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OBSERVATIONS
SUR L' US A G E
DES VÉGÉTAUX EXOTIQUES ,
ET TAKtIC ULIÉ RE ME NT
DU GAYAG, DE LA SQUINE,
DE LA SALSEPAREILLE ^
LT DE LA LOBELIA SYPHILITICA,
DANS LES MALADIES VÉNÉRIENNES ;
Par J AC QU Es D U P A U y Dofteur en Médecine de la
Faculté de Touloufe.
■ — — ,
Ng pigeât ex plebeis fcifcitari fi quid ad
Qurationem utile» Hyppocr. Præce[ c.
A PARIS,
Chez Guiulot, Libraire de Monsieur, rue de
la Harpe , au-deflus de celle des Mathurins ;
^ Toulouse, chez rAuteur.
M. DCC. LXXXII.
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PRÉFACE,
I L régné parmi le peuple des Médecins
quelques opinions au fujet des maladies
vénériennes , qui , toutes à la vérité , ne font
pas également importantes pour le progrès
de TArt , & pour la confervation de la fanté
ou de la vie des hommes , mais qui cepen-
dant méritent d’être examinées ôc difcutées
avec plus de bonne foi & d’impartialité qu’on
ne l’a fait jufqu’à préfent.
L’une de ces opinions eft que la vérole ejt
originaire de V Amérique d’où elle a dit-on^
été apportée dans t ancien continent ^ vers la
la fin du qulntpeme fiecle j par Chrifiaphe Co-
lomb & fes compagnons de voyage.
De tous- les Auteurs qui fe font déclarés
partifans de cette opinion , aucun n’a fait
pour la fou tenir , autant d’efforts que réru-
dit Aftruc. Il eft difficile en lifant fon traité
de morhis venereis , de ne pas voir que fou
parti étoit pris d^’avance, & que fon but
principal, en compofant cet ouvrage, a été
plutôt de faire adopter fes opinions parce que
c’étoient fes opinions , que la recherche
franche & fincere de la vérité. On peut
en juger par là çomplaifance avec laquelle
ai]
V PRÉFACE,
il s arrête à tous les paffages des Auteurs
qui paroiffent s’accorder avec fort fyftême,
& par la légéreté avec laquelle il glilTe fur
tous ceux qui pourroient lui être, défavo-
rables. Si les Médecins qui ont combattu
cette opinion fur l’origine de la vérole , ôc
e.ntr’autres le Doêteur Sanchez , n’ont pas
prouvé inconteflablement { chofe que je
ne déciderai point ) que cette maladie
étoit connue en Europe avant la décou-
verte du Nouveau-Monde , les faits ôc les
témoignages dont ce dernier Auteur appuie
fon fentiment, prouvent du moins, ou qu’Af-
truc a manqué d’exaéljtude , en ne rap-
portant pas les objeêtions de M. Sanchez
dans toute leur force, s’il les a connues;
ou bien qu’il a eu tort , s’il ne les con-
noiffoit pas , de prendre pour la défenfe
d’une opinion qui n’eft que probable , le
ton tranchant ôc affirmatif qui ne convient
qu’au langage de la vérité.
Quelle eft la càufe qui a donné naif-
fance à la vérole dans l’efpece humaine ?
♦
L’opinion la plus généralement répandue
dans le quinzième ôc dans le feizieme fiecle
eft que cette maladie doit fon origine au
dérangement , à la dépravation j ou au mau-
I
préface V
vais uftge de quelqu’une des fix cKofes
' qu’on nomme en Médecine , non-naturdUs,
favoir , l’air , les aliments , les boiflbns , le
fommeil , la veiile & les palTions de l’ame.
La plupart des Médecins fe font enfuite ac-
cordés à penfer qu’elle ne pouvoir être pro-
duite que par un commerce amoureux en-
tre deux perfonnes d’un fexe différent. Cette
derniere opinion n’étoit pas celle de Mich.
Aloyiîus Sinapius : le mal vénérien , dit-il ,
n eji autre chofe { s il eji vrai quil exijle )
qu un mal produit ^ par un excès de conti-
nence ; la liqueur fpermatique y continue-
t-il, lorfqudle eji retenue dans le corps en
trop grande quantité , devient âcre , 6* reflue
dans la majje générale des humeurs ; Ji cette
humeur acre dijîend d* corrode les vaijjeaux
des parties internes des organes de la géné-
ration , elle produit la gonorrhée : Ji elle
rejle long-temps mêlée avec la lymphe ^ elle
forme aux aines des bubons ^ & aux articu-
lations , des douleurs ojléocopes y &c,
J ai obférvé moi-même y ajoute Siuapius,
qu un homme veuf y de mœurs très-pures ,
mais dun tempérament ardent y s"" étant ah f-
tenu y non fans fe faire beaucoup de vio-
lence ^ du commerce des femmes y était tom-
be dans les mêmes accidents que ceux qui
c • « A
a II]
PRÉFACE.
caraAérifent particuliérement le mal véné"
rien. Cet homme a trouvé la guérifon de
fon mal dans les bras d'une nouvelle époufe.
Slnapius appuie cet étrange paradoxe de
Fantorité de Paul de Sorbaït qui prétend
:.YOir rencontré dans fa pratique des hom-
mes pieux . très-chaftes , & qui fuyoient
avec foin tout commerce amoureux ; ce
cui ne les a pas empêchés j dit-il, d’être
atteints du mal vénérien.
\
y-
M. Noël , Membre du College ôc de
l’Académie Royale de Chirurgie de Paris ,
a fait des obfervations qui tendent à con-
firmer l’opinion des anciens Médecins qui
regardoient la vérole comme une maladie
épidémique. Ces obfervations font con-
■fignées dans un Mémoire imprimé dans le
Journal de Phyfique , du mois de Décem-
bre , année 1778 j dont le titre eft Re-
marcpies particulières Jur le vice des mala~
dies vénériennes , epui prouvent qu elles par-
ticipent d’une nature épidémique , ôec. Voi-
ci comme M. Noël s’exprime lui-même
dans fon Mémoire: Depuis l’année 1766,
jufqu’en 1773 > ayant été occupé dans
r Hôpital Militaire de Nanci , au traite-
ment des foldats vénériens dont le nombre
PRÉFACE, ylj
étolt chaque jour depuis cent cinquante juf-
qu"à deux cents malades ; j ai remarqué
conftamment que cesfoldats,^ quoiquils
fuffent de difFérents âges , qu’ils vinffent
de divers Régiments , & de différentes
villes de garnifon , qu’ils euffent vu par
conféquent différentes femmes gâtées , tous
les étés 3 les falles contenoient les trois
quarts des malades qui avoient la chaude-
piffe ; pendant les automnes , le même nom-
bre de malades paroiffoit avec des gonor-
rhées tombées dans les bourfes & quelques
bubons aux aînés : pendant les hiverss ,
beaucoup de bubons aux aînés , de chan-
cres fur la verge j des puftulles ôc des dar-
tres véroliques , & prefque pas de chaude-
piffes primitives.
Ces phénomènes fe font manifeftés &
répétés pendant les fept années que j’ai été
attaché à cet Hôpital.
Pour les confirmer davantage , j’ai de-
mandé à des Chirurgiens de plufieurs au-
tres Hôpitaux militaires ôc même à ceux
qui m’ont fuccédé dans celui de Nanci ,
s’ils avoient obfervé des chofes femblables ;
ils m’ont tous affuré que ma remarque fur
le nombre prédominant des mêmes fymp-
vüj préface.
tomes vénériens dans certaines faifons.
écoit réelle.
La même chofe a été obfervée par
Gardane , lorr^u ils étoient chargés
a Paris du traitement populaire des véné-
riens de cette ville.
Mais ce qui achèvera de me perfuaderde
la difpoficion^ épidémique des maladies vé-
nériennes , c'ert que pendant le cours de
i’écé de lydp , il y eut de ma connoiflance
dans une petite ville de Province que je ne
nommerai pas , près de foixante perfonnes ,
hommes & femmes mariés, de tous âges &'
tempéraments , qui eurent la chaude-pilTe ,
prefque dans le même moment , fans qu’ils
eulTent. eu , à ce qu’ils alTuroient , aucun
écart à fe reprocher , la plupart étant d’un
certain ordre , & non fufpeéls. Cet évé-
nement leur parut même li fingulier , qu’ils
fe le difoient entr’eux , comme s’il n’eut
été quellion que d’un fimple rhume.
Quoi qu’il en foit de la vérité des ob-
fervations de M. Noël & de la confé-
quence qu’il en tire , il eft certain que le
premier qui s’eft trouvé affeélé de la vé-
role , ne l’avoit pas reçue d’un autre ,
PRÉFACE. ix
puîfqu'il l’a eue le premier ; ce qui ne
veut pas dire que le concours des deux
fexes n’eft pas nécelTaire pour la produdiou
de cette maladie. Mon opinion au con-
. traire eft que latlion confiante d’une cha-
leur brûlante & humide, telle qu’on l’é-
prouve dans certains lieux fitués fous la
zone torride de l’ancien 6c du nouveau mon-
de , fait éprouver à la maffe générale des
humeurs , une altération qui difpofe ces
muheurs à contrader dans l’a£le vénérien,
un caradere fpécifique de dégénération
qu’on défigne parmi nous , fous le nom
de virus véroUque. Voilà, fi je ne me trom-
pe, de quelle maniéré s’engendre la ma-
ladie vénérienne çkns le corps humain.
Il eft une troifieme opinion non moins
accréditée que les précédentes, mais dont
la vérité ou la fauffeté intéreffe bien da-
vantage la vie des hommes & l’honneur
des Médecins. Cette opinion eft que le
mercure ejl le véritable & feul remede fpéci-
ue du mal vénérien,
Aftruc eft encore de tous les Auteurs
celui qui a montré le plus d’opiniâtreté
6c d entêtement dans les efforts qu’il a faits
1
^ PRÉFACE.
pour défendre & propager cette opinion fu-
nefte. J ignore ce qui peut avoir attiré aux
Médecins contemporains [de Pline-le-Na-
turalifte les reproches graves que leur fait
ce célébré Hiftorien de la Nature ; dif~
cunt periculis nofiris , experimenta per mor~
tes agunt ; mais je fais bien que sM eft
parmi nous des Médecins auxquels ces re-
proches puiffent convenir , ceft alTuré-
ment a ceux que I^ur. Phrifius appe-He
Medici porcini , qui diftribuent fi libéra-
lement du mercure à tous leurs malades in-
diftinélement qu’ils foupçonnent être af-
fériés du mal vénérien. Harris , Médecin
Anglois , & qui étoit ami de Sidenhami ,
quoique celui-ci employât du mercure dans
fa pratique, après avoir déploré les maux
que i’ufage de ce .minéral caufe à l’efpece
humaine , prétend que ce font les Chirur-
giens qui , pour tenir plus longtemps les
malades fous leur dépendance , ont fait &
continuent de faire tout ce qu’ils peuvent
pour accréditer & perpétuer cette pratique
juftement condamnable; ce Médecin trouve
les raifons que les Chirurgiens allèguent
en faveur de cette méthode, fi miférables,
que fon avôs eft qu’il ne faut leur répondre
qu’avec le bâton. Il faut avouer que cette
maniéré de répondre du Dodeur Harris*-
PRÉFACE- xj
cft un peu dure. Des faits bien conftatés &:
de bonnes raifons feroienc plus de mon
goût. Si je puis ttouver à Touloufe, où des
affaires importantes m’appellent , le loifir
dont je mai pu jouir à Paris , j’y achève-
rai line Diflertation commencée fur la ma-
îüere d’agir des médicaments antiv enéricns ,
dans laquelle je penfe qu’il ne me ‘fera
pas bien difficile de faire vC>ir que le mercure
neji pas , comme on le prétend fort gra-
tuitement, le véritable éf feul remede fpéci-
fique de la vérole. Encore un mot , & ie
nuis.
«
J’avois mis à la fuite de l’article Lobelia
de cet Ouvrage,,, quelques exemples de
-guérifons du mal vénérien opérées par
l’ufage de cette plante ; c’eft même avec
ces exemples que l’ouvrage a été mis fous
les yeux du Cenfeür qui lui a donné fon
approbation. Avant de le livrer à l’imprel-
ûon j ai cru devoir confulter les différen-
tes perfonnes qui font les fujets de ce ces
obfervations : fur les inftances quelles
m ont faites d’enfeveür dans un éternel
oubli , ôc leur maladie & leur guérifon ,
je nai pas héfité de fupprîmer cette par-
tie de mon Ouvrage , où j’avois pris ce-
pendant toutes les précautions néceflaires
xij PRÉFACE,
perfonne ne pût y être reconnu.
J ai fait plus : pour 6ter à toutes les per-
ionnes ^ue j ai eu le bonheur de guérir
de la ^ maladie dont il s’agit , tout fujet
d’inquiétude à cet égard , j’aj fait le facri-
fice du Recueil entier de mes Obferva-
tions fur ce fujet , en les .livrant aux flam-
mes.
*
OBSERVATIONS
OBSERVATIONS
SUR
L’USAGE DES VÉGÉTAUX
DANS LES MALADIES yÉNÉRIENNES.
Uk ej maladie contagieufe qui attaque l’efpeca
humaine jufques dans les fources de la génération,
s eft manifeftee tout-a-coup , vers la fin du quin-
zième liecle , fur prefque toutes les parties du
globe terreftre. Les fymptômes dont elle étoit
d’abord accompagnée, étoient des pullules , des tu-
meurs & des ulcérés de différentes efpeces des
douleurs dans les divers membres , & qui fg* fai,
foient fentir principalement durant la nuit. Ce
n’a été qu’en viron quarante ans après l’époque
a laquelle on fixe communément fon apparition
en Europe , qu’aux fymptômes dont nous venons
de parler, fe font joints le bubon , la chûte du
poil, des cheveux, des dents, des ongles, des
yeux, & enfin la gonorrhée virulente (i).*
(i ) Je fuis l'opinion la plus généralement adoptée o„î
ne s accorde guère avec les témoignages des ATédecint ^ -
vivoient long-temps avant la découverte de 1* Am '
fmm on le y ma. dans k fuite de set 0'uvrage “^“®'*
A
( 2 ) '
Cette tèrrîble maladie a eu un grand nombre dis
dénominations différentes. On Ta nommée pudon--
dagra. , mtntidagra , mentagra , &c. c’eft-,à~dire
maladie des parties honteufes ^ du menton^ &c. Les
Efpagnols Font nommée las huas ^ les Génois , lo
male delle tavelle \ les Tofcans il malo délit bolle ;
les Lombards, lo malo de le (i) rofule ^ tous mots
qui fignifient puffules ; &Ies François, h vairole,
ou vérole , à caufe de la variété des puftules.
On lui a donné aulîi le nom de différents Saints:
en Allemagne , on Ta nommée le mal de S. Me^
vins ; en Catalogne & en Aragon , le mai de
S. Sentent : en quelques autres lieux , le mal
de S ^ Job y de Sainte Reine , de S^ Evagre , de
Koch , &c.
En général , les différentes Nations Font appel-
Içe du nom du peuple duquel elles penfoient Favoir
reçue. C'eft ainfi que les François Font appellée
le mal de Naples ; les Italiens , les Allemands &
les Anglois,/^ mal François ; les Hollandois, les
Flamands, les Afriquains, le mal Efpagnol\ les
Portugais , le mal Cajlillan ; les Indiens orien-
taux & les Japonois , le mal des Portugais ; les Per-
lans, le mal des Turcs \ les Polonois , le mal des
Allemands ; les RufTes , le mal des Polonois ^ (S’r. (I
Quelques Médecins Font nommée Syphilis, Ctü
lemom que Jérôme Fracaftor, Poëte & Méde-
cin célébré , a donné à un Berger qu’il feint dans
fon beau Poëme fur la maladie vénérienne , inti-
tulé Syphilis y avoir été le premier infedé de cette
maladie, pour avoir offenfé les Dieux.
Enfin Fernel Sc h plupart des Médecins qui
I.,., ^ I,., I I I—I.I I»., Il ■«■■I... .■.IW
(î) Aüruc. de morb. vener*
<T*rtÊr-
r V . ^ 3 )
font venus apres lui , fe font accordés avec le pu-
blic, pour la nommer muladie vénérienne , déno-
mination prife de la maniéré dont elle le contraâe
le plus fouvent.-
Les fymptômes de la vérole nailîànte & ceux qui
caiaéèérifent la gale & les autres alFedions cuta-
nées, étant à-peu-près les mêmes, il étoit naturel de
penler que ^les remedes qui guérillènt ces der-
nieres maladies , «oient propres auffi à guérir la
étoit l’opinion de Gafpard Torella,
Médecin des Papes Alexandre VI & Jules II ,
' en ui^ Eveque de Sainte Jufte. Cette opinion
etoit aulîî celle des autres Médecins fes contem-
porains. Je penfe , dit Torella 1 1 J , que cette mala-
e f qu 11 nomme pudendagra ) eft une efpece de
gaie qui fe contraéle le plus fouvent par conta-
gion, & qui peut être produite auflî par un mau-
ais régime , comme par l’ufage d’aliments Iklés &
de boilfons ameres & échauffantes , ainfi que cela
ft arrive a Antoine Marci , Catalan , Doéèeur en,
e ecine qui contraâa de cette maniéré cette ma-
iaaie lur mer.
Fondés fur cette opinion , les Médecins de ce
temps-la employoïent pour guérir la vérole, pré-
cia^ement les mêmes remedes en ufage contre la
Ils faifoient garder , dit Aftruc , une grande
oiete , & ordonnoient un régime très-fain , ne
permettant que des aliments de bon fuc , faciles à
digerer , & propres à corriger le vice du fang.
s aignoient au commencement de la maladie
plus fouvent ou plus rarement, fuivant l’âge, le’
( I ) De pudendagra.
tempérament & les forces du maladci Dans I0
progrès du mal , la plupart s’abftenant de la fai-
gnée à laquelle ils aimoient mieux fuppléer par
l’application des fangfues ou des ventoules.
Ils vuidoient la pourriture des premières voies ,
ou par des lavements laxatifs avec la décoétion
c'molliente, la caflfe , le catholicon , le diaphænei;
ou par des purgations minoratives avec le féné ,
la calîe, la manne, les myrobolans, les tama-
rins , le fyrop de pommes de reynette , celui de
chicorée , celui de rofes folutif , &c.
Ils dipéroient enfuite les mauvaifes humeurs
contenues dans le fang, par des potions altérantes ,
qui étoient diflérentes , fuivant le différent état du
fang; tantôt plus douces , comme , 1°. par des apo-
2êmes faits des fucs dépurés de chicorée fauvage,de
bourrache , de buglofe ,de fcolopendre, Scc.2°. par
des fyrops des mêmes fucs -, 3°. par du petit - lait
de vache , dans lequel on faifoit cuire les mêmes
herbes ; tantôt plus adtives, comme, i . par des
décodions de racines d'ache , de perfil , de fenouil,
d’afperge , de polypode , &c. de feuilles de fu-
îueterre , de feabieufe , d epityme , de murabe
blanc , de fommités de houblon , &c. 2 . par des
des fyrops des mêmes herbes ; 3°' petit-
lait altéré avec les memes herbes*
Ils employoient dans les mêmes vues , les bains
d'eau tiede , quelquefois pure , & dans laquelle
ils faifolent cuire quelquefois , ou^ les racines de
guimauve 3c de nénuphar , les feuilles de mauve
& de brancheurfine , les fleurs de camomille & de
melilot , la graine de lin , &c. pour ramollir &
délayer, ourles racines de concombre fauvage&
de icrpcntaire , les feuilles tic patience fauvage,
Je chelîdoîne ^ de fcabieufe ,, de marrube blanc
ôcc^ pour réfoudre.
Après avoir digéré & détrempé les Humeurs ,
ils les vuidoient de temps en temps par de puif-
fants purgatifs; tantôt limples, comme Tagaric ,
le féné , Taloës ^ le diagrede , le turbith;, infufés
dans des eaux , ou des décoctions appropriées
ou mêlées dans quelques fyxops , ou confervés em
forme d’opiates ; tantôt compofé comme Télec-
tuaire lénitifj le diafenna de rhafes ^ le diocatho-
licon 5 le petit éleétuaire indien , la confection ha-
meck, réleduaire de dattes , ô.^c. les pillules co-
chées 5 les pillules fœtides y les pillules d’or de.
Nicolas 5 les pillules d’Hiera de Ruftus, &c.
Si la peau étoit chargée de puftules , il les, oî-
gnoient chaudement au fortb du bain avec undi-
niment de drogues déterfives & deflicatives comme,
le maftic , lencens , la fuie , le foufre vif , la.
litharge, le tartre blanc, la racine d’iris , d’althéa^»,
de patience fauvage ^ &c. réduite en poudre fub-
tile 8c mêlée avec de la graiiîe..
Si le malade étoit tourmenté de douleurs ^ ils
frottoient Couvent 8>c très-chaudement les endroits,
douloureux avec de la vieille huile, d’olive , de
l’huile de laurier de camomille , d’aneth ^ de fpica,,
de fafran ; avec les moëles de cerf & de renard,,
la graillé humaine, lefavon de Venife, la décoc-
tion de jufquiane, &c.
Quand les malades étoient robuftes, ils fe fer-
voient d’étuves dans lefquelles., par la douce cha-
leur de l’eau bouillante , ou par la fumée des par-
fums, ils faifoient fuer abondamment le malade,
ce qui emportoit toutes les faletés attachées à la*
peau. Au lieu d’étuves , ils mettoient les pauvres
dans ua four médiocrement chaud pour les faire.
fuel* , ce qui , félon Torella ^ réuflilToit très-îietî*^
reufement. /
Quelques-uns, pour détruire les refies de la
maladie, ordonnoient Tufage des viperes , en dif-
férentes maniérés , comme du vin où Ton avoir
]aiflé mourir & infufer des viperes , des bouillons
de viperes , de la chair de viperes bouillie ou rô-
de , un fyrop fait avec la décoéllon de viperes , &c*
Enfin ils appliquoient un cautere fur le de-
vant ou fur le derrière delà tête, au bras ouâ
la jambe , afin d’évacuer peu-à-peu les reftes de
la maladie , comme on dit que les Efpagnols font
encore aujourd’hui.
Ainfi Coradingilini dit que le cautere aéluel ou îe
potentiel appliqué fur la future coronale, efl d’un
ïrès-grand fecours , ôc qu’il Ta éprouvé dans plu-
fîeurs perfonnes attaquées au gofier , qui , toutes
ont été guéries à la gloire du Tout-PuiiTant , qui
efl: la caufe de toutes chofes.
On trouve la même obfervation dans Wende-
lîn-Hock & dans Benoît Viétori.
Cette maniéré de traiter la vérole étolt appel-
lée cure méthodique ; elle étoit pratiquée par les
Médecins les plus célébrés de la fin du quinziè-
me &: du commencement du feizieme fiecle ;
quelques-uns y ajoutèrent l’ufage du mercure >
dont la plupart s’abflenoient , & qu’ils avolent
abandonné aux Charlatans. Lorfque le gayac pa-
rut, Tufage de ce végétal fut préféré au mer-
cure & à tous les autres remedes antivénériens ,
par le plus grand nombre de Médecins , & cette
préférence a duré plus d’un fiecle.
Pour faire voir les différentes maniérés de pra-
tiquer la cure méthodique, félon la diverfité des
tempéraments , Je vais rapporter quatre cures que
(7 )
Torella dît avoir opérées, fur quatre perfonne^ ;
chacune d'une complexion différente des autres,
, Premier Exemple. Nicolas Lejeune, de Va-
lence 5 a qui je fuis lié d'une étroite amitié , âgé
d^environ vingt-quatre ans , de médiocre ftature ôc
d une complexion fanguine , tendante vers la bi-
lieiife, eut commerce dans le mois d'Août , avec
une femme in fe (fiée de cette maladie (pudendagra^;
le lendemain il parut , comme cela arrive fréquem-
îRent , un ulcéré a la verge , accompagnée d'une
certaine dureté , qui fe piolongeoit comme un
rayon vers les aines. Cet ulcéré étoît fordide &
virulent. Six jours après , l'ulcere étant à moitié
guéri, il fentit des douleurs très-vives à ia tête^
au cou, aux épaules, aux bras, aux côtes, aux
jambes, & fur-tout dans les mufcles; fes dou-
leurs les plus cruelles étant celles qu'il éprouvoit
après le premier fommeil.
Dix jours après,, il parut un grand nombre de
pullules a la tête , au vifage & au cou. Les dou-
eurs & les puituies ont toujours été dans le même
état , jufqff au deuxieme jour du mois d’Oâobre»
Après avoir imploré l’affiftance divine, je vais
rapporter les moyens que j’ai mis en ufage pour
le guérir. ‘
La maladie provenant d un phlegme falé . mêlé
de mélancolie , je prefcrivis au malade un régime
legerement chaud & humide.
. rapport a 1 adminiftration' des médicaments ,
je me fuis propofé trois indications à remplir : la
première, d évacuer ; la fécondé , de réfoudre ; &
la troilieme , de confumer les reftes de la ma-
ladie.
