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Full text of "Observations sur l'usage des végétaux exotiques, : et particuliérement du gayac, de la squine, de la salsepareille, et de la lobelia syphilitica, dans les maladies vénériennes;"

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OBSERVATIONS 

SUR  L'  US  A G E 

DES  VÉGÉTAUX  EXOTIQUES , 

ET  TAKtIC  ULIÉ  RE  ME  NT 


DU  GAYAG,  DE  LA  SQUINE, 

DE  LA  SALSEPAREILLE  ^ 

LT  DE  LA  LOBELIA  SYPHILITICA, 

DANS  LES  MALADIES  VÉNÉRIENNES  ; 

Par  J AC  QU  Es  D U P A U y Dofteur  en  Médecine  de  la 

Faculté  de  Touloufe. 

■ — — , 

Ng  pigeât  ex  plebeis  fcifcitari  fi  quid  ad 
Qurationem  utile»  Hyppocr.  Præce[  c. 


A PARIS, 

Chez  Guiulot,  Libraire  de  Monsieur,  rue  de 
la  Harpe  , au-deflus  de  celle  des  Mathurins  ; 

^ Toulouse,  chez  rAuteur. 


M.  DCC.  LXXXII. 


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PRÉFACE, 

I L régné  parmi  le  peuple  des  Médecins 
quelques  opinions  au  fujet  des  maladies 
vénériennes , qui , toutes  à la  vérité , ne  font 
pas  également  importantes  pour  le  progrès 
de  TArt , & pour  la  confervation  de  la  fanté 
ou  de  la  vie  des  hommes , mais  qui  cepen- 
dant méritent  d’être  examinées  ôc  difcutées 
avec  plus  de  bonne  foi  & d’impartialité  qu’on 
ne  l’a  fait  jufqu’à  préfent. 

L’une  de  ces  opinions  eft  que  la  vérole  ejt 
originaire  de  V Amérique  d’où  elle  a dit-on^ 
été  apportée  dans  t ancien  continent  ^ vers  la 
la  fin  du  qulntpeme  fiecle  j par  Chrifiaphe  Co- 
lomb  & fes  compagnons  de  voyage. 

De  tous-  les  Auteurs  qui  fe  font  déclarés 
partifans  de  cette  opinion  , aucun  n’a  fait 
pour  la  fou  tenir , autant  d’efforts  que  réru- 
dit  Aftruc.  Il  eft  difficile  en  lifant  fon  traité 
de  morhis  venereis  , de  ne  pas  voir  que  fou 
parti  étoit  pris  d^’avance,  & que  fon  but 
principal,  en  compofant  cet  ouvrage,  a été 
plutôt  de  faire  adopter  fes  opinions  parce  que 
c’étoient  fes  opinions , que  la  recherche 
franche  & fincere  de  la  vérité.  On  peut 
en  juger  par  là  çomplaifance  avec  laquelle 

ai] 


V PRÉFACE, 

il  s arrête  à tous  les  paffages  des  Auteurs 
qui  paroiffent  s’accorder  avec  fort  fyftême, 
& par  la  légéreté  avec  laquelle  il  glilTe  fur 
tous  ceux  qui  pourroient  lui  être, défavo- 
rables. Si  les  Médecins  qui  ont  combattu 
cette  opinion  fur  l’origine  de  la  vérole , ôc 
e.ntr’autres  le  Doêteur  Sanchez , n’ont  pas 
prouvé  inconteflablement  { chofe  que  je 
ne  déciderai  point  ) que  cette  maladie 
étoit  connue  en  Europe  avant  la  décou- 
verte du  Nouveau-Monde  , les  faits  ôc  les 
témoignages  dont  ce  dernier  Auteur  appuie 
fon  fentiment,  prouvent  du  moins,  ou  qu’Af- 
truc  a manqué  d’exaéljtude  , en  ne  rap- 
portant pas  les  objeêtions  de  M.  Sanchez 
dans  toute  leur  force,  s’il  les  a connues; 
ou  bien  qu’il  a eu  tort , s’il  ne  les  con- 
noiffoit  pas , de  prendre  pour  la  défenfe 
d’une  opinion  qui  n’eft  que  probable , le 
ton  tranchant  ôc  affirmatif  qui  ne  convient 
qu’au  langage  de  la  vérité. 

Quelle  eft  la  càufe  qui  a donné  naif- 

fance  à la  vérole  dans  l’efpece  humaine  ? 

♦ 

L’opinion  la  plus  généralement  répandue 
dans  le  quinzième  ôc  dans  le  feizieme  fiecle 
eft  que  cette  maladie  doit  fon  origine  au 
dérangement , à la  dépravation  j ou  au  mau- 


I 


préface  V 

vais  uftge  de  quelqu’une  des  fix  cKofes 
' qu’on  nomme  en  Médecine  , non-naturdUs, 
favoir , l’air , les  aliments , les  boiflbns , le 
fommeil , la  veiile  & les  palTions  de  l’ame. 
La  plupart  des  Médecins  fe  font  enfuite  ac- 
cordés à penfer  qu’elle  ne  pouvoir  être  pro- 
duite que  par  un  commerce  amoureux  en- 
tre deux  perfonnes  d’un  fexe  différent.  Cette 
derniere  opinion  n’étoit  pas  celle  de  Mich. 
Aloyiîus  Sinapius  : le  mal  vénérien , dit-il , 
n eji  autre  chofe  { s il  eji  vrai  quil  exijle  ) 
qu  un  mal  produit ^ par  un  excès  de  conti- 
nence ; la  liqueur  fpermatique  y continue- 
t-il,  lorfqudle  eji  retenue  dans  le  corps  en 
trop  grande  quantité , devient  âcre , 6*  reflue 
dans  la  majje  générale  des  humeurs  ; Ji  cette 
humeur  acre  dijîend  d*  corrode  les  vaijjeaux 
des  parties  internes  des  organes  de  la  géné- 
ration , elle  produit  la  gonorrhée  : Ji  elle 
rejle  long-temps  mêlée  avec  la  lymphe  ^ elle 
forme  aux  aines  des  bubons ^ & aux  articu- 
lations , des  douleurs  ojléocopes  y &c, 

J ai  obférvé  moi-même  y ajoute  Siuapius, 
qu  un  homme  veuf  y de  mœurs  très-pures  , 
mais  dun  tempérament  ardent  y s"" étant  ah f- 
tenu  y non  fans  fe  faire  beaucoup  de  vio- 
lence ^ du  commerce  des  femmes  y était  tom- 
be dans  les  mêmes  accidents  que  ceux  qui 

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a II] 


PRÉFACE. 

caraAérifent  particuliérement  le  mal  véné" 
rien.  Cet  homme  a trouvé  la  guérifon  de 
fon  mal  dans  les  bras  d'une  nouvelle  époufe. 

Slnapius  appuie  cet  étrange  paradoxe  de 
Fantorité  de  Paul  de  Sorbaït  qui  prétend 
:.YOir  rencontré  dans  fa  pratique  des  hom- 
mes pieux  . très-chaftes , & qui  fuyoient 

avec  foin  tout  commerce  amoureux  ; ce 
cui  ne  les  a pas  empêchés j dit-il,  d’être 
atteints  du  mal  vénérien. 

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M.  Noël , Membre  du  College  ôc  de 
l’Académie  Royale  de  Chirurgie  de  Paris , 
a fait  des  obfervations  qui  tendent  à con- 
firmer l’opinion  des  anciens  Médecins  qui 
regardoient  la  vérole  comme  une  maladie 
épidémique.  Ces  obfervations  font  con- 
■fignées  dans  un  Mémoire  imprimé  dans  le 
Journal  de  Phyfique , du  mois  de  Décem- 
bre , année  1778  j dont  le  titre  eft  Re- 
marcpies  particulières  Jur  le  vice  des  mala~ 
dies  vénériennes  , epui  prouvent  qu  elles  par- 
ticipent d’une  nature  épidémique  , ôec.  Voi- 
ci comme  M.  Noël  s’exprime  lui-même 
dans  fon  Mémoire:  Depuis  l’année  1766, 
jufqu’en  1773  > ayant  été  occupé  dans 
r Hôpital  Militaire  de  Nanci  , au  traite- 
ment des  foldats  vénériens  dont  le  nombre 


PRÉFACE,  ylj 

étolt  chaque  jour  depuis  cent  cinquante  juf- 
qu"à  deux  cents  malades  ; j ai  remarqué 
conftamment  que  cesfoldats,^  quoiquils 
fuffent  de  difFérents  âges  , qu’ils  vinffent 
de  divers  Régiments  , & de  différentes 
villes  de  garnifon  , qu’ils  euffent  vu  par 
conféquent  différentes  femmes  gâtées  , tous 
les  étés  3 les  falles  contenoient  les  trois 
quarts  des  malades  qui  avoient  la  chaude- 
piffe  ; pendant  les  automnes  , le  même  nom- 
bre de  malades  paroiffoit  avec  des  gonor- 
rhées tombées  dans  les  bourfes  & quelques 
bubons  aux  aînés  : pendant  les  hiverss  , 
beaucoup  de  bubons  aux  aînés , de  chan- 
cres fur  la  verge  j des  puftulles  ôc  des  dar- 
tres véroliques  , & prefque  pas  de  chaude- 
piffes  primitives. 

Ces  phénomènes  fe  font  manifeftés  & 
répétés  pendant  les  fept  années  que  j’ai  été 
attaché  à cet  Hôpital. 

Pour  les  confirmer  davantage , j’ai  de- 
mandé à des  Chirurgiens  de  plufieurs  au- 
tres Hôpitaux  militaires  ôc  même  à ceux 
qui  m’ont  fuccédé  dans  celui  de  Nanci , 
s’ils  avoient  obfervé  des  chofes  femblables  ; 
ils  m’ont  tous  affuré  que  ma  remarque  fur 
le  nombre  prédominant  des  mêmes  fymp- 


vüj  préface. 

tomes  vénériens  dans  certaines  faifons. 
écoit  réelle. 

La  même  chofe  a été  obfervée  par 
Gardane  , lorr^u  ils  étoient  chargés 
a Paris  du  traitement  populaire  des  véné- 
riens de  cette  ville. 

Mais  ce  qui  achèvera  de  me  perfuaderde 
la  difpoficion^  épidémique  des  maladies  vé- 
nériennes , c'ert  que  pendant  le  cours  de 
i’écé  de  lydp , il  y eut  de  ma  connoiflance 
dans  une  petite  ville  de  Province  que  je  ne 
nommerai  pas , près  de  foixante  perfonnes , 
hommes  & femmes  mariés,  de  tous  âges  &' 
tempéraments , qui  eurent  la  chaude-pilTe  , 
prefque  dans  le  même  moment , fans  qu’ils 
eulTent.  eu , à ce  qu’ils  alTuroient , aucun 
écart  à fe  reprocher  , la  plupart  étant  d’un 
certain  ordre , & non  fufpeéls.  Cet  évé- 
nement leur  parut  même  li  fingulier  , qu’ils 
fe  le  difoient  entr’eux  , comme  s’il  n’eut 
été  quellion  que  d’un  fimple  rhume. 

Quoi  qu’il  en  foit  de  la  vérité  des  ob- 
fervations  de  M.  Noël  & de  la  confé- 
quence  qu’il  en  tire  , il  eft  certain  que  le 
premier  qui  s’eft  trouvé  affeélé  de  la  vé- 
role , ne  l’avoit  pas  reçue  d’un  autre , 


PRÉFACE.  ix 

puîfqu'il  l’a  eue  le  premier  ; ce  qui  ne 
veut  pas  dire  que  le  concours  des  deux 
fexes  n’eft  pas  nécelTaire  pour  la  produdiou 
de  cette  maladie.  Mon  opinion  au  con- 
. traire  eft  que  latlion  confiante  d’une  cha- 
leur brûlante  & humide,  telle  qu’on  l’é- 
prouve dans  certains  lieux  fitués  fous  la 
zone  torride  de  l’ancien  6c  du  nouveau  mon- 
de , fait  éprouver  à la  maffe  générale  des 
humeurs  , une  altération  qui  difpofe  ces 
muheurs  à contrader  dans  l’a£le  vénérien, 
un  caradere  fpécifique  de  dégénération 
qu’on  défigne  parmi  nous  , fous  le  nom 
de  virus  véroUque.  Voilà,  fi  je  ne  me  trom- 
pe, de  quelle  maniéré  s’engendre  la  ma- 
ladie vénérienne  çkns  le  corps  humain. 

Il  eft  une  troifieme  opinion  non  moins 
accréditée  que  les  précédentes,  mais  dont 
la  vérité  ou  la  fauffeté  intéreffe  bien  da- 
vantage la  vie  des  hommes  & l’honneur 
des  Médecins.  Cette  opinion  eft  que  le 
mercure  ejl  le  véritable  & feul  remede  fpéci- 

ue  du  mal  vénérien, 

Aftruc  eft  encore  de  tous  les  Auteurs 
celui  qui  a montré  le  plus  d’opiniâtreté 
6c  d entêtement  dans  les  efforts  qu’il  a faits 


1 


^ PRÉFACE. 

pour  défendre  & propager  cette  opinion  fu- 
nefte.  J ignore  ce  qui  peut  avoir  attiré  aux 
Médecins  contemporains  [de  Pline-le-Na- 
turalifte  les  reproches  graves  que  leur  fait 
ce  célébré  Hiftorien  de  la  Nature  ; dif~ 
cunt  periculis  nofiris  , experimenta  per  mor~ 
tes  agunt  ; mais  je  fais  bien  que  sM  eft 
parmi  nous  des  Médecins  auxquels  ces  re- 
proches puiffent  convenir  , ceft  alTuré- 
ment  a ceux  que  I^ur.  Phrifius  appe-He 
Medici  porcini , qui  diftribuent  fi  libéra- 
lement du  mercure  à tous  leurs  malades  in- 
diftinélement  qu’ils  foupçonnent  être  af- 
fériés  du  mal  vénérien.  Harris , Médecin 
Anglois , & qui  étoit  ami  de  Sidenhami  , 
quoique  celui-ci  employât  du  mercure  dans 
fa  pratique,  après  avoir  déploré  les  maux 
que  i’ufage  de  ce  .minéral  caufe  à l’efpece 
humaine  , prétend  que  ce  font  les  Chirur- 
giens qui  , pour  tenir  plus  longtemps  les 
malades  fous  leur  dépendance , ont  fait  & 
continuent  de  faire  tout  ce  qu’ils  peuvent 
pour  accréditer  & perpétuer  cette  pratique 
juftement  condamnable;  ce  Médecin  trouve 
les  raifons  que  les  Chirurgiens  allèguent 
en  faveur  de  cette  méthode,  fi  miférables, 
que  fon  avôs  eft  qu’il  ne  faut  leur  répondre 
qu’avec  le  bâton.  Il  faut  avouer  que  cette 
maniéré  de  répondre  du  Dodeur  Harris*- 


PRÉFACE-  xj 

cft  un  peu  dure.  Des  faits  bien  conftatés  &: 
de  bonnes  raifons  feroienc  plus  de  mon 
goût.  Si  je  puis  ttouver  à Touloufe,  où  des 
affaires  importantes  m’appellent , le  loifir 
dont  je  mai  pu  jouir  à Paris , j’y  achève- 
rai line  Diflertation  commencée  fur  la  ma- 
îüere  d’agir  des  médicaments  antiv enéricns , 
dans  laquelle  je  penfe  qu’il  ne  me ‘fera 
pas  bien  difficile  de  faire  vC>ir  que  le  mercure 
neji  pas , comme  on  le  prétend  fort  gra- 
tuitement, le  véritable  éf  feul  remede  fpéci- 

fique  de  la  vérole.  Encore  un  mot , & ie 
nuis. 

« 

J’avois  mis  à la  fuite  de  l’article  Lobelia 
de  cet  Ouvrage,,,  quelques  exemples  de 
-guérifons  du  mal  vénérien  opérées  par 
l’ufage  de  cette  plante  ; c’eft  même  avec 
ces  exemples  que  l’ouvrage  a été  mis  fous 
les  yeux  du  Cenfeür  qui  lui  a donné  fon 
approbation.  Avant  de  le  livrer  à l’imprel- 
ûon  j ai  cru  devoir  confulter  les  différen- 
tes perfonnes  qui  font  les  fujets  de  ce  ces 
obfervations  : fur  les  inftances  quelles 
m ont  faites  d’enfeveür  dans  un  éternel 
oubli , ôc  leur  maladie  & leur  guérifon  , 
je  nai  pas  héfité  de  fupprîmer  cette  par- 
tie de  mon  Ouvrage , où  j’avois  pris  ce- 
pendant toutes  les  précautions  néceflaires 


xij  PRÉFACE, 

perfonne  ne  pût  y être  reconnu. 
J ai  fait  plus  : pour  6ter  à toutes  les  per- 
ionnes  ^ue  j ai  eu  le  bonheur  de  guérir 
de  la  ^ maladie  dont  il  s’agit , tout  fujet 
d’inquiétude  à cet  égard , j’aj  fait  le  facri- 
fice  du  Recueil  entier  de  mes  Obferva- 

tions  fur  ce  fujet , en  les  .livrant  aux  flam- 
mes. 


* 


OBSERVATIONS 


OBSERVATIONS 


SUR 


L’USAGE  DES  VÉGÉTAUX 


DANS  LES  MALADIES  yÉNÉRIENNES. 

Uk  ej  maladie  contagieufe  qui  attaque  l’efpeca 
humaine  jufques  dans  les  fources  de  la  génération, 
s eft  manifeftee  tout-a-coup  , vers  la  fin  du  quin- 
zième liecle  , fur  prefque  toutes  les  parties  du 
globe  terreftre.  Les  fymptômes  dont  elle  étoit 
d’abord  accompagnée,  étoient  des  pullules , des  tu- 
meurs & des  ulcérés  de  différentes  efpeces  des 
douleurs  dans  les  divers  membres , & qui  fg*  fai, 
foient  fentir  principalement  durant  la  nuit.  Ce 
n’a  été  qu’en viron  quarante  ans  après  l’époque 
a laquelle  on  fixe  communément  fon  apparition 
en  Europe , qu’aux  fymptômes  dont  nous  venons 
de  parler,  fe  font  joints  le  bubon , la  chûte  du 
poil,  des  cheveux,  des  dents,  des  ongles,  des 
yeux,  & enfin  la  gonorrhée  virulente  (i).* 


(i  ) Je  fuis  l'opinion  la  plus  généralement  adoptée  o„î 
ne  s accorde  guère  avec  les  témoignages  des  ATédecint  ^ - 
vivoient  long-temps  avant  la  découverte  de  1* Am  ' 

fmm  on  le  y ma.  dans  k fuite  de  set  0'uvrage  “^“®'* 

A 


( 2 ) ' 

Cette  tèrrîble  maladie  a eu  un  grand  nombre  dis 
dénominations  différentes.  On  Ta  nommée  pudon-- 
dagra.  , mtntidagra  , mentagra  , &c.  c’eft-,à~dire 
maladie  des  parties  honteufes ^ du  menton^  &c.  Les 
Efpagnols  Font  nommée  las  huas  ^ les  Génois  , lo 
male  delle  tavelle  \ les  Tofcans  il  malo  délit  bolle  ; 
les  Lombards,  lo  malo  de  le  (i)  rofule  ^ tous  mots 
qui  fignifient  puffules  ; &Ies  François,  h vairole, 
ou  vérole  , à caufe  de  la  variété  des  puftules. 

On  lui  a donné  aulîi  le  nom  de  différents  Saints: 
en  Allemagne , on  Ta  nommée  le  mal  de  S.  Me^ 
vins  ; en  Catalogne  & en  Aragon  , le  mai  de 
S.  Sentent  : en  quelques  autres  lieux  , le  mal 
de  S ^ Job  y de  Sainte  Reine , de  S^  Evagre  , de 

Koch  , &c. 

En  général , les  différentes  Nations  Font  appel- 
Içe  du  nom  du  peuple  duquel  elles  penfoient  Favoir 
reçue.  C'eft  ainfi  que  les  François  Font  appellée 
le  mal  de  Naples  ; les  Italiens , les  Allemands  & 
les  Anglois,/^  mal  François  ; les  Hollandois,  les 
Flamands,  les  Afriquains,  le  mal  Efpagnol\  les 
Portugais , le  mal  Cajlillan  ; les  Indiens  orien- 
taux & les  Japonois  , le  mal  des  Portugais  ; les  Per- 
lans,  le  mal  des  Turcs  \ les  Polonois  , le  mal  des 
Allemands  ; les  RufTes  , le  mal  des  Polonois  ^ (S’r.  (I 

Quelques  Médecins  Font  nommée  Syphilis,  Ctü 
lemom  que  Jérôme  Fracaftor,  Poëte  & Méde- 
cin célébré  , a donné  à un  Berger  qu’il  feint  dans 
fon  beau  Poëme  fur  la  maladie  vénérienne  , inti- 
tulé Syphilis  y avoir  été  le  premier  infedé  de  cette 
maladie,  pour  avoir  offenfé  les  Dieux. 

Enfin  Fernel  Sc  h plupart  des  Médecins  qui 

I.,.,  ^ I,.,  I I I—I.I I»., Il  ■«■■I...  .■.IW 


(î)  Aüruc.  de  morb.  vener* 


<T*rtÊr- 


r V . ^ 3 ) 

font  venus  apres  lui , fe  font  accordés  avec  le  pu- 

blic,  pour  la  nommer  muladie  vénérienne , déno- 
mination prife  de  la  maniéré  dont  elle  le  contraâe 
le  plus  fouvent.- 

Les  fymptômes  de  la  vérole  nailîànte  & ceux  qui 
caiaéèérifent  la  gale  & les  autres  alFedions  cuta- 
nées, étant  à-peu-près  les  mêmes,  il  étoit  naturel  de 
penler  que  ^les  remedes  qui  guérillènt  ces  der- 
nieres  maladies , «oient  propres  auffi  à guérir  la 

étoit  l’opinion  de  Gafpard  Torella, 
Médecin  des  Papes  Alexandre  VI  & Jules  II  , 

' en  ui^  Eveque  de  Sainte  Jufte.  Cette  opinion 
etoit  aulîî  celle  des  autres  Médecins  fes  contem- 
porains.  Je  penfe , dit  Torella  1 1 J , que  cette  mala- 
e f qu  11  nomme  pudendagra  ) eft  une  efpece  de 
gaie  qui  fe  contraéle  le  plus  fouvent  par  conta- 
gion, & qui  peut  être  produite  auflî  par  un  mau- 
ais  régime , comme  par  l’ufage  d’aliments  Iklés  & 
de  boilfons  ameres  & échauffantes  , ainfi  que  cela 
ft  arrive  a Antoine  Marci , Catalan , Doéèeur  en, 

e ecine  qui  contraâa  de  cette  maniéré  cette  ma- 
iaaie  lur  mer. 

Fondés  fur  cette  opinion  , les  Médecins  de  ce 
temps-la  employoïent  pour  guérir  la  vérole,  pré- 
cia^ement  les  mêmes  remedes  en  ufage  contre  la 

Ils  faifoient  garder  , dit  Aftruc  , une  grande 
oiete  , & ordonnoient  un  régime  très-fain  , ne 
permettant  que  des  aliments  de  bon  fuc , faciles  à 
digerer , & propres  à corriger  le  vice  du  fang. 

s aignoient  au  commencement  de  la  maladie 
plus  fouvent  ou  plus  rarement,  fuivant  l’âge,  le’ 


( I ) De  pudendagra. 


tempérament  & les  forces  du  maladci  Dans  I0 
progrès  du  mal , la  plupart  s’abftenant  de  la  fai- 
gnée  à laquelle  ils  aimoient  mieux  fuppléer  par 
l’application  des  fangfues  ou  des  ventoules. 

Ils  vuidoient  la  pourriture  des  premières  voies , 
ou  par  des  lavements  laxatifs  avec  la  décoétion 
c'molliente,  la  caflfe  , le  catholicon  , le  diaphænei; 
ou  par  des  purgations  minoratives  avec  le  féné  , 
la  calîe,  la  manne,  les  myrobolans,  les  tama- 
rins , le  fyrop  de  pommes  de  reynette , celui  de 
chicorée , celui  de  rofes  folutif , &c. 

Ils  dipéroient  enfuite  les  mauvaifes  humeurs 
contenues  dans  le  fang,  par  des  potions  altérantes  , 
qui  étoient  diflérentes , fuivant  le  différent  état  du 
fang;  tantôt  plus  douces , comme , 1°.  par  des  apo- 
2êmes  faits  des  fucs  dépurés  de  chicorée  fauvage,de 
bourrache  , de  buglofe  ,de  fcolopendre,  Scc.2°.  par 
des  fyrops  des  mêmes  fucs -,  3°.  par  du  petit  - lait 
de  vache  , dans  lequel  on  faifoit  cuire  les  mêmes 
herbes  ; tantôt  plus  adtives,  comme,  i . par  des 
décodions  de  racines  d'ache , de  perfil , de  fenouil, 
d’afperge , de  polypode , &c.  de  feuilles  de  fu- 
îueterre  , de  feabieufe , d epityme  , de  murabe 
blanc , de  fommités  de  houblon  , &c.  2 . par  des 
des  fyrops  des  mêmes  herbes  ; 3°'  petit- 

lait  altéré  avec  les  memes  herbes* 

Ils  employoient  dans  les  mêmes  vues , les  bains 
d'eau  tiede , quelquefois  pure  , & dans  laquelle 
ils  faifolent  cuire  quelquefois  , ou^  les  racines  de 
guimauve  3c  de  nénuphar , les  feuilles  de  mauve 
& de  brancheurfine , les  fleurs  de  camomille  & de 
melilot , la  graine  de  lin , &c.  pour  ramollir  & 
délayer,  ourles  racines  de  concombre  fauvage& 
de  icrpcntaire  , les  feuilles  tic  patience  fauvage, 


Je  chelîdoîne  ^ de  fcabieufe  ,,  de  marrube  blanc 
ôcc^  pour  réfoudre. 

Après  avoir  digéré  & détrempé  les  Humeurs , 
ils  les  vuidoient  de  temps  en  temps  par  de  puif- 
fants  purgatifs;  tantôt  limples,  comme  Tagaric  , 
le  féné  , Taloës  ^ le  diagrede , le  turbith;,  infufés 
dans  des  eaux  , ou  des  décoctions  appropriées 
ou  mêlées  dans  quelques  fyxops , ou  confervés  em 
forme  d’opiates  ; tantôt  compofé  comme  Télec- 
tuaire  lénitifj  le  diafenna  de  rhafes  ^ le  diocatho- 
licon  5 le  petit  éleétuaire  indien  , la  confection  ha- 
meck,  réleduaire  de  dattes  , ô.^c.  les  pillules  co- 
chées 5 les  pillules  fœtides  y les  pillules  d’or  de. 
Nicolas  5 les  pillules  d’Hiera  de  Ruftus,  &c. 

Si  la  peau  étoit  chargée  de  puftules  , il  les,  oî- 
gnoient  chaudement  au  fortb  du  bain  avec  undi- 
niment  de  drogues  déterfives  & deflicatives  comme, 
le  maftic  , lencens , la  fuie  , le  foufre  vif , la. 
litharge,  le  tartre  blanc,  la  racine  d’iris  , d’althéa^», 
de  patience  fauvage  ^ &c.  réduite  en  poudre  fub- 
tile  8c  mêlée  avec  de  la  graiiîe.. 

Si  le  malade  étoit  tourmenté  de  douleurs  ^ ils 
frottoient  Couvent  8>c  très-chaudement  les  endroits, 
douloureux  avec  de  la  vieille  huile,  d’olive  , de 
l’huile  de  laurier de  camomille , d’aneth  ^ de  fpica,, 
de  fafran  ; avec  les  moëles  de  cerf  & de  renard,, 
la  graillé  humaine,  lefavon  de  Venife,  la  décoc- 
tion de  jufquiane,  &c. 

Quand  les  malades  étoient  robuftes,  ils  fe  fer- 
voient  d’étuves  dans  lefquelles.,  par  la  douce  cha- 
leur de  l’eau  bouillante  , ou  par  la  fumée  des  par- 
fums, ils  faifoient  fuer  abondamment  le  malade, 
ce  qui  emportoit  toutes  les  faletés  attachées  à la* 
peau.  Au  lieu  d’étuves , ils  mettoient  les  pauvres 
dans  ua  four  médiocrement  chaud  pour  les  faire. 


fuel* , ce  qui , félon  Torella  ^ réuflilToit  très-îietî*^ 
reufement.  / 

Quelques-uns,  pour  détruire  les  refies  de  la 
maladie,  ordonnoient  Tufage  des  viperes  , en  dif- 
férentes maniérés  , comme  du  vin  où  Ton  avoir 
]aiflé  mourir  & infufer  des  viperes  , des  bouillons 
de  viperes  , de  la  chair  de  viperes  bouillie  ou  rô- 
de , un  fyrop  fait  avec  la  décoéllon  de  viperes  , &c* 
Enfin  ils  appliquoient  un  cautere  fur  le  de- 
vant ou  fur  le  derrière  delà  tête,  au  bras  ouâ 
la  jambe  , afin  d’évacuer  peu-à-peu  les  reftes  de 
la  maladie , comme  on  dit  que  les  Efpagnols  font 
encore  aujourd’hui. 

Ainfi  Coradingilini  dit  que  le  cautere  aéluel  ou  îe 
potentiel  appliqué  fur  la  future  coronale,  efl  d’un 
ïrès-grand  fecours  , ôc  qu’il  Ta  éprouvé  dans  plu- 
fîeurs  perfonnes  attaquées  au  gofier  , qui  , toutes 
ont  été  guéries  à la  gloire  du  Tout-PuiiTant , qui 
efl:  la  caufe  de  toutes  chofes. 

On  trouve  la  même  obfervation  dans  Wende- 
lîn-Hock  & dans  Benoît  Viétori. 

Cette  maniéré  de  traiter  la  vérole  étolt  appel- 
lée  cure  méthodique  ; elle  étoit  pratiquée  par  les 
Médecins  les  plus  célébrés  de  la  fin  du  quinziè- 
me &:  du  commencement  du  feizieme  fiecle  ; 
quelques-uns  y ajoutèrent  l’ufage  du  mercure  > 
dont  la  plupart  s’abflenoient , & qu’ils  avolent 
abandonné  aux  Charlatans.  Lorfque  le  gayac  pa- 
rut, Tufage  de  ce  végétal  fut  préféré  au  mer- 
cure & à tous  les  autres  remedes  antivénériens  , 
par  le  plus  grand  nombre  de  Médecins  , & cette 
préférence  a duré  plus  d’un  fiecle. 

Pour  faire  voir  les  différentes  maniérés  de  pra- 
tiquer la  cure  méthodique,  félon  la  diverfité  des 
tempéraments  , Je  vais  rapporter  quatre  cures  que 


(7  ) 

Torella  dît  avoir  opérées,  fur  quatre  perfonne^  ; 
chacune  d'une  complexion  différente  des  autres, 

, Premier  Exemple.  Nicolas  Lejeune,  de  Va- 
lence  5 a qui  je  fuis  lié  d'une  étroite  amitié , âgé 
d^environ  vingt-quatre  ans , de  médiocre  ftature  ôc 
d une  complexion  fanguine  , tendante  vers  la  bi- 
lieiife,  eut  commerce  dans  le  mois  d'Août , avec 
une  femme  in fe (fiée  de  cette  maladie  (pudendagra^; 
le  lendemain  il  parut , comme  cela  arrive  fréquem- 
îRent , un  ulcéré  a la  verge  , accompagnée  d'une 
certaine  dureté  , qui  fe  piolongeoit  comme  un 
rayon  vers  les  aines.  Cet  ulcéré  étoît  fordide  & 
virulent.  Six  jours  après , l'ulcere  étant  à moitié 
guéri,  il  fentit  des  douleurs  très-vives  à ia  tête^ 
au  cou,  aux  épaules,  aux  bras,  aux  côtes,  aux 
jambes,  & fur-tout  dans  les  mufcles;  fes  dou- 
leurs les  plus  cruelles  étant  celles  qu'il  éprouvoit 
après  le  premier  fommeil. 

Dix  jours  après,,  il  parut  un  grand  nombre  de 
pullules  a la  tête , au  vifage  & au  cou.  Les  dou- 
eurs  & les  puituies  ont  toujours  été  dans  le  même 
état , jufqff  au  deuxieme  jour  du  mois  d’Oâobre» 

Après  avoir  imploré  l’affiftance  divine,  je  vais 

rapporter  les  moyens  que  j’ai  mis  en  ufage  pour 
le  guérir.  ‘ 

La  maladie  provenant  d un  phlegme  falé . mêlé 
de  mélancolie , je  prefcrivis  au  malade  un  régime 
legerement  chaud  & humide. 

. rapport  a 1 adminiftration'  des  médicaments , 

je  me  fuis  propofé  trois  indications  à remplir  : la 

première,  d évacuer  ; la  fécondé  , de  réfoudre  ; & 

la  troilieme , de  confumer  les  reftes  de  la  ma- 
ladie. 

