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Full text of "Oeuvres de Descartes"

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UNIVERSITY OF TORONTO 


by 


Norman Robertson 


Digitized by the Internet Archive 
in 2009 with funding from 
University of Ottawa 


htip://www.archive.org/details/oeuvresdedescar06desc 


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DISCOURS DE LA MÉTHODE & ESSAIS 


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24 « M. Darsoux, de l'Académie des Sciences doyen de je. Faculté 
TMC des Sciences de l’Université de Paris, et M. BouTroux, de l° Académie 
SES des Sciences Morales et Politiques, professeur d'histoire de la a FL 
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. philosophie moderne à la Soréonne,, ont suivi l'impression de cette 
| Re publication en SE de commissaires responsables. d'ITRRE 
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OEUVRES 


DE 


D CARTES. 


PUBLIÉES 


CuarLes ADAM & Pauz TANNERY 


SOUS LES AUSPICES 


DU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE 


DISCOURS DE LA MÉTHODE & ESSAIS 


VI 


PARIS 
LÉOPOLD CERF, IM PRIMEUR - ÉDITEUR 


12, RUE SAINTE-ANNE, 12 


1902 


AVERTISSEMENT 


Le présent volume contient : 

1° Le Discours de la Méthode et les Essais", d’après l’édi- 
tion originale, publiée en 1637 à Leyde, chez Jan Maire, sans 
nom d'auteur, en format in-4°, avec deux paginations : 3-78 
pour le Discours placé en tête, 1-418 pour les Essais, que 
suivent 31 pages non numérotées, contenant les Tables des 
matières ; 

2° La version latine de cet ouvrage (Specimina Philosophiæ”), 
version due à Etienne de Courcelles, Français établi à Amster- 
dam comme ministre protestant, et publiée à Amsterdam, chez 
Louis Elzevier, en 1644, en meme temps que les Principia 
Philosophiæ de Descartes. Les deux ouvrages dans cette édi- 
tion, sont d'ordinaire réunis en un seul volume in-4°, les Speci- 
mina étant en tête, et comprenant d’abord 16 pages sans numéro 
(titre et indices), puis 331 pages numérotées. Le nom du tra- 
ducteur n'y figure point, mais au contraire celui de Descartes 
attestant (voir ci-après p. 539) qu'il a revu et corrigé le texte, 
et l’avouant, au moins quant au sens, comme seconde édition. 

Etienne de Courcelles avait laissé de côté le dernier des 
trois Essais, c’est-à-dire la Géométrie. Une version latine en 
parut également du vivant même de Descartes : GEOMETRIA, 4 
Renato Des Cartes anno 1637 Gallicè edita ; nunc autem cum 
notis Florimondi de Beaune #7 Curia Blesensi Consiliarii Regii 


1. Voir ci-après le titre complet sur la reproduction phototypique 
du frontispice de l'édition originale. 


VI AVERTISSEMENT. 


in Latinam linguam versa, et Commentariis tllustrata, opera 
atque studio Francisci à Schooten Leydensis, in Academia 
Lugduno-Bataya Matheseos Professoris Belgicè docentis. 
(Lugduni Batavorum. Ex officina Ioannis Maire. M. pc. xuix, 
in-4° ‘.) Mais cette fois, quoiqu'en très bonnes relations avec 
Schooten, qu'on doit même tout à fait regarder comme son 
disciple en mathématiques, Descartes tint à lui laisser toute la 
responsabilité de cette édition, et il s'exprime nettement à cet 
égard dans une lettre à Mersenne du 4 avril 1648 (Correspon- 
dance, t. V, p. 145). I nous suffisait donc de signaler en notes 
les quelques divergences, justifiées en général, que présente, 
avec le texte français, la version de Schooten, dont la fidélité 
est au reste remarquable et dont la latinité est beaucoup plus 
claire et correcte que Descartes ne semble l'avoir espéré. 
Malheureusement , sous ce dernier rapport, la version 
d'Etienne de Courcelles laisse au contraire singulièrement à 
désirer, et entre les lignes dans lesquelles Descartes en cons- 
tate l'exactitude (beaucoup trop littérale et obtenue, le plus sou- 
vent, à l’aide d’étranges gallicismes), on peut bien lire que, s’il 
avoue le sens, comme nous l’avons dit, il ne prend pas le style 
à son compte. Mais, s’il n’a pas voulu s’astreindre à le corri- 
ger et à y imprimer sa marque {ce qui lui aurait coûté plus de 
peine que de refaire lui-même toute la version), il n’en a pas 
moins certainement apporté des changements considérables : 
diverses inadvertances de la rédaction de 1637 ont disparu; 
l'exposition, en plusieurs endroits, a subi un remaniement im- 
portant; les additions, plus ou moins notables, sont fréquentes *. 
Tout cela est aisément reconnaissable ; mais le critérium qu’il 


1. Schooten donna en 1659 une seconde édition (Amsterdam, Louis et 
Daniel Elzevier), dans laquelle ses commentaires sont sensiblement déve- 
loppés, et qui, grossie d’opuscules tant de lui-même que de Hudde, H.van 
Heuraet, Florimond Debeaune, Jean de Witt, constitue, en deux volumes, 
un véritable corpus de la géométrie cartésienne à cette date. C'est de cette 
seconde édition que nous nous sommes particulièrement servis. 

2. Elles ont été, au moins les plus saillantes, indiquées entre guille- 


mets dans le texte latin. 


AVERTISSEMENT. VII 


indique pour distinguer ses corrections, à savoir la liberté 
prise par rapport au texte de 1637, est évidemment insuffisant 
pour discerner sûrement les retouches de détail, lorsque l’au- 
teur n’a cherché, par le choix d’une expression, qu’à préciser 
un peu mieux sa pensée. Dans ces conditions, on doit dire que, 
pour s'assurer si Descartes, pour tel passage des Essais que 
l’on veut approfondir, h’a pas eu un repentir avant 1644, ïl 
faut toujours confronter avec soin le texte des Specimina. 
Nous avons donc jugé nécessaire de le donner intégralement,en 
petits caractères ; la seule indication des divergences, en notes 
sur le texte français, eût entraîné, soit une minutie excessive, 
soit des exclusions arbitraires; d’autre part, la fréquence, dans 
la littérature philosophique, des renvois au texte des Specimina 
rendait désirable la réédition de ce texte. 

Quant aux nombreuses éditions du premier ouvrage de 
Descartes, qui ont suivi sa mort, nous n'avions pas à en tenir 
compte, notre plan étant limité à la reproduction des éditions 
originales. Mais nous donnons celles-ci complètement, du titre 
aux tables des matières et aux privilèges. Exception n’a été 
faite que pour les errata, que nous avons naturellement corri- 
gés en leur lieu. 

Les dispositions typographiques convenables ont été prises 
pour indiquer le commencement et la fin de chaque page des 
éditions originales et pour établir la correspondance entre les 
pages de cette édition pour le texte français et pour le texte 
latin *. 

Il nous reste à dire quelques mots sur les principes que 
nous avons suivis pour l'orthographe, en particulier pour 
celle du texte français, qui seule peut faire question. Les 
Remarques sur l'orthographe de Descartes, insérées pages 
LxxIx-CV du Tome I de la Correspondance, nous dispensent 
de nouveaux développements sur ce sujet, mais nous avons à 
justifier les écarts apparents à l'annonce qui y a été faite que 


1. Pour le texte français, les numéros des pages originales figurent sur 
la ligne du titre courant ; pour le texte latin, voir la note de la page 540. 
Œuvres. I, ê 


VIII AVERTISSEMENT. 


nous suivrions scrupuleusement les éditions parues du vivant 
de l’auteur, et dont lui-même a corrigé le texte, lorsqu'on 
l'imprimait. 

Nous n'avons nullement varié sur le principe ; nous consi- 
dérons, au contraire, de plus en plus comme important de res- 
tituer aux écrits de Descartes la physionomie orthographique 
qui les a caractérisés. 

En particulier, les singularités qu'offrait à cet égard le Dus- 
cours de la Méthode, ne pouvaient manquer d’influer sur les 
lecteurs, surtout sur ceux pour qui il devint un livre de chevet. 
Cette influence, dont il serait aisé de fournir des exemples, se 
décèle, il est vrai, beaucoup plus dans les autographes du 
temps que dans les ouvrages imprimés. Mais elle persista 
longtemps et n’est point historiquement négligeable, ce qui 
serait un motif suflisant pour la fidèle reproduction du vo- 
lume de 1637. 

Cependant procéder en cette matière « comme en diploma- 
tique » eût été, à l'égard de Descartes, une trahison d'autant 
plus flagrante qu’il a lui-même signalé, à propos de l’errata 
(voir ci-après, p. 514, note) que nombre de fautes restaient à 
corriger et que les distinctions (signes de ponctuation) laissaient 
souvent à désirer. L'édition de Jan Maire est d’ailleurs incon- 
testablement très incorrecte au point de vue typographique : 
en particulier, l'orthographe d’un même mot et l’accentuation 
surtout sont singulièrement inconstantes. 

L'excuse présentée par Descartes, à savoir que le compositeur 
n’entendait pas un mot de français, signifie toutefois seule- 
ment que l’auteur n’a pas trouvé, à Leyde, le précieux concours 
que prêtent d'ordinaire les protes et les tierceurs pour assurer 
la régularité de l'orthographe et pour faire disparaître les in- 
corrections grammaticales ; car, plus le compositeur était igno- 
rant du français, plus il a dû s’efforcer de suivre fidèlement la 
copie. Il faudrait donc pouvoir faire un départ entre les véri- 
tables fautes d'impression et les incorrections du manuscrit. 

Or si, dans nombre de cas, la distinction est aisée à faire, 


hit ne nn ti tee tt titine À nds. 


Er 


tt lies. 


AVERTISSEMENT. IX 


dans beaucoup d’autres, on reste dans l'incertitude. D'autre 
part, le manuscrit était-il de la main de Descartes, ou avait-il 
fait préparer, pour l'imprimeur, des expéditions au net par un 
ou plusieurs copistes, qui auront pu introduire, plus ou moins 
accidentellement, des formes de leur propre orthographe, au 
lieu de celle de Descartes? Au moins pour la Dioptrique, la 
copie était d’une main spéciale. Dans ce traité, en effet, tel que 
le donne l'édition de 1637, domine la forme ceste, tandis que, 
dans les autres parties de l'ouvrage, cette forme n'apparaît 
point,et qu'on voit irrégulièrement alterner les formes cette et 
cete, dont la dernière seule est authentiquement cartésienne, 
les autographes excluant absolument les deux autres. 

En présence de ces difhcultés, nous ne pouvions cependant 
nous résoudre à surcharger le bas des pages de variantes pure- 
ment orthographiques. C'était absolument sans intérêt, puis- 
que celles que nous avons données dans les volumes de la 
Correspondance constituent un ensemble de matériaux large- 
ment suflisant pour l'étude. 

Nous avons donc convenu, tout d’abord, de corriger tacite- 
ment les fautes d'impression évidentes, ainsi que les inadver- 
tances grammaticales (singulier pour pluriel, féminin pour 
masculin, ou inversement), qui devaient plutôt entacher déjà 
la copie. Nous n'avons pas eu plus de scrupule pour les incor- 
rections de même ordre dans les formules algébriques de la 
Géométrie. 

Nous avons, en second lieu, essayé de régulariser la ponc- 
tuation d’après le sens, tout en évitant de la moderniser systé- 
matiquement, ce qui est d’ailleurs incompatible avec la coupe 
des phrases de Descartes. Nous avons, d’autre part, conformé 
l’accentuation à l'usage du philosophe qui est bien établi’. 


1. Je dois ajouter, cependant, que, pour la facilité de la lecture, j'ai 
imprimé régulièrement o#, adverbe, dans les trois Essais, alors que 
l’usage le plus fréquent de Descartes est de ne pas mettre l'accent, pas 
plus que pour la conjonction. De même pour /à, adverbe; au contraire, 
pour à, préposition, l’omission de l'accent n'amène jamais d’hésita- 
tion. (T.) 


X AVERTISSEMENT. 


Nous avons, au contraire, laissé en principe subsister les di- 
vergences d'orthographe ou les formes mal assurées, sauf à 
faire disparaitre les anomalies trop choquantes (variations dans 
la même page ou forme unique contre de nombreux exemples 
d'une autre forme). Mais nous avons corrigé tout ce qui nous 
a paru, avec assez de probabilité, être dû, soit à des fautes 
d'impression, soit à des lapsus calami, soit enfin à des altéra- 
tions dues aux copistes employés par Descartes. 

En résumé, toutes les fois que nous avons douté s’il n'y avait 
pas eu, de la part de Descartes, soit une dérogation consciente 
à l’usage, soit une indifférence entre deux formes, nous nous 
sommes abstenus de toute correction ; nous avons corrigé, au 
contraire, lorsque nous n'avons pas cru que l’orthographe püt 
être celle que Descartes aurait réellement voulue en écrivant 
le mot avec attention ‘. 

Mais, si les principes que nous avons adoptés se justifient 
assez d'eux-mêmes, les avons-nous toujours appliqués d’une 
façon irréprochable ? Ils laissent une trop large part à l’appré- 
ciation individuelle pour nous mettre, dans le détail, à l’abri 
de toute critique, et nous-mêmes, après la dernière revision du 
texte original sur les feuilles de cette édition déjà tirées, nous 
éprouvons divers scrupules sur quelques cas où l'évidence ne 
nous semblait point contestable. Ainsi exfrordinaire paraît 


1. Les formes corrigées se réduisent aux suivantes, en dehors des 
fautes d'impression proprement dites : 

1° Emploi de l'y ou de l’i. — Ayt, croire, aussytost. 

20 Diphtongues. — Ceuillir et receuillir — neuds. — transparant. 

3° Pluriel, — Nez (nés), difficultéz, esloignez. La forme des pluriels en 
és est à peu près exclusivement employée dans l'édition de 1637. Mais au 
moment où elle paraissait, Descartes, à en juger par son errata, se serait 


précisément rallié à la forme ez. — Estans (forme isolée, en regard d’es- 
tant). — Toutefoix. 

4° S d’'accentuation. — Voyage, batissoit, pretast, inegale. — Des- 
pendre (l'étymologie latine exige dependre), étois. — Cest, cét, cestuy. 

50 Lettres doublées ou non prononcées, — Celluy, cella, parfaitte, 
esclattant, temps, trouts. — Pieres, rons. 


6° Emploi de l’x. — Reflection. 


4 


À 
F 
4 
L. 
‘4 
Ë 


AVERTISSEMENT. XI 


une faute certaine ; nous avons donc imprimé extraordinaire, 
jusqu’au moment où nous avons constaté que l’autre forme est 
la seule qui se rencontre dans l'édition de 1637. De même /eur, 
au pluriel du pronom possessif, semble bien être une forme 
consciemment adoptée par Descartes, au lieu de leurs. Dans un 
cas isolé, au contraire, si nous avons imprimé /a plus grande 
part, nous devons cependant regarder comme possible que 
Descartes, par une élision conforme à une prononciation plus 
ou moins répandue, ait volontairement écrit la plus grand 
part, en omettant l'apostrophe à laquelle il ne fait d'ordinaire 
pas d'attention. 

Nous ne pouvons donc affirmer qu’une chose, c’est que, nous 
étant chargés de la responsabilité du texte, l’un pour le Dis- 
cours de la Méthode, l'autre pour les Essais, nous avons cha- 
cun fait de notre mieux pour garder un juste milieu entre les 
tendances à une systématisation trop rigoureuse ou à une fidé- 
lité trop servile. Quelques erreurs nous ont échappé avant la 
correction définitive ou se sont produites au tierçage. En voici 
le relevé : 


Page 5, ligne 10, estimast] /ire m'estimast. 

Page 5, ligne 26, des] lire de tous les. 

Page 25, ligne 8, le trait de séparation verticale doit être 
supprimé. 

Page 28, lignes 8-0, 1! semble qu'on devrait lire: selon que 
nostre entendement la luy represente bonne ou mauuaise. 

Page 44, ligne 24, après quelquefois, ajouter que. 

Page 46, ligne 23, après trouuois, ajouter toutes. 

Page 47, ligne 11, receptable] lire receptacle. 

Page 50, ligne 3, ce] lire le. 

Page 50, ligne 6, desenflent] /re se desenflent. 

Page 53, ligne 17, après qu'vne, ajoutez seule. 

Page 55, ligne 10, estres] lire estre. — Ligne 21 : recuës] lire 
receuës. 

Page 55, ligne 26, ces] lire ses. 

Page 71,ligne 1, subtiles] /ire subtils. 


XII AVERTISSEMENT. 


Page 94, ligne 4, il n’est] /ire il n'est pas. 

Page 104, ligne 14, peut] lire peut bien. 

Page 144, ligne 13, obiet] lire œil. — Correction indiquée 
par Descartes, Correspondance, t. IT, p. 481, 1. 7, et d’ailleurs 
introduite dans l'édition latine. 

Page 146, ligne 30, encores] /ire qu'encores. 

Page 157, ligne 13, ces] Are ses. 

Page 174, ligne 30, BDOR] re DBOR. 

Page 180, ligne 5, BI] Zre NI. 

Page 462, ligne 4, iusques en E] /ire iusques a E, 


DIS C'O'UXRSS 


DE LA°MELCAODE 


Pour bien conduire fa raifon,& chercher 


la verite dans les{ciences. 
BRTEURS 


EDIOPTRIQWUE. 


ÉESMETEORES. 
ET 
EASGEOMETRIE. 


Qui font des effais de cete Mstnons. 


AE YS yviD.E 
De lImprimerie de [an Marre. 
CIS I5 © xxxvir 


Arec Priuilege. 


2: 


BIS COURS 


Bebe ME PRODE 


POUR BIEN CONDUIRE SA RAISON ET CHERCHER 


LA VERITÉ DANS LES SCIENCES 


S1 ce difcours femble trop long pour eflre tout leu 
en yne fois, on le pourra diflinguer en fix parties. Et, 
en la premiere, on trouuera diuerfes confiderations tou- 
chant les fciences. En la feconde, les principales regles 
de la Methode que l'Autheur a cherchée. En la 3, 
quelques vnes de celles de la Morale qu'il a tirée de cete 
Methode. En la 4, les raifons par lefquelles il prouue 
l'exiflence de Dieu & de l'ame humaine, qui font les 
fondemens de fa Metaphyfique. En la 5, l’ordre des 


io queflions de Phyfique qu'il a cherchées, € particuliere- 


ment l'explication du mouuement du cœur € de quelques 
autres difficultez qui appartienent a la Medecine, puis 
auffy la difference qui efl entre nofire ame & celle des 
befles. Et en la derniere, quelles chofes il croit eflre 
requifes pour aller plus auant en la recherche de la Na- 
ture qu'il n'a eflé, 6 quelles raifons l'ont fait efcrire. 


Le bon fens eft la chofe du monde la mieux par- 
tagée : car chafcun penfe en eftre fi bien pouruü, que 


Œuveess. I. I 


PREMIERE 
PARTIE. 


2 Œuvres DE DESCARTES. De 


ceux mefme qui font les plus difiiciles a contenter en 
toute autre chofe, n’ont point couftume d'en defirer 
plus qu'ils en ont. En quoy il n'eft pas vrayfemblable 
que tous fe trompent ; mais plutoft cela tefmoigne que 
la puiflance de bien iuger, & diftinguer le vray d'auec 
le faux, qui eft proprement ce qu'on nomme le bon 
fens ou la raifon, eft naturellement efgale en tous les 
hommes; et ainfi que la diuerfité de nos opinions ne 
vient pas de ce que les vns font plus raifonnables que 
les! autres, mais feulement de ce que nous condui- 
fons nos penfées par diuerfes voyes, & ne confiderons 
pas les mefmes chofes. Car ce n'eft pas aflez d'auoir 
l’efprit bon, mais le principal eft de l'appliquer bien. 
Les plus grandes ames font capables des plus grans 
vices, auffy bien que des plus grandes vertus ; et ceux 
qui ne marchent que fort lentement, peuuent auancer 
beaucoup dauantage, s'ils fuiuent toufiours le droit 
chemin, que ne font ceux qui courent, & qui s'en 
efloignent. 

Pour moy, ie n'ay iamais prefumé que mon efprit 
fuft en rien plus parfait que ceux du commun ; mefme 
i'ay fouuent fouhaité d'auoir la penfée auffy prompte, 
ou l'imagination aufly nette & diftincte, ou la me- 
moire aufly ample, ou aufly prefente, que quelques 
autres. Et ie ne fçache point de qualitez que celles 
cy, qui feruent a la perfeétion de l'efprit : car pour la 
raifon, ou le fens, d'autant qu'elle eft la feule chofe 
qui nous rend hommes, & nous diftingue des beftes, 
ie veux croyre qu'elle eft toute entiere en vn chafcun, 
& fuiure en cecy l'opinion commune des Philofophes, 
qui difent qu'il n'y a du plus & du moins qu'entre les 


20 


25 


30 


malins à. rural, Soaiiére ne où 


sé 


+ 


rés th, Li, sb RAGE 


DOPRRT-. . 


20 


25 


30 


45. Discours DE LA METHODE. 3 
accidens, & non point entre les formes, ou natures, des 
indiuidus d'vne mefme e/pece. 

Mais ie ne craindray pas de dire que 1e penfe auoir 


-eu beaucoup d'’heur, de m'eftre rencontré dés ma ieu- 
y 


nefle en certains chemins, qui m'ont conduit a des 
confiderations & des maximes, dont ray formé vne 
Methode, par laquelle il me femble que ray moyen 
d'augmenter par degrez ma connoiflance, & de l'efle- 
uer peu a peu au plus haut point, auquel la mediocrité 
de mon efprit & la courlte durée de ma vie luy pour- 
ront permettre d'atteindre. Car i'en ay defia recueilly 
de tels fruits, qu'encore qu'aux iugemens que ie fais 
de moymefme, ie tafche toufiours de pencher vers le 
cofté de la defiance, plutoft que vers celuy de la pre- 
fomption; & que, regardant d'vn œil de Philofophe les 
diuerfes actions & entreprifes de tous les hommes, il 
n’y en ait quafi aucune qui ne me femble vaine & inu- 
tile; ie ne laiffle pas de receuoir vne extreme fatisfac- 
tion du progrés que ie penfe auoir defia fait en la 
recherche de la verité, & de conceuoir de telles efpe- 
rances pour l'auenir, que fi, entre les occupations des 
hommes purement hommes, il y en a quelqu vne qui 
foit folidement bonne & importante, r'ofe croyre que 
c'eft celle que ray choifie. 

Toutefois il fe peut faire que ie me trompe, & ce 
n'eft peuteftre qu'vn peu de cuiure & de verre que ie 
prens pour de l’or & des diamans. le fçay combien 
nous fommes fuiets a nous méprendre en ce qui nous 
touche, & combien aufly les iugemens de nos amis 
nous doiuent eftre fufpeéts, lorfqu'ils font en noftre 
faueur. Mais ie feray bien ayfe de faire voir, en ce dif- 


À OEuvREs DE DESCARTES. 5-6. 


cours, quels font les chemins que ray fuiuis, & d'y 
reprefenter ma vie comme en vn tableau, affin que 
chafcun en puifle iuger, & qu'apprenant du bruit 
commun les opinions qu'on en aura, ce foit vn nou- 
ucau moyen de m'inftruire, que radioufteray a ceux 
dont 1 ay couftume de me feruir. 

Ainfi mon deflein n'eft pas d'enfeigner icy la Me- 
thode que chafcun doit fuiure pour bien conduire fa 
raifon, mais feulement de faire voir en quelle forte 
j'ay tafché de conduire la miene. Ceux qui fe meflent 
de donner | des preceptes, fe doiuent eftimer plus 
habiles que ceux aufquels ils les donnent; & s'ils 
manquent en la moindre chofe, ils en font blafmables. 
Mais, ne propofant cet efcrit que comme vne hiftoire, 
ou, fi vous l'aymez mieux, que comme vne fable, en 
laquelle, parmi quelques exemples qu'on peut imiter, 
on en trouuera peuteftre aufly plufieurs autres qu'on 
aura raifon de ne pas fuiure, r'efpere qu'il fera vtile 
a quelques vns, fans eftre nuifible a perfonne, & que 
tous me fçauront gré de ma franchife. 

l'ay efté nourri aux lettres dés mon enfance, & 
pource qu'on me perfuadoit que, par leur moyen, on 
pouuoit acquerir vne connoiffance claire & aflurée de 
tout ce qui eft vtile a la vie, l'auois vn extreme defir 
de les apprendre. Mais fitoft que 1'eu acheué tout ce 
cours d’eftudes, au bout duquel on a couftume d'eftre 
receu au rang des doéctes, ie changeay entierement 
d'opinion. Car ie me trouuois embaraflé de tant de 
doutes & d'erreurs, qu'il me fembloit n’auoir fait autre 
profit, en tafchant de m'inftruire, finon que r'auois dé- 
couuert de plus en plus mon ignorance. Et neanmoins 


20 


25 


30 


20 


25 


30 


6-7. Discours DE LA METHODE. $ 


l'eftois en l'vne des plus celebres efcholes de l'Europe, 
où ie penfois qu'il deuoit y auoir de fçauans hommes, 
sil y en auoit en aucun endroit de la terre. l'y auois 
appris tout ce que les autres y apprenoient; & mefme, 
ne meftant pas contenté des fciences qu'on nous en- 
feignoit, l'auois parcouru tous les liures, traitans de 
celles qu'on eftime les plus curieufes & les plus rares, 
qui auoient pù tomber entre mes mains. Auec cela, ie 
fçauois les iugemens que les autres faifoient de moy; 
& ie ne voyois point qu'on eftimaft inferieur a mes 
condifciples, bien qu'il y en euft defia entre | eux 
quelques vns, qu'on deftinoit a remplir les places de 
nos maiftres. Et enfin noftre fiecle me fembloit auffy 
fleuriflant, & aufly fertile en bons efprits, qu'ait efté 
aucun des precedens. Ce qui me faifoit prendre la 
liberté de iuger par moy de tous les autres, & de 
penfer qu'il n y auoit aucune doctrine dans le monde, 
qui fuft telle qu'on m'auoit auparauant fait efperer. 
le ne laiflois pas toutefois d’eftimer les exercices, 
aufquels on s'occupe dans les efcholes. Ie fçauois que 
les langues, qu'on y apprent, font neceffaires pour 
l'intelligence des liures anciens ; que la gentilleffe des 
fables refueille l’efprit; que les aétions memorables 
des hiftoires le releuent, & qu'eftant leuës auec dif- 
cretion, elles aydent a former le iugement; que la 
lecture des bons liures eft comme vne conuerfation 
auec les plus honneftes gens des fiecles pañlez, qui en 
ont efté les autheurs, & mefme vne conuerfation eftu- 
diée, en laquelle ils ne nous découurent que les meil- 
leures de leurs penfées; que l'Eloquence a des forces 
& des beautez incomparables; que la Poëfie a des 


* 


6 OEUVRES DE DESCARTES. Re 


delicatefles & des douceurs tres rauiffantes ; que les 
Mathematiques ont des inuentions tres fubtiles, & qui 
peuuent beaucoup feruir, tant a contenter les curieux, 
qu'a faciliter tous les arts, & diminuer le trauail des 
hommes; que les efcris qui traitent des meurs con- 
tienent plufieurs enfeignemens, & plufieurs exhorta- 
uons a la vertu qui font fort vtiles; que la Theologie 
enfeigne a gaigner le ciel; que la Philofophie donne 
moyen de parler vrayfemblablement de toutes chofes, 


& fe faire admirer des moins fçauans; que la lurif-. 


prudence, la Medecine & les autres | fciences ap- 
portent des honneurs & des richefles a ceux qui les 
cultiuent; et enfin, qu'il eft bon de les auoir toutes 
examinées, mefme les plus fuperflitieufes & les plus 
fauffes, affin de connoiftre leur iufte valeur, & fe 
garder d'en eftre trompé. R 

Mais ie croyois auoir defia donné affez de tems aux 
langues, & mefme auffy a la leéture des liures anciens, 
& a leurs hiftoires, & a leurs fables. Car c’eft quafi le 
mefme de conuerfer auec ceux des autres fiecles, que 
de voyafger. Il eft bon de fçauoir quelque chofe des 
meurs de diuers peuples, aflin de iuger des noftres 
plus fainement, & que nous ne penfions pas que tout 
ce qui eft contre nos modes foit ridicule, & contre 
raifon, ainfi qu'ont couftume de faire ceux qui n'ont 
rien vü. Mais lorfquon employe trop de tems a 
voyafger, on deuient enfin eftranger en fon païis; 
& lorfqu'on eft trop curieux des chofes qui fe prati- 
quoient aux fiecles paflez, on demeure ordinairement 
fort ignorant de celles qui fe pratiquent en cetuyey. 
Outre que les fables font imaginer plufieurs euene- 


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8-0. Discours DE LA METHODE. 7 


mens comme poflibles qui ne le font point; et que 
mefme les hiftoires les plus fideles, fi elles ne changent 
ny n augmentent la valeur des chofes, pour les rendre 
plus dignes d’eftre leuës, au moins en omettent elles 
prefque toufiours les plus baffes & moins illuftres cir- 
conftances : d'où vient que le refte ne paroift pas tel 
quileft, & que ceux qui reglent leurs meurs par les 
exemples qu'ils en tirent, font fuiets a tomber dans 
les extrauagances des Paladins de nos romans, & a 
conceuoir des deffeins qui paffent leurs forces. 

l'eftimois fort l'Eloquence, & r'eftois amoureux de 
la | Poëfie ; mais ie penfois que l'vne & l’autre eftoient 
des dons de l'efprit, plutoft que des fruits de l’eftude. 
Ceux qui ont le raifonnement le plus fort, & qui di- 
gerent le mieux leurs penfées, affin de les rendre 
claires & intelligibles, peuuent toufiours le mieux 
perfuader ce qu'ils propofent, encore qu'ils ne par- 
laflent que bas Breton, & qu'ils n'euffent iamais apris 
de Rhetorique. Et ceux qui ont les inuentions les plus 
agreables, & qui les fçauent exprimer auec le plus 
d'ornement & de douceur, ne lairroient pas d'eftre les 
meilleurs Poëtes, encore que l’art Poëtique leur fuft 
inconnu. 

‘ Je me plaifois furtout aux Mathematiques, a caufe 
de la certitude & de l’euidence de leurs raifons ; mais 
le ne remarquois point encore leur vray vfage, & pen- 
fant qu’elles ne feruoient qu'aux Arts Mechaniques, 
ie meftonnois de ce que, leurs fondemens eftans fi 
fermes & fi folides, on n'auoit rien bafti deffus de plus 
releué. Comme, au contraire, ie comparois les efcris 
des anciens payens, qui traitent des meurs, a des palais 


8 Œuvres DE DESCARTES. 9-10. 


fort fuperbes & fort magnifiques, qui n'eftoient baftis 
que fur du fable & fur de la bouë. Ils efleuent fort 
haut les vertus, & les font paroiftre eftimables par 
deffus toutes les chofes qui font au monde; mais ils 
n'enfeignent pas allez a les connoiftre, & fouuent ce 
qu'ils appelent d'vn fi beau nom, n'eft qu'vne infenfi- 
bilité, ou vn orgueil, ou vn defefpoir, ou vn parricide. 


le reuerois noftre Theologie, & pretendois, autant 


qu'aucun autre, a gaigner le ciel; mais ayant apris, 
comme chofe tres affurée, que le chemin n'en eft pas 
moins ouuert aux plus ignorans qu'aux plus doétes, 
& que les | veritez reuelées, qui y conduifent, font au 
deflus de noftre intelligence, ie n'euffe ofé les fou- 
mettre a la foiblefle de mes raifonnemens, & ie pen- 
fois que, pour entreprendre de les examiner & y 
reuflir, il eftoit befoin d'auoir quelque extraordinaire 
afiftence du ciel, & d’eftre plus qu'homme. 

le ne diray rien de la Philofophie, finon que, voyant 
qu'elle a eflé cultiuée par les plus excellens efprits qui 
ayent vefcu depuis plufieurs fiecles, & que neanmoins 
il ne s'y trouue encore aucune chofe dont on ne dif- 
pute, & par confequent qui ne foit douteufe, ie n'auois 
point aflés de prefomption pour efperer d'y rencon- 
trer mieux que les autres; et que, confiderant combien 
il peut y auoir de diuerfes opinions, touchant vne 
mefme matiere, qui foient fouftenuës par des gens 
doûtes, fans qu'il y en puiffe auoir 1amais plus d'vne 
feule qui foit vraye, ie reputois prefque pour faux 
tout ce qui n’eftoit que vrayfemblable. 

Puis, pour les autres fciences, d'autant qu elles em- 
pruntent leurs principes de la Philofophie, ie iugeois 


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se 


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ro-11. Discours DE LA METHODE. (o) 


qu'on ne pouuoit auoir rien bafti, qui fuft folide, fur 
des fondemens fi peu fermes. Et ny l'honneur, ny le 
gain qu'elles promettent, n'eftoient fufiifans pour me 
conuier a les apprendre; car ie ne me fentois point, 
graces a Dieu, de condition qui mobligeaft a faire 
vn meftier de la fcience, pour le foulagement de ma 
fortune; et quoy que ie ne fifle pas profeflion de mef- 
prifer la gloire en Cynique, ie faifois neanmoins fort 
peu d'eftat de celle que ie n'efperois point pouuoir 
acquerir qu'a faux titres. Et enfin, pour les mauuaifes 
doctrines, ie penfois defia conhnoiftre affés ce qu'elles 
valoient, pour n'eftre plus fuiet a eftre trompé, ny par 
les promefles d’vn Alchemifte, ni par les predictions 
d'vn Aftrologue, ny par les impoftures d'vn Magicien, 
ny par les artifices ou la venterie d'aucun de ceux qui 
font profeflion de fçauoir plus qu’ils ne fçauent. 

C’eft pourquoy, fitoft que l’aage me permit de fortir 
de la fuietion de mes Precepteurs, ie quittay entiere- 
ment l'eftude des lettres. Et me refoluant de ne cher- 
cher plus d'autre fcience, que celle qui fe pourroit 
trouuer en moymefme, ou bien daris le grand liure du 
monde, iemployay le refte de ma ieunefle à voyafger, 
a voir des cours & des armées, a frequenter des gens 
de diuerfes humeurs & conditions, a recueillir di- 
uerfes experiences, a mefprouuer moymefme dans 
les rencontres que la fortune me propoloit, & partout 
a faire telle reflexion fur les chofes qui fe prefen- 
toient, que j'en püfle tirer quelque profit. Car 1l me 
fembloit que ie pourrois rencontrer beaucoup plus de 
verité, dansles raifonnemens que chafeun faittouchant 
les affaires qui luy importent, & dont l'euenement 


Œuvres. I. 2 


haine oh 4 07 à 


10 Œuvres DE DESCARTES. FIST 2) 


le doit punir bientoft aprés, s'il a mal iugé, que dans 
ceux que fait vn homme de lettres dans fon cabinet, 
touchant des fpeculations qui ne produifent aucun 
effe&, & qui ne luy font d'autre confequence, finon 
que peuteftre il en tirera d'autant plus de vanité 
qu'elles feront plus efloignées du fens commun, a 
caufe qu'il aura deu employer d’autant plus d'efprit 
& d'artifice a tafcher de les rendre vrayfemblables. 
Et j'auois toufiours vn extreme defir d'apprendre a 
diftinguer le vray d’auec le faux, pour voir clair en 
mes actions, |& marcher auec aflurance en cete vie. 

Il eft vray que, pendant que ie ne faifois que confi- 
derer les meurs des autres hommes, ie n'y trouuois 
gueres de quoy m'aflurer, & que 1 y remarquois quafi 
autant de diuerfité que j'auois fait auparauant entre 
les opinions des Philofophes. En forte que le plus 
grand profit que j'en retirois, eftoit que, voyant plu- 
fieurs chofes qui, bien qu'elles nous femblent fort 
extrauagantes & ridicules, ne laiflent pas d'eftre com- 
munement receuës & approuuées par d'autres grans 
peuples, r'apprenois a ne rien croyre trop fermement 
de ce qui ne m'auoit efté perfuadé que par l'exemple 
& par la couftume; et ainfi ie me deliurois peu a peu 
de beaucoup d'erreurs, qui peuuent offufquer noftre 
lumiere naturelle, & nous rendre moins capables d'en- 
tendre raifon. Mais aprés que i eu employé quelques 
années a eftudier ainfi dans le liure du monde, & a 
tafcher d'acquerir quelque experience, ie pris vn 1our 
refolution d’eftudier aufly en moymefme, & d'employer 
toutes les forces de mon efprit a choyfir les chemins 
que ie deuois fuiure. Ce qui me reuflit beaucoup 


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12-13. Discours DE LA, METHODE. IT 


mieux, ce me femble, que fi ie ne me fufle iamais ef- 
loigné, ny de mon païs, ny de mes liures. 


l'eftois alors en Allemaigne, ou l'occafion des 
guerres quin y font pas encore finies m'auoit appelé; & 
comme ie retournois du couronnement de l'Empereur 
vers l’armée, le commencement de l'hyuer m'arefta en 
vn quartier, Ou ne trouuant aucune conuerfation qui 
me diuertift, & n ayant d'ailleurs, par bonheur, aucuns 
foins ny paflions qui me troublaffent, ie demeurois 
tout le iour enfermé feul dans vn poëfle, ou i'auois 
tout loyfir de | m'entretenir de mes penfées. Entre 
lefquelles, l'vne des premieres fut que ie m'auifay de 
confiderer, que fouuent il n'y a pas tant de perfeétion 
dans les ouurages compofez de plufieurs pieces, & 
faits de la main de diuers maiftres, qu'en ceux auf- 
quels vn feul a trauaillé. Ainfi voit on que les baf- 
timens qu vn feul Architecte a entrepris & acheuez, 
ont couftume d'eftre plus beaux & mieux ordonnez, 
que ceux que plufieurs.ont tafché de racommoder, en 
faifant feruir de vieilles murailles qui auoient efté 
bafties a d'autres fins. Ainfi ces ancienes citez, qui, 
n'ayant eflé au commencement que des bourgades, 
font deuenuës, par fucceflion de tems, de grandes 
villes, font ordinairement fi mal compaffées, au pris de 
ces places regulieres qu'vn Ingenieur trace a fa fan- 
taifie dans vne plaine, qu'encore que, confiderant leurs 
edifices chafcun a part, on y trouue fouuent autant 
ou plus d'art qu'en ceux des autres, toutefois, a voir 
comme ils font arrangez, icy vn grand, là vn petit, & 
comme ils rendent les rues courbées & inefgales, on 


SECONDE 
PARTIE. 


12 ŒuvRESs DE DESCARTES. 13-14. 


diroit que c'eft plutoft la fortune, que la volonté de 
quelques hommes vfans de raifon, qui les a ainfi dif- 
pofez. Et fi on confidere qu'il y a eu neanmoins de 
tout tems quelques officiers, qui ont eu charge de 
prendre garde aux baftimens des particuliers, pour 
les faire feruir a l'ornement du publie, on connoiftra 
bien qu'il eft malayfé, en ne trauaillant que fur les 
ouurages d'autruy, de faire des chofes fort accom- 
plies. Ainfi ie m'imaginay que les peuples qui, ayant 
efté autrefois demi fauuages, & ne s'eflant ciuilifez 
que peu a peu, n'ont fait leurs loix qu'a mefure que 
l'incommodité des crimes & des querelles les y a/con- 
trains, ne fçauroient eftre fi bien policez que ceux 
qui, dés le commencement qu'ils fe font aflemblez, 
ont obferué les conflitutions de quelque prudent Le- 
giflateur. Comme il eft bien certain que l’eftat de la 
vraye Religion, dont Dieu feul a fait les ordonnances, 
doit eftre incomparablement mieux reglé que tous les 
autres. Et pour parler des chofes humaines, 1e croy 
que, fi Sparte a efté autrefois tres floriflante, ce n'a 
pas efté a caufe de la bonté de chafcune de fes loix en 
particulier, vû que plufieurs eftoient fort eftranges, & 
mefme contraires aux bonnes meurs, mais a caufe 
que, n'ayant efté inuentées que par vn feul, elles ten- 
doient toutes a mefme fin. Et ainfi ie penfay que les 
fciences des liures, au moins celles dont les raifons 
ne font que probables, & qui n'ont aucunes demon- 
ftrations, s'eflant compofées & groflies peu a peu des 
opinions de plufieurs diuerfes perfonnes, ne font 
point fi approchantes de la verité, que les fimples 
raifonnemens que peut faire naturellement vn homme 


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14-15. Discours DE LA METHODE. 13 


de bon fens touchant les chofes qui fe prefentent. Et 
ainfi encore ie penfay que, pource que nous auons 
tous efté enfans auant que d’eftre hommes, & qu'il 
nous a fallu long tems eftre gouuernez par nos appetis 
& nos Precepteurs, qui efloient fouuent contraires les 
vns aux autres, & qui, ny les vns ny les autres, ne 
nous confeilloient peuteftre pas toufiours le meil- 
leur, il eft prefqu'impoñlible que nos iugemens foient 
fi purs, ny fi folides qu'ils auroient efté, fi nous auions 
eu l'vfage entier de nofîre raifon dés le point de noftre 
naiflance, & que nous n'euflions iamais efté conduits 
que par elle. 

Il eft vray que nous ne voyons point qu'on iette 
par | terre toutes les maifons d vne ville, pour le feul 
deffein de les refaire d'autre façon, & d'en rendre les 
ruës plus belles; mais on voit bien que plufieurs font 
abatre les leurs pour les rebaîtir, & que mefme quel- 
quefois ils y font contrains, quand elles font en 
danger de tomber d'elles mefmes, & que les fon- 
demens n'en font pas bien fermes. A l'exemple de 
quoy ie me perfuaday, qu'il n y auroit veritablement 
point d'apparence qu vn particulier fift deffein de re- 
former vn Eftat, en y changeant tout dés les fon- 
demens, & en le renuerfant pour le redrefler ; ny 
mefme aufly de reformer le cors des fciences, ou 
l'ordre eftabli dans les efcholes pour les enfeigner ; 
mais que, pour toutes les opinions que i'auois receuës 
iufques alors en ma creance, ie ne pouuois mieux 
faire que d'entreprendre, vne bonne fois, de les en 
ofter, afin d'y en remettre par aprés, ou d'autres 
meilleures, ou bien les mefmes, lorfque ie les aurois 


14 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 15-16. 


aiuftées au niueau de la raifon. Et ie creu fermement 
que, par ce moyen, ie reuflirois a conduire ma vie 
beaucoup mieux que fi ie ne bafliflois que fur de vieux 
fondemens, & que ie ne m'appuiañle que fur les prin- 
cipes que ie m'eftois laiffé perfuader en ma ieuneffe, 
fans auoir iamais éxaminé s'ils eftoient vrais. Car, 
bien que ie remarquaffe en cecy diuerfes dificultez, 
elles n'eftoient point toutefois fans remede, ny com- 
parables a celles qui fe trouuent en la reformation des 
moindres chofes qui touchent le public. Ces grans 
cors font trop malayfez a releuer, eftant abatus, ou 
mefme a retenir, eftant efbranflez, & leurs cheutes ne 
peuuent eftre que tres rudes. Puis, pour leurs imper- 
fe&tions, s'ils en ont, comme la feule diuerfité qui eft 
entre eux | fuffit pour aflurer que plufeurs en ont, 
l'vfage les a fans doute fort adoucies ; & mefme il en 
a euité ou corrigé infenfiblement quantité, aufquelles 
on ne pourroit fi bien pouruoir par prudence. Et enfin, 
elles font quafi toufiours plus fupportables que ne 
feroit leur changement : en mefme façon que les grans 
chemins, qui tournoyent entre des montaignes, de- 
uienent peu a peu fi vnis & fi commodes, a force 
d'eftre frequentez, qu'il eft beaucoup meilleur de les 
fuiure, que d'entreprendre d'aller plus droit, en grim- 
pant au deffus des rochers, & defcendant iufques au 
bas des precipices. 

C'eft pourquoy ie ne fçaurois aucunement approu- 
uer ces humeurs brouillonnes & inquietes, qui, n’ef- 
tant appelez, ny par leur naïffance, ny par leur for- 
tune, au maniement des affaires publiques, ne laiflent 
pas d'y faire toufiours, en idée, quelque nouuelle refor- 


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16-17. Discours DE LA METHODE. 14 


mation. Et fiie penfois qu'il y euft la moindre chofe 
en cet efcrit, par laquelle on me puit foupçonner de 
cete folie, ie ferois tres marry de fouffrir qu'il fuft 
publié. Jamais mon deffein ne s'eft eftendu plus auant 
que de tafcher a reformer mes propres penfées, & de 
baftir dans vn fons qui eft tout a moy. Que fi, mon 
ouurage m'ayant aflez pleu, ie vous en fais voir icy le 
modelle, ce n'eft pas, pour cela, que ie veuille con- 
feiller a perfonne de l’imiter. Ceux que Dieu a mieux 
partagez de fes graces, auront peuteftre des defleins 
plus releuez; mais 1e crains bien que cetuy-cy ne 
foit defia que trop hardi pour plufieurs. La feule re- 
folution de fe défaire de toutes les opinions qu'on a 
receuës auparauant en fa creance, n'eft pas vn exemple 
que chafcun doiue fuiure ; et le monde n'eft quafi com- 
polé que |de deux fortes d'efpris aufquels il ne con- 
uient aucunement. À fçauoir, de ceux qui, fe croyans 
plus habiles qu'ils ne font, ne fe peuuent empefcher 
de precipiter leurs iugemens, ny auoir aflez de pa- 
tience pour conduire par ordre toutes leurs penfées : 
d'où vient que, s'ils auoient vne fois pris la liberté de 
douter des principes qu'ils ont receus, & de s'efcarter 
du chemin commun, iamais ils ne pourroient tenir le 
fentier qu'il faut prendre pour aller plus droit, & de- 
meureroient efgarez toute leur vie. Puis, de ceux qui, 
ayant aflez de raifon, ou de modeftie, pour iuger qu'ils 
font moins capables de diftinguer le vray d'auec le 
faux, que quelques autres par lefquels ils peuuent eftre 
inftruits, doiuent bien plutoft fe contenter de fuiure 
les opinions de ces autres, qu'en chercher eux mefmes 
de meilleures. 


16 Œuvres DE DESCARTES. 17-18. 


Et pour moy, i'aurois efté fans doute du nombre de 
ces derniers, fi ie n'auois iamais eu qu'vn feul maiftre, 
ou que ie neufle point fceu les differences qui ont 
efté de tout tems entre les opinions des plus doétes. 
Mais ayant appris, dés le College, qu'on ne fçauroit 
rien imaginer de fi eflrange & fi peu croyable, qu'il 
n aitefté dit par quelqu'vn des Philofophes ; et depuis, 
en voyafgeant, ayant reconnu que tous ceux qui ont 
des fentimens fort contraires aux noftres, ne font pas, 
pour cela, barbares ny fauuages, mais que plufieurs 
vfent, autant ou plus que nous, de raifon; et ayant 
confideré combien vn mefme homme, auec fon mefme 
efprit, eftant norri dés fon enfance entre des François 
ou des Allemans, deuient different de ce qu'il feroit, 
s'il auoit toufiours vefeu entre des Chinois ou des 
Canibales ; et comment, iufques aux | modes de nos 
habits, la mefme chofe qui nous a plù il a dix ans, & 
qui nous plaira peuteftre encore auant dix ans, nous 
femble maintenant extrauagante & ridicule : en forte 
que c'eft bien plus la couftume & l'exemple qui nous 
perfuade, qu'aucune connoiflance certaine, & que 
neanmoins la pluralité des voix n'eft pas vne preuue 
qui vaille rien, pour les veritez vn peu malayfées a 
découurir, a caufe qu'il eft bien plus vrayfemblable 
qu vn homme feul les ait rencontrées que tout vn 
peuple : ie ne pouuois choifir perfonne dont les opi- 
nions me femblaflent deuoir eftre preferées a celles 
des autres, & ie me trouuay comme contraint d'en- 
treprendre moymefme de me conduire. 

Mais, comme vn homme qui marche feul & dans 
les tenebres, ie me refolu d'aller fi lentement, & d'vfer 


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18-10. Discours DE LA METHODE. 17 


de tant de circonfpection en toutes chofes, que;‘fi ie 
n'auançois que fort peu, ie me garderois bien, au 
moins, de tomber. Mefme ie ne voulu point com- 
mencer a reletter tout a fait aucune des opinions, 
qui seftoient pù glifler autrefois en ma creance fans 
y auoir efté introduites par la raifon, que ie n'eufle 
auparauant employé aflez de tems a faire le proiet de 
l'ouurage que l'entreprenois, & a chercher la vraye 
Methode pour paruenir à la connoiffance de toutes 
les chofes dont mon efprit feroit capable. 

l'auois vn peu eftudié, eflant plus ieune, entre les 
parties de la Philofophie, a la Logique, & entre les 
Mathematiques, a l'Analyfe des Geometres & a l'Al- 
gebre, trois ars ou fciences qui fembloient deuoir 
contribuër quelque chofe a mon deffein. Mais, en les 
examinant, ie pris | garde que, pour la Logique, fes 
fyllogifmes & la plufpart de fes autres inftrutions 
feruent plutoft a expliquer a autruy les chofes qu'on 
fçait, ou mefme, comme l'art de Lulle, a parler, fans 
iugement, de celles qu'on ignore, qu'a les apprendre. 
Et bien que elle contiene, en effeét, beaucoup de pre- 
ceptes tres vrais & tres bons, il y en a toutefois tant 
d'autres, meflez parmi, qui font ou nuifibles ou fu- 
perflus, qu'il eft prefque aufly malayfé de les en fe- 
parer, que de tirer vne Diane ou vne Minerue hors 
d'vn bloc de marbre qui n'eft point encore efbauché. 
Puis, pour l'Analyfe des anciens & l'Algebre des 
modernes, outre quelles ne s'eftendent qu'a des ma- 
tieres fort abftraétes, & qui ne femblent d'aucun vfage, 
la premiere eft toufiours fi aftrainte a la confidera- 
tion des figures, qu'elle ne peut exercer l’entende- 

Œuvres. I. 3 


18 Œuvres DE DESCARTES. 19-20. 


ment fans fatiguer beaucoup l'imagination; et on s’eft 
tellement afluieti, en la derniere, a certaines reigles 
& a certains chiffres, qu'on en a fait vn art confus & 
obfeur, qui embarraffe l'efprit, au lieu d'vne fcience 
qui le cultiue. Ce qui fut caufe que ie penfay qu'il fal- 
loit chercher quelque autre Methode, qui, comprenant 
les auantages de ces trois, fuft exempte de leurs de- 
faux. Et comme la multitude des loix fournift fouuent 
des excufes aux vices, en forte qu'vn Eftat eft bien 
mieux reiglé, lorfque, n’en ayant que fort peu, elles y 
font fort eftroitement obferuées ; ainfi, au lieu de ce 
grand nombre de preceptes dont la Logique eft com- 
pofée, ie creu que i'aurois aflez des quatre fuiuans, 
pouruû que ie prifle vne ferme & conflante refolution 
de ne manquer pas vne feule fois a les obferuer. 

|Le premier eftoit de ne receuoir iamais aucune 
chofe pour vraye, que ie ne la connuffe euidemment 
eftre telle : c'eft a dire, d'euiter foigneufement la 
Precipitation, & la Preuention; & de ne comprendre 
rien de plus en mes iugemens, que ce qui fe pre- 
fenteroit fi clairement & fi diftinétement a mon ef- 
prit, que ie n'eufle aucune occafion de le mettre en 
doute. 

Le fecond, de diuifer chafcune des difficultez que 
i'examinerois, en autant de parcelles qu'il fe pourroit, 
& qu'il feroit requis pour les mieux refoudre. 

Le troifiefme, de conduire par ordre mes penfées, 
en commençant par les obiets les plus fimples & les 
plus ayfez a connoiftre, pour monter peu a peu, 
comme par degrez, iufques a la connoiffance des plus 
compofez ; et fuppofant mefme de l'ordre entre ceux 


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20-21. Discours DE LA METHODE. 19 


qui ne fe precedent point naturellement les vns les 
autres. 

Et le dernier, de faire partout des denombremens fi 
entiers, & des reueuës fi generales, que ie fuffe afluré 
de ne rien omettre. 

Ces longues chaifnes de raifons, toutes fimples & 
faciles, dont les Geometres ont couftume de fe feruir, 
pour paruenir a leurs plus difficiles demonftrations, 
m auoient donné occafion de m'imaginer que toutes 
les chofes, qui peuuent tomber fous la connoiflance 
des hommes, s'entrefuiuent en mefme façon, & que, 
pouruüû feulement qu'on s'abftiene d'en receuoir au- 
cune pour vraye qui ne le foit, & qu'on garde touf- 
iours l'ordre qu'il faut, pour les deduire les vnes des 
autres, 1l n'y en peut auoir de fi efloignées, aufquelles 
enfin on ne paruiene, ny de fi cachées qu'on ne dé- 
couure. Et ie ne fus pas beaucoup en | peine de cher- 
cher par lefquelles il eftoit befoin de commencer : car 
ie fçauois defia que c'eftoit par les plus fimples & 
les plus ayfées a connoiftre; & confiderant qu'entre 
tous ceux qui ont cy deuant recherché la verité dans 
les fciences, il n y a eu que les feuls Mathematiciens 
qui ont pü trouuer quelques demonftrations, c'eft a 
dire quelques raifons certaines & euidentes, ie ne 
doutois point que ce ne fuft par les mefmes qu'ils ont 
examinées; bien que ie n'en efperafle aucune autre 
vtilité, finon qu'elles accouftumeroient mon efprit a 
fe repaiftre de veritez, & ne fe contenter point de 
faufles raifons. Mais ie n'eu pas deflein, pour cela, de 
tafcher d'apprendre toutes ces fciences particulieres, 
quon nomme communement Mathematiques ; & 


20 Œuvres DE DESCARTES. roues 


voyant qu'encore que leurs obiets foient differens, 
elles ne laiffent pas de s'accorder toutes, en ce qu'elles 

n'y confiderent autre chofe que les diuers rappors 

Ou proportions qui s'y trouuent, ie penfay qu'il valoit 
mieux que i'examinafle feulement ces proportions en 5 
general, & fans les fuppofer que dans les fuiets qui 
feruiroient a m'en rendre la connoiffance plus ayfée ; 
mefme aufly fans les y aftreindre aucunement, affin de 

les pouuoir d'autant mieux appliquer aprés a tous les 
autres aufquels elles conuiendroient. Puis, ayant pris 10 
garde que, pour les connoiïftre, l'aurois quelquefois 
befoin de les confiderer chafcune en particulier, & 
quelquefois feulement de les retenir, ou de les com- 
prendre plufieurs enfemble, ie penfay que, pour les 
confiderer mieux en particulier, ie les deuois fuppofer 15 
en des lignes, a caufe que ie ne trouuois rien de plus 
fimple, ny que ie püñle plus diflinétement reprefenter 

a| mon imagination & a mes fens ; mais que, pour les 
retenir, ou les comprendre plufieurs enfemble, 1l fal- 
loit que ie les expliquaffe par quelques chiffres, les 20 
plus courts qu'il feroit poflible; et que, par ce moyen, 
j'emprunterois tout le meilleur de l'Analyfe Geome- 
trique & de l'Algebre, & corrigerois tous les defaus 

de l'vne par l'autre. 

Comme, en effet, r'ofe dire que l'exacte obferua- 25 
tion de ce peu de preceptes que i'auois choifis, me 
donna telle facilité a demefler toutes les queftions 
aufquelles ces deux fciences s'eftendent, qu'en deux 
ou trois mois que 1employay a les examiner, ayant 
commencé par les plus fimples & plus generales, & 30 
chafque verité que ie trouuois eflant vne reigle qui me 


« 


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22-23. Discours DE LA METHODE. 21 


feruoit aprés a en trouuer d'autres, non feulement ie 
vins a bout de plufieurs que r'auois iugées autrefois 
tres difficiles, mais il me fembla aufly, vers la fin, que 
ie pouuois determiner, en celles mefme que r'ignorois, 
par quels moyens, & iufques où, il eftoit poflible de 
les refoudre. En quoy ie ne vous paroiftray peuteftre 
pas eftre fort vain, fi vous confiderez que, n y ayant 
qu'vne verité de chafque chofe, quiconque la trouue en 
fçait autant qu'on en peut fçauoir ; et que, par exem- 
ple, vn enfant inftruit en l'Arithmetique, ayant fait vne 
addition fuiuant fes reigles, fe peut aflurer d'auoir 
trouué, touchant la fomme qu'il examinoit, tout ce 
que l'efprit humain fçauroit trouuer. Car enfin la 
Methode qui enfeigne a fuiure le vray ordre, & a de- 
nombrer exattement toutes les circonftances de ce 
qu on cherche, contient tout ce qui donne de la cer- 
titude aux reigles d'Arithmetique. 

[Mais ce qui me contentoit le plus de cete Methode, 
eftoit que, par elle, reftois affuré d'vfer en tout de 
ma raifon, finon parfaitement, au moins le mieux qui 
fuft en mon pouuoir; outre que ie fentois, en la prat- 
tiquant, que mon efprit s'accouftumoit peu a peu a 
conceuoir plus netement & plus diftinétement fes 
obiets, & que, ne l'ayant point afluiettie a aucune 
matiere particuliere, ie me promettois de l'appliquer 
aufly vtilement aux difficultez des autres fciences, que 
j'auois fait a celles de l'Algebre. Non que, pour cela, 
‘’ofafle entreprendre d'abord d'examiner toutes celles 
qui fe prefenteroient; car cela mefme euft efté con- 


traire a l'ordre qu'elle prefcrit. Mais, ayant pris garde 


que leurs principes deuoient tous eftre empruntez de 


* 


TROISIESME 
PARTIE. 


22 Œuvres DE DESCARTES. 23-24. 


la Philofophie, en laquelle ie n'en trouuois point en- 
core de certains, ie penfay qu'il faloit, auant tout, que 
ie tafchaffe d'y en eftablir; & que, cela eflant la chofe 
du monde la plus importante, & où la Precipitation 
& la Preuention eftoient le plus a craindre, ie ne de- 
uois point entreprendre d'en venir a bout, que ie 
n'euffe attaint vn aage bien plus meur que celuy de 
vingt trois ans, que l'auois alors ; et que ie n'eufle, 
auparauant, employé beaucoup de tems a my pre- 
parer, tant en deracinant de mon efprit toutes les mau- 
uaifes opinions que 1 y auois receuës auant ce tems 
là, qu'en faifant amas de plufieurs experiences, pour 
eftre aprés la matiere de mes raifonnemens, & en 
m'exerçant toufiours en la Methode que ie m'eftois 
prefcrite, affin de m'y affermir de plus en plus. 


Et enfin, comme ce n'eft pas aflez, auant de com- 
mencer a rebaftir le logis ou on demeure, que de 
l'abattre, & de faire prouifion de materiaux & d'Ar- 
chitettes, ou s'exercer foymefme a l'Architeéture, & 
outre cela d'en auoir foigneufement tracé le deflein ; 
mais qu'il faut aufly s'eftre pouruû de quelque autre, 
où on puille eftre logé commodement pendant le 
tems qu'on y trauaillera; ainfi, afin que 1e ne demeu- 
raffe point irrefolu en mes actions, pendant que la 
raifon m'obligeroit de l'eftre en mes iugemens, & que 
ie ne laiflafle pas de viure dés lors le plus hureu- 
fement que ie pourrois, ie me formay vne morale par 
prouifion, qui ne confifloit qu'en trois ou quatre 
maximes, dont ie veux bien vous faire part. 

La premiere eftoit d'obeir aux lois & aux couftu- 


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24-25. Discours DE LA METHODE. 23 


mes de mon païs, retenant conftanment la religion 
en laquelle Dieu m'a fait la grace d'eftre inftruit dés 
mon enfance, & me gouuernant, en toute autre chofe, 
fuiuant les opinions les plus moderées, & les plus 
efloignées de l’excés, qui fuflent communement re- 
ceuës en pratique par les mieux fenfez de ceux auec 
lefquels r'aurois a viure. Car, commençant dés lors a 
ne conter pour rien les mienes propres, a caufe que 
ie les voulois remettre toutes a l'examen, r'eftois af- 
furé de ne pouuoir mieux que de fuiure celles des 
mieux fenfez. Et encore qu'il y en ait peuteftre d'aufly 
bien fenfez, parmi les Perfes ou les Chinois, que parmi 
nous, il me fembloit que le plus vtile efltoit de me re- 
gler felon ceux auec lefquels r'aurois a viure; et que, 
pour fçauoir quelles eftoient veritablement leurs opi- 
nions, ie deuois plutoft prendre garde a ce qu'ils prat- 
tiquoient qu'a ce qu'ils difoient ; non feulement a 
caufe qu'en la corruption de nos mœurs il y a | peu 
de gens qui veuillent dire tout ce qu'ils croyent, mais 
aufly a caufe que plufieurs l'ignorent eux mefmes: 
car l'aétion de la penfée par laquelle on croit vne 
chofe, eflant differente de celle par laquelle on con- 
noift qu'on la croit, elles font fouuent l’vne fans 
l'autre. Et entre plufieurs opinions efgalement re- 
ceuës, ie ne choïfiflois que les plus moderées : tant a 
caufe que ce font toufiours les plus commodes pour 
la prattique, & vrayfemblablement les meilleures, tous 
excés ayant couflume d'eftre mauuais ; comme aufly 
afin de me détourner moins du vray chemin, en cas 
que ie faillifle, que fi, ayant choïfi l'vn des extremes, 
c'euft efté l’autre qu'il euft fallu fuiure. Et, particulie- 


24 Œuvres DE DESCARTES. 25-26. 


rement, ie mettois entre les excés toutes les promeffes 
par lefquelles on retranche quelque chofe de fa li- 
berté. Non que ie defaprouuañle les lois qui, pour 
remedier a l'inconftance des efprits foibles, permet- 
tent, lorfqu’on a quelque bon deflein, ou mefme, pour 
la feureté du commerce, quelque deffein qui n'eft 
qu'indifferent, qu'on face des vœux ou des contrats 
qui obligent a y perfeuerer; mais a caufe que ie ne 
voyois au monde aucune chofe qui demeuraft touf- 
iours en mefme eftat, & que, pour mon particulier, ie 
me promettois de perfectionner de plus en plus mes 
iugemens, & non point de les rendre pires, r'euffe 
penfé commettre vne grande faute contre le bon fens, 
fi, pour ce que 1'approuuois alors quelque chofe, ie me 
fuffe obligé de la prendre pour bonne encore aprés, 
lorfqu'elle auroit peuteftre ceflé de l'eftre, ou que 
l'aurois ceflé de l’eftimer telle. 

Ma feconde maxime eftoit d'eftre le plus ferme & 
le plus refolu en mes actions que ie pourrois, & de 
ne fuiure | pas moins conftanment les opinions les 
plus douteufes, lorfque ie m'y ferois vne fois deter- 
miné, que fi elles euffent eflé tres aflurées. Imitant en 
cecy les voyafgeurs qui, fe trouuant efgarez en quelque 
foreft, ne doiuent pas errer en tournoyant, tantoft 
d'vn cofté, tantoft d’vn autre, ny encore moins s'arefter 
en vne place, mais marcher toufiours le plus droit 
qu'ils peuuent vers vn mefme cofté, & ne le changer 
point pour de foibles raifons, encore que ce n'ait 
peuteftre efté au commencement que le hafard feul 
qui les ait determinez a le choifir : car, par ce moyen, 
s'ils ne vont iuftement où ils defirent, ils arriueront 


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26-27. Discours DE LA METHODE. 2; 


au moins a la fin quelque part, où vrayfemblablement 
ils feront mieux que dans le milieu d'vne foreft. Et 
ainfi, les aétions de la vie ne fouffrant fouuent aucun 
delay, c'eft vne verité tres certaine que, lorfqu'il n'eft 
pas en noftre pouuoir de difcerner les plus vrayes 
opinions, nous deuons fuiure les plus probables; et 
mefme, qu'encore que nous ne remarquions point 
dauantage de | probabilité aux vnes qu'aux autres, 
nous deuons neanmoins nous determiner a quelques 
vnes, & les confiderer aprés, non plus comme dou- 
teufes, en tant qu'elles fe rapportent a la prattique, 
mais comme tres vrayes & tres certaines, a caufe que 
la raifon qui nous y a fait determiner, fe trouue telle. 
Et cecy fut capable dés lors de me deliurer de tous 
les repentirs & les remors, qui ont couftume d'agiter 
les confciences de ces efpris foibles & chancelans, 
qui fe laiflent aller inconftanment a prattiquer, comme 
bonnes, les chofes qu'ils iugent aprés eftre mau- 
uaifes. 

Ma troifiefme maxime eftoit de tafcher toufiours 
| plutoft a me vaincre que la fortune, & a changer 
mes defirs que l'ordre du monde ; et generalement, 
de m'accouftumer a croire qu'il n'y a rien qui foit 
entierement en noftre pouuoir, que nos penfées, en 
forte qu'aprés que nous auons fait noftre mieux, tou- 
chant les chofes qui nous font exterieures, tout ce 
qui manque de nous reuflir eft, au regard de nous, 
abfolument impoffible. Et cecy feul me fembloit eftre 
fuffifant pour m'empefcher de rien defirer a l'auenir 
que ie n'acquifle, & ainfi pour me rendre content. 


Car noftre volonté ne fe portant naturellement a 
Œuvres. I. 4 


26 Œuvres DE DESCARTES. 27-28. 


defirer que les chofes que noftre entendement luy 
reprefente en quelque façon comme poffibles, il ef 
certain que, fi nous confiderons tous les biens qui 
font hors de nous comme efgalement efloignez de 
noftre pouuoir, nous n’aurons pas plus de regret de 
manquer de ceux qui femblent eftre deus a noftre 
naiflance, lorfque nous en ferons priuez fans noftre 
faute, que nous auons de ne pofleder pas les royaumes 
de la Chine ou de Mexique; & que faifant, comme on 
dit, de neceflité vertu, nous ne defirerons pas dauan- 
tage d'eftre fains, eftant malades, ou d'eftre libres, 
eftant en prifon, que nous faifons maintenant d’auoir 
des cors d'vne matiere aufly peu corruptible que les 
diamans, ou des ailes pour voler comme les oifeaux. 
Mais r'auouë qu'il eft befoin d'vn long exercice, & 
d'vne meditation fouuent reïterée, pour s'accouftu- 
mer a regarder de ce biais toutes les chofes ; et 
ie croy que c'eft principalement en cecy que con- 
fiftoit le fecret de ces Philofophes, qui ont pù autre- 
fois fe fouftraire de l'empire de la Fortune, & malgré 
les douleurs & la pauureté, difputer de la felicité 
auec leurs | Dieux. Car s'occupant fans cefle a confi- 
derer les bornes qui leur eftoient prefcrites par la 
Nature, ils fe perfuadoient fi parfaitement que rien 
n'eftoit en leur pouuoir que leurs penfées, que cela 
feul eftoit fuflifant pour les empefchèr d'auoir au- 
cune affection pour d'autres chofes ; & ils difpofoient 
d'elles fi abfolument, qu'ils auoient en cela quelque 
raifon de s'eftimer plus riches, & plus puiffans, & 
plus libres, & plus hureux, qu'aucun des autres 
hommes, qui n'ayant point cete Philofophie, tant fauo- 


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ns" É à 


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28-29. Discours DE LA METHODE. 27 


rifez de la Nature & de la Fortune qu'ils puifent eftre, 
ne difpofent iamais ainfi de tout ce qu'ils veulent. 
Enfin, pour conclufion de cete Morale, ie m'auifay 
de faire vne reueuë fur les diuerfes occupations 
qu'ont les hommes en cete vie, pour tafcher a faire 
chois de la meilleure; & fans que ie vueille rien dire 
de celles des autres, ie penfay que ie ne pouuois 
mieux que de continuër en celle la mefme ou ie me 
trouuois, c'eft a dire, que d'employer toute ma vie a 
cultiuer ma raifon, & m'auancer, autant que ie pour- 
rois, en la connoiflance de la verité, fuiuant la Me- 
thode que ie m'eftois prefcrite. l'auois efprouué de fi 
extremes contentemens, depuis que 1 auois commencé 
a me feruir de cete Methode, que ie ne croyois pas 
qu'on en puft receuoir de plus doux, ny de plus in- 
nocens, en cete vie; et defcouurant tous les iours 
par fon moyen quelques veritez, qui me fembloient 
aflez importantes, & communement ignorées des 
autres hommes, la fatisfation que ien auois rem- 
pliffoit tellement mon efprit que tout le refte ne me 
touchoit point. Outre que les trois maximes prece- 
dentes n'eftoient | fondées que fur le deffein que 
j'auois de continuer a m'inftruire : car Dieu nous 
ayant donné a chafcun quelque lumiere pour dif- 
cerner le vray d’auec le faux, ie n'eufle pas creu me 
deuoir contenter des opinions d'autruy vn feul mo- 
ment, fi ie ne me fufle propofé d'employer mon 
propre iugement a les examiner, lorfqu'il feroit tems; 
et ie n'eufle fceu m'exemter de fcrupule, en les fui- 
uant, fi ie n'eufle efperé de ne perdre pour cela au- 
cune occafion d'en trouuer de meilleures, en cas qu'il 


28 Œuvres DE DESCARTES. 29-30. 


yen euft. Et enfin ie n'eufle fceu borner mes defirs, ny 
eftre content, fi ie n'eufle fuiui vn chemin par lequel, 
penfant eftre affuré de l’acquifition de toutes les con- 
noiffances dont ie ferois capable, ie le penfois eftre, 
par mefme moyen, de celle de tous les vrais biens qui 
feroient iamais en mon pouuoir ; d'autant que, noftre 
volonté ne fe portant a fuiure ny a fuir aucune chofe, 
que felon que noftre entendement luy reprefente 
bonne ou mauuaifes, il fuffit de bien iuger, pour bien 
faire, & de iuger le mieux qu'on puifle, pour faire 
aufly tout fon mieux, c'eft a dire, pour acquerir toutes 
les vertus, & enfemble tous les autres biens, qu'on 
puifle acquerir ; & lorfqu'on eft certain que cela ef, 
on ne fçauroit manquer d'eftre content. 

Aprés m'eftre ainfi affuré de ces maximes, & les 
auoir mifes a part, auec les veritez de la foy, qui ont 
toufiours efté les premieres en ma creance, ie iugay 
que, pour tout le refte de mes opinions, ie pouuois 
librement entreprendre de m'en defaire. Et d'autant 
que i'efperois en pouuoir mieux venir a bout, en con- 
uerfant auec les hommes, qu'en demeurant plus long 
tems renfermé dans le poifle | ou i'auois eu toutes ces 
penfées, l'hyuer n’eftoit pas encore bien acheué que 
ie me remis a voyafger. Et en toutes les neuf années 
fuiuantes, ie ne fi autre chofe que rouler çà & là dans 
le monde, tafchant d'y eftre fpettateur plutoft qu'ac- 
teur en toutes les Comedies qui s'y iouent ; et faifant 
particulierement reflexion, en chafque matiere, fur ce 
qui la pouuoit rendre fufpeéte, & nous donner oc- 
cafion de nous mefprendre, ie déracinois cependant 
de mon efprit toutes les erreurs qui s'y eftoient pù 


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30-31. Discours DE LA METHODE. 29 


gliffer auparauant. Non que i'imitafle pour cela les 
Sceptiques, qui ne doutent que pour douter, & af- 
fectent d'eftre toufiours irrefolus : car, au contraire, 
tout mon deffein ne tendoit qu'a m'aflurer, & a re- 
ietter la terre mouuante & le fable, pour trouuer le 
roc ou l'argile. Ce qui me reuflifloit, ce me femble, 
aflez bien, d'autant que, tafchant a defcouurir la fauf- 
feté ou l'incertitude des propofitions que i'examinois, 
non par de foibles coniectures, mais par des raifon- 
nemens clairs & affurez, ie n'en rencontrois point de 
fi douteufes, que ie n'en tirafle toufiours quelque con- 
clufion affez certaine, quand ce n'euft éfté que cela 
mefme qu'elle ne contenoit rien de certain. Et comme 
en abatant vn vieux logis, on en referue ordinai- 
rement les demolitions, pour feruir a en baftir vn 
nouueau ; ainfi, en détruifant toutes celles de mes 
opinions que ie iugeois eftre mal fondées, ie faifois 
diuerfes obferuations, & acquerois plufieurs expe- 
riences, qui mont ferui depuis a en eftablir de plus 
certaines. Et de plus, ie continuois a m'exercer en la 
Methode que ie meftois prefcrite; car, outre que 
l'auois foin de conduire generalement toutes mes 
penfées felon fes reigles, ie | me referuois de tems 
en tems quelques heures, que r'employois particulie- 
rement a la prattiquer en des difficultez de Mathe- 
matique, ou mefme aufly en quelques autres que ie 
pouuois rendre quafi femblables a celles des Mathe- 
matiques, en les détachant de tous les principes des 
autres fciences, que ie ne trouuois pas affez fermes, 
comme vous verrés que 1 ay fait en plufeurs qui font 
expliquées en ce volume. Et ainfi, fans viure d'autre 


30 Œuvres DE DESCARTES. 31-32. 


façon, en apparence, que ceux qui, n'ayant aucun 
employ qu'a pafler vne vie douce & innocente, s'eftu- 
dient a feparer les plaifirs des vices, & qui, pour iouir 
de leur loyfir fans s'ennuyer, vfent de tous les diuer- 
tiflemens qui font honneftes, ie ne laiflois pas de 
pourfuiure en mon deflein, & de profiter en la con- 
noiflance de la verité, peuteftre plus que fi ie n'eufle 
fait que lire des liures, ou frequenter des gens de 
lettres. 
Toutefois ces neuf ans s’efcoulerent auant que 
l’euffe encore pris aucun parti, touchant les difficultés 
qui ont couflume d’eftre difputées entre les doétes, 
ny commencé a chercher les fondemens d'aucune 
Philofophie plus certaine que la vulgaire. Et l'exemple 
de plufieurs excelens efpris, qui, en ayant eu cy de- 
uant le deflein, me fembloient n'y auoir pas reufli, 
m y faifoit imaginer tant de difficulté, que ie n'euffe 
peuteftre pas encore fitoft ofé l'entreprendre, fi ie 
n'eufle vü que quelques vns faifoient defia courre le 
bruit que ren eflois venu a bout. le ne fçaurois pas dire 
fur quoy ils fondoient cete opinion; & fi 1 y ay con- 


tribué quelque chofe par mes difcours, ce doit auoir 


efté en confeffant plus ingenuëment ce que rignorois, 
que n'ont couflume de faire ceux qui ont vn | peu 
eftudié, & peuteftre aufly en faifant voir les raifons 
que i'auois de douter de beaucoup de chofes que les 
autres efliment certaines, plutoft qu'en me vantant 
d'aucune doëtrine. Mais ayant le cœur aflez bon 
pour ne vouloir point qu'on me prift pour autre que 
ie n'eflois, ie penfay qu'il faloit que ie tafchaffe, par 
tous moyens, a me rendre digne de la reputation 


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32-33. _ Discours DE LA METHODE. 31 


qu'on me donnoit ; et il y a iuftement huit ans, que ce 
defir me fit re a mefloigner de tous re lieux 
ou ie pouuois auoir des connoiffances, & a me re- 
tirer icy, en vn païs où la longue durée de la guerre 
a fait eftablir de tels ordres, que les armées qu'on 
y entretient ne femblent feruir qu'a faire qu'on y 
iouifle des fruits de la paix auec d'autant plus de 
feureté, & où parmi la foule d'vn grand peuple fort 
actif, & plus foigneux de fes propres affaires, que 
curieux de celles d’autruy, fans manquer d'aucune 
des commoditez qui font dans les villes les plus fre- 
quentées, 1ay pû viure aufly folitaire & retiré que 
dans les defers les plus efcartez. 


le ne fçay fi ie doy vous entreteniredes premieres 
meditations que 1 y ay faites; car elles font fi Meta- 
phyfiques & fi peu communes, qu’elles ne feront 
peuteftre pas au gouft de tout le monde. Et toutefois, 
afin qu'on puifle iuger fi les fondemens que ray pris 
font affez fermes, ie me trouue en quelque façon con- 
traint d'en parler. l'auois dés long temps remarqué 
que, pour les meurs, il eft befoin quelquefois de fuiure 
des opinions qu'on fçait eftre fort incertaines, tout 
de mefme que fi elles eftoient indubitables, ainfi qu'il 
a efté dit cy-deflus; mais, pourcequ'alors ie defirois 
vacquer feulement a la recherche de la verité, ie 
penfay qu'il faloit que ie fifle tout le contraire, & que 
ie reiettaffe, comme abfolument faux, tout ce en quoy 
ie pourrois imaginer le moindre doute, afin de voir 
sil ne refteroit point, apres cela, quelque chofe en 
ma creance, qui fuit entierement indubitable. Ainfi, a 


QUATRIESME 
PARTIE. 


32 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 33-34. 


caufe que nos fens nous trompent quelquefois, ie 
voulû fuppofer qu'il ny auoit aucune chofe qui fuft 
telle qu'ils nous la font imaginer. Et pourcequ'il y a 
des hommes qui fe méprenent en raifonnant, mefme 
touchant les plus fimples matieres de Geometrie, & y 
font des Paralogifmes, iugeant que reftois fuiet a fail- 
lir, autant qu'aucun autre, ie reiettay comme faufles 
toutes les raifons que i'auois prifes auparauant pour 
Demonftrations. Et enfin, confiderant que toutes les 
mefmes penfées, que nous auons eftant efueillez, nous 
peuuent aufly venir, quand nous dormons, fans qu'il y 
en ait aucune, pour lors, qui foit vraye, ie me refolu 
de feindre que toutes les chofes qui m'efloient iamais 
entrées en l'efprit, n'efloient non plus vrayes que les 
illufions de mes fonges. Mais, auflitoft aprés, ie pris 
garde que, pendant que ie voulois ainfi penfer que tout 
eftoit faux, il falloit neceflairement que moy, qui le 
penfois, fufle quelque chofe. Et remarquant que cete 
verité : 1e penfe, donc te fuis, eftoit fi ferme & fi aflurée, 
que toutes les plus extrauagantes fuppofitions des 
Sceptiques n'eftoient pas capables de l'efbranfler, ie 
iugay que ie pouuois la receuoir, fans fcrupule, pour le 
premier principe de la Philofophie, que ie cherchois. 

Puis, examinant auec attention ce que reftois, & 
voyant que ie pouuois feindre que ie n'auois aucun 
cors, & qu'il n'y auoit aucun monde, ny aucun lieu ou 
ie fuffe ; mais que ie ne pouuois pas feindre, pour 
cela, que ie n'eftois point ; & qu'au contraire, de cela 
mefme que ie penfois a douter de la verité des autres 
chofes, il fuiuoit tres euidenment & tres certai- 
nement que leflois; au lieu que, fi r'eufle feulement 


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34-35. Discours DE LA METHODE. 33 


ceflé de penfer, encore que tout le refte de ce que 
j'auois 1amais imaginé, euft efté vray, ie n'auois au- 
cune raifon de croire que i'eufle efté : ie connû de la 
que 1eftois vne fubftance dont toute l'eflence ou la 
nature n'eft que de penfer, & qui, pour eftre, n’a be- 
foin d'aucun lieu,ny ne depend d'aucune chofe mate- 
rielle. En forte que ce Moy, c'eft a dire, l'Ame par 
laquelle ie fuis ce que ie fuis, eft entierement diftinéte 
du cors, & mefme qu'elle eft plus aifée a connoiftre 
que luy, & qu'encore qu'il ne fuft point, elle ne lair- 
roit pas d'eftre tout ce qu'elle eft. 

Aprés cela, ie confideray en general ce qui eft 
requis a vne propoñition pour he vraye & certaine ; 
Car, puifque i ie venois d'en trouuer vne queie Une 
ie telle, ie penfay que ie deuois aufly fçauoir en 
quoy confifte cete certitude. Et ayant remarqué qu'il 
nya rien du tout en cecy : ze pen/e, donc ie fuis, qui 
m'aflure que ie dis la verité, finon que ie voy tres 
clairement que, pour penfer, 1l faut eftre : ie iugay 
que 1e pouuois prendre pour reigle generale, que les 
chofes que nous conceuons ie icbtéent & fort 
diftintement, font toutes vrayes; mais qu'il y a feu- 
lement quelque difficulté a bien remarquer quelles 
font celles que nous conceuons diftin@tement. 

En fuite de quoy, faifant reflexion fur ce que ie 
doutois, & que, par confequent, mon eftre n'eftoit pas 
tout parfait, car ie voyois clairement que c'eftoit 
vne plus | grande perfection de connoiftre que de 
douter, ie m'auifay de chercher d'où i'auois appris 
a ee a quelque chofe de plus parfait que ie 
neftois; & 1e connu euidenment que ce deuoit eftre 

Œuvres. I. 5 


34 OEUVRES DE DESCARTES. 35-36. 


de quelque nature qui fuft en effet plus parfaite. Pour 
ce qui eft des penfées que 1'auois de plufieurs autres 
chofes hors de moy, comme du ciel, de la terre, de la 
lumiere, de la chaleur, & de milles autres, ie n’eftois 
point tant en peine de fçauoir d'où elles venoient, a 
caufe que,ne remarquant rien en elles qui me fem- 
blaft les rendre fuperieures a moy, ie pouuois croyre 
que, fi elles eftoient vrayes, c'eftoient des depen- 
dances de ma nature, en tant qu'elle auoit quelque 
perfection; & fi elles ne l'eftoient pas, que ie les 
tenois du neant, c'eft a dire, qu'elles eftoient en moy, 
pourceque 1'auois du defaut. Mais ce ne pouuoit eftre 
le mefme de l'idée d'vn eftre plus parfait que le mien : 
car, de la tenir du neant, c'eftoit chofe manifeftement 
impofñible ; et pourcequ'il n’y a pas moins de repu- 
gnance que le plus parfait foit vne fuite & vne depen- 
dance du moins parfait, qu'il y en a que de rien pro- 
cede quelque chofe, ie ne la pouuois tenir non plus 
de moy mefme. De façon qu'il reftoit qu'elle euft 
efté mife en moy par vne nature qui fuft veritable- 
ment plus parfaite que ie n'eflois, & mefme qui euft 
en foy toutes les perfeétions dont ie pouuois auoir 
quelque idée, c'eft a dire, pour m'expliquer en vn 
mot, qui fuft Dieu. À quoy i'adiouftay que, puifque ie 
connoiflois quelques perfettions que ie n'auois point, 
ie n’eftois pas le feul eftre qui exiftaft (ivferay, s'il 
vous plaïft, icy librement des mots de l'Efchole), mais 
qu'il falloit, de necefité, qu'il y en euft quelque autre 
plus | parfait, duquel ie dependiffe, & duquel r'euffe 
acquis tout ce que r'auois. Car, fi r'eufle efté feul & 
independant de tout autre, en forte que i'eufle eu, 


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36-37. Discours DE LA METHODE. 3 


de moy mefme, tout ce peu que ie participois de 
l'eftre parfait, i'eufle pù auoir de moy, par mefme 
raifon, tout le furplus que ie connoifflois me manquer, 
& ainfi eftre moy mefme infini, eternel,immuable, tout 
connoiffant, tout puiflant, & enfin auoir toutes les 
perfeétions que ie pouuois remarquer eftre en Dieu. 


Car, fuiuant les raifonnemens que ie viens de faire, 


pour connoiftre la nature de Dieu, autant que la 
miene en eftoit capable, ie n'auois qu'a confiderer de 
toutes les chofes dont ie trouuois en moy quelqueidée, 
fi c'eftoit perfe&ion, ou non, de les poffeder, & r'eftois 
affuré qu'aucune de celles qui marquoient quelque 
imperfeétion, n'eftoit en luy, mais que toutes les 
autres y eftoient. Comme ie voyois que le doute, 
l'inconftance, la trifteffe, & chofes femblables, n'y 
pouuoient eftre, vù que i'eufle efté moy mefme bien 
ayfe d'en eftre exempt. Puis, outre cela, i’auois des 
idées de plufieurs chofes fenfibles & corporelles 

car, quoy que ie fuppofatte que ie refuois, & que tout 
ce que ie voyois ou imaginois eftoit A ie ne pou- 
uois nier toutefois que É idées n’en fuflent verita- 
blement en ma penfée ; mais pourceque r'auois defia 
connu en moy tres clairement que la nature intelli- 
gente eft diftinéte de la corporelle, confiderant que 
toute compofition tefmoigne de la dependance, & 
que la dependance eft manifeftement vn defaut, ie 
iugeois de la, que ce ne pouuoit eftre vne perfection 
en Dieu d'eftre compofé de ces deux natures, & que, 
par confequent, il ne l'eftoit pas ; mais que, s'1l y auoit 
| quelques cors dans le monde, ou bien quelques intel- 
ligences, ou autres natures, qui ne fuflent point toutes 


30 Œuvres DE DESCARTES. 37-38. 


parfaites, leur eftre deuoit dependre de fa puiffance, 
en telle forte qu'elles ne pouuoient fubfifter fans luy 
vn feul moment. 

le voulu chercher, aprés cela, d'autres veritez, & 
m'eftant propofé l'obiet des Geometres, que 1e con- 
ceuois comme vn cors continu, ou vn efpace indefi- 
niment eftendu en longueur, largeur, & hauteur ou 
profondeur, diuifible en diuerfes parties, qui pou- 
uoient auoir diuerfes figures & grandeurs, & eftre 
meuës ou tran{pofées en toutes fortes, car les Geo- 
metres fuppofent tout cela en leur obiet, ie parcouru 
quelques vnes de leurs plus fimples demonftrations. 
Et ayant pris garde que cete grande certitude, que 
tout le monde leur attribuë, n'eft fondée que fur ce 
qu'on les conçoit euidenment, fuiuant la reigle que 
j'ay tantoft dite, ie pris garde aufly qu'il ny auoit 
rien du tout en elles qui m’afluraft de l'exiftence de 
leur obiet. Car, par exemple, ie voyois bien que, fup- 
pofant vn triangle, il falloit que fes trois angles fuflent 
efgaux a deux droits; mais ie ne voyois rien pour 
cela qui m'afluraft qu'il y euft au monde aucun trian- 
gle. Au lieu que, reuenant a examiner l'idée que 
j'auois d'vn Eftre parfait, ie trouuois que l’exiftence y 
eftoit comprife, en mefme façon qu'il eft compris en 
celle d'vn triangle que fes trois angles font efgaux a 
deux droits, ou en celle d'vne fphere que toutes fes 
parties font efgalement diftantes de fon centre, ou 
mefme encore plus euidenment; et que, par confe- 
quent, il eft pour le moins aufly certain, que Dieu, 
qui eft cet Eftre parfait, eft ou |exifte, qu'aucune de- 
monftration de Geometrie le fçauroit eftre. 


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38-30. Discours DE LA METHODE. 7 


Mais ce qui fait qu'il y en a plufieurs qui fe per- 
fuadent qu’il y a de la difficulté a le connoiftre, & 
mefme aufly a connoiftre ce que c’eft que leur ame, 
c'eft qu'ils n’efleuent iamais leur efprit au dela des 
chofes fenfibles, & qu'ils font tellement accouftumez 
a ne rien confiderer qu'en l'imaginant, qui eft vne 
façon de penfer particuliere pour les chofes mate- 
rielles, que tout ce qui n'eft pas imaginable, leur 
femble n'eftre pas intelligible. Ce qui eft affez mani- 
fefte de ce que mefme les Philofophes tienent pour 
maxime, dans les Efcholes, qu'il n'y a rien dans l’en- 
tendement qui n'ait premierement efté dans le fens, 
où toutefois 1l eft certain que les idées de Dieu & de 
l'ame n'ont iamais efté. Et il me femble que ceux qui 
veulent vfer de leur imagination, pour les com- 
prendre, font tout de mefme que fi, pour ouir les fons, 
ou fentir les odeurs, ils fe vouloient feruir de leurs 
yeux : finon qu'il y a encore cete difference, que le 
fens de la veuë ne nous aflure pas moins de la verité 
de fes obiets, que font ceux de l’odorat ou de l’ouye; 
au lieu que ny noftre imagination ny nos fens ne 
nous fçauroient iamais aflurer d'aucune chofe, fi 
noftre entendement n'y interuient. 

Enfin, s'il y a encore des hommes qui ne foient pas 
affez perfuadez de l’exiftence de Dieu & de leur ame, 
par les raifons que ray apportées, ie veux bien qu'ils 
fçachent que toutes les autres chofes, dont ils fe pen- 
fent peut eftre plus aflurez, comme d'auoir vn cors, & 
qu'il y a des aftres & vne terre, & chofes femblables, 
font moins certaines. Car, encore qu’on ait vne aflu- 
rance morale de | ces chofes, qui ef telle, qu'il femble 


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38 OŒuvrEs DE DESCARTES. 39. 


qu'a moins que d'eftre extrauagant, on n'en peut 
douter, toutefois aufly, a moins que d'eftre dérai- 
fonnable, lorfqu'il eft queftion d’vne certitude meta- 
phyfique, on ne peut nier que ce ne foit aflés de fuiet, 
pour n'en eftre pas entierement afluré, que d’auoir 
pris garde qu'on peut, en mefme façon, s'imaginer, 
eftant endormi, qu'on a vn autre cors, & qu'on voit 
d'autres aftres, & vne autre terre, fans qu'il en foit 
rien. Car d'où fçait on que les penfées qui vienent 
en fonge font plutoft fauffes que les autres, vù que 
fouuent elles ne font pas moins viues & expreffes ? 
Et que les meilleurs efprits y eftudient, tant qu'il 
leur plaira, ie ne croy pas qu'ils puiffent donner 
aucune raifon qui foit fuffifante pour ofter ce doute, 
s'ils ne prefuppofent l'exiftence de Dieu. Car, premie- 
rement, cela mefme que ray tantoft pris pour vne 
reigle, a fçauoir que les chofes que nous conceuons 
tres clairement & tres diftinétement, font toutes 
vrayes, n'eft afluré qu'a caufe que Dieu eft ou exifte, 
& qu'il eft vn eftre parfait, & que tout ce qui eft en 
nous vient de luy. D'où il fuit que nos idées ou 
notions, eftant des chofes reelles, & qui vienent de 
Dieu, en tout ce en quoy elles font claires & diftin- 
les, ne peuuent en cela eftre que vrayes. En forte 
que, fi nous en auons aflez fouuent qui contienent de 
la faufleté, ce ne peut eftre que de celles, qui ont 
quelque chofe de confus & obfcur, a caufe qu'en cela 
elles participent du neant, c'eft a dire, qu'elles.ne 
font en nous ainfi confufes, qu'a caufe que nous ne 
fommes pas tous parfaits. Et il eft euident quil ny a 
pas moins de repugnance que la faufleté ou l'imper- 


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sis RU TRE - 


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39-40. Discours DE LA METHODE. 30 


fection procede de Dieu, en tant que telle, qu'il y en 
a, que la verité ou la perfection procede du neant. 
Mais fi nous ne fçauions point que tout ce qui eft 
en nous de reel & de vray, vient d'vn eftre parfait 
& infini, pour claires & diftin@es que fuflent nos 
idées, nous n'aurions aucune raifon qui nous afluraft, 
qu'elles euffent la perfection d'eftre vrayes. 

Or, aprés que la connoiflance de Dieu & de l'ame 
nous a ainfi rendus certains de cete regle, il eft bien 
ayfé a connoiftre que les refueries que nous imagi- 
nons eftant endormis, ne doiuent aucunement nous 
faire douter de la verité des penfées que nous auons 
eftant efueillez. Car, s'il arriuoit, mefme en dormant, 
qu'on euft quelque idée fort diftinéte, comme, par 
exemple, qu vn Geometre inuentaft quelque nouuelle 
demonftration, fon fommeil ne l'empefcheroit pas 
d'eftre vraye. Et pour l'erreur la plus ordinaire de 
nos fonges, qui confifte en ce qu'ils nous reprefen- 
tent diuers obiets en mefme façon que font nos fens 
exterieurs, n importe pas quelle nous donne occafion 
de nous deffier de la verité de telles idées, a caufe 
qu'elles peuuent aufly nous tromper aflez fouuent, 
fans que nous dormions : comme lorfque ceux qui 
ont la iaunifle voyent tout de couleur jaune, ou que 
les aftres ou autres cors fort efloignez nous paroiflent 
beaucoup plus petits qu'ils ne font. Car enfin, foit 
que nous veillions, foit que nous dormions, nous ne 
nous deuons iamais laifler perfuader qu'a l'euidence 
de noftre raifon. Et il eft a remarquer que ie dis, de 
noftre raifon, & non point, de noftre imagination ny 
de nos fens. Comme, encore que nous voyons le fo- 


V4 


CINQUIESME 
PARTIE, 


40 OEuvres DE DESCARTES. 40-41. 


leil tres clairement, nous ne deuons pas iuger pour 
cela qu'il ne foit que de la grandeur que nous le 
voyons; et nous pouuons bien imaginer diftinéte- 
ment vne tefte de lion entée fur le cors d'vne cheure, 
fans qu'il faille conclure, pour cela, qu'il y ait au 
monde vne Chimere : car la raifon ne nous diéte 
point que ce que nous voyons ou imaginons ainfi foit 
veritable. Mais elle nous dicte bien que toutes nos 
idées ou notions doiuent auoir quelque fondement 
de verité; car il ne feroit pas poflible que Dieu, qui 
eft tout parfait & tout veritable les euft mifes en 
nous fans cela. Et pourceque nos raifonnemens ne 
font iamais fi euidens ny fi entiers pendant le fommeil 
que pendant la veille, bien que quelquefois nos ima- 
ginations foient alors autant ou plus viues &expreffes, 
elle nous diéte auffy que nos penfées ne pouuant 
eftre toutes vrayes, a caufe que nous ne fommes pas 
tous-parfaits, ce qu'elles ont de verité doit infallible- 
ment fe rencontrer en celles que nous auons eftant 
efueillez, plutoft qu'en nos fonges. 


le ferois bien ayfe de pourfuiure, & de faire voir 
icy toute la chaifne des autres veritez que ray de- 
duites de ces premieres. Mais, a caufe que, pour cet 
effe&, il feroit maintenant befoin que ie parlaffe de 
plufieurs queftions, qui font en controuerfe entre les 
doétes, auec lefquels ie ne defire point me brouiller, 
ie croy qu'il fera mieux que ie m'en abftiene, & que 
ie die feulement en general quelles elles font, affin 
de laifler iuger aux plus fages, s'il feroit vtile que le 
public en fuft plus particulierement informé. le fuis 


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41-42. Discours DE LA METHODE. AI 


toufiours demeuré ferme en la refolution que l'auois 
prife, de ne fuppofer aucun autre principe, que celuy 
dont ie vien de me feruir pour demonftrer l’exiftence 
de Dieu & de l'ame, & de ne receuoir | aucune chofe 
pour vraye, qui ne me femblaft plus claire & plus cer- 
taine que n’auoient fait auparauant les demonftra- 
tions des Geometres. Et neantmoins, 1'ofe dire que, 
non feulement i'ay trouué moyen de me fatisfaire en 
peu de tems, touchant toutes les principales difi- 
cultez dont on a couftume de traiter en la Philofo- 
phie, mais auffy, que ay remarqué certaines loix, 
que Dieu a tellement eftablies en la nature, & dont il 
a imprimé de telles notions en nos ames, qu aprés y 
auoir fait aflez de reflexion, nous ne fçaurions douter 
qu'elles ne foient exaétement obferuées, en tout ce 
qui eft ou qui fe fait dans le monde. Puis en confi- 
derant la fuite de ces loix, il me femble auoir defcou- 
uert plufeurs veritez plus vtiles & plus importantes, 
que tout ce que i'auois appris auparauant, ou mefme 
efperé d'apprendre. 

Mais pourceque i’ay tafché d'en expliquer les prin- 
cipales dans vn Traité, que quelques confiderations 
m'empefchent de publier, ie ne les fçaurois mieux 
faire connoiftre, qu'en difant icy fommairement ce 
qu'il contient. l'ay eu deffein d'y comprendre tout ce 
que ie penfois fçauoir,auant que de l'efcrire, touchant 
la Nature des chofes Materielles. Mais, tout de mefme 
que les peintres, ne pouuant efgalement bien repre- 
fenter dans vn tableau plat toutes les diuerfes faces 
d'vn cors folide, en choififlent vne des principales 
qu'ils mettent feule vers le iour, & ombrageant les 


Œuvres. I. 6 


42 Œuvres DE DESCARTES. 42-43. 


autres, ne les font paroiftre, qu'en tant qu'on les peut 
voir en la regardant : ainfi, craignant de ne pouuoir 
mettre en mon difcours tout ce que l'auois en la 
penfée, r'entrepris feulement d'y expofer bien ample- 
ment ce que ie conceuois de la Lumiere; puis, a fon 
occalfion, d'y adioufter quelque chofe du Soleil & des 
Eftoiles fixes, a caufe qu'elle en procede prefque 
toute ; des Cieux, a caufe qu'ils la tranfmettent; des 
Planetes, des Cometes, & de la Terre, a caufe qu'elles 
la font reflefchir ; & en particulier de tous les Cors 
qui font fur la terre, a caufe qu'ils font ou colorez, 
ou tranfparens, ou lumineux ; & enfin de l'Homme, a 
caufe qu'il en eft le fpectateur. Mefme, pour ombrager 
vn peu toutes ces chofes, & pouuoir dire plus libre- 
ment ce que l'en iugeois, fans eftre obligé de fuiure 
ny de refuter les opinions qui font receuës entre les 
doctes, ie me refolu de laifler tout ce Monde icy a 
leurs difputes, & de parler feulement de ce qui arri- 
ueroit dans vn nouueau, fi Dieu creoit maintenant 
quelque part, dans les Efpaces Imaginaires, affez de 
matiere pour le compofer, & qu'il agitaft diuerfement 
& fans ordre les diuerfes parties de cete matiere, en 
forte qu'il en compofaft vn Chaos aufly confus que 
les Poetes en puiflent feindre, & que, par apres, il ne 
fift autre chofe que prefter fon concours ordinaire a 
la Nature, & la laiffer agir fuiuant les Loix qu'il a 
eftablies. Ainfi, premierement, ie defcriuis cete Ma- 
tiere, & tafchay de la reprefenter telle qu'il n’y a rien 
au monde, ce me femble, de plus clair ny plus in- 
telligible, excepté ce qui a tantoft efté dit de Dieu & 
de l'ame : car mefme ie fuppofay, expreffement, qu'il 


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| Hé 
ne. 


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43-44. Discours DE LA METHODE. 43 


n'y auoit en elle aucune de ces Formes ou Qualitez 
dont on difpute dans les Efcholes, ny generalement 
aucune chofe, dont la connoiffance ne fuft fi natu- 
relle a nos ames, qu'on ne puft pas. mefme feindre 
de l'ignorer. De plus, ie fis voir quelles eftoient les 
Loix de la Nature; et fans appuier mes raifons fur 
aucun autre principe, que fur |les perfeétions inf- 
nies de Dieu, ie tafchay a demonftrer toutes celles 
dont on euft pu auoir quelque doute, & a faire voir 
qu'elles font telles, qu'encore que Dieu auroit creé 
plufieurs mondes, il n'y en fçauroit auoir aucun, où 
elles manquañlent d'eftre obferuées. Apres cela, ie 
monftray comment la plus grande part de la ma- 
tiere de ce Chaos deuoit, en fuite de ces loix, fe dif- 
pofer & s’arrenger d'vne certaine façon qui la ren- 
doit femblable a nos Cieux; comment, cependant, 
quelques vnes de fes parties deuoient compofer vne 
Terre, & quelques vnes des Planetes & des Cometes, 
& quelques autres vn Soleil & des Eftoiles fixes. Et 
icy, m eftendant fur le fuiet de la lumiere, 'expliquay 
bien au long quelle eftoit celle qui fe deuoit trouuer 
dans le Soleil & les Eftoiles, & comment de la elle 
trauerfoit en vn inftant les immenfes efpaces des 
cieux, & comment elle fe reflefchiffoit des Planetes 
& des Cometes vers la Terre. l'y adiouftay aufly plu- 
fieurs chofes, touchant la fubftance, la fituation, les 
mouuemens & toutes les diuerfes qualitez de ces 
Cieux & de ces Aftres ; en forte que ie penfois en dire 
aflez, pour faire connoiftre qu'il ne fe remarque rien 
en ceux de ce monde, qui ne deuft, ou du moins qui 
ne püft, paroiftre tout femblable en ceux du monde 


44 OEUVRES DE DESCARTES. 44-45. 


que ie defcriuois. De là ie vins a parler particuliere- 
ment de la Terre : comment, encore que i’eufle ex- 
preflement fuppofé que Dieu n'auoit mis aucune 
pefanteur en la matiere dont elle eftoit compofée, 
toutes fes parties ne laifloient pas de tendre exacte- 
ment vers fon centre ; comment, y ayant de l'eau & 
de l’air fur fa fuperficie, la difpofition des cieux & 
des aftres, principalement de la Lune, | y deuoit caufer 
va flus & reflus, qui fuft femblable, en toutes fes cir- 
conftances, a celuy qui fe remarque dans nos mers ; 
& outre cela vn certain cours, tant de l'eau que de 
l'air, du leuant vers le couchant, tel qu'on le remarque 
aufly entre les Tropiques ; comment les montaignes, 
les mers, les fontaines & les riuieres pouuoient na- 
turellement s'y former, & les metaux y venir dans 
les mines, & les plantes y croiftre dans les campai- 
gnes, & generalement tous les cors quon nomme 
meflez ou compofez s'y engendrer. Et entre autres 
chofes, a caufe qu'aprés les aftres ie ne connois rien 
au monde que le feu qui produife de la lumiere,ie 
m'eftudiay a faire entendre bien clairement tout ce 
qui appartient a fa nature, comment il fe fait, com- 
ment il fe nourrit; comment il n'a quelquefois que 
de la chaleur fans lumiere, & quelquefois de la lu- 
miere fans chaleur; comment il peut introduire di- 
uerfes couleurs en diuers cors, & diuerfes autres 
qualitez ; comment il en fond quelques vns, & en dur- 
cit d'autres; comment il les peut confumer prefque 
tous, ou conuertir en cendres & en fumée; et enfin, 
comment de ces cendres, par la feule violence de fon 
ation, il forme du verre : car cete tranfmutation de 


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. 


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45-46. Discours DE LA METHODE. 45 


cendres en verre me femblant eftre aufly admirable 
qu'aucune autre qui fe face en la nature, ie pris par- 
ticulierement plaifir a la defcrire. 

Toutefois ie ne voulois pas inferer de toutes ces 
chofes, que ce monde ait eflé creé en la façon que ie 
propofois; car 1l eft bien plus vrayfemblable que, 
dés le commencement, Dieu l'a rendu tel qu'il deuoit 
eftre. Mais il eft certain, & c'eft vne opinion commu- 
nement receuë | entre les Theologiens, que l'a&tion, 
par laquelle maintenant 1l le conferue, eft toute la 
mefme que celle par laquelle il l'a ereé; de façon 
qu'encore qu il ne lui auroit point donné, au commen- 
cement, d'autre forme que celle du Chaos, pouruû 
qu'ayant eftabli les Loix de la Nature, il luy preftaft 
fon concours, pour agir ainfi qu'elle a de couftume, 
on peut croyre, fans faire tort au miracle de la crea- 
tion, que par cela feul toutes les chofes qui font 
purement materielles auroient pü, auec le tems, s'y 
rendre telles que nous les voyons a prefent. Et leur 
nature eft bien plus ayfée a conceuoir, lorfqu'on les 
voit naiftre peu a peu en cete forte, que lorfqu'on ne 
les confidere que toutes faites. 

