appendice char- 
nu, on voyoit une petite ouverture femblable au méat urinaire, mais fi 
petite, qu'elle admettoit à peine un ftilet aflez fin: cependant il pénétra 
affez avant, poux faire préfumer qu'il aboutifloit dans la veflie, 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 21 


Telle étoit la conformation extérieure qui portoit à foupçonner , comme 
je l'ai dit, une forte d’hermaphrodifme; mais la diflection de toutes ces 
parties diflipa bientôt de trompeufes apparences, jetta de nouveaux doutes 
far le véritable état de l'enfant, & découvrit qu'il n'étoit réellement doué 
d'aucune des parties effentielles qui conftituent lun ou l’autre fexe. 

Avant enlevé la peau qui recouvroit l’'éminence, foupçonnée une efpèce 
de fcrotum, dn ne put y reconnoître qu'un tiflu graiïfleux, d’une confif- 
tance affez ferme, mais aucun veftige de tefticules, & nuls. vaifleaux fper- 
matiques , quelques foins que prit M. Flurant pour les chercher même à 
leur origine, c’eft-à-dire auprès des gros vaiffeaux. 

L'appendice , qui repréfentoit le membre viril, ne parut compofé, dans 
l'intérieur, que d'une chaire inorganifée, & nullement du tiffu fpongieux 
qui forme les corps caverneux; enfin, point de gland, point d'urètre, & 
nulle perforation en cette partie. 

La petite ouverture, comparée ci-deflus au méat urinaire, paroifloit 
effeétivement,deftinée à remplir les mêmes fonctions. Placée, ainfi qu’on 
la dit, au-deflus de la petite éminence hémifphérique, elle aboutifloit 
réellement à la veflie comme l’urètre des femmes: mais on ne trouva au- 
cune trace du vagin, & rien qui püt reflémbler à la matrice; la veffie étoit 
dénuée des veilicules féminales, & collée fur le re&um qui, par furcroit 
de défordre, étoit imperforé à fon extrémité. 

IL fuit de cette dernière obfervation, que l'enfant, étant dans l'impof- 
fibilité de rendre le fuperfu des alimens folides, ne pouvoit vivre hors de 
l'utérus fans fabir une opération. IL eft bon de remarquer que ce vice du 
dernier inteftin accompagnoit un dérangement à-peu-près femblable dans 
les organes de la génération d’un fœtus, obfervé par M. Petit, ( Méëm. 
de l'Acad. des Sciences , année 1716 ). L’Académicien ne trouva , dans Le 
fœtus, aucune marque de parties génitales de l'un ni de. l’autre fexe, fi 
ce neft, dit il, Au-deffus du pubis, une efpèce de fofle, creufe de trois 
lignes, de la largeur d’un écu, & dans laquelle on voyoit une ouverture 
profonde, ayant au-deffous un petit corps peu éminent, qu’il foupçonna 
une verge ou un clitoris mal formé; la fonde ne pouvant pénétrer dans 
l'ouverture que par les côtés,..... le reflum, ajoute l'Obfervateur, étoir 
abfolument fermé à fon extrémité. 

Quoi qu'il en foit de certe dernière difformité, il eft évident qu’elle n’eft 
point une fuite néceflaire des autres monftruoltés , obfervées dans les 
deux fujets dont il s’agit, lefquels ont d’ailleurs les plus grands rapports 
entr'eux. à 

Or, fans ce vice de l’'inteftin, ils euent pu vraifemblablement jouir 
de la vie, & cela fuppofé, il & préfente une queftion très-importante dans 
l'ordre civil; quel fexe eût-on pu afligner à ces deux enfans? Si l’on s’en 
füt rapporté aux apparences vagues du dehors, il n'eft pas douteux qu'on 
feroit tombé dans l'erreur; la difection feule pouvoit la difliper dans 


Tome V, Part. L 1775. 


22 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


lun & l’autre cas, en démontrant une véritable incertitude dans leur 
état. . 

Je ne fais point une fuppofition gratuite, en difant que de pareils 
monftres peuvent vivre, s'ils ont d’ailleurs une bonne conftitution. Je 
pourrois citer un mendiant de vingt-cinq ans environ, que j'ai vu dans 
nos prifons lors de la vilite des Chirurgiens aux rapports, en l'année 
1763 ou 64. M. Flurant fe rappelle aufi d’avoir été l'examiner avec plu- 
fieurs autres habiles Anatomiftes. Cet être inforruné n'étoit doué d'aucune 
efpèce de figne extérieur d'aucun fexe, fans avoir jamais fubi aucune 
opération. Dans le lieu que les parties de la génération occupent natu- 
rellement, on voyoir feulement uñe éminence rougeatre, d'une confiftance 
fpongieufe, dont les pores laïffoient continuellement fuinter l'urine par 
leur communication avec la veflie. 

M. le Chevalier de Jaucourt qui, à l'article hermaphrodite de l'Ency- 
clopédie, a raflemblé, en ce genre, les faits Les plus bizarres & en même 
tems les plus conftans, rapporte, d’après les Mémoires de l'Académie 
des Sciences (Année 1720) une autre Obfervation de M. Petit, fur un 
Soldat mort de fes bleflures à l’âge de 22 ans, qui r’avoit point de tefti- 
cules dans le fcrotum; on les trouva dans le bas-ventre, mais avec une 
efpèce de matrice G& de vagin, & prefque tout l'appareil des parties de la ge- 
nération de la femme. 

Pour fe borner à un fait plus récent, & que la circonftance rend en- 
core plus extraordinaire, dans la même femaine où M. Flurant fit la dif 
fection dont je viens de parler, on amena de la campagne à M. Chol, 
Médecin très-eftimé en cette Ville, & très-digne de foi, un enfant, âgé 
de fix années, dont les parens n'avoient pas ofé décider le fexe. Sur le 
récit de M. Chol, les difformités extérieures de ce fujet éroient abfolument 
les mêmes que celles de l'enfant difféqué par M. Flurant; conféquemment 
il préfertoit les mêmes doutes fur fon état. 

Des Obfervations de cette nature font faites pour infpirer la plus grande 
circonfpection aux Tribunaux qui ont à ftatuer fur les queftions , quel- 
quefois très-importantes, qui fe préfentent en pareilles circonftances. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 23 


MÉMOIRE 


Sur la fécondation des Plantes ; 


Par M. F. de B, 


ds Obfervations de Jungius, Camerarius, Grener, Ray, Morlant, 
Burcart, Geoffroy, Vaillant; celles de MM. de Jufieu, Linné, Bonnet 
& Duhamel, &c. nous ont tellement convaincus des deux féxes dans Les 
plantes, & de la néceflité du concours des étamines & du piftil pour 
a réufite de la multiplication des plantes de le développement de leurs 
graines , que ce {croit une efpèce d’héréfie en Phyfique , ou un enté- 
tement abfurde , que de douter de cette loi qui peut être regardée 
comme prefque général. dans le règne végétal , ainf que dans l’ani- 
mal ; mais n'avons-nous plus rien à defirer fur cette importante matière ? 
S'il exifte des exceptions dans cette loi ; les connoïflons-nous, &c. rc à 

Notre génération a été jufqu'ici un myftère impénétrable , & la Sa- 
gefle divine nous a voilé également la fécondation des plantes : nous 
n'avons que des lueurs, des conjectures ; toujours incertains fi nous 
ne nous égarons pas en cherchant la vérité, héfitane fur le choix des 
moyens qui peuvent nous y conduire, & cependant nous ne pouvons 
efpérer des connoifflances que par des travaux pénibles & des recherches 
fuivies. 

Il nous paroît, ainfi que je l'ai dit, que les végétaux font aflujerris 
aux mêmes loix que les animaux dans leurs réproductions. Nous voyons 
dans les plantes de efpèces mâles qui n’ont que des fleurs à étamines D 
d’autres qui ne portent que des fleurs femelles, c'eft-à-dire, qui ontun 
piftil ; enfin des plantes dont les fleurs hermaphrodites réuniflent les 
deux individus, ou qui portent fur le même pied des fleurs mâles & 
d’autres femelles. 

Dans les quadrupèdes , les femelles ne donnent point de petits fans 
le concours de l’autre fexe : dans les ovipares, la femelle on fans l'ap- 
proche du mâle, mais fes œufs font inféconds. 

Nous ne pouvons pas aflurer fi dans l'œuf, le poulet exifte avant Ja 
fécondation, & par conféquent nous devons être incertains fi la plante 
eft dans la graine avant la fécondation : l’on paroît plus porté à croire 
que la pouflière des étamines, qui eft la matière fécondante des plantes, 
parvient à l'embrion par des canaux très-fins & très-déliés ; que l’on 


Tome V, Part, I, 177$. 


24 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


peut fuivre en examinant avec attention la plupart des piftils implan- 
tés fur cet embrion , & que cette pouflière produit la fécondation ; 
mas cette fécondation elt-elle néceflaire dans toutes les plantes ? N'y 
en auroit-il point qui, comme les pucerons, auroient les parties fexuelles 
cachées , ou qui pourroient fe pañler , pendant plufieurs générations , 
d’être fécondées pour reproduire leurs femblables ? Cette matière pou- 
vant jetter un grand jour fur la Phyfique végétale , & donner des lu- 
mières fur la génération , je me fuis plu à l'étudier : écartant toute idée 
ee , je m'en tiens aux faits , aux Obfervations , & je prends 
pour guide un célèbre Maître, M. Duhamel, qui les a multipliées avant 
moi , fans ofer encore conclure. 

Développons la queftion mieux que je ne l'ai encore fait. | 

Ceux qui font dans l’idée que la plante exifte dans la graine avant 
la A RU , ont confidéré “cette pouflière des étamines comme 
étant un compofé de gaînes , de boëtes , dont chacune contient un 
nombre de graines nageantes dans une liqueur fubrile. Les plantes , 
dans ce fentiment, font dans la pouflière des étamines préexiftantes à 
la fécondation. Ici feulement fe perd l'efprit humain. Comment, en 
fe fervant de la raifon , imaginer le germe de toutes les plantes 
dans un feul germe ? Quel Pre ! Quitrons ce fil propre à nous 
égarer. 

LL nous eft permis de fuivre. cette pouflière fécondante , & de voir le 
chemin qu’elle prend pour opérer. Le ftyle ou le ftigmate qui compofe 
fouvent le piftil & furmonte l'ovaire , fe prêtent de concert avec l'ovaire 


À l'intromiflion de cette pou pour la recevoir. Je vois cet äccord, 


lorfque j'examine avec foin le lys & la tulipe , l'épine - vinette , &c. 
dans le tems de la fécondation (1), le mouvement de parties fexuelles 
femble annoncer un confentement naturel , qui ne feroit pas plus vif 
s'il étoit conduit par l'amour , ou excité par le defir naturel de pro- 
créer fon femblable. 

Puis-je douter de l'influence de la pouflière des étamines fur le 
germe , quand je confidère les variétés & les monftruofités dans les 
‘ plantes qui , dans ces dernières, font nées du concours de deux indi- 
vidus d’efpèces différentes , & qui , dans les animaux , portent le nom 
de mulet. Voyez la Phyfique des Arbres, Liv. 3, Chap. 3, Art. 2. 

Je fuis aifément dans plufieurs plantes la pouflière des étamines , & 
je vois le chemin qu'elle parcourt jufqu'à l'embrion qu’elle féconde. 
Des Phyficiens., convaincus de leur néceflité pour la fécondation , fe 
font peut-être trop preflés d'établir leur fyftème , tandis qu'il auroit été 


(x) Voyez Sponfaulis Plantarum Linnæi, 6. 25, & Mém. fur la fécondation des 
Plantes de Gédirfch; Recueil de l’Académie de Pruffe , année 1767, 


plus 


SP 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 2$ 

lus utile d'étudier & de décrire La ftructure & l’organifation des parties 

Exvdle des plantes, qui fe refufent fouvent à l'examen mème , aidé 

du microfcope le plus parfait , quoique de cette organifation dépen- 

dent les fecrétions qui concourent à la réproduétion de La plante & à 
fa génération. 

M. de Jufieu ayant jetté de la pouflière des étamines fur de l’eau, 
& l'ayant placée au foyer d'un microfcope, a vu des grains s'ouvrir 
& répandre une liqueur grafle qui flotte fur l'eau fans fe mêler avec 
elle. 

M. Adanfon, Famille des Plantes, tome premier, page 121, voit 
l'ovaire, fon ftyle & fon ftigmate, percés d'un bout à l'autre, & 
croit que la moindre parcelle de cette pouflière , répandue fur le 
ftigmate , fuffit pour féconder la graine; mais vraifemblablement il 
nimagine pas que cette fécondation fe faffe ainfi dans toutes les plan- 
es, car dans certaines, M. Adanfon croit que le ftyle n’eft pas percé. 
Ce même Naturalifte, guidé par fon génie philofophique, analyfe la 
pouflière des étamines & détermine la partie de cette pouflière qui 
opère la fécondation. Il fépare du mixte une vapeur huileufe qui fe 
mêle facilement avec la liqueur (fans doute fpiritueufe ) qui humecte 
le ftigmate du piftil. Cette vapeur, fuivant M. Adanfon , aulli aimée, 
aufi prompte que celle qu enveloppe les corps électriques , s'infinue 
dans les trachées , defcend au placenta , pafle aux cordons ombilicaux 
où elle donne la vie végétale à l'embrion. 

Gleditfch croit qu'il y a dans Les plantes comme dans les animaux, 
deux principes fécondans , l'un qui dépend des étamines , l'autre qui 
réfide dans le piftil M. de Haller n'admet pas ces deux principes , 
& fait rélider feulement la vertu prolifique dans Le mâle. Il croit qu'il 
en eft du végétal comme de l'animal. Suivant ce Phyficien , l'iritabi- 
lité eft le principe qui conftitue l'animal, & qui donne la vie. La 
pouflière des étamines, en excitant Lirritabilité & limpulfion des li- 
queurs dans le corps organique , produit dans le végétal les mêmes 
effets que la liqueur fpermatique dans le genre animal. Suivant M. Bon- 
net, ce fluide féminal, qui opère la fécondation, ne tend qu'à procu- 
rer l'évolution de ce qui étroit formé auparavant. : 

Ne femble-t-il pas, en lifant l'opinion de la plupart des Phyfi- 
ciens qui ont écrit fur cette matière , Fa chacun, attaché à fon avis, 
s'eft flatté d’avoir deviné le fecret de la Nature ? Ecartons toutes 
décifons , raffemblons des Obfervations , & laiflons à la poftérité 
à tirer des conféquences. 

Je répète que dans les végétaux nous voyons (& c'eft le plus géné- 
ral) des plantes dont les fleurs font hermaphrodites ; d’autres qui ont, 
fur des individus féparés , des fleurs males & des fleurs femelles ; d’aus 


Tome F, Part. I. 1775. 


26 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


tres qui, fur le même individu, ont des fleurs mâles & des fleurs 
femelles, mais {éparées. 

J'ai fouvent obiervé dans les plant?s qui ont des fleurs mâles & des 
fleurs femelles fur des individus féparés , que l'individu femelle n’a point 
donné de fruit lorfqu'il n'a point été fécondé par l'individu mâle. 
Dans plufiurs efpèces d'érables , dont les fleurs, quoique hermaphro- 
dites, ont des étamines infécondes ; j'ai vu des fruits à l'extérieur bien 
conformés, mais dont chaque caplule étoit vuide de graine, & ne 
cortenoit point d'amande ou coryledon; c’eft donc dans les végétaux la 
loi la plus géré:ale. Mais ne fouffre-t-elle pas quelques exceptions ? 
Ne peut-on pas croire que dans les plantes il y en a qui, comme 
dans les ovipares, donnent des graines fans le concours du mâle, & 
ces graines pourroient être infécondes comme dans de pareils œufs de 
poule non-fécondés par ie coq? Enfin, répugne-t-il de penfer qu'il y 
a dans le végétal, comme dans les pucerons , des plantes qui ont les 
parties fexuelles cachées, ou qui fe reproduife:t pendant plufieurs gé- 
nérations fans Le fecours du mêlange de femence prolifique ? 

Les Mémoires de l'Académie rapportent des faits fans nombre , 
qui prouvent la néceflité de la poufhière fécondante fur le piftil pour 
qu'il fe change en fruit ; nous y voyons des palmiers femelles fécon- 
dés par des mâles placés à des diftances confidérables de ceux-ci. 

Au Jardin du Roi l'on a la preuve d’un térébinthe femelle qui n’a 
donné du fruit que lorfqu'il a été fécondé avec des branches de l'efpèce 
male , attachées aux fleurs de cet individu femelle. 

J'ai vu des plantes qui ayant des individus mâles & femelles fur des 
pieds difféens, n’ont jamais donné de fruits tant que ces individus 
ont été féparés. D’autres qui, avec des fleurs, paroifloient hermaphro- 
dites, les étamines n'étant pas garnies de poullière fécondante , n’ont 
point donné de fruit ; dans ces cas, le fruit s’eft defléché, eft tombé 
prefqu'au moment où il eft forti de fon bouton, où les fruits ne con- 
tenojent point les lobes & le germe qui conftituent la graine, & j'ai 
cité plus haut des Obfervations de ce genre. 

La plupart des plantes ont donc befoin, je le répète encore, du 
corcou s des deux individus poge leur muitiplication. La Providence 
a tellement aflujetti les vé-étæwx à cetre loi, qu'elle s'y eft confor- 
mée dans l'arrangement fubféquent de ces mêmes êtres. Je crois avoir 
obfervé que dans les végétaux , un mâle pouvant féconder un grand 
nombre 4 pieds femelles, & dans les plantes les pieds femelles étant 
les feuls qui profitent au cultivateur, la Providence multiplie davan- 
tage dans les plantes qui ont des individus féparés, les pieds femelles 
que les males. Une autre Obfervation qui a encore rapport aux ar- 
bres qui portent fur des pieds différens des fleurs males & des fleurs 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 27 


femelles, c'eft que fouvent l'individu femelle fe multiplie aifémènt par 
des drageons enracinés , tandis que cette faculté eft retufée à l'individu 
male. Par exemple, le Zantoxilum , LiNN. &c. 

Quoique cette manière de fe multiplier par les graines paroiffe celle 
qui eft la plus commune dans le genre végétal, gardons-nous de tirer 
des conféquences générales. On court moins de tifque , je l'avoue, 
d'étudier l’'Hiftoire Naturelle en fuivant une route tracée par l’analogie. 
IL eft permis d'augurer d’un fait, par ce qui fe pafle dans un autre indi- 
vidu analogue à celui que nous examinons : mais fi nous concluons fans 
un mûr examen, il peut arriver que notre méprife devienne d'autant plus 
dangereufe que nous croirons avoir des raifons pour y perlifter plus 
de tems, & que nous ne nous méfierions pas d’avoir porté un jugement 
trop précipité. 

On a élevé, ily a plufieürs années, au Jardin du Roi, un feuf pied 
de houblon femelle ; ce pied cependant a donné des fruits féconds : 
Ton a expliqué ce fait en difant que Le vent avoit apporté la pouflière 
d'un pied de houblon mâle, & les perquifitions les plus exactes n'ont 
trouvé des pieds de ce genre que dans les Ifles de la Marne, éloignées 
de qe d'une lieue de ce pied femelle , qui avoit donné des fruits & 
de bonnes graines. 

Je répondrois à ceux qui fe contentent de cette explication , qu'il 
eft arrivé fouvent que dans le même parc, des pieds mâles étant 
féparés de plufeurs toifes des pieds femelles , ces derniers ne don- 
noient point de fruits , tandis qu'un pied femelle du même arbrifleau , 
étant He le Jardin proche un pied mâle, fe trouvoit tous les ans 
couvert de fruits. Ceci prouve bien la néceflité du concours des 
deux individus pour la produétion du fruit ; mais ne femble-t-il pas 
donner à croire que le vent n'apporte pas fi aifément la pouflière fé- 
condante ? 

L'on a répété l'expérience des plantes hermaphrodites , fur lefquelles 
lon coupoit toutes les fleurs à étamines , ou les étamines de la fleur 
hermaphrodite, avant que les anthères fe fuffent ouvertes; & pour lors 
les femences contenues dans l'ovaire fe font defléchées fans rien pro- 
duire. Mais en coupant d’une plante d’autres parties qui ne feroient pas 
celles de la génération, il fe pourroit que l’on fit du tort à la plante, 
& par conféquent à la perfection de fon fruit ; & dans ce cas, il fe 
faneroit , fe détooit: de même en privant les étamines des fleurs 
ne leur ôteroit-on pas des parties effentielles, quand même elles ne le 
feroient pas à la génération ? 

J'ai donc cru plus fatisfaifant de répéter l'expérience fur des plantes 
qui portent des fleurs mâles & des fleurs femelles fur des pieds féparés, 
en refufant aux pieds femelles le principe fécondant qui dépend de 


Tome W, Part. I. 1775. D 2 


»8 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


l'individu mâle. J'ai choifi pour cette expérience , la plante annuelle, 
connue fous la phrafe de Cannabis fativa , C. B. P. 

La plante a été femée , à Paris, dans un lieu éloigné d’autres plantes 
de cette efpèce : le pot qui la contenoit, étoit placé fur une croifée 
d'un rez-de-chauflée , dans une embrafure formée de pierres de tailles, 
& par conféquent d’une certaine épaifleur. L'on n'a mis en terre qu'une 
feule graine de chenevis : la première année il n'eft venu qu'un pied 
mâle que j'appelle ainfi, parce qu'il n’avoit que des étamines ; il n’en 
eft réfulté aucune nouvelle connciilance dans la partie qui formoit mes 
defirs. La feconde année on fema , dans le même pot, un grain de 
chenevis, & il a produit un pied femelle , ayant des fleurs à piftil. 

L'on va voir pourquoi je ne femai qu'un feul grain à la fois : nous 
fommes fi peu aflurés L tous les moyens donnés aux végétaux pour leur 
multiplication , que je defirois éviter l'approche d’un jeune pied d’un 
autre genre , à coté de celui que j'avois mis à l'épreuve même dans le 
premier moment de leur poule. : 

Dès que le pied de chanvre seft déclaré pour devoir porter des 
fleurs femelles (1) , j'ai fait le plus fcrupuleux examen pour n''aflurer 
fi, dans les fleurs, il ne s’en trouvoit pas une ayant quelques étamines, 
& je n'y en ai point vu ; j'ai prié des yeux accoutumés à bien obfer- 
ver, de m'aider à la même recherche : le pied foumis à l’expérience , 
étoit, comme je l'ai dit, placé fur une fenêtre au milieu de Paris , & à 
l'abri , autant qu'il étoit poflble , fans le couvrir ou l’enfermer ; d'être 
fécondé par la poufière d’une plante du même genre & d'un autre 
individu. 

La plante a crû à merveilles ; elle a donné beaucoup de graines, 
& d'une groffeur ordinaire ; l'amande en étoit bien nourrie & fe fé- 
paroit en deux lobes. 

J'ai foumis à l'examen plufieurs de ces graines en les dépouillant 
de leur enveloppe, PL E, fig. 4 [2]; & au milieu de deux lobes, je 
fuivois aifément le germe bien préparé [b], fig. 5. 

Jufques-là je comparois ma plante pour les moyens de fe repro— 
duire, aux animaux ovipares , qui pondent fans l'approche du mâle, 
mais qui ne donnent que des œufs inféconds. Dans l'œuf, rien n’an- 
nonce à l'œil l'effet de la fécondation : car M. Haller nous a démontré 
que ces filers, que le public regarde comme le germe , ne font que 
les attaches ; & le jaune, non la matière nourricière, mais l’inteftin 
même du poulet. ( Voyez Corps organifés de M. Bonnet, Tom. I, 
Chap. 9 ). À la vérité, dans mon grain de chenevis, je voyois Le 


(1) Dodonée à diftingué ainf cette efpèce, Crrnabis fæcunda, 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 29 


germe qui eft le principe d’une nouvelle plante ; la loupe me confirmoïir 
encore dans cet examen. 

J'ai femé fur couches ces mèmes graines fraîches récoltées ; elles y 
ont'germé & levé ‘en très-peu de jours, fans qu'une feule graîne ait 
manqué : j'ai mis auffi plufieurs de ces mêmes graines dans une éponge 
mouitlée , fur ma cheminée; le germe s'y eft développé , & la radi- 
cule [c), fig. 6, a paru, tandis que la plume s'élevoit au milieu des 
deux cotyledons où feuilles féminales [dd], fig. 7, pour former la 
plante [ee], fig. 8 & 9. Je conferve de ces graines pour les femer au 
printems prochain , & pour m'aflurer s'il y auroit quelque différence 
qui püt les diftinguer des graines de chanvre , fécondées par des plantes 
males qui entourent ordinairement les pieds femelles ; mais jufqu’ici je 
n'y ai rjen découvert de particulier. 

Dira-t-on, comme dans l'expérience du pied de houblon cultivé au 
Jardin Royal, que le vent a apporté de fort loin la pouffière des éta- 
mines d’un pied mâle ? J'ai déja avoué que , ne voulant pas puire à 
la plante, je ne l'ai point couverte de voile ni d’un bocal ; & que fur 
une fenêtre éloignée de pareilles plantes, je la regardois à l'abri de cette 
efpèce de fécondation. 

Mais fi le vent favorable a été contre la fécurité où je croyois pou- 
voir être, comment cela a-t-il réufli au point que toutes les graines 
de ce pied de chanvre ont été fécondées par cette pouflière apportée de 
loin , à l’aide d'un vent favorable & d’un hafard ? 

Je me propofe de répéter cette expérience en femant un orain de 
chenevis dans une ferre ou une orangerie fermée, où cependant cette 
poufhère fécondante , fi elle. s'infinue à travers Les plus petires fentes , 
ne mettra pas encore ma jeune plante à l'abri d'être foupçonnée de 
quelque féduétion. 

Cette expérience étant entièrement contraire aux vrais principes que 
cout bon Phyficien doit avoir fur la multiplication des végétaux par 
graines , j'écois tenté de différer de la communiquer au public, j2fqu'à 
ce que je la répétafle de façon à ne pouvoir pas douter , fi ma plante n’an- 
zoit pas été fécondée par la pouflière d’un chanvre mâle qu'auroit apporté 
le vent : mais j'ai cru qu'il pourroit en réfulter un plus grand avan- 
tage, en engageant les cultivateurs & les Phyficiens à s’en aflurer avec 
moi par de nouvelles expériences ; & c’eft dans cette feule vue que je 
donne au public ce que j'ai obfervé , en préférant le Journal de 
Phyfique & d'Hiftoire naturelle, qui le fera connoître plus promp- 
tement. 

Je préviens encore qu raine ‘dont j'ai parlé, a été femée la 
(cat année dans le mê ot où avoit germé le pied de chanvre 
male l'année d’auparavant, & que je me propofe de m'aflurer fi la 


Tome F, Part, I. 177$. 


30 OBSERFATIONS SUR LA PHYSIQUE, 

ouflière des éramines perd de fa vertu prolifique d'une année à l’autre; 
enfin fi cette pouflière ne réafliroit pas À féconder une plante femelle 
en l'infinuant dans celle-ci par la voie des racines, qui la pompant , 
porteroient cette pouilière à l'embrion , & parviendroient ainfi à pro- 
duire le développement du germe. 

J'efpère que, d'après ces obfervations, on aura une conviction plus 
parfaite & des connoiffances exactes fur la multiplication des plantes 
par Les graines : celle - ci engagera peut - être à ne pas généralifer les 
conféquences en matière de Phyfique, & je prie que lon fe rappelle 
que mon but, en la donnant au public , eft feulement d'engager à ne 
pas abandonner cette partie phyfique des plantes prefque neuve, & qui 
mérite d'être éclaircie. 

En étudiant la génération des plantes & leurs parties fexuelles , ne 
feroitil pas poffible de s’aflurer fi les efpèces différentes ne proviennent 
pas ie de la femelle que du mâle, puifque la femelle eft chargée 
du développement de la plante ou de l'animal ? 

Ne pourroit-on pas efpérer , en examinant les plantes & la pofition 
qu'occupent les graines fur un pied, voir celles qui leur font refpec- 
tives; & après avoir femé ces graines, obferver celles qui produiroient 
des pieds males & des pieds femelles ? Peut-être les graines des pieds 
mâles confervent- elles toujours une même pofition aile plante qui 
les fournit , & les femelles une autre pofition conftante ; je defirerois 
m'occuper entièrement de cet objet , auquel cependant des travaux 
d'un genre tout-à-fait différent, ne me donnent pas le tems de me 
livrer. 


O BIS EURNY AM O0 NS 
Sur les Afphyxies , ou Morts apparentes 6 fubites (1). 


L'érascissemenr formé par la ville de Paris, en faveur des 
noyés , & fagement imité par plufeurs villes de Provinces , a donné 
lieu à cette inftruction, & à la nouvelle Boëte fumignroire qui y eft 


(x) Ces Obfervations font extraites d'un Ouvrage intulé: Avis au Peuple fur 
Les Afphyxies, ou Morts apparentes & fxbires, contenant les moyens de les pré- 
venir & d’y remédier, avec la defcription d’une nouvelle Boëte fumigatoire portative , 
«publiés par ordre du Gouvernement par M. JD. Gardane, Docteur - Ro de 
la Faculté de Médecine de Paris, 1 volume À Paris, chez Ruaulr, Libraire, 
rue de la Harpe. On s’adreffera à ce Libräfe, qui fera parvenir dans tout le 
Royaume la Boëte & le Livre, francs de port, au prix de 12 liv. Quoique nous 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 31 
décrite. Des perfonnes noyées dans des puits des Fauxbourgs de cette 
Capitale , navoient pu être fecourues à temps , à caufe de l'éloigne- 
ment de la Boëte-entrepôt très-volumineufe , & qu'on ne trouve que 
däns les feuls Corps-de-Garde de la rivière de Seine. D’autres frap- 
pées d'un genre différent de mort apparente, ont fouvent péri par 
l'ufage imprudent des moyens meurtriers que le peuple emploie en 
pareil cas, & faute de ce nouveau fecours : il importe donc de pré- 
venir cet inconvénient & ces malheurs, en faifant connoître au pu- 
blic la nouvelle Boëre , & en en rendant l’acquifition & l'ufage plus 
‘faciles par la fimplicité de fon méchanifme & par la modicité de 
fon prix. \ 

Comme ce fecours nef pas le feul qu'on puiflé adminiftrer dans 
les diverfes morts apparentes, il devenoit également néceffaire de l'ac- 
compagner d'une inftruction qui réunît fous un feul point de vue tous 
les moyens connus de rendre à la vie ceux qui paroîtroient l'avoir per- 
due , afin d’en faciliter ladminiftration aux perfonnes étrangères à 
l'art de guérir en l’abfence des Médecins & des Chirurgiens ; c’eft ce 
que M. Gardane , Médecin vraiment citoyen , a fait dans cet Ouvrage, 
fous {es aufpices de M. Lenoir, Licutenant Général de Police ; c’eft 
par fon ordre que cette inftruétion a été publiée : ce Magitrat a voulu 
que chaque Commiflaire de Paris füt pourvû d’une nouvelle Boëte, 
afin que les malheureux citoyens attaqués de mort apparente & fubite, 
fuffent plus promptement fecourus. 

L'hiftoire du Cuifinier de Nancy fuffoqué par la vapeur du charbon, 
& refluicité par l'afperfion de Feau fraîche , avoit donné la première 
idée de cet établiffement à M. de Sartine , Magiftrat jufte & éclairé , 
que fon mérite & fes vertus ont placé depuis au Miniftère de la Ma- 
rine ; mais il ne s'agifloit alors que de publier cette obfervation dans 
des Ouvrages périodiques , & f{ur-tout Le la Gazette de Santé, & 
d'en envoyer un exemplaire imprimé à MM. les Commiffaires. La 
nouvelle Boëte fumigatoire imaginée par M. Gardane , ayant donné 
à ce projet une exterfon plus utile, a fixé les vues patrioriques de 
M. Lenoir ; & cette attention de fa part pour des fecours populaires, 
prouve combien ce Magiftrat étoit digne de remplacer fon illuftre 
prédéceffeur. 


m’ayons pas coutume de donner de pareils extraits , nous paflerons pour cette fois 
au-deflus de la loi qu’on avoit voulu nous impofer. Le bien de l'humanité l'exige, 
& il eft des faits. des vérités, qu’on devroit publier fur les toits. Si ce Journal ne 
devoit être lu que par des Médecins, ou par des gens de Part, l'extrait feroit trop 
long (quoiqu'il contieone fürement quelques principes nouveaux pour plufieurs) ; 
mais quelle fatisfaétion pour nous, fl ce que nous rapportons contribue à fauver 
la vie à un (eul afphyxique ! 


Tome F, Part. 1. 177$. 


32 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 

Cet Ouvrage ne préfente aucune théorie , aucun, fyftème , aucune 
hypothèfe : l’'Auteur eft defcendu , pour ainfi dire, parmi le peuple; 
il converfe avec lui , & fe met à fa portés: dans l'expofition des fe- 
cours qui lui font confiés : il exige que le corps des afphyxiques ne 
{cit enterré que lorfqu'il commence à donner de fignes de putréfac- 
tion. Cette infection commençante , n'eft pas aufli à redouter que 
celle qu'exhalent les cadavres des perfonnes mortes de maladie : d’ail- 
leurs, il défapprouve avec raifon l’expofition de plufieurs afphyxiques 
dans le même lieu, ce qui augmente la crainte & le danger de l'in- 
fection (x). à 

La vie de ceux qui paroiffent tout-à-coup morts fans maladie préexif- 
tante , & dont le corps ne donne aucun figne de putréfaétion , n'eft 
fouvent que fufpendue : cet état demande des précautions à prendre en 
adminiftrant les fecours. 

Lorfque quelqu'un tombe d’afphyxie dans un endroit renfermé , on 
ne doit s'y tranfporter que lorfque l'air en a été renouvellé ; cependant 
il convient de retirer promptement (autant que faire fe peut) avec des 
fourches , des crochets attachés à de longs bâtons, les afphyxiques : 


—— 


a ——_—_—__————— 


(x) L’Auteur faifit cette occafon pour attaquer un abus qui eft un germe & un 
levain perpétuel d’infe@ion dans cette Capital: ; c’eft la Morgue de Paris. La Mor- 
gue eft un endroit fitué dans l'enceinte du Grand-Chätelet, où les corps morts, 
dont la Juftice fe faifit, font expofés à la vue du Public, afin qu’on puiffe les recon- 
noître. Ce réduit étroit, humide, € prefque fans air & fans jour, loin de faciliter 
le retour à la vie, accéléreroir plutôt la véritable mort des afphyxiques. 11 eft d’ail- 
leurs difficile d'y reconnoître les cadavres, de manière qu'on ne peut retirer aucun 
avantage de cet établiffement : mais en revanche, il s’en exhale prefque toujours une 
infection qui, dans ce cas, juflifie d’autant plus la crainte de la contagion, que la 
curiofité y attire beaucoup de monde, & que les curieux ne pouvant fe préfenter 
que l’un après l’autre à une petite fenêtre, font forcés, pour mieux voir, d’appli- 
se leur vifage contre cette ouverture, & de refpirer l'air infcé&t de cette efpèce 

e grotte. Cet air eft d'autant plus dangereux, qu'il eft peu renouvellé par l’atmof- 
phère extérieure, bornée & chargée de vapeurs arimales, & par la foule de per- 
fonnes qui fe preffent les unes contre les autres en attendant de pouvoir fatisfaire 
leur curiofne. 

On remédieroit à cet inconvénient, dit M. Gardane, en tranfportant la Morgue 
dans l’encoignure que fai: le Quai de la Féraille avec les dernières maifons du Pont- 
au-Change, vis-à-vis la porte du Grand-Clareler; celles qu'on a détruites dans cet 
endroit, laiflent une efpèce de plate-forme triangulaire, entiérement féparée de la 
largeur du Quai, Il ne s’agiroit que de couvrir cet efpace d’un voit, foutenu d’un 
côté par des piliers, & de l’autre appuyé fur les murs des maifons, & de l’entou- 
rer d’une grille. La fentinelle qui veille à la graade porte du Châtelet, garderoit 
également ce dépôt qu'elle auroit en face; les paffans auroient la facilité de voir 
fans s’arrêter : ce lieu, ouvert de toutes parts, ne feroit plus chargé d’exhalaifons 
putrides; & fi l’on y dépofoit le corps d’un afphyxique, fa mort véritable n’en 
{croit point accélérée, 

on 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 33 


on enfonce en même tems les portes , les fenêtres des lieux fermés ; 
on brüle dans les environs du genièvre , du thym, du romarin, du 
pue , du foin, & même de la pie , & on place au plutôt la per- 
onne attaquée dans un air plus libre & plus pur. 

On aura les mêmes précautions pour les perfonnes Faprés de mort 
fubite en plein air par des mofettes : il et dangereux d'approcher de 
trop près de la perfonne fuffoquée , dans le cas que la mofette foir 
locale. Si on eft privé de tous ies fecours accefloires dont nous venons 
de parler , il faut fe dévouer avec prudence à celui du fufloqué , faire 
Aie uné double corde au-deffous de fes aïflelles, & ne pas s'y ex- 
pe fans avoir quelqu'un derrière foi qui tienne eette corde par l'autre. 

out , afin que Î lon étoit maîheureufement furpris par la vapeur 
mofétique , on püt en être aifément retiré. 

Quand on aura placé Les afphyxiques dans un air libre & pur, on 
les déshabillera ; on leur frottera le’ nez , les yeux, les tempes avec 
du fort vinaigre , de leau , du vin, ou avec la première liqueur 
fpiritueufe qui tombe fous la main : les liens qui peuvent gêner, fe- 
ront rompus dans l'inftant fans en exçepter aucun ; en un mot, il faur 
éloigner tout ce qui pourroit gèner ou intercepter Le cours de la cir- 
culation. - 

L'ufage de fufpendre Les fuffoqués , foi par les pieds ou autrement, 
eft barbare & meurtrier ; il eft également dangereux de les rouler 
dans des tonneaux ou fur des tonneaux, ou bien de les trop agiter & 
de les tenir couchés fur le dos & la tête baffle. Les afphyxiques doi- 
vent être couchés fur le côté & la tête un peu relevée , agités douce- 
ment , fans même les foulever par les bras ; ne leur verfer aucun liquide 
dans la bouche avant que la refpiration & la déglutition foient réta- 
blies , & encore faut-il ne leur faire avaler que par petites portions , & 
pour ainfi dire goutte à goutte. 

Quoique les caufes de l'afphyxie ou morts apparentes & fubites , 
foient multipliées, & qu’elles diffèrent entrelles, cependant l’état des 
malheureux qui en font les vitimes, eft prefque toujours le même 

ar-tout. Dans tous les cas , la refpiration, fufpendue par le défaut 
d'air libre & pur qu’on fait être abfolument néceffaire à cette première 
fonction de la vie, tient tous les mufcles dans une contraétion fpaf- 
modique ; les mouvemens du corps font interrompus ; les vaifleaux 
fanguins du cerveau, qui ne peuvent plus fe décharger dans ceux de la 
poitrine , mettent la première Ne dans un état violent d’engor- 
Fa & d'opplétion ; les glandes falivaires expriment une bave qui 
ort par la bouche & par le nez, & fi l'on ne connoifloit pas la caufe 
de l’afphyxie , il feroit plus d’une fois difficile de la diftinguer à l'af- 
peét de celui qui en eft es S 
Tome VW, Part. I. 1775. E 


34 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 

‘On peut réduire toutes les caufes d’afphyxie à huit principales. 

: 3°. L'immerfion dans l'eau ou dans quelqu’autre fluide, Dans ce cos” 
le: noyé fera tranfporté auffi-tôt dans l'endroit le plus fec polfib'e, 
déshabillé, frotté avec de la flanelle , du linge , même avec de la 

aille où du foin, fi on ne trouve pas autre chofe fous fa maïn. ILcit 
à propos de tremper les anelles ou les linges dans de leau-de-vie ou 
fimple , ou camphrée , & s’en fervir devant un feu modéré ; le remède 
en fera plus énergique. S'il eft impoffible de fe procurer fur le champ 
ces fecours , on y fuppléera par de fortes broffes , & même par celles 
dont on fe feit dans les écuries. On peut encore tranfporter le noyé 
dans'une étable, dans une écurie, couvrir fon corps de fmier chaud, 
de fable chaud, 8 même le frotter avec de la glace pilée ou de la 
neige , à peu près comine on réchauffe fes mains en hiver, en les fiot- 
tant de-certe manière. Après ces premiers fecours, on couche le noyé 
fur un de fs côtés, la tère un peu foulevée, on lui fouffle de l'air 
dans le nez avec le tuyau A , fig. 1, pl HT, où avec tel autte inftru- 
ment fmbleble, cornme tuyau de pipe, &c. & pendant qu'on fouffle 
dans une naine, on psefle l’autre avec le doigt, afin que l'air foufflé 
ne revienne pas. Si les narines font bouchées par l'écame , on fouf- 
flera l'ait par la bouche. Un moyen plus prompt & plus sûr, frcit 
de foufler direttement avec la bouche dans celle du noyé, en collant 
fes lèvres fur les fiennes. 

L'adminiftration de ces premiers moyens donne Îe tems de mon- 
tér la pipe (1) & de l'allumer. Aufi-rôt qu'elle left , on introduit La 
cäaule B dans le fondement du noyé, puis on y adapte le bour € 
du tuyau flexible D, & lon commence à fouffler dans la pipe par le 
fécond tuyau E , placé à l’autre extrémité de cette pipe. On conti- 
nue de fouffler de cette-manière , jufqu'à ce que le tabac foit entié- 
rement. brûlé , pour en remettre tout de fuice de nouveau, & lon 
ne cefle d'introduire la fumé dans les boyaux du noyé, que juf- 
q“au moment où il donne des fignes de ‘vie certains & permanens. 
St on na pas la pipe dont nous parlons ‘on y fuppléera par deux 
pipés ordinaires , dont on appliquera les fourneaux un fur l’autre. 
Pendant tout ce tems, on ne cefle d'agiter doucement & en tous fens 
lé corps du noyé, fans jamais le laiffer repofèr fur le dos, & en lui 
tenant toujours La tête élevée ; on lui frappe dans les mains, fous la 
plante des pieds, avec des baguettes ; on lui chatouille le dedans du 
nez & de la gorge avec une barbe de plume, ou avec un morceau 
de papier roulé , & sil fe peut, trempé dans la liqueur péné- 
trante , telle que celle du flacon F, pl. LIT ; ou bien on lui fouffie 


(x) Voyez la figure 1, planche IT. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3$ 


du tabac en poudre dans les narines ; enfin; on y eh introduit là 
fumée. 
Au moment où le noyé donne des fignes de vie, & que la ref: 
iration & la déglutition commencent à fe rétablir , on lui Due peus 
a-peu quelques gouttes d'eau-de - vie camphrée ; impréynée avec le 
{el volatil ammoniac ; renferrré dans le même flacon B, où du fe 
volatil ammoniac tout pur, ou de l’eau de Luce , ou de l'eau des 
Carmes , enfin de la première eau fpiritueufe que l'on peut avoit ; 
ayant foin de les délayer LES une chillerée à café d’eau commtne 
Si ce liquide pafle, on lui fait avaler une cuillerée à café de cés eaux 
fpiritueufes , & l'on continue la même potion d'heure en heure à la 
même dofe. ! 
On s'eft quelquefois bien trouvé d’envelopper le corps des noyés 
de la peau d’un mouton ou d’autres quadrupèdes nouvellement étot- 
chés. On confeille encore les bains chauds, les lits de cendres, les &ic: 
tions avec le {:l de cuifine, faites p'incipalement fur les aines , en 
defcendant vers la partie interne de la cuiffe le long des artères cru: 
rales ; l'application d’un pain cuit avec l’eau-de- vie où d’une rôtie 
au vin & au fucre au-deflous de la mamelle &:.fur fe creux de 
l'eftomac ; la piquure des épingles, des otties , les lavemiens préparés 
avec la décpction du tabac & le fel de cuiline, La fsipnée ,: l'éiné: 
tique , la bronchotomie ou l'ouverture de la trachée artère, ne doi- 
vent être adminiftrés que par les gens de Faït. On ne doïÿr pas con- 
clure qu'il faille, pour rappeler les fubmergés À la vie , mettre en 
ufage tout-à-la-fois Les fecours dont on, vient de parler ; ©’eft feule- 
mentpour les faire connoître & les indiquer ; afin qu'on s’en ferve fuivant 
les circonftances. : Ua 
2°. Il exifte une autre caufe de mort apparente, c'eft le grand froid. 
Son premier effet eft d’étourdir la tête & d’engourdir les fens ; la 
flupeur qui s'enfuit, amène par degrés l’afphyxie. Le froid, lorfqu’il eft 
à un certain degré , procure un fommeil dont on court rifque de ne 
pas fe réveiller. Cer avis eft de la dernière importance. Il eft même 
dit dans les Mémoires de l'Académie de Berlin, pag. 86, année 1746, 
que quiconque effayeroit de dormir ici (à Berlin) en plein air, entre 
6 & 10 degrés au-deflous de O, en feroit infailliblement la viétime ÿ. 
ke: feul remède préfervatif contre cet afloupiflement féducteur , eft 
ation , le mouvement. : 
Si la perfonne furprife par le froid fe trouve dans un lieu profond, 
on aura foin, fi l’on eft en fueur, de ne pas. y -pénétrer -avec-préci- 
pitation : il faut y arriver par gradation , afin _. n'être pas tout-à- 
coup faifr par: le froid ; on fe fexvira de crochets pour l'en retirér. 
La perfonne furprife par le froïd' ne fera pôint approchée ffitemehe 
Tome VF} Part. L 1775. E 2 


36 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


du feu; fon corps fera frotté avec de la glace pilée , ou avec de 
la neige , ou avec des linges trempés dans l'eau froide, ou plongés 
dans l'eau. On peut joindre à ces moyens ceux dont on a parlé dans 
le N°. 7. 

3°. La troifième caufe des morts apparentes dépend des mofettes , 
de la vapeur du charbon de bois, de la braife , de la tourbe , du char- 
bon de terre , & des autres minéraux dans leurs mines ; de celle de 
tous les liquides en fermentation ; de la fumée , de la flamme, de 
quelque matière combuitible qe ce foit ; de l'air des endroits long- 
tems renfermés, ou des lieux fortement échauffés ; de l’éclair du ton- 
nerre ; des coups de foleil ; de la chaleur exceflive de l'athmofphere ; 
des odeurs fortes, pénétrantes, affoupiffantes , &c. 

On ne fauroit trop fe précautionner contre ces vapeurs , fur-rout 
contre celle du charbon. L’ufage du ventilateur devient indifpenfable, 

uand on en brûle dans les appartemens , & pour les bains à cylindre : 
il doivent être furmontés d’un tuyau qui conduife directementila va-- 

eur à l'extérieur de la maiïfon (1), & non dans le tuyau de la 
cheminée , de crainte que le poids de l’athmofphère ne fafle refluer 
dans l'appartement ou dans les chambres voifines cette funefte vapeur; 
ce qui elt arrivé aux afphyxiques du magafñn de Modes, rue Sainc- 
Honoré (2). 

Une autre précaution eflentielle , eft de ne jamais s'enfermer dans 
une voiture , fur-tout après avoir mangé , fans en tenir une glace à 
demi baiflée , principalement en hiver , & plus encore quand on eft 
dans l'habitude d'y avoir des cylindres , des boules ou des bougies al- 
lumées : dans tous ces cas, la vapeur animale & la chaleur entêtent, 
affoupiffent & conduifent à l’afphyxie. 

Il eft très-imprudent de mettre de la braife fur la table, de s'en- 
fermer avec de la braife & du charbon dans de petits appartemens ; 
on court un danger éminent de pafler de la vie à la mort fans s'en 
appercevoir ; perfonne ne l'ignore, & lon voit cependant chaque jour 
de triftes viétimes de cette imprudence. Il eft dangereux d'aller tout 
de fuite fecourir ceux qui font ainfi fuffoqués. Si on ne les affiftoit 
pas, ils périroient ; & un zèle précipité & inconfidéré ne fert qu'à 
augmenter le nombre des afphyxiques : pour prévenir cet accident , 
il convient d’enfoncer les portes, les fenêtres , d'agrandir les foupi- 
raux ; enun mot, de faciliter le plus promptement un grand courant 
d’air libre : fi ce lieu ne contient point de matières combultibles, on 


(1) Voyez le Cahier du mois de Janvier 1774, page 16, pl. II, £ 2. 
(2) Voyez le Cahier du mois d'Otobre 1774, page 298. é 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 37 


y entretiendra des matières enflammées, & l’on répandra pardeffus du 
vinaigre , ou même beaucoup d'eau : après ces premières précau- 
tions , on liera un animal vivant, un chien fur-tout, fur une planche, 
fur laquelle on attachera une chandelle allumée ; fi la lumière ne 
s'éteint pas dans ce fouterrein , fi l'animal eft retiré fain & fauf, on 
pourra y defcendre, après ayoir eu la précaution de fe faire pafler 
ous les épaules une RUE corde , ayant foin de tenir dans fes 
mains un cordon particulier , pour avertir en le tirant du danger où 
l'on pourroit fe trouver : il eft également néceffaire de boire un demi- 
verre d’eau-de-vie avant d'y defcendre , d’en tenir dans fa bouche, 
de répandre du vinaigre fur fon corps , de s’en. frotter Le nez , les 
yeux & les tempes. 

Après toutes ces précautions , on retirera le fuffoqué avec des cro- 
chets ou autrement ; il fera placé à l'air libre, déshabillé, couché fur 
le côté, la tête foulevée, & étendu fur le gazon, où dans une cave 
fraîche , ou au bord de l’eau, en un mot, dans un endroit un peu hu- 
mide. Après ces difpofitions , on fouflera dans fa bouche ou dans le 
nez, Où avec un tuyau, ou par le moyen d'un foufflet ; de la glace 
fera appliquée fous les aiffelles , fur la plante des pieds & fur le creux 
de l'eftomac : mais pardeflus toutes chofes, on jetrera fur fon corps, 
principalement fur le vifage &c fur la ee des feaux d’eau fraîche, 
& l'on infiftera d'autant plus fur ce dernier fecours , qu'il eft de tous 
le plus prompt, le plus commun & le plus Een ee Lorfqu'un af- 
phyxique a An quelques fignes de vie , on lui frotte les tempes, 
le nez & les yeux avec du vinaigre , on lui en fait même avaler une 
cuillerée ; &, tout dé fuite après, on le tranfporte dans une cuifine 
ou dans une falle baffle, dans laquelle on a fait préalablement allumer 
du feu : le malade étant placé à une certaine diftance , toujours étendu 
fur le carreau , on continue à répandre fur lui de l'eau fraîche, jufqu'à 
ce qu'il foit entièrement revenu ; alors on ceffe l’opération, & on ap- 
proche le malade du feu par degrés ; enfin , quand cela fe peut, on 
le couche dans un lit ballné ; & on lui fait avaler un bouillon , un 
demi-verre de vinaigre, ou quelque goutte d’eau-de-vie camphrée , 
animée avec l’efprit volatil de fel ammoniac. Enfin fi ces fecours de- 
venoient inutiles ; on emploieroit les moyens irritans , indiqués pour 
les noyés, fur-tout l'introduction de Ja fumée de tabac qu'on à vu 
rxéuîlir fouvent dans ces circonftances._ = 

4°. Le quatrième genre d’afphyxie ou mort apparente, peut être 
Caufé par le plomb, par lexhalaifon des fofles, l'infection des cloa- 
ques , des lieux humides & profonds ; par celle des tombeaux (1), des 


{1) Voyez le Cahier du mois de Février 1773, page 109. 


Tome V, Part. L 1775. 


33 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE;,;:, 
voieries, des prifons & dessautres lieux étroits, où beaucoup de per- 
fonnes { trouvent raflemblées ; par Les miafmes contagieux des épi- 
démies , principalement de la pefte & de la petite vérole. On a quelques 
moyens pour prévenir ces malheurs ; le premier eft le ventilateur qui 
£cablit un courant d'air pur qui agite & renouvelle fans, cefle l'air mé- 
hitique : il en eft encore un pour les fofles , les caveaux , les dieux 
. & renfermés ; c'eft de pratiquer une ouverture à laquelle. foit 
adapté un tuyau de fer blanc ou de plomb (1), qui s'élève jufqu'au 
toit, afin que les émanations s’échappent à mefure qu'elles fe forment, 
& que Ha d'être concentrées, on ne rifque plus d'en être frappé 
en defcendant dans ces fouterreins. 
“Il eft crès- prudent, en apprôchant des lieux infectés, de bruler du 
enièvre ou du vinaigre: du fucre , de fumer du tabac, & de tenir 
4. fa bouche quelques fubftances aromatiques , fur-tout de neu- 
tralifer les émanations méphitiques , fuivart le procédé publié par 
M. de Morveau (2). Si on n'a pas recours à cette manière de pré- 
venir les accidens , il faut fe fouvenir qu'on ne.doit jamais defcen- 
dre dans ces fouterreins , fans avoir agrandi l'ouverture, & fans que 
la première infection en foit évaporée ; c'eft encore le cas de fe fer- 
vir de la double corde dont nous avons parlé : les vuidangeurs au- 
ront foin de rompre avec de grands bâtons la croûte qui couvre; les 
matières, .&c d'en laïfler évaporer les émanations , de boire de l'eau- 
de-vie avant d'y defcendre , & d'en tenir dans leur bouche. Les 
remèdes indiqués dans le N° 3, conviennent en général à ce genre 
d'afphyxie., .: - .: Na À HA 
. :g®. Le cinquième genre d'afphyxie-peutiêtre caufé par l'excès de 
joie ,.de colère , de. chagrin, par l’enthoufiafine , par: des affections 
hyftériques, connues fous le nomade vapeurs ;.enfin' par la fyncopé,, 
&c. L'incertitude où l’on.!eft fur la mort. véritable, ou ;apparente, de 
cette clafle d’afphyxiques, exige qu'on, ne.les abandonne pas à {eur 
malheureufe deftinée, & qu'auffi-tôc qu'ils fe trouvent frappés , on les 
fecoure Le plus promptemant qu'il eft poffible. Le premier fecours eft 
l'air libre & l'eau froide : on peut,y joindre les ,odeurs fortes, &c: dé- 
fagréables, telles que celles de. [a plume brülée ; l’alkali volatil, &c: On 
doit encore frotter les tempes &. les poignets avec de l'eau de fenteur, 
frapper fur la paume de leurs mains, leur chatouiller la plante des 


(1) Voyez le Cahier du mois de Janvier 1774, page 6, dans lequel nous avons 
donné la defcriprion & lé deffin-de cé tuyau. ce Et Î LT 
(2)t Voyez dans le Cahier du:mois «de Juin 1773, page 436) le Mémoire lle 
ce se Phyficien, l’objet qui y a douné lieu, & Je parfaire réuffite de-fon 
pioce Ce à = t } 


D, , $ 
SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 39 
isds, leur arracher les poils ; donner quelques fecoulfes à four corps 
en Jes foulevanc de tems en tems par les épaules ; on frotte en 
même tems la peau avec dés ferviettes chaudes ; on applique des bri- 
ques chaudes fur la plante des pieds ; & à mefure qu'ils commencent 
à refpirer, on leur fait avaler yne cuillerée d’eau-de-vie camphrée du 
Bacon F, d'eau dés Carmes , ou de la première eau fpiritueufe qui 
tormbé fous la main. 

Une attention non moins importante, eft de déshabiller promptement 
les afphyxiques , & de ne leur laïffer ni col , ni jarretières, ni bra- 
celets ; rien en mot qui puifle les gêner en aucune partie; cependant, 
fi malgré ces premiers fecours , l’afphyxique avoit peine à en revenir, 
on aufoit recôurs à la faignée & à la fumée de tabac qu’on injecte- 
roit par le fondement. 

6°. Le fixième genre d’afphyxie reconnoît pour caufe l'étranglement 
ou la compreflion violente Le la gorge, foit par caufe externe, ou par 
caufe interne. Ceux que l'on, trouve étranglés , doivent étre faignés le 
plutôt qu'il eff poffible, de la veine jugulaire, & même plufeuxs fois 
dans un très-court efpace de temps, fans faire aucune lipature, en fe 
contentant de fermer l'ouverture de la veine avec un morceau de taf 
feras d'Angleterre : on leur foufilera en même tems dans la bouche; 
& fi-tôt qu'ils commenceront à refpirer, on leur fera du vent avec un 
fouflet où avec un éventail, & on leur donnera de l'eau fraîche à, 
avaler autant qu'ils paroïtront le defirer :, on fent la nécelfité de débar- 
rafler le malheureux de la corde & de tous. les liens qui pourroient 
le géner ; mais prendre garde de ne pas couper la corde brufque- 
rént, ce qui augimenteroit fon reflerrement. 

On doit encore appliquer fur l'impreffion faite par la corde, des 
comprefles imbibées de vinaigre ou d’eau-de-vie camphrée, ou même 
d'eau fraîche & du fel; enfin, il importe fur-tout de tenir le pendu 
für fon féant , & de foutenir fa têce toujours prête à pencher. 

La faïgnée du pied, & même copieufe, après celle de la jugu- 
laire, peut encore être utile en pareil cas 3 & ces remèdes feront 
tous inutiles, fi la première vertèbre du col eft luxée , ce qui elt aifé 
à rcconnoître. 

Le gonflement des amygdales dans des maux de gorge, eft une 
caufe interne d'étranglement & d’afphyxie : la faignée copieufe eft le 
premièr remède ; la fumée du tabac, qu'on fait avaler , ou qu’on in- 
troduit par Le fondement, eft d’un grand fecours , & doit Fupplésr l'émé- 
tique indiqué pour les mäux de gorge, parce qu'il parvient difficilement 
à leftomac, à caufe de la réfiftance que les Auides éprouvent dans le. 
fond du gofier, alors prefqu’entièrement bouché par le gonflement des 
amygdales. 


Tome V, Part. I. 1775. 


40 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Une troilième caufe d'étranglement , c’eft la préfence d'un corps 
étranger arrèté au fond du gofer , dans l'œfophage , où tombé dans 
la trachée- artère. Dans ce dernier cas, le malade toufle forte- 
ment avant d'être fuffoqué , ce qui fert à diftinguer cette caufe d’af-. 
phyxie de la précédente : Le lait, l'huile d'amande douce, d'olive, de: 
navette , de lin, de noix, font de bons remèdes : après les avoir em- . 
ployés , excitez la toux par l'introduction de la fumée du tabac par 
les narines. 

À l'égard des corps avalés, c’eft une erreur d'en provoquer la fortie 
par la bouche , quand ils font engagés trop avant dans Le gofier : fi la 
fuffocation n'eft ni prochaine ni préfente, il faut attendre un Chi- 
turgien qui fera l'extraction avec des tenettes ou par tout autre moyen: 
mais dans un casurgent, on prendra un porteau long, mince, ébarbé; 
on l'introduira dans [e fond de la gorge, ayant foin de le poufler obli- 
quement & en bas, pour précipiter, par cette impulfion, le corps 
étranger : une bougie trempée dans l'huile ou dans l'eau tiède pour un 
peu la ramollir, une baleine au bout de laquelle on auroit fortement 
attaché un bouton de lingeufé, produiroient le même effet : enfin, dans 
le grand befoin, une baguette d’ofier, de bouleau, ou de tout autre 
bois pliant & difficile à rompre, ferviroit à cet ufage. 

7°: Afphyxie ou mort apparente, caufée par la commotion du cer- 
veau, les chaleurs violentes, les coups reçus, l'apoplexie, l'épilepe : 
la catalepfie. Lorfque le crâne eft affé, fracturé par un coup, par 
une chüte violente, le malade tombe dans un afloupiffement fubit, 
duquel il eft toujours difficile de le faire revenir: la faignée du pied 
plulieurs fois répétée, eft le premier fecours qu’on doive adminiftrer ; 
appliquer des compreffes trempées dans de l'eau-de-vie fur les bleffures; 
frotter le nez, les tempes avec du vinaigre, des eaux fpiritueufes; en 
mettre ae gouttes dans la bouche du malade, & s'il paroît re- 
prendre fes fens, lui faire avaler de l’eau fraiche, en répandre fur fon 
vifage & fur fa poitrine, On a vu dans l’apoplexie la fumée de tabac, 
comme on l’a confeillé pour les noyés, produire des effets admirables. 
Il eft encore eflentiel de promptement déshabiller l'apopleique, de 
l'étendre fur le carreau, de le faigner; enfin de lui faire refpirer un air 
libre & frais : les potions émétiques qu'on donne communément, aug- 
mentent la difficulté de refpirer, en reftant fouvent dans la bouche ; fi 
elles defcendent dans l'eftomac, elles n’y produifent aucun effet, ou 
bien elles excitent des efforts plutôt capables d'augmenter l'engorge- 
ment du cerveau & de nuire, que d’être utiles. 

8°. Enfin, le dernier genre d'afphyxie, ou mort apparente des nou- 
veau-nés , eft caufée par le ferrement du cordon umbilical, par la com- 
preflion de leur corps dans les accouchemens difficiles, par les con- 

vulfions, 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 41 


vulfons, les cris, la dentition; par limprudence des mères & des 
nourrices qui les papers les couchent dans leur lit, ou qui les 
couchent fur le dos dans le berceau, & les y agitent trop fortement. 

Lorfqu'un enfant vient au ngonde fans pouls, fans mouvement au 
cœur, & comme mort, avant de faire la ligature & Ja fection du 
nombril, il faut examiner sil eft dans cet état, ou par trop de fang, 
ou par foibleffe. Dans le premier cas, il eft rouge, livide & comme 
noir. Le moyen de le rappeller alors à la vie, c’eft de couper Le cordon 
fans lier le bout qui répond à l'enfant; de le prefler par ce même 
bout & d'en laifler couler du fang, jufqu'à ce que le nouveau-né 
ait donné figne de vie. IL faut en même tems lui fouffler fortement 
dans la bouche , en ferrant exactement les narines; le tranfporter à 
l'air libre, le frotter légèrement avec des linges, l’agiter doucement 
jufqu'à ce qu'il foit RPntémest revenu; alors, on fait la ligature du 
more comme à l'ordinaire. 

$i, au contraire, l'enfant eft afphyxique par foibleffe & par inani- 
tion, On entretiendra la communication entre La mère & l'enfant pen- 
dant une demi-heure ou une heure, en un mot, jufqu'à ce que la cir- 
culation de la mère à l'enfant foit bien rétablie; on le frottera en même 
tems avec des linges trempés dans le vin chaud, & en cas de befoin, 
on recourra aux fecours précédens. 

- A l'égard des enfans he de ou fuffoqués dans le lit, on trouve 
un prompt fecours dans le lit de cendres chaudes; dans le frotte- 
ment des narines & des tempes avec quelque eau fpiritueufe; dans 
la fumée du tabac introduite dans le fondement, mais foufflée dou- 
cement, avec précaution & en ptite quantité. L’afphyxie, occafon- 
née par les convulfions, les cris, la dentition, &c. exige le même 
fecours. j 

Le bien de l'humanité exigeroit que chaque Curé de Paroiïfle, chaque 
Seigneur , enfin chaque Particulier chargé AE groffe maifon, fe pro- 
curat une boëte fumigatoire. La dépenfe eft fi modique, la boëte eft 
fi utile ! En voici la defcription. 


Tome V, Part. I. 177$. E 


42 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


DES" COURTE PUFETEOUN 
DE LA MACHINE FUMIGATOIRE, 


Enumération des parties. 


hs Planche première repréfente la boëte vuide, & autour d'elle, 
toutes les pièces qu’elle contient. Toutes ces pièces, avec la boëte, 
forment enfemble dix figures ; 

La première, (f£g. 1.) eft celle de la boëte, deftinée à renfermer la 
machine fumigatoire. 

La feconde, (fig. 2.) une pipe. 

La troifième , (fig. 3.) fon couvercle. 

La quatrième, ( fig. 4.) un premier tuyau pour injecter la fumée. 

La cinquième, (fig. 5.) un Fo tuyau pour fouffler dans la pipe. 

La fixième, ( fig. 6.) un troifième tuyau pour fouffler dans le nez 
de l'afphyxique. : 

La feptième, (fig. 7.) un flacon. 

La huitième, (fig. 8.) un briquet, une pierre-à-fufñl & un morceau 
d’amadou. 

La neuvième, (fig. 9.) une canule. 

La dixième enfin, (fig. 10.) une aiguille, 


Deftription particulière de chaque partie. 
La boëte P (fig. 1.) eft de fer-blanc; fon couvercle T & fon 


fond R ont une égale profondeur, & font féparés par unè lame de 
même métal, dont l'un des bords S eft arrêté par une charnière; & 
l'autre libre & flottant, fe fixe à volonté par un petit verrou q> au- 
deffous duquel pend un anneau r qui fert à faire mouvoir cette 
cloifon. 

La pipe K (fig. 2.) eft de tôle, fa forme eft cylindrique : elle a 
trois pouces de longueur & quinze lignes de diamètre, deux ouver- 
tures, dont l'une L eft de la largeur du diamètre, & l’autre O fe 
termine en entonnoir L. Le tuyau de cet entonnoir a 1: ligne de dia- 
mètre, & porte à l'extrémité, qui répond à la pipe, une grille o de 
même métal. Ces parties & la pipe font tout d’une pièce. 

Le couvercle M de cette pipe (fig. 3.) eft auf de tôle; fa lon- 
gueur eft d'environ un pouce; il a une grande ouverture M qui ré- 
pond à la grande ouverture de la pipe, mais qui eft un peu plus large, 


4 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 43 
afin que fes bords puiflenc gliffer pardeflus ceux de la pipe; & une 


petite ouverture N À l'extrémité du tuyau de l'entonnoir n, par le- 


quel le couvercle fe termineyde ce côté; de manière que quand ce 
couvercle eft adapté à la pipe, le tout réuni reffemble à un cylindre 
percé de deux tuyaux par fes deux bouts, fuivant la direction de fon 
axe. 

Le tuyau flexible D (fig. 4.) eft de cuir roulé, comme ceux des 
pipes d'Allemagne. IL eft terminé, dans celle de fes extrémités qui: 
répond à la pipe, par un tube de tôle [, auquel il eft fortement 
attaché; ce se en reçoit un fecond à de même métal, par lequel 
il communique avec la pipe. L'autre extrémité du tuyau flexible eft 
terminée par une petite canule de corne C,.comme le font tous les 
tuyaux de pipe d'Allemagne, du côté qui répond à la bouche du 
fumeur. 

Le fecond tuyau H (fig. 5.) eft formé de trois parties; l'une de 
buis É, par où l’on fouffle dans la pipe; l’autre de fer G, qu'on in- 
troduit … le petit orifice N du couvercle de la pipe; & la troi- 
fième hk. de peau fimple. | 
Le troifième tuyau AA (fig 6.) eft à-peu-près de la même forme 
du précédent; mais il eft plus renflé, & a fes deux extrémités A, a en 
buis, & fon milieu a a en peau. 

Le flacon F (fig. 7.) eft de cryftal, & contient fix gros & demi 
d'eau-de-vie camphrée, & demi-gros d’efprit de fel ammoniac. 

La figure 8 repréfente un briquet ordinaire U, avec la pierre V, 
& l’amadou v. 

La canule B (fig. 9.) eft en buis, & a la forme d'une canule à 
lavemens. . 

L’aiguille y (fig. 10.) eft un fil de fer ordinaire, affilé par l’un de 


fes bouts, & roulé par l'autre. 


Manière de fe fervir de la machine fumigatoire contenue dans la 
boëte. 


Pour avoir une idée précife de l'arrangement des pièces qui com- 
pofent la machine fumigatoire , il fuffit de jetter un coup-d'œil fur la 
planche première, où elles font deffinées par ordre & fuivant la po- 
fiion qu'elles doivent garder. En efet, on y voit, 1°. le bout métal- 
lique G du tuyau H, rapproché de la petite ouverture N du couvercle , 
dans laquelle ce bout doit être reçu. 2°. La grande ouverture m du 
couvercle, vis-à-vis la grande ouverture L de la pipe, que cette pièce 
doit recouvrir. 3°. La petite ouverture O de la pipe, répondant au tube 
intermédiaire i, dans lequel s'enchâfle le ruyeu qui forme cette méme 


Tome W, Part. 1 1775. F2 


44 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
ouverture. 4°. Le tube i intermédiaire, répondant à l'extrémité mé- 
tallique I du tuyau flexible, dans laquelle il eft reçu; & l'autre ex- 
trémité C de ce même tuyau , vis-à-vis la canule B, dans laquelle on 
Tintroduit. 

Mais comme cet expofé, quoique facile à faifir, pourroit bien 
n'être pas entendu de tous les Lecteurs, en voici un plus détaillé. 

Pour fe fervir de la machine fumigatoire , après avoir battu le bri- 
quet, on commence par allumer le tabac contenu dans la pipe, en 
appliquant lamadou pardeflus, & foufflant doucement & également, 
jufqu'à ce que le tabac foit embrâfé. Alors, on adapte à la pipe K, 
fon couvercle M, dans la petite ouverture N, duquel on emmanche 
l'extrémité métallique du fecond tuyau H. Enfuite on enfonce le 
tuyau © du corps de la pipe, dans le tube de tôle à qu'on a préa- 
lablement enchäflé dans l'extrémité métallique I du tuyau flexible D. 
On introduit tout de fuite la canule B dans le fondement de l'af- 
phyxique; & après avoir enfoncé l'extrémité C du tuyau flexible dans 
cette canule, on fouffle par le bout E du fecond tuyaü H, jufqu'à ce 
que l’afphyxique ait donné des fignes de vie. 

La manière de tenir fa pipe, repréfentée par la figure I, planche IT, 
eft telle, que celui qui fume doit faifir la portion du buis du tuyau H, 
laquelle répond à la bouche, avec le doigt indice & le pouce de Ia 
main gauche, de façon que chacun de ces deux doigts porte moitié 
fur la partie qui eft en buis, & moitié fur celle qui eft en lee On 
faifit, par le pouce & l'indice de la main droite, le fecond tube de 
tôle [, qui eft attaché au tuyau flexible D, afin de fourenir le poids de 
la pipe. L'avantage de cette pofition eft d’avoir fes mains affez éloignées 
du foyer pour ne pas fe brfiler; de pouvoir mieux foutenir ta pipe de 
la main droite, & de prefler la partie du tuyau de cuir, avec les deux 
doigts de la main gauche, toutes les fois qu'on veut reprendre haleine. 
Cette preflion fermant le conduit & fervant comme de foupape, em- 
pêche la fumée de revenir dans la bouche de celui qui fouffle, & 
fait que toutes perfonnes, même celles qui ne favent je fumer, DRE 
vent fecourir un afphyxique fans crainte d’avaler la fumée de tabac, 
& d’en être incommodées. 

On a cru devoir mettre ces deux pofñtions fous les‘yeux du Lec- 
teur, en deflinant, dans une même és la perfonne qui fume & 
celle qui frotte avec des Alanelles le corps du noyé, placé dans la 
fituation indiquée page 29 de cet Ouvrage. Voyez encore la plan- 
che II. 

Celui qui foufflera, doit le faire avec modération, pour pouvoir 
continuer aflez long-tems, & ne point trop charger la pipe qui, 
fans cela, rougiroit; & communiquant alors la chaleur aux ie mé- 


SÛR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 45 


‘talliques du tuyau flexible, ne manqueroit pas d'en brûler le cuir, & 
de mettre la machine hors de lervice : c’eft la raifon pour laquelle on 
a employé un double tube, afin que cette interruption s’opposät da- 
vantage à la communication de la chaleur. Cependant, crainte d'ac- 
cident, il fera plus sûr encore de couvrir le corps de la pipe, vers 
fon extrémité, ue linge mouillé, Mais comme le tabac qui eft au ford 
de la pipe, échauffé par la première fumée, fe defsèche, brüle trop 
vite, & donne un feu plus vif; il fera prudent encore, avant de l’al- 
lumer, de verfer quelques gouttes d'eau dans la pipe par le petit ori- 
fice O de fon fond, afin d’humeéter le tabac dans cette partie , lequel 
ne féchera pas fi promptement & brülera moins vite. IL faudra trem- 
per dans l'eau le linge, qui recouvre la pipe toutes les fois qu'il fera 
fec. Il eft aifé de fe procurer ce linge, foit en déchirant un morceau 
de la chemife du noyé, foit en employant fon mouchoir; on peut 
“même fe fervir du drap des vêtemens de lafphyxique. Encore une 
fois, cette attention eft néceflaite pour la confervation de la ma- 
chine, 

On fe fert du troifième tuyau AA, deftiné à introduire de l'air 
dans la poitrine de l'afphyxique, en introduifant la petite extrémité 
dans l’une de fes narines, ou dans fa bouche, fi le nez eft bouché, 
& en foufflant aufli fort qu’on le peut par l'orifice oppofé, Mais comme 
il s'exhale quelquefois des vents & des matières, qui peuvent revenir 
dans la bouche de celui qui fouffle; il faudra tenir ce tuyau de la 
même manière que le précédent H, afin d’arrèter ces émanations, en 
preffänt le cuir, comme on vient de le confeiller pour la fumée du 
tabac. 

Quoiqu'il foit prefqu'impoffible que ces tuyaux s’engorgent, cepen- 
dant, comme il faut prévenir tout ce qui pourroit en arrêter l’opé- 
ration, on a ajouté à cette boëte l'aiguille de fer y, pour les débou- 
cher en cas de befoin. 

On a indiqué l’ufage qu'il falloit faire de la liqueur contenue dans 
le flacon F. 

Il a été queftion, dans la defcription de la Machine, d’une grille o, 
qui féparoit la capacité du corps de la pipe de celle du petit tuyau, 
par lequel cette capacité communique avec le tube i. Cette grille a 
été "placée dans cet endroit, pour empêcher les flammèches denfilér 
ce tuyau, & d’être portées, avec la fumée, dans les inteftins de l'af 
phyxique. Ce n'eft pas qu'il en foit jamais forti dans les eflais que nous 
en avons faits; mais c'eft qu'en répandant ce fecours, nous avons voulu 
tout prévoir. 

I eft aifé de voir par la fimplicité de cette Machine, par la fa- 
cilité avec laquelle on peut la porter avec foi, & par la promptitude 


Tome F, Part, I, 1775. 


46 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


du fecours qu'elle procure, combien elle eft avantageufe. Le jet de 
fimée qu’elle donne, eft au moins aufli fort que celui de la Machine 
de la Ville, qui.en donne cependant un confidérable. Ce jet s’é- 
lève à plus d'un pied en plein air; de manière que dans le cas où 
l'on voudroit introduire de la fumée de tabac dans un lieu infecté, 
il fuffroit d'y faire pafler une portion du tuyau flexible, & d’em- 
pécher la fumée d'en fortir, pour que l'endroit en für bientôt rem- 
pli. 

La nouvelle pipe, quoique peu volumineufe en apparence, contient 
demi-once de tabac, comme le fourneau de la Machine-entrepôt de 
Ja Ville. Il eft aufi aifé de la remplir de nouveau, quand le cas 
l'exige : & comme il eft encore plus aifé de fe procurer deux de ces 
pipes, fi l'on a foin d'en tenir une prête tandis que l’autre brüle, on 
eft sûr, par ce nouveau moyen, de ne jamais interrompre l’introduc- 
tion de la fumée dans les inteftins des afphyxiques. Ajourons à cet 
avantage, celui de pouffer plus long-tems cette fumée fans interrup- 
tion, par le fouffle d’une perfonne, que par un foufflet à une feule 
ame, comme left celui de la Machine de la Ville; lequel afpirant & 
expirant à chaque inftant, ne poufle la fumée que la moitié du tems 
employé, parce que ce tems eft partagé entre l'infpiration & lexpi- 
tation du foufflet. Cette même Machine eft encore. fujette à d’autres 
inconvéniens, auxquels il feroit poflible de remédier : mais comme 
les avantages de ce changement fe trouvent réunis dans la nouvelle 
Boëte, & que ces améliorations ne pourroient fe faire fans augmenter 
le prix de la Boëte-entrepôr, déja très-coûteufe, il eft inutile de nous 
y arrêter. 

Comme ceft principalement pour les noyés que cette pipe eft 
deftinée, & qu'elle devient par-là très-néceflaire aux gens de mer, 
& à ceux qui navigent-fur les rivières, on l'a conftruite de ma- 
nière qu'elle püt à la fois fervir pour fumer, & pour reflufciter les 
afphyxiques. Pour cet effet, on a employé une double canule; lune 
de corne C, attachée à l’une des extrémités du tuyau flexible, & 
l'autre B, féparée de ce tuyau, & uniquement deftinée à être introduite 
dans le cu des noyés. De cette manière, les fumeurs pourront 
tenir fans répugnance, dans leur poche , la canule attachée à ce 
tuyau; & alors en foutenant verticalement Le fourneau de la pipe par 
l'autre extrémité métallique du même tuyau, ils pourront fumer, s'ils 
le veulent, comme avec une pipe ordinaire. 

C'eft aufli ce qui a fait placer dans le fond de la boëte, la pipe, 
le tuyau flexible, le briquet, la pierre, l’amadou & l'aiguille; & les 
-deux autres tuyaux @ le facon dans l’enfoncement du couvercle. La 
gloifon Q rend cette féparation d'autant plus commode, que quand 


SUR L'HIST. NATURELLE ETCLES ARTS. 47 


on ne veut que fumer, on napperçoit, en ouvrant la boëte, que les 
parties néceflaires à cette première opération; & les autres ne fe 
montrent, que lorfqu’on décroche la cloifon pour monter la Machine 
en entier, & procéder à la feconde opération. 


BB lesT:LR E 


À Ll'Auteur de ce Recueil; 


Par M. BAYEN, Apothicaire Major des Camps & Armées 
du Roi. 


M NSIEUR, la caufe de l'augmentation de la pefanteur que la 
calcination fait éprouver à certains métaux, a été de tous les tems, 
un fujet de fpéculations-& de recherches pour les Chymiftes & les 
Phyficiens. Cardan , Céfalpin , Libavius & beaucoup d’autres ont an- 
ciennement taché d'expliquer ce phénomène ; mais, entre tous, on doit. 
à jufte titre diftinguer Jean Rey , Médecin Périgourdin, qui vivoir 
au commencement du dernier fiècle. Son Ouvrage, inconnu peut-être 
de tous les Chymiftes & Phyficiens d'aujourd'hui, n'a paru d'autant 
plus mériter d'être tiré de l'oubli, que la caufe qu'il afligne à l'aug- 
mentation de poids qu'ont éprouvée les chaux de plomb & d’étain, a 
un rapport immédiat avec celle qui eft fur le point d’être reconnue 
de tous les Chymittes. 

Je nai, Monfieur, connu le Livre de Jean Rey, qu'après avoir 
publié par la voie de votre Journal , la feconde partie de mes Expé- 
riences fur les chaux mercurielles ; je ne pouvois donc en parler dans 
l'énumération très-fuccinte que je fs alors des différentes opinions fur° 
la caufe de l'augmentation de pefanteur des chaux métalliques : ma 
faute, quelqu'involontaire qu'elle ait été, doit être réparée, & Fe le 
faire , je me hâte de rendre juftice à un Auteur qui , par la profondeur 
de fes fpéculations, eft parvenu à défigner la véritable caufe de cette 
augmentation. 

Voudriez-vous , Monfieut', concourir avec moi à faire connoître 
l'excellent Ouvrage de Jean Rey? Votre Journal fe lit dans toute la 
France ; il eft répandu dans tous les pays étrangers : fi vous vouliez y 
inférer la Notice ci. jointe, les Chymiftes de tous les pays fauroient 
en peu de temps que c'eft un François qui, par la force de fon génie 
&. de fes réflexions, a-deviné-le-premier la-caufe de l'angmentation- 
de poids qu'éprouvent certains métaux , Jorfqu'en les expofanc à l'aç- 


«Tome F, Part. L 177$. 


43 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


tion du feu , ils fe convertiffent en chaux ; & que cette caufe eft pré- 
cifément la même que celle dont la vérité vient d’étre démontrée par 
les Expériences que M. Lavoilier a lues à la dernière Séance publique 
de l'Académie des Sciences 


Extrait de l'Ouvrage intitulé : 
o 


ec Effais de Jean Rey, Docteur en Médecine , fur la recherche de 
» la caufé pour laquelle l'Eftain & le Plomb augmentent de poids 
» quand on les calcine, dédiés à Haut & Puiïffant Seigneur Frédéric- 
5 Maurice de la Tour, Duc de Bouillon , Prince Souverain de Se- 
» dan, &c. À Bazas, par Guillaume Millanges, Imprimeur ordinaire 
» du Roi, 1630 ». 

L'Auteur termine fon Epitre dédicatoire au Prince de Sedan par 
cette date : 

« Au, Bugue (1),-lieu de ma naiffance ; dans votre Baronnie de 
» Lymeil, le premier jour de Janvier 1630 ». 

. Les. pages. 9 , 40, 11.contiennent des vers à la louange des doftes 
Effais du fieur Rey; & à la page 12 on lit la lettre fuivante, adreflée 
à l’Auteur par Brun, Maître Apothicaire de Bergerac. 

« Monfieur, voulant ces jours paflez calciner de l'eftain, j'en pefay 
» deux livres, fix onces du. plus fin d'Angleterre, le mis dans un vafe 
» de fer adapté à un fourneau ouvert & à grand feu ; l’agitant conti- 
» sucllement , fans. y ajouter chofe aucune, je le convertis dans fix 
>» heures en une chaux très-blanche. Je Le pefay pour favoir le déchet, 
» & en y trouvay deux livres treize onces, ce qui me donna un efton- 
» nement incroyable , Es n'imaginer d'où eftoient venües les 
» fept onces de plus. Je feis le même eflay du plomb & en calcinay 
» fix livres; mais jy trouvay fix onces de déchet. J'en ai demandé la 
>» caufe à plufieurs doctes hommes, notamment au Docteur N. fans 
» qu'aucun ayt peu me le monftrer. Votre bel efprit qui fe donne des 
»> flans quand il veut, au-delà du commun, trouvera icy matiere d’oc- 
» cupation. Je vous fupplie de toute mon affection vous employer à 
» la recherche de la caufe d’un fi rare effet ; & me tant obliger que 
» par votre moyen je fois efclaircy de cette merveille ». 

Les pages 13, 14, 3$-&16 contiennent une Préface dans laquelle 
l’Auteur.expofe les motifs qui l'ont déterminé à répondre à la quef- 
tion qui venoit de lui être propofée. 

Jean Rey a divifé fon Ouvrage en 28 chapitres, qu'il appelle Effais: 
les, titres. des quinze premiers font, pour ainfi dire , autant de théo- 
EEE CORRE RREE Sn 


(x) Bourgade, près de Périgueux. 


TÊMESs 


SUR L'HIST. NAYURELLE ET LES ARTS, 49 


-#êmes, dont Le feizième eft le corollaire ; les douze autres contiennent 
la réfutation des opinions contraires À la fienne. 
Essar L. « Tout ce qui eft de matériel foubs le pourpris des cieux, 
»a de Ja pefanteur. 
IL. » Il ny a rien de leger en la nature. 
LIL. » Li n’y a point de mouvement en haut qui foit naturel. 
IV. » Que L'air & Le feu font pefans , & fe meuvent naturellement 
nen bas. 
V. » Il eft montré que l'air & Le feu font Joe , par la vitefle du 
» mouvement ; des chofes graves , plus grande vers la fin qu’au com- 
» mencement, 
VL. » La pefanteur eft fi eftroitement jointe à la première matière 
» des élémens, que fe changeant de l’un en l'autre , ils gardent tous- 
» jours le mefme poids. 
VIL. » Moyen pour fçavoir à quel volume d'air fe reduit certaine 
» quantité d’eau ». 
L'Auteur indique dans ce chapitre deux Expériences à faire avec 
Golipile, qu'il appelle aufMi Soufflet philofophique. 
VIII. « Nul élément pefe dans foi-mefme, & pourquoi. 
IX. » L'air eft rendu pefant par le meflange de quelque matiere plus 
» pefante que foi. 
X. » Que l'air eft rendu pefant par la compreffion de fes parties. 
XI. » L'air eft rendu he par la féparation de fes parties , moins 
# pefantes. 
XIL. » Que le feu, par fa chaleur, peut efpeflir les corps homo 
# genées. 
XIIL. » Que le feu peut efpeñir l’eau. 
XIV: » Que le feu peut efpeñlir l'air. 
XV. » L'air defcroît de poids en trois façons : la balance eft trom« 
» peufe : le moyen d'y remedier. 
XVI. » Refponce formelle à la demande pourquoy leftain & le 
» plomb augmentent de poids quand on les caicine. 
» Maintenant ai-je fait, dit J. R., les préparatifs , voire jetté les 
5 fondemens de ma refponce à la so sk fieur Brun, qui eft 
»telle ; qu'ayant mis deux livres fix onces d'eftain fin d'Angleterre 
>» dans un vafe de fer, & icelui preffé fur un fourneau à grand feu ou- 
» vert . l'efpace de fix heures, l’agitant continuellement, fans y adjouter 
» chofe aucune , il'en a recueilli deux livres treize onces, de chaux 
» blanche, ce qui l'a porté d’abord dans l'admiration & dans le defir 
>» de fçavoir d’où lui Pc venuës les fept onces de plus ; pour groflir 
» la difficulté , je dis qu'il ne faut pas s’enquerir feulement d’où lui 
» font venuëés ces fept onces ; mais outre icelles, d’où ce qui a rem- 


Tome V, Part, I, 17754 


Yo. OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
‘5 placé le dechet du poids qui elt arrivé néceffairement par l'amplia- 
»tion du volume de leltain, fe convertifflant en chaux , & par la 
æ perte des vapeurs & exhalaifons fe font efcartées. À cette de- 
» mande doncques appuyé fur les ondemens ja pofez , je refponds 
» & fouftiens glorieufement, que ce furcroit de poids vient de l'air, 
» qui dans le vafe a éfté efpefli , appefanti & rendu aucunement adhe- 
» a par la vehemente & longuement continuée chaleur du four- 
» neau ; lequel air fe mefle avecques la chaux (à ce aidant l'agitation 
15 fréquente) & s'attache à fes plus menuës parties : non autrement 
» que l'eau appefantit le fable que vous jetez & agitez dans ic-lle, 
» par l'amoitir & adhérer au moindre de fes grains. J'eflime qu'il y a 
» bssucoup de perfonnes qui fe feuflent effarouchées au feul recit de 
» cette refponce ; fi je l'eufle donnée dès le commencement, qui la 
» recevront ores volontiers , eftans comme apprivoifées & renduës 
» traittables par l'évidente vérité des eflays précédents ; car ceux fans 
» doubre de qui les efprits eftoient préocupés de cette opinion que 
» l'air eftoit leger , euflent bondi à l'encontre : comment ( euflent - ils 
>» dit) ne tire-t-on du froid le chaud , le blanc du noir , la clarté des 
>» rencbres, puifque de l'air, chofe legere, on tire tant de pefanteur > 
» & ceux qui fe feuffent rencontrez avoir donné leur creance à la pe- 
» fanreur de l'air, n’euflent peu fe perfuader qu'il peut jamais aug- 
» menter le poids eftant balancé dans foy-mefme ; à cette caufe m'a-il 
> fallu faire voir que l'air avoit de la pefanteur ; qu'elle fe cognoïfloit 
» par autre examen que celui de la balance, & qu'à icelle mefme une 
portion , préalablement aaltérée &c efpeñlie , pouvoit manifefter fon 
» poids, ce que j'ay fait le plus briefvement qu'il m'a été poflible , & 
>» fans avoir rien advancé qui ne feut très-afferant à certe matière, 
» pour laquelle efclaircir de out point , il ne relte qu'à faire une re- 
» lation & réfutarion fuccinéte des opinions que d’autres ont fuivi ou 
» pourroient fuivre , & à fouldre Les objections qu'on pourroit faire 
» contre ma refponce. 

XVII. Essar. » Que ce n’eft pas lefvanouiffement de la chaleur 
» celefte donnant vie au plomb, ou bien la mort d’icelui , qui aug- 
>» mente fon poids en la calcination». (Opinion de Cardan). 

L'Auteur, dans cet effai , a réfuté d'avance le fyftème de ceux qui 
ont attribué, à la perte du phlogiftique , la caufe de l'augmentation de 
poids des chaux métalliques. 

XVIIL «Que ce n’eft pas la confomption des parties aerées qui 
> augmente le poids du plomb. (Opinion de Scaliger ). 

XIX. » Que ce n'eft la fuye qui augmente le poids de cette chaux. 
(Opinion de Cæfalpin). 

XX. « Que ce n'eft pas du vafe dont vient l'augmentation de Là 
» chaux, de l'eftain & du plomb. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ‘çx 
XXL » Que ce ne font les vapeurs du charbon qui augmentent le 
» poids. 
XXIL » Que ce n'eft le fel volatil du charbon qui augmente le 
» poids. 


XXIIT, » Que le fl volatil mercurial n'eft pas caufe de certe aug- 
» mentation ». 

Jean Rey avoit une belle ame: en combattant les trois dernières 
opinions qui étoient celles d'un de fes amis , homme d’un profond 
fçavoir, la chaleur de la difpute l'ayant emporté jufqu'à dire qu'il ny 
avoit point de vraifemblance dans la première , il s'écrie fur-le-champ: 
O vérité, que su mes chère , de me faire efbriver contre un fi cher 
ami ! 

XXIV. « Que ce neft l'humidité attirée par a chaux qui aug- 
» mente fon poids. 

XX V. » Par une feule efpreuve, toutes les opinions contraires a celle 
>» de l'Auteur font entièrement deftruites ». 

C'eft ici que Jean Rey va triompher : il fe compare tout bonne- 
ment à Hercule , coupanr les tefles de l'hydre qui ravageoit le Paluler- 
nean ; & la maflue avec laquelle il va combattre toutes les opi- 
nions contraires à la fienne , eft une expérience qu'il venoit de lire 
‘dans le Bafilica Antimonii de Hamerus Poppius : cette expérience 
eft la calcination de l’antimoine faite par le moyen du miroir ar- 
dent. F 

XX VI. «Pourquoi la chaux n'augmente en poids à l'infini ». 

Dans cet effay, notre Auteur raifonne en Chymifte profond , fur les 
combinaifons & fur le point de faturation qui les termine. Ecoutons- 
le parler lui-même : 

« L'air efpeñi s’atrache à notre chaux , & va, adherant peu-à-peu , 
5 jufqu'aux plus minces de fes parties ; ainfi fon poids augmente 
» du commencement jufqu'à la fin : mais quand tout en eft affublé , 
»celle n'en fauroit enr davantage. Ne continuez plus votre cal- 
» cination foubs cet efpoir, vous perdriez votre peine. Au refte, 
» que cela ne vous trouble, qui a efté dir en l'Effay unzieme , qu'il 
» m'efchappoit de dire cer air, non plus air ains un air denaturé , cat 
» ce font paroles d’excès, par lefquelles je n'entends autre chofe , fi- 
» non que cet air a efté defpouillé de cette fubrilité liquide , qui fai- 
» foit qu'il n’adheraft à chofe aucune , & s'eft rendu grollier , pefant & 
» adherable, 


XXVIL. » Pourquoi toute autre chaux & cendre n’augmente de 
» poids. 


XXVILL » Si le plomb augmente de poids de mefme que l'ef- 


» tain ». 


Tome W, Part. I 1775. G2 


$2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


L’Apothicaire de Bergerac avoit trouvé de l'augmentation de poids 
dans la chaux d’étain, & de la diminution dans celle de plomb. Jean 
Rey oppofe à cette expérience le témoignage fans nombre des Auteurs 
qui avoient écrit que le plomb augmentoit de pus par la calci- 
nation, aufli-bien que létain ; & finit par dire que peut-être Le 
plomb employé par Brun, étoit impur. 

L'Ouvrage de notre Médecin eft terminé par cette conclufon. 

« Voilà maintenant cette vérité dont l’efclat frappe vos yeux, que 
» je viens de tirer des plus profonds cachots de l’obfcurité. C’eft celle- 
»> là de qui l'abord a efté jufqu'à préfent inacceflible : c'eft elle qui a 
> fait fuer D’Ahan tout autant de doctes hommes qui, la voulant ac- 
» cointer, fe font efforcés de franchir les difficultés qui la tenoient 
» enceinte ; Cardan, Scaliger , Fachfius, Cæfalpin, Libavius, l'ont 
» curieufement recherchée, non jamais apperçeue ; d’autres en peuvent 
> être en quefte , mais envain, s'ils ne fuivent le chemin que je leur 
» ai tout premier defriché &-rendu royal : tous les autres n'étant que 
>» fentiers épineux & détours inextricables qui ne menent jamais à bout. 
» Le travail a été mien, le profit en foit au Lecteur, & à Dicu feul 
>» la gloire ». 


P.S. On peut préfumer que les Exemplaires de l'Ouvrage de Jean 
Rey font rares; celui que j'ai entre les mains , appartient à M. de 
Villiers, Médecin de la Faculté de Paris, poffeffeur d'une collection 
de Livres de Chymie, la plus complette qui foit en France, & qu'il 
fe fait un vrai plaifir de communiquer à ceux qui cultivent cette 
fcience : cet Exemplaire de M. de Villiers venoit de la Bibliothèque 
de feu M. Villars , Médecin de la Rochelle, que fes héritiers ont 
fait vendre à Paris, dans le courant de l’année dernière ; cet Exem- 
plaire, dis-je, étoit défectueux ; il finifloit à la page 142 , en forte 
qu'il ne contenoit que le commencement du XXVIII Eflai. Je priai 
M. Capperonnier de me permettre de copier, fur l'Exemplaire qui 
eft à la Bibliothèque du Roi, les deux pages qui ma à celui 
de M. de Villiers, ce qu'il eut la bonté de m'accorder. Ainf , les 
perfonnes qui defireroient lire lOuvrage de Jean Rey, feront préve- 
nues qu'il en exifte un Exemplaire à la Bibliothèque du Roi , à la 
fin duquel elles trouveront deux lettres manufcrites ; ia première, du 
Père Mersène au Médecin Jean Rey , dans laquelle il combat la Phy- 
fique de cet Auteur ; la feconde eft une Réponfe de Rey au Père 
Mersène , dans laquelle le Médecin fe défend de toute fa force, 


KA 


\ 
SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 


La: 
y 


RO CU AE AI er LYS 
D'UN MÉMOIRE 


Sur une Machine à élettrifer d'une efpèce particulière, 


Par M. LE Roy, de l’Académie Royale des Sciences; 
Lu à la Rentrée publique de Pâques 17724 


Ni nous propolñons de publier un Précis du Mémoire intéreffant 
que nous allons faire connoître, quelque tems après fa lecture; mais 
comme l'Auteur s’eft occupé depuis à donner un nouveau degré de 
perfection à fa machine, il a différé jufqu'à préfent de nous commu- 
Led fes corrections , & nous nous empreflons d'en faire part au 
public dès qu’elles font parvenues jufqu'à nous. 

M. de Voltaire a dit que la Phyfique étoit une mine dans laquelle 
il falloit defcendre avec des machines : on ne pouvoit préfenter une 
image plus jufte des dificultés de certe fcience, & des moyens que 
nous avons pour les furmonter : en effet , tous ces inftrumens & tou- 
tes ces machines qu'emploie la Phyfique , font les véritables arme. 
avec lefquelles on peut attaquer la nature, & la forcer à nous révéler 
fes fecrets ; car l'expérience, & l'expérience variée par toutes les com- 
binaifons poflibles , pouvant feule nous mener à la découverte des 
caufes, ces machines, en étendant nos organes, nous fourniflent les 
moyens de reconnoitre des phénomènes qui, fans leur fecours , nous 
feroient échappés pour toujours. 

Mille exemples qu'on pourroit nous citer, feroient voir que ce qui 
nous échappe en interrogeant la nature par une voie, fe découvre en 
lintérrogeant par une autre. 

Quoiqu'on fente chaque jour la néceflité de perfectionner & de mul- 
tiplier les machines phyfiques , cependant nos RAR font fi lents 
& les découvertes fi rares, qu'il fe pafle quelquefois bien du tems 
avant qu'on parvienne ou à perfectionner les machines déja connues , 
ou à en employer de nouvelles : il fufht, pour s'en convaincre, de 
fuivre l'hiftoire abrégée des moyens dont on seit fervi pour électrifer 
les corps. 

Vers 1740 , quelques Phyficiens Allemands , laffés des fatigues 
qu'on éprouvoit en faifant de l'électricité avec des rubes de verre, ima- 


Tome V, Part, L 1775. 


54 ORSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


ginèrent de leur fubftituer des globes de la même matière, qu'on élec- 
tiiloit en Les faifant tourner avec rapidité fur leur axe , & en les frot- 
tant en même tems avec les deux mains. 

Ce moyen réuflit parfaitement , & les phénomènes électriques de- 
vinrent en conféquence plus fenfibles , ce qui fit changer de face à 
l'électricité, en nous révélant un grand nombre de découvertes cu- 
rieufes & importantes : cependant, on ne peut s'empêcher d'être 
étonré qu'on ait attendu fi tard à employer d:s globes, Hawksbéé 
s'en étant fervi près de trente ans auparavant, dans un grand nombre 
d'expériences qu'il ft fur la lumière & l'électricité ; mais MM. Gray 
& Dufay n'avoient employé pour leurs Expériences , que des tubes, 
& c'en fut aflez pour faire perdre de vue les avantages des globes. 

Comme le verre, fous quelque forme qu'on Le frotte, s'électriie tou- 
‘jours, pourvu que ce frottement fe fafle d’une manière convenable, il 
femble qu'il ny avoit qu'un pas à faire pour fubltituer les plateaux 
“ou roues de verre aux globes, & remédier aux inconvéniens de ces 
derniers : en effet plufeurs avoient caffé entre les mains des perfonnes 
qui les frottoient ; & ces perfonnes, ainfi que Les aftans , avoient 
couru rifque d'être bl:fées par les éclats élancés au loin. 

Quelque fimple que nous paroifle aujourd'hui la fubfticution des 

lateaux aux globes , elle n'a été exécuté: qu'en 1766. M. Ramfden, 
able Artifte Anglois, conftruifit des machines électriques , dans lef- 
quelles il mit un plateau de verre à la place du globe ; & quoique ces 
machin:s fuffent d'un fort petit volume & très portatives , elles don- 
noient cependant autant d'électricité que pouvoit le faire une machine 
à globe ordinaire d’un volume beaucoup plus confidérable. (Voyez la 
defcription de ces Machines, tome [, 1773, page 226 ; tome III, 
1774; page 354). 

Dès que M. le Roy eut vu cette machine & fes effets, il conçut 
qu'on pouvoit en tirer un parti beaucoup plus avantageux qu'on ne 
l'avoit fait, en la rendant propre à donner non-feulement l'électricité 
ordinaire ou l’éleétricité en plus , mais encore celle qu’on appelle l'élec- 
tricité en mous. 

Pour comprendre ce qu'il crut devoir y changer pour parvenir à ce 
but , il faut fe repréfenter que la machine de Ramfden eit compofée 
d'un plateau de verre , monté fur un arbre, avec une manivelle au 
milieu de deux morceaux de bois , entre lefquels il y a des couflins 

ui fervent à frotter le plateau de bois; M. le Roy changea la po- 
tion des couflins , les mit en dehors des montans du plateau, & 
les fit porter par un fupport de verre qui les ifoloit ; par ce moyen, 
la nouvelle machine , en confervant fon premier degré de fimplicité , 

ouvoit fervir à préfenter les phénomènes qui dépendent des deux 
électricités. 


\ 


SUR EHIST. NATURELLE ET LES ARTS. $$ 


M. le Roy communiqua fes idées à M. l'Abbé Meunier , qui s'occupe 
avec fuccès des expériences de Phyfique, & fur-tout de celles d'Elec- 
tricité ; ce jeune Abbé fic exécuter une Machine , qui ayant été pré- 
fentée à l'Académie , prouva qu'on pouvoit, avec ce fyftéme de conf- 
truétion nouvelle, exécuter très-commodément les expériences de l'E- 
leétricité en plus , comme avec les Machines ordinaires , & de plus toutes 
celles de l'Elcélricité en moins (1). 

Cependant , l'ufage de cette Machine fit entrevoir à M. le Roy qu’on 
pouvoit la rendre plus fimple & plus folide , & c'eft ce qui l'a déter- 
miné à en faire conftruire une autre , dont on voit ici le defin, figure 
premiere, planche I]. 

Elle eft cecmpofée d'un plateau ou d'une roue de verre P, avec une 
manivelle ; de deux couflins € C , foutenus par un reflort R , dont on 
règle la preflion contre le plateau , au moyen de deux vis, fig. 2, VV, 
& d'un tÉdèse S qui fert à porter Le tout. Ce fupport eft de verre, pour 
ifoler les couflins quand on le juge convenable. 

Les couflins font mobiles fur leur centre , pour qu'on puiffe changer 
à volonté la pofition du grain ou du tiflu de leur étoffe, relativement 
au fens dans lequel le plateau tourne: M. le Roy a remédié , par cet 
artifice ingénieux , à La diminution d'Electricité, qu’on remarque lorfque 
les couflins ont frotté un certain tems , & que les afpérités fe font dé- 
truites en fe couchant dans le fens du frottement. M. le Roy a reconnu 
qu'il fufffoit de changer la ee des couflins pour ranimer l’Ele&ri- 
cité, en rétabliffant le jeu des vibrations par l’action des afpérités fur 
le plateau de verre : à côté du plateau font deux conducteurs ; lun 
M eft à côté des couflins CC , & l'autre N dans la partie oppofée; 
ces deux condaéteurs font ifolés à l'ordinaire, 

Avant de montrer l'ufage qu'on peut faire de cette conftruction dans 
les expériences qui ont rapport aux deux Electricités en plus & en 
moins , M. le Roy rappelle toute la doctrine qu'il avoit expofée dans 
les Mémoires de 1753 & de 1755, fur la diftinétion des deux Elec- 
tricités & fur les phénomènes qui les caractérifent : nous croyons 
qu'un précis de cette doëétrine étoit indifpenfable, pour montrer les 
avantages de la nouvelle conftruétion , & qu'il ne peut faire qu’un 
grand plaifir à nos Lecteurs qui prennent intérêt à cette partie inté- 
reflante de la Phyfique expérimentale : ainfi , nous ferons parler 
M. le Roy dans cet extrait pour leur inftruction, autant qu'il nous 
fera poñible. 


On s'accorde aflez à regarder le fluide électrique comme un fluide 


(1) Voyez les Planches & les Mémoires où cetre Machine eft décrite, indiqués 
dans la page précédente. 


Tome W, Part. 1 177$. 


s6 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


fort fubtil, fort“élaftique , qui tient beaucoup de la matière du feu, 
& qui elt répandu dans tous les corps , excepté peut-être dans le verre 
& dans les fubftances vitreufes qui au moins n'en contiennent qu'une 
très-petite quantité. Ce fluide éle@rique paroït réfider dans les corps , 
comme l'air réfide dans l'eau; &, comme on ne peut condenfer l'air 
ou le raréfer à la furface d’un fluide , fans condenfer ou raréñ:r celui qui 
S'y trouve contenu, on ne peut de même condenfer ou raréfer Le fuide 
électrique à la furface des corps, qu'on ne condenfe ou qu'on ne raré- 
fie celui qui réfide dans leur intérieur. 

Par une fuite de ce premier effet, on fent qu'on ne peut augmenter 
ou diminuer la quantité de matiere électrique contenue dans un corps, 
fans augmenter ou diminuer en même tems fa denfité dans ce corps : 
enfin , la denfité du fluide éleétrique , paroiflant la même dans tous les 
corps éleérifables par communication , cet état doir être regardé comme 
un milieu auquel on rapporte tous les autres états, d'après lequel on 
juge que le fluide éleétrique eft cordenfé dans un corps, ou qu'il eft 
raréfié dans un autre, Ainf, quand la denfité du fluide éle&rique eft 
plus grande dans un corps qu'elle ne left dans tout corps éleétrifable 
pat communication, & qui n'eft pas actuellement éleétrifé, on dit que 
le fluide électrique eft condenfé dans ce premier corps; & fi la den- 
fité du fluide électrique eft moindre dans ce corps que dans tout corps 
électrifable par communication & non éleétrifé, on dit que le fluide 
électrique eft raréfié. 

De- ces dénominations d’'Eleéfriciré en plus, & d’Electricité en 
moins, par condenfation ou par raréfaëtion, qui fervent à caractérifer 
la manière dont on conçoit qu'un corps eft électrifé; la première in- 
diquant qu'on a augmenté le fluide électrique dans ce corps, la fe- 
conde qu'il a été diminué. 

Le verre, le foufre & les réfines font, fi cela fe peut dire, les inf 
trumens dont on fe fert pour produire les phénomènes de l'Eleétricité: 
ces fubitances peuvent être envifagées comme des pompes à feu élec- 
triques, par le fecours defquelles on raréfie ou l'on condenfe le feu 
dans les corps; ce qu'il y a de fingulier, c'eft que quelques-unes de 
ces fubftances agiflent dans la double opération de condenfer & de 
raréfier le Auide électrique d’une manière abfolument contraire des 
autres : ainfi, le globe de verre pompe le fluide électrique des couflins 
ou des corps qui le frottent, tandis que le globe de foufre le con- 
denfe dans ces corps; & ce dernier globe pompe le fluide électrique 
des conduéteurs, pendant que le globe de verre le dépofe ou le con- 
denfe dans ces corps. 

D'après tout ce qui vient d’être expofé ci-deflus, on voit, 1°. que 
le globe de verre eleltrife les couilins en moins , & les conducteurs er 


Plus 


\ 
SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 57 


plus , en raréfant l’Eleétricité dans les premiers, & la condenfant dans 
les feconds: 2°. que le globe de outre produit les mêmes effets dans 
un ordre renverfé; c’eft-à-dire qu'il éleëtrife les couffins en plus, & les 
conducteurs en moins, en condenfant le fluide éleétrique dans les pre- 
miers, & le raréfiant dans les feconds : 3°. qu'avec l’un ou l'autre de 
ces globes, on peut électrifer les corps en plus ou en moins à volonté, 
fuivant qu'ils font ou couflins, ou conducteurs : 4°. que l'Eleétricité 
propre du verre eft l'Eleétricité en plus, puifqu'il fe charge, pendant 
fon éle&rifation, du fluide éleétrique qu'il pompe des corps qui le 
frottent; & que celle du foufre eft l'Elcélricité en moins, puifque 
dans fon éleétrifation, il fe dépouille de fon fluide électrique Fe 
donne aux corps qui le frottent: c'eft en partant de ce double effet, 
qu'on caractérife l'Electricité propre de chacune de ces fubftances 

ar le nom de la fubftance mème. Ainfi, l’on a appellé l'Eleëfriciré 
en plus , Eletricité vitrée; & l'Eleétricité en moins , Eleétricité réfi- 
neue. 

Cependant, on a conclu de-là, mal-à-propos, que le verre ne 
pouvoit communiquer que l’Electricité vitrée ou en plus, & que le 
foufre ne donnoit jamais d'autre Eleétricité que la réfineu/e, ou l'E- 
leétriciré en moins : mais par ce qu'on a dit plus haut, on comprend 
que fi ayant à électrifer un corps, on le fait communiquer avec le 
couffin, au lieu de le faire communiquer avec le conducteur; dans 
ce cas, l'Elcétricité communiquée par le verre, au lieu d'être vitrée 
ou en plus, fera réfineufe ou en moins; & refpectivement l'Eleétricité 
produite par le foufre, au lieu d’être réfineufé ou en moins , fera 
vitrée ou en plus. 

Par une fuite de la même erreur, on a prétendu que l'Eleéfricité 
en moins étoit plus foible que l'autre; on en jugeoit fur celle que don- 
noit le foufre: or, fi dans la réalité cette Electricité ez moins eft 
produite par le verre comme par Le foufre, on ne peut plus en 
prendre cette idée ; d’ailleurs, il réfulre de plufieurs expériences qu'on 
trouve dans les Mémoires de M. le Roy, que l'Eleéfricité en moins, 
qu'excite le verre dans les couflins ou dans les corps qui le frotrent , 
eft tout aufli forte que l'Eleëfricité en plus qu'il produit dans les con- 
ducteurs. 

Ce n'eft donc pas par le degré de force où de foibleffe qu'on 
doit juger de ces deux Electricités : les phénomènes qui les caracté- 
rifent, & que M. le Roy a découverts & décrits dans les Mémoires 
de l'Académie de 1753 & 1755, font, 1°. l'aigrerte qu'on voit aux 
pointes des corps électrifés en plus; aigrette formée par la fortie du 
fluide éleétrique, qui, étant condenfé dans ces corps, s'en échappe : 
2°. le point lumineux que l'on obferve à l'extrémité des pointes de 


Tome V, Part. I. 1775. 


58 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


métal qu'on préfente aux corps électrifés en plus ; ce point [umineux 
eft vifiblemert produit par le fluide électrique qui entre dans ces corps. 
Dans le cas de l’Elecricité en moins, par exemple, ces différens feux 
ou apparences de la lumière électrique , fe trouvent placés d’une ma- 
nière directement oppofée. Le corps électrifé en moins a le point lu- 
mineux: au contraire, le corps qui en approche a une aigrette, quoi- 
qu'il ne foit pas électrique; ce qu'il eft très-effentiel de remarquers 
Dans le cas Ë une Electricité en plus, le corps éleélrifé en plus a l'ai- 
grette, & le corps qu'on en approche, le point lumineux. IL réfulte 
de-là, évidemment, que la relation entre la denfité du fluide élec- 
trique, dans le corps qui eft électrifé en moins & dans celui qui ne 
left point du tout, eft exactement du même genre que Le rapport de 
la denfité du fluide électrique, dans un corps qui n'eft point électrifé , 
& dans celui qui eft électrifé en plus. 

Ces principes étant développés, M. le Roy pañfe à l'ufage de {a 
nouvelle Machine, & fait voir comment elle donne l'Eleétricité en 
plus & en moins, ou féparément, ou toutes les deux enfemble. 

Pour avoir la première , une perfonne pofant fur le plancher, mettra 
la main fur les couflins CC, ou fur le conducteur M porté fur du 
verre, & qui communique immédiatement avec ces couilins par une 
chaîne de métal : alors, la Machine donnera l'Eleétricité en plus; car 
cette perfonne, touchant les couflins ou leur conducteur M, eft précifé- 
ment dans le même cas que celle qui frotte le globe dans les Machines 
ordinaires. Veut-on qu’elle donne uniquement l’Eleétricité en moins ? 
La perfonne paflera CE l'autre côté, & pofera la main fur le conduc- 
teur N du plateau, & ce changement de fituation fufhira pour que la 
nouvelle Machine donne l’Electricité en moirs : car, fuivant ce que 
nous avons dit ci-devant, le plateau étant de verre, il doit pomper 
le fluide électrique des couflins; & ces couflins communiquant avec 
le conducteur M , ils ne pourront perdre de leur fluide, qu'ils n’en 
enlèvent en même tems du conducteur. Or, étant ifolé comme eux, 
il ne pourra recevoir des corps environnans le fluide qu'il a perdu: 
il reftera donc, ainfi que les couffins, privé d’une partie du fluide 

u'il avoit auparavant; il fera donc électrifé en moins, & la Ma- 
chine faifant l'office d’une pompe propre à tirer le fluide électrique des 
autres corps, exécutera toutes les expériences de lElectricité en 
moins. 

M. le Roy a fuppofé qu'une perfonne pofoit la main tantôt fur le. 
conducteur des couflins M , tantôt fur celui du plateau N. Mais il 
obferve qu'un fil de fer ou de cuivre , ou tel autre corps métallique, 
faifant alternativement la communication avec l’un ou l’autre des con- 
ducteurs & le plancher, peut y être employé avec un égal fuccès. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. $9 


Pour rendre la Machine propre à produire les deux Electricités en 
même tems, il fuffit qu'aucun des deux conducteurs ne communi- 
que avec le plancher; c'eft-à-dire que le conducteur du plateau N 
aura l'Electricité en plus, & celui des couffins M l’Electricité en 
moins. 

On pourra, en conféquence, faire, avec les Elecricités de chacun 
des deux conducteurs, non-feulement les expériences qui en dépen- 
dent, mais encore toutes celles qui appartiennent à la combinaifon 
des deux; comme, par exemple, de charger la bouteille de Leyde, 
en faifant communiquer fon crochet avec un des deux conduéteurs , 
& fa panfe avec l’autre : on fait de même l'expérience de la deftruc- 
tion des deux Electricités contraires, telle que M. le Roy l’a rapportée 
dans fon Mémoire de 1753, en faifant communiquer enfemble, par 
un fil de métal, les deux conducteurs; on voit dans un inftant leur 
Electricité difparoître. 

La raifon de cette difparition des phénomènes eft bien fimple à 
fair; Œ fluide électrique eft condenfé dans le conducteur N, pré- 
cifémentaurant qu'il eft raréfié dans le conducteur M. Or, lorfqu'ils 
communiquent enfemble, le fluide fe remet dans tous les deux à 
a denfté ordinaire. Le conducteur N donnant au conduéteur M ce 
qu'il avoit de plus que certe denfité, l'équilibre fe rétablit entiére- 
ment, ainfi que l’état de denfité ordinaire où l'Eleétricité n'eft plus 
fenfble. 

On peut encore, avec cette Machine, voir tout-à-la-fois, par un 
grand nombre de combinaifons différentes, comment les corps élec- 
trifés en plus ont toujours des aigrettes, & ceux qu'on leur préfente, 
des points lumineux, & réciproquement comment ceux qui font élec- 
trifés en moins ont des points lumineux, & ceux qu'on leur préfente, 
des aigrettes. 

Enbn, la facilité que cette Machine préfente, de produire l'Elec- 
tricité en moins, engagera, fans doute, plufeurs Phyhciens à s’aflurer 
que cette Electricité a autant de force que l'Eleétricité en plus, & à 
multiplier les expériences avec cette Electricité : il y a peut-être 
plufieurs phénomènes nouveaux à découvrir en employant cette Elec- 
tricité, & ce fera encore un fervice que cette Machine rendra à la 
Phyfique, & dont on fera redevable à M. le Roy qui lui fait ce 


préfent, 


Tome F, Part, I. 177$: H 2 


’ 


60 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Q'UAE:S PT ONE SE PARVÉE CIM SFES, 
Concernant le Sy fléme de l'Air fixe 


Par M. DELAFOL:E, de l’Académie de Rouen. 


! FN de Savans ont accrédité l’exiftence d’un air fixe. Cet 
air fixe doit être, felon eux, d’une autre nature que Fair de l'atmof- 
phère. C’eft un fluide élaftique particulier, avec lequel la Nature opère 
une infinité de métamorphofes; en un mot, c'eft Le fil qui va nous 
faire connoître & parcourir le labyrinthe de la Nature. Cependant, 
lufieurs perfonnes ont été arrêtées aux premiers détours, & je fuis un 
de ces voyageurs qui, égarés par le guide qu'on leur avoit donné, 
cherchent à reconnoître eux-mêmes leur route. 

Je crois appercevoir la caufe d'un grand nombre de phiénomè- 
nes, fans être obligé d'admettre de nouvelles fubftances, telles que 
Fair fixe, dont la formation me paroît aufli incompréhenfble 
que celle des élémens. Mais avant de pe mes idées à cet 
égard, je m'occupe à rechercher des raifons qui pourroient les dé- 
truire. 

J'ai vu, avec le plus grand plaifr, les expériences ingénieufes , fui- 
vant lefquelles l'air combiné avec diverfes émanations de différens 
corps, produit fur d'autres corps des effets finguliers; mais je fuis de 
plus en plus incrédule fur l’exiftence d’un air fixe. 

En effet, en faifant des réflexions, non-feulement fur les odeurs 
des minéraux, mais fur celles de toutes les plantes & fleurs, il m'eft 
impoflible d'attribuer ces variétés odoriférentes aux feules proportions 
d'un air fixe. D'ailleurs, comment cet air nommé fixe, pourroit-il être 
en même tems fi volatil ? Je n’en tiens donc à dss idées plus fimples. 
Je conçois que les odeurs font des émanations des corps mêmes qui 
frappent notre odorat, car tous les fens fe réduifent à un feul qui eft 
le toucher. Je conçois que la variété immenfe des formes & pefan- 
teurs de ces petits corps au émanations, nous donne aufh cette variété 
infinie de fenfations. Je conçois, par exemple, que l'air eft le véhicule 
de ces émanations. Je conçois que cet air eft plus ou moins chargé 
de ces émanations. Je conçois que plufieurs de ces petits corps peu- 
vent être d’une forme à pouvoir pénétrer les vaifleaux pulmonaires 
d'un animal qu'on y expofe, & déranger fubitement la circulation de 
fon fang. Je conçois encore pourquoi cet air, chargé de ces émana- 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 6x 


tions dangereufes, étant lavé dans de l’eau, perd cette qualité mal- 
faifante, parce que non-feulement la percufhion de l’eau a pu donner 
une autre forme à ces petits corps ou émanations; mais encore parce 
qu'elle aura condenfé ces mêmes émanations, qui, ne formant plus 
alors pefanteur fpécifique avec l'air, ceflent de le rendre nuifible aux 
animaux. Je concois enfin, par la même raifon, que l’exfudation des 
plantes peut produire les mêmes effets. 

Telkes font, en peu de mots, les idées fort fimples qui m'em- 
pêchent d'admettre en Chymie une nouvelle fubitance incompréhen- 
fible. = 

Le coup électrique, qui rougit la teinture de tourne-fol enfermée 
dans un tube de verre, & qui, felon mei, ne provient que de l'acide 
des parties fulfureufes contenues dans l'atmofphère, lequel acide de- 
vient libre par l'inflammation du phlosiftique : enfin, les expériences 
féduifantes de Calcinations & réduétions métalliques, fous la cloche 
de verre au foyer du miroir ardent, ne m'ont pas donné là moindre 
conviction de l'exiftence de l'air fixe; & je crois voir diftinctement 
la raifon de ces phénomènes, par des principes plus fimples & plus 
conformes aux loix de la Be 

Au refte, je peux étre dans l’er&ur, mes lumières font foibles. Sou- 
vent l'illufon difparoît aux approches d’une clarté plus vive. Je pro= 
voque donc ici les partifans de l'air fixe; mais je ne les provoque que 
pour m'inftruire. Ce n'eft qu'en frottant le diamant qu’on peur, au din 
de l'obfcurité, en obtenir de la lumière; je les preffe donc avec inf- 
tance de répondre aux queftions fuivantes. 


PREMIÈRE QUESTION. 


Si le métal réduit en chaux métallique, n’augmentoit de poids que 
par l'air fixe, il réfulteroit donc qu'un morceau de plomb de Ê onces, 
qui après la calcination peferoit fept onces , ne devroit cette aug- 
mentation de poids qu'à un volume d’air qui sy feroit fixé. Or, je de- 
mande par quelles forces, par quelles loix des pefanteurs, 700 pouces 
cubes d'air, qui forment à-peu-près le poids d’une once, ont-ils pu être 
comprimés dans fix onces de plomb? 


SECONDE QUESTION. 


Comment 709 pouces cubes d'air peuvent-ils être ajoutés À un vo- 


lume auf petit que celui de fix onces de plomb , fans augmenter con= 
idérablement ce même volume? 


Tome F, Part, I, 1775. 


62 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


TROISIÈME QUESTION. 
: LL d 
En RRPARe que 700 pouces cubes d'air puiflent être condenfés 
au point de ne pas avoir plus de volume qu’une once de plomb, com- 
ment un corps devenu auili pefant que le plomb, peut-il être impal- 


pable & invifble ? 


QUATRIÈME QUESTION. 


L'air fixe doit avoir du reflort, puifqu'on fe nomme fluide élaftique: 
sil a du reflort, comment conçoit-on qu'une once d'air comprimé 
dans fix onces de plomb, ne faile pas de explofions lorfqu'on lui 
donne quelqu'iflue, tandis que trente grains d'air, enfermés dans une 
canne à vent, en font de fi terribles? - 


CINQUIÉËÈME QUESTION. 


J'ai pefé un matras de verre hérmétiquement fermé, où j'avois mis 
deux onces de plomb; j'ai fait calciner une partie de ce plomb au 
foyer d’un miroir-ardent; j'ai pefé de nouveau le matras, & j'ai trouvé 
une augmentation de poids. 11 n’eft cependant entré dans mon vafe 
d'autre air que celui qui avoit été déja pefé : eft il donc pofible que ce 
{oit de l'air qui ait augmenté Le poids du métal ? 


SIXIÈME QUESTION. 


Un de mes amis, grand partifan de l'air fixe, formoit , depuis quel- 
que tems, dans une grande cucurbite de verre exactement fermée, du 
précipité per fe; & m'expliquant cette formation d’après fes principes, 
il me foutenoit alors que l'air contenu dans la cucurbite fe fixoit peu- 
ä-peu dans le mercure: malheureufement on poufla un peu trop le feu 
fous le vafe, & fur le champ le mercure redevint Auide. Il eut de lhu- 
meur. Je pris fincérement beaucoup de part à la grande volatilité de 
fon air fixe : je le priai, en même tems, de m'expliquer comment 
l'air, devenu fixe par le fecours de la chaleur, avoit pu cefler de 
l'être par l'augmentation de ce même fecours? J'attends encore fa 
réponfe. 

Enfin, je ne multiplierai point davantage mes queftions; je veux être 
preffant, mais je ne veux pas être importun. J'exige feulement quelques 
tolutions réfultantes d’un principe intelligible, & dans l'inftant je de- 
viens partifan de l'air fixe. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 63 


JE LUS, ie ES : VAR: VOUS FaMEE à 


DEV SR ENG AISTR ES 
DIEM AN CI D ÉMIIE 7R\ O YIALL E 


D'ESL SCIENCES. 


Sur des Horloges Marines. 
Du 18 Juin 1774. 


Na avons examiné, par ordre de l'Académie, MM. de Fouchy, 
Vaucanfon & le Roy, plufeurs horloges marines de feu M. Rivaz, 
w'il s'étoit propofé de porter à Londres pour concourir pour le prix 
a longitudes; mais qu'étant obligé de retourner dans fon pays, i 
laiffa, il y a plus de treize ans, entre les mains de M. Duchefne, 
Secrétaire des Commandemens de Madame la Comtefle de Provence, 
M. Rivaz étant murt l'année paflée, ou il y a deux ans, M. Du- 
chefne, zélé pour le progrès des Arts & des Sciences, a préfenté 
ces horloges à l'Académie, pour qu’elle en prît connoiflance, & que 
fi elles renfermoient dans leur conftruétion quelque méchanifme, ou 
quelqu'invention, qui, au jugement de la Compagnie, fuflent utiles 
aux progrès de l'horlogerie, les perfonnes de l'Art puflent en pro- 
fer. 
._ Ayant mis fous les yeux de l'Académie ces circonftances, qu'il nous 

a paru néceflaire de rapporter, relativement au détail où nous allons 
entrer fur ces horloges, nous allons lui rendre compte de l'examen que 
nous en avons fait, 

Elles font au nombre de trois, toutes conftruites à-peu-près de la 
même façon, ou fur les mêmes principes; cependant, il femble , à en 
juger par la manière dont elles font exécutées, qu'il y a eu une 
efpèce de gradation dans les idées de l’Auteur, & que celle qui, pax 
la fupériorité de fon exécution, paroît avoir été faite la dernière, 
eft encore mieux entendue que les deux autres : mais comme les 
principes fur lefquels elles font conftruites font les mêmes, comme 
nous l'avons dir, nous nous attacherons particulièrement à faire con- 
noître les parties effentielles de cette troilième, parce que ce que nous 
en dirons, pourra s'appliquer également aux deux autres; cependant 


Tome W, Part. I. 177$. 


64 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


nous aurons foin de faire remarquer dans l’occafon, en quoi elles en 
différent. 

Les Savans & les Artiftes, fuMfamment inftruits dans ces matières, 
favent qu'il y a cinq articles principaux dans la conftruétion des montres 
ou des horloges deftinées à donner les longitudes à la mer, qui mé- 
ritent la plus grande attention. 

Le premier regarde la force motrice & le rouage, dont l’action 
doit être la plus égale & la plus conftante poflible, à moins que l'é- 
chappement, par fa nature, ne puifle la corriger; encore eft-il toujours 
mieux que cette action foit uniforme. 

Le fecond, l’'échappement qui, par fa nature, doit laiffer au balan- 
cier ou régulateur, autant qu'il eft poflible, toute la liberté de fes 
vibrations. 

Le troifième, la manière dont le balancier ou le régulateur eft fuf- 
pas en forte qu'il éprouve le moins de frottement poflible, & que 
es vibrations aient la plus grande liberté, fans Dee qu'il en ré- 
fulte aucun inconvénient , relativement aux fecouffes que la machine 
peut éprouver à la mer. 

Le quatrième, l'ifochronifme des vibrations du régulateur, ou la 
néceflité que les grandes comme les petites fe faflent dans le même 
tems. 

Enfin, le cinquième a pour objet la compenfation, où la manière 
de remédier aux variations de l’horloge, réfultant néceffairement des 
différens degrés de froid & de chaud qu'elle éprouve : ainfi fans 
nous arrêter à parler de la propriété qu'a la troifième horloge de 
M. Rivaz, de marquer l’équation & d’aller un tems confidérable , 
nous ne nous attacherons qu'à confidérer comment elle eft difpofée, 
par rapport aux différens articles eflentiels dont nous venons de faire 
l’énumération. 

L'action de la force motrice dans cette horloge, eft tranfmife à la 
roue de rencontre, au moyen d'un remontoir dont Le petit reflort eft 
bandé quatre fois dans trente fecondes, ou toutes les fepe fecondes & 
demie. Dans les deux autres, il n’ett bandé que toutes les quinze {e- 
condes ou à-peu-près : voici comme il eft difpofé. 

L'avant-dernière roue, ou celle qui précède la roue de rencontre, 
engrène dans un pignon, fur l’arbre duquel il y a une pièce qui 
porte le petit reflort du remontoir, qui, difane corps par fon extré- 
mité intérieure avec l'arbre de la roue de rencontre, occalionne fon 
mouvement en fe débandant : & comme il faut que l’action du 
rouage foit fufpendue pendant que ce petit reflort agit pour faire 
tourner la roue de rencontre, l'avant-dernière roue engrène encore 
dans un autre pignon, & du même nombre que Le précédent, qui 

porte 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 6% 


potte fur fa tige, au dehors de la platine, quatre efpèces de rayons 
fort longs & forts déliés, qui vont repofer alternativement fur l'arbre 
ou fur is tige de la roue de rencontre, dont le diamètre eft peu 
confidérable : ainfi pendant ce repos, l'action de rouage eft arrétée. 
Mais cette tige ayant quatre entailles alternativement M Mr &c 
qui laiflent pafler fucceflivement les rayons, le petit reflort eft en 
conféquence remonté à chaque fois que l’un de ces rayons échappe: 
on voit ainfi, par, cette méchanique, que toute l’action du rouage 
fe réduit à bander le petit reflort du remontoir, & qu’ainfi on n'a 
rien à craindre de l'inégalité de la force motrice, ou de l’aétion du 
rouage. On voit encore que Les chofes font bien difpofées, pour que 
même le frottement des rayons contre la tige foit infenfible , puif- 
que ces rayons font très-longs, & que cette tige eft d’un petit dia- 
mètre, 

L'idée de prévenir les inégalités de la force motrice , en la tranf- 
mettant au Er mobile, au moyen d’un remontoir , n'eft pas nou 
velle, comme on fait; M. Leibnitz la propofa autrefois ; plufieurs 
Horlogers en ont fait ufage depuis, & particulièrement M. Harrifon 
dans fon Garde-tems.: mais la manière dont M. Rivaz a conftruit le 
fien, nous paroît des plus fimples & des plus ingénieufes. : 

Nous ferons fort courts fur le fecond article, c’eft-à-dire , fur l’é- 
chappement; celui que M. Rivaz a employé étant à roue de rencontre, 
& les inconvéniens de cet échappement étant fuffifamment connus : 
il eft vrai qu'au moyen du remontoir, ces inconvéniens deviennent 
moins à craindre ; cependant l’Auteur ne paroît pas avoir mis beaucoup 
de foin à les rendré moindres, en diminuant les frottemens des pi- 
vots de la roue de rencontre , & de ceux de la verge : au refte le 
frottement de ces derniers eft de peu de conféquence par la manière 
dont le balancier eft adapté à la verge , ainfi que nous allons le faire 
voir en paflant, au troifième article. É 

Le balancier , dans ces horloges , n’eft point foutenu ou porté par 
des pivots ; il eft fufpendu par un reflort droit , au milieu duquel il 
et adapté , & ce reffort eft arrêté fixément par fes deux bouts : par- 
là il n'éprouve dans fon mouvement aucun A ,-puifqu'étant 
foutenu de cette manière , il n’a pas befoin de pivots qui roulent dans 
des trous , ou fur des rouleaux , & qu'il n’a d'autre réfiftance à crain- 
dre dans fes vibrations , que celle qui réfulre de la lame du reflort 

u'il eft obligé de bander alternativement tantôt d’un fens, tantôt de 
l'autre, Dans la troifième horloge que nous décrivons , le plan de ce 
balancier eft horifontal , ainfi que dans celle que nous regardons 
comme la première ; il eft vertical dans la feconde : dans ces deux 
dernières horloges , il eft fort léger & fort grand, ayant près de huit 

Tome V, Part. I. 1775. I 


66 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


pouces de diamètre ; dans la troifième, il eft beaucoup plus petit, n’en 
ayant que trois & quelques lignes. 

Par la manière dont le balancier eft foutenu ou fufpendu dans ces 
horloges, on peut en comparer l'effet au pendule fufpendu par des 
lames de reflort, lequel n'éprouve par-là aucun frottement dans fes 
ofcillations , ces lames leur rendant, par leur élafticité , le mouvement 
qu'elles lui font perdre Li leur réfiftance. 

Cependant on demandera comment le balancier étant ainfi fufpen- 
du, il fait corps avec la verge des palettes ; car s'il portoit cette verge, 
fon engrenage avec les dents de la roue de rencontre, varieroit à 
chaque inftant par les fecoufles que la machine pourroit recevoir, & 
qu’elle recevroit indubitablement à la mer. Pour répondre donc à cette 
queftion, nous ferons obferver, 1°. que les pivots de la verge roulant 
dans des trous, comme nous l'avons dit, elle eft maintenue par-là, 
dans une pofition fixe ; 2°. que fon action & fes mouvemens fe tranf- 
mettent au balancier, au moyen d'un fil d'acier qu'elle porte, & qui 
pañle & s'engage dans une efpèce de fourchette placée fur le plan de 
ce balancier. On voit par-là comment cette verge lui eft adaptée; & 
comment , par fes mouvemens alternatifs , elle le fait vibrer comme fi 
elle faifoit réellement corps avec lui : on conçoit feulement qu'il faut 
que l’efpèce d’axe, autour duquel le balancier eft cenfé tourner par 
cette difpofition , ne foit pas trop éloignée de celui de la verge des 
palettes , afin que les arcs qui dérivent refpectivement, & cette verge 
& ce balancier ne foient pas trop excentriques ; & c’eft à quoi il paroït 
que M. Rivaz s'eft appliqué. 

Nous voici arrivés au quatrième article, ou à fifochronifme des 
vibrations , article qui eft des plus importans. On vient de voir que 
dans ces horloges , le balancier eft porté ou fufpendu par un reffre 
droit : or ce reflort fait ici une double fonction ; l'une, de porter, 
comme nous venons de le dire, le balancier ; l'autre , de régler fes 
mouvemens ou fes vibrations. Il eft certain, comme M. le Roy l'aîné 
l'a découvert & prouvé par nombre d'expériences , que dans les ref 
forts formés en fpirale, les grandes vibrations fe font dans le même 
tems que les petites , routes les fois que la force de ces refforts fe 
trouve dans la proportion requife avec leur longueur : delà, fi les 
reflorts droits iouiffbfent de la même propriété , il s’enfuivroit qu'on 
pourroit amener de même ceux des régulateurs de M. Rivaz à être 
ifochrones dans leurs vibrations grandes ou petites; cependant, il paroît 
par différentes expériences, que dans ces reflorts, les grandes fe font 
en moins de tems que les petites; ce qui feroit préfumer qu'il faudroit 
au moins qu'ils euflent une grande longueur, ou qu'ils fuffent fort 
étroits pour approcher de l'ifochronifme : mais quand même ce point 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 67 


feroit décidé, ce que nous ne regardons pas cependant comme certain, 
on pourroit toujours rendre ifochrones les vibrations des régulateurs 
Siné fufpendus, en combinant l'action de leurs reflorts droits , avec 
celle des reflorts fpiraux. 

La manière de fufpendre fon régulateur a fourni à M: Rivaz un 
moyen aufli fimple qu'ingénieux , pour produire la compenfation qui 
forme le cinquième & dernier article de notre examen. Le balancier 
étant porté par un reflort droit , arrêté fixément à fes deux extrémités, 
comme nous l'avons dit, on conçoit que plus ce reflort fera bandé ou 
tendu , plus fes vibrations feront précipitées ; réciproquement, que 
moins il fera tendu , plus elles feront retardées : c’eft & ce double 
effet, réfultant de la manière dont fon régulateur eft foutenu , qu'eft 
fondée la compenfation de l’Auteur. 

Pour en donner plus facilement une idée , nous commencerons par 
expliquer comment elle eft exécutée dans les deux premières horloges, 
parce qu'on l'entendra plus aifément ; nous dirons enfuite en Ft en 
diffère la compenfation de la troifième. Parallélement au reflort ré- 
glant qui porte le balancier , il y a une lame d'acier , qui eft fixée 
par les deux extrémités précifément aux mêmes pièces que celles qui 
ai ce reflorc. Nous avons dit que cette lam& étoit d'acier; cepen- 

ant élle ne l’eft pas en entier , étant compofée de deux parties, l'une 
d'acier, & l’autre de laiton. Delà, lorfqu'en conféquence de la cha- 
leur, par exemple , le chaîis ou bâtis de fer auquel tiennent les pièces 
qui portent le reflort qui foutient le balancier , s'alonge, ce ‘reflort 
S'alongeant pareillement , fa renfion refteroit à-peu-près la même. Mais 
étant devenu plus long , fes vibrations deviendroient néceffairement 
plus lentes ; il eft donc néceflaire qu'elles foient accélérées. Or voici 
comment cet effet fe produit. La lame compofée des deux métaux ou 
compenfatrice ; alongeant plus que celle du reflort réglant, elle per- 
met à la pièce qui porte une des extrémités de ce reflort, & qui fai 
continuellement effort pour fe tendre , d'exercer fon action, & de le 
tendre, d'autant plus que par fon aléngement, fes vibrations feront 
devenues plus lentes ; lorfqu’au contraire le froid raccourcir le chafis, 
le:xeflort réglant étant raccourci de même , les vibrations devien- 
droïent en conféquence plus courtes. Mais la lame compenfatrice fe 
raccourciffant dans une plus grande proportion , bandera la pièce LE 
porte Le reffort réglant ; d'où fa tenfion étant diminuée ,'on obtiendra 
l'effet requis. On fuppofe bien , fans que nous foyons obligés de le 
dire jique la longueur refpective des parties ‘de laiton & d'acier qui 
compofent la lame compenfatrice ;font dans la jufte proportion qu’elles 
doivent avoir : car , fans cela , l'exa@te compenfation n'auroit pas 
lieu ; les longueurs de ces deux parties de laiton & d'acier , font dans 


Tome F, Part. I. 1775. L2 


68 ‘©OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Jes deux premières horloges dans le rapport à peu près de 19 à 76. 
Cette proportion neft point celle de la relation de la dilatation de ces 
deux métaux : mais ici il n'eft point queftion d’une compenfation de 
longueur, mais de la compenfation de force dans Le reflort réglant ; 
& l’on conçoit qu'elle doit avoir lieu par d’autres proportions de lon- 
gueur entre ces différens métaux. Au refte c’eft l'expérience qu'il faut 
confulter , & que fans doute l’ingénieux Auteur de ces horloges aura 
confultée lui-même, pour régler la proportion des longueurs des lames 
de laiton & d'acier, formant la lame compenfatrice. 

Dans la troifième horloge dont nous avons particulièrement décrit 
la conftruction dans. ce rapport, il y a une double équerre en fer, 
qui porte perpendiculairement à l'extrémité de chacun de fes bras deux 
traverfes horifontales , qui forment par-là chacune une efpèce de T. 
Cette équerre , qui eft un peu plus longue que le reflort réglant , 
tient par deux efpèces de coqs de fer, à la platine oppofée à celle des 
piliers. Chaque extrémité du reffort réglant eft fixément attachée au 
milieu d'un de ces T ; & à chacune de leurs extrémités, font pareil- 
lement fixées deux lames, dont l’une eft entièrement d'acier, & l’autre 
d'acier & de laiton, qui eft proprement la lame compenfatrice. On 
entendra facilement ‘par cette defcription , que la compenfation aura- 
lieu dans cette horloge comme dans les deux autres, car la double 
équerre s’'alongeant dans la. chaleur par fuppofition, le reffort ré- 
glant s’alongera de même, d'où fa tenfion reftant la même, fes vi- 
brations feroient retardées ; mais la lame compenfatrice s'alongeant 
dans un plus grand rapport, les deux T qui font un effort continuel 
pour s'éloigner l’un de l'autre , tendront davantage ce-reffort réglant , 
& lui feront regagner par-là ce qu'il avoit perdu. Mais on demandera, 
l'autre lame uniquement d'acier , ne s’oppofera-t-elle pas à cet effet 
dont vous parlez ? Oui, fans doute , juges un certain point, & il 
arrivera alots que les deux F s’ouvriront comme les branches d’une 
pincette. Auf M. Rivaz ayant compté là-deflus, a tenu dans cette hor- 
loge, la partie de laiton de la lame compenfatrice , beaucoup plus 
longue relativement à l'autre partie d'acier , que dans les deux pre+ 
mières horloges, dont nous avons décrit la compenfation. Nous devons 
ajouter qu'il a eu foin aufli de difpofer les chofes particulièrement dans 
ces deux horloges , de manière à pouvoir les faire avancer ou retarder, 
& même à en augmenter ou diminuer la compenfation jufqu’à un certain 
point. Cette compenfation , comme nous l'avons dir , eft ingénieufe; 
cependant, il eft à craindre que toutes fes parties ne confervent pas 
leur identité de relation avec le tems, & que par conféquent la compen- 
fation qui en réfulte, ne foit pas conftante ; c’eft ce que l'expérience 
apprendra. On peut encore obferver qu'il eft à craindre que la lame 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 69 


compenfatrice ne foit plus RAS affectée , par les différentes 
températures , que le chaflis qui la porte. Nous aurions encore plu- 
fieurs chofes à dire au fujet de ces horloges ; mais la crainte de fortir 
des bornes prefcrites dans les rapports , nous empêche de les ajouter 
ici. Nous comptons en avoir aflez dit pour que l'Académie s’en forme 
une jufte idée , & RTE des parties de la conftruction , qui 
paroiflent ingénieufes & bien entendues , telles que le remontoir, la fuf- 
penfon du balancier & la compenfation ; & felon l'opinion que nous 
nous en fommes formée , nous croyons qu'il eft important d’en inférer 
la defcription dans Le recueil des machines approuvées par l'Académie. 
Nous croyons même qu'il feroit à propos qu’on rétablit celle dont 
nous avons donné la Medbaons afin qu'on püt en faire des expé- 
riences convenables , & voir quel LE juftefle on pourroit en at- 
tendre. Nous favons d’ailleurs que M. Trudaine , toujours porté à 
favorifer tout ce qui peut tendre aux progrès des arts & des fcien- 
ces, en fera volontiers les frais. Enfin, nous devons à la mémoire de 
M. Rivaz la juftice de dire ici, que de n'ait remis fes horloges 
qu'en 1762 à M. Duchefne, elles font d'une date plus ancienne ; & 
que les deux premieres paroiffant avoir été exécutées en Suifle , avant 
que M. Rivaz vint à Paris, ont été faites, au moins, il y a plus de 
vingt-cinq ans. Fait dans l'Académie des Sciences , le dix-huit Juin 
mil fept cent foixante-quatorze. Signé, DE FOUCHY , VAUCANSON, 
& LE Roy. 


Tome F, Parr, TI, 1775: 


79 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


mé mr men ml sr > dé at 1 SA D DE LU BR eee — | 


LEFT Es" RUE 
De M. BONNET de Genève a M. VALMONT DE BOMARE. 


» JE viens de lire votre Mémoire fur le Baromètre animal , inféré 
» dans Le Journal de Phyfique de Novembre 1774. J’avois moi-même 
» fuivi bien des femaines du printems & de l'été, la marche des /gng- 
» fues, d'après ce que j'avois vu , comme vous, dans les papiers pu- 
» blics. Mes obfervations reviennent affez aux vôtres : je n’ai jamais 
»rien apperçu de régulier ou d’harmonique avec les variations du 
>» poids de l'air. Mais je foupconnerois que fi les fangfues ne font pas 
» de bons baromètres , elles font au moins des thermomètres très- 
» fenfibles. Toutes les fois que j'appliquois le bout de mon doigt fur 
» la bouche de la fanofue, tandis qu’elle étoit cramponnée contre les 
» parois intérieures du bocal , elle abandonnoit conftamment la place, 
» & fe portoit ailleurs. Cependant, mon doigt n’étoit pas toujours bien 
>» chaud , & il n'étoit pas appliqué immédiatement fur la bouche de 
5 l'animal ; le verre étroit Annie , & ce verre étroit bien propre à 
» intercepter la chaleur du doigt. La chofe avoit lieu également, foic 
>» que la fangfue füt hors de l’eau, foit Des fût plongée fous l'eau; 
» & cette dernière circonftance rend le fait encore plus remarquable. 
» C’eft donc principalement aux effets de la chaleur fur l'animal, qu'il 
5 faut regarder ici; & c’eft relativement à cet objet qu'il faudroit 
» diriger les expériences. Elles pourroient nous valoir des réfultats im» 
» prévus & intéreffans ». 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ‘1 


PACE ARR NUE 


Adreffée à l'Auteur de ce Recueil par M. DE Macuxy , pour fervir de 
Réponfe a M. Le SAGE de Genève & à M. MONET. 


E premier fe plaint de moi dans fa lettre fur fon Effai de Chy- 
mie méchanique , inférée page 244 du tome IV de votre Journal ; & 
le fecond , page 465 de ce même volume. Je prie M. le Sage d’ob- 
ferver que tous fes griefs font fondés fur ce que je n'ai pu connoître 
fa théorie que par l'extrait publié par M. de Limbourg. Or , fi cet 
extrait ne renferme pas un mot de fa veritable théorie, il fuit na- 
turellement que ce n’eft pas lui que j'ai critiqué , mais le mauvais 
extrait dont il fe plaint. En effet, j'étois fort furpris qu'un homme 
raifonnable eût imaginé des êtres ultramondains pour fonder un fyf- 
tème. Les plaifanteries que je me fuis permifes ne font pas des per- 
fonnalités qui le concernent , mais elles tombent fur une imagination 
fi fingulière. Il n'a fallu aucune précipitation pour lire, pour appré- 
cier & pour juger un extrait aufli court. D’après la réputation que 
M. le Sage s'eft acquife, perfonne n'eft plus difpofé que moi à lui 
rendre juftice , à attendre avec impatience le développement de fa 
nouvelle hypothèfe , & à lui payer le jufte tribut d’admiration qu'elle 
méritera. 

Si M. Monnet eft le premier des Phyficiens , des Naturaliftes & 
des Chymiftes qui ait avancé que l'eau de la mer ne tient pas de 
bitume , il a raïfon de dire quil n'a jamais renouvellé d'opinions ; 
sil le prouve , je pafle condamnation ; fi la faveur de l'eau de la 
mer n'a pas une amertume infoutenable , je pafle encore condam- 
nation. 

En proteftant qu'il n’a adopté l'opinion de perfonne , c’eft protefter 
de droit qu'il n'a jamais lu d'écrits fur cette matière. Il avoit fans 
doute un nuage fur les yeux, lorfqu'il a cru lire dans ma differtation 
ces mots peu honnêtes : un Monnet , un individu de cette efpèce. J'in- 
vite M. Monner à lire ma diflertation , & je prends le Public pour juge 
de cette inculpation purement gratuite. 


Sr 


Tome W, Part, I. 1775. 


72 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


EE 
LE T T RE 


De M. VALLOT, Infpeékeur des Eaux minérales du Beauvaifis, 
a l’Auteur de ce Recueil. 


Nes: vous avez inféré dans le Journal de Phyfique , au 
mois. d'Otobre 1774, un Mémoire de M. Briflon , Infpecteur des 
Manufactures de Lyon , dans lequel il s’exprimoit ainfi : Le territoire 
de Beauvaifis ne paroît pas encore avoir été fvigneufement examiné par 
aucun Naturalifte , ou du moins, on ignore quel a été le réfüultat des 
recherches qu'on y a faites. . . . Il ajoute : L’embarras de nommer avec 
précifion celui qui a dit le premier aux confommateurs des tourbes corra- 
dantes qu’elles pouvoient contenir du vitriol, ef une nouvelle preuve de 
da nécefliré de conftater l'époque de la naiffance des arts dans chaque 
Lieu... Et plus loin il dit: Cec art (la vitriolifation) ef? tout nou- 
veau dans ce pays , où la Chymie n'ayant fait, comme ailleurs , que des 
progrès trop foibles jufqu'a ce jour , on ignore ce qui ef} écrit dans maints 
ouvrages, même dans l'Encyclopédie au mot houille, que cette fubffance 
contient quelquefois du vitriol de mines. 

Ces réflexions calomnient tout à la fois les arts & les fciences ; & 
elles n'affeétent vivement, puifque la Société Royale d'Agriculture de 
Beauvais déclare formellement, dans le certificat qu'elle m'a accordé, 
que je fuis l'Auteur de la découverte dont parle M. Briffon, & que ce 
certificat eft même figné par lui, en date du premier Juillet 1774 5 
enfin qu'il eft foutenu par un autre certificat du Préfidial , & en outre 
par celui du Bailliage, par celui de l'Hôtel-de-Ville , enfin par celui 
du Chapitre de la Cathédrale. 

D'après des témoignages aufi authentiques , qui pourra me contef- 
ter la découverte des mines de vitriol de Goincourt & de Becquer ? 
La manière de les exploiter, les vaiffeaux de plomb que l'on y em- 
ploie, l’adreffe des ouvriers qui y travaillent , font mon ouvrage. Il y 
a plus, les particuliers à la tête de ces manufactures me doivent les 
lumières & les connoiffances à la faveur defquelles ils exécutent leurs 
travaux. 

La facilité que j'ai eue de travailler fur le vitriol , m'a mis dans le 
cas de le retirer plus économiquement qu'on n'a coutume de le faire, 
& je me propofe d'avoir l'honneur de vous rendre compte de ma 
manipulation. On fera étonné d'apprendre que le vitriol eft plus abon- 
dant en France qu'on ne l'a penfé, & qu'il eft poffible de le, préparer 

en 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3 


en grand aux portes de la capitale. La lixivation , l'évaporation , læ 
cryftallifation , la forme des vaifleaux , la reproduction de la mine 
après qu'elle a été épuifée, font autant d'objets fur lefquels j'efpère 
fournir des éclairciflemens importans pour la Chymie & pour les 
arts. Ces obfervations ont déjà été communiquées à plufeurs Chy- 
miftes de Paris, dont les noms font très-connus, & qui ont approuvé 
mon travail. | 


CRETE IE AC AE CNE 
EF, S:S-A;d 


Du Calcul d’une Machine mue par la réa@ion de l'Eau; 


Par M. MATHON DE 14 Cour, de l'Académie de Lyon. 


Je donne le ndm d'Eflai à ce Traité , quoiqu'il foit écrit dans la 
forme des ouvrages fufcepribles de démonftrations rigoureufes ; parce 
que dans Les queftions mélées de Phyfique & de Géométrie ; & fur- 
tout dans l'Hydraulique , il arrive fouvent que raifonnant fur des fup- 
pofitions purement géométriques, on omet quelque élément ou quelque 
Rte admife dans l’opération de la nature ; dès-lors les ré. 
tats ne s'accordent plus avec l'expérience. On ne doit pas cependant 
rejetter l’ufage de ces fortes de fuppofitions : elles mettent fur les 
voies pour trouver la vérité ; & fi l'expérience les confirme , on ofe 
avancer avec confiance, 

Une machine mue par la réaction de l’eau, conftruite dans la ville 
de Bourg-Argental en Forez, a donné lieu à mes calculs. M. l'Abbé 
de Valernod , de l'Académie de Lyon, dont le zèle pour le bien pu- 
blic, & l’habileté dans les Méchaniques , font fort au-deflus de mes 
éloges, étonné qu'on ne fit aucun ufage de ce principe vanté par de 
célèbres Auteurs Allemands, voulut, il y a quelques années , le faire 
connoître à fes concitoyens, & fit exécuter un modèle de la conftruc- 
tion qui lui parut la plus fimple & la plus facile à comprendre. Quel- 
que tems après M. l'Abbé Pupil , qui cherchoit au Bourg-Argental le 
moyen de faire agir un ventilateur pour purifier l'air d'une grande 
falle , où deux ou trois cens jeunes filles font occupées à faire de la 
dentelle (1), & ont befoin d’être délivrées de l'infection de l'air, & de 


(1) Voyez ce qui eft dit de cet établifflement dans le Cahier de Juin 1772, c'eft- 
à-dire, tome VI, partie feconde, page 227, où on rapporte en même tems la 
manière de préparer les foies pour leur donner la qualité de celles de Nanxrx. 


Tome F, Par. I 1775. 


m4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


ja fumée de leurs lampes , failit cette idée avec empreffement, & y ft 
les changemens convenables à la fituation des lieux , & à l'ufage par- 
ticulier qu'il avoit en vue. Comme il a été content du fuccès, j'ai cru 
qu'on me fauroit gré d'examiner l'effet qu'on peut attendre d'une pa- 
reille machine en d’autres circonftances. 

Je commencerai par établir les principes qui me font néceffaires , 
en y employant la méthode expofée dans les élémens de Dynamique 
que je fs impiimer à Avignon, chez la veuve Girard, en 1762, & 
qui reparurent en 1763, chez Perifle, Libraire à Lyon , avec quelques 
additions. J’y joindrai des propofitions d’Hydrodynamique , que j'an- 
nonçai dans le mème tems. 

1. Cette méthode confifte à regarder l’inertie de la matière , c’eft-à- 
dire , fa réfiftance au mouvement, comme une force égale , & d’une 
direction oppofée à ce mouvement. Je borne l'idée d'inertie à cette ré- 
fiftance, quoiqu'on la prenne ordinairement dans un fens plus étendu, 
& pour la réliitance à tout changement d'état : mais la réfiftance , à 
Fe du mouvement au repos , me paroît plus convenablement com- 
prife fous le nom de force motrice. Au refte, il ne faut pas difputer 
des mots, pourvu que les termes foient fuMifamment définis. 

2. Lorfqu'on connoît la grandeur & la direétion de cette inertie, 
on connoît aufli le mouvement qui lui eft oppofé & égal. Pour y par- 
venir plus aifément, j'emploie deux équations tirées des loix générales 
de l'équilibre ; car il faut remarquer que dans l'action des corps les 
uns fur les autres , les loix de l'équilibre font toujours obfervées entre 
toutes les forces, tant les forces motrices , que celles d'inertie ; telle- 
ment que fi celles-ci étoient forces motrices comme les autres, Le fyf- 
tème des corps, fur lefquelles elles exercent toutes enfemble leur 
action , refteroit en repos. 

Ces deux équations font, 1°. l'égalité entre les fommes des forces 
de direction contraire , en quelque fens & de quelle manière que ce 
foit que l'on décompofe ces forces ; 2°. l'égalité entre les fommes 
oppofées des momens de ces forces, par rapport à quel axe que ce 
foit. Les momens oppofés font ceux qui tendent à faire tourner en fens 
contraire autour d'un même axe. Ainfi, par exemple , lorfque toutes 
les forces ont leur direction dans un même plan, les fommes des mo- 
mens oppofés, autour de quel point du plan que ce foit , font égales; 
tellement que l'égalité des momens autour d'un point d’appui fixe , eft 
un corollaire de cette propofition générale. 

3. Il faut remarquer que les reflorts & les attractions on répul- 
fions mutuelles n'apportent aucun changement à ces loix générales de 
l'équilibre , parce qu'agiflant toujours également des deux côtés , elles 
produifent ou détruifent toujours des quantités de moment, oppofées 
&c égales. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 7$ 


4. Pour appliquer ces principes au mouvement des liquides, il fufñt 
de les regarder comme un amas de de élaftiques , qui com- 
primé dans un point, prefle également dans tous les points de fa fur- 
face, Les corps qui l'environnent, & les preflent avec une force égale 
à celle avec laquelle il eft comprimé. 

La comprefhbilité fenfble neft pas abfolument néceffaire à l’éla(- 
ticité ; puifque l'eau , qui ne paroît pas compreflible, eft cependant très- 
élaftique. 


Du mouvement que l'Eau reçoit de fon reffort. 


5: Soit, fig. 4, pl. IL, le tuyau BEDG plein d'eau & d'une grof- 
feur affez peu confidérable pour n'être pas obligé de faire une atten- 
tion fcrupuleufe à la preflion de fes différentes couches horizontales , 
eu SRE à leur profondeur plus ou moins grande , tellement qu'il 
fufife d'avoir égard à la preffion moyenne , caufée par le poids de l'eau 
contenue dans le tuyau vertical AB. 

Si l'eau eft retenue en D par quelqu'obftacle, cette preffion fera 
égale dans tout le tuyau horifontal BD , & Le reffort de l'eau y fera 
également comprimé par-tout. 

6. Je dis à préfent que fi l'on ôte lobftacle , la maffe d’eau BDEG, 
que je fuppofe divifible en couches verticales, ne fauroit être ébranlée 
tout-à-la-fois, & que les couches ne peuvent recevoir le mouvement 
que fucceflivement , & les unes après les autres. Le reflort qui eft entre 
les deux couches les plus proches de lorifice DG, eft le feul qui 
puifle fe débander en chaflant en avant la première couche avec une 
force égale à celle avec laquelle il pouile la feconde en arrière , puif- 
que c'eft la nature du reflort d'agir également des deux côtés : ce 
reflort eft donc en équilibre, d’un côté contre l'inertie de la couche 
DG qu'il chafle en avant, & de l'autre contre tout le poids de la 
colonne AB qu'il foutient. 

Ce reffort ayant commencé à fe débander par l'éloignement de [a 
première couche, celui qui eft fuppofé entre la troifième couche &c la 
feconde , poule celle-ci en avant en retenant les fuivantes , & ainfi 
de fuite. 

7. Je fuppofe des couches récllement exiftantes & féparables les unes 
des autres pour une plus grande fimplicité dans les calculs : ce qu'il y 
a de certain, c’eft que les parties les plus proches de l'orifice fonc 
ébranlées les premières par leur reflort , & que la colonne s’alonge 
en S'étréciflant ; ce qui eft produit par la ténacité des particules d'eau, 
& hf le poids de l'athmofphère. 

. Il eft affez indifférent de fuppofer que chaque couche acquiert 
tout fon mouvement avant que la fuivante commence à s'ébranler , 


Tome V, Pare. I. 1775. K 2 


76 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


ou que la première , ayant feulement reçu une partie de la vîteffe 
qu'elle doit avoir, le reflort qui la prefle, devenu moins adtif, per- 
met aux couches fuivantes de commencer à s'ébranler , pendant que 
cette première couche achève d'acquérir fon mouvement ; ce qu'elle 
fait dans un inftant fort court. Le point effentiel eft l’acquifition fuc- 
ceflive du mouvement qui eft inconteftable. J'emploierai la première 
de ces fuppofitions , comme plus fimple. 

9. La vitefle uniforme que l’eau acquiert par la prefion d'une co- 
lonne d’eau AB , eft connue a l'expérience. C’eft celle qu'un corps 
pefant acquerroit en tombant d’une hauteur égale à AB, ce qui m'en- 
gage à rappeler ici, en peu de mots , les formules qui indiquent les 
effets de la pefanteur. 

10. Si l'on appelle cette pefanteur p, le tems de la chûte #, 
la hauteur de la chûte f, la vitefle acquife en tombant y, on. a 
pour déterminer les rapports entre les efpaces , les tems & les vi- 

2 


tefles , les équations p dtz dy, pt=Y» pe ouy=}/2ps. 


Cette dernière équation, qui donne la viîteffe acquife en tombant d'une 
hauteur s , indique en même tems celle que produit dans un liquide 
le poids d'une colonne de même hauteur. 

11. P eft la vitefle que la pefanteur donne. Comme elle eft pro- 
portionnelle au tems de la chüte, fa valeur fera déterminée par l’ex- 
périence qui nous enfeigne qu'un corps acquiert, dans une féconde, 
une vîtefle de 30 = pieds par feconde. 

Si l'on prend un pied pour l'unité de lefpace , une feconde pour 
l'unité du tems, un pied par feconde pour l'unité de la viteffe , il 
faudra, dans l’ufage de ces formules, faire p=—30=. Par exemple, 


dans l'équation v=—=V/2ps, fi la hauteur s de la chûte eft de 36 


pieds, on aura =” 72p, écrivant 30% au lieu de p, y—1/2172, 
c’eft-à-dire , que cette racine exprimera le nombre de pieds que la 
vitefle acquife v fera parcourir par feconde. 

12. Il fuit de ces principes que fi j'appelle h la hauteur de la co- 
lonne AB, fig. 1, & V la vitefle uniforme que l'eau du tuyau hori- 


fontal acquiert par la preflion de cette colonne , j'aurai V=—y/2ph, 
& ph==5V? (n°. 9 ). 

3. Pour déterminer la quantité d'eau m, qui fera mife en mouve- 
ment pendant le tèms T, qui eft celui qu'un corps grave emploieroit 
à defcendre de cette même hauteur  , il faut obferver que des caufes 
égales , ayant des effets égaux, la quantité de mouvement, produite 
par le poids d'une colonne d’eau AB, doit être aufli grande lorfqu’elle 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. "7 


agit, en accélérant la vitefle!de cette mafle AB qui tombe tout-à-la- 
fois ; que lorfqu'elle agit par fa preflion fur une mafle CDFG d'une 
longueur égale à AB , dont elle ébranle fucceflivement les différentes 
couches avec la vitefle uniforme V. Elle doit donc, dans ces deux 
cas ; donner une même vitefle V à ces deux mafles. La longueur de 
la mafle CDFG, qui recevra la vitefle V dans Le tems T ; fera 
donc égale:à AB ; or, cette quantité d’eau ne peut remplir que : la 
moitié de l'efpace DIGL, que la première couche DG parcourroit 
pendant ce tems-là avec la vitefle V , en fuppofant qu’elle conferve fa 
grofleur. 

14. IL faut donc que les couches, s’'ébranlant les unes après les au- 
tres, laiflent des intervalles entrelles, fi elles gardent leur groffeur, 
ou que la veine d’eau qui fort, fe reflerre & fe réduife à une hauteur 
moindre que celle du tuyau, par la ténacité des particules de l’eau , 
& par la preflion de l’athmofphère, 

15. Dans le cas que nous examinons, la couche D G eft parve- 
nue en [, & a parcouru la longueur DI double de CD, lorfque la 
couche CF commence feulement à fe mouvoir. L'eau -du tuyau con- 
tenu dans l'efpace CD, aura donc acquis une longueur triple CI, 
& par conféquent ne peut avoir que le tiers de la groffeur. du tuyau. 
C'et apparemment la raifon pour laquelle j'ai oui dire que les faifeuts 
de pompes ne donnoient à leurs tuyaux que le tiers de la groffeur du 
corps de pompe. | 

16. Le calcul analytique prouvera également que l'eau m, mile en 
mouvement par la preflion d’une colonne dans un tems #, ne peut 
remplir que la moitié de l'efpace parcouru par la première couche 
pendant le même!tems. 

La prefion ph donne dans un tems d1 la vitefle V à une quan- 
tité de matière dm , qui doit croître en même raifon que le tems; 
ce qui donne phdt—Vdm & pht—Vm. Mettant au lieu de 


V fa valeur V’2ph donnée par l'expérience (n°. 9 ) , on aura 


m—=tV/2ph : or V/=ph eft la moitié de J/2ph; on aura done 
m—;Vt, Vr eft l'efpace parcouru dans Le tems : pour la première 
couche. 

Ce n'eft pas feulement dans les fluides que la quantité de matière 
devient, pour ainfi dire, fon double par l'action Le reflort. Dans les 
corps folides, une boule qui en choque une autre en repos & égale, 
partagera fa vitefle avec elle, fi le choc fe fait à la manière des Corps 
fans reffort ; au contraire, elle lui donnera toute fa vitefle , & elle 
reftera en repos fi elles font parfaitement élaftiques. 

17. C'eft à cette diminution de la grofleur du courant , caufée par 


Tome F, Part. L 1775. 


78 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


de reffort , que je crois qu'il faut principalement attribuer la contraction 
de la veine de l'eau qui fort d'un orifice, dont il a été reconnu par 
d'expérience qu'elle n'occupe que les €. Voici comme je penfe que cela 
fe fait. 

La fig. ç repréfente la coupe verticale par le milieu d'un vafe plein 
d'eau ,! & percé dans le fond d'un orifice plus petit que la grofleur 
du vafe : le rétréciflement du courant au tiers de fa grofleur (n°. 15), 
ne peut avoir lieu que dans les premiers inftans du mouvement. Dès 
qu'il fe forme un vuide en a au-deflus de l'orifice, les gouttes laté- 
rales m &n, pouflées avec l'effort de toute la hauteut de l'eau, & 
par conféquent avec un peu plus de vitefle que la couche b, à caufe 
de leur fituation plus profonde, fe jettent de côté dans cet efpace 
vuide , reçoivent l'ation de la couche à ,; dont elles interceptent 
une partie du mouvement, & acquièrent par ce moyen la direction 
pour fortir, qu'elles n'avoient pas : il n’y a que le milieu de cette 
courbe b qui puifle fortir plus librement avant que l'eau latérale y 
parvienne. . 

I faut ajouter que lorfque de couche en couche l'eau a été fuc- 
ceffivement ébranlée dans toute la hauteur du vafe par le reflort , 
quoiqu’elle ne puifle pas prendre toute la vitefle que ce reflort lui 
donneroit, & qu'elle foit obligée de s'accommoder au mouvement 

énéral , & de ne retenir que la viteffe néceffaire pour remplir fuccef- 
Perse le vuide qui fe forme à l'orifice, alors elle ‘ne fort pas feu- 
lement par l'action actuelle du reffort, mais auf en vertu de la viteffe 
acquife dans les inftans précédens , & en tombant à la manière des 
corps folides , fur-tout' dans la partie du vafe fituée au -deffus du 
milieu de l’orifice. Cette portion fournit plus abondamment que celle 
qui a befoin de l'action fuccellive du reflort : delà vient que l’eau ne 
fort pas à plein tuyau , mais quelle remplit cependant plus de la 
moitié de l'orifice. 

La figure que l'expérience a fait connoître , que le courant prenoit 
au fond du vafe, fig. $ , s'accorde parfaitement avec cette explication. 
On voit en bas l’eau fe précipiter latéralement pour fortir & fe join- 
dre à celle qui tombe direétement fur l'orifice. 


De l'effort d'un Courant contre une furface qu'il choque. 


18. Puifque la preflion d’une colonne d’eau ph donneroit un cou- 
rant égal à :J/*, expreflion dans laquelle V eft la viteffle due à la 
hauteur ph (n°. 12), & : V la quantité de liquide, il faut que toutes 
les fois que la quantité de matière eft plus grande que = V, il y ait 
contraction de veine. Ce courant n'eft pas formé par une colonne 


SÛR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 79 


plus haute que celle qui peut produire la vicefle V , mais par uñe 
colonne plus haute. Par exemple, un courant continu V* fera pro- 
duit par une colonne qui aura ph pour hauteur , mais dont la groffeur 
fera double de celle du courant, qui, fans cela, devroit être égal 
à = V:. 

19. De-là vient que s'il eft pofhible qu'un courant continu frappe 
continuellement une furface avec une vitefle V, il tiendra en équi-= 
libre une colonne égale à 2 ph, d'une grofleur double de celle du 
courant; car V'—2 ph (n°. 12). 

20. L’effort d'un courant continu contre une furface qui fuit devant 
lui, fera, par la même raifon, exprimé par le quarré de fa viceffe 
relative contre la furface. Le furplus de fa force eft employé à le faire 
mouvoir felon fa direction, & il ne communique à l'obftacle que la 
portion de fon mouvement qui eft interceptée. 

21. L'action du reflort contre une furface qui fuit devant elle, 
me paroît devoir être proportionnelle au quarré de la vitefle rela- 
tive, avec laquelle le reflort poufleroit l'eau contre cette furface, 
comme fi un reflort moins comprimé la prefloit avec un effort 
capable feulement de produire cette vitefle relative. Dans ce cas-ci, 
on na pas lieu de fuppofer une contraction de Mie it ue le 
reflort touche immédiatement la furface. Il fuffit donc ordinairement 
de prendre la moitié du quarré de la vitefle relative, fuivant la for. 
mule 2 V —= ph, & de la multiplier par la quantité de furface 
frappée. 

22. C'eft à cette contraction du courant, produite par le reflort, 

ul faut attribuer en partie le mauvais effet des coudes dans les con- 
Eure d'eau. Un courant ne peut prendre une direction perpendicu- 
laire à la fienne, qu’en perdant tout fon mouvement dans la sprenuèse 
direction, & en recevant un autre par le moyen du reflort dont l'ac- 
tion eft néceffairement fucceflive, & par conféquent fuivie d'une di- 
minution de grofleur. 

23. IL n’en eft pas de même lorfque leau coule dans un tuyau 
courbé. Il eft démontré que dans ce cas les mobiles confervent toute 
leur vitefle, en changeant infenfiblement de direétion. Ils n'ont pas 
befoin du reflort pour en acquérir une nouvelle, puifqu'un corps fe 
reflort y conferveroit toute fa virefle : cependant , les furfaces du canal 
dans lequel ils coulent, font preflées de manière que les fommes des 
preifions font di au mouvement qui fe perd dans la première di- 
rection, & à celui qui eft acquis dans la feconde. C'eft une fuite de 
la loi de l'équilibre, entre les forces motrices & les inerties, & de 
la loï qui veut que la fomme des mouvemens, vers un même côté, 
foit toujours la même. Un mouvement n'eft produit, fans nouvelle 


Tome F, Part, I, 1775. 


8o OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE,: 


force motrice, qu'autant qu'il fe forme un autre mouvement égal &e 
oppofé par la décompofition des forces. 

24. Il eft très-probable que vers le milieu de la groffeur des 
tuyaux coudés, une partie de l’eau s’accommode à y couler comme 
dans un canal courbé, ce qui peut diminuer le mauvais effet du 
coude. 

De la force centrifuge. 


25. Il me refte à dire un mot fur la manière de comparer {a force 
centrifuge à la pefanteur. 

Une force accélératrice peut être eftimée de deux manières : la pre- 
mière, en prenant la fomme de mouvement qu'elle produit dans un 
certain tems; c’eft-à-dire la fomme des produits des mafles par Les che- 
mins qu'elles ont parcourus, ou, ce qui eft la même chofe , le chemin 
du centre de gravité. ÿ 

La feconde manière confifte à prendre la fomme des produits des 
mafles par les vitefles qu'elles ont acquifes. C'eft de cette feconde ma- 
nière que nous avons eftimé l’action F la pefanteur dans les formules 
du n°. 10. 

26. Quand les forces accélératrices font conftantes , les vitefles ac- 
quifes font parcourir dans un même tems des efpaces doubles de ceux 
qui ont été parcourus en les acquérant; ainfi le réfultat de la première 
méthode ne donne alors que la moitié de l'autre. C’eft ce qui eft ar- 
rivé au fujet des forces centrales. Les premiers Auteurs qui en ont 
parlé, ont dir que fi w eft la vitefle de circulation, &r le rayon du 


t # x F4 . . » 
cercle, la force centrale eft égale à — ce qui eft effectivement l'efpace 
Br 


que cette force fait parcourir: mais fi on veut la comparer à la pefan- 
teur que nous avons exprimée pour la vitefle acquife, il faut doubler 
{ 2 = 


s u 
cette formule; alors — fera l'expreflion de la force centrale homogène 
T I 


à cellé de la pefanteur. 
©! Je crois que c’eft-là le dénouement de la difficulté élevée à ce fujet, 
‘& qu'il n'eft pas befoin de recourir à la diftinction entre les courbes 
‘polygones & les courbes rigoureufes. 
27. L'effort avec lequel dans le tuyau CG, fig. 6, l'extrémité G 
ui tourne autour du central avec une vitefle w, eft preflée par 
Veau contenue dans le tuyau, fe détermine ainf : foit R la lon- 
gueur du tuyau, r la diftance ‘au centre de chaque tranche, dont 
Atrdi 10% 
Re L'intégrale 


Yépaiffeur fera dr, la vitefle = & la force centrale 


u?r? è H°? 3 , \ » L 
=R: di fe change eh — lorfque r eft devenu égal à R, fera l'effort 


contre 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 815 
contre l'extrémité G égal au poids d’une colonne d’eau capable de 
produire la vicefle u (n°. 12.) 

On comprend aifément que fi fon ne veut que l'effort d'une 


à $ + Mr ë 
partie telle que N G, il faut retrancher de — l’effort de la portion 
q à P 


CN du tuyau. 
Déjftription de la Machine. 


28. AB, figure 7, eft un vafe ou gros tuyau vertical que la fource 
EF remplit à mefure que l'eau s'échappe en bas par les tuyaux hori- 
fontaux BG, BP, BH, BL percés latéralement à leur extrémité , 
ainfi qu'on le voit en C. On peut fuppofer un pivot i pour foutenir 
le tuyau AB, & un coller fixe MN pour le retenir dans une fituation 
verticale fans l'empêcher de tourner. 

Il fuffit de calculer l'aétion d’un de ces tuyaux, qu'on multipliera 
enfuite par leur nombre, pour avoir l’action totale de la Machine. 
Son jeu confifte en ce que Le reffort du liquide comprimé en G, & 
preffant également dans tous les fens, Chalfe l'eau par l'orifice c, & 
en même tems repoufle le tuyau BG en arrière, avec une force égale 
à celle qui fait fortir l’eau. 

J'appelle v la vitefle avec laquelle l’eau fort par l'orifice c; u celle 
avec laquelle l'extrémité G de la roue horifontale eft repouffée en 
arrière ; 7 la grofleur de la veine; ph la preffion d'une colonne 
d’eau dont la hauteur h feroit égale à celle de la fource au - deflus - 
du point B; V la vitefle dûe à cette hauteur, c'eft-à- dire, la vi- 
tefle que cette hauteur eft capable de produire; R la diftance du 
centre de mouvement à l’extrémité G de la roue horifontale; g le 
rayon du tuyau vertical AB, ou la diftance du centre au commence- 
ment du tuyau horifontal BG ; b la hauteur de ce tuyau; n fa groffeur. 

29. La preflion du reflort qui chañle l'eau avec la vitefle v, eft 


caufée 1°. par le poids p k, ou Lo la colonne k ; car l'eau eft 
2 


preffée au point B avec toute cette force, tant à caufe du mouve- 
ment de celle qui eft defcendue par le tuyau AB, qui fe trouve 
arrêtée en ce point où elle change de direction, que par la por- 
tion du poids de la colonne h qui fe trouve retenue, & qui ne 
pouvant pas accélérer davantage la defcenre de l’eau, à caufe de 
la peritefle de l'orifice c, la comprime. Cet effort ph, qui fe faic 
au point B, fait couler l’eau dans le tuyau horifontal, avec la vi- 


tele déterminée par Le rapport des groffeurs 7 & n. Le furplus 


de cette force comprime le reflorc de cette eau avec un effort qui 


Tome V, Part. I. 1775. 


82 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


{ V: Z2y? 
fera par conféquent égal à 


(n%. 9, 10, 12). Cettecom- 


2 P72En 
prefion du reflort & le mouvement de l'eau arrêtée en G, où elle 
change de direction, preffent, en ce point, avec la force ph, & 
chaflent l'eau par lorifice C. 

2°. Le reflort eft aufli comprimé au point G par la force centri- 


fage de l'eau qui coule dans le tuyau BG, & qui eft obligée d'y 
circuler avec lui. Cet effort feroit égal à ane 27), sil ne fal- 
2 


loit pas en retrancher quelque chofe , à caufe de l'intervalle qui fe 
trouve entre le centre & le commencement du tuyau. Il eft vrai que 
eau commence à circuler dans le vafe AB par fon frottement 
contre le fond & les parois; mais avec une moindre vitefle que fi 
le tuyau BG s'étendoit jufqu'au centre. Comme elle n'eft pas aifée 
à déterminer, j'ai cru pouvoir la négliger, d'autant plus que dans 
le calcul de la force d’une Machine, il y a toujours beaucoup à rabattre 
par les frottemens , la réfiftance de l'air, &c. en forte qu'on ne rifque 
rien d’eftimer les forces au plus bas; c'eft pourquoi je retrancherai en 
entier la force centrifuge de l’eau jufqu'à la diftance g du centre. 


L'intenfité du reflort, qui chafle l'eau par l'orifice c, fera donc 

2 u? 2/22 1e . v=V V'+u — qu? 
. Un —.- —=—, ce qui donne Y —— 

30. L'inertie 7y* de la veine d’eau qui fort, eft égale à la force 
avec laquelle la Machine eft repouilée en arrière, pour que la loi de 
l'équilibre foit obfervée entre les forces oppofées (n°. 2). Mais il 
faut avoir égard à deux forces qui dire à fon mouvement. 

La première eft inertie de l'eau qui coule dans le tuyau BG, 
& qui réfifte continuellement au mouvement circulaire de ce tuyau , 
dont la vitefle devient plus grande à proportion de la plus grande 
diftance du centre, & augmente par des accroiflemens égaux, en 
forte que chaque partie de la furface kc en fupporte une portion 
égale, & que le bras de levier moyen de cette inertie eft au mi- 


ï ce 
lieu 4 


de ce tuyau. Elle peut être comparée à la force qui pro- 


duiroit un courant zvwu, puifqu'il fort continuellement par lorifice 
C une quantité d’eau 7v, qui a acquis une vitefle circulaire w en 
fens contraire de la vitefle ». Le moment de cette inertie fera donc 
eZ: 

La feconde force qui soppofe au mouvement de fa Machine, eft 
l'inégalité de l'action du Le de l’eau qui coule dans le tuyau BG 


donc 


z vu. 


SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 83 


contre fes deux furfaces KC & QD. La première éprouve toute fa 
force; la feconde fuit devant elle & fe dérobe à une partie de fon 
effort. Cette inégalité nuit beaucoup au jeu de la Machine, fur-tout 
quand fa vitefle eft un peu confidérable; & c’eft apparemment par 
cette raifon que les Auteurs Allemands ont propofé d’autres conftruc- 
tions moins Fi & plus difficiles à exécuter, mais qui leur auront 
paru plus avantageufes pour la force. 


31. On déterminera la virefle avec laquelle la furface QD 
échappe à une partie de l’action du reflort, en faifant attention 
qu'à mefure que l’eau avance dans le tuyau BG, le mouvement 
circulaire de la furface QD lui fait parcourir un petit arc qui eft 
-à l'efpace que l’eau parcourt par fon mouvement progrelif, ce que 
fefpace w parcouru dans une feconde par l'extrémité G, eft à R. 


. y ; 
Ain, ce que R eft à u, 2 vitefle du mouvement progreflif de l’eau 
q ee prog 


dans Le tuyau, left à - vitefle avec laquelle la furface Q D fuit de- 
vant l’action du reffort de l’eau. 


IL faut RE que u eft ici un efpace exprimé en pieds de même 
que R, & que fi dans le calcul on trouve à propos de changer cette 
expreflion , il faut conferver le même rapport entre ces deux efpaces, 
parce qu'ils doivent toujours être exprimés par des valeurs qui aient 
entrelles le même rapport. 

32. Cette vitefle de la furface QD doit être fouftraite de celle 

ue le reflort peut produire, pour trouver fon effort contre cette 

drfce (n°. 21). Il fera, en conféquence, de la formule ph=— : V: 
(n°. 12), comme la moitié du quarré de la différence de ces vi= 
tefles. 

33: I faut à préfent examiner les forces qui compriment le ref- 
fort de l'eau. Je n’y comprendrai pas l'inertie de l'eau qui reçoit le 
mouvement de circulation (n°. 30), parce que cette portion du 
reflorr eft en équilibre d'un côté, contre la furface kc qu'elle pouffe, 
& nous y avons eu égard (n°. 30); de l’autre côté, elle eft route 
employée à donner à l’eau le mouvement de circulation , en forte 
qu'elle ne peut pas agir contre la furface QD. Mais il y a trois 
autres forces qui compriment le reflort, auxquelles il faut avoir 


égard. 
A 
1% Le poids de l'atmofphère que je nommerai —; en fuppo- 


fant la viteffe moyenne que produiroit fa preflion égale à A (n°. 12). 
IL eft néceflaire d'y avoir égard dans le cas préfent, parce que la fur 


Tome V, Part, I, 1775. à L 2 


54 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


face QD, fuyant devant le reflort de l'eau, cauferoit du vuide fi elle 

avoit aflez de viteffle pes cela, & par conféquent elle fe fouftrait à 
une partie de l’action de l'atmofphère. 

2°. Le reflort de l'eau comprimée, en coulant dans le tuyau BG 

par une partie du poids de la colonne AB, que nous avons trouvée 

2 2 2 

égale à = mr : 6 


27° 


(n°. 29). 


3°. La preflion caufée par la force centrifuge qui eft d'autant plus 
grande que l'eau eft plus éloignée du centre de fon mouveivent 
circulaire. Elle eft exprimée à chaque diftance du centre par la for- 
HEVre HÉIGE NE 
mule ER Une (8127): 
34. Chaque bande verticale de la furface KC eft donc preffée 
A? VE 72 Ve u?r? 4° q° 


TM Bee DRANCIRE ; 


Pour trouver la vitefle que cette preflion produiroit, il faut en 


par une force ( 


2 


conféquence de la formule V = y 2ph prendre la racine du dou- 


. S vu 
ble de cette valeur. Cela fait, on en fouftraira la vitefle — avec 
nm 


laquelle la furface QD fuit l’action du reflort de l’eau (n°. 31 ); 
la moitié du quarré de la différence de ces vitefles exprimera lef- 
fort relatif du reflort contre chaque petite bande à d r de cette furface, 


en conféquence de la formule p h— Lai (n°. 12). 
2 


Ainfi re ce quarré par = brdr, on aura pour l'élément 
des momens de cet effort à chaque diftance r du centre du mouvement, 


>? 2 2 2 2 2 
(a: + v: —{ _ — 7) :ordr 
72 2 
Re QE SN ER | 
Rz HN 726 FT R: R° u rdr 
Bite sg ; 
+ EC rar. 


35. Le premier membre de cette formule exprime leffit abfolu 
du reflort; les deux autres auxquels il nous fufit d'avoir égard, 
expriment la différence de fon action fur les furfaces. Après avoir 
trouvé l'intéorale de ces deux derniers membres, on connoîtra les 
conitantes qu'il faut ajouter, en remarquant que lorfque r eft égal 
à q> l'intégrale eft égale à zéro; l'intégrale complette fera donc 


; RRézv “MCE g'u\ € 
en CE ae er ee 


n + 


{a+v-t jh ES pe uiabs 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 8$ 
R+ 7 
2 
la réaction de l’eau & de fon inertie à acquérir le mouvement circu- 

laire (n°. 30), on aura le moment de l'eflort total du tuyau BG. 
36. Pour donner un exemple de l'ufage de certe formule, je fup- 
pole R=— 3 pieds, g—=# pied, b=2 pouces. L'ouverture 7 = 1 pouce. 
La grofleur n du tuyau = 4 pouces. La hauteur k de la fource = 23 
pieds. ; 
Pour abréger les calculs, je fuppoferai V? = 1, alors A* fera 


Si l'on y ajoute les momens R 7 » ° —. 


.zyu des efforts de 


I. 391 = fera toujours égal à État 31). On peut aufli fuppofer 


le bras de levier R égal à 1, & g —+. Les furfaces 7 égalent à 1 pouce, 


R b—"72 pouces & qgb— 12 pouces . re 
Alors la formule fe changera en celle-ci, 


2Y v? 2 'LNES 
eee ms (Hs ris) —(2. one) ) 
2x Vrai? 
+ —— 

37. L'infpection feule de la formule fait voir qu'il eft utile que 
b foit petit; c’eft-à-dire que la hauteur du tuyau horifontal foit 
auf baffle qu'il eft poflible, fans nuire à l'écoulement de l’eau. On 
peut lui rendre en largeur ce qu'on lui ôtera par la diminution de 
la hauteur. 

38. La Machine étant conftruite dans ces proportions, on prouvera 
aifément, par le calcul de cette formule , que le cas le plus avanta- 

eux eft lorfque la vitefle w eft à-peu-près le dixième de celle qui eft 
ie à la hauteur de la fource; c'eft-à-dire lorfque w eft égale à + V. 
Alors l'effort du tuyau BG, c'eft-à-dire le Pa qu'il peut élever en 
employant fa force à cet ufage, eft environ: V*, & par conféquent 
de 276 pouces cubiques d’eau qui feront élevés avec une vitefle à-peu- 
près de 3 pieds 8 pouces par feconde. 

Si lon donne une plus grande viîtefle, l'effet de la Machine va en 
diminuant de plus en plus, & fe réduit prefque à rien lorfque w eft 
égal à = V. + 

Fi la viteffe eft moindre que », V, l'effer eft moindre par la dimi- 
nution de la vitefle, quoique la mafle élevée en foit Ë autant plus 
grande. 


KL SP 
Tome F, Part, I, 1775. 


86 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, &c 


QE 
NOUVELLES LITTÉRAIRES. 


P REMIERE Centurie de Planches enluminées & non enluminées , repréfentanr 
au naturel ce qui fe trouve de plus éntéreflant & de plus curieux parmi les Ani- 
maux & les Végétaux, pour fervir d'intelligence à l’Hifloire des Trois Réègnes de 
da Nature; pat M. Buchoz: première Décade, Règne animal. À Paris, chez l’Auteur. 


Ce premier Cahier grand r-folio, papier magnifique, renferme les Planches de 
PHomme & de la Femme, du Bœuf & de la Vache, du Canard & de la Canne 
de Barbarie, une pour les œufs de différens Oifeaux ; la groffe Araignée de Surinam, 
lAraignée chafleufe, la groffe Fourmi du même pays, la Nymphe de cerre Fourmi 
& la Fourmi aîlée; le Crocodile de Surinam ; le Guaperva cendré de l’Ifle de France; 
une Planche des Coquilles les plus rares ; une feconde Planche de Coquilles avec les 
animaux qu’elles renferment; enfin, un nouveau genre de Zoophyte très-fingulier. 
Ces dix Planches en fourniffent dix autres qui font les mêmes, mais enluminées, La 
beauté des gravures, le naturel & la vérité des couleurs rendent cette Colleétion fu- 
périeure, même avec ce que,nous connoiflons de mieux en ce genre en Allemagne. 
L’Auteur donnera fucceflivement une Décade pour le Règne végétal, une pour le 
Règne minéral, & ainfi fucceflivement. La première Décade du Règne végétal ne 
contiendra que des Plantes de Chine, g#on dis n'être point. encore connues par les 
Botaniftes. 


Notre Auteur, toujours infatigable, vient de publier la feptième Centurie des gra 
vures, de fon grand Ouvrage intitulé : Hiffoire Univerfelle du Règne végétal. On 
la trouvera, de même que les fix précédentes, chez Æruner, rue des Ecrivains, vis- 
avis le Cloître Saint-Jacques de la Boucherie, de même que le premier volume de 
Difcours difpofé par articles, ce qui forme un vrai Diétionnaire de Botanique. On 
ne fauroit trop inviter l'Auteur à continuer une fi belle entreprile. 


Obfervarions fur les Moyens que l’on peut employer pour préferver les Animaux 
Jains de la contagion, & pour er arrêter les progrès; par M. icg d'Agyr, Doéteur- 
Régent de la Faculté de Paris, de l'Académie Royale des Sciences. A Bordeaux, 
chez #ichel Racle, x vol.ër-12 de 108 pages. On ne doit pas s’attendre à trouver dans 
cet Ouvrage une fuite de recettes, de Compofitions annoncées comme curatives. Cet 
Académicien eft trop prudent, & il fait que les remèdes curatifs ne produifent aucun 
effet dans les commencemens d’une épizootie telle que celle qui enlève les beftiaux de 
nos Provinces méridioniales. C’eft un fléau deftruéteur qu’on peut prévenir & qu’on 
prévient frement en coupant toute communication. Voila le feul remède efficace. Ce 
petit Ouvrage, quoique fait à la hâte, à caufe des circonftances , entre dans les plus 

rands détails fur les moyens de couper toute communication. Il feroit à defirer que le 
FORTS le fit imprimer à fes frais, & le fît diftribuer gratis à tous les Fer- 
aniers; non-feulement des Provinces où l’épizootie fe manifefte, mais encore à ceux 
des Provinces voifines , afin d'empêcher que cette terrible calamité ne fe répande 
fur toute la France, , 


Ailes Seule. 
Le 


4 
EQUan 
44 


M 
ue 


y 


1 0 


41} 


‘ EL 
1) fl ;| é 
Jp” 
1 


+ Vanrer:1 LE 


8, TE Æ * 
de: POTTER Lie 


spa do a TU 


Condiit Electrisé en 


Aile rulz », 


Zanvieri 7rS . 


PONS 


TE 
jar Cu. 


ID 
MOSS F 
de | 


PEE 


OBSERVATIONS 


SUR 


LA PHYSIQUE, 


SUR L'HISTOIRE NATURELLE 


ER YS URL ES" ARTS; 


AVEC DES PLANCHES EN TAILLE-DOUCE; 
DÉDIÉES 
A MoNsEeIGNEUR LE COMTE D'ARTOIS, 


Par M. l'Abbé Roz1ER, Chevalier de l'Eglife de Lyon, de l’Académie Royale 
des Sciences, Beaux-Arts & Belles-Lettres de Lyon, de Villefranche, de Dijon, 
de Marfeille, de la Société Impériale de Phyfique & de Botanique de Florence ; 
Correfpondant de la Société des Arts de Londres, 6, ancien Direëleur de l'Ecole 
Royale de Médecine-Vétérinaire de Lyon. 


TOME CINQUIÈME. 


FÉVRIER PTS 


mn 


AR ANR IL. 83 
Chez RUAULT, Libraire, rue de la Harpe, 


MD CC: LXX V. 
4VEC PRIVILEGE DUROI, 


TABLE 
D $EgS ART ACL EUS 


: Contenus dans cette première Partie. 

EL de M. Commerfon; par M. dela Lande, de l'Académie Royale 
des Sciences, page 89 

Confidérations Optiques , feptième Mémoire, 120 

Lettre fur la pefanteur des Corps ; par M. David, Doëteur- Médecin, € 
Chirurgien en chef de l'Hôrel-Dieu, Profeffeur Royal de Chirurgie à 


Rouen, 129 
Inftruélion fur la manière de définfeéler une Paroiffle; par M. Vicq-d'A- 
ZYT5 139 


Effais Chymiques, ou Expériences faites fur quelques précipités de Mer- 
cure, dans la vue de découvrir leur nature, Troifième Partie ; par 
M. Bayen, Aporhicaire Major des Camps & Armées du Roi, 147 

Differiauon Phyfique, Chymique & Economique, fur la nature & la 
Jalubrité de l'Eau de la Seine ; par M. Parmentier , ancien Apothicaire- 
Major de l'Hôtel Royal des Invalides, 167 

Nouvelles Expériences [ur l'Eleëlricité ; par M. Comus, 19$ 


Fin de la Table, 


ANPNPERIONBCAETAIMONN: 
J lu, par ordre de Monfeigneur le Chancelier, un Ouvrage ayant pour titre: 
Obférvaions fur la Phyfique, fur PHifloire Naturelle & fur Les Anis, Gc. par 
A. l'Abbé RozrEeRr, É*e, & je crois qu'on peut en permettre l’impreflion. À Pa- 


ris, ce 24 Février 17754 ARE 
R E. 