Pour  remplir  la  première  indication,  le  malade 
a pris  le  matin , durant  fept  jours  confécutifs , le 

Aiv 


fyfôp  .fumnt , trois  heures  avant  de  manger. 

rrenez  dépityme,  d’endive,  de  fumeterre,  de 
chacun  demi-once  ; v 

D’eau  d’endive,  de  fumeterre  , de  fcabie  ufe 
de  chacun  une  once,  mêlés. 

Et  comme  les  urines  étoient  chargées  d’un  refte 
de  digeftion  , j’ordonnai  le  huitième  jour , l’élec- 
tuaîre  (uivant  : 

Prenez  d’hermodates,  de  turbith,  de  chacun 

deini  gros  ; 

De  diagrede,  quinze  grains. 

De  Galanga , de  clous  de  girofle  > de  maftic , 
Ide  chacun  huit  grains  ; 

De  gremil  ^ d anis  , de  fenouil , de  chacun , qua-» 
torze  grains  ; 

De  fucre,  deux  onces;  mêlés  pour  un  élec- 
tuaire. 

Le  malade  en  prit  une  once  le  matin  ^ & dor- 
mit enfuite  un  peu;  après  quoi  il  rendit  par  les 
felles  une  grande  quantité  de  matière  morbifique , 
ce  qui  le  rendit  plus  agile,  8c  le  délivra  de  fes 
douleurs;  il  prit  ce  jour-là,  un  bouillon  de  vo- 
laille avec  de  la  laitue  , 8c  il  en  prit  un  autre  le 
' foir. 

Voyant  que  les  humeurs  étoient  en  mouvement, 
^,pour^aînfi  dire,  furibondes^  pour  les  calmer  & 
ks  épaiflir , j’ordonnai  le  fyrop  fulvant , qu’il  prit 
à la  cinquième  heure  de  la  nuit,  après  quoi  il  fe 
mit  au  lit. 

Prenez  de  fyrop  de  pavot , une  once;  d’eau  de 
pavot  & de  nénuphar , demi-once. 

Le  malade  dormit  plus  cette  nuit  qu’il  ne 
.voit  fait'  depuis  trois  mois. 

Le  matin , en  fe  levant , il  appella  fon  domef- 

tîque  pour  lui  annoncer  qu  il  étoit  parfaitement 
guéri. 


Ce  même  matin  , il  prit  un  lavement , & garda 
la  chambre:  le  lendemain , après  avoir  été  purgé, 
il  entra  dans  une  étuve  où  il  fua  beaucoup  , "en- 
fuite  il  fe  mit  au  lit  où  il  fua  encore  pendant  une 
heure  ; cela  fait , il  retourna  dans  fa  maifon , il 
dîna  comme  le  jour  de  la  purgation  , & continua 
ainfi,  durant  trois  jours  ^ à fe  mettre  dans  une 
étuve  * fans  fe  baigner. 

Le  cinquième  jour,  il  vint  chez  moi  pour  me 
remercier  de  Tavoir  délivré  de  fes  douleurs.  Comme 
il  reftoit  encore  fur  le  vifage  & fur  les  autres  par- 
ties du  corps,  un  grand  nombre  de  puftules,  je 
lui  ordonnai  ce  liniment  pour  en  faire  ufage  pen- 
dant cinq  jours,  tous  lesfoirs  : 

Prenez  de  térébenthine  lavée  dix  fois  dans  les 
eaux  de  fcabicufe  & de  chélidoine  3 une  once  èc 
demie; 

De  beurre  frais , une  once  ; 

D’huile  de  jaunes  d’oeufs,  demi-once,  mêlés. 

Lnfuite  je  lui  fis  prendre  fix  gros  de  l’élec- 
tuaire  ci-delTus  qui  lui  procura  trois  évacuations. 
M’appercevant  que  la  derniere  étoit  différente  des 
autres,  en  fubftance  & en  couleur  , je  jugeai  que 
la  matière  de  la  maladie  avoir  été  radicalement 
emportée. 

Trois  jours  après,  it  retourna  à l’étuve , où  il  fua 
fi  bien  , que  toutes  les  croûtes  tombèrent  , & il 
revint  chez  lui  fans  puftules  de  fans  douleurs.  Néan- 
moins je  jugeai  à propos  de  lui  faire  prendre  chaque 
jour  une  pillule  avant  le  repas;  les  nodofités  qui 
paroiffoient  aux  membres  , furent  guéries  avec  la 
poudre  de  la  racine  de  pain  de  pourceau  , avec  le 
marc  d’huile  de  lys  blancs  , & avec  les  médicaments 
fuivants  , qui  évacuèrent  tous  les  jours  une  por^ 

tion  de  l’humeur  qui  auroit  pu  caufer  une  re- 
chute, 


( 10  ) 

Prenez,  d aîoës  lavé  dans  l’eau  de  cliélidoîne,  titj 
gros  ; de^  piilules  d hiera  avec  1 agaric  , quatre  fcru- 
pules  mêlés,  pour  dix-huit  piilules  avec  l’eau  de 
chelidoine. 


C eR  ainlî  que  par  le  fecours  du  Dieu  tout-puif- 
fant , & de  la  Vierge  Marie  fa  mere , le  malade  a 
été  parfaitement  guéri. 

Deuxieme  Exemple.  Un  homme  âgé  de  46 ans, 
<l\m  tempérament  fanguin  , s étant  livré  à des 
travaux  imnaodérés  ^ dans  des  îieux  voifins  de  la 
mer  , au  ^mols  d Août  , rempli  dEumeurs  , expofé 
a toute  1 ardeur  du  foleil  , & fe  livrant  à d’autres 
exccs,  a gagné,  en  vivant  de  cette  maniéré,  la 
maladie  vénérienne  fanguine.  La  verge  a été  d a- 
bord  infectée  ; un  mois  apres  , tout  fon  corps  s’eft 
couvert  de  taches  rouges  & larges , ou  de  puftules  i 
cinq  jours  apres  , il  a éprouvé  des  douleurs  vio- 
lentes à la  tete , au  cou  & aux  épaules;  enfuite  ces 
douleurs  fe  font  fait  fentir  dans  toutes  les  parties 
du  corps,  principalement  durant  la  nuit. 

^Comrre  tout  le  monde  le  fuyoit  à caufe  de  Tex- 
treme  difformité  de  fon  vifage , tout  couvert  de 
puftules  5 quoiqu’il  n’efpérât  guere  de  jamais  gué- 
rir , i!  eut  recours  à moi. 


Outre  fes  puftules  Ôc  fes  douleurs  j fa  voix  étoît 
devenue^  rauque  , & à caufe  de  cela  , on  lui  difoit 
qu  il  avoir  la  lepre.  Les  cris  que  les  douleurs  lui  ar- 
rachoient  , avoient  attiré  les  humeurs  à la  gorge  ; 
ces  humeurs  s embarraftant  dans  l’épiglotte , ren- 
doient  ainfi  fa  voix  rauque  : 

Après  avoir  tranquilüfé  le  malade  fur  fon  état, 
je  lui  promis  qu’avec  l’aide  de  Dieu  , je  le  guérirois 
parfaitement  & en  peu  de  temps.  Pour  y réuffir, 
.voici  la  maniéré  dont  je  m’y  fuis  pris  : 

Comme  il  fe  plaignoit  d"une  graaide  chaleur  au. 


ï > 

foîe,  & que  fes  urines  étoient  épaîfTes  , Je  luî  Bs 
donner  un  lavement , & enfuite  on  lui  tira  neuf 
onces  de  fang , de  la  bafilique  du  bras  droit  ; Ion 
fang  étoit  épais  & brûlé  ; il  fortit  avec  îe  fang 
une  partie  de  Thumeur  morbifique  ^ car  fes  dou 
leurs  diminuèrent. 

Par  rapport  au  régime  , je  lui  confeillai  de  ne  pas 
vivre  dans  un  air  épais  ; d^fe  couvrir  de  maniéré 
qu’il  nefouffrît  ni  la  chaleur  ni  le  froid;  qu’il  s’abf- 
tînt  pour  quelque  temps  du  commerce  des  femmes  , 
& fur-tout  des  femmes  gâtées  ; ou  s’il  ne  pouvoit 
pas  s’en  paffer  ^ qu’il  ne  s’y  livrât  qu’après  avoir 
bien  faitfa.digeftion. 

Je  lui  recommandai  de  ne  point  faire  d’exercice 
violent  5 fur-tout  après  la  purgation  , ôc  avant 
d’entrer  dans  l’étuve  ; la  meme  chofe  à l’égard  des 
fridions. 

Je  lui  prefcrlvîs  Tufage  des  aliments  de  bonne 
qualité  3c  faciles  à digérer  ; de  faire  enforte  de  fe 
procurer  deux  évacuations  chaque  jour  au  cas 
qu’elles  ne  vinffent  point  naturellement , de  s’aider 
par  un  lavement: 

Je  lui  fis  prendre  durant  neuf  jours  confécutifs  , 
le  fyrop  fuivant  : 

Prenez  du  fyrop  d’endive  ^ de  fumeterre  y d’o- 
feille,  de  chacun  demi-once. 

De  laitue  , de  bourrache  y de  fcabieufe  , de 
chacun  une  once  , mêlés. 

Enfuite  5 il  prit  celui-ci: 

Prenez  de  turbith  demi-once,  d’hermodates, 
deux  gros  , de  diagrede  cinq  grains  , d’épythime, 
lin  gros;  de  zédoaire  , deux  fcrupules;  de  poivre 
un  gros  ; pulvérifez  le  tout , &faites-Ie  infufer  dans 
demi-livre  d eau  de  fcabieufe , ôc  une  livre  d’eau  de 
fumeterre  ; faites  cuire  à un  feu  doux  jufqu’à  îa  ré' 
duéiion  de  la  moitié» 


^ C ) 

Le  malade  îe  prît  tout  chaud  ^ îl  eut  fept  éva- 
cuations  , dans  le(quelles  il  rendit  Seaucoup  de 
matière  morbifique. 

Le  lendemain  , après  la  purgation  , je  le  fis  en- 
trer dans  une  étuve  feche  , où  il  fua  pendant  deux 
heures;  la  fueur  étoit  fétide  & citrine  ; en  fortant 
de  Tétuve  il  fe  mit  au  lit  où  il  fua  encore  ; la  fueur 
imprimée  fur  fon  linge  étoit  jaunâtre. 

Enfuite  il  mangea  fflon  fa  coutume. 

A la  cinquième  heure  de  la  nuit  , il  prit  une 
once  & demie  de  fyrop  de, pavot;  il  dormit  toute 
la  nuit , 3c  ne  reffentit  aucune  douleur. 

Le  lendemain  matin  , il  prit  une  once  de  fucre 
rofat  , dans  une  once  3c  demie  d’eau  d’endive , au- 
tant d’eau  de  fcabieufe  & de  fumeterre  , le  jour  fui- 
yant  il  rentra  dans  l’étuve,  3c  il  continua  ainfi  cinq 
jours  de  fuite. 

Le  feptieme  jour  je  lui  ordonnai  les  pülules  fui- 
vantes  : 

Prenez  de  plllules  de  pierre  d’azur,  de  pillules 
d’hermodates  , deux  fcrupules  ; 

Mêlez  pour  fept  pillules  dans  l’eau  de  chéli- 
doine. 

Le  malade  les  prit  à la  dixième  heure  ; il  dormit 
peu,&  eut  quatre  évacuations;  il  prit  aufiî  cette 
nuit  du  fyrop  de  pavot  : le  jour  fuivant  je  lui  or- 
donnai d'oindre  les  puftules  avec  l’onguent  fuivant: 

Prenez  d’huile  rofat,  de  beurre,  de  chacun  mie 
once  ; 

^ \ 

De  fucre  de  fuiHeterre  y de  plantain^  de  fureau, 
de  chacun  demhonce  ; 

'^Faites  bouillir  un  peu,  & ajoutez  un  peu  de: 
térébenthine  lavée,  & de  foufre  vif. 

A la  troifieme  onâlon , toutes  les  puftules 
rent  defféchées  & difparurent* 


( 13 

Malgré  cela , je  lui  dis  d’entrer  dans  Tétuve  & 
üe  s’y  laver  avec  cette  décoâion  : 

Prenez  de  lupins  trois  poignées,  de  foufre  deux 
pincées , de  racines  fraîches  d’aulnée  , de  racines 
& fleurs  de  mauve , de  patience  , de  bardane , de 
fumeterre , de  chacun  deux  poignées^- 

Faites  bouillir  dans  f.  q.  d’eau  jufqu’à  la  dimi- 
nution d’un  tiers. 

Le  malade  fut  lavé  dans  l’étuve  avec  l’eau  de 
cette  décoétion  chaude  , comme  il  commençoit  à 
fuer  ; après  avoir  été  bien  effuyé  , il  fua  encore 
dans  l’étuve  pendant  une  heure  ; après  quoi  il  prît 
fon  repas  accoutumé  , & de  cette  maniéré  il  tut 
guéri  par  le  fecours  de  Dieu  tout-puilTant , dont 
le  nom  foit  à jamais  béni.  Amen. 

Comme  dans  ces  fortes  de  maladies  , les  rechutes 
font  fréquentes  , par  la  raifon  qu’il  refle  encore 
après  le  traitement  quelque  portion  de  Thumeur 
morbifique , ou  bien  une  mauvaife  qualité  aggré- 
gative  des  petites  parties  de  cette  humeur  répandue 
dans  le  corps  5 qui,  comme  le  dit  Galien,  furvit 
en  général  à la  guérifon  des  maladies  , je  fus  d’avis 
qu’il  prît  tous  les  jours  avant  le  repas  , une  des 
pillules  fuivantes  , qu’il  en  fufpendît  Tufage  pen* 
dant  une  femaine , pour  le  reprendre  enfuite  de  la 
même  maniéré  : 

Prenez  d’aloës  lavé  trois  fois  avec  l’cau  de  ché- 
lidoine  , un  gros  & demi  ; 

Detrochique  d’agaric,  un  gros  & demi; 

M Ci®z  pour  quatorze  piliules  , avec  1 eau 
chélldoine. 

Outre  cela,  je  lui  ordonnai  l’électuaire  fuivant, 
pour  en  prendre  avant  le  repas , afin  de  fortifier  le 
cœur  , le  foie  6c  le  cerveau  : 

Prenez  d’efpeces  aromatiques  de  rofes  , de  la 
formule  de  Gabriel,  deux  gros  & demi; 


D efp«ces  de  dîarodon  d’abbas  , un  gros  &:  demî| 

De  fucre  très-blanc  , trois  onces  ; 

Mêlez  pour  un  éleduaire  avec  Teau  de  chéli- 
doine  ^ pour  être  divilé  en  huit  parties  égaies. 

J efpere  que  cela  fuffira  pour  le  préferver  de 
rechûte. 

Troisième  Exemple.  Un  jeune  homme  âgé 
de  trente  ans,  d’un  tempérament  phlegmatique  , 
fut  infedé  il  y a dix  mois,  par  la  voie  de  la  con- 
tagion,  d’une  maladie  vq^nérienne  pituiteufe  , ac- 
compagnée de  douleurs  ; de  pullules  épaiffes  de 
crullacces , qui  rendoient  une  matière  blanche  de 
jaunâtre  ; il  avoit  été  délivré  des  douleurs  & des 
puflules  par  Tufage  de  certains  onguents  , mais  elles 
îe  renouvellerent  , & il  tomba  dans  un  état  pire 
qu’auparavant. 

Après  avoir  bien  confidéré  le  tempérament  du 
malade , & le  caradere  de  l’humeur  morbifique  y 
quiétoit-un  phlegme  brûlé,  dégénéré  en  mélan* 
cholie , mêlée  d’un  peu  de  bile;  fes  habitudes  , fon 
âge  y fa  complexion  , à l’égard  de  laquelle  j’obr 
fervai  que  de  gras  qu’il  étolt  avant  fa  maladie, 
il^  étoit  devenu  maigre,  & ce  qu’il  y a d’étonnant, 
c’efi:  qu’aucune  des  fondions  animales  n’avolt  été 
dérangée  par  ce  changement.  Sa  tête  étoit  en  fort 
bon  état  , mais  il  ne  pouvoit  dormir  la  nuit  à 
caufe  des  douleurs  qu’il  louflfoit. 

Je  lui  confeiüai  d’habiter  un  lieu  chaud  & fec  , 
de  fe  réjouir,  & Je  lui  promis  fa  guérifon  avant  la 
fin  du  mois  d’Odobre.  Je  prends  Dieu  à témoin  , 
que  Tefpoir  feul  de  fa  guérifon  lui  procura  cette 
nuit  un  repos  qu’il  avoit  perdu  depuis  long  temps. 

Après  lui  avoir  fait  prendre  un  minoratif,  je  lui 
prefcrïvis  de  faire  beaucoup  d’exercice  avant  le 
repas* 


o;  ) 

Sa  nourriture  étoit  du  rôti , auquel  l'aputaî  les 
feuilles  de  bourrache  & de  fcabîeufe,  du  pain  blanc 
bien  cuit  ; & fa  boiflon  , du  vin  blanc  trempé. 

Je  fis  en  forte  de  lui  procurer  deux  évacuations 
chaque  jour; 

Le  3 Oétobre  il  prit  un  minoratif  qui  lui  fit  rendre 
beaucoup  de  phlegme  & de  matière  corrompue 
brûlée  ; 


^ La  nuit  il  prît  un  lavement,  Confidérant  la  mo- 
bilité 5 la  malignité  des  humeurs  , & que  le  malade 
ne  dormoit  pas  , je  lui  fis  prendre  à la  cinquième 
heure  la  compofition  fuivante  : 

De  poudre  de  pavot  trois  gros  , de  fyrop  violât 
une  once , d’eau  de  menthe  trois  onces  , d’eau  de 
pavot  une  once , mêlés. 

Demi-heure  après  l’avoir  pris  , il  dormit  juf- 
<]u  au  m.atin.  Cela  fait  ^ je  lui  confeîllai  de  s’exercer 
tous  les  jours  avant  le  repas  , jufqu’à  la  fueur. 

Le  jour  fuivant  il  prît  ce  fyrop  : 

Prenez  de  fyrop  des  trois  racines  avec  le  vi- 
naigre, une  once,  d’épythime^  demi-once; 

D’eau  de  fenouil , de  fumeterre , de  chélidoine 
de  chacun  une  once  ; 

Mêlez  pour  être  pris  chaud  le  matin  , & que  le 
malade  dorme  peu  enfuite. 

Apres  cela,  il  entra  dans  I étuve  où  il  refta  deux 

heures,  & fua peu;  je  l’y  fis  rentrer  à la  douzième 

heure  , ily  fua  beaucoup;  au  fortir  de  là  il  vint  chez 

moi  & me  dit , je  mefens  délivré  d'un  grand  fardeau  , 

car  je  puis  maintenant  porter  ma  main  a La  tête  , lancer 

js^  pierres^  & marcher  fans  bâton:  que  refe-t-il  donc  â 
faire  à préfem  ? 


^ Je  lui  prefcrivis  encore  la  même  maniéré  de 
vivre,ce  qiul  fit  jufqu’au  Samedi.  Le  Dimanche, 
le  Lundi  & le  Mardi , il  prit  du  fyrop  ; le  Mercredi, 
je  lui  ordonnai  les  pulules  fuivantes  : 


Pienez  de  pîllules  cochées  d'hermodates  &:  dtf 
pierre  d azur  ^ de  chacun  un  fcrupule  ; 

De  diagrede , cinq  grains  ; 

F aites  fix  pillules  avec  f.  q,  d’eâu  de  chélidoîne. 
Il  les  prit  au  lieu  de  fyrop  , ce  qui  produifit  uti 
bon  effet. 

Le  plus  grand  nombre  de  puftules  ayant  ctédif- 
fipées  par  les  Telles  & par  la  fueur , je  lui  ordonnai 
longuent  (uivant  , pour  être  appliqué  chaud  fur 
celles  qui  reftoient^  durant  fix  jours  de  fuite  , & 
dans  un  lieu  chaud  ; 

Prenez  de  térébenthine  lavée  cinq  fois  dans  Teau 
de  fumeterre  , une  once  3c  demie  ; 

De  beurre  frais , une  once  3c  demie  ; 

SDe  foLifre  vifpulvérifé , trois  gros  3c  demi  ; 

De  fuc  de  limon  , deux  onces; 

Mêlez  3c  laveZ'les  trois  fois  dans  Teau  de  ché- 
lidoine. 

Le  feptieme  jour  il  entra  dans  Tctuve  où  il  fe 
lava  5 y fua,  3c  en  fortit  le  corps  net  3c  fans  tache. 
Il  travaille  à préfent  à Rome  ^ comme  avant  fa  ma- 
ladie , à bâtir  des  maifons  , 3c  il  paflTe  pour  un 
fort  bon  Ouvrier.  Je  fus  d’avis,  malgré  cela  , qu’il 
prît  encore  durant  quelques  jours,  une  pillulecom-  , 
pofée  d’hiera  3c  d’agaric  ; j’efpere  que  cela  le  ga- 
rantira de  rechûte. 

Quai  El  e;me  Exemple.  Un  homme  de  moyen- 
âge, d’un  tempérament  mélancholique  ,avoit  depuis 
deux  mois  la  maladie  vénérienne , qu’il  avoit , m’a- 
t41  dit,  contradée  en  dormant  dans  un  même  lit 
avec  fon  frere  qui  en  étoit  infedé. 

La  maladie  commença  par  des  douleurs  noc- 
turnes ; après  deux  mois  de  fouffrances , durant  lef- 
quels  il  s’étoit  livré  tous  les  jours  à des  exercices 
pénibles,  il  fe  trouva  uns  nuit  çouvert  delà  tête 

aux 


/ 


( I?  ) 

^üx  pieds  de  puftules  épaiiïeSj  cruRacees  , Sc  cen- 
drées , qui  le  délivrèrent  de  fes  douleurs  ; cela 
dura  amfi  pendant  deux  moisè 

Il  y a à préfent  environ  un  mois  3c  demi  que  le 
nombre  des  pullules  étant  beaucoup  diminué  , les 
douleurs  font  revenues  avec  plus  de  violence  qu’au- 
paravant , avec  deux  ulcérés  virulents  , doulou- 
reux 3c  aîTez  larges  à la  jambe  gauche  ; ces  ul-^ 
ceres  fe  font  étendus  ^ m’a-t~il  dit,  après  l’appli- 
cation faite  par  un  Chirurgien  , de  certains  médi- 
caments corrofifs. 

Ses  douleurs  les  plus  cruelles  fe  faifoient  fentic 
durant  la  nuit. 

Après  lui  avoir  prefcrît  le  régime  que  je  jugeai 
convenable , je  lui  ordonnai  pour  fept  jours  le  fyrop 
fuivant  ; 

Prenez  de  fyrop  de  fumeterre  , d’épythlme  , 
d’endive  , de  chacun  demi-once  ; 

D’eau  de  chélidoine^  de  houblon  ^^de  fcabieufe  , 
de  chacune  une  once  mêlés. 

Le  huitième  jour  ifprit  cette  médecine  : 

Prenez  de  confedion  dehamech,  trois  gros; 

D’éledualrc  de  fucre  de  rofes  , deux  gros  & 
demi  ; 

D’épythime  puîvérîfé  , deux  fcrupuîes  ; 

De  turbith,  demi- gros  ; ^ 

De  poivre,  demi- fcrupuîe  s 

>Pu!vérifez  ce  qui  doit  l’être  , & faites-en  une 
potion  avec  les  eaux  de  buglofe  , de  houblon  , de' 
fumeterre  & d’endive.  Le  malade  prit  cette  po- 
tion chaude  le  matin  ; elle  lui  fit  rendre  beau- 
coup d’humeur  mélancolique  adufte  , mêlée  d’un 
peu  de  phlegme. 

La  nuit  fuivante  , les  douleurs  fe  font  appaîfées, 
lî  a dormi  trois  heures  de  fuite , 3c  il  a fué.  Comme 

B 


i 


• f f • ^ ^ 

Il  n avoit  pas  mangé , je  jugeai  que  les  humeurs 
ctoient  en  grande  quantité , 3c  qu'il  falloit  aider 
la  nature  qui  cherchoit  à s’en  débarralTer  par  la 
fueur.  Je  lui  ordonnai  donc  d’entrer  dans  une 
étuve  5 ce  qu’il  réitéra  trois  jours  de  fuite , & il 
fut  délivré  ainfi  des  puftules  & des  douleurs. 

Peu  de  jours  après , il  fut  guéri  de  fes  ulcérés 
par  un  Chirurgien  de  fes  amis. 

Pour  le  préferver  de  rechûte  , je  lui  prefcrîvîs 
de  prendre  chaque  femaine , pendant  deux  mois, 
un  gros  & demi  de  pillules  de  fumeterre. 

la  maniéré  de  procéder  de  Torella  & 
des  autres  Médecins  fes  contemporains,  dans  la 
cure  des  maladies  vénériennes  5 il  témoigne  beau- 
coup de  confiance  en  cette  méthode  qui , comme 
je  r ai  dit,  étoit  exadement  la  même  qu’on  prati- 
quoit  pour  la  guérifon  de* la  gale  , & il  affure 
qu’en  la  fuivant , il  a guéri  3c  fait  guérir  une  infi- 
nité de  malades.  C’eft  ainfi  qu’il  s’exprime  lui- 
méme  : Parijiis  & in  aliis  magiiis  civitatihus  Frau- 
dez , a Limratis  , grofla  variola  hic  rnorbus  appel-- 
latur  J quos  devios  ejje  demonjlravi^  . . Qidcumque  ca* 
ram  varioianim  ( impudendagrâ  ) fecutus  fuit  hue  ufque^ 
<5*  qui  inde  fequetur  ^ nullos  curavit  ^ neque  curahit  ; 
flurimos  vero  interficiet , aut  dehilitatos  jeeundum 
aiiquam  aut  majorem  partem  corporis  dimittet* . , lUi 
yero  qui  curam  feabiei  jœdee  fequentur  ^ plurimos  cu-^ 
rabunt  & maxime  ^ Jl  hœc  qiiœ.  feribo  ^ faciunt^  . , . 
F go  infini  to  s eu  ravi  & curari  feci , (S*  intelligo  per 
curationem  , eorum  deduzlionem  ad  faliitem  , non  ficut 
ille  qui  multos  ciiravit , ficut  dieu  Galenus  ^ de  quo- 
rum numéro  nullus  evafit. 

Ce  grand  nombre  de  médicaments  qu’on  faifoit 
entrer  dans  la  cure  méthodique  , ainfi  que  la  ma- 
niéré de  les  employer , étoient  empruntés  des  Ara- 


C Ip  ) ^ 

bes  dont  les  livres  tranfportés  en  Europe,  par 
les  Maures  qui  s'étoient  établis  en  Efpagne , étoîent 
le  dépôt  prefqu’unique  des  connoiliances  médi-^ 
cinales  de  ce  temps-là.  > 

Le  mercure  oy  vif-argent  que  les  Grecs  & les 
Latins  avolent  banni  de  la  Médecine  j,parce qu'ils  ne 
voyoienten  lui  qu'un  poifon  deftrudeur,  entroit 
auflidanslacompofitiondes  onguents  dont  les  Ara- 
bes fe  lervoient  contre  la  gale  & d^autres  mala- 
dies de  la  peau.  t 

«D'après  l'opinion  commune  fur  l'identité  de  la 
gale  & de  la  vérole,  quelques  Médecins  mirent 
auffi  du  mercure  dans  les  emplâtres  & dans  les 
onguents  qu'ils  appliquoient  fur  les  puflules  3c  fur 
les  ulcérés  vénériens , pour  les  déterger  3c  pour 
les  defTécher,  après  avoir  fait  ufage  auparavant, 
intérieurement  des  médicaments  propres  à réfou- 
dre 3c  à évacuer  l’humeur  morbifique. 

La  poftérité  aura  fans  doute  bien  de  la  peîn« 
â fe  perfuader  que,  durant  trois  fiecles , un  grand 
nombre  de  Médecins  dont  quelques  uns  jouiffent 
d’une  célébrité  méritée  à bien  des  égards  ; la  pof- 
térité, dis-je,  aura  bien  de  la  peine  à croire  que  ces 
Médecins  fe  foient  fervi  précifément  des  mêmes 
remedes  , à la  même  dofe  3>c  de  la  même  maniéré, 
contre  deux  maladies  dont  l'une  n'affeâe  commu- 
nément que  la  peau , fur  laquelle  elle  forme  des 
pullules  3cAq  petits  ulcérés  , 3c  dont  l'autre  carac- 
térifée  par  des  chancres  malins,  des  tumeurs  glandu- 
leufe's  3c  ofTeufes,  par  la  férié  des  os,  par  la  go- 
norrhée virulente , & attaque  indiftindement  les 
parties  internes  comme  les  externes  fur  lefquelles 
elle  exerce  quelquefois  les  ravages  les  plus  terribles. 

Le  malade  place  au  foleÜ  ou  devant  le  feu  fe  frot- 
tera avec  longuent  depuis  le  coude,  jufqu'à  trois 

B ij 


/ 


C 20  ) . . ‘ J 

doigts  de  diftance  de  la  main  , & depuis  le  de 
du  genou,  jufqua  égale  diftance  du  pied.  Cî^'-’s 
opération  fe  continuera  de  la  meme  maniéré  l'^l- 
qu’à  ce  que  le  flux  de  bouche  commence  à pa- 
roître  é i ).  On  recommandeau  malade  de  ne  point 
s’expofer  au  froid  , & de  ne  point  fe  laver  de  quS-* 
ra'nte  jours.  De  cette  maniéré,  ditThéodoric  ( 2 ), 
on  verra  fhumeur  couler  de  la  bouche  comrns 
une  riviere  ■ & en  faifant  ainfi , on  peut  etre  sür 
de  guérir  la  gale  la  plus  invétérée. 

^ — ■— — , — - — • ' ' * I .1  ...  I ■ 

' ( î ) Pierre  Hifpani , Médecin  du  treizième  fiecle  , & en- 

fuite  Pape  fous  le  nom  de  Jean  XXI. 

( 2,  ) Médecin  célébré  du  treizième  fiecle  , 5c  enfuitô 

Evêque  de  Servie. 


E3Z1I 


LE  G A Y A C. 


JLobsque  les  Efpagnols  , conduits  par  ChriftopH^ 
Colomb  5 firent  à la  fin  du  quinzième  fiecle  , la  dé- 
couverte de  ^Amérique  , les  foibles  habitants  de 
ces  vafles  contrées  nouvellement  forties  du  feia 
de  la  mer,  & ancore  toutes  couvertes  d’immenfes 
forêts  & de  marécages , nourriffoient  fous  un  ciel 
humide  de  brûlant  cette  maladie  héréditaire  &c 
contagieufe  qu’on  nomme  parmi  nous , maladie 
vénérienne,  & parmi  eux,  dit-on,  paturfa  ( l ). 

Cette  maladie  étoit-elle  connue  en  Europe 
avant  la  découverte  du  nouveau  monde  ? ou  biea 
les  Efpagnols,  comme  on  le  penfe  pfefque  gé- 
néralement, l’ont-ils  reçue  des  Amériquains  en 
échange  des  vices  qiuls  leur  ont  apportés  , & des 
crimes  inouïs  dont  ifs  ont  laiiîé  parmi  eux  tant 
d’horribles  exemples  ? 

Il  eft  certain  que  dans  tous  les  temps  , les  em- 
braiTemants  amoureux  portés  à l’excès  , ont  dû 
produire  des  défordres  dans  les  parties  du  corps 
deftinées  à ces  ufages.  Ces  défordres  ont  dû  êtra 
plus  ou  moins  grands,  félon  la  difpofîtion  des  corps 
qui  les  failoienc  naître.  Sous  la  zone  torride , l’a- 
mour eft  une.  rage  , & fes  effets  doivent  être  pro- 
portionnés à la  caufe  qui  les  produit  ; c’eft  aufîî 
de  ces  climats  brûlants,  de  l’ancien  & du  nouveau 
monde  que  la  vérole  a , félon  toutes  les  apparenr 
ces,  tiré  fom  origine. 


( i J f ailope , de  motb.  gall.. 


/ 


BUj 


( 22  ) 

La  communication  établie  par  les  guerres  In- 
fenfées  desCroifades , entre  les  Européens  & les 
habitants  de  TAfrique  , a pu  introduire  le  germe 
de  cette  maladie  en  Europe  ; ce  germe  a couvé 
long-temps  en  filence  parmi  nous  ^ faute  d ali- 
ments propres  à le  développer  , & n a produit  que 
de  foibles  ravages  décrits  par  les  Médecins  (O  qui 
ontvécu  depuis  le  dixième  jufqu’au  quinzième  fie- 
cle.  A cette  derniere  époque,  ce  principe  de  dé* 
génération  de  nos  humeurs  a fait  les  progrès  les 
plus  rapides  ; il  s’eft  manlfefté  par  les  effets  les 
plus  terribles  , lorfque  les  Efpagnols  tranfplantés 
fous  la  zone  torride  du  nouveau  monde  , y ont 
Tefpiré  IVir  brûlant  & humide  qui  empoifonnoit 
prefque  toutes  les  fubftances  végétales  & anima- 


( I ) Le  bubon  efl  caufé  ie  plus  fouvent  par  une  matière 
froide  qui  eft  pouifée  du  foie  vers  ces  endroits  ( le?  aînés  } 
lerqueisfont  foibles  8c  vuides  ..  ou  lorfqu’il  arrive  à l’homme 
line  corruption  dans  la  verge  pour  avoir  eu  affaire  aveu  une 
femme  mal-propre. 