De la defcription des cors inanimez & des plantes, 
ie paflay a celle des animaux & particulierement a 
celle des hommes. Mais, pourceque ie n'en auois pas 
encore affez de connoiïffance, pour en parler du 
mefme ftyle que du refte, c'eft a dire, en demonftrant 
les effets par les caufes, & faifant voir de quelles 
femences, & en quelle façon, la Nature les doit pro- 
duire, ie me contentay de fuppofer que Dieu for- 
maft le cors d’vn homme, entierement femblable a 


46 Œuvres DE DESCARTES. 46-47. 


l'vn des noftres, tant en la figure exterieure de fes 
membres qu'en la conformation interieure de fes or- 
ganes, fans le compofer d'autre matiere que de celle 
que j'auois defcrite, & fans mettre en luy, au com- 
mencement, aucune ame raifonnable, ny aucune autre 
chofe pour y feruir d'ame vegetante ou fenfitiue, 
finon qu'il excitaft en fon cœur vn de ces feux fans 
lumiere, que r'auois defia expliquez, & que ie ne con- 
ceuois point d'autre nature que celuy qui échaufe le 
foin, | lorfqu'on l'a renfermé auant qu'il fuft fec, ou 
qui fait bouillir les vins nouueaux, lorfqu'on les 
laiffe cuuer fur la rape. Car examinant les fonétions, 
qui pouuoient en fuite de cela eftre en ce cors, 1y 
trouuois exactement toutes celles qui peuuent eftre 
en nous fans que nous y penfions, ny par confequent 
que noftre ame, c’eft a dire, cete partie diftinéte du 
cors dont il a efté dit cy deflus que la nature n'eft que 
de penfer, y contribuë, & qui font toutes les mefmes 
en quoy on peut dire que les animaux fans raifon 
nous refemblent : fans que 1'y en püñfle pour cela 
trouuer aucune, de celles qui, eftant dependantes de 
la penfée, font les feules qui nous apartienent en tant 
qu'hommes, au lieu que 1e les y trouuois par aprés, 
ayant fuppofé que Dieu creaft vne ame raifonnable, 
& qu'il la ioignift a ce cors en certaine façon que ie 
defcriuois. 

Mais, affin qu'on puifle voir en quelle forte ry 
traitois cete matiere, ie veux mettre icy l'explication 
du Mouuement du Cœur & des Arteres, qui eftant le 
premier & le plus general qu'on obferue dans les 
animaux, on iugera facilement de luy ce qu'on doit 


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47-48. Discours DE LA METHODE. 47 


penfer de tous les autres. Et affin qu'on ait moins de 
difficulté a entendre ce que 1'en diray,ie voudrois que 
ceux qui ne font point verfez en l’Anatomie priflent 
la peine, auant que de lire cecy, de faire couper de- 
uant eux le cœur de quelque grand animal qui ait 
des poumons, car il eft en tous affez femblable a 
celuy de l’homme, & qu'ils fe fiffent montrer les 
deux chambres ou concauitez qui y font. Premie- 
rement, celle qui eft dans fon cofté droit, a laquelle 


refpondent deux tuyaux fort larges : a fçauoir la 


vene caue, qui eft le principal receptable du fang, 
& comme le tronc de l'arbre dont toutes les autres 
venes du cors font les branches, & la vene arte- 
rieufe, qui a efté ainfi mal nommée, pourceque c'eft 
en effect vne artere, laquelle prenant fon origine du 
cœur, fe diuife, aprés en eftre fortie, en plufieurs 
branches qui fe vont refpandre partout dans les pou- 
mons. Puis, celle qui eft dans fon cofté gauche, a 
laquelle refpondent en mefme façon deux tuyaux, 
qui font autant ou plus larges que les precedens : a 
fçauoir l’artere veneufe, qui a efté aufly mal nommée, 
a caufe qu’elle n'eft autre chofe qu'vne vene, laquelle 
vient des poumons, ou elle eft diuifée en plufeurs 
branches, entrelacées auec celles de la vene arte- 
rieufe, & celles de ce conduit qu'on nomme le fifflet, 
par où entre l'air de la refpiration; & la grande ar- 
tere, qui, fortant du cœur, enuoye fes branches par 
tout le cors. le voudrois aufly qu'on leur montraft 
foigneufement les onze petites peaux, qui, comme 
autant de petites portes, ouurent & ferment les quatre 
ouuertures qui font en ces deux concauitez : a fça- 


48 OEuvREs DE DESCARTES. 48-49. 


uoir, trois a l'entrée de la vene caue, où elles font 
tellement difpofées, qu'elles ne peuuent aucunement 
empefcher que le fang qu'elle contient ne coule dans 
la concauité droite du cœur, & toutefois empefchent 
exactement qu'il nen puifle fortir ; trois a l'entrée 
de la vene arterieufe, qui, eftant difpofées tout au con- 
traire, permetent bien au fang, qui eft dans cete con- 
cauité, de pañler dans les poumons, mais non pas a 
celuy qui eft dans les poumons d'y retourner; & ainfi 
deux autres a l'entrée de l’artere veneufe, qui laiffent 
couler le fang des poumons vers la concauité | gauche 
du cœur, mais soppofent a fon retour; & trois a 
l'entrée de la grande artere, qui luy permetent de 
fortir du cœur, mais l'empefchent d'y retourner. Et 
il n'eft point befoin de chercher d’autre raifon du 
nombre de ces peaux, finon que l'ouuerture de l'ar- 
tere veneufe, eftant en ouale a caufe du lieu ou elle 
fe rencontre, peut eftre commodement fermée auec 
deux, au lieu que les autres, eftant rondes, le peuuent 
mieux eftre auec trois. De plus,ie voudrois qu'on leur 
fift confiderer que la grande artere & la vene arte- 
rieufe font d'vne compofition beaucoup plus dure & 
plus ferme, que ne font l'artere veneufe & la vene 
caue; & que ces deux derniers s'eflargiflent auant 
que d'entrer dans le cœur, & y font comme deux 
bourfes, nommées les oreilles du cœur, qui font com- 
pofées d'vne chair femblable à la fiene; et qu'il y a 
toufiours plus de chaleur dans le cœur, qu'en aucun 
autre endroit du cors; et enfin, que cete chaleur eft 
capable de faire que, s'il entre quelque goutte de 
fang en fes concauitez, elle s'enfle promtement & fe 


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49-50. Discours DE LA METHODE. 49 


dilate, ainfi que font generalement toutes les liqueurs, 
lorfqu'on les laifle tomber goutte a goutte en quelque 
vaifleau qui eft fort chaud. 

Car, aprés cela, ie n'ay befoin de dire autre chofe, 
pour expliquer le mouuement du cœur, finon que, 
lorfque fes concauitez ne font pas pleines de fang, il 
y en coule neceflairement de la vene caue dans la 
droite, & de l'artere veneufe dans la gauche ; d’au- 
tant que ces deux vaifleaux en font toufiours pleins, 
& que leurs ouuertures, qui regardent vers le cœur, ne 
peuuent alors eftre bouchées ; mais que, fitoft qu'il eft 
entré ainfi déux gouttes de fang, | vne en chacune de 
fes concauitez, ces gouttes, qui ne peuuent eftre que 
fort groffes, a caufe que les ouuertures par où elles en- 
trent font fort larges, & les vaiffeaux d'où elles vienent 
fort pleins de fang, fe rarefient & fe dilatent, a caufe 
de la chaleur qu'elles y trouuent, au moyen de quoy, 
faifant enfler tout le cœur, elles pouflent & ferment 
les cinq petites portes, qui font aux entrées des deux 
vaifleaux d'où elles vienent, empefchant ainfi qu'il 
ne defcende dauantage de fang dans le cœur; et con- 
tinuant a fe rarefier de plus en plus, elles pouflent & 
ouurent les fix autres petites portes, qui font aux 
entrées des deux autres vaifleaux par où elles fortent, 
faifant enfler par ce moyen toutes les branches de la 
vene arterieufe & de la grande artere, quafi au mefme 
inftant que le cœur ; lequel, incontinent aprés, fe de- 
fenfle, comme font aufly ces arteres, a caufe que le 
fang qui y eft entré s'y refroidift, & leurs fix petites 
portes fe referment, & les cinq de la vene caue & de 
l'artere veneufe fe rouurent, & donnent pañlage a 


Œuvres. I. 7 


Heruæus, 
de motu 
cordis, 


do) OEUVRES DE DESCARTES. 50-51. 


deux autres gouttes de fang, qui font derechef enfler 
le cœur & les arteres, tout de mefme que les prece- 
dentes. Et pourceque le fang, qui entre ainfi dans ce 
cœur, pafle par ces deux bourfes qu'on nomme fes 
oreilles, de là vient que leur mouuement eft contraire 
au fien, & qu'elles defenflent, lorfqu'il s’enfle. Au 
refte, affin que ceux qui ne connoïflent pas la force 
des demonftrations Mathematiques, & ne font pas 
accoutumez a diftinguer les vrayes raifons des vray- 
femblables, ne fe hafardent pas de nier cecy fans 
l'examiner, ie les veux auertir que ce mouuement, 
que ie vien d'expliquer, fuit aufly neceffairement de 
la feule difpoftion des | organes qu'on peut voir a 
l'œil dans le cœur, & de la chaleur qu'on y peut fentir 
auec les doigts, & de la nature du fang qu'on peut 
connoiftre par experience, que fait celuy d'vn horo- 
loge, de la force, de la fituation, & de la figure de fes 
contrepois & de fes rouës. 

Mais fi on demande comment le fang des venes ne 
s'efpuife point, en coulant ainfi continuellement dans 
le cœur, & comment les arteres n'en font point trop 
remplies, puifque tout celuy qui paffe par le cœur s’y 
va rendre, ie n’ay pas befoin d'y refpondre autre 
chofe, que ce qui a defia efté efcrit par vn medecin 
d'Angleterre, auquel il faut donner la louange d’auoir 
rompu la glace en cét endroit, & d'eftre le premier 
qui a enfeigné qu'il y a plufieurs petits paflages aux 
extremitez des arteres, par où le fang qu'elles re- 
çoiuent du cœur entre dans les petites branches des 
venes, d'où il fe va rendre derechef vers le cœur, en 
forte que fon cours n’eft autre chofe qu'vne circula- 


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FR Discours DE LA METHODE. s1 


tion perpetuelle. Ce qu'il prouue fort bien, par l'ex- 
perience ordinaire des chirurgiens, qui ayant lié le 
bras mediocrement fort, au deflus de l'endroit où ils 
ouurent la vene, font que le fang en fort plus abon- 
damment que s'ils ne l'auoient point lié. Et il arriue- 
roit tout le contraire, s'ils le lioient au deffous, entre 
la main & l'ouuerture, ou bien, qu'ils le liaffent tres 
fort au-deflus. Car il eft manifefte que le lien medio- 
crement ferré, pouuant empefcher que le fang qui eft 
defia dans le bras ne retourne vers le cœur par les 
venes, n'empefche pas pour cela qu'il n'y en viene 
toufiours de nouueau par les arteres, a caufe qu'elles 
font fituées au deflous des venes, & que leurs peaux, 
eftant plus dures, font|moins ayfées a preffer, & aufly 
que le fang qui vient du cœur tend auec plus de force 
a paffer par elles vers la main, qu'il ne fait a retourner 
de là vers le cœur par les venes. Et puifque ce fang 
fort du bras par l'ouuerture qui eft en l’vne des veres, 
il doit neceffairement y auoir quelques paffages au- 
deffous du lien, c'eft a dire vers les extremitez du bras, 
par où il y puifle venir des arteres. Il prouue auffy 
fort bien ce qu'il dit du cours du fang, par certaines 
petites peaux, qui font tellement difpofées en diuers 
lieux le long des venes, qu’elles ne luy permetent 
point d'y pañler du milieu du cors vers les extremitez, 
mais feulement de retourner des extremitez vers le 
cœur; et de plus, par l'experience qui monftre que tout 
celuy qui eft dans le cors en peut fortir en fort peu 
de tems par vne feule artere, lorfqu'elle eft coupée, 
encore mefme qu'elle fuft eftroitement liée fort proche 
du cœur, & coupée entre luy & le lien, en forte qu'on 


s2 OEUVRES DE DESCARTES. 52-53. 


n'euft aucun fuiet d'imaginer que le fang qui en for- 
uroit vint d'ailleurs. 

Mais il y a plufieurs autres chofes qui tefmoignent 
que la vraye caufe de ce mouuement du fang eft celle 
que 1ay dite. Comme, premierement, la difference 
qu'on remarque entre celuy qui fort des venes & celuy 
qui fort des arteres, ne peut proceder que de ce 
qu'eftant rarefié, & comme diftilé, en pañfant par le 
cœur, il eft plus fubtil & plus vif & plus chaud in- 
continent aprés en eftre forti, c'eft a dire, eftant dans 
les arteres, qu'il n'eft vn peu deuant que d'y entrer, 
c'eft a dire, eftant dans les venes. Et fi on y prend 
garde, on trouuera que cete difference ne paroift bien 
que vers le cœur, & non point tant|aux lieux qui en 
font les plus efloignez. Puis la dureté des peaux, dont 
la vene arterieufe & la grande artere font compofées, 
monftre aflez que le fang bat contre elles auec plus de 
force que contre les venes. Et pourquoy la concauité 
gauche du cœur & la grande artere feroient elles pius 
amples & plus larges, que la concauité droite & la 
vene arterieufe ? Si ce n’eftoit que le fang de l'artere 
veneufe, n'ayant efté que dans les poumons depuis 
qu'il a pañlé par le cœur, eft plus fubtil & fe rarefe 
plus fort & plus ayfement, que celuy qui vient imme- 
diatement de la vene caue. Et qu'’eft-ce que les mede- 
cins peuuent deuiner, en taftant le pouls, s'ils ne 
fçauent que, felon que le fang change de nature, il 
peut eftre rarefié par la chaleur du cœur plus ou 
moins fort, & plus ou moins vifte qu'auparauant ? Et fi 
on examine comment cette chaleur fe communique 
aux autres membres, ne faut-il pas auouër que c'eft 


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53-54. Discours DE LA METHODE. s3 


par le moyen du fang, qui paflant par le cœur s'y ref- 
chauffe, & fe refpand de là par tout le cors. D'où vient 
que, fi on ofte le fang de quelque partie, on en ofte 
par mefme moyen la chaleur; et encore que le cœur 
fuft aufly ardent qu'vn fer embrafé, il ne fufliroit pas 
pour refchaufler les pieds & les mains tant qu'il fait, 
s1l n y enuoyoit continuellement de nouueau fang. 
Puis aufly on connoift de là, que le vray vfage de la 
refpiration eft d'apporter aflez d'air frais dans le pou- 
mon, pour faire que le fang, qui y vient de la conca- 
uité droite du cœur, où il a efté rarefié & comme 
changé en vapeurs, s'y efpaiflifle, & conuertifle en 
fang derechef, auant que de retomber dans la gauche, 
fans quoy il ne pourroit eftre propre a feruir de nou- 
friture au feu qui y eft. Ce qui fe confirme, parce qu'on 
void que les animaux qui n'ont point de poumons, 
n'ont aufly qu'vne concauité dans le cœur, & que les 
enfans, qui n en peuuent vfer pendant qu'ils font ren- 
fermez au ventre de leurs meres, ont vne ouuerture 
par où il coule du fang de la vene caue en la concauité 
gauche du cœur, & vn conduit par où 1l en vient de 
la vene arterieufe en la grande artere, fans pañler par 
le poumon. Puis la coétion, comment fe feroit-elle en 
l'eftomac, fi le cœur n'y enuoyoit de la chaleur par les 
arteres, & auec cela quelques vnes des plus coulantes 
parties du fang, qui aydent a difloudre les viandes 
qu'on y a mifes? Et l’action qui conuertift le fuc de 
ces viandes en fang, n'eft elle pas ayfée a connoiftre, 
fi on confidere qu'il fe diftile, en pañlant & repañlant 
par le cœur, peuteftre par plus de cent ou deux cent 
fois en chafque iour ? Et qu'a t on befoin d'autre chofe, 


* 


s4 Œuvres DE DESCARTES. 54-55. 


pour expliquer la nutrition, & la production des di- 
uerfes humeurs qui font dans le cors, finon de dire 
que la force, dont le fang en fe rarefiant pañie du 
cœur vers les extremitez des arteres, fait que quelques 
vnes de {es parties s’areftent entre celles des membres 
où elles fe trouuent, & y prenent la place de quelques 
autres qu'elles en chaffent; et que, felon la fituation, 
ou la figure, ou la petitefle des pores qu'elles ren- 
contrent, les vnes fe vont rendre en certains lieux 
plutoft que les autres, en mefme façon que chafcun 
peut auoir vùû diuers cribles, qui eftant diuerfement 
percez feruent a feparer diuers grains les vns des 
autres ? Et enfin ce qu'il y a de plus remarquable en 
tout, cecy, c'eft la generation des efprits animaux, qui 
font comme vn vent tres fubtil, | ou plutoft comme 
vne flame tres pure & tres viue, qui, montant conti- 
nuellement en grande nn du cœur dans le 
cerueau, fe va rendre de là par les nerfs dans les 
mufcles, & donne le mouuement a tous les membres ; 
fans qu'il faille imaginer d'autre caufe, qui face que 
les parties du fang, qui, eftant les plus agitées & les 
plus penetrantes, font les plus propres a compofer 
ces efprits, fe vont rendre plutoft vers le cerueau que 
vers ailleurs ; finon que les arteres, qui les y portent, 
font celles qui vienent du cœur le plus en ligne droite 
de toutes, & que, felon les regles des Mechaniques, 
qui font les mefmes que celles de la nature, lorfque 
plufieurs chofes tendent enfemble a fe mouuoir vers 
vn mefme cofté, où il ny a pas aflez de place pour 
toutes, ainfi que les parties du fang qui fortent de la 
concauité gauche du cœur iicne vers le cerueau, 


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55-56. Discours DE LA METHODE. s$ 


les plus foibles & moins agitées en doiuent eftre dé- 
tournées par les plus fortes, qui par ce moyen s'y 
vont rendre feules. 

l'auois expliqué affez particulierement toutes ces 
chofes, dans le traité que i'auois eu cy deuant deffein 
de publier. Et enfuite y auois monftré quelle doit 
eftre la fabrique des nerfs & des mufcles du cors hu- 
main, pour faire que les efprits animaux, eftant de- 
dans, ayent la force de mouuoir fes membres : ainfi 
qu'on voit que les teftes, vn peu aprés eftres coupées, 
fe remuent encore, & mordent la terre, nonobftant 
qu'elles ne foient plus animées; quels changemens fe 
doiuent faire dans le cerueau, pour caufer la veille, 
& le fommeil, & les fonges; comment la lumiere, les 
fons, les odeurs, les gouts, la chaleur, & toutes les 
autres qualitez des obiets exterieurs y peuuent im- 
primer diuerfes idées, par l'entremife des fens; com- 
ment la faim, la foif, & les autres pañlions interieures, 
y peuuent aufly enuoyer les leurs; ce qui doit y 
eftre pris pour le fens commun, où ces idées font 
recuës; pour la memoire, qui les conferue; & pour la 
fantaifie, qui les peut diuerfement changer, & en com- 
pofer de nouuelles, & par mefme moyen, diftribuant 
les efpris animaux dans les mufcles, faire mouuoir 
les membres de ce cors, en autant de diuerfes façons, 
& autant a propos des obiets qui fe prefentent a ces 
fens, & des paffions interieures qui font en luy, que 
les noftres fe puiffent mouuoir, fans que la volonté 
les conduife. Ce qui ne femblera nullement eftrange a 
ceux qui, fçachant combien de diuers automates, ou 
machines mouuantes, l’induftrie des hommes peut 


0 OEUVRES DE DESCARTES. 56-57. 


faire, fans y employer que fort peu de pieces, a com- 
paraifon de la grande multitude des os, des mufcles, 
des nerfs, des arteres, des venes, & de toutes les 
autres parties, qui font dans le cors de chafque ani- 
mal, confidereront ce cors comme vne machine, qui, 
ayant efté faite des mains de Dieu, eft incomparable- 
ment mieux ordonnée, & a en foy des mouuemens 
plus admirables, qu'aucune de celles qui peuuent 
eftre inuentées par les hommes. 

Et ie m'eftois icy particulierement arefté a faire 
voir que, s'il y auoit de telles machines, qui euflent 
les organes & la figure d'vn finge, ou de quelque 
autre animal fans raifon, nous n’aurions aucun moyen 
pour reconnoiftre qu'elles ne feroient pas en tout de 
mefme nature que ces animaux; au lieu que, s'il y en 
auoit qui euflent la reflemblance de nos cors, & imi- 
taffent autant nos aétions que moralement il feroit 
pof|fible, nous aurions toufiours deux moyens tres 
certains, pour reconnoiftre qu'elles ne feroient point 
pour cela de vrais hommes. Dont le premier eft que 
iamais elles ne pourroient vfer de paroles, ny d'autres 
fignes en les compofant, comme nous faifons pour 
declarer aux autres nos penfées. Car on peut bien 
conceuoir qu'vne machine foit tellement faite qu'elle 


profere des paroles, & mefme quelle en profere 


quelques vnes a propos des aétions corporelles qui 
cauferont quelque changement en fes organes : 
comme, fi on la touche en quelque endroit, qu'elle 
demande ce qu'on luy veut dire; fi en vn autre, qu'elle 
crie qu'on luy fait mal, & chofes femblables; mais 
non pas qu'elle les arrenge diuerfement, pour ref- 


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57-58. Discours DE LA METHODE. 7 


pondre au fens de tout ce qui fe dira en fa prefence, 
ainfi que les hommes les plus hebetez peuuent faire. 
Et le fecond eft que, bien qu'elles fiffent plufieurs 
chofes ‘aufly bien, ou peuteftre mieux qu'aucun de 
nous, elles manqueroient infalliblement en quelques 
autres, par lefquelles on découuriroit qu'elles n'agi- 
roient pas par connoiïflance, mais feulement par la 
difpofition de leurs organes. Car, au lieu que la rai- 
fon eft vn inftrument vniuerfel, qui peut feruir en 
toutes fortes de rencontres, ces organes ont befoin de 
quelque particuliere difpofition pour chaque a@ion 
particuliere; d'où vient qu'il eft moralement impof- 
fible qu'il y en ait affez de diuers en vne machine, 
pour la faire agir en toutes les occurrences de la vie, 
de mefme façon que noftre raifon nous fait agir. 

Or, par ces deux mefmes moyens, on peut aufly 
connoiftre la difference, qui eft entre les hommes & 
les beftes. Car c'eft vne chofe bien remarquable, qu'il 
n y a point | d'hommes fi hebetez & fi ftupides, fans en 
excepter mefme les infenfez, qu'ils ne foient capables 
d’arrenger enfemble diuerfes paroles, & d'en compofer 
vn difcours par lequel ils facent entendre leurs pen- 
fées; et qu'au contraire, il n’y a point d’autre animal, 
tant parfait & tant heureufement né qu'il puifle eftre, 
qui face le femblable. Ce qui n'arriue pas de ce qu'ils 
ont faute d'organes, car on voit que les pies & les 
perroquets peuuent proferer des paroles ainfi que 
nous, & toutefois ne peuuent parler ainfi que nous, 
c'eft a dire,en tefmoignant qu'ils penfent ce qu'ils 
difent; au lieu que les hommes qui, eftans nés fours 
& muets, font priuez des organes qui feruent aux au- 


Œuvres. I. 8 


;8 Œuvres DE DESCARTES. 58-50. 


tres pour parler, autant ou plus que les beftes, ont 
couftume d’inuenter d'eux mefmes quelques fignes, par 
lefquels ils fe font entendre a ceux qui, eftans ordinai- 
rement auec eux, ont loyfir d'apprendre leur langue. 
Et cecy ne tefmoigne pas feulement que les beftes ont 
moins de raifon que les hommes, mais qu'elles n'en 
ont point du tout. Car on voit qu'il n'en faut que fort 
peu, pour fçauoir parler; & d'autant qu'on remarque 
de l'inefgalité entre les animaux d'vne mefme efpece, 
auffy bien qu'entre les hommes, & que les vns font 
plus ayfez a dreffer que les autres, il n eft pas croyable 
qu'vn finge ou vn perroquet, qui feroit des plus par- 
faits de fon efpece, n'égalaft en cela vn enfant des plus 
ftupides, ou du moins vn enfant qui auroit le cerueau 
troublé, fi leur ame n'’eftoit d'vne nature du tout diffe- 
rente de la noftre. Et on ne doit pas confondre les 
paroles auec les mouuemens naturels, qui tefmoignent 
les paflions, & peuuent eftre imitez par des machines 
aufly bien que par les animaux;|ny penfer, comme 
quelques Anciens, que les beftes parlent, bien que nous 
n'entendions pas leur langage : car s'il eftoit vray, 
puifqu'elles ont plufieurs organes qui fe rapportent 
aux noftres, elles pourroient auffy bien fe faire en- 
tendre a nous qu'a leurs femblables. C'eft auffy vne 
chofe fort remarquable que, bien qu'il y ait plufieurs 
animaux qui tefmoignent plus d'induftrie que nous en 
quelques vnes de leurs aétions, on voit toutefois que 
les mefmes n'en tefmoignent point du tout en beau- 
coup d’autres : de façon que ce qu'ils font mieux que 
nous, ne prouue pas qu'ils ont de l'efprit; car, a ce 
conte, 1ls en auroient plus qu'aucun de nous, & fe- 


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cl 


ME 


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>” 
en Discours DE LA METHODE. s9 
roient mieux en toute chofe; mais plutoft qu'ils n'en 
ont point, & que ceft la Nature qui agift en eux, 
felon la difpofition de leurs organes : ainfi qu'on 
voit qu vn horologe, qui n'eft compofé que de rouës 
& de reflors, peut conter les heures, & mefurer le 
tems, plus iuftement que nous auec toute noftre pru- 
dence. 

l'auois defcrit, aprés cela, l'ame raifonnable, & fait 
voir qu'elle ne peut aucunement eftre tirée de la puif- 
fance de la matiere, ainfi que les autres chofes dont 
l'auois parlé, mais qu'elle doit expreflement eftre 
creée ; et comment il ne fuflit pas qu'elle foit logée 
dans le cors humain, ainfi qu'vn pilote en fon nauire, 
finon peuteftre pour mouuoir fes membres, mais qu’il 
eft befoin qu'elle foit iointe & vnie plus eftroitement 
auec luy, pour auoir, outre cela, des fentimens & des 
appetits femblables aux noftres, & ainfi compofer vn 
vray homme. Au refte, ie me fuis icy vn peu eftendu 
fur le fuiet de l'ame, a caufe qu'il eft des plus impor- 
tans; car, aprés l'erreur de ceux | qui nient Dieu, la- 
quelle ie penfe auoir cy deflus aflez refutée, il n'y en 
a point qui efloigne plutoit les efprits foibles du 
droit chemin de la vertu, que d'imaginer que l'ame 
des beftes foit de mefme nature que la noftre, & que, 
par confequent, nous n'auons rien a craindre, ny a 
efperer, aprés cete vie, non plus que les moufches & 
les fourmis ; au lieu que, lorfqu'on fçait combien elles 
different, on comprent beaucoup mieux les raifons, 
qui prouuent que la noftre eft d'vne nature entiere- 
ment independante du cors, & par confequent, qu'elle 
n'eft point fuiette a mourir auec luy; puis, d'autant 


SIXIESME 
PARTIE. 


6o Œuvres DE DESCARTES. 60-61. 


qu'on ne voit point d'autres caufes qui la deftruifent, 
on eft naturellement porté a iuger de là qu'elle eft 
immortelle. 


Or il y a maintenant trois ans que r'eftois paruenu 
a la fin du traité qui contient toutes ces chofes, & 
que ie commençois a le reuoir, afhin de le mettre entre 
les mains d'vn imprimeur, lorfque r'appris que des 
perfonnes, a qui ie defere & dont l’authorité ne peut 
gueres moins fur mes actions, que ma propre rai- 
fon fur mes penfées, auoient defapprouué vne opi- 
nion de Phyfique, publiée vn peu auparauant par 
quelque autre, de laquelle ie ne veux pas dire que ie 
fufle, mais bien que ie n’y auois rien remarqué, auant 
leur cenfure, que ie puffe imaginer eftre preiudiciable 
ny a la Religion ny a l'Eftat, ny, par confequent, qui 
m'euft empefché de l'efcrire, fi la raifon me l'euft per- 
fuadée, & que cela me fit craindre qu'il ne s’en trou- 
uaft tout de mefme quelqu vne entre les mienes, en 
laquelle ie me fuffe mépris, nonobftant le grand foin 
que ’ay toufiours eu de n'en point receuoir de nou- 
uelles en ma creance, dont ie n’eufle des demonftra- 
tions tres certaines, & de n'en point efcrire, qui puf- 
fent tourner au defauantage de perfonne. Ce qui a 
efté fuffifant, pour m'obliger a changer la refolution 
que j'auois euë de les publier. Car, encore que les 
raifons, pour lefquelles ie l’auois prife auparauant, 
fuffent tres fortes, mon inclination, qui m'a toufiours 
fait haïr le meftier de faire des liures, m'en fit incon- 
tinent trouuer aflez d'autres, pour m'en excufer. Et 
ces raifons de part & d'autre font telles, que non 


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G-62: Discours DE LA METHODE. Gt 


feulement i'ay icy quelque intereft de les dire, mais 
peut-eftre auffy que le public en a de les fçauoir. 

le n'ay iamais fait beaucoup d’eftat des chofes qui 
venoient de mon efprit, & pendant que ie n'ay re- 
cueilly d’autres fruits de la methode dont ie me fers, 
finon que ie me fuis fatisfait, touchant quelques difi- 
cultez qui appartienent aux fciences fpeculatiues, ou 
bien que 1’ay tafché de regler mes meurs par les 
raifons qu'elle m'enfeignoit, ie n’ay point creu eftre 
obligé d'en rien efcrire. Car, pour ce qui touche les 
meurs, chafcun abonde fi fort en fon fens, qu'il fe 
pourroit trouuer autant de reformateurs que de 
teftes, s’il eftoit permis a d'autres qu'a ceux que Dieu 
a eftablis pour fouuerains fur fes peuples, ou bien 
aufquels il a donné aflez de grace & de zele pour 
eftre prophetes, d'entreprendre d'y rien changer; et 
bien que mes fpeculations me pleuffent fort, l'ay creu 
que les autres en auoient aufly, qui leur plaifoient 
peut-eftre dauantage. Mais, fitoft que 1 ay eu acquis 
quelques notions generales touchant la Phyfique, & 
que, commençant a les efprouuer en diuerfes difh- 
cultez particulieres, ay remarqué iufques où elles 
peuuent conduire, & combien elles different des prin- 
cipes dont on s'eft ferui iufques a prefent, 1ay creu 
que ie ne pouuois les tenir cachées, fans pecher gran- 
dement contre la loy qui nous oblige a procurer, 
autant qu'il eft en nous, le bien general de tous les 
hommes. Car elles m'ont fait voir qu'il eft pofhble 
de paruenir a des connoiflances qui foient fort vtiles 
a la vie, & qu'au lieu de cete Philofophie fpeculatiue, 
qu'on enfeigne dans les efcholes, on en peut trouuer 


62 OEuvres DE DESCARTES. 6263: 


vne pratique, par laquelle connoiffant la force & les 
actions du feu, de l’eau, de l'air, des aftres, des cieux, 
& de tous les autres cors qui nous enuironnent, aufly 
diftintement que nous connoiffons les diuers me- 
fiers de nos artifans, nous les pourrions employer 
en mefme façon a tous les vfages aufquels ils font 
propres, & ainfi nous rendre comme maïftres & pof- 
feffeurs de la Nature. Ce qui n'eft pas feulement a 
defirer pour l'inuention d'vne infinité d'artifices, qui 
feroient qu'on iouiroit, fans aucune peine, des fruits 
de la terre & de toutes les commoditez qui sy 
trouuent, mais principalement aufly pour la confer- 
uation de la fanté, laquelle eft fans doute le premier 
bien, & le fondement de tous les autres biens de cete 
vie; car mefme l'efprit depend fi fort du tempe- 
rament, & de la difpofition des organes du cors, que 
s'il eft poffible de trouuer quelque moyen, qui rende 
communement les hommes plus fages & plus habiles 
qu'ils n'ont efté iufques icy, ie croy que c’eft dans la 
Medecine qu'on doit le chercher. Il eft vray que celle 
qui eft maintenant en vfage, contient peu de chofes 
dont l'vtilité foit fi remarquable; mais, fans que r'aye 
aucun deflein de la mefprifer, ie m'aflure qu'il n'y a 
perfonne, mefme de ceux qui en font profeflion, qui 
n'auouë que tout ce qu'on y fçait n'eft prefque rien, a 
comparaifon de ce qui refte a y fçauoir, & qu'on fe 
pourroit exemter d'vne infinité de maladies, tant du 
cors que de l’efprit, & mefme aufly peuteftre de l’af- 
foibliflement de la vieilleffe, fi on auoit affez de con- 
noiflance de leurs caufes, & de tous les remedes dont 
la Nature nous a pourueus. Or, ayant deflein d'em- 


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6e Discours DE LA METHODE. 6; 


ployer toute ma vie a la recherche d'vne fcience fi 
neceffaire, & ayant rencontré vn chemin qui me 
femble tel qu'on doit infalliblement la trouuer, en le 
fuiuant, fi ce n'eft qu'on en foit empefché, ou par la 
brieueté de la vie, ou par le defaut des experiences, 
ie iugeois qu'il n y auoit point de meilleur remede 
contre ces deux empefchemens, que de communiquer 
fidellement au public tout le peu que f’aurois trouué, 
& de conuier les bons efprits a tafcher de pañler plus 
outre, en contribuant, chafcun felon fon inclination 
& fon pouuoir, aux experiences qu'il faudroit faire, 
& communiquant aufly au public toutes les chofes 
qu'ils apprendroient, affin que les derniers commen- 
çant ou les precedens auroient acheué, & ainfi 1oi- 
gnant les vies & les trauaux de plufieurs, nous allaf- 
fions tous enfemble beaucoup plus loin, que chafcun 
en particulier ne fçauroit faire. 

Mefme ie remarquois, touchant les experiences, 
qu'elles font d'autant plus neceffaires, qu'on eft plus 
auancé en connoiffance. Car, pour le commencement, 


. il vaut mieux ne fe feruir que de celles qui fe pre- 


fentent d'elles mefmes a nos fens, & que nous ne 
fçaurions ignorer, pouruû que nous y facions tant 
foit peu de reflexion, que | d'en chercher de plus rares 
& eftudiées : dont la raifon eft que ces plus rares 
trompent fouuent, lorfqu'on ne fçait pas encore les 
caufes des plus communes, & que les circonftances 
dont elles dependent font quafi toufiours fi particu- 
lieres & fi petites, qu'il eft tres malayfé de les re- 
marquer. Mais l'ordre que j'ay tenu en cecy a efté tel. 
Premierement, i'ay tafché de trouuer en general les 


64 OEUVRES DE DESCARTES. 64-65. 


Principes, ou Premieres Caufes, de tout ce qui ef, 
ou qui peut eftre, dans le monde, fans rien confi- 
derer, pour cet eflect, que Dieu feul, qui l'a creé, ny 
les tirer d'ailleurs que de certaines femences de 
Veritez qui font naturellement en nos ames. Aprés 
cela, ay examiné quels eftoient les premiers & 
plus ordinaires eflets qu’on pouuoit deduire de ces 
caufes : et il me femble que, par la, ray trouué des 
Cieux, des Aftres, vne Terre, & mefme, fur la terre, 
de l'Eau, de l'Air, du Feu, des Mineraux, & quelques 
autres telles chofes, qui font les plus communes de 
toutes & les plus fimples, & par confequent les plus 
ayfées a connoiftre. Puis, lorfque 1ay voulu def- 
cendre a celles qui eftoient plus particulieres, il s'en 
eft tant prefenté a moy de diuerfes, que ie n'ay pas 
creu qu'il fuft poflible a l'efprit humain de diftinguer 
les Formes ou Efpeces de cors qui font fur la terre, 
d'vne infinité d'autres qui pourroient y eftre, fi c'euft 
efté le vouloir de Dieu de les y mettre, ny, par con- 
fequent, de les rapporter a noftre vfage, fi ce neft 
qu'on viene au deuant des caufes par les effets, & 
qu'on fe ferue de plufieurs experiences particulieres. 
En fuite de quoy, repaflant mon efprit fur tous les 
obiets qui s'eftoient iamais prefentez a mes fens, 
j'ofe bien dire que ie n'y ay remarqué aucune chofe 
que ie ne peufle aflez | commodement expliquer par 
les Principes que j'auois trouuez. Mais il faut auffy 
que i’auouë, que la puiffance de la Nature eft fi ample 
& fi vafte, & que ces Principes font fi fimples & fi 
generaux, que ie ne remarque quafi plus aucun effect 
particulier, que d’abord ie ne connoifie qu'il peut en 


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65-66. Discours DE LA METHODE. 6 


eftre deduit en plufieurs diuerfes façons, & que ma 
plus grande difhiculté eft d'ordinaire de trouuer en 
laquelle de ces façons il en depend. Car a cela ie ne 
{çay point d'autre expedient, que de chercher dere- 
chef quelques experiences, qui foient telles, que leur 
euenement ne foit pas le mefme, fi c'eft en l'vne de 
ces façons qu'on doit l'expliquer, que fi c'eft en 
l'autre. Au refte, i'en fuis maintenant la, que ie voy, 
ce me femble, aflez bien de quel biaiz on fe doit 
prendre a faire ja plus part de celles qui peuuent fer- 
uir a cet effleét ; mais ie voy aufly qu'elles font telles, 
& en fi grand nombre, que ny mes mains, ny mon 
reuenu, bien que i'en eufle mille fois plus que ie n’en 
ay, ne fçauroient fuffire pour toutes; en forte que, 
felon que i'auray deformais la commodité d'en faire 
plus ou moins, i'auanceray aufly plus ou moins en 
la connoifflance de la Nature. Ce que ie me prome- 
tois de faire connoiftre, par le traité que r’auois efcrit, 
& d'y monftrer fi clairement l'vtilité que le public en 
peut receuoir, que 1'obligerois tous ceux qui defirent 
en general le bien des hommes, c'eft a dire, tous ceux 
qui font en effeét vertueux, & non point par faux fem- 
blant, ny feulement par opinion, tant a me commu- 
niquer celles qu'ils ont defia faites, qu'a m'ayder en la 
recherche de celles qui reftent a faire. 

Mais 1'ay eu, depuis ce tems la, d'autres raifons 
qui | mont fait changer d'opinion, & penfer que ie 
deuois veritablement continuër d'efcrire toutes les 
chofes que ie iugerois de quelque importance, a me- 
fure que 1en découurirois la verité, & y apporter le 
mefme foin que fi ie les voulois faire imprimer : tant 


Œuvres. I. 9 


66 Œuvres DE DESCARTES. 66-67. 


affin d'auoir d'autant plus d’occafion de les bien exa- 
miner, comme fans doute on regarde toufiours de 
plus prés a ce qu'on croit deuoir eftre veu par plu- 
fieurs, qu'a ce qu'on ne fait que pour foy mefme, & 
fouuent les chofes, qui m'ont femblé vrayes, lorfque 
l'ay commencé a les conceuoir, m'ont parû fauffes, 
lorfque ie les ay voulu mettre fur le papier; qu’affin 
de ne perdre aucune occafion de profiter au public, 
fi jen fuis capable, & que, fi mes efcrits valent 
quelque chofe, ceux qui les auront aprés ma mort, 
en puiflent ver, ainfi qu'il fera le plus a propos; 
mais que ie ne deuois aucunement confentir qu'ils 
fuffent publiez pendant ma vie, affin que ny les oppo- 
fitions & controuerfes, aufquelles ils feroient peut- 
eftre fuiets, ny mefme la reputation telle quelle, qu'ils 
me pourroient acquerir, ne me donnaffent aucune 
occafion de perdre le tems que i’ay deflein d'employer 
a m'inftruire. Car, bien que il foit vray que chafque 
homme eft obligé de procurer, autant qu'il eft en luy, 
le bien des autres, & que c'eft proprement ne valoir 
rien que de n'eftre vtile a perfonne, toutefois il eft 
vray aufly que nos foins fe doiuent eftendre plus loin 
que le tems prefent, & quil eft bon d'omettre les 
chofes qui apporteroient peuteftre quelque profit a 
ceux qui viuent, lorfque c'eft a deffein d'en faire 
d'autres qui en apportent dauantage a nos neueux. 
Comme, en effeét, ie veux bien qu'on fçache que le 
peu que j'ay | appris iufques : icy, n'eft prefque rien, a 
comparaifon de ce que ignore, & que ie ne den 
pas de pouuoir apprendre; car c'eft quafñi le mefme 
de ceux qui découurent peu a peu la verité dans les 


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67-68. Discours DE LA METHODE. 67 


fciences, que de ceux qui, commençant a deuenir 
riches, ont moins de peine a faire de grandes ac- 
quifitions, qu'ils n’ont eu auparauant, eftant plus 
pauures, a en faire de beaucoup moindres. Ou bien 
on peut les comparer aux chefs d'armée, dont les 
forces ont couftume de croiftre a proportion de leurs 
victoires, & qui ont befoin de plus de conduite, pour 
fe maintenir aprés la perte d'vne bataille, qu'ils n'ont, 
aprés l’auoir gaignée, a prendre des villes & des pro- 
uinces. Car c'eft veritablement donner des batailles, 
que de tafcher a vaincre toutes les difficultez & les 
erreurs, qui nous empefchent de paruenir a la con- 
noiflance de la verité, & c’eft en perdre vne, que de 
receuoir quelque fauffe opinion, touchant vne ma- 
tiere vn peu generale & importante; il faut, aprés, 
beaucoup plus d’adrefle, pour fe remettre au mefme 
eftat qu'on eftoit auparauant, qu'il ne faut a faire de 
grans progrés, lorfqu'on a defia des principes qui 
font aflurez. Pour moy, fi lay cy deuant trouué 
quelques veritez dans les fciences (& r’efpere que les 
chofes qui font contenuës en ce volume feront iuger 
que i'en ay trouué quelques vnes), ie puis dire que ce 
ne font que des fuites & des dependances de cinq ou 
fix principales difficultez que 1'ay furmontées, & que 
ie conte pour autant de batailles où i'ay eu ee de 
mon cofté. Mefme ie ne craindray pas de dire, que ie 
penfe n’auoir plus befoin d'en gaigner que deux ou 
trois autres femblables, pour venir entierement a 
bout de mes deffeins ; et que| mon aage n'eft point 
fi auancé que, felon le cours ordinaire de la Nature, 
ie ne puifle encore auoir aflez de loyfir pour cet effect. 


68 OEuvres DE DESCARTES. 68-69. 


Mais ie croy eftre d'autant plus obligé a ménager le 
tems qui me refte, que 1'ay plus d'efperance de le pou- 
uoir bien employer; et r'aurois fans doute plufieurs 
occafions de le perdre, fi ie publiois les fondemens de 
ma Phyfique. Car, encore qu'ils foient prefque tous 
fi euidens, qu'il ne faut que les entendre pour les 
croire, & qu'il ny en ait aucun, dont ie ne penfe 
pouuoir donner des demonftrations, toutefois, a 
caufe qu'il eft impoflble qu'ils foient accordans auec 
toutes les diuerfes opinions des autres hommes, 1e 
preuoy que ie ferois fouuent diuerti par les oppofi- 
tions qu'ils feroient naiftre. 

On peut dire que ces oppolitions feroient vtiles, 
tant afin de me faire connoiftre mes fautes, qu’'affin 
que, fi l'auois quelque chofe de bon, les autres en 
euflent par ce moyen plus d'intelligence, &, comme 
plufieurs peuuent plus voir qu'vn homme feul, que 
commençant des maintenant a s'en feruir, ils m'ay- 
daffent aufly de leurs inuentions. Mais, encore que ie 
me reconnoifle extremement fuiet a faillir, & que ie 
ne me fie quafi iamais aux premieres penfées qui me 
vienent, toutefois l'experience que 1’ay des obieétions 
qu'on me peut faire, m'empefche d'en efperer aucun 
profit : car j'ay defia fouuent efprouué les iugemens, 
tant de ceux que 1ay tenus pour mes amis, que de 
quelques autres a qui ie penfois eftre indifferent, & 
mefme aufly de quelques vns dont ie fçauois que la 
malignité & l'enuie tafcheroit affez a découurir ce que 
l'affeion cacheroiït a mes amis ; mais il eft | rarement 
arriué quon mayt obiecté quelque chofe que 1e 
n'eufle point du tout preueuë, fi ce n’eft qu'elle fuft 


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69-70. Discours DE LA METHODE. 69 


fort éloignée de mon fuiet; en forte que ie n’ay quañ 
iamais rencontré aucun cenfeur de mes opinions, qui 
ne me femblaft ou moins rigoureux, ou moins equi- 
table, que moy mefme. Et ie n'ay iamais remarqué 
non plus, que, par le moyen des difputes qui fe pra- 
tiquent dans les efcholes, on ait découuert aucune 
verité qu'on ignoraft auparauant; car, pendant que 
chafcun tafche de vaincre, on s'exerce bien plus a faire 
valoir la vrayfemblance, qu'a pefer les raifons de part 
& d'autre; & ceux qui ont eflé long tems bons auo- 
cats, ne font pas pour cela, par aprés, meilleurs iuges. 

Pour l’vtilité que les autres receuroient de la com- 
munication de mes penfées, elle ne pourroit aufly 
eftre fort grande, d'autant que ie ne les ay point en- 
core conduites fi loin, qu'il ne foit befoin d'y aioufter 
beaucoup de chofes, auant que de les appliquer a 
l'vfage. Et ie penfe pouuoir dire, fans vanité, que, s’il 
y a quelqu vn qui en foit capable, ce doit eftre plu- 
toft moy qu'aucun autre : non pas qu'il ne puifle y 
auoir au monde plufeurs efprits incomparablement 
meilleurs que le mien; mais pource qu’on ne fçau- 
roit fi bien conceuoir vne chofe, & la rendre fiene, 
lorfqu'on l'apprent de quelque autre, que lorfqu'on 
l'inuente foy mefme. Ce qui eft fi veritable, en cete 
matiere, que, bien quei'aye fouuent expliqué quelques 
vnes de mes opinions a des perfonnes de tres bon 
efprit, & qui, pendant que ie leur parlois, fembloient 
les entendre fort diflinctement, toutefois, lorfqu'ils les 
ont redites, 1’ay remarqué qu'ils les ont changées pref- 
[que toufiours en telle forte que ie ne les pouuois plus 
auouër pour mienes. À l'occafion de quoy ie fuis 


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7 OŒEuvREs DE DESCARTES. 70-71. 


bien ayfe de prier icy nos neueux, de ne croire iamais 
que les chofes qu'on leur dira vienent de moy, lorf- 
que ie ne les auray point moy mefme diuulguées. Et 
ie ne m'eflonne aucunement des extrauagances qu'on 
attribue a tous ces anciens Philofophes, dont nous 
n'auons point les efcrits, ny ne iuge pas, pour cela, 
que leurs penfées ayent efté fort deraifonnables, veu 
qu'ils eftoient des meilleurs efprits de leurs tems, 
mais feulement qu'on nous les a mal rapportées. 
Comme on voit aufly que prefque iamais il n’eft ar- 
riué qu'aucun de leurs feétateurs les ait furpañlez; 
et ie m'aflure que les plus paflionnez de ceux qui fui- 
uent maintenant Ariftote, fe croyroient hureux, s'ils 
auoient autant de connoiflance de la Nature qu'il en 
a eu, encore mefme que ce fuft a condition qu'ilsn'en 
auroient iamais dauantage. Ils font comme le lierre, 
qui ne tend point a monter plus haut que les arbres 
qui le foutienent, & mefme fouuent qui redefcend, 
aprés qu'il eft paruenu iufques a leur faifte; car 1l me 
femble auffy que ceux la redefcendent, c’eft-a-dire, fe 
rendent en quelque façon moins fçauans que s'ils 
s’abftenoient d’eftudier, lefquels, non contens de fça- 
uoir tout ce qui eft intelligiblement expliqué dans 
leur autheur, veulent, outre cela, y trouuer la folution 
de plufieurs difficultez, dont il ne dit rien & aufquelles 
il n’a peuteftre iamais penfé. Toutefois, leur façon de 
philofopher eft fort commode, pour ceux qui n’ontque 
des efprits fort mediocres ; car l'obfcurité des diftinc- 
tions & des principes dont ils fe feruent, eft caufe 
qu'ils peuuent parler de toutes chofes aufly hardi- 
ment que s'ils les fçauoient, & fouftenir tout ce qu'ils 


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71-72. Discours DE LA METHODE. 72 


en difent contre les plus fubtiles & les plus habiles, 
fans qu'on ait moyen de les conuaincre. En quoy ils 
me femblent pareils a vn aueugle, qui, pour fe battre 
fans defauantage contre vn qui voit, l’auroit fait venir 
dans le fonds de quelque caue fort obfeure ; et ie puis 
dire que ceux cy ont intereft que ie m'abftiene de pu- 
blier les principes de la Philofophie dont ie me fers : 
car eftans tres fimples & tres euidens, comme ils font, 
ie ferois quafi le mefme, en les publiant, que fi r'ou- 
urois quelques feneftres, & faifois entrer du iour dans 
cete caue, ou ils font defcendus pour fe battre. Mais 
_ mefme les meilleurs efprits n’ont pas occafion de fou- 
haiter de les connoiftre : car, s'ils veulent fçauoir par- 
ler de toutes chofes, & acquerir la reputation d’eftre 
doctes, ils y paruiendront plus ayfement en fe con- 
tentant de la vrayfemblance, qui peut eftre trouuée 
fans grande peine en toutes fortes de matieres, qu’en 
cherchant la verité, qui ne fe découure que peu a peu 
en quelques vnes, & qui, lorfqu'il eft queftion de par- 
ler des autres, oblige a confefler franchement qu'on 
les ignore. Que s'ils preferent la connoiïffance de 
quelque peu de veritez a la vanité de paroiftre n’igno- 
rer rien, comme fans doute elle eft bien preferable, 
& qu'il vueillent fuiure vn deffein femblable au mien, 
ils n’ont pas befoin, pour cela, que ie leur die rien da- 
uantage que ce que 1'ay defia dit en ce difcours. Car, 
s'ils font capables de pañfer plus outre que ie n’ay fait, 
ils le feront aufy, a plus forte raifon, de trouuer d’eux 
mefmes tout ce que ie penfe auoir trouué. D'autant 
que, n'ayant iamais rien examiné que par ordre, il eft 
certain | que ce qui me refte encore a découurir, eft 


72 Œuvres DE DESCARTES. 72. 


de foy plus difficile & plus caché, que ce que ray pü 
cy deuant rencontrer, & ils auroient bien moins de 
plaifir a l'apprendre de moy que d'eux mefmes ; 
outre que l'habitude qu’ils acquerront, en cherchant 
premierement des chofes faciles, & paffant peu a 
peu par degrez a d'autres plus dificiles, leur fer- 
uira plus que toutes mes inftructions ne fçauroient 
faire. Comme, pour moy, ie me perfuade que, fi on 
m'euft enfeigné, dés ma ieunefle, toutes les veritez 
dont ï’ay cherché depuis les demonftrations, & que 
ie n'eufle eu aucune peine a les apprendre, ie n’en 


aurois peuteftre iamais fceu aucunes autres, & du 


moins que iamais ie n'aurois acquis l'habitude & la 
facilité, que ie penfe auoir, d'en trouuer toufiours de 
nouuelles, a mefure que ie m'applique a les chercher. 
Et en vn mot, s'il y a au monde quelque ouurage, qui 
ne puifle eftre fi bien acheué par aucun autre que 
par le mefme qui l’a commencé, c'eft celuy auquel ie 
trauaille. 

Il eft vray que, pour ce qui eft des experiences qui 
peuuent y feruir, vn homme feul ne fçauroit fuflire a 
les faire toutes; mais il n'y fçauroit aufly employer 
vtilement d’autres mains que les fienes, finon celles 
des artifans, ou telles gens qu'il pourroit payer, & a 
qui l'efperance du gain, qui eft vn moyen tres efficace, 
feroit faire exaétement toutes les chofes qu'il leur 
prefcriroit. Car, pour les volontaires, qui, par curio- 
fité ou defir d'apprendre, s'offriroient peuteftre de luy 
ayder, outre qu'ils ont pour l'ordinaire plus de pro- 
mefles que d'effe&, & qu'ils ne font que de belles 
propofitions dont aucune iamais ne reüflit, ils vou- 


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72-73. Discours DE LA METHODE. 73 


droient infalliblement eftre payez par l'ex|plication de 
quelques dificultez, ou du moins par des complimens 
& des entretiens inutiles, qui ne luy fçauroient couf- 
ter fi peu de fon tems quil n'y perdift. Et pour les 
experiences que les autres ont defia faites, quand 
bien mefme ils les Iuy voudroient communiquer, ce 
que ceux qui les nomment des fecrets ne feroient 
iamais, elles font, pour la plufpart, compofées de tant 
de circonftances, ou d'ingrediens fuperflus, qu'il luy 
feroit tres malayfé d'en déchiffrer la verité; outre qu'il 
les trouueroit prefque toutes fi mal expliquées, ou 
mefme fi faufles, a caufe que ceux qui les ont faites 
fe font efforcez de les faire paroïftre conformes a 
leurs principes, que, sil y en auoit quelques vnes 
qui luy feruiflent, elles ne pourroient derechef valoir 
le tems qu'il luy faudroit employer a les choifir. De 
façon que, s'il y auoit au monde quelqu'vn, qu’on 
fceuft aflurement eftre capable de trouuer les plus 
grandes chofes, & les plus vtiles au public qui 
puiflent eftre, & que, pour cete caufe, les autres 
hommes s’eflorçaffent, par tous moyens, de l’ayder a 
venir a bout de fes defleins, ie ne voy pas qu'ils peuf- 
fent autre chofe pour luy, finon fournir aux frais des 
experiences dont il auroit befoin, & du refte empef- 
cher que fon loifir ne luy fuit ofté par l'importunité 
de perfonne. Mais, outre que ie ne prefume pas tant 
de moy mefme, que de vouloir rien promettre d’extra- 
ordinaire, ny ne me repais point de penfées fi vaines, 
que de m'imaginer que le public fe doiue beaucoup 
interefler en mes deffeins, ie n'ay pas aufly l'ame fi 
baffle, que ie voulufle accepter de qui que ce fuft 


Œuvres. I. 10 


74 OEuvres DE DESCARTES. 73-74. 


aucune faueur, qu’on puft croyre que ie n'aurois pas 
meritée. 

Toutes ces confiderations iointes enfemble furent 
| caufe, il y a trois ans, que ie ne voulu point diuul- 
guer le traité que i'auois entre les mains, & mefme 
que ie fus en refolution de n'en faire voir aucun autre, 
pendant ma vie, qui fuft fi general, ny duquel on 
püft entendre les fondemens de ma Phyfique. Mais il 
y a eu depuis derechef deux autres raifons, qui m'ont 
obligé a mettre icy quelques effais particuliers, & a 
rendre au public quelque compte de mes actions & de 
mes deffeins. La premiere eft que, fi y manquois, 
plufieurs, qui ont fceu l'intention que rauois euë cy 
deuant de faire imprimer quelques efcrits, pourroient 
simaginer que les caufes pour lefquelles ie m'en 
abftiens, feroient plus a mon defauantage qu'elles ne 
font. Car, bien que ie n'ayme pas la gloire par excés, 
ou mefme, fiie l'ofe dire, que ie la haïfle, en tant que 
ie la iuge contraire au repos, lequel reftime fur 
toutes chofes, toutefois aufly ie n'ay iamais tafché de 
cacher mes aétions comme des crimes, ny n'ay vié 
de beaucoup de precautions pour eftre inconnu ; tant 
a caufe que i'euffe creu me faire tort, qu'a caufe que 
cela m'auroit donné quelque efpece d'inquietude, qui 
euft derechef efté contraire au parfait repos d’efprit 
que ie cherche. Et pourceque, m’eftant toufiours ainfi 
tenu indifferent entre le foin d’eftre connu ou ne l’eftre 
pas, ie n'ay pù empefcher que ie n'acquifle quelque 
forte de reputation, ray penfé que ie deuois faire 
mon mieux pour mexempter au moins de l'auoir 
mauuaife. L'autre raifon, qui ma obligé a efcrire 


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74-75. Discours DE LA METHODE. 75 


cecy, eft que, voyant tous les iours de plus en plus 
le retardement que fouffre le deffein que ray de m'in- 
ftruire, a caufe d'vne infinité d’experiences dont r'ay 
befoin, & qu'il eft impoñlible que ie face fans | l'ayde 
d'autruy, bien que ie ne me flatte pas tant que d'ef- 
perer que le public prene grande part en mes inte- 
refts, toutefois ie ne veux pas aufly me defaillir tant 
a moy-mefme, que de donner fuiet a ceux qui me 
furuiuront, de me reprocher quelque iour, que i'euffe 
pü leur laifler plufieurs chofes beaucoup meilleures 
que ie n'auray fait, fi ie n'eufle point trop negligé de 
leur faire entendre en quoy ils pouuoient contribuer 
a mes defleins. 

Et 1ay penfé qu'il m'eftoit ayfé de choifir quelques 
matieres, qui, fans eftre fuietes a beaucoup de con- 
trouerfes, ny m'obliger a declarer dauantage de mes 
principes que ie ne defire, ne lairroient pas de faire 
voir aflez clairement ce que ie puis, ou ne puis pas, 
dans les fciences. En quoy ie ne fçaurois dire fi 1'ay 
reufh, & ie ne veux point preuenir les iugemens de 
perfonne, en parlant moy-mefme de mes efcrits; mais 
ie feray bien ayfe qu'on les examine, & affin qu'on en 
ait d'autant plus d'occafion, ie fupplie tous ceux qui 
auront quelques obieétions a y faire, de prendre la 
peine de les enuoyer a mon libraire, par lequel en 
eftant auerti, ie tafcheray d'y ioindre ma refponfe en 
mefme tems; & par ce moyen les leéteurs, voyant 
enfemble l'vn & l’autre, iugeront d'autant plus ay- 
fement de la verité. Car ie ne promets pas d'y faire 
iamais de longues refponfes, mais feulement d'auouër 
mes fautes fort franchement, fi ie les connois, ou 


76 OEuvres DE DESCARTES. 75-76. 


bien, fi ie ne les puis aperceuoir, de dire fimplement 
ce que ie croyray eftre requis, pour la defence des 
chofes que r'ay efcrites, fans y adioufter l'explication 
d'aucune nouuelle matiere, affin de ne me pas en- 
gager fans fin de l’vne en l’autre. 

| Que fi quelques vnes de celles dont ray parlé, au 
commencement de la Dioptrique & des Meteores, 
chocquent d'abord, a caufe que ie les nomme des fup- 
pofitions, & que ie ne femble pas auoir enuie de les 
prouuer, quon ait la patience de lire le tout auec 
attention, & 1'efpere qu'on s'en trouuera fatisfait. Car 
il me femble que les raifons s'y entrefuiuent en telle 
forte que, comme les dernieres font demonftrées par 
les premieres, qui font leurs caufes, ces premieres 
le font reciproquement par les dernieres, qui font 
leurs effets. Et on ne doit pas imaginer que ie com- 
mette en cecy la faute que les Logiciens nomment 
va cercle; car l'experience rendant la plus part de ces 
effets tres certains, les caufes dont ie les deduits ne 
feruent pas tant a les prouuer qu'a les expliquer; 
mais, tout au contraire, ce font elles qui font prou- 
uées par eux. Et ie ne les ay nommées des fuppofi- 
tions, qu'aflin qu on fçache que ie penfe les pouuoir 
deduire de ces premieres veritez que ray cy deflus 
expliquées, mais que 1'ay voulu expreflement ne le 
_pas faire, pour empefcher que certains efprits, qui 
s'imaginent qu'ils fçauent en vn iour tout ce qu'vn 
autre a penfé en vingt années, fi toft qu'il leur en a 
feulement dit deux ou trois mots, & qui font d'autant 
plus fuiets a faillir, & moins capables de la verité, 
qu'ils font plus penetrans & plus vifs, ne puiflent de 


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76-77. Discours DE LA METHODE. 77 


la prendre occafion de baftir quelque Philofophie ex- 
trauagante fur ce qu'ils croyront eftre mes principes, 
& qu'on m'en attribue la faute. Car, pour les opinions 
qui font toutes mienes, ie ne les excufe point comme 
nouuelles, d'autant que, fi on en confidere bien les 
raifons, ie m'aflure qu'on les trouuera fi fimples, & 
fi conformes au fens commun, qu'elles fembleront 
moins extraordinaires, & moins eftranges, qu'aucunes 
autres qu'on puifle auoir fur mefmes fuiets. Et ie ne 
me vante point aufly d'eftre le premier Inuenteur d’au- 
cunes, mais bien, que ie ne les ay iamais receuës, ny 
pource qu'elles auoient efté dites par d’autres, ny 
pource qu'elles ne l’auoient point efté, mais feule- 
ment pource que la raifon me les a perfuadées. 

Que fi les artifans ne peuuent fi toft executer l'in- 
uention qui eft expliquée en la Dioptrique, ie ne croy 
pas qu'on puifle dire, pour cela, qu'elle foit mauuaife : 
car, d'autant qu'il faut de l’adrefle & de l'habitude, 


pour faire & pour aiufter les machines que 1'ay def- 


crites, fans qu il y manque aucune circonftance, ie ne 
m'eftonnerois pas moins, s'ils rencontroient du pre- 
mier coup, que fi quelqu vn pouuoit apprendre, en vn 
iour,aiouer du luth excellemment, par cela feul qu'on 
luy auroit donné de la tablature qui feroit bonne. Et fi 
l'efcris en François, qui eft la langue de mon païs, 
plutoft qu'en Latin, qui eft celle de mes Precepteurs, 
c'eft a çaufe que r'efpere que ceux qui ne fe feruent 
que de leur raifon naturelle toute pure, iugeront 
mieux de mes opinions, que ceux qui ne croyent 
qu'aux liures anciens. Et pour ceux qui ioignent le 
bon fens auec l'eftude, lefquels feuls 1e fouhaite pour 


78 Œuvres DE DESCARTES. 77-78: 


mes iuges, ils ne feront point, ie m’affeure, fi partiaux 
pour le Latin, qu'ils refufent d'entendre mes raifons, 
pourceque ie les explique en langue vulgaire. 

Au refte, ie ne veux point parler icy, en particulier, 
des progrés que 1'ay efperance de faire a l’auenir dans 
les fciences, ny m'engager enuers le public d'aucune 
promeffe, que ie ne fois pas afluré d'accomplir ; mais 
ie diray | feulement que ray refolu de n’employer le 
tems qui me refte a viure, a autre chofe qu'a tafcher 
d'acquerir quelque connoïiffance de la Nature, qui 
foit telle qu’on en puifle tirer des regles pour la Me- 
decine, plus affurées que celles qu’on a euës iufques 
a prefent ; et que mon inclination m'efloigne fi fort 
de toute forte d'autres deffeins, principalement de 
ceux qui ne fçauroient eftre vtiles aux vns qu'en nui- 
fant aux autres, que, fi quelques occafions me con- 
traignoient de m’y employer, ie ne croy point que ie 
fufle capable d'y reuflir. De quoy ie fais icy vne 
declaration, que ie fçay bien ne pouuoir feruir a me 
rendre confiderable dans le monde, mais auffy n'ay 
ie aucunement enuie de l’eftre; et ie me tiendray 
toufiours plus obligé a ceux, par la faueur defquels 
ie 1ouiray fans empefchement de mon loifir, que ie 
ne ferois a ceux qui m'offriroient les plus honorables 
emplois de la terre. 


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Difcours Premier. 


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Toute la conduite de noftre vie depend de nos 
fens, entre lefquels celuy de la veüe eftant le plus 
vniuerfel & le plus noble, il n'y a point de doute 
que les inuentions qui feruent a augmenter fa puif- 
fance, ne foyent des plus vtiles qui puiflent eftre. 
Et il eft malaifé d'en trouuer aucune qui l’augmente 
dauantage que celle de ces merueilleufes lunettes 
qui, n'eftant en vfage que depuis peu, nous ont defia 
découuert de nouueaus aftres dans le ciel, & d'autres 
nouueaus obiets deflus la terre, en plus grand 
nombre que ne font ceus que nous y auions veus 
auparauant : en forte que, portant noftre veüe beau- 
coup plus loin que n'auoit couftume d'aller l'ima- 
gination de nos peres, elles femblent nous auoir 
ouuert le chemin, pour paruenir a vne connoiflance 
de la Nature beaucoup plus grande & plus parfaite 
qu'ils ne l'ont eue. Mais, a la honte de nos fciences, 
cete inuention, fi vtile & fi admirable, n'a premie- 


Œuvres. I. 11 


82 OEUVRES DE DESCARTES. ES 


rement efté trouuée que par l'experience & la for- 
tune. Il y a enuiron trente ans, qu vn nommé laques 
Metius*, de la ville d'Alcmar en Hollande, homme 
qui n’auoit iamais eftudié, bien qu'il euft vn pere & 
vn frere qui ont fait profeffion des | mathematiques, 
mais qui prenoit particulierement plaifir a faire des 
miroirs & verres bruflans, en compofant mefme l’hy- 
uer auec de la glace, ainfi que l'experience a monftré 
qu'on en peut faire, ayant a cete occafion plufeurs 
verres de diuerfes formes, s'auifa par bonheur de 
regarder au trauers de deus, dont l'vn eftoit vn peu 
plus efpais au milieu qu’aus extremités, & l'autre 
au contraire beaucoup plus efpais aus extremités 
qu'au milieu, & il les appliqua fi heureufement aus 
deus bouts d'vn tuyau, que la premiere des lunettes 
dont nous parlons, en fut compofée. Et c'eft feule- 
ment fur ce patron, que toutes les autres qu'on a 
veües depuis ont efté faites, fans que perfonne en- 
core, que ie fçache, ait fuffifanment determiné les 
figures que ces verres doiuent auoir. Car, bien qu'il 
y ait eu depuis quantité de bons efprits, qui ont fort 
cultiué cete matiere, & ont trouué a fon occafion 
plufieurs chofes en l’Optique, qui valent mieux que 
ce que nous en auoient laiflé les anciens, toutefois, 
a caufe que les inuentions vn peu malayfées n'arri- 
uent pas a leur dernier degré de perfection du pre- 
mier coup, il eft encore demeuré aflés de difficultés 
en celle cy, pour me donner fuiet d’en efcrire. Et 
d'autant que l'execution des chofes que ie diray, doit 
dependre de l'induftrie des artifans, qui pour l'ordi- 
naire n'ont point eftudié, ie tafcheray de me rendre 


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24 LA DioPprriQue. — Discours I. 83 


intelligible a tout le monde, & de ne rien omettre, 
ny fuppofer, qu'on doiue auoir appris des autres 
fciences. C'eft pourquoy ie commenceray par l'expli- 
cation de la lumiere & de fes rayons; puis, ayant fait 
vne brieue defcription des parties de l'œil, ie diray 
particulierement en quelle forte fe fait la vifion; & 
en fuite, | ayant remarqué toutes les chofes qui font 
capables de la rendre plus parfaite, i’enfeigneray 
comment elles y peuuent eftre adiouftées par les in- 
uentions que ie defcriray. 

Or, n'ayant icy autre occafion de parler de la lu- 
miere, que pour expliquer comment fes rayons 
entrent dans l'œil, & comment ils peuuent eftre 
détournés par les diuers cors qu'ils rencontrent, il 
neft pas befoin que rentreprene de dire au vray 
quelle eft fa nature, & ie croy qu'il fuffira que ie me 
ferue de deus ou trois comparaifons, qui aydent a la 
conceuoir en la façon qui me femble la plus com- 
mode, pour expliquer toutes celles de fes proprietés 
que l'experience nous fait connoiftre, & pour deduire 
en fuite toutes les autres qui ne peuuent pas fi ayfe- 
ment eftre remarquées; imitant en cecy les Aftro- 
nomes, qui, bien que leurs fuppofitions foyent pref- 
que toutes faufles ou incertaines, toutefois, a caufe 
qu'elles fe rapportent a diuerfes obferuations qu'ils 
ont faites, ne laiflent pas d'en tirer plufieurs confe- 
quences tres vrayes & tres aflurées. 

Il vous eft bien fans doute arriué quelque fois, en 
marchant de nuit fans flambeau, par des lieux vn peu 
difficiles, qu'il falloit vous ayder d'vn bafton pour 
vous conduire, & vous aués pour lors pü remar- 


84 OEuvREs DE DESCARTES. 3-4. 


quer, que vous fentiés, par l’entremife de ce bafton, 
les diuers obieéts qui fe rencontroyent autour de 
vous, & mefme que vous pouuiés diftinguer s'il y 
auoit des arbres, ou des pierres, ou du fable, ou de 
l'eau, ou de l'herbe, ou de la boüe, ou quelqu'autre 
chofe de femblable. Il eft vray que cete forte de fen- 
timent eft vn peu confufe & obfcure, en ceus qui 
n'en ont pas vn long vfage; mais confiderés la | en 
ceus qui, eftant nés aueugles, s'en font feruis toute 
leur vie, & vous l'y trouuerés fi parfaite & fi exacte, 
qu'on pourroit quafi dire qu'ils voyent des mains, ou 
que leur bafton eft l'organe de quelque fixiefme fens, 
qui leur a efté donné au defaut de la veüe. Et pour 
tirer vne comparaifon de cecy, ie defire que vous 
penfiés que la lumiere n'eft autre chofe, dans les 
corps qu'on nomme lumineux, quvn certain mou- 
uement, ou vne action fort promte & fort viue, qui 
pafle vers nos yeux, par l’entremife de l'air & des 
autres corps tranfparens, en mefme façon que le 
mouuement ou la refiftence des corps, que rencontre 
cet aueugle, pañle vers fa main, par l'entremife de 
fon bafton. Ce qui vous empefchera d'abord de trou- 
uer eftrange, que cefte lumiere puifle eftendre fes 
rayons en vn inftant, depuis le foleil iufques a nous : 
car vous fçaués que l'aétion, dont on meut l'vn des 
bouts d'vn bafton, doit ainfy pañler en vn inftant iuf- 
ques a l'autre, & qu'elle y deuroit pafler en mefme 
forte, encores qu'il y auroit plus de diftance qu'il ny 
en a, depuis la terre iufques aux cieux. Vous ne trou- 
uerés pas eftrange non plus, que par fon moyen nous 
puiflions voir toutes fortes de couleurs; & mefme 


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#5, La Drorrrique. — Discours ÎI. 8< 


vous croyrés peuteftre que ces couleurs ne font autre 
chofe, dans les corps qu'on nomme colorés, que les 
diuerfes façons, dont ces corps la reçoyuent & la 
renuoyent contre nos yeux : fi vous confiderés que 
les differences, qu'vn aueugle remarque entre des 
arbres, des pierres, de l'eau, & chofes femblables, 
par l’entremife de fon bafton, ne lui femblent pas 
moindres que nous font celles qui font entre le 
rouge, le iaune, le verd, & toutes les autres couleurs; 
& toutefois que ces differences ne font autre chofe, 
en tous ces corps, que les diuerfes façons de mou- 
uoir, ou de refifter aux mouuemens de ce bafñton. 
En fuite de quoy vous aurés occafion de iuger, qu'il 
n'eft pas befoin de fuppofer qu’il paffe quelque chofe 
de materiel depuis les obieéts iufques a nos yeux, 
pour nous faire voir les couleurs & la lumiere, ny 
mefme qu'il y ait rien en ces obieëts, qui foit fem- 
blable aux idées ou aux fentimens que nous en 
auons : tout de mefme qu'il ne fort rien des corps, 
que fent vn aueugle, qui doiue pañler le long de fon 
bafton iufques a fa main, & que la refiftence ou le 
mouuement de ces corps, qui eft la feule caufe des 
fentimens qu'il en a, n'eft rien de femblable aux idées 
qu'il en conçoit. Et par ce moyen voftre efprit fera 
deliuré de toutes ces petites images voltigeantes par 
l'air, nommées des e/peces intentionelles, qui trauail- 
lent tant l'imagination des Philofophes. Mefme vous 
pourrés ayfement decider la queftion, qui eft entre 
eux, touchant le lieu d’où vient l'a@ion qui caufe le 
fentiment de la veüe : car, comme noîftre aueugle 
peut fentir les corps qui font autour de luy, non feu- 


* 


86 OEuvrEs DE DESCARTES. 5-6. 


lement par l'action de ces corps, lors qu'ils fe meu- 
uent contre fon bafton, mais aufly par celle de fa 
main, lors qu'ils ne font que luy refifter; ainfy faut il 
auoüer que les obieéts de la veüe peuuent eftre fen- 
tis, non feulement par le moyen de l’aétion qui, 
eftant en eux, tend vers les yeux, mais aufly par le 
moyen de celle qui, eftant dans les yeux, tend vers 
eux. Toutefois, pour ce que cete action n’eft autre 
chofe que la lumiere, il faut remarquer qu'il ny a 
que ceux qui peuuent voir pendant | les tenebres de 
la nuit, comme les chats, dans les yeux defquels elle 
fe trouue ; & que, pour l'ordinaire des hommes, ils 
ne voyent que par l’aétion qui vient des obieëts : car 
l'experience nous monftre que ces obiects doiuent 
eftre lumineux ou illuminés pour eftre veus, & non 
point nos yeux pour les voir. Mais, pour ce qu'il y 
a grande difference entre le bafton de cet aueugle & 
l'air ou les autres corps tranfparens, par l’entremife 
defquels nous voyons; il faut que ie me ferue en- 
cores icy d'vne autre comparaifon. 

Voyés vne cuue au temps de vendange, toute 
pleine de raifins a demi foulés, & dans le fons de 
laquelle on ait fait vn 
trou ou deux, comme 
A & B, par où le vin 
doux, qu'elle contient, 
puifle couler. Puis 
penfés que, n'y ayant 
point de vuide en la 
Nature, ainfy que prefque tous les Philofophes 
auoüent, & neantmoins y ayant plufieurs pores en tous 


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6-7. LA DiopTrique. — Discours I. 87 


les corps que nous aperceuons autour de nous, ainfy 
que l'experience peut monftrer fort clairement ; il eft 
neceffaire que ces pores foyent remplis de quelque 
matiere fort fubtile & fort fluide, qui s’eftende fans 
interruption depuis les Aftres iufques a nous. Or, 
cete matiere fubtile eftant comparée auec le vin de 
cete culue, & les parties moins fluides ou plus grof- 
fieres, tant de l'air que des autres cors tranfparens, 
auec les grappes de raifins qui font parmi : vous en- 
tendrés facilement que, comme les parties de ce vin, 
qui font par exemple vers C, tendent a defcendre 
en ligne droite par le trou A, au mefme inftant qu’il 
eft ouuert, & enfemble par le trou B, & que celles 
qui font vers D, & vers E, tendent aufly en mefme 
tems a defcendre par ces deux trous, fans qu'aucune 
de ces actions foit empefchée par les autres, ny aufly 
par la refiftence des grappes qui font en cete cuue : 
nonobftant que ces grappes, eftant foutenües l'vne 
par l’autre, ne tendent point du tout a defcendre par 
ces trous À & B, comme le vin, & mefme qu'elles 
puiflent cependant eftre meües, en plufieurs autres 
façons, par ceux qui les foulent : ainfy toutes les 
parties de la matiere fubtile, que touche le cofté du 
Soleil qui nous regarde, tendent en ligne droite vers 
nos yeux au mefme inftant qu'ils font ouuers, fans 
s'empefcher les vnes les autres, & mefme fans eftre 
empefchées par les parties groflieres des cors tranf- 
parens, qui font entre deux : foit que ces cors fe 
meuuent en d'autres façons, comme l'air, qui eft 
prefque toufiours agité par quelque vent; foit qu'ils 
foyent fans mouuement, comme peut eftre le verre 


88 Œuvres DE DESCARTES. 78. 


ou le criftal. Et remarqués icy qu'il faut diftinguer 
entre le mouuement, & l’aétion ou inclination a fe 
mouuoir. Car on peut fort bien conceuoir que les 
parties du vin, qui font par exemple vers C, tendent 
vers B, & enfemble vers A, nonobftant quelles ne 
puiffent actuellement fe mouuoir vers ces deus coftés 
en mefme temps; & qu'elles tendent exaétement en 
ligne droite vers B & vers À, nonobftant qu'elles ne 
fe puifflent mouuoir fi exactement vers la ligne droite, 
a caufe des grappes de raifins qui font entre deus : & 
ainfy, penfant que ce neft pas tant le mouuement, 
comme l’action des cors lumineus qu'il faut prendre 
pour leur lumiere, vous deués iuger que les rayons 
de cete lumiere ne font autre chofe, que les lignes 
fuiuant lefquelles tend cete ation. En forte qu'il y a 
vne infinité de tels rayons qui vienent de tous les 
poins des cors lumineus, vers tous les poins de ceus 
qu'ils illuminent, ainfy que vous pouués imaginer 
vne infinité de lignes droites, fuiuant lefquelles les 
actions, qui vienent de tous les poins de la fuper- 
ficie du vin CDE, tendent vers A, & vne infinité 
d'autres, fuiuant lefquelles les aétions, qui vienent 
de ces mefmes poins, tendent aufly vers B, fans que 
les vnes empefchent les autres. 

Au refte, ces rayons doiuent bien eftre ainfy touf- 
iours imaginés exactement drois, lors qu'ils ne paf- 
fent que par vn feul cors tranfparent, qui eft par 
tout efgal a foy-mefme : mais, lors qu'ils rencontrent 
quelques autres cors, ils font fuiets a eftre détour- 
nés par eux, ou amortis, en mefme façon que left 
le mouuement d’vne balle, ou d'vne pierre 1ettée dans 


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8-0. LA DiopTRiQue. — Discours I. 89 


l'air, par ceux qu'elle rencontre. Car il eft bien ayfé 
a croire que l'action ou inclination a fe mouuoir, que 
j'ay dit deuoir eftre prife pour la lumiere, doit fuiure 
en cecy les mefmes loys que le mouuement. Et afin 
que iexplique cete troifiefme comparaifon tout au 
long, confiderés que les corps, qui peuuent ainfy 
eftre rencontrés par vne balle qui pañle dans l'air, 
font ou mous, ou durs, ou liquides ; & que, s'ils 
font mous, ils arreftent & amortiffent tout a fait fon 
mouuement : comme lors quelle donne contre des 
toiles, ou du fable, ou de la boüe; au lieu que, s'ils 
font durs, ils la renuoyent d'vn auftre cofté fans l’ar- 
refter; & ce, en plufieurs diuerfes façons. Car ou 
leur fuperficie eft toute efgale & vnie, ou rabotteufe 
& inefgale ; & derechef, eftant efgale, elle eft ou 
platte, ou courbée; & eftant inefgale, ou fon inefga- 
lité ne confifte qu'en ce qu'elle eft compofée de plu- 
fieurs parties diuerfement courbées, dont chacune 
eft en foy affés vnie ; ou bien elle confifte, outre cela, 
en ce quelle a plufieurs diuers angles ou pointes, ou 
des parties plus dures l'vne que l’autre, ou qui fe 
meuuent, & ce, auec des varietés qui peuuent eftre 
imaginées en mille fortes. Et 1l faut remarquer que 
la bale, outre fon mouuement fimple & ordinaire, 
qui la porte d'vn lieu en l’autre, en peut encores 
auoir vn deuxiefme, qui la fait tourner autour de fon 
centre, & que la viteffe de cetuy cy peut auoir plu- 
fieurs diuerfes proportions auec celle de l'autre. Or, 
quand plufieurs bales venant d'vn mefme cofté, ren- 
contrent vn cors, dont la fuperficie eft toute vnie & 
efgale, elles fe reflefchiflent efgalement, & en mefme 


Œuvres. I. 12 


90 OŒEuvres DE DESCARTES. 9-10. 


ordre, en forte que, fi cete fuperficie eft toute plate, 
elles gardent entre elles la mefme diftance, apres 
l'auoir rencontrée, quelles auoyent auparauant; & 
fi elle eft courbée en dedans ou en dehors, elles s’ap- 
prochent ou s’efloignent en mefme ordre les vnes des 
autres, plus ou moins, a raifon de cete courbure. 
Comme vous voyés icy les bales A, B, C, qui, apres 
auoir rencontré les fuperficies des cors D,E,F, fe re- 
flefchiflent vers G, H, [. Et fi ces bales |rencontrent vne 
fuperficie inefgale, comme L ou M, elles fe reflef- 


chiflent vers diuers coftés, chafcune felon la fituation 
de l'endroit de cete fuperficie qu’elle touche. Et elles 
ne changent rien que cela en la façon de leur mou- 
uement, lors que fon inefgalité ne confifte qu'en ce 
que fes parties font courbées diuerfement. Mais elle 
peut aufly confifter en plufeurs autres chofes & faire, 
par ce moyen, que, fi ces bales n'ont eu auparauant 
qu'vn fimple mouuement droit, elles en perdent vne 
partie, & en acquerent au lieu vn circulaire, qui peut 
auoir diuerfe proportion auec ce qu'elles retienent du 
droit, felon que la fuperficie du cors qu’elles rencon- 
trent peut eftre diuerfement difpofée, Ce que ceux 


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1e-11. La Dioprrique. — Discours I. OI 


qui iouent a la paume efprouuent affés, lors que leur 
bale rencontre de faux quareaux, ou bien qu'ils la 
touchent en biaifant de leur raquette, ce qu'ils nom- 
ment, ce me femble, coupper ou frifer. Enfin, confi- 
derés que, fi vne bale qui fe meut rencontre obli- 
quement la fuperficie d'vn cors liquide, par lequel 
elle puiffe pañler plus ou moins facilement que par 
celuy d'où elle fort, elle fe détourne & change fon 
cours | en y entrant : comme, par exemple, fi eftant 
en l'air au point A, on 
la poufle vers B, elle va 
bien en ligne droite de- 
puis A iufques a B, fi ce 
n'eft que fa pefanteur ou 
quelqu'autre caufe par- 
ticuliere l'en empefche ; 
mais, eftant au point B 
où ie fuppofe qu'elle 
rencontre la fuperficie de l'eau CBE, elle fe dé- 
tourne & prend fon cours vers I, allant derechef en 
ligne droite depuis B iufques a I, ainfy qu'il eft ayfé 
a verifier par l'experience. Or il faut penfer, en 
mefme façon, qu'il y a des cors qui, eftant rencontrés 
par les rayons de la lumiere, les amortiflent, & leur 
oftent toute leur force, a fçauoir ceux qu'on nomme 
noirs, lefquels n’ont point d'autre couleur que les te- 
nebres; & quil y en a d’autres qui les font reflefchir, 
les vns au mefme ordre qu'ils les reçoiuent, a fçauoir 
ceux qui, ayant leur fuperficie toute polie, peuuent 
feruir de miroirs tant plats que courbés, & les autres 
confufement vers plufieurs coftés; & que derechef, 


02 OEuvrEs DE DESCARTES. 11-12. 


entre ceux cy, les vns font reflefchir ces rayons fans 
aporter aucun autre changement en leur action, a 
fçauoir ceux qu'on nomme blancs, & les autres y 
aportent auec cela vn changement femblable a celuy 
que reçoit le mouuement d'vne balle quand on la 
frize, a fçauoir ceux qui font rouges, ou iaunes, ou 
bleus, ou de quelque autre telle couleur. Car ie penfe 
pouuoir determiner en quoy | confifte la nature de cha- 
cune de ces couleurs, & le faire voir par experience ; 
mais cela pañle les bornes de mon fuiet. Et il me fuffit 
icy de vous auertir que les rayons, qui tombent fur 
les cors qui font colorés & non polis, fe reflefchiffent 
ordinairement de tous coftés, encore mefme qu'ils ne 
vienent que d'vn feul cofté : comme, encores que ceux 
qui tombent fur la fuperficie 
du cors blanc AB, ne vienent 
que du flambeau C, ils ne laif- 
fent pas de fe reflefchir tel- 
lement de tous coftés, qu'en 
quelque lieu qu'on pofe l'œil, 
comme par exemple vers D, il s'en trouue toufiours 
plufieurs venans de chafque endroit de cete fuper- 
ficie AB, qui tendent vers luy. Et mefme, fi l'on 
fuppofe ce cors fort delié comme vn papier ou vne 
toile, en forte que le iour pafñle au trauers, encores 
que l'œil foit d'autre cofté que le flambeau, comme 
vers E, il ne lairra pas de fe reflefchir vers luy 
quelques rayons de chacune des parties de ce cors. 
Enfin, confiderés que les rayons fe détournent aufy, 
en mefme façon qu'il a efté dit d'vne bale, quand ils 
rencontrent obliquement la fuperficie d'vn cors tranf- 


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et a détnuet lue éd oi pa Sidi si à date De, 


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12-15. La DioprriQue. — Discours II. 93 


parent, par lequel ils penetrent plus ou moins faci- 
lement que par celuy d'où ils vienent, & cete façon 
de fe détourner s'apelle en eux Refradion. 


PRESECARREFRACTION. 


Difcours Second. 


D'autant que nous aurons befoin cy aprés de fça- 
uoir exaétement la quantité de cete refraétion, & qu'elle 
peut affés commodement eftre entendue par la com- 
paraïfon dont ie viens de me feruir, ie croy qu'il eft 
a propos que ie tafche icy tout d'vn train de l'expli- 
quer, & que ie parle premierement de la reflexion, 
afin d'en rendre l'intelligence d'autant plus ayfée. 
Penfons donc qu vne bale, 
eftant pouflée d'A vers B, 
rencontre, au point B, la 
fuperficie de la terre CBE, 
qui, l’empefchant de pañfer 
outre, eft caufe qu'elle fe 
détourne ; & voyons vers 
quel cofté. Mais afin de ne 
nous embarafler point en de nouuelles difficultés, fup- 
pofons que la terre eft parfaitement platte & dure, & 
que la balle va toufiours d’efgale viteffe, tant en defcen- 
dant qu’en remontant, fans nous enquerir en aucune 


04 OEUVRES DE DESCARTES. 13-14. 


façon de la puifflance qui continue de la mouuoir, apres 
qu'elle n’eft plus touchée de la raquette, ny confi- 
derer aucun effe@ de fa pefanteur, ny de fa groffeur, 
ny de fa figure. Car il n'eft icy queftion d'y regarder 
de fi prés, &il n'y a aucune | de ces chofes qui ait lieu 
en l'aétion de la lumiere a laquelle cecy fe doit rap- 
porter. Seulement faut il remarquer, que la puiflance, 
telle qu'elle foit, qui fait continuer le mouuement de 
cete balle, eft differente de celle qui la determine a 
fe mouuoir pluftoft vers vn cofté que vers vn autre, 
ainfy qu'il eft tres ayfé a cognoiftre de ce que c'eft la 
force dont elle 2 efté pouffée par la raquette, de qui 
depend fon mouuement, & que cete mefme force 
l'auroit pù faire mouuoir vers tout autre cofté, auffy 
facilement que vers B, au lieu que c’eft la fituation de 
cete raquette qui la determine a tendre vers B, & qui 
auroit pû l'y determiner en mefme façon, encores 
qu'vne autre force l'auroit meue. Ce qui monftre defia 
qu'il n'eft pas impoñfible que cete balle foit détour- 
née par la rencontre de la terre, & ainfy, que la deter- 
mination qu'elle auoit a tendre vers B foit changée, 
fans qu'il y ait rien pour cela de changé en Îa force 
de fon mouuement, puis que ce font deux chofes di- 
uerfes, & par confequent qu'on ne doit pas imaginer 
qu'il foit neceffaire qu'elle s’arefte quelque moment 
au point B auant que de retourner vers F, ainfy que 
font plufieurs de nos Philofophes ; car, fi fon mouue- 
ment eftoit vne foix interrompu par cet arreft, il ne 
fe trouueroit aucune caufe, qui le fift par aprés re- 
commencer. De plus, il faut remarquer que la deter- 
mination a fe mouuoir vers quelque cofté peut, aufly 


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14-15. LA Dioprrique. — Discours II. 9$ 


bien que le mouuement & generalement que toute 
autre forte de quantité, eftre diuifée entre toutes les 
parties defquelles on peut imaginer qu'elle eft com- 
pofée; & qu'on peut ayfement imaginer que celle de 
la balle qui fe meut d'A vers B eft compofée de deux 
autres, | dont l’vne la fait defcendre de la ligne AF 
vers la ligne CE, & l'autre 
en mefme temps la fait 
aller de la gauche AC 
vers la droite FE, en forte 
que ces deux, iointes en- 
femble, la conduifent iuf- 
ques a B fuiuant la ligne 
droite AB. Eten fuite il eft 
aylé a entendre, que la rencontre de la terre ne peut 
empefcher que l'vne de ces deux determinations, & 
non point l’autre en aucune façon. Car elle doit bien 
empefcher celle qui faifoit defcendre la balle d’AF 
vers CE, a caufe qu'elle occupe tout l'efpace qui eft 
au deflous de CE; mais pourquoy empefcheroit elle 
l'autre, qui la faifoit auancer vers la main droite, vû 
quelle ne luy eft aucunement oppolée en ce fens là? 
Pour trouuer donc iuftement vers quel cofté cete 
balle doit retourner, defcriuons vn cercle du centre 
B, qui pañle par le point A, & difons qu'en autant 
de temps qu'elle aura mis a fe mouuoir depuis A iuf- 
ques a B, elle doit infalliblement retourner depuis B 
iufques a quelque point de la circonference de ce 
cercle, d'autant que tous les points qui font aufly 
diftans de cetuy cy B qu'en eft A, fe trouuent en 
cete circonference, & que nous fuppofons le mouue- 


96 OEuvres DE DESCARTES. 15-16. 


ment de cete balle eftre toufiours efgalement vifte. 
Puis afin de fçauoir precifement auquel de tous les 
points de cete circonference elle doit retourner, ti- 
rons trois lignes droites| AC, HB & FE perpendicu- 
laires fur CE, & en telle forte, qu'il n'y ait ni plus 
ni moins de diftance entre AC & HB qu'entre HB 
& FE; & difons, qu'en autant de temps que la bale a 
mis a s'auancer vers le cofté droit, depuis A, l'vn des 
poins de la ligne AC, iufques a B, l'vn de ceux de la 
ligne HB, elle doit aufly s'auancer depuis la ligne 
HB iufques a quelque point de la ligne FE; car tous 
les poins de cete ligne FE font autant efloignés de 
HB en ce fens là, l'vn comme l'autre, & autant que 
ceux de la ligne AC, & elle eft aufly autant deter- 
minée a s'auancer vers ce cofté-là, qu'elle a efté aupa- 
rauant. Or eft il qu'elle ne peut arriuer en mefme 
tems en quelque point de la ligne FE, & enfemble a 
quelque point de la circonference du cercle A FD, fi 
ce n'eft au point D, ou au point F, d'autant qu'il n'y a 
que ces deux, où elles s'entrecoupent l'vne l'autre; fi 
bien que, la terre l'empefchant de paffer vers D, il faut 
conclure qu'elle doit aller infalliblement vers F. Et 
ainfy vous voyés facilement comment fe fait la re- 
flexion, a fçauoir felon vn angle toufiours efgal a 
celuy qu'on nomme l'angle d'incidence. Comme, 
fi vn rayon, venant du point A, tombe au point B 
fur la fuperficie du miroir plat CBE, il fe reflef- 
chift vers F, en forte que l'angle de la reflexion FBE 
n'eft ne plus ne moins grand que celuy de l'inci- 
dence ABC. 

Venons maintenant a la Refraétion. Et premiere- 


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16-17. LA DioPpTrique. — Discours Il. 97 


ment fuppolons qu'vne bale, pouflée d'A vers B, ren- 
contre au point B, non plus la fuperficie de la terre, 
mais vne toile CBE, qui 
foit fi foible & deliée que 
cete bale ait la force de 
la rompre & de pañler 
tout au trauers, en per- 
dantfeulementvne partie 
de fa vitefle, a fçauoir. 
par exemple, la | moitié. 
Or cela pofé, afin de 
fçauoir quel chemin elle doit fuiure, confiderons 
de rechef que fon mouuement differe entierement 
de fa determination a fe mouuoir pluftoft vers vn 
cofté que vers vn autre, d'où il fuit que leur quan- 
tité doit eftre examinée feparement. Et confiderons 
aufly que, des deux parties dont on peut imaginer 
que cete determination eft compofée, il ny a que 
celle qui faifoit tendre la bale de haut en bas, qui 
puifle eftre changée en quelque façon par la ren- 
contre de la toile; & que, pour celle qui la faifoit 
tendre vers la main droite, elle doit toufiours de- 
meurer la mefme qu'elle a efté, a caufe que cete toile 
ne luy eft aucunement oppofée en ce fens là. Puis, 
ayant defcrit du centre B le cercle AFD, & tiré a 
angles droits fur CBE les trois lignes droites AC, 
HB, FE, en telle forte qu'il y ait deux fois autant de 
diftance entre FE & HB qu'entre HB & AC, nous 
verrons que cete bale doit tendre vers le point I. Car, 
puifqu'elle perd la moitié de fa vitefle, en trauerfant 
la toile CBE, elle doit employer deux fois autant de 


Œuvres. I. 15 


08 Œuvres DE DESCARTES. 17-18. 


tems a pafler au deflous, depuis B iufques a quelque 
point de la circonference du cercle AFD, qu'elle a 
fait au deflus a venir depuis A iufques a B. Et puis 
qu'elle ne perd rien du tout de la determination 
qu'elle auoit a s’auantcer vers le cofté droit, en deux 
fois autant de tems qu'elle en a mis a pañler depuis 
la ligne AC iufques a HB, elle doit faire deux fois 
autant de chemin vers ce mefme cofté, & par confe- 
quent arriuer a quelque point de la ligne droite FE, 
au mefme inftant qu'elle arriue aufli a quelque point 
de la circonference du cercle AFD. Ce qui feroit im- 
poflible, fi elle n’alloit vers 1, d'autant que c'eft le 
feul point au-deflous de la toile CBE, où le cercle 
AFD & la ligne droite FE s'entrecoupent. 

Penfons maintenant que la bale qui vient d'A vers 
D, rencontre au point B, non plus vne toile, mais de 
l'eau, dont la fuperficie 
CBE luiofte iuftement la 
moitié de fa vitefle, ainfi 
que faifoit cete toile. 


bale doit palier de B en 
ligne droite, non vers D, 
mais vers I. Car, premie- 
rement, il eft certain que la fuperficie de l'eau la 
doit détourner vers là en mefme façon que la toile, 
vü qu'elle luy ofte tout autant de fa force, & qu'elle 
luy eft oppofée en mefme fens. Puis, pour le refte 
du cors de l’eau qui remplift tout l'efpace qui eft 
depuis B iufques a I, encores qu'il luy refifte plus 


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18-10. La Dioprrique. — Discours Il. 99 


ou moins que ne faifoit l'air que nous y fuppofñions 
auparauant, ce neft pas a dire pour cela qu'il doiue 
plus ou moins la détourner : car il fe peut ouurir, 
| pour luy faire pañflage, tout aufli facilement vers vn 
cofté que vers vn autre, au moins fi on fuppofe touf- 
iours, comme nous faifons, que ny la pefanteur ou 
legereté de cete bale, ny fa grofleur, ny fa figure, 
ny aucune autre telle caufe eftrangere ne change fon 
cours. Et on peut icy remarquer, qu'elle eft d'autant 
plus détournee par la fuperficie de l'eau ou de la toile, 
qu elle la rencontre plus obliquement, en forte que, fi 
elle la rencontre a angles droits, comme lors qu'elle 
eft pouflée d'H vers B, 
elle doit pañler outre en 
ligne droite vers G, fans 
aucunement fe détourner. 
Mais fi elle eft pouffée 
fuiuant vne ligne comme 
AB, qui foit fi fort in- 
clinée fur la fuperficie de l'eau ou de la toile CBE, 
que la ligne FE, eftant tirée comme tantoft, ne coupe 
point le cercle AD, cete bale ne doit aucunement la 
penetrer, mais relaillir de fa fuperficie B vers l'air E, 
tout de mefme que fi elle y audit rencontré de la 
terre. Ce quon a quelquefois experimenté auec 
regret, lorfque, faifant tirer pour plaifir des pieces 
d'Artillerie vers le fons d’vne riuiere, on a bleffé ceux 
qui eftoyent de l’autre cofté fur le riuage. 

Mais faifons encore icy vne autre fuppofition, & 
penfons que la bale, ayant efté premierement pouflée 
d'A vers B, eft pouflée derechef, eftant au point B, 


100 OEuvres DE DESCARTES. 19-21. 


par la raquette CBE, qui augmente la force de fon 
mouuement, par exemple, d'vn tiers, en forte qu'elle 
puifle | faire, par aprés, autant de chemin en deux mo- 
mens, qu'elle en faifoiten trois auparauant.Ce quifera 
le mefme effe@, que fi elle rencontroit au point B vn 
cors de telle nature, qu'elle 
pañlaft au trauers de fa fu- 
perficie CBE, d'vn tiers plus 
facilement que par l'air. Et 
il fuit manifeftement de ce 
qui a efté defia demonftré, 
que, fi l'on defcrit le cercle 

eue Fe AD comme deuant, & les 
lignes AC, HB, FE, en telle forte qu'il y ait d'vn tiers 
moins de diftance entre FE & HB qu'entre HB & AC, 
le point |, où la ligne droite FE & la circulaire AD 
s'entrecoupent, defignera le lieu vers lequel cete bale, 
eftant au point B, fe doit détourner. 

Or on peut prendre aufli le reuers de cete conclu- 
fion & dire que, puifque la bale qui vient d’A en ligne 
droite iufques a B, fe détourne eftant au point B, & 
prend fon cours de là vers I, cela fignifie que la force 
ou facilité, dont elle entre dans le cors CBEI, ef a 
celle dont elle fort du cors ACBE, comme la diftance 
qui eft entre À C & HB, a celle qui eft entre HB & FI, 
c'eft a dire comme la ligne CB eft a BE. 

Enfin, d'autant que l’aétion de la lumiere fuit en cecy 


les mefmes loix que le mouuement de cete bale, il 


faut dire que, lorfque fes rayons paflent obliquement 


[d'vn cors tranfparant dans vn autre, qui les reçoit 


plus ou moins facilement que le premier, ils s'y dé- 


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21-22. La Droprrique. — Discours Il. IOI 


tournent en telle forte, qu'ils fe trouuent toufiours 
moins inclinés fur la fuperficie de ces cors, du cofté 
où eft celuy qui les reçoit le plus ayfement, que du 
cofté où eft l’autre : & ce, iuftement a proportion de 
ce qu'il les reçoit plus ayfement que ne fait l'autre. 
Seulement faut-il prendre garde que cete inclination 
fe doit mefurer par la quantité des lignes droites, 
comme CB ou AH, & EB ou IG. & femblables, com- 
parées les vnes aux autres ; non par celle des angles, 
tels que font ABH ou GBI, ny beaucoup moins par 
celle des femblables a DBI, qu'on nomme les angles 
de Refraction. Car la raifon ou proportion qui eft 
entre ces angles, varie a toutes les diuerfes inclina- 
tions des rayons; au lieu que celle qui eft entre les 
lignes À H & IG ou femblables, demeure la mefme en 
toutes les refractions qui font caufées par les mefmes 
cors. Comme, par exemple, s'il pafle vn rayon dans 
Pair d'A vers B, 
qui,rencontrantau 
point B la fuperti- 
cie du verre CBR, 
fe détourne vers I 
dans cewerre ; & = 
quil en viene vn CCC 
autre de K vers B, 
qui fe détourne vers L; & vn autre de P vers R, qui 
fe détourne vers S; il doit y auoir mefme proportion 
entre les | lignes KM & LN, ou PQ &ST, qu'entre AH 
& IG, mais non pas la mefme entre les angles KBM 
& LBN, ou PRQ & SRT, quentre ABH &IBG. 

Si bien que vous voyés maintenant en quelle forte 


* 


102 OEUVRES DE DESCARTES. 22-23 


fe doiuent mefurer les refraétions ; & encores que, 
pour determiner leur quantité, en tant qu'elle depend 
de la nature particuliere des cors où elles fe font, il 
foit befoin d'en venir a l'experience, on ne laiffe pas 
de le pouuoir faire aflés certainement & ayfement, 
depuis qu'elles font ainfi toutes reduites fous vne 
mefme mefure ; car il fuffit de les examiner en vn feul 
rayon, pour cognoiftre toutes celles qui fe font en vne 
mefme fuperficie, & on peut euiter toute erreur, fi on 
les examine outre cela en quelques autres. Comme, fi 
nous voulons fçauoir la quantité de celles qui fe font 
en la fuperficie CBR, qui fepare l'air AK P du verre 
LIS, nous n'auons qu'a l'efprouuer en celle du rayon 

AB, en cherchant 


la proportion qui 
QE \ eft entre les lignes 
AH & IG. Puis, fi 


nous craignons d'a- 
uoir failli en cete 
experience, il faut 
encores l'efprou- 
uer en quelques autres rayons, comme KBL ou PRS, 
& trouuant mefme proportion de KM a LN, & de PQ 
‘a ST, que d'AH a IG, nous n’aurons plus aucune 
occafion de douter de la verité. 
| Mais peuteftre vous eftonnerés vous, en faifant ces 
experiences, de trouuer que les rayons de la lumiere 
s'inclinent plus dans l'air que dans l’eau, fur les fu- 
perficies où fe fait leur refraction, & encores plus 
dans l'eau que dans le verre, tout au contraire d'vne 
bale qui s'incline dauantage dans l'eau que dans l'air, 


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23-24. La Dioprrique. — Discours Il. 103 


& ne peut aucunement pañler dans le verre.Car, par 
exemple, fi c'eft vne bale qui, eftant pouffée dans l'air 
d'A vers B, rencontre au point B la fuperficie de l'eau 
CBE, elle fe détournera 
de B vers V; & fi c'eft vn 
rayon, 1l ira, tout au con-. 
traite. de B'vers I. Ce 
que vous ceflerés toutes- 
fois de trouuer eftrange, 
fi vous vous fouuenés de 
la nature que i ay attribuée a la lumiere, quand r'ay 
dit quelle neftoit autre chofe, qu'vn certain mou- 
uement ou vne action receuë en vne matiere tres- 
fubtile, qui remplift les pores des autres cors; & 
que vous confideriés que, comme vne bale perd da- 
uantage de fon agitation, en donnant contre vn 
cors mou, que contre vn qui eft dur, & quelle 
roule moins ayfement fur vn tapis, que fur vne table 
toute nuë, ainfi l'aétion de cete matiere fubtile 
peut beaucoup plus eftre empefchée par les parties 
de l'air, qui, eftant comme molles & mal iointes, ne 
luy font pas beaucoup de refiftance, que par celles 
de l'eau, qui luy en font dauantage ; & encores plus 
par celles de l'eau, que par celles du verre, ou du 
criftal. | En forte que, d'autant que les petites parties 
d'vn cors tranfparant font plus dures & plus fermes, 
d'autant laiflent elles pañler la lumiere plus ayfement : 
car cete lumiere n'en doit pas chafler aucunes hors 
de leurs places, ainfi qu'vne bale en doit chaffer de 
celles de l’eau, pour trouuer pañlage parmy elles. 