ÉLOGE 


89 


É LOGE 
DE M COMMERS ON; 


PAR 


M. 1D'E: DL'AS E°A N'D E: 
De l’Académie Royale des Sciences (x). 


Le Naturalifte que j'entreprends de faire connoître au Public, en 
rappellant les regrets des Savans fur la perte qu'ils ont faite , n’étoit pas 
encore aflocié aux Académies qui auroient pu rendre ce tribut à f2 
mémoire ; mais il étoit mon ami , & il étoit d’une Province qui m'eft 
chère. Quoique la Brefle ait produit des hommes celèbres dans divers 
genres (2), il eft Aatteur pour cette petite Province d'y joindre un ex- 
cellent Naturalifte qui, fans avoir été connu par des Ouvrages impri- 
més , doit aller de pair avec la plupart de ceux qui ont eu de la célé- 
brité, fouvent par l'avantage des circonftances où ils fe font trouvés; 
la Brefle comptera parmi fes Concitoyens dignes de mémoire, le feul 
de tous les Naturaliftes qui ait fait Le tour du monde ; pour étendre 
nos connoiffances dans l'Hiftoire Naturelle des pays éloignés. 
Philibert Commerfon , Docteur en Médecine de la Faculté de Mont- 
pellier, Médecin-Botanifte & Naturalifte du Roi à l'Ifle de France, 
naquit , le 18 Novembre 1727, à Chätillon-les-Dombes , petite Ville 
d'environ 2500 habitans , fituée à quatre lieues de Bourg-en-Brefle. 
IL étoit l'aîné de fept frères , fils de George-Marie Commerfon , No- 
taire - Royal , & Confeiller de S. A. S. Monfeigneur le Prince de 


(1) L’Hiftoire Naturelle vient d’être enrichie d’une immenfe Collection de Plan- 
tes nouvelles & d’Animaux de toute efpèce, recueillis par M. Commerfor dans {on 
voyage autour du monde, Nous ne pouvons mieux initruire nos Leëteurs fur cet 
évènement, important pour ceux qui fe livrent à l’étude de la Nature, qu’en iuférant 
ici la Vie de ce Savant, rédigée par M: de /2 Lande, de l'Académie Royale des 
Sciences. On y trouvera d’ailleurs l’'hiftoire du célèbre voyage de cet Auteur, plu- 
fieurs traits de méritent d’être connus; enfin, un modèle de courage digne d'être 
propofé aux Savans même ,engre les mains defquels notre Recueil doit paifèr. 

(z) Vaugelas, Bacher de Meziriac, Furet, Oganam, Favre, Guichenon, Le Père 
Hofte, Le Pére Rabuel, Coller, Revel. 


Tome V, Part, IL. 1775. M 


Lolo) OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Dombes, & de Demoifelle Jeanne-Marie Mazuïier. Il apprit les pre- 
miers principes de la Grammaire chez M. Blondelat, Curé de Ro- 
mans, près Châtillon ; à l'âge de rreize ans il fut mis au Collége de 
Bourg-en-Brefle , où il fit fa Troifième en 1740 ; il la termina par 
un exercice littéraire dans lequel il fut applaudi. On commença dès- 
lors à s’appercevoir du goût qu’il avoit pour la Botanique ; le Père Gar- 
nier, Condelier de Bourg, lui en donna quelques légères notions , qui 
germèrent enfuire abondamment. 

Le jeune Commerfon fit à Bourg deux années de Réthorique , pour 
remplir les vues de fon père qui le deftinoit au Barreau. De-là il pafla 
au Collége de la célèbre Abbaye de Cluny en Mäconnois, pour y faire 
fa Philofophie. Dès la première année il y foutint une Thefe avec 
M. Vachier, actuellement Doéteur en Médecine de la Faculté de Paris, 
qui a toujours été depuis fon ami le plus intime. A la fin de fa Phi- 
dofophie , il foutint une Thèfe générale fous la préfidence du père Gaud , 
habile Bénédictin. 

Revenu du Collége , fon père fut fort étonné de fui voir la vocation 
la plus décidée pour l'état de Médecin : il demanda avec inftance d’alles 
étudier à Montpellier ; mais il fallut une année à fon père pour fe dé- 
terminer à renoncer aux projets qu'il avoit formés pour fon fils: il y 
confentit enfin en 1747. : 

Malgré fon goût pour la Botanique , il avoit cédé à la diffipation 
naturelle parmi les Étudians: mais avec les difpofitions & le génie 
qu'il avoit , il falloit peu de chofe pour le rappeller à une étude fi 
attrayante ; fa vivacité l'ayant porté à quelque violence , il fut obligé 
de s'éloigner, & de fe tenir renfermé pour un certain tems; il avoit 
crop d’efprit & de curiofité pour employer ce loifir forcé à autre chofe 
qu'à la lecture, & déja il aimoit trop l'Hiftoire naturelle pour ne pas 
en faire l’objet de fes lectures. Ce fut alors que l'attrait invincible que 
la nature lui avoit donné pour ce genre d'étude , fe développa avec 
une efpèce de violence, & décida entiérement fa vocation: dès-lors il 
fe livra à fon ardeur pour la Botanique ; le Jardin royal des Plantes 
de Montpellier étoit fon féjour Le plus ordinaire. Il formoit un herbier 
qui eft devenu le plus riche de l'Univers : mais il ne refpectoit rien 
quand il s'agifloit de lenrichir ; les Plantes les plus rares, une fleur 
unique , tout étoit faccagé ; le Profeffeur & le Jardinier avoient avec 
M. Commerfon des conteftations perpétuelles. M. Sauvages lui ft dé- 
fendre l'entrée du Jardin ; cela ne l’arrêta point ; il efcaladoit les murs 
pendant la nuit: mais il en conçut, contre ce célèbre Profeffeur,un 
réffentiment qui paroît dans plufeurs de fes manufcrits ; il fe faifoit un 

laifir de le relever, ou du moins de le réfuter, quand les leçons ou 
Fe livres de M, Sauvages lui en fourniffojent 'occafion ; il avoit 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 9x 


fur - tout obfervé beaucoup de fautes dans fon Livre des Clafles de 
Botanique. 

Après fon Doctorat, M. Commerfon pafla encore quatre années 
à Montpellier, d’où il alloit herborifer par-tout ; fes camarades , qu'il 
avoit devancés, édifiés & inftruits, portèrent au loin fa réputation : 
ce fut alors qu'il fut invité par M. de Linné à faire la defcriprion & 

le recueil des Poiffons les plus rares de la Méditerranée pour la Reine 
de Suède ; ce travail a formé une Jchthyologie complette, qui étoit en 
état d'être publiée dès ce tems-là , & qui lui auroit fait honneur. Cette 
commiflion lui procura aufli des moyens d'obferver beaucoup , & la 
Reine de Suède lui en témoigna fa fatisfaction par des Erées qui, 
fans bleffer fon défintéreffement , flattèrent fon amour pour la gloire. 
M. Gouan, aujourd’hui Profeffeur célèbre de la Faculté de Montpellier, 
l'accompagna fouvent dans fes favantes & pénibles excurfions. 

Dès l'année fuivante 1755, il fit un voyage à Genève pour herbori- 
fer dans les montagnes voifines de la Savoie & de la Suife. Il alla voir 
M. de Haller , avec lequel il étoit en correfpondance. De-là il revint 
dans le Bourbonnois. » Je comptois , dit-il dans une lettre, pafler par 
» l'Auvergne & fuivre , d'un bout à l'autre , la chaîne des montagnes qui 
» traverfent cette Province : jugez du regret que j'ai de me voir arrêté 
» par une chüte au milieu de mes coriquêtes ! Quand je me fers de ce 
» Actes terme, c’eft pour parler honorablement; car , fans une {tation 
.» de deux jours que j'ai faire à l'Abbaye de Sept-Fons , j'aurois tiré peu 

» de fruit de ce voyage; croiriez-vous que j'ai trouvé un Botanifte à Sept- 
» Fons? Ne penfez pas que ce foit ici un vil Apothicaire , avec un aflor- 
»timent de Plantes pharmaceutiques. Je nai point trouvé moins de 3 
» à 400 exotiques , très-bien cultivées & aflez bien connués. Parmi ce 
» nombre , une douzaine environ m'ont fait plaifir. Sur ma route, je 
» mai cueilli qu'une plante nouvelle, qui eft une efpèce d’'Anthericum. 
» Tout ce que j'ai ramaflé de plus , de rate, ne m étoit Le nouveau. 
» Je n'ai pourtant point été fiché de revoir la Châtaigne d’eau ( Trapa 
» natans, Linn. ) que les rivages de la Loire m'ont offerte; le Se/a- 
» moïdes, Tournef., le Senecio Abrotanifolius, le Cortufa Matthioli, lOf- 
» munda regalis, que les montagnes & les bois du Charolois m'ont 
» préfentés : j'ai vibre aufñi les Bains de Bourbon, qui méritoient en 
» effet d'être vus ». 

Pendant fon féjour en Breffe, il n'écrivoit des lettres immenfes, qui 
éroient remplies des difficultés & des obfervations que fes recherches 
lui fournifloient. Ces lettres, que je lifois à notre illuftre Botanifte, 
M. Bernard de Juflieu , lui donnèrent la plus haute idée du mérite de 
M. Commerfon ; & depuis ce tems-là, nous ne cefsämes de le folli- 
citer de venir à Paris, le feul théâtre propre à développer un talent 


Tome F, Part, IL. 1775. M 2 


22 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


aufi décidé .que le fien , & à lui procurer l'émulation & les fecours qui 
conduifent à des fuccès éclatans. 

En 1758, il avoit formé un jardin de Botanique à Chätillon , où 
il avoit raflemblé une quantité prodigieufe de Plantes exotiques, & il 
coopéroit avec zèle à ceux que formoient à Bourg M. Bernard, Con- 
feiller ; fon ami intime & qui méritoit bien de l'être, à Lyon MM. de 
la Tourrette & Abbé Rozier (1), & M. de Béoft, à Dijon. Dans ce 
tems-là , il méditoit un voyage de 150 ou 200 lieues , dans lequel 
M. Bernard devoit l'accompagner. » La Botanique en eft, comme 
» vous préfumez fort bien, le cher objet , écrivoit-il à cet Ami; mais 
>» le terme n’en eft point déterminé , & je fuis encore à préfent indécis fi 
» ce feront les Alpes de la Bafle-Provence , ou celles de la Haute-Suiffe , 
»ou enfin les montagnes du Mont - Dor, celles d'Auvergne & du 
»> Mont-Pila en Lyonnois. De ces:trois projets voyez lequel vous con- 
» viendroit mieux; affociez-vous-y,, & décidez mon libre arbitre ». 
M. Commerfon fit, en divers tems, la plupart de ces courfes ; mais 
il les fit prefque roujours feul. Qui eft-ce qui auroit eu le courage & 
l'ardeur je partager & fes farigues.& fes dangers ? 

Parmi les Ouvrages dont je lui ai entendu parler , il avoit fait une 
Differtation intitulée : Le Martyrologe de la Botanique , où il rappelloit 
tous les Auteurs qui font morts des fatigues ou des accidens que le zèle 
de l'Hiftoire naturelle leur a caufés. Je prévoyois dès-lors que l'Hifto- 
rien de ces Martyts en augmenteroit un jour le nombre , en le voyant, 
même dans fa Province , fans occation , fans émulation , fans fo- 
ciété, fans fecours, pafler des femaines entières, jours & nuits fans 
interruption , fans fommeil & fans repos , à fes recherches de Bota- 
nique , à l'examen & à l'arrangement des richefles que fes herborifa- 
tions lui avoient procurées , ou que fes correfpondances lui avoient 
acquifes. On l'a vu cracher le fang après quelques femaines d'un fem- 
blable travail. On le trouvoit fouvent avec fa lumière long-tems après 
le lever du foleil , fans qu'il fe füt apperçu de la renaiffance du jour; 
ü revenoit même fouvent de fes courfes en très-mauvais état, bleflé 
des chûtes qu'il faifoit en efcaladant les rochers : exténué par la vio- 
lence de ces exercices , tantôt après avoir été fufpendu par les che- 
veux fur un torrent, où il eft obligé de fe les arracher peu-à-peu , 
tantôt De à fe noyer ou à tomber dans les précipices ; il eft obligé 
même de s’y précipiter , pour éviter un péril plus évident. En herbori- 
fant en Dauphiné, il fut mordu d’un chien qu'on crut être enragé : 
c'éroit précifément fur une plaie qu'il avoit déjà à la jambe ; cette mor- 


(1) Ce Jardin mérite d’être vu par les Voyageurs ; on y compte environ 3000 
Plantes étrangères, & fa fituation eft des plus agréables, 


SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. .93 


fre lui caufa de fi grandes douleurs, augmentées par l'inquiétude du 
danger , que malgré Les remèdes qu'il prit à la grande Chartreufe , il 
avoit peine à fe foutenir ; il fut obligé de garder le lit pendant trois 
mois : il racontoit quelquefois cette aventure , mais jamais fans émo- 
tion. 

Ce fut dans ce voyage qu'il découvrit en Auvergne l'herbier de 
M. Charles, autrefois compagnon de Tournefort dans fon voyage au 
Levant ; il alla de proche en proche jufqu'à Clermont, es étoit le lieu 
du dépôt, où un Apothicaire l’avoit acheté de la famille de M. Charles, 
pour le donner à l’Académie ; il obtint la permiflion de l'examiner , 
de l’arranger & de prendre les doubles; il forma treize caifles de douze, 
& la treizième , qu’on lui accorda , n'étoit pas la moins précieufe : 
c’eft une partie de l'herbier qu'il a laïffé à la Bibliotheque du Roi. 

Un Botanifte Breflan ne pouvoit oublier les Plantes de la Breffe; 
M. Bernard a entre les mains un catalogue des arbres & des arbriffeaux 

u’il y avoit obfervés, au nombre de 107, foit dans les plaines , foit 
ds les montagnes , ou dans les jardins. Il avoit fair RE la 
même chofe pour les Plantes herbacées. 

Ayant époufé , le 17 Oëtobre 1760, Mademoifelle Antoinette 
Vivante Beau , qui demeuroit à Toulon-fur-Arroux en Charolois, il alla 
s'y établir : cette union douce & charmante l'occupa pendant deux ans ; 
il en eut un fils en 1762, qui annonce déja de l'efprit & des talens , 
& qui fe mettra probablement en état de faire jouir le public des tra- 
vaux de fon père: mais la naiflance de cet enfant couta la vie à fa 
mère ; elle mourut trois jours après, le 19 Avril 1762. Le 8 Juin fui- 
vant, M. Commerfon écrivoit à M. Bernard, qui venoit de fe trouver 
dans une pareille circonftance : » Ah, cher ami! fi les mêmes goûts 
» nous avoient unis , les mêmes malheurs nous attendoient ; j'ai perdu, 
» comme vous, la plus tendre & la plus vertueufe des Epoufes, & je 
» n'exifte plus aujourd’hui que par la mémoire de Jui avoir appartenu : 
» pardon, mon cher, fi, en vous faifant part de l’objet de mes dou- 
» leurs , je renouvelle toutes les vôtres ; je cherchoïs des confolations, 
» & j'oubliois que vous devez être aufli aflligé que moi : 


Et lacrymæ deerunt oculis, & verba palato ; 
Cor ffriélum gelido frigore femper erir. 


» Ne ceflez cependant de reconnoître dans le plus défolé de tous les 
» hommes , votre véritable ami ». 

Il trouva dans fes voyages une occafon de confacrer la mémoire de 
cette époufe , qui lui avoit été fi chère, dans un nouveau genre de 
Plante , dont le fruit renfermoit comme deux cœurs, & qu'il nomma 


Tome F, Part, IL 1775. 


04 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Pulcheria Commerfonia. I y aaufli, dans fes nouveaux genres, des 
Plantes confacrées à fes meilleurs amis, M. Poiflonnier, M. Vachier, 
M. Mauduit , Madame le Paute, & moi-même ; d’autres pour les per- 
fonnes en place: il y en a un cahier tout entier parmi les manuf- 
crits de M. Commerfon , qui font entre les mains de M. de Buffon. 

En 1763, M. du Plain le jeune, Libraire à Lyon , lui propofoit de 
publier fon Ichthyologie en deux volumes in-4°.: il ne lui reftoit qu'à 
la tranfcrire, & quelques fynonymes à y ajouter; il lui manquoit auf 
les Ichthyologies d'Aldrovande , de Willoughby & de Belon , qu'il 
n'avoit jamais vues : mais il étoit occupé dans ce tems-là à fe procurer 
des Livres d'Hiftoire Naturelle , qu'il faifoit chercher de toutes parts, & 
qui lui manquoient encore , parce qu'il avoit plus étudié la Nature que 
les Auteurs. Cet Ouvrage devoit étre accompagné des plus belles f- 
gures , qu'il iroit faire defliner fur les originaux & fur les côtes de la 
Méditerranée, avec un Dictionnaire & une Bibliographie , qui contien- 
droient une Notice & un Jugement raifonné fur tous les Auteurs qui 
ont écrit fur cette matière, tels qu'Aldrovande, Gefner, Willoughby, 
Belon, Catefby, Marfgli, Gronovius, Seba , Rumphius, Petiver , 
Merret, Sibbald, Schwenckfeld. » Je vais moi-mème, écrivoit-il au 
» Libraire, parcourir de nouveau toutes les côtes du Golfe de Lyon, 
» depuis l'extrémité du Rouflillon jufqu’à celle de Provence, fans ou- 
» blier une bonne ftation dans l'Ifle de Minorque; je fais tous ces pays-là 
>» par cœur; je connois les voies les plus füxes pour réufir : je vous 
» ferai parvenir aufli-tôt les poiffons pour les faire defliner fur le frai ; 
» paï-là nous aurons un corps de figures originales & uniques dans ce 
» genre, qui plairont même aux Naturaliftes célèbres qui profcrivent 
» les figures , & ne veulent que des defcriptions ». M. Poivre, depuis 
Intendant de l’Ifle de France, étoit alors dans fa retraite à la Kreta , 
près de Lyon; il offrit de faire ces defins lui-même , & cet habile Na- 
turalifte étoit bien capable de les rendre intéreffans. 

Une maladie que M. Commerfon eut au mois de Juin 1763, & 
des préparatifs de fon voyage pour Paris, fufpendirent l'exécution de 
ce projet; & il s’en félicitoit enfuite , lorfqu'étant aux Indes il vit com- 

* bien fon Ouvrage eût été incomplet , fans fon voyage autour du monde : 
le premier manufcrit eft entre les mains de M. Vachier. 

M. Commerfon arriva enfin à Paris au mois d’Août 1764 ; il fe logea 
près du Jardin du Roi, où il trouva un vafte champ de connoiffances 
nouvelles à acquérir ; il fut bientôt connu & eftimé de ceux qui culti- 
voient la Botanique , & fpécialement de M. de Juffieu, qu'il avoit 
fur-tout defiré connoître. Un des premiers Médecins de la Cour forma 
dés-lots un projet pour y fixer un homme de ce mérite ; c’étoit de le 
placer au Château de la Ménagerie du Roi comme Naturalifte, avec 


SÛR L'HIST. NATURELLÉ'ET LES ARTS. 9 


üne penfion convenable : ce projet fut fufpendu par une pleuréfie que 
M, Commerfon eut au mois de Janvier 176$ , caufée par des excès 
d'étude & de travail. 

M: l'Abbé de la Chapelle, qui joint à fes connoiffances mathéma- 
tiques & phyfiques un goût particulier pour l'Hiftoire Naturelle, ayant 
appris pour lors que l'on cherchoit un \Naturalifte pour faire Le tour du 
monde, l'indiqua à M. Poiffonnier , de l'Académie Royale des Sciences, 
qui jouifloit de toute la confiance du Miniftre, & qui fut enchanté d’a- 
voir trouvé un fujet unique pour un femblable voyage. 

M. le Duc de Praflin, alors Miniftre de la Marine , lui ayant de- 
mandé une notice générale des Obfervations d'Hiftoire naturelle , qu'it 
feroit poflible de faire dans un voyage tel que celui des Terres Auftrales, 
M. Commerfon lui préfenta , le 24 Octobre 1766 , un projet d'Obfer- 
vations, qui parut EE eq que l’on en fit des copies dans les Bu- 
reaux de la Marine, pour être envoyées dans tous les Départemens, 
& pour fervir de guide dans la fuite à tous ceux qu’on pourroit charger 
de pareilles Obfervations ; l’Auteur annonçoit cependant qu'il ne regar- 
doit cette pièce, que comme pouvant fervir de réponfe à ceux de fes 
parens ou de fes amis, qui , en cas de malheur, feroient aflez peu fenfés 
pour dire , qu'alloit-il faire aux Terres Auffrales ? 

Au refte , ajoutoit-il en l'envoyant à M. Bernard , » vous penfez 
» bien que je ne m'oblige pas de réalifer tout ce projet d'Obfervations. 
» ]l ref aucun pays en Europe , dans la partie même la plus peuplée 
» d'Académiciens & de Savans , qui ait été examiné felon le plan que 
» je propole ; J'en exécuterai ce que je pourrai & le mieux que je pour- 
» rai : je confidère l'Hiftoire Naturelle comme un grand vaiffeau qu’on 
» a commencé d'appareiller ; déja quelques voiles font mifes , j'y en 
» ajouterai deux , peut-être ; mettra la dernière & prendra le gou- 
» vernail qui pourra ». 

Dans ce Mémoire il pale en revue toutes les parties du Règne animal, 
du Règne végétal & du Règne minéral , dont un Naturalifte doit s’oc- 
cuper : par exemple, à l'article des Oifeaux , il donne la première place 
aux efpèces granivores , dont la chair & les œufs méritent, à tous 
égards , la préférence ; la feconde , aux aquatiques palaipèdes , qui 
ne la cèdent guère aux premiers ; la troifième , à ceux qui ont le bec 
& les jambes grêles & longues , dont le fumer eft exquis , mais dont la 
chair eft moins faine ; la dernière enfin , À ceux qui femblent n'être que 
de pure curiofité , mais dont les naturels du pays favent pourtant quel- 
quefois tirer des vêtemens , des plumes, des ceintures & d’autres 
ornemens. Enfin, il obferve us neft pas jufques aux efpèces rapaces 
qu'il ne faille encore foigneufement examiner, en ce qu'elles s’oppofent 


Tome F, Part, EL. 1775. 


96 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


à la multiplication des efpèces utiles , foit de celles qüi font naturelles 
au pays, foit de celles qu'on voudroit y introduire. 

Dès le 15 Novembre 1766, M. de Bougainville étoit parti de la 
rivière de Nantes ; mais une grofle mer qui Le tourmenta & le démära, 
à la vue même de la côte, l'obligea de relâcher dans,le Port de Breft 
pour Sy radouber. M. Commerfon en profta pour fe préparer encore 
mieux à un voyage aufli utile; & les fatigues de ces préparatifs, jointes 
à un ulcère qu'il avoit à la jambe , Le rendirent fort malade. » Ma 
» fanté n'eft plus , écrivoit-il à M. Bernard en Janvier 1767, cette 
» fanté athlétique que vous m'avez connue autrefois: mais qu'importe; 
» qu'elle fufife ou non , l'ame doit regagner en force tout ce que le 
» corps y perd. Je ferai, au pis-aller , mangé des foles ou des requins; 
» les vers m’auroient-ils moins épargné ? Si l’on m’objecte que cela fe 
» fera avec beaucoup moins de cérémonie, je réponds que votre ami 
» ne les aime pas. Je ferai parti, cher ami, quand vous aurez reçu 
x cette lettre; & ce fera, je crois, fous les meilleurs aufpices. J'ai 
n été ici l'enfant gaté de tout le monde; Intendant, Commiflaires- 
» Généraux & Officiers de la Marine, tous ont été au-devant & par- 
» delà mes defirs, pour tout ce qui pouvoit être utile à ma perfonne 
» & à mes opérations : outre les inftrumens d'obfervations que le Mi- 
» niftre m'avoit déja accordés libéralement à Paris, j'ai obtenu encore 
» ici pour plus de deux mille écus de fourniture , dont je n'ai aucun 
» compte à rendre. On m'a paflé un Valet-de-chambre gagé & nourri 
» par le Roi. Je reçois des lettres de Paris qui m'annoncent les chofes 
» les plus flatteufes & les plus encourageantes; le Cordon de Saint-Mi- 
» chel à mon retour, les penfions , toutes les portes ouvertes. . . .. 
» Mais la plus belle pour moi fera celle par laquelle je reviendrai en 
» Europe. 

» Je ne fuis déja plus habitant de la terre, je vous écris en rade 
fous l'ifle d’Aix. La petite épreuve que j'ai déja faite de la mer ne m'a 
point été pénible ; je crois que j'aurai les graces de l’état de Marin, 
je n'ai point encore éprouvé de naufées. Le Capitaine du vaifleau , 
» le plus galant homme du monde , qui m’avoit fait faire par extraor- 
dinaire une chambre dans celle du confeil, ne l'ayant point trouvée 
commode pour moi, n'a forcé d'accepter la fienne propre ; je fuis 
» comblé d’attentions de fa part. Ma fituation eft d'autant plus gra- 
cieufe , qu'indépendamment des plus puiffantes recommandations 
fous lefquelles je fuis produit , perfonne ne voit en moi un concur- 
rent à craindre: au contraire , je fuis pour tout l'équipage un homme 
» fingulier , amufant & utile; car le falut de cent cinquante hommes 
» y avoit été expofé à la difcrétion de deux Chirurgiens très - jeunes. 
» Que voulez-vous que je vous dife de plus ? Je fuis plein de courage & 


# de 


sv 
Ÿ ÿ 


u 
S 


Uu 
Ü 


u 
Ü 


® L 
CAN 


© 
ÿ 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 97 


» de réfolution , & j'efpère dans trois ans d'ici me trouver dans vos 
» bras SCC: 3 

Au mois de Mai, nos Voyageurs arrivèrent à Monte-Video , dans la 
rivière de la Plata en Amérique , après une traverfée de trois mois, 
dans laquelle ils avoient couru tous les dangers de la mer. M. Con- 
merfon n'y trouva point M. de None , parce que fa traverfée 
avoit éré très-courte & très-heureufe : il mavoit refte qu'un mois en 
ftation à Monte - Video. Ne Fu que la frégate eût pu fe 
trouver dans fes eaux , il n’avoit laiflé aucun ordre, & ce ne fut 
qu'au retour des Frégates Efpagnoles qui l'avoient accompagné & 
laïiflé aux Ifles Malouines , que lon apprit qu'il ne falloit plus fonger 
à l'y aller joindre, mais remettre à la voile pour le Bréfl. » Notre 
» empreflement à nous y conformer, dit M. Commerfon dans une de fes 
» lettres à M. Bernard , eft d'autant plus grand , que nous favons qr'il 
» eft vivement inquiet fur notre compte : peut-être ne l'eft-on pas 
» moins en France, d'où l’on nous a vu prêts à couler bas par l'excès 
» de charge , avec des vents de bout qui ont duré vingt-deux jours , 
» & qu'il nous a fallu fupporter toujours prefque à vue des côtes 
» d'Efpagne & de Portugal , au hafard d'y être écrafés mille fois. Notre 
» attériflement à l'Amérique ne nous a guères moins coûté ; un tour- 
» billon affreux qui a paflé fur notre mat de Beaupré , a penfé nous 
» engloutir à cinquante ou foixante lieues du Cap Frio au-deflus du 
» Paraguai. Nous commencions à oublier toutes les peines de notre 
» navigation dans les douceurs de notre relâche , lorfqu'il a fallu nous 
» livrer aux regrets de la quitter ; reçus à bras ouverts par les gens 
» les plus hofpitaliers du monde, les plus avides de voir de nouveaux 
» venus, plongés dans l'abondance de toutes fortes de rafraichiffe- 
» mens, nous n'avions rien à defirer que d'en jouir plus long-tems. 
» Je crois avoir oui dire , après le réglement des comptes qui vient 
» de s'en faire, que cet article-là ne coûte pas plus de 126 Liv. au 
» Roi pour un équipage de cent douze hommes pendant près d'un 
» mois ; jugez -en e le prix d'un bœuf, qui ne vaut ici communé- 
» ment que vingt fols, & un cheval la moitié moins. Me croirez- 
» vous volontiers, quand je vous dirai que tel Efpagnol, qui n'a pas 
» fouvent une chemife fur le corps , a foixante chevaux à {on kr. 
» vice, & fait le plus fouvent tuer un bœuf pour la langue feule ? Le 
» refte eft laiflé à la voirie ? Ne penferez-vous point que je com 
» mence à ufer du privilège que s’arrogent les Voyageurs dans les 
» pays lointains, quand je vous aflurerai que , lorfqu'on veut fe fer- 
» vir d'un cheval , on lé va lancer aux champs , qu'on le fait jeüner 
>» abfolument fans rien boire ni manger pendant deux ou trois jours, 
» au bout defquels on court deffus trente ou quarante lieues fans 


Tome V, Part. IL. 1775. 


98 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


» arrêter fi l’on veut? A-t-on à defcendre pour fes propres befoins, 
» C'eft fans débrider, & il fufit alors de laïffer pendre la bride libre- 
» ment devant les pieds du cheval ; l'animal , aufli patient , aufli do- 
» cile dans le repos que vif & léger à la courfe, va mourir plutôt de 
>» faim que d'avancer un feul pas , füt-il entouré des pâturages les plus 
» verds & les plus tentatifs. Appartient-il à un maître raifonnable , il 
» eft débridé après Le fervice , & renvoyé paître ; autrement on le laiffe 
» tomber d'inanition, pour en entamer un autre qui n'aura pas un 
» meilleur fort, car la plupart des Efpagnols font toujours ie 8 
» cruels. Après avoir dépeuplé cette partie de l'Amérique méridionale, 
» ainfi que plufeurs autres , ils l'ont remplie de bœufs & de chevaux, 
» fur lue leur empire eft aufñi tyrannique qu'il Le fut autrefois fur 
» les gens du pays ; tous les jours on entend de , tel ou tel va faire 
» une tuerie de trois ou quatre mille bœufs , & cela fe fait effeci- 
» vement pour l'unique profit des cuirs. Jugez quelle branche de com- 
.» merce utile nous pourrions nous ouvrir dans cette partie du monde, 
» fi l'entrée y pouvoit devenir libre aux Marchands ; quelle honte que 
» les piaftres foient la feule chofe utile que l’on puifle tirer de ce pays- 
» ci, le plus beau, le plus tempéré , le plus fertile de l'Univers, mais 
» aufli le plus inculte ! 

» L'hiver va commencer ici en mème tems que votre été en Eu- 
» rope ; je n'ai pas laiflé de faire une ample moiflon de Plantes, 
>» d'Oifeaux, de Poiflons , & je voudrois bien que rien ne püt m'échap- 
» per: mais comment faire ? Je ne fuis ni un Argus, ni un Briarée; 
» une chafle, une pêche, une promenade, me mettent dans l'em- 
# barras de Midas, fous les mains duquel tout devenoit or. Je ne fais 
» fouvent par où commencer ; j'en perds le boire & le manger; &ïl 
>» faut que notre Capitaine , mon excellent ami ; poufle les attentions 
» au point de ne m'accorder de la lumière que jufqu'à minuit: la vive 
» admiration où je fuis tombé en voyant tant de raretés, le plus fou- 
» vent nouvelles & inconnues, n'a fait devenir Deflinateur ; tant il ef 
» vrai que les Rudimens de tous les Arts fe réduifent à la pure imi- 
» tation de la Nature, & qu'il ne faut que vouloir bien efficacement 
» une chofe pour y parvenir ! 

» Recevez mes embraffemens ; ils font accompagnés de mille & 
» mille effufons de cœur pour vous & pour mon fils ; accoutumez-le 
» à parler de moi, à defirer mon retour, à demander de mes nou- 
» velles ; je ne cefle de tourner les yeux vers lui, & d'étendre mes 
» mains paternelles de fon côté, malgré la vafte étendue des mers qui 
» nous féparent. O cher enfant ! fi tu ne dois pas me revoir, je te 
comble de mes bénédictions; puifles -tu mériter enfuire celles da 
> Ciel! 


o 
ÿ 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 965 


» Adieu, mon cher; mes larmes me noyent, vous connoiflez mon 
» cœur ; reconnoiflez la fignature de votre plus véritable ami ». 

Ayant mis à la voile pour Rio - Janeiro, Capitale du Bréfil ; la 
Frégate arriva en peu de jours par La plus heureufe traverfée. M. 
Commerfon crut relâcher dans le Parahis terreftre de l'Amérique. 
«æ Nous penfons , dit-il, en favourer tranquillement les douceurs 
» ( fur-tout après avoir eu le bonheur d’y être joint peu de tems après 
» par la Frégate Commandante ) : mais nous fümes cruellement trom- 
> pés dans notre attente ; toutes fortes de difgraces nous atrendoient 
» à terre : autant nous avions eu à nous louer de nos premiers hôtes, 
> les Efpagnols , autant nous avons à nous plaindre des Portugais ; 
» cette nation s'eft portée à de tels excès à notre égard, qu'il eft à 
» craindre que le compte que nous fommes obligés d'en rendre à la 
» Cour, ne fufcite peut-être une guerre , fi celle de Lisbonne n’en fait 
» pas à celle de Verfailles les fatisfactions qu'on ne manquera pas 
» d'exiger. Ce ne fut point affez que d’avoir , quelques jours après notre 
» arrivée , affafiné notre AumôOnier , infulté nos Matelots & nos Do- 
» meftiques ; on aila jufqu'à nos Officiers : M. de Bougainville , mal- 
» traité lui-même , fe vit fur le point d'être arrêté par les ordres de 
» celui qui règne ici fous le nom de Vice-Roi ; ombrageux comme on 
» ne le Le jamais , il prit de la défiance de voir en même tems dans 
» le port trois Vaifleaux de Roi ( parce qu'il en étoit furvenu un 
» autre poftérieurement à nous). En vain, pour le raflurer, avions- 
» nous dépofé toutes -nos poudres dans les magafins Portugais , & lui 
» avions-nous communiqué notre commiflion fort étrangère aux inté- 
» rêts de fa nation ; le fouvenir de l'expédition de M. Duguay-Trouin 
» qui, au commencement de ce fiècle , avoit furpris & pillé Rio-Ja- 
» neiro , le rendit furieux lorfqu'il vit des flammes blanches & des 
» pavois fleurdélifés fous les Ps de fon Palais. L'affaflinat de 
» notre Aumônier, commis, à la vérité, par des auteurs ignorés , 
» ayant porté nos Officiers à en demander hautement raifon, & quel- 
» ques autres fujets de méfintelligence étant encore furvenus en même 
» tems, il n’y eut bientôt plus de mefures gardées ; le Vice-Roi man- 
» qua effentiellement à nos Oficiers qui , à leur tour, le firent trembler 
» jufqu'au milieu de fes Gardes. 

» Cette contrée eft la plus belle de l'Univers : au milieu de l'hi- 
» vers, Les oranges, les bananes ; les ananas, fe fuccèdent continuel- 
» lement ; les arbres ne perdent jamais leur verdure ; l’intérieur des 
» terres, fertile en toutes fortes de gibier , en fucre , en riz, en ma- 
» nioque, &c. y offre, fans culture, une fubfftance délicieufe à fes 
» habitans ; & à des milliers d’efclaves , qui n’ont d'autre peine que 
>» de recueillir. Les mines dont ce pays fourmille , ne font que des 


Tome V, Part. II. 1775. N 2 


100 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


» mines d'or & de pierres précieufes ; ‘une baie.de 12 à 1$ lieues 
» de circuit, formée par la plus poiflonneufe de toutes les mers, fe 
» convertit là dans un port capable de contenir cent mille vaifleaux , 
» fi fort à l'abri de tout vent , qu'en tout tems on peut defcendre en 
» pirogue à terre. 

» Vous connoiflez ma fureur de voir ; au milieu de toutes ces hof- 
tilités, malgré les défenfes formelles de nous répandre hors de la 
» ville, en dépit même d'un mal de jambe affreux , qui m'étoit re- 
» venu en mer , j'ai ofé vingt fois defcendre avec mon Domeftique 
» dans une petite pirogue , fous la conduite de deux Nègres , & par- 
» courir, l’une après l’autre, les différentes côtes & les flots de la baie. 
» M. de Bougainville , a me tient toujours dans fa main droite, 
» fachant, par Le rapport du Chirurgien qui me panfoit, que le moin- 
» dre rifque dans ces travaux, étoit de perdre la jambe par la gan- 
» grène, crut devoir y remédier en me mettant obligeamment aux 
» arrêts jufqu'à parfaite guérifon, que je n'ai pu obtenir qe pendant 
» notre retour à Buenos-Aires ; mais quel autre moyen de me con- 
» tenir! chaque pas que je faifois, étoit payé d’une découverte ou d’une 
» obfervation eflentielle ». 

Au fortir de Rio-Janeiro, nos Voyageurs retournèrent fur leurs pas. 
>» Nous voici donc enfin rentrés dans la rivière de la Plata, écrivoir 
»> M. Commerfon, & de plus remontés jufqu'a Buenos -Aires, Capi- 
5 tale de la Province de la Plata, où une voie d’eau déclarée dans 
> notre vaifleau nous oblige de le mettre en carène ; cette opération, 
» qui ne laiffera pas que d’être longue , nous conduira vraifembla- 
» blement jufqu'au mois de Novembre ou Décembre, faifon la plus 
>» favorable pour traverfer le terrible détroit de Magellan ». 

Le Vice-Roi de cette Province propofa à M. Commerfon de 
laccompagner à Lima, Capitale du be , Où il devoit aller par 
terre , c'eft-à-dire, en traverfant tout le continent de l'Amérique. 
M. Commerfon auroit pu accepter cette propolition , d'autant mieux 
qu'il auroit rejoint les Vaiffeaux dans la mer du Sud; mais il aïma 
mieux partager les périls & la gloire du paflage du détroit de Magel- 
lan. En effet, après un féjour de trois mois, les Frégates partirent de 
Euenos-Aires au mois de Novembre 1767; elles traversèrent la mer 
du Sud , relâchèrent à lIfle de Taïti, &c. & arrivèrent enfin à l’'Ifle 
de France après mille dangers, comme on peut le voir dans le voyage 
de M. de Bougainville. 

On trouve dans le Mercure de Novembre 1769 , la relation de 
Fffle de Taïti que M. Commerfon m'avoit envoyée, & qui eft écrite 
avec agrément &c avec intérêt. Les rifques & les fatigues du voyage, 
qui finiffent pour les autres en arrivant dans quelque port, ne fai- 


V4 
M 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 101 


foient qu'augmenter pour lui qui avoit à fcruter l'intérieur des terres ; 
& en arrivant à l'ile de France , il fe trouva entré dans une nou- 
velle carrière, lorfque fes compagnons de voyage touchoient au ter- 
me de leurs travaux. Dans la Gazerte de Berne , du 29 Mars 1769, 
en annonçant l’arrivée de M. de Bougainville en France, on pu- 
blia la mort de M. Commerfon ; mais c'étoit jufques-là une faufle 
nouvelle. 

En arrivant à l'Ifle de France, il fut reconnu par un Soldat qui 
étoit du mème endroit que lui ; il regardoit comme un bonheur d’ap- 
prendre des nouvelles de fa famille, après deux ans de navigation & 
d'incertitude : mais quel fut fon accablement , lorfque le Soldat lui 
dit qu'à fon paflage à Châtillon, il avoit vu toute la famille de M. 
Commerfon en deuil, fans pouvoir lui dire fi c’étoit de fon père 
ou de fa mère ? « Peut-on imaginer , écrivoit-il à fon frère le 30 
» Novembre 1768 , un état plus cruel que le mien ? Je verfe tous 
» les jours des larmes filiales fur les deux têtes les plus chères que 
» j'eufle au monde , fans que mon cœur , toujours partagé entre la 
» douleur de fa perte & l'incertitude de fon efpérance , puifle envifa- 
» ger autre chote que lalternative d'un père ou d’une mère au tom- 
» HE Tous mes regrets épuifés fur la mémoire de l'um, fe renou- 
» vellent en confidérant que C’eft peut-être l’autre qui en doit être 
» l'objet. O Dieu ! ne rejettez pas la prière d’un fils défolé, & con- 
» fervez-moi du moins celui des deux qui réunit à préfent tous les 
» vœux que j'ai à vous adreffer. 

» Quelque rapide que foit mon imagination, continue-t-il, ce ne 
» fera pourtant guères que dans un an que je pourrai repafler en Eu- 
» rope. Un nouveau remora m’atrendoit ici ; j'y ai trouvé M. Poivre, 
» Intendant de l’Ifle de France, chargé de la part du Miniftre de me 
» faire toutes les inftances poilibles pour m'y arrêter, & m'envoyer 4 
» fur la fin d'Avril, continuer mes obfervations fur la grande ifle de 
» Madagafcar , où l’on prétend former de nouveaux établiffemens. 
» Vous fentez bien que de pareilles inftances font des ordres honnêtes, 
» mais irréliftibles. On a augmenté mon traitement d'un tiers, on m'a 
» donné le logement & la table à l’Intendance : aiñfi me voilà engagé 
» dans un nouveau travail ; j'efpère cependant qu'il ne durera pas plus 
» d'une année. Cette continuation de confiance me fait honneur fans 
» doute ; je vous avoue pourtant qu'il n'en a coûté beaucoup de ne 
» pas fuivre le projet que J'avois de retourner en France, fur-tout après 
» les ennuis , les périls & les maux réels que je venois d’efluyer 
» dans un voyage de dix mille lieues au moins; je voudrois bien pou- 
» voir ne vous rien laifler à defirer fur ce célèbre voyage, & vous 
» tracer la route que nous venons de faire autour du globe. Figurez- 


Tome PV, Part. IL 1775. 


102 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


» 
» 
» 


22 


w 
Ÿ 


y 
M 


3 


ÿ 


p] 


vous que, depuis notre départ, nous avons toujours fuivi à l'oueft {e 
cours du foleil, & que nous arrivons par le foleil levant ; que par 
conféquent nous avons ti aflez près de vos antipodes , & que 
nous avions minuit quand vous aviez midi; & fuivant le cercle qui 
embrafle exactement le plus grand tour du monde , nous avons vu 
dans l'Amérique méridionale la rivière & la Province de la Plata, 
partie du Paraguai , Le Bréfil, les Ifles Malouines , le détroit de 
Magellan , les Patagons & la terre de Feu ; là nous avions 22 heures 
de jour, & à peine les apparences de la nuit: mais repréfentez- 
vous aufli la plus grande défolation de la nature, lafle en quelque 
facon de produire des hommes, & de les y faire fubfifter. Dans la 
mer pacifique, nous avons reconnu les terres de Quiros, partie des 
Terres Auftrales , grand nombre d'ifles nouvelles, une ifle incompa- 
rable (Taïti) couverte d’un peuple immenfe , qui ne s'eft point 
écarté encore de l’inftitut de la nature, & chez lequel femble fe 
réalifer l'âge d'or, vainement chanté par les Poëtes ; la nouvelle 
Bretagne & la Terre des Papoux. Dans la mer de l'Inde, nous avons 
parcouru lArchipel'des Moluques , paffé le détroit de Bouton, vu 
les côtes de l’ifle de Java, dont Batavia, la métropole, ne le cède 
guères SE Paris en beauté , & l'emporte fur toutes les colonies des 
deux Indes , en population, en richefles & en magnificence. 

» En quittant Batavia nous fomimes entrés dans le détroit de la 
Sonde ; nous avons côtoyé Sumatra , reconnu l'Ifle Rodrigue & re- 
lâché à l'Ifls de France où je fuis actuellement. Le beau voyage ! 
entends je dire de tous côtés ; qu'il y a de gloire de lavoir fait! 
Oui fans doute ; mais qui peut imaginer ce qu'il en a coûté pour le 
faire ? Mille écucils affrontés, autant de nuit que de jour ; les rats, 
les cuirs de nos vaifleaux apprêtés par la famine qui nous a acca- 
blés plufieurs mois, ainfi que la difette d’eau ; le fcorbut, les dyf- 
fenteries qui moiflonnoient en même tems la fleur de notre troupe; 
& ce qui eft plus trifte encore, un état de défiance & de guerre 
inteftine nous armant les uns contre les autres : telles font les om- 
bres de ce grand tableau d’hiftoire. 

» Malgré cela, ne le diflimulons pas, une nouvelle route frayée à 
travers des mers inconnues, un détroit ( celui de Magellan) dont le 
nom feul étoit effrayant , ouvert à préfent à tous les Navigateurs par 
la quantité de ports que nous y avons reconnus ou découverts ; un 
nouveau monde d’ifles trouvées & comme acquifes fur cette roure , 
les bornes de l’'Hiftoire naturelle & de l'Hydrographie reculées fort 
au loin, les circonftances en un mot les plus extraordinaires qui 
caractérifent cette expédition , la feront mettre à jufte titre au rang 
des plus belles qu'on ait jamais faites. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 103 


» Je ne partirai point d'ici fans aller faire un petit tour à l'ifle Ro- 
» drigue, & y vériner fi les infcriptions de notre compatriore Duguaft 
» y bent encore fur une dr qu'il avoit élevée pendant le 
» long féjour qu'il fut forcé de faire dans certe ifle ». 

Malgré fes travaux & fon zèle, M. Commerfon efluya bien des mor- 
tifications. Un jeune Médecin protégé, fut envoyé, en 1768, à l'Ifle 
de France pour feconder M. Commerfon, travailler avec lui, & aller 
enfuite à Madagafcar : celui-ci fit fes efforts pour l’électrifer, l’encou- 
rager & l'inftruire; cela fut inutile, il s’en £ un ennemi: on écrivit 
contre M. Commerfon, & fes appointemens furent fupprimés, à 
compter même de fon arrivée à l’Ifle de France. 

M. Poivre, qui ne l’avoit jamais perdu de vue, fentit cette injuf- 
tice mieux que perfonne, & il en fut touché plus que lui-même; en 
la lui annonçant à fon arrivée à Bourbon, il tâchoit de la lui adoucir 

ar tous les motifs de confolation pofñfibles : il lui manda qu'il faifoic 
En affaire propre de lui continuer fes appointemens , dût-il le faire à 
fes dépens. M. Commerfon lui répondit que fon eftime étoit un ample 
dédommagement .de fes peines ; que toujours animé du même zèle, 
il étoit prêt à continuer fes travaux jufqu'à leur fin, fans aucune pré- 
tention aux bienfaits de la Cour; qu'il ne vouloit fe venger de l'in- 
jure qu'on lui faifoit , qu'en redoublant de courage & d'efforts : cepen- 
dant M. Poivre parvint à dévoiler la trame de l'envie, & M. Poif 
fonnier s’emprefla d'obtenir le rétablifflement d’une penfion qui ne 
pouvoit être mieux employée. 

M. Commerfon écrivoit en 1771 à fon frère, qui avoit eu des mé- 
contentemens de famille : « Je voudrois bien, comme vous, n'avoir que 
» quelques petites tracafleries domeftiques à efluyer : forti de plus d’é- 
» preuves, caflé par plus de travaux que la fable n'en fit fupporter à 
» Hercule, vous croyez peut-être que je ne fais que favourer à longs 
»> traits les honneurs & les récompenfes; il eft vrai que l’eftime des 
» gens de bien & de mérite, affociée au plaifir de bien faire, peut 
m'être paflée pour un article confidérable de dédommagement: mais 
» vous n'imagincrez jamais tous les traits de l'envie que j'ai eu à ef 
» fuyer. Paifibles cafaniers que vous êtes, oh! que vous pourriez être 
» heureux dans vos foyers domeftiques ! Jouiflez ou apprenez à jouir 
» des douceurs de votre état. À fortunatos nimium , fua fi bona no- 
» rint, me fuis-je écrié bien des fois, dans les abymes, à travers les 
» mers & les écueils, ou au milieu des peuples barbares à la merci 
» defquels je me fuis mis fi fouvent fous la feule fauve-garde de ma. 
» confiance » ! Dès que M. Commerfon fut un peu repolé des fatigues 
de ce voyage, il les eur bientôt oubliées. Dès l'année 1769, il fon- 
geoit à demander, quand il feroit de retour, d'aller parcourir l'Amé- 


Tome V, Part, IL, 1775. 


8 


104 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 

rique pour comparer les productions de la nature dans les parallèles 
oppofés, comparaifon qui auroit mis Le dernier fceau à fes recherches. 
ce Ayant parcouru déja tout l’hémifphère auftral, il ne me refte, di- 


3 
32 


foit-il, qu'à voir le nord de l'Amérique ; fi le Miniftre agrée ce 
projet, jamais on n'aura rien fait de plus favorable à l'avancement 
de lHiftoire Naturelle : qu'on ne m'objette pas que l’hémifphère bo- 
réal eft déja aflez connu; il faut voir du même œil pour pouvoir 
judicieufement comparer : ma façon d’obferver m'eft propre , fans 
cela je ne pourrois écrire que fur parole; je fuis en état de prouver, 
par une foule d’obfervations, que les chofes même le plus fouvent 
vues, l’ont été très-mal, & qu'il y a prefque autant d'erreurs à réfu- 
ter, que de découvertes à faire ». 


Il méditoit aufli, en 1769, d'établir à l’Ifle de France une Acadé- 


mie qui comprendroit tous les genres de Sciences, beaux Arts, Agri- 
culture, &c. & il m'en envoya le projet. « Dans la première clafle, 


2 
” 
» 
2 


2 


F2 
w 


2 
M 


CRE 1 


» 


celle des Sciences , feroient les Mathématiques, l'Hiftoire Naturelle, 
la Phyfque, la Médecine & les parties fubordonnées, &c. Cette 
Académie ne reconnoîtroit point d'autres fujets à traiter que les exo- 
tiques; c'eft-à-dire Obfervations & Recherches d’Aftronomie, de 
Géographie, d'Hydrographie , faites au-delà des mers ; productions 
des trois règnes de la nature provenantes ailleurs qu'en Europe, Hif 
toire des maladies propres à ces climats, Examen des Terreins & 
des Végétaux naturels à ces pays-ci; des changemens qu'éprouvent 
ceux d'Europe cultivés ou tranfplantés, de leurs produits compa- 
rés, &c. J'ai fous la main des Virtuofes propres à commencer chaque 
claffe; M. l'Abbé Rochon, M. Veron & un Officier de la Marine 
du Roi pour les Mathématiques; M. Poivre, le Colonel Puquet, 
M. Meunier & moi pour l'Hiftoire Naturelle; M. Bourdier & le 
Médecin de Bourbon pour la Médecine; quantité de Culivateurs 
excellens, bien intentionnés pour l'Agriculture, clafle dans laquelle 
on tâcheroit de faire naître l’émulation , parce que ce feroit de celle- 
là que la Colonie retireroit des fruits le plutôt. Il y a ici une Im- 
primerie très-bien montée, mais oifive; on fauroit à peine qu'il y 
auroit une Académie dans cette partie du monde, qu'on en verroit 
fortir un volume dont je fournirois les trois quarts moi feul, s'il le 
falloit. 
» Un apperçu de mon projet, communiqué à M. Poivre, excellent 
homme, qui a le bonum in voluntate, & le reëlum in intelleë&lu, lui 
a extraordinairement plu ; & il attend, avec empreflement, que je 
lui en préfente les détails: ne pourrai-je pas me flatter qu'ilne plaira 
pas moins à M. Poiffonnier , auquel je vous prie d'en re 
> 16 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 10$ 


>» le Profpeëlus pour le foumettre à fon examen, en Le priant , s’il l'ap- 
> prouve, de nous procurer l'appui du Miniftère ». 

& Vous voyez, me difoit-il, dans une lettre du 25 Février 1769, 
» que je cherche les moyens de vous faire revenir de l'idée où je vous 
>» ai laiffé, que quoique je travaillaffe beaucoup, il étoit à craindre 
» qu'il ne parût jamais rien de moi, à caufe de cette aparhie que vous 
» m'aviez toujours connue jufqu'à l'inftant de mon départ. Placé juf- 
>» qu'alors dans des circonftances communes , il me falloit des efforts 
» extraordinaires pour m'élever au-deflus des routes vulgaires : dès qu'au 
» contraire les circonftances extraordinaires fe font trouvées avoir lieu 
» pour moi, j'ai tâché d'en tirer cout le parti poffible; j'efpère vous 
» tromper fi agréablement à cet égard, que quand vous verrez mes 
» manufcrits, vous douterez que | pu donner aucun foin à mes col- 
» lections; tandis que fi vous ez vu mes collections les premières, 
» malgré tout ce qui meft dépéri (& ce FEES peu dire), vous au- 
» riez eu lieu de craindre que je ne me fufle pas laiflé le tems de 
» les dépouiller : mais auf il eft notoire que de 24 heures de la jour- 
» née, jen ai toujours employé utilement au moins 18. 

» Je rapporte déja de mon voyage autour du monde, une fois plus 

» de plantes nouvelles que Tournefort n’en cueillit dans fon voyage au 
Levant; ma collection feule de fougères & de gramen, furpaffe celles 
» de Scheuchzer & de Plumier. J'ai enrichi à proportion toutes les 
autres parties de l’Hiftoire Naturelle, fans compter les nouvelles ré- 
» coltes que je vais faire dans cette ifle, dans celle de Bourbon, & 
fur-tout dans celle de Madagafcar, terre de promiflion pour un Natu- 
ralifte, mais, jufqu'à préfent, bien funefte aux François ». 
En même tems, il écrivoit, de l'Ifle de France, à M. Vachier de lui 
acheter, de fes premiers fonds, une maifon près du Jardin du Roi, 
pour y établir fn Cabinet, y procurer des pos aux Etudians, y 
mettre un Démonftrateur d'Hiftoire Naturelle & fuppléer au Jardin du 
Roi, où il n’y a point encore de leçons publiques 'Hiftoire Naturelle 
pour les animaux & les minéraux : il n’y en a même encore dans au- 
- Gun lieu public; mais on efpère en établir un au Collège Royal. 

M. Commerfon commençoit alors à fuccomber fous le poids de fes 
fatigues; il m'écrivoit au mois d'Avril 1771 :« Les forces & la fanté 
» femblent enfin m'abandonner, & mettre, indépendamment de toute 
» autre raifon, un terme à mes courfes & à mes travaux; ainfi je ne 
» defire rien plus ardemment que mon rappel, & j'efpère le recevoir 
» vers la fin de l'année préfente, pour partir au commencement de- 
» l'autre. Tout perclus de rhumatifmes, je fens, peut-être un peu tard, 
» qu'il eft un terme où il faut s'arrêter, & qu'un zèle, tout louable 
» qu'il eft, quand il devient immodéré, peut conduire au repentir : en« 


Tome VW, Part, IL 1775. 


y 
ÿ 


s 
os 


y 
M 


v 
M 


106 OBSERVATIONS SUR LA PHISIQUE, 


» core fi je pouvois efpérer que ma terre natale me rendît la vigueur, 
» comme le repos, il ne manqueroit rien à la fatisfaction que j'aurois 
» de m'en rapprocher : mais ce feroit trop fe flatter; il y a apparence 
» au contraire, que fi dans un climat aufli tempéré que celui-ci, j'ai 
» vu renouveller fi vivement une maladie acquife primitivement parmi 
> les neiges des montagnes du détroit de Magellan, les hivers de 
» France ne me traiteront pas avec moins de rigueur : quoi qu'il en foit , 
» mon parti eft pris; il faut bien faire une fin, & reporter, s'il eft pof- 
» fible, fes os dans fa patrie ». 

Dans cette lettre écrite à la fin de 1770, on voit que , relevant à peine 
d’une grande maladie, il partoit fur l’Ambulante, vaifleau du Roi, 
pour aller pafler deux ou trois mois à Madagafcar : il ne fat point 
effrayé par le danger d’un pays qu'on regarde comme le tombeau des 
François; il vouloit y aller, autant pour fatisfaire M. Poivre, qui 
avoit encore quelques informations à prendre fur la partie méridionale 
de cette ifle, d'où l’on alloit retirer nos établiflemens, que pour fatis- 
faire fa propre curiofité, excitée, depuis long-tems, par tout ce qu'il 
avoit lu & entendu dire de la merveilleufe végétation de cette ifle : 
il fe livra tout entier à cette curiofité; il y efluya des peines inouies ; 
il en fut bien dédommagé par l'abondance de fes récoltes : voici ce 
qu'il mécrivoit le 18 Avril 1771. 

« Quel admirable pays que Madagafcar ! il mériteroit à lui feul, non 
pas un Obfervateur ambulant, mais des Académies entières. C’eft à 
Madagafcar que je puis annoncer aux Naturaliftes qu'eft la véritable 
terre de promiflion pour eux; c'eft-là que la nature femble s'être re- 
» tirés, comme dans un fanétuaire particulier, pour y travailler fur 
d’autres modèles que ceux auxquels elle s’eft affervie ailleurs : les 
formes les plus infolites, les plus merveilleufes, sy rencontrent à 
chaque pas : le Diofcoride du Nord, M. Linné, y trouveroit de quoi 
faire encore dix éditions, revues & augmentées , de fon Syftème de 
la Nature, & finiroit peut-être par convenir de bonne foi qu'on n'a 
encore foulevé qu'un coin du voile qui la couvre. 1 

>» Sombres fpéculateurs de cabinet, pauvres faifeurs de fyftèmes, que 
de châteaux de cartes vous avez faits! quand ferez-vous rebutés de 
rouler le rocher, qui, comme celui de Sifyphe, retombe toujours 
» fur vous? Savez-vous que vous n'avez peut-être pas encore un feul 
genre déterminé? que tous vos caractères clafiques & génériques 
font précaires ? que toutes les lignes de démarcation qu'il vous a plu 
de tracer s'évanouiflent, à mefure que les genres & les efpèces inter- 
» médiaires comparoiflent? & vous, impitoyables phraliers , qui avez ac- 
cablé les parterres élégans de Flore, en y accumulant les lourds ma- 
» tériaux d'un bâtiment gothique ; vous pouvez remettre les fers au feu, 


2 


L2 


M 


2 


V2 


2. 


ÿ 


» 


(2 


? 


ÿ 


> 


Ÿ 


? 


ÿ 


2 


ü 


3 


ÿ 


2 


ÿ 


2 


M 


2: 


Ÿ 


2 


ÿ 


2: 


ÿ 


SURL'HIST. NATURELLE ET LES, ARTS, 107 


» & en forger de nouveaux liens pour une fcience qui ne vous offre 
» que des guirlandes de fleurs, & qui s'échappe fans cefle des fers que 
» vous avez prétendu lui donner. Vous aviez ofé calculer fes richefles…. 

votre grand lésiflareur ne propofe guères que fept à huit mille efpèce de 
» plantes : on prétend que le célèbre Sherard en poflédoit une fois 

plus; & un calculareur moderne a cru entrevoir le maximum du 
règne végétal, en le portant à vingt mille efpèces..…. Eh bien! je 
vous en ferai voir, à moi feul, vingt cinq mille, & je ne crains pas 
de vous annoncer qu'il en exifte du moins quatre à cinq fois autant 
fur la furface de la terre; car pourrois-je raifonnablement me flatter 
d’être parvenu à en ramafler feulement le quart ou Le cinquième? I 
eft vrai, qu'excepté le Bréfil déja un peu apperçu, j'ai eu le fingulier 
bonheur de n'avoir récolté que des pays abfolument neufs : mais 
les ai-je exploités feulement à moitié? mais ne refte-t-il pas 
encore à voir toutes les terres auftrales, tout l’intérieur du vafte 
» Empire de fa Chine & de la Tartarie Afiatique, le Japon, les Ifles 
» Formofe & Philippines, & tant de milliers d’autres dans la Mer Pa- 
» Fa , la Cochinchine, les Royaumes de Siam & de Sumatra, l'Inde 
» méditerranée, les trois Arabies, toute l'Afrique intérieure, la Cali- 
» fornie , Le ÿafte continent de l'Amérique? Chbbiss peu en connoit-on 
» l'inépuifable fécondité! A-t-on jamais fuivi la chaîne de ces ineffables 
» Cordelières, auprès defquelles nos Alpes & nos Pyrénées ne font 
» que d'humbles taupières? J'en ai efcaladé les dernières extrémités 
» auftrales qui vont s’abaifler au détroit de Magellan & aux terres de 
» Feu : mais ce n’étoit-là que la lifière; & Éspeñtant qu’elle étoit belle ! 
» Qu'on ne m'objecte pas que les plantes doivent fe répéter de proche 
» en proche dans les mêmes climats, dans les mêmes parallèles ; cela 
» peut être vrai jufqu'à un certain point, c'eft-à-dire pour quelques 

plantes triviales qui forment un aflez petit nombre : mais je puis at- 
» tefter que par-tout où J'ai paflé, j'ai vu des théâtres différens de vé- 
» gétation; que le Bréfil n’a rien de femblable à la rivière de la Plata; 

celle-ci encore moins avec Le détroit de Magellan : bien plus, les 
deux baflins d’une rive à l'autre, ont leurs côtes tout autrement or- 
nées. T'aïti avoit fa botanique propre; il n’y a point de comparaifon 
à faire avec les Moluques & Java : enfin c’eft quelque chofe d'in- 
»croyable que la différence qui fe trouve dans les végétaux des trois 
» Ifles de France, de Bourbon & de Madagafcar, quoique fi voifines 
»'& fi approchantes en latitude. Un ami a bien voulu me faire un 
» herbier de plantes de la côte de Coromandel; je n'en ai pas reconnu 
» un vingtième dans l'Hortus de la côte Malabar, &c. Concluons 
» donc de-là qu'il faut regarder tous les fyftêmes taits (& à faire 
# pendant long-tems } comme autant de procès-verbaux des diflérens 


Tome V, Par: IL 1775. O 2 


22 


108 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


états de pauvreté où en étoient la Science & l’Auteur, à l’époque 
où il les faifoit. M. Linné fe hâte un peu de dire qu'il a Êie la 
voûte de fon edifice; il me femble le voir au milieu de toutes les 
refontes de fon Pinax, occupé à remonter un modèle de la Ma- 
chine de Ma:ly, dont on ne lui jetteroit les pièces de rapport qu'à 
poignées, après en avoir fouftrait Les trois quarts: cela foit dit fans 
déroger au refpect que j'ai pour lui, car j'ai toujours été un de fes 
plus vrais ferviteurs. 

» Je ne l'ai point obfervé moins attentivement, ce peuple fingulier, 
(de Madagafcar) fi pareffeux & fi intelligent, f doux & fi terrible, 
qui commence toujours par nous bien recevoir, & qui finit par nous 
égorger; du moins on l'a vu déja dans deux maffacres complette- 
ment exercés dans ce pays-là, fur tout ce qu'il y avoit de François 
(fans compter celui des Portugais, ainfi que des Hollandois qui 
nous y ont précédés). Tout cela ne nous a pas encore affez fait 
comprendre que c’eft nous qui nous y MUR LES en barbares, en 
forçant , par des excès de toute efpèce, ces Infulaires , vraiment 
bons & hofpitaliers, à fortir de leur caraétère naturel, à devenir 
cruels, & nous renvoyer enfin à la tête la poudre & les balles qué 
notre mal-adroite cupidité les force de prendre en échange, au lieu 
des piaftres qu'ils préféreroïent volontiers. Ce n’eft pas qu'ils faffent 
comme nous une idole de l'or; ils l'ont fçu réduire à fa jufte va- 
leur, en lui ôtant d’abord la forme bifarre que nous lui avons don- 
née, pour le changer en anneaux, bracelets, pendants d'oreilles & 
plaques, dont ils s’ornent à leurs manières, & dont ils parent leurs 
femmes, leurs enfans, & garniflent leurs armes : pour moi, je puis 
aflurer que dans cette partie, la plus décriée de l'Ifle de Madagafcar, 
que j'ai parcourue, même dans un tems critique où l’on fe tenoit 
refpectivement fur fes gardes, j'ai été par-tout en velte, un feul 
jonc à la main, à travers bois, monts & vallées, fans jamais ren- 
contrer que bon vifage d'hôte. 

» Je n'ofe croire que le Gouvernement n'ait pas eu des raifons pour 
renoncer à notre établiffement du Fort-Dauphin, qui commandoit la 
partie méridionale de cette Ifle. Il avoit, Lee annoncé des 
intentions différentes. Ne feroit-ce point, par des informations con- 
tradictoires, qu’il auroit vu différemment à l’une & à l’autre de ces 
deux époques, eu fimplement dans des vues d'épargne & de réfor- 
mation? Îl ne m'appartient point d'entrer dans l’examen de ces quef- 
tions ; je me borne à mon rôle de Naturalifte. Je crois que pendant 
le peu de tems que j'ai refté dans ce pays, jy ai fait un apperçu 
affez général de fes productions , pour pouvoir en faire, par une 
opération ultérieure , le parallèle avec la partie du Nord qui femble, 


» 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 109 


à quelques égards, digne d'être préférée. La raifon de falubrité mi- 
litoit Meacllemése pour la partie du Fort-Dauphin; celle des plus 
plus grandes fubfiftances, des traites plus abondantes en efclaves, 
en bétail, en grains, en bois précieux ; en gommes, rélines, &c., 
fait fans doute pencher la balance économique vers le Nord de 
l'Ifle : mais malheur à tout Européen que le mois de Décembre 
(& Les fuivans jufqu'en Mai) trouveront dans ces parages! On peut 
appeller Foulpointe un vafte cimetière de François , au lieu que le 
Fort-Dauphin étoit fain & habitable toute l’année, ous en un 
mot à un établiflement vraiment politique; je veux dire à la fon- 
dation d’une colonié permanente & illimitée ». 

Ce fut au retour de cette importante expédition, & en arrivant à 


Bourbon, que M. Commerfon reçut la nouvelle d’une difgrace à la- 
quelle il n'avoit pas dû s'attendre, & dont j'ai parlé ci-devant. En 
me racontant alors fon expédition de Bourbon, il m’écrivoit : « Quand 


2 


2 


M 


LA 


2 


o 


> 
? 


M 


ÿ 


2 


Ÿ 


2 


LA 


2 


mn 


2 


ÿ 


2 


o 


2 


La 


> 


Ÿ 


> 


C2 


> 


o 


je n’aurois Li arrofé route la verre de mes fueurs, vous feriez peut- 
être, tenté de croire, que par ce dernier ouvrage feul j'aurois mérité 
quelque chofe. Je l’euffe cru comme vous, mon cher, en appré- 
ciant feulement mon zèle, ma bonne volonté & mon tems employé 
fi fcsupuleufement; dans Athènes, j'eufle peut-être prétendu l'hon- 
neur du Pritannée! car enfin je puis bad pour mon Epigraphe, 


Quæ regio in terris noftri non plena laboris ! 


Eh bien, malgré tout cela, c’elt à décompter, & de beaucoup; je fuis 
remercié comme ferviteur inutile, &c. 

» J'ai eu le rare bonheur de faire ma campagne de Madagafcar 
avec M. le Baron de Clugni, un de nos francs- Bourguignons. Il 
commandoit le Vaifleau du Roi l'Ambulante, qu'un autre que lui 
eût peut-être laiflé en canelle fur les récifs du Fort-Dauphin , avec 
les vents que nous y avons effuyés. Outre l'avantage d’un vafte lo- 
gement, fait exprès pour toutes mes commodités particulières, j'ai 
eu tous les agrémens que l'on peut goûter, avec un homme qui a 
toutes les qualités du cœur & de l'efprit », 

Pour rendre ce voyage de Madagafcar plus utile, M. Commerfon 


sétoit attaché un petit Nègre qui alloit au loin lui chercher des 
plantes, avec un inftinct fi particulier, qu'il ne rapportoit prefque 
jamais deux fois la même plante, & en découvroit toujours de nouvelles. 


Après un féjour de quatre mois à l’'Ifle de Madagafcar, il revint 


au mois de Janvier 1771, à l'Ifle de Bourbon. « C'eft encore , m’é- 


2 
pe] 


crivoit-il, un millier de lieues que vous me paflerez en compte, 
puifque c’eft un voyage de furrérogation. 


Tome V, Part, ÎL 1775. 


10 . OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


» J'aurois toutes fortes de raifons de me féliciter du fuccès de ce 
» nouveau voyage, fi je n'y avois contracté une bleffure qui, s'étant 
» aigrie par l'air falin de la mer, m'a fürcé de débarquer ici, où je 
» ne refterai que deux ou trois mois, foit pour me guérir , foit pour 
» y faire aufi un apperçu de la Carte naturelle du pays ». 

Les Chefs de la Colonie de Bourbon, M. de Crémont & M. de 
Bellecombe , qui defiroient auñli de faire connoître leur Ifle & de la 
rendre remarquable, fe réunirent pour l'y retenir, & demander au 
Miniftre, au nom de la Colonie, que l'Hiftoire Naturelle de YIfle de 
Bourbon, aufli intéreflante que celle de l'Ifle de France, fût trairée 
avec une égale diftinétion; & M. Commerfon defiroit lui-même d'y 
completter le grand corps d'Hiftoire Naturelle, auquel il avoit tra- 
vaillé pendant deux ans à l'Ifle de France. 

Le Volcan, qui occupe le milieu de l'Ifle, & qui étroit alors ter 
rible, étoit, pour un Phyficien, un objet de curiofité : l'expédition 
qu'il fit à ce Volcan dura trois femaines, & elle fut aufli périlleufe 
que fertile en obfervations de toute efpèce. « Je ne connois rien, di- 
» foit-il, dont je fois plus content que de ce travail. La Nature n'a 
> donné à l'Europe que de foibles échantillons de ce qu'elle pouvoit 
» faire en ce genre; c'eft à Bourbon, comme aux Moluques, aux 
Philippines, qu'elle a établi fes fourneaux & fes laboratoires pyro- 
techniques. J'ai des chofes ineffables fur ce fujet : après que lA- 
cadémie en aura eu les prémices, le Public peut Le à un 
» bon in-4° de Mémoires, plus curieux les uns que les autres ». 
M. le Duc de la Rochefoucault, qui s'occupe depuis longtems 
d'Hiftoire Naturelle, a eu de M. Poivre une caifle ia Li 
où l’on voit les matières principales de ce Volcans & l'on verra, par 
les manufcrits de M. Commerfon, combien il s’y étoit occupé de mi- 
néralogie, & combien il étoit profond dans cette partie de l'Hiftoire 
Naturelle. 

J'ai donné, dans le Nécrologe de 1773, l'Eloge de M. Véron, 
habile Aftronome, mort dans le cours du même voyage. Voici ce 
que m'écrivoit à ce fujet M. Commerfon ; qui favoit connoître & 
prifer les talens de tous lés genres: 

« Mon pauvre ami & compagnon de voyage, pour la partie Aftro- 
wnomique, M. Véron, eft mort plein de mérite & de travaux, 


u 


CRT 
oO Ÿ 


y 
ÿ 


Sic vos non vobis cernitis affra Re 
Eee ophi. 
Curritis arva P 


#» Une fleur-en étoile, qui ne-fait que fe montrer pendant quelques 
> heures, & qui, fur un fond noirâtre,-eft toute parfemée de larmes, 


1 


SUR L'HIST. NATURELLEtETLES ARTS. 117 


» a été confacrée pour porter à jamais le deuil de ce pauvre Garçon, 
» avec ce nom Weronia trifhiflora ! e 

» Le feu de la difcorde femble vouloir fe ranimer plus que jamais 
» dans nos Colonies, enforteque notre Ariftide (M. Poivre), dégoüté 
» de n'y pouvoir faire tout le ‘bien qu'il voudroit, a demandé inf- 
» tamment, & croit obtenir bientôt fon rappel: oh! pour lors, la place 
» ne fera plus tenable; & il faudra bien, en tout érat de caufe, plier 
» bagage ». 

A la fin de 1777, il revint de l’Ifle de Bourbon à f'Ifle de France: 
mais la fatigue & quelques excès auxquels un peu trop de fenfbilité 
l'avoit porté , avoient déja dérangé fa fanté; & il a peu travaillé de- 
puis cette époque : il regardoit d’ailleurs fa tâche comme finie, n'ayant 
prefque plus rien à entreprendre dans ces climats. En même tems, 
une humeur goutteufe erratique fe fixa dans le bas-ventre; elle lui 
caufa des douleurs néphrétiques, tantôt dans un rein, tantôt dans 
l'autre, au milieu defquelles il penfa périr plus d'une fois : le levain 
de cette trifte maladie lui étoit un peu héréditaire; fans cela on auroie 
eu peine à comprendre que la goutte püt attaquer fi’ fortement un 
Naturalifte , au milieu des fatigues & des voyages. ILen avertifloit fon 
frère par une lettre du mois de Juillet 1772, en lui confeillant 
de prévenir certe maladie par la tempérance la plus exacte en tout 
genre. 

Dans une lettre du 19 O&tobre 1772, il me difoit : & J'ai à peine 
» la force de vous écrire; & le pari peut être tenu au pair, que je 
» vais, comme le pauvre Véroni, fuccomber à l’éxcès de mes veilles & 
» de’ mes travaux ; après une attaque de rhumatifme goutteux, qui 
» m'a tenu-au lit pendant près de trois mois, je croyois être en con- 
» valefcence , lorfqu'il m'eft furvenu une dyflenterie , indomptable 
» jufqu'à préfent, qui m'a conduit jufqu'au bord du tombeau. Toutes 
» mes forces font épuifées ; je fuis déja plus qu'à demi fondu. Si l'air 
> dela campagne & la diète au riz & au poiflon, ne me tirent pas 
» d'affaire, vous pouvez, comme vous me l'avez promis une Ei 
5 (dans une accès de prophétie, fans doute ), travailler à l'Hiftoire 
»'dé mon Martyrologe ». Fi: 

L'immenfité des collections que M. Commerfon avoit faites, étoic 
encore un obftacle à fon retour; il ne favoit comment parvenir à les 
faire charger dans un vaiffeau : ce. fut une des raifons qui l'empèchèrenc 
de partir avec M. Poivre & M. l'Abbé Rochon, quoiqu'il eût dans 
ce moment plus de facilité que dans toute autre occafon. 

Après lé dépaie dé M. Poivre, qui avoit fair de notre. Naturalifte 
tout lé cas qu'il méritoit, celui-ci perdit tous fes -agrémens.: M: Mail- 
lard, fuccefleur de M. Poivre, faifoit peu de cas des Sciences; M. Com- 


Tome V, Part, IL 1775. 


12 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


merfon fut renvoyé de l'Intendance où il avoit logé jufqu’alors, & 
obligé d'acheter une maifon; il commença à fentir le tort qu'il avoit 
eu se refler : fes maux augmentèrent lors même que les fecours dimi- 
nuoient; enfin il fuccomba le 13 Mars 1773. 

M. Commerfon avoit fait un teftament au mois de Décembre 1766, 

étant prêt à partir pour les Terres Auftrales : ce teftament qui contient 
des difpofitions aflez remarquables, a été imprimé fous le titre de Tef= 
tament fingulier : nous en rapporterons deux articles qui feront honneur 
à fa Philofophie. 
« Au cas où je viendrois à décéder dans une ville où il y eût des 
Ecoles de Médecine ou de Chirurgie, je deftine mon cadavre à être 
porté au plus prochain Amphithéitre d’Anatomie , pour y être, après 
deux fois 24 heures d'inrervalle, difléqué & fervir à l'inftruction 
publique; priant, à cet égard, le Démonftrateur d’Anatomie y pré- 
» pofé, d'en faire un fquelette artificiel qui puifle dépofer perpétuel- 
lement au public du defir ardent que j'ai eu toute ma vie de lui 
> être utile : heureux fi je puis, avant la fin de mes jours, remplir ce 
» vœu dans toute l'étendue fous laquelle je l'ai conçu. 

» Je fonde, à perpétuité, un prix de Morale qui fera appellé prix 
» de Vertu, & qui confiftera dans une médaille de 200 livres por- 
» tant pour légende, Wirtutis praëticæ Præmium ; & fur le revers, vovie 
» immeritus P. C.; laquelle médaille fera délivrée tous les ans au pre- 
» mier jour de Janvier à celui, de quelque condition, fexe, âge & 
» Province du Royaume qu'il puifle’ être, qui, dans le cours de l’année 
» précédente, aura fait, fans pouvoir être foupçonné d'ambition, de 
» vanité ou d’hypocrilie, la meilleure action connue dans l’ordre mo- 
» ral & politique: telle, par exemple, qu'un généreux facrifice de fes 
» intérêts perfonnels à l'égard d’un malheureux; la libération d'un pri- 
» fonnier opprimé pour quelques dettes confidérables , mais défaftreufes; 
» le relèvement de quelque famille honnète & ruinée, fur-tout à la 
»> campagne; la dotation de quelque orphelin de l'un ou de l'autre 
>» fexe; l’établiffement de quelque banque où l'on prêteroit aux né- 
» cefiteux, fans gages ni intérêts; la conftruction d un port dans un 
» endroit néceflaire , mais échappé à la vigilance du Gouvernement ; 
» enfin tout acte extraordinaire de piété filiale, d'union fraternelle, de 
» fidélité conjugale, d'amour honnête, d'attachement domeftique, de 
» réconciliation, de reconnoiffance, d'amitié, de fecours à fon pro- 
» chain, de courage dans les périls publics, &c. | 

» Pour conférer à cette fondation toute l'autorité & l'authenticité 
» pofible, ainfi que pour en affurer l'exercice le, plus jufte & le plus 
æ éclairé; je fupplie très-humblement Nofleigneurs du Parlement de 
» Paris, de vouloir bien en être les protecteurs, & s'il m'eft permis de 

æ Mme 


u 
M 


m 
Ü 


u 
ÿ 


m 
Ü 


u 
o 


SUR L'HIST, NATURELLE .ET LES ARTS. 113 


» me fervir du terme, les exécuteurs; defirant à cet effet, fauf leur 
» meilleur avis, que chaque année, dans la dernière grande Audience 
» du mois de Décembre, il foit rendu compte par tous ceux qui y 
» feront préfens; des actions venues à leur re. qui pourroient 
» mériter le, prix fondé, pour qu'il plaife à la Cour l'adjuger à qui- 
» conque fera connw par ce moyen, ou par tout autre, en être le 
» plus digne. \ 

» Qu'il me foit permis de placer aux pieds des illuftres Magiftrats 
» qui exercent l’augufte fonction de rendre la Juftice, cet encourage- 
» ment à la vertu dont ils font les premiers modèles ». 

Dans ce même reltament, M. Commerfon lègue au Cabinet des 
Eftampes du Roi, toutes fes collections botaniques ; qui confiftoient 
à fon départ, en plus de 200 volumes in-folio. Ils comprennent les 
Herbiers , les recherches de plufieurs Botaniftes de nom, & les 
fiennes propres, c’eft-à-dire , la dépouille de plufieurs Jardins Acadé- 
miques , les fuites les plus complettes des plantes de tout le Royau- 
me, des Alpes, des Pyrénées, des montagnes de Suiffe, de Savoie , 
du Dauphiné, des Cévennes , du Gévaudan , de l'Auvergne , du Lan- 
guedoc, de la Provence & des côtes maritimes ; même un détache- 
ment de la fameufe collection de Tournefort au Levant, laquelle, 
Tournefort lui-mênie avoit accordée à un de fes amis ( M. Charles, 
Médecin à Gaünat en Bourbonnois) dont nous avons parlé ci-def- 
fus ; enfin l'Hérbier fameux ‘de Danti d'Ifnard, qui Êr partie de 
cette collection : fon beau-frère a dépofé en conféquence 300 perte- 
feuilles à la Bibliothèque du Roi ; mais on fe propofe de les rendte 
à fon fils. RUEET LE:PÈP PRE CNE VE 0 

Quoique ‘ce legs parûüt déja confidérable , on fenr combien ft 
plus précieux l’Herbier qu'il a formé dans fon voyage autour du mon- 
de, après avoir pénétré dans des pays où jamais Botanifte n'avoit 
été , après des recherches faites avec une activité fi, prodigieufe , 
que malgré toute la force de fon tempérament , elles lui ont, coûté 
ha vie. | £ Tu RP 

Le Miniftre ayant donné des ordres pour faire tranfporter à Paris 
les papiers, les Herbiers & les collections d'Hiftoire naturelle de M."C., 
Le arrivé 32 caïfles en 1774, & elles font dépofées au Jardin du 

LA SPACE a : 


1 


de -uté ‘bla d 
Go) M: de Jiffièu le ieune, M. d’Aubentonl&c M. Thoiin, ont tommeñcé à en 
faire’l examen &le dépouillement ; nous en’publierons une nérice plus détaillée, 
d’après le témoignage de ces habiles Naturaliftes. Mais on peut juger par ce qui 
récède , l'Hittoi Île n’a jamaïs acquis rout à la fois tant de nouveauté 
précède , que PHiitoire naturelle n’a jamaïs acquis tout à la fois tant de nouveautés 
& de richefles Les’ deflins faits fous les yeux: de M. Commerfon, ont été remis 


Tome V, Part. IL. 1775. 


tr4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 

J'ai déjà publié à la fin du voyage de MM. Banks & Solander , 
imprimé à Paris , in-8°. la relation que M. Commerfon m'envoya d'un 
Peuple nain de Madagafcar , qui eft un phénomène d'Hiftoire natu- 
felle, que M. Commerfon avoit été à portée d'obferver lui même, 
quoique le fait foit contefté par des voyageuts qui ont été dans le même 
pays. Ces Hommes , à peine hauts de trois pieds & demi, qui habitent 
les hautes montagnes de l'intérieur de la grande ifle de Madagéfèdr: 
y forment, dit-on, un corps de Nation confidérable , appellé Qui- 
mofle ou Kimofle en langue Madegaffe. Otez-leur la parole , ou don- 
nez-la aux finges , grands & petits, ce feroit le paflage infenfible de 
Pefpèce humaine à celle des quadrupèdes : le caractère naturel de ces 
petits hommes eft d’être plus pâles en couleur que tous les noirs con- 
nus , d’avoir les bras très - alongés , de façon que la main atteint au- 
deffous du genou fans plier le corps ; enfin, les femmes, hors l'état 
de nourrice, manquent toutes par les mamelles ; encore aflure-t-on 
que la plupart font obligées par nécefité de recourir au lait de vaches 
pour nourrir leurs nouveau-nés. Quant aux facultés intellectuelles , 
ils le difputent aux autres Malgaches ; ils font même plus belliqueux , 
& fe font maintenus libres dans les rochers qu'ils habitent. Dans le 
voyagé qué M. Commerfon fit vers la fin de 1770 , au Fort Dauphin 
dans l'ifle de Madagafcar, M. le Comte de Maudave, dernier Gou- 
verneur , lui fit voir, parmi fes efclaves, une femme Quimoffe fur ta- 
quelle il fic fes obfervations, en y joignant la tradition du pays fur le 
caractère & les mœurs de ce petit Peuple. ES 

M. Commerfon avoit aufli obfervé, fur la fin de 1767, les géans 
Patagons dans la baie Boucaut , au détroit de Magellan ; il fe trouva 
au milieu de plus d’une centaine de ces habitans, la me de cinq 
pieds huit pouces, à fix pieds. Il n'en vit aucun qui pa sàt fix pieds 
quatre pouces ; aufi M. Commerfon regardoit-il comme une fable ce 
que l’on a fi fouvent écrit fur une race de véritables géans , c’eft-à- 
dire , d'hommes beaucoup plus grands, ou d'environ fept pieds & demi, 
qu'on aflure exifter dans le même pays. 

La vue & le commerce des habitans de Taïti lui avoit infpiré une 
efpèce d'enthoufiafme. ce C'eft le feul coin de la terre, dit-il, où ha- 
» bitent des hommes fans vices , fans préjugés, fans befoins , fans 
» querelles ; nés fous le plus beau ciel , nourris des fruits d’une terre 
> qui eft féconde fans culture ; régis par des pères de famille plutôt 
>» que par des Rois ; ils ne connoiffent d’autre Dieu que l'amour. Je 
>» lui ai appliqué le nom d'Utopie, que Thomas Morus avait donné 
(DARISD. DAQCISEUILIADEG PAG PAS Lego SU MALE PAL EN EURE 


par M. Joffigny, fon deflinateur, qui avoit fait le même voyage, & l’on y voit 
une multitude de nouveaux genres, ou d’efpèces totalement inconnues. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. x1$ 


» à fa république ‘idéale ; en le tirant des mots grecs iv & rérr, 
» felix locus De. ” 

On lui à fair un reproche d'avoir approuvé la licence des mœurs, & 
leur empreffement à offrit leurs femmes aux étrangers : il n'y voyoit 
que l'état de l'homime naturel ; effentiellement bon , exempt de tout 
préjugé , & fuivant fans défiance comme fans remords , les douces 
impulfions d’un inftinét toujours sûr , difoit-il, parce qu'il n'a pas en- 
core dégénéré en raifon.' 

IL admiroit leur intelligence dans les arts néceffaires , leur adreffe 
À failir & à imiter les chofes nouvelles , leur dextérité même à efca- 
moter ce qu'ils croyoient leur être dû en échange de tout ce qu'il y 
avoit chez éux, & dont ils faifoient part aux nôtres fans aucune ré- 
ferve. « Notre Prince Taïtien , dit M. Commerfon, étoit un plaifant 
» voleur : il prenoit d’une maîn un clou ; un verre , un bifcuit, mais 
» c'étoit pour le donner de l’autre au premier des fiens qu'il rencon- 
» roit, en lui enlevant des bananes, des poules, des cochons qu'il 
» nous apportoit. J'ai vu un Officier lever la canne fur lui, en le fur- 
» prenant dans cette efpèce de fupercherie, dont cependant on n'igno- 
» troit pas le motif. Je me jettai avec indignation eñtre deux , au hafard 
» d'en recevoir le coup fur moi-même. “Telle &ft ame des marins, 
» fur laquelle J. J. Rouffeau place fi judicieufement un point de 
» doute & d'interrogation ». 

Je crois qu'on verra avec plaifir une efquiffe de la manière d'écrire 
de M. Commerfon ; & des idées que lui avoit infpirées la découverte 
de cette Ifle fingulière , par l'infcription qu'il fit graver fur des mé- 


däillons de plomb, & qu'il fema dans l'ifle de Taïti. 
Bonä fu4 fortuné , 


Gallorum navigantium duæ cohortes , 

À clari. Buginvillæo duëtlæ , 

Seprimeftri à.terrarum Americanarum receffu 
Penitus exhauftæ , 

Siti fcilicet ac fame confumptæ , 

Jrati Neptuni omnes jam cafus experte, 

Viribufque corporis tantum ferè deficientes 
Quantum animis ereékæ. ; 

“In hancce tandem Infulam appulére 

Omni beatæ vitæ fuppelleétili ditiffimam , 
Re 6 nomine, Utopiam nuncupandam ; 


Tome JV, Part. II. 1775. P 2 


2116: OBSERVATIONS SUR DA PHYSIQUE, 2 
| © Qu nempe Themis , Affræa > Venis , lie 4e 
Er omnium rerum pretiofiffima, LIBERTAS , 
Procul à reliquorum: Mortalium witiis ac diffentioni 
Æternam inconcuflamque pofutre fedem:; ] 
Qu4 inviolara interet habitantibus pax 
Sanéliffimaque Philadelphia , Li Uté 
Nec aliud fentitur nifi patriarchale Regimen. ; 
Qué demum integerrima debetur & perfolvitur 
Adyenis , etiam ingratis, fides , hofpitalitas ; 
Gratuitaque omnigenarum terræ divitiarum profufios.. 
Hec gratitudinis € admirationis [ue teflimonia 
Tabellis plumbeis undequaquè per Infulam disjeélis 
Properante manu exaravit | 
Philibertus Commerfon , Caflillionnenfis , 
Doëor Medicus, in naturalibus rebus Obfervator , 
A Rege Chriffianiffimo  demandatus, 
© Gentis & Naturæ aded benignæ 
Adorator perpetuus. 


Idibus Aprilis M. DCC. LXVIITI. 


bus! 


M. Commerfon difoit quelquefois qu'il ne croyoit point à la Mé- 
decine ; cependant il avoit eu des obligations à M. Fizes, à M. Va- 
chier, & à M. Dumoulin, Médecin de Cluni, &'il en faifoit grand 
cas. Il avoit lui-même du talent, de l'expérience & même du bonheur 
dans la Pratique : d’ailleurs , il ne refufoit fes confeils & fes fecours à 
perfonne ; il foulageoit fur-rout les pauvres , & leur rendoit toutes 
fortes de fervices, mais il fe foucioit peu d'exercer la Médecine. Ce- 
pendant , ne fachant pas s'il trouveroit,: dans l'Hiftoire Naturelle , de 
quoi s'occuper utilement, & fa fortune ne fufhfant pas pour vivre à 
Paris, il continua d'y étudier la Chymie & l'Anatomie, en profitant 
des fecours que l'on trouve dans cette Ville, pour fe préparer à cultiver 
un jour la Médecine d’une manière plus fuivie. Pendant quatre ans qu'il 
demeura à Toulon, en Charolois, il fit des guérifons très-remarqua- 
bles ; & plus d’une fois il y a été regretté dans les circonftances del 
cates. Il avoit le prognoftic excellent ; on fe rap elle de l'avoir en- 
rendu prédire la mort d’une perfonne dans un an, EAU deux ans, fans 
sy être trompé. Il employoit fouvent les fangfues à la place de la 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 117 


-faignée ; & il avoit fait fur ces petits animaux beaucoup d’obferva- 
tions & de recherches. 

Je lui ai fouvent reproché fon inertie & fon indifférence à publier 
divers Ouvrages qui lui auroient fait honneur, & fur-tour à envoyer 

: de lIfle de France quelques-unes de fes principales Qbfervations ; 
mais fon ardeur à rechercher, à obferver &c à raffembler roujours des 
’chofes nouvelles , l'étendue immenfe de fes projets & de fes vues, 
faifoient qu'il ne pouvoit trouver aflez de loilir, ni fe farisfaire aflez 
fur un objet pour le regarder comme fini. 

IL s’en excufoit lui-même dans fa Lettre du 2$ Février 1769, dont 
j'ai rapporté ci-deflus un paflage. « Je me félicite , ajoutoit-il , de n’a- 
» voir pas publié mon Hiftoire des Poiffons , avant cette circonftance, 
» qui me mettra à même de l’amplifier de beaucoup. Au refte, le Jour- 

.» nal de mon Voyage eft le premier Ouvrage qui doit fortir de mes 
» mains ; jy fuis engagé par état & par honneur ». Il y avoir dans ce 
Journal beaucoup d'objets , où il n'éroit pas du même avis que M. de 
Boupgainville dans le fien. 

Si quelque Naturalifte prend la peine de publier ce voyage, où du 
moins les Obfervations précieufes qui'en ont été le fruit, on verra qu'il 
n'y a perfonne au monde qui ait travaillé avec plus de fagacité & de 
conftance. Sa diction étoit claire, fes defcriptions juftes & lumineufes; 
elles portoient l'empreinte du génie. 

Cependant M. le Préfident de Broffes ayant lu fon Projet d'Ob- 
fervations , fut étonné du ftyle, dont la fingularité venoit, ce me fem- 
ble, de la vivacité de fon imagination, & de la vafte érudition qu'il 
y mettoit fans le vouloir. « C'eft un Néologifme des plus finguliers , 
» difoit cet Académicien, rempli d'emphales, d’expreflions & de tour- 
» nures aufli infolites que recherchées. IL a cru fans doute que ce jar- 
» gon fcientifique éblouiroit ceux pour qui il étoit deftiné, en quoi 
» il a peut-être eu raifon , ad populum phaleras , & rien n’eft plus peu- 
» ple fur cette matière que ces Meflieurs ; mais je tiens pour maxi- 
» me que le Naturalifte doit, peut-être plus qu'aucun autre, écrire 
» d'une manière également claire & fimple, & je le foutiendrai tou- 
» jours ainfi, quoique je ne fois pas fondé en exemple des plus grands 
» Maîtres. Pline , beaucoup trop ingénieux , court fans cefle après les 
» tournures,, les allufions & l’'efprit ; Valifnieri eft toujours poëte , & 
» même veut l'être du ton de l'Ariofte ; mon ami Buffon lui-même , 
» y met peut-être trop d'éloquence ; c’eft un très-beau défaut qu'on 
» peut lui pardonner, car il joint la plus grande clarté dans le ftyle, 
» au ton Éblme & élevé qu'il a pris». Mais fi M. Commerfon 
avoit ce défaut, quand il écrivoit à courfe de plume, je puis aflu- 
rer , pour l'avoir vu par moi-même, que rien n'étoit plus clair, plus 


Tome V, Parr, IL, 1775. 


118 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


précis, plus fimple, plus élégant que fes écrits en Hiftoire Naturelle. 

L'Académie des Sciences ayant une élection de Botanifte à faire 
le 27 Mars 1773, on propofa de différer l'élection jufqu'au retour 
de M. Commerfon; mais il fut élu & préfenté au Roi, conjointe- 
ment avec M. de Jufieu le jeuñe , neveu & héritier des talens des 
deux illuftres Frères, dont l’un fait encore la gloire de la Botanique en 
France. Cependant M. Commerfon étroit abfent ; l'Académie n'avoit 
jamais reçu le moindre écrit de fa main : mais la réputation qu'il avoît 
déja d’un des meilleurs Botaniftes de France , fit faire cette double 

“exception en fa faveur. IL n’a jamais eu la fatisfaction de le favoir ; il 
étoit même mort depuis huit jours, dans Le tems qu’on fit cette élec- 
tion, qui étoit une aflurance de la place qui lui étoit réfervée à fon 
retour. 

Il n'écrivoit en 1771, qu'en arrivant à Paris, fon premier foin 
feroit de fupplier l'Académie de lui accorder des Commiffaires pour 
reconnoître fon travail, & prononcer fur la manière dont il avoit rem- 
pli les différens objets de fa miflion ; & certainement il gagnera à cet 
examen, & fur-tout à la publication de cette immenfe colleétion , où 
toutes les parties de l'Hiftoire Naturelle de tous Les règnes font fingu- 
lièrement perfeétionnées. 

Il avoit une fi grande fureur pour les collections, & il en étoit fi 
jaloux, qu'il ne laïfla d’herbier à perfonne, au retour de #6n voyage. 
Il détermina même le Prince de Naflau à fe priver de celui qu'ils 
avoient fait enfemble; & ce Prince en fit le facrifice au mérite de 
M. Commerfon, & à l'extrême envie qu'il avoit d'apporter les pre- 
mières nouvelles & les premières notions de l'Hiftoire Naturelle de 
ces pays, fi nouveaux pour les Naturaliftes. 

On a fait un reproche à M. Commerfon d’avoir fouffert qu'une 
fille le fuivir, déguifée en homme , pour faire le tour du monde avec 
lui : mais le courage infatigable avec lequel elle Le fuivoit & le fer- 
voit dans fes pénibles expéditions , prouve qu'il ne pouvoit fe choilir 
un meilleur domeftique ; & la difcrétion fingulière avec laquelle elle 
refta inconnue pendant plus d'une année fur le vaifleau , prouve qu'elle 
n'avoit ni les défauts que l’on reproche à fon fexe , ni les -agrémens 
de pouvoient rendre fufpect ce der Enane Cependant les habitans 

e Fille de Taïti l'ayant reconnue , peut-être à l'odorat, & ayant paru 
prétendre que les droits d’hofpitalité que leurs femmes exercoient à l'é- 
rgard des François , fuffent payés de retour , M. de Bougainville tira 
l'aveu de ce déguifement , & fit dès-lors garder à vue cette femme fur 
dle vaifleau. Au refte , le goût de M. Commerfon pour le plaifir , ne 
le fit point manquer à fes devoirs, & l'on ne s'en apperçut point 
pendant la durée de fon mariage : il vécut avec fa femme dans la 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 119 


plus tendre union ; & en la perdant, il fut accablé Li la douleur. 

M. Commerfon étoit d’une taille au deflus du médiocre, ayant en- 
viron cinq pieds trois pouces ; il avoit les yeux noirs & grands , le 
nez aquilin ; il étoit d'une complexion délicate , sèche , fanguine & 
très-vive. IL éroir extrêmement fobre , ne mangzant que par nécefliré 
& fouvent fans s’en appercevoir. 

IL étoit très-agréable en fociété, ayant beaucoup d'érudition , & une 
mémoire prodigieufe. Il étoit emporté dans la difpute ou le jeu , mais 
il s'y livroit peu , à caufe de fon extrême application ; il ne voyoit le 
tems que l'on paffe dans les fociétés , les fpectacles, ou chez les grands, 
que comme un tems perdu. Il ne prenoit intérêt qu'à ceux qui pou- 
voient l’inftruire ôu s'inftruire avec lui. Il auroit voulu rendre tout le 
monde Botanifte , parens , amis , domeftiques, nègres, &c. M. fon 
Frère , Chanoine & Chäitillon , lui aidoit dans fes travaux , & il fuc 
fur le point de l’accompagner comme Aumônier de vaifleau , dans fon 
Voyage autour du monde. 

Ses converfations étoient un torrent de feu, d’érudition ; fes ex- 
prefions, de la plus grande énergie. Il avoit un peu le défaut de par- 
ler librement & hardiment de ceux qui avoient des prétentions en 
Hiftoire Naturelle ; & comme fouvent il voyoit ces prétentions très- 
mal fondées , il avoit le ron méprifant , & fe faifoit des ennemis: 
mais aufli jamais , il ne fe laifluit vaincre en générofité. 

D'ailleurs fon caractère étoit d'être ardent, impétueux, violent & 
extrême en tout ; au jeu, en.amour, dans fes haines comme dans fes 
amitiés, dans le travail, comme il le fut quelquefois dans les plailirs ; 
pour fes intérêts comme pour ceux de fes amis , jamais les obftacles 
ne l’arrêtoient ; il en devenoit plus ardent dans fes defleins : la gloire 
comme la fortune , difoit-il, veulent des gens tenaces & hardis dans 
leurs entreprifes. Cette vivacité l’entraînoit dans des projets extrava- 
gans. Une paffion violente l’égara fur-tout une fois ; mais fes amis le 
ramenèrent par des réflexions fages dont il étoit fufceptible , & l’éga- 
rement ne fut pas de longue dus IL avoit toutes les qualités du 
cœur , comme ami, père & mari ; il recevoit avec empreffement & 
avec amitié fes parens les plus éloignés , que fouvent d'autres euffent 
cru pouvoir méconnoître. 

Extrèmement occupé du fort & de la fortune de fon fils , il étoit 
naturel qu'il n'oubliât point fes intérèts , en partant pour un fi grand 
Voyage; je me fis moi-même un plaifir de contribuer à fes arran- 
gemens. 

Mais les peines qu'il fe donna pour augmenter fes fonds à l'Ifle de 
France , dans la dernière année , c’eft-à-dire 1772, contribuèrent , ainf 
que fes excès dans d’autres genres , à abréger fes jours ; car le voyage 


Tome F, Part. Il, 1775. 


20 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


de Bourbon avoit un peu altéré fon ardeur pour le travail , en y mé- 
Jant celle qu'il portoit dans toute efpèce de projet. Je n'ai pas cru de- 
voir le difimule dans fon Eloge ; j'ai voulu peindre & non flatter un 
Savant, qui, avec fes défauts, mérite & nos éloges & nos regrets. Les 
hommes nés avec autant de talent & de courage, font fi rares, qu'ils 
méritent bien d’être connus, pour fervir d'encouragement & de mo- 
dèle , fur-tout quand l'amour du travail & de la gloire les ont con- 
duits au tombeau. On a vu d’ailleurs ci-devant l’ufage intéreflant qu'il 
vouloit faire de fa fortune pour le bien public & pour les progrès de 
l'Hiftoire Naturelle. 

IL n’a laiflé, de fon mariage avec M£lle Antoinette-Vivante Beau, 
qu'un fils, nommé Anne-François-Archambaut Commerfon, né le 16 
Avril 1762. M. Beau , Prévôt-Curé de Toulon en Charolois, fon oncle 
maternel & fon tuteur, eft chargé de fon éducation ; mais je vois 
avec regret que la tendreffe d’un oncle , qui ne peut fe réfoudre à fe 
priver de cet enfant, nuira beaucoup à fon éducation , & retardera les 
progrès qu'il devroit faire pour marcher de bonne heure fur les traces 
de fon père, pour nous faire jouir de fes Ouvrages , & mériter lui- 
même la récompenfe qu'on lui accordera fans doute pour les travaux 


de M. Commerfon. 


CONSIDÉRATIONS OPTIQUES. 
SEPTIÈME MÉMOIRE 
Sur le caraëlère des Atmofphères optiques (1 ) 
. CE qui s'opère dans certaines circonftances par ERP à la dévia- 


tion des rayons de lumière & à leur décompofition dans des milieux 
où nous diftinguons aifément les diverfes routes qu'elle fuit, a paru 


(1) Ce fujer, un des plus intéreffans de Îa Phyfique, & peut-être un de 
ceux qu’on a le plus négligés, demandoit à être traité de nouveau. C'eft à po 
s'eft déterminé M. D. T., Correfpondant de l'Académie des Sciences. Les Mé- 
moires que nous avons déjà imprimés, & ceux qui le feront bientôr, formeront, 
pour ainfi dire, un Traité complet en ce genre. Voyez le premier Mémoire, Tome 
premier, page 368, 17733 le fecond, le troifième & le quatrième, dans le Tome 
fecond ; pages: 11,271, 349; le cinquième & le fixième 3 dans le Tome troifième , 
payes 27, 116. Si les manufcrits avoient été plus lifibles, il y auroit eu moins 
de fautes d'impreffion : en voici l'Errars 


devoir 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 129 


mofphères de tous les corps quelconques , plongés dans l'air (1), d'op- 
pofer plus de réfiftance que l'air ambiant à la tranfmiflion de la lumière, 
& de l’écarter de la perpendiculaire en la réfractant. 

Je terminerai ce Mémoire , en obfervant qu’il réfulte de ce qui pré- 
cède , que lorfqu'un rayon de lumière AB , pafle obliquement de l'air 
dans le verre, & traverfe ainfi fon atmofphère, il fe détourne dans 
l'atmofphère felon une direction BC , qui l’écarte de la perpendiculaire, 
&enfuite dans le verre , felon une direction C D qui l'en approche; & 
qu'il arrive que par la feconde réfraction , qui s'exécute dans un fens 
oppofé à celui de la première, & (en conféquence d’une bien plus grande 
différence entre les réfringences du verre & de fon atmofphère, que 
celle qui a lieu entre les réfringences de cette atmofphère & de l'air} 
avec un degré d’intenfité beaucoup plus confidérable que dans la pre- 

_mière réfraction, le finus de réfraction dans le verre eft bien moindre 
que Le finus d'incidence dans l'air. 


es 
MRETAU ER LR PR 
A L'AUTEUR DU JOURNAL, 


SUR LA PESANTEUR DES CORPS; 


Par M. DArrDp, Doëleur en Médecine, & Chirurgien en Chef de 
l'Hôrel-Dieu, Profejfeur Royal de Chirurgie a Rouen. 


J: préfumois que la Réponfe aux Réflexions de M. le Sage (2) fur les 
Expériences du R. P. Bertier, que j'avois eu l'honneur de vous adrefler 
il y a une année , ne vous étoit pas parvenue; & je voyois fans regret 

u'elle n’avoit pas été rendue publique , d'autant mieux que cette Pièce, 
écrite dans un moment où je venois de lire les réflexions un peu dures 
de M. le Sage, contient quelques expreflions que j'en aurois retran- 
chées, fi j'euffe penfé qu’elle n’eût pas-été mife en oubli : car je me fais un 
devoir de direici, qu’en attaquant la loi du quarré du grand Newton , je 
n'ai jamais ceflé d’avoir pour lui & pour les hommes célèbres qui font 
fes partifans , cout le refpett qu'ils méritent ; mais je crois que de grands 
noms ne doivent point Érvie d'égide à l'erreur , & que les opinions des 
—————————_——_———— 2 + 

(1) Voyez le Mémoire fuivant, n°. 13. 

(2) Voyez Tome fecond, 1773, page 378. 

Tome F, Part, IL, 1775. R 


4350 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, : 


“hommes , quelqu'accréditées qu’elles foient, peuvent être combattues 
par des raifonnemens & des faits (1). Un refpect fervile pour ces opi- 
nions anéantiroit bientôt une fcience comme la Phyfique , qui eft fpé- 
cialement la fcience des faits, & qui eft bien éloignée d'être parvenue 
au point de perfection auquel elle peut atteindre. ; 

Ma réponfe à M. le Sage, que vous avez bien voulu inférer dans 
votre Journal de Décembre dernier , l'invitation que vous m'y faites de 
vous communiquer mes expériences fur la Pefanteur des Corps, me 
forcent à entrer pour quelque chofe dans la difcuflion d'une queftion 
qui depuis quelque tems paroît avoir fixé l'attention des Phyfciens ; 
mais pour mettre les Lecteurs en état HR un jugement avec plus 
de connoiffance de caufe , il eft bon de remonter fommairement à 
Yorigine des faits qui ont déterminé l'opinion la plus généralement 
adoptée touchant les loix que les graves fuivent en fe rapprochant libre- 
ment du centre de la terre. 

L'expérience de M. Richer à Cayenne, & celles faites à Paris, à 
Londres, & dans les pays du Nord , ayant prononcé qu'il falloit alon- 
ger la verge du pendule vers le nord, & la raccourcir vers l'équateur, 
on eut dès-lors la preuve que la pefanteur étoit plus active du côté 
des pôles que du côté de l'équateur. Huygens , fans s'en prendre à la 
différence des. diamètres de la terre qu'on ne foupçonnoit peut-être pas 
encore , crut trouver l'explication de ce phénomène dans la force cen- 
trifuge, plus grande pour les corps placés fous l'équateur , que pour 
ceux placés fous les parallèles du côté du nord; & certe explication, dont 
je montrerai ailleurs le défaut , fut faifie avec avidité (2). MM. Picard 
& Caflini ayant mefuré enfuite pds degrés du Méridien de Paris, 
& ayant trouvé que ces degrés diminuoient du midi au nord, on en 
conclut une différence dans les diamètres de la terre, & il fut jugé 
d’après ces mefures, que fon grand diamètre pañloit par l'équateur, & 
fon petit par les pôles: cette conféquence paroifloit une fuite nécef- 
faire de l'action de la force centrifuge qui , ayant agi fur un globe 
mollaffe comme la terre dans fon origine , avoit dû favorifer fon élé- 
vation vers l'équateur ; mais quelque tems après , un Géomètre ayant 
prétendu prouver que la ligne de gravité , au lieu d’être directrice au 
centre d’une planète à diamètres inégaux , devoit toujours être perpen- 
diculaire à la tangénte au point de la furface , & fes preuves préten- 


(x) Des raïifonnement & des faits ne fufffent guères dans des matières qui 
font toutes de Géométrie & de Calcul. 

(2) L'obfervation de lapplatiffement de Jupiter étroit dès-lors une preuve de 
cette explication, & même de l’applatiffement de la terre qui étoit une fuite de 


Ja force centrifuge. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 131 


dues ayant été admifes , la conclufion déduite des mefures prifes par 
MM. Picard & Cafini fut changée, & il fur décidé , d’après ces mêmes 
mefures , que le grand diamètre du LÉ rm ae par Les pôles , .&c 
le petit par l'équateur : c'écoit une opinion prefque généralement adop- 
tée par les Savans fur la fin du fiècle dernier (1). 

Newton, le grand Newton, avoit déja donné fon Ouvrage inti- 
tulé, Principia Mathematica Philofophiæ naturalis ; mais cet Ouvrage 
ne jouifloit pas encore de la grande célébrité qu'il a acquife depuis: 
c'eft-là que, d’après les raifons que j'ai expofées fuccintement dans ma 
réponfe à M. le Sage, il crut avoir démontré que l'attraction qu'il 
admettoit comme re de la pefanteur des corps, agiflant en 
raifon inverfe du quarré de la diftance au centre, les graves devoient 
y tendre avec d'autant plus de vicefle, qu'ils étoient placés plus près 
de ce centre; d'après cette loi, qui eut d’abord bien des antago- 
niftes & des te , la terre fut conclue applatie par les pôles, & 
élevée vers l'équateur, & cela, toujours d’après l'accélération du pen- 
dule vers le nord, & fon retardement à la Cayenne, qui étant des 
faits conftans, devenoient la bafe de toutes les théories : mais les me- 
fures des degrés du Méridien, entre Collioure, Paris & Amiens, ne 
fe prètoient point à une pareille conclufion , qui eüt demandé la- 
grandiffement des degrés, en allant du Midi au Nord (2). Malgré 
cela Newton, dont la réputation alloit toujours en croiffant, entraî- 
noit, pe la force de fon génie géométrique, prefque tous les Savans 
vers fon opinion : elle étoit déja aflez généralement adoptée, lorf- 
qu'on fe propofa de vérifier la bafe de M. Picard; on y trouva de 
l'erreur , & certe erreur fut à l'avantage de l'opinion du Philofophe 
Anglois. 

On mefura de nouveaux degrés de Méridien, & il parut prouvé, 
d'après ces nouvelles mefures, & fur-tout d’après celles prifes au Pé- 
rou , & vers le cercle polaire, que ces degrés s'agrandifloient en 
allaot de l’équateur vers les pôles. La grande queftion de la figure de 
la terre parut alors terminée; & la loi de la pefanteur , en raïfon in- 
verfe du quarré de la diftance au centre, n'eut plus que quelques an- 


a ———————— 


(x) Cette opinion n’a jamais été admife par les Géomèrres, & l’on a tou- 
jours fourenu que les mefures faites en France étoient infufhfantes pour prouver 
ce paradoxe. Dès qu’on eut meluré un degré en Laponie en 1736, l’applatiffement 
vers les pôles fut DE de tout lé monde. 

(2) Cet agrandiflement eft exaétement conforme à la théorie de Newton & 
À l'effer de l'attraction: il n’y ent que quelques Aftronomes, peu Géomètres, qui, 
au commencement du fiècle, crurent que les degrés du Nord devoient être plus’ 
petits fur la terre applatie vers les pôles; ils furent détrompés par un Ingénieur 
nommé Robin, dans.le Journal Liuéraire 1717, Tome IX, page 416. 


Tome V, Part. IL. 1775. R 2 


122 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


tagoniftes, parmi lefquels on comptoit cependant encore le célèbre 
Fontenelle (1), le Cardinal de Polignac, le Père Caltel, l'Abbé de 
Condillac, l'Abbé Noller, &c. 

Mais ce qui vaut encore mieux que toutes ces autorités contre Le {yf- 
tème Newtonien, quelque refpectables qu'elles foient , c'eft que la marche 
des partifans du quarré n'étoit pas exacte; qu'ils avoit commencé 
par pofer en fait ce qui étoit en queftion, & qu'ils avoient négligé des 
expériences concluantes qui pouvoient juftifier ou infirmer leur prin- 
cipe. Les graves pefoient plus vers les pôles que vers l'équateur, on 
ne pouvoit en douter : mais falloit-il en conclure que le petit diamètre 
du fphéroïde pañloit par le premier, & le grand par le Re de ces 
endroits? Avant de pofer une pareille affertion, il falloit choifir un 
lieu où l’on püt tout-à-la-fois avoir un rayon terreftre plus court & 
l'autre plus long , & s'aflurer fi les graves placés à l'extrémité du 
plus long, avoient moins de pefanteur que ceux placés fur le 
plus court. Le voifinage des Alpes, des Pyrénées, nous offroit ce 
moyen. 

Le fommet des Alpes auroit été comparé, fans crainte de fe trom- 
per, à la fituation de Cayenne vers l'équateur, & le pied de ces mon- 
tagnes auroit repréfenté les lieux fitués verd le nord. En plaçant une 
pendule au haut & une au pied de la Ste , on auroit fu fi effec- 
tivement c'étoit celle placée à l'extrémité du long rayon, ou celle 
placée fur le plus court, qui auroit retardé : par de telles expériences, 
préliminairement faites & fuffifamment répétées avec des pendules 
bien comparées, on n’auroit plus couru le rifque de bâtir une théorie 
fur un principe faux, ou au moins douteux; car il eft évident (2) 
qu'on eft fur le grand diamètre du globe au fommet, & fur le petit 
lorfqu'on eft au ied de la même montagne, au lieu qu'on n'eft pas 
afluré d’être plutôt fur Fun que fur l'autre, au pôle ou fous l'équa- 
teur : invoquera-t-on la mefure des degrés du Méridien qui, nous les 
donnant plus grands vers les pôles que vers l'équateur, entraîne , 
dit-on, néceflairement l'applatiffement de la terre vers le premier de 
ces endroits ? mais cette conclufion eft déduite d’un principe évidem- 
ment faux, favoir que les graves pêfent par une perpendiculaire à la 


—————————— ————————————_—_—_—_————— 


(x) Touies les perfonnes que l’on cite ici w’étoient ni Géomètres, ni Aftro- 
nomes de profeffion; on n’oferoit pas citer les abfurdités du fameux Sca/iger 
contre la préceflion des équinoxes, ni les pañfages des Saints-Pêres contre l’exif- 
tence des antipodes. 

(2) Cela n'eit nullement évident; parce qu’en s’élevant fur des montagnes 
d’une très - grande denfité , on augmente plus la pefanteur qu'on ne feroit en fe 
rapprochant de la terre, comme l'ont prouvé M. Bouguer dans la Figure de la 
Terre, M. d Alembert dans fes Opufcules, & M. de /a Lande dans le Journ, des Say. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 133 


tangente au point de la furface; d'où dérive une autre conféquence ab- 
folument infoutenable , que fur une planère plate on parcourroit plufieurs 
centaines de millions de lieues fans mefurer un demi -degré au ciel; & 
cela parce qu'on fuppofe , contre toute vraifemblance, que les lignes de 
gravité fur une planète de certe forme, quoique diftantes d’un pareil 
efpace, reftant toujours parallèles, ne formeroient jamais, rapportées 
aux étoiles fixes, vu leur éloignement immenfe , une ouverture fen- 
fible (1). 

Pour avancer de pareilles propoñtions, il falloit avoir oublié que 
la planète MÉT plate qu'on puifle fuppofer eft la fphérique; car fur 
une planète de cette forme, la ligne de gravité fait par-tout angle 
droit avec la furface. Si cette condition, qui appartient exclufvement 
à la planète fphérique, eft accordée, comme on le veut, à la furface 
plate, par exemple, d'un des côtés d’une planète cubique, ne feroit-ce 
pas confondre le cube avec la fphère? Dans celle-ci, la ligne de 

ravité neft conftamment perpendiculaire au point de la tangente 
à la furface, que parce qu'on eft par-tout également diftant du 
centre. La planète cubique ne nous préfentant pas cette condition, 
on iroit en montant depuis le milieu de tous les côtés du cube 
jufqu'à fes angles ‘qui feroient le fommet de montagnes énormes; 
car monter Seft s'éloigner du centre: on s'en éloigneroit conf- 
tamment dans ce cas; & la ligne de gravité ne feroit ici rien 
moins qu'angle droit avec la tangente au point de la furface, & l'on 
mefureroit au ciel 4ç degrés du milieu d’un des côtés du cube à fes 
angles. 

Cetre vérité eft fi fenfible, fi inconteftable, que d’une planète ab- 
folument fphérique, où la ligne de gravité fait par-tout angle droit 
avec la tangente à la furface, on ne peut faire une planète cubique 
que par une addition ou une fouftraction de matière, qui ne fe faifant 
point également fur toute la fuperficie de la fphère, y produiroit né- 
ceffairement des montagnes; mais cette addition ou cette fouftraétion 
ne changeroit point la direction de la ligne de gravité qui doit être 
dans tofites les planètes, de quelque forme qu'on les fuppofe, directrice 
à leur centre (2). La perpendicularité à la tangente au point de la 


(1) Toutes ces affertions fe trouvent dans tous les Auteurs qui, depuis un 
demi-fiècle, ont traité la queition de la figure de la terre. W. mefure des trois 
premiers degrés du Méridien ; tome 2, page 236; Æftroromie de M. de la Lande, 
tome 2, pag. 1002; Fivure de la Terre, par M. Mauperruis, page 8 : & elles 
font bien démontrées, parce que dans une zerre plate, les directions de la pefan- 
teur iroient concourir à une diftance infinie, & feroient parallèles entrelles. 

(2) Certe aflertion n’eft fondée fur aucune efpèce de preuve; mais il eft dé- 
montré par la théorie & par l'expérience , que la pefanteur eft perpendiculaire à 


Tome F, Part. Il, 1775. 


134 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


furface, n'eft qu'un accident qui ne doit fe rencontrer que fur les pla- 
nètes fphériques, comme il fera aifé de le démontrer contre les af- 
fertions de prefque tous les Géomètres. 

C’eft parmi ce conflit de raifonnemens & d'autorités , pour ou contre 
le fyftême Newtonien, que l'on fut inftruit des expériences faites aux 
Alpes, à des ftations différentes : ces expériences, foit réelles, foit 
chimériques, comme le prétend M. le Sage, parurent donner lLin- 
verfe du produit auquel on auroit dû s'attendre, d’après la loi New- 
tonienne de la pefanteur; car elles donnèrent du retardement dans les 
ftations inférieures, & de l'accélération dans les ftations fupérieures. 
Ce réfulrat qui fut annoncé dans le Journal des Sciences & des Arts, 
en 1769 & 1771, étonna un peu les partifans du célèbre Anglois: 
mais quelques-uns des plus accrédités eurent bientôt trouvé des raifons 
tirées de l’attraétion même , pour fauver les loix Newtoniennes du 
difcrédit dans lequel elles pouvoient tomber, d’après de pareilles ex- 
périences; & ces raifons, qu'un Phyficien ordinaire n’oferoit peut-être 
pas avouer, font celles que M. Bouguer avoit données d'avance, & 
dont j'ai parlé dans ma réponfe à M. le Sage, favoir que Le rapport 
entre la denfité des montagnes G du fond des vallées peut être tel que , 
même fuivant les loix de l’attraélion Newtonienne, la pefanteur foit plus 
aëlive au fommet qu'au pied des montagnes. Mais pour que ce raifon- 
nement, tout futil qu'il eft, püût être oppofé à des expériences qui fe- 
roient crouler tout le fyftème Newtonien , il eût fallu que cet été 
à une feule ftation fupérieure que le phénomène de l'accélération fe 
fût fait appercevoir ; mais fi ce phénomène a eu conftamment lieu (1) 
dans toutes les ftations fupérieures, en conclura-t-on que par-tout la 
denfité de la montagne eft fi fupérieure à celle de fon pied (qui n’eft 
lui-même que la bafe de cette montagne), que Les loix Newtoniennes 
ne font point interverties par des expériences qui paroiflent démentir 
formellement la loi de l'attraction en raifon inverfe du quarré des dif- 
tances ? 

Sans combattre des faits par de pareils moyens, il me femble qu'on 
eût du répéter les expériences. Ou elles euflent donné les mêmes ré- 


Ja furface de Ja terre. Voyez M. C/airault, Théorie de La Figure de la Terres cela 
eft même évidenr par les niveaux d’eau qui s'accordent par - tout avec les ni- 
veaux à perpendicule, & par le niveau de la mer qui, fans cela, couleroit 
toujours du côté où feroit l’angle obtus fupérieur de fa furface avec la dire&tion 
de la pefanteur. 

(x) Ce Pom n’a jamais eu lieu, puifque les expériences font fauffes; 
sais quand il auroit eu lieu vingt fois, en pourroit-on conclure autre chofe, finon 
wil y a eu 20 montagnes plus denfes & plus compaétes que le noyau général 
d la sexre, dont on ignore la contexture ou les çayités? 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 135 


fultats que ceux annoncés, & alors ces expériences devenoient pré- 
cieufes, en confirmant une vérité intéreflante pour {a Phyfique : ou 
elles euffent donné de l'accélération pour la pendule inférieure, & du 
retard pour la fupérieure, comme le veut la loi de Newton; & dans 
ce dèrnier cas, cette loi recevoit une fantion qu'elle n'a point encore 
eue, & que des raifonnemens feuls ne lui donneront jamais ( 1 ): mais 
au lieu de fuivre une marche aufñi fimple , aufli naturelle, on prend le 
parti de traiter ces.expériences de chimériques. Une pareille conduite 
annonceroit prefque qu'on craindroit qu’elles ne préfentaflent un ré- 
fultat peu conforme à celui qu’on defireroit. 

C'eit fans doute dans l’impoffbilité de faire de pareilles expériences, 
que le R. P. Bertier, qui cultive utilement la Phyfique à Paris, cruc 
y fuppléer, en pefant des poids à des élévations différentes; on connoît 
le réfulrat de fes expériences qui, felon lui, donnent un excès de pefan- 
teur bien marqué pour les graves placés à la ftation ir (2). 
J'ai répété ces mêmes expériences, avec un de mes Confrères, à l'A- 
cadémie des Sciences de Rouen, M. Scanegati, auf bon Phyficien 
qu'habile Méchanicien; mais il s’en faut de beaucoup que nous ayons 
eu les réfultats annoncés par le Père Bertier. 

Ayant choifi, dans la tour de Saint-Ouen, un lieu élevé de 170 


————_—_——————— 


(1) Cette loi n’eft pas fondée fur des raifonnemens, mais fur l’univerfalité de 
tous les phénomènes obfervés depuis un fiècle dans l’Aftronomie, dont il n’y a 
pas un feul qui y réfifte. 

(2) Les Géomètres affurent que la différence de pefanteur fur un aulfi petit 
efpace, eft inappréciable dans la théorie de la pefanteur ; & que fi l’on en trouve 

ar expérience, elle ne peut venir que de la denfité de l'air qui fait diminuer 
E hauteur du baromètre d’une ligne fur 72 pieds environ, ce qui doit faire 
paroîre les graves plus pefants à une grande hauteur. Je vais donner à cene oc: 
cafon le AA d’une lettre dans laquelle M. Æurer, Secrétaire de l'Académie , 
rapporte les expériences qui viennent d’être faites à Dijon. Le plateau, chargé des 
oïds, eft à 122 pieds & demi au-deflus du fol; celui que l’on defcend, tombe 
à 2 pieds de terre. Pour connoître la denfité de l'air, nous avons fait le vüide , 
& il s’eft trouvé qu'à 3 pieds de terre, il pefoir £ plus ue dans Je haut de la 
tour. à 128 pieds. entier avec la corde a donné un équilibre parfait ; avec 
le fil de fer, pareil équilibre. En fubftituant des plots de bois aux poids du mé- 
tal, il a fallu ôter du plateau füpérieur dix gros, ce qui paroît prouver l’eflet 
de la denfité de l'air, & du volume des corps pefés dans ce fluide... Ce qui 
nous furprend, ajoute M. #Zarer, c'eft que le fil de fer, qui à foutenu 100, 
ne nous a pas donné cette augmentation de pelanteur que vous avez apperçue, 
(Voyez nos expériences fous Le Dôme des Invalides, dans le Cahier de Décembre 
1774sinférées dans la réponfe au Pere Bertier). La différence vient peut-être 
de ce que nous opérons dans un endroit ou il n'y a point de courant d’air, 

Cette augmentation eft donc précifément celle que le volume des poids & des ba- 
Jances doit produire, relativement au volume d’air -qui diminue de 558 à 13 toiles 
d'élévation. Voyez le Livre de M. du Luc, fur les variations de latmofphère. 


Tome V, Par. IL 1775. 


136 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


pieds au-deflus du pavé de l'Egli£, là, munis d'un fléau des plus mo- 
biles, nous plaçâmes, fur chacun des plateaux qui y furent adaptés, 
175 livres en poids, & non pas 75 livres, comme le dit lAurteur 
des Expériences faites fous le Dôme des Invalides, & dont on rend 
compte dans le Journal de Phyfique, du mois de Décembre der- 
nier (1); nous efimes la précaution de faire partir de chaque extré- 
mité de ce fléau un fil de fer aflez gros, recuit & bienétendu, qui, paflant 
à travers le plateau fupérieur, venoit fe terminer à un pied au-deflus 
du pavé de l'Eglife, où il portoit un fecond plateau qui fut chargé 
de 12 livres. Tous ces poids, tant fupérieurs qu'inférieurs , furent 
mis dans un fi parfait équilibre, que le poids d’un demi-gros, ajouté 
à l'un ou à l’autre des plateaux fupérieurs , le faifoit conftamment tré- 
bucher. Cette expérience, répétée plufieurs fois avec le même fuccès, 
on defcendit les 17ÿ livres placées fur l’un des plateaux fupérieurs, 
pour les mettre dans un des plateaux inférieurs; & cette tranfpofition 
feule fit perdre l'équilibre d’une manière marquée, mais ce ne fut pas 
en faveur du poids inférieur. Le fupérieur lemporta conftamment, & 
il fallut un peu plus d'un gros pour rétablir l'équilibre, & deux gros 
moins 15 grains pour faire pafler du côté du poids inférieur , l'aiguille 
du fléau remife au milieu ë la chafle; & dès que cette petite addi- 
tion étoit enlevée, l'aiguille repañloit peu à peu du côté oppofé. L'on 
répéta cette expérience aflez de fois, pour pouvoir en quelque forte 
prononcer affirmativement; mais un réfultat aufli foible, qui eft au- 
deflus même de celui que la nature devroit fournir, en fuppofant que 
la gravitation agît en raifon directe de la fomme des poids , & de 
l'excès de hauteur d’un lieu fur l’autre, ne nous permit pas de don- 
ner uneaffertion bien formelle à ce fait : cependant ce que nous avions 
vu, & avec nous plufeurs Confrères & Curieux, inftruits en Phy- 
fique, ne nous parut rien moins que probatoire pour la loi de la gra- 
vitation en raifon inverfe du quarré de la diftance au centre, la- 
uelle nous auroit montré l'équilibre rompu en faveur du us in- 
Liens. Le doute eft un état pénible, & nous nous propolions bien 
d’en fortir, en faifant de nouvelles expériences plus propres à décider 
la queftion. Quelques contre-tems les retardèrent, & ce ne fut que le 
26 Juillet dernier que nous pümes nous livrer à un nouveau travail à 
cet égard. 
Nous ne pouvions guères nous procurer une plus grande élévation; 
mais nous pouvions faire nos expériences fur de plus grandes mafles. 
Après nous être pourvus d’un fléau très-mobile, qui pouvoit porter 


(1) C’eft une erreur qui fe trouve dans le compte rendu de la Séance publique 


de L'Académie des Sciences de Rouen, dans le Journal d'Octobre dernier. ] 
to 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 137 


trois mille livres, nous le plaçâmes à la même élévation de cent foixante- 
dix pieds. 

Chacun des bras du fléau fut chargé de onze cens vingt livres; & 
de l'extrémité de l'un de ces bras, partoit une corde, qui, en paflant 
à travers le plateau, f rerminoit près du pavé de l'Églife où elle 
portoit un fecond plateau , cn avoit été chargé de différens poids 
pour l'érendre & la détordre avant de commencer l'expérience; 
cette corde refta même chargée de cinquante livres. Le plateau qui 
répondoit au plateau inférieur, foutenu par la corde, fe trouvant 
chargé de onze cens vingt livres, fut en équilibre avec les poids du 
côté oppofé; & cet équilibre, par le moyen de tares ajoutées peu-à- 
peu, fe trouva fi parfait, qu'une once, ajoutée de l’un ou l'autre côté 
alternativement, faifoit toujours pafler l'aiguille du fléau de ce côté. 
Certe expérience , fouvent répétée, donnant toujours le même réfultar, 
nous fournir la preuve de la grande perfection du fléau que nous avions 
fait préparer exprès. Les onze cens vingt livres defcendues & placées 
dans le plateau, foutenu par la corde, ne nous donnèrent plus l'équi- 
libre, que nous avions apperçu cent foixante-dix pieds plus haut; il 
fe trouva encore cette fois-ci rompu en faveur du poids fupérieur, & 
le poids d’un once ne put remettre l'équilibre entre les deux poids: il 
fallut une once fix gros, & alors, nous nous retrouvâmes au point de 
pouvoir opérer le trébuchement, de l’un ou de l’autre côté à volonté, 
par l'addition d’une once. 

Nous avions pris toutes Les précautions dont nous étions capables 
pour éviter l'erreur; la portion du fléau qui refta chargée fupérieure- 
ment, pendant qu'on defcendit les poids du côté oppofé, fut foute- 
nue, afin qu'il n'y eût pas le plus petir dérangement dans la manière 
d’être du coûteau du fléau, au moment où les deux poids avoient été 
mis, fupérieurement en équilibre: on fit ie So le baflin inférieur 
chargé de tous fon poids, on tint pendant aflez long-tems baïflée la 
partie du fléau qui répondoit au poids inférieur, afin de voir fi cette 
manœuvre, qui ne pouvoit qu'être avantageufe à ce poids, ne lui ren- 
droit point l'équilibre qu'il paroifoit d'abord avoir perdu; mais elle fut 
inutile : l'aiguille ramenée au milieu de la chaffe, laiflée même d’une 
manière marquée du côté du poids inférieur, repaffa conftamment du 
côté. oppolé ; & il fallut, comme auparavant , deux onces moins deux 
g9$ pour rétablir l'équilibre. 

Voilà les faits tels:que nous les avons vus, & les: procédés que nous 
avons fuivis; l'Aureur des dernières expériences faites au Dôme des 
Invalides , qui paroît chercher la vérité de bonne foi, doit avoir 
l'arention,. dans la répérition qu'il f. propole. des: mêmes expérien- 
ces, de faire recuire fon fil de fer, de.remonter:à:chaque expérience: 


Tome V, Part. IL 1775. 


‘138 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


les poids defcendus, de les mettre de nouveau en équilibre avec les 
poids fupérieurs, & que ce foit exactement les mêmes poids qui ont 
donné l'équilibre (1) fupérieurement, qui foient oppofés en bas aux 
poids reftés dans le bafin d'en haut. La différence de douze gros trou- 
vée en faveur d'un poids de cent livres placé inférieurement, lorfqu'il 
étoit foutenu par un fil de fer, eft très-certainement une erreur 
dont il s’'appercevra dans de nouvelles expériences. J'en dis autant de 
- celle faite avec la corde; car à fuppofer, comme J'ai lieu de Le penfer, 
que le poids fupérieur eût eu fur l'inférieur un excès de pefanteur, 
cet excès n'eüt pas dû être de douze gros fur deux cens livres (2); la 
corde aura donc vraifemblablement perdu de fon poids en fe détor- 
dart. Je lui confeillerois donc, sil veut répéter les mêmes expériences 
fur des poids confidérables , tels que ceux dont nous nous fommes 
fervis en Juillet dernier, au cas qu'il fe ferve de corde, d’en prendre 
une qui auroit été goudronnée, qui auroit déja fervi, & qui auroit été 
alongée autant qu'elle peut l'être, avant de commencer fes opé- 
ra:ions. 

Je crois encore devoir avertir l’Auteur de ces expériences, qu'il eft 
fort inutile qu'aucun Maître Balancier dirige le fléau & le manie, 
parce que, à l'aide de quelques tours de main, ils ont l'art de faire 
pencher la balance de lun ou l'autre côté; il eft à craindre qu'ils ne 
choiliffent celui pour lequel inclinent ceux qui font les expériences. 
Tout:s ces précautions ne font pas indifférentes, dans des expériences 
qui doivent donner des réfultats aufli foibles que ceux que l’on doit 
attendre de la part de mafles égales, dont on examine la fomme de 
gravité à des ftations aufli peu différentes que celle que nous pouvons 
nous procurer (3): mais, quoi qu'il en foit, les pendules placées à 


(1) Dans l'expérience du 6 Décembre 1774 ( Voyez le Cahier de ce mois), les 
mêmes poids qui avoient fervi au haut du Dôme, fervirent dans le bas, & ce 
fut ceux du même plareau. 

(2) Pourquoi pas de 12 gros fur 200, quand le Pere Berthier a trouvé plus 
de 2 livres fur un poids de 1;o placé à une élévation de 45 pieds, tandis qu'ici 
il s’agit d’une élévation de 168? Cela prouveroit la difficulté de faire de fem- 
blables expériences d’une manière qui puifle prouver quelque chofe. 

(3). Certes le Maître Balancier, dont il s’agit ici, ne pouvoit être fufpedté, 
puifqu'il affirmoit que les deux poids devoient être écaux, & que fa furprife fut 
extrême de ne les pas trouver tels qu'il lavoir penfé. Nous fentions nous-mêmes 
le peu de fondement de toutes les expériences faites jufqu'à ce jour ; nous 
les trouvons fi peu concluantes , fi difcordantes dans leurs réfultats , que 
nous invitons les Phyficiens, non à Les nier, mais à fufpendre leurs jugemens, 
enfin à les répéter, à Les diverfifier, en un mor , cn tanr & tant de maniéres , 
gl ne refle plus aucun doute, fans, prétendre cependant qu'elles puiflent 

écider la queftion de lattraétion, s'il eft prouvé que la cf de lai fuffe 
fule pour opérer toute la différence, 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 139 


des ftations de plufieurs centaines de toifes de différence, me parof- 
tront toujours Les feuls moyens de décider la queftion , de manière à 


ne laiffer aucun doute, parce que les pois excès ou déchets de gra- 


8 
vité de la part de l'une ou l’autre pendule, A ae addirion- 


nés pendant un long efpace de tems, deviendroient à la fin crès-re- 
marquables ( x ). 


SPP RES EDR EPA TEE PPT PRE PERLES SEMELLE ET 


ENS ReU:C:/P:I ON 


Sur la manière de définfeëler une Paroiffe ; 
Par M. Vice D'Azre. 


$. IL Marche 6 occupation des per/onnes prépofées pour la 
définfeétion. 


.L, Puïffance Militaire eft celle dont on a droit d'attendre dans 
cette occalon, de l’activité, du défintéreffement & des fuccès. IL fera 
bon d'employer trois différens Corps de Troupes: le premier formeræ 
un grand cordon extérieur; le fecond marchera dans l'intérieur des 
Provinces circonfcrites, & prendra foin d'y faire exécuter les ordres 
donnés relativement à la Lénfeétion ; le troifième fera diftribué en 
détachemens ; qui refteront dans les chefs-lieux des cantons infectés , 
pour y faire tuer les beftiaux qui, après la première expédition, feront 
attaqués de l’épizootie, " 

2°. Les perfonnes prépofées pour la définfeétion d’une Paroiffe , £e- 
ront, 1°. un Elève de l'Ecole Vétérinaire, ou un Maréchal inftruit, 
ou un Chirurgien de campagne, s'il veut bien en prendre la peine ; 
2°. un nombre fuffifant de Soldats, l’Infanterie eft fur-tout préférable; 
3°. des Payfans que l'on emploiera fuivant Le befoin, & qui feront 
foumis aux ordres des premiers. 

3°. La Paroifle qu'on fe propofera de définfeéter , fera néceffaire- 
ment comprife dans l’efpace circonfcrit par le cordon; la marche des 
Troupes intérieures fera dirigée de la circonférence vers le centre. 
Pour avancer plus promptement dans l'exécution d'un projet, dont 
l'utilité fera d'autant plus grande que l'on y mettra plus de prompti- 


Fa 


(1) Quoique ce moyen paroiffe toujours à l’Auteur le plus concluant, nous 
l'invitons à lire ce que l’on'a dit à ce fujer dans le Journal des Savans, Août 
1772, dans le téms où l’on croyoit réelles les expériences de M. Coufraud, 


Tome V, Part. IL 1775. S 2 


140 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
tude, on partira de plufieurs points à la fois. D'après ces vües, on! 
commencera la définfectiôn de la Paroïfle, par celle des extrémités 
qui fera la plus éloignée du centre de la contagion, & on finira 
par celle qui sen approchera davantage, en fuivant par-tout une 
marche uniforme. 

4°. Dans une Paroiffe où la contagion a jetté de profondes racines, 
il eft à propos que toutes les métaities foient vifitées; il fera défendu, 
fous de grandes peines, de cacher une bête malade. 

ÿ°. La maladie une fois conftatée , on commandera des Payfans pour 
faire des foffés; pendant que les uns feront occupés à tuer & à enterrer, 
les autres le feront à définfecter les étables, afin de ne perdre aucun 
moment d'un tems aufli précieux. 


$. IL. Signes par le moyen defquels on reconnoît l'exiftence de la 
maladie. 


On juge que les beftiaux font attaqués de la contagion, par le con- 
cours, je ne dis pas de tous, mais de la plus grande partie des fymp- 
tômes fuivans. L 

1°. Par la perte abfolue ou partielle de l'appétit, & par l'indifférence 
ou le dégoût qu'ils témoignent pour le fourrage, après en avoir été 
privés pendant quelque tems. 

2°. ar une foif exceflive , ou parce qu'ils refufent de boire comme 
à leur ordinaire, 

3°. Parce qu'étant pincés vers le garrot & le long de l’épine, ils 
S'affaillent fubitement, en gémiflant & en témoignant de la douleur; 
parce qu'ils ploient les extrémités poftérieures, quand on appuie fur 
le derrière des hanches; parce qu'enfin étant pincés en deflous vers 
le cartilage xiphoïde , ils relèvent fortement l'épine. Ce dernier figne 
eft un des plus fürs; nous l'avons obfervé dans des animaux ino: 
culés, chez lefquels il n’exiftoit point auparavant, & il acquéroit 
d'autant plus d'intenfité, que lé moment de la maladie approchoit 
davantage. 

4°. Par un certain branlement de tête, par les convulfons des 
mufcles du cou & des épaules, & par la vacillation des extrémités 
poftérieures, qui font peu aflurées lorfque l'animal marche. J'ai auf 
obfervé que les chairs placées le long de l'épine, frémifloient & 
palpitoient quelquefois fous le doigt, quand on l'appuyoit un peu 
fort. 

. 5°. Par l'abattement & la trifteffe, par l’abaiffement de la tête & 
des oreilles, par la chaleur de la bouche, par la faillie du la rougeur 
des yeux, dont le blanc éft toujours plus où moins enflammé, par un 


SÛR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. at 
Changement dans la chaleur des cornes, dés oreilles, & quelquefois 
des nafeaux, & fouvent par uñe petite toux. 

6°. Par la dureté de la région lombaire gauche, par la fréquence 
& la plénitude du pouls, que lon trouve facilement au cou ou à 
l'angle de la mâchoire inférieure : dans les fujets foïbles, il et petit & 
accéléré. $ 

7°. Lorfque les yeux font bordés de chaîlie & très-enflammés, lorf. 
qu'il fort par les nafeaux une morve épaifle, lorfque QUE eft tout-à- 
1 t perdu, lorfqu'enfin les excrémens commencent à devenir liquides, 
il ne refte plus aucun doure; & tout le monde peut à cette é Ôque re- 
connoître la maladie : mais une partie des premiers fignes ff pour 
en conftater l'exiftence (1). 


$. 3. Comment il convient de tuer les beffiaux dont la maladie eft bien 
conftarée. 


1°. Lorfque pat le moyen des fignés ci-deffus énoncés, on aura re- 
connu une ou plufieurs bêtes attaquées de l’épizootie, l’on commandera 
des Payfans pour faire des fofles, &c on les conduira le plus près qu'il 
fera poñible du lieu où on les aura pratiquéés. 

2°. On les attachera de très-court & la tête très-bafle, à un arbre, 
où bien à un pieu, & on les aflommera; plufieurs perfonnes préfèrent 
de leur tirer quelques coups de fufl dans la poitrine & dans la têté, 
Le moyen le plus fimple eft d'enfoncét entre la première vertèbre du 
cou & la tête, précifément à la nuqu*, un fcalpél ou biftouri, ou 
bien feulement un ftilet que l'on dirigéra en devant vers la moëlle 
alongée & le cerveler : cette méthode eft celle que j'ai toujours 
fair mettre en ufage ; la mort eft prompte, & fon appareil eft moins 
effrayant. | 

3°. Après avoir tué l'animal, il faut lui couper en plufisurs endroits 
Ja peau fur Le corps. Pour cer eft, on féra fur chaque hanche & 
fut chaque épaule une taillade, & on incifèr4 crucialement le cuir fer 
les côtés du ventre & de la poitrine. 


$. 4. Soins qui concernent la foffe. 


1°. On aura foin de faire la fofle loin des maifons, loin des che- 


(1) À: ces indications générales, nous fommes forpris qu'on n'ait pas ajouté 
celle qu'on tire fi naturellement du poil de l'animal. Ce poil, toujours life, 
Inifant & couché dans l’érar de fanté de l'animal, eft terne & televé dans l’étas 
dé mäladit; fouvént même il eft peu adhérent à [a peau, 


Tome V, Part, LL, 1775. 


142 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


mins, loin des abreuvoirs & des endroits où l’on raflemble la paille 
en tas. On choifira des lieux ifolés & perdus, qui ne fervent point de 
affage aux autres beftiaux, & fur lefquels on puifle fe difpenfer de 

Be aucun travail On fera les fofles proportionnées au nombre des 
victimes. Il fera également poflible d'ouvrir la terre fur une même ligne, 
de forte à pouvoir contenir le nombre des beftiaux que l'on fe propo- 
fera de tuer. 

2°: On détruira toutes les traces du maffacre que l’on vient de faire, 
& on aura foin, en jettant la bête dans la foffe, qu'elle ne refte point 
foutenue fur fes extrémités, contre une des parois; elle ne feroit pas 
alors recouverte par une épaifleur de terre fufifante. J'ai été plufieurs 
fois témoin de cet abus, & il eft bon que l'on en foic prévenu afin 
de l’éviter. 

3°. Les foffes auront dix pieds de profondeur; elles doivent être 
auffi fuffamment larges, pour que l'animal puiffe y être couché à plat 
fur le côté. 

4°. Pour donner plus de confiftance aux différentes couches de 
terre, il fera bon de les humeéter en les foulant. Il fuffira pour cela 
de répandre de l'eau en différens endroits. On empèchera par ce moyen, 
qu'il ne fe faile par la fuite des crevales qui pourroient être dan- 
gereufes. 

5°. Les foffes feront recouvertes d’épines, ou, ce qui feroit mieux, de 
pierres amoncelées dont on feroit une efpèce de mur. Il eft important 
de mettre des fignaux fur les lieux où l'on a pratiqué des fofles. On 
ne fauroit trop prendre de précautions, puifque des expériences très- 
exactes n'ont démontré que les plus anciennes font encore plus çon- 
tagieufes. 

6°. Lorfque Les terres qui rempliflent la foffe s'affaifleront, on y en 
fubftituera Le nouvelles, & on les foulera avec force. 

7°. Dans les pays où Les lits de pierres trop voifins de la furface du 
terrein, ne permettent pas de faire des fofles affez profondes, il faut, 
ou brûler la bête que l’on vient de tuer, ou l'enterter dans des en- 
‘droits tout-à-fait ifolés, avec la précaution d'élever un monceau de 
terre au-deflus du niveau de la foffe, & d'y bâtir une efpèce de mur, 
Dans ces lieux, il faurredoubler d’attention. 


$. $. Ce qui concerne la purification des étables. 


Les étables où les beftiaux infectés ont féjourné, demandent furtout 


Les foins les plus fcrupuleux. On emploiera, pour les purifier , les moyens 
füivans. 


1°. On enlèvera Le fumier, on regrattera les murs & les pavés, on 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 143 


détachera les planches qui font partie des auges ou rateliers, on les 
tranfportera dehors, on ne laiffera que les montans, & on fera la même 
chofe à l'égard desdits s'il y en a. 

2°. On enfouira le fumier à dix pieds de profondeur : s'il n’eft pas 
trop humide, on pourra le brüler. 

3°. On lavera les planches qui ont été Aa des hors de l’étable, 
on les frottera avec force, on les paffera pluñeurs fois au-deflus de la 
flamme, & on les expofera à la vapeur du vinaigre. 

4°. On doit fe propofer enfuite de dénaturer les miafmes dont l’at- 
mofphère & les murs font imprégnés, & de faire circuler l'air dans 
les érables. 

s°. Celui qui veut remplir ces indications, doit être muni d’une bou- 
teille de vinaigre, de fix ou huit onces d’acide vitriolique très-fort, de 
deux poignées de fel marin, de poudre à canon, de nitre en poudre, 
de foufre & de quelques fagots de menu bois. 

6°. Il commencera par mettre des cendres ou du fable dans une ter- 
Ane:au milieu de ce bain, il placera un verre rempli de fel de cuifine; 
il fera chauffer le tout, il apportera le pot ou la terrine route chaude 
dans l'étable, & il verfera l'acide vitriolique peu-àpeu fur Le fel. [1 fera 
la même opération aux deux extrémités de l’étable, fi elle eft un peu 
grande; les vapeurs blanches qui s'élèvent alors font trèsaétives. Il ob- 
tiendra ls même fuccès en verfant l'acide fur du fel que l’on aura fait 
chauffer auparavant fur une pelle. 

7°. Il fera du feu en différens endroits de l’étable, fur-tout là où 
étoit l'animal infeété, le long des murs 8 dans les angles. 

8°. Il promènera de la paille longue allumée , fous les auges & dans 
les trous s’il y en a. 

9°. Pendant que les feux allumés brûleront toujours , il frottera 
les auges avec un balai ou avec quelque chiffon trempé dans du vi- 
naïigre d'ail. On aura auparavant ratiflé & verloppé les auges, s'il eft 
poilible. 

10°. Il jettera dans les feux allumés de la poudre à canon; il aura 
foin de ne pas la femer çà & là; mais il en jettera une pincée dans un 
efpace peu étendu, afin qu’elle fafle une petite explolon. 

11°. Lorfqu'il n'y aura plus de flamme, il jettera du nitre en poudre 
fur les charbons; il emploiera fur-tout, avec plus d'avantage, les pe= 
lotons où mafles de nitre un peu confidérables : leur fufñon a un effet 
plus marqué. 

12°. Enfin, il jettera du foufre fur les charbons, il fortira de l’étable 
& la fermera bien exaétement. 

13°. Il pourra employer également les fleurs de foufre mêlées avec 


Tome V, Part, 11, 1775. 


144 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


le nitre en poudre; ce mélange s'enflamme avec la plus grande facilité, 
& fa vapeur fatisfait aux mêmes indications. 

14°. Il pourra fe fervir aufi de réfines, feuilles jefleurs & baies aro- 
matiques: mais en brülant, elles ne font que fubftituer une odeur agréa- 
ble à une odeur fétide; elles trompent feulement l'odorat, & ne déna- 
turent point les miafmes putrides; les vapeurs falines ont ce dernier 
avantage, elles méritent par conféquent la préférence. 

15°. Il n’épargnera point les lits qui fe trouvent dans les étables, 
d'autant mieux qu'ils appartiennent ordinairement aux vachers. Il brülera 
les paillaffes & marelas, les draps feront mis à la leflive, & le bois de 
lit fera traité comme les auges & les rateliers. 

16°. Pendant quelques jours, il allumera du feu dans l’étable, & il 
y brûlera du foufre. Ù 

17°. Il laiflera l'étable toujours ouverte devant & après cette opé- 
ration. 

18°. Six ou fept jours après il blanchira l'étable avec de la chaux 
délayée dans de l'eau. 

19°. Si l'étable que lon fe as de purifier, eft conftruite de forte 
qu'il foit dangereux d'y allumer du feu, alors on s’en tiendra aux autres 
moyens; on y brülera feulement une plus grande quantité du mélange 
fait avec le foufre & le nitre. 

20°. On aura foin d'enlever toute la paille qui peut être deflus ou 
à côté de l’étable, avant d'y faire les opérations fufdires ; le mieux fe- 
roit de-la brûler : on ne doit au refte s'en fervir que pour Les chevaux 
ou bêtes afines, & il doit être rigoureufement défendu L la tranfporter, 
fous quelque prétexte que ce puife être, hors de la Paroifle, & même 
hors Le la métairie infectée. 

‘21°. Si l'animal attaqué de la contagion, logeoit dans une de ces 
cabanes de paille que l'on conftruit pour le moment du befoin, il faudra 
y mettre le feu; le mieux fera de la brüler fur le lieu mème où lani- 
mal aura été enfeveli. 5 


$. 6. Ce que l’on doit faire après la première définfeétion. 


1°. Après le premier maflacre, les Troupes prépofées au travail 
de la définfeétion, pañleront dans une autre Paroifle, toujours en 
&vançant vers Le centre des. pays attaqués de la contagion; mais 
quelque avantageufe que foit cette première opération, il feroit: dan- 
gereux de fe fer uniquement à elle. On doit toujours foupçonner 
ue la cupidité de quelques perfonnes intéreflées, que la négligence 
& quelques-uns des Adiminiftrateurs, que fur-tout la lenteur. de la 
maladie elle - même dans fon développement, en, un, mot, que les 


détails 


SUR L'HIST. NATURELLE ET'LES' ARTS. 44% 


détails infinis de la fociété, donneront néceflairement lieu à une fe. 
conde, & même à une troifième reproduction, beaucoup moins nom- 
breufe, à la vérité, que la première. Pour y obvier, quelques dé- 
tachemens refteront, pendant au moins fix femaines, dans les deux 
ou Ropapraripse villages de chaque Jurifdiétion.: Il: feroit bon 
que ces Troupes fuflent de la Cavalerie, parce qu'elles auront fou- 
vent des courfes à faire. Paflé ce tems, on pourra lever une partie 
de ces détachemens, avec cette précaution cependant, qu'il refte en- 
core, pendant plufieurs mois, des re dans les villés voifines, 
pour étouffer ce fléau dès fa naïflance, fi par malheur il vient à re- 
paroître. 

2°. Les Métayers feront tenus, fous de grandes peines, de ren- 
dre compte des beftiaux nouvellement attaqués ;: aux Syndics & 
Confuls, qui feront tenus, de leur côté, d'avertir les détache- 
mens, afin que les ordres du Gouvernement foient ponctuellement 
exécutés. 

3°. Le grand cordon reftera en place au moins pendant un mois, 
pañlé lequel tems , fi la définfection eft bien conftatée dans les pays 
fitués à la, circonférence , il pourra être relevé & tranfporté plus 
avant dans l’intérieur; mais il fera prudent de laifler quelques He 
chemens.dans les principaux endroits du :paÿs, dont'il bordoit les 
limites. | 

$. 7. Ce qui concerne les Bêres faines. 


On peut divifer les beftiaux fains, dans une Paroifle que l'on dé- 
finfecte, en ceux qui ont habité avec les bêtes malades, & ceux qui 
en ont toujours été féparés. 

19. 11 faut avoir foin que les beftiaux fains, qui habitoient avec les 
malades, ne foient plüs renfermés dans les mêmes étables. On tombe très- 
fouvent à cet égard dans une faute groflière; aufi.tôt que l'on connoîc 
une bête attaquée de la maladie, on la fait fortir de l’étable où ell 
étoit renfsrmée, avec fes compagnes : ce font les compagnes au con- 
traire qu'il eft important de faire fortir au plutôt de l’étable infectée, 
pour les dérober à la contagion. 

.2°, Après la féparation des, bêtes malades d'avec les faines, on trai- 
tera ces dernières comme celles:qui n'onb jamais communiqué ; on les 
fequeftrera de tour commerce avec les perfonnes, Les animaux & les 
hardes infeétés. 8e FAR 
3%, fera bon de tenir, pendant fix:femaines, après Ja première 
opération, les RRce fains renfermés.,. &; d'empêcher: leur pafEige: 
d'un canton dans un autre. Si après ce tems, on permet la fortie de 
quelques bêtes à cornes, pour Mi sbfte aux befoins Les Pa preffans 


Tome F, Part, Il. 1775. 


146 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


8. 


du labourage & du commerce, on n’en laïffera fortir que le plus petit 
nombre pollible; & celles qui fortiront, logeront dans une étable à 
part, & ne communiqueront point avec les autres. 

4°. On donnera, matin & foir, aux beftiaux fains, de l’eau blanche 
nitrée (1); on ne leur offrira que du fourrage hâché & mouillé; on 
y mêlera des herbes fraîches, quand il fera poflible; on diminuera un 
peu la quantité des alimens; on leur fera prendre tous les jours un 
grand verre d'huile de lin avec un tiers de vinaigre; & ceux qui le 
jugeront à propos, pourront leur faire au fanon un feton avec l'el- 
lébore. 

$°. On ne fera rentrer des beftiaux fains dans les étables où il y en 
a eu de malades, que long - tems après les avoir purifiées : il feroit 
même prudent que les Métayers d'un canton ne fe déterminaffenc 
point à faire venir tous enfemble des beftiaux dans leurs métairies , 
fans avoir auparavant conftaté, par uné expérience facile, fi en faifant 
rentrer un certain nombre de bêtes à cornes dans une étable ancien- 
nement infectée & convenablement purifiée, le laps de tems eft aflez 
confidérable, & la définfe“tion aflez complette , pour qu'il ny ait 
plus aucun danger à courir; chaque Communauté pourroit faire cet 
eflai. 

6°. Enfin, dans les Paroifles anciennement infectées, où, par l’effer 
d'une heureufe migration, les beftiaux nouvellement tranfportés 
jouiffent d’une bonne fanté, il feroit bien à fouhaiter qu'on n'en in- 
troduisit plus de nouveaux; on empêcheroit ainfi la renaiflance de la 


contagion. 


(x) Qu'il nous foit permis de faire une obfervation fur l’ufage de l’eau blanche 
donnée aux animaux malades. Tous les Médecins vétérinaires l'ont recommandée; 
je leur demande s'ils connoiffent les principes conftituans de cette eau blanche, 
& s’ils jugent de fes qualités par des de qu'ils penfent avoir obfervés ? Je 
leur demande encore s'ils ne l'ont pas prefcrite fur la foi de ceux qui les ont devancés? 
C'eft auf à ces Médecins que je ne crains pas de dire que l’eau blanche agit dans les 
maladies du bétail, & AR de les mêmes As que ceux du bouillon que 
lon donne aux hommes attaqués de maladies putrides. Ceci va paroître un paradoxe, 
& nous croyons déja entendre les Médecins vétérinaires {e récrier, citer leurs Livres, 
leur pratique conftante. Que ces Meflieurs étudient les principes conftituans du fon; 
enfuite, s'ils trouvent que mon opinion foit hafardée, je paîle condamnation. 
M. de Picg, en Médecin prudent, a aflocié l'ufage du nitre qui corrige l’eau 
blanche, & il auroit beaucoup mieux fait de la fupprimer... Pourquoi dans les 
maladies putrides, quand elles ne font ge encore inflammatoires, ne fait-on pas 
plus d’ufage des plantes chicoracées, des plantes amères? Elles font fi éminem- 


ment reconnues pour anti-putrides : 


LT 


SUR L’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 147 


ESSAIS CHY MIQUES, 


O0 UV 
E X4P.É RE: N- CHE: IS 


Faites fur quelques précipirés de Mercure, dans la vue de 
découvrir leur nature. 


TROTSTÈEMEIPARTIE 
Par P. B4AYEN, Apothicaire- Major des Camps & Armées du Roi. 


Ja fait voir , dans la feconde Partie des Expériences que j'ai publiées 
au mois d'Avril de l’année dernière , que le précipité de la diffolution 
mercurielle, par l’alkali fixe , étoit réductible par lui-même ; & que 
c'étoit fans néceflité & par préjugé , que j'avois regardé, dans mes pre- 
miers eflais , Le charbon comme un intermède eflentiel à la réduction 
de toutes les chaux métalliques. J'ai fait plus ; j'ai démontré que ce pré 
cipité devoit fon état metallo-calcaire & fon augmentation de poids à 
fa combinaifon intime avec un autre corps : je pris alors des engage- 
mens avec le Public ; je promis de fuivre mes expériences , & de traiter 
divers autres précipités mercuriels , comme j'avois fait celui que l’on 
obtient en verfant de l’alkali fixe fur une diflolution de mercure par 
Vacide nitreux : c'eft pour remplir ces engagemens, que je préfente 
aujourd'hui aux Chymiftes, une fuite de procédés faits fur trois autres 
préparations mercutielles , égalément connues dans la Chymie pharma- 
ceutique fous le nom de Précipités. 


EXPÉRIENCES 
Faites fur le Précipité de la diffolution du Sublimé corrofif, par l’alkali 


fixe. 


: Les Chymiftes du fiècle paflé , confidérant Le bas prix da fublimé 
corrofif, préparé en-grand par les Vénitiens & les Hollandois , foup- 
connèrent celui qui étoit dans le commerce d’être fophiftiqué. Une ana- 
logie de volatilité , de couleur, de pefanteur, & fur-tout de propriété 


Tome V, Part. IL 1775. T 2 


148. OBSERFATIONSISUR LA PHYSIQUE,:: 
délétère, les portoit à croire que l'arfenic étoit la matière employée à 
la fophiftication. c re - 

D'après des expériences infuffifantes , quelques Auteurs ayant écrit 
que l'huile de tartre avoit la propriété de ee en rouge:le fublimé, 
lorfqw'il étoit put , tandis qu'il faïfoit prendre une Couleur noire à celui 
qui étoit impur, on crut alors de bonne foi que l’arfenic entroit dans la 
compofition de celui qui prenoit utte couleur noire ; & cette expérience, 
toute faufle qu'elle étoit, fut célébrée par les Pharmacologiftes, comme 
une épreuve de laquelle on ne pouvoit appeller. 

Vers la fin de ce mème fiècle, Barchufen , Chymifte Allemand , publia 
um Ouvragé , dans lequel il aflura que tout fublimé corrof£ fophitti- 
qué ou non-fophiftiqué , arrofé d’huile de tartre par défaillance , jau- 
nifloit, puis rougifloit, & enfin noircifloit quand on l’expofoir à l'air; 
d'où il conclut que l'épreuve qu'on xegardoit comme sûre , devoit être 
rejettée. 

En 1699, Boulduc lut à l’Académie un Mémoire fur la même ma- 
tiere , dans lequel, eñ s'appuyant fur deux expériences , il nia le fair 
avaricé pat Barchufen : dans la première , le Chymifte François verfa de 
l'huile de tartre fur du fublimé corxofif pur, qui contracta la couleur 
jaune foncée, fans jamais .donnef aucune marque: dé couleur noire : dans 
la feconde il foutit-à la même, expérience un fublimé corrofif, com- 
pofé dé deux éncés de fublimé pur & d'une demi-once d'arfenic ; il ob- 
tint évalement le changement de Couleur ; le jaune parut à l'ordinaire, 
fans qu'il fe mäanifeftät rien, de noir : d'après quoi; M. Boulduc con- 
clut qu'à la vérité ; l'épreuve par l'huile de tartre doit être rejettée, mais 

ue les faits avancés par. Barchufen font faux... ; : 

Tel -éroit l’érat de doute dans lequel flotroient les Chymiftes , lorf- 
qu'en 17343 Lémerÿ le fils, qui s'occupoit depuis long-tems de recher- 
ches fur la caufe de la couleur que prennent les précipités de mercu- 
re (1), préfenta à l'Académie un Mémoire fur le fublimé corrofif, dans 
lequel cet Académicien venge Barchufen ; en démontrant de Boulduc 
avoit été dans l'erreur, parce qu'en répétant l'expérience du Chymifte 
Allemand, il avoit verfé fon huile de tartre fur du fublimé non-diffous, 
tandis qu'il falloit la verfer fur du fubliméiendiflolution , tout le fuccès 
dépendant de cette circonftance. 

Les expériences fur lefquelles Lémery s'appuie, pour démontrer la 
vérité découverte par Barchufen , font fans nombre ; mais fi ce Chy- 
mifte ne laifle rien à defirer fur le fait de la couleur noire, qui fe ma- 


nifefte dans les précipitations du fublimié corrofif par différens alkalis , 


(1) On trouve dans les volumes de l'Académie, années 1712 & 1714, deux 
Mémoires de M. Lémery far Le fujet indiqué. 


SUR L'HIST: NATURELLE"-ET LES ARTS. :149 


il fe perd dans les conjéétures ; lorfqu’il veut en expliquer la caufe : 
en line fon Mémoire, on ne voit pas qu'il ait fait la moindre tentative 
es féparer la matière colorée en noir , d'avec celle qui l'éroit en rouge; 
uivant lui, tantôr c'elt au mercure comme mercure , tantôt au fublimé 
comme fublimé ; qu'eft due cette couleur ; une autre fois, il croit 
qu'elle eft abfolument dépendante de l’alkali fixe qu'on a employé, 
parce que ; dit cet Auteur, felon la qualité de l'alkali , felon la ma- 
nière dont il a été préparé, on a plus où moins de matière noire. 

Ne connoiflant aucun Auteur qui aïe écrit fur ce fujet depuis Lémery, 
je pars du point où ce dernier a Jaiffé la queftion. 

En ns différentes folutions de fublimé corrofif, j'ai eu plus 
d’une fois occafion d’obferver la couleur noire que prennent les der- 
nières portions du précipité : le point de la difficulté étoit d'imaginer 
un moyen de les féparer ; le hafard me fervit mieux que n’auroient fait 
les fpéculations. Je venois de précipiter , par l’alkali de tartre, huit 
onces de fublimé corrofif, diflous He feize livres d’eau ; l’alkali do- 
minoit un peu; la poudre rouge étoit déja tombée au fond da vafe, 
mais la liqueur étroit encore un peu louche ; & comme mon deflein 
étroit de la conferver , pour la Ps à l'examen , je la décantai 
dans deux cucurbites de verre , qui furent couvertes de leurs cha- 
pireaux. 

Sur ces entrefaites , je fus obligé de faire un voyage de deux mois, 
pendant lefquels les cucurbites & la liqueur qu'elles contenoient, furent 
à l'abri de toute fecoufle, dont la moindre auroit fans doute troublé 
une opération qui devoit fe faire avec la tranquillité & la lenteur qu'em- 
ploie la Nature dans tout ce qu’elle fait en ce genre. 

À mon retour , je trouvai la liqueur des deux cucurbites parfaitement 
claire ; on voyoit à fa fuperficie des cryftaux noirs & luifans , comme 
des fragmens de jayet; il s'en étoit aufli précipité un affez grand nom- 
bre fur une couche de poudre grife , qui couvroit le fond des vales ; je 
retirai les uns & les autres ; & par des lotions réitérées, j’enlevai l’eau 
de précipitation dans ai as ils avoient été formés , & dont ils auroient 
pu participer ; leur poids éroit de quatre gros & vingt-un grains : je 
retirai aufli la poudre grife dont j'ai parlé ; elle fut également édulcorée 
& féchée ;.elle pefoit vingt-fix grains. 

Ces cryftaux , vus au microfcope , en perdant un peu de leur cou- 
leur noire, acquièrent une demi - tranfparence ; mais il m'a été impof- 
fible de difcerner exaétement leur figure, quoique j'y aie appercu quek 

ues-uns des caraétères qui diftinguent les rhomboïdes. 

Expofés, à l’aétion des acides de vitriol , de nitre , de fel marin & 
de vinaigre, ils préfentent un phénomène fingulier, fur lequel je ne 
m'étendrai point ici , parce que les expériences de ce genre tiennent 


Tome V, Part, IL. 1775. 


150 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


au travail que j'ai entrepris fur Les précipités, en les traitant par la 
voie humide : qu'il fufñle donc de favoir qu'ils font entièrement fo- 
lubles dans l'acide nitreux , étendu de beaucoup d’eau; qu'ils le font 
également dans celui de fel marin & dans le vinaigre diftillé ; & qu'en 
les précipitant de nouveau de ces différens acides par l'alkali de tartre, 
on les remet dans l’état ordinaire au précipité de la folution de fubli- 
mé corrofif. Quant à l’acide vitriolique , il en diffout une partie, & 
la convertit en viuiol mercuriel, tandis que l’autre partie fe refufe à 
fon action. 4 

Si on les expofe à une chaleur lente, leur couleur s’altère infenfi- 
blement, & devient d’un rouge foncé tirant fur le brun : fi, au con- 
traire, on les expofe brufquement fur le feu , en les jettant , par exem- 
ple , dans un teft prefque rouge, ils décrépitent , répandent bientôt une 
fumée blanche , & il refte dans le vafe une poudre rouge, qui eft ré- 
duite à-peu-près à la moitié des cryftaux qu’on a employés; enfin, fi on 
reçoit la vapeur blanche au moment qu'elle s'élève du teft , en couvrant 
celui-ci d'un vafe conique ( un entonnoir de verre, par exemple), 
elle s'y condenfera , en s’attachant à fes pores fous la forme d’une pou- 
dre blanche, qui eft un véritable mercure fublimé doux: or, c’eft cette 
dernière portion que l'acide vitriolique n'a pas attaquée dans l'expé- 
rience précédente. 

J'ai déja plufieurs fois fait obferver , que les eaux de précipitation 
& d'édulcoration occafionnoient des pertes confidérables dans la pré- 
paration des précipités : une pellicule légère & nuancée des couleurs de 
l'iris , qui couvre en peu de tems la furface de ces eaux | m’avoit fait 
entrevoir la folubilité des précipités ; j'avois en vain eu recours à la fil- 
tration : cette opération féparoit, à la vérité, la pellicule formée, mais 
il en reparoifloit bientôt une autre. 

En rapprochant cette obfervation des expériences auxquelles je venois 
de foumettre les cryftaux noirs, je n’eus prefque plus de doute fur leur 
nature, & je les regardai comme une portion de précipité, qui ne 
différoit du précipité ordinaire , que par l'arrangement que la cryftal- 
lifation avoit fait prendre à fes parties ; une dernière expérience acheva 
de m'en convaincre. 

Je mis un gros de cryftaux noirs dans une très-petite retorte de verre, 
& les ayant expolés à l’action du feu , il s'en éleva d’abord une légère 
humidité ; il fe fit une fublimation de mercure doux , du poids de 
27 grains ; il fe revivifia 19 grains de mercure, & il refta dans la re- 
torte 13 grains de chaux mercurielle d’une belle couleur rouge. 

Que lon compare cette expérience avec celles que J'ai publiées au 
mois de Février 1774, par lefquelles j'ai fait voir que le précipité de 
la diflolution du fublimé corroff, par l'alkali fixe ; contenoit prefque 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 151 


la moitié de fon poids de mercure doux ; qu'on la compare auñi avec 
celle qui va fuivre , & l'on fera convaincu que les cryftaux noirs ne 
font autre chofe qu'une portion de ce même précipité , qui , douée de 
la propriété de diffolution , avoit eu par une fuite naturelle celle de 
cryftallifation (1). 

EXAMEN 


De la Poudre grife qui s’étoit amafée au fond des vafes qui contenoient 
l’eau de précipitation. 


bien faire connoître les précipités jexaminois, j'avois ramaffé avec 
foin la poudre grife qui couvroit le fond des cucurbites, & fur laquelle 
j'avois trouvé une partie des cryftaux noirs dont je viens de parler. 
Cette poudre pefoit 26 grains: mife dans une très-petite retorte, & 
expofée à un feu convenable , elle s'eft fublimée en un vrai mercure 
doux ; & à peine refta-t-il un grain de poudre rouge dans Le fond de la 
cornue, 

On voudra bien me pañler le long détail dans lequel je fuis entré 
fur cette partie du précipité, devenue fafceprible de cryftallifation, 
en faveur des éclairciflemens que je donne fur une matière qui a été 
l’objet des recherches de plufieurs Chymiltes. Je reviens au précipité 
proprement dit. 


Ne voulant rien négliger de ‘44 ce qui pouvoit contribuer à me 


EXPÉRIENCES 


Faites fur le Précipité de la diffolution du Mercure fublimé corrofif, 


par lalkali fixe, relativement à fa réduflion & à fon augmentation 
de poids. | 


Le précipité obtenu de huit onces de fublimé corrofif, pefoit, 
étant bien édulcoré & féché , cinq onces fix gros vingt-deux grains : 
mis dans une retorte de verre, & expofé à une chaleur convenable , il 
s'en eft élevé deux onces cinq gros trente - trois grains de mercure 
doux ; il eft refté dans la retorte , deux onces fept gros quarante- 


(x) Le fublimé corrofif n’eft pas la feule préparation mercurielle qui donne du 
précipité noir fous forme cryftalline. On en obtient également de la précipitation du 
mercure diflous dans l’acide nitreux, ainfi dans l'acide vitriolique, & je dois 
avertir qu'on peut fe procurer , en sr e tems, les cryftaux dont je parle; en 
en faifant évaporer les différentes eaux de précipitation , on ne tarde pas à voir le 
fond des vafes fe couvrir d’une matière noire, d’une forme à la vérité aflez irrégulière, 
mais qui eft cependant abfolument la même que celle que l’on obtient par l’évaporation 
fafenfble Ne rien dire fur la caufe de la couleur noire qui caraétérife les précipités 
cryltallifés, c'eft avouer que je ne la connois pas. 


Tome V, Part, IL, 1775. 


182 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


un grains de chaux mercurielle d’un rouge éclatant ; il s’eft aufñi revi- 
vifié un peu de mercure, & il a paflé , dans le commencement de l'opé- 
ration , quelques gouttes d'eau. ; 

Lorfque , par cette diftillation préliminaire , j'eus réduit le précipité 
dont je parle, à un état de pure chaux métallique , je procédai à fa 
réduction de la manière fuivante. 

J'en mis une once dans une petite retorte de verre lutée , au bec de 
laquelle il fut adapté un appareil chymico-pneumatique. Le feu a été 
pouflé auffi fort & aufli long-tems qu'il a été néceffaire : l’eau du réci- 
pient s’eft déprimée ; & après le refroidiflement , s’eft fixée au degré 

ui marquoit quarante-une onces. [La paflé dans le col dela retorteun peu 

‘humidité : il s’'eft revivifié feprfos onze grains de mercure ; & il n'eft 
refté , dans le fond de la corne , que deux grains au plus de cette 
terre grife & volumineufe ; qui a toujours accompagné les précipités de 
l'efpèce de celui-ci dans leur réduétion. 

Cette expérience, qui a été répétée avec le même fuccès fur de pa- 
reils précipités faits en différens tems, & par divers alkalis, prouve 

ue la chaux mercurielle , préparée par l’intermède de l'acide marin & 
Fe lalkali £xe , et réductible par elle-même, aufi bien que celle qui 
a été préparée par le même alkali & l'acide nitreux ; & que lune & 
Fautre doivent leur état & leur augmentation de poids au fluide élaf- 
tique qui a déplacé l'eau du récipient. 


EXPÉ RIE N CÆEIS 


Faites fur la préparation mercurielle, connue dans la Pharmacie fous le 
- nom de Précipité rouge. 


Cette préparation, qui eft mal-à-propos nommée Précipite, fe fait 
en enlevant, par la voie de la diftillation on de l'évaporation , une 
partie de l'aide auquel le mercure eft uni dans le nitre mercuriel , cé 
qui fait prendre à ce fel une belle couleur rouge. 


PHRNONMCHETDNE. 


J'ai fait difloudre fix onces & demie de mercure , dans une fuffifante 
quantité d'acide nitreux, pur & hors de tout foupcon de mélange avec 
l'acide marin. 

La diffolurion a été defféchée , fuivant la manière indiquée dans la 
Chymie de Lémery ; & par l’évaporation d'une grande partie de Pacidé 
nitreux, jai obtenu le précipité rouge , tel que l'art Le prépare pout 
Yufage de la Chirurgie, ss f 

sA 


SUR L'HIST, NATURELLE ET:LES ARTS. 163 


La matière retirée & mife fur Ja balance , pefoit fept onces deux 
gros quarante - quatre grains, quantité qui n'excède que de dix grains, 
celle indiquée par Lémery , Auteur d’un Manuel exact, & avec lequel 
on aime à fe trouver d'accord (1). L'augmentation de poids, que nous 
regarderons pour le moment comme due à la portion d'acide nitreux, 
reltée en combinaifon-avec le mercure, étoit donc de fix, gros quarante- 
quatre grains. 


EXPÉRIENCE PRÉLIMINAIRE. 


Le précipité rouge que je venois d'obtenir , n'étant pas dans l'état 
de pureté que requéroient les expériences auxquelles je voulois le fou- 
mettre , il falloit le priver entièrément d'acide nitreux ; & pour y 
parvenir, je le mis dans un matras de verre ; dont le poids nrétoit 
connu ; & l'expofant à un degré de chaleur propre à en faire exha- 
Jer tranquillement tout l'acide nitreux , je parvins, en augmentant ou 
en ralentiflant le feu felon les circonftances , à priver entièrement 
le précipité de fon diflolvant ; & dans le moment où j'apperçus les 
vapeurs rouges cefler , & la revivification commencer , je fupprimat 
le feu (2). . 

Mäloré les précautions que j'avois prifes pour bien régler Le degré 
de chaleur , il s'éroit fait une légère fublimation de couleur jaune-pâle 
dans la partie voifine du col, & d’une couleur rouge dans celle qui 
en étroit le plus éloignée ; c'éroit un peu de précipité a s'étoit 
élevé par trufion , & qe ayant été frappé par les vapeurs d'acide ni= 
treux, en avoit pris fuffifamment pour fe remettre en état de nitré 
mercuriel. 

Le matras qui, chargé du précipité, pefoit, avant la calcination , 
huit onces cinq oros quarante-neuf grains, ne pefoit plus, après certe 
opération, que huit onces deux gros trente-neuf grains ; c’eft-à-dire, 
que le précipité , en achevant,de perdre le refte de f'acide nitreux qui 
lui éroit uni, étoit réduit de fept onices deux gros quarante- quatre 
grains à fix onces fept gros vingt - quatre grains ; il avoit donc perdu 


(x) On ne peut cependant fixer cette augmentation, & le pur hafard m'a fair 
rencontrer , à ces dix grains près, le point indiqué par l’Auteur Es je cite. 

(2) Un procédé, où j’avois tenté de faire cette calcination dans un petit bocal 
de verre polé dans un bain de fable trop échauffé, m'avoit appris, qu'au moment où 
J'acide nitreux fe dégage , la matière, qui eît en poudre fort fine, prebd un desré 
d’ébullition qui en enlève une partie; & c’eft, fans doute, ce qui à fait croire que 
notre précipiré étoit fufceptible de fublimation : on ne peut donc, je le répète, pro- 
ééder trop lentement dans cerre opération, Voyez ce que j'ai dit à ce füjét dans à 
première & la feconde partie, 


Tome V, Par. IL 1775. V 


154 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 

trois gros vingt grains. Mais la quantité de mercure employé , n'ayant 
été que de fix onces quatre gros, & la chaux mercurielle fe trouvant 
pefer fix onces fept gros vingt-quatre grains , il réfulte que celui-ci 
avoit éprouvé une augmentation de poids de trois gros vingt-quatre 
grains, ou, ce qui eft la même chofe , que le poids du mercure fe 
trouvoit augmenté d'environ =. L 


EXPÉRIENCE 


Faite fur le Précipité rouge entièrement privé de [on acide , relativement 
a: fa reduttion € à l'augmentation de fa pefanteur. 


J'ai foumis à la diftillation pneumatique , & fans aucun intermède , 
une once du précipité ci-deflus , exactement privé de tout acide 
nitreux. 

L'eau du récipient s'eft déprimée ; & après le refroidiffement , s'eft 
fixée au degré qui annonçoit vingt-huit onces : la réduétion de la chaux 
mercurielle a été totale ; à peine eft-il refté dans le fond de la retorte 
un grain de matière; & on ne voyoit dans fon col que quelques atimes 
de cette poudre grife qui accompagne toujours les revivifications de 
mercure, Cette poudre qui r'eft, comme on le fait; autre chofe que du 
mercure, étoit arrêtée par une léoère humidité qu'avoit fourni le pré- 
cipité en fe réduifant. 4 

Il's'eft trouvé, dans la boule du conducteur, fept gros vingr-neuf 
grains, de vif-argent, & environ cinq grains de la, poudre dont je 
viens de parler; ajoutons à cela le grain de matière reftée dans la .cor- 
nue , nous aurons un total de fept gros trente -cinq grains, qui, fouf- 
traits des huit gros de chaux employée dans l'opération, nous font 
appercevoir une diminution de trente-fept grains, ou de - & quelque 
chofe de plus. 

Voilà donc une troifième chaux mercurielle qui fe trouve réduéi- 
ble fans le concours d’aucune matière Me à fournir du phlogifti- 
que, & qui, en reprenant fa forme métallique , laïfle échapper une 
aflez grande quantité de ce fluide élaftique , auquel elle devoit fon 


état (1). 


(1) On peut remarquer que cette chaux, qui a été préparée par le feul intermède 
de l’acide nitreux , contient moins de fluide élaftique que celles qui ont été prépa- 
rées par la diffolution du mercure dans les acides de nitre & de fel marin, & par la 
précipitation avec l’alkali fixé, Je préfüme qu'en faifant évaporer les dernières por- 
tions d'acide nitreux, ila pu s’exhaler en même tems une partie du fluide élaitique. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 155 
EXPÉRIENCE 


Faite fur le Mercure réduit en chaux par la feule calcination | G: fans 
concours d'aucun autre intermède que le feu 6 l'air. 


Je ne dirai rien fur la préparation de cette chaux mercurielle, qui 
eft connue en Chymie fous le nom de précipité per fe ; elle ef décrite 
dans tous les livres qui traitent des Elémens de l'Art : ce n'eft pas qu'il 
n'y eût peut-être de bonnes remarques à faire de Re du Chymifte, 
qui auroit affez de patience pour obferver ce qui fe pafle, dans cette 
longue & ennuyeufe , mais intéreflante opération. Je n'ai pas fait celui: 
qd j'ai foumis à l'expérience dont je vais parler; il m'a été généreufemen, 

onré par M: Déyeux, Maître Apothicaire de Paris : avoir nommé le, 
Chymitte de qui je tenois cette préparation, c’eft avoir détruit tous les 
foupçons qu'on auroit pu avoir fur la pureté du précipité per fe que 
j'allois employer (1). 

La Chymie ne doit s'appuyer que fur des faits bien conftatés ; mais 
quelles dificultés, n’éprouve-t-on pas dans cet Art, lorfqu'il s'agit de 
conftater des faits ? C’eft, fur-tour, dans les epéronsiqui fe fonc à 
l'aide du feu, qu'on eft Le plus fouvent trompé: quelquefois le degré 
de chaleur n’a pas été aflez fort, quelquefois il n'a pes été aflez long- 
tems continué ; & dans l'un & l'autre cas, on peut dire que l'opération 
ft manquée, que les conféquences & les réfultats font faux. 

En faifant mes premières expériences fur les précipités de mercure, 
je fuis tombé dans cette faute ; & d’après des procédés que le préjugé 
dirigeoit , j'ai cru un inflant qu'une portion des chaux mercurielles que 
je traitois , éroit réductible par elle-même, tandis que l'autre portion- 
ne l’étoit qu'à l’aide d'une matière contenant du phlosiftique : j'ai même 
regardé cette dernière comme doué: de la propriété de fe fublimer; & 
je ne fuis revenu de mon erreur, qu'après avoir traité dans les vaif- 
feaux fermés, quatre ou cinq fois de fuite, le précipité de la diflolu- 
tion mercurielle. NET | 

Les expériences qu'on a lues dans la feconde Partie de mes Effais, 
& celles SE je viens dè rendre compte, confirment de plus en plus la 
réductibilité des précipités de mercure , fans le fecours d'aucin: matière 
charbonneufe; & pour complément de preuve , je piéfent: l'expé.ience 
fuivante, | 


(1) On eft fouvent trompé én Chyie, lorfqu’n:ne fuir pas icette mavime de 
Boyle : Æd ufim Medicum vel digiiora alijutlexperiterri, nife quod forrices.. 
propriliauttquis dlius fpèare probitaris € peritié mit flppeñiciver ler, fcrind 
null: adhibere aufim: Boyle, Lib. de infido experiménum fucellu 


Tome F, Parts il, 1775. V 


156 OBSERVATIONS SUR. LA PHYSIQUE, 

J'ai mis, dans une petite retorte de verre lutée , une once de mer- 
cure précipité per Je, tel qu'ilétoir en fortant du matras dont M. Déyeux 
Favoit retiré en ma préfence ; il a été adapté au bec de cette retorte 
un appareil pneumatique , & le feu a été pouflé jufqu’à rendre la cot- 
nue à-peu-près aufli rouge re les charbons qui lentouroient. 

L'eau du récipient seft déprimée ; & après le retour de la tempéra- 
ture qui étoit dans le laboratoire avant l'opération, elle s'eft fixée au 
degré qui indiquoit quarante-cinq onces. La réduction a été complete ; 
il n'eft abfolument rien refté dans la rétorte, qui s'étoit tellement ap- 
platie , que les parois fe rouchoient prefque : il n'y’avoit rien dans le 
col ; & il s’eft trouvé, dans la boule du conduéteur, fept gros dix- 
huit grains de mercure revivifié. La diminution qui étoit de cinquante- 
De grains , faifoit à-peu-près le poids du fluide élaftique , qui avoit 

éplacé les quarante-trois onces d’eau (1). 


GO N°CEUU SNT ON 


Les chaux mercurielles que j'ai traitées, font au nombre de quatre: 
lés deux premières -ont été faites’ par l’intérmède de l'acide nitreux & 
de l'acide marin, & toutes deux féparées de ces acides par l’alkali fixe; 
l'acide nitreux feul à été employé dans la préparation de la troifième ; 
enfin la quatrième a été faite par la fimple calcination. 

Les procédés ont varié, mais les réfulrats ont éré les mêmes ; & ces 
chaux , lorfqu’elles ont été purgées de toute matière étrangère à leur 
état, ne diffèrent point effentiellement l'une de l'autre ; elles donnent 
toutes dans leur réduétion à-peu-près les mêmes quantités de fuide 
élaftique ; elles fe diflolvent routes dans les différens acides fans Ia 
sde effervefcence ; elles ont toutes la même intenfité de couleur 
rouge ; & dans toutes, le mercure a perdu la propriété de s'attacher 
à l'or, &c. 

La quatrième de ces chaux, qui par la fimplicité du moyen em- 
ployé pour fa préparation doit occuper le premier rang , exigeroit feule 
une longue differtation qu'un fimple Mémoire ne peut admettre ; je tä- 
cherai donc de refter dans les bornes étroires qui me font prefcrites. 

Si on met du mercure dans un matras à fond plat , dont le col affez 
élevé & étroit, foit ouvert de manière à laiffer une communication de 


(1) On connoifloit depuis Jong-tems la réduétion du mercure précipité per fe 
fans addition d'aucune matière charbonneufe;-M: Déyeux l'avoir faite avant moi, 
&. M. Rouelle dit pofitivement, que. dans l4 préparation du mercure précipité per 
Je, cetre fubftance: métallique n’a point perdu, fon phlogiftique, & qu'il fe revivifier 
de lui même en le pouffant au feu, à-le. faire rougir. Voyez fes procédés imprimés 
en 1774) Page 150. 


Li 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 157 


Fatmofphère avec l’intérieur du vafe, & qu'on tienne long -tems le 
tout dans un bain de fable fufifamment échauffé , ce minéral s’élévera 
& s'artachera aux. parois du matras ; & la perdant infenfiblement fa 
fluidité, fon éclat métallique , il fe convertira en: une matière écailleufe, 
quelquefois cryftallifée ; nais roujours d'un beau rouge; & plus péfante 
que le mercure employé dans l'opération. 

Pour rendre raifon du changement que cette calcination a fait fabit 
au vifargent, dirons-nous , avec quelques difciples de. Sralh, que L feu 
a fait perdre au minéral un de fes principes conftituans , le phlogiftis 
que, & qu'il doit à cette perte fon état de chaux ? Non, fans doute ; 
ce feroit dire une-chofe que l'expérience défavoue. N’eftil pas en effet 
démontré que loin d’avoir perdu un de!fes principes, le mercure en x 
acquis un nouveau; qu'il s'eft combiné avec un autre corps, & que de 
cette combinaifon feule réfulte la métamorphole fous laquelle nous le 
voyons après la calcination dont jé parle ? Et d’ailleurs, comment con- 
cilier l'augmentation de pefanteur avec la perte d'un des principes 
conftituants ? Difhculté que depuis long-tems les difciples de Srahl fe 
font faites à eux-mêmes , fans avoir jamais pu la réfoudre. 

Croire , avec les Chymiftes du fiècle dernier & du commencement du 
nôtre, qu'on doit rapporter la caufe du phénomène que nous exami- 
nons , aux corpufcules ignés qu'ils regardoient comme doués de I 
propriété de pailer à travers les pores du verre, & de fe fixer dans les 
métaux, c’eft à la vérité adopter une opinion fpécieufe , qui a été celle: 
du célèbre Boyle, & que de nos jours l'Auteur du meilleur Traité qué 
ait été fait fur la chaux , a renouvellée fous une autre dénomination 
mais aufli, fous un point de vue qui donne le-plus grand jour à la 
queftion dont il s'agit : cependant, fi d'un côté on confdère qu'il eft 
impoflible de calciner les métaux dans des vaifleaux exactement fer- 
més , ou du moins qu'on éprouve les. plus grandes difficultés pour ob- 
tenir quelques grains de chaux en expofänt vingt-quatre heures à l’ac- 
tion du feu un demi-gros d’étain dans ces mêmes vaifleaux; fi, d’un autre 
côté , on met en oppofition la facilité avec laquelle on réduit entière- 
ment les fubftances métalliques en chaux parfaite, lorfqu'on les traite 
dans les vaifleaux ouverts ; & fi d'ailleurs on fait attention à une expé- 
rience journalière , qui nous apprend que certains métaux expofés à 
Yair sy calcinent , fans éprouver d’autré degré de chaleur que celui 
qu'a naturellement l'atmofphère , on fera forcé de convenir qu’on né 

eut attribuer la calcination métallique ni au fluide igné de Boyle, ni- 
à l’acidum pingue de Meyer dans ce fens ; que ces Auides, émanés du feu 
des charbons , ont traverfe les vaiffeaux, & fe fonc fixés dans le métal: 
on fera même porté à croire que le feu de nos fourneaux pourroit bien 
n'être qu'une caufe inftrumentale , dont le fait eft de difpofer Le métal 


Tome V, Part. IL 1775. 


158 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE," 
& le fluide élaftique à la combinaifon , ainfi qu'on le remarque dans une 
infinité d'autres opérations de ce genre (1). 

Le fou de nos fourneaux ne pouvant convértir les métaux en chaux 
fans lé concours deMl’air, & celui-ci , au contraire , pouvant Le faire 
fans le conçours de ce feu’, il paroît qu'il n'y a plus à douter , & que 
c'eft dans l’atmofphère que nous devons chercher , avec le Médecin Jean 
Rey, la caufe de l'augmentation du poids qu'a éprouvé le mercure , & 
qu'éprouvent les autres métaux en fe calcinant. 

Le fluide dans lequel & par lequel les animaux vivent & vésècent 
tout au moins autant que par la nourriture que les uns & les autres 
empruntent de la terre ; ce fluide qui, introduit dans nos corps par la 
voie des alimens & par celle de la refpiration, s’aflimile à leurs parties 
& en fait un des principes conftituans ; ce fluide qui ne contribue pas 
moins à'alimenter Le feu de nos fourneaux , que les charbons dont nous 
les garniffons ; ce Auide enfin qui, de tous les corps , eft peut-être le 
plus élaftique , doit étre confidéré fous deux afpeëts : fous le premier, 
C'eft un corps fimple , qui, ainfi que les autres élémens , eft doué de 
la propriété de fe combiner , fans laquelle il ne pourroit contribuer à 
la formation de tous les autres corps où nous le rencontrons; je le mets 
au nombre des éiémens, pour me conformer à l'ancien ufage, car qui 
peut connoître les élémens ? Mais que ce foit un élément, un mixte, 
ou même un compolé , je ne le confidère, dans ce moment , que comme 
un être féparé de toute matière étrangère à fon effence , à fa mixtion 
oupà_fa compolfition : fous ce point de vue, c’eft une mafle fluide qui, 
comme Veau fimple, peut fervir & fert en effec d’excipient & de dif 
folvarr à un grand nombre d’autres corps ou fimples, ou mixtes, ou 
compofés. 

Si ; au contraire, nos réflexions fe portent fur ce même fluide rem- 
pliffant l’efpace immenfe dans lequel l'Auteur de la Nature a fifpendu 
notre globe , défigné alors fous le nom d'atmofphère , ce n’eft plus 
un coips fimple, mais un fur-compofé, ou, pour parler le langage de 
Becher , c’eft un fur- décompofé que les anciens Chymiftes croyoient 
définir en lui donnant le nom de chaos , & dont quelques-uns ont 
même voulu faire un quatrième règne de la Nature, qu'ils ont appellé 
Chaotique. 

Mais rejettant cette expreflion qui femble attribuer à la Nature un 
défordre qu'elle ne eonñoît pas ; la Chymie moderne {fi elle veut un 
terme de compataifon ) doit regarder l'atmofphère comme un fecond 


Re 
(x) Dans les fourneaux d’affinage, on voit de gros foufflets, dont le vent, disigé 
fur la furface des métaux fondus, opère avec qne vitefle incroyable la calcination 


du plomb: 


SUR L'HIST. NATURELLE ETILES ARTS, 159 


ôcéan, & voir dans l'un & dans l'autre un fluide fimple ; élémenraite , 
fi on veut, qui fert es de diflolvant dun grand nombre de 
corps , dont quelques-uns font connus ; tandis qu'on ne fait qu'éntrevoir 
ou foupçonner les autres. ) 

De ces différens corps combinés & diffous dans leurs Auides réfpec: 
tif, il réfulte deux maffes que leur degré de péfanteur tient féparéès , 
mais qui jouiflent cependant de la propriété de fe difloudre mutuélle- 
ment, jufqu'au terme de la faturatiôn. 

Dans ces deux fluides vivent & fe meuvent des animaux de toute 
efpèce, dont l’organifarion eft telle qu'ils ne peuvent pafler de l’un dans 
l'autre fans être bientôt fufoqués ; les ee de mer ont même be- . 
foin d’un milieu plus denfe & plus compofé que celui qui convient aux 
poiflons de rivière, ce qui a fait préfumer que l'homme ne pourroit 
vivre dans un atmofphère d'air où de fluide élaftique pur où moins 
denfe ; & moins compofé que celui dont'il eft esvironné. Enfin, con- 
tinuant de comparer l’atmofphère avec l'océan , le Chymifte appércoie 
cenftamment dans ces deux mafles Auides une fimiditude de propriérés 
refpeétives ; qui peut utilement le diriser dans fes fpéculations , & lui 
fournir de nouvelles vies dans fes recherches. 

Des expériences fans nombre démontrent aue le corps, qui s’unit 
aux métaux pendant la calcination, eft un fluide élaftique ; 8 quelques 
unes prouvent déja que ce fluide eft fourni par l'armofphère ; celles 
fur-tout que M. Lavoilier vient de publier , font bien propres à diffiper 
les doutes qu'il eft naturel d’avoir fur un fait aufli intéreflant , qui n'a- 
voit pas, à la vérité, échappé aux fpéculations chymiques de Jean Rey, 
mais qui s’étoit dérobé , jufqu'à ces derniers terms, aux recherches de 
la Chymie expérimentale. ! 