Guillaume  de  Salicet,  en  1170. 

Le  même  Auteur  parle  auffi  de  pullules  blanches  ou  rou- 
tes, de  la  dartre  mifcaire , des  crevalfes  , des  corruptions 
ou  femblables  chofes  qui  arrivent  à la  verge  , ou  autour  du 
prépuce,  & qui  font  occafionnées  par  le  commerce  qu’on  a 
eu  avec  une  femme  fale  , ou  avec  une  femme  publique  , ou 
par  q U qu’autre  caufe. 

Voyez  aulTi  Laufranc , en  1290  ; Bernard  Gordon,  en 
2300;  Jean  de  Gaddefden  , en  1320  j Gui  de  Chauliac  , en 
13^0;  Valefcus  de  Tarenta,ea  1400;  Pierre d’Argelata , 
en  1470,  &c.  &c.  &c.  Rhazez  parle  d’un  ulcéré  partfeuiier 
de  la  verge  , produit  félon  lui , à cenfeione  mulicris  fuprà 
virum».  Je  n’ignore  point  'e?  taifons  qu  Allruc  aallc^uces 
pour  prouver  que  ces  fymptomes  ne  defignent  point  la 
maladie  vénérienne;  mais  s’enfuit-il  de  ce  que  ces  Tymptômes 
peuvent  eue  des  effets  d’autres  eau fes  que  du^  virus  venc-* 
rien,  qu’ils  ne  puiffent  pas  déhgner  aulfi  la  vcrole.^ 


c 25  ) 

}«s  de  ces  contrées  incultes , & qui  eft  la  caufe  de 
toute  putrefadiom 

en  füit  de  loriglne  de  la  vérole  , les 
Amériquains  méridionaux  pofledoient  un  grand 
nombre^  de  plantes  par  Tufage  defquelles  ils  fe 

' guériflbient  de  cette  maladie.  Une  des  principales 
*.Çtoît  le  Gayac, 

^11  y a,  félon  le  P.  Plumier,  deux  efpccesde 
Gayac. 

La  première  efpece  s*appelle  Gayac  à fleurs: 
bleues , dont  le  fruit  eft  arrondi  ; Guaiaciim Jlore 
^^ruleo  ^ fruciu  fubrotundo  ^ Plum,  nov.  gen  35;.  ou 
tetraphitum  , fruau  fingulari.  Ejufd.  Hift. 

mil.  80.  Fruno  vel  evonymo  affinis  arbor.  folio 
alato  , huxeo  ^fuhrotundo  , jiore  pentapetalo  , cærüleo^ 
racemofo  ^ fruüu  acoris  cordato  ^ cujus  cortex  luteus^ 
corrugatus  J femen  unicum  ^ majufculum  ^ nigricdns\ 
nullo  oJficuLo  tectum  opcrit\  Sloa.  CataL  Plant, 
maic. 

Cette  efpece  de  Gayac  devient  quelquefois  un 
très-grand  arbre  ; quelquefois  aufli  n’eft«il  quô 
mediocre  ; différence  qui  procédé  de  la  fertilité 
du  terroir  où  il  croît  .•  fon  tronc  efi:  le  plus  fou- 
vent  cylindrique  , mais  ceux  qui  fe  trouvent  dans 
1 lile  de  Saint-Domingue , du  coté  du  Port-de-Paix 
ne  font  pas  tout-à-fait  cylindriques  , car  fi  on  les 
coupe  tranfverfalement , leur  fedion  repréfente  la 
ngure  d une  poire. 

Lorfqu’on  regarde  ces  arbres  de  loin  , ils  ref- 
lemblent  à nos  chênes  ; les  jeunes  font  couverts 
dune  ecorce  un  peu  ridée,  ceux  qui  lont  vieux 
ont  I ecorce  lilfe , un  peu  épai/Te , & fe  féparant 
eii  des  lames  minces  ; elle  ell  variée  ou  de  cou- 

fâtie^*^  ^ " parfemée  de  taches  verdâtres  & grl- 


B i 


IV 


i 


( 24  } 

Le  tronc  de  cet  arbre  a peu  d’aubîer,  qui  cÆ 
pale  5 le  cœur  eil  de  couleur  verte  d'olive  , fen-- 
cée  de  brune  : Ion  bois  eil;  très-folide,  huileux  , 
pefant , d'une  odeur  qui  n'efi:  pas  déiagréable , d'un 
goût  amer  de  un  peu  âcre. 

Ses  branches  ont  beaucoup  de  nœuds  , & le 
plus  fouvent  elles  font  partagées  en  deux  petits 
rameaux  aufiî  noueux  , lefquels  portent  à chaque 
nœud  y deux  petites  côtes  oppofées  ^ longues  d'en- 
viron un  pouce  ^ lifle,  ferme , compaéle  comme 
du  parchemin  , d’un  verd  pâle  ; elles  ont 
defîous  cinq  petites  nervures  un  peu  faillantes; 
elles  n’ont  point  de  queue  > fi  ce  n’eft  la  côte 
commune  fur  laquelle  elles  font  rangées  ; leur 
couleur  eft  un  peu  rouge  à l’endroit  de  leur  at- 
tache ; leur  goût  un  peu  âcre  & amer. 

Les  fleurs  naiiTent  à l’extrémité  des  rameaux  ; 
elles  font  en  grand  nombre , entièrement  fembla- 
bles  & égales  à celles  du  citronier , car  elles  font 
compofées  de  cinq  feuilles  de  couleur  bleue,  dif- 
pofées  en  rofe  , fur  un  calice  qui  a auffî-  cinq 
feuilles  verdâtres,  du  fond  duquel  s’élève  un  pif- 
lil  dont  la  figure  eft  celle  d’un  cœur  terminé  en 
pointe , porté  fur  un  pédicule  un  peu  long.  Ce 
piflil  eft  accompagné  d’environ  vingt  étamines 
bleues  qui  ont  chacune  un  petit  fommet  jaune.  Ce 
piftil  devient  dans  la  fuite  un  fruit  de  la  gran- 
deur de  l’ongle , charnu  , qui  a la  forme  d’un  cœur, 
de  un  peu  creule  en  maniéré  de  cuillier  , û’une 
couleur  de  vermillon  ou  de  cire  rouge.  Ce  irait 
renferme  une  feule  graine  dure,  de  la  forme  d’une 
olive,  qui  contient  une  amande  plus  petite  que 
celle  de  l’olive  & enveloppée  dftme  pulpe  fort 
tendre^  , 

On  trouve  cet  arbre  à la  Jamaïque,  dans^  prô£~ 


) 

^iie  toutes  les  Mes  Antilles , 3c  fur- tout  dans  celles 
de  Saint-Domingue  & de  Sainte-Croix,  & en  gé- 
néral dans  la  partie  de  rAmérique  qui  eO:  fituee 
fous  la  zone  torride, 

La  fécondé  efpece  de  Gayac  du  P.  Plnrrder  , 
fe  nomme  Gayac  a fleurs  blanches  y dentelées  * 
dont  le  fruit  efl:  quadrangulaire  y Guaiacum  Jloie 
TLilt’d  , Jimbricito  ^fru^ii  tctiugono*  Plum.  nov.  Plant. 
Amerîq.  IX.  3^  ; ou  Gayac;im polyphyllurn  ^ fru^u 
Jingulart  ^ , ejufd,  Hîft.  miT.  87.  Hoaxa- 

can  , Jeu  lignum  fanUiim  ^ Hernandez.  Les  na-- 
turels  d’Amérique  le  nomment  Hajacan  y d’ou 
efl:  venu  le  nom  de  Gayac  qu’on  iui^  donne  en 
Europe. 

Cette  efpece  efl  moins  haute  que  la  précédente  ; 
fon  bols  efl:  auffi  folide  & auflî  pefant , mais  de  cou- 
leur de  buis  ; fon  écorce  qui  efl:  un  peu  plus  épaiife  , 
efl  noirâtre  en-dehors , parfemée  de  plufieurs  taches 
grifes  , 3c  lillonnée  de  rides  réticulaires  tranfver- 
fales*,  elle  efl:  pâle  au-dedans,  & d’un  goût  légère- 
ment amer. 

Ses  branches  font  dlfpofées  de  la  meme  maniéré 
que  dansrla  première  ; elles  font  de  même  noueufes 
3c  portant  quatre  ou  cinq  paires  de  feuilles  plus 
minces  y plus  petites  3c  plus  pointues  ^ fur-tout  les 
jeunes  , foutenues  fur  des  côtes  très-minces  ^ 
vertes  & longues  d’environ  deux  pouces. 

Les  fleurs  font  entièrement  femblables  & égales 
a celles  de  la  première  efpece  ^ mais  elles  font  bleues 
& un  peu  dentelées.  Les  fruits  font  de  couleur  de 
cire  5 quadrangulaires  comme  ceux  de  notre  fu-- 
faiu  y ‘partagé  intérieurement  en  quatre  loges  , dans 
chacune  delquelles  efl:  contenue  une  feule  graine  ^ 
offeufe  5 rouge  , qui  a prcfqus  la  figure  d’uas 
elive. 


r ^ r , (26)- 

dans  deGayac  eft  très-fréquente 

Pon-d.  kt  S“«-I>°n.ingu. , au.  envirok  du 

Ces  arbres  fleurllTent  au  mois  d’AvrlI  & don- 
nent des  fruits  mûrs  au  mois  de  Juin. 

Le  Gayar  donne  dans  ladiftillation  à la  violence  du 
leu  , un  plilegme  infipide  , un  efprit  qui  donne  des 
marques  d acidité  & d’alkalicité , une  huile  teque 
hmpiue  , jaune  qui  nage  fur  l’eau  ; une  huile  noire 
tres-epaiûe plus  pefante  que  l’eau  ; une  grande 
quantité  d air  & une  quantité  conlidérable  d’un 
charbon  dur  & fonnant.  ( Encyclopédie  ). 

_ Feu  de  temps  après  la  découverte  de  TAmé- 

riqueCeniyi3;,  Gonçalo  Hernandez  de  Oviedo 
y Va  des  fut  envoyé  à l’Ifle  Efpagnole  pour  y 
être  Diiefteur  des  mines  d’or  & d’argent  ; après  un 
lejour  de  douze  ans  , tant  dans  cette  Me  que  dans 
e continent,  il  écrunt  en  Efpagnol  en  Ij2y  , par 
ordre  de  lEmpereur  Char!cs-Quint,Roi  d’Efpagne, 
le.omrmireoe  l’Hiftoire  générale  & naturelle  des 
Indes  Occidentales  ; dix  ans  après  , il  écrivit  fa 
grande  lîiftoire  générale  & naturelle  des  Indes. 
iJans  un  de  ces  deux  ouvrages , on  trouve  deux 
chapitres,  dont  l’un  traite  du  Gayac  , & lautre. 
du  faint  bois.  Dans  le  premier,  l’Auteur  s’exprime 
de  cette  manière  : Il  y a dans  ces  Mes  & dans  le 
continent , deux  efpeces  d’arbres  remarquables 
contre  cette  maladie  qu’on  nomme  de  las  buas , 

( la  vérole  );  & comme  elle  eft  fort  commune  dans 
toutes  ces  régions,  il  a plu  à la  miféricorde  divine 
d y faire  trouver aiifli aux  habitants  leremede  propre 
a les  en  délivrer;  mais  quoique  cette  maladie  exer- 
ce auffi  les  ravages  dans  d’autres  pays  , cependant 
les  premiers  Chrétiens  qui  ont  été  infedés  de  ce 
ma  en  ont  été  guéris  dans  l’Ille  Efpagnole,  par 
I arbre  qu’on  nomme  Gayac. 


( 27  ) 

Je  veux  rapporter  fur  les  effets  de  cet  arbre,  ce 
qu’il  y a déplus  avéré  ici,  & dans  les  autres  lieux 
où  on  en  a fait  ufage. 

Son  efficacité  eft  conftatée  par  un  très  grand 
nombre  d’expériences  qu’on  en  a faites  tant  dans 
ces  régions  , qu’en  Europe  , & dans  les  autres 
parties  du  monde  où  il  a été  tranfporté  3 pour  s’en 
lervir  contre  la  redoutable  maladie  c/e  las  huas , 
que  les  Italiens  appellent  mal  françois  , & les 
François,  mal  de  Naples. 

On  a vu  en  Efpagne  & dans  d’autres  pays , des 
malades  tourmentés  par  des  douleurs  cruelles  & 
rongés  d’ulceres  , qui  ont  été  guéris  par  le 
.Gayac. 

Cette  maladie  furpafTe  toutes  les  autres  par  la 
force  des  tourments  & des  fouffrances  qui  la  carac- 
térifent , comme  le  favent  bien  ceux  que  la  miféri- 
corde -divine  en  a délivrés;  elle  eft  moins  cruelle 
& moins  dangereufe  dans  les  Indes  qu’en  Efpagne  , 
& dans  les  autres  climats  plus  froids  , & les  Indiens 
s’en  guériffent  facilemient  par  l’ufage  du  Gayac  , 
durant  lequel  ils  obfervent  une  grande  diete  , fans  » 
laquelle  le  Gayac  fait  plus  de  mal  que  de  bien. 

Outre  le  Gayac  , continue  Oviedo  , les  Indiens 
connoifTent  encore  un  grand  nombre  d’autres  plan-* 
tes,  que  l’expérience  leur  a appris  être  propres  à 
guérir  la  maladie  de  las  buas  ^ ainfi  que  bien  d’autres 
maladies. 

Dans  le  chapitre  où  il  parle  du  faint  bois  , il  dit , 
l’arbre  qu’on  nomme  faint  bois  dans  les  Indes  , eft, 
félon  l’opinion  commune  , une  des  meilleures 
plantes  du  monde  pour  guérir  les  ulcérés  & les 
autres  fortes  de  maux  contre  lefquels  on  l’emploie  ; 
plufieurs  le  confondent  avec  le  Gayac,  ouïe  re- 
gardent comme  un  arbre  de  la  même  efpece , à 


- , , r ) 

R ^ "‘t  '•e/Tembance  de  la  moëlle  , de  la  pefan- 
teur  & de  leurs  propne'tés  médicinales. 

Outre  la  propriété  de  guérir  la  maladie  de  Us 
wizi'  ajoute-t-il  ^ que  celui-ci  polTede  à un  plus 
Jiaut  degré  que  le  Gayac  , il  guérit  aufli  d’autres  ma- 
ladies  que  le  Gayac  ne  guérit  pas. 

A mon  avis  , dit-il  encore  , l’arbre  ou  le  bois  au- 
quel on  a donné  le  nom  de  faint , eft  véritablement 
ciivrn. 

Par  la  fimple  décoction  de  ce  bois , & par  l’ufage 
extérieur  de  Ion  écume,  nous  avons  vu  guérir  des 
U ceres  du  plus  mauvais  caraéiere,  qui  étoientfem- 
a .cs  au  cancer  ; a autres  qui  étoient  gangreneux, 
^ qu  en  avoir  jugés  incurables. 

La  réputation  du  Gayac  s’étendit  bientôt  au-delà 
des  lieux  qui  rent  d’abord  vu  naître.  Les  Efpagnols, 
que  leuis  fréquents  voyagesen  Amérique,  mettoient 
a portée  de^voir  les  guéi^ifons  multipliées  opé- 
rées par  ce  médicament,  s’emprefferent  fans  doute, 
ü eiu  retour  dans  leur  patrie  , de  publier  ce  qu’ils 
oient  vu  en  An:!érique.  Avec  quelle  avidité  les 
peuples  dLuiope  dûrent-Üs  écouter  les  merveilles 
qu  on  leur  racontoit  du  Gayac  ! Avec  quelle  ar- 
deur ils  dévoient  ioupirer  après  un  médicament 
qui  , fans  les  expôfer  aux  dangers  terribles  qui 
accompagnent  trop  fouvent  l’ufage  du  mercure, 
les  delivreroit  du  plus  cruel  de  tous  les  maux  ! 

Ce  fut  un  Efpagnol  nommé  Gonfalve , qui , félon 
LralTavole  ^ ale  premier  apporte  le  Gayac  en  Eu- 
rope , en  iyo8  ; cruellement  tourmenté  depuis 
long  temps  par  la  maladie  vénérienne,  contre  la- 
quelle il  avoit  inutilement  employé  tous  les 
remedes  connus  alors  , il  fe  détermina  fur  ce  qu’ü 
entendoit  dire  des  effets  de  cette  plante,  à fairç  le 
.voyage  d Amérique , pour  éprouver  fur  lui-mèine 


/ 


C ^9  ) 

^ ce  qu’on  lui  avoit  dit  du  Gayac  étoît  vrai  ; y ayant 
été  guéri , il  fe  retira  à Lilbonne  , & communiqua 
aux  Portugais  la  méthode  par  laquelle  il  avoit 
été  lui'même  délivré  de  la  maladie  qui  avoit  été  îe 
fujet  de  fon  voyage  aux  Indes. 

Gonfalve  ne  fut  point  le  feul  Infortune  qui  alla 
chercher  au-delà  des  mers  le  remede  à un  mal 
qu’on  n’avoit  point  fu  trouver  en  Europe. 

Moi,  étant  à Paris  en  1^6^  ^ dit  Loys  Guyon, 
fieur  de  la  Nauche  , j’avois  grande  familiarité  avec 
deux  jeunes  adolefcents  , enfants  de  ladite  Ville, 
tous  deux  de  bonne  & Illuftre  maifon  , defquels  je 
tairai  les  noms  , qui  le  trouvèrent  Inteâés  de  cette 
contagion  vénérienne,  parce  que  le  plus  fouvent 
elle  fe  prend  par  paillardife,(  aéte  déshonnête  <3^:  par 
conléquenc  honteux),  laquelle  ils  célerent  tant 
qu’ils  purent  ; enfin  la  maladie  fe  fit  connoître  par 
la  pelade  , par  puftules  rouges  qui  leur  vinrent  au 
front  , douleurs  au  milieu  des  os  , tant  des  bras  , 
jambes  5 cuiires&  épaules  , que  fur  le  devant  deîa 
tête  , les  nuits  , jufqu’à  environ  l’aube  du  jour  , 3c 
autres  fignes  , comme  la  douleur  au  gofier  , ne 
pouvant  bien  avaler  la  viande. 

Les  parents  les  mirent  entre  les  mains  des  Méde- 
cins & des  Chirurgiens  bien  expérimentés , qui  y 
firent  tout  ce  que  l’art  permettolt,  mais  ils  ne  gué- 
rirent pas;  pour  la  fécondé  fois,  furent  appelles 
d’autres  Médecins  à cette  cure,  qui  y appliquèrent 
tout  leur  favoir,  mais  en  vain,  & au  contraire 
cette  maladie  s’empiroit,  il  fe  iaifoit  des  tophus  3c 
nodofités  à la  partie  antérieure  de  leur  tête  , Ôc  aux  , 
os  des  bras  , cuiffes , jambes,  avec  douleurs  noc- 
turnes infupportabl^s  ; 3c  comme  la  nuit  s’appro- 
choit  3c  durant  icelle  , crioient  3c  fe  plaignoient  in- 
i&eilàiiiaaent , tant  que  les  voifins  les  entendoient 


\ 


fe  lamenter  de  tous  côtés  ! à caufe  de  quoi  leurs 
coips  devinrent  fecs  : ces  deux  jeunes  hommes 
etoient  de  complexion  différente  , & avoient  néan- 
moins les  mêmes  fymptômes , ce  que  les  Médecins 
ju^oient  être  fort  extraordinaire. 

Enfin  ces  adolefcents,  après  avoir  fouffert  beau- 
coup de  maux , de  peines  & d’angoifles  , tant  par 
les  Médecins  & Chirurgiens,  que  par  Empyriques 
qui  les  avoient  gouvernés  , que  du  propre  mal, 
apres  avoir  fait  beaucoup  de  dépenfes , Sc  ennuyé 
leurs  parents,  furent  laifTés  comme  incurables , & 
en  état  de  ne  pouvoir  plus  vivre  faincment  ,’  & 
euiTent  fort  dehré  que  la  mort  les  eût  faifis.  Les 
c ofes  étant  en  tels  termes , Dieu  eut  compaflîon 
cl  eux  & de  leurs  parents. 

Le  fleur  de  Chantonai , Gentilhomme  Bourgui- 
gnon, de  la  Franche-Comté , fut  envoyé  parle  Roi 
d’Efpagne , en  Ambalfade  pardevant  Charles  IX  , 
Roi  de  France  , qui  alors  fe  tenoit  ordinairement 
a Paris  ; ledit  Ambafladeur  qui  fut  informé  de  ces 
deux  jeunes  gens  , dit  qu’il  avoir  vu  en  Bourgogne  , 
pluheurs  vérolés  qui  avoient  été  traités  inefficace- 
ment , & qui  avoient  été  chercher  leur  guérifon 
radicale  en  Amérique  ^ ôc  allégua  fpécialement 
1 exemple  d’un  fien  Secrétaire. 

D apres  cet  avis  , Ils  allèrent  s’embarquer  en 
Efpagne  pour  palier  a 1 Ifle  de  Saint-Domingue  > là  , 
les  Médecins  du  Vice-Roi  furent  d’avis  qu’ils  paP 
faffent  en  une  autre  Me  qu’on  appelle  de  Saint- 
Jean-au-port-riche , où  les  femmes  font  fort  en*- 
tendues  à guérir  cette  maladie. 

Voici  le  traitement  qu’on  leur  fit,  dans  une 
cabane  de  fauvages  , fous  la  diredion  d’une  femme 
du  pays  : elle  cafToit  & fendolt  avec  fes  dents  des 
petits  tronçons  de  jeunes  arbres  de  Gayac,  Schs 


C 31.) 

faîfoît  bouillir  dans  un  vaifleau  de  verre  fan^  cou- 
verture. Elle  leur  faifolt  boire^  tous  les  maiins, 
une  chopine  de  cette  décoétion  en  deux  ou  trois 
fois  3 puis  les  faifoit  promener , exercer  à Tefcri- 
me  5 ou  bien  alloient  travailler  à une  mine  d’or 
qui  n’étoit  guère  loin  du  village , Tefpace  de  deux 
heures;  puis  venoient,  étant  pleins  de  fueur , à 
la  maifon  , & changeoient  feulement  de  chenlife; 
puis  les  faifoit  dîner , ne;  buvant  que  de  Teau  de 
pluie  puifée  dans  une  mare  : fur  les  trois  heu- 
res après  midi,  on  leur  faifoit  boire  autant  de 
Gayac  comme  au  matin , & faire  le  même  exer- 
cice ; & fans  autre  cérémonie  , ni  remede  , fe 
trouvèrent  entièrement  guéris  en  fix  femaines , 
fans  autre  inconvénient  que  d’avoir  les  gencives 
enflées  & enflammées;  ce  dont  ils  guérirent  in- 
continent après  qu’on  les  eût  fait  faigner  en  les 
piquant  en  plufieurs  endroits  avec  un  os  de  poif- 
fon  fort  pointu. 

Les  nodofités  qu’ils  avoientaux  os  difparurent , 
toutes  les  douleurs  noélurnes  cefferent  en  quinze 
jours  ; Tappétit  leur  revint  ; enfin  tous  les  accidents 
fe  difliperent.  Ils  retournèrent  en  Efpagne  , puis  à 
Paris  : l’un  fils  de  Maître  des  Comptes , eil:  de- 
venu Officier  aux  Finances;  l’autre  a rendu  de 
grands  fervices  au  Roi  ès  dernieres  guerres  de 
1 union , dans  la  profeflion  des  armes. 

Il  faut  que  1 arbre  foit  jeune  & tendre  , on  ne 
nous  en  apporte  que  du  vieux. 

Le  memeXoys  Guy  on  ajoute  ailleurs  t il  faut 
c oïlir  le  bois  de  Gayac,  ôc  prendre  |non  celui 
qui eli  noir  & dun  gros  tronc,  mais  du  plus  petit 
& jaune.  Je  dis  ceci  pour  l’avoir  entendu  deplu- 
üeurs  Efpagnols  , Flamands  , Bourguignons  , & 
d aucuns  François  qui  avoient  eu  le  mal,  lefquels 


furent  tant  infortunés  en  leur  curation , qu’iîs  ne 
purent  jamais  guérir  , ni  en  Italie,  ni  aux  Baffes- 
Allemagnes,  ni  en  France,  ni  en  Efpagne  , trai- 
tés par  plüfieurs  fois  par  gens  méthodiques  ; mais 
on  leur  donna  avis  de  fé  tranfporter  à Tlfle  de  Saint- 
Domingue  , ou  de  Saint-Laurent  qui  font  fituées 
au  nouveau  monde  découvert  par  Colomb  , ainfi 
que  difent  les  hiftoires  ; le  Roi  Catholique  Phi- 
lippe leur  ayant  oélroyé  pafTe-port,  Sc  queîqu  ar- 
gent par  charité,  car  ifs  lui  avoient  donné  à en- 
tendre qifüs  Tavoient  fervi  en  guerre. 

Auquel  lieu  arrivés  , aucunes  femmes  Indiennes 
les  guérirent  avec  de  la  decoétlon  de  jeune  éten- 
dre Gayac  , détranché  menu  avec  un  couteau  y 
fans  couvrir  le  vailTeau  qui  étoit  de  terre  ; & en 
burent  le  matin  environ  huit  onces  -,  après  alloient 
travailler,  s'ils  vouloient,  à une  mine  d'or  pro- 
chaine pour  s'échauffer  ; ou  couroient  le  taureau, 
la  vache  qui  s'étolent  rendus  fauvages  ; tant  s'é- 
toient  multipliés  ces  animaux  audit  pays  , dont 
l'engeance  avoit  été  menée  par  la  Colonie  Efpa- 
gnole. 

Après  s’étre  échauffés  , un  peu  refroidis  , on 
les  fufoit  dîner  avec  un  bled  appelle  maïs  boulu, 
ou  réduit  en  farine,  & fait  du  pain  cuit  fous  la 
cendre  , mangeant  de  la  chair  de  bœuf,  de  vache, 
d'ours,  de  guenuche;  autres  fois  de  certains  oî- 
feaux  tant  aquatiles  que  des  montagnes  , & des 

poIlTons  de  mer  & d'eau  douce  dont  nous  n'en 
avons  de  femblables  par- deçà  ; & fi  le  temps  étoit 
nébuleux  ou  pluvieux,  on  les  falfoit  coucher  dans 
im  linceul  de  coton  , attaché  par  les  quatre  bouts 
à des  pans  couverts  d'un  autre  linceul  i fou- 
vent  environ  deux  heures.  De  frotter  ou^^d’ef- 


%er,  l’ufage  n’y  eft  point;  auffî  n'ont  d’autre 
linge. 

Ils  en  prenoient  autant  fur  le  vêpre  , & Je 
^ette  façon  5 dix-huît  qu'ils  étoient^  guérirent  dans 
vingt-cinq  jours  , toutefois  les  uns  plutôt  que 
les  autres;  & ne  leur  fut  appliqué  aucun  onguent; 
& ai  parlé  a trois  de  ces  foldats  après  leur  retour 
qui  me  I ont  raconté  ainfi  que  je  Tai  écrit  ; ôc  ne 
burent  de  fécondé  décodion  , mais  d’un  breuvage 
fait  de  certaines  racines  & d'eau  bouillies  enfetn- 
ble  5 qui  enivre  fi  on  en  prend  trop  ; breuva- 
ge a ces  Sauvages  ordinaire , qu'ils  appellent  Cz- 
nonin  C l). 

Comme  les^  Efpagnols  furent  les  premiers  qui 
eurent  -connoiffance  de  l'efficacité  du  Gayac 
dans  les  maladies  vénériennes , ils  furent  auflî  les 
premiers  qui  en  adoptèrent  l’ufage  en  Europe  , 
& ce  fut  chez  eux  que  les  autres  Nations  appri- 
rent la  méthode  de  s'en  fervir. 

,,  ? fait  venir  d’Efpagne , dit  Nicolas  Poil  , 

Médecin  de  Charles  V , des  perfonnes  d’un  rang 
diitinpé  , & des  gens  du  peuple  pour  appren- 
dre deux  la  méthode  de  guérir,  par  le  Gavac 
des  malades  infedés  de_  cette  horrible  maladie 
auxquels  on  avoit  prodigué  toutes  fortes  de  re- 
medes  fans  aucun  fuccès  ; parmi  ces  malades  il  y 
en  avoit  a qui  on  avoit  jugé  inutile  d’adminiftrer 
aucun  médicament , parce  qu’on  défefpéroit  de 
leur  guérifon.  Tous  ces  malades,  au  nombre 
d environ  trois  mille  , ont  été  guéris  prefqu’en 
mema  temps  , par  l’ufage  dus  Gayac , & après 


( I ) Miroir  de  bemU 

de  Pompadour» 


dédié  à Monfieiit  & à Madame  ^ 


C 


i 


C 34  ) 

leur  guérifon  , 11  leur  lembloît  renaître  C i )• 

Lorfque  le  Gayac,  ditHutten,  eut  été  appor- 
té de  Saint-Domingue  en  Efpagne  , les  nations 
voifines  attendirent  le  réfultat  des  expériences 
qu’on  y faifoit , avant  de  fe  décider  à s’en  fervir. 
Àuiîi  tôt  qu’elles  apprirent  que  les  expériences 
avoient  été  fuivies  du  fuccès , les  Siciliens  adop- 
tèrent les  premiers  cette  nouvelle  méthode  de 
guérir  le  mal  François  ( la  vérole  ) ^quide  là  pafîa 
en  Italie  , & enfuite  en  Allemagne  , où  nous 
nous  fommes  alTurés  par  notre  propre  expérience 
de  l’efficacité  de  ce  médicament  ; nous  avons 
auflî  appris  dernièrement  que  cette  méthode  avoit 
été  pratiquée  en  France  avec  fuccès. 

Si  quelque  chofe  êfl:  capable  d’affiurer  au  Gayac, 
un  rang  diftingué  parmi  les  médicaments  ahtivé- 
nériens , c’eft  fans  doute  l’expérience  qu’en  à 
faite  fur  lui-même  , Ulrich  de  Hutten  , Gentil- 
homme Chevalier  Allemand  , que  je  viens  de 
citer  ; il  étoit  tourmenté  d’une  vérole  des  plus 


(i)  Accerfîti  fnere  excell.  ac  îllufl.  Princeps,  in  Diæ- 
tarum  defcriptioneni  principiis,  quam  plafimrin  Hifpania- 
rum  , tuiii  prirnariis , tum  plebels  haiid  mediocris  quidem 
exiflimationis.  Qui  nimirum  propter  abominalem  defor- 
jnationeni  per  diéli  Gallici  morbi  tabifîcam  de  turpatio- 
nem  omnes  ferè  pro  deploratis  habebantur  iibi  in  qui- 
bufdam;  niilla  alia  Medîcinarum  ( ecCi  innumeris  utebantur  ) 
aliquid  e^cere  potuid'et  ; in  aliis  verb  defperationis  eaufâ, 
nihil  Medicinarumapplicatum  fuerat,  ^quoriim  pofteà  om- 
nium per  guaiacanum  lignum  curatio  quafî  pro  miraculo 
habita  fuit  : hæc  enim  uno  quafi  8c  eodem  tempore,  tria 
ferè  liominum  millia,  ad  bonam  valecudmem  reduxerat , 
qui  poft  curationem  renati  iîbi  ipfîs  videbantur , &c.  JVîc 
pülL  CæJareÆ.  majeftatis  phyfici  (k  QUtaùonc  morH  gallici 
lïgnuin  Guaîacum , Prc&Jaffio» 


cruelles  & des  plus  terribles  qu  on  ait  jamais 
éprouvées.  Pour  tâcher  de  s"en  délivrerai!  fefou- 
niit  onze  fois  inutilement,  durant  l’efpace  de  neuf 
ans,  aux  friâions  mercurielles  , & il  eflaya  de 
tous  les  moyens  de  guérir  qui  étoient  pratiqués 
de  fon  temps*  Enfin  Tufagc  du  Gayac  qui  venoit 
de  s'introduire  en  Europe  , le  délivra  de  tous 
fes  maux  de  le  giférit  radicalement  i c'eft  ce  qu'il 
nous  apprend  lui-méme  dans  un  favant  traité  qui 
a pour  titre  ^ de  morbi  gallici  curatione  per  admi-* 
nijlrati'onem  ligni  guaiaci  ; ce  traité  que  l’Auteur  a 
dédié  au  Cardinal  Albert  de  Brandebourg,  Elec- 
teur & Archevêque  de  Mayence  & de  Magde- 
^urg , a été  imprimé  en  Voici  comme 

Hutten  parle  lui-même  de  Tétât  de  fa  maladie, 
lorfqull  commença  à fe  mettre  à Tufage  de  la  dé- 
coéiion  de  Gayac* 

Premièrement , je  rte  pôuVois  faire  aucun  üfage 
du  pied  gauche  , dans  lequel  le  fiege  de  la  ma- 
ladie étoit  fixé  depuis  huit  ans  ; au  milieu  de  la 
partie  antérieure  de  la  jambe  étoient  des  ulcérés 
dont  la  chair  étoit  tuméfiée,  enflammée  & pour- 
rie I,  qui  me  faifolent  éprouver  les  plus  vives  dou- 
leurs ; à mesure  que  quelqu’un  de  ces  ulcérés  gué- 
rifToit , il  étoit  auflî-tôt  remplacé  par  un  autre  ; il 
s en  forma  ainfi  plufieurs  féparés  Tun  de  Tautre  que 
tout  1 art  des  Médecins  ne  put  jamais  réunir  en 
rt*n  feul  : au  -déflus  , étoit  une  tumeur  dure 
comme  un  os  , qui  mefaifoit  fouffrîr  fans  relâche 
toe  douleur  pungitive  & atroce*  J’avois  auflîaü- 
aellus  dutalonfdroit,  une  autre  tumeur  auflî  dure  qu'e 
la  première , & qui  perfifloit  depuis  le  commén- 
ment  de  ma  maladie*  * 

Cette  tumeur  avoit  réfiflé  au  fer  & au  feu 
& à tous  les  cauftiques  qu’on  avoit  pu  mettre  en 


C3'5) 

ulage  : tantôt  elle  s’élevok  & devenôit  beaucoup 
plus  grande  , ce  qui  me  faitoit  cruellem^t  foub 
frir  ; tantôt  elle  s’affailToit , & alors  la  douleur  étoit 
moindre;  cette  douleur  devenoit  aulfi  plus  lup- 
portable,  quand  j approchois  la  jambe  du  feu  , 
cependant  je  n’y  pouyois  pas  endurer  plufieurs 
enveloppes  ; il  s’y  faifolt  une  affluence  d’humeurs 
fl  confdérable  , que  la  fource  en  paroilloit  devoir 
être  intarifflible.  Quand  je  voulois  m’appuyer  fur 
cette  jambe , j’y  fentois  une  douleur  intolérable. 