Au refte, fçachant ainfi la caufe des refraétions qui 


104 OŒEuvres DE DESCARTES. 24-25. 


fe font dans l'eau & dans le verre, & communement 
en tous les autres cors tranfparans qui font autour de 
nous, on peut remarquer qu'elles y doiuenteftre toutes 
femblables, quand les rayons fortent de ces cors, & 
quand ils y entrent. Comme, fi le rayon qui vient 
d'A vers B, fe dé- 
tourne de B vers I, 
en pañlant de l'air 
dans le verre, celuy 
qui reuiendra dI 
vers B, doit aufi fe 
détourner de B vers 
A. Toutesfois il fe 
peut trouuer d'autres cors, principalement dans le 
ciel, où les refra@tions, procedant d'autres caufes, ne 
font pas ainfi reciproques. Et il fe peut aufly trouuer 
certains cas, aufquels les rayons fe doiuent courber, 
encores qu'ils ne pañlent que par vn feul cors tranf- 
parant, ainfi que fe courbe fouuent le mouuement 
d'vne bale, pource qu'elle eft détournée vers vn cofté 
par fa pefanteur, & vers vn autre par l’action dont on 
l'a pouflée, ou pour diuerfes autres raifons. Car en- 
fin i'ofe dire que les trois comparaifons, dont ie viens 
de me feruir, font fi propres, que toutes les particu- 
larités qui s'y peuuent remarquer, fe raportent a 
quelques autres qui fe trouuent toutes femblables en 
la lumiere; mais ie n’ay tafché que d'expliquer celles 
qui faifoient le plus a mon fuiet. Et ie ne vous veux 
plus faire icy confiderer autre chofe, finon que les 
fuperficies des cors tranfparens qui font courbées, 
détournent les rayons qui paflent par chacun de leurs 


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25 


30 


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cui cdi D zapin ds didier tes danran Coin it cn née nb l dé à Sie sic en tait CARS te se 


sale, Lion dif 


25-26. La Dioprrique. — Discours III. 10$ 


poins, en mefme forte que feroient les fuperficies 
plattes, qu'on peut imaginer toucher ces cors aux 
mefmes poins. Comme, par exemple, la refraétion des 
rayons AB, AC, AD, qui, venans du flambeau A, 
5 tombent fur la fuperficie courbe de la boule de crif- 
tal BCD, doit 
eftre confide- 
rée en mefme 
forte, que fi 
10 AB tomboit 
fur la fuperfi- 
cie plate EBF, 
& AC fur GCH, et AD fur IDK, & ainfi des autres. 
D'où vous voyés que ces rayons fe peuuent affembler 
15 ouefcarter diuerfement, felon qu'ils tombent fur des 
fuperficies qui font courbées diuerfement. Et il eft 
temps que ie commence a vous defcrire quelle eft la 
fructure de l'œil, afin de vous pouuoir faire entendre 
comment les rayons, qui entrent dedans, s'y dif- 
20 pofent pour caufer le fentiment de la veuë.| 


DIET L'OËLE 


Difcours Troifiefme.. 


S'il eftoit poffible de couper l'œil par la moitié, fans 
que les liqueurs dont il eft rempli s'efcoulaffent, ni 


25 qu'aucune de fes parties changeaft de place, & que le 
Œuvres. I. 14 


106 OEUVRES DE DESCARTES. ÉRor 


plan de la feétion paffaft iuftement par le milieu de la 
prunelle, il paroiftroit tel qu'il eft reprefenté en cete 
figure. ABCB eft vne peau affés dure & efpaiffe, qui 
compofe comme vn vaze rond 
dans lequel toutes fes parties in- 
terieures font contenues. DEF 
eft vne autre peau deliée, qui 
eft tendue ainfi qu'vne tapiferie 
au dedans de la precedente. ZH 
eft le nerf nommé optique, qui 
eft compofé d'vn grand nombre 
de petits filets, dont les extre- 
mités s'eftendent en tout l'efpace 
GHI, où, fe meflant auec vnein- 
finité de petites veines & ar- 
teres, elles compofent vne efpece de chair extremement 
tendre & delicate, laquelle eft comme vne troifiefme 
peau, qui couure tout le fons de la feconde.K,L,M font 
trois fortes de glaires ou humeurs fort tranfparentes, 
qui rempliffent tout l’efpace contenu au dedans de ces 
peaux, & ont chacune la figure, en laquelle vous la 
voyés icy reprefentée. Et l'experience monftre que 
celle du milieu, L, qu'on nomme l'humeur criftaline, 
caufe a peu prés mefme refraétion que le verre ou le 
criftal ; & que les deux autres, K&M, la caufent vn peu 
moindre, enuiron comme l'eau commune, en forte que 
les rayons de la lumiere paflent plus facilement par 
celle du milieu que par les deux autres, & encores 
plus facilement par ces deux que par l'air. En la pre- 
miere peau, la partie BCB eft tranfparente, & vn peu 
plus voutée que le refte BA B. En la feconde, la fuper- 


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27-28. La Droprrique. — Discours Ill. 107 


ficie interieure de la partie EF, qui regarde le fons de 
l'œil, eft toute noire & obfcure; & elle a au milieu vn 
petit trou rond FF, qui eft ce qu'on nomme la pru- 
nelle, & qui paroïft fi noir au milieu de l'œil, quand 
on le regarde par dehors. Ce trou n'eft pas toufours 
de mefme grandeur, & la partie EF de la peau en la- 
quelle il eft, nageant librement en l'humeur K, qui eft 
fort liquide, femble eftre comme vn petit mufcle, qui 
fe peut eftrecir & eflargir a mefure qu'on regarde des 
obiets plus ou moins proches, ou plus ou moins ef- 
clairés, ou qu'on les veut voir plus ou moins diftincte- 
ment. Et vous pourrés voir facilement l'experience de 
tout cecy en l'œil d'vn enfant; car fi vous luy faites 
regarder fixement vn obiet proche, vous verrés que 
fa prunelle deuiendra vn peu plus petite que fi vous 
luy en faites regarder vn plus efloigné, qui ne foit 
point auec cela plus efclairé. Et derechef, qu'encores 
qu il regarde toufiours le mefme obiet, 1l l'aura beau- 
coup plus petite, eftant en vne chambre fort claire, 
que fi, en fermant la plufpart des feneftres, on la rend 
fort obfcure. Et enfin que, demeurant au mefme iour, 
& regardant le mefme obiet, | s’il tafche d'en diftin- 
guer les moindres parties, fa prunelle fera plus petite, 
que s'il ne le confidere que tout entier, & fans atten- 
tion. Et notés que ce mouuement doit eftre appelé 
volontaire, nonobftant qu'il foit ordinairement ignoré 
de ceux qui le font, car il ne laiffe pas pour cela d'eftre 
dependant & de fuiure de la volonté qu'ils ont de 
bien voir; ainfi que les mouuemens des leures & 
de la langue, qui feruent a prononcer les paroles, fe 
nomment volontaires, a caufe qu'ils fuiuent de la vo- 


108 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 28-20. 


lonté qu'on a de parler, nonobftant qu'on ignore fou- 
uent quels ils doiuent eftre pour feruir a la pronon- 
ciation de chaque lettre. EN, EN font plufieurs petits 
filets noirs, qui embraffent tout autour l'humeur mar- 
quée L, & qui, naiffans auffi de la feconde peau, en 
l'endroit où la troifiefme fe termine, femblent autant 
de petits tendons, par le moyen defquels cete hu- 
meur L, deuenant tantoft plus voutée, tantoft plus 
platte, felon l'intention qu'on a de regarder des obiets 
proches ou efloignés, change vn peu toute la figure 
du cors de l'œil. Et vous pouués cognoiftre ce mou- 
uement par experience : car fi, lors que vous regardés 
fixement vne tour ou vne montaigne vn peu efloignée, 
on prefente vn liure deuant vos yeux, vous n’y pour- 
rés voir diftinétement aucune lettre, iufques a ce que 
leur figure foit vn peu changée. Enfin O, © font fix 
ou | fept mufcles attachés a l'œil par dehors, qui le 
peuuent mouuoir de tous coftés, & mefme aufli, peut- 
eftre, en le preffant ou retirant, ayder a changer fa 
figure. le laifle a deffein plufeurs autres particula- 
rités qui fe remarquent en cete matiere, & dont les 
Anatomiftes grofliflent leurs liures; car ie croy que 
celles que ray mifes icy, fufiront pour expliquer tout 
ce qui fert a mon fuiet, & que les autres que 1 y pour- 
rois adioufter, n'aydant en rien voftre intelligence, ne 
feroyent que diuertir voftre attention. 


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29-30. LA DioprTrique. — Discours IV. 109 


DES SENS EN GENERAL. 


Difcours Quatriefme. 


Mais il faut que ie vous die maintenant quelque 
chofe de la nature des fens en general, afin de pouuoir 
d'autant plus ayfement expliquer en particulier celuy 
de la veuë. On fçait defia affés que c’eft l'ame qui 
fent, & non le cors : car on voit que, lorfqu'’elle eft 
diuertie par vne extafe où forte contemplation, tout 
le cors demeure fans fentiment, encores qu'il ait di- 
uers obiects qui le touchent. Et on fçait que ce n'eft 
pas proprement en tant quelle eft dans les membres 
qui feruent d'organes aux fens exterieurs, qu'elle fent, 
mais en tant qu'elle eft dans le cerueau, où elle exerce 
cete faculté qu'ils apellent le fens commun : car on 
voit des bleffures & maladies qui, n'offenfant que le 
cerueau feul, empefchent generalement tous les fens, 
encores que le refte du cors ne laiffe point pour cela 
d’eftre animé. Enfin on fçait que c'eft par l'entremife 
des Nerfs, que les impreflions, que font les obiets 
dans les membres exterieurs, paruienent iufques a 
l'ame dans le cerueau : car on voit diuers accidens, 
qui, ne nuifant a rien qu'a quelque Nerf, oftent le fen- 
timent de toutes les parties du cors où ce Nerf en- 
uoye fes branches, fans rien diminuer de celuy des 
autres. Mais, pour fçauoir plus particulierement en 
quelle forte l’ame, demeurant dans le cerueau, peut 


110 OŒEuvres DE DESCARTES. 2023 14 


ainfi, par l'entremife des Nerfs,receuoir les imprefñons 
des obiets qui font au dehors, il faut diftinguer trois 
chofes en ces Nerfs: a fçauoir, premierement, les peaux 
qui les enuelopent, & qui, prenant leur origine de celles 
qui enuelopent le cerueau, font comme de petits 
tuyaux diuifés en plufieurs branches, qui fe vont ef- 
pandre ça & là par tous les membres, en mefme façon 
que les venes & les arteres; puis leur fubflance inte- 
rieure, qui s'eftend en forme de petits filets tout lelong 
de ces tuyaux, depuis le cerueau, d'où elle prend fon 
origine, iufques aux extremités des autres membres, 
où elle s'attache, en forte qu'on peut imaginer, en 
chacun de ces petits tuyaux, plufieurs de ces petits 
filets independans les vns des autres; puis enfin les 
efprits animaux, qui font comme vn air ou vn vent 
tres-fubtil, qui, venant des chambres ou concauités 
qui font dans le cerueau, s'efcoule par ces mefmes 
tuyaux dans les mufcles. Or les Anatomiftes & Me- 
decins auoüent aflés que ces trois chofes fe trouuent 
dans les Nerfs; mais il ne me femble point qu'aucun 
d'eux en ait encores bien diftingué les vfages. Car, 
voyant que les Nerfs ne feruent pas feulement a 
donner le fentiment aux membres, mais | auffi a les 
mouuoir, & qu'il y a quelquefois des paralyfies qui 
oftent le mouuement, fans ofter pour cela le fenti- 
ment, tantoft ils ont dit qu'il y auoit deux fortes de 
Nerfs, dont les vns ne feruoyent que pour les fens, & 
les autres que pour les mouuemens; & tantoft, que la 
faculté de fentir eftoit dans les peaux ou membranes, 
& que celle de mouuoir eftoit dans la fubftance inte- 
rieure des Nerfs : qui font chofes fort repugnantes a 


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on 


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31-32. LA Droprrique. — Discours IV. TT 


l'experience & a la raifon. Car qui a iamais pü remar- 
quer aucun Nerf, qui feruift au mouuement, fans fer- 
uir aufli a quelque fens? Et comment, fi c'eftoit des 
peaux que le fentiment dependif, les diuerfes impref- 
fions des obiets pourroyent elles, par le moyen de ces 
peaux, paruenir iufques au cerueau ? Afin donc d’euiter 
ces difficultés, il faut penfer que ce font les efprits, 
qui, coulans par les Nerfs dans les Mufcles, & les en- 
flans plus ou moins, tantoft les vns, tantoft les autres, 
felon les diuerfes façons que le cerueau les diftribue, 
caufent le mouuement de tous les membres; & que ce 
font les petits filets, dont la fubftance interieure de 
ces Nerfs eft compofée, qui feruent aus fens. Et d'au- 
tant que ie n'ay point icy befoin de parler des mouue- 
mens, ie defire feulement que vous conceuiés que ces 
petits filets, eftant enfermés, comme ray dit, en des 
tuyaux qui font toufiours enflés & tenus ouuers par les 
efprits qu'ils contienent, ne fe preffent ny empefchent 
aucunement les vns les autres, & font eftendus depuis 
le cerueau iufques aux extremités de tous les membres 
qui font capables de quelque fentiment, en telle forte 
que, pour peu qu'on touche & face mouuoir l'endroit 
de ces membres où quelqu'vn d'eux eft attaché, | on 
fait auffi mouuoir au mefme inftant l'endroit du cer- 
ueau d'où il vient, ainfi que, tirant l'vn des bouts d'vne 
corde qui eft toute tendue, on fait mouuoir au mefme 
inftant l'autre bout. Car, fçachant que ces filets font 
ainfi enfermés en des tuyaux, que les efprits tienent 
toufiours vn peu enflés & entre ouuerts, il eft ayfé a 
entendre qu'encores qu'ils fuflent beaucoup plus de- 
liés que ceux que filent les vers a foye, & plus foibles 


112 Œuvres DE DESCARTES. 32-33. 


que ceux des araignées, ils ne lairroyent pas de fe 
pouuoir eftendre depuis la tefte iufques aux membres 
les plus efloignés, fans eftre en aucun hafard de fe 
rompre, ny que les diuerfes fituations de ces membres 
empefchaflent leurs mouuemens. Il faut, outre cela, 
prendre garde a ne pas fuppofer que, pour fentir, 
l’ame ait befoin de contempler quelques images qui 
foyent enuoyées par les obieéts iufques au cerueau, 
ainfi que font communement nos Philofophes; ou, du 
moins, il faut conceuoir la nature de ces images tout 
autrement qu'ils ne font. Car, d'autant qu'ils ne confi- 
derent en elles autre chofe, finon qu'elles doiuent 
auoir de la refemblance auec les obietts qu'elles re- 
prefentent, il leur eft impoñlible de nous monftrer 
comment elles peuuent eftre formées par ces obie&s, 
& receues par les organes des fens exterieurs, & tranf- 
mifes par les Nerfs iufques au cerueau. Et ils n'ont 
eu aucune raifon de les fuppofer, finon que, voyant que 
noftre penfée peut facilement eftre excitée, par vn ta- 
bleau, a conceuoir l'obie@ qui y eft peint, il leur a 
femblé qu'elle deuoit l'eftre, en mefme façon, a con- 
ceuoir ceux qui touchent nos fens, par quelques petits 
tableaux qui s'en formaffent en noftre | tefte, au lieu 
que nous deuons confiderer qu'il y a plufieurs autres 
chofes que des images, qui peuuent exciter noftre 
penfée; comme, par exemple, les fignes & les paroles, 
qui ne refemblent en aucune façon aux chofes qu'elles 
fignifient. Et fi, pour ne nous efloigner que le moins 
qu'il eft poffible des opinions defia receues, nous 
aymons mieux auoüer que les obiets que nous fen- 
tons, enuoyent veritablement leurs images iufques au 


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33-34. La Dioprrique. — Discours IV. 113 


dedans de noftre cerueau, il faut au moins que nous 
remarquions qu'il ny a aucunes images qui doiuent 
en tout refembler aux obiets qu'elles reprefentent :car 
autrement il n'y auroit point de diftinétion entre l'obiet 
& fon image : mais qu'il fuffift qu'elles leur refemblent 
en peu de chofes; & fouuent mefme, que leur perfec- 
tion depend de ce qu’elles ne leur refemblent pas tant 
qu'elles pourroyent faire. Comme vous voyés que les 
taille-douces, n’eftant faites que d'vn peu d'encre pofée 
ça & là fur du papier, nous reprefentent des forets, 
des villes, des hommes, & mefme des batailles & des 
tempeftes, bien que, d'vne infinité de diuerfes qualités 
qu'elles nous font conceuoir en ces obiets, il ny en 
ait aucune que la figure feule dont elles ayent pro- 
prement la refemblance; & encores efl-ce vne refem- 
blance fort imparfaite, vù que, fur vne fuperficie toute 
plate, elles nous reprefentent des cors diuerfement 
releués & enfoncés, & que mefme, fuiuant les regles 
de la perfpectiue, fouuent elles reprefentent mieux 
des cercles par des ouales que par d'autres cercles; 
& des quarrés par des lozanges que par d'autres 
quarrés ; & ainfi de toutes les autres figures : en forte 
que fouuent, pour eftre plus | parfaites en qualité 
d'images, & reprefenter mieux vn obiect, elles doiuent 
ne luy pas refembler.Or il faut que nous penfions tout 
le mefme des images qui fe forment en noftre cer- 
ueau, & que nous remarquions qu'il eft feulement 
queftion de fçauoir comment elles peuuent donner 
moyen a l'ame de fentir toutes les diuerfes qualités 
des obiets aufquels elles fe raportent, & non point 


comment elles ont en foy leur refemblance. Comme, 
Œuvres. I. 15 


114 OŒEuvres DE DESCARTES 34-35. 


lors que l'aueugle, dont nous auons parlé cy deffus, 
touche quelques cors de fon bafton, il eft certain que 
ces cors n'enuoyent autre chofe iufques a luy, finon 
que, faifant mouuoir diuerfement fon bafton felon les 
diuerfes qualités qui font en eux, ils meuuent par 
mefme moyen les nerfs de fa main, & enfuite les en- 
droits de fon cerueau d'où vienent ces nerfs; ce qui 
donne occafion a fon ame de fentir tout autant de 
diuerfes qualités en ces cors, qu'il fe trouue de varietés 
dans les mouuemens qui font caufés par eux en fon 
cerueau. 


|DES IMAGES QVI SE FORMENT 
SUR:LE FONDS'DE TL'OËIE 


Difcours Cinquiefme. 


Vous voyés donc affés que, pour fentir, l'ame n’a 
pas befoin de contempler aucunes images qui foyent 
femblables aux chofes qu’elle fent; mais cela n’em- 
pefche pas qu'il ne foit vray que les obiets que-nous 
regardons, en impriment d'aflés parfaites dans le 
fonds de nos yeux ; ainfi que quelques vns ont defa 
tres-ingenieufement expliqué, par la comparaifon de 
celles qui paroïflent dans vne chambre, lors que 
l'ayant toute fermée, referué vn feul trou, & ayant 
mis au deuant de ce trou vn verre en forme de len- 


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35-37. LA Droprrique. — Discours V. I1$ 


tille, on eftend derriere, a certaine diftance, vn linge 
blanc, fur qui la lumiere, qui vient des obiets de 
dehors, forme ces images. Car ils difent que cete 
chambre reprefente l'œil; ce trou, la prunelle; ce 
verre, l'humeur criftaline, ou pluftoft toutes celles 
des parties de l'œil qui caufent quelque refraétion ; 
& ce linge, la peau interieure, qui eft compofée des 
extremités du nerf optique. 

Mais vous en pourrés eftre encores plus certain, fi, 
prenant l'œil d'vn homme fraifchement mort, ou, au de- 
faut, celuy d'vn bœuf ou de quelqu'autre gros animal, 
vous coupés dextrement vers le fonds les trois peaux 
qui l'enuelopent, en forte qu'vne grande partie de 
l'humeur M, qui y eft, demeure découuerte, fans qu'il 
|y ait rien d'elle pour cela qui fe refpende; puis, l'ayant 
recouuerte de quelque cors blanc, qui foit fi delié 
que le iour pañfe au trauers, comme, par exemple, d'vn 
morceau de papier ou de la coquille d'vn œuf, RST, 
que vous mettiés cet œil dans le trou d'vne feneftre 
fait exprés, comme Z, en forte qu'il ait le deuant, 
BCD, tourné vers quelque lieu où il y ait diuers ob- 
iets, comme V,X, Y, efclairés par le foleil; & le der- 
riere, où eft le cors blanc RST, vers le dedans de la 
chambre, P, où vous ferés, & en laquelle il ne doit 
entrer aucune lumiere, que celle qui pourra penetrer 
au trauers de cet œil, dont vous fçaués que toutes les 
parties, depuis C iufques a S, font tranfparentes. Car, 
cela fait, fi vous regardés fur ce cors blanc RST, vous 
y verrés, non peuteftre fans admiration & plaifir, vne 
peinture, qui reprefentera fort naïuement en per- 
fpeétiue tous les obiets qui feront au dehors vers 


116 OŒEuvREs DE DESCARTES. 37. 


VXY, au moins fi vous faites en forte que cet œil 


12 
711 Fig. p. 36. © 


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SUR el: : 
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CHU OEET] 


retiene fa figure naturelle, proportionnée a la diftance 


37-38. La DiopTRiQuE. — Discours V. 117 


de ces obiets : car, pour peu que vous le prefliés plus 
ou moins que de raifon, cete peinture en deuiendra 
moins diftinéte. Et il eft a remarquer qu'on doit le 
prefler vn peu dauantage, & rendre fa figure vn peu 
plus longue, lors que les obiets font fort proches, 
que lors qu'ils font plus efloignés. Mais il eft befoin 
que explique icy plus au long comment fe forme 
cete peinture; Car le pourray,par mefme moyen, vous 
faire entendre plufieurs chofes qui apartienent a la 
vifion. 

Confiderés donc, premierement, que, de chafque 
point des obiets V,X, Y, il entre en cet œil autant de 
|rayons, qui penetrent iufques au cors blanc RST, 
que l'ouuerture de la prunelle FF en peut com- 
prendre, & que, fuiuant ce qui a efté dit icy deffus, 
tant de la nature de la refraétion que de celle des 
trois humeurs K, L, M, tous ceux de ces rayons, qui 
vienent d vn mefme point, fe courbent en trauerfant 
les trois fuperficies BCD, 123 & 456, en la façon qui 
eft requife pour fe raffembler derechef enuiron vers 
vn mefme point. Et il faut remarquer qu'afin que la 
peinture, dont 1l eft icy queftion, foit la plus parfaite 
qu'il eft poffble, les figures de ces trois fuperficies 
doiuent eftre telles, que tous les rayons, qui vienent 
de l’vn des points des obiets, fe raffemblent exacte- 
ment en l'vn des points du cors blanc RST. Comme 
vous voyés 1cy que ceux du point X s'aflemblent au 
point S; en fuite de quoy ceux qui vienent du point 
V s'aflemblent auffi a peu prés au point R; & ceux du 
point Ÿ, au point T. Et que, reciproquement, il ne 
vient aucun rayon vers S, que du point X; ny quañi 


* 


118 OEUVRES DE DESCARTES. 38-40. 


aucun vers R, que du point V; ny vers T, que du 
point Y, & ainfi des autres. Or cela pofé, fi vous vous 
fouuenés de ce qui a eflé dit cy deflus de la lumiere 
& des couleurs en general, & en particulier des cors 
blancs, il vous fera facile a entendre, qu'eftant en- 
fermé dans la chambre P, & iettant vos yeux fur le 
cors blanc RST, vous y deués voir la refemblance des 
obiets V,X,Y. Car, premierement, la lumiere, c'eft a 
dire le mouuement ou l’action dont le foleil, ou quel- 
qu'autre des cors qu'on nomme lumineux, poufle vne 
certaine matiere fort fubtile qui fe trouue en tous les 
cors tranfparents, eftant repouflée vers R par l'obiet V, 
que ie fuppofe, par exemple, eftre rouge, c'eft a dire 
eftre difpofé a faire que les petites parties de cete ma- 
ere fubtile, qui ont eflé feulement pouffées en lignes 
droites par les cors lumineux, fe meuuent aufli en rond 
autour de leurs centres, aprés les auoir rencontrés *, & 
que leurs deux mouuemens ayent entre eux la propor- 
tion qui eft requife pour faire fentir la couleur rouge ; 
il eft certain que l’action de ces deux mouuemens, 
ayant rencontré au point R vn cors blanc, c'eft a dire 
vn cors difpofé a la renuoyer vers tout autre cofté fans 
la changer, doit de là fe reflefchir vers vos yeux par 
les pores de ce cors, que ray fuppofé a cet effect fort 
delié, & comme percé a iour de tous coftés, & ainfi 
vous faire voir le point R de couleur rouge. Puis, la 
lumiere eftant aufli repouffée de l’obiet X, que ie fup- 
pofe iaune, vers S; & d'Y, que 1e fuppofe bleu, vers 
T, d'où elle eft portée vers vos yeux; elle vous doit 
faire paroiftre S de couleur iaune, & T de couleur 
bleuë. Et ainfi les trois poins R, S, T, paroiflans des 


10 


15 


20 


25 


30 


PTT OL OP TI 


40. LA Droprrique. — Discours V. 119 


mefmes couleurs, & gardans entre eux le mefme 


<71 Fig. p. 39. 0) 


. 
. 
. 


120 OEUVRES DE DESCARTES. 40-41. 


refemblance. Et la perfeétion de cette peinture de- 
pend principalement de trois chofes : a fçauoir de ce 
que, la prunelle de l'œil ayant quelque grandeur, il y 
entre plufieurs rayons de chafque point de l’obiet, 
comme icy XB1485, XC258, XD305, & tout autant 
d'autres qu'on en puiffe imaginer entre ces trois, y 
vienent du feul point X; & de ce que ces rayons Rue 
frent dans l'œil de telles refractions, que ceux qui 
vienent de diluers poins, fe raflemblent a peu prés en 
autant d'autres diuers poins fur le cors blanc RST; 
& enfin de ce que, tant les petits filets EN que le de- 
dans de la peau EF eftant de couleur noire, & la 
chambre P toute fermée & obfcure, il ne vient d’ail- 
leurs que des obiets V,X, Y aucune lumiere qui trouble 
l'aétion de ces rayons. Car, fi la prunelle eftoit fi 
eftroite, qu'il ne pañfaft qu'vn feul rayon de chafque 
point de l'obiet vers chafque point du cors RST, il 
n'auroit pas aflés de force pour fe reflefchir de là, 
dans la chambre P, vers vos yeux. Et la prunelle eftant 
vn peu grande, s'il ne fe faifoit dans l'œil aucune re- 
fraétion, les rayons qui viendroient de chafque point 
des obiets, s'efpandroyent ça & là en tout l'efpace 
RST, en forte que, par exemple, les tr oispoints V,X,Y 
enuoyeroient trois rayons vers R, qui,fe reflefchiffans 
de là tous enfemble vers vos yeux, vous feroient pa- 
roiftre ce point R d'vne couleur moyenne entre le 
rouge, le jaune & le bleu, & tout femblable aux points 
S & T, vers lefquels les mefmes points V, X, Y enuoye- 
roient aufli chacun vn de leurs rayons. Et il arriueroit 
aufli quafi le mefme, fi la refraction qui fe fait en l'œil 
eftoit plus ou moins grande qu'elle ne doit, a raifon 


20 


25 


30 


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20 


25 


30 


TT LA DioPpTRIQUE, — Discours V. I21 


de la grandeur de cet œil : car, eftant trop grande, les 
rayons qui viendroient, par exemple, du point X, s'af- 
fembleroient auant que d’eftre paruenus iufques 48, 
comme vers M; &, au contraire, eftant trop petite, ils 
ne s'aflembleroient qu'au delà, comme vers P ; fi bien 
qu'ils toucheroient le cors blanc RST en plufieurs 
points, vers lefquels il viendroit auffi d’autres rayons 
des autres parties de l'obiet. Enfin, fi les cors EN, EF 
n'eftoyent noirs, c'eft a dire difpofés a faire que la 
lumiere qui donne de contre s’y amortifle, les rayons 
qui viendroient vers eux du cors blanc RST, pour- 
roient de là retourner, ceux de T vers S & vers R; 
ceux de R, vers T & vers S; & ceux deS, vers R & 
vers T : au moyen de quoy ils troubleroient l'ation 
les vns des autres; & le mefme feroyent aufly les 
rayons qui viendroient de la chambre P vers RST, 
s'il y auoit quelque autre lumiere en cete chambre, 
que celle qu y enuoyent les obiets V,X, Y. 

Mais, aprés vous auoir parlé des perfe&ions de cete 
peinture, 1l faut aufli que ie vous face confiderer fes 
defauts, dont le premier & le principal eft que, 
quelques figures que puiflent auoir les parties de 
l'œil, 1l eft impofhible qu'elles facent que les rayons 
qui vienent de diuers poins, s'aflemblent tous en 
autant d'autres diuers points, & que tout le mieux 
qu'elles puiffent faire, c'eft feulement que tous ceux 
qui vienent de quelque point, comme d’X, s'affem- 
blent en vn autre point, comme S, dans le milieu du 
fonds de l'œil ; en quel cas il n'y en peut auoir que 
quelques vns de ceux du point V, qui s’affemblent 


iuftement au point R, ou du point Y, qui s'aflemblent 
Œuvres. I. 16 


453. 


OEUVRES DE DESCARTES. 


122 


iuftement au point T ; & les autres s’en doiuent ef- 


Fig. p. 43. 


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carter quelque peu, tout a l’entour, ainfi que r'expli- 


43-44. La Droprrique. — Discours V 123 


queray cy aprés. Et cecy eft caufe que cete peinture 
n'eft iamais fi diftincte vers fes extremités qu'au mi- 
lieu, comme il a efté affés remarqué par ceux qui ont 
efcrit de l'Optique. Car c’eft pour cela qu'ils ont dit 
que la vifion fe fait principalement fuiuant la ligne 
droite, qui pañle par les centres de l'humeur crifta- 
line & de la prunelle, telle qu'eft icy la ligne XKLS, 
qu'ils nomment l’aiflieu de la vifion. Et notés que les 
rayons, par exemple, ceux qui vienent du point V, 
s'efcartent autour du point R, d'autant plus que l’ou- 
uerture de la prunelle eft plus grande; & ainfi que, fi 
fa grandeur fert a rendre les couleurs de cete pein- 
ture plus viues & plus fortes, elle empefche en re- 
uanche que ces figures ne foyent fi diftinétes, d'où 
vient qu'elle ne doit eftre que mediocre. Notés aufii 
que ces rayons s'efcarteroient encores plus autour du 
point R, qu'ils ne font, fi le point V, d'où ils vienent, 
eftoit beaucoup plus proche de l'œil, comme vers 10, 
ou beaucoup plus efloigné, comme vers 11, que n'eft 
X, a la diftance duquel ie fuppofe que la figure de 
l'œil eft proportionnée; de forte qu'ils rendroyent la 
partie R de cete peinture encores moins diftinte 
qu'ils ne font. Et vous entendrés facilement les de- 
monftrations de tout cecy, lors que vous aurés vû, cy 
aprés, quelles figures doiuent auoir les cors tranfpa- 
rents, pour faire que les rayons qui vienent d'vn point, 
s'afflemblent en quelqu'autre point, aprés les auoir 
trauerfés. Pour les autres defauts de cete peinture, 
ils confiftent en ce que fes parties font renuerfées, 
c'eft a dire en pofition toute contraire a celle des 
obiets ; & en ce qu'elles font apetiflées & racourcies, 


124 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 44-46. 


les vnes plus, les autres moins, a raifon de la diuerfe 
diftance & fituation des chofes qu'elles reprefentent, 
quafi en mefme façon que dans vn tableau de per- 
fpetiue. Comme vous voyés icy clairement que T, qui 
eft vers le cofté gauche, reprefente Y, qui eft vers le 
droit, & que R, qui eft vers le droit, reprefente V, qui 
eft vers|le gauche. Et de plus, que la figure de l'obiet 
V ne doit pas occuper plus d'efpace vers R, que celle 
de l'obiet 10, qui eft plus petit, mais plus proche ; ny 
moins que celle de l’obiet 11, qui eft plus grand, mais 
a proportion plus efloigné, finon en tant qu'elle eft 
vn peu plus diftincte. Et enfin, que la ligne droite 
VXY eft reprefentée par la courbe RST. 

Or, ayant ainfi vû cete peinture dans l'œil d’vn ani- 
mal mort, & en ayant confideré les raifons, on ne 
peut douter qu'il ne s'en forme vne toute femblable 
en celuy d'vn homme vif, fur la peau interieure, en la 
place de laquelle nous auions fubftitué le cors blanc 
RST ; & mefme qu'elle ne s'y forme beaucoup mieux, 
a caufe que fes humeurs, eftant plaines d’efprits, font 
plus tranfparentes, & ont plus exactement la figure 
qui eft requife a cet effect. Et peut eftre aufli qu'en 
l'œil d'vn bœuf la figure de la prunelle, qui neft 
pas ronde, empefche que cete peinture n'y foit fi 
parfaite. 

On ne peut douter non plus que les images qu'on 
fait paroiftre fur vn linge blanc, dans vne chambre ob- 
fcure, ne s'y forment tout de mefme & pour la mefme 
raifon qu'au fonds de l'œil; mefmes, a caufe qu'elles 
y font ordinairement beaucoup plus grandes, & s'y 
forment en plus de façons, on y peut plus commo- 


20 


25 


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46. La Dioprrique. — Discours V. 


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dement remarquer diuerfes particularités, dont ïe 


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Fig. p. 45. © 


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defire icy vous auertir, afin que vous en faciés l’ex- 


126 OŒuvres DE DESCARTES. 46-47. 


perience, fi vous ne l'aués encores iamais faite. Voyés 
donc, premierement, que, fi on ne met aucun verre au 
deuant du trou qu'on aura fait en cete chambre, 1l 
paroiftra bien quelques images fur le linge, pouruû 
que le trou foit fort eftroit, | mais qui feront fort con- 
fufes & imparfaites, & qui le feront d'autant plus, que 
ce trou fera moins eftroit; & qu'elles feront auffi d'au- 
tant plus grandes, qu'il y aura plus de diftance entre 
luy & le linge, en forte que leur grandeur doit auoir,a 
peu prés, mefme proportion auec cete diftance, que 
la grandeur des obiets, qui les caufent, auec la di- 
ftance qui eft entre eux & ce mefme trou. Comme il 
eft euident que, fi 
ACB eft l'obiet, 
D Île trou, & EFG 
l'image, EGeft a 
FD comme AB 
eft a!:C D'Eus, 
ayant mis vn verre en forme de lentille au deuant de ce 
trou, confiderés qu'il y a certaine diftance determinée, 
a laquelle tenant le linge, les images paroiffent fort 
diftin@es, & que, pour peu qu'on l’efloigne ou qu'on 
l'aproche dauantage du verre, elles commencent a 
l'eftre moins. Et que cete diftance doit eftre mefurée 
par l’efpace qui ef, non pas entre le linge & le trou, 
mais entre le linge & le verre:en forte que, fi l'on met 
le verre vn peu au delà du trou de part ou d'autre, le 
linge en doit auffi eftre d'autant aproché ou reculé. Et 
qu'elle depend en partie de la figure de ce verre, & 
en partie aufly de l'efloignement des obiets : car,en 
laiflant l'obiet en mefme lieu, moins les fuperficies 


-à | ; | ÿ 


20 


25 


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10 


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47-48. LA DroprTrique. — Discours V. 127 


du verre font courbées, plus le linge en doit eftre 
efloigné, & en fe feruant du mefme verre, fi les obiets 
en font fort | proches, il en faut tenir le linge vn peu 
plus loin, que s’ils en font plus efloignés. Et que de 
cete diftance depend la grandeur des images, quafi 
en mefme façon que lors qu'il n'y a point de verre au 
deuant du trou. Et que ce trou peut eftre beaucoup 
plus grand, lors qu'on y met vn verre, que lors qu'on 
le laiffe tout vuide, fans que les images en foyent pour 
cela de beaucoup moins diftinctes. Et que, plus il eft 
grand, plus elles paroiffent claires & illuminées : en 
forte que, fi on couure vne partie de ce verre, elles 
paroïftront bien plus obfcures qu'auparauant, mais 
qu'elles ne lairront pas pour cela d'occuper autant 
d'efpace fur le linge. Et que, plus ces images font 
grandes & claires, plus elles fe voyent parfaitement : 
en forte que, fi on pouuoit auf faire vn œil, dont la 
profondeur fuft fort grande, & la prunelle fort large, 
& que les figures de celles de fes fuperficies qui cau- 
fent quelque refraétion, fuffent proportionées a cete 
grandeur, les images s'y formeroient d'autant plus 
vifibles. Et que, fi ayant deux ou plufieurs verres en 
forme de lentilles, mais affés plats, on les ioint l’vn 
contre l'autre, ils auront a peu prés le mefme effect 
qu'auroit vn feul, qui feroit autant vouté ou conuexe 
qu'eux deux enfemble ; car le nombre des fuperficies 
où fe font les refraétions n'y fait pas grand chofe. Mais 
que, fi on efloigne ces verres a certaines diftances les 
vns des autres, le fecond pourra redreffer l'image que 
le premier aura renuerfée, & le troifiefme la renuerfer 
derechef, & ainfi de fuite. Qui font toutes chofes dont 


128 Œuvres DE DESCARTES. 48-50. 


les raifons font fort ayfées a deduire de ce que |1'ay 
dit, & elles feront bien plus voftres, s'il vous faut vfer 
d'vn peu de reflexion pour les conceuoir, que fi vous 
les trouuiés icy mieux expliquées. 

Au refte, les images des obiets ne fe forment pas > 


4 * x ÿ 


feulement ainfi au fonds de l'œil, mais elles pañlent 
encores au delà iufques au cerueau, comme vous en- 
tendrés facilement, fi vous penfés que, par exemple, 
les rayons qui|vienent dans l'œil de l’obiet V, tou- 
chent au point R l’extremité de l’vn des petits filets 10 


15 


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25 


Fo: LA Dioprrique. — Discours V. 129 


du nerf optique, qui prend fon origine de l'endroit 7 
de la fuperficie interieure du cerueau 789; & ceux de 
l'obiet X touchent au point S l'extremité d'vn autre 
de ces filets, dont le commencement eft au point 8; 
& ceux de l'obiet Ÿ en touchent vn autre au point T, 
qui refpond a l'endroit du cerueau marqué 0, & ainfi 
des autres. Et que, la lumiere n’eftant autre chofe qu'vn 
mouuement, ou vne action qui tend a caufer quelque 
mouuement, ceux de fes rayons qui vienent d'V vers 
R, ont la force de mouuoir tout le filet R 7, & par con- 
fequent l'endroit du cerueau marqué 7; & ceux qui 
vienent d'X vers S, de mouuoir tout le nerf S 8, & 
mefme de le mouuoir d'autre façon que n'eft meu 
R 7, a caufe que les obiets X & V font de deux di- 
uerfes couleurs; & ainfi,que ceux qui vienent d'Y, meu- 
uent le point 9. D'où il eft manifefte qu'il fe forme 
derechef vne peinture 789, aflés femblable aux obiets 
V,X, Y, en la fuperficie interieure du cerueau qui re- 
garde fes concauités. Et de là ie pourois encores la 
tranfporter iufques a vne certaine petite glande, qui 
fe trouue enuiron le milieu de ces concauités, & eft 
proprement le fiege du fens commun. Mefme ie pou- 
rois,encores plus outre, vous monftrer comment quel- 
quefois elle peut pañfer de là par les arteres d'vne 
femme enceinte, iufques a quelque membre deter- 
miné de l'enfant qu'elle porte en fes entrailles, & y 
former ces marques d'enuie, qui caufent tant d’ad- 
miration a tous les Doctes.! 


Œuvres. I. 17 


130 OŒEuvres DE DESCARTES. 7e 


DE 2 PAMMISION. 


Difcours Sixiefme. 


Or, encores que cete peinture, en pañlant ainfi 
iufques au dedans de noftre tefte, retiene toufiours 
quelque chofe de la refemblance des obiets dont elle 
procede, il ne fe faut point toutesfois perfuader, ainfi 
que ie vous ay defia tantoft aflés fait entendre, que 
ce foit par le moyen de cete refemblance qu'elle face 
que nous les fentons, comme s'ii y auoit derechef 
d'autres yeux en noftre cerueau, auec lefquels nous 
la puflions aperceuoir; mais pluftoft, que ce font les 
mouuemens par lefquels elle eft compofée, qui, agif- 
fans immediatement contre noftre ame, d'autant 
qu'elle eft vnie a noftre cors, font infutués de la 
Nature pour luy faire auoir de tels fentimens. Ce que 
ie vous veux icy expliquer plus en detail. Toutes les 
qualités que nous aperceuons dans les obiets de la 
veuë, peuuent eftre reduites a fix principales, qui 
font : la lumiere, la couleur, la fituation, la diftance, 
la grandeur, & la figure. Et premierement, touchant 
la lumiere & la couleur, qui feules apartienent pro- 
prement au fens de la veue, il faut penfer que nofître 
ame eft de telle nature, que la force des mouuemens, 
qui fe trouuent dans les endroits du cerueau d'où 
vienent les petits filets des nerfs optiques, luy fait 
auoir le fentiment de la lumiere ; & la façon de ces 


20 


25 


10 


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* 


51-52. LA DioprTrique. — Discoürs VI. 131 


mouuemens, celuy de la couleur : ainfi que les mou- 
uemens des nerfs qui refpondent aux oreilles, luy 
font ouir les fons; & ceux | des nerfs de la langue 
luy font goufter les faueurs ; &, generalement, ceux 
des nerfs de tout le cors luy font fentir quelque cha- 
touillement, quand ils font moderés, & quand ils font 
trop violents, quelque douleur; fans qu'il doiue, en 
tout cela, y auoir aucune refemblance entre les idées 
qu'elle conçoit, & les mouuemens qui caufent ces 
idées. Ce que vous croirés facilement, fi vous remar- 
qués qu'il femble a ceux qui recoiuent quelque blef- 
fure dans l'œil, qu'ils voyent vne infinité de feux & 
d'efclairs deuant eux, nonobftant qu'ils ferment les 
yeux, ou bien qu'ils foyent en lieu fort obfeur ; en 
forte que ce fentiment ne peut eftre attribué qu'a la 
feule force du coup, laquelle meut les petits filets du 
nerf optique, ainfi que feroit vne violente lumiere ; 
& cete mefme force, touchant les oreilles, pourroit 
faire ouir quelque fon; & touchant le cors en d'autres 
parties, y faire fentir de la douleur. Et cecy fe con- 
firme aufly de ce que, fi quelquefois on force fes 
yeux a regarder le foleil, ou quelqu'autre lumiere 
fort viue, ils en retienent, aprés vn peu de temps, 
l'impreflion en telle forte que, nonobftant mefme 
qu'on les tiene fermés, il femble qu'on voye diuerfes 
couleurs, qui fe changent & pañlent de l'vne a l’autre, 
a mefure quelles s’affoibliffent : car cela ne peut 
proceder que de ce que les petits filets du nerfop- 
tique, ayant efté meus extraordinairement fort, ne 
fe peuuent arrefter fitoft que de couftume. Mais l'agi- 
tation, qui eft encores en eux aprés que les yeux font 


he LS 5 DS SD EE 


132 OEUVRES DE DESCARTES. 52-53. 


fermés, n'eftant plus aflés grande pour reprefenter 
cete forte lumiere qui l’a caufée, reprefente des 
couleurs moins viues. Et ces couleurs fe changent en 
s'affoibliffant, ce qui monfire que leur nature ne 
confifte qu'en la diuerfité du mouuement, & neft 
point autre que ie l'ay cy deflus fuppofée. Et enfin 
cecy fe manifefte de ce que les couleurs paroïffent 
fouuent en des cors tranfparens, où il eft certain 
qu'il n'y a rien qui les puiffe caufer, que les diuerfes 
façons dont les rayons de la lumiere y font receus, 
comme lors que l'arc-en-ciel paroift dans les nuës, 
& encores plus clairement, lors qu'on en voit la re- 
femblance dans vn verre qui eft taillé a plufeurs 
faces. 

Mais il faut icy particulierement confiderer en 
quoy confifte la quantité de la lumiere qui fe voit, 
c'eft a dire, de la force dont eft meu chacun des pe- 
tits filets du nerf optique : car elle n'eft pas toufiours 
efgale a la lumiere qui eft dans les obiets, mais elle 
varie a raifon de leur diflance & de la grandeur 
de la prunelle, & auffy a raifon de l'efpace que les 
rayons, qui vienent de chafque point de l'obiet, 
peuuent occuper au fonds de l'œil. Comme, par 
exemple, il eft manifefte que le point X enuoyeroit 
plus de rayons dans l'œil B qu'il ne fait, fi la pru- 
nelle FF eftoit ouuerte iufques a G; & qu'il en en- 
uoye tout autant en cet œil B qui eft proche de luy, 
& dont la prunelle eft fort eftroitte, qu'il fait en l'œil 
À, dont la prunelle eft beaucoup plus grande, mais 
qui eft a proportion plus efloigné. Et encores qu'il 
n'entre pas plus de rayons des diuers points de l'ob- 


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53-55. La Dioprrique. — Discours VI. 133 


iet VXY, confiderés tous enfemble, dans le fonds de 
l'œil À que dans celuy de l'œil B, toutesfois, pour 
ce que ces rayons ne s'y eftendent qu’en l’efpace TR, 
qui eft plus petit que n’eft HI, dans lequel ils s'eften- 
dent au fonds de l'œil B, ils y doiluent agir auec plus 
de force contre chacune des extremités du nerf op- 
tique qu'ils y touchent : ce qui eft fort aifé a calculer. 
Car, fi, par exemple, l'efpace HI eft qua- 
druple de TR, & qu'il contiene les ex- 
tremités de quatre mille des petits filets 
du nerf optique, TR ne contiendra que 
celles de mille, & par confequent cha- 
cun de ces petits filets fera meu, dans le 
fonds de l'œil A, par la milliefme partie 
des forces qu'ont tous les rayons qui 
y entrent, iointes enfemble, &, dans le 
fonds de l'œil B, par le quart de la mil- 
liefme partie feulement. il faut aufly 
confiderer qu'on ne peut difcerner les 
parties des cors qu'on regarde, quen 
tant qu'elles different en quelque façon 
de couleur; & que la vifion diftinéte 
de ces couleurs ne depend pas feulement de ce que 
tous les rayons, qui vienent de chafque point de 
l'obiet, fe raflemblent a peu prés en autant d'autres 
diuers poins au fonds de l'œil, & de ce quil n'en 
vient aucuns autres d'ailleurs vers ces mefmes 
poins, ainfi qu'il a eflé tantoft amplement expliqué ; 
mais aufly de la multitude des petits filets du nerf 
optique, qui | font en l'efpace qu'occupe l'image au 
fonds de l'œil. Car, fi, par exemple, l'obiet VXY eft 


* 


134 OEuvREs DE DESCARTES. 55-56. 


compofé de dix mille parties, qui foyent difpofées 
a enuoyer des rayons vers le fonds de l'œil RST, 
en dix mille facons differentes, & par confequent 
a faire voir en mefme temps dix mille couleurs, 
elles n'en pourront neantmoins faire diftinguer a 
l'ame que mille tout au plus, fi nous fuppofons qu'il 
n y ait que mille des filets du nerf optique en l'ef- 
pace RST; d'autant que dix des parties de l’obiet, 
agiflant enfemble contre chacun de ces filets, ne le 
peuuent mouuoir que d'vne feule façon, compofée 
de toutes celles dont elles agiflent, en forte que l’ef- 
pace qu occupe chacun de ces filets ne doit eftre con- 
fideré que comme vn point. Et c’eft ce qui fait que 
fouuent vne prairie, qui fera peinte d'vne infinité de 
couleurs toutes diuerfes, ne paroiftra de loin que 
toute blanche, ou toute bleuë; &, generalement, que 


tous les cors fe voyent moins diftinctement de loin 


que de prés; & enfin que, plus on peut faire que 
l'image d'yn mefme obiet occupe d'efpace au fonds 
de l'œil, plus il peut eftre vü diftinctement. Ce qui 
fera cy aprés fort a remarquer. 

Pour la fituation, c'eft a dire le cofté vers lequel 
eft pofée chafque partie de l'obiet au refpect de noftre 
cors, nous ne l'aperceuons pas autrement par l'en- 
tremife de nos yeux que par celle de nos mains; & 
fa cognoiflance ne depend d'aucune image, ny d'au- 
cune action qui viene de l'obiet, mais feulement de 
la fituation des petites parties du cerueau d'où les 
nerfs | prenent leur origine. Car cete fituation, fe 
changeant tant foit peu, a chafque fois que fe change 
celle des membres où ces nerfs font inferés, eft in- 


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36-37. LA Droprrique. ——" Discours VI. 13$ 


fütuée de la Nature pour faire, non feulement que 
l'ame cognoifle en quel endroit eft chafque partie 
du cors qu'elle anime, au refped de toutes les autres; 
mais aufly qu'elle puifle transferer de là fon atten- 
tion a tous les lieux contenus dans les lignes droites 
qu'on peut imaginer eftre tirées de l'extremité de 
chacune de ces parties, & prolongées a l'infini. 
Comme, lors que l’aueugle, dont nous auons defia 
tant parlé cy deffus, tourne fa main 
ÉRVÉRUE ou Oanfyivers E, les 
nerfs inferés en cete main caufent 
vn certain changement en fon cer- 
ueau, qui donne moyen a fon ame 
de connoiftre, non feulement le lieu 
À ou C, mais aufly tous les autres qui font en la 
ligne droite AE ou CE, en forte qu'elle peut porter 
fon attention iufques aux obiets B & D, & determiner 
les lieux où ils font, fans connoiftre pour cela ny 
penfer aucunement a ceux où font fes deux mains. 
Et ainfi, lors que noftre œil ou noftre tefte fe tour- 
nent vers quelque cofté, noftre ame en eft auertie 
par le changement que les nerfs inferés dans les 
mufcles, qui feruent a ces mouuemens, caufent en 
nofire cerueau. Comme icy, en l'œil RST, il faut 
penfer que la fituation du petit filet du nerf optique, 
qui eft au point R, ou S, ou T, eft fuiuie d'vne autre 
certaine fituation de la partie du cerueau 7, ou 8, 
ou 9, qui fait que l'ame peut | connoiftre tous les 
lieux qui font en la ligne RV, ou SX, ou TY. De 
façon que vous ne deués pas trouuer eftrange que 
les obiets puiffent eflre veus en leur vraye fituation, 


130 OEuvres DE DESCARTES. 57-58. 


nonobftant que la peinture, qu'ils impriment dans 


; 


l'œil, en ait vne toute contraire : ainfi que noftre 
aueugle peut fentir en mefme temps l'obiet B, qui eft 
a droite, par l'entremife de fa main 
gauche; & D, qui eft a gauche, par 5 
l'entremile de fa main droite “Et 
comme cet aueugle ne iuge point 
qu vn cors foit double, encore qu'il 
le touche de fes deux mains, ainfi, 
lors que nos yeux font tous deux difpofés en la 10 


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58-50. La Droprrique. — Discours VI. 137 


façon qui eft requife pour porter noftre attention vers 
vn mefme lieu, ils ne nous y doiuent faire voir quvn 
feul obiet, nonobftant qu'il s'en forme en chafcun 
d'eux vne peinture. 

La vifion de la diftance ne depend, non plus que 
celle de la fituation, d'aucunes images enuoyées des 
obiets, mais, premierement, de la figure du cors de 
l'œil; car, comme nous auons dit, cete figure doit 
eftre vn peu autre, pour nous faire voir ce qui eft 
proche de nos yeux, que pour nous faire voir ce qui 
en eft plus efloigné, & a mefure que nous la chan- 
geons pour la proportionner a la diftance des obiets, 
nous changeons aufly certaine partie de noîftre cer- 
ueau, d'vne façon qui eft inflituée de la Nature pour 
faire aperceuoir a noftre ame cete diftance. Et cecy 
nous arriue ordinairement fans que nous y facions 
de reflexion ; tout de mefme que,lors que nous fer- 
rons quelque cors de noftre main, nous la confor- 
mons a la groffeur & a la figure de ce cors, & le 
fentons par fon moyen, fans qu'il foit befoin pour 
cela que nous penfions a fes mouuemens. Nous co- 
gnoïflons, en fecond lieu, la diftance par le rapport 
qu'ont les deux yeux l'vn a l'autre. Car, comme noftre 
aueugle, tenant les deux baftons AE,CE, dont ie fup- 
pole qu'il ignore la longueur, & fçachant feulement 
l'interuale qui eft entre fes deux mains À & C, & la 
grandeur des angles ACE, CAE, peut de là, comme 
par vneGeometrie naturelle, cognoiftre où eft le point 
E; ainfi, quand nos deux yeux, RST & rs1, font tournés 
vers X, la grandeur de la ligne Ss, & celle des deux 
angles XSs & X5S, nous font fçauoir où eft le point X. 


Œuvres. I. 18 


138 OEUVRES DE DESCARTES. 59-60. 


Nous pouuons aufly le mefme par l'aide d'vn œil feul, 
en luy fai fant changer de place :* comme, fi, le tenant 
tourné vers X, nous le mettons premierement au point 
S & incontinent aprés au point s, cela fufflira pour 
faire que la grandeur de la ligne Ss & des deux an- 
gles XSs & X5S fe trouuent enfemble en noftre fan- 
taifie, & nous facent aperceuoir la diftance du point 
X : & ce, par vne action de la penfée, qui, n'eftant 
qu'vne imagination toute fimple, ne laifle point d'en- 
ueloper en foy vn raifonnement tout femblable a celuy 
que font les Arpenteurs, lors que, par le moyen de deux 
differentes ftations, ils mefurent les lieux inacceffibles. 
Nous auons encores vne autre façon d'aperceuoir la 
diftance, a fçauoir par la diftinétion ou confufion de 
la figure, & enfemble par la force ou debilité de la 
lumiere. Comme, pendant que nous regardons fixe- 
ment vers X, les rayons qui vienent des obiets 10 & 
12, ne s'aflemblent pas fi exaétement vers R & vers 
T, au fonds de noftre œil, que fi ces obiets eftoyent 
aux points V & Y; d'où nous voyons qu'ils font plus 
efloignés, ou plus proches de nous, que n'eft X. Puis, 
de ce que la lumiere, qui vient de l'obiet 10 vers 
noftre œil, eft plus forte que fi cet obiet eftoit vers V, 
nous le iugeons eftre plus proche; & de ce que celle 
qui vient de l’obiet 12, eft plus foible que s'il eftoit 
vers Ÿ, nous le iugeons plus efloigné. Enfin, quand 
nous imaginons defia d'ailleurs la grandeur d'vn 
obiet, ou fa fituation, ou la diftinction de fa figure & 
de fes couleurs, ou feulement la force de la lumiere 
qui vient de luy, cela nous peut feruir, non pas pro- 


a. Voir, page 136, la figure de la page 59 de l'édition princeps. 


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30 


60. PA Drioprrioue. —— Discours VI. 


39 


prement a voir, mais a imaginer fa diftance. Comme, 


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140 OŒEuvres DE DESCARTES. 60-62. 


couftumé de|voir de prés, nous en iugeons bien mieux 
l'efloignement, que nous ne ferions fi fa grandeur 
nous efloit moins connuë. Et regardant vne mon- 
taigne expofée au foleil, au delà d'vne foreft couuerte 
d'ombre, ce n'eft que la fituation de cete foreft, qui 
nous la fait iuger la plus proche. Et regardant fur mer 
deux vaifleaux, dont l'vn foit plus petit que l’autre, 
mais plus proche a proportion, en forte qu'ils paroif- 
fent efgaux, nous pourrons, par la difference de leurs 
figures & de leurs couleurs & de la lumiere qu'ils 
enuoyent vers nous, iuger lequel fera le plus loin. 
Au refte, pour la façon dont nous voyons la gran- 
deur & la figure des obiets, ie n'ay pas befoin d'en 
rien dire de particulier, d'autant qu'elle eft toute 
comprife en celle dont nous voyons la diftance & la 
fituation de leurs parties. A fçauoir, leur grandeur 
s’eftime par la connoiffance, ou l'opinion, qu'on a de 
leur diftance, comparée auec la grandeur des images 
qu'ils impriment au fonds de l'œil; & non pas abfo- 
lument par la grandeur de ces images, ainfi qu'il eft 
afés manifefte de ce que, encore qu'elles foyent, par 
exemple, cent fois plus grandes, lors que les obiets 
font fort proches de nous, que lors qu'ils en font dix 
fois plus efloignés, elles ne nous les font point voir 
pour cela cent fois plus grands, mais prefque efgaux, 
au moins fi leur diftance ne nous trompe. Et il eft 
manifefte aufly que la figure fe iuge par la cognoif- 
fance, ou opinion, qu'on a de la fituation des diuerfes 
parties des obiets, & non par la refemblance des 
peintures qui font dans l'œil : car ces peintures ne 
contienent ordinairement que des ouales & des lo- 


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GERS 42" Tate rs Do LE UE 


62-63. La Dioprrique. — Discours VI. 141 


zanges, lors qu'elles nous font voir des cercles & des 
quarrés. 

Mais, afin que vous ne puifliés aucunement douter 
que la vifion ne fe face ainfi que ie l'ai expliquée, ie 
vous veux faire encore icy confiderer les raifons 
pourquoy il arriue quelquefois qu'elle nous trompe. 
Premierement, a caufe que c’eft l'ame qui voit, & 
non pas l'œil, & qu'elle ne void immediatement que 
par l’entremife du cerueau, de là vient que les frene- 
tiques, & ceux qui dorment, voyent fouuent, ou pen- 
fent voir, diuers obiets qui ne font point pour cela 
deuant leurs yeux : a fçauoir, quand quelques vapeurs, 
remuant leur cerueau, difpofent celles de fes parties 
qui ont couftume de feruir a la vifion, en mefme façon 
que feroyent ces obiets, s'ils eftoyent prefens. Puis, a 
caufe que les impreflions, qui vienent de dehors, paf- 
fent vers le fens commun par l'entremife des nerfs, fi 
la fituation de ces nerfs eft contrainte par quelque 
caufe extrordinaire, elle peut faire voir les obiets 
en d'autres lieux qu'ils ne font. Comme”, fi l'œil rst, 
eftant difpofé de foy a regarder vers X, eft contraint 
par le doigt N a fe tourner vers M, les parties du cer- 
ueau d'où vienent fes nerfs *, ne fe difpofent pas tout 
a fait en mefme forte que fi c'eftoyent fes mufcles 
qui le tournaflent vers M; ny aufly en mefme forte 
que s'il regardoit veritablement vers X; mais d'vne 
façon moyenne entre ces deux, a fçauoir, comme s'il 
regardoit vers YŸ; & ainfi l'obiet M paroiftra au lieu 
où eft Y, par l’entremife de cet œil, & Y au lieu où ef 
X, & X au lieu où eft V, & ces obiets paroiflans auffy 


a. « Voyés la figure en la page 59. » (P. 136 de cette édition.) 


142 OEuvrEs DE DESCARTES. 63-64. 


en mefme temps en leurs vrais lieux, par l'entremife 
de l’autre œil RST, ils fembleront doubles. En mefme 
façon que, touchant la | petite boule 
G des deux doigts A & D croifés l'vn 
fur l’autre, on en penfe toucher deux ; 
a caufe que, pendant que ces doigts 
fe retienent l’vn l'autre ainfi croifés, 
les mufcles de chacun d'eux tendent a 
les efcarter, A vers C, & D vers F: au 
moyen de quoy les parties du cerueau d'où vienent 
les nerfs qui font inferés en ces mufcles, fe trou- 
uent difpofées en la façon qui eft requife pour faire 
qu'ils femblent eftre, A vers B, & D vers E, & par con- 
fequent y toucher deux diuerfes boules, H & I. De 
plus, a caufe que nous fommes accouftumés de iuger 
que les impreflions qui meuuent noftre veuë, vienent 
des lieux vers lefquels nous deuons regarder pour les 
fentir, quand il arriue qu'elles vienent d'ailleurs, nous 
y pouuons facilement eftre trompés. Comme ceux 
qui ont les yeux infectés de la iauniffe, ou bien qui 
regardent au trauers d'vn verre laune, ou qui font 
enfermés dans vne chambre où 1l n'entre aucune lu- 
miere que par de tels verres, attribuent cete couleur 
a tous les cors qu'ils regardent. Et celuy qui eft dans 
la chambre obfcure que ray tantoft defcrite*, attribue 
au cors blanc RST les couleurs des obiets V,X,Y, a 
caufe que c'eft feulement vers luy qu'il drefle fa veué. 
Et les yeux A,B,C,D,E,F, voyans les obiets T,V,X,Y,Z, 
&, au trauers des verres N,O,P, & dans les miroirs 
Q,R;S, les iugent eftre aux points G,H,I,K,L,M; & 


a. « Voyés la figure en la page 6r. » (P. 139 ci-avant.) 


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64-66. La Dioprrique. — Discours VI. 143 


V,Z eftre plus petits, & X, & plus grands qu'ils ne 
font : ou bien aufly X, € plus petits & auec cela 
renuerfés, a fçauoir, lors qu'ils font vn peu loin des 
yeux C,F, d'autant que ces verres & ces | miroirs dé- 
5 tournent les rayons qui vienent de ces obiets, en telle 


forte que ces yeus ne les peuuent voir diftinétement, 
qu'en fe difpofant comme ils doiuent eftre pour re- 
garder vers les points G,H,I,K,L,M, ainfi que | con- 
noiftront facilement ceux qui prendront la peine de 


144 OŒEuvres DE DESCARTES. 66-67. 


l'examiner. Et ils verront, par mefme moyen, combien 
les anciens fe font abufés en leur Catoptrique, lors 
qu'ils ont voulu determiner le lieu des images dans 
les miroirs creux & conuexes. Il eft auffy a remar- 
quer que tous les moyens quon a pour connoiftre la 
diftance, font fort incertains: car, quant a la figure de 
l'œil, elle ne varie quañ plus fenfiblement, lors que 
l'obiet eft a plus de quatre ou cinq pieds loin de luy, & 
mefme elle varie fi peu lors qu'il eft plus proche, 
qu'on n'en peut tirer aucune connoiffance bien precife. 
Et pour les angles compris entre les lignes tirées des 
deus yeux l'vn a l'autre & de la vers l'obiet, ou de 
deus fations d'vn mefme obiet, ils ne varient aufly 
prefque plus, lors qu'on regarde tant foit peu loin. 
En fuite de quoy noftre fens commun mefme ne femble 
pas eftre capable de receuoir en foy l'idée d'vne di- 
ftance plus grande qu'enuiron de cent où deus cens 
pieds, ainfi qu’il fe peut verifier de ce que la lune & 
le foleil, qui font du nombre des cors les plus efloi- 
gnés que nous puiflions voir, & dont les diametres 
font a leur diftance a peu prés comme vn a cent, 
n’ont couftume de nous paroiftre que d'vn ou deus 
pieds de diametre tout au plus, nonobftant que nous 
fcachions aflés, par raifon, qu'ils font extremement 
grands & extremement efloignés. Car cela ne nous 
arriue pas faute de les pouuoir conceuoir plus grands 
que nous ne faifons, vù que nous conceuons bien des 
tours & des montaignes beaucoup plus grandes, mais 
pour ce que, ne les pouuant conceuoir plus efloignés 
que de cent ou deus cens pieds, il fuit de là que leur 
diametre ne nous doit | paroiftre que d'vn ou de deus 


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67. LA Dioprrique. — Discours VI. 14$ 


pieds. En quoy la fituation ayde aufly a nous tromper; 
car ordinairement ces Aftres femblent plus petits, 
lors qu'ils font fort hauts vers le midy, que lors que, 
fe leuant ou fe couchant, il fe trouue diuers obiets 
entre eus & nos yeus, qui nous font mieus remar- 
quer leur diftance. Et les Aftronomes efprouuent 
affés, en les mefurant auec leurs inftrumens, que ce 
qu'ils paroiflent ainfi plus grands vne fois que l'autre, 
ne vient point de ce qu'ils fe voyent fous vn plus 
grand angle, mais de ce qu'ils fe iugent plus efloi- 
gnés ; d'où il fuit que l'axiome de l'anciene Optique, 
qui dit que la grandeur apparente des obiets eft pro- 
portionnée a celle de l'angle de la vifion, n'eft pas 
toufiours vray. On fe trompe aufly en ce que les cors 
blancs ou lumineus, & generalement tous ceus qui 
ont beaucoup de force pour mouuoir le fens de la 
veuë, paroiflent toufiours quelque peu plus proches 
& plus grands qu'ils ne feroient, s'ils en auoient 
moins. Or la raifon qui les fait paroiftre plus proches, 
eft que le mouuement dont la prunelle s'eftrecift pour 
euiter la force de leur lumiere, eft tellement ioint 
auec celuy qui difpofe tout l'œil a voir diftinétement 
les obiets proches, & par lequel on iuge de leur di- 
flance, que l'vn ne fe peut gueres faire, fans qu'il fe 
face aufly vn peu de l’autre : en mefme façon qu'on ne 
peut fermer entierement les deus premiers doigts de 
la main, fans que le troifiefme fe courbe auffy quelque 


peu, comme pour fe fermer auec eus. Et la raifon 


pourquoy ces cors blancs ou lumineus paroiflent 
plus grands, ne confifte pas feulement en ce que 
l’eftime qu'on fait de leur grandeur depend de celle 


Œuvres, I. 19 


. 


146 OŒEuvREs DE DESCARTES. 67-68. 


de leur diftance, mais aufly en ce que leurs images 
s'impriment plus grandes dans le fonds de l'œil. Car 
il faut remarquer que les bouts des filets du nerf op- 
tique qui le couurent, encores que trés petits, ont 
neantmoins quelque grofleur; en forte que chacun 
d'eus peut eftre touché en l'vne de fes parties par vn 
obiet, & en d’autres par d’autres; & que n'eftant 
toutesfois capable d'eftre meu que d’vne feule façon a 
chafque fois, lors que la moindre de fes parties ef tou- 
chée par quelqu'obiet fort efclatant, & les autres par 
d'autres qui le font moins, il fuit tout entier le mou- 
uement de celuy qui eft le plus efclatant, & en re- 
prefente l'image, fans reprefenter celle des autres. 
Comme, files bouts de ces petits filets font 1,2,3, & 
que les rayons qui vienent, par exemple, tracer 
l’image d'vne eftoile fur le fonds de l'œil, s'y eften- 
dent fur celuy qui eft marqué 1, & tant foit peu au 
delà tout autour fur les extremités des fix 
autres marqués 2, fur lefquels ie fuppofe 
qu'il ne vient point d'autres rayons, que fort 
foibles, des parties du ciel voifines a cete 
eftoile, fon image s'eftendra en tout l'efpace qu'oc- 
cupent ces fix marqués 2, & mefme peuteftre en- 
cores en tout celuy qu'occupent les douze marqués 
3, fi la force du mouuement eft fi grande qu'elle fe 
communique aufly a eus. Et ainfi vous voyés que 
les Eftoiles, quoy qu'elles paroiflent aflés petites, 
paroiflent neantmoins beaucoup plus grandes qu'elles 
ne deuroient a raifon de leur extreme diftance. Et 
encores qu'elles ne feroient pas entierement rondes, 
elles ne lairroient pas de paroiftre telles, comme 


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63-70. La DioprTrique. — Discours VII. 147 


aufly vne tour quarrée eftant veuë de loin paroift 
ronde, & tous les cors qui|ne tracent que de fort 
petites images dans l'œil, n'y peuuent tracer les 
figures de leurs angles. Enfin, pour ce qui eft de iuger 
de la diftance par la grandeur, ou la figure, ou lacou- 
leur, ou la lumiere, les tableaus de Perfpectiue nous 
monftrent aflés combien il eft facile de s'y tromper. 
Car fouuent, parce que les chofes, qui y font peintes, 
font plus petites que nous ne nous imaginons qu'elles 
doiuent eftre, & que leurs lineamens ra plus confus, 
& leurs couleurs plus brunes ou plus foibles, elles 
nous paroiflent plus efloignées qu'elles ne font. | 


DES MOYENS 
DE PERFECTIONNER LA VISION. 


Difcours Septiefme. 


Maintenant que nous auons affés examiné com- 
ment fe fait la vifion, receuillons en peu de mots & 
nous remettons deuant les yeux toutes les condi- 
tions qui font requifes a fa perfeétion, afin que, 
confiderant en quelle forte il a defia efté pouruü 
a chacune par la Nature, nous puiflions faire vn 
denombrement exact de tout ce qui refte encore a 
l'art a y adioufter. On peut reduire toutes les chofes 
aufquelles il faut auoir icy efgard, a trois princi- 


148 OEUVRES DE DESCARTES. 70-71» 


pales, qui font : les obiets, les organes interieurs qui 
reçoiuent les actions de ces obiets, & les exterieurs 
qui difpofent ces actions a eftre receues comme elles 
doiuent. Et touchant les obiets, il fuffit de fçauoir 
que les vns font proches ou acceflibles, & les autres 
efloignés & inacceflibles ; &,auec cela,les vns plus, 
les autres moins illuminés; afin que nous foyons 
auertis que, pour ce qui eft des acceflibles, nous les 
pouuons approcher ou efloigner, & augmenter ou 
diminuer la lumiere qui les efclaire, felon qu'il nous 
fera le plus commode; mais que, pour ce qui con- 
cerne les autres, nous n'y pouuons changer aucune 
chofe. Puis, touchant les organes interieurs, qui font 
les nerfs & le cerueau, il eft certain aufly que nous 
ne fçaurions rien adiouter par | art a leur fabrique; 
car nous ne fçaurions nous faire vn nouueau cors, 
& fi les medecins y peuuent ayder en quelque chofe, 
cela n'apartient point a noftre fuiet. Si bien qu'il ne 
nous refle a confiderer que les organes exterieurs, 
entre lefquels ie comprens toutes les parties tranfpa- 
rentes de l'œil, auffy bien que tous les autres cors 
qu on peut mettre entre luy & l'obiet. Et ie trouue 
que toutes les chofes aufquelles il eft befoin de pour- 
uoir auec ces organes exterieurs, peuuent eftre re- 
duites a quattre points. Dont le premier eft que tous 
les rayons qui fe vont rendre vers chacune des extre- 
mités du nerf optique, ne vienent, autant qu'il eft 
poflible, que d'vne mefme partie de l'obiet, & qu'ils 
ne reçoiuent aucun changement en l'efpace qui eft 
entre deus : car, fans cela, les images qu'ils forment 
ne fçauroient eftre ny bien femblables a leur origi- 


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71-72. La Dioprrique. — Discours VII. 149 


nal, ny bien diftinctes. Le fecond, que ces images 
foient fort grandes; non pas en eftendue de lieu, car 
elles ne fçauroient occuper que le peu d’efpace qui 
fe trouue au fonds de l'œil; mais en l'eftendue de 
leurs lineamens ou de leurs trais, car il eft certain 
qu'ils feront d'autant plus ayfés a difcerner qu'ils 
feront plus grands. Le troifiefme, que les rayons qui 
les forment foyent affés forts pour mouuoir les petits 
filets du nerf optique, & par ce moyen eftre fentis ; 
mais qu'ils ne le foyent pas tant qu'ils bleffent la 
veuë. Et le quatriefme, qu'il y ait le plus d’obiets qu'il 
fera poflible, dont les images fe forment dans l'œil en 
mefme temps, afin qu'on en puifle voir le plus qu'il 
fera poflible tout d’vne veuë. 

Or la Nature a employé plufieurs moyens a pour- 
uoir|a la premiere de ces chofes. Car, premierement, 
rempliflant l'œil de liqueurs fort tranfparentes & qui 
ne font teintes d'aucune couleur, elle a fait que les 
actions qui vienent de dehors, peuuent pañfer iufques 
au fonds fans fe changer. Et par les refra@ions que 
caufent les fuperficies de ces liqueurs, elle a fait 
qu'entre les rayons, fuiuant lefquels ces aétions fe 
conduifent, ceux qui vienent d'vn mefme point, fe 
rafflemblent en vn mefme point contre le nerf; & en 
fuite, que ceux qui vienent des autres points, s'y 
raflemblent auffy en autant d'autres diuers points, 
le plus exaétement qu'il eft poffible. Car nous deuons 
fuppofer que la Nature a fait en cecy tout ce qui eft 
poflible, d'autant que l'experience ne nous y fait rien 
aperceuoir au contraire. Et mefme nous voyons que, 
pour rendre d'autant moindre le defaut qui ne peut, 


* 


I $0 Œuvres DE DESCARTES. N N72-73- 


en cecy, eftre totalement euité, elle a fait qu'on puiffe 
reftrecir la prunelle quafi autant que la force de la 
lumiere le permet. Puis, par la couleur noire dont 
elle a teint toutes les parties de l'œil, oppofées au 
nerf, qui ne font point tranfparentes, elle a empefché 
qu'il n'allaft aucuns autres rayons vers ces mefmes 
points. Et enfin, par le changement de la figure du 
cors de l'œil, elle a fait qu encore que les obiets en 
puiflent eftre plus ou moins efloignés vne fois que 
l'autre, les rayons qui vienent de chacun de leurs 
points, ne laiffent pas de s’aflembler, toufiours aufly 
exactement quil fe peut, en autant d'autres points au 
fonds de l'œil. Toutefois, elle n'a pas fi entierement 
pouruü a cete derniere partie, qu'il ne fe trouue en- 
core quelque chofe a y adiouter : car, outre que, com- 
munement a tous, elle ne} nous a pas donné le moyen 
de courber tant les fuperficies de nos yeux, que nous 
puiflions voir diftinétement les obiets qui en font 
fort proches, comme a vn doigt ou vn demi doigt 
de diftance, elle y a encore manqué dauantage en 
quelques vns, a qui elle a fait les yeux de telle figure, 
qu'ils ne leur peuuent feruir qu'a regarder les chofes 
efloignées, ce qui arriue principalement aus vieillars ; 
& aufly en quelques autres, a qui, au contraire, elle 
les a fait tels, qu'ils ne leur feruent qu'a regarder les 
chofes proches, ce qui eft plus ordinaire aus ieunes 
gens. En forte qu'il femble que les yeux fe forment, 
au commencement, vn peu plus longs & plus eftrois 
qu'ils ne doiuent eftre, & que, par aprés, pendant qu'on 
vieillift, ils deuienent plus plats & plus larges. Or, 
afin que nous puiflions remedier par art a ces defauts, 


20 


25 


30 


73-74. LA Dioprrique. — Discours VII. IS] 


il fera premierement befoin que nous cherchions les 
figures que les fuperficies d'vne piece de verre ou de 
quelqu'autre cors tranfparent doiuent auoir, pour 
courber les rayons, qui tombent fur elles, en telle 
forte que tous ceux qui vienent d'vn certain point de 
l'obiet, fe difpofent, en les trauerfant, tout de mefme 
que s'ils eftoient venus d'vn autre point, qui fuft plus 
proche ou plus efloigné : a fçauoir, qui fuft plus 
proche, pour feruir a ceux qui ont la veuë courte; 
& qui fuft plus efloigné, tant pour les vieillars que 
generalement pour tous ceux qui veulent voir des 
obiets plus proches que la figure de leurs yeux ne le 
permet. Car, par exemple, l'œilB, ou C, eftant difpofé 
a faire que tous les rayons 
qui vienent du point H, ou 
I, s'affemblent au milieu de 
fon fonds ; & ne le pouuant 
eftre a faire aufly que ceux 
du point V, ou X, s’y aflem- 
blent ; il eft euident que, fi 
on met au deuant de|luy 
le verre O, ou P, qui face 
que tous les rayons du 
_ point V, ou X, entrent de- 
dans, tout de mefme que 
s'ils venoyent du point H, 
ou I, on fuppleera par ce 
moyen a fon defaut. Puis, 
a caufe qu'il peut y auoir des verres de plufeurs 
diuerfes figures, qui ayent en cela exaétement le 
* mefme effeét, il fera befoin, pour choilir les plus 


If? Œuvres DE DESCARTES. 74-75. 


propres a noftre deflein, que nous prenions encore 
garde principalement a deux conditions. Dont la 
premiere eft que ces figures foyent les plus fimples & 
les plus ayfées a defcrire & a tailler qu'il fera poffible. 
Et la feconde, que par leur moyen les rayons qui vie- 
nent des autres points de l'obiet,comme E,E, entrent 
dans J'œil a peu prés de mefme que s'ils venoient 
d'autant d’autres points, comme F,F. t Enotés que ie 
dis feulement icy a peu prés, non autant qu'il eft pof- 
fible ; car, outre qu'il feroit peuteftre affés mal-ayfé a 
determiner par Geometrie, entre vne infinité de figures 
qui peuuent feruir a ce mefme effect, celles qui y font 
exactement les plus propres, il feroit entierement inu- 
tile, a caufe que, l'œil mefme ne faifant pas que tous 
les rayons qui vienent de diuers | points, s'aflemblent 
iuftement en autant d'autres diuers points, elles ne 
feroyent pas fans doute pour cela les plus propres a 
rendre la vifion bien diftinéte, & il eft impoñfible en 
cecy de choifir autrement qu'a peu prés, a caufe que 
la figure precife de l'œil ne nous peut eftre cognue. 
De plus, nous aurons toufiours a prendre garde, lors 
que nous appliquerons ainfi quelque cors au deuant 
de nos yeux, que nous imitions autant qu'il fera pof- 
fible la Nature, en toutes les chofes que nous voyons 
qu'elle a obferué en les conftruifant; & que nous ne 
perdions aucun des auantages qu'elle nous a donnés, 
fi ce n’eft pour en gaigner quelque autre plus im- 
portant. 

Pour la grandeur des images, il eft a remarquer 
qu'elle depend feulement de trois chofes, a fçauoir, 


de la diftance qui eft entre l'obiet & le lieu où fe : 


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75-77. La DioprriQue. — Discours VII. 143 


eroifent les rayons qu'il enuoye de diuers de fes 
poins vers le fonds de l’œil; puis, de celle qui eft 
entre ce mefme lieu & le fonds de l'œil ; & enfin, de 
la refracion de ces rayons. Comme il eft euident* que 
l'image RST feroit plus grande qu'elle n'eft, fi l'obiet 
VX Y eftoit plus proche du lieu K, où fe croyfent les 
rayons VKR & YKT, ou pluftoft de la fuperficie 
B CD, qui eft proprement le lieu où ils commencent 
a fe croifer, ainfi que vous verrés cy aprés ; ou bien, 
fi on pouuoit faire que le cors de l'œil fuft plus long, 
en forte quil y euft plus de diftance qu'il n y a, depuis 
fa fuperficie BCD, qui fait que ces rayons s'entre- 
croyfent, iufques au fonds RST; ou enfin, fi la re- 
fraétion ne les courboit pas tant en dedans vers le 
milieu S, mais pluftoft, s’il eftoit poflible, en dehors. 
Et quoy qu on imagine outre ces trois chofes, il n’y 
a rien | qui puifle rendre cete image plus grande. 
Mefme la derniere n'eft quafi point du tout confide- 
rable, a caufe qu'on ne peut iamais augmenter l'image 
par fon moyen que de fort peu, & ce auec tant de 
dificulté, qu'on le peut toufiours plus ayfement par 
l'vne des autres, ainfi que vous fçaurés tout mainte- 


nant. Aufly voyons nous que la Nature l'a negligée: 


car, faifant que les rayons, comme VKR & YKT, fe 
courbent en dedans vers S fur les fuperficies BCD & 
123, elle a rendu l'image RST vn peu plus petite 
que fi elle auoit fait qu'ils fe courbaffent en dehors, 
comme ils font vers $ fur la fuperficie 456, ou qu'elle 
les euft laiffé eftre tous droits. On n’a point befoin 
auffy de confiderer la premiere de ces trois chofes, 
a. Voir, p. 139 ci-avant, la figure de la p. 76 de l'édition princeps. 
Œuvres. I, 20 


1$4 OEuvres DE DESCARTES. 77-78 


lors que les obiets ne font point du tout acceflibles : 
mais, lors qu'ils le font, il eft euident que, d'autant 
que nous les regardons de plus prés, d'autant leurs 
images fe forment plus grandes au fonds de nos yeux. 
Si bien que, la Nature ne nous ayant pas donné le 
moyen de les regarder de plus prés qu'enuiron a vn 
pied ou demi pied de diftance, afin d'y adioufter par 
art tout ce qui fe peut, il eft feulement befoin d'inter- 
pofer vn verre, tel que celuy* qui eft marqué P, dont 
il a efté parlé tout maintenant, qui face que tous les 
rayons, qui vienent d'vn point le plus proche qu'il fe 
pourra, entrent dans l'œil comme s'ils venoient d'vn 
autre point plus efloigné. Or tout le plus qu'on 
puifle faire par ce moyen, c'eft qu'il n y aura que la 
douze ou quinziefme partie d'autant d’efpace entre 
l'œil & l'obiet, qu'il y en deuroit auoir fans cela; & 
ainfi, que les rayons qui viendront de diuers poins de 
cet obiet, fe croifans douze ou quinze fois | plus prés 
de luy, ou mefme quelque peu dauantage, a caufe 
que ce ne fera plus fur la fuperficie de l'œil qu'ils 
commenceront a fe croifer, mais pluftoft fur celle du 
verre, dont l’obiet fera vn peu plus proche, ils for- 
meront vne image, dont le diametre fera douze ou 
quinze fois plus grand qu'il ne pourroit eftre, fi on 
ne fe feruoit point de ce verre; & par confequent 
fa fuperficie fera enuiron deus cens fois plus grande, 
ce qui fera que l’obiet paroïftra enuiron deux cent 
fois plus diftinétement; au moyen de quoy il pa- 
roiftra aufly beaucoup plus grand, non pas deus cent 
fois iuftement, mais plus ou moins, a proportion de 


a. « Voyés en la page 74. » (Figure p. 151 ci-avant.) 


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en | 


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78-70. LA DioprTrique. — Discours VII. 1$$ 


ce qu'on le iugera eftre efloigné. Car, par exemple, 
fi, en regardant l'obiet X au trauers du verre P, on 
difpofe fon œil C en mefme forte qu'il deuroit eftre 
pour voir vn autre obiet, qui feroit a 20 ou 30 pas 
loin de luy, & que, n'ayant d'ailleurs aucune cognoif- 
fance du lieu où eft cet obiet X, on le iuge eftre 
veritablement a trente pas, 1l femblera plus d'vn mi- 
lion de fois plus grand quil n'eft. En forte qu'il 
pourra deuenir d'vne puce vn elephant; car il eft cer- 
tain que l'image que forme vne puce au fonds de 
l'œil, lors qu'elle en eft fi proche, n'eft pas moins 
grande que celle qu'y forme vn elephant, lors qu'il 
en eft a trente pas. Et c'eft fur cecy feul qu'eft fondée 
toute l'inuention de ces petites lunetes a puces com- 
pofées d'vn feul verre, dont l'vfage eft par tout aflés 
commun, bien qu'on n'ait pas encores connu la vraye 
figure quelles doiuent auoir; & pource qu’on fçait 
ordinairement que l'obiet eft fort proche, lors qu'on 
les employe a le regarder, il ne peut paroiftre fi grand 
qu'il feroit, fi on l'imaginoit plus efloigné. 

|Il ne refte plus qu'vn autre moyen pour augmenter 
la grandeur des images, qui eft de faire que les rayons 
qui vienent de diuers points de l'obiet, fe croifent le 
plus loin qu'il fe pourra du fonds de l'œil; mais il eft 
bien, fans comparaifon, le plus important & le plus 
confiderable de tous. Car c'eft l'vnique qui puiffe fer- 
uir pour les obiets inacceflibles, aufly bien que pour 
les acceflibles, & dont l'effet n’a point de bornes : 
en forte qu'on peut, en s'en feruant, augmenter les 
images de plus en plus iufques a vne grandeur inde- 
finie. Comme, par exemple, d'autant que la premiere 


1,6 Œuvres DE DESCARTES. 50e 


des trois liqueurs dont l'œil eft rempli, caufe a peu 
prés mefme refraétion que l'eau commune, fi on ap- 
plique tout contre vn tuyau plein d'eau, comme EF, au 
bout duquel il y ait vn verre GHI, 
dont la figure foit toute femblable 5 
a celle de la peau BCD qui couure 
cete liqueur, & ait mefme rapport 
a la diftance du fonds de l’œil, ilne 
fe fera plus aucune refraion a 
l'entrée de cet œil; mais celle qui 10 
s'y faifoit auparauant, (& qui eftoit 
caufe que tous les rayons qui ve- 
noient d'vn mefme point de l'obiet 
commençoient a fe courber dés cet 
Lendroit là, pour s’aller aflembler :5 
en vn mefme point fur les extre- 
mités du nerf optique, & qu'enfuite 
tous ceux qui venoyent de diuers 
points s'y croifoient, pour s'aller 
rendre fur diuers points de ce nerf), 20 
fe fera dés l'entrée du tuyau GI : fi 
bien que ces rayons, fe croifans dés 
là, formeront l'image RST beau- 
coup plus grande que s'ils ne fe 
croifoient que fur la fuperficie 25 
BCD; & ils la formeront de plus 
en plus grande felon que ce tuyau 
fera plus long. Et ainfi l’eau EF faifant l'office de 
l'humeur K; le verre GHI, celuy de la peau BCD; & 
l'entrée du tuyau GI, celuy de la prunelle; la vifion fe %o 
fera en mefme façon que fi la Nature auoit fait l'œil 


10 


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80-81. LA Dioprrique. — Discours VII. 1,7 


plus long qu'il n'eft, de toute la longeur de ce tuyau. 
Sans qu'il y ait autre chofe a remarquer, finon que la 
vraye prunelle fera, pour lors, non feulement inutile, 
mais mefme nuifible, en ce qu’elle exclura, par fa peti- 
teffe, les rayons qui pourroient aller vers les coftés du 
fonds de l'œil, & ainfi empefchera que les images ne 
s'y eftendent en autant d'efpace qu'elles feroient, fi 
elle n'eftoit point fi eftroite. Il ne faut pas aufly que ie 
m oublie de vous auertir que les refraétions particu- 
lieres, qui fe font vn peu autrement dans le verre GHI 
que dans l'eau EF, ne font point icy confiderables, a 
caufe que, ce verre eftant par tout efgalement efpais, 
fi la premiere de ces fuperficies fait courber les rayons 
vn peu plus que ne feroit celle de l’eau, la feconde les 
redrefle d'autant a mefme temps. Et c’eft pour cete 
mefme raifon que, cy deflus, ie n'ay point parlé des 
refrattions que peuuent caufer les peaus qui enue- 
loppent les humeurs de l'œil, mais feulement de celles 
de fes humeurs. 

|Or, d'autant qu'il yauroit beaucoup d'incommodité 
a ioindre de l’eau contre noftre œil, en la façon que 
ie vien d'expliquer; & mefme que,ne pouuant fçauoir 
precifement quelle eft la figure de la peau BCD qui 
le couure, on ne fçauroit determiner exatement celle 
du verre GHI, pour le fubftituer en fa place; il fera 
mieux de fe feruir d’vne autre inuention, & de faire, 
par le moyen d'vn ou de plufieurs verres ou autres 
cors tranfparens, enfermés aufly en vn tuyau, mais 
non pas 1oints a l’œil fi exactement qu'il ne demeure 
vn peu d'air entre deux, que, dés l'entrée de ce tuyau, 
les rayons qui vienent d'yn mefme point de l'obiet fe 


158 OEuvres DE DESCARTES. 81-82. 


plient, ou fe courbent, en la façon qui eft requife 
pour faire qu'ils aillent fe raffembler en vn autre 
point, vers l'endroit où fe trouuera le milieu du fonds 
de l'œil, quand ce tuyau fera mis au deuant. Puis, de 
rechef,que ces mefmes rayons, en fortant de ce tuyau, 
fe plient & fe redreffent en telle forte qu'ils puiffent 
entrer dans l'œil tout de mefme que s'ils n’auoient 
point du tout efté pliés, mais feulement qu'ils vinffent 
de quelque lieu qui fuft plus proche. Et enfuite, que 
ceux qui viendront de diuers points, s'eftant croifés 
dés l'entrée de ce tuyau, ne fe decroyfent point a la 
fortie, mais qu'ils aillent vers l'œil en mefme façon 
que s'ils venoient d'vn obiet qui fuft plus grand, ou 
plus proche. Comme, fi le tuyau HF eft rempli d'vn 
verre tout folide, dont la fuperficie GHI foit de telle 
figure, qu’elle face que tous les rayons qui vienent du 
point X, eftant dans le verre,tendent vers S; & que 
fon autre fuperficie KM les plie de rechef en telle 
forte, qu'ils tendent de là vers l'œil en mefme façon 
que s'ils venoient | du point x, que ie fuppofe en tel 
lieu, que les lignes xC & CS ont entre elles mefme 
proportion que XH & HS; ceux qui viendront du 
point V les croyferont neceflairement en la fuperficie 
GHI, de façon que, fe trouuant defia efloignés d'eus 
lors qu'ils feront a l’autre bout du tuyau, la fuperficie 
KM ne les en pourra pas rapprocher, principalement 
fi elle eft concaue, ainfi que ie la fuppofe; mais elle 
les renuoyra vers l'œil, a peu prés en mefme forte que 
s'ils venoient du point y. Au moyen de quoy ils for- 
meront l'image RST d'autant plus grande que le tuyau 
fera plus long, & il ne fera point befoin, pour deter- 


10 


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25. 


30 


“ 
k 
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3: 
$ 
£ 
3 
se 


82-83. La Dioprrique. — Discours VII. 1$9 


miner les figures des cors tranfparens dont on voudra 
fe feruir a cet effet, de fçauoir 
exactement quelle eft celle de la 
fuperficie BCD. 

5 Mais, pour ce qu'il y auroit de 
rechef de l’incommodité a trouuer 
des verres ou autres tels cors qui 
fufent aflés efpais pour remplir tout 
le tuyau HF, & affés clairs & tranf- 

10 parens pour n'emfpefcher point pour 
cela le paflage de la lumiere, on 
pourra. laiffer vuide tout le dedans 
de ce tuyau, & mettre feulement 
deux verres a fes deux bouts, qui 

15 facent le mefme effet que ie vien de 
dire que les deux fuperficies GHI 
& KLM deuoient faire. Et c’eft fur 
cecy feul qu'eft fondée toute l'in- 
uention de ces lunetes compofées 

20 de deux verres mis aus deux bouts 
d'vn tuyau, qui m'ont donné occa- 
fion d’efcrire ce Traité. 

Pour la troifiefme condition qui 

eft requife a la perfe@ion de la veuë 

25 de la part des organes exterieurs, a 
{fçauoir, que les ations qui meuuent 
chafque filet du nerf optique ne 
foyent ny trop fortes ny trop foibles, 

la Nature y a fort bien pouruüû, en 

30 nous donnant le pouuoir d'eftrecir 
& d’eflargir les prunelles de nos yeux. Mais elle a 


160 Œuvres DE DESCARTES. 83-84. 


encore laifé a l'art quelque chofe a y adioufter. Car, 
premierement, lors que ces aétions font fi fortes, 
qu'on ne peut aflés eftrecir les prunelles pour les 
fouffrir, comme lors qu'on veut regarder le foleil, il 
eft ayfé d'y apporter remede en fe mettant contre 
l'œil quelque cors noir, dans lequel il n'y ait qu'vn 
trou fort eftroit, qui face l'office de la prunelle; ou 
bien en regardant au trauers d'vn crefpe, ou de quel- 
qu'autre tel cors vn peu obfcur, & qui ne laiffe entrer 
en l'œil qu'autant de rayons de chafque partie de 
l'obiet, qu'il en eft befoin pour mouuoir le nerf op- 
tique fans le bleffer. Et lors que, tout au contraire, 
ces adions font trop foibles pour eftre fenties, nous 
pouuons les rendre plus fortes, au moins quand les 
obiets font acceflibles, en les expofant aux rayons 
du foleil, tellement ramañlés par l'ayde d'vn miroir 
ou verre bruflant, qu'ils ayent le plus de force | qu'ils 
puiflent auoir pour les illuminer fans les corrompre. 

Puis, outre cela, lors qu'on fe fert des lunetes dont 
nous venons de parler, d'autant qu'elles rendent la 
prunelle inutile, & que c'’eft l'ouuerture par où elles 
reçoiuent la lumiere de dehors qui fait fon office, 
c'eft elle aufly qu'on doit eflargir ou eftrecir, felon 
qu'on veut rendre la vifion plus forte ou plus foible. 
Et il eft a remarquer que, fi on ne faifoit point cete 
ouuerture plus large qu'eft la prunelle, les rayons 
agiroient moins fort contre chafque partie du fonds 
de l'œil, que fi on ne fe feruoit point de lunetes : & ce, 
en mefme proportion que les images qu'ils y forme- 
roient feroient plus grandes : fans conter ce que les 
fuperficies des verres interpofés oftent de leur force. 


29 


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84-85. La Dioprrique. — Discours VII. 161 


Mais on peut la rendre beaucoup plus large, & ce 
d'autant plus, que le verre qui redrefle les rayons, eft 
fitué plus proche du point vers lequel celuy qui les a 
pliés les faifoit tendre. Comme, fi le verre GgH: fait 
que tous les rayons qui vienent du 
point qu on veut regarder tendent 
vers S, & qu'ils foient redreffés par 
le verre KLM, en forte que de là 
ils tendent paralleles vers l’œil : 
pour trouuer la plus grande lar- 
geur que puifle auoir l'ouuerture 
du tuyau, il faut faire la diftance 
qui eft entre les points K & M, 
efgale au diametre de la prunelle: 
puis, tirant du point S deus lignes 
droites qui pañlent par K & M, a 
fçauoir SK, qu'il faut prolonger 
iufques a g; & SM, iufques a :; 
on aura g1 pour le diametre qu'on 
cherchoit. Caril eft manifefte que, 
fi on la faifoit plus grande, il n'en- + 
treroit point pour cela dans l'œil 
plus de rayons du point vers lequel on drefle fa veué, 
& que, pour ceux qui y viendroient de plus des autres 
lieus, ne pouuans ayder a la vifion, ils ne feroient que 
la rendre plus confufe. Mais fi, au lieu du verre KLM, 
on fe fert de ]m, qui, a caufe de fa figure, doit eftre 
mis plus proche du point S, on prendra de rechef la 
diftance entre les points À & "1 efgale au diametre de 
la prunelle; puis, tirant les lignes SkG & Sml, on 
aura GI pour le diametre de l'ouuerture cherchée, 


Œuvres. I. 21 


162 Œuvres DE DESCARTES. 85-86. 


qui, comme vous voyés, eft plus grand que gr, en 
mefme proportion que la ligne SL furpañle SJ. Et fi 
cete ligne S/ n'eft pas plus grande que le diametre 
de l'œil, la vifion fera aufly forte a peu prés, & aufly 
claire, que fi on ne fe feruoit point de lunetes, & que 
les obiets fuffent, en recompenfe, plus proches qu'ils 
ne font, d'autant qu'ils paroïflent plus grands. En forte 
que, fi la longeur du tuyau fait, par exemple, que 
l'image d'vn obiet efloigné de trente lieues fe forme 
aufly grande dans l'œil, que s'il n'eftoit efloigné que 
de trente pas, la largeur de fon entrée, eftant telle que 
ie viens de la determiner, fera que cet obiet fe verra 
aufly clairement que fi, n'en eftant veritablement ef- 
loigné que de trente pas, on le regardoit fans lunetes. 
Et fi on peut faire cete diftance entre les points S & 
encore moindre, la vifion fera encore plus claire. 
Mais cecy ne fert principalement que pour les obiets 
inacceffbles; car, pour ceus qui font acceflibles, l’ou- 
uerture du tuyau peut eftre d'autant plus eftroite 
qu'on les en aproche d'auantage, fans pour cela que 
la vifion en foit moins claire. Comme 
vous voyés quil n'entre pas moins de 
rayons du point X dans le petit verre gi, 
que dans le grand GI. Et enfin, elle ne 
peut eftre plus large que les verres qu’on 
y applique, lefquels, a caufe de leurs fi- 
gures, ne doiuent point exceder certaine 
grandeur, que ie determineray cy aprés. 
Que fi quelquefois la lumiere qui vient des obiets 
eft trop forte, il fera bien ayfé de l’affoiblir, en cou- 
urant tout autour les extremités du verre qui eft a 


‘20 


29 


30 


86-87. La DioprriQue. — Discours VII. 103 


l'entrée du tuyau : ce qui vaudra mieus que de mettre 
au deuant quelques autres verres plus troubles ou co- 
lorés, ainfi que plufieurs ont couftume de faire pour 
regarder le foleil; car, plus cete entrée fera eftroite, 
plus la vifion fera diftinéte, ainfi qu'il a efté dit cy 
deffus de la prunelle. Et mefme il faut obferuer qu'il 
fera mieux de couurir le verre par le dehors que par le 
dedans, afin que les reflexions qui fe pouroient faire 
fur les bords de fa fuperficie, n'enuoyent vers l'œil 
aucuns rayons : Car ces rayons, ne feruans point a la 
vifion, y pouroient nuire. 

Il n y a plus qu'vne condition qui foit defirée de la 
part des organes exterieurs, qui eft de faire qu'on 
aper çoiue le plus d'obiets qu'il eft poffible en mefme 
temps. Et 1l eft a remarquer qu'elle n’eft aucunement 
requife pour la perfection de voir mieux, mais feule- 
ment pour la commodité de voir plus; & mefme qu'il 
eft impoflble de voir plus d'vn feul obiet a la fois 
diftinétement : en forte que cete commodité, d'en 
voir cependant confufement plufieurs autres, n'eft 
principalement vtile, qu'afin de fcauoir vers quel cofté 
il faudra, par aprés, tourner fes yeux pour regarder 
celuy d'entre eux qu'on voudra mieux confiderer. Et 
c’eft a quoy la Nature a tellement pouruü, qu'il eft 
impofñble a l'art d'y adioufter aucune chofe ; mefme, 
tout au contraire, d'autant plus que par le moyen de 
quelques lunetes on augmente la grandeur des linea- 
mens de l'image qui s'imprime au fonds de l'œil, d’au- 
tant fait on quelle reprefente moins d’obiets : a caufe 
que l’efpace qu'elle occupe ne peut aucunement eftre 
augmenté, fi ce neft peuteftre de fort peu en la ren- 


ET 1" 


164 OEUVRES DE DESCARTES. 87-88. 


uerfant, ce que ie iuge eftre a reietter pour d'autres 
raifons. Mais il eft ayfé, fi les obiets font acceffibles, 
de mettre celuy qu’on veut regarder en l'endroit où 1l 
peut eftre vü le plus diftinétement au trauers de la 
lunete; & s'ils font inacceflibles, de mettre la lunete 
fur vne machine, qui ferue a la tourner facilement 
vers tel endroit determiné qu'on voudra. Et ainfiil ne 
nous manquera rien de ce qui rend le plus cete qua- 
triefme condition confiderable. 

Au refte, afin que ie n'obmette icy aucune chofe, 
j'ay encore a vous auertir que les defauts de l'œil, 
qui confiftent en ce qu'on ne peut aflés changer la 
figure de l'humeur criftaline ou bien la grandeur de 
la prunelle, fe peuuent peu a peu diminuer & cor- 
riger par l'vfage : a caufe que cete humeur criftaline, 
& la peau qui contient cete prunelle, eftant de vrais 
mufcles, leurs fonétions fe facilitent & s'augmentent 
lors qu'on les exerce, ainfi que celles de tous les 
autres mufcles de noftre cors. Et c'eft ainfi que les 
chaffeurs & les matelots, en s'exerçant a regarder des 
obiets fort efloignés, & les graueurs ou autres arti- 
fans, qui font des ouurages fort fubtils, a en regarder 
de fort proches, acquerent ordinairement la puiffance 
de les voir plus difltinétement que les autres hommes. 
Et c'eft ainfi aufly que ces Indiens, qu'on dit auoir pü 
fixement regarder le foleil, fans que leur veuë en fuft 
offufquée, auoient deu fans doute auparauant, en 
regardant fouuent des obiets fort efclatans, accouf- 
tumer peu a peu leurs prunelles a s’eftrecir plus que 
les noftres. Mais ces chofes apartienent pluftoft a la 
Medecine, dont la fin eft de remedier aus defauts de 


20 


25 


30 


88-80. La Dioprrique. — Discours VIII. 10$ 


la veuë par la correction des organes naturels, que 
non pas a la Dioptrique, dont la fin n'eft que de re- 
medier aus mefmes defauts par l'application de 
quelques autres organes artificiels. | 


DES FIGVRES QVE DOIVENT AVOIR 
LES CORPS TRANSPARENS 
POUR DETOURNER LES RAYONS 
PAR REFRACTION 
EN TOUTES LES FAÇONS QUI SERVENT 
A LA VEVÉ. 


Difcours Huicliefme. 


Or, afin que ie vous puiffe tantoft dire plus exacte- 
ment en quelle forte on doit faire ces organes artificiels, 
pour les rendre les plus parfaits qui puiflent eftre, il 
_eft befoin que r'explique auparauant les figures que 
doiuent auoir les fuperficies des cors tranfparens 
pour plier & détourner les rayons de la lumiere en 
toutes les façons qui peuuent feruir a mon deflein. 
En quoy fi ie ne me puis rendre aflés clair & intelli- 
gible pour tout le monde, a caufe que c'eft vne ma- 
tiere de Geometrie vn peu difficile, ie tafcheray au 
moins de l’eftre aflés pour ceux qui auront feulement 


* 


166 OEuvREs DE DESCARTES. 89-90. 


appris les premiers Elemens de cete fcience. Et 
d'abord, afin de ne les tenir point en fufpens, ie leur 
diray que toutes les figures dont ray icy a leur 
parler, ne feront compofées que d'Ellipfes ou d'Hyper- 
boles, & de cercles ou de lignes droites. 