De toutes les fubftances ou connues, ou foupçonnées dans l’atmof- 
phère, quelle eft celle qui calcine les métaux ? Elkce le fluide élaftique 
pur & fimple , ou feroit-ce le même fluide déja combiné de manière À 
former un mixte du genre des acides ? ou bien feroit-ce enfin un de 
ces autres Auides entrevus dans l'air qui nous environne ? 

Pour répondre à cette queftion , il nous manque encore bien des faits; 
il nous refte encore bien des expériences à tenter : mais comme nous 
ne connoîtrons le fluide élaftique , qui s'élève des chaux mercurielles 
au moment de leur réduétion , que par: les propriétés que nous lui dé- 
couvrirons { car nous n'avons pas d'autre manière de connoître Les corps 
fimples ou peu compofés ), j'avoue franchement que les connoïffances 
que j'ai acquifes fur cet être, font trop bornées pour que Jofe prononcer 
fur fa nature (1). 


1) Je ne peux cependant m’empêéher.de faire une remarque. Halés, en nous 
P P P q 


5 Tome F, Part: IL 1775. 


’ 


160 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


La chaux qu'on obtient en privant le nitre mercuriel de rout l'acide 
qu'il contient, a-t-elle pris immédiatement de l'atmofphère le fluide 
élaftique qui s’en dégage lorfqu'on la réduit en mercure coulant, ou 
bien le tient-elle de l'acide nitreux ? Jettons un inftant les yeux fur le 
procédé de la diflolution mercurielle. 

Que l'on mette dans une petite retorte de verre deux onces de méer- 
cure, par exemple, & autant d'acide de nitre , qu'on place Le tout fur 
un bain de fable médiocrement échauffé , il s’excitera bientôt une vive 
effervefcence ; il s'élèvera une quantité prodigieufe de bulles qui , rete- 
nues dans un récipient chymico-pneumatique, en déplaceront de 26 à 
30 onces d'eau. ‘ 

Comme il n’eft pas poffible d'attribuer ce fluide au métal , il faut de 
toute nécefllité qu'il ait été fourni par l'acide nitreux, dont une portion 
a été décompofée & réduite en fes principes, par le mouvement ex- 
cité entre deux corps qui fe font diffous avec autant d'impétuofité (1); & 
l'on peut préfumer que le fluide, qui s'eft dégagé de l'acide , ne s'eft 

as entièrement exhalé, mais que le mercure en a abforbé une quantiré 
ÉElanre pour être réduit à l'état de chaux , état dans lequel il fe trouve, 
même pendant fon union avec l'acide nitreux ; & peut-être qu'un jour 
on découvrira que les métaux ne font en diffolution dans les acides, 

u'à l'aide du Auide élaftique avec lequel ils fe font combinés pendant 
l'effervefcence , comme quelques expériences très-vulgaires femblent déja 
le prouver, = 

Je finis en difant que fi les partifans des corpufcules ignés objectent 

ue pour faire La chaux dont je parle , on eft obligé. d'employer le feu , 
auffi-bien que dans la-calcination du mercure appellé précipité per fe, 
je leur répondrai qu'il eft d’autres chaux où il-eft démontré que le feu 


qq 


enfeignant à retirer çe fluide des végétaux & des animaux, l'appella air; M. Pénel 
a qualifié du même nom celui qu'il a retiré des eaux minérales; les Phyficiens 
Anplois Pappellent air fixé, & nous, nous héfitons fur le choix du mor. Ne ref 
femblerions nous pas aux Chymiftes qui, les premiers, foumirent les animaux ou les 
végétaux à la difillation per Lars? Ils retirèreur de ces fubftances une aflez grande 
quantité d’eau; mais empreinte d'huile. d'acide ou d’alkali volaril, ils la méconnu- 
rent, & la qualifièrent du beau nom d’efprir, (nom qui. a encore aujourd’hui des char- 
mes pour les perfonnes à qui la Chymie eft étrangère) ; & lorfqu'enfin an fur forcé 
de reconnoître que ces e/prérs n’étoient le plus fouvent que de l'eau, on eut tant 
de répugnance à les défigner par le nom qui leur étoit propre, qu'on leur donna 
celui de phlegme, dénomination grecque, devenue barbare par l'application qu’on 
en a faire, À 

(x) Si jamais cette opinion, qui eft celle de plufieurs Chymiftes, peut devenir 
une vérité phyfique, la Chymie aura fait une découverte très-avantageufez elle 


tiendra enfin-un des principes -conftitutifs de lacide-pitreux, dons elle fair tant d'u 


fage, & dom elle connoît fi peu là compofition, 
» 
na 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 1261 


n'a eu aucune part; & ces chaux font celles que l’on obtient en verfant 
de l’alkali fixe fur des diffolutions de mercure dans les acides de nitre 
& de fel marin, 


DUIFSS ERNT AT T'ON 
PHYSIQUE, CHYMIQUE ET ÉCONOMIQUE 
SUR LA NATURE.ET LA SALUBRITÉ DE L'EAU DE LA SEINE; 


Par M. PARMENTIER, ancien Apothicaire - Major de l'Hôtel 
Royal des Invalides. 


UOIQU'UNE longue & heureufe expérience prononce journelle- 
ment & depuis des fiècles, en faveur de la falubrité des eaux de Seine; 
uoique cette rivière ait l'avantage d’arrofer une des plus grandes & 
de plus riantes Villes de l'Europe, qu’elle fournifle à fes Habitans 
une eau capable d'appaifer agréablement la foif, fans que l’eftomac 
de cette multitude d'hommes éclairés , qui occupent les premières 
places dans l'empire des Sciences & des Lettres, foit incommodé ; 
fans que le teint & la fraîcheur des plus aimables & des plus jolies 
femmes de France, éprouvent la moindre altération par les ufages 
fans nombre auxquels elles l'emploient, fur-tout en bain, pour en- 
tretenir la fouplefle & la flexibilité de leurs nerfs fenfibles & dé- 
licats : cependant, malgré cette foule de privilèges intéreffans , l'eau 
de Seine n'a pu fe dérober aux traits malins de la méchanceté & 
de la calomnie, Peut-être ceux mêmes qu’elle comble tous les jours 
de bienfaits; peut-être ceux qui lui font redevables de leur appétit, 
de leur embonpoint & de leur conftitution vigoureufe, font-ils au- 
jourd’hui fes plus redoutables & fes plus puiffans ennemis. L'ingra- 
titude , ce vice malheureufement trop commun , s'exerce indiftinc- 
tement fur tous les êtres ; il n'épargne pas même les alimens & les 
boiflons. 

Il eft aifé de fentir que les effets invariables & conftamment fa- 
lutaires de l’eau de Seine, étoient des titres fufffans pour la jufti- 
fier des accufations qu'on formoit contre elle, & pour lui conferver 
la réputation méritée dont elle jouit, même chez l'étranger : vaine- 
ment on a eflayé de prévenir défavorablement fur fon compte, en 
la taxant de porter avec elle un germe de maladie qui fe ee 
poit tôt ou tard; vainement on seft eflorcé de répandre l'alarme 


Tome V, Part. 11. 1775. 


162 OBSERVATIONS SUR LA PHPYSIQUE, 

& l’effroi dans les efprits, en nous préfentant cette eau comme Îæ 
chofe la plus vile, la plus méprifable & la plus abjeëte : la Chy- 
mie, cette fcience fcrurarrice de tous les corps de la Nature, la 
feule qui ait la faculté de dérerminer l'efpèce & la pureté des eaux, 
a toujours défrndu la nôtre de ces imputations outiageantes , em 
faifant difparoitre les craintes qu'on avoit tenté d'infpicer à ce fu- 
jet; en forts que, tout bien confidéré, Les Parifiens n'oht vu, dans 
les détrateurs de leur boiffon habitu:lle, que des gens guidés par 
qaclques motifs d'intérèts, ou aveuglés par les préjugés: au l’ont-ils 


toujours vengée, en continuant de s'en fervir avec confiance, & en 


men aux différens mélanges imaginés, pour farisfaire la cu- 
idité de quelques perfonnes , fous le prétexre frivole d'une pureté 
qui l'altéroit. Un Ouvrage très-volumineux fufroit à peine pour don- 
per une légère idée de tous les moyens propofés, où mis en ufage, 
pour corriger & détruire le vice prétendu inhérent de l'eau de la 
Seine. 

On lit dans le Journal de Politique & de Littérature du $ Jan- 
vier, N°. I, des réflexions fur l'opinion qui attribue des propriétés 
faiubres à l’eau de la Seine. L'Auteur, en renouvellant les reproches 
ivjuftes Éuts déjà contre cette eau, en ajoute de nouveaux, dont le 
fiyle féduifant préfente au Lecteur le poifon, fous le voile léger de 
la railleiie: mais eftil bien permis de plaifanter, lorfqw'il s'agit d’é- 
ciairer fs Conciroyens far une chofe qui à un rapport fi dire“ 
avec la confervation de leur fanté & la durée de leur vie? Que le 
Public de Paris ait la bonté de croire que le nom de fa rivière 
dérive de fes vertus; qu'il boit autant & même plus d'eau de Marne 
que d'eau de Seine ; que l'une ef dévorée à Corflans par fa ri- 
vale plus fortunée; que celle-ci coule à gauche, & celle-là à droite : 
peu lui importe, pourvu qu'il n'éprouve aucun accident dans l’en- 
ploi qu'il en fait, pourvu qu'il cuife aifément fes légumes & fes 
viandes, qu’il diffolve entiérement le favon & dégraifle parfaitement 
les étoffes; pourvu enfin qu'il prépare d'excellente bière & fafle de 
bon pain, toutes les autres confidérations lui font abfolument étran- 
gères : j'ofe même avancer qu'on n'a pas le droit de le fortir de 
la froide indifférence qu'il témoigne à cet égard; car, neft-ce 
pas troubler fon repos , empoifonner fes jouiffances & finir par 
le défefpérer , que de lui faire foupçonner un mal qu'il ignore , 
fans en même tems lui indiquer le préfervatif afluré pour l'en ga- 
zantir ? 

En général, les hommes ont déjà aflez de leurs maux réels, fans 
encore leur en créer de chimériques ou d'imaginaires. [l convient, 
fans doute, de les avertir d'être prudens & circonfpects fur les en- 


/ 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 163 


nemis qui les environnent de toutes parts , puifque fouvent c: n’eft 
qu'à force de prudence & de circonfpection qu'on parvient à les 
éviter : il convient encore de converfer familiérement avec eux, d’en- 
trer dans les détails les plus minutieux fur leurs principaux befoins , 
de les mettre à portée de fe foulager les uns les autres, & de leur 
por à peu de frais, tous les petits fecours néceffaires à leur 

onheur & à leur confervation ; mais faut-il pour cela leur rendre 
l'exiftence à charge, & ne leur laiffer , pour ainfi dire, aucune poli- 
tion dans la vie, fans qu'ils ne foient expofés à courir quelque péril 
éminent? Je le répète, quand on cherche à éclairer fes femblables 
fur ce qui peut véritablement leur nuire, il ne faut pas commencer 
par les effrayer. 

Les Chymiftes, qui ont analy[é l'eau de la Seine, ne l'ont pas jugée 
fur l'étiquette du fac : perfuadés depuis long-tems de l'infuffifance de 
l'aréomètre, & de la balance pour déterminer la pefanteur ou la lé- 
géreté des eaux, ils ont employé toutes les voies & les moyens que 
Y'art indique & fuggère pour pénétrer dans leur compoñition, de ma- 
nière que, fans s'abufer fur la difficulté prefque infurmontable de ce 
genre d travail, ainfi que fur les inconvéniens qui en font ordinai- 
sement les fuites, ils ont été convaincus qu'il étoit extrèmement né- 
ceflaire, & même très-important, de favoir à quoi s’en tenir; parce 
que quand une grande Ville eft raffurée fur la bonté d'une eau qu'on 
y boit, elle a du moins, dans les tems d’épidémie, une terreur panique 
de moins: & l’on fait combien alors l'incertirude ou les faufles con- 
jectures entraînent de malheurs , & nujfent à la certitude & aux moyens 
de guérifon. 

Le titre que je donne à cette Differtation annonce, pour ainfi dire, 
fa divifion. J'ai cru devoir faire des réflexions renfermé:s dans quatre 
Chapitres particuliers : dans le premier, j'expofe en abrégé les expé- 
- xiences qui démontrent la nature & la pureté de l'eau de la Seine ; 
il s’agit dans Le fecond, de l'opinion qui paroît la plus vraifemblable 
fur la falubrité des eaux de rivière; je rapporte dans le troifième 
quelques réflexions fur les propriétés phyfiques de l'eau; dans le qua- 
trième Chapitre enfin, je donne des Obfervations relatives à l'eau de 
la Seine & à fon ufag: domeftique, On fent bien, fans que j'aie be- 
foin de le dire, que fi j'avois eu des idées nouvelles à hafarder fur 
ces différens objets, il m’auroit fallu des bornes moins refferrées pour 
difcurer celles qui font déja reçues; il eût été même à defirer qu'il 
für poflible d'être plus concis, afin de ne pas mettre d'obftacles au 
concours des excellentes Produétions de tout genre, que les Savans 
fe font gloire de publier dans le Journal où ma Differtation doit pa- 
goitre : mais n'ayant d'autre deflein que de raflurer les Habitans de lg 


Tome V, Pare. IL 1775, X 2 


< 


164 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Capitale fur les craintes qu'on a femées parmi eux à l'égard de leur 
boiflon ordinaire , des difcuflions n’auroient pu remplir leur objet & 
le mien. 

Je dois prévenir encore, avant d'entrer en matière , que je fuis 
bien éloigné de penfer que la plupart de ceux qui ont élevé la voix 
contre l'eau de la Scine, aient publié ce qu'ils ne penfoient point ; 
ils étoient dans l'erreur de bonne-foi: la feule faute qu'on puiffe 
leur reprocher , c’eft d’avoir fait part de leurs craintes avant de les 
avoir approfondies; je ne me flatte cependant pas de réconcilier 
avec cette eau, le petit nombre de ceux qui lui en veulent. Quand 
on eft prévenu contre un individu quelconque, il eft rare que lef- 
prit préoccupé ne lui trouve, quoi quon dife pour défabufer, plus 
de bonnes que de mauvaifes qualités ; & fi jamais on revient à fon 
fujet, ce n'eft qu'après l'avoir long - tems maltraitée : telle fera 
peut-être l’eau de la Seine, dont j'entreprends aujourd’hui la défenfe. 


EXPÉRIENCES CEME TI ONUMENS 
Sur l'Eau de la Seine, 


Ïl arrive aflez ordinairement qu'on traite avec dédain une Science: 
parce qu'on l'ignore, & que l’on prête toutes fortes de ridicules à 
ceux qui la cultivent. Les vrais Chymiftes, qui connoiffent toute l'éten- 
due du pouvoir de leur Art, n'ont jamais prétendu être en état de 
déterminer les propriétés Phyfiques & Médicinales d’une fubftance, 
d’après fon analyfe : ils partent toujours de différens points de compa- 
raifon; & c’eft du concours de ces comparaifons, qu'il réfulte pour eux 
une preuve qui les met dans le cas de porter leur jugement. Aïnf, 
quand ils veulent, par exemple, connoître une eau, ils prennent pour 

- objet de comparaifon l'eau commune diftillée; & plus l’eau qu'ils exa- 
minent approche de cette dernière, plus ils font en droit de dire 
elle eft bonne & pure. 

Lorfque M. de Parcieux imagina le beau projet d'amener l’eau de 
la rivière d'Yvette à Paris, non-feulement dans le deflein de la 
faire fervir de boiffon à fes Habitans, mais encore pour laver perpé- 
tuellement les rues, & rendre par ce moyen Pair plus falutaire, en 
le renouvellant fans cefle : cet infatigable & zélé Académicien pria 
deux de fes Confrères, MM. Hellot & Macquer, de foumettre l'eau 
en queftion à toutes les épreuves néceflaires , afin de connoître fa 
nature, & de conftater fa pureté. Ces favans Chymiltes fe font fervis 
pour comparaifon, de l'eau de la Seine filtrée; & ils ont conclu de 
leurs expériences, que l'eau de la rivière d'Yvette, qui ne contenoit 


SUR IHISTINATURELLE" ETILES ARTS. 165$ 
qu'une petite quantité de félénite, devoit être rangée dans la 
clafle des eaux courantes de rivière très-faines & très - bonnes à 
boire. 

Les expériences des Chymiftes dont je viens de parler, ont été 
répétées par les Commiflaires que la Faculté de Médecine a nommés 
pour fe tranfporter fur les lieux, pour examiner le fol de la rivière 
d'Yvete, & y faire les effais qui pouvoient sy pratiquer fur le champ: 
ils ont comparé, en même tems, l’eau de cette rivière avec celle de 
la Seine, puifée à la pointe de l’Îfle Saint-Louis, & de l’eau d'Ar- 
cueil; ils ont profité LA la circonftance pour examiner les eaux Les 
plus famées, telles que telles de Ville-d'Avray & de Sainte-Reine : 
ces deux dernières ont d'autant plus mérité de fixer l'attention des 
Commiflaires de la Faculté, qu’elles fervent de boiffon au Roi & à 
la Famille Royale. 

Il réfulte de leurs expériences, faites avec beaucoup de foin, de 
fagacité & de méthode : 1°. Que Les eaux que l’on boôit à Paris font 
tès-pures, & par conféquent très-propres à fournir une boiflon fa- 
lutaire. 2°. Que parmi ces eaux, celles de la rivière de Seine eft 
la plus pure, la plus léoère, & enfuite celle de la rivière d'Yvette, 
qui faifoit l’objet principal de leur examen. 3°. Qu'après ces eaux, 
viennent immédiatement celle d’Arcueil, puis celle de Ville-d’A- 
vray , lefquelles en approchent le plus par leur légéreté & la pe- 
tite quantité de leur rélidu. 4°. Enfin, que les eaux de Sainte-Reine 
& de Briftol (1) font des eaux minérales qui contiennent le double 
plus de matières étrangères en diflolution que celles de la Seine & 
de l'Yvette. 

Toutes ces analyfes, exécurées en différens tems par des Chymiftes 
du premier ordre, ne laifloient plus aucun doute he la falubrité de 
l'eau de la Seine: mais comme on prétendoit qu'il n’y avoir que quel- 
ques endroits privilégiés de la rivière où elle éroit pure, & qu'ail- 
leurs, où on la puifoit, elle fe trouvoit chargée de beaucoup de 
matières hétérogènes 8z très-nuifibles à la fanté, je cherchai biencôe 
à m'aflurer de la valeur de cette prévention par l'expérience qui 
fuit. 

Curieux de connoître fi l'eau de la Seine, éloignée du bord, pui- 
fée à une certaine profondeur & en différens endroits de la rivière, 
offiroit quelques variétés fenfbles, foit dans la quantité, foit dans 


(1) L’analyfe de cette eau fi vantée autrefois, fe trouve inférée daus les Récréa- 
tions phyfiques & chymiques de M. Æode/, ainf que celle de la Newa, rivière qui 
baigne Saint-Pérersbourg, & que M. Parmentier compare, pour la pureté & la 
falubrité, à l’eau de la Seine. 


Tome V, Part, IL. 1775. 


166 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


la nature des réfultats , j'ai attendu, pour commencer mon expérience, 
que le tems fût calme, & qu'il n'eût pas tombé de pluie depuis quel- 
que tems; j'ai pris, en conféquence, cent pintes d'eau de la Seine 
vis-à-vis de Pafly, que j'ai filtrées à travers le papier Jofeph; j'en ai 
foumis enfuite une partie à l’évaporation dans des vaifleaux neufs & 
propres, & enfuite, je l'ai examinée par la voie des réactifs: les pro- 
duits que j'ai obtenus étoient à-peu-près les mêmes, pour lefpèce & 
pour la quantité, que ceux qu'en ont retiré les Commiflaires de la Fa- 
culté; c'eftà-dire de la félénite, une terre abforbante qui provient de 
fa deftruction, du nitre & du fel marin, le tout formant pour la to- 
talité à-peu-près cinq grains par pinte. L'autre partie des cent pintes 
examinée par la voie des réactifs , a donné des réfultats conformes à 
ceux de l'évaporation. 

J'ai foumis aux mêmes expériences pareille quantité d'eau de Seine, 
mais puifée immédiatement au-deflous de l'Hôtel-Dieu: elle auroit dû, 
fuivant l'opinion commune, fournir une beaucoup plus grande quan- 
tité de réfidu que celle prife à l'endroit dont je viens de parler; mais 
j'ofe aflurer que la différence ne confifte pas en un quart de grain par 
pince : je dirai plus; je me fuis procuré cent autres pintes de la même 
eau, mais prife au-deflus de Paris; j'ai évaporé cette eau qui ma 
fourni à-peu-près la même quantité & la même efpèce de produit, 
en forte que tout fert à prouver fans replique , que par-tout où l’on 

uifera l'eau de la Seine, pourvu que ce foit à quelque diftance des 
be & qu'elle ait de la limpidité & de la tranfparence, elle fera 
falubre & potable. 

Mais, dira-t-on, il faut fi peu de chofe pour fouiller cette pureté 
& troubler cette tranfparence; un orage, une pluie, une crue d’eau 
fuffifent pour faire de l’eau de la Seine, une liqueur épaifle, bour- 
beufe & d’un afpe“ défagréable : mais cet état impur eft, fuivant 
moi, préférable à la belle tranfparence de certaines eaux , qui, la 

lupart, cachent fous cet extérieur féduifant & trompeur, plufieurs 
is en diffolution, dont l'ufage eft d'autant plus dangereux, que ces 
fels paffent avec ces eaux dans le torrent de la circulation, pénètrent 
jufques dans les plus petits vaifleaux, & peuvent occafionner par leur 
nature quelques défordres dans l’économie animale; tandis qu'en 
fuppofant, contre toute vraifemblance , qu'on foit forcé de boire l'eau 
de la Seine trouble & bourbeufe, elle dépofera bientôt dans l'eftomac 
la terre qui obfcurcifloit fa tranfparence, fans produire aucun mau- 
vais effet : d’ailleurs, il eft fi facile d'enlever à l'eau de la Seine la 
terre qu'elle tient fufpendue dans fes interftices ! il fufft de la laïfler 
en repos quelques heures; & il n'y a pas d'hommes fi miferables qu'on 
Les fuppofe, qui n'aient dans un coin de leur petit ménage, des pots 


SURILHEST. NATURELLE, ETES ARTS. 167 
à beurre ou une fontaine de grais deftinés à opérer certe précipitation ; 
le danver de fon impureté ne feroit donc que pour celui qui iroit 
boire l'eau de la Seine à la rivière, & fans employer la plus petice 
précaution. 

Une remarque générale à faire ici, c'eft que les vafes dans lefquels 
on couferve l'eau de Seine, de quelque nature qu'ils foient, & quel- 
que forme qu'on leur donne, doivent toujours avoir une ouverture 
pratiquée à leurs parties fupérieures, parce que l'expérience montre, 
qe tout corps qui nage dans un fluide fans s'y ditfoudre, ne sen 

égage PÉPPES & efficacement, que quand ce fluide commu- 
nique librement avec l'air extérieur : de plus, une grande partie des 
eaux de rivières, de fontaines, de puits, j'ajouterai l’eau diftillée elle- 
même, s’altèrent plus où moins vite, dès qu'elles fonc exaétement fer- 
nées; bien diférentes en cela des eaux minérales, qui ne rardent pas 
à S'altérer & à fe décompofer, lorfque l'air extérieur y a accès, non- 
feulement à caufe du gas qui s'échappe, mais parce que ce principe 
fuzace une fois échappé, les fubftances métalliques, fulfureufes , {a- 
lines & rerreufes, dont ii étoit le diffolvant, ceflenr de demeurer fuf- 

ndves & fe précipitenr. 

La KEmpidiré & la tranfparence de l'eau de Seine, obtenues par 
I moyen des fontaines filrrantes, font toujours dux dépens d'une par- 
tie furabondante d'air dont cette eau fe trouve imprégnée, & qui 
conftitue fa bonté, fa léoèreré, fon gratter & la fupériorité qu’elle a 
fur routes les eaux de rivière connues : on pourroit même, en réitérant 
ces fitrations à plufieurs reprifes, rendre l’eau de la Seine fade, 
Jourde, & peu propre à prendre le favon ; en paffant à travers les pe- 
tits tuyaux que forment les grains de fable les uns vis-à-vis des autres, 
l'eau de la Seine fe dépouille, non-feulèment du limon qui la ren- 
doit bourbeufe & mal-propre , mais encore d'une partie de fon air 
auquel elle doit fes qualités bienfaifantes : de manière que, quoique 
l'ufage de filtrer les eaux deftinées à fervir de boiffon, remonte à la 
ie haute antiquité, il n’eft pas moins vrai de dire que le pauvre qui 

oit de l'eau de la Seine, fans autre apprèt que celui de la laïffer fim- 
plement dépofer dans fon vafe de terre, a de meilleure eau que le 
riche avec routes fe$ recherches. Maïs ce n'eft pas là le feul exemple 
qu'on pourroit citer, pour prouver que la bonté eft fouvent facriñiée 
à la beauté, & que le malheureux jouit d’une manière plus certaine 
des bienfaits de la Nature, que homme opulent qui les altère & les 
dénature à force d'artifices : mais le goût général a prévalu ; une lim- 
pidité & une tranfparence cryftalline récréént la vue & font plaifir; 
fl n'y à que les buveurs d'eau, ou ceux à qui on la preférit comme 
régime, qui peuvent y perdre : il exifte un gourmet en ce genre ; 


Tome F, Part. Il, 1775. 


168 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


dont le palais eft tellement exercé, qu'il fait diftinguer au goût une 
eau filtrée à travers le fable, 8 la même qui ne l’a pas été; celle-ci 
lui femble infiniment plus favoureufe & plus léoère, ce qui provient 
fans doute de la privation d’un peu d'air; privation qu'on apperçoit 
fenfiblement fous le récipient d’une machine pneumatique, comme je 
l'ai obfervé. 

Quelques perfonnes intéreffées à foutenir le contraire de ce qui pré- 
cède, ont avancé que l'eau étant contrainte de traverfer dix pieds de 
fable & de gravier de bas en haut, elle étoit en état de former, avec 
le poids des matières hétérogènes, un effort capable de contribuer à 
Tépurer parfaitement, c'eft-à-dire de la dépouiller de fes fels. La préoc- 
cupation étoit fi grande, que, pour appuyer certe idée, on a fait l'ob- 
jection fuivante. 

Si ces filtres, a-t-on dit, font fuffifans pour dépouiller l'eau de fon 

air, pourquoi cette opération (la filtration) ne feroitelle pas égale- 
ment propre à enlever à l’eau de Seine, les fels dont elle cft chargée? 
Mais on n'a pas fait attention que ces fels tenus en diflolution dans 
l'eau, étant fpécifiquement plus pefans, fe filtrent avec elle par les plus 
petits canaux; tandis que l'air, fpécifiquement plus léger que l'eau, 
& s'y trouvant fous un autre état que les fels, s'en fépare aifément : je 
fuis mème porté à croire que l'eau, qui eft le diflolvant général de 
tous les COrps de la Nature, particulièrement quand elle eft réduite 
toute en furface, fe charge, en fe filtrant, d'un peu de fable; & cette 
acquifition eft encore un moyen qui doit favorifer le fentiment dans 
lequel nous fommes, que l'eau filtrée a perdu de fon air. Mais je 
nai pas deffein de difcuter les prétextes de chacun de ceux qui ont 
propofé au Public des moyens de lui procurer, d’une manière com- 
mode & difpendieufe, de bonne eau : ils font prefque tous tombés 
dans quelque erreur, en préconifant trop faftueufement les avantages 
de leur entreprife, & blaämant à outrance celle fur les débris de ‘la- 
quelle ils cherchojent à établir la leur, 
Ce neft pas d'aujourd'hui qu'on a propofé des moyens de dépurer 
Veau de Seine, dans la vue, difoit-on, de procurer aux Parifiens une 
boiflon plus agréable & plus falutaire : croira-t-on bien qu'il y ait eu 
des gens aflez aveugles, pour vouloir dépouiller cette eau de fes parties 
grofhères, en y. ajoutant de: l’alun? 

D'autres, plus taifonnables & moins ignorans, ont imaginé de puifer 
l'eau de la Seine au-deflus de Paris : il y en a enfin qui, prétendant 

ue dans çet endroit-là même, fa pureté étoit altérée par la jonction 
de la Marne, dont l'eau pafle pour étre moins légère & moins trarf 
parente que,celle de da Seine, ont}cru remédier à ces inconvéniens 
par des filrrations réitérées; mais ces différentes entreprifes ont échoué , 


& 


4 


SUR CHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 169 
& bientôt on n'a plus vu de preuves de leur exiftence, que des uften- 
files à vendre à perte : tous ces projets fur la falubrité future de l'eau 
de Ja Seine, font des pièges d'autant plus dangereux, qu'on ne Les 


fait jamais, fans en même tems alarmer les Habitans fur leur prin- 


cipale boiflon. Il faut efpérer a le Gouvernement, inftruit du peu 
de fuccès des diverfes entreprifes en ce genre, ne permettra plus quon 
nous trouble dans la jouiffance de notre eau toute naturelle, telle que 
Ja buvoient nos bons aïeux. 


Opinion [ur la falubrité d'une eau de rivière. 
, 


L'eau la plus pure s'altéreroit & fe corromproit bientôt , fi l’'Auteur 
de la Nature, dont les bienfaits font toujours infinis , ne s’étoit fervi du 
mouvement moyen , doux & fimple, pour maintenir ce fluide dans un 
état propre à donner de la fraîcheur & de l'humidité à l'air , une boiffon 
falutaire aux hommes & aux animaux ; aux végétaux , leur aliment 
principal ; & à la terre , fa fécondité. L’eau eft tellement abondante fur 
la terre , elle entre fi fouvent & de tant de manières dans les befoins 
& les commodités de la vie, elle concourt fi vifiblement à la forma- 
tion des fubftances des trois règnes , qu'il ne faut pas s'étonner fi la plu- 
part des Anciens ont regardé l'eau comme l'agent univerfel, le feul 
élément , le principe de toutes chofes , &c. Mais je ne me propofe pas 
d'examiner ici en Aécail les avantages infinis que nous retirons de l’eau; 
voyons feulement de quelle manière il arrive qu’elle peut fe débarrafler 
de tout ce qui eft étranger à fon effence. 

Il feroit malheureux pour une grande Ville , que fon enceinte ne 
füt pas coupée par une rivière ; & que l'eau deftinée à fervir de boiflon 
à fes Habitans , n'eût pas toutes les qualités requifes pour être falutaire; 
l'air feroit toujours échauffé ; les hommes & les animaux languiroient 
continuellement , & feroient aflujettis à des indifpofitions d’autant plus 
dangereufes , que leur foyer feroit toujours ubtane , fur - tout fi les 
immondices n'étoient (sa toujours entraînées & détruites par ce fluide. 
Auf la plus grande objection que l'on faffe fouvent contre l'eau de la 
Seine, & qui a d'autant plus befoin d'être difcurée amplement , qu'au 
premier coup-d'œil elle paroît avoir quelque fondement ; c’eit certe 
quantité d'immondices de toutes efpèces dont elle eft le véhicule ; c’eft 
cet amas de corps fi variés ; ce font ces végétaux & ces animaux qui 
s'y pourriffént ; ce font ces égoûts , ces ruiffeaux , qui conduifent à La 
rivière tous les réfultats des Dégraifleurs , des Teinturiers , des Bou- 
chers, des Tanneurs, des Manufacturiers , lefquels doivent, de toute 
nécefité, fouiller la pureté que l'eau de la Seine pourroit avoir par 
elle- même , fans cette affluence d'hétérogénéités : mais n’en feroit- il 


Tome V, Part. IL 1775. re 


170 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


pas de cet affemblage d’ordures & de faletés dont j'ai abrégé les dé- 
tails, pour ne pas blefler la délicateffe des perfonnes craintives & fa- 
ciles à s’alarmer ; n’en feroit-il pas, dis-je , de ce volume de matières 
amenées à la rivière de toutes parts, comme des vapeurs acides, cor- 
rofives & vénéneuf®s, réfultantes des procédés de cette foule innom- 
brable d'Arts exécutés à Paris, qui ne font fenfbles à nos organes que 
dans le prentier inftant, & lorfqu'elles occupent un très-petit efpace ? 
Mais elles difparoiflent bientôt à quelque diftance de nous; elles fe 
mêlent , fe confondent , fe diflolvent, fe combinent, éprouvent une 
efpèce de fermentation, fe décompofent, & délayées dans l'atmofphère 
où elles font reçues, elles ne confervent plus rien de leur premier ca- 
ractère. Le mouvement qu'occafionne cette action &c réaction de ma- 
tières , fi diffemblables entrelles , donne & entretient la mobilité de 
Fair, concomt à fa falubrité, en fourniflant à cet élément un prin- 
cipe réfultant de ces fubitances détruites ; & qui, par fa combinaifon 
avec l’eau , aidée du mouvement , eft en état de former de nouvel air: 
ce principe fera, fi l'on veut, l'acidum pingue de Meyer , le gas de Van- 
Helmont, l'air faëlice de Boyle, le fluide élaflique , la matière du feu, 
&c. &c. Si les chofes ne fe pafloient pas à-peu-près ainfi, la mafle d'air 
qui nous enveloppe , feroit néceffairement , comme la Seine , un cloa-. 
que infect ; & l'air que nous refpirons , de même que l'eau que nous 
buvons, devroit fans ceffe nous apporter quelque principe nuifible & 
malfaifant : or, cela n’eft point , &il n'exifte pas d'endroits dans Le Royau- 
me, & peut-être dans le monde entier, où il y ait moins d'épidémie 
qu'à Paris. 

Confidérons à préfent l’état dans lequel fe trouvent les différentes 
matières charriées à la rivière par les égoûts, les ruifleaux des maifons: 
& des rues d'une grande Ville, & comment elles arrivent à l’eau qui les. 
engloutit. Nous voyons fans ceffe difparoître en fumée, en vapeur, en fuie,, 
ainfi que nous venons de le dire, beaucoup de fubftances , qui, éloi- 
gnées un peu de la caufe qui les excite, ceffent d’être palpables à nos. 
fens ; elles font tellement atténuées, brifées & difloutes , foit par leur 
grande extenfion ou leur combinaifon , foit par une forte de fermen- 
tation qu'elles fubiffent en chemin , qu'en fe confondant dans l'im- 
menfité de l’atmofphère , elles ceffent d’être fenfibles à l'inftant même : 
de même les différentes matières entraînées à la rivière par les ruil- 
feaux , étant toujours dans un état humide , & accompagnées de fubf- 
tances fermentefcibles , elles n'y parviennent que dans Pétat de dif- 
folution & prefque décompofées ; en forte qu'étant noyées enfuite 
dans une quantité incommenfurable de fluide renouvellé fans cefle ,. 
elles n’y exiftent plus comme telles : le mouvement naturel des rivières. 
augmente par celui des matières qui sy confondent , atténue les mos 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 171 


lécules aqueufes , met en combinaifon l'eau avec le fluide élaftique ré- 
fultant de ces corps difloûs , & forme continuellement de nouvel air, 
qui rend l’eau plus légère, plus mobile, plus fapide, & par conféquenr 
plus falubre. ; 

Suppofons un initant qu'un chien pourri foit jetté à la rivière, & 
Eh l'on puife de l’eau à une très-perite diftance de l'animal, comme 

e trois à quatre pouces , foit devant , derrière ou à côté: eh bien , il 
eft certain que l'eau n'en fera pas plus mal-faine, par la raifon des 
deux principes qui fe trouvent conftamment dans l’eau ; favoir, l'air 
tout fkbne & femblable à celui que nous refpirons , & le fluide élaf- 
tique , qui , à la faveur du mouvement, fait par fa combinaifon avec 
l'eau , srl de nouvel air. Cela pofé, qu'arrive-t il, lorfqu'un ani- 
mal fe détruit par la putréfaction ? Tout le monde fait qu'il répand 
au loin une odeur infecte , d'autant plus infupportable, que la mafle 
putréfiante augmente toujours ; mais il n'en eft pas de même dans une 
rivière : ici l'odeur eft emportée dans l'inftant même de fa putréfac- 
tion, & bientôt détruite en paflant dans l'air ; & comme cette opé- 
ration fe fait fucceflivement , il s'enfuit que l'animal ne porte avec 
lui aucune atmofphère utréfiée , comme il arriveroit s'il fe pour- 
xifloit à l'air libre, ou “pa une eau ftagnante : on pourroit rappor- 
ter à cette opération toutes les matières fufceptibles de fe détruire, & 
d'exhaler des corpufcules mal-fains & putrides lorfqu’on les jette à la 
rivière. 

Les corps qui ne paflent pas fpontanément à la putréfaction , ne 
peuvent cependant pas réfifter à fon action. Obligés de céder au mou- 
vement continu que la fermentation leur imprime , ils perdent bientôt 
toutes leurs propriétés, avant de parvenir dans l'atmofphère, lorfqw'ils 
s'y rendent en vapeurs ; ou dans l’eau, quand ils y font voiturés par 
les ruifleaux : voici une expérience qui prouve que même les fels neu- 
tres fe détruifent par la putréfaction. 

J'ai mis deux livres de fel marin dans une terrine remplie d’eau, où 
il y avoit du poiflon de mer , tel que la raie, la limande, &c. à demi 
gâté : le mélange fut pendant une femaine fans exhaler aucune odeur; 
mais comme il faifoit chaud , c’étoit dans le mois de Juillet, il ne 
tarda pas à répandre une odeur déteftable , qui dura plus d’un mois: 
jajoutois de nouvelle eau à mefure , pour remplacer celle qui s'éva- 
poroit ; enfin au bout de ce tems , j'examinai la liqueur , dans laquelle 
je ne retrouvai de mes deux livres de fel marin, qu'une once , ou la 
trente-deuxième partie , & pas un atôme d’alkali. Je fuis perfuadé que 
tous les autres fels neutres éprouveront les mêmes effets dans ces dé- 
compofitions ; ainfi cet exemple ns démontre feuleinent que la poli- 
bilité des changemens qui arrivent aux corps les plus inaltérables en 


Tome V, Part. IL, 1775. 2 


172 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


apparence , quand ils font noyés dans un fluide circonfcrit, tel qu'eft 
celui des Hans Mais fi les fubftances qui f volatilifent dans l'at- 
mofphère , ou que nous jetrons à la rivière, pouvoient conferver leur 
aggrégation dans lun ou l'autre de ces deux grands réceptables , pour- 
quoi l'eau de pluie, que l'on doit regarder comme la leffive de l'at- 
mofphère , étant recueillie avec foin dans un endroit découvert & 
éloigné de toute habitation ; pourquoi donc n'offtetelle pas dans fon 
analyfe un compofé de ces corps appartenants aux trois règnes de la 
nature , qui s'élèvent perpétuellement dans l'air ? Pourquoi l'eau de la 
Seine, examinée en différentes faifons & par plufeurs Chymiltes, ne 
préfente-r'elle dans fon analyfe aucun Ro qui reffemble à Falun & 
aux vitriols des Teinturiers , au favon des Blanchifleufes ? Et pourquoi 
enfin boit-on , depuis un tems immémorial , de l’eau de la Seine, pui- 
fée au hafard & dans différens endroits de Paris, fans que l’économie 
animale ait difcontinué d'être dans l’état le plus fain & le plus naturel, 
fans que les Médecins l'aient jamais accufée d’occafionner , comme 
quelques eaux de nos Provinces , des maladies chroniques , telles que 
le gouetre, des concrétions pierreufes, &c. &c ? 

On objeétera peut-être ici que plufieurs Chymiftes Allemands de la 
plus grande célébrité, rels que M. Margraff, Apothicaire à Berlin, & 
M. Perthes, auffi Apothicaire à Erfurt, ont découvert que l’eau de 
pluie, la neige , la rofée même , fournifloient quelques principes à l'a- 
nalyfe ; que l’eau de la Seine , que je regarde comme pure , tient ce- 
pendant en diffolution 4 à $ grains de matière faline par pinte : mais 
je réponds que, fi ces hétérogénéités viennent des vapeurs qui s'élèvent 
dans l'atmofphère, ou des immondices qui fe perdent à la rivière , elles 
ont ceflé d’être nuifibles & venimeufes, pour devenir propres à l'eau ; 
elles lui font peut-être auf effentielles que le fel marin l'eft à la mer, 
puifque la Nature ne nous offre jamais l'eau exempte de mélanges ; 
nous voyons même que quand il s’agit de l'en dépouiller par la diftilla- 
tion, l’eau qui a fubi cette opération plufieurs fois, laifle encore en 
arrière quelque réfidu terreux : mais ce phénomène intérefle une quef- 
tion difcurée depuis long-tems par les Phyficiens & par les Chymiltes, 
favoir fi l’eau la plus pure contient de la terre, ou fi cette eau peut 
être changée en terre (1). Il feroit trop long de rapporter les différens 
fentimens qui partagent aujourd'hui & depuis long-tems les Savans fur 
cette matière importante ; d’ailleurs, je n'examine ici l'eau que comme 


boiffon. 


Toutes les eaux douces ne pofsèdent pas les mêmes propriétés ; elles 


(1) Voyez Tome I, Part. 2, page 1, c’eft-à-dire le Volume du mois d'Aoûe 
ÿ771, dans lequel M. Zavoifier examine cere queftion. 


SUR Ll’'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 173 


varient entrelles, non-feulement par rapport à la nature première de 
l'élément aqueux qui les conftitue , mais encore à caufe du mouvement 
qu'ont les rivières, mouvement qu'elles doivent à leur étendue, à leur 
inelinaifon , aux corps fur lefquels elles coulent, aux matières qui s’y 
décompofent , aux ae qui couvrent la furface, & encore aux 
obftacles qu'elles rencontrent dans leur cours, comme les arches de 
ponts , &c. 

L'eau , dont Le courant eft lent & tranquille, diffère de celle qui 
coule avec rapidité ; aufli remarque t-on que le Rhin & le Rhône, 
si prennent leurs fources dans les montagnes des Grifons , fourniffent 

es eaux plus légères & meilleures que celles des aurres Fleuves. Ceux 
qui ont defcendu le Mein , ont obfervé que, pour entrer dans le 
Rhin, les barques s'enfoncent beaucoup plus, phénomène dû à la lé- 
géreté de fes eaux. Les Bareliers, en entrant à Paris par Charenton, 
apperçoivent la même chofe d’une manière peu marquée, il eft vrai, 
ce qu'ils attribuent à la jonction de la Marne. Si les buveurs d’eau dai- 

noient invoquer leur palais pour favourer avec attention l’eau de la 
Seine , ils appercevroient , fans doute, de la différence à celle puifée 
au-deflous zu Paris, ou bien dans l'endroit où elle le traverfe. Cette 
dernière a plus de faveur , de ténuité & de légèreté ; ce n’eft pas 

w'elle contienne plus de principes: mais elle eft plus atténuée, plus 
Abrilifée , à caufe d'une plus grande quantité d’air & de fluide élaftique 
qui sy forme, au moyen du mouvement augmenté dans fon pañlage 
par l'impalfion que lui communique l'arrivée des matières qui y font 
jettées. 

L'eau qui coule fur du fable où fur du gravier, eft en général plus 
légère que celle des fources ; & plus elle a d'érendue, plus elle eft falu- 
bre & potable. Auffi voit-on que les petites rivières , dont l’eau a fou- 
vent un goût marécageux, perdent bientôt ce goût dès qu’elles fe fonc 
aflociées à une rivière plus grande : c’eft ce qui fait que l'Yonne, le 
Loing , la Marne , l'Oife, l'Eure, & plufeurs autres rivières peu con: 
fidérables , que la Seine reçoit dans fon lit avant de fe jetter dans 
l'Océan , perdent les mauvaifes qualités qu’elles avoient féparément, 
pour devenir une eau falubre & potable ; c'eft ce qui fair encore que 
l'eau des grandes rivières diminue en bonté dans Les tems de féchereffe 
où elles reftent long-tems bafles. À quoi attribuer ces effets , finon au 
mouvement des grandes rivières augmentées par tout ce qu’elles re- 
çoivent en chemin pendant leurs cours ? 

Ceux qui ont comparé la Seine à un vafe circonfcrit, & fon eau à 
un fluide renfermé & fans mouvement, n’avoient, fans doute, dans 
l'idée qu'une marre de très-petite étendue, dont l’eau dormante, loin 
de-fe détente des matières étrangères qu'on y jette, acquerroit de 


Tome V, Part, II, 1775. 


174 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


très-mauvaifes qualités, quand elle feroit très- pure & à l'abri d'hété- 
rogénéités. L'eau des grandes rivières ne feroit elle-même ni plus pure, 
ni plus faine que celle d’une marre , fi le mouvement qui la brife fans 
cefle , ne prévenoit fa corruption, & fi fon renouvellement perpétuel ne 
divifoit & ne raréfoit les matières étrangères qu'on y jette ; fi de ces 
matières étrangères détruites, il ne réfultoit pas de nouveaux êtres 
propres à conftituer l'état falutaire & potable d’une eau de rivière. Il y 
a beaucoup de phénomènes qu'on pourroit attribuer à l'eau & au mou- 
vement , fans avoir befoin, pour les expliquer, de recourir aux feux 
fouterreins , aux embrafemens & à d’autres moyens tout aufi violens. 
Pourquoi toujours mettre la Nature en tourment, pour produire des 
effets fi fimples ? Les eaux gafeufes , imprégnées d’une furabondance 
d'air, paflent-elles donc à travers les volcans avant d'arriver jufqu'à 
nous ? Le cinabre , cette combinaifon du mercure & du foufre , qu'on 
ne pouvoit concevoir autrefois que comme l'ouvrage d'un feu véhé- 
ment, aujourd'hui on l’exécute par la voie humide. La vitrification ne 
préfentoit à l'efprit que l'idée d'un grand feu ; en forte que toutes les 
pierres vitrifiables & vitrifiées, les granits, les fables, les @ailloux , 
les pierres précieufes , n'étoient regardés que comme le produit des 
feux fouterreins. Maintenant la rapidité du mouvement, le roulis des 
rivières , forment le gravier & le Ale ; bien différentes en cela d’une 
eau ftagnante , ou qui a peu de mouvement , elles dépofent tranquil- 
lement leur vale. 

Quoique les eaux ftagnantes contiennent en elles tout ce qui leur 
donne de la légèreté & de la fapidité, enfin toutes les qualités propres 
à les rapprocher & les aflimiler aux eaux de rivière , il leur manque 
le mouvement , moyen feul en état de les rendre falubres & potables. 
Les eaux des puits , par exemple, dont la furface a peu de diamètre, 
& qui font, pour ainfi dire, à l'abri de l'air extétieur, ne pouvant re- 
cevoir d'autre mouvement que celui des feaux ; ces eaux ne deviennent 

otables qu'à force de réitérer ce mouvement. Aufli l'expérience jour- 
nalière nous apprend-elle que plus on tire de l'eau d'un puits , meil- 
leure elle devient. On fe tromperoit, fans doute , en attribuant cette 
amélioration au renouvellement des eaux, puifque c’eft au mouvement 
feul, qui a mis en combinaifon le fluide élaftique avec l’eau pour for- 
mer de l'air, qu'il faut en rapporter la caufe. Les chevaux ordinaire- 
ment fort délicats fur le choix de l’eau , favent très - bien reconnoître 
une eau de puits qui n’a pas été battue, ou celle qui n'a pas été expo- 
fée à l'air pour acquérir de la bonté. C’eft pour cet effet qu'on a la pré- 
caution de placer’, à côté d'un puits ,une grande pierre, dans laquelle 
l'eau qui en provient , féjourne quelques heures , &c abforbe un peu 
d'air. Ceux qui n'ont pas cette reflource , y fuppléent en paffant la main 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 17ç 


dans le feau fortant du puits, & ce fimple mouvement fufit pour lui 
enlever la crudité qu'on lui reproche avec raifon. Les Jardiniers inf 
truits fe gardent bien d'employer l'eau de puits, qu'au préalable ils ne 
l’aient laiffée expofée à l'air ; autrement ils mettroient en danger leur 
culture, 

La félénite que l’on trouve abondamment dans les eaux de puits, 
empêche que ces eaux diflolvent le favon & cuifent les légumes ; 
mais eft- elle également la caufe de cette faveur plate & de fa pe- 
fanteur fur l'eftomac, qui la caraétérifenc ? N’eft-ce pas plutôt à la pri- 
vation d'air élaftique qu'il faut attribuer ces défauts, puifqu'il y a des 
eaux minérales qui, quoique très - féléniteufes , ne fort pes moins 
légères , favoureufes, piquantes & très - digeftibles > par la raifon 
qu'elles renferment une furabondance d’air qui s'eft formée pendant leur 
traJet ? 

Une eau minérale, puifée à fa fource; n’eft pas la même que celle 
qui fervit prife fous l’eau dans les mêmes canaux qui la fourniflent, 
pourvu toutefois qu'elle n'ait pas éprouvé Le contact de l'air extérieur: 
les eaux dites gafeufes ou aëriennes , n’obtiennent cette propriété qu’à 
la faveur du mouvement continu & rapide ; & comme elles n’ont au- 
cune communication avec l'air extérieur , elles bouillonnent à leur for- 
tie jufqu'à ce qu'elles aient perdu la guess d'air qui s’eft produit 
pendant leur cours dans les entrailles de la terre. Ce raifonnement ne 
porte aucune atteinte à l'explication ingénieufe que M. Model à don- 
née de ce phénomène curieux & fingulier. 

Une autre preuve non moins. équivoque , relativement à l'air formé 
par le- mouvement & l'eau, c’eft l'obligation dans laquelle on s’eft 
trouvé de pratiquer, dé diftance en diftance , des foupapes au gros 
tuyaux de la fameufe Machine de Marly, qu'on étoit néceflité aupa- 
ravant de réparer fort fouvent : cette preuve , dis-je, démontre que 
le mouvement , en produifant de l'air , donne plus de volume à l'eau, 
& occafionne , par cette raifon, des crevafles. S'il étoir également pof- 
fible de pratiquer ces foupapes pour les gros tuyaux. des Fontaines de 
Paris, on ne verroit pas continuellement des gens occupés à la recher- 
che des endroits crevés ; peut-être qu’on pourroit établir ces foupapes 
avec des efpèces de tuyaux de renvoi qui conduiroient l'air Le long des 
maifons. La formation de l'air, par la même caufe, fe remarque en- 
core dans quelques ufines étrangères, où l’on voit un courant d'air 
établi par la chüte de l'eau , former un foufilet continuel & plus -puif- 
fant que tous les foufflets connus ; parce qu'indépendamment de l'air 
qui eft précipité, pour ainfi dire, dans fa chûte par l’eau , il s’en forme 
une quantité confidérable aux dépens dé cette eau par fon éparpille- 
ment. Combien d'exemples s'offrent en foule pour démontrer la for, 


Tome F, Part, IL, 1775. 


176 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


mation de l'air par les moyens fimples dont nous parlons ! Mais ce que’ 
nous en avons dit, me paroît fufhre à l'objet que je traite. 


RÉFLEXIONS fur quelques propriétés particulières de l'Eau. 


. On feroit , fans doute , fort embarraffé s'il fallait décider la préfé- 
rence que mérite l'air fans eau, ou l'eau fans air, pour notre exiftence 
& notre utilité. Il y a grande apparence qu'il nous feroit aufi impof 
fible de vivre dans un air dépourvu d’eau , que le poiffon dans une 
eau privée d'air. Les Auteurs , qui ont examiné l'eau dans les différens 
états qu'elle peut prendre, ont remarqué qu'elle étoit fufceptible de pro- 
duire différens eflets. Ces détails feroient trop longs ; nous renvoyons 
aux Ouvrages des Phyficiens, qui ont traité de ces objets , & qui 
font trop connus pour les AAA Je vais m'arrêter feulement fur 
quelques propriétés particulières de l'eau, qui rouchent de près à notre 
confervation, 

Le mouvement & l'eau pourroient être les grands moyens que Îæ 
Nature emploie dans toutes fes opérations ; que ce mouvement foit 
communiqué par une fimple agitation méchanique , par l'action du feu, 
par les vents ou par la deftruction continuelle des corps , il s'enfuit 
toujours que fes effets, prefque imperceptibles au premier coup-dæil, 
ne font pas moins aufli violens, à-peu-près , que ceux de l’ébullition. 
Nous avons bien l'idée de ce que peut un mouvement court & rapide, 
mais non pas de celui qui eft long , modéré & continu , à l’aide du- 
quel tout s'opère. L'eau, aidée du mouvement , eft en état de tout dif- 
foudre ; c'eft ce qu'il eft aifé de voir dans la Chymie hydraulique de 
M. le Comte de la Garaye, dont je viens de publier une nouvelle 
édition (1). 

Dans la préoccupation que Les corps étoient inaltérables , & ne con- 
fidérant , dans le mouvement , que celui d’un mélange plus intime, 
on a imaginé les miafmes avec tous les adjeétifs de ce qu'on fe pro- 
pofoit d'expliquer ; delà, font venus ces miafmes varioliques , peftilen- 
tiels, épidémiques & putrides : mais j'ai peine à me perfuader qu'il y 
ait des imiafmes dans l'air & dans l’eau ; celle-ci, à la faveur du mou- 
vement, a, comme l'air, la faculté de décompofer tous les corps qu'elle 
reçoit dans fon fein ; & par-tout où il y a défunion de principes, il y a 
auf, comme l'on fair, défunion de propriété. M. Paulet , Médecin de 
la Faculté de Paris, connu fi avantageufement du Public & du Gou- 


mixe? L ) 
1) Nous ferons connoître inceffamment quelques-unes des Notes que M. Par- 
mehtier a ajoutées à cet Ouvrage; elles font plus confidérables que le texte, & non 

mois intéreflantes. 
; vernement s 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 177 


vernement , par des travaux qui ont un rapport direct avec l'humanité, 
a mis cette vérité dans le plus grand degré d'évidence , en démontrant; 
dans fon Hiftoire de la petite Vérole , & dans les Mémoires qui lui ont 
fervi de fuite, d'après une multitude de faits avérés , de bonnes expé- 
riences & d'obfervations, que cette maladie étoit une contagion qui fe 
répandoit dans le monde, non par la voie de l'air, mais par des ma- 
tières rene , maniables , fur lefquelles les malades dépofent les 
corpulcules varioleux , que les sas apportent d'une maifon à 
l'autre, & qu'enfin il feroit aifé de s’en garantir, en évitant les appro- 
ches des enfans malades & de ceux qui les foignenr. Cet Auteur, plein 
de vues profondes & lumineufes , va publier inceflamment , par ordre 
du Roi, un Traité fur les maladies épizootiques , qui défolent , depuis 
quelque tems , plufieurs de nos Provinces | malgré les précautions 
infinies que le Miniftère fage & bienfaifant emploie pour en arrêter les 
progrès. 

Tout le monde fait combien l’eau eft néceffaire & effentielle à {a 
falubrité de l'air , de quelque manière qu'elle fe diftribue dans l’armof- 
phère , combinée ou non, dans l’état de vapeurs , ou fous la forme de 
flamme ; ces forêts qu'on a confumées dans le deflein de purifier l'air 
des contrées infectées , ces fubftances réfincufes , aromatiques , dont on 
parfume les appartemens pour détruire les odeurs défagréables qui y 
règnent ; ces liqueurs fpiritueufes , acides & alkalines , qu'on fait exha- 
ler pour détruire ou neutralifer les prétendus miafmes difperfés dans 
l'air, ne font que des moyens employés , afin de donner à l’élément 
que nous refpirons , le mouvement, la fluidité & l’élafticité qu'une caufe 
quelconque lui a enlevés. 

Ces Artiftes, dont on relégue les ateliers dans les Fauxbourgs ou loin 
des Villes, dans la perfuafion où l’on eft toujours , qu'il émane de 
leurs différentes opérations des vapeurs contraires & nuifibles à la 
fanté, tant s'en faut que leurs travaux corrompent l'air ; ils contribuent 
à fa falubrité d’une manière fouvent très-fenfible. Les quartiers de Pa- 
ris les plus falubres , font ceux où font établies les T'ueries de Bou- 
chers , les Tanneries, les Triperies ; parce qu'il exhale de ces endroits 
beaucoup d’eau volatilifée , atténuée & fabtilifée par une matière grafle 
& faline, qui ne tarde pas de fe transformer & de produire les effets 
dont nous avons parlé. On a vu les habitans des Villes fe plaindre 
quelquefois de l'air qu'on y refpiroit ; ceux des Fauxbourgs au con- 
craire être plongés dans la plus grande fécurité, & jouir de la meil- 
leure fanté. 

Toutes les fois que l'air manque d’une des qualités dont il vient 
d'être queftion , & qu'une caufe quelconque a détruit Le reffort dont il 
a befoin pour être falutaire , il peut occañonner les effées les plus ret- 


Tome FY Par Il 1775: EE, 


178 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


ribles à tous les individus qui le refpirent. Plufeurs Economiftes pré- 
tendent que le défaut de mouvement de l'air eft la caufe de la plupart 
des maladies des grains ; que le remède unique & Le plus afluré pour 
s'en préferver , c'eft de le procurer autant qu'il eft poflible : aufli les 
cultivateurs les plus intelligens ont-ils Le foin de rendre des cordes, au 
moyen defquelles ils mettent en mouvement les femailles. M. de la P... 
homme de beaucoup d’efprit , me difoit , il y a quelques jours, qu'it 
croyoit que le mouvement rapide, continu & multiplié des voitures, 
celui où étoit continuellement une foule d'hommes qui alloient & ve: 
noient en agitant l'air, étoit une des caufes qui contribuoient à la falu- 
brité de Paris : on pourroit, à la vérité, comparer cet effet à une ma- 
chine affez compliquée , dont toutes les parties ferviroient à former un 
ventilateur, 

Deux grands préfervatifs de la falubrité de l'air , font, fuivant le 
Docteur Pringle , 1°. la circulation de cet élément , occafionnée par 
le feu & le mouvement des habitans : 2°, la grande quantité de va- 
peurs acides que produit la matiere combuftible dont on fe chauffe à 
Londres. Mais il ne fufit pas toujours d’agiter l'air pour entretenir fa 
falubrité ; il faut encore lui fournir un aliment capable de le renou- 
veller, ou de lui rendre ce qu'il a perdu: des expériences fans nom- 
bre conftatent que l'air devenu humide par le mélange des vapeurs, 
eft beaucoup plus élaftique & plus capable d’extenfion que quand il 
eft pur. Les Phyfciens de l'Académie Royale des Sciences ont eftimé 
qu'il évoit alors huit fois plus élaftique que quand il eft fec. M. de Buffon, 
cet homme toujours étonnant, toujours fublime, prétend que l'air 
eft plus aqueux que l’eau n’eft aérienne, d’où il tire cette indu@ion, 
que l'eau doit plus aifément fe changer en air, que l'air ne peut fe 
transformer en eau. 

La végétation influe d’une manière bien marquée fur la falubrité 
de l'air. On fait combien les pays incultes font mal-fains. Weinman dit 
que pour rafraîchir la chambre des malades, il faut y expofer des 
branches d'arbres récemment coupées; c’eft ce que l'on STAY dans 
les Hôpitaux de certaines Provinces méridionales. Pluleurs Auteurs 
font mention de moulins à vent établis près des Villes, à deffein d'y 
envoyer de l'eau en vapeur pour rafraîchir l'air & le renouveller : les 
bafins qui font l’ornement des jardins publics, & du milieu defquels 
il s'élève des jets, des gerbes, des bouillons qui mettent l’eau dans 
Férat d’expanfion & de vapeurs, produifent également le plus grand 
bien. Il y a des Réglemens de Police dans les grandes Villes, qui 
ordonnent d’arrofer les rues lorfqu'il fait une chaleur exceflive: ce 
qui nétoit d'abord qu'une précaution employée pour favorifer la 
marche des chevaux , eft devenu enfuite un moyen recommandé pour 
tafraïchix l'air. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 179 


De tout tems l’eau fraîche a été employée pour renouveller l'air &c 
ke purifier. On connoît cette pratique religieufe & populaire, fi ufitée 
chez les Orientaux , qui confiftoit, certains jours de l’année, à fe 
jetter dans les rues de l'eau au vifage , en forte que les paflans fe crou- 
voient arrofés d’une manière cérémoniale : on fait combien les céré- 
monies hydrophoriques font anciennes & très-célèbres chez les Egyp- 
tiens , les Chinois, les Japonois. Dans les Pays fitués aux environs de 
la zône torride, les rayons du foleil agiffent fur nous ou fur l'air avec 
tant de violence, que fion ne Pa d’eau fraîche ceux qui y paflent, 
ils courroient les rifques de périr bientôt : c'eft peut-être à cette pré- 
caution que l’on doit la coutume dans laquelle on eft depuis long- 
tems, de plonger dans l'eau fraîche les fuffoqués & les perfonnes qui 
ont eu le malheur d’être furpris par quelques vapeurs méphitiques ; 
je ne puis me difpenfer de rapporter à ce fujet quelques obfervations 
qui ne font pas étrangères ici, puifqu'il s'agir de la propriété qu'a 
l'eau de concourir avec tant d'efficacité à purifier & à renouvellet 
l'air. F 

Il y a environ huit ans que je courus les rifques de périr fuffoqué, 
moi quarante-huitième, par les vapeurs du charbon, dans un des Ré- 
feétoires de l'Hôtel Royal des Invalides, où il n’y avoit ni cheminée 
ni poële. Un foir qu'il faifoit exceflivement froid, les domeftiques 
eurent l'imprudence de diftribuer fous les tables, de diftance en di£- 
tance , des réchauds pleins de braife allumée : perfonne n'y prit garde, 
& chacun mangea fans reflentir rien de particulier; le repas fut 
même fort gai : le fouper fini, à l'heure arrivée pour fortir, on fe 
difperfa chacun vers fon logement; mais à cent pas de-là, tous furent 
fair à la fois d’un mal de tête violent: bientôt les jambes manquè- 
rent ; les uns perdirent connoiffance , les autres vomirent jufqu'au 
fang enfin, les environs ne retentifloient que de voix plaintives & 
mourantes. Un feul d’entre nous, qui n'étoit ni le plus fobre, ni le 
plus intelligent, eut l'avantage de trouver, fans le favoir, un pré- 
fervatif contre le coup qui nous avoit terraflés : il habitoit le voifi- 
nage du Réfectoire, & en entrant chez lui, preflé par une foif dé- 
vorante, il but, pour la fatisfaire, un pot d'eau, mais avec une telle 
précipitation , quil en répandit la moitié fur lui; le lendemain il 
eut lieu d'être étonné d'apprendre que le hafard l’avoit mieux fervi 
que fa philofophie, & qu'il devoit à fon ennemi, la générofité de 
l'avoir garanti du danger que nous avions couru : il n'eft pas douteux 
que fi nous fufñions reftés quelques minutes de plus à table, c'en 
étoit fait; quarante-fept valides mouroient de éompagnie, fans s'en 
appercevoir. 

Peu de tems après cette aventure, une Dame de l'Hôtel, aufli in- 


Tome V, Part, IL 1775. Zi 


1fo OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
téreflante à fa famiile qu'à fes amis, manqua périr fufloquée par la 
vapeur du charbon : appellé par le mari effrayé, j'y courus prompte- 
ment pour voir ce qui en étoit; & comme j'avois de l’éthèr fur moi, 
je répandis mon flacon fur fes mains & fur fon vifage; cette appli- 
cation eut le plus heureux fuccès, & les fymprômes fâcheux dpa- 
rurent À l’inftant : l'éthèr, dans ce cas, avoit produit le double effet de 
l'eau fraîche, celui vraifemblablement de caufer une contraction par 
le froid, que toutes les liqueurs éthérées impriment en s'évaporant; & 
l'autre, de reftituer à cette fubftance volatile, qui agit d’une manière 
fi terrible fur le principe de la vie, les qualités néceflaires pour qu'elle 
ceffe d'être nulle & malfaifante. 

Les effets de l'eau fraîche font connus depuis long: tems de plufeurs 
Médecins & Phyliciens: il y a environ douze années , que dans un 
Cours de Chymie on mit de la braife de Boulanger dans un athanor, 
qui devoit fervir à tenir plufieurs vaifleaux en digeftion; la vapeur de 
cette braife, jointe à la chaleur de diflérens fourneaux qui avoient été 
allumés dans la journée, fit trouver mal le Démonftrareur, qui, en 
ouvrant la porte du Laboratoire, courut à travefs Une COUr pOur ga- 
gner les lieux d’aifances : comme on s'ennuyoit de ne point le revoir, 
on vint à lui, mais on le trouva fans connoiffance, fans mouvement; 
& ce ne fut qu'après l'avoir dépouillé de tous fes habits, & prefque 
inondé d’eau Énslhe qu'il revint : tous les Auditeurs fe fentirent plus 
ou moirs incommodés; un d’entreux, en s'en retournant chez lui, 
entra dans une Pharmacie où il fe trouva mal; l'Apothicaire inftruit 
de la caufe de fon indifpoftion, lui jetta de l'eau fraiche au vifage, 
ce qui le guérit bientôt. 

En 1760, un Seigneur Efpagnol arrivant à Montpellier, tomba de 
cheval dans la grande rue, fans connoiffance & fans poulx : il faifoit 
alors fort chaud. M. Fizes, Médecin, ordonna qu'on le déshabillât 
tout nud, & qu'on verfät fur fon corps de l'eau fraîche; ce qui réuffit 
fi bien, qu'il fut bientôt en état de remonter à cheval. M. Baneau, 
Médecin auf éclairé qu'honnête & modefte, vient d'employer l'eau 
froide avec le même fuccès, pour rappeller à la vie M. l'Abbé Bri- 

uet de Lavaux: les détails de cette circonftance fe trouvent inférés 
ch le Journal de Phyfique, tome 4, page 463; dans le Journal de 
Médecine du mois de Janvier; & on trouve dans la Gazette de Santé, 
du 15 Janvier 177$, des expériences du même Auteur, tentées fur 
des animaux par la vapeur du charbon. 

J'ai vu un enfant qui, le lendemain de fa naiffance , avoit la refpi- 
ration tellement gênée, qu'on croyoit qu'il alloit fuffoquer : quelques 
gouttes d'eau fraiche Gene pour ranimer le jeu des poumons & le 
guérir, : 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 187 


JLeft certain que l'eau fraîche en vapeur, a des effets finguliers dans 
tous les cas où fon foupçonne avoir été expofé à quelques exhalaifons 
nuifibles & mortelles : j'ai guéri, comme par enchantement, un mal 
de tête violent, à une perfonne qui étoit reftée quelque tems dans 
un appartement nouvellement verni, en lui faifant tremper fule- 
ment les mains dans de l’eau fraîche, & en lui en jettant un peu au 
vifage. 

J'ai opéré à-peu-près [a même cure & avec autant de promptitude, 
fur une Dame qui avoit eu une fyncope, pour avoir demeuré un quart- 
d'heure dans une chambre remplie de fleurs. On ne feroit donc pas 
mal d'avoir la précaution de tenir dans ces endroits des vafes d’eau 
fraîche dans une forte de mouvement; les grands vafes où l’on ren- 
ferme des poiflons colorés, & qui fervent maintenant d'ornement dans 
les appartemens, me paroiflent affez bien remplir cet objet : ils font 
néceflaires fur-tout dans les endroits échauffés par les poëles, & dans 
ceux où l’on tient des fubftances odoriférantes. M. de Gillibert, Ma- 
jor de l'Hôtel Royal des Invalides, eft parvenu par ce moyen, à dif- 
fiper une légère odeur, que des oifeaux confervés & empaillés ré- 
pandoient dans fon charmant cabinet d'Hiftoire Naturelle : on pourroic 
encore entretenir l'eau froide en vapeurs, à l'aide d'un inftrument de 
Phyfique très-aifé à conftruire, qui, en formant des-jets d'eau artifi- 
ciels, dittribueroit dans les appartemens une fraîcheur capable de cor- 
tiger l'air & de le renouveller. 

On a coutume, dans les parties feptentrionales de l’Afe & de l’Eu- 
rope, de mettre des écuelles ou des feaux d'eau fraîche fur les poëles 
qu'on allume pour la première fois. M. Morand, dans fon Art du 
Charbon de terre, en donnant la defcription & les gravures des 
Etuves Chinoifes chauflées avec le charbon de terre, rapporte que 
pour corriger davantage l'effet des vapeurs de ce combuitible, déja 
modifié par une préparation entièrement femblable à celle qui eft 
ufitée dans le pays de Liége, les Chinois tiennent toujours dans les 
appartemens de grands vafes remplis d'eau , qu'ils renouvellent de 
tems en tems, & qui, au moyen de poiflons dorés qu'on y tient, 
fe trouve être continuellement en mouvement : il ajoute que les pau- 
vres gens tirent encore un autre parti de l’eau, en plaçant entre les 
briques de l’étuve un vaifleau de cuivre ou de fer, qui les fournit 
d'eau chaude pour le thé; cette eau pendant la nuit humeëte l'air, 
abforbe les particules de charbon de terre qui pourroient être nui- 
fibles. 

L'eau chaude réduite en vapeurs, ne paroît pas produire un effet 
aufli prompt & auili marqué, dans les cas dont nous avons parlé , 
comme l'eau froide; plufeurs faits manifefteront cependant , que 


Tome V, Part. Il, 1775. 


182 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


dans ces cas, elle n'eft pas fans vertu. Un Attifan peu fortuné, 
trouvé dans fon lit fans connoiffance, ayant été fecouru à tems, pen- 
dant qu'on effayoit de le rappeller à la vie, une perfonne occupée 
à chercher dans le trifte réduit de ce malheureux quelle pouvoit 
être la caufe de fon accident, crut l’appercevoir dans un petit réchaud 
caffé qui fe trouvoit au pied du chalit. Lorfque cet homme fut revenu 
à lui, on lui recommanda très-expreflément de ne fe chauffer ja- 
mais plus à un pareil feu: mais il avoua tout bonnement, que depuis 
quinze ans il navoit pas d'autre moyen pour éviter les rigueurs du 
froid; qu'à la vérité il avoit coutume de mettre fur fon fourneau un 
petit poëlon de terre rempli d'eau , ce qu'il avoit oublié cette fois là 
feulement. 

Les poëles hydrauliques, imaginées par un Citoyen qui étoit obligé 
de fe fervir d’un poële dans fon Cabinet, & que fon tempérament 
délicat ne pouvoit pas fupporter, montrent encore les effets de l'eau 
chaude fur la falubrité des chambres. 

Voici un autre effet de l’eau chaude en vapeurs, plus fingulier. 
Dans un petit endroit , on avoit conftruit une cheminée qui Poe 
beaucoup; on eft parvenu à fe garantir de cet inconvénient, en fuf- 
pendant dans le milieu de la hauteur du tuyau une bouteille de pinte 
remplie d’eau , & on s'appercevoit que la bouteille étoir vuide, lorfque 
la cheminée recommençoit à fumer, ce qui avertifloit qu'il falloit la def- 
cendre pour la remplir. 

Le célèbre M. Van-Swieten, dans fes Commentaires fur les Apho- 
tifmes de Boerhaave, propofe également l’eau froide pour les fuffo- 
qués par la vapeur du charbon. Il cite plufieurs exemples à ce fujet, 
entrautres celui-ci: un homme étant tombé dans un chauffour, il fut 
réputé pour mort; une demi-heure après fa chûte, un Chirurgien fort 
habile fut appellé, qui le faigna, lui jetta de l’eau froide & le rappella 
à la vie. 

On trouve dans Panarole l’hiftoire d’un homme fuffoqué par la va- 
peur du charbon : on lui avoit ouvert la veine aux deux bras, & ap- 
liqué en même tems des ventoufes avec des ligatures, dans la vue 
Le réveiller le fentiment; mais le fang ne coulant pas, il fit mettre 
des linges imbibés d’eau chaude à l'ouverture de la veine, ce qui dé- 
termina le fang à venir: on rafraîchifloit l'air du malade, par le 
moyen d'un éventail, tandis qu'une autre perfonne lui jettoit deloin de 
l'eau froide fur le vifage. Le poulx devint meilleur, & le fufloqué fut 
fauvé. 

C'eft maintenant une queftion, favoir fi dans Les cas d’afphyxies, cau- 
fées par la vapeur du charbon ou d’autres émanations méphitiques, il 
eft utile de faigner, & fi la faignée doit être faite avant l'application 


SÛR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 183 


de l'eau fraîche : plufieurs hommes inftruits femblent occupés de ‘la 
décider. L'établiffement que la Ville de Paris a formé en faveur des 
noyés, paroît exciter l'attention particulière de quelques Médecins, 
pour découvrir Les moyens les plus certains & les plus efficaces de fe- 
courir ceux qui ont le malheur d'être frappés d’une mort apparente: 
on doit à leur zèle vraiment patriotique les plus grands éloges; car, il 
n'eft guère pollible de s'empêcher de frémir, en penfant qu'un grand 
nombre de perfonnes ont pu être mifes dans le tombeau, avant d’avoir 
payé le tribut inévitable qu’elles doivent à la Nature. 

Quelle douce fatisfaétion pour le cœur fenfible du Citoyen éclairé & 
vertueux, qui a donné lieu à cet établiffement, dont l'effet a été de 
rappeller à la vie une foule de malheureux qui périffoient autrefois, 
parce qu'on les abandonnoit. 

M. Pia, Maître Apothicaire de Paris & ancien Echevin, toujours 
enflammé du bien public, & jaloux de fe faire dans fa retraite un 
genre d'occupation capable de tempérer les regrets qu'il avoit de ne 
plus être utile à l'humanité fouffrante, a jetté un regard de tendreffe 
& de pitié fur le fort de ces infortunés, que le défefpoir ou des ac- 
cidens livrent à la mort: inftruit des expériences que M. Louis avoit 
faites fur les noyés, & dont ce favant Chirurgien parle dans fes Ou- 
vrages, fachant en outre je la fumée du tabac employée dans ce cas 
par plufeurs de nos voifins, avoit eu le plus grand fuccès; M. Pia 
perfeétionna une machine fumigatoire à cet effet, machine inventée 

ar les Anglois, beaucoup célébrée en Hollande, & dont on trouve 
a defcription & la figure ee Bartholin : cette machine, dans les mains 
de M. Pia, eft devenue d’une commodité fingulière, & elle réunit 
maintenant le plus grand degré de fimplicité poflible aux plus grands 
avantages ; les additions ou les retranchemens qu'on pourroit y faire 
nuiroient à fon effet: mais, le dirai-je ? j'ai vu M. Pia confacrer tous 
fes inftans à donner les plus petits détails aux perfonnes chargées par 
la Ville d'adminiltrer les fecours aux noyés, les exciter par l'appât 
des récompenfes, & revenir dans le {ein de fa famille honnête & très- 
intéreffante, gardant un profond filence fur ‘la réuflite de fes efforts 
& de fes fuccès , que l'on ignoreroit fi le Magiftrat, fi Le cri puiffant 
de la reconnoiffance générale n’avoient contrarié fon extrême modeftie : 
mais je m'arrête, & je prie qu'on me pardonne de céder au fentiment 
d'eftime & de vénération que j'ai pour les ames bienfaifantes ; l'éloge 
d'un pareil homme eft dans le cœur des vrais Patriotes & de tous 
les Amis de l'humanité, 

Je terminerai ce que j'ai dit fur l'effet de la vapeur du charbon, 
par cette obfervation inférée dans une Thèfe que M. Lorry a foutenue 
aux Ecoles en 1747, fur la manière d'éviter la vapeur du charbon: 


Tome V, Part, IL 1775. 


184 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


ce favant Médecin attribue Les effets pernicieux de cette vapeur à trois 
caufes particulières; ou l'air eft trop chaud, eu il a perdu fon reflort, 
ou bien les vapeurs qui émanent du fourneau font chargées d’un prin- 
cipe mal-faifant : il prétend que ces caufes peuvent agir féparément 
& enfemble ; dans ce dernier cas, la mort arrive promptement : mais 
fans vouloir entreprendre de differter fur la manière d'agir des va- 
peurs méphitiques , & fi leur nature eft toujours la même, quelles que 
{oient les fubftances dont elles s’exhalent, je dirai feulement qu'il pa+ 
roît que ces vapeurs exercent quelquefois leur action fur l'air am- 
biant, à-peu-près comme font les acides concentrés, dont les vapeurs 
répandues dans un lieu très-circonfcrit, ep avec une forte de 
violence, de l'humidité conftituant l’air, le décompofent & forment 
le vuide pour celui qui occupe un lieu circonfcrit, tandis que quel- 
quefois ces vapeurs méphitiques affectent fenfiblement ‘& immédiate- 
ment le tiflu délicat des organes de la refpiration : mais jufqu'à ce que 
des expériences & de bonnes obfervations nous faflent connoître la 
véritable manière d'agir de ces vapeurs perfides, quelle eft leur na- 
ere, comment il eft poñlible de s'en garantir, & de guérir ceux qui 
en font malheureufemeut frappés, bornons-nous à former des vœux 
avec tous Les bons Citoyens, pour que les réglemens faits par le Gou- 
vernement, à deflein d'empêcher qu'on n’ouvre aucuns puits ni fofles, 
fans. employer quelques précautions ; quon ne dévoue trop précipi- 
tamment à la mort les infortunés auxquels un accident quelconque 
a enlevé tous les fignes extérieurs de la vie, fans effayer toures les 
tentatives ‘indiquées pour s'aflurer de leur état; que ces réglemens 
didés par la fagefle & l'humanité, foient régulièrement obfervés & 
exécutés avec la plus fcrupuleufe attention. Peut-on concevoir un 
fort plus cruel & plus à redouter que celui d'un homme enterré tout 
vivant ? si 


OBSERVATIONS économiques fur l'eau de Seine. 


On a fenti de tous lés :tems combien il étoit effentiel & important 
de veiller à la pureté & à la bonté de l’eau } dont l'ufage eft fi gé- 
néral & fi néceflaire) à notre confervation & ‘à novre exiftence : les 
Phyñciens &les Chymites ont fouvent dirigé leurs recherches vers 
cer objet inrérellanti Son peut dire à leur gloire, qu'elles n'ont 
poiac été infruétueufes , : car nous poflédons maintenant beaucoup 
de connoiffances fur la nature & les propriétés: dés ‘différentes 
eaux ; & fur l'ufagelqu'on en doit faire: mais -je ireviens à ‘mon 
objet. DE AM er al 9 usb solo VAS r5q 
Quand on frppoferait que les fubltances les plus fixes , celles qui 

cer M : \ paroiflent 


SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 185$ 


faroiffent les moins fufceptibles d'altération, par leur texture ferrée 
& leur forte aggrégation, auroient le pouvoir de réfifter au choc mul- 
tiplié de l’action & de la réaction du mélange de ces fubftances en- 
tr'elles, de leur diflolution, de leur combinaifon, de leur divifon ex- 
trême ; quand la mafle immenfe d'eau, renouvellée fans cefle, dans 
laquelle elles fe trouvent noyées, délayées, broyées, érendues, atré- 
nuées, divifées, &c. ne feroit pas encore capable d'opérer leur décom- 
pisse & leur deftruétion, il ne s'enfuivroit pas pour cela qu'elles 
uffent en état de produire le moindre effet : car, fi ces matières étran- 
gères viennent des maifons fituées fur les ponts, en les jettant au mi- 
lieu de la rivière elles fe trouveront bientôt repouflées avec violence 
aux rives oppofées par le mouvement rapide du courant; fi, au con- 
traire, ces mêmes matières font charriées à la rivière par les ruif- 
feaux & les égoûts, il ne leur fera pas poifible de pénétrer à plus de 
fept à huit pouces du bord, où l'eau a, comme l'on fait, un mou- 
vement contraire, qu'on appelle vulgairement le remoud : alors, con- 
traintes de demeurer dans ces endroits, & refferrées toujours dans un 
très-petit efpace contre Les bords, elles finiront par fe décompofer, fe 
détruire, & fournir enfin à l'eau les deux principes fi eflentiels à fa 
bonté & à fa falubrité. 

Je répéterai encore dans ce Chapitre ce ge j'ai déja dit dans ceux 
qui le précèdent, que bien loin que l'eau de la Seine s'altère & fe 
vicie en traverfant Paris, il me femble, au contraire, qu'elle y acquiere 
de la bonté, de la légèreté , & la fapidité qui la diftingue entre 
toures les autres eaux de rivière; & que fi dans le tems des Gaulois, 
des Romains, & fous la première race de nos Rois, où la Capitale 
de France ne poflédoit pas plus de trente mille Habitans, l'eau de 
la Seine pouvoir être bue fans danger & fans nul inconvénient, 
elle doit encore être moins fufpeét: à préfent, depuis que Les limites 
de cette Cité fe font reculées, depuis qu'elle eft devenue un monde, 
& qu'elle renferme, elle feule, autant d'Habitans qu'un: Province 
entière : mais dans le cas où l’eau d2 la Ssine, puifée fur fes bo:ds, 
füt altérée par le ralentiflement de fon mouvement, par l2 féjour 
des corps qu'on y jette continuellement, par les batzaux, le bois 
flotté, &c.; on ne feroit pas encore en droit de dire que l’’au de {a 
Seine. dont on fait ufage dans Paris, für mal-faifant:, puifqu'il eft 
défendu de la puifer à ces-endroits, & qu'on vient de prendre toutes 
les mefures pofibles pour wavoir plus fur cet objet le plus léger 
foupcon': en forte que maiarsnant toute l'eau de Ja Seine qu'on boit 
à Paris, eft puifée à des dittina fez éloignées du rivage, pour 
n'avoir plus à ctaindre qu'elle en rien des matières qu'on y 
jetce. 


Tome V, Part. IL 1776 A a 
re 


186 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Les Magiftrats, toujours occupés du bonheur des Peuples & de [eur 
confervation, inftruits des plaintes que l’on faifoit fouvent contre Les 
Porteurs d’eau en tonneaux, qui, ne pouvant pas puifer l’eau à quel- 
ques diftances des bords, alloient s’approvifionner dans les abreuvoirs 
ou d'autres endroits aufli mal-propres, de manière que l'eau qu'ils 
diftribuoient enfuite à leurs Pratiques, étoit la plupart du tems im- 
prégnée & mélangée des ordures L leurs chevaux, de ceux des autres 
Particuliers qui y venoient; touchés en outre des accidens fréquens qui 
arrivoient à ces Voituriers, que la mort a furpris plus d'une fois, ainfi 
que leurs chevaux, dans les crues d’eau, ou lorfqu'ils s’écartoient des 
bords; les Magiftrats, dis-je, ont accueilli avec empreflement un moyen 
certain & peu difpendieux, qu'on propofa à la Ville pour prévenir 
tous ces inconvéniens, & fournir abondamment, & en tous tems, une 
boiflon falutaire à fes Habitans. M. Gillerond, connu du Public fous 
des titres très-avantageux, par des Ouvrages Hydrauliques extrème- 
ment intéreflans ; MM. Wachette Frères, Citoyens honnètes & efti- 
mables , préfentèrent un Projet d'établiffement, dont l'utilité & l'im- 
portance furent bientôt fenties & approuvées : il s’agifloit de placer 
des pompes fur la Seine, en différens endroits de la rivière, à trente 

ieds de diftance des bords, qui, puifant l’eau au-deflus de Ja fuper- 
Écie, & la conduifant enfuite fur terre par le moyen des canaux du 
des réfervoirs, rempliroient avec autant de promptitude que de facilité 
les tonneaux pour le fervice public. L’exécution de ce Projet ne trouva 
pas d’entraves; il fecondoit tous les vœux : on permit aux Entrepre- 
neurs de faire conftruire cinq de ces Pompes; trois font déja en a@ti- 
vité, à la grande fatisfaétion des Porteurs d'eau en tonneaux, & des 
Habitans. Curieux de voir le jeu & la mécanique d’une de ces Pom- 
pes, j'allai vifiter celle de la Porte de la Conférence; & comme elle 
me parut fort fimple, je priai M. Gillerond d’avoir la complaifance 
de m'en envoyer le deflin, ce qu'il eut l'honnêteté de faire quelques 
jours après, en l’accompagnant d'une autre, qui m'a femblé mériter 
d'occuper une place ici, d'autant mieux que d’un côté elle contient la 
defcription de cette Pompe, dont on trouvera la figure à la fin de 
certe Differtation; & que de l’autre elle renferme des détails intéref- 
fans fur l'eau, préfentés avec cette modeltie qui caractérife Le vrai 
talent. 

Lettre dd M. GILLERON D. 


Je fuis infiniment fatisfait que vous l'ayiez été de la fimplicité des 
Machines Hydrauliques établies fur la rivière; votre opinion , relati- 
vement à la falubrité de l’eau de la Seine, a trop de partifans pour 
craindre jamais qu'on puifle l’attaquer ou la combattre avec quelques 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 157 


fuccès : vous le favez très-bien, il n’eft pas pollible que l'aliment 
Le plus parfait & la meilleure boiflon ee à tout le monde ; car, 
-quel eït l'être dans la Nature qui ofe fe Hatter de réunir en fa fa- 
veur tous les fuffrages? Vous m'avez demandé le deflin d'une des 
Pompes, je vous l'envoie avec plaifir : permettez-moi d'y joindre 
quelques réflexions concernant votre objet; je cherche à m'éclairer, & 
voilà tout. 

Quoique je n'aie pas fait de grands progrès dans l'Hydraulique , je 
n'ai cependant pas négligé aucune des occafions que j'ai eues pour acquérir 
dans cette partie eflentielle de la Phyfique, toutes les connoïiflances 
néceflaires : jamais je n'ai perdu de vue un objet principal, & 
dont j'ai fouvent befoin; c’eft celui de diftinguer les eaux les plus fa- 
lubres dans les endroits où il faut les élever des puits, ou Les amener 
de loin pour le fervice public. 

En attendant le réfultat des recherches des Savans qui écrivent tous 
les jours fur ce fujer, & qui fixeront fans doute, dans peu, le degré 
de l'eau la plus pure, & jufqu’à quel point elle peut être altérée avant 
de nuire, j'examine l’eau à la fortie de fa fource; & fi elle diffout 
le favon, fi les Habitans qui en font ufage ont Le corps fain & ro- 
bufte, s'ils vivent long-tems, je conclus qu'elle eft bonne : fi, au con- 
traire, elle eft crue, & qu'elle diffolve avec peine le favon, je dis 
qu'elle contient peu d'air, qu'elle eft chargée de matière calcaire, 
gypfeufe & féléniteufe; dans ce cas, elle eft peu propre aux ufages do- 
meftiques : je la fais dépofer dans un baflin, ou encore mieux, s'il eft 
poflible, je la fais promener dans des canaux à ciel ouvert, dont les 
parois font garnies, quand cela fe peut, de fubftance vitrifiable, & 
cela, dans l'intention ER donner occafion à l’eau d’abforber une quan- 
tité d'air néceflaire, pour lui communiquer les qualités propres à fa 
falubrité. 

En général , les eaux de fontaines & de rivières font les meilleures: 
celles de la Seine & de la Marne méritent, à mon gré, une diftinc- 
tion, quoi qu'on en dife; & l'expérience prononce Lie long-tems 
en leur faveur. Ceux qui en font ufage jouiffent d’une bonne fanté; 
mais on peut être afluré que ces deux rivières ne tard2nt pas à fe 
mêler par leur jonétion, & qu'elles ne marchent pas l’une à côté de l’autre 
jufqu'au Pont-Neuf, fans fe confondre: fi cela étroit, ce phénomène 
ne feroit qe prouver leur homozgénéiré; mais leur différence de pe- 
fanteur, dont on convient, rend cette marche impraticable; & en 
s'appuyant fur les loix de l'Hydroftatique, on verroit alors la Seine 
& la Marne dans un même lit fous deux niveaux différens, celui de 
la Seine beaucoup pu él:vé. Les perfonnes qui annoncent ce phé- 
pomène, auroient dû, fuivant les loix de la pefanteur, faire rouler 


Tome V, Part, II. 1775. Aa2 


188 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


-la Marne fous la Seine; & alors j'en aurois été quitre pour faire uifer 

un peu plus près de la furface, les pompes que j'ai établies fe la 
Seine pour le fervice public, mon intention n'étant pas de marner 
les eftomacs des Parifiens : dans Le vrai, je regarde ces deux rivières 
comme fimplifiées & homogènes au-deflus de Paris. 

Il refte maintenant à examiner les immondices qui coulent dans les 
rues, & qui vont fe perdre dans la rivière, lefquelles, au feul afpect, 
peuvent donner du dégoût qui ne fubffteroit plus bientôt , fi l'on 
daignoit confidérer que les Habitans du Gros-Caillou fe portent auffi 

ien que çeux de Charenton. 

Les eaux bourbeufes qui coulent dans les rues, font ordinairement 
compofées d’eau fimple, chargées de parties vitrifiables , ferrugi- 
neufes & mucilagineufes, dont elles fe a en partie en rou- 
lant par cafcade à travers le pavé des rues, & s'en dépouillent tout- 
ä-fait en arrivant à la rivière, ce qui fe prouve par les raifons fui- 
vantes, 

Les parties vitrifiables & ferrusineufes étant fpécifiquement plus pe- 
fantes, fe précipitent, par la raifon contraire; les parties vifqueufes, 
comme plus lésères, s’évaporent & fe tiennent à la furface de l'eau 
qui, bientôt par la vitefle de fon courant, les renvoie fur les bords 
où elles demeurent comme ftagnantes avec l’eau la moins pure, ainfi 
retenues par l'irrégularité des fois & le frottement toujours confi- 
dérable, eu égard à la petite épaiffeur de la lame d’eau qui les couvre, 
Toutes ces confidérations & tant d’autres, dont les détails feroient 
trop longs dans une fimple lettre comme celle-ci, m'ont fait prendre 
le parti d'établir les Machines Hydrauliques, déja citées, à trente 

ieds des bords de la rivière, & à les faire puifer entre deux eaux, 
ainfi qu'il eft facile de voir par le deflin ci-joint : en voici la def- 
cription. 

Le bateau À , pl. IT, renferme une machine mue par deux chevaux, 
qui puife entre deux eaux par la crapaudine B , & qui porte l'eau 
par les tuyaux BCDEF à 40 pieds de hauteur dans le réfervoir Q, 
d’où on la verfe dans des tonneaux par Le robinet H, pour être enfuite 
diftribuée dans Paris. 

Il eft aifé de voir que ces Machines ont l'avantage d'élever l’eau, la 
meilleure & la plus pure de la rivière, également en tout tems. Il eût 
été à defirer que celles de la Samaritaine & du Pont Notre - Dame 
qui chomment la moitié de l’année, puflent faire de même le fervice 
en tout tems, ce qui feroit facile avec peu de dépenfes, en les ren- 
dant fufceptibles d'être mues par des chevaux Jorfque le courant s’y 
retuferoit: pour peu qu'on voulüt toucher à ces machines, on dou- 
bleroit le produit, même avec le moteur atuel, en fubftituant le 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 189 


cercle aux manivelles, ainfi que je l'ai fait à ma pompe de la mon- 
tagne de l'étoile. 

Si vous voulez bien faire attention, Monfieur, à ce que j'ai l'honneur 
de vous écrire, vous reconnoîtrez aifément que tous les projets d'a- 
mener à Paris, des eaux étrangères, n’ont été imaginés que pour dé- 
montrer la poflbilité de les y faire venir, au cas que la Seine ne püt 
faire Le fervice. 


J'ai l'honneur d’être, &c. 


On ne peut difconvenir que ces Machines Hydrauliques ne réunif: 
fent une multitude d'avantages, & ne préviennent une foule d’in- 
convéniens : le moteur ne Séoendhuc point de la viciflitude du cou- 
rant, elles font en état de faire le fervice en tout tems, le jour & 
la nuit, dans les gelées, les crues & les bafles eaux; de fournir conf- 
tamment & fans interruption, une boiflon agréable & falubre; de 
mettre à l'abri de la crainte des difettes d’eau, fur-tout en cas d'in 
cendie ; d'empêcher les Porteurs-d’eau en tonneaux d’aller chercher l’eau 
dans les puifards, & où ils périfloient fouvent eux & leurs chevaux ; 
de remplir .en une minute deux muids à la fois, contenant chacun 
vingt-deux voies : tels font en abrégé les avantages de ces Machines, 
qui feront au nombre de cinq, dont trois font déja en exercice, l'une 
vis-à-vis la rue de Bourgogne; la feconde , au Port de la Confé- 
rence; & la troifième, au Port-au-Bled : les deux autres, que lon 
conftruit actuellement, font deftinées à être établies au Port de l'Hô- 
pital-Général & à celui de la Rapée. Ces Pompes n'ont pas plus de 
cuivre dans leur conftruétion, que celles de la Samaritaine & du 
Pont-Notre- Dame; on a même, pour éviter ces idées de verd- 
de-gris qu'on a toujours dans la tête, porté l'attention jufqu'à faire 
étamer l'intérieur des tuyaux qui, étant continuellement pleins, fe 
trouvent encore tapiflés d’une incruftation capable de défendre le 
métal. 

M. de Parcieux dit dans fon Mémoire qu'il eft trois conditions 
abfolument néceffaires pour fournir de l'eau à une grande Ville; 1°. que 
l'eau foir de bonne qualité; 2°. quelle foit abondante & toujours au- 
deffus des befoins; 3°. qu'elle foit aflurée à jamais fans d’autres foins, 
s'il eft poffible, que ceux des conduits qui fonc inévitables dans tous 
les cas. 

Les trois conditions de ce Citoyen refpectable , infpiré par l'amour 
de la Patrie & de l'humanité, me paroiflent entièrement remplies par 
les Pompes dont nous venons de nous entretenir: car, la falubricé de l'eau 
de la Seine eft inconteftable dans l'endroit où on la puife; c'eftà dire, 


Toie PV, Part. 11. 1775. 


190 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
afez diftante du bord & à quelques pieds au-deffous de la furface de 


la rivière; elles procurent à bon marché & de la manière la plus 
abondante, de l’eau à toute heure & dans les différentes faifons: 
enfin, rien n’eft plus fimple que ces Pompes ; elles fourniflent de 
bonne eau dans tous les quartiers de Paris fans de grands frais, fans 
qu'on foit obligé d'aller la chercher au loin & dans des vafes embar- 
taflans, &c. 

Quoique les différentes fubftances , dont l'eau eft toujours mêlée , 
ne peuvent être découvertes, définies & mifes à part que par les 
moyens chymiques; il eft bien certain, comme le remarque avec raifon 
M. Gillerond, qu'on peut juger de fa nature & de fa bonté, d'après 
les effets qu'elle produit dans le corps humain, & quelques autres phé- 
nomènes fondés fur l’obfervation. Riéger, Introduétio ad notitiam re- 
rum naturalium, rapporte quelques fignes auxquels on peut recon- 
noître la légèreté & la pefanteur des eaux, fans les analyfer; ces fignes 
font bien fufifans, lorfqu'il ne s’agit que de déterminer les qualités 
d’une eau, relativement aux befoins te de la vie. Par exemple, 
les eaux douces & légères prennent aifément le favon, lavent par- 
faitement le linge, cuifent bien les herbes, les légumes & les ALES 
font d’excellent pain, ne reflerrent pas le ventre, ne fatiguent pas l'ef- 
tomac, ne gâtent pas les dents, favorifent les digeftions, s'échauffent, 
fe Ésidiffent & fe gèlent promptement : or, en eftimant l'eau par 
toutes ces propriétés, il y en a peu qu'on puifle comparer à l'eau de 
la Seine. 

Il n'y a perfonne qui n'ait eu occafion de remarquer fouvent com- 
bien le fuccès de beaucoup d'opérations dépend de l'eau qu'on y a em- 
ployée; les Chymiftes éprouvent tous les jours, à caufe de cela, des 
obftacles infinis dans la cryftallifation de certains fels : telle eau réuñlie 
aux Confifeurs & aux Liquoriftes ; telle autre fait manquer leurs gelées 
& leurs ratañats : on n’apperçoit pas moins ces fingularités dans les 
Atteliers & les Manufactures. L'eau de Kin-te-Ching, une des Pro- 
vinces de Chine, contribue tellement à la beauté & à la valeur de fa 
Porcelaine, qu'on na pu encore parvenir à en faire d’aufi bonne 
dans un autre endroit, ee employât les même matériaux ; on 
pourroit dire la même chofe de la rivière des Gobelins, par rapport à 
la teinture écarlate. Tous ces effets différens de la part de l'eau ne 
font pas dûs feulement à l’efpèce & à la quantité des fubftances qu’elle 
contient, mais encore à la nature de l’eau, qui varie peut-être autant 
qu'il y a de rivières, de fontaines, de fources, &c. 

Jufqu'à préfenc, il n’a été queftion que de la nature de l’eau de la 
Seine, des caufes qui contribuoient à fa falubrité, & de quelques pro- 
priérés qu'elle a, en tant qu'eau, pour rafraîchir l'air & le renouveller, 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 39: 


Y{ convient maintenant de dire deux mots lorfqu'elle eft prife intérieure- 
ment. 

S'il falloit entrer dans les détails des vertus particulières & médici- 
nales qu'on attribue à l’eau de la Seine, je citerois une foule de cures 
dont on lui fait l'honneur : mais je fuis bien éloigné de regarder l’eau 
comme la médecine univerfelle , & de dire avec Smith & Jean- 
Albert Fabricius , Savans d’ailleurs, dont je refpeéte les connoiffances 
profondes , que ce fluide foit un fpécifique pour toutes Les maladies; 
je fuis même perfuadé que fon ufage, comme remède, demarde- 
roit à être circonfcrit : ce n'eft pas que dans beaucoup de cas l’eau 
ne contribue , par fa manière d'être altérée par les fubftances qu'on 
y combine, foit par la divifion & la fluidité qu’elle leur procure, 
foit par l’état humide qu'elle leur fait contracter, à devenir le principal 
médicament, fi elle neft pas le feul agent de la guérifon. 

L'eau paroît plutôt capable de prévenir nos maladies que de les 
guérir : ce n'eft cependant point que fi nous favions nous en fervir, 
elle ne füt en état de nous procurer beaucoup d'avantages ; car on 
remarque que fes effets varient fuivant les diférens états qu'eile peut 
prendre: convertie en glace ou rendue froide par les moyens connus, 
elle eft tonique ; tiède, elle eft relächante; chaude , elle excite des 
naufées, purge & fait fouvent vomir; bouillante enfin, elle crifpe & 
détruit. 

En tout, les excès font nuifibles; mais il paroît qu'une grande quan- 
tité d’eau chaude fait infiniment plus de mal, que l’eau froide bue 
en même proportion: on a remarqué que, non-feulement, l’eau dans cet 
état ne défaltéroit point, n'étoit pas agréable à l'organe du goût, & 
fe digéroit difficilement; mais qu'elle rendoit encore le corps lourd & 
parefleux , l'efprit fans chaleur & fans force: il eft certain que l’eau 
ne fauroit éprouver la moindre chaleur, fans dore du dérange- 
ment dans fon organifation, & de l’altération dans fes parties, fans 
qu'elle ne perde un principe volatil qui conftitue fa fapidité , fa légèreté 
& fa bonté, &c. 

Je crois en conféquence, que toutes les perfonnes qui boivent de 
eau par régime, ne devroient jamais la préfenter au ue & dans le 
cas où il faudroit la faire bouillir pour lui aflocier quelques remèdes, 
il feroit bon de ne l’employer qu'après l'avoir laiffé refroidir dans un 
vafe découvert, & lui avoir donné l’occafion de fe recombiner avec 
la portion d'air qui s’eft diffipé pendant l'ébullition : quant aux perfonnes 
délicates à qui l'eau froide dans l'hiver eft contraire, & qui ne peuvent 
fupporter fon degré de chaleur naturelle dans l'été, on peut donner à 
l'eau, en quelque tems que ce foit, une température égale, en plon- 


Tome V, Part. IL, 1775. 


xo2 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
geant les vaf:s qui la contiennent pendant une demi-heure au plus, dans 
de l'eau fraîche tirée d'un puits. 

L'eau froide convient dans une infnité plus de cas que l’eau chaude : 
les Boulangers, guidés par l'expérience, ont grand foin de ne jamais 
employer à la fabrication du pain , une eau bouillie ou qui a été glacée, 
parce que dans l’une & l'autre circonftances elle fe trouve dépouillée de ce 
principe volatil aërien, qui fait fa borté. Je fuis même porté à croire 
qu'en aucune faifon de l'année il foit avantageux de faire chauffer 
l'eau; c’eft une vérité que je râcherai de développer dans un Ouvrage 
économique fur les Moutures & la Boulangerie, dont je m'occupe 
depuis quelque tems (1). 

J'ai avancé dans le fecond Chapitre de cette Differtation, que les 
eaux de rivières varioient entr'elles, & j'en ai dit la raifon. On pour- 
voit avancer la même chofe des eaux de puits qui différent, fuivant leur 
origine, la nature du terrein fur lequel elles ont pañlé, leur fituation , 
leur étendue, leur profondeur, & la quantité de matières qu'elles ont 
diffoutes en chemin. Il n’eft pas poflible que coulant fur du gyps & 
de la félénite, elles ne s’en trouvent chargées quelquefois, même juf- 

u’au point de faturation. 

Auf les Habitans des Provinces qui font réduits à boire de l'eau 
de puits, devroient-ils prendre quelques précautions avant d'en faire 
ufage, pour en corriger la crudité & la fadeur; peut-être deviendroit- 
elle aufi bonne que celle des rivières, fi on la tiroit fans interruption, 
fi on n'employoit que celle qui vient après les premiers faux, fi on 
Ja laifloit dégourdir ou tiédir au foleil : il y a même des eaux ftag- 
nantes, dont il ne faudroit jamais boire, qu'au préalable, on ne l'eut 
fait bouillir, afin de détruire Les fubftances tendantes à la putréfaction 

w’elles contiennent. Je crois qu'il feroit à propos de ne jamais faire 
ufage d’eau de puits pure; quelques goutres de vin, à fon défaut du 
vinaigre , leur ôteroient de leur pefanteur: car, c’eft une rèvle générale 
& conftante, que les alimens & les boiffons ont befoin d'être fapides 
pour fe digérer, &c. 

Je ne mettrai pas ici en oppofirion les buveurs d'eau & les buveurs 
de vin, pour favoir fi les uns vivent plus long-tems que les autres, 


(x) Nous avons eu plus d’une fois occafion de rendre juftice au zèle avec sa 
M. Parmentier emploie fon tems & fes connoiffances à des objets de premier be- 
foin. L'Ouvrage qu'il annonce lui acquera de nouveaux droits fur notre eftime 
& far notre reconnoiflance: mais qu'il nous permette de le prévenir que, s'il ne 
eut fe cranfporter dans les différentes Provinces pour examiner les procédés des 
feñniers. & des Boulangers qui s’y exécutent, fon travail ne fera jamais qu'im- 
parfait ; il eft bien malheureux que le même grain fafle autant d’efpèces de farines 
& de pains differens, fouvent déreltables, à 
s'ils 


SUR DHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 193 


s'ils font moins aflujettis à des malacies, enfin s'ils jouiffent plus conf 
tamment d'une bonne fanté : ces queitions agirées depuis long-tems ont 
été aflez examinées par des Savans, qui fe font réunis pour avouer 
ets l'excès de ces deux boiffons étoit également dangereux ; qu'il y avoit 

es cas où on faifoit bien de boire un peu de vin, & qu'il y en avoit 
d’autres, au contraire, où il n’en falloit pas boire du tout. fl eft certain 
qu'en général l'eau eft le meilleur diflolvant des alimens; & que ceux 
qui ne boivent que de l'eau, éprouvent après le repas cette légèreté de 
corps & certe fecuriré pailible de l'ame, qui font les caractères de La 
digeftion la plus facile & la plus parfaite. 

L'eau de la Seine a fait l'objet de plufeurs thèfes: fa falubrité & 
fes bons effets ont été célébrés par des Poëtes très-diftingués; limmortel 
Boerhaave, dont l'autorité eft fi refpectable en Phyfique & en Méde- 
cine, demande, pour qu'une eau foit parfaite, qu'elle provienne d’a- 
bord d’une rivière de long cours, qu’elle foit lézère & fans autre goût 
que celui de l'eau, qu'elle renferme le plus qu'il eft poflible de parti- 
cules d'air : en conféquence, il félicite les Parier d’avoir une telle 
eau, qui poffède toutes Les qualités qu'on puifle defirer à cet égard , 
pour être agréable au palais, légère à leftomac, & très-propre à favo- 
tifer les digeftions. 

On accufe cependant l’eau de la Seine de donner le dévoiement aux 
Etrangers qui en font ufage dans le commencement de leur féjour à 
Paris: chacun, fuivant fon petit intérêt, a fait valoir cette accufation, 
vraie ou fauffe, fondée ou non; ceux qui cherchoient à trouver la pu- 
reté de l'eau de la Seine en défaut, n’ont pas manqué de faire regarder 
cet effet comme la preuve la plus complette de fon infalubrité. Les 
Auteurs & les Protecteurs des nouvelles Aititres domeftiques ont dif- 
culpé l’eau de la Seine, en taxant les fontaines de cuivre de Voccafon- 
ner. Si un Chymifte eût formé quelque prétention fur notre boiflon, 
il n’auroit pas fait difficulté de rapporter cette propriété laxative aux. 
différentes fubftances qu'elle contient ; & que pour l'en dépouiller 
il n'y avoir que la diftillation à employer: mais en füppofant que la 
route, le changement de climats & de nourriture, ne foient pas 
capables d'infhier fur les dérangemens de fanté qu'on éprouve quelque: 
fois en venant habiter la Capitale; en fappofant encore que les repro- 
ches qu'on fait contre l'eau foient fondés, je changerois volontiers ces 
reproches en éloge, puifqu'un pareil effet prouve la grande ténuité de l'eau 
de la Seine, & la propriété diffolvante dont clie ‘jouit dans l'eftomac: 

Si je m'étois contenté de rapporter des expériences, fans fire aucun 
raifonnement en faveur de l'eau de la Seine, j'aurois cité une foule 
de perfonnes , même dela première diftinétion, qui lui font redevables 
de leur bonne fanté & de leur conftiturion vigoureufe; maïs il n'eft pas 
de Matière médicale où de Diéionnaire qui men aient aflez de : 


Tome F, Part. IL, 1775. Bb 


194 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


il y a même des Auteurs qui, dans leurs Ouvrages particuliers, n'ont 
pu réfifter au doux penchant de lui témoigner leur reconnoïflance. 
M. le Comte de Forbin, entr'autres, dit dans” fes Mémoires, qu'étant 
à Paris affecté de coliques violentes, il n’avoit trouvé de foulagement 
& de guérifon que dans l'ufage abondant qu'il fit de l'eau de la Seine, 
en lavemens & en boiffon : plufieurs Officiers de marque n'ont été 
guéris de maux de tête infupportables, de pituites & d’affeétions ner- 
vales, que pour avoir pris, à ma follicitation, cette eau froide le matin 
à jeun, à la dofe d’une pinte. 


€ 0 ENT ERTTUAISH ETLONRNE 


IL fuit de tout ce que nous avons dit dans cette Differtation, 1°. que 
Teau de, la Seine eft la plus légère, la plus agréable & la plus falubre 
de toutes celles avec lefquelles on l'a comparée, & qui exiftent dans 
le Royaume; que moyennant quelques précautions fimples & faciles à 
être employées par tout le monde, elle eft toujours aflez claire & aflez 
tranfparente pour ne produire jamais de pefanteur à l'eftomac, ni au- 
cuns effets contraires à la fanté. 

2°. Que toutes les fubftances jettées à la rivière, ou qui y font en- 
traînées par Les ruifleaux & les égoûts d’une grande Ville, font bientôt 
décompofées & détruites par la mafle de fluide renouvelée fans cefle; 
& qu'en agitant les molécules qui compofent cet élément, elles les at- 
ténuent, les fubtilifent, & entretiennent la grande fluidité de l'eau d’où 
dépend fa bonté. 

3°. Que l'eau eft effenrielle & néceflaire à notre exiftence & à notre 
confervation, puifqu'elle humecte l'air & la terre, qu'elle fait vivre & 
croître tous les êtres, & que dans bien des cas, on peut l’'employer avec 
Le plus grand fuccès, fur-tout lorfque nous courons Les dangers Les plus 
éminens. 

4°. Que l'eau de la Seine enfin, dont on fait ufage à Paris, foit 
qu'elle nous foit “pores par les fontaines publiques, ou par les pom- 
pés:ou machines hydrauliques nouvellement conftruites, a un caractère 
de bonté & de falubrité qu'il feroit bien à defirer pour la Nation & le 
genre humain, que toutes les eaux du Royaume, & celles qui couvrent 
{a furface du globe, poffédaflent à ce degré. 

Ainf ce n’eft: donc pas.à tort fi les Parifiens fe regardent fpéciale- 
ment favorifés par la Nature; s'ils ne tariflent pas fur les éloges de 
cette eau; s'ils s'enorgueilliffent du bonheur de la voir couper en deux 
leur enceinte; & s'ils foutiennent avec affurance que cette rivière eft la 
plus admirable des rivières, & fes eaux les meilleures de toutes Les eaux, 
Cet: éloge, tient un peu de l'enthoufiafme; on, doit Le pardonner en faveur 
du motif :il'eft naturel aux .ames fenfibles & reconnoiflantes , de publier 
le bienfait qu'elles reçoivent tous les jours, au-delà même de fa valeur, 


Lx 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 19$ 
NE EE EEE 


NOUVELLES EXPÉRIENCES ÉLECTRIQUES, 


Faites par M. Comus,le $ Février 1765, devant Son Alefe 
Séréniffime Monfeigneur le Duc DE CHARTRES, & plufieurs Savans 
que Son Alteffe avoit mandés pour vérifier les faits & Les certifier , ainf? 
qu'il le paroit par le procès-verbal qu ils ont figné. 


Pier Exrérrence. Le fieur Comus voulant s’aflurer fi 
les liqueurs étant électrifées devenoient plus légères ou, plus pefantes , 
prit, pour cet effet, un pèfe -liqueur (de commerce, fait en verre & 
lefté en mercure), qu'il plongea dans fon feau de fer-blanc rempli 
d'eau: il ifola ce feau fur un plateau de cryftal à pied, & après qu'il 
eut électrifé fon eau, on vit fon pèfe-liqueur s'élever au-deflus de la 
furface de l'eau de trois degrés; il tira l’étincelle, l'inftrument retomba 
au même degré qu'il étoit auparavant : lorfque l'électricité eft bonne, 
huit tours de roue fuffifent pour faire cette expérience. IL répéta l'ex- 
périence, en mettant fon pèfe-liqueur dans une bouteille de Leyde rem- 
pe d’eau; le réfulrat a toujours été le même. Pour empêcher ce pèfe- 
iqueur Le ain des parois du feau de fer-blanc, il lui fit faire un 
couvercle de verre percé d’un trou au milieu, aflez libre pour que le 
tube pût monter droit; cefte expérience faite dans l’eau de Seine dif 
tillée & non diftillée, dans lefprit-de-vin & dans plufeurs acides, 
donné le même réfultat, c'eftà-dire que l'inftrument s’eft toujours élevé 
de trois degrés plus ou moins. 

Voulant fe convaincre fi la matière, qui fervoit de lefte, ne contri- 
buoit pas à l'élévation de ce pèfe-liqueur, il s’eft fervi de fable à la place 
de mercure; il n’a remarqué aucune différence dans le réfultat. 

I expofe le fait, & laïfle aux Savans à raifonner fur la caufe ; dé- 
pend elle du contenant, du contenu, ou du fluide environnant ? 

Il croit avoir remarqué que l’eau étoit plus pefante de quelque chofe 
après l'opération; cette conjecture veut être confirmée. 

DEuxIÈME ExPÉRIENCE, Effet de l'Eleëtricité fur l'inclinaifon 
magnétique. M. Comus prit une aiguille d’inclinaifon bien fufpendue, 
& la plaça fur un plateau, garni comme une bouteille de Leyde. Après 
avoir tourné fon aiguille dans le méridien magnétique, il laifla tom- 
ber une chaîne fur fon plateau, & enfuite l'éleétrifa: on vit remonter 
de fix degrés la partie nord de fon aiguille; on déchargea le plateau. 
&c l'aiguille reprit l'inclinaifon qu'elle avoit avant l'opération. Cette ex- 
périence prouve que le Auide environnant ne produit pas le mène effet 
fur cette aiguille, pendant l'éleétricité, qu'auparavant; & que la pref- 
fon de ce fluide eft différente, ou que cette aiguille perd de fon 


Tome V, Part. IL 1775. Bb 2 


196 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, &e. 


poids du nord au fud. Cette aiguille électrifée tend à reprendre la di-. 
rection qu’elle avoit avant d'être aimantée : il a tourné le fupport de 
cette aiguille dans les différens points de lhorifon; il a paru que, fur 
l'angle de l'horifon magnétique au géographique, l'aiguille fe redreffe 


avec plus de facilité que dans les autres fituations. Cette expérience. 


extraordinaire peut faire naître des idées nouvelles fur la caufe du ma- 
gnétifme. IL communiquera une fuite d'expériences intérefantes fur ce 
fait dans les Cahiers fuivans, de même que fur celles faites dans le vuide. 

TroIsIÈME ExPÉRIENCE. Sur le verre électrifé par l'air mis 
en aétion par le fouffler. 

On chauffe un verre à patte ou bien un morceau de verre, n'im- 
porte la forme; on lui préfente des corps légers, il ne donne aucune 
marque d'électricité; on le foufile avec un foufflet d'Orfèvre pendant 
une minute, & il donne des fignes très-diflinéts d'électricité: le verre 
devient de même électrique par le foufllet, fans être échauffé; mais 
moins. Le plateau d’une machine électrique de trente-fix pouces de dia- 
mètre, eft devenu électrique par le fouffle fans être chauffé; une mañle 
de verre devient de même électrique en verfant du mercure ou du 
plomb en grains deffus, & cela plus ou moins, fuivant la preffion, & 
conféquemment la pefanteur fpécifique du corps que vous paffez deflus ; 
vous ne faites que paffer la fubftance fur votre verre, & à l'inftant il 
donne des marques d'électricité. 


w 
Conjeétures de M. Comus, fur la taufe de l'expérience précédente. 


Le verre, avant d'être chauffé, eft un corps fans atmofphère; les 
particules ignées qui font dans fes interftices, font immobiles &c arrêtées 
par l'air environnant qui les contraint de refter dans leurs prifons, & 
cela, en preflant le corps fur les deux furfaces également. Lorfque vous 
échauffez le verre, vous écartez l'air de cette mafle, & vous donnez 
eflor aux particules ignées qu'elle renferme entre fes molécules. Comme 
rien ne condenfe cette atmofphère ignée du verre qui eft dilaté autant qu'il 
le peut, l'air venant petit à petit à refferrer cette atmofphère par une force 
comprimante, il ne fe fait aucune réaction, & le verre ne donne point 
de marques électriques : mais aufli-tôt que le verre eft chaud, vous fouf- 
flez pendant quelques minutes; vous donnez de l’aétivité au fluide igné 
qui, deja dilaté par lè feu, eft forcé de fe condenfer par l'air qu'on 
agite & qu'on lance vers lui avec le foufflet. Ce fluide réagiffant alter- 
nativement contre l'air, entretient le mouvement impulfé pendant quel- 
que tems, & donne des fignes d'électricité. 

Nous certifions que nous avons vu répéter les expériences ci-deflus, 
& que nous avons obfervé qu’elles font très-exaétes & conformes en 
tout au détail qui nous a été préfenté ; en foi de quoi nous avons figné. 

DELORT, ROUELLE, D'ARCET, ROZIER. 


1 


ee ie à st le GT RE a 


| jUL El f 
| CU Preuvorr 


por à 
AR 
Le 


OBSERVATIONS 


SAPAR 


LA PHYSIQUE, 


SUR L'HISTOIRE NATURELLE 


ERAS RO LE,SS ARTS, 


AVEC DES PLANCHES EN TAILLE-DOUCE; 
DÉDIÉES 
A MoNSsEetGNEUR LE COMTE D'ARTOIS, 


Par M. l'Abbé RozZI1ER, Chevalier de l'Eglife de Lyon, de l’Académie Royale 
des Sciences, Beaux-Arts € Belles-Lettres de Lyon, de Villefranche, de Dijon, 
de Marfaille, de la Société Impériale de Phyfique & de Botanique de Florence, 
Correfpondant de la Societé des Arts de Londres, &c, ancien Direëleur de l'Ecole 
Royale de Médecine-Vétérinaire de Lyon. 


TOME CINQUIÈME. 


MrALRNSU 2779: 


* 
gi? 


A: PARLES, 
Chez RUAULT, Libraire, rue de la Harpe, 


M. DCC. LXX V. 
AVEC PRIVILEGE DUROI. 


D AETSLATRLTONONLHENS 
Contenus dans cette troifième Partie. 
Lee NDE Lettre, ou fuite d'Obfervations fur le rachitifme du Bled, 
fur les Anguilles de la colle de farine, © [ur le Grain charbonné >; 


par M, D. Roffredi, Abbé de Cafanova en Piémont, page 197 
Lettre écrite à l'Auteur de ce Recueil ; par M. Nécdham, de L'Académie 


Impériale & Royale de Bruxelles, Ec. 226 
Obfervation Médicale fur la Vue double; par M. Baumer, 228 : 
Confidérations optiques (huitième Mémoire) , fur La nature des atmof- 

Phères optiques, 230 


Difiours fur la Torpille, prononcé dans l Affemblée annuelle de la So- 
ciété Royale de Londres, le 30 Novembre 1774, par le Préfident 
M. le Chevalier Baronet Pringle ; traduit par M, le Roy, de l'Aca- 
démie des Sciences, 24€! 

Extrait d'un Mémoire lu à l'Académie Royale des Sciences le Mercredi 
1$ Février 1775; par M. Adanfon, Membre de la même Acade- 
mie, 257) 

Suire des Expériences éleétriques; par M. Comus, 274 

Première Lettre de M. du Coudray, Capitaine d'une Compagnie d'Ou- 
vriers au Corps de l'Artillerie, fur la matière inflammable & [ur l'air 
fixe, annoncés dans la chaux , par quelques Chymifles, 277 

Seconde Lettre de M. du Coudray, Capitaine d'une Compagnie d'Ou- 
vrièrs au Corps de l'Artillérie, à M. le Marquis de * * * fur ur 
pallage de l'Introduëtion à lHifloire des Minéraux de M. de Buffon, 
relatif à une réduétion de Boulets qui a eu lieu dans quelques Arfe- 
HAUX » 282 

Nouvelles Littéraires. 288 


APS RER MORE NT TAOMINE 


J lu, par ordre de Monféignenr leChäncelier, un Ouvrage ayant pour titre: 
Oëféxvurions Jar. la Phyfique, fur l'Hifioire Nuurelle & fur ls Anis, Ge. par 
*PMAILALESR oZTER, Éfe, & je crois qu'on péuten permettre l'impreflion, A Pas : 


us, ce 24 Mars 1775, 
GARDANE. 


HEC ONNBDIENRIE/T. TR E, 
ou 


SUITE D'OBSERVATIONS 


Sur le rachitifme du Bled, fur les Anguilles de la colle 
de farine, & fur le Grain charbonné ; 


Par M. D. Rorrrepr, Abbé de Cafanova en Piémont (1). 


ji rachitifme du froment, maladie , felon M. Tillet, plus commune 
que l'on ne penfe, & aufli funefte que la nielle & le charbon , ne paroît 
pas avoir d'autres fources que les grains avortés qui font ou tombés fur 
le champ pendant les récoltes, ou mis en terre à l’occafion des femailles 
par le Laboureur, mêlés avec les bons grains. Ce fait qui eft affez prouvé, 
ce me femble, par les expériences & les obfervations que j'ai rapportées 
dans ma première lettre , left encore plus évidemment par celles que 
jai faites fur l'orge & fur le fcigle; car, quoique le favant Naturalifte 
que je viens de nommer, n'ayant apperçu des grains avortés que dans 
le froment, ait penfé que le rachitifme & l'avortement des grains 
étoient une maladie ropre à cette feule efpèce de bled, il me paroifloit 
toujours curieux de nr fi du moins par art, on ne pouvoit pas la 
communiquer à d'autres efpèces. 

L'orge que je femai avec des grains avortés pris parmi ceux qui 
étoient mêlés au froment , leva fort bien ; les pieds tallèrent beaucoup, 
& les tiges , depuis qu’elles commencèrent à paroître jufqu'à la maturité 
des grains, ne donnèrent aucunes marques de maladie : je ne laïffai pas 
d'en obferver plufieurs pieds pris à l'aventure , faute d'indice pour en 
choifir de convenables au but de l’obfervation; mais il ne m'eft pas 
arrivé d’avoir découvert quelques anguilles dans les racines , dans les 
tiges, ni dans les embrions des grains. Après avoir laiflé mürir l'orge, 
jen égrenai à la main les épis, & j'y ai trouvé des grains, en petic 
nombre, à la vérité , extrêmement contrefaits & petits , qui paroifloient 


(1) La multitude des Obfervations , la précifion des expériences, les idées neuves 
que préfente ce Mémoire, les préjugés ou fauffes opinions qu'il dérruit, empéche- 
ront le Leéteur de s’appercevoir de fa longueur & de fon étendue, 


Tome V, Part, LIL. 1775. 


198 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


n'être que des filets qu'on pourroit comparer à la graine de la petite 
lairue , à l'exception de la couleur qui n'eft pas aufli brune qu’elle F'eft 
dans cette femence; mais d’ailleurs , le dedans de ces petits filets étoit 
rempli des mêmes anguilles communes du bled avorté. Je n’ai pas répé- 
té certe expérience, d'autant plus qu'on n’eft pas dans l’ufage de femer 
de l'orge dans nos plaines: mais les expériences & les obfervations qui 
concernent le feigle, ont été répétées trois années de fuite ; je men 
tiens cependant aux réfultats de la dernière année, ayant dans celle- 
ci choifi un terrein plus propre à la végétation de cette efpèce de bled, 
que n'’étoit celui dont je me fuis fervi dans les deux premières. 

Dès les premiers jours du mois d'Avril, j'eus lieu de m'appercevoir 
que les grains avortés que j'avois mêies dans la femence à ceux de fei- 
gle, avoient commencé à jetter du défordre dans la marche naturelle 

e la végétation ; j'y remarquai plufeurs pieds, dont les tiges éroient 
ou tortues, ou flafques, & d’une couleur jaunâtre. Les Obfervations 
faites au mifcrofcope, m'ont appris que dans ces plantes malades, les 
environs du collet éroient remplis d’anguilles, tout comme je les avois 
apperçues dans le froment rachitique. Pendant les progrès de la végé- 
tation, je n'ai pu obferver que ee feuilles recoquillées, & dès 
que la tige s'eft élevée, ce qui arrive dans peu de jours pour le feigle; 
le tuyau paroît aflez droit, & ordinairement, on n’y apperçoit de la tor- 
tuofité qu'à fon premier nœud. Pour ce qui eft des épis , il eft très- 
difficile de difcerner les bons d'avec ceux qui font attaqués de la ma- 
ladie ; Le port, dans les uns & dans les autres , eft à-peu-près le même : 
mais c'eft dans l’intérieur des balles qu'on a les preuves de l'altération 
occafionnée par les anguilles. On y trouve, en effet, de petits grains 
remplis d’anguilles communes , & ces grains ont deux formes différen- 
ces ; les uns font plus petits que les bons grains, mais ils en retiennent 
aflez la forme & la couleur : les autres ont une couleur brune & une 
forme arrondie ; & entre ceux-ci, il y en a qui ne font pas plus gros 
que la tête d'une petite épingle. 

Cependant, quoique ces Obfervations prouvent que le rachitifme 
eft une maladie qu'on peut donner au feigle , il me femble que 
M. Tillet a roujours raifon de juger qu'elle eft propre feulement au 
froment; car à peine pourra-t-on trouver, & encore par hazard, quel- 
de épis de feigle qui en foient infectés: & quand cela arriveroit, il 
eroit bien difficile que la maladie eüt des fuites fcheufes pour les 
récolres à venir. La raifon en eft, que les grains avortés que j'ai obfervés 
dans le feigle, font fort petits , très-légers & prefque toujours fortement 
adhérens au fond des balles; & cet enfemble de circonftances doit ren- 
dre bien rare Le cas d'avoir dans la femence , le bon feigle mêlé avec des 


grains avortés, 
Mais 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 199 


Mais l'expérience prouve affez que dans le froment ce cas n’eft rien 
moins que rare. Il eft vrai que même dans ce bled, la plupart des grains 
avortés font aflez petits pour qu'ils paflent au travers du crible; mais 
il yen a toujours Dssus dont la groffeur rend, à leur égard, cette 
opération inutile. Les Laboureurs qui font dans l’ufage de donner des 
Préparations aux grains qui doivent fervir aux femailles, peuvent te 
venir les mauvaifes fuites de cet inconvénient, en lavanc Le grain dans 
un cuvier, & emportant avec une écumoire les grains qui PR £ 
Car ceux qui font avortés , ne tombent au fond qu'après avoir été 
pénétrés par l'eau. Mais il n’eft pas aufñi facile de détruire la fource du 
mal qui peut être occafionnée par des grains avortés tombés en terre 
au tems de la maturité des bleds : il eft für que les anguilles sy con- 
fervent fans fouffrir les alternatives du defsèchement & de l’amollifle- 
ment des grains; & quand même il leur feroit arrivé d’en être forties 
avant que le bled fût femé, elles pourroient fort bien fe conferver en 
terre jufqu'à la faifon convenable , pour s’introduire dans les plantes 
nouvelles; du moins, eft-il certain, par mes Obfervations , qu'elles 
peuvent pafler vivantes dans de l'argile trempée d’eau , fe deflécher 
lorfque celle-ci fe durcit, & enfuite revivre fi elle fe ramollit. Cepen- 
dant , quoiquon manque d'expédiens praticables pour garantir la 
récolte + bled , du déchet qui peut venir de ce côté-là , il me femble 
que le dommage ne pourra être que de peu de confidération, fi on 
ne manque pas de foins dans le choix de la femence; il n'arrive pas 
fouvent que des grains avortés tombent d'eux-mêmes en terre. J'ai 
vifité un grand nombre d'épis rachitiques, & à peine m'eft-il arrivé 
quelquefois d'avoir apperçu des balles fans grains. Mais j'ai une remar- 
que à faire au défavantage d’une pratique aflèz commune parmi les Culti- 
vateurs de nos cantons. Ils font dans l’ufage de choifir de préférence , 
pour enfemencer leurs terres , les bleds cueillis par les Glaneurs, dans 
la perfuañon que ces grains font fans mélange de graines étrangères. 
Je puis aflurer qu'il ny a pas de bled aufi infecté de grains avor- 
tés. que Le font ceux des Glaneurs : Le raifonnement me l’avoit fait 
fentir ; des obfervations conftantes me l'ont confirmé. La plupart des 
tiges rachitiques ne s'élèvent pas comme les bonnes tiges; elles font 
plus bafles, & leur tortuofité les fait pencher vers la verre; il y en a 
même plufieurs qui, font prefque rampantes, & de-là, il doit s’enfui- 
vre, & il s'enfuit en effet, que les Moïflonneurs paflent deffus avec 
leurs faulx, d'où il réfulte que les épis gâtés & méconnus tombent en 
partage aux Glaneurs. 

Après tout ce.que je viens de dire, & ce ae j'ai dit dans ma pre- 
mière lettre , il me paroît affez évident que le rachitifme du bled a 
pour caufe immédiate, les petites anguilles qui s’y font introduites , 


Tome V, Part, III. 1775. Cc 


200 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


& pour médiate, les grains avortés mêlés en terre avec les bons 
grains. Je me trouve cependant ici en oppofition avec certains réful- 
tats donnés par M. Tillet. Parmi le grand nombre des belles expé- 
riences relatives à la Differtation fur la caufe qui corrompt les grains 
de bled dans les épis , il ÿ en à une qui fut faite fur une planche de 116 
pieds de longueur, fur 12 de largeur. Il fit femer du Fr recueilli 
d’abord avec beaucoup de foins pendant que les bleds éroient fur pied; 
mais il avoit, avant de femer , noirci de carie ou de la pouflière noire 
du bl<d charbonné, & entretenu dans cet état pendant un mois, & 
qu'il avoit enfuite lavé fuperficiellement & recouvert fur le champ de 
nouvelle poufière noire. ‘Le réfultat de cette expérience elt rapporté 
dans la faite du deuxième plan , de la façon fuivante : Un grand nom- 
bre de pieds avortes. Beaucoup de tives foibles & baffes. Une quantité pro+ 
digieufe de pieds infeëtés de la carie. Or, par les circonftances de l'expé- 
tiencé , il né paroït pas que ce grand nombre de pieds avortés ou ra- 
chitiques, puifle fe rapporter aux grains avortés , mélés en les femant 
avec ceux du froment ; C’eft la première difficulté. On pourroit fonder 
la feconde fur les expériences qu'il a faites fur l'éfpèce de froment 
appellé , en France, Bled de fouris , triticum cinericeum , G. Bauh. ; 
car elles prouvent que ce bled , moins fujet à la carie que les autres, 
eft pourtant attaqué communément ‘du rachitifme : Le rachitifme , dit 
M. Tillét, fur fenfible dans toutes les planches qui contenoient la même 
efpèce de bled. Ces planches étoient au nombre de fix ; & fappofé que 


les grains, qui ont fervi à les enfemencer , aient été choifis avec le même 


#oin qu'on s'eft donné par rapport à ceux du froment commun , il faut 
rendre raifon comment le rachitifme a pu fe manifefter dans toutes ces 
“planches. : 

J'ai répété, pendant trois ans confécutifs, l'expérience de M. TFillet, 
qui regarde la pis noire du bled chaïbonné ; & les réfulrats de 
celles que j'ai faites dans les deux premières années , ont été précifé- 
ment les mêmes ; j'ai eu beaucoup Pépis chaïbonnés, & pas un de ra- 
chitiques ou avortés : mais il y a eu de la variété dans le réfultat:de 
‘celle que j'ai faite dernièrement. Le produit de la petite planche que 
“j'avois enfemencée, a été de 1023 épis qu'on pouvoit appeller bons, 
‘de 1816 épis charbonnés, & de 8 épis rachitiqués. Je ne prérends pas 
“déterminer précifément quel eft l'incident qui peut avoir eccalionné la 
production de ces 8 épis rachitiques ; & je me bornerai à faire deux 
remarqués, dont la première éft, que dans une planche qui étoit à 
côté de celle de l'expérience , & qui avoit été femée de froment à l'ordi- 
-naire , il y avoit aufli dès pieds rachitiques ; mème en plus grand nom- 
-bre quetjé n'en ai trouvé dans la première. Ma feconde. remarque eft 
cque la quantité rélative dés différens produits de la planche en queftian 


bent 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, of 


fournit une preuve évidente de l'influence de la pouflière noire , dont 
la femence &été infectée , fur la produétion de ce grand nombre d'épis 
charbonnés ; mals en même tems, elle fait fentir que cette même pouf- 
fiere ne peut avoir eu aucune influence fur celle > 8 épis rachitiques. 
J'ai pour garant, fur cela , M. Tillet même, dont l'aveu eft poñitif, 
« Je fuis très - afluré aujourd'hui (dit-il, p. 76), que ce qui eft dans 
» le froment une fource abondante de carie , n'y eft point une caufe 
» d’avortement ». Au furplus, le réfultat de l'expérience de M. Tiller, 
que j'ai rapportée, eft unique contre quarante d'autant d'autres planches 

w’il avoit femées de froment noirci de carie ou de la pouflière noire 
de grains charbonnés ; on y voit que toutes ces planches ont abondé 
en bled charbonné , mais on n'y voit pas qu'elles aient porté des pieds 
rachitiques. 

Quant aux expériences qui fe rapportent au bled de fouris, je n'ai 
encore pu en peer les circonitances, faute d’avoir de ce grain. J'en ai 
enfin reçu de Champagne , que j'ai déja femé , qui a levé fort bien, 
& qui fe foutient dans ce mois de Décembre , tems où j'écris. J'efpère 


‘que le printems me donnera , fur ce es des connoiffances que pour 


Le préfent je n'ai pas. En attendant, je dois avouer que lorfque je jettai, 
pour la première fois, l'œil fur ce bled , je le crus, au premier abord, 
téellement mêlé avec des grains avortés , quoique dans le fait, il n’yen 
eût aucun , mais que cette apparence vint d’une multitude de grains qui 
ont à-peu-près la couleur des avortés , fans pourtant en avoir la forme, 
Je compris par-là que, puifque ce grain , au dire de M. Tiller, eft 
très - fujet au rachitifme, & conféquemment mêlé fort fouvent avec 
des grains avortés , & que, de plus, une quantité des bons grains 
ont à-peu-près la même couleur des avortés, il eft très-difhcile, 
fans une attention foutenue , qu'on ne s'abufe dans le choix de cette 
femence. - 

Mais s'il ne peut pas y avoir de doutes un peu fondés fur l'origine 
du rachitifme , ni fur celle des grains avortés , & des anguilles qui y 
font contenues, il pourroit cependant arriver qu'on fit jouer à ces mé- 
mes anguilles des rôles un peu chimériques ; c'eft même ce qui a déjà 
été fait par un affemblage d’obfervations qui ne peuvent fe foutenir , 
& d'hypothèfes tout-à-fait hafardées. M. Ledermuller , qui ne connoif- 
foit les anguilles du bled avorté que par le premier Ouvrage de 
M. Néedham , traduit de l'Anglois en 1747, qui, abufé par de mauvais 
microfcopes , a pris pour une même anguille celle du vinaigre & celle 
de la colle de farine, a penfé aufli que l’anguille , vue dans Le bled niellé 

ar M. Néedham , n’étoit que cette même anguille du vinaigre & de 
Ê colle de farine ; &, partant de là , il a imaginé une efpèce d'hypo- 
thèfe dont il a fait part au Public , il y a quelques années, dans fon 


Tome V, Part III. 1775. CC 


202 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Amufemene microfcopique , tant pour l’efprit que pour les yeux. « J'ai vu 
» (dit-il, p. 39), les premières anguilles où ferpentaux dè la colle de 
» farine dans du vinaigre, où elles font beaucoup plus tranfparentes 
» que dans cette colle. Je crois qu’elles y entrent avec le lévain que 
>» l'on prend pour frire aigrir le vinaigre. Mais comment entrent-elles 
» dans Le levain ? ily a apparence , ibn M. l'Abbé Néedham , que 
» C'eft par les grains de bled gâtés par la nielle». Ce font-là les ob- 
fervations ; voyons l’hypothèfe qu’elles ont occafionnée. « Je fuppofe 
» donc , d’après l’obfervation de M. Néedham & d’autres Savans, que 
>» ces anguilles viennent du froment gangrené ; & j'en conclus que de- 
» [à, elles viennent d’autant plus facilement dans la farine , & de la fa- 
» rine dans le levain, la colle & le vinaigre, que la grande quantité 
» de leurs œufs peuvent , à caufe de leur extrême petitefle , pafler fans 
» peine entre les meules de moulin ». È 

[l eft fâcheux que cette confufion d’efpèces , propre à en répandre 
dans des points d'Hiftoire naturelle , fe foit déja gliffée dans les fculs 
Livres clafliques que nous avons fur les efpèces d’animalcules microf- 
copiques. Le fameux M. Linnée, dans la douzième édition du Syftême 
de la Nature , fous la dénomination de Chaos filiforme redivivum , con- 
fond , d’après M. Ledermuller qu'il cite dans fes Synonymes, ces trois 
efpèces d'anguilles. Tout récemment M. Muller , qui le croiroit ! 
M. Muller, qui vient de donner un fi bon Livre fur les différentes 
efpèces des animalcules microfcopiques , qui a tant obfervé pour en 
augmenter le catalogue, a pourtant fuivi les deux Naturaliftes que j'ai 
nommés , au moins par rapport aux anouilles du vinaigre & de la colle 
de farine; car il y a apparence qu'il ne connoifloit pas celle du bled avorté, 
puifau’il n’avoit pas cité M. Néedham parmi des fynonymes du Vibrio 
anguillula (1), ni ailleurs. Ce feroit bientôt fait, fi je voulois me borner 
à marquer les différences apparentes qu'il y a entre ces trois efpèces ; 
mais d'autres confidérations me décident à parler un peu plus au long 
fur ce fujer. : 

L'anguille de la colle de farine, célèbre par les queftions qu’elle a 
fait naître fur fon origine , & par fa propriété d'être vivipare, l’eft auffi 
par les doutes qu'on a jettés fur fon exiftence. Comme tous Jes Savans 
ne doivent pas s'occuper du microfcope, & que parmi ceux qui fe font 
livrés à cetre étude; il y a fi peu de concordance dans leurs obferva- 
tions, fi peu de détails fatisfaifans, & comme l’on a vu qu'une même 
obfervation pouvoit porter un Obfervateur à croire avoir découvert des 
anguilles, & enfuite lui perfuader de n'avoir vu que des filamens 
alongés ; il ny a pas lieu d’être furpris fi des Savans , d’ailleurs d'un 


(1) Hifloria vermium , page 41. 


SUR L'HIST. NATURÈLLE ET LES ARTS. 203 


mérite fort diftingué , regardent les obfervations faites fur les animal- 
cules microfcopiques , comme fi elles n’euflent point exifté. Je ne re- 
proche donc pas à M. Malouin d'avoir écrit, dans fa belle defcription 
de l’art du Boulanger (1), qu'il a paru à ces Obfervateurs, voir en prie 
des vers, des anguillés | comme il femble quelquefois au commun des hom- 
mes de voir au ciel des armées dans les nues ; car cela pourroit être comme 
on le dit: mais il fe pouxroit aufli qu'on fe trompät, en foutenant que 
ce qu'on a pris dans la colle de farine pour des anguilles, ne foit que 
des prolongations du mucilage du grain , & que leurs prétendus ac- 
couchemens ne font que des explofions de la partie collante de la fa- 
rine qui fe pourrit. Ce qui a le plus ouvert la porte à de telles fpécula- 
tions, eft fans doute l'infuffifance des détails donnés par les Obfervateurs, 
au microfcope. J'en appelle à la defcription que M. Muller vient de 
publier fur l'anguille de Ja farine , qu'il appelle vibrio anouillula. La 
voici : Corpus filiforme , teres, pellucidum ; medio grenulis repletum , 
utrâque extremitate pellucentiffimum , vacuum , antice-[ubtruncatum , pof- 
tice in mucronem breviffimum fecaceum terminatum , quâvis ætate 6 magni- 
tudine idem (2). Qu'y a-t-il là-dedans qui foit propre à éclaircir les 
doutes ? IL m'a donc paru qu'après les détails que j'ai donnés des faits 
qui fe rapportent à l’origine de l'anguille du bled avorté , il n’étoit 
pas mal de préfenter ceux qui regardent la ftructure & la nature de 
l'anguille de farine. « 

On peut trouver , dans la colle de farine , quatre différentes efpèces 
d’anguilles ; celles qu'on a dit être vivipares , qu'on a le plus obfervées, 
& que je décrirai particulièrement , appartiennent à la plus grande de 
ces quatre de es La méthode dont je me fers pour avoir imman- 
quablement de ces anguilles , eft la fuivante : Je fais bouillir de la fa- 
rine de froment dans de l'eau mélée à Sin gouttes de vinaigre ; 
je remplis de terre un pot percé au fond , comme le font les vafes à 
fleurs, & je ménage, dans cette terre, un creux pour y placer La 
pâte que jy porte dans un morceau de gros linge qui la contient ; 
je recouvre le tout avec de la terre , ou avec quelque enveloppe de 
gros linge, pour être entrerenue toujours bien humide : cette colle, 
ainfi préparée , & expofée au foleil dans les faifons qui ne font 
pas froides , ou entretenue dans quelque endroit chaud, fi c'eft dans 
l'hiver, fe remplit, dans dix à douze Jours, d’un grand nombre d’an- 
guilles. L'événement eft le même fi, au lieu de la colle, on met dans 
le linge de la farine naturelle de froment, de feigle, de riz ou de 
châtaignes. 


(1) Not. 37, pag. 134, Col. 2. 
(2) Hiff. vermium, pag. 41. 


Tome V, Part. III. 1775. 


204 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Je dois-encore faire connoître que , pour ces obfervations, je ne me 
fuis fervi du microfcope double que rarement , & que ceux dont j'ai 
fait le plus d’ufage , bre le microfcope fimple & le folaire, celui- 
là toujours monté d’une excellente lentille d'environ # de ligne de 
foyer ; & pour le fecond , comme l’'agrandiffemant de l'objet, qui vient 
de la plus grande diftance où l’on place l'écran de la lentille objec- 
tive, n’eft d'aucun ufage pour l’obfervation , je le montai de lentilles 
plus où moins fortes , felon l'exigence des cas. Mais je ne dois pas 
diflimuler que , quelle que foit l'habileté qu'on ait à fe fervir du microf- 
cope , je doute qu'on puiffe parvenir à vérifier, fans équivoque , tou- 


tes les obfervations que j'ai faites fur cette anguille, à moins qu'on ne’ 


fubftitue , aux plaques ordinaires entre lefquelles on fait pafler les glif- 
foirs, une petite machine équivalente, mais fournie d'une vis de com- 

reffion, moyennant laquelle on arrête l'animal, on l’oblige à s’alonger, 
a fe déployer , même à fe rompre , felon que le but de l’obfervation 
l'exige. 

L'anguille que j'examine, lorfqu'’elle eft parvenue à-peu-près à fon 
grand accroiflement , à environ = de ligne de longueur ; & le diamètre 
de fa groffeur , dans l'endroit le er épais de fon corps , eft de - de 
ligne. La figure I, PI 1, qui fait voir le diamètre de l'objet groffi 
120 fois, repréfente une de ces anguilles comprimée feulement autant 
qu'il le falloit pour gêner fes mouvemens, & l'obliger à s’alonger & à s'ap- 
platir un peu; ainfi, ces deux dimenfions font ici un peu plus fortes qu'elles 
ne le feroient , fi l’animalcule n’eût pas été aflujetti par la compreflion. 
L'extrémité du devant eft furmontée aux deux côtés, de deux petits 
mamelons ou barbillons mobiles aa , qui laïiflent entre deux un petit 
vuide b, au fond duquel doit fe trouver l'ouverture qui tient lieu de 
bouche dans l'animal : mais cette ouverture n’eft pas vifible ; & géné- 
ralement il eft vrai que le bout d'un vaiffeau dont le diamètre n’eft 
qu'environ — de ligne, fe voit toujours au microfcope fous la même 
apparence , foit qu'il foit ouvert ou qu'il foit fermé. L'extrémité infé- 
rieure a une forme arrondie, qui finit un peu brufquement en pointe 
ou en une courte queue w. Poffice in mucronem breviffimum fetaceum 
terminatum , dit M. Muller. Dans les jeunes anguilles , cette extrémité 
eft conformée différemment ; elle finit en pointe par une diminution 
graduée. Près de l'endroit où cette extrémité commence à s'arrondir , 
il doit y avoir en 7 une petite ouverture pour laifler fortir les excré- 
mens ; mais on ne peut pas la découvrir : j'ai obfervé feulement que 
comprimant légèrement l’anguille , il en fortoit, à deux ou trois reprifes, 
de petits jets d'une fubitance fort fubtile, en forme de fumée, qui fe 
répandoient dans l’eau; mais que fi j'en augmentois la compreflion par 
des degrés prefque infenfibles, il paroiffoit en dehors, à ce mêrne endroit, 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 295$ 


une petite vellie ; & qu’alors, pour peu que j’eufle encore Ligue la com- 
preflion , la veflie fe rompoit , & que des liqueurs & des vifcères de 
l'animal fortoient par cette ouverture. L’extérieur de l'animal offre en- 
core à l'obfervation une partie y, 7, que je différerai d'examiner pour 
le faire plus à propos. 

Quoique la première figure repréfente l’objet grofli de 120 fois fon 
diamètre , cet accroifflement n’eft cependant pas fufifant pour permettre 
d'exprimer exactement les vrais rapports de toutes les parties effentielles 
de quelques vifcères de ce petit ver. J'ai donc porté l'agrandifflement 
de l'objet, dans la figure 2 , jufqu'à,380 fois. Celle-ci repréfente le con- 
duit des alimens , depuis fon origine jufqu'a celle du ventricule : mais 
avant tout, je dois faire obferver qu'elle repréfente l’objet tiré hors du 


corps de lanimal , & féparé de toute autre partie ; opération que la 


nature , aidée feulement d'un peu d'at, exécute d'elle-même , de la 
façon que je le dirai ci-après. À la vérité , la partie du devant eft affez 
tranfparente , wtrâque extremitate pellucentiffimum , dit M. Muller , 
pour donner toute da facilité de découvrir la forme des vifcères qui y 
font contenus ; mais j'ai mieux aimé repréfenter celui-ci tel que je l'ai 
obfervé hors de l'animal , pour la fatisfaétion des perfonnes qui pour- 
roient penfer que l'imagination de l'Obfervateur , frappée par une 
multitude de linéamens confondus dans l'intérieur de cette partie, ne 
l'ait aidé à les arranger fous une forme convenable à fes vues : en un 
mot, il ma,paru que l'avancement des connoiffances humaines exi- 
geoit que je file fentir qu'on n'a pas vu, au moins dans ce cas, par le 
microfcope.en.petit , des anguilles , des vifcères, des vaifleaux , comme 
parle -célefcope on voit en grand , dans la lune , des mers & des 
montagnes (1). 

L'œfophage bc (fig. 1 , 2), eft à fon origine au milieu des deux 
mamelons 44 , un conduit fort délié ; mais il s’élargit bientôt en c, & 
prend la forme d'un fac oblong cd, dont le diamètre va toujours en 
augmentant jufqu'en d, où il forme un renement def, qui fe rétrécit 
dernouveau en f jufquà ce qu'il arrive à un fecond renflement ghi, 
dont l'extrémité.a un col court ££, qui ; lorfque l'animal_eft, dans cer 
état-naturel , eft toujours enfoncé dans un grand fac X L. Je ne donne 
point de nom aux deux.premiers renflemens , car ce ne feroit que don- 
ner des conjectures ; mais pour le grand fac KL, il eft clair que c’eit 
l'eftomac. Ce que je viens de décrire appartient à l'extérieur du conduit 
des alimens ; mais fon intérieur offre à l'obfervation quelque chofe de 
plus fingulier. : 

C'eft une obfervation qui a été faite par le célèbre M. Redi, qui dit 


(1) M. Æfalouin, defcriprion, &c. Note 35. 
Tome V, Part. 1IL 1775. 


506. OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE,. 


que , dans je efpèces de vers de terre, le conduit des alimens eft 
formé de deux facs, dont l’un eft emboîté dans l’autre ; c’eft ce qu'on 
obferve aufli dans l’anguille que j'examine. Le petit vaifleau bc, que 
j'ai nommé l'œfophage , & qui paroït donner naiflance au fac cd, 
rentre un pou dans ce même fac, & il y conferve fa forme jufqu'en 
M; d'où il fe prolonge , fous la forme fouvent d'un filet noiratre 
M NN, qui pañle à-peu-près le long de l'axe du conduit ceh, & fe 
termine , au moins felon l'apparence , au commencement du ventri-= 
cule en Æ. Cette prolongation de l’œfophage n'a , le plus fouvent, 
que l'apparence d’un filet, comme il elt repréfenté dans la figure ; parce 
que, le plus ordinairement , ce vaifleau eft reflerré & contracté. Ce 
canal , ou filet, au centre à peu. près du renflement ghi, a de chaque 
côté deux appendices 00, qui font deux petits corps femblables lun à 
l'autre , un peu tranfparents vers le milieu, & qui ont la forme d'un 
petit grain arrondi à l'extrémité qui eft couchée fur le filet, & un peu 
pointu à celle qui eft en dehors. Ces pointes font ordinairement tour- 
nées vers le devant de l'animal, mais un peu de côté, comme la figure 
le repréfente. Quels que foient les mouvemens de l'animal , le filet ne 
change pas fenfiblement de pofition par rapport à l'Obfervateur , preuve 
évidente qu'il occupe l'axe du conduit où il eft contenu: mais comme 
les deux appendices 00 font hors de cet axe, il faut de néceflité que 
leur apparence change felon les différentes fituations de l'animal ; d’où 
il arrive qu'on les voit quelquefois fi confufément, qu'ils ne paroiflent 
que comme quelque chofe de noir. 

Maintenant il faut que je fafle voir, en peu de mots, comment il 
arrive que tout ce nur fort du corps de l'animal , & s'offre à lOb- 
fervateur de la manière que je l'ai repréfenté dans la figure 2. Le corps 
de cet animal, dépendamment de la compreflion , ne fe rompt pref- 
que jamais qu'à une des deux extrémités , ou vers la queue, à 
l'endroit que j'ai déja indiqué , ou vers la bouche; & de ces deux 
endroits , c'eft toujours celui qui eft le moins comprimé, qui fe 
rompt. Lorfque la mafle des fluides contenus dans le corps de l'animal 
eft dirigée vers la partie antérieure , ils rencontrent un obftacle quel- 
conque pour pafler du ventricule dans le conduit que je viens de dé- 
crire : le ventricule tiraillé par la compreffion , & preflé par l’action 
des fluides, fe rompt vers fon origine ; & la fubftance fluide , heurtant 
contre le renflement ghi, l'emporte avec tout ce qui y tient, hors du 
corps de l'animal, par une ouverture qui fe fait à fa partie antérieure: 
pour lors relâchant la vis de compreflion , ce vifcère flotte librement 
dans l’eau contenue entre les deux lames de verre , à la vérité un peu 
raccourci, & arqué comme la figure le repréfente. Mais je dois faire 
connoître que, quant aux deux appendices 00 , & à la portion du filer qui 


paffe 


* 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ‘207 


affe au milieu du fecond renflement , depuis g jufqu'au commencement 
Li ventricule ; c’eft d’après ce qu'elles paroiflent dans le corps même 
de l'animal , qu'on les a repréfentées. 

Les Naturaliftes ont toujours cherché à trouver le cœur dans les 

etits infectes ; & fouvent , faure d'en avoir rencontré un qui reflemn- 
Êie à ceux des grands animaux , ils en ont donné le nom à quelques 
organes dans lefquels on remarque des mouvemens continus de dila- 
tation & de contraction alternatives ; tel eft celui qu'on a appellé le 
cœur de la chenille , quoiqu'on ne remarque pas qu'il sy trouve aucun 
vaifleau qui fafle l'office d’aorte , de veine-cave, d'artère , de veine pul- 
monaire , ni de rien d'approchant , comme M. Lyonnet la reconnu. 
“Dans le genre des animalcules qu’on appelle des infufions , Lééwenhoeck, 
& après lui nombre d'Obfervateurs a microfcope, ont cru avoir dé- 
couvert un cœur dans celui qu'il a nommé l’animalcule à roue : & s'il 
fufit qu'un corps organique , dont la partie fupérieure eft terminée pat 
deux pointes émouflées , à-peu-près comme les mordants d’une tenaille ; 
s'il fufht, dis-je , pour être appellé un cœur, que ce corps s'avance & 
recule alternativement, & que les deux pointes fe rapprochent & 
s'écartent l’une de l'autre avec un mouvement vif , quoique d’ailleurs 
ces mouvemens foient fouvent interrompus par de très-longs interval- 
les , & que l’on ne ne puifle obferver aucun vaiffeau qui aboutifle à 
ce corps , l'animalcule à roue aura un cœur qui fera le feul qu'on ait 
obfervé jufqu'à préfent dans les efpèces des petits animaux de ce genre. 
Il eft vrai , qu'à s'en rapporter à quelques mots de la Préface de 
M. Muller, on pourroit croire que cet habile Obfervateur en ait dé- 
couvert dans déentes efpèces : Moium cordis, dit-il, in quibufdam 
manifeftum : mais fi on confulte le corps de l'Ouvrage , on trouvera 

ue la feule efpèce où il ait vu que ce qui eft rapporté dans la Pré- 
Fo > Eft la vorricella rotatoria (1), qui eft précifément l’animalcule à 
roue de Lééwenhoeck. 

Mais s’il eft difficile de trouver un cœur dans l’intérieur de plufeurs 
efpèces d'infectes ; on convient, d'autre part, que leur ventricule eft 
un organe fort remarquable par des mouvemens alternatifs & conti- 
nus de contraction & de dilatation. « Le mouvement de l’eftomac eft 
» tel, dit SWammerdam, parlant de celui d’un pou, qu'on pourroit, 
» avec quelque fondement , nommer cette partie un autre animal ren- 
» fermé dans l'animal même, à caufe des fortes agitations , des mou- 
» vemens de contraétion, de dilatation, de corrugation & d’extenfion 
» qui lui font propres » (2). Dans l’animalcule que j'examine , la na- 


(1) Page 107. 
(2) Page 45. 


Home F, Parr, IIL 1775. D d 


208 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 

ture fuit un autre plan; le ventricule n’a point de mouvement propre, 
au moins que l’on puifle obferver par le microfcope ; ce font quel- 
ques-unes des parties que j'ai développées ci-deflus, qui en ont un: 
mais ce mouvement, qui s'exécute de différentes manières, n'eft pas 
continu comme dans les infectes ; au contraire, on y obferve de lonos 
intervalles de repos, Ces parties, qui ont du mouvement, font, 1°. le 
filet ou petit canal, depuis fon commencement en M, jufqu'aux deux 
appendices 00 ; 2°. ces mêmes appendices 00 ; 3°. le reftant du filer, 
depuis les appendices jufqu'à fon infextion dans le ventricule en K;; 
-4°. le renflement ghi. Le refte du conduit, favoir , à commencer par 
l'œfophage bc, jufqu’au fecond renflement , n’a aucun mouvement pro- 
pre que j'aie pu obferver. La première partie du filer fe meut de difié- 
rentes manières ; fouvent fon mouvement n'eft évidemment qu'ofcilla- 
toire: d’autres fois, ileft de contraction & de dilatation; & le troifième 
mouvement qu'on y apperçoit , eft d’extenfion. Dans l’autre partie du 
filet, je n'ai remarqué que le mouvement d’ofcillation, qui fe fait 
avec beaucoup de rapidité , & dont lesdignes ponétuées P en marquent 
la nature, Les mouvemens de ces deux parties du filet ne dépendent 
pas l’un de l’autre ; car, le plus fouvent, l'une fe meut; pendant que 
l'autre demeure en repos. Le mouvement Le plus difficile à être ob- 
fervé , eft celui des deux appendices : outre qu'il n'arrive pas fouvent 
qu'ils fe meuvent , il faut de plus rencontrer, dans ces mêmes circonf- 
tances , un hafard favorable, par lequel les deux appendices fe pré- 
fentent avantageufement à l'Obfervateur ; c'eft-à-dire, qu'ils fe préfen- 
tent-dans, un plan à-peu-près parallèle à celui du porte-objet. J'ai vu 
plufieurs fois cet objet dans ces circonftances favorables , & j'y ai ob- 
{ervé deux fortes de mouvemens ; l’un, par lequel ces deux petits os 
tapprochent leur pointe , & les écartent alternativement l'une de 
l'autre ; le fecond , par lequel ces mêmes pointes fe renverfent & fe 
redreffent alternativement : en forte qu’elles fe portent alternativement 
en avant & en arrière. Enfin le mouvement de la partie renflée gho, 
qui eft le en facile à être faifi, s'exécute de la manière qui fuit. On 
a vu-ci-devant que fa partie inférieure rentre un peu dans la cavité 
du ventricule : or, le vifcère.en queftion a un mouvement par lequel 
s'avançant-vers le devant du corps , & enfuite reculant alternative- 
ment , cette extrémité fort de la cavité du ventricule , & y rentre tour- 
à-tour. 

Ce font-là les différens mouvemens que j'ai apperçus dans les par- 
ties de l'organe que j'ai décrites ; fur quoi , je dois faire obferver qu'ils 
font indépendans les uns des autres, puifque , bien des fois, ils ne 
s'exécutent pas enfemble ; comme on doit aufli fe rappeller ce que j'ai 
dit ci-devant, qu'il y a fouvent de fort longs intervalles , pendant le 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 2%9 
quels on ne découvre , dans aucune de ces parties, le moindre mou- 
vement. Si, fans égard pour ces deux réflexions , on vouloit trouver 
le cœur de l'animal dans quelques - uns des organes que je viens de 
décrire , il me femble qu'on devroit être embarraflé à choilir , à 
moins qu'on ne fe décide à lui en donner plufieurs les uns fort diffé- 
rens des autres. Il paroît plus conforme à l'obfervation d'envifager 
cette force mouvatite , comme un équivalent de cellé qui réfide dans 
le ventricule des infectes , & de la confidérer comme dirigée aux, 
mêmes fins. 

Les autres vifcères qui rempliffent Le corps de certe anguille, & qu'on 
peut obferver avec le HfctotSbe ; font les’ vaiffeaux qui contiennene 
les matières noires & groflières de la nourriture , ceux qui font rem- 
plis d’une fubftance claire & tranfparente , & la matrice ou l'ovaire. 
Ées vaifleaux qui contiennent la fubftatice noirâtre , font le ventricule 
& les inteftins , dont le premier, dans fon commencement , fe pré- 
fente aflez avantageufement pour lobfervation ; mais bientôt cette 
même fubftance , qui n’eft pas répandue uniformément dans ces vaif- 
feaux , trouble la précifion Le Fobfervation : de forte qu'en combinant 
ce que j'ai vu au-dedans de l'animal , foit lorfque je l’obfervois dans 
fa fituation naturelle , foit dans les momens où par la compreflion je 
l'obligeois à fe préfenter fous un plus grand diamètre ; en le combi- 
nant , dis-je, avec ce que j'en ai vu fortir, lorfqu'une plus grande 
compreffion le faifoit rompre , il ne n'a pas été poffible de réufir à 
me tee une idée un peu nette du plan felon lequel ces vifcères 
peuvent être arrangés. J'ai bien vu en fortir quelques vaifleaux blancs 
& déliés, qu'on pourroit prendre pour les corps variqueux de Mal- 
pighi ; mais comme on ne peut pas découvrir leur infertion dans les 
ihteftins, & que même on ne peut pas indiquer précifément l’endroit 
où le ventricule finit, & où les inteftins cominencent, je n’abftiendrai 
de mêler ici de pures conjectures aux faits qui font des réfultats de 
Fobfervation. | 

Le ventricule & les inteftins, en fe replongeant, font des courbures, 
dans le vuide defquelles il eft facile d'appercevoir que l'un des côtés 
de l'animal eft occupé par l'ovaire ggq ; l'endroit r., où la courbure 
et plus grande, eft un peu au-delà du milieu de l’anguille , &'cec 
endroit eft comme le centre de l'ovaire ou de la matrice qui fe pro- 
longe le long du corps de l'animal vers les deux extrémités oppofées; 
& c'eft fi près du commencement du ventricule en st, & fi près du 
commencement de la’ quene en #x , qu'il paroît que les œufs commen- 
cent à fe former , pour pañlér enfüite dans le conduit , & de celui-ci 
vers le centre de là matrice. Cette conformation patoîr , à la vérité, 
un peu étrange ; maïs le raifonnemient , fondé uniquement fur des’ 


Tome V, Part. III 1775. Dd2 


210 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
faits bien conftatés , fait fentir que la chofe doit étre comme je viens 
de le dire. , 
Premièrement , cet emplacement laiffé par la grande courbure des 
inteftins , que j'ai nommé le centre de la matrice , eft l'endroit qui con- 
tient les œufs les plus avancés dans leur maturité; ceux qui font placés 
à la droite & à la gauche le long du conduit, le font d'autant moins, 
qu'ils font plus éloignés de ce centre. De plus, on voit à quelque dif 
tance des Ja de ces œufs, foit du côré du ventricule , foir vers 
la queue , un quarré long stux, partagé en de plus petits de diffé- 
rente grandeur, dont le milieu repréfente un globule plus grand dans 
les quarrés plus grands ; en forte que Le quarré, & le globule les plus 
petits. font les derniers , tant du côté du ventricule que du côté de la 
queue, & les plus grands avoifinent les œufs de chaque coté. En fe- 
cond lieu , il eft remarquable que ces quarrés-longs ne paroïffént pas 
toujours , comme cela doit être, fi ces petits compartimens , dont le 
milieu eft occupé par un globule, ne font que les premiers embryons 
des œufs. Troilièmement , on va voir bientôt que les nouvelles anguil- 
les , ou les œufs qui les renferment, fortent du corps de leur mère 
par une ouverture qui eft vers l'endroit que j'ai dit être le centre de La 
matrice. Or, fans m'arrèter à faire des raifonnemens fur ces faits, il 
me femble que la conféquence ia plus naturelle qui en découle, eft 
que c’eft vers les deux extrémités de l'anguille que les œufs commen- 
cent à fe former. Au furplus , quoique cette conformation de matrice 
paroifle , au premier abord , trop finsulière, elle ne l'eft pas pourtant 
au point qu'on ne puifle trouver ailleurs quelque chofe d'approchant. 


Dans la vipère, la matrice fe prolonge Le long de fon ventre , divifée. 


en deux facs, dont l’entre-deux eft occupé par les inteftins : fi fon 
commencement & fon ouverture , au lieu d'être fitués vers la queue 
de l'animal , l’étoient comme dans l'anguille en queftion , vers le mi- 
lieu du ventre, ces deux facs ne pourroient avoir d’autre fituation au 
long de fon ventre, que celle que j'ai-obfervée dans l'ovaire de læ 
ème anguille. 
© Peu s'en faut que l’ancien conte , fur la manière que les vipéreaux 
fortent du ventre de leur mère, ne foit ici une vérité bien conftatée. 
Je ne.faurois pas'imaginer comment il doit être arrivé que pas un des 
Obfervateurs, qui ont examiné au microfcope l’anguille de la farine, 
ne f foit apperçu d’un déchirement dans l'enveloppe de l'animal , auf 
vifble , aulli conftant , que celui qu'on peut obferver dans toutes, 
pourvu qu'elles foient parvenues à leur période ordinaire de groffeur.. 
On fe fouviendra que , plus haut, jai dit que l'extérieur de cet animal. 
laifloit paroître quelque chofe qui méritoit d'ètre obfervé ; c’eft une. 
efpèce d’appendice yy , qui eft ordinairement formé de deux mem- 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 21» 


branes adoffées , en partie, l'une fur l’autre , mais réellemenc féparées. 
La forme de ces membranes varie beaucoup dans les différens fujets ; 
& cela doit étre ainfi, vu la nature de leur origine. Je vais l'expofer 
confermément aux Obfervations. Lorfque l’anguille commence à por- 
ter des œufs, on obferve qu'il fe forme à fon extérieur, vers le centre 
de la matrice, une prolongation qui, pour lors, ne paroît être qu'une 
membrane tranfparente qui a la figure d’un demi-cercle , mais qui , 
dans le réel , eft une efpèce d'hernie ou de fac , dans lequel j'ai vu 
plufieurs fois un œuf, & quelquefois jufqu’à deux ; & puifqu'il eft conf 
tant que toutes Les grofles anguilles ont cet appendice divifé en deux 
membranes qui portent les marques d’un déchirement, comme il ne 
left pas moins, qe jamais on ne trouve ni l'appendice , ni les mar- 
ques de quelque déchirement dans les anguilles qui ne portent pas en- 
core des œufs, il doit paroître évident que les œufs & les petites an- 
guilles ne fortent du ventre de leur mère, que par la rupture du fac 
dont je viens de parler. 

M. Linné, apparemment d’après les obfervations de M. Lédermuller , 
dit que cette anguille eft vivipare & ovipare. Le fait eft vrai, quoique 
je ne voie pas qu'on en ait donné des preuves ; car ce n’en eft pas une de 
dire que fouvent on trouve des œufs dans la colle de farine, puifqu’il 
eft certain que , le plus fouvent, ces œufs appartiennent à d’autres efpè- 
ces d'anguilles. Ce que je puis conclure des obfervations que j'ai faites 
jufqu'à préfent , celt que, dans l'arrière -faifon & nee l'hiver , 
lefpèce d'anguille dont je parle, n’eft qu’ovipare :’ pendant cet inter- 
valle , je n'ai jamais appercu de petites anguilles vivantes dans le corps 
de leur mère ; &, d'autre part, en ayant confervé uelques -unes “A 
celles-ci entre deux verres, j'ai vu que leur intérieur f vuidoit fuccefi- 
vement des œufs qui y étoient contenus ; & que , quelques jours après , 
de petites anguilles fortoient de ces œufs. 

Sur la fécondité de ces animaux, on a beaucoup cité un affage 
tiré de M. Néedham, qui dit (1), que fuivant les expériences dites en 
1746 , à une des affemblées de la Société Royale de Londres, où même 
depuis , la multiplication d’une feule anguille alloit jufqu'à 106. Je 
crois que ce texte doit s'entendre d’une multiplication fucceflive dans 
une certaine fuite de tems; &, dans ce fens, il s’agiroit d’une obfer- 
vation très-difhicile à faire fans équivoques ; je n'ai pas même eflayé 
d'y réuflir. Mais fi, per cette expreflion , on a voulu dire qu'une an- 
guille contient à la fois 106 fœtus, tous difcernables par le microf- 
cope , il feroit peut-être difficile de ramener cette aflertion à la ftruc- 
ture intérieure de l'anguille : le plus grand nombre que j'en aïe vu, eft 


(1) Obferv. nouv. pag. 180. 
Tome V, Part. IIL 1775. 


"L 


212 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


de 22 ; & M. Lédermuller dit à ce même propos (1) : « Bien que 
» pour moi je n'en aie jamais pu découvrir au-delà de fix en vie, ni plus 
» de vingt gros œufs ». 

I1 me refte encore à parler d'une particularité que j'ai découverte 
dans cette efpèce d'anguille qui , à la vérité, n’eft rien moins que fin- 
gulière dans Les efpèces d'animaux qui nous font paflablement fenfibles 
fans le fecours d'aucun inftrument , mais qui left tout-à-fait dans les 
animalcules qu'on nomme Re M. l'Abbé de Lignac, preflé 
paï la difficulté que MM. de Buffon & Néedham avoient propofée 
contre le fyftéme du développement, difficulté fondée dans les obfer- 
vations faites fur l'origine des-anguilles de la colle de farine, prit le 
pati, pour s'en débarrafler, de fe jetter dans la région des poñlibles. 
cc Le tems nous apprendra peut-être , a-t-il dit entrautres , fi toutes ces 
> anguilles qu'on obferve font des femelles, & s'il n’y a point quelques 
»> males ; files mâles n'ont point une foure & un volume fort diffé- 
» rens du volume & de la figure des femelles ; s'ils ne font point aîlés 
».comme le male du ver-luifant (2) ». À dire le vrai, j'ignore en quoi 
Y'exiftence de ces males pourroit fournir de moyens propres à la folu- 
tion de la difficulté qu'on a propofée, & je fais encore moins à quoi 
y'peut fervir que ce male foit aîlé ou non aîlé, femblable ou diffem- 
blable de fa femelle ; mais ce que je fais à n’en pouvoir douter , c’eft 
que les anguilles de la colle de farine, celles qui font vivipares , qui 
ont la forme & les propriétés que je viens de préfenter, & qui par-là 
même font toutes femelles, ont pourtant leur mâle, que je dois faire 
connoître : mais comme il s’agit és fait, jufqu'à préfent unique (3) 
dans toute la claffe des animalcules microfcopiques , je fens qu'un fim- 
ple énoncé n'eft pas fufifant pour en aflurer la réalité ; qu'il faut la 
conftater par des Obfervations auxquelles on puiffe avoir de la con- 


(1) Amufem. microfcop. pag. 42. 

2) Lertres à un Américain, Liv. XI°. pag. 180. 

4 M. Auller écrit dans fa Préface, pag. 7: Quid guod coitum pauciffimorum 
vix dubium? Je ne vois, dans le corps de l’'Ouvrage, qu’un feul endroit auquel fon 
affertion puifle fe rapporter, qui eft à la page 87, où l’Auteur, parlant de lani- 
malcule qu'il appelle sricoda Linceus, dit: «Quædam in copulé deprehendi genitalia 
» fera Junt in finu marginis infiniv; hec in conjunéfione ultra corpus porretla fparia 
» Lateralia inter utriufque corporis marginem vacua relinquunt, ipfaque animalcula 
» irait plagam oppofftam fpettant. Nequidem imminente morte diffolvuntur ». L’ob- 
fervation, ce me femble, n’eft pas fufhifante, pour qu'on ait le droit de la confon- 
dre avec la conféquence que l’on en tire. Chacun de ces animalcules a-til les deux 
fexes? D'ailleurs, M:-/#/x/ler reconnoît que cet animal a à l’extrémité inférieure 
quelques organes qu’il cache, ou qu’il déploie pour l'exécution de fes mouvemens. 
« Poffice Jinuatus, fers rarës cinttus, hæc pro lubitu animalculi moventur, & con= 
» duntur ; natationique inférvire videntur. pag. 86 », 


él + 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 213 


Fiance , puifque la répétition même de ces obfervations demanderoit des 

attentions & des contraintes auxquelles le grand nombre des Obfer- 

vateurs ne pourroit ou ne voudroit pas s’aflujertir. Je commencerai pat 

la defcription de cet animal , qui eft un point important par rapport à 
ER ITR 

ce que j'ai à prouver. 

Sa longueur , lorfqu'il a pris tout fon accroiflement , eft à celle de 
T'anguille repréfentée par la figure r, comme 61 à 65 , & fon dia- 
mètre eft au diamètre de celle-ci (ces diamètres pris au plus gros des 
corps) comme 4 à $ : le devant de fon corps, jufqu'un peu au-delà 
du commencement du ventricule , a précifément la même conforma- 
tion , tant par rapport à fon extérieur , que par rapport à l'intérieur 
que j'ai obfervé ci-deflus ; en forte qu'il n'eft pas poñlible d'y remar- 
quer la moindre différence. Dans le reite de l'intérieur de leur corps, 
jufques près de la queue , il y a cette différence , qu'on ne doit pas 
manquer de trouver entre l'intérieur d’un mâle qui ne contient point 
d'œuts, & celui d’une femelle qui a un ovaire : le premier aura tou- 
jours beaucoup plus de tranfparence que le fecond ; &, par la même 
raifon , on ne doit point voir ces flexions dans les inteftins du premier, 
fur-tout vers le milieu du corps de l'animal que l’on obferve dans la 
femelle. 

Mais l'indication la plus précife, & d’après laquelle il eft très-facile 
de déméler le mâle d'avec la femelle, eft la Res de la partie 
inférieure de fon corps. Pour démontrer avec une certaine netteté cette 
différence , je l'ai definée dans deux fituations variées. Voyez les f- 
gures 3 & 4, où le diamètre de l'objet eft augmenté de 380 fois. 
La figure 3 le fait voir dans la fituation que l'animal a le plus ordi- 
nairement , felon laquelle il paroïît préfenter de côté la pointe de la 
queue 4. Dans la figure 4, cette pointe eft fituée fur la ligne du milieu 
de l'enfemble qui compofe cette partie. IL eft rare que l'animal fe pré- 
fente dans certe dernière fituation ; & , lorfque cela arrive, ce n'eft que 
pour quelques momens , pendant qu'il fe tourne : mais faififfant ces 
momens , Je, l'ai obligé, par le moyen de la compreflion , à y refter, 
& à:me donner la facilité de l’examiner. En comparant ces deux fi- 
tuations , on: peut comprendre , ce me femble , que cette-partie eft 
formée par deux membranes appliquées l’une contre l’autre, & dont il 
yena une, ou peut-être toutes deux qui fe prolongent en une pelli- 
cule fort déliée. Quoiqu'il en foit de cette conformation , il eft cer- 
tain que cette extrémité eft ouverte vers cf; & que, quoique ce pro- 
longement afcc (fig. 3) foit extrèmement fin & tranfparent, il eft 

ourtant facile de lappercevoir , fi on fait attention aux petites ner- 
vures bbb noirâtres & fort vilibles , qui le partagent par intervalles. 
Dans l'intérieur de cette portion du corps de l'animal , repréfentée 


Tome V, Part, III. 1775. 


214 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


par la fig. 3, on voit en k l'extrémité des inteftins, & en d quelques 
autres Vaifleaux clairs, qui paroiflent comme de gros filets arrondis , 
& qui ont une certaine tortuofité : ces vaiffeaux aboutiflent à un corps 
ge, qui femble être compofé , en partie, d’une fubftance écailleufe , 
& avoir une forme conique ; mais il n'a cette forme qu'à-peu-près , 
& on peut l’obferver dans la figure 4 , où l'on voit que fon extrémité 
finit par une efpèce de mafle ke : le bout e (fig. 3 ) de cette partie 
conique , eft fouvent appuyé à l’angle interne c formé par la mem- 
brane æic ; &, pour lors , il ny a que l'apparence d'une grofle ner- 
vure qui jroit de g en c: mais, dans le réel, elle eft mobile ; l'animal 
la remue & la fait fortir, en partie, hors de fon intérieur, plus en- 
core qu'on ne l'a préfenté en e. J'ai même obfervé , pendant un tems 
affez confidérable , qu'un de ces animalcules élançoit en dehors, & 
retiroit alternativement cette partie; & que, dans ces circonftances, les 
filets d s’'alongeoient & fe racourcifloient alternativement. J’ai dit 
que la figure 4 repréfente la dernière portion du corps de l’animal 
beaucoup applatie : que lon imagine que cette partie ne ou com- 
primée, elle fe renflera , s’arrondira , & on peut comprenare que le 
tout s'arrangera de la même manière que fi on la voyoit de côté ; & 
alors on y obferveroit précifément cet arrangement , qui eft repréfenté 
Re OL TO nee io er 
Quoique les détails que je viens de donner fur l'extrémité inférieure 
du corps de cet animal , foient de nature à conftater leur réalité, je 
ne puis néanmoins m'empêcher de faire à cette occafon une petite re- 
marque. Je ne faurois douter que M. Muller n'ait vu l'animal dont il 
s'agit ; qu'il n'ait de plus obfervé la partie que je viens de décrire ; & 
qu'il n'ait confidéré cet appareil que comme une petite portion du four- 
reau de l'animal , dont, felon cet Obfervateur, il fe dépouille comme 
font les ferpens & les autres infeétes (1). On pourroit donc foupçon- 
ner que , dans le fond , je n'ai vu que quelques petits débris du four- 
reau de l'animal ; fur quoi ma remarque fera fort courte. Rien de plus 
facile que de prendre le change dans ces fortes d’obfervations , fur- 
tout lorfqu'on ne cherche pas à éclaircir les doutes. Exuvias , dit-il, 
iffi ferpentes, & plura infeétorum exuere fufpicor (2). Mais fi, ayant 
connoiflance de l’équivoque qu'il pourroit y avoir dans une obferva- 
tion , on perfiftoit néanmoins à prendre certains lambeaux de la dé- 
ouille d’un animal pour quelques unes de fes parties , qui ont une orga- 
nifation fixe , ce feroit-là des méprifes trop lourdes pour fuppofer 
que même un Commençant puifle y tomber. 


(1) Zibrio Anguill. pag, 41. 
(2) Ibid. à 


Je 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 215 


Je connois depuis long-tems les animalcules microfcopiques ; depuis 
long-tems j'ai reconnu la frivolité de leurs prétendus accouplemens : 
ainlt, ce n'eft pas moi qui me fuis avifé d'aller che:cher le mâle de 
l'anyuille de la farine ; il s'eft préfenté de lui-même , & pour ainfi 
dire fi obftinément, que je n'ai pu le méconnoître ; je l'ai cherché 
depuis, ce male , dans d’autres efpèces d'anguilles, & je ne l'ai pas 
trouvé : s'il y eft , il faut que la nature fuive , dans fes efpèces , un plan 
bien différent de celui qu'elle tient dans l’efpèce où je l'ai apperçu. Il 
ne meft jamais arirvé de trouver des anguilies femelles dans mes pré- 
parations , fans y avoir rencontré auffi des males, ni d'y avoir décou- 
vert les uns fans les autres : il y a plus; quelque petite portion de la 
fubftance farineufe que j'aie foumife à mes obfervations, elle nra 
toujours préfenté le mâle & la femelle prefque en nombre égal. Enfin 
il n'a paru fingulier de n'avoir remarqué une certaine privauté que 
précilément & uniquement entre des individus qui avoient les deux 
différentes conformations. Si on demandoit quelque exemple de cette 
efpèce de familiarité , qui paroît la plus propre à prouver le rapport 
réciproque entre des individus de différent ie ; je fuis dans le cas 
de le donner, quoiqu'à la vérité je ne regarde cette preuve comme 
complettement décilive , que conjointement à la totalité des faits que 
j'ai rapportés. 

J'avois mis fur une lame de verre , dans quelques gouttes d’eau, un 
peu de ma pâte de farine, pour en faire fortir les anguilles ; &, pour 
mieux les découvrir ; je tenois la lame un peu penchée : j'obfervai à 
la loupe que deux anguilles, qui paroiffoient entortillées , fe laifloient 
emporter par le petit courant is ce qui me les fit choilir de préfe- 
rence pour l'obfervation : je Les pris donc avec la pointe d’un pin- 
ceau fin , & je les mis fur une autre lame de verre dans une petite 
goutte d'eau , & enfuite je les renfermai gntre deux lames , felon la 
méchode dont je me fers dans ces fortes de préparations. Je rapporte 
ces circonftances pour faire fentir le dérangement que toutes ces ma- 
nœuvres pouvoient apporter à la fituation réciproque de ces deux ani- 
malcules, qui cependant n'en apportèrent pas. Je les ai obfervés au 
microfcope fimple , monté de la lentille de À de ligne de foyer ; 
tous les LR avoient la grandeur qui eft propre à cetre efpèce , lorf- 
que Les individus ont atteint leur dernier terme d’accroiflement. La partie 
antérieure du corps de la femelle éroit tournée en rond ; le refte, à 
conimencer depuis l'appendice qui répond, comme je l'ai dit, au centre 
de lovaire, ou de la matrice, & qui étoit à découvert, n'avoir que 

uelques légères flexions : la fituation du mâle étoit comme perpen- 
de à l'égard du corps de la femelle ; fa queue sappliquoit à 


Tome V, Pare. LIL 1775. É e 


216 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


lappendice de celle-ci, & sy confondoit : en forte que je ne pouvois 
déméler le corps conique que vers fon commencement ; le refte de- 
meuroit caché ou indifcernable entre Les parties que J'ai nommées ; 
mais ce que j'ai apperçu de précis dans Les vaifleaux qui aboutifloient 
au commencement de cette même partie, eft un écoulement de quel- 
que fubftance fluide , qui s’y portoit, & qui ne\refluoit plus. Ltfer 
melle étoit prefque immobile ; mais j'obfervai, dans le mâle , un mou: 
vement continu de flexion : après plus d’un quart d'heure, le mâle fe 
tourna vers la femelle, la croifa ; &, continuant à savancer, il s'en 
fépara. Après leur féparation , j'obfervai dans tous les deux des mou- 
vemens d'une telle vivacité , que je n’en ai jamais obfervé dé femblaz 
bles dans cette efpèce d’animalcules ; & ces mouvemens continuêrent 
pendant environ un quart-d'heure , après quoi tous les deux demeu- 
rèrent, près d’une demi-heure , tout-à-fait immobiles : je n'ai rien 
apperçu enfuite qui mérirât quelque atention. Ce n'eft pas la feule fois 
que j'ai obfervé le fait que je viens de détailler ; il s’en eft encore pré- 
fenté trois autres, qui n’ont varié que dans trois degrés de circonftances : 
il eft inutile que je m'y atrète davantage ; je dois feulement remar- 
quer que j'ai toujours vu dans ces cas, que les femelles avoient déjà 
de corps rempli d'œufs. La plupart de ces obfervations , & celles fur- 
tout qui concernent le mâle de cette cfpèce d’anguille , ont été faites 
dans les mois d'Otobre & de Novembre. 
© Je paie, de la plus grande anguille de a farine, à celle du vinaigre, 
ar la feule raifon que celle-ci eft aufff vivipare ; elle eft filiformez 
elle eft ovipare : voilà tous les endroits par lefquels cette efpèce ref 
femble à celle de la colle de farine, pendant qu'à tous autres égards , 


elles font très-diflemblables lune de l'autre. L’anguille du vinaigre ef 


plus longue ÿ mais en même tems beaucoup plus déliée que l'autre ; 
fa queue eit plus longue & plus eMilée ; fes mouvemens font incom- 
parablement plus vifs : ce que l’on voit en grand, au commencement 
de la queue de la vipère, on l'obferve ici en petit dans les fujets qui 
ont pris à-peu-près tout leur accoiffement ; c'eft une efpèce de lan- 
guette ab (fig. $), dont l'extrémité 4 eft tantôt un peu foulevée fur 
Vextérieur/de l'enveloppe de l'animal, & tantôt adhérente, & feule- 
ment marquée par un trait brunâtre : quant à fon intérieur, on ny 
voit qu'un feul organe qui ba foutenir une comparaifon avec um 
autre qui eft dans l'anguille de la farine ; c’eft le premier conduit des 
alimens , qui ef naturellement affez vifible dans celle-ci , & bien ca- 
ché dans l'anguilles mais qu'on peut mettre à découvert par art: Cette: 
partie n'a qu'un renflement qui répond au fécond de la figure 2, aur 
milieu duquel on voit.également les deux appendices 00 du filer ou du 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 217: 


canal ; car il f montre ici manifeftement pour .ce qu'ileft , & il oc- 
cupe le dedans du conduit : ces vaifleaux auront apparemment les 
mêmes mouvemens que ceux obfervés dans le vifcère analogue de 
la première efpèce d’anguille de la colle de farine ; mais ik n'eft pas 

oflible de s'en aflurer par l'obfervation , puifque ces vaifleaux ne font 
Me dables qu'enfuite d'un dérangement dans le fÿfline organique 
de l'animal. 

La feconde efpèce d’anguille que j'ai trouvée dans la colle de fa- 
zine eft ovipare ; au moins l'ai-je toujours trouvée telle dans toutes 
les faifons où je lai examinée. On la diftinzue aifément de la première 
efpèce, par fa longue queuc,2b (figure 6) ; &, malgré ce prolonge- 
ment, elle eft encore plus petite que celle-là , comme la comparaifon 
de cette figure avec la première peut le faire connoïtre. La conforma- 
tion de la première partie du conduit des alimens , & fes mouve- 
mens, font dans le fond les mêmes que ceux déja détaillés dans la 
defcription de la première efpèce, cependant avec certaines petites 
différences fpécifiques. On peut remarquer que les inteftins cec laif 
fent, par leur Aexion , un emplacement un peu au - delà du milieu 
du corps de l’anguille , qui eft l'endroit où les œufs ddd fe xaffem- 
blent plus près les uns des autres. On n2 voit jamais , à l'extérieur de 
fon corps , qui répond à l'ovaire, cet appendice dont j'ai parlé ci- 
defflus ; il y a pourtant , à cet endroit même, une petite ouverture e 
bordée de deux mamelons ff fort petits , & qu'il eft rare que 


‘Jon puifle obferver fans fe fervir des moyens que la comprellion peut 


fournir, 


On rencontre dans la farine une autre efpèce d'anguilles , qu'on 
pourroit, avec raifon , appeller l'anouille vulgaire ; on la trouve , 

our ainf dire, par-tout, dans les grains mis en terre dépouillés de 
Fe germe , dans les grains charbonnés & enterrés, dans les raci- 
nes , dans les tiges des plantes farineufes ,: dans la tremella de 
M. Adanfon , comme dans quelques autres efpèces encore plus pe- 
tites que celle-là , dans différentes efpèces de conferva , ainfi que dans 
plufeurs infufñons. Lorfque cette anguille a à-peu- près toute fa gran- 


deur , fa longueur excède peu celle de Panguille commune du bled 


avorté , c'efb-a-dire, de languille qui éft renfermée dans les grains 
avortés , qui font dans leur maturité complette. I1 eft cependant fa- 
cile de la diftinguer de celle-ci par fa groffeur (figure 7), par la 
forme de fa queue ab qui eft afñlée ; par les deux petits mamelons cc 
qui paroiflent fouvent vers le milieu du corps de l'animal , & 
enfin par l'abfence de la rangée des globules, dont la préfence ca- 
ra“térife l'anguille commune du bled ‘avorté. Il paroïr, d’après plu- 


Tome V, Part. LIL 1775. 


Ê 2 


% 


218 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


fieurs obfervations fouvent répétées, que cette anguille eft feulemene 
ovipare. 

Enfin, on trouve aufli dans la colle de farine , quoique rarement, 
une efpèce d'anguille des plus petites que je connoifle , & que la 
figure 8 repréfente dans différentes attitudes. On ne pourroit pas la 
diftinguer d’entre les anguilles des autres efpèces nouvellement éclo- 
fes, & qui ont à-peu-près la même longueur; mais on la reconnoît 
en ce qu'elle eft beaucoup plus menue , & fe donne des mouvemens 
beaucoup plus vifs. Au refte, j'ignore fi cette ançuille eft vivipare ou 
ovipare. 

Après en avoir dit aflez pour faire fentir que ces animalcules, 
qu'on appelle des anguilles microfcopiques , font évidemment orga- 
nifées d'une manière beaucoup fupérieure à celle qu'on pourroit fe 
figurer : après avoir fait connoïtre la différence qu'il y a entre toutes 
les efpèces dont j'ai parlé , & prouvé par-là que c'eft à tort qu'on 
entreprend de les confondre , fur - tout avec l’anguille du bled avor- 
té, qui en diffère par tant de propriétés conftanres & décidées ; cette 
même anouille m'amène encore à examiner quels font les vrais irap- 
ports qu'elle pourroit avoir avec quelques autres animalcules, à l'égard 
de fa propriété de pouvoir revivre après avoir fubfifté long -tems 
dans l’état d'un total defsèchement. Plufieurs Naturaliftes ‘ont accordé 
cette même propriété à différens petits animaux, comme aux polypes 
d'eau douce, & aux animalcules des infufions : je nai rien à dire fur 
les premiers, puifque l'endroit où je fais ma demeure, ne m'offre pas 
des occafions pour faire des expériences fur ce genre d'animaux, qui 
y manque tout-a-fait. Quant au fecond, je puis affurer , comme 
M. Muller la fait de fon côté, de n'avoir jamais vu que ces ani- 
malcules puflent être rappellés à la vie, après avoir paru morts , faute 
de liqueur (1). 

L'obfervation que Lééwenhoeck a faite fur l'animalcule & roue qu'il 
a découvert dans la matière gluante des gouttières de plomb, eft 
la plus ancienne & la plus précile qui ait été faite par rapport à 
la propriété dont il eft ici queftion. Il obferva que, lorfque l'eau 
s'évapore , ces animaux refferrent leurs corps en figure ovale, & de- 
viennent fixes dans la boue lorfquelle et sèche & lorfawelle fe 
durcit comme de l'argile; mais qu'auffi- tôt qu'on la détrempe dans 
l'eau, ces infectes fe développent dans lefpace d'environ une demi- 
heure, & nagent en toute liberté ; enfin, que la même chofe arrivoic 
mème après les avoir gardés plufieurs mois tout-à-fait à fec. 


(1) Hifi. Ferm. pag, 14. 


| 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 219 


M. Lédermuller a fait aufli une découverte du même genre dans 
l'anguille de la coïle de farine ; la perfuañon où il éroit , que cette 
anguille étroit la même que celle qui avoit été obfervée par M. Néed- 
ham dans le bled niellé, lengagea à verfer de l’eau tiède fur de la 
colle conférvée à fec depuis deux ans ; & il y apperçut, le jour fui- 
vant , à l’aide du microfcope , tout un monde d’anouilles, & des mil- 
lions de gros & de petits ferpens (1). L'obfervation eft précife , & ne 
donne aucun lieu à foupçonner des mal-entendus; mais l'Obfervareur 
en repréfente le réfultat d'une façon qui me paroît un peu fingulière. 
« Voici (dit-il) les découvertes remarquables que j'ai faites fur ces 
» petites créatures... , que uand même ces anguilles ont été gar- 
» dées plufieurs années, & qu'elles font toutes defféchées , elles revi- 
» vent dans l’eau ; circonftance que j'attribue au grand nombre de 
>» leurs œufs , d'où elles fortent bientôt pour croître comme à vue 
» d'œil : qu'ainfi elles groffiffent en très-peu de tems; & que, dans 
» un Ou deux jours , elles ont toute leur perfection (2) ». Ce ne font 
pas les anguilles routes defféchées, qui revivent dans l'eau , fi celles que 
M. Lédermuller a obfervées venoient des œufs , d’où elles éroient {or- 
ties pour croître comme à vue d'œil. 

J'ignore fi c’eft d'après la découverte de M. Lédermuller, ou fi c’eft 
d’après fes propres obfervations , que l'Auteur de l'Hiftoria vermium, 
M. Muller , refufant aux animalcules microfcopiques la propriété 
de pouvoir être rappellés à la vie après leur defsèchement , en ex- 
cepte feulement celui qu'il a appellé Vibrio Anguillula (3) ; c'eft 
une exception qui, comme on le va voir, demande à être re- 
dreffée. 