La  cuilîe  , depuis  la  hanche  jufqu’au  genou  , 
étoit  dans  un  tel  marafme  , que  la  chair  en  étoit 
toute  confumée , & que  la  peau  fembloit  toucher 
immédiatement  à l’os  ; elle  étoit  d’ailleurs  luxée 
aux  deux  articulations  , fi  bien  que  je  ne  pouvois 
m’en  fervir  depuis  long  temps  qu’avec  la  plus  grande 
peine,  & qu’enfin  elle  cefla  de  me  rendre  tout 
office  , lorfque  l’une  de  mes  feffles  s’évanouit. 

Une  douleur  que  je  fentois  à l’épaule  gauche, 
m’empêchoit  de  lever  le  bras  ; il  s’étoit  formé 
auffi  a cette  partie  qui  étoit  très-affoiblie , une 
callofité  , & au  milieu  du  mufcle  qui  la  couvre, 
une  tumeur  grolTe  comme  un  œuf.  Toute  cette 
partie  du  corps  , depuis  l’épaule  jufqu  a la  main  , 
étoit  dans  un  état  d’amaigriffement  extrême. 

Au  côté  droit,  fous  la  derniere  côte , étoit  un 
ulcéré  fiftuleux  peu  douloureux,  mais  dont  il 
fortoit  une  matière  fanieufe  & purulente  ; fur  la 
côte , au-deffias  de  l’uIcere  , étoit  une  exoftofe.  Je . 
fentok  l’humeur  qui  arrofoit  cet  ulcéré,,  couler  de 
la  partie  poÜérieure  & fupérieure  de  la  tête.  Le 
plus  léger  contaâ:  fur  cette  partie,  me  faifoit  éprou- 
ver une  fenfation  telle , qu’il  me  fembloit  qu  on 
me  perçoit  le  crânp.  Je  ne  pouvois  tourner  la  tete 
qu’en  tournaat  en  même  temps  le  corps  tout  en- 


r 


( 37  ) 

tïer.  Quand  le  Gayac  ne  m’aurolt  délivré  que  de 
cette  partie  de  mes  maux,  je  lui  devrois  encore 
les  plus  grands  éloges,  pour  fon  efficacité. 

Un  de  mes  bons  amis  , témoin  de  mes  fouf- 
frances  , & voyant  que  cette  cruelle  maladie  ne  me 
laiiïbit  pas  un  moment  de  repos  ni  le  jour , ni  la 
nuit, que  je  ne  pouvois  prendre  aucune  nourriture, 
que  j*étois  parvenu  à un  état  de  marafme  com- 
plet, ôc  qu’on  ne  pouvoir  trouver  aucun  remede 
à mon  mal  ; ce  tendre  ami  me  confeilla  de  me 
délivrer  moi-même  du  fardeau  de  la  vie  ; il  ejl 
temps  ^ me  difoit  il,  de  mettre  un  terme  d'tant  de 
fouffrances  ; fon  amitié  pour  moi  , lui  faifoît 
oublier  qu  il  étoit  Chrétien.  Si  quelque  chofe  ’avoit 
été  capable  de  laffer  le  courante  de  ces  généreux 
Martyrs  qui  ont  tant  iouffert  pour  la  Foi,  certai- 
nement ils  n’auroient  pas  réfifté  > à la  rigueur  _des 
tourments  que  j’ai  endurés.  On  dit  que  le  Philofophe 
Speufippe,  devenu  paralytique,  fe  faifoît  porter 
comme  il  pafToit  un  jour  en  cet  état  devant  Dio* 
gene , il  le  faîua  ; tu  ne  mérites  pas , lui  dit  le  Cy- 
nique , que  je  te  rende  Le  falut , puifqu  avec  une 
réille  infirmité , tu  as  encore  la  foiblejje  de  vivre^ 
Qu’auroit  donc  dit  de  moi  Diogene,  s'il  m’avoit 
rencontré  en  l’état  où  j’étois  ? outre  que  je  ne 
pouvois  plus  me  fervir  de  mes  membres,  j’étois 
devenu  li  hideux,  & je  répandois  une  odeur  fi  dé- 
tefiable,  que  j’étois  incommode  à tout  le  monde, 
3c  que  bien  des  gens  m’avoient  pri$  en  horreur. 

Accablé  de  tant  de  maux  , lorique  tout  le  monde 
défefpéroit  de  ma  guérifon  , mon  bon  ange  , je 
crois  , m’ordonnoit  d’efpérer  encore  , j’olai  fou- 
pirer  après  le  Geiyac,  & je  nai  pas  lieu  de  m’en 
repentir,  puifque  c’eft  à lui  que  je  dois  le  parfait 


/ 


rétablîfTement  de  ma  fanté  8c  dé*  mes  forces 
j elpere  conferver  encore  long-^temps. 

La  méthode  que  Hutten  nous  dit  qu’il  a*  pra- 
tiquée dans  Tiifage  de  la  décoftion  du  Gava  c 
eft  telle  : 

Prenez  une  livre  de  bois  de  Gayac  coupé  me- 
nu  ou  râpé  ; mettez-là  dans  un  vafe  neuf  qui 
foit  propre  , avec  huit  livres  d’eau  de  fontaine  ^ 
de  riviere  , ou  de  puits  ^ comme  je  î’ai  fait.  Laiffez 
înfufer  le  Gayac  pendant  vingt-quatre  heures  : em 
luite  faites-le  cuire  à un  feu  doux,  durant  plus  de 
jlx  heures,  8<  jufqu’à  la  diminution.de  la  moitié, 
en  prenant  bien  garde  que  le  feu  ne  foit  pas  aiïez 
violent  pour  que  l’ébullition  ait  lieu  car  ce  qui 
le  répandroit  par-deffus  le  vafe  dans  l’ébullition , 
eft,  dit-on,  la  partie  la  plus  efficace  de  la  décoc- 
tion. Pour  éviter  cela,  faites  en  forte  que  la  ma- 
tière. de  la  décoâion  ne  rempliffie  que  les  deux 
tiers  du  vafe.  J1  faut  lever  i’écume  8c  la  garder, 
parce  quelle  fert  pour  les  ulcérés. 

Quand  la  décoétion  eft  faîte,  il  faut  la  paffier 
' Sc  la  garder  dans  des  bouteilles;  8c  verfer  huit 
autres  livres  d’eau,  fur  le  bois  qui  refte  de  la 
première  décoétion.  On  en  fait  une  fécondé  dé- 
coction qui  fert  de  boîftbn  ordinaire. 

On  commence  à diminuer  peu-à-peu  de  fa  nour- 
riture ; d’abord  on  en  retranche  un  quart,  puis  un 
tiers  8c  jufqu’à  la  moitié. 

On  fc  purge , après  quoi  on  prend  deux  foi^ 
par  jour  , le  matin  à cinq  heures  , & le  foir  a 
neuf,  un  verre  chaque  fois,  contenant  une  demi- 
livre  de  la  première  décoâion  , qu’on  avale  tout 
d’une  haleine.  Enfuite  on  fe  met  au  lit  , où  l’on 
refte  quatre  heures  : durant  les  deux  premières , 
on  fe  tient  bien  couvert  pour  s’échauffer,  afin 


C S9  ) 

que  le  médicament  puifTe  pénétrer  dans  les  parties 
du  corps  les  plus  fecretes.  Il  eft  bon  audi  de 
s’échauffer  dans  le  lit,  une  heure  avant  de  prendre 
le  verre  de  décoélion. 

Quelques-uns  n’ordonnent,  pour  toute  nourri- 
ture que  quatre  onces  de  pain  par  jour  & un  peu 
de  raifins  fecs;  feulement  à dîner  , ils  permettent 
de  tremper  le  pain  dans  du  bouillon  de  volaille. 

II  y en  a qui  accordent  à dîner  la  quatrième  par- 
tie d’un  poulet  bouilli. 

La  boiiïbn  ordinaire  eft,  comme  je  l’ai  dit,  la 
fécondé  décoélion  froide. 

Le  quinzième  jour , depuis  le  commencement 
du  traitement  5 on  prend  ordinairement  un  purgatif. 
C Je  me  fuis  purgé^iimplement  avec  de  la  caffe  ). 
Ce  jour-là  on  ne  prend  point  de  décoélion  , mais 
on  recommence  le  foir  à en  prendre. 

Communément  la  guérlion  s’opère  en  trente 
jours  , à laquelle  époque  on  purge  encore  le  ma- 
lade, & outre  cela  on  Lui  prefcrit  encore  pour 
cinq  ou  fix  jours  l’ufage  de  la  décoélion. 

Il  y a des  Médecins  qui  augmentent  peu-à-peu 
la  nourriture  du  malade  après  le  quinzième  jour  , 
& qui  lui  permettent  de  fe  promener  d’une  cham- 
bre à l’autre,  pour  fe  familiarifer  peu-à-peu  avec 
l’air  extérieur. 

D’autres  au  contraire  veulent  qu’il  fe  tienne  tou- 
jours enfermé  dans  fa  chambre  , jufqu’à  ce  qu’il 
foit  bien  guéri. 

Lès  premiers  difent  qu’après  qu’on  eft  forti , ce 
quireftede  la  maladie  fe  guérit  très-promptement. 
C’eft  ce  que  j’ai  éprouvé  moi-mcme  ; car  trente 
jours  s’étant  écoulés  depuis  le  commencement  du 
traitement,  & voyant  que  les  ulcérés  de  ma  jambe  n’é- 
toient  pas  encore  tous  cicatrifés,  je  gardai  lachambre 

Civ 


J*  • C 40  ) 

encore  dix  jours  , au  bout  duquel  temps  ils  n’é- 

• l’hiver  commençant 
s a le  taire  fentir  , je  me  tins  encore  renfermé 
uix  autres  jours  à caufe  du  froid  ; alors  mon  Mé- 
<^cin  m’ayant  confeillé  de  fortir , je  fuivis  fon  avis, 
&je  ne  m’en  fuis  pas  maltrouvé  ; car  , quoique  les 
ulcérés  qui  n’étoient  ni  profonds  ni  élevés,  ne  fuf- 
lent  'pas  tout -à-fait  guéris  , il  ne  leur  manquoit  que 
O etre  recouverts  de  la  peau,  ce  qui  n’eft  arrivé  que 
vers  le  quarantième  jour  après  ma  fortie  , l’hiver 
étant  alors  fort  rude  , pendant  que  j’étois  en 

voyage  pour  aller  en  France. 

Je  crois  que^  je  dois  attribuer  ce  retardement  de 
ma  guerifon  , a la  diete  trop  peu  févere  que  mon 
^ ^ ^ uî  avoit  prefcrite , ainfi  qu’à  la  trop  grande 

legereté  de  la  décodion. 

Je  n ai  point  employé  tout-à-fait  cinq  livres  de 
ayac,  tandis  que  d autres  malades  en  ufent  huit  & 
meme  dix  livres  : le  Médecin  ayant  été  induit  en 
erreur  a mon  égard,  par  ma  maigreur  naturelle, 
augmentée  par  la  longueur  de  ma  maladie  , avoit 
penle  que  cette  quantité  étoit  fuffifante  pour  me 
guérir  ; il  croyoit  d’ailleurs  que  j’étois  trop  foible 
pour  en  fupporter  une  plus  grande  quantité  , en 
quoi  il  Ce  trompoit  doublement,  1°.  parce.qu’il  fal- 
oit  confidérer  non  pas  mon  état  aéiuel , mais  ma 
Titution  naturelle , & que  la  maniéré  d’agir  du 
.Gayac , exige  que  fon  ufage  foit  continué  fans  in- 
terruption; 2 . parce  qu  il  ne  faut  pas  en  donner  une 
moindre  quantité  aux  malades  les  plus  foibles 
^u  aux  autres , qu  il  faut  au  contraire  leur  en  donner 
<]uelquefois  davantage  5 car  fon  opération  n’efl:  pas 
violente  & împétueufe , mais  douce  & graduée , Sc 
ce  n eft  que  peu-a-peu  qu’il  guérit  ; c’eft  poui- 

quoi  je  fuis  d’avis  qu’on  faffe  la  décoélion  plus 
forte»  ^ 


(■40 

L’aStlon  du  Gayac  commence  d’abord  à fe  ma- 
nifefter  par  la  diminution  générale  des  fymptômes 
de  la  maladie  ; mais,  vers  le  quinzième  jour  , les 
douleurs  augmentent  , les  ulcérés  s’étendent , & 
il  femble  au  malade  que  fon  état  devient  pire  qu^au- 
paravant  foit  qu’alors  le  médicament  attaque  le 
mal  dans  fa  racine  3 & qu’en  le  déracinant,  il  caufe 
les  douleurs  qu’on  éprouve  , foit  que  laltération 
qu  il  produit  dans  le  .corps  du  malade , s’exerce 
d’une  maniéré  violente  ; quoi  qu’il  en  foit , il  eft  cer- 
tain que  ce  médicament  déracine  entièrement  la 
maladie  dans  les  uns  plutôt , dans  les  autres  plus 
tard  ; mais  aucun  n éprouve  de  changement  no- 
table a^^ant  le  feptieme  jour  ; plufieurs  l’éprouvent 
comme  moi  après  le  vingtième  ; s’il  y en  a à qui 
cela  arrive  plus  tard , c’eft  par  leur  faute,  & ordinai- 
rement, pour  n’avoir  pas  obfervé  un  régime  affez 
rigoureux. 

Je  n ai  pas  vu  fans  frayeur  le  vingt-cinquieme  jour 
depuis  ce  traitement , les  ulcérés  de  ma  jambe  fe 
dilater  au  point  qu’elles  laiiïbient  voir  à décou- 
vert une  partie  de  l’os  de  la  grandeur  d’un  ongle  , 
mais  en  peu  de  jours  les  chairs  fe  rapprochèrent  : 
cela  me  fait  penfer  que  1 aâion  du  Gayac  s’exerce 
intérieurement  dans  les  ulcérés  , & qu’il  les  déterge 
& les  purifie  en  agiffant  par  leur  partie  inférieure.  ' 
J ai  vu  peu  de  malades  guéris  entièrement  de 
leurs  ulcérés  tandis  qu’ils  gardoient  la  chambre. 

La  décoâion  du  Gayac  réfout  ëc  difiîpe,  comme 
par  miracle , les  tumeurs  6c  les  exoftofes  invétérées, 
aitfuppLirer  tres-heureufement  les  ulcérés  , 6c  em- 
porte le  virus  vérolique  qui  eft'fixé  dans  les  par- 
ties les  plus  fecretes.  Aux  uns,  ce  médicament 
met  les  os  à découvert,,  aux  autres  les  nerfs  il 
rompt  les  vaiffeaux , ronge  profondément  les  par- 


) ■ 


/ 


• • r . C 4^  ) 

tîes  infe6i:ées/&  en  fait  exhaler  une  odeur  fi  fétide 
& fi  déteftable  5 qu’il  efl:  impoffible  de  la  fupporter  : 
il  rétablit  les  forces  ainfi  que  la  fenfibilité  & le  mou- 
vement dans  les  parties  qui  en  étoient  privées , & 
on  a remarqué  que  ceux  qui  en  ont  fait  ufage  y font 
devenus  plus  gras  qu’ils  ne  Tétoient  avant  leur  ma- 
ladie. 

Lorfque  la  guérifon  commence  à s’opérer  , 
cet  état  s’annonce  d’abord  par  les  fueurs  qui  devien- 
nent abondantes  ^ & par  les  urines  qui  fe  chargent 
de  beaucoup  d’impuretés.  Alors  les  pieds  Ôc  les 
mains  fe  refroidiffent  d’une  maniéré  étonnante  , en 
-forte  que  toute  la  chaleur  femble  s’en  être  retirée  ; 
les  Médecins  difent  que  dans  cette  circonfiance 
le  médici^ment  attire  la  chaleur  des  extrémités  vers 
le  centre  où  elle  fe  fixe  , s’accroît , & enfuite  fe  ré- 
pand de  là  dans  toutes  les  parties  du  corps;'  il  efl: 
certain  que  ceux  qui  ont  été, guéris  parle  Gayac, 
ont  acquis  beaucoup  de  chaleur  dans  tous  les 
membres. 

Pour  moi  5 durant  les  fixou  fept  derniers  jours  de 
ma  maladie,  j’ai  éprouvé  un  fi  grand  froid  aux 
jambes  3c  aux  bras  ^ que,  malgré  la  multiplicité  des 
vêtements  dont  je  les  couvrois,  je  ne  pouvois  ja- 
mais parvenir  à les  échauffer  , tandis  qu  a préfent 
un  limple  vêtement  femblable  à celui  que  je  por- 
tois  avant  ma  maladie  , me  garantit  fort  bien  du 
froid , 3c  me  tient  chaudement. 

C omme  pendant  l’ufage  du  Gayac,  le  ventre  fe 
refferre  , on  confeille  de  prendre  le  matin , de- 
mi-once de  ce  bois  en  poudre  , dans  1 eau  de  la 
cécodion  , & de  réitérer,  fi  l’effet  ne  s’en  fuit  pas  a 
la  première  fois  ; j’en  ai  pris  deux  fois  fans  que 
cela  m’ait  purgé. 

...  ^ J’ai  vu  des  Y éroles  invétérées , guérir  plus  pronip- 


r 45  ) 

tement  Si  plus  sûrement  que  des  véroles  récentes# 

Le  Gayac  efl:  d'autant  plus  efficace  qu’on  ob- 
ferve  , durant  fon  ufage  , le  régime  le  plus  rigou- 
reux ; je  n'ai  jamais  vu  que  ce  régime  ait  incom- 
modé qui  que  ce  foit. 

J'ai  appris  de  ceux  qui  ont  été  en  Efpagne  pour 
s'informer  des  effets  du  Gayac  & de  la'maniere  de 
s'en  fervlr  , des  Efpagnols  qui  avolent  fait  le 
voyage  d'Amérique  , que  ce  médicament  guérit 
egalement  les  filles  éi  les  femmes  , les  enfants  & 
les  vieillards  ^ fans  qu'aucun  d'eux  fe  foit  mal  trouvé 
de  la  févérite  du  régime  qu'il  faut  garder. 

Mon  propre  pere  a été  guéri  de  la  vérole  à l'âge 
de  foixante  ans  fans  l’affiftance  d’aucun  Médecin  , 
de  diî-igé  feulement  par  mes  confeils  , en  faifant 
ufage  du  Gayac  , & en  fuivant  le  régime  le  plus 
rigoureux  5 fans  en  avoir  éprouvé  la  plus  légère  in- 
commodité. 

Cette  méthode  de  guérir  la  vérole  par  la  décoc- 
tion du  Gayac , en  oblervant  la  diete  la  plus  févere  , 
peut  être  heureufement  pratiquée , quoi  qu'en  difent 
les  Médecins , par  des  perfonnes  d'une  complexion 
chaude  & feche  ; car  moi  qui  fuis  de  ce  tempéra- 
ment ^ j ai  été  guéri  de  cette  maniéré  , 6c  je  n'ai 
éprouvé  aucun  des  accidents  que  les  Médecins  re- 
doutent en  pareil  cas. 

La  couleur  de  la  décoélion  refîemble  à celle  de 
1 eau  un  peu  trouble  ; fi  on  ÿ plonge  un  fil  blanc  ^ il 
devient  verd.  La  première  fois  qu'on  en  boit , on 
lui  trouve  un  goût  un  peu  acide  , qui  devient 
agréable  par  la  fuite. 

Plufieurs  Médecins  traitoient  dernièrement  de 
chimères  les  effets  qu'on  attribue  au  Gayac  ; ils  pré- 
^ndoient  que  c'eft  la  diete  feule  ^ & non  pas  le 
Gayac  ^qui  guérit  5 je  fais  fort  bien  qu'avant  de 


I 


laire  ufage  de  ce  médicament , j’obfervaî  pendant 
trois  ans  le  régime  le  plus  fcrupuleux,  & que  cela 
ne  m’a  point  guéri. 

J’en  ai  vu  d’autres  qui  promettoient  de  guérir 
tout  auflî-bien  avec  une  décoétion  de  bois  de  ge- 
nièvre 5 de  chêne  , de  frêne  , de  pin  , &c.  Bien- 
loin  de  les  en  blâmer  , je  defire  au  contraire  que 
leurs  promelTes  fe  réalifent  ; car  que  pourra-t-il 
arriver  de  plus  heureux  que  de  trouver  dans  nos 
bois,  ce  qu’il  faut  aller  chercher  fi  loin  ! 

Je  terminerai  ce  que  je  viens  de  rapporter  du 
traité  de  Hutten,  fur  les  effets  du  Gayac,  & fur  la 
maniéré  de  s’en  fervir , par  ces  paroles  du  même 
Auteur  : 

Quod  quis  imitari  volet , exemplum  hahet  ^ præcep^ 
tum  non  habet , neque  enim  edocti  dolemus  hœc  , fed 
experti  ^ monemus  ^ id  quod  mem  'mijje  omnes  v élira  ^ 
îiihiL  enirfi  hic  temere  ^ fed  quod  proprio  ptricuLo  didi^ 
cerim  , aliis  per  maniis  quafi  tradercy  quodjî  aliud  di- 
diciffem  , etiam  latere  non  paterer^ 

A ces  divers  témoignages  fur  l’efficacité  du 
Gayac  , ajoutons  celui  de  Nicolas  Maffa^Médecin  de 
Venife , très-célebre  , qui  nous  a laifle  fur  les  ma- 
ladies yénériennes^  un  ouvrage  (i)  au  fujet  du- 
quel Aftruc&:  Freind  s’expriment  de  la  forte  : Trac- 
tants iUe  Nicolaï  Majfæ  , eximius  efl  verh  dignus 
qui  legatur  qiiàde  re  audiendus  /;  Freind  tcquiffimiis 
Aiiclorum  œjlimator.  Nie  Maffa  , inquit  Freind  , 
JeriptOT  optimus  ejl  , qui  (S*  experientià  niti  maximâ 

& argumentum fuutn  optinie  intelligere  videtiir. 

œque  ac  cura  tus  in  explicandâ  medeliz  ratione  Maffa 
eft  ; déclarai  enim  malum  illud  novis  iraŒari  oponerc 


(i)  Nict  Aîajfœ  ^ Mcdicl  Veneti^  de  morho  NeapoUtano» 
Cet  ouvrage  efl:  dédié  au  Cardinal  Charles  Borromée,  qu’ou 
a placé  après_  fa  mort,  au  rang  des  vaints,' 


.c  4;  ) 

nmeiiis  ^ at^üe  ex  primis  ^Ji  non  prlmum  fe  faijfe  ; 
qui  hcec  invenerit  ^ aliijque  communicant. . . , utque 
lino  verbo  MaJJot  laiidem  concludam:  ex  omnibus  Auc-- 
toribiis^  quorum  ingens  copia  ejl  y hic  pxrcipue  videiur 
in  praxi  verfatus.  AJlruc  , de  morbo  vener. 

'Nie.  Majfa  faifoit  beaucoup  de  cas  du  mercure  , 
qu’il  appelle  un  remede  immanquable  pour  la  verole  , 
on  peut  5 dit-il  5 s’en  fervir  avec  affurance  dans 
tous  les  âges  , en  tout  temps  , même  pour  les 
femmes  grofles  & pour  les  enfants  , auquel  il  dit 
l’avoir  adminiftré  fouvent  avec  fuccès. 

Ce  Médecin  eft,  fi  je  ne  me  trompe,  lepre- 
mier  qui  ait  avancé , contre  l’opinion  générale  des 
Médecins  de  fon  temps  , qui  faifoient  entrer  dans 
la  compofition  de  l’onguent  mercuriel  un  fatras  de 
drogues  au  moins  inutiles  , que  tout  ce  qu’il  y a 
d’effëntiel  dans  ces  fortes  d’onguents,  eftia  graiffe 
& le  vif-argent.  Medentes  admoneo  quod  tota  materia. 
ejjentialis  ungiienti  ejl  axungia-  & argent  um'^vivum. 

Le  fuccès  avec  lequel  Mafia  ernployoitle  mer- 
cure dans  les  maladies  vénériennes  , ne  lui  fer- 
moit  pas  les  yeux  fur  les  effets  des  autres  médi- 
caments antivénériens.  On  peut  en  juger  par  ce 
qu’il  dit  du  Gayac  ; il  faut  remarquer,  dit-iî  ',  que 
lorfque  la  maladie  eft  parvenue  au  dernier  degré  , 
on  ne  la  guérit  que  par  des  rernedes  très-pulflants^, 
tels  que  la  décodion  de  Gayac  y &c.  Notandum  ejl 
quod infeWi  ultimà  infeclione  morbi  gallici  ^ non  fanan* 
îiir  nïji  fortiffimis  & ultimis  remediis  , ut  ejl  parus  Uicli 
decQtli  ( Guaiaci  ) cum  tenuijjimo  viSlu  ; fcilicet  cum 
abjîinentiâ  à carnibus  & vijio  , & ideo  tam  in  p^aniio 
quam  in  cœna  bifcotluni  panem  ad  untias  très  & pajjw*, 
larum  uncias  d:  as  comedant  , modo  virtus  toleret» 
Dans  une  édition  de  fon  ouvrage  , faite  plufieurs 
années  .après  la  première  p ( en  Mafia  a 


^ ajoute  un  chapitre  qui  efl;  le  neuvienie  du  troîfiernë 
traité,  duquel  j ai  tiré  les  paroles  que  je  viens  de 
rapporter , & dans  lequel  on  trouve  ce  qui  fuit  i 
J’ai  rapporté  autrefois  dans  mon  traité  du  mal 
françois , ce  que  je  favois  de  la  propriété  & des 
effets  du  Gayac  , ainfi  que  des  diverfes  ma- 
niérés de  le  préparer  ; mais  comme  en  ce  temps- 
la  fes  différentes  maniérés  d’agir  n’étoient  pas 
bien  connues  ( car  il  n agit  pas  de  la  même  ma- 
niéré lur  tout  le  monde)  , j’ai  jugé  à propos,- 
pour  Tutilité  des  malades  & celle  des'^ Médecins, 
d’ajouter  aux  chofes  que  j’en  a:  déjà  dites,  ce  que 
mon  expérience  m’a  appris  depuis  des  effets  mi- 
raculeux de  ce  médicament, 

Pkemier  Exemple.  Je  parlerai  d’abord  des 
effets  qu’il  a produits  fur  François  dè  Plaifance , 
noble  citoyen  de  Crémone.  Il  étoit  âgé  d’envi^ 
ron  trente  ans  , d’une  complexion  chaude  feche, 
avoir  effuyé  bien  des  travaux  , & il  étoit  tour- 
menté du  mal  jrançois  qui  lui  faifoit  traîner  de- 
puis plufieurs  années  une  vie  lançuiffante  , & qu’au- 
cun médicament  purgatif  ou  altérant  n’avoit  pu 
guérir.  Il  étoit  naturellement  maigre  & fa  ma- 
ladie l’en  avoir  rendu  encore  davantage;  il  eut 
recours  à moi  & me  raconta  les  maux  qu’il  fouF 
froit  nuit  & jour.  Entr’autres  maux,’  il  fentoitdes 
douleurs  dans  toures'ies  articulations  dans  les 
mufcles,  principalement  à la  partie  antérieure  de 
la  tête  ; il  avoir  outre  cela,  des  tumeurs  dures 
non  feulement  à la  tête,  mais  encore  à la  poitrine, 
aux  bras  & aux  jambes  dont  quelques  - unes 
étoient  ulcérées;  après  avoir  écouté  le  détail  que 
me  fit  de  fa  maladie  ce  brave  militaire,  je  lui* 
dis  qu’il  étoit  poflîble  de  le  guérir  malgré  l’an- 
cienneté de  fa  maladie  ; il  avoit  déjà  été  traité 


( 47  ) 

pludeurs  fois  avec  la  décoâ:!on  de  Gayac  , 2^ 
avec  les  onguents  mercuriels  par  des  gens  habiles  j 
mais  fon  mal,  au  lieu  de  diminuer,  étoit  aug- 
mente. 

Voyant  que  fon  tempérament  étoit  ruiné,  & 
que  le  foie  principalement  étoit  en  mauvais  état,,  . 
je  jugeai  d’abord  à propos  de  rendre  à ce  vlfcere 
fa  chaleur  naturelle,  & de  débarralfer  toutes  les 
autres  parties  de  rhumeur  pituiteufe  dont  elles 
étoient  remplies;  mais  comme  je  lui  dis  que  les 
médicaments  doux  n’étoient  pas  capables  d’ope™* 
rer  fa  guérifon  ; quels  font^  me  répondît-il^  les  remedes 
quil  faut  employer}  les  mêmes  , lui  répartis-je  , 
dont  vous  vous  etes  déjà  fervi , la  décoéiion  du 
bois  de  Gayac , mais  à plus  forte  dofe  , ^ avec 
un  régime  différent  de  celui  que  vous  avez  ob- 
fervé;  il  me  promit  de  faire  tout  ce  que  je  lui 
ordonnerois,  & je  commençai  ainfi  le  traitement. 

Je  le  purgeai  d’abord  avec  un  minoratif  ; enfui  te,» 
comme  nous^  étions  dans  l’été,  je  lui  ordonnai 
de  prendre  cinq  verres  de  la  décoéiion  chaude  , 
a la  neuvième  ou  dixième  heure  ( chaque  verre 
contenoit  fix  onces  );  cela  fait,  il  mangeoitjuf- 

qu’à  quatre  onces' de  raifins  fecs,  & fe  mettolt 

au  lit,^  ou  il  fe  tenoit  deux  heures  bien  cou-‘ 
vert  \ il  fuoit  beaucoup  , ^ rendoit  une  grande 
quantité  d urine;  dans  les  autres  traitements,  le 
Gayac  ne  Tavoit  pas  fait  fuer. 

Cinq  heures  apres , il  mangeoit  un  peu  de  croûte 

de  pain  bien  cuit  , trempé  dans  du  bouillon' 

de  poulet;  je  lui  permis  même  de*  manger  un  peu 

de  poulet  avec  des  raifins  fecs,  & il  buvoitT 

^nt  quil  vouloir  de  la  fécondé  décoéiion  de* 
Gayac. 

Cinq  heures  après  le  repas  , .il  prenoit  encor 


re 


. 1 J 

tinq  verres  de  la  première  décoâ:lon  ctiaude  , man- 
geoit  des  raifins  fecs  & fe  mettoit  au  lit , où  il  fe 
tenoit , comme  la  première  fois,  pendant  deux 
heures,  durant  lequel  temps  , il  fuoit  beaucoup  & 
rendoit  beaucoup  d’urine. 

IQuatre  heures  après  la  boilTon  ilfoupoit, 
mangeoit  moms  qu  a fon  dîner , St  buvoit  a vo- 
lonté de  la  fécondé  décodion  de  Gayac. 