L'Ellipfe, ou l’Ouale, eft vne ligne courbe que les 
Mathematiciens ont accouftumé de nous expofer en 
coupant de trauers vn cone ou vn cylindre, & que 
ay vu aufly quelquefois employer par des lardiniers 
dans les |compartimens de leurs parterres, où ils la 
defcriuent d'vne façon qui eft veritablement fort grof- 
fiere & peu exaéte, mais qui fait, ce me femble, mieux 
comprendre fa nature, que la feétion du cylindre ny 
du cone. Ils plantent en terre deux picquets, comme, 

par exemple, l'vn au point H, 
l'autre au point I, & ayant 
noué enfemble les deux bouts 
d’vne corde, ils la paffent au- 
tour d'eux, en la façon que 
vous voyés icy B H I. Puis, 
mettant le bout du doigt en 
_cete corde, ils le conduifent 
tout autour de ces deux pic- 
quets, en la tirant toufiours a eux d’efgale force, afin 
de la tenir tendue efgalement, &:ainfi defcriuent fur 
la terre la ligne courbe DBK, qui eft vne Ellipfe. 
Et fi, fans changer la longueur de cete corde BHI, 
ils plantent feulement leurs picquets H & I vn peu 
plus proches l'vn de l’autre, ils defcriront derechef 
vne Ellipfe, mais qui fera d'autre efpece que la prece- 
dente ; & s'ils les plantent encore vn peu plus proches, 


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23 


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go-91. La DiopTrique. — Discours VIII. 167 


ils en defcriront encore vne autre; & enfin, s'ils les 
ioignent enfemble tout a fait, ce fera vn cercle qu'ils 
defcriront. Au lieu que,s'ils diminuentla longueur de 
la corde en mefme proportion que la diftance de ces 
picquets, ils defcriront bien des Ellipfes qui feront 
diuerfes en grandeur, mais qui feront toutes de 
mefme efpece. Et ainfi vous voyés qu'il y en peut 
auoir d'vne infinité d'efpeces toutes diuerfes, en forte 
qu'elles ne different pas moins l'vne de | l’autre, que la 
derniere fait du cercle; & que, de chafque efpece, il y 
en peut auoir de toutes grandeurs; & que, fi d'vn 
point, comme B, pris a difcretion dans quelqu'vne 
de ces Ellipfes, on tire deux lignes droites vers les 
deux points H & I, où les deus picquets doiuent eftre 
plantés pour la defcrire, ces deux lignes BH & BI, 
jointes enfemble, feront efgales a fon plus grand dia- 
metre DK, ainfi qu'il fe prouue facilement par la 
conftruction. Car la portion de la corde qui s'eftend 
d'I vers B & de là fe replie iufques a H, eft la mefme 
qui s'eftend d'I vers K ou vers D & de là fe replie auffy 
iufques a H : en forte que DH ef efgale a1K,&HD 
plus DI, qui valent autant que HB plus BI, fontefgales 
a la toute DK. Et enfin, les Ellipfes qu'on defcrit en 
mettant toufiours mefme proportion entre leur plus 
grand diametre DK & la diflance des points H & I. 
font toutes d'vne mefme efpece. Et a caufe de cer- 
taine proprieté de ces points H & I, que vous en- 
tendrés cy aprés, nous les nommerons les points 
bruflans, l’vn interieur, & l’autre exterieur : a {ça- 
uoir, fi on les rapporte a la moitié de l'Ellipfe qui eft 
vers D, I fera l'exterieur; & fi on les rapporte a l’autre 


108 OEUVRES DE DESCARTES. 91-92. 


moitié qui eft vers K, il fera l'interieur ; & quand nous 
parlerons fans diftinétion du point bruflant, nous en- 
tendrons toufiours parler de l'exterieur *. Puis, outre 
cela, il eft befoin que vous fçachiés que, fi par ce point 
B on tire les deux lignes droites LBG &CBE, qui fe 
couppent l'vne l’autre a angles droits, & dont l'vne, LG, 
diuife l'angle H BI en deux parties efgales, l'autre CE 
touchera cete Ellipfe en ce point B fans la coupper.De 
quoy ie ne mets pas la demonftration, pource que les 
Geometres lafçauentlaflés, &que les autres ne feroyent 
que s'ennuyer de l'entendre. Mais ce que ray icy par- 
ticulierement deffein de vous expliquer, c'eft que, fion 
tire encore de ce point B, hors de l’Ellipfe, la ligne 
droite B A parallele 
au plus grand dia- 
metre DK, & que, 
l'ayant prife efgale 
a BI, des points A 
& I on ure ur LG 
les deux perpendi- 
culaires AL & IG, ces deux dernieres AL & 1G au- 
ront entre elles mefme proportion que les deux DK 
& HI. En forte que, fi la ligne AB eft vn rayon de 
lumiere, & que cete Ellipfe DBK foit en la fuper- 
ficie d'vn corps tranfparent tout folide, par lequel, 
fuiuant ce qui a efté dit cy deflus, les rayons paf- 
fent plus ayfement que par l'air, en mefme propor- 
tion que la ligne DK eft plus grande que HI, ce 
rayon AB fera tellement détourné au point B, par 
la fuperficie de ce cors tranfparent, qu'il ira de là 
vers |. Et pource que ce point B ef pris a difcretion 


20 


25 


30 


.. US Cr SU MEN 


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LOTUS NÉ IEX 


St 9 AT 0 A ASS me à 08 


es 


IP PRE; VEN Re Jr 


20 


25 


0793. La Dioprrique. — Discours VIII. 169 


dans l'Ellipfe, tout ce qui fe dit icy du rayon AB fe 
doit entendre generalement de tous les rayons paral- 
leles a l’aifieu DK, qui tombent fur quelque point 
de cete Ellipfe, a fçauoir qu'ils y feront tous telle- 
ment détournés, qu'ils iront fe rendre de la vers le 
point Î. 

‘Or cecy fe demonftre en cette forte. Premierement, * 


a. Le texte qui suit jusqu'à« Puis » (p. 170,1. 5) est une seconde rédac- 
tion de Descartes, indiquée par lui à Mersenne (voir Correspondance, t.Il, 
p. 638) comme devant être substituée à celle de l’édition de 1637. Voici le 
texte primitif : 
fi on tire du point B la ligne BF perpendiculaire 
fur KD, & que du point N, où LG & KD s'entre- 
coupent, on tire aufly la ligne NM perpendiculaire 
fur 1B, on trouuera que AL eft a [G comme BF eft 
a NM. Car, d'vne part, les triangles BFN & BLA font 
femblables, a caufe qu'ils font tous deux rectangles, 
& que, NF & BA eftans paralleles, les angles FNB 
& ABL font efgaus; & d'autre part,les triangles NBM 
& I1BG font aufly femblables, a caufe qu'ils font rec- 
tangles, & que l’angle vers B eft commun a tous deux. 
Et, outre cela, les deux triangles BFN & BMN ont 
mefme rapport entre eux que les deux ALB & BGI, a 
caufe que, comme les bafes de ceux-cy, BA & BI, 
font efgales, ainfi B N, qui eft la bafe du triangleBFN, 
eft efgale a foy mefme en tant qu'elle eft aufly la bafe 
du triangle BMN. D'où il fuit euidemment que,comme 
BF eft a NM, ainfi AL, celuy des coftés du triangle 
ALB qui fe rapporte a BF dans le triangle BFN, 
c'eft a dire qui eft la fubtendue du mefme angle, eft 
a IG, celuy des coftés du triangle BG1I qui fe rapporte 


Œuvres. I. 22 


170 OEUVRES DE DESCARTES. 93-94. 


a caufe que tant les lignes AB & NI, que AL & GI, 
font paralleles, les triangles ALB & IGN font fem- 
blables ; d'où il fuit que AL eft a IG comme AB eft a 
N 1; ou bien, pource que A B & BI font efgales, comme 
Bleft a NI. Puis, fi on tire HO parallele a NB, & 
qu'on prolonge IB iufques a O, on verra que BI ef a 
NI comme Oleft a HI,a caufe que les triangles BNI 
& OHI font femblables. Enfin, les deux des 1e 
& GBI eftans efgaus par la conftruction, HOB, qui 
eft efgal a GBI, |eft aufly efgal a OHB, a caufe que 
cetuy cy eft Fe a HBG; & par hier le triangle 
HBO eft Hbde & la li OB eftant efgale a HB, 
la toute OI eft efgale a DK, d'autant que les He 
enfemble HB & IB luy font efgales. Et ainfi, pour 
reprendre du premier au dernier, À L efta IG comme* 
BI a NI, & BIa NI 
comme 1OT"a 266 
& OI eft efgale a 
D K ;: doncrvA'pReN 
a IG comme DK eft 
a HI. 

Si bien quest 
pourtracer l'Ellipfe DBK, on donne aux lignes DK &HI 
la proportion qu'on aura connu, par experience, eftre 


au cofté NM du triangle BNM. Puis BF eft a NM 
comme Bleft a NI, a caufe que les deux triangles 
BIF & NIM, eftans rectangles & ayans le mefme 
angle vers I, font femblables. De plus, 

a. Descartes a supprimé ici, pour la réédition, les mots : « BF est a 
NM, et BF a NM comme » rendus sans objet par sa correction pré- 
cédente. 


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94:06: La Dioprrique. — Discours VIII. 171 


celle qui fert a mefurer la refraction de tous les rayons 
qui paflent obliquement de l'air dans quelque verre, 
ou autre matiere tranfparente qu'on veut employer ; 
& qu'on face vn cors de ce verre qui ait la figure que 
defcriroit cete Ellipfe fi elle fe mouuoit circulairement 
autour de l’aiffieu DK ; les rayons qui feront dans l'air 
paralleles a cet aifieu, comme AB, ab, entrans dans ce 
verre, S y détourneront en telle forte, qu'ils iront tous 
saflembler au point bruflant I, qui des deux H & I eft 
le plus efloigné du lieu d'où ils viennent. | Car vous 
fçaués que le rayon AB doit eftre détourné au point B 
par la fuperficie courbe du verre, que reprefente l’El- 
lipfe DBK, tout de mefme qu'il le feroit par la fuper- 
ficie plate du mefme verre que reprefente la ligne 
droite CBE, dans laquelle il doit aller de B vers I, a 
caufe qu'AL & IG font l’vne a l’autre comme DK & 
HI, c’eft a dire, comme elles doiuent eftre pour me- 
furer la refration. Et le point B ayant efté pris a 
difcretion dans l’Ellipfe, tout ce que nous auons de- 
monftré de ce rayon AB, fe doit entendre en mefme 
façon de tous les autres paralleles a DK, qui tombent 
fur les autres points de cete Ellipfe; en forte qu'ils 
doiuent tous aller vers I. 

De plus, a caufe que tous les rayons qui tendent 
vers le centre d'vn cercle ou d'vn globe, tombans per- 
pendiculairement fur fa fuperficie, n'y doiuent fouffrir 
aucune refraction, fi du centre I on fait vn cercle a 
telle diftance qu'on voudra, pouruü qu'il pañle entre 
D & I, comme B QB, les lignes DB & QB, tournant 
autour de l’aifieu D Q, defcriront la figure d'vn verre 
qui affemblera dans l'air au point I tous les | rayons 


i72 OEuvrEes DE DESCARTES. 96. 


qui auront efté de l’autre cofté, auffy dans l'air, paral- 
leles a cet aiflieu : & reciproquement qui fera que 
tous ceux qui feront venus du point |, fe rendront 
paralleles de l'autre cofté. | 


Fig. p. 95. 


| ' Fig. p. 96. 
SE TTDINNE70 
\ 2 
£ 
Lil | 
FRA 
K 


on 


Et fi du mefme centre I on defcrit le cercle RO, a 
telle diftance qu’on voudra au delà du point D; & 
qu'ayant pris le point B dans l'Ellipfe a diferetion, 
pouruù toutefois qu'il ne foit pas plus efloigné de D 
que de K: on tire la ligne droite BO, qui tende vers l; 
les lignes RO, OB & BD, meuës circulairement au- 10 
tour de l'aiflieu DR, defcriront la figure d'vn verre 
qui fera que les rayons paralleles a cet aiflieu du cofté 
de l'Ellipfe, s'efcarteront ça & là de l’autre cofté, 
comme s ils venoient tous du point I. Car il eft mani- 


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30 


96-98. LA Dioptrique. — Discours VIII. 173 


fefte que, par exemple, le rayon PB doit eftre autant 
détourné par la fuperficie creufe du verre DBA, 
comme AB par la Fig. p. O7- 
conuexe ou boflue 
du verre DBK, & 
par confequent que 
BO doit eftre en 
mefme ligne | droite 
que BI, puifque PB « 
eft en mefme ligne droite que B A : & ainfi des autres. 
Et fi de rechef, dans l'Ellipfe D BK, on en defcrit vne 
autre plus petite, mais de mefme efpece, comme dbk, 
dont le point bruflant marqué I foit | 
en mefme lieu que celuy de la pre- | 
cedente auffy marqué I, & l'autre À 
en mefme ligne droite & vers le 
mefme cofté que DH, & qu'ayant 
pris B a difcretion, comme cy de- 
uant, on tire la ligne droite Bb qui 


tende vers I, les lignes TBE dar 
1, leslignes DB, B d Eu” 


meuës autour de l’aiflieu D, deferi 


ront la figure d'vn verre qui fera que : | 11] | là 
tous les rayons qui, auant que de le : :/|| UE = 
rencontrer, auront efté paralleles, : Il | Ne 
fe trouueront derechef paralleles à il Il | | | F ” 

aprés en eftre fortis, & qu'auec cela Poe 


ils feront plus reflerrés, & occupe- 
ront vn moindre efpace du cofté de la plus petite 
Ellipfe db, que de celuy de la plus grande. Et fi, pour 
euiter l'efpaifleur de ce verre DBbd, on defcrit du 
centre I les cercles QB & ro, les fuperficies DBQ 


174 OEUVRES DE DESCARTES. 98-09. 


& robd reprefenteront les figures & la fituation de 
deux verres moins efpais, qui auront en cela fon 
mefme effect. 

Et fi on difpofe les deux verres femblables DBQ 
& dbg inegaus en grandeur, en telle 
forte que 100 aiflieux foient en vne 
mefme ligne droite, & leurs deux 
points bruflans exterieurs, marqués 
I, en vn mefme lieu, & que leurs 
fuperficies circulaires BQ, bg fe 
regardent l'vne l'autre, ils auront 
aufly en cela le mefme effect. 

Et fi on ioint ces deux verres fem- 
blables inegaus en grandeur DBQ 
& dbq, ou qu'on les mette a telle dif- 
tance qu'on voudra l'vn de l’autre, 
pouruù feulement que leurs aiflieux 
foient en mefme ligne droite, & que 
leurs fuperficies Elliptiques fe re- 
gardent, ils feront que tous les 
rayons qui viendront du point bruf- 
lant de l'vn marqué I, s'iront af- 
fembler en l’autre aufly marqué I. 

Et fi on ioint les deux differens 
DBOQ& DBOR, | en forte aufly que leurs fuperficies 
DB & BD fe regardent, ils feront que les rayons qui 
viendront du point z, que l'Ellipfe du verre DBQ a 
pour fon point bruflant, s'efcarteront comme sils 
venoient du point I, qui eft le point bruflant du verre 
BDOR : ou reciproquement, que ceux qui tendent 
vers ce point |, s’iront affembler en l'autre marqué . 


20 


278 


PP DEN CC AM" 17 


99-100. LA DiopTRique. — Discours VIII. 174 
Et enfin, fi on 1ioint les deus DBOR & DBOR, 


toufiours en forte que leurs fuperficies DB, BD fe 
regardent, on fera que les rayons 
qui, en trauerfant l'vn de ces 
verres, tendent au delà vers Ï, s'ef- 
carteront derechef, en fortant de 
l'autre, comme s'ils venoient de 
l’autre point I. Et on peut faire la 
diftance de chafcun de ces points 
marqués | plus ou moins grande 
autant qu on veut, en changeant 
la grandeur de l'Ellipfe dont il 
depend. En forte que, auec l'Ellipfe 
feule & la ligne circulaire, on peut 
defcrire des verres qui facent que 
les rayons qui vienent d'vn point, -h 
ou tendent vers vn point, ou font paralleles, CU 


176 Œuvres DE DESCARTES. 100-101. 


de l'vne en l'autre de ces trois fortes de difpofitions, 
en toutes les façons qui puiffent eftre imaginées. 
L'Hyperbole eft aufly vne ligne courbe que les Ma- 
thematiciens expliquent par la fection d'vn cone, 
comme l'Ellipfe. Mais, afin de vous la faire mieux 
conceuoir, 1introduiray encore icy vn iardinier qui 
s'en fert a compafler la broderie de quelque par- 
terre. Il plante derechef fes deux picquets aux points 
H & 1; & ayant attaché au 
bout d'vne longue reigle le 
bout d'vne corde vn peu plus 
courte, il fait vn trou rond a 
l'autre bout de cete reigle, 
dans lequel il fait entrer le 
picquet I, & vne boucle a 
l'autre bout de cete corde, 
quil pale dans le picquet H. 
Puis, mettant le doigt au point 
X, où elles font attachées l'vne a l'autre, il le coule 
de là en bas iufques a D, tenant toufiours cependant 
la corde toute iointe & comme colée contre la reigle 
delpuis le point X iufques a l'endroit où il la touche, 
& auec cela ‘toute tendue : au moyen de quoy, 
contraignant cete reigle de tourner autour du pic- 
quet [| a mefure qu'il abaïfle fon doigt, il defcrit 
fur la terre la ligne courbe XBD, qui eft vne partie 
d'vne Hyperbole. Et, aprés cela, tournant fa reigle 
de l'autre cofté vers Y, il en defcrit en mefme 
façon vne autre partie Y D. Et, de plus, s'il pañfe la 
boucle de fa corde dans le picquet |, & le bout de 
fa reigle dans le picquet H, il defcrira vne autre 


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20 


25 


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101-102. LA Dioprrique. — Discours VIII. 177 


Hyperbole SKT toute femblable & oppofée a la pre- 
cedente. Mais fi, fans changer fes picquets ny fa reigle, 
il fait feulement fa corde vn peu plus longue, il def- 
crira vne Hyperbole d'vne autre efpece ; & s'il la fait 
encore vn peu plus longue, il en defcrira encore vne 
d'autre efpece, iufques a ce que, la faifant tout a fait 
efgale a la reigle, il defcrira, au lieu d'vne Hyperbole, 
vne ligne droite. Puis, s’il change la diftance de fes 
picquets en mefme proportion que la difference qui 
eft entre les longueurs de la reigle & de la corde, il 
defcrira des Hyperboles qui feront toutes de mefme 
efpece, mais dont les parties femblables feront diffe- 
rentes en grandeur. Et enfin, s'il augmente efgale- 
ment les longueurs de la corde & de la reigle, fans 
changer ny leur difference, ny la diftance des deux 
picquets, il ne defcrira toufiours qu'vne mefme Hy- 
perbole, mais 1l en defcrira vne plus grande partie. 
Car cete ligne eft de telle nature que, bien qu'elle 


- fe courbe toufiours de plus en plus vers vn mefme 


cofté, elle fe peut toutesfois eftendre a l'infiny, fans 
que iamais fes extremités fe rencontrent. Et ainfi vous 
voyés qu’elle a en plufieurs façons mefme raport a la 
ligne droite, que l'Ellipfe a la circulaire. Et vous voyés 
aufly qu'il y en a d'vne infinité de diuerfes efpeces, & 
qu'en chafque efpece il y en a vne infinité dont les 
parties femblables font differentes en grandeur. Et, de 
plus, que fi d'vn point, comme B, pris a diferetion 
dans l’vne d'elles, on tire deux lignes droites vers 
les deux points, comme H & I, où les deux picquets 
doiuent eftre plantés pour la defcrire, & que nous 
nommerons encore les points bruflants, la difference 


Œuvres. I. 23 


178 Œuvres DE DESCARTES. 102-103. 


de ces deux lignes, HB & IB, fera toufiours efgale a 
la ligne DK, qui marque la diftance qui et entre les 
Hyperboles oppofées. Ce qui paroïft de ce que BI 
eft plus longue que BH, d'au- 
tant iuftement que lareiglea 5 
efté prife plus longue que la 
corde; &que Dleftauffy d’au- 
tant plus longue que DH. Car, 
| fi on accourcift celle-cy, DI, 
de KI, qui eft efgale a DH, 16 
on aura DK pour leur diffe- : 
rence. Et enfin, vous voyés 
que les Hyperboles qu'on 
defcrit en mettant toufiours mefme proportion entre 
DK & HI, font toutes d'vne mefme efpece. Puis,outre 13 
cela, ileft befoin que vous fçachiés que, fi par le point B 
pris a diferetion dans vne Hyperbole, on tire la ligne 


droite CE, qui diuife l'angle HBI en deux parties ef- 
gales, la mefme CE touchera cete Hyperbole en ce 
point B, fans la couper : de quoy les Geometres 20 
fçauent aflés la demonftration. 


103-104. La Dioptrique. — Discours VIII. 170 


Mais ie veux icy enfuite vous faire voir que, fi de 
ce mefme point B on tire vers le dedans de l'Hyper- 
bole la ligne droite BA parallele a DK, & qu'on tire 
aufly par le mefme point B la ligne LG qui couppe 
CE a angles droits; puis, ayant pris BA efgale a BI, 
que des points À & Ion tire fur LG les deux perpen- 
diculaires AL & IG, ces deux dernieres, AL & IG, 
auront entre | elles mefme proportion que les deux 
DK & HI. Et enfuite, que fi on donne la figure de 
cete Hyperbole a vn cors de verre dans lequel Îles 
refraétions fe mefurent par la proportion qui eft entre 
les lignes DK & HI, elle fera que tous les rayons qui 
feront paralleles a fon aiïflieu, dans ce verre, siront 
affembler au dehors au point |, au moins fi ce verre 
eft conuexe ; & s'il eft concaue, qu'ils s'efcarteront 
ça & là, comme s’ils venoient de ce point I. 

Ce qui peut eftre ainfi demontré. Premierement, * 

a. Le texte qui suit jusqu'à « Puis » (p. 180, 1. 5) est une seconde ré- 


daction de Descartes (voir t. II, p. 638), arrétée en vue d’une réédition. 
Voici le texte primitif : 


fi on tire du point B la ligne BF perpendiculaire fur 
K D prolongée autant qu’il eft befoin, & du point N, 
où LG & KD s’entrecoupent, la ligne NM perpen- 
diculaire fur IB aufly prolongée, on trouuera que 
A Left a IG comme BF eft a NM. Car, d'vne part, les 
triangles BFN & BLA font femblables, a caufe qu'ils 
font tous deux reétangles & que, NF & BA eftant pa- 
ralleles, les angles FNB & LB A fontefgaus. Et, d'autre 
part, les triangles IGB & NMB font aufly femblables, 
a caufe qu'ils font reétangles & que les angles 1BG 
& NBM font efgaus. Et, outre cela, comme la mefme a 


180 OEuvrEs DE DESCARTES. 1G4-105: 


caufe que tant les lignes AB & NI, que AL & GI, font 
paralleles, les triangles ALB & IGN font femblables; 
d'où il fuit que AL eft a IG comme AB eft a NI; ou 
bien, pource que AB & BI font efgales, comme BI eft 
a BI. Puis, fi on tire HO parallele a LG, on verra 
* Xe 
FN 


Fig. p. 105. 


A 


que Bleft a NI comme OI eft a HI, a caufe que les 
triangles BNI & OHI\font femblables. Enfin, les deux 
angles EBH & EBI eftans efgaus par la conftruction, 
& HO, qui eft parallele a LG, couppant comme elle 
CE a angles droits, les deux triangles BEH & BEO 
font entierement efgaus. Et ainfi, BH, la baze de l'vn, 


BN fert de bafe aux deux triangles BFN & NMB, 
ainfi B A, la bafe du triangle A LB, eft efgale a BI, la 
bafe du triangle IGB; d'où il fuit que, commeles coftés 
du triangle BFN font a ceux du triangle N MB, ainfi 
ceux du triangle A LB font aufly a ceux du triangle 
IBG. Puis BF eft a NM comme BI eft a NI, a caufe 
que les deux triangles BIF & NIM, eftans reétangles 
& ayans le mefme angle vers I, font femblables. De 
plus, 


15 


20 


25 


30 


105-106. La Dioprrique. — Discours VIII. 


181 


eftant efgale a BO, la baze de l'autre, il refte OI 


1] 
1) 


pour la difference qui ef entre 
BH &BI, laquelle nous auons 
dit eftre efgale a DK. Si bien 
que AL eft a IG comme DK eft 
a HI. D'où il fuit que, mettant 
toufiours entre les lignes DK & 
HI la proportion qui peut feruir 
a mefurer les refractions du 
verre ou autre matiere quon 
veut employer, ainfi que nous 
auons fait pour tracer les El- 
lipfes, excepté que DK ne peut 
eftre icy que la plus courte, au 


lieu qu'elle ne pouuoit eftre 22) 


auparauant que la plus longue : fi on trace vne por- 


tion d'Hyperbole tant grande qu'on 
voudra, comme DB, & que de B 
on face defcendre a angles droits 
fur KD la ligne droite BQ, les 
deux lignes DB & QB, tournant 
autour de|l’aiffieu DQ, defcriront 
la figure d'vn verre qui fera que 
tous les rayons qui le trauerferont 
& feront dans l'air paralleles a 
cet aiflieu du cofté de la fuperficie 
plate BD, en laquelle, comme vous 
fçaués, ils ne fouffriront aucune 


refration, s’aflembleront de l'autre 11! 


cofté au point I. 


Et fi, ayant tracé l'Hyperbole db femblable a la pre- 


* 


182 OEUVRES DE DESCARTES. 106-107. 


cedente, on tire la ligne droite ro en tel lieu qu'on 
voudra, pouruù que, fans coupper cete Hyperbole, 
elle tombe perpendiculairement fur fon aiflieu dk, & 
qu'on ioigne les deux points b & o par vne autre ligne 
droite parallele a dk, les trois 
lignes ro, ob & bd, meuës au- 
tour de l’aiffieu dk, defcriront la 
figure d'vn verre qui fera que 
tous les rayons qui feront pa- 
ralleles a fon aiflieu du cofté de 
fa fuperficie plate, s’efcarteront 
ça & là de l’autre cofté, comme 
s'ils venoient du point I. 

Et fi, ayant pris la ligne HI 
plus courte, pour tracer l'hyper- 
-. bole du verre robd, que pour 
| celle du verre DBQ, on difpofe 
|l ces deux verres en telle forte 
5 que leurs aiflieus DO, rd'foient 
en mefme ligne droite, & leurs deux points bruflans 
marqués | en mefme lieu, & | que leurs deux fuper- 
ficies hyperboliques fe regardent; ils feront que tous 
les rayons qui, auant que de les rencontrer, auront 
efté paralleles a leurs aiflieus, le feront encore aprés 
les auoir tous deux trauerfés, & auec cela feront re- 
ferrés en vn moindre efpace du cofté du verre robd 
que de l’autre. 

Et fi on difpofe les deux verres femblables DBQ & 
dbq inefgaus en grandeur, en telle forte que leurs 
aiflieus D Q, da foyent aufly en mefme ligne droite, 
& leurs deux points bruflans marqués I en mefme lieu, 


20 


25 


30 


107-108, La Dioprrique. — Discours VIII. 183 


& que leurs deux fuperficies hyperboliques fe re- 
gardent; ils feront, comme les precedens, que Îles 
rayons paralleles d'vn cofté de leur aiflieu le feront | 
aufly de l’autre, &,auec cela, feront referrésen moindre 
efpace du cofté du moindre verre. 

Et* fi on ioint les fuperficies plates de ces deux 
verres DBQ & dbg,ou qu'on les 
mette a telle diftance qu’on vou- Don 
dra l'vn de l'autre, pouruû feule- D 
ment que leurs fuperficies plates 
fe regardent, fans qu'il foit be- 
foin auec cela que leurs aiflieus 
foient en mefme ligne droite : ou 
pluftoff, fi on compofe vn autre 
verre qui ait la figure de ces 
deux ainfi conioints, on fera 
par fon moyen que les rayons 
qui viendront de l'vn des points 
marqués I, s'iront aflembler en 
l'autre de l’autre cofté. 

Et fi on compofe vn verre qui 
ait la figure des deux DBQ 
& robd, tellement ioints que 
leurs fuperficies plates s'entre- 
touchent, on fera que les rayons qui feront venus de 
l'vn des points I, sefcarteront comme s'ils eftoient 
venus de l'autre. 

Et enfin, fi on compofe vn verre qui ait la figure de 
deux tels que robd, derechef tellement ioins que 
leurs fuperficies plates s'entretouchent, on fera que 


a, Voir les figures page suivante, 


184 OEUVRES DE DESCARTES. 108-110. 


les ralyons qui, allans rencontrer ce verre, feront ef- 


Ji 


AN JDN 


cartés comme pour s'affembler au point I qui eft de 


20 


25 


30 


tro-rtr. LA Droprrique. — Discours VIII. 18 


l'autre cofté, feront derechef efcartés, aprés l’auoir 
trauerfé, comme s'ils eftoient venus de l’autre point I. 

Et tout cecy eft, ce me femble, fi clair, qu'il eft feu- 
lement befoin d'ouurir les yeux & de confiderer les 
figures pour l'entendre. 

Au refte, les mefmes changemens de ces rayons, que 
ie vien d'expliquer premierement par deux verres 
elliptiques, & aprés par deux hyperboliques, peuuent 
auffy eftre caufés par deux dont l'vn foit elliptique & 
l’autre hyperbolique. Et, de plus, on peut encore ima- 
giner vne infinité d'autres verres qui facent, comme 
ceux cy, que tous les rayons qui vienent d'vn point, 
ou tendent vers vn point, ou font paralleles, fe changent 
exactement de l'yvne en l'autre de ces trois difpofitions. 
Mais ie ne penfe pas auoir icy aucun befoin d'en par- 
ler, a caufe que ie les pourray plus commodement 
expliquer cy aprés en la Geometrie*, & que ceus que 
l'ay defcrits font les plus propres de tous a mon def- 
fein, ainfi que ie veus tafcher maintenant de prouuer, 
& vous faire voir, par mefme moyen, lefquels d'entre 
eux y font les plus propres, en vous faifant confiderer 
toutes les principales chofes en quoy ils different. 

La premiere eft que les figures des vns font beau- 
coup plus ayfées a tracer que celles des autres; & il 
eft certain qu'aprés la ligne droite, la circulaire, & la 
parabole, qui feules ne peuuent fuffire pour tracer au- 
cun de ces verres, ainfi que chafcun pourra facilement 
voir, s'il l'examine, il n'y en a point de plus fimples que 
l’ellipfe & | l'hyperbole. En forte que, la ligne droite 
eftant plus ayfée a tracer que la circulaire, & l'hyper- 


bole ne l’eftant pas moins que l'ellipfe, ceux dont 
Œuvres. I. 24 


186 OEuvres DE DESCARTES. ae 


les figures font compofées d'hyperboles & de lignes 
droites, font les plus ayfés a tailler qui puiffent eftre; 
puis, enfuite, ceux dont les figures font compofées 
d’ellipfes & de cercles : en forte que tous les autres 
que ie n'ay point expliqués le font moins. 

La feconde eft qu'entre plufeurs, qui changent tous 
en mefme façon la difpofition des rayons qui fe rap- 
portent a vn feul point, ou vienent paralleles d'vn feul 
cofté, ceux dont les fuperficies font le moins cour- 
bées, ou bien le moins inegalement, en forte qu’elles 
caufent les moins inegales refractions, changent touf- 
jours vn peu plus exactement que les autres la difpo- 
fition des rayons qui fe rapportent aux autres points, 
ou qui vienent des autres coftés. Mais, pour entendre 
cecy parfaittement, il faut confiderer que c'eft la feule 
inefgalité de la courbure des lignes dont font compo- 
fées les figures de ces verres, qui empefche qu'ils ne 
changent aufly exaétement la difpofition des rayons 
qui fe rapportent a plufieurs diuers poins, ou vienent 
pAATIeIeS de plufieurs diuers coftés, qu'ils font celle 
de ceux qui fe rapportent a vn 
feul point, ou vienent paralleles 
d’vn feul cofté. Car, par exemple, 
fi, pour faire que tous les rayons 
qui vienent du point A s'aflem- 
blent au point B, il falloit que le 
verre GHIK, qu on mettroit entre 
deux, euft fes fuperficies toutes 
plates, en forte que la ligne droite 
GH, qui en reprefente l’vne, euft la proprieté de faire 
que tous ces rayons, venans du point À, fe rendiffent 


20 


25 


30 


nri-r13. La DiopTRiQuEe. — Discours VIII. 187 


paralleles dans le verre, &, par mefme moyen, que 
l'autre ligne droite KI fift que de là ils s’allaflent 
affembler au point B, ces mefmes lignes GH & KI 
feroient aufly que tous les rayons venans du point C 
s'iroient aflembler au point D; &, generalement, que 
tous ceux qui viendroient de quelqu'vn des points de 
la ligne droite AC, que ie fuppofe parallele a GH, s'i- 
roient afflembler en quelqu'vn des points de BD, que 
ie fuppofe aufly parallele a KI, & autant efloignée d'elle 
qu AC eft de GH : d'autant que, ces lignes GH & KI 
n'eftant aucunement courbées, tous les points de ces 
autres À C & BD fe rapportent a elles en mefme façon 
les vns que les autres. Tout de mefme, fi c'eftoit le 
verre LMNO, dont ie fuppofe les fuperficies LMN 
& LON eftre deux efgales portions de Sphere, qui 
euft la proprieté de ne que 
tous les rayons venans du point 
A s’allaffent aflembler au point 
B, il l’auroit aufy de faire que 
ceux du point C s'aflemblaffent 
au point D, &, generalement, 
que tous ceux de quelqu vn des 
points de la fuperficie CA, que 
ie fuppofe eftre vne portion de : 
Sphere qui a mefme centre 
que LMN, s'affembleroient en 
quelqu'vn de ceux de BD, que ie fuppofe aufly vne 
portion de Sphere qui a mefme centre que LON, 
& en eft aufly efloignée qu'AC eft d'I MN: d'autant 
que toutes les parties de ces fuperficies LMN &LON 
font efgalement courbées au refped de tous les points 


7 


188 Œuvres DE DESCARTES. 1132114. 


qui font dans les fuperficies C A & BD. Maïs, a caufe 
qu'il n'y a point d'autres lignes, en la Nature, que la 
droite & la circulaire, dont toutes les parties fe rap- 
portent en mefme façon a plufieurs diuers points, & 
que ny l'vne ny l’autre ne peuuent fuffire pour com- 
pofer la figure d'vn verre, qui face que tous les rayons 
qui vienent d'vn point s'affemblent en vn autre point 
exactement, il eft euident qu'aucune de celles qui y 
font requifes, ne fera que tous les rayons qui viendront 
de quelques autres points, s'aflemblent exaétement 
en d’autres points; & que, pour choïfir celles d'entre 
elles qui peuuent faire que ces rayons s’efcartent le 
moins des lieus où on les voudroit aflembler, il faut 
prendre les moins courbées, & les moins inefgalement 
courbées, afin qu'elles approchent le plus de la droite 
ou de la circulaire; & encore pluftoft de la droite que 
de la circulaire, a caufe que les parties de celle cy ne 
fe rapportent d'vne mefme façon qu'a tous les points 
qui font efgalement diftans de fon centre, & ne fe 
rapportent a aucuns autres en mefme façon qu'elles 
font a ce centre. D'où il eft ayfé de conclure qu'en 
cecy l'hyperbole furpaffe l’ellipfe, & qu'il eftimpoffible 
d'imaginer des verres d'aucune autre figure, qui raf- 
femblent tous les rayons venans de diuers poins en 
autant d’autres poins efgalement efloignés d'eux, fi 
exactement que celuy dont la figure fera compofée 
d'hyperboles. Et mefme, fans que ie m arrefte a vous 
en faire icy vne demonftration plus exacte, vous pou- 
ués facilement appliquer cecy aux autres façons de 
changer la difpofition des rayons qui fe rapportent a 
diuers poins ou vienent paralleles de diuers coftés, 


20 


25 


30 


à 
. 
| 


1r4115. La DiopTrique. — Discours VIII. 189 


& connoiftre que, pour toutes, ou les verres hyperbo- 
liques y font plus propres qu'aucuns autres, ou du 
moins, qu'ils n'y font pas notablement moins propres, 
en forte que cela ne peut eftre mis en contrepois auec 
la facilité d'eftre taillés, en quoy ils furpañlent tous 
les autres. 

La troifiefme difference de ces verres eft que les vns 
font que les rayons qui fe croyfent en les trauerfant, 
fe trouuent vn peu plus efcartés de l’vn de leurs coftés 
que de l'autre; & que les autres font tout le contraire. 
Comme, fi les rayons G, G font ceux qui vienent du 


centre du Soleil, & que I, I foient ceux qui vienent du 
cofté gauche de fa circonference, & K, K ceux qui 
vienent du droit, ces rayons s’efcartent vn peu plus 
les vns des autres, aprés auoir trauerfé le verre hy- 
perbolique DEF, qu'ils ne faifoient auparauant : & au 
contraire, ils s'efcartent moins apres auoir trauerfé 
l'elliptique ABC : en forte que cet elliptique rend les 
points L,H,M plus proches les vrs des autres que ne 


190 OŒEuvREs DE DESCARTES. 115-117. 


fait l'hyperbolique, & mefme il les rend d'autant plus 
proches qu'il eft plus efpais. Mais neanmoins, tant ef- 
pais qu'on le puifle faire, il ne les peut rendre qu'en- 
uiron d'vn quart ou d'vn tiers plus proches que l'hyper- 
bolique. Ce qui fe mefure par la quantité des refrac- 
tions que caufe le verre, en forte que le criftal de 
montaigne, dans lequel elles fe font vn peu plus 
grandes, doit rendre cette inefgalité vn peu plus 
grande. Mais il n'y a point de verre d'aucune autre 
figure qu'on puifle imaginer, qui face que les points 
L, H,M foient notablement plus efloignés que fait cet 
hyperbolique, ny moins que fait cet elliptique. 

Or vous pouués icy remarquer par occafion en quel 
fens il faut entendre ce que r'ay dit cy deflus, que les 
rayons venans de diuers poins, ou paralleles de diuers 
coftés, fe croyfent tous dés la premiere fuperficie qui 


a la puiffance de faire qu'ils fe raflemblent a peu prés, 


en autant d'autres diuers poins, comme lors que 1'ay 
dit que ceux de l'obiet VXY, qui forment l'image 
RST fur le fonds de l’œil, fe croyfent dés la premiere 
de fes fuperficies BC D. Ce qui depend de ce que, par 
exemple, les trois rayons VCR, XCS & YCT, fe 
croyfent veritablement fur cete fuperficie BCD au 
point C : d'où vient qu'encore que V DR fe croyfe auec 
YBT beaucoup plus haut, & VBR auec YDT beau- 
coup plus bas, toutesfois, pource qu'ils tendent vers 
les mefmes poins que font VCR & YCT', on les peut 
confiderer tout de mefme que s'ils fe croyfoient aufly 
au mefme lieu. Et pource que c'’eft cete fuperficie 
BC D qui les fait ainfi tendre vers les mefmes poins, 
on doit pluftoft penfèr que c'eft au lieu où elleeft qu'ils 


20 


30 


PACA 


SRE. 


UT de DR 4 rs 


TER 


117. La Dioprrique. — Discours VIIL. 191 


fe croyfent tous, que non pas plus haut ny plus bas. 


71 a 


ua 


Up. 110: 


12C) 


Sans mefme que ce que les autres fuperficies, comme 


1021 OEUVRES DE DESCARTES. 117-118. 


123 & 456, les peuuent détourner, en empefche. Non 
plus qu'encore que les deux baftons ACD & BCE, 
qui font courbés, s'efcartent beaucoup des poins F & 
G, vers lefquels ils s'iroient rendre, fi, fe croyfans au- 
tant qu'ils font au point C, auec celails eftoient droits, 
ce ne laiffe pas d’eftre veritablement 
en ce point C qu'ils fe croyfent. Mais 


que cela les feroit croifer derechef 
en vn autre lieu. Et,en mefme façon, 
les rayons qui trauerfent les deux 
verres conuexes DBQ & dbg*, fe croyfent fur la fu- 
perficie du premier, puis fe recroifent derechef fur 
celle de l’autre : au moins ceux qui vienent de diuers 
coftés; car, pour ceux qui vienent d'vn mefme cofté, il 
eft manifefte que ce n'eft qu'au point bruflant marqué 
[ qu'ils fe croifent. 

Vous pouués remarquer, aufly par occafion, que les 
rayons du Soleil, ramafñlés par le verre elliptique A BC?, 
doiuent brufler auec plus de force qu'eftant ramaflés 
par l'hyperbolique DEF. Car il ne faut pas feulement 
prendre garde aux rayons qui vienent du centre du 
Soleil, comme G, G, mais aufly a tous les autres qui, 
venans | des autres points de fa fuperficie, n'ont pas 
fenfiblement moins de force que ceux du centre : en 
forte que la violence de la chaleur qu'ils peuuent 
caufer fe doit mefurer par la grandeur du cors qui les 
affemble, comparée auec celle de l’efpace où il les 
aflemble. Comme, fi le diametre du verre ABC eft 


a. « Voyés la figure en la page 108. » (Page 183 ci-avant.) 
b. « La figure eft en la page 114. » (Page 189 ci-avant.) 


ils pourroient bien eftre fi courbés 
APR 


20 


25 


15 


20 


25 


30 


118-119. La DioprTriqQuEe. — Discours VIII. 193 


quatre fois plus grand que la diftance qui ef entre les 
poins M & L, les rayons ramaflés par ce verre doiuent 
auoir feize fois plus de force que s'ils ne pañfloyent 
que par vn verre plat qui ne les détournaft aucune- 
ment. Et pource que la diftance qui eft entre ces poins 
M & L eft plus ou moins grande, a raifon de celle 
qui eft entre eux & le verre ABC, ou autre tel cors 
qui fait que les rayons s y aflemblent, fans que la 
grandeur du diametre de ce cors y puifle rien adiou- 
fter, ny fa figure particuliere, qu'enuiron vn quart ou 
va tiers tout au plus, il eft certain que cete ligne bruf- 
lante a l'infini, que quelques vns ont imaginée, n’eft 
qu'vne refuerie, &, qu'ayant deux verres ou miroirs 
ardens, dont l'vn foit beaucoup plus grand que l’autre, 
de quelle façon qu'ils puiffent eftre, pouruü que leurs 
figures foient toutes pareilles, le plus grand doit bien 
ramafler les rayons du foleil en vn plus grand efpace, 
& plus loin de foy, que le plus petit; mais que ces 
rayons ne doiuent point auoir plus de force en chafque 
partie de cet efpace, qu'en celuy où le plus petit les 
ramañle. En forte qu’on peut faire des verres ou mi- 
roirs extremement petits, qui brufleront auec autant 
de violance que les plus grands. Et vn miroir ardent 
dont le diametre n'eft pas plus grand qu'enuiron la 
centiefme partie de la diftance qui eft entre luy & le 
lieu où il doit raffembler les rayons | du foleil, c'eft a 
dire qui a mefme proportion auec cete diftance, qu'a 
le diametre du foleil auec celle qui eft entre luy & 
nous, fuft-il poli par vn Ange, ne peut faire que les 
rayons qu il affemble efchauffent plus en l'endroit où 
il les affemble, que ceux qui vienent direétement du 


Œuvres. I. 25 


194 OEuvrEs DE DESCARTES. 119-120. 


foleil. Ce qui fe doit aufly entendre des verres bruf- 
lans a proportion. D'où vous pouués voir que ceux qui 
ne font qu'a demi fçauans en l'Optique fe laiflent per- 
fuader beaucoup de chofes qui font impoñlibles, & 
que ces miroirs dont on a dit qu'Archimede brufloit 
des nauires de fort loin, deuoient eftre extremement 
grands, ou pluftoft qu'ils font fabuleus. 

La quatriefme difference qui doit eftre remarquée 
entre les verres dont il eft icy queflion, appartient par- 
ticulierement a ceux qui changent la difpofition des 
rayons qui vienent de quelque point aflés proche d'eux, 
& confifte en ce que les vns, a fçauoir ceux dont la 
fuperficie qui regarde vers ce point eff la plus creufe a 
raifon de leur grandeur, peuuent receuoir plus grande 


GO 


quantité de ces rayons que | les autres, encore que 
leur diametre ne foit point plus grand. Et en cecy le 


verre elliptique NO P, que ie fuppofe fi grand, que 


fes extremités N & P font les poins où fe termine le 


plus petit diametre de l’ellipfe, furpañle l'hyperbolique 


120-121. La Droprrique. — Discours VIII. 19$ 


QRS, quoy qu'on le fuppofe auffy tant grand qu'on 
voudra; & il ne peut eftre furpañlé par ceux d'aucune 
autre figure. Enfin, ces verres different encore en ce 
que, pour produire les mefmes effects, eu efgard aux 
rayons qui fe rapportent a vn feul point ou a vn feul 
cofté, les vns doiuent eftre plus en nombre que les 
autres, ou doiuent faire que les rayons qui fe rappor- 
tent a diuers poins, ou a diuers coftés, fe croyfent plus 
de fois. Comme vous aués vû que, pour faire, auec les 
verres elliptiques, que les rayons qui vienent d'vn 
point s’aflemblent en vn autre point, ou s'efcartent 
comme s'ils venoient d'vn autre point, ou que ceux 
qui tendent vers vn point s efcartent derechef comme 
s'ils venoient d'vn autre point, ilefttoufiours befoin d'y 
en employer deux, au lieu qu'il n y en faut employer 
qu'vn feul, fi on fe fert des hyperboliques; & qu'on 
peut faire que les rayons paralleles, demeurans paral- 
leles, occupent vn moindre efpace qu’auparauant, tant 
par le moyen de deux verres hyperboliques conuexes, 
qui font que les rayons qui vienent de diuers coftés fe 
croyfent deux fois, que par le moyen d'vn conuexe & 
d'vn concaue, qui font qu'ils ne croifent qu'vne fois. 
Mais il eft euident que iamais on ne doit employer 
plufieurs verres a ce qui peut eftre aufly bien fait par 
l'ayde d'vn feul, ny faire que les rayons fe croifent 
plufieurs fois, lors qu'vne fufüft. 

Et, generalement, il faut conclure de tout cecy que 
les verres hyperboliques & les elliptiques font prefe- 
rables a tous les autres qui puiffent eftre imaginés, & 
mefme que les hyperboliques font quafi en tout prefe- 
rables aus elliptiques. En fuite de quoy, ie diray main- 


196 OŒEuvres DE DESCARTES. 121-122. 


tenant de quelle façon il me femble qu'on doit com- 
pofer chafque efpece de lunetes, pour les rendre les 
plus parfaittes qu'il eft poffible. 


LAYDESCRIPMIONRDES LUNETESE 


Difcours Neufiefme. s 


Il eft befoin, prennerement, de choifir vne matiere 
tranfparente, qui, eftant aflés ayfée a tailler, & neant- 
moins aflés dure pour retenir la forme qu'on luy don- 
nera, foit en outre la moins colorée, & qui caufe le 
moins de reflexion qu'il eft poffible. Et on n'en a point 10 
encore trouué qui ait ces qualités en plus grande per- 
feétion que le verre, lors qu'il eft fort clair & fort 
pur, & compofé de cendres fort fubtiles. Car, encore 
que le criftal de montaigne femble plus net & plus 
tranfparent, toutesfois, pource que fes fuperficies 15 
caufent la reflexion de plus de rayons que celles du 
verre, ainfi que l'experience femble nous aprendre, il 
ne fera peuteftre pas fi propre a noftre deffein. Or, 
afin que vous fçachiés la caufe de cete reflexion, & 
pourquoy elle fe fait pluftoft | fur les fuperficies tant 20 
du verre que du criftal, que non pas en l’efpaifleur de 
leur cors, & pourquoy elle s’y fait plus grande dans le 
criftal que dans le verre, il faut que vous vous fouue- 

. niés de la façon dont ie vous ay cy deflus fait conce- 
uoir la nature de la lumiere, lors que ay dit quelle 25 


122-123. La Dioprrique. — Discours IX. 107 


n'eftoit autre chofe, dans les cors tranfparens, que 
l’action ou inclination a fe mouuoir d'vne certaine 
matiere tres fubtile qui remplit leurs pores ; & que 
vous penfiés que les pores de chafcun de ces cors 
tranf{parens font fi vnis & fi droits que la matiere fub- 
tile qui peut y entrer coule facilement tout du long, 
fans y rien trouuer qui l'arrefte; mais que ceux de 
deux cors tranfparens de diuerfe nature, comme ceux 
de l'air & ceux du verre ou du criftal, ne fe rapportent 
iamais fi iuftement les vns aus autres, qu'il n'y ait 
toufiours plufieurs des parties de la matiere fubtile, 
qui, par exemple, venant de l'air vers le verre, s'y re- 
flefchifflent, a caufe qu'elles rencontrent les parties 
folides de fa fuperficie; & tout de mefme, venant du 
verre vers l'air, fe reflefchiffent & retournent au de- 
dans de ce verre, a caufe qu'elles rencontrent les par- 
ties folides de la fuperficie de cet air; car il yen a 
aufly beaucoup en l'air qui peuuent eftre nommées 
folides a comparaifon de cete matiere fubtile. Puis, en 
confiderant que les parties folides du criftal font en- 
core plus grofles que celles du verre, & fes pores plus 
ferrés, ainfi qu'il eft ayfé a iuger de ce qu'il eft plus 
dur & plus pefant, on peut bien penfer qu'il doit caufer 
fes reflexions encore plus fortes, & par confequent 
donner paflage a moins de rayons que ne fait ny l'air 
ny le verre; bien que cependant il le donne plus libre 
a | ceux aufquels 1l le donne, fuiuant ce qui a efté dit 
cy deflus. 

Ayant donc ainfi choifi le verre le plus pur, le 
moins coloré, & celuy qui caufe le moins de reflexion 
quil eft poffible, fi on veut par fon moyen corriger le 


* 


108 OEUVRES DE DESCARTES. PAU 


defaut de ceux qui ne voyent pas fi bien les obiets 
vn peu efloignés que les proches, ou les proches 
que les efloignés, les figures les plus propres a cet 
effed font celles qui fe tracent par des hyperboles. 
Comme, par exemple, l'œil B, ou C, eftant difpofé a 
faire que tous les rayons, qui vienent du point H, 
ou I, s'aflemblent exatement au milieu de fon fonds, 
& non pas ceux du point 
V,ou X, il faut, pour luy 
faire voir diftintement l’ob- 
let qui eft vers Nous 
mettre entre deux le verre 
O, ou P, dont les fuperfi- 
cies, l'vne conuexe & l’autre 


tracées par deux hyperboles 
qui foyent telles qu H, ou 
I, foit le point bruflant de 
la concaue, qui doit eftre 
tournée vers l'œil, & V, ou 
X, celuy de la conuexe. 

Et fi on fuppofe le point 
1, ou V, aflés efloigné, comme feulement a quinze|ou 
vingt pieds de diftance, il fuflira. au lieu de l'hyper- 
bole dont il deuroit eftre le point bruflant, de fe feruir 
d'vne ligne droite, & ainfi de faire l'vne des fuperficies 
du verre toute plate : a fçauoir l’interieure qui regarde 
vers l'œil, fi c'eft I qui foit affés efloigné ; ou l'exte- 
rieure, fi c'eft V. Car lors vne partie de l'obiet, de la 
grandeur de la prunelle, pourra tenir lieu d'vn feul 
point, a caufe que fon image n occupera gueres plus 


concaue, ayent les figures 


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25 


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124-125. La Dioprrique. — Discours IX. 199 


d'efpace au fonds de l'œil, que l'extremité de l'vn des 
petits filets du nerf optique. Et mefme il n'eft pas 
befoin de fe feruir de verres differens a chafque fois 
qu'on veut regarder des obiets vn peu plus ou moins 
efloignés Î'vn que l’autre ; mais c'eft aflés, pour l'vfage, 
d'en auoir deux, dont l'vn foit proportionné a la 
moindre diftance des chofes qu'on a couftume de re- 
garder, & l'autre a la plus grande; ou mefme feule- 
ment d'en auoir vn, qui foit moyen entre ces deux. 
Car les yeux aufquels on les veut approprier, n’eftans 
point tout a fait inflexibles, peuuent ayfement affés 
changer leur figure, pour l’accommoder a celle d'vn 
tel verre. 

Que fi on veut, par le moyen aufly d’vn feul verre, 
faire que les obiets acceflibles, c’eft a dire ceux qu'on 
peut approcher de l'œil autant qu'on veut, paroiffent 
beaucoup plus grands, & fe voyent beaucoup plus 
diftinétement que fans lunetes, le plus commode fera 
de faire celle des fuperficies de ce verre qui doit eftre 
tournée vers l'œil toute plate, & donner a l’autre la 
figure d'vne hyperbole, dont le point bruflant foit au 
lieu où on voudra mettre l'obiet. Mais notés que ie 
dis le plus commode, car 1 aduoue bien que, donnant a 
la fuperficie de ce verre la figure d’vne ellipfe, dont le 
point bruflant | foit auffy au lieu où on voudra mettre 
l'obiet, & a l’autre celle d'vne partie de Sphere, dont le 
centre foit au mefme lieu que ce point bruflant, l'effet 
en pourra eftre vn peu plus grand ; mais en reuanche 
van tel verrene pourra pas fi commodementeftre taillé. 
Or ce point bruflant, foit de l’hyperbole, foit de l'el- 
lipfe, doit eftre fi proche que, l’obiet, qu'il faut fup- 


200 OEuvRES DE DESCARTES. 125-126. 


pofer fort petit, y eftant mis, il ne refte, entre luy & 
le verre, que iuftement autant d'efpace qu'il en faut 
pour donner pañlage a la lumiere qui doit l’efclairer. 
Et 1l faut enchañler ce verre en telle forte, quiln'en 
refle rien de découuert que le milieu, qui foit enuiron 
de pareille grandeur que la prunelle, ou mefme vn 
peu plus petit; & que la matiere en quoy il fera en- 
chaffé foit toute noire du cofté qui doit eftre tourné 
vers l'œil, où mefme aufly il ne fera pas inutile qu'elle 
foit garnie tout autour d'vn bord de panne ou ve- 
lours noir, afin qu'on la puiffe commodement appuier 
tout contre l'œil, & ainfi empefcher qu'il n'aille vers 
luy aucune lumiere, que par l'ouuerture du verre. 
Mais en dehors il fera bon qu'elle foit toute blanche, 
ou pluftoit toute polie, & qu’elle ait la figure d'vn 
miroir creux, en forte qu'elle renuoye fur l’obiect 
tous les rayons de la lumiere qui vienent vers elle. Et 
pour fouftenir cet obiet en l'endroit 
où il doit eftre pofé pour eftre vü, ie 
ne defapprouue pas ces petites fioles 
de verre ou de criftal fort tranfparent, 
dont l'vfage eft defia en France affés 
commun. Mais, pour rendre la chofe 
plus exacte, il vaudra encore mieux 
qu'il y foit tenu ferme par vn ou deux 
petits reflors en forme de bras, qui 
fortent du chaflis de la lunete. Enfin, 
pour ne manquer point de lumiere, 
= il faudra, en regardant cet obiet, 
le tourner tout droit vers É PL Comme fi À eft le 
verre, C la partie interieure de la matiere en laquelle 


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126-128. La Droprrique. — Discours IX. 201 


il eft enchañfé, D l’exterieure, E l'obiet, G le petit bras 
qui le fouftient, H l'œil, & I le foleil, dont les rayons 
ne vont point en l’œil direétement, a caufe de l'inter- 
polition tant de la lunete que de l'obiet; mais, donnans 
contre le cors blanc, ou le miroir D, ilsfereflefchiffent 
premierement de là vers E, puis d'E ils fe reflefchiffent 
vers l'œil. 

Que fi on veut faire vne lunete, la plus parfaitte qui 
puifle eftre, pour feruir a voir les Aftres ou autres 
obiets fort efloignés & inacceflibles, on la doit com- 
pofer de deux verres hyperboliques, l'vn conuexe & 
l'autre concaue, mis dans les deus bouts d'vn tuyau 
en la façon que vous voyés icy reprefentée. Et, pre- 
mierement, abc, la fuperficie du verre concaueabcdef, 
doit auoir la figure d'vne hyperbole, qui ait fon point 
bruflant a la diftance a laquelle l'œil, pour lequel on 
prepare cete lunete, peut voir le plus diftinétement 
fes obiets. Comme icy, l’œil G eftant difpofé a voir 
plus diftinctement les obiets qui font vers H qu'au- 
cuns autres, H doit eftre le point bruflant de l’hyper- 
bole abc: & pour les vieillars, qui voyent mieux les 
obiets fort efloignés que les proches, cete fuperficie 
abc doit eftre toute plate; au lieu que, pour ceux qui 
ont la veuë fort courte, elle doit eftre|affés concaue. 
Puis l’autre fuperficie def doit auoir la figure d'vne 
autre hyperbole, dont le point bruflant I foit efloigné 
d’elle de la largeur d'vn pouce, ou enuiron, en forte 
qu'il fe rencontre vers le fonds de l'œil, lors que ce 
verre eft appliqué tout contre fa fuperficie. Notés toutes 
fois que ces proportions ne font pas fi abfolument ne- 
ceffaires, qu'elles ne puiffent beaucoup eftre | chan- 


Œuvres. I. 26 


202 QŒEuvrEs DE DESCARTES, 128, 


gées, en forte que, fans tailler autrement la fuperficie 
abc, pour ceux qui ont la veuëé courte ou longue, que 
pour les autres, on peut affés commodement fe feruir 
d'vne mefme lunete pour toutes fortes d'yeux, en al- 


Fig p. 127. 


longeant feulement ou accourciflant le tuyau. Et pour 


la fuperficie def, peuteftre qu'a caufe de la difficulté 
qu'on aura a la creufer tant comme 1'ay dit, il fera plus 
ay{é de luy donner la figure d’vne hyperbole, dont le 
point bruflant foit vn peu plus efloigné : ce que l'expe- 
rience enfeignera mieux que mes raifons. Et ie puis 


ae" Da 


DÉBATS r 


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25 


30 


128-120. LA DropTrique. — Discours IX. 203 


feulement dire en general que, les autres chofes eftant 
efgales, d'autant que ce point I fera plus proche, d'au- 
tant les obiets paroiftront plus grands, a caufe qu'il 
faudra difpofer l’œil comme s'ils eftoient plus prés de 
luy; & que la vifion pourra eftre plus forte & plus 
claire, a caufe que l’autre verre pourra eftre plus 
grand; mais qu'elle ne fera pas fi diftinéte, fi on le 
rend par trop proche, a caufe qu'il y aura plufieurs 
rayons qui tomberont trop obliquement fur fa fuper- 
ficie au pris des autres. Pour la grandeur de ce verre, 
la portion qui en demeure découuerte, lors qu'il eft 
enchaffé dans le tuyau KLM, n’a befoin d'exceder que 
de fort peu la plus grande ouuerture de la prunelle. 
Et pour fon efpaifleur, elle ne fçauroit eftre trop petite; 
car, encore qu'en l’augmentant on puifle faire que 
l'image des obiets foit vn peu plus grande, a caufe que 
les rayons qui vienent de diuers poins s'efcartent vn 
peu plus du cofté de l'œil, on fait aufly en reuanche 
qu'ils paroiffent en moindre quantité & moins clairs; 
& l’auantage de faire que leurs images deuienent plus 
grandes, fe peut mieux gaigner par autre | moyen. 
Quant au verre conuexe NO PQ, fa fuperficie NQP, 
qui eft tournée vers les obiets, doit eftre toute plate; 
& l’autre, NOP, doit auoir la figure d'vne hyperbole, 
dont le point bruflant I tombe exactement au mefme 
lieu que celuy de l'hyperbole def de l’autre verre, & 
foit d'autant plus efloigné du point O qu'on veut auoir 
vne lunete plus parfaitte. En fuite de quoy la grandeur 
de fon diametre NP fe determine par les deux lignes 
droites IdN & IfP, tirées du point bruflant I par d 
& j, les extremités du diametre du verre hyperbolique 


204 Œuvres DE DESCARTES. 129-130, 


def, que ie fuppofe efgaler celuy de la prunelle. Où 
toutesfois il faut remarquer qu'encore que le diametre 
de ce verre NOPQ foit plus petit, les obiets n’en pa- 
roiftront que d'autant plus diftinéts, & n'en paroiftront 
pas moindres pour cela,ny en moindre quantité, mais 
feulement moins efclairés. C’eft pourquoy, lors qu'ils 
le font trop, on doit auoir diuers cercles de carton 
noir, ou autre telle matiere, comme 1,2,3, pour cou- 
urir fes bords, & le rendre par ce moyen le plus petit 
que la force de la lumiere qui vient des obiets pourra 
permettre. Pour ce qui eft de l’efpaiffeur de ce verre, 
elle ne peut de rien profiter, ny aufly de rien nuire, 
finon en tant que le verre n'eft iamais fi pur & fi net, 
qu'il n'empefche toufiours le paflage de quelque peu 
plus de rayons que ne fait l'air. Pour le tuyau KL M, il 
doit eftre de quelque matiere affés ferme & folide, afin 
que les deux verres enchaffés en fes deux bouts y re- 
tienent toufiours exactement leur mefme fituation. Et 
il doit eftre tout noir par le dedans, & mefme auoir vn 
bord de pane ou velours noir vers M, affin qu'on puifle, 
|en l’appliquant tout contre l'œil, empefcher qu'il ny 
entre aucune lumiere que par le verre NOPQ. Et 
pour fa longueur & fa largeur, elles font affés deter- 
minées par la diftance & la grandeur des deux verres. 
Au refte, il eft befoin que ce tuyau foit attaché fur 
quelque machine, comme RST, par le moyen de Îla- 
quelle il puifle eftre commodement tourné de tous 
coftés, & arefté vis a vis des obiets qu'on veut regar- 
der. Et, a cet effe&, il doit y auoir aufly vne mire ou 
deux pinnules,comme V, V, fur cete machine; & mefme, 
outre cela, pource que, d'autant que ces lunetes font 


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CLR PA 


6 Or LRC, 


l: 

NL 

La 
" 


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130-131. LA DioprTRiquEe. — Discours IX. 204 


que les obiets paroiïflent plus grands, d'autant en 
peuuent elles moins faire voir a chafque fois, il eft 
befoin d'en ioindre auec les plus parfaittes quelques 
autres de moindre force, par l'ayde defquelles on 
puifle, comme par degrés, venir a la connoiffance du 
lieu où eft l'obiet que ces plus parfaittes font aperce- 
uoir. Comme font icy XX & Y Y, que ie fuppofe telle- 
ment aiuftées auec la plus parfaite QLM, que, fi on 
tourne la machine en telle forte que, par exemple, la 
planete de lupiter paroifle au trauers des deus pin- 
nules V, V, elle paroiftra aufly au trauers de la lunete 
XX, par laquelle, outre lupiter, on pourra auffy dif- 
tinguer ces autres moindres planetes qui l'accom- 
paignent; & fi on fait que quelqu'vne de ces moindres 
planetes fe rencontre iuftement au milieu de cete lu- 
nete XX, elle fe verra aufly par l’autre YY, où paroif- 
fant feule & beaucoup plus grande que par la prece- 
dente, on y pourra diftinguer diuerfes regions : & 
derechef, entre ces diuerfes regions, celle du melieu fe 
verra par la lunete KLM, & on y pourra diftinguer 
plufieurs chofes| particulieres par fon moyen; mais on 
ne pourroit fçauoir que ces chofes fuflent en tel en- 
droit de la telle des planetes qui accompaignent lu- 
piter, fans l'ayde des deux autres, ny auffy la difpofer 
a monftrer ce qui eft en tout autre endroit determiné 
vers lequel on veut regarder. 

On pourra encore adioufter vne ou plufieurs autres 
lunetes plus parfaittes auec ces trois, au moins fi 
l'artifice des hommes peut pañfer fi auant. Et il n'y a 
point de difference entre la façon de ces plus par- 
faittes & de celles qui le font moins, finon que leur 


206 à Œuvres DE DESCARTES. Re 


verre conuexe doit eftre plus grand, & leur point 
bruflant plus efloigné. En forte que, fi la main des 
ouuriers ne nous manque, nous pourrons par cete 
inuention voir des obiets auffy particuliers & aufly 
petits, dans les Aftres, que ceux que nous voyons 
communement fur la terre. 

Enfin, fi on veut auoir vne lunete qui face voir les 
obiets proches & acceflibles le plus diftinétement 
qu'il fe peut, & beaucoup plus que celle que ray tan- 
toft defcrite pour mefme effect, on la doit aufly com- 
pofer de deux verres hyperboliques, l'vn concaue & 
l'autre conuexe, enchaffés dans les deux bouts d’vn 
tuyau, & dont le concaue abcde f foit tout femblable 
a celuy de la precedente, comme aufly NOP, la fu- 
perficie interieure du conuexe. Mais, pour l’exterieure 
NRP, au lieu qu'elle eftoit toute plate, elle doit icy 
eftre fort conuexe, & auoir la figure d'vne hyperbole, 
dont le point bruflant exterieur Z foit fi proche que, 
l'obiet y eftant mis, il ne refte entre luy & le verre 
qu'autant d'efpace qu'il en faut pour donner paffage 
a la lumiere qui doit l’efclairer.|Puis le diametre de ce 
verre n'a pas befoin d’eftre fi grand que pour la lunete 
precedente, ny ne doit pas aufly efre fi petit queceluy 
du verre À de l’autre d’auparauant*; mais il doit a peu 
prés eftre tel que la ligne droite NP paffe par le point 
bruflant interieur de l'hyperbole NRP : car, eftant 
moindre, il receuroit moins de rayons de l'obiet Z ; 
& eftant plus grand, il n'en receuroit que fort peu da- 
uantage; en forte que, fon efpaifleur deuant eftre a pro- 
portion beaucoup plus augmentée qu'auparauant, elle 


à. « Voyés en la page 126 » (figure page 200 ci-avant). 


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25 


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132133. La Dioprrique. — Discours IX. 207 


leur ofteroit bien autant de leur force que fa grandeur 
leur en donneroit, &, outre cela, l'obiet ne pourroit 
pas eftre tant efclairé. Il fera bon aufly | de pofer cete 
lunete fur quelque machine comme ST, qui la tiene 
directement tournée vers le foleil. Et il faut enchaffer 
le verre NOPR dans le milieu d'vn miroir creux pa- 


rabolique, comme CC, qui raffemble tous les rayons 
du foleil au point Z, fur l'obiet qui doit y eftre fouf- 
tenu par le petit bras G, qui forte de quelqu'endroit 
de ce miroir. Et ce bras doit aufly fouftenir, autour de 
cet obiet, quelque cors noir & obfcur, comme HH, 
iuftement de la grandeur du verre NOPR, afin qu'il 
empefche qu'aucuns des rayons du foleil ne tombent 
direétement fur ce verre; car, de là, entrans dans le 


208 OEuvres DE DESCARTES. 133-134. 


tuyau, quelques vns d'eux fe pourroient reflefchir 
vers l'œil & affoiblir d'autant la vifion, pource qu'en- 
core que ce tuyau doiue eftre tout noir par le dedans, 
il ne le peut eftre toutesfois fi parfaitement que fa 
matiere ne caufe toufiours quelque peu de reflexion, 
lorfque la lumiere eft fort viue, ainfi qu'eft celle du 
foleil. Outre cela, ce cors noir HH doit auoir vn trou 
au milieu, marqué Z, qui foit de la grandeur de 
l'obiet, afin que, fi cet obiet eft en quelque façon tranf- 
parent, il puifle aufly eftre efclairé par les rayons qui 
vienent direétement du foleil; ou mefme encore, fi 
befoin eft, par ces rayons ramaffés au point Z par 
van verre bruflant, comme II, de la grandeur du verre 
NOPR, en forte qu'il viene de tous coftés autant de 
lumiere fur l'obiet, qu'il en peut fouffrir fans en eftre 
confumé. Et il fera ayfé de couurir vne partie de ce 
miroir CC, ou de ce verre IT, pour empefcher qu'iln'y 
en puifle venir trop. Vous voyés bien pourquoy ray 
icy tant de foin de faire que l'obiet foit fort efclairé, 
& qu'il viene beaucoup de fes rayons vers l'œil; car le 
verre | NOPR, qui en cete lunete fait l'office de la 
prunelle, & dans lequel fe croifent ceux de ces rayons 
qui vienent de diuers poins, eftant beaucoup plus 
proche de l’obiet que de l'œil, eft caufe qu'ils s’eften- 
dent, fur les extremités du nerf optique, en vn efpace 
beaucoup plus grand que n'eft la fuperficie de l’obiet 
d’où ils vienent; & vous fçaués qu'ils y doiuent auoir 
d'autant moins de force qu'ils y font plus eftendus, 
comme on voit, au contraire, qu'eftans raffemblés 
en vn plus petit efpace par vn miroir ou verre bruf- 
lant, ils en ont plus. Et c'eft de là que depend la lon- 


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Sethitit ani 


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134135. La DiopTrique. — Discours IX. 209 


gueur de cete lunete, c'eft a dire la diftance qui doit 
eftre entre l'hyperbole NOP & fon point bruflant. 
Car, d'autant qu'elle eft plus longue, d'autant l'image 
de l'obiet eft plus eftendue dans le fonds de l'œil, ce 
qui fait que toutes fes petites parties y font plus dé 
tinctes. Mais cela mefme affoiblift auf tellement leur 
action, qu enfin elle ne pourroit plus eftre fentie, fi cete 
lunete eftoit par trop longue. En forte que fa plus 


- grande longueur ne peut eftre determinée que par 


l'experience, & mefme elle varie, felon que les obiets 
peuuent plus ou moins auoir de lumiere, fans en eftre 
confumés. Le fçay bien qu'on pourroitencore adioufter 
quelques autres moyens pour rendre cete lumiere 
plus forte; mais, outre qu'ils feroient plus malayfés a 
mettre en pratique, a peine trouueroit on des obiets 
qui en peuflent fouffrir dauantage. On pourroit bien 
auffy, au lieu du verre hyperbolique NOPR, en 
trouuer d'autres qui receuroient quelque peu plus 
grande quantité de rayons; mais, ou ils ne feroient 
pas que ces rayons, venans de diuers poins de l’obiet, 
s’affemblaffent fi exaétement vers l'œil en autant | 
d'autres diuers poins; ou il faudroit y employer deux 
verres au lieu d'vn, en forte que la force de ces rayons 
ne feroit pas moins diminuée par la multitude des fu- 
perficies de ces verres, qu'elle feroit augmentée par 
leurs figures ; & enfin l’execution en feroit de beau- 
coup plus difficile. Seulement vous veus-ie encore 
auertir que, ces lunetes ne pouuant eftre appliquées 
qu'a vn feul œil, il fera mieux de bander l'autre, ou le 
couurir de quelque voile fort obfcur, afin que fa pru- 


nelle demeure la plus ouuerte qu'il fe pourra, que de 
Œuvres. I. 27 


210 OEUVRES DE DESCARTES. 135-136. 


le laifler expofé a la lumiere, ou de le fermer par l'ayde 
des mufcles qui meuuent fes paupieres; car il y a or- 
dinairement telle connexion entre les deux yeux, que 
l'yn ne fçauroit gueres fe mouuoir en aucune façon, 
que l’autre ne fe difpofe a limiter. De plus, il ne fera 
pas inutile, non feulement d'appuier cete lunete tout 
contre l'œil, en forte qu’il ne puifle venir vers luy au- 
cune lumiere que par elle, mais auffy d'auoir aupara- 
uant attendri fa veuë en fe tenant en lieu obfcur, & 
d'auoir l'imagination difpofée comme pour regarder 
des chofes fort efloignées & fort obfcures, afin que la 
prunelle s'ouure d'autant plus, & ainfi qu'on en puifle 
voir vn obiet d'autant plus grand. Car vous fçaués 
que cete action de la prunelle ne fuit pas immedia- 
tement de la volonté qu'on a de l’ouurir, mais pluftoft 
de l’idée ou du fentiment qu'on a de l'obfcurité & de 
la diftance des chofes qu'on regarde. 

Au refte, fi vous faites vn peu de reflexion fur tout 
ce qui a efté dit cy deflus, & particulierement fur ce 
que nous auons requis de la part des organes exte- 
rieurs pour rendre la vifion la plus parfaitte qu'elle 
puiffe eftre, il ne | vous fera pas malayfé à entendre 
que, par ces diuerfes façons de lunetes, on y adioufte 
tout ce que l’art y peut adioufter, fans qu'il foit be- 
foin que ie m'arrefte a vous en deduire la preuue plus 
au long. Il ne vous fera pas malayfé non plus a con- 
noiftre que toutes celles qu'on a euës iufques icy 
n'ont pù aucunement eftre parfaittes, vü qu'il ya trés 
grande difference entre la ligne circulaire & l’hyper- 
bole, & qu'on a feulement tafché, en les faifant, a fe 
feruir de celle là, pour les effects aufquels ray de- 


20 


25 


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7, 


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136-137. LA Dioprrique. — Discours X. 2 


monftré que celle cy eftoit requife. En forte quonna 
iamais fceu rencontrer que lors qu'on a failli fi heu- 
reufement, que, penfant rendre fpheriques les fuper- 
ficies des verres qu'on a taillés, on les a rendues 
hyperboliques, ou de quelqu'autre figure equiualente. 
Et cecy a principalement empefché qu’on n'ait pù bien 
faire les lunetes qui feruent a voir les obiets inaccef- 
fibles ; car leur verre conuexe doit eftre plus grand que 
celuy des autres; &, outre qu'il eft moins ayfé de ren- 
contrer en beaucoup qu'en peu, la difference qui eft 
entre la figure hyperbolique & la fpherique eft bien 
plus fenfible vers les extremités du verre que vers fon 
centre. Mais, a caufe que les artifans iugeront peut 
eftre qu'il y a beaucoup de difficulté a tailler les 
verres exactement fuiuant cete figure hyperbolique, 
ie tafcheray encore icy de leur donner vne inuention, 
par le moyen de laquelle ie me perfuade quils en 
pourront aflés commodement venir a bout.| 


DEMPSUPAGONCDE TAILLER LES VERRES. 


Difcours Dixiefme. 


Aprés auoir choifi le verre ou le criftal dont on a 
deffein de fe feruir, il eft, premierement, befoin de 
chercher la proportion qui, fuiuant ce qui a eflé dit 
cy deffus, fert de mefure a fes refradions; & on la 


212 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 137-138. 


pourra commodement trouuer par l'ayde d'vn tel inf- 
trument. EFI eft vne planche ou vne reigle toute plate 
& toute droite, & faitte de telle matiere qu'on voudra, 
pouruû quelle ne foit ny trop luifante, ny tranf- 
parente, affin que la lumiere, donnant deflus, puifle 
facilement y eftre difcernée de l’ombre. EA & FL font 
deux pinnules, c’eft a dire deux petites lames, de telle 
matiere aufly qu'on voudra, pouruü qu'elle ne foit pas 


tranfparente, efleuées à plomb fur EFI, & dans lef- 
quelles il y a deux petits trous ronds, À & L, pofés 
iuftement vis a vis l'vn de l’autre, en forte que le rayon 
AL, pañlant au trauers, foit parallele a la ligne EF. 
Puis RP Q eîft vne piece du verre que vous voulés ef- 
prouuer, taillée en forme de triangle, dont l'angle 
RQ P eft droit, &PRQ ef plus aigu que RPQ. Les 
trois coftés RQ, QP & RP, font trois faces toutes 
plates & polies, en forte que, la face Q P eftant ap- 
puiée contre la planche EFI, & l’autre face QR contre 
la pinnule FL, le rayon du foleil qui pañle par les deux 
trous À & L penetre iufques a B au trauers du verre 
PQR fans y fouffrir aucune refraction, a caufe qu'il 
rencontre perpendiculairement fa fuperficie RQ. Mais, 
eftant paruenu au point B, où il rencontre obliquement 
fon autre fuperficie RP, il n'en peut fortir fans fe 


| 


RDS 7 


20 


30 


138-130. La Droprrique. — ‘Discours X. 219 


courber vers quelque point de la planche EF, comme 
par exemple vers I. Et tout l'yfage de cet infirument 
ne confifte qu'a faire ainfi pafler le rayon du foleil par 
ces trous À & L, affin de connoiftre par ce moyen le 
rapport qu'a le point, c'eft a dire le centre de la petite 
ouale de lumiere que ce rayon defcrit fur la planche 
EFI, auec les deux autres poins B & P, qui font : B, 
celuy où la ligne droite qui pañle par les centres de 
ces deux trous À & L fe termine fur la fuperficie RP; 
& P, celuy où cete fuperficie RP & celle de la planche 
EFI font couppées par le plan qu'on imagine pañler 
par les poins B & I, & enfemble par les centres des 
deux trous À & L. 

Or, connoïffant ainfi exaétement ces trois poins 
B, P, I, & par confequent aufly le triangle qu'ils deter- 
minent, on doittransferer ce 
triangle auec vn compas fur 
du papier ou quelqu'autre 
plan fort vni, puis du centre 
B defcrire par le point P le 
cercle N PT, & ayant pris l'arc N P efgal a PT, tirer 
la ligne droite B N qui couppe IP prolongée au point 
H ; puis derechef, du centre B par H defcrire le cercle 
HO qui couppe BI au point O; & on aura la propor- 
tion qui eft entre les lignes HI & OI pour la mefure 
commune de toutes les refractions qui peuuent eftre 
caufées par la difference qui eft entre l'air & le verre 
qu'on examine. De quoy fi on n'eft pas encore certain, 
on pourra faire tailler du mefme verre d’autres petits 
triangles reétangles differens de cetuy cy, &, fe feruant 
d'eux en mefme forte pour chercher cete proportion, 


* 


B 


214 OEUVRES DE DESCARTES. 139-140. 


on la trouuera toufiours femblable, & ainfi on n'aura 
aucune occafion de douter que ce ne foit veritablement 
celle qu'on cherchoit. Que fi, aprés cela, dans la ligne 
droite HI, on prend MI efgale a OI, & HD efgale a 
DM, on aura D pour le fommet, & H & [I pour les 
poins bruflans de l’hyperbole dont ce verre doit auoir 
la figure, pour feruir aus lunetes que ray defcrites. 

Et on pourra rendre ces trois poins H, D, I plus ou 
moins efloignés qu'ils ne font, de tant qu'on voudra, 
en tirant feulement vne autre ligne droite parallele 
a HI plus loin ou 
plus prés qu'elle du 
point B, & tirant 
de ce point B trois 
lignes droites BH, 
BD, BI qui la couppent. Comme vous |voyés icy 
qu'il y a mefme raport entre les trois poins H, D, I, 
& h, d, 1, qu'entre les trois #, n,1. 

Puis il eft ayfé, ayant ces 
trois poins, de tracer l'hy- 
perbole en la façon qui a 
efté cy-deflus expliquée, a 


quets aux poins H & I, & fai- 
fant que la corde mife autour 
du picquet H foit tellement 
attachée a la reigle qu’elle 
ne fe‘puifle replier, vers L, 
plus auant que iufques a D. 

Mais fi vous aymés mieux la tracer auec le compas 
ordinaire, en cherchant plufieurs poins par où elle 


fçauoir en plantant deux pic-. 


20 


25 


30 


20 


23 


30 


t4o tar. La Droprrique. — Discours X. 20% 


pafle, mettés l'vne des pointes de ce compas au point 
H; & l'ayant tant ouuert, que fon autre pointe pañfe 
vn peu au delà du point D, comme iufques a 1, du 
centre H defcriués le cercle 133; puis, ayant fait M2 
efgale a H1, du centre I, par le point 2, defcriués le 
cercle 233, qui couppe le precedent aux poins 33, par 
lefquels cete hyperbole doit paf|fer, aufly bien que 
par le point D, qui 
en eft le fommet. Re- 
mettés par aprés tout 
de mefme l'vne des 
pointes du compas au 
point H, & l’ouurant 
en forte que fon autre 
pointe pafle vn peu au delà du point 1, comme iufques 
a 4, du centre H defcriués le cercle 466. Puis, ayant 
pris M; efgale a H4, du centre I par $ defcriués le 
cercle $66, qui coupe le precedent aux poins 66 qui 
font dans l'hyperbole; &ainfi, continuant de mettre la 
pointe du compas au point H, & le refle comme de- 
uant, vous pouués trouuer tant de poins qu’il vous 
plaira de cete hyperbole. 

Ce qui ne fera peuteftre pas mauuais pour faire 
groffierement quelque modelle qui reprefente a peu 
prés la figure des verres qu'on veut tailler. Mais pour 
leur donner exaétement cete figure, il eft befoin 
d'auoir quelque autre inuention par le moyen de 1a- 
quelle on puiffe defcrire des hyperboles tout d'vntrait, 
comme on defcrit des cercles auec vn compas. Et 
ie n'en fçache point de meilleure que la fuiuante. 
Premierement, du centre T, qui eft le milieu de la 


216 Œuvres DE DESCARTES. AE 


ligne HI, il faut defcrire le cercle HVIÏ, puis du point 
D efleuer vne perpendiculaire fur HI, qui couppe ce 
cercle au point V; & de T tirant vne ligne droite 
par ce point V, on aura l'angle HTV, qui eft tel, 
que fi on l'imagine tourner en rond autour de l’aif- 
fieu HT, la ligne T V defcrira la fuperficie d'vn Cone, 

Fig pois dans lequel la fection faite 
par le plan VX parallele a cet 
aiflieu HT, & fur lequel DV 
tombe a angles drois, fera vne 
hyperbole toute femblable & 
efgale a la precedente. Et tous les autres plans paral- 
leles a cetuy cy coupperont aufly dans ce|Cone des 
hyperboles toutes femblables, mais inefgales, & qui 
auront leurs poins bruflans plus ou moins efloignés 
felon que ces plans le feront de cet aifieu. 

En fuite de quoy on peut faire vne telle machine. 
AB eft vn tour ou rouleau de bois ou de metal, qui, 
tournant fur les poles 1, 2, reprefente l’aiflieu HI de 
l'autre figure. CG, EF font deux lames ou planches 
toutes plates & vnies, principalement du cofté qu'elles 
s'entretouchent, en forte que la fuperficie qu'on peut 
imaginer entre elles deux, eflant parallele au rou- 
leau AB, & coupée a angles droits par le plan qu'on 


#1 D T J 


imagine pañler par les points 1, 2, & C, O, G, repre-. 


fente le plan V X qui couppe le Cone. Et NP, la lar- 
geur de la fuperieure CG, ef efgale au diametre du 
verre qu on veut tailler, ou tant foit peu plus grande. 
Enfin K LM eft vne reigle qui, tournant auec le rouleau 
AB fur les poles 1, 2, en forte que l'angle ALM de- 
meure toufiours efgal a HT V, reprefente la ligne TV 


20 


PT 


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25 


30 


Aa. * La DioPtrique. — Discours X. 217 


qui defcrit le Cone. Et il faut penfer que cete reigle 
eft tellement pañlée au trauers de ce rouleau, qu'elle 
peut fe hauffer & fe baïffer en coulant dans le trou I, 
qui eft iuftement de fa grofleur; & mefme quil y a 
quelque part, comme vers K, vn pois ou reffort, qui la 
prefle toufiours contre la lame CG, par qui elle eft 
fouftenue & empefchée de paller outre; &,de plus, que 
fon extremité M eft vne pointe d'acier bien trempée, 
qui a la force de coupper cete lame CG, mais non pas 
l'autre EF qui eft deffous. D'où il eft manifefte | que, 
fi on fait mouuoir cete 

reigle KLM fur les poles 

2 caulorte que la FF 
pointe d'acier M pañle Ù 
dN par O vers P, & 
reciproquement de P 
par O vers N, elle di- 
uifera cette lame CG 
en deux autres, CNO P 
GNOP; dont: le 
collé NOP fera ter- 
miné d'vne ligne tran- 
chante, conuexe en 
CNOP, & concaue en GNOP, qui aura exactement 
la figure d'vne hyperbole. Et ces deux lames, CNOP, 
GNOP, eftant d'acier ou autre matiere fort dure, 
pourront feruir non feulement de modelles, mais peut 
eftre aufly d'outils ou inftrumens pour tailler cer- 
taines rouës, dont ie diray tantoft que les verres doi- 
uent tirer leurs figures. Toutesfois 1l y a encore icy 
quelque defaut en ce que, la pointe d'acier M eflant 


Œuvres. I. 28 


218 OŒEuvREs DE DESCARTES, 143-144. 


vn peu autrement tournée lors qu'elle eft vers N ou 

vers P, que lors qu'elle eft vers O, le fil ou le tran- 

chant qu'elle donne a ces outils ne peut eftre par tout 

efgal. Ce qui me fait croire qu'il vaudra mieus fe 

feruir de la machine fuiuante, nonobftant qu’elle foit 3 

vn peu plus compofée*. 

ABKLM n'eft qu'vne feule piece, qui fe meut toute : 

entiere fur les poles 1, 2, & dont la partie ABK peut 

auoir |telle figure qu'on voudra, mais KL M doit auoir 


celle d'vne reigle ou autre tel cors, dont les lignes qui 10 
terminent fes fuperficies foient paralleles ; & elle doit 
eftre tellement inclinée, que la ligne droite 43, qu'on 
imagine pafler par le centre de fon efpaiffeur, eftant 
prolongée iufques a celle qu'on imagine paffer par les 
poles 1,2, y face vn angle 234efgalaceluy quiatantoft :5 
efté marqué des lettres HTV*.CG,;EF font deux plan- 
ches paralleles a l’aiflieu 1 2, & dont les fuperficies qui 


a. « Voyés en la figure de la page 142. » (P. 216 ci-avant.) 


20 


25 


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pañlée au trauers du 


144-145. La DioptTrique. —— Discours X. 219 


fe regardent font fort plates & vnies, & couppées a 
angles drois par le plan 12GOC. Mais, au lieu de 
s'entretoucher comme deuant, elles font iey iuftement 
autant efloignées l'vne de l’autre qu'il eft befoin pour 
donner paflage entre elles deux a vn cylindre ou 
roulleau QR, qui eft exactement rond, & par tout 
d'efgale groffeur. Et,| de plus,elles ont chafcune vne 
fente NO P, qui eft fi longue & fi large, que la reigle 
KLM,pañlant par dedans, peut fe mouuoir ça & là fur 
les poles 1, 2, tout autant qu'il eft befoin pour tracer 
entre ces deux planches vne partie d’vne hyperbole, de 
la grandeur du diametre des verres qu'on veut tailler. 
Et cete reigle eft aufly 


roulleau QR, en telle 
façon que, le faifant 
mouuoir auec foy fur 
lésbpoles 1, 2; 1 de- 
meure neantmoins touf- 
iours enfermé entre les 
deus planches CG, EF, 
& parallele a l'aiflieu 
12 MEnHNY O7, & Z89 
font les outils qui doi- 
uent feruir a tailler en 
hyperbole tel cors qu'on voudra, & leurs manches Y,Z 
font de telle efpaifleur que leurs fuperficies, qui font 
toutes plates, touchent exactement de part & d'autre 
celles des deux planches CG,EF, fans qu'ils laiffent 
pour cela de gliffer entre deux, a caufe qu’elles font 
fort polies. Et ils ont chafcun vn trou rond, ;, ;, dans 


220 OEUVRES DE DESCARTES. 145-146. 


lequel l'vn des bouts du roulleau QR eft tellement 
enfermé, que ce roulleau peut bien fe tourner autour 
de la ligne droite $ $ qui eft comme fon aiflieu, fans 
les faire tourner auec foy, a caufe que leurs fuperficies 
plates, eftantengagées entre les planches, les en empef- 
chent; mais qu'en quelque autre façon qu'il fe meuue, 
il les contraint de fe mouuoir aufly auec luy. Et de 
tout cecy 1l eft manifefte que, pendant que la reigle 
KLM eft pouffée d'N vers O & d'O vers P, ou de P vers 
O & d'O vers N, faifant mouuoir auec foy le roulleau 
QR, elle fait mouuoir par mefme moyen ces outils 
Y 67 &Z 89, en telle façon que le mouuement parti- 
culier de chafcune de leurs parties defcrit exaéte- 
ment la mefme hyperbole que fait l’interfeétion des 
deux lignes 34 & $$, dont l'vne, a fçauoir 34, par fon 
mouuement defcrit le cone, & l’autre, $$, defcrit le 
plan qui le couppe. Pour les pointes ou tranchans de 
ces outils, on les peut faire de diuerfes façons, felon 
les diuers vfages aufquels on les veut employer. Et 
pour donner la figure aux verres conuexes, il me 
femble qu'il fera bon de fe feruir premierement de 
l'outil Y 67, & d'en tailler plufieurs lames d'acier 
prefque femblables a CN OP, qui a tantoft efté def- 
crite; puis, tant par le moyen de ces lames que de 
l'outil Z 80, de creufer vne rouë,comme d, tout au- 
tour felon fon efpaifleur a bc, en forte que toutes les fec- 
tions qu’on peut imaginer y eftre faites par des plans, 
dans lefquels fe trouue ee l’aiflieu de cete rouë, ayent 
la figure de l'hyperbole que trace cete machine; & 
enfin, d'attacher le verre qu'on veut tailler fur vn tour 
comme h1k, & l'appliquer contre cete rouë d, en telle 


20 


23 


LORS NUE ESP ES MAR ER PES CCR PEU ENT DIU 


MR 


146-147. LA DropTRiqüEe. — Discours X. DOI 


forte que, faifant mouuoir ce tour fur fon aiflieu AE, 
en tirant la corde //, & cete rouë auffy fur le fien, en 
la tournant, le verre mis entre deux prene exacte- 
ment la figure qu'on luy doit donner. 

|Or, touchant la façon de fe feruir de l'outil Y 67, 
il eft a remarquer qu'on ne doit tailler que la moitié 
des lames crop a vne fois, par exemple, que celle qui 


eft entre les poins nr & o. Et, a cet effet, il faut mettre 
vne barre en la machine vers P, qui empefche que la 
reigle KLM,eftant meuë d'N vers O, ne fe puifle 
auancer vers P, qu'autant qu'il faut pour faire que la 
ligne 34, qui marque le milieu de fon efpaiffeur, par- 
uiene iufques au plan 12 GOC,qu'on imagine coup- 
per les planches a angles droits. Et le fer de cet outil 
Y 67 doit eftre de telle figure, que toutes les parties 
de fon tranchant foient en ce mefme plan, lors que la 
ligne 34 s'y trouue; & qu'il n'en ait point d'autres 
ailleurs qui s'auancent au delà vers le cofté marqué P, 


222 OŒuvREs DE DESCARTES. 147-148. 


mais que tout le tallu de fon efpaiffeur fe iette vers N. 
Au refte, on le peut faire fi moufle ou fi} aygu, & tant 
ou fi peu incliné, & de telle longueur qu'on voudra, 
felon qu’on le iugera plus a propos. Puis, ayant forgé 
les lames cnop, & leur ayant donné auec la lime la 
figure la plus approchante qu'on aura pü de celle 
qu'elles doiuent auoir, il les faut appliquer & prefler 
contre cet outil eee. & faifant mouuoir la reigle 
KLM d'N vers O, & reciproquement d'O vers N, on 
taillera l'vne de leurs moitiés. Puis, afin de pouuoir 
rendre l’autre toute femblable, il doit y auoir vne 
barre, ou autre telle chofe, qui empefche qu'elles ne 
puiflent eftre auancées vers cet outil, au delà du lieu 
où elles fe trouuent lors que leur moitié N O ef ache- 
uée de tailler; & lors, les en ayant vn peu reculées, il 


faut changer le fer de cet outil Y 67, & en mettre vn. 


autre en fa place dont le tranchant foit exactement 
dans le mefme plan & de mefme forme, & autant 
auancé que le precedent, mais qui ait tout le tallu de 
fon efpaifleur ietté vers P, en forte que, fi on appli- 
quoit ces deux fers de plat l'vn contre l’autre, les 
deux tranchans femblaflent n'en faire qu'vn. Puis, 
ayant transferé vers N la barre qu'on auoit mife au- 
parauant vers P pour empefcher le mouuement de 
la reigle KLM, il faut faire mouuoir cete reigle d'O 
vers P & de P vers O, iufques a ce que les lames crop 
foient autant auancées vers l'outil Y 67 qu'aupara- 
uant, &, cela eftant, elles feront acheuées de tailler. 
Pour la rouë d, qui doit eftre de quelque matiere fort 
dure, aprés luy auoir donné auec la lime la figure la 
plus approchante de celle qu'elle doit auoir, qu'on 


1) 


20 


25 


30 


148-149. La Droprrique. — Discours X. 22 


aura pü, il fera fort ayfé de l’acheuer, premierement 
auec les lames crop, pouruù qu'elles ayent efté au 
commencement fi| bien forgées que la trampe ne leur 
ait rien ofté depuis de leur figure, & qu'on les ap- 
plique fur cete rouë en telle forte que leur tranchant 
nop & fon aiflieu ee foient en vn mefme plan; &, en- 
fin, qu'il y ait vn reflort ou contrepois qui les preffe 
contre elle, pendant qu'on la fait tourner fur fon aif- 
fieu. Puis aufly auec l'outil Z 80, dont le fer doit eftre 
efgalement tallué des deus coftés, & auec cela il peut 
auoir telle figure quafi qu'on voudra, pouruû que 
toutes les parties de fon tranchant 89 foient dans vn 
plan qui couppe les fuperficies des planches CG,EF a 
angles drois.Et, pour s’en feruir, on doit faire mouuoir 
la reigle KLM fur les poles 1, 2, en forte qu'elle pañfe 
tout de fuite de P iufques a N, puis reciproquement 
d'N iufques a P, pendant qu'on fait tourner la rouë 
fur fon aiflieu. Au moyen de quoy, le tranchant de cet 
outil oftera toutes les inefgalités qui fe trouueront 
d'vn cofté a l’autre en l’efpaifleur de cete rouë, & fa 
pointe toutes celles qui fe trouueront de haut en bas. 
Car il doit auoir vn tranchant & vne pointe. 

Apprés que cete rouë aura ainfi acquis toute la per- 
feétion qu'elle peut auoir, le verre pourra facilement 
eftre taillé par les deus diuers mouuemens d'elle & du 
tour fur lequel il doit eftre attaché, pouruû feule- 
ment qu'il y ait quelque reflort, ou autre inuention, 
qui, fans empefcher le mouuement que le tour luy 
donne, le prefle toufiours contre la rouë, & que le bas 
de cete rouë foit toufiours plongé dans vn vafe qui 
contiene le grés, ou l’emeri, ou le tripoli, ou la potée, 


224 OŒEuvres DE DESCARTES. 149-150. 


ou autre telle matière dont il eft befoin de fe feruir 
pour tailler & polir le verre. 
| Et a l'exemple de cecy, vous pouués affés entendre 
en quelle forte on doit donner la figure aux verres 
concaues, a fçauoir en faifant, premierement, des 
lames comme cnop auec l'outil Z89, puis taillant vne 
rouë tant auec ces lames qu'auec l'outil Y 67, & tout 
le refte en la façon qui vient d'eftre expliquée. Seule- 
ment faut il obferuer que la rouë dont on fe fert pour 
les conuexes peut eftre auffy grande qu'on la voudra 
faire, mais que celle dont on fe fert pour les concaues 
doit eftre fi petite que, lors que fon centre eft vis a 
vis de la ligne $$ de la machine qu'on employe a la 
tailler, fa circonference ne pañle point au deffus de la 
ligne 12 de la mefme machine. Et on doit faire mou- 
uoir cete rouë beaucoup plus vifte que le tour, pour 
polir ces verres concaues, au lieu qu'il eft mieux, pour 
les conuexes, de faire mouuoir le tour plus promte- 
ment : dont la raifon eft que le mouuement du tour 
vfe beaucoup plus les extremités du verre que le mi- 
lieu, & qu'au contraire celuy de la rouë les vfe moins. 
Pour l'vtilité de ces diuers mouuemens, elle eft fort 
manifefte : car, poliffant les verres auec la main dans 
vne forme, en la façon qui feule a efté en vfage 
iufques a prefent, 1l feroit impoflible de rien faire 
de bien que par hafard, encore que les formes fuf- 
fent toutes parfaites; & les poliffant auec le feul 
mouuement du tour fur vn modelle, tous les petits 
defauts de ce modelle marqueroient des cercles en- 
Herstlumleberre, 
le n'adioufte pas icy les demonftrations de plufieurs 


Fe 


20 


30 


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20 


25 


30 


150-151. La Dioprrique. — Discours X. 22$ 


chofes qui appartienent a la Geofetrie : car ceux qui 
font vn peu verfés en cete fcience les pourront affés 
entendre d'eux mefmes, & ie me perfuade que les 
autres felront plus ayfes de m'en croire, que d’auoir 
la peine de les lire. Au refte, affin que tout fe face 
par ordre, ie voudrois, premierement, qu’on s'exerçaft 
a polir des verres, plats d'vn cofté & conuexes de 
l'autre, qui euffent la figure d'vne hyperbole dont les 
poins bruflans fuffent a deux ou trois pieds l'vn de 
l'autre : car cete longeur eft fuffifante pour vne lu- 
nete qui ferue a voir aflés parfaittement les obiets 
inacceflibles. Puis ie voudrois qu'on fift des verres 
concaues de diuerfes figures, en les creufant toufiours 
de plus en plus, iufques a ce qu'on euft trouué par 
experience la iufte figure de celuy qui rendroit cete 
lunete la plus parfaitte qu'il foit poflible, & la mieux 
proportionnée a l'œil qui auroit a s'en feruir. Car vous 
fçaués que ces verres doiuent eftre vn peu plus con- 
caues pour ceux qui ont la veuë courte que pour les 
autres. Or, ayant ainfi trouué ce verre concaue, d'au- 
tant que le mefme peut feruir au mefme œil pour toute 
autre forte de lunetes, il n'eft plus befoin, pour les 
lunetes qui feruent a voir les obiets inaccefibles, que 
de s'exercer a faire d’autres verres conuexes qui 
doiuent eftre pofés plus loin du concaue que le pre- 
mier, & a en faire aufly par degrés qui doiuent eftre 
pofés de plus en plus loin, iufques a la plus grande 
diftance qu'il fe pourra, & qui foient aufly plus grands 
a proportion. Mais hotés que, d'autant que ces verres 
conuexes doiuent eftre pofés plus loin des concaues, 
& par confequent aufly de l’œil, d'autant doiuent ils 


Œuvres. I. 29 


226 OEuvRESs DE DESCARTES! *: F 


eftre taillés plus exactement, a caufe que les mefmes 
defauts y détournent les rayons d'autant plus loin de 
l'endroit où ils doiuent aller. Comme, fi le | verre F dé- 
tourne le rayon CF autant que le verre E détourne 
AE, en forte que les angles AEG & CFH 


A € 


foient efgaus, il eft manifefte que CF, allant. 


Fr vers H, s'efloigne bien plus du point D où 

/  iliroit fans cela, qu'AE ne fait du point B, 
Ce : allant vers G. Enfin, la derniere & principale 
LL | . chofe a quoy ie voudrois qu'on s'exerçaff, 
fi: c'eft a polimdeswerres conuexes/desqenx 
coftés pour les lunetes qui feruent a voir les obiets ac- 
ceflibles, & que, s’eftant premierement exercé aenfaire 
de ceux qui rendent ces lunetes fort courtes, a caufe 
que ce feront les plus ayfés, on tafchaft aprés, par 
degrés, a en faire de ceux qui les rendent plus longues, 
iufques a ce qu'on foit paruenu aus plus longues dont 
on fe puifle feruir. Et aflin que la difficulté que vous 
pourrés trouuer en la conftruction de ces dernieres 
lunetes ne vous dégoufte, ie vous veux auertir qu’en- 


core que d'abord leur vfage n’attire pas tant que celuy. 


de ces autres, qui femblent promettre de nous efleuer 
dans les cieux, & de nous y monftrer fur les aftres 
des cors aufly particuliers, & peuteftre aufly diuers 
que ceux qu'on void fur la terre, ie les iuge toutes 
fois beaucoup plus vtiles, a caufe qu'on pourra voir 
par leur moyen les diuers meflanges & arrengemens 
des petites parties dont les animaus & les plantes, & 
peuteftre aufly les autres cors qui nous enuironnent 
font compofés, & de là tirer beaucoup d’auantage 
pour venir a la connoiffance de leur nature.Car,defia 


20 


25 


30 


152-153. LA DiopTriQuEe. — Discours X. 227 


felon l'opinion de plufieurs Philofophes, tous ces cors 
ne font faits que des parties des elemens diuerfement 
meflées enfemble; & felon la miene, toute leur na- 
ture & | leur effence, au moins de ceux qui font inani- 
més, ne confifte qu'en la groffeur, la figure, l’arran- 
gement, & les mouuemens de leurs parties. 

Pour la difficulté qui fe rencontre, lors qu'on voute 
ou creufe ces verres des deus coftés, a faire que les 
fommets des deux hyperboles foient direétement op- 
pofés l’vn a l’autre, on y pourra remedier en arondif- 
fant fur le tour leur circonference, & la rendant exac- 
tement efgale a celle des manches aufquels on les doit 
attacher pour les polir; puis, lors qu'on les y attache, 
& que le plaftre, ou la poix & le ciment dont on les y 
joint, eft encore frais & flexible, en les faifant pañler 
auec ces manches par vn anneau dans lequel ils 
n'entrent qu a peine. le ne vous parle point de plufieurs 
autres particularités qu'on doit obferuer en les tail- 
lant, ny aufly de plufieurs autres chofes que ray tan- 
toft dit eftre requifes en la conftruétion des lunetes : 
car il n yen a aucune que ie iuge fi diflicile qu'elle 
puifle arrefter les bons efprits ; & ie ne me reigle pas 
fur la portée ordinaire des artifans, mais ie veus ef- 
perer que les inuentions que ray mifes en ce Traité 
feront eftimées aflés belles & aflés importantes pour 
obliger quelques vns des plus curieus & des plus in- 
duftrieus de noftre fiecle a en entreprendre l'execution. 


Page 82, 1. 3. — Le père de Jacob Metius, Adriaen Anthonisz (sur 
nommé Metius parce qu’il était originaire de Metz), né en 1527, mort en 
1607, mathématicien et ingénieur, s'était établi à Alcmaer; c'est à lui 
qu'on doit l'approximation bien connue rx — #., publiée en 1625 par son 
fils Adrien Metius (1571-1635). Ce dernier était professeur à l'Université 


228 OEUVRES DE DESCARTES. 


de Franeker, et Descartes a certainement dû entrer en relations avec lui 
en 1629. Au contraire, il n'a pas dû connaitre personnellement Jacob 
Metius, qui mourut vers 1630; son témoignage sur l'invention des lunettes 
d'approche n’en a pas moins une importance majeure, d'autant plus que, 
dans son premier séjour en Hollande, il aurait dû connaître, par Isaac 
Beecman, qui était de Middelbourg, la tradition plaçant l'invention dans 
cette dernière ville, si cette tradition avait déjà pris corps. 

Page 141, 1. 23. — L'édition originale porte « ses nerfs » [les nerfs de 
l'œil); l’édition latine, revue par Descartes, donne hi nervi, c'est-à-dire 
ces nerfs, comme plus haut, 1. 18. 

Page 168, |. 3. — Nous avons corrigé le texte original qui porte : « Nous 
entendrons tousiours parler de l'interieur. » Dans l'édition latine, on lit, 
en effet, exterior; et, d'autre part, c’est bien le foyer appelé ici exterieur 
par Descartes, qu'il désigne couramment ensuite comme point bruslant, 
sans détermination plus précise. 

Page 185, 1. 17. — La fin du second livre de la Geometrie (pages 352 à 
368 de l'édition originale) est, en effet, consacrée aux courbes qui satisfont 
aux conditions dont il s’agit. Ces courbes sont connues sous le nom 
d'ovales de Descartes, et leur invention, qui constitue, en réalité, la pre- 
mière solution d’un problème inverse des tangentes, est un des plus re- 
marquables travaux géométriques de cette période. 


Page 218, 1. 6. — Il est intéressant de rapprocher le Discours dixiesme 
des lettres écrites par Descartes à Ferrier en 1629 (XI et XIII, Correspon- 
dance, t. Ï, p. 32 et p. 53). Le principe de la machine de Descartes est 
toujours le même; obtenir une pièce taillée en hyperbole comme section 
d'un plan fixe par la génératrice d'un cône de révolution. Mais il revient, 
dans sa Dioptrique, à la conception primitive abandonnée dans la lettre 
du 8 octobre 1629 (voir t. I, p. 33-34), celle d’un rouleau dont tous les points 
décriront une hyperbole et dont les extrémités porteront les outils servant 
à tailler. Toutefois, au lieu de tailler dirèctement le verre, il propose, 
comme en 1629 à Ferrier, de tailler d'abord des lames et une roue, qui 
servira pour le travail du verre, suivant un dispositif analogue à celui que 
Ferrier a indiqué {t. I, p. 47 et p. 59). Quant à la taille de la roue au 
moyen des lames, Descartes ne parle plus, dans sa Dioptrique, de la dis- 
position recommandée dans sa lettre du 13 novembre 1629 (t. I, p. 67-68). 
I1 semble probable qu'il se la réservait, et non pas qu'il en eût abandonné 
le principe. 


FIN, 


< 


 METEORES 


20 


Difcours Premier. 


DE LA NATVRE DES CORS TERRESTRES. 


Nous auons naturellement plus d’admiration pour 


les chofes qui font au deffus de nous, que pour celles 
qui font a pareille hauteur ou au deffous. Et quoy que 


les nues n'excedent gueres les fommets de quelques 
montaignes, & qu'on en voye, mefme fouuent, de plus 
baffes que les pointes de nos clochers, toutefois, a 
caufe qu'il faut tourner les yeux vers le ciel pour les 
regarder, nous les imaginons fi releuées, que mefme 
les Poëtes & les Peintres en compofent le throfne de 
Dieu, & font que là il employe fes propres mains a 
ouurir & fermer les portes des vens, a verfer la rozée 
fur les fleurs, & a lancer la foudre fur les rochers. 
Ce qui me fait efperer que, fi i'explique icy leur na- 
ture, en telle forte qu'on n'ait plus occafon d'admirer 
rien de ce qui sy voit ou qui en defcent, on croyra 
facilement qu'il eft pofible, en mefme façon, de trouuer 
les caufes de tout ce qu'il y a de plus admirable def- 
fus la terre. 