J'ai commencé par faire plufieurs préparations fur difiérentes la- 
mes de verre , où je mis, dans quelques gouttes d’eau , une quan- 
tité d’animalcules à roue de Lééwenhoeck, des gros , des moyens, 
des petits, & des œufs, les moins mêlé qu'il me fut pofble , à 
aucune matière étrangère ; je les ai obfervés fe reflerrer & fe fixer 
fur le verre, lorfque l’eau s’évaporoir. Je les y ai laïffés dans cet 
état, pendant quatre à cinq jours ; enfuite je leur redonnai de l’eau. 
Je vis leurs corps s'étendre comme s'ils alloïent reprendre vie, mais 
il n’en fuc rien : ils ne firent que flotter fur l’eau comme autant de 
cadavres ; & tous avoient péri, les gros auili-bien que Les petits, 


y 


(r) Amufem. &c. pag. 47. 
(2) N. pag. 43. 
(3) Page r4. 


Tome F, Part. III. 1775. 


220 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


&: ceux même qui étoient encore renfermés dans les œufs (1). Jai 
répété plufeurs fois cette expérience , & je n’ai jamais vu que les 
mêmes phénomènes. Selon la même méthode , je fs aufi différen- 
tes préparations pour obferver les anguilles de la colle de farine , & 
les réfultats ont été précifément les mêmes que ceux que j'avois eus 
des expériences faites fur les animalcules à roue de Lééwenhoeck. 

Ce neft pas cependant que je ne comprifie que ces réfultats ne 
s’oppofoient qu'en apparence aux obfervations de Lééwenho:ck & de 
Lédermuller , qui ne portent pas fur des animalcules qui fe fixent fur 
un verre, mais fur ceux qui deviennent fixes , ou dans de la boue , ou 
dans de la coile de farine qui fe defsèchent ; j'ai donc continué à avan- 
çer les miennes , changeant de méthode pour les préparations, portant 
fur les lames , non-feulement les animalcules, mais aufi quelque 
peu de la matière dans laquelle je les avois pris. Il s’enfuivit qu'il 
y en eut quelques-uns qui revinrent à la vie , mais la plupart 
avoient péri ; & le réfultat de la dernière obfervation que j'ai faite 
fuivant cette dernière méthode , fur les animalcules à roue , a éré que 
cinq ont été rappellés à Ja vie, pendant que le nombre des cadavres 
alloit à 104. 

Enfin, ayant fuivi dans toutes ces circonftances les méthodes ref 
pectives de préparations que ces deux Obfervareurs ont indiquées , 
je vis que , dans les deux efpèces de ces animalcules , tant les gros 

ue les petits, étoient rappellés à la vie , fi on faifoit ramollir la 
fubftance defléchée dans laquelle ils s’'étoient fixés. Cependant l’obfer- 
yation ne ma pas totalement fatisfait, par la raifon que j'ai bien pu 
voir ceux d'entre ces animalcules qui éroient vivans ; mais il ne ma 
pas été poñlible de m'aflurer du nombre des morts : malgré cela , je 
fuis certain qu'il y en avoir. Cependant , pour prévenir des doutes , 
qui feroient peu fondés , fur la réalité de la vérification de l’obferva- 
tion de M. Lédermuller , je ne dois pas manquer de rapporter , qu'ayant 
voulu répéter fon expérience dans toutes fes circonftances , & m'étant 
‘{ervi, à cet effet , de colle de farine vieille & bien defféchée , que 
j'avois prife chez quatre différens Relieurs , j'y vis dans toutes , après 
les avoir fait ramollir féparément , une quantité d’anguilles, mais 
mortes. Sur quoi je dois faire obferver qu'il y a plufieurs caufes qui 
font périr ces anguilles fans anéantir leur forme ; & comme d’une part 
Yobfervation de M. Lédermüuller eft trop précifément détaillée pour 


(1) Léfnenhoeck s’eft trompé, crovant que cet animal eft vivipare, & prenant 
our les excrémens renfermés des inteltins, ce qui, dans le réel, eft un œuf, que 
jai vu pondre, & que j'ai fuivi nombre de fois, jufqu’à en voir éclorre l'animalcle, 


<22 7 


SUR LHIST. NATURELLE ET LES ARTS. 91 


pouvoir être douteufe, & que d'autre part elle eft appuyée par celles 
que j'ai faites , non pas, à la vérité , fur de la colle confervée de- 
puis deux ans , mais fur de la pâte préparée à ma façon , & confer- 
vée à fec depuis quatre mois ; on fent que Les foupçons feroient ici 
mal placés. 

Je n'ai pas défigné quelle eft cette efpèce d’anguille de la colle de 
farine à qui la propriété en queftion convient ; c’elt que je l'ai trouvée 
également dans toutes les quatre efpèces , & cette conformité ne 
me permettoit pas d'attendre des réfultats différens par rapport à l’an- 
guille du vinaigre ; d'autant plus que cette liqueur forme , en s’éva- 
porant , une efpèce de vernis , qui conferve toujours un peu d'humi- 
dité, & préferve encore davantage l’ançuille ; fur-tout fi ce vernis eft 
recouvert de cette efpèce de moilflure quon trouve dans fon fédi- 
ment, moifulure beaucoup fréquentée par les animalcules. Toutes ces 
circonflances paroifloient propres à fixer mon attente fur Le réfulrar 
de l'expérience ; mais j'ai été très furpris de voir que la nature refu- 
foit conftamment de fe prêter à ces confidérations. Ces anguilles ne 
peuvent conferver leur principe de mouvement après l’évaporation 
du vinaigre , que pendant quelques heures : fi enfuite on leur en re- 
donne, on les verra d’abord s'étendre , fe replier en différens fens, 
effets uniquement de la liqueur qui les pénètre; mais dès qu'elles en 
font pénétrées, on les y voit furnager eomme des cadavres. L’élémenr 
où vivent les autres anouilles, n'eft pas un fluide , mais une fubftance 
gluante très-expofée à fe deflécher ; & la différente ftrudture dans les 
animaux a des rapports fi évidens à leur exigence d’être garantis de 
certains cas trop ordinaires & trop oppofés à leur confervation, qu'on 
doit comprendre par-là pourquoi ces animalcules ont une propriété 
qui n'a pas été accordée aux anguilles du vinaigre, malgré leur reflem- 
blance , quant à la forme extérieure de leur corps , avec les autres 
anguilles ; tout comme on a vu dans ma première lettre , qu'entre 
toutes les fuites d’accroiflement dans les anguilles du bled avorté , il 
n'y a qu'un feul point où leur defsèchement ne détruife pas en elles le 
principe de vie 

On voit donc , par ce que je viens de rapporter , que ce n'eft pas 
la feule vibrio anguillula de M. Muller, qui , dans certaines circonf- 
rances , a la propriété dont on vient de parler, puifque cette pro- 
ptiété convient également à l'animalcule qu’il a appellé vorticella ro- 
zatoria (1), qui eft l'animalcule à roue de Léévenhoeck, & qu'elle 
n'appartient pas à toutes ces anguilles , auxquelles il a donné le nom 


(1) Pag, 106. 
Tome F, Part. IL, 1775. à 


222 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


de vibrio anguillula ; car l’anguille du vinaigre n'a pas cette pro- 
priété. , 

Je ne n'arrêterai pas ici à faire des comparaifons , à propofer des 
réflexions fur les diférences des efpèces d’animalcules dont j'ai traité 
par rapport à la propriété de conferver le principe de mouvement 
maloré leur defsèchement ; tout homme qui penfe , aime mieux tirer 
ces réflexions de fon propre fonds. Il me femble cependant que les 
anguilles du bled avorté montrent cette propriété marquée à un coin 
tout-à-fait fingulier; leur defsèchement n'eft pas un cas qui puifle 
eulement arriver ; il eft dans l’ordre même de la nature qu'il doit ar- 
river : il me paroît donc que l'enfemble des faits qui fe rapportent à 
léconomie de cet animalcule, nous offre un trait d'Hiftoire naturelle, 
unique jufqu’à préfent dans ce genre. 

Mais peut-être l’efprit d’analogie pourroit bien en fournir d’autres , 
& trouver qu'il en doit être de la pouflière noire qui remplit l'in- 
térieur du bled charbonné , à-peu-près comme les obfervarions prou- 
vent qu'il en eft du bled avorté ; & cela eft d'autant plus fimple , que 
cette imagination , par rapport au bled charbonné, ne pourroit pas 
pafer pour nouvelle. « Un Savant , écrivoit M. Tillet, a foupçonné 
» que la pouflière contenue dans les grains de froment cariés , pour- 
» roit être une multitude innombrable d'œufs produits par des infec- 
» tes, & d'où naîtraient d’autres petits animaux capables de perpétuer 
» le mal dont leurs pères feroient fuppofés être l'origine ». Cette idée 
a été combattue par le même M. Tillec (1), & depuis on n'en avoit 
plus parlé ; mais il y a quelques années que M.-Linné , dans le Mun- 
dus invifibilis , & dans la douzième édition du Syffme de la Nature, 
a appuyé de fon fuffrage quelques Obfervations de M. le Baron de 
Munckhaufen , par lefquelles il pofe en fait que les globules qui com- 
pofent la fübftance noire dont le grain charbonné eft rempli, ne font 
que des œufs qui renferment chacun un petit animal ; que lorfque 
ces œufs {e trouvent dans un lieu humide , & à un certain degré de 
chaleur , ilen fort de chacun un petit animal fous la forme d'un glo- 
bule ; que celui ci dépofe des œufs dans le grain , & que lorfqu'on 
fème ces grains ainfi infeétés , les petits animaux éclofent , rampent 
fur leurs germes, croiflent avec les tiges , & dépofent enfin des œufs. 
On voit par-là qu'il en feroit de même, à quelque différence près, 
des grains charbonnés , qu'il en ef des grains que l'on appelle 
avortés. 


(1) Suite des Expériences, &c. pag, 17, 47, 48. 


2! 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 223 
A la vérité, il m'a par un peu fingulier qu'on ait pu prendre 
pour des œufs, des globules noirs , onétueux & d’une nee féride , 
& il me l'a paru encore plus qu'on sy foit décidé , parce qu'ayant 
fait une infufion de ces globules noirs, on a vu dans cette infufion 
après quelques jours, des animalcules tout-à-fait femblables aux ani- 
malcules des infufñons , dont cependant ils devoient différer , ayant 
obfervé qu'ils fe transformoient en champignons : Wermiculi hi fimil- 
dimi funt vermiculis infufortis , ut primd dubitabam , utrüm effent fpecie 
diffinéli ... ufque dm in fungos enafterentur (x ). Il me femble que, 
pour éclaircir les faits , il auroic fallu mettre en terre les grains même 
charbonnés ; pour voir ce qu'il en feroit réfulté ; car c’eft de ces 
grains mélés en terre avec la bonne femence , qu'on vouloit tirer 
l'origine de la pouflière noire , qu'on difoit n'être que des œufs : cette 
expérience , je l'ai faite, & j'ai obfervé qu'après dix à quinze jours , 
il ÿ avoit dans l'intérieur de ces grains ne d’anguilles de l'ef 
pèce décrite ci-deflus être la plus commune , & qui eft repréfentée 
par la fig. 7; & outre ces anguilles , il y avoit aufli de leurs œufs, 
dont le volume excédoit environ trente fois celui des globules noirs 
du bled charbonné. Ayant enfuite femé dans des pots, de bons grains 
mélés avec des grains charbonnés , j'ai trouvé les mêmes anguilles 
dans l'intérieur racines de quelques-uns des pieds de froment pro- 
venus de ces femailles. Ces obfervations m'avoient fait foupçonner 
que ces anguilles pouvoient avoir quelqu'infuence fur l'origine du grain 
charbonné ; mais des expériences plus fuivies & plus réfléchies , 
m'ont prouvé que ma conjeéture étoit défavouée par les faits , qui 
prouvent qu'on ne trouve pas plus de pieds de froment attaqués par 
des gnguilles dans des pièces femées tout exprès avec des grains noircis 
& infectés de la poufliere noire , qu'on n'en trouve dans celles où les 
grains ont été bien choifis. 
Il y a grande apparence que la pouñière noire eft une des princi- 
ales caufes de cette maladie du bled , mais non pas unique , ni qui 
agifle d'elle-même fans le concours de quelques-autres; fans cela, je ne 
vois pas comment il pourroit arriver que tous les grains que l'on a in- 
fectés de la pouflière noire; ne produifent pas des épis charbonnés , 
& encore moins pourroit-on comprendre comment il arrive qu'on 
trouve quelquefois un bor grain au milieu de deux qui font charbon- 
nés. J'ai obfervé que, dans les commençemens de la maladie , un orain 
qui eft attaqué , commence par avoir dans fon intérieur une fubftance 
filamenteufe à laquelle font attachés quelques globules blanchâtres , 


CG) ÆMund. Jurif. pag. 399, Note. 


Tome V, Part, III. 1775. FE | 


224 OBSERVATIONS SÛR LA PHYSIQUE, 


mais à-peu-près du même volume que les noirs du bled charbonné ; 
ces globules augmentent en nombre , pour ainfi dire , à vue d'œil , & 
changent de couleur, pendant que la fubftance filamenteufe fe defsèche 
& s’oblitère. On peut obferver cette même opération de la nature, & 
beaucoup plus manifeftement dans les différentes efpèces de bleds 
niellés ; comme dans une infinité de productions cafuelles & analogues 
à celles , occafionnées dans les végétaux par un dérangement dans 
le fyftême naturel de la végétation. 


EXPLICATION DES FIGURES. 


Les figures font groflies 120 fois le diamètre des objets , à l'excep- 
tion des figures 2, 3 & 4, qui le font de 380 fois. 

La figure première eft celle d’une femelle de la plus grande efpèce 
des anguilles de la colle de farine; à & font deux petits mamelons 
mobiles, au milieu defauels commence l'æfophage bc, qui fe pro- 
longe fous l'apparence d'un filet , jufqu'à l’origine du ventricule L : ce 
filet, ou petit canal, eft emboîté dans un fac c k, qui a deux renfle- 
mens , lun def, l’autre g k. Près de l’origine du ventricule L , on voit 
une des deux extrémités de l'ovaire s £ ; l’autre w x eft vers la queue 
z w. Le milieu de lovaire ou matrice fe voit en r, & les œufs en g gq3 
le ventre de l'animal a un appendice qui font deux membranes y 
un peu déchiquetées. w eft l'endroit par lequel les excrémens fortent. 

La figure deuxième repréfente plus en grand les vaifleaux qui , dans 
Tanguille de la figure première, PEU la première portion du con- 
duit des alimens. # m eft l'œfophage qui fe prolonge en mn & fous la 
forme de petits filets croifés. cde fg hieft le fac, au-dedans du- 
quel cette prolongation eft emboïitée. En e fg, on voit le premier ren- 
flement de ce fac, & enghile fecond :00 font deux appendices du 
filet m n k, qui font placés vers le centre du fecond renfiement ; les 
lignes ponétuées p marquent la figure que prend la portion du filet 
o À , lorfqu'elle a un mouvement ofcillatoire. 

La figure troifième eft celle de la portion poftérieure du corps du 
mâle de l’anguille repréfentée par la figure première. On voit en a le 
bout de cette extrémité. b b b repréfentent des nervures qui font une 
membrane niès-fine & tranfparente , qui borde la même portion. g € 
eft un corps mobile contenu dans l'intérieur de cette extrémité , qui 
paroît avoir une forme conique. dd font deux petits vaifleaux qui 
aboutiflent à l'origine de ce corps conique. h eft l'extrémité des intéf- 
üns. Cette partie poftérieure du corps du male ; eft ouverte au moixs 
entre f& c 


T SR Û 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 22 


La figure quatrième eft celle de la même partie préfentée dans une 
fituation différente , & applatie par la compreffion. On y voit que 
ce qui, dans la figure précédente , paroît un corps conique , finit en 
mafle he. 

La figure cinquième eft celle d'une anguille du vinaigre ALER a 
repréfentée , pour qu'on puifle voir à l'œil de combien elle diffère de 
celle de la figure première. On voit en a à une languette près de l’ori- 
gine de la queue. 

La figure fixième repréfente l'anguille à longue queue , qu'on trouve 
dans la colle de farine. a b eft la queue. ccc font le ventricule & les 
inteftins. d d les œufs. ff deux mamelons fort petits , au milieu def- 
quels il y a une petite ouverture e. 

La figure feptième eft celle d'une autre efpèce d'anguille qu'on 
trouve , EU dans la colle de farine , mais aufli dans 
quantité d’autres fubftances. a b eft la queue de l'animal. Les deux 
mamelons ce font ici plus vifibles que dans l'efpèce de la figure 
fixième. 

La figure huitième repréfente , dans différentes attitudes , la plus 
petite efpèce d’anguilles, qu'on rencontre dans la colle de farine : om 
gn voit aufli ailleurs, 


Tome V, Part. IIL 1775: Ff2 


226 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


LE EE Eu RE 


Ecrite à l’Auteur de ce Recueil; 


Par M. NÉEDHAM, de l'Académie Impériale & Royale de 


Bruxelles, Gc. 


M JE fuis très-fatisfait du Mémoire de Dom Maurice Roffredi , 
que vous avez communiqué au monde litréraire dans votre Journal du 
mois de Janvier 177$ fur l’origine des petits vers , où anguilles du 
bled rachitique : je le félicite même de fes très-belles & très-utiles dé- 
couvertes fur un fujet fi intéreffant , foit pour le Naturalifte , foit pour 
YAgriculteur ; & je vous prierai d'annoncer au publie La part que j'y 
prends , puifqu'il s'agit d’un être organifé très-fingulier , que j'ai Le 
vert autrefois , &pour lequel je dois prendre plus d’intérét que per- 
fonne. Je n'ai d'autre apologie à faire pour mes erreurs, que de dire 
qu'alors (il y a plus de trente ans de ma découverte )}, il éroit très- 
aifé & très-naturel de fe romper fur la nature & l'origine d’un être 
fi fingulier , dont la vie renouvellée à plaifir après un très- long 
& très - parfait defsèchement , étoit un phénomène qui n’entroit 

as du tout dans l’idée que les Philofophes de ce tems s'étoient faite 
Ê la vitalité animale. Je me fuis trouvé dans le cas de plufieurs Phy- 
ficiens célèbres de ce tems, qui, à la première découverte des polypes, 
& de leur manière fingulière de fe multiplier par divifion , fe font 
efforcés pendant long-tems de nier leur vitalité animale, & de les re- 
garder comme des plantes d'une efpèce fingulière. Ce ne fut que par 
des expériences répétées , & d’après bien des obfervations , que M. 
Tremblay lui-même fe détermina à les claffer parmi les infectes. Enfin 
le voile eft levé, & Dom Roffredi m'a fait le plus grand plaifir , par 
les moyens ingénieux qu'il a employés fi heureufement pour prendre la 
na-ure fur le fait , par l'induitrie extrème & judicieufe qu'il indique 
dans tout fon mr pour découvrir la vraie origine des anguilles ; 
enfin par les belles vérités qu'il a rendues avec tant de clarté & de 
précifion. Ce plaifir , pour une perfonne qui ne cherche & ne trouve 
rien de beau que le vrai en toutes chofes , n’eft concevable qu'à ceux 
qui fentent comme moi l'importance de ces découvertes. L’efpèce de 
vie dont ces vers font doués , & qui fe conferve pendant des années 
dans un état parfait d’exténuation & de defsèchement , eft très-fingu- 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 217 


lière. M. Baher très-connu par fes Obfervations miçrofcopiques , avoit 
encore à Londres en 1771 du bled rachitique que je lui avois donné 
en 1744 , & qui préfentoit fort peu de tems auparavant les mêmes 
phénomènes. Cette vitalité fi ferme & fi durable eft une propriété qui 
me paroît d'une nature fort différente de la vitalité ordinaire. Je ne 
connois rien dans les faftes de la nature à pouvoir lui comparer, finon 
cette efpèce de ferpent de la rivière des Amazones dont parle feu M. 
de la Condamine , & qui , felon Les habitans du pays, fi on peut y 
ajouter foi , revient en vie par la chaleur du foleil & l'humidité , après 
avoir été fufpendu long-tems, & parfaitement defléché à la fumée 
dans une cheminée. Refte à préfent à favoir fi cette efpèce d’organi- 
fation vitale eft effentiellement liée à un principe immatériel de fenfi- 
bilité ; j'en doute, & je nv'y crois autorifé par de très-fortes raifons 
que je ne détaillerai pas ici. Mais que cela foit ainfi ou autrement , mes 
principes Métaphyfiques ne diminuent en rien le mérite des décou- 
vertes de Dom Roffredi. Je voudrois pouvoir en dire autant de fa Dif 
fertation inférée dans le quatrième volume des Mifcellanea T'aurinen- 
Jia contre ces mêmes idées métaphyfiques , qu'il a écrite avec trop de 
vivacité , & même d'une façon un peu dure , qui ne convient pas tout- 
à fait à un fage Philofophe. On diroit , en la lifant , que je l’aurois 
offenfé ; cependant je l'ai vu dans fa Patrie , je l'ai connu perfonnelle- 
ment , & je n'en ai jamais parlé qu'avec éloge : M. Roffredi, au con- 
traire , m'attribue des difpofitions , des opinions parfaitement étrangères 
à mon caractère , & que je ne me fuis jamais permifes dans la plus 
forte chaleur de ma jeunefle. Qu'il me rende la juftice que je lui rends 
maintenant avec plaifir ; je ne mérite certainement pas les reproches 
qu'il seft permis : il fait plus ; il me met par-tout en contradiction 
avec moi-même , en partant d’après la doctrine de Léibnitz prife dans 
toute fon étendue , comme fi j'avois fait ferment de fuivre en tout les 
idées de ce Philofophe , parce que j'ai trouvé fa doctrine très-raifon- 
nable, & même démontrée, quand il traite la divifibilité prétendue 
de la matière à l'infini, comme une abfurdité , & quand il établit, de 
même que le célèbre Abbé Bofcovitz après lui , & plufieurs autres 
Métaphyficiens modernes , que les premiers FRAFIDES de la matière font 
des êtres fimples. En adoptant ces principes ; je fuis bien éloigné d’a- 
dopter toutes le conféquences imaginaires qu'il eu) à Léibnitz d’en 
ürer; je ne vois même aucune obligation de le faire : ainfi je puis fort 
bien étre en contradiction avec Léibnitz, mais non pas, comme Dom 
Roffredi le prétend, en contradiction avec moi-même. Trop de cha- 
leur l'a égaré à cet égard ; je la lui pardonne volontiers , en faveur de 
fes dernières obfervations fur le bled rachitique : j'aurois cru néanmoins 


Tome V, Part, LIL, 1775. 


228 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


QE critique perfonnelle de cette nature , fondée fur le jugement 
‘un particulier , & faite pour paroître toute ifolée , ne devoit pas trou- 
ver place parmi les Mémoires Académiques d'un Corps refpectable ; 
au moins je n'ai pas remarqué dans les Ouvrages d'aucune Académie , 
une pièce de certe efpèce, où la critique ne tend qu'à bleffer l’adver- 
faire , fans établir aucune vérité pofitive : j’avois même autrefois des 
amis dans ce Corps célèbre , qui n'auroient pas permis qu'on inférât 
dans fes Mémoires une critique de ce genre ; les tems font changés & 
le monde aufli : il pafle avec toutes fes petites paflions , les miennes 
auf bien que celles des autres ; je leur fouhaite un très-bon voyage. 


——_—— 


OBSERVATION MÉDICALE 
SAUVER AMNVAURE DIONCPRNELE: 
Par M, BAUMER. 


D ANS le grand nombre de maladies qui affeétent les yeux , la vue 
double eft une des plus fingulières & des plus rares. En voici un exem- 
ple bien caraétérifé. Une fille , âgée de vinot-fix ans , d’un tempéra- 
ment colérique & fanguin , vaporeufe depuis quelques années & fu- 
jette à des fuppreflions , danfa avec fes amies pendant toute une nuit, 
au point de fuer à grofles gouttes : elle fut faifie par le froid dans la 
matinée , & le lendemain attaquée de maux de tête accompagnés de 
vertige, d’une ardeur & d'une fécherefle dans les yeux ; enfin, fa vue 
devint fi confufe, qu'elle croyoit fans cefle appercevoir des étincelles , 
& qu'elle pouvoit à peine diftinguer les objets à une petite diftance , 
fur-tout , lorfqu’elle pafloit d’un lieu obfcur dans un endroit éclairé. 

Une faignée du pied amortit l’ardeur des yeux & diffipa les étin- 
celles : mais le mal de tête & les vertiges parurent par intervalle , 
fur-tout lorfque cette fille faifoit un peu trop d'exercice; alors, fi elle 
baifloit la cête , elle voyoit les objets doubles. Dans la fuite , fes yeux 
larmoyoient continuellement , & le changement qui leur étoit furve- 
nu , fit qu'elle voyoit plus foiblement les objets fupérieurs que les in- 
férieurs , & comme s'ils avoient tous été placés du côté droit. Cette 
fille trouva le moyen d’obvier à ce défaut en fermant un œil , & en 

reflant avec le doigt la paupière fupérieure de l’autre. 

Je fus confulté pour traiter cetre malade, & je prefcrivis la faignée 
du pied, les remèdes cempérans & laxatifs. Les règles reprirent leur 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 229 


cours ordinaire, & les objets cefsèrent d'être vus doubles; cependant, 
lorfqu'elle fe réveilloit le matin , & encore une heure après, elle 
éprouvoit la même fingularité , qui recommençoit après qu'elle avoit 
foupé. 

Je me tranfportai alors auprès de la malade pour m'aflurer de fon 
état. Je lui trouvai les yeux larmoyans, la paupière inférieure , la mem- 
brane cellulaire & la conjondive, fi enflées , qu’elles faifoient remonter 
le globe de l'œil; la prunelle n’occupoit point le milieu du globe, elle 
étoit remontée & penchoit quelque peu vers la droite ; ces fymptômes 
me firent bientôt découvrir la caufe de fa maladie, 

M. Boerhaave, dans fon Traité des maladies des yeux, Quef?. III, 
Cap. 2, en décrit ainfi la caufe. « Ce vice provient de ce que le fond 
» de l'œil, où les objets fe peignent, eft moins affecté des rayons di- 
» rects que des rayons obliques; & comme la vue raflemble les points 
» latéraux qui font hors de l'axe, de-là vient que les images des objets 
» ne fe peignent pas dans la rétine felon une direction droite, mais 
> feulement d’une manière oblique », fituation dans laquelle étoit La 
prunelle de la malade. 

Cette connoïflance me mit dans le cas de commencer un traitement 
méthodique , & de le fuivre de la manière la plus avantageufe. Je 
compris fi ne s’agifloit que de difliper l'enflure | pour remettre la 
prunelle dans fa fituation ordinaire. A cet effet, je prefcrivis les bains 
de pieds pour chaque foir, l'ufage d’une infufion diaphorétique tous 
les matins, & de fe tenir chaudement dans fon lit. L’enflure dimi- 
nua peu-à-peu, & huit jours après, la malade apperçut de l'œil le 
moins affecté, les objets dans leur vraie fituation. La vue fe rectifia 
infenfiblement dans l’autre, & la malade ayant, pendant trois femaines, 
rendu quantité de phlegme par le nez , fa vue fut rétablie. 

Cette fille eut, quelque tems après , une ophtalmie féreufe & un rhu- 
matifme dans la partie poftérieure de la rète & dans la nuque; elle 
voyoit alors les objets dans leur pofition naturelle. Elle m'a dit depuis 
qu'elle n'étoit pas parfaitement délivrée de fa première incommodité , 
& que lorfqu'elle faifoit trop d'exercice, elle diftinguoit parfaitement 
les objets, dont la direction étoit parallèle & perpendiculaire; mais 
qu'elle les voyoit doubles , lorfque leur direction étoit diagonale, 

Au trait fingulier, décrit par M. Baumer, nous croyons devoir en 
ajouter un autre pour le moins aufli fingulier. IL eft configné dans le 
volume des Tranfactions Philofophiques de Londres, année 1678, 
& rapporté par le Docteur Parham, où il s'explique ainfi: « J’allai 
» dernièrement à Suffolk, où je vis un jeune homme, âgé d'environ 
» vingt ans, qui jouifloit, pendant le jour, d'une très-bonne vue, & 


Tome V, Part. III, 1775. 


230 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


» diftinguoit parfaitement les objets à toutes les diftances, fans que fes 
» yeux en fuflent fatigués : mais dès que la nuit approchoit, il perdoit 
>» infenfiblement la vue, & enfin ne diftinguoit plus rien; de forte qu'il 
» ne pouvoit plus fe conduire, même dans fa maifon, avec la lumière 
» du feu ou d'une bougie. 

» J'examinai ce jeune homme le jour & la nuit: je n’obfervai dans 
» fes yeux aucune maladie, ni aucun vice de conformation; il n’y 
» avoit dans la tête aucun vertige ni aucun dérangement qui püt inter- 
» rompre où arrêter le cours des efprits. Il me parut que les yeux étoient 
>» parfaitement bien conformés, & Je n'apperçus aucun écoulement d'hu- 
» meur. Il effaya fucceflivement des lunettes pour toutes les différentes 
» vues; mais foit qu'il füt éclairé par la clarté de la flamme du feu, 
» ou par la lumière d'une bougie, il n'en diftinguoit pas mieux les 
» objets. 

» Ce jeune homme n'apprit qu'il étoit dans cet état depuis l'âge de 
» raifon, & que cet accident navoit été caufé par aucune maladie ; 
» qu'à mefure que le jour baïfloit, fes yeux s’obfcurcifloient infenfible- 
» ment comme s'ils étoient couverts d’un brouillard; que fon état étoit 
» le même dans toutes les différentes phafes de la lune, en été comme 
» en hiver; que la lumière du feu ou d'une chandelle ne blefloit point 
» fes yeux, & que le froid ne lincommodoit point : il fuoit beaucoup 
» en travaillant; mais foit qu'il füt dans l’aétion ou dans l'inaétion , 
» foit qu'il travaillat fortement ou non, il n'éprouvoit aucun change- 
» ment dans fa vue ». 


À | 


CONSIDÉRATIONS OPTIQUES. 
VIII. MÉMOIRE, 


Sur La nature des Atmofphères optiques. 


rs Qui QUE parti qu'on puifle tirer des Atmofphères optiques 
pour rendre raifon de certains phénomènes , quelque difficulté qu'on 
éprouve à y fuppléer paï tout autre mécanifme; on pourroit peut-être 
encore exiger, pour fe familiarifer plus aifément avec cette hypothèfe, 
& pour fe convaincre tout-à-faic de leur exiftence, que leur nature 
eut été mieux déterminée. M. de Mairan n’en a donné d’autre notion 
que celle d'un fluide invifble, qu'il diftingue de l'air: & tout ce qu'on 
y a ajouté depuis, c'eft que ces atmofphères ont peu d'épaifleur # que 

eur 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 23x 


leur Vertu réfradtive, qui diffère très-peu de celle de l'air, eft infé- 
rieure à celle-ci; c’eft-à-dire, telle qu'un rayon qui fe réfracte en 
paffant de l'air dans une atmofphère optique , s'écarte de la nds 
culaire. Ces notions encore incomplettes, ne donnent qu'une idée vague 
de ce milieu : eft-il du nombre de ceux qui font déja connus, ou qui 
l'étant moins, nous font indiqués par d'autres phénomènes d'un autre 
genre? Je me fuis pris d'intérêt à tenter fi, par la comparaifon des 

hénomènes, ou par de nouvelles expériences, on ne parviendroit pas 
à découvrir plus précifément ce que font ces atmofphères. 

2. J'ai confidéré d’abord que les corps diffringens, plongés dans 
l'eau, ne ceflent pas de l'être autant que dans l'air, & qu'ils ne l'y 
font ni plus ni moins. J’ai placé un cheveu entre deux lames de verre 
prefque contiguës, dont tic intermédiaire étoit rempli d'eau, & 
le cheveu débordoit Les deux lames; & ayant, dans la chambre obfcure, 
dirigé un rayon de lumière, de façon qu'il tomboit à la fois fur une 
portion du cheveu entourée d’eau, & fur une portion entourée d'air, 


. Les ombres de l’une & de l’autre de ces portions du cheveu reçues fur 


un carton, étoient également larges & bordées par des lifières lumi- 
neufes, également larges aufli. 

J'ai difpofé verticalement dans un vafe, dont deux carreaux de glace 
formoient deux des faces oppofées, des lames ou des cylindres de mé- 
tal, de verre, d'ivoire, de talc, &c.; & je remarquois la largeur des 
lifières lumineufes qui, produites par les rayons qui tranfmis à travers 
cet appareil, avoient rafé les bords de ces corps entourés d'air, bordoient 
leurs ombres qui étoient beaucoup plus larges qu'elles n’euflent dû l'être, 
fi ces ayons eulfent parcouru des lignes droites. Enfuite, toutes chofes 
continuant d’ailleurs à fubfñfter dans le même état, je rempliflois le 
vafe d'eau; & les largeurs, foit des ombres de ces corps, foit de leurs 
lifières lumineufes , me parurent être fenfblement les mêmes qu'aupa- 
xavant, 

M. Newton avoit déja obfervé (1) que l'ombre d'un cheveu entouré, 
foit d’eau, foit d'air, étoit également large, & plus qu'elle ne l'eütété, 
fi les rayons qui pañlent tout contre, n'étoient pas détournés de leur 
direction primitive. 

3. Ces rayons infléchis, qui produifent les Lifières lumineufes, & 
dont l’écartement refpectif des me gerbes qui pañlent à droite & à 
gauche du corps diffringent, décident de Faccroiflement de la largeur 
de fon ombre, font, felon la doctrine du Mémoire fur la diffraétion, 
N°. 19-29, réfractés dans fon atmofphère qu'ils traverfent fans le ren- 
contrer. Selon cette doctrine, il réfulteroit de ces expériences, & fur- 


{0 Lib 3, pag. », Obferv. I. 
Tome V, Part. ILL 1775. G£g 


232 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


tout de la feconde, que les divers corps que j'ai tenus dans leau, y 
confervoient encore des atmofphères optiques : car, fi dans l'air la dé- 
viation des rayons dérive des réfractions qu'ils efluient dans l'atmof- 
du corps diffringent; elle doit, dans l'eau, dériver d’une pa- 


reille difpoñtion du corps diffringent, puifque l'apparence produite 
dans l'un & l'autre cas, par la déviation des rayons, eft exactement 
la même. 

4. I en réfulteroit encore que larmofphère de ces corps, actuelle- 
ment plongés dans l’eau, feroit différente, quant à l'intenfité de la 
réfringence , de celle qu'ils avoient quand ils étoient entourés d'air. 
En efler, fi leur atmofphère, qui dans ce dernier milieu doit avoir 
une vertu réfractive très-peu différente de celle de l'air, & rélifter un 
peu plus que l'air à la tranfmiffion de la lumière, continuoit à être 
la même à cet égard dans l'eau; les rayons qui, de la mafle d’eau, 
pafleroient dans cette atmofphère , s'écarteroient bien plus de la per- 
pendiculaire, & à leur émerlion de l'atmofphère s'en rapprocheroient 
bien plus aufli que quand l'air eft le milieu ambiant; & les deux gerbes 
de rayons qui paflent de part & d'autre du corps réfringent , auroient 
au-delà une divergence bien plus confidérable. 

Il faudroit, afin que les déviations des rayons faffent les mêmes 
quand le corps diffringent eft entouré d’eau, que quand il eft entouré 
d'air (comme l’uniformiré des apparences qu'ils produifent, indiquent 
qu’elles le font ); il faudroit, dis-je, que fon atmofphère optique dans 
l'eau, eût une vertu réfractive très-peu différente de celle de l’eau, & 
telle que les rayons qui sy rendent de la mafle d'eau ambiante, y 
éprouvailent une très-légère augmentation de réfiftance, & proportion- 
née à celle qu'éprouvent les rayons qui de l'air paflent dans l'atmof- 
phère d'un corps qui y eft plongé; au moyen de quoi les rayons dé- 
tournés de leur direction primitive, ne feroiert que médiocrement 
écartés de l'axe de la projection de l'ombre du corps diffringent tenu 
dans l’eau, & feulement au point que l’obfervation l'exige. 

5- L'atmofphère optique d'un corps diffringent ne fauroit donc être 
la même dans l'eau que dans l'air; & dès-lors, il devient fuperflu 
d'imaginer, & il ny a pas lieu, ce femble, d'admettre aucun fluide 
particulier pour en compofer les atmofphères optiques : car, quelle que 
{oit l'intenfité de la réfringence qu’on leur accordera, il fera toujours 
également difficile d'expliquer comment elle peut varier, lorfqu’elles 
viennent à être tranfportées d’un milieu dans un autre. 

G. Il y a tout lieu de penfer, d'ailleurs, que les milieux fenfibles, 
où les corps diffringens font plongés, les enveloppent immédiatement, 
& n'en font féparés par aucun fluide particulier : il eft conftant qu'il 
adhère toujours à l'air plus ou moins fortement à la furface des corps 


phère 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 233 


plongés dans ce fluide, comme il paroît par les bulles d'air qui fe ma- 
nifeftent, & acquièrent une augmentation confidérable de volume fur 
la furface d'un corps entouré d’eau fous le récipient de la machine 
pneumatique, à mefure qu'on pompe l'air, & qu'ainfi dans l'efpace 
qu'embrafferoit l’armofphère d'un corps entouré d'air, il ne fauroit 
manquer de fe rencontrer des flocons d’air collés à fa furface; & ce- 
pendant aucune obfervation ne nous donne lieu de foupçonner que 
des rayons qui traverfent cet efpace, & paflent fi près du corps dE 
fringent, il ÿ en ait qui n'efluient pas Le fort commun, & qui ne foient 
He infléchis. S'il y en avoit de tels, l'ombre du corps diffringent ne 
eroit plus fi large qu'elle left. Eft-ce que cet air TR au corps 
diffringent, peut devenir fufceptible de réfracter la lumière qui vient 
des couches d'air qui en font plus éloignées, comme le fait la matière 
propre de l’atmofphère optique? Ajoutons qu'il faudroit que cette 
propriété s'étendit aux particules d'eau qui RUE aufli s'appliquer 
immédiatement aux corps qui y font plongés. 
7. Les conféquences des obfervations précédentes ne paroiffent pas 
du tout venir à l'appui de la fuppoñition de ces atmofphères dues à un 
fluide particulier: continuons cependant cette difcufhon, & arrêtons- 
nous à préfent à ce qui peut caraétérifer eflentiellement une atmofphère 
optique, relativement aux fonctions qu'on veut lui attribuer. Ces fonc- 
tions font de réfracter les rayons du trait de lumière qui les traverfe, 
dans un fens qui les écarte de la perpendiculaire & de l'axe de la 
rojection de l'ombre de fon noyau. Pour cela, elle doit être difpofée 
à oppofer plus de réfiftance à la tranfmifion de la lumière, que le 
milieu dont elle eft environnée, Nous avons vu ailleurs (1), que cette 
inégalité de réfiftance oppofée à la lumière, doit toujours avoir lieu 
entre deux milieux, quand le fluide réfringent, à qui feul appartient 
la fonction de la réfracter, & qui occupe les pores & interftices de 
tous les co éprouve plus de ificutré à fe mouvoir, & à céder aux 
impulfons de la lumière, à lui livrer paflage dans les pores & interf- 
tices de l’un de ces milieux que dans l’autre. Cela étant, s'il exifte quel- 
ue caufe, en vertu de laquelle dans celles des couches du milieu, qui 
bn les plus rapprochées de la furface d'un corps diffringent, le fluide 
téfringent, plus à l’étroit, fe laïfle plus difficilement déplacer par la 
fumière qui y aborde, qu'il ne left dans les couches plus éloignées de 
la furface du corps diffringent, où il fe meut plus librement; voilà 
dès-lors un corps pourvu d’une atmofphère optique formée par les 
couches du milieu ambiant les plus rapprochées te ce corps, où le 


(1) Mém, 2, N°. 0. : ; ( 4 
Tome V, Part, LIL, 1775. Gg2 


234 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


fluide réfringent qui y eft logé, oppofe plus de réfiftance à la progref- 
fion de la lumière que par-tout ailleurs, & dans lefquelles les rayons 
qui y furviendront, feront fujets à être réfractés. 

8. Une telle atmofphère , faire aux dépens du milieu ambiant, eft 
créée à moins de frais poflible. La difpofition en elle-même en eft très- 
fimple, & peut feule peut-être fuppléer à lexclufion que les raifons, 
alléyaées ci-devant, donnent à l'intervention d'un fluide particulier 
pour en former des atmofphères optiques. 

9. Cependant, avant de fe prêter à réalifer cette fuppofñtion, & à 
admettre cette inégalité de réfiftance éprouvée par la lumière dans les 
couches de l'enveloppe atmofphérique, & dans celles qui font au-delà 
de cette enveloppe, quoique faifant pe les unes & les autres du 
même milieu (réliffance plus grande dans les premières que dans les 
fecondes), il faut en entrevoir, & même en fentir la poilibilité. Or, 
quelles caufes en aflignera-t-on? 

On pourroit dire qu'en conféquence de la cohéfion ou adhérence, 

ui s'exerce entre l'air & divers Auides d’une part, & diverfes fubf- 
tances folides de l’autre; les élémens de ces fluides femblent tendre à 
s’en approcher le plus près poflible, à s'y appliquer le plus exaétement, 
le plus complettement, à s'applatir même. Dans cet état, leurs parties 
propres n’en font-elles pas mutuellement aufûi plus rapprochées & plus 
repliées les unes fur les autres? Le volume qu'elles occupent, ainft ra- 
maflées, n'en eftil pas d'autant moins étendu? leurs interftices n'en 
font-ils pas d’autant plus rétrécis? Si cela et, le fluide réfringent plus 
reflerré, plus gêné dans les interftices de la portion du fluide ambiant, 
Se eft adhérente à un ce folide, que dans les autres portions qui 
ont au-delà de la fphère d'activité dela caufe de la cohéfion, y op- 
pofroit néceffairement à la tranfmiflion de la lumière, une réfiftance 
Fe de à celle qu’elle éprouve plus loin. 

10. Mais le réfultat d'une expérience que je vais rapporter, ne per- 
met guères de reconnoître ici l'influence d'une pareille caufe. J'ai fait 
creufer, dans l'épaiffeur d'un morceau de glace A B (1), fur l'un des 
bords, dans toute fa longueur, une gouttière d'environ une ligne de 
profondeur, & à qui on a donné le même poli qu'ont les deux faces 
de la glace. On a inféré enfuite un corps opaque C dans cette gouttière, 
de façon qu'il étoit par-tout appliqué à fa concavité, & qu'il la dé- 
bordoit. Et j'ai éprouvé qu'un rayon de lumière, qui fe A 

endiculairement fur cette lame de glace, & la traverfoit vers le fond 
A la gouttière, fe détournoit confidérablement de fa direction primi- 


(3) Voyez la fgure 8, pl. I, qui repréfente la coupe de ce morceau de glace. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 235$ 


tive, & en dehors, & alloit former fur un carton une lifière lumineufe S 
le long du bord de l'ombre du corps opaque; ce qui, quand on ad- 
met que l’inflexion des rayons, qui forment les lifières lumineufes, eft 
l'effet d'une réfraction, annonce qu'un corps incrufté dans du verre, 
peut y avoir une atmofphère optique, ainfi Et dans l'eau & dans l'air. 
Or, on ne fauroit dire ici que us parties du verre , voifines du corps 
opaque, puiflent être plus comprimées, plus repliées les unes fur les 
autres , que le font celles qui en font plus éloignées. Ce feroit 
donc inutilement qu'on emploieroit une pareille caufe , en admertant 
'e les atmofphères optiques pourroient être faites aux dépens d'un 
uide ambiant compreflible, puifque cette caufe ne feroit pas générale. 
11. Mais il en eft une autre qu'on peut encore propofer, & fur la- 
quelle on fe retrancheroit peut-être avec plus d'avantage. Les pores & 
interftices d'un milieu ne font pas, à beaucoup près, exactement abou- 
chés aux pores & interftices LE la furface d'un corps qu'il entoure; 
felon ce qui a déja été expofé dans le cinquième Mémoire , numéros ÿ 8c 
6, d'après une expérience concluante, plulieurs des orifices de l’un fe 
rencontrent réciproquement vis-à-vis des parties propres de l’autre, & 
en font plus ou moins dépaflés & recouverts, & toujours affez pour 
qu'une partie de la lumière qui sy tranfmet, foit réfléchie par ces par- 
ties propres qui mafquent ainfi ces orifices, arrêtent & interceprent ces 
rayons. [l en doit donc réfulter en même tems, que le paflage n'y 
foit pas aufli libre & aufli aifé à franchir au Auide réfringent, qui eft 
pouflé vers les interftices du corps diffringent par les globules be lu- 
mière qui fe tranfmettent tout près de fa furface, qu'il l'eft plus loin 
de ce corps d’une couche du milieu dans un autre; & il s'y en fait là 
un reflux. Or, puifque le fluide réfringent qui, refoulé par la lumière, 
fe laifle divifer pour lui livrer paflage, lui oppofe d'autant plus de ré- 
fiftance, qu'il eft moins libre d’ailleurs à fe prêter à fes impulfons ; elle 
en doit, de ce chef, éprouver plus de réfiftance dans les couches du 
milieu, voifines du corps diffringent, que dans les autres couches du 
même milieu: ce qui fufht pour procurer aux premières, la difpofition 
propre à leur faire exercer les fonctions d’atmofphère optique que nous 
avons fpécifiées. | 4 
12. D'après ces dernières idées que je réfume, l'atmofphère optique 
d'un corps quelconque ne confiftera fimplement qu'en un petit nombre 
de couches + milieu ambiant, quel qu'il foit, qui en font les plus rap- 
prochées, & où La lumière éprouve plus de réfiftance que dans les 
couches qui recouvrent--celles-là--& font plus éloignées du noyau, de 
la part du fluide réfringent qui y eft logé, & qu'elle a par-tout à di- 
vifer & déplacer pour fe tranfmettre, & qui ne fauroit fi aifément 
obéir à fes impulfons & lui livrer paflage dans ces premières couches, 


”. Tome V, Par, III. 1775. 


236 . OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
que dans les autres; parce que fur le ps de féparation du corps dif 


fringent & du milieu ambiant, le paflage des pores de l'un aux pores 
de l'autre trop rétréci, ne lui permet fe , loriqu'il eft refoulé vers le 
corps diffringent, de s'y précipiter & de s'écouler en aufli grande quan- 
tité & auf preftement qu'il le fait dans les endroits où les débouchés 
font plus ouverts & plus libres. 

Les réfiftances qu'elles y éprouvent, doivent être croiffantes en allant 
de la couche extérieure de l'atmofphère optique à celle qui eft immé- 
diatement appliquée à la furface du noyau; puifque dès que le furcrot 
de la réfiftance dérive du rétréciffement des paflages fur le plan de fé- 
paration, elle doit être d'autant plus confidérable dans ces couches, à 
proportion qu'elles font plus rapprochées de ce plan. 

13. On voit qu'il réfulte encore de ces idées, 1°. que tout corps 
folide ou fluide eft fufceprible d'acquérir une armofphère es dans 
quelque milieu qu'on le place. 2°. Que toute fubitance diaphane, à 
qui les couches du milieu, où il eft plongé, ont formé une atmof- 
phère optique, pourroit, à fon tour, en fournir une, formée de fes 
propres couches, à une portion de ce milieu : car fi c’eft le rétrécifle - 
ment des orifices des pores du milieu & du corps qu'il embrafle , fur 
le plan qui les fépare, qui a une atmofphère à celui-ci, en con- 
féquence de la plus grande ificulté qu'éprouve la lumière à repoufler, 

our s'ouvrir le pañlage, le fluide réfringent vers fes orifices; il eft 
évident que dans les couches de ce corps diaphane, voilines de ce 

Jan, la lumière doit, pour la même raifon, éprouver aufli plus de 
réfiftance de la part du fluide réfringent, qu'elle n'en éprouve dans 
les couches du mème corps qui en font plus éloignées, & que ces 
couches ferviront comme d’atmofphère en cet endroit, à la portion 
du milieu qui le confine, puifqw'elles font difpofées à réfracter la lu- 
mière tranfmife par ce corps. 

3°. Que l'air même peut ainfi obtenir une atmofphère optique. 

4°: Que les atmofphères optiques font toujours moins réfringentes 
que le milieu ambiant quelconque. 

r4. C:s conféquences fe réalifent dans les réfultats de diverfes ob- 
fervations. J'ai éprouvé que les ombres, foit des gouttes d'eau, foit des 
gouttes d'huile expofées à un raie de lumière dans la chambre cbfcure, 
font accompagnées de lifières lumineufes, & font plus larges que fi Les 
rayons n'avoient pas été réfléchis-(1). J'ai éprouvé aufli que Les ombres 


(1). Nora, Dans toutes ces expétiences , la lumiere étoit adimife dans la chambre 
obfeuré ‘pat un troù percé dans une cart avec une épingle, & le corps. diffringent 
placé älénviron: deux pieds de diftance du trou: Le trop de lumière qu'il recevroit, 


nn 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 237 


de divers corps plongés dans l'huile, avoient des lifières lumineufes, 
& une largeur qui indiquoit l'inflexion des rayons qui en rafoient Les 
extrémités. 

15. Un trait de lumière étant dirigé perpendiculairement fur un 
morceau d'une glace vers le bord qui étoit coupé quarrément, & paf 
fant partie en dehors, la projection de la glace fur un carton étoit 
bordée de ce côté-là de deux lifières lumineufes, parallèles & féparées 
par une bande obfcure étroite, qui indiquoit que des rayons, qui for- 
moient ces lifières lumineufes, & dont les uns avoient traverfé l’at- 
mofphère extérieure du morceau de glace, & les autres fon atmof- 

hère intérieure , c’eft-à-dire celle que fes bords fournifloient à l'air am 
bn les premiers s'étoient détournés en dehors, relativement à la di- 
rection des feconds. 

16. Sur la furface d'une lame de glace, j'ai appliqué une goutte 
d'eau colorée en rouge , & affez médiocre pour qu'elle ne fe déplacit 

as, lorfque la glace étoit tenue dans une pofition verticale. Expoiée 
à un trait de lumière , fa projection reçue fur un carton, étoit entourée 
d'une couronne ou lifière lumineufe blanche. 

Je plaçai enfuite une goutte de la mème eau colorée entre deux 
lames de glace, parallèles entrelles & féparées, par un intervalle, 
d'environ : de ligne; en forte qu’elle étoit-aflez applatie. Sa projec- 
tion fur le carton étoit terminée par une couronne ou lifière Jumi- 
neufe rouge. : 

En comparant ces deux dernières expériences, il étoit aifé de recon- 
noître que dans la première, la couronne lumineufe blanche étroit 
formée par des rayons infléchis dans les couches d’air qui entourent 
immédiatement la goutte d’eau, dont l'atmofphère optique ne pouvoit 
être formée que de ces couches d'air, & que dans la feconde, la cou- 
ronne lumineufe rouge étoit formée par des rayons inféchis dans les 
couches d’eau qui terminoient le contour de la goutte d’eau, & qui 
fervoient à former l'atmofphère optique de la couronne d'air contiguë 
qui l'enveloppoit; ce qui établit que l'eau peut fournir une atmof 
phère optique à l'air, comme l'air en peut fournir une à l’eau. 

17. Âu refte, dans la première de ces deux expériences, les rayons, 
qui fe tranfmettent par la goutte d'eau & y font réfradtés, ne produifent 
point de lifières lumineufes, à caufe de la grande convexité de la 
goutte d'eau: ils fe croifent à une très-petite diftance au-delà, & de- 
viennent enfuire divergents entreux. Et dans la feconde, les rayons 
qui, en fe tranfmettant par l'air, rafent en dehors la goutte d'eau, 


pourroit empêcher que la différence entre les lifières lumineufes & le 1efte de l'aps 
parence, für aflez marquée. 


Tome V, Parr, IIL 1775. 


238 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


ne produifent pas non plus de lifière lumineufe , qui feroit blanche, 
parce que la forme de la goutte applatie étant alors celle précifé- 
ment d'une poulie, c’eft-à-dire d’un difque, dans l'épaiffeur duquel on 
auroir creufé une gorge dans tout fon contour, les bords & cette 
goige s’érendent féparément fur les farfaces internes de l’une & l’autre 
glace, & y font fi minces à leurs extrémités, que leurs furfaces n'y 

iffèrent qu'extrèmement peu d'être parallèles aux furfaces des lames 
de glace; & comme, par conféquent, il en doit être de même des 
furfaces des couches d'air qui, en cet endroit, forment l'atmofphère 
optique de ces lames d’eau fi minces, les déviations, & rayons qui 
sy tranfmettent, font nulles ou non fenfibles dans leurs effets. On s'af- 
fure encore mieux que c’eft au parallélifme des plans de féparation des 
atmofphères optiques & des autres milieux en cet endroit de l'appa- 
reil, qu'on peut s'en prendre ici de la carence de la couronne lumineufe 
blanche. Si on approche extrémement les deux lames de glace l’une 
de l'autre, en forte que la goutte foit applatie Le plus qu'il foit poffble, 
alors la lifière rouge difparoïtra elle-même; c’eft-à-dire que les rayons, 
qui traverfent la goutte d’eau, ne feront plus réfractés non plus que 
ceux qui paflent tout autour en dehors. 

18. J'ai inféré dans la gouttière du morceau de glace, dont il eft 
fait mention ci-devant, à la place du corps opaque, une goutte d’eau 
colorée en rouge qui le débordoit; & ayant fait tomber deflus per- 
pendiculairement un trait de lumière affez ample pour embrafler la 
goutre d’eau, il fe manifefta fur le carton deux lifières lumineufes, 
blanches également lune & l'autre, qui en bordoient la projection: 
une produite par les rayons qui avoient traverfé les couches d'air qui 
confinoient la goutte d'eau d'un côté, & l'autre par les rayons qui 
avoient traverfé la glace tout près du fond de la gouttière. Ainfi, l'at- 
mofphère de cette goutte d'eau peut être cenfée faire en partie aux 
dépens de l'air, & en partie aux dépens du verre. La goutte d’eau 
n’en fournifloit pas réciproquement ni à l'air, ni au verre contigu, 
à caufe de fa convexité. Voyez n°, 17. 

19. J'ai expofé de même au trait de lumière le même morceau de 
ga dont la gouttière n’étoit occupée que par de l'air; & le trait 

e lumière, qui débordoit de part & d'autre l’efpace qui embraffe la 
gouttière, alloit former au-delà une image bordée aufli des deux côtés 
par des lifières lumineufes, l'une due aux rayons infléchis dans les cou- 
ches d'air qui couvrent les rebords de la gouttière, l'autre à des rayons 
infléchis dans la partie de la glace qui forme le fond de la gouttière, 
comme on peut en juger en comparant cette expérience avec la pré- 
cédente & avec celle du n°. 10. On voit, par les deux dernières, 
comment l'air peut être pourvu d'une atmofphère optique. 


20e 


_ LR 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 239 


20. L'accord complet des conféquences où nous a mené la fuppo- 
fition précédente fur-la nature des atmofphères optiques, qu'on a pu 
trouver fingulières, parce qu'elles n'avoient pas été prévues avec les 
réfulrats de ces diverfes expériences, qui doivent paroître fingulières 
aufli, parce qu'ils n’avoient pas été obfervés encore, eft peut-être ce 
qu'il peut y avoir de plus favorable pour appuyer cette fuppofition. Je 
crois donc pouvoir la propofer, & l'employer avec quelque confiance 
dans l'explication des phénomènes. 

21. Je remarquerai de plus, que cette manière de concevoir com- 
ment font formées les atmofphères, qui ont été accordées aux corps 
qui donnent des marques de diffringence, a diverfes convenances avec 
les notions qu'on s’en étoit faites jufqu'a préfent, & en diffère aufli à quel- 
ques égards. 

1°. Elle fe concilie avec ce que M. de Mairan a dit, que la réfrin- 
gence des atinofphères ie peut varier, felon leur différente con- 
texture, ou les mélanges de matière qui les compofent, puifque le 
même corps eft fufceptible d’avoir des atmofphères différemment réfrin- 
gentes, él les différens milieux où il fe rencontre , & auxquels elles 
{ont toujours aflorties. 

2°. Elle fe concilie aufli avec ce qu'il a dit, que les atmofphères ont 
des réfiftances croiffantes en allant de la furface au centre. 

3°. Mais elle ne fe prête pas également à ce qu'il a ajouté, qu'il en 
eft de même des denfités de ces atmofphères; puifque, felon certe hy- 
pothèfe, le verre, ainfi que toute autre fubftance diaphane, peut de- 
venir la matière de ces atmofphères. 

4°. Elle ne permet pas non plus, par cette raifon, de refufer à l'air 
la propriété de fournir des atmofphères optiques aux corps qui y font 
pose comme M. de Mairan , qui affecte exclufivement un autre mi- 
ieu invifible qu'il ne fpécifie point, & comme M. Newton qui avoit 
jugé que la largeur des ombres ne pouvoit dépendre d'une réfraction 
opérée dans l'air, d’après ce qu'il avoit obfervé, que la même appa- 
rence avoit lieu lorfque le corps diffringent étoit entouré d'eau. 

s°- Elle confirme en même tems ce qui a été conclu au Mémoire 
précédent, qu'un corps plongé dans l'air a une vertu réfractive très-peu 
différente de celle de l'air, & telle qu'un rayon, qui sy rend de l'air, 
fe réfracte en s’écartant de la denis mais en généralifant certe 
aflertion, & l’étendant à l’atmofphère, que tout corps peut acquérir 
dans tout milieu quelconque. Elle ne paroît pas le contredire fur le 
peu d’épaiffeur, que dans le Mémoire fur la diffraction, n°. 42, ona 
affigné à ces atmofphères. 

22. J'ajouterai, qu'en conféquence de la difpofition de la double 
atmofphère optique, qu'un corps diaphane peut acquérir dans le milieu 


Tome V, Pare. LIL. 1775. 


240 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


qui le confine , un rayon de lumière qui le pénètre, un rayon de lu- 
mière qui paffe , par exemple, de l'air dans une lame de verre À, fig. 9, 
qui y eft plongée, efluie trois réfraétions principales : la première, en 
parvenant aux couches d’air B qui conftituent fon atmofphère extérieure, 
où il s'écarte un peu de la perpendiculaire; la feconde, au plan de fé- 
paration CC de l'air & du verre, où il fe rapproche beaucoup de la 
perpendiculaire; & la troifième, dans les couches D du verre qui for- 
ment l'atmofphère intérieure, ou celle qu'on peut regarder comme celle 
de l'air, & en fortant defquelles il fe rapproche encore un peu plus 
de la perpendiculaire. Lefquelles réfractions font telles, cependant, que 
Tintermédiaire fur le plan & féparation CC, eft la feule où la dévia- 
tion des rayons fe fafle comme tout-à-coup & brufquement, & que la 
première & la dernière fe font par degrés dans la traverfée de l’une & | 
de l’autre atmofphère, & en fens contraire. 

23. J'ajouterai enfin, que ce qui réfulte de l'Obfervation 6° du Liv. 3 
de lOptique de M. Newton, que des rayons, tranfmis par une fente 
étroite formée par les tranchans de deux lames de couteau, fe dé- 
tournent de plus en plus de leur direction primitive, à mefure que les 
tranchans des deux lames font de plus en plus rapprochés l'un de 
fautre, doit provenir tout naturellement de ce que dans les atmof- 
phères des deux lames, alors confondues enfemble , le fluide réfrin- 
gent SUR d'autant plus de difficulté à obéir & céder aux impul- 
fions de la lumière, que le détroit plus rétréci entre les deux lèvres de 
la fente, lui laifle moins de paflage libre où il puifle s'écouler aifé- 


LS M Ce Le RE à 


ment, & en oppofe d'autant Le de réfiftance à la tranfmiflion de ) 
la lumière. On a eu recours à des conjeétures bien moins fimples pour 
expliquer ce phénomène dans Le Mémoire fur la diffraction, numéros 68, * 


73; 87: 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 241 


DS COURS 
DURE ACT OR HICLE, 


Prononcé dans L'Affemblée annuelle de la Société Royale de Londres, le 
30 Novembre 1774, par le Préfident, M. le Chevalier BARON ET (1) 
Pringle, imprimé par ordre de la Société ; traduit par M. Le Roy, 
de L'Académie des Sciences. 


Mrssreurs, 


LA difpofition de La Médaille du Prix annuel, fondé par une dona- 
tion du Chevalier BARONET - GODFREy COPLEY , étant tombée 
depuis quelques années à votre Préfident & à votre Confeil (2), ils 
ont été jufqu'ici affez heureux pour s'acquitter de cette marque de con- 
fiance, de manière obtenir votre approbation. A la vérité, leur extrème 
délicatefle pour tout ce qui NUE l'honneur de la Société, & leur 
déférence pour l'opinion oi autres favans Membres qui la compofent, 
ont été tellement l’objet de leur attention, qu’il eût été difficile qu'elles 
ne les euffent pas dirigés vers les écrits de la Société qui méritoient 
le mieux cette diftinétion honorable de votre part. Ils fe flattent qu'ils 
ne feront pas moins heureux dans cette occafion que dans les occafions 
précédentes; car, fi vous vous rappellez les différens détails d'expé- 
riences contenus dans le dernier volume de vos Tranfaétions, vous 
pourrez vous fouvenir que, quoique vous ayez applaudi avec empreffe- 
ment au mérite d'un grand nombre de ces écrits, ce fut, cependant, 
avec un plaifr particulier que vous entendites le récit des expériences 
de M. Walsh fur la Torpille, non-feulement à caufe des faits égale- 
ment nouveaux & frappans, contenus dans cet écrit, mais encore par 


(1) C’eft le nom qu’on donne en Angleterre aux Chevaliers, dont le titre pafle 
à leurs defcendans, le titre des autres /fmples Chevaliers meurt avec eux ; car en 
Anpleterre, ne prend pas le titre de, Chevalier qui veut, ni aucun autre titre, 

(2) La Société Royale et gouvernée par un Préfident & par un Confeil formé 
d'un certain nombre de fes membres qu'on élit tous les ans, 


Tome V, Part. LIL 1775. Hh2 


542 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


les peines que cet Académicien a prifes dans fes recherches, & par le 
tèms qu'il y a paflé. 

Maïs afin que le choix de votre Confeil foit fcellé encore plus libre- 
ment par vos fuffrages, permettez-moi, Meflieurs, de vous expofer en 


raccourci, l'extrait de ce qui a été fait dans cette partie de l'Hiftoire- 


Naturelle, avant que M. Walsh eût tenté fes expériences, & que je 
s en rappelle enfuite quelques-unes des principales qu'il a faites, afin 
vous en Ile enfuite quel d l'a faites, af 
ue fi nous rendons juftice à notre dione Confrère, perfonne ne foit 
fi d ft g < 
privé des juftes éloges düs à fes travaux. 
. € , * . 

La Torpille, ou le Tremble, étant une efpèce de raie commune dans 
la Mer méditerranée, elle fut connue des Grecs dès les tems les plus 
reculés. Un livre attribué anciennement à Hypocrate, eft le premier 
qui en fafle mention, quoique ce foit feulement en en parlant comme 
d'un poiflon quon peut manger; mais le feul nom de px, fynonyme 
à engourdiflement, que ce livre lui donne, fuit pour établir la con- 
ace que les anciens avoient des effets de ce poifon. Platon, pref- 
que contemporain d'Hypocrate, en connoïifloit certainement les effets, 
comme il le paroît par la comparaifon plaifante qu'il fait de Socrate 
à cet animal, & qu'il met dans la bouche de Menon dans le Dia- 
logue qui porte fon nom. Ariflote , fon Difciple célèbre dans la Phy- 
fique, en traite particulièrement dans fon Hiftoire des Animaux. La 
torpille, dit-il, fe cache dans le fable & dans la vafe; & tandis 
que les autres poiffons nagent au-deflus & la touchent, elle les en- 
gourdit de manière qu'elle les faifit & les mange. Il rapporte en 


preuve, qu'on trouve dans fon eftomacle mulet, qui eft le plus vit de 


tous les poiflons. 
Mais, quoiqu'Ariffote füt que le toucher de la torpille engourdifloit 
les autres poiflons, il paroît avoir ignoré que cet effet extraordinaire 


-pouvoit fe tranfmettre encore aux autres animaux qui ne la touchoient 
pas, par l’interpofition d'un bâton, d’une corde ou d'une pique, phé- 


nomènes trop curieux pour qu'il nen eût pas parlé, s'ils étoient venus 
à fa connoiffance ; il fe pourroit, cependant, qu'ils ne lui euflent pas 
été entièrement inconnus, mais qu'il les eut rejetés comme fabuleux, 
étant de tous les Anciens celui qui paroït avoir été le plus en garde 
contre l’impofture : enfin, il fe pourroit encore qu'il en eût renvoyé les 
détails dans quelqu'endroit d’un livre qui a été perdu depuis, & qu'il 
appelloit tavsäsi duvsimmé., Relations extraordinaires où merveilleufes. 
Au refte, tout ce que rapporte Arifloie de la torpille, n'étoit fondé 
que fur le témoignage des Pêcheurs, comme il le déclare lui-même 
expreflément; dans ce tems-là , comme durant, une longue. fuite de 
fiècles après; l'orgueil de l'homme l'avoit élevé au-deffus des expé- 


Se 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 243 


riences & au-deffus même du foupçon, que par des opérations fi 
bafles & fi mécaniques il pouvoit apprendre à raifonner & à découvrir 
les caufes des chofss. Ariflote lui-même , ce génie admirable, ignoroit 
cette importante vérité; & fi ce grand Philofophe de Siagire avoit ap- 
pris que pour découvrir les caufes par lefquelles fe produifent les effets 
de la torpille, un Naturalifte de la Bretagne avoit franchi les Gaules 
pour aller jufqu'à l'Océan Atlantique faire {ur fes bords & avec fuc- 
cès, des centaines d'expériences fur ce poiflon , il ne faut pas douter 
qu'il n'en eût placé le récit à la tête de fes Relations merveille ufes. Le 
Chancelier Bacon fut le premier qui découvrit & combattit cette er- 
reur fi contraire aux progrès de nos connoiflances, enfantée par notre 
préfomption, & qui, en humiliant la vanité de l'homme, étendit fa 
puiflance fur tous les ouvrages de la nature. IL fur le premier qui en- 
feigna que nous devons acquérir de la fcience, comme gagner notre 
pain à la fueur de notre front ; & j'ofe aflurer que les Ouvrages de cette 
Société feront un témoignage à jamais durable de la vérité de fa doc- 
trine. 

Théophrafte, le favant Difciple & fucceffeur d'Ariflote, paroît avoir 
été mieux inftruit que fon Maître de ce qui regarde la torpille. 
Athénée rapporte que dans fon livre des Animaux venimeux, ce Phi- 
lofophe obferve que les torpilles tranfmettent ce fentiment d'engou:- 
diffement, à travers des bâtons & des piques, dans les mains des Pê. 
cheurs qui les tiennent. Et puifque j'ai cité Arhénée, quoique ce ne foit 
pas felon l'ordre des tems, j'ajouterai qu'il parle de Diphilus de Lao- 
dicée , comme ayant dit dans fon Commentaire fur la Theriaque de Ni- 
candre, que ce n'étoit point le corps entier de la rorpille, mais cer- 
taines parties qui occafonnoient l’engourdiffement. Heron d'Alexandrie 
cite ce poiflon dans fes Pneumatiques, comme lançant fes particules au 
travers Le cuivre, Le fer & d’autres corps folides. 

Pline, cet utile & laborieux Compilateur des connoïiffances des An- 
ciens dans l'Hiftoire Naturelle, mais trop peu philofophe & trop amou- 
reux du merveilleux, a traité ce fujet en conféquence : c’eft ainf qu'a- 
près avoir dit qu'on peut fentir l'effet de la torpille au bout d’une verge 
ou d’une lance, ce qui eft vrai, il ajoute enfuite qu’elle rend immobile 
les jambes de la perfonne la plus lefte qui paffe deflus; ce qui eft une 
véritable exagération;. & qu'elle produit le même effet, bien qu'à une 
certaine diftance, fur les bras de l'homme le plus fort, ce qui eft cer- 
tainement faux. : 

Quoique Plutarque ne füt pas un Naturalifte de profeffion, il nous 
fournit cependant un détail plus exact & plus ample de la torpille. 
Selon lui, ce poiffon caufe l’engourdiflement, non-feulement dans toutes 


Tome) Pare 177y 


244 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


les perfonnes qui le touchent immédiatement, mais même dans les mains 
des Pêcheurs , au travers deleurs filets; & même, ajoute-t-il, felon Le rap- 
port de quelques-uns, fi on le pofe par terre en vie, ceux qui jettent où 
verfent de l'eau deflus, éprouvent une efpèce de léger engourdifle- 
ment: mais j'avoue que je ne fais pas fi ce dernier fait a été confirmé 
par des expériences poftérieures. Cependant, je ferois porté à le croire, 
n'étant pas incompatible avec les principes de M. Valsh. Plutarque 
ajoute, que lorfque la torpille nage autour de fa proie, elle lance cer- 
taines particules, comme des dards (1), qui agiffent d'abord fur l'eau, 
& enfuite fur les poiflons qui y font; & qu'étant ainfi privés de la fa- 
culté de fe déni ou de s'échapper, ils font retenus comme dans 
des liens , ou comme glacés. 

Elien ayant écrit une Hiftoire des Animaux, nous aurions lieu d’at- 
tendre de cet Auteur de plus grands détails fur ce poiffon , que de tout 
autre; mais en cela, nous nous tromperions beaucoup: il s’eft contenté 
de rapporter quelques-unes des chofes qu'on en dit ordinairement, & 
d'en ajouter d’autres trop ridicules & trop abfurdes pour mériter d'être 
répétées. C’eft une chofe vraiment remarquable, que ces deux Auteurs, 
Pline & Elien, qui ont écrit expreffément fur l'Hiftoire Naturelle, 
foient de tous les Anciens ceux qui nous aient laïflé les récits les plus 
imparfaits & les plus fabuleux fur l'objet qui nous occupe. 

Nous ne ferons pas beaucoup plus fatisfaits en paflant des Philo- 
fophes aux Médecins. Avant Galien, on appliquoit la torpille vivante 
fur les parties malades, & particulièrement dans le cas des maux de 
tête obftinés, comme il paroït d’après Scribonius Largus, qui vivoit 
fous l'Empereur Claude; & d'après Dioftoride , qui fleurifloit peu de 
tems après : mais Galien raifonnant toujours, & s’oppofant fans cefle 
à la pratique empyrique, donne une caufe à cet eflet falutaire. Son fyf 
tème phyfologique étoit fondé en grande partie fur les quatre qualités 
primitives, Le froid , le chaud, Le fec & l'humide ; c'eft pourquoi il ima- 
gina que la torpille agifloit par un principe frigorifique, le froid oc- 
cañonnant un engourdiffement dans un corps animé, comme le fait le 
coup de la torpille. Tels étoient la théorie & les raifonnemens de ces 
tems-là : cependant, quelque pitoyables qu'ils fuffent , ils prévalurent 
dans les Ecoles de Médecine pendant plus de mille ans. Galien , comme 
il le témoigne lui-même, fe confirma dans fon opinion, en voyant des 
maux de tête céder à l'attouchement de la torpille, qui, étant d'une 
nature froide, engourdifloit où émoufloit la vive fenfation de la dou- 
leur. Les fuccefleurs de ce Chefde feête en Médecine firent plus : comme 


OS PRIE FE AOL PE 
(1) azæep Bean diurmepei doppous, 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 245 


il n’étoit pas toujours facile d’avoir des torpilles vivantes, quand une 
médecine rafraîchiffante étoit indiquée , ils y remédièrent en préparant 
une huile extraite de l'animal mort, aflurés qu’elle devoit pofféder 
toutes les vertus de l'animal vivant. Nous voyons, d'après cette idée 
ridicule, que Paul Eginette, l'un des anciens Médecins de l’école de 
Galien , recommande cette huile pour tempérer l'humeur chaude de la 

outte, & pour d'autres maladies qui demandoient des applications ra- 
Énichiffantss. 

Or, fi l’on confidère maintenant le peu d’inftruétion que nous avons 
trouvé dans les Anciens parmi les Philofophes & les Médecins , il eft 
difficile de s'attendre à en trouver davantage parmi les Poëtes. La 
Poëfie, fille de l'imagination , peut rarement fe fervir de ce qui n'eft 
que l'hiftoire toute nue , foit dans le monde naturel , foir dans le 
monde politique. Les Hiftoriens de l'un ou de l’autre ne peuvent pre£ 

ue voir encore que des parties d'un grand tout, qui leur paroïffent 
Pavesc difformes & irréoulières , faute de favoir comment les ra por- 
ter & les aflembler , pour en compofer la fabrique de Punivers & Phif- 
toire de l'homme. Des matériaux aufli découlus ne forment en confé- 
nes que des fujets fort indifférens pour un Poëte, dont le but ef 

e captiver l'imagination par quelque chofe de grand & d’achevé; auf 
Oppien n'a rien ajouté à l'hiftoire de la torpille, quoiqu'il foit parvenu 
dans fon Halieutica à nous en donner une defcription élégante , & qui 
ne s'éloigne pas beaucoup de la vérité. Non-feulement, il celèbre les 
facultés re la nature a doué ce poiflon ; mais encore il diftingue, 
comme Diphilus , les endroits où elles réfidoient particulièrement ; il 
appelle ces parties Aæyows (les flancs), d'où , comme Oppien l'imagi- 
noit , cet animal avoit la faculté de lancer aux autres poiffons certains 
dards qu'il appelle xepides | mot dont la fignification eft obfcure ; & 
c'eft certainement à la première de ces expreffions que Claudien fait 
allufion , en célébrant les propriétés de {a torpille, dans ce vers qu'il 
copie du Poëme d'Oppien , lorfqu'il dit : 


Sed latus armavit gelido Natura veneno. 


Mais comme le Poëte Romain n'a rien de nouveau qui fui foit 
propre ; il terminera l’hiftoire de ce que j'ai pu trouver fur ce curieux 
poiflon dans ce qui nous refte de l'antiquité. Il faut avouer que ces 
détails font tous fort peu fatisfaifans , & d'autant moins qu'il ne pa- 
roît pas , fi l’on en excepte Galien , qu'aucuns des Philofophes anciens 
dont nous venons de parler , euflent vu des torpilles , qu'ils en euflenc 
fait des expériences, & encore moins qu'ils en euflent difféqué ; le ré- 


Tome V, Part, III 1775. 


246 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


fultat de toutes leurs recherches n'étoit bon qu'à faire un conte de 
bonnes gens. Tels font cependant , je le répète, les détails que j'ai 
pu recueillir chez les Anciens de cette merveille du fond des eaux , en 
laiffant à part toutes les relations qui mont paru , ou fabuleufes, ou 
fuperititieufes : mais vous pouvez être aflurés, Meflieurs , que dans 
ces jours de crédulité , on en impofa tant à l'univers dans ces deux genres, 
que nous ne devons pas être étonnés sil y a eu tant de gens favans 
& de génie qui, ne prenant pas la peine de faire des expériences eux- 
mêmes , ou d'approfondir foigneufement celles qui avoient été faites 
par les autres , ont préfomptueufement traité tout ce qu'on en rappor- 
toit, d'erreur vulgaire. ‘ 

À la chûte de l’Empire Romain , l’hiftoire des animaux , toute im- 
parfaite qu'elle étoit, & routes les autres connoiflances folides étant 
tombées dans une profonde nuit., elles n'en fortirent pas avant le 
feizième fiècle, époque à jamais mémorable pour le renouvellement 
des Sciences : c’eft alors qu'on vit fleurir Belon , Rondelet , Salviani , 
Gefner & d’autres, qui non-feulement nous rendirent ce que l'on avoit fu 
autrefois dans l'Hiftoire naturelle, mais encore en portèrent beaucoup 
plus loin les connoiflances. Toutefois les expériences éroient encore rares 
& peu confidérables : mais enfin dans le fiècle fuivant Harvey parut, 
& ouvrit cette noble carrière , en en faifant un grand nombre fur les 
oifeaux & fur les quadrupèdes; & la mort ne vint point terminer la 
vie de ce célèbre Interprète de la nature, ni lui fermer les yeux , fans 
qu'il vit l'aurore de certe Société, & l'Académie del-Cimento , notre 
fœur aînée ( mais qui n'eut qu'une courte exiftence ), déja établie. 
Quelques-uns des plus célèbres Membres de cette Académie penfant 
qu'il étoit bien digne de leur attention d'approfondir la vérité de ce 
que l'Hiftoire naturelle racontoit de la torpille, fe prévalurent du 
voifinage d'une mer remplie de ces poiflons , pour en faire l'expé= 
rience, Redi , un des génies les plus éclairés & les plus élevés de ce 
fiècle , commença ; il fut enfuite fecondé par Borelli & Stenon fes Col- 
lègues ; enfin Lorenzini, fon Difciple, s’engagea dans les mêmes recher- 
ches , & publia un curieux Traité fur ce fujer, 

Le premier pas de Redi fut de reconnoître par des expériences, les 
propriétés de la torpille qui étoient réelles , de celles qui mal-à-pro- 
pos lui avoient été attribuées anciennement par le vulgaire & par Les 
Savans. IL joignit à ces recherches l'anatomie de ce poiflon : par-là, 
Redi fut encore le premier qui décrivit, avec quelque précifion 1nces 
fubftances irrésulières , placées de chaque côté de l’épine près de la 
tête , les confidérant comme des mufcles ( qu’il appelle en confé- 
quence muftuli falcati } qui lançoient certaines particules , Éérai 

& 


1! 


. SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 247 


la fenfation de l'engourdiffement plus ou moins fort; felon que l'ani- 
mal éoit plus où moins excité à mettre ces ofganes en action. Cette 
hypothèfe fut aufli-tôt embraflée par Lorenzini , enfuite par Claude 
Perraut ; mais le premier ne concevant pas éomment ces particules 
pouvoient pafler de corps d'un animal dans un autre, fans un con- 
tact immédiat, contredit enfuite, fi cela fe peut dire , l'évidence de 
fes propres fens , en niant la fenfation qu'il avoit dû avoir en tou- 
chant la Torpille avec un bâton , une lance, ou quelqu’inftrument 
femblable ; c'eft ce dont on ne peut difconvenir, à moins qu'on ne 
fuppofe que les individus , fur lefquels il faifoit fes expériences, ne 
fuflent trop foibles pour déployer toute l’action énergique de leur 
efpèce. 

Le favant Borelli fe trompa de même & par les mêmes caufest 
mais fa théorie n’admettant point d'émanation de particules engour- 
diffantes qui affectaflent la main qui touchoit le poiflon , foit immé- 
diatement , foit par le moyen d'un bâton, ou d’un autre corps inter= 
médiaire ; il rapporte cette fenfation à une efpèce d'ondulation vive 
des parties touchées que cet animal produit à volonté ; & il compare 
cette aétion à celle d'une corde fort tendue, à laquelle on fait faire de 
promptes vibrations. 

M. de Réaumur , cet excellent Naturalifte , l’ornement de fon pays 
& de fon fiècle, tomba dans la même erreur en reprenant de nou- 
veau ce füujet. Etant fur les côtes du Poitou en 1714 , il profita de 
cette occalion pour faire quelques nouvelles expériences fur la Forpille , 
qu'il communiqua enfuite à l'Académie des Sciences de Paris , avec les 
conféquences qu'il en avoit déduites. Son hypothèfe fut généralement 
adoptée de fes Confrères , dans cette illuftre Compagnie , comme elle 
le fut enfuite de toute Europe favante : elle parut même fi naturelle , 
e chacun s’étonnoit que l’on ne l’eût pas imaginée plutôt. Cepen- 

ant , quelle étoit cette nouvelle hypothèfe ? il faut en convenir , ce 
n'étoit prefque autre chofe que celle de Borelli ; car , au lieu de ces 
parties vibrantes, du dernier, qu'il ne définifloit pas, M. de Réaumur 
avoit fubftitué des mufcles (les mufculi falcati de Redi & de Loren- 
zini), qui, par la vivacité de leur aétion , imprimoient fur la main 
É touchoit ces parties , une fenfation d’engourdiflement réfulrante 

e la fufpenfon du mouvement du fluide nerveux , où de la répulfon 
de ce fluide. Pour obvier à ce qu'on pourroit lui. objeéter , ce célèbre 
Naturalifte fat obligé de nier que cette fenfation d’engourdiflement 

üt fe tranfmettre à travers de l’eau , d’un filet, ou de toute autre 
fubftance molle & incapable de réfiftance , & même au moyen d’un 
bâron , à moins qu'il ne füt fort court ;:& dans le fait, M. de Réau- 
mur nia cette efpèce de tranfmiflion: Rien n'eft plus certain néanmoins, 


Tome V, Part, IIL 1775. Ti 


248 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 

-que les impreflions ou les chocs de la Torpille fe tranfmettent auñi- 
bien par de femblables milieux., que ceux de la bouteille de Leyde. 
Acculerons-nous ces célèbres Auteurs, Borelli, Lorenzini & M. de 
Réaumur , d'avoir manqué de candeur ? non certainement ; mais nous 
plaindrons la foiblefle de lefprit des hommes qui , préoccupés d'un 
fyflème , n'apperçoivent pas a des objets qui frapperoient les 
fens de route autre perfonne , & même certainement les leurs , fi leur 
efprit étoit moins prévenu. Nous regretterons de même cette autre 
maladie de lefprit, & à laquelle les plus grands génies font fi en- 
clins , je veux dire ce trop grand empreflement à rendre raifon de 
chaque phénomène de la nature , d’après les principes connus , lorf- 
qu'il y en à un fi grand nombre qui font encore à découvrir. Il fut 
un tems, & un grand.nombre de nos Auditeurs doit s’en fouvenir , 
où l'on croyoit avoir fufffamment expliqué le tonnerre & les éclairs , 
en les donnant comme l'effet d'un mélange de vapeurs fulfureufes & 
nitreufes qui fe méloient avec l'air. On doute aujourd’hui de lexiftence 
de ces vapeurs dans l’atmofphère , & nous favons d’ailleurs certaine- 
ment que C’eft le fluide électrique feul qui produit ce météore : or, il 
paroît aujourd'hui que ce même fluide eft la caufe productrice des pro- 
priétés étonnantes de la Torpille : rien ne pouvoit être moins prévu , 
& rien n'eft peut-être plus certain. 

La découverte de l'expérience de Leyde ouvrit un champ vafte & 
fécond à la Phyfique, & on fe reflouviendra toujours , à l'honneur de 
cette Société, à quel point fes membres fe font prévalus de cet heu- 
reux. accident ; pour expliquer quelques-uns des phénomènes de la na- 
ture les plus compliqués. Quelque tems après cette mémorable dé- 
couverte , M. Allamand , célèbre Profefleur de Leyde , & membre de 
cette Société , ayant entendu parler d’un poiflon dans les Etabliffemens 
Hollandois à Surinam ; reflemblant à une anguille de l'efpèce des con- 
gres , & ayant néanmoins des propriétés femblables à celles de la Tor- 
pille, engagea fon ami M. sGravefande , Gouverneur d'Effequebo ; d'en 
faire l'expérience , ce à quoi celui-ci confentit volontiers. Il écrivit en 
conféquence une lettre à M. Allamand en 1757 fur ce fujet , qui fut 
publiée peu de tems après dans Le fecond volume des Tranfaétions de 
la Société de Harlem. M. s' Gravefande rapporte que l'expérience avant 
été faite fur une efpèce d’anguille ,:que les Hollandois appellent Sid- 
der-vis (le poiffon tremble ), elle produifit les mêmes effets que l’é- 
lectriciré , effets que le Gouverneur connoïfloit très-bien, ayant fait 
avec fon favant Correfpondanr nombre d'expériences avec la bou- 
teille de Leyde : il dit même que les commotions que ce poiffon fai- 
foit éprouver , étoient beaucoup plus violentes Fe celles de cette bou- 
ieille, quand il étoit des plus vifs &- des plus forts de {on efpèce ; car 


SUR L'HIST. NATURELLE ETILES ARTS. 249 


alors, il renverfoit par terre infailliblement la perfonne qui le:rouchoit. 
Cependant M. s’Grave/ande aflure que ces ee du: poiffon n'étoient 
accompagnés d'aucune écincelle de an , comme dans la machine élec- 
trique. Tel eft, en raccourci la lettre de M, s'Gravefande. M. Allamand 
ajoute, qu'il eft perfuadé que cette anguille devoit être une efpèce des ; 
Gymnotus-d’Ariédi , & toutes les relations que nous en avons eues de- 
puis, ont confirmé fon opinion. 

On trouve dans la feconde partie du fixième volume de l'eftima- . 
ble Ouvrage de la Société d’Harlem, un détail plus étendu fur le 

._même poilon , tiré de quelques lettres de M. Vander -Lott , datées de 
Rio Effequebo en 1761. Selon lui , ily en a de deux efpèces , l'un noir , ! 
& l’autre rougeâtre ; quoiqu'il avoue que ; fi l'on en excepre la diffé- 
rence de couleur & de force, ils ne diffèrent pas eflentiellement l'un 
de l’autre. M. Wander-Lott remarqua dans la plupart des expériences 
qu'il fit avec ce poiffon , une reflemblance étonnante entre fes effets 
& ceux d'un appareil électrique. IL ÿ a plus; il obferva qu'on pouvoir: 
en faire reflentir le choc au doigt d'une: perfonne placée à quelque 
diftance de la bulle d'air formée par cette anguille , quand elle 
monte à la furface de l'eau pour refpirer , & il en conclut qu’alors la 
matière électrique fortoit de fes poumons. Il rapporte une autre cir- 
conftance caractériftique , que , quoique les métaux tranfmiflent en 
général ce fluide électrique , on remarquoit néanmoins qu'il y en 
avoit quelques-uns qui étoient beaucoup plus propres que les autres 
pour cet effet. 

A-peu-près dans le même tems que M. s'Gravefande découvroit. 
en Amérique les propriétés électriques du Gymnotus, M. Adan/on , cé- 
lèbre Naturalife François , trouvoit dans la rivière du Sénégal , en 
Afrique , un poiflon , ou le même , ou très-reffemblant. Il remarque 
que ce poiflon a-peu de rapport avec ‘les autres habirans des eaux 
connus jufqu'ici ; que. fon corps eft rond & fans écailles comme une 
anguille, mais beaucoup plus gros , relativement à fa longueur; qu'il 
eft fort connu des naturels du pays , & que les François , établis pere 
cette contrée , l'appellent le srembleur , d'après les effets qu'il produit, 
Ce n'eft pas, dit-il, un engourdiffement comme celui que fair éprouver 

la torpille , c'eft plutôt un tremblement très-douloureux dans les mem- 

bres Le ceux qui le touchent. Il ajoute que cet effet ne lui a pas paru dif. 
férer fenfiblement du choc de la bouteille de Leyde qu'il avoit éprouvé, 

& qu'il fe communiquoit de la mème manière , foit par le fimple con- 

ta , foir par l'interpofition d’un bâton , ou d’une verge de fer ( de cinq 
ou fix pieds de long), de manière À forcer la perfonne, qui tient l’un 
ou l'autre dans fa main , à les laiffer tomber. 

M. Fermin , dans fon Hiftoire Naturelle de Surinam , publiée à 


Tome V, Part. III. 1775. Ii2 


oo OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
Amfterdamen 176$ , remarque qu'un poiflon que les Hollandois ap- 
pellent Beef-aal (anguille de bœuf, ou tremblante) , fait éprouver 
un horrible engourdiflement dans les bras & jufqu'aux épaules , quand 
on le touche avec les mains, où même avec un bâton. Il ajoute en- 
core, qu'ayant fait tenir quatorze pérfonnes par la main , pendant 
qu'il tenoit d’une main celle de la dernière | & qu'avec l’autre il tou- 
choit l'anguille avec un bâton , elles reçurent toutes un choc fi vio- 
lent, qu'il ne put jamais obtenir d'elles de recommencer l'expé- 
rience. 

Cet Auteur ne compare pas les effets de ce poïflon avec ceux de la 
bouteille de Leyde; cependant, je crois que nous pouvons aflurer qu'il 
étroit de la même efpèce que le Gymnotus dont MM. s'Gravefande & 
V'ander-Lott nous ont donné la defcription. 

La plus ancienne notion diftinéte que j'aie trouvée de cette efpèce 
d'anguille dans le nouveau Monde, eft celle de M: Richer, Aftro- 
nome , rapportée par M. Duhamel , dans fon Hiftoire de l'Académie 
Royale des Sciences, année 1677. Il y a, ditcet Académicien , dans 
T'ifle de Cayenne, où M. Richer fit fes Obfervations, un poiflon qui ne 
diffère pas beaucoup des congres, lequel étant touché avec le doist , 
ou même avec un bâton , fait reffentir au bras un engourdiffement , 
& caufe même un éblouiffement; effets que M. Richer éprouva lui- 
même en en faifant l’expérience. 

Si nous avions befoin de plus grandes preuves pour confirmer la na- 
ture électrique de cette anguille de ces contrées , je recommanderois 
la ledture de l'Hiftoire Naturelle de la Guiane , du Docteur Baneroft , 
Membre de cette Société, ‘où le Lecteur trouveroit plufieurs expé- 
riences curieufes faites par ce Savant fur ce poiflon. Mais comme ce 
livre eft entre les mains de tour le monde , j'obferverai feulement que 
l'Auteur confirme ce que M. Vander-Lott rapporte , que le choc de ce 
poiflon fe tranfmet à travers un volume d’air confidérable ; circonf- 
tance qui n'a rien de femblable à ce que nous fait éprouver la tor- 
pille, quoique ce foit un effet ordinaire dans la décharge de la bou- 
scille électrique. 

En conféquence , Mefieurs, je ne vous déroberai pas davantage 
un tems précieux, en vous préfentant d’autres détails fur ces curieux 
animaux qui nous ont été donnés par les Voyageurs , & d'autant moins 
que je n'en ai point trouvé qu'on püt regarder comme originaux , ex- 
cepté les précédens ; car ils font pour la plupart tels , où par leur 
briéveté , ou par l’inexactitude qu'on y remarque , qu'ils laiffent beau- 
coup de doutes fur le genre des poiflons , auquel les poiflons élec- 
tiques , dont ils parlent , doivent être rapportés. J'en dois cependant 
excepter cette anguille , que M. de la Condamine décrit dans fon 


”" "26. \'LÉé 
CU CNI TENTE 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 923» 


Voyage de la Rivière des Amazones , & qui étoit très-vraifemblable- 
ment le vrai Gymnotus ME ( qu'on trouve fi communément dans 
les rivières des pays voifins- de la Guiane , } & duquel nous venons 
précifément de parler ; nous n’en dirons pas de même de ce poiflon , 
que M. Moore trouva dans un lac d'Afrique près de Gambie , non plus 

ue de cet autre que M. Ærkius vit dans la rivière de Serra Leone, 
dis la même partie du monde. : 

Enfin il paroït aflez évident que le poiflon éleétrique cité , defliné , 
& toutefois à peine décrit par Nieuhoff , comme ayant été pris 
dans un lac des Indes , & appellé par les Hollandois Meer aal ( ou 
Anguille de lac), n'eft nullement ï l'efpèce du Gymnotus ,au moins 
fr la repréfentation en eft exacte, car nous y voyons une longue arrête 
far le dos , & nous n’en trouvons pas fous le ventre. 

Le poiflon que Pifor trouva dans le Bréfil, muni des mêmes fa- 
cultés que la torpille, ne peut pas non plus être regardé comme du 
même genre que le Gymnorus , puifque l'Aureur en compare la figure 
à une fole. On peut en dire autant de ce poiflon des mêmes contrées, 
que Pifon appelle Piraqué ( Margrafs Puraqué), & ce a les mêmes 
propriétés ; s'il reflemble à la figure que nous en ont donné ces Voya- 
geurs & Auteurs d'Hiftoire Naturelle , je porterois volontiers le même 
jugement fur le Congrus monftruofus de l'Inde , dont parle Bontius, Ce- 
pendant, j'héfiterois fur cette anguille, qui fait le fujet d'un Ecrit 
communiqué à cette Société par le Docteur Gale, & dont l'Auteur , 
M. Bareman , avoit eu une habitation pendant vingt ans à Surinam. 

Tout ce qui me paroît réfulter , avec quelque deoré de certitude, 
de ces différens récits, c'eft que les propriétés électriques ne font point 
renfermées , chez les poiffons , à cette efpece de raie qu’on appelle 
Torpille , ni à cette efpèce de Gymnotus , qu'on appelle Gymnotus elec- 
zricus ; mais que la nature a doué des mêmes facultés plufieurs autres 
habitans des eaux , quoique nous ne les connoiflions encore que très- 
imparfaitement. 

+ Or, pour rendre juftice aux Auteurs qui ont les premiers parlé du 
Gymnotus eleëtricus , & particulièrement à ceux qui ont originairement 
foupçonné une reffemblance entre les effets de la torpille & ceux de 
cette anguille de ,; de même qu'entre leurs effets refpe&ifs & 
ceux de la bouteille de Leyde, j'ai cru à propos de faire mention de 
leur nom dans cette occafon, quoiqu’après tout , j'aie lieu de pen- 
fer, que notre digne Confrère na pris d'aucun d'eux, l'idée de Éie 
fes expériences, mais uniquement de ce qu'il avoit lu concernant la 
torpille, dans des Auteurs qui ne penfoient à rien moins qu'à en rap- 
porter les effets à une caufe électrique , & dont un grand nombre 
même vivoient long -tems avant que les loix de l'Eleétricité fuflent 


Tome F, Part. [IL 1775. 


252. OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


connues. Enfin, les effets furprenans du Gymnotus n'avoient pas été 
obfervés d’aflez près, & encore moins confrontés avec ceux de l'ap- 
pareil éleétrique , pour que nous puillions dire , avec quelque préci- 
fion , jufqu'à quel point la nature avoit porté l'analogie entre les uns 
& les autres. 

Ainfi nous devons à M. Walsh , non-feulement les premières expé- 
riences qui aient été faites fur la torpille , pour en établir la nature 
électrique, mais encore une nombreufe fuite d’autres expériences choi.. 
fies fur ce fujet, ainfi que plufieurs deflins correéts & élégans , & de 
l'animal en entier, & de quelques-uns de fes principaux organes, tels 

w'on les voit après la diffeétion. Mais quant à cette dernière partie, 
la Société , int que M. Walsh, doivent beaucoup à un autre Mem- 
bre , M. Jean Hunter , qui a fourni , par-, un ASE confidé- 
rable à l'examen anatomique de cet animal , par Redi , Stenon & 
Lorenzini. Je dois même vous informer encore que , quoique M. #/alsh 
vous ait mis fous les yeux la relation de fes principales expériences , 
fes occupations ne lui ont néanmoins point encore permis de détailler 
toutes les particularités curieufes qu'il a eu occafion d’obferver dans 
le cours de fes recherches, comme je puis le témoigner, m'ayant fait 
la faveur de me laifler parcourir le Journal qu'il a tenu de toutes fes 
expériences. 

Dès la première expérience , M. Walsh découvrit la qualité élec- 
trique de ce fluide de la torpille ( qui avoit fi long -tems diftingué ce 
poiflon ), ce fluide traverfant les mêmes conducteurs que le fluide élec- 
trique , comme l'eau , les métaux & les fluides animaux ; & étant in- 
tercepté par les mêmes fubftances ( particulièrement le verre & la cire 
À cacheter) , qui interceptent le paflage du fluide éleétrique. La reflem- 
blance entre ces deux fluides ne fe borna pas à cette circonftance; 
M. Walsh reconnut , & c'eft une de fes plus brillantes. découvertes , 
que ce poiffon non-feulement accumule À Un une partie de fon corps, 
une grande quantité de matière électrique, mais encore eft muni d'une 
certaine organifation difpofée comme la bouteille de Leyde. Ainf, 
lorfqu'une furface de la partie électrique (fuppofez celle du dos) étoit 
chargée de cette matière, ou , comme nous difons, étoit dans un état 
pofinif , l'autre furface (celle du ventre ) étoit privée de cette matière, 
où étoit dans un état négatif ( 1) ; de facon qu’on rétablifloit l'équilibre , 
en formant une communication entre les deux furfaces, au moyen de 
Veau , des méraux ou des fluides du corps humain. Un homme, ap- 


(x) Voyez fur l’état pofitif & négarif des corps éle@rifés, l'exrait du Mémoire 
de M. le Roy, fur une nouvelle machine à éle&rifer, pag. 57, dans le Journal du 
mois de Janvier 1775. 


3: 


LA: 


tdi Li LME LA ARBRES à: , 


pri 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 25; 


puyant fur une de fes furfaces avec une main , pouvoit avec l’autre, au 
moyen de fes propres Auides , faire Le circuit néceffaire pour la tranf- 
miflion , & recevoir à l'inftant le choc, c'eft-à-dire, éprouver la même 
fenfation que la matière électrique nous fait reflentir, en paflant, à 
travers nos bras & notre corps, Fe l'intérieur de la bouteille de Leyde, 
à fon armure ou enveloppe. Il ne faut que faire attention à l'expérience 
fuivante , que M. Walsh fit à la Rochelle en préfence de l’Académie 
de cette Ville , pour reconnoître combien ce circuit eft admirable, & 


à quel point il reffemble à celui de l’éle&ricité. On plaça une torpille 


en vie, fur une table couverte d'une ferviette mouillée ; cinq per- 
fonnes ifolées fe placèrent autour d’une autre table , & deux fils de 
laiton , chacun de treize pieds de long , furent fufpendus au plancher 


-par des cordons de foie : l’un des fils pofoit, par l’une de fes extré- 


mités , fur la ferviette mouillée ; &, par l’autre extrémité , trempoit 
dans un vafe plein d’eau , placé fur la feconde table , fur laquelle il y 


avoit quatre autres vafes 1 étoient pareillement remplis d'eau. La 


première perfonne mit un doigt dans l’eau du premier vafe, où le fil 
étoit plongé , & un doigt de l'autre main dans l’eau du fecond, & 
ainfi de fuite des autres perfonnes, jufqu'à ce qu’elles communiquaflent 
toutes l’une avec l’autre , au moyen de l'eau contenue dans les vafes. 
L'extrémité du fecond fil trempant dans le dernier de ces vafes, 
M. Walsh toucha le dos de la torpille avec l’autre extrémité de ce fe- 
cond fil, & dans l’inftant, les cinq perfonnes reffentirent un choc, qui 
ne différa en rien de celui de l'expérience de Leyde, fi ce n’eft qu'il 
éroit plus foible : M. Walsh, qui n'étoit pas dans le cercle de tranf- 
miflion , ne fentit rien. On répéta cette expérience plulieurs fois avec 
un égal fuccès , même avec huit perfonnes ; & comme elle a été dé- 
crite par M. de Seignette, Maire de la Rochelle, & l’un des Secrétaires 
de l’Académie des Sciences de cette Ville, & qu'il l'a publiée dans la 
Gazette de France , rien ne manque à fon authenticité : car , quoique 
nous ayions la plus grande confiance dans la candeur & la véracité de 
notre digne Confrère , cependant aux yeux du Public , la certitude des 
faits doir être fortifiée par le témoignage de ceux qui n’y avoient 
d'autre intérêt , que celui de l'amour de la vérité & de la fcience ; 
c'eft pourquoi nous en avons d'autant plus d'obligation à M. Walsh. Il 
n'a pas fait fes expériences en cachette , mais, fi cela fe peut dire, en 
face de tout le monde & dans le même pays qui donna naïflance au 
célèbre M. de Réaumur ; dont la réputation, comme Phyficien , né 
pouvoit qu'éprouver une légère atteinte , en proportion de ce que s’ac- 
créditoient les expériences de l'heureux Etranger. Et à la vérité, toute 
la conduite des favans Académiciens , & de la Rochelle & enfuite de 
Paris ( lorfque ces expériences y furent connues), fut telle envers Jeux 


Tome F, Part. LIL, 1775. 


254 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


hôte, qu'elle montra bien hautement que , dans cette occafion, comme 
dans toutes les autres , ils font de véritables Amateurs de la fcience &c. 
des connoiffances , & les émules, & non les envieux de la réputation de 
leurs voilins. 

Mais quoique nous n’ayions pas befoin de nouvelles preuves pour 
donner une nouvelle authenticité aux expériences de M. Walsh, cepen- 
dant, c'eft avec plailir que , pour confirmer les conclufons qu'il en a 
tirées, je joins ici le témoignage de notre favant Confrère , le Docteur 
Ingen Housz, Médecin de leurs Majeftés Impériales à Vienne , qui, 
étant en Italie, lorfqu’il reçut la relation des fuccès de M. Walsh, fe 
rendit, à ma prière, à Livourne, pour faire lui-même quelques expé- 
riences fur la torpille ; & je n'ai pas befoin de vous rappeller jufqu'à 

uel point elles s'accordent avec celles de M. Walsh, & elles les con- 
Done puifqu'il y a fi peu de tems que vous avez entendu la lecture 
de la Lettre que ce Médecin m'a écrite à ce fujet, 

Je ne reviendrai point à de nouveaux détails fur les expériences de 
M. Walsh, confidérant combien j'ai déja pris fur votre tems, & combien 
vous devez être perfuadés que celles dont je vous ai déja entretenus, 
ont mérité l'honneur que vous lui accordez dans cette occafion. Je 
remarquerai feulement que notre ingénieux Confrère ayant fuivi la 
reffemblance qui fe trouve entre les effets de la torpille & ceux d'un 
appareil électrique , il l'a trouvée fi grande , qu'il en eft refté perfuadé 

ue c'eft identiquement le même fluide, qui agit dans l'animal & 
de la machine électrique. Cependant, il remarque que , quoique la 
bouteille de Leyde , lorfqu'elle eft chargée , produife des attractions & 
des répulfions dans des corps légers, comme des balles de moëlle de 
fureau , qu'on en approche , & que fa décharge fe fafle au travers 
d'un certain efpace d'air, enfin, qu'elle foit accompagnée de bruit & 
de lumière ; néanmoins qu'on n'obfèrve rien de femblable dans les 
effets de la torpille. M. #alsh répond à ces objections contre la par- 
faite reflemblance des fluides de la torpille & de l'électricité , que fi 
on charge un grand nombre de bocaux avec une très-petite quantité de 
matière électrique , & qu’enfuite on les décharge, la matière électrique 
alors ne préfentera récllement que les mêmes apparences que la tor- 
pille. En effet, dans cette circonftance , elle ne traverfera pas la cen- 
tième partie du pouce d'air qu'elle traverfoit facilement , lorfque ces 
bocaux étoient chargés à l'ordinaire ; l’étincelle , le craquement, & 
l'attraction & la répulfon des balles n'exifteront plus ; enfin, une 
pointe, à quelque petite diftance qu'on l'en approche , à moins qu’elle 
ne foit précifément en contact , ne les déchargera pas ; quoique cette 
matière électrique , ainfi répandue , paffe inftantanément au travers 
d'un cercle confidérable de différens conducteurs afflemblés convena- 
blement, 


“Ds Rs St La Li : 
Fr 4 . 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. fs 


-blement, & donne un choc fenfble aux! perfonnes qui: compolfent ce 
cercle. Mais.où trouvera-t-on dans la torpille cette grande furface , où 
cetre matière éleétrique fera dans un pareil état de diffufon 2 | 
M. alsh répond-qu'une grande furface réfulte néceflairement d’une 
très-grande divifion des parties, & que même, nos fimples yeux peu- 
vent nous faire voir que ces fingaliers organes tubuleux de la torpille 
font compofés, comme nos batteries électriques , d'un grand nombre 
de corps d’une figure prifinatique , dont Les HE ; prifes toutes en- 
femble , forment une fuperficie confidérable. Nous pouvons ajouter à 
ce raifonnement , que jufqu'ici on n’a trouvé aucune différence, ex- 
cepté du plus au moins , entre la matière électrique que l’on tire des 
nuages, & cette autre matière électrique qui pénètre tous les COrps ter- 
reftres, & que nous raflemblons par nos machines, Ainfi donc n'y ayant 
N ‘aucune différence fpécifique, & même à peine aucune vatiété, au moins 
| connue entre le Auide de l'éclair même, & celui de la bouteille de 
A Lcyde , pourquoi multiplierions-nous les efpèces fans nécefliré, & fup- 
poférions-nous la torpille pourvue d’un fluide différent de celui qui eft 
répandu de toures parts ? Mais laiffant cette queftion à être examinée 
‘ ee au long par des expériences poftérieures , concluons qu'on a tel- 
ement établi “A reffemblance entre le Auide électrique de la rorpille, 
& celui qui remplit route la nature, qu'on peut les confidéfer , dans un 
fens phyfique, comme entièrement les mêmes. 
M. Hunter a très-bien remarqué , & je crois qu'il eft le premiét' qui 
en ait fait l'obfervation , que la grandeur & le nombre des nerfs que 
‘là nature a accordés à ces organes éleétriques, proportionnellement à 
leur grandeur , ‘ne doit pas moins paroître extraordinaire que Jeürs 
effets ; & que, ff nous en exceptons les organès importdns de nôs fers, 
il ny a point de partie, mème dans l'animal le plas parfair, qi, 
confidérant fa grandeur, ait été aufli abondamment pourvue de neffs. 
Cependant les nerfs de ces organes éleétriques ne paroïlfétt pas nétef- 
‘aires à aucune /erfation qui leur foit propre; & quant à l’action , M. Hyn- 
tér femarque encore qu'il n’y a; dans aucun animal , des parties qüi, 
quelle que foit la force & là durée’ de fon action , Eh aient dans une 
auf grande proportion. Que s’il eft donc probable que €ts' nerfs ne 
 foient pas néceffaires ni pour l’action, ni pour Îa fenfation, ne pou- 
vons-nous pas en conclure qu'ils font deftinés à former, riembler & 
diriger le fluide électrique; & particulièrement en cé qu'il parott, 
. d'après les expériences de M: Pa , que les facultés éleétriques ‘dela 
-torpille font-entièrement au pouvoir de f4 volonté ?- SÉRIE 
Ainfi ;en admettant la juftefle de:fes réflexions, nous pouvons pré- 
dire ; ‘avec quelque forte de probabilité ; que les Phyfioloniftes À venir 
ne feront aucune découverte de conféqüence fur la ndture du fluide 


Tome F, Part. IL 1775. Kk 


\ 


256 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


nerveux , fans reconnoître les [umières qu'ils auront tirées des expé- 
riences de M. Walsh, fur la torpille vivante, & des diflections de 
M. Hunter, de l'animal mort. 

Mais, que c'en foit ou non le réfultat unique , la Philofophie na- 
rurelle aura toujours fait, par fes cutieufes & heureufes recherches , un 
progrès important ; puifque nous pouvons être aflurés que tout ce qui 
tend à développer les caufes des chofes , les loix fecrettes de la nature, 
ne peut pas manquer un jour de la faire fervir plus où moins aux ufages 
de la vie , & à manifefter de plus en plus la puiflance & la fagefle 
du Créateur dans fes Ouvrages: 


Monfieur WALSH, 


« L'approbation du choix que le Confeil a fait, étant marquée d'une 
manière fi expreflive fur la phyfonomie de tous nos Confrères qui font 
ici , il me refte à remettre entre vos mains, au nom de la Société Royale 
de Londres, fondée pour l'avancement des connoiflances humaines, 
cette médaille , comme un prix que vous avez fi juftement mérité; ne 
doutant pas, Monfieur, que vous ne receviez avec reconnoiffance une 
marque fi honorable & fi durable de fon eftime , & du fentiment des 
obligations qu’elle a à une perfonne qui a contribué , d’une manière 
aufli diftinguée que vous, à l'avancement des grands objets de fon inf- 
titution. Et permettez- moi d’ajouter , au nom d'une Société aufli ref- 
pectable , qu'elle eft fi perfuadée de vos talens pour l'aider dans ce 
grand Ouvrage de l'Interprétation de la Nature, qu'elle vous invite inf 
tamment à continuer vos nobles travaux. Elle apprend avec plaifir que 
vous avez déja tourné vos vues vers le Gymnotus électrique , cette autre 
merveille des eaux, douée des mêmes facultés que la torpille, mais 
ayant beaucoup plus d'énergie. La Société fe latte que nous acquerrons 
tant de lumière par cette recherche , que vous ferez bientôt en état de 
faire de nouvelles découvertes dans ce que la nature a de plus caché. 
Ne craignez point, Monfieur , d'approcher fon voile (1). Animé par 
la préfence de cette Compagnie illuftre & heureufe dans fes travaux , 
j'ofe affirmer que la nature n'a point de voile, que le tems & des expé- 
riences continuées fans relâche ne parviennent à enlever. Voyez, dans 
le fujet qui nous occupe , le progrès de l’efprit humain; voyez les Phi- 
lofophes dans l’origine des tems , comme les enfans du monde (2), amu- 
fés & fatisfaits des contes de la torpille , aufli indifférens fur leur cer- 


(1) On fait ici allufion à ce paflage de l'Ecrit de M. 7/54: Nous approchons 
ici du voile de La nature que l’homme nelpeur pas lever. Voyez dans le Cahier de 
Septembre 1774, la repréfentation de la Torpille, pag. 217. 

(2) Le Chancelier Bacon. 


: 
fl 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 257 


tirude , que fur les caufes d'effets aufli extraordinaires. Ce poiflon étoit 
pour eux un emblème , un hiéroglyphe , une figure du difcours ou une 
allufon plaifante, tout au plus un ujet de vers ; mais le monde, avan- 
çant en âge & profitant en fagefle , rejette de pareilles bagatelles. Les 
Interprètes de la nature, dans la maturité des tems, font des expé- 
riences , en tirent des induétions , font en garde contre leur efprit, fe 
fient aux faits & à leurs fens ; & au moyen de ces Arts heureux , écar- 
tant le voile de la nature, trouvent un chétif & rampant animal, ar- 
mé de la foudre , ce feu terrible & célefte, révéré par les Anciens, 
comme un attribut particulier du Père des Dieux (1). 


mm 
LR CEE EN : CENTS SEC 2 
D'UN MÉMOIRE 


Lu à l’Académie Royale des Sciences, le Mercredi 


15 Février 1775, par M. ADanson, Membre de la 
même Académie, fous le titre fuivant : 


Plan 6 Tableau de mes Ouvrages manufcrits 6: en figures , depuis l'année 


1741 jufqu'en 1775, diflribués fuivant ma méthode naturelle décou- 
verte au Sénésal en 1749. 


Je rie l'Académie de fe rappeller qu'en 1757, je publiai, avec fon 
ER ae » l'Hifloire Naturelle des Coquillages du Sénégal , diftribués 
en familles, dont jindiquai la liaifon naturelle , foit entr'elles, foit 
avec ma Méthode naturelle de tous les êtres des trois règnes , avec 
leurs qualités & facultés ; Méthode dont je promis alors au Public 
l'exécution , & dont je tins une partie en lifant à l'Afflemblée publique 
de Novembre 1759, le Plan aflez détaillé d'après lequel je fs paroître 
mes «Familles des Plantes: La difficulté de faire imprimer un Ouvrage 
confidérable en figures d’une certaine perfection , & en tables à 8 co- 
lonnes , ayant retardé mon empreflement à publier fucceflivement 
l'hiftoire des Animaux & celle des Minéraux, qui éroit achevée comme 


, 


(1) Voyez notre Précis fur ce qui a été publié fur la Torpille en Septembre 177: ; 
le Mémoire de M: Bajon fur l’Anguille trémblante de Cayenne, 1774, tom. 3, 
pag. 47 ; la Lettre de M. Walsh for l'éleétricité de la Torpille, tom. 4, pag. 206 ; 
Obfervations anatomiques fur la Torpille, tome }, pag. 219, 


Tome V, Part. III. 1775. Kk2 


25& OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
celle des Végéraux, je crus pouvoir lever cet obflacle, en faifant des 
Gourspublics, qui me donnoïent lieu de montrer toute l'érendue de ce 
travail , & l'avantage que procureroient à l'étude des Sciences en gé- 
néral, l'ordre & la férie qui en lient les diverfes parties , en établiffant. 
la gradation de tous les êtres, de leurs qualités & facultés indiquées par 
la marche de la nature, Mais j'ai remarqué depuis, que uelques- 
unes de ces idées philofophiques , dont je me faifois le plus HSE) 
fur lalmarche de la nature, fi différente de celle des fyftêmes qui m'ont 
précédé ; ont paru fous le ‘nom de quelques Auteurs qui fe les font 
appropriées, en les. mettant À la tête de diverfes annonces fur la même 
matière : & comme les Ouvrages dont je vais faire l'énumération , 
ne font pas de püres annonces ou de fimples projets, mais des parties 
confidérables entièrement finies & intimément liées dans un Ouvrage 
univerfel tant en defcriptions qu'en figures fur l'Hifloire. Naturelle , 
dont les découvertes , tant pour les faits que pour les idées neuves, 
ne peuvent paroître que fucceflivement dans les, volumes où elles doi- 
vent entrer en fuivant la férié naturelle , c'eft- à dire, le plan qu'ils 
occupent,dans Ja Méthode naturelle, dont je publier ai: incef[amment le: 
Plen figuré ; ce fut dans l'intention de me confervet la date &;la pro- 
priécé dé ces découvertes , que je pris le parti, à la follicitation de 
quelques amis , de demander à l'Académié , dans le mois de Décem- 
bre 1774, des Commifaires pour conftater l'état de mon Plan philo- 
fophique de divifion naturelle de tous les êtres, de leurs qualités &e fa- 
culrés, &.des Ouvrages faits furce même plan, dont je vais lui préfenter 
le tableau. + 
PURE MOTEUR MOQUIMERPANGIE: 


Orbe univerfel de la Nature, ou Méthode naturelle comprenant tous 
les Êtres connus , leurs qualités matérielles & leurs facultés fpirituelles , 
diftribués fuivant leur férie naturelle’, indiquée par lenfemble de leurs 
rapports. 


Cet Ouvrage confifte en 27 volumes in-8° d'un pouce à fix pouces 
d'épaiffeur , écrits du caraétère le plus fin & le plus ferré. 

Ïl renferme par extrait tous les faits d'Hiftoire naturelle connus depuis 
Atiftote & Pline jufqu'à ce jour, claffés fuivant une méthode philo- 
fophique différente de celle d’Ariitore , de Bacon , de l'Encyclopédie 
& des autres Ouvrages tant anciens.que modernes. … 

Cette Méthode , qui embrafle toute la nature, la divife d’abord .en 
trois chefs principaux ou orbes, qui font, 1°. la matière ;.2°. fes qua- 
lités,;.3° l'efprir. 3: lab) ; : ! 

PREMIER ORBE. La matière eft partagée en trois fphères , appelées 


| . 


| 
"L 
&: 


à 


SUR L'HIST,. NATURELLE ETILFS ARTS. 259 
re (ee règnes ; favoir , 1°. l'animale ow la matière: vivante!, 
c'eft-à-dire , animée &c organique 3 2°. l'organique ‘inahimée, ou le vé-! 

gétal; 3°. l'inorganique, où brut, ou le minéral. 

Chacune de ces trois fphères eft encore fous-divifée en trois par- 
ties. où couches : favoir’, 1°. la fphère animale ; en animaux ; 1°. Jan- 
guins chauds ; 2°. fanguins froids; 38. fans fang &- comme: gélarineux ; 
La fphère organique” ou végétale; ‘en végétaux ; «1°, comme aqueux 
où gélatineux, tels que Les byflus; champignons; fèves, &c.; 2°, li-, 
gneux , qui font les plantes proprement dites ; 3°. mouflés, où nul- 
lément ligneux , tels que: les moufles : III°. la fphère inorganique 
ou minérale , {e divife , 1°. en folides , 2°. en liquides ; 3°. en 
Jfruides. 1$ ts o s Hills 

La matière comprend donc tous, les. êtres, animaux, végétaux &ci 
inorganiques ;| téls quér lesminéraux , la terre, l’eau , les élémens & 
les globes céleftes: : 

Ces €tres , au nombre de 40 mille efpèces ou environ , font claflés 
ou décrits dans les fix premiers volumes. Le premiet olume comprend 
tout le règne animal, partagé en dix clafles, qui occupent autant de 
cahiers ; favoir , 1°. les mamellés, c'eft:à-dire , les Quadrupèdes 18° 
les Céracées; 2°. les Oifeaux.; 3°. les Reptiles.s, 4°. les. Serpens., 
s°. les Poiflons ; 6°. les Cruftacées ; 7°. les Infectes ; 8°. les Coquil- 
lages 5 0°. les Vers ; 10°. les Animaux organiques. Les parties de ces 
êtres font développées dans le ol. 2, qui contient fix cahiers, dont 
le premier examine leurs parties en général ; le fecond , les parties 
extérieures ;.le troifième, celles de la génération ; le quatrième, les 

aities ‘offeufes ; lelcinquième , les parties intérieures ; le fixième-pré- 
Er ; dans nombre de Tables, les rapports de ces diverfes parties. Le 
troifième volume comprend-la fynonymie. des Oifeaux, & des Poiflons 
étrangers , les plus rares & les plus difficiles à déterminer. 
- La Sphère organique inanimée ou végétale eft comprife dans les v0- 
lumes 4 & $. Le quatrième expofe les parties des Plantes , leur def: 
cription ; les fyftêmes principaux de botanique &.le plan de mgs 58 
Familles naturelles : enfin le cinquième eft deftiné à la fynonymie des 
Plantes’ 21155 eine ns [f 
* La Sphère inorganique où minérale occupe le fixième volume , qui 
contient 20 cahiers pour autant de -clafles ; favoir , neuf pour les 
Solides , qui font, 1°. les Métaux & leurs minerais ; 2°. les de- 
mi-Métaux ; 3°. les Bitumes.ou les Soufres & Réfines ; 4°. les Py- 
rites & Cryftaux métalliques formés, foit dans le feu, foit dans l’eau; 
5°- les’ Pierres; 6°. la Terre ; 7°.-les, Cryftaux. infolubles à l'eau ; 
8°. les fels ou Cryftaux folubles dans l'eau ; 9°. les Gommes. Les 
« liquides en occupent 6; favoir , le dixième , les Sucs neutres où acides 


Tome WF, Part. III, 1775. 


260 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


alkalins , foit animaux , foit végétaux , foit minéraux ; le onzième, 
les Sucs acides ; le douzième, les Sucs alkalins ; le treizième, les 
Huiles ; le quatorzième , les eaux pluviales ; le quinzième , les eaux 
fluviales ou terreftres, & les marines. Les cinq Fans cahiers font 
deftinés aux Fluides ; favoir , le feizième, à l'Air ; le dix-feptième , à 
l'Ether & à l'Electricité fans feu, ou au fluide moteur & excitateur du 
feu & de la lumière ; le dix-huitième , à l'Atmofphère des Corps ter- 
reftres ; le dix-neuvième, à l'Atmofphère de la terre; & le vingtième, 
aux Globes céleftes & à leur atmofphère. 

SECOND ORB8E. Les qualités de la matière ( qui, confidérées 
abftractivement des êtres auxquels elles font inhérentes , font l'objet 
effentiel de la Poiotétike , appellée improprement Phyfique, comme 
la matière ou la fubftance des êtres , confidérée avec les qualités qui 
caraétérifent ces êtres , fait l’objet fondamental de l’'Hiftoire natu- 
relle, c'eft-à-dire, de la Phyfque), fe divifent naturellement en 
trois fortes ou fphères , qui font, 1°. les qualités paflives ; 2°. les qua- 
lités mixtes , c'eft-à-dire , paffives @ aëtives en même tems ; 3°. les 
qualités attives. : 

Chacune de ces trois qualités fe fubdivife encore en trois claffes : 
favoir , 1°. les internes ; 2°. les internes & externes en même tems, 
3°. les externes. 

Sept volumes , depuis le feptième jufqu’au treizième , font em- 
ployés à développer toutes ces diverfes qualités. Le feptième con- 
fidère uniquement les dix qualités paffives fuivantes , qui font trai- 
tées dans autant de cahiers différens : favoir , 1°. la quantité en 
général ; 2°. l'étendue en général, la grandeur des êtres animaux , 
végétaux & minéraux ; 3°. la durée de leur accroiflement & leur 
vitalité ; 4°. leur nombre & fécondité ; 5°. leur forme ou figure; 
6°. leur folidité & dureté ; 7°. leur pénétrabilité & perméabilité ; 
8°. leur duétilité & malléabilité ; 9°. leur humidité ; 10°. leur liqui- 
dité ou fufbilité. 

Leshuitième volume traite des qualités mixtes, c'eft-à-dire, paf 
Jives & aëlives en même tems, en r cahiers différens, dont le pre- 
mier regarde le fens de la vue, la lumière en général , celle de dif 
férens corps, & fur-tout celle de la mer, avec nombre d'expériences à 
ce fujet, les couleurs & l'optique ; le fecond , le fens de l'ouïe, les 
oreilles & le fon ; Le troifième, l’odorat & les odeurs: le quatrième , 
le goût & les faveurs ; le cinquième , le: froid ; le fixième , la cha- 
leur ; & le feptième , le feu. 

Les qualités aflives comprennent les cinq volumes fuivans, dont le 
premier, qui eft le neuvième de tous , traite des diverfes fortes de 
mouvement interne dans huit cahiers différens ; dont le premier exa- 


SUR L'HIST. NATURELLE ÉT LÉS ARTS. 261 


mine le mouvement en général ; le fecond , l'élafticité ; le troifième, 
la pénétration & diflolution ; le quatrième, l'irritabilité ; le cinquième, 
la circulation du fang dans les animaux ; le fixième , le mouvement 
des liquides dans les végétaux ; le pe la nutrition , qui s'étend 
fur la nourriture des végétaux , celle des animaux , fa quantité , la ma- 
nière de la prendre, fur les carnivores où farcophages , les frugivores 
& lignivores, les pamphages où omnivores , les petivores , les pro- 
vifionnaires & les jetneurs , enfin leur boiffon ; le huitième cahier 
établit une comparaifon entre le mouvement des animaux & celui des 


végétaux. Les volumes 10, 11 & 12 , traitent du mouvement interne 


& externe en même tems. Dans le dixième volume font contenus onze 
cahiers, dont le premier dévéloppe la dilatabilité & la condenfabilité ; 
le fecond , les fermentations & effervefcences ; le troifième, les diffol- 
vans , la putréfaétion , la corruption & la mott ; le quatrième , le 
mouvement interne ou partiel des plantes ; le cinquième , là tranfpi- 
ration & les excrétions ; le fixième , la refpiration ; le feptième , l'im- 
mutabilité des élémens & des efpèces ; le huitième , les mutations dans 
les qualités des corps fans en changer la figure ; celles de grandeur, 
pat l’accroiflement & le développement ; celles de figure , par varia- 
tions de dégénération , par monftruofités , par métamorphofes , par 
muës & par reproductions de parties coupées : le neuvième, les unions 
diflérentes par fimple contact fans adhérence , par pénétration fans 
adhérence , par cohéfion, par mixtion & par ss : le dixième 
traite de la multiplication ds êtres , foit fpontanée qui eft démon- 
trée faufle & nulle , foit par divifion naturelle | foic par fection ar- 
tificielle | foit par génération fans copulation ou avec accouplemenct 
des deux fexes ; ou par ne & fans copulation en divers 
tems, ce qui donne lieu de diftinguer les différens fexes , & de fixer 
ce qu'on doit appeller proprement hermaphrodites : le onzième & der- 
nier cahier traite, 1°. de la copulation, de l'age de puberté où elle 
commence, & de celui où elle cefle, des téms & des lieux où elle fe 
fait, des diverfes manières dont elle s'opère, de fon nombre & de fa 
durée ; 2°, de la fécondation & conception , & des fuperfétations ; 
3°. de l'accouchement où de la ponte , des réms & des lieux où ils 
s'opèrent , des vivipares , des ovipares, de leurs enveloppes & de leurs 
œufs ; 4°. de l'incubation & de fa durée ; $°. des animaux qui nour- 
riflent & allaitent leurs petits au moment de leur naiflance, de la 
durée de ce foin & de leur fevrage. Le onzième volume eft compofé 
de deux cahiers , dont le premier traite de la végétation ou de l’accroif- 
fement des plantes, au par la chaleur ; & Île fecond, de la germi- 
nation par la même caufe : tous deux remplis d’une infinité de tables 
& d'expériences faites fur les plantes utiles, & fur-tout fur les blés. Le 


Tome FR Para tIl.-177s. 


262 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, . 


douzième volume confifte en fept cahiers , qui traitent, le premier, 
de altération des corps végétaux & animaux ; le fecond , des vices 
ou.maladies de leurs folides ; le troifième:, des vices de leurs liquides; 
le quatrième, de ces diverfes maladies claflées & rapportées à leurs 
caufes dûes aux êtres des trois règnes,; le cinquième, de leurs re- 
mèdes tirés des mêmes règnes ; Le fixième, er animaux , du 
fommeil, du repos , de la faim, de la foif, de leur nourriture , de la 
manière de fe la procurer«& de boire. Le treizième volume , ou le 
- dernier des qualités aëlives , confidère le mouvement externe tranflatif 
.ou de tranfport : il contient, douze cahiers , dont le, premier traite. de 
la preflion ou compreflion ; le fecond , de l'attraction & répulfon = 
-Le troifième , de la pefanteur & légéreté ; le quatrième, de l'évapo- 
ration ; le. cinquième , de l’explofion ; déronnation & décrépitation ; 
le fixième , de la précipitation ; le feprième, des météores aqueux , 
qui comprennent les nuages ,.les pluies, les rrombes , les météores 
aériens ou, les vents, les, météores ignés qui regardent, le tonnerre, 
les éclairs, les iris & les aurores boréales ; enfin des ,obfervations 
météorologiques, faites à Paris depuis l'année 1754, à mon retour du 
Sénégal : le: huitième cahier traite de la mer, de fa profondeur ; de 
.fes courans , de fes marées, ou.de fon flux & reflux ; le neuvième, 
du mouvement de l’aimant ; le dixième, du mouvement des globes 
céleftes ; qui comprend L'Aftronomie & FAftrologie ; le onzième exa- 
mine le mouvement des animaux ,.C'eft-à-dire , leur manièré"de mar- 
cher, dé nager ou de voler ; le douzième, le. climat ou, le lieu qu'ils 
habitenr , & leurs migrations ; le treizième, leur vie folitaire ou en 
{ociété.… : te EG 
TroïsiÈèMEe ORBE. Les actions de. linftinét des animaux ou 
de lame de l’homme, font l'objet eflentiel dela Pneumatique, ou 
de la fcience de l'efprit. On peut les divifer naturellement en trois 
fphères; favoir, 1°. la Mechanique, comprenant les aétions de l'inf- 
tint où de l'ame fur laymatière, d'où naiflent-les travaux des ani- 
maäux-& les arts humains relatifs à -nôs, befoins;, 2°:,la, Morale; ou 
. les actions, de d'inftinét. &.de l'ame fur les, fenfations!,8&c fur des fa- 
cultés paflives, de lame, d'où naïffent les .paflions;, 3°. la, Méraphy- 
Jique, ‘ou. les actions de l'ame fur les facultés actives ;, d’où réfultent 
routes les {ciences dont la réunion ou l’enfemble forme la. Philo- 
; fophie.s ;, | i] 
: Treize volumes, depuis le 14 jufqu'au 27, s'occupent entièrement 
-de ces\trois-parties. Le quatorzième, qui eft très-confidérable, ‘roule 
entièrement fur l’agriculture, & le quinzième fur le jardinage : ils con- 
tiennent 46 cahiers, dont le premier traite de, l'agriculture & de fon 
_ objet; Le fecond , de La fituation & expofition des terres; le troifième, 


nes 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 263 


des mefures relatives à l’agriculture; le quatrième, du produit des terres 
avec dés tables de comparaifon; le cinquième, des frais d'exploitation 
des terres, fuivant les diverfes cultures; le fixième des qualirés ou ef- 
pèces de froment convenables à chaque efpèce de terre, diflinguées er 
32 genres G& oo efpèces, avec des figures; ce Traité ejt des plus neufs 
G très-fingulier par fes recherches; le feptième, du poids des grains de 
plus de 400 efpèces de froment; le huitième, de la connoiflance de la 

ualité des grains propres à faire le meilleur pain, foit de la France, 
foic des Pays étrangers; le neuvième, des qualités des terres, & de la 
qualité & quantité des produétions des diverfes Provinces de la France; 
le dixième, des qualités des rerres à blé en général; le onzième, des 
amendemens & engrais, & des diverfes efpèces de terres à blé au 
nombre de f00, avec un article fur les terres à blé reconnues pour 
les meilleures; le douzième, des défricheméns; le treizième, des blés 
propres à femer dans chaque faifon, & de la manière de les recon- 
noître; le quatorzième, des labours, des charrues dans chaque Pays, 
& du farclage; le quinzième des femailles; le feizième, de la fucceflion 
des moiflons ou des femailles dans les terres divifées à 1 à 4 foles; le 
dix-feptième, du tems des moiflons, & des manières de conferver le 
blé; le dix-huitième, de la qualité de la paille des blés; le dix-neu- 
vième du tems des travaux de la campagne, & du retour des météores 
en faveur des femailles; le vingtième, du nettoyage & curage à fond 
des rivières, relativement à l'eau & à l'air néceflaires aux plantes; le 
vingt-unième, des pâturages, de la culture du trefle, du fainfoin, de 
la luzerne, du Srodiit & des maladies des beftiaux ; le vingt-deuxième ; 
de la culture du maïs; le vingt-troifième de celle du chanvre ; le vingt- 
quatrième, de celle de la garance; le vingt-cinquième, de celle du 
tabac; le vingt-fixième, de celle de la vigne & de fes efpèces; le 
vingt-feptième, de celle du mürier; le vingt-huitième, de celle du 
prunier; le vingt-neuvième, de celle des plantes utiles, & qui rendent 
de l'huile; le trentième, de la plantation des bois; Le trente-unième , 
du jardinage, des efpaliers, contre-efpaliers, buiffons, paliflages ; &c.; 
le trente-deuxième , des fouilles & de la manière de planter; le trente- 
troifième, de la taille; le trente-quatrième, de la greffe; le trente-cin- 
quième, des fruits & racines; le trente-fixième, des fleurs; Le trente- 
feptième , des arrofemens ; le trente-huitième, des maladies des plantes ; 
le trente-neuvième , des abris, auvents & empotemens; le quarantième, 
des jardins de Botanique & des ferres chaudes avec figures; Le quarante- 
unième, du climat des plantes; le quarante-deuxième, de la nourri- 
ture des végétaux; le quarante-troilième, des expériences depuis l'année 
1760 , jufqu’à l'année 1770, fur la germination &’ la levée des plantes > 
le quarante-quatrième, des expériences des plus nombreufes & trèsvarices 


Tome V, Part. III. 1775. LI 


264 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


{ur la germination , l'accroiffement, la fleuraifon, la grandeur , la ma- 
turité & La fécondité des blés, depuis l'année 1763 jufqu'en 1769, ave 
des figures ; le quarante-cinquième , de la culture du melon & de fes 
200 efpèces ou variétés; le quarante-fixième , de la culture de plus de 
200 efpèces d'haricots & autres légumes, & des fruits les plus avan- 
tageux. Le feigième volume contient trois cahiers des arts relatifs à la 
nourriture, dont le premier traite de la chafle des animaux, de leurs 
combats, pièges & rufes; le fecond, de la pêche; le troifième, du 
commerce national & étranger. Le dix-feptième volume expofe les 
travaux des animaux, & les arts humains relatifs au logement, en trois 
cahiers, dont le premier traite des nids & tanières des animaux; le 
cond, de l'Architecture militaire; le troifième , de l'Architecture d'un 
cabinet d’hiftoire naturelle, & des préfervatifs du feu. Le dix-huitième 
volume comprend quatre cahiers fur les arts relatifs au vêtement : le 
premier donne l’art du Tailleur; le fecond, celui du Tanneur; le troi- 
fième traite des parties des plantes & des animaux, dont on fait des 
habillemens; & le quatrième parle des animaux qui fe font, ainfi que 
fhomme, une forte de vêtement. Le dix-neuvième volume regarde les 
arts relatifs aux qualités des êtres : il contient douze cahiers, dont le 
premier traite de la Géographie; le fecond, de l'Arpentage; le troi- 
fième , des Thermomètres d’une nouvelle conttruction & d’une gradua- 
tion femblable avec toutes fortes de liqueurs; le quatrième, de la Chy- 
mie & de la Métallurgie, ou de l'art des mines; le cinquième, de la 
Porcelaine; le fixième , de la Pyrotechnie; le feptième, kÈ Teintures; 
le huitième, de l’Indigo; le neuvième, du Deflin; le dixième, des luts, 
maltics & colles; le onzième, de la conftruction du Baromètre & des 
Aréomètres; & le douzième, de la Gnomonique. Le vingtième volume 
comprend les arts relatifs aux facultés animales en dix cahiers, dont le: 
premier traite de la voix des animaux; le fecond, de la parole, du 
langage & de l’origine des Langues; le troifième, d'un nouvel Alpha- 
bet & d’un nouveau plan de dénomination ou de nomenclature, où 
lon voir le développement des principes d’après lefquels j'ai donné aux 
êtres qui n’en avoient pas, des noms génériques fignificatifs compofés, 
à-peu-près comme les noms grecs, de la première fyllabe du nom de. 
chacun des êtres auxquels ils participent; les exemples en font fréquens, 
fur-tout dans Les infectes & les minéraux. Le quatrième cahier traite de 
la Grammaire Françoife & de l’Ortographe; le cinquième donne la 
lettre À d’un Vocabulaire univerfel en trois Langues, Francoife, La- 
tine & Grecque, à continuer; le fixième, un nouveau Dictionnaire 
univerfel, compofé de mots de trois fyllabes, fervant à un Projet de 
Langue univerfelle pour les Savans; la lettre À eft commencée. Le 
eprième traite de l'Imprimexie; le huitième, de l'Education; Le neu- 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 265 


vième, des Jeux; le dixième, de la Gymnaftique, ou de l'exercice des 
Armes & de la Danfe. Le vingt-unième volume renferme quatre cahiers 
roulant fur la Morale, dont le premier traite du fentiment dans les 
animaux; le fecond, du naturel & du caraétère des animaux; le troi- 
fième , des affections & pailions de l'ame; & le quatrième, des mœurs 
& ufages des hommes, avec le plan d'une méthode naturelle de So- 
ciété politique, analogue à mon plan de divifion naturelle des êtres 
dont il fait partie, & applicable à tous les Gouvernemens exiftans ou 
poflibles, pour aflurer leur confervation & leur bonheur. Le vingt- 
deuxième volume contient deux cahiers; le premier, fur l'inftinét des 
animaux, & le fecond, fur les facultés de l'ame. Le vingt-troifième vo- 
lume roule fur la Divinité, & contient deux cahiers; le premier, fut 
la Science de Dieu ou la L'héologie & la Religion; Le fecond , fur les 
Loïx naturelles. Le vingt-quatrième volume préfente tous Les fyftèmes qui 
ont été donnés, ou que l'on peut imaginer, avec une méthode natu- 
relle de divifion de l'univers, en douze cahiers, dont le premier traite 
de l'univers & de la matière tant élémentaire que compofée qui le rem 
plit; le fecond , des caufes premières & fecondes; le troilième, des 
actions ou des loix de la nature; le quatrième, de la comparaifon de 
toutes les parties des êtres, pour en tirer le caractère général de l’en- 
femble pour la recherche de la méthode naturelle, ou de la marche 
de la nature dans la gradation des êtres; le cinqüième, des rapports 
& de la liaifon des êtres, de leurs qualités & facultés, par l'enfemble 
de léurs caraétères pour en établir la férie, & en compofer la méthode 
naturelle ; le fixième, de la férie générale des êtres de l'univers, ou des 
fyftèmes généraux de Philofophie, fuivant leurs Auteurs, depuis Arif- 
tote jufqu'à ce. jour; le féptième, de la comparaifon de ces ee He 
têmes; le huitième, de la férie des êtres confidérée de nouveau fous 
toutes les faces poflibles; le neuvième, de l'orbe univerfel, de fa di- 
vifion naturelle en trois orbes, ou férie naturelle des êtres, felon moi, 
avec des figures ui en indiquent la liaifon; le dixième, du premier 
orbe appellé Phylique ou naturel, ou de l’orbe des fphères divifé en 
trois parties, qui font les trois règnes, l’Animal, le Végétal & le Mi- 
néral, avec les figures néceilaires ; le onzième, du fecond orbe appellé 
Poioterike, qui traite des qualités des êtres; le douzième, du troifième 
orbe nommé Pneumatique, qui traite de la Méchanique, de la Morale 
& de la Méraphyfique, parcillement avec des figures qui indiquent la 
férie & l'union de ces Sciences. Le vingt-cinquième volume expofe di- 
vers plans de travail fur toutes les Sciences, en q'atorze cahiers, dont 
le premier traite de la manière d'étudier & de perfectionner les Scien- 
ces; le fecond, des défauts des Syftèmes qui fuppofent que la nature 
a établi la gradation des êtres fur les rapports d'une de leurs parties 


Tome V, Part. IL, 1775. Lil2 


266 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


par préférence aux autres, & de l'utilité d’une méthode naturelle qui, 
fans fuppofñtions, fuit la férie des êtres telle qu'elle fe trouve tracée 
par la marche même de la nature, qui croife & unit enfemble les 
rapports de toutes leurs parties fans exception; le troifième cahier en- 
feigne la manière de décrire; le quatrième traite de la dénomination 
ou nomenclature, & des moyens &r la perfe“tionner; le cinquième, de 
l'état actuel des Sciences; le fixième eft un Difcours fur les parties 
les plus utiles de la Phyfique; le feptième, un Plan univerfel d’Hiftoire 
naturelle, unie à la partie de la Phyfique qui y a un rapport immédiat; 
le huitième, un Plan d'Ouvrage univerfel d'Hiftoire naturelle en figures 
complettes; le neuvième, un Difcours fur les animaux en général; le 
dixième, un Difcours fur les parties des animaux & leurs facultés; le 
onzième, un autre fur les coquillages; le douzième, un autre fur les 
vers & les animaux organiques; le ebitmes un autre fur les plantes; 
enfin le quatorzième eft un Difcours fur les objets des pays étrangers. 
Le vingt-fixième volume eft une continuation des mêmes Plans de tra- 
vaux fur les Sciences; il comprend quatre cahiers, dont le premier 
traite des voyages utiles aux Sciences naturelles, & des obfervations 
principales à y faire; le fecond, de cinquante-un Ouvrages, trente-cinq 
Mémoires , & dés expériences à faire; le troifième, des mieilleurs Ou- 
vrages à lire fur l'Hiftoire naturelle; le quatrième, des Cabinets & 
Collections d’Hiftoire naturelle. Enfin, le vingt-feptième & dernier 
volume eft encore une fuite de mes travaux fur Les Sciences; il com- 
prend une partie de l'Hiffoire naturelle du Sénégal, dont il va étre quef= 
tion dans l'article fuivant. 


SECOND OU: V RAGE. 
Hifloire Naturelle du Sénégal. 


Cet Ouvrage complet & fini, confifte en 27 cahiers affez confi- 
dérables, dont la moitié in-8°. & l’autre moitié ën-fol. à caufe des Cartes 
géographiques, & des Tables des Obfervations météoriques qui n’au- 
roient pu entrer dans le format in-8°. 

Le premier de ces cahiers contient les deux Profpectus, la Préface 
& le Plan de divifion de cet Ouvrage, en 8 vol. in-8°., dont le pre- 
mier fur les coquillages parut en 1757; le fecond expofe la Géo- 
graphie du Pays & les Etabliffemens Européens, dans trois grandes 
cartes générales, & les détails topographiques dans vingt autres cartes 
plus petites; le troifième traite de la côte maritime, du Cap-vert, de 
fes Ifles & des fondes de la mer; le quatrième, du terrein & de fa 
naturc; le cinquième, de fes euves & rivières, & du rapport qu'a ie 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 267 


Niger avec le Nil par fes débordemens ; le fixième, de fes Jfles; le 
feptième, de fes lacs, étangs & marais; le huitième, de fes falines & 
bancs de coquilles; le neuvième, de la mer, de fon flux & reflux, de 
fes courans, de fa barre, de fa lumière; & le dixième, des météores 
contenant neuf années d'obfervations météoriques faites au Thermo- 
mètre fur les chaleurs, au Baromètre fur les variations de l'air, fur 
les vents, les nuages, le tonnerre & l'électricité, fur la quantité d’eau 
de pluie, fur l'évaporation de l'eau douce, de l'eau falée de la mer, &c.; 
le onzième cahier traite des Royaumes & Gouvernemens du pays; le 
douzième, des villes & villages; le treizième, de la taille & figure des 
Nègres; le quatorzième, de leur caractère; le quinzième, de leurs 
mœurs & ufages; le quinzième bis, de leurs guerres; le feizième, de 
leurs loix; le dix-feptième, de leur religion; le dix-huitième, de leurs 
travaux, occupations, arts & métiers; le dix-neuvième, de leurs ha- 
billemens; le vingtième, de leur logement; le vingtunième, de leurs 
jeux, divertiflemens & fêtes; le vingt-deuxième , de leur langage avec 
teur Grammaire & leur Dictionnaire; le vingt-deuxième bis, de leurs 
maladies, de celles des Européens, & de la manière de fes guérir; le 
vingt-troifième, de leur couleur & de fa caufe; le vinst-troifième bis, 
des productions naturelles de chaque Province du Sénégal; le vingt- 
quatrième, de la nourriture des Nègres; le vingtcinquième, de leurs 
troupeaux; le vingtfixième, du commerce & de divers projets pour 
fon rétabliflement : le vingrfeptième eft un catalogue diftribué fui- 
vant ma méthode naturelle, de plus de fix mille efpèces d'êtres ob- 
fervés au Sénegal, dont les defcriptions fe trouvent dans le premier 
volume du premier Ouvrage, & dans les quinze volumes du troifième, 
& dont les figures font rangées fous leurs claffes & familles dans le 
huitième Ouvrage. 


TROISIÈME OUVRAGE. 


Méthode naturelle des Etres, ou Développement & Analyfe du pre- 
mier Orbe; c’eft-à-dire, de l'Orbe Fhyfique ou des tres, comprenant 
sous les Étres matériels, ou tous les Corps connus, difhingués Les uns 
des autres par le caraëlère de l'enfemble , réfultant de la comparaifon de 
toutes leurs parties, qualités & facultés : d’où naît la mérhode qui les 
divife, fuivant une férie naturelle, d'abord en trois fphères ou règnes; 
enfuite en clafles, en familles, en genres, en efpèces & variétés, pré- 
fentés par colonnes dans des tableaux abrégés, renfermant feulement les 
caractères effentiels de leurs différences, @& précedés des généralités com- 
munes aux genres de chaque famille. (Woyez ces généralités dans mon 
Cours d'Hiffoire Naturelle, cahier 31 & 36). 

Tome V, Part. LIL, 1775. 


268 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


Cet Ouvrage complet & fini, confifte en 1$ volumes in-fol. dont 
le premier contient neuf cahiers pour autant de clafles d'êtres; favoir, 
le premier, pour les Animaux mamellés, contenant les quadrupèdes 
& les cétacées, diftribués en 11 familles pour 111 genres, & 300 ef- 
pèces, dont les caractères génériques font indiqués dans des tables à 
8 ou 9 colonnes; le fecond, pour les Oifèaux, divifés en 22 familles 
& 225$ genres pour deux mille efpèces, dont les différences font in- 
diquées de même dans des tables à 8 colonnes; le troifième, pour les 
Reptiles, divifés en 3 familles & 26 genres pour 200 efpèces; le qua- 
ième, pour les Serpens diftribués en 6 familles & 11 genres pour 
300 efpèces; le cinquième, pour les Poiffons divifés en 15 familles & 
292 genres pour 1500 efpèces ; Le fixième, pour les Crujfacées divifés 
en 4 familles & 63 genres pour 500 efpèces; le feptième, pour les 
Infefles partagés en 30 familles & 425$ genres ee 6000 efpèces ; le 
huitième, pour les Vers & les Coquillages diftribués en 32 familles & 
250 genres pour 6000 efpèces. 

Le Règne organique ou végétal ayant été traité dans les familles des 
Plantes, publiées en 1763, fes additions font fur l'Ouvrage même 
imprimé, au nombre de près de trois mille genres. 

Le neuvième cahier eft pour le Règne inorganique ou minéral, divifé 
en 30 claffes & 220 genres pour 8000 efpèces. 

Le fecond volume traite de la Zoologie en général, ou de lhiftoire 

énérale des Animaux, & préfente l’hiftorique des progrès de cette 
fcience & de fes Auteurs, le plan de cette Hiftoire, & les généra- 
lités qui fe remarquent dans les parties communes aux animaux. 
{ Woyez-en les parties @& Les rapports dans le volume 2 du premier Ou- 
vrage ). 

Le troifième volume contient les Deftriprions génériques & fpécifiques 
de la première claffe des animaux; favoir, les mamellés, & il fe 
rapporte aux premier & fecond volumes du premier Ouvrage , avec le- 
quel il doit ètre fondu pour n’en faire qu'un; le quatrième volume 
contient de même les defcriptions génériques & fpécifiques des Oi- 
feaux, c’eft-à-dire des animaux de la feconde clafle, avec une Hi£ 
toire particulière de l'Ornithologie; les cinquième & fixième volumes 
renferment les defcriptions de la troifième & de la quatrième clafle 
des animaux, qui font les Reptiles & les Serpens: le feptième yolume 
donne les defcriptions des Poiffons ; le huitième , celle des Cruflæ- 
cées ; le neuvième, celle des Infeëles, avec l'hiftorique de cette 
fcience, les divers fyftêmes , la comparaifon des parties de ces ani- 
maux, &c.: le dixième volume contient la defcription des Coquil- 
lages, l'hiftorique de la Conchyliologie & des fyftêmes; le onzième, 
la defcription des Wers, l'hiftorique de cette fcience & des fyftèmes ; 


À 


SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 269 


le douzième enfin, la defcription des Animaux organiques , & leur 
hiftoire. 

Le treizième volume & le quatorzième donnent les deftriptions com- 
plettes des Végétaux, avec les caraétères naturels ou diftinétifs de plus 
de fix mille efpèces des fept familles les plus difficiles à déterminer ; 
favoir, 1°. les byflus, 2°. les champignons, 3° les fucus, 4°. les hé- 
patiques, 5°. les gramens, 6°. les arons, 7°. les moufles, & plufieurs 
autres qui, réunies avec les mêmes caractères écrits fur les figures ou 
{es originaux de vingt mille efpèces de plantes claflées, généralifées, 
fpécifiées & rapportées pareillement fur le Livre de mes familles des 
Plantes, fur les fept mille efpèces de M. Linné, & dans les volumes 
4 & $ de mon premier Ouvrage, forment la Botanique la plus com- 
plette, confiftante en plus de vingt mille efpèces de Plantes, claflées 
& déterminées d’après toutes les connoïflances acquüifes, extraites des 
Auteurs, critiquées & vérifiées avec le plus grand foin. Ils doivent 
former environ 6 vol. in-8°. 

Le quinzième volume contient les deftriptions des Minéraux, avec 
lhiftorique de la Minéralogie; &, réuni avec le vol. 6 du premier 
Ouvrage, & les cahiers 27 à 37 de mon cours ou du quatrième Ou- 
vrage, il développera Les divers fyftèmes du monde, ma théorie de 
la terre, & expofera en tableaux à colonnes huit à dix mille efpèces 
de minéraux, en 2 ou 3 volumes in-8°. 


QUATRIÉME OUVRAGE. 


. Cours d'Hifloire Naturelle fur le premier Orbe ou l'Orbe Phyfique ; 
Ceft-à-dire, fur léfêrres des trois Sphères ou Règnes, préfentés füuivanr 
la férie indiquée par la marche de la Nature; c'eft-à-dire, par la mé- 
thode naturelle E l'enfemble des rapports de toutes leurs parties, di- 
vifée par claffes 6 familles, dont la diflinétion & la liaifon réciproques 
font indiquées, ainfi que celles des trois Sphères ou Règnes, confiftant 
en 37 cahiers. 


Le premier de ces cahiers eft un Difcours, de 23 pages, fur le 
Spectacle de la Nature, fur la manière de l’étudier & de la démon- 
trer. Le fecond, de 30 pages ,.expofe un réfumé du Difcours, le plan 
de mes démonftrations, le plan de ma nouvelle méthode de di- 
vifion de l'Univers; examine le fyftème de M. Linné fur les animaux, 
développe le mien, & commence par l'Hiftoire abrégée de l'Homme. 
Le troifième cahier, de fo pages, expofe unerécapitulation des deux 
premiers, les parties & qualités des animaux en général, & les deux 
premières familles des animaux mamellés ; les neuf autres familles font 


done) Parts All, 1775. 


270 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


traitées dans les cahiers 4, $ , 6 & 7. Le huitième cahier, de 30 pages, 
après une récapitulation des précédens, indique d’abord La liaifon gé- 
nérale des Animaux mamellés, aux Oifeaux , aux Reptiles & aux Poif- 
Jons, dans un plan figuré par trois Sphères fortantes chacune d’un des 
trois angles d’un triangle infcrit dans un cercle; enfuite la liaifon par- 
ticulière des mamellés avec les Oiféaux : enfin, il expofe les parties & 
les qualités qui font communes aux Oifeaux em général. Le neuvième 
cahier expofe d’abord le fyftême de M. Linné fur les Oifeaux , divifés 


en fix ordres; enfuire ma Méthode naturelle de l’enfemble, en vingt- 


deux familles; enfin, il détaille les cinq premières familles : les dix-fepe 


autres familles font développées danses cahiers 10& 11.Le douzième, 
de42 pages, après une An ra es expofe la liaifon particulière des 
Oifeaux aux Reptiles ; il établit enfüuite cette clafle des Reptiles qui eft 
la troifième; il traite de leurs parties & qualités en général, & de leur 
divifion en trois familles : enfin, on y voit la claffe des Serpens , qui 
eft la quatrième, les parties & qualités qui font communes à ces ani- 
maux , leur divifion en fix familles, & l'examen du fyftème de M. Linné 

ui unit ces deux claffes. Le treizième donne la cinquième clafle, celle 
Le Poiffons ; il examine leurs parties & qualités en général, & le fyf 
tême de M. Linné: enfin, il expofe ma divifion en quinze familles , 
& traite des dix premières familles; les cinq autres familles occupent 
le Quatorzième cahier. Le quinzième développe la fixième clafle des 
animaux, celle des Cruffacées, la liaifon de celle des Poiffons avec 
eux & avec les autres clafles d'animaux; leurs parties, qualités & fa- 
cultés en général; l'examen du fyftème de M. Linné, & ma Méthode 
naturelle de divifion en quatre familles. Le feizième expofe la fep- 
tième clafle des animaux, celle des In/feéles , leur liaïfon avec les Cruf° 
tacées , leurs parties, qualités & facultés en général; le fyftème de 
M. Linné; leur divifion naturelle en trente familles, qui font détaillées 
dans les cahiers 17 & 18. Le dix-neuvième & le vingtième déve- 
loppent l'hiftoire des Coquillages, des Vers & des Animaux orga- 
niques. 

Le vingt-unième cahier confidère le Rèmme végétal ou organique, fes 
limites avec le Règne animal, & les parties & qualités en général des 
Plantes. Le vingt-deuxième, après une récapitulation, expofe les fy{- 
tèmes de Botanique de Tournefort & de M. Linné, enfuite ma mé- 
thode naturelle par l'enfemble de toutes les parties fans exception, pour 
les grands Botaniftes; enfin, un fyftème fait par les feuilles, les 
branches & les bourgeons, à l'ufage des Amateurs. Le cahier vingt- 
troifième jufqu’au vinyt-fixième, développe mes cinquante-huit familles 
des Plantes. 

Le vingt-feptième cahier traite de la troifième Sphère ou du troi- 


fième 


QUEX 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 271 


fième Règne, du Règne inorganique ou minéral , des Globes céleftes, 
du Globe terreftre & de fa ftruéture. Le vingt huitième, après une 
récapitulation, expofe le fyftème de M. Linné, mes deux Mérhodes de 
divifion, l’une en trente-deux familles fous deux chefs principaux ; 
favoir, 1°. les minéraux formés en entier ou en partie, naturellement 
Qu par artifice, dans le feu ou au moyen du feu; 2°, les minéraux for- 
més dans l'eau ou fous l’eau, ou au moyen de l’eau. Ma fecorde Mé- 
chode Les divife en trois claffes & en quarante familles rangées fuivant 
leur férie naturelle : ces quarantes familles occupent le vingt-neuvième 
cahier jufqu'au trente-fixième. Le vingt-feptième & dernier cahier ex- 
pofe le re ou la récapitulation générale de ce Cours, l'enchaîne- 
ment des démonitrations, le nombre des Etres, ma Méthode naturelle 
de leur réunion fynthétique en clafles & familles, par le caractère de 
l'enfemble de toutes leurs parties ; leur analyfe, fuivant une férie natue 
relle des orbes, des fphères ou règnes, des clafles, des familles, des 
genres & efpèces , avec leurs individus, variétés & morftruofités ; 
une première vue particulière fur la Sphère animale ; une autre fur la 
Sphère végétale ou organique; une troifième fur la Sphère inorganique 
ou minérale ; une quatrième vue générale fur les trois Sphères ou 
Règnes : enfin, il préfente un abrégé de mon Tableau figuré de l'U- 


nivers. ; 
CENQUIEME OUVRAGE, 


In-folio de mille pages, qui doit fervir de table à mon Orbe uni- 
verfel de la Nature, ou Vocabulaire Univerfel d'Hifloire Naturelle ; 
contenant les noms fimples de tous les Etres connus des trois Règnes, 
de leurs parties, qualités & facultés, & des Sciences & Arts auxquels 
ils ont donné naïlance , avec leurs fynonymes dans les Langues les 
plus ufitées; telles que le Grec, le Latin, le François, & dans les 
autres pays an a ces Etres font particuliers ; FRRRORS à leur 
place avec une févère & fcrupuleufe critique, au nombre de plus de 
deux cents mille, dont au moins cent cinquante mille ne fe trou- 
vent dans aucun des Diionnaires d’'Hiftoire Naturelle qui ont paru 
jufqu'ici. 

Les quatre premières lettres A,B,C,D, commencées en 175$, 
font à-peu-près finies, & m'ont occupé chacune fix mois entiers: 
le = des vingt autres lettres eft à-peu-près fait, & c'eft environ Le : du 
total. à 

" SLR MIE MOUV R AGE: 


Didlionnaire Univer/el d'Hifloire Naturelle, contenant l'Hiftoire géné- 
sal: & particulière de tous les Etres connus des trois Règnes, Animal, 


Tome F, Part. III 1775. M m 


272 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, , 


Végétal & Mineral, au nombre de plus de quarante mille; ou la def- 
cription entière & complette de leurs parties, & de ce qui eft connu 
fur leurs qualités matérielles & facultés fpirituelles; leurs ufages dans 
les Arts pour l’agriculture, le jardinage, la nourriture, la Médecine, 
le Commerce : Ouvrage rendu intelligible & d'un ufage facile par l'é- 
tymologie & la fignification vraie de tous Les rermes, lefquels paflent 
le Routes de deux cents mille, dont plus de cent cinquante mille ne 
fe trouvent dans aucun des Dictionnaires qui ont précédé celui-ci, & 
dont les articles font rappellés à des chefs principaux, qui forment du 
tout une chaîne encyclopédique, ou liée fuivant le plan fynthétique de 
ma Méthode naturelle de divifion philofophique de tous les Etres con- 
nus, de leurs qualités & facultés. 

Les trois premières lettres A,B,C, de ce Ditionnaire font ache- 
vées. 

ILeft précédé d’un Difcours fur l'étendue, l'objet & l'utilité de l'Hif- 
toire Naturelle. 


SEPTIÉÈÉME OUVRAGE. 


Quarante mille figures des quarante mille efpèces d'Etres connus, tant 
animaux que végétaux & minéraux, rangées fuivant le Plan de la Me- 
thode naturelle tracée dans l'Ouvrage, N°. 3, auquel elles ont fervi 
de fondement; diffribuées en trois Sphères ou Règnes, en claffes, en fa- 
milles, en genres, qui portent en tête des noms génériques nouveaux 
au nombre de plus de fix mille, avec une courte defcription qui caraële- 
rife chaque efpèce. De ces quarante mille efpèces, quatorze à quinze 
mille font entièrement nouvelles, ou moins connues, telles que quatre 
mille efpèces d’infectes , autant de vers ou coquillages, autant de plan- 
tes, plus de cinq cents poiffons, prefque autant d'oifeaux, nombre de 
cruitacées, de ferpens, de reptiles & de mamellés. 

Et quoique ces quinze mille e/pèces nouvelles foient deffinées avec tous 
les détails, même microfcopiques, dans un format in-4°.; on en voir 
dix-fept (1) qui font exécutées dans le format in-fol. , avec rous les détails 
Jtientifiques de leurs qualités & facultés qui peuvent les rendre complettes, 
ou-telles qu’elles ne laiffent rien à db d’effentiel pour la parfaire 
connoiffance des êtres qu'elles repréfentent. Le bas de la planche offre 
en peit le plan du local; c’eft-à-dire, du pays natal de cet être , qui eff 
repréfenté au-deffus en perfpe“ive @ fuivant fon coftume , avec lui € 
avec fes mœurs : une defcription de fix à dix lignes fur les côtés du 
petit plan, donne le précis de l'hiflorique & des caraëlères de cet être, 


X1) Je les ai montrées à l'Académie en faifant la ledure de cet endroit. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 273 


€ fupplée à ce que la gravure ne peut marquer, comme les couleurs, le 
poids, la folidité, la faveur, l'odeur, &c. La grandeur eff indiquée par 
une échelle qui fe trouve au bas de la même planche, & de plus, par 
un homme fuppofé de fix pieds, placé dans la perfpective, lorfqu’il 
paroît relatif ou néceffaire à l'hiftoire de la chofe. Ces dix-fept plan- 
ches repréfentent un être de chaque grande clafle, pour fervir de mo- 
dèle aux autres qu'on pourroit exécuter fur le même plan :il y en a 
même une de gravée à grands frais; c’eft celle d’un petit animal ma- 
mellé d'un nouveau genre, appellé Koïak au Sénégal : les feize autres 
planches repréfentent, 2°. le Léréou, qui eft le vrai lamantin; 3°. le 
Lébar , ou lhippopotame; 4°. le Bamal , ou fanglier cornu ; 5°. le 
Kallé, où la tourterelle moineau; 6°. ie Volol, nouveau genre d'hiron- 
delle; 7°. le Mpik, ou l'oifeau qui fufpend fon nid; 8°. le Killer, 
nouveau genre de guêpier mor-doré; 9°. le Lei, nouveau genre de 
tortue aquatique; 10°. le Kaktor, efpèce de caméléon; 11°. Le Diafik, 
ou crocodile verd; 12°. le Maïmaï, ou crocodile noir; 13°. le Scytale, 
ou petit ferpent des fables; 14°. le Kouleul, ou la couleuvre qui s'en- 
tortille dans les arbres; 15°. le Nkio, ou ferpent géant; 16°. le Gidn, 
ou la vipère noire d'Afrique; 17°. le Baobab, ou le plus gros arbre de 
l'Univers. Tous ces êtres font, comme l'on voit, encore comme inconnus , 
& font partie des fix mille efpèces d'êtres nouveaux du Sénégal, donc 
j'ai les figures. 


HUITIEME. OU VR AG E. 


On peut confidérer comme un huitième Ouvrage la Colleflion im- 
menfe ke êtres qui font confervés en nature dans mon Cabinet, au nom- 
bre de trente-quatre mille pour le moins, parce qu'ils font rangés comme 
des quarante mille figures précédentes, fuivant la même méthede de la 
Jérie des familles naturelles , avec les noms génériques & fpécifiques, 
6 le plus fouvent avec leurs caraëtères diffinéhifs. De ces trente - quatre 
fille êtres , douze mille compofent le règne animal, quinze à feize 
mille le règne végétal, & huit mille environ Le règne inorganique ou 
minéral, 
CHOMNECELLU) SION: 


Tel eft le précis très-abrézé de mes Ouvrages, d'après lefquels il 
eft facile de voir qu'on peut les réduire à cinq cliffes; favoir, 1°. les 
ures de tous êtres connus qui en font la bafe; 2°. leurs defcriprions ; 
3°. leur diffribution naturelle en efpèces, genres, familles, clajjes , règnes 
ou fphères & orbes ; 4°. leur table en forme de Diélionnaire ou Voca- 
bulaire; $°. enfin , leur enfemble & leur liaifon par l'unité de plan. La 
Tome F, Pare. LIL 1775. Mm2 > 


274 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


correfpondance mutuelle de toutes ces parties eft telle, qu'en les Têtes 
niffant pour en faire la liaifon que j'ai en vue, même en laiflant à l'é- 
cart toutes les parties qui regardent la Phylique & la Méraphyfique ; 
il en réfulteroit un Ouvrage complet d'Hifloire Naturelle , dont l'ufage 
feroit de la plus grande utilité pour les fciences naturelles, en fervant 
comme de répertoire univerfel, pour diflinguer au premier coup d'œil les 
découvertes nouvelles d'avec les connoif[ances anciennes, G pour indiquer 
celles qui reflent à faire. 


SU ts By you 
DES EXPÉRIENCES ÉLECTRIQUES 


INSÉRÉES DANS LE CAHIER PRÉCÉDENT; 


Faites par M. Comus le 27 Février 1775, devant Son Alreffe Séré- 
niffime Monftigneur le Duc DE CHARTRES, 6 en préfence des 
perfonnes deja citées. Ë 


E XPÉRIENCE qui prouve que l’atmofphère du Conduéteur éleélrife 
agit fur les fluides. j'ai pofé mon pèfe-liqueur dans un fluide, & l'ai 
mis {ur un fupport de cryftal , à fix pouces À mon conducteur : pendant 
le tems que je l'ai électrifé, le péfe-iqueur eft forti du fluide de trois 
degrés; après avoir déchargé le conducteur, le pèfe-liqueur s'eft re- 
longé ainfi qu'il l'éroit auparavant. 

Effet de l'Eleétricité [ur l'aiguille d'inclinaifon dans le vuide. Je mis, 
pour cet effet, fous mon récipient un fupport de cryftal, de la hauteur 
de fix pouces: je pofai fur ce fupport mon aiguille d’inclinaifon ; après 
avoir privé d'air mon récipient & électrifé mon aiguille, elle eft re- 
montée de quatre degrés. 

J'ai foumis cette aiguille à l'atmofphère de mon conduéteur éleérifé; 
elle n’a fait aucun mouvement, & a toujours confervé fon inclinaifon 
ordinaire. 

Réflexion fur l'expérience du pèfeliqueur élettrifé, € de l'aiguille d'in- 
clinaifon. Ces deux expériences, ayant pour caufe l'électricité, pré- 
fentent chacune un réfultar oppofé , quant aux effets &c quant à la 
caufe. 

Expofé abrégé de ces expériences. Le fluide du pèfe-liqueur éle&rifé, 
occañonne l'élévation de cet inftrument de trois degrés: Gre-t-onla 
chaîne qui communique avec le pèfe-liqueur ? l'atmofphère du condug- 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 27% 


teur occalonne fon élévation, à peu de chofe près, comme fi cec inf 
trument étoit en contact avec le conducteur: électrife-t-on cet appareil 
dans le vuide? le pèfe-liqueur eft immobile. 

L'expérience fur l'inclinaifon nous offre un réfultat qui paroît dé- 
pendre d’une autre caufe. Lorfque le fupport de l'aiguille eft éleétrifé, 
la pointe nord s'élève de fix degrés : 6te-t-on la chaîne qui communique 
avec Le fupport? l’atmofphère du conducteur électrifé n’a aucun effet 
fur cette aiguille; elle refte dans la même direction qu'elle étoir au- 

aravant : électrife-ton cette aiguille dans le vuide ? elle fe redreffe 
Lvhos quatre degrés. k 

Voici ce que je penfe fur le réfultat appofé de ces deux expériences: 
c'eft que la caufe qui produit l'élévation du pèfe-iqueur, paroît dé- 
pendre totalement Er l'air, & que celle qui élève l'aiguille d'inclinai- 
fon , paroît dépendre du fluide igné en vibration, puifque i'expérience 
réuflit totalement dans le vuide. 

Expérience pour prouver que l’Eleëtricité produit un changement fur le 
Baromètre. Plulieurs Savans ont effayé d'électrifer le Baromètre, & 
n’ont remarqué aucun changement dans la marche de cet inftrument 
pendant l'électricité. J'ai répété les expériences fur le Baromètre, & 
j'ai trouvé une afcenfion marquée dans le mercure ,occafionnée par l’électri- 
cité. La variation du Baromètre de deux pouces & demi pour notre fitua- 
tion, ne formant pas un efpace affez confidérable , j'ai Êe conftruire un 
Baromètre d’après l'invention du Chevalier Morland. Ce Baromètre eft 
compolé de deux tuyaux formant un angle de quatre-vinot-douze de- 
grés & demi; un tuyau eft perpendiculaire, & l’autre, que le mer- 
cure parcourt pendant fes variations, eft incliné de deux pouces & demi 
à l'horifon : fa longueur eft de trois pieds pour deux pouces & demi 
de variation, ce qui, pour une ligne, en donne quatorze, J'ifole ce 
Baromètre à fix pieds du conducteur; je laifle tomber dans la cuvette 
remplie de mercure, une branche de cuivre, tenant au conducteur : 
après douze tours de roue, mon mercure remonte d’une quatrième par- 
tie de ligne , quelquefois d’un tiers, & nème d'une moitié ; il refte an 
cette élévation pendant dix à douze-heures, & il ne retombe que très- 
lentement. J'ai fait cette expérience plufeurs fois, & me fuis fervi 
d'un inftrument de comparaifon parfait : le réfiltat a toujours été le 

La 
même. 

Pour n'aflurer fi cette afcenfion provient de la dilatation du mer- 
cure, ou de la preflion du fluide environnant fur lui, ou de lefpèce 
d'ondulatfon que le fluide électrique excite fur la furface de la cuvette 
qui contient le mercure; je fais actuellement conftruire une efpèce de 
Baromètre qui mindiquera s'il y aaugmentation de volume, fi elle eft 


Tome F, Parr, IL 1775. 


276 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


du centre à la circonférence, ou d’une extrémité à l'autre, ou feule< 
ment fi le mercure monte fans augmentation de volume. Je rendraï 
compte de cette expérience dans le Journal prochain. 

L'expérience du verre éleétrifé par le foufler , dont le Journal der- 
nier fait mention, a été faire par M. Wilfon, fur la tourmaline, le 
verre & l’ambre. La différence que je trouve dans le réfultat, c'eft que 
ambre devient plutôt électrique que la tourmaline, & la tourmaline 
que le verre. Cette expérience fe trouve Hiffoire de l'Eleélricité, par 
M. Prieftley, tome I, page 408. 

Je viens de lire que MM. le Chevalier d'Arcy & le Roy , ont fait 
des expériences avec un Electromètre qu'ils imaginèrent en 1747, & 
ces expériences font inférées, page 63 du volume de l'Académie, pour 
Vannée 17495 c'eft au Public à juger de la différence qu'il y a des unes 
aux autres. J'en aurois fürement fait mention dans l'article inféré dans 
le Cahier de Février, fi j'en avois eu plutôt connoiflance. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 277 


Rance ame e PDT ETE ES 
PREMIERE LETTRE 


De M. pu Coupray, Capitaine d'une Compagnie 
d'Ouvriers au Corps de l’Artillerie, 


Sur la matière inflammable € fur l'Air fixe annoncés dans la chaux 
par quelques Chymifles. 


D. PUIS long-tems, comme vous favez, Monfieur, la chaux forme, 
dans la Chymie, matière à des queftions importantes. Ses propriétés 
falines ont d’abord occupé lattention des Chymiftes. Van-Helmont a 
avancé que ces propriétés exiltant déjà toutes formées dans la pierre 
<alcaire, elles y reftoient enveloppées dans une matière grafle qui en- 
troit dans la conftitution des pierres calcaires, & qui, ainft que Îe char- 
bon, ne pouvant fe confumer dans des vaifleaux clos, ne leur per- 
metroit de fe développer, que lorfque la calcination avoit été faite à 
feu ouvert. Daniel ne a embraflé le fentiment de Van-Helmont; & 
tous deux ont prétendu l’appuyer d'expériences réitérées, que perfonne 
alors ne s'eft avifé de leur contefter. 

M. Macquer, à qui la Chymie eft fi redevable de fes progrès en 
France, a cru devoir s’affurer par lui-même de la vérité d'expériences 
aufli importantes pour la théorie de la chaux, fur-tout par les confé- 
ar que peut-être on en pourroit tirer pour expliquer la formation 

es fubftances falines en général, dont il fembloit que la chaux pou- 
voit donner la clef. Il a trouvé que la pierre calcaire fe convertifloit 
en chaux, quoique traitée dans Ê ES vaifleaux clos, & qu'elle ne don- 
noit aucun vellige, au moins fenfible, de matière inammable. Le 
fentiment de Van-Helmont & de Ludovic, & les expériences fur lef- 

uelles lun & l’autre prétendoient s'appuyer, fe font donc trouvés fans 
PA Mrucur 

Cependant, l’exiftence d’une matière inflammable dans les pierres 
calcaires, paroiflant une fuite indifpenfable de l'origine animale, que 
tous les Naturaliftes modernes donnent unanimement à cette fubftance; 
M. Baumé, qui s’eft fait dans la Chymie un nom fi diftingué, a cru 
devoir encore revenir fur ces expériences : il a penfé, fans doute, & 
non fans vraifemblance, que l’efpèce de pierre calcaire employée par 
M. Macquer, avoit pu influer fur le Ode fenfible de fes rélultats, 
relativement à cette matière inflammable à laquelle il devoit faire jouer 
un fi grand rôle dans la formation des fels. 


Tome F, Part. IL 1775. 


278 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Il a donc répété la même expérience fur du marbre blanc, qu'il & 
confidéré comme la pierre calcaire la plus pure; comme celle qui, 
en cette qualité, devoic offrir Les caractères de cette fubftance au degré 
le plus marqué. Le réfulrat de cette expérience, ainfi qu'il l'a an- 
noncé dans {a Chymie expérimentale & raifonnée, a été que le mar- 
bre blanc calciné dans des vaifleaux clos, entretenus rouges pendant en- 
viron trois heures, fe convertifloit en une chaux vive qui fe trouvoit noire 
€ enfumée, à raifon de la matière phlrgiflique qui y eft contenue, la- 
quelle ne peut fe brüler dans des vaiffeaux clos , où l'air n'a point 
d'accès. 

C'eft fur ce fait qu’il a enfuite établi toute fa théorie de la formation 
des fels; théorie frappante par fa fimplicité, par la clarté avec laquelle 
elle femble expliquer la faveur de ces fubitances, dont il paroiît aflu- 
rément difficile de rendre raifon, par la feule combinaifon de la terre 
& de l'eau, que Stahl & tous ceux qui ont fuivi fa doctrine, ont ex- 
clufivement admis dans la compofition des fels: car, comment con- 
cevoir que des fubftances infipides par effence, comme le font la terre 
& l’eau, puiffent devenir le principe de la faveur? 

La caulticité, autre propriété fingulière des fels purs & libres, fem- 
bloit pouvoir être heureufement expliquée par l'effet de cette tendance 
à la combinaifon que M. Macquer a confidérée fi ingénieufement 
comme une propriété dérivant de la pefanteur ou de la force attrac- 
tive qui anime toute la matière : mais cette propriété étant reconnue 
fans conteftarion pour appartenir au feu, du moins lorfqu'il eft libre, 
il a dû paroître plus naturel à M. Baumé d'attribuer la caufticité des 
fels purs à cet élément, fauf enfuite à expliquer, par les principes 
mêmes de M. Macquer, cet attribut devenu particulier aux molécules 
du feu pur, 

Mais c’eft fur-tout depuis que la fameufe queftion de l'air fixe eft 
venue agiter la Chymie, que la chaux joue un rôle confidérable. 

Vous favez, Monfieur, que cette queltion née d'abord en Angle- 
terre, & fur laquelle les Phyfciens & les Chymiftes de cette Ifle pa- 
roiflent de entreux, a partagé ceux de l'Allemagne & fur-tout 
les nôtres. Les uns ont prétendu reconnoître dans cet air fixe une fubf- 
tance nouvelle, une efpèce méme d’élément particulier, jufqu'alors 
ignoré; les autres n’ont cru y voir quun mal-entendu, une dénomi- 
nation mal appliquée, par laquelle on cherchoit à donner une appa- 
rence de nouveauté à des propriétés précédemment reconnues par l'il- 
luftre Halès, qui, par des expériences admirables, a prouvé, comme 
+ous favez, non-feulement que l'air entroit comme compofant dans les 
corps, mais même a fu en mefurer les quantités. 

Ce fameux procès a été inftruit avec autant d'ordre que d’impartia- 


lité, 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 279 


lité, par M. Lavoifier , qui confacre fa jeunefle, fes talens &c fa fortune 
aux progrès de la Chymie : il en a raflemblé & mis dans le plus grand 
es 


jour ifferentes pièces. Aux nombreufes expériences qu'il a rapportées 
des SA ar il en a joint de particulières, qui ont appris un grand 


nombre de vérités nouvelles & intéreflantes, & dont plufieurs expli- 
quent, de la manière la plus fatisfaifante, des phénomènes finguliers , 
qui, telle que l'augmentation de poids des métaux dans la calcination, 
étoient demeurés fans explication. Mais rapporteur impartial, il fe 
borne à expofer les faits allégués par les deux parties, & ne garantit 
que ceux qu'il a vérifiés lui-même. 

Un des plus importans , fans contredit, un de ceux qui eft le plus 
employé par les partifans de l’air fixe, pour en tirer des induétions 
favorables à leur fyftème; c’eft l’analyfe de la chaux faite dans des 
vaiffeaux clos. Ils paroiffent tous fe réunir à aflurer que de la pierre 
calcaire ainfi diftillée, il fe désage en très-grande abondance une vapeur 
élaflique qui fort avec fifflement par la tubulure du récipient. Cette va- 
peur, qui eft ce qu'ils appellent de Pair fixe, eft eftimée, par eux, 
former plus du tiers du poids de la chaux. 

C'eft du moins ce qu'au rapport de M. Lavoifier, M. Jacquin , 
Profefleur de Botanique à Vienne, annonce nettement avoir éprouvé, 
en vérifiant les expériences du Doéteur Black, l'inventeur , ou du 
moins le promoteur de la doctrine de l'air fixe. 

M. Lavoilier n'ayant point vérifié ce fait important, j'ai cru devoir 
le faire: car on ne peut trop s’aflurer de tous Les faits qui tiennent à une 
doctrine nouvelle; comme aufli on ne peut trop fe preffer de l'adopter, 
quand les fondemens en font reconnus pour certains. 

M. Jacquin n’ayant point déterminé l'efpèce de pierre calcaire qu'il 
avoit employée, j'en pouvois regarder le choix comme indifférent. Mais 
pour donner plus de certitude aux réfultats de lexpérience, j'ai cru 
devoir opérer à la fois fur les deux efpèces qui femblent former les ex- 
trèmes de cette clafle; favoir, la craie & le marbre blanc. 

J'y trouvois, en même tems, l'occafion de conftater par moi-même 
Yexiftence de la matière inflammable, reconnue par M. Baumé dans 
cette dernière efpèce, & qui, étant devenue le principe fondamental de 
fa nouvelle théorie de la formation des fels, me paroifloit un autre 
fait de la plus grande importance à bien conftater. Voici maintenant 
le détail de mes expériences. Ce détail pourroit paroïtre minutieux, fi 
Jeur objet ne formoit pas conteftation. 

J'ai mis dans une cornue de grès, de cinq pouces de diamètre, 
quatre onces de marbre blanc pulvérifé; & dans une cornue pareille, 
quatre onces de craie blanche, aufli pulvérifée. J'ai placé chacune de 
ces cornues dans un fourneau de revyerhère; & je leur ai adapté un 


Tome F, Part. IIL 1775. Nan 


CT 


280 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


ballon tubulé, luté avec de bon maftic & des blancs d'œufs. 

J'ai chauffé peu à peu. Ce n’eft qu'après quatre heures de feu que 
les cornues ont rougi. Le feu alors a été pouflé très-vivement; & 
les cornues ont été foutenues au rouge blanc pendant neuf heures de 
fuite. j 

La tubulure de chacun de ces ballons avoit éré fermée par un mor- 
ceau de papier appliqué avec de la falive. D'après les annonces de 
M. Jacquin & des autres Chymiftes de fon fentiment, je m’atterdois 
que ce papier feroit enlevé dès le commencement de l'opération; mais 
comme il reftoit collé, quoique les cornues fuflent depuis une heure 
au rouge blanc, j'ai cru devoir l'enlever, pour voir sil fortiroit du 
ballon quelque vapeur. Il na rien paru. J'ai rappliqué le papier, & 
j'ai réiréré la même opération un grand nombre de fois & toujours 
avec la même inutilité. J'ai laiflé refroidir les vaifeaux, Les join- 
tures fe font trouvées parfaitement lutées. La cornue, où j'avois mis les 
quatre onces de craie, étoit très-faine; mais celle où éroient les quatre 
onces de marbre étoit un peu fèlée. 

Le marbre s'eft trouvé un peu rouffi & la craie un peu falie; mais 
fans aucnn veftige de noirceur. L'un & l’autre offroienc tous les carac- 
rères de la chaux. Ils faifoient effervefcence avec l'eau; ils s'y échauf- 
foient confidérablements ils verdifloient le firop de violette, Ces ca- 
radtères étoient beaucoup plus marqués dans la craie. 

Le marbre eut cela de particulier, qu'il ne put fe fondre en entier 
dans l’eau comme la craie; ce qui annonçoit qu'il n'étoit pas arrivé au 
degré de calcination dont il eft fufceptible. 

Le marbre avoit perdu feulement trois gros trente-fix grains ; ce qui fait 
environ Ja huitième partie de fon poids primitif. La craie avoit perdu 
une once cinq gros deux grains; c’eft-à-dire, environ quatre neuvièmes, 
ou près de moitié de fon poids primitif. 

I s'eft trouvé dans chacun des deux ballons, un demi-gros de liqueur 
tout au plus. Cette liqueur éprouvée par le firop de violette, n’a donné 
aucun veftige d'acide ni d’alkali. 

Ces expériences faites dans le laboratoire, & avec le fecours de 
M. Delifle, premier Commis de la Guerre, un des Amateurs des plus 
laborieux & des plus éclairés qu'ait la Chymie, ont été répétées à 
Strasbourg à ma prière, par M. Spielman, dont la réputation eft éga- 
lement connue en Allemagne & en France. Il a opéré fur une pierre 
calcaire du pays, du genre de celle que l’on nomme pierre de taille. 
Cette pierre étoit chargée d’une ne à quantité de coquillages d’une 
forme bien déterminée ; il en a employé cinquante-deux onces. Sa 
cornue a été pouflée au rouge blanc pendant quatre heures confécu- 
tives : elle s'eft parfaitement foutenue ainfi que fon lut. Ce qui a paflé 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 281 


dans fon ballon s’eft réduit à environ deux gros de phlegme pur, ainfi 
que celui que j'avois recueilli de mes deux opérations : d’ailleurs, pas 
la moindre apparence d’air fixe, de fluide élaftique d'aucune efpèce, 
pendant tout le cours de l'opération, dont l'unique fruit a éré que les 
cinquante-deux onces de pierre calcaire ont été réduites à quarante- 
deux, qui ont donné tous les caractères de la chaux. 

En revenant maintenant fur l'enfemble de ces expériences, il fem- 
ble permis de demander, d’abord relativement à la queftion de l'air 
fixe, comment il peut fe faire qe ni M. Spielman, ni moi, ayant 
opéré fur trois efpèces différentes de pierre calcaire , cette énorme quan- 
tité de vapeur élaftique , annoncée par Les partifans de l'air fixe, comme 
formant pondériquement plus du tiers de cette fubftance, ne nous ait 
pas été rendue fenfible, au moins en petite partie? 

: Ne doit-on pas regarder comme certain, que fi ce produit exifte 
dans l’analyfe à quelques pierres calcaires, il y exifte accidentelle- 
ment; d'où il fuit qu'on n'en peut rien conclure pour une aflertion oé- 
nérale, 

Ne doit-on pas en penfer autant de cette matière phlogiftique , que 
M. Baumé a trouvée dans le marbre blanc, qu'il a calciné à feu clos? 
À la vérité, la fêlure de celle de mes cornues qui contenoit les quatre 
onces de marbre, jette un peu moins de certitude fur ce fait important, 
la bafe de fa doétrine fur la compofition des fels. Mais comment au 
moins cette matière ne S'eft-elle pas montrée d’une manière un peu 
fenfble dans la craie, dont la cornue n’étoit point fèlée, & qui avoit 
efluyé un feu trois fois plus long que celui que M. Baumé a fait éprou- 
ver à fon marbre? Comment, fur-tout, ce produit n'a-t-il pas été fen- 
fible dans la pierre employée par M. Spielman, où les coquilles exif- 
tant encore en grand nombre fous une forme déterminée, paroiffent 
devoir contenir cette matière phlosiftique plus abondamment que le 
marbre; puifque paroïffant, étant même aujourd'hui généralement re- 
connues pour être d’une formation moins ancienne, elles doivent axoir 
moins perdu à cet égard? 

Doit-on regarder cette matière comme abfolument anéantie dans 
toutes.ces pierres , Où il faut cependant bien reconnoître qu'elle a exifté, 
même abondamment, lorfque les coquilles, auxquelles elles doivent 
leur exiftence, ont commencé à les former ? 

Ces queftions me feniblent dificiles à réfoudre : mais en voici une 
autre qui left davantage; c'eft de favoir ce que devient cette matière, 
qui.forme le déchet commun à toutes ces expériences ? Ce déchet va: 
rie, comme on voit, dans chaque efpèce de pierre caïcaire : il eft plus 


-confidérable à proportion, que Le tiffu de fa pierre eft plus lâche. Mais 


dans toutes, il eft très-confidérable : il eft évident que cette matière n'a 


Tome N, Pare. LIL. 1775. Nn2z 


282 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


pu fe dégager qu’en paflant par les pores de la cornue. Quelle eit alors 
fa nature? Eft-ce de la matière inflammable , rendue aflez fubrile pour 
ne pouvoir être contenue par les vaifleaux , lorfque la chaleur, portée - 
à ce degré de vivacité, en a dilaté Les pores? Alors, comment ne refte- 
t-il point fur le réfidu, de veftige, au moins fenfible, d’une combuf- 
tion fi confidérable? Eft-ce de l'air? Efft-ce de l’eau? Alors, comment 
ces fubftances ne s’annoncent-elles pas dans le ballon d’une manièr 
plus marquée? Comment même ne font-elles pas fauter tout l'appareil 
en éclats ? 

Le peu d’eau qui seft ‘trouvée dans le ballon de M. Spielman, ainfr 
que dans les miens, n'avoit aucun caractère falin, ainfi que je l'ai dit. 

M. Baumé, conforme en cela à M. Macquer, fur la diftillation 
de la chaux, annonce aufli n'avoir trouvé que du phlegme dans fon 
ballon. M. Jacquin prétend que le feizième de liqueur qu'a produit 
la diftillation de fa pierre calcaire, avoit un léger caractère alkalin. 
Comment ce caraétère n’eft-il pas plus décidé, fur-tout fi la matière 
inflammable exifte dans les pierres calcaires aufli abondamment que 
Fannonce M. Baumé, & que l’origine, aujourd'hui conftatée de ces 
pierres, conduit à le penfer? 

Toutes ces fingularités me femblent mériter d'autant plus l'atten- 
tion des Chymiftes, qu’elles tiennent toutes à des théories qu'on peut 
établir, & dont l'admiflion, fi elle étoit fondée, feroit époque dans la 
Chymie. 


EEE NII ICT 
SÉRCIO ND LE LUE NB TITRE 


De M. pu Coupray, Capitaine d’une Compagnie d'Ou- 
vriers au Corps de l’Artillerie, à M. le Marquis de**, 


Sur un paf[age de l’Introduétion à l’Hifloire des Minéraux de M. DE 
BurFFron, relatif & une rédutlion de Boulets qui a eu lieu dans 
quelques Arfenaux. 


Re affurément, Monfieur, de plus naturel que les alarmes où 
vous me mandez que M. de Buffon, par fon dernier Ouvrage, a jetté 
toute la France fur le peu d'effet qu'on doit attendre des boulets de la 
nouvelle Artillerie, & par conféquent de l'enfemble de cette Artillerie: 
car, comme vous le dites fort bien, qu'eft-ce qu'une Artillerie fans 


boulets ? 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 283 


C'eft à fi jufte tire que cet illuftre Naturalifte jouit d'une con- 
fiance univerfelle pour tous les objets dont il traite : il eft fi peu 
fait pour prendre part aux cabales qui ont déchiré, & qui agitent 
encore maintenant le Corps de l'Artillerie; il eft fi peu vraifembla- 
ble qu'il puifle être aveuglé par elles, que ce qui feroic fufpect 
dans une autre bouche, femble devoir, de la fienne, être admis fans 
examen, , 

Vous ferez donc, Monfieur, tout aufli furpris que l’ont été tous les 
Officiers d’Artillerie inftruits, quand vous faurez que dans tout ce que 
M. de Buffon dit fur la réduction de boulets, qui s’eft faite dans quelques 
Arfenaux, il a été égaré par des expofés totalement contraires à La vé- 
tité des faits; d'où il fuit, que rien n’eft moins fondé que les confé- 
quences cffrayantes qu’il tire de fes épreuves particulières, pour établir 
AR , par cette opération, tous nos anciens boulets, qui font une partie 
1 confidérable de notre approvifonnement, ne valent plus rien ni pour 
battre en brèche, ni pour tirer en bataille. 

Afin de détruire plus complettement les impreflions funeftes que 
M. de Buffon a répandues fur cette réduction de boulets, je crois 
néceflaire de rapporter en entier le paflage où il en parle, tome 2, 
page 59. 

» C'eft, fans doute, parce qu’on ignoroit jufqu'à quel point va cette 
» altération du fer, ou plutôt parce qu'on ne s’en doutoit pas du tout, 
» que l’on imagina, il y a quelques années, dans notre Ârtillerie, de 
>» chauffer les boulets dont il étoit queftion de diminuer le volume (1). 
» On m'a afluré que le calibre des canons nouvellement fondus, étant 
» plus étroit que celui des anciens canons, il a fallu diminuer les 
» arte & que pour y parvenir, ona fait rougir ces boulets à blanc, afin 
» de les ratiffer enfuite plus aifément en les faifant tourner On m'a ajouté 
» que fouvent on eft obligé de les faire chauffer cinq, fix, & même 
» huit & neuf fois, pour les réduire autant qu'il eft néceflaire : or, il eft 
» évident, par mes expériences, que cette pratique eft mauvaife; car 
» un boulet chauffé à te neuf fois, doit de au moins le quart 
» de fon poids, & peut-être les trois quarts de fa folidité : devenu 
» caflant & friable, il ne peut fervir pour faire brèche, puifqu'il fe 
5 brife contre les murs ; & devenu léger, il à aufi pour les pièces 
» de campagne, le grand défavantage de ne pouvoir aller aufli loin 
» que les autres ». 


(x) M. le Marquis de Valliere ne s’occupoit point alors des travaux de lAril- 
Lerie, Cette note eft de M. de Buffon. 


Tome F, Part. III. 1775. 


234 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


R' ÉMPBAO: IN UE 


1°. Le calibre des canons nouvellement fondus , n'ef? pas plus étroit que 
celui des anciens. Il ny a eu aucune innovation à cet égard, dans 
les Règlemens, ni pour l'Artillerie de fiège, ni pour celle de cam- 
pagne. Il n'exifte, pour le calibre, de différence entre les nouveaux 
& les anciens canons, qu'en ce que par des réceptions plus rigou- 
reufes & des inftrumens nouveaux beaucoup plus exaéts, on a reflerré 
fur cet article, comme fur tous les autres, les variations fur les di- 
menfions prefcrires dans des bornes beaucoup plus étroites qu'on ne 
le failoic, lorfque M. le Marquis de Vailliere s'occupoit des travaux de 
l’'Artillerie (1). 

2°. Loin d'avoir réglé une diminution fur le calibre des boulets, 
le nouveau fyftème d'Artillerie l'a au contraire augmenté ; puifque 
pour procurer plus d'impulfion, & fur-tout plus de jufteffe ou mo- 
bile, le vent, ou la différence du calibre du boulet au calibre de 
la pièce, a été réduit à environ de moitié de ce qu'il étoit précédem- 
ment, 

3°. Les boulets qui ont été diminués, n’ont fubi cette opération, 
que parce que par une faire de la manière dont fe faifoient en général 
toutes les réceptions, avant que M. de Gribeauval soccupét des tra- 
vaux de L Artilierie , ils avoient été reçus, ou avec un calibre trop fort, 

our entrer dans la pièce fur aucun fens, ou avec une forme trop irré- 
gulière pour pouvoir y rouler fans s'arrêter en chemin, comme cela efk 
malheureufement arrivé plufieurs fois à la guerre; ce qui laifloit les 
pièces hors de fervice, au moins pour le moment, & dans un moment 
fouvent très-important. 