Avant  le  vingtième  joui*,  les  douleurs  & les 
tumeurs  fe  dilfiperent,  & fes  ulcérés  furent  guéris; 
malgré  cela  , je  jugeai  à propos  de  lui  faire  con- 
tinuer cette  maniéré  de  vivre  jufqu  au  quarantie- 
jour , auquel  temps  il  s’eft  trouvé  parfaitement 
rétabli  , & il  a vécu  enfuite  plufieurs  années , 

jouiffant  de  la  meilleure  fante. 

Second  Exemple.  Jean  Broila  , riche 
magnifique  , & brave  Gentilhomme , d’un  tempé- 
rament chaud  & fec , étoit  infedé  du  mal  françois 

depuis  plufieurs  années. 

Les  fymptômes  de  fa  maladie  etoient  des  tu- 
meurs par  tout  le  corps  & fur-tout  à la  tête  , dont, 
quelques-unes  étoient  ulcérées;  des  os  cariés, &: 
particuliérement  ceux  de  la  tête  & du  vifap  , 
ce  qui  le  rendoit  fi  difforme , qu’il  étoit  plus  fem* 
blable  à un  monflre  qu’à  un  homme.  ^ 

Malgré  les  remedes  que  lui  avoient  fait  prendre 
fucceflîvement  les  Médecins  de  Turin , de  Milan 
& de  Pavie  qui  l^avoient  traité  a plufieurs  repriies 
avec  la  décodion  de  Gayac,  avec  les fridions  & 
les  fumigations  mercurielles  , il  n’avoit  pu  par-  • 
venir  à fe  délivrer  de  fa  maladie  ; cela  le  déter- 
mina à aller  à Lyon , en  France  , confulter  des 
Médecins  fameux  qui  cependant  ne  reuffirent  pas 

mieux  que  les  premiers. 

Comme  il  défefpéroit  de  fa  guérifon , 


l 


smf\ 


■ V 


i v-,  * '1  ' 


C 4P  ) 

Bîecîeciils  luî  confelllerent  de  venir  me  trouver  à 
Venife  , ce  qu'il  fit. 

Après  m’avoir  raconté  Thiftolre  de  fa  maladie, 
î!  me  montra  fes  tumeurs,  fes  ulcérés  de  fes  os  ca^ 
j'iés  en  me  priant  de  le  fecourir.  Il  me  promit 
qu'il  ne  feroit  point  ingrat.  Je  tâchai  de  le  confo- 
1er  & de  lui  donner  bon  courage.  Je  lui  confeil- 
lai  de  fe  tenir  enfermé  6c  à l’abri  de  l’air,  ( nous 
étions  alors  dans  l’hiver  6c  le  froid  étoit  très*vif} 
jufqu’à  ce  que  le  temps  s’adoucît  ; en  attendant, 
je  mis  fur  les  ulcérés  les  médicaments  convenables. 

Le  mois  de  Février  étant  arrivé,  je  purgeai 
le  malade  ; enfuite  je  lui  ordonnai  de  boire  la  dé- 
codion de  Gayac  & d’obferver  un  régime  médio- 
crement févere , car  il  étoit  d’une  maigreur  ex- 
trême. Lui , au  contraire , s’aftreignoit  à mon 
infu  au  régime  le  plus  rigoureux , ne  mangeant 
prefque  rien , 6c  s’imaginant  en  faifant  de  cette 
xuaniere  qu’il  feroit  plutôt  délivré  de  fa  maladie. 

Il  continua  ce  genre  de  vie,  jufqu’au  quaran- 
tième jour  , auquel  temps  il  n’étoit  pas  encore 
guéri.  Les  tumeurs  & les  ulcérés  étoient  en  fort 
mauvais  état  ; je  lui  ordonnai  jufqu’au  mois  d’Août 
le  régime  que  je  jugeai  convenable  , 6c  j’abandon- 
nai durant  ce  temps-là  à la  nature  le  foin  de  fa 
guérifon. 

A la  fin  du  mois  d’Août,  je  le  purgeai  de  nou- 
veau, & je  lui  ordonnai  de  boire  matin  6c  foit 
de  la  décodion  de  Gayac  jufqu’à  deux  livres , 6c 
de  manger  des  raifins  fecs  ; je  lui  accordai  un  * 
peu  de  viande  à dîner  , & du  vin  bien  trempé  avec 
la  fécondé  décodion.  Mais  comme  il  aVoit  oui 
dire  qu’on  eft  d’autant  plutôt  guéri  dans  ces  cir-  ' 
confiances  , qu’on  obferve  la  diete  la  plus  exade. 
il  s'abfienoit  de  vin  6c  de  viande. 


/ 


Deux  mois  fe  paflerent  ainfi  , & II  n’étoît  pas 
encore  guéri  ; fes  tumeurs  ôc  fes  ulcérés  perfif- 
^toient  toujours  ; Thiver  étant  furvenu  , je  voulus 
ajouter  quelque  choie  à fa  nourriture  ; lorfque  fon 
domeftique  de  confiance  m’avertit  de  ce  qui  fe 
.paffoit  ; j’en  fis  des  reproches  au  malade , & je 
jui  fignifiai  que  s’il  continuoit  à vivre  de  la  forte, 
;il  ne  guériroit  jamais,  & qu’il  étoit  inutile  de  lui, 
'continuer  mes  vifites. 

Le  malade  effrayé  de  ce  que  Je  venoîs  de  lui 
dire  , me  promit  bien  de  faire  tout  ce  que  j’ordon* 
^lerols.  Alors  croyant  pouvoir  compter  fur  lui^ 
.je  lui  prefçrivis  encore  la  décoélion  de  Gayac  ma- 
jtin  & foir,  jufqu’à  la  dofe  de  trois  livres^  demam 
ger  des  raifins  fecs  à fon  dîner , de  prendre  du 
bouillon  de  poulet  ou  de  veau  , de  manger  un 
peu  de  viande  de  de  boire  à dîner  de  à fouper  du 
.vin  trempé  avec  la  fécondé  décoc5lion. 

Je  pris  les  précautions  néceffaires  pour  Tempe* 
cher  de  fuer , & pour  qu’il  ne  fe  fît  d’autre  éva-- 
cuation  que  celle  des  urines. 

Après  avoir  obfervé  pendant  deux  mois  cette 
maniéré  de  vivre  , le  malade  vit  difparoître  fes 
tumeurs  & fes  ulcérés  qui  guérirent  parfaitement, 
il  reprit  fon  embonpoint  3e  fes  forces  , par  la  dif- 
tribution  que  le  vin  fit  des  aliments  dans  les  difr 
férentes  parties  du  corps  y 3e  il  s’en  retourna  en 
parfaite  fanté  au  milieu  de  fa  famille. 

Troisième  Exemple.  L’illuftre  Prince  D.  M.  de 
moyen-âge  , d’une  complexion  chaude  3e  humide, 
mêlée  cependant  d’un  peu  de  fécherelfe  , après 
avoir  été  tourmenté,  durant  plufieurs  années,  par- 
le mal  jrançois , n’en  put  être  fi  bien  guéri  qu’il 
ne  lui  en  reftât  encore  un  ulcéré  à la  partie  fupé- 
rieure  de  la  trachée-artere  qui  avoit  rongé  le  car  ^ 


/ 


hhgQ  dè  h partie  antérieure^  de  maniéré  qu'oît 
pouvoir  voir  & toucher  Tintérieur  de  la  trachce-^ 
artere  &:  y faire  entrer  facilement  deux 
joints  ehfembîe.  , 

Les  Médecins  les  plus  habiles  & les  plus  expé- 
rimentés lui  avoient  inutilement  prodigué  tous 
leurs  remedes;  !e-s  premiers  Mededns  de  Jvîilan 
dont  ce  Prince  étoie  Goüver'neür,  ainfi  que  ceu:c 
de  Gênes  qui  lavoient  foigné  par  ordre  du  Roi  de 
France^5y  avoient  auflî  perdu  leurs  (oins  & leurfavoir* 

Le  Prrnce  étant  retourné  auprès  du  Roi  foh 
maître , les  plus  anciens  & les  plus  célébrés  Mé- 
decins de  Lyon  entreprirent  de  le  guérir  , mais 
ce  fut  fans  luccès.  Get_  ulcéré  étoit  fait  de  ma- 
niéré que  tant  qui!  étoit  ouvert,  le  malade  étoit 
muet,  & ne  pouvoit  articuler  aucun  fon  j lorfqu’on 
avoitleloin  de  Je  fermer , le  malade  parloit  alors 
facilement  & diftinélement. 

Ce  Prince  étoit  roux  , portant  une  longue  barbe 
Couleur  d or  avec  laquelle  il  coüvroit  & cachoit  fori 
ülcere  ; en  forte  que  quoiqu’il  fût  environné  d’un  ’ 
^randnombre  de  militaires,  tous  ignoroient  fort' 
irtfirrnité , excepté  un  feul  qui  lè  lervoit  en  fecret  ; 
ce  Prince  m’ayant  fait  appeller , me  parla  ainfi  : « if' 
« y a plufieurs  années  que  je  defire  dé  vous  voir,' 

» pour  vous  confulter  fur  üné  maladie  de  laquellè 
juf^u’à  prefent  perfonne  n’a  pu  réulfir  à me  dé- 
« livrer  ; j’ai  entendu  parler  de  Nicolas  IVIalTa  à 
Milan,  a Pavie,  à Gênes,  â Lyon  & dans  les 
3»  armees  , ainfi  que  du  grand  nombre  de  cures  qu’il  • 
” ^‘aitesJefuisvenuàVenife  pour  les  affaires  du 
33  Roi  mon  maître  ; durant  le  temps  que  j’y  ferai , ce 
33  que  je, ne  puis  bien  déterminer,  je  vous  prie  de 
33  m accorder  vos  foins  ; au  refte  je|  n’ignore  pas 
33  que  mon  mal  ne  peut  être  guéri- promptémeac 

Dij  , 


w quand  vous  Taurez-vii , vous  ordonnerez'ce  qü 
3:>  vous  plaira , & vous  me  trouverez  docile  à fuivre 
.vos  ordonnances 

En  vifitant  cet  ulcéré  , je  me  fuis  apperçu  que  le 
cartilage  de  la  partie  antérieure  de  la  trachée-arterc 
étoit  entièrement  rongé.  Prince  , lui  ai-je  dit 
alors,  il  ne  faut  pas  être  furpris,  fi  aucun  de  ceux 
qui  ont  entrepris  de  vous  guérir , n'a  pu  y parvenir , 
ce  qui  a été  rongé  par  Tulcere  , eft  une  partie  qui 
tire  fon  origine  de  la  femence;ces  fortes  de  parties 
fe  réparent  bien  quelquefois  dans  les  enfants  & dans 
les  jeunes  gens  , mais  non  pas  dans  les  adultes,  au 
Heu  que  les  parties  formées  par  le  fang  fe^  réparent 
facilement#  Quoi  qu’il  en  (oit , m.e  répondit  le 
Prince,  je  vous  prie  de  venir  me  voir  tous  les 
jours,  6c  de  m'ordonner  ce  que  vous  jugerez  à 
propos;  cet  ulcéré,  ajouta-t-il  , eft  un  des^  acci- 
dents de  la  maladie  vénérienne  qui  a réfifté  à tous 

les  remedes.  . . ■ • 

Voyant  que  le  Prince  étolt  bien  difpofé  , d un 
bon  tempérament,  que  les  autres  parties  de  fon 
corps  étoient  en  bon  état  , & que  le  temps  étoit 
favorable  pour  le  traitement  , ( nous  . étions  à la 
fin  d' Avril  & au  commencement  du  printemps  ) , 
je  lui  ordonnai  un  purgatil  , & je  le  fis  faigne^r 
deux  fois  , enfuite  je  lui  preicrivis  1 ufage  de  la  dé- 
' coéiion  de  Gayac  ; comme  il  étoit  grand  buveur , 
ainfi  que  la  plupart  des  Seigneurs  François , il  corn- 
mença  le  matin  du  premier  jour  , à boire  deux  li- 
vres de  décoéHon  , 6ç  mangea  des  raifins  fecs  ; en- 
fuite  il  fe  mit  au  lit  où  il  fua  pendant  deux  heures  : 
deux  heures  avant  le  repas  , il  but  une  livre  e a 
fécondé  clécocftion  ; à fon  dîner  il  mangea  quelque^ 
croûtes  de  pain  bien  cuit)  des  raihns  fecs,& 
une  bouteille  de  la  fécondé  décodion. 


If  pj. 


Quatre  heures  avant  de  louper  , il  but  encore 
trois  livres  de  la  première  décoition  , puis  il  fe  mit 
au  lit  ou  il  fua  pendant  deux  heures.  À Ton  fouper 
il  mangea  quelques  croûtes  de  pain  , des  raihns' 
fecs  3 en  moindre  quantité  qu’à  dîner , & but  de  la 
fécondé  décodion. 

Cet  illuftre  Prince  continua  aînfi  à boire  de  la 
première  décodion  , matin  de  foir  , en  augmentant 
toujours  la  dofe  ; il  en  faifoit  de  même  de  la  fé- 
condé qu’i!  prenoit  durant  le  repas  , de  dans  leur  in- 
tervalle ; en  forte  qu’il  buvoit  chaque  jour  huit 
bouteilles  de  la  première  décodlon , de  jufqu’à  douze 
bouteilles  de  la  fécondé,  ce  qui  lui  procuroit  des 
fueurs  très-abondantes , de  des  évacuations  très-co-' 
pieufes  par  les  urines  de  par  les  feües.  Il  vécut  de; 
cette  maniéré  cinquante  jours , de  il  confuma  du- 
rant ce  temps-Ià  plus  de  foixante  livres  de  bois  de 
Gayac.  ' * 

.On  mettoit  quatre  fois  par  jour  fur  rulcerej^du- 
coton  imbibé  de  l’écume  de  la  première  décodion 
qu’on  avoit  foin  de  conferver  pour  cet  ufage. 

C’eft  ainfi  qu’avec  l’aide  de  Dieu , de  contre 
toute  efpérance  , ce  Prince  fut  parfaitement  guéri 
de  (on  incommodité.  L’ulcere  de  l’épiglotte  fe  côn-^ 
(blida  3 & à la  place  du  cartilage  qui  manquoit , II 
s’y  forma  une  excroiffance  qui  en  remplit  entiérer 
ment  le’vuide  ; chofe  vraiment  admirable  de  que 
j’ai  jugée  digne  d’etre  traftfmife  à la  poflérité  , pour 
l’utilité  des  malades  de  l’inftrudion  des  Mé-‘ 
decins.  . 

Je  pourrois  5’ ajoute  .Maffa  , rapporter  un  grand 
nombre  d’autres  cures  admirables  produites  par  le 
Gayac  , dont  j’ai  été  témoin  en  exerçant  ma  pro- 
fefiîon  de  Médecin  ; mais  ces  trois  exemples  fuf- 
fefent  pour  infpirer  une  jufte  conSance  en  ce  mé- 

D iij 


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\ 


I 


( f 4 ) 

dîcament,  dans  les  véroles  les  plus,  anciennes  &Iet 
plus  défefpérées, 

. Si  le  Prince  de  D.  M.  dontnpus,venons  de  parler^ 
7\,  employé  plus  de  foixante  livres  de  bois  de  Gayac  »• 
pour  obtenir  la  guérifon  de  fa  maladie  , MafTa  nous 
apprend  qifune  feule  livre  de  ce  même  bois  a fuffi  à. 
quelques  autres  malades  pour  parvenir  au  metne  but  ; 
îj,en  rapporte  un  exemple  que  voici  : 

Un  homme  qui  n’étoit  pas  riche  , étoît  tour- 
menté depuis  pîuheurs  années  par  le  mal  fràncois 
il  fouffroit  des  douleurs  cruelles  ; fon‘  corps  étoit 
tout  couvert  de  tumeurs  , ^ aucun  remede  n’avoit 
pu  jufqu^  alors  le  guérir  : étant  venu  chez  moi^  ih 
me  demanda  fi  je  croyois  que  la  décpdion  du^ 
Gayac  pourroit  le  guérir , je  lui  répondis  que  je. 
le  croyois  j comme  il  n’étoit  pas  en  état  de  faire  , de) 
la  dépenfe,  il  acheta  feulement  une  livre  de  Gayac 
qui  lui  coûta  onze  écus  d’or  ; le  Gayac'en  ce  temps- 

n’ctoit  pas  commun  ilfe  vendoiffort  cher. 

Ayant  donc- acheté  cette  livré  de  Gayac,  ilia, 
réduifit  en  poudre  , & en  fit  une  décoéèion  felon^ 
la  maniéré  ordinaire  : lorfqu’il  eut  buja  première 
^ la  fécondé  décodion  , il  fe  trou.va  fans  argent^ 
pçur  acheter  d’autre  bois  : je  lui  confeillai  de  fe^ 
îprvir  encore  du  même  bois , pour  faire  de  nou- 
velles décoéfions,  ce  qu’il  réitéra  plus  de  douze, 
fois  .dans  l’efpace  de  quarante  jours.,  au  bout  du- 
quel temps  il  fut  parfaitement  guéri  , avec  l’aide 
dçDiéu,  & quoiqu’il  n’eût  employé  dans  tout  le^ 
traitement  qu’une  feule  livre  de  Gayac. 

J'ai  vu , ajoute  MafTa , le  même  efFejt;  arriver  dans" 
plufieurs  autres  malades  qui  n’avoîenr  pas  le  moyen^ 
d’acheter  plus  d’une  livre  de  bois  de  ^Qayac. 

Je  partage  fincérement  le  regret  que  ^émoîgnç^, 
Aftruc  . en  finidant  T^nalyfe  du. traité  de'Mafla. 


■ 


dans  le  catalogue  qu  il  a donné  des  Auteurs  qui  ont 
écrit  fur  les  maladies  vénériennes , dans  le  deuxieme 
Volume  de  (on  (avant  ouvrage  de  morbis  venereis  : 

Copiojiori  libri  ilLius  analyji  œgrèyuperfe de  o ^ quetn 
ftre  totiim  excerpendum  cjfe  cenferern  j fed  Aadtor  funl 
vttmdici  quibufe unique  curce  ejl  ar lis  increnientà yerf- 
pecla  habere  librum  hune  legant  & pe‘rlegant\  in  quo, 

emnimodum  curandes  tuis  venerece  artijiciuin  conti^ 
Tietur, 

^ Comme  cet  ouvrage  de  MafTa  , quoique  réim- 
primé plufieurs  fois  , n’étôif  pas  commun  , & que 
lè  plus^  grand  nombre  des  Médecins  n’en  a aucune 
connoiflance',  on/ne  fera  peüt-être  pas  fâché  d’en 
trouver  ici  un 'extrait  umpeü  pliislong  que  le'plan 
de  mon  ouvrage 'ne  fembloit  lé  comporter. 

Quelques-unes  des  réponfes  que  j ai  faites  autre- 
f^îs^C  c-efl:  Maffa  qui  parle  ) ;aux'confùItations  de 
Piérfe  Carnicerio  ,&  de  plufréuri  autres  Médecins 
célébrés  fur  jes  effets  du'Gayac;&  les  différentes 
maniérés  de  1 employer  ,* m’ayant  paru  pouvoir  être 
de  quelqu  utilité ’à  ceux  qui  s’occupent'  de  l’art  de 
guérir  , j ai  jugé*à  propos  de  les  rapporter  icû 


P R E M I E‘  R :e'  Q Ü E s f l O V. 

La  decoéilbn' du  Gàyac  peut-ellé  êtré'empîovée 

avec  fücces'  pour  les  malades  qui'nie  peuvent  garder 
la  chambre  , & que  leurs  affaires  bu  qaeiqu’autré 
xnotifobligent'dqfdrtir?  ' * 

' IpepQhfe»''W-  y -a  plufieiifs' chofes  à confidérer  eii 
Ceeirpar  rapport  aàx>diverfeV  qualités  dé  l’air  & 
des  autres  chofes  non  ^naturelles  ; car  la^décoélion 
deUayac  échauffe,  excite  la  fueur,  provoque  les 
urines,  evarcue  fenfiblement  par  les  (elles , ou  d’uno 

D iv 


0 


. . c ) 

manière  infenfible  par  la  tranfpîratîon  ; cela  étant^ 
y il  efl  évident  qu’un  air  froid  qui  reiTerre  , ne 
peuts’accorder  avec  ces  opérations  &:  leur  eftcon-^ 
traire;  c’eft  pourquoi  j lcrfque  la  maladie  eft  ac- 
compagnée d’accidents  graves  , que  la  peau  du  ma^ 
lade  eft  d’un  tiffu  ferré  , 3c  que  i’air  eft  froide  je" 
lui  ordonne  de  garder  la  chambre  3c  même  de 
refter  au  lit  ; mais  fi  la  maladie  eft  légère  , le  ma- 
lade d’un  bon  tempérament  3c  le  temps  chaud  , 
comme  dans  l’été,  je  lui  permets  de  fortir,  en  ob- 
fervant  néanmoins  les  précautions  néceftaires  par 
rapport  à la  fueur  3c  au  rcgimè  , oc  je  lui  recom-, 
mande  de  boire  tant  qu’il  pourra  de  la  décoftion  de 
Gayac , principalement  durant  la  journée. 

J’en  ai  guéri  un  grand  nombre  avec  la  décoélion 
de  Gayac,  qui  vaquoient  à leurs  affaires  du  de- 
hors durant  le*  traitement  , 3c  qui  falfoient  tous^ 
leurs  exercices  accoutumés  ; 3c  je  n’en  ai  jamais  vu^ 
aucun  qui  ait  été  incommodé  de  fon  ufage,  foit-au^ 
foie  , foit  à la  poitrine  ou  à l’eftomac  , quelle  que^ 
fût  la  chaleur  de  ces  differentes /parties  ; & cela> 
s’accorde  fort  bien  avec  la  raifoii',  car  :1a  chaleur 


du  Gayac  p’excede  pas  de  beaucoup  le'  fécond 
degré  ; i!  ne  perd  point  fes  autres  propriétés  , & 
l’eau  avec  laquelle  on  le  mêle  , lui  ôte  beaucoup 
de  fa  chaleur  ; outre, cela  , il  ouvre  les  vaiireaux 
obftrucs  du  foie  , laquelle  obftrudion  caufe  fouvent 
une  chaleur  plus  grande  en  empêchant  le  fang  d^ 
couler;  il  en  eft  de  même  de  la  poitrine,  lorfquelle 
eft  embarraffée  d’une  humeur  froide  & épaifle  : j’ai 
fouvent  éprouvé  que  le  Gayac  ^ &, fur-tout  Télec- 
tuaire  que  j’en  ai  compofé,avec  les  raifins  fecs  que 
j’emploie  fouvent  contre  le  mal  Jrancois  , j’ai  , 
dis-  je  , éprouvé  fouvent  que  le  Gayac , en  atté- 
'’»uant,  en  divifant  cette  humeur  pituiteufe  ^ paria 


^ ^7  > 

chaleur  humide,  eft  fort  utile  dans  cette  cîrconf- 
tance  ; ainfi  , quoique  raie  quelquefois  fi  jet  de 
foLipçonner  un  excès  de  chaleur  dans  les  parties  que** 
je  viens  de  nommer,  je  ne  laijTe  pas  pour  cela  d'or- 
donner le  Gay ac  5 en  prenant  néanmoins  les  précau- 
tions convenables. 

Plufieurs  voyant  que  le'  Gayac  ne  guérifroit 
qu’après  -un  long  intervalle  de  temps  le  mal  fran-* 
cois  ^ accompagné  de  puftules  & d'autres  fymp  — 
tomes  produits  par'  un  fang  dépravé  & mêlé 
de  beaucoup  de  bile , ou  bien  des  malades  d'un 
tempérament  fanguin  3c  humide  , ou  bien  ceux 
dont  le  foie  étoit  chaud  & flicile  à s'enflammer,  & 
que  les  puftules  dans  ces  fortes  de  cas , au  lieu  de 
le  deflechef  & de  difparoître , dévenoient  tous  les 
jours  plus  nombreufes, plufieurs  , dis«je  , voyant 
cela,  ont  prétendu  que  le  Gayac  ne  guérit  pas  le 
mal  franfois -\or[qui\  eft  'récent  ; en  quoi  ils  fe 
trompent , faute  de  connoître  la  caufe  qui  fait  mal-  ‘ 
tiplierles  puftules;  voici  ce^qui  en  eft.  La  chaleur  * 
de  la  décoélion  du  Gayac,  & für-tout  celle  de  la 
première , divife  & exalte  le  mauvais  fang  & la  bile 
qui  entraînant  vers  la  peau  la  matière  froide  3c 
épaifle  dans  laquelle  fe  trouve  fixé  le  virus  morbi- 
fique , forme  à fa  furface  les  puftules  dont  nous  ve-"^ 
nons  de  parler.  ‘ 

Dans  ces  circonftances,  je  tâche  de  m'aflürèr 
autant  que  cela  eft  poflîble  , en  purgeant  & en  faî-, 
gnant'le  malade  à plufieurs  repfifes,  delà  plus  ou 
moins  grande  quantité  de  fang  Sc  de  bile  qu'il  a’dans/ 
le  corps  5 3c  je  me  fuis  appérçu  que  ces  évacuations' 
plufieurs  fois -répétées  , corrigent  les  vices  du  foié"; 
alors  je  fais  la  décoéfion  du  Gayac  plus  légère,  en  ^ y 
ajoutant  le  double  del’eau  que  j'y  emploie  ordinaire- 
ment* « Je  Iproportionne  à cela  l'uiage  des  autres»' 


mlhf/  ^ ^ toujours  réu/Ti  à guérir ’ces  fortes ’dé- 
roalaoies  en  me  comportant  de  la  forte. 

, t-eux  qui,  contre  cette  maladie  récente,  accom- 
P.agnee  de  pulfules  & d’autres  fymptômes  fembla- 
Djes,  emploient  une  forte  décoaion  de  Gayac,  & 
ne  faignent  ni  ne  purgent  leurs  malades  au  com- 
mencement , travaillent  inutilement  ou  avec  peu 
e^fucces , ou  s ils  en  guériffent  quelqu’un.,  cen’eft> 
,^u  après  un  très- long  efpace  de  temps.  ' ' , ' 

Seconde  Question.  , 


La  dccoftîon  du  Gayac  convient-elle  aux  pcr-i 
lor.nes  attaqi  ées  àw  mal  françou , qui  fontrdansuni 
état  de  marafme  univerfel  , dont  toute  la  chair  eftt 

cpnlumee  , & dont  le  corps  eft  femblable  à celui f 
û^un  vieillard  étique,?'  , 

. Rbfoicse.  . Cet  .état  de  marafme  dansJéquel 
nous  voyonslouvent  tomber  les  perfonnes  afFeâées 
mal  français  pas  caufé.  par  une  chaleurt 

aj"  ente  qui  brule^  & confume  les  principaux  .or- 
ganes,  mais  par. une  matière  épaifle  qui  engorge, 
le  toie,  les  veines  & les  arteres  qui  , , lorfqueila. 
tranfpiration  efl  arrêtée-,  ,fe  putréfie-quelquefois 
caufe  .une  chaleur  fébrile.  ^ , 

* ^ ^ ^ cette  matière  ne  feputrélîe<poinr,u 

mais  elle  fe  fixe  & adhéré  par-  fa  froideur  & 

. I ^ vifcofité  aux  parties  qu’elle  remplit,, 
& produit  deux  accidents;  le  premier,  éftique. 
Ifs.,  efprits  qui  s’engendrent  du  fang  dans  lei 
epur  , font  alors -moins  chauds  , ,&•  par  confé-l 
quent  moins  capables- de  remplir  leurs  fondions.! 

accident  eft  que  le. fang  devenu  plus 
épais' & plus  lent,  forme  des  engorgements,  & eft 
©oins  propre  à fournir^aux.  différentes  ^parties  du. 


. 

corps  h nourriture  dont  elles  ont  befoln  ^ ce  qui 
fjrodük  la  maigreur  & les  changements  qu’on  re-* 
• marqua  dans  le  pouls  , tels  que  fa  fcibleffe  quii 
provient  du  défaut  de  chaleur^  Ôc  d’énergie  des  ef- 
prits;  fa  fréquence,  parce  que  la  matière  froide, 
qui  embarralîe  les  efprits  , ne  les  rend  capables  de 
produire  que  de  petites  & fréquentes,  éc  non  pas 
de  grandes,  dilatations  des  arteres  ; fa  dureté,  quij 
vient  du  défaut  de  nourriture  des  membres  & dç) 
la  furabondançe  de  l’humeur  phlegmatique  froide' 
dont  ils  font  remplis, 

, D’après  ces  xonfidérations^,  les  jeunes  Méde- 
cins peuventreconnoître  que  la  décodion  de  Gayaçî 
convient  aux^malades  du  malfrançois.ç^jîi  font  dans i 
le  marafme^,  & qu’elle  les  guérit  en  corrigeant, 4a, 
mauvaife  difpofitibn  du  foie,  en  divifant  la  ma- 
tière des  engorgements  des  dilférentes  parties ^dui 
corps  , en  débarraffant  le  fan'g  de  l’humeur  pitui- 
teufe  dont  il  eft  rempli , & enfin  en  l’évacuanti 
par  la  fueur,,  par  les  urines  , quelquefois^  par  lesj 
(elles,  &c  parla  tranfpiration  ; de- là  vient:  que) 
c^es  fortes  de^  malades  qui  ontjété;  guéris  par  l’u- 

f^g^  de  la^  décodion  du  Gayaq  , engrailTent^ 
après  leur  «guérifon,  , 

J ai  donné  auffi  le  Gayaç  à'  des  malades  q]u^ 
des  engorgements  pituiteux  dans  toutes  les^partie^^^ 

au  , corps  . aypient  réduits  au  marafme  , fans  être 
infedés  du  mal  françois;  qui  par  ce  moyen  ont  repris: 
leurs  forces,  leur  embonpomt,leur  couleur  naturelle^ 
& auxquels  il  fembloit  reprendre -une  nouvelle  viç^, 

Troisième  Questicjk# 

* 

La  décgaion  de  Gayac  gue'rît-elle  le  mal  frdn^ 
fois  , lans  le  concours  delà  diete  rlgoureufe jqu’p 
exige  ordinairement  en  parçjl  casr 


( 6o  ^ ^ 

jR^jPajv'^jE* *.  J’en  àl  guéri  plufîeurs  én  leurper^ 
mettant  Tufage  modéré  de  bons  aliments’  & en 
leur  laiffant  tremper  leur  vin  à moitié  avec  la  fé- 
condé décoâion  de  Gayac  dans  leur  repas  feule- 
ment. Entr’autres  un  certain  vieillard  Gachedique 
qui  avoit  une-  difpofition  a l’hydropifie  j mais  de 
cette  maniéré  il  faut  bien  plus  de . temps  pour 
la  guérifon  que  félon  la  méthode  ordinaire  , & 
on  ne  guérit  même , en  faifant  ainfi  que  les  ma- 
ladies légères  5 & non  pas  celles  qui  font  accom- 
pagnées d’accidents  graves. 

Parmi  les  Auteurs  qui  ont  donné  au  Gayac  la 
préférence  fur  les  autres  médicaments  antivé- 
nériens, on  compte  Nie.  Poil,  Sclimai , 
ten  , Manard  , Delgado  , Plernandez,  ïerri, 
trècoq , Renacl.  Fufch,  Leon  , Lobera,  Vefale, 
Montanus,  Maggius  , Vidus  Vidius  , Viéiorius  , 
Fertier , Bonacoffî  , Hufehard  , Macchelli,  Fal- 
lôpe,  Ji  Syîvius,  Renner,  Tomitanus,  Fracan- 
tîanus  , Burgarutuls,  Planer,  Dulaurens  , Rofelliy 
Qüiquebeuf  & Pauhnler , Maffarias’,  Canevarius,^ 
Rudius  , Perdulcis  , ‘Claudinus , Varandeeus , Guar- 
gantus  , Sennert , .Juncker , Ferquet , Janfon  , de 
Craanen , Herrera ,.  Boerrhave  (i),  Alex.  Ca- 
merarius  & Breyer , Lametrie  , Fabri , Tozzoti, 

Mooney , FordyIe,'6(:c.  (2). ' 

D’autres  fe  contentent  de  le  placer  parmi^  les 
médicaments  anti-vénériens  qui  ont  le  plus  d effi-  , 
cacité  ; tels  font  F racaftor , Mafia , Rangonus,  Ri- , 
nius,  Cardan,  Brunei  & Defehamps  , Braffavole, 
Thierri  Deherry  ( 3 ) , Trlncavel , Amatus  , Bayro, 


(i)  Præfatio ^aphrodiaci.  ' . r: 

(1)  Medical,  obferv.  tom.  I.  , 

* ( } )3’enai  bien  vu  ( qui  eft  choie  digne  à noter  ) & pra?.  ^ 


i 


( ) 

FrîzImeUca  3 Montuus , Rondelet,  "Botal,  PetrOr 
nius,  Dordonius,  Brucæus  &c  Battus,  Kigault  de 
Riolan  , Fraxinola,  Alcazar , Ambr.  Paré,  Paul- 
inier,  Bruele,  Wier,  Craton,  Zecchius,  Alercu- 
rlal , Ghlnus,  Betera  , f^oreftus,  Saxonia , Baf- 
tellus,  Torrez,  Sylvaticus,  Pacius,  Marcatus  , 
Delcon  , Cortillo , Guilhaumet , Hartman  , Char- 
les, Septal,  Deplanis,  Campy,  Sartor  , Gockel, 
Overcamp  , Piccarn  , Gohl , Roncal , Locher. 