IR CV 7 


232 ŒŒEuvrEs DE DESCARTES. 157-158, 


le parleray,en ce premier difcours, de la nature des 
cors terreftres en general, afin de pouuoir mieus ex- 
pliquer, dans le fuiuant, celle des exhalaifons & des 
vapeurs. Puis, a caufe que ces vapeurs, s'efleuans de 
l'eau de la mer, forment quelquefois du fel au deflus 
de fa fuperficie, ie prendray de là occafion de m'a- 
refter vn peu a le defcrire, & d’eflayer en luy fi on 
peut connoiftre les formes de ces cors, que les Phi- 
lofophes difent eftre compofés des elemens par vn 
meflange parfait, aufly bien que celles des Meteores, 
qu'ils difent n'en eftre compofés que par vn meflange 
imparfait. Aprés cela, conduifant les vapeurs par 
l'air, i'examineray d'où vienent les vens. Et les fai- 
fant affembler en quelques endroits, ie defcriray la 
nature des nues. Et faifant die ces nues, 1e 
diray ce qui caufe la pluie, la grefle & la neige; où 
ie n'oublieray pas celle dont les parties ont la figure 
de petites eftoiles a fix pointes tres parfaitement 
compañlées, & qui, bien qu'elle n'ait point efté ob- 
feruée par les anciens, ne laiffe pas d’eftre l'vne des 
plus rares merueilles de la Nature. le n'oublieray pas 
auffy les tempeñtes, le tonnerre, la foudre & les diuers 
feus qui s'allument en l'air, ou les lumieres qui s'y 
voyent. Mais, fur tout, ie tafcheray de bien depeindre 
l'arc en ciel, & de rendre raifon de fes couleurs, en 
telle forte qu'on puiffe auffy entendre la nature de 
toutes celles qui fe trouuent en d’autres fuiets. A 
quoy r'adioufteray la caufe de celles qu'on voit com- 
munement dans les nuës, & des cercles qui enuiron- 
nent les aftres; & enfin la caufe des Soleils, ou des 
Lunes, qui paroiïflent quelquefois plufieurs enfemble. 


20 


25 


30 


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158-150. Les MeTEOoREs. — Discours I. 233 


Il eft vray que la connoiflance de ces chofes depen- 
dant des principes generaus de la Nature, qui n'ont 
point encore efté, que ie fçache, bien expliqués, il 
faudra que | ie me ferue, au commencement, de 
quelques fuppofitions, ainfi que 1’ay fait en la Diop- 
trique ; mais ie tafcheray de les rendre fi fimples & 
fi faciles, que vous ne ferés peuteftre pas difficulté 
de les croyre, encore que ie ne les aye point de- 
monftrées. 

le fuppofe, premierement, que l'eau, la terre, l'air, 
& tous les autres tels cors qui nous enuironnent, 
font compofés de plufieurs petites parties de diuerfes 
figures & grofleurs, qui ne font iamais fi bien ar- 
rengées, ni fi iuftement iointes enfemble, qu'il ne 
refte plufieurs interualles autour d’elles ; & que ces 
interualles ne font pas vuides, mais remplis de cete 
matiere fort fubtile, par l’entremife de laquelle ray 
dit cy deflus que fe communiquoit l’action de la lu- 
miere. Puis, en particulier, ie fuppofe que les petites 
parties dont l'eau eft compofée, font longues, vnies 
& gliffantes, ainfi que de petites anguilles, qui, quoy 
qu'elles fe ioignent & s'entrelacent, ne fe noüent ny 
ne s'accrochent iamais, pour cela, en telle façon 
qu'elles ne puiflent ayfement eftre feparées; & au 
contraire, que prefque toutes celles, tant de la terre 
que mefme de l’air & de la plufpart des autres cors, 
ont des figures fort irregulieres & inefgales ; en forte 
qu'elles ne peuuent eftre fi peu entrelacées, qu'elles 
ne s'accrochent & fe lient les vnes aus autres, ainfi 
que font les diuerfes branches des arbrifleaus, qui 
croiflent enfemble dans vne haye. Et lorfqu'elles fe 


Œuvres. I, 30 


234 Œuvres DE DESCARTES. 159-160. 


lient en cete forte, elles compofent des cors durs, 
comme de la terre, du bois, ou autres femblables : 
au lieu que, fi elles font fimplement pofées l’vne fur 
l'autre, fans eftre que fort peu ou point du tout entre- 
lacées, & qu’elles foient auec cela fi petiltes, qu'elles 
puiflent eftre meuës & feparées par l'agitation de la 
matiere fubtile qui les enuironne, elles doiuent oc- 
cuper beaucoup d'efpace, & compofer des cors li- 
quides fort rares & fort legers, comme des huiles ou 
de l'air. De plus, il faut penfer que la matiere fubtile, 
qui remplift les interuales qui font entre les parties 
de ces cors, eft de telle nature qu’elle ne ceffe iamais 
de fe mouuoir ça & là grandement vifte, non point 
toutefois exactement de mefme viteffe en tous lieus 
& en tous tems, mais qu'elle fe meut communement 
vn peu plus vifte vers la fuperficie de la terre, qu'elle 


ne fait au haut de l'air où font les nuës, & plus vifte 


vers les lieus proches de l'Equateur que vers les Poles, 
& au mefme lieu plus vifte l'efté que l'hyuer, & le 
iour que la nuit. Dont la raifon eft euidente, en fup- 
pofant que la lumiere n'eft autre chofe qu'vn certain 
mouuement, ou vne action, dont les cors lumineus 
pouflent cete matiere fubtile de tous coftés autour 
d'eus en ligne droite, ainfi qu'il a efté dit en la Diop- 
trique. Car il fuit de là que les rayons du foleil, tant 
droits que reflefchis, la doiuent agiter dauantage le 
iour que la nuit, & l'efté que l'hyuer, & fous l'Equa- 
teur que fous les Poles, & contre la terre que vers 
les nues. Puis il faut aufly penfer que cete matiere 
fubtile eft compofée de diuerfes parties, qui, bien 
qu'elles foient toutes tres petites, le font toutefois 


10 


20 


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30 


EN NT RENE, MT M F 
A UE. VS RS ER EUTE 


160-161, Les METEORES. —— Discours I. 23 


beaucoup moins les vnes que les autres, & que les 
plus grofles, ou, pour mieus parler, les moins petites, 
ont toufiours le plus de force, ainfi que generalement 
tous les grans cors en ont plus que les moindres, 
quand ils font autant esbranlés. Ce qui fait que, moins 
cete matiere eft fubtile, c'eft a | dire compofée de 
parties moins petites, plus elle peut agiter les parties 
des autres cors. Et cecy fait auffy qu'elle eft ordinai- 
rement le moins fubtile aux lieus & aux tems où elle 
eft le plus agitée, comme vers la fuperficie de la terre 
que vers les nuës, & fous l'Equateur que fous les 
Poles, & en efté qu'en hyuer, & de iour que de nuit. 
Dont la raifon eft que les plus grofles de fes parties, 
ayant le plus de force, peuuent le mieux aller vers 
les lieux où, l'agitation eftant plus grande, il leur eft 
plus ayfé de continuer leur mouuement. Toutefois, 
il y en a toufiours quantité de fort petites qui fe 
coulent parmi ces plus groffes. Et il eft a remarquer 
que tous les cors terreftres ont bien des pores, par où 
ces plus petites peuuent paffer, mais qu'il y en a plu- 
fieurs qui les ont fi eftroits, ou tellement difpofés, 
qu'ils ne reçoiuent point les plus groffes ; & que ce 
font ordinairement ceux cy qui fe fentent les plus 
froids quand on les touche, ou feulement quand on 
sen approche. Comme, d'autant que les marbres & 
les metaus fe fentent plus froids que le bois, on doit 
penfer que leurs pores ne reçoiuent pas fi facilement 
les parties fubtiles de cete matiere, & que les pores 
de la glace les reçoiuent encore moins facilement 
que ceux des marbres ou des metaus, d'autant qu'elle 
eft encore plus froide. Car ie fuppofe icy que, pour 


23 6 OEuvrEes DE DESCARTES. bas 


le froid & le chaud, il n’eft point befoin de conceuoir 
autre chofe, finon que les petites parties des cors que 
nous touchons, eftant agitées plus ou moins fort que 
de couftume, foit par les petites parties de cete ma- 
tiere fubtile, foit par telle autre caufe que ce puifle 
eftre, agitent aufly plus ou moins les petits filets de 
ceux de nos nerfs qui | font les organes de l'attou- 
chement; & que, lorfqu'elles les agitent plus fort 
que de couftume, cela caufe en nous le fentiment de 
la chaleur ; au lieu que, lorfqu'elles les agitent moins 
fort, cela caufe le fentiment de la froideur. Et il eft 
bien ayfé a comprendre, qu'encore que cete matiere 
fubtile ne fepare pas les parties des cors durs, qui 
font comme des branches entrelacées, en mefme façon 
qu'elle fait celles de l'eau & de tous les autres cors 
qui font liquides, elle ne laifle pas de les agiter & 
faire trembler plus ou moins, felon que fon mouue- 
ment eft plus ou moins fort, & que fes parties font 
plus ou moins groffes : ainfi que le vent peut agiter 
toutes les branches des arbrifleaus dont vne paliffade 
eft compofée, fans les ofter pour cela de leurs places. 
Au refte, il faut penfer qu'il y a telle proportion entre 
la force de cete matiere fubtile, & la refiftence des 
parties des autres cors, que, lorfqu'elle eft autant 
agitée, & qu'elle n’eft pas plus fubtile qu’elle a cou- 
ftume d’eftre en ces quartiers contre la terre, elle a la 
force d'agiter & de faire mouuoir feparement l'vne de 
l'autre, & mefme de plier la plufpart des petites par- 
ties de l'eau entre lefquelles elle fe glifle, & ainfi de 
la rendre liquide; mais que, lorfqu elle n'eft pas plus 
agitée, ny moins fubtile, quelle a couftume d'eftre 


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162163. Les MErTEorEs. — Discours I. 297 


en ces quartiers au haut de l'air, ou qu'elle y eft quel- 
quefois en hyuer contre la terre, elle n'a point affés 
de force pour les plier & agiter en cete façon, ce qui 
eft caufe qu'elles s’areftent confufement iointes & 
pofées l'vne fur l’autre, & ainfi qu'elles compofent vn 
cors dur, a fçauoir de la glace. En forte que vous 
pouués imaginer mefme difference entre de l'eau & 
de | la glace, que vous feriés entre vn tas de petites 
anguilles, foit viues, foit mortes, flotantes dans vn 
batteau de pefcheur tout plein de trous par lefquels 
pafle l'eau d'vne riuiere qui les agite, & vn tas des 
mefmes anguilles, toutes feiches & roides de froid 
fur le riuage. Et pourceque l'eau ne fe gele iamais 


que la matiere qui eft entre fes parties ne foit plus 


fubtile qu'a l'ordinaire, de là vient que les pores de 
la glace qui fe forment pour lors, ne s'accommodans 


qu'a la groffeur des parties de cete matiere plus fub- 


tile, fe difpofent en telle forte qu'ils ne peuuent re- 
ceuoir celle qui left moins; & ainfi que la glace ef 
toufiours grandement froide, nonobftant qu'on la 
garde iufques a l’efté; & mefme qu'elle retient alors 
fa dureté, fans s’amollir peu a peu comme la cire, a 
caufe que la chaleur ne penetre au dedans qu'a me- 
fure que le deflus deuient liquide. 

Il y a icy de plus a remarquer qu'entre les parties 
longues & vnies, dont i’ay dit que l’eau efltoit com- 
pofée, 1l y en a veritablement la plufpart qui fe plient 
ou ceflent de fe plier felon que la matiere fubtile qui 
les enuironne a quelque peu plus ou moins de force 
qua l'ordinaire, ainfi que ie viens d'expliquer; mais 
quil y en a aufly de plus grofles qui, ne pouuant 


2X 


238 Œuvres DE DESCARTES. 163-164. 


ainfi eftre pliées, compofent les fels; & de plus pe- 
tites qui, le pouuant eftre toufiours, compofent les 
efprits ou eaus de vie, qui ne fe gelent iamais ; & que, 
lorfque celles de l'eau commune ceffent du tout de 
fe plier, leur figure la plus naturelle n'eft pas en 
toutes d’eftre droites comme des ioncs, mais, en plu- 
fieurs, d’eftre courbées en diuerfes fortes : d'où vient 
qu'elles ne peuuent pour lors fe renger en fi peu d'ef- 
pale, que lorfque la matiere fubtile, eftant afflés forte 
pour les plier, leur fait accommoder leurs figures les 
vnes aux autres. Il eft vray aufly que, lorfqu'elle eft 
plus forte qu'il n'eft requis a cet effe&, elle eft caufe 


derechef qu'elles s’eftendent en plus d'efpace : ainfi 


quon pourra voir par experience, fi, ayant rempli 
d'eau chaude vn matras, ou autre tel vafe dont le col 
foit affés long & eftroit, on l'expofe a l'air lorfqu'il 
gele : car cete eau s’abaiffera vifiblement peu a peu, 
iufques a ce qu'elle foit paruenuë a certain degré de 
froideur, puis s’enflera & fe rehauflera aufly peu a 
peu, iufqu'a ce qu'elle foit toute gelée : en forte que 
le mefme froid, qui l'aura condenfée ou referrée au 
commencement, la rarefiera par apprés. Et on peut 
voir aufly, par experience, que l'eau qu'on a tenuë 
longtems fur le feu fe gele plutoft que d'autre; dont 
la raifon eft que celles de fes parties, qui peuuent le 
moins cefler de fe plier, s'euaporent pendant qu'on 
la chauñte. 

Mais, aflin que vous receuiés toutes ces fuppofi- 
tions auec moins de difficulté, fçachés que ie ne con- 
çoy pas les petites parties des cors terreftres comme 
des atomes ou particules indiuifibles, mais que, les 


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164-165. Les METEOREsS. — Discours Il. 239 


iugeant toutes d'vne mefme matiere, ie croy que 


-chafcune pourroit eftre rediuifée en vne infinité de 


façons, & qu'elles ne different entre elles que comme 
des pierres de plufieurs diuerfes figures, qui auroient 
efté couppées d'vn mefme rocher. Puis, fçachés aufly 
que, pour ne point rompre la paix auec les Philo- 
fophes, ie ne veux rien du tout nier de ce qu'ils ima- 


ginent dans les cors de plus que ie n’ay dit, comme 


leurs formes fubflantielles, leurs qualités reelles, | & 
chofes femblables, mais qu'il me femble que mes 
raifons deuront eftre d'autant plus approuuées, que 
ie les feray dependre de moins de chofes. 


= 


DES VAPEVRS ET DES EXHALAISONS. 


Difcours Second. 


Si vous confiderés que la matiere fubtile, qui eft 


- dans les pores des cors terreftres, eflant plus fort 


agitée vne fois que l’autre, foit par la prefence du 
foleil, foit par telle autre caufe que ce puiffe eftre, 
agite aufly plus fort les petites parties de ces cors; 
vous entendrés facilement qu'elle doit faire que celles 
qui font aflés petites, & auec cela de telles figures ou 


_en telle fituation qu'elles fe peuuent ayfement feparer 


de leurs voyfines, s'efcartent ça & là les vnes des 
autres, & s'efleuent en l'air; non point par quelque 


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240 OŒEuvrEs DE DESCARTES. - 165-166. 


inclination particuliere qu'elles ayent a monter, ou 
que le foleil ait en foy quelque force qui les attire, 
mais feulement a caufe qu’elles ne trouuent point 
d'autre lieu dans lequel il leur foit fi ayfé de continuer 
leur mouuement : ainfi que la poufliere d'vne cam- 


paigne fe foufleue, quand elle eft feulement pouffée 


& agitée par les pieds de quelque pañlant. Car,encore 
que les grains de cete poufliere foient beaucoup plus 
gros & plus pefans que les petites parties dont nous 
parlons, ils ne laiffent pas pour cela de prendre leur 
cours vers le ciel. Et mefme on voit qu'ils y montent 
beaucoup plus haut, lorfqu'vne grande plaine eft cou- 
uerte de gens qui fe remuënt, que lorfquelle nef 
foulée que par vn feul homme. Ce qui doit empefcher 


qu'on ne s'eftonne de ce que l'attion du foleil efleue 


affés haut les petites parties de la matiere dont fe 
compofent les vapeurs & les exhalaifons, vû quelle 
s'eftend toufiours en mefme tems fur toute vne moitié 
de la terre, & qu'elle y demeure les iours entiers. 
Mais remarqués que ces petites parties, qui font ainfi 
efleuées en l'air par le foleil, doiuent pour la plufpart 
auoir la figure que i'ay attribuée a celles de l'eau, a 


caufe qu'il n'y en a point d’autres qui puiflent fi ayfe-- 


ment eftre feparées des cors où elles font. Et ce fe- 
ront celles cy feules que ie nommeray particuliere- 
ment des vapeurs, affin de les diftinguer des autres 
qui ont des figures plus irregulieres, & aufquelles ie 
reftreindray le nom d'exhalaifons, a caufe queienen 
fçache point de plus propre. Toutefois aufy, entre les 
exhalaifons, ie comprendray celles qui, ayant a peu 
prés mefme figure que les parties de l'eau, mais eftant 


20 


25 


30 


20 


21) 


30 


166-167. Les METEoREs. — Discours II. 241 


plus fubtiles, compofent les efprits ou eaus de vie, a 
caufe qu'elles peuuent facilement s'embrafer. Et ren 
exclueray celles qui, eflant diuifées en plufieurs 
branches, font fi fubtiles qu'eiles ne font propres qu'a 
compofer le cors de l'air. Pour celles qui, eftant vn 
peu plus groflieres, font aufly diuifées en branches, il 
eft vray quelles ne peuuent gueres fortir d'elles 
mefme des cors durs où elles fe trouuent; mais fi 
quelquefois le feu s'efprand en ces cors, il les en 
chafle toutes en fumée. Et auffy, lorfque l'eau fe gliffe 
dans leurs pores, elle peut fouuent les en degager, & 
les emporter en haut auec | foy : en mefme façon que 
le vent, paflant au trauers d'vne haye, emporte les 
feuilles ou les pailles, qui fe trouuent entrelacées 
entre fes branches : ou, plutoft, comme l’eau mefme 
emporte vers le haut d'vn alembic les petites parties 
de ces huiles que les Alchemifltes ont couftume de 
tirer des plantes feiches, lorfque, les ayant abbreuées 
de beaucoup d'eau, ils diftilent le tout enfemble, & 
font par ce moyen que le peu d'huile qu'elles con- 
tienent monte auec la grande quantité d'eau qui eft 
parmi. Car, en effect, la plufpart de celles cy font 
toutes les mefmes qui ont couftume de compofer les 
cors de ces huiles. Remarqués aufly que les vapeurs 
occupent toufiours beaucoup plus d'efpace que l'eau, 
bien qu'eHes ne foient faites que des mefmes petites 
parties. Dont la raifon eft que, lorfque ces parties 
compofent le cors de l’eau, elles ne fe meuuent 
qu'affés fort pour fe plier, & s'entrelacer, en fe glif- 
fant les vnes contre les autres, ainfi que vous les voyés 


reprefentées vers À : au lieu que, lorfqu'elles ont la 
Œuvres, I, 3: 


242 OEuvres DE DESCARTES. 167-168, 


forme d'vne vapeur, leur agitation eft fi grande, qu'elles 
tournent en rond fort promptement de tous coftés, & 
s'eflendent, par mefme moyen, de toute leur longeur, 
“en telle forte que chafcune a la force de chaffer d’au- 
tour de foy toutes celles de fes femblables qui tendent 


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a entrer en la petite fphere qu'elle defcrit : ainfi que 
vous les voyés reprefentées vers B. Et c'eft en mefme 
façon que, fi vous faites tourner aflés vifte 
le piuot LM, au trauers duquel eft pañlée 
la chorde NP, vous verrés que cete chorde 
fe tiendra en l'air toute droite & eftendue, 
occupant par ce moyen tout l'efpace com- 
pris dans le}cercle NO PQ, en telle forte 
quon n'y pourra mettre aucun autre cors, qu'elle ne 


10 


2 sons ‘A 


168-160. Les METroREs. — Discours I. 243 


le frappe incontinent auec force, pour l'en chafler; au 
lieu que, fi vous la faites mouuoir plus lentement, elle 
s'entortillera de foy mefme autour de ce piuot, & ainfi 
n'occupera plus tant d’efpace. 

De plus, il faut remarquer que ces vapeurs peuuent 
eftre plus ou moins preflées ou eftendues, & plus ou 
moins chaudes ou froides, & plus ou moins tranfpa- 
rentes ou obfcures, & plus ou moins humides ou feiches 
vne fois que l’autre. Car, premierement, lorfque leurs 
parties, n'eftant plus aflés fort agitées pour fe tenir 
eftendues en ligne droite, commencent a fe plier & fe 
rapprocher les vnes des autres, ainfi qu'elles font re- 
prefentées vers C & vers D; ou bien, lorfqu'eftant 
referrées entre des montaignes, ou entre les ations 
de diuers vens qui, eftant oppofés, s'empefchent les 
vns les autres d'agiter l'air, ou au deflous de quelques 
nuës, elles ne fe peuuent pas eftendre en tant d’ef- 
pace que leur agitation le requert, comme vous les 
pouués voir vers E; ou, enfin, lorfqu'emplovant la plus 
grande partie de leur agitation a fe mouuoir plufieurs 
enfemble vers vn mefme cofté, elles ne tournoyent 
plus fi fort que de couftume, ainfi qu'elles fe voyent 
vers F, où, fortant de l’efpace E, elles engendrent vn 
vent qui foufile vers G; il eft manifefte que les vapeurs 
qu'elles compofent font plus efpefles ou plus ferrées, 
que lorfqu'il n'arriue aucune de ces trois chofes. Et il 
eft manifefte aufly que, fuppofant la vapeur qui eft 
vers E autant agitée que celle qui eft vers B, elle doit 
eftre beaucoup plus chaude, a caufe que fes parties, 
eftant plus ferrées, ont plus de force : en mefme façon 
que la chaleur d'vn fer embrafé eft bien plus ardente 


244 OEUVRES DE DESCARTES. 169-170. 


que celle des charbons ou de la flame. Et c’eft pour 
cete caufe qu'on fent fouuent en efté vne chaleur plus 
forte & plus eftouflante, lorfque l'air, eftant calme & 
comme efgalement preflé de tous coftés, couue vne 
pluie, que lorfqu'il eft plus clair & plus ferein. Pour 


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la vapeur qui eft vers C, elle eft plus froide que celle 
qui eft vers B, nonobftant que fes parties foient vn 
peu plus ferrées, d'autant que ie les fuppofe beaucoup 
moins agitées. Et au contraire celle qui | eft vers D eft 
plus chaude, d'autant que fes parties font fuppofées 
beaucoup plus ferrées, & feulement vn peu moins 
agitées. Et celle qui eft vers F eft plus froide que celle 
qui eft vers E, nonobftant que fes parties ne foient ny 


moins ferrées, ny moins agitées, d'autant qu'elles s'ac- 


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23 


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170-171. Les METEORES. — Discours Il. 24; 


cordent plus a fe mouuoir en mefme fens, ce qui ef 
caufe qu'elles ne peuuent tant esbranfler les petites 
parties des autres cors : ainfi qu'vn vent qui fouffle 
toufiours de mefme façon, quoy que tres fort, n'agite 
pas tant les feuilles & les branches d'vne foreft, qu'vn 
plus foible qui eft moins efgal. Et vous pourrés con- 
noiftre, par experience, que c’eft en cete agitation des 
petites | parties des cors terreftres que confifte la 
chaleur, fi, foufflant affés fort contre vos doigts ioins 
enfemble, vous prenés garde que l'haleine qui fortira 
de voftre bouche vous femblera froide au deffus de 
voftre main, où, paflant fort vifle & d'efgale force, 
elle ne caufera gueres d'agitation; au lieu que vous la 
fentirés aflés chaude dans les entredeux de vos doigs, 
où, pañlant plus inefgalement & lentement, elle agi- 
tera dauantage leurs petites parties : ainfi qu'on la 
fent aufly toufiours chaude, lorfqu'on fouffle ayant la 
bouche fort ouuerte; & froide, lorfqu'on fouffle en 
l'ayant prefque fermée. Et c'eft pour la mefme raifon 
qu'ordinairement les vens impetueux fe fentent froids, 
& quil ny en a gueres de chauds qui ne foient 
lents. 

De plus, les vapeurs reprefentées vers B, & vers E 
& vers F, font tranfparentes & ne peuuent eftre dif- 
cernées par la veuë d’auec le refte de l'air, d'autant 
que, fe remuant fort vifte & de mefme branfle que la 
matiere fubtile qui les enuironne, elles ne la peuuent 
empefcher de receuoir l'aétion des cors lumineux, 
mais plutoft elles la reçoiuent auec elle. Au lieu que 
la vapeur qui eft vers C commence a deuenir opaque 
ou obfcure, a caufe que fes parties n'obeiflent plus 


os 


240 OEUVRES DE DESCARTES. Ty 72. 


tant a cete matiere fubtile, qu'elles puiflent eftre 
meues par elle en toutes façons. Et la vapeur qui eft 
vers D ne peut eftre du tout fi obfeure que celle qui 
eft vers C, a caufe qu'elle eft plus chaude. Comme 
vous voyés qu'en hyuer le froid fait paroiftre l'haleine 


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ou la fueur des cheuaux efchauñflés, fous la forme 
d'vne grofle fumée fort efpaifle & obfcure; au lieu 
qu'en efté, que l'air eft plus chaud, elle eft inuifible. 
Et on|ne doit pas douter que l'air ne contiene fouuent 
autant ou plus de vapeurs, lorfqu'elles ne s'y voyent 
aucunement, que lorfqu'elles s'y voyent.Car comment 
fe pourroit-il faire, fans miracle, qu'en tems chaud 
&en plein midy, le foleil, donnant fur vn lac ou vn 
mareft, manquañt d'en efleuer beaucoup de vapeurs? 


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30 


172-173. Les METEORES. — Discours Il. 247 


vù quon remarque mefme que pour lors les eaux fe 
defleichent & fe diminuent beaucoup dauantage, 
qu'elles ne font en tems froid & obfcur. Au refte, celles 
qui font vers E font plus humides, c'eft a dire plus 
difpofées a fe conuertir en eau & a mouiller ou hu- 
mecter les autres cors comme fait l’eau, que celles qui 
font vers F. Car celles cy, tout au contraire, font 
feiches, vù qu'allant fraper auec force les cors humides 
quelles rencontrent, elles en peuuent chaffer & em- 
porter auec foy les parties de l'eau qui s'y trouuent, 
& par ce moyen les deffeicher. Comme auffy nous ef- 
prouuons que les vens impetueux font toufiours fecs, 
& qu'il n y en a point d'humides qui ne foient foibles. 
Et on peut dire que ces mefmes vapeurs, qui font vers 
E, font plus humides que celles qui font vers D, a 
caufe que leurs parties, eftant plus agitées, peuuent 
mieux s'infinuer dans les pores des autres cors pour 
les rendre humides; mais on peut dire aufly, en vn 
autre fens, qu'elles le font moins, a caufe que la trop 
grande agitation de leurs parties les empefche de 
pouuoir prendre fi ayfement la forme de l'eau. 

Pour ce qui eft des exhalaifons, elles font capables 
de beaucoup plus de diuerfes qualités que les va- 
peurs, a caufe qu'il peut y auoir plus de difference 
entre leurs parties. Mais il fufhra icy que nous remar- 
quions que les | plus groflieres ne font quafi autre 
chofe que de la terre, telle qu'on la peut voir au fonds 
d'vn vaze aprés y auoir laiflé raffeoir de l'eau de neige 
ou de pluie; ny les plus fubtiles, autre chofe que ces 
efprits ou eaux de vie, qui s'efleuent toufiours les 
premieres des cors qu'on diftile ; & qu'entre les me- 


248 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 173. 


diocres, les vnes participent de la nature des fels 
volatiles, & les autres de celle des huiles, ou plutoft 
des fumées qui en fortent lorfqu'on les brufle. Et en- 
core que la plufpart de ces exhalaifons ne montent 
en l'air que meflées auec les vapeurs, elles ne laiflent 
pas de pouuoir ayfement, par aprés, s'en feparer : ou 
d'elles mefme, ainfi que les huiles fe demeflent de 
l'eau auec laquelle on les diftile ; ou aydées par l'agi- 
tation des vens qui les raffemblent en vn ou plufieurs 
cors, en mefme façon que les vilageoifes, en battant 
leur créme, feparent le beurre du petit lait; ou mefme 
fouuent aufly par cela feul que, fe trouuant plus ou 
moins pefantes & plus ou moins agitées, elles s'are- 
fent en vne region plus bafle ou plus haute que ne 
font les vapeurs. Et d'ordinaire les huiles s'efleuent 
moins haut que les eaux de vie, & celles qui ne font 
que terre encore moins haut que les huiles. Mais il 
n'y en a point qui s'areftent plus bas que les parties 
dont fe compofe le fel commun, & bien qu'elles ne 
foient pas proprement des exhalaifons ny des vapeurs, 
a caufe qu'elles ne s’efleuent iamais que iufques au 
deflus de la fuperficie de l'eau, toutefois, pource que 
c'eft par l'euaporation de cete eau qu'elles y vienent, 
& qu'il y a plufieurs chofes en elles fort remarquables 
qui peuuent eftre commodement icy expliquées, 1e 
n'ay pas enuie de les omettre. 


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y. Les METEORES. — Discours III. 249 


DVESET 


Dufcours Troifiefme. 


La faleure de la mer ne confifte qu’en ces plus 
groffes parties de fon eau, que 1'ay tantoft dit ne pou- 
uoir eftre pliées comme les autres par l'aétion de la 
matiere fubtile, ny mefme agitées fans l'entremife des 
plus petites. Car, premierement, fi l'eau n'eftoit com- 
pofée de quelques parties, ainfi que 1'ay tantoft fup- 
pofé, il luy feroit efgalement facile ou difficile de fe 
diuifer en toutes façons & en tous fens, en forte 
qu'elle n'entreroit pas fi facilement qu'elle fait dans 
les cors qui ont des pores vn peu larges, comme dans 
la chaux & dans le fable; ou bien elle pourroit auffy 
en quelque façon penetrer en ceux qui les ont plus 
eftroits, comme dans le verre & les metaus. Puis, fi 
ces parties n’auoient la figure que ie leur ay attri- 
buée, lorfqu'elles font dans les pores des autres cors, 
elles n'en pourroient pas fi ayfement eftre chaflées 
par la feule agitation des vens ou de la chaleur ; ainfi 
qu'on l'efprouue aflés par les huiles, ou autres li- 
queurs grafles, dont nous auons dit que les parties 
auoient d'autres figures; car on ne les peut quafi ia- 
mais entierement faire fortir des cors où elles font 
vne fois entrées. Enfin, pource que nous ne voyons 
point de cors en la nature, qui foient fi parfaitement 


feinblables entre eux, qu'il ne fe trouue prefque touf- 
Œuvres. I. 32 


240 OEUVRES DE DESCARTES. 174-175. 


iours quelque peu d'inefgalité en leur groffeur, nous 
ne deuons faire aucune difficulté de penfer que les 
parties de l'eau ne font point exactement toutes | ef- 
gales, & particulierement que dans la mer, qui eft le 
receptacle de toutes les eaux, il s’en trouue de fi 
grofles, qu'elles ne peuuent eftre pliées comme les 
autres par la force qui a couflume de les mouuoir. Et 
ie veux tafcher icy de vous monfîtrer que cela feul eft 
fuffifant pour leur donner toutes les qualités qu'a le 
fel. Premierement, ce n'eft pas merueille quelles 
ayent vn gouft picquant & penetrant, qui differe beau- 
coup de celuy de l'eau douce : car, ne pouuant eftre 
pliées par la matiere fubtile qui les enuironne, elles 
doiuent toufiours entrer de pointe dans les pores de 
la langue, &, par ce moyen, y penetrer aflés auant 
pour la piquer ; au lieu que celles qui compofent l'eau 
douce, coulant feulement par deffus toutes couchées, 
a caufe de la facilité qu'elles ont a fe plier, n'en peu- 
uent quafi point du tout eftre gouftées. Et les parties 
du fel, ayant penetré de pointe en mefme façon dans 
les pores des chairs qu'on veut conferuer, non feu- 
lement en oftent l'humidité, mais aufly font comme 
autant de petits baftons plantés ça & là entre leurs 
parties, où, demeurant fermes & fans fe plier, elles 
les fouftienent, & empefchent que les autres plus 
pliantes, qui font parmi, ne les defarrengent en les 
agitant, & ainfi ne corrompent le cors qu'elles com- 
pofent. Ce qui fait auffy que ces chairs, par fucceffion 
de tems, deuienent plus dures ; au lieu que les parties 
de l’eau douce, en fe pliant & fe gliffant par cy par là 
dans leurs pores, pourroient ayder a les ramollir & 


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i75-176. Les METEORES. — Discours II. 261 


a les corrompre. De plus, ce n'eft pas merueille que 
l'eau falée foit plus pefante que la douce, puifqu'elle 
eft compofée de parties, qui, eftant plus grofles & 
plus mafliues, peuuent s’arrenger en moindre efpace: 
| car c'eft de là que depend la pefanteur. Mais il eft 
befoin de confiderer pourquoy ces parties plus maf- 
fiues demeurent meflées auec les autres qui le font 
moins, au lieu qu'il femble qu'elles deuroient natu- 
rellement aller au deflous. Et la raifon en eft, au 
moins pour celles du fel commun, qu'elles font efga- 
lement grofles par les deux bouts, & toutes droites, 
ainfi qu'autant de petits baftons : car s'il y en a iamais 
eu dans la mer, qui fuffent plus grofles par vn bout 
que par l'autre, ayant efté par mefme moyen plus 
pefantes, elles ont eu tout loyfir d'aller au fonds, de- 
puis que le monde eft; ou s’il y en a eu de courbées, 
elles ont eu loyfir de rencontrer des cors durs, & fe 
ioindre a eux, a caufe qu'eftant vne fois entrées dans 
leurs pores, elles n'en auront pü fi facilement refortir, 
que celles qui font efgales & droites. Mais celles-cy, 
fe tenant couchées de trauers l'vne fur l'autre, don- 
nent moyen a celles de l’eau douce, qui font en per- 
petuelle agitation, de fe roller & s'entortiller autour 
d'elles, s'y arrengeant &s'y difpofant en certain ordre, 
qui fait qu'elles peuuent continuer a fe mouuoir plus 
ayfement, & plus vifte, que fi elles eftoient toutes 
feules. Car, lorfqu'elles font ainfi rollées autour des 
autres, la force de la matiere fubtile, qui les agite, 
n’eft emploiée qu a faire qu'elles tournent fort promp- 
tement autour de celles qu'elles embraffent, & qu'elles 
paflent ça & là de l'vne fur l’autre, fans pour cela 


242 OŒEuvrREs DE DESCARTES. 176-177. 


changer aucun de leurs plis : au lieu qu'eftant feules, 
comme elles font lorfqu'elles compofent l’eau douce, 
elles s'entrelacent neceffairement en telle forte, qu'il 
eft befoin qu'vne partie de cete force de la matiere 
fubtile foit employée a les plier, pour les | degager les 
vnes des autres; & ainfy elle ne les peut faire mou- 
uoir pour lors fi facilement, ny fi vifte. Eftant donc 
vray que ces parties de l’eau douce peuuent mieux 
fe mouuoir, eftant rollées autour de celles du fel, 
qu'eftant feules, ce n'eft pas merueille qu'elles s'y 
rollent, lorfqu'elles en font affés proches, & qu'aprés, 
les tenant embraffées, elles empefchent que l'inefga- 
lité de leur pefanteur ne les fepare. D'où vient que le 
fel fe fond ayfement en l'eau douce, ou feulement 
eftant expofé a l'air en tems humide; & neantmoins 
qu'il ne s'en fond, en vne quantité d'eau determinée, 
que iufques a vne quantité determinée, a fçauoir au- 
tant que les parties pliantes de cete eau peuuent em- 
brafler des fienes en fe rollant autour d'elles. Et, 
fçachant que les cors, qui font tranfparens, le font 
d'autant plus qu'ils empefchent moins les mouue- 
mens de la matiere fubtile qui eft dans leurs pores, 
on voit encore, de cecy, que l’eau de la mer doit eftre 
naturellement plus tranfparente, & caufer des re- 
fraions vn peu plus grandes que celle des riuieres. 
Et on voit aufly qu'elle ne fe doit pas geler fi ayfe- 
ment, en fçachant que l'eau ne fe gele que lorfque la 
matiere fubtile, qui eft entre fes parties, n’a pas la 
force de les agiter. Et mefme on peut encore icy en- 
tendre la raifon du fecret pour faire de la glace en 
efté, qui eft l'vn des plus beaux que fçachent les 


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177-178. Les METEoREs. — Discours III. 243 


curieux, encore qu'il ne foit pas des plus rares. Ils 
mettent du fel meflé auec efgale quantité de neige 
ou de glace pilée, tout autour d’vn vaze plein d'eau 
douce ; & fans autre artifice, a mefure que ce fel & 
cete neige fe fondent enfemble, l'eau qui eft enfermée 
dans le vaze, deuient glace. Dont la raifon eft que la 
matiere | fubtile, qui eftoit autour des parties de cete 
eau, eftant plus grofliere, ou moins fubtile, & par 
confequent ayant plus de force que celle qui eftoit 
autour des parties de cete neige, va prendre fa place 
a mefure que les parties de la neige fe rollent autour 
de celles du fel en fe fondant; car elle trouue plus 
de facilité a fe mouuoir dans les pores de l'eau falée 
qu'en ceux de l’eau douce, & elle tend inceflament a 
pafler d'vn cors en l'autre, pour entrer en ceux où 
fon mouuement eft le moins empefché ; au moyen de 
quoy la matiere plus fubtile, qui eftoit dans la neige, 
entre dans l'eau, pour fucceder a celle qui en fort; 
& pource qu'elle n’a point affés de force pour y entre- 
tenir l'agitation de cete eau, cela eft caufe qu’elle fe 
gele. Mais l'vne des principales qualités des parties 
du fel eft qu'elles font grandement fixes, c’eft a dire 
qu'elles ne peuuent eftre efleuées en vapeur ainfy 
que celles de l’eau douce. Dont la caufe eft, non feu- 
lement qu'eftant plus grofles, elles font plus pefantes; 
mais aufly, qu'eftant longues & droites, elles ne peu- 
uent eftre gueres longtems fufpendues en l'air, foit 
qu'elles foient en aétion pour monter plus haut, foit 
pour en defcendre, que l’vn de leurs bouts ne fe pre- 
fente vers en bas, & ainfi qu'elles ne fe tienent en 
ligne perpendiculaire vers la terre : car, tant pour 


2$4 OEUVRES DE DESCARTES. 178-179. 


monter que pour defcendre, il leur eft bien plus ayfé 
a diuifer l'air, eflant en cete fituation, qu'en aucune 
autre. Ce qui n'arriue point en mefme façon aux par- 
ties de l’eau douce, a caufe qu’eftant faciles a fe plier, 
elles ne fe tienent iamais toutes droites, fi ce n'’eft 
qu'elles tournent en rond auec vitefle : au lieu que 
celles du fel ne fcauroient iamais gueres tourner en| 
cete forte ; car, fe rencontrant les vnes les autres & fe 
heurtant fans pouuoir fe plier pour s'entreceder, elles 
feroient incontinent contraintes de s’arefter. Mais, 
lorfqu'elles fe trouuent fufpendues en l'air, ayant vne 
pointe en bas, comme ray dit, il eft euident qu'elles 
doiuent defcendre plutoft que monter : a caufe que 
la force qui les pourroit poufler vers en haut, agift 
beaucoup moins que fi elles eftoient couchées de tra- 
uers; & elle agift moins, d'autant iuftement que la 
quantité de l'air, qui refifte a leur pointe, eft plus 
petite que ne feroit celle qui refifteroit a leur longeur; 
au lieu que leur pefanteur, eftant toufiours efgale, 
agit d'autant plus que cete refftence de l'air eft plus 
petite. À quoy fi nous adiouftons que l’eau de la mer 
s'adoucift quand elle trauerfe du fable, a caufe que 
les parties du fel, faute de fe plier, ne peuuent couler, 
ainfy que font les parties de l'eau douce par les petits 
chemins détournés, qui font autour des grains de ce 
fable, nous fçaurons que les fontaines & les riuieres, 
n'eftant compofées que des eaux qui ont efté efleuées 
en vapeurs, ou bien qui ont paflé au trauers de beau- 
coup de fable, ne doiuent point eftre falées; & aufly 
que toutes ces eaux douces, rentrant dans la mer, 
ne la doiuent point rendre plus grande, ny moins 


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dd in Lit did ris 


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179-180. Les MErEOoREs. — Discours II. 24 


falée; d'autant qu'il en reflort continuellement au- 
tant d'autres, dont quelques vnes s’efleuent en l’air 
changées en vapeurs, puis vont retomber en pluie 
ou en neige fur la terre; mais la plufpart penetrent* 
par des conduits foufterains iufques au deffous des 
montaignes, d'où la chaleur, qui eft dans la terre, 
les efleuant aufly comme en vapeur vers leurs fom- 
mets, elles y vont remplir les fources des fontaines 
& des riuieres. Et nous fçaurons aufly que l'eau de 
la mer doit eftre plus falée fous l’equateur que vers 
les poles, fi nous confiderons que le foleil, y ayant 
beaucoup de force, en fait fortir beaucoup de va- 
peurs, lefquelles ne retombent point par aprés iufte- 
ment aux mefmes endroits d'où elles font forties, 
mais, pour l'ordinaire, en d’autres plus proches des 
poles, ainfy que vous entendrés mieux cy aprés. Au 
refte, finon que ie n'ay pas enuie de m'arefter a ex- 
pliquer particulierement la nature du feu, r'adioufte- 
rois encore icy pourquoy l'eau de la mer eft moins 
propre a efteindre les embrafemens que celle des 
riuieres, & pourquoy elle eftincelle la nuit, eftant 
agitée : car vous verriés que les parties du fel, eftant 
fort ayfées a esbranfler, a caufe qu'elles font comme 
fufpenduës entre celles de l'eau douce, & ayant beau- 
coup de force aprés eftre ainfy esbranflées, a caufe 
qu'elles font droites et inflexibles, peuuent non feu- 
lement augmenter la flame, lorfqu'on les y iette, mais 
aufly en caufer d'elles mefme, en s'eflançant hors de 
l'eau où elles font. Comme, fi la mer, qui eft vers A, 
eflant pouflée auec force vers C, y rencontre vn banc 


a. penetrant D, 


2 ;0 OEuvREs DE DESCARTES. 150-182 


de fable ou quelque autre obftacle, qui la face monter 
_vers B, le branfle que cete agitation donne aux par- 
ties du fel, peut faire que les premieres qui vienent 
en l'air, s'y dégagent de celles de l’eau douce qui 
| les tenoient en- 
us  tortillées, & que, 
RSS fe trouuant feules 
== vers B, a cerltaine 
diflance l'vne de 
l'autre, elles y engendrent des eftincelles affés fem- 
blables a celles qui fortent des caillous quand on les 
frappe. Il eft vray qu'a cet effect, il eft requis que ces 
parties du fel foient fort droites & fort gliflantes, affin 
qu'elles fe puiflent plus ayfement feparer de celles de 
l'eau douce : d'où vient que ny la faumeure, ny l'eau de 
mer qui a efté longtemps gardée en quelque vaze, ny 
font pas propres. Il eft requis aufly que celles de l’eau 
douce n’embraflent point trop eftroitement celles du 
fel : d'où vient que ces eftincelles paroiflent plus, 
quand il fait chaud, que quand il fait froid; & que 
l'agitation de la mer foit aflés forte : d'où vient qu'en 
mefme tems il ne fort pas du feu de toutes fes vagues; 
&, enfin, que les parties du fel fe meuuent de pointe, 
comme des fleches, & non de trauers : d’où vient 
que toutes les gouttes, qui reiailliffent hors d'vne 
mefme eau, n'efclairent pas en mefme forte. 

Mais confiderons maintenant comment le fel flotte 
fur l'eau quand il fe fait, nonobftant que fes parties 
foient fort fixes & fort pefantes; & comment il s'y 
forme en petits grains, qui ont. vne figure quarrée, 
prefque femblable a celle d’vn diament taillé en table, 


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181-182. Les METEOoREs. — Discours I. 247 


excepté que la plus large de leurs faces eft vn peu 
creufée. Premierement, il eft befoin, a cet effet, que 
l'eau de la mer foit retenuë en quelques foffes, pour 
euiter tant l'agitation continuelle des vagues, que 
l'affluence de l'eau douce, que les pluies & les riuieres 
amenent fans ceffe en l’'Ocean. Puis il eft befoin aufly 
d’vn tems chaud & fec, aflin que l'action du foleil ait 
affés de force pour faire que les parties de l’eau 
douce, qui font rollées autour de celles du fel, s'éua- 
porent. Etil fault remarquer que la fuperficie de l’eau 
eft toufiours fort efgale & vnie, comme aufly celle de 
toutes les autres liqueurs : dont la raifon eft que fes 
parties fe remuënt entre elles de mefme façon & de 
mefme branfle, & que les parties de l'air qui la tou- 
chent fe remuent aufly entre elles tout de mefme l'vne 
que l'autre, mais que celles cy ne fe remuent pas de 
mefme façon ny de mefme mefure que celles là; & 
particulierement aufly, que la matiere fubtile, qui eft 
autour des parties de l'air, fe remue tout autrement 
que celle qui eft autour des parties de l'eau : ce qui 
eft caufe que leurs fuperficies, en fe frottant l'vne 
contre l'autre, fe poliflent, en mefme façon que fi 
c'eftoient deux cors durs : excepté que c’eft beaucoup 
plus ayfement, & prefque en vn inftant, pource que 
leurs parties, n'eftant attachées en aucune façon les 
vnes aux autres, sarrengent toutes, dés le premier 
coup, ainfi qu'il eft requis a cet effect. Et cecy eft 
aufly caufe que la fuperficie de l'eau eft beaucoup 
plus malayfée a diuifer, que neft le dedans : ain 
qu'on voit par experience, en ce que tous les cors 
aflés petits, quoy que de matiere fort pefante, comme 
Œuvres. L. 33 


2 8 OEUVRES DE DESCARTES. 182-183. 


font de petites aiguilles d'acier, peuuent flotter & 
eftre fouftenus au deflus, lorfqu'elle n'eft point encore 
diuifée ; au lieu que, lorfqu'elle l’eft, ilz defcendent 
iufqu'au fonds fans s'arefter. En fuite de quoy il fault 
confiderer que, lorfque la chaleur de l'air eft affés 
grande pour former le fel, elle peut non feulement 
faire fortir hors de l'eau de mer quelques vnes des 
parties pliantes qui s'y trouuent, & les faire monter 
en vapeur, mais aufly les y faire monter auec telle 
vitefle, qu'auant qu'elles ayent eu le loyfir de fe de- 
uclopper, d'autour de celles du fel, elles arriuent 
iufques au deflus de la fuperficie de cete eau, où, les 
apportant auec foy, elles n'acheuent de s'en deue- 
loper, qu'aprés que le trou, qu'elles ont fait en cete 
fuperficie pour en fortir, s'eft refermé; au moyen 
PAU de quoy ces parties du fel y demeurent 
CAT toutes feules flottantes deffus, comme 
nŸ *  yous les voyés reprefentées vers D. Car, 

y eftant couchées de leur long, elles ne 
font point aflés pefantes pour s'y en- 
foncer, non plus que les aiguilles d'acier dont ie viens 
de parler ; & elles la font feulement vn peu courber & 
plier fous elles, a caufe de leur pefanteur, tout de 
mefme que font aufly ces aiguilles. De façon que les 
premieres, eflant femées par cy par là fur cete fuper- 
ficie, y font plufieurs petites fofles ou courbures; puis 
les autres qui vienent aprés, fe trouuant fur les pentes 
de ces foffes, roullent & gliflent vers le fonds, où elles 
fe vont ioindre contre les premieres. Et il fault par- 
ticulierement icy remarquer que, de quelque part 
qu'elles y vienent, elles fe doiuent coucher iuftement 


20 


25 


30 


20 


25 


30 


183-184. Les METEORES. —— Discours III. 259 


cofte a cofte de ces premieres, comme vous les voyés 
vers E, au moins les fecondes, & fouuent aufy les troi- 
fiefmes, a caufe que, par ce moyen, elles defcendent 
quelque peu plus bas qu’elles ne pourroient faire, fi 
elles demeuroient en quelque autre fituation, comme 
en celle qui fe voit vers F, ou versG, + 
ou vers H. Et le mouuement de la 
chaleur, qui esbranle toufiours quel- 
quepeu cetelupericie, ayde a les. =\ _ o 
arrenger en cete forte. Puis, lorfqu'il 
y en a ainfy en chafque foffe deux ou trois, cofte 
a cofte l'vne de l'autre, celles qui v vienent de plus 
fe peuuent ioindre encore a elles en mefme fens, 
fi elles s y trouuent aucunement difpofées ; mais s'il 
arriue quelles penchent dauantage vers les bouts 
des precedentes que vers les coftés, elles fe vont 
coucher decontre a angles droits, comme vous voyés 
vers K : a caufe que, par ce moyen, elles defcendent 
aufly vn peu plus bas qu'elles ne pourroient faire 
fi elles s'arrengeoient autrement, comme elles font 
vers L, ou vers M. Et pource qu'il s’en trouue a peu 
prés autant, qui fe vont coucher contre les bouts des 


deux ou trois premieres, que de celles qui fe vont 


coucher contre leurs coftés® de là vient que, s’arren- 
geant ainfy plufieurs centaines toutes enfemble, elles 
forment premierement vne petite table, qui, au iuge- 
ment de la veuë, paroift tres quarrée, & qui eft comme 
la baze du grain de fel qui commence a fe former. Et 
il faut remarquer qu'y en ayant feulement trois ou 
quatre couchées en mefme fens, comme vers N,celles 
du milieu s'abaiffent vn peu plus que celles des bords: 


260 OŒEuvREs DE DESCARTES. 184-185. 


mais qu y en venant d'autres qui s'y ioignent en tra- 
uers, comme vers O, celles cy aydent aux autres des 
bords a s'abaifler prefque autant que celles du milieu, 
& en telle forte que la petite table quarrée, qui fert 
de baze a vn grain de fel, fe formant ordinairement de 
plufieurs centaines iointes enfemble, ne peut paroiftre 
a l'œil que toute plate, encore qu'elle foit toufiours 
tant foit peu courbée. Or, a mefure que cete table 
sagrandift, elle s abaïfle de plus en plus, mais fi len- 
tement qu'elle fait plier fous foy la fuperficie de l’eau 
fans la rompre. Et lorfqu'elle eft paruenuë a certaine 
grandeur, elle fe trouue fi fort abaïffée, que les parties 
du fel, qui vienent de nouueau vers elle, au lieu de 
s'arefter contre fes bords, pañlent par deflus, & y 
roullent en mefme fens & en mefme façon que les 
precedentes roulloient fur l'eau. Ce qui fait qu'elles y 
forment derechef vne table quarrée, qui s'abaiffe en 
mefme façon peu a peu. Puis les parties du fel qui 


vienent vers elle peuuent encore pañler par deffus, &: 


y former vne troifiefme table, & ainfy de fuite. Mais 
il eft a remarquer que les parties du fel, qui forment 
la deuxiefme de ces tables, ne roullent pas fi ayfement 
fur la premiere, que celles qui ont formé cete pre- 
miere roulloient fur l'eau; car elles n'y trouuent pas 
vne fuperficie du tout fi vnie, ny qui les laifle couler 
fi librement : d'où vient que fouuent elles ne roullent 
point iufques au milieu, qui par ce moyen demeurant 
vuide, cete feconde table ne s'abaïfle pas fi toft a pro- 
portion qu'auoit fait la premiere, mais deuient vn peu 
plus grande, auant que la troifiefme commence a fe 
former; & derechef le milieu de celle ci demeurant 


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20 


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185-186. Les METEORES. — ‘Discours III. 261 


vuide, elle deuient vn peu plus grande que la feconde, 
& ainfy de fuite, iufques a ce que le grain entier, qui 
fe compofe d'vn grand nombre de telles petites tables 
pofées l'vne fur l’autre, foit acheué, c'eft a dire iufques 
a ce que, touchant aux bords des autres grains voy- 
fins, il ne puifle deuenir plus large. Pour ce qui eft 
de la grandeur de la premiere table qui lui fert de 
baze, elle depend du degré de chaleur qui agite l'eau 
pendant qu'elle fe forme; car, plus l’eau eft agitée, 
plus les parties du fel qui nagent deflus font plier fa 
fuperficie; d'où vient que cete baze demeure plus pe- 
tite, & | mefme l'eau peut eftre tant agitée que Îles 
parties du fel iront au fonds auant qu'elles ayent formé 
aucuns grains. Pour le tallu des quatre faces qui 
fortent des quatre coftés de cete baze, il ne depend 
que des caufes defia expliquées, lorfque la chaleur ef 
efgale pendant tout le tems que le grain eft a fe for- 
mer : mais fi elle va en augmentant, ce tallu en de- 
uiendra moindre; & au contraire plus grand, fi elle 
diminue : en forte que, fi elle augmente & diminue 
par interualles, il fe fera comme de petits efchelons de. 
long de ces faces. Et pour les quatre querres ou coftes 
qui ioignent ces quatre faces, elles ne font pas ordinai- 
rement fort aiguës ny fort vnies; car les parties qui fe 
vont ioindre aux coftés de ce grain s y vont bien quafi 
toufiours appliquer de long, comme 1'ay dit, mais pour 
celles qui vont rouller contre fes angles, elles ; 
s'y arrengent plus ayfement en autre fens, a DR P 
fçauoir comme elles fontreprefentées vers P. ‘€ 
Ce qui fait que ces querres font vn peu moufles et inef- 
gales; & que les grains du fel s'y fendent fouuent plus 


+ 


262 Œuvres DE DESCARTES. 186-187. 


ayfement qu'aux autres lieux; & aufly que l’efpace 


vuide, qui demeure au milieu, fe fait prefque rond plu- 


toft que quarré. Outre cela, pource que les parties qui 
compofent ces grains fe vont ioindre confufement, & 
fans autre ordre que celuy que ie viens d'expliquer, il 
arriue fouuent que leurs bouts, au lieu de fe toucher, 
laffent entre eux aflés d'efpace pour placer quelques 
parties de l'eau douce, qui s'y enferment, & y de- 

Se meurent pliées en rond, comme vous voyés 

ne r verskR, pendant qu'elles ne s'y meuuent que 

$ moyennement vifte ; | mais lorfqu'vne fort 
violente chaleur les agite, elles tendent auec beau- 
coup de force a s'eftendre & fe déplier, en mefme 
façon qu'il a tantoft efté dit qu'elles font quand l'eau 
fe dilate en vapeur; ce qui fait qu'elles rompent leurs 
prifons tout d'vn coup, & auec efclat. Et c'eft la 
raifon pourquoy les grains de fel, eftant entiers, fe 
brifent en fautant & petillant quand on les iette 
dans le feu; & pourquoy ils ne font point le mefme, 
eflant mis en poudre; car alors ces petites prifons 
font defia rompuës. De plus, l'eau de la mer ne 
peut eftre fi purement compofée des parties que ray 
defcrites, qu'il ne s'y en rencontre aufly quelques 
autres parmi, qui font de telle figure, qu'elles ne 
laiflent pas de pouuoir y demeurer, encore qu'elles 
foient beaucoup plus deliées ; & qui, s'allant engager 
entre les parties du fel lorfqu'il fe forme, luy peuuent 
donner & cete odeur de violette tres agreable qu'a le 
fel blanc quand il eft fraifchement fait, & cete couleur 
fale qu'a le noir, & toutes les autres varietés qu'on 
peut remarquer dans les fels, & qui dependent des 


20 


25 


187-188. Les Mereores. — Discours III. 263 


diuerfes eaux dont ils fe forment. Enfin, vous ne vous 
eftonnerés pas de ce que le fel ef fi friable & fi ayfé a 
rompre comme il eft, en penfant a la façon dont fe 
joignent fes parties; ny de ce qu'il eft toufiours blanc 
ou tranfparent, eftant pur, en penfant a leur groffeur, 
& a la nature de la couleur blanche, qui fera cy aprés 
expliquée; ny de ce qu'il fe fond aflés facilement fur 
le feu quand il eft entier, en confiderant qu'il y a plu- 
fieurs parties d'eau douce enfermées entre les fienes; 
ny de ce qu'il fe fond beaucoup plus difficilement, 
eftant bien puluerifé & bien feiché, en forte qu'il n'y 
refte plus rien de l'eau douce, | en remarquant qu'il ne 
fe peut fondre, eftant ainfy feul, fi fes parties ne fe 
_ plient, & qu'elles ne peuuent que difficilement fe 
plier. Car encore quon puifle feindre qu'autrefois 
celles de la mer ont efté toutes, par degrés, les vnes 
plus pliantes, les autres moins, on doit penfer que 
toutes celles qui ont pù s'entortiller autour de quelques 
autres, fe font amollies depuis peu a peu, & renduës 
fort flexibles ; au lieu que celles qui ne font point ainfy 
entortillées font demeurées entierement roides : en 
forte qu'il y a maintenent, en cela, grande difference 
entre celles du fel & celles de l’eau douce. Mais les 
vnes & les autres doiuent eftre rondes: a fçauoir, celles 
de l'eau douce comme des chordes; & celles du fel 
comme des cylindres ou des baftons : a caufe que tous 
les cors, qui fe meuuent en diuerfes façons & long 
tems, ont couftume de s'arondir. Et on peut en fuite 
connoiftre quelle eft la nature de cete eau extreme- 
ment aygre & forte, qui peut foudre l'or, & que les 
Alchemiftes nomment l'efprit ou l'huyle de fel; car, 


204 OŒEuvREs DE DESCARTES. 188-180. 


d'autant qu'elle ne fe tire que par la violence d'vn fort 
grand feu, ou du fel pur, ou du fel meflé auec quelque 
autre cors fort fec & fort fixe, comme de la brique, 
qui ne fert qu'a l'empefcher de fe fondre, 1l eft euident 
que fes parties font les mefmes qui ont auparauant 
compofé le fel, mais quelles n'ont pù monter par 
l'alembic, & ainfy de fixes deuenir volatiles, finon ap- 
prés qu'en fe chocquant les vnes contre les autres, a 
force d’eftre agitées par le feu, de roides & inflexibles 
comme elles eftoient, elles font deuenuës faciles a 
plier; & par mefme moyen, de rondes en forme de 
cylindres, elles font deuenuës plates et tranchantes, 
ainfy que des feuilles de flambe* ou de glayeul, car 
fans cela elles n'’auroient pü fe plier. Et en fuite il eft 
ayfé a iuger la caufe du gouft qu'elles ont, fort diffe- 
rent de celuy du fel; car, fe couchant de long fur la 
langue, & leurs trenchans s'appuiant contre les extre- 
mités de fes nerfs, & coulant deffus en les couppant, 
elles les doiuent bien agiter d'vne autre forte qu'elles 
ne faifoient auparauant, & par confequent caufer vn 
autre gouft, a fçauoir celuy qu'on nomme le gouft 
aygre. On pourroit ainfy rendre raifon de toutes les 
autres proprietés de cete eau ; mais la chofe iroit a 
l'infini, & il fera mieux que, retournant a la confide- 
ration des vapeurs, nous commencions a examiner 
comment elles fe meuuent dans l'air, & comment elles 
y caufent les vens. 


a. Ancien nom vulgaire de l'iris. 


20 


25 


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20 


25 


Fes Les MErEoREs. — Discours IV. 260$ 


DES VENS: 


Difcours Quatriefme. 


Toute agitation d'air qui eft fenfible fe nomme vent, 
& tout cors inuifible & inpalpable fe nomme air. Ainfi, 
lorfque l'eau eft fort rarefiée & changée en vapeur fort 
fubtile, on dit qu'elle eft conuertie en air, nonobftant 
que ce grand air que nous refpirons ne foit, pour la 
plufpart, compofé que de parties qui ont des figures 
fort differentes de celles de l’eau, & qui font beaucoup 
plus deliées. Et ainfi l'air, eftant chaffé hors d'vn fouf- 
flet, ou pouflé par vn éuentail, fe nomme vent, non- 
obftant que ces vens plus eftendus, qui regnent fur 
la face de la mer & de la terre, ne foient ordinaire- 
ment autre chofe| que le mouuement des vapeurs qui, 
en fe dilatant, paflent, du lieu où elles font,en quelque 
autre où elles trouuent plus de commodité de s'ef- 
tendre; en mefme façon qu'on voit, en ces boules 
nommées des Æolipiles, qu'yn peu d’eau s'exhalant 
en vapeur fait vn vent aflés grand & aflés fort, a rai- 
fon du peu de matiere dont 1l fe compofe. Et pource 
que ce vent artificiel nous peut beaucoup ayder a 
entendre quels font les naturels, il fera bon icy que ie 
l'explique. A BCDE eft vne boule de cuiure ou autre 
telle matiere, toute creufe & toute fermée, excepté 
qu'elle a vne fort petite ouuerture en l'endroit mar- 
qué D; & la partie de cete boule ABC eftant pleine 


Œuvres. I. . 34 


206 OEUVRES DE DESCARTES. 190-101. 


d'eau, & l’autre AEC eftant vuide, c'eft a dire ne 
contenant que de l'air, on la met fur le feu; puis 
la chaleur, agitant les petites parties de l’eau, fait 
que plufieurs s’efleuent au 
deflus de la fuperficie AC, 
où elles s'eftendent & sen- 
trepouflent en tournoyant, 
& font effort pour s'efcarter 
les vnes des autres, en la 
façon cy deflus expliquée. Et 
pource qu'elles ne peuuent 
ainfy s'efcarter, qu'a mefure qu'il en fort quelques 
vnes par le trou D, toutes les forces dont elles s'en- 
trepouflent confpirent enfemble a chaffer par là toutes 
celles qui en font les plus proches, & ainfy elles 
caufent vn vent qui fouffle de là vers F.Et pource qu'il 
y a toufiours de nouuelles parties de cete eau, qui, 
eftant efleuées par la chaleur au | deffus de cete fuper- 
ficie AC, s'eftendent & s’efcartent l'vne de l'autre a 
mefure qu'il en fort par le trou D, ce vent ne ceffe 
point que toute l'eau de cete boule ne foit exhalée, ou 
bien que la chaleur qui la fait exhaler n'ait ceflé. Or 
les vens ordinaires qui regnent en l'air fe font a peu 
prés en mefme façon que cetuy cy, &ilny a princi- 
palement que deux chofes en quoy ilz different. La 
premiere eft que les vapeurs, dont 1lz fe compofent, 
ne s’efleuent pas feulement de la fuperficie de l’eau, 
comme en cete boule, mais aufly des terres humides, 
des neiges & des nuës, d'où ordinairement elles fortent 
en plus grande abundance que de l’eau pure, a caufe 
que leurs parties y font defia prefque toutes deiointes 


20 


23 


30 


gr. Les MerEoREs. — Discours IV. 207 


& defunies, & ainfy d'autant plus ayfées a feparer. La 
feconde eft que ces vapeurs, ne pouuant eftre renfer- 
mées en l'air ainfy qu'en vne Æolipile, font feulement 
empefchées de s’y eftendre efgalement de tous coftés, 
5 par la refiftence de quelques autres vapeurs, ou de 
quelques nuës, ou de quelques montaignes, ou enfin 
de quelque vent qui tend vers l'endroit où elles font; 
mais qu'en reuanche il y a fouuent ailleurs d’autres 
vapeurs qui s'efpafiflent &, fe reflerrant au mefme 
10 tems que celles cy fe dilatent, les determinent a 
prendre leur cours vers l’efpace qu'elles leur laiflent. 
Comme, par exemple, fi vous imaginés qu’il y a main- 


1/1 
AY 0 
ant MT 
DEAN UtSSS 
LATE 
RECRUE 


tenant force vapeurs en l’endroit de l'air marqué F, 
qui fe dilatent & tendent a occuper vn efpace incom- 

15 parablement plus grand que celuy qui les contient, 
. & qu'au mefme tems il y en a d’autres vers G, qui, fe 


268 OEUVRES DE DESCARTES. 191-193. 


refferrant & fe changeant en eau ou en neige, laiflent 
la plus grande part de l'efpace où elles eftoient : | 
vous ne douterés pas que celles qui font vers F ne 
prenent leur cours vers G, & ainfy qu'elles ne com- 
pofent vn vent qui foufle vers là. Principalement, fi 
vous penfés, auec cela, qu’elles foient empefchées de 
s'eftendre vers A & vers B, par de hautes montaignes 
qui y font; & vers E, pource que l'air y eft preflé & 
condenfé par vn autre vent, qui fouffle de C iufques 
a D; & enfin qu'il y a des nuës au-deffus d'elles, qui 
les empefchent de s’eftendre plus haut vers le ciel. 
Et remarqués que, lorfque les vapeurs paflent en cete 
façon d'vn lieu en vn autre, elles emmenent ou chafñfent 
deuant foy tout l'air qui fe trouue en leur chemin, & 
toutes les exhalaifons qui font parmi : en forte que, 
bien qu'elles caufent quafi toutes feules les vens, ce 
ne font pas toutefois elles feules qui les compofent; 
& mefme aufly que la dilatation & condenfaltion de 
ces exhalaifons & de cet air peuuent ayder a la pro- 
duction de ces vens; mais que c’eft fi peu, a compa- 
raifon de la dilatation & condenfation des vapeurs, 
quelles ne doiuent quafi point eftre mifes en comte. 
Car l'air, eftant dilaté, n'occupe qu'enuiron deux ou 
trois fois plus d’efpace qu'eftant mediocrement con- 
denfé, au lieu que les vapeurs en occupent plus de 
deux ou trois mille fois dauantage. Et les exhalaifons 
ne fe dilatent, c'eft a dire ne fe tirent des cors ter- 
reftres, que par l'ayde d’vne grande chaleur; puis ne 
peuuent quafi iamais, par aucune froideur, eftre de- 
rechef autant condenfées qu'elles l'ont efté aupara- 
uant : au lieu qu'il ne faut que fort peu de chaleur pour 


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25 


30 


ANS AA" AIN + 


Er 


20 


25 


30 


193-194. Les METEoREs. — Discours IV. 209 


faire que l'eau fe dilate en vapeur, & derechef que fort 
peu de froideur pour faire queles vapeurs fe changent 
en eau. 

Mais voyons maintenent en particulier les proprie- 
tés & la generation des principaux vens. Premiere- 
ment, on obferue que tout l'air a fon cours autour de 
la terre de l'Orient vers l'Occident : ce qu'il nous faut 
icy fuppofer, a caufe que la raifon n'en peut commo- 
dement eftre deduite, qu'en expliquant toute la fa- 
brique de l'vniuers, ce que ie n'ay pas icy deflein de 
faire. Mais, enfuite, on obferue que les vens orientaux 
font ordinairement beaucoup plus fees, & rendent l'air 
beaucoup plus net & plus ferein que les occidentaux : 
dont la raifon eft que ceux cy, s'oppofant au cours 
ordinaire des vapeurs, les aref- | 
tent, & font qu'elles s'efpaifliflent N 0 
en nuës ; au lieu que les autres NE 
les chaflent & les diffipent. De 
plus, on obferue que c'eft prin- 
cipalement le matin que foufflent 
les vens d'Orient, & le foir que 
foufflent ceux d'Occident : | de 
quoy la raifon vous fera mani- 
fefte, fi vous regardés la terre 
SCD ele folles; qui, en 
efclairant la moitié ABC, & fai- 
fant le midy vers B & la minuit 
vers D, fe couche en mefme tems 
au refpect des peuples qui habitent vers A, & fe leue 
au refpect de ceux qui font vers C. Car, pource que 
les vapeurs qui font vers B font fort dilatées par la 


270 OEUVRES DE DESCARTES. 194-195. 


chaleur du iour, elles prenent leur cours, partie par 
A & partie par C, vers D, où elles vont occuper la 
place que laiffent celles que la fraifcheur de la nuit 
y condenfe : en forte qu'elles font vn vent d'Occi- 
dent vers A, où le foleil fe couche; & vn d'Orient 
vers C, où il fe leue. Et mefme il eft a remarquer que 
ce vent, qui fe fait ainfi vers C, eft ordinairement plus 
fort, & va plus vifte que celuy qui fe fait vers A : tant 
a caufe qu'il fuit le cours de toute la maffe de l’air, 
comme aufly a caufe que la partie de la terre qui eft 
entre C & D, ayant efté plus longtems fans eftre ef- 
clairée par le foleil, que celle qui eft entre D & A, la 
condenfation des vapeurs a deu s'y faire pluftoft & 
plus grande. On obferue aufly que c'eft principale- 
ment pendant le iour que foufflent les vens de Nort,& 
qu'ils vienent de haut en bas, & qu'ils font fort vio- 
lens, & fort froids, & fort fees. Dont vous pouués voir 
la raifon, en confiderant que la terre 
EBFD eft couuerte de plufieurs 
nuës & brouillars, vers les poles E 
& F,où elle n'eft gueres efchauffée 
par le foleil; & que vers B;‘oùul 
donne a plomb, il excite quantité 
de vapeurs, qui, eflant fort agitées 
par l'action de fa lumiere, montent 
en haut tres promptement, iufques a ce qu'elles foient 
tant efleuées, que la refiftence de leur pefanteur face 
qu'il leur foit plus ayfé de fe détourner, & de prendre 
leur cours de part & d'autre vers I & M, au deffus 
des nuës G & K, que de continuer plus haut en ligne 
droite; & ces nuës G & K, eftant aufly en mefme 


20 


23 


30 


195-196. Les MErrores. — Discours IV. 271 


tems efchauflées & rarefiées par le foleil, fe conuer- 
tiflent en vapeurs, qui prenent leur cours de G vers 
H, & de K vers L, plutoft que vers E & vers F : car 
l'air efpais, qui eft vers les poles, leur refifte bien 
dauantage que ne font les vapeurs qui fortent de 
la terre vers le midy, & qui, eftant fort agitées & 
preftes a fe mouuoir de tous coftés, leur peuuent faci- 
lement ceder leur place. Ainfi, prenant F pour le pole 
Arctique, le cours de ces vapeurs de K vers L fait vn 
vent de Nort, qui fouffle pendant le iour en l'Europe. 
Et ce vent fouffle de haut en bas, a caufe qu'il vient 
des nuës vers la terre. Et il eft ordinairement fort vio- 
lent, a caufe qu'ileftexcité par la chaleur la plus forte 
de toutes, a fçauoir celle de midy; & de la matiere la 
plus ayfée a difloudre en vapeur, a | fçauoir des nuës. 
Enfin ce vent eft fort froid & fort fec, tant a caufe de 
fa force, fuiuant ce qui a efté dit cy deflus, que les 
vens impetueux font toufiours fecs & froids; comme 
aufly il eft fec, a caufe qu'il n’eft ordinairement com- 
pofé que des plus groflieres parties de l'eau douce 
meflées auec l’air; au lieu que l'humidité depend prin- 
cipalement des plus fubtiles, & celles cy ne fe trouuent 
gueres dans les nuës dont il s'engendre; car, comme 
vous verrés tantoft, elles participent bien plus de la 
nature de la glace, que de celle de l'eau; & il eft froid, 
a caufe qu'il amene auec foy vers le Midy la matiere 
tres fubtile qui eftoit vers le Nort, de laquelle depend 
principalement la froideur. On obferue, tout au con- 
traire, que les vens de Midy foufilent plus ordinaire- 
ment pendant la nuit, & vienent de bas en haut, & 
font lens & humides, Dont la raifon fe peut voir aufiv, 


272 OEUVRES DE DESCARTES. 196-197. 


en regardant derechefla terre EBFD, & confiderant 
que fa partie D, qui eft fous l’Equateur, & où ie fup- 
pofe quil eft maintenant nuit, retient encore aflés 
de la chaleur que le foleil Iluy a communiquée pen- 
dant le iour, pour faire fortir de foy plufeurs va- 
peurs; mais que l'air qui eft au 
deflus vers P, n'en retient pas tant 
a proportion. Car generalement les 
cors grofliers & pefans retienent 
toufiours plus longtems leur cha- 
leur, que ceux qui font legers & 
fubtils ; & ceux qui font durs la 
retienent aufly plus longtems, que 
ceux qui font liquides. Ce qui eft caufe que les va- 
peurs qui fe trouuent vers P, au lieu de pourfuiure 
leur cours vers Q & vers R, s'areftent & s’efpaiflif- 
fent en forme de nuës, qui, empefchant que celles 
qui fortent de la terre D ne montent plus haut, 
les contraignent de prendre leur cours de part & 
d'autre vers N & vers O, & ainfi d'y faire vn vent 
de Midy, qui fouffle principalement pendant la nuit, 
& qui vient de bas en haut, a fçauoir de la terre 
vers l'air; & qui ne peut eftre que fort lent, tant a 
caufe que fon cours eft retardé par l’efpatfleur de 
l'air de la nuit, comme aufly a caufe que fa ma- 
tiere, ne fortant que de la terre ou de l’eau, nefe 
peut dilater fi promptement, ny en fi grande quan- 
tité, que celle des autres vens, qui fort ordinaire- 
ment des nuës. Et enfin il eft chaud & humide, tant 
a caufe de la tardiueté de fon cours, comme auñly il 
eft humide, a caufe qu'il eft compofé des plus fubtiles 


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23 


30 


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& 
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25) 


30 


107-108. Les METEORESs. — Discours IV. 273 


parties de l’eau douce auffy bien que des plus grof- 
fieres ; car elles fortent enfemble de la terre; & il ef 
chaud, a caufe qu'il amene auec foy vers le Nort la 
matiere fubtile qui efloit vers le Midy. On obferue 
aufTy qu'au mois de Mars, & generalement en tout le 
printemps, les vens font plus fecs, & les changemens 
d'air plus fubits, & plus frequens, qu'en aucune autre 
faifon de l'année. Dont la raifon fe voit encore, en re- 
gardant la terre EBFD,& penfant que le foleil, que ie 
fuppofe eftre vis a vis du cercle BAD qui reprefente 
l'Equateur, & auoir efté trois mois auparauant vis a 
vis du cercle HN, qui reprefente le tropique du Ca- 
pricorne, a beaucoup moins efchauflé la moitié de la 
terre BFD, où il fait maintenant le printems, que 
l'autre moitié BED, où 1l fait l'automne; & | par con- 
fequent que cete moitié B FD eft beaucoup plus cou- 
uerte de neiges, & que tout l'air, qui l'enuironne, eft 
beaucoup plus efpais, & plus rempli de nuës, que celuy 
qui enuironne l'autre moitié BED : ce qui eft caufe 
que, pendant le iour, il sy dilate beaucoup plus de 
vapeurs, & quau contraire, pendant la nuit, il s'y 
en condenfe beaucoup dauantage. Car la mafle de la 
terre y eftant moins efchauflée, & la force du foleil 
n'y eftant pas moindre, il doit y auoir plus d'inefgalité 
entre la chaleur du iour & la froideur de la nuit; & 
ainfi ces vens d'Orient, que 1'ay dit foufller principa- 
lement le matin, & ceux de Nort, qui foufflent fur le 
milieu du iour, qui les vns & les autres font fort fecs, 
doiuent y eftre beaucoup plus forts & plus abondans 
qu'en aucune autre faifon. Et pource que les vens 
d'Occident, qui foufflent le foir, y doiuent aufly eftre 


Œuveess. I. 35 


274 OEuvres DE DESCARTES. 198-190. 


aflés forts, par mefme raifon que ceux d'Orient, qui 
foufflent le matin; pour peu que le cours regulier de 
ces vens foit auancé, ou retardé, ou détourné, par les 
caufes particulieres qui peuuent plus ou moins dilater 
ou efpaiflir l'air en chafque contrée, ils fe rencontrent 
les vns les autres, & engendrent des pluies ou des 
tempeftes, qui ceffent ordinairement auflytoft aprés, 
a caufe que les vens d'Orient & de Nort, qui chaffent 
les nuës, demeurent les maiftres. Et ie croy que ce 
font ces vens d'Orient & de Nort que les Grecs appe- 
loient les Ornithies, a caufe qu'ils ramenoient les oi- 
feaux qui vienent au printems. Mais pour ce qui eft 
des Etefies, qu'ils obferuoient aprés le folftice d'efté, 
il eft vrayfemblable qu'ils procedent des vapeurs que 
le foleil efleue des terres & des eaux du Septentrion, 
aprés auoir | defia feiourné aflés longtems vers le Tro- 
pique du Cancre. Car vous fçaués qu'il s’arefte bien 
plus a proportion vers les Tropiques, qu'il ne fait en 
l'efpace qui ef entre deux ; & il fault penfer que, pen- 
dant les mois de Mars, d’Auril & de May, il diffout en 
vapeurs & en vens la plufpart des nuës & des neiges 
qui font vers noftre Pole; mais qu'il ne peut y efchauf- 
fer les terres & les eaux affés fort pour en efleuer 
d'autres vapeurs qui caufent des vens, que quelques 
femaines aprés, lorfque ce grand iour de fix mois, qu'il 
y fait, eft vn peu au delà de fon midy. 

Au refte, ces vens generaux & reguliers feroient 
toufiours tels que ie viens de les expliquer, fi la fu- 
perficie de la terre eftoit partout efgalement couuerte 
d'eaux, ou partout efgalement découuerte, en forte 
qu'il n'y euft aucune diuerfité de mers, de terres, & de 


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25 


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de Cd OS PS de à ST re. 


20 


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30 


199-100. Les MErEoREs. — Discours IV. 27 


montaignes, ny aucune autre caufe qui püft dilater 
les vapeurs que la prefence du foleil,ou les condenfer 
que fon abfence. Mais il faut remarquer que, lorfque 
le foleil luift, il fait fortir communement plus de va- 
peurs des mers que des terres, a caufe que les terres, 
fe trouuant feiches en plufieurs endroits, ne luy four- 
niflent pas tant de matiere; & qu'au contraire, lors 
quil eft abfent, la chaleur qu'il a caufée en fait fortir 
dauantage des terres que des mers, a caufe qu'elle y 
demeure plus fort imprimée. C'eft pourquoy on ob- 
ferue fouuent, aux bords de la mer, que le vent vient le 
iour du cofté de l'eau, & la nuit du cofté de la terre. 
Et c'eft pour cela aufly que ces feux, qu'on nomme des 
Ardans, conduifent de nuit les voyafgeurs vers les 
eaux ; car ils fuiuent indiffleremment le cours de l'air, 
qui tire vers là des terres voyfines, a caufe que celuy 
qui y eft fe condenfe. Il fault aufly remarquer que 
l'air qui touche la fuperficie des eaux fuit leur cours 
en quelque façon ; d’où vient que les vens changent 
fouuent, le long des coftes de la mer, auec fes flux & 
reflux; & que, le long des grandes riuieres, on fent 
en tems calme de petits vens, qui fuiuent leur cours. 
Puis il faut remarquer aufly que les vapeurs, qui vienent 
des eaux, font bien plus humides & plus efpaifles que 
celles qui s’efleuent des terres, & qu'il y a toufiours 
parmi celles cy beaucoup plus d'air & d'exhalaifons. 
D'où vient que les mefmes tempefles font ordinaire- 
ment plus violentes fur l'eau que fur la terre, & qu'vn 
mefme vent peut eftre fec en vn païs & humide en vn 
autre; comme on dit que les vens de Midy, qui font 
humides prefque par tout, font fecs en Egipte, où il 


276 OEUVRES DE DESCARTES. Mer. 


n'y a que les terres feiches & bruflées du refte de 
l'Afrique, qui leur fourniffent de matiere. Et c’eft fans 
doute cecy qui eft caufe qu'il n'y pleut prefque iamais : 
car, quoy que les vens de Nord venans de la mer y 
foient humides, toutefois, pource qu’auec cela ils y 
font les plus froids qui s'y trouuent, ils n'y peuuent 
pas ayfement caufer de pluie, ainfi que vous enten- 
drés cy aprés. Outre cela, il faut confiderer que la 
lumiere de la Lune, qui eft fort inefgale felon qu'elle 
s'efloigne ou s'approche du Soleil, contribue a la dila- 
tation des vapeurs, comme fait aufly celle des autres 
Afres; mais que c'eft feulement en mefme proportion 
que nous fentons qu'elle agift contre nos yeux; car ce 
font les iuges les plus certains que nous puiflions 
auoir pour connoiftre la force de la lumiere; & que, 
par confequent, celle | des Eftoiles n'eft quañi point 
confiderable, a comparaifon de celle de la Lune, ny 
celle ey a comparaifon du Soleil. Enfin on doit confi- 
derer que les vapeurs s’efleuent fort inefgalement des 
diuerfes contrées de la terre : car & les montaignes 
font efchauflées par les aftres d'autre façon que les 
plaines, & les forets que les prairies, & les chams cul- 
tiués que les defers, & mefme certaines terres font 
plus chaudes d'elles mefmes ou plus ayfées a efchaufter 
que les autres. Et en fuite, fe formant des nuës en l'air 
fort inefgales, & qui peuuent eft'e tranfportées d'vne 
region en vne autre par les moindres vens, & foufte- 
nuës a diuerfes diftances de la terre, mefme plufieurs 
enfemble au deflus les vnes des autres, les aftres agif- 
fent derechef d'autre façon contre les plus hautes que 
contre les plus baffes; & contre celles cy que contre 


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ETS a ct PR TN PERL re) 


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201-202. Les METEoREs. — Discours IV. 277 


la terre qui eft au deflous; & d'autre façon contre 
les mefmes endroits de la terre, lorfqu'il n y a point 
de nuës qui les couurent, que lorfqu'il y en a, & aprés 
qu'il a plü ou neigé qu'auparauant. Ce qui fait quil 
eft prefque impoflible de preuoir les vens particuliers 
qui doiuent eftre chafque iour en chafque contrée de 
la terre, & que mefme il y en a fouuent plufieurs 
contraires qui pañlent au deflus les vns des autres. 
Mais on y pourra bien determiner en general quels 
vens doiuent eftre les plus frequens & les plus forts, 
& en quels lieux & quelles faifons ils doiuent regner, 
fi on prent exaétement garde a toutes les chofes qui 
ont efté icy remarquées. Et on le pourra encore beau- 
coup mieux determiner dans les grandes mers, princi- 
palement aux endroits fort efloignés de la terre, a 
caufe que, n y ayant point d'inefgalités en la fuper- 
ficie | de l’eau, femblables a celles que nous venons 
de remarquer fur les terres, il s'y engendre beaucoup 
moins de vens irreguliers; & ceux qui vienent des 
coftes ne peuuent gueres pañler iufques là, comme 
tefmoigne aflés l'experience de nos matelots, qui, pour 
cete caufe, ont donné a la plus large de toutes les 
mers le nom de Pacifique. Et ie ne fçache plus rien 
icy digne de remarque, finon que prefque tous les 
fubits changemens d'air, comme de ce qu'il deuient 
plus chaud, ou plus rare, ou plus humide que la faifon 
ne le requert, dependent des vens : non feulement de 
ceux qui font aux mefmes regions où fe font ces chan- 
gemens, mais aufly de ceux qui en font proches, & 
des diuerfes caufes dont ils procedent. Car, par 
exemple, fi pendant que nous fentons iey vn vent de 


+ 


278 Œuvres DE DESCARTES. 20206 


Midy, qui, ne procedant que de quelque caufe parti- 
culiere, & ayant fon origine fort prés d'icy, n'amene 
pas beaucoup de chaleur, il y en a vn de Nord aux 
païs voyfins, qui viene d’affés loin ou d’affés haut, la 
matiere tres fubtile, que cetuy cy amene auec foy, 
peut ayfement paruenir iufques a nous, & y caufer 
vn froid extrordinaire. Et ce vent de Midy, ne for- 
tant que du lac voyfin, peut eftre fort humide; au lieu 
que s'il venoit des campaignes defertes qui font au 
delà, il feroit plus fec. Et n'eftant caufé que par la 
dilatation des vapeurs de ce lac, fans que la condenfa- 
tion d'aucunes autres qui foient vers le Septentrion y 
contribue, 1l doit rendre noftre air bien plus efpais & 
plus pefant, que s'il n'efloit caufé que par cete con- 
denfation, fans qu'il fe fift aucune dilatation de va- 
peurs vers le Midy. A quoy fi nous adiouftons que la 
matiere fubtile, & les vapeurs qui font dans les pores 
de la terre, prenant diuers cours, y font aufly comme 
des vens, qui amenent auec foy des exhalaifons de 
toutes fortes, felon les qualités des terres par où ils 
pañlent; &, outre cela, que les nuës, en s'abaiffant, 
peuuent caufer vn vent qui chañle l'air de haut en bas, 
ainfi que ie diray cy apprés; nous aurons, ie croy, 
toutes les caufes des changemens d’air qui fe re- 
marquent. | 


10 


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25 


203-204. Les METEOREs. — Discours V. 279 


DÉS: NVES: 


Difcours Cinquiefme. 


Aprés auoir confideré comment les vapeurs, en fe 
dilatant, caufent les vens, il faut voir comment, en 
fe condenfant & referrant, elles compofent les nuës 
& les brouillas. A fçauoir, fitoft qu'elles deuienent 
notablement moins tranfparentes que l'air pur, fi elles 
s'eftendent iufques a la fuperficie de la terre, on les 
nomme des brouillas: mais fi elles demeurent fufpen- 
duës plus haut, on les nomme des nuës. Et il eft a 
remarquer que ce qui les fait ainfi deuenir moins 
tranfparentes que l'air pur, c'eft que, lorfque leur mou- 
uements alentift, & que leurs parties font aflés proches 
pour s'entretoucher, elles fe ioignent & s'affemblent 
en diuers petits tas, qui font autant de gouttes d'eau, 
ou bien de parcelles de glace. Car, pendant qu'elles 
demeurent tout a fait feparées & flotantes en l'air, 
elles ne peuuent gueres empefcher le cours de la lu- 
miere; au lieu qu'eftant afflemblées, encore que les 
gouttes d eau ou les parcelles de glace qu'elles com- 
pofent foient tranfparentes, toutefois, a | caufe que 
chafcune de leurs fuperficies fait reflefchir vne partie 
des rayons qui donnent decontre, ainfi qu’il a efté dit 


en la Dioptrique* de toutes celles des cors tranfparens, 


ces fuperficies fe trouuent ayfement en aflés grand 


a, Plus haut, pages 196-107. 


280 OEuvres DE DESCARTES. 204 208 


nombre pour les faire tous ou prefque tous reflefchir. 
Et pour les gouttes d'eau, elles fe forment, lorfque la 
matiere fubtile qui eft autour des petites parties des 
vapeurs, n'ayant plus affés de force pour faire qu'elles 
s'eftendent & fe chaffent les vnes les autres, en a en- 
core aflés pour faire qu'elles fe plient &, en fuite, que 
toutes celles qui fe rencontrent fe ioignent & s'accu- 
mulent enfemble en vne boule. Et la fuperficie de cete 
boule deuient incontinent toute efgale & toute polie, 
a caufe que les parties de l'air qui la touchent fe 
meuuent d'autre façon que les fienes, & aufly la ma- 
tiere fubtile, qui eft en fes pores, d'autre façon que 
celle qui eft en ceux de l'air, comme il a defia tantoft 
efté expliqué en parlant de la fuperficie de l’eau de la 
mer. Et pour mefme raifon aufly, elle deuient exacte- 
ment ronde : car, comme vous pouués fouuent auoir 
veu que l’eau des riuieres tournoye & fait des cercles, 
aux endroits où 1l y a quelque chofe qui l'empefche 
de fe mouuoir en ligne droite aufly vifte que fon agi- 
tation le requert; ainfi faut il penfer que la matiere 
fubtile, coulant par les pores des autres cors, en 
mefme façon qu'vne riuiere par les interualles des 
herbes qui croiffent en fon lit, & pañlant plus libre- 
ment d'vn endroit de l'air en l’autre, & d'vn endroit 
de l'eau aufly en l’autre, que de l’air en l’eau, ou re- 
ciproquement de l'eau en l’air,comme il a efté ailleurs 
remarqué, elle doit tournoyer au dedans de cete 
goutte, & aufly au dehors | en l'air qui l'enuironne, 
mais d'autre mefure qu'au dedans &, par ce moyen, 
difpofer en rond toutes les parties de f1 fuperficie. 
Car elles ne peuuent manquer d'obeir a fes mouue- 


20 


25 


30 


dar. 


PEN AE 


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3 


205206. Les MErTEoRESs. — Discours V. 281 


mens, d'autant que l'eau eft vn cors liquide. Et fans 
doute cecy eft fuflifant pour faire entendre que les 
gouttes d'eau doiuent eftre exactement rondes, au fens 
que leurs fections font paralleles a la fuperficie de la 
terre; car 1l n y a point de raifon qu'aucune des par- 
ties de leur circonference s'efloigne ny s'approche de 
leurs centres plus que les autres en ce fens là, vü 
qu'elles n y font ne plus ne moins preflées d'vn cofté 
que d'autre par l'air qui les enuironne, au moins s'il 
eft calme & tranquille, comme nous le deuons icy 
fuppofer. Mais, pource que, les confiderant en autre 
fens, on peut douter, lorfqu'elles font fi petites que 
leur pefanteur n'a pas la force de leur faire diuifer 
l'air pour defcendre, fi cela ne les rend point vn peu 
plus plates & moins efpaiffes en leur hauteur qu'en 
leur largeur, comme T ou V, il faut 2 SCA ES 

Peade sardesmiellestont de l'air 470 uv 0x Ÿ 

autour de leurs coftés aufly bien qu'au deffous, & 
que, fi leur pefanteur n'eft fuflifante pour faire que 
celuy qui eft au deflous leur quitte fa place & les 
laifle defcendre, elle ne le peut eftre non plus pour 
faire que celuy qui eft aux coftés fe retire, & les 
laiffe deuenir plus larges. Et pource qu'on peut 
douter, tout au contraire, lorfque leur pefanteur les 
fait defcendre, fi l'air qu'elles diuifentneles rend point 
vn peu plus longues & eftroites, comme X ou Y, il faut 
encore prendre garde, qu'en eftant enuironnées tout 
autour, celuy qu'elles diuifent, & dont elles vont oc- 
culper la place en defcendant, doit monter a mefme 
tems au deflus d'elles, pour y remplir celle qu'elles y 


laiffent, & qu'il ne le peut qu'en coulant tout le long 
Œuvres. I, 36 


282 OEUVRES DE DESCARTES. 206-207. 


de leur fuperficie, où 1l trouue le chemin plus court & 
plus ayfé, lorfqu'elles font Fu que fi elles auoient 
quelque autre figure; car chafcun fçait que, de toutes 
les figures, c'eft la ronde qui eft la plus capable, c'eft 
a dire QE qui a le moins de fuperficie a raifon de la 
grandeur du cors qu'elle contient. Et ainfi, en quelle 
façon qu'on Île veuille prendre, ces gouttes doiuent 
toufiours demeurer rondes, fi ce n’eft que la force de 
quelque vent, ou quelque autre caufe particuliere, les 
en empefche. Pour ce qui eft de leur groffeur, elle de- 
pend de ce que les parties de la vapeur font plus ou 
moins proches les vnes des autres, lorfqu'elles com- 
mencent a les compofer, & aufly de ce qu'elles font, 
par aprés, plus ou moins agitées, & de la quantité 
des autres vapeurs qui peuuent venir fe ioindre aelles. 
Car chafeune d'abbord ne fe compofe que de deux ou 
trois des petites parties de la vapeur qui s'entreren- 
contrent, mæs, aufly toft aprés, fi cete vapeur a efté 
vn peu efpaifle, deux ou trois des gouttes quts'en font 
formées, en fe rencontrant, fe ioignent en vne, & de- 
rechef deux ou trois de celles cy encore en yne, & 
ainfi de fuite, iufques a ce qu'elles ne fe puiflent plus 
rencontrer. Et pendant qu'elles fe fouftienent en l'air, 
il peut aufly venir d’autres vapeurs fe 1oindre a elles, 
& les groflir, iufques a ce qu’enfin leur pefanteur les 
face babe: en pluie ou en rofée. 

Pour les petites parcelles de glace, elles fe Panne 
lorfque le froid eft fi grand que les parties de la va- 
peur | ne peuuent eftre pliées par la matiere fubtile qui 
eft parmi elles. Et fi ce froid ne furuient qu'aprés que 
les gouttes font defia formées, il les laiffe toutes 


20 


25 


30 


ul din .-E: 


CORRE SE CNRS Ho DA ef de 


207-2u8. LES METEoRESs.' — Discours V. 283 


rondes en les gelant, fi ce n’eft qu'il foit accompagné 
de quelque vent aflés fort, qui les face deuenir vn peu 
plates du cofté qu'il les rencontre. Et, au contraire, s'il 
furuient dés auparauant qu'elles ayent commencé a 
fe former, les parties de la vapeur ne fe ioignent qu'en 
long, & ne compofent que des filets de glace fort de- 
liés. Mais, fi le froid furuient entre ces deux tems, 
ce qui eft le plus ordinaire, il gele les parties de la 
vapeur a mefure qu'elles fe plient & s'entaflent plu- 
fieurs enfemble, fans leur donner le’loyfir de s'vnir 
affés parfaitement pour former des gouttes; & ainfi il 
en fait de petits nœuds ou pelotons de glace, qui font 
tous blancs, a caufe qu'ils font compofés de plufieurs 
filets, qui ne laiïflent pas d’eftre feparés & d'auoir 
chafcun leurs fuperficies diftintes, encore qu'ils 
foient pliés l'vn fur l’autre. Et ces nœuds font comme 
velus ou couuers de poil tout alentour, a caufe qu'il 
y a toufiours plufieurs parties de la vapeur, qui, ne 
pouuant fe plier & s'entaffer fitoft que les autres, s’ap- 
pliquent toutes droites contre eux, & compofent les 
petits poils qui les couurent : & felon que ce froid 
vient plus lentement ou plus a coup, & que la vapeur 
eft plus efpaifle ou plus rare, ces nœuds fe forment 
plus gros ou plus petits; & les poils ou filets qui les 
enuironnent, plus forts & plus cours, ou plus deliés 
& plus longs. 

Et vous pouués voir, de cecy, qu'il y a toufiours 
deux chofes qui font requifes pour conuertir les va- 
peurs en eau ou en glace : a fçauoir que leurs parties 
foient affés|proches pour s'entretoucher, & qu'il y ait 
autour d'elles affés de froideur pour faire qu'en s'en- 


284 OŒEuvreEs DE DESCARTES. 208-209. 


tretouchant elles fe ioignent & s’areftent les vnes aux 
autres. Car ce ne feroit pas aflés que leur froideur 
fuft tres grande, fi elles efloient efparfes en l'air fi loin 
a loin qu'elles ne s'entretouchaffent aucunement; ny 
aufly qu'elles fuflent fort proches les vnes des autres 
& fort preflées, fi leur chaleur, c'eft a dire leur agita- 
tion, eftoit aflés forte pour les empefcher de fe ioindre. 
Ainfi on ne voit pas qu'il fe forme toufiours des nuës 
au haut de l'air, nonobftant que le froid y foit toufiours 
aflés grand pour cet effet; & il eft requis, de plus, 
qu'vn vent occidental, s'oppofant au cours ordinaire 
des vapeurs, les affemble & les condenfe aux endroits 
où il fe termine; ou bien que deux ou plufieurs autres 
vens, venans de diuers coftés, les preffent & accu- 
mulent entre eux; ou quvn de ces vens les chaffe 
contre vne nuë defia formée; ou enfin qu'elles aillent 


s'affembler de foy mefme contre le deflous de quelque 


nuë, a mefure quelles fortent de la terre” Erultnene 
forme pas aufly toufiours des brouillars autour de 
nous; ny en hyuer, encore que l'air y foit aflés froid; 
ny en efté, encore que les vapeurs y foient aflés abon- 
dantes; mais feulement lorfque la froideur de l'air & 
l'abondance des vapeurs concourent enfemble,comme 
il arriue fouuent le foir ou la nuit, lorfqu'vn iour affés 
chaud a precedé : principalement au printems plus 
qu'aux autres faifons, mefme qu'en automne, a caufe 
qu'il y a plus d'inefgalité entre la chaleur du iour & 
la froideur de la nuit; & plus auffy aux lieux marefca- 
geux ou maritimes que fur les terres qui font loin des 

eaux, ny fur les eaux qui font loin | des terres, a caufe 
que lon perdant plutoft fa chaleur que la terre, y 


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23 


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25 


30 


209-210. Les METEORES. — Discours V. 28 


rafroidift l'air, dans lequel fe condenfent les vapeurs 
que les terres humides & chaudes produifent en abon- 
dance. Mais les plus grans brouillas fe forment, 
comme les nuës, aux lieux où le cours de deux ou 
plufieurs vens fe termine. Car ces vens chaflent vers 
ces lieux là plufieurs vapeurs, qui s y efpaififient, ou 
en brouillas, fi l’air proche de la terre eft fort froid ; 
ou en nuës, s'il ne l'eft aflés pour les condenfer que 
plus haut. Et remarqués que les gouttes d'eau, ou les 
parcelles de glace, dont les brouillas font compofés, 
ne peuuent eftre que tres petites : car, fi elles eftoient 
tant foit peu grofles, leur pefanteur les feroit def- 
cendre aflés promptement vers la terre, de façon que 
nous ne dirions pas que ce fuffent des brouillas, mais 
de la pluie ou de la neige; &, auec cela, que iamais il 
ne peut y auoir aucun vent où ils font, qu'il ne les 
diflipe bientoft aprés, principalement lorfqu'ils font 
compofés de gouttes d'eau : car la moindre agitation 
d'air fait que ces gouttes, en fe ioignant plufieurs en- 
femble, fe grofliflent & tombent en pluie ou en rofée. 
Remarqués aufly, touchant les nuës, qu'elles peuuent 
eftre produites a diuerfes diftances de la terre, felon 
que les vapeurs ont loyfir de monter plus ou moins 
haut, auant que d'eftre aflés condenfées pour les com- 
pofer. D'où vient qu'on en voit fouuent plufeurs au 
deffus les vnes des autres, & mefme qui font agitées 
par diuers vens. Et cecy arriue principalement aux 
pais de montaignes, a caufe que la chaleur qui efleue 
les vapeurs y agift plus inefgalement qu'aux autres 
lieux. Il faut remarquer, outre cela, que les plus 
hautes de ces nuës ne peuuent quafi iamais eftre com- 


280 Œuvres DE DESCARTES. 210. 


pofées de gouttes d'eau, mais feulement de parcelles 
de glace; car il eft certain que l’air où elles font eft 
plus froid, ou du moins auffy froid que celuy qui eft 
aux fommets des hautes montaignes, lequel nean- 
moins l'eft affés, mefme au cœur de l'efté, pour em- 
pefcher que les neiges ne s'y fondent. Et pourceque, 
plus les vapeurs s'efleuent haut, plus elles y trouuent 
de froid qui les gele, & moins elles y peuuent eftre 
preflées par les vens, de là vient que, pour l'ordi- 
naire, les plus hautes parties des nuës ne fe com- 
pofent que de filets de glace fort deliés, & qui font 
efpars en l'air fort loin a loin. Puis, vn peu au def- 
fous, il fe forme des nœuds ou pelotons de cete glace, 
qui font fort petits & couuers de poils; &, par degrés, 
encore d’autres au deflous, vn peu moins petits; & 
enfin quelquefois, tout au plus bas, il fe forme des 
gouttes d'eau. Et lorfque l'air qui les contient eft 
entierement calme & tranquille, ou bien qu'il eft tout 
efgalement emporté par quelque vent, tant ces gouttes, 
que ces parcelles de glace, y peuuent demeurer ef- 
parfes aflés loin a loin & fans aucun ordre, en forte 
que, pour lors, la forme des nuës ne differe en rien 
de celle des brouillas. Mais, pourceque fouuent elles 
font pouflées par des vens qui n'occupent pas efgale- 
ment tout l’air qui les enuironne, & qui, par confe- 
quent, ne les pouuant faire mouuoir de mefme mefure 
que cet air, coulent par deflus & par deflous, en les 


preflant & les contraignant de prendre la figure qui. 


peut le moins empefcher leur mouuement, celles de 
leurs fuperficies contre lefquelles paflent ces vens de- 
uienent toutes plates & vnies. Et ce que ie defire icy 


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30 


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zro-212, Les METEoREs. — Discours V. 287 


particulierement que vous  remarquiés, c'eft que tous 
les petits nœuds ou pelotons de neige, qui fe trouuent 
en ces fuperficies, s'arrengent exatement en telle 
forte, que chafcun d'eux en a fix autres autour de foy, 
qui le touchent, ou du moins qui ne font pas plus 
efloignés de luy l'vn que l'autre. Suppofons, par 
exemple, qu'au 
deflus de la terre 
AB il vient vn 
vent de la partie 
occidentale D, 
qui soppole au 
cours ordinaire 
deNlair zou, fi 
vous l'aymés mieux, a vn autre vent, qui vient de 
la partie orientale C; & que ces deux vens fe font 
areftés au commencement l'vn l'autre, enuiron l'ef- 
pace FGP, où ils ont condenfé quelques vapeurs, 
dont ils ont fait vne mafñle confufe, pendant que, 
leurs forces fe balençant & fe trouuant efgales en 
cet endroit, ils y ont laiflé l'air calme & tranquille. 
Car il arriue fouuent que deux vens font oppolés 
en cete forte, a caufe qu'il y en a toufiours plu- 
fieurs differens autour de la terre en mefme tems, 
& que chafcun d’eux y eftend d'ordinaire fon cours, 
fans fe détourner, iufques au lieu où il en rencontre 
vn contraire qui luy refifte. Mais leurs forces n'y 
peuuent gueres demeurer longtems ainf balancées, 
& leur matiere y affluant de plus en plus, s'ils ne 
ceflent tous deux enfemble, ce qui eft rare, le plus 
fort prent enfin fon cours par le deffous ou le deffus 


288 OEUVRES DE DESCARTES. RER 


de la nuë, ou mefme auñfly par le milieu, ou tout alen- 
tour, felon qu'il s'y trouue plus difpofé; au moyen de 
quoy, s'il n'amortift l’autre tout a fait, il le contraint 
au moins de fe détourner. Comme icy, ie fuppofe 
que le vent oc- 
cidental, ayant 
pris fon cours 
entre ‘GR; 
a contraint l'o- 
riental de paf- 
fer par deflous 
vers F, où il a 
fait tomber en 
rofée le brouillar qui y eftoit, puis a retenu au deflus 
de foy la nuë G qui, fe trouuant preflée entre ces 
deux vens, eft deuenuë fort plate & eftenduë. Et 
les petits pelotons de glace, qui ont efté en fa fu- 
perficie, tant du deflus que du deflous, comme aufly 
en celle du deflous de la nuë P, ont dû s y arrenger 
en telle forte que chafcun en ait fix autres qui l’en- 
uironnent ; car on ne fçauroit imaginer aucune rai- 
fon qui les en ait empefchés, & naturellement tous 
les cors rons|& efgaus qui font meus en vn mefme 
plan par vne force aflés femblable, s'arrengent en cete 
forte, ainfi que vous pourrés voir par experience, en 
iettant confufement vn rang ou deux de perles rondes 
toutes defilées fur vne afiette, & les esbranflant, ou 
foufflant feulement vn peu decontre, affin qu'elles 
s'approchent les vnes des autres. Mais notés que ie 
ne parle icy que des fuperficies du deffous ou du def- 
fus, & non point de celles des coftés, a caufe que l'inef- 


20 


213-214. Les METEORES. — Discours V. 289 


gale quantité de matiere, que les vens peuuent poufler 
decontre a chafque moment, ou en ofter, rend ordi- 
nairement la figure de leur circuit fort irreguliere & 
inefgale. le n'aioufte point aufly que les petits nœus 
de glace, qui compofent le dedans de la nuë G, fe 
doiuent arrenger en mefme façon que ceux des fuper- 
ficies, a caufe que ce n'eft pas vne chofe du tout fi ma- 
nifefte. Mais ie defire que vous confideriés encore ceux 
qui fe peuuent aller arefter au deflous d’elle, aprés 
quelle eft toute formée ; car fi, pendant qu'elle de- 
meure fufpenduë en l'efpace G, il fort quelques va- 
peurs des endroits de la terre qui font vers A, lef. 
quelles, fe refroidiffant en l'air peu a peu, fe conuer- 
tiflent en petits nœus de glace, que le vent chaffe vers 
L, il ny a point de doute que ces nœus s'y doiuent 
arrenger en telle forte que chafcun d'eux foit enui- 
ronné de fix autres, qui le preflent efgalement & foient 
en mefme plan, & ainfi compofer, premierement, 
comme vne feuille qui s’eftende fous la fuperficie de 
cete nuë, puis encore vne autre feuille qui s'eftende 
fous celle cy, & ainfi encore d'autres, autant qu'il y 
aura de matiere. Et de plus, il faut remarquer que le 
vent qui pañle entre la terre & cete nuë, agiffant auec 
| plus de force contre la plus bafle de ces feuilles que 
contre celle qui eft immediatement au deflus, & auec 
plus de force contre celle cy que contre celle qui eft 
encore-au deflus, & ainfi de fuite, les peut entraifner 
& faire mouuoir feparement l'vne de l'autre, & polir 
par ce moyen leurs fuperficies, en rabatant des deux 
coftés les petits poils qui font autour des pelotons 
dont elles font compofées. Et mefme il peut faire 


Œuvres. I. 37 


/ 


200 ŒŒEuvres DE DESCARTES. 214-215. 


glifler vne partie de ces feuilles hors du deflous 
de cete nuë G, & les tranfporter au delà, comme 
vers N,oùelles 
en compofent 
vne nouuelle. 
Etencorequeie 
n'aye icy parlé 
que des par- 
celles de glace 
qui font entaf- 
fées en forme 
de petis nœuds ou pelotons, le mefme fe peut ayfe- 
ment aufly entendre des gouttes d’eau, pouruü que 
le vent ne foit point aflés fort pour faire qu'elles 
s'entrepouflent, ou bien quil y ait autour d'elles 
quelques exhalaifons, ou, comme il arriue fouuent, 
quelques vapeurs non encore | difpofées a prendre la 
forme de l'eau, qui les feparent; car autrement, fi toft 
qu'elles fe touchent, elles s'aflemblent plufieurs en 
.vne, & ainfi deuienent fi grofles & fi pefantes, quelles 
font contraintes de tomber en pluie. 