4°. Le nombre de ces boulets s’érant trouvé extrèmement confidé- 
rable , lorfque pour fixer un terme à l'ancienne négligence, on ordonna 
une vérification générale de tous les fers coulés exiflans; on auroit en- 
traîné le Roi dans une dépenfe prodigieufe, fi lon eft réformé ces 
boulets : car, en fuppofant qu'on trouvât à les vendre, c’eüt été environ 


1 


(x) L'Auteur de cette Letrre eft aflurément très-éloigné de manquer au refpect 
qu'il doit à M. le Marquis de Pulliere. Ce n’eft pas s’en écarter que de dire que les 
réceptions de toute efpéce, canons, mortiers, bombes, boulets, voitures, attirails, 
effets quelconques, ne fe faifoient pas de fon tems, & ne fe font pas faites jufqu'à 
J'époque du nouveau fytème d'Artllerie, avec la rigueur qu'elles fe font faite depuis 
cette époque. Tont dans nos Arfenaux prouve ceite vérité ; & perfonne n’a droit de 
fe choquer d’une fimple expofition de faits, quand elle eft conforme à la vérité, & 
qu'il importe de faire connoître cette vérité pour tirer le Public d’une erreur auffi 
inguiérante que celle où M. de Buffon vient de le jerter. 


+ 
\ 


° par 


SUR L'HISTINATURELLEYET LES ARTS. 928$ 


à deux Jiards la livre, tandis que ceux par lefquels il auroit fallu les 
remplacer, en auroient coûté au moins fix. 

5’: M. de Buffon, mieux informé , auroit fu que les perfonnes 
qui ort imaginé de chaufler & de tourner ces boulets trop gros pour 
les réduire , étoient très-loin d'ignorer de ne point fe douter du tout 
jufqu'à qui point va l’altération du fer lorfqu'on le chauffe, la con- 
noiflance de cette altération étant la connoiffance la plus triviale du 
monde ; mais ces perfonnes, inftruites en même rems que cette alté- 
ration ne pouvoit aller au point de rendre douteux Le fervice des bou- 
lets qui feroient foumis à cette opération, fans s’'annoncer au-dehors 

de fouflures profondes, par des crevafles très -marquées , elles 
avoient établi que l’on mettroit au rebut tous ceux de ces boulets 
qu'un excès de groffeur trop confidérable ayant obligé de préfenter un 
grand nombre de fois au feu, ou qui étant d’une mauvaife efpèce de 
fonte , fe trouveroient , à la fin de l'opération , porter Les marques 
d'altération dont on vient de parler. L'Entrepreneur étoit alors obligé, 
par fon marché, à les prendre à raifon de vingt francs Le millier pe- 
fant. IL faut noter que l'on étoit fort heureux avant, & qu'on l’a été 
depuis, quand on a pu placer à vingt-quatre francs des fers coulés, de 
rebut , qui n’avoient point fubi cette opération , dont le bénéfice pour 
le Roi étoit de dix francs par mille pefant. 

6°. M. de Buffon, mieux informé , auroit encore pu favoir que , 
d'après des inquiétudes femblables aux fiennes , données au Miniftère 
en 1767, on a éprouvé à Mézières, avec la plus grande publicité, 
la folidité de ces Le , en en faifant romber d'environ cinquante 
pieds fur une enclume , une centaine prife au hafard : or, tous ayant 
foutenu ce choc fans fe cafler, on peut hardiment conclure qu'ils fou- 
tiendront celui des murs qu'ils battront en brèche. 

Quant aux portées de ces boulets que M. de Buffon , rafluré far 
leur folidité , pourroit encore regarder comme confidérablement rac- 
courcies par la diminution du poids que l’aétion du feu a produite;. 
un Artilleur inftruit lui auroit encore épargné les inquiétudes qu'il té- 
moigne à cet égard pour le fuccès des batailles à venir , en fuppo- 
fant même, comme on le doit à préfent, que ces boulets, diminués 
de poids , feront tirés uniquement par les pièces du nouveau fyftème: 
car , détaché de tout efprit de parti, comme eft sûrement M. de Buffon, 
cet Attilleur lui auroit aifément fait voir quà quelque point qu'on 
puifle admettre que ces boulets foient allégés , ils auront beaucoup plus 
de mafle qu'il ne leur en faut pour renverfer des hommes & des che. 
vaux à ÿO0 toifes , où l’on a réglé les plus grandes portées à exiger de 
TArrillerie de bataille ; & cela, dans l'efprit de M. de Vauban, qui, 
dans les fièges où les batteries font établies fur des plates-formes, & 


Tome V, Part, III. 1775. 


286 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


tirent par conféquent avec bien plus de régularité, a décidé qu'on ne 
pouvoit compter fur lèur juftefle au-delà de 300 toifes ; principe que 
M. du Pujet lui-même , en qui l’ancien fyftème d’Artillerie vient de 
perdre un défenfeur unique , avoit encore rendu plus favorable à la 
nouvelle Artillerie, foit pour les pièces, foit pour les boulets qu'elle 
pouvoit employer ; puifqu'une de fes maximes , une de fes contradic- 
tions les plus rebattues , étoit que les coups, même des pièces anciennes, 
ne commençoient à devenir certains que vers 200 toifes. 

Au refte , quand , faute d’avoir exécuté exaétement dans tous les 
Arfenaux ce qui étoit prefcrit pour la réception de ces boulets ré- 
duits, il s'en rencontreroit quelques-uns d’un mauvais fervice , il eft 
évident que ce ne feroit pas la nouvelle adminiftration de l’Artillerie 
qu'il en faudroit accufer ; mais la difficulté d'amener tout-d’un-coup , 
dans les réceptions , une exactitude dont , jufques-là , on avoit été fi 
éloigné ; mais l'impoffbilité de tirer un meilleur parti de cette mul- 
ticude énorme de boulets admis à tort, fans doute, dans les Arfenaux, 
mais admis lorfque M. le Marquis de Vallière s'occupoit des travaux de 
T Artillerie. 

En voilà affurément, Mornfieur, beaucoup plus qu'il n'en faut pour 
détruire les alarmes que vous me dites que M. de Buffon a données à 
toute la France , fans en prévoir toutes les conféquences, & fur-tout, fans: 
favoir combien peu elles étoient fondées. Citoyen , Philofophe comme 
ileft, on ne doit pas douter que le même motif qui l'a engagé à les 
répandre, ne le porte aujourd'hui à les difliper lui-même, Je crois 
d'avance entrer dans fes vues , en vous engageant à répandre La lettre 
que j'ai l'honneur de vous écrire. 


P OSS!T - S'CRA PU M. 


En parlant de l'ignorance, de la non - doutance , où M. de Buffon 
peu qu'étoient fur l'altération que le feu caufe au fer, ceux qui 
ont imagine de chauffer les boulets dont il étoit ete de diminuer 
le volume , je n'apperçois, Monfieur , que j'ai dit que la connoif- 
fance de cette altération eft une connoïffance trop triviale , pour 
qu'on puifle croire que ceux qui ont dirigé les travaux de lArtil- 
lerie, depuis que M. le Marquis de Vallière ne s'en occupe plus, en 
fuffent dépourvus. Cependant il s'en faut de beaucoup que M. de 
Buffon la regarde comme telle , ainfi qu'on en peut juger par les 
expériences nombreufes , & les raifonnemens qu'il expofe dans le pre- 
mier & le quatrième Mémoires de la partie expérimentale de fon 
Introduction à l'Hiftoire des Minéraux , & fingulièrement vers les pa- 
ges 213 & 214 du premier volume, & les pages 57 & fuivantes du 
deuxième. 

Car 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 287 


Car on y voit que cetilluftre Naturalifte s'attache à PATAES , comme 
une vérité neuve , que le feu altère le fer , non à raifon des furfaces , 
mais à raifon de la mafle; vérité qui femble hors de toute difcufion , 
non-feulement pour le fer, mais pour le cuivre, &'en général pour 
tous les métaux, pour toutes les matières combultibles. 

L'action du feu eft plus dévorante fans doute , opère des déchets 
bien plus confidérables à la furface des corps, où elle a un contact 
ne ; & où elle eft aidée par l'action de l'air. Mais il eft peu 
d'Obfervateurs un peu attentifs , qui n'aient remarqué que dans aucune 
de ces matières , l'altération , le de/sèchement , pour me vis des termes 
de M. de Buffon, ne fe borne pas à l'extérieur, mais qu'elle pénètre 
dans l'intérieur de la mafle, plus ou moins , à raifon se la denfité, 
de la texture des parties , de la plus où moins grande quantité de 
matière inflammable , qui entre cp leur compofition ; ce qui fait 
que, peu fenfible dans les métaux, elle l’eft confidérablement EP le 
bois, comme cela peut fe voir en rompant une büche à moitié brûlée, 

Qu'il foit permis de le dire , puifque l’occafon s’en préfente , & 
de le dire fans s’écarter du refpect que l'on doit à un homme tel que 
M. de Buffon ; il femble qu'il ait voulu effayer , dans fon nouvel Ou- 
vrage, jufqu'où va l'empire d’une Ke auifi fupérieure que la fienne 
fur celle Ne autres hommes , foit en\établiffant, pour ainfi dire , 
d'autorité, les propofitions les plus étranges , telles que l’exiftence de 
la chaleur comme fübffance ( tome premier, première partie ), l'im- 
poñiblité que les corps parfaitement durs puiflent recevoir & commu- 
niquer le mouvement ( tome premier, page 3) ; foit en donnant un 
aix de nouveauté aux chofes les plus anciennement connues, telle que 
Valtération intérieure du fer par le feu, dont nous venons de parler ; 
telle encore l'inflammabilité de la vapeur du charbon, qui eft un des 
objets pour la recherche defquels il annonce lui-même avoir confumé 
trois mille fix cens livres de charbon dans les hauts-fourneaux de fes 
forges ; tandis qu'avec un fimplé morceau RE il pouvoir s'af- 
futer journellement à fes affineries , à fes chaufleries, de ce phénomène 
fi connu des Forgerons, puifqu’il fe répète prefque à chaque fois qu'on 
regarnit Le foyer , ou même au coin de Ë cheminée avec une allu- 
mette , chaque fois que le feu , étouffé par l’arrangement du bois, 
pouffe une fumée épaifle, 

M. de Buffon auroit pu ‘même voir que, lorfque cette fumée de- 
vient rapide par la continuité & FPadtivité de {4 chaleur , elle sen- 
flammé fans avoir befoin du contact d'une matière enflammée , ce qu'il 
croit indifpenfable , tome premier, page 126, & ce qui eft prouvé ne 
pas l'être par les effers journaliers que je cite, & fur-tout par les incen- 
dies qu'occafionne quelquefois l'entaflement imprudent des pailles & 
des foins , avant d’être bien féchés. 


Tome F, Part. IIL. 1775. Oo 


283 OBSERVATIONS-SUR LA PHYSIQUE, 


a a — a ——— 


NOUVELLES LITTERAIRES. 


Méthode pour faire le Win. 


Pis sPECTUS. I. Une nouvelle Méthode de cultiver la Vigne, 
plus fimple , plus économique & plus fructueufe que la Méthode 
ordinaire, feconde édition , revue, corrigée & confidérablement aug- 
mentee. 

II°. L'art de faire le Vin rouge , contenant les premiers procédés 
publiés par l'Auteur, & les nouveaux qu'il a imaginés depuis, pour 
façonner les Vins rouges, 1°. dans les années de maturité, 2°. dans 
les années où les raifins ne font mürs qu'en partie, 3°. dans les an- 
nées où ils font très-verds , & celles où ils ont été gelés fur les ceps, 

°, dans les années & les vendanges pluvieufes ; avec des planches & 
la lifte des Soufcripreurs , à lufage de tous les Vignobles du Royaume: 
par M. Maupin, en 2 vol. in-8°. Prix 13 livres ; favoir, enfemble 
ou féparément , la nouvelle Méthode , 6 livres ; & l'Art de faire le 
Vin , 7 livres. 

On pourra foufcrire pour ces deux Ouvrages , dont l'Auteur ne fera 
tirer tout jufle qu'autant d'exemplaires qu'il y aura de Soufcripteurs , 
chez pe fils , Libraire , Quai des Auguftins, ou chez l'Auteur , à 
la même adrefle : favoir , pour la nouvelle Méthode de cultiver la 
Vigne , jufqu'au premier Septembre prochain , moyennant 6 livres ; 
& pour l’Art de faire le Vin, jufqu’au premier Août; la foufcription, 

our ce dernier Ouvrage, fera de 7 livres. Mais comme l'événement 
de l'impreflion dépendra du nombre des Soufcripteurs , pour éviter 
de leur rendre l'argent, fi l'impreflion n'avoit pas lieu, on ne recevra 
de leur part, jufqu'au premier Juillet, qu'une fimple foumiflion de 
fournir les 7 livres convenues , dans les vingt premiers jours de Juil- 
let , au cas qu'on imprime l'Ouvrage ; ce que l'Auteur aura foin , 
alors, de faire annoncer aux Soufcripteurs , par un avis adreflé à cha- 
cun d'eux. 

Avoir une plus grande quantité de vin, l'avoir beaucoup meilleur, 
& en mème temsrà moins Er frais, par la fuppreflion d'une partie des 
échalas, des foffés, & du fumier employés dans la pratique ordi- 
naire ; tels font les principaux avantages que M. Maupin promet à 
ceux qui voudront bien.fuivre les inftructions contenues dans les deux 
Ouvrages qu'il propofe au Public, Ces avantages font prouvés, dit- 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 289 


il, par une foule d'expériences commencées depuis plus de dix an- 
nées, & qu’un grand nombre de penomnes de tous les états & de 
tous les rangs ont répétées dans prefque toutes les Provinces du Royau- 
me. Plufieurs de ces expériences fe Pnt faites fous les yeux même du 
Gouvernement. 

En rendant hommage au zèle de M. Maupin , qu'il nous foit per- 
mis de préfenter de nouveau quelques idées fur cette partie fi inté- 
reflante de l'Agriculture. 

L'œnologie eft encore dans l'enfance & le fera long-tems, malgré 
les Ouvrages qui en ont traité. Pour qu'un Livre foit utile , il Pur 
qu'il y ait des principes démontrés, ou du moins des principes de 
convention & des points de ralliement; ici, iln'exifte ni principe, nt 
point de ralliement , mais feulement des expériences & des obferva- 
tions ifolées. Il réfulte delà qu'un Ouvrage re la vigne n'eft, à quel- 
ques généralités près , avantageux que pour un petit canton, très inu= 
tile fouvent pour le refte de la Province, & toujours pour les autres 
parties du Royaume. Cette affertion générale paroït tenir au paradoxe, 
il s'agit de la détailler. 

On ne peut établir , pour tous les pays de vignoble, une loi abfo- 
lument générale , Fe que la culture de la vigne doit varier fuivant 
les climats , la pofition & la nature du fol : premier principe. 

On ne peut pas dire afirmativement, telle efpèce de raifin convient 
ici & non pas là, parce que des efpèces effentiellement différentes ont, 

ar exemple , en Champagne , le même nom qu'à Bordeaux ; cette 
Eiliude de nom trompe eflentiellement le Cultivateur , qui plante 
fouvent un raifin noir pour un raifin blanc, & une efpèce lon pour 
une efpèce hâtive : fécond principe. 

De ces deux principes , il en réfulte néceffairement un sroifième , 
c'eft qu'on ne peut prefcrire aucune règle sûre, ni pour la taille, ni 
pour la culture , ni Cats la qualité du terrein qu'exige chaque efpèce 
en particulier. Que de principes & de conféquences il refte encore à 
tirer ! 

Il n'y a qu'une feule méthode , une feule marche pour faire un 
Livre élémentaire fur la vigne , & pour qu'il foit compris par tous 
les Lecteurs ; 1°. facrifier une certaine GER de terrein pour y raf- 
fembler toutes les efpèces de raifins cultivés dans chaque vignoble des 
Provinces de France , ce qui forme environ 200 cantons affez diftin- 
gués. Demander dans tous ces endroits des croflettes &c des barbues 
de chaque plant qu'on y cultive, fur chacun defquels on liera & l'on 
roulera un morceau de parchemin portant écrit le nom que l'on lui 
donne dans le pays. 

2°. On plantera, fur la même ligne , Les croflettes & les barbues 


Tome V, Part. LIL, 1775. Oo2 


390 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


d'un même canton ; & au pied de chaque cep ; on mettra un piquet 
en bois de chêne , ou une palette, & fur lequel fera écrit, avec une 
couleur à l'huile , le nom de chaque individu. Lorfqu'on demande 
en même tems des croflertes & des barbues , c’eft pour s’aflurer de la 
reprife des uns & des autres, parce que cette opération doit marcher 
tout-à-la-fois. 

3°. Outre ces piquers & ces palettes, on tiendra un regiftre, fur 
lequel les noms feront infcrits fuivant l'ordre de la rangée des ceps. 

4°. Pendant la feconde & la troifième année, tous les ceps feront 
taillés de la même façon , c’eft-à-dire , que fi , par exemple , on a 
trois croffettes & une barbue de la même efpèce , & venues du même 
canton , la barbue & la croffette fa voifine , feront taillées uniformé- 
ment ; la feconde, d’une manière différente , & ainfi pour la troifième. 
On obfervera le même ordre pour toutes les autres; & chaque année 
on fpécifiera fur le regiftre & à côté de chaque nom, quels auront 
été les progrès du cep & fes variations. Voilà déjà trois grands ta- 
bleaux de comparaifon, Si on plantoit quatre croffettes & une bar- 
bue , ce feroit encore mieux ; un des cinq pieds fuppléeroit à celut 
ie ne reprendroit pas ou périroit avant que toute l'opération fût 

nie. 

5°. C’eft à la troifième année que commence le grand travail , & 
lObfervareur ne doit plus quitter fa plantation jufqu'après la récolte 
du raifin & la chûte des feuilles. Il obfervera , 1°. quelles font Les ef 
pèces les plus hâtives ; & il écrira fur le regiftre , à côté du nom, 
telle efpèce a commencé à pleurer , fon bourgeon s’eft ouvert, la 
forme de fon fruit a paru , le Édsees a été entièrement épanoui tels 
& tels jours. Cette obfervation fera générale & particulière à tous les 
plants. 2°. Il notera également les jours de la floraifon , & comparera 
la forme des grappes & des fleurs de chaque efpèce. 3°. La même de 
ration fera répétée fur les feuilles , & fur-tout fur la feuille qui avoifine 
le plus la grappe que j'appelle feuille-florale. 4°. Il comparera la pouf- 
fée de toutes ces plantes, celles qui chargent beaucoup en bois forts 
& vigoureux , ou foibles & courts. 5°. Il examinera la forme du fruit 
en général ; celle des grains & leurs difpofitions méritent une atten- 
tion particulière. Le fruit & la feuille font deux grands objets de com- 

araifon. 6°. Enfin, le farment dépouillé de fes feuilles & de fon fruit , 
pot encore fes regards ; il fpécifiera la force du cep, la forme du 
farment, & la diftance d’un bourgeon à un autre. Ces obfervations & 
ces comparaifons feront caractérifées fur le regiftre , à côté du nom 
de chaque efpèce, fans oublier le goût du fruit quelle aura donré ; 
& il y fera die , par exemple , à l'article du raifin connu aux en- 
virons de Paris fous le nom de Morillon , il PAROÎT ÊTRE celui qu'en 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 39r 


appelle Bourguignon en Beaujolois , Pineau en Bourgogne , moryégué 
en Provence , ou le Théoulier | ou le Manoufquen , ou le Brun-four- 
cat , &c. J'appelle le travail de cette troifième année , le sravail d’é- 
preuve. 

6°. La quatrième année exige des foins encore plus aflidus ; c’eft 
l'année de probation. On reprendra la fuite des obfervations précé- 
dentes ; l'habitude de voir les rendra encore plus familières , & par 
conféquent plus faciles. Voilà le rems de débrouiller le chaos de cette 
nomenclature barbare dont chaque raifin eft furchargé fuivant les dif. 
férens cantons. Ces noms ne varient pas feulement d'une Province à 
l'autre , mais prefque généralement de village à village. Comment veut- 
on, après cela, qu'un ouvrage fait, par exemple , fur le vignoble de 
Champagne , foit utile pour celui de Bordeaux , de Marfeille , de 
Bayonne , quand même la culture d’une Province conviendroit À une 
autre , ce qui certainement n’eft pas? Le Cultivateur de ces Provinces 
croit qu'on lui parle hébreu , & il ne fait pas l’hébreu.. Comparez & 
rapprochez donc chaque efpèce ; voyez fi toutes les obfervations de la 
feconde , troifième & quatrième année , fe rapportent ; fi elles ont 
une exaéte analyfe pour le tems des pleurs (toutes circonftances d'ail. 
leurs égales) , du bourgeon , de la Aoraifon, pour la configuration 
des feuilles, pour la forme de la grappe , la difpoñition, la couleur 
des grains , la qualité du fruit, &c. ; dites alors , telle efpèce con- 
nue aux environs de Paris fous tel nom, eft la même que celle con- 
nue à Rheims , à Dijon, à Befançon , à Lyon , &c., fous telle ou 
telle autre dénomination. Vous ferez ainfi fucceflivement le tour du 
Royaume , ce qui donnera un tableau de fynonymie de tous les raifins 
des différens cantons de France. Comme chaque efpèce de plant pro- 
duit des variétés À raifon du climat, de la culture, de la nature du 
terrein , &c., féparez , claflez & fpécifiez ces variétés. C’eft le mo- 


ment, c'eft-à-dire, lors de la maturité du fruit , de décrire chaque ef- 


pèce en particulier , en confidérant toures les parties qui concourent à 
former le cep & le fruit. 

7°. Nous n'avons encore qu'un apperçu, aflez caraétérifé, il eft vrai ; 
nous voici parvenus à l'année de confirmation , c'eft-à-dire, à la cin- 
quième , qui donnera le fceau de l'authenticité à nos opérations. Le tra- 
vail confifte à reprendre la mafle des obfervations des années précé- 
dentes ; à les répéter , comme fi on n’avoit encore rien fait; à les com- 
parer de nouveau; enfin, à ajouter , fur le regiftre , les nouvelles ; 
changer & rectifier celles qui fe trouveront ou défectueufes , ou mal 
expliquées. C'eft le'tems de faire defliner, de ‘grandeur naturelle, la 
feuille Morale , la grappe fleurie, & le raifin. On ne doit pas fe ñ- 
gurer que ces deflins foient bien nombreux ; je mets en fait qu'il ny 


Tome V, Part, III, 1775. 


292 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


a peut-être pas en France trente efpèces ou variétés de taifins bien 
caractérifées , quoiqu'il y aît plus de deux mille noms. 

8°. La nomenclature une Fi bien reconnue ; on fixera à l'efpèce, 
le nom le plus généralement reçu , fous lequel on donnera l’énumé- 
ration de tous les noms employés dans les différens cantons ; noms 
dont on fera encore un catalogue particulier & général , difpofé par 
ordre alphabétique. 

IL réfultera enfin de ce travail, qui n’eft encore que préliminaire , 
que celui qui écrira fur la vigne, fera un Ouvrage à la portée de tous 
les Lecteurs ; mais pour qu'il foit généralement utile, il exige bien 
d’autres conditions. 

Les efpèces bien conftatées , on doit tâcher de connoître la nature 
du terrein qui convient à chacune en particulier. Pour cet effet , ayez, 
s'il eft poflible , 1°. un térrein pierreux divifé en trois clafles ; la pre- 
mière , en pierres calcaires ; la feconde , en pierres vitrifiables ; la troi- 
fième , compofée des deux autres : 2°. un terrein graveleux , AU 
terrein fablonneux , 4°. différens terreins d’un grain de terre , plus 
ou moins compacte, argilleufe, &c.: 5°. une portion de chacun de ces 
terreins fera en pente, & l'autre en plaine. Dans chacune des pofi- 
tions de ces terreins, plantez une quantité fuffifante des efpèces de rai- 
fins que vous aurez déterminées, & plantez chaque efpèce féparée de 
l'autre ; en fuivant toujours la marche des obfervations de nos pre- 
mières années, vous reconnoîtrez le terrein où chaque efpèce profpère 
ou languit. Comme les efpèces font ici féparées , dans des expofitions 
& des terreins différens, multipliez les expériences fur la taille ; voyez 
fi celle d’une efpèce convient à l'autre, ou, fuivant la nature du 
terrein, quelle doit être celle de chacune féparément. De la culture de 
la vigne , paflons à l'examen de fon produit : troifième genre d'expé- 
riences. 

Ce n’eft pas le cas de parler dans ce moment de la manière de 
faire le vin, ce feroit enfeigner la pratique avant d’avoir des expé- 
riences & des principes d'où elle te néceflairement dériver. Pour 
établir une règle sûre, il faut connoître , 1°. quel vin donne chaque 
efpèce de raifin en particulier : 2°. fi la plus ou moins forte élévation 
du cep, & fi la taille quelconque changeroit fa qualité ; quelle qua- 
lité de liqueur réfulte du mélange de deux ou de plufieurs efpèces de 
raifins , & en quelle proportion ce mélange doit être fait : 3°. exa- 
miner l'effet que produit la nature & l'expolition du fol fur chaque 

ualité : 4°. les efpèces de plants qu'on deftine feulement à procurer 
RNA récoltes , & à donner du vin d'un mérite fupérieur: 
5°. enfin, les raifins qui donnent le meilleur vin en blanc ou en 
rouge. Lorfque ces principes feront bien conftatés , lorfqu’ils feront 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 293 


confirmés par l'expérience (il faut au moins dix ans) , on pourra 
alors faire un Traité d'œnologie ; jufqu'à cette époque , on fe battra 
les Aancs pour dire de belles chofes , on promettra beaucoup ; bien 
fou qui fe fera à ces promeffes. L'édifice eft élevé fur le fable, & fa 
chüte eft prochaine. 

Les détails dans lefquels je viens d'entrer , font , fans doute, ceux 

auxquels M. Maupin s'eft livré depuis dix ans qu'il travaille fur cette 
branche d'agriculture ; j'aime à croire , pour le bien public , que fon 
Ouvrage répondra à nos vues. Plus on étudie cette partie, mieux on 
en fent l'importance ; & je ne crains pas d'avancer que ce que j'ai 
écrit fur ta vigne & fur le vin, doit être mis dans la même clafle 
Pi les autres Ouvrages de ce genre , ou pour trancher le mot, nous 
ommes encore à l'alphabet de la fcience. Tel eft l'aveu que je fis en 
1772 , quand on imprima mon travail fur les vins de Provence. J’an- 
nonçai alors que j'avois commencé cette pénible entreprife lorfque je 
demeurois en Provence ; & depuis mon féjour à Paris, j'ai prié, pref- 
fé , follicité , pour qu'on me prête feulement du terrein pour conti- 
nuer mes expériences : on a applaudi à mes vues ; on a fait plus, 
on a beaucoup promis, & je fuis encore à attendre l'effet de ces pro- 
mefles. Comme il y a apparence qu'elles ne s’'exécuteront pas mieux 
dans la fuite , je me fais un vrai plaifir d'indiquer la route que j'aurois 
fuivie , afin de mettre fur la voie le Citoyen généreux , qui aura aflez 
de zèle & de connoiflances pour fe livrer entièrement à ce genre de 
travail. 

Mémoires de Phyfique fur l'art de fabriquer le Fer, d'en fondre & 
forger des Canons d'Artillerie ; fur lHiftoire Naturelle, fur divers fu- 
jets particuliers de Phyfique & d'Economie , avec une Taële analytique 
des matières en forme de Diélionraire , pour fervir à l'inteliisence des 
termes Techniques : Ouvrage orné de treize planches en taille-douce; 
par M. Grignon , Maître de Forges , Correfpondant de l'Académie 
Royale des Sciences & de celle des Infcriptions & Belles - Lettres de 
Paris, Aflocié de celle des Sciences, Arts & Belles-Lettres de Chä- 
lons , 1 vol. in 4°. À Paris, chez Delalain, rue & à côté de l'an- 
cienne Comédie-Françoife. L'Académie des Sciences a accepté la dé- 
dicace , & a permis, en approuvant cet Ouvrage , qu'il füt imprimé 
fous fon privilège. , 

Mémoires de l'Académie de Dijon , tome fecond , in-8°. A Dijon, 
chez Caufle ; & à Paris, chez le Jay, Libraire , rue Saint-Jacques. 
Nous nous occuperons par la fuite de cer excellent Recueil, & de 
celui de M. Grignon. L'homme fenfible eft pénétré d’admiration , 
lorfqu'il lit les preuves du zèle patriotique que quelques Citoyens 
ont mis pour l'établiffement de cette Académie , des dépenfes & des 


Tome V, Part. LIL 1775. 


294 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


fondations bien entendues , qui en aflurent la durée. Cet établifle- 
ment fait l'éloge de ces vrais Patriotes ; & les travaux des Acadé- 
miciens , celui de leur efprit & de leurs talens : à peine ce Lycée 
commence à exifter, qu'il pofsède un Batiment qui répond à fa 
gloires qu'il renferme un Jardin de Botanique, où l’on donne des 
Leçons publiques , des Cours réglés ; un Laboratoire Chymique , un 
Médäaillier , une Bibliothèque nombreufe , & fur-tout un Cabinet 
d'Hiftoire naturelle , recommandable fur-tout par celle de la Bour- 
gogne. Il feroit à defirer que chaque Académie s’occupât effentiel- 
lement de l'Hiftoire de fa Province , & même c’eft le feul moyen 
pour parvenir à connoitre les richefles du Royaume , en Hiftoire Na- 
turelle. 

Inféruétions & Avis aux Habitans des Provinces méridionales de la 
France , fur la Maladie putride & peftilentielle qui detruit le Bétail, 
pabliées par ordre du Roi, in-4°. de 128 pages. A l’Imprimerie 
Royale. ù 

Seconde Lettre d'un Médecin de Montpellier à un Magiftrat, contenant 
la Bibliothèque des Auteurs Vétérinaires, 1 vol. in-8°. de 117 pages. 
A Montpellier. 

Remède éprouvé pour guérir radicalement le Cancer occulte , manifefte 
& ulcéré ; par Mefire G. R. le Febyre de St-Ild***, in-8°. de 16 
pages. À Paris, chez Lambert, rue de la Harpe. La bafe de ce Re- 
mède eft l'arfenic. 

De Fenomeni della circolazione obfervata nel giro univerfale de vafi ; 
de Fenomeni della circolazione Languente ; de moti del fangue indepen- 
denti dell'azione del cuore ; e del pulfar delle arterie. Differtationi quat- 
tro dell Abbate Spallanzani, Recio Profeffore di Storia naturalle nell Uni- 
verfita di Pavia, 1 vol. in-8°. de 343 pages. A Modène , chez la 
Société Typographique. 

Recherches fur les Remèdes capables de diffoudre la Pierre & La Gra- 
velle , traduites de l'Anglois par M. Guiliert , 1 vol. in-8°. de 192 
pages. À Paris, chez Pierres , rue Saint-Jacques. Prix, 3 liv. br. 

Expériences & Obfervations fur différentes efpèces d'Air , traduites 
de l'Anglois de M. J. Prieflley, Docteur en Droit, Membre de la 
Société Royale de Londres ; par M. Gibelin, Docteur en Médecine 
de Paris , & Membre de la Société Médicale de Londres , 1 vol. 
in-12, de 434 pages, avec figures. La traduétion de cet Ouvrage a 
été revue par M. Priefiley. On eft donc bien afluré que le Traduc- 
teur a rendu parfaitement le fens de l’Auteur, objet eflentiel , fur- 
tout pour un Ouvrage qui n'eft qu'un tiflu & un enchaînement d'ex- 
périences. Nos Lecteurs peuvent juger de l'importance des découvertes du 


célèbre 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 295$ 


célèbre M. Prieflley , par les extraits de celles que nous avons publiées 
dans ce Recueil. 

Caroli à Linné , Ordinis Reg. Srellæ Polaris Equitis , &c. Syftema 
vegetabilium fecundim claffes , ordines , genera ; fpecies cum charaële- 
ribus 6 differenciis. Editio decima-tertia ; acceffionibus 6 emendationibus 
noviffimis adornata ,. à Joanne- Andrea Murray , D. M. @ Botan. 
än-8°. broché , 10 liv. ; 

Tobiæ Mayeri in Univerfitate Litter. Gottingenft quondam Profefforis 
ac Societ. Reg. Sodalis , Aftronomi celeberrimi Opera inedita , vol. 1. 
Commentationes Societati Regiæ Scientiarum oblatas , quæ integræ fuper- 
funt , cum tabul4 felenographicä compleétens ; edidit & obfervationum 
appehdicem adjecir Georgius-Chriflophorus Lichtemberg ; Profefor Phil. 
6 Soc. Reg, Sodalis. 1775, vol. in-4°., cum figuris , broché en car- 
ton , 12 liv. | 

Novi Commenterii Societatis Regiæ Scientiarum Gottingenfis , 1769 

& 1773 ; 4 volumes in-4°. , cum figuris ; broché en carton, 60 livres, 
À Paris, chez Ruault, Libraire , rue de la Harpe. 
-. L'Académie Royale des Sciences , Infcriptions & Belles-Lertres de 
Touloufe , avoit demandé, pour le prix cette année, d’afligner les 
loix du retatdement qu'éprouvent les fluides dans les tuyaux fermés , 
fur-tout pour les cas où ces tuyaux font des contours & des angles, 
Comme aucun des Mémoires qui lui ont été adreflés, ne lui a paru 
digne d'être couronné ;. elle pire de nouveau.le même fujet pour 
Vannée 1777. Les Ouvrages doivent être remis, francs de port, avant 
le premier-Février 1777; à M. l'Abbé de Rey , Secrétaire perpétuel de 
gette Académie, 1129 

L'Académie des! Sciences ;  Belles-Lettres,& Arts de Befançon , pro- 
pofe, pour le 24 Août 1775, un Mémoire fur cette queltion : Eft if 
poffible d'établir des Moulins-à-vent ou à bateaux dans les environs 
de Befançon ? & quelle feroit la meilleure forme à leur donner, eu 
égard à noie des vents, & à la lenteur de la rivière > Les 
Auteurs doivent combinerd'utilité & la dépenfe de ces Moulins avec 
les avantages & les inconvénients de ceux dont on fe fert actuel- 
lement. Le prix confifte en une médaille d’or , de la valeur de 200 
livres. 

L'Académie Royale des Belles-Lertres , Sciences & Arts de Bor- 
deaux, annonce qu’un Citoyen , zélé pour le bien public , a deftiné 
une fomme de 500 livres à un Ouvrage qui indiquera la meilleure 
manière de tirer parti des landes de Bordeaux , quant à la culture & 
à la population. L'Académie propofe ce fujet intéreffant pour l'année 
1776. 

L'Académie des Sciences , Belles-Lettres & Arts de Befançon, pro+ 


Tome F, Part. III. 1775. Pp 


296 OBSERVATIONS SURLA PHYSIQUE, 6c. 


pofe, pour le fujet de 1777 : Quelles font Les Caufes & les, cara&è= 
res d’une maladie qui commence à attaquer plufeurs Vignobles de: 
Franche-Comté ? les moyens de la prévenir ou de la guérir ? On s'ap- 
perçoit dans la Province , depuis quelques années feulement , du dé- 
périflement de certaines vignes qui produifoient beaucoup auparavant. 
Les feuilles frifées & racornies, la petitefle du raifin, la noirceur du 
bois dans l’intérieur , la difficulté de provigner de nouveaux ceps dans 
la’ place où les anciens ont péri, annoncent que c’eft l'inftant de pré- 
venir une efpèce d’épidémie. 

L'Académie Impériale & Royale des Sciences & Belles-Lettres de 
Bruxelles, propofe , pour le fujet d’un des prix qu’elle doit dittribuer 
en 1775, la queftion : Quels font les moyens de perfectionner la laine 
des moutons de la Flandre ? Ce prix confifte en une médaille d'or 
du poids de vingt-cinq ducats. Les Auteurs peuvent écrire leur Mé- 
moire en Fançois, en Latin ou en Flamand ; & leurs Ouvrages feront 
adreffés , francs de port, à M. Girard, Secrétaire perpétuel de l'Aca- 
démie , ayant foin de les faire copier lifiblement, & d'yjoindre une 
Devife infcrite fur le billet cacheté , qui doit renfermer leurs noms & 
leurs demeures. 

L'Académie d'Udine , Capitale du Frioul, Province des Etats de 
Venife, propofe, pour 1775 , cette queltion : Quelle eft la meilleure 
manière de gouvernér les terres pour les rendre plus propres à rece- 
voir les bienfaits des pluies ? N'y at-il pas des préparations qui peu- 
vent empêcher qu’elles. ne nuifent , lorfqu'elles font se abondantes ? 
Le prix confifte en une. médaille d’or de la valeur de douze fequins. 
Les Mémoires pourront être écrits en Latin ou en François ; ils doi- 
vent être remis au Secrétaire de l'Académie, ayant le mois de Juillet 
prochain. 


ei ur. 177. 
= 


Pie Hi LS OR 


OBSERVATIONS 


SUR 


LA PHYSIQUE, 
SUR L'HISTOIRE NATURELLE 


ET SUR LES ARTS, 


AVEC DES PLANCHES EN TAILLE-DOUCE; 
DÉDIÉES 
A MonseicNeur LE COMTE D'ARTOIS, 


Par M. l'Abbé RozZIER, Chevalier de PEglife de Lyon; de L'Académie VRoyale 
des Sciences, Beaux-Aris © Belles-Lettres de Lyon, de Villefranche , de Dijon, 
de, Marféille, de la Société Impériale -de Phyfique & de Botanique de Florence ; 
Correfpondant de la Sociéré des Arts de Londres, &c, ancien Direéteur de l'Ecole 
Royale de Médecine-Vétérinaire de Lyon. 


TOME CINQUIÈME. 


APS RL Dr 4 


Ge 
A0 RAR SS 
Chez RUAULT, Libraire, rue de la Harpe, 


M. DCC. LXX V. 
#4 VEC PRIVILEGE DUROI, 


RE 
TABLE DES ARTICLES 


Contenus dans cette quatrième Partie. 


O1 TIONS Agronomiques fur les Haies. page 297 
Obféervation fur La chaleur caufèe par Le frottement ; par M. d’Arratq, 30$ 
Lettre du Père Berthier, de l'Oratoire, à l'Auteur de ce Recueil, ibid. 
Jugement des Phyficiens impartiaux & fans paffion , fur dix-fèpe Expé- 
riences faires durant deux ans € demi par divers Phyficiens dans des 

lieux différemment élevés, avec différens poids différemment eleves l’'ur 

fur l'autre, qui prouvent un excès’ de pefanteur des corps fupérieurs fur 

#4 Les inférieurs , 306 
& T° Mémoire dans lequel on indique Les caufes qui peuvent changer acciden- 
tellement Les effets apparens de la pefanteur des corps a des hauteurs 

inégales , 314 

Premier Mémoire fur Les Abeilles, où l’on rend compte d’une nouvelle 

e — découverte fort fingulière, qui a ëté faire en Luface fur ces Mouches ; 


5 _ par M. Bonnet, de diverfes Académies , 327 
Sato Oéfervations fur les Marails, ou Faifans de la Guianne, par M. Sonnini 
«out de Manoncour, Officier de Marine, Ingénieur du Roi dans la Guianne 
Les Ærangoife, &:Correfpondant du. Cabinet du Roï, L 345$ 
. - Obférvation de M. l'Abbé Dicquemare, Profeffeur de Phyfique & d'Hif- 

"0 roiré Naturelle, de plufieurs Académies Royales des Sciences, des 
Belles- Lettres & des Arts, &cx fur les Anémonès de mer, 3590 


Lettre de M. Monnet, Breveté du Roi pour La vifite des Mines de France, 
des Académies des Sciences de Stockholm, de Turin ,)de Rouen, & de 
la Société Littéraire d'Auvergne, adreffe à M. Speilman, Profeffeur 
en Chyrmie de TUniverfité de Strasbourg, Etc. 353 

Lettre du Père Cotte, de L'Oratoire,.Curé de Montmorency, Correfpondant de 
L'Académie Royale'des Sciences, € de la Société d'Agriculture de Laon , 
fr une=monfirnofité végétale 6 fur une-Obfervation éléétrique, 3 56 

Mémoire fur une Carte minéralogique détaillée de la France; par M. Guet- 
tard, de P Académie Royale des Sciences , 357 

Obfervations de M. Baume, fur‘un Mémoire de M. Cadet infèré dans ce 

® Journal, pour le mois de Décembre 1774, page 486, fous le titre x 
Méthode pour faire l’Ether vitriolique en plus grande abondance, 
plus facilement, &c. 366 

Nouvelles Expériences élettriques; par M. Comus , 372 

Extrait de plufieurs Lettres de M. Pafquier, Curé de Torey ren Bourgo- 
“gne, fur le Goéland ; adreffées a l’Auteur de ce Recueil ; par M, Cour- 
répée, Préfet du Collége de Dior, 375 

Nouvelles Lirtéraires, °T ME 376 


OBSERVATIONS AGRONOMIQUES 
Sur les Haies. 


1 Re Eee préfente le fpectacle le plus riche : la fcène 
y change à chaque inftant; & même la monotone progreflion d’un 
arbre, “ee done &c. offre des charmes toujours nouveaux. Le 
grand livre de la nature eft ouvert à tous les hommes; beaucoup ont 
des yeux & n'y voient rien; quelques-uns commencent à en épeller les 
lettres , & peu favent y lire, parce que cette lecture fi fimple en appa- 
rence , exige des connoiffances préliminaires, un œil accoutumé à voir, 
un goût particulier pour l'obfervation, enfin un sise propre à rap 
procher & à comparer les objets. Loin de nous ces brillantes théories, 
ces fpéculations impofantes, ces calculs exagérés: ce font autant de 
ballons remplis de vent; l'expérience paroît, & leur bourfoufflure fe 
diflipe. Les bons Agronomes de pratique ne font pas à s’appercevoir 
des inepties compilées , imprimées & réimprimées. Depuis vingt ans, 
que de faifeurs de livres; mais combien peu de vérités nouvelles ! 
Pour une découverte heureufe, au moins cent abfurdités, cent exagé- 
rations, dont j'offre la ab à D’après ce tableau malheureufement 
trop fidèle, d’après les abus multipliés, je ne demande donc pas que 
Jon s'en rapporte, ni fur ma parole, ni fur les expériences que je dis 
avoir faites; je, prie feulement qu'on fufpende fon jugement. Que les 
vrais Agriculteurs,  & même ces critiques, qui du fond de leur 
cabinet croient prefcrire des loix à la nature, exécutent en petit la 
manipulation que je vais leur propofer. Si, toutes circonftances d’ail- 
leurs égales , ils ne réufliffent pas, je pafle condamnation , & confens 
qu'ils regardent mon travail comme des rêveries & des abfurdités: ils 
me fauront gré au moins de ne leur avoir propofé qu'un eflai bien peu 
difpendieux. 

Le premier but de l'Agriculture eft de retirer Le plus qu'il eft pof- 
fible , en dépenfant le moins poffible en argent & en travail. Les haies 
que je propofe , rempliflent cer objet dans toute fon étendue. 

IL eft bien démontré qu'un champ fermé par des murs , eft plus avan- 
tageux qu'un champ ouvert. L'entreprife des murs n'appartient qu’à des 
gens aifés , dont l’idée étroite de la poflefion exclufive, fait de leur 
parc une prifon: au contraire, la haie plus humble, moins égoïfte en 
apparence, & aulli sûre. que le mur, donne du bois à celui qui la 
taille & trompe agréablement la vue du propriétaire , en lui décou- 


Tome V, Part, IV. 1775. 


298 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE: 


tant bien au-delà de fes poffeflions. Il n'y a aucune proportion entre 
es capitaux pour la conftruction & l'entretien d'un mur, avec ceux 
qu'exigent la plantation & les foins d'une haie. Il y a autant de ter- 
rein perdu pour l'un comme pour l'autre; le parti Le plus économique 
qui produit le même, doit donc être préféré; il eft donc avantageux 
dE des haies, & même M. Duhamel, dans fon Traité de la cul- 
ture des terres, tom. 1, chap. 10, dit formellement , qu'une haie vive 
Jitucé entre deux terres labourées , qui n'aura qu'un pied d'épaiffeur par 
le bas, & 18 pieds de longueur, donnéra autant de bois qu'un taillis de 
même bois qui auroit 18 pieds en quarré. Voyez encore le Traité des 
Semis & Plantarions, p. 383, où il eft fait mention d’une expérience 
qui confirme cette aflertion. Or, fi de fimples haies ont un mérite 
reconnu , celles qui feront plantées en arbres fruitiers , réuniront tous 
les avantages qu’on peut defirer : enfin , elles feront utiles, agréables 
& économiques. 

Pour mettre de l’ordre dans les idées , commençons par donner les 
détails de l'opération; voyons enfuite fi elle eft conforme aux loix dela 
végétation ; fi des exemples connus , fournis par d’autres arbres & arbuf- 
tes, font en faveur de cette opération; enfin quelle eft la fomme des 
avantages qu'on peut en retirer. jte 

Plantez à cinq pieds l’un de l’autre, 8& mème à fix pieds, dans un bon 
terrein, des pommiers ou des poiriers, ou des pruniers ( je n'ai point 
fait d’effais ê d’autres arbres), mais ne mélangez pas les fruits , & 
qu'un côté de la haie foit d’une feule efpèce. Il eft clair que tout arbre 
rabougri dans la pépinière , foible , languifflant ou endommagé , doit 
être rejetté. Après l'avoir planté à la manière accoutumée, coupez fa 
tige à 18 pouces au-deflus de terre, fig. 1, pl 1; fur cette longueur de 
18 pouces , il s'y formera 4, 6 ou 8 bourgeons, qui s’ouvriront pour 
donner des feuilles & pour donner des branches. Lorfque les bour- 
geons auront pouffé, & lorfqu'ils feront aflurés , fupprimez ceux de la 
partie fupérieure AA ; à la fin de Juin os les inférieurs BB, 
qu'on n’a confervés que dans la crainte de quelque accident ; il ne 
reftera plus fur ce tronc que ceux CC. qui fe fortifieront pendant le 
refte de l'été & de l'automne , & ils formeront de bonnes branchés. A 
la fin de l'hiver fuivant, retranchez en D la partie fupérieure de l’ar- 
bre ; alors il n'aura plus que les deux branches provenues des bour+ 
geons CC. Si ces branches font foibles , coupez les extrémités , & ne 
laiflez de chaque côté qu'un bon œil ou bourgeon fur chacune ; fi aw 
contraire elles font fortes, proportionnées, bien nourries , laïffez deux 
bourgeons: il eft certain que dans cette feconde année ils donneront 
chacun une bonne branche, & votre arbre fe préfentera comme dans 
la figure 2. Je réponds que fuivant la qualité du verrein, ces bran- 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 299 


ches auront sûrement trois pieds &:demi ou quatre, pieds de lon- 
gueur, Voilà deux années écoulées & employées à préparer l'arbre pour 
difpofer fes branches en haie: c'eft à la croifième. que commence réelle- 
ment le: travail. 

Suivant le climat & la faifon, c'eft-à-dire, lorfque la sève commence 
à monter des racines aux bourgeons, prenez les branches AA de la 
figure 2 ; faites-leur perdre doucement & peu-à-peu leur poftion ver- 
ticale ou perpendiculaire , & le plus qu'il fera poilible, donnez-leur en 
une horifontale comme dans la figure 3. Réuniflez leurs extrémités; 
marquez avec un inftrument tranchant fur leur écorce , l'efpace qu’elles 
doivent occuper dans Le point de leur réunion ; enlevez avec cet inftrus 
ment fur chacune d'elles, & dans une égale proportion, un tiers de leur 
diamètre , du côté qui doit correfpondre au même côté de l’autre bran- 
che; faites que ces es entailles fe touchent exaétement & fe réuniflent 
dans tous leurs points lorfque vous les croiferez: alors prenez de la 
moufle , de la filafle, ou telle autre fubftance femblable ; enveloppez 
ces deux branches dans leur point commun, & avec un ofier, ferrez 
aflez fortement la moufle pour que cette moufle & cette ligature fabfiftene 
pendant le refte de l’année fans fe déranger : paflé ce tems, l’une & l’autre 
deviennent inutiles. 

Cette greffe par approche une fois exécutée , fichez un échalas en 
terre E, fig. 3; & fans FE ae aux deux branches leur direction 
prefque horifontale , aflujettiflez-les avec un nouvel ofier contre l’écha- 
las: il ne refte plus qu'à raccourcir les deux branches en FF, & à ne 
leur laïffer qu'un œil ou deux au-deffus du point de leur réunion, 
Leur force doit décider le nombre de ces bourgeons. Si la vigueur 
de l'arbre vous a permis de laifler deux branches de chaque côté, 
vous ajufterez les fupérieures comme les inférieures ; ce qui donnera 
des greffes naturelles & par approche. Tout autour de la réunion 
de ces greffes, il fe formera pendant l'été & pendant l'automne , 
des protubérances, des nodus; l'écorce de l’une s'identifiera avec celle 
de l’autre ; le liber, l'aubier , le bois, s’uniront avec tant d’intenfité, 
que l’année fuivante ces branches , tourmentées par les vents ou par 
toute autre chofe, fe rompront plutôt par-tout ailleurs que dans la 
greffe. 

IL faut obferver que fi on ferroit trop fort l’ofier contre les points 
de réunion, les branches venant à grofir pendant le cours de l’année, 
Fofier imprimeroit des fillons dans leur fubftance qui nuiroient jufqu'à 
an certain point à l’afcenfion de la sève, vers le bourgeon fupérieur 
pendant le jour, & à la defcente de cette même sève des branches 
aux racines pendant la nuit. Cependant, fi lon voyoit que la bran- 
che , provenue du bourgeon C de la troifième figure , füt encore em- 


Tome V, Part. IV. 1775. 


<e. 


300 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, . 


portée par la sève, qu'elle poufle trop vigoureufement aux ‘dépens 
des autres bourgeons antérieurs de la même branche, on pourra fer- 
rer la ligature : la sève fe portera alors moins rapidement vers l'extré- 
mité , & fortifiera les branches inférieures qui, dans la figure 3, ne 
font défignées que par les bourgerons GGG; ces branches infé- 
rieures doivent être ménagées avec foin. Si elles font trop multi- 
pliées, on en fupprimera quelques-unes, & on laiffera croître les 
autres jufqu'à ce quelles puiflent être mariées avec les branches voi- 
fines, comme il eft repréfenté dans la figure 4. On peut , pour plus 
grande füxreté, donner pour cette fois feulement , des tuteurs ou 
échalas à ces nouvelles & fecondes greffes, parce que dans la fuite & 
Taïbre & fes rameaux feront aflez forts pour fe foutenir par eux-mêmes. 
Il fuit naturellement de ce que nous venons de dire, que l’on doit 
faifi: toutes les occañons de réunir deux branches par approche, en 
les éloignant autant que l'on pourra de la direction perpendicu- 
laire; nous en détaillérons enfuite les motifs. Enfin le grand point 
& la perfection de ces haies , confifte à faire acquérir à toutes les 
branches la forme d'un lofange ; alors chaque portion du lofange 
fexa garnie de bois à fruit & de brindilles qui nfhctore du fruit 
Vannée fuivante. 

Examinons actucilement fi cette opération eft conforme aux loix de 
la végération. Les bornes de ce mémoire ne permettent pas d'établir 
ici la théorie des greffes ; ce feroit une répétition de ce qui a déja été 
dit, & nous renvoyons nos Lecteurs à la lecture de cet article dans 
l'excellent Ouvrage de. M. Duhamel, intitulé: Phy/fique des Arbres 
ainfi revenons à nos haies formées & entrelacées au moyen des greffes 
par approche. 

L'expérience a démontré que deux arbres du mème genre, ou du 
moins de genres à-peu-près analogues , plantés l’un près de l'autre, 
peuvent être greffés par approche. Il fufht de les écorcer tous deux 
dans la longueur nn me qui doivent être rapprochées , & de les 
affujettir enfuite par des liens jufqu'à ce que leur adhéfion & leur in- 
corporation foient entièrement établies. ( Voyez fig. $ ). 

Suppofons encore un gros arbre placé près d'un plus jeune ; fi on veut 
greffer celui-ci fur fon voifin, le gros arbre eft fcié dans l'endroit 
jugé convenable pour l'implantation , & quand on à creufé fur lai 
une cavité aflez profonde pour recevoir la moitié franche de la tige 
du jeune arbre (après avoir enlevé dans cette es l'écorce de celui- 
ci pour faire joindre bois contre bois), les deux arbres ne forment 
plus qu'un même individu: ( Voyez fig. 6). La Nature, fans cefle 
féconde dans fes moyens, préfente une nouvelle reflource pour les 
greffes par approche, toujours dans la fuppoñition de deux arbres 

voifins, 


L 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3or 


voifins. Coupez celui qui vous plaira à la hauteur où doit s'exé- 
cuter la réunion; taillez cet arbre en forme de coin, ou en bec-de- 
flûte : infinuez cette partie amincie dans l'entaille que vous aurez faite 
à l’autre; liez convenablement, & la reprife eft affurée. ( Woyez fig. 7.) 
Ces opérations fimples & nnnibleés fi elles font bien faites, 
prouvent jufqu'a quel point on peut identifier deux arbres, pour 
de ne den qu'un feul & même individu, indépendant du pied 

e l'un ou de l’autre. Ce fait eft fi authentiquement conftaté, que fi 
après un an ou deux, vous retranchez en A un des deux pieds 
es figures $, 6 & 7, le pied reftant fuffira pour la végétation 
de l'arbre , & il ne s’appercevra pas de cette féparation dans les années 
fuivantes. 

Que conclure de ces expériences mille fois répétées. & connues des 
plus minces Jardiniers ? finon, que puifque la nature eft fi active dans 
la réunion des arbres, dont les pieds font différens & éloignés , elle 
le fera bien davantage par la reprife des greffes par approche, qui 
s'exécutent fur le même pied. Ici, tous les vaiffeaux font analogues ; 
une partie de la branche , & c’eft la plus forte, n'eft point alrérée; 
les tubes capillaires ont le même jeu , la même action ; la sève monte 
& defcend avec la même force ; bien plus, la greffe de ces bran- 
ches eft faite dans le moment le plus favorable , & tout concout à 
leur réuflite. Voilà, je penfe, une démonftration complette : mais 
pourfuivons. 

Un cep de vigne a porté à la fois quatre fortes de raifins diffé- 
rens (1), parce qu'on avoit réuni quatre farmens pelés du côté qu'ils 
devoient fe joindre, & parce que dans la fuite ils n'ont plus fait 
qu'un feul & même cep. On voit tous les jours dans les forêts, des 
arbres s'identifier naturellement lun dans l'autre. Dans plufeurs en- 
droits, la coutume eft établie d’entre-tailler les haies d'aube-pin de 
la manière que je viens de décrire pour les pommiers , poiriers, pru- 
niers, &c. En Allemagne, on difpofe ainfi les haies de charmilles & 
les allées de verdure des jardins ; j'ai vu, près de Valence en Dau- 
phiné, des efpèces de portiques formés par des ofiers, & pratiqués 
fur les bords d’un ruiffeau: leurs fommités cintrées éroient réunies par 
des entailles. Si on cherche à appuyer cette pratique par le rémoi- 
gnage des Auteurs, en voici un bien remarquable. Evelin ( Foref 
Trée, page 114), en parlant des haies d'Ecofle, formées avec l'aube- 


(x) Journal Economique, 1761, pag. 205. Il eft ficheux que cer Ouvrage pé- 
riodique ait été fupprimé. Très-bien fait pendant un tems, il offroit d’excellens 
Mémoires & des Obfervations intéreffantes ; enfin c’eft un bon Recueil, où plufeurs 
perfonges puifent aujourd'hui fans en prévenir. 


Tome V, Part. IV. 1775. Q q 


302 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


pin, & greffées par approche, dit qu’elles font fi fourrées, fi ferrées, 
qu'elles renferment des lapins aufli fürement que des enceintes de 
planches. Or, fi des farmens, fi le charme, l’aube-pin, l’ofier , le 
frêne , & tant d’autres arbres que je pourrois citer, font fufceptibles 
de recevoir la greffe par approche , à plus forte raifon le pommier , 
le poirier, &c:, qui fe prétent facilement à toutes fortes de greffes. 
De la théorie, paflons à des obfervations de pratique, d’où dépend la 
réufite de nos haies. 

Suppofons une longueur quelconque deftinée à une haie. 1°. Cet 
efpace ne fera rempli qu'avec des arbres d’une même efpèce, par 
exemple de calville, de rénerte, fi on veut des pommiers, ou de toute 
autre efpèce qu’on defirera. 2°. Tous ces arbres feront entièrement ou 
greffés {ur franc , ou fur coignaflier, ou fur paradis. Les arbres 
greflés fur paradis font foibles, donnent peu de bois & beaucoup de 
ruit; ceux fur coignaflier donnent plus de bois que les premiers ; ceux 
fur franc en donnent bien davantage, & font plus long-tems à char- 
ger à fruit. Ces trois fortes d'arbres ont des poufles inégales en force 
& en longueur: il réfultera donc de cette Éfférence d'activité , que 
les branches, par exemple, du franc, greffées fur paradis, pouflant 
avec trop de force , abforberont peu-à-peu la fubftance de celles de 
paradis, & par conféquent les ruineront & les détruiront dans peu. 
Ce que je dis du franc & du paradis, doit s'appliquer également au 
coignaflier ; ce que je dis du genre du pied de l'arbre, doit s'entendre égale- 
ment de l'efpèce du fruit: prenons un exemple; le poirier rouflelet, le 
poirier beurré blanc ou doyenné, donnent peu de bois; la vilgouleufe 
au contraire en fournit davantage : ainfi dans une haie formée avec ces, 
arbres , le dernier viendra à bout de ruiner les premiers : il y a plus; 
un même pied d’arbre greffé de plufieurs fruits différens , par exem- 
ple, le citronnier fur l'oranger , les branches vigoureufes du citron- 
nier occuperont bientôt les trois quarts de la tête de l'arbre, & ombra- 
geront celles du tardif oranger, qui feront reléouées dans un petit 
coin. Que doit-on donc attendre de deux pieds différents, dont la 
végétation de l’un fera comme 10, tandis que celle de l'autre fera 
comme 4 ou ÿ? celui-ci fuivra la loi du plus fort qui l'emporte tou- 
jours fur le plus foible. Je confeille donc , & l'expérience m'a prouvé, 
qu'on ne doit planter que des arbres greffés fur franc , & de la même 
efpèce; c'eft au propriétaire à choifir celle qu'il aimera le mieux, & 
fur-tout à préférer les fruits d'hiver , qui fe vendent toujours plus 
chèrement que les fruits d’été. Il eft encore très-à-propos d’obferver 
que la greffe par approche, & multipliée comme je l'indique, met 
beaucoup plutôt à Bic les arbres fur franc , que par toute autre mé- 


thode, & que ces arbres fubliftent beaucoup plus long-tems que les 
autres, 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 303 


Ces haies font peu difpendieufes ; des femmes & des enfans peu- 
vent donner les Éins qu'elles exigent : c'eft plutot un ouvrage de 
patience que pénible. Le travail pour une haie d’aubépine, eft auf 
confidérable pendant les premières années , que pour celles à fruir, 
c'eft-à-dire, que Le pied É l'une & de l’autre doit être labouré, & 
ce feroit encore mieux, fi on lui donnoit une façon à La bèche fur 
quarante à cinquante pouces de largeur de chaque côté. Toute haie 
qui fe trouvera dans un terrein travaillé habituellement, n'exige pas 
ce labour. Une haie en buiflon donne du bois à brüler lors de la tonte 
ou de la recoupe ; celle à fruit en donne pareillement & en au 
grande quantité , fans compter qu’on AS à la fin de l’automne , en 
raflembler les feuilles pour Les litières des beftiaux. Une haie en buiffon 
ne produit aucun fruit, & celle que je propofe , outre l'avantage de 
clore exactement, affure une récolte abondante. Tant qu'un arbre à 
fruit s’emporte , il ne donne que du bois & en quantité, & un arbre 
fe charge en bois, parce que les canaux de La sève font droits: mais 
recourbez ce bois, donnez-lui une direction horifontale, il ne sem- 
porse plus , & la partie de la sève qu'il confommoit inutilement en 

ois , il la confommera en fruit. Je renvoie à l'expérience , afin de 
ne pas faire ici une. nouvelle differtation Eu prouver ce que je dis. 
Le fruit paroït rarement fur le bois de l’année précédente; ce bois 
eft en vigueur à la feconde, & dans mes haies, tout eft vieux & 
bon bois, & chaque lofange fera chargé de boutons à fruits pour 
l'année préfente, & de brindilles ou petites branches à fruits, pour 
l'année Fous Au fommet de ces haies, vous aurez de jeunes 
poufles que vous êtes le maître d’abattre pour baifler votre haie : 
mais elles ne s'emporteront pas, parce qu'elles ne partiront plus d'un 
pied-droit. 

Chacun connoît le bon effet de la greffe d’un fauvageon fur un fauva- 
geon , & combien, par cette opération, elle modifie les fucs, les fé 
pare, les digère, les atténue & les perfeétionne. Dans les haies frui- 
tières, tout s'y exécute de même; le fruit y acquiert une délicatefle 
extrème; il y eft moins gros , ileft vrai, que fur les arbres ordinai- 
res, parce que fouvent il y a prefque autant de fruits que de feuilles. 
Mais il ne s'agit pas ici de ces fruits recherchés par leur groffeur pour 
la table des Seigneurs; il s’agit de la quantité qui fair récolte, & qui 
l'emporte toujours pour la valeur numérique fur quelques beaux fruits 
qui ne peuvent être vendus chèrement que dans de grandes Villes. 
Il y a plus; de femblables haies plantées en pommiers fauvages, don- 
nent des fruits qui perdent peu-à peu l’âpreté déteftable qui les carac- 
térife. Je ne dis pas pour cela que ces fruits acquièrent la délicatefle 
des pommes de rénettes; je dis feulement que dans le befoin, on pour- 


Tome PV, Part. IP, 1775. Qq2 


304 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 

roit les manger fans répugnance. Or, fi l'effer de la greffe réitérée eft 
fi frappant fur le fruit du pommier fauvage, quelle fineffe, quelle 
bonté ne doit pas acquérir le fruit d’un arbre greflé dix ou vingt fois fur 
lui-même , lorfque la première grefle aura été choifie fur une bonne 
efpèce ! =: 

On objectera peut-être que ces bons fruits , ainfi expofés aux regards 
publics , attireront les voleurs, les paffans ; eh bien , plantez des pom- 
miers à cidre. Les vignes aux portes de Paris, font-elles fermées par 
des murs, par des haies? IL eft mème défendu d’en élever, d'en planter 
dans toute l'étendue des Capitaineries: cependant, on y fait du vin; le 
paffant refpecte le raifin, & le voleur ne nr pas le fruit des pruniers 
qui font en plein champ. Suppofons même que quelques pommes fuffent 
enlevées, il en reftera toujours aflez, & ce paffant avide ne pourra 
toucher aux fruits qui ne feront pas fous fa main, ou qui feront en de- 
dans de la haie. L'idée de jouiffance exclufive nous fera bientôt envier 
aux oifeaux, jufqu'aux baies de fureau & d’aube-pin que ces arbres pro- 
duifent dans nos re 

Pendant les trois ou quatre premières années , ces haies feront tail- 
lées avec la ferpetre, & lorfque toute la mafle aura acquis une certaine 
confiftance, le volant employé pour la tonte des charmilles , fuppléera 
la ferpette , & diminuera confidérablement l'ouvrage. C’eft à celui qui 
maniera cet inftrument , à donner l’épaifleur néceffaire à la haie. Le 
fruit ne poule ordinairement que fur les branches extérieures; s'il en 
furvient de l'intérieur , il ne-profpère pas: trop d’épaifleur dans une 
haie eft donc inutile. 

Heureux celui qui peut fe livrer tout entier aux travaux de la campa- 
gne ! j'envie fon bonheur , je l'ai goûté, & j'en fens bien mieux le prix 
depuis He je ne fuis plus à portée d’en jouir. J'ignore fi les détails 
dans lefquels je viens d'entrer , ont déja été préfentés. Si quelqu'un 
réclame la primauté, je la lui cède avec plaifir, & je lui aurai 
une obligation réelle s'il a la bonté de me communiquer fes expé- 
riences, 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 30$ 


ONEVSNE RAA TI ON 


Sur la Chaleur caufée par le frottement; 


Par M D'ARRACQ. 


J. tenois d’une main, près du feu, un papier affez éloigné pour 
que la chaleur fût Abris à & avec un doigt de l’autre 
main , je frottois légèrement le papier comme fi j'eufle voulu fim- 
plement le chatouiller: au bout de deux fecondes environ, j'ai fenti 
au doigt chatouillant une chaleur fi vive, que j'ai éré forcé de cef- 
fer le frottement. En frottant plus fort, la due fe fait fentir bien 
plutôt. 


NE iles 
Du Père BERTHIER, de l'Oratoire, à l’Auteur de ce Recueil. 


12 Mars 1775. 
M ONSIEUR, jappris avec plaifir, par M. Rome, vos difpofi- 


tions fur ma réponfe , & la voie qu’elles m'ouvroient pour la rendre publi- 
que fans vous offenfer ; je la lui aurois remife fur le champ, fi j'en avois 
été le maître dans le moinent. Je la demandai hier à celui à qui je l'avois 
remife, em lui repréfentant les raifons pour lefquelles elle feroit mieux 
dans votre Journal que dans tout autre. MM. Meñier & Mégalhaens, 
par ce qu'ils me dirent d’après vous, ne firent que me confirmer dans 
ma penfée. La voilà, Monfieur; coupez, tranchez , taillez, Otez tout 
ce qui pourroit vous choquer. Plus mon procédé fera honnête (1 5 

Jus il me fera d'honneur. 

Je fuis, &c. 


r 


(1) Un procédé honnête ne peut être compenfé que par un autre procédé hon- 
nête; aufli nous n’ajouterons ni ne retrancherons pas un feul mot du Mémoire 
annoncé par cette Lettre. Pour mieux fentir la force des raifonnemens du Père 
Berthier , nous invitons les Lecteurs à relire nos Obfervations fur ce fujet, page 
456 du Cakier de Décembre 1774. 


Tome V, Part, IV. 1775. 


306 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 
a 
JL UXGUE ME INLT 


Des PHYSICIENS IMPARTIAUX ET SANS PASSION, 


Sur dix-fept Expériences faives durant deux ans @ demi par divers 
Phyficiens dans des lieux différemment élevés , avec différens poids diffe- 
remment eleves l'un fur l'autre , qui prouvent un excès de pefanteur 
des corps fupérieurs fur les inférieurs... Caufes qui font varier , ou même 
manquer tout-à-fait la quantité d’excès du poids fupérieur. 


I. L ES premières expériences ont été faites avec des poids d’abord de 
quinze, enfuite de vingt, de trente, trente-cinq, &c. jufqu'à cinquante 
livres, à Paris, à la voute de l'Oratoire , haute d'environ foixante-quatorze 
pieds. Nous répérons en deux mots la manière de procéder en faveur 
de ceux qui ne font pas au fait. On a mis en équilibre dans les plats 
d'une balance, d'un côté un poids d’abord de quinze, enfuite de vingt, 
de trente , &c. enfin de cinquante livres, & de l’autre un pareil poids, 
y compris une corde qui étoit attachée fous fon plat, & pendoit juf- 
que près de la terre: les deux plats étant en équilibre, on a defcendu 
le poids attaché à la corde; alors, le poids refté en haut a fait pancher 
la balance, & il a fallu , dans l'expérience avec cinquante livres, deux 
onces trois gros pour établir l'équilibre entre les deux plats. On a répondu 
à ceux qui ont attribué cet excès de pefanteur du poids fupérieur fur 
l'inférieur, à l'excès de denfité de l'air inférieur; 1°. Que cet excès, 

uand même il feroit certain , ne pouvoit alléger le poids inférieur de 
de onces trois gros ; 2°. Que M. du Luc ayant monté un baromètre 
fur une haute montagne , a trouvé que le mercure defcendoit d’une 
ligne à toutes Les treize toifes en haut comme en bas, ce qui prouve 
que l'air eft également denfe à toutes les hauteurs , & qui doit venir de 
ce que l'air de notre atmofphère étant d'autant plus chaud qu'il eft plus 
bas, l'excès de chaleur de l'air inférieur empêche la compreflion & 
l'excès de denfité que l'excès de charge s'efforce de lui donner. 

Cette expérience ayant été aflez répétée , on crut devoir la donner au 
public , le priant de la vérifier, étant très-facile à faire, en peu de 
tems, entout tems & en tout lieu. Le Père Cotre de l'Oratoire, Cor- 
refpondant de l'Académie, l'ayant répétée avec quelque différence dans 
le procédé, à Montmorency , plus haut de foixante toifes que Paris, 
avec des poids différens de ceux de Paris, & différemment élevés l'un 
fur l'autre, en préfence de plufeurs Phyficiens de l'Oratoire, trouva un 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 307 


excès dans le poids fupérieur différent pour la quantité de celui de Paris, 
dont il'avoit été témoin lui-même. 

M. David, de Rouen, connu par bien des Ouvrages de Phyfique 
& de Médecine, répéta enfuite cette is par diverfes fois avec 
différens poids , & trouva aufli un excès dans Le poids fupérieur toujours 
différent , pour la quantité des répétitions précédentes, & entre elles- 
mêmes. 

M. Tillet , de l'Académie Royale des Sciences, Commiflaire du Roi 
pour les effais & affinages de France, & qui doit s'entendre mieux 
que tout autre en poids & balances , ayant fait la même expérience 
avec des balances fines , de petits poids & une petite élévation du 
poids fupérieur fur l’inférieur , trouva un petit excès du poids fupé- 
rieur, & en avertit le Père Berthier, qui fit la même expérience avec le 
même réfultat. 

M. l'Abbé Rozier, Auteur du Journal très-eftimable de Phyfque , 
a fait depuis peu une répétition de cette expérience , qui eft la feizième des 
précédentes, & a trouvé, comme les autres, dans Le poids fupérieur un 
excès différent feulement pour la quantité. 

Nous croyons devoir conclure de tant de répétitions de cette expérience 
faites par tant de perfonnes pendant deux ans & demi,que celle d’un habile 
Profefleur de Caen ( M. Adam ) où il n'y a point eu d'excès dans le poids 
fupérieur , a manqué par quelqu'une des caufes que nous donnerons dans 
le fecond article de ce Mémoire. 

Cette répétition tout-à-fait contraire aux feize précédentes , & à celle 
de M. l'Abbé Rozier , devroit rendre fufpecte à ce Journalifte , une 
dix-feptième qu'il a faite en fufpendant fes poids, non à une corde 
comme les précédentes , mais à un fil de fer, & dans laquelle il a 
trouvé l'excès de pefanteur dans le poids inférieur; pour nous, un 
long ufage nous avertit de la fufpecter: il nous eft arrivé de pareil 
les erreurs dans les différentes répétitions , dont nous avons Res 
vert les caufes que nous donnerons ci-après ; mais voici de plus , une 
expérience que nous avons répétée plufeurs fois, qui nous autorife à 
penfer ainfi. 

Comme M. Tillet, de l’Académie des Sciences, Commiffaire du 
Roi pour les effais & affinages du Royaume , fi connu par fa fagacité 
dans des expériences pareilles & dans d’autres plus utiles, nous ayant 
appris qu'on s'appercevoit d'un petit excès de pefanteur dans le poids 
fupérieur , même dans une chambre , fans Eu à Montmorency , 
nous avons tenté cette expérience avec un fil de fer dans une chambre, 
& nous avons trouvé encore un petit excès dans Le poids fupérieur : 
mais comme cet excès du poids fupérieur avec les petits poids, & les 
petites balances eft petit, nous croyons devoir attendre au beau tems pour 


Tome V, Part, 1F. 1775. 


308 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


grimper à Montmorency, & faire l'expérience en grand. Nous avons tout 
lieu de douter que le fil de fer fubftitué à la corde, fafle un effet contraire 
à la corde; mais fi cela eft, nous proteftons d'avance au public que nous 
ne le lui céletons pas. Nous mettons notre gloire à chercher à connoître 
& faire connoître la vérité, & non nos idées. 


La raifon vient à l'appui de l'expérience. 


Tous les rayons de [2 terre pèfent fur leurs rayons antipodes ( fans 
quoi, ils ne feroient pas une malle folide) ; & tous Les corps qui compofent 
chaque rayon, pèfent les uns fur les autres: or, Re les corps fontélevés , 
plus ils ont de force tangentielle & centrifuge; donc plus ils doivent avoir 
de force centripète où de gravitation, fans quoi ils ne tomberoient pas 
les uns fur les autres dans le même rayon , mais Les plus élevés s'écarte- 
roient du rayon & du centre de la terre; donc, dans cette expérience ; le 
poids qui étant au niveau de l'autre, pèfe autant que lui, doit pefer moins 
que lui quand il eft plus bas. 


IL. Caufes qui font varier ou même manquer l'excès du poids fupérieur 
dans cette expérience. 


1°. Nous avons remarqué dans les nombreufes répétitions que nous 
avons faites de cette expérience pendant deux ans & demi , que lorfque 
le poids inférieur fe balançoit , fes ofcillations augmentoient fa pefanteur 
par leurs fecouffes; cette caufe pourroit bien avoir donné l'excès du poids 
inférieur dans l'expérience de M. l'Abbé Rozier (1), faite avec le fil de 
fer, & contraire à fon expérience faite avec la corde, & aux feize autres 
faites aufli avec la corde par tant d’autres Phyficiens. Cette même caufe 
peut encore avoir fait manquer l'expérience de M. Adam, faite à Caen, 
avec une corde. 

2°. Nous avons remarqué aufli que plus le lieu de l'expérience étoit 
élevé, plus lexcès du fupérieur étoit grand; c'eft ce que nous avons 
obfervé fur -tout dans cette expérience répétée à Montmorency. La raifon 
vient encoge ici à l’appui de l'expérience ; plus le lieu de l'expérience eft 
élevé, plus la force centrifuge eft grande; plus la force cencripète ou 
gravitation doit l'être aufli , fans quoi le poids fupérieur ne tomberoit pas 
à-plomb dans le même rayon fur l'inférieur: plus par conféquent dans 
J'efpace où fe fait l'expérience , le poids fupérieur doit avoir d'excès de 


(x) Avec le fil de fer il n’y a point de balancemens, mais beaucoup avec la 
corde qui fe tord & fe détord fur elle-même. 


pefanteur 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 309 


efanteur fur fon inférieur; il doit en avoir plus à Montmorency qu'à 
Paris , qu'à Rouen & à Caen. à 
3°. Plus les poids font grands, plus, toute précaution gardée, l'ex 
cès du fupérieur fur l'inférieur eft grand : nous difons toute précau- 
tion gardée, car d'un autre côté, plus les poids font grands, plus le 
frottement de l'axe de la balance eft rude 8e diminue l'effort que fair Le 
poids fupérieur pour faire pancher la balance de fon côté; c'eft cè qui 
pourroit avoir fair, dans la feconde expérience de M. David à Rouen, 
que les poids , quoique plus gros que dans la première , ont donné 
un moindre excès du fupérieur que dans la feconde. L'expérience de 
Londres n'a donné aucun excès pour avoir été faite avec de trop 
petits poids. 
Voilà quelques-unes des caufes qui ont fait. varier où même man- 
quer tout-à-fait la quantité d’excès du poids füupérieur dans quélqués- 
unes des répétitions que nous avons faites &e-notre expérience, & que 
nous avons corrigées dans les autres par un long ufage. Ces mêmes 
caufes , & d’autres que nous aurions pu voir, fi nous avions été pré 
fens, ont fait varier fans doutecet excès dans les expériences’ des au- 
tres Phyficiens;:& l'ont fait manquer tout X-fait dans celle de M. Adam: 
avec une corde, & dans: celle de M. l'Abbé Rozier avec un fil de 
fer. Nous n’en refterons pas à, & d’autres répétitions mettront la chofo 
dans un plus grand degré de certitude. 


Conféquence de cette expérience. 


Cette expérience ; & la raifon fur laquelle nous venons de voir qu'elle 

eft appuyée , eft contraire à l'attraction; mais à l'attraction ; non pas de 
Newton, & des grands Mathématiciens, MM. d’Alembert, Euller & 
tant d'autres , laquelle eft hypothétique ( Voy. Prin. Math. Liv. r1, 
Défi. 8, & Sect. XI du même liv. & Schol de la Pro. 49 , même Sect. ): 
mais elle eft contraire à l'attraction phyfique, foit dépendante d’une 
loi d'un premier moteur, comme l’admettent plufieurs fages Phyfciens, 
foit indépendante d'un premier moteur, comme l'a foutenu l’Auteur 
du fyftème prétendu dela nature, qui conclut de-là qu'il ny a point 
de Dieu. 
: La [lune au contraire des’ corps terreftres , gravite d'autant plus fur 
la terre qu'elle en eft plus près, & elle ne tombe pas fur la terre com- 
me ces corps. Or, ces deux grandes différences Le la gravitation ne’ 
peuvent venir de l'attraction, comme tout le monde en convient, & 
s'expliquent fort. bien par un éther; caufe de la pefanteur. 

1°. Ce fluide emportant la lune autour de notre planète, tourne de 
lus en-plus: vite dela circonférence au centré, comme tous les'tour- 
Éillons que nous. avons fous! les veux. Sas 


Tome F, Part. IF. 1775. Rr 


310 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


2°. IL pouffe donc la lune & les corps terreftres plus vite dans leur 
moitié inférieure, que dans la fupérieure ; & comme ces corps®ne 
peuvent pas prendre en même tems ces deux vitefles, & qu'ils en pren- 
nent néceflairement une feule moyenne, moindre conféquemment que 
celle de l’écher qui poufle leur moitié inférieure, ce fluide les dépañle, 
& par l'endroit où il trouve le moins de réfiftance, favoir par-deflus 
leur moitié fupérieure où le fluide eft moins vite & moins réfiftant. 

3°. L’éther ne peut dépafler , foit la lune, foit les corps terreftres, 
fans poufler en haut l’écher , dans le canal duquel il entre, & en bas 
ces corps, ou autrement fans les faire graviter. 

4°. Cette impulfion de l'éther ou gravitation, ne fait pas tomber la 
lune fur la terre, & fait tomber les corps terreftres ; elle ne fait pas 
tomber la lune parce que l'étheï, augmentant en vitefle en raifon he 
ple inverf de fes diftances du centre de la terre, la force tangentielle 
& centrifuge de la planète augmente en même raifon que fa gravita- 
tion, & eît en équilibre avec elle; l'éther fait au contraire tomber les 
corps terreftres, parce que la vitefle du fluide eft un peu retardée, & 
de plus en plus retardée de la circonférence au centre de la terre, par 
la terre dans les pores de laquelle il coule, & qui tourne de moins en 
moins vite de fa circonférence à fon centre: de forte que l'équilibre 
entre la gravitation & la force centrifuge qui eft pour la lune, n'étant 
pas pour les corps terreftres, & la gravitation étant plus grande pour 
ceux-ci que la force centrifuge , ils tombent, & de plus en plus vite, 
& ils élue d'autant plus qu'ils font plus élevés. 

5°. L'éther, comme les tourbillons d’eau & de vent que nous avons 
fous les yeux, va de plus en plus vite de la circonférence au centre , 
tant aux pôles qu'à l'équateur; il fait donc graviter & tomber au centre 
les corps terreftres , foit aux pôles , foit à l'équateur. ï 

6°. La raifon pour laquelle quelques Phyficiens modernes rejettent 
ce fluide éthérien tourbillonnant, faifant tomber les corps terreftres , 
rempliffant les efpaces céleftes, & emportant les planètes , cette raifon , 
favoir que les vicefles de ce fluide feroient en même tems en raifon in- 
verfe des racines des diftances du centre, & en raifon fimple inverfe 
de ces diftances , cette raifon part d'une fup ofition faufle , qui eft, 
que les planètes ont & marquent la jufte vicefle du fluide dans lequel 
elles font , ce qui eft démontré faux dans les Principes Phyfiques dé- 
diés à l'Académie, liv. 1, pag. 120. 


1 CONCLUS ON 


Après ce qu'on vient de dire , les gens de bon fens ne pourront 
s'empêcher de rise en Jifant les peits triomphes de M. l'Abbé Rozier, 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 311 


dans fon Journal , pag. 456; ces triomphes leur rappellent ce mot des 
anciens fur un homme qui avoit plus fujet de triompher que celui-ci , 
ÆAnnibalem juveniliter exultantem repreffit. Comme la plupart de ces 
triomphes n'intéreflent point les fciences , il eft étonnant qu'un Jour- 
nalifte ait aflez peu refpecté le tems du Public pour en remplir en 
partie fon Journal. Le Père Berthier, trop modefte, a cru les devoir 
pafler fous filence : nous ne ferons pas fi modeftes; nous allons y ré- 
pondre, mais en deux mots. 

Le premier triomphe eft fur une converfation particulière que le 
Journalifte a eue avec le Père Berthier, & fur un mot d’un Mémoire 
de ce Père, imprimé dans le Journal des Beaux-Arts. Ce mot eft : 
On vient de m'avertir qu'on avoit lu dans le Journal de Phyfique. Ce 
mot a piqué jufqu'au vif le Journalifte. Ce mot, dit il, ef? un air de 
mépris ; il étoit fi aifé (au Père Berthier) de fe procurer ce Journal $ 
nous pouvons dire avec aflurance qu'il ef} entre les mains de tous ceux 
qui s occupent de Phyfique . . . . @ que fi quelque chofe peut adoucir 
la peine qu'il donne à rédiger , c’ef? l'accueil qu’il regoit des perfonnes en 
état de le juger. 

Réponfe. Nous blâmons Le Père Berthier de ce mot, On vient de 
m'avertir qu'on avoit lu, & nous fommes aflurés que s’il avoit fu offen- 
fer fi fort le Journalifte, il l’eût fupprimé ; mais aufli, qui ane 
deviner cela? santæne animis cæleflibus iræ ! Vient enfuite un long dé- 
tail d’une converfation dans laquelle le Journalifte fe plaint que ce 
Père, en grande colère, le menace de lettre de cachet G d'ordres fupé- 
rieurs. Comme cela n'intérefle point du tout les fciences ni le Public, 
nous le paflons fous filence , comme auroit dû faire fagement le Jour- 
nalifte; nous pouvons feulement dire qu'on aura bien de La peine à 
croire qu'un petit Père de l'Oratoire, le pauvre Père Berthier, ait pu me- 
nacer de lettre de cachet un homme É conféquence , un Journalifte 
de Phyfique : mais venons aux triomphes fcientifiques qui peuvent in- 
térefler le Public. 

Le deuxième triomphe eft fur l'expérience de Londres , qu'il oppofe 
au Père Berthier : mais cette expérience eft contraire au triomphateurz 
elle ne donne aucun excès au poids fupérieur fur l'inférieur , & le 
Journalifte a fait deux expériences, dont l’une donne l'excès au poids 
fupérieur , l'autre à l'inférieur. Il faut donc bien aimer le triomphe pour 
en trouver matière ici. Pour nous, qui ne SR Ne tant le triom- 
phe , nous répétons feulement: ce que nous avons dit, que cette ex- 
périence- a été faite avec de trop petits poids, pour donner un excès 
inconteftablement fenfible dans le fupérieur. 

Troifième triomphe. L'expérience du fieur Coultaud , dans les Alpes 
de Savoie, eft une impofture dévoilée par le fieur Lefage de Genève, 


Tome V, Part. IF, 1775. Rrz 


312 OBSE RVATIONS. SUR LA PHYSIQUE, 

Réponfe I. À quoi vient l'expérience des pendules dans les Afpes à 
Il s'agit ici de l'excès du poids fupérieur fur l’inférieur dans les balan- 
ces à Paris, aux Invalides, à Montmorency ,à Rouen, Nous dirons 
donc feulement en deux mots , que M. Lefage de Genève, qui ne croit 
pas aux revenans, a traité d'impolteur Le fieur Coulraud , fi-tôt qu'il l'a 
fu dans l'autre monde; mais nous, François, qui avons fous les yeux 
mille revenans, ne fommes pas fi incrédules. Si le fieur Coultaud n’eft 
pas revenu en Rire , ila du moins envoyé quelque fubftitut pour 
convaincre de faux fon accufateur. Nous en connoiïflons un qui, ayant 
écrit à Samoens à un homme inftruit, a reçu réponfe, que le ficur 
Coultaud avoit été en effer à Samoens, & qu'il avoit eu dans ce pays 
une petite maifon fur la montagne; toutes chofes que M. Lefage nie dans 
fon Mémoire, où il accufe d'impofture le fieur Coultaud. 

Reéponfe IT. Mais foit que Le fieur Coultaud foit un impofteur, com- 
ment le fieur Lefage , qui eft fur les lieux, ne donne-t-il pas la feule 
preuve inconteftable de cette impofture , en faifant l'expérience ? Seroit- 
ce qu'il craindroit de trouver la preuve du contraire ? M. David, 
dans un excellent Mémoire que le Journalifte a bien voulu admet- 
tre au commencement. de ce même Journal, le foupçonne ainfi. 
Pour nous qui ne craignons pas cette preuve, nous avons écrit à M. 
J'Ambaffadeur de France, à Turin, d'engager l'Académie de cette Ville 
à faire vérifier cette expérience , & nous proteftons bien au Public de 
lui rendre compte de la vérification, foit qu'elle foit pour ou contre nous. 

Quatrième triomphe. M. l'Abbé Rozier s'écrie k un ton pathétique, 
& prefque en pleurant: Newton ;-le grand Newton , fe feroit-il imaginé 
que le Père Berthier, plus de quarante ans après fa mort, le traireroit 
d'Epicurien & de Déïfle, pour avoir admis l’attrattion # On voit bien 
là que FAuteur, qui fait bien des chofes, comme celle entrautres de la 
médecine des chevaux (1), n'eft pas bien au fait de celle-ci. Non, 
le Père Berthier (nous avons un peu lu fes Ouvrages) n’a jamais 
traité Newton d'Epicurien & de Déifte; ce font là deux chofes con- 
tradictoires. L'Epicurien ne veut point de Dieu , & le Déifte en admet 
un. Le Père Berthier n'accufe pas non plus Newton d’être Athée (ce 
que vouloit dire le Journalifte ), ce Père fait trop bien que ce grand 
homme croyoit en Dieu. Ce que le Père Berthier dit, c’eft que le fa- 
vant & fage Newton avertit en vingt endroits , entrautres dans les trois 
que nous venons de citer, qu'il n'admet l'attraction que comme une 
hypothèfe , & en Mathématicien ; mais que s'il parloit en Phyfcien, 
il diroit peut-être impulfon plutôt qu'attraction, & dans un écher plu- 


(1) Nore de l'Édireur. Ne pourroit-on pas appeller épizootie, la fureur que bien 
des gens ont dé railonner fur ce qu'ils n’ont jamais entendu? 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 313 


tôt que dans un vuide. Il eft vrai que certe hypothèfe , qui eft très- 
conforme aux phénomènes pour le ciel, doit être changée pour la 
terre. 

Le Père Berthier n'accufe pas non plus d'être Epicuriens & Athées 
ceux des Difciples de ce grand homme, qui, Le Aie loin que leur 
fage Maitre , admettent l'attraction phyfique dépendante d’une loi du 
premier moteur , lequel ordonneroit que les corps fe müflent par attrac- 
tion aufli-bien que par impulfion: il dit feulement qu'il faut juger de 
l'inconnu par le connu , & 1°. que tous les mouvemens connus fe font 
par impulfion ; & 2°. ie y a néceflité dans le tranfport des corps 
pouflés ou des corps pouflans ( puifque fans cela ily auroit pénétration), 
& qu'il ny a pas néceflité dans le tranfport des corps qui s'attirent, 
& qui font à cent millions de lieues l'un de l’autre. 4 

Enfin , le Père Berthier traite d’Epicuriens & d’Athées, & non de 
Déiftes , comme dit M. Rozier, ceux qui admettent l'attraction phy- 
fique indépendante d’une loi du premier moteur, comme le foutient 
l'Auteur du Syftême prétendu de la Nature; nous penfons de même 
que le Père Berthier, & fi M. l'Abbé Rozier excufe ces Attraction- 
naires, sil ne veut pas faire de cette attraction une affaire, comme il 
dit, de religion , il eft plus indulgent que nos Magiftrats , qui font 
brüler cette attraction par la main du Bourreau , & qui en envoient 
lAuteur aux Petites-Maïfons : mais nous aimons mieux croire que M. 
l'Abbé Rozier n’eft pas bien au fait de cette matière. 


LD MONO NT CLUUNS IMONN 
La feconde conclufon eft, que M. l'Abbé Rozier, lorfqu’il fera à 


Tâge du Père Berthier, fe gardera bien de chercher à faire rire le Pu- 
blic aux dépens des autres, en rifquant de le faire rire à fes propres 
dépens. 

Nous avons pañlé fous filence bien d’autres triomphes, parce qu'ils 
n'intéreflent guère le Public ; tel eft celui-ci qui vient d’un petit défaut 
de réflexion. Le Père Berthier, bien différemment dé nous, a fait fes 
expériences avec des balances fines, & l’on dit auparavant que ce Père 
a Êk une de ces expériences avec des poids de cent cinquante livres de 
chaque côté. 


A 


Tome V, Part. IF. 1775. 


314 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 
EE 


MÉMOIRE 


Dans lequel on indique les caufes qui peuvent changer acci- 
dentellement les effets apparens de la pefanteur des Corps 
a des hauteurs inépales , lu à l'Académie de Dijon. 


Ex 1662, 1664 & 1681, quelques Membres de la Société Royale 
de Londres cherchèrent à vérifier par l’expérience fi de deux poids 
mis en équilibre à une grande élévation, celui que l'on fufpendroit à 
peu de diftance de la furface de la terre, ne manifefteroit pas un exces 
de pefanteur; & les balances les plus exactes ne leur donnèrent aucun 
effec fenfble fur une hauteur de de cent quatre pieds. 

On ne s'étoit plus occupé de cet objet jufques dans ces derniers 
tems , que quelques perfonnes ont cru pouvoir faire fervir cet appareil 
à étayer les doutes qu'elles s'efforcent de répandre fur le fait le plus 
certain, le plus conftamment démontré par tous les phénomènes des 
grands & des petits corps, depuis la marche des planètes jufqu'à la réu- 
nion régulière des atômes falins: mais les Phyficiens , qui ont entrepris 
de défsbufer ceux qui auroient pu adopter de bonne-foi ces faufles 
conféquences , ayant eux-mêmes annoncé des réfultats, en apparence, 
contradictoires , il devenoitimportant de conftater ces nouveaux effets, 
d’obferver exactement, dans ces phénomènes, toutes les forces confpi- 
tantes , parce que c’étoit ajouter à nos connoiflances que d'en dérermi- 
ner précifément les caufes méchaniques ou phyfiques. 

D'après ces vues, & fur ce qu'il fut dit par M. de Morveau dans 
laflemblée de l'Académie de Dijon, du $ Janvier 1775, à l'occafion 
des expériences de M. l'Abbé Rozier , inférées dans fon Journal de Phy- 
fique du mois de Déçembre , cette Compagnie invita Meflieurs de 
Morveau, Dumorey , Maret, Gauthey & Durande, à fe réunir pour tra- 
vailler fur ce fujet; & ils ont fait rapport de leurs Obfervations dans 
les féances des 12 & 19 du même mois par la leéture du Mémoire 
fuivant. ” 

Pour parvenir à découvrir fürement les caufes qui peuvent faire 
varier accidentellement les effets apparens de la pefanteur des corps 
à des hauteurs inégales , nous avons fenti la nécellité de répéter & de 
varier les opérations avec toutes les précautions qui pouvoient garantir 
la vérité des réfultats ; mais pour en tirer plus d'avantage , nous avons 
cherché à prévoir toutes les circonftances qui pouvoient y inAuer pour 


Ed 
ds 
a 
à 


| 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 31$ 


quelque chofe, afin d’être avertis à rems d'y porter notre attention, 
& de préparer d'avance les moyens les moins équivoques d’eftimer leur 
puiffance. 

Nous avons donc confidéré, 1°. que les réfultats, directement oppo- 
fés dans les expériences de M. l'Abbé Rozier, lorfqu'il a employé 
un fil de fer ou une corde, pour fufpendre les poids, annoncçoient 
que la différence du volume RE un effet très - confidéra- 
ble, qu'il n'étoit pas poflible de méconnoître , quoiqu'il n’eût été 
Gbfervé qu'une feule fois, & qu'il pût yavoir quelque erreur dans les 
quantités. 

2°. Que la jufteffe de la balance, la manière de la gouverner, 
le mouvement prefque inévitable des poids inférieurs | & fur-tout 
les courants d'air qui pouvoient agiter la corde ou agir contre les 
plateaux, devoient influer fenfiblement fur ces fortes d'expériences. 

3°. Que la denfité de l'air étoit peut-être très-différente à une certaine 
hauteur & près de la furface de la terre , & que cette caufe à laquelle on ne 
paroifloit pas avoir fait aflez d’attention, pouvoit fuire à rendre raifon 
de toutes les variations accidentelles , parce que fi l'air inférieur eft plus 
denfe que l'air Fri il eft évident que le corps qui fera pefé dans le 
premier , perdra davantage de forr poids que lorfqu'il fera pefé dans le 
{econd. 

Cette confidération étoit ici d'autant plus importante, que quoi- 
qu'il foit certain que l'attraction agit plus puiffamment fur le corps 
inférieur , il pouvoit arriver que l'effet de cette caufe fut fort peu-fenfible 
en comparaifon de celui que produiroit la différente denfité de l'air. 

Pour juger jufqu'où pouvoit aller cette différence, il fuifoit de fe 
rappeller que fuivant Mufchembroeck , un lee cube d’air mefuré à la 
température de la glace, occupe un pied cube & demi, lorfqu'il eft à la 
température de l’eau bouillante; c'eft pour cela, fans doute, que les 
Phyfciens font fi peu d'accord fur la pefanteur fpécifique de ce flui- 
de: dans une table de vingt-fix eftimations qui eft imprimée dans 
la Collection Académique (1), il ne s'en trouve que deux qui fe rap- 
portent exactement, & l'on voit que la différence va de 400 juf- 
qu'à 1300. 

IL eft tout fimple que la pefanteur fpécifique de l'air varie fuivant 

w'il eft plus raréfié par {a chaleur, ou plus condenfé par le froid ; il 
dE ajouter à cette première caufe, la compreflion que les couches 
inférieures éprouvent néceflairement, & qui eft proportionnée à la 
hauteur de la colonne: mais ce n'eft pas tout encore; & il y a lieu 
de croire que l'on pourroit fe tromper, même confidérablement, fi 


(x) Part. Etrans. tome [, pag. 180. 


Tome V, Parts IP 1775. 


316 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


l'on ne faifoit ufage que du thermomètre & du baromètre pout dé+ 
terminer & comparer la denfité de ce fluide ; la raifon eft qu'il peut 
être accidentellement chargé de vapeurs qui en augmentent la mafle 
fans en changer la température , & fans que l'élévation du mercure 
dans le baromètre puifle indiquer aflez précifément l'excès de den- 
fité d'une couche fur l'autre: l'obfervation a déja confirmé ce fait;. 
puifque M. Homberg ayant pefé, en différens tems , un globe de 
verre de vingt pouces de diamètre, après en avoir tiré l'air , il recon- 
nut que ce vafe étoit devenu plus léger de deux onces + gros la pre- 
mière fois, & de deux onces trois gros la feconde, quoique la cha- 
leur de l'air environnant füt la même, & que le mercure fit fufpendu 
dans le baromètre prefque à la même hauteur, ce qu'il attribue aux 
vapeurs apportées par le vent d'oueft qui fouffloit Lors de la dernière 
expérience (1). 

C'eft donc le feul moyen de déterminer & de comparer sûrement 
la denfité de l'air à des hauteurs différentes; les hygromètres les plus 
parfaits n'y fuppléeroient même qu’imparfaitement , puifqu’ils n'indique- 
roient encore que les parties aqueufes , & que l'air peut être auñi 
chargé d’autres émanations : cependant , comme dans ce procédé on: 
eft obligé d'opérer fur des corps d’unvolume très-différent , il eft bon 
de faire attention que la qualité du fluide dans lequel on voudra com- 

arer le poids du ballon avec des poids de métal, fera encore un effec 
très-fenfible; qu'ainfi il faudra établir des manomètres ou baromètres 
ftatiques, (2) ie les endroits où l'on fe propofera de pefer l'air de 
cette manière ; où ce qui revient au même , qui eft bien moins em- 
barraffant & peut-être plus sûr, saflujettir à pefer chaque fois le 
ballon vuide & rempli, à le pefer toujours dans le même endroit, 
& à y rapporter aflez promptement le ballon rempli de l'air fupérieur ,. 
pour que l'atmofphère dans. laquelle il doit être pefé, n'ait pu changer 


fenfiblement (3). 


(x) Hiftoire de l'Académie des Sciences par Duhamel, Liv. $, Part. 2, Chap. 
Y, N°. 3e 

(2) Voyez Dictionnaire Encyclopédique, au mot Manomètre. 

(3) Pour fentir' toute limportance: de-cette précaution, fuppofons un ballon qui 
contienne ur piedcube, &: que l’on: veuille metre en équilibre avec trois ou quatre 
livres de métal qui n'occuperont que la cent quarante-quatrième partie, puifque le 
poids abfolu des corps eft l'excès de leur pefanteur fur le fluide dans lequel on les 
pt, plus le poids de la portion de ce fluide qu'ils déplacent, il eft évident qu'on 
aura lemême réfultat, la même pefanteur apparente, foit que l’on pèfe ce ballon 
contenant ç00: grains-d’air dans-une a EU dont le’ pied cube pêfe aufli soo 
grains, foir qu’on le pèfe rempli de $so grains d'air, fi le fluide environnant fe 
trouve avoir la même denfité, 

Ces 


HET 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 317 
Ces préliminaires établis , nous avons procédé aux expériences fui- 
vantes. : 


PREMIÈRE EXPÉRIENCE. 
Du Samedi 7 Janvier 1775. 


Nous nous rendîmes à l’une des Tours de l'Eglife Saint-Beni- 
gne de cette Ville, qui nous avoit paru le lieu le plus favorable , 
& où les Religieux de cette Abbaye nous avoient accordé toute la 
liberté que nous pouvions defirer. Cette Tour cft quarrée; elle a 
22 pieds de largeur dans œuvre, 145 pieds de hauteur, non com- 
pris la Flèche; les murs ont 4 pieds d’épaiffeur ; elle fert de Clo- 
cher , & le plancher du beffroi eft élevé à 121 pieds + au-defflus du 
pavé: c'eft fur ce plancher que nous jugeâmes devoir établir notre 
appareil , parce que la partie fupérieure eft occupée par quatre clo- 
ches ( qui peuvent pefer enfemble cinq à fix milliers ). Le furplus 
de la Tour eft vuide du haut en bas, à la réferve de quelques pou- 
tres placées à deux étages différens , & d’une voute élevée de 36 
pieds au-deflus du pavé, ayant en fon milieu un trou d'environ fix 
pieds de diamètre, par où l'on pouvoit facilement faire defcendre les 
poids. 

Nous avions avec nous tous les Ouvriers néceffaires pour le fervice 
de ces expériences, & Le fieur Ménier, Maître Serrurier & Egandilleur 
de la Ville, très-intelligent & très-exercé dans cette partie: il avoit fait 
apporter un très-bon fléau de balance & l'a toujours gouverné lui- 
même ; ce fléau avoit 2 pieds 10 pouces de longueur entre les deux 
grains-d'orge qui foutenoient les baflins ou plateaux de bois: il étoit 
aflez fort pour pefer 250 livres, & lorfqu'il étoit chargé de ces poids , 
il s'inclinoit très-fenfiblement par l'addition d'un demi-gros; le balan- 
cement inévitable des poids n'a pas toujours permis de confidérer l’ai- 
guille dans un repos abfolu, mais alors, elle pafloit autant d'un côté 
de la chappe que de l’autre , au plus d’une ou deux lignes; & nous croyons 
devoir avertir que l'équilibre n'a jamais été jugé parfait qu'après avoir 
laïffé à tous les afliftans la faculté de l'examiner pendant l'efpace 
d'un quart-d’heure , qu'après l'avoir rompu, c’eft-à-dire, après avoir 
remué le fléau de côté & d'autre pour examiner s'il n'y auroit pas 
de variété; qu'après l'avoir enfin éprouvé par l'addition d’un demi- 
gros. 

Nous avions placé en arrivant, dans le haut & dans le bas, des the 
momètres & baromètres , dont les divifions avoient été exaétement com- 
parées depuis plufieurs jours. 

La balance ayant été folidement fixée à une folive , les poids & cor- 


Tome V, Part. IP. 1775. S£ 


318 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


dages tranfportés dans le haut, nous commençâmes à opérer vers les 
deux heures après midi. 

Différence. 

Le Barom. étoit dans Le bas de la Tour à 27 pouc. 6 lig. =. ae 

\ LPEpN Pre AVE 

dans lelhtie et te PARA Ste 2 


Le Thermomètre dans le bas . . . . . à 2 degrés =. +0 
dans Le haut UNS SN EU MON EE O 


Nous fimes fufpendre à l'un des bras de la balance une corde de 130 
pieds de longueur en deux morceaux & d'un pouce de diamètre, qui 
{e trouva pefer 40 livres 6 onces 7 gros = ; on ajouta dans chacun ie 
plateaux 200 livres en quatre poids de fonte de cinquante livres cha- 
cun , qui avoient été précédemment égandillés avec foin ; on laifla pendre 
la corde dans toute la hauteur jufqu'à deux pieds de terre, & la balance 
étoit parfaitement en équilibre. 

Nous fîmes enfuite defcendre le plateau & les poids qui étoienc 
du côté de la corde; il fallut la replier pour les tenir fufpendus à 
deux pieds de hauteur du pavé; en forte que dans cette expérience 
& dans celles qui fuivent, il y avoit 120 pieds de diftance du cen- 
tre de gravité des poids fapérieurs à celui des poids inférieurs : le 
plateau attaché à la corde, tourna & balança confidérablement pen- 
dant un quart-d’heure ; après quoi, le mouvement s'étant infenfiblement 
ralenti, le plateau ne faifoit plus qu'un quart de tour en trois minu- 
ts, & ne balançoit plus que de deux pouces dans une direction 
oblique au fléau. On avoit d'abord été forcé d'ajouter deux gros 
au poids füupérieur pour chercher l'équilibre ; mais l'ofcillation du 
poids inférieur ayant ceflé, il fallut les ôter, & l'équilibre fe retrouva 
alors le même que quand les poids avoient été fufpendus à égale 
hauteur. 

Pour déterminer, comme nous nous létions propofé, la denfité de 
Pair, dans lequel chacun de nos plateaux éroit fufpendu , nous primes 
uh ballon de verre garni de fon robinet de cuivre, contenant exacte- 
ment 2 livres 4 onces 7 gros 68 grains : d'eau de pluie, ce qui, fui- 
vant leflimation ordinaire du pied cube de cette eau à 70 livres, 
donne une capacité de 57,076 pouces cubes, ou environ un trentième 
de pied cube. 

Après avoir pompé l'air de ce ballon avec une bonne machine pneu- 
matique , il fe trouva pefer au trébuchet 14 onces $ gros 8 grains; 
nous ouvrimes enfuice le robinet pour y faire entrer l'air du bas de la 
Tour, & il pefa de plus 28 grains =, d'où nous conclümes que le pied 
d'air inférieur pefoit 11 gros 70 grains +. 

Le même ballon, purgé d'air une feconde fois par un nombre égal 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 319 


de coups de pifton , fut fur-le champ porté vuide au haut de la Tour ; 
on ouvrit le robinet pour y laïifler entrer l'air fupérieur ; on le fer- 
ma dès qu'il en fut rempli : on le rapporta pour être pefé , toujours 
au même endroit, & cette fois l'air qu'il renfermoit ne fe trouva pefer 
que 24 grains =, ce qui donnoit 10 gros 11 grains +, pour le pied 
cube de l'air fupérieur ; & par conféquent, une différence de 1 gros 
59 grains +. 
Différence. 
Le Baromètre étoit alors en haut . . . à 27 pouc. 5 lig. ESRE 
Dar AE NS 5 a 
Le Thermomètre en haut . . . . ... à 4 deg. i...+0 Tes 
DNA ie aire ct EU of 7er 


RP EE PXNITO NS: 


CETTE Expérience confirme ce que nous avions prévu , qu'il n’eft 
pas pofñible de déterminer la denfité de l'air par ces feuls inftrumens ; 
car la différence de l’élévation du mercure , dans les baromètres , n'étant 
de de =, il n'en pouvoit réfulter qu'une augmentation de denfité 

e 3 grains par Sie cube de l'air inférieur, & elle s’eft trouvée de 
131 grains. À la vérité, la différence étoit plus confidérable fur les 
échelles des thermomètres ; mais en admettant, avec Mufchembroek , 
Gran pied cube d’air , à la température de la glace, occupe un pied & 

emi à celle de l’eau bouillante, chaque degré de chaleur intermédiaire : 
dans la divifion de M. de Réaumur , ne pouvoit augmenter Le volume que 
de — , & diminuer la denfité de 10 grains par pied cube : or, fuivant 
ce calcul , il n’y auroit eu encore que 23 grains + de différence , au 
lieu de 131 <. 

Le poids dont nous nous fommes fervis, étant de fonte , dont le 
pied cube peut être évalué à $00 livres, des poids de 200 livres équi- 
valent à + de pied cube ; ainf le volume d’air qu'ils déplaçoient, de- 
voit pefer : 
dans le bas... © de 11 gros 70 grains + , ou 4 gros $7 grains £, 
dans le haut... = de 10 gros II grains + , ou 4 gros 4 grains = ; 
& par conféquent le poids inférieur devoit pefer $2 grains ? moins que 
le poids fupérieur. 

Le volume de la corde étoit , fans doute, aflez confidérable pour 
produire une diminution de poids fenfible dans l'air inférieur ; mais on 
a remarqué que nous l’avions laiffée fufpendue de route fa longueur , 
lors même que les deux plateaux étoient à égale hauteur , & cela afin 
d'éviter la complication des effets. 

Si l'on veut favoir maintenant de combien l'attraction pouvoit aug- 


Tome V, Part. IV. 1775. Sf2 


8 


Ivale 


Fra, * Da: Li S 


320 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


menter la pefanteur de + de pied cube de fonte , lorfqu'on les appro- 
choit de la furface de la terre, après les avoir pefés à 20 toifes au- 
deffus, on peut fuppofer le demi-diamètre de la terre de 3,268,96$ 
toifes (1) ; & comme la force avec laquelle ces corps éroient attirés 
près de fa furface , eft à l'attraction qu’ils éprouvoient à 20 toifes plus 
haut, comme le quarré de 3,268,98$ eft au quarré de 3,268,96$ , 
on trouvera , par le calcul qu'il devoit y avoir dans le bas , augmen- 
tation de pefanteur de 22 grains 

D'où il réfulte que les poids inférieur devant perdre, par la denfité 
de l'air, 52 grains ?, devant acquérir au contraire par l'attraction 22 
grains +, il ne refte qu'une différence de 30 grains, différence trop 
peu confidérable pour fe manifefter fenfiblement fur des balances char- 
gées de près de oo (2). 

Avant de terminers nos Réflexions fur cette première Expérience, 
nous croyons devoir obferver encore qu'il étoit très-difficile d'empêcher 
Tofcillation des poids dans le bas ; & que la Tour étant percée de 
plufieurs fenêtres , la corde fe courboit fenfiblement fur fa hauteur du 
côté oppofé au courant de l'air. Nous avons cherché à évaluer, par le 
calcul , le produit de ces deux caufes ; & nous avons trouvé, 1°. qu'un 
balancement de deux pouces pouvoit faire un effet d'un demi- gros, 
lorfque les poids s'éloignoient de la ligne à plomb dans la direction 
de la longueur du fleau ; & que cet effer éroit d'autant moindre, que 
le balancement lui étoit plus perpendiculaire : 2°. que l'effet de la courbure 
de la corde eft encore plus confidérable ; & qu’elle diminue le poids [ 
de plus d'un gros, lerfqu'elle s'approche de la ligne perpendiculaire ÿ 
au milieu du fléau. 

Enfin, nous eümes occafon de remarquer qu'il fuffoit de placer 
les mêmes poids plus ou moins vers l’un des bords du plateau pour 
changer l'équilibre ; & que la corde, portée fucceflivement fur les faces 
intérieures & extérieures du plateau, à côté duquel elle étoit fufpen- 
due , faifoit une différence Fan gros : ce qui nous détermina à la 
placer toujours de même pour tous les réfultats que nous voulions 
comparer. 


(1) Supplément à l'Hiftoire Naturelle, &c. par M. le Comte de Buffon, tom. 1, 
pag: 158. 

(2) Les Académiciens de Londres eftimoient leurs balances auffi parfaites qu'il 
étoit pofble, parce qu'elles wébuchoient à l'addition d’un grain par livre. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 321 


SE C OPNODENMENX MP. ÉURLIE,N C.E. 


Du Lundi 9 Janvier avant midi. 


LE brouillard étant fort épais, Différence. 
Le Baromètre étant en bas... . . . . à 27pouc. 6lig.=Ù ji, : 
en RANO erens D RES asian AL AT du S rue 8 + 

Le Thermomètre en bas. . . . . . . . à 1 des. Ne ACSSS 
EN HAUEIE AN NET ES le 2...-..# 0 RÉ 


La corde , qui étoit reftée fufpendue pendant 40 heures , avoit pris 
par l'humidité une augmentation de poids de $ onces 6 gros =. 

Nous fimes attacher, au bas de la corde, un plateau chargé de 
200 livres pour répéter l'expérience précédente ; il fallut mettre, dans 
le plateau fupérieur, 240 livres 13 onces pour former l'équilibre 1] 
fut bien vérifié en rompant plufieurs fois la balance en différens tems, 
& par l'addition d’un demi-gros. 

On remonta enfuite les poids & le plateau, en laiffant toujours la 
corde fufpendue ; ce plateau , chargé des mêmes oids , fut accroché 
au bras je la balance, & l'équilibre fe trouva abfolument le même 
que lorfqu'il étoit attaché au bas de la corde ; ce qui fur bien examiné, 
bien conftaté, & qui confirma notre première expérience. 


T'ROTSTENE. EXPÉRIENCE. 


2 


Du même jour. 
Différence. 
\ LA \ . 1 
LE Baromètre étant en bas . . . . . . à 27 pouc. 6 lig. a, 1 lg 
=. 


à 
Le Thermomètre en bas... .....à 2 deg. ...+0 | 
ER RAUTE NET D Rec ete d ER Le D 


Nous fîmes détacher la corde fufpendue à lun des bras de la ba- 
lance pour y fubftituer un fil de fer, d’une ligne de diamètre , de 
125 pieds de longueur en deux morceaux , & du poids de 2 livres 
4 onces ; on attacha, À fon extrémité inférieure, un poids de 6 livres 
pour le fixer; ce qui faifoit, compris fon poids, 8 livres 4 onces : on 
en mit autant fur le plateau oppofé ; l'un & l'autre furent enfuite 
chargés de 200 livres en poids al fonte, &.il y eut équilibre parfait, 
vérifié & examiné pendant plus d’un quart-d'heure. . 

Ayant fait defcendre le plateau accroché au même bras que le fl 
de fer , & les poids qui étoient deflus, ils furent attachés à l'extré- 


Tome F7, Part. IF. 1775: 


322 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
mité du fil de fer, fufpendu à deux pieds au-deflus du pavé, & il n'y 


eut aucun changement ; l'aiguille du fléau fut long - tems obfervée 
immobile : MM. Fabarel & Picarder , qui ont fuivi la plupart de nos 
expériences , jugèrent, comme nous, que l'équilibre ne pouvoit être 
plus exact ; les poids inférieurs balançoient à peine d’un pouce ; le 
fil de fer n'étoit ni agité , ni courbé fur fa hauteur eomme la corde, 
fans doute, parce qu'il donnoit moins de prife au courant d'air , fon 
diamètre étant à celui de la corde’ :: 1 : 12. 


QUATRIEME EXPÉRIENCE. 
Du Mardi 10 Janvier avant midi. 


LE tems étant très chargé de brouillards, 


Différence. 
à À e LI 
Es Barometre lu ts ARE EEN à 27 pouc. 6lig. FA PRES 
AUARGUEE USE SP ER TE PE RE ES o 


Le Thermomètre du bas . .......à 2 deg. =.+o PTE 
dé haut is NN SE NUE 3:..+.+0 ED: z° 
Nous fîmes prendre trois billots de vieux bois de charpente affez 


fecs, faifant enfemble la valeur de trois pieds cubes & :. On les net- 
toya avec foin de tout ce que le frottement auroit pu en détacher ; 
on les fixa avec un cordeau fur le plateau , à côté duquel pendoit le 
fil de fer portant toujours un poids de 6 livres, & ayant chargé le 
plateau oppofé de 211 livres 7 onces 7 gros : il y eut conftamment 
équilibre. 

Le plateau , ainf arrangé avec les poids de bois, fut enfuite def- 
cendu par le moyen d'une poulie ; pour prévenir tous accidens ; il 
fut attaché à l'extrémité du fil de fer , à 2 pieds au-deflus du pavé, & 
il fallut ôter 7 gros du plateau fpérieur pour trouver l'équilibre. 


22 pe 


CINQUIÈME EXPÉRIENCE. 
Du même jour après midi. 


Nous avons fait remonter à la même poulie Le plateau chargé des 
oids de bois ; il a été accroché immédiatement au bras de la balance, 
le fil de fer demeurant toujours fufpendu avec fon poids de 6 livres, 
& il y a eu équilibre ; le plateau oppofé étant chargé de 211 livres 


7 onces $ gros ; ce qui fait deux gros de moins que la première fois, 


& ne donne que $ gros de différence au lieu de 7 


(AE 


LA GAOLAL TS Lil és ON TES 
is 
26 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 323 


RÉFLEXIONS 
Sur les quatrième @ cinquième Expériences. 


IL n'y avoit pas de moyen moins équivoque de vérifier l'inuence 
de la denfité de l'air fur la pefanteur apparente à des hauteurs iné- 
gales , que de comparer les effets avec des graves d’un volume auf 
difproportionné. On a vu qu'en fe fervant de poids de fonte , ils ne 
pouvoient perdre que $2 “Ven + de plus dans le bas que dans le haut; 
au lieu qu'en fe fervant de poids de bois, dont le volume étoit au 
volume des poids de fonte :: 35 :4, on ne pouvoit manquer d’avoir 
un réfultat très-fenfble ; c’eft ce qui eft arrivé : fuivant nos.calculs, 
l'air que ces poids de bois déplaçoient dans l’atmofphère fupérieure , 
pefoit 33 gros 61 grains : ; celui qu'ils déplaçoient dans l’atmofphère 
inférieure , pefoit 39 gros 68 grains : c’étoit par conféquent une dif- 
férence de 6 gros 7 grains que nous devions trouver cette fois à la ba- 
lance, & notre attente n'a pas été trompée ; fi l’on veut prendre le 
terme moyen des deux pefées, il eft précifément de 6 gros. 

On ne doit pas être étonné que la diminution apparente de pefan- 
teur n'ait pas été exactement La même dans les deux pefées ; quoiqu'elles 
aient été Êies le même jour , il y a eu plufeurs heures d'intervalle, 
pendant lefquelles les bois ont pu fe deffécher un peu, étant moins 
expofés aux brouillards dans le Fa de la Tour que dans le haut, & 
le tems en étant beaucoup moins chargé l’après midi : d’ailleurs, cette 
variété de 2 gros ne peut être ici qu'un très-petit objet fur un volume 
auffi confidérable , puifqu’elle ne fait pas la 13,000° partie du poids. 
IL fufifoit enfin d’avoir conftamment une diminution d’une quantité 

À non équivoque ; & la différence de $ gros, obfervée avec une ba- 
lance qui s'inclinoit à 36 grains , formeroit encore un réfultat faris- 
faifant. 

Cependant nous prîmes la réfolution de l’aflurer encore par de nou- 
velles épreuves. 


Tome V, Part. IV. 1775. 


324 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


SIX LÉ'MEVE X PÉ RIENCE.-- 
Du Mercredi 11 avant midi, 


LE tems étant chargé, mais fans brouillard , Différence. 


Le Baromètre du bas . . . . , . . . . . à Lerrvr pire 
\ 1 Cri 
du AUTO ANR NE As 2 RSC 83 
Le Thermomètre du bas . . . . .. .. à 2deg....+o7 ; Re 
\ = degré. 
duthaur AE Ne: Et.1tNER 3 z 8 
Nous avons fait relever & plier la corde en rond ; elle a été ain 
placée fur les poids de bois, & le tout pefoit 244 livres 11 onces. 
La corde a été enfuite dépliée & füufpendue au bras de la balance 
dans toute fa longueur , de manière qu'elle appuyoit fur le côté du 
plateau qui regardoit le milieu du fléau : on a eu l'attention de la 
tirer par le bas pour la drefler & la rendre immobile ; & dans cette 
PE j ; 
poñtion, il a fallu décharger le plateau oppofé de 3 gros=; de forte 
qu'il ne reftoit plus dans ce plateau, qui devoit demeurer dans le haut, 
que 244 livres 10 onces 4 gros = 
Le plateau , chargé des poids de bois, fut alors defcendu par le 
moyen de la poulie , avec l'attention la plus fcrupuleufe pour que rien 
ne püt le toucher ; il fut attaché au bas de la corde, toujours à envi- 
ton deux pieds du pavé ; & il fallut 244 livres 9 onces $ gros dans 
PES AE Se A 8 ee 
le plateau fupérieur pour former l'équilibre : ce qui fait 7 gros : de diffé- 
rence, réfultat qui, comme on voit, s'éloigne bien peu de celui de notre 
PK qe D 
quatrième expérience. 
Si l'on y ajoute les 3 gros + que la corde a pefés de moins , lorf- 
qu'elle a été dépliée , la différence , entre la pefanteur apparente des 
poids de bois & de la corde pefés en haut ou en bas, fera en tout de 


11 gros. 
SEPTIÈME EXPÉRIENCE 
Du Jeudi 12 avant midi, par un tems de pluie. 


AYANT réfléchique les courans d'air pouvoient influer fur des ex- 
périences auf délicates , fur - tout lorfque la rapidité de fon écoule- 
ment par la force de la raréfattion, ou par la nécefñlité de l'équilibre, 
{ trouveroit augmentée par une efpèce d’étranglement , comme par 
l'ouverture circulaire pratiquée au cerveau d’une voûte , nous jugeàmes 
qu'il étoit important de s'en affurer, . 

n 


7 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 315 

En conféquence , nous fîmes cranfporter tout notre appaicil au-del- 
fus du chœur de l'Eglife ; la balance fur fufpendue à la fecond: en- 
rayure de la flèche, de manière qué l'un des plateaux éroit dans Ha 
ligne à plomb de la lunette qui eft aurmilieu de Ha voñre. 

La première enrayure , qui nous fervoit d'échafaudage ‘pour manœu- 
vrer , eft élevée, au-deflus du pavé de l'Eglife, de 106" pieds’'ro pou- 
ces ; l'efpace , entre cette entayure & la feuillure de fa lunette, elt de 
19 pieds 10 pouces. 

Difference. 
Le Baromètre étant dans. le bas . . , . à 27 pouc. 1 lis, ÿ} DAS * 
dans LéTRAUPI IS Nes Ris te A2 Ti-Prtemebenle 8: + 


Le Fhermomètre dans Le bas .. . . . . à 2 deg. = . +0 L degré 
RES A RE EE 


On mit , dans chacun des plateaux , quatre Lan de fonte de so 
livres ; il fallut ajouter , dans le plateau qui devoit demeurer dans 
le haut ; 47 livres 8 onces 8 gros ? , pour le poids de la .corde 
pliée en rond & pofée fur les poids de l’autre plareau : l'équilibre 
éroit dérangé fenfblement par l'addition d’un demi - gros de part ou 
d'autre. 

Nous fimes alors déplier la corde ; elle fut fufpendue au bras du 
fléau , & il fallut ôter quatre gros du plateau oppofé , pour retrouver 
l'équilibre. sl 

Et de plateau. «qui fétoit porté par, le. même, crochet que la 
corde , fut defcendu avec fes quatre poids , & attaché l'extrémité de 
la corde, à environ deux pieds du pavé ; & il fallut ôter un demi-gros 
du plateau fupérieur , ‘qui parut cette fois l'emporter je cette foible 
quantité. i 

GEO UE NL Us I'6 N. 
f SN 47 

IL réfulte #dé toutesices: expériences ; qu'il fAtrouve quelquefois 
une augmentation appatente de pefanteur dañs les corps , lorfqu'on les 
éloigne de la furface de la tétfes mais cette augmentation eft propor- 
tionnelle aux volumes des cofps pefés , & non à leurs mafles : elle 
dépend donc uniquement de la LATE de l'air , qui eft ordinairement 
plus confidérable dans le bas que dans le haut , non-feulement à rai- 
fon de la plus grande compreflion qui fe manifefte par l'élévation du 
mercure dans le baromètre, mais encore, parce qu'il eft plus chargé de 
vapeurs & d'émanations étrangères. 

Il ne faudroit pas s’éronner cependant que cette denfité de l'air füt 
égale , ou même quelquefois moindre dans le bas que dans Le haut , 
fi la couche inférieure fe trouvoit raréfiée à un certain point par la 


Tome F, Part, If. 177$. digr 


326 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE) 


chaleur , ou la couche fupérieure plus imprégnée des vapeurs aqueufes. 

Dès- lors, il pourra arriver que les ‘corps augmentent fenfiblement 
de pefanteur en approchant de la furface de la terre, puifqu'à vinge 
toifes de diftance , la force de gravitation eft moindre de 22 grains> 
fur 200 livres. ' 

Lorfque le volume des corps pefés eft peu confidéräble , comme 
lorfqu'ils font de métal, on ne peut fe Matter d’avoir des inftru- 
mens aflez juftes pour indiquer une aufli petite différence ; & à cet 
égard , nos expériences font d'accord avec celles des Académiciens de 
Londres. 

Mais dans les quatrième , cinquième & fixième expériences, où l’on 
a employé des poids d’un grand volume , on a vu que la différence 
étoit confidérable, puifque 200 livres ont perdu fept gros lorfqw’elles 
ont été fufpendues par un fil de fer ; & onze gros, lorfqu'on s’eft fervi 
d'une corde : le AU de la quatrième expérience fur-tout , répond à 
la quantité que devoient perdre les poids de bois dans un fluide plus 
doux , relativement à leurs volumes , avec autant de précifion que les 
expériences peuvent s'accorder avec les calculs. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 327 


PREMIER MÉMOIRE 
SUR LES ABEILLES, 


Où l’on rend compte d'une nouvelle découverte fort fingulière, qui a été 
faite en Luface fur ces Mouches ; 


Par M. BONNET, de diverfes Académies. 


INT RO DUC FL O:N. Ga) 


Gr à l’illuftre Réaumur que nous devons les connoiffances les plus 
certaines fur le gouvernement des Abeilles. On a pu voir dans les Mé- 
moires V, VII, IX , XI du Tome V de fon Hiffoire des Infeëles, & 
très en abrégé dans la Préface , tout ce que fes recherches lui avoient 
appris fur cet intéreflant fujet. Je me bornerai ici à retracer les faits les 
plus eflentiels : ils fufiront pour faire juger des nouvelles découvertes 
qui font l’objet de ce petit Ecrit. 

M. de Réaumur avoit prouvé qu'il n’y a à l'ordinaire dans chaque 
ruche , qu'une feule femelle. C'eft cette illuftre mouche que les An- 
ciens , moins isftruits, avoient nommée le Roi des Abeilles, & qui en 
eft la Reine. Cette reine eft à la lettre la mere de tout fon euple : elle 
pond pendant le cours de l’année 30 , 40 ou $o mille SES 

Une ruche préfente deux autres fortes de mouches ou d'individus , 
des faux-bourdons & des abeilles ouvrières , qui portent encore le nom 
de neutres. 

Les faux-bourdons font Les mâles de lefpèce : leur nombre eft quel- 
quefois de 6 à 700 ; ils ne recueillent ni cire , ni miel, & M. de 
KRéaumur a penfé qu'ils ne fervoient qu'a féconder la femelle & les 
autres femelles qu'elle met au jour au printems. Il décrit affez au long 
les amours de la reine- abeille : il avoue n'avoir pu découvrir de véritable 
accouplement ; mais ilcroit en avoir vu aflez , pour être fondé à préfu- 
mer que la reine-abeille eft rendue féconde par celui des faux-bourdons 
dont elle a fu vaincre la froideur par fes agaceries. IL fortifie fon fenci- 


(1) Cette Znrroduttion n’a paru néceffaire, pour donner à mes Lecteurs une idée 
générale des principales découvertes qui avoient été Faites (ur les Æ£eides avant 
celles de M. Schérach, & des autres Membres de la Société de Lüface. 


Tome F, Part. IP, 1775. Trz 


328 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUES" 

ment par la confidération du grand appareil d'organes générateurs qu'on 
découvre ‘dans les faux-bourdons , & par les obfervations qu'il avoit 
faites fur les bourdons proprement dits , & qui lui avoient offert une 
véritable copulation. 

Les abeilles ouvrières forment le gros du peuple : ce font celles qu'on 
connoît le plus communément fous le nom en général d’abeilles. Elles 
font quelquefois au nombre de 40 à 45 mille dans certaines rnches 5 
elles ont reçule nom d’ouvrières, parce qu’elles font chargées de tout 
le travail de la ruche : ce font elles qui recueillent la cire & le miel, 
qui conftruifent ces gâteaux où règne une fi haute géométrie, qui ali- 
mentent les petits, & pourvoient à tous leurs befoins. On les a aullt 
nommées neutres , parce quon ne découvre en elles aucun veftige de 
fexes._ ne ” 

Ces trois fortes d'individus qu’on obferve dans une ruche , font de 
trois grandeurs différentes. Les vers, dont ces trois fortes de mouches 
proviennent , demandent donc à être élevés dans des cellules qui leur 
foient proportionnées. Les abeilles ouvrières conftruifent en conféquence 
des cellules de trois dimenfons différentes : les plus petites cellules fer- 
vent de berceaux aux vers qui doivent devenir des abeilles ouvrières : 
des cellules un peu plus grandes font deftinées à loger les vers qui.fe 
transformeront en faux bourdons , car ceux-ci font plus longs & plus 
gros que les ouvrières. Les cellules deftinées à loger les vers qui donne- 
ront de reines, font beaucoup plus grandes que les autres, d'une route 
autre forme & autrement:difpofées à l'égard de F'horifon. On fait que 
les cellules ordinaires font de petits tubes exagones , dont le fond py- 
ramidal eft formé de trois pièces en lofange + elles font difpofées pref- 
que paraflèlement à l’horifon : les cellules royales , c’eft le nom qu'ox 
donne aux. cellules où logent les vers qui doivent fe transformer en 
reines ; ces cellules , disje, ne reflemblent pas mal par leur forme à 
une petite poire : elles font très-maflives. M. de Réaumur a calculé, que 
la, cire qui.entre dans la. compofition d'ane feule cellule royale , fufroit 
à la conlrudion de, 1 5o cellules ordinaires. On n’a pas oublié la mer- 
veïlleufe économie ayec laqueile les ‘ouvrières favent employer la, cire 
dont. elles {e. fervent pour conftruire les cellules exaganes|: elles l'em- 
ploient. donc-avec profafon,, quand il s’agit de bâtir des cellulesroya- 
les. Ces cellules diffèrent encore des autres par leur pofition : au liew 
d'etre à-peu-près parallèles à l'hoxifon , elles lui font perpendiculaires ; 
de manière que Rouverture de, la cellule, eft tournée en en-bas/: le ver 
qui s’y trouve logé a donc la tête en en-bas. 

La taille où fes proportions refpectives du corps & le fexe ne fonc 
pas les fouls Caradtères qui diftinguent les uns des autres les trois ordres 
d'individus qui compofent la république , ou, filon aime mieux, la 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 329 


monarchie des abeilles. IL eft des parties qui paroiffent propres à un de 
ces ordres , & qu'on n'apperçoit point dans les deux autres, On juge 
bien que ces parties font les inftrumens relatifs à la récolte de la cire 
& du miel , à la conftruction des cellules, & aux divers travaux de la 
ruche. Ces inftrumens , fi dignes de l'attention de l'Obfervateur , pa- 
roiflent n'avoir été accordés qu'aux feules abeilles ouvrières : Les reines 
& les faux-bourdons ne prenant aucune part au travail , ont été privés de 
ces inftrumens qui leur auroient été inutiles. Je ferai encore remarquer” 
qu'il eft d’autres parties qu’on trouve dans les trois ordres d'individus 3 
mais qui n'ont pas dans tous, les mêmes proportions relatives; la 
trompe & les ailes en font des exemples. Les aîles de la reine ne font 
pas plus grandes que celles des ouvrières , quoique fon corps foit beau- 
coup plus long : fa trompe eft aufli plus courte , &c. On peut lire dans 
le feptième Mémoire de M. de Réaumur ce qu'il rapporte aflez en 
détail fur ces différences caraétériftiques , qui ne font plus aujourd'hui 
aufli eflentielles qu’elles le lui avoient paru : on le verra bientôt. 

Parce que les trois ordres d'individus lui fembloient très-différen- 
ciés par la nature, il en concluoit qu'ils provenoient de trois fortes 
d'œufs , que la reine dépofoit dans des cellules de trois dimenfions dif 
férentes, & fur le choix defquelles elle ne fe méprenoit point. 

La cire & le miel dont les abeilles fe nourriflent , ne font pas la 
nourriture qn'elles donnent aux vers : cette nourriture eft une forte de 
gelée dont il femble qu'elles proportionnent la quantité &c la qualité à 
l'âge ou à l’état des vers. Cette gelée eft dépofée dans chacune des cel- 
lules où loge un ver , & il en a toujours à fa portée une provifion 
fufifante ; mais ce qui eft aujourd'hui bien plus digne de remarque 
qu'on ne l'avoit penfé, c’eft la différence qu'on obferve entre la nour- 
riture des vers qui doivéne fe métamoïphofer en reines , & celle des 
vers qui doivent fe transformer en mouches communes. La gelée qui eft 
dftribuée aux premiers , eft en beaucoup plus grande quantité D 
tionnellement que celle qui eft diftribuée aux Lrilre :elle diffère en- 
core très-fenfiblement par fa qualité ; M. de Réaumur lui a trouvé un 
goût fucré qu'il n'a jamais trouvé à l’autre : ce grand Naturalifte ne 
foupçonnoit pas que cette petite obfervation deviendroit un jour très- 
importante. On s'en convaincra , je n''aflure, lorfque j'aurai rapporté 
la nouvelle découverte qui donne lieu à ce Mémoire. 

Le principal objet des recherches de M. de Réaumur avoit été de 
découvrir le principe fecret du gouvernement ou de la police des 
abeilles. Il avoit fait fur ce fujet fi intéreflant , des expériences très- 
décilives , &c qui ont répandu un grand jour fur divers points, que les 
Naruraliftes qui l’avoient précédé n’étoient point parvenus à éclaircir. 


L a démontré que fi l'on prive de la reine, un effaim nouvellement mis 


Tome V, Part. IF. 1775. 


330 OBSERVATIONS SUR LA PAYSIQUE, 


en ruche, toutes les abeilles refteront dans l'inaction , & fe laifferont 
périr plutôt que de conftruire le plus petit gâteau ; mais que fi l'on 
rend la reine à l'efaim qui en a été privé , toutes les abeilles fe met- 
tront aufli-tôt à travailler, & qu’elles travailleront d'autant plus , que 
la reine fera plus féconde. Enfin , il a très-bien prouvé que les abeilles 
ouvrières ont pour ces vers qu'elles n'ont point engendrés ni pu engen- 
drer , la même affection que les meres de la plupart des efpèces ont 
pour leurs petits. 

J'ai dit qu'il n’y a à l'ordinaire , dans une ruche , qu'une feule reine: 
je dois ajouter qu'il vient un tems où il s'en trouve plufieurs ; ce tems 
eft celui des effaims. On fait que , dans les mois de Mai & de Juin , 
il fort de chaque ruche , une ou plufieurs colonies, qui vont chercher 
ailleurs un domicile que les gens de la campagne ont foin de leur pré- 
parer; ce font ces colonies que lon nomme des effaims : chaque e/fjaim 
eft conduit par une reine, qui doit fa naïflance à la reine de la ruche 
dont l’effaim eft forti : cette reine donne done naïffance à une ou plu- 
fieurs reines , appellées chacune à conduire un eflaim: toutes ne par- 
viennent pas néanmoins à fonder une nouvelle république ; cela dépend 
du nombre des habitans de la métropole. Quand elle eft fort peuplée, 
elle peut envoyer au-dehors plufieurs colonies : fi elle l’eft beaucoup 
moins , elle n’en envoie qu'une ou deux. Dans ce dernier cas , il arrive 
quelquefois que plufieurs des jeunes reines reftent dans la métropole. 
M. de Réaumur a été curieux de favoir quel étoit le fort de ces reines 
qui navoient pu fe mettre à la tête d’un effaim , & fes obfervations 
lui ont appris que ces reines furnuméraires font toujours facrifiées; en 
forte qu'il n'en refte jamais qu'une feule dans La ruche. Il a eflayé d'in- 
troduire en divers tems, dans une ruche, des reines furnuméraires , & 
il a vu conffamment qu’elles étoient mifes à mort au bout de quelques 
jours ; mais il na pu parvenir à découvrir 1 qui & comment ces 
exécutions éroient faites , & ce point eft ur de ceux qui nous demeu- 
rent encore voilés. Il reftoit donc à faire fur les abeilles une expérience 
fondamentale que M. de Réaumur n'avoit pas encore tentée , c'étoit 
d'enlever la reine à un eflaim très-pourvu de gâteaux & de couvain : 
on donne çe nom aux cellules qui renferment des œufs ou des vers. J'ai 
indiqué cette expérience dans le Chapitre XXV de la Partie XI de ma 
Contemplation de la Nature, & j'en ai indiqué quelques autres qui ne 
mérireroient pas moins d’être tentées. J'ai hafardé dans ce Chapitre de 
nouvelles vues fur la police des abeilles , & J'y ai crayonné , ainfi que 
dans le précédent , un léger précis de leur hiftoire : j'y renvoie le Lec- 
teur, & je me hâte de venir à ces nouvelles découvertes que j'ai an- 
noncéss. 

C'eft un fpectacle aufi nouveau qu'intéreflant pour un Naturalifte 


Lu 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 331 


philofophe, que celui d’une Académie favante , dont l'Inftitution n’a 
d'autre objet que l'étude des abeilles. Ce phénomène inoral fi fingu- 
lier paroît aujourd'hui dans une petite ville de la haute Luface ; je 
parle de la Socicté des Abeilles , fondée depuis quelques années dans le 
Peit-Bautren , fous les aufpices de l’'Electeur de Saxe. Elle pofsède 
déja plufeurs bons Obfervateurs , & un grand nombre d'amateurs de 
tout ordre & de rout fexe : elle a bien voulu préfumer que j'applau- 
dirois à une Inftitution fi digne d'un fiècle philofophe , & que Je ne 
dédaignerois pas de n'intérefler aux travaux d'une Compagnie Litté- 
raire qui n'a que les abeilles pour objet : elle a penfé quelle me fur- 
prendroit agréablement, en me faifant l'honneur de. m'adopter fans 
n'avoir prévenu. Avec quel plaifir les Swammerdam , les Maraldi , 
les Réaumur auroient-ils vu cet établiffement, qu’ils n'avoient sûrement 
pes prévu; & combien la Sociéré des Abeilles auroirt-elle été empreffée 
à parer de leurs noms illuftres, la lifte de fes nouveaux Ariftoma- 
chus ( 1 )! Quels prodigieux progrès ne feroit point l'Hiftoixe Naturelle, 
fi on l’approfondifloit ainfi dans fes plus petites branches , & sil fe 
formoit çà & là dans notre Europe des Sociétés qui n'embraflaflent 
qu'une feule de fes branches ! Les Naturaliftes qui tentent d'embrafler 
à la fois les maïîtrefles branches de cet arbre immenfe , ne fongent pas 
qu'ils ne font point des Briarées. 

M. Schirach , Pafteur du Perit-Bautren , Secrétaire de la Sociéte des 
‘Abeilles , eft un des Membres de cette Compagnie qui a travaillé avec 
le plus de fuccès , & dont les expériences &c les obfervations ont le 
plus enrichi fes Mémoires. I s'eft empreflé obligeamment à me com- 
muniquer fes découvertes : il me les a racontées en détail dans une let- 
tre qu’il m'a adreflée en Allemand le 16 d'Octobre dernier , & que j'ai 
fait traduire en François (2) ; la voici. 

ce Un fimple hafard m'apprit , Monfeur, que toute portion de cou- 
» vain pouvoit donner une reine-abeille, lors même qu'il ne s'y trouvoit 
» point de cellule royale. Je penfai donc que heureux hafard m'avoit 
>» toujours fait rencontrer dans la portion de couvain, un œuf ,.qui con- 
» tenoit le principe d’un ver de reine, & que l'inftinét des abeilles favoit 
» difcerner cet œuf. 

» Pour parvenir à arracher à ces mouches leur fecret, je me procu- 
» rai une noue de petites caifles de bois; je coupai dans une ruche 
» une portion de couvain de quatre pouces en quarré , & qui conte- 


(1) Au rapport de Cicéron & de Pline, le Philofophe Æriffomachus wavoit fait 
autre chofe, pendant près de foixante ans, que d'étudier les Æ#eilles. 

(2) J'ai été obligé de retoucher cette Traduétion en un grand nombre d’endroits, 
pour la mettre en meilleur françois & la rendre plus claire. 


Tome V, Part, IV. 1775. 


332 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


» noit des œufs & des vers. Je plaçai ce très-petit gâteau dans une de 
» mes caifles ; de manière que les abeilles pullent le couvrir de toutes 
» parts , & couver en quelque forte les œufs & les vers : je renfermat 
» enfuite dans la caifle une poignée d’abeilles ouvrières ; jen ufai de 
» même à l'égard des onze autres caifles. 

» L'Obfervareur gagne beaucoup à féparer ainfi les abeilles , & à 
» les diftribuer par petits pelotons : il les oblige à faire en petit ce 
> qu'elles font ailleurs en grand. Vous aviez vous-même indiqué cette 
> féparation des abeilles dans Le Chapitre XXV de la Partie XI de 
>» votre Contemplation de la Nature. 

» Je tins mes caifles fermées pendant deux jours : je favois déja 
» que ce petit peuple appellé à élire une nouvelle reine, devoit être 
» renfermé. Le troilième jour, j'ouvris fix de mes caifles , & je vis que 
» les abeilles avoient commencé à conftruire dans toutes ces caifles 
» des cellules royales, & que chacune de ces cellules renfermoit un 
» ver âgé de quatre jours , & qu'elles n'avoient pu choifir que parmi 
» les vers appellés à fe transformer en abeilles ouvrières. Quelques-unes 
x des caifles avoient une , deux & jufqu'à trois cellules royales. 

» Le quatrième jour j'ouvris les autres caifles , & jy comptai de 


» même une, deux & jufqu'à trois cellules royales. Ces cellules conte- - 


>» noientun ver de quatre à cinq jours, & qui étoit placé au milieu 
» d'une provifion de gelée (1). 

» Je n'aimois pas que les abeilles euifent préféré les vers aux œufs 
» pour fe donner des reines. Je defiroïs de connoître les œufs d'où 
» éclofent les vers de reines. Je plaçai fous mon microfcope quelques- 
>» uns de ces vers qui doivent fe métamorphofer en reines; jy plaçai 
3 en même temis des vers qui fe transforment en abeilles communes ; je 
» mefurai exactement les uns & les autres , & je fis mon pofible pour 
© découvrir entreux quelque différence ; je n'en trouvai aucune. J'ap- 
» pellai un de mes amis qui eft Naturalifte; je l'invitai à comparer avec 
» moi ces deux fortes de vers; il le fit avec foin, & ne vit que ce que 
» j'avois vu. 

» Peu dejours après , je tirai des douze caïfles les gâteaux que jy 
> avois renfermés ; je leur fubftituai d’autres gâteaux pareils aux pre- 
» miers, & je fermai les caifles : deux jours après, je voulus voir fi les 
> abeilles fe feroient fervies d'œufs plutôt que de vers, pour fe donner 
æ une reine; mais jobférvai qu'elles avoient choifi encote des vers de 
RER en mc 

(1) » Céue gelée étoir jatmâtre, & femblable à celle que M, de Rézumur a tou- 
» jours trouvée dans les cellules royales. Elle me parut compofée de miel, & d’une 
» fubftance laiteufe, pareille à celle qu'on voit fortir de l’intérieur des plus gros vers 
» que lon ouvre » ; 

» trOIS 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 333 


» trois jours. Je pris le parti de les laiffer continuer leurs opérations , 
» & j'eus au bout de dix-fept jours dans mes douze caifles , quinçe 
» reines vivantes & belles. 

» J'avois fait cette expérience en Maï; je laiffai travailler mes abeilles 
>» une grande partie de l'été; je pouvois compter une À une toutes les 
» abeilles; je ny découvris pas un feul faux-bourdon , & pourtant les 
» reines furent fécondes & donnèrent de la jeunefle. 

» Je répétai l'expérience dans fix autres caifles femblables aux pre- 
>» mières. J'ai décrit ces caifles dans mes écrits; & comme je voulois 
» m'aflurer fi les abeilles pouvoient fe donner des reines au moyen 
» de fimples œufs , j'eus foin de ne renfermer dans trois de mes caifles 
» que des gâteaux où il ne fe trouvoit que des œufs. Lorfque je vins 
» enfuite à ouvrir ces caifles, je vis que les abeilles n’avoient fait au- 
» cune difpoñition relative à la production d’une reine. 

» Il n’en éroit pas de même des trois autres caifles dans lefquelles 
» j'avois renfermé des géteaux où fe trouvoient des vers de trois à 
» quatre jours : chaque petit effaim avoit la reine-abeille, qui étoit pro- 
» venue d'un de ces vers. 

» Je continuai à répéter cette fingulière expérience tous les mois de 
» l'année , & même ie les mois de Novembre , où l'on fait que les 
» abeilles ne donnent.jamais d’effaim, & où par conféquent elles 
» n'ont pas befoin de mères ou de reines furnuméraires ; & chaque fois 
» je me procurai ainfi la plus belle reine. À 

» J'étois même fi sûr de la réuflite de l'expérience, que nr'étant fait 
» donner par un ami un feul ver vivant renfermé dans uñe cellule or- 


» dinaire , je procurai à mes abeilles , au moyen de ce feul ver, une 


» reine ou mère-abeille Elles détruifirent rous les autres vers d’abeilles 
» communes , & tous les œufs qui étoient dans le géreau. 

» Que devois-je conclure , Monfieur , de toutes ces expériences ? 
» Notre immortel Réaumur avoit dit, que la reine-abeille pondoit 
un, quatre, fix & jufqu'à quinze œufs d’où éclofoient une ou plu- 
» fieurs reines abeilles ; & mes expériences me démontroient que chaque 
» ver d'abeille commune pouvoit donner une reine. M. de Réaumur 
»avoit dit encore , que les abeilles communes éroient abfolument 
» dépourvues de fexe , qu'elles n'étoient ni mâles ni femelles; & toutes 
» mes expériences me prouvoient que les vers qui fe transforment en 
» abeilles communes , peuvent aufi fe transformer en reines. 

» Si mes abeilles s'étoient fervies conftlamment des œufs que renfer- 
» moient mes petits gâteaux , pour fe donner une ou plulieurs reines, 
» j'aurois pu en inférer que la reine pondoit dans le cours de l'année, 
»un grand nombre d'œufs de reines , & qu’elle.les mettoit en dépôt 
» dans des cellules ordinaires , pour fubvenir aux divers accidens qui 


Tome V, Part, IF. 1775. Vyv 


334 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


» menacent la vie des reines; j'aurois fortifié ma conje“ture par la con- 
» fidération de l'importance extrême dont la vie de cetre feule mouche 
» eft à tout le petit peuple : mais j'ai trouvé, au moins cent fois , 
» que les abeilles choiffloient un ver de trois à quatre jours , qui, 
» fuivant les loix ordinaires de la transformation , feroit devenu une 
» abeille commune , sil avoit été élevé à la manière des autres vers de 
» fa forte. ] 

» Je tirai donc cette conclufion , que puifqu'il n'étoit aucun ver 
» d'abeille commune qui ne püt donner une reine, toutes les abeilles 
>> COMMUNES appaïtenoient originairement au fexe féminin (1) ; qu'elles 
>» devoient pofléder dans une petitefle extrème , les organes qui carac- 
» térifent ce fexe ; que le développement de ces organes dépendoic 
» effenticllement d’une certaine nourriture appropriée & adminiftrée 
» dans un logement aflez fpacieux pour permettre à ces organes de s’é- 
» tendre en rout fens ; que fi, au contraire, ces deux conditions eflen- 
» tielles manquent, l'abeille commune eft condamnée à une virginité 
» perpétuelle : je la comparois plaifamment à une Veftale. 

» C'étoit ainfi que je raifonnois avant de publier mes expériences; 
» mais avec quelle défiance ne les ai-je pas publiées ? Je me voyois 
» obligé de contredire notre excellent Réaumur , & d'introduire un 
» nouveau fyfème dans la doctrine des abeilles. 

» J'ai prié publiquement tous les Naturaliftes , & en particulier Le 
» célèbre Gleditsch de Berlin , de répéter mes expériences , & de me 
» redrefler , s'ils obtenoient des réfultats différens : j'attends en vain 
n» depuis deux ans ; il femble qu'on ne veuille pas prendre les mêmes 
» peines que j'ai prifes , ou qu'on croie que Réaumur a tout décou- 
» vert, lui qui invite cependant les Naturaliftes à approfondir davan- 
» tage la naiffance de la reine-abeille ; ce qu'il préfume qui nous vau- 
» droit des exceptions remarquables. 

» Dans le paflage de cet habile Académicien , que j'ai ici en vue, 
»ilétoit bien près de notre manière utile de former les effaims. Vos 
»belles ouvertures , Monfieur, dans la Contemplation de la Nature , 
» Part. XI, Chap. XXV, conduifoient bien direétement à cette mé- 
» thode; & c'eft précifément celle que nous employons actuellement : 
»elle nous a valu cheque année plufieurs centaines d’efJaims nou- 
» veaux : je le montre en détail dans mon dernier Ecrit (2). Au refte , 


em 


(1) Le Docteur Marder, Anglois, dans fa A/onarchie des Abeilles, nomme 
les ouvrières Dames où ÆÂmazones; mais perfonne ne l’avoit écouté. 

(2) M. Blgfiere, de la Société des Sciences de Hollande, a publié à la Haye, 
en 1771, une Traduétion françoife de POuvrage allemand de M. Schirach, fous 
le titre d'Hiffoire Naturelle de la Reine des Abeilles, &c. L’eftimable Traduéteur, 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 335$ 


» on fent affez combien ces expériences peuvent être utiles dans l'éco- 
» nomie ruftique, 

» La propagation des: pucerons que vous avez démontré fe faire fans 
» accouplement ( Corps organifés ; 303, 304. Contemp. de la Na. 
22 Part. VII, Chap. VIT }, eft une excellente analogie avec ce qui fe 
» paile chez les abeilles. Les faux-bourdons ont dans leurs vaifleaux 
» feminaux une prodigieufe quantité d'une liqueur blanchâtre. IL fem- 
» ble que cette liqueur ne foit point en rapport avec la pctitefle des 
>» parties génitales de la mère-abeille. : mais comme la liqueur feminale 
» doit être non-feulement un fHimulant , mais même un fluide nourricier, 
» conformément à vos principes fur (la Géneration ; je conçois très- 
» bien que cette grande quantité de liqueur feminale des faux-bourdons 
» ne doit pas être fuperfue dans le tems où la plus grande partie 
» des abeilles viennent au jour: en un mot, il y a ici la plus belle 
»analogie; car M: Hatrors a très-bien prouvé que la mère- abeille 
» eft féconde fans accouplement. On infére fa Differtation dans notre 
» troilième Recueil. r 

» Mais quel fera donc l’ufage fecret des faux-bourdons ? A quoi bon 
» la fâge nature les auroit-ellé pourvus d’un fi grand appareil d'organes 
» fécondareurs. Les idées fi bien fondées que vous avez expofées fur la 
» génération dans ce Chapitre de votre Contemplation que je viens de 
» cirer, éclairciflent ceci. Vous y revenez encore dans votre Préface, 
» pag. xvij, & j'en ai été charmé, . 

» Telle a été en raccourci route ma marche : je vous fupplie, 
>» Monfieur ; de me communiquer vos doutes & vos remarques; 
» M. le Pafteur Wilhelmi ,:mon beau-frère , ne fauroit fe perfuader 
»encore ces découvertes: il conjecture qu'un heureux hafard m'a tou- 
» jours fait rencontrer dans les cellules un œuf de reine ; il commence 
» néanmoins à être un peu ébranlé: il eft vrai que ce qu'il conjeéture 
»eft poflible; mais il faut convenir qu'il n'a en fa faveur que la 
snfimple pofibilité :“& lorfque je lui prouve que les abeilles pren- 
» nent des vers qui éroient deftinés à donner des abeilles communes , 
» lorfque je lui laïfle choifir lui-même un pareil ver , lorfque je lui 
>» prouve que je puis faire naître d’une feule ruche , dans tous les têms 
» de l’année , autant de reines que je veux, il ne fait plus alors que 
» m'objecter. 


a joint à fon Livre la Correfpondance de l'Obfervateut de Luface avec divers Savans, 
& les trois Mémoires que j'avois compofés für les Abeilles, foit fur les découvertes 
de Luface, foit fur celles du Palatinat. Je dois prévenir le Leéteur.qu'il fe trouve 
dans l'Ouvrage de M. Zlaffiere un grand nombre de fautés d'impreflion, dont 
beaucoup altèrent le fens. 


Tome V, Part, IV. 1775. Vy2° 


336 ‘OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


» Nombre de perfonnes applaudiffent; mais elles me croient fur ma 
» parole, & c’elt précifément ce que je ne veux pas: il faut que l'on- 
» S'aflure par foi-même de la vérité des faits que j'ai découverts. Je ne 
» prétends pas obliger le public éclairé à croire fans examen; je 
>» prie qu'on veuille bien répéter fouvent mes expériences. On peut 
» choïfir fimplement une ruche en panier; on en détachera à volonté 
» un gâteau de quatre à cinq pouces en quarré plein de couvain: on 
» attachera ce gâteau au haut d'un autre panier vuide-; on le mettra 
» à la place de l’ancienne ruche, & on verra bientôt que les abeil- 
» les qui étoient forties pour butiner , entreront dans ce nouveau 
» panier, y conftruiront une ou plufieurs cellules royales, & fe don- 
» neront une ou plufieurs reines de! la manière que Jai expofée: c'eft 
»ce que l'Obfervateur pourra répéter bien des fois pendant toute la 
» belle faifon; feulement, il ne faut pas s'attendre dans ces fortes d’ex- 
>» périences, à recueillir beaucoup È miel, parce que le travail des 
>» abeilles en eft toujours troublé. 

» Le petit Ecrit Allemänd que je vous envoie , & que notre 
» Cour a déclaré par Lettres-Patentes un Livre élémentaire, indique 
s plus clairement la manœuvre, chapitre V, page 35. J'ai vifé dans ce 
» Livre à la clarté & 2 la précifion; je l'ai deftiné aux gens de la cam- 
>» pagne ; c'eft un extrait d’un plus grand Ouvrage que j'ai ublié fur les 
» abeilles | & auquel j'ai joint la traduétion Allemande du Traité de 
» Palteau. 

» Dans la fuite je prendrai la liberté de vous communiquer quel- 
» que chofe fur la privation du fentiment de la faim chez les abeilles. 
>» Cette conjecture que vous propofez, part. XI, chap. XXV de la 
» Contemplation de la Nature, m'a paru très-neuve , & digne d'être 
» approfondie : j'en dis de même des autres idées que vous propofez 
» fur la police de nos mouches , & qui font autant de textes que vous 
>» donnez à méditer au Lecteur Philofophe ». 

Je joindrai ici la réponfe que j'ai faite à M. Schirach, & qui con- 
tient mes premières réflexions fur fon intéreffante découverte ; elles auraient 
demandé à être développées, pour qu'on püt mieux fentir leurs liaifons 
avé d’autres faits & avec Les conféquences les plus naturelles de ces 
faits: mais e’éroit une lettre que je compofois, & non un Traité; d’ail- 
leurs , je parlois à un Obfervateur éclairé, & qui s’étoit fort occupé de 

mes derniers Ecrits. 


A Genthod, près de Genève, le 7 Février 1770. 


« Je fuis bien honteux de répondre fi tard à votre intéreffante lettre 
» du 16 Ottobre: pardonnez ce retard à des occupations qui fe font 
La 


NN 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 337 
» Tuccédées, & qui ne me laiffoient pasle loifir de méditer à mon gré vos 
» curieufes découvertes. 

» Je vous avouerai fans détour, que lorfque vous me communiquä- 
»tes pour la lé fois vos expériences fur l’origine des méres- 
» abeilles , je foupçonnai fortement que vous aviez été trompé par 
» certaines circon{tances auxquelles vous n'aviez pas donné aflez d'at- 
»tention. Vous ne me faurez pas mauvais gré de mon foupçon: vous 
» conviendrez volontiers qu'il étoit très-logique , puifqu'il repofoit fur 
» les obfervations des plus grands Maïtres dans l'art fi difficile d'étu- 
» dier la Nature. J’avois lu & relu les beaux Mémoires de feu mon 
» illuftre ami M. de Réaumur : j'avois vérifié moi-même un bon 
» nombre des faits qui fondent fa rhéorie des abeilles. J’avois lu aufli 
» l'Hifloire des Abeilles du célèbre Swammerdam, & celles du favant 
>» Maraldi. J'avois donc la tête très-pleine de toutes les vérirés que 
» nous devons à la fagacité & aux longues recherches de ces habiles 
» Naturaliftes. Vos expériences renverfoient de fond en comble tou- 
»tes les idées que j'avois puifées chez ces Ecrivains & dans mes 
» propres obfervatidns. Vous me paroifliez répandre fur la génération 
» des abeilles une forte d’arbitraire , qui me fembloit choquer tout ce 


°» ER je connoïflois de plus certain fur la marche de la nature. En- 


» fin vous ne me donniez que des réfulrats très-généraux , & point 
» du tout de ces détails qui les conftatent & en perfuadent la 
» vérité. 

» Aujourd'hui, Monfieur , j'ai fous les yeux ces détails fi néceflai- 
» res à mafoi, & jen fuis redevable à la longue & obligeante lettre 
» que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire ; elle m'a fait le plus grand 
» plaifir, & je vous en témoigne ma fincère reconnoiffance: je lui ai 
» donné toute l'attention qu’elle méritoit ; elle a diflipé la plupart de 
» mes doutes, & au moins les plus effentiels. Il me feroit impoñlble à 
» préfent, de foupçonner que vous vous en foyez laïffé impofer par 
» aucune de ces petites circonftances qui ont quelquefois trompé les plus 
» habiles Obfervateurs. D'ailleurs, vous avez apporté dans ces expérien- 
» ces, tant de précautions & de foins; vous les avez pouflées AE k 
» vous les avez fi fort variées & répétées tant de fois, que malgré 
>» mon incrédulité très-invétérée, je ne fais plus ce qu'on pourroit vous 
» objecter de tant foit peu raifonnable. 

» Nous vous devons donc des connoïiflances abfolument neuves fur 
» la police des abeilles ; &, ce qui eft beaucoup plus, des connoiffances 
» très-utiles à cette partie de l'économie ruflique, & qui n'avoient pas 
» même été foupçonnées par aucun Naturalifte ancien ou moderne. 
» Vous avez donc prouvé par une fuite d'expériences bien faites; qu'une 
» poignée d’abeilles neutres, renfermées dans une boîte avec un petit 


Tome F, Part. IV, 1775. 


338 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


» gâteau plein de couvain, élèvent fur ce gâteau des cellules royales, 
» d'où fortent des mères abeilles. Vous m'écrivez même, que vous comp- 
» tiez vellement fur vos expériences , que vous vous fres donner par quelque 
» ami un feul ver vivant , renferme dans une cellule ordinaire, € que 
» vous procuräies par ce ver feul une mère-abeille 4 vos neutres. Je ne 
>» penfe pas qu'on puifle atteindre à une plus grande certitude en matière 
» d'expérience. Je ne defire plus qu'une feule chofe , & vous la defirez 
»autli; c'eft que d'autres Obfervateurs veuillent fuivre la nouvelle 
>» Toute que VOUS Venez de leur ouvrir, & répéter des expériences fi 
» dignes de l'attention des plus grands Phyficiens (1). Si je me trou- 
» vois dans Les mêmes circonftances où j'étois il y a vingt-huit outrente 
» ans, je mempreflerois à marcher fur vos traces. , 

» Ceux qui ont autant médité que moi fur la grande & ténébreufe 
» matière de la génération des êtres vivans, comprendront fans peine 
» tout ce qu'on peut fe promettre en ce genre de vos découvertes fur 
» l'origine des reines-abeilles. Je fuppofe que tous vos faits font rigou- 
» reufement démontrés : il en réfulte évidemment qu'une nourriture 
» différente & beaucoup. plus abondante, un logement beaucoup plus 
» fpacieux & autrement difpofé, fufñfent pour transformer des vers de 
» neutres en vers de reines. Vous comprenez aflez que je ne veux pas 
» parler d'une véritable transformation ; je n'en connois point de telle 
» chez les infeéles : je me fuis fort attaché dans les corps organifés & dans 
» la contemplation à prouver , que ce que nous nommons transforma- 
» tion, génération ; n'eft que le fimple développement de ce qui pré- 
» exiftoit très en petit, & fous une autre forme dans le tout organique. 
» Je conçois donc avec vous, Monfieur , qu'il ny a originairement 
» chez les abeilles que deux fortes d'individus , des mâles & des femel- 
» les ; & que les individus neutres ne le font que par accident. 

» En réfléchiffant un peu profondément fur tout ceci, j'ai été ramené 
» infenfiblement aux principes que vous me connoiffez fur la génération , 
» & que j'ai expofés fi en détail dans mes trois derniers Ouvrages. J'ai 
» établi fur des preuves qui m'ont paru folides, que la liqueur feminale 
» eft un vrai fluide nourricier & un flimulant. J'ai montré comment 
» elle peut produire les plus grands changemens dans les parties inté- 
» rieures des embrions. [1 ne me paroît donc pas impoñlible , qu'une cer- 


(r} Je m’étois empreffé à faire part de ces découvertes au célèbre M. Duhamel 
du Monceau, & je l’avois prié de les mettre fous les yeux de l'Académie Royale 
des Sciences, dans l’efpérance que cette favante Compagnie nommeroit des Com- 
miffaires pour les vérifier : mais aucun de ces Membres n’a pu s’en charger, & le 
Public l’apprendra à regret. Elles ont cependant été vérifiées en divers endroits de 
PAllemagne , comme on peut le voir dans le Difcours préliminaire de lOuvrage 


de M. Schirach, traduit par M. Blaffiere. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 339 


» taine nourriture &une nourriture beaucoup plus abondante, puiffe faire 
» développer dans les vers des abeilles, des organes qui ne fe feroienr 
» jamais développés fans elle. Combien d’autres faits qui concourent à 
» établir la même vérité! Je ne vous rappellerai aétuellement que la 
» greffe de l'ergot du coq fur fa crête : Corps organ. article 271. Je con- 
» çois avec la même facilité, qu'un logement beaucoup plus fpacieux 
» & autrement difpofé, eft abfolument néceffaire au développement 
» entier des organes, que la nouvelle nourriture tend à faire croître en 
» tout fens. Il me femble qu'il eft aflez indifférent en foi, que cette 
» nouvelle nourriture arrive à ces organes par la route du canal intef?i- 
» nal ou par toute autre route : il fufät qu’elle poffède la propriété de les 
» érendre en tout fens. Ce fera pour ces organes une manière de fécon- 
» dation appropriée à l’efpèce , & cout auñi efficace que celle qui donne 
» naiflance à l'animal lui-même. M. de Réaumur a très-bien prouvé , 
» page 597, tome V, que la nourriture des vers qui doivent donner 
» des reines eft beaucoup plus abondante & d’un goût très-différent ; 
» il l'a comparée bien des fois à celle des vers qui Me. donner des 
» neutres, & toujours ces différences entre les nourritures de ces deux 
» fortes d'individus , lui ont paru extrémement fenfibles. 

» Je lis à la page so 1 une obfervation qui a un rapport indirect avec 
» votre découverte. M. de Réaumur y fait mention de certains mâles 
» ou faux-bourdons , d'une taille beaucoup plus petite que celle du com- 
» mun des mâles. Il dit que les NEUTRES n'ayant pu conftruire affez 
» de grandes cellules, la MÈRE avoit été forcée de pondre des 
» œufs dé FAUX-BOURDONS dans des cellules ORDINAIRES, € 
» que le corps du ver y ayant été trop ferré, il n'avoit pu prendre tout 
» fon accroiffement. 

» Cet illuftre Obfervateur s’étoit attaché à prouver par un grand 
» nombre d'expériences , que la confervation & le bien être d’un effaim 
» dépendent de la reine-abeille. Il devoit paroître très-fingulier, que la vie 
»-de tant de milliers de mouches eût été liée de la forte à celle d’une 
» feule mouche; car combien d’accidens pouvoient menacer les jours 
>» précieux de cette mouche! Votre belle découverte nous montre quelles 
» font ici les reflources de la nature , & comment elle a fu affurer le 
» fort de la petite république. 

» Les aïles des abeilles, comme celles de toutes les mouches, font 
» d'une fubftance un peu friable , & qui n’eft pas fufceprible d'une 
» grande extenfion : celles de la mére-abeille font beaucoup plus courtes 
» que le corps, & n’ont que la longueur des aïles des abeïlles ouvriè- 
» res. Ce petit fait ne femble-t-il pas déceler l'origine des mères-abeil- 
» les , & nous indiquer que les ouvrières ne font pas d’une race moins 
» noble? Cette nourriture plus abondante , & fans doute plus élaborée, 


Tome VF, Part, IP. 1775. 


340 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


» qui peut faire développer dans un ver d'ouvrière certains organes, 
» & prolonger en tout fens routes les parties du corps, ne peut pro- 
» longer de même les quatre aïles, dont la fubftance un peu roide, 
» réfifte trop. 

» Mais on demandera comment il arrive que les ouvrières d'une 
» ruche pourvues d'une mère, ne s'avifent pas de conftruire, en toute 
» faifon, des cellules royales pour y élever des vers de leur forte à la 
» dignité de reines , tandis que fi l'on renferme une poignée de ces 
» ouvrières dans une boîte avec un peu de couvain, elles fe procure- 
» ront bientôt plufieurs reines ? M. de Réaumur auroit répondu qu'elles 
» ont été inftruites à ne bâtir des cellules royales que dans certaines 
» circonftances qu’elles favent démêler. Ceci pourroit donner lieu à 
» de nouvelles expériences qui accroïîtroient nos connoiffances fur la 
» porice de l'irffinél de ces mouches. induftrieufes : il faudroit, par 
» exemple, enlever la reine à une ruche bien peuplée , & dans laquelle 
» on fe feroit afluré qu'il n'y auroit point de cellule royale ; on ver- 
» roit ce que feroient alors les ouvrières, & on pénétreroic plus avant 
» dans le fecret de leur police. Il eft aifé de prévoir, d'après vos 
» obfervations , que ces ouvrières fe donneroient bientôt une reine ; 
>» mais sen donneroient-elles plufieurs, ou ne s’en donneroient-elles 
» qu'une feule ? & fi elles s'en donnoient plufieurs, que devien- 
» droient alors les furnuméraires ? Il y a bien de l'apparence qu'elles 
» feroient facrifiées , comme M. de Réaumur l'a raconté. Il ne nous 
» apprend point néanmoins comment & par qui Les reines furnumé- 
»raires font mifes à mort, & ce point mériteroit d'être éclairei. 
» Nous vous devrons encore cette nouvelle connoiïflance ; vous ne 
» manquerez pas füurement de tenter fur ce fujet des expériences qui 
» nous diront plus que Les conjectures auxquelles M. de Réaumur avoit 
» été réduit. 

» Dès que vous avez démontré, Monfieur , que de fimples vers 
» d'ouvrières peuvent devenir des reines , il eft par cela même démon- 
»tré que les ouvrières elles-mêmes font de véritables femelles fort 
» déguifées à nos yeux, & point du tout de véritables neutres. Ilen eft 
» fans doute de même chez les guépes , &c. &c. Si donc le fcalpel 
» & le microfcope de linfatigable Swammerdam wont pu découvrir 
> dans Les abeilles ouvrières , ces ovaires qu'on découvre fi facilement 
» dans la reine, c’eft apparemment qu’ils font d'une petitefle extrème 
> dans les ouvrières. Ils y font, en quelque forte , oblitérés : nous 
» fommes avertis aujourd'hui de les y chercher avec plus de foin, & 
» d'imaginer quelqu'expédient qui pourroit les rendre accellibles à notre 
> vue, aidée des meilleurs microfcopes. Je vous recommande fort cette 
» curieufe recherche : fi elle vous réuflifloit, elle acheveroïit de nous dé- 


» voiler 


U 


M 


M 


v 


"x 


ÿ 


ÿ 


y 
ÿ 


u 
o 


» 


vu 
LA 


2 


2 
» 


» 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 34f 


voiler l’origine des mères -abeilles, & le principe fondamental de leur 
gouvernement. 

» Il eft un autre point dont je ne trouve pas l'éclairciffement dans 
votre lettre , & qui pique beaucoup ma curiofité, c'eft de favoir 
comment les ouvrières, qui s'étoient procuré des mères dans les boîtes 
où vous les aviez renfermées , avoient tranfporté & logé dans des 
cellules royales , nouvellement conftruites , les vers de trois à quatre 
Jours , qui étoient logés dans des cellules ordinaires? La guèpe ichneu- 
mon (1), qui tranfporte fi adroitement , dans le nid de fes petits, 
des vers vivans, qui les y arrange proprement les uns au-deflus des 
autres, nous montre aflez ce que les abeilles font capables d'exécuter 
dans un genre, analogue : mais je fouhaiterois là-deffus des obferva- 
tions directes. 

» Jé reviens à ces vers d'ouvrières dont les abeilles favent tirer un 
fi grand parti : je voudrois que vous les difféquailiez avec plus de 
foin qu'on ne l’a fait ; peut-être y découvririez-vous plus facilement 
que non l'abeille elle-même , les rudimens des ovaires : vous irez 
enfüuite les chercher dans ces mêmes vers, prêts à devenir des 
reines, : 

.» Îl me vient dans lefprit une autre expérience ; mais je doute qu’on 
puifle Ja tenter avec fuccès : ce feroit de nourrir des vers de reines 
avec l'aliment propre aux vers d'ouvrières , & de nourrir des vers 
d'ouvrières avec l'aliment propre aux vers de reines ; fi cette expé- 


», rience réufiffoit un peu, elle nous feroit mieux juger encore de l'in- 
>» fluence de la nourriture. 


2 


» 


8 : 


> 


ÿ 


2 


Ÿ 


>» 


2 


LA 


Ÿ 


2: 


p2 


ÿ 


2 


» Unejautre expérience à tenter, & toujours dans les mêmes vues, 
ce feroit d’effayer d'introduire dans uñe cellule, où un-œuf auroit éré 


» dépofé, un petit tube exagone de carton fin (2), quien diminueroit 


la capacité : vous préfumez aflez , & je le préfume aufi, que les 
abeilles ne manqueroient pas d'enlever ou de déchirer ce tube ; tou- 
jours pourtant feroit-il bon de faire cet eflai : que fait-on? nous ne 
connoiflons les abeilles que bien imparfaitement ; peut-être encore 
qu'elles, enleveroient l'œuf ou le ver. 

», Quoi qu'il en foit , il reftera toujours , chez nos abeilles , une très- 
grande er ; C'eft que la plupart des individus de ce petit 
peuple demeurent toute leur vie inhabiles à la génération, par des 
circonftances purement accidentelles , & qui néanmoins deviennent 
effenticlles dans l'inftitution du sAGE AUTEUR de là Nature. 


i 


(r) Hifoïre des Infettes de M. de Réaumur, Tome VI, A£m. VIII; Contemp. 


de la War. (Part. XI]; Chap. XXVI. 


(2). Ou mieux encore de métal battu ou laminé. 


Tome F, Part, IV. 1775. X x 


342 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


» À la fin de fon feptième Mémoire des abeilles ; M. de Réaumuf 
décrit aflez au long les caractères qui lui ont paru différencier Les 
mères abeilles & les abeilles ouvrières. On voit qu'il étoit bien éloi- 
gné de foupçonner le moins du monde , que les unes & les autres 
participent à la même individualité , fi je puis m’exprimer ainfi : il 
infife en particulier fur les inftrumens deftinés à la récolte de la 
cire & du miel ; il fait obferver que les jambes de la dernière paire 
n'ont point, chez la mère abeille, cette palette triangulaire , ou cette 
petite corbeille dans laquelle les ouvrières favent raflembler la cire 
pour la tranfporter dans la ruche : il fait remarquer encore, que la 
mère-abeille a une trompe beaucoup plus courte que celle des ouvrières : 
qu'elle a beaucoup moins de ces poils qui fervent aux ouvrières à 
retenir la cire qu'elles recueillent, &c. : mais on conçoit aflez comment 
tous ces caraëlères, qui ont femblé fi eflentiels à M. de Réaumur, 
peuvent être plus ou moins modifiés pa la quantité & la qualité de 
la nourriture qui eft adminiftrée au ver. On comprend facilement que 
certaines parties , qui croiflent avec excès, peuvent en effacer d'au- 
tres ; qu'il eft des parties moins fufceptibles d’extenfion que d’au- 
tres : je l'ai déja remarqué à l’égard des ailes, Au refte, ceci ne dé- 
trüit pas le raifonnement de M. de Réaumur , fur les fins qu'on 
découvre dans le rapport de la ftruture de ces deux fortes d'indi- 
vidus & leur deftination particulière. Ces rapports n'en fubfiftent 
pas moins ; ils n'en font pas moins invariables , quoiqu’ils dérivent 
de caufes purement accidentelles. Ces caufes n’en produifent pas 
moins conftamment leurs effets, & elles étoient entrées dans le plan 
que le CRÉATEUR s’étoit propofé en appelant les abeilles à l'exiftence. 
» Je pafle maintenant à un fujet qui a une relation plus immédiate 
avec l’importante matière de la génération ; je veux parler de la fé- 
condation de la mère-abeille. J'avois foupçonné , en effet , que cete 
mouche pouvoit engendrer fans le concours des mdles. Je l'écrivois , 
le 10 de Novembre 1768, à M. Wilhelmi, notre digne confrère 
dans la Société des Abeilles : Wous favez que j'ai démontré que les 
pucerons font difhingués de fexes ; que les mâles font très-ardens , & 
que la même efpèce , où j ai obfervé bien des fois les accouplemens les 
plus décidés , fe multiplie pourtant fans accouplement : il femble donc 
qu'il ne feroit pas plus furprenant que la REINE-AREILLE mul- 
tiplidr fans le concours des mdles , qu'il ne l'eff que les PUCERONS 
multiplient fans ce fecours. Vous m'apprenez , Monfieur , que 
M. Hattorf a déja vérifié mon foupçon, & qu'il a trés-bien prouvé 
que la mère - abeille eft féconde . par elle- même. Cette découverte me 
fait grand plaifir ; mais J'aurois fouhaité que vous m'eufliez dit un 
mot de la manière dont M. Hattorf s'y eft pris pour la faire. Les 


— 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 343 


# expériences par lefquelles on entreprend de prouver ces vérités nou- 
velles , & qui choquent des loix eftimées générales ; ces expérien- 
ces, dis-je , ne fauroient être faites avec des foins & des précau- 
tions trop fcrupuléux: Vous avez pu voir, dans le Tome 1 de mon 
Traité d Infeébologie , publié à Paris en 174$ , tout ce que j'avois 
fait pour démontrer rigoureufement que les pucerons peuvent mul- 
tiplier de génération en génération, fans aucune copularion. Vous 
» avez vu que j'avois pouflé l'expérience jufqu'à la dixième généra- 
» tion : j'ai fort à regretter aujoutd'hui l'attention :rop continuée que 
»'javois donnée à de fi petits infeétes ; mes yeux s'en font malheu- 
» reufement trop reffentis, & s’en reflentiront toute ma vie. J'ai eu 
» au moins Ja fatisfaction de démontrer le premier une vérité inté- 
» reflante!, qui navoit été jufqu'à moi que Le fimple foupçon de quel- 
» ques Naturaliftes , & dont les polypes nous ont fourni depuis de 
» nouvelles preuves. 

- » S'il eft à préfent rigoureufement démontré que la mère-abeille eft 
» féconde par elle-même , il s’agit de parvenir à découvrir le véri- 
» table ufage des faux-bourdons. M. de Réaumur s'étonnoit du grand 
» appareil É leurs organes générateurs ; & de l'abondance de leur Li- 
» queur feminale. Si la mère -abeille n'a que faire de tour cela pour 
» multiplier, il y a bien plus de quoi nous étonner : il fera mieux de 
» ne nous étonner de rien, & de fonger fans cefle à l’imperfection & 
5 aux bornes de nos connoiffances naturelles. Je l’écrivois encore à 
» M. Wilhelmi : L'ufage fecret des mâles ou faux-bourdons peut être 
» bien différent de tout ce que nous penfons. M. de Réaumur a bien ra- 
»'conté les amours de la reine-abeille , mais il avoue wavoir jamais 
» obfervé de véritable accouplement. Qui fait fi les mâles ne répandent 
» point leur fperme dans les cellules royales où loge actuellement un 
» œuf ou un ver ? Qui fait fi ce fperme, mélé à la nourriture fur la- 
» quelle répofe l'œuf ou le ver ; n'accroît point l'énergie de certe 
» nourriture , & ne la rend pas plus propre à procurer le dévelop- 
# pement des ovaires, &c. ? Qui fait encore fi ce fperme ne pénètre 
» point dans le ver par d’autres voies ; que nous ne faurions deviner 
» ni découvrir ? Enfin il feroit poflible que les conjeétures que j'ai 
» hafardées fur l’ufage de l’accouplement chez les pucerons ( Corps 
» organ. 306; Contemp. de la Nat. Part. VIIT, Chap. VIII), reçuffent 
» ici quelqu’application heureufe. Vous paroiflez le croire, & je m'en 
» félicite : vous imaginez fans doute-des expériences qui vérifisront ou 
» détruiront l'application dont ilrsagit. 

» Je le difois en terminant ce Chapitre de la Contemplation que je 
» viens de citer: IL refle donc encore des expériences curieufes à tenter fur 
» les pucerons , malgré le srand nombre de celles qu'on a déja faites. Com- 


Torre PF Part Po a77$s » X x2 


JU M W YU Vu 
VU YU OS + 


u 
v 


344 OBSERVATIONSISUR LA PHYSIQUE; 

>» bien ces petits in,eêles mériteroient-ils d’être étudiés! IL demeure toujours 
» vrai que les plus petits fujets de Phyfique font inépuifables. Combien 
>» les abeilles font-elles plus inépuifabies encore que les pucerons ! Com- 
» bien feroit-il peu philofophique de s'étonner qu’il fe foit formé, dans 
» un coin de l'Allemagne, ure Société dont l'unique objet eft l'étude 
» des abeilles ! 

» Il refte certainement beaucoup plus de chofes à découvrir fur les 
» abeilles , que nous n’en connoïflons ; & nous ne faurions nous 
>» flatter tant foir ‘peu de voir jufqu'au fond dans un fujet fi fécond 
» & fi compliqué; nous ne faifons même qu'effleurer les fujets de 
» Phyfique en apparence les plus fimples : ne nous rebutons point 
» cependant, & ne nous laflons point de tenter de nouvelles expé- 
» riences : une des plus importantes feroit aflurément de privér une 
» ruche de tous fes méles, avant qu'ils euflent pu exercer aucune de 
» leurs fonctions ; il faudroit répéter cela fur la même ruche plu- 
» fieurs années de fuite , &! oblerver attentivement ce qui, en ré- 
» fulteroit. 

» Je ne puis quitter les abeilles fans vous inviter à vous aflurex fi 
» elles font réellement owipares..Je foupçonne que ce que l'on a pris 
» pour un véritable œuf, pourroit bien être le ver lui-même : fi je 
» ne me trompe, M. de Réaumur a élevé quelque part le même 
» foupçon ». 

Je ne développerai pas actuellement les diverfes réflexions que je 
ne fais qu'indiquer dans la Lettre qu'on vient de lire : il fera mieux 
que je renvoie à lé faire au tems où de nouvelles expériences auront 
répandu plus de jour fur un fujet qui demande à être approfondi juf- 
ques dans fes plus petites parties. Il tient, par des rapports aflez directs. 
à une des plus belles matières de la Phyfique , à celle de la génération ; 
& c’eft principalement fous ce rapport que je defirerois qu'il fût envi- 
fagé par les Naturaliftes : les recherches qu'ils tenteroient dans cette 
vue, pourroient conduire à des réfultats qui refléchiroient une lumière 

lus ou moins vive fur les endroits ténébreux de l'objet. Il arrive quel- 
quefois que le Phyficien parvient à des vérités cachées, par des routes 
ga lui avoient paru fort détournées , & qui étoient pourtant les plus 
irectes. 


r 


So 


SUR LHIST. NATURELLE ŒT LES ARTS. 345 


PETER EE ENTENDRE SPP ESEN EESEAIRLE" FRSETENIIT LEO LAC NT TT TS TE OPEN RE CEE CR 


OBSERVATIONS 
CE PA 0 ot A 


OU 


PA LS ANS. DEL A4, G UAL A NE (5); 


Par M. Soynini DE MAnoncOUR, Officier de Marine, 
Ingénieur du Roi dans la Guiane françoife, @ Correfpondant du 
Cabinet du Roi. 


da à ri de Buffon a bien remarqué ce petit nombre de dif. 
férences qui, diftinguoient J'Yacou & le Marail ; Rene qui exiftenc 
plutôt dans les defcriptions des Auteurs que dans les individus. Cer 
illuftre Naturalifte a foupçonné que Le Marail pourroit être la fe- 
melle, ou du moins une variété de l'efpèce de l’'Yacou (2). L'on ne 
pouvoit , au milieu de, l'obfcurité qui règne dans l’'Hiftoire des Oifeaux 
étrangers, & fans obfervations particulières ; on ne pouvoit, dis-je, 
déméler la vérité avec, plus de fagacité. Le Marail n'eft ni la femelle, 
ni une variété de l’Yacou : mais Le Marail eft l’Yacou ; ces deux oïifeaux 
ne diffèrent que par, leurs noms, & compofent une feule & même 
efpèce ; c’eft ce qu'il eft facile de prouver. 

L'on ne doit pas douter que le Marail ne foit le Guan ou Quan 
de M. Edwards (3). 11 eft vrai que, dans MASSE + les pennes de la 
queue , fuivant la remarque de M. de Bufon (4), font en tuyaux 


(x) Ale&or Brafilianus. A/ein. avi. pag. 112, n°. 4: — Phañanus fufcus Brafilien- 
fis. Ibidem. pag. 114, n°.2.— Phafanus Braflienfis Jacupema diétuis Marcprayii, 
Ray. fin. avium. pag. $6, n°. 2. — Jacupema. Pifon. Hif£. Var. pag 81: — Jacu- 
pema Brafilienfibus. AZzrco. Hiff. Braf. pag. 198.— Jacupema Brafilienfibus. Joe. 
avi, pag. 136. — Jacupema Braflienfibus. ZZarcg. Willugh. 'Ornich. pag. 118. 
— Guan ou Quan. Edwards. Tom. 1, pag.13.— Gallo Pavo caruncula in fronte 
carens. Gallo Pavo- Brafilienfis. Dirdon du Bréfil Briffon. Ornith. pag. 162, 
Tom. I.— Yacou. Buffon, Hift. Nar. pag. 149, Tom. 4. — Marail. [hidem. pag. 
153: — Phañanus cinereus, cervice fanguineâ..….Barr. Franc. equinox. pag--319. 


- Perdix Americana cinerea, cervice fargwineà. /Zzrail ou Faifan d'Amérique. Barr, 


Ornith. pag. 82. — Marail à Cane 
(2) Hift. Nac. des Oilfeaux, Tom, IV, pag. 153. 
(3) Edwards, Hift. Nat. des Oifeaux rares, pag. 13. 
(4) Hift. Nar. des Oifeaux, Tom. IV, pag. 154. 
Tome V, Part, IV. 1775. 


f 


346 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


d'orgue, comme dans le Faïfan, & non point toutes égales comme. 


dans le Guan : mais cette inégalité eft fi peu fenfible d'une penne à 
l'autre, qu'il eft très-poñlible qu'elle n'ait pas été reconnue dans une 
certaine difpofition de la queue ; elle eft d’ailleurs beaucoup moins 
apparente dans Sn je individus : j'ai a@uellement fous les yeux 
un Marail (1), dont, à la première vue, ces pennes paroïflent éga- 
les , & l'on ne s'apperçoit de leur grandeur -différente , qu'en les 
déployant. Quant à la fituation des ouvertures des narines , plus ou 
moins approchantes de la bafe, du, bec , c'eft une différence peu effen- 
tielle, qui change préfque à chaque individu ,‘& dont l'exactitude peut 
échapper à l'Obfervateur & au Deflinateur. Le mot Guan exprime un 
éri du Marail, & lof fait que les Indiens ne donnent prefque géné- 
ralement pour nom aux Oifeaux, que leurs cris mêmes. Il eft donc certain 
que le Guan de M. Edwards n’eft autre que l'oifeau appellé Marail à 
Cayenne, & repréfenté dans les planches enluminées de M. de Buffon, 
N°. 338, fous le nom de Faifan verdätre de Cayenne (2). 

© AL paroi, auili conftant que le Guan ou Quan eft l'Yacou , le Jacu- 
pema de Marcgfave ; il eft vrai que la longueur des jambes , que le 
Guan où le Marail a d'une taille ordinaire , forme une difficulté : 
mais Le rapport frappañt des autres attributs de ces deux oifeaux font 
foupçonner , dans la AE de Marcorave, une erreur dans l'ob- 
fervation, où une variété d'individu. La couleur des yeux, qui ne fait 
pas un caractère diftinétif , eft un objet fi peu important, ue l'on 
n'en peut rien conclure contre la parfaite refflemblance de deux oi- 
féaux : mais une taifon qui ne doit laiffer aucun doute fur ce fujet , 
c’eft que le cri du Marail, outre le mot Guan , exprime auffi le mot 
Yacou , à peu près de cette manière : Guan, Quan , Quan , Yacou, Yacou. 
Il n’y a que trop de confufion dans la nomenclature des oifeaux étran- 
gets, pour ne pas chercher à la diminuer : trois oïfeaux , le Guan, 
l'Yacou & le Marail , que l'on avoit regardé jufqu'à préfent comme 
formant trois efpèces diflérentes , n'en feront dorénavant qu'une, dont 
je vais parler fous le nom de Marail. 

H eft plus Er qu'une poule ; fa longueur , depuis le bout du bec 
jufqu'à celui de la queue, eft d’un pied & demi. Le bec a la forme 
de celui des gallinacées : c’eft au milieu de fa longueur que font pla- 
cées les ouvertures des narines. Le fommet de la tète eft garni de 


_— 


(1) C’eft une femelle, 

(2) Cette planche n’eft pas exaéte ; on a peine à y connoître le Marail. Elle eft 
d’ailleurs contraire à l'Ouvrage pour lequel elle a été faire; & puifque, dans l’Hif- 
toire du Marail, l'Auteur ne veut pas qu'il foit rangé avec les Pains ; Pourquoi, 
dans la planche de cetie même Hiftoire, cer Oifeau eft-il nommé Faifan? 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 347 


plumes aflez longues , que l'oifeau peut élever en forme de huppe : 
les côtés de la tête font couverts d'une peau nue & rougeitre, au 
milieu de laquelle font Les yeux, dont l'iris eft jaune ; cet efpace nud 
eft entouré , en deflus & en deflous , d’une bande de petites plumes 
M UNE variées de blanc, & de la couleur générale du corps. La gorge 
eit dénuée de plumes , la peau en eft rouge & femée de poils noirs ; 
cette peau nue n'eft point une membrane , comme le dit M. Briffon(1), 
fans doute pour rapprocher le Marail du genre du Dindon, dans lequel 
il l'a rangé. 

Tout le cou eft couvert de plumes brunes ; on y remarque des reflets 
verts & de couleur de cuivre; ce cou & la poitrine font mouchetés de 
blanc ; chaque plume des couvertures des aîles a une bordure blan- 
che prefque LENS ne ; & l'on remarque une teinte rouflâtre fur 
les grandes plumes des aîles , qui$ lorfqu'’elles font pliées , ne paffent 
guère l’origine de la queue. Le ventre eft brun nuancé de gris ; la 
queue eft de la couleur du corps en deflus & brune pardeflous; les pieds 
& les doigts font d’un rouge aflez vif , & les ongles bruns ; le de 
du milieu eft beaucoup plus long que les autres. 

La femelle a auifi une huppe , mais moins fournie , moins belle & 
moins longue que celle du male ; fon corps eft aufli plus gros : elle a 
le bec plus long ; la peau nue de la gorge, moins rouge , & celle qui 
entoure les yeux, d’un cendré bleuâtre ; ce qui concilie la différence 
des couleurs de cette peau , obfervées dans le Marail & l'Yacou : du 
refte la femelle eft entièrement femblable au mâle. 

Le Marail s’apprivoife très-aifément ; j'en ai vu un dont la fami- 
liarité étoit importune : il étoit fenfble aux carefles ; & lorfqu'on ré- 
pondoit aux fiennes , il donnoit des marques de la plus vive joie par 
es mouvemens & par fes cris femblables à ceux d’une st qui raf- 
femble fes pouflins autour d'elle. Dans l'état de liberté , fes mœurs font 
douces , fon caractère tranquille : il habite les lieux folitaires, & fe 
nourrit de fruits fauvages ; la femelle fait fon nid fur les arbres , & 
pond deux œufs , dont l'un produit le mâle & l’autre la femelle : .ce 
couple, uri dès fa naiflance , ne doit plus fe féparer ; dès que l’âge 
permet à leur jeunefle de fe fevrer des foins paternels , qui leur ont 
été prodigués avec la tendreffe la plus vive ; ils prennent leur efor , 
choififfent les lieux qui leur conviennent le plus par l'abondance de 
la nourriture qui leur eft propre , ne fe quittent jamais; & conftans 
dans leur goût , dans leur demeure autant que dans leurs amours, 
quand la faifon en eft venue , ils donnent à leur tour l’exiftence à 


(1) Ornith. Tom. I, pag. 163. Dindon du Bréfil. 
Tome V, Pare. IF, 1775. 


343 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, | 
des êtres auf doux & auf paifbles qu'eux, & donc ils partagent 
l'éducation. Gr: , 

On ne les rencontre jamais en troupe ; ce qui détruit l'obfervation 
ou plutôt le fouvenir de Pifon, qui fe rappelle d’avoir entendu re- 
tentir les forêts des cris des Marails qui voloient en bande (1). Chaque 
paire fe fufffant à elle-même , ils ne cherchent pas, ils fuient même 
la fociéré de leurs femblables : ils font les premiers oifeaux qui fa- 
luent l'aube du jour par leurs cris, qui ne répondent pas à leurs bonnes 
qualités ; leur voix eft des plus défagréables , & prononce avec force 
les yllabes dont on a formé leurs différens noms; heureufement, ils 
les répèrent peu , & prefque jamais pendant le jour ; ils rendent feu- 
lement au foleil couchant les mêmes honneurs qu'à fon lever : c’eft à 
cétte rranquilliré pendant la journée , qu'ils doivent leurs sûreté ; on 
ñe les découvre que difficilement fr les arbres : mais malheur à eux 
fi on les {urprend: au moment où ils cherchent à terre leur nour- 
titure, car ils fe contentent de voler fur l'arbre le plus prochain , 
où ils ne peuvent échapper aux traits du Chaffeur. Un des deux 
époux une fois tué, l'autresne doit pas lui furvivre , car il ne fuit pas; 
où fi le bruir-d'un coup de feu l'a contraint à s'éloigner pour un inf- 
tant , ilrevient bientôt à l'endroit où’ il a laiflé fon compagnon; & 
il y reçoit la mort que fa douleur feule lui auroit peut-être donnée. 
IL femble que la cruauté des hommes cherche à détruire ce qu'elle ne 
peut imiter. 