Pour remplir la première indication, le malade
a pris le matin , durant fept jours confécutifs , le
Aiv
fyfôp .fumnt , trois heures avant de manger.
rrenez dépityme, d’endive, de fumeterre, de
chacun demi-once ; v
D’eau d’endive, de fumeterre , de fcabie ufe
de chacun une once, mêlés.
Et comme les urines étoient chargées d’un refte
de digeftion , j’ordonnai le huitième jour , l’élec-
tuaîre (uivant :
Prenez d’hermodates, de turbith, de chacun
deini gros ;
De diagrede, quinze grains.
De Galanga , de clous de girofle > de maftic ,
Ide chacun huit grains ;
De gremil ^ d anis , de fenouil , de chacun , qua-»
torze grains ;
De fucre, deux onces; mêlés pour un élec-
tuaire.
Le malade en prit une once le matin ^ & dor-
mit enfuite un peu; après quoi il rendit par les
felles une grande quantité de matière morbifique ,
ce qui le rendit plus agile, 8c le délivra de fes
douleurs; il prit ce jour-là, un bouillon de vo-
laille avec de la laitue , 8c il en prit un autre le
' foir.
Voyant que les humeurs étoient en mouvement,
^,pour^aînfi dire, furibondes^ pour les calmer &
ks épaiflir , j’ordonnai le fyrop fulvant , qu’il prit
à la cinquième heure de la nuit, après quoi il fe
mit au lit.
Prenez de fyrop de pavot , une once; d’eau de
pavot & de nénuphar , demi-once.
Le malade dormit plus cette nuit qu’il ne
.voit fait' depuis trois mois.
Le matin , en fe levant , il appella fon domef-
tîque pour lui annoncer qu il étoit parfaitement
guéri.
Ce même matin , il prit un lavement , & garda
la chambre: le lendemain , après avoir été purgé,
il entra dans une étuve où il fua beaucoup , "en-
fuite il fe mit au lit où il fua encore pendant une
heure ; cela fait , il retourna dans fa maifon , il
dîna comme le jour de la purgation , & continua
ainfi, durant trois jours ^ à fe mettre dans une
étuve * fans fe baigner.
Le cinquième jour, il vint chez moi pour me
remercier de Tavoir délivré de fes douleurs. Comme
il reftoit encore fur le vifage & fur les autres par-
ties du corps, un grand nombre de puftules, je
lui ordonnai ce liniment pour en faire ufage pen-
dant cinq jours, tous lesfoirs :
Prenez de térébenthine lavée dix fois dans les
eaux de fcabicufe & de chélidoine 3 une once èc
demie;
De beurre frais , une once ;
D’huile de jaunes d’oeufs, demi-once, mêlés.
Lnfuite je lui fis prendre fix gros de l’élec-
tuaire ci-delTus qui lui procura trois évacuations.
M’appercevant que la derniere étoit différente des
autres, en fubftance & en couleur , je jugeai que
la matière de la maladie avoir été radicalement
emportée.
Trois jours après, it retourna à l’étuve , où il fua
fi bien , que toutes les croûtes tombèrent , & il
revint chez lui fans puftules de fans douleurs. Néan-
moins je jugeai à propos de lui faire prendre chaque
jour une pillule avant le repas; les nodofités qui
paroiffoient aux membres , furent guéries avec la
poudre de la racine de pain de pourceau , avec le
marc d’huile de lys blancs , & avec les médicaments
fuivants , qui évacuèrent tous les jours une por^
tion de l’humeur qui auroit pu caufer une re-
chute,
( 10 )
Prenez, d aîoës lavé dans l’eau de cliélidoîne, titj
gros ; de^ piilules d hiera avec 1 agaric , quatre fcru-
pules mêlés, pour dix-huit piilules avec l’eau de
chelidoine.
C eR ainlî que par le fecours du Dieu tout-puif-
fant , & de la Vierge Marie fa mere , le malade a
été parfaitement guéri.
Deuxieme Exemple. Un homme âgé de 46 ans,
<l\m tempérament fanguin , s étant livré à des
travaux imnaodérés ^ dans des îieux voifins de la
mer , au ^mols d Août , rempli dEumeurs , expofé
a toute 1 ardeur du foleil , & fe livrant à d’autres
exccs, a gagné, en vivant de cette maniéré, la
maladie vénérienne fanguine. La verge a été d a-
bord infectée ; un mois apres , tout fon corps s’eft
couvert de taches rouges & larges , ou de puftules i
cinq jours apres , il a éprouvé des douleurs vio-
lentes à la tete , au cou & aux épaules; enfuite ces
douleurs fe font fait fentir dans toutes les parties
du corps, principalement durant la nuit.
^Comrre tout le monde le fuyoit à caufe de Tex-
treme difformité de fon vifage , tout couvert de
puftules 5 quoiqu’il n’efpérât guere de jamais gué-
rir , i! eut recours à moi.
Outre fes puftules Ôc fes douleurs j fa voix étoît
devenue^ rauque , & à caufe de cela , on lui difoit
qu il avoir la lepre. Les cris que les douleurs lui ar-
rachoient , avoient attiré les humeurs à la gorge ;
ces humeurs s embarraftant dans l’épiglotte , ren-
doient ainfi fa voix rauque :
Après avoir tranquilüfé le malade fur fon état,
je lui promis qu’avec l’aide de Dieu , je le guérirois
parfaitement & en peu de temps. Pour y réuffir,
.voici la maniéré dont je m’y fuis pris :
Comme il fe plaignoit d"une graaide chaleur au.
ï >
foîe, & que fes urines étoient épaîfTes , Je luî Bs
donner un lavement , & enfuite on lui tira neuf
onces de fang , de la bafilique du bras droit ; Ion
fang étoit épais & brûlé ; il fortit avec îe fang
une partie de Thumeur morbifique ^ car fes dou
leurs diminuèrent.
Par rapport au régime , je lui confeillai de ne pas
vivre dans un air épais ; d^fe couvrir de maniéré
qu’il nefouffrît ni la chaleur ni le froid; qu’il s’abf-
tînt pour quelque temps du commerce des femmes ,
& fur-tout des femmes gâtées ; ou s’il ne pouvoit
pas s’en paffer ^ qu’il ne s’y livrât qu’après avoir
bien faitfa.digeftion.
Je lui recommandai de ne point faire d’exercice
violent 5 fur-tout après la purgation , ôc avant
d’entrer dans l’étuve ; la meme chofe à l’égard des
fridions.
Je lui prefcrlvîs Tufage des aliments de bonne
qualité 3c faciles à digérer ; de faire enforte de fe
procurer deux évacuations chaque jour au cas
qu’elles ne vinffent point naturellement , de s’aider
par un lavement:
Je lui fis prendre durant neuf jours confécutifs ,
le fyrop fuivant :
Prenez du fyrop d’endive ^ de fumeterre y d’o-
feille, de chacun demi-once.
De laitue , de bourrache y de fcabieufe , de
chacun une once , mêlés.
Enfuite 5 il prit celui-ci:
Prenez de turbith demi-once, d’hermodates,
deux gros , de diagrede cinq grains , d’épythime,
lin gros; de zédoaire , deux fcrupules; de poivre
un gros ; pulvérifez le tout , &faites-Ie infufer dans
demi-livre d eau de fcabieufe , ôc une livre d’eau de
fumeterre ; faites cuire à un feu doux jufqu’à îa ré'
duéiion de la moitié»
^ C )
Le malade îe prît tout chaud ^ îl eut fept éva-
cuations , dans le(quelles il rendit Seaucoup de
matière morbifique.
Le lendemain , après la purgation , je le fis en-
trer dans une étuve feche , où il fua pendant deux
heures; la fueur étoit fétide & citrine ; en fortant
de Tétuve il fe mit au lit où il fua encore ; la fueur
imprimée fur fon linge étoit jaunâtre.
Enfuite il mangea fflon fa coutume.
A la cinquième heure de la nuit , il prit une
once & demie de fyrop de, pavot; il dormit toute
la nuit , 3c ne reffentit aucune douleur.
Le lendemain matin , il prit une once de fucre
rofat , dans une once 3c demie d’eau d’endive , au-
tant d’eau de fcabieufe & de fumeterre , le jour fui-
yant il rentra dans l’étuve, 3c il continua ainfi cinq
jours de fuite.
Le feptieme jour je lui ordonnai les pülules fui-
vantes :
Prenez de plllules de pierre d’azur, de pillules
d’hermodates , deux fcrupules ;
Mêlez pour fept pillules dans l’eau de chéli-
doine.
Le malade les prit à la dixième heure ; il dormit
peu,& eut quatre évacuations; il prit aufiî cette
nuit du fyrop de pavot : le jour fuivant je lui or-
donnai d'oindre les puftules avec l’onguent fuivant:
Prenez d’huile rofat, de beurre, de chacun mie
once ;
^ \
De fucre de fuiHeterre y de plantain^ de fureau,
de chacun demhonce ;
'^Faites bouillir un peu, & ajoutez un peu de:
térébenthine lavée, & de foufre vif.
A la troifieme onâlon , toutes les puftules
rent defféchées & difparurent*
( 13
Malgré cela , je lui dis d’entrer dans Tétuve &
üe s’y laver avec cette décoâion :
Prenez de lupins trois poignées, de foufre deux
pincées , de racines fraîches d’aulnée , de racines
& fleurs de mauve , de patience , de bardane , de
fumeterre , de chacun deux poignées^-
Faites bouillir dans f. q. d’eau jufqu’à la dimi-
nution d’un tiers.
Le malade fut lavé dans l’étuve avec l’eau de
cette décoétion chaude , comme il commençoit à
fuer ; après avoir été bien effuyé , il fua encore
dans l’étuve pendant une heure ; après quoi il prît
fon repas accoutumé , & de cette maniéré il tut
guéri par le fecours de Dieu tout-puilTant , dont
le nom foit à jamais béni. Amen.
Comme dans ces fortes de maladies , les rechutes
font fréquentes , par la raifon qu’il refle encore
après le traitement quelque portion de Thumeur
morbifique , ou bien une mauvaife qualité aggré-
gative des petites parties de cette humeur répandue
dans le corps 5 qui, comme le dit Galien, furvit
en général à la guérifon des maladies , je fus d’avis
qu’il prît tous les jours avant le repas , une des
pillules fuivantes , qu’il en fufpendît Tufage pen*
dant une femaine , pour le reprendre enfuite de la
même maniéré :
Prenez d’aloës lavé trois fois avec l’cau de ché-
lidoine , un gros & demi ;
Detrochique d’agaric, un gros & demi;
M Ci®z pour quatorze piliules , avec 1 eau
chélldoine.
Outre cela, je lui ordonnai l’électuaire fuivant,
pour en prendre avant le repas , afin de fortifier le
cœur , le foie 6c le cerveau :
Prenez d’efpeces aromatiques de rofes , de la
formule de Gabriel, deux gros & demi;
D efp«ces de dîarodon d’abbas , un gros &: demî|
De fucre très-blanc , trois onces ;
Mêlez pour un éleduaire avec Teau de chéli-
doine ^ pour être divilé en huit parties égaies.
J efpere que cela fuffira pour le préferver de
rechûte.
Troisième Exemple. Un jeune homme âgé
de trente ans, d’un tempérament phlegmatique ,
fut infedé il y a dix mois, par la voie de la con-
tagion, d’une maladie vq^nérienne pituiteufe , ac-
compagnée de douleurs ; de pullules épaiffes de
crullacces , qui rendoient une matière blanche de
jaunâtre ; il avoit été délivré des douleurs & des
puflules par Tufage de certains onguents , mais elles
îe renouvellerent , & il tomba dans un état pire
qu’auparavant.
Après avoir bien confidéré le tempérament du
malade , & le caradere de l’humeur morbifique y
quiétoit-un phlegme brûlé, dégénéré en mélan*
cholie , mêlée d’un peu de bile; fes habitudes , fon
âge y fa complexion , à l’égard de laquelle j’obr
fervai que de gras qu’il étolt avant fa maladie,
il^ étoit devenu maigre, & ce qu’il y a d’étonnant,
c’efi: qu’aucune des fondions animales n’avolt été
dérangée par ce changement. Sa tête étoit en fort
bon état , mais il ne pouvoit dormir la nuit à
caufe des douleurs qu’il louflfoit.
Je lui confeiüai d’habiter un lieu chaud & fec ,
de fe réjouir, & Je lui promis fa guérifon avant la
fin du mois d’Odobre. Je prends Dieu à témoin ,
que Tefpoir feul de fa guérifon lui procura cette
nuit un repos qu’il avoit perdu depuis long temps.
Après lui avoir fait prendre un minoratif, je lui
prefcrïvis de faire beaucoup d’exercice avant le
repas*
o; )
Sa nourriture étoit du rôti , auquel l'aputaî les
feuilles de bourrache & de fcabîeufe, du pain blanc
bien cuit ; & fa boiflon , du vin blanc trempé.
Je fis en forte de lui procurer deux évacuations
chaque jour;
Le 3 Oétobre il prit un minoratif qui lui fit rendre
beaucoup de phlegme & de matière corrompue
brûlée ;
^ La nuit il prît un lavement, Confidérant la mo-
bilité 5 la malignité des humeurs , & que le malade
ne dormoit pas , je lui fis prendre à la cinquième
heure la compofition fuivante :
De poudre de pavot trois gros , de fyrop violât
une once , d’eau de menthe trois onces , d’eau de
pavot une once , mêlés.
Demi-heure après l’avoir pris , il dormit juf-
<]u au m.atin. Cela fait ^ je lui confeîllai de s’exercer
tous les jours avant le repas , jufqu’à la fueur.
Le jour fuivant il prît ce fyrop :
Prenez de fyrop des trois racines avec le vi-
naigre, une once, d’épythime^ demi-once;
D’eau de fenouil , de fumeterre , de chélidoine
de chacun une once ;
Mêlez pour être pris chaud le matin , & que le
malade dorme peu enfuite.
Apres cela, il entra dans I étuve où il refta deux
heures, & fua peu; je l’y fis rentrer à la douzième
heure , ily fua beaucoup; au fortir de là il vint chez
moi & me dit , je mefens délivré d'un grand fardeau ,
car je puis maintenant porter ma main a La tête , lancer
js^ pierres^ & marcher fans bâton: que refe-t-il donc â
faire à préfem ?
^ Je lui prefcrivis encore la même maniéré de
vivre,ce qiul fit jufqu’au Samedi. Le Dimanche,
le Lundi & le Mardi , il prit du fyrop ; le Mercredi,
je lui ordonnai les pulules fuivantes :
Pienez de pîllules cochées d'hermodates &: dtf
pierre d azur ^ de chacun un fcrupule ;
De diagrede , cinq grains ;
F aites fix pillules avec f. q, d’eâu de chélidoîne.
Il les prit au lieu de fyrop , ce qui produifit uti
bon effet.
Le plus grand nombre de puftules ayant ctédif-
fipées par les Telles & par la fueur , je lui ordonnai
longuent (uivant , pour être appliqué chaud fur
celles qui reftoient^ durant fix jours de fuite , &
dans un lieu chaud ;
Prenez de térébenthine lavée cinq fois dans Teau
de fumeterre , une once 3c demie ;
De beurre frais , une once 3c demie ;
SDe foLifre vifpulvérifé , trois gros 3c demi ;
De fuc de limon , deux onces;
Mêlez 3c laveZ'les trois fois dans Teau de ché-
lidoine.
Le feptieme jour il entra dans Tctuve où il fe
lava 5 y fua, 3c en fortit le corps net 3c fans tache.
Il travaille à préfent à Rome ^ comme avant fa ma-
ladie , à bâtir des maifons , 3c il paflTe pour un
fort bon Ouvrier. Je fus d’avis, malgré cela , qu’il
prît encore durant quelques jours, une pillulecom- ,
pofée d’hiera 3c d’agaric ; j’efpere que cela le ga-
rantira de rechûte.
Quai El e;me Exemple. Un homme de moyen-
âge, d’un tempérament mélancholique ,avoit depuis
deux mois la maladie vénérienne , qu’il avoit , m’a-
t41 dit, contradée en dormant dans un même lit
avec fon frere qui en étoit infedé.
La maladie commença par des douleurs noc-
turnes ; après deux mois de fouffrances , durant lef-
quels il s’étoit livré tous les jours à des exercices
pénibles, il fe trouva uns nuit çouvert delà tête
aux
/
( I? )
^üx pieds de puftules épaiiïeSj cruRacees , Sc cen-
drées , qui le délivrèrent de fes douleurs ; cela
dura amfi pendant deux moisè
Il y a à préfent environ un mois 3c demi que le
nombre des pullules étant beaucoup diminué , les
douleurs font revenues avec plus de violence qu’au-
paravant , avec deux ulcérés virulents , doulou-
reux 3c aîTez larges à la jambe gauche ; ces ul-^
ceres fe font étendus ^ m’a-t~il dit, après l’appli-
cation faite par un Chirurgien , de certains médi-
caments corrofifs.
Ses douleurs les plus cruelles fe faifoient fentic
durant la nuit.
Après lui avoir prefcrît le régime que je jugeai
convenable , je lui ordonnai pour fept jours le fyrop
fuivant ;
Prenez de fyrop de fumeterre , d’épythlme ,
d’endive , de chacun demi-once ;
D’eau de chélidoine^ de houblon ^^de fcabieufe ,
de chacune une once mêlés.
Le huitième jour ifprit cette médecine :
Prenez de confedion dehamech, trois gros;
D’éledualrc de fucre de rofes , deux gros &
demi ;
D’épythime puîvérîfé , deux fcrupuîes ;
De turbith, demi- gros ; ^
De poivre, demi- fcrupuîe s
>Pu!vérifez ce qui doit l’être , & faites-en une
potion avec les eaux de buglofe , de houblon , de'
fumeterre & d’endive. Le malade prit cette po-
tion chaude le matin ; elle lui fit rendre beau-
coup d’humeur mélancolique adufte , mêlée d’un
peu de phlegme.
La nuit fuivante , les douleurs fe font appaîfées,
lî a dormi trois heures de fuite , 3c il a fué. Comme
B
i
• f f • ^ ^
Il n avoit pas mangé , je jugeai que les humeurs
ctoient en grande quantité , 3c qu'il falloit aider
la nature qui cherchoit à s’en débarralTer par la
fueur. Je lui ordonnai donc d’entrer dans une
étuve 5 ce qu’il réitéra trois jours de fuite , & il
fut délivré ainfi des puftules & des douleurs.
Peu de jours après , il fut guéri de fes ulcérés
par un Chirurgien de fes amis.
Pour le préferver de rechûte , je lui prefcrîvîs
de prendre chaque femaine , pendant deux mois,
un gros & demi de pillules de fumeterre.
la maniéré de procéder de Torella &
des autres Médecins fes contemporains, dans la
cure des maladies vénériennes 5 il témoigne beau-
coup de confiance en cette méthode qui , comme
je r ai dit, étoit exadement la même qu’on prati-
quoit pour la guérifon de* la gale , & il affure
qu’en la fuivant , il a guéri 3c fait guérir une infi-
nité de malades. C’eft ainfi qu’il s’exprime lui-
méme : Parijiis & in aliis magiiis civitatihus Frau-
dez , a Limratis , grofla variola hic rnorbus appel--
latur J quos devios ejje demonjlravi^ . . Qidcumque ca*
ram varioianim ( impudendagrâ ) fecutus fuit hue ufque^
<5* qui inde fequetur ^ nullos curavit ^ neque curahit ;
flurimos vero interficiet , aut dehilitatos jeeundum
aiiquam aut majorem partem corporis dimittet* . , lUi
yero qui curam feabiei jœdee fequentur ^ plurimos cu-^
rabunt & maxime ^ Jl hœc qiiœ. feribo ^ faciunt^ . , .
F go infini to s eu ravi & curari feci , (S* intelligo per
curationem , eorum deduzlionem ad faliitem , non ficut
ille qui multos ciiravit , ficut dieu Galenus ^ de quo-
rum numéro nullus evafit.
Ce grand nombre de médicaments qu’on faifoit
entrer dans la cure méthodique , ainfi que la ma-
niéré de les employer , étoient empruntés des Ara-
C Ip ) ^
bes dont les livres tranfportés en Europe, par
les Maures qui s'étoient établis en Efpagne , étoîent
le dépôt prefqu’unique des connoiliances médi-^
cinales de ce temps-là. >
Le mercure oy vif-argent que les Grecs & les
Latins avolent banni de la Médecine j,parce qu'ils ne
voyoienten lui qu'un poifon deftrudeur, entroit
auflidanslacompofitiondes onguents dont les Ara-
bes fe lervoient contre la gale & d^autres mala-
dies de la peau. t
«D'après l'opinion commune fur l'identité de la
gale & de la vérole, quelques Médecins mirent
auffi du mercure dans les emplâtres & dans les
onguents qu'ils appliquoient fur les puflules 3c fur
les ulcérés vénériens , pour les déterger 3c pour
les defTécher, après avoir fait ufage auparavant,
intérieurement des médicaments propres à réfou-
dre 3c à évacuer l’humeur morbifique.
La poftérité aura fans doute bien de la peîn«
â fe perfuader que, durant trois fiecles , un grand
nombre de Médecins dont quelques uns jouiffent
d’une célébrité méritée à bien des égards ; la pof-
térité, dis-je, aura bien de la peine à croire que ces
Médecins fe foient fervi précifément des mêmes
remedes , à la même dofe 3>c de la même maniéré,
contre deux maladies dont l'une n'affeâe commu-
nément que la peau , fur laquelle elle forme des
pullules 3cAq petits ulcérés , 3c dont l'autre carac-
térifée par des chancres malins, des tumeurs glandu-
leufe's 3c ofTeufes, par la férié des os, par la go-
norrhée virulente , & attaque indiftindement les
parties internes comme les externes fur lefquelles
elle exerce quelquefois les ravages les plus terribles.
Le malade place au foleÜ ou devant le feu fe frot-
tera avec longuent depuis le coude, jufqu'à trois
B ij
/
C 20 ) . . ‘ J
doigts de diftance de la main , & depuis le de
du genou, jufqua égale diftance du pied. Cî^'-’s
opération fe continuera de la meme maniéré l'^l-
qu’à ce que le flux de bouche commence à pa-
roître é i ). On recommandeau malade de ne point
s’expofer au froid , & de ne point fe laver de quS-*
ra'nte jours. De cette maniéré, ditThéodoric ( 2 ),
on verra fhumeur couler de la bouche comrns
une riviere ■ & en faifant ainfi , on peut etre sür
de guérir la gale la plus invétérée.
^ — ■— — , — - — • ' ' * I .1 ... I ■
' ( î ) Pierre Hifpani , Médecin du treizième fiecle , & en-
fuite Pape fous le nom de Jean XXI.
( 2, ) Médecin célébré du treizième fiecle , 5c enfuitô
Evêque de Servie.
E3Z1I
LE G A Y A C.
JLobsque les Efpagnols , conduits par ChriftopH^
Colomb 5 firent à la fin du quinzième fiecle , la dé-
couverte de ^Amérique , les foibles habitants de
ces vafles contrées nouvellement forties du feia
de la mer, & ancore toutes couvertes d’immenfes
forêts & de marécages , nourriffoient fous un ciel
humide de brûlant cette maladie héréditaire &c
contagieufe qu’on nomme parmi nous , maladie
vénérienne, & parmi eux, dit-on, paturfa ( l ).
Cette maladie étoit-elle connue en Europe
avant la découverte du nouveau monde ? ou biea
les Efpagnols, comme on le penfe pfefque gé-
néralement, l’ont-ils reçue des Amériquains en
échange des vices qiuls leur ont apportés , & des
crimes inouïs dont ifs ont laiiîé parmi eux tant
d’horribles exemples ?
Il eft certain que dans tous les temps , les em-
braiTemants amoureux portés à l’excès , ont dû
produire des défordres dans les parties du corps
deftinées à ces ufages. Ces défordres ont dû êtra
plus ou moins grands, félon la difpofîtion des corps
qui les failoienc naître. Sous la zone torride , l’a-
mour eft une. rage , & fes effets doivent être pro-
portionnés à la caufe qui les produit ; c’eft aufîî
de ces climats brûlants, de l’ancien & du nouveau
monde que la vérole a , félon toutes les apparenr
ces, tiré fom origine.
( i J f ailope , de motb. gall..
/
BUj
( 22 )
La communication établie par les guerres In-
fenfées desCroifades , entre les Européens & les
habitants de TAfrique , a pu introduire le germe
de cette maladie en Europe ; ce germe a couvé
long-temps en filence parmi nous ^ faute d ali-
ments propres à le développer , & n a produit que
de foibles ravages décrits par les Médecins (O qui
ontvécu depuis le dixième jufqu’au quinzième fie-
cle. A cette derniere époque, ce principe de dé*
génération de nos humeurs a fait les progrès les
plus rapides ; il s’eft manlfefté par les effets les
plus terribles , lorfque les Efpagnols tranfplantés
fous la zone torride du nouveau monde , y ont
Tefpiré IVir brûlant & humide qui empoifonnoit
prefque toutes les fubftances végétales & anima-
( I ) Le bubon efl caufé ie plus fouvent par une matière
froide qui eft pouifée du foie vers ces endroits ( le? aînés }
lerqueisfont foibles 8c vuides .. ou lorfqu’il arrive à l’homme
line corruption dans la verge pour avoir eu affaire aveu une
femme mal-propre.