Au refte, ce que ray tantoft dit, que la figure du cir- 
cuit de chaque nuë eft ordinairement fort irreguliere 
& inefgale, ne fe doit entendre que de celles qui oc- 
cupent moins d'efpace, en hauteur & en largeur, que 
les vens qui les enuironnent. Car il fe trouue quelque- 
fois fi grande abondance de vapeurs, en l'endroit où 


deux ou plufieurs vens fe rencontrent, qu'elles con- 


traignent ces vens de tournoyer autour d'elles, au 
lieu de pafler au deffus ou au deflous, & ainfi qu'elles 
forment vne nuë extraordinairement grande, qui, ef- 


20 


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15 


20 


ET Les MErEoREs. — Discours VI. 291 


tant efgalement preflée de tous coftés par ces vens, 
deuient toute ronde & fort vnie en fon circuit ; & 
mefme qui, lorfque ces vens font vn peu chauds, ou 
bien qu'elle eft expofée a la chaleur du Soleil, y 
acquert comme vne efcorfe ou vne croufte de plu- 
fieurs parcelles de glace iointes enfemble, qui peut 
deuenir aflés grofle & efpaifle fans que fa pefanteur 
la face tomber, a caufe que tout le refte de la nuë 
la fouftient. 


IDE PSSNEGEPDE EX PLVIE ET'DE LA GRESLE. 


Difcours Sixtefme. 


Il y a plufeurs chofes qui empefchent commune- 
ment que les nuës ne defcendent incontinent aprés 
eftre formées. Car, premierement, les parcelles de 
glace ou les gouttes d'eau dont elles font compofées, 
eftant fort petites, & par confequent ayant beaucoup 
de fuperficie a raifon de la quantité de leur matiere, la 
refiftence de l'air qu'elles auroient a diuifer, fi elles 
defcendoient, peut ayfement auoir plus de force pour 
les en empefcher que n'en a leur pefanteur pour les y 
contraindre. Puis les vens, qui font d'ordinaire plus 
fors contre la terre où leur cors eft plus groflier, qu’au 
haut de l'air où il eft plus fubtil, & qui, pour cete 
caufe, agiflent plus de bas en haut que de haut en 


\ 
1 der à 


EPP OS EUR 


292 OEUVRES DE DESCARTES. 216-217. 


bas, peuuent non feulement les fouftenir, mais fou- 
uent aufly les faire monter au deflus de la region de 
l'air où elles fe trouuent. Et le mefme peuuent encore 
les vapeurs qui, fortant de la terre, ou venant de 
quelque autre cofté, font enfler l'air qui eft fous elles; 
ou aufly la feule chaleur de cet air qui,en le dilatant, 
les repouffe; ou la froideur de celuy qui eft au deflus, 
qui, en le referrant, les attire; ou chofes femblables. 
Et particulierement les parcelles de glace, eftant pouf- 
fées les vnes contre les autres par les vens, s’entre- 
touchent fans s'vnir pour cela tout a fait, & compofent 
vn cors fi rare, fi leger | & fi eftendu, que, s'il n’y fur- 
uient de la chaleur qui fonde quelques vnes de fes 
parties & par ce moyen le condenfe & l’appefantiffe, 
il ne peut prefque iamais defcendre iufqu'a terre. Mais, 
comme il a efté dit cy deflus*, que l'eau eft en quelque 
façon dilatée par le froid lorfqu'elle fe gele, ainfi faut 
il icy remarquer que la chaleur, qui a couftume de ra- 
refier les autres cors, condenfe ordinairement celuy 
des nuës. Et cecy eft ayfé a experimenter en la neige, 
quieft de la mefme matiere dont elles font, excepté 
qu elle eft defia plus condenfée; car on voit qu'eftant 
mife en lieu chaud, elle fe referre & diminue beaucoup 
de grofleur, auant qu'il en forte aucune eau, ny qu'elle 
diminue de poids. Ce qui arriue d'autant que les ex- 
tremités des parcelles de glace dont elle eft compo- 
fée, eftant plus deliées que le refte, fe fondent plutoft ; 
& en fe fondant, c’eft a dire en fe pliant & deuenant 
comme viues & remuantes, a caufe de l'agitation de la 


matiere fubtile qui les enuironne, elles fe vont glifler 


a. Voir ci-avant, pages 237-238. 


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217-218. Les METEoREs. — Discours VI. 203 


& attacher contre les parcelles de glace voyfines, fans 
pour cela fe detacher de celles a qui elles font defia 
jointes, & ainfi les font approcher les vnes des autres. 
Mais, pource que les parcelles qui compofent les 
nuës, font ordinairement plus loin a loin que celles 
qui compofent la neige qui eft fur terre, elles ne 
péuuent ainfi s'approcher de quelques vnes de leurs 
voyfines fans s’efloigner par mefme moyen de quelques 
autres; ce qui fait qu'ayant efté auparauent efgalement 
efparfes par l'air, elles fe diuifent aprés en plufieurs 
petits tas ou floccons, qui deuienent d'autant plus 
gros que les parties de la nuë ont efté plus ferrées, & 
que la chaleur eft plus lente. Et mefme, lorsque 
quelque vent, ou quelque dilatation de tout l'air qui 
eft au deffus de la nuë, ou autre telle caufe fait que 
les plus hauts de ces floccons defcendentles premiers, 
ils s'attachent a ceux de deflous qu'ils rencontrent en 
leur chemin, & ainfi les rendent plus gros. Aprés 


_quoy la chaleur, en les condenfant & les appefantif- 


fant de plus en plus, peut ayfement les faire defcendre 


iufques a terre. Et lorfqu'ils y defcendent ainfi, fans 


eftre fondus tout a fait, ils compofent de la neige; 
mais fi l’air par où ils pañlent, eft fi chaud quil les 
fonde, ainfi qu'il eft toufiours pendant l'efté, & fort 
fouuent aux autres faifons en noftre climat, ils fe con- 
uertiflent en pluie. Et il arriue auffy quelquefois qu a- 
prés eftre ainfi fondus ou prefque fondus, il furuient 
quelque vent froid qui, les gelant derechef, en fait de 
la grefle. 

Or cete grefle peut eftre de plufieurs fortes : car, 
premierement, fi le vent froid qui la caufe rencontre 


* 


204 OŒEuvREs DE DESCARTES. 218-219. 


des gouttes d'eau defia formées, il en fait des grains 
de glace tous tranfparens & tous ronds, excepté qu'il 
les rend quelquefois vn peu plats du cofté qu'il les 
poufle. Et s'il rencontre des floccons de neige prefque 
fondus, mais qui ne foient point encore arondis en 
gouttes d’eau, alors il en fait cete grefle cornuë, & 
de diuerfes figures irregulieres, dont quelquefois les 
grains fe trouuent fort gros, a caufe qu’ils font formés 
par va vent froid qui, chaflant la nuë de haut en bas, 
poufñle plufieurs de fes floccons l'vn contre l’autre, & 
les gele tous en vne mafle. Et il eft icy a remarquer 
que, lorfque ce vent approche de ces floccons qui fe 
fondent, 1l fait que la chaleur de l'air qui les enui- 
ronne, c’eft a dire la matiere fubtile la plus agitée | & 
la moins fubtile qui foit en cet air, fe retire dans leurs 
pores, a caufe quil ne les peut pas du tout fi toft 
penetrer. En mefme façon que fur terre, quelquefois, 
lorfqu'il arriue tout a coup vn vent ou vne pluie qui 
rafroidift l'air de dehors, il entre plus de chaleur 
qu'auparauant dans les maifons. Et la chaleur, qui eft 
dans les pores de ces floccons, fe tient plutoft vers 
leurs fuperficies que vers leurs centres, d'autant que 
la matiere fubtile qui la caufe y peut mieux conti- 
nuer fes mouuemens; & là, elle les fond de plus en 
plus, vn peu deuant qu’ils commencent derechef a fe 
geler; & mefme les plus liquides, c'eft a dire les plus 
agitées de leurs parties qui fe trouuent ailleurs, tendent 
aufly vers là; au lieu que celles qui n'ont pas loyfir 
de fe fondre demeurent au centre. D'où vient que le 
dehors de chafque grain de cete grefle, eftant ordinai- 
rement compofé d'vne glace continuë & tranfparente, 


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à: 
“ 


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30 


219-220. Les METEORESs. — Discours VI. 294 


il y a dans le milieu vn peu de neige, ainfi que vous 
pourrés voir en les caflant.Et pource qu'elle ne tombe 
quafi iamais qu'en efté, cecy vous affurera que les 
nuës peuuent eftre, pour lors, compofées de parcelles 
de glace auffy bien que l'hyuer. Mais la raifon qui em- 
pefche qu'il ne peut gueres tomber en hyuer de telle 
grefle, au moins dont les grains foient vn peu gros, eft 
qu'il n'arriue gueres aflés de chaleur iufques aux nuës 
pour cet eflect, finon lorfqu'elles font fi bafles que 
leur matiere, eftant fondue ou prefque fondue, n’au- 
roit pas le tems de fe geler derechef, auant que d'eftre 
defcendue iufques a terre. Que fi la neige n'eft point 
encore fi fondue, mais feulement vn peu refchauftée 
& ramollie, lorfque le vent froid, qui la conuertift en 
grefle, furuient, |elle ne fe rend point du tout tranfpa- 
rente, mais demeure blanche comme du fucre. Et fi 
les floccons de cete neige font aflés petis, comme de 
la groffeur d’vn pois ou au deflous, chafcun fe conuer- 
tift en vn grain de grefle qui eft affés rond. Mais s'ils 
font plus gros, ils fe fendent & fe diuifent en plufieurs 
grains tous pointus en forme de pyramides. Car la 
chaleur, qui fe retire dans les pores de ces floccons, 
au moment qu vn vent froid commence a les enuiron- 
ner, condenfe & referre toutes leurs parties, en tirant 
de leurs circonferences vers leurs centres, ce qui les 
fait deuenir aflés ronds, & le froid, les penetrant 
aufly toft aprés, & les gelant, les rend beaucoup plus 
durs que neft la neige. Et pource que, lorfqu'ils font 
vn peu gros, la chaleur qu'ils ont au dedans continue 
encore de faire que leurs parties interieures fe re- 
ferrent & fe condenfent, en tirant toufiours vers le 


206 OEuvres DE DESCARTES. 220-221. 


centre, aprés que les exterieures font tellement dur- 
cies & engelées par le froid qu'elles ne les peuuent 
fuiure, il eft neceflaire qu'ils fe fendent en dedans, 
fuiuant des plans ou lignes droites qui tendent vers le 
centre, & que, leurs fentes s’augmentant de plus en 
plus a mefure que le froid penetre plus auant, enfin 
ils s'efclatent & fe diuifent en plufieurs pieces poin- 
tues, qui font autant de grains de grefle. le ne deter- 
mine point en combien de tels grains chafcun fe peut 
diuifer; mais il me femble que, pour l'ordinaire, ce 
doit eftre en 8 pour le moins, & qu'ils fe peuuent 
aufly peuteftre diuifer en douze ou 20 ou 24, mais en- 
core mieux en trente deux, ou mefme en beaucoup 
plus grand nombre, felon qu'ils font plus gros, & 
d'vne neige plus fubtile, & que le froid, qui les con- 
uertift en grefle, |eft plus afpre & vient plus a coup. Et 
j'ay obferué plus d'vne fois de telle grefle, dont les 
grains auoient a peu prés la figure des fegmens d'vne 
boule diuifée en huit parties efgales par trois feétions 
qui sentrecouppent au centre a angles droits. Puis 
j'en ay aufly obferué d'autres, qui, eftans plus longs 
& plus petis, fembloient eftre enuiron le quart de ceux 
là, bien que, leurs querres s’eftant émouflées & aron- 
dies en fe referrant, ils euflent quafi la figure d'vn 
pain de fucre. Et ray obferué aufly que deuant ou 
aprés, ou mefme parmi ces grains de grefle, il en tom- 
boit communement quelques autres qui eftoient rons. 

Mais les diuerfes figures de cete grefle n’ont encore 
rien de curieux ny de remarquable, a comparaifon de 
celles de la neige qui fe fait de ces petis nœuds ou 
pelotons de glace arrengés par le vent en forme de 


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| 
| 
| 
| 
j 


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30 


221-222. Les METEORES. — Discours VI. 297 


feuilles, en la façon que ray tantoft defcrite. Car, 
lorfque la chaleur commence a fondre les petis poils 
de ces feuilles, elle abat premierement ceux du deffus 
& du deflous, a caufe que ce font les plus expofés a 
fon action, & fait que le peu de liqueur, qui en fort, 


fe refpand fur leurs fuperficies, où il remplift aufly 


toft les petites inefgalités qui s’y trouuent, & ainfi les 
rend aufly plates & polies que font celles des cors li- 
quides, nonobftant qu'il s'y regele tout aufly toft, a 
caufe que, fi la chaleur n'eft point plus grande qu'il eft 
befoin pour faire que ces petis poils, eftant enuiron- 
nés d’air tout autour, fe degelent, fans qu'il fe fonde 
rien dauantage, elle ne l'eft pas aflés pour empefcher 
que leur matiere ne fe regele, quand elle eft fur ces 
fuperficies qui font de glace. Aprés cela, cete chaleur 
ramolifflant & flefchifflant aufly les petis poils qui 


reftent autour de chafque nœud dans le circuit où il 


eft enuironné de fix autres femblables a luy, elle fait 
que ceux de ces poils, qui font les plus efloignés des 
fix nœuds voyfins, fe plians indifleremment ça & là, fe 
vont tous ioindre a ceux qui font vis a vis de ces fix 
nœuds; car ceux cy, eftans rafroidis par la proximité 
de ces nœuds, ne peuuent fe fondre, mais tout au con- 
traire font geler derechef la matiere des autres, fitoft 
qu elle eft meflée parmi la leur. Au moyen de quoy, il 
fe forme fix pointes ou rayons autour de chafque 
nœud, qui peuuent auoir diuerfes figures felon que 
les nœuds font plus ou moins gros & preflés, & leurs 


_poils plus ou moins fors & longs, & la chaleur qui les 
55; q 


aflemble plus ou moins lente & moderée; & felon 
aufly que le vent qui accompaigne cete chaleur, fi au 
Ë Œuvres. I. 38 


208 OEUVRES DE DESCARTES. 223-223. 


moins elle eft accompaignée de quelque vent, eft plus 
ou moins fort. Et ainfi la face exterieure de la nuéë, 
qui eftoit auparauant telle qu'on voit vers Z ou vers 


LE IT K Z à 
| 
° & k X * Je 
HARX XX R voeQ 
pa x SUR ù 
RER EO Fe . ee 
HKKAKIR EX À He Se 
HIHI XX. PIPEERS 
HHHAMXR  JÉ JE SEE ed M 
FRKK He 


M, deuient, par aprés, telle qu'on voit vers O ou vers 
Q, & chafcune des parcelles de glace dont elle eft 
compofée, a la figure d’vne petite rofe ou eftoile fort 
bien taillée. 

Mais, affin que vous ne penfiés pas que ie n'en 
parle que par opinion, ie vous veux faire icy le rap- 


port d'vne obferuation que j'en ay faite l’hyuer pañlé 


163$. Le quatriefme de Feurier, l'air ayant efté aupa- 
rauant extremement froid, il tomba le foir a Amfter- 
dam, où r'eftois pour lors, vn peu de verglas, c'eft a 
dire de pluie qui fe geloit en arriuant contre la terre; 
& aprés, il fuiuit vne grefle fort menue, dont ie iugay 
que les grains, qui n'eftoient qu a peu prés de la grof- 
feur qu'ils font reprefentés vers H, eftoient des gouttes 
de la mefme pluie qui s’eftoient gelées au haut de 
l'air. Toutefois, au lieu d'eftre exaétement rons comme 


fans doute ces gouttes auoient efté, ils auoient vn 


cofté notablement plus plat que l’autre, en forte qu'ils 


20 


20 


29 


30 


223-224. Les MErEoREs. — Discours VI. 299 


reflembloient prefque en figure la partie de noftre œil 
qu'on nomme l'humeur criftaline. D'où ie connu que 
le vent, qui eftoit lors tres grand & tres froid, auoit 
eu la force de changer ainfi ia figure des gouttes en 
les gelant. Mais ce qui m'eftonna le plus de tout, fut 
qu'entre ceux de ces grains qui tomberent les der- 
niers, ien remarquay quelques vns qui auoient au- 
tour de foy fix petites dens, femblables a celles des 
rouës des horologes, ainfi que vous voyés vers I. Et 
ces dens eftant fort blanches, comme du fucre, au lieu 
que les grains, qui eftoient de glace tranfparente, 
fembloient prefque noirs, elles paroifloient manifef- 
tement eftre faites d'vne neige fort fubtile qui s’eftoit 
attachée autour| d'eux depuis qu'ils eftoient formés, 
ainfi que s'attache la gelée blanche autour des plantes. 
Et ie connu cecy d'autant plus clairement de ce que, 
tout a la fin, j'en rencontray vn ou deux qui auoient 
autour de foy plufieurs petits poils fans nombre, com- 
pofés d'vne neige plus pale & plus fubtile que celle 
des petites dens qui eftoient autour des autres, en 
forte qu'elle luy pouuoit eftre comparée en mefme 
façon que la cendre non foulée, dont fe couurent les 
charbons en fe confumant, a celle qui eft recuite &° 
entaflée dans le foièr*. Seulement auois-ie de la peine 
a imaginer qui pouuoit auoir formé & compafñé fi 
iuftement ces fix dens autour de chafque grain dans le 
milieu d'vn air libre & pendant l'agitation d'vn fort 
grand vent, iufques a ce qu'enfin ie confideray que ce 
vent auoit pu facilement emporter quelques vns de 
ces grains au deflous ou au delà de quelque nuë, & 


a. « fuier » D. 


300 Œuvres DE DESCARTES. 224-205. 


les y fouftenir, a caufe qu'ils efloient affés petits; & 
que là ils auoient deu s’arrenger en telle forte, que 
chafcun d'eux | fuft enuironné de fix autres fitués en vn 
mefme plan, fuiuant l'ordre ordinaire de la nature. Et, 
de plus, qu'il eftoit bien vrayfemblable que la chaleur, 
qui auoit deu eftre vn peu auparauant au haut de l'air, 
pour caufer la pluie que r'auois obferuée, y auoit auffy 
efmeu quelques vapeurs que ce mefme vent auoit 
chaflées contre ces grains, où elles s'eftoient gelées 
en forme de petits poils fort deliés, & auoient mefme 
peuteftre aydé a les fouftenir : en forte qu'ils auotent 
pü facilement demeurer là fufpendus, iufques a ce 
qu'il fuft derechef furuenu quelque chaleur. Et que, 
cete chaleur fondant d'abbord tous les poils qui ef- 
toient autour de chafque grain, excepté ceux qui 
s'efloient trouués vis a vis du milieu de quelqu'vn des 
fix autres grains qui l'enuironnoient, a caufe que leur 
froideur auoit empefché fon ation, la matiere de ces 
poils fondus s’efloit meflée aufly toft parmi les fix tas 
de ceux qui eftoient demeurés, & les ayant, par ce 
moyen, fortifiés & rendus d'autant moins penetrables 
a la chaleur, elle s’eftoit gelée parmi eux, & ils auoient 
‘ ainfi compofé ces fix dens. Au lieu que les poils fans 
nombre que r'auois vü autour de quelques vns des 
derniers grains qui eftoient tombés, n’auoient point du 
tout efté attains par cete chaleur. Le lendemain matin, 
fur les huit heures, r'obferuay encore vne autre forte 
de grefle, ou plutoft de neige, dont ie n'auois iamais 
ouy parler. C'eftoient de petites lames de glace toutes 
plates, fort polies, fort tranfparentes, enuiron de l’ef- 
paifleur d'vne feuille d'affés gros papier, & de la gran- 


20 


25 


30 


225-226. Les METEORES. — Discours VI. 301 


deur qu'elles fe voyent vers K, mais fi parfaitement 
taillées en hexagones, & dont les fix coftés eftoient fi 
droits, & les fix angles fi efgaux, qu’il eft impoñlible 
aux hommes de rien faire de fi exact. le vis bien in- 
continent que ces lames auoient deu eftre premiere- 
ment de petits pelotons de glace, arrengés comme ray 
tantoft dit, & preflés par vn vent tres fort,accompagné 
d'aflés de chaleur, en forte que cete chaleur auoit 
fondu tous leurs poils, & auoit tellement rempli tous 
leurs pores de l'humidité qui en eftoit fortie, que de 
blancs, qu'ils auoient efté auparauant, ils eftoient de- 
uenus tranfparens; & que ce vent les auoit a mefme 
tems fi fort preflés les vns contre les autres, qu'il 
n'eftoit demeuré aucun efpace entre deux, & quil 
auoit aufly applani leurs fuperficies en pañlant par 
deffus & par deffous, & ainfi leur auoit iuftement donné 
la figure de ces lames. Seulement reftoit il vn peu de 
difficulté, en ce que, ces pelotons de glace ayant efté 
ainfi demi fondus & a mefme tems preflés l'vn contre 
l'autre, ils ne s’'eftoient point collés enfemble pour 
cela, mais eftoient demeurés tous feparés; ear, quoy 
que 1 y prifle garde expreflement, ie n'en pü iamais 
rencontrer deux qui tinfent l’vn a l'autre. Mais ie me 
fatisfis bientoft là deflus, en confiderant de quelle fa- 
çon le vent agite toufiours & fait plier fuccefliuement 
toutes les parties de la fuperficie de l’eau, en coulant 
_ par deflus, fans la rendre pour cela rude ou inefgale. 
Car ie connu de là qu'infalliblement il fait plier & 
ondoyer en mefme forte les fuperficies des nuës, & 
qu'y remuant continuellement chafque parcelle de 
glace, vn peu autrement que fes voyfines, il ne leur 


* 
FL ON AAA RUE LES TR 


302 OEUVRES DE DESCARTES. 226-227. 


permet pas de fe coller enfemble tout a fait, encore 
qu'il ne les defarrenge point pour cela, & qu'il ne 
laifle pas cependant d'applanir & de polir leurs | pe- 
tites fuperficies : en mefme façon que nous voyons 
quelquefois qu'il polift celle des ondes qu'il fait en 
la poufliere d'vne campaigne. Aprés cete nuë, il en 
vint vne autre, qui ne produifoit que de petites rozes 
ou rouës a fix dens arondies en demis cercles, telles 


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qu'on les voit vers Q, & qui eftoient toutes tranfpa- 
rentes & toutes plates, a peu prés de mefme efpaif- 
feur que les lames qui auoient precedé, & les mieux 
taillées & compañlées qu'il foit poflible d'imaginer. 
Mefme rapperceu, au milieu de quelques vnes, vn 
point blanc fort petit, quon euft pü dire eftre la 
marque du pied du compas dont on s’eftoit ferui pour 
les arondir. Mais il me fut ayfé de iuger qu'elles s’ef- 
toient formées de la mefme façon que ces lames, ex- 
cepté que, le vent les ayant beaucoup moins preflées, 
& la chaleur ayant peuteftre aufly efté vn peu moindre, 
leurs pointes ne s’eftoient pas fondués tout a fait, mais 
feulement vn peu racourcies & arondies par le bout 


20 


227-208. Les METEORES. — Discours VI. 303 


en forme de dens. Et pour le point blanc qui paroiffoit 
au milieu de quelques vnes, ie né doutois point qu'il 
ne procedaft de ce que la chaleur, qui de blanches les 
auoit rendues tranfparentes, auoit efté fi mediocre, 
qu'elle n'auoit pas du tout penctré iufques a leur 
centre. Il fuiuit, aprés, plufieurs autres telles rouës, 
jointes deux a deux par vn aiflieu, ou plutoft, a caufe 
que du commencement ces aiffieux eftoient fort gros, 
on euft pù dire que c'efloient autant de petites co- 
lomnes de criftal, dont chafque bout eftoit orné d'yne 
rofe a fix feuilles, vn peu plus large que leur baze. 
Mais il en tomba, par aprés, de plus deliés, & fouuent 
les rofes ou eftoiles qui eftoient a leurs extremités 
eftoient inefgales. Puis il en tomba aufly de plus cours, 
& encore de plus cours par degrés, iufques a ce 
qu'enfin ces eftoiles fe ioignirent tout a fait, & il en 
tomba de doubles a douze pointes ou rayons affés 
longs & parfaitement bien compañlés, aux vnes tous 
efgaux, & aux autres alternatiuement inefgaux, comme 
on les voit vers-F & vers E. Et tout cecy me donna 
occafion de confiderer que les parcelles de glace, qui 
font de deux diuers plans ou feuilles pofées l'vne fur 
l'autre dans les nuës, fe peuuent attacher enfemble 
plus ayfement que celles d'yne mefme feuille. Car, 
bien que le vent, agiflant d'ordinaire plus fort contre 
les plus bafles de ces feuilles que contre les plus 
hautes, les face mouuoir vn peu plus vifte, ainfi quil 
a efté tantoft remarqué, neanmoins il peut aufly quel- 
quefois agir contre elles d'efgale force, & les faire 
ondoyer de mefme façon : principalement lorfqu'il 
n y en a que deux ou trois l'vne fur l'autre, & lors, fe 


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304 OEuvREs DE DESCARTES, 228-229. 


criblant par les enuirons des pelotons qui les com- 
pofent, il fait que ceux de ces pelotons|qui fe cor- 
refpondent en diuerfes feuilles, fe -tienent toufiours 
comme immobiles vis a vis les vns des autres, non- 
obftant l'agitation & ondoyement de ces feuilles, a 
caufe que par ce moyen le paflage luy eft plus ayfé. 
Et cependant la chaleur, n’eftant pas moins empef- 
chée, par la proximité des pelotons de deux diuerfes 
feuilles, de fondre ceux de leurs poils qui fe regardent, 
que par la proximité de ceux d’vne mefme, ne fond 
que les autres poils d’alentour, qui, fe meflans aufly- 
toft parmi ceux qui demeurent, & s'y regelant, com- 
pofent les aiflieux ou colomnes qui ioignent ces petits 
pelotons, au mefme tems qu'ils fe changent en rozes 
ou en eftoiles. Et ie ne m'eflonnay point de la grof- 
feur que 1'auois remarquée au commencement en ces 
colomnes, encore que ie connuffe bien que la matiere 
des petits poils qui auoient efté autour de deux 
pelotons, n'auoit pù fuflire pour les compofer : car 
ie penfay qu'il y auoit eu peuteftre quatre ou cinq 
feuilles l'vne fur l'autre, & que la chaleur, ayant agi 
plus fort contre les deux ou trois du milieu, que contre 
la premiere & la derniere, a caufe qu'elles eftoient 
moins expolées au vent, auoit prefque entierement - 
fondu les pelotons qui les compofoient, & en auoit 
formé ces colomnes.le ne m'eftonnay point, non plus, 
de voir fouuent deux eftoiles d'inefgale grandeur 
iointes enfemble; car, prenant garde que les rayons 
de la plus grande eftoient toufiours plus longs & plus 
pointus que ceux de l'autre, ie iugeois que la caufe 
en eftoit que la chaleur, ayant efté plus forte autour 


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229-230. Les METEORESs. — Discours VI. 30$ 


de la plus petite que de l’autre, auoit dauantage fondu 
& émouffé les pointes de ces rayons ; ou bien que 
cete plus petite pouuoit aufly auoir  efté compofée 
d'vn peloton de glace plus petit. Enfin, ie ne m’efton- 
nay point de ces eftoiles doubles a douze rayons, qui 
tomberent aprés; car ie iugay que chafeune auoit efté 
compofée de deux fimples a fix rayons, par la chaleur 
qui, eftant plus forte entre les deux feuilles où elles 
eftoient qu'au dehors, auoit entierement fondu les 
petits filets de glace qui les conioignoient, & ainfy les 
auoit collées enfemble; comme aufly elle auoit ac- 
courcy ceux qui conioignoient les autres, que r'auois 
vù tomber immediatement auparauant. Or, entre plu- 
fieurs miliers de ces petites eftoiles que ie confideray 
ce 1our là, quoy que 1 y prifle garde expreflement, ie 
n'en pü iamais remarquer aucune qui euft plus ou 
moins de fix rayons, excepté vn fort petit nombre de 
ces doubles qui en auoient douze, & quatre ou cinq 
autres qui en auoient huit. Et celles ey n'efloient pas 
exactement rondes, ainfy que toutes les autres, mais 
vn peu en ouale, & entierement telles qu'on les peut 
voir vers O; d'où ie iugay qu'elles s'eftoient formées 
en la conionction des extremités de deux feuilles, que 
le vent auoit pouflées l'vne contre l’autre au mefme 
tems que la chaleur conuertifloit leurs petits pelotons 
en eftoiles. Car elles auoient exactement la figure que 
cela doit caufer, & cete conionétion, fe faifant fui- 
uant vne ligne toute droite, ne peut eftre tant empef- 
chée par l'ondoyement que caufent les vens, que celle 
des parcelles d'vne mefme feuille ; outre que la cha- 
leur peut aufly eftre plus grande entre les bords de 


Œuvres. I. 30 


300 OŒEuvREs DE DESCARTES. 13030 


ces feuilles, quand elles s’approchent l'vne de l'autre, 
qu'aux autres lieux ; & cete chaleur ayant a demi fondu 
les parcelles de glace qui y font, le froid qui luy fuc- 
cede, au mo ment qu'elles commencent a fe toucher, 
les peut ayfement coller enfemble. Au refte, outre les 
eftoiles dont ray parlé iufques icy, qui eftoient tranf- 
parentes, il en tomba vne infinité d'autres ce iour là, 


qui efloient toutes blanches comme du fuere, & dont 


quelques vnes auoient a peu prés mefme figure que 


les tranfparentes ; mais la plufpart auoient leurs 


rayons plus pointus & plus deliés, & fouuent diuifés, 
tantoft en trois branches, dont les deux des coftés 
eftoient repliées en dehors de part & d'autre, & celle 
du milieu demeuroit droite, en forte qu'elles repre- 
fentoient vne fleur de lis, comme on peut voir vers R; 
& tantoft en plufieurs, qui reprefentoient des plumes, 
ou des feuilles de fougere, ou chofes femblables. Et 
il tomboit aufly, parmi ces efloiles, plufieurs autres 
parcelles de glace en forme de filets, & fans autre 
figure determinée. Dont toutes les caufes font ayfées 
a entendre; car, pour la blancheur de ces eftoiles, elle 
ne procedoit que de ce que la chaleur n'auoit point 
penetré iufques au fonds de leur matiere, ainfi quil 
eftoit manifefte de ce que toutes celles qui eftoient 
fort minces eftoient tranfparentes. Et fi quelquefois 
les rayons des blanches n'eftoient pas moins cours & 
moufles que ceux des tranfparentes, ce n’eftoit pas 
qu'ils fe fuflent autant fondus a la chaleur, mais 
qu'ils auoient eflé dauantage preflés par les vens; & 
communement ils eftoient plus longs & pointus, a 
caufe qu'ils s'efloient moins fondus. Et lorfque ces 


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25 


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_ 231-282. Les METEoREs. — Discours VI. 307 


rayons eftoient diuifés en plufieurs branches, c'eftoit 
que la chaleur auoit abandonné les petits poils qui 
les compofoient, fitoit qu'ils auoient commencé a 
s'approcher les vns des autres pour s'aflembler.Et lors 
qu'ils |eftoient feulement diuifés en trois branches, 
c'eftoit qu'elle les auoit abandonnés vn peu plus tard; 
& les deux branches des coftés se replioient de part 
& d'autre en dehors lorfque cete chaleur fe retiroit, 
a caufe que la proximité de la branche du milieu les 
rendoit incontinent plus froides & moins flexibles de 
fon cofté, ce qui formoit chafque rayon en fleur de 
lis. Et les parcelles de glace qui n’auoient aucune fi- 
gure determinée m afluroient que toutes les nuës n'’ef- 
toient pas compofées de petits nœus ou pelotons, 
mais qu'il y en auoit aufiy qui n'efloient faites que de 
filets confufement entremeflés. Pour la caufe qui fai- 
foit defcendre ces eftoiles, la violence du vent qui 
continua tout ce iour là me la rendoit fort manifefte; 
car ie iugeois quil pouuoit ayfement les defarrenger 
& rompre les feuilles qu'elles compofoient, aprés les 
auoir faites; & que, fitoft qu'elles eftoient ainfi defar- 
rengées, penchant quelqu'vn de leurs coftés vers la 
terre, elles pouuoient facilement fendre l'air, a caufe 
quelles eftoient toutes plates, & fe trouuoient aflés 
pefantes pour defcendre. Mais, s'il tombe quelquefois 
de ces eftoiles en tems calme, c'eft que l'air de def- 
fous, en fe referrant, attire a foy toute la nuë, ou que 
celuy de deffus, en fe dilatant, la pouffe en bas, & par 
mefme moyen les defarrenge : d'où vient que pour 
lors elles ont couftume d'eftre fuiuies de plus de neige, 
ce qui n'arriua point ce iour là. Le matin fuiuant, il 


308 OEUVRES DE DESCARTES. 232-233. 


tomba des floccons de neige, qui fembloient eftre com- 
pofés d'vn nombre infini de fort petites eftoiles iointes 
enfemble; toutefois, en y regardant de plus prés, 1e 
trouuay que celles du dedans n'efloient pas fi regu- 
lierement formées que celles du deffus, & qu'elles 
pouuoient ayfement proceder de la diflolution d'vne 
nuë femblable a celle qui a efté cy-deffus marquée G*. 
Puis, cete neige ayant ceflé, vn vent fubit en forme 
d'orage fit tomber vn peu de grefle blanche, fort 
longue & menuë, dont chafque grain auoit la figure 
d’vn pain de fucre; & l’air deuenant clair & ferein 
tout aufly toft, ie iugay que cete grefle s’eftoit formée 
de la plus haute partie des nuës, dont la neige eftoit 
fort fubtile &compofée de filets fort deliés, en la façon 
que i'ay tantoft defcrite. Enfin, a trois iours de là, 
voyant tomber de la neige toute compofée de petits 
nœuds ou pelotons enuironnés d'vn grand nombre de 
poils entremeflés & qui n’auoient aucune forme d'ef- 


toiles, ie me confirmay en la creance de tout ce que. 


l'auois imaginé touchant cete matiere. 

Pour les nuës qui ne font compofées que de gouttes 
d'eau, 1l eft ayfé a entendre, de ce que 1'ay dit, com- 
ment elles defcendent en pluie : a fçauoir, ou par leur 
propre pefanteur, lorfque leurs gouttes fe trouuent 
aflés grofles ; ou parce que l'air qui eft deflous, en fe 
retirant, ou celuy qui eft deffus, en les preffant, leur 
donnent occafion de s'abaiffer; ou parce que plufieurs 
de ces caufes concourent enfemble. Et c'eft quand l’air 
du deffous fe retire, que fe fait la pluie la plus menuë 
qui puifleeftre ; car mefme elle eft alors quelquefois fi 


a. « Voyés en la figure de la page 214. » (Fig. p. 290 ci-avant.) 


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233-234. Les MErEOoREs. — Discours VI. 309 


menuë, qu'on ne dit pas que ce foit de la pluie, mais 
plutoft vn brouillar qui defcend ; comme, au contraire, 
elle fe fait fort groffe, quand la nuë ne s'abaïfle qu'a 
caufe qu'elle eft preflée par l'air du deflus ; car les 
plus hautes de fes gouttes, defcendant les premieres, 
en rencontrent d'autres qui les|grofliflent. Et de plus, 
lay vû quelquefois en efté, pendant vn tems calme 
accompagné d'vne chaleur pefante & eftoufante, qu'il 
commençoit a tomber de telle pluie, auant mefme 
quil euft paru aucune nuë; dont la caufe eftoit qu y 
ayant en l'air beaucoup de vapeurs, qui fans doute 
eftoient preflées par les vens des autres lieux, ainfi 
que le calme & la pefanteur de l'air le tefmoignoient, 
les gouttes en quoy ces vapeurs fe conuertifloient de- 
uenoient fort grofles en tombant, & tomboient a me- 
fure qu’elles fe formoient. 

Pour les brouillars, lorfque la terre en fe refroi- 
diflant, & l'air qui eft dans fes pores fe referrant, leur 
donne moyen de s'abaifler, ils fe conuertiflent en 


rozée, s'ils font compofés de gouttes d'eau, & en 


bruine ou gelée blanche, s'ils font compofés de va- 
peurs defia gelées, ou plutoft qui fe gelent a mefure 
qu'elles touchent la terre. Et cecy arriue principa- 
lement la nuit ou le matin, a caufe que c'eft le tems 
que la terre, en s’efloignant du foleil, fe refroidift. 
Mais le vent abat auffy fort fouuent les brouillas, en 
furuenant aux lieux où ils font; & mefme il peut 
tranfporter leur matiere, & en faire de la rozée ou de 
la gelée blanche, en ceux où ils n'ont point efté aper- 
ceus ; & on voit alors que cete gelée ne s'attache aux 
plantes que fur les coftés que le vent touche. 


310 OEUVRES DE DESCARTES. , 214-235. 


Pour le ferein, qui ne tombe iamais que le foir, & 
ne fe connoift que par les reumes & les maux de tefte 
qu'il caufe en quelques contrées, il ne confifte qu'en 
certaines exhalaifons fubtiles & penetrantes, qui, 
eftant plus fixes que les vapeurs, ne s’efleuent qu'aux 
païs aflés chauds & aux beaux iours, & qui retombent 
tout auffy toft que|la chaleur du foleil les abandonne; 
d'où vient qu'il a diuerfes qualités en diuers païs, & 
qu'il eft mefme inconnu en plufieurs, felon les difte- 
rences des terres d'où fortent ces exhalaifons. Et ie 
ne dis pas qu'il ne foit fouuent accompagné de la 
rozée, qui commence a tomber dés le foir, mais bien 
que ce n'eft nullement elle qui caufe les maux dont 
on l'accufe. Ce font aufly des exhalaifons qui com- 
pofent la manne, & les autres tels fucs, qui defcen- 
dent de l'air pendant la nuit; car, pour les vapeurs, 
elles ne fçauroient fe changer en autre chofe qu'en 
eau ou en glace. Et ces fucs non feulement font di- 
uers en diuers païs, mais aufly quelques vns ne s'at- 
tachent qu'a certains cors, a caufe que leurs parties 
font fans doute de telle figure, qu'elles n’ont pas aflés 
de prife contre les autres pour s'y arefter. 

Que fi la rozée ne tombe point, & qu'on voye au 
matin les brouillas s'efleuer en haut & laifler la terre 
toute efluiée, c'eft figne de pluie; car cela n’arriue 
gueres que lorfque la terre, ne s'eftant point aflés 
refroidie la nuit, ou eftant extraordinairement ef- 
chauflée le matin, produift quantité de vapeurs, qui, 
repouffant ces brouillas vers le ciel, font que leurs 
gouttes, en fe rencontrant, fe grofiflent & fe difpofent 
a tomber en pluie bientoft aprés. C'eft aufly vn figne 


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3 
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L 
235-236. Les METEoREs. — Discours VI. 311 


de pluie de voir que, noître air eftant fort chargé de 
nuës, le foleil ne laiffe pas de paroiftre aflés clair dés 
le matin; car c'eft a dire qu'il n'y a point d'autres 
nuës en l'air voyfin du noftre vers l'Orient, qui em- 
pefchent que la chaleur du foleil ne condenfe celles 
qui font au deflus de nous, & mefme aufly qu’elle 
n'efleue de nouuelles vapeurs de noftre terre qui les 
augmentent. Mais, cete caufe n'ayant lieu que le matin, 
s'il ne pleut point auant midy, elle ne peut rien faire 
iuger de ce qui arriuera vers le foir. le ne diray rien 
de plufieurs autres fignes de pluie qu'on obferue, a 
caufe qu'ils font pour la plufpart fort incertains ; & 
fi vous confiderés que la mefme chaleur qui eft ordi- 
nairement requile pour condenfer les nuës & en tirer 
de la pluie, les peut aufly tout au contraire dilater & 
changer en vapeurs, qui quelquefois fe perdent en 
l'air infenfiblement, & quelquefois y caufent des vens, 
felon que les parties de ces nuës fe trouuent vn peu 
plus preflées ou efcartées, & que cete chaleur eft vn | 
peu plus ou moins accompagnée d'humidité, & que e 
l'air qui eft aux enuirons fe dilate plus ou moins, ou | 
fe condenfe, vous connoiftrés bien que toutes ces 

chofes font trop variables & incertaines, pour eftre 

afleurement preueuës par les hommes. 


312 Œuvres DE DESCARTES. 236-237. 


DES TEMPESTES DE ’PAREOMDRE 
ET DE TOVS LES AVTRES FEVX QVI S'ALLVMENT 
ÉNEALEATR: 


Difcours Septiefme. 


Au refte, ce n'est pas feulement quand les nuës fe 
difloluent en vapeurs, qu'elles caufent des vens, mais 
elles peuuent aufly quelquefois s’abaifler fi a coup, 
qu'elles chaffent auec grande violence tout l'air qui eft 
fous|elles, & en compofent vn vent tres fort, mais peu 
durable, dont limitation fe peut voir en eftendant 
vn voile vn peu haut en l'air, puis de là le laiffant def- 
cendre tout plat vers la terre. Les fortes pluies font 
prefque toufiours precedées par vn tel vent, qui agift 
manifeftement de haut en bas, & dont la froideur 
monftre aflés qu'il vient des nuës, où l’air eft com- 
munement plus froid qu’autour de nous. Et c’eft ce 
vent qui eft caufe que, lorfque les hirondelles volent 
fort bas, elles nous auertiffent de la pluie; car il fait 
defcendre certains moufcherons dont elles viuent, 
qui ont couftume de prendre l'effort, & de s’efgayer 
au haut de l'air, quand il fait beau. C'eft luy aufly 
qui quelquefois, lors mefme que, la nuë eftant fort 
petite ou ne s'abaïflant que fort peu, il eft fi foible 
qu'on ne le fent quafi pas en l'air libre, s’entonnant 
dans les tuyaus des cheminées, fait iouer les cendres 
& les feftus qui fe trouuent au coin du feu, & y excite 


20 


237-258. Les METEoREs. — Discours VII. 313 


À 


comme de petits tourbillons affés admirables pour 
ceux qui en ignorent la caufe, & qui font ordinai- 
rement fuiuis de quelque pluie. Mais, fi la nue qui 
defcend eft fort pefante & fort eftenduë (comme elle 
peut eftre plus ayfement fur les grandes mers qu'aux 
autres lieux, a caufe que, les vapeurs y eftant fort 
efgalement difperfées, fitoftqu'il s'y forme la moindre 
nuë en quelque endroit, elle s'eftend incontinent en 
tous les autres circonuoyfins), cela caufe infallible- 
ment vne tempefte; laquelle eft d'autant plus forte, 
que la nuë eft plus grande & plus pefante; & dure 
d'autant plus longtems, que la nuë defcend de plus 
haut. Et c'eft ainfi que ie m'imagine que fe font ces 
trauades, que les mariniers craignent tant | en leurs 
grans voyafges, particulierement vn peu au delà du 
cap de Bonne Efperance, où les vapeurs qui s'efle- 
uent de la mer Ethiopique, qui eft fort large & fort 
efchauflée par le foleil, peuuent ayfement caufer vn 
vent d'abas, qui, areftant le cours naturel de celles 
qui vienent de la mer des Indes, les affemble en vne 
nue, laquelle, procedant de l'inefgalité qui eft entre 
ces deux grandes mers & cete terre, doit deuenir in- 
continent beaucoup plus grande que celles qui fe 
forment en ces quartiers, où elles dependent de plu- 
fieurs moindres inefgalités, qui font entre nos pleines 
& nos lacs & nos montaignes. Et pource qu'il ne fe 
voit quafi iamais d’autres nues en ces lieux là, fi toft 
que les mariniers y en apperçoiuent quelqu'vne qui 
commence a fe former, bien qu'elle paroifle quelque- 
fois fi petite que les Flamens l'ont comparée a l'œil 
d'vn beuf, duquel ils luy ont donné le nom, & que le 
Œuvres. I, 40 


. 


314 OEUVRES DE DESCARTES. 238-230. 


refte de l’air femble fort calme & fort ferein, ils fe haf- 
tent d'abatre leurs voiles, & fe preparent a receuoir 
vne tempefte, qui ne manque pas de fuiure tout aufly 
toit. Et mefme ie iuge qu'elle doit eftre d'autant plus 
grande, que cete nue a paru au commencement plus 
petite ; car, ne pouuant deuenir aflés efpaifle pour 
obfeurcir l'air & eftre vifible, fans deuenir aufly aflés 
grande, elle ne peut paroiftre ainfi petite qu'a caufe 
de fon extreme diflance ; & vous fçaués que, plus vn 
cors pefant defcend de haut, plus fa cheute eft impe- 
tueufe. Ainfi cete nue, eftant fort haute, & deuenant 
fubitement fort grande & fort pefante, defcend toute 
entiere, en chaflant auec grande violence tout l'air 
qui eft fous elle, & caufant par ce moyen le vent 
d'vne tempefte. Mefme il eft a remarquer que |les 
vapeurs meflées parmi cet air font dilatées par fon 
agitation, & quil en fort aufly pour lors plufieurs 
autres de la mer, a caufe de l'agitation de fes vagues, 
ce qui augmente beaucoup la force du vent, &, retar- 
dant la defcente de la nue, fait durer l'orage d'autant 
plus longtems. Puis aufly, qu'il y a d'ordinaire des 
exhalaifons meflées parmi ces vapeurs, qui ne pou- 
uant eftre chaflées fi loin qu'elles par la nuë, a caufe 
que leurs parties font moins folides & ont des figures 
plus irregulieres, en font feparées par l'agitation de 
l'air, en mefme façon que, comme il a efté dit cy 
deflus, en battant la creme on fepare le beurre du 
petit lait; & que, par ce moyen, elles s'aflemblent par 
cy par là en diuers tas, qui, flotans toufiours le plus 
haut qu'il fe peut contre la nue, vienent enfin s'atta- 
cher aux chordes & aux mats des nauires, lors qu'elle 


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Les Mereores. — Discours VII. 3 LS 


acheue de defcendre. Et là, eftant embrafés par cete 
violente agitation, ils compofent ces feux nommés de 
Saint Helme, qui confolent les matelots, & leur font 
efperer le beau tems. Il eft vray que fouuent ces tem- 
peftes font en leur plus grande force vers la fin, & 
qu'il peut y auoir plufieurs nues l'vne fur l’autre, fous 
chafcune defquelles il fe trouue de tels feux; ce qui 
a peuteftre eflé la caufe pourquoy, les anciens n'en 
voyant qu'vn, qu'ils nommoient l’aftre d'Helene, ils 
l'eftimoient de mauuais augure, comme s'ils euffent 
encore attendu alors le plus fort de la tempefte; au 
lieu que, lorfquils en voyoient deux, qu'ils nom- 
moient Caftor & Pollux, 1ls les prenoient pour vn bon 
prefage; car c'eftoit ordinairement le plus qu'ils en 
viflent, excepté peuteftre lorfque l'orage eftoit extror- 
dinairement grand, qu'ils en voyoient trois, & les efli- 
moient aufly, a caufe de cela, de mauuais augure. Tou- 
tefois, 1ay ouy dire a nos mariniers qu'ils en voyent 
quelquefois iufques au nombre de quatre ou de cinq, 
peuteftre a caufe que leurs vaifleaux font plus grans, 
& ont plus de mats que ceux des anciens, ou qu'ils 
voyafgent en des lieux où les exhalaifons font plus 
frequentes. Car enfin ie ne puis rien dire que par 
coniecture de ce qui fe fait dans les grandes mers, 
. que ie n'ay iamais veues & dont ie n'ay que des rela- 
tions fort imparfaites. 

Mais pour les orages qui font accompaignés de ton- 
nerre, d'efclairs, de tourbillons & de foudre, def- 
quels i'ay pü voir quelques exemples fur terre, ie ne 
doute point qu'ils ne foient caufés de ce qu'y ayant 
plufieurs nues l’vne fur l'autre, il arriue quelquefois 


PL 


Rem sé LS es > 


310 OEuvres DE DESCARTES. Pen 


que les plus hautes defcendent fort a coup fur les. 


plus bafles. Comme, fi, les deux nues À & B n'eftant 
compofées que de neige fort rare & fort eftendue, 
il fe trouue vn air plus 
chaud autour de la fu- 
perieure À, qu'autour de 
l'inferieure B, il eft eui- 
dent que la chaleur de 
cet air la peut condenfer 
& appefantir peu a peu, 
en telle forte que les plus hautes de fes parties, com- 
mençant les premieres a defcendre, en abbatront 
ou entraifneront auec foy quantité d'autres, qui tom- 
beront aufly toft toutes enfemble auec vn grand bruit 
fur l’inferieure. En mefme | façon que ie me fouuien 
d'auoir vü autrefois dans les Alpes, enuiron le mois 
de May, que les neiges eftant efchauffées & appefan- 
ties par le foleil, la moindre efmotion d'air eftoit fuf- 
fifante pour en faire tomber fubitement de gros tas, 
qu’on nommoit, ce me femble, des aualanches, & qui, 
retentiflant dans les valées, imitoient aflés bien le 
bruit du tonnerre. En fuite de quoy, on peut entendre 
pourquoy il tonne plus rarement en ces quartiers 
l'hyuer que l’efté ; car il ne paruient pas alors fi ay- 
fement aflés de chaleur iufques aux plus hautes nues, 
pour les difloudre. Et pourquoy, lorfque pendant les 
grandes chaleurs, aprés vn vent Septentrional qui 
dure fort peu, on fent derechef vne chaleur moite & 
eftouflante, c'eft figne qu'il fuiura bientoft du ton- 
nerre : car cela tefmoigne que ce vent Septentrional, 
ayant pañlé contre la terre, en a chaffé la chaleur vers 


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241-242. Les Mereores. — Discours VII. Sid 


l'endroit de l'air où fe forment les plus hautes nues, 
& qu'en eflant, aprés, chaffé luy mefme, vers celuy 
où fe forment les plus bafles, par la dilatation de l'air 
inferieur que caufent les vapeurs chaudes qu'il con- 
tient, non feulement les plus hautes en fe condenfant 
doiuent defcendre, mais aufly les plus baffes, demeu- 
rant fort rares, & mefme eftant comme foufleuées & 
repouflées par cete dilatation de l'air inferieur, leur 
doiuent refifter en telle forte, que fouuent elles 
peuuent empefcher qu'il n'en tombe aucune partie 
iufques a terre. Et notés que le bruit, qui fe fait ainfi 
au deflus de nous, fe doit mieux entendre, a caufe de 
la refonnance de l'air, & eftre plus grand, a raifon de 
la neige qui tombe, que n'eft celuy des aualanches. 
Puis notés aufly que, de cela feul que les parties des 


_nues fuperieures | tombent toutes enfemble, ou l'vne 


aprés l’autre, ou plus vifte, ou plus lentement, & que 
les inferieures font plus ou moins grandes & efpaiffes, 
& refiftent plus ou moins fort, tous les differens bruits 
du tonnerre peuuent ayfement eftre caufés. Pour les 
differences des efclairs, des tourbillons & de la 
foudre, elles ne dependent que de la nature des exha- 
laifons qui fe trouuent en l'efpace qui eft entre deux 
nuës, & de la façon que la fuperieure tombe fur 
l'autre. Car, s'il a precedé de grandes chaleurs & fei- 
cherefles, en forte que cet efpace contiene quantité 
d'exhalaifons fort fubtiles & fort difpofées à s'en- 
flamer, la nuë fuperieure ne peut quafi eftre fi petite, 
ny defcendre fi lentement que, chaffant l'air qui ef 
entre elle & l'inferieure, elle n’en face fortir vn ef- 
clair, c'eft a dire vne flame legere qui fe diflipe a 


318 OŒEuvREs DE DESCARTES. 242-245. 


l'heure mefme. En forte qu'on peut voir alors de tels 
efclairs fans ouïr aucunement le bruit du tonnerre; 

& mefme auffy, quelquefois, fans que les nues foient 
aflés efpaifles pour eftre vifibles. Comme, au con- 
traire, s'il n'y a point en l'air d'exhalaifons qui foient 5 
propres a s'enflamer, on peut ouiïr le bruit du ton- 
nerre fans qu'il paroïfle, pour cela, aucun efclair. Et 
lorfque la plus haute nuë ne tombe que par pieces qui 
s'entrefuiuent, elle ne caufe gueres que des efclairs & 

du tonnerre ; mais lorfqu'elle tombe toute entiere & 50 
affés vifte, elle peut caufer, auec cela, des tourbil- 
lons & de la foudre. Car il faut remarquer que {es 
extremités, comme C & D, fe doiuent abaïfler vn peu 
plus vifte que le milieu, d'autant que l'air qui eft def- 
fous, ayant moins de chemin a faire pour en fortir, 15 
leur cede plus ayfement, & ainfi que, venant a toucher. 

la nue inferieure plutoft que|ne fait le milieu, il s en- 


ja 


ES RESES can: 
SNS 


ferme beaucoup d'air entre deux, comme on voit icy 
vers E ; puis, cet air eftant preflé & chaflé auec 
grande force par ce milieu de la nue fuperieure qui 0 
continue encore a defcendre, il doit neceflairement 
rompre l'inferieure pour en fortir, comme on voit vers 

F; ou entrouurir quelqu'vne de fes extremités, comme. 
on voit vers G. Et lorfqu'il a rompu ainfi cete nue, il 


245-244. Les METEOoREs. — Discours VII. 319 


defcend auec grande force vers la terre, puis, de la, 
remonte en tournoyant, a caufe qu'il trouue de la 
refiftence de tous coftés, qui l’empefche de continuer 
fon mouuement en ligne droite aufly vifte que fon 
agitation le requert. Et ainfi il compofe vn tourbillon, 
qui peut neftre point accompaigné de foudre ny d’ef- 
clairs, sil n'y a point en cet air d'exhalaifons qui 
foient propres a s'enflamer; mais, lorfqu'il yen a, 
elles s’afflemblent toutes en vn tas, & eftant chaffées 
fort impetueufement auec cet air vers la terre, elles 
compofent la foudre. Et cete foudre peut brufler les 
habits & razer le poil fans nuire au cors, fi ces exhalai- 
fons, qui ont ordinairelment l'odeur du fouffre, ne font 
que grafles & huileufes, en forte qu'elles compofent 
vne flame legere qui ne s'attache qu'aux cors ayfés a 
brufler. Comme, au contraire, elle peut rompre les 
os fans endommager les chairs, ou fondre l'efpée fans 
gafter le fourreau, fi ces exhalaifons, eftant fort fub- 
tiles & penetrantes, ne participent que de la nature 
des fels volatiles ou des eaux fortes, au moyen de 
quoy, ne faifant aucun eflort contre les cors qui leur 
cedent, elles brifent & difloluent tous ceux qui leur 
font beaucoup de refiftence : ainfi qu'on voit l'eau 
forte difloudre les metaux les plus durs, & n'agir point 
contre la cire. Enfin, la foudre fe peut quelquefois 
conuertir en vne pierre fort dure, qui romp & fra- 
_ cafle tout ce qu'elle rencontre, fi, parmi ces exhalai- 
fons fort penetrantes, il y en a quantité de ces autres 
qui font grafles & enfouffrées : principalement s'il y 
en a aufly de plus groflieres, femblables a cete terre 
qu'on trouue au fonds de l'eau de pluie, lorfqu'on la 


320 ŒUVRES DE DESCARTES. 244-245. 


laifle rafleoir en quelque vaze: ainfi qu'on peut voir, 
par experience, qu'ayant meflé certaines portions de 
cete terre, de falpetre & de fouffre, fi on met le feu 
en cete compofition, il s'en forme fubitement vne 
pierre. Que fi la nuë s'ouure par le cofté, comme vers 
G, la foudre, eftant eflancée de trauers, rencontre plu- 
toft les pointes des tours ou des rochers que les lieux 
bas, comme on voit vers H. Mais, lors mefme que la 
nue fe romp par le deffous, il y a raifon pourquoy la 
foudre tombe plutoft fur les lieux hauts & eminens que 
fur les autres : car, fi, par exemple, la nue B n'eft point 
d'ailleurs plus difpofée a fe rompre en vn endroit 
qu'en vn autre, il eft certain qu'elle fe deura rompre 
Len celuy qui eft marqué F, a caufe de la refiftence du 
clocher qui eft au deflous. Il y a aufly raifon pourquoy 
chafque coup de tonnerre eft d'ordinaire fuiui d'vne 
ondée de pluie, & pourquoy, lorfque cete pluie vient 
fort abondante, il ne tonne gueres plus dauantage : 
car, fi la force, dont la nue fuperieure esbranfle l'in- 
ferieure en tombant deflus, eft aflés grande pour la 
faire toute defcendre, il eft euident que le tonnerre 
doit cefler; & fi elle eft moindre, elle ne laïfle pas 
d'en pouuoir fouuent faire fortir plufieurs floccons 
de neige, qui, fe fondant en l'air, font de la pluie. 
Enfin, ce n'eft pas fans raifon qu'on tient que le grand 
bruit, comme des cloches ou des canons, peut dimi- 
nuer l'effect de la foudre; car il ayde a difiper & faire 
tomber la nue inferieure, en esbranflant la neige dont 
elle eft compofée. Ainfi que fçauent aflés ceux qui 
ont couftume de voyafger dans les valées où les aua- 
lanches font a craindre; car ils s'abftienent mefme de 


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245-246. Les METEORES. —— Discours VII. 321 


parler & de toufler en y paflant, de peur que le bruit 
de leur voix n'efmeuue la neige. 

| Mais, comme nous auons defia remarqué, qu'il 
efclaire quelquefois fans qu'il tonne, ainfi, aux en- 
droits de l'air où il fe rencontre beaucoup d'exha- 
laifons & peu de vapeurs, il fe peut former des nues 
fi peu efpaifles & fi legeres que, tombant d’aflés haut 
l’vne fur l'autre, elles ne font ouir aucun tonnerre, 
ny n'excitent en l'air aucun orage, nonobftant qu'elles 
enueloppent & ioignent enfemble plufieurs exhalai- 
fons, dont elles compofent non feulement de ces 
moindres flames qu'on diroit eftre des eftoiles qui 
tombent du ciel, ou d'autres qui le trauerfent, mais 
aufly des boules de feu affés groffes, & qui, parue- 
nant iufques a nous, font comme des diminutifs de 
la foudre. Mefme, d'autant qu'il y a des exhalaifons 
de plufieurs diuerfes natures, ie ne iuge pas qu'il foit 
impoflible que les nues, en les preffant, n'en com- 
pofent quelquefois vne matiere qui, felon la couleur 
& la confiftence qu'elle aura, femble du lait, ou du 
fang, ou de la chair ; ou bien qui, en fe bruflant, de- 
uiene telle qu on la prene pour du fer, ou des pierres; 
ou enfin, qui, en fe corrompant, engendre quelques 
petits animaux en peu de tems: ainfi qu'onlift fouuent, 
entre les prodiges, qu'il a plü du fer, ou du fang, ou 
des fauterelles, ou chofes femblables. De plus, fans 
qu'il y ait en l'air aucune nue, les exhalaifons peuuent 
eftre entaflées & embrafées par le feul foufile des 
vens, principalement lorfquil y en a deux ou plu- 
fieurs contraires qui fe rencontrent. Et enfin, fans 
vens & fans nues, par cela feul qu'vne exhalaifon 


Œuvres. I, 41 


22 OEuvRESs DE DESCARTES. 246-247. 


fubtile & penetrante, qui tient de la nature des fels, 
s'infinue dans les pores d'vne autre, qui eft grafle & 
enfouffrée, il fe peut former des flames legeres tant 
au haut qu'au bas de l'air: comme on y voit au haut 
ces eftoiles qui le trauerfent, & au bas, tant ces ar- 
dans ou feux folets qui s'y iouent, que ces autres qui 
s'areftent a certains cors, comme aux cheueux des 
enfans, ou au crin des cheuaux, ou aux pointes des 
picques qu'on a frotées d'huile pour les nettoyer, ou 
a chofes femblables. Car il eft certain que non feu- 
lement vne violente agitation, mais fouuent aufly le 
feul meflange de deux diuers cors eft fuffifant pour les 
embrafer : comme on voit en verfant de l’eau fur de 
la chaux, ou renfermant du foin auant qu'il foit fec, 
ou en vne infinité d'autres exemples qui fe rencon- 
trent tous les iours en la Chymie. Mais tous ces feux 
ont fort peu de force a comparaifon de la foudre ; 
dont la raifon eft qu'ils ne font compofés que des plus 
molles & plus gluantes parties des huiles, nonobftant 
que les plus viues & plus penetrantes des fels con- 
courent ordinairement aufly a les produire. Car celles 
cy ne s’areftent pas pour cela parmi les autres, mais 
s'efcartent promptement en l'air libre, aprés quelles 
les ont embrafées ; au lieu que la foudre eft principa- 
lement compofée de ces plus viues & penetrantes, 
qui, eftant fort violemment preflées & chaffées par les 
nuës, emportent les autres auec foy iufqu'a terre. Et 
ceux qui fçauent combien le feu du falpetre & du 
fouffre meflés enfemble a de force & de vitefle, au 
lieu que la partie grafle du foufire, eftant feparée de 
fes efprits, en auroit fort peu, ne trouueront en cecy 


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247-248. LEs METEORES. — Discours VII. 323 


rien de douteux. Pour la durée des feux qui s'areftent 
ou voltigent autour de nous, elle peut eftre plus ou 
moins longue, felon que leur flame eft plus ou moins 
lente, & leur matiere plus ou moins efpaifle & ferrée. 
| Mais pour celle des feux qui ne fe voyent qu'au haut 
de l'air, elle ne fçauroit eftre que fort courte, a caufe 
que, fi leur matiere n'eftoit fort rare, leur pefanteur 
les feroit defcendre. Et ie trouue que les Philofophes 
ont eu raifon de les comparer a cete flame qu'on voit 
courir tout du long de la fumée qui fort-d'vn flambeau 
qu'on vient d'efteindre, lorfqu'eftant approchée d'vn 
autre flambeau, elle s'allume. Mais ie m'eftonne fort 
qu'aprés cela, 1ls ayent pü s'imaginer que les Co- 
metes & les colomnes ou cheurons de feu, qu'on voit 
quelquefois dans le ciel, fuflent compofées d'exha- 
laifons ; car elles durent incomparablement plus 
longtems. 

Et pourceque 1'ay tafché d'expliquer curieufement 
leur production & leur nature dans vn autre traité, & 
que ie ne croy point qu'elles appartienent aux me- 
teores, non plus que les tremblemens de terre & les 
mineraux, que plufieurs efcriuains y entaflent, ie ne 
parleray plus icy que de certaines lumieres, qui, 
paroïffant la nuit pendant vn tems calme & ferein, 
donnent fuiet aux peuples oyfifs d'imaginer des efqua- 
drons de fantofmes qui combattent en l'air, & auf- 
quels ils font prefager la perte ou la viétoire du parti 
qu'ils affectionnent, felon que la crainte ou l'efperance 
predomine en leur fantaifie. Mefme, a caufe que ie 
n'ay iamais vü de tels fpectacles, & que ie fçay com- 
bien les relations qu'on en fait ont couftume d'eftre 


324 OEUVRES DE DESCARTES. 248-240. 


falfifiées & augmentées par la fuperftition & l'igno- 
rance, ie me contenteray de toucher en peu de mots 
toutes les caufes qui me femblent capables de les pro- 
duire. La premiere eft qu'il y ait en l'air plufeurs 
nues, aflés petites pour eftre prifes pour autant de 
folldats, & qui, tombant l'vne fur l’autre, enueloppent 
affés d'exhalaifons pour caufer quantité de petis ef- 
clairs, & ietter de petits feux, & peuteftre auffy faire 
ouir de petits bruits, au moyen de quoy ces foldats 
femblent combatre. La feconde, qu'il y ait auffy en 
l'air de telles nuës, mais qu'au lieu de tomber l'vne 
fur l’autre, elles reçoiuent leur lumiere des feux & des 
efclairs de quelque grande tempefte, qui fe face ail- 
leurs fi loin de là, qu'elle n'y puiffe eftre apperceue. 
Et la troifiefme, que ces nuës, ou quelques autres 
plus feptentrionales, de qui elles reçoiuent leur lu- 
miere, foient fi hautes que les rayons du foleil par- 
uienent iufques a elles; car, fi on prend garde aux 
refractions & reflexions que deux ou trois telles nuës 
peuuent caufer, on trouuera qu'elles n'ont point be- 
foin d'eftre fort hautes, pour faire paroiftre vers le 
Septentrion de telles lumieres, aprés que l'heure du 
crepufcule eft pañlée, & quelquefois aufly le foleil 
mefme, au tems qu'il doit eftre couché. Mais cecy ne 
femble pas tant appartenir a ce difcours qu'aux fui- 


uans, où 1ay deflein de parler de toutes les chofes 


qu'on peut voir dans l'air fans qu'elles y foient, aprés 
auoir icy acheué l'explication de toutes celles qui s'y 
voyent en mefme façon qu'elles y font. 


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ART 


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250. Les METEOoREs. — Discours VIIT. 32 


7 


DE L'ARC-EN-CIEL. 


Difcours Huitiefme. 


L'Arc-en-ciel eft vne merueille de la nature fi re- 
marquable, & fa caufe a efté de tout tems fi curieu- 
fement recherchée par les bons efprits, & fi peu 
connuë, que ie ne fçaurois choifir de matiere plus 
propre a faire voir comment, par la methode dont ie 
me fers, on peut venir a des connoiffances que ceux 
dont nous auons les efcrits n'ont point euës. Premie- 
rement, ayant confideré que cet arc ne peut pas feu- 
lement paroiftre dans le ciel, mais auffy en l'air 
proche de nous, toutes fois & quantes qu'il s’y trouue 
plufieurs gouttes d'eau efclairées par le foleil, ainfi 
que l'experience fait voir en quelques fontaines, il m'a 
efté ayfé de iuger qu'il ne procede que de la façon 
que les rayons de la lumiere agiflent contre ces 
gouttes, & de là tendent vers nos yeux. Puis, fçachant 


que ces gouttes font rondes, ainfi qu’il a efté prouué 


cy deflus, & voyant que, pour eftre plus groffes ou 
plus petites, elles ne font point paroiftre cet arc 
d'autre façon, ie me fuis auifé d'en faire vne fort 
grofle, aflin de la pouuoir mieux examiner. Et ayant 
rempli d'eau, a cet effect, vne grande fiole de verre 
toute ronde & fort tranfparente, ray trouué que, le 
foleil venant, par exemple, de la partie du ciel marquée 
AFZ, & mon œil eftant au point E, lorfque ie mettois 


* 


320 OEuvrEes DE DESCARTES. 250-251. 


cete boule en l'endroit BCD, fa partie D me paroif- 
foit toute rouge & incomparablement plus efclatante 
que le refte ; & que, foit que lie l'approchaffe, foit que 


ie la reculafle, & que ie la miffe a droit ou a gauche, 


ou mefme la fifle tourner en rond autour de ma tefte, 


Se 
== 


pouruû que la ligne DE fift toufiours vn angle d'en- 
uiron 42 degrés auec la ligne EM, qu'il faut ima- 
giner tendre du centre de l'œil vers celuy du foleil, 
cete partie D paroifloit toufiours efgalement rouge: 
mais que, fitoft que ie faifois cet angle DEM tant foit 
peu plus grand, cete rougeur difparoïfloit ; & que, fi 
ie le faifois vn peu moindre, elle ne difparoiïfloit pas 


10 


20 


25 


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251-253. Les MerTeores: — Discours VIH. 327 


du tout fi a coup, mais fe diuifoit auparauant comme 
en deux parties moins brillantes, & dans lefquelles 
on voyoit du jaune, du bleu, & d'autres couleurs. 
Puis, regardant aufly vers l'endroit de cete boule qui 
eft marqué K, 1'ay apperceu que, faifant l'angle KEM 
d'enuiron ;2 degrés, cete partie K paroïfloit aufiy de 
couleur rouge, mais non pas fi efclatante que D; & 
que, le faifant quelque peu plus grand, il y parotfloit 
d'autres couleurs plus foibles; mais que, le faifant 
tant foit peu moindre, ou beaucoup plus grand, il 
n'y en paroifloit plus aucune. D'où i'ay connû mani- 
feftement que, tout l'air qui eft vers M eftant rempli 
de telles boules, ou en leur place de gouttes d'eau, il 
doit paroiftre vn point fort rouge & fort efclatant en 
chafcune de celles de ces gouttes dont les lignes 
tirées vers l'œil E font vn angle d'enuiron 42 degrés 
auec EM, comme ie fuppofe celles qui font marquées 
R; & que ces poins, eftans regardés tous enfemble, 
fans qu'on remarque autrement le lieu où ils font que 
par l'angle fous lequel ils fe voyent, doiuent paroiftre 
comme vn cercle continu de couleur rouge ; & quil 
doit y auoir tout de mefme des poins en celles qui 
font marquées S & T, dont les lignes tirées vers E 
font des angles vn peu plus aygus auec EM, qui com- 
pofent des cercles de couleurs plus foibles, & que 
c'eft en cecy que confifte le premier & principal arc- 
en-ciel; puis, derechef, que, l'angle MEX eftant de 
2 degrés, 1l doit paroiftre vn cercle rouge dans les 
gouttes marquées X, & d'autres cercles de couleurs 
plus foibles dans les gouttes marquées Y, & que c’eft 
en cecy que confifte le fecond & moins | principal 


328 OEUVRES DE DESCARTES. 253-254. 


arc-en-ciel; & enfin, qu'en toutes les autres gouttes 
marquées V, il ne doit paroiftre aucunes couleurs. 
Examinant, aprés cela, plus particulierement en la 
boule BCD ce qui faifoit que la partie D paroifloit 
rouge, iay trouué que c'eftoient les rayons du foleil 


qui, venans d’A vers B, fe courboient en entrant dans 
l'eau au point B, & alloient vers C, d'où ils fe reflef- 
chifloient vers D, & là fe courbans derechef en for- 
_tant de l’eau, tendoient vers E : car, fitoft que ie met- 
tois vn cors opaque | ou obfcur en quelque endroit 
des lignes AB, BC, CD ou DE, cete couleur rouge 
difparoifloit. Et quoy que ie couurifle toute la boule, 


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25 


30 


254-255. Les METEOREsS. — Discours VIII. 329 


excepté les deux poins B & D, & que ie mifle des 
cors obfcurs partout ailleurs, pouruû que rien n'em- 
pefchaft l'aétion des rayons ABCDE, elle ne laif- 
foit pas de paroiftre. Puis, cherchant auffy ce qui 
eftoit caufe du rouge qui paroifloit vers K, ï'ay 
trouué que c'eftoient les rayons qui venoient d'F vers 
G, où ils fe courboient vers H, & en H fe reflefchif- 
foient vers I, & en I fe reflefchifloient derechef vers 
K, puis enfin fe courboient au point K & tendoient 
vers E. De façon que le premier arc-en-ciel eft caufé 
par des rayons qui paruienent a l'œil aprés deux re- 
fraétions & vne reflexion, & le fecond par d'autres 
rayons qui n y paruienent qu aprés deux refraétions 
& deux reflexions ; ce qui empefche qu'il ne paroïfle 
tant que le premier. 

Mais la principale difficulté reftoit encore, qui 
eftoit de fçauoir pourquoy, y ayant plufieurs autres 
rayons qui, aprés deux refractions & vne ou deux re- 
flexions, peuuent tendre vers l'œil quand cete boule 
eft en autre fituation, il n'y a toutefois que ceux dont 
l'ay parlé, qui facent paroiftre quelques couleurs. Et 
pour la refoudre, ray cherché s’il n’y auoit point 
quelque autre fuiet où elles paruflent en mefme forte, 
afin que, par la comparaifon de l'vn & de l'autre, ie 
püfle mieux iuger de leur caufe. Puis, me fouuenant 
qu vn prifme ou triangle de criftal en fait voir de 
femblables, j'en ay confideré vn qui eftoit tel qu'eft 
icy MNP, dont les deux fuperficies MN & NP font 
toutes plates, & inclinées l’vne fur l’autre felon vn 
angle d'enuiron 30 ou 40 degrés, en forte que, | fi les 


rayons du foleil ABC trauerfent MN a angles droits 
Œuvres. I. : 42 


330 OŒEuvres DE DESCARTES, 255-256. 


ou prefque droits, & ainfi n'y fouffrent aucune fen- 
fible refraction, ils en doiuent fouffrir vne aflés grande 
en fortant par NP. Et couurant 
l'vne de ces deux fuperficies 
d'vn cors obfcur, dans lequel 


eftroite comme DE, ‘ay ob- 
ferué que les rayons, pañlant 
par cete ouuerture & de là s’al- 
lant rendre fur vn linge ou pa- 
pier blanc FGH, y peignent 
toutes les couleurs de l'arc- 
en-ciel; & qu'ils y peignent 
toufiours le rouge vers F, & le 
bleu ou le violet vers H. D'où l'ay appris, premiere- 
ment, que la courbure des fuperficies des gouttes d'eau 
n'eft point neceflaire a la production de ces couleurs, 
car celles de ce criftal font toutes plates ; ny la gran- 
deur de l'angle fous lequel elles paroiflent, car il peut 
icy eftre changé fans qu'elles changent, & bien qu'on 
puifle faire que les rayons qui vont vers F fe courbent 
tantoft plus & tantoft moins que ceux qui vont vers 
H, ils ne laiflent pas de peindre toufiours du rouge, 
& ceux qui vont vers H toufiours du bleu ; ny auffy la 
reflexion, car il n'y en a icy aucune; ny enfin la plu- 
ralité des refra@ions, car il n'y en a iey qu'vne feule. 
Mais j'ay iugé qu'il y en falloit pour le | moins vne, & 
mefme vne dont l'effect ne fuit point deftruit par vne 
contraire ; car l'experience monftre que, fi les fuper- 
ficies MN & NP efloient paralleles, les rayons, fe re- 
dreflant autant en l’vne qu'ils fe pourroient courber 


il y auoit vne ouuerture aflés. 


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#4 AE TRE 


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| 
| 


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256-257. Les MeTEorEs. — Discours VIII. 331 


en l'autre, ne produiroient point ces couleurs. Ie n ay 
pas douté qu'il n'y falluft aufly de la lumiere; car 
fans elle on ne voit rien. Et, outre cela, i'ay obferué 
qu il y falloit de l'ombre, ou de la limitation a cete 
lumiere ; Car, fi on ofte le cors obfeur qui eft fur NP, 
les couleurs FGH ceffent de paroiftre; & fi on fait 
l'ouuerture DE affés grande, le rouge, l'orangé & le 
jaune, qui font vers F, ne s’eflendent pas plus loin 
pour cela, non plus que le verd, le bleu & le violet, 
qui font vers H, mais tout le furplus de l'efpace qui 
eft entre deux vers G demeure blanc. En fuite de quoy, 
j'ay tafché de connoiftre pourquoy ces couleurs font 
autres vers H que vers F, nonobftant que la refraction 
& l'ombre & la lumiere y concourent en mefme forte. 
Et conceuant la nature de la lumiere telle que ie l'ay 
deferite en la Dioptrique, a fçauoir comme l'aétion 
ou le mouuement d'vne certaine matiere fort fubtile, 
dont il faut imaginer les parties ainfi que de petites 
boules qui roullent dans les pores des cors terreftres, 
l'ay connû que ces boules peuuent rouller en diuerfes 
façons, felon les diuerfes caufes qui les y determi- 
nent; & en particulier, que toutes les refraélions qui 
fe font vers vn mefme cofté les determinent a tourner 
en mefme fens ; mais que, lorfqu'elles n'ont point de 
voyfines qui fe meuuent notablement plus vifte ou 
moins vifte qu'elles, leur tournoyement n eft qu'a peu 
prés efgal a leur mouuement en ligne droite ; au lieu 
que, lorfqu'ellles en ont d'vn cofté qui fe meuuent 
moins vifte, & de l’autre qui fe meuuent plus ou efga- 
lement vifte, ainfi qu'il arriue aux confins de l'ombre 
& de la lumiere, fi elles rencontrent celles qui fe 


332 OEUVRES DE DESCARTES. 257-258. 


meuuent moins vifte, du cofté vers lequel elles roul- 
lent, comme font celles qui compofent le rayon EH, 
cela eft caufe qu'elles ne tour- 
noyent pas fi vifte qu'elles fe 
meuuent en ligne droite ; & c'eft 
tout le contraire, lorfqu'elles 
les rencontrent de l’autre cofté, 
comme font celles du rayon 
DF. Pour mieux entendre cecy, 
penfés que la boule 1234 eft 
pouflée d'V vers X, en telle 
forte qu'elle ne va qu'en ligne 
droite, & que fes deux coftés 
1 & 3 defcendent efgalement 
vifte iufques a la fuperficie de l'eau Y Y, où le mou- 
uement du cofté marqué 3, qui la rencontre le pre- 
mier, eft retardé, pendant que celuy du cofté marqué 

1 continue encore, ce 


Vu. qui eft caufe que toute 
6%) se la boule commence in- 
LT falliblement a tournoyer 


fuiuant l'ordre des chif- 
fres 123. Puis, imaginés 
quelle eft enuironnée de 
quatre autres, Q,R,S,T, 
dont les deux Q &R ten- 
dent, auec plus de force 
qu elle, a fe mouuoir vers 
X, & les deux autres S & 
T y tendent auec moins de force. D'où il eft euident 
que Q , |preflant fa partie marquée 1, & S, retenant 


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30 


20 


23 


258-250. Les METEORES. — Discours VIII. 333 


celle qui eft marquée 3 ,augmentent fon tournoyement; 
& que R &Tn y nuifent point, pource que R eft difpo- 
fée a fe mouuoir vers X plus vifte qu'elle ne la fuit, & 
Tn'eft pas difpofée a la fuiure fi vifte qu'elle la precede. 
Ce qui explique l'aétion du rayon DF. Puis, tout au 
contraire, fi Q & R tendent plus lentement qu'elle 
vers X, & S & T y tendent plus fort, R empefche le 
tournoyement de la partie marquée 1, & T celuy de 
la partie 3, fans que les deux autres Q & S y facent 
rien. Ce qui explique l'aétion du rayon EH. Mais il 
eft a remarquer que, cete boule 1234 eftant fort 
ronde, 1l peut ayfement arriuer que, lorfqu’elle eft 
preflée vn peu fort par les deux R & T, elle fe reuire 
en pirouëttant autour de l'aiflieu 42, au lieu d'arefter 
fon tournoyement a leur occafion, & ainfi que, chan- 
geant en vn moment de fituation, elle tournoye aprés 
fuiuant l'ordre des chiffres 3 2 1 ; car les deux R&T, 
qui l'ont fait commencer à fe détourner, l'obligent a 
continuer iufques a ce qu'elle ait acheué vn demi tour 
en ce fens la, & qu'elles puiflent augmenter fon tour- 
noyement, au lieu de le retarder. Ce qui m'a ferui a 
refoudre la principale de toutes les difficultés que 
lay euës en cete matiere. Et 1l fe demonftre, ce me 
femble, tres euidemment de tout cecy, que la na- 
ture des coùleurs qui paroiflent vers F ne confifte 
qu'en ce que les parties de la matiere fubtile, qui 
tranfmet l’action de la lumiere, tendent a tournoyer 
auec plus de force qu'a fe mouuoir en ligne droite ; 
en forte que celles qui tendent a tourner beaucoup 
plus fort, caufent la couleur rouge, & celles qui n'y 
tendent qu vn peu plus fort, caufent la jaune. Comme, 


334 OEUVRES DE DESCARTES. : 259-260. 


au contraire, la nature de celles qui fe voyent vers H 
ne confifte qu'en ce que ces petites parties ne tour- 
noyent pas fi vifte qu'elles ont de couftume, lorfqu'il 
n'y a point de caufe particuliere qui les en empefche; 
en forte que le verd paroift où elles ne tournoyent 
gueres moins vifte, & le bleu où elles tournoyent 
beaucoup moins vifte. Et ordinairement aux extre- 
mités de ce bleu, il fe mefle de l'incarnat, qui, luy 
donnant de la viuacité & de l’efclat, le change en vio- 
let ou couleur de pourpre. Ce qui vient fans doute de 
ce que la mefme caufe, qui a couftume de’retarder le 
tournoyement des parties de la matiere fubtile, eftant 
alors aflés forte pour faire changer de fituation a 
quelques vnes, le doitaugmenter en celles là, pendant 
qu'elle diminue celuy des autres. Et, en tout cecy, la 
raifon s'accorde fi parfaitement auec l'experience, que 
ie ne croy pas qu'il foit poflible, aprés auoir bien con- 
neu l'vne & l’autre, de douter que la chofe né foit telle 
que ie viens de l'expliquer. Car, s'il eft vray que le 
fentiment que nous auons de la lumiere foit caufé 
par le mouuement ou l'inclination a fe mouuoir de 
quelque matiere qui touche nos yeux, comme plu- 
fieurs autres chofes tefmoignent, il eft certain que les 
diuers mouuemens de cete matiere doiuent caufer en 
nous diuers fentimens. Et comme il ne peut y auoir 
d'autre diuerfité en ces mouuemens que celle que 1'ay 
dite, auffy n'en trouuons nous point d'autre par ex- 
perience, dans les fentimens que nous en auons, que 
celle des couleurs. Et il n'eft pas pofñlible de trouuer 
aucune chofe dans le criftal MN P qui puifle produire 
des couleurs, que la façon dont il enuoye les petites 


nt 


| 


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260-261, Les MeTEoREs, — Discours VII. 335 


parties de la matiere fubtile vers le linge FGH, & de 
là vers nos veux ; d’où il eft, ce me femble, affés eui- 
dent qu'on ne doit chercher autre chofe non plus 
dans les couleurs que les autres obiets font paroiftre : 
çar l'experience ordinaire tefmoigne que la lumiere 
ou le blanc, & l'ombre ou le noir, auec les couleurs 
de l'iris qui ont efté icy expliquées, fufhfent pour 
compofer.toutes les autres. Et ie ne fçaurois goufter 
la diftinétion des Philofophes, quand ils difent qu'il 
y en a qui font vrayes, & d'autres qui ne font que 
faufles ou apparentes. Car toute leur vraye nature 
n'eftant que de paroiftre, c'eft, ce me femble, vne con- 
tradiction de dire | qu'elles font faufles & qu'elles pa- 
roiflent. Mais i'auoue bien que l'ombre & la refraétion 
ne font pas toufiours neceffaires pour les produire ; & 
qu'en leur place, la groffeur, la figure, la fituation & le 
mouuement des parties des cors qu’on nomme colorés, 
peuuent concourir diuerfement 
auec la lumiere, pour augmen- 
ter ou diminuer le tournoye- 
ment des parties de la matiere 
fubtile. En forte que, mefme en 
l'arc-en-ciel, i'ay douté d'abord 
fi les couleurs s’y produifoient 
tout a fait en mefme façon que 
dans le criftal MNP; car ie 
n'y remarquois point d'ombre 
qui terminaft la lumiere, & ne 
connoiflois point encore pour- 
quoy elles ny paroifloient que fous certains angles, 
jufques a ce qu'ayant pris la plume & calculé par 


3 36 OEuvrEs DE DESCARTES. re. 


le menu tous les rayons qui tombent fur les diuers 
poins d'vne goutte d'eau, pour fçauoir fous quels an- 
gles, aprés deux refraétions & vne ou deux reflexions, 
ils peuuent venir vers nos yeux, 1 ay trouué qu aprés 
vne reflexion & deux refraétions, 1l y en a beaucoup 
plus qui peuuent eftre veus fous l'angle de 41 a 42 


degrés, que fous aucun moindre; & qu'il n yen a 


aucun qui puifle eftre vü fous vn plus grand. Puis, 
j'ay trouué aufly qu'aprés deux reflexions & deux re- 
frations, il y en a beaucoup plus qui vienent vers 
l'œil fous l'angle de $1 a $2 degrés, que fous aucun 
plus grand ; & qu'il n'y en a point qui vienent fous 
vn moindre. De façon qu'il y a de l'ombre de part & 
d'autre, qui termine la lumiere, laquelle, aprés auoir 
pañlé par vne infinité de gouttes de pluie efclairées 
par le foleil, vient vers l'œil fous l’angle de 42 degrés, 
ou vn peu au deflous, & ainfi caufe le premier & prin- 
cipal arc-en-ciel. Et il y en a aufly qui termine celle 
qui vient fous l'angle de $1 degrés ou vn peu au 
deffus, & caufe l’arc-en-ciel exterieur ; car, ne rece- 
uoir point de rayons de lumiere en fes yeux, ou en 
receuoir notablement moins d'vn obiet que d'vn autre 
qui luy eft proche, c'eft voir de l'ombre. Ce qui 
monftre clairement que les couleurs de ces arcs font 
produites par la mefme caufe que celles qui paroif- 
fent par l'ayde du criftal MNP, & que le demi dia- 
metre de l'arc interieur ne doit point eftre plus grand 
que de 42 degrés, ny celuy de l'exterieur plus petit 
que de 1; & enfin, que le premier doit eftre bien 
plus limité en fa fuperficie exterieure qu'en l'inte- 
rieure; & le fecond tout au contraire, ainfi qu'il fe 


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TT 


262-263. Les METEORES. — Discours VIII. 27 


“voit par experience. Mais, aflin que ceux qui fçauent 
les mathematiques puiflent connoiftre fi le calcul que 
l'ay fait de ces rayons eft aflés iufle, il faut icy que 
ie l'explique. 

Soit AFD vne goutte d'eau, dont ie diuife le demi 
diametre CD ou AB en autant de parties efgales 
que ie veux calculer 
de rayons, afin d'at- 
tribuer autant de lu- 
miere aux vns qu aux 
autres. Puis ie confi- 
dere vn de ces rayons 
en particulier, par 
exemple EF, qui, au 
lieu de pañer tout 
droit vers G, fe dé- 
tourne vers K, & fe 
reflefchift de K vers 
Nétéidenlà va vers 
l'œil P; ou bien fe refleichift encore vne fois de 
N vers Q, & de là fe détourne vers l'œil R. Et ayant 
tiré CI a angles droits fur FK, ie connois, de ce 
quiva elté dit en la Dioptrique, qu AE, ou HF, & 
CI ont entre elles la proportion par laquelle la re- 
fraétion de l’eau fe mefure. De façon que, f HF con- 
tient 8000 parties, telles qu AB en contient 10000, 
CI en contiendra enuiron de $984, | pourceque la 
refraction de l’eau eft tant foit peu plus grande que 
de trois a quatre, & pour le plus iuftement que r'aye 
pû la mefurer, elle eft comme de 187 a 20. Ayant 


ainfi les deux lignes HF & CI, ie connois ayfement 


Œuvres. I. 43 
| 


338 OEuvREs DE DESCARTES. 263-264. 


les deux arcs, FG qui eft de 73 degrés & 44 mi- 
nutes, & FK qui eft de 106.30. Puis, oftant le double 

de l'arc FK, de l'arc FG adioufté a 180 degrés, i'ay 
40.44 pour la quantité de l’angle ON P, car ie fup- 
pofe ON parallele a EF. Et oftant ces 40.44 d'FK, ray 5 
65.46 pour l’angle SQR, car ie pofe auffy SQ paral- 
lele a EF. Et calculant en mefme façon tous les autres 
rayons paralleles a EF, qui paffent par les diuifions 

du diametre AB, ie compofe la table fuiuante : | 


LA LIGNE | LA LIGNE L'ANGLE | L'ANGLE 


EE (CE ONP SQR 


748 : 5401165745 


1490 3 : II ONE 


2244 : ; 17.56 130: 


2992 : 6 22.30 


3740 : 20. 27.92 
4488 ; .4C 32.50 


5236 dites E 37.20 
5984 a x 40.44 


6732 ; .22, | 40227 


7480 u ; 13.40 


Et il eft ayfé a voir, en cete table, qu'il y a bien 
plus de rayons qui font l'angle ON P d'enuiron 40 de- 
grés, qu'il n y en a qui le facent moindre; ou SQR 


264-265. Les MErTeoREs. — Discours VIII. 339 


d'enuiron ;4, qu'il n'y en a qui le facent plus grand. 
Puis, affin de la rendre encore plus precife, ie fais :| 


LA LIGNE | LA LIGNE L'ARC L'ANGLE L'ANGLE 
HF CI FG ONP | SQR 


8000 5984 73.44 ‘ 40.44 5.46 
8100 6058 | 71.48 40. 


8200 6133 69.50 
8300 6208 67.48 


8400 6283 65. 
8500 6358 


8600 6432 
8700 6507 


8800 6582 
8900 6657 


9000 | 6732 


9100 6806 


9200 6881 
9300 6956 


9400 7031 
200%, || 7106 


9600 7180 


9700 7255 


9800 7330 


340 OEUVRES DE DESCARTES. 266. 


[Et ie voy icy que le plus grand angle ONP peut 
eftre de 41 degrés 30 minutes, & le plus petit SQR 
de $1.$4, a quoy adiouftant ou oftant enuiron 17 mi- 
nutes pour le demi diametre du foleil, ray 41.47 
pour le plus grand demi diametre de l’arc-en-ciel in- 
terieur, & $1.37 pour le plus petit de l'exterieur. 

Il eft vray que, l’eau eftant chaude, fa refraction 
eft tant foit peu moindre que lors qu'elle eft froide, 
ce qui peut changer quelque chofe en ce calcul. Tou- 
tefois, cela ne fçauroit augmenter le demi diametre 
de l’arc-en-ciel interieur, que d’vn ou deux degrés 
tout au plus ; & lors, celuy de l'exterieur fera de 
prefque deux fois autant plus petit. Ce qui eft digne 
d'eftre remarqué, pourceque, par là, on peut demon- 
ftrer que la refraétion de l’eau ne peut eftre gueres 
moindre, ny plus grande, que ie la fuppofe. Car, pour 
peu qu'elle fuft plus grande, elle rendroit le demi dia- 
metre de l'arc-en-ciel interieur moindre que 41 degrés, 
au lieu que, par la creance commune, on luy en donne 
45 ; &fi on la fuppofe aflés petite pour faire qu'il foit 
veritablement de 45, on trouuera que celuy de l'exte- 
rieur ne fera aufly gueres plus que de 4$, au lieu qu'il 
paroift a l'œil beaucoup plus grand que celuy de 
l'interieur. Et Maurolycus, qui ef, ie croy, le premier 
qui a determiné l'vn de 4$ degrés, determine l’autre 
d'enuiron $6. Ce qui monftre le peu de foy qu’on 
doit adioufter aux obferuations qui ne font pas ac- 
compagnées de la vraye raifon. Au refte, ie n’ay pas 
eu de peine a connoiftre pourquoy le rouge eft en de- 
hors de l’arc-en-ciel interieur, ny pourquoy il eft en 
dedans en l'exterieur; car la mefme caufe pour la- 


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266-268. Les MErEoREs. — Discours VIII. 341 


quelle c'eft vers F, plutoft | que vers H, qu'il paroift 
au trauers du criftal MNP, fait que fi, ayant l'œil en 
la place du linge blanc FGH, 
on regarde ce criftal, on y verra 
le rouge vers fa partie plus ef- 
paifle MP, & le bleu vers N, 
pource que le rayon teint de 
rouge qui va vers F, vient de 
C, la partie du foleil la plus 
auancéemvers MEET cete 
mefme caufe fait auffy que le 
centre des gouttes d'eau, & par 
confequent leur plus efpaiffe 
partie, eftant en dehors au ref- 
pect des poins colorés qui forment l'arc-en-ciel inte- 
rieur, le rouge y doit paroiftre en dehors ; & qu'eftant 
en dedans au refpeét de ceux qui forment l'exterieur, 
le rouge y doit aufly paroiftre en dedans. 

Ainfi 1e croy qu il ne refte plus aucune difficulté en 
cete matiere, fi ce n'eft peuteftre touchant les irre- 
gularités qui s y rencontrent : comme, lorfque l'arc 
neft pas exattement rond, ou que fon centre n'’eft 
pas en la ligne droite qui pafle par l'œil & le foleil, 
ce qui peut arriuer fi les vens changent la figure des 
gouttes de pluie; car elles ne fçauroient perdre fi peu 
de leur rondeur, que cela ne face vne notable diffe- 
rence en l'angle fous lequel les couleurs doiuent pa- 
roiftre. On a vû aufly quelquefois, a | ce qu'on m'a 
dit, vn arc en ciel tellement renuerfé que fes cornes 
eftoient tournées vers en hault, comme eft icy repre- 
. fenté FF. Ce que ie ne fçaurois iuger eftre arriué que 


342 OEuvrEs DE DESCARTES. 268-260. 


par la reflexion des rayons du foleil donnans fur 
l'eau de la mer, ou de quelque lac. Comme fi, venans 
de la partie du ciel SS, ils tombent fur l'eau DAE, &, 
de là, fe reflefchiffent vers la pluie CF, l'œil B verra 
l'arc FF, dont le centre eft au point C, en forte que, 


CB eftant prolongée iufques a A, & AS pañflant par 
le centre du foleil, les angles SAD & BAE foient 
efgaux, & que l'angle CBF foit d'enuiron 42 degrés. 
Toutefois, il eft auffy requis a cet effect, qu'il n’y ait 
point du tout de vent qui trouble la face de l'eau vers 
E, & peuteftre auec cela qu'il y ait quelque nué, 
comme G, qui empefche que la lumiere du foleil, 
allant en ligne droite vers la pluie, n’efface celle que 
cete eau E y enuoye : d'où vient quil n'arriue que 
rarement. Outre cela, l'œil peut eftre en telle] fitua- 
tion, au refpeét du Soleil & de la pluie, qu'on verra 
la partie inferieure qui acheue le cercle de l’arc-en- 
ciel, fans voir la fuperieure; & ainfi qu'on la prendra 
pour vn arc renuerfé, nonobftant qu'on ne la verra 
pas vers le ciel, mais vers l'eau, ou vers la terre. 

On m'a dit aufly auoir vû quelquefois vn troifiefme 


20 


269-270. Les METEOoREs. — Discours VIII. 343 


arc-en-ciel au deflus des deux ordinaires, mais qui 
eftoit beaucoup plus foible, & enuiron autant efloigné 
du fecond que le fecond du premier. Ce que ie ne 
iuge pas pouuoir eftre arriué, fi ce n'eft qu'il y ait eu 
des grains de grefle fort ronds & fort tranfparens, 
meflés parmi la pluie, dans lefquels la refraétion 
eftant notablement plus grande que dans l’eau, l’arc- 
en-ciel exterieur aura deu y eftre beaucoup plus 
grand, & ainfi paroiftre au deflus de l’autre. Et pour 
l'interieur, qui par mefme raifon aura deu eftre plus 
petit que l'interieur de la pluie, il fe peut faire qu'il 
n'aura point efté remarqué, a caufe du grand luftre 
de cetuy cy; ou bien que, leurs extremités s'eftant 
iointes, on ne les aura contés tous deux que pour vn, 
mais pour vn dont les couleurs auront efté autrement 
difpofées qu'à l'ordinaire. 

Et cecy me fait fouuenir d'vne inuention pour faire 
paroiftre des fignes dans le ciel, qui pourroient caufer 
grande admiration a ceux qui en ignoreroient les rai- 
fons. Ie fuppofe que vous fçaués defia la façon de 
faire voir l'arc-en-ciel par le moyen d'vne fontaine. 
Comme, fi l'eau qui fort par les petits trous ABC, 
fautant aflés haut, s'efpand en l'air de tous coftés 
vers R, & que le foleil foit vers Z, en forte que, ZEM 
eftant ligne droite, l'angle MER puiffe eftre d'enuiron 
42 degrés, l'œil E ne manquera pas de voir l'iris vers 
R, tout femblable a celuy qui paroift dans le ciel. A 
quoy il faut maintenent adioufter qu'il y a des huiles, 
des eaux de vie, & d’autres liqueurs, dans lefquelles 
la refraétion fe fait notablement plus grande ou plus 
petite qu'en l'eau commune, & qui ne font pas pour 


344 OEUVRES DE DESCARTES. 270-271. 


cela moins claires & tranfparentes. En forte qu'on 
pourroit difpofer par ordre plufeurs fontaines, dans 
lefquelles y ayant diuerfes de ces liqueurs, on y ver- 
roit par leur moyen toute vne grande partie du ciel 
pleine des couleurs de l'iris : a fçauoir en faifant que 
les liqueurs dont la refraétion feroit la plus grande, 
fuflent les plus proches des fpectateurs, & qu’elles 
ne s'efleuaflent point fi hault, qu'elles empefchaffent 
la veuë de celles qui feroient derriere. Puis, a caufe 
que, fermant vne partie des troux ABC, on peut faire 


difparoiftre telle partie de l'iris RR qu'on veut, fans 
ofter les autres, il eft ayfé a entendre que, tout de 
mefme, ouurant & fermant a propos les troux de ces 
diuerfes fontaines, on pourra faire que ce qui pa- 
roiftra coloré ait la figure d'vne croix, ou d'vne 
colomne, ou de quelque autre telle chofe qui donne 
fuiet d'admiration. Mais r'auoue qu'il y faudroit de 
l'adreffe & de la defpenfe, afin de proportionner ces 
fontaines, & faire que les liqueurs y fautaffent fi hault, 
que ces figures peuffent eftre veuës de fort loin par 
tout vn peuple, fans que l’artifice s'en découurift. 


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20 


20 


25 


271-272. Les METEORES. — Discours IX. 345 


DEEAYCOMIEVR DESANVES: 
EIMDES CERCLES OV COVRONNES OMON VOIT 
QVELQVEFOIS ANTONVRDESSASIRRES: 


Dufcours Neufiefme. 


Aprés ce que 1 ay dit de la nature des couleurs, ie 
ne croy pas auoir beaucoup de chofes a adioufter tou- 
chant celles qu'on voit dans les nuës. Car, premiere- 
ment, pour ce qui eft de leur blancheur & de leur 
obfcurité ou noirceur, elle ne procede que de ce qu'elles 
font plus ou moins expoñées a la lumiere des aftres, 
ou a l'ombre, tant d'elles mefmes que de leurs voy- 
fines. Et il y a feulement icy deux chofes a remarquer. 
Dont l'vne eft que les fuperficies des cors tranfparens 
font reflefchir vne partie des rayons qui vienent vers 
elles, ainfi que ray dit cy deflus*; ce qui eft caufe que 
la lumiere peut mieux penetrer au trauers de trois 
picques d'eau, qu'elle ne fait au trauers d'vn peu d’ef- 
cume, qui neft toutefois autre chofe que de l’eau, 
mais en laquelle il y a plufieurs fuperficies, dont la 
premiere faifant reflefchir vne partie de |cete lumiere, 
& la feconde vne autre partie, & ainfi de fuite, il n’en 
refte bientoft plus du tout, ou prefque plus, qui pañle 
outre. Et c'eft ainfi que ny le verre pilé, ny la neige, ny 
les nuës lorfqu'elles font vn peu efpaifles, ne peuuent 
eftre tranfparentes. L'autre chofe qu'il y a icy a re- 


a. Pages 196-107 ci-avant. 
Œuvres. I. 44 


340 Œuvres DE DESCARTES. 272-273. 


marquer, eft qu'encore que l’aétion des cors lumineux 
ne foit que de pouffer en ligne droite la matiere fub- 
tile qui touche nos yeux, toutefois le mouuement or- 
dinaire des petites parties de cete matiere, au moins 
de celles qui font en l'air autour de nous, eft de 
rouller en mefme façon qu'vne bale roulle eftant a 
terre,encore qu’on ne l'ait pouflée qu'en ligne droite. 
Et ce font proprement les cors qui les font rouller en 
cete forte, qu'on nomme blancs; comme font, fans 
doute, tous ceux qui ne manquent d'eftre tranfparens 
qu'a caufe de la multitude de leurs fuperficies, tels 
que font l'efcume, le verre pilé, la neige & les nuës. 
En fuite de quoy on peut entendre pourquoy le ciel, 
eftant fort pur & defchargé de tous nuages, paroift 
bleu, pouruù qu'on fçache que, de luy mefme, il ne 
rend aucune clarté, & qu'il paroiftroit extremement 
noir, s'il n y auoit point du tout d'exhalaifons ny de 
vapeurs au deflus de nous, mais qu'il y en a toufiours 
plus ou moins qui font reflefchir quelques rayons vers 
nos yeux, c'eft a dire qui repouflent vers nous les 
petites parties de la matiere fubtile que le foleil ou 
les autres aftres ont pouflé contre elles ; & lorfque ces 
vapeurs font en aflés grand nombre, la matiere fub- 
tile, eftant repouflée vers nous par les premieres, en 
rencontre d'autres aprés, qui font rouller & tournoyer 
fes petites parties, auant qu'elles paruienent a nous. 
Ce qui fait alors paroiftre le ciel blanc, au lieu que, 
fi elle n'en rencontre aflés pour faire ainfi tournoyer 
fes parties, il ne doit paroiftre que bleu, fuiuant ce 
qui a efté tantoft dit* de lanature de la dorens bleuë. 


a. Page 334, I. 6, ci-avant. 