Les Marails, comme je viens de le dire , font prefque toujours 
perchés ; ils ne defcendent à terre que pour y amañfler les fruits & les 
graines qui compofent leur nourriture : le peu de longueur des aîles, 
comparée à la grandeur du corps, démontre affez qu'ils ne font pas 
fufcepribles d’un vol élevé ni long ; aufli volent-ils pefamment & avec 
beaucoup de bruit : mais , en revanche , ils courent à terre avec une 
viteffe extraordinaire en déployant les aîles. Leur chair, fans être meil- 
leure que celle du Faifan (2), eft bonne ; mais il eft rare d’en trouver 
qui ne foient durs : les jeunes feuls font exempts de cette: mauvaife 
qualité. J 

Quelques Naturaliftes ont placé le Marail dans le genre du Dindon : 
faivant les obfervations de M. Aublet, faites fur les lieux , il n'en eft 
diftingué que par fa taille plus petite (3) : mais il en difière à beau- 
coup d'autres égards. M. Briflon, en le nommant Dindon fans caron- 


(x) Pifon. Hift. Nat. Braf. pag. 81. 
(2) M. Aubler, Hit. Nat. des Oïfeaux de M. de Buffon, Tom. IV, pag. 154: 
(3) Ibidem. 


cule 


2. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 349 


cule au front (1), n'a levé qu'un obftacle ; car il eft toujours éloioné 
de ce genre par la taille, les pieds fans éperons , la poitrine dépourvue 
du bouquet ‘de crins durs, & fur -tout par l'impuifflance de faire la 
xoue en relevant les plumes de la queue. 

Le fentiment de ceux qui en font un Faifan , eft le plus général & 
le mieux fondé : les différences que lon peut trouver ne font pas affez 
caractérifées & en aflez grand nombre pour l'exclure de ce genre ; & 
les reffemblances font fi frappantes & finombreufes , qu'on ne doit pas 
héfiter à l'y ranger : car je ne regarde pas comme des difconvenances 
tranfcendantes , ni la forme du bec, qui eft prefque la même que dans 
le Faïfan ; ni la peau nue de la gorge, qui n’eft point une membrane, 
comme je l'ai déja remarqué ; ni l'égalité des pennes de la queue, qui 
n'exifte pas, & qui fouvent n'eft qu'apparente ; ni la huppe, qui n’eft 
pas compofée , comme celle des hoccas , de plumes étagées , frifées 
élégamment, & plus larges à leur extrémité qu'a l'origine : cette huppe 
n’eft formée que par des plumes peu longues, liffes & par-tout de la 
même largeur : enfin le peu de rapport dans le naturel de ces deux 
oiféeaux , n'eft pas une raifon péremptoire pour en faire deux genres 
diftinéts ; cette difconvenance peut venir de l'influence du climat, & 
peut-être du voifinage des hommes. Le Marail , dans les vaites {oli- 
tudes qu'il habite , fans fujets de crainte, fans goûts deftructeurs , doit 
naturellement avoir les mœurs douces & tranquilles ; placé ay milieu 
de nos pays habités , l'inquiétude continuelle où le tiendroient les em- 
buches multipliées, & la pourfuite des hommes , changeroït bientôt 
fon naturel paifñble , en un caractère farouche & femblable à celui de 
nos Faifans. Quant à la manière dont ils nichent fur les arbres , elle 
vient de la néceflité de garantir les œufs & les jeunes oifeaux de la 
voracité d’une multitude d'animaux de toute efpèce , dont ils feroient 
la proie , s'ils faifoient leurs nids à terre comme nos Faifans. 

L'on eft donc fondé à regarder le Marail comme un Faifan ; mais 
s'il n’eft pas un Dindon, il eft encore bien moins une Perdrix, comme 
il a plu a M. Barrer de le nommer dans fon Effai d'ornithologie (2), 
après lui avoir donné le nom de Faifan dans l'Hiftoire Naturelle de 
| la France équinoxiale (3). Cette nranière affez plaifante de chercher 
à avoir une fois raifon, en changeant de fentiment à chaque Ou- 
vrage, ne réuîit pas toujours à l’Auteur. Je ne connois pas l'oifeau 
qu'il appelle Marail des Amazones (4) : & toutes mes informations 


| 
| 
| 


A — 


1) Gallo pavo carunculà in fronte carens, Ornith. pag. 162. 

2) Perdix Americana cinerea, cervice fanguineâ. Ornirh. Specim. pag. 82. 
3)-Phafanus cinereus, cervice fanguineâ. Franc. equinox. pag. 133. 

4) Phafanus niger , arburus, viridi roftro.. f£urail des ÆAmazones Franc, équi- 


Tome F, Part. IV. 1775. AT 


359 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


a ce fujet, faites fur les lieux , n’ont fervi qu'à me faire douter de 
l'exiftence de cette efpèce ; je n'ai trouvé perfonne qui en eût la moin: 
dre idée. F 

La grande difpofition à s'apprivoifer , que l’on remarque dans les 
Marails , fait juger qu'ils feroïent très-propres à peupler nos bafle-cours; 
il y a lieu de croire qu'avec quelques foins;, ils réulliroient en Europe, 
où leur chair , devenue meilleure par l'éducation , fourniroit une nour- 
riture faine & fucculente. 


PP PERRET TE SEP EL TE J 


OBSERVATION . 


De M. l'Abbé DrcouemARE, Profeffeur de Phyfique & d'Hifloire 
Naturelle, de plufieurs Académies Royales des Sciences, des Belles- 
Lettres & des Arts, Gc. 


12 I les polypés d’eau-douce, obfervés par les plus grands Naturaliftes 
de notre fiècle, par des Phyficiens diftingués , ont offert des phéno- 
mènes, des merveilles capables de faire époque en renverfant une foule 
de fyftèmes d'économie animale ; faut-il s’éronner qu'il fe trouve des 
perfonnes intéreflées à répéter fans cefle que ces grands Obfervateurs 
fe font laiflés féduire par des apparences trompeufes , par l'amour du 
merveilleux , ou par la Ie des objets ? Ne fait-on pas d’ailleurs 
que l’efpoir d'entrer en lice produit plus d'illufion chez les hommes 
ordinaires , qu'un fpectacle nouveau dans la nature , une heureufe dé- 
couverte ne procure de plaifir à ân vrai Savant ! Eft-il bien certain 
Fou polype d’eau-douce n’eft point un animal ? Eft-ce, comme on le 
uppofe , un fourreau qui contient des animaux imperceptibles , vivant 
en fociété fous cette enveloppe connue , qu'ils s’empreflent de réparer 
lorfqu'on en a retranché une partie , ou qui s’y trouvant trop à l'étroit 
par leur prompte multiplication, en conftruifent une femblable deflus 
ou à côté? Si c'eft-là le principe de ces reproductions, qui ont fait 
tant d'éclat, les merveilles difparoïffent, tout rentre dans l'ordre connu; 
& après avoir parcouru un cercle d'’illufons , nous fommes de retour 
au point d'où nous étions’ partis. 

Etudier la nature d'après la nature même , eft une occupation lon- 
gue & pénible lorfqu'il faut varier fes procédés , changer d'objets pour 
faifir dans l'un ce qu'on ne pouvoit appercevoir dans l’autre. On fe 
laffe aifément, comme nous l'avons dit, de regarder & de ne pas voir , 


ox, pag. 1393 & Perdix Americana, nigra, abacos, viridi roftro. Ornirh. pag. 82. 


SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 351 


de voir & de ne pas connoître , de connoître fans pouvoir former la 
chaîne circulaire des effets & des caufes. Il eft plus commode & plus 
agréable de raifonner & de donner l’effor à fon imagination ; alors , 
fur un heureux peut-être , favorifé par la ténuité des objets , on trouve 
des approbateurs chez ceux qui craignent de revenir fur leurs an- 
ciennes idées. Si les polypes d’eau-douce euffent été gros comme le 
doiot , ils auroient privé bien des gens de la fatisfaction de difcourir 
fur la reproduction pofible ou non poflible des parties confidérables du 
corps d'un animal, & fur fa multiplication par des feétions acciden- 
tèlles : les anémones de mer, fur-tout celles que j'ai défignées comme 
la troifième efpèce (1), ont abfolument & fans retour prouvé l’afir- 
mative. L'animal étant coupé en deux, la partie fupérieure où font les 
membres, la bouche, des membranes , des mufeles, des couleurs loca- 
les, &c., a été reproduite par la partie inférieure ; & réciproquement 
cette’ dernière avec fa bafe, les inteftins, les membranes, les mufcles, 
&C., particuliers à cette région, a été reproduite par la fupérieure : 
en forte que, par ces fections, on obtient deux animaux pour un, 
parfaitement organifés , & en tout femblables au premier : ce n’eft pas 
tout encore, on peut recommencer. Dans les deux parties , rien ne 
périt ; on n'y apperçoit aucune altération : c’eft dans l’une & dans 
l'autre de la feétion même que fe fait la reproduction. IL eft inutile 
de revenir fur ce que j'ai dit dans un premier Mémoire inféré dans 
le foixante-troifième volume des Tranfattions Philofophiques , en 
Anglois & en François , avec figures ; cela eft connu : je ne dois pas 
même retracer ici ce que contient un fecond , qui eft fous les yeux 
de la Société Royale Fe Londres ; c’eft dans ces deux Mémoires & 
dans l'Ouvrage entier qu'il faudra voir les détails & les figures que je 
fuis obligé de fupprimer. 

Si un animal gros comme le pouce peut être regardé comme une ville 
aflez petite pour que fes habitans échappent à des yeux long-tems exercés 
& aidés des meilleurs microfcopes , nous invitons à prendre une ané- 
mone de la quatrième efpèce , grofle comme le bras ; & lorfqu’elle 
fera alongée & ouverte, autant & plus que dans la figure ci-jointe , 
pl 2, fig. 1 (2), qu'on la coupe fubitément & bien net, avec de 
grands cifeaux, par la moitié du corps, felon la ligne ponétuée, ou 
plus haut ou plus bas, avant qu'elle ait le tems de fe retirer fur elle- 


(1) Voyez ce qui a été publié dans les volumes du mois d'Oëtobre 1772, c’et- 
à-dire Tome IT, Part. I], pag. 2013; dans le vol. III, Part. IT, pag. 151 ; & dans 
Je Tome I. 1773, Juin & Mai 1774. 

(2) Cette figure ne montre pas l’animal dans toute fa beauté, mais elle convient à 
Pobjet qui nous occupe. 


Tome V, Part, IF. 1775. Yy2 


352 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


même ; & lorfqu'on aura, à fon aife & fans crainte d'illufñion microf- 
copique , fuivi fa reproduction , fi on doute encore , nous laiflerons 
douter. J'ai fenti & j'ai indiqué une partie des avantages qui devoiene 
naître de ces heureufes découvertes , fur- tout. dans la Phyfologic ,& 
dans l'Art dé'guérir, & je fuis fâché de voir que celles du même genre 
éprouvent des contradictions qui en retardent les progrès. Mes ané- 
mones de mer m'obligent à croire que les merveilles , qui font partie 
de l'ordre. établi, vont infiniment plus loin que ce que nous apperce= 
vons, & que ce que l'imagination la plus étendue peut embrafler. En 
admettant ces fortes de poflibilités , c'eft , dira-t-on peut-être, détruire 
tout dans la Philefophie : quon y réfléchifle ; il n’eft queftion ici que 
de la nature, c’eft-à-dire, de l’ordre que Dieu a établi: or, dans la 
nature, la connoiflance des effets nous eft utile ; elle nous eft nécef- 
faire : nous obfervons ces effets avec foin, & nous les expofons avec 


vérité. I eft facile d'appercevoir que notre objet eft d'augmenter la’ 


fomme de nos connoiflances dans la Phyfique , & d’en faire d'heureufes 
applications au bien-être de la fociété. Telle eft notre manière de cul- 
tiver cette partie de la Philofophie ; malheur à quiconque fe ferviroit 
de nos découvertes, pour en tirer des conféquences qui décéleroient 
la foibleffe de fon efprit & les écarts de fon imagination ! Après avoir 


troublé l'ordre , il fe brüleroic au flambeau de la vérité , qui devoit 


éclairer. 


| 
| 
À: 


neE 27 Port 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 353 
SP UE 
LE CENTRE 


DeM. Mon er, Breveré du Roi pour la vifite des Mines de France, 
des Académies des Sciences de Stockholm , de Turin, de Rouen, & de la 
Société Littéraire d'Auvergne (1) cree à M. SPr1LzMAN ï 
Profefleur de Chymie de l'Univerfité de Strasbourg, Gc. 


M ONSIEUR, fi je prends ici des titres, c'eft pour me faire recon- 
noître ; & s'ils ne fuMfenc pas auprès de vous, j'aurai l'honneur dé vous 
tappeller que je fuis celui qui a été vous voir avec M. de Lamorignière , 
Ingénieur Militaire , M. Hurault de Senarmont ; Capitaine au Corps 
Royal d’Artillerie, enfin avec M. Bochin, Médecin. Ces circonftances 
vous rappelleront , fans doute , la converfation que nous eûmes_en- 
femble fur l'acide marin, confidéré comme minéralifateur : vous opi- 
niez pour l'exiffence de cet acide dans les mines de plomb blanches , 
de la Croix en Lorraine ; & vous aflirmiez être en état de foutenir pu- 
bliquement votre aflértion. Je ne craignis pas alors de vous ptévenir 


ro 


(1) Un autre motif m'engage encore à les rapporter. On m'a fait obferver que 
dans un volume du Mercure de France, d’un des premiers mois de l’annce 1774 y 
on y avoit rendu compte de mon Truiré de lexploitarion des Mines. L’Auteur de 
cet Exrrait confond mon nom avec celui de M. Monnet, ancien Direleur de lO- 
péra-Comique, & l'Aureur des Myflifications de M. P., ce qui eft aifé à démon- 
ter; cependant, comme plufeurs reproches graves font faits à mon Ouvrage, je 
faifis cette occafion pour y répondre. Ii eft dit-dans cet Extrait, gu’on eff trés-fur- 
pris que j'aie mêlé mes propres réflexions à celles de l'Aureur que je traduifois, 
Je devois rendre le texte dans fon intéorité, & je l'ai faits mais fi j'ai donné à mon 
travail le fimple titre de Traduction, ce titre modefte eft-il donc un crime? & c’ett 
précifément ce qui m’atire des reproches. Si Auteur de cet Extrait avoit pris la 
peine de lire feulement la Préface, il eût vu les raifons & les motifs qui m'ont en- 
gagé à ne pas publier une fimple Traduétion; ilede vu que j'ai emprunte de divers 
Auteurs Allemands ce qu’il y avoit de bon & d’utile dans leurs Ouvrages, ce qui 
étoit très-analogue & très-relatif à l’objet que je me propofois; que cer Ouvrage eft 
publié, par ordre du Gouvernement; & enfin il auroit vu, &c. &c., & il n’auroit 
pas terminé fon Extrait par dire que taoc que M. Æ/omrerne s’occupera que d’objers 
auffi utiles, il méritera des louanges. Que des a@ions de yraces foient rendues à 
Monfieur le Faifeur d’Extraits, pour les louanges qu’il prodigue! Je lui dis à mon 
ouf : Votre Critique fine & judicieufe méritera des louanges, quand vous aurez prouvé 
que je me fuis occupé à des Ouvrages littéraires , à des prises, & non à d’autres 
objets qu'à ceux qui ont un rapport direét avec la minéralogie. M. Aonner, ancien 
Directeur de Opéra, c’elt à vous à préfent à tirer votre épingle du jeu avec Mow. 
fieur le Faifeur d'Extraits, & à mériter fes louanges. 


Tome V, Part. IF. 1775. 


354 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


que jy répondrois ; & je vais le faire à la lettre imprimée dans le 
Journal de Phyfique , page 4$$ , rome IV. 

Vous annonciez dans notre converfation des expériences qui prou- 
vcroient l’exiftence de l'acide marin dans cette mine ; je vais parler à 
mon tour d'après l'expérience , & le Public décidera qui a raifon. Je 
publiai une partie de ces expériences , en 1769, dans une differtation 
fur la minéralifation, page 273, inférée à la fuite du Traité de la vi- 
triolifation : jy fais voir que , ©? quelque manière que je m'y fois 
pris, je n'ai jamais pu faire un atome de fublimé corrofif avec cetre 
mine ; & que par le procédé que j'indique , le plomb corné ( auquel 
vous & lAuteur du fyftème de. l'acide marin comparez la mine de 

lomb blanche }, en fourniffent aifément : il fuffit même de mélanger 
enfemble du plomb corné & du précipité de mercure, obtenu de fon 
diffolvant par l'alkali fixe, pour avoir promptement du fublimé de 
mercure. Depuis cette époque , j'ai eu à ma difpofition plus de trois 
livres de cryltaux de mine de plomb blanche , de la Croix, & au 
moins autant de celle d'Offfgrand en Brifcau , dont vous parlez encore 
dans votre lettre. C’eft fur ces mines que j'ai fait, combiné & recom- 
biné toutes Les expériences que la Chymie peut indiquer pour y dé- 
couvrir ce prétendu acide marin, & tout mon travail a été en pure 
perte. Je n'avois donc pas befoin du rapport fait par la clafle des 
Chymiftes de l’Académie, pour être affuré d’un point qu'il m'importoit 
fi fort de connoître ; mais ce rapport bien fait (1), & qui marche 
d'expériences en expériences , a porté la conviction dans les efprits les 
plus incrédules , d’une manière plus viétorieufe que n’auroient fait les 
Ecrits d’un fimple Particulier. Vous me direz peut-être que les expé- 
riences , dont il s’agit , n’ont été faites que fur la mine de plomb 
blanche de Poullaouen : détrompez-vous , Monfieur; elles ont été 
répétées fur toutes les mines de cette efpèce que plufieurs Chymiftes de 
de Paris fe font procurées. J'ai fourni, moi-même à M. Macquer , un 
des Commiflaires pour ce rapport, ce qui me reftoit de ces fortes de 
mines, dont une partie venoit de la Croix. Ce n’eft pas affez de dire, 
j'ai trouvé de l'acide marin dans telle ou telle mine ; malgré le plus 
de confiance que chacun doit à vos taiens, à vos lumières, nous ofons 
vous demander le détail des expériences qui vous ont prouvé la pré- 
fence de ce Minéralifateur : tant que vous ne nous montrerez päs cet 
acide fous forme palpable , permettez-nous de ne pas donner notre 
adhéfion & de tenir à notre fentiment , fur-tout après le rapport de 
l'Académie , & après les expériences fur le même fujet dont me parle 
M. Ilfeman dans une de fes Lettres. Faut-il, à ce témoignage, en 


a 


(1) Voyez Journal de Phyfique, tome III°. pag. 348. 


11m ' Î 
à ee. u 


EURE © 2 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 35ç 


ajouter de nouveaux ? M. Bergman, Chevalier de l'Ordre de Vafa, & 
Profeffeur de Chymie dans l'Univerfité d'Upfal , me mande qu'il n'a 
jamais trouvé de l'acide marin dans aucune mine de plomb blanche , 
ni dans les mines de fer blanches fpathiques. A ce témoignage , on 
réuniroit encore celui de M. Laborie , Apothicaire & Chymiite diftin- 
gué de Paris, dont le mémoire a donné lieu au rapport de l'Acadé- 
mie; & à ce rapport & à ce mémoire, le témoignage de tous les Chy- 
myftes qui ont cherché la vérité de bonne foi, fans être préoccupés pour 
aucune hypothèfe. 

Vous avancez encore, dans cette Lettre , que les mines de plomb 
vertes , d'Offgrand en Brifcau , font ainfi colorées en vert par Le cuivre. 
Pardonnez ma furprife à la lecture d’une telle aflertion. N'auriez - vous 
pas pu vous dire à vous-même : Dans quel autre cas voit-on que le 
cuivre eft le principe colorant des mines ? Jufqu'à ce jour , on ne la 
pas encore trouvé. Le cuivre , il eft vrai, fe préfente fous la forme de 
Chaux en mines vertes & bleues, mais ce métal y eft feul ou mélangé 
feulement avec des matières terreufes. D’après ces principes très - cer- 
tains , du moins pour moi, vous auriez douté. Si vous me demandez 
actuellement par qui ces mines font colorées, je vous répondrai par 
le fer; oui, par le fer, qui eft le véritable principe colorant , ou du 
moins la bafe fondamentale de toutes les couleurs des minéraux. 

Me permettez-vous encore, avant de terminer cette Lettre, de m'ar- 
têter fur une de vos propofñitions , dans laquelle vous dites que l'acide 
marin fe trouve abondamment fous terre. Où en avez-vous vu ? Le fel 
marin neft pas l'acide marin : il y a plus ; jamais Le fel marin ne fe 
trouve dans les lieux à mines. Les falines de Turkheim dans le Pala- 
tinat, celles de Rofières en Lorraine , offent-elles des lieux à mines ? 
Y at-il le moindre rapport entre ces lieux , & ceux où on trouve des 
mines ? Suppofons , pour un inftant, qu'on y rencontre véritablement 
du fel marin; croyez-vous que l'acide marin fe dégageroit lui-même 
de fa bafe alkaline pour s'unir à la mine de plomb ? ou croyez vous 

w'il fe trouve là tout exprès de l'acide vitriolique pour opérer cette 
déédhpoñtion: Il réfulteroit donc de vos idées, que les filons ou Les fitua- 
tions des mines font des laboratoires chymiques, où la nature eft occupée 
fans cefle à compofer & à déconipofer. Ce n'eft pas le cas d'examiner 
ici cette queftion , elle exigeroit de trop grands détails. Je n'ai pas craint 
de préfenter des idées différentes des vôtres ; comme nous cherchons 
tous deëx la vérité de bonne foi, mon motif juftiñfe ma démarche. 


AL 


Tome V, Part, IV. 177$. 


356 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


D SEMAINE : 


Du Père COTTE, de l'Oratoire, Curé de Montmorency, Correfpon- 
dant de l’Académie Royale des Sciences ; & de la Societé d'Agriculture 
de Laon , [ur une monftruofité végétale 6 [ur une Obfervation électrique. 


Mrs , parmi les carottes que notre jardin a produites l’an- 
née dernière (1774), j'en ai trouvé une fingulière : elle eft moitié 
carotte & moitiè bette-rave. Cette efpèce de monitre avoit un pied de 
longueur & vingt- fept lignes dans fon plus grand diamètre ; l'exté- 
rieur étoit rouge comme une bette-rave : cette couleur n'étoit pas par- 
ticulière à la peau; elle s'appercevoit encore tout autour dans l’efpace 
d'une ligne ; le centre de cette racine étroit teint de la même couleur 
dans un efpace de fix lignes jufqu'aux deux tiers de fa longueur ; tout 
Vefpace intermédiaire étoit jaune. J'ai fait cuire un morceau de cette 
carotte , qui avoit le goût de la carotte & de Ia berte-rave. J'aurois 
bien voulu voir les feuilles de cette plante fingulière , ou du moins 
avoir la partie fupérieure où fe trouve le colle: ; pour eflayer d'en re- 
cueillir de la graine : mais je n'ai fait la découverte de cette carotte 
que par hafard, & je l'ai fauvée des mains du Cuifinier , qui en avoit 
déja employé une partie. 

Le Jardinier n'a afluré que la feuille ne différoit pas de celles des 
carotres ordinaires : mais je ne m'en rapporte pas beaucoup à fon té- 
moignage, & je fuis très-perfuadé que les feuilles, qui répondoient aux 
deux parties circulaires de la racine, teintes de couleur rouge , devoient 
êwe aulli remplies d'une sève colorée de même. 

Venons à l'explication de ce phénomène ; la néceflité du concours 
des deux fexes pour la fécondation des plantes , eft une vérité que 
perfonne ne contefte plus aujourd’hui : il eft donc plus que probable 
que la monftruofité de cette carotte cft due à une circonftance particulière 
de fécondation dans la graine qui la produit ; les pouflières des éta- 
mines d’une fleur de bette-rave auront été tranfportées par le vent fur 
le piftil d’une fleur de carotte , & il n'en a pas fallu davantage pour 
produire un individu qui participoit de l'un & de l’autre. 

Voici une autre obfervation que j'ai faite ; j'ignore fi elle*eft con- 
nue (1). Lorfqu'on coupe un morceau de fucre dans l'obfcurité, avec 


(x) Elle Peft de ceux qui vendent du fucre, ou qui en manient ‘habituellement ; 
mais ils en voient les effets fans y faire attention, 
un 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 357 
un couteau & ‘un marteau , on voit, à chaque coup de marteau , une 
traînée de lumière fortir du morceau de fucre dans l'endroit où on le 
coupe : le même effet a lieu , & d’une manière plus fenfible , lorfqu'on 
frotte deux morceaux de fucre l'un contre l'autre ; ils répandent alors 
une odeur phofphorique très-femblable à celle que répand un conduc- 
teur électrique fortement électrifé : plus le fucre eft dur , & plus ces 
effets font fenfbles. Ne pourroit-on pas les attribuer à la forte cuiffon 
que l'on fait éprouver au fuére dans les raffineries ? il doit néceffaire£ 
ment abforber une grande quantité de particules ignées ou électriques , 
que le frottement développe. Je fuis perfuadé que les autres fels, 
comme le fel commun , laluñ , le falpêtre , &c. ; offritoientle même 
phénomène. "BED HONOR cp ) | 


MÉMOIRE 
Sur une Carte minéralogique détaillée de la Frante 
Par M. GurTTAaRD, de l'Académie Royale des Sciences, 


| Res Carte minéralogique eft une efpèce de Carte géographique , 
dans laquelle on défigne par des caractères de convention les fubitan- 
ces qui fe rencontrent ‘dans’lés environs! des endroits dont il'eft quef- 
tion dans cette Carre. Nous avôns’ peu de £es Cartes ; où plutôt nôus 
men lavons encore aucune. Quélques-uhes cependant dues à l'Allema- 
ge, font connoître les mines qui! fe trouvent dans quelques cantons 
e cet Empire. L'on a marqué dans quélques aütrés , foit d'Allemagne 
foit de France ou de quelques autres pays , un pètit nombre d’endroits 
qui renferment des fontaines minérales chaudes, froides ou bitumi- 
neufes: de vaites campägnés où déferts rématquables par leur féche: 
refle , leur aridité & par leur fol qui nef que de fable’? quelquefois 
rendus encore plus arides par la quantité de fl qu'ils renferment. Plu2 
fieurs Cartes’ font connoître les bancs , les dunes &'les: plages de fable 
des bords de la mer de beaucoup d'endroits , non-feulement de la Fran: 
ce ; mais du globe térreftre. 2 
Ce font-là destobfervations détachées & éparfes dans une immen: 
fité de: Carres ; qui prouveñtrque" les Géographés' ont entrevu'que là 
fcience qu'ils cultivoient? &icqui 2dän$ la otee du terme , éft La defs 
criptioni de la: terte; embraflbirifaéonioiffhnce, non-feulement des 
demeures des hommes mais cells’ du glbbe même: Ce qui le prouve 
encore davantage ; eft le foin que les Géogräphes'ont eu de tracer Les 


Tome V, Part, IF. 1775. Zz 


353 OBSERFATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
contours des, ruifleaux , des rivières-& des fleuves , aflez fouvent celut 
des montagnes; de défigner les lacs & les étangs ; & de marquer; 
auf exaétement.qu'ils ont pu , les finuofités des mers & des bords 
quelles baigner de leuis flots. En un mor ils one preffenri qu'il le 
loir joindre dans les. Cartes géographiques, le phyñque avec ke civil'& 
le politique , c'eft-idire,, la defcription du, globe terreftre même ;:8c 
la connoïffance des villages, des bourgs:, des, villes dus aux befoins des 
bommes:,.& à: l'amour de leur bien-être & de leur liberté. 


qui fortent de la terre, 
2 22 


Cet Ouvrage n'eft pas celui de: quelques particuliers, c'ef celui: de 


tous les. États , C'eft celui de tous. les hommes. Frappé depuis plus 
d'une vingtaine | d'années du peu. de, connoiffances.que nous avions de 
la compoñtion de note. globe, je me fuis attaché à recueillir ce. que 
nous pouvions en favoir ; & fur-tour dans les voyages que j'ai pu en- 
treprendre , à faire des obfervations aufli détaillées qu'il métoit pof- 
fible fur la varuxe des terreins, & fur la. compofition des montagnes 
dont l'intérieur, montroir, les fubitances, qu'il: renfermoit. J'ai déjà fait 
graver quelques cartes fur les pays étrangers! & fur quelques provinces 
de la France, où j'ai réuni les -obfervations -que je pouvois avoir re- 
cueïllies dans les Voyageurs. & les Naturaliftes ; ou que je pouvois 
avoir faites moi-même: mais qu'eft-ce que ce travail , finon des ébau- 
ches, & des ébauches bien groflières ? Un tel travail ; comme je viens. 
de le dire, n'eft pas celui d'un particulier, mais du: concours de tous 
les hommes, Ce feroititémériré E ma part de penfer feulement -que je 
pourrois mème. réunir Ce, qu'on.peut avoir dit fur ce fujet ; ce feroit 
même. une témérité de, ctoire pouvoir donner fur la France feule des 
connoiflances détaillées des fubftances minérales qu’elle peut :renfer- 
mer ;-ceft-là un travail au-deflus de mes forces : on ne peut efpérer 


‘ui 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 359 


une certaine perfection dans un travail de cette nature, que du con- 
cours des Naturaliftes, & de ceux fur-tout que Le goût portera plus du 
côté de li minéralogie que des autres parties de l'Hiftoire Naturelle. 
De jour en jour ce goût de la minéralogie prend faveur, & l’on voit 
aroître de tems en tems quelques Ouvrages qui nous font connoître les 
tolliles de certains cantons mieux qu'ils n'étoient connus , & qui nous 
indiquent un plus grand nombre d’endroits qui en renferment qu'on 
n'en connoifloit. Ce font-là des prémices qui nous doivent faire efpé- 
rer pour la fuite des fruits d'autant plus abondans , que le Miniftre 
éclairé dans le département duquel l'exploitation des mines eft com- 
prife, veut bien protéger cette partie intéreffance de l’Hiftoire Natu- 
relle. M. Bertin ayañc goûté mon travail , que M. Parent, zélé partifan 
des arts & des fciences , voulur bien lui fairé connoître | & ayant fenti 
qu'une Carte minéralogique de la France ne pourroit qu'être d’une 
ps utilité pour la fciénce économique , fi cette Carte fur-tout em: 
rafloit tous les objets de la minéralogie, fit agréer à Sa Majefté que je 
voyageafle en Francé, en vue de perfectionner les connoiffances que 
je pourrois déja avoit , & pour en acquérir de nouvelles. | 
J'ai été accompagné dans ces voyages par M. Lavcilier ; mainte- 
nant de cette Académie. Son amour pour les fciences ; & en particu 
lier pour la minéralogie , lui fit defirer de partager avec moi les pei- 
nes & les fatiques de ces fortes de voyages ; & je dois dire qu'il né 
s'eft refufé à aucune, & que la Carte minéralogique lui devra un 
degré de perfection quelle n'auroit pas eue , fi je neufle pas été 
fecondé par une perfonne aufli dévouée que lui à tout éntreptendre. 
Les obfervations Réailées fur certains cantons ; feront même dues à 
M. Lavoifiet feulement : obligé par foh état de voyager pour le bien 
d'une Compagnie à laquelle il eft encore attaché, il tient régiftre des 
Obfervations qu'il fait dans ces différens voyages; de ce concours, il a 
déja réfulté plus de feize Cartes particulières , dont l’enfemble ren: 
ferme une aflez grande étendue & ce Royaume. Nous nannonçont 
cependant aujourd’hui ce travail | que pourengager les Naturaliftes , & 
fur-tout les Minéralogiftes , de nous communiquer leurs Obfervations 
par des mémoires manufcrits où imprimés , qui foient tels qu’ils em- 
braflent toutes les parties de la Minéralogié : car les vues qtfon set 
propofées en confttuifant cette Carte, font d'y comprendre non-feule- 
ment les métaux & les minéraux, maïs les pierres , de quelque nature 
qu'elles foient, les terres, lés coquilles foffiles & Les autres corps mai 
tins rénfermés dans fa terre ; en tir mor, routes les fabitances qui come 
pofent ce globe | & qu'il nous eff pofible de découvrir, & celles 
qe en fortent , comme les eaux minérales dé tour genre & tous Les 
itumies: Ù 


Tome F, Part. IP. 1775. Zz2 


360 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, \ 

Ce'plan , comme on voit, eft grand, & l'on comprend aifément 
que c'eft le concours d'un grand nombre de perfonnes qui peut 
lui donner une certaine perfection. Pour M. Lavoilier & moi , nous 
feronsrout ce qui dépendra de, nous pour le perfectionner ; & lon 
verra , par le détail fuivant , ce que nous, avons jufqu'à-préfent fair. 
Les Cartes particulières qui font déja gravées , ou qui fonc feule- 
ment conftruites., comprennent toute l'[fle,de France ;, Je Vexin Fran- 
çois , une partie du Vexin Normand, la partie orientale de la Nor- 
mandie , une grande portion du Soïffonñois , la Champagne , prefque 
toute la Brie, la, haute, Alface, une partie de la Lorraine , une de la 
Franche-Comté ; & l’on a un grand nombre de matériaux fur le refte 
de la France, -qui n'atendent , pour être, mis en ufage,, qu'un certain 
détail néceflaire & fuffifant pour former des Cartes femblables à celles 
qui font déja gravées. ; 

Dans un détail pareil à celui-ci, il y aura , comme on le peut bien 
penfer ; des parties qui paroïtront beaucoup plus intéreffantes que les 
autres. Des Cartes renfermeront des pays riches en, métaux & en fubf- 
tances beaucoup plus piquantes que.celles qui feront indiquées dans 
d'autres Cartes; maisicelles-ci, feront connoître des fubftances plus utiles 
pour l’Acriculture , & qui; fonc les defirs des peuples qui days les 
pays qui abondent en mines. Ainf , il me paroït que l'enfemble de tou- 
tes les Cartes particulières en formera une qui pourra être d'une utilité 
prochaine par la connoiflance qu'elle donnera des minéraux’ & autres 
fofliles que la France peut renfermer. L'on n’a point fuivi dans la conf- 
truction de cette Carte, de fyflèmes phyfiques, c'eft-à-dire , qu'on ne l'a 
point divifée en terreins de lancien &.du nouveau monde , comme 
parlent quelques Phyficiens, ni en bandes fchifteufes ou métalliques ; 
marneufes ou fablonneufes, comme difent quelques Naturaliftes ; on 
s'eft contenté d'indiquer à .chaque endroit fur qi on a des obferva- 
tions , les fubftances qui.s'y trouvent , & de déligner ces fubflances 
par des carattères femblables: à ceux dont.fe fervent les Chymiftes. Par 
ce moyen, on verra , au premier Foupéeil , fi un canton renferme 
des glaifes, des fables, de la marne , de la craie , des pierres à chaux, 
ou des pierres propres à bâtir ; on verra sil contient des mines , : & 

uelles font ces mines, sil en renferme ; on verra fi ce canton a des 
Re minérales , s'il y ena de bitumineufes, s'il y a des bitumes 
folides ou des charbons de terre. Pour mettre en état de juger ce qu'il 
pourra.en coûter , pour fe procurer l'une ou l’autre de ces fubftances,, 
on. a fait graver fur les côtés de chacune des petites Cartes , une coupe 
générale de la compofition des montagnes du canton renfermé dans 
chacune dé ces Cartes. On reconnoîtra par-là à quelle profondeur eff 
placée la fubftance dont on a befoin , & quelle fera La nature de celles: 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 361 


qu'il faudra percer pour atteindre celle qu'on recherche; & l’on verra 
ainfi quel pourra être le travail , & conféquemment la dépenfe qu'on 
fera obligé de faire dans l'extraction de cette fubitance. Le Phylcien 
apprendra, par ces différentes coupes de montagnes , les variétés que 
la Nature peut avoir apportées dans l’arrangement qu’elle a mis dans 
la compoftion de ces éminences de la terre. Enfin , le Naturalifte qui 
s'applique à la recherche des corps marins foffiles , verra les endroits 
où il pourra sen procurer , & quelquefois même les caractères lui 
indiqueront de quelle genre font ces fofliles. Pour faire encore 
mieux comprendre la conftruction de ces Cartes , je crois devoir 
en faire connoïtre ici quelques-unes ; je me borne , pour n'étre pas 
trop long , à celle des environs de Paris , & à celle des montagnes 
des Vofues. 

Onobferve , dans les environs de Paris , deux efpèces de monta= 
gnes par rapport à leur compofition, La première , & qui eft la plus 
commune , eft compofée de la façon fuivante. Après la terre labou- 
rable , on trouve un lit de fable , qui eft fuivi d’un banc de pierre 
meulière pofé fur du grès qui eft fur un banc de marhe. Au-deflous 
de ce lit, en eft un dé glaife marneufe , qui en précède un de cette 
pierre qu'on appelle communément du nom de cos, ou de pierre à 
aiguifer. Après ce lit, on trouve un banc de pierre coquillière, &c puis 
un lit de moëllon , qui eft au-deflus d'un autre banc de pierre co- 
quilliére. Enfuite eft un autre lit qui eft de pierre de taille, qui précède 
trois autres bancs de pierre également propre à la bâtifle, nommés le 
fouchet , le banc franc , & fimplement pierre à bâtir. 

Dans les vallées qui règnent au-deflous de ces montagnes , l’on 
trouve fouvent des glaifières qui fontcompofées d’un lit de fable & de 
trois lits de glaife. Le premier eft fableux, le fecond eft noir, le troi- 
fième bleu. La feconde efpèce de montagne des environs de Paris eft 
celle qu'on connoît fous le nom de montagne de pierres à plâtre , ou 
fimplement plâtrière. On y remarque au moins gere lits de fable, 
de pierre ou de terre glaifeufe. Après la terre labourable, on obferve 
les Lits dans cet ordre : des lits de fable, de pierre meulière , de grès , 
de glaife verte, de glaife blanche ou verdätre , d'une qui eft jaunâtre, 
d'une autre blanche; d’une qui eft bleuâtre ; elle eft fuivie d'un banc 
de pierres à plâtre, qui eft pofé fur un lit de pierre blanche mélée, 
Bus duquel eft un fecond lit de pierres à plâtre. 

On penfe bien que, lorfque l’on dit que ces deux fortes de mon- 
tagnes font compolées de la manière qu'on vient de rapporter, il peut 
fe rencontrer des montagnes où l’on obferve quelques différences : mais 
ces différences ne font pas confidérables , & l'on peut regarder les def- 


Tome F, Part, IF. 1775. 


362 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


riptions générales , comme celles qui conviennent au plus grand nom- 
bre des montagnes des environs de cette Capitale. 

Avant de rapporter comment les montagnes des Vofges font compo- 
pofées , il convient , à ce qu'il me femble , que je dife d'abord ce 
qu'on entend par les Vofges. Les Vofges font différentes, chaînes de 
montagnes plus élevées les unes que les autres , qui s'étendent depuis 
Bafñle jufqu'aux environs de Coblentz. On dit communément qu’elles 
féparent l'Alface de la Lorraine ; une partie de ces montagnes cepen- 
dant dépend de la Lorraine, comme une autre partie eft dépendante 
de la Franche-Comté : la plaine d’Alface les fépare du Rhin qui en 
eft plus où moins éloigné ; cette plaine n'eft qu'un amas de fable mêlé 
de différentes efpèces de cailloux roulés & dépofés par le Rhin. 
Quant aux montagnes des Vofves , on peut les divifer en trois efpèces: 
les premières qui font les plus bafles , renferment principalement 
des pierres de taille calcaire & des pierres à plâtre; ces montagnes font 
les moins élevées ; elles entourent les autres montagnes des Vofges ; 
leur étendue en largeur eft plus ou moins confidérable ; elle left beau- 
coup moins du côté de la plaine d'Alface, que du côté de la Lor- 
raine & de la Franche-Comté ; elles fe confondent avec celles de ces 
deux provinces qui font toutes également calcaires , c'eftà-dire. qu'il 
entre dans leur compolition des pierres propres à faire de la chaux. 
C'eft dans ces montagnes qu'on trouve les corps marins fofliles , & 
les fontaines minérales ferrugineufes ; les mines de fer font les feules 
qu'on y ait jufqu'à préfent découvertes. La feconde efpèce de mon- 
ragnes des Vofges, & qui font pofées derrière les montagnes cal- 
caires, ont plus d'élévation que celles-ci. La pierre dont elles fonr 
compofées , eft une forte de grès plus ou moins fin , ordinairement 
couleur de lie de vin , fur-rout dans les montagnes qui regardent la 
plaine d’Alface , dans lefquelles il eft rare d'en rencontrer qui foient 
griles ; cette couleur cit celle de ce grès dans les montagnes qui font 
du côté de la Lorraine , dans lefquelles il eft auñli rare d'en voir de 
couleur de lie de vin, qu'il left du côté de l'Alface d'en trouver qui 
aient la couleur grife. Les uns ou les autres de ces grès font très-fou- 
vent remplis de cailloux arrondis blancs , de la nature du quartz , & 

lus où moins gros. Ce grès eft connu dans le pays fous le nom de 
mollaffe , de monillafle ou pierre de fable. Je ny ai jamais vu de co- 
quilles ni autres corps marins ; on prétend cependant qu'on y en dé- 
couvre de tems en tems quelques veftiges : les fontaines minérales fer- 
rugineufes & les mines de fer font encore les feules qu'on voie dans 
ces montagnes. F 

Derrière celles-ci font placées les montagnes les plus hautes des 
Vofges ; elles font au centre. C'eft dans ces montagnes que fe voient 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 363 


des mines de prefque routes efpèces; les mines de fer , de cuivre, de 
plomb , d'agent, de cobalr : c’eft dans ces montagnes où l’on trouve 
grand nombre de différentes variétés de cryftallifations qui accompa- 
gnent les filons des mines ; c'eft dans ces montagnes où l'on voit 
abondamment du fpath fluor ou fufible, des maffes confidérables de 
quartz de différente couleur ; c’eft dans ces montagnes qu'on découvre 
les mines de charbon, d'ardoife, de bitume: les pierres les plus com- 
manes y font des fchiftes & granits, d’un grain plus où moins fin & 
de couleurs plus ou moins variées ; c'eft enfin dans ces montagnes 
que font placées les fonraines minérales chaudes , les fontaines miné: 
rales, auxquelles’ on donne communément le nom de fontaines mi- 
nérales acidules, à caufe du piquant qu'elles ont , & qui reffemble 
affez au vin de Champagne blanc. 

On pourroit peut-être fous-divifer la chaîne de ces hautes monta- 
gnes en plufieurs portions dans de certains cantons ; du moins les 
fchiftes où mauvaifes ardoifes font les pierres les plus communes & 
qui y dominent ; ce font les granits dans d’autres : mais ce n'eft pas 
le cas d'entrer dans ce détail. Je m'étendrois encore trop ici, fe 
faifois voir les cas particuliers qui peuvent fe rencontrer dans la dif- 
tribution des fubftances qui compofent les unes ou les auries de ces 
chaînes de montagnes: on rencontre par exemple de la mollaffe , par- 
femée même quelquefois de cailloux de quartz arrondis ou roulés, fur 
le fommet de quelquesunes des plus hautes montagnes de la chaîne 
du centre des Vofoes; on rencontre des pierres à chaux dans quelques 
montagnes qui renferment aufli des granits, comme du côté de 
Schirmeck : ce font-là des particularités que je détaillerai, & done je 
tâcherai d'expliquer les caufes dans un Ouvrage auquel je travaille für la 
minéralogie, dans lequel je renfermerai toutes les obfervations que j'ai 

u faire, ou que j'ai recueillies fur cette matière ; mais quel eft l'ordre 
Rivant lequel les fubftances qui compofent ces différentes montagnes 
y font arrangées , c'eft ce qui demanderoit encore un détail trop. long 
pour être rapporté ici. Je me contenterai de dire que les pierres cal- 
caires forment dans leurs carrières différents bancs horifontaux , com- 
me c’eft l'ordinaire dans prefque toutes les montagnes de cette nature: 
quelquefois cependant les bancs ont plus où moins d'inclinaifon ; c’eft 
ce qui sobferve dans quelques carrières voilines des montagnes de 
mollaffe. 

Il n'eft guère poffible de bien déterminer l'ordre qu'obfervent ces der- 
nières pierres ; les rochers font prefque toujours découverts , & les 
terres & les fables qui les recouvroient ont été emportés par les eaux 
des pluies , ou qui fortent du fein de ces montagnes. 

C'eft une femblable dégradation qui-eft caufe que les granirs fonc 


Tome V, Part, IP, 1775. 


Le 


364 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
également à l'air, & qu'il neft guère poflible de bien déterminer {eur 
poñtion naturelle ; tout annonce dans ces fortes de montagnes une 
dégradation affreufe , qui s'augmente de jour en jour. La fonte des 
neiges , les averfes d'eau emportent journellement les fables & les terres 
de ces montagnes , entraînent même des quartiers confidérables de ces 
pierres , qui font peu-à-peu réduites en petites mafles , & même en 
poullière , & enfuite dépofées dans la plaine d'Alface, & dans le Rhin 
ou les autres fleuves ou rivières qui reçoivent les eaux qui tombent des 
Vofges. Malgré cette dégradation, on rencontre quelques montagnes 
qui n'ont pas autant fouffert dans leur compofition ; l'on a profité de 
cette circonftance favorable pour les décrire , & on en a ape des 
coupes qui peuvent fournir des idées de ce qu'elles peuvent avoir an- 
ciennement été. 

L'on a fait graver ces coupes fur les côtés des Cartes particulières où 
ces montagnes font renfermées ; les montagnes de fchiftes ou mau- 
vaifes ardoifes, celles qui renferment des mines , font fur-rout celles 
qui ont préfenté plus de facilité pour ces coupes. 

Voici bien en général, il eft vrai, toutes les attentions & les foins 
qu'on a apportés dans la conftruction des Cartes particulières qui doi- 
vent compofer la Carte minéralogique de la France. On a fait la même 
chofe pour les carrières de craie de la: Champagne & de la Brie ; 
pour celles de pierres de taille du Soiflonnois , du Vexin François, 

our les grefferies ou montagnes de grès des environs de Dourdan, 
d'Ettampes & de Fontainebleau ; & l’on aura attention de fuivre les 
mêmes ornemens pour toutes les autres Cartes particulières qui fui- 
vront c'lle-ci. Ce n'eft fans doute que du tems que l’on doit atrendre 
la perf:ction de cette entreprife ; pour nous , nous n'épargnerons pas 
les fo ns qu'elle demande : mais ce qui nous fait efpérer la continuation 
de c> travail , ft la protection continue que M. Bertin veut bien y 
donn:r; & sil eft de quelqw'utilité , c'eft à cette protection fi nécef- 
faire , & fans laquelle il écrouleroit , que le Public en fera redevable. 

On fent bien, fans que j'en avertifle , que ce n'eft qu'après le détail 
d'une femblable Carte qu'on pourra tracer aflez exactement les con- 
tours que Les terreins différens de la France forment dans leur éten- 
due, & que le Phyfcien pourra en tirer peut-être des conféquences 
fur leur formation. Quoiqu'il fût probablement - plus fage d'attendre 
que toute la Carte détaillée füt faite pour conftruire cette Carte géné- 
rale , on a cru cependant pouvoir en donner déja une qui eft formée 
fur les obfervations qu'on a fur les parties de ce Royaume , dont le 
détail n'eft pas connu. Certe Carte fervira de plan de travail à ceux qui 
voudront concourir par leurs recherches à la perfection de la Carte dé- 
raillée ; elle les engagera à rectifier ou à conftater Les contours des ter- 


reins, 


SUR L'HIST. NATURÉLLE ET LES ARTS. 36$ 


teins, & leur annoncera les matières qu'on foupçonne pouvoir fe trou- 
| ver dans Les endroits qu’ils habiteront. 

Les eaux minérales , de quelque nature qu’elles foient , feront indi- 

quées dans la Carte détaillée : mais comme il peut être utile à ceux 

‘à qui, par état, il intérefle de favoir où il y a de ces fortes d'eaux, 

1 & qu'il feroit fouvent difficile de trouver ces endroits fur la Carte de 

détail , on a cru devoir rapprocher dans une Carte particulière tous les 

éndroits connus qui ont he eaux minérales. On pourra ainfi par la 

fuite rapprocher différens objets dans de femblables Cartes particu- 

lières ; elles feront autant de tableaux en raccourci dont il fera plus 

aifé de faifir l'enfemble ; enfin, on ne négligera rien de ce qui pourra 

rendre utile & commode la Carte, ou plutôt l'Atlas minéralogique de ce 

Royaume. Enfin , comme il eft important dans cette forte ja travail 

que les Cartes foient gravées avec foin ; précifion & netteté, cette Carre 

a été confiée à M. Dupain-Triel, Graveur & Ingénieur Géographe 

du Roi, connu depuis long-tems par des Cartes géographiques for- 

ties de fon burin ; & l’on croit qu'on ne pourra que fe louer du 

| foin & de lattention que M. Dupain a apportés dans la gravure 

| des feize Cartes particulières qu'on met aujourd’hui fous les yeux du 


Public (1). 


en 


(1) Nous croyons faire plaifir à nos Lecteurs de leur apprendre que MM. Guer- 
gard & de Faujas vont commencer la Defcription de toutes les parties d’Hiftoire 
Naturelle que le Dauphiné renferme. La Province concourt aux frais de certe belle 
gntreprile. Puifle cer exemple être fuivi par routes celles du Royaume! 


Tome V; Part. If. 1779: Aaa 


366 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


nn ge M mn EEE EU D 


OP SERA NTIT ONNTS 


De M. BAUMÉ, fur un Mémoire de M. CADET, inféré dans ce 
Journal , pour le mois de Décembre 1774, pag. 486 , fous ce 
titre: Méthode pour faire l'Ether vitriolique, en plus grande abon- 
dance, plus facilement, G:c. 


M ONSIEUR Cadet, dans ce Mémoire , pag. 492 du Journal que 
je viens de citer, dit : « Quoique M. Linguet , dans fon Journal Lit- 
» téraire & Politique, en rendant compte de ce qui seft pañlé dans 
» la dernière Séance publique de lAcadémie , du 12 Novembre 
» 1774, ait ajouté à mon article , par forme de note qui lui a été 
» adrefée, que mon procédé de faire l’éther éroit connu de tous ceux 
» qui le font en ad & M. Baumé ayant paru adopter cette note, 
» en aflurant l’Académie , dans fa dernière Séance du 26 Novembre 
» 1774, que mon procédé étoit imprimé dans M. Pott, & dans les 
» Mémoires de l’Académie , donnés par M. Hellot fur l'éther en 1739, 
»#on me permettra de nier entièrement cette prétendue aflertion , 
» jufqu'à ce que M. Baumé en ait donné à l’Académie une preuve 
» complette ». 

Il eft vifible que M. Cadet penfe que c’eft moi qui ai donné la note 
ci-deffus marquée en guillemets, & voici ce qui a pu donner lieu à fa 
croyance : je fuis fâché qu'il veuille m'approprier une chofe à laquelle 
je n'ai point de part. 

Dans la Séance du 23 Novembre 1774, M. Cadet fe plaignit de 
cette note, & chercha à compromettre l’Académie , en lui propofant 
de s'adreffer à un Magiftrat , pour faire fupprimer la note en quef- 
tion. L'Académie rejetta cette propofition , & ajouta que M. Cadet 
n'avoit qu'à s’en éclaircir avec l'Auteur du Journal. Je ne pus nem- 
pêcher 4 dire que le Mémoire de M. Cadet ne contenoit effeétive- 
ment rien qui ne füt très-connu des Chymiftes. Je fis mes obfervations 
fans aigreur, & feulement pour l’honneur de l'Académie , & pour 
me conformer à la loi fondamentale qu’elle s'eft impofée de ne rece- 
voir , ni d'adopter des travaux déja publiés , ni de fe rendre refpon- 
fable des affertions des Auteurs. Mes ebfervations déplurent à M. 
Cadet , qui me fomma, de la manière la plus preflante , de lui prou- 
ver par écrit, la vérité de ce que je venois d'avancer; je communiquai 
le vingt fix Novembre fuivant, à l’Académie, les obfervations dont 
je vais rendre compte. Mais pour mettre les Lecteurs à portée de 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 367 


juger fi j'ai bien rempli la tâche que M. Cadet m'a impofée , il con- 
vient de remettre fous les yeux les différentes queftions qui font l'objer 
de la conteftation. 

1°. M. Cadet croit tre le premier qui propofe de diftiller de nouvel 
efprit-de-vin fur du réfidu d’éther , pour en obtenir , par fon moyen, 
une nouvelle quantité. 

2°. M. Cadet propofe , comme une découverte , qu'en lutant bien 
les vaifleaux , on obtient autant d’éther , en diftillant le mélange au 
feu de la lampe , que fi on le diftilloit au feu de charbon. 

3°. M. Cadet penfe qu'il eft le premier qui ait obfervé que l’huile 
de vitriol du Commerce contient de l’'arcanum duplicatum. Voici 
quelles font les notes que j'ai communiquées à l’Académie le 26 No- 
vembre 1774, dont l'original eft refté entre les mains de M. le Se- 
crétaire. 

Réponfe au 1°. M. Pott dit, pag. 430, premier volume de fes Dif- 
fertations, Edition Françoife : Si l'on verfe de nouvel efprit-de-vin rec- 
tifié fur Le réfidu ( de l’éther ), on obtient un efprit beaucoup plus fulfu- 
reux , G une petite quantité de cette huile ( douce de vitriol ). 

À la page 433 , Kuchel ayant obfervé que le réfidu bitumineux expoé 
a l'air pendant un mois, combiné avec de nouvel efprit-de-vin & difillé , 
fourniffoit un efprit nageant. 

À la page 444, M. Pott dit : Il faut cependant remarquer que, 
comme il” demeure toujours ( dans le réfidu de l'éther ) une légère por- 
tion de la matière inflammable de l'efprit-de-vin , cet acide ef un peu plus 
Jülfureux ; c'eft ce qui fait que, lorfqu'on Le combine avec de nouvel 
efprit-de-vin , l'efprit que la difällation fournit , eff plus odorant € plus 
Julfureux. 

Dans ma Differtation fur l’éther , imprimée en 1757, pag. 223, 
je dis avoir fait de l’éther avec de l'huile de vitriol provenante du ré- 
fidu de l'éther que j'avois rectifié auparavant ; mais quoique ce ne foit 
pas du réfidu fortant de la cornue , cela n’empêche pas que cet acide 
n'ait précédemment fervi à la même opération. On peut encore ajouter 
à ces autorités, l'ufage où font tous les Artiftes de faire fervir, conti- 
nuellement & par économie , le réfidu de lécher en place d'huile de 
vitriol ordinaire. k 

Réponfe au 2°: Dans ma Differtation fur l’éther , pag 39, je dis: 
& J'ai fait plufieurs fois de l’écher de cette manière ( au feu de la lampe); 
» & avec toute la patience poñlible : j'ai toujours reconnu que , lorf- 
»qu'on en tiroit moins ( de l’éther ), cela venoit de ce que, dans 
» une diftillation très-lente , l'éther s'évapore à mefure qu'il diftille ; 
» mais cela n'empêche aucunement qu'il ne fe forme , puifque , fi 
»lon prend les précautions qui font néceflaires pour empêcher cette 


Tome F, Pare. . 1775. Aza2 


368 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


» évaporation, on en a la mème quantité & d’aufli parfait, que lorf- 
» que l’on fait cette diftillation , en entretenant la liqueur toujours 
» bouillante >». 

Réponfe au 3°. J'ai dit dans ma Chymie , Tome [, pag. 449 , 
ligne 16 : « Les ouvriers apportent apparemment peu d’exactitude dans 
» leurs opérations : on trouve fouvent au fond des bouteilles d'huile 
» de vitriol , des dépôts confidérables de félénite & d'arcanum dupli- 
» catum , dont une partie refte en diflolution dans cet acide ». 

I doit paroître aflez furprenant que M. Cadet , qui a eu commu- 
nication des obfervations dont je viens de parler , ait ofé me deman- 
der de nouveau , dans fon Mémoire imprimé , une preuve compleite de 
ce qu'il appelle une prétendue affertion. 1 me femble cependant, qu'il 
auroit dû être fatisfait , puifqu'il eft convenu lui-même , après la lec- 
ture que je fis de ces notes à l'Académie , qu'il n’avoit aucune con- 
noiflance que les différens objets dont il eft queftion , euffent été pu- 
bliés avant lui. 4 

M. Cadet dit : J'affure encore qu'il n’eff pas dit un mot de mon tra: 
vail dans les 332 pages de la Differtation de M. Baume , ni dans [a 
Chymie qui vient de paroître en trois volumes. I eft vifible, d’après les 
Een que je viens de donner, que M. Cadet eft dans l'erreur, 
ou plutôt qu'il fait femblant dy être, puifque je parle dans ma Dif- 
fertation fur l'éther, pag. 38 , des avantages & des inconvéniens de fe 
{ervir du feu de lampe pour la diftillation du mélange de l'acide vi- 
triolique & d’efpritde-vin , & qu'à la page 223 jy rends compte de 
Yufage que j'ai fait de l'acide vitriolique ciré du réfidu , pour faire de 
nouvel éther. à 

Dans ma Chymie, dont parle M. Cadet, comme ne contenant pas 
un mot de fon travail, on y trouve cependant la petite découverte de 
V'arcanum duplicatum contenu dans l'acide vitriolique du Commerce , 
Tome I, pag. 449, ligne 16. Quant au procédé de l'éther , M. Cadet 
a raifon de dire qu'il n'en eft pas fait mention dans ma Chymie ; 
mais il eft bon de le prévenir en même tems, qu'il peut jetter un coup- 
d'œil fur ‘le plan de cer Ouvrage , & il verra qu'il ne devoit pas en- 
coïe être fait mention de l’éther. 

J'ai dit que le Mémoire de M. Cadet ne contenoit rien de neuf; 
je crois l'avoir prouvé : je dis à-préfent que ce qu'il croit être neuf , 
ne contient rien de bon; c’eft ce que je vais démontrer. 

C’eft un bon ufage dans les Sciences qu'un Auteur , en traitant une 
matière , remettre fous les yeux des Lecteurs ce que d’autres ont dir 
avant lui fur le même objet. Cette férie eft quelquefois intéreffante : 
mais M. Cadet avoit apparemment des raifons pour agir autrement ; 
fans cela , il eft à préfumer qu'il auroit fait ufage des notes dont je 


RE 


\ 


. 
* 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 369 


Jui avois fait part avant l’impreflion de fon Mémoire. On ne devine 
pas trop pourquoi M. Cader, au lieu de fuivre cette marche toute na- 
turelle , remplit le préambule de fon Mémoire d'objets étrangers & 
abfolument difparates, tels que la queftion de favoir fi les végétaux 
contiennent ou ne contiennent point d'alkali fixe tout formé, fi le dia- 
mant eft combuftible ou ne l’eit pas , fuivant les circonftances. Quels 
rapports ont les découvertes qu'on a faites fur ces matières , avec la dif 
tillation d'un mélange d'acide vitriolique & d’efprit-de-vin ? Si M. Cadet 
ajoutoit au moins quelques bonnes obfervations fur ces objets étrangers 
à fon Mémoire , & qui ne fuflent point publiées , on l'excuferoit vo- 
lontiers. Quoi qu'il en foit, pour achever de remplir la tâche que M. 
Cadet m'a impofée , il convient de rapporter fon procédé qui confifte : 

1°. À faire un mélange d’acide vitriolique & SA GE Lan & de 
laifler repofer cette combinaifon pendant quelque tems, pour féparer 
environ deux gros & demi d’ercanum duplicatum de trois livres de mé- 
lange. 

Obfervation. Il eft on ne peut pas plus minutieux pour un procédé 
qu'on annonce comme plus facile que tous les autres, de prefcrire de 
Jaifler repofer pendant quelque tems le mélange qui doit former de 
l'éther , pour en féparer , avant que de le foumettre à la diftillation , 
un peu d'ercanum duplicatum qui ne fait ni bien ni mal dans cette dif- 
tillation. 

Je conviens que cette manipulation eft neuve , qu’elle appartient bien 
véritablement à M. Cadet, & je ne fache point qu’elle ait été publiée 
avant lui: mais comme le dépôt falin dont parle M. Cadet, eft quel- 
quefois trois mois à fe faire & davantage , il faudra donc attendre ce 
tems avant que de pouvoir obtenir de l’éther ; où eft donc , dans ce 
procédé , la facilité qu'on annonce ? 

2°, M. Cadet Due de décanter ce mélange ( d'acide vitriolique 
& d'efprit-de-vin ) de deffus le dépôt, & d’en diftiller crois livres au 
feu de lampe à quatre mèches , chacune compofée de 5o fils ( de coton 
fans doute ). Après avoir introduit le mélange , par le moyen d'un en- 
tonnoir à lons bec , dans un alambic de verre ou de cryftal d’une feule 
pièce, dont l'ouverture fupérieure doit être bouchée d’un bouchon de 
cryftal ufé l'un fur l'autre avec de l'émeri , il remplit la cucurbite en- 
viron aux trois quarts : il adapte & lute bien au bec du chapiteau , une 
bouteille du verre le plus mince, d’étroite ouverture, & de la contenance 
d'environ trois chopines ; c'efl dans ces bouteilles que nous vient le vin de 


Syracufe (1). M. Cadet prefcrit de ne donner aucune communication 


d'air , afin de ne point perdre d’éther, quoique , malgré ces précau- 
L4 


CE 


(1) Voyez le Journal déjà cité, pag. 489, lign: 27. 


Tome V, Par. IV. 1775. 


570 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 

tions, il s’en échappe toujours un peu , dit-il: néanmoins, M. Cadet 
prétend qu'il obtient de cette diftillation vingt onces d'éther non rec- 
tifié , nageant fur environ deux ou trois onces d'une autre liqueur fpi- 
ritueufe phlegmatique , qui contient aufli de l’éther. 

Obervation, M. ee annonce que fon procédé s'exécute avec 
moins de dépenfe qu'on ne l'a fait jufqu'ici; je n’en vois pas trop la rai- 
fon. Une lampe compofée de quatre mèches , brûlant toute une journée 
pour cette diltillation , confomme plus en huile dans une heure, qu'il 
n'en coûteroit en charbon pendant toute une journée : l'économie qu'il 
annonce eft donc abfolument illufoire ; l'alambic d’une feule pièce qu'il 
propofe d'employer en place de cornue dont on fe fert ordinairement , 
eft minutieux : ces fortes de vaiffeaux font plus chers , & plus difficiles 
à fe procurer, fur-tout en Province; d’ailleurs, on trouve difficilement 
en Province des Ouvriers capables de boucher convenablement la tubu- 
lure de ces fortes d’alambics. On ne devine pas pourquoi M. Cadet 

refcrit d'employer un récipient du verre le plus mince. Il doit paroîtré 
à tous les Chymiftes qu'un ballon de verre de force ordinaire eft plus 
en état de réfifter aux efforts des vapeurs dilatées , qui règnent toujours 
pendant le cours de ces fortes de diftillations. On diroit que M. Cader , 
qui avoit envie de donner un procédé qui n'eut encore été publié par 
perfonne , eût fair exprès choix des moyens les plus défedtueux & les 
plus embarraflans. Si cela a été fon intention , on peut dire qu'il à 
très- bien réufi. 

M. Cadet prétend tirer de [a diftillation de trois livres de mê- 
lange , compolé de vingt-quatre onces d'acide vitriolique & d’autant 
d'elprit-de-vin , vingt onces d’éther. Il n'y a aucun Chymifte qui ne 
trouve ce produit abfolument faux : il melt ni vrai, ni vraifemblable 
que vingt-quatre onces d’efprit-de-vin , quelque rectifé qu'on le fup- 
pofe , puiflent fournir une pareille quantité d’éther ; quand bien même 

. Cadet emploieroit de l'éther déja fait en place d'efprit-de-vin, il 
n'en obtiendroit pas la quantité qu'il dit , comme je l'ai démontré dans 
ma Différtation {ur l’éther , pag. 134. La promeffe de M. Cadet, pour 
retirer de fi peu d’efprit-de vin une auf grande quantité d’éther , eft 
encore un article de fon Mémoire qui eft abfolument neuf ; mais eft-il 
raifonnable? Les matras à vin de Syracufe ne contiennent que vingt 
onces d’eau, étant remplis jufqu’a l'orifice ; il ny en a pas de plus grand, 
je m'en fuis afluré : on ne fait pas comment M. Cadet s’y eft pris pour 
leur faire contenir les vingt onces d'éther , & en-fus, deux où trois 
onces de liqueur fpiritueufe phlegmatique , qu'il dit fe trouver fous 
l'éther. L’éther étant beaucoup plus léger que l'eau, ces fortes de matras 
ne-contiennent que quinze onces deux gros d'éther ; la tempérarute 
étant à dix degrés au-deflus de la glace, ce même éther donne ÿ8 de- 


= :- 


Lit 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 37 


grés à mon pèfe liqueur. On ne peut pas regarder cela comme une 
faute d'impreflion , M. Cadet recommandant expreffément de ne point 
déluter le récipient que l'opération ne foit finie. D'une autre part, il 
n'eft pas poflible de Jaifler emplir le récipient jufqu’à l’orifice ; il faut 
conferver dans fon intérieur un efpace vuide au moins de quatre onces 
de liqueur , pour faciliter la condenfation des vapeurs : il feroit bien à 
defirer que M. Cadet donnät la folution de ce myftère, qui ne nous 
paroït point du tout facile à Fes 

3°. M. Cadet recommande de verfer fur le rélidu de la diftillation 
de l’éther, une livre d’efprit-de-vin déphlegmé fur du fel de tartre , & 
il aflure avoir obtenu 14 onces d'éther aufü bon que celui de la pre- 
mière opération : on le voit, dit-il, nager fur environ une once ou 
deux d’une autre liqueur qui participe encore de l’éther. 

Obférwation, On ne fait pourquoi M. Cadet prefcrit pour cette fe- 
conde diftillation de l'efprit-de-vin reétifié fur du fel de tartre , ne l'ayant 
point fait Le la première , à moins que cela ne foit E pour rendre 
fon procédé un peu plus embarraffanr ; car pour faire de lécher , il eft 
reconou que de bon efprit-de-vin ordinaire eft tout ce que l’on peut 
employer de mieux : nous ne pouvons nous difpenfer de faire la même 
remarque que dans l'obfervation précédente , fur la quantité d’éther que 
M. Cadet dit obtenir d’une livre d’efprit-de-vin. 

4° On peut , dit M. Cadet , procéder de même fur ce réfidu fix à 
fept fois de fuite, en mettant à chaque fois ( fur le réfidu de l'éther } 
une même quantité d’efprit-de-vin déphlegmé : on fera sûr de retirer 
à chaque düftillation , à peu de chofe près, une même dofe d’éther. 

Obfèrvation. J'ai dit plus haut que ce moyen de diftiller de nouvel 
efprit-de vin , fur le réfidu de l'éther, étoit indiqué par M. Pott dans 
fa Diflertation fur l'acide vitriolique vineux , pages 430, 433, 444, 
Edition Françoife ; mais M. Pott ne dit pas combien de fois on peut 
faire fervir ce rélidu d'éther, au lieu que M. Cadet prefcrit de l'em- 
ployer fix à fept fois de fuite, 


2 


Tome V, Part. IV. 1775. 


372 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


NOR AO PEMIENTE"S 


EXPÉRIENCES ÉLECTRIQUES, 


Faites par M. Comus le 4 Avril 2775, devant Son 
Alteffe Séréniffime Monfeigneur le Duc DE CHARTRES, 


en prefence des perfonnes deja citées. 


à AS qui prouve que l'afcenfion du Mercure dans le Ba- 
romètre élettrifé, a pour caufe la dilatation. Ne pouvant trop me con- 
vaincre de la caufe de l’afcenfion du mercüre dans le Baromètre élec- 
wifé, expérience annoncée dans le Journal dernier , je l'ai répétée, & 
me fuis fervi d’un Baromètre que j'avois imaginé pour connoiître la 
marche des Baromètres ordinaires , & calculer les différens changemens 
que le froid & le chaud peuvent occafionner , indépendamment des dif- 
férentes preflions de l'atmofphère. 

Cet inftrument fert de Baromètre & de Thermomètre en même 
tems; il eft conftruit ainfi. AB, pl. 2, eft un tuyau de verre recourbé 
comme les Baromètres ordinaires. Ce tuyau eft compofé de plufeurs 
autres, de différens diamètres , foudés les uns aux autres ; depuis A juf- 
qu'à C eft un tuyau d'une ligne & demie de diamètre & de dix-fept 
pouces de long ; CD , un autre tuyau de cinq lignes de diamètre & 
d'un pied de longueur; D E, un cylindre de dix lignes de diamètre & 
de cinq pouces de long ; EF , un tuyau de cinq lignes de diamètre & 
de treize pouces de long, recourbé en B; F G , un tuyau d’uneligne 
& demie de diamètre , fur dixfept pouces de long. Cet inftrument 
contient trois livres de mercure , ce qui me donne, dans la raréfaction 
ou la condenfation , des marques fenfbles dans les tuyaux À G, dont 
le petit diamètre me donne une ligne par degrés , fuivant la divifion 
de M. de Réaumur. J'ai électrifé cet inftrument, & j'ai remarqué un 
quart de ligne d’afcenfion dans le haut, & autant dans le-bas , quel- 
quefois plus. Pour mieux juger de l'augmentation , je tiens mon inftru- 
ment horifontalement , & remarque la divifion que mon mercure donne 
dans Le tuyau G, un peu au-deflus d'F. Après l'avoir éle&rifé , je Le 
couche également , & je vois l'augmentation de la totalité de mon 
mercure , par le plus d'efpace qu'il occupe ; je l'ai fouvent remarquée 
d'une ligne, J'ai joint fur la même planche un petit Thermomètre HI, 


qui 


( 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 373 


qui m'indique la raréfaction ou condenfation qui peut arriver au mer- 
cure pendant l'opération. 

Je donnerai un détail très-circonftancié de la marche de ce Ba- 
romètre foumis au plus grand froid & au plus grand chaud. Cette 
marche terminera bien des dificulrés élevées en différens tems fur cet 
inftrument. 

Méthode nouvelle de charger la bouteille de Leyde ifolée. Après avoir 
effayé toutes les expériences faites pour tâcher de charger la bouteille 
de Leyde, jimaginai un moyen pour faire communiquer le mouves 
ment du fluide igné de ma bouteille avec le fluide igné environnant, 
perfuadé qu'elle fe chargeroit par ce procédé , quoique très-bien ifo- 
lée ; l'expérience a répondu parfaitement à mon attente : voici le pro+ 
cédé. 

Je garnis une bouteille à la façon de Leyde , intérieurement & ex- 
térieurement, d’étain; je colle une bande d’étain dentelée fur la furface 
extérieure de la bouteille , les dents détachées & tournées horifon- 
talement ; j'ifole cette bouteille fur deux plateaux de cryftal à pied ; je 
laiffe pendre la chaîne de mon conducteur dans la bouteille ; après 
quelques tours de roue, j'ôte cette chaîne de la bouteille qui fe trouve 
chargée ; j'en tire une fort belle étincelle, foit fur fon plateau ou en 
la _pofant fur la table : cette expérience réuilit avec très- peu de 
pointes. 

Expérience faite avec le carillon éleëtrique dans le vuide. Je place 
mon carillon deffous le récipient de la machine pneumatique ; je laifle 
tomber la chaîne du timbre du. milieu fur le bafin de la machine ; 
après en avoir pompé l'air , j'électrife mon appareil, & les deux balles 
qui font entre les timbres reftent immobiles. Les étincelles partent des 
timbres non ifolés aux balles , & des balles au timbre ifolé , fans que 
ces balles foient agitées. Laïfle-t-on rentrer l'air, les balles viennent 
frapper les timbres des extrémités, & enfuite celui du-milieu comme 
dans les expériences ordinaires, J'ai remarqué, en répétant plufeurs 
fois cette expérience , les différentes couleurs du feu que les étincelles 
m'ont données dans un vuide plus où moins parfait: avant Ag POSE 
V'air , les étincelles font d'un rouge approchant de celui que donne la 
compofition des feux-d'artifice; après avoir pompé les exhalaifons ou 
l'air le plus groflier, les étincelles font d'un blanc éclatant comme le 
feu de lance ; lorfque le vuide eft auñi parfait qu'il peut l'être , Les 
étincelles font d'un rouge pourpre approchant du violet: cette remarque 
fe trouve Conforme avec celle de M. Hauksbée. 

Expériente de la bouteille de Leyde ifolée dans le vuide. J'ai fuf- 
pendu au crochet de mon récipient une bouteille de Leyde, & l'ai 
parfaitement ifolée : après avoir fait Le vuide , j'ai électrifé ma bou- 


Tome N, Part, IV. 1775 Bbb 


374 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


teille ; elle s'eft chargée, ainfi que fi elle eût été en contact avec les 
corps environnans. J'ai répété cette expérience avec une plus forte bou- 
teille, que j'avois ifolée fur un plateau de huit pouces de haut ; elle 
s'eft chargée également. Cette expérience prouve que l'air amalgamé 
dans lefpace avec le fluide igné , l'empêche de recevoir la communi- 
cation de vibration du fluide extérieur de la bouteille. 

Expérience du foleil éleütrique dans le vuide. Je prends , pour cette 
expérience, un petit foleil qui eft fait ainfi: Sur une chape de cuivre, 
font montées horifontalement cinq branches auft de cuivre , toutes 
courbées à angle droit dans le même fens ; pour faire marcher ce fo- 
Lil, on Le pofe fur un pivot comme une aiguille de bouflole au pre- 
mier conduéteur , & pendant qu'il ef électrifé, ce foleil tourne avec 
une rapidité inconcevable , faifant voir, au bout de chaque branche , 
une aigrette lumineufe. J'ai pofé ce foleil dans le vuide fur un pied 
ifolé, & après, je l'ai fait communiquer , & l'ai mis dans le même état 
que s’il éroit fur le conducteur ; j'ai électrifé pendant long-tems cet ap- 
pareil , & le foleil eft refté immobile ; après avoir ouvert le robinet de 
ma machine , & laïflé agir le tourbillon d’air fur le foleil , je l'ai élec- 
trifé; il a tournéavec la même facilité que sil eûtété fur le conducteur: 

Ees trois expériences énoncées ci deflus , & plufieurs que je donnerai 
dans le Journal prochain , me font foupçonner que le fluide igné, 
renfermé dans un efpace parfaitement privé d'air, peut être conduc- 
teur; qu'il reçoit la vibration & la communique au baflin de la ma- 
chine pneumatique , qui la recommunique aux corps environnans = 
c'eft par cette communication que la bouteille de Leyde ifolée fe 
charge dans le vuide ; fi fa furface extérieure ne communiquoit de 
certe façon avec les corps environnans, elle ne fe chargeroït pas. Le 
foleil électrique, par la même raifon , ne peut marcher dans le vuide , 
n'étant ifolé qu'imparfaitement. - 

Le conducteur d’une machine électrique ne fe charge que très-foible- 
ment lorfqu'il communique au bouton de cuivre d'un récipient privé 
d’air , qui eft en contact avec un corps qui touche la terre. La troi- 
fième expérience des balles immobiles du carillon électrifé dans le 
vuide , paroît dépendre de la même caule, 


” 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 375 
nn 


ERA ER A. TTE 


De plufieurs Lettres de M. PASQUIER, Curé de Thorey, en Bour- 
gogne , fur le Goéland, adreffées à l'Auteur de ce Recueil par 
M. COURTÉPÉE (1), Préfet du Cullége de Dijon. 


P, EMIÈRE Lettre. Tout le Pays, tout l’Auxois vient d'être 
couvert d'Oifeaux étrangers ; ils y font arrivés par bandes prodigieufes, 
Ces oifeaux font à peu-près de la groffeur d’une bécafle , d'un plu- 
mage blanc fous le ventre, aris cendré fur le dos , diapré de noir , 
fur-tout aux aïîles , ce qui annonce un vol étendu ; la tête eft aflez 
grofle & blanche , nuancée de gris fur le chignon , le bec long de 
15 lignes , à peu-près de la forme de celui d'une grive, mais beau- 
coup plus gros , & proportionné à la groffeur du corps; il tire du noit 
au jaune. Les pattes font grifes & garnies de membranes , ce qui ca- 
ractérife des oifeaux aquatiques. Nos prairies font couvertes de ces oi- 
feaux : beaucoup y font morts ; on approche , autant qu'on le veut , 
de ceux qui font en vie, & on les tue fans peine. Perfonne n’en mange, 
Soit par prévention, foit à caufe de leur maigreur extrême. On les croit 
des oifeaux de mer emportés loin de leur élément par la violence des 
vents, & peut-être eft-il arrivé fur les plages qu’ils habitent quelques 
grandes révolutions, Ces oifeaux abandonneroïent-ils leur climat, pour 
en aller chercher un plus fortuné? Ont-ils des tems marqués pour l'é- 
migration ? Que d'objets dignes des recherches des Contemplateurs de 
la Nature! 4 

Seconde Lettre. MM, de l’Académie de Dijon ont reconnu ces oi- 
feaux pour être ceux qu’on nomme Goéland , & ils fe font répandus 
en aufli grande abondance dans les environs de cette Capitale, que 
dans notre pays Auxois. Un de mes voifins , qui a jadis habité le Sé- 
négal , les a reconnus fur le champ , & m'a aflré qu'on les apprivoife 
facilement , même quand on les a pris déja vieux ; leur nourriture eft 
1a viande, dont ils font fort avides, & on doit faler l’eau qu'ils boi- 
vent. Les côtes d'Afrique les plus brülantes , celles de la zône torride 
en Amérique , celles du Chily, font les lieux où on les trouve en plus 
grand nombre (2); ils s'éloignent peu des bords de la mer, où ils 


{x) Il travaille aétuellement avec M. Beguiller à la defcription-de la Bourgogne. 

(2) On trouve une efpèce de ces Oifeaux en Europe. M. Zidbeck, Profeffeur 
d'Hiltoire Naturelle à Lund, parle du Goéland-ondé de Botnie, qui diffère même 
ge celui décrit par M. Briffor, Ornithol. Tome VI, pag. 167 & 168. 


Tome V, Par, IV, 1775. Bbb2 


:76 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; * 


vivent de crabes qu'ils ouvrent avec leur bec, d’infeétes marins qui 
rampent fur le fable , & de petits poiflons qu'ils failflent en plongeant. 
Les Goélands font toujours en troupe, ils volent l'un devant l'autre 
comme les canards , les pigeons; ils ne fuient point les hommes, parce 

w'ils ne leur font pas la guerre , étant pas que à manger. Un coup 

e fufil eft trop précieux à Gorée & au Sénégal, où la poudre & le 
plomb font portés de l'Europe , pour les perdre aufli inutilement. Ces 
oifeaux pinent en volant , & lorfqu'on les failit , on entend un bruir 
fourd qu'is font dans’leur gofier , & dont on peut imiter le fon en pro- 
nonçant ces lettres , grou-grou-grou. Is mordent fans lancer leur bec ; 
aufli leur colère eft fort impuifflante , quoiqu'ils ferrent avec route la 
force que la Nature leur a donnée. On a encore vu ces mêmes bandes 
d'oifeaux à Sémur , à Saulieu & Arnay-le-Duc, & on pourroit ajouter 
prefque dans toute la Bourgogne. 


NOUVELLES LITTERAIRES. 


Les écarts de la Nature, ou Recueil des Monftruofüés 
dans les différens règnes. 


M. REGNAULT vient de mettre au jour le premier Cahier du Re- 
cueil des Jeux de la Nature, Ouvrage qu'il a annoncé au mois de Fé- 
vrier, fous le titre des Monffres ou Ecarts de la Nature. Ce Cahier 
contient dix fujets tirés tant du Cabinet du Roi, que de ceux de dif- 
férens Particuliers. 1°. Un enfant monopède. 2°. Un cochon d'Inde à 
deux corps. 3°. Un poulain cyclope. 4°. Un double enfant. $°. Un 
poulet à quatre pattes. 6°. Un chat à deux têtes. 7°. Un lapin tripède. 
8°. Un enfant à deux têtes. 9°. Un chienà trois, & un veau à tête 
double qui forme la dixième planche, Les perfonnes qui defireront 
connoître la forme & l'exécution de ce Recueil , pourront Le voir à 
Paris chez l’Auteur, rue Croix-des-petits-Champs ; chez Didot jeune , 
Deffain junior & Lacombe , Libraires ; à Lyon , chez les freres Periffe > 
à Rouen , chez la veuve Befongne ; à Dijon , chez Frantin , & à Reims, 
chez Cazin. 

La foufcription fera ouverte au même prix jufqu'au mois de 
Juillet prochain, pour la commodité des perfonnes de Province & des 
étrangers. 


Le même Auteur invite plufeurs Soufcripteurs de fon Ouvrage de 


| 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 377 


Botanique , à retirer avant le mois de Juillet prochain les cahiers de 


Novembre & Décembre 1774 , qui doivent leur être délivrés gratis, 


ET 


parce qu'à cette époque , s'il refte quelques exemplaires , on ne pourra 
les completter qu'au préjudice de ceux qui relteroient imparfaits par la 
négligence des Soufcripteurs que cet avis regarde. Si l’Auteur favoit 
Jeurs adreffes, il les leur feroir parvenir. 

Ce premier Cahier eft fingulièrement bien gravé & bien coloré. 
Cette collection devient précieufe & néceflaire pour les Obfervateurs : 
prefque tout ce que nous avons en ce genre , eft ou fabuleux, ou 
mal rendu , & encore plus mal choïfi. On peut ajouter, pour les Con- 
noiïfleurs , que chaque gravure fait tableau, Nous ferons connoître 
les cahiers de cette collection à mefure que l'Auteur les délivrera au 
Public. 

Nouvelle Edition in-4°. de l'Hifloire Naturelle , fous Le titre d'Œuvres 
complettes de M. le Comte de Buffon, &c., ornées de plus de 360 ft- 
gures d'Animaux , dont 60 n’avoient point paru. Les Tomes I, IL €: IUT 
font en vente. 

CETTE nouvelle Edition in-4°. paroît fous le titre d'Œuvres com- 
plettes de M. de Buffon, parce qu'on y réunira différens morceaux qui 
n'ont point encore paru. On a mis, à la tête du premier volume, le 
Portrait de M. le Comte de Buffon , gravé par M. Chevillet , d'après Le 
Tableau de M. Drouais ; la reffemblance eft parfaite ainf que l’exé- 
cution : quant à La beauté de l'Ouvrage , elle cft auf reconnue & 
aulli établie que la gloire de fon Auteur. L'Hiftorien de la Nature eft 
grand , fécond , varié , majeftueux comme elle. Comme elle , il s'élève 
fans efforts & fans fecouffes ; comme elle , il defcend dans les plus 
petits détails, fans ètre ni moins attachant ni moins beau. Son ftyle 
plie à tous les objets, & en prend la couleur ; fublime, quand il dé. 


-ploie à nos regards limmenfité des moades & les richefl:s de la créa- 


tion , quand il peint les révolutions du globe, les bienfaits ou les ri- 
gueurs de la Nature ; orné, quand il décrit ; profond , quand il ana- 
lyfe ; intéreffant , lorfqu’il nous raconte l’hiftôire des animaux utiles A 
devenus nos amis & nos bienfaiteurs : jufte envers ceux qui l'ont pré- 
cédé dans le même gente d'écrire , il loue Pline & Ariflote, & il .eft 
plus éloquent que ces deux grands hommes : en un mot, fon Ouvrage 
eft un des beaux monumens de ce fiècle , élevé pour les âges füuivans , 


_& auquel l'antiquité n’a rien à oppofer. 


La nouvelle Édition in-4°. comprend la totalité des Ouvrages de 
M. de Buffon. Le premier volume renferme la Théorie de la Lerre; 
le fecond , les Supplémens à la Théorie de la Terre & l'introduction 
à l'Hiftoire des Minéraux ; le troifième, la fuite de la Théorie de la 
Terre , & les préliminaires à l’'Hiftoire des Végétaux. Cette Edition, 


Tome VF, Part. IP. 1775. 


338 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


par la beauté du pi , de l'impreflion des planches , mérite l’atten+ 
tion du Public & des Amateurs ; toutes les planches ont été gravées 
de nouveau , & confiées à la direction de M. de Sève, le Definateur 
de tout l'Ouvrage. Les papiers ont été fabriqués exprès, & l’on a fait 
fondre de nouveaux caractères. Il n’eft point forti d'Ouvrage plus foigné 
des Prefles de l’Imprimerie Royale. Le Public peut en juger par Les trois 
premiers volumes qui font aétuellement en vente. 

Cette Edition comprendra huit à neuf volumes in-4°. C’eft pour cette 
Edition qu'on fait imprimer en couleur les Animaux quadrupèdes. Le 
premier Cahier paroîtra inceffamment. Le prix de chaque volume in-4°. 
eft de 15 Liv. en feuilles, 1$ liv. 12 £ broché, & 17 liv. 10 £ relié. 
Ceux qui prendront les quadrupèdes colorés, ne payeront les volumes 
que 14 liv., les planches en manière noire leur étant inutiles. : 

Œuvres completes de M. le Comte de Buffon , ornées de plus de trois 
cents Figures d’ Animaux , 4 vol. in-12 , affuellemenr en vente, Hôtel de 
Thou , rue des Poitevins. Prix en feuilles , 42 liv. 

CETTE nouvelle Edition in-12 paroît fous le titre d'Œuvres com- 
plettes de M, de Buffon, parce qu'on y a réuni différens morceaux qui 
n'ont point encore paru. On a mis, à la tête du premier volume , le 
ps de l'Auteur , gravé par M, Cheviller , d’après le tableau de 

. Drouais ; toutes les Planches de cette Edition in-12 , ont toutes 
été , fans exception , gravées à neuf : on a féparé l'Hiftoire des Qua- 
drupèdes , de la Théorie de la Terre & de l’'Hiftoire de l'homme, par 
les titres des volumes ; ainfi l'Hiftoire des Animaux quadrupèdes pa- 
roît fous le titre Tomes I, II à VII. Quand lAuteur aura publié 
lc Supplément aux Quadrupèdes , il formera les Tomes VIII à 
IX, &c. Cetre Edition aura dix-huit Volumes, compris le Volume 
de Tables, 

On mettra en vente , avant quinze jours, le Tome II des Supplés 
mens , qui forme le III° de la nouvelle Edition in-4°. Cette dernière 
eft un des plus beaux Livres qui foient fortis des Prefles de lImprimeria 
Royale. 

Les fils de M. Dagoty, à qui le Public eft redevable d'une excel- 
lente fuite de Planches Anatomiques en couleur , defirant de fe faire 
connoître , ont entrepris de graver en couleur , d’après nature, tous 
les animaux quadrupèdes : le premier cahier, compofé de douze Ani- 
maux, paroîtra à la fin de Mars ; il fera du prix de 6 livres , & ils 


publieront un cahier femblable tous les deux mois. Ces Planches co. - 


lorées pourront fervir à la nouvelle Edition in-4°. : quelques Ama- 
teurs de la première pourront auñli fe les procurer, en fe faifant inf- 
crire audit Hôtel de Thou , où f fera La diftribution , on ne tirera que 
trois Cents, 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 379 


Le Cri de l'Agriculture , 1 vol. in 12 de 130 pages. À Paris, chez 

uaulr. Prix, 2 liv. On ne peut trop louer Le zele des Citoyens qui 
s'occupent à être utiles à la Patrie. 

Détail des fuccès de l'érabliffement que la Ville de Paris a fait en fa- 
veur des perfonnes noyées , troifième partie , année 1774 ; par M.Mia, 
1 vol. in-12 de 206 pages. À Paris, chez Lottin. Cet Ouvrage eft 
une fuite des expériences faites pour rappeller à La vie les perfonnes 
que des vapeurs mofétiques, ou d’autres accidens de différente nature, 
ont frappées d’une mort apparente. C’eft au zèle de M. Pia, que la Ville 
de Paris & plufeurs Villes de Provinces , à fon imitation, doivent cet 
Etabliflement utile. 

Manuel élémentaire d'Education, pat M. Jean- Bernard Bafedow , 
1j vol. in-8°. À Berlin. Voilà , fans contredit , un des meilleurs Ou- 
vrages en ce genre , & peut-être le plus utile qui ait encore paru. Il 
renferme, en raccourci, le tableau de toutes les connoiflances humai- 
nes, proportionné à l'étendue du génie des jeunes gens. Ce qui inté- 
refle fingulièrement en faveur de cet Ouvrage , eft l'impartialité de 
l'Auteur. 

Traité de la diffolution des Métaux , par M. Monnet , des Académies 
Royales des Sciences de Stockholm, de Turin, &c. À Paris, chez 
Didot , rue Pavée , 1 vol. in-12 de 352 pages. Le Traité de l'Exploi- 
tation , celui de l’expofition des Mines , la nouvelle Hydrologie, &c., 
publiés par l’Auteur, ont été fi avantageufement accueillis du Public, 
que M Monnet doit être très - perfuadé que fon nouvel Ouvrage aura 
un fuccès encore bien plus décidé, puifqu'il le regarde comme fon 
travail le mieux fait, le plus fuivi; en un mot, c'eft un tiflu d'ex- 
périences. 

Chymie hydrauliquepour extraire les fels effentiels des Végétaux , des 
Animaux 6 des Minéraux , par le moyen de l'eau pure ; nouvelle 
Edition, revue, corrigée & augmentée de notes; par M. Parmentier, 
Penfonnaire du Roi, Maître en Pharmacie, ancien Apothicaire-Major 
de l'armée Saxonne & de l'Hôtel des Invalides, &c., 1 vol. in-12 de 
#12 pages. À Paris, chez Didot le jeune, Libraire, Quai des Auguf- 
tins. Prix, 3 liv. relié. Cet Ouvrage eft aflez connu ; il eft donc inutile 
d'en donner une nouvelle idée : mais depuis l’époque de la première 
Edition, Ja Chymie a fait des progrès fi rapides, que plufieurs faits 
ont été démontrés faux ou peu conformes aux principes actuellement 
reçus ; aufli M. Parmentier, par des notes exactes , bien vues & pref- 
que aufli confidérables que le texte, a donné à cet Ouvrage un air de 
nouveauté , qui plaît autant qu'il intérefle. 

Du Genre de Philofophie , propre à l'étude 6 à la pratique de la 
Médecine ; par M. Cofle, Médecin en chef de l'Hôpital Royal & Mi- 

Tome V, Part. IF. 1775. 


380 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, Ge 


litaire de Nancy, &c. A Nancy, chez Leclerc, 1 volume in-8°. 
de 48 pages. 

Recherches hifloriques & phyfiques fur les Maladies epizootiques , avec 
les moyens d'y remédier dans tous les cas ; publiées par ordre du Roi, 
par M. Paule , Docteur en Médecine , Le Facultés de Paris & de 
Montpellier | première Partie. A Paris, chez Ruaulr, 1 vol. in-8°. de 
416 pages. La feconde Partie paroîtra inceflamment. Cet Ouvrage ne 
fauroit étre plus utile ni mieux traité. 

Nouvelle Table des Articles contenus dans les volumes de l’Acade- 
mie Royale des Sciences de Paris , depuis 1666 jufquen 1770 , dans 
ceux des Arts & Métiers publiés par cette Académie, & dans la Col- 
leétion Académique, par M. l'Abbé Rozier , Tome Il, en-4°. Prix, 12 liv. 
broché. À Paris, chez Ruault, Libraire, rue de la Harpe. Le troifième 
volume paroîtra à la fin de Juin, & le quatrième dans les derniers jours 
de Septembre de cette année. Il eft inutile de parler de l'utilité de cet 
Ouvrage , ni de la reconnoiffance que fon Auteur a droit d'attendre de 
ceux qui s'occupent des Sciences utiles ; nous pouvons répondre feule 
ment de la beauté de l'Edition & de fa rigoureufe exactitude. 

La Société Hollandoife des Sciences , établie à Harlem, propofe pour 
fujet de prix : Quels font les meilleurs moyens de fe procurer , de la ma- 
nière la moins difpendieufe , un terrein avancé ( Voorland) pour la con- 
Jervation des Digues qui bordent le bras de mer appellé ( Zuyder-Zée), 
ou de le conferver , ce terrein , quand on l’a ? Les réponfes feront atten- 
dues avant le premier Janvier 1776. 

Le Prix de 1777 eft deftiné à celui qui répondra, de la manière la 
plus fatisfaifante , avant Le premier Janvier de la même année , à 
cetté queftion : Quels font les Arbres ou Plantes relatifs à nos befoins &: 
reconnus infaillibles ; par l'expérience , dans la guérifon des Maladies , 
que la bonne Providence accorde à nos fept Provinces-Unies & Pays 
affocics ? 

Le Prix, deftiné à celui qui fera jugé avoir fatisfait à quelqu'une 
de ces queftions, eft une Médaille d’or, frappée au Coin ordinaire 
de la Société , fur le rebord de laquelle fe verra, avec le nom de 
Auteur , l'année de fon couronnement ; à condition qu'il ne fera per- 
mis, à ceux qui l’auront remporté , de faire imprimer leurs Difler- 
tations couronnées, foit en tout, foit en partie , foit à part, foit dans 
quelqu'autre Ouvrage , que lorfqu'ils en auront obtenu l'aveu de la 
Société, qui, fans rien déterminer de précis fur la longueur de leurs 
Réponfes, pour ne pas leur ôter les moyens de détailler convenab!e- 
ment leurs raifons, les avertit cependant qu'elle verra avec plaifx 
qu'ils ont fupprimé avec foin tout ce qui n'appartient pas eflentielle- 
ment à la queilion, 

OBSERVATIONS 


Ace 


eco Ue: lEup : 


ne Te Lo lee … 


| 
| 


Ale Eu 2 


775. 


// 


OBSERVATIONS 


SUR 


ÉA PHYSIQUE, 


SUR L'HISTOIRE NATURELLE 


ER SURLLES ARTS; 
AVEC DES PLANCHES EN TAILLE-DOUCE; 
DÉDA PES 
a MoxseicnEeur LE COMTE D'ARTOIS, 


Par M. l'Abbé Roz1ER, Chevalier de PEglife de Lyon, de l’Académie Royale 
des Sciences, Beaux-Arts € Belles-Lettres de Lyon, de Villefranche , de Dijon, 
de Marfille, de la Société Impériale de Phyfique & de Botanique de Florence, 
Correfpondant de la Société des Arts de Londres, &c, ancien Direëteur de l'Ecole 
Royale de Médecine-Vétérinaire de Lyon. 


TOME CINQUIÈME. 


MAT 2775: 


i 
a: À 
| 
A 


ASE AR LS; 
Chez RUAULT, Libraire, rue de la Harpe. 


M: DCCG' LXX V: 
4VEC PRIVILEGE DUROI. 


TAB LE 
RES AU RE GUNEL EE SN 


Contenus dans cette cinquième Partie. 


C PIE d’un Mémoire fur un Hygromérre comparable, préfenté à la Sociéid 
Royale de Londres, en Odlobre 1775 3 par J. 4. Duluc, Ciroyen de Genève, 
Membre de cerre Société, & Correfpondant des Académies Royales des Sciences, 
de Paris & de Montpellier, & couronné par l'Académie d'Amiens en 1774, 


pag. 387 

Zeitre adreffé: à l’Auteur de ce Recueil, 398 
Obfervations d’Hifloire Naturelle fur Le rrrein du Chäteau de Régennes & des 
environs , prés Auxerre ; par ML. Pafumor, 406 


Ænalyfe de La Differtation de M. Foaldo, Profeffeur d’Aftronomie à Padoue, qui 
a remporté le Prix propofé par La Société Royale des Sciences de Montpellier , 
fur certe queftion : Quelle eft l'influence des Météores fur Ja Végétation, & quelles 
conféquences-pratiques peut-on tirer des Obfervations météorologiques faites juf- 
qu'à ce jour, relativement à cer objet? Z4e dans 1 Séance publique de la Sociéré 
Royale des Sciences de Montpellier, renue le 30 Décembre 1774, en préfence 
des Erars-Généraux de la Province de Languedoc; par M. Pouevin, Membre 


de la même Académie, 409 
Second Mémoire, contenant La fuire des Découvertes faites en Lufiez fur Les 
Abeilles; par M. Bonner, de diverfes Académies , ; 418 


Mémoire fur la nature du principe qui fe combine avec les Métaux pendant leur 
calcination, & qui en augmente le poids, lu à la rentrée de l'Académie le 26 
Avril; par M. Eavoifier , 419 

Obférvarion de M. SEE fer un nouveau Foffile, 434 

Oëfervarions fur Les Coguilles Fofiles, & particulièrement fur les Cornes d'Am- 
mon; par M. LP 4bbé Dicquemare , Profeffeur de Phyfique & d’Hiffoire Na 
relle, de plufreurs Académies Royales des Sciences, des Belles-Leures & des 


Arts, Ec. 437$ - 


Rapport fair le Mereredi4 Mars 177$ à l'Académie Royale des Sciences, par 
Meffieurs de Fouchy, le Roy, Guerrard & Defmareft, qu'elle avoir nommé 
Commiffaires pour lui rendre compte des Ouvrages manuferits de M. Adanfon, 
de La même Académie, 440 

Lerre adreffée à M. Le Comte de Treffan, Lieurenant-Général des Armées du Roi, 
des Académies Royales des Sciences de Paris , de Londres , de Berlin, d’Edim- 
bourg, &c.; par AZ. D. F. I. G. E. PV. S. de Monrelimarr, 444 

Nouvelles Expériences élettriques; par DZ. Comus, 449 

Obfervations fur La lumière de l'Eau de la Per; par AZ. de la Coudrénière, 451 

Obférvations fur les Cidres , & Expériences relatives ; par M. de la Folie, de 


L'Académie de Rouen, 452 

Obfervation fur une forte de Bitume qui réfulre de la combinaifon de l'acide vitrio- 

ligue avec Le camphre & l'efprit-de-vin; par JZ. Monner, 456 
Le À 


= apte 


DPAUN ME MS OUTRE 
SUR 


UN HYGROMÈTRE COMPARABLE, 


x | 


Préfenté à la Société Royale de Londres , en Oëlobre 1773 , par J. 4. 
Duzuc, Citoyen de Genève , Membre de cette Société , Correfpondant 
des Académies Royales des Sciences de Paris & de Montpellier | & 
couronné par l'Académie d'Amiens en 1774. 


Ex traitant des Obfervations météorologiques dans un Ouvrage que 
je vais donner au Public, j'ai ajouté , aux raifons générales qu'avoient 
déja les Phyfciens de defirer un hygromètre, des raifons particulières 
tirées des effets que les vapeurs m'ont paru produire , fur la denfité & 
Je reflort de l'air , fur fon poids & fur fa vertu réfringente. 

En augmentant ainfi le re d'un hygromètre , j'ai craint long-tems 
d'augmenter feulement le regret de n'en point avoir, Ce regret , que 
j'éprouvois déja moi - même , étant devenu chez moi une forte d'in- 
ANSE qui me fuivoit dans toutes mes occupations , j'ai franchi en- 

n des obftacles que je croyois infurmontables ; j'ai imaginé un kygro- 
mètre , & je l'ai exécuté. Il eft vrai que cet inftrument, femblable à 
tous ceux dont la perfeétion dépend d’une connoiffance approfondie , 
tant des matières qu'on emploie , que de l’action qu'exercent fur elles les 
caufes phyfiques AE on veut mefurer les effets, n'eft encore qu'une 
première ébauche. Je vois déja moi-même bien des expériences à faire , 
qui conduiront probablement à le perfectionner. Si j'avois eu lieu d’ef- 
pérer que mes occupations me laïfferoient le tems néceffaire à ces ex- 
périences , je les aurois tentées avant de publier mes premières dé- 
couvertes. Mais je fuis fi incertain de pouvoir fuivre mon penchant à 
cet égard , que je crois devoir aflocier à ces recherches tous ceux qui 
aiment l'étude de la nature, en leur communiquant le premier pas que 
j'ai eu le bonheur de faire dans cette carrière nouvelle. 


Tome F, Part, V. 1775. ; Ccc2 


332 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


7 . 

exions fur les machines qui , jufqu'à préfent , ons été appellées 

HYGROMEÉTRE. 

al En m'adreffant à un Corps principalement occupé de la Phyfique , 
je fuis difpenfé de m'étendre fur Les avantages que cette fcience, vrai- 
ment utile, peut attendre d'un moyen sûr de mefurer l'humidité. Cet 
agent eft fi répandu dans la nature, qu'il n’eft prefque aucun corps ter- 
reftre , qui ne foit foumis à fon action. 

Je n'aurai pas befoin non plus d'entrer dans de grands détails pour 
montrer à quelle diftance on étoit encore d’un véritable hygromèrre , 
maloré le grand nombre de tentatives faites à ce fujet, en divers tems, 
par des Phyficiens qui en connoïfloient bien l'importance. Cependant , 
je dois rappeller ici les principaux obftacles qu'ils ont rencontrés, avant 
d'expofer les moyens que j'ai employés pour les vaincre. 

2. Les effets les plus fenfbles de l'humidité, font l'augmentation 
de volume ou de poids de certains corps , & le relâchement ou la 
renfion de quelques autres. Ces effets étant fufceptibles de mefure, il 
étoit naturel d’efpérer qu'on pourroit connoître , par leur moyen, les 
quantités abfolues, ou du moins comparatives , de l’humidiré qui les 
pénètre. Cependant, ces effets, quoique très-palpables, n’avoient point 
encore fourni de mefure commune de l'humidité, la feule qui put être 
vraiment utile. 

Nous ne faifons prefque aucun progrès dans la Phyfique qu'à l’aide 
des comparaifons : les refflemblances ou les différences des chofes , & 
leurs divers degrés, forment l'échelle par laquelle nous nous élevons 
peu-à-peu à la connoiffance des caufes; les faits ifolés ne nous y con- 
duifent point. Pour découvrir les divers effets de l'humidité dans les phé 
nomènes de la nature, il falloit donc pouvoir comparer entrelles Les 
obfervarions faires par les divers decrés de cette caufe: mais on n'avoit 
point d'hygromètre comparable. On voyoit bien des cordes qui s’alon- 
geoient ou fe raccourcifloient , & qui fe tordoient ou fe détordoient; 
des bois , de la corne, des membranes d'animaux qui s’étendoient ou fe 
refferroient ; des fels, des éponges dont le poids augmentoit ou dimi- 
nuoit ; des corps froids & polis, qui condenfoient plus où moins de 
vapeurs à leur furface : mais tous ces traits étoient ifolés & même 
variables ; nul rapport connu entreux , pas même dans un même ky- 
gromètre obfervé en différens tems. En un mot , on n’avoit que des 
hygrofccpe , des machines qui avertifloient de quelque changement dans 
la quantité de l'humidité, fans en donner la mefure. 

3. Affeétionné à cette matière par la longueur de mon travail fur les 
principales modifications de l'air | mon efprit a été depuis continuel- 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 383 


lement tendu vers la découverte d'un hygromèrtre ; mais fans cefle dé- 
tourné par des occupations de devoir , je n’avois LE donner à cet objer 
que des inftans toujours inutiles , lorfqu’au mois de Décembre dernier 
je fs feul un rare de plufeurs jours. L'abfence des objets qui m'oc- 
cupent dans mon domicile, me laiflant plus de liberté , le befoin d'un 
hygromèrre vint bientôt s'offrir avec une force nouvelle : & voyant 
devant moi un tems aflez long , pendant lequel probablement rien ne 
me diftrairoit , je réfolus de pourfuivre cette recherche d’une manière 
méthodique , perfuadé que c'eft le moyen Le plus sûr d'aider l'imagi- 
pation , lorfqu on a deflein d'inventer. 


Recherche d'un HYGROMÉÈÉTRE: 


4. Pour procéder avec ordre dans cette recherche, j'examinai d’abord 
quelles éroient les conditions effentielles d'une mefure de l'humidité, & 
je vis diftinétement que c’étoit les trois fuivantes. 

1°. La fixation d’un point , d’où toutes les mefures de ce genre de- 
vroient partir. L 

2°, Des degrés comparables dans les divers kygromètres , par l'inten- 
fité de leurs principes , & non par la copie d’un premier é’alon. 

3°. De la perfévérance dans les mêmes changemens, par les mêmes 
différences dans l’humidité. 

Je vis auf qu'il feroit à defirer que l’hygromètre indiquät des rap- 
ports vrais entre les quantités réelles d'humidité, ou du moins entre leurs 
différences ; mais je regardai plutôt GRR point comme une 
perfection defirable , que comme une condition abfolument néceffaire. 
L'effentiel étoit qu'on püût s'entendre lorfqu’on parleroit de degrés d'hu- 
midité ; ces trois dons y fatisfaifoient. 

s- Après m'être ainfi fixé la tâche que j’aurois à remplir , je com- 
mençai par m'occuper du premier point , en perdant de vue les 
autres ; & pour concentrer d'autant plus mon attention , je divifai en- 
core ce premier objet en plufeurs parties. J’avois apperçu d'abord que 
je devois moins fonger à l'sygromètre , qu'aux divers phénomènes de 
l'humidité : il falloit trouversun état fixe à cet égard , ou des corps en 

énéral , ou de quelques corps en particulier. Or, cet état fixe pouvoit 
être ou l'humidité extrême , ou la féchereffe abfolue, ou quelque point 
intermédiaire. 

6. Les extrêmes étant ordinairement fort difficiles , & quelquefois 
même impollbles à faifir dans la nature, jefpérai mieux d'abord des 
points intermédiaires. Cependant mon imagination fe fatigua inutile= 
ment dans cette route : je vis par-tout le befoin de mefurer l'humidité, 
bien loin de trouver nulle part ce premier principe de fa mefure. 


Tome FNPlarn 1775. Ccce3 


384 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


7. H fallut donc en venir aux extrêmes ; & celui que je fus porté 
à examiner le premier , fut la féchereffe abfolue. Mais n'ayant découvert 
aucun moyen d'y parvenir que par le feu , & le feu ne la produifant, 
dans tous les corps qui me parurent fufceptibles d'humidité, qu'en chan- 
geant leur nature, je vis, avec bien de la peine , que j'étois réduit à 
chercher mon point-fixe , là précifément où j'avois le moins efpéré de 
le découvrir. 

Je demeurai en effet affez long-tems fans rien appercevoir dans cette 
nouvelle route. Plufeurs fois je retournai en arrière, mais toujours je 
fus ramené à l'humidité extrême , comme à la feule face de mon objet 
qui me laifsat quelqu'efpérance de le faifir. 

8. Les mots abfolument néceffaires pour communiquer nos idées aux 
autres , font fouvent un obftacle à la formation de nouvelles idées. IA 
s'en faut bien qu'ils foient en aflez grand nombre pour exprimer net- 
tement toutes les nuances des objets de l’entendement. Humidité étoit 
le mot que je me répétois fans cefle pour exciter chez moi de nou- 
velles des , & toujours il me faifoit circuler dans une claffe de phé- 
nomènes, où je ne voyois rien de fixe. 

Las enfin de méditer à l’aide des mots , je tombai dans une efpèce 
de filence, & mon imagination fe promena parmi les phénomènes ï la 
Nature, en les confidérant par de fimples images’ Elle Je alors 
les objets avec bien plus de rapidité & de détails. Enfin l'eau fe pré- 
fenta à mon efprit ; je m'arrêtai à la contempler ; & je vis avec éton- 
nement dans cet objet fi fimple , & qui auroit dû , ce femble , me faifir 
le premier, ce que j'avois cherché’, qe de longs circuits, fous le nom 
d'humidité extrême. Je ne confdérois point alors l'humidité dans tel 
ou tel phénomène : je voyois feulement qu’elle étoit toujours produite 
Le des particules aqueufes , difféminées dans les corps ; & je vis, dans 
‘eau le maximum du rapprochement , & par conféquent de l’action de 
ces particules. 

9. Qu'il me foit permis , pour éviter les mêmes équivoques , d’où 
il me paroïît que naïfloient les difficultés dans cette matière , de n’em- 
ployer plus que des mots dont le fens foit bien déterminé. L’humidité 
ne fera alors qu'un effet, une certaine modification des corps , pro- 
duite par une caufe plus ou moins abondante, qui eft toujours les 
particules aqueufes fous différentes formes ; & j'appellerai du mot latin 
humor cette caufe ou fubffance, confidérée dans fa plus grande généra- 
lité, & fous toutes les apparences qu'elle revêt dans la nature. Ainfi, 
la glace , l'eau dans tous fes degrés de chaleur, la gréle, la neige, les 
frimats, le givre, la pluie, la rofée, les nuages , les brouillards , les 
brumes , les vapeurs invifibles, ne feront que des modifications de certe 
même fubftance , des efpèces différentes d'un genre bien dérerminé, puif 


EE 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 385$ 


que l'aquofité, qui leur eft commune, fera leur caraétère générique. 
C'eft donc ce genre que j'appellerai humor (1). 

10. Pour exprimer maintenant mon idée fur cette caufe & fur celui 
de fes effets dont il s'agit ici principalement, je dirai donc que, plus 
il y a d'humor dans un corps , quel qu'il foit , plus ce corps eft tumide ; 
& que s'il eft plongé dans l'eau, & qu'il en foit pénétré au point de 
refufer d'en recevoir davantage , il a réellement acquis l'humidité ex- 
tréme , parce que l’eau, qui remplit fes pores , eft humor au plus haut 
degré d'intenfité. * 

11. Ce n'eft pas que l’humor difcret , ou la vapeur de toute efpèce , 
ne puifle, à quelques égards , produire des effets aufli grands que 
l'humor concret, ou l'eau ; mais il y a toujours de la différence à quel- 
qu'autre égard , & fur-tout dans le tems. Les corps environnés d'air 
1e déchargent continuellement par l’évaporation d’une partie de l’humor 
qu'ils en reçoivent. Si les circonftances font telles , que l'humeëarion 
excède l’évaporation , le corps fe mouille enfin (2) plus ou moins promp- 
tement , fuivant que la quantité d'humor qu'il reçoit dans un même 
tems eft plus ou moins grande, & fuivant aufli que cette quantité ex- 
cède celle qui s'en évapore. IL eft donc mouillé fubitement , lorfque l’Au- 
mor eft condenfé au point d’être de l’eau , parce que l'évaporation qui 
fe fait à la furface de l'eau , devient indifférente à fon action intérieure , 
quant aux corps qui y font plongés : il n’eft mouillé que peu à-peu “4dl 
ne l'eft le plus fouvent qu'en partie, lorfque l'humor eft diftret ou ré- 
duit en vapeur ; parce qu'à mefure qu'il s’y en dépofe par place , il 
s'en évapore dans les intervalles de ces places , plus ou moins , fuivant 
l’état de l'air , ou celui du corps humeëlé, 

12. Cependant cette différence plus ou moins grande pour le tems , 
entre l'action de l'humor concret & celle de l’humor diftret , n'a lieu qu’à 
la furface des corps, ou à une petite profondeur: elle diminue & peut 
même devenir contraire à mefure que leur épaifleur augmente , parce 
que l’humor diféret s'introduit alors dans leurs pores plus aifément que 


(1) Javois d’abord employé le mot françois Aumeur, qui fe prend quelquefois 
dans un fens affez approchant de celui que je donne au mot latin 4wmor. Mais ce 
mot françois étant employé plus fréquemment en d’autres fens, rant moraux que 
phyfiques, je l’ai trouvérrop équivoque dans notre langue, & même dans plufieurs 
phrefes il m'a choqué; c’eft ce qui m'a dérérminé pour le mot humor, autorifé en 
cela par tant d’exemples que nous avons en Phyfique de cette adoption de mors latins 
utiles : c’eft ainfi qu'on a reçu dans les Langues vivantes les mots g/uren, fluor, 
index, fenforium, deliquium, ferum, fews, errata, maximum, ad diflans, & tant 
d’autres, qui étoient devenus nécefaires pour exprimer de nouvelles :dées, ou‘pour 
. éviter de fréquentes périphrafes. 

(2) J'entends ici par mouillé, humeété au plus haut degré. 


Tome F, Part, P. 1775. 


386 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


l'eau , ce qui compenfe , & au-delà, leur différence d’intenfité. 

13. Cette confidération réfout une difficulté qui m'avoit embarraflé 
d'abord. J’avois ouï dire aux Oifeleurs qui tendent des filets au bord 
des eaux pour y prendre des oifeaux aquatiques , que les cordes de ces 
filets fe sendent moins par le contact de l'eau que par la rofée. Il fem- 
bloit donc que ce que je regardois comme l’humor extrême , produiroit 
moins d'effet que ce qui n'en étoit qu'un degré. Mais j'apperçus en- 
fuite deux caufes particulières de cette différence. 

L'air renfermé entre les brins de la corde, eft une de ces caufes. Cet 
air soppofe à l'introduction de l'eau qui , en fe préfentant en mañle , 
lui ferme elle-même les iffues par lefquelles il faudroit qu'il s’échappat 
pour lui faire place ; au lieu qu’il cède aux gouttelettes de la rofée , 
qui lui laiflent les moyens de s'échapper , tandis qu'elles s'introduifene 
entre les brins de la corde. 

Une autre caufe particulière de cet effet, moins fenfible que la pré- 
cédente, mais qui ne me paroît pas moins sûre , c'eft la différence de 
Fattraction mutuelle des parties dans l’humor concret & dans l'humor 
difèret , & par conféquent la différence dans leur facilité à fe féparer 
les unes des autres, pour entrer à la file dans les pores étroits. Quand 
Vhumor fe préfente à l'entrée des pores des corps je la forme d’eau, 
l'attraction mutuelle de fes parties étant plus grande , oppofe plus de 
réfiftance à leur introduction dans ces pores , que lorfque leur divifion 
eft déja effectuée par quelqu’autre caufe , c'eft-à-dire, quand l’humor 
eft en gouttelettes où en vapeur. 

14. Ce phénomène , qui m'avoit d’abord embarraflé , n'eft donc 
point une objection contre mon principe ; ce n'eft qu'un fait particu- 
lier, & il eft toujours vrai que les corps environnés d'eau font expofés 
à l'humor extrème. Et pour écarter de l’hygromètre cette caufe d’excep- 
tion , il fufroit d'y ménager des iffues à l'air , & de ne pas donner une 
épaiffeur trop grande au corps fur lequel l'humor devroit agir. 

15. Une autre difficulté qui me vint à l'efprit, fut que l'eau exer- 
çoit probablement plus ou moins d'action fur Les corps , fuivant 
qu'elle étoit plus où moins chaude. Mais cette difficulté m'arrêta peu : 
je vis bientôt que ne cherchant encore qu'un point fixe pour l'hygro- 
mètre , & non la plus grande action de l'eau comme caufe humeëfante , 
il fufifoit de l’employer toujours à un même degré de chaleur ; & pour 
fixer plus sûrement ce degré, je me déterminai à employer l'eau dans 
Y'inftant qu'elle cefle d’être glace. Ainfi la bafe de lechelle quelconque 
d'un hygromètre , dut être l'action humeclante de la glace qui fond. 

16. Lorfque j'eus développé ce principe dans mon efprit, il me 
parut fi fimple, que j: métonnai d'abord de ce qu'on avoit tardé fi 
jong-tems à l'appercevoir ; mais j'en vis enfuite la caufe dans la na- 

ture 


Li 


SUR'L'HIST: NATURELLE ET LES ARTS. 387 


ture même des difficultés que j'avois éprouvées avant de le décou- 
vrir. La notion d’un hygromètre étant complète & vague , tous les 
obftacles fe préfentoient à la fois , & l'attention n'étoit pas fuffante 
pour embrafler cet aflemblage d'idées ; on étoit même détourné de 
la vraie route par Les premiers pas qu'on avoit déja faits : d'un côté , 
on cherchoit un hygromérre, avec l'efprit occupé des matières qui fer- 
voient déjà d’hygrofcopes , matières que l'eau altère plus ou moins ; 
de l'autre , on appelloit toujours humidité la caufe dont on cherchoit 
à mefurer les effets , & l’un & l’autre de ces points de vue écar- 
toient l'idée de l'eau , comme propre à fournir un point fixe dans l’hy- 
gromètre, 

17. J'éprouvai bien aufli la première de ces difficultés ; mais en la 
confidérant feule , elle ne me parut point infurmontable : j'efpérai trou- 
ver quelque fubftance qui feroit fenfible à l'action humeëante de l'eau , 
fans en être altérée ; & comme de la nature de cette matière devoit 
dépendre , & la forme de l’hygromètre , & l'efpèce de degrés par lef- 
quels il indiqueroit les différentes quantités de l’humor , j'en conclus que 
la découverte de cette matière devoit être Le fecond objet de mes re- 
cherches. 

18. L'avantage que j'avois trouvé à divifer les objets fur lefquels 
devoir fe porter mon attention , m'engagea à fuivre la même marche 
dans la recherche d’une matière propre à l’hygromètre. Je confdérai 
donc féparément les trois règnes de la nature , & j'en examinai les 
diverfes fubftances. Le règne minéral , non plus que le règne végé- 
tal, ne m'offrirent rien qui fût propre à mon but , c'eft-à-dire , au- 
cune matière qui , en même tes qu'elle feroit fufceptible des im- 
prellions de l’Aumor , ne füt pas fujette à être altérée par l’humor même, 
ou par d’autres caufes : n'ais dans le règne animal , les os attirèrent 
mon attention ; & parmi les os , l'ivoire fur-tout me parut devoir 
pofféder les qualités requifes. Je me rappellai que la clef d'un robinet 
d'ivoire dont j'avois fait ufage , tournoit avec plus ou moins de peine , 
fuivant que l’air étoit plus ou moins humide. J'avois employé des pa- 
lettes d'ivoire dans la peinture à l’eau , & je n'y avois apperçu aucune 
altération , aucun changement permanent qui la dénaturât : enfin je 
connoiflois l’élafticité de cette fubitance , qui me promettoit fon re- 
tour à un même état , lorfque fon degré d'hume®lation redeviendroit 
le même. 

19. Il reftoit une autre chofe à déterminer fur ce fecond point, qui 
fe lioit prefque nécefläirement avec le troifième, je veux dire avec 
l’efpèce ke degrés qu'auroit l’hygromètre : il falloit trouver la forme 
qu'il conviendroit de donner à l’ivoire , pour que l’humor agit fur lui 
avec facilité , & qu'en même tems on püt y mefurer fes effets. Le 


Tome VW, Part, P, 1775. Ddd 


388 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
premier moyen auquel je fongeai , fut d'employer des baguettes d'i- 
voire , & de mefurer leur alongement par une machine femblable au 
pyromètre. Je penfai encore à un grand Nonius , formé par la compa- 
raifon de deux tringles , dont l’une feroit d'ivrire & l’autre de métal. 
L'une & l’autre de ces machines étoient fufceptibles de degrés déterminés, 
puifque les dimenfons des pièces & leurs rapports pouvoient l'être : 
je croyois donc toucher au but , lorfque je vins à penfer que l'ivoire 
pourroit bien, comme le bois , être peu fenfible aux imprefions de 
l'humor dans le fens de la longueur de fes fibres, & qu’alors les im- 
perfections de ces deux efpèces de micromètres rendroient les degrés 
de l’hygromètre trèsirréguliers. Je craignis encore que fi je donnois aux 
pièces d'ivoire qu'il faudroit employer à ces machines, une épaifleur 
fufifante pour qu'elles ne fuffent pas fujettes à fe courber, cette épail- 
feur ne füt un obftacle à leur entière pénétration par l’humor ( 14 ). Je 
compris donc qu'il falloit donner à l’ivoire une forme telle , que quoi- 
que fort mince , il réfiftt à fe courber , & que les variations à mefu- 
rer fuflent l’écartement ou le rapprochement de fes fibres. 

20. Etant dirigé dans ma recherche par ces conditions, trouvées né- 
ceflaires , je fongeai fucceflivement à diverfes formes de vafes minces 
faits d'ivoire , dont on mefureroit les différentes capacités avec du 
mercure , & j'arrivai enfin à l’idée d’un cylindre creux , dont les diffé- 
rentes capacités, lorfqu'il feroit plus où moins humide , feroient me- 
furéss par du mercure dont il feroit rempli, & qui pañleroit dans un 
tube de verre réuni au tuyau d'ivoire , où il s’éleveroit par conféquent 
plus ou moins , fuivant que ce tuyau feroit plus où moins privé 
d'humor. * 

21. Il ne s'agifloit donc plus que de trouver un moyen d'évaluer 
les changemens de capacité À 4 tuyau d'ivoire , par les variations de la 
hauteur du mercure dans le tube de verre: je crus voir d’abord qu'en 
comparant avec une balance très-délicate , le poids du mercure con- 
tenu dans le cylindre , à celui d’une colonne du même liquide qui oc- 
cuperoit une certaine étendue dans le tube , j'aurois les rapports de ces 
poids affez exactement pour pouvoir mefurer les variations de: la co- 
lonne de mercure , par des dé qui feroient des parties aliquotes de 
la mafle totale. 

22. Ce moyen étoit exact en lui-même ; mais pour le devenir dans 
l'exécution , il exigeoit une telle délicateffe dans les balances , que je 
n'ofois pas l’employer dans la conftruction d'un inftrument dont lu- 
fage doit être fi étendu : de telles balances ne peuvent qu'être rares par 
leur haut prix. Je me rappellai même à ce fujet que c'éroit un des 
inconvéniens que j'avois trouvé dans La conftruétion des Thermomètres 
de M. de Lisle, & je fentis qu'il falloit chercher quelque moyen de 

éviter, 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 389 


23. Ce fut une idée heureufe que celle d'un Thermomètre qui me 
vint alors à l'efprit: je m'y fentis arrété par une forte de liaifon que 
jentrevis entre l'échelle de cet inftrument & celle de mon hygromètre ; 
& après l'avoir examinée attentivement , je vis en effet qu’en employant 
pour le tube de l’hygromètre , le tube d'un Thermomètre déja gradué 
par le moyen de deux points fixes de chaleur , il-me fufäroit de con- 
noître le rapport des poids de mercure dans ce Thermomètre & dans 
L'hygromèrre auquel fon tube feroit employé, pour avoir, dans ce der- 
nier inftrument , des degrés aufli déterminés que dans le Thermomrre. IL 
ne s’'agifloit que d'établir entre l'étendue FH degrés des deux inftru- 
mens, le même rapport qui auroit été trouvé entre les poids de leur 
mercure , ce qui n'exigeoit plus que des balances d'une délicatefle fort 
ordinaire ( 42 & 43 ). 

24. Outre la facilité dans l'exécution , qui me détermina pour ce 

rocédé , il me fournifloit encore un moyen bien fimple de corriger 
Les effets de la chaleur fur le mercure contenu dans lhygromècre. Car 
on voit aifément , qu'abftraction faite des effets de l’humor , cet inftru- 
ment feroit lui-même un Thermomètre d'une graduation très-régulière , 
& que par conféquent, les variations du Thermomètre devoient fervir 
immédiatement à cette correction. 

25. Tous les principes de mon hygromètre fe trouvant ainfi détermi- 
nés , il ne me reftoit plus qu'a m'occuper des détails de fa conftruc- 
tion. J’eus encore affez de tems dans le même voyage pour y réfléchir, 
& j'arrivai chez moi en état de mettre la main à l'œuvre. Je commen- 
cai par quelques expériences que j'avois projettées pour connoître 
l'efpèce d'action de l'eau fur livoire & fa grandeur. Je fis , pour cet 
effet , un petit vafe d'ivoire , cylindrique , d’un pouce de diamètre & de 
8 lignes de profondeur , dont je réduifis l’'épaiffeur à moins d'un quart 
de ligne. Je fs aufñli un cylindre de bois , d'un diamètre égal au dia- 
mètre intérieur de ce vafe. Je mis enfuice le vafe dans l’eau , de ma- 
nière qu’elle ne le mouilloit qu'extérieurement jufqu'à la hauteur de 
fon bord: il y étoit retenu par un poids qui repofoit fur fon fond. 
Au bout d'un tems très-court , le cylindre de bois, qui auparavant 
entroit très-jufte dans le vafe, ne le remplifloit plus. Quelques heures 
après, je crus m'appercevoir que les parois intérieures du vafe fe 
mouilloient , & les ayant regardées avec une loupe , je Les vis couvertes 
d'une rofée très-fine. Cette rofée n'augmenta point par un plus lon 
féjour du vafe dans l’eau ; l'évaporation , fans doute , enlevoit l'eau $ 
mefure qu’elle pafloit au travers de l'ivoire, La capacité du vafe qui 
s'étoit accrue jufqu'à l'apparition de cette rofée , me parut aufli ne 

lus augmenter, 

26. Cette première expérience répondoit aflez bien à mes conjectures 


Tome Ÿ, Part, F. 1775. D dd2 


350 (OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


pour me donner de l’efpérance. Cependant, le paflage de l'eaz au tra- 
‘vers de l’ivoire m’embarrafloit un peu : je voyois par-là qu'elle s’in- 
troduiroit dans mon hygromètre, ce qui me parut bars un incon- 
vénient. Mais j'y trouvai enfuite un avantage , en ce que l’eau, après 
avoir traverfé l'ivoire , repoufleroit un peu le mercure , tellement que 
celui-ci, après s'être abaïllé dans le tube durant l'introduction de l’eau 
dans les pores de l’ivoire , remonteroit lorfqu'elle les auroit entière- 
ment traverfés , d'où réfulteroit un maximum d’abaiflement du mercure, 
qui feroit facile à failir. Quant à cette eau introduite dans le tuyau 
d'ivoire , j'efpérai qu'elle rétrograderoit dès que livoire fe fécheroir 
extérieurement. 

27. Après m'être afluré par cette expérience , que l'ivaire étoit 
très-fufceptible des impreffions de l’humor , il falloit favoir encore 
s'il en indiqueroit toujours les mêmes ‘variations par les mêmes chan- 
gemens. Je tirai , pour cet effet, mon petit vafe de dedans l'eau , & 
je l'expofai à l'air. Sa capacité diminua bientôt ; mais il ne revint 
pas , même au bout de plufieurs jours, dans l’état où il étoit aupara- 
vanr. Cette obfervation membarraffa encore ; mais je foupconnai que 
la preflion extérieure de l'outil fur l'ivoire pouvoit l'avoir un peu 
comprimé , & que l’eau ayant rétabli fes fibres dans leur état primi- 
tif, la capacité abfolue du vafe en feroit demeurée plus grande. 

28. Pour vérifier cette conjeure, je préparai un autre cylindre de 
bois qui occupa toute la nouvelle capacité du petit vale, & je remis 
celui-ci dans l’eau , où je Le laiflai pendant le tems convenable, Je le 
fis fécher enfuite, & il me parut que le cylindre de bois le remplif 
foit comme auparavant; d'où je tirai cette conféquence, pour la conf: 
truction de mon hygromètre , qu'il falloit mettre le tuyau d'ivoire 
dans l’eau pendant quelque tems, & le laiffer fécher enfuite avant que 
de l'employer. 

29. Toutes mes conjectures étant vérifiées , autant qu'elles pouvoiene 
Fêtre par ces expériences préliminaires, & ayant tiré de ces mêmes 
- expériences quelques lumières fur les proportions que devoient avoir 
les diverfes parties de ma machine , je me trouvai en état de l'entre- 
prendre, & je l'exécutai telle que je vais la décrire. 


Déftription d'un HYGROMÈTRE. 


30. La figure 6, pl. 3, repréfente la coupe de la partieinférieure de 
Tinftrument, par fon axe, & de grandeur naturelle. La première partie 
à laquelle je m'arréterai , parce qu'elle eft ; pour ainfi dire, l'ame de l’hy- 
gromètre , eft un tuyau d'ivoire aab, ouvert par le bout a a , & fermé. 
en à. Voici comment j'ai trouvé par l'expérience , que cette pièce doit 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 3o1 


être faite. Il faut prendre un morceau d'ivoire de 3 pouces de longueur , 
& d'environ + pouce de diamètre , à quelques pouces de diftance de la 
pointe d'une affez groffe dent d'éléphant , & à une diftance égale de 
fa furface & du canal qui fe prolonge jufqu'à cette pointe. On verra 
dans la fuite la néceflité de fixer la partie de la dent qui doit étre em- 
ployée à cet ufage. Ce morceau d'éoire étant préparé , il faut le 
percer exactement dans le fens de fes fibres , d’un trou bien droit de 
2 lignes + de diamètre, & de 2 pouces 8 lignes de profondeur de 42 
en c. 

31. Il faut préparer enfüuire une pièce de laiton cylindrique d'en- 
viron 3 pouces + de longueur, à l'une des extrémités de laquelle foit 
fixée une poulie propre à recevoir l’archet quand la pièce eft fur le 
tour. Cette pièce doit être tournée avec le plus grand-foin, tant pour 
la rendre parfaitement ronde , que pour qu'elle entre avec la plus 

rande juftefle dans le canal de la pièce d’ivoire ; fon bout doit même 
être arrondi , pour qu'il s'applique exaétement au fond de ce canal. 
Ayant enfuite ébauché extérieurement la pièce d'ivoire , on y intro- 
duira le cylindre de laiton , & lon mettra fur le tour les deux pièces 
ainfi réunies , en cherchant fur le fond extérieur du tuyau d'ivoire, 
le point qui répond à l'axe de la pièce de laiton , tellement que celle-ci 
vienne à tourner exactement {ur fon axe. C’eft pour avoir le moyen de 
m'en affurer, que je fais le cylindre de laiton plus long que le tuyau 
d'ivoire. 

32. Toutes ces précautions font deftinées à affurer l'égalité d'é- 

aifleur des parois du tuyau d'ivoire. Cette épaiffeur doit être de 
57 de ligne , excepté aux deux extrémités. A l'extrémité b, ce tuyau 
doit fe terminer en pointe comme dans la fig. 63 & à l'extrémité aa, 
il faut le laiffer un peu plus épais fur cette longueur de 2 lignes , afin 
qu'il réfifte à l'effort d’une autre pièce qui doit y entrer. Ainfi, la partie 
mince de ce tuyau , qui doit faire la fonction d’hygromèrre , fe trouve 
réduite à 2 pouces 6 lignes, y compris la concavité du fond du 
canal. ; 

33- Avant que d'employer cette pièce , il faut la faire tremper dans 
l'eau , en l'y plaçant de manière qu’elle n’en foit mouillée qu'extérieu- 
rement; on doit l'y laifler, jufqu'a ce que fes parois intérieures foient 
par-tout tapiflées de cette ro/ée dont j'ai parlé ci-devant (2ÿ;, ce qui 
arrive au bout de quelques heures : j'ai indiqué la raifon de ce pro- 
cédé (28). 

. 34 Le tube de verre, deftiné à cet hygromèrre, doit avoir environ 
14 pouces de longueur. Son extrémité inférieure eft repréfentée dans la 
fig. 6 , en dd ee. Le diamètre intérieur de ce tube doit Cire d'environ 


©: de ligne. J'indiquerai dans la fuite pourquoi il ne doit pas être fen- 


Tome V;, Parts V, 1775. 
« 


352 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


fiblement plus petit ( $2) : sil étoit fenfiblement plus grand, les varia- 
tions de hauteur de la colonne de mercure ne feroient pas aflez 
grandes. Avec les dimenfons que j'indique , quand on met l’hygromètre 
dans l'eau provenante de la glace, par un beau jour d'été , l’abaitle- 
ment de la colonne de mercure eft d'environ 6 pouces. Le diamètre 
extérieur de ce tube doit être d'environ 2 lignes , afin que la partie gg 
d'une pièce de laiton dans laquelle il pañle , qui doit entrer dans le 
tuyau d'ivoire , foit aufli mince qu'il eft poñible , l'extrémité de cette 
pièce pouvant être touchée par le mercure , malgré une précaution 
dont je parlerai bientôt ( 38). 

35. Ce tube , comme je l'ai déja dit, doit avoir appartenu à un 
thermomètre. Son extrémité fe trouve donc naturellement évafée vers la 
bouche. IL faut conferver cette évafure , afin que, lorfqu'on verfera le 
mercure dans lhygromètre , il puifle chafler l'air devant lui en séle- 
vant du tuyau d'ivoire dans ce tube. Pour conferver cette évafure, il 
faut rompre d'abord la boule du thermomètre en frappant fur fon 
fond , & brifer le refte peu-à-peu avec une pince jufqu’auprès du tuvau, 
dont enfuite on rend l'extrémité cylindrique, en l'ufant fur la roue d’un 
lapidaire. On en fera de même à fon autre extrémité , à laquelle je 
fuppofe qu'on a fait fouffler une olive, ou petit réfervoir , pour le rem- 
plir lorfqu'on a fait le thermomètre qui, comme je l'ai dit ci de- 
vant (23), doit précéder l'aygromètre. On aura foin, dis-je , de con- 
ferver l’évafure qui fe trouvera à l'extrémité du tube au fond de ce ré- 
fervoir ; j'en dirai la raifon en fon lieu ( 2). 

36. La pièce ff gg eft deftinée à réunir le tuyau d'ivoire avec le 
tube de verre. Cette pièce eft de laiton , & fa forme eft repréfentée 
par la figure. Elle doit être percée d’un trou cylindrique, par lequel 
le tube puifle pafler aufli jufte qu'il eft poñlible , fans rifque qu'il fe 
rompe , & fon extrémité doit entrer avec quelque force dans le tuyau 
d'ivoire. 

37. Pour empêcher que la partie de ce tuyau qui embraffe la pièce 
de laiton , ne participe aux variations produites par lhumor , ce qui 
Fempêcheroit quelquefois de preffer cette pièce comme il eftnéceflaire ; 
j'ai recouvert cette partie du tuyau, d’une virole de laiton, dont on voit 
la coupe er hh ii. Cette virole doit entrer avec force, & je la regar- 
derai a la fuite comme faifant partie du tuyau. 

38. Pour réunir toutes ces pièces , j’emploie la gomme laque , qui 
fe fond à l’attouchement du laiton & du verre chauds. Je cimente 
d’abord la pièce de laiton avec le tube de verre , & pour cer effer , 
je fais pafler Le tube dans cette pièce , que je laifle d'abord à un pouce de 
diffance de la place où elle doit refter. Je préfente enfuite ce bout du 
tube à des charbons ardens , en l'en approchant peu-peu , & le fai- 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 39; 


fant tourner pour qu'il s'échauffe par-tout également , ainfi que la pièce 
de laiton qui en eft voifine. Quand ils le font au point de faire fon- 
dre la gomme laque , je frotte le tube avec cette gomme , & je poufle 
la pièce de laiton à fa place , à l'aide d'un morceau de bois percé que 
j'ai d'avance enfilé fur le tube à ce deflein. La laque s’accumulant vers 
le bout du tube à mefure que la pièce de laiton s'avance , j'ai foin 
d'enlever cet excédent, de manière cependant qu'il en refte une cou- 
che légère fur l'extrémité de la pièce LA laiton , afin de la garantir de 
Fattouchement du mercure qui pourroit la ronger. Quand cette pièce 
eft à fa place, & tandis qu’elle eft encore chaude , j'enduis de laque fa 
partie cylindrique , & je l'introduis dans le tuyau d'ivoire, que j'ai eu 
foin de tenir à quelque diftance du feu, pour qu'étant un peu chaud , 
la laque sy attache plus fortement. Lorfque ces pièces font refroidies s 
elles font très-folidement cimentées, & le mercure ni l’eau ne peuvent 
point fe glifler entrelles. 

39- Il faut alors introduire le mercure dans l'inftrument, Pour 
cet effet , je roule d’abord fur fon tube une bande de papier d'environ 
3 pouces de largeur , que je lie fortement à fon extrémité Ja plus 
voiline du cylindre d'ivoire. J'introduis enfüuite dans le tube un crin 
aflez long, pour qu'un de fes bouts entre dans ce cylindre , tandis que 
l'autre dépafle encore le tube de 3 ou 4 pouces. Je fais alors remonter 
le tuyau de papier qui s'eft formé fur le tube , & il me fert d’enron- 
noir pour verfer du mercure dans l'inftrument en le tenant debour. 
Le mercure, deftiné à cet ufage , doit être de la plus grande pureté : 
il eft bon, pour cet effet ; qu'il foit revivifié du cinabre. Je l’introduis 
dans le tuyau de papier, & il coule aifément dans Le tube , en l'aidant 
par de petites fecouffes. L'air qui lui fait place , remonte le long du 
crin , que le mercure n’embrafle pas parfaitement. IL faut avoir foin de 
verfer de tems en tems du mercure dans le tuyau de papier , pour 
empêcher qu'il ne fe vuide entièrement , & qu'ainfi la dernière goutte 
du mercure n’entraîne dans le tube cette pellicule qui fe forme tou- 
jours à fa furface par le contaét de l'air. 

40. Il reft: ordinairement uelques bulles d'air dans le tuyau ; on 
les apperçoit au travers de l’ivoire , qui eft aflez mince pour avoir 
quelque tranfparence. Il faut raffembler ces bulles Le des fecouffes , 
les conduire vers la naïffance du tube , & les faire fortir par le moyen 
du crin. Pour faciliter cette opération , il faut qu'il y ait peu de mer- 
cure dans. le tube, afin que l'air trouve moins d'obitacle à s'échapper, 
& le crin à fe mouvoir pour aider fa fortie. 

41. Mais l'air ne peut être entièrement expulfé par cette opération ; 
c'eft le poids du mercure, dont on doit remplir le tube pour cet eff, 
qui, avec le rems, achève de le chaffer en le faifant pañler au travers 


Tome PF, Part, V. 1775. 


394 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


de livoire. Pour accélérer fa fortie , j'ajufte mes hygromèrres dans une 
boîte faite exprès, que j'atrache à-peu-près verticalement à l’arçon de 
la felle d’un cheval, fur lequel je vais me promener quelques heures 
au petit trot. Ces fecoufles divifent quelquefois la colonne de met- 
cure ; mais on la réunit aifément avec le crin. On reconnoît que tout 
l'air eft forti , lorfqu'en fecouant verticalement l'hygrométre , on n'ap- 
perçoit plus de tremblotement à l'extrémité fupérieure de fa colonne. 

42. Je viens aux opérations qui doivent fervir à former l'échelle de 
l'hygromètre , &c premièrement à celle qui détermine la bafe de cette 
échelle ( 15) ; il eft en état de l'éprouver quand l'air en eft entièrement 
{orti. Je le fufpens alors dans un vafe rempli de glace pilée , mêlée de 
l’eau qu'elle produit en fe fondant, & j'ai foin de réparer fa fonte en 
en mettant de la nouvelle pendant la durée de l'opération , qui eft de 
dix à douze heures. Dans la première heure, le mercure s'abaifle de 
plus du tiers de l'efpace qu'il doit parcourir ; il fait moins de chemin 
dans la feconde , & fa marche va ainfi en fe ralentiflant de plus en 
plus , jufqu'à ce qu'il refte fixe, ce qui arrive ordinairement au bout 
de fept ou huit heures , &c il en demeure deux ou trois dans cet étar. 
L'ivoire alors étant devenu plus tranfparent par fon humidité, on ap- 
perçoit une rofée extrèmement menue à la furface du mercure qui la 
rend un peu chatoïante. Enfin , le mercure commence à remonter |, & 
l'opération eft finie : on voit alors de petites gouttes d'eau à fa fur- 
face ; c'eft l'effet que j'avois attendu (26 ). 

43. Je fais fuivre par un fl de foie très-mince , fortement lié fur 
le tube, les derniers pas du mercure dans fon abaiïflement , & ce fil 
refte au point le plus bas où il a été conduit. Si ce point fe trouve 
trop bas , relativement à l'efpèce de monture que doit avoir lhygro- 
mètre , je remets du mercure dans le tube, ce qui m'oblige à élever 
le fl à proportion : sil eft trop haut, j'ôte du mercure & j'abaifle le 
fil ; le crin fert à l'une & à l’autre de ces opérations. Il faut les faire 
quand le mercure paroît cefler de s'abaifler , afin que la place où le 
fl doit refter , foit déterminée immédiatement par lobfervation 
même. 

44. Ce point ainfi déterminé, et nommé zéro dans mon hygromètre; 
c'eft celui où la féchereffe eft nulle ( s'il nveft permis de mexprimer 
ain), puifque c'eft celui de l'humidité extrême , par une chaleur don- 
née, qui eft celle de la glace fondante : cet de ce point que doivent 
fe compter les degrés dont je vais parler , qui deviennent ainf des degrés 
de defsèchement. 

45. La dernière opération qui tient effentiellement à la conftruction 
de l'hygromètre , eft celle qui détermine la grandeur de fes degrés : je 
décrirai cette opération par un exemple. On fe rappellera que le tube 


_de 


tre ES Le 


1 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 395 


de l’hygromètre doit avoir été d'abord formé en thermomètre (23 ) ; 
je remonterai donc à ce premier état , à l'égard de celui qui va nous 
fervir d'exemple. L'intervalle des fils qui marquoient fur le tube du 
thermomètre préparatoire les points correfpondans aux chaleurs de la 
glace fondante & de Veau bouillante à 27 pouces du baromètre , s'éroit 
trouvé de 1937 parties d’une certaine échelle. Je rompis la boule de 
ce thermomètre dans un baflin , pour y recevoir foigneufement tout le 
mercure qu'il contenoit : Re ce mercure avec de bonnes balances , 
& j'en trouvai 2 onces 11 den. 12 gr. ou 1428 grains. Lorfque toutes 
les pièces de mon hygromètre furent réunies , elles pesèrent 373 grains. 
Quand il eut reçu la quantité de mercure qu'il devoit contenir, il pefa 
833 grains : il contenoit donc 460 grains de mercure. 

46. Suivant la règle de j'ai donnée ci-devant (23), l'étendue des 
degrés d’un hygromètre doit être à celle des degrés du thermomètre pré- 
paratoire , comme le poids du mercure de lhygromètre eft au poids du 
mercure que contenoit ce thermomètre ; & Fe conféquent comme le 
poids du mercure du thermomètre eft au poids du mercure de l'kygromè- 
tre, ainfi un e/pace quelconque pris fur l'échelle du thermomètre , eft à 
lefpace correfpondant fur l'échelle de l'hygromètre. Nous aurons donc 
dans notre exemple 1428 : 460 :: 1937 : 624 ( à peu-près }; & par 
conféquent les e/paces correfpondans fur les échelles du thermomètre & 
de l’hygromètre , doivent être entreux comme 1937 à 624. 

47. J'appelle intervalle fondamental dans le thermomètre , la diftance 
des deux points fixes de chaleur ; & j'appellerai ligne fondamentale dans 
l'hygromètre , celle dont la longueur correfpondra à cet intervalle. Ainfi , 
dans notre‘exemple l'intervalle fondamental du thermomètre préparatoire 
s'étant trouvé de 1937 parties d’une certaine échelle , la ligne fonda- 
mentale de mon hygromètre fut de 624 parties de la même échelle. Cet 
exemple fe généralife aflez de lui-même , pour que je n'aie pas befoin 
de m'arrêter davantage fur ce point. 

48. Ayant ainfi une ligne fondamentale dans l’hygromètre , j'étois mat- 
tre de la divifer en tel nombre de parties que jetrouverois convenable, 
& la convenance étoit naturellement décidée par l'utilité d’un rapport 
fimple entre les degrés du thermomètre & ceux de l’hygromètre , à caufe 
de la correction à faire fur celui-ci , d’après un thermomètre ; pour les 
effets de la chaleur fur fon mercure ( 24 ). Je penfai d'abord à divifer 
cette ligne en 80 parties , comme eft divifé l'intervalle fondamental de 
ce thermomètre , que j'ai appellé commun dans mon Ouvrage fur l'air , 
& dont je parlerai toujours dans ce Mémoire ; mais ces degrés s'étant 
trouvés d’une petitefle incommode & fuperflue , je me fuis détérminé 
à les faire doubles , en n’en mettant que 40 dans la longueur de la 
ligne fondamentale de l'hygromètre. On comprend que ces degrés ainl 

Tome V, Part. PV, 1775. Eee 


396 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


déterminés, commencent à fe compter depuis le fl qui marque fur fe 
tube de l’hygromètre , lhumidité extréme par la chaleur zéro du ther- 
momètre commun. 

49. On voit l'inftrument tout monté dans la fig. 7, dont les dimen- 
fions font en tout fens la moitié de celle de l'original. Sa monture eft 
de fapin ; c'eft le bois qui éprouve le moins de changement dans la 
longueur de fes fibres. La partie inférieure de cette monture eft percée 
de toute la haureur du tuyau d'ivoire , afin que l'air circule librement 
autour de ce tuyau & de la boule d’un thermomètre dont je parlerai 
ci-après. L'hygromètre eft retenu en:trois endroits fur cette monture ÿ 
par fa partie inférieure, qui repofe fur une petite confole ; par le haut 
de fon tube , qui pañle dans une petite pièce de bois dur ou de métal, 
fixée par deux vis : mais principalement il eft lié avec du fil de cuivre 
rouge fur le collet de la pièce de laiton qui réunit le tube avec le 
tuyau d'ivoire : cette pièce eft enchäflée dans une petite plaque de bois 
dur, qui remplit en cet endroit une rainure faite d'abord dans route 
la longueur de la pièce de fapin. \ . 

50. Pour garantit de la pouflière l'ouverture du tube, j'ai renfermé 
fon extrémité fupérieure NE un petit étui d'ivoire. On ne peur pas 
{celler ce tube, parce que fi, enle fcellant, on y laïfloit de l'air, 
cet air soppoferoit à l’afcenfon du mercure; & fi l'on en chafloit 
Yair , le mercure feroit foulevé jufqu'au fommet par la preflion de l'air 
extérieur fur le tuyau d'ivoire ; c'eft ce que j'ai éprouvé. 

s1. Il réfulte de-là un petit inconvénient ; c'eft que l'extrémité de 
mercure communiquant avec lair , fi elle s’arrète long-tems dans une 
même partie du tube, où qu'elle n'y fafle que de petits meuvemens , 
il'arrive quelquefois qu’elle dépofe un peu de faleté fur les parois du 
tube : mais j'y remédie aifément par le moyen d’un fil de laiton , dont 
j'ai dentelé l'extrémité en forme de lime, afin qu'il retienne quelques 
brins de coton dont je l'enveloppe. Ce fil eft aifément introduit dans 
le tube , à caufe de l’évafure de celui-ci dont j'ai parlé ci-devant (35 ): 
je l'y introduis lorfque le mercure fe trouve abaïflé au-deffous de la par- 
tie du tube qu'il a falie, & je la nettoie fort bien par ce moyen : c’eft 
pour faciliter cetre opération , qu'il faut employer des tubes qui aient 


à peu-près + de ligne de diamètre intérieur. 


52. L'échelle de l'hygromètre eft tracée fur une tringle de fapin , qui 


glifle dans cette rainure dont j'ai parlé (49). Cette tringle, & 
toutes les autres parties de la monture, doivent être recouvertes de 
RApise > pour. y tracer les diverfes échelles néceffaires, & ce papier 

oit être vexniflé enfuite. On peut auffi les recouvrir de minces plaques 
de cuivre blanchi. 


$3- La mobilité de l'échelle de l'hygromètre a pour but de corriger 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 397 


dans l'obfervation même , l'effet de la chaleur fur le mercure. On voic 
dans le haut de cette échelle un index, vis-à-vis d'une autre petit échelle 
tracée fur la partie immobile de la monture. Les degrés de cette petite 
échelle font des 80" de la ligne fondamentale de l'hygromètre , & par 
conféquent ils font immédiatement correfpondans aux degrés du ther- 
momètre que porte la même monture (48). Quand l'index répond au 
point O Eh la petite échelle, le fil qui marque fur le tube de l'hygro- 
mètre le point où le mercure s’eft abaïflé par la glace fondante , corref- 
pond aulli au o de l'échelle de l'hygromètre : c’eft Le cas exprimé par 
la figure, où le thermomètre eft aulli repréfenté comme étant au point 
© de fon échelle. Obfervant donc premièrement la chaleur, & condui- 
fant l'index au point de la petite échelle qui correfpond à celui où le 
thermomätree Fe trouvé, l'hygromètre Aer lus fur fon échelle que 
le degré de l’humor ; car cette échelle faifant ainfi les mêmes variations 
que la chaleur produit dans la hauteur de la colonne de mercure, les 
indications de l’hygromètre deviennent telles qu’elles feroient fi la cha- 
leur réftoit toujours au point où l’humidité extrême a été fixée, qui eft 
le © du thermomètre commun. 

On conduit l'échelle de l'hygromètre au point convenable, par le 
moyen d’un bouton formé fur une petite pièce de bois dur ou de laiton, 


fixée au bas de la tringle, & dans laquelle le tube de l’hygromètre paile 
librement (1). 


(1) Nous ferons connoûre dans le Cahier fuiyant, les obfervations fur la marçhe 
de cer hygromètre. 


Tome P, Part, F. 17754 Ecez 


398 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


ET SE SE EVENE 
EEE TRE 
Adreffée à l'Auteur de ce Recueil. 


M ONSIEUR, l'Ouvrage périodique dont vous vous occupez, 
étant particulièrement deftiné à fervir de dépôt pour conferver aux 
Sciences & à l'humanité, les découvertes que font chaque jour ceux qui 
confacrent leurs travaux & leurs veillés à des recherches utiles, j'ai cru 
vous faire plaifir en vous envoyant la defcription de la Boîte fumi- 
garoire, adoptée par la Ville de Paris ; je joins à cette Pre x 
quelques réflexions qui m'ont paru effentielles pour faire fentir tous les 
avantages de cette Boîte. J'efpère , Monfieur , que vous voudrez bier les 
inférer (1). 

Les fuccès fans nombre qui ont été obtenus depuis que la Ville de 
Paris a formé fon établiffement en faveur des noyés; la foule des imi- 
tateurs qu'elle a eue ,non-feulement dans la Capitale , mais encore, dans 
toutes les Provincés , prouvent , fans replique , combien les moyens 
employés font efficaces, faciles & ingénieux. {l vous fera aifé d'en juger, 
Monfieur, en jettant les yeux fur la Defcriprion de la Boite fumiga- 
toire, connue aufli fous le nom de Boîte-Entrepôt , dont la conftruc- 
tion fimple & facile offre, dans les circonftances critiques où on y a 
recours , des reflources infinies. Tout s'y trouve diftribué, économifé, 
compenfé avec tant d'ordre, qu'il n'eft pas poffible d'y faire le plus 
pctit changement, fans lui faire perdre en mème tems quelques-uns 
de fes avantages. 

Quelque parfaite que foit cette Boîte , elle n'a cependant pas manqué 
de trouver des Critiques qui , fous prétexte de prouver l'infufffance des 
fecours qu’elle renferme , ont regardé comme défavantageufes , les cho- 
fes mêmes qui font fa perfection. Par exemple, ils ont prétendu qu'elle 
contenoit quantité d’uftenfiles peu utiles, dont le plus grand mérite 
étoit d'augmenter le volume de la Boîte & le prix de fon acquifi- 


(x) C’eit à M. Pia, ancien Echevin de la Ville de Paris, que nous fommes 
redevables de cette Boîte fumigatoire, dont lutilité eft aujourd’hui univerfellement 
reconnue. Les foins que ce zélé Patriote a donnés à la conftruétion de cette Boîte, 
les détails minutieux & défagréables dans lefquels il a été obligé d’entrer, les difi- 
cultés fans nombre qu'il lui a fallu furmonter, enfin l’ardeur avec laquelle il emploie 
journellement encore fes peines & fon tems pour donner à l’établiffement de læ 
Ville, le degré de peife@ion dontil eft fufceptible, font autant de titres qui, en lui 
donnant des droits à la reconnoiffance publique, le feront placer au nombre des 
amis de l’humanié. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 309 


tion; enfuite s'arrètant principalement fur la Machine fumigatoire , 
ils ont afluré que fa conttruétion éroit vicieufe, qu'il étoit poflible de 
Ra fimplifier en lui donnant une autre forme , & fur-tout en fupprimant 
le fouffler. 

Quelques réflexions fufiront pour répondre à toutes ces objectiéns; 
1°. fi toutes les pièces qui compofent la Boîte-Entrepôt , font! très- 
ütiles ;'ainfi qu'il elt facile de le prouver; fi de leur’ aflociation , il 
réfulte uné fomme de fecours faciles à adminiftrer, il n'eft pas pof- 
fible d'en diminuer le nombre fans en mêéme-tems nuire aü total, 
Qu'on interroge ceux qui ont eu occafon de mettre en ufage cette 
Boîte, ils répondront que rien de'ce qu'elle contient ne leur a 
paru fuperflu, & qu'ils ont au contraire employé très-fouvenr & 
avec avantage, Les différentes chofes qu'on. veut faire paflef comme 
inutiles. 3 

2°. La Boîte-Entrepôt n'étant pas de nature à être portée continuelle- 

ment avec foi, & les cas dans lefquels on doit employer les fecours 
qu'elle contient, n'étant pas heureufement fort fréquens, on conçoit 
aifément qu'il étoit à-peu-près indifférent-qüe fon volume für plus ou 
moins confidérable, pourvu que fon utilité ne für point diminuée. Au 
refte , rien ne feroit fi facile que de réduire la Boîte £ la Ville à un très- 
petit volume ; il fufiroit pour cela d'en retrancher les couvertures, l'eau- 
de-vie camphrée, &c. pour n’y laifler fimplement de la Machine fumi- : 
gatoire: mais en fupprimant toutes ces chofes, ne feroit-ce pas afloiblir 
cs avantages qu'on peut retirer de cette Boîte lorfqu'’elle eft com- 
plerte? : | êk- 
‘3°. La Machine fümigatoire n'eft pas non plus fufceptible de réfor- 
me; fa fimplicité eft telle, qu'il n'eft pas poffible de la porter plus loin. 
En fupprimart le fouffler qui la met en action’, il faudroit y fubftituer 
le fouffle de la bouche: mais ce moyen, indépendamment de ce qu'il 
æft difgracieux & répugnant , fatigue au point qu'il eft impoffible, dns 
bien des cas, de le continuer aflez long-tems-pour réveiller le fentimenc 
de la vie, ce qui eft un inconvénient d'autant plus effentiel à éviter , 
ique la perte d'un inftant fair courir lesrifques de mettre les autres fecours 
en re Une chofe encore qui mérite d'être obfervée , c'eft la diffé- 
rènce fenftble qui fe trouve entre l'air’ qui vient de la poitrine ; & 
celui- pris dans l'atmofphère au moyen d’un foufiler : l'un étant humi- 
‘de, & par conféquent privé d’une partie de fon élafticité , chafle 
devant lui un jet de fumée toujours très-foible; l’autre, au contraire, 
pur & très-élaftique ; pouffe toujours & avec la même force une grahde 
“quantité de fumée, & remplit par conféquent l’objet qu'on fe propofe. 
Toutes ces confidérations réunies, prouvent d’une manière inconcelta- 
ble la néceflité de fe férvir d'un foufilet, s 


Tome W, Part, V, 1775. 


4co OBSERVATIONS'SURILA PHYSIQUE, ! 

4°: Quant à l'acquifition de certe Boîte, que l'or dit être très-coù« 
rule, il eft aifé de s'afurer par la valeur intrinsèque des chofes qu'elle 
contient , que ce reproche eit mal fondé. Au refte, je me difpenfe 
volontiers d'infifter plus long-tems fur cet article; il fuffit- de con- 
noître le Citoyen généreux auquel le Bureau de la Ville a confé la 
direction de fon. établiflement, pour être convaincu qu'étant inca- 
pable par état & par'caraétère, de tirer bénéfice d’une Boîte dont il eft 
lInventeur, la feule récompenfe qu'il retire de fa découverte, eft de 
jouir en filence du plaifir d'avoir été utile à la fociété, 

Je pale maintenant à la defcription de la Boîte. Cette defcriprion 
fera la même que celle que l’Auteur a fait imprimer pour fervir de fuite 
aux détails qu'il donne tous les ans des fuccès qui ont été obrenues ; 
non-feulement dans la Capitale, mais encore dans les Provinces, Comme 
cette defcription eft très-exaéte, je ne crois pouvoir mieux faire que de 
la copier en entier, 


CETTE BoîTE eft faite avéc de beau bois d'Hollande; elle a 
12 pouces de haut , 
18 pouces de long, 
9 pouces de larse, 
Toutes les parties en font’affemblées folidement & proprement en 
queue d'aronde, 


y Farpis ks épaiffeurs des bois qui. ont 
$ lignes. 


On a pratiqué dans cette Boîte, différentes féparations , dont deux 
reçoivent chacune une bouteille de pinte remplie d’eau-de-vie camphrée, 
animée avec l'efprit volatil de fel-Ammoniac. Une troifième féparation 

_elF deftinée à recevoir le bonner &a les deux. frottoirs de laine roulés 
enfemble , dans léfquels-on a enfoncé ( de,manière à les faire apper- 
cevoir en ouvrant la Boîte ) deux tiges de la canule fumigatoire. & la 
canule à bouche. 2 

Au-deffous du bonnet & des deux frottoirs, dans le fond de [a 
Boîte, on a placé les deux bandages à faignée , roulés avec leur 
comprefle. Ces deux bandages font, le. feul article effentiel u’on 
na pu repréfenter dans le détail en apperçu qu'on va faire de la 
Boite. ) È | 15 5 : fs 

Une quatrième féparation, eft unetablette pratiquée pour la Ma- 
chine fumigatoire , dans le fourneau de laquelle on loge le fla- 
con bouché en cyftal, qui contient l'efprit volatil de fel Am- 
moniac, : ie L 

Une cinquième féparation eft une autre tablette apparente a l'ouver- 
ture de la Boîte, & à fa furface interne, faifant le deflus de la Machine 
fumigaroire. Cette tablette eft fermée de trous. les, côtés. & forme à- 
peu-près. un quarré d'un pouce & demi de haut, dans lequel on voit 


SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 4o1 


quatre rouleaux de tabac à fumer d'une demi-once chaque, & une 
_pétite boîte renfermant plufieurs paquets d'émétique, de trois grains 
chaque. | ! 

Dans le fond de cette Boîte-Entrepôt & deflous la Machine fumiga- 
toire, on apperçoit le fouffler. 

On voit dans cette Boîte un petit piton à vis, d'où pend par le 
moyen d’une ficelle, un nouet de foutre & de camphre qui n'eft pas 
urile aux Noyés , mais qu’on a cru devoir ajouter pour la confervation 
de la couverture & des autres uftenfiles de laine dont il occupe toujours 
le milieu. . 

Pardeffus la couverture, on voit la canule fumisatoire; la cuiller 
de fer éramé & les brochures contenant les détails des fuccès obtenus 
depuis l’établiflement; ( on a fouftrait ces brochures comme inutilés à 


repréfenter figurément ). 

Pour l'intelligence. & la facilité dans ladminiftration des fecours à 
donner, on a penfé qu'il feroit utile de coller en dedans du couvercle de 
certe Boîte , l'ufage qu’on doit faire des différens articles ci-deflus com- 
portant les fecours. 1 , 
+, Érenfin, au-devant de la Boîte, on affiche une feuille imprimée, qui 
préfente en précis & par ordre, les fecours à adminiftrer aux Noyés, & 
les conditions qu'on fait aux Secouriftes. 

La ferrure de cette Boîte eft folide & proprement faite, &, pour em- 
Ene qu'elle ne foit fufceptible de la rouille, on a eu l'attention de 

aire appliquer pardeflus deux couches de vernis. 

On 2 évité de la fermer avec une ferrure,à clef, parce qu’on a fait 
réflexion que la ferrure peut fe mêler, que la clef peur fe de & que 
lorfqu'on voudroit faire ufage des fecours { ficeraccident arrivoit), on 
feroit obligé , pour ne pas perdre de tems, à brifer la Boîte, en faifant 
fauter la ferrure. . 

On voir, par ce détail, qu'on a tâché de tout prévoir, autant qu'on 


Ya pu, 


402 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


di 


UE D Ÿ ÇA es verres 


P R:E:M.I'È RE. PL. A.N CHE. 


Inventaire indicatif & figuré de la Boîfte- Entrepôt ,, dont on a fuppri- 
mé le couvercle ainft que le devant, afin quon puiffe plus facile- 
ment voir , dans fa place, chacun des objets indiqués par des lettres 
relatives. 


(A) Quatre rouleaux, chacun d'uné demi-once de tabac à 
fumer. 

(B) Une petite boîte renfermant plufieurs paquets d'émétique , dé 
trois grains chaque. 

(C) Une bouteille de pinte remplie d’eau-de-vie camphrée, animée 
avec l'efprit volatil de fel Ammoniac. ( On ne voit qu'une partie du col 
de cette Elle; le refte fe trouve caché, dans la profondeur de La 
Boîte , par la tunique ou chemife de laine ). 

(D) Flacon de cryftal contenant de l'efprit volatil de fel Am- 
moniac. ( Il ne paroi pas dans la Boîte, parce que fa place eft 
dans le fourneau de la Machine fumigatoire, lorfqwelle eft en 
repos ). 

(E j Tuyau ou canule fumigatoire, 
(F) Cuiller de fer-étamé. 
(G) Nouet de foufre & de camphre. 

(H H) Couverture de laine en forme de tunique. 

(1-1) Deux tiges du tuyau fumigatoire pour Por parvenir fa fumée 
de tabac dans les inteftins; l'une pBt l'autre, lorfqw'elle fe trouve 
engorgée. | 

(K) Canule à bouche. 

‘(L-M) Bonnet de laine roulé avec les deux frottoirs de laine. 

(N) Deuxième bouteille de pinte remplie d'eau-de-vie camphrée , 
animée d’efprit volatil de fel Ammoniac. 

(O) Soufflet à une feule ame. 

(P) La Machine fumigatoire repofant fur une tablette pratiquée 
exprès; elle loge dans fon fourneau, le flacon d'efprit volatil de fel 
Ammoniac. 

(Q) Corps de la Boîte-Entrepôt , dont on a fupprimé le devant & le 
couvercle. 

Nota. On n’a pu repréfenter à l'œil deux bandages à faignée, des plu- 
mes pour chatouiller le dedans du nez & de la gorge , & des imprimés 
qui indiquent la manière de faire ufage de toutes les chofes contenues 
dans la Boîte-Entrepot, je 
Dévéloppement 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 403 


2 


È S'EMGTONNID'E. 2 L À N° C:H°E. 


Développement de la Boite. 


FIGURE première. La Machine fumigatoire montée avec fon foufflet 
(A), fixé (B) par une fiche de fer qui traverfe le manche (C) de 
Ja Machine (D), par le moyen d'un trou qu'on a pratiqué at man- 
che (C) & à la douille (E) du foufflet (A): de manière qu'on peut 


faire faire à la Machine, ainfi aflujettie , tous Les mouvemens pofli- 


| bles, en les dirigeant avec Le foufflet ; & on eft difpenfé de tou- 
cher à la Machine , lorfque le tabac eft allumé ; autrement on 
brüleroit. 
{F) Capiteau ou couvercle de la Machire. 
(G) Tubulure ou cheminée du chapiteau. 
(H) Bouchon de liège , fermant la cheminée (G) du chapiteau (F), 
[ ne l'ufage eft de pouvoir juger à quel point le tabac fournit de la 
imée, 


(1) Bec ou canal du chapiteau (F) qui conduit la fumée du tabac 
jufques dans les inteftins du Noyé. 

(K) Bout de cuivre-étamé , ou gorge dans laquelle s’insère le bec 
(1) du chapiteau (F), pour la direction de la fumée jufques dans Les 
inteftins. 

(L) Tuyau fumigatoire ; c’eft une fpirale en reflort à boudin de fil 
de laiton , recouvert d’une peau blanche de mouton, collée avec de bon 
empois. 

(M) Canule de buis terminant le tuyau fumigatoire. Cette canule 
ef compofée de deux pièces, dont le n°. 3 eft fixé au tuyau fumiga- 
toire (L), & fait corps avec lui ; & Le n°. 4 eft La tige d’une canule 
ordinaire qu'on peut retirer & remettre à volonté, pour pouvoir lui 
füubitituer une autre tige dans le cas où, pendant l'opération des fe- 
cours ; la première viendroit à s'engorger, par la matière qui fe trouve 
quelquefois retenue dans les gros inteftins. 

Le fouffler (A) a cinq pouces & demi de long , depuis fa partie 
circulaire (A) jufqu'à fon muffle (a-a) ; fa plus grande largeur eft de 
trois pouces quatre lignes. 

Le muflle (a-a) a feize lignes, réduites à douze près de la tuyère 
ou douille (E), laquelle a deux pouces & demi de long, & eft percée 
dans toute fa longueur , pour communiquer Le vent du fouffler. 


Tome FV, Part. Ve 1775. FFE€ 


s adm. Pi Cols 5 ni à Dés 


Pet à 2 Ur. ed 


404 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Le manche (C) a trois pouces & demi de long, & dix lignes de 
diamètre. 

La Machine (A-A), figure IT , fans fon couvercle, a trois pouces 
de haut, y compris la gorge (B-B) , qui feule a trois quarts de pouce; 
cette gorge cit de cuivre jaune, poli autour, & a près de deux lignes 
d’épaifleur. Le corps de la Machine eft de cuivre rouge étamé , & 
toutes fes parties font brafées à foudure forte ; de manière que, fr 
forte que foit la chaleur qu'on ns faire endurer à cette Machine , il 
n'y a pas à craindre que les foudures manquent ; ce qui interromproit 
l'opération. 

Le diamètre de la gorge de la Machine (A-A), eft de vingt-une 
lignes, & celui du fond du fourneau eft de vingt-quatre. 

Le couvercle, ou chapiteau (F), a deux pouces de haut , non com- 


pris fa tubulure où cheminée (G), qui a fix à fept lignes de haut , fur - 


autant de diamètre. 

Le bec ou canal (1) du chapiteau (F), eft long de quatre pouces ; 
il a fix à fept lignes de diamètre à la bafe, qui eft foudée au chapiteau, 
& fe réduit à deux lignes à l'extrémité qui s’ajufte à la gorge du 
tuyau fumigatoire (L). 

Le tuyau fumigatoire (L) a Ro à quinze pouces de long; 
c'eft une fpirale en reflort à boudin de fil de laiton , recouvert d'une: 
peau blanche de mouton, collée avec de bon empois : fa partie fu- 
périeure , n°. E, eft de cuivre rouge étamé ; elle forme la gorge dans 
laquelle on insère le bec (1) du chapiteau (F) , lorfqu'on veut faire 
manœuvrer la Machine, Ce tuyau (L), n°. 2, eft terminé par une ca- 
nule , n°. 4, compofée de deux pièces , dont le n°. 3 eft fixé au tuyau 
famigatoire (L), & fait corps avec lui ; & le n°. 4 eft la tige d’une 
canule ordinaire , qui eft amovible, pour pouvoir être changée , à vo- 
lonté, dans le cas où elle sengorgeroit pendant l'ufage qu'on en fe- 
roit ; & Ceft pour certe raifon que , dans l'inventaire de la Boîte, 
on a mis deux tiges de canule, indiquées par les lettres (I-). 

On obferve que le tuyau fumigatoire (L) , adapté à la Machine 
toute montée , et coupé, pour ne pas le repréfenter deux fois dans 
toute fa longueur ; mais il eft figuré en entier dans la partie fu- 
péieure de la Planche IF°, & indiqué par les chiffres 1,2, 3,4 
fgure 9°. 

LA FiGure N° repréfente la Machine fumigatoire (AA } ouverte x 
on en a fait la defcription affez détaillée dans la figure, pour ny 
pas revenir. 

FirGquRrE HI®. La couverture de laine en forme de tunique ; on à 


donné la forme d’une tunique à cette couverture qui fert à envelopper: 


les Noyés, pour la facilité de les couvrir promptement, & de les garan- 


RER EE 


"Le ti 


me goyims 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 49$ 


tir de l'impreflion de l'air extérieur. On voit affez combien cette forme 
eft commode à tous égards. On a placé, dans la partie fupérieure de 
cette couverture, des rubans en couliffe pour pouvoir être ferrés, afin 
que les épaules {oient couvertes ; & ls cordons qu'on a coufus aux 
parties latérales de ladite couverture ou chemife , ainfi qu'aux manches, 
peuvent être noués, fi on le juge à propos. 

FiGurEe IV*, Flacon bouché en cryftal, rempli d'efprit volatil de fel 
ammoniac, ( La place de ce Flacon, dans la Boîte-Entrepôr, eft dans 
le fourneau de La Machine fumigatoire ). 

Figures V° & VI. La cuiller de fer-étamé vue en deux différens 
fens. 

Le bateau de cette cuiller eft terminé par un petit bec pour la fa- 
cilité d'introduire, dans la bouche des Noyés, de ardt cam- 
phrée , ou autre liqueur, pour peu que les dents foient defferrées: 
Ce bateau eft plus profond que celui des cuillers ordinaires , pour 
qu'il contienne plus de liqueur, & qu'il puifle fuppléer à un gobe- 
let ; fon manche eft dirigé de manière à pouvoir placer la cuiller 
pleine , fans qu’elle foit expofée à répandre ; & l'extrémité du manche 
eft faite pour fervir de levier , afin d’écarter les dents fi elles étoient 
trop ferrées , en pe toutefois les précautions néceflaires pour 
ne pas rifquer de difloquer La mâchoire du Noyé qu'on voudroit fe- 
courir. 

FiGurE VII. Canule à bouche ; c’eft une canule ordinaire, divifée 
en deux pièces réunies enfuite par un boyau de peau ; large d'un 
pouce & long de deux , pour intercepter, à volonté, le foufile ré- 
current, & pour garantir le foufileur des exhalaifons qui fortent de 
Feftomac du Noyé , lorfqu'il commence à revenir. Pour éviter l'in- 
convénient qui réfulte du retour de ces exhalaifons , il fuffit de pincer, 
avec deux es le boyau de peau, lorfqu'on cefle de Re & 
qu'on veut reprendre haleine. 

La tige de cette canule eft plus forte que celle des canules or- 
dinaires , pour pouvoir réfifter aux efforts que font les Noyés pour 
la caffer avec leurs dents , ce qui eft arrivé dans le commencement 
de l'établiffement ; elles n’étoient pas fi fortes qu'on les a faites 
depuis. 

FiqurE VIII. Seconde tige de la canule fumigatoire pour être fubf- 
tituée à la première, fi elle étoit engorgée. 

FiGure IX°. Tuyau fumigatoire repréfenté dans toute fa longueur 
avec fes divifions 1, 2, 3; 4 


Tome V, Part. V. 177$4 | Fff2 


406 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


O'B SEMRIV AT E'ONTS 
D'HISTOTRE NATURELLE, 


Sur le Terrein du Château de Régennes & des environs; 
près Auxerre (1); | 


Per M PAasvmorT. 


LÉ E Château de Régennes eft fitué à l'entrée d’une prefqu'ifle formée 

at l'Yonne. Le terrein du parc & des environs eft incliné de left à 
Voueft, felon la retraite du lit de la rivière. Il l'eft auf du fud au nord, 
felon le cours de l'eau. La première inclinaifon eft plus marquée que 
l'autre : la terre végétale n’a pas plus d'un pied d’épaiffeur moyenne; 
elle eft maîgre & mêlée d'un fable fin & quartzeux : fa couleur rou- 
geàtre indique qu'elle eft ferrugineufe. 

Cette couche de terre eft portée par un banc de fable compofé de 
petits quartz anguleux affez tranfparens , dont quelques-uns contiennent 
du mica : ce n'eft qu'une deftruction de granit d'environ un pied 
d'épaiffeur. 

On trouve au- deffous une couche de gravier , profonde d'environ 
huit pieds : c'eft un mélange d’une infinité de pierres de différentes 
efpèces ; la plupart font aflez groffes , & peuvent pefer depuis une 
jufqu'à fix livres : toutes ont été roulées & accumulées pêle-méle par 
la rivière ; c'eft pour la plus grande partie des madrépores pétrifiés , 
tes uns entiers & les autres en fragmens : ceux-ci ont perdu, par le 
roulis , toute leur configuration extérieure , tandis que les autres l'ont 
confervée, & contiennent , dans leurs cavités, des cryftallifations fpa- 
thiques : les aftroïtes & les fungites font les deux efpèces qui domi- 
nent. Ce gravier contient beaucoup de fragmens de fpath , beaucoup 
de pierres calcaires plates , aflez peu de filex , encore eft-il en dé- 
compofition ; la croûte extérieure eft tellement blanche, qu'on a peine 
à reconnoître cette efpèce de pierre : on ny voit de quartz qu'en pe- 
tits fragmens roulés ; mais on y trouve beaucoup de morceaux de gra- 
nit rouge, dont quelques-uns font en deftruétion, & fe réduifent en 


(1) Ces Obfervations, qui n’ont point encore été imprimées , font citées dans [a 
nouvelle édition de la Bibliothèque Hiftorique de France. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 407 


poufière quand on les manie : il y a aufi beaucoup de morceaux d'un 
rès très-ferrugineux , dans l'intérieur defquels il fe trouve quelquefois 
de la mine de fer en canon. 

Ce gravier contient encore , dans fon mélange , une autre efpèce de 
mine ci fer; ce font des pierres plates fort dures , très-lifles à l’exté- 
rieur, & fouvent couvertes d'une efpèce de rouille : l'eau-forte s’im- 
bibe dans ces pierres. Quand elles ont acquis une dureté extrême, elles 
étincellent au ee. , parce qu'il entre , dans leur conftitution , un 
fablon très-atténué , qu'il eft aifé de reconnoitre quand ces pierres font 
encore tendres. Parmi celles de cette efpèce , j'en ai trouvé une d'une 
configuration aflez fingulière ; elle eft couverte de différens petits ca- 
nons cylindriques, creux intérieurement & capillaires : le fommet eft 
rompu ; & à la première infpection, on prend ce morceau pour un 
aflemblage de tuyaux vermiculaires : mais comme il y a plufeurs ca- 
nons bien entiers , il et facile de revenir de cette erreur, & de re- 
connoître la formation d'une ftalaétite. 

J'ai encore trouvé, dans ce gravier, beaucoup de petites pyrites mar- 
tiales de différentes formes , qui toutes font : couleur très-brune & 
lifles à l'extérieur , excepté quelques-unes qui portent l'empreinte & la 
figure de quelques coquillages. 

Ce banc eft porté fur une glaife noirâtre , vitriolique , & par con- 
féquent très-fulfureufe : elle contient un fable très-fin & très-atténué , 

'on ne voit point, mais qui eft fenfble fous les dents. Dans les en- 
Fa où elle eft découverte & expofée à l'action de l'air, il fe forme 
À la füurface ‘une efflorefcence d’un fel blanc, alumineux , d'un goût 
ftyptique; & quand il fait chaud , l'odeur du foufre frappe d'édérse 
ae eue On y trouve des pyrites jaunes de figure aflez indéter- 
minée: en général, elles font rondes, applaties ; quelques-unes appro- 
chent de la figure fphérique + il eft aflez rare d'en trouver en baton ; 
leur cryftallifation extérieure eft cubique ; c'eft une autre efpèce de py- 
rites martiales : celles qui ont féjourné dans l'eau fe couvrent d'une 
rouille rougeûtre. 

Cette glaife contient encore beaucoup dé concrétions terreufes mar- 
tiales , qui n’acquièrent de la dureté que quand elles ont été expofées 
à un air fec : elles font rondes ou ovales & plates ; on les coupe fa- 
cilement avec le couteau, quand elles font tendres ; ce font des efpèces 
d'Œtites, parce que toutes font formées d’un noyau intérieur , couvert 
d'une couche plus ou moins épaifle. Les unes ont englobé des pyrites 

ui les rendent très-pefantes. Quand elles font dans un état parfait de 
délieréons on les trouve toutes gercées en forme trapézoïdale : les ger- 
cures font aflez fouvent remplies & recouvertes d'un dépôt onétueux ; 
& ces deux accidens les conitituent alors dans la clafle des Ludus Hel- 


Tome V, Part, V, 1775. 


4083 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
montii : en général, elles font peu groffes , & n'excèdent guères 4 à $ 
pouces de diamètre ; il y en a de plus petites. - 

Cette glaife eft la dernière terre que la rivière laïfle à découvert ; 
elle eft vifible depuis la hauteur de Chichery, au-deffous du coude que 
la rivière fait entre Baflou & Appoigny x jufqu'a Gurgy : elle eft alors 
remplacée par une autre glaife très-rougeâtre, qui borde la rivière, 
& qui difparoït bientôt , parce que le terrein s'élève en remontant 
du côté de Letau & Monetau , où le lit de l'Yonne eft traverfé par 
un banc de pierre dure, qu'on enlève en fragmens plats & longs : 
c'eft une pierre calcaire d’un gris noirâtre , toute compofée d’huitres : 
c'eft un vrai marbre; mais il eft terreux, & il ne prend pas aflez 
bien le poli. 

Le granit rouge eft très-commun dans le lit de l'Yonne , & fur 
fes bords ; il y a été roulé du Morvant par la Cure. 

On trouve beaucoup de gryphites & de mine de fer caverneufe dans 
le fable qu'on tire des exçavations qu'on fait dans la plaine le Jong de 
la grande route. 

Ïl y avoit près Appoigny , fur le bord de l'Yonne , dans le canton 
nommé Flotte-rive , une fontaine minérale ferrugineufe ; mais depuis 
environ dix-huit ans, la rivière a tellement rongé la berge , que les 
reftes du baflin de la fontaine font à préfent au milieu du cours de 
l’eau. 

Appoigny n'offre rien que le fablon qui forme la maffe des hauteurs 
qui couvrent ce village à l'occident : ceft à ce fablon, mêlé en très- 
grande quantité dans la terre végétale des champs , & au fol de gra- 
vier qui les porte , qu'on eft redevable des melons qu'ils produifent en 
RH & qui parviennent à parfaite maturité. 

Le village des Bries abonde aufli en fablon & en grès ferrugineux , 
qu'on y trouve en fragmens, ainfi que beaucoup de cette efpèce de 
mine de fer, connue fous le nom de Périsueux. 

Le monticule, qui porte le bois de Chaumoïs, eft aufi formé par 
un amas de fablon qui fe prolonge aflez loin, & qui eft caufe que 
le terrein ne produit que des bruyères depuis ce te jufques vers 
Charbuy. 

J'obferverai que ces hauteurs de fablon fe retrouvent à lorient de 
Yonne , fous Seignelay , & au-deflous de Chemilly , de Gurgy & de 
Letau. 


ses 


SUR L'HIST., NATURELLE ET LES ARTS, 409 


AMWUAEL TS EF 0e 


De la DiSsERTATION de M. Toazpo, Profeffeur d'Aftronomie 
à Padoue, qui a remporté le Prix propofé par la Société Royale 
des Sciences de Montpellier, fur cette queftion : Quelle eff l'influence 
des Météores fur la Végétation, & quelles conféquences-pratiques peut-on 
tirer des Obfervations météorologiques faites jufqu'à ce jour , relative- 
ment a cet objet? lue dans la Séance publique de la Société Royale 
des Sciences de Montpellier, tenue le 30 Décembre 1774, en pré 
fence des Etats-Généraux de la Province de Languedoc; 


Par M. PorTEerin, Membre de la même Académie. 


Fe des météores , fur la végétation , eft de tous les objets 
de Phyfique générale celui qui mérite peut-être le plus l'attention des 
Savans : en efler, c’eft un fpeétacle bien intéreflant pour les Philofo- 
phes , que des êtres paflifs, foumis à l'action toujours fubliftante des 
météores ; action qui, en modifiant fans cefle leur exiftence , influe fur 
les principaux objets de nos befoins. 

Mais plus le fujet eft important , plus on a dû être étonné du fi- 
Jence que les Phyficiens ont gardé long-tems fur certe matière. Les 
Cultivateurs, impatiens de jouir des recherches du petit nombre d'hom- 
mes qui fe confacrent à l'étude de la nature , ont été aflez injuftes 
pour fe plaindre : mais ces reproches ne peuvent être juftifiés que par 
le befoin des lumières ; & pour peu que lon réfléchifle fur la marche 
de lefprit humain , & fur l'étendue du problème pris dans fa plus 
grande généralité, l’on conviendra qu’il a fallu un tems confidérable , 
& un très-grand nombre d’obfervations , avant de pofer quelques vérités 
ou quelques conféquences utiles. 

L'efprit humain fembloit deftiné à éprouver , dans la carrière des 
Sciences exactes , les mêmes révolutions qui l'ont conduit dans celle 
des Belles-Lettres. Des Nomenclateurs , dévoués à l'étude pénible des 
Langues , ont préparé le fiècle de l’éloquence & du goût. Des Obf{er- 
vateurs , uniquement occupés à ramafler des faits ifolés & ftériles en 
apparence , ont haäté les progrès de la Phyfique : les uns & les autres 
ont fourni les matériaux qui fervent de bafe à l'édifice des connoif- 
fances humaines. e 

La météorologie avoit fur-tout befoin d’un très-grand nombre d’ob- 
fervations , à caufe des phénomènes nombreux & variés qu'elle pré- 
fente, & qui tiennent prefque tous aux reflorts de la machine du monde; 


Tome PV, Part, Ve 177$. 


410 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


& l'examen de ces phénomènes, dirigé vers l’agriculture , lui donne 
aujourd'hui des droits prefque exclufifs aux recherches des Phyficiens : 
car l'empire de la néceflité, fupérieur à celui du préjugé ou de la mode, 
_nous ramène fans cefle vers les objets utiles. 

Cette vérité , implicitement reconnue par les hommes de tous les 
fiècles & de toutes les Nations, n'a pas befoin d’être développée dans 
le fein d'une Académie qui connoït le prix des lumières & l'utilité 
des obfervations. Nous remarquerons cependant que la néceflité de 
s'inftruire fur les rapports de la végétation avec les météores, a for- 
mé, dans chaque pays, une forte de Phyfque qui n'eft point écrite, 
mais que la tradition a confacrée : c’eft l'amas des notions vulgaires 
que le Peuple adopte fans examen ; afflemblage bizarre d'obfervations, 
d'erreurs & de préjugés , mais devenu néceilaire aux hommes par le 
défaut d'obfervations & de thécries plus exactes, & digne, à quel- 
ques égards, de l'attention des Philofophes , par quelques vérités qu'il 
renferme. 

IL étoit réfervé aux Compagnies favantes d’épurer la mafle de nos 
connoiflances , & de fubftituer , aux idées vagues & indéterminées de 
la multitude , des notions plus précifes , fondées fur des faits obfervés 
& conftatés avec foin. Tel étoit l’objet que la Société Royale s'étoit 
p'opofé , en demandant un effai de météorologie appliquée à l’agricul- 
ture : l'Ouvrage qu'elle a couronné, & dont nous allons rendre compte, 
a juftifié fes efpérances, & paroît avoir rempli fes vues. 

La Differtation de M. Toaldo eft divifée en deux parties ; divifion 
analogue à l'énoncé du problème. Dans la première , il traite, d'une 
manière générale , de l'influence des météores fur la végétation : dans 
la feconde, il s'occupe des conféquences que l’on peut déduire des ob+ 
fervations météorologiques. 

PREMIÈRE PARTIE. L'atmofphère , comme le terme l'indique, 
eft la fphère des vapeurs @& des exhalaifons : elle reçoit fans cefle de 
la terre, de la furface des eaux & de routes les fubftances animales & 
«végétales , ces émanations précieufes , qui ne font que des décompo- 
fitions des principes déja préexiftants dans les corps naturels. L'action 
du foleil, les feux fouterreins, & fur-tout Le Auide électrique, concourent 
à la formation de ce grand amas connu fous le nom général de vapeurs ; 
réfervoir immenfe , où la nature femble avoir réuni & préparé les 
germes de la fécondité : première vue générale , d’où dérive la nécef- 
fité des labours & des engrais ; les premiers , deftinés à ouvrir le fein 
de la terre, & à la difpofer à recevoir les fubftances que l'atmofphère 
y dépofe ; les feconds devant fervir à réparer l'injuftice des faifons & 
le défaut de ces mêmes fubltances. 

Les effets de chaque météore font , pour l'Auteur , l'objet de plu- 

fieurs 


SUR L'HIST. NATURÉLLE ET LES ARTS. ar 


fieurs articles qu'il traite féparément : nous ne le fuivrons pas dans 
tous les détails ; nous indiquerons feulement les vues qui lui font 
propres. 

Les vents , dont la théorie fera peut-être toujours incertaine , tien- 
nent le premier rang parmi Les météores ; & leur influence, fur la 
végétation , eft très-connue & très-fenfible : on doit même les regar- 
der comme la caufe principale de plufieurs autres météores ; leur di- 
rection , leur force , leur As > €ft tout-à-la-fois un objet d’efpoir & 
de terreur pour les habitants des campagnes. L'Auteur penfe que l'agi- 
tation , la fecoufle imprimée aux plantes par l’action des vents , leur 
eft néceflaire, & facilite la circulation & le mouvement de la sève, 
Cette agitation eft, felon lui , à l'égard des plantes, ce que l'exercice 
eft aux animaux ; il croit encore que les vents ont la propriété de 
fufpendre ou d’éloigner les tremblemens de terre. Ce n’eft point ici Le 
lieu de difcuter Le degré de confiance que la théorie de l’Auteur peut 
donner à cette opinion : fi elle n’eft pas exactement vraie, elle eft du 
moins confolante ; & les habitants des pays qui font fujets aux oura- 
gans & aux autres mouvemens impétueux de l'air, doivent être raflurés 
fur la crainte d'éprouver des dangers plus terribles. 

Les météores aqueux , tels que la rofée , la pluie, les brouillards, 
deviennent à leur tour l’objet des recherches favantes de l’Auteur : il 
admet la diffolution de l’eau dans l'air. Cette hypothèfe , imaginée par 
plufieurs Phyficiens , a été établie depuis fur des expériences ingé- 
nieufes , qui démontrent l’analogie de cette diffolution avec celle des 
fels dans l’eau , dans un Mémoire préfenté par M. le Roy à la Société 
Royale, & imprimé dans le Recueil de l'Académie en 1751. Cette dif- 
folution n’a lieu , fuivant M. Toaldo, que dans des tems parfaitement 
fereins ; & il a recouru , pour expliquer la formation des nuages & 
des pluies, aux éruptions plus où moins impétueufes du fluide élec- 
trique répandu dans l'atmofphère : mais quelle que foit la théorie des 
météores aqueux , lon ne peut attribuer leur influence fur la vÉgÉta- 
tion , qu'aux fubftances qu’ils entraînent & qu'ils dépofent , puifqu'ils 
contiennent , fuivant l’analyfe faite par M. Margraff, Chymifte célèbre 
de Berlin, une terre calcaire, du fel commun & du nitre, qui font 
autant de principes de fécondité. 

Nous nous bâtons de paffer à l’article des météores ignés : l’Auteur, 
qui a déja laïffé preflentir fon fyftème , l'annonce à préfent d'une ma- 
nière qui neft plus équivoque : le feu électrique eft, felon fes propres 
expreflions , le grand inftrument de la nature ; il l'admet comme la 
caufe de l'évaporation , de la formation des nuages , des pluies, des 
vents , des tremblemens de terre, des aurores boréales , & für-tout du 
tonnerre : il eft vrai qu'avant la découverte de l'électricité , il éoit 


Tome V, Par. PV. 1775. G 


g © 
va 


412 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


difficile d'expliquer des phénomènes qui paroïffent en dépendre au 
jourd'hui ; elle eft fur-tout remarquable par fes effets fur les végétaux. 
Parmi les arbres, par exemple , ceux qui contiennent de la réfine, tels 
que le laurier, l'olivier , le fapin , repouflent la foudre , tandis que 
ceux qui ne contiennent que des fucs aqueux , en font fouvent frap- 
pés. On a obfervé en général , que la végétation n'étoit jamais plus” 
forte que dans des tems d’orage , ce que l'on eft en droit d'attribuer à 
l'abondance du feu électrique répandu alors dans l’atmofphère. 

Les tremblemens de terre même , qui femblent faits pour changer 
la face du globe , ont une influence fenfible fur les productions de 
la terre, & ils doivent caufer des altérations fubites dont les effets peu- 
vent être durables : c’eft peut-être , dit l'Auteur ,- au tremblement de 
terre de Lisbonne , arrivé en 175$ , que l’on doit attribuer la ftérilité 
& le défordre des faifons que l'Europe éprouve depuis ce défaftre. 

Après avoir traité d’une manière générale de l'action des météores 
fur la végétation , M. Toaldo préfente le tableau des faifons lié aux 
productions de la terre : ce morceau eft rempli de détails quon ne 
peut lire que dans l'Ouvrage même ; les femailles, les plantations , la 
germination , la fleuraifon , la maturité des fruits , toutes ces opéra- 
tions de la nature font décrites & placées dans l'ordre fucceffif des faifons 
à côté des efforts & des conjectures des Laboureurs. L’Auteur peint les 
faifons telles qu’elles devroient toujours être pour amener l'abondance, 
en même tems qu'il a foin de marquer les écarts de la nature & les 
caufes phyfiques de la ftérilité. Nous ne diflimulerons point que cette 
defcription n'a qu'une utilité particulière & locale , parce que l'Auteur 
a dû circonfcrire fes vues dans le pays qu'il habite ; mais elle doit 
être regardée comme une excellente efquifle qui peut fervir de mo- 
dèle pour tous les lieux : PAuteur y a joint une digreflion intéreffane 
fur la rouille & fur les antres maladies des blés, dont Les bornes de 
cet extrait ne nous permettent pas de rendre compte ; nous allons pafler 
à la feconde partie. 

Part. II. L'Académie avoit demandé quelles conféquences pratiques 
Ton pouvoit tirer des obfervations météorologiques faites jufqu'ici : en 
préfentant la queftion dans fa plus grande généralité , elle avoit laiflé 
aux Auteurs le choix des fources où ils devoient puifer, & le libre exa- 
men des faits d'où l’on déduiroit les conféquences. 