Guillaume de Salicet, en 1170.
Le même Auteur parle auffi de pullules blanches ou rou-
tes, de la dartre mifcaire , des crevalfes , des corruptions
ou femblables chofes qui arrivent à la verge , ou autour du
prépuce, & qui font occafionnées par le commerce qu’on a
eu avec une femme fale , ou avec une femme publique , ou
par q U qu’autre caufe.
Voyez aulTi Laufranc , en 1290 ; Bernard Gordon, en
2300; Jean de Gaddefden , en 1320 j Gui de Chauliac , en
13^0; Valefcus de Tarenta,ea 1400; Pierre d’Argelata ,
en 1470, &c. &c. &c. Rhazez parle d’un ulcéré partfeuiier
de la verge , produit félon lui , à cenfeione mulicris fuprà
virum». Je n’ignore point 'e? taifons qu Allruc aallc^uces
pour prouver que ces fymptomes ne defignent point la
maladie vénérienne; mais s’enfuit-il de ce que ces Tymptômes
peuvent eue des effets d’autres eau fes que du^ virus venc-*
rien, qu’ils ne puiffent pas déhgner aulfi la vcrole.^
c 25 )
}«s de ces contrées incultes , & qui eft la caufe de
toute putrefadiom
en füit de loriglne de la vérole , les
Amériquains méridionaux pofledoient un grand
nombre^ de plantes par Tufage defquelles ils fe
' guériflbient de cette maladie. Une des principales
*.Çtoît le Gayac,
^11 y a, félon le P. Plumier, deux efpccesde
Gayac.
La première efpece s*appelle Gayac à fleurs:
bleues , dont le fruit eft arrondi ; Guaiaciim Jlore
^^ruleo ^ fruciu fubrotundo ^ Plum, nov. gen 35;. ou
tetraphitum , fruau fingulari. Ejufd. Hift.
mil. 80. Fruno vel evonymo affinis arbor. folio
alato , huxeo ^fuhrotundo , jiore pentapetalo , cærüleo^
racemofo ^ fruüu acoris cordato ^ cujus cortex luteus^
corrugatus J femen unicum ^ majufculum ^ nigricdns\
nullo oJficuLo tectum opcrit\ Sloa. CataL Plant,
maic.
Cette efpece de Gayac devient quelquefois un
très-grand arbre ; quelquefois aufli n’eft«il quô
mediocre ; différence qui procédé de la fertilité
du terroir où il croît .• fon tronc efi: le plus fou-
vent cylindrique , mais ceux qui fe trouvent dans
1 lile de Saint-Domingue , du coté du Port-de-Paix
ne font pas tout-à-fait cylindriques , car fi on les
coupe tranfverfalement , leur fedion repréfente la
ngure d une poire.
Lorfqu’on regarde ces arbres de loin , ils ref-
lemblent à nos chênes ; les jeunes font couverts
dune ecorce un peu ridée, ceux qui lont vieux
ont I ecorce lilfe , un peu épai/Te , & fe féparant
eii des lames minces ; elle ell variée ou de cou-
fâtie^*^ ^ " parfemée de taches verdâtres & grl-
B i
IV
i
( 24 }
Le tronc de cet arbre a peu d’aubîer, qui cÆ
pale 5 le cœur eil de couleur verte d'olive , fen--
cée de brune : Ion bois eil; très-folide, huileux ,
pefant , d'une odeur qui n'efi: pas déiagréable , d'un
goût amer de un peu âcre.
Ses branches ont beaucoup de nœuds , & le
plus fouvent elles font partagées en deux petits
rameaux aufiî noueux , lefquels portent à chaque
nœud y deux petites côtes oppofées ^ longues d'en-
viron un pouce ^ lifle, ferme , compaéle comme
du parchemin , d’un verd pâle ; elles ont
defîous cinq petites nervures un peu faillantes;
elles n’ont point de queue > fi ce n’eft la côte
commune fur laquelle elles font rangées ; leur
couleur eft un peu rouge à l’endroit de leur at-
tache ; leur goût un peu âcre & amer.
Les fleurs naiiTent à l’extrémité des rameaux ;
elles font en grand nombre , entièrement fembla-
bles & égales à celles du citronier , car elles font
compofées de cinq feuilles de couleur bleue, dif-
pofées en rofe , fur un calice qui a auffî- cinq
feuilles verdâtres, du fond duquel s’élève un pif-
lil dont la figure eft celle d’un cœur terminé en
pointe , porté fur un pédicule un peu long. Ce
piflil eft accompagné d’environ vingt étamines
bleues qui ont chacune un petit fommet jaune. Ce
piftil devient dans la fuite un fruit de la gran-
deur de l’ongle , charnu , qui a la forme d’un cœur,
de un peu creule en maniéré de cuillier , û’une
couleur de vermillon ou de cire rouge. Ce irait
renferme une feule graine dure, de la forme d’une
olive, qui contient une amande plus petite que
celle de l’olive & enveloppée dftme pulpe fort
tendre^ ,
On trouve cet arbre à la Jamaïque, dans^ prô£~
)
^iie toutes les Mes Antilles , 3c fur- tout dans celles
de Saint-Domingue & de Sainte-Croix, & en gé-
néral dans la partie de rAmérique qui eO: fituee
fous la zone torride,
La fécondé efpece de Gayac du P. Plnrrder ,
fe nomme Gayac a fleurs blanches y dentelées *
dont le fruit efl: quadrangulaire y Guaiacum Jloie
TLilt’d , Jimbricito ^fru^ii tctiugono* Plum. nov. Plant.
Amerîq. IX. 3^ ; ou Gayac;im polyphyllurn ^ fru^u
Jingulart ^ , ejufd, Hîft. miT. 87. Hoaxa-
can , Jeu lignum fanUiim ^ Hernandez. Les na--
turels d’Amérique le nomment Hajacan y d’ou
efl: venu le nom de Gayac qu’on iui^ donne en
Europe.
Cette efpece efl moins haute que la précédente ;
fon bols efl: auffi folide & auflî pefant , mais de cou-
leur de buis ; fon écorce qui efl: un peu plus épaiife ,
efl noirâtre en-dehors , parfemée de plufieurs taches
grifes , 3c lillonnée de rides réticulaires tranfver-
fales*, elle efl: pâle au-dedans, & d’un goût légère-
ment amer.
Ses branches font dlfpofées de la meme maniéré
que dansrla première ; elles font de même noueufes
3c portant quatre ou cinq paires de feuilles plus
minces y plus petites 3c plus pointues ^ fur-tout les
jeunes , foutenues fur des côtes très-minces ^
vertes & longues d’environ deux pouces.
Les fleurs font entièrement femblables & égales
a celles de la première efpece ^ mais elles font bleues
& un peu dentelées. Les fruits font de couleur de
cire 5 quadrangulaires comme ceux de notre fu--
faiu y ‘partagé intérieurement en quatre loges , dans
chacune delquelles efl: contenue une feule graine ^
offeufe 5 rouge , qui a prcfqus la figure d’uas
elive.
r ^ r , (26)-
dans deGayac eft très-fréquente
Pon-d. kt S“«-I>°n.ingu. , au. envirok du
Ces arbres fleurllTent au mois d’AvrlI & don-
nent des fruits mûrs au mois de Juin.
Le Gayar donne dans ladiftillation à la violence du
leu , un plilegme infipide , un efprit qui donne des
marques d acidité & d’alkalicité , une huile teque
hmpiue , jaune qui nage fur l’eau ; une huile noire
tres-epaiûe plus pefante que l’eau ; une grande
quantité d air & une quantité conlidérable d’un
charbon dur & fonnant. ( Encyclopédie ).
_ Feu de temps après la découverte de TAmé-
riqueCeniyi3;, Gonçalo Hernandez de Oviedo
y Va des fut envoyé à l’Ifle Efpagnole pour y
être Diiefteur des mines d’or & d’argent ; après un
lejour de douze ans , tant dans cette Me que dans
e continent, il écrunt en Efpagnol en Ij2y , par
ordre de lEmpereur Char!cs-Quint,Roi d’Efpagne,
le.omrmireoe l’Hiftoire générale & naturelle des
Indes Occidentales ; dix ans après , il écrivit fa
grande lîiftoire générale & naturelle des Indes.
iJans un de ces deux ouvrages , on trouve deux
chapitres, dont l’un traite du Gayac , & lautre.
du faint bois. Dans le premier, l’Auteur s’exprime
de cette manière : Il y a dans ces Mes & dans le
continent , deux efpeces d’arbres remarquables
contre cette maladie qu’on nomme de las buas ,
( la vérole ); & comme elle eft fort commune dans
toutes ces régions, il a plu à la miféricorde divine
d y faire trouver aiifli aux habitants leremede propre
a les en délivrer; mais quoique cette maladie exer-
ce auffi les ravages dans d’autres pays , cependant
les premiers Chrétiens qui ont été infedés de ce
ma en ont été guéris dans l’Ille Efpagnole, par
I arbre qu’on nomme Gayac.
( 27 )
Je veux rapporter fur les effets de cet arbre, ce
qu’il y a déplus avéré ici, & dans les autres lieux
où on en a fait ufage.
Son efficacité eft conftatée par un très grand
nombre d’expériences qu’on en a faites tant dans
ces régions , qu’en Europe , & dans les autres
parties du monde où il a été tranfporté 3 pour s’en
lervir contre la redoutable maladie c/e las huas ,
que les Italiens appellent mal françois , & les
François, mal de Naples.
On a vu en Efpagne & dans d’autres pays , des
malades tourmentés par des douleurs cruelles &
rongés d’ulceres , qui ont été guéris par le
.Gayac.
Cette maladie furpafTe toutes les autres par la
force des tourments & des fouffrances qui la carac-
térifent , comme le favent bien ceux que la miféri-
corde -divine en a délivrés; elle eft moins cruelle
& moins dangereufe dans les Indes qu’en Efpagne ,
& dans les autres climats plus froids , & les Indiens
s’en guériffent facilemient par l’ufage du Gayac ,
durant lequel ils obfervent une grande diete , fans »
laquelle le Gayac fait plus de mal que de bien.
Outre le Gayac , continue Oviedo , les Indiens
connoifTent encore un grand nombre d’autres plan-*
tes, que l’expérience leur a appris être propres à
guérir la maladie de las buas ^ ainfi que bien d’autres
maladies.
Dans le chapitre où il parle du faint bois , il dit ,
l’arbre qu’on nomme faint bois dans les Indes , eft,
félon l’opinion commune , une des meilleures
plantes du monde pour guérir les ulcérés & les
autres fortes de maux contre lefquels on l’emploie ;
plufieurs le confondent avec le Gayac, ouïe re-
gardent comme un arbre de la même efpece , à
- , , r )
R ^ "‘t '•e/Tembance de la moëlle , de la pefan-
teur & de leurs propne'tés médicinales.
Outre la propriété de guérir la maladie de Us
wizi' ajoute-t-il ^ que celui-ci polTede à un plus
Jiaut degré que le Gayac , il guérit aufli d’autres ma-
ladies que le Gayac ne guérit pas.
A mon avis , dit-il encore , l’arbre ou le bois au-
quel on a donné le nom de faint , eft véritablement
ciivrn.
Par la fimple décoction de ce bois , & par l’ufage
extérieur de Ion écume, nous avons vu guérir des
U ceres du plus mauvais caraéiere, qui étoientfem-
a .cs au cancer ; a autres qui étoient gangreneux,
^ qu en avoir jugés incurables.
La réputation du Gayac s’étendit bientôt au-delà
des lieux qui rent d’abord vu naître. Les Efpagnols,
que leuis fréquents voyagesen Amérique, mettoient
a portée de^voir les guéi^ifons multipliées opé-
rées par ce médicament, s’emprefferent fans doute,
ü eiu retour dans leur patrie , de publier ce qu’ils
oient vu en An:!érique. Avec quelle avidité les
peuples dLuiope dûrent-Üs écouter les merveilles
qu on leur racontoit du Gayac ! Avec quelle ar-
deur ils dévoient ioupirer après un médicament
qui , fans les expôfer aux dangers terribles qui
accompagnent trop fouvent l’ufage du mercure,
les delivreroit du plus cruel de tous les maux !
Ce fut un Efpagnol nommé Gonfalve , qui , félon
LralTavole ^ ale premier apporte le Gayac en Eu-
rope , en iyo8 ; cruellement tourmenté depuis
long temps par la maladie vénérienne, contre la-
quelle il avoit inutilement employé tous les
remedes connus alors , il fe détermina fur ce qu’ü
entendoit dire des effets de cette plante, à fairç le
.voyage d Amérique , pour éprouver fur lui-mèine
/
C ^9 )
^ ce qu’on lui avoit dit du Gayac étoît vrai ; y ayant
été guéri , il fe retira à Lilbonne , & communiqua
aux Portugais la méthode par laquelle il avoit
été lui'même délivré de la maladie qui avoit été îe
fujet de fon voyage aux Indes.
Gonfalve ne fut point le feul Infortune qui alla
chercher au-delà des mers le remede à un mal
qu’on n’avoit point fu trouver en Europe.
Moi, étant à Paris en 1^6^ ^ dit Loys Guyon,
fieur de la Nauche , j’avois grande familiarité avec
deux jeunes adolefcents , enfants de ladite Ville,
tous deux de bonne & Illuftre maifon , defquels je
tairai les noms , qui le trouvèrent Inteâés de cette
contagion vénérienne, parce que le plus fouvent
elle fe prend par paillardife,( aéte déshonnête <3^: par
conléquenc honteux), laquelle ils célerent tant
qu’ils purent ; enfin la maladie fe fit connoître par
la pelade , par puftules rouges qui leur vinrent au
front , douleurs au milieu des os , tant des bras ,
jambes 5 cuiires& épaules , que fur le devant deîa
tête , les nuits , jufqu’à environ l’aube du jour , 3c
autres fignes , comme la douleur au gofier , ne
pouvant bien avaler la viande.
Les parents les mirent entre les mains des Méde-
cins & des Chirurgiens bien expérimentés , qui y
firent tout ce que l’art permettolt, mais ils ne gué-
rirent pas; pour la fécondé fois, furent appelles
d’autres Médecins à cette cure, qui y appliquèrent
tout leur favoir, mais en vain, & au contraire
cette maladie s’empiroit, il fe iaifoit des tophus 3c
nodofités à la partie antérieure de leur tête , Ôc aux ,
os des bras , cuiffes , jambes, avec douleurs noc-
turnes infupportabl^s ; 3c comme la nuit s’appro-
choit 3c durant icelle , crioient 3c fe plaignoient in-
i&eilàiiiaaent , tant que les voifins les entendoient
\
fe lamenter de tous côtés ! à caufe de quoi leurs
coips devinrent fecs : ces deux jeunes hommes
etoient de complexion différente , & avoient néan-
moins les mêmes fymptômes , ce que les Médecins
ju^oient être fort extraordinaire.
Enfin ces adolefcents, après avoir fouffert beau-
coup de maux , de peines & d’angoifles , tant par
les Médecins & Chirurgiens, que par Empyriques
qui les avoient gouvernés , que du propre mal,
apres avoir fait beaucoup de dépenfes , Sc ennuyé
leurs parents, furent laifTés comme incurables , &
en état de ne pouvoir plus vivre faincment ,’ &
euiTent fort dehré que la mort les eût faifis. Les
c ofes étant en tels termes , Dieu eut compaflîon
cl eux & de leurs parents.
Le fleur de Chantonai , Gentilhomme Bourgui-
gnon, de la Franche-Comté , fut envoyé parle Roi
d’Efpagne , en Ambalfade pardevant Charles IX ,
Roi de France , qui alors fe tenoit ordinairement
a Paris ; ledit Ambafladeur qui fut informé de ces
deux jeunes gens , dit qu’il avoir vu en Bourgogne ,
pluheurs vérolés qui avoient été traités inefficace-
ment , & qui avoient été chercher leur guérifon
radicale en Amérique ^ ôc allégua fpécialement
1 exemple d’un fien Secrétaire.
D apres cet avis , Ils allèrent s’embarquer en
Efpagne pour palier a 1 Ifle de Saint-Domingue > là ,
les Médecins du Vice-Roi furent d’avis qu’ils paP
faffent en une autre Me qu’on appelle de Saint-
Jean-au-port-riche , où les femmes font fort en*-
tendues à guérir cette maladie.
Voici le traitement qu’on leur fit, dans une
cabane de fauvages , fous la diredion d’une femme
du pays : elle cafToit & fendolt avec fes dents des
petits tronçons de jeunes arbres de Gayac, Schs
C 31.)
faîfoît bouillir dans un vaifleau de verre fan^ cou-
verture. Elle leur faifolt boire^ tous les maiins,
une chopine de cette décoétion en deux ou trois
fois 3 puis les faifoit promener , exercer à Tefcri-
me 5 ou bien alloient travailler à une mine d’or
qui n’étoit guère loin du village , Tefpace de deux
heures; puis venoient, étant pleins de fueur , à
la maifon , & changeoient feulement de chenlife;
puis les faifoit dîner , ne; buvant que de Teau de
pluie puifée dans une mare : fur les trois heu-
res après midi, on leur faifoit boire autant de
Gayac comme au matin , & faire le même exer-
cice ; & fans autre cérémonie , ni remede , fe
trouvèrent entièrement guéris en fix femaines ,
fans autre inconvénient que d’avoir les gencives
enflées & enflammées; ce dont ils guérirent in-
continent après qu’on les eût fait faigner en les
piquant en plufieurs endroits avec un os de poif-
fon fort pointu.
Les nodofités qu’ils avoientaux os difparurent ,
toutes les douleurs noélurnes cefferent en quinze
jours ; Tappétit leur revint ; enfin tous les accidents
fe difliperent. Ils retournèrent en Efpagne , puis à
Paris : l’un fils de Maître des Comptes , eil: de-
venu Officier aux Finances; l’autre a rendu de
grands fervices au Roi ès dernieres guerres de
1 union , dans la profeflion des armes.
Il faut que 1 arbre foit jeune & tendre , on ne
nous en apporte que du vieux.
Le memeXoys Guy on ajoute ailleurs t il faut
c oïlir le bois de Gayac, ôc prendre |non celui
qui eli noir & dun gros tronc, mais du plus petit
& jaune. Je dis ceci pour l’avoir entendu deplu-
üeurs Efpagnols , Flamands , Bourguignons , &
d aucuns François qui avoient eu le mal, lefquels
furent tant infortunés en leur curation , qu’iîs ne
purent jamais guérir , ni en Italie, ni aux Baffes-
Allemagnes, ni en France, ni en Efpagne , trai-
tés par plüfieurs fois par gens méthodiques ; mais
on leur donna avis de fé tranfporter à Tlfle de Saint-
Domingue , ou de Saint-Laurent qui font fituées
au nouveau monde découvert par Colomb , ainfi
que difent les hiftoires ; le Roi Catholique Phi-
lippe leur ayant oélroyé pafTe-port, Sc queîqu ar-
gent par charité, car ifs lui avoient donné à en-
tendre qifüs Tavoient fervi en guerre.
Auquel lieu arrivés , aucunes femmes Indiennes
les guérirent avec de la decoétlon de jeune éten-
dre Gayac , détranché menu avec un couteau y
fans couvrir le vailTeau qui étoit de terre ; & en
burent le matin environ huit onces -, après alloient
travailler, s'ils vouloient, à une mine d'or pro-
chaine pour s'échauffer ; ou couroient le taureau,
la vache qui s'étolent rendus fauvages ; tant s'é-
toient multipliés ces animaux audit pays , dont
l'engeance avoit été menée par la Colonie Efpa-
gnole.
Après s’étre échauffés , un peu refroidis , on
les fufoit dîner avec un bled appelle maïs boulu,
ou réduit en farine, & fait du pain cuit fous la
cendre , mangeant de la chair de bœuf, de vache,
d'ours, de guenuche; autres fois de certains oî-
feaux tant aquatiles que des montagnes , & des
poIlTons de mer & d'eau douce dont nous n'en
avons de femblables par- deçà ; & fi le temps étoit
nébuleux ou pluvieux, on les falfoit coucher dans
im linceul de coton , attaché par les quatre bouts
à des pans couverts d'un autre linceul i fou-
vent environ deux heures. De frotter ou^^d’ef-
%er, l’ufage n’y eft point; auffî n'ont d’autre
linge.
Ils en prenoient autant fur le vêpre , & Je
^ette façon 5 dix-huît qu'ils étoient^ guérirent dans
vingt-cinq jours , toutefois les uns plutôt que
les autres; & ne leur fut appliqué aucun onguent;
& ai parlé a trois de ces foldats après leur retour
qui me I ont raconté ainfi que je Tai écrit ; ôc ne
burent de fécondé décodion , mais d’un breuvage
fait de certaines racines & d'eau bouillies enfetn-
ble 5 qui enivre fi on en prend trop ; breuva-
ge a ces Sauvages ordinaire , qu'ils appellent Cz-
nonin C l).
Comme les^ Efpagnols furent les premiers qui
eurent -connoiffance de l'efficacité du Gayac
dans les maladies vénériennes , ils furent auflî les
premiers qui en adoptèrent l’ufage en Europe ,
& ce fut chez eux que les autres Nations appri-
rent la méthode de s'en fervir.
,, ? fait venir d’Efpagne , dit Nicolas Poil ,
Médecin de Charles V , des perfonnes d’un rang
diitinpé , & des gens du peuple pour appren-
dre deux la méthode de guérir, par le Gavac
des malades infedés de_ cette horrible maladie
auxquels on avoit prodigué toutes fortes de re-
medes fans aucun fuccès ; parmi ces malades il y
en avoit a qui on avoit jugé inutile d’adminiftrer
aucun médicament , parce qu’on défefpéroit de
leur guérifon. Tous ces malades, au nombre
d environ trois mille , ont été guéris prefqu’en
mema temps , par l’ufage dus Gayac , & après
( I ) Miroir de bemU
de Pompadour»
dédié à Monfieiit & à Madame ^
C
i
C 34 )
leur guérifon , 11 leur lembloît renaître C i )•
Lorfque le Gayac, ditHutten, eut été appor-
té de Saint-Domingue en Efpagne , les nations
voifines attendirent le réfultat des expériences
qu’on y faifoit , avant de fe décider à s’en fervir.
Àuiîi tôt qu’elles apprirent que les expériences
avoient été fuivies du fuccès , les Siciliens adop-
tèrent les premiers cette nouvelle méthode de
guérir le mal François ( la vérole ) ^quide là pafîa
en Italie , & enfuite en Allemagne , où nous
nous fommes alTurés par notre propre expérience
de l’efficacité de ce médicament ; nous avons
auflî appris dernièrement que cette méthode avoit
été pratiquée en France avec fuccès.
Si quelque chofe êfl: capable d’affiurer au Gayac,
un rang diftingué parmi les médicaments ahtivé-
nériens , c’eft fans doute l’expérience qu’en à
faite fur lui-même , Ulrich de Hutten , Gentil-
homme Chevalier Allemand , que je viens de
citer ; il étoit tourmenté d’une vérole des plus
(i) Accerfîti fnere excell. ac îllufl. Princeps, in Diæ-
tarum defcriptioneni principiis, quam plafimrin Hifpania-
rum , tuiii prirnariis , tum plebels haiid mediocris quidem
exiflimationis. Qui nimirum propter abominalem defor-
jnationeni per diéli Gallici morbi tabifîcam de turpatio-
nem omnes ferè pro deploratis habebantur iibi in qui-
bufdam; niilla alia Medîcinarum ( ecCi innumeris utebantur )
aliquid e^cere potuid'et ; in aliis verb defperationis eaufâ,
nihil Medicinarumapplicatum fuerat, ^quoriim pofteà om-
nium per guaiacanum lignum curatio quafî pro miraculo
habita fuit : hæc enim uno quafi 8c eodem tempore, tria
ferè liominum millia, ad bonam valecudmem reduxerat ,
qui poft curationem renati iîbi ipfîs videbantur , &c. JVîc
pülL CæJareÆ. majeftatis phyfici (k QUtaùonc morH gallici
lïgnuin Guaîacum , Prc&Jaffio»
cruelles & des plus terribles qu on ait jamais
éprouvées. Pour tâcher de s"en délivrerai! fefou-
niit onze fois inutilement, durant l’efpace de neuf
ans, aux friâions mercurielles , & il eflaya de
tous les moyens de guérir qui étoient pratiqués
de fon temps* Enfin Tufagc du Gayac qui venoit
de s'introduire en Europe , le délivra de tous
fes maux de le giférit radicalement i c'eft ce qu'il
nous apprend lui-méme dans un favant traité qui
a pour titre ^ de morbi gallici curatione per admi-*
nijlrati'onem ligni guaiaci ; ce traité que l’Auteur a
dédié au Cardinal Albert de Brandebourg, Elec-
teur & Archevêque de Mayence & de Magde-
^urg , a été imprimé en Voici comme
Hutten parle lui-même de Tétât de fa maladie,
lorfqull commença à fe mettre à Tufage de la dé-
coéiion de Gayac*
Premièrement , je rte pôuVois faire aucun üfage
du pied gauche , dans lequel le fiege de la ma-
ladie étoit fixé depuis huit ans ; au milieu de la
partie antérieure de la jambe étoient des ulcérés
dont la chair étoit tuméfiée, enflammée & pour-
rie I, qui me faifolent éprouver les plus vives dou-
leurs ; à mesure que quelqu’un de ces ulcérés gué-
rifToit , il étoit auflî-tôt remplacé par un autre ; il
s en forma ainfi plufieurs féparés Tun de Tautre que
tout 1 art des Médecins ne put jamais réunir en
rt*n feul : au -déflus , étoit une tumeur dure
comme un os , qui mefaifoit fouffrîr fans relâche
toe douleur pungitive & atroce* J’avois auflîaü-
aellus dutalonfdroit, une autre tumeur auflî dure qu'e
la première , & qui perfifloit depuis le commén-
ment de ma maladie* *
Cette tumeur avoit réfiflé au fer & au feu
& à tous les cauftiques qu’on avoit pu mettre en
C3'5)
ulage : tantôt elle s’élevok & devenôit beaucoup
plus grande , ce qui me faitoit cruellem^t foub
frir ; tantôt elle s’affailToit , & alors la douleur étoit
moindre; cette douleur devenoit aulfi plus lup-
portable, quand j approchois la jambe du feu ,
cependant je n’y pouyois pas endurer plufieurs
enveloppes ; il s’y faifolt une affluence d’humeurs
fl confdérable , que la fource en paroilloit devoir
être intarifflible. Quand je voulois m’appuyer fur
cette jambe , j’y fentois une douleur intolérable.