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25 


273-274. Les Mereores. — Discours IX. 347 


Et c'eft la mefme caufe qui fait auffy que l'eau de la 
mer, aux endroits où elle eft fort pure & fort pro- 
fonde, femble eftre bleuë ; car il ne fe reflefchit de fa 
fuperficie que peu de rayons, & aucun de ceux qui la 
penetrent ne reuient. De plus, on peut icy entendre 
pourquoy fouuent, quand le foleil fe couche ou fe 
leue, tout le cofté du ciel vers lequel il eft paroift 
rouge : ce qui arriue lorfqu'il n'y a point tant de nuës, 
ou plutoft de brouillas, entre luy & nous, que fa lu- 
miere ne puifle les trauerfer; mais qu'elle ne les tra- 
uerfe pas fi ayfement tout contre la terre, qu'vn peu 
plus hault; ny fi ayfement vn peu plus hault, que 
beaucoup plus hault. Car il eft euident que cete lu- 
miere, fouffrant refraction dans ces brouillas, deter- 
mine les parties de la matiere fubtile qui la tranf- 
mettent, a tournoyer en mefme fens que feroit vne 
boule qui viendroit du mefme cofté en roullant fur 
terre ; de façon que le tournoyement des plus baffes 
eft toufiours augmenté par l'action de celles qui font 
plus hautes, a caufe qu'elle eft fuppofée plus forte que 
la leur; & vous fçaués que cela fufhft pour faire pa- 
roiftre la couleur rouge, laquelle, fe reflefchiffant 
aprés dans les nuës, fe peut eflendre de tous coftés 
dans le ciel. Et il eft a remarquer que cete couleur, 
paroïflant le matin, prefage des vens ou de la pluie, 
a caufe qu'elle tefmoigne qu'y ayant peu de nuës vers 
_ l'Orient, le foleil pourra efleuer beaucoup de vapeurs 

auant le midy, & que les brouillas qui la font pa- 

roiftre commencent a monter; au lieu que, le foir, elle 
30 tefmoigne le beau tems, a caufe que, n y ayant que 
peu ou point de nuës vers le couchant, les vens orien- 


348 OEUVRES DE DESCARTES. 274-275. 


taux doiuent regner, & les brouillas defcendent pen- 
dant la nuit. 

le ne m'arefte point a parler plus particulierement 
des autres couleurs qu'on voit dans les nuës; car 1e 
croy que les caufes en font toutes affés comprifes en 
ce que 1'ay dit. Mais il paroïft quelquefois certains 
cercles autour des aftres, dont ie ne dois pas omettre 
l'explication. Ils font femblables a l'arc-en-ciel, en ce 
qu'ils font ronds, ou prefque ronds, & enuironnent 
toufiours le foleil ou quelque autre aftre : ce qui 
monftre qu'ils font caufés par quelque reflexion ou 
refration dont les angles font a peu prés tous efgaux. 
Comme aufly, en ce qu'ils font colorés : ce qui monftre 
qu'il y a de la refraétion, & de l'ombre qui limite la 
lumiere qui les produift. Mais ils different en ce que 
l'arc-en-ciel ne fe voit iamais que lors qu'il pleut ac- 
tuellement au lieu vers lequel on le voit, bien que 
fouuent il ne pleuue pas au lieu où eft le fpectateur. 
Et eux ne fe voyent iamais où 1l pleut : ce qui monftre 
qu'ils ne font pas caufés par la refraction qui fe fait 
en des gouttes d'eau ou en de la grefle, mais par celle 
qui fe fait en ces petites efloiles de glace tranfpa- 
rentes, dont il a efté parlé cy deflus. Car on ne fçau- 
roit imaginer dans les nuës aucune autre caufe qui 
foit capable d’vn tel effect; & fi on ne voit iamais tom- 
ber de telles eftoiles que lorfqu'il fait froid, la raifon 
nous aflure qu'il ne laifle pas de s'en former en toutes 


faifons. Mefme, a caufe qu'il eft befoin de quelque 


chaleur pour faire que, de blanches qu'elles font au 
commencement, elles deuienent tranfparentes, | ainfi 
qu'il eft requis a cet effect, il eft vrayfemblable que 


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275. Les METEORES. — Discours IX. 349 


l'efté y eft plus propre que l’hyuer. Et encore que la 
plufpart de celles qui tombent paroïffent a l'œil ex- 
tremement plates & vnies, il eft certain neanmoins 
qu'elles font toutes quelque peu plus efpaifles au mi- 
lieu qu'aux extremités, ainfi qu'il fe voit aufly a l'œil 
en quelques vnes; & felon qu’elles le font plus ou 
moins, elles font paroiftre ces cercles plus ou moins 
grands : car il y en a fans doute de plufieurs gran- 
deurs. Et fi ceux qu'on a le plus fouuent obferués 
ont eu leur diametre d'enuiron 4 degrés, ainfi que 
quelques vns ont eferit, ie veux croyre que les 
parcelles de glace, qui 
leSfeaufentr der .cete 
grandeur, ont la con- 
uexité qui leur eft la 
plus ordinaire, & qui 
eft peuteftre aufly la 
plus grande qu'elles 
ayent couftume d'ac- 
querir, fans acheuer en- 
tierement de fe fondre. 
Soit, par exemple, ABC 
léfoleil, D l'œil, E,F, G 
plufieurs petites par- 
celles de glace tranfpa- 
rentes, arrengées cofte 
a cofte les vnes des 
autres, ainfi quelles 
font en fe formant, & 
dont la conuexité eft telle, que le rayon venant, par 
exemple, du point A fur l’extremité de celle qui eft 


30 OEuvrEs DE DESCARTES. 275-277. 


marquée G, & du point C fur l’extremité de celle 
qui eft marquée F, retourne vers D, & quil en 
vient vers D plufieurs autres de ceux qui trauerfent 
les autres parcelles de glace qui font vers E, mais 
non point aucun de ceux qui trauerfent celles qui 
font au delà du cercle GG. Il eft manifefte qu'outre 
que les rayons A D, CD, & femblables qui pañlent en 
ligne droite, font paroiftre le foleil de fa grandeur 
accouftumée, les autres, qui fouffrent refraction vers 
EE, doiuent rendre toute l'aire comprife dans le cercle 
FF aflés brillante, & faire que fa circonference, entre 
les cercles FF & GG, foit comme vne couronne peinte 
des couleurs de l’arc-en-ciel; & mefme que le rouge 
y doit eftre en dedans vers F, & le bleu en dehors vers 
G, tout de mefme qu'on a couftume de l'obferuer. Et 
s1l y a deux ou plufieurs rangs de parcelles de glace 
l'vne fur l’autre, pouruû que cela n’empefche point 
que les rayons du foleil ne les trauerfent, ceux de ces 
rayons qui en trauerferont deux par leurs bords, fe 
courbans prefque deux fois autant que les autres, 
produiront encore vn autre cercle coloré, beaucoup 


plus grand en circuit, mais moins apparent que le pre- : 


mier ; en forte qu'on verra pour lors deux couronnes 
l'vne dans l’autre, & dont l'interieure fera la mieux 
peinte, comme il a aufly efté quelquefois obferué. 
Outre cela,vous voyés bien pourquoy ces couronnes 
n’ont pas couftume de fe former autour des aftres 
qui font fort bas vers l'horizon ; car les rayons ren- 
contrent alors trop obliquement les parcelles de glace 
pour les trauerfer. Et pourquoy leurs couleurs ne font 
pas fi viues que les fienes; car elles font caufées par 


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277-278. Les METEORES. — Discours IX. 31 


des refraétions beaucoup moindres. Et pourquoy elles 
paroiflent plus ordinairement que luy autour de la 
lune, & mefme fe remarquent aufly quelquefois autour 
des eftoiles, a fçauoir lorfque les parcelles de glace 
interpofées, n'eftant que fort peu conuexes, les rendent 
fort petites ; car, d'autant qu'elles ne dependent point 
de tant de reflexions & refractions que l'arc-en-ciel, 
la lumiere qui les caufe n’a pas befoin d'eftre fi forte. 
Mais fouuent elles ne paroiïflent que blanches, non 
point tant par faute de lumiere, que pource que la 
matiere où elles fe forment n'eft pas entierement 
tranfparente. 

On en pourroit bien imaginer encore quelques 
autres qui fe formaflent a l'imitation de l'arc-en-ciel 
en des gouttes d'eau, a fçauoir, premierement, par 
deux refraétions fans aucune reflexion; mais alors il 
n'y a rien qui determine leur diametre, & la lumiere 
n'y eft point limitée par l'ombre, comme il eft requis 
pour la produétion des couleurs. Puis auffy par deux 
refractions & trois ou quatre reflexions; mais leur 
lumiere, eftant alors grandement foible, peut ayfe- 
ment eftre effacée par celle qui fe reflefchift de la fu- 
perficie des mefmes gouttes; ce qui me fait douter fi 
iamais elles paroïflent, & le caleul monftre que leur 
diametre deuroit eftre beaucoup plus grand qu'on ne 
le trouue en celles qu’on a couftume d'obferuer. 

Enfin, pour ce qui eft de celles qu'on voit quelque- 
fois|autour des lampes & des flambeaux, la caufe n'en 
doit point eftre cherchée dans l'air, mais feulement 
dans l'œil qui les regarde. Et i'en ay vù cet efté der- 
nier vne experience fort manifefte : ce fut en voyaf- 


342 Œuvres DE DESCARTES. 278-279. 


geant de nuit dans vn nauire, où, aprés auoir tenu 
tout le foir ma tefte appuiée fur vne main, dont ie 
fermois mon œil droit, pendant que ie regardois de 
l'autre vers le ciel, on apporta vne chandelle au lieu 
où r'eftois ; & lors, ouurant les deux yeux, ie vy deux 
couronnes autour de la flame, dont les couleurs 
eftoient aufly viues, que ie les aye iamais veuës en 
l'arc-en-ciel. AB eft la plus grande, qui eftoit rouge 


CN a, 

 SÈ 2) 

We 
7 


CL 


4 
= 3 


7 


vers À, & bleuë vers B; CD la plus petite, qui eftoit 
rouge aufly vers C, mais vers D elle eftoit blanche, & 
s'eftendoit iufques a la flame. Aprés cela, refermant 
l'œil droit, i'apperceu que ces couronnes difparoif- 
foient, & qu'au contraire, en l'ouurant & fermant le 
gauche, elles continuoient de paroiftre : ce qui m'af- 
fura qu'elles ne procedoient que de quelque difpofi- 
tion, que mon œil droit auoit acquife pendant que ie 
l'auois tenu fermé, & qui eftoit caufe qu'outre que la 
plufpart des rayons de la flame qu'il receuoit, la re- 
prefentoient vers O, où ils | s'aflembloient, il y en 
auoit aufly quelques vns, qui eftoient tellement dé- 
tournés, qu'ils s'eftendoient en tout l’efpace #O, où 
ils peignoient la couronne CD, & quelques autres en 
l’efpace FG, où ils peignoient la couronne AB. le ne 


20 


279-280. Les METEoREs. — Discours IX. 353 


determine point quelle eftoit cete difpofition; car plu- 
fieurs differentes peuuent caufer le mefme eflect. 
Comme, s'il y a feulement vne ou deux petites rides 
en quelqu'vne des fuperficies E,M,P, qui, a caufe de 
la figure de l'œil, s'y eftendent en forme d'vn cerele 
dont le centre foit en la ligne EO, comme il y en a 
fouuent de toutes droites qui fe croyfenten cete ligne 
EO, & nous font voir de grans rayons efpars ça & là 
autour des flambeaux; ou bien qu'il y ait quelque 
chofe d'opaque entre E & P, ou mefme a cofté en 
quelque lieu, pouruû qu'il s'y eflende circulairement; 
ou enfin que les humeurs ou les peaux de l'œil ayent 
en quelque façon changé de temperament ou de fi- 
gure; car il eft fort commun a ceux qui ont mal aux 
yeux de voir de telles couronnes, elles ne paroiflent 
pas femblables a tous. Seulement faut 1l remarquer 
que leur partie exterieure, comme À & C, eft ordinai- 
rement rouge, tout au contraire de celles qu'on voit 
autour des aftres; dont la raifon vous fera claire, fi 
vous confiderés qu’en la produétion de leurs couleurs, 
c'eft l'humeur criftaline P NM qui tient lieu du prifme 
de criftal dont il a tantoft eflé parlé*, & le fons de l'œil 
FGÿ qui tient lieu du linge blanc qui eftoit derriere. 
Mais vous douterés peuteftre pourquoy, puifque l'hu- 
meur criftaline a ce pouuoir, elle ne colore pas en 
mefme façon | tous les obiets que nous voyons, fi ce 
n'eft que vous confideriés que les rayons qui vienent 
de chafque ‘point de ces obiets vers chafque point du 
fonds de l'œil, paflant les vns par celuy de fes coftés 
qui eft marqué N, & les autres par celuy qui eft mar- 


a. « Voyés au discours precedent. » Pages 329-330 ci-avant. 
Œuvres. I. 45 


D des. di it SSS 


354 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 280281. 


qué S, ont des actions toutes contraires, & qui fe def- 
truifent les vnes les autres, au moins en ce qui re- 
garde la production des couleurs; au lieu qu'iey les 


rayons qui vont vers FGf ne pañflent que par N. Et 
tout cecy fe rapporte fi bien a ce que ay dit de la 
nature des couleurs, qu'il peut, ce me femble, beau- 
coup feruir pour en confirmer la verité. 


| DE L'APPARITION DE PLVSIEVRS: SOLEIES- 


Dif cours Dernier. 


On voit encore quelquefois d’autres cercles dans 
les nuës, qui different de ceux dont i'ay parlé, en ce 
qu'ils ne paroiïflent iamais que tous blancs, & qu'au 
lieu d’auoir quelque aftre en leur centre, ils trauer- 
fent ordinairement celuy du foleil ou de la lune, & 
femblent paralleles ou prefque paralleles a l'Horizon. 
Mais, pource qu'ils ne paroïflent qu'en ces grandes 


5 


10 


281-282. Les METEORES. — DISCOURS DERNIER. 35 


nuës toutes rondes dont il a efté parlé cy deflus, & 
quon voit aufly quelquefois plufieurs foleils ou plu- 
fieurs lunes dans les mefmes nuës, il faut que i’ex- 
plique enfemble l'vn & l’autre. Soit, par exemple, 
À le Midy, où eft le foleil ac- An Le 
compagné d'vn vent chaud qui | | | 
tend vers B, & C le .Septen- | | 


trion, d’où 1l vient vn vent froid 
qui tend aufly vers B. Et là ie 
fuppofe que ces deux vens ren- 
contrent ou aflemblent vne nuë, 
compofée de parcelles de neige, 
qui seftend fi loin en profon- 
deur & en largeur, qu'ils ne 
peuuent pañler l'vn au deffus, bi. 
l'autre au deflous, ou entre on 
deux, ainfi qu'ils ont ailleurs de 
couftume, mais qu'ils font con- 
trains de prendre leur cours tout a l’entour : au 
moyen de quoy, non feulement ils l’arondiffent, 
mais aufly celuy qui vient du Midy, eftant chaud, 
fond quelque peu la neige de fon circuit, laquelle 
eftant aufiy toft regelée, tant par celuy du Nord qui 
eft froid, que par la proximité de la neige | interieure 
qui n’eft pas encore fonduë, peut former comme vn 
grand anneau de glace toute continuë & tranfparente, 
dont la fuperficie ne manquera pas d’eftre aflés polie, 
a caufe que les vens qui l'arondiflent font fort vni- 
formes. Et, de plus, cete glace ne manque pas d'’eftre 
plus efpaiffe du cofté DEF, que ie fuppofe expofé au 
vent chaud & au foleil, que de l'autre GHI, où la 


C 


À 


Séhsl an sois dl ee MR rie ; 


nd à 


3 s0 OEUVRES DE DESCARTES. 282-283. 


neige ne s'eft pù fondre fi ayfement. Et enfin, il faut 
remarquer qu'en cete conflitution d'air, & fans orage, 
il ne peut y auoir aflés de chaleur autour de la nuë 
B, pour y former ainfi de la glace, qu'il n'y en ait 
aufTy aflés en la terre qui eft au deffous, pour y exciter 
des vapeurs qui la fouftienent, en fouleuant & pouf- 
fant vers le ciel tout le cors de la nuë qu'elle embrafñle. 
En fuite de quoy, il eft euident que la clarté du foleil, 
lequel ie fuppofe eftre aflés haut vers le Midy, don- 
nant tout autour fur la glace DEFGHI, & de là fe 
reflefchiffant fur la blancheur de la neige voyfine, 
doit faire paroïftre cete neige, a ceux qui feront au 
deffous, en forme d’vn grand cercle tout blanc; & 
mefme, qu'il fuflift, a cet effect, que la nuë foit ronde, 
& vn peu plus preflée en fon circuit qu'au milieu, 
fans que l'anneau de glace | doiue eftre formé. Mais, 
lors qu’il left, on peut voir, eftant au deflous vers le 
point K, iufques a fix foleils, qui femblent eftre en- 
chaflés dans le cercle blanc ainfi qu'autant de dia- 
mans dans vne bague. A fçauoir, le premier vers E, 
par les rayons qui vienent directement du foleil que 
ie fuppofe vers A ; les deux fuiuans vers D & vers F, 
par la refrattion des rayons qui trauerfent la glace 
en ces lieux là, où, fon efpaifleur allant en diminuant, 
ils fe courbent en dedans de part & d'autre, ainfi 
qu'ils font en trauerfant le prifme de criftal dont il a 
tantoft efté parlé. Et, pour cete caufe, ces deux foleils 
ont leurs bords peins de rouge, en celuy de leurs 
coftés qui eft vers E, où la glace eft le plus efpaiffe; 
& de bleu en l’autre, où elle left moins. Le quatriefme 
foleil paroiïft par reflexion au point H, & les deux 


20 


25 


30 


| 
k. 


| 
| Je 
| 
| 
| 
| 
| 


20 


25 


30 


283-284. Les METEORES. — DISCOURS DERNIER. 357 


derniers, aufly par reflexion, vers G & vers I, par où 
ie fuppofe qu'on peut defcrire vn cercle dont le 
centre foit au point K, & qui pañle par B, le centre 
de la nuë, en forte que les angles KGB & KBG, ou 
BGA, font efgaux; & de tout de mefme KIB & KBI, 
ou BIA. Car vous fçaués que la reflexion fe fait touf- 
iours par angles efgaux, & que la glace, eftant vn 
cors poli, doit reprefenter le foleil en tous les lieux 
d'où fes rayons fe peuuent reflefchir vers l'œil. Mais, 
pource que les rayons qui vienent tous droits font 
toufiours plus vifs que ceux qui vienent par refrac- 
tion, & ceux cy encore plus vifs que ceux qui font 
reflefchis, le foleil doit paroiftre plus brillant vers E 
que vers D ou F, & icy encore 
plus brillant que vers G ou H 
ou l; & ces trois, G, H &I,ne 
doiuent auoir aucunes couleurs 
autour de leurs bors, comme 
les deux D &F, mais feulement 
eftre blancs. Que | fi les regar- 
dans ne font pas vers K, mais 
quelque part plus auancés vers 
B, en forte que le cercle dont 
leurs yeux font le centre, & qui 
pale par B, ne couppe point la 
circonference de la nuë, ils ne 
pourront voir les deux foleils 
G & I, mais feulement les quatre autres. Et fi, au 
contraire, ils font fort reculés vers H, ou au delà, 
vers C, ils ne pourront voir que les cinq, D,E, F, G 
& I. Et mefme, eftant aflés loin au delà, ils ne ver- 


* 


358 OEUVRES DE DESCARTES. 284285. 


ront que les trois D, E, F, qui ne feront plus dans 
vn cercle blanc, mais comme trauerfés d'vne barre 
blanche. Comme aufly, lorfque le foleil eft fi peu 
efleué fur l'Horizon qu'il ne peut efclairer la partie 
de la nuë GHI, ou bien lorfqu'elle n’eft pas encore 
formée, il eft euident qu'on'ne doit voir que les trois 
foleils D,-E;F: 

Au refte, ie ne vous ay, iufques icy, fait confiderer 
que le plan de cete nuë, & il y a encore diuerfes 
chofes a y remarquer, qui fe verront mieux en fon 
pourfil. Premierement, bien que le foleil ne foit pas 


en la ligne droite qui va d'E vers l'œil K, mais plus 
haut ou plus bas, il ne doit pas laifler de paroiftre 


vers là, principalement fi la glace ne s'y eftend point 


trop en hauteur ou profondeur; car alors la fuper- 
ficie de cete glace fera fi courbée, qu'en | quelque lieu 
qu'il foit, elle pourra quafi toufiours renuoyer fes 
rayons vers K. Comme, fi elle a en fon efpaiffeur la 
figure comprife entre les lignes 1 23 & 456, il eft eui- 
dent que, non feulement lorfque le foleil fera en la 


20 ; 


5 


10 


20 


25 


30 


ARR el ce jm 


285-286. Les METEORES. — DISCOURS DERNIER. 359 


ligne droite A2, fes rayons la trauerfant pourront 
aller vers l'œil K, mais auffy lors qu'il fera beaucoup 
plus bas, comme en la ligne Sr, ou beaucoup plus 
haut, comme en la ligne T3, & ainfy le faire toufiours 
paroiftre comme s'il eftoit vers E; car, l'anneau de 
glace n'eftant fuppofé gueres large, la difference qui 
eft entre les lignes 4K, $ K & GK, n'eft pas confide- 
rable. Et notés que cela peut faire paroiftre le foleil, 
aprés mefme qu'il eft couché, & qu'il peut aufly re- 
culer ou auancer l'ombre des Horologes, & leur faire 
marquer vne heure toute autre qu'il ne fera. Toute- 
fois, fi le foleil eft beaucoup plus bas qu'il ne paroift 
vers E, en forte que fes rayons | paflent auffy en ligne 
droite, par le deffous de la glace, iufques a l'œil K, 
comme S7K, que ie fuppofe parallele a Sr, alors, 
outre les fix foleils precedens, on en verra encore vn 
fettiefme au deflous d'eux, & qui, ayant le plus de 
lumiere, effacera l'ombre qu'ils pourroient caufer dans 
les Horologes. Tout de mefme, s'il eft fi haut que fes 
rayons puiflent pañler en ligne droite vers K par le 


 deflus de la glace, comme T8K, qui eft parallele 


a T3, & que la nuë interpofée ne foit point fi opaque 


qu'elle les en empefche, on pourra voir vn fettiefme 


foleil au deflus des fix autres. Que fi la glace 123, 
456 seftend plus haut & plus bas, comme iufques 
aux poins 8 & 7, le foleil eflant vers À, on en pourra 
voir trois l'vn fur l'autre vers E, a fçauoir aux poins 
8, $ & 7; & lors on en pourra aufly voir trois l'vn 
fur l'autre vers D, & trois vers F, en forte qu'il en 
paroiftra iufques a douze, enchaflés dans le cercle 
blanc DEFGHI. Et le foleil eftant vn peu plus bas 


360 OŒuvres DE DESCARTES. 286-287. 


que vers S, ou plus haut que vers T,, il en pourra de- 
rechef paroiftre trois vers E, a fçauoir deux dans le 
cercle blanc, & vn autre au deflous, ou au deflus ; 


& lors il en pourra encore paroiftre deux vers D, & 


deux vers F. Mais ie ne fçache point que iamais on en 
ait tant obferué, tout a la fois; ny mefme que, lorf- 
qu'on en a vü trois l'vn fur l'autre, comme il eft ar- 
riué plufieurs fois, on en ait remarqué quelques autres 
a leurs coftés; ou bien que, lorfqu'on en a vü trois 
cofte a cofte, comme il eft aufly arriué plufieurs fois, 
on en ait remarqué quelques autres au deflus, ou au 
deflous. Dont, fans doute, la raifon eft que la largeur 


de la glace, marquée entre les points 7 & 8, n'a d'or- 
dinaire aucune proportion auec la grandeur du circuit 
de toute la nuë : en forte que l'œil doit eftre fort proche 
du point E, lorfque cete largeur luy-paroift aflés grande 
pour y diftinguer trois foleils l’vn fur l'autre; & au 
contraire fort efloigné, aflin que les rayons qui fe 
courbent vers D & vers F, où fe diminue le plus l'ef- 
paifleur de la glace, puiflent paruenir iufques a luy. 


15 


20 


20 


287-288 LES METEORES. — DISCOURS DERNIER. 361 


Et il arriue rarement que la nuë foit fi entiere, qu'on 
en voye plus de trois en mefme tems. Toutefois, on 
dit qu'en l'an 162$ le roy de Polongne en vit iufques 
a fix. Et1l n'y a que trois ans que le Mathematicien de 
Tubinge obferua les quatre defignés icy* parles lettres 
D, E,F,H; mefme il remarque particulierement, en ce 
qu'il en a efcrit, que les deux D & F eftoient rouges 
vers celuy du milieu E, qu'il nomme le vray foleil, & 
bleus de l’autre cofté; & que le quatriefme H eftoit 
fort pale, & ne paroïfloit que fort peu. Ce qui con- 
firme fort ce que 1'ay dit. Mais l'obferuation la plus 
belle & la plus remarqua- 
ble, que 1'aye veu en cete 
matiere, eft celle des $ fo- 
leils, qui parurent a Rome 
en l'an 16209,le2odeMars, 
fur les 2 ou ; heures aprés 
midy; & affin que vous 
puifliés voir fi elle s'ac- 
corde auec mon difcours, 
ie la veux mettre icy aux 
mefmes termes qu'elle fut 
dés lors diuulguée : 


A obferuator Romanus. 
B vertex loco obferuatoris 
incumbens. C fol verus ob- 
Jeruatus. À B planum ver- 
ticale, in quo & oculus obferuatoris & fol obferuatus ext/- 
tunt, in quo & vertex loct B racet, ideoque omnia per lineam 


a. Figure page 355 ou 35z. 
Œuvres. I, 46 


302 Œuvres DE DESCARTES. 288-280. 


verticalem À B repræfentantur : in hanc entm totum pla- 
num verticale procumbit. Circa folem C apparuere duæ 
incompletæ Irides eidem homocentricæ, diuerficolores, qua- 
rum minor fiue interior DE F plemor & perfeélior fuit, 
curta tamen fiue | aperta a D ad F, & in perpetuo conatu 
Jefe claudendi flabat  quandoque claudebat, fed mox 
denuo aperiebat. Altera, fed debilis femper & vix confpi- 
cabilis, fuit G HI, exterior 6 Jecundaria, variegata tamen 
& ipfa fuis coloribus, fed admodum inflabilis. Tertia, € 
vnicolor, eaque valde magna ris, fuit K LM N, tota alba; 
quales fæpe vifuntur in parafelenis circa lunam : hæc fuit 
arcus excentricus, integer ab initio, folis per medium 1n- 
cedens, circa finem tamen ab M verfus N debilis 6 lacer, 
imo quafi nullus. Cæterüm, in communibus circult hurus 
interfecliontbus cum Iride exteriore G HT, emerferunt duo 
parhelia non vfque adeo perfeéla, N & K, quorum hoc 
debilius, 1llud autem fortius & luculentius /plende/fcebat; 
amborum medius nitor æmulabatur folarem, fed latera 
coloribus Iridis pingebantur; neque rotundi ac præcufi, 
Jed inœæquales € lacunofi, ipforum ambitus cernebantur. 
N, inquietum fpecirum, etaculabatur caudam fpifflam 
Jfubigneam NO P, cum iugi reciprocatione. L & M fuere 
trans Zenith B, prioribus minus vruaces, [ed rotundiores 
& albi, inflar circuli fui cui inhærebant, lac feu argentum 
purum exprimentes, quanquam M'mediä tertiä iam prope 
difparuerat ; nec nifi exigua fur vefligia fubinde præbuit, 
quippe & circulus ex 1llà parte defecerat. Sol N defecit 
ante folem K,1lloque deficiente roborabatur K, qui omnium 
vltimus difparuit, c. 


CKLMN eftoit vn cercle blanc dans lequel fe 


289-290. Les METEORES. — DIScOURS DERNIER. 303 


voyoient cinq foleils, & il faut imaginer que, le fpecta- 
teur eftant vers À, ce cercle eftoit pendant en l'air au 
deflus de luy, en forte que le point B refpondoit au 
fommet de fa tefte, & que les deux foleils L & M 
eftoient derriere fes efpaules, lorfqu'il eftoit tourné 
vers les trois autres K, C,-N, dont les deux K & N 
eftoient colorés en leurs 
bors, & n'eftoient ny fi 
ronds, ny fi brillans, que 
celuy qui eftoit vers C: ce 
qui monftre qu'ilseftoient 
caufés par refraétion; au 
lieu que les deux L & M 
eftoient aflés ronds, mais 
moins brillans, & tous 
blancs, fans meflange 
d'aucune autre couleur 
en leurs bors : ce qui 
monftre qu'ils eftoient 
caufés par reflexion. Et 
plufieurs chofes ont pü 
empefcher qu'il n'ait paru 
encore vn fixiefme foleil 
vers V, dont la plus vrayfemblable eft que l'œil en 
eftoit fi proche, a raifon de la hauteur de la nuë, que 
tous les rayons qui donnoient fur la glace, vers là, 
fe reflefchifloient plus loin que le point A. Et encore 
que le point B ne foit pas icy reprefenté fi proche des 
foleils L & M que du centre de la nuë, cela n'em- 
pefche pas que la reigle que i'ay tantoft dite, touchant 
le Heu où 1ls doiuent paroiftre, n'y fuft obferuée. Car 


364 OEuvres DE DESCARTES. 290291. 


le fpeétateur, |eftant plus proche de l'arc LV M que 
des autres parties du cercle, l’a deu iuger plus grand, 
a comparaifon d'elles, qu'il n’eftoit; outre que, fans 
doute, ces nuës ne font iamais extremement rondes, 
bien qu’elles paroiffent a l'œil eftre telles. 

Mais il y a encore icy deux chofes aflés remar- 
quables. La premiere eft que le foleil N, qui eftoit 
vers le couchant, ayant vne figure changeante & in- 
certaine, iettoit hors de foy comme vne groffe queuë 
de feu NOP, qui paroïfoit tantoft plus longue, tan- 
toft plus courte. Ce qui n'eftoit fans doute autre 
chofe, finon que l'image du foleil eftoit ainfi contre- 
faite & irreguliere vers N, comme on la voit fouuent 
lorfqu'elle nage dans vne eau vn peu tremblante, ou 
qu'on la regarde au trauers d'vne vitre dont les fuper- 
ficies font inefgales. Car la glace eftoit vrayfemblable- 
ment vn peu agitée en cet endroit là, & n'y auoit pas 
fes fuperficies fi regulieres, pource qu'elle y.commen- 
çoit a fe difloudre, ainfi qu'il fe prouue de ce que le 
cercle blanc efloit rompu, & comme nul entre M &N, 
& que le foleil N difparut auant le foleil K, qui fem- 
bloit fe fortifier a mefure que l'autre fe diflipoit. 

La feconde chofe qui refte icy a remarquer, eft 
qu'il y auoit deux couronnes autour du foleil C, 
peintes des mefmes couleurs que l'arc-en-ciel, & dont 
l'interieure DEF eftoit beaucoup plus viue & plus ap- 
parente que l'exterieure GHI, en forte que ie ne doute 
point qu'elles ne fuffent caufées, en la façon que ray 
tantoft dite, par la refraction qui fe faifoit, non en 
cete glace continuë où fe voyoient les foleils K & N, 
mais en d'autre, diuifée en plufieurs petites parcelles, 


270 


25 


30 


LAN 


20 


25 


30 


201-293. Les METEORES. — DISCOURS DERNIER. 365 


qui fe trouuoit au deflus | & au deffous. Car il ef 
bien vrayfemblable que la mefme caufe, qui auoit pü 
compofer tout vn cercle de glace de quelques vnes 
des parties exterieures de la nuë, auoit difpofé les 
autres voyfines a faire paroiïftre ces couronnes. De 
façon que, fi on n'en obferue pas toufiours de telles, 
lors qu'on voit plufieurs 
foleils, c'eft que l’efpaif- 
feur de la nuë ne s'eftend 
pas toufiours au delà du 
cercle de glace qui l’enui- 
ronne; ou bien qu'elle eft 
fiopaque & obfcure,qu'on 
ne les apperçoit pas au 
trauers. Pour le lieu où 
fe voyent ces couronnes, 
c'eft toufiours autour du 
vray foleil, & elles n'ont 
aucune coniunction auec 
ceux qui ne font que pa- 
roiftre ; car, bien que les 
deux K & N fe rencon- 
trent icy en l'interfection 
de l'exterieure & du cercle blanc, c'eft chofe qui n'eft 
arriuée que par hazard, & ie m'aflure que le mefme 
ne fe vit point aux lieux vn peu loin de Rome, où ce 
mefme | Phainomene fut remarqué. Mais ie ne iuge 
pas pour cela que leur centre foit toufiours en la ligne 
droite tirée de l'œil vers le foleil, fi precifement qu'y 
eft celuy de l'arc-en-ciel; car il y a cela de difference, 
que les gouttes d’eau, eftant rondes, caufent toufiours 


306 OŒuvREs DE DESCARTES. 293294. 


mefme refraétion en quelque fituation qu'elles foient; 
au lieu que les parcelles de glace, eftant plates, la 
caufent d'autant plus grande qu'elles font regardées 
plus obliquement. Et pource que, lorfqu'elles fe for- 
ment par le tournoyement d'vn vent fur la eirconfe- 
rence d'vne nuë, elles y doiuent eftre couchées en 
autre fens que lorfqu'elles fe forment au deflus ou 
au deffous, il peut arriuer qu'on voye enfemble deux 
couronnes, l'vne dans l’autre, qui foient a peu prés 
de mefme grandeur, & qui n'ayent pas iuftement le 
mefme centre. | 

De plus, il peut arriuer qu'outre les vens qui enui- 
ronnent cete nuë, il en pâfle quelqu’vn par deflus ou 
par deflous, qui derechef y formant quelque fuper- 
ficie de glace, caufe d’autres varietés en ce Phaino- 
mene ; comme peuuent encore faire les nuës d’alen- 
tour, ou la pluie, s'il y en tombe. Car les rayons, fe 
reflefchiflant de la glace d’vne de ces nuës vers ces 
gouttes, y reprefenteront des parties d’arc-en-ciel, 
dont les fituations feront fort diuerfes. Comme auñfly 
les fpeétateurs, n’eflant pas au deffous d'vne telle nuë, 
mais a cofté entre plufieurs, peuuent voir d'autres 
cercles & d’autres foleils. De quoy ie ne croy pas 
qu’il foit befoin que ie vous entretiene dauantage; 
car j'efpere que ceux qui auront compris tout ce qui 
a efté dit en ce traité, ne verront rien dans les nuës 
a l'auenir, dont ils ne puiflent ayfement entendre la 
caufe, ny qui leur donne fuiet d'admiration. 


FIN. 


20 


25 


Aduertiflement. 


lufques icy t'ay tafché de me rendre intelligible atout 
le monde; maïs, pour ce traité, 1e crains qu'il ne pourra di 
eflre leu que par ceux qui Jcauent defia ce qui eft dans 
les liures de Geometrie : car, d'autant qi contienent 
plufieurs verités fort bien demonfirées, t'ay creu qu'il 
feroit ne de les repeter, G n'ay pas lai pe. 


cela, de m'en feruir. 


LIVRE PREMIER. 


Des problefmes qu'on peut confiruire fans y employer 


que des cercles & des lignes droites. 


Tous les Problefmes de Geometrie fe peuuent fa- 
cilement reduire a tels termes, qu'il n'eft befoin, par 
aprés, que de connoiftre la longeur de quelques lignes 
droites, pour les conftruire. 

Et comme toute l'Arithmetique n'eft compofée que 
de quatre ou cinq operations, qui font : l'Addition, la 
Souftraétion, la Multiplication, la Diuifion, & l'Ex- 
traction des racines, qu'on peut prendre pour vne 
efpece de Diuifion *; ainfi n'a-t-on autre chofe a faire, 
en Geometrie, touchant les lignes qu'on cherche, 
pour les preparer a eftre connuës, que leur en ad- 
ioufter d'autres, ou en ofter; ou bien, en ayant vne 


* Nous indiquons, par des étoiles, les endroits auxquels se rapportent 
les commentaires de Schooten dans ses éditions latines de la Grouerrre 
(1649 et 1659). La lettre de renvoi correspondante est, pour cette page, À, 

Œuvres. {, 47 


Comment 
le calcul 
d’Arithmetique 
fe rapporte aux 
operations de 
Geometrie. 


La Multi- 
plication 


La Diuifion. 


L'Extraction 
de la racine 
quarrée. 


370 OEUVRES DE DESCARTES. 297-298. 


que ie nommeray l'vnité* pour la rapporter d'autant 
mieux aux nombres, & qui peut ordinairement eftre 
prife a difcretion *, puis en ayant encore deux autres, 
en trouuer vne quatriefme, qui foit a l'vne de ces deux 
comme l'autre eft a l'vnité, ce qui eft le mefme que la 
Multiplication *; ou bien en trouuer vne quatriefme, 
qui foit a l'vne de ces deux comme l'vnité|eft a l’autre, 
ce qui eft le mefme que la Diuifion *; ou enfin trou- 


uer vne, ou deux, ou plufieurs moyennes proportion- 


nelles entre l'vnité & quelque autre ligne, ce qui eft le 
mefme que tirer la racine quarrée, ou cubique, &e. 
Et ie ne craindray pas d'introduire ces termes d'A- 
rithmetique en la Geometrie, affin de me rendre plus 
intelligible. 

Soit, par exemple, AB l'vnité, & qu'il faille multi- 
NS plier BD par BC; ie nay 

E ie 
qu'a ioindre les poins À & 
€ _C, puis tirer DE parallele a 
CA,&BE eft le produit de 

cete Multiplication. 
D A B Ou bien, s’il faut diuifer 
BE par BD, ayant ioint les poins E & D, ie tire AC 
parallele a DE, & BC ef le produit de cete Diuifion. 


Ou, s'il faut tirer la racine” 


quarrée de GH, ie luy adioufte 

en ligne droite FG, qui eft l'v- 

nité, & diuifant FH en deux par- 

ties efgales au point K, du centre 

K ie tire le cercle FIH ; puis, efleuant du point G vne 

ligne droite iufques a I a angles droits fur FH, c'eft 
BG —D.—E; 


CORRE Re 


5 


20 


| 25 


298-290. LA GEOMETRIE. — Livre:Î. 371 


GI, la racine cherchée. Ie ne dis rien icy de la racine 


cubique ny des autres, a caufe que j'en parleray plus 


commodement cy aprés. 

Mais fouuent on n'a pas befoin de tracer ainfi ces 
lignes fur le papier, & il fuffift de les defigner par 
quelques lettres, chafcune par vne feule. Comme, 
pour adioufter la ligne BD a GH, ie nomme l'vne a 
& l’autre b, & efcris a+ b; et a —b, pour fouftraire 
b da; et ab, pour les multiplier l’vne par l’autre; 
et +, pour diuifer a par b; et aa ou a°, pour multiplier 
a par foy mefme; et a, pour le multiplier encore vne 
fois par a, & ainfi a l'infini; et ÿ/a° + b*, pour tirer la 
racine quarrée d'a? +b°; et WC.a' — 5 +abb, pour 
tirer la racine cubique d'a*—b+ abb, & ainfi des 
autres. 

Où il eft a remarquer que, par a° ou b* ou fem- 
blables, ie ne conçoy ordinairement que des lignes 
toutes fimples, encore que, pour me feruir des noms 
vfités en l'Algebre, ie les nomme des quarrés, ou des 
cubes, &c. 

Il eft aufly a remarquer que toutes les parties d'vne 
mefme ligne fe doiuent ordinairement exprimer par 
autant de dimenfions l'vne que l’autre, lorfque l'vnité 
n'eft point determinée en la queftion : comme icy 
a en contient autant qu'a bb ou b*, dont fe compofe la 
ligne que i'ay nommée 4/C.a*—b}+abb; mais que ce 

n'eft pas de mefme lorfque l'vnité eft determinée, a 
caufe qu'elle peut eftre foufentendue partout-où il y a 
trop ou trop peu de dimenfions ; comme, s'il faut tirer 
la racine cubique de aabb—b, il faut penfer que la 
quantité aabb eft diuifée vne fois par l'vnité, & que 


Comment on 
peut vfer de 
chiffres en 

Geometrie. 


Commentil 
faut venir aux 
Equations qui 

feruent a 
refoudre les 
problefmes. 


372 Œuvres pE DESCARTES. 299-300. 


l'autre quantité b eft multipliée deux fois par la 
mefme **, 

| Au refte, afin de ne pas manquer a fe fouuenir des 
noms de ces lignes, il en faut toufiours faire vn re- 
giftre feparé, a mefure qu'on les pofe ou qu'on les 
change, efcriuant par exemple : 


AB>1,cefta dire : ABefgalar. 
GH= a, 
De ee. 


Ainfi, voulant refoudre quelque problefme, on doit 
d'abord le confiderer comme defia fait, & donner des 
noms a toutes les lignes qui femblent neceffaires pour 
le conftruire, auffy bien a celles qui font inconnuës 
qu'aux autres. Puis, fans confiderer aucune difference 
entre ces lignes connuës & inconnuës, on doit par- 
courir la difficulté felon l’ordre qui monfître, le plus 
naturellement de tous,en quelle forte elles dependent 
mutuellement les vnes des autres, iufques a ce qu'on 
ait trouué moyen d'exprimer vne mefme quantité en 
deux façons : ce qui fe nomme vne Equation, car les 
termes de l'vne de ces deux façons font efgaux a ceux 
de l’autre. Et on doit trouuer autant de telles Equa- 
tions qu'on a fuppofé de lignes qui eftoient incon- 
nuës *. Ou bien, s1l ne s en trouue pas tant, & que, 
nonobftant, on n'omette rien de ce qui eft defiré en la 
queftion, cela tefmoigne qu'elle n’eft pas entierement 
determinée; et lors, on peut prendre a diferetion des 


* EF, —G. 


a. Sous-entendez vnité. 


20 


25 


300-301. LA GEOMETRIE. — Livre I. 373 


lignes connuës, pour toutes les inconnuës aufquelles 
ne correfpond aucune Equation *. Aprés cela, s'il en 
refte encore plufieurs, il fe faut feruir par ordre de 
chafcune des Equations qui reftent aufly, foit en la 
confiderant toute feule, foit en la comparant auec les 
autres, pour expliquer chafcune de ces lignes in- 
connuës *, & faire | ainfi, en les demeflant, qu'il n'en 
demeure qu vne feule, efgale a quelque autre qui foit 
connuë, ou bien dont le quarré, ou le cube, ou le quarré 
de quarré, ou le furfolide, ou le quarré de cube, 
&e., foit efgal a ce qui fe produift par l'addition, ou 
fouftraction, de deux ou plufieurs autres quantités, 
dont l'vne foit connuë, & les autres foient compofées 
de quelques moyennes proportionnelles entre l'vnité 
& ce quarré, ou cube, ou quarré de quarré, &e., mul- 


forte : : 
x > b, 
où 7>—a7+bb, 
OÙ  x+a7 +bbz—ci, 
Où 74° a73—0c7+ df, 
&c.* 


C'eft a dire: 7, que ie prens pour la quantité inconnuë, 
eft efgale a b; ou le quarré de 7 eft efgal au quarré 
de b, moins a multiplié par 7; ou le cube de 7 eft efgal 
a a multiplié par le quarré de 7, plus le quarré de b 
multiplié par 7, moins le cube de c; & ainfi des autres. 

Et on peut toufiours reduire ainfi toutes les quan- 


* GG (1659). — GGG (1659). — H. 


a #4 co + à 23 + b2 72 — ci = + ds (Schooten). 


tiphiées par d'autres connuës. Ce que i'efcris en cete 


1 ’ à 4 
DIE. "2, CE CON IT PT PLU SUIS ES A RTS nl 


Quels font 
les problefmes 
plans. 


Comment 
ils fe refoluent. 


374 OŒEuvres DE DESCARTES. 301-309. 


tités inconnuës a vne feule, lorfque le Problefme fe 
peut conftruire par des cercles & des lignes droites, 
ou aufly par des feétions coniques, ou mefme par 
quelque autre ligne qui ne foit que d'vn ou deux de- 
grés plus compofée. Mais ie ne m'arefte point a expli- 
quer cecy plus en detail, a caufe que ie vous ofterois 
le plaifir de l'apprendre de vous mefme, & l'vti- 
lité de cultiuer voftre efprit en vous y exerçant, qui 
eft, a mon auis, la principale qu'on puifle | tirer de 
cete fcience. Aufly que ie n'y remarque rien de fi diffi- 
cile, que ceux qui feront vn peu verfés en la Geome- 
trie commune & en l’Algebre, & qui prendront garde 


a tout ce qui eft en ce traité, ne puiflent trouuer. 


C'eft pourquoy ie me contenteray icy de vous 
auertir que, pouruù qu'en demeflant ces Equations 
on ne manque point a fe feruir de toutes les diui- 
fions qui feront poflibles *, on aura infalliblement les 
plus fimples termes aufquels la queftion puifle eftre 
reduite. 

Et que, fi elle peut eftre refolue par la Geometrie 
ordinaire, c'eft a dire en ne fe feruant que de lignes 
droites & circulaires tracées fur vne fuperficie plate, 
lorfque la derniere Equation aura efté entierement de- 
meflée, il n'y reftera, tout au plus, qu'vn quarré in- 
connu efgal a ce qui fe produift de l'addition, ou fouf- 
traction, de fa racine multipliée par quelque quantité 
connue, & de quelque autre quantité aufly connue. 

Et lors cete racine, ou ligne inconnue, fe trouue 
ayfement. Car, fi ray, par exemple : 


7 a7 + bb, 


20 


25 


302-305. LA GEOMETRIE. — Livre I. 37$ 


ie fais le triangle rectangle N LM, dont le cofté LM eft 
efgal a b, racine quarrée de la quantité connue bb, 
&lautre, LN, eft-a, la 
moitié de l'autre quantité 

ÿ connue, qui eftoit multi- 
pliée par 7, que ie fuppofe 
eftre la ligne inconnue. 
Puis, prolongeant MN, la 
 baze de ce triangle, iuf- 
io ques a O, en forte qu NO foit efgale a NL, la toute 


| LA M 


OM eft 7, la ligne cherchée*. Et elle s'exprime en cete 1 
<tlorte: d 
7 = La+V—aatbb. ‘a 
Nr Oucfiidy | : 
HSE à yy >=—ay +bb, à 
& qu'y foit la quantité qu'il faut trouuer, ie fais le 4 
mefme triangle re@angle NLM, & de fa baze MN | 
iofte N P efgale a NL, & le refte PM ef y, la racine è 
e 4 
cherchée. De façon que r'ay 
LAS ARE 52 à 
* 
< SRE LE TEA Ÿ AUS j 
20 Y a+ V2 aa+bb. 4 
Et tout de mefme, fi r'auois | | 
XŸ = — ax?  b?, à 
PM feroit x°?, & r'aurois Û 
| a r°$ 
x = V—'a+V'aat bb; 
25 & ainfi des autres. 
RL NT 
a. On voit qu’en tout ce passage, Descartes ne reconnait nullement les 
racines négatives des équations. 
LA 
Li 
+ 


370 Œuvres DE DESCARTES. 303-304. 


Enfin fi ray 
ar 0D, 

ie fais NL efgale a : a, & LM efgale a b, comme de- 
uant; puis, au lieu de ioindre les poins M, N, ie tire 
MQR PAAUE a LN, & du centre N, par js ayant 
defcrit vn cercle qui la couppe aux 
R poins Q &R, la ligne cherchée 7 eft 
M Q, ou bien MR, car en ce cas elle 

s'exprime en deux Ron a fçauoir 


N RATE 
7 = Eat V aa bb, 
a En 

L M . Et file cercle qui, ayant {on centre 


au point N, pañle par le point L, ne couppe ny ne 


touche la ligne droite MQR, il n'y a aucune racine 


en l'Equation, de façon qu'on peut affurer que la con- 
ftrution du problefme propofé eft impoflible * 


Au refte,ces mefmes racines fe peuuent trouuer par 


vne infinité d'autres moyens, & i'ay feulement voulu 
mettre ceux cy,comme fort fimples, aflin de faire voir 
qu'on peut conftruire tous les Problefmes de la Geo- 
metrie ordinaire, fans faire autre chofe que le peu qui 


eft compris dansles quatre figures que 1 ay expliquées. 


Ce que ie ne croy pas que les anciens ayent remarqué; 
car, autrement, ils n'euflent pas pris la peine d'en ef- 
crire tant de gros liures, où le feul ordre de leurs 
propolitions nous fait connoiftre qu'ils n’ont point eu 
la vraye methode pour les trouuer toutes, mais qu'ils 
ont feulement ramaflé celles qu'ils ont rencontrées. 


Ne 


5 


15 


20 


23% 


304-305. EA GEOMETRIE. — Livre |. il 


Et on le peut voir aufly fort clairement de ce que 
Pappus a mis au commencement de fon feptiefme 
liure, où, aprés s'eftre arefté quelque tems a denom- 
brer tout ce qui auoit eflé efcrit en Geometrie par 
ceux qui l'auoient precedé, il parle enfin d'vne quef- 
tion qu'il dit que ny Euclide, ny Apollonius, ny aucun 

autre, n'auoient fceu entierement refoudre; & voycy 
fes mots * : 


Quem autem dicit (Apollonius) in tertio libro locum ad 
tres G quatuor lineas ab Euclide perfeélum non effe, 
neque ipfe perficere poterat,neque aliquis alius ; fed neque 
paululum quid addere 115 quæ Euclides fcripfit, per ea 
tantum conica quæ vfque ad Euclidis tempora præmon/- 
trata funt, Ëc. 


Et, vn peu aprés, 1l explique ainfi quelle eft cete 
queftion : | 


At locus ad tres 6 quatuor lineas, in quo (Apollonrus) 
magnifice fe taélat & oflentat, nulla habita gratia et qui 
prius fcriplerat, eff huiufmodr. Si, pofitione datis tribus 

_|rechs lineïs, ab vno & eodem punélo ad tres lineas in datis 
angulis reélæ lineæ ducantur, & data fit proportio rec- 
tanguli contenti duabus duélhs ad quadratum reliquæ, 
punélum contingit pofitione datum folidum locum, hoc efl 
vnam ex tribus conicis fechionibus. Et, fi ad quatuor reclas 


a. Voir, à la fin du volume, la Note I, où est donnée la traduction de 
ce passage latin et où il est commenté. Descartes reproduit le texte de la 
version, parfois inexacte, de Commandin : Pappi Alexandrini mathema- 
ticæ collectiones a Federico Commandino Vrbinate in latinum conversæ 
et commentariis 1llustratæ. — Pisauri, apud Hieronymum Concordiam, 
1588 (1602). — Venetiis, apud Franciseum de Franciscis Senensem, 1580. 
— Mème édition sous trois tirages différents. 

Œuvres. I. 48 


Exemple 
tiré de 
Pappus. 


le cite 
plutoft la 
verfion latine 
que le texte grec, 
affin que 
chafcun 
l’entende 
plus ay fement. 


37 OEUVRES DE DESCARTES. 305-306: 


lineas pofitione datas in datis angulis lineæ ducantur, & 
reélanguli duabus dudlis contenti ad contentum duabus re- 
. o . . . . 
liquis proportio data fit, fimiliter punélum datam con 
Re 2 os 
feélionem pofitione continget. Siquidem roitur ad duas 
tantum, locus planus offenfus efl. Quod fi ad plures quam 
) 2 I 7 
quatuor, punélum continget locos non adhuc cognitos, fed 
lineas tantum diélas ; quales autem fint, vel quam habeant 
| RC) 
proprietatem, non conflat : earum vnam, neque primam, 
G quæ manifefhffima videtur, compofuerunt oflendentes 
viilem effe. Propofitiones autem ipfarum hæ funt : 
Sz ab aliquo punélo, ad pofitione datas reélas lineas quin- 
DOC RARE | EST 
que, ducantur reclæ lineæ in datis angulis, 6 data fit pro- 
portio Jolidi parallelepipedi reélangulr, quod tribus duélis 
lineis continetur, ad folidum parallelepipedum reflangu- 
. k # . . " Pr . ci 
lum, quod continetur reliquis duabus & data quapiam linea 
»q The QUE ) 
punclum pofitione datam lineam continget. S1autem ad fex, 
G@ data fit proportio folidi tribus liners contenti ad folidum 
. L # . SE . £ . - 
quod tribus reliquis continetur, rurfus punélum continget 
pofitione datam lineam. Quod fi ad plures quam fex, non 
adhuc habent dicere an data fit proportio curufpiam contenti 
quatuor liners ad 1d quod reliquis continetur, quoniam non 
efl aliquid contentum pluribus quam tribus dimen/fiontbus. 


Où ie vous prie de remarquer, en pañfant, que le 
fcrupule que faifoient les anciens d'vfer des termes de 
l'Arithmetique en la Geometrie, qui ne pouuoit pro- 
ceder | que de ce qu'ils ne voyoient pas aflés claire- 
ment leur rapport, caufoit beaucoup d'obfeurité & 


d'embaras en la façon dont ils s'expliquoient : car. 


Pappus pourfuit en cete forte : 


Acquiefcunt autem his qui paulo ante talia interpretati 


20 


23 


30 


306807 POITASGEOoMETRIE- RE. 379 


Junt, neque vnum aliquo paélo comprehenfibile fignifi- 
cantes quod his continetur. Licebit autem per contunélas 
proportiones hæc € dicere & demon/lrare vniuerfe in dic- 
ts proportiontbus, atque his in hunc modum. St ab aliquo 
punélo, ad pofitione datas reélas lineas, ducantur reétæ 
lineæ in datis angulis, & data fit proportio contunéa ex 
ea quam habet vna duélarum ad vnam, € altera ad alte- 
ram, 6 alia ad aliam, & reliqua ad datam lineam, fi fint 
Jeptem : fi vero octo, & reliqua ad reliquam : punétum 
continget pofitione datas lineas. Et fimiliter, quotcumque 
* fint impares vel pares multitudine, cum hæc, vt dixi, loco 
ad quatuor lineas re/pondeänt, nullum igitur pofuerunt ita 
vt linea nota fit, Ec. 


La queftion donc, qui auoit efté commencée a re- 
foudre par Euclide & pourfuiuie par Apollonius, fans 
auoir efté acheuée par perfonne, eftoit telle. Ayant 
trois, où quatre, ou plus grand nombre de lignes 
droites données par pofition, premierement, on de- 
mande vn point duquel on puifle tirer autant d'autres 
lignes droites, vne fur chafcune des données, qui 
facent auec elles des angles donnés; & que le rec- 
tangle contenu en deux de celles qui feront ainfi tirées 
d'vn mefme point, ait la proportion donnée auec le 
quarré de la troifiefme, s'il n'y en a que trois; ou bien 
auec le rectangle des deux autres, s’il y en a quatre. 
Ou bien, s'il y en a cinq, que le parallelepipede com- 
pofé de trois ait la proportion donnée auec le paral- 
Hlelepipede compofé des deux qui reftent, & d'vne 
autre ligne donnée. Ou, s'il y en a fix, que le paralle- 
lepipede compofé de trois ait la proportion donnée 


Refponfe 
a la 
queftion de 
Pappus. 


E 


380 


j OEuvREs DE DESCARTES. 307-308. 


auec le parallelepipede des trois autres. Ou, sil yen 
a fept, que ce qui fe produift lorfqu'on en multiplie 
quatre l'vne par l’autre, ait la raifon donnée auec ce 
qui fe produift par la multiplication des trois autres, 
& encore d'vne autre ligne donnée. Ou, s'il yen a 
huit, que le produit de la multiplication de quatre ait 
la proportion donnée auec le produit des quatre autres. 
Et ainfi cete queftion fe peut eftendre a tout autre 
nombre de lignes. Puis, a caufe qu'il y a toufiours vne 
infinité de diuers poins qui peuuent fatisfaire a ce qui 
eft icy demandé, il eft aufly requis de connoïftre & de 
tracer la ligne dans laquelle ils doiuent tous fe trou- 
uer; & Pappus dit que, lorfqu'il n y a que trois ou 
quatre lignes droites données, c'eft en vne des trois 
feions coniques; mais 1l n'entreprend point de la 
determiner, ny de la defcrire,non plus que d'expliquer 
celles où tous ces poins fe doiuent trouuer, lorfque la 
queftion eft propofée en vn plus grand nombre de 
lignes. Seulement, il aioufte que les anciens en auoient 
imaginé vne qu'ils monftroient y eftre vtile, mais qui 
fembloit la plus manifefte, & qui n’eftoit pas toute- 
fois la premiere. Ce qui m'a donné occafion d’effayer 
fi, par la methode dont ie me fers, on peut aller aufly 
loin qu'ils ont efté. 

Et, premierement, 1'ay connu que, cete queftion 
n'eftant propolée qu'en trois, ou quatre, ou cinq 
lignes, on peut toufiours trouuer les poins cherchés 
par la Geometrie fimple, c'eft a dire en ne fe feruant 
que de la reigle & du | compas, ny ne faifant autre 
chofe que ce qui a defia efté dit : excepté feulement, 
lorfqu'il y a cinq lignes données, fi elles font toutes 


20 


25 


30. 


308-300. La GEOMETRIE. — Livre I. 381 


paralleles. Auquel cas, comme aufly lorfque la quef- 
tion eft propofée en fix ou 7 ou 8 ou 9 lignes, on peut 
toufiours trouuer les poins cherchés par la Geometrie 
des folides, c'eft a dire en y employant quelqu'vne 
des trois fections coniques : excepté feulement, lorf- 
qu'il y a neuf lignes données, fi elles font toutes pa- 
ralleles. Auquel cas, de rechef, & encore en 10, 11, 
12 Ou 13 lignes, on peut trouuer les poins cherchés 
par le moyen d'vne ligne courbe qui foit d'vn degré 
plus compofée que les feétions coniques : excepté en 
treize, fi elles font toutes paralleles. Auquel cas, & 
en quatorze, 14, 16 & 17, il y faudra employer vne 
ligne courbe encore d'vn degré plus compofée que la 
precedente : & ainfi a l'infini. 

Puis i'ay trouué aufly que, lorfqu'il n'y a que trois 
ou quatre lignes données, les poins cherchés fe ren- 
contrent tous, non feulement en l'vne destrois fections 
coniques, mais quelquefois aufly en la circonference 
d vn cercle ou en vne ligne droite. Et que, lorfqu'il y 
en a cinq ou fix ou fept ou huit, tous ces poins fe ren- 
contrent en quelqu'vne des lignes qui font d'vn degré 
plus compofées que les fections coniques, & il eft 
impoflible d'en imaginer aucune qui ne foit vtile a 
cete queftion; mais ils peuuent aufly, de rechef, fe 
rencontrer en vne fection conique, ou en vn cercle, ou 
en vne ligne droite, & s'il y en a neuf ou 10 ou 11 ou 
12, ces poins fe rencontrent en vne ligne qui ne peut 
eftre que d'vn degré plus compofée que les prece- 
dentes; mais toutes celles | qui font d'vn degré plus 
compofées y peuuent feruir; & ainfi a l'infini. 

Au refte, la premiere & la plus fimple de toutes, 


Comment 
on doit pofer 
les termes pour 


382 OEUVRES DE DESCARTES. 30010) 


aprés les fections coniques, eft celle qu'on peut def- 
crire par l'interfeélion d'vne Parabole & d'vne ligne 
droite, en la façon qui fera tantoft expliquée. En forte 
que ie penfe auoir entierement fatisfait a ce que Pap- 
pus nous dit auoir efté cherché en cecy par les an- 
ciens; & ie tafcheray d'en mettre la demonftration en 
peu de mots : car il m'ennuie defia d’en tant efcrire. 
Soient AB, AD, EF, GH, &c., plufieurs lignes 


données par pofition, & qu'il faille trouuer vn point, 
comme C, duquel ayant tiré d'autres lignes droites 
fur les données, comme CB, CD, CF & CH, en forte 
que les angles CB A, CDA, CFE, CHG, &ec., foient 
donnés,| & que ce qui eft produit par la multiplication 
d'vne partie de ces lignes foit efgal a ce qui eft produit 
par la multiplication des autres, ou bien qu'ils ayent 
quelque autre proportion donnée : car cela ne rend 
point la queftion plus difficile. 

Premierement, ie fuppofe la chofe comme defia 
faite &, pour me demefler de la confufion de toutes 


15 


20 


25 


30 


ASE LC LA GEOMETRIE, "Livre I: 383 


ces lignes, 1e confidere l'vne des données & l'vne de 
celles quil faut trouuer, par exemple AB & CB, 
comme les principales & aufquelles ie tafche de rap- 
porter ainfi toutes les autres. Que le fegment de la 
ligne AB, qui eft entre les poins À & B, foit nommé 
x, & que BC foit nommé y; & que toutes les autres 
lignes données foient prolongées iufques a ce qu'elles 
couppent ces deux, aufly prolongées, s'il eft befoin 
& fi elles ne leur font point paralleles : comme vous 
voyés icy, quelles couppent la ligne AB aux poins 
A, E, G, & BC aux poins R, S, T. Puis, a caufe que 
tous les angles du triangle ARB font donnés, la pro- 


portion qui eft entre les coftés AB & BR eft aufly 


donnée, & ie la pole comme de 7 a b; de façon qu'AB 
eftant x, RB fera ?*, & la toute C R feray +, a caufe 
que le point B be entre = &R; car, fi R tomboit 
entre C & B, CR feroit y —— 0 fi e onboie entre 
B &R, CR feroit — y +. Tout de mefme, les trois 
ie du triangle DRC font donnés, & par confe- 
quent aufly la proportion qui eft entre les coftés CR 
MICD que te pote comme de 7 a c : de façon que, 


CR eflant y-+# CD fera Le Aprés cela, pource 


que les lignes AB, AD &ÉF font données par poli- 


tion, la diftance qui eft entre les poins A & E eft aufly 
ne. &, fi on la nomme #, on aura EB efgal a 
k+x; mais ce feroit À —x, fi le point B tomboit entre 
E&A, &—k+x, fi E tomboit entre A &B. Et, pource 
que les angles du triangle ESB font tous donnés, la 
proportion de BE a BS eft aufly donnée, &ie la on 
comme 7 a d : fi bien que BS eft + & la toute CS 
ef + dk +dx he point S 


1? 


; mais ce feroit RARE 


venir a 
l'Equation 
en cet exemple. 


384 OEUVRES DE DESCARTES. 311-312. 


tomboit entre B & C; & ce feroit TEE fi C tom- 
boit entre B &S. De plus, les trois angles 4 triangle 
FSC font donnés, &, en fuite, la! proportion de CS a 
CF, qui foit comme deal toute © rer 
17 PERTE EN mefme facon, AG, que ie nomme /, 
eft donnée, & BG eft /—x; &a ca du triangle BGT, 
la proportion de BG a BT eft aufly donne qui foit 
comme de 7 a /; & BT fera PE, & CT = 5 DEEE, 


Puis, de rechef, la proportion de TC a CH ef don- 
née, a caufe du triangle T CH, &, la pofant comme de 
7ag,onaura CH ÉETE _ 

Et ainfi vous voyés qu'en tel one de lignes don- 
nées par pofition qu'on puifle auoir, toutes les lignes 
tirées deflus, du point C, a angles donnés, fuiuant la 
teneur de la queftion, fe peuuent toufiours exprimer 
chafcune par trois termes : dont l'vn eft compofé de 
la quantité inconnuë y multipliée, ou diuifée, par 
quelque autre connuë ; & l’autre, de la quantité incof= 
nue x, auflv multipliée ou diuifée par quelque autre 


re) 


20 


25 


30 


Sie d13, LA GEOMETRIE. — LIVRE I. 38; 


connuë ; & le troifiefme, d'vne quantité toute connuë. 
Excepté feulement fi elles font paralleles ou bien a la 
ligne AB, auquel cas le terme compofé de la quan- 
tité x fera nul; ou bien a la ligne CB, auquel cas 
celuy qui eft compofé de la quantité y fera nul : ainfi 
qu'il efttrop manifeflte pour que ie m'arefte a l'expli- 
quer. Et pour les fignes + & ——, qui fe ioignent a ces 
termes, ils peuuent eftre changés en toutes les façons 
imaginables. 

Puis vous voyés aufli que, multipliant plufieurs de 
ces lignes l’vne par l’autre, les quantités x & y, qui fe 
trouuent dans le produit, n y peuuent auoir que chaf- 
cune autant de dimenfions qu'il y a eu de lignes, a 
l'explilcation defquelles elles feruent, qui ont efté ainfi 


multipliées. En forte qu'elles n'auront iamais plus de 


deux dimenfions, en ce qui ne fera produit que par la 
multiplication de deux lignes ; ny plus de trois, en ce 
qui ne fera produit que par la multiplication de trois; 
&ainfi a l'infini. 

De plus, a caufe que, pour determiner le point C, 
il n'y a qu'vne feule condition qui foit requife, a fça- 
uoir que ce qui eft produit par la multiplication d'vn 
certain nombre de ces lignes foit efgal, ou {ce qui n’eft 
de rien plus malayfé) ait la proportion donnée a ce 
qui eft produit par la multiplication des autres; on 
peut prendre a diferetion l'vne des deux quantités in- 
connues x ou y, & chercher l'autre par cete Equation, 
en laquelle il eft euident que, lorfque la queflion n'eft 


point propofée en plus de cinq lignes, la quantité x, 


qui ne fert point a l'expreflion de la premiere, peut 
toufiours ny auoir que deux dimenfions. De façon 
Œuvres. I. 49 


Comment on 
trouue que ce 
problefme eft 
plan, lorfqu'il 
n’eft point 
propofé en plus 
de 5 lignes. 


86 OEUVRES DE DESCARTES. 213-314. 
3 


que, prenant vne quantité connuë pour y, il ne ref- 
tera que 
xx > + ou —ax+ où —bb; 


& ainfi on pourra trouuer la quantité x auec la reigle 
& le compas, en la façon tantoft expliquée. Mefme, 
prenant fuccefliuement infinies diuerfes grandeurs 
pour la ligne y, on en trouuera aufly infinies pour la 
ligne x; & ainfi on aura vne infinité de diuers poins 
tels que celuy qui eft marqué C, par le moyen def- 
quels on deferira la ligne courbe demandée. 

Il fe peut faire auffy, la queftion eftant propofée en 
fix ou plus grand nombre de lignes, s'il y en a, entre 
les données, qui foient paralleles a B A ou BC, que 
l'vne des deux quantités x ou y n'ait que deux‘ dimen- 
fions en | l'Equation, & ainfi qu'on puifle trouuer le 
point C auec la reigle & le compas. Maïs, au con- 
traire, fi elles font toutes paralleles, encore que la 
queftion ne foit propofée qu'en cinq lignes, ce point C 
ne pourra ainfi eftre trouué, a caufe que, la quantité x 
ne fe trouuant point en toute l'Equation, il ne fera 
plus permis de prendre vne quantité connuë pour 
celle qui eft nommée y, mais ce fera elle qu'il faudra 
chercher. Et, pource qu'elle aura trois dimenfions, on 
ne la pourra trouuer qu’en tirant la racine d’vne Equa- 
tion cubique : ce qui ne fe peut generalement faire, 
fans qu'on y employe pour le moins vne feétion co- 
nique. Et encore qu'il y ait iufques a neuf lignes don- 
nées, pouruû qu'elles ne foient point toutes paral- 
leles, on peut toufiours faire que l'Equation ne monte 


a, « aut etiam unam » ajoute Schooten, 


20 


23 


314. LA GEOMETRIE. — Livre Î. 387 


que iufques au quarré de quarré : au moyen de quoy, 
on la peut aufly toufiours refoudre par les feétions 
coniques, en la façon que r'expliqueray cy aprés. Et 
encore qu'il yen ait iufques a treize,on peut toufiours 
faire qu'elle ne monte que iufques au quarré de cube: 
en fuite de quoy, on la peut refoudre par le moyen 
d'vne ligne qui n'eft que d'vn degré plus compofée 
_ que les feétions coniques, en la façon que 1'explique- 
ray aufly cy aprés. Et cecy ef la premiere partie de ce 
que j'auois icy a demonftrer; mais, auant que ie pañle 
a la feconde, il eft befoin que ie die quelque chofe en 
general de la nature des lignes courbes.| 


; tire 
dis ns À À 


à 
FE 


Quelles font 
les lignes 
courbes qu’on 
peut receuoir 


en Geometrie. 


LA GEOMETERHPE 


LIVRE SECOND. 


De la nature des lignes courbes. 


Les anciens ont fort bien remarqué qu'entre les 
Problefmes de Geometrie, les vns font plans, les 
autres folides, & les autres lineaires : c'eft a dire que 
les vns peuuent eftre conftruits en ne traçant que des 
lignes droites & des cercles; au lieu que les autres ne 
le peuuent eftre, qu'on ny employe pour le moins 
quelque feétion conique; n1 enfin les autres, qu'on n'y 
employe quelque autre ligne plus compofée. Mais ie 
m'eflonne de ce qu'ils n'ont point,outre cela, diftingué 
diuers degrés entre ces lignes plus compofées, & 1e 
ne fçaurois comprendre pourquoy ils les ont nom- 


mées Mechaniques, plutoft que Geometriques. Car, : 


de dire que ç'ait efté a caufe qu'il eft befoin de fe 
feruir de quelque machine pour les defcrire, il fau- 
droit reietter, par mefme raifon, les cercles & les 
lignes droites, vü qu'on ne les defcrit fur le papier 
qu'auec vn compas & vne reigle, qu'on peut aufly 
nommer des machines. Ce n'eft pas non plus a caufe 


20 


SEL 


20 


25 


30 


315-516. LA GEOMETRIE. — Livre IL. 389 


que les inftrumens qui feruent a les tracer, eftant plus 
compofés que la reigle & le compas, ne peuuent eftre 
fi iuftes : car il faudroit, pour cete raifon, les reietter 
des Mechaniques, où la iuftefle des ouurages qui 
fortent de la main eft defirée. plutoft que de la Geo- 
metrie, où c'eft feulement la iufteffe du rdifonnement 
quon recheriche, & qui peut fans doute eftre aufTy 
parfaite, touchant ces lignes, que touchant les autres. 
le ne diray pas aufly que ce foit a caufe qu'ils n’ont 
pas voulu augmenter le nombre de leurs demandes, 
& qu'ils fe font contentés qu'on leur accordaft qu'ils 
puflent ioindre deux poins donnés par vne ligne droite, 
& defcrire vn cercle d'vn centre donné, qui paffaft par 
VA point donné : car ils n'ont point fait de fcrupule de 
fuppofer, outre cela, pour traiter des fe@ions co- 
niques, qu’on puft coupper tout cone donné par vn 


- plan donné. Et il n'eft befoin de rien fuppofer, pour 


tracer toutes les lignes courbes que ie pretens icy d'in- 
troduire, finon que deux ou plufieurs lignes puiflent 
eftre meuës l'vne par l'autre, & que leurs interfe@tions 
en marquent d'autres : ce qui ne me paroift en rien 
plus difficile. Il eft vray qu'ils n'ont pas aufly entiere- 
ment receu les fe@ions coniques en leur Geometrie, 
& ie ne veux pas entreprendre de changer les noms 
qui ont eflé approuués par l'vfage ; mais il eft, ce me 
femble, tres clair que, prenant, comme on fait, pour 


_ Geometrique ce qui eft precis & exact, & pour Mecha- 


nique ce qui ne left pas: & confiderant la Geometrie 
comme vne fcience qui enfeigne generalement a con- 
noiftre les mefures de tous les cors; on nen doit pas 
plutoft exelure les lignes les plus compofées que les 


* 


390 OEuvres DE DESCARTES. 316-317. 


plus fimples, pouruü qu'on les puifle imaginer eftre 
defcrites par vn mouuement continu, ou par plufieurs 
qui s'entrefuiuent & dont les derniers foient entiere- 
ment reglés par ceux qui les precedent : car, par ce 
moyen, on peut toufiours auoir vne connoiflance 
exacte de leur mefure. Mais peuteftre que ce qui a em- 
pefché les anciens Geometres de receuoir celles qui 
eftoient plus compofées que les feétions coniques, c'eft 
que les premieres qu'ils ont confiderées, ayant par 
hafard efté la Spirale, la Quadratrice, & femblables, 
qui n'appartienent veritablement qu aux Mechaniques 
& ne font point du nombre de celles que ie penfe de- 
uoir icy eftre receues, a caufe qu'on les imagine def- 
crites par deux mouuemens feparés & qui n'ont entre 
eux aucun raport qu'on puifle mefurer exactement ; 
bien qu'ils ayent aprés examiné la Conchoide, la Cif- 
foide, & quelque peu d'autres qui en font, toutefois, 
a caufe qu'ils n'ont peuteftre pas aflés remarqué leurs 
proprietés, ils n'en ont pas fait plus d'eftat que des 
premieres. Ou bien, c'eft que, voyant qu'ils ne con- 
noifloient encore que peu de chofes touchant les 
fe&ions coniques, & qu'il leur en reftoit mefme beau- 
coup, touchant ce qui fe peut faire auec la reigle & le 
compas, qu'ils ignoroient, ils ont creu ne deuoir pas 
entamer de matiere plus difficile. Mais, pource que 
'efpere que dorenauant ceux qui auront l'adrefle de 
fe feruir du calcul Geometrique icy propolé, ne trou= 
ueront pas aflés de quoy s'arefter touchant les pro= 
blefmes plans ou folides, ie crois qu'il eft a propos 
que ie les inuite a d'autres recherches, où ils ne man- 
queront iamais d'exercice, 


Fe 


317-318. LA GEOMETRIE. — Livre Il. © 391 


Voyés les lignes AB, AD, AF & femblables, que ie 
fuppofe auoir efté defcrites par l’ayde de l'inftrument 
YZ*, qui eft compofé de plufieurs reigles, tellement 
jointes que, celle qui eft marquée YZ eftant areftée 
fur la ligne AN, on peut ouurir & fermer l'angle 
XYZ, & que, lorfqu'il eft tout fermé, les poins B, C, 
D, <E>°F, G, H font tous afflemblés au point A; 


mais qu'a mefure qu'on l'ouure, la reigle BC, qui eft 
jointe a angles droits auec XY au point B, pouñle 
vers Z la reigle CD, qui coule fur YZ en faifant touf- 
iours des angles droits auec elle; & CD poufñe DE, 
qui coule tout de mefme fur Y X en demeurant paral- 
jele a BG; DE poufle EF; EF poufle FG:; celle cy 
poufle GH; & on en peut conceuoir vne infinité 

d'autres, qui fe pouflent confequutiuement en mefme 
façon, & dont les vnes facent toufiours les mefmes 
angles auec YX, & les autres auec YZ. Or, pendant 


a. XYZ Schooten. 
b.E a été ajouté par Schooten. 


La façon de 
diftinguer toutes 
les lignes courbes 
en certains genres, 
et de connoïftre 
le rapport qu'ont 
tous leurs poins 
a ceux des lignes 
droites. 


302 OEUVRES DE DESCARTES. 318-319. 


qu'on ouure ainfi l'angle XYZ, le point B defcrit la 
ligne AB, qui eft vn cercle; & les autres poins, D, F, 
H, où fe font les interfettions des autres reigles, def- 
criuent d’autres lignes courbes, AD, AF, AH, dont 
les dernieres font, par ordre, plus compofées que la 
premiere, & celle cy plus que le cercle. Mais ie ne voy 
pas ce qui peut empefcher qu'on ne conçoiue aufly 


nettement & aufly diftinctement la defcription de cete 


premiere, que du cercle ou, du moins, que des fections 
coniques; ny ce qui peut empefcher qu'on ne con- 


çoiue la feconde, & la troifiefme, & toutes les autres 


qu'on peut defcrire, aufly bien que la premiere; ny, 
par confequent, qu'on ne les reçoiue toutes en mefme 
façon, pour feruir aux fpeculations de Geometrie. 

le pourrois mettre icy plufieurs autres moyens, 
pour tracer & conceuoir des lignes courbes qui feroient 
de plus en plus compofées par degrés a l'infini. Mais, 
pour comprendre enfemble toutes celles qui font en la 
nature, & les diftinguer par ordre en certains genres, 
ie ne fçache rien de meilleur que de dire que tous les 
poins de celles qu'on peut nommer Geometriques, 
c'eft a dire qui tombent fous quelque mefure precife 
& exacte, ont neceflairement quelque rapport a tous 
les poins d'vne ligne droite, qui peut eftre exprimé par 
quelque equation, en tous par vne mefme. Et que, 
lorfque cete equation ne monte que iufques au rec- 
tangle de deux quantités indeterminées, ou bien au 
quarré d'vne mefme, la ligne courbe eft du premier & 
plus fimple genre, dans lequel il n'y a que le cercle, 
la parabole, l'hyperbole & l'ellipfe qui foient com- 
prifes. Mais que, lorfque l'equation monte iufques a 


20 


25 


30 


319-320. LA GEOMETRIE. — Livre II. 393 


la trois ou quatriefme dimenfion des deux ou de l'vne 
des deux quantités indeterminées : car il en faut deux 
pour expliquer icy le rapport d'vn point a vn autre : 
elle eft du fecond. Et que, lorfque l'equation monte 
iufques a la ; ou fixiefme dimenfion, elle eft du troi- 
fiefme : & ainfi des autres a l'infini. 

Comme, fi ie veux fçauoir de quel genre eft la ligne 
E C, que 1imagine 
eftre defcrite par l'in- 
terfeétion de la reigle 
GL & du plan recti- 
ligne CNKLE, dont le 
cofté KN eftindefinie- 
ment prolongé vers 
C, & qui, eftant meu 
fur le plan de deffous 
en ligne droite, c'ef 
a dire en telle ae que fon diametre KL É trouue 
toufiours appliqué fur quelque endroit de la ligne 
BA prolongée de part & d'autre, fait mouuoir cir- 
culairement cete reigle GL autour du point G, a 
caufe quelle luy eft tellement iointe qu'elle pañte 
toufiours par le point L. le choifis vne ligne droite, 
comme AB, pour rapporter a fes diuers poins tous 
ceux de cete ligne courbe EC, & en cete ligne AB ie 
choiïfis vn point, comme A, pour commencer par luy 
ce calcul. Le dis que ie choifis & l'vn & l’autre, a caufe 
qu'il eft libre de les prendre tels qu'on veult : car, en- 
core qu'il y ait beaucoup de choix pour rendre l'equa- 
tion plus courte & plus ayfée, toutefois, en quelle 


façon qu on les prene, on peut toufiours faire que la 
Œuvres, I. 50 


394 OEUVRES DE DESCARTES. 320-322. 


ligne paroiïfle de mefme $enre, ainfi qu'il eft ayfé a 
demonftrer.| Aprés cela, prenant vn point a diferetion 
dans la courbe, comme C, fur lequel ie fuppofe que 
l'inftrument qui fert a la defcrire eft appliqué, ie tire 
de ce point C la ligne CB parallele a GA; & pource 
que CB & BA font deux quantités indeterminées & 


inconnuës, ie les nomme, l'vne y, & l’autre x. Mais,affin 


de trouuer le rapport de l'vne a l’autre, ie confidere 
aufly les quantités connuës qui determinent la defcrip- 
tion de cete ligne courbe: comme GA que ie nomme a, 
KL que ie nomme b, & NL, parallele a GA, que ie 
nomme c. Puis ie dis : comme NLefta LK,ouca b, 
ainfy CB, ou y, eft a BK, cu eft, par Shococic ns 
&BLeft°y—b; & A Left x +! -7 — b. De plus, comme 
CB efta LB ,ouya?y—b, ainfi a, ou GA, et a LA, 
ou x+?y—b. De façon que, D pa É Roue à 
par la troifiefme, on produift ? y— ab, qui eft efgale 
a xyY +?yYy— de qui fe produifl en multipliant la 
premiere par la derniere; & ainfi l'equation qu'il fal- 
loit trouuer ef : 


IR TERRE 
de laquelle on connoift que la ligne EC eft du pre- 
mier genre : comme, en effect, elle n'eft autre qu'vne 
Hyperbole*. 

Que fs end inftrument qui fert a 3 defcrire, on fait 
qu'au for de la ligne droite CNK, ce foit cete Hyper- 
bole, ou quelque autre ligne UE 1. du premier genre, 
qui termine le plan CNKL, l'interfeélion de cete ligne 
& de la reigle GL defcrira, au lieu de l'hyperbole EC, 

FA 


20 


25 


15 


20 


25 


30 


322-323. LA GEOMETRIE. — Livre II. 395$ 


vne autre ligne courbe, qui fera du fecond genre. 
Comme, fi CNK eft vn cercle dont L foit le centre,on 
defcrira la premiere Conchoide des anciens: & fi c'eft 
vne Parabole dont le diametre foit KB, on defcrira 
la ligne courbe que i'ay tantoft dit eftre la premiere 
& la plus fimple pour la queftion de Pappus, lorfqu'il 
n y a que cinq lignes 
droites données par 
pofition. Mais fi, au 
lieu d'vne de ces li- 
gnes courbes du pre- 
mier genre, cen eft 
vne du fecond qui ter- 
mine le plan CNKI, 
on en defcrira, par 
fon moyen, vne du 
troifiefme : ou, fi c'en eft vne du troifiefme, on en 
defcrira vne du quatriefme ; & ainfi a l'infini, comme il 
eft fort ayfé a connoiftre par le calcul. Et en quelque 
autre façon qu'on imagine la defcription d'vne ligne 
courbe, pouruû qu'elle foit du nombre de celles que 
ie nomme Geometriques, on pourra toufiours trou- 
luer vne equation pour determiner tous fes poins en 
cete forte. 

Au refte, ie mets les lignes courbes qui font monter 
cete equation iufques au quarré de quarré, au mefme 
genre que celles qui ne la font monter que iufques 
au cube ; & celles dont l'equation monte au quarré de 
cube, au mefme genre que celles dont elle ne monte 
qu'au furfolide; & ainfi des autres. Dont la raifon 
eft qu'il y a reigle generale pour reduire au cube 


Suite de 
l'explication 
de la queftion 
de Pappus 
mife au liure 
precedent. 


306 Œuvres DE DESCARTES. 323-324. 


toutes les diflicultés qui vont au quarré de quarré, 
& au furfolide toutes celles qui vont au quarré de 
cube, de façon qu'on ne les doit point eftimer plus 
compofées. | 

Mais il eft a remarquer qu'entre les lignes de 
chafque genre, encore que la plufpart foient efgale- 
ment compofées, en forte qu’elles peuuent feruir a 
determiner les mefmes poins & conftruire les mefmes 
problefmes, il y en a toutefois aufly quelques vnes 
qui font plus fimples, & qui n'ont pas tant d'eftendue 
en leur puiflance. Comme, entre celles du premier 
genre, outre l'Ellipfe, l'Hyperbole & la Parabole, qui 
font efgalement compofées, le cercle y eft auffy com- 
pris, qui manifeftement eft plus fimple. Et entre celles 
du fecond genre, il y a la Conchoiïde vulgaire, qui a 
fon origine du cercle, & il y en a encore quelques 
autres qui, bien qu'elles n'ayent pas tant d’eftendue 
que la plufpart de celles du mefme genre, ne peuuent 
toutefois eftre mifes dans le premier. 

Or, aprés auoir ainfi reduit toutes les lignes courbes 
a certains genres, il m'eft ayfé de pourfuiure en la de- 
monftration de la refponfe que ray tantoft faite a la 
queftion de Pappus. Car, premierement, ayant fait 
voir cy deflus que, lorfqu il n y a que trois ou 4 lignes 
droites données, l'equation, qui fert a determiner les 
poins cherchés,ne monte que iufques au quarré, il eft 
euident que la ligne courbe, où fe trouuent ces poins, 
eft neceflairement quelqu'vne de celles du premier 
genre, a caufe que cete mefme equation explique le 
rapport qu'ont tous les poins des lignes du premier 
genre a ceux d'vne ligne droite, Et que, lorfqu'il ny a 


20 


25 


30 


324-325. LA GEOMETRIE. — Livre Il. 397 


point plus de 8 lignes droites données, cete equation 
ne monte que iufques au quarré de quarré tout au 
plus, & que, par confequent, la ligne cherchée ne peut 
eftre que du fecond genre, ou au deflous. Et que, lorf- 
qu'il n y a point plus de 12 lignes données, l'equation 
ne monte que iufques au quarré de cube, & que, par 
confequent, la ligne cherchée n'eft que du troifiefme 
genre, ou au deflous : & ainfi des autres. Et mefme, a 
caufe que la pofition des lignes droites données peut 
varier en toutes fortes, & par confequent faire changer 
tant les quantités connuës que les fignes + & — de 
l'equation, en toutes les façons imaginables, 1l eft eui- 
dent qu'il n y a aucune ligne courbe du premier genre 
qui ne foit vtile a cete queftion, quand elle eft pro- 
pofée en 4 lignes droites; ny aucune du fecond quin y 
foit vtile, quand elle eft propofée en huit; ni du troi- 
fiefme, quand elle eft propofée en douze; & ainfi des 
autres. En forte qu'il n'y a pas vne ligne courbe, qui 
tombe fous le calcul & puifle eftre receuë en Geome- 
trie, qui n'y foit vtile pour quelque nombre de lignes. 

Mais il faut icy plus particulierement que 1e deter- 
mine & donne la façon de trouuer la ligne cherchée 
qui fert en chafque cas, lorfqu'il n'y a que 3 ou4lignes 
droites données; & on verra, par mefme moyen, que 
le premier genre des lignes courbes n'en contient 
aucunes autres que les trois fections coniques & le 
cercle. 

Reprenons les 4 lignes AB, AD, EF & GH, don- 
nées cy deflus, & qu'il faille trouuer vne autre ligne, 
en laquelle il fe rencontre vne infinité de poins tels 
que C, duquel ayant tiré les 4 lignes CB, CD, CF 


- 


Solution de cete 
queftion, quand 
elle n’eft propofée 
qu'en 3ou4 lignes. 


308 OEUVRES DE DESCARTES. 325-326, 


& CH, a angles donnés fur les données, CB, multi- 
pliée par CF, produift vne fomme efgale a C D multi- 
pliée par CH : c'eft a dire, ayant fait : 

CB = y, CD SERRES 


SA 
CRE CP ACROSS Re CES £IY LE IE* 
11 i 1? 


1 


l'equation eft 


— dek7z | nderzx + befglx 
+efglx \Ÿ —cferx\ y — befexx 

| +bcgrx 
_ ER — EU 


au moins en fuppofant e7 plus grand que cg : car, 
s'il eftoit moindre, il faudroit changer tous les fignes 
+ & —*, Et fi la quantité y fe trouuoit nulle, ou 
moindre que rien en cete equation, lorfqu'on a fup- 


polfé le point C en l'angle D AG, il faudroit le fup- 
pofer aufly en l'angle DAE, ou EAR, ou RAG, en 
*YB: 


Ba627 LA GEOMETRIE. — Livre II. 399 


changeant les fignes + & —, felon qu'il feroit requis a 
cet eflect. Et fi, en toutes ces 4 pofitions, la valeur d'y 
fe trouuoit nulle, la queflion feroit impoflible au cas 
propolé *. Mais fuppofons la icy eftre poffible, &, pour 
en abreger les termes, au lieu des quantités SET, 
efcriuons 2», & au lieu de FC EUES RE, efcriuons 
— : &ainfi nous aurons 


bcfglx — bcfgxx 


DRE 
IE US CRETE 1 an CCE ) 


dont la racine eft 


ÿ D 1 — Se —- 7 m — ae de nnxx se CIRE ET 
î 


fé ani idem tt 


&, de rechef pour abreger, 


s befgl . 
Au leu de -—- = LE Re efcriuons 0; 
: b à 
& au lieu de ©"— JE efcriuons* — £. 


TAC STE Te m 
Car, ces quantités eftant toutes données, nous les 


pouuons nommer comme il nous plaift; & ainfi nous 
auons 


n ie 
pm" x+(/mm+ox—# xx, 


qui doit eftre la longeur de Îa ligne BC, en laiffant 
AB ou x indeterminée. Et il eft euident que, la quef- 
tion n'eftant propofée qu'en trois ou quatre lignes, 
on peut toufiours auoir de tels termes ; excepté que 
quelques vns d'eux peuuent eftre nuls, & que les 
fignes + & — peuuent diuerfement eftre changés. 


PB Br 1650). 


a. Nous ajoutons le signe —, qui manque dans l'édition princeps et 
aussi bien dans les éditions latines de Schooten, 


PET IPS NT RER, PC: 


"D 


à 


LE At. bee 


‘ref 


ce R. TT 


400 OEUVRES DE DESCARTES. 327-328. 


Aprés cela, ie fais KI efgale et parallele a BA, en 
forte qu’elle couppe de BC la partie BK efgale a m1, a 
caufe qu'il y a icy + m : &ie l’aurois adiouftée en ti- 
rant cete ligne IK de l’autre cofté, s'il y auoit eu—"; 
& ie ne l'aurois point du tout tirée, fi la quantité » 
euft eflé nulle. Puis ie tire auffy IL, en forte que la 
ligne IK eft a KL comme 7 eft a n : c'eft a dire que, 


IK eftant x, KL eft © x. Et, par mefme moyen, ie con- 
nois aufly É a eft entre KL &IL, que ie 
pote comme entre n & a: fi bien que, KL eftant ” ae 
eft “x. Et ie fais que le point K foit entre L & Ca 
caufe quily a ic y — :X; a lieu que l'aurois mis L 
entre K & C, fi j'eufle eu + “x; & ie n'eufle point tiré 
cete ligne IL, fi; x euft efté raie 

Or, ae fait, il ne me refte plus, pour la ligne LC, 
que ces termes 


LC 4/mm+ox— xx; 


m 


d'où ie voy que, s'ils eftoient nuls, ce point C fe trou- 


a 


10 


15 


20 


25 


328-320. LA GEOMETRIE. — Livre Il. AOI 


ueroit en la ligne droite IL; & que, s'ils eftoient tels 
que la racine s'en puf tirer : c'eft a dire que, mm & 
Fxx eflant marqués d'vn mefme figne + [ou —|*, 00 
fuft efgal a 4pm, ou bien que Îes termes mm & ox, ou 
ox & xx, fuflent nuls : ce point C fe trouueroit en 
vne autre ligne droite qui ne feroit pas plus malayfée 
a trouuer qu IL*. Mais lorfque cela n'eft pas, ce point 
C eft toufiours en l'vne des trois feétions coniques, ou 
en vn cercle*, dont l'vn des diametres eft en la ligne 
IL, & la ligne LC ef l'vne de celles qui s'appliquent par 
ordre a ce diametre, ou au contraire LC eft parallele 
au diametre auquel celle qui eft en la ligne IL eft ap- 
pliquée par ordre?. À fçauoir, fi le terme À xx eft nul, 
cete fection conique eft vne Parabole; & s’il eft mar- 
qué du figne +, c'eft vne Hyperbole; & enfin, s'il eft 
marqué du figne —, c'eft vne Ellipfe. Excepté feulement 
fi la quantité aam eft efgale a p77, & que l'angle ILC 
foit droit : auquel cas on a vn cercle au lieu |d'vne 
Ellipfe. Que fi cete feétion eft vne Parabole, fon cofté 
droit eft efgal a“, & fon diametre eft toufiours en la 
ligne IL; & pour trouuer le point N, qui en ef le fom- 
met, il faut faire IN efgale a °*, & que le point I foit 
entre L & N, fi les termes font mm + ox, ou bien 
que le point L foit entre 1 & N, s'ils font + mm — ox; 
ou bien il faudroit qu'N fuft entre I & L, s'il y auoit 
— mm + 0x; mais il ne peut iamais y auoir —"”m, en 


CCC (1650). 


a. Les mots entre crochets, écrits par inadvertance, ont été supprimés 
par Schooten dans l'édition de 1650. 
b. Ce second cas est celui où IL, ne rencontrant pas la conique, n'était 
pas alors considérée comme diamètre. 
Œuvres. I. St 


402 QOŒEuvres DE DESCARTES. 329-330. 


Ja façon que les termes ont icy efté pofés. Et enfin le 
point N feroit le mefme que le point I, fi la quantité 
mm eftoit nulle. Au moyen de quoy il eft ayfé de 
trouuer cete Parabole par le 1‘ Problefme du 1° liure 
d'Apollonius*. 

| Que fi la ligne demandée eft vn cercle ou vne El- 
lipfe ou vne Hyperbole, il faut, premierement, chercher 
le point M qui eneft le centre, & qui eft toufiours en 


la ligne droite [L, où on le trouue en prenant = pour 
[M:en forte que, fi la quantité 0 eft nulle, ce centre 
eft iuftement au point L. Et fi la ligne cherchée eft vn 
cercle ou vne Ellipfe, on doit prendre le point M du 


mefme cofté que le point L, au refped du point I, 


lorfqu'on a+ox; & lorfqu'on a — ox, on Île doit 
prendre de l'autre. Mais tout au contraire, en l'Hyper- 
bole, fi on a — ox, ce centre M doit eftre vers L; & fi 
on a + ox, il doit eftre de l'autre cofté. Aprés cela, le 


CCC bo) 


î 

| 
ê 
LA 
4 


20 


25 


330-332. La GEoMETRE. — Livre Il. 403 


cofté droit de la figure doit eftre 72255 + 2°E, lorf- 
qu'on a + mm, & que la ligne cherchée eft vn cercle 
ou vne Ellipfe; ou bien lorfqu'on a — mm, & que c'eft 
vne Hyperbole. Et il doit eftre VAE ue la 
ligne cherchée eftant vn cercle ou vne Ellipfe, on a 
— mm; où bien fi, eftant vne Hyperbole & la quan- 
tité oo eftant plus grande que 4»p, on a +- mm. Que 
fi la quantité mm eft nulle, ce cofté droit eft =; & fi 
ox eft nulle, il eft 7 CES Puis, pour le cofté trauer- 
fant, il faut trouuer vne ligne qui foit a ce cofté droit 
comme aam eft a p77 : a fçauoir, fi ce cofté droit eft 
cu net, le trauerfant eft V/2a00mm Cm 
& en tous ces cas le diametre de la feétion ef en la 
ligne 1M, & LC eft l'vne de celles qui luy font appli- 
quées * par ordre. Si bien que, faifant MN efgale a la 
moitié du cofté | trauerfant, & le prenant du mefme 
cofté du point M qu'eft le point L,on a le point N pour 
le fommet de ce diametre. En fuite de quoy il eft ayfé 
de trouuer la feétion par le fecond & 3 prob. du 1“ liu. 
d'Apollonius *. 

Mais quand, cete fettion eftant vne Hyperbole, on 
a+ mm, & que la quantité oo eft nulle ou plus petite 
que 4pm, on doit tirer du centre M Ia ligne MO P 
parallele a LC, & CP parallele a LM; & faire MO 
efgale a Vmim — 2; ou bien la faire efgale a #2, fi la 


quantité ox eft nulle; puis, confiderer le point O 


. comme le fommet de cete Hyperbole dont le dia- 


metre eft OP, & CP la|ligne qui luy eft appliquée 
* D. — E. 


a. qui luy eft appliquée, Desc. 


: Demonftration 


de tout ce qui 
vient d'eftre 
expliqué. 


404 OEUVRES DE DESCARTES. 332. 


par ordre; & fon cofté droit eft 4e — ° R & fon 
cofté trauerfant eft V4 mm "0". Excepté quand ox eft 
nulle : car alors le cofté droit ef Fri. & le trauer- 
fant eft 2». Et ainfi il eft ayfé de la trouuer par le 
3 prob. du 1° liu. d'Apollonius. 
Et les demonftrations de tout cecy font euidentes. 
Car, compofant vn efpace des quantités que ray afli- 


gnées pour le cofté droit & le trauerfant, & pour le 


fegment du diametre, N L ou O P, fuiuant la teneur dé 
l'rr, du 12 & du 13 theorefmes du 1° liure d’Apollo- 
nius, on trouuera tous les mefmes termes dont eft 
compofé le quarré de la ligne, CP ou CE, qui ef ap- 
pliquée par ordre a ce diametre. Comme, en cet 
exemple, oftant IM, qui eft %,7, de NM, qui ef 
Re Voo+4mp, ay IN: a laquelle ne IL, qui 
eft : 5% ‘ay NL, qui eft° . EM Vo0 + amp; & 
us eftant multiplié par à Voo 4 mp, qui eft le cofté 
droit de la figure, il vient 


x Voo+4mp— p 00 AMD +2 mm 


15 


20 


25 


332-333. LA GEOMETRIE. — Livre Il. 40$ 


pour le reétangle : duquel il faut ofter vn efpace qui 
foit au quarré de NL comme le cofté droit eft au tra- 
uerfant; & ce quarré de N L eft 


aa daom _aam aaoomm aam 
GPS x + À 00 mi ri 
17 Pit Pi Voo EE ip + 2PP77 na Pi7 | 
aaomm 
pre Vÿoo+2 AMP, 


qu'il faut diuifer par aam & multiplier par p77, a 
caufe que ces termes expliquent la proportion qui ef 
entre le cofté trauerfant & le droit, & il vient 


ont 


7 M, 


p GOUT 
Exx—ox+xVo0 +amp+ 2 


m 


ce qu'il faut ofter du reétangle Je & on trouue 
mm + ox — E xx pour le quarré de CL, qui, par con- 
fequent, eft vne ligne appliquée par ordre, dans vne 
Ellipfe ou dans vn cercle, au fegment du diametre NL. 

Et fi on veut expliquer toutes les quantités données 
par nombres, en faifant, par exemple : 


EA>3, AG>5$, AB+BR, BSæ-'BE, 
ÉD CD CR, CF-2CS CH==2CT, 


& que l'angle ABR foit de 60 degrés, & enfin que le 
reétangle des deux, CB & CF, foit efgal au reétangle 
des deux autres CD & CH; car il faut auoir toutes 
ces chofes aflin que la queflion foit entierement de- 
terminée. Et auec cela, fuppofant AB + x, & CB = y, 
on trouue, par læ façon cy deflus expliquée 


YY=2Y— xp sx—xx, & y=i—txt/ rar Ex 


Si bien que BK doit eftre 1, & KL doit eftre la moitié 
de KI; & pource que l'angle IKL ou ABR eft de 


* 


406 OEUVRES DE DESCARTES. 333-334 


60 degrés, & KIL, qui eft la moitié de KIB ou IKE, 
de 30, ILK eft droit. Et pource que IK ou AB eft 
nommée x, KL eft : x; &ILeftxV +; & la quantité qui 


efloit tantoft nommée 7 eft 1; celle qui efloit a eft 
Ve celle qui eftoit = eft 1 ; celle qui eftoito eft4,& 5 
celle qui eftoit p eft . . De façon qu'on a ÿ*| pour IM, 

& 4/1? pour NM; & pource que aam, qui eft : , eft icy 
efgal a p77, & que l'angle ILC.eft droit, on trouue 
que la ligne courbe NC eft vn cercle. Et on peut fa- 
cilement examiner tous les autres cas en mefme forte. 10 


RROERRE Au refte, a caufe que les equations qui ne montent 
les lieux 3 ) ; : 

joe que iufques au quarré font toutes comprifes en ce que, 

olides, & : A : É 

la façon ie viens d'expliquer, non feulement le problefme des. 
del . . : : d 

OC anciens en 3; & 4 lignes eft icy entierement acheué, 


mais aufly tout ce qui appartient a ce qu'ils nom- :5 
moient la compofition des lieux folides, &, par confe- 
quent, aufly a celle des lieux plans, a caufe qu'ils font 
compris dans les folides. Car ces lieux ne font autre 


334-335. LA GEOMETRIE. — Livre Il. 407 


chofe finon que, lorfqu'il eft queftion de trouuer quel- 
que point auquel il} manque vne condition pour eftre 
entierement determiné *, ainfi qu'il arriue en cete 
exemple, tous les poins d'vnemefmeligne peuuenteftre 
pris pour celuy qui eft demandé. Et fi cete ligne eft 
droite ou circulaire, on la nomme vn lieu plan. Mais fi 
c'eft vne parabole, ou vne hyperbole, ou vne ellipfe,on 
la nomme vn lieu folide. Et toutefois & quantes que 
cela eft, on peut venir a vne Equation qui contient 
deux quantités inconnuës & eft pareille a quelqu'vne 
de celles que 1e viens de refoudre. Que fi la ligne, qui 
determine ainfi le point cherché, eft d'vn degré plus 
compofée que les fettions coniques, on la peut nom- 
mer, en mefme façon, vn lieu furfolide : & ainfi des 
autres. Et s'il manque deux conditions a la deteïrmi- 
nation de ce point, le lieu où il fe trouue eft vne fu- 
perficie, laquelle peut eftre, tout de mefme, ou plate 
ou fpherique ou plus compofée *. Mais le plus haut but 
qu'ayent eu les anciens en cete matiere a efté de par- 
uenir a la compofition des lieux folides; et il femble 
que tout ce qu'Apollonius a efcrit des fections co- 
niques n a efté qu'a deffein de la chercher. 

De plus, on voit icy que ce que j'ay pris pour le 
premier genre des lignes courbes n'en peut com- 
prendre aucunes autres que le cercle, la parabole, 
l'hyperbole & l'ellipfe : qui eft tout ce que f'auois en- 
trepris de prouuer. 

Que fi la queftion des anciens eft propofée en cinq 
lignes qui foient toutes paralleles, il eft euident que 
le point cherché fera toufiours en vne ligne droite. 

PE G 


Quelle eft la 
premiere & la 
plus fimple de 
toutes les lignes 

courbes qui feruent 


en la queftion 
des anciens, quand 
elle eft propofée 

en cinq lignes. 


408 OŒEuvres DE DESCARTES. 335-337. 


Mais fi elle eft propofée en cinq lignes dont il y en ait 
quatre qui foient paralleles, & que la cinquiefme les 
couppe a angles droits, & mefme que toutes les lignes 
tirées du point cherché les rencontrent aufly a angles 
droits, & enfin que le parallelepipede compofé de trois 
des lignes ainfi tirées fur trois de celles qui font paral- 
leles, foit efgal au parallelepipede compofé des deux 
lignes tirées, l'vne fur la quatriefme de celles qui font 
paralleles, & l'autre fur celle qui les couppe a angles 
droits, & d'vne troifiefme ligne donnée : ce qui ef, ce 
me femble, le plus fimple cas qu'on puifle imaginer 
aprés le precedent : le point cherché fera en la ligne 
courbe qui eft defcrite par le mouuement d'vne para- 


bole en la façon cy deflus expliquée. 


| Soient, par exemple, les lignes données* AB, IH, 
ED, GF& GA, & qu'on demande le point C, en forte 
que, tirant CB, CF, CD, CH & CM a angles droits 
fur les données, le parallelepipede des trois CF, CD 
& CH, foit efgal a celuy des 2 autres, CB & CM; & 
d'vne troifiefme qui foit AI. Le pofe 


CBæy, CM=x, : Aou AE on GES 


de façon que, le point C eftant entre les lignes AB 
& DE, 1ay 

CFr2a—% 1CD=7=y, Ce CHE 
& multipliant ces trois l'vne par l’autre, l'ay y — 2ayy 
— aay + 2 a”, efgal au produit des trois autres, qui 


eft ax y. Aprés cela, ie confidere la ligne courbe CEG, 
que j'imagine ee defcrite par l'interfeétion de je 


a. données] cherchées, Desc., datæ Schooten. 