Quelques  Médecins  , comme  J.  Pafeha! , Chau- 
mete  , Saporta,  Pereda  , Calvus  , Duchefne,  Horf- 
tius  n’atiribuent  de  refficacité  au  Gayac  que  dans 
les  véroles  récentes  & légères. 

Enfin  Paracelfe,  Lowe,  Mufitan  , Schlichting^ 
Hundermarck,  Heuermann  le  regardent  comme 
un  médicament  pernicieux  ou  inlulfifant  pour  la 
cure  radicale  de  la  vérole  C i 3* 

J’ai  VU  avec  un  vrai  plaifir,  dit  Van-Swieten  ^ 
dans  le  grand  3c  très-utile  ouvrage  du  célébré 
Morgagni , de  feâibus  & caiijïs.  morborurn , &c.  dans 
lequel  tous  les  Médecins  admirent  l’érudition , la 
fagacité  & les  travaux  immenfes  de  l’Auteur  ^ 
ouvrage  qui  fera  un  grand  fujet  d’étonnement 
pour  la  poftérité  , & auquel  je  reconnois  que  je 


tiqué  maintes  fois  en  la  curation  d’icelle  maladie  (î  re- 
belle qu’elle  ne  vouloit  céder  à la  friétion  ’ mais  nonobf- 
tant  le  dux  débouché,  continuoier.t . ou  re^'idivoient  les 
douleurs  & accidents*  qu’ulant  pris  apres  de  le  le^  décoc- 
tions (de  Gayac)  , ils  étoient  parfaitement  guéris  , 
dont  )’en  connoi5.&  vois  journellement  plufieurs  qui-  de 
long  temps  font  fains  & bien  dîfiîos.  Méthode  Cüratoira 
de  la  malad.  vénér.  par  Thiery  Ceherry  , Lieutenant  du 
premier  Barbier  Chirurgien  du  Roi  , an  i j’y z. 

( I ) Mich*  Frid.  Boehm,  Yancis  Syphildis  Ih'^rapias , 
1771. 


dois  beaucoup;  j’ar,  dis-je,  va  dans -cet  ouvrage, 
une  méthode  d’employer  le  Gayac , femblable  à 
celle  qu’on  fuit  dans  i’ufage  des  eaux  minérales. 
Valfava  avoit  imaginé  de  faire  prendre  la  décoc- 
tion de  Gayac  , fuivanf cette  méthode  (i)  aux  ma- 
lades infectés  de  la  vérole.  Il  en  donnoit  d’abord 
‘deux  ou  trois  livres , & examinoit  avec  atten- 
tion fi  cette  boiffon  pafToit  facilement  par  les 
urines,  de  non  par  les  feües  , ou  par  la  peau  , 
comme  cela  arrive  quelquefois  ; fî  elle  ne  pafToit 
pas  facilement  , ou  fi  elle  paffioit  par  ces  deux 
voies  , il  s’arrêtoit , & n’alloit  pas  plus  loin.  Si  au 
contraire  il  voyoit  que  cette  boifîon  palToit  avec 
facilité,  & étoit  rendue  feulement  par  la  voie  des 
urines,  il  en  augmentoit  tous  les  jours  la  dofe  , 
& la  portoit  jufqu’à  dix  livres.  Cette  méthode 
étoit  fuivie  promptement  de  grands  effets,  fi  bien 
qu’il  arrivoit  quelquefois  que  dans  trois  jours 
tout  au  plus  tard , de  vieux  ulcérés  étoient  gué- 
ris & des  tumeurs  gommeufes  difparoiffoient. 

Morgagni  certifie  qu’il  a employé  cette  même 
méthode  avec  fuccès  *,  il  rapporte  l’exemple  d’une 
femme  qui  avoit  depuis  deux  ans  des  ulcérés  vé- 
nériens au  genou  , de  trois  ou  quatre  autres  petits 
au  palais , à travers  lefquels  les  aliments  palToient 
dans  les  narines , de  qu’il  a guérie  de  cette  ma- 
niéré ; il  a obfervé  le  même  effet  de  cette  mié- 
thode  fur  un  homme  dont  l’hypogaflre  de  les  cuif- 


( I ) Cette  méthode  avoit  déjà  été  pratiquée  eu  ifio  , 
par  Jean  Manard,  Médecin  de  Ferrare;  Alexandre  Malîarias, 
célébré  Profeheiir  en  Médecine  à Padoue  en  if^S  , afîure, 
/e  non  femel  hoc  modo  ligni  dccoùiurn  dediffe  ^fummâ  cim  facile 
tate  6*  fslicitatc,  Alex,  Mnjfarias  , Vkuuinus  , de  morba 
^allïco. 


r 


K -• 


les  éfoîent  couverts  de  larges  ulcérés  vénériens  de 
mauvais  caraftere, 

Fom,  ajoute  Van-Swieten , fudor,vel pau~ 
«Z  evaciiationts per  alvurn  non  adco  nocerent , Ji  Jimul 
Taaxima  decocli  Guiaci  potati  pars  per  urïnam  eya-* 
ciiarctur^  V eriim  hæc  tantum  conje&:ura  ejl  ; & curti 
adeb  c^kr  , adeb  falubris  effeclus  hanc  methodum  co^ 
ronavent , videtur  diureji  infijîendum  ejje  potius  , 
dum  hcec  methodiis  tentatur*  » 

quelques  occafions  d’obferver  les  bons 
•frets  de  cette  méthode  , telle  que  Van-Swieten  la 

propofe  ; je  me  contenterai  d’en  rapporter  ici  uni 
leul  exemple. 

Une  femme  âgée  de  quarante-cinq  ans  ^ d’un 
tempérament  phlegmatique  & fanguin  ^ avoit  con- 
tradé,  H y avoit  cinq  ans  avec  fon  mari , la  ma- 
ladie vénérienne  qui  fe  manifefta  par  une  gonor- 
rhée virulente  & par  des  engorgements  aux  aines 
qui  fe  diilîperent  bientôt  après  . moyennant  auel- 
ques  remedes  qu’on  lui  fit  prendre,  ^ ^ 

après  cette  guérifon  apparente, 
elle  fentit  des  douleurs  dans  tous  les  membres  qui 
le  fixèrent  enfuite  à la  tête , où  ces  douleurs  de- 
vinrent fi  vives  que  toutes  les  fondions  de  cette 
partie  du  corps  en  furent  troublées  & fufpendues; 
a vue  s obfcurcit , & elle  n’entendoit  qu’avec  la 
P us  grande  peine.  A cela  fe  joignoit  l’impui/Tance 
de  marcher  & de  mouvoir  ’es  autres  membres.  Cet 
état  netoit  pas  permanent,  la  malade  avoir  de 
empsen  temps  quelques  intervalles  de  fanté,  qui 
n etoient  pas  à la  vérité  de  longue  durée  ; elle  avoit 
pris  une  grande  quantité  de  lemedes  mercuriels 

il"'.  If”  ‘ “ 

U s>  Février  1780,  je  la  mis  àl’ufage  dn  Gayac 


aT 

■ .À 

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4 


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J 


C <^4  ) 

auquel  je  Joignis  les  bains  de  vapeur  Sc  quelque 
purgatif  de  temps  en  temps  , ainfi  que  le  régime 
qui  me  parut  convenable. 

Au  commencement  du  mois  de  Mars  fuivant, 
elle  fentolt  plus  de  vigueur  & d’agilité  dans  les 
autres  parties  defon  corps.  Sa  vue  s’éclaircit,  elle 
entendoit  mieux;  mais  les  douleurs  de  tête,  quoi- 
que beaucoup  diminuées  , perliftoient  encore. 

La  malade  continua  la  même  maniéré  de  vivre 
jufqu’au  ir  Avril,  auquel  temps  elle  avoit  re- 
couvré fes  forces,  ainli  que  la  libéré  & Tagilité 
dans  tous  (es  membres  ; elle  voyoit  & entendoit 
comme  avant  (a  maladie  , êc  les  douleurs  de  tête 
furent  entièrement  diilîpées.  La  malade  fortoit  du- 
rant tout  le  traitement , & vaquoit  à fes  afiaires  du 
dehors.  Je  Tai  vue  plufieurs  foisdepuis cette  époque, 
& elle  m’a  aiTuré  que  fa  fanté  n’avoit  jamais  fouf-, 
fert  la  plus  légère  altération. 


LA 


C ) 


LA  SQUINE. 


Il  y a deux  fortes  de  Squînes  dans  le  commerce, 
l’une  qu’on  nomme  Squine  Orientale  l’autre  , 
Squine  Occidentale  î 

La  première  vient  de  la  Chine  ; c’eft  le  Snilax 
tfp  era,  Chinenjis  , Lampatum  dicta,  , de  Herman  ; ou 
Stnilax  minus  fpinofa^  fructu  rubicundo  ^radice  yir- 
suosâ  , de  Kempter. 

Cette  plante  s’élève  d^une  ou  de  deux  coudées, 
lorfqu’elle  n’eft  pas  foutenue  ; mais  ét^nt  appuyée 
fur  les  buiflfons  voifins  , elle  monte  plus  haut. 

Les  farments  font  ligneux , de  la  grofleur  d’unè- 
paille  d’orge  , d’un  rouge  brun  près  de  la  terre,  ÔC 
noueux  de  deux  en  deux  pouces  ; les  parties  com- 
prifes  entre  les  nœuds  , font  alternativement  cour- 
bées & uh  peu  fléchies,  chaque  nœud  a quel- 
quefois deux  petites  épines  crochues  3c  oppofées. 
Surle  même  côté , de  chaque  nœud,  fort  une  feuille, 
portée  fur  une  queue  creufée  en  goutiere  , mem- 
braneufe  , repliée  , d’où’naiflent  deux  mains  ou 
vrilles  , une  de  chaque  côté  , femblables  à celles- 
de  la  vigne , par  laquelle  elle  s’attache  fortement 
à tout  ce  qui  eft  autour. 

De  l’aiflèlle  des  queues  de  chaque  feuille  , pouf- 
fent des  bouquets  de  fleurs  ou  de  bourgeons  ; quel- 
quefois les  vrilles  font  à l’extrémité  de  la  queue  , & 
touchent  à la  feuille  qui  eft  en  forme  de  cœur^  de 
trois  pouces  de  diamètre  , & qui  fe  termine  en  une 
pointe  courte  3c  obtufe. 

Cette  feuille  eft  mince , membraneufe , luifante , 
noirâtre  des  deux  côtés  , 3c  fort  ondée  vers  la 

E 


r 


C ^6  ) 

pointe  , le  bord  eft  entier  & quelquefois  inégal  ; 
c e a cinq  neivùres  branchues,  qui,  dès  leur  ori- 
gine, vont  les  unes  diredement  , & les  autres  en 
forme  d’arc  , fe  réunir  à la  pointe.  Les  fleurs  de 
cette  plante  font  petites  , portées  fur  un  pédicule 
grêle  , délié  , de  la  longueur  d’un  pouce , de  cou- 
leur rougeâtre  ou  jaunâtre:  elles  font  au  nombre 
de  dix , plus  ou  moins  difpofées  en  ombelles  , fans 
calice  , d’un  jaune  tirant  fur  le  verd,  à fix  feuilles, 
difpotces  en  étoile  autour  d’un  embryofi  qui  ap- 
proche par  fa  figure  de  la  femence  de  coriandre  , & 
efl  entouré  par  lix  étamines  ou  filets  tranfparents,’ 
garnis  d’une  fomme  jaunâtre.  Cet  embryon  qui  oc- 
cupe le  centre , porte  un  petit  ftyle  furmonté  d’une 
tête  de  couleur  bleuâtre. 

Lorfque  la  fleur  efl:  paflee , l’embryon'  en  grof- 
fiffant,  devient  un  fruit  quia  la  figure  , lagrofleur, 
la  couleur  & 1 éclat  de  la  cerile  j plus  fpongieux 
que  charnu  : fa  pulpe  efl  peu  confidérable,  feche, 
farineufe,  de  couleur  de  chair,  d’un  gciit  acerbe, 
&femb!ab!e  à celui  des  nefles.  Dans  l’Intérieur  de 
ce  fruit  , font  renfermées  quatre  ou  cinq  femences 
de  la  grandeur  d’une  petite  lentille  , de  la  figure 
d’un  croilfant  , ralTemblées  en  rond  com.me  les 
grains  de  mauve;  étant  feches,  elles  ont  une  cou- 
leur de  châtaigne  tirant  furie  noir  ,•  elles  font  blan- 
ches end-edans  , très-dures  & d’une  fubftance  de 
corne. 

■ Cette  plante  croît  en  abondance  dans  le  Royaume 
de  la  Chine , parmi  les  cailloux,  les  épines , & dans 
les  lieux  incultes. 

La  racine  efl  la  partie  de  la  plante  en  ufage  dans 
la  médecine.  Cette  racine  efl  grolfe  , noueufe  , iné-i 
gale,  un  peu  fibreufe,  longue,  roulfe  ou  noirâtre 
en-dehors,  blanchâtre  en-dedans,  d’un  goût  foible, 
prcfqae  infip-ide  & fans  odeur. 


C <^7  ) 

La  Squîne  Occidentale  , 6’ ajlera  , fru^ù 

aigro  J raaice  nodosâ  , magna,  farinaceâ.  China  dicta 
Sloan.  catal.  plant.  Jara. 

La  racine  de  celle-ci  efl  prefque  femblable  à 
1 autre  ; elle  n’en  différé  que  par.  la  couleur  qui  eft 
plus  roulTe  ou  noirâtre  en-dedans. 

On  apporte  cette  eTpece  de  Squine  de  la  nou- 
velle Efpagne  du  Pérou,  du  Bréfil,  & d’autres 
pays  de  l’Amérique. 

Elle  - a les-  mêmes  vertus  que  celle  d’Orient , 
quoiqu’on  la  regarde  comme  lui  étant  inférieure. 

La  meilleure  racine  de  Squine  Orientale  'eft 
celle  qui  eft  récente,  compade  , folide  , pefante, 
qui  neft  point  cariée  ni  rongée  par  les  teignes.: 
on  veut  quelle  foit  prefque  inftpide,  pleine  cepen- 
dant dune  efpece  d’humeur  grafté  & ondueufe,  ce 
que  1 on  connoit  aftez  évidemment  en  la  mâchant 
mms  encore  plus  lorfqu’on  la  fait  bouillir.  * 

n rejette  celle  qui  eft' trop  vieille, qui  n’a  point 

deluc,  quieft  fpongîeufe,  légère  & cariée.  (En- 

cyciopedie  ), 

La  S^quine  Oriental  e , qu’on  nomme  pcfouUm 
dans  la  Chine  a été  d’abord  apportée  à Goa,  par 

du*  Jardin  * ^ ïyiy,  félon  Garcws 

du- Jardin  , qui  faifoit  alors  fa  réfidence,  dans  ce 

* Oi  t loumis  âux  Portup’oiç 

pn  Viirnr.1.  » ^«rtugois.  L-cux-ci  1 apportèrent 

^ Europe,  & ce  fut  un  nommé  Vincent  Gilio  de 
Initanes  , très  expert  dans  la  Marine’,  qui  alloit 

trafiquer  aux  Indes  , & qui,  félon 
les  Marrff  premier  en  Portugal  , d’où 

profit,  ).  ^ ^ faifoient  un  grand 

ou^°7‘'‘'di,vèn  V'."'''»’  «n  l-an 

U ^7  ^ dit  Vefale  , occupe  a voir  des  malades  , 

£ ij 


f 


Ç 68  ) . ^ . 

fôû^  la  conduite  des  principaux  Maîtres  de  TArt , 
cette  racine  qu’on  attendoit  avec  impatience  , yf^t 
apportée  3c  reçue  avec  un  applaudiflément  uni- 
verfel  *,  mais  les  premiers  effais  qu’on  en  fit  , n@ 
furent  pas  heureux  , ce  qui  cependant  n’arriva  pas 
tant  par  la  faute  du  médicament , ou  de  ceux  qui  ^ 
l’adminifiroient  , qu’à  caufe  que  les  perfonnes  a 
qui  on  le  donna  , ctoient  dans  un  état  défefpéré  8c 
prêts  à rendre  le  dernier  foupir. 

Le  premier  que  j’aie  vu  en  faire  ufage , dit  encore 
.Vefale  , avoit  reçu  ce  médicament  d’un  Empyrique 
d’Anvers  , qui  prétendoit  connoître  la  vraie  ma- 
niéré de  s’en  fervir  , & qui  afiliroit  1 avoir  adrni- 
niftré  avec  fuccès  en  Portugal.  Ce  malade  étoit  in- 
fedé  du  mal  francols  , accompagné  d’accidents 
graves  , il  étoit  au  dernier  degré  du  marafme,  3c 
avoit  déjà  un  pied  dans  la  foiïe;  comme  il  n’étoit  ' 
pas  accoutumé  au  régime  qu’on  lui  falfoit  obfer- 
ver , il  mourut  auflî-tôt  que  l’adion  du  médicament 
fe  manifefta  parles  fueurs  & par  les  urines. 

A-peu-prk  dans  le  même  temps  ^ on  falfoit 
prendre  la  décodion  de  cette  racine  à un  homm^e 
qu’on  croyoit  avoir  le  mal  françois  , quoiqu  il 
n’en  eût  aucune  marque  fur  la  peau  cet  honai^ 
étoit  d’une  maigreur  extrême  , & avoit  une  grolTe 
pierre  au  rein  gauche.  Après  avoir  fait  ufage  de 
cette  décodion  durant  environ  dix  jours  , les 
decins  lui  confeillerent  de  s’en  abftenir , a caufe 
de  la  grande  propriété  qu’il  croyoit  que  cette 
décodion  pofiede  de  fondre  les  humeurs  & de 
les  évacuer  par  la  fueur  3c  par  les  urines.  Le 
malade  mourut  peu  de  jours  après  , en  iouttrant 

des  douleurs  cruelles  dans  les  reins.  ^ ^ 

Dans  ce  diferédit  général  ou  ces  expériences 
malheurcufes  firent  tomber  la  Squine  , un  autre 


C(^p  ) 

Médecin  d'Anvers  vint  en  exalter  refficacité.  Cet 
lîomme  qui  avoit  quelqu’érudition  , fut  fi  bien  inP 
pirer  aux  Grands  de  la  confiance  pour  ce  médi- 
cament ^ qu’on  renvoya  à TEvêque  de  Vérone  qui 
croît  dans  ia  phthylie  , & afFecfhé  de  je  ne  fais  quels 
autres  maux  ; niais  avant  la  fin  du  traitement  ^ ce 
refpeélable  malade  mourut  ; en  (orte  que  durant 
mon  féjour  en  Italie , je  vis  ce  médicament  ab- 
folument  proferit.  Quant  à moi , ajoute-t-il , je 
penfe  à cet  egard  comme  mes  maîtres,  & je  n’ai 
pas  une  grande  confiance  en  lui. 

Dans  la  même  lettre,  Vefale  raconte  que  qua- 
tre ou  cinq  malades  du  mal  français , ayant  prié 
les  Médecins  de  les  traiter  avec  la  racine  de  Squine, 
in  quibufdam  laudandum  fads  vidimus  iventwn  ^ in 
aliis  vtro  (S*  potiffunum  gr avilis  morbo  vexatis  y 
longe  minus  præjlitum  obfervavimus  quam  ex  ligni 
Guaiaci  déco  cio  fperajfcmus* 

Après  les  préparations  ordinaires,  telles  que  la 
faignée,  la  purgation , accompagnées  d’un  régime 
tel  qu’on  lobferve  dans  Tufage  du  gayac  , j’ai 
fait  prendre  la  décoélion  de  la  racine  de  Squine, 
ajoute  Vefale,  à un  des  amis  de  Louis  Sancés, 
-Gouverneur  de  Sicile , qui  avoit  cette  maladie , 
ce  qui  a aflex  bien  reufli;  j’en  ai  vu  des  effets  fem- 
blables  (ur  plufieurs  perfonnes  qui  avoient  été  en- 
gagées à fe  faire  traiter  de  cette  maniéré  plutôt 
par  le  confeil  de  leurs  amis  que  par  le  mien  \ mais 
ces  malades  n’avoient  ni  tumeurs  , ni  exoftofes , 
ni  ulcérés  malins  , accidents  contre  lefquels  je  fais 
poCtivement  qu’on  emploie  le  gavac  avec  plus  de 
luccès  que  la  Squine  ( i 

Utl  F'efaliuSy  dit  Bernardino  Tomitan  a,  ama-- 


(i)  Andr.  YeCalc  , de  radice  Chin.3: , ir4^* 

.Eilj 


. • . . C 7^  ) 

riilevt'or  vifus  ejl exiîtijje  adverjiis  Chindtn  , ita  ejus 
JucceJJons  plus  ji^fto  videntUr  hvjus  laudes  cantajfe 
ac  velutL  in  cceluni  tulijfc 

qiio  fudor  copiojius  emanet , dit-:î  ailleurs, 
qiiam  China  : quo  circa  ex  hac  non  tam  injen/îbili 
quam  fenJiblLl  dljlatione  concitatà  ; fertur  plurimos 
fanatos  ; hijiis  itàqiie  vimuti  non  improbo  ^ ita 
TLcc  magnopere  laiido  mediocritate  fervaià  \ nam  mitio^ 
rem  curatioiiem  factre  expenentia  docct\  vaUdiorem 
facere  tion  pojje , tejlatur  ejus  médiocre  temperamen* 
tum  ^ ciim  nailo  fil  arum  qualitatiim  excejfu{  l J. 

Cette  maniéré  d^apprécier  les  vertus  des  mé- 
dicaments par  leurs  qualités  fenfibles  a fait  reje- 
ter la  Squine  par  plufieurs  Médecins  : Ègo  huic 
radici  non  fido  ^ dit  Braffavole  , Licet  nonnvmqiiatn 
illâ  in  mets  œgrotis  , qui  ita  voluere  , iifiis  Jim  ; 
quoniam  neqiie  odorem  habet^  ne  que  faporem  ^ neque 
pinguedinem  , neque  colore m ^ neque  pondus  , neque 
l'Zvitaiem  qucc  ojlendere  pojfint  per  aliquas'  manifejlas 
y 1res ^ acilonem Jiiarn  perficere^  idcirco  illam  neglexi  (2% 
Beaucoup  d'autres  Médecins  ontpenfé,  comme 
Tomitano’,  que  la  Squine  n’efl:  utile  que  lorfque  la 
maladie  eft  légère'  ; tels  font  J.  Pafchal , Chau- 
mette , Botal , Petronio  , Saporta  , Pereda  , Ghi- 
nius,  Calvo  ^ Rudius , &c.  ^ ' 

D’autres^  comme  Fernel,  MafTaria^Guargantus, 
Sartorius,  Mufîtan  , Fallope , Fracantianus  , pré- 
tendent qu'elle  a peu  ou  point  du  tout  d’elfica- 
cité  pour  la  guérifon  des  maladies  vénériennes.  NuU 
lum  yidi  ego^  nous  dit  ce  dernier  , neque  audivi  fana- 
tum  ^ non  nocet  quidem  , quia  tum  evacuat^  tumhu^ 


«c  à 


( -ï  ) Eerîiardini  Tomitani  , de  morho  galLiœ, 
(z)  Ant.  Muià  Braiiavolus  de  morÙQ  gallico 


A 


C 70 

mores  crntcmpcrat  , fed  ncque  multl  ejl  juvamentl 
Ht  cxpenmcnto  cognojcltur  { I ),  ^ 

Pour  moi , dit  Faüope  , je  me  fers  Iieuretife- 
nient  de  la  Squine  dans  l’hydropifie  , pour  tem- 
* mélancolique,  pour  les  inflamma- 

tions des  yeux  , pour  modérer  la  trop  grande  cha- 
sur  du  foie  ; mais  ne  vous  en  fervez  pas  contre 
e mpfrançois  , car  l’ayant  éprouvée  trois  ou  qua- 
tre fois , je  n’en  ai  vu  aucun  effet. 

Cependant  le  mem.e  Fallope  nous  apprend  que 
que  ques  Alédecins  en  Prance  , & fur-tout  en 
an  re  , en  faifoient  un  très-grand  .cas  , non  feu- 
lement contre  la  vérole  , mais  contre  la  phthylie  , 
les  ulcérés  du  poumon,  les  fquirrhes  du  foie,  &c,  & 
contre  la  goutte.  L’Empereur  Charles  V,  conti- 
nue--t-il , s’en  eft  fervi  avec  affez  de  fuccès  pour  le 
maljrançois  pour  l’atrophie  & pour  la  goutte  , ce  qui 
adonné  a cette  racine  le  plus  grand  crédit  (2). 

J^armt  les  Auteurs  qui  rangent  la  Squine  dans 
ie  nombre  des  médicaments  antivénériens,  on 
compte  Mafïà,  Fracaftor , Lobera,  Rangonius, 
Leon  Fufch,  Vidus  Vidius,  . Dulaurens  , Corni- 
cius  , errier,  Trincavel , Montuus,  Rondelet, 
Brucæus  & Battus , Rigault , Riolan,  Alcazar, 
ucle,  Craton,  Zecchius  , Betera,  Foreftus, 

’ de  Torrèz  , Cannevarius  , 
1;  ercatus^  de  Leon,  Claudinus,  Corti- 

9 arman,  Charles,  Septal,  Roncal,  &c. 
ur  enau  & Paxman  affurent  que  les  Indiens 
emploient  en  poudre  avec  fuccès. 

decinp  f "r  Vdince,  Profetleur  en  M/- 

r J P & a Padoue  , de  morùo  gaiUco.  1^64. 

I’rofelIeurTA^'^**°*'’^’ • ^ Anatomifte  célébré’ 

i/;;.  aPadoue,^r/emo/-éo  galLko , 


Eiv 


I 


( ) , 

Amatus , Dordonus  & R inclus  la  mettent  au 
premier  rang  des  médicaments  antivénériens  ( !)• 

L’un  de  ces  derniers  ( Amatùs  ) nous  apprend 
qu’il  a connu  un  nommé  Jacques  de  Ollande,  Por- 
tugais qui  avoit  une  fiftule  dont  il  fut  guéri  pen- 
dant le  féjour  qu’il  fit  à la  Chine  , avec  la  décoc- 
tion de  la  Squine,  qu’il  prenoit  à la  dofe  de  deux 
jufqu’à  trois  onces  chaque  jour  , comme  il  Tavoit 
vu  pratiquer  par  les  Chinois,  Cet  homme  , conti- 
nue Amatus,  fe  moquoit  des  Européens  quifai- 
foient  la  décoâion  de  la  Squine  avec  une  fi  jpe- 
lite  quantité  de  racine  ( i ). 

La  maniéré  ordinaire  de  faire  la  décoâion  delà 
Sq  uine  ,eft  celle-ci  : . 

Prenez  une  ou  deux  onces  de  cette  racine  nou- 
velle qui  ne  foit  point  vermoulue  ; coupezda  par 
petits  morceaux,  ou  par  tranches  minces.  Faites 
înfufer  pendant  vingt-quatre  heures , dans  fix  ou 
huit  livres  d’eau  de  fontaine  tiede:  faites  enfuit» 
bouillir  à un  feu  doux  dans  un  pot  de  terre  afïèz 
grand  & bien  couvert  jufqu’à  la  diminution  des 
deux  tiers.  Paflez  la  décoâion,  & gardez-lapour 
l’ufage  dans  des  bouteilles  de, verre  bien  bouchées. 

Apres  avoir  préparé  le  malade  par  les  remedes 
généraux,  tels  que  la  purgation , &,  s’il  le  faut,  par 
la  faignée , on  lui  donne  tous  les  jours  de  grand 
matin  un  verre  de  cette  décoâion  chaude  d envi- 
ron dix  ou  douze  onces  ; Ôc  après  l’avoir  bien 
couvert  dans  le  lit , on  le  fait  bien  fuer  pen- 


- (î)  Mich.  Frid  Boliem,  ' 

( 1 ) Am^tuf  Lufitanus , de  Caftello  Bîanco  , Mcdecîn 
Portugais  & Profefi'eur  en  Médecine  à Ferrare,  deradicc 
Ci  in.T  çn  ifr4.  Sota  véritable  nom  ctoic  Jean  Roderic  o» 
Rodriguez, 


dant  deux  ou  trois  heures.  On  reffuîe  cnfuîte  , 
après  quoi,  il  peut  fe  lever  & fe  promener  dans 
la  chambre , pourvu  qu’il  foit  bien  vêtu , de  meme, 
au  bout  de  dix  ou  douze  jours  , fi  I air  efl:  doux, 
il  peut  fortir  de  la  maifon  en  obfervant  la  meme 
précaution. 

On  lui  accorde  auflî  plus  de  nourriture  que  dam 
Tufage  de  la  décodion  du  gayac  , on  lui  per- 
met de  manger  des  poulets  , de  la  poule  , du 
chapon  rôti  ou  bouilli,  fans  fcl;  mais  on  lui  in- 
terdit abfolument  le  vin  , & on  ne  lui  donne 
pour  boiffon  ordinaire  que  la  deebdion  tiede  de 
la  racine  de  Squine. 

On  garde  le  même  régime  durant  vingt- quatre 
ou  trente  jours  de  fuite , ce  qu’on  a regardé  comme 
fuffifant  pour  la  guérifon  de  la  maladie.  Si  le 
malade  n’a  pas  le  ventre  libre , on  peut , de  deux 
en  deux  jours , ajouter  des  follicules  de  féné  a la 
décodion , pu  donner  un  lavement  émollient  f i )• 

Van-S wieten  déclare  qu’il  a obtenu  d’auflî  bons 
& même  de  meilleurs  effets  de  la  décodion  de 
Bardane  que  de  celle  de  la  racine  de  Squine  f 2 ), 

Outre  les  propriétés  qu’on  attribue  communé- 
ment à la  Squine , on  lui  en  a reconnu  d’autres  ^ 
telles  que  celle  de  rendre  ceux  qui  en  font  ufage, 
plus  gras  qu’ils  ne  rétoicnt;720//z,  dit  Fallope,  quoi 
ex  ufu  radicis  ijlius  valde  pinguis  fit  homo  ; ce  qui 
eft  confirmé  par  le  témoignage  de  Profper  Alpin. 


( i ) Aûruc , de  morh*  vener. 

[ Z ) Fro  illis  quibus  res  angufla  demi  ercit  fæpiàs  dedi 
décorum  radicum  Bardanat  y quez  levi  pretio  ubiqiie  haberî 
poJfunt  & fimilem  effc6lum , imh  majoreni , quam  à decoêio 
radicis  Cynce  votato  , vidi.  Comment,  in  Boçrrh.  lue® 
venerea. 


,1 


A 

II 


11 


Ü 


■i;-;-u^:uj.  t -r^ . 


rn/ro^r?  ® propHété  de  la  Squîne, 

qui  CO-  fuh^  a provoquer  l’éreaion  des  organes 

de  la  génération.  Ol^r^avi  Chinœ  defoclum 

bi^entes  , umigde  teneri  , & quofdam  intereà , dum 

decoao  ulo  mermuir^ , adeo  aa  Fcnercm  provocatos 

J“idie,  ut  cum  ahoqum  aiu  a coïtu  tempe -affent  ilium. 

q^o  variïs  ratio, libus  fumèrent, -k  concubitu  tune  non 


I » 


\ 


’ - AV  l -v-’V'V;S'-^-.vXV4.vA' 


jt-î 


C 7y  ) 


LA  salsepareille. 


E s T la  racine  d’un  arbriffeau  nommé  Smi^ 
îax  afptra  ^ Perva  vian  five  Salfaparilla.  C.  B. 

Cette  racine  eft  compofée  d’un  grand  nombre 
de  longues  fibres  attachées  à une  tête.  Ce  che- 
velu qui  eft  la  feule  partie  des  racines  dont  on 
fe  ferve , a environ  la  grofteur  d’une  plume  d’oie, 
ou  un  peu  davantage  ; il  eft  flexible  & compofé 
de  fibres  qui  vont  d’un  bout  à l’autre,  de  façon 
qn’on  peut  les  féparer  dans  toute  la  longueur. 

Les  racines  de  Salfepareille  ont  un  goût  vif- 
queux  , un  peu  amer , qui  n’eft  pas  défiigréable. 
Elles  font  fans  odeur , & la  couleur  en  eft  d’un 
jaune  pâle  en-dehors,  & blanche  & farineufeen- 
dedans. 

Cette  plante  croît  naturellement  au  Pérou  , au 
Mexique,  au  Bréfil  , à la  -Virginie  , & dans  la 
Chine. 