L’Auteur fe récrie fur l'étrange deftinée des Phyficiens qui s'occu- 
pent fpécialement d’obfervations météorologiques. Ils femblent avoir 
contracté aux yeux des hommes l'engagement le plus pénible , mais 
le plus important , sil étoit aifé de Le remplir , celui de prédire les 
changemens de tems. On les interroge fur l'avenir, & ils font con- 
damnés à faire des prédictions hazardées , comme les Empereurs du: 


» 
| 
| 
\ 
1 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 413 


Mexique qui , en montant fur le trône, étoient obligés de promettre 
avec pe que , pendant la durée de leur règne, les pluies ne tom- 
beroient qu'à propos , que les rivières ne déborderoient jamais , & 

ue les récoltes feroient abondantes. L'on va voir que notre Auteur , 
Fe avoir prêté un ferment fi bizarre, ne s'eft pas cru difpenfé de 
montrer au moins de la fagacité & des lumières. 

L'on peut tirer des obfervations, deux fortes de conféquences : les 
premières, que l'Auteur appelle Règles de faits , c'eft-àdire des faits 
conftatés par l'obfervation ; les fecondes , qu'il nomme Règles de pré- 
voyance ou de conjecture. 

Dans la première clafle , l'on peut ranger toutes les découvertes que 
lobfervation aflidue a fait naître , telles que le poids de l'air & la me- 
fure des hauteurs par le baromètre , le degré de chaleur néceflaire aux 
plantes exotiques, que le thermomètre peut indiquer, la comparaifon 
des climats , en un mot , tous les faits qui feront autant de corollaires 
des autres faits météorologiques conftatés avec foin. 

Mais ce qu'il y a de plus important n'eft pas la comparaifon de la 
température de quelques jours, prife à volonté dans une table météo- 
rologique. Cet examen peut fervir d’aliment à une curiofité paflagère , 
mais elle ne mérite point d'arrêter les regards des _Philofophes. C'eft 
dans une longue fuite d'années qu'il eft utile d’obferver la marche de 
la nature , en comparant les réfulcats annuels ; il faut , pour les con- 
noître , prendre les fomies des degrés de chaleur tant au-deffus qu'au- 
deffous “ tempéré, qu'on doit fixer pour chaque pays particulier, & 
noter les différences. L'Auteur en donne un exemple pris fur quarante- 
neuf années d'obfervations faites dans fon pays, depuis 172$ jufqu'en 
1773. Ce tableau fournit un réfultat remarquable ; c'eft que depuis 
2746 le froid annuel a toujours été croiflant , & que le nombre des 
jours fombres , humides ou pluvieux a augmenté , ainfi que la pe- 
fanteur de l’armofphère. Si tout cela , ajoute l’Auteur , fe vérifie dans 
les autres pays , comme on peut le foupçonner, l'on pourroit attri- 
buer à ces caufes la ftérilité ï la terre , dont l'Europe fe plaint de- 
puis quelques années. 

Nous nous difpenferons de rapporter les nombreux exemples des 
connoiffances pofitives que peuvent fournir immédiatement les obfer- 
vations météorologiques , pour parler des probabilités que l’Auteur ap- 
pelle Règles de prévoyance ou de conjeéture. 

M. de Mairan, M. Duhamel & plufieurs autres Savans, ont penfé 
que la multiplicité des obfervations pourroit nous conduire à décou- 
vrir les périodes des faifons , & quelques règles pour prévoir les chan- 
gemens de tems : ce feroit en effet un avantage bien précieux pour 
l'agriculture que cet art de conjecturer , ne duüt-il indiquer qu'à peu- 


Tome V, Part, PV. 1775. Ggg2 


414 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


près aux Culrivateurs des évènemens qu'il eft intéreffant pour eux de 

révoir : mais pour remplir le vœu commun des Phyfciens & des La- 
ere , il faut connoître la caufe générale des mouvemens de l’at- 
-mofphère ; il faut du moins que les faits en faflent foupçonner l'exif- 
tence. M. Toaldo reconnoît cette caufe générale dans les phafes de Ia 
lune , & dans les différentes fituations de ce fatellite par rapport aw 
foleil & à la terre ; c'eft l'opinion populaire , long-tems rejettée par les 
Savans. Nous allons voir quel degré de force elle va acquérir entre 
Les mains de l’Auteur. s 

L'on ne difpute plus fur action que la lune exerce fur les eaux de 
océan. L’analogie feule doit nous porter à croire qu'elle produit une 
impreflion femblable fur l'atmofphère , efpèce de mer qui nous preffe 
& qui nous environne , fuivant l’expreflion des anciens : l’Atmofphère 
aura donc fes marées comme l'océan ; les orages , les changemens re- 
marquables de tems : toutes les modifications qu’elle éprouve , feront 
ue à une forte de flux & de reflux produite par la même caule 

ui agite & foulève les eaux de la mer. 

M. Toaldo seft affuré par l'examen d'un Journal de 48 années, 
que les hauteurs moyennes du baromètre font plus grandes lorfque la 
June eft apogée, c'eft-à-dire lorfqw'elle eft dans fon plus grand éloigne- 
ment de la terre , que lorfqu'elle eft périgée , ou dans le point oppofé. 
Ce premier réfultat , & quelques autres femblables qui établiffent des 
mr N en faveur de Pinfluence lunaire , l'ont engagé à continuer 
£es recherches. Il remarque qu'il y a dans chaque lunaïfon dix fituations 
importantes à obferver : les quatre phafes de la lune , dont les déno- 
minations font connues ; l'apogée & le périgée; les deux paflages de 
la lune par l'équateur , dont lun fera l'équinoxe deftendant , & l'autre 
Téquinoxe afcendant ; & les deux luniffices ainfi nommés par le célèbre 
M. de la Lande , dont l’un boréal , lorfque la lune s'approche de notre 
zénith autant qu’elle peut , & l'autre auftral , lorfqu'elle s'en éloigne le 
plus. 

L'Auteur nomme ces dix fituations points lunaires. 

Cela pofé , il s’agit de comparer les changemens de tems remarqua+ 
bles , tels qu'ils réfultent des obfervations avec les dix points lunaires. 
M. Toaldo ne seft pas contenté d'examiner le Recueil de 48 années 
qu'il a en fon pouvoir : il a jetté les yeux fur des obfervations faites 
à Copenhague , à Capo-Corzo en Afrique, à Uponinfter , à la Chine, 
à la Baie d'Hudfon , à Quebec , à la Martinique , à Rome, à Bale, 
à Berne & à Florence ; & par un milieu pris entre des obfervations 
faites dans tant de lieux différens ( réfultat qui diffère peu de celui 
qu'il avoit conclu fur fes tables), il a fixé 4 rapports qui font la 
mefure des probabilités que l'on doit admettre pour prévoir les chan- 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 415 


gemens de tems: il réfulte , par exemple , de fes calculs, qu'il y a 
950 à parier contre 156, ou, ce qui eft à-peu-près la même chofe, 6 
contre I à parier , qu'une nouvelle lune doit amener un changement de 
tems remarquable , parce qu’en confultant les Obfervations , l'on trouve 
que fur 1106 nouvelles , il y en a 950 qui entwkoduit un change- 
ment , & 156 qui n'en démontrent aucun. ; Les périgées donnent 7 
contre 1, les apogées 4 contre 1 , & ainfi de fuite. Nous n'indique- 
rons pas les autres rapports dont l’Auteur a formé une Table qui eft 
jointe à fon Ouvrage. 

Mais il y a encore une Obfervation très-importante à faire ; c’eft 
le concours de plufieurs points lunaires enfemble , occafionné par l'iné- 

alité des trois périodes de la lune , & par le mouvement progreflif 
“ie abfdes. Ces combinaifons produifent des altérations confidérables 
fur les marées, & leur effet n'en eft pas moins marqué fur l’atmof- 
phère par les orages fréquens qui ont lieu dans ces circonftances. Ainfi, 
quand la lune eft en même tems nouvelle & périgée , il y a 33 contre 
1, & lorfqw’elle eft pleine & périgée, ily a 10 contre 1 à parier, 
qu'il y aura des orages extraordinaires fur une étendue confidérable du 
globe. 

Cette affertion fingulière de lAuteur nous a engagés à examiner 
quelle étoit la fituation de la lune au commencement du mois de No- 
vembre 1766, époque mémorable , fur-tout pour les Provinces méri- 
dionales du Royaume , qui éprouvèrent des pluies & des inondations 
extraordinaires , & nous avons été frappés de voir que cette obfervation 
s'accordoit avec celles de l’Auteur. Les grandes pluies arrivèrent les 14, 
15 & 16 Novembre : la lune étoit pleine le 16 au foir; elle étoit ar- 
rivée à fon périgée le 9 , & elle étoit peu éloignée du luniftice boréal 

ui dut arriver le 18. Ainf, dans l’efpace de quelques jours, durant 
lefquels le phénomène eut lieu , ily eut le concours de trois points 
lunaires , le périgée , l'oppofition au foleil , & la plus grande décli- 
naifon boréale. 

Le principe de M. Toaldo devient fi fécond en fes mains , que nous 
nous difpenferons de rapporter toutes les applications heureufes qu'il 
en a faites, en fuivant toujours l’analogie fenfible qu'il apperçoit entre 
les marées & Les mouvemens de l'atmofphère. 

Il ne cherche point à examiner fi l'inuence qu'il attribue à l'aftre 
le plus voifin de la terre , dépend d’une force mécanique , telle que 
la gravitation , ou fi elle eft produite en partie par des caufes pu- 
rement phyfiques , telles que la lumière & la chaleur. Renfermé dans 
l'examen des faits , il lui fuffit que les phénomènes’ s'accordent avec 
Thypothèfe qu'il a embraflée, poux en déduire Les probabilités qui fonc 
L'objet de fon travail. 


Tome V, Pare, V. 1775. 


416 OBSERVATIONS SUR LA PHFSIQUES: 

On lui objecteroit en vain qu'en attribuant à la lune une action 
continuelle fur l'armofphère terreftre, les effets n'en font pas toujours 
aflez marqués pour établir ce fyftème d’une manière convaincante. 
IL répond qu'il lui fuit d’avoir pofé une caufe générale des grandes 
variations de l’atrzofphère , & que l’on doit regarder les exceptions 
qui font en petit nombre , & les nuances difñciles à apprécier, com- 
me le produit des caufes locales & particulières qui , dans chaque climat, 
fe compliquent fans cefle avec la caufe générale. 

M. Toaldo propofe de publier un Calendrier à l'ufage des Culri- 
vateurs, où feront marqués les points lunaires & les probabilités qu'ils 
indiquent pour les changemens de tems. Un pareil Ouvrage auroit au 
moins le mérite d’être fondé fur une longue fuite d'obfervations ; & 
quoiqu'il ne préfentat que des approximations incertaines , il feroit plus 
utile , fans doute , aux Laboureurs que des théories favantes qu'ils dé- 
daignent & qui peuvent les égarer. 

el eft Le précis de cet Ouvrage intérefflant & fingulier , dont le 
moindre mérite eft dans le travail qu'il fuppofe , & dans les calculs 
longs & pénibles dont l’Auteur n’a point été effrayé. Les bornes pref- 
crites à cette féance ne nous ont point permis d'en faire un extrait 
étendu, & nous nous fommes attachés feulement à en faifir les traits 
principaux. La Société Royale a vu dans les Pièces qui lui ont été en- 
voyées , de l'ordre , de la méthode & des vues très-uriles ; mais M. 
Toaldo , avec les mêmes avantages , a développé la queftion avec 
plus de fagacité, & il a devancé fes Antagoniftes dans la carrière. 

Qu'il me foit permis, Meflieurs , de terminer cet Ecrit par des ré- 
flexions qui naïflent des circonftances actueMes (1). C'eft aux Acadé- 
mies , c'eft fur-rout à l’émulation qu’elles excitent , que nous devons 
des Ouvrages utiles & les progrès de nos connoiflances. C’eft ainfi que 
des rayons épars vont fe réunir & fe confondre au même foyer. 

Mais il eft une forte d'encouragement plus puiffant que l'émulation 
même , dont les Sciences aiment à s'enorgueillir. C’eft celui , Mef 
fieurs , dont vous éprouvez les effets dans ces momens fi intéreflans 
pour vous , où Le Prélatilluftre (2) qui vous préfide , anime vos af- 
femblées par fa préfence; dans ces momens où fon zèle pour le bien 
public l’engage à s'afleoir parmi vous , & à vous raflembler fous les 


o 


(1) La fin de ce difcours, adreffée à Académie, eft relative à l'intérêt patriotique 
ue les Etats de Ja Province de Languedoc ont pris dans tous les tems aux progrès 
de Sciences & des Arts, & en particulier aux travaux de la Société Royale des 
Sciences de Montpellier. 
(2) M. lFArchevêque de Narbonne, fi connu par fes vues fupérieures dans l’ad- 
miniftration d’une grande Province, & par les encouragemens multpliés qu'il 
accorde aux Arts utiles, 


1 
ir 
L 
F. 
? 


tr 


on 2-2 À ie dit tite ste dns 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 417 


yeux des repréfentans du Souverain & des Peuples , fpeétacle touchant 
. “ . . * » . Là , . 
qui honore tout-à-la-fois les Sciences fi utiles à l'humanité, & l’admi- 
niftration qui les encourage ! Mais votre reconnoiffance , Meflieurs , 
n'eft jamais ftérile ; l'éclat de cette augufte Aflemblée ne fert qu'a en 
développer l'énergie ; vous dépofez dans fon fein quelques vérités 
ORRE ; P 
utiles, & c'eft , fans doute , le plus bel hommage que des hommes 
libres puiflent rendre à ceux qui gouvernent ( 1}. ° 
P 5 


a —_—_— —_——— 


(1) 11 y a long-tems que nous invitons les Académies à nous communiquer, à 
lexemple de celles de Montpellier, de Dijon, de Rouen, le précis des Mémoires 
oies ÿ couronne, où de ceux qu’on lit dans leurs affemblées. Plufieurs attendent, 

cpuis l'époque de leur Etabliffement, à communiquer au Public les richeffes qu'elles 
confervent précieufement dans leurs porte-feuilles. Cette jouiffance exclufive tient 
un peu à celle de l’avare; & il réfuke de ce retard, que plufeurs Mémoires qui 
aurojent produit une vive fenfation dans le tems, deviennent inutiles par les décou- 
vertes potérieures qui les rendent furannés. En Phyfique comme en Morale, la jouif- 
fance du moment eit la jouiffance la plus forte & la mieux fentie; & un Auteur eft 
bien plus jaloux de voir paroître fon Ouvrage de fon vivant, qu'après fa morr. 
Ces Académies filencieufes, & même muettes, fonc plutôt des goufires où tout s’en- 
gloutit, que des dépôts & des centres communs de connoïffances. On fait que 
quelques-unes exiftenr, par la feule annonce des Prix qu’elles propofent; & beau 
coup d’autres ne font connues que par leur nom inféré dans FAlmanach Royal, 
ou dans celui de leur Province, Certainement ce n’elt pas remplir le but de leur 
inftitution. On propofa l’année dernière, dans le Journal Encyclopédique, l'idée d’un 
Ouvrage périodique confacré à faire connoître les travaux des Académies du 
Royaume. Nous applaudiffons à cette idée, & nous y applaudirions encore plus 
volontiers , fi d’après notre expérience , fi d’après les foins que nous nous fommes 
donnés pour lier cette correfpondance, nous n'avions vu le peu de fecours qu’on 
peut en tirer. En effet, le Journal de Phyfique, d'Hiftoire Naturelle & des Arts, 
n'eft-il pas le dépôt naturel du travail des Académies, puifque ces trois titres 


“embraffens tous les genres de Sciences à 


Tome Part 177 


418 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


SECOND MÉMOLRE 


Contenant la fuite des découvertes faites en Luface. 


+ 


fur les Abeilles; 


Par M. BOnNNET, de diverfes Académies. 


D EPULSs l'envoi delmon premier Mémoire à mon illuftre Confrère 
M. Duhamel, de l'Académie Royale des Sciences de Paris , j'ai reçu 
une aflez longue Lettre de M. Wilhelmi , qui répond à plufeurs des 
queftions que j'avois propofées à fon digne Confrère M. Schirach , & 
dans laquelle il me fait part de fes propres conjeëtures. Cette lettre 
me paroît trop intéreffante pour que je ne la tranfcrive pas ici en en- 
tier : elle fera un bon füpplément à mon Mémoire , & excitera davan- 
tage les Naturaliftes à s'occuper d’une découverte qui mérite d'autant 
plus leur attention, qu'elle renferme des utilités plus réelles. On n'aura 
pas oublié que M. Wilhelmi étoit de l'incrédulité la plus confommée 
fur cette découverte ; & c’eft cette incrédulité même fi louable chez 
un Phyficien , qui doit lui mériter La confiance des Sages. . 


À Diehfe, près de Rothkretfchen dans la Haute Luface, le 9 Mars 1770: 


« Je reviens , Monfieur , à la découverte de la génération de la 
» mère-abeille, dont M. Schirach vous a détaillé les principaux faits. 
» Je ne puis nier que fes expériences n'aient une très grande vraifem- 
» blance. Il eft fort rare qu'une poignée d'abeilles neutres renfermées 
» dans une boîte avec un petit gâteau plein de couvain , n'élèvent pas 
» fur ce gâteau une ou plufieurs cellules royales. Quelquefois néan- 
» moins il arrive le contraire : M. Schirach en attribué la caufe à la 
» mal-habileté de l'artifan ; & moi je l'attribue au défaut d'œufs ou de 
» vers royaux? Ne feroit-il pas poffible qu'il y eût ici fallacia non cauffæ 
put cauffe ? Ne feroit-il pas poflible encore que leffai fait avec un 
» feul ver de neutre vivant, & qui a fi bien réufli, fût dû au hazard? 
» Je vous prie inftamment de faire répéter chez vous cette curieufe 
» expérience 5 M. Schirach fe propofe de la répéter lui-même au 
s> printems prochain : c'eft ainfi qu'on pourra parvenir à la pleine cer- 
» titude. 

» Dans la fuppoñition que la nouvelle découverte de M. Schirach 
a eft certaine, Le exe des faux-bourdons n'en eft que mieux conftaté. 


»Il 


CA 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 419 


& Il réfulte de la découverte même , qu'ils font les miles de l’efpèce. 
» En Phyfique , la découverte d’une vérité vient ordinairement à l'ap- 
» qu de quelqu'autre vérité. J'entrevois à préfent toute la probabilité 
# de vos penfées philofophiques fur Les corps organifés , fur leur réfor- 
» mation , fur leur développement, & en particulier fur la liqueur fémi- 
» nale, qui, felon vous, Monfieur , eft à la fois un vrai raté & 
>» un füuc nourricier , dont dépendent la fécondation des êtres vivans & 
® leur premier développement. - 

» Mais comment les faux-bourdons opèrent-ils la fécondation des 
» œufs? eft-ce en s'accouplant avec la mère-abeille? ou eft-ce par quel- 
» qu'autre voie encore inconnue ? La mère-abeille commence à pondre 
» dès les premiers jours du printems , & lorfqu'il ny a point encore 
» de faux-bourdons dans la ruche : il eft même prouvé que les mères 
» qui naiffent dans les boîtes de M. Schirach , pondent bientôt après 
» leur naiffance. Si la mère-abeille eft fécondée par les faux-bourdons 
> avec lefquels elle a eu commerce le printems ou l'été précédent , 
> comme l'a penfé l’illuftre Réaumur, comment les reines-abeilles qui 
» naiflent dans les boîtes de M. Schirach, font-elles rendues fécondes ? 
» J'avois foupçonné qu'il peut fe trouver toujours parmi les abeilles 
>» communes renfermées dans ces boîtes , quelques-uns de ces faux- 
>» bourdons dont M. de Réaumur a parlé, & qui Fos fi petits , qu'il eft 
» facile de les confondre avec les abeilles communes : mais ce ne fe- 
» roit jamais Jà qu'un fimple hafard, & un fimple hafard n'eft jamais 
» conftant. Or il eft conftant que les reines qui éclofent dans les boîtes 
» dont il s’agit, font toutes fécondes, Je vais donc vous communiquer 
#» mes conjectures fur ce fujet obfcur. 

» Je foupçonnerois que les faux-bourbons communiquent leur li- 
» ge fpermatique aux abeilles communes, qui, fuivant la nouvelle 
» découverte , appartiennent toutes au fexe féminin. J'imaginerois que 
» cette communication s'opère par l'introduction de cette er dans 
» quelqu'endroit de l'intérieur des abeilles communes. Je fuppoferois 
» que cet endroit eft propre à conferver cette liqueur ou ce Atianes 
» jufqu’au tems où les abeilles communes en font fortir pour en im- 
» prégner cette forte de gelée dont elles nourriffent les vers. Je regar- 
» derois ce lieu intérieur où la liqueur féminale eft mife en réferve, 
» comme Le référvoir ou le dépôt de cette liqueur, Peut-être ce réfer- 
>» voir eft-il la veflie du venin ; peut-être au moins a-t-il avec cette 
» vefle une grande connexion. 

» Remarquez , je vous prie, Monfeur , que je ne dis point que les 
» abeilles communes pci ; je dis feulement qu’elles confervent la 
s liqueur féminale, & qu'elles la font pénétrer dans la bouillie qui eft 
» l'aliment des vers. 


Tome V, Part, P, 1775: Hbh 


420 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


» Ce feroit à l'aide de ces conjectures que je tenterois de rendre raf- 
» fon du nombre des mâles, qui ne peut manquer de paroître exceflif 
» dans l’hyporhèfe qui n'admer qu'une feule femelle. Le nombre des 
» mâles ceflera de paroître exceflif , dès qu'on fuppofera avec moi qu'ils 
» font deftinés à féconder les abeïlles communes , ou à leur imprimer , 
» fi l'on veut , un principe fecret de fécondité qu'elles communiquent 
» elles-mêmes aux vers, par la nourriture qu’elles leur adminiftrent. 

» On voit aufli pourquoi les mâles ne naïflent que lorfque les abeilles 
» ont commencé à fe multiplier dans la ruche ; car ce rems eft précifé- 
» ment celui où un grand nombre de jeunes abeilles attendent à f 
» joindre aux mâles nouvellement éclos. 

» Le vulgaire croït que les faux-bourdons ne font que couver , pen- 
» dant que les abéilles ouvrières s'occupent à récolter la cire & le miel. 
» Si c'eft là un des ufages des faux-bourdons dans l’inftitution du CRÉA- 
» TEUR , ce n'eft sûrement qu'un ufage fecondaire , tout comme la veffie 
>» du venin na point pour fin première d’empoifonner la plaie que fait 
» l'aiguillon : cette fin feroit bien plutôt , felon moi, d’être Le réfer- 
» voir ou le récipient de la liqueur féminale. 

» On voit encore la raifon d’une chofe avouée par les plus habiles 
» Economes , & que expérience confirme ; c’eft que plus ilya de 
» faux-bourdons dans la faifon des effaims , & plus les ruches fe trou- 
» veront fouïnies en automne d’abeilles ouvrières, de cire & de miel. 

» On découvre enfin pourquoi les faux-Lourdons ne font tolérés dans 
» les ruches que pendant le tems que doit durer la multiplication du 
5 pa peuple. Dès que ce tems eft expiré , ils deviennent inutiles, & 
ont chaflés, meurtris & mis à mort. 

» Suivant la conjecture que je propofe , la fécondation de la reine: 
> abeille peut s’opérer fans accouplement. Elle peut être fécondée fous 
# la forme d'œuf par le fluide ffimulant. Sous celle de ver, elle eft en- 
» core nourrie en partie par ce même fluide , qui eft en même tems 
» un fluide alimentaire. Et s'il s'agit d’un ver abeille commune , ce ver 
» fera rendu fécond & propre à donner une reine , dès qu'il fe trouvera 
» logé plus au large, & approvifionné d’un aliment convenable. Vous 
» l'avez fort bien rémarqué, Monfeur , dans votre dernière Lettre (1) 
» à M. Schirach ; des organes originairement préformés , peuvent faci- 
» lement fe développer à l’aide d’une nourriture plus abondante & plus 
» active. Cette nourriture peut agir fur les ovaires , & rendre les œufs 
» féconds. 

» La fécondation de la reine-abeille pourroit encore s’opérer pat 


æ2 


(1} Voyez le premier Mémoire, Journal de Phyfique, Mars de cette année, 


SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS, 421 


w accouplement, & cette fécondation feroit analogue à celle que vous 
d avez Lea dans les pucerons | & que vous avez fi exactement 
» décrite (1). 

» Je pafle maintenant, Monfieur, à la queftion que vous propofez 
» à M. Schirach, fur la manière dont les abeilles s'y prennent pour 
» tranfporter dans les cellules royales les vers communs qu'elles defti 
» nent à devenir des reines , & qui étoient auparavant logés dans des 
» cellules ordinaires. Voici donc en peu de mots comment la chofe 
» fe pañle. Les abeilles ouvrières, qu'on renferme dans des boîtes à la 
» façon de M. Schirach , commencent toujours par choifir trois cel- 
# lules ordinaires & contiguës , difpofées de la manière qui eft repré- 
» fentée dans la figure 9, planche 3. Suppofons que dans chacune des 
» cellules z bc, eft un ver de trois à quatre jours ; que vont faire 
» les abeilles? Elles vont enlever deux de ces vers, par exemple, ab, 
s> & celles ne conferveront que le feul ver c ; elles détruiront enfuite 
» les trois côtés intérieurs, 1, 2, 3, des hexagones. Elles arrondiront, 
» en quelque forte, l'efpace intérieur, de manière que le fond fera en 
» ts incliné. Le ver pourra plifler fur ce plan, & demeurer enfuite 
» fixé au fond & au milieu de la nouvelle cellule. Les abeilles n'auront 
# plus après cela qu'à achever la conftruétion de la cellule royale, con- 
» formément à l'architecture que requiert cette forte de cellule (2). 
» La cire que les abeilles ont en réferve dans leur eftomac, leur fufit 
# pour cet ouvrage; on na pas oublié qu'elles ne fauroient en aller 
® recueillir dans la campagne, puifqu’elles font dans une boîte exac- 
» tement fermée. Enfin, après avoir bâti la cellule royale , nos induf- 
» trieufes mouches ne manqueront pas d’approvifionner Le ver de cette 
» forte de gelée , à laquelle il devra fon efpèce de métamorphofe en 
# ver de reine. 

» Je continue, Monfieur , à répondre à vos queftions. Vous de- 
» mandez comment il arrive, que les ouvrières d'une ruche, pour- 
» vues d'une reine, ne Savifent pas de conitruire en toute faifon des 
» cellules royales, pour y élever des vers de leur forte à la dignité 
» de reine? M. Vogel, Membre de notre Société, m'a fait publi- 
» quement la même queftion , qu'il a tournée en objection. Il va 
» publier une Lettre , dans laquelle il entreprendra de prouver qu'il 
» ne fe trouve point de vers royaux dans les cellules communes , & 
#5 que les ouvrières appartiennent toutes au fexe féminin. Je lui ai déja 
» répondu dans un Écrit imprimé, & j'ai foutenu contre lui que les 


() Traité d'Infeologie, Tomed.-Paris, chez Durand, 1745. 
(2) Voyez le premier Mémoire fur les Abeilles, Jowrral de Phyfigue, Mars de 
gerte année, 


Tome F, Part. V. 177$: Hhh2 


422 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


» vers ; qu'on trouve dans les cellules ordinaires , peuvent tous deve= 
» nir des reines, & que par conféquent ils font tous oripinairement 
> vers royaux. Mais, pour en revenir à votre queftion, je penfe que 
» M. de Réaumur auroit eu raifon, s’il avoit répondu que les abeilles 
» ouvrières ont-été inftruites à ne conftruire des cellules royales, que 
» dans certaines circonftances qu'elles favent déméler. A cette réponfe 
» pee j'en ai ajouté une autre dans mon Ecrit contre M. Vogel. 
» J'y ai fait remarquer que les ouvrières , entendant très-bien à épargner 
» la cire qui leur coûte tant à recueillir, il eft fort naturel quelles ne 
» conftruifent des cellules royales que dans les cas de néceflhité, puif- 
» qu'on fait que ces dernières cellules confument beaucoup plus de’cire 
» que les autres (1). 

» Vous demandiez encore comment M. Hattorf s’eft afluré que {a 
» reine eft féconde fans accouplement , ou à la manière des pucerons 8 
» Son expérience vous paroîtra très-décifive. IL a baigné un effaim, 
» conformément aux procédés fi fimples que M. de Réaumur a décrits 
» dans le dixième Mémoire du tome V ‘de fon Hiffoire des Infeétes. I] a 
» examiné une À une toutes les mouches de cet eflaim ; il s’eft afluré ainfi 
>» qu'il n’y avoit parmi elles aucun faux-bourdon : il a enlevé à cet 
> effaim fa reine ; il lui en a donné une autre récemment éclofe, & la 
» jeune reine a pondu des œufs féconds. Vous avez vu qu'il en eft de 
#> même des reines qui éclofent dans les boîtes de M. Schirach, & où 
> il eft certain qu'il ne fe trouvoit aucun mâle. L'expérience a donc bien 
» décidé ce point important. 

» [1 me paroît néanmoins inconteftable, que les faux-bourdons font 
n les mâles de l’efpèce. La nourriture que les ouvrières diftribuent aux 
m vers royaux , 8 mème la liqueur fpermatique que je conjecture 
» qu’elles ont en réferve dans leur intérieur, & qu’elles peuvent répandre 
» dans les cellules ordinaires comme dans Les cellules royales , peuvent 
» féconder les œufs. 

» Je ne croirois pas que les faux-bourdons répandent leur /perme dans 
> les cellules royales, puifqu'il ne fe trouve point de faux-bourdons dans 
2 les boîtes où l’on voit naître des reines qui pondent des œufs féconds. 
» Î1 faut donc, fuivant moi, que ces œufs foient rendus féconds, par la 
> nourriture fpermatique que les ouvrières dégorgent dans les cellules. 
» Je me réfère à ce que je vous ai déja expofé là-deflus. 

» Vous me demanderez , fans doute , fi l'on a furpris des faux-bour- 
» dons accouplés avec des ouvrières ; je vous répondrai que non; mais 
» nous allons tacher d'y parvenir, M. Schirach & moi. Nous nous: 


(1) Voyez le premier Mémoire, 


is Fine , ' 
à fee ET - 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 423 


>» propofons aufli de tenter les diverfes expériences que vous nous avez 
» indiquées. 

» J'oubliois , Monfieur , de vous dire quelque chofe fur la mort des 
» reines furnuméraires. Les feconds effaims en ont fouvent deux, trois 
» ou quatre. On fait certainement que les ouvrières elles-mêmes tuent 
» ces reines furnuméraires ; car elles tuent fouvent leur reine natu- 
» relle , fi elle a le malheur de leur déplaire. Cela, fe voit dans 
» Les feconds effaims. Mais on n’a pu déterminer encore fi c'eft avec 
» l'aiguillon ou avec les dents, que les ouvrières mettent à mort les 
» reines ». 

Je ne m'étendrai pas fur les conjeures de M. Wilhehmi; elles me 
paroiffenc ingénieufes & mériter d’être vérifiées par des expériences 
directes, Parmi les expériences qu'on pourroit tenter dans cette vue, il en 
eft une qui feroitbien importante, & que je regarderois comme vraiment 
fondamentale ; ce feroit de priver , plufieurs années de fuite, la même 
ruche de tous fes faux-bourdons. On parviendroit ainfi à découvrir f le 
reine-abeille pofsède en elle-même le principe de la fécondité, & à 
combien de générations fuccelives ce principe fecret peut s'étendre, 
Cette expérience reviendroit à celles que je tentai en 1743, fur les 
pucerons. On a vu dans la première Partie de mon Traité d'Infeëlo- 
logie, & dans l’article 303 de mes Confidérations fur les Corps orga- 
nifés , que j'avois élevé en foliude jufqu'à la neuvième génération de ces 
petits infectes, fans qu'ils euffent ceflé de multiplier. Ces ruches vitrées, 
extrèmement plates, dont M. de Réaumur donne la conftruétion, faci- 
diteroient beaucoup l’expérience que je propofe. On pourroit même 
effayer d’en conftruire de plus applaties encore , & qui ne permettroient 
aux abeilles que d'y placer un feul gâteau. On fait es vers qui 
doivent fe transformer en faux-bourdons , font logés dans des cellules 
hexagones plus grandes que les autres, & aifées à diftinguer. Lorfqu'on 
verroit des vers dans ces cellules, on les enleveroit avec La portion de 
gâteau dans laquelle ils fe trouveroient. 

On pourroit tenter cette expérience d'une manière plus füre encore; 
ie feroit en baionant un effaim au tems où tous les faux-bourdons font 
fous la forme de vers , ou fous celle de nymphes : il faudroit répéter 
le bain chaque fois qu'on jugeroit qu'il pourroit fe trouver des vers de 
Jaux-bourdons dans quelque portion de gâteau. Comme on peut tou- 
jours baigner les abeilles dans la belle faifon fans expofer l'effaim, on 
peut toujours examiner une à une les abeilles de l’effaim. 

Enfin, il y auroit une troifième manière d'exécuter la même expé- 
rience ; elle confifteroit non à enlever les faux-bourdons , mais à enle- 
ver la reine pour la donner à un autre effaim, dont on auroit examiné 
une à une toutes les mouches. On comprend aflez que cet enlevement 


Tome V, Part, V, 177$. 


424 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


de la reine devroit fe faire avant qu'aucun faux-bourdon fût éclos dans 
la ruche (1). 

M. Wilhelmi conjecture que les faux-bourdons s'accouplent avec 
les abeilles communes : il eft pourtant certain que ni Swammerdam , 
ni Maraldi, ni M. de Réaumur, ni aucun Naturalifte que je fache, 
ne font jamais parvenus à appercevoir dans les abeilles communes , le 
plus léger veftige de parties fexuelles. 11 faut donc que ces parties , fi 
elles exiftent actuellement dans Les abeilles communes , y foient d’une 
peticefle inconcevable , pour avoir échappé aux yeux perçans & au 
microfcope de l’habile Swammerdam , dont la dextérité dans l'art de 
difléquer étoit étonnante, Il eft vrai que ces parties fexuelles pourroient 
être placées dans un endroit où l’on ne s’eft pas avifé encore de les 
chercher; mais n’auroient-elles pas, dans l'intérieur de l'abeille com- 
mune , des accompagnemens qui les décéleroient? Ce feroit à la vérité, 
un accompagnement bien confidérable que la veffie 4 venin, fi, comme 
le conjecture M. Wilhelmi, cette veffie eft le récipient de la liqueur 
féminale (2): on trouveroit alors une forte de proportion entre les 
parties fèxuelles des abeilles communes, & le grand & fingulier appa- 
reil des organes générateurs qu’on découvre dans les faux-bourdons. 
ae avoit eu une idée aflez étrange fur la fécondation de la 
reine-abeille : il avoit penfé qu'elle étoit fécondée, en quelque forte, 
par l’odorat ou par les particules odorantes qui s’'exhaloient du corps 
des mâles. Il avoit été conduit à ce foupçon prefque bizarre , par la 
confidération de la difproportion qu'il découvroit entre les parties 
fexuelles de la femelle & celles des mâles. Il lui avoit paru que Le volu- 
me des parties fexuelles des faux-bourdons , étoit trop grand propor- 
tionnellement à l'ouverture dans laquelle ces parties devoient être intro- 
duites chez la femelle pour la rendre féconde. Ce grand Obfervateur 
auroit donc été bien pluséloigné encore d'admettre que les faux-bourdons 
s'uniffent par une véritable copulation aux abeïlles communes, dont la, 
taille eft fi inférieure à celle de reines. En relevant Swammerdam, 
M. de Réaumur fait une réflexion que je tranfcrirai ici. « Cette difpro- 


(r) Cependant ces divers procédés ne feroïent pas encore aflez fürs; on auroit 
toujours à craindre que quelque faux-bourdon étranger ne s’introduisit dans la ruche. 
1! faudroit donc ifoler la ruche le plus qu'il feroit poffible, & placer à la porteune 
{orte de grille dont les ouvertures fuffent fi petites, qu’elles ne laiffaflent pañler à 
Ja fois qu’une feule abeille ouvriére. ir. AY 

(2) Maïs la liqueur contenue.dans la veflie dont il s’agit, eft extrémement lim 
pide, & la liqueur féminale eft laiteufe & un peu épaffe. Les deux liqueurs différent 
encore pat des qualités plus effentielles. Tout cela 1eft guères favorable à l'opinion 
de M, #7ilhelmi, qui ne repole d’ailleurs fur aucun fair, 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 42ç 


» portion des parties fexuelles , dit-il (1), ne m'a pas paru aufl 
» grande que Swammerdam l'a trouvée. Nous pouvons juger mal du 
» volume des parties qui caraétérifent le mâle, quand nous en juge- 
» rons par celui qu’elles ont lorfque nous les avons forcées de paroître 
» en preffant le ventre. Il peut y avoir des inftans où tout fe propor- 
» tionne, foit de la part du mâle, foit de la part de la femelle », 
11 feroit poñlible que cette réflexion de M. de Réaumur trouvât encore 
fon application à l'égard des abeilles communes. Rien de plus facile 
ge e s’en affurer par une expérience: il ne s’agiroit que de renfermer 

ans un poudrier de jeunes faux-bourdons avec de jeunes ouvrières ; & 
d'obferver attentivement ce qui fe pafleroit entr'eux. Si ces deux fortes 
d'individus font appellés à s'unir de l'union la plus intime, ce doit être, 
fans doute , fort peu de tems après leur métamorphofe; & il ne femble 
pas qu'il doive être plus difhcile de s'aflurer de cette union, qu'il 
l'eft de s'aflurer de celle de quantité d’autres infectes. Si néanmoins 
cette union eft aufli réelle que le conjeéture M. Wilhelmi, il refteroit 
toujours aflez fingulier que M. de Réaumur , qui avoit tant étudié les 
abeilles , & qui avoit eu de fi grandes facilités à les bien obferver, 
n'eût jamais apperçu d’accouplement entre ces deux fortes d'individus. 
EL eft vraïqu'il ne le cherchoït point , parce qu'il ne s’en dourtoit point: 
mais combien de pareils accouplements devroïent-ils être fréquens 
dans des ruches qui renferment des centaines de faux-bourdons & des 
milliers d’ouvrières ! Combien de ruches vitrées, très-applaties , de- 
vroient-elles faciliter lobfervation ! Swammerdam , qui n'avoit pas le 
bonheur de pofléder de femblables ruches avoit pourtant décou- 
vert des faits beaucoup plus difficiles à découvrir que celui-ci; mais 
quand l'Obfervateur n'eft pas averti de porter fes yeux d'un certain 
côté , il peut arriver facilement que ce côté, quoiqu’aflez faillant, lui 
échappe. 

M. Wilhelmi m'écrit, qu'il ne croiroit pas que les faux-bourdons 
répandent leur fperme dans les cellules, &c. Je n'avois donné ceci que 
comme un très-léger foupçon; j'avois dit: ge Jeep , &c. (2)? M. Wil- 
helmi m'objecte ces jeunes reines qui naïflent fecondes dans les boîtes 
de M. Schirach , où il ne fe trouve point de faux-bourdons : mais cette 
objection cft elle démonftrative ; ne pourroit-il pas fe faire que les 
reines fuffent fécondées , tandis qu’elles font encore fous la forme de 
ver, & que certe fécondation s’opérât à la manière de celle des gre- 
nouilles ou à-peu-près , par la liqueur prolifique que les fzux-bourdons 
auroient répandue dans les cellules ordinaires ? Cette objection ne 


(1) Tome V, Æém. IX, page sor de l'édir, in-49. 
(2) Voyez, dans le premier Mémoire, ma Lettre à M. Schirache 


Tome F, Part, V. 3775: 


416 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


pourroit donc anéantir mon foupçon , que lorfqu'il feroit prouvé que 
ces jeunes reines étoient provenues de vers qui n'avoient pu être fécon- 
dés par les faux-bourdons. Tel feroit-en particulier, le cas des reines 
qu'on feroit naître fur la fin de l'automne ou en hiver; car on fait que 
tous les faux-bourdons font mis à mort en Juin, Juillet où au plus tard 
en Août, 

L'expérience par laquelle M. Hattorf a prétendu démontrer que la 
reine abeille eft féconde fans accouplement, paroîtra fans doute très- 
décifive à tous les Naturaliftes qui ne feront pas Pyrrhoniens à l'excès. 
Ici cependant, le Pyrrhonifme peut être pouflé fort loin fans cefler d’être 
raifonnable : les voies de l'Auteur de là Nature font fi prodigieufement 
diverfifiées, & le myftère de la génération eft fi profond, qu'il eft très- 
permis en bonne Philofophie , de fe livrer ici aux doutes les plus fin- 
guliers. Lorfque je tentai il y.a trente ans , ma première expérience 
{ur les pucerons , je crus avoir bien prouvé par cette expérience , que ce 
genre d’infectes éroit vraiment androgyne, ou qu'il multiplioit fans 
aucune copulation. On a vu dans mon Ouvrage (1) & dans le der- 
nier Mémoire du tome VI de l'Hifloire des Infééles de M. de Réau- 
mur, les précautions & les foins prefque fcrupuleux avec lefquels 
Jexécutai une expérience dont le réfultat Re fi fort la Phyfi- 
que & l'Hiftoire Naturelle. Elle réuffit au-delà de mes efpérances, & 
je me flattois d’avoir réfolu un grand problème , lorfqu'un doute fort 
étrange qui me fut communiqué par un Sage (2), vint me perfuader 
que je n’avois rien fait encore. Qui fait, n'écrivoit ce Sage, fi un accou- 
plement ne fert point à plufieurs générations ? A1 n’en fallut pas davan- 
tage pour m'engager à élever en folitude une fuite de générations de 
nos petits infectes ; & un fimple que fait-on? mit mes yeux & ma 
patience à de nouvelles épreuves. Ne -pourrois-je pas , à auffi bon 
droit , oppofer le même doute à l'expérience de M. Hattorf, & 
exiger qu’elle füt répétée fur une fuite de générations de reines- 
abeilles (3) ? ; 

1 y a donc aujourd’hui beaucoup à changer dans les idées que 
M. de Réaumur s'étoit faites fur le gouvernement ou la police des 
abeilles. La reine eft bien toujours la mère de tout fon peuple, & 
Tame de tous Les trayaux de la petite république : mais la vie du 


(1) Traité d’Infettologie, Part. 1, Obferv. 1. 

(2) Le célèbre Auteur des ÆZémoires fur Les Polypes. 

(3) Je renvoie ici à ce que j'ai dit ci-deflus des diverfes précautions qu'il faudroît 
prendre.pour rendre- certe expérience aufli démonftrative que celles que-j'ai tentées 
fur les Pucerons, & il ne paroît, pas que M. Hamorf ait pris de femblables pre- 
gautions. On dait lui reprocher de n'avoir pas pouflé le fcrupule affez loin. 


peuple 


sd id dt 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 427 

' QE a été mieux aflurée; par un moyen trés-fimple , & qu'aucun 

aturalifte n'avoit foupçonné , les abeilles péuvent en ‘tour téms { 

donner une ou plufeurs reines ; & perpétuer ainfi la durée de leur 
république. 

Les abeilles ouvrières ou les neutres ne font donc plus de vraies 
neutres : elles font toutes origimairement de vraies femelles | mais 
d'un genre fort fingulier ; des femelles qui nengendrent point, & 
qui ne peuvent engendrer; des femelles condamnées à une virginité, 
ou plutôt à une ftérilité perpétuelle ; des femelles en un mot, qui 
ne font point aétuellement femelles , mais qui auroient pu le devenir, 
fi fous leur première forme elles avoient été autrement logées & nourries. 

Suppofez une fociété de mouches, compofée de trois fortes d’indi- 
vidus, de mâles, de femelles & Œ'individus auxquéls on peut donner 
dans un certain fens le nom de neutres ; fuppofez que tous cés in- 
dividus exigent pour parvenir à l'état de mouches , d'être élevés dans 
des cellules d’une certaine capacité & d'une certaine forme ; fuppo- 
fez que les neutres font chargés feuls de la conftruction de cés cel 
lules & de l'éducation des petits; fuppofez enfin qu'il n'y a à lordi- 
naire dans cette fociété qu'une feule femelle féconde, & que cette 
femelle peut mettre au jour dans le cours de l’année, trente-cinq où 
quarante mille ‘petits: vous comprendrez aufi-tôt que sil y avoit eu 
dans la fociété dont il S'agit, deux ou trois femelles pareilles, lés 
ouvrières n’auroient pu conftruire aflez de cellules pour re à loger 
la trop nombreufe proftérité qui feroit #provenue. de ces femelles.; 
vous jugerez donc qu'une fociété formée fur un tel modèle ne devoir 

poffédér qu’une feule femelle: mais dans une fociété appellée à fe 
perpétuer, la propagation auroit couru rifque d’être interrompue, & 
par conféquent anéantie, fi elle navoit repofé que fur: une feule 
femelle : il falloit donc qu'il exiffàt chez ce petir peuple! un moyen 
LE >toujours efficace, de'rétablir la propagation, & de perpétuer 
| ainfi la durée de Ja fociété : ce moyen répondroit, parfaitement au 
vœu de la nature, fi chaque neutre pouvoit, tandis qu'il eft encore 
fous fa première forme, devenir une vraie femelle, à l'aide de quel- 
ques procédés auxquels les autres neutres auroient été inftruits de recou- 
tir; & comme la femelle pourroit venir à manquer dans des tems où 
il ne fe trouveroit plus de mâles pour féconder les nouvelles femelles 
que les neutres fauroient fe donner, il feroit bien encore dans l'inftitu- 
tion de cette fociété, que les ferhelles poffédaffent par ‘elles-mêmes le 


principe de la fécondité, ou que du moins, elles puflent fe pañler du 
fecours actuel des mâles (1). 


re be de" LE ds 
OR g'Ne TS, - 


(1) Je ne puis trop le répérer ; tous mes raifonnemens & routes mes conjedures 


t Tome V, Part. V. 1775. Ti4 


428 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


IL n’y a donc plus de quoi nous étonner , qu’un effaim nouvellement 
ris en ruche, & qui n'a point de reine , fe laifle périr fans conftruire 
la plus petite cellule (1). La propagation de lefpèce eft ici la 
grande fin de la Nature. Cette fin ne fauroit s'obtenir dans un eflaim 
où il ne fe trouve que des abeilles ouvrières. M. de Réaumur a prouvé 
que fi on donne une mère à cet eflaim qui languit dans l'inaction, 
routes les abeilles reprendront auffi-tôt leur activité naturelle, & com- 
menceront à conftruire des gateaux. Mais ce que n'avoit point foup- 
conné ce grand Obfervateur, & que nous devons aux recherches afli- 
dues de M. Schirach, c'eft qu'un feul ver d'abeille commune peut pro- 
‘duire fur l'effaim le même effet que la préfence de la reine. Nous fommes 
aufli redevables à M. Schirach d'une méthode très-fimple de multiplier 
à l'infini les eflaims de ces mouches qui travaillent fi utilement pour 
nous. RER TUR 

Voilà bien des connoiflances inconnues aux Anciens , que nous 
avons acquifes en aflez peu de tems fur les Abeilles ; combien néan- 
moins nous en refte-t-il à acquérir ! combien le nombre des vérités 
que nous poflédons fur ce fujet , eft-il petit en comparaifon du nom- 
bre de celles dont la découverte eft réfervée à nos Defcendans! Quef 
abime au yeux du Sage qu'une ruche d’abeilles ! Quelle fageffe 
profonde fe cache dans cet abîme! Quel Philofophe ofera le fonder ? 
Mais, quel infecte, quel animalcule , n'eft point un abime pour ke 
Philofophe ! 


fur les nouvelles découvertes de Luface , repofent fur la fappoñtion équitable de fæ 
vérité des faits obfervés d’abord par M. Schirach , & revus par d’autres Amateurs. 
Je dis Æmareurs , parce que je ne faurois diflimuler que ces Ecrivains ne m’aient 
paru plutôt de fimples Ainateurs, que des Obfervateurs ou des Naturaliftes de pro 
feflion. Cependant, Peftimable M. -Séhirach, atceltant dans fes Ecrits, & ie l’ayanr 
auefté à moi-même dans fes Lettres, qu'il avoit! vu & revu un grand nombre de 
fois &en différentes faifons les mêmes faits, & ces faits n'étant pas bien difficiles 
à obferver, comment aurois“je pu les contredire z 
(1) Confultez l’Introduction du premier Mémoire, 


Se 


14 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 419 


: armee erreurs 
M É MOIRE 


Sur la nature du principe qui fe combine avec les 
Méçaux pendant leur calcination, & qui en augmente 
le poids (1); 


Lu à la rentrée de Académie le 26 Avril, par M. La ro1SIFR. 


| FRA différentes efpèces d'air ? Suffit-il qu'un corps foit 
dans un état d’expanfbilité (2) durable , pour conftituer une efpèce 
d'air ? Enfin les différens airs que la Nature nous offre, ou que nous 
parvenons à former, font-ils des fubftances à part, ou des modiñca- 
tions de l'air de l'armofphère ? Telles font les principales queftions 

w'embrafle le plan que je me fuis formé, & que je m'étois propoié 
Fs mettre fous les yeux de l'Académie : mais le tems confacré à nos 
Séances publiques, ne me permettant pas de traiter aucune queftion 
dans toute fon étendue, je me renfermerai aujourd’hui dans un feul 
cas particulier , & je me bornerai à faire voir que le principe qui s'unit 
aux métaux pendant leur calcination , qui en augmente le poids & 
qui les conftitue dans l'état de chaux , n’eft ni une des parties conf 
tituantes de l'air, ni un acide particulier répandu dans latmof- 
phère ; que c'eft l'air lui-même en entier, fans altération, fans dé- 
compofition , au point même que, fi après avoir été engagé dans 
cette combinaifon , on le rend libre, il en fort plus pur, plus refpi- 
rable , s'il eft permis de fe fervir de cette expreflion: que l'air de 
J'atmofphère eft plus propre à entretenir l'inammation & la combultion 
des corps. 

La plupart des chaux métalliques ne fe réduifent, c’eft-à-dire , ne 


D on ce 


(x) Les premières expériences relatives à ce Mémoire, ont été faites il y a plus 
d'un an; celles fur le mercure précipité per fe, ont d’abord été tentées au verre 
ardent dans le mois de Novembre 1774, & faites enfuite avec toutes les précautions 
& les foins néceffaires dans Je laboratoire de Aontigny, conjointement avec M. 4e 
Trudaine, les 28 Février, 1°° & 2 Mars de cette année; enfin elles ont été répétées 
de nouveau le 31 Mars dernier, en préfence de M. le Duc: de /2 Rochefoucaulr, 
de M. de Trudaine, de M. de Montigny, de M. Macquer & de M. Cader. 

(2) Ce mot eft aujourd’hui confacré pour les Phyfciens & pour les Chymiftes, 
depuis qu'un Auteur moderne en a fixé le fens dans un article très-étendu, rempli 
des vuës [és plus vaites & les plus neuves , & qui porte par-tout l’empreinte du 
génie. Voyez Encyclopédie, me VI, pag. 274, aû miot EXxpan/fibiliré. 


Tome V, Part. V. 1775. Jiiz 


430 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


reviennent à l’état de métal que par le contact immédiat d'une ma 
tière charbonneufe ou d’une fubftance quelconque , qui contienne ce 
qu'on nomme le phlogiftique ; le charbon que l'on emploie fe détruit 
en entier dans cette opération, lorfque la dofe en eft bien propor- 
tionnée : d’où il fuit que l'air qui fe dégage des réductions métalliques 
par le charbon , n'eft pas un être fimple; qu’il eft en quelque façon le 
réfultat de la combinaifon du fluide élaftique dégagé du métal, 
& de celui dégagé du-charbon : donc, de ce qu'on obtient ce fluide 
dans l'état d’air fixe , on n’eft point en droit d’en conclure qu'il exif- 
toit en cet état dans la chaux métallique , avant fa combinaifon avec 
le charbon... ; : ù 

Ces”réflexions m'ont fait fentir combien il étoiteffentiel pour débrouil- 
ler le myftère de la réduétion des chaux métalliques, de diriger toutes 
mes expériences fur celles qui font réduétibles fans addition. Les chaux de 
fer m'offroient cette propriété; en effet, de routes celles foit naturelles, 
foi artificielles, que nous avons expofées au foyer des grands vers ardens, 
foit de M. le Résent, foit de M. de Trudaine, il n’en eft aucune qui n'ait 
été réduite en totalité. 

J'ai effayé en conféquence de réduire, à l’aide du verre ardent, 
plufieurs efpèces de chaux de fer fous de grandes cloches de vérre ren< 
verfées dans du mercure, & je fuis parvenu à en dégager, parce moyen, 
une grande quantité d'air: mais comme en même tems cet air fe trou 
voit mélangé avec l'air commun contenu dans la capacité de la cloche, 
cette circonftance jettoit une grande incertitude fur mes réfultats 3 
aucune des épreuves auxquelles je foumettois cet air, n'étoit parfai- 
tement concluante ; & il m'étoit impoflible d’aflurer fi les phéno- 
mènes que j'obtenois, dépendoient de Fair commun, de celui dé: 
gagé de la chaux de fer, ou de la combinaifon des deux enfemble, 
Ces expériences n'ayant point rempli mon objet, j'en fupprime ici le 
détail; elles trouveront d’ailleurs leur place naturelle, dans d’autres 
Mémoires. 

Comme ces difficultés tenoient à la nature même du fer, à la qua- 
iité réfractaire de fes chaux , à la dificulté de les réduire fans addi- 
tion, je les ai regardées comme infurmontables , & j'ai cru dès-lors 
devoir n'adrefler à une autre efpèce de chaux d'un traitement plus 
facile, & qui eût, comme les chaux de fer, la propriété de fe réduire 
fans addition. Le mercure précipite per fe , qui n’eft autre chofe qu'une 
chaux de mercure , comme l'ont déja avancé quelques Auteurs, & 
comme on en fera mieux convaincu encore par la lecture de ce Mé. 
moire; le mercure précipité per fe , dis-je, m'a paru propre à remplis 
complétement l'objet que j'avois en vue : perfonne , en effet, n'ignore 
aujourd'hui qu'il eft réductible fans addition à un degré de chaleur trèss 


h tt Mise. 0 nt) - 


D] 


, 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 433 


médiocre. Quoique j'aie répété un grand nombre de fois les expériences 
que je vais rapporter , je n'ai pas cru devoir donner ici le détail de cha- 
cune d'elles en particulier , dans la crainte detrop grofir ce Mémoire , & 
j'ai confondu en un feul récit , des circonftances qui appartiennent à plu- 
fieurs répétitions de la même expérience. 

Pour m’aflurer d'abord fi le mercure précipité per fe étoit une véritable 
chaux métallique , sil donnoit les mêmes réfultats, la même efpèce d'air 
par la réduction , j'ai eflayé d'abord de le réduire par la méthode ordi- 
naire, c'eft à-dire, pour me fervir de l'expreflion reçue, par une addition 
de phlogiftique. 

J'ai mêlé en conféquence une once de cette chaux avec quarante-huit 
grains de charbon en poudre, & j'ai introduit le tout dans une petite 
cornue de verre de deux pouces cubiques au plus de CRE que j'ai 
placée dans un fourneau de réverbère proportionné à fa grandeur. Le 
col de cette cornue avoit environ un pied de longueur, & trois à quatre 
lignes de diamètre ; il avoit été coudé en différens endroits à la lampe 
d'émailleur , & fon extrémité étoit difpofée de manière à pouvoir s’en- 
gager fous une cloche de verre fufffamment grande, remplie d'eau, & 
renverfée dans un baquet également rempli d'eau. Cet appareil, tout 
fimple qu'il eft , eft d'autant plus exa& , qu'il n’y a ni foudure , ni ut, 
ni enfin aucun paflage à travers lequel l'air puifle s’introduire ou 
s'échapper. ] 

Si-tôt que le feu a été mis fous la cornue, & qu'elle a reffenti les 
premières impreflions de la chaleur, l'air commun qu'elle conrenoit 
s'eft dilaté, & il en a paflé quelque peu dans la cloche : mais vu la 

ctitefle de la partie vuide de la çornue, cet air ne pouvoit pas faire 
d'erreur fenfible , & fa quantité, en évaluant tout au plus haut, pou- 
voit à peine monter à un pouce cubique. Si-tôt que la cornue a 
commencé à s’échauffer davantage, l'air s'efk dégagé avec beaucoup de 
rapidité, & a monté à travers de l'eau dans la Noche : l'opération n’a 
pas duré plus de trois quarts-d'heure ; encore le feu a-t-il été ménagé 
pendant cet intervalle. Lorfque la totalité de la chaux du mercure a 
été réduite, & que l'air a ceffé de pañler, on a remarqué la hauteur 
où l'eau s’éroit arrêtée dans la cloche, & on a trouvé que la quantité 
d'air dégagé avoit été de foixante - quatre pouces cubiques, fans 
compter la portion qui avoit néceflairement dû être abforbée par l’eau 
en la traverfant. j 

Cet air a été foumis fur le champ à un grand nombre d'épreuves, 
dont je fuis obligé de fupprimer le détail, & il en réfulte; 1°. qu'il 
étoir fufceptible de fe combiner avec l'eau par l'agitation, & de lui 
communiquer toutes les propriétés des eaux acidules ou aériennes, 
telles quefont celles de Seltz , de Pougues, de Buffang, de Pyrmont, &c.; 

Tome V, Part, PV, 17175. 


‘432 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 

2°. qu'il faifoit périr en quelques fecondes les animaux qu'oh y ploni 
geoit; 3°. que les bougies , & généralement tous les corps combuftibles, 
s'y éteignoient à l'inftant ; 4°. qu'il précipitoit l'eau de chaux ; 5°. qu'il 
fe combinoit avec une grande facilité avec les alkalis, foit fixes, foit 
volatils ; qu'il leur Gtoit leur caufticité, & leur donnoit la propriété 
de cryftallifer, Toutes ces qualités font précifément celles de l'efpèce 
d'air connu fous le nom d’air fixe ou méphitique, tel qu’on l'obtiene 
de toutes les chaux métalliques , par l'addition du charbon, tel qu'il fe 
dégage des effervefcences des matières en fermentation ; & il étoit donc 
conftant que le mercure précipité per fe , rentroit dans la clafle des chaux 
métalliques. 

IL n'étoit plus queftion que d’examiner cette chaux feule, de la 
réduire fans addition, de voir s'il s’en dégageoit de même de l'air; & 
en fuppofant qu'il s'en dégageñt, de déterminer dans quel état étoit cet 
air. Pour remplir cet objet, j'ai mis dans une cornue également de 
deux pouces cubiques de capacité , une once de mercure précipité per fe, 
feule : j'ai difpofé l'appareil de la même manière que dans l'expérience 
précédente , & j'ai fait en forte que toutes les circonftances fuffent exac- 
tement les mêmes: la réduétion s’eft faite cette fois un peu plus diffcile- 
ment que par l'addition du charbon; elle a exigé plus de chaleur , & il 
n'y a eu d'effet fenfible que lorfque la cornue a commencé légèrement à 
rougir : alors, l'air s'eft dégagé peu-à-peu, a paflé dans la cloche, & en 
foutenant le même degré de feu pendant deux heures & demie, la tota- 
lité du mercure a été réduite. 

L'opération achevée, il s'eft trouvé d’une part , tant dans le col de la 
cornue , que dans un vaifleau de verre que j'avois difpofé au-deflous de 
l'eau fous fon bec , 7 gros 18 grains de mercure; de l'autre, la uantité 
d'air paflée dans la cloche , s'eft trouvée de 78 pouces diquast 
d’où il fuit qu'en fuppofant que toute la perte de poids dût être attri+ 
buée à l'air, chaque pouce cubique devoit pefer un peu moins de 
deux tiers de grain, ce qui ne s'écarte pas beaucoup de la pefanteur de 
Lair commun. 

Après avoir ainfi fixé ces premiers réfultats , je n'ai rieneu de plus preffé 
que de foumettre les 78 pouces cubiques d'air que j'avois obtenus à 
toutes les épreuves propres à en déterminer la nature, & j'ai reconnu 
avec beaucoup de furprife , 1°. qu'il n’écoit pas fufceptible de fe combi- 
ner avec l'eau par l'agitation; 2°. qu'il ne précipitoit pas l’eau de chaux; 
3°. quil ne contractoit aucune union avec les alkalis fixes ou volatils; 
4°. qu'il ne diminuoit en rien leur Fe cauftique ; $°. qu'il per 
{ervir de nouveau à la calcination des métaux ; 6°. qu'il étoit diminué 
comme l'air commun, par une addition d’un tiers d'air nitreux; enfin, 
qu'il n'avoit aucune des propriétés de l'air fixe. Loin de faite périr 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 433 


comme Jui les animaux , il fembloit au contraire plus propre à entre- 
tenir leur refpiration : non-feulement les bougies & les corps embrafés 
ne s'y éteignoient pas , mais la Aamme s’y élargifloit d’une manière 
très-remarquable; elle jettoit beaucoup plus de lumière & de clarté 
que dans l'air commun. Toutes ces circonftances m'ont pleinement con- 
vaincu que cet air.étoit non-feulement de l'air commun, mais encore 
qu'il étoit plus refpirable , plus combuftible, & par conféquent qu'il 
étoit plus pur même que l'air dans lequel nous vivons. 

IL paroït prouvé d’après cela , que le principe qui.fe combine avec 
Îes métaux pendant leur calcination , & qui en augmente Le poids, 
n'eft autre chofe que la portion la plus pure de l'air même qui nous 
environne , que nous refpirons , & qui pafle dans cette opération de 
l'état d’expanfbilité à celui_de folidité : fi donc on obtient dans l'état 
d'air fixe dans toutes les réductions métalliques où l'on emploie le char- 
bon, c’eft au charbon même qu’eft dû cet effet; & il eft erès-vraifèm- 
blable que toutes les chaux métalliques ne donneroient que l'air com- 
mun , î lon pouvoit toutes Les réduire fans addition , comme Le mercure 
précipité per Je. 

Tout ce que je viens de dire de l'air des chaux métalliques, peut 
S'appliquer naturellement à celui qu'on obtient du nitre, par la déton- 
hation: on fait par nombre d'expériences déja lente , & dont j'ai 
répété le plus grand nombre, que la plus grande partie de cet air efk 
dans l'état d'air fixe ; qu’il eft mortel En les animaux qui le refpirent; 
qu'il a la propriété de précipiter l'eau de chaux , de s'unir feulement avec 
la chaux & les alkalis, de les adoucir & de les faire cryftallifer: mais 
comme en même tems la détonnation du nitre n’a lieu que par l'addi- 
tion du charbon ou d'un corps quelconque qui contient du phlogifti 
que , il eft crès-vraifemblable qu'il s'opère encore dans cette circonftance 
une converfion de l'air commun en air fixe; d’où il fuivroit que l'air 
combiné dans le nitre, & qui produit les explofions terribles de la pou- 
dre à canon, eft de l'air commun , de l'air atmofphérique privé de fon 
expanfbilité. 

De ce que l'air commun fetchange en, air fixe lorfqu’on le combine 
avec le charbon, il fembleroit naturel d'en conclure que l'air fixe n’eft 
autre chofe qu'une combinaifon ‘de l'air commun & du phlogiftique. 
Cert: opinion eft celle de M. Prieftley , & il faut convenir qu'elle n'eft 
pas fans vraifemblance ; cependant , lorfqu'on defcend dans le détail 
des faits , elle fe trouve fi fréquemment contredite , que je crois devoir 
inviter les Phyfciens & les Chymiftes à fufpendre encore leur juge- 
ment: j'efpère être bientôt en état de leur expofer les motifs de mes 
doutes. 


Tome F, Par. PV, 1775: 


434 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


O: B'S EE PRMMAAC TE TON 
D°E: M IPAANSEOIMOLT ; 


Sur un nouveau Foffile. 


Le fofile repréfenté par les figures 1,2, 3 & 4, pl. IIT, a été trouvé 
dans le Nivernois , entre Le bourg de Saint-Révérien & Arfart , près du 
hameau les Angles, fur le bord du canal factice creufé pour le flottage par 
Veau du fameux étang d'Aaron. 

Quoique d’une figure fingulière , ce fofile inconnu jufqu'ici , à ce 
qu'il paroît , doit être rangé dans la claffe des poulettes: on peut le nom- 
mer Roffroïte, ou le Bec. La figure 1 le repréfente yu latéralement ; la 
figure 2 vu en-deflus, & la figure 4 vu pardeffou$. Des deux écailles 
qui le compofent , la plus grande eft pliée en angle droit, & eft pre 
que double de l'autre; la charnière eft en a figure 1 & 2: ce fommet 
n'eft point troué ; il recouvre légèrement la petite écaille: toutes deux 
font denticulées en b, & s’engrènent l'une dans l’autre: l’écaille la plus 
grande eft concave pardeffous , & forme un canal, comme on le voit 
figures 3 & 4: la longueur depuis la charnière a jufqu'à la pointe c 4 
eft de 9 lignes : la hauteur depuis a jufqu'en d, eft de 8 lignes: l'ef« 
pace entre les deux cornes c f, eft auli de 8 lignes : il ne paroït pas 
que ce foffile foit bien commun ; je n'en ai trouvé que deux qui foient 
bien confervés, 


OBSERVATIONS 


ait 


: 
P 
* 
. 


ONBESRENRPTA T T'OUNS 


Sur les Coquilles Foffiles, & particulièrement fur les 
Cornes d'Ammon; 


Par M. l'Abbé DrcouemARE, Profefleur de Phyfique & d'Hif- 
toire Naturelle, de plufieurs Académies Royales des Sciences, des 
Belles- Lettres & des Arts, Gc. 


Ur des objets qui ont occupé le plus les Savans , eft cette prodi- 
gieufe quantité de Sr qu'on trouve dans les régions les plus 
éloignées de la mer, à des hauteurs & à des profondeurs confidérables, 
Parmi ces coquilles , les unes ont leur analogue vivant dans des mers 
fort éloignées du lieu où on les trouve ; d’autres ont à peine été ap- 
perçues ; cel eft, par exemple, celui des cornes d’Amnon, fur lefquelles 
les Anciens & une partie des Modernes ont fait le plus grand nombre 
de conjectures , qu'on regarde ordinairement comme le noyau d'un 
coquillage toujours détruit, & que quelques-uns affectent de regarder 
encore , & même toutes les coquilles fofiles, comme des jeux de la 
nature, comme une végétation fpontanée, &c., fans s'occuper férieu- 
fement des difficultés que cela préfente, parce que ce fentiment femble en 
favorifer un autre qu'on voudroit accréditer à quelque pe que ce foit. 
L'efprit defyftème ne fe laffera-t-il jamais de rebatir des édifices fuc- 
ceflivement détruits : Que n'a-t-on pas dit fur la nature & fur le dé- 
placement des coquillages 1 

Le premier de tous les points qu'il faut éclaircir, puifqu'il paroît ne 
Je pas être pour quelques-uns , c’eft que ces coquillages fofiles, même 
les cornes d'Ammon , aient fervi de logement propre à des êtres vivans , 
à des animaux marins : il paroît abfolument iridépendant de la caufe 
de leur déplacement. 

Ce qui frappe au premier coup-d'œil, c’eft la parfaite reffemblance 
des coquilles fofliles avec les coquillages qui habitent dans les diffé- 
rentes mers, & qui font très-bien connus. Cette reflemblance, qui a 
déja été mife dans un grand jour, ne confifte pas feulement , comme 
on pourroit le croire, en quelques caraétères généraux aifés à failir, 
tels que la forme extérieure; ce feroit déja beaucoup : la ftruéture in- 
térieure, la couleur, tout dévoile leur origine, & fe foutient en pré- 
fence mème de l’analogue nouvellement pêché ; ou , fi on y remarque 
quelque différence , la caufe en eft apperçue par ceux qui confacrent 


LoneP\Ber of. 177$. Kkk 


/ 


436 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 

la portion la plus active de leur vie à gravir , depuis le deffous des 
bancs qui forment le lit de la mer, jufqu'au fommer efcarpé des plus 
hautes falaifes , qui fréquentent les cavernes , les carrières, &c, Là, 
infiniment mieux que dans les cabinets, mille objets fans éclat & fans 
prix, ou qu'on ne peut enlever , procurent une inftruction aufli folide 
qu'étendue. La longue habitude d'y voir ces objets dans l’état & dans 
la pofition où le concours des circonftances a pu les mettre , l'infpec- 
tion réfléchie de ceux qui sy trouvent brifés en tout fens, forment , 
dans l’efprit de l'Obfervateur , d’ailleurs inftruit des connoïffances ac- 

> 
quifes par fes prédécefleurs ; comme une collection immenfe , dont 


toutes les parties s'éclairent réciproquement. Par ce moyen, j'ai fous 


les yeux beaucoup de foffiles : ceux du genre des nautilles, & parti- 
culièrement la grande efpèce concamérée , dont l’analogue vivant fe 
trouve dans la mer des Indes, & dont la coquille orne fi agréablement 
les cabinets , font ici pétrifiés, agathifiés , cryftallifés avec la coquille & 
les cloifons ; d’autres font remplis par des terres argilleufes, des fub{- 
tances lapidifiques ou métalliques , qui les ont pénétrés, & dont Ja 
coquille eft détruite, ou fi fort amincie à la longue , fans doute par 
quelque acide léger , qu'on a peine à l’appercevoir : il y en a d'une 
pierre tendre , qui fe durcit à l'air, dont la coquille, en périflant, a 
empêché l'adbéfon parfaire de la matière taprdiqie ; en forte que les 
pierres , moulées dans chaque concamération , ne font attachées l'une 
à l’autre que par la pierre qui remplit l'efpèce de fyphoh par où l'ani- 
mal pañloit fa queue , & qui communique de chambre en chambre. 
Lorfque cette efpèce de petit noyau eft caffé, les morceaux fe féparent : 
on peut, en quelque forte, monter & demonter la nautille. 

Les cornes d’Ammon ont une grande analogie avec les nautilles 3 
il y a de l'un & de l'autre un grand nombre d’efpèces & de variétés 
individuelles : telle nautille fe nomme même, par quelques-uns, corne 
d'Ammon; celle que j'ai deflinée de grandeur naturelle , planche I , 
fig. $, & que je conferve dans mon cabinet, a toute fa coquille , à 
quelques accidens près : cette coquille, dont la couleur reflemble aflez 
à celle de la peau du dos des anguilles qui vivent dans la vafe , eft un 
peu ondée, & paroît avoir été de couleur blonde , comme celle de 
plufieurs autres cornes d’Ammon , où il en refte des fragmens ; elle eft 
un peu mutilée & fendue , mais elle n’a pas perdu fon luifant : je mai 
pu la dégager entièrement de la matière pierreufe qui lenveloppoit 
totalement ; j'eufle rifqué de la caffer & d’en féparer des morceaux de 
coquilles AA, qui y adhèrent encore par le moyen de certe glaife 
pétrifiée, matière du banc dont je la tirai ; en forte qu'on n'apperçoit 
que la fpirale la plus intérieure, & une partie de celle qui rentre def- 
fous, La plus grande moirié de cette fpirale extérieure , eft prefque unie: 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 437 


Y'autre moitié , & celle qui la fuit , eft de plus en plus ftriée. La coquille , 
percée dans cette portion plus que dans les autres, laifle voir quelques 
marques de concamération , ou plutôt des cloifons qui les féparent , 
& dont les angles faillans, ajuftés aux angles rentrans de leurs voi- 
fines, forment , fur la plupart de ces foffiles, une efpèce de feuillage 
perfillé fort agréable. On apperçoit auffi, par un trou accidentel en 
B , l'intérieur de ‘cette pétrification qui femble tenir de la nature du 
marbre & du quartz, & quelques cryftallifations. Elle fait effervefcence 
avec les acides. En € , la coquille paroît double , comme je l'ai re- 
marqué dans beaucoup de fragmens de cornes d'Ammon ; l’extérieure 
eft blonde , & celle de deflous approche du noir. C’eft toujours vers Le 
bout de la plus grande fpirale que la coquille eft double. Ces frag- 
mens, où la coquille exifte, font affez communsici, ce qui m'a pa- 
ru furprendre plufeurs Naturaliftes François & Etrangers , qui regar- 
doient une corne d’Ammon avec fa coquille comme un objet trèsrare, 
& de l'exiftence duquel ils auroient même douté. Il eft vrai qu'il n'eft 
pas queftion ici de cornes d’Ammon , dont 130 égalent le poids d'un 
grain de froment ; comme on voit, la mienne a 4 ! pouces de dia- 
mètre ; ni d'une coquille totalement dénaturée par la ae L 
qu'on ne reconnoît que parce qu’elle recouvre Le perfillé dont nous ve- 
pons de parler , & par une épaifleur à-peu-près égale : les coquilles 
en cet état ne peuvent faire naître que des conjeétures , cependant très- 
bien fondées. J'en ai une tout-à-fait femblable à celle qui eft décrite 
& repréfentée dans les Mémoires de l’Académie des Sciences de Paris, 
excepté ik la couleur de la mienne eft fauve , & que celle-là étoit 
couleur fd'ardoife. Celle de la figure ci-jointe ne peut laiffer aucun 
doute. [l lui manque , comme à une infinité d’autres , d’être terminée 
fans accident au bout de la fpirale la plus éloignée du centre. Cette 
partie , jufqu'entre C & B, paroît remplie d'une matière pierreufe , 
gris-plombé , femblable à celle du banc où elle a féjourné ; c'eft-là 
que commence cette autre matière demi-tranfparente , d'un blanc jau- 
nâtre , qui femble tenir , comme je l'ai déja dit, de la nature du 
marbre & du quartz avec quelques cryftallifations. Ne feroit-elle point 
due en partie au mélange des fubftances animales & lapidifiques ? I1 
me femble avoir remarqué , dans un affez grand nombre de pétrifica- 
tions , qu'où il a dû y avoir des fubftances animales ou médullaires, 
on trouve fouvent une matière cryftalline. : 

Si quelqu'un penfe vraiment que les nautilles pétrifiés, agathifiés, &c., 
comme on les trouve ici avec la coquille , n'ont point été des ani- 
maux vivans, ou ne leur ont point fervi de logement propre , il por- 
tera le même jugement des cornes d'Ammon, qui ont leur coquille : 
mais peut-on oublier que la formation d’une-coquille , & des couleurs 


Tome F, Part. PV. 1775. Kkk 2 


438 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


qui l'enrichiflent, dépend de lorganifation d’un animal formé avant 
elle ; & que nous trouvons; avec les cornes d'Ammon ; des huîtres 
fofiles , compofées de couches de feuillets, dont les plus grands font 
toujours vers l’intérieur, pour s’accommoder à l’accroiflement gradué 
de l'animal ; où la marque du tendon, qui Puniffoir à la coquille ; ne 
ae prefque jamais ; où l'on remarque même quelquefois des par- 
ties de ce tendon & autres de l'animal , pétuifiées fur l’intérieur. de la 
coquille ; & quantité d'indices aufi certains , dans une bonne partie ; 
n'oht pas échappé à la fagacité de nos plus grands Naturaliftes, & 
qu'on ne peut détailler fans faire un ouvrage fort étendu? Si les co- 
quillages folies, Les huîtres , les cames , les ourfins , les cancres, &c., 
que nous trouvons pétrifiés , croifloient avec la pierre , s'y dévelop- 
poient infenfblement fans le fecours d’un animal , ils en feroient rem 
plis; ils auroient toutes les pièces qui les compofent , à moins qu'on 
ne veuille croire , pour enrichir le fyftème , que l'un des deux battans, 
ou qu'un pied, par exemple , croît fans les autres parties ; car nous 
les trouvons, fans aucune apparence de proximité avec ce qui leur 
manque, mutilés, écrafés, de manière à faire comprendre qu'ils ne l'ont 
été que parce qu'ils éroient ou vuides , l'animal ayant péri, ou remplis 
d'une fubftance molle. Ces coquillages fofliles, & comme eux les 
cornes d'Ammon , font chargés de vermiculites & d’un nombre infini 
de coquillages adhérens comme ceux qui vivent à la mer, attachés les 
uns fur les autres. On en trouve avec des madréporites, & beaucoup 
d’autres productions marines. La Nature imite-t-elle donc aufi dans 
fes jeux , au fein des pierres , induftrie des infectes marins, & toutes 
les variétés, même accidentelles, qui, dans fes objets , excitent notre 
admiration ? Si l'art de cette multitude innombrable d'animaux , qui 
fe meuvent dans la vafte étendue des mers, eft ou peut être imité ainfs 
par ce je ne fais quoi , dont on ne nous donne aucune idée claire, par 
une vévétation fpontanée , que penfera-t-on de certaines pétrifications, 
dont l’origine ne peut être équivoque que pour ceux qui n'en ont pas 
obfervé les progrès ? 


Si un Obfervateur trouvoit, dans fes recherches, un automate pé- 


trifié , auroit-on bonne grace de lui reprocher d’être partifan de la 
Méchanique , parce qu'il reconnoitroit, dans cette pièce , l'ouvrage 
d'un Méchanicien ? Quelqu'un feroit peut-être tenté de croire que nous 
nous formons des monftres pour les combattre : point du tout. A ce 
nombre infini d'Obfervations, fur lefquelles font fondées les connoif- 
fances des hommes vraiment infruits, on a voulu oppofer ce que la 
faine Philofophie ne peut admettre. Combien de faits merveilleux de 
cette nature ont difparu à l’afpect de ces hommes aufli peu avides du 
merveilleux, qu'amis de la vérité , au fang froid & aux lumières def- 


Te MU US a 


SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 439 


quels rien n'échappe ? L'art des obfervations, comme celui des expé- 
riences , a des difhcultés qui ne peuvent être apperçues que de ceux qui, 
par état & par goût, font occupés à contempler & à dévoiler Les mer- 
veilles de la Na Dans quel art fautil plus de forces , de courage, 
d'attention , de nce, de fagacité, de difcernement ? Le livre de 
la Nature eft ouvert à tous les hommes ; heureux celui qui y peut lire! 
Que les autres livres lui paroiflent petits ! Combien n'apperçoit-il pas 
elors dé vanité dans la plupart des fyftèmes, & de foiblefle dans cer- 
tains expofés ? Jufqu'à quand l'évidence même fera-t-elle conteftée ? 
Jufqu'à quand des hommes , d'une réputation éclatante & juftement 
méritée à certains égards , fe feront-ils un jeu d'arrêter les progrès 
des fciences utiles, par des contradictions évidentes, par des inconfé- 

uences ? L'amour de la vérité & celui du bien public doit être le buc 
L nos travaux. Si on pouvoit fe flatter de convaincre ceux qui, 
| 5 par principe, ne font jamais poule & ai paroïflent feulement 
| l'être de ce qui leur plait, ce feroit en leur difant, pour les Ouvra- 
ges de la Nature, ce que Ruyfch écrivoit au fujer des fiens, Wenez & 


| 
. voyez, 


Tome Y, Part, PV. 17754 


440 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


pere 


RAPPORS 


Fait le Mercredi 4 Mars 1775, à l’Académie Royale des 

© Sciences, par Meflieurs DE Foucuyx, LE ROr, 
GuerrArD & DESMAREST, qu'elle avoit 
nommés Commiffaires pour lui rendre compte des Ou- 
vrages manuferits de M. ADANSON, de la même 
Académie (1). 


Mo s1EU R Adanfon ayant demandé àl'Académie, des Commiflaires 
pour prendre connoiffance de fes travaux, & la Compagnie nous en 
ayant chargés, MM. de Fouchy, Guettard, le Roy & moi, nous nous 
fommes occupés à remplir fes intentions dans plufeurs féances que nous 
avons faites chez M. Adanfon. 

Mais quoique nous ayons donné beaucou de tems à l'examen des 
papiers de notre Confière, fes Recueils font fi multipliés , que nous les 
avons plutôt parcourus que lus. L'Académie a déja pu juger par elle-même 
de l'étendue du plan de M. Adanfon, G de l'immenfité des objets 
qu'il renferme , par le tableau qu'il lui en a préfenté : n'ayant donc 

u fuivre chaque article en particulier , nous avons cru que notre 
fonction devoit fe borner à prendre une idée générale du tout enfem- 
ble; ainfi , notre jugement portera plutôt fur les mafles des objets, que 
fur leurs détails. 

En conféquence, nous ne pouvons rendre un compte exact & précis 
de l’érat où fe trouvent les différens Ouvrages de M. Adanfon, de leur 
degré de perfection, & fur-tout de la juftefle qui règne dans la diftri- 
bution des genres, des efpèces, des individus de fa vafte férie, des 
êtres & des qualités de ces êtres: mais nous pouvons affurer que quant 
au fond, fes colleétions de Manufcrits font le fruit d'une leëlure im- 
menfe , qu'il y a raffemblé une variété étonnante de notes inftruétives , fur 
zous les objets qu'il embraffe ; que quant à leur arrangement , c'eft le produit 
d'un infinité de rapprochemens formés par des vues philofophiques & éclai- 


ER ——_—]—]  ———— ———- 


(r) Ce Rapport doit être regardé comme une fuite du Mémoire ou du Catalogue 
de ces mêmes Ouvrages de M. Ædanfon, lu à l'Académie le is Février, & qui a 
été imprimé dans notre Journal du mois d'Avril dernier. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 441 


rées par la lumière de l'obfervation foutenue € réfléchie de la nature : cer 
Ouvrage ef? véritablement, & doit être confidéré comme l'Encyclopédie de 
l'Hiftoire Narurelle ; mais de L'Hifloire Naturelle, prife dans Ja plus granite 
étendue, c'eft-a-dire , pour la defcription de tous les êtres qui compofent cer 
univers , G de leurs propriétés & qualités. 

Nous ne pouvons diflimuler qu'un pareil projet ne paroifle d’abord 
trop vafte & étonnant par fon immenfe étendue , lorfqu'on imagine 
que l'Auteur a deflein d'épuifer dans fes defcriptions , chacune des ma- 
tières qu'il y renferme; & nous avouons qu'il nous a fait d'abord cette 
impréflion : mais nous ayons été détrompés, en examinant l'exécution de 
certaines parties du Plan général, & en reconnoiffant ainft le but & les 
limites que M. Adanfon s’eff preftrites. 

IL y a long-tems que les Philofophes , pour réunir fous un feul point 
de vue les connoiffances humaines , en ont formé des plans fyftéma- 
tiques; on connoît celui de l'illuftre Chancelier Bacon, & celui des 
favans Editeurs de l'Encyclopédie : M. Adanfon habitué à ranger par 
ordre les différens corps que lui offroit l'Hifloire Naturelle des trois règnes, 
a voulu ejjayer d'appliquer fa méthode fyffématique à d'autres objets 
qui lui paroïflent étrangers , mais qu’il a Ju y lier par des rapprochemens 
affez ingénieux. 

Dans ces parties de fon Plan fyftématique, étrangères à l'Hiftoire 
Naturelle, fes notes fe réduifent fouvent à de pures indications, fans 
aucune defcription fuivie & détaillée : telles font, par exemple , les 
analyfes des Arts, de la Phyfique générale & expérimentale , de la Chy- 
mie, &c. Cet Académicien fe contente d’une Éapie nomenclature ; il 
embraffe pour lors l'orbe des connoiffances humaines, en le faififlant & 
l'indiquant par autant de petits côtés qu'il y a de traits & de qualités dif 
tantes dans chaque objet. 

Bien loin donc d’avoir formé le projet d'éclaicir toutes les ma- 
tières fur lefquelles on n’a encore que des connoïflances vagues &c 
incertaines, ou de remplir les vuides qui fe trouvent dans certaines 
parties des Sciences , il les prend comme elles font, & ne préfente 
qu'une analyfe fimple & méthodique aflujettie à fa manière de voir 
& de rapprocher : il fe contente de les avoir placées dans la diftri- 
bution générale , pour en former un tout complet; il les abandonne 
enfuite aux recherches des Savans, qui en font leur étude particulière. 

Mais dans les autres parties du Plan général où il ef? queftion des 
trois Règnes de la Nature , nous avons trouve les Colleëlions de M. Adan- 
fon remplies de recherches G de notes très-détaillées , @ leur réunion 
pourroit former des traités complets ; nous y avons vu des deftriptions de 
genres, d'efpèces & d'individus très-foignés, G où les caraëlères qui 
peuvent fervir à leur arrangement général, font expofés d’une manière f 


Tome V, Part. V, 1775. 


# 


442 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


claire G ft méthodique, qu’elles nous ont paru être des modèles en ce 
genre; enfin nous y avons parcouru les réfultats d'un grand nombre d'ob- 
Jervations & d'expériences qui font propres à M. Adanfon. Nous pourrions 
citer ici un traité fur les progrès de la végétation comparés avec les 
différens degrés de la température de l'armofphère , & particulière- 
ment fur les progrès de la végétation des fromens, fur leurs efpèces, 
fur la variété de leur culture, &c. un traité prefque achevé fur les Spe- 
cies Plantarum, &c. 

Nous devons obferver ici que M. Adanfon nous a paru , avec ces 

materiaux la plupart rédigés , en état d'enrichir l’Hiftoire Naturelle des 
Animaux & des Végétaux, & d'augmenter la chaîne des êtres connus 
dans ces parties. Nous croyons même que M. Adanfon, trop occupé de 
l'execution de fon Plan général, a nécligé de publier plufieurs découvertes 
gu'il a faites depuis long-1ems , [e contentant de lier a fes féries générales ; 
des obfervations neuves @ précieufes, qu'il a laiffées dans l'obfcurité & 
dans une e/pèce d’oubli : c'eft un reproche que nous lui avons fait fouvent , 
& que nous répétons devant l’Académie , pour engager M. Adanfon à 
s'acquitter envers elle & le Public, en donnant dans fes Mémoires ou 
ailleurs, ces matériaux, qui n'en ferviroient pas moins à fon Plan géné- 
ral pour être connu des Naturaliftes. 
. Nous mettons au nombre des Ouvrages qu'il feroit avantageux de 
publier pour le progrès de l'Hiftoire Naturelle, la fuite du voyage de 
M. Adanfon au Sénégal. M. Adanfon nous a montré un grand nombre 
d'efpèces différentes d'animaux deflinés avec exactitude , & décrits avec 
foin ; & nous croyons que leur publication, non-feulement ajoute- 
roit à ce qui eft connu, de nouvelles efpèces & de nouveaux genres , 
mais même ferviroit à faire mieux connoître ceux qui le font déja: 
l Académie a vu quelques planches où ces deffins font rédigés en grand 
@ avec ious les accefloires capables de les rendre iniéref[ans ; mais 
nous defirons plutôt que nous nefpérons, les reffources qui feroient né- 
ceffaires pour faire paroïître lOuvrage avec cette pompe @ cette majefté 
dignes de la Nature. ‘ H 

Le cours d'Hiftoire Naturelle, rédigé par M. Adanfon, pour fervir 
aux leçons qu'il a faites fur cette Science en 1772, eft encore un des 
Ouvrages qu'il a le plus foigné, & qui fe trouve le plus en état de pa- 
roître. Nous n'en avons fuivi, au refte , ni la méthode, ni les principes 
particuliers pour ce qui regarde la minéralogie. Quant aux autres Rè- 
gnes, M. Adanfon a déja donné dans fes familles des Plantes & dans 
fa diftribution des Coquilles, des échantillons de nomenclature qui 
peuvent fufire pour en faire concevoir de grandes efpérances. 

Jufqu'ici nous n'avons parle que des Manulftrits de M. Adan/on. Il nous 
reffe encore deux grandes claffes de Colleétions à indiquer. La première 


ft 


À à 


x 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 443 


cf un Recueil trés-comples des Planches gravées jufqu'à préfent, & qui 
repréféntent les différens individus des trois Règnes de la Nature. M. Adan- 
Jon les a diftribuées [uivant [on fyflême général & méthodique, € elles 
doivent être confidérées comme une partie effentielle du grand Ouvrage de 
M. Adan{on : nous avons vu auffi parmi ces Planches, un grand nombre 
de deffins que M. Adanfon a faits lui-même, & oùl'on reconnoit les détails 
& l'exaëlitude précieufe de l'Obfervateur , toujours préférables à la manière 
agréable du Peintre. 

La feconde Collection eft compofée de la fuite nombreufe des indivi- 
dus mêmes des trois Règnes en nature: les échantillons des Végétaux 
font on ne peut pas plus complets; certaines fuites d'animaux nous ont 
paru très-nombreufes; enfin les Minéraux forment une Collectioninftruc- 
tive & intéreflante. 

Nous nous bornerons à ces généralités fur les Colleétions de M. 
Adanfon. Notre examen ne nous a pas mis en état de garantir la fom- 
me à laquelle M. Adanfon fait monter tous ces individus. Au refte , ils 
font exaétement diftribués fuivant le fyftème général de M. Adanfon, 
qui, toujours occupé de fon objet à mefure qu'il étudioit la Nature & 
qu'il en rafflembloit les productions , a toujours été attentif à en faire une 
application fuivie & journalière, 

D'après Les détails dans lefquels nous fommes entrés , pour prendre une 
idée du travail de M. Adanfon & du grand Ouvrage qu'il a entrepris 
fur l'Hifloire Naturelle, il fuffira de réunir , 1°. les matériaux qui 
fervent au développement de [a claffification des êtres & de leurs qua- 
lirés ; 2°. les defcriptions des êtres des trois Reègnes qu'il a claffés x 
3°. enfin , les Planches & les Deffins qui repréfentent ces différens êtres. 
Ce point de vue, étonnant par la multiplicité des objets qu'il comprend , 
nous a convaincus que tous les fecours qu'on pourroit attendre des Sou- 
verains qui protègent les Sciences , ne pourroient mettre le Public en 
poffeffion de toutes ces richeffes réunies fous un feul plan. De cette réfle- 
xion affligeante & vraie, nous avons conclu que M. Adanfon devoit 
fur-tout s'occuper à détacher ce qui lui appartenoit dans ces maté- 
tiaux , & à le rendre public, afin que dans l’exécution d'un aufli vafte 
projet qui pourroit avoir lieu par la fuite, on puifle le compter 
parmi ceux qui auront contribué à mettre de nouvelles obfervations 
dans la mafle des faits qui ferviront de bafe & de matériaux à ce grand 
travail. 7 

Telles font les réflexions que nous a fait naître l'examen des Ou- 
vrages de M. Adanfon, & nous croyons devoir en faire part à l'Aca- 
démie, pour nous acquitter de la commiflion dontelle nous avoit chargés. 
Fait à l'Académie, ce 4 Mars 1775. Signé, DE FOUCHY , LE Roy, 
GUETTARD, DESMAREST. 


Tome V, Part. PV, 1775. LIl 


444 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


LD Len AGEN RS à VE 


Adreffée à M. le Comte DE TRESSAN, Lieutenant - Général des 
Armées du Roi, des Académies Royales des Sciences de Paris, de 
Londres, de Berlin, d'Édimbourg, &c.; par M. D.F.L. G.E.V.S. 
DE MONTELIMART. 


UA ND on a lu avec autant de plaifir que moi, vos Confidéra- 
tions Philofophiques fur l'Electricité , on eft excufable de devenir im- 
ortun , en vous follicitant fans cefle de vouloir enfin rendre cet Ou- 
vrage public (1). Deux motifs bien puiflans ont engagé vos amis à 
vous demander cette grace: le premier rend à favorifer la fcience; le 
fecond à conftater vos découvertes, & à leur donner par la publicité 
une date certaine. 

Je n'ignore pas qu'en 1748, les Commiffaires nommés par l'Aca- . 
démie des Sciences pour l'examen de cet Ouvrage, en firent le rap- 
port le plus avantageux ; & ce rapport fut inféré dans les reoiftres de 
cette favante Société , ainfi que jen ai jugé par l'extrait qui eft à la 
tête de votte manufcrit: mais permettez-moi de vous repréfenter que 
cette précaution ne vous mertroit pas entièrement à l'abri de toute 
conteflation fur la multitude des découvertes importantes qui vous 
fonc propres , & qu'il eùc été à defirer que vous eufliez alors rendu 
publiques. 

Quant à moi, fans vouloir vous dire ici des fadeurs , je ne me laffe 
pas avec tous ceux qui ont lu votre Ouvrage, d'admirer l’heureux effort 
de génie qui vous fit entrevoir le premier, &c dans le terns où la théorie 
de l'Electricité étoit dans fon œuvre, ce Auide igné, cet agent incom- 
préhenfible, jouant un des principaux rôles dans le grand fyflème des: 


(1) M. le Comte & Treffan, des Académies Royales des Sciences de Paris, de 
Londres, de. Berlin, d'Edimbourg, &c. le confident intime du feu Roi Srniflus, 
& l'ami de M. de Voltaire, fit fon Ouvrage fur l'Ele@ricité à’ Boulogne-fur-mer, 
dans le tems qu'il commandoit en Boulonnois & en Picardie en qualité de Lieu 
tenant-Général; il l’envoya, en 1748, à l'Académie des Sciences; elle nomma pour 
Commiffaires à l’examen de cet Ouvrage, Meflieurs de Rézumur, de lz Conda- 
mine, Morand père, & Noller, qui portèrent le jugement le plus favorable fur 
ce Traité. Ce fut à cette époque que cette Académie reçut M. le Comte de Treffar 
en qualité d'Affocié-libre; mais diverfes occupations le détournèrent de publier cet 
Effai (avant f#r le Fluide électrique confidéré comme agenr univerfel, & cet Effai 
eft un Ouvrage fort étendu, rempli des vues les plus neuves, & écrit d’un ftyle 
égal à celui du Pline François, : 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 44$ 


tres; vous exprimâtes dès-lors vos vues & vos idées, d’une manière 
aufli neuve & auf intéreflante que Le fujet même que vous traitiez, 8e 
vous avez eu dans la fuite la fatisfaction de voir que la plupart des expé- 
riences qui ont été faites depuis plus de vingt ans, font venues à l'appui 
de votre théorie. 

Il eft arrivé cependant que des étrangers qui n'ont travaillé que 
long-tems après nous , pailent pour être les premiers qui ont décou- 
vert plufieurs des chofes qui vous étoient familières , qe des tems 
bien antérieurs aux recherches de ces étrangers. Ce n'eft pas que je 
ptétende ici leur enlever le mérite de leurs travaux & de leurs décou- 
vertes , que je crois bien à eux , parce que je fuis perfuadé que plu- 
fieurs perfonnes peuvent quelquefois fe rencontrer , & avoir les mêmes 
idées fur un même fujet: mais il me paroït jufte que celui qui peut 
EN qu'il a atteint le premier au but, jouifle des honneurs de la 

écouverte. | 

Je fuis bien aife à ce fujet de vous faire part de quelques obfer- 
vations que j'ai faites en lifant le Difcours fur la torpille, qui vient 
de paroître dans le Journal de Phyfque & d'Hiftoire Naturelle ; 
vous verrez par cet exemple , combien les Anglois font plus jaloux 
que nous de fixer les époques de leurs découvertes, & comment, en 
paroïflant rendre juftice & donner des éloges dans certains cas, à 
nous François, ils favent cependant très-bien nous mettre de côté. 

Ce Difcours fur la torpille , traduit de l’Anglois par M. Le Roy, 
fi avantageufement connu dans la Phyfique, fut prononcé dans AÇ 
femblée annuelle de là Société Royale de Londres, le 30 Novembre 
1774, par M. Pringle, Préfident de cette Société, & fut fait dans 
l'intention de rendre compte des expériences de M. Walsh fur ce poiflon 
fingulier. 

M. Pringle place fort à-propos, dans le commencement de fon 
_Difcours , les recherches & les obfervations chronologiques qu'il avoit 
faites fur tout ce qui a été dit par les anciens & par les modernes, 
touchant l’hiftoire naturelle de ce poiflon ; & il faut rendre juftice à 
M. Pringle, cette partie ne laifleroit rien à defirer, sil eùt voulu 
placer en marge de fon Difcours, les citations originales fur lefquelles 
il s'appuie: cette manière , plus füre & plus méthodique, auroit évité 
bien de la peine à ceux qui voudront vérifier les mêmes autorités 
dans les Auteurs anciens que Le favant Préfident fait pafler en revue, 
tels qu'Hippocrate , Platon, Ariflote, Théophrafte, Pline, Plutarque, 
Ælien , 6c. RCE 

Venant enfuite aux modernes , M. Pringle fait mention de Redi , 
de Borelli , de Stenon , de Laurenzini, de Claude Perrault, & de 
M. de Réaumur , qui avoient expliqué chacun à leur manière, les pro+ 


\ Tome V, Part. V. 177$: Lille 


446 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
priétés de la torpille , mais qui n’y avoient jamais foupçonné le moindre 
principe d'électricité. 

Ce futen 1757, felon M. Pringle, que M. Allamand , célèbre Pro- 
fefleur de Leyde, ayant entendu parler d’un poiflon dans les Etablif- 
fements Hollandois , à Surinam , femblable à une anguille de l'efpèce 
des congres , & ayant les propriétés de la torpille , s’adreffa à fon 
ami M. sGravefande , Gouverneur d'Effequebo , qui , après avoir exa- 
miné ce poiflon avec attention, écrivit en 1757 une lettre à M. AI- 
lamand , publiée peu de tems après dans le fecond volume des Fran- 
factions de la Société de Harlem, par laquelle il lui apprend que certe 
efpèce d’anguille, appellée par les Hollandois , fidder-vis ( le poiflon 
tremble), avoit produit les mêmes eflets que l'électricité, & que 
les commotions que ce poiffon faifoit éprouver, étoient beaucoup plus 
violentes que celles de la bouteille de Leyde, quand il étoit des plus 
vifs G des plus forts de fon efpèce ; car alors, il renverfoit la perfonne 
gui le touchoit. 

On ne pouvoit pas, il faut en convenir, s'énoncer d'une manière plus 
claire ; on voit que M. s'Gravefande avoit très-bien obfervé l’analo- 
gie des effets de cette efpèce d’anguille, avec ceux de l'électricité , 
& que d’après l’ordre chronologique que M. Pringle mettoit dans 
fon Difcours, M. s Gravefande étoit le premier en poffeffion de la dé- 
couverte de la propriété électrique dans le trembleur dés Etabliffemens 
Hollandois de Surinam. Il n’eft point queftion encore, comme vous 
le voyez , d'aucun François qui ait fait la même découverte. M. Prin- 
gle, après avoir parlé de cette époque de 1757, relative à M. sGrave- 
Jfande, continue , ouvre le fixième volume de la Société de Harlem , 
& rappelle les détails des Lettres de M. Wander-lott, datées de Rioef 
fequeba en 1761 , & nous apprend que ce dernier Obfervateur avoit 
remarqué une reffemblance étonnante entre les effets de ce poiffon € ceux 
d'un appareil éleétrique. Il y a plus 3 il obferva qu'on pourroit en faire 
reffentir le choc au doigt d’une perfonne placée à quelque difiance de la 
bulle d’air formée par cette anguille, quand elle monte à la furface de 
l'eau pour refpirer. Jufques-là , point d'Obfervateur François, & c'eft 
toujours M. s'Gravefande qui a apperçu le premier l'électricité dans ce 
poiffon. 

Cependant on voit paroître enfin M. Adanfon , & l'on fe perfua- 
deroit, par la place qu'on lui fait occuper, qu'il n'a fait fes obferva- 
tions qu'après M. Wander-lott, fi M. Pringle n'avoit l'attention de 
nous prévenir, gW'à-peu-près dans lé même tems que M. s Gravefande 
découvroit en Amérique les propriétés électriques du Gymnotus, M. Adan- 
fon, célèbre Naturalifte François, trouvoit dans La rivière du Sénégal en 
Afrique, un poiffon , ou le même, ou très-reffemblant, &c. dont les 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 447 


effets ne lui ont pas paru différer fenfblement du choc de la bouteille 
de Leyde. k 

On pañleroir à M. Pringle, d’avoir interverti l’ordre chronologique 
pour pue les honneurs de [a place à deux Etrangers au préjudice 
d'un François; mais l’ordre des faits devant être immuable, M. Adan- 
Jon feroit, fondé à fe récrier , fur ce qu'on lui fait faire fes obferva- 
tions fur le trembleur du Sénégal d-peu-près dans le même tems que 
M. s'Gravefande ; tandis qu'elles étoient antérieures de plus de quatre 
ans, Suivons , pour ne laifler aucun doute fur ce point, le Journal du 
voyage de M. Ædanfon au Sénégal ; on y lit, à la page 137, les paro- 
les fuivantes. 

« J'érois le 25 du même mois (on apperçoit en marge, 1751 Sep- 

» tembre ) fur le bord de la mer, occupé à obferver la hauteur des 
» marées de l'équinoxe, &c. Le lendemain on pêcha dans les eaux 
» douces du fleuve, un poiflon qui a peu de rapport avec ceux qu'on 
>» connoît jufqu'à préfent : fon corps eft rond , fans écailles, & gliflant 
» comme celui de l'anguille, mais beaucoup plus épais, par rapport 
» à fa longueur ; il a aufli quelques barbillons à la bouche ; les Nègres 
> le nomment ouanicar , & les François trembleur , à caufe de la pro- 
» priété qu'il a de caufer, non un engourdiflement comme la tor- 
>» pille, mais un tremblement très-douloureux dans les membres de 
» ceux qui le touchent. Son effet, qui ne m'a pas paru différer fen- 
> fiblement de la commotion éleétrique de l'expérience de Leyde, 
» que j'avois déja éprouvée plufieurs ni fe communique de même 
» par le fimple artouchement , avec un bâton ou une verge de fer de 
» cinq ou fix pieds de long , de manière qu’on laifle tomber dans le 
» moment tout ce qu'on tenoit à la main; J'ai fait plulieurs fois cette 
» expérience , & celle de manger de la chair de ce poiflon , qui quoi- 
» que d’un affez bon goût, n'étoit pas d’un ufage également fain pour 
» tout le monde ». 

. Voilà donc , en 1751, M. Adanfon qui écrit en Naturalifte & en 
Phyficien , qui avoit très-bien obfervé dans le trembleur du Sénégal. 
un des plus puiflans phénomènes électriques , celui de l'expérience de 
Leyde; il eft donc inconteftablement le premier qui fe foit exprimé 
d'une manière non équivoque , fur la propriété électrique de ce poiflon; 
il falloit donc lui rendre juftice, & ne pas le placer après les autres. 
M. s'Gravefande n'étant venu qu'après lui, M. Pringle ne feroit pas 
fondé à objeéter ici que l'Ouvrage de M. Adanfon n'étant imprimé 

uen 1757, & la lettre de M. s Gravefande ayant été rendue publique 
ss la même année, il a été fondé de rapprocher les obfervations de 
ces deux Savans, & de les placer à-peu-près dans la même époque : 
mais il eft aifé de répondre, 1°. que le voyage de M. ÆAdanfon , étant 


Tome F, Part, V, 1775. 


448 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 

écrit en forme de Journal , on y voit qu'il s'embarqua pour Le Séné- 
gal le 20 Décembre 1748, & ne fut de retour à Paris que le 
18 du mois de Février 17543 qu'à cette: dernière époque, non-feule- 
ment toutes fes obfervations étoient déja faites, mais qu’elles étoient 
rédigées par écrit: 2°. M. Pringle n'avoit qu'à jetrer un coup-d'œil fur 
le certificat de l'Académie des Sciences qui eft à la tête de l'Ouvrage 
de M. Adanfon fur le Sénégal; il y auroit vu que le certificat figné 
par MM. de Réaumur & de Juflieu , eft daté du 4 Décembre 17565 
qu'il avoit fallu avant l'expédition de ce certificat, que M. Adan/on 
mit fon manufcrit en règle; qu'il demandit des Commiffaires pour 
l'examiner; que les Commiflaires nommés euflent le tems de le lire, 
circonftances qui entraînent néceffairement toujours beaucoup de lon- 
gueurs: enfin, M. Ædanfon n'avoit aucun intérèt certainement d'anti- 
dater dans fon Journal, les époques de fes Obfervarions. Il eft affez 
notoire, comme on le voit, que M. Ædanfon avoit apperçu, long- 
tems avant M. sGravefande , les effets électriques du trembleur ; 
M. Pringle auroit donc dû le placer avant l'Obfervateur Hollandois , 
à qui ilne faifoit aucun tort, d'autant mieux qu'il ef poflible , sie 
eft même à préfumer que, quoique Les Obfervations de M. s’Gra- 
vefande faffent poftérieures à celles de M. 4danfon, elles ont été faites 
de bonne-foi, M. s Gravefande pouvant n'être pas inftruit de celles de 
M. Adanfon. ; 

Je dirai plus: c'eft que je fuis perfuadé que d’autres Savans un peu 
familiarifés avec les expériences électriques , auroient probablement 
entrevu la même analogie, s'ils avoient été à portée d'examiner de 
près des poiflons de cette efpèce: mais toujours eft-il que per- 
fonne , avant M. Adanfon, n'a publié d’obfervation à ce fujet. Il eft 
donc jufte que l'honneur de la primauté lui demeure , jufqu'à ce 
qu'on puifle prouver que d’autres avoient fair avant lui les mêmes 
découvertes. 

Je me fuis apperçu encore que C'eft fans fondement que M. Pringle 
veut faire entendre qu'il a lieu de penfer que M. Walsh n'a pris dans 
aucun des Auteurs modernes qui ont apperçu l'éleétricité dans le 
trembleur, l'idée de fes expériences, mais uniquement de ce qu'il avoit 
lu concernant la torpille, dans des Auteurs qui ne penfoient à rien moins 
qu'à en rapporter les effets à une caufe éleétrique, 6 dont un grand nom- 
bre vivoient long-tems avant que les loix de l’élettricité fuffent connues. 
Pout qu'une telle affertion fût foutenable , il falloit que M. Pringle 
prouvat préliminairement limpoffibilité phyfique dans laquelle éroit 
M. Walsh de pouvoir fe procurer les Ouvrages de M. Adan/on, de 
M. s'Gravefande , de M. Vander-lot, & autres qui avoient écrit bien 
long-tems avant qu'il eût fait fes expériences : ce feroit prefque le cas 


\ 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 449 


de faire ufage ici de cet ancien proverbe, qui dit que, qui veut trop prou- 
ver, fouvent ne prouve rien, Ce n’eft pas que je prétende vouloir dimi- 
nuer en rien le mérite de M. Walsh, qui a fait dés expériences très- 
ingénieufes fur la torpille , dont la Phyfique doit lui favoir gré: mais 
jétois bien aife de démontrer ici que c’eft à un Académicien François 
qu'on devoit les premières Obfervations relatives aux propriétés électri- 
ques du poiflon trembleur ; qu’on lui donnoit mal-ài- ropos pour con 
current M. s'Gravefande, qni n’avoit eu les mêmes Fées fur ce poiflon 
que bien long-tems après M. Adanfon. 


J'ai l'honneur d’être, &c. Paris, le 4 Avril1775 


| NO UV: EL L ES Doi sup: 
EXPÉRIENCES ÉLECTRIQUES, 
Faites par M. Com US Le 4 Mai SANS Mhvuse Son 


: Alieffe Séréniffime Monfeigneur le Duc DE CHARTRES, 
en préfence des perfonnes déja citées. :. > 


AI prouvé depuis dix-huit mois , par des expériences fans replique , 
que le verre donnoit des fignes d'électricité, beaucoup plus vire par 
communication que par frottement, & qu'il confervoit cette propriété 
plus long-tems. Deux tubes de même grandeur & de même verre, 
J'un ébectrifé par frottement, & l'autre par communication dans un 
tems donné; celui électrifé par frottement à conférvé la propriété d’at: 
tirer des, “psp légers pendant une heure, & l'autre l’a confervée cinq 
jours. [Left des rerres & pierres qui deviennent électriques, ainf que le 
verre par communication. & qui confervent ces fignes électriques fans 
être ifolés. J'ai donné , ainf.que plufeurs Auteurs | des tables ‘a diffé- 
rentes pierres, cailloux & #cryftaux, devenus éleétrjiques par frottement 
& communication : je me fuis trompé ainfi qu'eux; plufieurs de ces corps 
m'ont paru éleétriques, qui ne l’étoient que par les fubftances qui les 
montoient ou les fupportoient. J'aitecommencé cer examen avec la plus 
grande attention , afin d'éviter ces méprifes. Le but de mes recherches 
eft de découvrir les pierres , terres & cailloux propres À devenir élec- 
triques ; enfuite , d’analyfer par les procédés ufités en Chymie , toutes 
ces pierres, terres & cailloux , afin de connoître leur combinaifon 
ainfi que leur terre dominante. D'après ce travail, je pourrai décider 


: «Tome, V,-Part, V. 177$. 


4$o (OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 

là terre qui fert de matrice à ce fluide univerfel & ‘qui en eft péné- 
tréel, de même que celle qui eft réfractaire, & donc les premières 
parties ne peuvent être divifées’, & conféquemment pénétrées par ce 
fluide: c'eft aux différentes combinaifonse de ces deux terres que 
nous devons tous les phénomènes que Pélectricité préfente, Je fuis 
aidé, dans ces recherches, des lumières de MM: Darcet & Rouelle, 
dont Les connoiflances dans cette partie de Chymie, font avouées de 
tous les Savans. $ 

J'ai électrifé une partie de pierre filiceufe, comme pierre à fufil, 
blanche & noire, pièrre cornée, agathe de toutes couleurs , d'Orient 
& autres, au nombre de plus de trois cents; le jafpe, la calcédoine , 
aucunes n'ont donné de fignes électriques par frottement ni par com- 
munication. Je n'ai trouvé que deux plaques de cailloux, qui font devenues 
électriques ainfi que le verre: je les ai garnis deflus & deflous, d’une 
plaque d’étain ; ils ont donné la commotion. Ces cailloux font de cou- 
leur rouge, à-peu-près comme la cornaline. Toutes les cornalines, quoi- 
que rangées dans la clafle des pierres filiceufes , deviennent éleétriques 
aufli parfaitement que le verre; plufieurs morceaux de lave, bien polis, 
m'ont donné des fignes électriques. 

J'ai électrifé différens porphyres, oranits & brocatelles, qui ne m'ont 
donné aucuns fignes électriques : j'ai foumis à la même épreuve plufieurs 
marbres communs & fins qui ne le font pas devenus, excepté ceux vei- 
nés de blanc. Voici un fait fingulier. J'éleétrife une pièce de marbre 
de différentes couleurs ; les corps légers ne font attirés que vers les 
points blancs. Le marbre blanc , veiné de noir, né donne aucun figne; 
l'albâtre calcaire devient parfaitement électrique , le gipfeux ne donne 
aucune marque. 1 " ; ‘ * 


Ces effais font faits avec l'attention la plus fcrupuleufe. Comme 
la forme ronde eft ‘celle qui reçoit & conferve’ plus long-temis fes 
fignes électriques , j'ai fait tourner & polir toutes les piertés qui m'ont 
fervi pour ces expériences je fais railler en plaque celles qui mont 
rendu, afin de les garnir de fa£on à dünner’l4 commiôtion." Je’ ren 
drai compte, dans les Journaux prochains, des effais tentés fur toutes 
les terres pures &Pcombinéés; foumifes À Ia Cuiflon où à la vitri- 
fication. LATE } sf Ils 2G O3 € 1 171 { ) 


VU OBSERVATIONS 


Le 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 451 


U 


ONMBISE RFF ATIONS 


Sur la lumière de l'Eau de la Mer; 


Par M DE LA COUDRÉNIERE. 


fs: Phyficiens font peu d'accord fur la caufe qui rend la mer [u- 
mineufe quand elle eft agitée. Les uns difent qu'on doit l'attribuer 
a des inbaes lumineux ; les autres à une matière phofphorique : 
cette dernière hypothèfe paroït aflez convenir aux Obfervations fui- 
vantes. 

Dans tous les climats, le choc rend la mer lumineufe, plus dans 
les pays chauds , & moins dans les pays froids: je l'ai obfervé toutes 
les nuits, depuis les côtes d'Europe & d'Afrique , jufqu'au fond du 
golfe du Mexique, & depuis le golfe de Saint-Laurent jufques dans 
la Manche. La même chofe s’obferve dans toute l'étendue de la mer 
du Sud , & celle des Indes Orientales ; il n’eft guère poflible que les 
infectes lumineux qu'on a obfervés dans quelques parages , exiftent. 
dans tous les climats & dans toutes les faifons. Si cela étoit, ce 
feroit un phénomène plus merveilleux que la matière phofpho- 
rique. 

\ La lumière de l'eau de la mer eft fi brillante dans la zône torride, 
qu'on la voit très- diftinétement au plus beau clair de la lune, & à 
plus de trente pieds de diftance. « - 

Derrière le vaifleau, où fa marche occafionne des bouillonnemens 
des remoux , des tourbillons & autres mouvemens à l’eau de la mer 4 
les lumières y font fi variées, fi nombreufes & fi éclatantes que la vue 
en eft éblouie. : 

L'écume que forment les vagues de [a mer paroît lumineufe dans 
tous fes points ; elle reffemble à une neige argentée ou nacrée ; 
l'éclat en eft d'autant plus grand ou plus vif, que la nuit eft plus 
obfcure. 

Il y a des lumières qui paroiffent fixes ; elles gardent entre elles les 
mêmes diftances ; d’autres paroïffent fe détacher de la mer, & voltiger fur 
fa furface en plufieurs manières , mais le plus fouvent en ligne droite, 
Ceci a beaucoup de rapport aux méréores Rp ; mais il n’en a 
guères avec des infeétes gros comme la tête d'une petite épingle, qui 
ne font lumineux que dans une partie de leur corps, & qu'il faut voir de 
près dans un lieu très-obfcur. 


Tomek;/ Parts PF 3775. Mmm 


2 


452 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Ces lumières font de différentes grandeurs , depuis moins d’un 
uart de ligne, jufqu'à plus d'un pouce en diamètre : on ne peut pas 
dire que des amas d’infectes forment ces grandes lumières ; l’agita- 
tion de la mer eft plus capable de féparer ces infectes que de les raf- 
fembler. 

La durée de ces lumières varie autant que leur grandeur ; les 
unes n'ont que la durée d’un éclair , les autres ont celle de plufieurs 
fecondes. 

Il y a des jours, & même des heures, que ces lumières font plusnom- 
breufes & plus brillantes. Ces lumières ne paroiflent fe former qu'à la fur- 
face de l’eau & au contact de l’atmofphère. : 

On ne trouve point de ces infectes lumineux dans la pleine mer, 
À où fa grande profondeur la fait paroître d’un bleu noirâtre ; 
mais on trouve par-tout la matière phofphorique qu'elle contient. 
abondamment fous la forme de parties falines, huileufes & bitumi- 
neufes, qui peuvent s'éleétrifer & s'enflammer lorfque l'air y com- 
munique. 

IL eft furprenant que des Phyficiens célèbres aient attribué ce météore 
marin, qui ne fe fait voir qu'à la fuperficie de la mer, à des infectes microf- 
copiques qu'ils ont vus dans du goëmon. 


O°B SERV A TH ONU 


Sur les Cidres, & expériences relatives; 


Par M DE LA Forzre;, de l'Académie de Rouen. 


LÉ E Parlement de Normandie , toujours occupé du bien public, vient 
de rendre un Arrêt concernant les boiffons du pays, par lequel il 
eft défendu , fous des peines rigoureufes , d'y mêler des chaux de 
* plomb. Cet Arrêt, dicté par l'humanité, pourra devenir encore fuf- 
ceptible d’une plus grande extenfion. Il n’eft malheureufement que trop 
aifé de falffier des Poiffons , fans s’expofer aux regards des dénoncia- 
teurs. Suppofons un de ces hommes qui aura gardé des boïflons dans 
lefpoir d'en obtenir un prix plus confidérable ; il attend les événemens, 
mais les boiffons n’augmentent pas de prix ; cet homme a déja de 
lhumeur. Ses cidres tournent à l’aigre ; nouveaux fujets de chagrin. 
Comment réparer cet accident ? Emploiera-t-il du fucre brülé ou non 
brûlé? Cette correction feroit,.à la vérité, falubre , mais elle feroit 
trop coûteufe. Cet homme intéreflé ne confidère point dans fes calculs 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 443 


la fanté de fes compatriotes. La litharge ou la cérufe fupplée donc à 
des frais plus cu fdérables Enfermé dans fon cellier, il forme fecrer- 
tement fes mixtions, & bientôt il diftribue dans le public fes liquides 
poifons. C’eft donc dans le propre ouvrage de cet homme qu'il fauc 
Chercher fa condamnation. 

J'invite tous les Chymiftes à multiplier les expériences fur cet objet, 
& à confidérer que ce qui tend à la confervation des humains , fera tou- 
jours la partie la plus effentielle en fait de connoiffances. Tels font les 
premiers effais auxquels je me fuis appliqué. Peut-être parviendra-t-on 
à donner M RE encore plus décifives, Je le die bien fincère- 
ment : dans de pareilles circonftances , le véritable zèle n'a point de 
prétentions. 

On me remit , il y a quelques jours, du cidre à examiner , en m'a- 
vertiflant en même tems que celui qui l’avoit acheté & en faifoit ufa- 
ge, fe crouvoit très-incommodé ; que huit à dix de fes ouvriers étoient 
tourmentés de coliques ; que deux perfonnes d’une autre maifon 
qui buvoient le pareil cidre reffentoient les mêmes incommodités. Le 
premier moyen que j'employai fut de le foumettre à l'épreuve du foie 
de foufre , épreuve indiquée & rendue publique , épreuve fufifante dans 
quelques circonftances , mais que je crois infufhfante dans d’autres. En 
effet , après avoir jetté du foie de foufre en liqueur dans un verre rem- 
pli de ce cidre , il fe forma un dépôt : mais ce dépôt ne me parut autre 
chofe que du foufre régénéré ; je ne diftinguai point de couleur noire, 
qui mindiquât la préfence du plomb. Toute la différence que je re- 
marquai d'avec un autre cidre , dont je connoiflois la bonté , c’eft 
que le dépôt de ce cidre mal-fain étoit un peu plus abondant, & me 
parut fe cailleboter en fe précipitant. Cependant, j'eftimois que cette 
différence étoit peu de chofe , & j'aurois peutêtre., fans plus ample 
examen, garanti la falubrité de ce cidre , fi la perfonne qui me l'a- 
voit remis ne mavoit pas annoncé des effets qui fembloient. déceler 
évidemment une qualité défectueufe. Je fis donc l'opération fuivante. 

Après avoir fait difloudre à froid , & dans un vafe de faïance , 
une demi-livre de potafle dans une pinte d’eau , je mis filtrer cette 


leflive au papier gris dans un entonnoir de verre; je la remis de nou+ 


veau dans le filtre , afin qu’elle füt de la plus grande limpidité, Je 
verfai une once de certe leffive dans un verre du cidre en queftion , 
& pareille quantité dans un autre verre de cidre dont la pureté m'étoie 
connue. Je fus très-furpris de voir fur le champ des différences auf 
fenfibles. Le mauvais cidre fe troubla , & il s'y forma un dépôt de 
plus d'un pouce de hauteur: le bon cidre, au contraire, ne donna au- 
cun dépôt; ce fut en vain’ que j'y ajoutai encore de la leflive, il ne f 
forma pas le moindre nuage : fa couleur devenoit plus foncée , fans 


Tome Ÿ, Part. F, 1775. M m m 2 


“€ 


454 OBSERVATIONS SUR L'AMPHYSIQUE; 

que la liqueur perdit de fa limpidité. Je me doutois bien que le cidre 
que l'on m'avoir donné à examiner contenoit une quantité de craie; 
car deux heures après la précipitation, il s'étoit formé une pellicule 
fur fa furface. 

Ne feroit-il donc pas néceflaire de profcrire au cette matière ? Pre- 
miérement , elle eft inutile pour l'effet qu'on en defire , puifqu'on peut 
fe le procurer par d’autres matières non fufpectes. En fecond lieu , elle 
eft dangereufe , en ce que le plomb peut fe trouver déguifé dans lé 
fel crétacé qui réfulre À ce mêlange, au point de n'être plus affez à 
découvert pour fe noircir aux Lie du phlogiltique , & par con- 
féquent , de réfifter à l'épreuve du foie de foufre. 

Je ne parle pas ici des maladies que la craie peut occafionner , quoi- 
qu'on l'adminiftre comme remède falutaire en certaines circonftances. 
Le mélange de craie & de plomb ne noircit donc pas toujours aux ap- 
proches du foie de foufre : en voici la preuve. 

J’ai pris une pinte de cidre dans lequel le foie de foufre n’avoit point 
décelé le plomb ; après y avoir ajouté l'eau de potafle , il en eft donc 
réfulté le précipité. J'ai mis ce précipité dans le filtre ; j'ai mis en- 
fuite cette matière précipitée dans un creufet. J'ai pouflé le feu vive- 
ment, après avoir ajouté un peu de füif. J'ai enfuite retiré le creufet, 
Ce après qu'il a été refroidi , je lai trouvé tapiflé d’une matière plom- 
bée , & qui avoit pénétré une partie du creufet. Or, on fait que le 
plomb, pouflé au feu, a la propriété fingulière de pénétrer les creu- 
{ets (1). 

Mais fans recourir à des expériences un peu plus compliquées , fi le 
Miniftère fe portoit à défendre la mixtion des matières calcaires dans 
les cidres , alors le Public feroit bien en sûreté. Chacun pourroit faire 
l'épreuve de l'eau de porafle, & elle feroit décifive pour l'achat. D'ail- 
leurs, il eft très-facile aux Marchands de cidre de fe pañler de ces 
mauvaifes drogues , d'autant plus qu'ils peuvent employer le fucre , foit 
le fucre brûlé pour rehauffer la couleur , ou non brûlé, lorfqu'il n'eft 
queftion que d’adoucir l’âpreté d'un cidre due commenceroit à pafler à 
la fermentation acide. Il leur eft encore facile de fe pafler de craie, 
{oit pour faire bouillir leur cidre , comme ils le prétendent, foit pour 
le clarifier. D'abord, ce prétendu bouillon m’eft autre chofe que le 
téfultat de la combinaifon de la terre calcaire avec l’acide , & il eft 
certain qu'une véritable fermentation , aidée par un peu de levain, 


(1) J'avois laïffé dans le creufet une partie du papier qui avoit fervi à filtrer, 
non-feulement pour ne pas perdre de précipité, mais pour y entretenir une ma= 
üère charbonneufe phlogiftiquée. Au refte, ce même précipité, extrait du filtre &c 
fondu avec le borax , a préfenté aufli une matière plombée, 


D és rs ot dose. Le ét à. 


: 
SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS 455$ 


feroic beaucoup lus faine. Quant À la clarification , ils peuvent fe 
fervir de blancsd'œufs ou de colle-de-poiffon : je vois au contraires 
que tous ces cidres qu'ils difent clarifier avec la craie ; deviennent en- 
fuite plus louches que les autres, parce que ces cidres retiennent en 
effet de craie en diffolution , quoiqu'ils paroiflent limpides. 
Telles font mes idées, Il y a d'honnêtes Marchands de cidre | amis 
de l'humanité , qui les adopteront avec plaifir , & qui , dans le befoin , 


* # ferviront de fucre brülé au’ lieu de craie & de litharge. Peut-être en 


eft-il d’autres qui Calculeront que la craie & la licharge leur tournent plus 
À compte (1) ; mais fi la notoriété de leur avarice échappe à l'épreuve 
du foie de foufre, elle n'échappera point à celle de l’eau alkaline , & 
des Magiftrats zélés pourront aifément maintenir le bon ordre dans 
une partie aufli effentielle pour l'humanité ( 2 )Ë 


TT TO RO NE RERO Te en een NU ARR | USE ES 

(x) Je dois ajouter ici une obfervation très-fi 
pour l’humanité, L’on eft dans l'habitude de rincer une bouteille avec du 
en grenaille. Je me fuis affuré que le grand frottement 
charge l’eau d’une quantité de molécules de plomb. Or, 
oublie de repañer quelques bouteilles à l’eau courante, 
pour peu qu'il foit verd, diffout des parties de plomb, & t 
pete quantité de ce métal, lorfqu'il eft diflous, caufe peu - à- peu des accidens 
ficheux. On fe plaint fouvent de douleurs d’eftomac, d’ 
d’autres mal-aifes dont on eft bien éloigné de foupconner le PATBRE: parce que les 
fYmptômes qu’occafionne une très-petite quantité de ce poilon, ne font pas aflez 
violens pour en déceler füur-le-champ la nature’ Je confeille d 
cet égard Pufage du plomb pour y fübitituer celui de Pétain. 
de le couler dans les moules où l’on fait ce qu’on appelle le pl 
de Pétain eft aufli bon, & il dure plus long-tems 
pas dans l’eau comme le plomb; d’ailleurs l’étain 
vin, & lon fair que le métal hon-diffous n’eft point un poifon. 

Il eft à defirer que cette note utile foit inférée dans tous les Papiers publics, 

(2) Ce n’eft pas aflez de configner dans des Livres les moyens de connoître Jes 
procédés frauduleux , & fouvent criminels , dont on fe fer dans la préparation des 
alimens de la muititude ; le pauvre peuple n’achète point de Livres, mais il lit les 
affiches. Qu'on l'inftruife donc par les afiches. Je pourroïs ici détailler routes 
mixtions ufitées pue les vins, mais à quoi ferviroit cette digreflion pour le peuple: 


Voyez volume du mois de Novembre 1771, pag. 114, les moyens pour connoitre 
Les Pins frelas. 


0 
= 


À 


Tome F, Part. F. 177$ 


456 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 6e. 


OO BOSSER NAT LION, 


Sur une forte de Bitume qui réfulte de Ja combinaifon de 
l'acide vitriolique avec le camphre & l'efprit-de-vin; 


Par M MONNET. 


E N parcourant le regiftre d'un Cours de Chymie que j'ai fait autre- 
fois, jai rencontré une obfervation qui m'a paru propre à intérefler 
les Lecteurs du Journal de Phyfique. La voici. Je pris quatre onces de 
camphre que je fis difloudre dans fufhfante quantité d'efprit-devin. Je mélai 
avec cer efprit-de-vin camphré, partie égale d'acide vitriolique concen- 
trée en poids. Je diftillai ce mélange dans une cornue de verre au bain 
de fable. Il monta une forte d’éther camphié très-fingulier. Cet éther , 
mêlé à de l’efprit de vin & noyé dans l'eau , ne manifeftoit rien du 
camphre ; il s’en féparoit feulement comme l’éther ordinaire : mais il 
éroit un peu plus épais lorfque cette diftillarion fut achevée , c’eft à- 
dire , qu'il ne pafla plus d'éther ; je dilatai les vaifleaux , & je verfai 
dans la cornue, de l'eau chaude à plufeurs reprifes. Après deux ou 
trois lotions , je vis qu'il reftoit au fond de ce vaifleau une mafle 
noire & tenace , adhérente au verre. Je brifai ce vaifleau , & j'en féparai 
cette matière que je maniai facilement. Je la lavai encore Rues 
fois dans l'eau chaude ; elle devenoit de plus en plus tenace , ferme 
& folide , au point de fe laifler couper. Je remarquai aufli que cette 
efpèce de Bitume éroit un peu élaftique. Je me difpofois à l'analyfer, 
lorfque je fus obligé de porter mon attention fur un autre objet. Mais 
je crois pouvoir conclure de cette expérience, que le camphre avoit 
été décompofé , que fes parties les plus groflières avoient été rere- 
nues par l'acide vitriolique , tandis que f=s parties les plus fubtiles 
s'étoient élevées avec l’éther, & étoient reftées combinées avec lui. 


“> 
Planche _15 


| 


ere in nes 


. 


PRET SE 


re 


4 É je: 
PURE, 
CE 


2 


EN 


ee 
DS 


A 72 SEUL 1775 


May 1776. 


SE 


ty 


OBSERVATIONS 


SE KR 


EX PHPSTI OU E; 


SUR L'HISTOIRE NATURELLE 


PRESSURE. L'ESPURES, 


AVEC DES PLANCHES EN TAILLE-DOUCE; 
DÉDIÉES 
A MonNseiGNEUR LE COMTE D'ARTOIS, 


Par M. l'Abbé Roz1ER, Chevalier de l'Eglife de Lyon, de l'Académie Royale 
des Sciences, Beaux-Arts & Belles-Lettres de Lyon, de Villefranche, de Dijon, 
de Marfèille, de la Société Impériale de Phyfique & de Botanique de Florence, 
Correfpondant de la Société des Arts de Londres, &c, ancien Direéleur de l'Ecole 
Royale de Medecine-Vétérinaire de Lyon. 


TOME CINQUIÈME. 


JUIN :775. 


x 
> Ÿ 
\t/ 
Lé 
A 


À PARTS 
Chez RUAULT, Libraire, rue de la Harpe, 


CL ES | 


M DCC. LXX V. 
4VEC PRIVILEGE DUROIL. 


LAURE € 
DIR SA RAT INGNENNNE S 


Contenus dans cette fixième Partie. 


Sur du Mémoire fur un Hygromètre comparable, page 457 
Mémoire fur les effets d'un Champignon, connu des Botanifles fous le 
nom de Fungus Phalloïdes annulatus, fordidè virefcens & patulus, 
Vaill. Bot. Pari. pag. 74; par M. Paulet, Doëkeur en Médecine 
des Facultés de Paris & de Montpellier ; Lu à l'Académie des Scien- 
ces, 477 
Mémoire dans lequel on prouve la poffibilité d'agrandir la Ville de Paris 
fans en reculer les limires , 499 
Calendrier Metéorologique du Climat de Paris, calculé par le Père Cotte, 
Prêtre de l’Oratoire, Curé de Montmorency, Correfpondant de l’'Aca- 
démie Royale des Sciences, Membre de la Société Royale d'Agriculture 
de Laon, SIi) 
Lertre de M. Potot de Montbeïllard , Lieutenant - Colonel d’Artillerie, 
écrite a M. le Comte de Buffon, qui répond a ce qui a te inféré dans 
le Journal du mois d'Avril, au fujet de la décompofition du fer, $26 
Réponfe de M. Cadet, ancien Apothicaire-Major des Camps & Armées 
du Roi, aux Obférvations de M. Baumé , Maïtre Apothicaire, fur la 
méthode de faire l’éther vitriolique en plus grande abondance & plus 
facilement, &c. inférée dans le Journal de Phyfique du mois d'Avril 
1775 » page 366, 529 
Nouvelles Expériences électriques, 538 


Fin de la Table. 


ANPEPYRIONBEANTAIOPN: 


je lu, par ordre de Monfeigneur le Chancelier, un Ouvrage ayant pour 
titre : Obfervarions fur la Phyfique, ur l'Hiftoire Naturelle & fur les Arts, &c. 
par-01. l'Abbé ROZTER, Ge. & je crois qu'on peut en permettre limpreffon. 
A Paris, ce 20 Juin 1775. 
GARDANE. 
SUITE 


Te PSS 


nes SE Sert 


457 
SSD Ÿ Ge —_——, 
UT ORCCT PURE 
DU ABLE UE SM TON UR CE 


SUR 
UN HYGROMÈTRE COMPARABLE. 


Premières obfervations de la marche de ct HYGROMÈTRE. 


54 C: fut au commencement du mois de Février dernier, & dans 
un tems pluvieux , que mon premier hygromètre fe trouva prêt à étre 
obfervé. Quelques heures après qu'il fut forti de la glace fondante , il 
fe trouva déja au $4° depré de fon échelle. Le lendemain matin, il ne 
fut plus qu'à So; mais il fe rerrouva à ÿ4 vers le midi. Je le defcendis 
àma cave, qui étant beaucoup au-deflous du niveau du terrein , eft 
ordinairement fort humide. A mefure que j'en defcendois l'efcalier , je 
voyois baifler mon hygromètre ; tellement que , lorfqu'il fut fufpendu 
dans la cave, il ne fe trouva plus qu'à 35. 

55. Le foir du même jour , mon kygromètre étoit defcendu à 28 = : 
le lendemain au foir il fur à 21 2 : il continua de baifler infenfi- 
blement pendant le rèfte du mois, pendant tout le mois de Mars, & 
jufqu'au 19 Avril. Ce jour-là il éroir à 37, & par conféquent bien 
près de l'humidité exérême : mais pendant ce tems-là il avoit très-fou- 
vent plu & neigé, & dans les intervalles mêmes où le ciel s’éroit dé- 
couvert, les rues étoient roujours reftées humides ; de forte que l'humi- 
dité avoit été en augmentant dans la cave d’une manière vifible par 
tous les fignes ordinaires. 

56. J'étois impatient de: voir, remonter l'hygromètre dans la cave 
même , ce que je ne pouvois efpérer que par le vent du nord. Enfin, 
le 20 Avril , quoiqu'il | plüt encore , l’hygromètre remonta de + degré. 
La nuit du 20 au 21, le vent fe. mit au nord, & lorfque j'allai obfer- 
ver mon hygromètre le matin , je le crouvai à 6 =. Il continua de monter 
infenfiblement pendant tout le jour , &.le lendemain matin il fut à 
9 = | su : 

57. Un autre point qui m'intérefloit beaucoup , c'étoit de favoir fre 
après un fi long féjour dans la cave, mon hygromèrre remonteroit au 


Tome W, Pare, VI. 1775. Nnn 


4$8 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


point d’où il étoit defcendu lorfque je le. rapporterois dans mon ap- 
partement. L'importance de cette nouvelle obfervation m'empécha de 
continuer celle que j'avois commencée dans la cave. J'en fortis donc 
mon hygromètre, & en montant l’efcalier , il remonta de 3 degrés =. C'é: 
toit à fix heures du matin : à fept heures il étoit déja à 17 : à huit 
beures il fut à. 23 = ; de huit à onze il monta à 43 , & à une heure il 
fe trouva à 63 : il rebaïfla enfuite, & à cinq heures = du foir, il ne 
fe trouvoit plus qu'à so. Le ciel s'étoit couvert pendant ce dernier 
intervalle. : 

Comme il ne s'agit ici que de l’hygromètre, & non d'obfervations 
fur l'humidité, je me borne à celles qui précèdent : elles fufhfent pour 
donner une première idée de la marche de cet inftrument , dans la fai- 
fon où elles ont été faites. J'en rapporterai dans la fuite qui ont été 
faites en d’autres faifons. 


Premières expériences faites pour découvrir le degré d'exaétitude de cer 
inftrument. 


58. Après les obfervations que je viens de rapporter , ce qu'il y 
avoit de plus important à faire, étoit d'éprouver fi cet inftrument fe- 
roit vraiment comparable. Je n'occupai , pour cet effet , à en conftruire 
quatre autres fur les mêmes principes , & ce travail fut achevé le 23 
Août. “ 

59. Mon premier hygromètre ne put me fervir à faire avec ces der- 
niers des obfervations comparatives, fon tube s'étant trouvé trop étroit 
ou trop court. Le rapport que j'avois établi entre la capacité de ce tube 
& celle du tuyau d'ivoire , étoit tiré des expériences préliminaires que 
j'avois faites dans le mois de Décembre , & ce rapport s'étoit trouvé 
convenable pendant tout le printems. Mais avant même que les nou- 
veaux hygromètres fuffent finis , le mercure s'éleva dans ce premier juf- 
qu'à fortir du tube. C’eft d’après cette obfervation, jointe à d’autres 
plus anciennes , qui mavoient appris qu'on éprouve une bien plus 
grande diminution de l’humor fur les montagnes que dans la plaine (76), 
que j'ai déterminé les dimenfions du tube de l’hygrométre telles que je 
les ai indiquées en le décrivant. J’avois été à tems de m'y conformer 
dans mes nouveaux hygromètres , en forte que le mercure ne s'y éleva 
pas trop lorfqu'ils pafsèrent de l'humidité extrême à l'état de l'air au 
mois d'Août dans mon appartement, c'eft-à-dire , que le mercure y 
refta aflez abaiflé au-deffous du fommet, pour pouvoir indiquer en- 
fuite de moindres degrés d’humidire. 

60. Ces quatre nouveaux hygromètres ont été conftruits avec aufli 
peu de relation les uns avec les autres, que s'ils avoient été faits en 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 459 
des pays différens. J'ai donc pu juger , en les comparant , de ce qu'on 
doit attendre de l'accord des inftrumens de cette efpèce , & voici ce 
que j'ai trouvé. 

Lorfque je les ai obfervés dans des lieux où l’humor paroifloit devoir 
fe diftribues également entr'eux , les limites de leurs différences fe fonc 
trouvées pour l'ordinaire de 19 à 21. Leur plus grande hauteur, par 
exemple, dans mon appartement , les fenêtres étant fermées , a été 
jufqu'à préfent 94, 99 +, 100 +, 10$ +, ce qui donne à peu-près ce 
rapport de 19 à 21 , entre l'hygromètre qui fe tient le plus Fe & celui 
qui fe tient Le plus haut. 

61. Outre ces différences dans les hauteurs relatives de ces quatre 
inftrumens , j'y ai remarqué encore une autre efpèce d'irrégularité ; 
c'eft qu'ils ne confervent pas toujours les mêmes rapports entreux. 
Une partie de ces variations eft certainement due à la caufe même de 
leurs monvemens, c’eft-à-dire , à l’inégale diftribution de l'Aumor dans 
des places même très-voifines ; mais j'ai lieu d’en attribuer aufli une 

aitie à quelque défaut dars les inftrumens. Je reviendrai dans la fuite 
aces deux caufes, pour les examiner de plus près. 


Confidération fur le degré d’exaëtitude trouvé, 


62. Quoique Les défauts dont je viens de faire mention foient aflez 
fenfibles , je n'ai point été mécontent de ce premier effai. Je ne penfois 
as d’avoir tout prévu, ni par conféquent de parvenir à un degré fuf- 
fifant d'exactitude , fans le fecours de l'expérience ; & les irrégularités 
qui fe font manifeftées dans l'exécution , ne m'ont point fait défef- 
pérer de parvenir à perfectionner cet inftrument. 

63. Mon efpérance à cet égard n’a été W’abord fondée que fur des 
réflexions générales. J'ai confidéré-ce qu'étoient le baromèrre & le ther- 
momètre au fortir des mains de leurs inventeurs , & je les ai vus plus 
irréguliers à certains égards que ne l’eft mon hygromèrre. Quoique le 
premier de ces inftrumens fût très-fimple en lui-même , on voyoit ce- 
pendant des baromètres , placés dans un même lieu , qui différoient 
entreux de 3 à 4 lignes : MM. les Académiciens de Paris fe font 
même occupés d’un baromètre qui fe tenoit toujours de 18 lignes plus 
bas que les autres , & ils ont formé des hypothèfes très-différentes 
pour GRIS cet écart. Or, à ne confidérer que les variations du 
baromètre dans un même lieu , ces difparités étoient plus grandes que 
celles de mes hygromètres. 

64. Et le thermomètre , cet inftrument qui eft devenu fi exact, 
qu'étoit-il dans fon origine ? un inftrument peu différent de nos kygrof- 
sopes quant à la comparabilité. Les premiers Phyficiens qui en ont 


Tome , Part. VI. 1775. Nnn2 


460 ‘OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


traité, n'y connoifloient aucun terme fixe , point de degrés déterminés ; 


ils ne connoifloient pas même les effets qu'y produit la différence des 
liquides. Dans cet état d'incertitude , la Société Royale de Londres 
prit le parti le plus fage qu'il y eût à prendre ; elle confacra un #her- 
momètre fux-lequel devoient être réglés ceux qu'emploieroient les Phy- 
ficiens. Des hommes de génie s’attachèrent enfuite à donner des prin- 
cipes fixes à cet inftrument ; le grand Newton ouvrit la carrière , & 
lon ne fentit pas ‘aflez Le prix dis premiers pas. Fahrerheit & de 
Réaumur s'en occupèrent enfuite avec le plus grand foin , & l'on doit 
beaucoup à leurs recherches. Cependant, on abandonna bientôt les 
principes de Fahrenheit comme trop incertains , quoique lon confervat 
fon échelle ; & ceux de M. de Réaumur , confervés plus long-tems en 
apparence , étoient fi peu déterminés , que l’on faifoit , fans s'en ap- 
percevoir , un écart de 80 à 104 fur l'intervalle des deux points fon- 
damentaux de fon thermomètre. \ 

_ 65. Si nous parcourons de même l'origine de tous les inftrumens 
deftinés à des mefures un peu délicates , nous les verrons prefque tous 
imparfaits dans leur origine , & perfectionnés peu-à-peu dès que des 
gens de génie les ont trouvés dignes de leur attention. C'eft ainfi que 
de la première montre , livrée à l'action inégalement décroiflante d’un 
reflort , on eft parvenu fucceflivement à la précieufe machine de M. 
Hariffon , & que des balances engourdies ou volages , nous fommes 
arrivés aux balances aufli fenfibles que sûres de M. Marhey (1). Et qui 
ne s'étonneroit de ce que , malgré l'importance des mefures pour les 
dimenfions des corps, nous n’en ayons encore aucune dans la pratique 

ui ne foit aflervie à ètre modélée immédiatement fur d’autres ? 

Il eft vrai que , dans l'invention de l'hygromètre , on étoit aidé des 
idées générales de régularité que fournifloient déja les autres mefures 
de mème genre ; aufli l’hygromètre eft-il bien plus avancé à cer égard 
que ne l’étoit , par exemple, le thermomètre dans fon origine. Ce 
n'eft donc que les difcultés particulières à l’hygromètre que je com- 
pare aux difficultés générales qu'ont préfenté d'abord toutes les me- 
fures des caufes phyfiques , & je penfe qu'on ne doit pas défefpérer de 
vaincre ces premières difficultés , puifqu'on a furmonté les dernières. I} 
eft certain , en un mot , que nos inventions n'approchent de la per- 
fection que par degré, fans jamais l'atteindre abfolument , & que par 
cela mème, ona droit d'efpérer qu'elles sen approcheront toujours 
davantage. 


(1) Excellent Mécanicien, dont la mort a privé un Roi qui fait s'attacher les 
gens de mérite. Il étoit de 74/Orbe dans le Pays de Fraud, & au fervice de S. M. 
Sarde. On a de lui un Traité des Balances , qui fert de loi aux Fabricateurs dans 
tous les Etats de ce Prince. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 46 
Voilà fur quoi j'ai principalement fondé l'efpérance que mon hy- 
gromètre fe perfectionnera , ou que du moins il excitera de nouvelles 
idées qui ; par quelqu'autre route peut-être, conduiront enfin à une 
mefure exacte de l’humor. L'efpérance d'atteindre un but , «ft un des 
plus: puiffants fecours pour y arriver, & j'efpère au moins de la faire 
naître fut cet objet. 


Premières vues pour perfeélionner L'HYGROMÈTRE. 


66. La perfuafion où je fuis qu'il faut un concours d'hommes atten- 
tifs pour perfectionner les inventions humaines, m'a fair infifter d'abord 
fur les raifons générales d'efpèrer que-l'hygromèrre fe perfectionnera. 
Je vais à préfent en donner de particulières ; d'après les remarques 
que j'ai déja faites fur cet inftrument pendant le peu de tems que j'ai 
eu pour l’obferver. : ) 

La première, & l'une des plus importantes de ces remarques , c'eft 
que le tuyau d'ivoire de celui de mes hygromdtres qui fe tient le plus 
haut fur fon échelle, fe trouve en mêmé tems le plus mince. Ces 
deux chofes n’ont - elles point! de liaifons entr'elles ? C’eft ce qu'il 
faudra examiner par l'expérience. Mais ; en attendant , il me femble 
entrevoir que les fibres A Fivoire pouvant être entrelacées , elles doi- 
vent, en ce cas, rélifter d'autant moins à écarter ou à fe rapprocher, 
que leurs faifceaux ont une moindre épaifleur. Quel que foit le degré 
d'importance de cette remarque , on ne rifque rien du moins à don- 
ner toujours exactement une même épaifleur à ces tuyaux. J'en ai bien 
eu le deffein dans ceux que j'ai faits, mais malheureufement j'avois 
cru pouvoir les tourner fur des cylindres de bois dur , &.je me 
fuis apperçu , trop tard, qu'on ne peut point en attendre d’exai- 
tude. Ceft, pour qu'on évite le même inconvénient, qu'en parlant 
de la manière de tourner cette pièce, j'ai confeillé un cylindre de 
laiton. 

67. La même précaution eft encore néceffaire pour parvenir sûre- 
ment à ce que chaque tuyau ait une épaifleur égale dans toute fa cir- 
conférence , & cette condition n'eft pas moins eflentielle que la pré- 
cédente ; car j'ai remarqué , dans ceux de mes kyÿgromètres dont les 
tuyaux n'ont pas une égale épaifeur , qu'ils fe courbent plus ou moins, 
fuivant le degré d’humor auquel ils font expofés. 

C’eft-là probablement la principale caufe de ce que ces inftrumens 
ne confervent pas toujours enñtreux les mêmes rapports (58); car ces 
courbures, ne fuivant pas les mêmes loix , doivent changer irréguliè- 
rement la capacité des euyanux , & par conféquent, la haureur du mer- 
cure dans les tubes. Les différences de cette efpèce , que j'ai obfe+- 


Tome V, Part. VI. 1775. 


462 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 

vées, ne font pas, à la vérité, bien grandes ; mais quelque petite que 
foit une caufe di imperfection, il eft toujours intéreflant de la retrancher, 
pour aider la découverte de plus grandes , en ifolant ainfi de plus en 
plus leurs effets. 

68. Pour parvenir à ce que les tuyaux f maintiennent droits , il 
faut faire une attention plus importante encore ; c'eft que le tiflu de 
l'ivoire foit le même dans toute la circonférence du ruyau. Il y a aflez 
de différence, même à l'œil , dans l’organifation des parties exté- 
rieures , moyennes & intérieures d’une même dent d'éléphant ; il eft 
poflible auf, qu'outre cette différence dans la nature & dans l’arran- 
gement vifible de fes fibres , il y en ait encore dans leur degré de 
tenfion , tellement, que certaines fibres deviennent plus difpofées 
que d'autres à fe relâcher , quand on a coupé la dent en morceaux. 
$i donc ces différences fe trouvent dans un tuyau, c’eft-à dire, fi l'un 
de fes côtés eft plus poreux que l'autre , ou d'un tiflu plus foible , 
ou que fes fibres foient plus difpofées au relâchement , ce tuyau pren- 
dra une courbure ou momentanée ou permanente , & l’hygromèrre au- 
quel il fervira, ne fera pas do avec les autres. Il faut donc 
chercher à faire ces tuyaux avec une partie de la dent qui foit homo- 
gène ; & celle qui ma paru l'être le plus dans une certaine étendue, 
c'eft celle qui eft entre le centre & la furface , à quelques pouces de 
diftance de la pointe. de la dent; c'eft par cette raifon que je l'ai 
confeillée. - 

69. Cette différente organifation des différentes parties de la dent 
d’éléphant , rend encore néceffaire , à un autre égard, de bien déter- 
miner celle de ces parties qu'on emploiera aux hygromètres. Sans ce 
choix, leurs tuyaux , qui doivent être femblables en tout, pourroient 
être faits de fubftances réellement différentes , quant à la dilatabilité & 
à la fenfibilité, c'eft à-dire , que l'humor pourroit y produire des effets 
plus ou moins grands , ou plus ou moins prompts. Cette confidération 
obligera donc peut-être encore à déterminer & la groffeur de la dent, 
& la diftance de la pointe à laquelle le morceau devra être coupé ; 
car l’organifation peut varier dans des dents de différentes groffeurs, 
&c du fommet vers la bafe , comme elle varie dans le fens ds la lar- 
geur. Je n'érois pas affez sûr du fuccès de mon inftrument pour faire 
toutes ces attentions dès fon origine ; mais actuellement je. les crois 
importantes. 

70. Enfin, il eft une autre précaution que j'avois bien trouvé nécef- 
faire d'abord , mais que le manque d'outils convenables m'a empêché 
de prendre à mon gré ; c'eft de percer le ruyau exactement dans la 
direction de fes fibres. Car pour peu que le canal foit oblique , rela- 
tivement à cette direction , les fibres feront coupées de diftance en dif- 


ss 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 463 


tance ; & Le tuyau fe trouvant affoibli dans ces parties , fes dilatations 
ou reflerremens marqueront de régularité. 

71. Voilà, je l'avoue, bien des précautions néceflaires, mais elles 
n'étonneront point Les vrais Phyficiens. [ls ont obfervé d’après les opé- 
rations de la Nature ; ils favent que la régularité de fa marche tient à 
une prévoyance qui n'a d'autre je à nos yeux es celle de nos 
yeux mêmes, & que par conféquent, l'art n’imite la Nature qu'à pro- 
portion de ce qu'il imite fes foins. 

72. Je crois que cet hygromètre peut acquérir encore la même ef- 
pèce de perfection que j'ai donnée au rhermomètre, d’après une première 
idée de mon précieux ami M. Le Sage , c'eft-à-dire, quon pôurra rendre 
fes degrés correfpondans à d'égales différences dans l'humor | comme 
j'ai rendu ceux du thermomètre correfpondans à d’égales différences dans 


la chaleur. Le moyen par lequel je penfe qu'on y pourra parvenir, eft. 
de fufpendre auprès d’un de mes hygromdtres , dans un vafe convena- 


ble, pofé fur l'une des coupes d’une balance très - fenfible , quelque 
fubftance bien avide d’humor, & de comparer d'abord par un même 
degré de chaleur , & enfuite par des degrés différens,, les augmenta- 


tions ou les diminutions de poids de cette fubitance avec la marche. 


de l’hygromètre. J'efpère qu'en répétant ces obfervations dans des tems 
où les variations de l’aumor feront plus ou moins rapides , on par- 
viendra à corriger les erreurs que pourroient introduire, dans ces ob- 
fervations , les pertes que cette fubitance feroit probablement de fa 
matière propre par l'évaporation. 

73- Les remarques. qui précèdent , ne font pas les feules que j'aie 
faites fur cet inftrument ; mais je n'ai voulu détailler que celles qui 
mont paru les plus sûres. Les autres font vagues, & demandent de 
plus us obfervations. J'ajouterai donc feulement qu'il faudra faire 
encore des expériences pour déterminer pendant quel tems les tuyaux 
d'ivoire devront refter e l'eau , & être enfuite expofés aux viciff- 
tudes de l'air , pour qu'avant de les employer , ils aient atteint un 
état permanent. Il faudra encore comparer des, hygromètres nouvel- 


lement faits, avec des anciens , pour favoir s'il sy fait des altération, : 


ou pour en connoître le degré. Je crois auff QE ; lorfqu'on fixera le 
point de l'humidité extrême, il faudra avoir foin de n'employer que 
de la glace bien propre, tant dans l'intérieur je l'extérieur , pour 
qu'il ne s'attache pas aux tuyaux d'ivoire des faletés qui pourroient 
empêcher l'eau de pénétrer dans fes pores; c'eft à quoi j'ai penfé trop 
tard. Je ne fais sil ne conviendroit point, par la mêmé raifon, de 
laver ces tuyaux avec de l'efprit-de-vin avant de les mettre dans 
la glace, pour enlever une Rte d’enduit graiffleux qu'ils ,peuvenc 
contracter par le maniement; & sil ne feroit point utile, même dans 


Tome V, Part. V1. 1775. 


464 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


la fuite , deles laver de tems en tems avec cette même liqueur , 
à caufe des dépôts de diverfes efpèces que l'air peut y faire à la 
longue: Enfin , il faudra favoir sil n'y a point, entre les effets de 
la chaleur fur livoire de lhygromètre , & fur le verre du thermomètre 
une différence aflez fenfible , pour qu'on doive en tenir compte 
dans la correction des effets de cette caufe fur le premier de ces 
inftrumens. ë 

74. Ayant déja entrevu tant de caufes, plus ou moins probables , 
des différences que j'ai obfervées entre mes hygromètres , il me femble 

w'on peut raifonnablement efpérer que cette machine fera fenfiblement 
perfectionné® dès le fecond pas ; & qu'avec de plus longues obferva- 
tions, on parviendra à la rendre fuffifamment exacte. 

IL eft vrai que cela préfente quelques difficultés ; mais n'avons nous 
as de fufifans motifs pour tenter de les vaincre ? L'air que nous ref- 
pitons & qui nous environne , les lieux que nous habitons , & ceux 
ui nous fervent à renfermer ou À conferver tant de corps différens 
effinés à nos divers ufages , font plus ou moins remplis de cette 
fubfkance: diverfement modifiée , que jai appellée humor ; & elle y” 
roduit: des effets erès-fenfibles , dont les uns intéreffent avec: raifon 
notre curiofité, d’autres peuvent être tournés À notre avantage , & d'au- 
tres fut-tout affectent effentiellement notre fanté. Ainfi , la Phyfque 
en général , l'Économie & la Médecine en particulier , font bien in- 
téreilées à ce qu'on puifle mefurer sûrement les différences des qualités 
locales & actuelles de cette fubftance , & prévoir ainfi ces effets que 
nous ne connoiflons , Le plus fouvent, qu'après qu'ils font produits ; 
elles ne le font pasimoins peut-être à ce qu'on découvre la nature 
même de cèt agent; & les différentes manières dont il opère , afin 
qu'on puiffe s'aider du raifonnement dans la recherche de certains éffets 
qui’, fans ce fecours; pourroient échapper à lobfervation. Comme ce 
{ont:là les divers ufages d'un hygromèrre exact , il eft aifé d’apperce- 
voit combien de nouvelles routes il peut nous ouvrir dans le fein de 
la Nature: Ce ne fera pas, fans doute , l'ouvrage d'un. feul homme, 


mais-de la! fucéellion des hommes. 


Premÿers phénomènes de L'HumOR , obfervés par le moyen de 
HO. ce 2H ZHYGROMÈTRE. c 

75. Quoique les premiers pas que j'ai faits, dans cette nouvelle 
carrière d'oblervations ; foient encore mal aflurés ,lje ne: laiflerai pas 
d'en rendie"compre : ils commenceront au moins à donner quelque 
idée de la iharche de l'inftrument & de la nature de l'agent auquel il 


obéit. (1 
La 


CT ES 2 PP 


ab ae rés 


Re 


Tr AS 


| 
ä 
4 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 46$ 

La première obfervation de ce genre , que j'ai tentée, eft relative 
à l’un des objets pour lefquels’ je defirois fi fort un hygromèrre. Ces 
objets font réunis fous un fyflème général , concernant les vapeurs , 

ue j'ai expofé dans mon Ouvrage fur les Modifications de l'Armo- 
Pure Je ne rappellerai donc ici que celle des conféquences de ce 
fyflême que je me fuis propofé d'abord de vérifier; favoir, que cer- 
taine augmentation de chaleur ;, qu'on éprouve en toute faifon aux 
approches de la pluie, eft due à une plus grande abondance de va- 
peurs , & que c’eft au contraire de leur moindre abondance que pro- 
vient, en grande partie, la moindre chaleur des couches fupérieures 
de latmofphère. 

76. Cette dernière conféquence avoit été appuyée par une obferva- 
tion accidentelle que j'avois faite au mois de Septembre 1770 , fur 
une montagne du Faucigny , élevée de 1560 roifes au-deflus du ni- 
veau de la mer. Une virole de fer, deftinée à contenir l’extrémité d’ün 
bâton percé ; & qui avoit été enfoncée à coups de marteau dans la 
plaine par un beau tems, fe fépara d'elle-même de ce bâton au 


fommet de la montagne : le rhermomètre y étoit alors à 3 degrés au- 


deffus de zéro, quoiqu'au foleil:; tandis que dans la plaine , à l'abri 
du foleil | il étoit à 18. Ce phénomène , joint à plufieurs autres que 
jobfervai en même tems, me confirma dans l’idée qu'une des caufes 
de ce que les parties fupérieures de latmoffhère ont moins de cha- 
leur que les parties inférieures, eft qu'elles font beaucoup moins 
humides. 

77. Dans cette idée, il éroir fort intéreffant de mieux connoître la 
différence d'humidité des différentes couches de l'atmofphère. Ce fut 
auf la première obfervarion à laquelle jé fongeai, dès que j'eus ajouté 
un hygromètre aux inftrumens que renferme la boîre de non baromètre: 
j'entrépris donc de monter une feconde fois fur Buer ( c'eft le nom de 
certe haute montagne ); j'eus , pouf compagnons de voyage, M. Deu- 
tan, jeune Phyficien très-intelligenr, & mon frère , qui, m'ayant fe- 
condé dans toutes mes entreprifes un peu difficiles , avoit été témoin 
de l'obfervarion que je voulois approfondir. d 

78: A notre départ ,‘le 29 Août dernier , l’hygromiètre étoïit à 86 
dans mon appartement , & le baromètre à 27 p. 1 L. Nous ef 
périons le beau tems , parce qu'il fait ordinairement beau dans ces 
pays-ci, quand le baromètre eft à Genève au-deflus de 27 pouces. Peu 
de tems après que nous nous fümes mis en route , nous commencames 
à appércevoir que l’aétion du foleil éroit plus forte fur nous que nous 
ne devions l’attendre dans cette faifon : jen conclus que le baro- 
mètre devoit baïfler , & en effet, nous le crouvâmes plus bas dans 
tous les lieux de nofre route où nous l'avions obfervé précédemment 


Tome V, Part. VL 1775. O0o0 


466 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


par le beau tems : cependant, le ciel parut toujours ferein; il Le fut 
encore le jour fuivant, que nous commençâmes à gravir La montagne 
à deux heures après midi, pour aller pailer la nuit aux granges les 
plus élevées , afin d’avoir plus de tems, le lendemain, pour gagner le 
1ommet. 

79. Avant de partir de Sixt, Abbaye fituée au pied de la mon- 
tagne , jexpofai l'hygromètre à l'ombre en plein air ; il fe tint à 04; 
le thermomètre, auiä à l'ombre, étoit à 19, & au foleil à 24. Nous 
arrivèmes , à ÿ heures, dans un lieu élevé d'environ 300 toifes au- 
deffus de l'Abbaye ; il eft dominé de toutes parts par des montagnes, 
& fe nomme Les Fonds par cette raifon-là. Nous obfervames Le thermo- 
mètre & lhygromètre : le premier , expofé au foleil, fe tint à 1555 & 
le dernier, mis à l'ombre ,, monta à 96. Nous les obfervames encore 

e la même manière à 6 À. £ dans un lieu aflez découvert, plus haut 
que le précédent d'environ 160 toifes ; le thermomètre fe tint à 15, & 
l'Aygromètre à 106 : nous n’arrivames qu'à 8 h. + aux cabanes où nous 
devions pañler la nuit , quoiqu'elles ne foient élevées que d'environ 
30 toifès au-deflus de la ftation précédente : le ciel paroifloit toujours 
plus ferein à mefure que nous nous élevions ; de forte que , malgré 
l'augmentation ordinaire de lhumor dans l'air après le coucher du 
foleil , quand le ciel n’eft pas couvert de nuages , l’hygromètre , expofé 
hors de la cabane à 10 h.+ du foir, fe trouva à 123, le thermomètre 
étant à 13 À. Ils baiftèrent l'un & l’autre pendant la nuit; & lorfque 
nous nous mîmes en marche le lendemain matin, le premier n'étoit 
plus qu'à 109, & le dernier qu'à 12. 

80. Dans les deux dernières obfervations , l’hygromètre , expofé affez 
long-tems en plein air, avoit eu le tems de fe conformer au degré 
d'humor qui régnoit dans le lieu ; mais le tems nous manqua pour 
les obfervations que je defirois le plus de bien faire. L’hygromètre 
étant renfermé dans la boîte de mon baromètre , il auroit fallu la 
laiffer ouverte aflez long-tems , pour qu'il fe conformât à l'état 
de l'air ; & nous ne pûmes donner que bien peu deitems à ces ob- 
fervations. à 

81. La première fut à 9 k. du matin, dans un lieu élevé d'environ 
1000 toifes au-deflus de la plaine. Le ciel paroifloit ferein au - deflus 
de nous; mais la plaine étoit obfcurcie par des vapeurs : le thermo- 
mètre, expofé au foleil , fe tint à 13 +, & l’hygromèrre à l'ombre, 
monta à 115$. à 

82. Nous n'arrivimes qu'à 2 h. après midi au fommet de cette 
montagne , qui eft conftamment chargée d'une mafle énorme de glace 
& de neige : il y régnoit un vent du fud très-fort ; c’eft le vent le 
plus chaud dans nos plaines, & nous étions à-peu-près au moment 


L' 


1 
ë 
t 
$ 
4 


Bart. à LÉ: 2. 


nds ce din 


/ 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 467 


le plus chaud du jour ; cependant le shermomètre , expofé au oleil, 
ne fe tint qu'à 6. La force du vent, & fur-tout cette température, fort 
incommode pour des gens échauflés par la marche , & vêtus à la lé- 
gère , nous LA déloger de ce fommet au bout d'un quart-d'heure , 
pendant lequel l’hygromètre n'étoit encore monté qu'à 119 ; mais on 
Jugeoit qu'il n'éroit point encore fixe. 

83. Nous obfervimes , pendant ce peu de tems, un nouvel effet de 
la moindre humidité de l'air , qui nous frappa tous trois extrèmement: 
nous avions la peau comme flétrie , avec aflez de paleur ; de forte que 
foit à la vue, foit au toucher, elle ne reflembloit pas mal à de Ja 
veflie sèche & ridée; cependant, nous n’éprouvions aucune forte d’in- 
commodité que celle du vent & du froid : le jeu de nos poumons &c 
tous les autres mouvemens de notre corps étoient parfaitement libres, 
quoique le baromèrre ne fût qu'à 19 pouces 6 lignes =. 

84. Nous quitrimes ce fommet à 2 h. = pour nous mettre à l'abri 
du vent derrière des rochers plus bas d'environ fo roifes , où nous de- 
meurâmes à-peu-près une heure. Pendant ce tems, l'hygromètre, expofé 


. à l'air, mais toujours à l'ombre , monta infenfiblement jufqu'à 132:; 


il feroit probablement monté davantage , fi La néceMité de quitter cette 
Ga où les nuages commençoient à fe former , & de gagner les 
cabanes avant la nuit, nous avoit permis de refter plus long-tems à 
cette hauteur : nous n'avions pas même fongé aflez-tôt à la retraite ; 
car la nuit, les tonnerres & la pluie nous furprirent en même tems à 
une diftance aflez grande de notre gîte, pour que , malgré nos gui- 
des, nous nous fuflions trouvés dans le plus grand danger, fans le 
fecours de deux femmes, dont l'humanité ne fauroit être trop exaltée : 
c'étoit nos hôtefles, qui, averties de notre embarras par nos cris, 
vinrent, malgré l'orage, & malgré ce qu’il leur en coûte pour avoir 
du bois fur ces hauteurs , vinrent, dis-je , allumer un grand feu au 
pied des rochers fur lefquels nous errions dans la plus grande obfeu- 
rité au travers des précipices ; & tantôt attifant ce feu avec peine , 
tantôt s'avançant vers nous avec des tifons, jufqu'à ce que que le 
le vent & la pluie les euffent éteints ,-elles cherchoient, avec une fol- 
licitude naïve , à nous montrer la route que nous devions tenir. Sou- 
tenus par le courage de ces femmes , éclairés de tems en rems par leurs 
feux , dirigés. même par leurs cris ,- nous arrivames enfin dans leurs ca- 
banes, bien plus touchés de l'humanité de ces bonnes gens , qu'affkdtés 
de nos périls & de notre fatigue. 

85. L'orage dura bien avant dans la nuit, & la pluie fut prefque 
continuelle ; cependant l’hygromètre , expofé hors de la cabane le len- 
demain matin, fe tint à 105, le thermomètre étant à 10. Incertains fur 
la durée de la pluie, nous nous mîmes en marche à huit heures du 


Tome F, Part. VI. 177$. Ooo2 


ST RES 
1468 CBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 

matin pour continuer à defcendre : la pluie ne cefla prefque point de 
cout Je matin , & fut même quelquefois accompagnée de grèle. El pleu- 
voit encore lorfque nous arrivâmes à l'Abbaye vers le-midi ; cependant 
l'hygromètre s'y tint à 99, c'eft-àdire , plus haut de S degrés de 
m'étoit à notre départ : mais le baromètre , qui avoit baiflé pendant 
les jours précédens , commencçoit À remonter ; le shermomèrre étoit 


à 14. 

86. Nous apprîimes à Sixt , que tandis qu’une fraîcheur incommodes 
nous avoit chaflés du fommet de la montagne , on y avoit éprouvé 
une chaleur exceflive; & que, pendant la nuit, l'orage y avoit été très- 
violent. Cet orage s'éroit aufli étendu fur toute la plaine , comme nous 
Tapprîmes à Genève le furlendemain : nous y vimes encore , par les 
obfervations qu'on y avoit faites pendant notre abfence , qu'un rher- 
momètre tourné au nord , & pur conféquent à l'abri du foleil, s'étoit 
tenu à 23 =, dans le même tems que fur la montagne le nôtre, expofé 
au foleil, n'avoit été qu'à 6. 

87. Comme je n'ai pas expofé mon fyftème fur les vapeurs, en in- 
diquant le but particulier des obfervations précédentes , je ne m'arrè- 
terai pas à en tirer ici les conféquences qui femblent en découler en 
faveur de ce fyftème ; d’ailleurs, je trouve ces obfervations trop peu 
nombreufes & trop'imparfaites , pour en rien conclure encore : je ne 
les ai donc rapportées, comme je l'ai dit en les annonçant , que pour 
donner une première idée , tant de la marche de mon hygromètre, que 
des recherches qu'on peut faire par fon moyen ; c'eft dans le même but 
que je vais rapporter des obfervations d’une autre efpèce. 

88. Quelques marques accidenrelles n'avoient fait préfumer que 
l'action immédiate du foleil produifoit dans mes hygromètres un def- 
sèchement qui pouvoit n'être pas entièrement occafionné par l'état réel 
de l'air quant à l'humor , & qui tenoit peut-être en partie à quelque 
propriété fingulière des rayons du joleil , auxquels nous voyons pro- 
duire fur certains corps des effets que les loix ordinaires de la chaleur 
ne fauroient expliquer. Cette première remarque m'avoit déterminé à 
obferver toujours l'aygromètre à l'ombre , dans le voyage aux monta- 
gnes de Sixt , & j'ai eu foin d'indiquer certe circonftance ; mais au 
rerour de ce voyage , j'ai voulu examiner de plus près fi ma conjec- 
ture à cet égard avoit quelque fondement. 

89. La première idée qui m'eft venue pour entreprendre cet exa- 
men, a été d’obferver en même rems deux hygromèrres , lun au foleil 
& l’autre à l'ombre, quoique très-voifins & bien ifolés ; rellement que 
le même air cireulât autour d'eux. L'air de la campagne m'ayant paru 
plus convenable que celui de la ville pour cette obfervation ; je penfei 
à obferver en même tems Les variations de l’humor dans l'air libre pen- 


® SUR L'HIST.. NATURELLE ET LES ARTS. 469 
dant toute une journée, Il y a fans doute à cet égard bien des varié- 
tés : auli n’eft-ce que l'état de l'air libre pendant un certain jour & 
dans un certain lieu, que je concluerai de cette obfervarion. 

.90. Je la fis,, le 13 Septembre dernier , dans! un jardin fitué à l’oc- 
cident de notre lac, dont il neft féparé que par un aurre jardin & 
par quelques bâtimens ; j'y plaçai deux de mes hygromètres parfaite- 
ment ifolés, dont l’un n'avoit d'autre monture qu'une échelle attachée 
à fon tube | & l'autre éroit fur une monture, dont l'ouverture à la 
hauteur du tuyau d'ivoire , étoit fort large : ils étoient fufpendus à 
4 pieds + au-deflus du terrein, & à un pied de diftance l’un 4 l'autre. 
Un carton d'environ un pied de largeur , placé à un pied de diftance 
de l’hygromèrre fans monture , étroit deftiné à le mettre à l'abri du 
Jo'eil. Chaque hygromètre étoit accompagné d’un thermomètre à boule 
ifolée : j'ai prouvé dans mon Ouvrage, que l'ifolement de cette boule 
eft néceffaire’pour oblerver la chaleur de l'air libre. 

91. Les deux hygromètres que j'employai à cetre obfervation, étoient 
la veille dans mon appartement , l’un à 93, & l’autre à 96 Pour 
corriger cette différence , que je fuppoferai proportionnelle à leur 
hauteur , j'ajouterai toujours environ -- à la hauteur de celui qui fe 
tenoit Le plus bas, afin de ne laifler fubfifter que les différences qui 
ont été produites par la diverfité de la quantité ou de l'aétion de 
l'humor. Cer hygromèrre , qui {e tenoit le plus bas, eft celui qui fuc 
toujours à l'ombre , & qui étoit fans monture; c'eft le même auf 
que j'aveis obfervé dans les montagnes de Sixt. Je les expofai, dans 
le jardin donc j'ai parlé, à 6 heures du matin: les plantes étoient 
couvertes de rofée; le foleil étoit prêt à fe lever, mais il ne devoic 
pas donner d’abord dans ce jardin , à caufe de quelques bâtimens qui 


le bordent à lorient. Aufi-tôt qu'ils furent expofés en plein air, ils ; 


baifsèrent rapidement; mais celui qui étoit abfolument fans monture, 
devança l’autre dans fa defcente : ils continuoient à baifler l'un & 
l'autre , quand le /oleil parut dans le jardin. Voici quelle fut leur 
marche & celle des shermomètres pendant 19 heures. L'ation de la 
chaleur fur le mercure des hygromèrres , eft corrigée fur chacun d'eux, 
d'après l'obfervation du shermomèrre qui l'accompagnoit (24); il ne 
refle donc que celle de l’Aumor. 


Tome W, Part, VI. 1775. 


#70 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


_— 


TABLE d'Obfervations faites le 13 Septembre fur deux Hygromètres , l'un 
à l'ombre, & l'autre au foleil, accompagnés chacun d’un 


Heures. 


Ve 
Le Barom. à 27p. 1 ligne. Le foleil ne 
donne pas encore dans cette partie,du 7 
Jatdiu nn 8r chute ea CUS 
Le foleil donne depuis un quart ma 


fur P'Hygrom. & fur le Therm. qui 7- 
doivent y refter expolés. . . . . ... 
8 
9 
10 
Il 
midi 
I 
Des vapeurs qui fe condenfent dans Far 
affoibliflent l’aétion du fo/eil. . . .. 2 


Baromérre 27 pouces. Il commence nr 3 
fouffler un vent du Sud. . ...... 
Les nuages fe forment. . . ....,. | 4 
Les nuages {e réuniffent, & le fo/er/ en 
CRICACRE TOR ES NE ENN ne 5 
Le foleil eft couché, & le ciel ns é 
MENTICOUVEI Tara n ie fonc Monellel ele DU e 
Baromètre 26 pouces 11 lignes. . . .. 7 
8 
9 


commence à y avoir de la rofée fur les 


Les nuages fe font entrouverts, & il 
10 
plantes. . ............. 


11 
Les nuages fe font rejoints. . . . . . .| minuit. 


1 


Il commence à pleuvoir. . . . . . . « . 2 


- 0} _ 
Thermo- Hygro- 
méêtre à | mére à 
L'ombre. | l'ombre. 


Von dl "ee 11e 


8 29 
115 36+ 
127 435 
13 67 
145 767% 
1$ 87 
15+ 967 
16+ 103 
167% 103 
16i 102+ 
154 | 107 
13% 88; 
12 647 
11% so 
11 37 
10+ 31 
10+ 24 
10 207 
107 24+ 
115 23 
II 27 


Thermomètre. 


Hygro- 


métre au 


Thermo= 
mètre au 


Joleil. | foleil. 
11" 4 


36% 


66 


©œ 


CI 
[1 


= 
v 


m 
pin die vin r\n In 


4 
D 1 ww 


e 
= 


$ 


4 


SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 471 


92. La première circonftance de ces obfervations qui mérite d'être 
confidérée, c'eft la différence d’abaiflement des deux kygromètres lorf- 
qu’ils furent expofés à l'air avant que le /oleil donnât dans le jardin, 
Ils baifsèrent tous deux beaucoup; mais l’un des deux refta en arrière 
de 7 degrés +, comparativement à l’autre. Une des caufes de certe dif 
parité eft probablement dans les inftrumens eux - mêmes ; c’eft une 
différence de fenfibilité aux impreflions de l’humor. On obferve une 
différence de même efpèce dans les thermomèrres ; ils font auñi plus 
où moins fenfibles aux impreflions de la chaleur, même à volume égal 
de liquide, c'eft-à-dire , qu'ils fe conforment plus ou moins promp- 
tement au degré de la chaleur environnante , fuivant l'épaifleur , ou 
même fuivant la nature du verre qui forme leur boule. Ainfi la diffé- 
rence d’épaifleur ou de porofité de l'ivoire , peut avoir influé aufli fur 
la marche de nos hygromètres dans cette obfervation {66 & 69 ). 

93: Mais ces différences dans les tuyaux d'ivoire , doivent produire 
une bien plus grande différence de fenfibilité dans les hygromètres , 
que celle rs boules de verre dans les thermomètres , parce que l’Aumor 
a bien plus de peine à pénétrer l'ivoire que n’en a la chaleur à pénétrer 
le verre ; en forte que l'augmentation pe obftacles retarde bien plus 
l'introduction de l'humor , qu’elle ne retarde celle de la chaleur, & 
que par conféquent, la différence de fenfibilité eft plus difhcile à pré- 
venir dans les hygromètres que dans les thermomätres. 

Cette lenteur de l’humor à pénétrer les corps dans lefquels il s'in- 
finue, feroit defirer 4 le tuyau de l'hygromètre füt plus mince , afin 
que cet inftrument devint plus fénfible. Je l'avois prévu avant : 
l'expérience me l’eût montré ; mais j'ai craint qu'il n'en réfultt des 
inconvéniens plus grands que celui qu'on préviendroit par ce moyen, 
à caufe de l’action du mercure contre des parois plus minces. Toute- 
fois on pourra l’eflayer. Mais en attendant , je vois que pour les obfer- 
vations où la /enfibilité de l'inftrument feroit abfolument néceflaire , 
on pourra faire des hygromètres plus petits, dans lefquels le ruyau , 
contenant moins de mercure , lui réfiftera, quoique avec moins d'épaif- 
feur. ( Peut-être même pourra-t-on y employer quelque tuyau de 
plume fort mince ). Je ne fais point encore fi ces perits hygromètres 
pourront être gradués par eux-mêmes, ou s'ils devront l'être par com- 
paraifon avec ceux dont j'ai donné les dimenfons ; c’eft ce que nous 
apprendrons par l'expérience, - 

94- La différence dans la faculté de fe diftribuer entre la chaleur 
& lhumor difcret , occafionne encore à un autre égard une grande 
différence entre les marches du chermomètre & de l'hygrométre. La 
chaleur fe met bien plus promptement & bien plus sûrement en équi- 
libre que l’humor. Deux thermômètres bien faits, placés l’un auprès de 


Tome F Pers F1 1775: 


À ns ‘ 

472 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
lautre, dans un lieu où la chaleur ne change pas rapidement, font 
toujours d'accord. Il n'en eft pas de même de deux hygromètres ; ils 
font rarement d'accord, c'eft-à-dire , ils confervent rarement un mème 
rapport entreux, pour pet is y ait de variation dans l’humor : leur 
difiérence augmente quelquefois, d’autres fois elle diminue; ce qui ne 
peut provenir que d’une différence dans la caufe même de leurs mou- 
vemens. 

95. Nous pouvons prendre une idée de la manière dont lhumor 
invihible fe diftribue , par l'allure des vapeurs vifbles de toute efpèce. 
Nous les voyons fe divifer, fe raflembler, fuir certains lieux , fe porter 
dans d’autres, céder , en un mot, à tous les mouvemens de Pair. Le 
mouvement ‘propre de Jeurs particules , que je regarde Comme la 
caufe de-leur élafticité (1), n'eft pas aflez rapide; elles font elies- 
mêmes trop grofières pour furmonter toujours les mouvemens de 
Pair qui leur font obftacle. Voilà, je crois, ce qui fait la principale 
différence entre les vapeurs & le fluide igné , quant à la faculté de 
fe mettre en équilibre dans l'air en mouvement. Le courant d'air 
qui fe porte dans les cheminées où lon fair du feu, délivre les 
appartemens de la fumée , & n'empêche que foiblement la chaleur de 
s'y répandre. 

96. Quoique les vapeurs invifibles -foient, par leur plus grande 
ténuité , plus capables que les vapeurs vifibles, de fe mettre en équi- 
libre dans l'air, il s'en faut de beaucoup encore qu'elles jouiffent de 
cette propriété autant'que la chaleur , ce qui me porte à croire qu'une 
partie de la différence obfervée entre mes hycromètres , même avant 
le lever du foleil, a pu provenir d'une inégale diftribarion de l'humor , 

uoique ces deux inftrumens ne fuffent qu'à un pied de diftance l’un 
je l’autre fans interpofition d'aucun corps folide. 

97. Je n'attribuerai pas entièrement à la même caufe les grandes 
différences obfervées entre mes hygromètres, quand l’un fut expofé 
au foleil, tandis que lautre étoit à l'ombre. L'aétion immédiate des 
rayons du foleil, ou de la chaleur lumineufe , produit diverfes fortes 
d'effets , qui, comme je l'ai déja dit, ne paroiflent pas fuivre les 
mêmes loix que ceux de la chaleur obfcure ;-& sil eft permis de 
hafarder une conjecture fur notre objer particulier avant de plus 
amples expériences , il femble que le choc des rayons folaires doit 
occafonner une éyaporation plus grande que-ne la produit la chaleur 
obfèure , lots mème qu'elle fait tenir le chcrmomètre au même degré. 


(x) Mon fyfème à cer égard fe crouve dans mon Ouvrage fur les Æodificarions 


da d'Aimofphère. # : 
Quoi 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 473 


Quoi qu'il en foit, nous voyons par cette expérience , que dans une 
tranche d'air d'un pied de largeur, où les rayons folaires ne pafloiene 
pas immédiatement , l'action de l'humor fur l’hygromètre étoit ( à 4 
heures ) de 26 degrés plus grande qu'aux environs , quoique celle de 
la chaleur ne füt moindre que de + degré fur le thermomètre ; ce qui 
commence à nous faire entrevoir par combien de caufes petites en 
apparence , a être produites de différences fenfbles dans la 
diftribution de l’humor difcrer. 

98. Un autre ufage qu'on peut tirer de ces obfervations, c’eft de 
les comparer avec celles qui ont été faites dans les montagnes de 
Sixt, pour juger d'autant mieux du Ro des degrés d'humidité 
dans les parties fupérieures & inférieures de l’atmofphère. Mon hygro- 
mètre, tenu à l'ombre fur le fommet de Buet | monta à 1322, & il 
m'écoit pas encore fixe : c'éft à-peu-près le plus grand de/sèchement qu'a 
éprouvé l'hygromètre expolé au foleil dans le jardin; & tandis qu'il 
étoit à ce point, celui qui demeura à l'ombre, le même qui avoit été 
obfervé à la montagne, n’étoit réellement qu'à 103 ( quoique noté à 
107 dans la table de ces obfervations (91 ) ). 

Mais la différence entre les obfervations faites aux montagnes de 
Sixe & celles dont je parle , a été bien plus grande encore après le 
coucher du foleil. Le 30 Août, ayant obfervé mon hygromtre hors 
de la cabane de la montagne à 10 heures + du foir, il fe tint à 
123 (79); & dans la plaine, le 13 Septembre fuivant , il ne fut qu'à 
31à 9 heures , & à 24 à 10 heures : le vent du fud règnoit pendant 
June & l’autre de ces obfervations , & la hauteur abfolue du baro- 
mètre étoit a-peu-près la même. 

99. Il eft vrai que malgré la parité de ces circonftances, ces obfer- 
vations ne peuvent pas être immédiatement comparées , à caufe de [a 
difparité de quelques autres circonftances. D'abord, 14 jours de dif- 
férence dans cette faifon-là ont pu produire dans l'état de l'air un 
changement fenfible : la chaleur , par exemple , différoit déja fenfble- 
ment; elle étoit à 13 + dans l'obfervation de la montagne , & elle 
ne fut quà 10 dans celle de la plaine : de plus , il y auroit toujours 
à cette Dune une différence effentielle entre les parties fupérieures 
& les parties inférieures de l'atmofphère, lors même que dans Le jour 
elles feroient humides au même degré; car les vapeurs fe condenfant 
après le coucher du foleil , & produifant ainfi une des efpèces de 
rofée , elles doivent s’abaifler , & par cette feule caufe, devenir plus 
abondantes dans les parties inférieures que dans les parties fupérieu- 
res : j'ajouterai que quoique mon hygromètre füt expofé en plein air à 
la montagne comme dans la plaine, il ny étoit pas aulli ifolé, étant 
attaché à la boîte de mon baromètre; cependant, la différence obfer- 


Tome F, Part, VL 17754 Ppp 


474 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


vée eft fi confidérable , que malgré toutes ces caufes particulières , je 
crois y reconnoître la caufe générale que j'avois foupçonnée; favoir , 
une moindre humidité dans les parties fupérieures de l’atmofphère , 
comparativement aux inférieures. 

100. Cette obfervation du 13 Septembre me paroît encore propre 
à répandre du jour fur les phénomènes de la rofée. On fait qu'il n'y a 
que peu ou point de rofée lorfque le ciel eft couvert ; & l’on a re- 
marqué en même tems que l'air fe rafraïchifloit moins après le cou- 
cher du foleil, par cette même circonftance. La caufe de ces difié- 
rences me paroït être , que lorfquil n'y a pas de nuages dans l'air 
au coucher du foleil , ou qu'ils font difperfés , la chaleur de l'air in- 
férieur , & celle qui s'élève de la terre, fe diflipent dans les régions. 
fupérieures ; & qu'alors, les vapeurs répandues dans l'air, fe conden- 
fent & retombent en rofée: mais que fi les’ nuages font continus, & 
qu'ils féparent ainfi l'air inférieur de l'air fupérieur , ils empêchent 
cette diflipation , & les vapeurs reftent fufpendues ; que fi le ciel vient 
à fe couvrir quelque tems aps#s le coucher du foleil , & après que 
la chaleur a fenfiblement diminué dans Fair inférieur , elle y augmente 
alors , parce que celle qui continue à fortir de la terre s’y accumule ; 
c'eft ce qui paroït dans l’obfervation dont je parle. Les nuages s'étant 
entrouverts à 10 heures , il y eut de la rofée, & l'hygromètre baïflæ 
fenfiblement jufqu'à 11 heures; mais s'étant enfuite réunis , la chaleur 
augmenta, & l'wmidite diminua fenfiblement. 

101. Je fuppofe ici que la rofée la plus générale & la plus abon- 
dante vient de l'air & non pas de la terre , comme l'ont cru quelques 
Phyficiens. Je rapporterois les preuves que j'en ai d’après de nom- 
breufes expériences , fi ce fait n’avoit pas été démontré dans l'excellent 
Mémoire de M. le Profeffeur le Roy fur l'élévation & la fufpenfion 
de l'eau dans l'air (1). Ces phénomènes de la rofée deviennent forr 
intéreflans à examiner par le fecours de Phygromètre ; en y joïgnant 
les obfervations du degré de faturation de l'air , relativement à l’eau, 
fi ingénieufement conçues & commencées par l'Auteur de ce Mé- 
moire. Si cette partie de la Phyfique s'éclaircit un jour, comme je 
l'efpère , elle devra beaucoup à la fagacité de ce vrai Phyfcien. 

102. Je ne rapporterai plus qu'une des obfervations que j'ai déja 
tentées avec mon inftrument : elle tient à fes principes ; & par cerre 
raifon feule , je ne devrois pas l’omettre : mais elle intéreffe aufli {a 
Médecine , qui confidère pour notre fanté l’action qu'exerce fur nos 
organes, l'eau à différens degrés de chaleur. L'ivoire étant une fubftance 


(1) Mémoires de l'Académie Royale des Sciences de Paris, pour l’année 1757» 


AUTRE 


pe 


+ 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 475 


animale , les effets qu'y produit l'eau différemment chaude ; peuvent 
nous aider à connoître ceux qu'elle produit fur nos corps. 

103. Le zéro de mon hygromètre eft, comme je l'ai dit ci-devant 
(44), l'humidité extrême par la température de la glace qui fond. Il 
étoit intéreflant de favoir quelle différence fe trouveroit dans ce point, 
lorfque l'hygromètre feroit plongé dans de l'eau plus chaude. A l'ai 
tenté, & je vais donner les réfultats de cette première expérien:e. 

104. Âu moment où je fortois un de mes hygromètres de la glace 
fondante ; je le plongeai dans de l’eau échauffée à 45 degrés : il baiffa 
fubitement de 4 de Fe degrés au-deflous du fl qui marquoit fa hau- 
teur dans la glace ; mais il remonta aufli-tôt , & parvint en 4 minutes 
à 8 degrés = au- deffus de ce même fil Déduifant cette hauteur 
22 degrés + pour la dilatation du mercure ( 48), refte— 14. Ainf l'eau à 
4$ degrés du thermomètre , fit abaifler réellement cet hygromètre de 
14 degrés au-deflous de zéro. 

10$. Demi-heure après, l’eau étant à 38 degrés , l'hygromètre ne fe 
trouva plus qu'à 62; c'eft-à-dire 6: — 2 — — 12: Ainf le vrai 
point d'humidité indiqué par ['hygromètre | étoit 12 + au-defTous de 
zero. Enfin l'eau n'ayant plus qu'une chaleur de 28 degrés , l'hygromè- 
tre fe trouva à 3——=— 11 : je fus obligé alors d'interrompre cette 
expérience ; & je ne l'ai pas reprife depuis , faute de tems: mais elle 
fuit pour nous apprendre que plus l’eau eft chaude , de elle dilate 
l'ivoire, ( quoique nous ayons vu le mercure s'élever dans l'hygromè- 
tre , après s’y être abaiflé un inftant ) : d'où je crois qu'on peut tirer 
cette conféquence générale , déja preffentie , qu'à quantité agif[ante 
égale, plus l’humor eft chaud , plus il écarte les particules des corps 
qu'il penètre. é 

106. Je dis 4 quantité agiffante égale ; & c’eft ici un des objets fur 
lefquels nous aurons probablement le plus de connoiffances utiles à 
acquérir en même tems qu'elles exerceront le Fes l'attention & le 
génie des Phyficiens. L'expérience que je viens de rapporter , prouve 
que l'eau dilate plus le tuyau de l'hygromètre , à mefure qe et plus 
chaude ; & je ne faurois douter qu'il n’en foit de même de l'humor dif- 
cret : d'un autre côté , l'évaporation étant certainement plus grande en 
eté qu'en hiver , il doit néceffairement y avoir plus de vapeurs mêlées à 
l'air dans la première de ces faifons que dans la dernière. Voilà donc, 
ce femble, en été les deux circonftances les plus propres à faire 
baiffer l’Aygromètre : plus d’humor dans l'air, & plus de chaleur ; cepen- 
dant j'ai déja l'expérience que la hauteur moyenne de l'hygromètre eft 
plus grande en été que dans les autres faifons. Mon premier hygromè- 
tre fait en hiver , seit trouvé trop court en été ; mais depuis que 
nous fommes en automne , fa longueur feroit fufifante, & la hauteur 


Tome V, Part. VI. 1775. Ppp2 


476 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
moyenne des quatre nouveaux eft déja (au commencement de No- 
vembre ) de 17 degrés moindre qu'elle n'éroit aux mois d'Aoùût & de 
Septembre. 

107. J'efpère que ce paradoxe s'expliquera , & que les principes qui 
l'éclairciront, feront fertiles en conféquences. Les Phyliciens qui regar- 
dent l’évaporation comme une diffolution de l'eau par ‘Pair à la façon 
des merfirues , c'eft-à-dire par affinité , expliqueront aifément ure 
partie de ces phénomènes par leur principe. Les diffolutions font plus 
grandes quand les menflrues font plus chauds; & par conféquent 
l'air doit tenir plus d’eau en diffolution , & en laifler moins précipiter en 
été qu'en hiver. Je ne puis difconvenir que ce fyftême ne foit très-fpé- 
cieux, & qu'on n’explique fort heureufement par fon moyen un grand 
nombr.e de phénomènes: c’eft ce que nous a montré M. le Roy dans le 
Mémo re que J'ai déja cité, où, fans foutenir que l'air foit réelle- 
ment un menffrue par rapport à l'eau, il fait voir par un parallèle très- 
bien foutenu , qu'on peut s’aider des expreflions de la Chymie fur les 
diffolutions , pour décrire tous les phénomènes qu'il examine de l'éléva 
tion & de la fufpenfion de l'eau dans l'air , ainfs que de fa chüte fous diffé- 
rentes formes. L 

108. Si des mots, on ne pafloit pas trop communément aux cho- 
fes , je trouverois en effet ces expreflions chymiques d'un ufage fort: 
commode dans la defcription d'un grand nombre de.ces phénomènes, 
Mais je les ai évitées ici par cette première confidération , parce qu'en 
embraffant un plus ‘grand nombre de phénomènes, je ne les trouve 
plus exactes non plus que l'idée générale de diffolution de l'eau par: 
Yair. J'en ai dit les raifons dans mon Ouvrage, & je répéterai feule- 
ment ici, qu'il me femble que ces modifications de L'humor font pref- 
que entièrement produites par le fluide igneé, & que fi l'air y contribue, 
ce n'eft que comme fluide élaffique. Les particules de ces fluides , cha- 
cune fuivant leur degré de puiffance , heurtent, féparent, entraînent 
celles de l’humor, & leur communiquent l'élafficité dont elles: jouif- 
fent, comme elles le font à l'égard des particules de toutes les fub£- 
tances volatiles, & mème dela plupart des fubftances fixes qu'elles cor 
rodent & décompofent. 