La cuilîe , depuis la hanche jufqu’au genou ,
étoit dans un tel marafme , que la chair en étoit
toute confumée , & que la peau fembloit toucher
immédiatement à l’os ; elle étoit d’ailleurs luxée
aux deux articulations , fi bien que je ne pouvois
m’en fervir depuis long temps qu’avec la plus grande
peine, & qu’enfin elle cefla de me rendre tout
office , lorfque l’une de mes feffles s’évanouit.
Une douleur que je fentois à l’épaule gauche,
m’empêchoit de lever le bras ; il s’étoit formé
auffi a cette partie qui étoit très-affoiblie , une
callofité , & au milieu du mufcle qui la couvre,
une tumeur grolTe comme un œuf. Toute cette
partie du corps , depuis l’épaule jufqu a la main ,
étoit dans un état d’amaigriffement extrême.
Au côté droit, fous la derniere côte , étoit un
ulcéré fiftuleux peu douloureux, mais dont il
fortoit une matière fanieufe & purulente ; fur la
côte , au-deffias de l’uIcere , étoit une exoftofe. Je .
fentok l’humeur qui arrofoit cet ulcéré,, couler de
la partie poÜérieure & fupérieure de la tête. Le
plus léger contaâ: fur cette partie, me faifoit éprou-
ver une fenfation telle , qu’il me fembloit qu on
me perçoit le crânp. Je ne pouvois tourner la tete
qu’en tournaat en même temps le corps tout en-
r
( 37 )
tïer. Quand le Gayac ne m’aurolt délivré que de
cette partie de mes maux, je lui devrois encore
les plus grands éloges, pour fon efficacité.
Un de mes bons amis , témoin de mes fouf-
frances , & voyant que cette cruelle maladie ne me
laiiïbit pas un moment de repos ni le jour , ni la
nuit, que je ne pouvois prendre aucune nourriture,
que j*étois parvenu à un état de marafme com-
plet, ôc qu’on ne pouvoir trouver aucun remede
à mon mal ; ce tendre ami me confeilla de me
délivrer moi-même du fardeau de la vie ; il ejl
temps ^ me difoit il, de mettre un terme d'tant de
fouffrances ; fon amitié pour moi , lui faifoît
oublier qu il étoit Chrétien. Si quelque chofe ’avoit
été capable de laffer le courante de ces généreux
Martyrs qui ont tant iouffert pour la Foi, certai-
nement ils n’auroient pas réfifté > à la rigueur _des
tourments que j’ai endurés. On dit que le Philofophe
Speufippe, devenu paralytique, fe faifoît porter
comme il pafToit un jour en cet état devant Dio*
gene , il le faîua ; tu ne mérites pas , lui dit le Cy-
nique , que je te rende Le falut , puifqu avec une
réille infirmité , tu as encore la foiblejje de vivre^
Qu’auroit donc dit de moi Diogene, s'il m’avoit
rencontré en l’état où j’étois ? outre que je ne
pouvois plus me fervir de mes membres, j’étois
devenu li hideux, & je répandois une odeur fi dé-
tefiable, que j’étois incommode à tout le monde,
3c que bien des gens m’avoient pri$ en horreur.
Accablé de tant de maux , lorique tout le monde
défefpéroit de ma guérifon , mon bon ange , je
crois , m’ordonnoit d’efpérer encore , j’olai fou-
pirer après le Geiyac, & je nai pas lieu de m’en
repentir, puifque c’eft à lui que je dois le parfait
/
rétablîfTement de ma fanté 8c dé* mes forces
j elpere conferver encore long-^temps.
La méthode que Hutten nous dit qu’il a* pra-
tiquée dans Tiifage de la décoftion du Gava c
eft telle :
Prenez une livre de bois de Gayac coupé me-
nu ou râpé ; mettez-là dans un vafe neuf qui
foit propre , avec huit livres d’eau de fontaine ^
de riviere , ou de puits ^ comme je î’ai fait. Laiffez
înfufer le Gayac pendant vingt-quatre heures : em
luite faites-le cuire à un feu doux, durant plus de
jlx heures, 8< jufqu’à la diminution.de la moitié,
en prenant bien garde que le feu ne foit pas aiïez
violent pour que l’ébullition ait lieu car ce qui
le répandroit par-deffus le vafe dans l’ébullition ,
eft, dit-on, la partie la plus efficace de la décoc-
tion. Pour éviter cela, faites en forte que la ma-
tière. de la décoâion ne rempliffie que les deux
tiers du vafe. J1 faut lever i’écume 8c la garder,
parce quelle fert pour les ulcérés.
Quand la décoétion eft faîte, il faut la paffier
' Sc la garder dans des bouteilles; 8c verfer huit
autres livres d’eau, fur le bois qui refte de la
première décoétion. On en fait une fécondé dé-
coction qui fert de boîftbn ordinaire.
On commence à diminuer peu-à-peu de fa nour-
riture ; d’abord on en retranche un quart, puis un
tiers 8c jufqu’à la moitié.
On fc purge , après quoi on prend deux foi^
par jour , le matin à cinq heures , & le foir a
neuf, un verre chaque fois, contenant une demi-
livre de la première décoâion , qu’on avale tout
d’une haleine. Enfuite on fe met au lit , où l’on
refte quatre heures : durant les deux premières ,
on fe tient bien couvert pour s’échauffer, afin
C S9 )
que le médicament puifTe pénétrer dans les parties
du corps les plus fecretes. Il eft bon audi de
s’échauffer dans le lit, une heure avant de prendre
le verre de décoélion.
Quelques-uns n’ordonnent, pour toute nourri-
ture que quatre onces de pain par jour & un peu
de raifins fecs; feulement à dîner , ils permettent
de tremper le pain dans du bouillon de volaille.
II y en a qui accordent à dîner la quatrième par-
tie d’un poulet bouilli.
La boiiïbn ordinaire eft, comme je l’ai dit, la
fécondé décoélion froide.
Le quinzième jour , depuis le commencement
du traitement 5 on prend ordinairement un purgatif.
C Je me fuis purgé^iimplement avec de la caffe ).
Ce jour-là on ne prend point de décoélion , mais
on recommence le foir à en prendre.
Communément la guérlion s’opère en trente
jours , à laquelle époque on purge encore le ma-
lade, & outre cela on Lui prefcrit encore pour
cinq ou fix jours l’ufage de la décoélion.
Il y a des Médecins qui augmentent peu-à-peu
la nourriture du malade après le quinzième jour ,
& qui lui permettent de fe promener d’une cham-
bre à l’autre, pour fe familiarifer peu-à-peu avec
l’air extérieur.
D’autres au contraire veulent qu’il fe tienne tou-
jours enfermé dans fa chambre , jufqu’à ce qu’il
foit bien guéri.
Lès premiers difent qu’après qu’on eft forti , ce
quireftede la maladie fe guérit très-promptement.
C’eft ce que j’ai éprouvé moi-mcme ; car trente
jours s’étant écoulés depuis le commencement du
traitement, & voyant que les ulcérés de ma jambe n’é-
toient pas encore tous cicatrifés, je gardai lachambre
Civ
J* • C 40 )
encore dix jours , au bout duquel temps ils n’é-
• l’hiver commençant
s a le taire fentir , je me tins encore renfermé
uix autres jours à caufe du froid ; alors mon Mé-
<^cin m’ayant confeillé de fortir , je fuivis fon avis,
&je ne m’en fuis pas maltrouvé ; car , quoique les
ulcérés qui n’étoient ni profonds ni élevés, ne fuf-
lent 'pas tout -à-fait guéris , il ne leur manquoit que
O etre recouverts de la peau, ce qui n’eft arrivé que
vers le quarantième jour après ma fortie , l’hiver
étant alors fort rude , pendant que j’étois en
voyage pour aller en France.
Je crois que^ je dois attribuer ce retardement de
ma guerifon , a la diete trop peu févere que mon
^ ^ ^ uî avoit prefcrite , ainfi qu’à la trop grande
legereté de la décodion.
Je n ai point employé tout-à-fait cinq livres de
ayac, tandis que d autres malades en ufent huit &
meme dix livres : le Médecin ayant été induit en
erreur a mon égard, par ma maigreur naturelle,
augmentée par la longueur de ma maladie , avoit
penle que cette quantité étoit fuffifante pour me
guérir ; il croyoit d’ailleurs que j’étois trop foible
pour en fupporter une plus grande quantité , en
quoi il Ce trompoit doublement, 1°. parce.qu’il fal-
oit confidérer non pas mon état aéiuel , mais ma
Titution naturelle , & que la maniéré d’agir du
.Gayac , exige que fon ufage foit continué fans in-
terruption; 2 . parce qu il ne faut pas en donner une
moindre quantité aux malades les plus foibles
^u aux autres , qu il faut au contraire leur en donner
<]uelquefois davantage 5 car fon opération n’efl: pas
violente & împétueufe , mais douce & graduée , Sc
ce n eft que peu-a-peu qu’il guérit ; c’eft poui-
quoi je fuis d’avis qu’on faffe la décoélion plus
forte» ^
(■40
L’aStlon du Gayac commence d’abord à fe ma-
nifefter par la diminution générale des fymptômes
de la maladie ; mais, vers le quinzième jour , les
douleurs augmentent , les ulcérés s’étendent , &
il femble au malade que fon état devient pire qu^au-
paravant foit qu’alors le médicament attaque le
mal dans fa racine 3 & qu’en le déracinant, il caufe
les douleurs qu’on éprouve , foit que laltération
qu il produit dans le .corps du malade , s’exerce
d’une maniéré violente ; quoi qu’il en foit , il eft cer-
tain que ce médicament déracine entièrement la
maladie dans les uns plutôt , dans les autres plus
tard ; mais aucun n éprouve de changement no-
table a^^ant le feptieme jour ; plufieurs l’éprouvent
comme moi après le vingtième ; s’il y en a à qui
cela arrive plus tard , c’eft par leur faute, & ordinai-
rement, pour n’avoir pas obfervé un régime affez
rigoureux.
Je n ai pas vu fans frayeur le vingt-cinquieme jour
depuis ce traitement , les ulcérés de ma jambe fe
dilater au point qu’elles laiiïbient voir à décou-
vert une partie de l’os de la grandeur d’un ongle ,
mais en peu de jours les chairs fe rapprochèrent :
cela me fait penfer que 1 aâion du Gayac s’exerce
intérieurement dans les ulcérés , & qu’il les déterge
& les purifie en agiffant par leur partie inférieure. '
J ai vu peu de malades guéris entièrement de
leurs ulcérés tandis qu’ils gardoient la chambre.
La décoâion du Gayac réfout ëc difiîpe, comme
par miracle , les tumeurs 6c les exoftofes invétérées,
aitfuppLirer tres-heureufement les ulcérés , 6c em-
porte le virus vérolique qui eft'fixé dans les par-
ties les plus fecretes. Aux uns, ce médicament
met les os à découvert,, aux autres les nerfs il
rompt les vaiffeaux , ronge profondément les par-
) ■
/
• • r . C 4^ )
tîes infe6i:ées/& en fait exhaler une odeur fi fétide
& fi déteftable 5 qu’il efl: impoffible de la fupporter :
il rétablit les forces ainfi que la fenfibilité & le mou-
vement dans les parties qui en étoient privées , &
on a remarqué que ceux qui en ont fait ufage y font
devenus plus gras qu’ils ne Tétoient avant leur ma-
ladie.
Lorfque la guérifon commence à s’opérer ,
cet état s’annonce d’abord par les fueurs qui devien-
nent abondantes ^ & par les urines qui fe chargent
de beaucoup d’impuretés. Alors les pieds Ôc les
mains fe refroidiffent d’une maniéré étonnante , en
-forte que toute la chaleur femble s’en être retirée ;
les Médecins difent que dans cette circonfiance
le médici^ment attire la chaleur des extrémités vers
le centre où elle fe fixe , s’accroît , & enfuite fe ré-
pand de là dans toutes les parties du corps;' il efl:
certain que ceux qui ont été, guéris parle Gayac,
ont acquis beaucoup de chaleur dans tous les
membres.
Pour moi 5 durant les fixou fept derniers jours de
ma maladie, j’ai éprouvé un fi grand froid aux
jambes 3c aux bras ^ que, malgré la multiplicité des
vêtements dont je les couvrois, je ne pouvois ja-
mais parvenir à les échauffer , tandis qu a préfent
un limple vêtement femblable à celui que je por-
tois avant ma maladie , me garantit fort bien du
froid , 3c me tient chaudement.
C omme pendant l’ufage du Gayac, le ventre fe
refferre , on confeille de prendre le matin , de-
mi-once de ce bois en poudre , dans 1 eau de la
cécodion , & de réitérer, fi l’effet ne s’en fuit pas a
la première fois ; j’en ai pris deux fois fans que
cela m’ait purgé.
... ^ J’ai vu des Y éroles invétérées , guérir plus pronip-
r 45 )
tement Si plus sûrement que des véroles récentes#
Le Gayac efl: d'autant plus efficace qu’on ob-
ferve , durant fon ufage , le régime le plus rigou-
reux ; je n'ai jamais vu que ce régime ait incom-
modé qui que ce foit.
J'ai appris de ceux qui ont été en Efpagne pour
s'informer des effets du Gayac & de la'maniere de
s'en fervlr , des Efpagnols qui avolent fait le
voyage d'Amérique , que ce médicament guérit
egalement les filles éi les femmes , les enfants &
les vieillards ^ fans qu'aucun d'eux fe foit mal trouvé
de la févérite du régime qu'il faut garder.
Mon propre pere a été guéri de la vérole à l'âge
de foixante ans fans l’affiftance d’aucun Médecin ,
de diî-igé feulement par mes confeils , en faifant
ufage du Gayac , & en fuivant le régime le plus
rigoureux 5 fans en avoir éprouvé la plus légère in-
commodité.
Cette méthode de guérir la vérole par la décoc-
tion du Gayac , en oblervant la diete la plus févere ,
peut être heureufement pratiquée , quoi qu'en difent
les Médecins , par des perfonnes d'une complexion
chaude & feche ; car moi qui fuis de ce tempéra-
ment ^ j ai été guéri de cette maniéré , 6c je n'ai
éprouvé aucun des accidents que les Médecins re-
doutent en pareil cas.
La couleur de la décoélion refîemble à celle de
1 eau un peu trouble ; fi on ÿ plonge un fil blanc ^ il
devient verd. La première fois qu'on en boit , on
lui trouve un goût un peu acide , qui devient
agréable par la fuite.
Plufieurs Médecins traitoient dernièrement de
chimères les effets qu'on attribue au Gayac ; ils pré-
^ndoient que c'eft la diete feule ^ & non pas le
Gayac ^qui guérit 5 je fais fort bien qu'avant de
I
laire ufage de ce médicament , j’obfervaî pendant
trois ans le régime le plus fcrupuleux, & que cela
ne m’a point guéri.
J’en ai vu d’autres qui promettoient de guérir
tout auflî-bien avec une décoétion de bois de ge-
nièvre 5 de chêne , de frêne , de pin , &c. Bien-
loin de les en blâmer , je defire au contraire que
leurs promelTes fe réalifent ; car que pourra-t-il
arriver de plus heureux que de trouver dans nos
bois, ce qu’il faut aller chercher fi loin !
Je terminerai ce que je viens de rapporter du
traité de Hutten, fur les effets du Gayac, & fur la
maniéré de s’en fervir , par ces paroles du même
Auteur :
Quod quis imitari volet , exemplum hahet ^ præcep^
tum non habet , neque enim edocti dolemus hœc , fed
experti ^ monemus ^ id quod mem 'mijje omnes v élira ^
îiihiL enirfi hic temere ^ fed quod proprio ptricuLo didi^
cerim , aliis per maniis quafi tradercy quodjî aliud di-
diciffem , etiam latere non paterer^
A ces divers témoignages fur l’efficacité du
Gayac , ajoutons celui de Nicolas Maffa^Médecin de
Venife , très-célebre , qui nous a laifle fur les ma-
ladies yénériennes^ un ouvrage (i) au fujet du-
quel Aftruc&: Freind s’expriment de la forte : Trac-
tants iUe Nicolaï Majfæ , eximius efl verh dignus
qui legatur qiiàde re audiendus /; Freind tcquiffimiis
Aiiclorum œjlimator. Nie Maffa , inquit Freind ,
JeriptOT optimus ejl , qui (S* experientià niti maximâ
& argumentum fuutn optinie intelligere videtiir.
œque ac cura tus in explicandâ medeliz ratione Maffa
eft ; déclarai enim malum illud novis iraŒari oponerc
(i) Nict Aîajfœ ^ Mcdicl Veneti^ de morho NeapoUtano»
Cet ouvrage efl: dédié au Cardinal Charles Borromée, qu’ou
a placé après_ fa mort, au rang des vaints,'
.c 4; )
nmeiiis ^ at^üe ex primis ^Ji non prlmum fe faijfe ;
qui hcec invenerit ^ aliijque communicant. . . , utque
lino verbo MaJJot laiidem concludam: ex omnibus Auc--
toribiis^ quorum ingens copia ejl y hic pxrcipue videiur
in praxi verfatus. AJlruc , de morbo vener.
'Nie. Majfa faifoit beaucoup de cas du mercure ,
qu’il appelle un remede immanquable pour la verole ,
on peut 5 dit-il 5 s’en fervir avec affurance dans
tous les âges , en tout temps , même pour les
femmes grofles & pour les enfants , auquel il dit
l’avoir adminiftré fouvent avec fuccès.
Ce Médecin eft, fi je ne me trompe, lepre-
mier qui ait avancé , contre l’opinion générale des
Médecins de fon temps , qui faifoient entrer dans
la compofition de l’onguent mercuriel un fatras de
drogues au moins inutiles , que tout ce qu’il y a
d’effëntiel dans ces fortes d’onguents, eftia graiffe
& le vif-argent. Medentes admoneo quod tota materia.
ejjentialis ungiienti ejl axungia- & argent um'^vivum.
Le fuccès avec lequel Mafia ernployoitle mer-
cure dans les maladies vénériennes , ne lui fer-
moit pas les yeux fur les effets des autres médi-
caments antivénériens. On peut en juger par ce
qu’il dit du Gayac ; il faut remarquer, dit-iî ', que
lorfque la maladie eft parvenue au dernier degré ,
on ne la guérit que par des rernedes très-pulflants^,
tels que la décodion de Gayac y &c. Notandum ejl
quod infeWi ultimà infeclione morbi gallici ^ non fanan*
îiir nïji fortiffimis & ultimis remediis , ut ejl parus Uicli
decQtli ( Guaiaci ) cum tenuijjimo viSlu ; fcilicet cum
abjîinentiâ à carnibus & vijio , & ideo tam in p^aniio
quam in cœna bifcotluni panem ad untias très & pajjw*,
larum uncias d: as comedant , modo virtus toleret»
Dans une édition de fon ouvrage , faite plufieurs
années .après la première p ( en Mafia a
^ ajoute un chapitre qui efl; le neuvienie du troîfiernë
traité, duquel j ai tiré les paroles que je viens de
rapporter , & dans lequel on trouve ce qui fuit i
J’ai rapporté autrefois dans mon traité du mal
françois , ce que je favois de la propriété & des
effets du Gayac , ainfi que des diverfes ma-
niérés de le préparer ; mais comme en ce temps-
la fes différentes maniérés d’agir n’étoient pas
bien connues ( car il n agit pas de la même ma-
niéré lur tout le monde) , j’ai jugé à propos,-
pour Tutilité des malades & celle des'^ Médecins,
d’ajouter aux chofes que j’en a: déjà dites, ce que
mon expérience m’a appris depuis des effets mi-
raculeux de ce médicament,
Pkemier Exemple. Je parlerai d’abord des
effets qu’il a produits fur François dè Plaifance ,
noble citoyen de Crémone. Il étoit âgé d’envi^
ron trente ans , d’une complexion chaude feche,
avoir effuyé bien des travaux , & il étoit tour-
menté du mal jrançois qui lui faifoit traîner de-
puis plufieurs années une vie lançuiffante , & qu’au-
cun médicament purgatif ou altérant n’avoit pu
guérir. Il étoit naturellement maigre & fa ma-
ladie l’en avoir rendu encore davantage; il eut
recours à moi & me raconta les maux qu’il fouF
froit nuit & jour. Entr’autres maux,’ il fentoitdes
douleurs dans toures'ies articulations dans les
mufcles, principalement à la partie antérieure de
la tête ; il avoir outre cela, des tumeurs dures
non feulement à la tête, mais encore à la poitrine,
aux bras & aux jambes dont quelques - unes
étoient ulcérées; après avoir écouté le détail que
me fit de fa maladie ce brave militaire, je lui*
dis qu’il étoit poflîble de le guérir malgré l’an-
cienneté de fa maladie ; il avoit déjà été traité
( 47 )
pludeurs fois avec la décoâ:!on de Gayac , 2^
avec les onguents mercuriels par des gens habiles j
mais fon mal, au lieu de diminuer, étoit aug-
mente.
Voyant que fon tempérament étoit ruiné, &
que le foie principalement étoit en mauvais état,, .
je jugeai d’abord à propos de rendre à ce vlfcere
fa chaleur naturelle, & de débarralfer toutes les
autres parties de rhumeur pituiteufe dont elles
étoient remplies; mais comme je lui dis que les
médicaments doux n’étoient pas capables d’ope™*
rer fa guérifon ; quels font^ me répondît-il^ les remedes
quil faut employer} les mêmes , lui répartis-je ,
dont vous vous etes déjà fervi , la décoéiion du
bois de Gayac , mais à plus forte dofe , ^ avec
un régime différent de celui que vous avez ob-
fervé; il me promit de faire tout ce que je lui
ordonnerois, & je commençai ainfi le traitement.
Je le purgeai d’abord avec un minoratif ; enfui te,»
comme nous^ étions dans l’été, je lui ordonnai
de prendre cinq verres de la décoéiion chaude ,
a la neuvième ou dixième heure ( chaque verre
contenoit fix onces ); cela fait, il mangeoitjuf-
qu’à quatre onces' de raifins fecs, & fe mettolt
au lit,^ ou il fe tenoit deux heures bien cou-‘
vert \ il fuoit beaucoup , ^ rendoit une grande
quantité d urine; dans les autres traitements, le
Gayac ne Tavoit pas fait fuer.
Cinq heures apres , il mangeoit un peu de croûte
de pain bien cuit , trempé dans du bouillon'
de poulet; je lui permis même de* manger un peu
de poulet avec des raifins fecs, & il buvoitT
^nt quil vouloir de la fécondé décoéiion de*
Gayac.
Cinq heures après le repas , .il prenoit encor
re
. 1 J
tinq verres de la première décoâ:lon ctiaude , man-
geoit des raifins fecs & fe mettoit au lit , où il fe
tenoit , comme la première fois, pendant deux
heures, durant lequel temps , il fuoit beaucoup &
rendoit beaucoup d’urine.
IQuatre heures après la boilTon ilfoupoit,
mangeoit moms qu a fon dîner , St buvoit a vo-
lonté de la fécondé décodion de Gayac.