Les  Efpagnols  l’ont  apportée  pour  la  première 
fois  en  Europe  , en  ïy(53  , comme  un  fpécifique 
contre  les  maladies  vénériennes.  4 

Ils  ont  nommé  cette  plante  Salfaparilla  ou 
Çarça  parilla  j ce  qui  veut  dire  petite  vigne  Jetn^ 
blahle  a la  ronce*  Çtirca  fignifie  en  Efpagnol , 
ronce  \ & parilla  , petite  vigne* 

La  décoclion  de  la  Salfepareille  fe  fait  ordinai- 
rement de  cette  maniéré  : 

Prenez  deux  onces  de  Salfepareille,  coupez-la 
par  morceaux  , & faites-la  infufer  dans  fix  livres 
d eau  commune  pendant  un  jour  entier.  Faites 
bouillir  cette  eau  au  bain-marie  dans  un  pot  bien 


r . C 7^  ) 

couvert  , & fur  un  feu  doux , jufqu’à  la  diminu- 
tion du  tiers  ou  de  la  moitié. 

Le  malade  prend  de  grand  matin  dans  le  lit 
un  verre  de  cette  décodion  contenant  jufqu’à  dix 
onces.  Le  refte  lui  fert  pendant  la  journée  pour 
fa  boiffon  ordinaire.  II  continue  de  même  durant 
vingt  ou  vingt-quatre  jours  de  fuite.  Le  régime 
à-peu-près  le  meme  qu’on  fuit  dans  Tufage  de 
la  fquine  ( i ). 

La  Sâlfeparcllle  a été  mife  au  premier  rang  des 
* médicaments  antivéncriens  par  un  grand  nombre 
de  Médc  cins  y par  Rangon  , Leon  Fufch,  Lo- 
bera , Ferrier,  Amatus,  Rondelet,  Tomitanus  ^ 
liotal,  Pétrone  , Dordonus  , Brucæus&  Battus, 
Rigault  & Riolan  , Fraxinola,  Alcazar , Bruele, 
Wier,  Zccchius,  Mercurial,  Betera,  Rofellus, 
Foreftus,  Saxonia,  Baftellus,  de  Torrez,  Ca- 
uevarius,  Pacius  , Mercatiis  , Perdulcis,  Clau- 
dlnus , CortiÜo  , Charles,  Septal , Sarter,  Pitcarn, 
Roncal. 

Cardan , Trîncavel  , de  Leon  & Maflàrias  la 
préfèrent  aux  autres  médicaments  antivénériens  (2). 

CeftonI  afTure  qu’il  a toujours  mieux  réuffi  à 
guérir  la  vérole  par  l’ufage  de  la  Salfepareille, 
que  par  l’ufage  du  mercure , quelle  que  fût  la  ma- 
niéré de  le  préparer  de  de  l’adminiftrer. 

la  femplice  deco^ione  délia  S aljaparlglict  , 
mie  riufcito  fempre  dt ejlirpare  la  lue  venerea  molto  piii 
felicemente  , che  cou  il  mercurio  , 0 Jia  in  un[ionc  y o 
per  (il ffumigli  ^ 0 perempiajlri  y 0 per  bocca  in  quajî 
yoglia  modo  preparato. 

Il  y a , dit  même  Auteur,  trois  maniérés  d*em- 


(i  ) Aflruc. 

" ) Mich.  Frid,  Bohem. 

I 


C 77  ) ^ 

ployer  la  Salfeparellle  , en  décoâlon  , en  poudre, 
& en  extrait. 

On  en  fait  au(Iî  deux  fortes  de  décoélion.  Tune 
forte  & l’autre  légère  ; la  première  fe  fait  ainü  : 

Prenez  quatre  onces  de  racines  choifies  de  Sal- 
fepareille,  pilez>les  dans  un  mortier,  & enfuite 
faites-les  cuire  dans  quatre  livres  d’eau  commune, 
jufqu’à  la  rédudion  de  la  moitié  , en  prenant 
bien  garde  que  Técume  ne  fe  répande  pas  par- 
deflus  le  vafe. 

Les  deux  livres  de  décodîon  qui  reftent  doivent 
être  bues  le  matin  & le  foir,  en  quatre  fois,  & 
dans  l’efpace  de  deux  jours. 

L’autre  décodion  fe  fait  en  ajoutant  au  marc 
de  la  première  une  ou  deux  livres  de  nouvelle 
Salfepareiile  , avec  huit  ou  dix  livres  d’eau  qu’on 
fait  cuire  jufqu’à  la  diminution  de  !a  moitié.  Cette 
fécondé  décodion  fert  de  boilTon  ordinaire. 

On  fait  une  poudre  de  la  racine  de  Salfeparellle, 
en  la  broyant  dans  un  mortier  avec  une  ou  deux; 
amandes  , de  peur  que  cette  poudre  n e fe  dlffipe 
dans  l’air,  & on  la  paffe  enfuite  par  un  tarais. 

On  eft  dans  l’ufage  d’ajouter  une  cuillerée  de 
cette  poudre  à chaque  verre  qu’on  - prend  de  la 
première  décodion.  On  peut  auffi  prendre  cette 
poudre  dans  tout  autre  liquide. 

L’extrait  de  Salfepareiile  fe  fait  en  laiiTant  éva- 
porer lentement  & épaiflîr  la  première  décodion. 
On  prend  un  gros  de  cet  extrait,  deux  fois  cha- 
que  jour  dans  une  liqueur  appropriée. 

Ceftoni  dit  qu’il  fe  commet  planeurs  erreurs  dans 
l’ufage  de  la  Salfepareiile. 

La  première  conlîfte  en  ce  qu’on  regarde  cette 
plante  comme  un  médicament  deflîcatif,&  que 
dans  cette  opinion,  on  le  prefcrit  en  trop  petite 
quantité,  & pour  trop  peu  de  temps. 


fécondé,  en  ce  qu’on  la  fait  euîre  avec  le 
gayac , la  fquine  , le  falTafras  & plufieurs  autres 
plantes  dans  le  vin,  ce  qui  émoufle,  ou  lui  fait 
perdre  fes  vertus. 

Là  troifieme , en  ce  qu^on  fait  obferver  au  ma-* 
lade , durant  tout  le  traitement , un  régime  def-’ 
ficatif , tandisqu  i!  faudroit  au  contraire  qu’il  fui- 
vît  un  régime  rafraîchiflant. 

La  quatrième , en  ce  qu  on  tient  le  ma.îade  tou- 
jours enfermé  , au  lieu  de  le  laiffer  fortir  dans 
le  beau  temps , ce  qui  lui  feroit  plus  avantageux  (i). 

Hunrer  a^vu  guérir  par  la  Salfepareille  , une 
vérole  qui  n avoitpu  être  guérie  par  le  mercure  (2). 

AI.  Fordyce  rapporte  dans  le  premier  volume 
des  Recherches  (S*  Objervations  de  Médecine  , dhine 
Société  de  Medecine  de  Londres , plufieurs  obfer- 
vations  fur  des  malades  guéris  de  la  vérole  par 
la  Salfepareille  , auxquels  on  avoit  fait,  prendre 
inutilement  le  gayac  & le  mercure. 

La  maniéré  de  préparer  & d’employer  la  Salfe- 
pareille , pratiquées  par  AI.  Fordyce,  eft  celle- 
ci  : ' 

Prenez  de  racines  de  Salfepareille  trois  onces, 
faites-les  cuire  avec  fix  livres  d’eau  de  riviere  , 
dans  un  vaiiïeau  ouvert,  jufqu’à  la  réduéfion  de 
deux  livres  marchandes , c’eft-à-dire  de  trente- 
deux  onces. 

Il  recommande  de  choihr  des  racines  de  cette 
plante  qui  ne  foient  point  vieilles  ni  vermoulues  , 
qui  n’aient  pas  été  gâtées  par  l’humidité  ou  par 
1 eau  de  la  mer  durant  le  trajet. 


(I)  Hyacinto  CeRoni  , Anconitar.o  , verc  .conditioiie 
délia  Saifapariglia  , 170S. 

( 2 ) Spielmaii , inflic,  mater.  Medic. 


. ■ . . ( 79  ) 

Quelquefois  II  ajoutoit  un  peu  de  réglîiTe  pour 
lui  donner  un  goût  agréable.  ^ 

Il  faifoit  prendre  la  quantité  de  décoétion  ci. 
deiTus  , en  deux  ou  trois  fois  , chaude  ou  froide,' 
félon  la  volonté  du  malade,  dans  l’efpace  de  vingt- 
quatre  heures. 

Tous  les  deux  Jours  cette  décoéiion  étoît  renou- 

vellée  , & ce  qui  en  reftoit,  étoit  gardé  dans  un 
lieu  frais. 

II  faliolt  obferver  un  régime  exaéi  , & défendolt 
1 ulage  du  vin. 

. La  décodion  de  la  Salfepareille  a été  partlcu- 
lerement  utile  aux  malades  qui  avoient  desdôu- 
leurs  noéiurnes  vénériennes , oftéocopes  & infun- 
portables.  . ■ ^ 

EHe  a produit  de  très-bons  effets  fur  ceux  que 
L vérole  avoir  réduits  au  marafme,  & à la  difoo- 
lition  a laphthyfie,  car  les  malades  recouvroient 
par  ce  moyen  les  forces,  l’appétit,  l’embon^' 
point  & la  couleur  naturelle. 

Il  a effaye  l’ufage  de  la  Salfepareille  en  décoc- 
tion & en  poudre  fur  de  jeunes  malades,  mais  il 
^ ^ les  guérir  radicalement  de  la  vé- 

role , foit  parce  qu’ils  n’avoient  pas  employé  au- 
parayantle  mercure,  foit  qu’ils  n’euflent  pas  con- 
tinue  affèz  long  temps  l’ufage  de  la  Salfepareille/ 

£ „r  '=  avoient- 

etc  mfuffifants  pour  guérir  la  vérole. 

néraHa  nP  mercure  guérit  e.n  ge'-' 

la  Salfepareille  guérit  peut-être  celles  qui  réhftlnc 
au  niercurc,  en  forte  qifil  eft  probable  nue  par 
CCS  deux  moyens  combinés , „„  peut  parvenir  ) 
gucrir  toutes  lortes  de  maladies  vénériennes  On 
rouve  dans  le  meme  ouvrage,  une  obfervàtioi. 


(ut  une  vérole  gucrie  de  cette  maniéré , quiiavo^ 

rife  cette  opinion.  « j-  ^ 

T Vffinrité  de  la  Salfepareille  dans  les  maladies 

vénériennes  a"  été 

a I I a ^ , f • 

Une  femme  qui  avoit  des  bubons  venenens , 
implora  le  fecours  d’un  Barbier  qui  les  fat  dilpa- 
roître  en  deux  jours  par  l’application  d’un  onguent; 
rnais  auflTi-  tôt  après  , elle  e'prouya  une  grande  dou- 
leur au  bas-ventte  à laquelle  fe  joignoit  le  foir  une 
forte  fievre , précédée  du  friilbn  ; le  paroxifme 
étoit  terminé  par  une  fueur  abondante.  Le  matin 
elle  n’éprouvoit  ni  angoilTe ni  douleur , & Ion 
pouls  étoit  naturel.  L’après-midi,  les  accidents  re- 
venoient  dans  le  même  ordre.  Tranfportée  a 1 hô- 
pital , elle  cacha  la  caufe  de  fon  m.al;  mais  voyant 
que  le  quinquina  qu’on  lui  faifoit  prendre  ne  tai- 
foit  rien  à fa  maladie  , elle  en  avoua  l’origine.  Un 
eiïaya  la  décoâion  de  la  racine  de  bardane  avec 
le  inercure  doux  diflbus  dans  l’eau  ; elle  en  pre- 
roit  environ  un  grain , quatre  fois  par  jour  -,  deux 
jours  après , la  douleur  & la  fievre  etoient  cal- 
mées ; cependant  fon  état  n’étoit  pas  devenu  meil- 
leur après  quinze  jours  d’ufage  de  ces  renaedes.  _ 
On^ lui  donna  alors  le  fublimé  corrolif;  mais 
la  chaleur  & la  fécherelTe  de  la  poitrine  , la  loit  , 
& les  douleurs  de  tête  qui  furvinrent , le  hrent 
abandonner.  On  eut  recours  aux  purgatiB  mer- 
curiels , avec  une  boilTon  copieufe  emoIliente , 
mais  cela  n’eut  aucun  fuccès , & fes  forces  alloient 

*°'infin  on  lui  donna  la  décoftion  de  Salfepareille: 
le  quatrième  jour , il  les  urines  beau- 
coup de  matière  vifqueufe  & jaunâtre , . _ 

Le  cinquième  jour  , les  urines  etoient  li^p-deS  ’ 
mais  il  fortoit  du  vagin  une  humeur  epaiire,jau- 


C8î). 

nâtfe , âcre  & fétide , la  douleur  de  la  fievre  dî- 
riiinuerent  beaucoup  , & récoulement  ceffa  au  bout 
de  quinze  jours;  enfin  la  douleur  8c  la  fievre  dlfpa- 
rurent  enttiérement , les  forces  & la  fanté  fe  rétabli- 
rent; malgré  cela,  on  luiconleilla  de  continuer  enco- 
re Tufage  de  cette  décoftion  moins  forte  durant 
quelques  femalnes , afin  d’achever  de  détruire  ce 
qui  pouvoir  encore  refter  de  la  maladie  ( 1 

Fallope  témoigne  beaucoup  de  confiance  en  la 
décoâion  de  la  Salfepareille , pour  la  guérifon  des 
ulcérés  vénériens. 

Cùm  ergo  in  Gallico  adfunt  ulcefn  , ad  hoc  me- 
di  camentum  confiigio , tànqiiam  ad  certiffimum  & 
tutijffimum  anxilium  ^ & Ji  non  facit  prima  di(Zta  ^ 
facit  faltem  fecunda^  vel  ténia  ^ prccjlans  ejl  guaïa^^ 
ciim  , tamen  ego  utor  S alfa  in  Levihus  , foUo  etiarn 
mifeere  hœc  duo  JimuL 

Il  dit  auflî  qu’il  a été  témoin  de  fon  efficacité 
pour  la  réfolutioii  des  tumeurs  ofleufes.  'Etat  feo- 
laris  P apienfis  qui  tophis  ojfeis  & lapideis  laho ra- 
bat circà  pedes  & tibias  ; ego  brevi  illos  difcujfos  vidl 
ope  S ayiiparillce  , & prima  vice  ufus  fum  hac  in  mi- 
lite luccenji  qui  dicebatur  il  Capitan  Capon  ; hic 
habebat  in  capite  tumores  & gummata  ques  per  decem 
dies  evanuerunt  omnia.  • . . Notate  autem  unum  quod 
decoâum  Salfæ  femper  agit  omnibus  temporibüs  • de- 
co3:am  autem  Guaïaei  non  agit  humali  tempeflate. 

Nous  venons  de  voir  la  Salfepareille  placée  au 
premier  rang  des  médicaments  antivénérieus  par 
un  grand  nombre  de  Médecins,  8c  mife  au-dellus 
de  tous  ces  médicaments  par  quelques  autres 
En  voici  d’autres  qui  penfoient  différemment  de 
l’efficacité  de  cette  plante  ; J.  Pafchal , Ant,  Sa-- 


,(  I ) Aûnus  Medicu?, 


F 


T, 

porta  , Pereda , Rudius  ( i ) la  regardoient  feu- 
le^ent  comme  propre  a guérir  les  maladies  vé- 
nériennes legeres  ; Rinius,  Montuus,  Pracantia- 
nusC2),  Guargantus,  Mufitanus  , Johrenius 
& Elfener  ont  même  prétendu  qu’elle  eft  in- 
capable de  guérir  feule  ces  fortes  de  maladies. 

Les  habitants  de  la  Côte  d’or  en  Afrique  fe 
fervent  généralement  de  la  Salfepareille  que  les 
Hollandois  leur  apportent  pour  fe  délivrer  de  la 
verole , qui  eft  fort  commune  dans  ces  climats 
brûlants. 

L Hôpital  des  Incurables  de  Florence  en  con- 
fommetous  les  ans,  félon  Targioni  Tozzeti,  fix 
cents  cinquante  livres,  de  fix  livres  feulement  de 
Gayac  pour  le  même  ufage  C 3 ). 


( I ) Salfaparilla  lorigè  meliiis  dolores  , tum  gallicos , 
tum  alios  deiTiul^ec  qiiaiii  guayacum  , in  omnibus  quoque 
humorum  fluxionibus  & præfertini  à capite  ad  Tboracein 
& pulmonem  , & præfercim  in  aûlirnate  & orchopneâ , 
longé  tiitîüS  adhibecar.  Sed  gallicum  virus , niü  admo- 
dum  exiguum  & n corpoie  recenter  concradlum' , perfe 
jpfa  profligare  Sc  extirpare  imporens  efl  ; ideoqiie  non  eû: 
verum  Sc  iegitimuna  luis  venereæ  Bezoaélicum.  medica- 
mentum.  hujîachius  Rudius  , a-c  morb,  ^all,  160^,  Vids 
Jlrue^  de  morb.  vener^ 

( 1 ) Licet  Qx  ufu  radicis  hujas  aliqiii  dicantur  eife  fa- 
nati,  niîllnm  camen  rnihi  concig  t vidiife  perfeifl:é  fanatum  J 
verum  quidem  eft  quod  tophos  opcimè  difcutit , ac  miri- 
fîcè  fympeomata  removec  ; îed  brevi  reverci  confueverunc 
& in  aliquibus  maxime  vencricuium  réfrigérât  Sc  lædir. 
Anr»  Fracantianiis  de  mo  bo  gatlico, 

( 5 ) Prima  Raccoka  di  ClTervazioni  Mediche  , page 

H7. 


C85  ) 


1 

•x  • ^ ‘ 

.-Ji.  .v. 

■ » % 

— 

— 

■Hi 

, le'  sassafras. 

« 

.i’est  un  petit  arbre  de  l’Ame'rique  fepten- 

tnonale  qui  prend  la  hauteur  d’un  pin  ordinaire 
fur  un  pied  de  diamètre. 

^ Sa  tige  eft  dégagée  de  branchages  iufqu’à  la 

tete  qui  eft  touffue , & qui  forme  une  efpece  de 
coupole.  r 

Son  écorce  eft  unie  , un  peu  rougeâtre , & elle 

rend  au  goût  une  légère  faveur  de  l’anis. 

' racines  font  dures,  pefantes , & s’étendant 

a fleur  de  terre  j fes  feuilles  font  échancrées  affèz 

profondément  en  trois  parties,  fans  aucuneden- 

telure  fur  les  bords  ; elles  font  d’un  verd  obfcur 

& de  bonne  odeur , fur-tout  quand  on  les  laiffe 
lecher. 

Ses  fleurs  paroiffent  au  printemps  dès  le  corn* 

menceraent  du  mois  de  Mars;  elles  font' jaunes, 

petites,  raffemblees  en  bouquets,  & d’une  odeir 
agréable.  ^ 

Les  fruits  qu’elles  produifent  font  des  baies  de 
la  groffeur  & de  la  forme  de  celles  du  laurier  • 

W fl  îe  gland,  un  calice,  mais  co’ 

o e de  rouge  ainfi  quedes  pédicules  qui  le  fou- 

mtrnrffé  ’ deviennent  bleues  dans  leur 

Le  bois  de  cet  arbre  eft  léger,  quoiqu’aflèz 
dur,  dune_  couleur  un  peu  jaunâtre , d’une  odeur 

quant  & aromatique.  ^ ^ 

Le  Saflafras  eft  fort  commun  dans  la  Floride  la 
Virginie  , la  Penfylvanie,  la  Caroline  & le  Catdi 

. F H 


14 


! 


( S4  ) 

On  le  trouve  dans  le  commerce  en  morceaux 
longs  , droits , fort  légers  & d’un  tiflTu  fpongieuX> 
couvert  d*une  écorce  raboteufe  & fpongieufcj  de 
la  couleur  de  celle  du  frene , 

' c 

de  fer  rouillé  en-dtdans:  elle  a une  odeur  fort 
agréable  , un  peu  aromatique , douceâtre  8c  un 
peu  âcre.  L’écorce  a une  odeur  & une  faveur  plus 
fbrte  que  le  bois  , & les  racines  grêles  en  ont  une 
plus  forte  que  celle  des  gros  morceaux. 

C’eft  avec  le  Saflafras  que  les  habitant?  de  la 
Floride  fe  guérilTent , dit-on  , des  maladies  vé- 
nériennes. ^ . . r • ' • A 

Monardes  eft  le  premier  qui  ait  fait  mention  ae 

cet  antivénérien  , au  milieu  du  feizieme  fiecle. 

MonaW  penfe  que  le  Saflafras  convient  mieux 
aux  malades  d’une  complexion  délicate  que  le 
Gayac  8c  la  Salfepareille.  Il  ajoute  que 
temps , en  1 ySa  , on  en  faifoit  un  très- grand 
en  Pologne  contre  la  goutte  8c  d’autres  maladies 

Le  Gayac , dit  Varandé , l’emporte  fur  la  Salle- 
pareille,  la  Squine,  8c  le  SalTafrasj  maiscelui-ci 
eft  fort  avantageux  dans  la  cachexie  , Ihyaropi- 
fie  8c  les  tumeurs  froides  qui  'âccompagnent  les 

véroles  anciennes.  ‘ ^ j*  • 

D’autres  Médecins,  tels  que  Wier,  Claudini  , 

.Neander,en  recommandent  l’ufage  ; mais 
.Gues  autres,  comme  Guargantus,  Sartor  , üu - 

tachius  Rudius  , le  regardent  comme  inelhcace, 

& même  comme  pernicieux  ( 2 ).  Experiemiacom- 
tZm  eft  , dit  ce'  dernier , Sajfafr^s  nuUamhab^^ 
froprktatem  virulentict  galiico^  ad.crftanam  ; Jcdcunz 

(O  Pierre  Monav  , Mèaecln  de  l'Empereur  Rodolphe  II. 

( ± ) Mich.  Frid,  Boehm.  _ 


C8y) 

piKgui  fubjlantlà  & adJlruÜ:ione  careat  & calHutn 
&Jiccum  ciim  fit , luis  erodentem  vint  juvare  & a,ugere\ 
in  quibufcumqae  Jluxionibiis  & potifiimiim  ad  artt- 
culos  & Thoracem  noxium  ejje. 

La  décoâion  de  Saffafras  fe  prépare  & fo 
donne  de  la  même  maniéré  que  celle  de  laSquine 
& de  la  Salfepareille. 

On  eft  depuis  long  temps  dans  Tufage , dit 
Aftruc  , de  faire  bouillir  enfemble  fe  bots  de 
Gayac  & de  SafTafras,  & les  racines  de  Squine  & 
de  Salfepareille,  dont  la  nature  & les  vertus  font 
a peu- près  femblables  ; on  prépare  cette  décoc- 
tion le  plus  fouvent  fans  aucun  purgatif,  mais 
quelquefois  on  y ajoute  des  follicules  de  féné  , 
comme  on  le  pratiquoit  dès  Tan  lyyo  , fuivant 
le  témoignage  de  BralTavole;  'on  prépare  par  ce 
moyen  des  décoétions  & des  hochets  tantôt  lîm- 
plement  diaphorétiques  & diurétiques , &:  tantôt 
diaphorétiques  & purgatifs  r c’efl:  ce  qu^on  nomme 
tifanefudorifique^  OU  tifane  de  bois  fiidorlfiqius* 

La  dofe  de  chacune  de  ces  drogues  varie  fui- 
vant les  indications.  En  général , on  met  infufer 
à chaud  pendant  vingt-quatre  heures,  dans  diic 
ou  douze  livres  d*eau  commune  , du  bois  de 
Gay  ac  râpé,  ou  coupé  menu , du  bois  de  SalTa- 
fras,  des  racines  de  Squine  & de  Salfepareille  , 
également  coupées  menu  , à là  dofe  de  deux  onces 
chaque  ; enfuîte,  ayant  ajouté  , fi  on  le  juge^  à 
propos , deux  onces  d^antimoine  crud  pilé  grof- 
fièrement  & enfermé  lâchement'^dans  un  nouet  ; 
on  fait  bouillir  le  tout  à un,  feu  doux  , dans  un 
pot  bien  couvre rt  , jufqu’à  la  diminution  du  tiers. 
Alors  on  ajoute  une  once  de  régliiïe  ratifiée  j , 
fl  on  veut  rendre  la  décoélion  purgative  , une 

demi- once  de  follicule  de  féné  oriental  ; ces  deux 

( , • • • 

l ilj 


J . < ^ 

oernieres  drogues  ne  doivent  bouillir  qu’un  mp- 
ment,  La  déccâion  étant  refroidie,  onia  coule, 
& Tayant  mife  dans  des  bouteilles  de  verre  , on 
la  garde  pour  Tufage. 

La  coutume  eft  d’en  prendre  trois  verres  par 
jour  , durant  douze  ou  quinze  jours  le  matin  à 
jeûn  , Taprès-dîner , fur  les  quatre  ou  cinq  heures, 
& le  foi’r  en  fe  couchant , ou  bien  feulement  deux 
verres,  un  le  matin,  & l’autre  le  foir* 

Pendant  ce  temps-là,  le  malade  doit  manger  peu 
& garder  la  chambre,  fi  la  faifon  le  demande  ( l ). 

f 

XDhfervation  de  M,  Dehorne  fur  une  malaile  vénérienne 
bien  caraclerifée  , guérie  par  la  tijane  fûdorlfique. 

Claire  . . . native  de  la  Champagne,  d’un  tem- 
pérament  fanguin  & délicat  , ordinairement  bien 
réglée  , ayant  néanmoins  éprouvé  une  perte  uté- 
rine , il  y a quinze  jours , eft  entrée  la  mai- 
fon  de  Santé  de  la  Petite-Pologne  le  p Avril 
1776,  pour  y être  traitée  de  la  maladie  véné- 
rienne, dont  les  principaux  fymptômes  étoient 
une  gonorrhée  virulente , un  bubon  affez  confi- 
dérable  à Î’aîne  droite , un  chancre  à l’entrée  de 
la  vulve  du  côté  droit  & des  douleurs  tres-vives 
& continues  à la  tête  & à la  cuilFe  droite.  ^ 

Après  avoir  été  préparée  à l’ufage  des  frieftions 
& des  lavements  antivéneriens  par  une  faignée , 
une  médecine  & quelques  bains  , cette  malade 
commença  ces  remedes  combinés  à une  dofe  affez 
foibles;mais  malgré  cette  précaution,ils  produifirent 
affez  promptement  la  falivation  la  plus  fougueufe, 

i I J Aftruc,  de  morb,  venerv  ' 


! 


• M CS?) 

la  plus  opiniâtre  , & qui  fut  accompagnée  d e ^ 

douleurs  plus  vives  a la  tête  que  celles  précé-  ^ ’ 

demment  reffenties  , & dont  il  eft  fait  mention  ; 

la  langue  étoit  fortie  de  la  bouche , & ne  pou- 

voit  plus  y rentrer;  elle  étoit  parfemée  d’ulce- 

res  chancreux,  & même  gangrenés;  Tengorge- 

ment  Sc  rulcération  de  prefque  toutes  les  parties 

de  la  bouche  fubfifterent  pendant  près  de  quarante 

jours,  malgré  les  faignées  du  pied,  les  demi-bains, 

les  lavements  émollients  , & purgatifs  multipliés, 

malgré  Pufage  rélrérédes  tifanes  royales,  de  gar-- 

garhmes , & l’application  continuelle  des  topiques 

appropriés  : infenfiblement  tout  rentra  dans  l’ordre, 

les  efearres  gangreneufes  de  la  langue  tombèrent, 

les  ulcérés  de  la  bouche  fe  détergerent , fe  cica-  , 

triferent , & malgré  le  peu  de  remedes  que  cett.e 

malade  avoit  pris  , tous  les  fymptômes  vénériens 

étoient  difparus  , ce  qui  cft  à l’avantage  de  la  fa- 

livation.  Car,  fi  ce  n’eft  point  elle  qui  a produit 

cette  ce/Tation  des  fymptômes  , il  efl  au  moins 

prouvé  qu’elle  ne  s’y  efl  point  oppofée.  Malgré 

cet  avantage  , on  craignit  néanmoins  qu’ils  ne  re- 

parufient  aufli  promptement  qu’ils  avoient  cefle, 

& cette  crainte  détermina  à employer  les  lave- 
nients  antivénériens  feuls  pour  affurer  la  guérifon; 
il  ne  réfulta  de  ce  remede  aucune  efpece  de  fa- 

livatlon  , ni  de  cours  de  ventre  , quoiqu’on  en  ait  u 

donné  cinquante*quatre  à deux  par  jour,  & qu’om  - ^ l 

y ^ait  employé  quatre  bouteilles  de  liqueur  anti- 

vénérienne.  Cette  malade  (ortit  enfin  le  Juin 

1776,  parfaitement  guérie,  deux  mois  Ôc  dix 

jours  apres  fon  entrée  dans  cette  maifon. 

Le  5 Février.  1777  5 cette  femme  revint  de  nou- 
veau a la  Maifon  de  Santé  de  la  Petite-Pologne, 
pour  une  gonorrhée  virulente  inflammatoire  ^ un 

F iv 


t 


( n ) 

engorgement  (enfibîe  à i aîné  gauche  , & des 

poireaux  nombreux  à la  vulve,  qui  étoient  les 
truits  récents , reconnus  & avoués  d’un  nouveau 
commerce  ; elle  n’avoit  point  eu  fes  réglés  depuis 
fon  premier  traitement , fans  qu  il  y eût  néan- 
moins aucun  fîgne  de  groiïciTe. 

Après  avoir  été  faignée  deux  fois , avoir  pris 
‘quelques  bains , & bu  beaucoup  de  tifane  adou- 
ciflante  pour  calmer  Tinflammation  de  la  vulve, 
on  voulut  remettre  cetté  malade  à Tufage  des  la- 
vements antivénériens  ; mais  à peine  en  eut-elle 
pris  fix  qu’elle  relTentit  des  douleurs  de  colique 
affez  vives , & qu’elle  prouva  des  envies  de  vo- 
mir , & même  des  vominements  bilieux  très*  abon- 
dants ; après  avoir  remédié  à ces  accidents  par 
la  dîete , une  boiflbn  copieufe  & une  prife  d’hi- 
pécacuana  , on  donna  à la  malade  deux  fridions 
d’un  gros  chacune  ; mais  dès  le  cinquième  jour, 
il  furvint  une  falîvation  qui  menaçoit  d’être  con- 
fidérable , & qui  par  réflexion  (ur  la  première 
éprouvée^  donna  de  juftes  inquiétudes  fur  la  con- 
tinuation de  ce  remede  ; c’eft  pourquoi  on  la  pur- 
gea, & on  lui  fit  prendre  des  bains,  danslefquels 
elle  tomba  en  foiblefle  ; mais  c’étoit  la  crife  des 
réglés  qui  parurent  alors,  & qui  procurèrent  beau- 
coup de  foulagement , quoiqu’elles  n’aient  coulé 
que  pendant  deux  jours. 

Les  remedes  mercuriels  paroilTant  affeder  cette 
malade  d’une  maniéré  trop  fenfible  & trop  inquié- 
tante il  fut  décidé  qu’on  n’en  emploiieroit  plus 
aucun  de  cette  efpece,  & dès  ce  jour  elle  fut 
raife  à l’ufagc  d’une  tifane  forte  de  bois  fudo- 
rifiques  faite  avec  beaucoup  de  foin;  on  lui  en 
donna  une  pinte  par  jour,  dont  la  moitié  fe  pre- 
laoit  le  matin , ^ l’autre  le  foir.  On  faifoit  bouH- 


. ^ > . . T 

Iir  le  marc  de  cette  tifane  pour  lui  fervîr  deboii- 
fon  ordinaire.  On  continua  le  remede  depuis  le 
Février  jufquau  J Mars;^  il  fubfiftoit  néan- 
moins  encore  un  peu  de  falivation  , mais  le  2 Mars 
elle  étoit  totalement  ceffée.  Depuis  le  y Mars 
jufqu’au  ip  du  même  mois , la  meme  tifane  fut 
continuée  à la  même  dofe,  & on  la  rendit  pur- 
gative tous  les  huit  jours  avec  les  follicules  de 

iené  &■  de  manne.  ^ ^ 

Le  12  Mars  5 la  gonorrhée,  qui  étoit  înfenfi- 
blement  diminuée  5 parut  totalement  tarie  ; 1 en- 
gorgement des  aines  étoit  réfous  , ëc  les  poireaux 
étoient  tombés  d’eux-inêmes. 

' La  malade  fortit  parfaitement  guérie  le  20  Mars, 
après  avoir  pris  vingt-cinq  pintes  de  tifane  fudo- 
rifique  très-chargée  , fans  qu  elle  en  ait  été  aucu- 
nement incommodée. 

Depuis  ce  temps  , les  menftrues  ont  continué 
à couler  régulièrement,  & cette  femme,  qui  de- 
puis s’eft  repréfentée  pluCeurs  fois  , jouit  de  la 
meilleure  fanté.  Obfervaüons  jaites  & publiées  par 
ordre  du  Gouvernement , Jiir  les  differentes  méthodes 
d' adminijlrer  le  mercure  dans  les  maladies  vénériennes^ 
par  M.  Dehorne^  Docl*  Med,  <Sv.  k Paris , I77P* 


\ 


la  lobelia  syphilitica. 