109. Ce fyftème fournira aufli la folution du paradoxe qui nous: 
occupe; mais je crois qu'il nous conduira plus loin. La chaleur de l'été 
tient l’'humor dans une très-grande agitation, & ne lui permet pas, 
quoique plus abondant qu'en hiver, de féjourner aufi long-tems ou en: 
auf grande quantité , fur les corps ou dans leurs pores : voilà pourquoi 
Fhygromètre baifle moins. Maïs on voit en même tems , que la partie: 
qui féjourne, celle que j'appelle agifflante , a plus de force pour dilater: 
les corps par le mouvement plus grand que lui imprime une plus: 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 477 


grande chaleur. Ainf la dilatation des corps par cette caufe, fera en 
raifon compofée de la quantité agiffante d'humor , & de fa force active 
ou de la chaleur : & par exemple, fi l'on compare certaine partie d'un 
jour d'été où en plein air, l’hygromètre fe tiendra au même devré que 
dans certain jour d'hiver, l'air, dans ce jour d'été, contiendra plus 
d’Aumor que dans le jour d'hiver ; cependant il y en aura moins qui 
agiffe fur l’hygromètre : mais cette portion agiffante aura plus de force, 
en forte que l'effet fera le même. Voilà ce qui me femble: mais ce n'efk 
pas ici le lieu de m'étendre davantage fur ce fyftême ; j'en ai dit aflez 
pour montrer que cette matière eft vaite, & qu'elle mérite un examen 
attentif. 


PP EN 
Mer: MyrO: LR. 


Sur les effêts d'un CHAMPIGNON, commu des Botanifles fous le 
nom de Fungus Phalloïdes annulatus, fordidè virefcens & patulus , 
Vaill. Bor. Pari. page 74; par M. PAU LE T, Doëteur en Médecine 
des Facultés de Paris & de Montpellier , Lu à l’Académie des Sciences, 


L OPINION qui excluroit de la claffe des alimens , tous les cham- 
Pignons, feroit aulli peu fondée que celle qui les y admettroit tous fans 
aucune reftriction. On eft forcé À reconnoître , après l'exemple jour- 
nalier d'une infinité de peuples qui fe nourriffent habituellement de 
différentes efpèces , & après les malheurs qui arrivent tous les jours à 
la fuite de l'ufage de certains, qu'il y a en effet des efpèces conftam- 
ment bonnes & innocentes, d’autres conftamment indigeftes & mal- 
faifantes, & d’autres enfin toujours très-pernicieufes & fouvent mor- 
telles. Cette différence. dans les vertus des plantes, n'eft point parti- 
culière à la claffe des champignons. I] paroît que dans tous les genres 
& familles d'êtres créés, il y a des efpèces mal-faifantes à côté des 
innocentes : c’eft ainfi que larfenic fe trouve avec l'or, l'argent & le 
mercure , dans le règne minéral; Le tigre avec le mouton dans le 
règne animal; la ciguë à côté du perfil dans le règne végétal & dans 
la même famille. Notre intention n'eft pas de difeuter ici , fi les cham- 
pignons ne devroient pas former un Poe de plantes, d’un genre par- 
ticulier, d’une ftructure & d’une nature toutes différentes de celles des 
autres végétaux ; enfin une clafle de plantes à part, qu'on pourroit ap- 
peller plantes charnues ou farcophytes , parmi lefquelles on obferveroit 
peut-être prefque autant d'efpèces diftinctes qu'il y en a dans le refte 
du règne végétal, & qui feroient fufceptibles d’être rangées par clafles 


Tome , Pare, V1, 1775. 


473 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


comme les autres plantes. Les mêmes nuances, les mêmes paffages 
infenfibles d’un genre d'une efpèce à l'autre , s’y trouveroient peut-être 
également. Pour peu qu'on examine de près certe partie de la Bota- 
nique & qu'on la fuive , on eft effrayé de l'immenfité d’efpèces diffé- 
rentes qui s'offrent à la vue. Chaque climat, chaque terrein a les fien- 
nes : très-fouvent , d'une lieue à l’autre, le fpectacle change & devient 
tout nouveau. Qui peut fe flatter de cennoître parfaitement cette bran- 
che de la Botanique , d'avoir apperçu tous fes objets ? La plupart font 
d'une petitefle qui les dérobe à la vue; d’autres ont très-peu de durée: 
en général ils n’ont tous , pour ainfi dire , qu'un moment pour paroître; 
ils paflent très-promptement à un état de putridité. Ce qui refte à obfer- 
ver eft peut-être aufli étendu que ce qu'on connoît, & s'il eft vrai que 
chaque efpèce de végétal a fa plante parafite; ainfi que fes infectes pat- 
ticuliers, on ne fera pas furpris de ce qu'on vient d'avancer comme 
une conjecture, fur-tout fi l'on fait attention que les champignons font 
prefque tous des plantes parafites , & qu'eux-mêmes en nourriflent quel- 
quefois d’autres d'une efpèce différente. 1 eft certain, au moins, qu'il 
y a beaucoup plus d’efpèces de champignons, qu'on n'en admet 
ordinairement. Îl paroît que quelques Auteurs mérhodiftes , voulant 
tout foumettre à des genres particuliers , les ont réduits à un trop petit 
nombre : qu'ils ont pris pour efpèces les genres , & pour variétés, ce 

ui peut former des efpèces particulières & diftinctes, &c Sr 
des genres. Par exemple, dans ce nombre prefque infini de champi- 
gnons à feuillets, dont on n'a fait qu'un genre, & où l'on trouve 
néanmoins tant de différences, foit dans la ftruéture même des feuillets, 
foit dans la confiftance du chämpignon , foit dans la couleur, la forme, 
les proportions dans les parties, &c. ne peut-on pas former de-là la 
réunion de plufeurs genres très-diftinéts, plufieurs ordres ou familles 
très-naturelles ? Parce que Pa champignons ont des feuillets, en 
doit-on conclure qu'ils ne forment qu'un feul genre ? de ce que plufieurs 
plantes ont une fleur papillonnée , eft-on en droit de conclure que 
toutes celles qui ont leur fleur en forme de papillon, ne conftituent 
qu'un feul & même gente? Cette manière de conftruire les genres nous 
paroît vicieufe , fur-tout  lorfque la plupart des plantes dont on fait 
choix pour le compofer , diffèrent eflentiellement entrelles , qu'il yen 
a beaucoup dans leur nombre qui ont des rapports fenfibles , des carac- 
tères communs qui les rapprochent, & en même tems de particuliers 
qui les diftinguent. 11 me femble qu'alors la réunion de ces êtres qui 
fe reflemblent sous par un point , un figne commun, mérite plutôt le 
nom de clafle, d'ordre ou de famille, que celui de genre, fur-tout 
sil y a beaucoup d'individus à placer, & fi ces individus diffèrent, à 
plufieurs égards , entr'eux, Tel eft Le cas, par exemple, d'un ordre de 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 479 


champiomons qu'on trouve dans la nombreufe famille ou clafle des 
feuillerés. Tous les individus qui le compofent ont leurs feuillets droits, 
rayonnés ginégaux dans leur longueur , & difpofés autour du pédicule 
fans y adhérer, comme des rayons de roue autour d’un moyeu qui leur 
fert de foutien. Ils ont tous en outre leur pédicule droit, cylindrique, 


_& leur chapiteau taillé circulairement ; ils EE ; pour ainfi dire, 


tous un caractère de famille, Mais plufieurs d’entr'eux ont la bafe de leur 
pédicule bulbeufe , d'autres tubéreufe ou arrondie. Parmi ces premiers, 
on en trouve qui fortent d’un volva entier, d’autres d'un volva brifé 
ou en petits morceaux ; parmi les autres, il y en a qui croiflent tou- 
jours en grouppe, & dont les feuillets tendres & humides devien- 
nent tout noirs & fe réduifent en encre; d’autres qui font conftamment 
feuls, & parmi ceux-ci, les uns ont leurs feuillets noirs, les autres 
conftamment blancs. Dans les uns & les autres, il y a des différences 
£enfibles dans la taille , la forme , la couleur, les proportions des par- 
ties , Les qualités internes & externes, leurs vertus dans la coupe même 
des feuillets, &c. Il y a de quoi former dans ce même ordre, des 
divifions , des fous-divifions,-des genres , des efpèces & des variétés 
très-diftinétes. Les feuillers peuvent établir une claffe; leur arrange- 
ment ou leur ftruéture particulière , un ordre diftinct; des caractères 
particuliers, conftants & fenfibles , les genres; la différence fenfible 
dans les proportions des parties , dans les qualités & les vertus, les 
efpèces; & les différentes nuances dans des couleurs , les railles , les 
formes , les coupes des feuillets , &c., les variétes. On ofe même avañ- 
cer que fans quelque ordre femblable , fans le fecours des divifions 
fondées fur des caraétères invariables , tels que ceux qu'on vient d'in- 
diquer, on ne connoîtra jamais parfaitement cette branche de la Bota- 
nique, ou plutôt de l’Hiftoire Naturelle. Si tous les champignons à 
feuillets ne doivent former qu'un genre, comment fixer les limites qui 
féparent Les efpèces ? comment faifir les nuances, les gradations infenfi- 
bles qui conduifent de l'une à l’autre ? Il y aura toujours des diftances 
immenfes d’une efpèce à l’autre; le champignon qui croît fur la racine 
du chardon roland, le fungus eryngii diffère au moins autant de celui 
qui croît fur la racine de la chicorée, dans la claffe des champignons 
à feuillets , que le fliqua/trum du haricot dans celle des papillonnacées, 
Le premier eft charnu, plein, ferme, a fes feuillets qui defcendent fur 
le pédicule; fon chapiteau fe contourne en forme d'oreille, d'où lui 
vient fon nom d’Oreille de chardon ; il forme en outre un aliment très- 
fucculent & délicat; celui de la chicorée eft un champignon grêle , 
foible , tendre , aqueux , tranfparent , taillé en forme d'éteignoir & avec 
des feuillets rayonnés autour d’un pédicule fiftuleux, fans y être adhé- 
rens. Îl y a autant de diftance du champignon de la chicorée à celui qui 


Tome PV, Part. VI. 1775. 


480 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


croît fur la racine de la grande confoude, que celui de la chicoïée à 
celui du chardon : celui de la chicorée a trois ou quatre pouces de haut 
avec un chapiteau de fept à huit lignes de diamètre ; celui deda grande 
confoude eft prefque imperceptible, & reflemble plutôt à une étamine 
d'une plante liliacée qu'à un champignon. IL y a autant de différence 
dans les qualités & les vertus que dans les formes. On trouve aux en- 
virons de Paris, un champignon qui a l'odeur , lamertume & le goût 4 
de l'amande amère : il y en a d’autres qui ont l'odeur & le goût du 

favon de Marfeille. On en voit plufeurs qui fentent l'ail, d'autres la 
moutarde; enfin on en trouve qui fentent leraifort , la térébenthine , les 
cantharides , Le foufre , le /fercus humanum. Qui pourroit aflurer que 
dans cette nombreufe famille d'êtres, dont les qualités diffèrent fi fort 
entrelles, on ne trouvera pas quelque jour quelques principes médica- 
menteux falutaires ? Quels avantages ne peut-on pas tirer pour les Arts 
& la Médecine, d’une clafle de plantes qui offrent tant de fingularités , 
dont l’une donne une belle couleur jaune , l’autre une écarlate fixe, une 
autre des vêremens, & en outre-un aftringent afluré pour arrêter les 
hémorthagies? Quelle attention mérite un ordre de plantes qui, outre 
les avantages dont on vient de parler, fournit dans la plupart un aliment 
très-fain, crès-léger, très-facile à digérer ( malgré l’affertion contraire de 
plufieurs ), tandis qu'en même tems il renferme dans d’autres un poifon 
mortel , mêlé à une fubftance agréable au goût & capable de nourrir 
lorfqu’elle en eft dépouillée. 

Notre intention aujourd'hui eft de faire connoître les effets de l'efpèce, 
peut-être la plus dangereufe qui exifte ; de celle qui caufe au moins 
les malheurs les plus fréquens -aux environs de Paris, & qui a fait 
périr cette année 1774, à notre connoiffance, fix perfonnes, deux dans 
le Fauxbourg Saint-Denis, deux à Surène, & deux à Melun. Il 
nous paroît effentiel de décrire ce champignon avec foin, afin qu'on 
puifle le diftinguer de tous ceux qui pourroient avoir quelque rapport 
avec lui. 

Ce champignon eft vert. On connoît aujourd'hui en Europe environ 
quinze ou feize efpèces ou variétés de champignons verts, dont quelques- 
unes font innocentes & trèsbonnes à manger , d'autres dangereufes ou 
fufpectes, & d'autres mortelles. 

La première, & qui fait le fujet de ce Mémoire, eft un champi- 
gnon de la clafle de ceux quiont des lames ou feuillets à la partie 
inférieure de leur chapiteau , que Dillenius a compris fous le nom 
générique d’amanita, Linnæus & Gleditfch fous celui d'agaricus , & 
prefque tous les autres Auteurs fous celui de fungus. A1 eft encore du 
nombre de ceux qui fortent d'une enveloppe entière, connue des 
Botaniltes fous le nom de volya , fortes de champignons que Vaillane 

avoit 6 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 481 


avoit coutume de défigner par l'épithète de phaloïdes (1), IL eft en outre 
du nombre de ceux qui ont une bafe bulbeufe & une peau où mem- 
brane autour du pédicule, qui l’embrafle en manière de manchette ou 
de peignoir, & qu'on appelle coller. 

Ce champignon eft d'une taille moyenne & bien proportionnée. Le 
deffus du chapiteau eft pour l'ordinaire d'un vert un peu luifant; le 
refte eft blanc , quoiqu'il arrive quelquefois , fur-tout lorfqu'il a refté 
Jong-tems fur pied , que Le pédicule verdit de même. Cette couleur verte 
n'appartient qu'à la membrane externe qui recouvre le chapiteau & 
le pédicule ; lorfqu'on l'enlève , on apperçoit la fubftance interne qui 
eit blanche. 

Avant de fortir de terre, ce champignon eft recouvert de fon volva 

ui l'embrafle de tous côtés. Dans: ce premier état , il reflemble à 
Lis noix qui feroient ne l'une fur l'autre, & recouvertes d’une peau 
blanche & un peu épaifle; le bulbe alors eft mêmeun peu plus grosque le 
chapiteau ; l'un & l'autre peuvent avoir un pouce & quelque chofe de 
plus de diamètre: dans cet état, le pédicule n'eft pas encore alongé, 
& la membrane qui doit former le collet, tapifle encore en-deflous 
coute La furface-des feuillets. IL n’eft pas plutôt hors de terre, que le 
volva fe déchire qnelquefois entièrement ; d’autres fois, il tient encore 
au chapiteau : d'un côté, comme on Le voit ici fig. 1 , 4, lettre G, lor£- 
qu'une pluie douce ou une circonftance favorable rend fon accroifle- 
ment fubit , alors en fortant de terre, le volva fe déchire net tout au- 
tour ; une partie, & c'eft la plus épaifle, refte toujours autour du 
bulbe , cachée dans la terre, tandis que l'autre fe colle fur le cha- 
piteau , qu'on trouve fouvent ainfi recouvert de quelques lambeaux du 
volva. 

Ce chapiteau eft ordinairement bombé en forme de calotte de Prè- 
tre: mais lorfqu’il eft bien étalé , il eft quelquefois plat. Pour l'ordi- 
naire , il forme exactement le parafol ouvert; il| a alors de deux à trois, 
& même quatre pouces de diamètre ; fon pédicule qui eft cylindrique, 
droit pour l'ordinaire, & taillé un peu en quille , a environ 4 ou ÿ lignes 
de diamètre à fon milieu, & 7 ou 8 du côté de fa bafe , fur 2 ou 3 pou- 
ces de haut en tout , y compris le bulbe; il n'a jamais au-delà de $ 
pouces de haut, & fa taille moyenne eft de 3 à 4. La tunique exté- 
rieure verte, qui recouvre le chapiteau, n'eft point fujette à fe gerfer 
ou à s’écailler; elle refte toujours life, unie par-tout jufqu'à la def- 
truction entière du champignon: il n'en eft pas toujours à même de 


(1) Ceft-à-dire à la manière des Phallus, efpèces de Morilles qui fortent d'un 
volva. 


Tome V, Part, VI 1775 Qgq 


482 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
celle qui recouvre le pédicule ; celle-ci eft fujette à fe gerfer ou à s'écail- 
ler quelquefois. 

La fubftance interne , tant du chapiteau que du bulbe & du pédicule, 
eft blanche , aflez ferme , quoiqu'un peu humide, fur-tout lorfque le 
champignon n’eft pas dans fa parfaite maturité ; celle du chapiteau a 
jufqu'a quatre lignes d’épaifleur , du côté du centre , & diminue infenfi- 
blement en approchant de bords , où elle fe trouve réduite à un quart 
de ligne environ. Lorfqu’on la prefle fortement , on en fait fortir une 
humidité aqueufe, fans autre couleur que celle de l'eau ordinaire : cette 
pulpe n’a point de mauvais goût; celle du pédicule qui n'eft qu'une 
continuation de celle du chapiteau, eft de la même blancheur, mais 
moins ferme, plus moëlleufe , fur-tout au cœur. Lorfque cette moëlle 
fe diffipe , ce qui n'arrive que fort tard, le pédicule devient creux: 
il en eft de même de celle M bulbe, qui fe diflipe aufli en partie; celle- 
ci eft ordinairement un peu plus humide que celle du pédicule , & lorf- 
que ce champignon a une odeur forte ou virulente , elle fe manifefte 
iur-tout au bulbe. 

Les feuillets font d’un blanc un peu plus clair , plus diaphane que celui 
de la fubftance pulpeufe; ils font auñi un peu plus aqueux:ils font tail- 
lés un peu en portions de cercle, dont la partie la plus élevée n'a pas 
plus de quatre lignes de haut; ils font droits , peu épais, aflez ferrés les 
uns contre les autres, mêlés de demi, de quarts de feuillets, & quel- 

uefois de petites portions qu'on obferve toujours du côté des bords 
& chapiteau. Tous ces petits feuillets font coupés toujours de même, 
dans quelques individus prefque perpendiculairement, dans d’autres un 
peu en bifeau , & dans d’autres, en bec de flüte: cela varie; ceux qui 
font entiers, forment par leur tranche qui eft unie , une furface ésale & 
prefque horifontale : ils font difpofés en forme de rayons de roue autour 
du pédicule fans y être adhérens, & s'implantent dans un bord épais , 
qui leur fert de foutien, & qui cerne le pédicule, un peu évafé, en 
manière de noyau autour d’un pivot, fans lui être pour cela continu ni 
même adhérent ; de façon qu’on peut détacher le pédicule du chapiteau 
fans déchirer les feuillets. 

Le coller s'étend depuis l'endroit de cette infertion, en partie adhé- 


rent & collé fur le haut du pédicule , en partie Rottant , jufqu'a envi-. 


ton un demi-pouce de diftance des feuillets : la partie flottante fe 
trouve fouvent pliffée en manière de manchette ou de peignoir; elle eft 
fi délicate dans quelques-uns, qu'elle s’efface quelquefois : lorfqu'il 
arrive que le pédicule eft vert, il n'y a dans Le collet que la partie infé- 
rieure qui foit de cette couleur ; le refte eft blanc : c’eft fur cette partie 
blanche, qui étoit primitivement collée contre les feuillets, qu'on obferve 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 483 


de des fillons très-fins , ou l'empreinte que Les feuillets ont laiffée 
ur elle. 

Ce champignon croît dans les endroits les plus fombres , les plus 
humides des bois des environs de Paris, & toujours à l'ombre. Quel- 
qu'atention qu'on ait faite aux lieux de fa naiflance , on n'a pu dé- 
couvrir autre chofe , fi ce n’eft qu'il croît dans des terres légères , fa- 
blonneufes , un peu noirâtres , formées fur-tout des débris de feuilles 
de chêne, & parmi quelques racines de plantes graminées, très-fou- 
vent dans des terres où il n’y a point de racines : on n'a apperçu d’au- 
tre racine à ce champignon que fon bulbe qui le nourrit. La faifon la 
plus ordinaire eft lautomne , depuis la fin d'Août jufqu'au commen- 
cement de Novembre : c’eft alors le plus commun de tous les champi- 
gnons qu'on obferve dans les bois des environs de Paris , fur-tout dans 
ceux de Vincennes , de Pantin & de Boulogne : on le trouve encore 
dans la forêt de Fontainebleau , dans celle de Senart & de Saint-Ger- 
main, à Marly, à Verfailles, à Meudon; mais il ny eft pas à beau- 
coup près fi commun que dans les bois ci-deflus , qui dans ce tems en 
font prefque tout couverts. 

Outre les variétés auxquelles fa couleur eft fujette ; car il eft quelque- 
fois blanc & quelquefois d’un jaune vert , on doit diftinguer deux va- 
riétés conftantes de ce champignon; l’une qu'on obferve au printems, 
l'autre en automne. . 

Celle du printems ( voy. fig. 7, lettre H) eft un champignon pour 
l'ordinaire tout blanc, quelquefois lavé d’une teinte légèrement verte 
au re sileft en tout moins grand , moins fort que le premier , 
mais fon pédicule eft plus alongé : on voit bien que c'eft le même ; 
mais il femble avorté & venu avant le tems. 

La feconde variété eft celle qu’on obferve à la fin d’Août ; le cham- 
pignon qui la forme eft taillé de même que le premier , mais il eft 
beaucoup plus fort , plus épais que lui : fon chapiteau s'applatit & 
fe creufe même en-deflus ; fa couleur eft mêlée de jaune & de vert, 
mais le jaune y domine ; le refte eft d’un beau blanc de lait : fon 
volva s'efface quelquefois entièrement , ainfi que fon collet , ce qui 
eft rare dans les autres : il a en outre une odeur forte & virulente ; 
il prend une odeur cadavéreufe , en fe réduifant en liquamen huit ou 
dix heures après qu'on l'a cueilli ; du refte , ces deux variétés , fur-tout 


cette dernière, font aufli dangereufes que l’efpèce à laquelle elles tiennent.- 


+ Nous ne connoiffons d'autre defcription de l'efpèce de champignon 
gont on parle, que celle qu'on trouve dans le Boranium Parifien/e 
de Vaillant , où cet Auteur le défigne à la page 14, fous le nom de 
fungus phalloïdes | annulatus | fordidè virefcens & patulus ; p.74 5 n°. 3. 
Cet Auteur en a donné une figure qui eft parfaite , & bien fupérieure 


Tome V, Part. VI 1775. Qgg2 


484 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


à celle du Cabinet des Eftampes qu'il cite. On peut reprocher à Vaillant 
d'avoir mis fous le même nom des cham ignons , à la vérité du même 
genre, mais bien différens de celui-ci, foir par leur couleur , foit par 
leur volva, foit par leurs vertus. Cette remarque qu'il ne nous appar- 
tient peut-être pas de faire , me paroît néanmoins néceffaire par l'im- 
portance qu'il y a de bien connoître & diftinguer un champignon auñi 
dangereux que celui dont il eft queftion. Cette confidération nous con- 
duit à l'examen de quelques-uns qui reffemblent à celui-ci, fur-tout 
par leur couleur. 

Le premier champignon vert, dont la defcription ou la dénomina- 
tion s'accorde le plus avec celni-ci , eft celui qui eft défigné dans Mi- 
cheli fous le nom de fungus à voly& erumpens , pileolo fupernä parte 
viridi 6 fplendente | lamellis € cylindrico pediculo albis. Micheli, nova 
gen. Plantar. p. 182. 

Tout nous porteroit à croire que c'eft le même , ou du moins une 
variété, fi cet Auteur f-éxact ne l'avoit point placé dans la divifion de 
ceux qui n'ont point de collet : il eft vrai que le collet s'efface quel- 
quefois ; mais le plus fouvent il eft permanent. Quoi qu'il en foit , Mi- 
cheli ne le donne pas pour bon à manger. On a le même doute au 
fujet de celui qui eft indiqué dans le Catalogue des Plantes de la Heffe 
de Dillenius , fous le nom d'Amanita virefcens , fans defcription ; il 
l'indique feulement à l'ombre des bois, & c’eft peut-être le même. On 
en peut dire autant de celui qui eft indiqué dans le Di&ionnaire de 
Médecine de James , au mot Amanita , fous le nom d’Amanita pileo 
vireftente, ex pil erumpens : on voit même clairement que c'eft lui, 
d'après la defcription qu'il donne après Vaillant. 

Outre ces champignons verts 4 volya, il y en a d’autres de la même 
couleur , mais fans enveloppe , dont les Auteurs font mention. 

Le premier eft le fungus pileolo cucullato , vifcido , intensè viridi , 
€ quafi vernigine oblito , inferiüs lamellis & pediculo albis, Micheli, n. 
gPhkepibrge 

Le deuxième eft le fungus parvus., pileolo pulvinato virefcente , lamel!is 
€ pediculo albis, du mème Auteur, qu'on appelle en Italie verdachino 
di bofco. 

Le troifième qui eff bon à manger , eft le fungus efculentus , pileolo 
Pulrinato , defuper à luteo virefcente , infernè lamellis € pediculo albis | en- 
core du même Auteur. 

Quoïque ces trois champignons aient le chapiteau vert, le pédicule 
& les feuillets blancs comme le nôtre , on les diftingue facilement des 
lui, en ce qu'ils ne font ni bulbeux, ni colletés, ni fortis d’un volva. 

Le quatrième eft le fameux champignon vert , qu’on mange dans 
prefque toute l'Allemagne , en France & en Italie, très-connu des Aus 
teurs , & qu'on ne peut confondre avec le nôtre. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 148$ 


1°. Il eft beaucoup plus grand , plus fort , plus épais : 2°. Sa fur- 
face, quoique fouvent bombée , eft inégale , rude au toucher , cou- 
verte d'éminences, ce qui lui a fait donner le nom de fungus fylvar. 
afper , efculentus , par J. Bauhin, dans fon Hiftoire des Plantes , t. III. 
Il eft en outre rayé fur les bords : il eft connu en Allemagne, princi- 
palement en Hongrie, fous le nom de champignon des Dames ,: Do- 
minarum fungus , fraW teubelinge , &c. 

C'eft fur-rout fous cette dénomination que Clulus le donne dans 
fon Hiftoire des Plantes , & il forme la première efpèce du treizième 
genre des bons de cer Auteur, pag. 269 , où il le décrir. Sterbéek en 
a donné une figure dans fon Theatrwn fungorum ; à la planche $ , 
lettre C. Dillenius en a fait encore mention dans fon Catalogue des 
Plantes , fous le nom d’Amanita Kremlinga, magna, afpera , virefcens , 
p- 178. Enfin Gleditfch l'a décrit dans fon Merhodus fungorum , p. 105 , 
ë& il eft évident que ce n'eft pas celui dont il eft queftion. Il eft plus 
facile de le confondre avec une variété de ce dernier, qui eft le petit 
champignon vert ou Palomé des Béarnois, femblable au Paloma des 
Efpagnols, mots formés l'un & l'autre de Palumba ou Palumbes , qui 
fignifie Pigeon-ramier , parce que Le deffus dé ce champignon eft d’un 
vert changeant , & femblable à la couleur de cet oifeau ; c’eft le 
fungus efculentus , pileolo pulvinato , viridi, infernà cum pediculo albo, de 
Mich. p. 152. IL diffère du précédent par fa taille qui eft beaucoup 
plus petite ; & par la furface de fon chapiteau , qui eft life , unie ; 
du refte , il eft également rayé fur les bords, & a fes feuillets, ainf 
que-fon pédicule , blancs comme lui. Ce champignon eit très-délicat 
& fort éftimé dans le Béarn ; mais il eft clair par cette defcription , 
que ce n'eft point le vert des environs de Paris. 

Voilà les champignons verts avec lefquels le nôtre a le plus de 
rappurt, [1 y a encore la feconde efpèce du treizième genre Au bons 
de Clufus , qui forme la première du fungus umbilicum referens , varie- 
gatus, de G. Bauhin, variété du fungus piperatus, non laëtefcens , de Vaill. 
pag. 62, n. 11, dont le chapiteau eft mélé de brun , de bleu & de 
vert, & fe creufe en forme de nombril, ou plutôt de foucoupe , 
qu'on pourroit prendre pour celui-ci : mais il neft ni bulbeux , ni 
colleté , ni forti d’un volva ; il a en outre tous fes feuillets de la même 
grandeur , & n’eft jamais d’un vert pur; ainfi, on ne fauroit le con- 
fondre avec lui : il en eft de même de ce champignon verdâtre , lai- 
teux & âcre, creufé en forme d'entonnoir, qu'on trouve aux environs 
de Paris , qui eft une variété de celui qui eft dans Micheli(1), 


(1) Fungus acris, laétefcens, durioris fubftantiæ, pediculo cum fupernà pileoli 


Tome VW, Part. VI, 1775. 


436 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 
pag-.143. On en peut dire autant de ce petit champignon vert foncé 
( 1) dont païle le même Auteur, qui a tout le luifant, l’odeur & la 
couleur des cantharides : d’un autre champignon vert, glaireux , à 
feuillets roux (2) qu'on trouve à Meudon ; & enfin de ce petit cham- 
pignon tout vert (3), qui croît dans le bois de Boulogne , fur-tout du 
côté de Madrid, parmi les orties , & dont le chapiteau eft taillé en 
forme d’éteignoir, dont le fommet jaunit un peu: mais aucun d’eux 
n'a ni bulbe, ni volva , ni coller. 

Si l’on ajoute à ces champignons la morille verte qui eft fort rare, 
on aura , je crois, la lifte entière de tous les champignons verts qu’on 
trouve en Europe. Il faut remarquer en outre , que tous les champi- 
gnons dont on vient de parler , à l'exception de celui dont le cha= 
piteau eft creux , font tous rares, au lieu qu’il n’y a rien de fi commun 
que le vert dont il eft queftion. 4 

Il y a encore une chofe très-effentielle à obferver à fon fujet ; c'eft 

u'il eft quelquefois tout blanc , fur-tout quand il commence à naître. 
Dans cet état, il eft très-facile de le confondre, fi on n’y fait atten- 
tion , avec une variété du champignon de couche, ou fungus campef- 
tris, albus fupernè, infernè rubens de J. Bauhin , variété très-commune 
dans nos bois, & que Mentzel a défignée dans fon Index fous le nom 
de fungus globofus, teneræ ætatis , à caufe de fa forme. Ilreflemble , en 
effet , à une boule toute blanche , lorfqu'il fort de terre. C’eft pour 
cela qu'on l'appelle dans quelques endroits la boule-de-neige ; mais ül 
eft plus connu fous la dénomination de champignon des bruyères , fur- 
rout à Verfailles, où, on le vend .fous'ce nom , & où il eft très-com- 
mun en Septembre & Octobre. C’eft le champignon qui a donné le 
plus fouvent lieu aux méprifes qui ont coûté la vie à tant de gens aux 
environs de Paris. Cela n'eft point étonnant; ils fe reflemblent à bien 
des égards. Ils font fouvent l'un & l'autre taillés de même ; ils croiflent 
en même tems & dans les mêmes endroits , & il eft bien rare que, 
lorfqu'on en ramafle de bons , il ne s’en mêle toujours quelqu'un de 
cette efpèce ; de-là, l’origine du préjugé contre tous les champignons 
en général, fur-rouc à Paris: mais pour peu qu'on y fafle attention , 


parte fordidè & dilutè purpureis, & ad tartarum vini rubri colore accedentibus, 
lamellis primüm albis, deindè rufefcentibus. ZZ:c4. pag. 143. 

(x) Fungus parvus, elegans, cantharidum colorem, fplendorem &odorem æmu- 
lans, pileolo cum vertice lævi reliquà parte pulchre ftriato, lamellis carneis, pedi- 


culo cxindrieos fiulofo. Mich. r.75, fi 5: É 
‘ (2) Fungus noltras, virefcens & virofus ,lamellis rufefcentibus. Æu Cabiner du Roi. 


(3) Fungus parvus ,totus viridis, & adaurum nonnihil tendens, ac limacino glu- 
tine obduétus , pileolo extinétorii forma, pediculo fiftulofo. ÆZich. Noy. Gen, 
Plans pag. 150. ( 


EN ? 
ê  d Fe" { 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 4187 


ik eft bien difficile de les confondre. 1°. Quoique l'un & l'autre aient 
un voile qui couvre leurs feuillets , celui du bon eft toujours horifontal 
& bouche la cavité en manière de peau de tambour ; au lieu que le 
voile de l'autre eft très-peu adhérent & prefque toujours flottant. 2°. 
Le bon ne fort point d'un volva comme l’autre , & n'a point le pied 
bulbeux , quoiqu'il foit un peu arrondi à fa bafe. 3°. Le bon a l'odeur 
& le goût du cerfeuil ; le mauvais n’en a point , où du moins n'a rien 
d'agréable. 4°. Le bon eft fi délicat , que lorfqu’on le coupe avec la 
dent, l'endroit coupé jaunit tout de fuite , ce qui n'arrive point à l’au- 
tre. £: Mais ce qui ne permet pas de les confondre , c’eft la couleur 
des feuillets ; le fufpect les a toujours blancs , au lieu de ceux du bon 
à font toujours couleur de chair ou couleur de rofe tendre. Il ne fe paffe 
pas d'année que ce champignon vert ; que quelques Payfans appellent 
le luivert ou luitvert', d'autres lucifer , ne caufe quelque malheur aux 
environs de Paris. 

Cette année , au mois de Septembre , c’étoit le quatorzième , M. 
Guibert , Fabricant de Gazes à la Porte Saint-Denis , fe promenant 
au bois de Vincennes, en ramafla une certaine quantité. De retour 
chez lui , les champignons furent pofés fur une fenétre où ils pafsèrent 
la nuit. Le lendemain on les mit ‘dans une étuvée de carpe. Six 

erfonnes en mangèrent, M. & Madame Guibert fon époufe ; fa 
fille , deu£ garçons étrangers. & la domeftique. Le repas fut fait 
fur les trois heures après. midi. Perfonne ne fe fentit incommodé le 
rete de la journée : on foupa comme à l'ordinaire ; chacun fe mit au 
lit. Sur les trois heures après minuit, Madame Guibert fut réveillée 
la première par un rêve effrayant ; bientôt , elle: eut des anxiétés, des: 
naufées ; & rendit ,:en vomiflant , une partie de ce qu'elle avoit mangé, 
mais: fans douleur , fans tranchées : M: Guibert: éprouva à-peu-près., 
& dans le même tems, les mêmes accidens ; mais il eut le bonheur 
d’avoir des :évacuations très-abondantes-par haut & par bas : il éprouva 
un véritable cholera-morbus , accompagné de crampes vives & très- 
douloureufes ; fur-tout aux pieds : malyré fa foiblefle | il eut encore 
aflez de force pour aller chercher du fecours lui-même, ce qui eft 
fort rare ; car , dans tous les cas femblables , quoiqu'il n'y ait pasiun 
accablement-univerfel ; ou Le proffratio virium.} il y aiau moins le si- 
rium languor , fans, pour cela , que la fièvre sen mêle. Les autres 
éprouvèrent à peu-près les mêmes accidens. Un homme de l'art appellé 
eut le tems de faire prendre l’émétique à Madame Guibert ,.à la do- 
meftique & à un des garçons : il ne fut pas Da de rien faire 
prendre à un garçon qui refufa tout & qui étoit dansun afloupiffémenr 
continuel, ni à laipetite fille qui étoit également afloupie. L'émérique 
ayant produit un effet complet, tous ceux qui er prirent fe trouvè= 


Tome F, Part. VA, 177 je 


488. OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


rent mieux. M. Guibert fut fecouru par la Nature’, qui lui procura une 


évacuation très-abondante. La fille & le garçon qui avoient toujours 
été dans l’affoupiflement , moururent l’un & l'autre fans avoir rien pris 
ni rendu. IL faut remarquer que l’afloupiflement fut le fymptôme le 
plus général ; à l'exception de M: Guibert , tous les autres l’éprouvè- 
rent du plus au moins. Ils ne sen tiroient les uns & les autres que 
pour vomir , & bientôt ils recomboient dans le même état. Les quatre 

erfonnes qui en échappèrent , furent environ trois ou quatre femaines 
à fe rétablir. Le défaut d’appétit , l'abattement des forces & l’infom- 
nie font les fuites ordinaires de ces accidens, qu'on obferve dans la 
convalefcence. [l y eut une circonftance qu'on ne doit pas oublier ; 
c'eft qu'un chat, qui avoit lèché les che , fut très-malade. M. 
Guibert le voyant fouffrir , le fit tuer , & il y a grande apparence 
qu'il en feroit mort; car ce poifon , comme on .le verra bientôt, eft 
aufli pernicieux pour les animaux que pour les hommes, fur-tout pour 
les quadrupèdes qui ont l'eftomac fait comme lui, & vraifemblable- 
ment pour tous. 

Quelques jours après cet accident, ayant préfenté à M. Guibert en- 
viron une vingtaine d’efpèces différentes de champignons fufpedts , il 
frémit à la vue de celle-ci, & la reconnut fur le champ. Il naffura 
même qu'en ayant ramaflé beaucoup d’autres en même tems ( & notez 
que c’étoient des bons), il les rejetta, & ne conferva que ceux qui 
avoient les pieds bulbeux , dans l'idée que c’éroient les meilleurs. Ce 
qui donne le plus fouvent lieu à cetre idée malheureufe, c'eft que Le 
champignon des bruyères dont on a parlé , outre qu'il eft fujet à jau- 
nir, à caufe de fa grande délicatefle , lorfqu'on le touche & qu'on a 
chaud , a des feuillets qui noirciflent quelque tems après qu'il eft 
cueilli, lorfqu'il n’eft pas bien frais ; c'eft ce qui fait que la plupart du 
tems on le rejette. Mais füt-il noir comme de l'encre , mille n'auroient 
pas le danger d’un feul des verts. Je l'ai vu manger très fouvent dans 
cet état , fans qu'il ait jamais réfulté le moindre accident. 

L'accident de Surène ,:arrivé cette même année vers la mi-Octobre , 
n'offre rien d’extraordinaire. Deux perfonnes, le nommé Boucherat &c 
fa fille , ont été les victimes de leur imprudence ou de leur erreur : 
le même champignon leur a coûté la vie. L'intervalle entre le der- 
nier moment du repas & celui des accidens , fut à-peu-près de onze 
heures, comme dans l'obfervation précédente. Les champignons furent 
mangés à fix heures , & leur effet fe manifefta à Er heures du matin. 
Ils moururent le troifième jour , après avoir éprouvé ‘abord des anxié- 
tés , des défaillances prefque continuelles , des naufées , enfin des dou- 
leurs univerfelles dans les membres | & des mouvemens convulfifs, 
Hs ne furent point fecourus à tems , & la Nature les fervit mal. Ils ne 

prirent 


- SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 429 


prirent que de l’eau chaude. Il n'y eut d’ailleurs ni mal de gorge, ni 
tranchées , ni douleurs vives intérieurement. Le père fut affoupi. Ayant 
été à Surène pour vérifier moi-même le fait, je me fuis convaincu 
que c'étoit la même efpèce de champignon qui avoit caufé cet ac- 
cident, 

-Un malheur femblable eft arrivé à Melun vers la fin de Septembre 
de cette année au nommé Bonier & à fa femme. Ce Bonier & fon 
frère , tous deux manœuvres Maçons , ramaflent un Samedi plufeurs 
de ces champignons , qu’ils prirent pour des bons. Ils furent cuits en 
partie fur le oril , en partie dans un ragoût. Le mari & la femme en 
mangèrent le foir à huit heures. Le lendemain fur les cinq heures du 
matin , ils éprouvèrent des foibleffles , des anxiétés, des naufées, & 
finirent par vomir confidérablement , fur-tout le mari, qui fit tant 
d'efforts, qu'il vomit jufqu'au fang. La femme , très-mal fecourue , 
mourut le troifième jour. Le mari fut fept à huit jours à fe remettre. 
Il aflure avoir éprouvé quelques tranchées. M'étant trouvé fur les 
lieux quelques jours après cet accident, j'ai vérifié l’efpèce de cham- 
pignon qui l’avoit De , en me tranfportant à l'endroit où ils avoient 


été cueillis. C’éroit dans Le bois de la Porchette , à l'entrée de la forct 


de Fontainebleau. 


On peut conclure de ces trois obfervations , 1°. que cette efpèce de 
champignon, aprêté à la manière ordinaire , refte de dix à douze heures 
dans le corps Bas produire aucun effet fenfible. 

2°. Que les anxiétés , les naufées , les défaillances , les foibleffes 
continuelles , le vomiflement , le dévoiement , le cholera-morbus 
ou-lafloupiflement, font les principaux fymprtômes qu'il occafonne. 

3°. Que plus il y a d’évacuations naturelles ou artificielles , moins il 
y a de danger, & que l’afloupiflement, joint au défaut d’évacuations, 
eft le plus fâcheux de tous les fymptômes en pareil cas. 

4°. Que parmi les fecours les plus efficaces , l'émétique fur-tout doit 
être compté le premier. 

5”. Que le mal de gorge ou le refferrement à cette partie n'eft 
pas un fymprôme affecté à toutes les efpèces dangereufes de cham- 
pe , comme on l'a cru , & quil en eft qui ne produifent point 
cet effet. 


6°. Que ce champignon eft également funefte aux hommes & à 
quelques animaux. 

7°. Qu'il paroît par la manière lente dont ce poifon agit, & par la 
nature des fymprômes qu'il caufe , qu'il pafle dans les fccondes voies, 
attaque l'origine des nerfs & le cerveau , d’où s’enfuivent les défaillan- 
ces . l'afloupiflement , &c. 

Curieux de connoître la nature du principe vénéneux , qui rélide 


Tome P, Part, VL 1775. Rrr 


490 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


dans cette efpèce de champignon , nous tentâämes, M. Parmentier, an- 
cien Apothicaire-Major de l'Hôtel des Invalides , & moi, plufieurs 
expériences , dont voici le réfultat. 

D'abord , il étoit effentiel de s’affurer fi les accidens que ce cham- 
pignon eft capable de produire , étoient conftamment les mêmes fur 
les hommes & les animaux. Pour cet effet, voici comme on s'y prit. 

On choifit pour cela des chiens ; le premier champignon qu'on eflaya 
fur eux, fut la deuxième variété du champignon vert, défignée par 
la lettre F , n°. 8. Ce champignon fut trouvé dans les bofquets du 
Parc de Vincennes , à la fin d’Août. Il avoit une odeur forte , viru- 
lente, & un peu nauféeufe. 


PREMIÈRE EXPÉRIENCE. 


Ce champignon frais & crud , à la dofe de trois gros environ , 
haché menu , mêlé avec de la viande & du pain, dont on fit une 
âtée, & donné à un chien fort & vigoureux , ne produifit aucun effet 
fenfble pendant dix heures ; il mangea même encore cinq heures après , 
& joua comme à fon ordinaire : mais au bout de dix heures, il com- 
mença à faire des efforts pour vomir ; il ne put fe foutenir fur fes 
jambes , fe coucha , s’affoupit , & mourut bientôt . dans des mou- 
vemens convulfifs. On ne trouva d’autres marques de l'effer du poifon 
dans l'eftomac & dans le canal inteftinal , que quelques rougeurs lé- 
ères , un peu livides fur les plis ou- rides de l'eftomac & au duo- 
SÉRIE : tous les autres vifcères , foit du bas-ventre , foit de la poi- 
trine , étoient fains ; tout le trajet inteftinal , depuis l’eftomac jufqu’au 
rectum , étoit enduit d’un mucus épais & jaunätre ; cette couleur pa- 
roifloit être l'effet de: la bile qui le teignoit ainf: la bile contenue 
dans la véficule du fiel , étoit verte; l'éfophage étoit comme dans 


l'étac naturel. 


SE CON D'E'EXPÉR/FENCE: 


Deux des champignons verts ordinaires , marqués lettres G.1,2,3,4, 
cueillis en Septembre , hachés menu , mis en pâtée avec du pain &c 
de la viande , ayant été donnés à un autre chien, n'ont produit aucun 


accident pendant l’efpace de onze heures : mais au bout de ce tems,, 


le chien a commencé à vomir; quelques heures après , il a rendu des 
excrémens blancs, a tremblé fur fes jambes : au bout de feize ou dix- 
fept heures, il seft couché, n'a rien voulu prendre , a eu des mouve- 


mens convulfifs & le hoquet : cet érat a duré encore plufieurs heures ; 


il fembloit qu'il éprouvoit , par intervalle, des douleurs poignantes 


| 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 491 


ui Le faifoient friffonner ; enfin il s'eft afloupi , & a eu tous les fymp- 


.tômes d'une vraie apoplexie : la refpiration étoit lente & profonde , 


accompagnée de ronflement ; la déglutition libre; les artères battoient 
librement, mais il y avoit refroidillement & infenfibilité à toutes les 
extrémités ; il éprouvoit de tems en tems dans cet état des fecoufles 
cohvulfives : on lui fit prendre du vinaigre à plufieurs reprifes ; il re- 
venoit un peu , fe réveilloit ; mais il recomboit bientôt dans le même 
état : Les battemens du cœur diminuèrent fenfiblement de virefle juf- 
qu'à la trentième heure , où il mourut. Dans l'ouverture , on trouva les 
plis ou rides de l’eftomac marqués de quelques points rougeñtres , avec 
tenfion : il y avoit, en outre, des rougeurs livides de Æffiprandeur d’un 
liard , répandues d’efpaces en efpaces tout Le long des inteftins grèles : 
ces taches s’appercevoient même avant l'ouverture des inteftins , & ref- 
fembloient à celles qu'on remarque fur la peau des fcorbutiques ; elles 
étoient produites par Le dépouillement du mucus, & l’érofion des t- 
niques inteftinales internes : la tunique externe éroit La feule qui reftoit; 
les autres avoient été détruites par l'effet du poifon : les glandes intef- 
tinales y étoient à nud , & en paflant le doigt tout le long des intef. 
tins , on fentoit quelque chofe de graveleux lorfqu'on arrivoit à ces 
places : on ne trouva aucun veftige de champignon dans les premières 
voies ; cout avoit été ou diflous , ou converti en matières muqueufes , 
excrémentitielles , &c. 


TROISTMEME EXPÉRIENCE 


Convaincu par ces premières épreuves que ce champignon étoit 
mortel pour les hommes & pour les animaux , on a été curieux de 
favoir fi toutes fes parties étoient également dangereufes , & dans la- 
pe réfidoit principalement le principe vénéneux : pour cela, on a 

onné à un gros chien, demi-once de fon fuc exprimé , étendu dans 
un peu d'eau ; le chien a vomi prefque fur Le champ, & a fait des ef- 
forts incroyables pour le rendre ; le poifon le plus fort n'auroit pas 
produit un effet ni fi prompt, ni fi violent : il a eu des tremblemens, 
des tiraïllemens , des mouvemens convulfifs par tout le corps , le 
hoquet, des naufées continuelles , un véritable cholera-morbus convul- 
fif , avec un abattement de force très-confidérable ; les matières qu’il 
rendoir étoient muqueufes , glaireufes , mélées d'écume blanchätre : cet 
état a continué environ vingt-quatre heures , au bout defquelles il eft 
mort fans avoir rien voulu prendre. Dans l’ouverture du corps , on a 
trouvé l’éfophage enduit d'une matière vifqueufe, d’un gris cendré, 
l'eftomac rempli d'une liqueur brune , fétide , la tunique veloutée de 
ce vifcère parfemée de petits points rouges , le canal inteitinal rétrécj 


Tome V, Part. VI. 1775. Rrr2 


+ 
2 


492 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


vers l'iléum ; lépiploon durci & rerenant l'empreinte des inteftins , 
les poumons un peu plus rouges qu'à l'ordinaire , ce qui pouvoit venir 
de la rupture de quelque vaifleau occafionnée par les efforts qu'il avoit 
faits pour vomir. 


QUATRIÉÈME EXPÉRIENCE. 


L'expérience précédente ayant pleinement convaincu que le principe 
vénéneux téfdoit principalement dans le fuc libre de la plante, ou 
Veau de la végéeation, il s'agifloit de favoir fi ce principe étoit fixe où 
volati! : nt effet, on mit à diftiller au bain-marie environ demi- 
livre de ces champignons ; l'eau diftillée qui en réfulta étoic claire , 
Himpide , infipide , avec une très-légère odeur de champignon : cette 
eau donnée à différens chiens n’a produit aucun effet ; mêlée aux aci- 
des , aux alkalis, à la diflolution mercurielle , elle na éprouvé aucun 
changement , & n’a donné aucun figne d'acide ou d'alkali :onen& 
conclu que le principe vénéneux étoit fixe. 

Deux chiens ayant pris une petite dofe du réfidu de la diftillation , 
ne fe plaignirent point d'abord pendant l'efpace de dix heures : mais 
au bout de ce tems, les envies de vomir & les autres accidens ordi- 
naires fe déclarèrent; ils moururent vingt-quatre heures après. Dans 
lun on trouva tout le canal inteftinal enduit depuis l'éfophage jufqu'au 
retum , d’une matière. épaifle , vifqueufe , jaune , écumeufe , plus 
épaifle dans l'éfophage & les inteftins que dans leftomac ; la tunique 
interne de ce vifcère parfemée de petits points rouges : dans l’autre , 
à peu-près la même chofe, & en outre de petits grains blancs de dif- 
férentes formes , qui nageoient dans un mucus épais comme du blanc 
d'œuf qu'on auroit battu. On attribua ces grains. blancs. à un peu de 
lait qu'on avoit donné à l'animal, & qui s'étant caillé & divifé fur l'ef 
tomac , paroifloit ainfi en petites parcelles ; l'humeur vifqueufe con- 
tenue dans Le duodenum étoit d’un jaune très-pale. 


CINQUIEME EXPÉRIENCE. 


Quand on. fut affuré que le principe vénéneux étoit fixe , ou du 
moins ne s’élevoit point au degré de la chaleur de l’eau bouillante , 
on ne s’occupa plus que des moyens de découvrir fa nature , & fous 
quel érat il étoit dans la plante : dans cette vue, on en fit un extrait 
fuivant la méthode de la Garaye , qu'on donna à un chien à une heure 
& demie après midi ; l'animal mourut le lendemain matin. Dans l’ou- 
verture , on lui trouva le ventre trèstendu , ce qu’on n'avoit pas ob- 
fervé dans les-autres ; la véficule du fiel pleine d'une bile noiratre ; 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 49% 


l'eftomac rétréci & rempli d'une matière plus fluide que l'extrait, mais 
de la même couleur. 


SEIXIEME EXPÉRIENCE. 


L'expérience précédente ayant appris que le principe vénéneux , 
toujours fixe, étoit foluble dans l'eau , ou du moins que l'eau lui 
fervoit de véhicule, il reftoit à examiner fi le champignon , privé en- 
tièrement de fon humidité, avoit la même vertu : pour cela , on en 
fit deffécher au four une certaine quantité au point qu'ils avoient 
perdu Les fept huitièmes de leur poids :,.ce champignon ainfi defléché 
& donné à un chien, produifit Le même effet que lorlqu'il eft frais. 


SEPTIÈME EXPÉRIENCE. 


Dans la vue de favoir fi l’eau feule pouvoit fe charger du principe 
Yénéneux , on fit macérer plufieurs champignons dans l'eau pendant 
plufeurs heures : cette eau donnée à un chien, le fit aller bientot en 
dévoiement ; il rendit des matières fanguinolentes , enfin le fang tout 
pur; fe plaignit beaucoup, mais n'en mourut pas. 


EHUU TP PPENMNE VE SPÉ RIENCE 


Toutes les RER précédentes ayant fait voir que le principe 
vénéneux étoit fixe & capable de s'étendre dans l'eau , il. s'agifloit de 
favoir fi ce corps étoit également foluble dans quelque autre menf- 
true, tel que l’efprit-de-vin, & s'il n’avoit rien de réfineux : pour cet 
effet, on prit un de ces champignons bien defféché au four (il pefoit 
40 grains); on le mit dans une once & demie d’efprit-de-vin bien 
rectifié, à un feu doux en digeftion : au bout de quelques heures, 
Yefprit- de- vin fe colora en jaune avec un œil vert ; la liqueur aitifi 
colorée éroit belle ,. claire , tranfparente, n'ayant d'autre goût que 
celui de lefprit-de-vin : mêlée avec l'eau, elle sy troubla , & devint 
laiteufe comme un lait virginal, d'où on conclut que le champignon 
contenoit quelques parties rélineufes. 

Cette teinture ayant été donnée à un chien à 7 heures du foir , 
l'animal fut d’abord étourdi comme s'il étoit ivre 3 il chanceloit fur 
fes pattes ,.&.fe coucha demi-heure après., fans pouvoir fe foutenir : 
bientôt il s'affloupit, & fon fommeil étoit fouvent interrompu, ou 
entrecoupé de cris femblables à ceux d’une perfonne ivre qui fe plainc 
en dormant : ces cris continuèrent jufqu'a dix heures du lendemain 
matin , où il tomba dans un état de ftupeur & d'infenfibilité qui Le 


Tome V, Part. VI 1775. 


#9 
494 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
fic juger mort ; il refta ainfi immobile & oublié dans un coin, jufqu'à 
7 heures du foir : comme on fe difpofoit alors à en faire l'ouverture , 
on fut fort étonné de ce qu'il donnoit encore quelques fignes de vie ; 
mais il ne tarda pas à mourir: on l’ouvrit; l'intérieur n’offrit rien de 
remarquable : l'eftomac étoit rétreci ; il y avoit quelques points rou- 
geâtres 5 le tuyau inteftinal éroit enduit d’une matière muqueufe & 
Jaunatre. 

On conclut de cette expérience , que le principe vénéneux étoit fo= 
luble dans Peau & dans lefprit-de-vin , fur-tout dans ce dernier; & 
que c'étoit par conféquent un corps gommo ou extraélo-réfineux. 


NEUVIÈME EXPÉRIENCE. 


Pour s’aflurer fi le champignon qui avoit fervi à la diflolution par 
lefprit-de-vin, ne contiendroit pas encore quelque principe dange- 
reux, on répéta l’expérience : on fépara le champignon de fa teinture 
par l'efprit-de-vin ; on le donna à différens chiens ; ils n'en éprouvèrent 
pas la moindre incommodité; d’où on conclut qu'il y avoit un moyen 
certain d'enlever au champignon fon principe nuilble, Cette décou- 
verte conduifit à une autré expérience qu'on tenta; il s’agifloit de fa- 
voir fi l'eau feule étoit capable de produire le même effet que l'efprit- 
de-vin: c'eft ce qui donna lieu à la dixième expérience, 


D'IUXTEINE NEX P'ÉR IE NIC'E. 


On étoit bien certain que l’eau dans laquelle on avoit fait tremper 
pendant quelques heures ces champignons , étoit capable d’incom- 
moder les animaux jufqu'à un certain point, comme on l'a vu dans 
la feptième expérience : mais on ne favoit point s'il étoit pofible de 
les dépouiller entièrement par cette macération, de ce quils ont de 
nuifble. Pour s'en aflurer, plufieurs de ceux qui avoient ainfi trempé 
pendant 4 ou ÿ heures , ayant été bien efluyés & donnés à un chien, 
animal, au bout de 11 heures, éprouva les mêmes fymptômes que 
ceux qui font empoifonnés, & mourut 26 heures après. On en conclut 
que l'eau , quoiquelle fe charge d’une partie du principe vénéneux , 
n'eft point capable de l'enlever entièrement au champignon, ni par 
conféquent de lui fervir de correctif comme l’efprit-de-vin, 


O'NIZ LE NMAENMIE TPE R T'E-N'C/E: 


Dans la vue de découvrir quelqu'autre correétif, on tenta les expé- 
xiences fuivantes ; on cflaya d'abord le vinaigre, Deux de ces champi- 


J L s 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 49e 


gnons coupés par petits morceaux , & macérés dans le vinaigre pen- 
dant trois ou quatre heures ; devinrent d'abord plus fermes , enfuite fe 
ramollirent ; les ayant bien efluyés & donnés à un chien, l'animal fut 
trifte après les avoir pris, avoit l'air un peu malade ou étonné ; mais 
il n'en mourut point : on en conclut que le vinaigre étoit un correctif 
prefque’aufli puiflant de ce champignon que . vin. Ce même 
vinaigre, ainfi chargé du principe vénéneux , donné à un chien, ne 
produifit aucun effet pendant l’efpace de 12 heures ; mais au bout de 
ce tems, il commença à fe plaindre , alla en dévoiement , rendit beau- 
coup de matières liquides, vomit des matières femblables , enfin mou- 
rut. Dans l'ouverture du corps, on trouva l’épiploon un peu durci, & 
le foie très - pale. On conclut de cette expérience, que, quoique le’ 
vinaigre corrige €e champignon à la manière de l’efprit-de-vin, en fe 
chargeant de la partie vénéneufe , il n’en eft pas pour cela l’antidote, 
puifqu'étant chargé de ce principe, il Hier la mort. Cette expé- 
rience nous parut digne de la plus grande attention : elle fut répétée, 
& les réfultats furent toujours Les mêmes, 


DOUZIÈME EXPÉRIENCE . 


Par cette expérience, on acquit la certitude qu'une diffolution de fe! 
marin pouvoit produire à - peu-près le même effet que le vinaigre & 
lefprit-de-vin, puifqu'ayant fait macérer ces champignons pendant 
plufieurs jours dans une diflolution femblable , elle les corrigea au 
point qu'ils ne produifirent aucun accident fur les chiens. 


TREIZIÈME EXPÉRIENCE. 


Le même champignon trempé pendant quelques heures dans une 
difflolution d’alkali fixe , & donné enfuite à un chien, l'a fait vomir 
fur -le-champ; il a ainfi rendu tout ce qu'il avoit pris , & il n'en a 
plus rien été. Cer effet peut être également attribué à l'alkali fixe & 
au champignon; ainfi on n'en peut rien conclure. 

I! ne fufhfoit pas de s'être convaincu qu'il y avoit plufeurs moyens 
de corriger ce champignon ; il éroit très-important de favoir s'il n’y 
avoit pas quelque antidote capable d'empêcher fes effets fur le corps 
animal , ou d'y remédier lorfqu'ils auroient lieu: pour cet effet, on 
tenta plufieurs expériences. 


QUATORZIÈME EXPÉRIENCE. 


On prit environ une once de teinture du champignon faite à l'efprit- 


Tome V, Parts. V1. 1775. 


496 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


de-vin (laquelle eft mortelle, comme on l'a vu précédemment ) : on y 
ajouta quelques gouttes d’acide vitriolique très-concentré , dans la vue de 
faire un corps femblable à l'éther vitriolique : ce mixte ainfi préparé, 
fut donné à un chien à 7 heures du foir; l'animal pafla la nuit fans fe 
laindre , ainfi que la journée: du lendemain : mais fur le foir, c’eft- 

a-dire 24 heures après , il commença à fe plaindre, fe coucha , & 
s'afloupit fans donner aucun cri : bientôt il fit des efforts pour vomir, 
rendit ce qu'il avoit pris dans la journée , avec beaucoup de bave & 
quelques matières liquides par en-bas ; en tout , les fymptômes étoient 
moins violens que dans les autres expériences. On remarqua qu'un de 
fes yeux s'étoit rempli d'une matière puriforme amaflée entre le globe 
& les deux paupières : on lui donna environ demi-gros d’éther vitrio- 
lique à plufeurs reprifes ; cela parut le foulager , mais il mourut dans- 
la nuit. 

On en peut conclure que cette manière de corriger le poifon eft 
capable d’adoucir les fymptômes qu'il produit, & de retarder l'inftant 
de la mort, mais incapable de l'empêcher, au moins fur les chiens. 


QUINZIÈME EXPÉRIENCE. 


Toujours dans la vue de découvrir un antidote , on donna à un 
chien un gros & demi de ce champignon defléché’au four, & on 
attendit fon effet. Onze heures après, le chien, qui avoit joué toute la 
journée comme à l'ordinaire , commença à rendre en dévoiement des 
matières muqueufes, parmi lefquelles on obferva un paquet de petits 
vers plats & blancs, vivans. Il fit quelques efforts pour vomir , & 
rendit en vomiflant des matières femblables. On choifit ce moment 

our lui donner environ quinze ou feize gouttes d'éther vitriolique 
Een rectifié fur un morceau de fucre diflous dans l'eau ; cela parut le 
foulager : une heure après on lui en donna autant; mais s'étant cou- 
ché, & ayant paflé la nuit aflez tranquille , il mourut le lendemain à 
7 heures du matin. 

Il faut remarquer que dans la plupart des expériences padentes ; 
on a tenté les remèdes les plus vantés dans ces fortes-de cas, pour 
fauver les chiens qui y étoient foumis : aux uns, on n'a donné que du 
lait; à d'autres, rien que du vinaigre; à d’autres, de la thériaque dif- 
foute dans le vinaigre; enfin, à quelques-uns, de l'huile ; à d’autres, du 
beurre, du lait : dé quelque manière qu'on sy foit pris, on n'a pu en 
fauver aucun ; il ny a eu que l'éther vitriolique qui a adouci Les fymp- 
tomes & retardé l’inftant de la mort. 

On dira peutètre que puifque l’éther vitriolique, ou un mixte fem- 
blable , eft un moyen d'adoucir Les fymptômes ou de prolonger la vie: 

dans 


SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 497 


dans ce cas il falloit l’effayer immédiatement après avoir donné le 
poîfon à un chien : on répond à cela que l'expérience ne ferviroit à rien; 
que quand bien même l'éther fauveroit ainfi un animal, cela ne pour- 
roit s'appliquer aux cas femblables , dans lefquels on n’a recours aux 
remèdes , que lorfque le poifon commence à agir fenfiblement , c’eft-à- 
dire 10 à 12 heures après qu'on l’a pris, & que c'eft le moment de les 
adminiftrer. D'ailleurs, on n’a pas pu poufler plus loin des expériences 
fi coûteutes. 


SEIZIÈME EXPÉRIENCE. 


Pour favoir en quelle quantité le poifon fe trouve dans cette plante, 
on a pris un de ces champignons bien frais , d’une taille moyenne , & 
qui fufñt toujours pour donner la mort à un chien ; dans cet état, il 
pefoit demi-once : l'ayant fait fécher au four, il a été réduit au poids 
de demi-gros; ce qui confirme l'obfervation de M. Parmentier , qui a 
fait remarquer que ce champignon contient les fept huitièmes de fon 
poids d’eau. Ainfi, privé de tonte fon humidité, il a été mis dans une 
once d’efprit-de-vin bien rectifié : après avoir féparé la liqueur du pa- 
renchyme du champignon, l'avoir filtrée, on l'a mife évaporer jufqu'à 
ficcité ; elle a donné 6 grains de fubftance , de la confiftance des ex- 
traits folides, de couleur brune. Cette matière, donnée à un chien à la 
dofe d'un grain & demi au plus, la rendu malade, l’a fait aller en 

eu en dévoiement, mais ne l’a point tué; d’où on peut conclure qu'il 
EL valeur de ÿ à 6 grains de ce poifon environ, pour tuer un animal 
tel qu'un chien. 

Si on réfume le tout , il en réfulte , 1°. que cette efpèce de cham- 
pignon eft évalement mortelle je les hommes & les animaux ; que 
le genre d'affection qu'elle produit, eft une maladie pour l'ordinaire 
foporeufe , dont le dernier degré eft une vraie apoplexié. 

2°. Que le poifon qu’elle contient peut produire cet effet, à la dofe 
de 4 ou $ grains. 

3”. Que mangé à la manière ordinaire, ce champignon ne produit 
conftamment aucun effet fenfible avant dix ou douze-heures , foit fur 


es hommes , foit fir les animaux ; ce qui peut fervir à le faire recon- 


noître, quand quelqu'un a eu le malheur de s'empoifonner avec lui. 
4°. Qu'il fe diffout ou fe réduit en mucilage dans les premières 
voies , dans lefquelles il laiffe toujours quelques traces de fa préfence, 
foit en corrodant, foit en irritant. : 
5°. Qu'il n'y a jufqu'ici aucun moyen phyfique où chymique de re- 
connoître fa vénénofité avant qu'il ait été pris, & que le plus sûr qu'il 
y ait pour la reconnoître, c'eft de l'écrafer & d'en faire prendre le fuc à 


. Tome VW, Part. VI, 1775: SEC 


498 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, { 


quelque animal , tel qu'un chien, qui en éprouve fubitement Les effets. 

6°. Qu'il y a plufieurs moyens de le corriger, ou plutôr de le priver 
du corps dangereux , avec le vinaigre , le fel marin, l'efprit-de-vin , 
ou quelque liqueur femblable fpiritueufe ou acide , telle que Le vin, 
l'éther, &c. 

7°. Que lorfqu'une fois il a été mangé fans correctif après Les éva- 
cuans , tels que lémétique , &c. , il n'y a pas de plus grand fecours 
connu jufqu'a préfent, qu'un mélange d'acide & d’efprit-de-vin, tel 
que l'éther vicriolique. : 

On a cru inutile de rappelier les analyfes des champignons faites par 
MM. Geoffroi, Boulduc , &c. &c. &c., dont les produits ro Ie 
être plutôt l'ouvrage du feu que les principes naturels de la plante. Il 
fuffit que l’efprit-de-vin le dépouille entièrement de tout ce qu'il a de 
pernicieux , qu'il en réfulte une vraie teinture, & que ce qui refte ne 
foit qu'un parenchyme innocent, pour pouvoir conclure que la partie 
vénéneufe de ce champignon eft une réfine ou une gomme réline , 
foluble principalement dans l'efprit-de-vin, & que ce corps eft con- 
tenu dans le champignon dans la proportion de 6 à 288 , ou de 1 à 
48 , relativement à toutes les autres parties , lorfque l'eau de la végé- 
tation y eft, & de 1 à 6 ou d'un fixième , lorfqu'il eft dépouillé de 
toute fon humidité. ' 5 


EXPLICATION DES PLANCHES. 


PLANCHE l, lettre A. 1. 2. 3. variété du fungus campeftris , albus fu 
pernè, infernè rubens, de J. Bauh. Champignon des bruyères. 

H. 6. 7. première variété du fungus phalloïdes , annullatus , fordidè vire[= 
cens & patulus, de Vaill. 

PLancHE Il, lettre G. 1. 2. 3. 4. fingus phalloïdes, annullatus ; fordidè 
virefcens & patulus. Vaill. ï 

F. 8. deuxième variété de même efpèce , & dont le bulbe ne paroït 
point ici. 


. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS, 499 


MÉMOIRE 


Dans lequel on prouve la poffibilité d'agrandir la Ville de Paris 
fans en reculer les Limites (1). 


: RE Ville immenfe , fituée dans une plaine agréable , traverfée par 
un grand fleuve , habitée par un peuple nombreux , renf:rmant dans 
fon fein des veftiges d'antiquité & toutes les richefles de l’art : tel eft 
le fpeétacle magnifique qui s'offre aux yeux d'un étranger qui arrive 
à Paris. 

Devenu habitant , il ne tarde pas à sappercevoir de Ja fagefle & 
de la prévoyance d’une adminiftration qui lui procure une nourriture 
abondante & délicieufe. Il juge en même rems que rien ne doit être 
mieux combiné & plus fécond que les reflorts es police, fous la 
protection de laquelle il jouit de la plus grande tranquillité & d’une 
sûreté parfaite , quelque part qu'il foit, & à toutes les heures du jour 
& de la nuit. 

Le Citoyen , Obfervateur & Philofophe , admire ces refforts fecrets 
que M. de Fontenelle comparoït dans l'Eloge de M. d'Argenfon à 
ceux qui font mouvoir le ciel ; comparaifon ingénieufe & encore plus 
vraie de nos jours , que ces refforts ont acquis un degré de ge + 
dont on ne les auroit peut-être pas cru fulceptibles : il rend en même 
tems juftice aux lumières d’une adminiftration vigilante ; mais il élève 
de tems en tems la voix, foit pour procurer à cette Ville des établifle- 
mens utiles, foit pour y faire paroïtre de nouveaux ornemens , foit 
pour y conferver les anciens. , 

C'eft à ces vues patriotiques qu’on doit la confervation de La Tour 
de l'Hôtel de Soiffons , & fur-tout les ordres donnés pour procurer au 
public la vue de cette fuperbe colonnade, dont la beauté le difpute aux 
plus fameux monumens de Rome. 

M. de Parcieux étoit animé du même zèle, lorfqu'il propofoit de 
faire venir à Paris les eaux de l'Yvette, pour fournir à un de fes pre- 
miers befoins qui n’eft pas encore fatisfait. 


a 


(1) Ce Mémoire, fait par M. de Bory, Chef d'Efcadre des Armées navales, 
ancien Gouverneur - Général de Saint-Domingue, Aflocié-libre de l'Académie 
Royale, devoit être lu à la Rentrée publique de l'Académie, le 12 Novembre 1774. 
SE tems ne le permit pas, ainfi que l’a appris la Gazette de France. Vo de l'E- 

iteur. 


Tome V, Parr, V1 177$. Sff2 


ÿoo OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


Chargé pendant quelque tems du Gouvernement important d’une 
Colonie dans laquelle il reftoit encore beaucoup de bien à faire, puis 
rappellé tout-à- coup, & défabufé par ma propre expérience, de la 
chimère des projets qui ne font qu'utiles , je vivois Content dans cette 
obfcurité fi précieufe aux yeux du fage, lorfqu'un événement fait pour 
attendrir les cœurs les moins fenfbles, m’a rappellé une idée que j'avois 

_ bannie, parce que Le plan fur rue elle portoit, étoit alors d’une exé- 
cution impoñfible : mais l'incendie de l'Hôrel- Dieu ayant fait prendre 
le parti de divifer cet Hôpital en deux portions , toutes deux hors de 
Paris, ce malheur a réveillé dans mon efprit un projet dicté par l'amour à 
du bien public, amour qui ne peut pas ue dans‘un cœur bien 
né; j'ai donc repris ce projet que javois abandonné , & à l’exécution 
duquel d’autres circonftances paroïflent concourir. 

Paris femble trop petit à fes Habitans; une fermentation rapide les 
jette hors de fon enceinte, &, pour ainfi dire , hors d'eux-mêmes. Le 
luxe s’eft emparé de tous les états ; chacun veut être logé plus gran- 
dement, plus magnifiquement ,-& fur-tout plus commodément &_ plus 
fainement; & il faut avouer que ce genre de luxe eft fort raifonnable : 
on alonge Les fauxbourgs, & on y élève à grands frais des édifices qui 
contribueront fans doute à les embellir ; mais ne doit-on pas aie 
qu'en augmentant ainfi les diftances , on né rende les communications 
trop difficiles ? On fe plaint déja du tems qu'on perd à fe chercher 
{ouvent fort inutilement. 

Je veux agrandir cette Capitale fans en reculer les limites ; je lui 
offre un terrein dont elle ne fe doute pas, & dont à peu de frais, elle 
tirera le parti qu’elle voudra : je propofe de combler le bras de la Sei- 
ne, depuis la pointe de f'Ifle de Saint-Louis jufqu'au-deflous du Pont- 
Neuf, vis-à-vis du Pavillon du Collège des Quatre- Nations , le plus 

rès du Pont-Royal; & de joindre également enfemble les Ifles Saint- 
Louis & de Notre-Dame, qui ne feroient plus dorénavant qu'un même 
continent , avec la partie de Paris qui eft fur la gauche de la Seine. : 

Dans une Ville où les décombres font auili communs qu'ils le font à 
Paris, & où le barrage s'exécute avec tant de fuccès , ainfi qu'il s’eft 
pratiqué cette année au nouveau Pont de Neuilly, ce bras de rivière 
feroit comblé en peu de tems. On commenceroit à la pointe de flfle , 
Saint - Louis : les eaux détournées à cette pointe laifferoient à fec le 
bras dont je parle, & elles couleroient avec plus de rapidité fous le 
Pont-Marie & fous le Pont Notre-Dame. ï 

Les détails pour l'exécution d'un Plan de cette étendue ne peuvent 
pas être traités dans cette Séance : il me fuffira de préfenter aux yeux 


du Public un tableau des avantages qui doivent en réfulter. 


AT 


nid 


« 


SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. $oi 


1°. La Ville fera déchargée de la vifite & de l'entretien du Pont de 
la Tournelle, du Petit-Pont , du Pont Saint-Michel €. d’une partie du 
Pont-Neuf : elle pourra démolir ces Ponts & en vendre les démoli- 
tions ; elle véndra aufli celles des Quais. qui feront fupprimés, ou 
elle les emploiera à la prolongation du Quai d'Orçay jufqu'au Palais 
Bouïbon. 

2°. Par cette opération , on remettra dans la Ville un courant d'air 
que les maifons bâties fur les Ponts arrêtent ; & pour l'entretenir, on 
jettera à bas celles qui font encore fur les Ponts , malgré les récla- 
mations des gens fages. ei : 

3°. En fuppofant qu'une garre ou baflin d’hivernage pour les bateaux 
foit néceffaire , on en pratiqueroit une facilement , & à peu de frais , 
à la pointe fupérieure de l'Îfle Louvier, & dès-lors, les bateaux ne 
feroient plus emportés par la débacle des glaces. 

4°. Il faut fans doute un Hôtel-Dieu dans le centre de la Ville : on 
pourroit le placer au-deffus de ce qu'on appelle le Terrein; & comme 
cet Hôpital ne fera qu'un dépôt de malades , il fufira de lui donner 
l'eau néceflaire pour fa confommation , & d’en faire pañler dans les 
latrines un filer qui les nettoyera fans cefle , & qui aboutira au-deffous 
du Pont-Neuf, vis-à-vis la rue de Guénégaud. On propofe de donner 
cette direction à cet aqueduc pour empêcher les immondices de l'Hôtel- 
Dieu de fe mêler avec les eaux de la Seine dans le bras qui doit les 
réunir toutes , & les eaux de ce bras feront propres à tous les ufages 
poñibles. 

5°. On eft fouvent obligé de nettoyer l’'abreuvoir de la rue de Gué- 
négaud ; il fera fupprimé, ainf que les frais de fon entretien. 

6°. On jettera à bas les maifons de la Cité fituées fur la partie de 
la rivière que l’on conferve : on y fera des Quais; on embellira cette 
partie de la Ville , on en élargira les rues, & on en rendra les habit 
tations plus faines par la facilité que l'air aura d’y circuler. 

7°. M. de Parcieux a obfervé que les arches du Petit-Pont, du Pont 
Saint - Charles, du Pont Saint-Michel n’éroient pas les unes vis-à-vis 
des autres , & que par conféquent le courant de la rivière n’y étoit pas 
direct ; ce qui caufoit quelquefois des accidens à des bateaux , & fur- 
tout aux trains de bois qui alloient fe brifer fur les arches. 

8°. Enfin, l'avantage le plus précieux fans contredit, fera de donner 
aux eaux de la Seine une rapidité qu'elles n’ont point à préfent ; ce 
qui auroit fait dire à un des plus fameux Poëtes Latins du fiècle de 
Louis XIV : Præcipitat tardas, au lieu de tardat præcipites ambitio[us 
aquas. La navigation de ce fleuve en deviendra plus libre & plus facile : 
on fupprimera néceffairement les entraves que lui donnent les mou- 


Tome V, Part, V1 1775. 


s02 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


lins, la Samaritaine & les pompes du Pont Notre - Dame. 

On placera les moulins au-deflus & au-deflous de Paris; & les eaux 
de L'Yvette, car il faut rôt ou tard en revenir au Projet de l'excellent 
Citoyen que j'ai déja nommé , les eaux de l'Yvette, dis-je, remplace- 
ront très-avantageufement les Pompes dont on fe fert à préfent. 

On objectera peut-être que le Pont-Marie , le Pont Notre-Dame, 
le Pontau-Change & la grande partie du Pont-Neuf n'auront pas aflez 
de folidité pour réfifker au courant de la rivière, fur-tout dans le tems 
de fes débordemens, 

Je répondrai ne quoique j'ignore quel eft exactement le degré de 
{olidité qu'on a donné à ces Ponts ;'il eft à préfumer qu'ils en ont aflez, 
& l'on obfervera que la rivière, en devenant plus rapide , creufera fon 
lit, & qu'elle paffera fous ces Ponts avec fon nouveau volume, comme 
elle fait à préfent fous le Pont-Royal. 

Il feroit bien à fouhaiter qu'on fe füt toujours attaché à augmenter 
la rapidité du courant de la Seine par-tout où cela eft poflible : on y 
parviendroit, fans doute , en refferrant fon lit dans beaucoup d'endroits; 
en comblant , par exemple, plufieurs de fes petits bras, & en fuppri- 
mant les Iles qu'elle forme, comme l'Ifle Louviers & Y'Ifle des Cygnes 
qu'on peut joindre l’une à l'Arcenal , & l’autre au Gros-Caillou. L'avan- 
tage qui en réfulteroit pour la navigation , dédommageroit bien de 
toutes les dépenfes qu'il faudroit faire, & je crois qu'elle feroit ‘alors 
moins fujette à déborder ; Les rivières rapides , telles que le Rhône , 
n'inondent point les campagnes , tandis que la Saône couvre fouvent 
une grande étendue de pays. 

Il ne fuffit pas de rendre la navigation de la Seine plus fréquente, il 
faudroit la rendre pe sûre, & ne négliger aucun moyen d'y parvenir. 

. Né fur fes bords , mais familiarifé dès ma plus tendre jeuneffe avec 
les grands travaux des Ports du Roi, j'ai fouvent partagé les regrets 
que font tous les Marins fur l'éloignement dont Paris eft de la mer: fi 
la diftance étoit moindre, la Marine en retireroit un grand bien ; elle 
feroit plus connue, & cette connoiffance répandroit des lumières fur 
tout ce qui y a quelque rapport. 

La fondation du Havre par François [* auroit eu des fuites très-favo- 
sables pour la Marine , fi la mer avoit fourni une bonne rade au bas 
de la Seine ; car on fait qu'un Port eft prefque toujours inutile , quand 
il n’eft pas accompagné d'une rade. Mais fans vouloir s'occuper d'un 
bien que la Nature a refufé À la France , il en eft un moins précieux, 
fans doute , mais qui a fon mérite ; c’eft la perfection de la navigation 
de la Seine : on peut rendre fon cours plus direct, on peut apprendre 
À mieux placer les amarres des bateaux, & leur fubitituer fouvent des 


‘dt al htet) ne nb 


Ce 2 


pu 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. $3 


ancres dont on fileroit les cables à propos; alors, une eruë d’eaur, quoi- 
que fubite, ne feroit pas démarer, comme il arrive quelquefois , un 
bateau qui tombe fur un autre &c l’entraîne: celui-ci en fait autant à uw 
troilième, & en un moment la rivière eft embarraflée, & il arrive des 
avaries. 

Un Maître de Vaiffeau feroit un excellent Maître de Quai : il Jui 
faudroit un ou deux Aides qui auroient fait plufeurs campagnes fur 
mer ; ceux-ci feroient des élèves : on Men oi les accidents & les 
dédommagemens qui en font la fuite ; il n’en coûteroit que Les appoin- 
temens qu'il faudroit donner à ces Marins. 

De la perfection de la navigation de la Seine , il naftroit une grande 
facilité pour approvifionner la ville de Paris ; & il ne feroit pas im- 
poffible de prévoir que, pour éviter la longueur du tems que les ba- 
teaux mettent foyvent à remonter la Seine de Saint-Denis à Paris, on 
fera quelque jour un canal qui prendra à Charenton une partie des 
eaux de la Marne pour les joindre à celles de la Seine aux environs de 
Saint-Denis : fi ce canal exifte jamais, les batéaux remonteront en tout 
tems , excepté quand fes eaux feront gelées. L'avantage d’un courant 
d'air, occafionné par un courant rapide , eft trop précieux pour qu'on 
facrifie toutes les eaux de la Marne à ce canal. Loin de diminuer le 
volume des eaux de la Seine, je voudrois l'augmenter , sil étoit pof- 
fible ; je penfe cependant que ce canal récompenferoit, par fon utilité , 
la perte que la Seine feroit des eaux qu'on lui deftineroit. 

Ê conftruction donneroit une grande liberté pour celle des Ponts 
entre Paris & Saint-Denis. Aëtuellement , on eft obligé d’avoir égard 
à la hauteur des grandes & des bafles eaux. Alors rien ne génerok , 
puilque les bateaux ne pafleroient plus fous ces Ponts. 

L'utilité des canaux eft fi fenfible , que je ne doute pas qu'on ne les 
multiplie beaucoup , fur-tout lorfque Les grands chemins, dont on eft 
occupé, feront finis. 

Il en eft deux fur-tout que j'aurois vu faire avec grand plaifir , pour 
établir la communication du Port de Breft avec la Manche & avec 
l'entrée du Golfe de Gsfcogne ; l’une de Morlaix à Landerneau, & 
Fautre de Quimper-Corentin à Châteaulin. 

A l’aide de ces deux canaux , fi des circonftances locales ou politi- 
ques ne s'oppofoient pas à leur exécution , on feroit arriver à Breft 
promptement & sûrement Les denrées & Les munitions qui font quel- 
quefois arrêtées long-tems par les vents ou par les Ennemis dans les 


rivières de Morlaix & de Quimper; ce qui retarde les armemens ow 


la fortie des Vaiffeaux de Breft. 
Je reviens à mon projet, duquel mon goût pour.la Marine m'avoir 


Tome V, Part, V1. 1775. 


$o4 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


écarté ; il eft fimple , fans prétention. Je ne le préfente fous les auf- 
pices d'aucune Compagnie ni d'aucune protection quelconque. Peut-il 
avoir befoin de ces appuis ? Enfanté par l'amour du bien public, il 
fera configné dans un dépôt fait pour tranfmettre à la poftérité les 
idées & les Mémoires des Membres qui compofent le Corps qui a 
bien voulu n'adopter. Mon goût conftant pour les Sciences dans un 
métier qui en embraffe beaucoup , a fait tout mon mérite auprès de 
lui, & il a jugé à propos de le couronner. Je profite de certe occafion 
pour lui en témoigner publiquement toute ma reconnoiflance. 

Mon projet fera jugé : s'il eft bon , il fera fans doute adopté; s'il 
n’eft pas trouvé tel, ou fi des circonftances que j'ignore empêchent fon 
exécution , il fera relégué dans la clafle des réveries : mais je me flatte 
qu'il fera placé parmi ces rêves dont l'Abbé de Saint-Pierre s’elt fi fort 
occupé , & qu'on a appellés les rêves d’un bon Citoyen. Heureux ceux 
dont les rêves ne peuvent avoir d’autres qualifications ! 

Je laiffe à nos Architectes le foin de tirer parti du terrein vague 
que je leur offe ; ils s’acquitreront beaucoup mieux que moi du par- 
tage qu'il en faudra faire : qui fait fi fa diftribution ne pourroit pas 
être Le fajet d’un prix propofé à nos jeunes Artiftes ? En attendant, je 
dirai qu'il renferme 37,671 toifes de fuperfcie; qu'on y peut ména- 
ger une promenade, à l'aide de laquelle on donnera à l'air, une circula- 
tion libre & un renouvellement falutaire ; qu'on y peut afleoir un des 
objets fuivans , des Palais pour nos Princes , des Places publiques , 
des Fontaines, des Salles pour les Spectacles, une Douane, un Hôtel 
des Fermes, & enfin un Hôtel-de-Ville, orné d'une Place uniquement 
réfervée aux Fêtes que donne la Ville. Si on y deftinoit la portion qui 
auroit pour borne la rivière jufqu'au Pont-Royal, & qui regarderoit 
la Statue de ce Roi dont le nom feul caufe une émotion fi fenfible 
dans le cœur de tout François, quel parti ne pourroit-on pas tirer 
d’une Fête donnée dans un pareil emplacement , & fous les yeux de 
ce bon Roi ? Quel eft le Magiftrat chargé de l'Ordonnance , qui n'aura 
pas le plus grand empreflement pour être le premier à raflembler le 
Peuple le plus tendre autour du plus aimable des Maîtres; de ce Roï 
qui, du fond de fa tombe, crie à tous les Rois : Reffemblez -moi, € 
vous ferez adorés ; de ce Prince fi cher à la Nation, qu'il eft devenu 
le modèle idéal des Rois ? Elle lui eft fi attachée , qu'elle faifit avec 
avidité dans fes Succefleurs , les traits qui le lui rappellent. C'eft à ce 
titre que celui qui la gouverne aujourd hui fait fa plus chère efpéran- 
ce; il la juftifie tous les jours par quelque nouveau bienfait : aufi lui 
a-t-elle voué cet amour, fans lequel il n'y a point de vrai bonheur, 
même fur le Trône, 

Oz 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. $so5 


! On a fait fur ce Mémoire , lu a l'Affemblée particulière de l Académie 
des Sciences le 16 Novembre 1774, les Remarques & les Ob/ervations 
Jüivantes. On les rapporte telles qw’elles ont été faites. Note de l'Editeur. 


… LE moyen propofé confifte à combler le bras de rivière qui eft LE ‘ss 
du côté de la FoEnelle & du petit Châtelet, depuis la tête de l'If 
Saint-Louis jufques près Le Collège des Quatre-Nations , fur une lon- 
gueur totale d'environ 1000 toifes , compris la communication fous 
le Pont-Rouge , le tout contenant une fuperficie de 37,671 toifes. 

Au moyen de ce comblement , la rivière pafleroit entièrement fous 
les Pont-Marie, Pont Notre-Dame, Pont-au-Change, & fous la partie 
correfpondante du Pont-Neuf, & enfuite fous le Pont-Royal , où toute 
l'eau À la Seine eft aétuellement réunie ; les autres Ponts devien+ 
droient pour lors inutiles | & feroient fupprimés. 

La fuperfcie de Paris, calculée d’après Le Plan de M. Rouffef , 
contient entre fes remparts feulement , 3,273,090 toifes quarrées ; 
Fagrandiflement”ptopofé ne feroit qu'environ la quatre-vingt- dixième 
partie de cette fuperfcie, & moins encore, lorfque l'on voudra y com- 
prendre celle des fauxbourgs qui font hors des remparts. 

Le comblement de ces bras de rivière pourroit être fait avec Le tems 
par les Gravatiers; mais il occafonneroit la fupprefion du Port aux 
Vins, qui a environ 150 toifes de longueur , & de plufieurs autres 
Ports qui font également utiles à Paris, & que l’on auroit de la peine 
à pouvoir remplacer ailleurs. 

En fuppofant que le comblement de ces bras de rivière foit fait, on 
penfe qu'il feroit très-difpendieux d'y pouvoir bâtir des édifices d’une 
certaine importance , & qui exigeroient de la folidité, parce que pour 
lors, il faudroit que les murs des fondations fuflent établis à 30 pieds 
& plus au-deffous du fol des rues qui bordent la rivière , & peut-être 
même encore pilotés au-deffous de cette profondeur. 

Les différens bras de rivière , en favorifant la circulation de l'air, Le 
rendent plus falubre , & font autant utiles à l'agrément des Habitans, 
que fie fatisfaire une partie de leurs befoins, motifs pour lefquels on 
penfe qu'il conviendroit peut-être mieux de multiplier Les bras des rivières 
dans les Villes que de les diminuer. 

Les glaces qui font tant de tort, lors des débacles à Paris , trouvant 
moins de facilité pour leur paflage, après la fuppreflion des bras de 
rivière propofée, pourront caufer plus de dommage aux bateaux , qui 
n'ayant d’ailleurs plus pour afyle que le feulbras qui reftera, s’y trouveront 
pour lors en plus grand nombre ; peut-être même manquera-t-on de 


Tome V, Part, VI 1775: F rt 


$06 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


place jou les bateaux des Blanchiffeufes & autres, qu'il peut être 
utile de retenir dans l'intérieur de Paris. 

Après avoir parlé des inconvéniens que nous prévoyons devoir arri- 
ver par la fuppreflion des bras de rivière propofée , nous allons exa- 
miner s'il y aura moyen , fans d’autres inconvéniens , de faire pafler 
toute l'eau de la Seine par le feul bras de rivière qui refteroit : nous 
avons pour cet effet fait prendre des profils dans différentes parties de 
la rivière, pour connoître la fuperficie de la fection verticale des eaux 
vives de chacun de ces endroits, & ce qui pourroit arriver de la réu- 
nion des eaux dans un feul bras. : 

Le Pont-Royal de cinq arches , où toutes les eaux fe réuniflent , a 
55 toifes de longueur , fur fept pieds réduits de profondeur d'eau 
mefurée de l'ériage ou des plus balles eaux; ce qui donne 69 toifes + 
pour la fuperfcie de la feétion verticale des eaux vives. , 

Au Pont-Marie, fous lequel toutes les mêmes eaux pafferoient , 
l'ouverture des cinq arches eft de trenteneuf toifes, & la profondeur 
de Peau de trois pieds réduits au-deffous de l'étiage , ce qui donne 
19 toifes + de fuperficie pour la même fection des eaux vives, ou 
feulement à-peu-près les deux feptièmes de la précédente : d'où il ré- 
fulte qu'il faudroit alonger ce Pont environ des ? ou à-peu-près d’un 
tiers feulement , en fuppofant qu'elle s'approfondiroit jufqu'àa 7 pieds 
fous l'ériage , comme au Pont- Royal , pour que l’eau püût y pafler 
avec la même vitefle, laquelle eft déja bien grande à ce dernier Pont, 
pour la navigation. 

Les fix arches du Pont Notre-Dame ont cinquante-trois toifes d’ou- 
verture, ce qui ne fait que deux toifes ? de moins qu'au Pont-Royal, 
en fuppofant que le lit pourra fe recreufer autant qu'il left à ce dernier 
Pont; que les pompes qui font fous ce Pont feront fupprimées , ainfi 
que la digue hat & que l'on aura l'attention d'agrandir les 
arches de ce Pont, pour en diminuer le nombre des piles lorfqu'il aura 
befoin d'être reconftruit : nous penfons qu'en ufant du même expé- 
dient au Pont-au - Change, l'on pourroit y diriger la rivière, parce 
qu'elle y pafle toute à préfent, excepté celle du bras de l’'Hôtel-Dieu , 
dont la fection fous le Pont Saint-Charles , eft de 14 toifes =, ow 
à-peu-près d’un cinquième de celle du Pont- Royal ; l'on pourroit 
d'ailleurs regagner cette fuperfcie , en fe fervant des moyens que l’on 
vient de propofer : mais il n’en fera pas de même par rapport au Pont- 
Marie; les quais & les maifons qui font à fes bords. , empêécheroïent 
qu'on pût s’alonger d’un tiers, comme on le croit convena le. 

Le recreufement qui f feroit néceflairement au lit de le rivière , 


ET ES PT ON PO DT DU 


È 
L 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 5$o7 


pourroit d’ailleurs nuire à la folidité du Pont-Marie & de ceux qui 
font au-deflous. 

Lors même qu'il feroit pofible d’alonger le Pont-Marie , & que la 
fupprefion des bras de rivière propofée, ne feroir pas fujette à d'autres 
inconvéniens , on penfe qu'on feroit encore obligé d'attendre, pour 
exécuter ce projet, le tems auquel les Ponts qui font fitués au - deflus 
du Pont-Neuf , ayant befoin être reconftruits , foient faits avec de 
plus grandes arches , & fondés plus profondément que n'avoient be- 
foin de l'être Les anciens Ponts fur un lit moins profond qu'il ne le 
deviendra pour lors. 

En réduifant la rivière dans un feul lit, il faudroit aufli l’élargir 
fuFifamment au droit de l’Ifle-Louviers. 

On n'a point compris dans les fections des eaux vives rapportées - 
ci-devant , la hauteur de l'eau au-deflus de l'ériage ; elle a été de 24 
pieds en 1740, & eft à-peu-près la même fous tous les Ponts: on ob- 
fervera feulement que ceux de la Tournelle & du Pont-Royal, érant 
Les plus élevés, ils donnent aufli, à largeur égale, le plus de facilité pour 
le paflage des grandes eaux, 


RÉPONSE aux Obfervations précédentes. 


L'OBSERVATEUR troûve un trop grand nombre d'inconvéniens 
dans la fuppreflion que je propofe des bras de la rivière, pour pouvoir 
l'approuver. 

Le premier inconvénient eft la fupprefion du Port aux Vins & de 
plufeurs autres Ports. 

Rien de plus aifé cependant que ce remplacement : le Terrein com- 
blé au-deflus de l’Ifle Saint-Louis , & l'intervalle entre cette Ifle & la 
Cité, fourniroient les Ports defirés. 

En fuppofant, dit-il, ce comblement, il feroit peut-être néceflaire 
de piloter, &c. 

Quand cela feroit néceffaire , Le projet n’en eft pas moins bon. 

Les différens bras de la rivière , en favorifant , &c. 

Ce qui eft dit ici ne peut pas être appliqué au bras de l'Hôtel-Dieu : 
ce bras, felon M. de Parcieux , quand les eaux font très-bafles (1), 
eff hideux à voir , à caufe de toutes les infe&lions qu'il reçoit de l'Hôuel- 
Dieu ; il ef d’ailleurs prefque invifible. 

Les glaces qui font tant ‘ tort lors des débacles, &c. 


—_—_——@—@@@ 


(1) Mémoire de l’Académie, année 1768, page 79 des Mémoires. 


Tome V, Part: VI. 17754 Ttta 


508 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, a 


Les rivières rapides font prifes plus difficilement que les autres. M. de 
Parcieux dit encore à l'endroit déja cité , que ce petit bras eft comme 
inutile aux débacles , qu'il ne débacle que le dernier , qu'il foutient 
les eaux & caufe des inondations ; aufli en 1768 il propofoit de le 
creufer : peut-être que s'il eût vu l'incendie de l'Hôtel-Dijeu , il auroic 
propofé de le combler. 

Je ne crois pas qu'il puifle être utile de retenir au milieu de Paris 
les bateaux de Blanchifleufes; il feroit peut-être mieux au contraire de 
les mettre au-deflous de Paris, 

Je crois de plus , que la rapidité du courant de la rivière , augmenté 
par fa réunion en un feul lit, emporteroit plus promptement les im- 
mondices que l’on ne peut fe difpenfer d’y jetter. Quant à l'Ifle-Lou- 
viers, on peut la fupprimer totalement , & en employer le déblai au 
barrage de la pointe de l'Ifle Saint-Louis. 

L'Obfervateur convient que la rivière pourra être dirigée toute 
entière fous le Pont Notre-Dame & fous le Pont-au-Change , em 
faifant à ces Ponts les changemens qu'il indique : ainfi, le feul in- 
convénient à confidérer , eft celui qui eft occañonné par la petitefle: 
du Pont- Marie. 


A cela, je répondrai qu'en voulant réduire la rivière à un feul bras, 


jai propofé de la faire pafler toute entière fous le Pont-Marie plutôc 
que fous le Pont de la Tournelle , quoique celui-ci , par fa pofirion 
& par fa hauteur, fût peut-être le plus favorable ; mais j'ai penfé 

w'il valoit mieux fuivre plus particulièrement le cours de la rivière x 
ailleurs , la réunion de la Cité & de l’Ifle Saint-Louis doit faire un: 
plus bel effet que celle de cette Ifle & du Quartier Saint Paul; mais, 
pour être le maître des eaux, & empêcher toute inondation, j'ai pro- 
pofé d'ouvrir un canal de Charenton à Saint-Denis. 

M. de Parcieux a renouvellé de nos jours (1) la propoftion faite 
autrefois , de conduire wir canal de la Marne à la Seine, en commen 
çant à Gournay , & en le dirigeant par Villemonble & Saint-Denis: 
mais ce canal, bon pour empêcher les inondations , ne feroit peut- 
être pas fi utile à la navigation, qu'en le faifant commencer à Cha- 
renton , où même au-deflous , & en le conduifant par le chemin le 
plus court & le plus facile en même tems. 

Ce canal une fois exécuté, on feroit paffer la rivière toute entière fous; 
te Pont-Marie comme fous le Pont-Royal : ainff, fon exécution lève: 
toute difficultés & il ne feroit même pas néceflaire , en fuppofant que: 


{:) Mémoire de l’Académie, année 3768, pag. 281 des. Mémoires. 


Rs SE 


ed. ET EA 


ANR Re Er D CASE nt 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. $o9 


mon projet foit adopté , d'attendre , ainfi que l'Obfervateur le penfe, 
pour fon exécution , le rems auquel Les Ponts qui font fitués au-deflus 
du Pont-Neuf, ayant befoin d’être reconftruits, foient faits avec de plus 
grandes arches, & fondés plus profondément que n’avoient befoin de 
l'être les anciens Ponts, fur un lit moins profond qu'il ne le deviendra 
pour lors. 

Mais quand cette condition feroit indifpenfable, feroit-ce une 
raifon pour rejetter mon Projet abfolument & fans aucune reftric- 
tion 2? 

Mon Mémoire a pour but deux objets qu'on remplit par le même 
moyen; le premier, AE la ville de Paris, & Le fecond de perfec- 
tionner la navigation de la Seine. 

Le comblement des petits bras de la rivière produit ce double 
effet: puis, pour prévenir les inondations & faciliter la navigation , 
ainfi que l'approvilionnement de la ville de Paris, je propofe d'ou- 
vrir un canal qui mène les eaux de la Marne à la Seine aux en- 
virons de Saint Denis; ce fera un nouveau bras par lequel le cours 
de la rivière fera d'autant plus rapide, qu'il fera plus court & plus 
direct. 

Je lis dans les Obfervations, que fous l'ériage, ïly a au Pont-Royal 
fept pieds d’eau, & qu'il ny en a que trois au Pont-Marie; cela ne 
fait-il pas voir l’obftacle confidérable que le partage de la rivière en 
deux bras apporte tout d’un coup à la navigation? Il eft certain qu'à 
cette différence, un bateau navigueroit au Pont-Royal, tandis qu'il 
feroit à fec au Pont-Marie. La grande viteffle de l'eau eft un incon- 
vénient qui peut être levé, au lieu que le défaut d'eau eft un obftacle 
fans remède. 

Ceux qui ont été chargés du P6 & des autres rivières de cette efpèce, 
n’ont pas cru que la rapidité du fleuve füt un grand mal; ils ont fouvent 
cherché à l’augmenter. 

De tout ceci il réfulte , à mon avis , que Le bras de la rivière qui pafle 
devant l'Hôtel-Dieu, ne peut pas refter comme il eft: il ne fert 
point à la débacle des glaces; il eft hériffé de piles de Ponts qui 
élèvent fon fol , qui lui PR foutenir les eaux, & qui caufent des inon- 
dations : il eft hideux & infe&; pourquoi ne pas le combler dès-à- 
préfent ? 

IL réfulte également que fi on n’y remédie , la navigation pour venir 
à Paris, & par conféquent fon approvifionnement par eau, deviendront 
de plus en plus difficiles. Pour faciliter un & l'autre, je propofe la conf- 
truction d’un canal dont on fentoit la néceliré il y a un fiècle pour pré- 
venir les inondations. Dès qu'il fera fait, le comblement d'un des bras 


Tome V, Part, VI. 1775. 


sio OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 
de la rivière dans Paris, y procurera de l'embelliflement & une augmen- 
tation de terrein. 

C’eft peut-être ici le lieu de dire que fi la Ville de Paris vouloit 
ou pouvoit vendre ce terrein, elle en retireroit fept millions quatre 
cents mille livres à deux cents livres la roife, & la moitié en fuppofant 

w’elle n’en vendit que la moitié , & qu’elle réfervat l'autre pour les 
rues , les places ou autres objets fur lefquels je me garderai bien de 
prononcer. 

Mon Projet peut avoir quelques inconvéniens: mais quel eft celui 
qui n'en a pas? Je fouhaite qu'on lui reconnoifle affez d'avantages pour 
qu'il foit adopté: mais quel que foit fon fort, je me flatte que le Public, 
ce tribunal qui , ainfi que Le dit M. de Malesherbes , ef? le Juge fouverain de 
tous les Juges de la terre, voudra bien approuver la pureté de mes 
intentions, 


he pa 


DRE «D ne que Ce Per get 


che 


tetcre: 


dla de + 


= 


_ 


SUR L'HIST., NATURELLE ET LES ARTS. 511 


= — 


CEAPBSE"N "D RIIER 


UMPUT IE O0 RO. INO!GLI QUE 
DU CLS MA INIDLE PHARES, 


Calculé par le Père Corrx, Prêtre de l'Oratoire, Curé de Montmo: 
rency , Correfpondant de l'Académie Royale des Sciences, Membre de 
la Société Royale d'Agriculture de Laon. 


Moine Delalande a eu la bonté d'inférer dans la Connoif- 
fance des Tems, pour l’année 1775 (1), un Calendrier Thermométri- 
que quil avoit extrait de mon Traité de Météorologie (2), & un 
Calendrier Barométrique qui manquoit à mon Ouvrage, & qu’il m'avoit 
prié de calculer. [l annonçoit en même-tems (3) que je préparois un 
Calendrier Metéorologique complet, dreflé d'après les Obfervations 
faites à Paris pendant 2 ans, par M. Meflier, Aftronome de la Ma- 


” sine, de l'Académie Royale des Sciences , & dans lequel je devois indi- 


quer pour chaque jour, 1°. le vent dominant; 2°. le degré moyen de 
chaleur & de froid felon les Thermomètres de MM. de Réaumur , 
Delifle & Fahrenheit ; 3°. l'élévation du mercure; 4°. l’état du Ciel avec 
Île nombre moyen des jours de pluie, de neige , de tonnerre , d’aurores 
boréales, de jours fereins , couverts, &c. M. Delalande ajoutoit qu'il 
cfpéroit que ce Calendrier pourroit être placé dans le volume de la 
Connoif[ance des Tems pour l'année 1776. 

C'eft ce Calendrier que je donne ici. J'ai eu foin de le faire paflex 
Tousles yeux de l'Académie, qui a bien voulu lui donner fon approbation. 
J'ai fupprimé dans celui qui fuit deux colonnes qui foutenoient les de- 
grés de chaleur & de froid, felon les thermomètres de MM. Delifle & 
Fahrenheit, parce que le format auquel j'ai été obligé de me reftreindre, 
ne permettoit pas un fi grand nombre de colonnes. 

Les degrés à chaleur & de froid ont été calculés rigoureufement en 
degrés & dixièmes de degrés, & les élévations du mercure en pouces, 
lignes & douzièmes de lignes. Je me fuis fervi des Obfervations faites 


(x) Page 339 & fuivantes. 
(2) Page 241. Tab, XIII. 
(3) Page 343. 


Tome V, Part, VI 1775: 


s12 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


à Paris, avec la plus grande exactitude, par M. Meflier, depuis le pres 
mier Janvier 1763 jufqu'au 31 Décembre 1772. On trouvera quel- 

ues petites différences entre les degrés de chaleur & de froid indiqués 
A ce Calendrier , & ceux qui font marqués dans le Calendrier que 
M. Delalande a extrait de mon Ouvrage , & qu'il a inféré dans la Con- 
noiffance des Tems, pour l'année 1775. Celui-ci avoit été calculé d’après 
les Obfervations faites à Denainvillers, & par conféquent, à la Campa- 
gne, par M. Duhamel; au lieu que le Calendrier que je donne ici, a 
été calculé d’après les Obfervations faites à Paris. On remarquera en 
général que les degrés de chaleur font un peu plus grands, & les de- 
grés de froid un peu moindres dans Le Calendrier qui fuit que darts le pre- 
mier, Celui-ci indiquera la température des Villes, & le premier indi- 
quera la Fe des Campagnes. 

Ce Calendrier eft fuivi d’une Table qui eft le réfultat général de 
toutes les opérations & de tous les calculs que j'ai faits fur les Obferva- 
tions de M. Mefñlier, 

Si l'on veut rapporter les degrés de chaleur & de froid de ce 
Calendrier aux Thermomètres de MM. Delifle & Fahrenheit, on 
fera attention, 1°. que 1 2 degré du Thermomètre de M. Delifle, 
répondent à un degré de celui de M. de Réaumur , & que 2: degré 
du Thermomètre de Fahrenheit , répondent aufli à un degré de celui 
de M. de Réaumur; 2°. que le zéro , ou le terme de la congel- 
lation dans le Thermomètre de M. de Réaumur , répond à 32 de- 

rés du Thermomètre de Fahrenheit, & à 153 degrés de celui de 
M. Delifle (1). 


ri 


(x) Si on defire connoître au premier coup-d’œil la concordance de tous les 
Thermomètres , il fuffit de jetter les yeux fur la gravure ou tableau du Thermomètre: 
gniverfel inféré dans le Cahier du mois d'Oétobre 17724 


JANVIER. 


on ein 


SUR L'HIST, NATURELLE ET LES ARTS. 


JAPAN NE Vi T''Ef 


— ——  : ——= 
dr Vents Thermom. Baromè- 
. | dominants. tre. 
mois. Froid, 
Degré. | Pouc Lig. 
1, | S00S30: 1127 10 10 
2 |N.E.-N.O. SI 27 TT TO 
3 [N:E.-S.O. 8|27 9 10 
4 IN.-N-E. O0|27 10 4 
$ IN.-N.E. DATE, (6 
6:|O.'-.S. O|27 9 10 
7 IN.-Ss. TA 20 O Me 
8 |S.-S.O. 8127.09 6 
9 |O.-S. sa EST eh Rp | 
10 |S. O.-S. 6127 9 4 
11 {S.-N. AT CIE À 
12 |O.-S. 8|27 10 8 
13 S. 3127 11 3 
14 |S.-S. OC. CAE + QUE 
15 SE O|27 10 4 
16 |S. O.-S. 8127 9 9 
17 S: s|27 9 10 
| 18 Se 0|27 9 8 
19 |N. E.-S. SA 27409002 
20 |N.E.-N. G2TNSPEr 
21 IN.-N.E. 9|27 10 10 
| 22 IN. E.-S. ATEN 
23 |N.E-S.O. AIDPTITTIES 
24.15. O.-S. O2 RON 
MAIS ES"O; »|[28 O 9 
26 |S.-S. O. 0|28 oO 10 
| 27|S: SI UEE  ©|28 O 3 
| 28 [S.O.-S. D |27 IE 06 
| 29 N. »|[28 © 1 
RRSONISEISIE OJ28 NOT 
| 31 (OA O|27 10 10 


Tome V, Part. VI 1775. 


513 
R. 


Etat du Ciel. 


Couvert, pluie, 
Variable. 

Idem. 

Idem. 

Variable, neige. 
Couvert. 

Variable, neige. 
Couvert, neige. 
Idem. 

Couvert, pluie. 
Couvert. 

Idem. 

Couvert, brouillard. 
Variable. 

Idém. 

Idem, pluie. 
Couvert. 

Idem, pluie. 
Couvert. 

Idem, pluie. 

Variable. | 
Couvert, pluie. | 
Ider. 


Idem. 
Couvert. 
Variable, brouillard. 


Sérein. | 


| Variable, pluie. 


Couvert, pluie. 
Couvert. 
Couvert, brouill., pluie. 


nt 


Vvy 


14 
ot Vents 
# | dominants. 
mois. | 
| 1 |O.0u5.0 
2, | SN O 
3 |O.-N:E 
4 |S.-S. 0. 
5 S.E:=S.O. 
| 6 |N.E-S.C. 
GIMANENLESERE 
8 |N.-S.0. 
| 9 |N.-S. 
10 |S.-0O. 
| T1 |S 2510? 
120 S.-S. O0: 
13 |S.-S. O: 
14 |S.-S. O. 
LAIISORS: 
16 |S.-S.0O. 
170 1S S.0E 
18 |S.-E: 
19 |S.-O. 
20 |S.-N.E. 
21 |S. O.-0. 
Dr 22 S 
| 23|S-0: 
24 |[N.E. 
25 |S. O. 
26 |N.E.-0O. 
27 |S.-O. 
28 |S.-0©. 
29 |S.-S. O. 


OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


EU Vi KR LE R> 
= ue meme mn 1e 

Thermom. 
REPN EE RER Etat du Cid. 
Chal. | Froid. 
Degré. | Degré. | Pouc. Lig. 
4. 1|-0 o|27 10 6 Variable, pluie. 
Se ete TO NUS | Couvert, pluie. 
3 $|-0 0|27 1x0 9 Variable, pluie. 
2 ÉD ON BI 270210 07 Variable. 
sun 0: Ma 27 AO 5 Couvert, pluie. 
anal -Où6 | 27 10707 Idem. 
ait |-0 16 | 27 F0 Idem, neige. 
2 «110 06| 27 10176 | Variable. 
F0 01 27:TON 6 Couvert. 
HABIÉO, oe7 1 07 7 Idem, neige. 
4-21 10!| 27) 10 | Couvert. 
4 æl-o 6127 9 17 | Variable. 
4 8|-0o 9127 10 7 Couvert, pluie. 
ALT S #27:0 0 Idem. 
4 $l-O0 012711 1 Idem. 
4 7|-01e|27 17 3 Couvert. 
$ 31-0 3127 10 10 Idem, pluie. 
$ o|l-0o 3127 10 10 | Idem. 
4 8|l-o 6127 11 10 Variable, pluie. 
4 6-0: 3128 © 1: Couvert. 
$ 4-0 3128 o 10 Variable. 
4 71-90 3127 10 10 Idem. 
coigliotsl27 410017 | Couvert, brouill., pue 
3 8|» »|27 11 9 Couvert, brouillard. 
4 8|» »|27 11 3 Couvert, grande pluie. 
$ 1l-o 3/27 10 10 | Idem. 
sg gl» »|[27 19 xx Idem. 
$ 8|-0 0127 9 6 Variable , pluie. 
$ 4l-o o|27 9 4|Couverr. 


PR 


(] 
= 
Et 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS,  ÿts 


M'A RS. 
22 7 _——— Ge 
Jours Ther 
Vents €rmomM< | Baromè- 
de | bminants. | een 1re. Écat du Ciel, | 
IOLS, Chal, | Froid! 
| Deg Degré. |Pouc. Lig. 
1 |[O.ousS.O. |4 8]-0 o|27 9 10 Serein. 
2 [O.-S.0. |6 :1|-0o ol27 9 6|Couvert, pluie. 
3 O. $ -7|-0 :0|27 10 :1| Idem. 
4 |S.-SE. |$ 3-0 3127 10 :8| Variable; pluie. 
| _ $ |N.O-.S.O. |4:19/-0 22747 3 | Idem. 
6 | O0.- NN. O: 4 8| » »|2711 6 Serein. 
| 7 IN-E.-O. 4 17|-0 0!27 11 o| Idem. 
5 8 |E.-N.E. |4 oi», 1271 18 Idem. 
| 9 N. E. d'A re PAl2 7 OtEN Variable, 
4 10 |E.-N.E. |4 6| ». »|27 9 6|Serein. 
ro INEE* 4 4l-0o 3127 9 71 Variable. 
12 [S.-N.E. |$,. 3|-0 3127 9 10! Idem. 
13 [S.-N.E. |$ 8|-0: 2127 9 10|Couvert, pluie. 
d 14 IN.-NCE. |$ 7|-0o- 2|27 10 3 | Idem. 
IS |INE-O. |5 5h50 of271r 3 | Serein. 
16 |S.-0O. 4 9| » »|127 11 3|Variable, pluie, 
17 [SE-S.O. |6 1] >» »|27 11 2| Idem. 
18 [O.-N.O. |5 5| » »|27 11 2| Variable. 
19 IN.-S.O. |4 8|-0o 2/27 117 3 | Couvert. | 
20 |S.-0O. 6 O| » »|27 11 6| Idem, pluie. 
211]N°E: 4 61-0 2128 © x}Variable. 
22 [N.E.-O. |4 4! » »|27 11 $|Couvert, pluie. 
23 |N.E-N.O. |4 41-0 2128 o 8 Couvert, pluie, neige. ! 
24 [| NE-N.O. |4 6]-0 4128 o 6|Serein. | 
25 S. O. $ 1|-0 6|27 11 61 Variable. 
26 | S.-O. |5 8|:0 2|27 11 o| Idem, pluie, neige. 
27 IN.-N.E. |4 91-0 6/28 o 18 Variable, 
28 [N.E-S.O.}$ o| » »l27 rr o!{Serein, 
29 S. 6 1! » »|27 11 2| Idem. 
30 |S.-E. 6 Oo! » » à (27 11 2! Variable, pluie, 
31 IN.E--S.0. 16 81 » 27ÛTE j Idem. 
Eù ei PE TR EEE 


Tome V, Part, VI. 1775: INR PT 2 


s16 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


AE VA Ki IML. 
Vents Thermo- | Baromé- À 
dominants. mètre. tre. Etat du Ciel, 


Degrés. Pouc, Lig. | 


SO! 7 4 |27 11 9 Variable, pluie. | 
N.ouN.E. SON 27e Couvert. 
N.-N.E. 8 3 |27 10 10| Variable, pluie. 
N.E.-N, 8 3 |27 10 9| Idem. 
NPQE 8 o |27 10 8:|Serein, 
N.E.N.O. 8 4 |27 10 8 | Variable. 
NE-N.O.| 7 1 |27 10 101| Idem, pluie 
N. E.-O. 6 $ |27 9 9|Idem. 
S,O.-N, 7 4 |27 9 21|Variable, grande pluie. | 
N. 7 9 |27 9 9|1dem. 
N, E: 7 7 |27 10110| Idem. 
N.E.-N.O, 8 8 |27 11 $|Sercin. 
SSNE. 9 Oo |27 10 11 | Idem. 
NEO; 9 1 |27 10 7| Variable, pluie, | 
O. 8 9 |27 117 6|1dem. f 
S.-N. O. 81 ,49|2700007) Idem. 
N°: =S;: 6 8 |27 10 10 | Couvert, pluie. 
SO:=0, 6 8 |27 ar  $ | Idem. 
N.- N. O. 6 7 |27 117 2] Variable ,grandepluie,neige. 
NAO: 7  o |27 11° 8| Variable, pluie. 
N.-N. O.| 8° 6 |27 17 4|Serein. 
N. 9 8 |27 10 7 Idem, petite pluie. 
SES. 9 o |27 10 8 Variable, grande pluie. 
S.-N. 9: 3 027 z1 6 Idem, pluie. 
N.-S. 9’ 0 |281:0: 3 | Idem. | 
O. 9: 6 |28 0° 31 Variable. 
N.O.-S.O.{.g, 8 27:17 0 $ Idem. 
N.E.-S. 0. 9 7 [27111 10 |Seréin. 
N.E.-S.O.| 11.!$ |27110 « 6 | Variable, pluie. 
N,E.-S.O.| x1/ x 271 9 ‘ro |Idem. 
KZ 
D SE ES SR (FO 


ES RAT a A) el 


me 


Ge Lier 


em em S 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. sw 


MA" T. 
Jours 
Vents Thermo- | Barome- ) 
D nants: | à mère. tre État du Ciel. 
MOIS, 
| Degrés Pouc. Lig 
1 [N.ouS.O. | 10 Oo |27 10 7| Couvert, pluie. 
2 [S.O-N.E. | 10 1 [28 oO 2] Variable. 
3 lINS=NSE 10 220|28, 0,007 dem: 
4 |N.-S. O. | 10 8 |27 11 6| Idem, pluie. 
S.IN°cE:S.O. | ‘11 26 |27 11. 10 | Idem. 
6 |O.-S. 12 ON | 28 NO MT ISErEN. 
7 |S. E.-O. | 14 2 |28 o o|1dem. 
8 |S.-S.O. LT 0127 174; Oil Tdem: 
| 9 |S. O. 13 3 |27 11 8| Variable, pluie. 
10 |S.-S. O. 13 3 |27 17 4|Serein. 
TN INS ES Sr 2020) 27 TR rt Couvert 
| TMS = SO) 11 6 |27 10 8| Variable, pluie, 
13 |S.-N. E LA | 272 x T2 Tdem. 
| 14 E. 12 7 |27 11 3| Variable. 
19 [IS E. 120122711148 Mer. 
16 |N. E. 13 "9.127 1x 11 Sercin. 
17 |N. O.-O.! 13 1 |27 11 8 | Variable, pluie. 
18 N. 1300 00127440 0$).1dem.… ‘ 
19 | N.-S. O. x2 002] 27 10 NSercin. 
20 |[N.-S. O. | 14 oO |27 11 7| Couvert, pluie. 
DT SSD IE: 14 $ÿ [28 Oo 1| Variable, pluie. | 
22 |N.E.-O. | 14 7 |28 o  6|Serein, 
| 23 |N.-0O. 15 3 |28 o 6| Idem. 
24 | N.-O. 15 3 |28 Oo 4] Variable, pluie, tonnerre. 
| ANS ON Er 242800 oiSeren- 
26 |O.-N. 14 8 |27 17 11| Variable, pluie. 
27 |N.-S. O. | 14 $ |27 11 4| Idem, tonnerre. 
| 28 [N.-N.E. | 12. 4 |27 17 3 | Variable, pluie. | 
29 |S.-N.E. 12 $ |27 10 11 | Couvert, pluie. 
30 |S.O-N.E. | 12 2 |27 10 3| Variable, grande pluie. 
ERA OE 12  $ 27 10 111 Couvert, grofle pluie. 
25 na a = — "© 


s18 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


JAUNT:EN: 
sy ps ME (ue 
0 LS 2 SG EE 
Jours 
| - Vents Thermo- | Baromè- 
| du dominants. mètre. tre. Etat du Ciel. | 
| MOIS. | 
| Degrés. Pouc. Lig. 
| x ©. 11 6 |27 10 8|Couvert, pluie. | 
2 [O.ouN.E.| 13 3 |28 o o\ldem. 
HIS ES O: 14 3 |28 o 6G|Variable, pluie. 
4 S. 14 8 |28 o 4| Variable. 
$ |S.-S. O 16 © |27 11 10| /dem, pluie, tonnerre. | 
6 S: 15 8 |28 o $|Variable, 
7 IN.-N.O. | 15 7 |28 o 5$| Idem, pluie. 
8 IN.E.-O. | 15 7 |28 o 9| Variable. 
9 |N.-s. 16 6 |28 o xx | Serein. 
| 10 O. 16 Oo |28 o 9|ldem. 
| 11 |O.-S.O. | 15 7 |28 oO o| Variable, pluie. 
12 |S. O. 15 1 |28 Oo 4}ldem. 
13 |[O.-S.O. | 15 oo |28 © 7| Variable. 
14 [N. O.-O. | 14 9 |28 © 9|Idem. 
15 |O-S. O. 15 7 |28 o o|ldem, pluie. 
16 |S.O.N.O. | a$ 7 |27-11 x |1dem. 
17 |N.-OS. 15 2 |27 9 6|Idem. 
18 |N.O.S.O. | 14 8 |28 o o| Idem. 
19 O. 14 9 |28 o $|Couvert, pluie, tonnerre: 
20 ©. 16 2 |28 Oo $| Variable, pluie, tonnerre. 
21 |O.-N.E 15 9 [28 o 8] Variable. 
22 |O.-N.E 16 3 |28 Oo 9|Serein. 
23 |[N.E.-N.O. | 16 . 3 |28 o 2|Idem. 
24 |E.-O. 17 $ |28 o 10| Variable, pluie. 
25 O. 17 8 [28 Oo o!| Variable. 
26 |O.-S. O. 18 6 |28 © 1|Idem. 
27 |N.O.-S. 13 Oo |27 11 8/Couvert, pluie, tonnerre. 
28 |S. O.-O. | 16 2 |27 11 11 | Couvert, pluie. 
29 ©. 1$ 4 [27 11 8|Idem. 
| 30 |S.-O. 15 3 |28 Oo o|Variable. | 
| 


LR re 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS.  $19 
PRUPPALGE T 


De QE 
Jours ‘ 
Vents Thermo- | Baromé- ; 
| fe dominants. | mètre. tre. Etat du Ciel, 
mois. 
Dekrés. Pouc. Lig 
U 1 [N.ouO. 15 2 |27 11 10| Variable. 
2 |O.-N. 16 4 |28 oO 4|Idem, pluie. 
3 IN.-S:O. | 15 9 |28 7 2|Serein. 
| 4 N. T2 28 roll Tien 
$ 10.-N. 27 91128 2-2 der 
6 1S.-0O. 18 Oo |28 o 8| Variable, pluie. 
7 |S- O.-O. | 17 3 128 © 4: Idem. 
8 O. 17 2 |28 © 41|Serein. 
OS O0: 17 3 [28 Oo 2| Variable, pluie. 
10 |O.-N. 16 8 |27 11 61|Couvert, pluie. 
11 ©. 15 7 |27 11  9| Variable, pluie, tonnerre. 
12 |S.O.-O.] 16 1 |28 o $|Variable, pluie. 
13 O. 16  $ |28 1 1/|Variable. 
| 14 |S. O. 17 4 |28 x 1|1dem, pluie. 
15 [N.E-S.O. | 17 $ |28 o o|Serein, pluie d'orage, 
16 E: 18 1 |27 112 9] Variable, pluie. 
17 O, 18 4 |28 Oo 3|Serein. 
13 S: 17 8 |27 11 8| Variable, pluie, 
19 |O.-S.O. | 16 7 |27 11 9 | Idem, tonnerre. 
20 |O.-S.O. | 17 2 |28 o 61|Variable. 
LS ©: 17 8 |28 o 10|Serein. | 
22 [N.O.S.O. | 17 oO |28 o 10| Variable, pluie. | 
23 [N.O.S.O. | 17 9 |28 o 1|Serein, pluie d'orage. 
24 |N.O.S.0O. | 18 1 |28 o 10/|Serein. 
25 [N.O.S.0. | 18 9 |28 Oo r|Idem. 
26 S. 17 $ÿ |27 11 3]| Couvert, pluie, tonnerre. 
27 ©. 17 O |28 O 1|Couvert, pluie. 
28.1S.O.-O1|" 181, 11 | 28 1) o|Serein. 
29 |[S.O.-O. | 17 6 |28 o 10 | Idem. 
30 [S.O.-0. | i7 A |28 jo 2] Variable, pluie. 
31 |O.-S. 17 4 |27 11 9 Idem. I 
5h = 7e 


Tome F, Part. VI. 1775. Xxx2 


$20 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


ASHOMUMNT: 
D, =— alé 
| +4 Vents Thermo- | Baromi- ; 
| LT dominants. mètre. tre. Etat du Ciel. 
Degrés. Pouc. Lig | | 
1 [N.ouS. O. | 17 4 [28 o 3|Couvert, pluie. 
2 IN 0:10; 17 9 |27 1x 10 |Serein. 
| 3 O. 16 8 |28 o 6|Variable, pluie, tonnerre. 
4 SO. 17 9 |28 r 1|Serein. 
| SHSAO: 18 9 |28 o 9|Idem. 
6 S: TON AN] 28 MON Idem, tonnerre. 
7.5. O.-0: LES 28 NONMO Serein. 
8 |S. ©. 17 8 |28 o 3/|Variable, pluie. 
9 |S.-5.O 18 8 |28 o 3|Serein. 
| 10 Ê O. 17 9 |28 o 6|Variable, pluie. | 
4 12 |O.N. 18 o |28 o 4|Serein. 
| 12 IN.-S.0O. 16 6 |27 11 5 | Variable, pluie, tonnerre. 
13 |O.-S. O. 16 9 |28 o 5$|Variable. 
| 14 |O.-N.E. TT OMNI27 OS Idem, pluie. 
15 |[N.-5. O. 15 7 |27 11 6| Idem. | 
16 |S. O. y Ale 7: 8 | Serein. 
17 ©. 15 oO |28 © 3|Variable, pluie. 
18 |S. O. ON | 28 NOIRS Variable. 
| 19 |O.-S. O. 17 3 |28 o 2|1dem, pluie. 
| 20 |[O.-N.O. | 15 8 |27 11 11 | Variable. 
21 |[O.-N. O. 16 3 |28 o 11/| Idem. 
| 22 |S. O.-0. 16 6 |28 Oo 4|Serein. 
23 |S.-0O. 17 O |27 11 10 | Variable, pluie. | 
24 |S. O.-O. 17 Oo |28 o 7|Serein. 
2$ O. 16 7 |28 o 10|Idem. 
26 |O.-N.O. | 17 2 [28 x 8| Idem. | 
27 |S.O.-N.O. | 179 Oo [28 1 3 Idem. 
28 | E.-S. 17 2 |28 o 6|Idem. 
2OMO CNE; 17 7 |28 Oo 3|Idem. 
30 |S. O.-0. 17 $ |28 © 6|Variable, pluie. 
31 |S.O.-N.E.1 17 1 128 oO 7|Serein, aurore boréale. 
À 2m 
25) es ass {re 


oæ 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 


SOEMPAPIME.  M'OBS MARNE. 


de Vents 
4 | dominants. 
mois. 
| 1 S. 
4 9) S:0: 
2 IN.E.ouS 
4 |S. O. 
s$ |S.E.-S.O. 
OS ON TS: 
Fi CHRCE 
| 8 |O.-S. O. 
9 |0.-S. O. 
10 1S..©, 
rLNlS OO: 
12 S. 
132] S10: 
14 |S. O.-S. 
LAS IO: 
16 |S.-S. OO. 
17 |S.-O. 
T841S. O: 
19 |S. E.-S. 
| 20 S 
2x [S.-S. O, 
224190! 
| PARIS AO: 
24 | N.-S. O. 
25 |N-E.N.O. 
26 |N.E. 
27 E.-INSEE 
28 |S. E.-S. 
29 |N.O.-S.E. 
30 SEN0 
SSS 


5h) 


Thermo- 
mètre. 


3 00 où Où MI U O Bb OM H Qt © O0 Or mb w * 


RE — 


Barome- 
tre. 


LS] 


II D 


a —— 


bi 
IIO0OD0OQO A œw 


LI 


LI 


bd be 
JO mm D D AD O D OI © 00 m Us 


Etat du Ciel. 


Serein, pluie. 
Serein. 

Idem , tonnerre, 
Serein. 
Variable, pluie. 
Variable. 
Couvert. 
Variable. 

Idem, pluie. 
Serein. 
Variable, pluie, 
Idem. 

Idem, tonnerre. 
Variable, pluie. . 
Idem. 

Serein. 


Idem, aurore boréale. 


Serein. 

Idem. 

Variable, pluie, 
Idem. 

Variable. 
Serein. 
Variable, pluie. 
Serein, 


Idem , aurore boréale, 


Serein, 

Idem. 

Idem. 

Idem, brouillard. 


Tome F, Part, VI 1775, 


s21 


OCR OEB RUE 


V'ents Thermo- Baromé - 
dominants. mètre. tre. 


Etat du Ciel. 


CS 


| Degrés. Pouc. Lig. | 


1 |O.ouN.E. | 12 1 |27 11 6|Couvert, pluie. 
2HINIESS ONE ARE" 270 Variable , pluie. 
| SO; 11 8 |27 9 Slldem, aurore boréale. | 
4 S. 17 8 |27 8 10 | Couvert, pluie. 
GUÈLOE 11 Oo |27 10 7 | Idem. | 
6 S: 10 6 |27 10 11 | Idem. 
TS AS AOL 17 (3 |27 17 4 Variable. 
8 |S.-S. O. 11 4 |27 11 4|Couvert, pluie. 
| OSNO 11 3 |28 Oo 3| Variable, pluie. 
TONNS OS: 10 6 |27 11 8| Variable. 
| 11 |S. O.-O. 9 s$ |28 o 9|Couvert. 
12 | S: O. 9 o |28 o 9|Serein. : | 
13 |S.-S. ©. 9 Oo |28 o 2/| Variable, pluie. 
14 |S. O-O. 9 1 |28 oO 1|Serein, pluie 
15 | N. O.-S. 8 $ |28 rx 7x|Serein. | 
| 16 S. 9 1 |28 o 6|ldem. 
17 IS S AO: 8 4 |28 o 61|Idem. 
| 18 ss 8 8 |28 o | Idem. 
LORS OES: 8 9 |28 o 8|Idem, brouillard. : 
. Mt. 20 1 SE SxO. 9 $ [238 o 3|Idem. 
DIS ESS: 8 6 |28 o 8| Variable, brouillard. 
22 IS:2S"E, 9 2 |27 117 6| Idem. 
23 Se 8 3 |27 10 8|Idem, pluie. 
24 |S.-S. O. 8 2 |28 o 1|/1dem, aurore boréale. 
25 IS 1O:—S. 8 7 |28 o 2| Variable, brouillard. 
26 |S.-S.O. 8 4 |27 11 9| Variable, pluie. 
| 27 5 | 8 3 |27 10 10 | Serein, brouillard. 
28 |S.-S. O. 8 o |28 ro 6 |Sercin. 
29 |S.O:-S.E. 8 x |27 11 1 | Couvert, pluie. | 
30 |O.-S. 0. | 8 4 pl 10 6 | Variable, pluie, brouillard. 
37, SO. - O. 8 4 ]27 10 3 Variable, pluie. | 


2 r> 
ES 00 A 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 523 


CS 
Fa) 


Tome F, Part. F1, 1775. 


| Serein. 


Lez 


Serein. | 
Idem , brouillard. 
Couvert, pluie. 

Idem , brouillard. | 
Variable, pluie. 

Idem. 

Couvert, pluie. 

Variable, pluie. 

Couvert, pluie, brouill. | 
Variable, pluie, 

Serein. 

Couvert, pluie. 

Idem. 

Variable, pluie, brouill. 
Variable. 

Idem. 

Couvert, brouillard. 
Variable, pluie, brouill. | 


| 
| 


Idem, pluie. 
Variable , pluie. | 
Variable , brouillard, | 


Variable, 

Couvert, pluie. 

Idem. - 

Variable. = 
Couvert, pluie, brouill. | 
Vaïiable. | 


N'YO'VYE M B R_'E 
22 
| peut ns Thermom. FENTE 
* | dominants. | Run tre. 
jee Cha. | Froid. 
Degré. | Degré. |Pouc. Lig. 
1 | SOouNO. JUS ONT 000 27 ME 3 
25 O; 6 9| » » 2 AIS 
3 S2O: 7 81 » » 27 10 II 
4|S-S.O. 18 9| » »|27 11 4 
15 S.O.-N.O. |8 [LME NEN ET Po 3 
6 |S.-0. AMONES Jyr| 2 TITI 20 
7 1S.0.-S. |7 1] » »|27 10 o 
| 825.0: 7 4| » »|27 9 4 
9 S.- O. TIM O MO 
1a!|S,O:=S. de DE: 1 LR 2 15 le © OP : 
II SO: 6 9| » »|27 11 10 
12 |S.-S.O. |7 2] » »l2710 8 
13.[S.O.-S. |7 2] » »|27 11 2 
l 14 SO: 625 5 27 II 8 
15 N.E.-S.O. SAONE PPS 27 TE ET 
16 |S.-N.E. |$ 4l-0 ol28 o 11 
1701 S 10: SNA OMS) 27 rire 
18 |S.-5.O. |4 8|.0 7128 .o 4 
19 [N.-N.E. |4 11.0 7128 o 3 
20 [N. O.-N.|4 610 6|l28 o 3 
21 [NO:NE. |3 9| » »|27 11 8 
22) \INXNE: Me) IV ON 27170 02 
23 |[S.O-N.E.|4 1-0 3|2710 7 
24 S. AA TN O | OTR FRA 
| 25 |S.-S.O. |4 21.0 7|27 11 11 
26 [S.-S.O. |4 9|1-0 3128 o 1— 
27 |S.O.N.O. |ÿ 2| » »l28 o 10 
28 |S.-S. ©. 4" 61 »° »!l28- r 10 
29 |S.O.-S. |3 91.0 028 r 7 
30 |S.0O.-5 4 2|]-0 o |27 11 6 


Idem , pluie. 


24 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, | 
DÉMO NMEMNMLIBTOR EL 3 
au) ge mme om men (CIE 
| 4 BA 
Jours Th 
V'ents 1Crmom. Baromë- ; 
du dominants. | TN tre. Etat du Ciel 
IT OËS Chal. | Froid. 


Degré. | Degré. | Pouc. Lig. 


ous Peel _ 
; = 


1 |N. ous. 4 0» »l28 oO 3|Variable, pluie, brouill. | 
DUIISSO); 24 est e28)" ror27 Idem. 
| 3 [S.O.-N.E.|3 4l-0o 3128 o 2|Variable, 
4 S. 3 4|-0o 8128 1 S8|Idem, brouillard. Nite 
| 51s-S0. !3 3l-0o 4/28 o 2|Variable, pluie. 
CASE SUEE 3 4|-0 3|2710 5 Variable, Éouillard 
FAUNSESSNES 3 4-0 1/27 10 2|Couvert, pluie, brouill. 
8 | S..--O: 4230 trl27an ré Vanbie. pluie, brouill. 
DS OS 4 (3) ons oz" xr.3 Variables pluie. 
| 10 |[S.-S.O. 13 7-0 3127 10 o|Couvert, brouillard. | 
ESS As Moro r|7r/rot Variable , pluie. 5 
| 12 S; 4 6-0 2/27 9 S8|ldem. 
| 13 Ce 4 3-0 1127 10 10 | Couvert, brouillard. 
14 GE 4 1l-o 527 10 7| Variable, pluie. 
ES S. 4 6|-o 2/27 9 $s|Couvert, pluie. | 
16 |[O0.-S.O, |$ 4 >» »|27 10 o|Idem. 
17 |S.-O. 4 4l-o ol27 10 8|Idem, brouillard. 
183 |S.-S. O: A0 27 TER G Couvert. 
| TON SO; AOL » CHN27UONO Variable. 
20 S: 3 8| » »|27 3 | Couvert, pluie. 
21 | SOS 4 O| 5» »|27 8 10 ere pluie. 
22 S. 3 1|-o 2127 9 8|Variable, pluie, bionifle) 
23 SeIQ 3 4l-o $l27 9 11 | Couvert 
24 |S.-S..0. 2 7|-o 8|27 11 x|Variable. 
2$ |S: O:-S. 2 8|-o 3/27 117 7| Couvert, pluie, brouill. 
{| 26 [N. E.-S. |2 1 |-r 127 11 9 | Couvert. | 
27 [S O.-OQ. |3 6|-1 ol27 17 9 Idem, pluie. 
28 |SO:=N:E. 2 xl:1 fe QNs Vanable. brouillard, 
29 $.O.-N. E. | 2 7|-1 4128 o 61| Variable. 
30 |S. O.-E. | 3 O|- 6 28 Oo 2|1dem, pluie. 
3m NUE. *S.. 13 vol -r:/4l28#0;:x ï| Couvert, ones brouill. 


#0) 
2 
4 
U 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. $2$ 


TABLE qui contient le réfultat de toutes les Obfervations Météorologiques, 
faites à Paris pendant dix ans, par M. MESSIER, Afironome de 
la Marine, de l’Académie Royale des Sciences. 


HER THERMOMÈTRE. BAROMÈTRE. 
domi - 
De. a vd (nn. PE a 
nants, 
5 Plus Plus Degré Degré Plus Moindre | Elévation 
£ grand deg.| grand deg.| moyen de moyen de | grande élé:| élévation. | moyenne. 
S de ckaleur| de froid | chaleur. Jioid, Aa 
y moyenne, | moyen. 
EU RER a re, Er 2 LEP RE, PATES ES 
& } 
2 Degrés. | Degrés, | Degrés. | Degrés, |Po. Lig. Po. Lig.|Po.. Iig 
[= 
SES. Oz 8421.00. [No Mo. | T3, 128203. 6-27: 4. 7:/27.11.5. 
—— 
Nomgre des jours de 
Sd 
a 
8 
é Neige. | Pluie. |Couverts| Sercins. | Variabl.| Brouill. |Tonnerr. Aur. bor, 
8 ———— 
= 10. 186. 97. 87. 181. 31: 12, 4. 


Tome V, Part. VI. 1775: 


516 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


ET LEE A DÉPENS FRE SRE LL PETITE LS SEE NRRNENIEE RETENIR 


BORA MPENTRS E 


De M PoroT DE MoONTBEIILARD, Lieutenant - Colonel 
d'Artillerie, écrite à M. le Comte DE BUFFON, qui répond à ce 
qui a été infèré dans le Journal du mois de Mars , au [ujet de la décom- 
poition du fer, page 282. 


J E reçois à l'inftant, Monfieur , deux Lettres imprimées de M. Tron- 
çon du Coudray , Capitaine d'Ouvriers au Corps Royal de lArtillerie, 
que vous pouvez aifément vous procurer. La première de ces Lettres æ 
pour objet des queftions de Chymie, fur lefquelles il ne n'appartient pas 
de prononcer; la feconde eft de mon reflort, puifqw'elle regarde la 
réduction des boulets de canon, qui a commencé à avoir lieu à la fin de 
Yannée 1766. 

Ce fut à cette époque que je fis connoiflance avec M. Tronçon du 
Coudray , Auteur de ces deux Lettres. C’étoit un jeune homme plein 
d’efprit , & qui n'échappoit aucune occafion de s'inftruire; je m'y atta- 
chai fincèrement. Je ne pouvois lui fournir d'autres connoiflances 
que celles qui éroient relatives à la fabrication des armes, dont j'étois 
alors chargé à la Manufacture de Charleville : il en fuivit tous les détails 
avec la plus grande attention, & il n'a fûrement pas oublié, qu'ayant 
paru douter que les canons de fufil qui f fabriquoient à cette Manufac- 
ture, duflent réfifter, ainfi que je l’avois avancé, à une charge triple de 
celle de l'épreuve ordinaire, il en chargea lui-même CH qu'il 
prit au hafard, à près de trois onces de poudre & trois balles, lef- 
quels foutinrent, fans en être altérés , cette épreuve extraordinaire. Je 
m'en rapporte à lui: j'ai été en correfpondance fuivie avec cer Officier 
de mérite, jufqu'en 1770, qu'il m'a totalement abandonné. Il a dit à 
un de nos amis communs; que les circonftances, & la différence de nos 
opinions fur les fyftèmes d’Artillerie , lavoient forcé de rompre tout 
commerce avec moi: mais un Juif, un Proteftant & un Catholique de 
bon fens, cefferont-ils de s’eftimer, quoiqu'ils aient des opinions diffé- 
rentes fur des faits d’une toute autre importance? Quoi qu'il en foit, 
M. Troncon du Coudray a beaucoup étudié depuis le moment où j'ai 
eu l'honneur de le connoître ; car il conviendra qu'il n’avoit pas alors 
les connoiffances dont il fait preuve aujourd'hui. Le principe de la dé- 
compolition du fer qu'on expofe à des chaudes trop vives & trop réitérées, 
n'étoit pas, à beaucoup près, fi bien connu qu'il l'avance; au moins 
puis-je affurer qu'il regarda comme des idées neuves, celles que j'avois 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. $27 


reflerrées dans un petit Mémoire que je fis dans ce tems-là, à l’occafon de 
l'opération des boulets. 

J'avois, Monfieur, à l’aide de l'expérience , entrevu la vérité qu'on 
ignoroit certainement alors: j'eus l'honneur de vous commuiquer mon 
Mémoire; vous me confirmâtes dans toutes mes idées, & je fus alors con- 
vaincu du principe. La réduétion des boulets vous parut fi extraordi- 
paire & fi incroyable, que je craignis (je vous l'avoue ) que vous n'eufliez 
pris pour une plaifanterie, le récit que je vous en avois fair; & ce fut ce 
qui m'engagea à mener chez vous au mois de Janvier 1768 , feu M. de 
Mouy, Cordon rouge , Lieutenant- Général des Armées du Roi, Inf- 
peéteur-Général de l'Artillerie : ce refpectable Militaire | vous vous le 
rappellerez aifément , Monfieur , vous confirma tout ce que j'avois eu 
l'honneur de vous dire; & au lieu de trouver l'opération des boulets 
fingulière, vous la trouvâtes abfurde, & M. de Mouy eut la bonne foi 
d'en convenir. , 

Je puis vous ue , Monfiéur, qu'ayant vérifié moi-même quan- 
tité de boulets deftinés à être chauffés & rapés, ils rouloient dans les 
pièces de leurs calibres , depuis la bouche jufqu’au fond de l'ame : pour- 

uoi donc les vouloit-on diminuer de diamètre, fi on ne projettoit pas de 
Rare le calibre des pièces de canon? c’eft la queftion que faifoit M. de 
Mouy lui-même. 

En fuppofant, en fecond lieu , avec M. Tronçon du Coudray , ce 
dont je fuis bien éloigné d’être convaincu, qu'on eût eee autrefois 
une. négligence tellement impardonnable à la réception des boulets, qu'il 
s’en fut trouvé peut-être un million de très-gros; à quelle époque avoit- 
on commis cette négligence? eft-ce dans la guerre de 1740, où nous 
afliégeâmes & primes tant de places; où nous gagnâmes les batailles de 
Fontenoy , Raucoux & Lawfeldt; où l’Artillerie fut fi bien & fi heureu- 
fement fervie ? eft-ce lors de la dernière guerre, fur-tout à Gronningen , 
où l’Artillerie commandée par M, de Saint-Auban, contribua fi évidem- 
ment aux fuccès de S. A. S. Monfeigneur le Prince de Condé? Mais fup- 
pofons la négligence que M. Tronçon du Coudray établit: que fe pro- 
pofoit-on en chauffant à plufieurs reprifes les boulets trop gros pour Les 
taper? de les diminuer de diamètre fans doute : mais fi on avoit connu 
le principe de la décompofition du fer trop chaufté, on n’auroit pas fait 
une opération diamétralement oppofée au principe connu; pourquoi 
donc le faifoit-on ? c’étoit peut-être par économie, pour ne pas perdre 
une énorme quantité de boulets : mais il y en eut à Mézières , un er 
totalement décompofé , un quart que les foufflures & les gerfures firent 
mettre .au rebut ; & on n'ofa jamais expofer la moitié reftante à l'épreuve 
décifive que je propofois ; c'étoit de tirer en brèche fur une face d’un des 
baftions de Mézières. Je fuis intimement perfuadé que ces boulets fe 


Tome V, Part. VI 1775. 


528 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, - 


feroient caflés en frappant le mur, & que peut-être même ils auroïent 
éclaté en fortant de la pièce. Je demande actuellement combien coûtoit 
cette moitié fragile ? n'auroit-on pas gagné à tous égards, en vendant le 
tout à vingt livres le millier? car il en a coûté beaucoup pour décom- 
pofer la moitié des boulets qu'on n’a vendus qu'à ce prix après leur cal- 
cination , en confervant l’autre moitié fur laquelle on ne peut guère 
compter. 

M. Tronçon du Coudray nous dit, qu'en vertu du principe connu, 
les boulets trop gros étoient mis au rebut ; & moi, j'ai vu tenter à plufieurs 
reprifes de réduire des boulets du calibre de 24 à celui de 16, enfüite au 
calibre de 12 , & ainfi de fuite , jufqu'au dernier calibre de 4: mais heu- 
reufement ils périrent tous à cette épreuve qu'on n'auroit pastentée, fi on 
avoit connu le principe de la décompofition du fer, d'autant plus qu'il en 
coûtoit des conftructions de fourneaux, beaucoup de bois & des mains= 
d'œuvre en pure perte. 

Quant à l'épreuve faite à Mézières, je puis vous certifier, Mon 
fieur, que jai vu de ces boulets chauffés & réduits , fe cafler en 
tombant du cylindre qui fervoit à les vérifier , fur des pierres ou fur 
d’autres boulets, & la hauteur de la chüte n'avoit pas plus ds trois 
pieds. P 


du Coudray, dont les idées me paroiffent différer totalement des vôtres , 
& je crois que vous n'y répondrez pas non plus. 
J'ai l'honneur d’être, &c, 
À Dijon, le 18 Avril 177$. 


M. le Comte de Buffon a été très-bien informé, & on peut en admi« 
niftrer Les preuves les plus évidentes. A-t-on fait l'opération en queftion, 
ne l'a-ton pas faite ? Elle a eu lieu; donc les boulets qui ont rélifté font 
d'un mauvais fervice. : ï 

Si le principe de la décompofition du fer trop fouvent chauffé avoit 
été connu , on n’auroit pas fait l'opération dont il s'agit ; on l'a faite : donc 
on ignoroit le principe. 

Donc M. le Comte de Buffon ne changera rien à ce qu'il a écrit, mal- 
gré l'invitation que lui en fait M. Tronçon du Coudray. 

M. Tronçon du Coudray a publié un Mémoire fur la manière dont on 
extrait en Corfe le fer de la mine d’Elbe, On lit dans une note, page 135: 
& On ne peut mettre en doute que le fer fe brûle au feu, &c. Nous venons 
5 d'avoir dans l'introduction de l'Hiftoire des Minéraux , par M. de Buf- 
> fon, une très-belle fuite d'expériences fur cette déperdition de fubf- 
» tance, &c. J'ai été prévenu par cetilluftre Phyficien dans cette recher- 
» che, &c. Les vérirés doivent aller de préférence s'offrir à ceux qui font 

> faits 


Je ne réponds pas au po/f-fcriptum de la feconde Lettre de M. Tronçon 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ç29 
b faits pour en tirer le plus d'avantage, & pour les mettre dans le jour le 
» plus frappant ». 

Voilà Ne un aveu que cette vérité nouvelle s'étoit offerte à M. de 
Buffon, lequel l’avoit conftarée par une belle fuite d'expériences. Et 
dans le Do Péuen de la Lettre de M. Tronçon du Coudray à M. le 
Marquis de ** *, on lit ce qui fuit. . . . . « M. de Buffon donne 
» un air de nouveauté aux chofes les plus anciennement connues , 
> telle que l’altération intérieure du fer par le feu, dont nous venons 
» de parler ». 

Si l’altération du fer par le feu étoit, comme le dit M. Tronçon 
du Coudray dans fa Lettre , une connoiflance triviale & très-ancienne- 
ment connue , ce n'étoit donc pas une vérité qui étoit venue s'offrir à 
M. de Buffon , qui avoit prévenu M. Tronçon du Coudray en la 
publiant. 


EE —— 


RAR ÉB IOuN:SE 


De M. CADET, ancien Apothicaire-Major des Camps G& Armées 
du Roi, aux Obfervations de M. BAUMÉ, Maître Apothicaire, 
fur la méthode de faire l'éther vitriolique en plus grand abondance € 
plus facilement , &c. inférée dans le Journal de Phyfique du mois d’Ayrit 


1775 » page 366. 


 - de M. Baumé contient des allégations qu'un Artifte, 
jaloux de la confiance du Public, ne doit pas laifler fubffter. Je n'ai 
donc pu me refufer à mettre ma réponfe fous les yeux des Phyficiens; 
cela me donnera occafion de préfenter dans un plus grand jour les cir- 
conftances d’un procédé utile, que je n’avois publié que pour l'avan- 
rage du Commerce & des Arts. 
« Il eft vifible (dit M. Baumé ) que M. Cadet penfe que c'eft moi 
» qui ai donné la note ci-deflus (1) marquée en guillemets, & voici ce 
>» qui a pu donner lieu à fa croyance. Je fuis fâché qu'il veuille n'appro= 
# prier une chofe à laquelle je nai point de part ». 
Quoique M. Baumé aflure n'avoir aucune part à la note inférée dans 
Le Journal de. M. Linguet , où l'on prétend plus que lésèrement que mon 
rocédé de faire l’éther étoit connu de tous ceux qui le font en grand, 
il m'étoit bien permis de foupçonner ce Chymifte , puifque lors de ma 


{r) Voyez le Journal de Phyfique, Avril 177$+ 
Tome F, Part, VI 1775. 7:z32 


530 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE; 


réclamation en ptéfence de l'Académie , il avança que F'Auteur de cette 
note pouvoit avoir raifon , d’autant plus que mon procédé étoit imprimé 
dans l'Ouvrage de M. Pott, & dans les Mémoires de l'Académie des 
Sciences de 1739. 

J'ai cru devoir mettre fous les yeux de l’Académie ces différens Ouvra- 
ges, pour que M. Baumé ût y trouver la preuve du fait qu'il avoit 
avancé. L'impoflibilité de faire cette preuve l'a mis dans la nécefité 
d'avouer qu'il s'étoit trompé très-groffièrement , &c. &c.; ce font les pro- 
pres termes dont il s’eft fervi: mais ne pouvant renoncer au projet de 
diminuer , autañt qu'il étoit en lui, le mérite & l'utilité de mon pro- 
cédé, il a ajouté à fa rétractation , des obfervations qui font aujourd'hui 
le fondement de fa critique; il les a accompagnées d'un procédé pour 
faire cent pintes d’éther dans un jour. L'appareil de ce procédé conififte à 
établir (à l'inftar des Anglois ), fur une galère, un grand nombre de 
cornues, dans lefquelles il diftille fur de l'huile de vitriol , fuivant mor 

rocédé , nombre de fois & à plufieurs reprifes, de leau-de-vie, au lieu 
d'efprit-de-vin. IL eft vrai que le degré de force de cette eau-de-vie 
mefurée par le pèfe-liqueur de M. Baumé , fe ra proche beaucoup de 
celui de lefprit-de-vin ordinaire. Il eft facile de concevoir toute la 
valeur & la nouveauté de ce procédé , & la différence entre celui-là & 
le mien, il fuffit pour cela de multiplier les vaifleaux , & de fubftituer 
le nom d’eau-de-vie à celui d'efprit-de. vin , fans en changer l'efpèce. 

« M. Cader croit être le premier ( continue M. Baumé) qui propofe 
» de diftiller de nouvel efprit-de-vin fur le réfidu de l'éther, pour em 
> obtenir par fon moyen une nouvelle quantité ». 

En donnant ce procédé, je n'ai jamais cru ni prétendu annoncer que 
jérois Le premier qui eût imaginé de difiller de nouvel efprit-de-vin fx 
Le réfidu de l'éther. Il eft aifé de s'en convaincre par la lecture de mon 
Mémoire : cette fuppofition eft encore une petite rufe de guerre ; mais 
je ne m'y arrêterai pas: je dirai feulement qu’en diftillant continuelle- 
ment de nouvel efprit-de-vin rectifié fur le réfidu de léther, je ne lat 
point fait dans l'intention de n'avoir que la préfence de l'éther ; mais pour 
en obtenir parce moyen une très-grande quantité; & c'elt-là ce que n'a- 
voient pas dit M. Baumé dans fa Differtation fur lécher , ni aucun des 
Chymiltes dont il voudroit étayer fes affertions. Examinons toute la 
valeur des trois-citations fuivantes, & fi elles indiquent le moyen de 
faire de l’éther en plus grande abondance , & avec plus desfacilité quo 
ne l'a fait jufqu'à préfent. 

« M. Port dit ,'page 430, premier volume de fes Differtations , 
» édition Françoife : fi l'on verfe de nouvel efprit-de-vin recifié fur le: 
» téfidu (de l'éther), on obtient un efprit beaucoup plus fulfureux , & 
» une petite quantité de certe huile ( douce de vitriol ) , &c. 


| 
. 
; 
j 


UPS nf + SLI TS 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 531 
s À la page 433. Kunckel ayant obfervé que le rélidu bituminzux 


s> expofé à l'air pendant un mois, combiné avec de nouvel efprit-de- 
n vin & diftillé , fournifloit un efprit nageant. 

>» À la page 444, M. Port dit : il faut cependant remarquer que , 
» comme il demeure toujours ( dans le réfidu de l’éther ) une légère 
æ portion de la matière inflammable de lefprit-de-vin , cet acide eft 
# un peu plus fulfureux ; c'eft ce qui fait que, lorfqu’on le combine 


# avec de nouvel efprit-de-vin , l'efprit que la diftillation fournit , ef 
# plus odorant & plus fulfureux ». 


Remarques fur ces trois Citations. 


Elles prouvent , à n'en point douter , que MM. Pott & Kunckel , 
en verfant de nouvel efprit-de-vin fur le réfidu de la diftillation d'un 
mélange d’huile de vitriol & d’efprit-de vin, ont retiré une petite quan 
tité d’une huile douce de vitricl, ou d’un efprit nageant , que ces 
Chymiltes ne connoifloient pas alors pour être l’éther de Frobénius : 
cela veut-il dire qu'ils ont retiré de leur rélidu, ainfi que moi , une 
très-grande quantité d'éther ? non , affurément ; car M. Pott finit par 
dire que la petite quantité que l'on retire de ce procédé, ne vaut pas 
La peine d’être recueillie : M. Baumé a eu ste foin de ne pas rap- 
porter la citation entière. Il ne faut être ni Chymifte, ni Phyfcien, poux 
fentir toute la force de ces trois citations. 

Comme M. Baumé me renvoie à fa Differtation fur l’écher , im- 

rimée en 1757, comparons un peu les avantages qu'il a retirés de 
Es réfidus d’éther , à ceux que les miens ont pu fournir. Si M. Baumé 
eût été bien perfuadé ( Siné qu'il l'avance) que tous les Artiftes fai- 
foient fervir continuellement le réfidu d’éther à la place de l'huile de 
vitriol , il auroit fait sûrement de l'éther à très-bon compte , & n’au= 
roit pas été dans Le cas de le vendre, à fes Confrères mêmes, fur le 
pied de 12 livres l'once : il eft vrai que fon éther étoit à l'épreuve 
de la gomme élaftique ; mais on le fuppofe toujours dans cet état. Je 
puis en donner, par mon procédé & Le même qualité, à nos Con- 
frères à 40 fols l’once, c’eft-à-dire à cinq fois meilleur marché. 

Quoique mon travail économique paroiffe illufoire à M. Baumé , 
je prouverai dans un inftant , & par un calcul bien fimple, quil refte 
encore à ce prix-là un bénéfice très-raifonnable. Si M. Baumé eût ef- 
feétivement connu toute la valeur de mon procédé , fe feroit-il amufé 
à filtrer ces réfidus à travers le papier gris , le verre pilé , le grès 
égrugé , dans des creufets de terre de Paris, dans des pots à calciner 
que l'on nomme camions ? Enfin, pour parvenir à fon but, il a em- 
ployé beaucoup d'autres intermèdes , dont ij croit fans doute inutile 


Tome V, Part. VI 1775: ZLzza 


#32 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


de parler , puifque toutes fes tentatives ont été fans fuccès. Ces expé- 
riences , les réflexions qui l’occupoient continuellement fur le foin qu'il 
prenoit de garder ces réfidus dans des bouteilles de verre , plutôt que 
dans des bouteilles de grès , l'ont conduit heureufement au but qu'il 
fe propofoit; en conféquence, il a imaginé de remplir de ces réfidus, 
une bouteille de grès moins cuite qu’elles ne le font ordinairement, 
Cette bouteille a été placée dans une terrine de grès , dont 
la cuiflon étoit parfaite; le tout a été précieufement ferré dans une 
armoire bien fermée , afin d'éviter la poufière. Au bout de quinze 
jours, M. Baumé a vu , avec le plus grand plaifir ,; un commencement 
de filtration : enfin il eft parvenu, après dix-huit mois , à retirer quatre 
livres quinze onces de liqueur extrèmement acide ; il la enfüite filtrée 
par le papier gris, pour féparer quelque légère pouflière qui eft , ainfr 
qu'il l'a obfervé , inévitable. Tour ce travail lui a paru fort long ; & en 
effet , il étoit fort ennuyeux pour lui de laïffer vieillir ce réfidu quel- 
quefois pendant deux ans , & d’être obligé de le concentrer au bout 
de ce tems, pour pouvoir le mettre en ufage avec profit : il en avoit 
une très-orande quantité qui l’embarraffoit (1). Enfin, la filtration à 
travers la bouteille de grès , ne lui paroïfloit pas moins longue ; il a 
donc cherché d’autres moyens plus courts & moins embarraffans. 
Voyons à quoi cela s'eft réduit : de tous ces nouveaux moyens , prenons 
pour abréger, celui qui a paru le meilleur à M. Baumé. Il a employé 
vingt livres de réfidu d’éther, qu'il a diftillé dans une cornue ; il en a 
retiré fix livres de liqueur fulfureufe , qui eft devenue acide , au point 
de n'être plus fupportable fur la langue ; la liqueur reftante n'en étoit 
pas moins très noire, trouble & fort épaifle. M. Baumé a imaginé de 
verfer fur ce réfidu fix livres d’eau , qu'il a eu la précaution de filtrer. 
Ce réfidu pefoit onze livres : il a remarqué, comme fi c’étoit une fin- 
gularité , que ce mélange s'eft échauffé prodigieufement ; il la filtré 
enfuite par le papier gris ; il eft ‘refté fur le filtre un dépôt noir bitu- 
mineux. M. Baumé a mis à diftiller dans une cornue la liqueur filtrée , 

our la concentrer. Par cette manipulation , de ces vingt livres de ré- 
fidu d’éther, dont à la première concentration il avoit déja perdu près de 
moitié , il eft enfin parvenu par une feconde diftillation à retirer, des 
onze livres reftantes , une très-belle huile de vitriol , dont il ne défigne 
point la quantité , mais qu'il annonce comme Ja plus pure pofhble. 
M. Baumé eft parvenu à faire du tartre vitriolé avec cette huile de 
vitriol : ce qu'il y a de très-fingulier, c'eft qu'il ne différoit en rie 
de celui qui eft fait avec de l'huile de vitriol qui n'a jamais fervi. IE 


EE 
{1) Voyez la Differtation de M. Zawmÿ fur PEther, pag. 257. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. ÿ33 


a porté encore bien plus loin fes expériences ; il a fait aufli de l’éther, 
& en même quantité que s'il y avoit employé de l'huile de vitriol 
neuve ; il eft vrai que celle-ci coûteroit cinquante fois moins que celle 
qui réfulteroit de tant de manipulations. 

Pour moi , ce n’eft pointainfi que j'ai procédé pour tirer avec avantage 

arti de mes réfidus , dont je n’étois point embarraffé comme M. Baumé. 
Va verfé tout fimplement deflus & à plufeurs reprifes, de nouvel 
efprit-de-vin dans ma cucurbite : j'ai diftillé fucceflivement , pour ob« 
tenir une très-grande quantité d'éther, ce dont il n'eft point fait mention 
dans toute la Differtation de M. Baumé, ni dans aucun des Auteurs 
de Chymie que je connoiffe. Il y a plus de quinze ans que je pratique 
ce procédé avec le même fuccès , & fans avoir jamais éprouvé aucune 
variation, 

M. Baumé me renvoie à fa Differtation fur l'éther , page 39 , fur la 
diftillation de l’éther au feu de lampe. A la fuite de fon obfervation 
il ajoute : « Je ne prétends pas pour cela recommander de faire cetté 
» opération au feu de lampe ; au contraire, je donne la préférence au 
» procédé que j'ai décrit plus haut, comme meilleur, plus expéditif 8 
» moins embarraflant ». 

Ce procédé qu'annonce M. Baumé , eft celui de Frobénius fait par 
le feu de charbon, & dont la connoiffance eft due à M. Hellot. 

Pour moi, je fuis d’un avis bien diflérent : mais en indiquant ce 
procédé de diftillèr l’éther au feu de lampe , je n'ai jamais prétendu 
Le donner comme une découverte , puifque j'ai eu grand foin de citer 
fon Auteur dans mon Mémoire. J'ai toujours préféré ce procédé par 
lequel j'ai remarqué que j'étois toujours sûr Fun degré de chaleur 
convenable & conftant , parce qu'il arrive aucun des inconvéniens 
qu'on éprouve quelquefois avec le feu de charbon ; & dans ce cas , 
on peut lutter fes vaifleaux , fans rifquer qu'ils fe brifent, quoique le 
récipient foit d'un verre mince. J'ai indiqué ces moyens pour qu'on 
püût retirer le plus d’éther poñlible , & pour n'en pas perdre près d’un 
quart , comme cela eft arrivé à M. Baumé, & cela , faute d’avoir 
imaginé toutes les précautions que j'ai indiquées , & qui font très-ef- 
fentiellés à l'opération. 

Par les obfervations des pages 368 & 369 du Journal de Phyfique 
(Avril 1775 ) , il paroît que M. Baumé a fur le cœur ce que j'ai 
dit de la préfence de l’arcanum duplicatum dans Vhuile de vitriol par 
le mélange que l'on eh fait avec l’efprit-de-vin ; & de ce sus je ne me 
fuis point avifé de parcourir fa Chymie. plutôt que fa Diflertation fur 
lécher, pour: faire connoïître aux Chymiftes qu'il avoit vu de ce fel 
dépofé au fond des bouteilles de lhuile de vitriol du commerce : 
mais il me permettra de lui obferver que , s'il avoit fait atrehtion à 


Tome V, Part. VI, 1775: 


$34 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


ce qui fe pafle dans un mélange fait à parties égales en poids d'huile 
de virriol & d'efprit de-vin , il auroit vu aifément que , lorfque l'huile 
de vitriol tient fenfiblement en diflolution de Ll’arcanum , il fe fait fur 
le champ une précipitation de ce fel, & que s'il ne s'y trouve qu'en 
crès-petite quantité, c'eft tout au plus l'affaire du jour au lendemain 
pour avoir ce dépôt , & qu'il ne faut pas attendre , comme M. Baumé, 
trois mois , & même davantage. D'où je conclus qu'il s'eft trompé ; il 
auroit dû s'étonner moins qu'un autre de la promptitude de cette pré- 
cipitation , puifque l'efprit-de-vin eft un des meilleurs moyens que tous 
nos Profeffeurs & Démonftrateurs en Chymie emploient pour préci- 
picer fur le champ les fels neutres de leurs diflolutions. 

Mes obfervations peu importantes , mais nouvelles , valent bien , 
je crois, la préfence de l'arcanum que M. Baumé a vu fans effort au 
fond d’une bouteille d'huile de vitriol prife chez les Marchands, & 
dont il a cependant enrichi fa Chymie, 

« M. Cadet annonce que fon procédé s'exécute avec moins de dé- 
» penfe qu'on ne l’a fait jufqu'ici : l'économie qu’il annonce paroît (à 
» M. Baumé ) abfolument illufoire , &c. ( pag. 370 du Journal de Phy- 
» fique , Avril 1775 » ). | 

En calculant la quantité d'huile que j'ai brülée à ma lampe , pour 
mettre à profit mon réfidu , je conviens que l'économie neft pas à 
comparer à celle de M. Baumé, pour tirer , fuivant lui, un parti avan- 
tageux de la grande quantité des réfidus qui l'embarraffoir. De vingt 
livres de réfidu , il a retiré tout au plus fix livres de bonne huile de 
vitriol, qui valent 4 livres 10 fols. J'ai expofé ci-deflus tout le travail 
intéreflant de M. Baumé , pour tirer de fon réfidu un fi grand parti à 
force de réflexions , de tems, de mains-d'œuvre , de vaifleaux & de 
charbon, 

Comparons mes réfultats à ceux de M. Baumé. Pour 6 livres de 
mélange , j'ai employé trois livres d'huile de vitriol à 15 fols la 


LIVTE CD nt PS AMAR CAE NT NE te Ve BU TUE) 
Trois livres d'efprit de-vin du commerce qui font 

près de dou pie NTM TI cle ANUS HSE 2 
Le réfidu de la diftillation a abforbé 1 5 livres ou 

dix autres pintes d’efprit-de-vin à $o fols, ci. . . 2$ » » 
Et au plus douze livres d'huile à brûler à 

36 fols, ci. . PT PRE NE TRES EN or er PCT Ne ET 9 12 » 


1q.9 
To TA zx, ., 41Laptrin 


2 


Mes produits ont été de dix livres deux onces 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 535 


d'éther parfaitement fec , & à l'épreuve de la gomme 
élaftique. En le donnant à mes Confrères à raifon de 
quarante fols l’once, ce fera. . . . . . . . . 3241 » ÉD 


Déduifant maintenant les débourfés montans à 41 17 » 


Il me refte de bénéfice, toutes dépenfes faites , 282 1. 17 £ > 


a 


IL eft aifé de voir que le bénéfice feroit encore plus confidérable , fi 
je le vendois à raifon de 12 livres l'once. D'après ce calcul , on peut 
demander à M. Baumé fi l'huile de la lampe fe trouve bien payée, fi 
mon économie eft aufli illufoire qu'il le dit , & fi mon bénéfice eft à 
comparer aux 4 livres 10 f. provenants d'environ fix livres d'huile de 
vitriol qu'il a retirées de fes vingt livres de réfidu ? 

« L’alambic d’une feule pièce , que propofe d'employer M. Cadet 
» en place de cornue , dont on fe fert ordinairement , eft minutieux , 
» &c. ( Voyez page 370 du Journal de Phyfique, Avril 1775 } ». 

M. Hellot n’a jamais été accufé d’être un homme minutieux : cepen- 
dant il a reconnu pour cette opération tous les avantages de ce vaif- 
feau ; auili a-t-il eu grand foin d'en faire connoître toute l'utilité. On 
peut lire la lettre qu'il a écrite à ce fujet à MM. Groffe & Duhamel , 
qui eft inférée dans le volume des Mémoires de l’Académie de 1734 
On verra avec plailir dans ce Recueil , que c’eft à Frobénius & à ces 
trois Savans , que la Chymie eft redevable des découvertes les plus im- 
portantes fur lécher : aufli Les ai-je cités avec reconnoiffance dans mon 
Mémoire. 

Quoique M. Baumé penfe qu'il n'y a rien de plus rare pour les Apo- 
thicaires de Province qu'une cucurbite d’une feule pièce , & fur-tout 
tubulée , je répondrai qu'il n’y a rien aujourd’hui de plus commun que 
ces fortes de vaifleaux ; je fuis étonné qu'il l'ignore. Dans les Campa- 
gnes dernières que j'ai faites.en Allemagne, en Efpagne & en Portu- 
gal , j'ai eu occafion devoir beaucoup d'Apothicaires de Province ; je 
puis aflurer M. Baumé, qu'au degré.où en.eft aujourd'hui la Phar- 
macie, il n'y en a pas un , tant foit peu inftruit , qui ne foit muni 
de ces vaifleaux : au refte , par mon procédé on n'eft point obligé de 
s'en fervir. Je n'ai point dit qu'on ne püt difliller de l'éther au feu de 
lampe dans une .cornue ; mais il eft bon, pour la facilité de mon opé- 
tation, qu'elle foit aufli tubulée. 

« On ne devine point pourquoi M. Cadet prefcrit d'empléyer un 
> récipient du verre le plus mince... On diroit que M. Cadet, qui 
# avoit envie de donner un procédé qui n'eût encore été publié par 


Tome V, Part. VI 1775. 


36 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 


» perfonne , eût fait AE un choix des moyens les plus défedtueué 
» & Les plus embarraffans. Si cela a été fon intention , on peut dire 
» qu'il a crès-bien réufli ». 

Ne nous arrêtons pas à ce qu'il y a de défobligeant dans cet article. 
Le défefpoir d’une mauvaife caufe fait avancer bien des chofes , qu'en- 
fuite on défavoue en rougiflant. Au fait, il y a plus de quinze ans que 
je me fers conftamment , pour récipient, de bouteille à vin de Syra- 
cufe. Je fuis fâché que ces récipiens , qui me font foit commodes , 
n'aient point l’approbation de M. Baumé ; cela ne m'y fera pourtant 
pas renoncer : je n'ai pas befoin de les tubuler, ni d'en couper le col, 
ainfi que le pratique M. Baumé , pour les grands ballons qu'il recom- 
mande , & qu'on rifque fouvent de brifer , avant même de s'en fervir; 
ces ballons valent de 18 à 20 livres , les miens ne m'ont coûté que 
deux fols chacun. Je demande à M. Baumé lequel de nos deux appa- 
xeils remplit le mieux fes vues économiques. 

M. Baumé eft encore étonné que trois livres de mêlange, à parties 
égales en poids d'huile de vitriol & d’efprit-de-vin , puiflent donner 

rès de vingt onces d'éther non rectifié. Il foutient que ce produit eft 
abfolument faux , & qu'il n’eft ni vrai, ni vraifemblable, ( voyez page 
370 du Journal de Phyfique , Avril 1775. ) Tout cela eft bien lefte. Et 
ne fuflit pas que cela ne paroiïfle pas vraifemblable à M. Baumé, pour 
m'être pas vrai. S'il veut exécuter fidellement mon procédé , & avec 
toutes les prétendues petites minuties qui l'accompagnent , je lui ré- 

onds du fuccès : bien entendu qu'il ne fe fervira point de fon grand 
Éitlon tubulé , avec lequel on perd la plus grande partie de fon éther ; 
mais qu'il y emploiera pour récipient la bouteille à vin de Syracufe , 
contre laquelle il a tant diflerté. En la luttant bien , ainfi que je l'ai 
recommandé , & en ne fe fervant que d'un mélange à parties égales 
en poids de bonne huile de vitriol & de bon efprit de-vin , ou même 
de fon eau-de-vie, qui , à fon pèfe-liqueur , portera le degré d'efprit- 
de-vin , je lui garantis qu'il retirera près de vingt onces d’éther non 
redtifié, ainfi que je l'ai avancé dans mon Mémoire. 

« Les matras de Syracufe ne contiennent que vingt onces d'eau, 
» étant remplis jufqu'à l’orifice : il n'y en a pas de plus grands. Je m'en 
» fuis afluré ( dit M. Baumé ): on ne fait pas comment M. Cadet s'y 
» eft pris pour leur faire contenir les vingt onces d’éther non rectiñé , 
» & en-fus, deux ou trois onces de liqueur fpiritueufe flegmatique 
» (voyez pag. 371 ). M. Baumé ajoute : Il feroit bien à defirer que M. 
» Cadet donnât la folution de ce myftère , qui ne nous paroït point 
» du tout facile à expliquer ». 

Je ne fais, Monfieur , fi tout le monde trouvera votre affertion fort 
honnête ; pour moi , je ne m'attache qu'à mon objet : ce myftère , qui 

: nen 


de 


M S. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 537 


en devoit pas être un pour vous , recevra fa folution dans le mo- 
ment. Si vous aviez pris la peine de lire avec attention mon Mémoire, 
VOUS auriez vu que J'ai annoncé que ces bouteilles tiennent environ 
trois chopines d’eau. Pour vous donner fatisfaction fur ce myflère , qui 
Vous paroït fi important & fi difficile à expliquer , j'en ai examiné la 
Capacité : elles tiennent prefque toutes trois livres huit onces d’eau e 
ce qui fait trente-fix onces de plus que ne contient la bouteille que 
Vous avez mefurée : j'en ai encore chez moi plus de cinquante de cette 
efpèce. Vous ne devez donc plus être étonné que vingt onces d’éther 
non rectifié puiflent tenir dans un matras qui contient trois livres huit 
onces, où autrement cinquante-fix onces d’eau. Si vous voulez en- 
core en voir de plus grands que les miens , notre Confrère , M. de 
Fourcy , vous en montrera qui, fans être pleins , tiennent deux pintes 
d'éau. Je fuis fiché que ces points de difcullion ne tournent pas ab= 
folument à votre avantage ; mais vous mavez mis dans la nécellité de 
combattre vos aflertions. Ne vous en prenez donc aujourd'hui qu'à 
vous, Monfieur , fi je fais connoître toute la futilité de vos Obferva- 
rions , & les moyens que vous employez pour dégrader ceux que vous 
rencontrez dans la carrière que vous voulez courir. Je n’ai plus qu'à 
æclire un petit paflage de votre diatribe. 

«M. Cadet, dites-vous , recommande de verfer fur le réfidu de la 
» diftillation de l’éther, une livre d'efprit-de-vin déflegmé par le fel de 
> tartre ». 

Cela paroïît étonner fingulièrement M. Baumé ; il ne comprend 
pas pourquoi , ne l'ayant pas fait la première fois , je me fers d’un 
efprit-de-vin tartarifé par préférence à de lefprit-de-vin ordinaire, Il 
fuppofe bonnement que c'eft pour rendre ce procédé embarraflant. : 

Ayant reconnu & obfervé que , dans le réfidu de l’éther , l'acide 
de l'huile de vitriol étoit émouflé & embarraflé par une fubftance bi- 
tumineufe , ainfi que par l'huile douce de l'efprit-de-vin , & que dans 
ce cas, cet acide eft beaucoup moins avide & moins capable de faifir 
la partie purement aqueufe de l'efprit-de-vin ordinaire ; je me fuis dé- 
terminé à préférer un efprit-de-vin déflegmé par le fel de tartre , & 
par ce moyen j'ai toujours obtenu une plus grande quantité ‘d’éther ( 1). 

Si M. Baumé a encore d’autres Obfervations à me faire d’un aufl 
grand poids que celles auxquelles je viens de répondre, il me trouvera 
toujours prêt à lui donner fatisfaétion. Mais s’il m'en croit , nous aban- 


(1) Chymie Médicinale de M. ÆZalouin , Tome II, pag. 414. Cet Académicien 
dit que lorfqu'on a pris de l'Efpritde-Vin tartarifé, on a auf plus d’Ether que 
lorfqu'on s’eft fervi d’un Efprit-de Vin re&ifié à ordinaire. 


Tome F, Part, VI, 1775. Aaaa 


533 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, 
donnerons déformais un polémique fi faftidieux , & nous nous OcCU= 
perons uniquement du progrès d'un Art qui nous fournit un champ 
bien vafte pour des découvertes utiles. Je lui promets de ne point en- 
vier les fiennes. 


DDR EL SIP PENUE PEER IR PRCUPT EEE ERE DEF PEN ESS 


NAONDNV IE LiL'E S 
EXPÉRIENCES ÉLECTRIQUES;, 


Faites par M. Comus, devant Son Aleffe Sérénifime 
Monfeigneur le Duc Dr CHARTRES, & les perfonnes 
déjà citées, le 20 Ma 2775. 


S wrTe des Expériences éleétriques , pour connoître les corps fufeeps 
tibles de recevoir 6: de donner des fignes eleétriques par communications 
Je ne jee trop m'étendre fur la manipulation & fur les précautions 
qu'on oit prendre dans ces expériences : il faut que le corps que lon 
veut effayer , ait moins d’angles poñibles , qu'il foit poli autant que fa 
contexture le permet , & s'il fe peut, lui donner la figure ronde. Je 
me fers d’une pince de métal He le préfenter au conducteur ; Je fais 
tourner mon plateau cinq ou fix tours ; je préfente enfuire à ce corps 
une petite balle de moëlle de fureau , foutenue par un fil de lin monté 
fur une branche de cuivre. Si la balle eft attirée & qu’elle fe colle fux 
l'objet, c’eft une marque qu'il donne des fignes électriques par lui-mê- 
me, & non par l’objet qui le tient, puifqu'il eft de métal ; ce qu'on 
ne pourroit juger fi le corps étoit monté avec le maftic, la cire, ow 
fupporté fur un corps vitrifié. 

Voici les fubftances qui font devenues électriques par communi= 
cation. 


Plufieurs Marbres blancs. Le Cryftal de Roche en aiguilles 
La Verrettée. Le Cryftal de Roche en mafle, de 
Le Gyps de Montmartre cryftal-|  Suille. 
lité. Le Cryftal de Madagafcar. 
Le Spath vitreux blanc, violet &|Le Cryftal de Roche en aiguilles s 
verd. brun. 
Le Cryftal d'Iflande. Les Cailloux de Médoc. 


Le Quartz calciné & non calciné. Le Rubis. 


SUR L'HIST. NATURELLE ET LES ARTS. 559 


La Chryfolite. La Craie de Briançon vitrifée. 
L'Amétyfte de Suifle & d'Orient. |Le Gyps ftrié vicrifé. 
L'Amiante. Le verre d’étain pur. 
Le Sel gemme blanc. La Porcelaine en bifcuit & cou- 
Le Vitriol verd. verte. 
Le Charbon de terre. L’Argille cuite vitrifiable feule. 
La Pierre ponce. L’Argille cuite non vitrifiable. 
La Stalactite. La Terre du Limofin cuite, 
Le Tartre blanc. La Terre à pipe cuite. 
Le Sel de lait. La Tuile de Bourgogne. 
Le Sable de Nevers vitrifié. Le Carreau. 
Le Spath d'Alençon vitrifié. La Brique. 

Subftances qui n’ont pu devenir électriques. 
Aucun Bol. L'Ardoife. 
Les Argilles fans cuiffon. Le Talc brunatre d'Italie, 


Les Marbres rouges , bruns & noirs. Le Borax. 
La Pierre à plâtre de Montmartre , L’Alun. 

cuite & non cuite. Les Madrepores & Champignont: 
Le Spath blanc des Vofges. de mer. 4 
Le Spath grisatre d'Alençon. 


Le diamant blanc n’a donné aucun figne électrique : j'ai répété l'ex-- 
périence avec des diamans bruts & taillés; les efpèces qui m'ont don- 
né font le diamant oétahèdre en pointe , le plat & le cubique de Ma- 
laca : cette expérience ne fe trouve point conforme avec ce qu'ont dit 
Les Phyficiens & les Naturaliftes , qui ont prétendu qu'il donnoit des 
fignes électriques. Je vais rapporter des expériences qui prouvent qu’il 
eft conducteur parfait. 

Le 6 Juin 1773, j'ai foumis , à la décharge d'une forte batterie , 
fous les yeux de Monfeigneur le Duc DE CHARTRES , de la 
poudre de diamant apportée par fon Alteffe ; cette poudre a conduit 
au bien qu'une poudre métallique , & a laiflé fur la carte un gris 
noiratre. 

Le 29 Mai 1774 , M. Rouelle a apporté onze petits diamans , 
chacun du poids de demi à cinq quarts de carats : ils ont été mis 
entre deux carteS , pofés les uns près des autres , & ont été foumis 
à la décharge d’une forte batterie ; le fluide électrique les a pénétrés 
aufli aifément que fi c’'eût été du métal , fans cependant les endom- 
mager. [ls ont été enfuite placés à deux lignes lun de l'autre , & 
ont aufli bien conduit. M. Darcet, qui étoit avec M. Rouelle , 


Tome V, Part. VI 1775. Aaaa2 


k 


540 OBSERVATIONS SUR LA PHYSIQUE, €. 


avoit apporté de la poudre de diamans ; elle a été mife entre deux 
cartes, & a très-bien conduit ; enfuite elle a été mife entre deux 
glaces qui, après la décharge de la batterie, ont été brifées en mille 
pièces du centre à la circonférence. On a foumis cette poudre à une 
décharge moins forte pour conferver la glace; cette poudre, en fe 
divifant , a fait corps avec la glace, & a donné toutes les couleurs 
métalliques : mais le gris domine le plus en formant iris. Lorfque 
cette poudre a reçu plufieurs décharges , l'étincelle ne peut plus la 
pénétrer. Ces expériences fur le diamant me font conjecturer qu'il 
peut devoir cette propriété de conduéteur électrique aux vapeurs mi- 
nérales , ou aux diflolutions des fubftances métalliques qui font entrées 
dans fa compofition. Cette idée eft affez conforme aux obfervations 
faites dans Walerius fur les Cryftaux & Pierres précieufes , Tome, 


page 227: 
Fin du Tome WG: de la Jixième Partie, 


[T: 


$4r 


7 I 
ee ot ——. nt te 


TABLE GÉNÉRALE 
D'ÉSMASR TE EC:L ES 


CONTENUS DANS CE CINQUIÉME VOLUME. 
: net | 


PAR STIOIUE 


L ETTRE ur la pefanteur des Corps ; par M. DAviD, Dofeur 
en Médecine, Proféffeur Royal de Chirurgie à Rouen, page 129 
Réponfe du Pere BERTIER de l'Oratoire, à l'Auteur de ce Recueil, 
relative aux Obfervations fur la pefanteur des corps , inférées dans Le 
quatrième volume , page 456, 30$ 
Mémoire dans lequel on indique les caufes qui peuvent changer acciden- 
tellement les effets apparens de la pefanteur des corps a des hauteurs 
inégales, lu à l’Académie de Dion x 314 
Confidérations Optiques, feptième Mémoire, Jur Le caraëfère des atmofphères 
optiques ; par M. M. D.T., Correfpondant de ? Academie, 120 
Confidérations optiques , huitième Mémoire, fur La mature des atmof= 
Phères optiques, par le même, 130 
Mémoire fur un Hygromètre comparable, préfenté à la Societé Royale de 
Londres, & couronné, en 1774, par L Académie d'Amiens ; par M, 
Deruc , Citoyen de Genève, 38r 
Suite du Mémoire fur un Hygromètre comparable , € Obférvations fur 
la marche de cet Hygromètre ; par le même : 457 
Plan & Tableau des Ouvrages de M. ADANSON, depuis 1741 Jufqu'en 
1775 » diflribues fuivant fa méthode naturelle, découverte au Sénégal 


en 1749, & lu à l'Académie Royale des Sciences, 2 
Rapport fait à L Académie des Sciences, pour lui rendre compte des Ouvra- 
ges manufcrits de M. ADANSON, 440 


Obférvation fur La chaleur caufèe par Le frottement; par M. D'ARRACQ, 305 
Extrait des Regiffres de L Académie Royale des Sciences fur Les Horloges 
marines de feu M, Rivaz, 63 
Effai du Calcul d'une Machine mue par la réaëlion de l'eau ; par M. 
MATHoON DE LA Cour, de l’Académie de Lyon, 73 
Mémoire dans lequel on prouve la poffibilité d’ agrandir la Ville de Paris 
Jans en reculer les limites , 499 
ÆAnalyfe de la Différtation de M. ToALbo > couronnée par la Société 
Royale de Montpellier, fur cette queflion: Quelle eft l'influence des 


542 TABLE GÉNÉRALE. 


Météores fur la Végétation, & quelles conféquences - pratiques 
peut-on tirer des Obfervations météorologiques faites jufqu’à ce 


jour, relativement à cet objet ? 409 
Calendrier Metéorologique du Climat de Paris, calculé par le Père 
CoTTE, Curé de Montmorency, S1I 


Extrait d'un Memoire fur une Machine à éleëtrifer d’une efpèce particulière, 
lu à la rentrée publique de Académie des Sciences ; par M. LE RoOY, 53 


Nouvelles Expériences eleëtriques faites par M. COMUS, 195$ 
Suite des Expériences électriques faites par le même, | 274 
Suire de nouvelles Expériences éleëtriques ; par le même, 372 
Suite des Expériences éleëlriques ; par le même, 449 
Suite des Expériences éleëtriques ; par le même, 533 


Obférvation éle&trique ; par le Père COTTE , Curé de Montmorency, 3 56 


EX MM Loue 


Qvss TION concernant le fyflme de l'Air fixe; par M. DE LA 
OLIE, de l’Académie de Rouen, page 60 
Lettre de M. DE MACHY, pour fervir de Réponfe à la Lettre de M. 
LE SAGE de Genève, inférée Tome IV, page 244, & à la Lettre 
de M. MONNET , inférée dans le même volume , page AGS, 7x 
Letrre de M. VALLOT, Jnfpeüleur des Eaux minérales du Beauvoifis, 
en réponfe à celle de M. BRISSON relative à ces eaux, inférée dans 
Le Tome IV, page 330; 72 
Lettre de M.BAYEN, Apothicaire- Major des Camps & Armées du Roi, 
à l'occafion de la pefanteur que la calcination fait éprouver à certains 
métaux, & Obférvations tirées des Eflais de JEAN REY, 47 
Eflais Chymiques, ou Expériences faites fur quelques précipités de Mer- 
cure, dans la vae de découvrir leur nature; par M. BAYEN, Æ4po- 
chicaire- Major des Camps & Armées du Roi, 147 
Mémoire fur la nature du principe qui fecombine avec les métaux pendant 
leur calcination , & qui en augmente le poids lu a la rentrée de | Aca= 
démie des Sciences par M, LAVOISIER, 429 
Lettre de M. MONNET, adreffée a M. SPEILMAN, Profeffeur de Chy- 
mie à Strasbourg, fur l'acide marin confidéré comme minéralifateur, 353 
Oëfervation fur une forte de Bitume qui réfute de la combinaifon de lacide 
vitriolique avec le cambhre & l'efprit-de-vins par M. MONNET, 456 
Differtarion Phyfique, Chymique & Economique, fur la nature & la 
Jalubrité de P'Eau de la Sine; par M, PARMENTIER ; ancien Apothi- 
caire- Major de l'Hôtel Royal des Invalides, TÔI 
Obfervations de M. BaUMÉ, fur un Mémoire de M, CADET, inferê 
Tome IW, page 486, fous Le titre de : Méthode pour faire l’Ether 
vitriolique en plus grande abondance, plus facilement, &c, 364 


DES ARTICLES. 543 


Réponfe de M. CADET à M. BAUMÉ, fur la méthode de faire 
l'EÉther vitriolique, 529 
Lettre de M. pu COUDRAY, fur la matière inflammable & [ur l'air 
fixe, annoncés dans la chaux, par quelques Chymifles , 2177 
Seconde Lettre de M. mu COUDRAY, fur un pajjuge de l'Introduflion 
a l'Hifloire des Minéraux de M. DE BUFFON, relatif à une réduc- 
tion de Boulets qui a eu lieu dans quelques Arfenaux , 282 
Leitre de M. POTOT DE MONTBEILLARD, adreffée a M. le Comte 
DE BUFFON, au fujet de la décompofiion du Fer dont parle M, 
TRONÇON DU COUDRAY,;, 526 


M É DE CINE. 


D:scrrPTIoN d'un Enfant difforme qui , avec une apparence 
d'hermaphrodifme , étoit dépourvu de l'un & de l'autre Jèxe; par 
M. DE LA TOURETTE, page 195 

Obfervations fur Les Afphyxies ou Morts apparentes & fubites, & def- 
cription de la Machine Fumigatoire, extraites de lOuvrage intitulé : 


Avis au Peuple, &c. par M. GARDANNE, 30 
Lettre & defeription de la Machine Fumigatoire de la Ville de Paris, 
employée dans les Afphyxies, 398 
Inflruëion fur la manière de définfe&ter une Paroiffe; par M. ViCQ-D’A- 
ZYR, 139 
Obfervation médicale fur la Vue double; par M. BAUMER, 228 


Mémoire fur Les effets d'un Champignon, connu des Botaniflks fous le 
nom de Fungus Phalloïdes annulatus, fordidè virefcens & patulus, 
VAILL. x a l'Académie des Sciences par M. PAULET, Doëeur 
en Médecine des Facultés de Paris & de Montpellier, 477 


HISTOIRE NATURELLE. 


Misorrs Jur la Fécondation des Plantes ; par M. F.de B. pag. 23 
Lettre du Père COTTE de lOratoire, fur une monftruofité végétale & 
für une Obfervation électrique, 356 
Lettre de M. BONNET de Genève à M. VALMONT DE BOMARE, 
fur le Baromètre animal dont il eff fait mention dans le Tome IV, 
page 369; 70 
Premier Mémoire fur les Abeilles, où l'on rend compte d’une nouvelle 
découverte fort fingulière, qui a été faite en Luface fur ces Mouches à 
par M. BONNET de Genève, 327 
Second Mémoire, contenant La fuire des Découvertes faites en Luface fur 
les Abeilles ; par le même, 418 


ç44 TABLE GÉNÉRALE, &c 

Obférvations fur les Marails , ou Faifans de la Guiane, par M. SONNINI 
DE MANONCOUR, /ngénieur du Roi dans la Guiane Françoife, 345 

Obfervations d Hifloire Naturelle fur Le terrein du Chäteau de Révennes € 


des environs, près Auxerre; par M. PASUMOT ; 406 
Obfervation fur un nouveau foffile appellé, par M. PASUMOT , Poulette- 
Roffroite , 434 
Obfervation de M. l'Abbé DICQUEMARE, Profeffeur de Phyfique & 
d'Hifloire Naturelle, fur les Anémones de mer, 350 
Obférvation fur les Coquilles Foffiles, & particulièrement fur les Cornes 
d'Ammon ; par M. l Abbé DICQUEMARE, 435$ 


Extrait de plufieurs Lettres de M, PASQUIER , fur des Oifeaux nommés 
Goéland , qui ont paru en Bourgogne, 375 
Difcours fur la Torpille, prononcé dans l'Affemblée annuelle de la So- 
cité Royale de Londres, par M. PRINGLE, & traduit par M. LE 
Roy, de l'Académie des Sciences, 241) 
Lettre adreffte à M: le Comte DE TRESSAN, relative au Diféours de 
M. PRINGLE fur la Torpille; par M. DE F***, 444% 
Mémoire fur une Carte minéralogique détaillée de la France; par M. GuET- 
TARD , de l’Académie Royale des Sciences, 357 


CERTES NE ERP SEE PRENONS TP, PUNTO EN ERP ARTE ne 


ACER IE COM ELTEEURRNE. 


M ÉMOIRE fur l'Origine des petits Vers du Bled rachitique ; par 
M. ROFFREDI, Abbé de Cafanova, en Piémont, page 1 
Seconde Lettre, ou fuite d'Obfervations fur le rachitifime du Bled, fur Les 
Anguilles de la colle de farine, & Jur le Grain charbonné ; par Le : 
même , ? 197 
Lettre de M. NÉFDHAM , Préfident de l’Académie Impériale & Royale 
de Bruxelles , en réponfe à quelques Articles des Lectres de M. l'Abbé 


DE ROFFREDY, 226 
Obférvations fur le Profpeëlus d'un Ouvrage intitulé : Nouvelle Mé- 
thode pour faire le Vin, 288 
Obférvations Agronomiques fur les Haies, 297 
Obférvations fur Les Cidres, & expériences relatives ; par M. DE LA 
FOLIE, 357 


Nouvelles Lirtéraires, " 86, 288, 378 
Eloge de M. Commerfon; par M. DE LA LANDE, de ? Académie Royale 
des Sciences, 89 


Fin de la Table des Articles du cinquième Volume. 


_— 


ile fenle, 1775. - 7 d 
PERTE | u ur 1776 


| Re 9 Le ATA 27784 Juin. 1 776. 


SR VA is 


YU Ni 


Hu 


Diaht 


le LES 


0 
2 L 
Ci 

M 

L 
[ù | 2 


y Hi RS 


Lan FFT UNE 


f 6 


à Pr 4 


Ll 


or 
= 2 D'T 


LS 


HE 


ÉCNEE 


Se 


CRE 


TER PERS 
CORRE S RTE 


ER 


ÉPE 


ÉRIS