Avant le vingtième joui*, les douleurs & les
tumeurs fe dilfiperent, & fes ulcérés furent guéris;
malgré cela , je jugeai à propos de lui faire con-
tinuer cette maniéré de vivre jufqu au quarantie-
jour , auquel temps il s’eft trouvé parfaitement
rétabli , & il a vécu enfuite plufieurs années ,
jouiffant de la meilleure fante.
Second Exemple. Jean Broila , riche
magnifique , & brave Gentilhomme , d’un tempé-
rament chaud & fec , étoit infedé du mal françois
depuis plufieurs années.
Les fymptômes de fa maladie etoient des tu-
meurs par tout le corps & fur-tout à la tête , dont,
quelques-unes étoient ulcérées; des os cariés, &:
particuliérement ceux de la tête & du vifap ,
ce qui le rendoit fi difforme , qu’il étoit plus fem*
blable à un monflre qu’à un homme. ^
Malgré les remedes que lui avoient fait prendre
fucceflîvement les Médecins de Turin , de Milan
& de Pavie qui l^avoient traité a plufieurs repriies
avec la décodion de Gayac, avec les fridions &
les fumigations mercurielles , il n’avoit pu par- •
venir à fe délivrer de fa maladie ; cela le déter-
mina à aller à Lyon , en France , confulter des
Médecins fameux qui cependant ne reuffirent pas
mieux que les premiers.
Comme il défefpéroit de fa guérifon ,
l
smf\
■ V
i v-, * '1 '
C 4P )
Bîecîeciils luî confelllerent de venir me trouver à
Venife , ce qu'il fit.
Après m’avoir raconté Thiftolre de fa maladie,
î! me montra fes tumeurs, fes ulcérés de fes os ca^
j'iés en me priant de le fecourir. Il me promit
qu'il ne feroit point ingrat. Je tâchai de le confo-
1er & de lui donner bon courage. Je lui confeil-
lai de fe tenir enfermé 6c à l’abri de l’air, ( nous
étions alors dans l’hiver 6c le froid étoit très*vif}
jufqu’à ce que le temps s’adoucît ; en attendant,
je mis fur les ulcérés les médicaments convenables.
Le mois de Février étant arrivé, je purgeai
le malade ; enfuite je lui ordonnai de boire la dé-
codion de Gayac & d’obferver un régime médio-
crement févere , car il étoit d’une maigreur ex-
trême. Lui , au contraire , s’aftreignoit à mon
infu au régime le plus rigoureux , ne mangeant
prefque rien , 6c s’imaginant en faifant de cette
xuaniere qu’il feroit plutôt délivré de fa maladie.
Il continua ce genre de vie, jufqu’au quaran-
tième jour , auquel temps il n’étoit pas encore
guéri. Les tumeurs & les ulcérés étoient en fort
mauvais état ; je lui ordonnai jufqu’au mois d’Août
le régime que je jugeai convenable , 6c j’abandon-
nai durant ce temps-là à la nature le foin de fa
guérifon.
A la fin du mois d’Août, je le purgeai de nou-
veau, & je lui ordonnai de boire matin 6c foit
de la décodion de Gayac jufqu’à deux livres , 6c
de manger des raifins fecs ; je lui accordai un *
peu de viande à dîner , & du vin bien trempé avec
la fécondé décodion. Mais comme il aVoit oui
dire qu’on eft d’autant plutôt guéri dans ces cir- '
confiances , qu’on obferve la diete la plus exade.
il s'abfienoit de vin 6c de viande.
/
Deux mois fe paflerent ainfi , & II n’étoît pas
encore guéri ; fes tumeurs ôc fes ulcérés perfif-
^toient toujours ; Thiver étant furvenu , je voulus
ajouter quelque choie à fa nourriture ; lorfque fon
domeftique de confiance m’avertit de ce qui fe
.paffoit ; j’en fis des reproches au malade , & je
jui fignifiai que s’il continuoit à vivre de la forte,
;il ne guériroit jamais, & qu’il étoit inutile de lui,
'continuer mes vifites.
Le malade effrayé de ce que Je venoîs de lui
dire , me promit bien de faire tout ce que j’ordon*
^lerols. Alors croyant pouvoir compter fur lui^
.je lui prefçrivis encore la décoélion de Gayac ma-
jtin & foir, jufqu’à la dofe de trois livres^ demam
ger des raifins fecs à fon dîner , de prendre du
bouillon de poulet ou de veau , de manger un
peu de viande de de boire à dîner de à fouper du
.vin trempé avec la fécondé décoc5lion.
Je pris les précautions néceffaires pour Tempe*
cher de fuer , & pour qu’il ne fe fît d’autre éva--
cuation que celle des urines.
Après avoir obfervé pendant deux mois cette
maniéré de vivre , le malade vit difparoître fes
tumeurs & fes ulcérés qui guérirent parfaitement,
il reprit fon embonpoint 3e fes forces , par la dif-
tribution que le vin fit des aliments dans les difr
férentes parties du corps y 3e il s’en retourna en
parfaite fanté au milieu de fa famille.
Troisième Exemple. L’illuftre Prince D. M. de
moyen-âge , d’une complexion chaude 3e humide,
mêlée cependant d’un peu de fécherelfe , après
avoir été tourmenté, durant plufieurs années, par-
le mal jrançois , n’en put être fi bien guéri qu’il
ne lui en reftât encore un ulcéré à la partie fupé-
rieure de la trachée-artere qui avoit rongé le car ^
/
hhgQ dè h partie antérieure^ de maniéré qu'oît
pouvoir voir & toucher Tintérieur de la trachce-^
artere &: y faire entrer facilement deux
joints ehfembîe. ,
Les Médecins les plus habiles & les plus expé-
rimentés lui avoient inutilement prodigué tous
leurs remedes; !e-s premiers Mededns de Jvîilan
dont ce Prince étoie Goüver'neür, ainfi que ceu:c
de Gênes qui lavoient foigné par ordre du Roi de
France^5y avoient auflî perdu leurs (oins & leurfavoir*
Le Prrnce étant retourné auprès du Roi foh
maître , les plus anciens & les plus célébrés Mé-
decins de Lyon entreprirent de le guérir , mais
ce fut fans luccès. Get_ ulcéré étoit fait de ma-
niéré que tant qui! étoit ouvert, le malade étoit
muet, & ne pouvoit articuler aucun fon j lorfqu’on
avoitleloin de Je fermer , le malade parloit alors
facilement & diftinélement.
Ce Prince étoit roux , portant une longue barbe
Couleur d or avec laquelle il coüvroit & cachoit fori
ülcere ; en forte que quoiqu’il fût environné d’un ’
^randnombre de militaires, tous ignoroient fort'
irtfirrnité , excepté un feul qui lè lervoit en fecret ;
ce Prince m’ayant fait appeller , me parla ainfi : « if'
« y a plufieurs années que je defire dé vous voir,'
» pour vous confulter fur üné maladie de laquellè
juf^u’à prefent perfonne n’a pu réulfir à me dé-
« livrer ; j’ai entendu parler de Nicolas IVIalTa à
Milan, a Pavie, à Gênes, â Lyon & dans les
3» armees , ainfi que du grand nombre de cures qu’il •
” ^‘aitesJefuisvenuàVenife pour les affaires du
33 Roi mon maître ; durant le temps que j’y ferai , ce
33 que je, ne puis bien déterminer, je vous prie de
33 m accorder vos foins ; au refte je| n’ignore pas
33 que mon mal ne peut être guéri- promptémeac
Dij ,
w quand vous Taurez-vii , vous ordonnerez'ce qü
3:> vous plaira , & vous me trouverez docile à fuivre
.vos ordonnances
En vifitant cet ulcéré , je me fuis apperçu que le
cartilage de la partie antérieure de la trachée-arterc
étoit entièrement rongé. Prince , lui ai-je dit
alors, il ne faut pas être furpris, fi aucun de ceux
qui ont entrepris de vous guérir , n'a pu y parvenir ,
ce qui a été rongé par Tulcere , eft une partie qui
tire fon origine de la femence;ces fortes de parties
fe réparent bien quelquefois dans les enfants & dans
les jeunes gens , mais non pas dans les adultes, au
Heu que les parties formées par le fang fe^ réparent
facilement# Quoi qu’il en (oit , m.e répondit le
Prince, je vous prie de venir me voir tous les
jours, 6c de m'ordonner ce que vous jugerez à
propos; cet ulcéré, ajouta-t-il , eft un des^ acci-
dents de la maladie vénérienne qui a réfifté à tous
les remedes. . . ■ •
Voyant que le Prince étolt bien difpofé , d un
bon tempérament, que les autres parties de fon
corps étoient en bon état , & que le temps étoit
favorable pour le traitement , ( nous . étions à la
fin d' Avril & au commencement du printemps ) ,
je lui ordonnai un purgatil , & je le fis faigne^r
deux fois , enfuite je lui preicrivis 1 ufage de la dé-
' coéiion de Gayac ; comme il étoit grand buveur ,
ainfi que la plupart des Seigneurs François , il corn-
mença le matin du premier jour , à boire deux li-
vres de décoéHon , 6ç mangea des raifins fecs ; en-
fuite il fe mit au lit où il fua pendant deux heures :
deux heures avant le repas , il but une livre e a
fécondé clécocftion ; à fon dîner il mangea quelque^
croûtes de pain bien cuit) des raihns fecs,&
une bouteille de la fécondé décodion.
If pj.
Quatre heures avant de louper , il but encore
trois livres de la première décoition , puis il fe mit
au lit ou il fua pendant deux heures. À Ton fouper
il mangea quelques croûtes de pain , des raihns'
fecs 3 en moindre quantité qu’à dîner , & but de la
fécondé décodion.
Cet illuftre Prince continua aînfi à boire de la
première décodion , matin de foir , en augmentant
toujours la dofe ; il en faifoit de même de la fé-
condé qu’i! prenoit durant le repas , de dans leur in-
tervalle ; en forte qu’il buvoit chaque jour huit
bouteilles de la première décodlon , de jufqu’à douze
bouteilles de la fécondé, ce qui lui procuroit des
fueurs très-abondantes , de des évacuations très-co-'
pieufes par les urines de par les feües. Il vécut de;
cette maniéré cinquante jours , de il confuma du-
rant ce temps-Ià plus de foixante livres de bois de
Gayac. ' *
.On mettoit quatre fois par jour fur rulcerej^du-
coton imbibé de l’écume de la première décodion
qu’on avoit foin de conferver pour cet ufage.
C’eft ainfi qu’avec l’aide de Dieu , de contre
toute efpérance , ce Prince fut parfaitement guéri
de (on incommodité. L’ulcere de l’épiglotte fe côn-^
(blida 3 & à la place du cartilage qui manquoit , II
s’y forma une excroiffance qui en remplit entiérer
ment le’vuide ; chofe vraiment admirable de que
j’ai jugée digne d’etre traftfmife à la poflérité , pour
l’utilité des malades de l’inftrudion des Mé-‘
decins. .
Je pourrois 5’ ajoute .Maffa , rapporter un grand
nombre d’autres cures admirables produites par le
Gayac , dont j’ai été témoin en exerçant ma pro-
fefiîon de Médecin ; mais ces trois exemples fuf-
fefent pour infpirer une jufte conSance en ce mé-
D iij
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■ I
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'i
\
I
( f 4 )
dîcament, dans les véroles les plus, anciennes &Iet
plus défefpérées,
. Si le Prince de D. M. dontnpus,venons de parler^
7\, employé plus de foixante livres de bois de Gayac »•
pour obtenir la guérifon de fa maladie , MafTa nous
apprend qifune feule livre de ce même bois a fuffi à.
quelques autres malades pour parvenir au metne but ;
îj,en rapporte un exemple que voici :
Un homme qui n’étoit pas riche , étoît tour-
menté depuis pîuheurs années par le mal fràncois
il fouffroit des douleurs cruelles ; fon‘ corps étoit
tout couvert de tumeurs , ^ aucun remede n’avoit
pu jufqu^ alors le guérir : étant venu chez moi^ ih
me demanda fi je croyois que la décpdion du^
Gayac pourroit le guérir , je lui répondis que je.
le croyois j comme il n’étoit pas en état de faire , de)
la dépenfe, il acheta feulement une livre de Gayac
qui lui coûta onze écus d’or ; le Gayac'en ce temps-
n’ctoit pas commun ilfe vendoiffort cher.
Ayant donc- acheté cette livré de Gayac, ilia,
réduifit en poudre , & en fit une décoéèion felon^
la maniéré ordinaire : lorfqu’il eut buja première
^ la fécondé décodion , il fe trou.va fans argent^
pçur acheter d’autre bois : je lui confeillai de fe^
îprvir encore du même bois , pour faire de nou-
velles décoéfions, ce qu’il réitéra plus de douze,
fois .dans l’efpace de quarante jours., au bout du-
quel temps il fut parfaitement guéri , avec l’aide
dçDiéu, & quoiqu’il n’eût employé dans tout le^
traitement qu’une feule livre de Gayac.
J'ai vu , ajoute MafTa , le même efFejt; arriver dans"
plufieurs autres malades qui n’avoîenr pas le moyen^
d’acheter plus d’une livre de bois de ^Qayac.
Je partage fincérement le regret que ^émoîgnç^,
Aftruc . en finidant T^nalyfe du. traité de'Mafla.
■
dans le catalogue qu il a donné des Auteurs qui ont
écrit fur les maladies vénériennes , dans le deuxieme
Volume de (on (avant ouvrage de morbis venereis :
Copiojiori libri ilLius analyji œgrèyuperfe de o ^ quetn
ftre totiim excerpendum cjfe cenferern j fed Aadtor funl
vttmdici quibufe unique curce ejl ar lis increnientà yerf-
pecla habere librum hune legant & pe‘rlegant\ in quo,
emnimodum curandes tuis venerece artijiciuin conti^
Tietur,
^ Comme cet ouvrage de MafTa , quoique réim-
primé plufieurs fois , n’étôif pas commun , & que
lè plus^ grand nombre des Médecins n’en a aucune
connoiflance', on/ne fera peüt-être pas fâché d’en
trouver ici un 'extrait umpeü pliislong que le'plan
de mon ouvrage 'ne fembloit lé comporter.
Quelques-unes des réponfes que j ai faites autre-
f^îs^C c-efl: Maffa qui parle ) ;aux'confùItations de
Piérfe Carnicerio ,& de plufréuri autres Médecins
célébrés fur jes effets du'Gayac;& les différentes
maniérés de 1 employer ,* m’ayant paru pouvoir être
de quelqu utilité ’à ceux qui s’occupent' de l’art de
guérir , j ai jugé*à propos de les rapporter icû
P R E M I E‘ R :e' Q Ü E s f l O V.
La decoéilbn' du Gàyac peut-ellé êtré'empîovée
avec fücces' pour les malades qui'nie peuvent garder
la chambre , & que leurs affaires bu qaeiqu’autré
xnotifobligent'dqfdrtir? ' *
' IpepQhfe»''W- y -a plufieiifs' chofes à confidérer eii
Ceeirpar rapport aàx>diverfeV qualités dé l’air &
des autres chofes non ^naturelles ; car la^décoélion
deUayac échauffe, excite la fueur, provoque les
urines, evarcue fenfiblement par les (elles , ou d’uno
D iv
0
. . c )
manière infenfible par la tranfpîratîon ; cela étant^
y il efl évident qu’un air froid qui reiTerre , ne
peuts’accorder avec ces opérations &: leur eftcon-^
traire; c’eft pourquoi j lcrfque la maladie eft ac-
compagnée d’accidents graves , que la peau du ma^
lade eft d’un tiffu ferré , 3c que i’air eft froide je"
lui ordonne de garder la chambre 3c même de
refter au lit ; mais fi la maladie eft légère , le ma-
lade d’un bon tempérament 3c le temps chaud ,
comme dans l’été, je lui permets de fortir, en ob-
fervant néanmoins les précautions néceftaires par
rapport à la fueur 3c au rcgimè , oc je lui recom-,
mande de boire tant qu’il pourra de la décoftion de
Gayac , principalement durant la journée.
J’en ai guéri un grand nombre avec la décoélion
de Gayac, qui vaquoient à leurs affaires du de-
hors durant le* traitement , 3c qui falfoient tous^
leurs exercices accoutumés ; 3c je n’en ai jamais vu^
aucun qui ait été incommodé de fon ufage, foit-au^
foie , foit à la poitrine ou à l’eftomac , quelle que^
fût la chaleur de ces differentes /parties ; & cela>
s’accorde fort bien avec la raifoii', car :1a chaleur
du Gayac p’excede pas de beaucoup le' fécond
degré ; i! ne perd point fes autres propriétés , &
l’eau avec laquelle on le mêle , lui ôte beaucoup
de fa chaleur ; outre, cela , il ouvre les vaiireaux
obftrucs du foie , laquelle obftrudion caufe fouvent
une chaleur plus grande en empêchant le fang d^
couler; il en eft de même de la poitrine, lorfquelle
eft embarraffée d’une humeur froide & épaifle : j’ai
fouvent éprouvé que le Gayac ^ &, fur-tout Télec-
tuaire que j’en ai compofé,avec les raifins fecs que
j’emploie fouvent contre le mal Jrancois , j’ai ,
dis- je , éprouvé fouvent que le Gayac , en atté-
'’»uant, en divifant cette humeur pituiteufe ^ paria
^ ^7 >
chaleur humide, eft fort utile dans cette cîrconf-
tance ; ainfi , quoique raie quelquefois fi jet de
foLipçonner un excès de chaleur dans les parties que**
je viens de nommer, je ne laijTe pas pour cela d'or-
donner le Gay ac 5 en prenant néanmoins les précau-
tions convenables.
Plufieurs voyant que le' Gayac ne guérifroit
qu’après -un long intervalle de temps le mal fran-*
cois ^ accompagné de puftules & d'autres fymp —
tomes produits par' un fang dépravé & mêlé
de beaucoup de bile , ou bien des malades d'un
tempérament fanguin 3c humide , ou bien ceux
dont le foie étoit chaud & flicile à s'enflammer, &
que les puftules dans ces fortes de cas , au lieu de
le deflechef & de difparoître , dévenoient tous les
jours plus nombreufes, plufieurs , dis«je , voyant
cela, ont prétendu que le Gayac ne guérit pas le
mal franfois -\or[qui\ eft 'récent ; en quoi ils fe
trompent , faute de connoître la caufe qui fait mal- ‘
tiplierles puftules; voici ce^qui en eft. La chaleur *
de la décoélion du Gayac, & für-tout celle de la
première , divife & exalte le mauvais fang & la bile
qui entraînant vers la peau la matière froide 3c
épaifle dans laquelle fe trouve fixé le virus morbi-
fique , forme à fa furface les puftules dont nous ve-"^
nons de parler. ‘
Dans ces circonftances, je tâche de m'aflürèr
autant que cela eft poflîble , en purgeant & en faî-,
gnant'le malade à plufieurs repfifes, delà plus ou
moins grande quantité de fang Sc de bile qu'il a’dans/
le corps 5 3c je me fuis appérçu que ces évacuations'
plufieurs fois -répétées , corrigent les vices du foié";
alors je fais la décoéfion du Gayac plus légère, en ^ y
ajoutant le double del’eau que j'y emploie ordinaire-
ment* « Je Iproportionne à cela l'uiage des autres»'
mlhf/ ^ ^ toujours réu/Ti à guérir ’ces fortes ’dé-
roalaoies en me comportant de la forte.
, t-eux qui, contre cette maladie récente, accom-
P.agnee de pulfules & d’autres fymptômes fembla-
Djes, emploient une forte décoaion de Gayac, &
ne faignent ni ne purgent leurs malades au com-
mencement , travaillent inutilement ou avec peu
e^fucces , ou s ils en guériffent quelqu’un., cen’eft>
,^u après un très- long efpace de temps. ' ' , '
Seconde Question. ,
La dccoftîon du Gayac convient-elle aux pcr-i
lor.nes attaqi ées àw mal françou , qui fontrdansuni
état de marafme univerfel , dont toute la chair eftt
cpnlumee , & dont le corps eft femblable à celui f
û^un vieillard étique,?' ,
. Rbfoicse. . Cet .état de marafme dansJéquel
nous voyonslouvent tomber les perfonnes afFeâées
mal français pas caufé. par une chaleurt
aj" ente qui brule^ & confume les principaux .or-
ganes, mais par. une matière épaifle qui engorge,
le toie, les veines & les arteres qui , , lorfqueila.
tranfpiration efl arrêtée-, ,fe putréfie-quelquefois
caufe .une chaleur fébrile. ^ ,
* ^ ^ ^ cette matière ne feputrélîe<poinr,u
mais elle fe fixe & adhéré par- fa froideur &
. I ^ vifcofité aux parties qu’elle remplit,,
& produit deux accidents; le premier, éftique.
Ifs., efprits qui s’engendrent du fang dans lei
epur , font alors -moins chauds , ,&• par confé-l
quent moins capables- de remplir leurs fondions.!
accident eft que le. fang devenu plus
épais' & plus lent, forme des engorgements, & eft
©oins propre à fournir^aux. différentes ^parties du.
.
corps h nourriture dont elles ont befoln ^ ce qui
fjrodük la maigreur & les changements qu’on re-*
• marqua dans le pouls , tels que fa fcibleffe quii
provient du défaut de chaleur^ Ôc d’énergie des ef-
prits; fa fréquence, parce que la matière froide,
qui embarralîe les efprits , ne les rend capables de
produire que de petites & fréquentes, éc non pas
de grandes, dilatations des arteres ; fa dureté, quij
vient du défaut de nourriture des membres & dç)
la furabondançe de l’humeur phlegmatique froide'
dont ils font remplis,
, D’après ces xonfidérations^, les jeunes Méde-
cins peuventreconnoître que la décodion de Gayaçî
convient aux^malades du malfrançois.ç^jîi font dans i
le marafme^, & qu’elle les guérit en corrigeant, 4a,
mauvaife difpofitibn du foie, en divifant la ma-
tière des engorgements des dilférentes parties ^dui
corps , en débarraffant le fan'g de l’humeur pitui-
teufe dont il eft rempli , & enfin en l’évacuanti
par la fueur,, par les urines , quelquefois^ par lesj
(elles, &c parla tranfpiration ; de- là vient: que)
c^es fortes de^ malades qui ontjété; guéris par l’u-
f^g^ de la^ décodion du Gayaq , engrailTent^
après leur «guérifon, ,
J ai donné auffi le Gayaç à' des malades q]u^
des engorgements pituiteux dans toutes les^partie^^^
au , corps . aypient réduits au marafme , fans être
infedés du mal françois; qui par ce moyen ont repris:
leurs forces, leur embonpomt,leur couleur naturelle^
& auxquels il fembloit reprendre -une nouvelle viç^,
Troisième Questicjk#
*
La décgaion de Gayac gue'rît-elle le mal frdn^
fois , lans le concours delà diete rlgoureufe jqu’p
exige ordinairement en parçjl casr
( 6o ^ ^
jR^jPajv'^jE* *. J’en àl guéri plufîeurs én leurper^
mettant Tufage modéré de bons aliments’ & en
leur laiffant tremper leur vin à moitié avec la fé-
condé décoâion de Gayac dans leur repas feule-
ment. Entr’autres un certain vieillard Gachedique
qui avoit une- difpofition a l’hydropifie j mais de
cette maniéré il faut bien plus de . temps pour
la guérifon que félon la méthode ordinaire , &
on ne guérit même , en faifant ainfi que les ma-
ladies légères 5 & non pas celles qui font accom-
pagnées d’accidents graves.
Parmi les Auteurs qui ont donné au Gayac la
préférence fur les autres médicaments antivé-
nériens, on compte Nie. Poil, Sclimai ,
ten , Manard , Delgado , Plernandez, ïerri,
trècoq , Renacl. Fufch, Leon , Lobera, Vefale,
Montanus, Maggius , Vidus Vidius , Viéiorius ,
Fertier , Bonacoffî , Hufehard , Macchelli, Fal-
lôpe, Ji Syîvius, Renner, Tomitanus, Fracan-
tîanus , Burgarutuls, Planer, Dulaurens , Rofelliy
Qüiquebeuf & Pauhnler , Maffarias’, Canevarius,^
Rudius , Perdulcis , ‘Claudinus , Varandeeus , Guar-
gantus , Sennert , .Juncker , Ferquet , Janfon , de
Craanen , Herrera ,. Boerrhave (i), Alex. Ca-
merarius & Breyer , Lametrie , Fabri , Tozzoti,
Mooney , FordyIe,'6(:c. (2). '
D’autres fe contentent de le placer parmi^ les
médicaments anti-vénériens qui ont le plus d effi- ,
cacité ; tels font F racaftor , Mafia , Rangonus, Ri- ,
nius, Cardan, Brunei & Defehamps , Braffavole,
Thierri Deherry ( 3 ) , Trlncavel , Amatus , Bayro,
(i) Præfatio ^aphrodiaci. ' . r:
(1) Medical, obferv. tom. I. ,
* ( } )3’enai bien vu ( qui eft choie digne à noter ) & pra?. ^
i
( )
FrîzImeUca 3 Montuus , Rondelet, "Botal, PetrOr
nius, Dordonius, Brucæus &c Battus, Kigault de
Riolan , Fraxinola, Alcazar , Ambr. Paré, Paul-
inier, Bruele, Wier, Craton, Zecchius, Alercu-
rlal , Ghlnus, Betera , f^oreftus, Saxonia , Baf-
tellus, Torrez, Sylvaticus, Pacius, Marcatus ,
Delcon , Cortillo , Guilhaumet , Hartman , Char-
les, Septal, Deplanis, Campy, Sartor , Gockel,
Overcamp , Piccarn , Gohl , Roncal , Locher.