Si  les  naturels  de  rAmeTlque  mendionale  ont 
trouvé  dans  la  décodiou  du  bois  de  gayac , un 
rcmede  afluré  centre  la  maladie  vénérienne’  les 
habitants  de  la. partie  feptentrionale  de  ce  nou- 
veau monde  ont  aufli  leurs  plantes  qu’ils  emploient 
avec  le  nième  (uccès  contre  ce  fléau  de  refpece 
humaine.  « La  maladie  vénérienne  , dit  Lahontan  , 
eft  tout- à-fait  commune  du  côté  des  Illinois  & du 
fleuve  Milîiflipi  : je  me  fouviens  qu’étant  avec  les 
Akamas  que  je  rencontrai  fur  ce  grand  fleuve  à 
la  (ortie  de  la  riviere  des  Miirouris,  je  vis  un 
fauvage  qui  s étant  dépouillé  devant  moi',  me  fît 
voir  une  partie  de  fon  corps  tombant  en  pourri- 
ture. Il  faifoit  bouillir  des  racines  , & lui  ayant 
demandé  a quel  ufage  , il  me  répondit  par  inter- 
prète qu  il  eipéroit  d en  être  guéri  au  bout  d’un 
mois , en  buvant  le  fuc  de  ces  memes  racines  , 
^ en  prenant  incefTamment  de  bons  bouilions  de 
viande  es:  de  poifTon  ( i 

Lahontan  ne  dit  pas  quelles  etoient  ces  racines, 
mais  ce^qu’il  rapporte  en  général  des  moyens  que 
les  Ameriquains  feptentrionaux  emploient  pour' 
fe  guérir  de  la  verole , efl  confirmé  par  le  témoi- 
gnage d’un  Naturalifle,  Eleve  du  célébré  Linné, 
à qui  le  feul  defir  de  connoître  les  produérions 
de  la  nature  dans  cette  partie  du  nouveau  monde, 
a fait  franchir,  vers  le  milieu  de  ce  fiecle,  la 
vafte  étendue  des  mers  qui  la  fépare  de  l’Europe. 


( i)  NoiiYcaux  Voyages  dans  rAmériqiie  feptentrionale. 


f po 

Ce  Naturalifte  ^ M*  Kalm  , a parcouru  les  forets 
âc  les  déferts  de  TAmérique  feptentrionale  pen- 
dant plufieurs  années. 

Il  y a fait  des  découvertes  très-intéreffantes, 
dont  il  a enrichi  les  Mémoires  de  l’Academie  de 
Suede  : à Ton  retour,  i!  a été  pourvu  d’une  chaire 
de  ProfelTcur  dans  l’Univerfité  d’Abo  , où  il  eft 
mort  il  y a quelques  années  ( î ). 

Voici  la  maniéré  dont  M.  Kalm  parle  dans  un 
de  ces  Mémoires  ^ des  moyens  en  ufage  chez  les 
habitants  de  cette  partie  de  l’Amérique  pour  fe 
guérir  de  la  vérole. 

cc  Depuis  un  temps  immémorial . dit-il^  les  Sau- 
vages de  TAmérique,  feptentrlonaîe  ont  vu  quel- 
quefois la  maladie  vénérienne  régner  parmi  eux; 
les  uns  prétendent  que  les  Européens  la  leur  ont 
apportée  ; d’autres  aflurent  qu’elle  étoît  connue 
long-temps  avant  l’arrivée  de  ces  derniers  : un  de 
leurs  vieillards  m’avoua  ici  qu’ils  ont  eu  cette  ma- 
ladie auparav’^ant,  & que  communément  leurs  jeunes 
gens  la  gagnoient  en  allant  à la  guerre  contre  les 
nations  fauvages  qui  demeurent  plus  au  Sud , où 
elle  étolî  plus  commune.  Maintenant  elle  eft  affez 
fréquente  ici  ; ce  qu’il  y a de  remarquable  , c’eft 
qu  ils  fe  débarraftent  de  cette  contagion  avec  îa 
meme  facilite  qu’ils  la  gagnent  quand  meme  îe 
mal  feroit  enraciné  au  dernier  degré  ; celui  qui 
en  eft  infedé  peut  être  rétabli  parfaitement  en 
peu  de  temps , fans  crainte  de  rechute , à moins 
qu’il  ne  s’y  expofe  volontairement  3:». 

Les  Sauvages  pratiquent  cette  cure  fans  aucune 


C r)  yournalde  Paris  des  1er.  8c  z Novembre  lyZo  , nos. 
Ôc  307, 


( 9^  j 

mercure;  ils  regardent  même  cette 
die  comme  une  des  plus  faciles  à guérir  «. 
« -Lorfque  Tannée  derniere  j’arrivai  au  Canada 
n y eut  perfonne  de  ceux  qui  avoient  voyagé 
parmi  les  Sauvages  qui  ne  connut  la  facilité  ex- 
trême avec  laquelle  ils  guériffent  cette  maladie 
par  le  feul  ufage  des  plantes  ; mais  tous  ■ décla- 

roienten  même  temps  qu’il  étoitimpofl'rble  de  leur 
arracher  leur  fecret,Iequeli}s  cachoientavec  d’autant 
plus  de  foin  qu’ils  étoient  dans  la  perfuafion  que 
1 le  remede  parvenoit  à la  connoiflànee  des  Eu- 
ropeens  , il  perdroit  fa  vertu 

Beaucoup  de  François  ont  tenté  inutilement 
engager  les  Sauvages  à force  d’argent,  à leur 
découvrir  ce  remede , ils  ont  été  obligés  de  fe 
contenter  d’avoir  recours  à leur  traitement,  quand 
ie  malheur  les  y a forcés  ». 

« En  arrivant  cet  été  , chez  le  Colonel  William 
O nlon  y je  lui  fis  beaucoup  de  qiiefiions  fur  cette 
contrée  & fes  habitants  ; cet  Officier  demeure 
paimi  les  Sauvages,  & s’eft  attiré  par  bien  des 
moyens  leur  refpeâ  3c  leur  amour;  beaucoup  de 
Villages  ne  font  prefque  foutenus  que  par  lui,  les 
auvages  le  regardent  comme  leur  pere;  fouvent 
1 s viennent  des  endroits  les  plus  éloignés  pour 
le  voir  &^pour  lui  demander  des  chofes  dont  ils 
ont  befoin,  & dont  il  leur  fait  préfent,  car  fon. 
plus  grand  plaifir  efè  de  faire  du  bien;  une  autre 
de  fes  qualités  eft  une  eilime  3i  un  amour  brûlant 
pour  les  fciences  & leur  avancement:  comme  cet 
Officier  a paffé  beaucoup  d’années  parmi  les  Saii- 
vages  , il  n efi  perfonne  qui  counoiïTe  mieux  leur 
maniéré  de  vivre  ; il  m’affura  qu’ils  avoient  le 
fecret  de  guérir  avec  une  facilité  étonnante-  les 
maladies  vénériennes  par  .le  moyen  des  plantes*. 


qu’il  en  avoit  vu  lui-même  plufieurs  exemples  fur 
des  perfonnes  qui  vivoient  encore  ; que  quelques-- 
unes avoient  été  dans  un  état  affreux  & déplo- 
rable, & que  cependant,  au  bout  de  dix  jours  de 
traitement,  elles  étoient  affez  bien  rétablies  pour 
pouvoir  reprendre  leur  travail;  qtic  de  temps 
après  , elles  avoient  été  guéries  radicalement. 

cejelui  demandai  s’il  connoiffoit  les  plantes  dont 
les  Sauvages  fe  fervoient  pour  ce  traitement  ; il  me 
répondit  que  non  : je  le  priai  en  conféquence  de 
tâcher  de  fe  procurer  cette  connoillance  ; il  me 
dit  que  la  chofe  étoit  prefque  impoffible , mais  , 
fur  ce  que  je  lui  repréfentai  qu’il  étoit  le  feul 
homme  qui  pût  engager  cés  Sauvages  à commu- 
niquer leurfecret  par  l’attachement  extrême  qu’ils 
avoient  pour  lui  ; que  par-là  il.  s’attireroit  non 
feulement  la  reconnoiffance  des  Savants,  mais  peut- 
être  celle  de  fhumanité  entière  ;dl  me  promit  de 
faire  tout  ce  qu’il  pourroit,  & de  ne  ménager  au- 
cune'dépenfe  pour  parvenir  à cette  découverte  3». 

. ce  Je  lui  donnai  alors  quelques  inftruiftions  fur  la 
maniéré  d’y  procéder,  en  le  priant  de  queftion- 
ner  féparément  plufieurs  femmes  fauvages  qui 
paffoient  pour  maîtreffes  dans  cet  art;  de  les  en- 
gager à lui  montrer  les  plantes,  fans  que  l’une 
fût  rien  de  Tautre,  & de  ne  pas  fe  contenter  qu’on 
lui  montrât  une  feuille  ou  une  racine  de  la  plante, 
mais  de  les  engager  à lui  montrer  la  plante  toute 
entière  33. 

« Je  n’entrerai  point  maintenant  dans  toutes  les 
peines  & dépenfes  que  cét  Officier  a employées  ; 
il  fuffit  de  dire  que  trois  femmes  fauvages  lui  ont 
apporté  chacune  de  fon  côté  les  mêmes  plantes  , 
& lui  ont  fait  la  même  relation  fur  la  maniéré  du 
traitement;  il  en  parla  auûi^à  un  Sauvage  qui  paffoit 


ï." 

1 


' i 

j " 
;:1. 


de^inallH-*"  étonnantes  dans  ce  genre 

de  maladies,  lequel  lui  montra  des  racines  de  la 

eme  plante  , en  difant  que  c’étoit  là  le  remtde 

n.i’ï  ?"  communément  ; mais  il  ajouta 

qun_  lui  preferoit  une  autre  plante  dont  il  avoit 
appris  la  vertu  & les  .avantages  par  fon  grand- 

« Maintenant  je  vais  parler  des  plantes  dont  on 
le  fert;  .1  y a ici,  dans  l’Amérique  feptentrio- 
nale  cinq  cilFerentes  efpeces  de  Lobelia , dont 

P”"" 

ce  Ma  maniéré  de  voyager  à travers  des  forets  & 
ans  des  chemins  non  frayés  ne  me  permet  pas 
de  porter  avec  moi  beaucoup  de  livres  bota- 
niques  ; quand  j’ai  du  papier  pour  y arranger  les  ’ 

?vp"  P ^ "^es  remarques, 

avec  de  1 encre  & une  plume,  je  n aime  pasd’aug- 

^ par  d’autres  meubles,  celle-ci 
étant  déjà  grande  & augmentant  chaque  jour  ». 

« Je  ne  dirai  point  Ci  cette  plante  a déjà  été  dé- 
crite par  d autres  , ni  quel  nom  on  peut  en  ce  cas 
lui  ayom  donné  ; par  cette  raifon  , j’en  donnerai 
la  defcription,  & alors  chacun  fera  en  état  de- 
yoir  dans  quelque  bibliothèque' botanique  fi  elle  a ' 
déjà  ete  décrite;  & comme  la  langue  latine  eft  celle 
don,  le  Bo.a„,He,  a.inen,  le  mien,  à fe  fervir. 
je  1 emploierai  egalement  pour  donner  la  deferio- 
tîon  de  cette  plante  3^.  ^ 

Jîa(/{je  perenms,  fibrofa  ; fihras plurimas  allas  , li- 
nea  cr affine  , duorum  diguorum  longitadint  plus 
minus,  glabras  tanquam  è centra  emitttens. 

uuhs  Jimplex  ^ interdum  tamen  ramas  emittens, 
erectus  ,diverffi  longitudinis  ab  uno  ad  duorum  pediim 
hngitudmem,  teres  , glaimmus  l<evis  fuhnuidus  , 


, c py  ) 

pàlllde  viridis  au£  interdiun  rubefcens , pmciput  ver-^ 
Jus  inferiorem  pancm , foUatus  , folia  ufque  ad  fpi^ 
cam  Jlorum  gerens^ 

Folia , duplicis  generis  , radicalia  fcilicet  primo 
anno  , caulina  verb  anno  fcundo  , primum  prodcun- 

tia^ 

F olia  radicalia  , ovato-lanceolata , fubacuta  y crs>^ 
nato-piicata  ^ glaherrima  ^ utrinque  fubnitida  obfcurc 
viridia  cum  tinclurà  purpurei  in  petiolos  defnentia. 

Folia  caulina  , per  totum  caulem  fparfa  y ovato- 
lanceolata  ^ fiihacuminata  y incequaliter  dentata  ^pa^ 
tentia  y plura^  glaberrima  y fubnitida  , in  petiolos  de- 
fnentia  ; ad  mar fines  puncta  albiday  tantillum  elc^ 
vata fuit  5 quidquod  ipf  denticuli  ejufmodi  pun&:a  al’^ 
bida  elevata  gerant , nervi  in  interna  fohi  fuperficie 
longitudinales  elevaiL 


Rudimenta  forum  ad  alas  inferiores* 

Flores  ftperiorem  partent  caiilis  occupant  pedun- 
culis  ditariim  vel  duarurn  linearum  & dimidiæ  Ion- 
gitiidme  lîifidentes  , quivis  fos  fedet  ad  alam  folioL 
lanceolati  y acuti  y frratiy  ferraturis  fiibulatis. 

^ Flores^  fere  erecti  ^ magni  , cccnilei  y magnitudim 

'vix  floribus  Loheliiz , flos  Cardinalis  alias  dictæ  , 
cedentes* 


Calicis  la^cinias  lineares  y acutee  y loiigx  fcilicet 
a quinque  ad  octo  linearum  longitudinem  , mar-^ 
ginibus  prope  hafm  retrorfirn  flexis. 

Reliqiia  foris  fint  lobelice*  Jr^id^  caraclercni  inLin% 
Spcc.  Fiant. 

««  Il  fort  de  toutes  les  parties  de  la  plante  une 
liqueur  laiteufe  en  les  rompant;  quelques-unes  des 
vieilles  tiges^ ont  une  grande  pelotte  de  racines,  de- 
maniéré  qu  elles  reflemblent  à une  tourbe  de 
gramen 

« Les  plus  grandes  feuilles  caulines  font  de  la  Ion- 


r 


gueiir  de  quatre  à cinq  pouces,&  delà  Margeur  d*uû 
& demi  ; les  feuilles  inférieures  de  la  tige  font  foii-* 
Vent  lanceolata-ov ata. 

Les  feuilles  Inférieures  font  les  premières  qui' 
tombent  des  tiges.  Quelquefois  il  s’élève  plufieurs 
tiges  d’une  feule  racine  dans  les  plantes  qui  font 
grandes  ; la  tige  a fo'uvent  un  demi  pouce  de 
diamètre  35, 

cc  Vers  la  fin  de  l’automne,  les  feuilles  fe  cou- 
vrent de  taches  brunes  33. 

cc  La  plante  commence  à fleurir  vers  le  21 
Juillet  33. 

ce  Sa  graine  mûrit  vers  le  commencement  de  Sep-  ’ 
tembre.  Sa  demeure  naturelle  efl:  dans  des  en- 
droits humides  & marécageux , fur  le  bord  des  - 
étangs  , des  ruiffeaux  & des  rivières.  Elle  a pour 
voifines  l’Eupatoria  de  toutes  les  efpeces,  le  Ly- 
copus,  le  Bidens , le  Mimulus,  la  Cheloneaca- 
dienhs,  Lhelxine  caule  tetragono  aculeato,  laPer- 
ficaria  urens  5 &c.  &c  30, 

ce  Le  goût  des  racines  me  femblc  fort  approcher  ' 
de  celle  du  tabac  ; il  -refte  lohg-temps  dans  la 
bouche  ; il  excite  des  vomiflements  33, 

ce  C’efl:  cette  Lobelia  dont  je  viens  de  donner 
la  defeription  que  les  Sauvages  emploient  préfé- 
rablement & généraleiîient  contre  la  maladie  vé- 
nérienne. Le  traitement  en  éft  fort  fimple  ; ^ 
voici  leur  maniéré  de  procéder  33  : 

ce  Ils  prennent  les  racines  de  quatre,  fix , ou  plus 
de  plantes  , félon  que  la  maladie  eft  plus  ou  moins 
grave,  & ils  les  lavent  bien  proprement  .•  quelques- 
uns  fe  fervent  de  racines  fraîches  ; d’autres  difent 
que  celles  qui  ont  été  féchées  font  meilleures  ; ce 
qu’il  y a de  certain  , c’eft  que  beaucoup  fe  font 
fervisavec  fuccès  de  r^acines  féchées  depuis  trois 

ans 


ans  & davantage.  On  fait  bouillir  les  racines  ; les 
Sauvages  ne  font  point  de  diftinâion  entre’  les 
vafes  dont  ils  fe  fervent  pour  cet  ufage  ; toute 
leu»  batterie  confifte  en  quelques  marmites  de 

cuivre  rouge  ou  jaune  pour  préparer  leurs  médi- 
caments 35. 

« De  cette  décoéiion,on  fait  boire  au  malade  le  ma* 
tinde  bonne  heure  & tant  qu’il  peut;  ce  qui  refte  lui 

lert  de  boiffon  principale  pendant  toute  la  journée. 
L,e  malade  commence  alors  à purger  affez  fortement; 
mais  on  rend  la  décodion  plus  foible,  fi  l’on  voie 
qu  il  purge  trop  53. 

« Pendant  ce  temps,  il  faut  que  le  malade  s’abf- 
tienne  abfolument  de  toute  boiiïon  forte  ; il  doit 
taire  un  repas  très-fimple,  compofé  d’herbages  & 

e P antes;  quelquefois  on  lui  permet  de  maneec 
un  peu  de  viande  oo,  , ® 

« Les  fécond  & troifieme  jours,  on  fait  boire  de 
cette  decodion  au  malade  de  la  même  maniéré  : 
les  jours  fuivanp , il  prend  non  feulement  cette 
deco<aion,mais  il  s’en  fert  aufii  pour  y baigner  jour- 

ladie^r^  parties  les  plus  attaquées  de  la  ma- 

a En  continuantee  régime  pendant  quinze  jour 
pLoîr55*  Semaines,  la  maladie  communément  dif- 

Si  le  malade  a des  plaies  , on  fe  fertpou'r  les 

traitement  de  la  racine  de 
Geumjloribus  nutantibus  ,fruclu  oblungo  reminum 
<^‘^udamolli.pulmofâ.UTi.F\ou  Suel.^24.  On  torréfie 

poudre  dans  la  plaie  pour  la  defiecher  5,. 

«S il  arrive  que  la  maladie  eft  trop  profonde- 

rpS:  “*"0  ■’  ^ 0- 

apres  avoir  pris  pendant  quelques  jours  de  cette 


Lobella , ne  fent  aucun  foulagement, 

lih  ^ du  Ranunculus , foliis  radica- 
I us  umjormibns  , crenatis  , caulinis  digitatis  pe- 
nolatis.  Gronov.  Jlor.  Virgin.  i6S  ; on  les 'lave 
proprement,  & l’on  en  mêle  quelques-unes  avec 
celle  de  Lobelia , en  les  faifant  bouillir  enfemble 

« 1 on  donne  au  malade  à boire  de  cette  de'coc- 
tion  33. 


. <^c  Mais  il  faut  bien  prendre  garde  de  ne  pas  y 
mêler  une  trop  grande  dofe  de  ces  Kanunculus 
puüque  cela  pourroit  produire  une  inflammation 
dans  les  inteftms.  Cette  de'coaion  excite  une  forte 
purgation  , & meme  des  vomiflêments  qui  pro- 
duifent  enfuite  l’elfet  le  plus  defirable  ;'raais  fi  elle 
eu  trop  forte,  élle  devient  vênéneufeC  i)». 

« Un  autre  Sauvage  qui  a donne'  les  plus  gran- 
des preuves  d habileté  dans  ces  fortes  de  cures, 
& dont  le  Colonel  Johnfon  étoit  afliiré  qu’il  lui 
confieroit  fidèlement  fa  maniéré  deprocéder,  lui 
décida  qu  a la  vérité  il  s’étoit  aufli  fervi  quelque- 
fois de  la  Lobelia  ; mais  qu’il  avoit  encore  plus 
,de  confiance  dans  un  autre  médicament  compofé 
des  racines  de  Ceanothus,  Lin.  ou  Celatus  inermisy 
joliis  ovatis , Jerratis , trinerviis , Lin.  Hort.  Clifr 

A'  Virgin.  Ceft  de  la 

decôcSion  de  cette  racine  faite  comme  celle  de 

la^  Lobelia  dont  il  fe  fert  pour  faire  fes  cures.  La 
décoélion  devient  rouge  comme  du  fang  ; fi  Ton 
croit  que  le  mal  cfi:  trop  avancé , on  y ajoute  les 
racines  de  Rubus  , caule  aculeato , foliis  ternatis^ 

Lin.  Flor.  Suel.  410;  on  les  mêle  avec  les 
autres  33. 


( I ) M.  Kalm  ajoute  que  les  femmes  fauvao-es  s’en  fer- 
vent pour  fe  détruire  lorfqu  elles  font  maltraitées  par  ieur? 
maris.  ^ 


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(99} 

*c  J 3.1  culcbonhcur  de  rencontrer  un  liommc  c]Ui 
avoit  été  traité  & guéri  quelques  années  aupara- 
vant par  unetemme  fauvage.  Sa  maladie  étoit  déjà 
devenue  fi  grave , qu’il  y avoitbeaucoup  à crain- 
dre pour  fes  jours.  Il  avoit  encore  un  paquet  de 
racines  feches  & de  feuilles  radicales  de  la  plante 
ciont  cette  femme  s’étoit  fervie  pour  le  guérir , & 

je  les  reconnus  pour  être  uniquement  de  la  Lo- 
beJia  33» 

^ «Avec  ces  plantes  , on  fait  ici  des  cures  très- 
ctonnantes  qu’on  n’opéreroit  jamais  avec  du  mer- 
vüi^;  Ja  différence  qu’il  y aentr’elles&  ceminc'ral, 
c e/t  qu’avec  elles  on  ne  court  jamais  rifque  de  la  vie. 

• " . ^ point  d’exemple  qu’un  Sauvage  Amc- 

Jiquain  foit  mort  de  cette  maladie  ; point  d’exem- 
pe  qu  un  malade,  quelqu’attaqué  qu’il  ait  été,  foit 
mort  pendant  le  traitement;  point  d’exemple  de  ma- 
a e traité  félon  cette  méthode,  qui  n’ait  été  guéries. 

« Ceux  qui  omtle  malheur  de  faire  l’expérience 
n tiaitement  par  le  mercure  & par  les  plantes  , 

celui  qui  fe  fait  par  les  niantes- 
eitinhniment  plus  doux  & meilleur  C i ) ‘ 

eis  font,  félon  M.  Kalm  , les  moyens  par 
e “^loels^s  Naturels  de  l’Amérique  feptentrionale 
le  gueriffent  de  la  maladie  vénérienne. 

Un  des  premiers  Médecins  de  ce  fiede,  l’illuf- 
tre  Van-Swieten,  parle  de  la  Lobelia  de  cette  ma- 
niéré , dans  fon  Commentaire  fur  les  aphorifmes 
de  ^oerrrhave  , de  lue  venereâ  : fie  d celebenimb 
^ Mc  dignijfirriy  vira  accepi  mdicen  Lobeliœ , f 
lenit.r  cum  aquà  purâ  coquatur , vel  tS’  in^ 
un  atur , dure  rcmedium , quod  certb  & tiub  , intrà 


il)  Mcinoircs  d;  l’Académie  de  Stocfcolm. ijjo 


> C 100  ) 

icem  vel  Adjlimmum  viginti  dies  ^ luent  vêner^dtn 
carat,  vacuo  ventriculo  propinatur  hoc  decoUum  cu^ 
JUS  largior  dojis  vomitum  facit  , parcior  per  alvum 
purgat^  minutior  adhuc  fudores  provocat.  EJl  autem 
Lobelia  caule  en  cio  foliis  ovato--lanceolatis  , crenatiSy 
fioribus  lateralibus.  Prodrom.  For.  Ltyd.  Lin.  PLorU 
Cliffort.  pag.  <^26.  Rapunculus  j4mericanus  ^ Jlore 
dilute  cæruleo  ; Boerrh.  index  plant.  Torn.  I.  p.  2y« 

Je  venois  de  recevoir,  au  commencement  de 
1 année  177^  ? de  la  part  du  Gouverneur  de  la 
Louifiane , la  propofition  d'aller  remplacer  dans 
1 emploi  de  Médecin  de  Sa  Majefté  Catholique  , 
pour  les  troupes  en  garnifon  dans  cette  Colonie , 
M.  Lebeau  qui  en  étoît  parti  depuis  peu  pour  fe 
retirer  à Breft , en  France  , lorfque  l'extrait  du 
Mémoire  de  M.  Kalm , fur  la  Lobelia  Syphilitica, 
imprimé  dans  le  Diâionnaire  Encyclopédique,  me 
tomba  fous  les  yeux. 

Ma  relation  avec  le  Gouverneur  de  la  Louî- 
fiane  , dont  des  raifons  particulières  no  m'ont  pas 
permis  d'accepter  la  propofition , me  fit  efpérer 
que  je  pourrois  facilement  me  procurer  par  fon 
moyen  cette  plante.  Je  l'ai  attendue  quatre  ans  , 
durant  lefquels  je  l’ai  cherchée  inutilement  dans 
Paris.  Je  fuis  enfin  parvenu  à me  la  procurer  par 
une  autre  voie  vers  le  milieu  de  l'année  1780. 

Auflî-tôt  que  je  me  fuis  vu  poffelTeur  de  la  Lo- 
belia,  j'ai  cherché  à m'affurer  fi  la  plante  que  je 
venois  de  recevoir  , étoit  la  même  que  celle  dont 
parlent  MM.Kalm  & Van-Swieten.En  conféquence 
elle  a été  foumife  à l'examen  de  la  Faculté  de 
Médecine  de  Paris , & à celui  de  M.  Thouin  l’aï- 
né  , Jardinier  en  chef  du  Jardin  Royal  des  Plantes 
de  la  même  ville,  dont  les  connoiilances  fupérieu- 


c loi  ) 

res  en  Botanicjue  ne  le  cedent  qu’à  Ion  extrême 

modeftie.  ^ ...  , ^ 

Cette  vérification  ayant  été  faite , j’ai  jugé  a 
propos  d’eflayer  d’abord  fur  moi-meme  les  effets 
de  cette  plante , prife  en  infufion  & en  poudre  a 
différentes  dofes. 

Le  15)  Juillet  de  la  même  année  , à fept  heures 
&]  demie  du  foir  , j’ai  avalé  , dans  unj  demi-fetier 
de  lait  tiede  , le  poids  de  dix-huit  grains  de  la  tige 
& des  feuilles  de  la  Lobelia  defféchée  & réduite 
en  poudre.  Je  me  fuis  promené  lentement  jufqu  a 
neuf  heures  & demie,  & durant  ce  temps  là  je 
n^ai  éprouvé  aucun  mouvement  extraordinaire  , 
aucun  effet  fenfible  dans  aucune  partie  de  mon 
corps.  A dix  heures  , j*ai  mangé  la  quatrième  par- 
tie d’une  livre  de  pain  , avec  un  peu  de  fromage, 
& j’ai  bu  deux  verres  pleins  aux  trois  quarts  d*eau, 
& le  refte  de  vin  ; je  me  fuis  couché  à dix  heures  & 
3c  j’ai  dormi  paifiblement  & fans  interruption  juf- 
qu’à  cinq  heures  du  lendemain  matin.  En  me  ré- 
veillant , je  me  fuis  fenti  le  corps  tout  couvert 
de  fueur,  3c  dans  une  fanté  parfaite. 

Le  lendemain  , à huit  heures  du  matin  , j’ai  pris 
à jeûn,  un  gros  de  la  m.ême  poudre  de  Lobelia  dans 
un  demi  fetier  de  lait,  ce  qui  m’a  procuré  deux 
évacuations  confidérables  par  les  felles  , l’une  à 
neuf  heures  , 3c  l’autre  à onze  heures  & demie  du 
matin. 

Le  24  du  même  mois  , j’ai  mis  en  infufion , 
demi-once  de  feuilles  feches  de  Lobelia  , dans 
une-  pinte  d’eau  de  la  Seine,  durant  vingt-quatre 
heures.  Après  avoir  paffé  l’infufion  dans  un 
un  linge  , j’en  ai  bu  le  matin  deux  travers 
de  doigt  dans  un  verre  ordinaire,  je  lui  ai  trou- 


, ( 102  ) 
l'rpld'  deTagreable  & un  goût 

âcre  H fai  fend  unè  chaleur 

dïcep""  • ^ ^ t liqueur 

cfcenuoît  dans  le  canal  alimentaire,  féprouvois 

la  meme_  chaleur  dans  les  parties  que  la  liqueur 
parcouroit  ; cette  chaleur  alloit  toujours  en  aug- 
mentant dans  les  intelbins  & en  diminuant  dans  ' 
1 œfophage  & aans  1 eftomac.  Cette  fenfation  de 
chaleur  a dure  audi  jurqu’à  onze  heures,  auquel 

emps  je  n ai  plus  nen  fenti  intérieurement  des  elTets 
de  cette  Iiqneiir. 

J’ai  remarqué  qu’ayant  prolongé  la  veille  mes 
leéiures  fort  avant  dans  la  nuit , j’ai  eu  cette  nuit, 
comme  cela  m’arrive  toujours  dans  les  mêmes  cir- 
conlfances , un  fommei!  difficile  & fouvent  inter- 
rompu, en  me  levant  j’ai  eu  , félon  ma  coutume, 
un  violent  mal  de  tête,  qui  s’eft  diffipé  entière- 
ment une  heure  après  avoir  bu  les  deux  travers 
de  doigt  de  linfulion  de  Lobelia  dont  je  viens 
de  parler,  tandis  qu’ordinairement  le  mal  de  tête 
produit  par  la  même  caufe,  me  dure  toute  la  jour- 
nee,  & quelquefois  deüx  ou  trois  jours,  fi  je  né- 
glige de  m’en  délivrer  par  quelqu’autre  moyen. 

Quelques  jours  après,  j’ai  fait  infufer  à chaud 
une  once  de  la  tige  & feuilles  feches  de  Lobelia 
dans  une  pinte  d’eau  de  la  Seine  durant  fix  heures, 
r un  demi- verre  de  cette  infufioa  qui  m’a- 
louieve  ] ejbmac  ; quatre  heures  après,  ce  goût 
nauleabonde  n etoit  pas  encore  totalement  diflîpé. 

épreuves  & d’autres  femblabîes  que 
J ai  laites  dans  la  vue  de  m’affiirer  autant  qu’il  eft 

poffiplede ladofeàlaqueüelaLobeliapeüt  étreprife 
lans  inconvénient , j’ai  defiré  de  vérifier  par  moi- 
même  fa  propriété  anti-vénériemie  en  1 adminif- 


trant  à des  malades  infedés  de  la  verole.  Je  n"ai 
pas  attendu  long-temps  pour  cela;  Textrait  du  Mé- 
moire qui  accompagnoit  la  plante  que  M.  le  Doc- 
teur Philip  5 Doyen  aduel  de  la  Faculté  de  Mé- 
decine  ^ a bien  voulu  préfenter  de  ma  part  à la  Fa- 
culté aiïemblée  ; Textrait  de  ce  Mémoire  fait  d’a- 
près celui  de  M.  Kalm  que  j’ai  rapporté , ayant  été 
imprimé  dans  les  différents  papiers  publics,  ma 
fourni  un  nombre  plus  que  fuffifant  d’occafions  de 
conftater  l’efficacité  de  la  Lobelia  dans  les  mala- 
dies vénériennes. 

Mais  je  ne  crois  pas  que  ce  remede  , non  plus 
qu’aucun  autre  anti-vénérien  quel  qu’il  foit , puilTe 
fuffire  feul , & dans  tous  les  cas. 

FIN, 


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an  auî‘-c  geiire; 

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eft  intad  fur  Léf  terre* ü%unfe'€fi  tani 


qeelqtiel;  e^émj>î( 
e a U leur  de 
ne  vie  comjjÉ^^ 

; qiÿai^^Surme 

s ' appét'i^  5 tay^  ^galen i ♦^t  c- 

tiiCÜn’  ât  roü>4eqüéi  il  dof  viv3?fe. 
\g<z^  - Tes  EUphofis ^\QS'Kkrmcéro^ 
^ plantes  ^ui  qjtpiffbnt  toat|^i*^ 


nourf 


fperÿ'oient  ^ 

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Le^K^^/^ex-kabjt^t^  glacé'  dé  IrLap-^ 
pjé\>^ai€e  qii^lies  le  nourriilent  du  Lichen 
^>KeàUes_  ( i )j;qui  ne  fe  trouve  nulîê>Ç  art  ailleuri? 
2C  une  ^^egale  abondance. , Cell%animau5r*^ 
m ïrie  tbüs\céd:&Æuî  oahîtentv  <^^3?éeidns 


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