Quelques Médecins , comme J. Pafeha! , Chau-
mete , Saporta, Pereda , Calvus , Duchefne, Horf-
tius n’atiribuent de refficacité au Gayac que dans
les véroles récentes & légères.
Enfin Paracelfe, Lowe, Mufitan , Schlichting^
Hundermarck, Heuermann le regardent comme
un médicament pernicieux ou inlulfifant pour la
cure radicale de la vérole C i 3*
J’ai VU avec un vrai plaifir, dit Van-Swieten ^
dans le grand 3c très-utile ouvrage du célébré
Morgagni , de feâibus & caiijïs. morborurn , &c. dans
lequel tous les Médecins admirent l’érudition , la
fagacité & les travaux immenfes de l’Auteur ^
ouvrage qui fera un grand fujet d’étonnement
pour la poftérité , & auquel je reconnois que je
tiqué maintes fois en la curation d’icelle maladie (î re-
belle qu’elle ne vouloit céder à la friétion ’ mais nonobf-
tant le dux débouché, continuoier.t . ou re^'idivoient les
douleurs & accidents* qu’ulant pris apres de le le^ décoc-
tions (de Gayac) , ils étoient parfaitement guéris ,
dont )’en connoi5.& vois journellement plufieurs qui- de
long temps font fains & bien dîfiîos. Méthode Cüratoira
de la malad. vénér. par Thiery Ceherry , Lieutenant du
premier Barbier Chirurgien du Roi , an i j’y z.
( I ) Mich* Frid. Boehm, Yancis Syphildis Ih'^rapias ,
1771.
dois beaucoup; j’ar, dis-je, va dans -cet ouvrage,
une méthode d’employer le Gayac , femblable à
celle qu’on fuit dans i’ufage des eaux minérales.
Valfava avoit imaginé de faire prendre la décoc-
tion de Gayac , fuivanf cette méthode (i) aux ma-
lades infectés de la vérole. Il en donnoit d’abord
‘deux ou trois livres , & examinoit avec atten-
tion fi cette boiffon pafToit facilement par les
urines, de non par les feües , ou par la peau ,
comme cela arrive quelquefois ; fî elle ne pafToit
pas facilement , ou fi elle paffioit par ces deux
voies , il s’arrêtoit , & n’alloit pas plus loin. Si au
contraire il voyoit que cette boifîon palToit avec
facilité, & étoit rendue feulement par la voie des
urines, il en augmentoit tous les jours la dofe ,
& la portoit jufqu’à dix livres. Cette méthode
étoit fuivie promptement de grands effets, fi bien
qu’il arrivoit quelquefois que dans trois jours
tout au plus tard , de vieux ulcérés étoient gué-
ris & des tumeurs gommeufes difparoiffoient.
Morgagni certifie qu’il a employé cette même
méthode avec fuccès *, il rapporte l’exemple d’une
femme qui avoit depuis deux ans des ulcérés vé-
nériens au genou , de trois ou quatre autres petits
au palais , à travers lefquels les aliments palToient
dans les narines , de qu’il a guérie de cette ma-
niéré ; il a obfervé le même effet de cette mié-
thode fur un homme dont l’hypogaflre de les cuif-
( I ) Cette méthode avoit déjà été pratiquée eu ifio ,
par Jean Manard, Médecin de Ferrare; Alexandre Malîarias,
célébré Profeheiir en Médecine à Padoue en if^S , afîure,
/e non femel hoc modo ligni dccoùiurn dediffe ^fummâ cim facile
tate 6* fslicitatc, Alex, Mnjfarias , Vkuuinus , de morba
^allïco.
r
K -•
les éfoîent couverts de larges ulcérés vénériens de
mauvais caraftere,
Fom, ajoute Van-Swieten , fudor,vel pau~
«Z evaciiationts per alvurn non adco nocerent , Ji Jimul
Taaxima decocli Guiaci potati pars per urïnam eya-*
ciiarctur^ V eriim hæc tantum conje&:ura ejl ; & curti
adeb c^kr , adeb falubris effeclus hanc methodum co^
ronavent , videtur diureji infijîendum ejje potius ,
dum hcec methodiis tentatur* »
quelques occafions d’obferver les bons
•frets de cette méthode , telle que Van-Swieten la
propofe ; je me contenterai d’en rapporter ici uni
leul exemple.
Une femme âgée de quarante-cinq ans ^ d’un
tempérament phlegmatique & fanguin ^ avoit con-
tradé, H y avoit cinq ans avec fon mari , la ma-
ladie vénérienne qui fe manifefta par une gonor-
rhée virulente & par des engorgements aux aines
qui fe diilîperent bientôt après . moyennant auel-
ques remedes qu’on lui fit prendre, ^ ^
après cette guérifon apparente,
elle fentit des douleurs dans tous les membres qui
le fixèrent enfuite à la tête , où ces douleurs de-
vinrent fi vives que toutes les fondions de cette
partie du corps en furent troublées & fufpendues;
a vue s obfcurcit , & elle n’entendoit qu’avec la
P us grande peine. A cela fe joignoit l’impui/Tance
de marcher & de mouvoir ’es autres membres. Cet
état netoit pas permanent, la malade avoir de
empsen temps quelques intervalles de fanté, qui
n etoient pas à la vérité de longue durée ; elle avoit
pris une grande quantité de lemedes mercuriels
il"'. If” ‘ “
U s> Février 1780, je la mis àl’ufage dn Gayac
aT
■ .À
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s
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J
C <^4 )
auquel je Joignis les bains de vapeur Sc quelque
purgatif de temps en temps , ainfi que le régime
qui me parut convenable.
Au commencement du mois de Mars fuivant,
elle fentolt plus de vigueur & d’agilité dans les
autres parties defon corps. Sa vue s’éclaircit, elle
entendoit mieux; mais les douleurs de tête, quoi-
que beaucoup diminuées , perliftoient encore.
La malade continua la même maniéré de vivre
jufqu’au ir Avril, auquel temps elle avoit re-
couvré fes forces, ainli que la libéré & Tagilité
dans tous (es membres ; elle voyoit & entendoit
comme avant (a maladie , êc les douleurs de tête
furent entièrement diilîpées. La malade fortoit du-
rant tout le traitement , & vaquoit à fes afiaires du
dehors. Je Tai vue plufieurs foisdepuis cette époque,
& elle m’a aiTuré que fa fanté n’avoit jamais fouf-,
fert la plus légère altération.
LA
C )
LA SQUINE.
Il y a deux fortes de Squînes dans le commerce,
l’une qu’on nomme Squine Orientale l’autre ,
Squine Occidentale î
La première vient de la Chine ; c’eft le Snilax
tfp era, Chinenjis , Lampatum dicta, , de Herman ; ou
Stnilax minus fpinofa^ fructu rubicundo ^radice yir-
suosâ , de Kempter.
Cette plante s’élève d^une ou de deux coudées,
lorfqu’elle n’eft pas foutenue ; mais ét^nt appuyée
fur les buiflfons voifins , elle monte plus haut.
Les farments font ligneux , de la grofleur d’unè-
paille d’orge , d’un rouge brun près de la terre, ÔC
noueux de deux en deux pouces ; les parties com-
prifes entre les nœuds , font alternativement cour-
bées & uh peu fléchies, chaque nœud a quel-
quefois deux petites épines crochues 3c oppofées.
Surle même côté , de chaque nœud, fort une feuille,
portée fur une queue creufée en goutiere , mem-
braneufe , repliée , d’où’naiflent deux mains ou
vrilles , une de chaque côté , femblables à celles-
de la vigne , par laquelle elle s’attache fortement
à tout ce qui eft autour.
De l’aiflèlle des queues de chaque feuille , pouf-
fent des bouquets de fleurs ou de bourgeons ; quel-
quefois les vrilles font à l’extrémité de la queue , &
touchent à la feuille qui eft en forme de cœur^ de
trois pouces de diamètre , & qui fe termine en une
pointe courte 3c obtufe.
Cette feuille eft mince , membraneufe , luifante ,
noirâtre des deux côtés , 3c fort ondée vers la
E
r
C ^6 )
pointe , le bord eft entier & quelquefois inégal ;
c e a cinq neivùres branchues, qui, dès leur ori-
gine, vont les unes diredement , & les autres en
forme d’arc , fe réunir à la pointe. Les fleurs de
cette plante font petites , portées fur un pédicule
grêle , délié , de la longueur d’un pouce , de cou-
leur rougeâtre ou jaunâtre: elles font au nombre
de dix , plus ou moins difpofées en ombelles , fans
calice , d’un jaune tirant fur le verd, à fix feuilles,
difpotces en étoile autour d’un embryofi qui ap-
proche par fa figure de la femence de coriandre , &
efl entouré par lix étamines ou filets tranfparents,’
garnis d’une fomme jaunâtre. Cet embryon qui oc-
cupe le centre , porte un petit ftyle furmonté d’une
tête de couleur bleuâtre.
Lorfque la fleur efl: paflee , l’embryon' en grof-
fiffant, devient un fruit quia la figure , lagrofleur,
la couleur & 1 éclat de la cerile j plus fpongieux
que charnu : fa pulpe efl peu confidérable, feche,
farineufe, de couleur de chair, d’un gciit acerbe,
&femb!ab!e à celui des nefles. Dans l’Intérieur de
ce fruit , font renfermées quatre ou cinq femences
de la grandeur d’une petite lentille , de la figure
d’un croilfant , ralTemblées en rond com.me les
grains de mauve; étant feches, elles ont une cou-
leur de châtaigne tirant furie noir ,• elles font blan-
ches end-edans , très-dures & d’une fubftance de
corne.
■ Cette plante croît en abondance dans le Royaume
de la Chine , parmi les cailloux, les épines , & dans
les lieux incultes.
La racine efl la partie de la plante en ufage dans
la médecine. Cette racine efl grolfe , noueufe , iné-i
gale, un peu fibreufe, longue, roulfe ou noirâtre
en-dehors, blanchâtre en-dedans, d’un goût foible,
prcfqae infip-ide & fans odeur.
C <^7 )
La Squîne Occidentale , 6’ ajlera , fru^ù
aigro J raaice nodosâ , magna, farinaceâ. China dicta
Sloan. catal. plant. Jara.
La racine de celle-ci efl prefque femblable à
1 autre ; elle n’en différé que par. la couleur qui eft
plus roulTe ou noirâtre en-dedans.
On apporte cette eTpece de Squine de la nou-
velle Efpagne du Pérou, du Bréfil, & d’autres
pays de l’Amérique.
Elle - a les- mêmes vertus que celle d’Orient ,
quoiqu’on la regarde comme lui étant inférieure.
La meilleure racine de Squine Orientale 'eft
celle qui eft récente, compade , folide , pefante,
qui neft point cariée ni rongée par les teignes.:
on veut quelle foit prefque inftpide, pleine cepen-
dant dune efpece d’humeur grafté & ondueufe, ce
que 1 on connoit aftez évidemment en la mâchant
mms encore plus lorfqu’on la fait bouillir. *
n rejette celle qui eft' trop vieille, qui n’a point
deluc, quieft fpongîeufe, légère & cariée. (En-
cyciopedie ),
La S^quine Oriental e , qu’on nomme pcfouUm
dans la Chine a été d’abord apportée à Goa, par
du* Jardin * ^ ïyiy, félon Garcws
du- Jardin , qui faifoit alors fa réfidence, dans ce
* Oi t loumis âux Portup’oiç
pn Viirnr.1. » ^«rtugois. L-cux-ci 1 apportèrent
^ Europe, & ce fut un nommé Vincent Gilio de
Initanes , très expert dans la Marine’, qui alloit
trafiquer aux Indes , & qui, félon
les Marrff premier en Portugal , d’où
profit, ). ^ ^ faifoient un grand
ou^°7‘'‘'di,vèn V'."'''»’ «n l-an
U ^7 ^ dit Vefale , occupe a voir des malades ,
£ ij
f
Ç 68 ) . ^ .
fôû^ la conduite des principaux Maîtres de TArt ,
cette racine qu’on attendoit avec impatience , yf^t
apportée 3c reçue avec un applaudiflément uni-
verfel *, mais les premiers effais qu’on en fit , n@
furent pas heureux , ce qui cependant n’arriva pas
tant par la faute du médicament , ou de ceux qui ^
l’adminifiroient , qu’à caufe que les perfonnes a
qui on le donna , ctoient dans un état défefpéré 8c
prêts à rendre le dernier foupir.
Le premier que j’aie vu en faire ufage , dit encore
.Vefale , avoit reçu ce médicament d’un Empyrique
d’Anvers , qui prétendoit connoître la vraie ma-
niéré de s’en fervir , & qui afiliroit 1 avoir adrni-
niftré avec fuccès en Portugal. Ce malade étoit in-
fedé du mal francols , accompagné d’accidents
graves , il étoit au dernier degré du marafme, 3c
avoit déjà un pied dans la foiïe; comme il n’étoit '
pas accoutumé au régime qu’on lui falfoit obfer-
ver , il mourut auflî-tôt que l’adion du médicament
fe manifefta parles fueurs & par les urines.
A-peu-prk dans le même temps ^ on falfoit
prendre la décodion de cette racine à un homm^e
qu’on croyoit avoir le mal françois , quoiqu il
n’en eût aucune marque fur la peau cet honai^
étoit d’une maigreur extrême , & avoit une grolTe
pierre au rein gauche. Après avoir fait ufage de
cette décodion durant environ dix jours , les
decins lui confeillerent de s’en abftenir , a caufe
de la grande propriété qu’il croyoit que cette
décodion pofiede de fondre les humeurs & de
les évacuer par la fueur 3c par les urines. Le
malade mourut peu de jours après , en iouttrant
des douleurs cruelles dans les reins. ^ ^
Dans ce diferédit général ou ces expériences
malheurcufes firent tomber la Squine , un autre
C(^p )
Médecin d'Anvers vint en exalter refficacité. Cet
lîomme qui avoit quelqu’érudition , fut fi bien inP
pirer aux Grands de la confiance pour ce médi-
cament ^ qu’on renvoya à TEvêque de Vérone qui
croît dans ia phthylie , & afFecfhé de je ne fais quels
autres maux ; niais avant la fin du traitement ^ ce
refpeélable malade mourut ; en (orte que durant
mon féjour en Italie , je vis ce médicament ab-
folument proferit. Quant à moi , ajoute-t-il , je
penfe à cet egard comme mes maîtres, & je n’ai
pas une grande confiance en lui.
Dans la même lettre, Vefale raconte que qua-
tre ou cinq malades du mal français , ayant prié
les Médecins de les traiter avec la racine de Squine,
in quibufdam laudandum fads vidimus iventwn ^ in
aliis vtro (S* potiffunum gr avilis morbo vexatis y
longe minus præjlitum obfervavimus quam ex ligni
Guaiaci déco cio fperajfcmus*
Après les préparations ordinaires, telles que la
faignée, la purgation , accompagnées d’un régime
tel qu’on lobferve dans Tufage du gayac , j’ai
fait prendre la décoélion de la racine de Squine,
ajoute Vefale, à un des amis de Louis Sancés,
-Gouverneur de Sicile , qui avoit cette maladie ,
ce qui a aflex bien reufli; j’en ai vu des effets fem-
blables (ur plufieurs perfonnes qui avoient été en-
gagées à fe faire traiter de cette maniéré plutôt
par le confeil de leurs amis que par le mien \ mais
ces malades n’avoient ni tumeurs , ni exoftofes ,
ni ulcérés malins , accidents contre lefquels je fais
poCtivement qu’on emploie le gavac avec plus de
luccès que la Squine ( i
Utl F'efaliuSy dit Bernardino Tomitan a, ama--
(i) Andr. YeCalc , de radice Chin.3: , ir4^*
.Eilj
. • . . C 7^ )
riilevt'or vifus ejl exiîtijje adverjiis Chindtn , ita ejus
JucceJJons plus ji^fto videntUr hvjus laudes cantajfe
ac velutL in cceluni tulijfc
qiio fudor copiojius emanet , dit-:î ailleurs,
qiiam China : quo circa ex hac non tam injen/îbili
quam fenJiblLl dljlatione concitatà ; fertur plurimos
fanatos ; hijiis itàqiie vimuti non improbo ^ ita
TLcc magnopere laiido mediocritate fervaià \ nam mitio^
rem curatioiiem factre expenentia docct\ vaUdiorem
facere tion pojje , tejlatur ejus médiocre temperamen*
tum ^ ciim nailo fil arum qualitatiim excejfu{ l J.
Cette maniéré d^apprécier les vertus des mé-
dicaments par leurs qualités fenfibles a fait reje-
ter la Squine par plufieurs Médecins : Ègo huic
radici non fido ^ dit Braffavole , Licet nonnvmqiiatn
illâ in mets œgrotis , qui ita voluere , iifiis Jim ;
quoniam neqiie odorem habet^ ne que faporem ^ neque
pinguedinem , neque colore m ^ neque pondus , neque
l'Zvitaiem qucc ojlendere pojfint per aliquas' manifejlas
y 1res ^ acilonem Jiiarn perficere^ idcirco illam neglexi (2%
Beaucoup d'autres Médecins ontpenfé, comme
Tomitano’, que la Squine n’efl: utile que lorfque la
maladie eft légère' ; tels font J. Pafchal , Chau-
mette , Botal , Petronio , Saporta , Pereda , Ghi-
nius, Calvo ^ Rudius , &c. ^ '
D’autres^ comme Fernel, MafTaria^Guargantus,
Sartorius, Mufîtan , Fallope , Fracantianus , pré-
tendent qu'elle a peu ou point du tout d’elfica-
cité pour la guérifon des maladies vénériennes. NuU
lum yidi ego^ nous dit ce dernier , neque audivi fana-
tum ^ non nocet quidem , quia tum evacuat^ tumhu^
«c à
( -ï ) Eerîiardini Tomitani , de morho galLiœ,
(z) Ant. Muià Braiiavolus de morÙQ gallico
A
C 70
mores crntcmpcrat , fed ncque multl ejl juvamentl
Ht cxpenmcnto cognojcltur { I ), ^
Pour moi , dit Faüope , je me fers Iieuretife-
nient de la Squine dans l’hydropifie , pour tem-
* mélancolique, pour les inflamma-
tions des yeux , pour modérer la trop grande cha-
sur du foie ; mais ne vous en fervez pas contre
e mpfrançois , car l’ayant éprouvée trois ou qua-
tre fois , je n’en ai vu aucun effet.
Cependant le mem.e Fallope nous apprend que
que ques Alédecins en Prance , & fur-tout en
an re , en faifoient un très-grand .cas , non feu-
lement contre la vérole , mais contre la phthylie ,
les ulcérés du poumon, les fquirrhes du foie, &c, &
contre la goutte. L’Empereur Charles V, conti-
nue--t-il , s’en eft fervi avec affez de fuccès pour le
maljrançois pour l’atrophie & pour la goutte , ce qui
adonné a cette racine le plus grand crédit (2).
J^armt les Auteurs qui rangent la Squine dans
ie nombre des médicaments antivénériens, on
compte Mafïà, Fracaftor , Lobera, Rangonius,
Leon Fufch, Vidus Vidius, . Dulaurens , Corni-
cius , errier, Trincavel , Montuus, Rondelet,
Brucæus & Battus , Rigault , Riolan, Alcazar,
ucle, Craton, Zecchius , Betera, Foreftus,
’ de Torrèz , Cannevarius ,
1; ercatus^ de Leon, Claudinus, Corti-
9 arman, Charles, Septal, Roncal, &c.
ur enau & Paxman affurent que les Indiens
emploient en poudre avec fuccès.
decinp f "r Vdince, Profetleur en M/-
r J P & a Padoue , de morùo gaiUco. 1^64.
I’rofelIeurTA^'^**°*'’^’ • ^ Anatomifte célébré’
i/;;. aPadoue,^r/emo/-éo galLko ,
Eiv
I
( ) ,
Amatus , Dordonus & R inclus la mettent au
premier rang des médicaments antivénériens ( !)•
L’un de ces derniers ( Amatùs ) nous apprend
qu’il a connu un nommé Jacques de Ollande, Por-
tugais qui avoit une fiftule dont il fut guéri pen-
dant le féjour qu’il fit à la Chine , avec la décoc-
tion de la Squine, qu’il prenoit à la dofe de deux
jufqu’à trois onces chaque jour , comme il Tavoit
vu pratiquer par les Chinois, Cet homme , conti-
nue Amatus, fe moquoit des Européens quifai-
foient la décoâion de la Squine avec une fi jpe-
lite quantité de racine ( i ).
La maniéré ordinaire de faire la décoâion delà
Sq uine ,eft celle-ci : .
Prenez une ou deux onces de cette racine nou-
velle qui ne foit point vermoulue ; coupezda par
petits morceaux, ou par tranches minces. Faites
înfufer pendant vingt-quatre heures , dans fix ou
huit livres d’eau de fontaine tiede: faites enfuit»
bouillir à un feu doux dans un pot de terre afïèz
grand & bien couvert jufqu’à la diminution des
deux tiers. Paflez la décoâion, & gardez-lapour
l’ufage dans des bouteilles de, verre bien bouchées.
Apres avoir préparé le malade par les remedes
généraux, tels que la purgation , &, s’il le faut, par
la faignée , on lui donne tous les jours de grand
matin un verre de cette décoâion chaude d envi-
ron dix ou douze onces ; Ôc après l’avoir bien
couvert dans le lit , on le fait bien fuer pen-
- (î) Mich. Frid Boliem, '
( 1 ) Am^tuf Lufitanus , de Caftello Bîanco , Mcdecîn
Portugais & Profefi'eur en Médecine à Ferrare, deradicc
Ci in.T çn ifr4. Sota véritable nom ctoic Jean Roderic o»
Rodriguez,
dant deux ou trois heures. On reffuîe cnfuîte ,
après quoi, il peut fe lever & fe promener dans
la chambre , pourvu qu’il foit bien vêtu , de meme,
au bout de dix ou douze jours , fi I air efl: doux,
il peut fortir de la maifon en obfervant la meme
précaution.
On lui accorde auflî plus de nourriture que dam
Tufage de la décodion du gayac , on lui per-
met de manger des poulets , de la poule , du
chapon rôti ou bouilli, fans fcl; mais on lui in-
terdit abfolument le vin , & on ne lui donne
pour boiffon ordinaire que la deebdion tiede de
la racine de Squine.
On garde le même régime durant vingt- quatre
ou trente jours de fuite , ce qu’on a regardé comme
fuffifant pour la guérifon de la maladie. Si le
malade n’a pas le ventre libre , on peut , de deux
en deux jours , ajouter des follicules de féné a la
décodion , pu donner un lavement émollient f i )•
Van-S wieten déclare qu’il a obtenu d’auflî bons
& même de meilleurs effets de la décodion de
Bardane que de celle de la racine de Squine f 2 ),
Outre les propriétés qu’on attribue communé-
ment à la Squine , on lui en a reconnu d’autres ^
telles que celle de rendre ceux qui en font ufage,
plus gras qu’ils ne rétoicnt;720//z, dit Fallope, quoi
ex ufu radicis ijlius valde pinguis fit homo ; ce qui
eft confirmé par le témoignage de Profper Alpin.
( i ) Aûruc , de morh* vener.
[ Z ) Fro illis quibus res angufla demi ercit fæpiàs dedi
décorum radicum Bardanat y quez levi pretio ubiqiie haberî
poJfunt & fimilem effc6lum , imh majoreni , quam à decoêio
radicis Cynce votato , vidi. Comment, in Boçrrh. lue®
venerea.
,1
A
II
11
Ü
■i;-;-u^:uj. t -r^ .
rn/ro^r? ® propHété de la Squîne,
qui CO- fuh^ a provoquer l’éreaion des organes
de la génération. Ol^r^avi Chinœ defoclum
bi^entes , umigde teneri , & quofdam intereà , dum
decoao ulo mermuir^ , adeo aa Fcnercm provocatos
J“idie, ut cum ahoqum aiu a coïtu tempe -affent ilium.
q^o variïs ratio, libus fumèrent, -k concubitu tune non
I »
\
’ - AV l -v-’V'V;S'-^-.vXV4.vA'
jt-î
C 7y )
LA salsepareille.
E s T la racine d’un arbriffeau nommé Smi^
îax afptra ^ Perva vian five Salfaparilla. C. B.
Cette racine eft compofée d’un grand nombre
de longues fibres attachées à une tête. Ce che-
velu qui eft la feule partie des racines dont on
fe ferve , a environ la grofteur d’une plume d’oie,
ou un peu davantage ; il eft flexible & compofé
de fibres qui vont d’un bout à l’autre, de façon
qn’on peut les féparer dans toute la longueur.
Les racines de Salfepareille ont un goût vif-
queux , un peu amer , qui n’eft pas défiigréable.
Elles font fans odeur , & la couleur en eft d’un
jaune pâle en-dehors, & blanche & farineufeen-
dedans.
Cette plante croît naturellement au Pérou , au
Mexique, au Bréfil , à la -Virginie , & dans la
Chine.
Les Efpagnols l’ont apportée pour la première
fois en Europe , en ïy(53 , comme un fpécifique
contre les maladies vénériennes. 4
Ils ont nommé cette plante Salfaparilla ou
Çarça parilla j ce qui veut dire petite vigne Jetn^
blahle a la ronce* Çtirca fignifie en Efpagnol ,
ronce \ & parilla , petite vigne*
La décoclion de la Salfepareille fe fait ordinai-
rement de cette maniéré :
Prenez deux onces de Salfepareille, coupez-la
par morceaux , & faites-la infufer dans fix livres
d eau commune pendant un jour entier. Faites
bouillir cette eau au bain-marie dans un pot bien
r . C 7^ )
couvert , & fur un feu doux , jufqu’à la diminu-
tion du tiers ou de la moitié.
Le malade prend de grand matin dans le lit
un verre de cette décodion contenant jufqu’à dix
onces. Le refte lui fert pendant la journée pour
fa boiffon ordinaire. II continue de même durant
vingt ou vingt-quatre jours de fuite. Le régime
à-peu-près le meme qu’on fuit dans Tufage de
la fquine ( i ).
La Sâlfeparcllle a été mife au premier rang des
* médicaments antivéncriens par un grand nombre
de Médc cins y par Rangon , Leon Fufch, Lo-
bera , Ferrier, Amatus, Rondelet, Tomitanus ^
liotal, Pétrone , Dordonus , Brucæus& Battus,
Rigault & Riolan , Fraxinola, Alcazar , Bruele,
Wier, Zccchius, Mercurial, Betera, Rofellus,
Foreftus, Saxonia, Baftellus, de Torrez, Ca-
uevarius, Pacius , Mercatiis , Perdulcis, Clau-
dlnus , CortiÜo , Charles, Septal , Sarter, Pitcarn,
Roncal.
Cardan , Trîncavel , de Leon & Maflàrias la
préfèrent aux autres médicaments antivénériens (2).
CeftonI afTure qu’il a toujours mieux réuffi à
guérir la vérole par l’ufage de la Salfepareille,
que par l’ufage du mercure , quelle que fût la ma-
niéré de le préparer de de l’adminiftrer.
la femplice deco^ione délia S aljaparlglict ,
mie riufcito fempre dt ejlirpare la lue venerea molto piii
felicemente , che cou il mercurio , 0 Jia in un[ionc y o
per (il ffumigli ^ 0 perempiajlri y 0 per bocca in quajî
yoglia modo preparato.
Il y a , dit même Auteur, trois maniérés d*em-
(i ) Aflruc.
" ) Mich. Frid, Bohem.
I
C 77 ) ^
ployer la Salfeparellle , en décoâlon , en poudre,
& en extrait.
On en fait au(Iî deux fortes de décoélion. Tune
forte & l’autre légère ; la première fe fait ainü :
Prenez quatre onces de racines choifies de Sal-
fepareille, pilez>les dans un mortier, & enfuite
faites-les cuire dans quatre livres d’eau commune,
jufqu’à la rédudion de la moitié , en prenant
bien garde que Técume ne fe répande pas par-
deflus le vafe.
Les deux livres de décodîon qui reftent doivent
être bues le matin & le foir, en quatre fois, &
dans l’efpace de deux jours.
L’autre décodion fe fait en ajoutant au marc
de la première une ou deux livres de nouvelle
Salfepareiile , avec huit ou dix livres d’eau qu’on
fait cuire jufqu’à la diminution de !a moitié. Cette
fécondé décodion fert de boilTon ordinaire.
On fait une poudre de la racine de Salfeparellle,
en la broyant dans un mortier avec une ou deux;
amandes , de peur que cette poudre n e fe dlffipe
dans l’air, & on la paffe enfuite par un tarais.
On eft dans l’ufage d’ajouter une cuillerée de
cette poudre à chaque verre qu’on - prend de la
première décodion. On peut auffi prendre cette
poudre dans tout autre liquide.
L’extrait de Salfepareiile fe fait en laiiTant éva-
porer lentement & épaiflîr la première décodion.
On prend un gros de cet extrait, deux fois cha-
que jour dans une liqueur appropriée.
Ceftoni dit qu’il fe commet planeurs erreurs dans
l’ufage de la Salfepareiile.
La première conlîfte en ce qu’on regarde cette
plante comme un médicament deflîcatif,& que
dans cette opinion, on le prefcrit en trop petite
quantité, & pour trop peu de temps.
fécondé, en ce qu’on la fait euîre avec le
gayac , la fquine , le falTafras & plufieurs autres
plantes dans le vin, ce qui émoufle, ou lui fait
perdre fes vertus.
Là troifieme , en ce qu^on fait obferver au ma-*
lade , durant tout le traitement , un régime def-’
ficatif , tandisqu i! faudroit au contraire qu’il fui-
vît un régime rafraîchiflant.
La quatrième , en ce qu on tient le ma.îade tou-
jours enfermé , au lieu de le laiffer fortir dans
le beau temps , ce qui lui feroit plus avantageux (i).
Hunrer a^vu guérir par la Salfepareille , une
vérole qui n avoitpu être guérie par le mercure (2).
AI. Fordyce rapporte dans le premier volume
des Recherches (S* Objervations de Médecine , dhine
Société de Medecine de Londres , plufieurs obfer-
vations fur des malades guéris de la vérole par
la Salfepareille , auxquels on avoit fait, prendre
inutilement le gayac & le mercure.
La maniéré de préparer & d’employer la Salfe-
pareille , pratiquées par AI. Fordyce, eft celle-
ci : '
Prenez de racines de Salfepareille trois onces,
faites-les cuire avec fix livres d’eau de riviere ,
dans un vaiiïeau ouvert, jufqu’à la réduéfion de
deux livres marchandes , c’eft-à-dire de trente-
deux onces.
Il recommande de choihr des racines de cette
plante qui ne foient point vieilles ni vermoulues ,
qui n’aient pas été gâtées par l’humidité ou par
1 eau de la mer durant le trajet.
(I) Hyacinto CeRoni , Anconitar.o , verc .conditioiie
délia Saifapariglia , 170S.
( 2 ) Spielmaii , inflic, mater. Medic.
. ■ . . ( 79 )
Quelquefois II ajoutoit un peu de réglîiTe pour
lui donner un goût agréable. ^
Il faifoit prendre la quantité de décoétion ci.
deiTus , en deux ou trois fois , chaude ou froide,'
félon la volonté du malade, dans l’efpace de vingt-
quatre heures.
Tous les deux Jours cette décoéiion étoît renou-
vellée , & ce qui en reftoit, étoit gardé dans un
lieu frais.
II faliolt obferver un régime exaéi , & défendolt
1 ulage du vin.
. La décodion de la Salfepareille a été partlcu-
lerement utile aux malades qui avoient desdôu-
leurs noéiurnes vénériennes , oftéocopes & infun-
portables. . ■ ^
EHe a produit de très-bons effets fur ceux que
L vérole avoir réduits au marafme, & à la difoo-
lition a laphthyfie, car les malades recouvroient
par ce moyen les forces, l’appétit, l’embon^'
point & la couleur naturelle.
Il a effaye l’ufage de la Salfepareille en décoc-
tion & en poudre fur de jeunes malades, mais il
^ ^ les guérir radicalement de la vé-
role , foit parce qu’ils n’avoient pas employé au-
parayantle mercure, foit qu’ils n’euflent pas con-
tinue affèz long temps l’ufage de la Salfepareille/
£ „r '= avoient-
etc mfuffifants pour guérir la vérole.
néraHa nP mercure guérit e.n ge'-'
la Salfepareille guérit peut-être celles qui réhftlnc
au niercurc, en forte qifil eft probable nue par
CCS deux moyens combinés , „„ peut parvenir )
gucrir toutes lortes de maladies vénériennes On
rouve dans le meme ouvrage, une obfervàtioi.
(ut une vérole gucrie de cette maniéré , quiiavo^
rife cette opinion. « j- ^
T Vffinrité de la Salfepareille dans les maladies
vénériennes a" été
a I I a ^ , f •
Une femme qui avoit des bubons venenens ,
implora le fecours d’un Barbier qui les fat dilpa-
roître en deux jours par l’application d’un onguent;
rnais auflTi- tôt après , elle e'prouya une grande dou-
leur au bas-ventte à laquelle fe joignoit le foir une
forte fievre , précédée du friilbn ; le paroxifme
étoit terminé par une fueur abondante. Le matin
elle n’éprouvoit ni angoilTe ni douleur , & Ion
pouls étoit naturel. L’après-midi, les accidents re-
venoient dans le même ordre. Tranfportée a 1 hô-
pital , elle cacha la caufe de fon m.al; mais voyant
que le quinquina qu’on lui faifoit prendre ne tai-
foit rien à fa maladie , elle en avoua l’origine. Un
eiïaya la décoâion de la racine de bardane avec
le inercure doux diflbus dans l’eau ; elle en pre-
roit environ un grain , quatre fois par jour -, deux
jours après , la douleur & la fievre etoient cal-
mées ; cependant fon état n’étoit pas devenu meil-
leur après quinze jours d’ufage de ces renaedes. _
On^ lui donna alors le fublimé corrolif; mais
la chaleur & la fécherelTe de la poitrine , la loit ,
& les douleurs de tête qui furvinrent , le hrent
abandonner. On eut recours aux purgatiB mer-
curiels , avec une boilTon copieufe emoIliente ,
mais cela n’eut aucun fuccès , & fes forces alloient
*°'infin on lui donna la décoftion de Salfepareille:
le quatrième jour , il les urines beau-
coup de matière vifqueufe & jaunâtre , . _
Le cinquième jour , les urines etoient li^p-deS ’
mais il fortoit du vagin une humeur epaiire,jau-
C8î).
nâtfe , âcre & fétide , la douleur de la fievre dî-
riiinuerent beaucoup , & récoulement ceffa au bout
de quinze jours; enfin la douleur 8c la fievre dlfpa-
rurent enttiérement , les forces & la fanté fe rétabli-
rent; malgré cela, on luiconleilla de continuer enco-
re Tufage de cette décoftion moins forte durant
quelques femalnes , afin d’achever de détruire ce
qui pouvoir encore refter de la maladie ( 1
Fallope témoigne beaucoup de confiance en la
décoâion de la Salfepareille , pour la guérifon des
ulcérés vénériens.
Cùm ergo in Gallico adfunt ulcefn , ad hoc me-
di camentum confiigio , tànqiiam ad certiffimum &
tutijffimum anxilium ^ & Ji non facit prima di(Zta ^
facit faltem fecunda^ vel ténia ^ prccjlans ejl guaïa^^
ciim , tamen ego utor S alfa in Levihus , foUo etiarn
mifeere hœc duo JimuL
Il dit auflî qu’il a été témoin de fon efficacité
pour la réfolutioii des tumeurs ofleufes. 'Etat feo-
laris P apienfis qui tophis ojfeis & lapideis laho ra-
bat circà pedes & tibias ; ego brevi illos difcujfos vidl
ope S ayiiparillce , & prima vice ufus fum hac in mi-
lite luccenji qui dicebatur il Capitan Capon ; hic
habebat in capite tumores & gummata ques per decem
dies evanuerunt omnia. • . . Notate autem unum quod
decoâum Salfæ femper agit omnibus temporibüs • de-
co3:am autem Guaïaei non agit humali tempeflate.
Nous venons de voir la Salfepareille placée au
premier rang des médicaments antivénérieus par
un grand nombre de Médecins, 8c mife au-dellus
de tous ces médicaments par quelques autres
En voici d’autres qui penfoient différemment de
l’efficacité de cette plante ; J. Pafchal , Ant, Sa--
,( I ) Aûnus Medicu?,
F
T,
porta , Pereda , Rudius ( i ) la regardoient feu-
le^ent comme propre a guérir les maladies vé-
nériennes legeres ; Rinius, Montuus, Pracantia-
nusC2), Guargantus, Mufitanus , Johrenius
& Elfener ont même prétendu qu’elle eft in-
capable de guérir feule ces fortes de maladies.
Les habitants de la Côte d’or en Afrique fe
fervent généralement de la Salfepareille que les
Hollandois leur apportent pour fe délivrer de la
verole , qui eft fort commune dans ces climats
brûlants.
L Hôpital des Incurables de Florence en con-
fommetous les ans, félon Targioni Tozzeti, fix
cents cinquante livres, de fix livres feulement de
Gayac pour le même ufage C 3 ).
( I ) Salfaparilla lorigè meliiis dolores , tum gallicos ,
tum alios deiTiul^ec qiiaiii guayacum , in omnibus quoque
humorum fluxionibus & præfertini à capite ad Tboracein
& pulmonem , & præfercim in aûlirnate & orchopneâ ,
longé tiitîüS adhibecar. Sed gallicum virus , niü admo-
dum exiguum & n corpoie recenter concradlum' , perfe
jpfa profligare Sc extirpare imporens efl ; ideoqiie non eû:
verum Sc iegitimuna luis venereæ Bezoaélicum. medica-
mentum. hujîachius Rudius , a-c morb, ^all, 160^, Vids
Jlrue^ de morb. vener^
( 1 ) Licet Qx ufu radicis hujas aliqiii dicantur eife fa-
nati, niîllnm camen rnihi concig t vidiife perfeifl:é fanatum J
verum quidem eft quod tophos opcimè difcutit , ac miri-
fîcè fympeomata removec ; îed brevi reverci confueverunc
& in aliquibus maxime vencricuium réfrigérât Sc lædir.
Anr» Fracantianiis de mo bo gatlico,
( 5 ) Prima Raccoka di ClTervazioni Mediche , page
H7.
C85 )
1
•x • ^ ‘
.-Ji. .v.
■ » %
—
—
■Hi
, le' sassafras.
«
.i’est un petit arbre de l’Ame'rique fepten-
tnonale qui prend la hauteur d’un pin ordinaire
fur un pied de diamètre.
^ Sa tige eft dégagée de branchages iufqu’à la
tete qui eft touffue , & qui forme une efpece de
coupole. r
Son écorce eft unie , un peu rougeâtre , & elle
rend au goût une légère faveur de l’anis.
' racines font dures, pefantes , & s’étendant
a fleur de terre j fes feuilles font échancrées affèz
profondément en trois parties, fans aucuneden-
telure fur les bords ; elles font d’un verd obfcur
& de bonne odeur , fur-tout quand on les laiffe
lecher.
Ses fleurs paroiffent au printemps dès le corn*
menceraent du mois de Mars; elles font' jaunes,
petites, raffemblees en bouquets, & d’une odeir
agréable. ^
Les fruits qu’elles produifent font des baies de
la groffeur & de la forme de celles du laurier •
W fl îe gland, un calice, mais co’
o e de rouge ainfi quedes pédicules qui le fou-
mtrnrffé ’ deviennent bleues dans leur
Le bois de cet arbre eft léger, quoiqu’aflèz
dur, dune_ couleur un peu jaunâtre , d’une odeur
quant & aromatique. ^ ^
Le Saflafras eft fort commun dans la Floride la
Virginie , la Penfylvanie, la Caroline & le Catdi
. F H
14
!
( S4 )
On le trouve dans le commerce en morceaux
longs , droits , fort légers & d’un tiflTu fpongieuX>
couvert d*une écorce raboteufe & fpongieufcj de
la couleur de celle du frene ,
' c
de fer rouillé en-dtdans: elle a une odeur fort
agréable , un peu aromatique , douceâtre 8c un
peu âcre. L’écorce a une odeur & une faveur plus
fbrte que le bois , & les racines grêles en ont une
plus forte que celle des gros morceaux.
C’eft avec le Saflafras que les habitant? de la
Floride fe guérilTent , dit-on , des maladies vé-
nériennes. ^ . . r • ' • A
Monardes eft le premier qui ait fait mention ae
cet antivénérien , au milieu du feizieme fiecle.
MonaW penfe que le Saflafras convient mieux
aux malades d’une complexion délicate que le
Gayac 8c la Salfepareille. Il ajoute que
temps , en 1 ySa , on en faifoit un très- grand
en Pologne contre la goutte 8c d’autres maladies
Le Gayac , dit Varandé , l’emporte fur la Salle-
pareille, la Squine, 8c le SalTafrasj maiscelui-ci
eft fort avantageux dans la cachexie , Ihyaropi-
fie 8c les tumeurs froides qui 'âccompagnent les
véroles anciennes. ‘ ^ j* •
D’autres Médecins, tels que Wier, Claudini ,
.Neander,en recommandent l’ufage ; mais
.Gues autres, comme Guargantus, Sartor , üu -
tachius Rudius , le regardent comme inelhcace,
& même comme pernicieux ( 2 ). Experiemiacom-
tZm eft , dit ce' dernier , Sajfafr^s nuUamhab^^
froprktatem virulentict galiico^ ad.crftanam ; Jcdcunz
(O Pierre Monav , Mèaecln de l'Empereur Rodolphe II.
( ± ) Mich. Frid, Boehm. _
C8y)
piKgui fubjlantlà & adJlruÜ:ione careat & calHutn
&Jiccum ciim fit , luis erodentem vint juvare & a,ugere\
in quibufcumqae Jluxionibiis & potifiimiim ad artt-
culos & Thoracem noxium ejje.
La décoâion de Saffafras fe prépare & fo
donne de la même maniéré que celle de laSquine
& de la Salfepareille.
On eft depuis long temps dans Tufage , dit
Aftruc , de faire bouillir enfemble fe bots de
Gayac & de SafTafras, & les racines de Squine &
de Salfepareille, dont la nature & les vertus font
a peu- près femblables ; on prépare cette décoc-
tion le plus fouvent fans aucun purgatif, mais
quelquefois on y ajoute des follicules de féné ,
comme on le pratiquoit dès Tan lyyo , fuivant
le témoignage de BralTavole; 'on prépare par ce
moyen des décoétions & des hochets tantôt lîm-
plement diaphorétiques & diurétiques , &: tantôt
diaphorétiques & purgatifs r c’efl: ce qu^on nomme
tifanefudorifique^ OU tifane de bois fiidorlfiqius*
La dofe de chacune de ces drogues varie fui-
vant les indications. En général , on met infufer
à chaud pendant vingt-quatre heures, dans diic
ou douze livres d*eau commune , du bois de
Gay ac râpé, ou coupé menu , du bois de SalTa-
fras, des racines de Squine & de Salfepareille ,
également coupées menu , à là dofe de deux onces
chaque ; enfuîte, ayant ajouté , fi on le juge^ à
propos , deux onces d^antimoine crud pilé grof-
fièrement & enfermé lâchement'^dans un nouet ;
on fait bouillir le tout à un, feu doux , dans un
pot bien couvre rt , jufqu’à la diminution du tiers.
Alors on ajoute une once de régliiïe ratifiée j ,
fl on veut rendre la décoélion purgative , une
demi- once de follicule de féné oriental ; ces deux
( , • • •
l ilj
J . < ^
oernieres drogues ne doivent bouillir qu’un mp-
ment, La déccâion étant refroidie, onia coule,
& Tayant mife dans des bouteilles de verre , on
la garde pour Tufage.
La coutume eft d’en prendre trois verres par
jour , durant douze ou quinze jours le matin à
jeûn , Taprès-dîner , fur les quatre ou cinq heures,
& le foi’r en fe couchant , ou bien feulement deux
verres, un le matin, & l’autre le foir*
Pendant ce temps-là, le malade doit manger peu
& garder la chambre, fi la faifon le demande ( l ).
f
XDhfervation de M, Dehorne fur une malaile vénérienne
bien caraclerifée , guérie par la tijane fûdorlfique.
Claire . . . native de la Champagne, d’un tem-
pérament fanguin & délicat , ordinairement bien
réglée , ayant néanmoins éprouvé une perte uté-
rine , il y a quinze jours , eft entrée la mai-
fon de Santé de la Petite-Pologne le p Avril
1776, pour y être traitée de la maladie véné-
rienne, dont les principaux fymptômes étoient
une gonorrhée virulente , un bubon affez confi-
dérable à Î’aîne droite , un chancre à l’entrée de
la vulve du côté droit & des douleurs tres-vives
& continues à la tête & à la cuilFe droite. ^
Après avoir été préparée à l’ufage des frieftions
& des lavements antivéneriens par une faignée ,
une médecine & quelques bains , cette malade
commença ces remedes combinés à une dofe affez
foibles;mais malgré cette précaution,ils produifirent
affez promptement la falivation la plus fougueufe,
i I J Aftruc, de morb, venerv '
!
• M CS?)
la plus opiniâtre , & qui fut accompagnée d e ^
douleurs plus vives a la tête que celles précé- ^ ’
demment reffenties , & dont il eft fait mention ;
la langue étoit fortie de la bouche , & ne pou-
voit plus y rentrer; elle étoit parfemée d’ulce-
res chancreux, & même gangrenés; Tengorge-
ment Sc rulcération de prefque toutes les parties
de la bouche fubfifterent pendant près de quarante
jours, malgré les faignées du pied, les demi-bains,
les lavements émollients , & purgatifs multipliés,
malgré Pufage rélrérédes tifanes royales, de gar--
garhmes , & l’application continuelle des topiques
appropriés : infenfiblement tout rentra dans l’ordre,
les efearres gangreneufes de la langue tombèrent,
les ulcérés de la bouche fe détergerent , fe cica- ,
triferent , & malgré le peu de remedes que cett.e
malade avoit pris , tous les fymptômes vénériens
étoient difparus , ce qui cft à l’avantage de la fa-
livation. Car, fi ce n’eft point elle qui a produit
cette ce/Tation des fymptômes , il efl au moins
prouvé qu’elle ne s’y efl point oppofée. Malgré
cet avantage , on craignit néanmoins qu’ils ne re-
parufient aufli promptement qu’ils avoient cefle,
& cette crainte détermina à employer les lave-
nients antivénériens feuls pour affurer la guérifon;
il ne réfulta de ce remede aucune efpece de fa-
livatlon , ni de cours de ventre , quoiqu’on en ait u
donné cinquante*quatre à deux par jour, & qu’om - ^ l
y ^ait employé quatre bouteilles de liqueur anti-
vénérienne. Cette malade (ortit enfin le Juin
1776, parfaitement guérie, deux mois Ôc dix
jours apres fon entrée dans cette maifon.
Le 5 Février. 1777 5 cette femme revint de nou-
veau a la Maifon de Santé de la Petite-Pologne,
pour une gonorrhée virulente inflammatoire ^ un
F iv
t
( n )
engorgement (enfibîe à i aîné gauche , & des
poireaux nombreux à la vulve, qui étoient les
truits récents , reconnus & avoués d’un nouveau
commerce ; elle n’avoit point eu fes réglés depuis
fon premier traitement , fans qu il y eût néan-
moins aucun fîgne de groiïciTe.
Après avoir été faignée deux fois , avoir pris
‘quelques bains , & bu beaucoup de tifane adou-
ciflante pour calmer Tinflammation de la vulve,
on voulut remettre cetté malade à Tufage des la-
vements antivénériens ; mais à peine en eut-elle
pris fix qu’elle relTentit des douleurs de colique
affez vives , & qu’elle prouva des envies de vo-
mir , & même des vominements bilieux très* abon-
dants ; après avoir remédié à ces accidents par
la dîete , une boiflbn copieufe & une prife d’hi-
pécacuana , on donna à la malade deux fridions
d’un gros chacune ; mais dès le cinquième jour,
il furvint une falîvation qui menaçoit d’être con-
fidérable , & qui par réflexion (ur la première
éprouvée^ donna de juftes inquiétudes fur la con-
tinuation de ce remede ; c’eft pourquoi on la pur-
gea, & on lui fit prendre des bains, danslefquels
elle tomba en foiblefle ; mais c’étoit la crife des
réglés qui parurent alors, & qui procurèrent beau-
coup de foulagement , quoiqu’elles n’aient coulé
que pendant deux jours.
Les remedes mercuriels paroilTant affeder cette
malade d’une maniéré trop fenfible & trop inquié-
tante il fut décidé qu’on n’en emploiieroit plus
aucun de cette efpece, & dès ce jour elle fut
raife à l’ufagc d’une tifane forte de bois fudo-
rifiques faite avec beaucoup de foin; on lui en
donna une pinte par jour, dont la moitié fe pre-
laoit le matin , ^ l’autre le foir. On faifoit bouH-
. ^ > . . T
Iir le marc de cette tifane pour lui fervîr deboii-
fon ordinaire. On continua le remede depuis le
Février jufquau J Mars;^ il fubfiftoit néan-
moins encore un peu de falivation , mais le 2 Mars
elle étoit totalement ceffée. Depuis le y Mars
jufqu’au ip du même mois , la meme tifane fut
continuée à la même dofe, & on la rendit pur-
gative tous les huit jours avec les follicules de
iené &■ de manne. ^ ^
Le 12 Mars 5 la gonorrhée, qui étoit înfenfi-
blement diminuée 5 parut totalement tarie ; 1 en-
gorgement des aines étoit réfous , ëc les poireaux
étoient tombés d’eux-inêmes.
' La malade fortit parfaitement guérie le 20 Mars,
après avoir pris vingt-cinq pintes de tifane fudo-
rifique très-chargée , fans qu elle en ait été aucu-
nement incommodée.
Depuis ce temps , les menftrues ont continué
à couler régulièrement, & cette femme, qui de-
puis s’eft repréfentée pluCeurs fois , jouit de la
meilleure fanté. Obfervaüons jaites & publiées par
ordre du Gouvernement , Jiir les differentes méthodes
d' adminijlrer le mercure dans les maladies vénériennes^
par M. Dehorne^ Docl* Med, <Sv. k Paris , I77P*
\
la lobelia syphilitica.
Si les naturels de rAmeTlque mendionale ont
trouvé dans la décodiou du bois de gayac , un
rcmede afluré centre la maladie vénérienne’ les
habitants de la. partie feptentrionale de ce nou-
veau monde ont aufli leurs plantes qu’ils emploient
avec le nième (uccès contre ce fléau de refpece
humaine. « La maladie vénérienne , dit Lahontan ,
eft tout- à-fait commune du côté des Illinois & du
fleuve Milîiflipi : je me fouviens qu’étant avec les
Akamas que je rencontrai fur ce grand fleuve à
la (ortie de la riviere des Miirouris, je vis un
fauvage qui s étant dépouillé devant moi', me fît
voir une partie de fon corps tombant en pourri-
ture. Il faifoit bouillir des racines , & lui ayant
demandé a quel ufage , il me répondit par inter-
prète qu il eipéroit d en être guéri au bout d’un
mois , en buvant le fuc de ces memes racines ,
^ en prenant incefTamment de bons bouilions de
viande es: de poifTon ( i
Lahontan ne dit pas quelles etoient ces racines,
mais ce^qu’il rapporte en général des moyens que
les Ameriquains feptentrionaux emploient pour'
fe guérir de la verole , efl confirmé par le témoi-
gnage d’un Naturalifle, Eleve du célébré Linné,
à qui le feul defir de connoître les produérions
de la nature dans cette partie du nouveau monde,
a fait franchir, vers le milieu de ce fiecle, la
vafte étendue des mers qui la fépare de l’Europe.
( i) NoiiYcaux Voyages dans rAmériqiie feptentrionale.
f po
Ce Naturalifte ^ M* Kalm , a parcouru les forets
âc les déferts de TAmérique feptentrionale pen-
dant plufieurs années.
Il y a fait des découvertes très-intéreffantes,
dont il a enrichi les Mémoires de l’Academie de
Suede : à Ton retour, i! a été pourvu d’une chaire
de ProfelTcur dans l’Univerfité d’Abo , où il eft
mort il y a quelques années ( î ).
Voici la maniéré dont M. Kalm parle dans un
de ces Mémoires ^ des moyens en ufage chez les
habitants de cette partie de l’Amérique pour fe
guérir de la vérole.
cc Depuis un temps immémorial . dit-il^ les Sau-
vages de TAmérique, feptentrlonaîe ont vu quel-
quefois la maladie vénérienne régner parmi eux;
les uns prétendent que les Européens la leur ont
apportée ; d’autres aflurent qu’elle étoît connue
long-temps avant l’arrivée de ces derniers : un de
leurs vieillards m’avoua ici qu’ils ont eu cette ma-
ladie auparav’^ant, & que communément leurs jeunes
gens la gagnoient en allant à la guerre contre les
nations fauvages qui demeurent plus au Sud , où
elle étolî plus commune. Maintenant elle eft affez
fréquente ici ; ce qu’il y a de remarquable , c’eft
qu ils fe débarraftent de cette contagion avec îa
meme facilite qu’ils la gagnent quand meme îe
mal feroit enraciné au dernier degré ; celui qui
en eft infedé peut être rétabli parfaitement en
peu de temps , fans crainte de rechute , à moins
qu’il ne s’y expofe volontairement 3:».
Les Sauvages pratiquent cette cure fans aucune
C r) yournalde Paris des 1er. 8c z Novembre lyZo , nos.
Ôc 307,
( 9^ j
mercure; ils regardent même cette
die comme une des plus faciles à guérir «.
« -Lorfque Tannée derniere j’arrivai au Canada
n y eut perfonne de ceux qui avoient voyagé
parmi les Sauvages qui ne connut la facilité ex-
trême avec laquelle ils guériffent cette maladie
par le feul ufage des plantes ; mais tous ■ décla-
roienten même temps qu’il étoitimpofl'rble de leur
arracher leur fecret,Iequeli}s cachoientavec d’autant
plus de foin qu’ils étoient dans la perfuafion que
1 le remede parvenoit à la connoiflànee des Eu-
ropeens , il perdroit fa vertu
Beaucoup de François ont tenté inutilement
engager les Sauvages à force d’argent, à leur
découvrir ce remede , ils ont été obligés de fe
contenter d’avoir recours à leur traitement, quand
ie malheur les y a forcés ».
« En arrivant cet été , chez le Colonel William
O nlon y je lui fis beaucoup de qiiefiions fur cette
contrée & fes habitants ; cet Officier demeure
paimi les Sauvages, & s’eft attiré par bien des
moyens leur refpeâ 3c leur amour; beaucoup de
Villages ne font prefque foutenus que par lui, les
auvages le regardent comme leur pere; fouvent
1 s viennent des endroits les plus éloignés pour
le voir &^pour lui demander des chofes dont ils
ont befoin, & dont il leur fait préfent, car fon.
plus grand plaifir efè de faire du bien; une autre
de fes qualités eft une eilime 3i un amour brûlant
pour les fciences & leur avancement: comme cet
Officier a paffé beaucoup d’années parmi les Saii-
vages , il n efi perfonne qui counoiïTe mieux leur
maniéré de vivre ; il m’affura qu’ils avoient le
fecret de guérir avec une facilité étonnante- les
maladies vénériennes par .le moyen des plantes*.
qu’il en avoit vu lui-même plufieurs exemples fur
des perfonnes qui vivoient encore ; que quelques--
unes avoient été dans un état affreux & déplo-
rable, & que cependant, au bout de dix jours de
traitement, elles étoient affez bien rétablies pour
pouvoir reprendre leur travail; qtic de temps
après , elles avoient été guéries radicalement.
cejelui demandai s’il connoiffoit les plantes dont
les Sauvages fe fervoient pour ce traitement ; il me
répondit que non : je le priai en conféquence de
tâcher de fe procurer cette connoillance ; il me
dit que la chofe étoit prefque impoffible , mais ,
fur ce que je lui repréfentai qu’il étoit le feul
homme qui pût engager cés Sauvages à commu-
niquer leurfecret par l’attachement extrême qu’ils
avoient pour lui ; que par-là il. s’attireroit non
feulement la reconnoiffance des Savants, mais peut-
être celle de fhumanité entière ;dl me promit de
faire tout ce qu’il pourroit, & de ne ménager au-
cune'dépenfe pour parvenir à cette découverte 3».
. ce Je lui donnai alors quelques inftruiftions fur la
maniéré d’y procéder, en le priant de queftion-
ner féparément plufieurs femmes fauvages qui
paffoient pour maîtreffes dans cet art; de les en-
gager à lui montrer les plantes, fans que l’une
fût rien de Tautre, & de ne pas fe contenter qu’on
lui montrât une feuille ou une racine de la plante,
mais de les engager à lui montrer la plante toute
entière 33.
« Je n’entrerai point maintenant dans toutes les
peines & dépenfes que cét Officier a employées ;
il fuffit de dire que trois femmes fauvages lui ont
apporté chacune de fon côté les mêmes plantes ,
& lui ont fait la même relation fur la maniéré du
traitement; il en parla auûi^à un Sauvage qui paffoit
ï."
1
' i
j "
;:1.
de^inallH-*" étonnantes dans ce genre
de maladies, lequel lui montra des racines de la
eme plante , en difant que c’étoit là le remtde
n.i’ï ?" communément ; mais il ajouta
qun_ lui preferoit une autre plante dont il avoit
appris la vertu & les .avantages par fon grand-
« Maintenant je vais parler des plantes dont on
le fert; .1 y a ici, dans l’Amérique feptentrio-
nale cinq cilFerentes efpeces de Lobelia , dont
P”""
ce Ma maniéré de voyager à travers des forets &
ans des chemins non frayés ne me permet pas
de porter avec moi beaucoup de livres bota-
niques ; quand j’ai du papier pour y arranger les ’
?vp" P ^ "^es remarques,
avec de 1 encre & une plume, je n aime pasd’aug-
^ par d’autres meubles, celle-ci
étant déjà grande & augmentant chaque jour ».
« Je ne dirai point Ci cette plante a déjà été dé-
crite par d autres , ni quel nom on peut en ce cas
lui ayom donné ; par cette raifon , j’en donnerai
la defcription, & alors chacun fera en état de-
yoir dans quelque bibliothèque' botanique fi elle a '
déjà ete décrite; & comme la langue latine eft celle
don, le Bo.a„,He, a.inen, le mien, à fe fervir.
je 1 emploierai egalement pour donner la deferio-
tîon de cette plante 3^. ^
Jîa(/{je perenms, fibrofa ; fihras plurimas allas , li-
nea cr affine , duorum diguorum longitadint plus
minus, glabras tanquam è centra emitttens.
uuhs Jimplex ^ interdum tamen ramas emittens,
erectus ,diverffi longitudinis ab uno ad duorum pediim
hngitudmem, teres , glaimmus l<evis fuhnuidus ,
, c py )
pàlllde viridis au£ interdiun rubefcens , pmciput ver-^
Jus inferiorem pancm , foUatus , folia ufque ad fpi^
cam Jlorum gerens^
Folia , duplicis generis , radicalia fcilicet primo
anno , caulina verb anno fcundo , primum prodcun-
tia^
F olia radicalia , ovato-lanceolata , fubacuta y crs>^
nato-piicata ^ glaherrima ^ utrinque fubnitida obfcurc
viridia cum tinclurà purpurei in petiolos defnentia.
Folia caulina , per totum caulem fparfa y ovato-
lanceolata ^ fiihacuminata y incequaliter dentata ^pa^
tentia y plura^ glaberrima y fubnitida , in petiolos de-
fnentia ; ad mar fines puncta albiday tantillum elc^
vata fuit 5 quidquod ipf denticuli ejufmodi pun&:a al’^
bida elevata gerant , nervi in interna fohi fuperficie
longitudinales elevaiL
Rudimenta forum ad alas inferiores*
Flores ftperiorem partent caiilis occupant pedun-
culis ditariim vel duarurn linearum & dimidiæ Ion-
gitiidme lîifidentes , quivis fos fedet ad alam folioL
lanceolati y acuti y frratiy ferraturis fiibulatis.
^ Flores^ fere erecti ^ magni , cccnilei y magnitudim
'vix floribus Loheliiz , flos Cardinalis alias dictæ ,
cedentes*
Calicis la^cinias lineares y acutee y loiigx fcilicet
a quinque ad octo linearum longitudinem , mar-^
ginibus prope hafm retrorfirn flexis.
Reliqiia foris fint lobelice* Jr^id^ caraclercni inLin%
Spcc. Fiant.
«« Il fort de toutes les parties de la plante une
liqueur laiteufe en les rompant; quelques-unes des
vieilles tiges^ ont une grande pelotte de racines, de-
maniéré qu elles reflemblent à une tourbe de
gramen
« Les plus grandes feuilles caulines font de la Ion-
r
gueiir de quatre à cinq pouces,& delà Margeur d*uû
& demi ; les feuilles inférieures de la tige font foii-*
Vent lanceolata-ov ata.
Les feuilles Inférieures font les premières qui'
tombent des tiges. Quelquefois il s’élève plufieurs
tiges d’une feule racine dans les plantes qui font
grandes ; la tige a fo'uvent un demi pouce de
diamètre 35,
cc Vers la fin de l’automne, les feuilles fe cou-
vrent de taches brunes 33.
cc La plante commence à fleurir vers le 21
Juillet 33.
ce Sa graine mûrit vers le commencement de Sep- ’
tembre. Sa demeure naturelle efl: dans des en-
droits humides & marécageux , fur le bord des -
étangs , des ruiffeaux & des rivières. Elle a pour
voifines l’Eupatoria de toutes les efpeces, le Ly-
copus, le Bidens , le Mimulus, la Cheloneaca-
dienhs, Lhelxine caule tetragono aculeato, laPer-
ficaria urens 5 &c. &c 30,
ce Le goût des racines me femblc fort approcher '
de celle du tabac ; il -refte lohg-temps dans la
bouche ; il excite des vomiflements 33,
ce C’efl: cette Lobelia dont je viens de donner
la defeription que les Sauvages emploient préfé-
rablement & généraleiîient contre la maladie vé-
nérienne. Le traitement en éft fort fimple ; ^
voici leur maniéré de procéder 33 :
ce Ils prennent les racines de quatre, fix , ou plus
de plantes , félon que la maladie eft plus ou moins
grave, & ils les lavent bien proprement .• quelques-
uns fe fervent de racines fraîches ; d’autres difent
que celles qui ont été féchées font meilleures ; ce
qu’il y a de certain , c’eft que beaucoup fe font
fervisavec fuccès de r^acines féchées depuis trois
ans
ans & davantage. On fait bouillir les racines ; les
Sauvages ne font point de diftinâion entre’ les
vafes dont ils fe fervent pour cet ufage ; toute
leu» batterie confifte en quelques marmites de
cuivre rouge ou jaune pour préparer leurs médi-
caments 35.
« De cette décoéiion,on fait boire au malade le ma*
tinde bonne heure & tant qu’il peut; ce qui refte lui
lert de boiffon principale pendant toute la journée.
L,e malade commence alors à purger affez fortement;
mais on rend la décodion plus foible, fi l’on voie
qu il purge trop 53.
« Pendant ce temps, il faut que le malade s’abf-
tienne abfolument de toute boiiïon forte ; il doit
taire un repas très-fimple, compofé d’herbages &
e P antes; quelquefois on lui permet de maneec
un peu de viande oo, , ®
« Les fécond & troifieme jours, on fait boire de
cette decodion au malade de la même maniéré :
les jours fuivanp , il prend non feulement cette
deco<aion,mais il s’en fert aufii pour y baigner jour-
ladie^r^ parties les plus attaquées de la ma-
a En continuantee régime pendant quinze jour
pLoîr55* Semaines, la maladie communément dif-
Si le malade a des plaies , on fe fertpou'r les
traitement de la racine de
Geumjloribus nutantibus ,fruclu oblungo reminum
<^‘^udamolli.pulmofâ.UTi.F\ou Suel.^24. On torréfie
poudre dans la plaie pour la defiecher 5,.
«S il arrive que la maladie eft trop profonde-
rpS: “*"0 ■’ ^ 0-
apres avoir pris pendant quelques jours de cette
Lobella , ne fent aucun foulagement,
lih ^ du Ranunculus , foliis radica-
I us umjormibns , crenatis , caulinis digitatis pe-
nolatis. Gronov. Jlor. Virgin. i6S ; on les 'lave
proprement, & l’on en mêle quelques-unes avec
celle de Lobelia , en les faifant bouillir enfemble
« 1 on donne au malade à boire de cette de'coc-
tion 33.
. <^c Mais il faut bien prendre garde de ne pas y
mêler une trop grande dofe de ces Kanunculus
puüque cela pourroit produire une inflammation
dans les inteftms. Cette de'coaion excite une forte
purgation , & meme des vomiflêments qui pro-
duifent enfuite l’elfet le plus defirable ;'raais fi elle
eu trop forte, élle devient vênéneufeC i)».
« Un autre Sauvage qui a donne' les plus gran-
des preuves d habileté dans ces fortes de cures,
& dont le Colonel Johnfon étoit afliiré qu’il lui
confieroit fidèlement fa maniéré deprocéder, lui
décida qu a la vérité il s’étoit aufli fervi quelque-
fois de la Lobelia ; mais qu’il avoit encore plus
,de confiance dans un autre médicament compofé
des racines de Ceanothus, Lin. ou Celatus inermisy
joliis ovatis , Jerratis , trinerviis , Lin. Hort. Clifr
A' Virgin. Ceft de la
decôcSion de cette racine faite comme celle de
la^ Lobelia dont il fe fert pour faire fes cures. La
décoélion devient rouge comme du fang ; fi Ton
croit que le mal cfi: trop avancé , on y ajoute les
racines de Rubus , caule aculeato , foliis ternatis^
Lin. Flor. Suel. 410; on les mêle avec les
autres 33.
( I ) M. Kalm ajoute que les femmes fauvao-es s’en fer-
vent pour fe détruire lorfqu elles font maltraitées par ieur?
maris. ^
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*c J 3.1 culcbonhcur de rencontrer un liommc c]Ui
avoit été traité & guéri quelques années aupara-
vant par unetemme fauvage. Sa maladie étoit déjà
devenue fi grave , qu’il y avoitbeaucoup à crain-
dre pour fes jours. Il avoit encore un paquet de
racines feches & de feuilles radicales de la plante
ciont cette femme s’étoit fervie pour le guérir , &
je les reconnus pour être uniquement de la Lo-
beJia 33»
^ «Avec ces plantes , on fait ici des cures très-
ctonnantes qu’on n’opéreroit jamais avec du mer-
vüi^; Ja différence qu’il y aentr’elles& ceminc'ral,
c e/t qu’avec elles on ne court jamais rifque de la vie.
• " . ^ point d’exemple qu’un Sauvage Amc-
Jiquain foit mort de cette maladie ; point d’exem-
pe qu un malade, quelqu’attaqué qu’il ait été, foit
mort pendant le traitement; point d’exemple de ma-
a e traité félon cette méthode, qui n’ait été guéries.
« Ceux qui omtle malheur de faire l’expérience
n tiaitement par le mercure & par les plantes ,
celui qui fe fait par les niantes-
eitinhniment plus doux & meilleur C i ) ‘
eis font, félon M. Kalm , les moyens par
e “^loels^s Naturels de l’Amérique feptentrionale
le gueriffent de la maladie vénérienne.
Un des premiers Médecins de ce fiede, l’illuf-
tre Van-Swieten, parle de la Lobelia de cette ma-
niéré , dans fon Commentaire fur les aphorifmes
de ^oerrrhave , de lue venereâ : fie d celebenimb
^ Mc dignijfirriy vira accepi mdicen Lobeliœ , f
lenit.r cum aquà purâ coquatur , vel tS’ in^
un atur , dure rcmedium , quod certb & tiub , intrà
il) Mcinoircs d; l’Académie de Stocfcolm. ijjo
> C 100 )
icem vel Adjlimmum viginti dies ^ luent vêner^dtn
carat, vacuo ventriculo propinatur hoc decoUum cu^
JUS largior dojis vomitum facit , parcior per alvum
purgat^ minutior adhuc fudores provocat. EJl autem
Lobelia caule en cio foliis ovato--lanceolatis , crenatiSy
fioribus lateralibus. Prodrom. For. Ltyd. Lin. PLorU
Cliffort. pag. <^26. Rapunculus j4mericanus ^ Jlore
dilute cæruleo ; Boerrh. index plant. Torn. I. p. 2y«
Je venois de recevoir, au commencement de
1 année 177^ ? de la part du Gouverneur de la
Louifiane , la propofition d'aller remplacer dans
1 emploi de Médecin de Sa Majefté Catholique ,
pour les troupes en garnifon dans cette Colonie ,
M. Lebeau qui en étoît parti depuis peu pour fe
retirer à Breft , en France , lorfque l'extrait du
Mémoire de M. Kalm , fur la Lobelia Syphilitica,
imprimé dans le Diâionnaire Encyclopédique, me
tomba fous les yeux.
Ma relation avec le Gouverneur de la Louî-
fiane , dont des raifons particulières no m'ont pas
permis d'accepter la propofition , me fit efpérer
que je pourrois facilement me procurer par fon
moyen cette plante. Je l'ai attendue quatre ans ,
durant lefquels je l’ai cherchée inutilement dans
Paris. Je fuis enfin parvenu à me la procurer par
une autre voie vers le milieu de l'année 1780.
Auflî-tôt que je me fuis vu poffelTeur de la Lo-
belia, j'ai cherché à m'affurer fi la plante que je
venois de recevoir , étoit la même que celle dont
parlent MM.Kalm & Van-Swieten.En conféquence
elle a été foumife à l'examen de la Faculté de
Médecine de Paris , & à celui de M. Thouin l’aï-
né , Jardinier en chef du Jardin Royal des Plantes
de la même ville, dont les connoiilances fupérieu-
c loi )
res en Botanicjue ne le cedent qu’à Ion extrême
modeftie. ^ ... , ^
Cette vérification ayant été faite , j’ai jugé a
propos d’eflayer d’abord fur moi-meme les effets
de cette plante , prife en infufion & en poudre a
différentes dofes.
Le 15) Juillet de la même année , à fept heures
&] demie du foir , j’ai avalé , dans unj demi-fetier
de lait tiede , le poids de dix-huit grains de la tige
& des feuilles de la Lobelia defféchée & réduite
en poudre. Je me fuis promené lentement jufqu a
neuf heures & demie, & durant ce temps là je
n^ai éprouvé aucun mouvement extraordinaire ,
aucun effet fenfible dans aucune partie de mon
corps. A dix heures , j*ai mangé la quatrième par-
tie d’une livre de pain , avec un peu de fromage,
& j’ai bu deux verres pleins aux trois quarts d*eau,
& le refte de vin ; je me fuis couché à dix heures &
3c j’ai dormi paifiblement & fans interruption juf-
qu’à cinq heures du lendemain matin. En me ré-
veillant , je me fuis fenti le corps tout couvert
de fueur, 3c dans une fanté parfaite.
Le lendemain , à huit heures du matin , j’ai pris
à jeûn, un gros de la m.ême poudre de Lobelia dans
un demi fetier de lait, ce qui m’a procuré deux
évacuations confidérables par les felles , l’une à
neuf heures , 3c l’autre à onze heures & demie du
matin.
Le 24 du même mois , j’ai mis en infufion ,
demi-once de feuilles feches de Lobelia , dans
une- pinte d’eau de la Seine, durant vingt-quatre
heures. Après avoir paffé l’infufion dans un
un linge , j’en ai bu le matin deux travers
de doigt dans un verre ordinaire, je lui ai trou-
, ( 102 )
l'rpld' deTagreable & un goût
âcre H fai fend unè chaleur
dïcep"" • ^ ^ t liqueur
cfcenuoît dans le canal alimentaire, féprouvois
la meme_ chaleur dans les parties que la liqueur
parcouroit ; cette chaleur alloit toujours en aug-
mentant dans les intelbins & en diminuant dans '
1 œfophage & aans 1 eftomac. Cette fenfation de
chaleur a dure audi jurqu’à onze heures, auquel
emps je n ai plus nen fenti intérieurement des elTets
de cette Iiqneiir.
J’ai remarqué qu’ayant prolongé la veille mes
leéiures fort avant dans la nuit , j’ai eu cette nuit,
comme cela m’arrive toujours dans les mêmes cir-
conlfances , un fommei! difficile & fouvent inter-
rompu, en me levant j’ai eu , félon ma coutume,
un violent mal de tête, qui s’eft diffipé entière-
ment une heure après avoir bu les deux travers
de doigt de linfulion de Lobelia dont je viens
de parler, tandis qu’ordinairement le mal de tête
produit par la même caufe, me dure toute la jour-
nee, & quelquefois deüx ou trois jours, fi je né-
glige de m’en délivrer par quelqu’autre moyen.
Quelques jours après, j’ai fait infufer à chaud
une once de la tige & feuilles feches de Lobelia
dans une pinte d’eau de la Seine durant fix heures,
r un demi- verre de cette infufioa qui m’a-
louieve ] ejbmac ; quatre heures après, ce goût
nauleabonde n etoit pas encore totalement diflîpé.
épreuves & d’autres femblabîes que
J ai laites dans la vue de m’affiirer autant qu’il eft
poffiplede ladofeàlaqueüelaLobeliapeüt étreprife
lans inconvénient , j’ai defiré de vérifier par moi-
même fa propriété anti-vénériemie en 1 adminif-
trant à des malades infedés de la verole. Je n"ai
pas attendu long-temps pour cela; Textrait du Mé-
moire qui accompagnoit la plante que M. le Doc-
teur Philip 5 Doyen aduel de la Faculté de Mé-
decine ^ a bien voulu préfenter de ma part à la Fa-
culté aiïemblée ; Textrait de ce Mémoire fait d’a-
près celui de M. Kalm que j’ai rapporté , ayant été
imprimé dans les différents papiers publics, ma
fourni un nombre plus que fuffifant d’occafions de
conftater l’efficacité de la Lobelia dans les mala-
dies vénériennes.
Mais je ne crois pas que ce remede , non plus
qu’aucun autre anti-vénérien quel qu’il foit , puilTe
fuffire feul , & dans tous les cas.
FIN,
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