25 


20 


25 


30 


337-358. LA GEOMETRIE. — Livre Il. 409 


Parabole CKN, qu'on fait mouuoir en telle forte que 
fon diametre K L eft toufiours fur la ligne droite AB, 
& de la reigle GL, qui 

tourne ce pendant au- | 

tour du point G en 
telle forte qu'elle pañle 
toufiours, dans le plan 
de cete Parabole, par 
leépoint L'Ettue fais 
KL = a; &le cofté droit 
principal, ceft a dire 
celuy qui fe rapporte a 
l'aiflieu de cete para- 
bole, aufly efgala a; & . 
GA = 2a:& CB ouMA /c = 
»y:&CM ou AB x. 

Puis, a caufe des trian- 

gles femblables GMC : n 

& CBL, GM, qui eft 

2a— y, eft a MC, qui ef 

x, rs CB, qui eft y, eft a BL, qui eft, par confe- 
quent, EU pource que LK ft a, BK ft a— 2, 


Lada 


ou bien Et enfin, pource que ce ra 
BK, eftant vn ne du Dance de la parabole, 
eft a BC, qui luy eft appliquée par ordre, comme celle 
cy eft au cofté droit, qui eft a, le ul montre que 


y°—2ayy —aay+2a* eft efgal a axy; 


&, par confequent, que le point C ef celuy qui eftoit 

demandé. Et il peut eftre pris en tel endroit de 

la ligne C E G qu'on veuille choifir, ou aufly en fon 
Œuvres. I, 52 


410 OŒEuvres DE DESCARTES. 338-330. 


adiointe cEGc, qui fe defcrit en mefme façon, excepté 
que le fommet de la parabole eft tourné vers l’autre 
cofté, ou enfin en leurs 
contrepofées No, 710, 
qui font defcrites par 
l'interfe@ion que fait 
la ligne GL en l'autre 
cofté de la parabole 
K N. 

Or} ‘encore queries 
paralleles données AB, 
1H, ED & GF, ne fuf- 
fent point efgalement 
diflantes, & que GA ne 
les couppañt point a an- 
gles droits, ny aufly les 
lignes | tirées du point 
C verselles ice point ‘6 
ne laifleroit pas de fe 
trouuer toufiours en vne 
ligne courbe, qui feroit de cete mefme nature. Etil s'y 
peut aufly trouuer quelquefois, encore qu'aucune des 
lignes données ne foient paralleles. Mais fi, lorfqu'il 


y en a 4 ainfi paralleles, & vne cinquiefme qui les tra- . 


uerfe, & que le parallelepipede de trois des lignes ti- 


rées du point cherché, l'vne fur cete cinquiefme, & les. 


2 autres fur 2 de celles qui font paralleles, foit efgal a 
celuy des deux tirées fur les deux autres paralleles & 
d'vne autre ligne donnée; ce point cherché eft en vne 


ligne courbe d'vne autre nature, a fçauoir en vne qui 


eft telle que, toutes les lignes droites appliquées par 


20 


30 


339-340. La GEOMETRIE. — Livre Il. AIT 


ordre a fon diametre eflant efgales a celles d'vne fec- 
tion conique, les fegmens de ce diametre, qui font 
entre le fommet & ces lignes, ont mefme proportion 
a vne certaine ligne donnée, que cete ligne donnée a 
aux fegmens du diametre de la feétion conique, auf- 
quels les pareilles lignes font appliquées par ordre. Et 
ie ne fçaurois veritablement dire que cete ligne foit 
moins fimple que la precedente, laquelle ay creu 
toutefois deuoir prendre pour la premiere, a caufe 
que la defcription & le calcul en font, en quelque 
façon, plus faciles. 

Pour les lignes qui feruent aux autres cas, ie ne 


m'arefteray point a les diftinguer par efpeces; car ie 


n ay pas entrepris de dire tout; &, ayant expliqué la 
façon de trouuer vne infinité de poins par où elles 
paflent, ie penfe auoir affés donné le moyen de les 


defcrire. 


Mefme il eft a propos de remarquer quil y a 
grande difference, entre cete facon de trouuer plu- 
fieurs poins | pour tracer vne ligne courbe, & celle 
dont on fe fert pour la Spirale & fes femblables : car, 
par cete derniere, on ne trouue pas indiffleremment 
tous les poins de la ligne qu'on cherche, mais feule- 
ment ceux qui peuuent eftre determinés par quelque 
mefure plus fimple que celle qui eft requife pour la 
compofer; & ainfi, a proprement parler, on ne trouue 
pas vn de fes poins, c'eft a dire pas vn de ceux qui 
luy font tellement propres qu'ils ne puiffent eftre trou- 
ués que par elle. Au lieu qu'il n y a aucun point, dans 
les lignes qui feruent a la queftion propofée, qui ne fe 
puifle rencontrer entre ceux qui fe determinent par la 


Quelles font les 
lignes courbes, 
qu'on defcrit en 
trouuant plufieurs 
de leurs poins, 
qui peuuent eftre 
receues en 
Geometrie. 


Quelles font 
auffy celles, qu'on 
defcrit auec vne 
chorde,qui peuuent 
y eftre receues. 


Que, pour 
trouuer toutes 
les proprietés 

des lignes 

courbes, il fuffift 
de fçauoir le 
rapport qu'ont 
tous leurs poins 
a ceux des lignes 
droites, & la 


A12 OŒEuvres DE DESCARTES. 340-341. 


façon tantoft expliquée. Et pource que cete façon de 
trouuer vne ligne courbe, en trouuant indifferemment 
plufieurs de fes poins, ne s’eftend qu'a celles qui 
peuuent aufly eftre defcrites par vn mouuement regu- 
lier & continu, on ne la doit pas entierement reietter 
de la Geometrie. 

Et on n'en doit pas reietter non plus celle où on fe 
fert d'vn fil, ou d'vne chorde repliée, pour determiner 
l'efgalité ou la difference“ de deux ou plufieurs lignes 
droites qui peuuent eftre tirées, de chafque point de 
la courbe qu'on cherche, a certains autres poins, ou 
fur certaines autres lignes, a certains angles : ainf 
que nous auons fait en la Dioptrique pour expliquer 
l'Ellipfe & l'Hyperbole. Car, encore qu'on n'y puifle 
receuoir aucunes lignes qui femblent a des chordes, 
c'eft a dire qui deuienent tantoft droites & tantoft 
courbes, a caufe que, la proportion qui eft entre les 
droites & les courbes n’eftant pas connuë & mefme, 
ie croy, ne le pouuant eftre par les hommes, on ne 
pourroit rien conclure de là qui | fuft exaû & affuré; 
toutefois, a caufe qu'on ne fe fert de chordes, en ces 
conftructions, que pour determiner des lignes droites 
dont on connoift parfaitement la longeur, cela ne doit 
point faire qu'on les reiette. 

Or, de cela feul qu'on fçait le rapport qu'ont tous 
les poins d'vne ligne courbe a tous ceux d'vne ligne 
droite, en la façon que r’ay expliquée, il eft ayfé de 
trouuer aufly le rapport qu'ils ont a tous les autres 
poins & lignes .données ; &, en fuite, de connoiftre 
les diametres, les aiflieux, les centres, & autres lignes 


a. Lire « l’efgalité de la fomme, ou de la difference,» ? 


20 


25 


30 


20 


25 


30 


341-342. La GEOMETRIE. — Livre Il. 413 


ou poins a qui chafque ligne courbe aura quelque rap- 
port plus particulier, ou plus fimple, qu'aux autres; 
& ainfi, d'imaginer diuers moyens pour les defcrire, 
& d'en choifir les plus faciles *. Et mefme on peut aufiy, 
par cela feul, trouuer quafi tout ce qui peut eftre de- 
terminé touchant la grandeur de l'efpace qu'elles com- 
prenent, fans qu'il foit befoin que ren donne plus 
d'ouuerture *. Et enfin, pour ce qui eft de toutes les 
autres proprietés qu'on peut attribuer aux lignes 
courbes, elles ne dependent que de la grandeur des 
angles qu'elles font auec quelques autres lignes.Mais, 
lorfqu'on peut tirer des lignes droites qui les couppent 
a angles droits, aux poins où elles font rencontrées 
par celles auec qui elles font les angles qu'on veut 
mefurer, ou, ce que ie prens icy pour le mefme, qui 
couppent leurs contingentes, la grandeur de ces angles 
neft pas plus malayfée a trouuer que s'ils eftoient 
compris entre deux lignes droites. C'eft pourquoy ie 
croyray auoir mis icy tout ce qui eft requis pour les 
elemens des lignes courbes, lorfque r'auray generale- 
ment donné la façon de tirer des lignes droites qui 
tombent a angles droits fur|tels de leurs poins qu'on 
voudra choifir. Et 1 ofe dire que c'’eft cecy le problefme 
le plus vule & le plus general, non feulement que ie 
fçache, mais mefme que r'aye iamais defiré de fçauoir 
en Geometrie. 

Soit CE la ligne courbe, & qu'il faille tirer vne 
ligne droite, par le point C*, qui face auec elle des 


angles droits. le fuppofe la chofe defia faite, & que la 


ligne cherchée eft CP, laquelle ie prolonge iufques 
H—I —-K 


façon de tirer 

d’autres lignes 
qui les couppent 
en tous ces poins 

a angles droits. 


Façon generale 
pour trouuer 
des lignes droites 
qui couppent les 
courbes données, 
ou leurs contin- 
gentes, a angles 
droits: 


AT4 OEUVRES DE DESCARTES. 3422545 


au point P, où elle rencontre la ligne droite GA, 
que ie fuppofe eftre celle aux poins de laquelle on rap- 
porte tous ceux de la 
ligne CE; en forte 
que, faifant MA ou 
CB = y, & CM ou 
S BA x, 1ayquelque 
equation qui explique le rapport qui eft entre x & y. 
Puis ie fais PC >s, & PA > y, Où PM>y—7y,&, a 
caufe du triangle reétangle PMC, ï'ay ss, qui ef le 
quarré de la baze, efgal a xx+vr—2»y+yy, qui 
font les quarrés des deux coftés : c’eft a dire ï'ay 


F AU nt TP 


x = Wss—vv+2»y—yy, ou bien yÿæv-+ÿss—xx, 


&, par le moyen de cete equation, rofte, de l’autre 
equation qui m'explique le rapport qu'ont tous les 
poins de la courbe CE a ceux de la droite GA, l'vne 
des deux quantités indeterminées x ou y : ce qui eft 
ayfé a faire, en mettant partout Ws5—yv+2vy—Yy 
au lieu d'x, & le quarré de cete fomme au lieu d’xx, 
& fon cube au lieu d'xÿ; & ainfi des autres, fi c'eft x 
que ie veuille ofter : ou | bieni, fi c’eft y, en mettant en 
fon lieu »+V/55—xx, & le quarré ou le cube &c. de 
cete fomme, au lieu d'yy ou y* &c. De façon qu'il refte 
toufiours, aprés cela, vne equation, en laquelle il n'y 
e » a plus qu'vne feule quantité 
SC: indeterminée, xouy. 
Comme, fi CE eft vne Él- 


= P M A lipfe, & que MA foit le feg-, 


ment de fon diametre auquel CM foit appliquée par 
ordre, & qui ait r pour fon cofté droit, & g pour le 


20 


25 


30 


20 


25 


“344 LA GEOMETRIE. — Livre Il. AT 
trauerfant, on a, par le 13 th. du 1 liu. d'Apollonius : 
LB mec 

d'où, oftant xx, 1l refte : 


er 1 DO ed 0 


5 ou bien 


77 + Er es efgal a rien*: 


car 1l eft mieux, en cet endroit, de confiderer ainfi 
enfemble toute la fomme, que d'en faire vne partie 
efgale a l'autre. 

Tout de mefme, fi CE eft 
la ligne courbe defcrite par 
le mouuement d'vne Para- 
bole* en la façon cy deflus 
expliquée, & qu'on ait pofé 
b pour GA, c pour KL, & d 
pour le cofté droit du dia- 
metre KL en la parabole : P G M a 
l'equation qui explique le rapport qui eft entre x 


& y, eft : 


Y°—byy—cdy+bcd+dxy=0. 


D'owoftant x,'‘on a 


DDC dY be d + dyVs5—vr+ 2 VY—YY, 
&, remettant en ordre ces termes par le moyen de la 


multiplication, il vient 
—2bbcd 


RS Sea Dan 
J—2by + bb} y" Ars ga Le S YY —2bccddy +bbccddxo: 
ous + ddvy \ 


Et ainfi des autres. 
* L, — M; 


410 OŒEuvrEes DE DESCARTES. : 344-345. 


Mefme, encore que les poins de la ligne courbe ne 
fe rapportaftent pas en la façon que ray ditte a ceux 
d'vne ligne droite, mais en toute autre quon fçauroit 
imaginer, on ne re pas de pouuoir toufiours auoir 
vne telle equation. Comme, fi CE eft vne ligne qui ait 
tel rapport aux trois poins F, G & A, que les lignes 
droites tirées de chafcun de fes ee comme C, 
iufques au point F, 
furpañlent la ligne 
F A d'vne quantité 
qui ait certaine pro- 
portion donnée avne 
autre quantité, dont G A furpañle les lignes tirées des 
mefmes poins iufques a G. Faifons GA =b, AF 0, 
&, prenant a diferetion le point C dans la courbe, que 
la quantité dont CF furpaïle F A, foit a celle dont GA 
furpafle GC, comme d a e : en forte que, fi cete quan- 
tité, qui eft indeterminée, fe nomme 7, FC eft c+7, 
& GC eft b—° iT Puis, ea MA = y, GM eft b—y, 
&FMeft +7 à [a ne du triangle ae CME 


le quarré de CM, qui et 77—°° Re YY: 


Puis, oftant le quarré de FM du quarré de FC, on a 
encore le quarré de CM en d'autres termes, 


à fçauoir 77+2c7—2cy—yy; 
&, ces termes eftant efgaux aux precedens, ils font 


connoiftre 


+ 2cdd;— ee;z;-+aibdez 
2bdd+2cdd ) 


y ou MA, qui eft put 


&, fubftituant cete fomme au lieu d'y dans le quarré 


20 


25 


20 


25 


345-346. LA GEOMETRIE. — Livre Il. 417 


de CM, on trouue quil s'exprime en ces termes : 


bdd?;+Lceez;z+ 2bcdd};— 2bcdez 


a Es 
bdd + cdd DE 


Puis, fuppofant que la ligne droite PC rencontre 
la courbe a angles droits au point C, & faifant PC = 5, 
& P A > » comme deuant, PM eft »—y; &, a caufe du 
triangle reétangle PCM, ona 


S$—yY+2yy—yy pour le quarré de CM, 
où derechef ayant, au lieu d'y, fubflitué la fomme qui 
luy eft efgale, il vient : 


= 2 bcdd?— 2 bcdez — 2 cddvz — 2 bdey;— bddss + bddyy — cddss-Lcddvy 10 
TT bdd + cee + eey — ddy É ) 


pour l'equation que nous cherchions. 

Or, aprés qu on a trouué vne telle equation, au lieu 
de s'en feruir pour connoiftre les quantités x ou y ou 7, 
qui font defia données, puifque le point C eft donné, 
on la doit employer a trouuer » ous, qui determinent 
le point P qui eft demandé. Et, a cet eflect, il faut confi- 
derer que, fi ce point P eft tel qu'on le defire, le cercle 
dont il fera le centre & qui paflera par le point C, y 
touchera la ligne courbe CE fans la coupper; mais 
que, fi ce point P eff tant foit peu plus proche ou plus 
efloigné du point! A qu'il ne doit, ce cercle couppera 
la courbe, non feulement au point C, mais aufly, ne- 


_ceflairement, en quelque autre. Puis il faut auffy con- 
fiderer que, lorfque ce cercle couppe la ligne courbe 


CE, l'equation par laquelle on cherche la quantité x 
ou y, ou quelque autre femblable, en fuppofant P A & 
PC eftre connuës, contient neceflairement deux ra- 
cines qui font inefgales. Car, par exemple, fi ce cercle 


Œuvres. I. 53 


418 OEUVRES DE DESCARTES. 346-347. 


couppe la courbe aux poins C & E, ayant tiré EQ 
parallele a CM,les noms des quantités indeterminées, 
x & y, conuiendront aufly bien aux lignes EQ & QA 
qua CM & MA; puis PE eft efgale a PC, a caufe du 
cercle : fi bien que, cherchant 
les lignes EQ & QA par PE 
& PA, qu'on fuppofe comme 
données, on aura la mefme 
equation que fi on cherchoit 
CM & MA par PC, PA. D'où 
il fuit euidemment que la va- 
leur d'x ou d'y, ou de telle autre quantité qu'on aura 
fuppofée, fera double en cete equation : c’eft a dire 
qu'il y aura deux racines inefgales entre elles, & dont 
l'vne fera CM, l'autre E Q, fi c'eft x qu'on cherche; ou 
bien l'vne fera M A & l’autre Q A, fi c'eft y: & ainfi 
des autres. Il eft vray que, fi le point E ne fe trouue 
pas du mefme cofté de la courbe que le point C, il 
n'y aura que l'vne de ces deux racines qui foit vraye, 
& l’autre fera renuerfée ou moindre que rien : mais, 
plus ces deux poins, C & E, font proches l'vn de 
l'autre, moins il y a de difference entre ces deux ra- 
cines; & enfin elles font entierement efgales, s'ils 
font tous deux ioins en vn, c'eft a dire fi le cercle qui 
pale par C y touche la courbe CE fans la coupper. 
De plus, il faut confiderer que, lorfqu'il y a deux 
racines efgales en vne equation, elle a neceffairement 
la mefme forme que fi on multiplie, par foy mefme, 
la quantité qu'on y fuppofe eftre inconnuë, moins la 
quantité connuë qui luy eft efgale; & qu'aprés cela, 
fi cete derniere fomme n'a pas tant de dimenfions que 


P M Q 


20 


25 


30) 


347-348. LA GEOMETRIE. — Livre II. 419 


la precedente, on la multiplie par vne autre fomme 
qui en ait autant quil luy en manque : afin qu'il 
puiffe y auoir feparément equation entre chafceun des 
termes de l’vne & chafcun des termes de l’autre. 

5 Comme, par exemple, ie dis que la premiere equa- 
uon trouuée cy deflus, 


Se gry —2qvy +qvy — qss 
a fçauoir yy + 1723 EE, 


doit auoir la mefme forme que celle qui fe produift en 
faifant e efgal a y, & multipliant y — e par foy mefme : 
10 d'où il vient ; 
YY—2ey +ee: 
en forte qu'on peut comparer feparement chafcun de 
leurs termes & dire que, puifque le premier, qui eft 
yYy, eft tout le mefme en l'vne qu'en l'autre, 


15 le fecond, qui eft en l'vne D 


r 


eft efpal au fecond de l'autre, qui eft — 2ey. 


D'où, cherchant la quantité 
y, qui eft la ligne PA,on a 


fr He \ 


20 ou. bien, a caufe que nous auons fuppofé e efgal a y, 
on à 
r Des 
PV Ÿ = q M + = Te 
Et | ainfi, on pourroit trouuer s par le troifiefme terme : 


PR VD gs, 
TR 


25 mais, pource que la quantité » determine afés le point 
_: P, qui eft le feul que nous cherchions, on n'a pas be- 
foin de pañler outre. 


420 OŒEuvREs DE DESCARTES. 348. 


Tout de mefme, la feconde equation trouuée cy 
deflus, a fçauoir : 


LISA —2bbcd 

: ur 4bcd) es + ccdd 
J'—2by" + bb}3 : eV" yy —2bccddy +bbccdd, 

tan —24ddv) — dass 

+ ddyy 


doit auoir mefme forme que la fomme qui fe produiff, 
lorfqu'on multiplie 
YY — 2ey +ee 
par Je NE RUE 


qui eft 
Lodge) HR) +6 
De ie non —2e8$ pe? —0eh° 122 pe Aie PE 
y Lee ee +eegg 


de façon que, de ces deux equations, i'en tire fix 
autres, qui feruent a connoiftre les fix quantités }, g, 
h, k, y & s. D'où il eft fort ayfé a entendre que, de 
quelque genre que puifle eftre la ligne courbe propo- 
fée, 1l vient toufiours, par cete façon de proceder, au- 
tant d'equations qu'on eft obligé de fuppofer de quan- 
tités qui font inconnuës. Mais, pour demefler par 
ordre ces equations & trouuer enfin la quantité », qui 
eft la feule dont on a befoin, & a l'occafion de laquelle 
on cherche les autres; 1l faut, premierement, par le 
fecond terme chercher f, la premiere des quantités in- 
connuës de la derniere fomme; & on trouue 
f2e—2b N 

Puis, par le dernier, il faut chercher #, la derniere des 
quantités inconnuës de la mefme fomme; & on trouue 


4 ss bbccdd 


ee 


Ron te er ROUES 


ee, 2 i 


© 349-350. LA GEOMETRIE. — Livre Il. 421 


| Puis, par le troifiefme terme, il faut chercher £, la 
feconde quantité, & on a 


gg = 3ee—4be—2cd+ bb + dd. 


Puis, par le penultiefme, il faut chercher k, la penul- 
tiefme quantité, qui eft 
h5 Æ 2bbccdd 2zbccdd 


ei ee 


Et ainfi 1l faudroit continuer, fuiuant ce mefme ordre, 
iufques a la derniere, s'il y en auoit dauantage en 
cete fomme ; car c'eft chofe qu'on peut toufiours faire 
en mefme façon. 

Puis, par le terme qui fuiten ce mefme ordre, qui eft 
icy le quatriefme, il faut chercher la quantité », & on a 


2e° 3bee bbe 2ce 2bc bec bbcc. 
MST van au D à ne Cr NEEe PHONE 
où mettant y au lieu d'e, qui lui eft efgal, on a 


250 


Ne <bby 2cy 2bc bec bbcc 
En 2 Ja doyy w 


5e à 
pour la ligne A P. 
K 


L 


P G nt A 


Et ainfi la troifiefme equation, qui eft 


1 2bcdd7 — 2bcdez — 2cddy7 — 2bdevz — bddss + bddvv — cddss L cddvv 
IX bdd + cee + cey — ddv ) 


L1 


2 OŒEuvRESs DE DESCARTES. 350: 


EA 


a la mefme forme que 


(eu 
en fuppofant f efgal a 7 : fi bien que 1l y a derechef 
equation entre 


. + 2bcdd — 2bcde — 2cddy — 2bdev. 
2 ou 20 bad cee + eey — ddy ; 
ie 


D'où on connoift que la quantité 


bcdd — bcde + bdd; + ceez 
DE ra bd — ces Le dde 


C'eft pourquoy, compofant la ligne AP de cete 
fomme efgale a », dont toutes les quantités font 
connuës, & tirant, du 
point P ainfi trouué, 
vne ligne droite vers 
C, elle y couppe la 
courbe CE a angles 
droits : qui eft ce qu'il falloit faire. Et ie ne voy rien 
qui empefche qu'on n'eftende ce problefme, en mefme 
façon, a toutes les lignes courbes qui tombent fous 
quelque calcul Geometrique. 

Mefme il eft a remarquer, touchant la derniere 
fomme, qu'on prent a diferetion pour remplir le 
nombre des dimenfions de l'autre fomme, lorfqu'il y 
en manque, comme nous auons pris tantoft : 


F A MP Te 


MD ne 220) Deer 


que les fignes, + & —, y peuuent eftre fuppofés tels 
qu'on veut, fans que la ligne » ou AP fe trouue di- 
uerfe pour cela, comme vous pourrés ayfement voir 
par experience : car, s'il falloit que ie m'areftafle a 


20 


25 


2 


20 


29 


30 


‘comme DB & CE, foient 


350-352. LA GEOMETRIE. — Livre II. 423 


demonftrer tous les theorefmes dont ie fais quelque 
mention, ie ferois contraint d'efcrire vn volume beau- 
coup plus gros queie ne defire. Mais ie veux bien, en 
paflant, vous auertir que l'inuention de fuppofer deux 
equations de mefme forme, pour comparer feparement 
tous les termes de l'vne a ceux de l’autre, & ainfi en 
faire naïftre plufieurs d'vne feule, dont vous aués vü 
icy vn exemple, peut feruir a vne infinité d'autres 
Problefmes & n'eft pas l'vne des moindres de la me- 
thode dont ie me fers. 

le n'adioufte point les conftructions par lefquelles 
on peut defcrire les contingentes ou les perpendicu- 
laires cherchées, en fuite du calcul que ie viens d'ex- 
pliquer, a caufe qu'il eft toufiours ayfé de les trouuer, 
bien que, fouuent, on ait befoin d'vn peu d'adrefte 
pour les rendre courtes & fimples. 

Comme, par exemple, fi DC eft la premiere con- 
choide des anciens, dont A foit le pole, & BH la 
regle : en forte que toutes 
les lignes droites qui re- 
gardent vers A, & font 
comprifes entre la courbe 
SD droite PB H, 


efgales : & qu'on veuille 

trouuer la ligne CG, qui 

la couppe au point C a 

angles droits*, on pourroit, en cherchant dans la 

ligne B H le point par où cete ligne CG doit pañler, 

felon la methode icy | expliquée, s'engager dans vn 
GeNE 


Exemple de 
la conftruction 
de ce problefme 
en la conchoide. 


Explication 
de 4 nouueaux 
genres d Ouales, 
qui fervent a 
l'Optique. 


424 OEUVRES DE DESCARTES. 352-353. 


calcul autant ou plus long qu'aucun des precedens. 
Et toutefois la conftruétion, qui deuroit aprés en eftre 
deduite, eft fort fimple. Car il ne faut que prendre 
CF en la ligne droite CA, & la faire efgale a CH, 
qui eft perpendiculaire fur HB ; puis, du point F, 
tirer FG parallele a BA & efgale a EA : au moyen 
de quoy on a le point G, par lequel doit paffer CG, la 
ligne cherchée*. 

Au refte, affin que vous fçachiés que la confidera- 
tion des lignes courbes, icy propofée, n'eft pas fans 
vfage, & qu'elles ont diuerfes proprietés qui ne cedent 
en rien a celles des feétions coniques, ie veux encore 
adioufter icy l'explication de certaines Ouales, que 
vous verrés eftre tres vtiles pour la Theorie de la Ca- 
toptrique & de la Dioptrique. Voycy la façon dont ie 
les defcris. 


Premierement, ayant tiré les lignes droites FA & 
AR, qui s'entrecouppent au point A, fans qu'il im- 
porte a quels angles, ie prens, en l'vne, le point F a 


difcretion, c'eft a dire plus ou moins efloigné du point 20 


A, felon que lie veux faire ces Ouales plus ou moins 
RO 


353. La GEOMETRIE. — Livre Il. 42$ 


grandes; & de ce point F, comme centre, ie deferis vn 
cercle qui pafle quelque peu au delà du point A, 
comme par le point $. Puis, de ce point $,ie tire la 
ligne droite $6, qui couppe l'autre au point 6, en forte 
qu'A6 foit moindre qu'A; felon telle proportion don- 
née qu'on veut, a fçauoir felon celle qui mefure les 
Refradions, fi on s'en veut feruir pour la Dioptrique. 
Aprés cela, ie prens aufly le point G en la ligne FA, 
du cofté où eft le point , a difcretion, c'eft a dire en 
faifant que les lignes AF & GA ont entre elles telle 
proportion donnée qu'on veut. Puisie fais R A efgale 
a GA en la ligne AG, &, du centre G, defcriuant vn 
cercle dont le rayon foit efgal a RG, il couppe l'autre 
cercle, de part & d'autre, au point 1, qui eft l'vn de 
ceux par où doit pañler la premiere des Ouales cher- 
chées. Puis derechef, du centre F,ie defcris vn cercle 
qui pafle vn peu au deça ou au delà du point ;,comme 
par le point 7; & ayant tiré la ligne droite 78 paral- 
lele a $ 6, du centre G ie defcris vn autre cercle, dont 
le rayon eft efgal a la ligne R8; & ce cercle couppe 
celuy qui paffe par le point 7, au point 1, qui eft encore 
l'vn de ceux de la mefme Ouale. Et ainfi on en peut 
trouuer autant d'autres qu'on voudra, en tirant de- 
rechef d'autres lignes paralleles a 78, & d'autres 
cercles des centres F & G. 

Pour la feconde Ouale*, il n'y a point de difference, 
finon qu'au lieu d'A R, il faut, de l’autre cofté du point 
A, prendre AS efgal a AG, & que le rayon du 
cercle defcrit, du centre G, pour coupper celuy qui 
eft defcrit du centre F & qui pañle par le point $, foit 

a. Géométriquement identique à la 3°, comme la 1° l'est à la 4e. 
Œuvres. I. 54 


426 OEUVRES DE DESCARTES. 333-355: 


efgal a la ligne S6 : ou qu'il foit efgal a S8, fi c'eft 
pour coupper celuy qui paffe par le point 7 : & ainfi 


des autres. Au moyen de quoy ces cercles sentre- 
couppent aux poins marqués 2, 2, qui font ceux de 
cete feconde Ouale, A2X*. 

Pour la troifiefme & la quatriefme, au lieu de la 
ligne A G, il faut prendre A H de l’autre cofté du point 
A, a fçauoir du mefme qu'eft le point F. Et il y a icy, 
de plus, a obferuer que cete ligne AH doit eftre plus 
grande que AF, laquelle peut mefme eftre nulle, en 
forte que le point F fe rencontre où eft le point A, en 
la defcription de toutes ces Ouales. Aprés cela, les 
lignes AR & AS eftant efgales a AH, pour defcrire la 
troifiefme Ouale, À 3 Y, ie fais vn cercle, du centre H, 
dont le rayon eft efgal a S6, qui couppe, au point 3, 
celuy du centre F qui pafle par le point $ ; & vn autre, 
dont le rayon eft efgal a S8, qui couppe celuy qui 

* OO (1659). 


355-356. LA GEOMETRIE. — Livre II. 427 


paile par le point 7, au point auffy marqué 3: & ainfi 
des autres. Enfin pour la derniere | Ouale, ie fais des 


cercles du centre H, dont les rayons font efgaux aux 
lignes R6, R8 & femblables, qui couppent les autres 
5 cercles aux poins marqués 4. 


On pourroit encore trouuer vne infinité d'autres 
moyens pour defcrire ces mefmes ouales : comme, 
par exemple, on peut tracer la premiere, A V, lorfqu'on 
fuppofe les lignes FA & AG eftre efgales, fi on diuife 


428 OEUVRES DE DESCARTES. RntaSée 


la toute FG au point L, en forte que FL foit a LG comme 
A$ a AG, c'eft a dire qu'elles ayent la proportion qui 
mefure les refraétions. Puis, ayant diuifé A L en deux 
parties efgales au point K, qu'on face tourner vne 
reigle, comme FE, autour du point F, en preffant du 
doigt C la chorde EC, qui, eftant attachée au bout de 
cete reigle vers E, fe replie de C vers K, puis de K de- 


rechef vers C, & de C vers G, où fon autre bout foit 
attaché; en forte que la longeur de cete chorde foit 
compofée de celle des lignes GA plus AL plus FE 
moins AF. Et ce fera le mouuement du point C qui 
defcrira cete ouale, a l'imitation de ce qui a eflé dit, 
en la Dioptrique, de l'Ellipfe! & de l'Hyperbole. Mais 
ie ne veux point m'arefter plus long tems fur ce fuiet. 

Or, encore que toutes ces ouales femblent eftre 
quafi de mefme nature, elles font neanmoins de 4 di- 
uers genres, chafcun defquels contient fous foy vne 
infinité d'autres genres, qui derechef contienent chaf- 
cun autant de diuerfes efpeces que fait le genre des 
Ellipfes, ou celuy des Hyperboles. Car, felon que la 
proportion qui eft entre les lignes A$, AG, ou fem- 


15 


20 


20 


357. La GEOMETRIE. — Livre I. 429 


blables, eft differente, le genre fubalterne de ces 
ouales eft different. Puis, felon que la proportion qui 
eft entre les lignes AF & AG ou AH eft changée, les 
ouales de chafque genre fubalterne changent d'ef- 
pece. Et felon qu'AG, ou AH, eft plus ou moins 
grande, elles font diuerfes en grandeur. Et fi les 
lignes As & AG font efgales, au lieu des ouales du 
premier genre ou du troifiefme, on ne defcrit que des 
lignes droites ; mais, au lieu de celles du fecond, on a 
toutes les Hyperboles poflibles, &, au lieu de celles 
du dernier, toutes les Ellipfes. 

Outre cela, en chafcune de ces ouales, 1l faut con- 
fiderer deux parties, qui ont diuerfes proprietés : a 
fçauoir, en la premiere, la partie qui eft vers A fait 
que les rayons qui, eftant dans l'air, vienent du point 


F, fe retournent tous vers le point G, lorfqu'ils ren- 


A 


hR 
Ve 
NAN. h 


Fe Érn — 


contrent la fuperficie conuexe d'vn verre dont la fu- 
perficie eft 1 A1, & dans lequel les refractions fe font 
telles que, fuiuant ce qui a efté dit en la Dioptrique, 
elles peuuent toutes eftre mefurées par la proportion 
qui eft entre les lignes A $ & AG, ou femblables par 
l'ayde defquelles on a defcrit cete ouale. 


Les proprietes 
de ces ouales, 
touchant les 
reflexions & les 
refractions. 


430 OEUVRES DE DESCARTES. 358-350. 


Mais la partie qui eft vers V, fait que les rayons qui 
vienent du point G fe reflefchiroient tous vers F, s'ils 
y rencontroient la fuperficie concaue d'vn miroir, 
dont la figure fuft 1 Vr, & qui fuft de telle matiere 
qu'il diminuafñt la force de ces rayons felon la propor- 
tion qui eft entre les lignes À ; & AG. Car, de ce qui 
a efté demonftré en la Dioptrique, il eft euident que, 
cela pofé, les angles de la reflexion feroient inefgaux, 
aufly bien que font ceux de la refraction, & pourroient 
eftre mefurés en mefme forte *. 

En la feconde ouale, la partie 2 A 2 fert encore pour 
les reflexions dont on fuppofe les angles eftre inef- 
gaux : car, eftant en la fuperficie d'vn miroir compofé 
de mefme matiere que le precedent, elle feroit telle- 
ment reflefchir tous les rayons qui viendroient du 
point G, qu'ils fembleroient, aprés eftre reflefchis, 
venir du point F. Etil eft a remarquer qu'ayant fait la 
ligne AG beaucoup plus grande que AF, ce miroir 
feroit conuexe au milieu, vers A, & concaue aux ex- 
tremités : car telle eft la figure de cete ligne, qui, en 
cela, reprefente plutoft vn cœur qu vne ouale. 

Mais fon autre partie, 2X2"*, fert pour les refrac- 
tions & fait que les rayons qui, eftant dans l'air, 
tendent vers F, fe detournent vers G, en trauerfant la 
fuperficie d'vn verre qui en ait la figure. 

La troifiefme ouale fert toute aux refrattions & fait 
que les rayons qui, eftant dans l'air, tendent vers F, 
fe vont rendre vers H, dans le verre, aprés qu'ils ont 
trauerfé fa fuperficie, dont la figure eft À 3 Y 3, qui eft 

Hal ES 


a, 2X 2 Schooten, X2 Desc. 


10 


20 


25 


359-360. LA GEOMETRIE. — Livre IL 431 


conuexe par tout, excepté vers À, où elle eft vn peu 
concaue : en forte qu'elle a la figure d'vn cœur aufly 
bien que la precedente *. Et la difference qui eft entre 
les deux parties de cete ouale, confifte en ce que le 
point F eft plus proche de l'vne que n'eft le point H, 
& quil eft plus efloigné de l'autre que ce mefme 
point H. 

En mefme façon, la derniere ouale fert toute aux 
reflexions & fait que, fi les rayons qui vienent du 
point H rencontroient la fuperficie concaue d'vn 
miroir de mefme matiere que les precedens, & dont 
la figure fuft A 474, ils fe reflefchiroient tous 
vers F. 

De façon qu'on peut nommer les poins F & G ou 
H les poins bruflans de ces ouales, a l'exemple de 
ceux des Ellipfes & des Hyperboles qui ont efté ainfi 
nommés en la Dioptrique. à 

l'omets quantité d'autres refrations, & reflexions, 
qui font reiglées par ces mefmes ouales : car, n'eftant 
que les conuerfes ou les contraires de celles cy, elles 
en | peuuent facilement eftre deduites. Mais il ne faut 
pas que i'omette la demonfration de ce que i'ay dit : 
&, a cet effet, pre- 
nons, par exemple, le 
point C a difcretion 
en la premiere partie 
de la premiere de ces 
ouales; puis tirons la ligne droite CP, qui couppe la 
courbe au point C a angles droits : ce qui eft facile 
par le problefme precedent. Car, prenant b pour AG, 

* PP (1650). 


F AR MEE G 


Demonftration 
des proprietés 
de ces ouales 
touchant 
les reflexions & 
refractions. 


432 OEUVRES DE DESCARTES. . 360-361. 


c pour AF,c +7 pour FC, & fuppofant que la pro-. 


portion qui eft entre d &e, que ie prendray icy touf- 
iours pour celle qui mefure les refractions du verre 
propolé, defigne aufly celle qui eft entre les lignes 
A; & A6, ou femblables cie ont ferui pour defcrire 
cete ouale : ce qui donne b — © 7 pour GC : on trouue 
que la ligne A P ef 


bcdd — bcde + bdd; +ceez 
bde+cdd+dd; —eez; ? 


de qu'il a efté monftré cy deflus. De plus, du point 

P, ayant tiré PQ a angles droits fur la droite FC, & 
P N auffy a angles droits fur GC, confiderons que, fi 
PO eftaPNcommedeftae,c ‘ef a dire comme les 
lignes qui mefurent les refractions du verre conuexe 
AC, le rayon qui vient du point F au point C, doit 
tellement s'y courber, en entrant dans ce verre, qu'il 
s'aille rendre aprés vers G : ainfi qu'il eft tres euident 
de ce qui a efté dit en la Dioptrique. Puis enfin, voyons 
par le calcul s'il eft vray que PQ foit a PN comme 
d'efta e. Les triangles re@tangles PQF & CMF font 
fem blables : d'où il 
fuit que CFefta CM 
comme F P eft a PQ: 
&, par confequent, 
que FP, eftant multi- 
pliée par CM & diuifée par CF, eft efgale a PQ: Tout 
de mefme, les triangles reétangles PNG & CMG 
font femblables; d'où 1l fuit que GP, multipliée par 
CM & diuifée par CG, eft efgale a P N. Puis, a caufe 
que les multiplications ou diuifions, qui fe font de 
deux quantités par vne mefme, ne changent point la 


ra A M P G 


20 


ah 


30 


361-262. LA GEOMETRIE. — Livre Il. EN 430 


proportion qui eft entre elles; fi FP, multipliée par 
CM & diuifée par CF, eft a GP, multipliée aufly par 
CM & diuifée par CG, comme deftae; en diuifant 
l'vne & l’autre de ces deux fommes par CM, puis les 
multipliant toutes deux par CF &, de rechef, par CG, 
il refte : FP multipliée par CG, qui doit eftre a GP, 
multipliée par CF, comme d'eft a e. Or, par la con- 
ftrudion, 


bcdd— bcde + bdd; + cee; 

FP eft c + bde + cdd + dd; — ee; ? 

: bcdd + ccdd+bdd;+cddz 

ou bien FP = bde+cdd+ddz —eez 


& CG eft b —%7. ‘ 


* Si bien que, multipliant FP par CG, il vient : 


bbcdd+ becdd + bbdd? + beddz — bcdez; — ccdez; — bde;z;— cdezz 
*  bde+ cdd + dd; — eez L 


Puis 
— bcdd +bcde — bddz — ceez 
GP eft b bde +cdd+ dd; ee  ) 


- bbde+bcde — bee; —ceez. 
ou bien GP MOT CETTE CEE) 


&CFeft c + 7. 


Si bien, que, multipliant GP par CF, il vient 
bbcde+bccde—bceez — cceez + bbde;+ bcdez — bee; — ceezz 
RE cdd ddz ee; 0 2 . * 

Et, pource que la premiere de ces fommes, diuifée 

par d, eft la mefme que la feconde diuifée par e, il ef 
manifefte que FP, multiphiée par CG, eft a GP, mul- 
tiphée par CF,|c'eft a dire que PQ eft a PN comme 
d'eft a e. Qui eft tout ce qu'il falloit demonftrer. 

Et fçachés que cete mefme demonftration s'eftend 

a tout ce qui a efté dit des autres refractions, ou re- 
flexions, qui fe font dans les ouales propofées, fans 


Œuvres. I. 55 


sel" 


Comment on peut 
faire vn verre 
autant conuexe, 
ou concaue, 
en l’vne de fes 


434 OEUVRES DE DESCARTES. 362-363. 


qu'il y faille changer aucune chofe que les fignes + 
& du calcul. C'eft pourquoy chafeun les peut ayfe- 
ment examiner de foy mefme, fans qu'il foit befoin 
que ie m y arefte. 

Mais il faut, maintenent, que ie fatisface a ce que 
l'ay omis en la Dioptrique, lorfqu' aprés auoir remar- 
qué qu'il peut y auoir des verres de plufieurs diuerfes 
figures, qui facent, auffy bien l'vn que l’autre, que les 
rayons venans d'vn mefme point de l'obiet s'affemblent 
tous en vn autre point, aprés les auoir trauerfés; & 
qu'entre ces verres, ceux qui font fort conuexes d'vn 
cofté, & concaues de l’autre, ont plus de force pour 
brufler que ceux qui font efgalement conuexes des deux 
coftés ; au lieu que, tout au contraire, ces derniers font 
les meilleurs pour les lunetes: ie me fuis contenté 
d'expliquer ceux que 1'ay cru eftre les meilleurs pour 
la prattique, en fuppofant la difficulté que les artifans 
peuuent auoir a les tailler. C'eft pourquoy, affin qu'il 
ne refte rien a fouhaiter touchant la theorie de cete 
fcience, ie doy expliquer encore icy la figure des 
verres qui, ayant l'vne de leurs fuperficies autant con- 
uexe, ou concaue, qu'on voudra, ne laiffent pas de 
faire que tous les rayons, qui vienent vers eux d'vn 
mefme point ou paralleles, s'aflemblent aprés en vn 
mefme point; & celle des verres qui font le femblable, 
eflant efgalement conuexes des deux coftés, ou bien 
la conuexité de l'vne de leurs fuperficies ayant la pro- 
portion donnée a celle de l'autre. 

Pofons, pour le premier cas, que, les poins G, Y, C 
& Feftant donnés, les rayons qui vienent du point G, 
ou bien qui font paralleles a G A, fe doiuent aflembler 


363-364. LA GEOMETRIE. — Livre Il. 43$ 

au point F, aprés auoir trauerfé vn verre fi concaue, ,fperñcies, 
ne oi £ ; qu’on voudra, qui 

qu Ÿ eftant le milieu de fa fuperficie interieure, l'ex-  rafemble a vn 


point donné 
tous les rayons 
qui vienent d'vn 
autre point donné. 


tremité en foit au point C; en forte que la chorde 
CMC & la fleche YM de l'arc CYC font données. La 

ÿ queftion va là que, premierement, il faut confiderer 
de laquelle des ouales expliquées la fuperficie du 
Le verre YC doit auoir la figure, pour faire que tous les 
; rayons qui, eftant dedans, tendent vers vn mefme 
point, comme vers H qui neft pas encore connu, 

10 s'aillent rendre vers vn autre, a fçauoir vers F, aprés 
en eftre fortis. Car il n'y a aucun effet, touchant le 
rapport des rayons changé par reflexion ou refraction 
d'vn point a vn autre, qui ne puifle eftre caufé par 
quelqu'vne de ces ouales; & on voit ayfement que 

15 cetuy cy le peut eftre par la partie de la troifiefme 
ouale qui a tantoft efté marquée 3 A3, ou par celle de 

| la mefme qui a efté marquée 3 Y 3, ou enfin par la 
É partie de la feconde qui a eflé marquée 2X2. Et, 

| pource que ces trois tombent icy fous mefme calcul, 
. 20 on doit, tant pour l'vne que pour l’autre, prendre Y 
pour leur fommet, € pour l'vn des poins de leur cir- 
conference, & F pour l'vn de leurs poins bruflans: 
aprés quoy il ne refte plus a chercher que le point H, 
qui doit eftre l’autre point bruflant. Et on le trouue en 

25 confiderant que la difference qui efl entre les lignes 
FY & FC, doit eftre a celle qui eft entre les lignes HY 


«+ 


430 OŒEuvres DE DESCARTES. 364-365. 


& HC, comme deftae, c'eft a dire comme la plus 
grande des lignes qui mefurent les refraétions du 
verre propofé eft ala moindre; ainfi qu'on peut voir 
manifeftement de la defcription de ces ouales. Et 
pource que les lignes FY & FC font données, leur 
difference l'eft aufly, &, en fuite, celle qui eft entre 
HY & HC, pource que la proportion qui eft entre ces 
deux differences eft donnée. Et de plus, a caufe que 
YM eft donnée, la difference qui eft entre MH & HC 
l'eft aufly; & enfin, pource que CM eft donnée, il 
ne refte plus qu'a trouuer MH, le cofté du triangle 
rectangle CMH, dont on a l'autre cofté CM; & on a 
aufly la difference qui eft entre CH, la baze, & MH, 


le cofté demandé. D'où il eft ayfé de le trouuer. Car, 
fi on prent k pour l'excés de CH fur MH, & 7 pour la 
longeur de la ligne CM, on aura — —k pour MH.Et 
aprés auoir ainfi< cherché: le point H, s'il fe trouue 
plus loin du point Ÿ | que n’en eft le point F, la ligne 
CY doit eftre la premiere partie de l’ouale du troi- 
fiefme genre, qui a tantoft efté nommée 3 A3. Mais fi 
HY eft moindre que FY, ou bien elle furpafle HF de 


tant, que leur difference eft plus grande, a raifon de 


la toute FY,que nefte, la moindre des lignes qui me- 


furent les refraélions, comparée auec d, la plus grande: 
c'eft a dire que, faifant HF = c, & HY = c+/h, dh 
eft plus grande que 2ce+eh; &lors CY doit eftre la 


20 


25 


363-366, LA GEOMETRIE. — Livre Il. 437 


feconde partie de la mefme ouale du troifiefme genre, 
qui a tantoft efté nommée 3 Y 3. Ou bien dh ef efgale 
ou moindre que 2ce +eh : & lors CY doit eftre la 
feconde partie de l'ouale du fecond genre, qui a cy 
deflus efté nommée 2 X 2. Et enfin, fi le point H eft le 
mefme que le point F, ce qui n'arriue que lorfque FY 
& FC font efgales, cete ligne YC eft vn cercle. 

Aprés cela, il faut chercher C AC, l'autre fuperficie 
de ce verre, qui doit eftre vne Ellipfe dont H foit le 
point bruflant, fi on fuppofe que les rayons quitombent 
deflus foient paralleles, & lors il eft ayfé de la trouuer. 
Mais fi on fuppofe qu'ils vienent du point G, ce doit 
eftre la premiere partie d'vne ouale du premier genre, 
dont les deux poins bruflans foient G & H, & qui pañle 
par le point C : d'où on trouue le point A pour le fom- 
met de cete ouale, en confiderant que GC doit eftre 
plus grande que GA d'vne quantité qui foit a celle 
dont H A furpañle HC, comme da e. Car, ayant pris k 
pour la difference qui eft entre CH & HM, fi on fup- 
pofe x pour AM, on aura x —# pour la difference qui 
eft entre AH & CH : puis, fi on prent g pour celle qui 
eft entre GC & GM, qui font données, on aura g +x 
pour celle qui eft entre GC & GA; &|pource que 
cete derniere, g + x, eft a l'autre, x — k, comme d'eft 
a e, On 4 : 


ge+ex>dx—dk 


© ge +dk À ESS MAS Ale > 
ou bien “= pour la ligne x ou AM, par laquelle on 


determine le point A qui eftoit cherché. 
Pofons maintenant, pour l’autre cas,qu on ne donne 

; q 
que les poins G, C & F, auec la proportion qui el 


* 


Comment on 
peut faire vn verre 
qui ait le mefme 


effect que le 
precedent, 
& que la conuexité 
de l’vne de fes 
fuperficies ait la 
proportion donnée 
auec celle de 
l'autre. 


43 8 OEUVRES DE DESCARTES. 366-367: 


entre les lignes AM & Y M, & qu'il faille trouuer la 
figure du verre AC Y, qui face que tous les rayons qui 
vienent du point G s'aflemblent au point F. 

On peut de rechef icy fe feruir de deux ouales, dont 
l'vne, AC, ait G & H pour fes poins bruflans, & l'autre, 
CY, ait F& H pour les fiens. Et pour les trouuer, pre- 
mierement, fuppofant le point H, qui eft commun a 
toutes deux, eftre connu, ie cherche AM par les trois 
poins G, C, H, en la façon tout maintenent expli- 
quée : a fçauoir, prenant Æ pour la difference qui eft 


entre CH & HM, & g pour celle quieftentre@e 
&GM; & AC eftant la premiere partie de l’ouale du 
premier genre, j'ay #+% pour AM. Puis ie cherche 
auffy MY parles tee poins FC. .H,en lorte queen 
foit la premiere partie d'vne ouale du troifiefme genre: 
& prenant y pour MY, & / pour la difference qui eft 
entre CF & FM, ray f + y pour celle qui eft entre CF 
& FY : puis, ayant defia # pour celle qui eft entre CH 
& HM, ray À + y pour celle qui eft entre CH & HY, 
que ie fçay deuoir eftre a f + y comme e eft a da 

caufe de l'ouale du troifiefme genre. D'où ie trouue 
que y ou MY ef puis, ioignant enfemble les 
deux quantités trouuées pour AM & MY, ie trouue 
St TJ€ pour la toute AY. D'où il fuit que, #2 quelque 
ne que foit fuppofé le point H,cete ligne AY ef touf- 


20 


25 


367-368. LA GEOMETRIE. — Livre I]. 439 


iours compofée d'vne quantité qui eft a celle dont les 
deux enfemble, GC & CF, furpañlent la toute GF, 
comme e, la moindre des deux lignes qui feruent a 
mefurer les refractions du verre propofé, eft a d—e, 
la difference qui eft entre ces deux lignes : ce qui ef 
vn aflés beau theorefme. Or, ayant ainfi la toute A Y, 
il la faut coupper felon la proportion que doiuent 
auoir fes parties, AM & MY; au moyen de quov, 
pource qu on a defia le point M, on trouue aufly les 
poins À & Y &, en fuite, le point H, par le problefme 
precedent. Mais, auparauant, il faut regarder fi la 
ligne A M, ainfi trouuée, eft plus grande que -—, ou 
plus petite, ou efgale. Car, fi elle eft plus grande, on 
apprent de là que la courbe AC doit eftre la premiere 
partie d'vne ouale du premier genre, & CY la pre- 
miere d'vne du troifiefme, ainfi qu'elles ont efté icy 
_fuppoñées : au lieu que, fi elle eft plus petite, cela 
montre que c'eft C Y qui doit eltre la premiere partie 
d'vne ouale du premier genre, & que A C doit eftre la 
premiere d'vne du troifiefme : enfin, fi AM eft egale 

a|-#—, les deux courbes se & CY doiuent ne 
se hyperboles. 

On pourroit eftendre ces deux problefmes a vne in- 
finité d'autres cas, que ie ne m'arefte pas a deduire, 
a caufe qu'ils n'ont eu aucun vfage en la Dioptrique. 

On pourroit aufly pafler outre & dire, lorfque l'vne 
des fuperficies du verre eft donnée, pouruù qu'elle ne 
foit que toute plate, ou compofée de feétions coniques 
ou de cercles, comment on doit faire fon autre fuper- 
ficie, afin qu'il tranfmette tous les rayons d'vn point 
He a vn autre point aufly donné. Car ce n'eft rien 


Comment on 
peut appliquer 
ce qui a efté dit 
icy des lignes 
courbes defcrites 
fur vne fuperficie 
plate, a celles qui 
fe defcriuent dans 
vn efpace qui a 
trois dimenfions. 


440 OŒuvres DE DESCARTES. 368-360. 


de plus diflicile que ce que ie viens d'expliquer, ou 
plutoft c'eft chofe beaucoup plus facile, a caufe que le 
chemin en eft ouuert. Mais i'ayme mieux que d'autres 
le cherchent, afin que, s'ils ont encore vn peu de 
peine a le trouuer, cela leur face d'autant plus eftimer 
l'inuention des chofes qui font icy demonftrées. 

Au refte, ie n'ay parlé, en tout cecy, que des lignes 
courbes qu'on peut defcrire fur vne fuperficie plate, 
mais il eft ayfé de rapporter ce que 1 en ay dit a toutes 
celles qu'on fçauroit imaginer eftre formées par le 
mouuement regulier des poins de quelque cors, dans 
vn efpace qui a trois dimenfions. A fçauoir, en tirant 
deux perpendiculaires, de chafcun des poins de la 
ligne courbe qu'on veut confiderer, fur deux plans qui 
s'entrecouppent a angles droits, l'vne fur l'vn & l'autre 
fur l'autre.Car les extremités de ces perpendiculaires 
defcriuent deux autres lignes courbes, vne fur chafeun 
de ces plans, defquelles on peut, en la façon cy deffus 
expliquée, determiner tous | les poins & les rapporter 
a ceux de la ligne droite qui eft commune a ces deux 
plans : au moyen de quoy, ceux de la courbe qui a 
trois dimenfions font entierement determinés. Mefme, 
fi on veuttirer vne ligne droite qui couppe cete courbe 
au point donné a angles droits, il faut feulement tirer 
deux autres lignes droites dans les deux plans, vne 
en chafcun, qui couppent a angles droits les deux 
lignes courbes qui y font, aux deux poins où tombent 
les perpendiculaires qui vienent de ce point donné. 
Car, ayant efleué deux autres plans, vn fur chafcune 
de ces lignes droites, qui couppe a angles droits le 
plan où elle ef, on aura l'interfettion de ces deux 


20 


25. 


PES LA GEOMETRIE. — Livre II AA 


plans pour la ligne droite cherchée. Et ainfi ie penfe 
n'auoir rien omis des elemens qui font neceflaires pour 
. la connoïffance des lignes courbes. 


L'alinéa qui précède est, dans la Géométrie de Descartes, le seul en- 
droit où il aborde réellement un problème concernant les trois dimensions. 
Or précisément, la solution qu'il indique est erronée, et il est singulier 
qu'aucun de ses contemporains nè l’ait remarqué. Non seulement, en un 
point donné d’une courbe gauche, il y a une infinité de normales situées 
dans un même plan; mais encore la droite construite par Descartes ne 
_peut être normale que dans des cas très particuliers, comme on le voit 
aisément si, au lieu d’une courbe, on considère une droite dans l'espace 
et ses projections sur deux plans rectangulaires. 

La théorie des ovales (p. 424-431 ci-avant) fera l’objet d'une Note dans 
le volume des Œuvres contenant les écrits posthumes. 

_: Quant à l’élégante construction de la normale à la conchoïde (pp. 423- 
424), elle a récemment été l’objet d’une remarquable divination de 
M. Zeuthen (Nyt Tidsskrift for Matematik de C. Juel et V. Trier, Co- 
penhague, 1900, pp. 49-58). Cette normale est la diagonale d’un parallé- 
_ logramme dont les côtés, dirigés suivant le rayon vecteur C A et la per- 


_  pendiculaire CH à la droite fixe B H, sont inversement proportionnels 


aux vitesses de variation (ou aux différentielles) de A C et de CH. On a, 


D cniefler, aisément (AC — EC) CH —EC.AB; d’où 


d'AC. AC —EC FG 


Œuvres. I. 56 


APT CRU Dur “4 > LA | e 
TS a nr DR Li Lis, 


2 


Li 


tt 


+ # 
& 


ds at QUE % AA? 


De quelles 
lignes courbes 
on peut Îe 
feruir en la 
conftruction de 
chafque problefme. 


Exemple touchant 
l'inuention 
de plufieurs 
moyennes 
proportionelles. 


LEA» GEOMEMREE 


EIVRERTROISIESME 


De la conflruclion des Problefmes qui font folides, 
ou plus que folides. 


Encore que toutes les lignes courbes, qui peuuent 
eftre defcrites par quelque mouuement regulier, 


. doiuent eftre receuës en la Geometrie, ce n'eft pas a 


dire qu'il foit permis de fe feruir indifferemment de la 
premiere qui fe rencontre, pour la conftruétion de 
chafque | problefme; mais il faut auoir foin de choifir 
toufiours la plus fimple par laquelle il foit poffible de 
le refoudre. Et mefme, il eft a remarquer que, par les 
plus fimples,on ne doit pas feulement entendre celles 
qui peuuent le plus ayfement eftre defcrites, ny celles 
qui rendent la conftruélion ou la demonftration du 
Problefme propofé plus facile, mais principalement 
celles qui font du plus fimple genre qui puifle feruir a 
determiner la quantité qui eft cherchée. 

Comme, par exemple, ie ne croy pas quil y ait 
aucune façon plus facile, pour trouuer autant de 
moyennes proportionelles quon veut, ny dont la 


20 


370-371. LA GEOMETRIE. — Livre III. 443 


demonftration foit plus euidente, que d'y employer 
les lignes courbes qui fe defcriuent par l'inftrument 
XYZ cy deflus expliqué. Car, voulant trouuer deux 
moyennes proportionelles entre Y A & YE, il ne faut 
que defcrire vn cercle dont le diametre foit YE : & 
pource que ce cercle couppe la courbe A D au point 


D, YD eft l'vne des moyennes proportionelles cher- 
chées. Dont la demonftration fe voit a l'œil, par la 
feule application de cet inftrument fur la ligne Y D : 
car, comme Ÿ À, ou YB qui lui eft efgale, eft a YC, 
AanbXGelta VD, & YD a YE. 

Tout de mefme, pour trouuer quatre moyennes pro- 
portionelles entre Y À & YG, ou pour en trouuer fix 
entre Ÿ A & YN, il ne faut que tracer le cercle YFG, 
qui, couppant AF au point F, determine la ligne 
droite YF, qui eft l'vne de ces quatre proportionelles : 
ou YHN, qui, couppant AH au point H, determine 
YH, l'vne des fix : & ainfi des autres. 

Mais, pource que la ligne courbe A D eft du fecond 


De la nature 


des Equations. 


Combien 

il peut y auoir 
de racines 
en chafque 
Equation. 


444 OEUVRES DE DESCARTES. 371-372. 


genre, & qu on peut trouuer deux moyennes propor- 
tionelles par les fections coniques, qui font du pre- 
mier; & aufly pource qu'on peut trouuer quatre ou fix 
moyennes proportionelles, par des lignes qui ne font 
pas de genres fi compofés que font AF & AH, ce fe- 
roit vne faute en Geometrie que de les y employer. Et 
c'eft vne faute auffy, d'autre cofté, de fe trauailler 
inutilement a vouloir conftruire quelque problefme 
par vn genre de ligne plus fimple que fa nature ne 
permet. 

Or, aflin que ie puifle icy donner quelques reigles 
pour euiter l’vne & l’autre de ces deux fautes, il faut 
que ie die quelque chofe en general de la nature des 
Equations : c'eft a dire des fommes compofées de plu- 
fleurs termes, partie connus & partie inconnus, dont 
les vns font efgaux aux autres, ou, plutoft, qui, con- 
fiderés tous enfemble, font efgaux a rien : car ce fera 
fouuent le meilleur de les confiderer en cete forte. 

Sçachés donc qu'en chafque Equation, autant que 
la quantité inconnue a de dimenfions, autant peut il 
y auoir de diuerfes racines, c’eft a dire de valeurs de 
cete quantité : car, par exemple, fi on fuppofe x efgale 
a 2, ou bien x — 2 efgal a rien; & derechef x 3, ou 
bien x— 3 +0; en multipliant ces deux Equations, 


X = 22010 PORN 0 EI CE 
l'vne par l’autre, on aura 
xx—ç$x+6>o oubien xx=5%x—6, 


qui eft vne Equation en laquelle la quantité x vaut 2, 
& tout enfemble vaut 3. Que fi, derechef, on fait 


10 


20 


23 


372-373. La GEOMETRIE. — Livre II]. 44$ 


x — 4 > 0, & qu'on multiplie cete fomme par xx — $x 
+60, on aura 


X° — OXX + 20x — 24 0, 


qui eft vne autre Equation, en laquelle x, ayant trois 
dimenfions, a aufly trois valeurs, qui font 2, ; & 4. 

Mais fouuent il arriue que quelques-vnes de ces 
racines font faufles, ou moindres que rien : comme, 
fi on fuppofe que x defigne aufly le defaut d'vne quan- 
tité, qui foit $ (*),on a x + $ + 0, qui eftant multipliée 
par x°— Oxx + 20x— 240, fait 


xŸ— AX° — I1OXX + 106% — 120 0, 


pour vne Equation en laquelle il y a quatre racines, a 
fçauoir trois vrayes, qui font 2, 3, 4, & vne faufle qui 
eft s. 

Et on voit euidemment, de cecy, que la fomme 
dvne Equation qui contient plufieurs racines, peut 
toufiours eftre diuifée par un binôme compofé de 
la quantité inconnuë, moins la valeur de l'vne des 
yrayes racines, laquelle que ce foit; ou plus la valeur 
de l’vne des faufles (*). Au moyen de quoy on diminue 
d'autant fes dimenfions (*). 

Et reciproquement, que fi la fomme d'vne Equation 
[ne peut eftre diuifée par vn binôme compofé de la 
quantité inconnue, + ou — quelque autre quantité, 
cela tefmoigne que cete autre quantité n'eft la valeur 
d'aucune de fes racines. Comme : cete derniere 


x — 4X° — IOXX + 1006xX — 120 > 0, 
peut bien eftre diuifée par x — 2, & par x — 3, & par 
DEN EC: 


Quelles font 
les faufles 
racines. 


Comment on 
peut diminuer le 
nombre des 
dimenfions d’vne 
Equation, 
lorfqu'on connoift 
quelqu'vne 
de fes racines. 


Comment on 
peut examiner 
fi quelque quantité 
donnée eft 
la valeur d'vne 
racine. 


Combien il 
peut y auoir 
de vrayes 
racines en 
chafque 
Equation. 


Comment on 
fait que les 
faufles racines 
d’vne Equation 
deuienent 
vrayes, & les 
vrayes faufles. 


446 OEUVRES DE DESCARTES. 375-374. 


x — 4, & par x +; mais non point par x + ou — au- 
cune autre quantité : ce qui monftre qu'elle ne peut 
auoir que les quatre racines 2, 3,4 & i. 

On connoift aufly, de cecy, combien il peut y auoir 
de vrayes racines, & combien de faufles, en chafque 
Equation. A fçauoir : il y en peut auoir autant de 
vrayes que les fignes + & — s'y trouuent de fois eftre 
changés; & autant de faufles qu'il s'y trouue de fois 
deux fignes +, ou deux fignes —, qui s'entrefuiuent (*). 
Comme, en la derniere, a caufe qu'aprés +xtil ya 
— 4x°,qui eft vn changement du figne + en —; & aprés 
— 19xx il y a + 106x, & aprés + 106% il y a — 120, 
qui font encore deux autres changemens, on connoift 
qu'il y a trois vrayes racines; & vne faufle, a caufe 
que les deux fignes —, de 4x° & 19xx, s'entrefuiuent. 

De plus, il eft ayfé de faire, en vne mefme Equation, 
que toutes les racines qui eftoient faufles deuienent 
vrayes, &, par mefme moyen, que toutes celles qui 
eftoient vrayes deuienent faufles : a fçauoir, en chan- 
geant tous les fignes + ou — qui font en la feconde, en 
la quatriefme, en la fixiefme, ou autres places qui fe 
defignent par les nombres pairs, fans changer ceux de 
la premiere, de la troifiefme, de la cinquiefme, & fem- 
blables qui fe defignent par les nombres | impairs (*). 
Comme, fi, au lieu de 

+ x4— 4x — 1OXX + 106X — 120 > 0, 
on efcrit 
+ x4 + 4x° — IOXX — 100% — 120 O0, 
on a vne Equation en laquelle il n y a qu vne vraye 
ÉD 


20 


574-375. LA GEOMETRIE. — Livre I. 447 


racine, qui eft $, & trois faufles, qui font 2, ; & 4. 

Que fi, fans connoiftre la valeur des racines d'vne 
Equation, on la veutaugmenter ou diminuer de quelque 
quantité connuë, il ne faut qu'au lieu du terme in- 
connu, en fuppofer vn autre, qui foit plus ou moins 
grand de cete mefme quantité, & le fubftituer partout 
en la place du premier. Comme, fi on veut augmenter 
de ; la racine de cete Equation 


XŸ+ 4X° — IOXX — 100% — 120 > 0, 


il faut prendre y au lieu d'x, & penfer que cete quantité 
y et plus grande qu'x de 3, en forte que y — ; eftefgal 
ax; & au lieu d'xx, il faut mettre le quarré d'y — ;, qui 
el yy— 6y + 9; & au lieu d'x”, il faut mettre “fon cube, 
qui eft y OMR 7)r 27; enfin, au lieu d' x#, 
il faut mettre fon quarré de quarré, qui eft y*— 127 

+ $4yÿy — 1087 + 81. Et ainfi, defcriuant la fomme 
precedente en fubftituant partout y au lieu d'x, on a 


Ve 12y + s4yy — 1087 + 81 
+ 4ÿ°—306yy + 108y — 108 


DOM TAN 171 
_ 106 + 318 
20 
pt — 8y — 1yy+ 87y (eo 


J 2 e 


‘ou bien 
VA SYy -1y 80 
où la vraye racine, qui eftoit $, eft maintenant 8, a 
caufe du nombre trois qui luy eft aioufté {* 
OF. 


a. Descartes emploie l’astérisque pour désigner la place des termes 
manquants. 


Comment on 
peut augmenter 
ou diminuer 
les racines d’vne 
Equation, fans les 
connoiftre. 


Qu'en augmentant 
les vrayes racines, 
on diminue les 
faufles, & au 
contraire. 


448 OEUVRES DE DESCARTES. ne. 


Que fi on veut, au contraire, diminuer de trois la 
racine de cete mefme Equation, il faut faire 
Y+3=x & YY + 6Y +9 = xx. 
& ainfi des autres. De façon qu'au lieu de 
x4 + 4X° — 19xXx — 100% — 120 + 0, 
on met 
Y# + 12ÿ° H4yYYy + 1087 + 87 
+ 4ÿ° + 30ÿy + 108y + 108 
— IOYY — 114Y = 174 
— 106 — 318 
— 120 
Y* +167 +7IYY —  4Y — 420 0. 


Et il eft a remarquer qu'en diminuant les vrayes ra- 


cines d'vne Equation, on diminue les faufles de la 


mefme quantité, ou, au contraire, en diminuant les 
vrayes, on augmente les faufles; & que, fi on diminue, 
foit les vnes, foit les autres, d'vne quantité qui leur 
foit efgale, elles deuienent nulles, & que, fi c'eft 
d'vne quantité qui les furpañle, de vrayes elles de- 
uienent faufles, ou de faufles, vrayes. Comme icy, 
en augmentant de 3 la vraye racine, quieftoit $,ona 
diminué de 3; chafcune des fauffes, en forte que celle 
quieftoit 4 n'eft plus qu'r, & celle qui eftoit 3; eft nulle, 
& que celle qui eftoit 2 eft deuenue vraye &eft r, a 
caufe que — 2 + 3; fait + 1. C'eft pourquoy, en cete 
Equation, 


Ÿ er NO AO 


il ny a plus que 3 racines, entre lefquelles 1l y en a 


20 


375-376. LA GEOMETRIE. — Livre III. 449 


deux qui font vrayes,| 1 & 8, & vne fauffe, qui eft auffy 
MÉbencete autre 

Y*+16ÿ° +71YY — 47 — 420 > 0, 
il n y en a qu'vne vraye, qui eft 2, a caufe que + $ — 3 
fait + 2, & trois faufles, qui font $, 6 & 7. 

Or, par cete façon de changer la valeur des racines ee Fe 
fans les connoiftre, on peut faire deux chofes, qui au- ne Lo 
ront, cy aprés, quelque vfage : la premiere eft qu'on ; 
peut toufiours ofter le fecond terme de l'Equation 
qu on examine : a fçauoir en diminuant les vrayes ra- 
cines de la quantité connuë de ce fecond terme diui- 
fée par le nombre des dimenfions du premier, fi, l'vn 
de ces termes eftant marqué du figne +, l'autre eft 
marqué du figne —; ou bien en l'augmentant de la 
mefme quantité, s'ils ont tous deux le figne +, ou tous 
deux le figne —(*). Comme, pour ofler le fecond terme 
de la derniere Equation, qui eft 


RO 7IYy —4ÿ 4200; 
ayant diuifé 16 par 4, a caufe des 4 dimenfions du 
terme y“, il vient derechef 4. C'eft pourquoy ie fais 
7 A =>Yy,&lefcris 
ti 16% + 96772567 + 256 
+ 167° — 19277 + 7687 — 1024 
HN 1 77 NO AE 30 


21150 SES 
— 420 
gt) en — 2677 — 6o7— 360; 


où la vraye racine, qui eftoit 2, eft 6, a caufe qu'elle 
() G. 


ŒuxREs. I. S7 


Comment 
on peut faire que 
toutes les faufles 
racines d’vne 
Equation 
deuienent vrayes, 
fans que les vrayes 
deuienent faufles. 


450 Œuvres DE DESCARTES. 376-377. 


eft augmentée de 4, & les fauffes, qui efloient $, 6 & 
7, ne font plus que 1, 2 & 3, a caufe qu'elles font di- 
minuées, chafcune de 4,. 

| Tout de mefme, fi on veut ofter le fecond terme de 


3 + 24a 
= CC 


xi— 2ax | XX—2q°X +at>0, 
pource que, diuifant 24 par 4, il vient <a, il faut faire 
7 +-q x, &'elcrire 
3 3 : 
{'+2ax +iaazz tax + at 


rat aan. a te dl 


5 
2 4 
+2aal7z +2a + -at 
=. Cc| — acc — : 4acc 
— 24°] — a# 
TL 
pi AR IE CRE a ++ as > 0: 
CC Cr a 


&, fi on trouue aprés la valeur de 7, en lui adiouftant 
- a, On aura celle de x. 

La feconde chofe qui aura cy aprés quelque vfage, 
eft qu'on peut toufiours, en augmentant la valeur des 
vrayes racines d'vne quantité qui foit plus grande que 
n'eft celle d'aucune des faufles, faire qu'elles de- 
uienent toutes vrayes, en forte qu'il n y ait point deux 
fignes +, ou deux fignes —, qui s'entrefuiuent; &, 
outre cela, que la quantité connuë du troifiefme terme 
foit plus grande que le quarré de la moitié de celle 
du fecond. Car, encore que cela fe face lorfque ces 
fauffes racines font inconnuës, il eft ayfé neanmoins 


20 


25 


20 


25 


30 


377-378. La GEOMETRIE. — Livre II]. 4$1 


de iuger a peu prés de leur grandeur, & de prendre 
vne quantité qui les furpafle d'autant ou de plus quil 
n'eft requis a cet effect (*). Comme fi on a 

ein — 6nnx* + 36nxt— 216n!x? + 1206n°x — 7776n° 0; 


en faifant y — On + x, on trouuera 


HS —36n | y°+LS4onn| yi—432on| y + 19440n!|yy—46656n | y 46656 n° 
n| — 3onun + 3607 — 216on| + 648on" | — 77700 
— 6Gnn + 144n° — 12907! + 5184n°| — 7776n° 
+ 367 —,648ni| + 5888n°| — 7776 n° 
— 216n! + 25920!  — 7776n 
Æ 1296n| — 7776n$ 
— _7776n° 
Vi— 35ny° + Sognny' — 378on°y* L 1512ony° — 27216n°y * > 0; 


où il eft manifefte que $o4nn, qui eft la quantité 
connuë du troifiefme terme, eft plus grande que le 
quarré de  n, qui eft la moitié de celle du fecond. Et 
il n ya point de cas pour lequel la quantité, dont on 
augmente les vrayes racines, ait befoin, a cet effed, 
d'eftre plus grande, a proportion de celles qui font 
données, que pour cetuy cv. 

Mais, a caufe que le dernier terme s ÿ trouue nul, fi 
on ne defire pas que cela foit, il faut encore augmenter 
tant foit peu la valeur des racines, & ce ne fçauroit 
eftre de fi peu, que ce ne foit aflés pour cet eflect : non 
plus que lorfqu'on veut accroiftre le nombre des dimen- 
fions de quelque Equation, & faire que toutes les places 
de fes termes foient remplies. Comme, fi au lieu de 


MR SR D'Sio: 


on veut auoir vne Equation en laquelle la quantité 
inconnuë ait fix dimenfions, & dont aucun des termes 
ne foit nul, il faut, premierement, pour 

x? XkKkX*X 


—bæo, 
CE 


Comment on 
fait que 
toutes les 
places d’vne 
Equation 
foient remplies. 


Comment on 
peut multiplier ou 
diuifer les 
racines fans 
les connoiftre. 


Comment 
on reduiit les 
nombres rompus 
d’vne Equation 
a des entiers. 


46e OEuvrREs DE DESCARTES. 378-370. 


efcrire 
ROMA A EI DER ON 


ei ayant fait y — a > x, on aura 


Te + 1çaayt— 2047" + 1ça*yy — Gay + a 
Le by LT bn 


où il eft manifefle que, tant petite que la quantité a 
foit | fuppofée, toutes les places de l'Equation ne 
laïflent pas d’eftre remplies. : 

De plus, on peut, fans connoiftre la valeur des 
vrayes‘ racines d'vne Equation, les multiplier ou di- 
uifer toutes, par telle quantité connuë qu'on veut. 
Ce qui fe fait en fuppofant que la quantité inconnué, 
eftant multipliée, ou diuifée, par celle qui doit mul- 
tiplier ou diuiferles racines, eft efgale a quelque autre; 
puis, multipliant, ou diuifant, la quantité connuë du 
fecond terme par cete mefme qui doit multiplier ou 
diuifer les racines; & par fon quarré, celle du troi- 
fiefme; & par fon cube, celle du quatriefme; & ainfi 
iufques au dernier. | 

Ce qui peut feruir pour reduire, a des nombres 
entiers & rationaux, les fractions & fouuent aufly les 
nombres fours, qui fe trouuent dans les termes des 
Equations. Comme, fi on a 

26 


SU S 
— V5 Mur rer 0 


& qu'on veuille en auoir vne autre en fa place, dont 
tous les termes s'expriment par des nombres ratio- 


naux, il faut fuppofer y = x ÿ 3, & multiplier par y 3 


a. Schooten a omis, avec raison, de traduire ce mot « vrayes ». 


10 


15 


20 


25 


370-380. La GEOMETRIE. — Livre III. 


453 


la quantité connuë du fecond terme, qui eftaufly 3 ; & 
par fon quarré, qui eft 3, celle du troifiefme, qui eft 
=; & par fon cube, qui eft 3V3, celle du dernier, qui 


STÉSIOT ESS qui fait 


LATE) 


Puis, fi on en veut auoir encore vne autre en la place 
de celle cy, dont les quantités connuës ne s'expriment 
que par des nombres entiers, 1l faut fuppofer 7 + 3 y, 
&, multipliant 3; par, . par 9, de par 27, on trouue : 
m0, 250; 
où les racines eftant 2, 3 & 4, on connoift de là que 
celles de l’autre d'auparauant | eftoient ;, 1 &+, & que 
: © DENT EST 
celles de la premiere efloient © V:,:V3& : WC) 
Cete operation peut aufly feruir pour rendre la 


quantité connuë de quelqu'vn des termes de l'Equa- 
tion efgale a quelque autre donnée. Comme, fi, ayant 


HA DDx -Mcreio. 


on veut auoir en fa place vne autre Equation, en la- 
quelle la quantité connuë du terme qui occupe la troi- 
fiefme place, a fçauoir celle qui ef icy bb, foit 3aa, il 
faut fuppofer y + x 22 


TE 
car D V0 0) 

Au refte, tant les vrayes racines que les fauffes ne 
font pas toufiours reelles, mais quelquefois feulement 
imaginaires : c'eft a dire qu'on peut bien toufiours en 
imaginer autant que j'ay diten chafque Equation, mais 
quil n y a quelquefois aucune quantité qui corref- 

SK: 


puis efcrire 


Comment on 
rend la quantité 
connuë de l’vn des 
termes d'vne 
Equation efgale a 
telle autre 
qu’on veut. 


Que les racines, 
tant vrayes 
que faufles, 

peuuent eftre 
reelles 

ou imaginaires. 


La reduction 
des Equations 
cubiques, lorfque 
le problefme 
eft plan. 


454 OEuvrEs DE DESCARTES. ” 380-381 


ponde a celles qu'on imagine. Comme, encore quon 
en puifle imaginer trois en celle cy : 

x° — OXX + 13X*—10 > 0, 
il n y en a toutefois qu'vne reelle, qui eft 2, & pour 
les deux autres, quoy qu'on les augmente, ou dimi- 
nue, ou multiplie,en la façon que ie viens d'expliquer, 
on ne fçauroit les rendre autres qu'imaginaires. 

Or quand, pour trouuer la conftruétion de quelque 
problefme, on vient a vne Equation en laquelle la quan- 
tité inconnuë a trois dimenfions, premierement, fi les 
quantités connuës qui y font contienent quelques 
nombres rompus, il les faut reduire a d'autres entiers, 
par la multiplication tantoft expliquée. Et, s'ils en 
contienent de fours, il faut aufly les reduire a d'autres 
rationaux, autant qu'il fera poflible, tant par cete 
mefme multiplication que par diuers autres moyens, 
qui font aflés faciles a trouuer. Puis, examinant par 
ordre toutes les quantités qui peuuent diuifer fans 
fraction le dernier terme, il faut voir fi quelqu'vne 
d'elles, iointe a la quantité inconnué par le figne + 
ou —, peut compofer vn binôme qui diuife toute la 
fomme. Et fi cela eft, le Problefme eft plan, c'eft a dire 
il peut eftre conftruit auec la reigle & le compas. Car, 
ou bien la quantité connuë de ce binôme eff la racine 
cherchée, ou bien, l'Equation eftant diuifée par luy, 
fe reduift a deux dimenfions : en forte qu'on en peut 
trouuer aprés la racine, par ce qui a efté dit au pre- 
mier liure (*). 

Par exemple, fi on a 


LE N° 71 SN EPA ES CAES 
() L. 


20 


25 


30 


381-383. La GEOMETRIE. — Livre III. 4$$ 


le dernier terme, qui eft 64, peut eftre diuifé fans frac- 
tion par 1,2, 4, 8, 16, 32 & 64. C'eft pourquoy il faut 
examiner, par ordre, fi cete Equation ne peut point 
_eftre diuifée par quelqu'vn des binomes : Mr ou 
DE MM 2 OUT 2; yy — 4, GC} 201 trouue 
qu elle peut l'eftre par yy — 16, en cete forte : 

6 


DO mao TN 124yy “040 
== A5 ss 8 PEN PL 
2, 2 RS “É 
O —16ÿ*— 128yy 
10 10* 
HD cr OYY 40. 


le commence par le dernier terme, & diuife = 64: #5 s Hs 

par — 16, ce qui fait + 4, que j'efcris dans le quotient. Equation par vn 
Puis 1e multiplie + 4 par + yy, ce qui fait + 4yy:c'eft MORE nel 
pourquoy referis — 4yy en la fomme qu'il faut diui- 

fer : car il y|faut toufiours efcrire le figne -+ ou — tout 

contraire a celuy que produift la multiplication : & 

joignant — 124ÿy auec — 4ÿy, i'ay — 128yy, que ie 

diuife derechef par — 16, & l'ay + 8yy pour mettre 

dans le quotient. Et en le multipliant par ÿy, iay 

— 8y* pour ioindre auec le terme qu'il faut diuifer, qui 

eft aufly — 8y+; & ces deux enfemble font — 16y*, que 

ie diuife par — 16. Ce qui fait + 1 y*pour le quotient, & 

— 17° pour joindre auec + 1 y °:cequi faito, & monftre 

que la diuifion ef acheuée. Mais s’il eftoit refté quelque 

quantité, ou bien qu'on n'euft pù diuifer fans fra@ion 

quelqu vn des termes precedens, on euft par là re- 

connu qu elle ne pouuoit eftre faite. 


a. Les deux nombres 16 de cette ligne devraient, ce semble, être affectés 
du signe —. 


Quels problefmes 
font folides, 
lorfque l’Equation 
eft cubique. 


456 OEUVRES DE DESCARTES. 382-383. 


Tout de mefme, fi on a 


ane EN MGR 

Val " PAR 

PA ce d + ç+ 2 A" CCD, 
ac 


te 
le dernier terme fe peut diuifer, fans fraétion, par a, 


aa, aa+cc, a +acc, & femblables. Mais iln'yena 
que deux qu'on ait befoin de confiderer, a fçauoir aa 
&aa+cc:car les autres, donnant plus ou moins de 
dimenfions, dans le quotient, quil ny en a en la 
quantité connuë du penultiefme terme,empefcheroient 
que la diuifion ne s'y püft faire. Et notés que ie ne conte 
icy les dimenfions d'y° que pour trois, a caufe qu'iln'y 
a point d'y", ny d'y", ny d'y, en toute la fomme{*). Or, 
en examinant le binôme ÿy —aa— cc 0, on trouue 


que la diuifion fe peut faire par luy en cete forte 
6 


+ aa — a+ — da 
y‘ y* YY 2 2 CCE 
OC C et = NadC* 
— y —2 aa ar — 4a—CC 
GR. ET Ge — aacc 
He CC — aa—Cc 
+2aa + af 
oi — CC JY + aacc 1e 


|ce qui monftre que la racine cherchée eft aa + cc. Et 
la preuue en eft ayfée a faire par la multiplication. 
Mais lorfqu on ne trouue aucun binôme qui puiffe 
ainfi diuifer toute la fomme de l'Equation propofée, il 
eft certain que le Problefme qui en depend eft fo- 


() M. 


5 


10 


20 


10 


20 


25 


383-584. La GEOMETRIE. — Livre III. 457 


lide (*). Et ce n'eft pas vne moindre faute, aprés cela, 
de tafcher a le conftruire fans y employer que des 
cercles & des lignes droites, que ce feroit d'employer 
des fections coniques a conftruire ceux aufquels on 
n'a befoin que de cercles : car enfin tout ce qui tef- 
moigne quelque ignorance s'appele faute. 

Que fi on a vne Equation dont la quantité inconnuë 
ait quatre dimenfions, il faut en mefme façon, aprés en 
auoir ofté les nombres fours & rompus, s'il y en a, 
voir fi on pourra trouuer quelque binôme qui diuife 
toute la fomme, en le compofant de l'vne des quanti- 
tés qui diuifent fans fraction le dernier terme. Et fi on 
en trouue vn,ou bien la quantité connuë de ce binôme 
eft la racine cherchée, ou du moins, aprés cete diui- 
fion, il ne refte en l'Equation que trois dimenfions, 
en fuite de quoy il faut derechef l'examiner en la 
mefme forte. Mais lorfqu'il ne fe trouue point de tel 
binôme, il faut, en augmentant ou diminuant la valeur 
de la racine, ofter le fecond terme de la fomme, en la 
façon tantoft expliquée; & aprés, la reduire a vne 
autre qui ne contiene que trois dimenfions. Ce qui fe 
fait en cete forte : 


HUPMEUME RCE xt. *..pxx 9%." 0, 
il faut efcrire 
y apr Pyy=gq=0 


Et pour les fignes + ou —, que 1ay omis, s'il y a eu 

+ p en la precedente Equation, il faut mettre en celle 

Cy + 2p, ou, s'il y a eu —p, il faut mettre —2p; & au 

contraire, s'il y a eu +r, il faut mettre — 47, ou, s'il y 
(O N. 


Œuvres, |: 5S 


La reduction 
des Equations qui 
ont quatre 
dimenfions, 
lorfque 
le Problefme eft 
plan ; et quels 
font ceux qui font 
folides. 


458 Œuvres DE DESCARTES. 584. 


a eu — r, il faut mettre +4r; & foit qu'il y ait eu +4, 
ou — 9, il faut toufiours mettre — gg & +pp; au moins 
fi on fuppofe que x! & y° font marqués des fignes +, 
car ce feroit tout le contraire, fi on y fuppofoit le 
figne —, 

Par exemple, fi on a 


LAN R RE 0 2 EEE 
il faut efcrire en fon lieu 


yY$— 8yt—124yy — 640: 
car, la quantité que 1'ay nommée p eftant — 4, il faut 
mettre —8y* pour “Pa & noue que i'ay nommée r 
eftant 3, il faut mettre © Er AY c'eft a dire —124YyY, 
au lieu de Eve & enfin, q eftant 8, il faut mettre 
— 64 pour — qq. 
Tout de mefme, 


au lieu de + x#* — 17xx — 20x — 6 >0, 
il faut efcrire +y° — 34y#+ 313Yyÿ — 400 0: 
car 34 eft double de 17; & 313 en eft le quarré toint au 


quadruple de 6, & ie eft le quarré de 20. 
Tout de mefme auffy, 


1 3 SE 
+-aa —a + — a 
à 6 
au lieu de #46 Ie + Lie > O, 
— ce it acc  — -'aaec 
il faut efcrire 2 
MONT CR 
F0 4 


V—Daice IOË 
J Ne raie 


CCC" 


car pet +: aa —cc, &ppelte a*—aacc+c*, &4r 
eft —{at+ aacc; &enfin—ggeft— a$ — 2acc—aact. 


384-385. La GEOMETRIE. — Livre III. 459 


Aprés que l'Equation eft ainfi reduite a trois di- 
r enfions, il faut chercher la valeur d'yy par la me- 
thode defia expliquée; & fi elle ne peut eftre trouuée, 
on n'a point | befoin de pafler outre, car il fuit de là, 
infalliblement, que le problefme eft folide. Mais fi on 
la trouue, on peut diuifer par fon moyen la precedente 
Equation en deux autres, en chafcune defquelles la 
quantité inconnuë n'aura que deux dimenfions, & dont 
les racines feront les mefmes que les fienes. A fçauoir, 
au lieu de 


DAS 4x. 0, 


il faut efcrire ces deux autres 


. 


ne. VV: 


& JE HE EEE 


34 
Ji 


Blu 


«2 


Et, pour les fignes + & —, que 1'ay ne silya +pen 
l'Equation precedente, il faut mettre + —p en chafcune 
de celles cy; & —< p, s'ilya en l'autre — p. Mais il faut 
mettre + en celle où il y a —yx; & —-#, en celle 
où il y a + ÿyx, lorfqu'il y a + q en la premiere. Et au 
contraire, s'il ya —g, il faut mettre —-£ en celle où 
ilya—yx; &+ D , en celle où il y a + yx. En fuite de 
quoy il eft avié fe connoiftre toutes les racines de 
l'Equation propofée, & par confequent de conftruire 
le problefme dont elle contient la folution, fans y em- 
ployer que des cercles & des lignes droites. 
Par exemple, a caufe que, faifant 


DÉVANUE, 313yÿ 4000, 
pour x4 * — 17xx —20x— 6 0, 


460 OŒEuvres DE DESCARTES. 385-386. 


on trouue que yy eft 16, on doit, au lieu de cite 
Equation, 
+xt* — 17xx — 20x —6>0, 


efcrire ces deux | autres 


A ECROR 
& + xx + 4x +2>0: 


car y eft 4, Lyy eft 8, peft 17, & q eît 20: de façon que 
+ NT) tente 
& AS D en de 


Et tirant les racines de ces deux Equations, on 
trouue toutes les mefmes que fi on les tiroit de celle 
où eft xt: a fçauoir on en trouue vne vraye, qui eft 
V7 +2, & trois faufles qui font : 


Vo >. 2 NES 2 US 
Ainfi ayant 
xt rs — AxXx— 8x + 3ç 0, 
pource que la racine de 
y°—8y*— 12477 — 64 0 
eft derechef 16, il faut eferire 


XX — AX + $ O0, 
SX X AN TRE 10! 


Cañiep ee y} lient AE 
BE NY PE AE 


a. L’astérisque, omis par Descartes, a été rétabli par Schooten. 


386-387. _ La GEOMETRIE. — Livre III. AOT 


Et pource qu on ne trouue aucune racine, ny vraye ny 
faufle, en ces deux dernieres Equations, on connoift 
de là que les quatre de l'Equation dont elles procedent 
font imaginaires ; & que le Problefme, pour lequel 
on l'a trouuée, eft plan de fa nature, mais qu'il ne 
fçauroit en aucune façon eftre conftruit, a caufe que 
les quantités données ne peuuent fe ioindre. 
Tout de mefme, ayant 


a * ET 
CC nn dGC se aacc 


pource qu on trouue aa + ce pour y y, il faut efcrire 


24. Vaaihccz aa =aVÿaatcc— 
&7z+Vaatccy+: aa + laVaatcc=0o. 


2 | 


Car y ef Vaa + ce, & + — 2yy +ip ets aa, & + eft 


laVaa + cc. D'où on connoift que la Lie de aleft 


2 aa + cc+W/—<{aa +=cc++a Vaa+cc, 
ou bien 

_ Waa+cc—W/—taaticct —a Vaatcc(*). 
Et, pource que nous auions fait cy deffus 7 + a x, 


nous apprenons que la quantité x, pour la connoif- 
fance de laquelle nous auons fait toutes ces opera- 


tions, eft (*) 


8 1 1 I I I LUE 

RC Va are CCE VACCR CCE LaVaa 1 COR 
Mais, afin qu'on puifle mieux connoiftre l'vtilité de 
DO — P. 


Exemple 
de l’vfage de ces 
reductions. 


462 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 387-388. 


cete reigle, 1l faut que ie l'applique a quelque Pro- 
blefme. 

Si, le quarré AD & la ligne BN eftant donnés, il 
faut prolonger le cofté AC iufques en E, en forte 
qu'EF, turée d'E vers B, foit efgale a NB; on apprent 
de Pappus qu'ayant premierement prolongé BD iuf- 
ques a G, en forte que DG foit efgale a DN, & ayant 
defcrit vn cercle dont le diametre foit BG, fi on pro- 
longe la ligne droite A C, elle rencontrera la circonfe- 
rence de ce cercle au point E, qu'on demandoit. Mais 
pour ceux qui ne fçauroient point cete conftruétion, 
elle feroit affés difficile a rencontrer, & en la cherchant 
par la methode icy 
propofée, ils ne s a- 
uiferoient iamais de 
prendre DG pour la 
quantité inconnué, 
.| mais plutoft CF ou 

GS FD, a caufe que ce 
font elles qui conduifent le plus ayfement a l'Equation ; 
& lors ils en trouueroient vne qui ne feroit pas facile a 
demefler, fans la reigle que ie viens d'expliquer. Car, 
pofant a pour BD ou CD, &cpourEF, & x pour DF, 
onaCFæa—x, & comme CF, ou a—x, eftaFEouc, 
ainfi FD, ou x, efta BF, qui par confequent eft -——. 
Puis, a caufe du triangle re@tangle BDF, dont les coftés 
font l'yn x & l'autre a, leurs quarrés, qui font xx + aa, 
font efgaux a celuy de la baze, qui eft en 0 
façon que, multipliant le tout par xx —2ax+aa, on 
trouue que l'Equation eft 


B D dassere-e---- ee -e--222 


xt—2ax +2aaxx—2ax+at>ccxx, 


20 


25 


30 


388-380. La GEOMETRIE. — Livre Il. 403 


ou bien 


2aa 


3 XX—24 Xi 0 
C 


xXi—2ax 


Et on connoift, par les reigles precedentes, que fa ra- 
cine, qui eft la longeur de la ligne DF, eft (*) 


ll FT I I I Le = 
La+V/ aa HOT Vice laas à ayaa 26 GC 


. Que fi on pofoit BF ou CE* ou BE pour la quantité 
inconnuë, on viendroit derechef a vne Equation en la- 
quelle il y auroit 4 dimenfions, mais qui feroit plus 
ayfée a demefler; & on y viendroit aflés ayfement, au 
lieu que, fi c'eftoit D G qu'on fuppofaft, on viendroit 
beaucoup plus difficilement a l'Equation, mais auffy 
elle feroit tres fimple. Ce que ie mets icy pour vous 
auertir que, lorfque le Problefme propofé n'eft point 
folide, fi en le cherchant par vn chemin on vient a vne 
Equation fort compofée, on peut ordinairement venir 
a vne plus fimple, en le cherchant par vn autre (*). 

le pourrois encore aioufter diuerfes reigles pour 
demefler les Equations qui vont au cube ou au quarré 
|de quarré; mais elles feroient fuperfluës, car, lorfque 
les Problefmes font plans, on en peut toufours trou- 
uer la conftruétion par celles cy. 

le pourrois auffy en adioufter d'autres pour les 
Equations qui montent iufques au furfolide, ou au 
quarré de cube, ou au delà; mais r'ayme mieux les 
comprendre toutes en vne, & dire en general que, 


PAOEER 


a. Schooten supprime ici «ou CE », qu'il a ajouté après F D, p. 462, 
us 


Regle 
generale pour 
reduire les 
Equations qui 
paflent le quarré 
de quarré. 


Façon 
generale pour 
conftruire tous les 
problefmes 
folides, reduits 
a vne Equation de 
trois ou quatre 
dimenfions, 


404 OEUVRES DE DESCARTES. 389-390. 


lorfqu'on a tafché de les reduire a mefme forme que 
celles, d'autant de dimenfions, qui vienent de la mul- 
tiplication de deux autres qui en ont moins, & qu'ayant 
dénombré tous les moyens par lefquels cete multi- 
plication eft poflible, la chofe n’a pü fucceder par au- 
cun, on doit s'aflurer qu'elles ne fçauroient eftre re- 
duites a de plus fimples. En forte que, fi la quantité 
inconnuë a 3 ou 4 dimenfions, le Problefme, pour le- 
quel on la cherche, ef folide; & fi elle en a $ ou 6, il 
eft d'vn degré plus compofé: & ainfi des autres. 

Au refle, ray omis icy les demonftrations de la 
plufpart de ce que r'ay dit, a caufe qu'elles m'ont fem- 
blé fi faciles que, pouruû que vous preniés la peine 
d'examiner methodiquement fi ray failly, elles fe pre- 
fenteront a vous d'elles mefme : & il fera plus vtile de 
les apprendre en cete façon qu’en les lifant. 

Or, quand on eft afluré que le Problefme propofé 
ef folide, foit que l'Equation par laquelle on le cherche 
monte au quarré de quarré, foit qu'elle ne monte que 
iufques au cube, on peut toufiours en trouuer la ra- 
cine par l'vne des trois fections coniques, laquelle que 
ce foit (*), ou mefme par quelque partie de l’vne d'elles, 
tant petite qu'elle puifle eftre, en ne fe feruant, au 
refte, que de lignes droites & de cercles. Mais ie me 
contenteray icy de | donner vne reigle generale pour 
les trouuer toutes par le moyen d'vne Parabole, a 
caufe qu'elle eft, en quelque façon, la plus fimple. 

Premierement, il faut ofter le fecond terme del'Equa- 
tion, s'iln'eft defia nul, & ainfi la reduire a telle forme: 

5 À 


ee -apz.ddag, 
e) S: 


20 


25 


30 


390-301. LA GEOMETRIE. — Livre III. 46$ 


fi la quantité inconnuë n'a que trois dimenfions; ou 
bien a telle : 


Pa 


NDDr Ti GEAR 
fi elle en a quatre; ou bien, en prenant a pour l'vnité, 
5 AO tp :,9 
re le PES T prr qe er): 


| Aprés cela, fuppofant que la Parabole FAG eft 


defia defcrite, & que ES 
fon aiflieu eft ACDKL, P 

jo & que fon cofté droit SORTE 2 
“efta ou 1 (*), dont AC Ééner 


eft la moitié, & enfin 
que le point C eft au 
dedans de cete Para- 

15 bole, & que Aeneft le 
fommet : il faut faire 
CD+;p, & la prendre 

du mefme cofté qu'eft 

le point À au regard du 

20 point C',silya+pen 
l'Equation; mais, s'il y 
a—p, il faut la prendre 

de l’autre cofté. Et du 
point D, ou bien, fi la 

25 quantité peftoit nulle, 
. du point C, il faut efleuer vne ligne a angles droits 
iufques a E, en forte qu'elle foit efgale a+ g. Et enfin, 


Fig. p. 390. H :$ 


SAVE 


a. Lire « qu'est le point C au regard du point A », 
Œuvres: I, 59 


406 


OEUVRES DE DESCARTES. 391-302. 


du centre E, il faut defcrire le cercle FG, dont |le demi- 


diametre foit AE, fi l'Equa- 
uon n'eft que cubique, en 
forte que la quantité 7 foit 
nulle. Mais quand il y a 
+7, il faut, dans cete ligne 
AE prolongée, prendre d'vn 
cofté AR efgale a r, & de 
l'autre AS efgale au cofté 


droit de la Parabole, quieft 


1; & ayant defcrit vn cercle 


dont le diametre foit RS, il 


faut faire AH perpendicu- 
laire fur AE, laquelle AH 
rencontre ce cercle RHS 
au point H, qui eft celuy 


par où l’autre cercle FHG doit pañler. Et quand il y 


Fig. p. 


502. 


392-305. LA GEOMETRIE. — Livre Il]. 407 


infcrire AI, qui luy foit efgale, dans vn autre cercle 
dont AE foit le diametre, & lors, c'eft par le point I 
ique doit pañler FIG, le premier cercle cherché. Or ce 
cercle FG peut coupper ou toucher la Parabole en 1 
ou 2 où } ou 4 poins, defquels tirant des perpendieu- 
laires fur l'aiflieu, on a toutes les racines de l'Equa- 
tion, tant vrayes que faufles. À fçauoir, fi la quantité q 
eft marquée du figne +, les vrayes racines feront celles 
de ces perpendiculaires qui fe trouueront du mefme 
cofté de la Parabole que E le centre du cercle, 
comme FL; & les autres, comme GK, feront faufles. 
Mais au contraire, fi cete quantité g eft marquée du 
figne —, les vrayes feront celles de l’autre cofté, & 
les faufles, ou moindres que rien, feront du cofté 
où eft E, le centre du cercle. Et enfin, fi ce cercle 
ne couppe ny ne touche la Parabole en aucun point, 
cela tefmoigne qu'il n'y a aucune racine, ny vraye 
ny faufle, en l'Equation, & qu'elles font toutes ima- 
ginaires. En forte que cete reigle eft la plus ge- 
nerale & la plus accomplie qu'il foit poflible de 
fouhaiter (*). 

Et la demonftration en eft fort ayfée. Car, fi la ligne 
GK, trouuée par cete conftruétion, fe nomme 7, AK 
fera 77, a caufe de la Parabole, en laquelle GK doit 
eftre moyene proportionelle entre À K & le cofté droit, 
qui eft 1. Puis, fi de AK r'ofte AC, qui eft +, & CD qui 
eft—p, 1l refte DK ou EM, qui eft 77 — =: p — :, dont 
le quarré ef : 


Li 


ne to a PO tr) 
() VV (659). 


468 Œuvres DE DESCARTES. 303.204 
& a caufe que DE ou KM eft - 9, la toute GM ef 
7 + + q, dont le quarré eft 


ere 


& affemblant ces deux quarrés, on a 


LE PAL TT PP tas ; 
ee | 
17 ——4 
Re 
L—————————— 


Fig. p. 394. 2 CSA ETS 


| pour le quarré de la ligne GE, a caufe qu'elle ef la 
baze du triangle rectangle EM e: 

Mais, a caufe que cete mefme ligne GE eft le demi- 
nee du cercle FG, elle fe peut encore expliquer 
en d’autres termes. À fçauoir, 10 


ED eftant + q, & AD eftant = p +-, 
EAeft W+gg+ipp+ip+e 


20 


25 


204306. LA GEOMETRIE. — Livre III. 469 


a caufe de l'angle droit ADE.Puis, H A eftant moyene 
proportionelle entre AS, qui eft 1, & AR, qui eft r,elle 
eft 7; & a caufe de l'angle droit EAH, le quarré de 
HE ou EG eft 


OMR ER SE 
fi bien qu'il y a Equation | entre cete fomme & la pre- 
cedente; ce qui eft le mefme que 


LAURE 

& par confequent, la ligne trouuée GK, qui a efté 
nommée 7, eft la racine de cete Equation, ainfi qu'il 
falloit demonftrer. Et fi vous appliqués ce mefme cal- 
cul a tous les autres cas de cete reigle, en changeant 
les fignes + & — felon l'occafion, vous y trouuerés 
voitre conte en mefme forte, fans qu'il foit befoin que 
ie my arefte. 

Si on veut donc, fuiuant cete reigle, trouuer deux 
moyenes proportionelles entre les lignes a &g9,chafcun 
fçait que, pofant 7 pour 
l'vne : comme a eft a 7, ainfi 
ae de facon 
qu'il y a Equationentre q & 
1, c'eft a dire 


aa? 


ur 


3 X x 


= aaq. 
Et la Parabole F A G eftant 
| defcrite, auec la partie de 
fon aiflieu AC, qui eft : a, 
la moitié du cofté droit, il 
faut, du point C, efleuer la perpendiculaire CE efgale 
a— q, & du centre E, par À, defcriuant le cercle AF, 


LS 


L’inuention 
de deux moyenes 
proportionelles. 


La facon 
de diuifer 
yn angle en trois, 


470 Œuvres DE DESCARTES. 396-397. 


on trouue FL& LA, pour les deux moyenes cherchées. 

Tout de mefme, fi on veut diuifer l'angle N OP, ou 
bien l'arc ou portion de cercle NOTP, en trois par- 
ties efgales, faifant NO=1, pour le rayon du cercle, 
& NP +39, pour la fubtendue de l'arc donné, & NO 7, 
pour la fubtendue du tiers de cet arc, l'Equation vient 


50) * NA 3 
(tes 37 7: 


Car, ayant tiré les lignes NQ, OQ, OT, & faifant 


7 


QS parallele a TO, on voit que comme NO eftaNOQ, 
ainfiNQ a QR, & QR a RS : en forte |que NO eftant 
1, & NO eftant 7, OR ef RSR Et a caufe 
qu'il s'en faut feulement RS ou 7°, que la ligne NP, 


qui eft 9, ne foit triple de NQ, quieftz,ona 


Le 


9 © FAT DOME 


Puis, la Parabole F AG eftantdefcrite, &C A, la moitié 
de fon cofté droit principal, eftant +, fi on prent CD 
> À, & la perpendiculaire DE? 9, & que, du centre 
E, par À, on defcriue le cercle FAgG, il couppe-cete 
Parabole aux trois poins F,g &G, fans conter le point 


10 


15 


307-308. LA GEOMETRIE. — Livre Ill. 471 


A, qui en eft le fommet. Ce qui monître qu'il y a trois 
racines en cete Equation, a fçauoir : les deux GK & 
-gk, qui font vrayes, & la troifiefme qui eft fauffe, a 
fçauoir FL. Et de ces deux vrayes, c'eft 4, la plus 
petite, qu'il faut prendre pour la ligne N Q qui eftoit 
cherchée. Car l’autre, GK, eft efgale a N V (*), la fub- 
tendue de la troifiefme partie de l'arc N V P qui, auec 
lautre-arc NO _P, ,acheue le cercle. Et la fauffe, FL, 
eft efgale a ces deux enfemble, ON & N V, ainfi qu'il 
eft ayfé a voir par le calcul. 

I feroit fuperflus que ie m'areftafle a donner icy 
d'autres exemples; car tous les Problefmes qui ne font 
que folides fe peuuent reduire a tel point, qu'on n'a 
aucun befoin de cete reigle pour les conftruire, finon 
en tant qu'elle fert a trouuer deux moyenes propor- 
tionelles, ou bien a diuifer vn angle en trois parties 
efgales; ainfi que vous connoiftrés, en confiderant que 
leurs difficultés peuuent toufiours eftre comprifes en 
des Equations qui ne montent que iufques au quarré 
de quarré ou au cube; et que toutes celles qui montent 
au quarré de quarré fe reduifent au quarré, par le 
moyen de quelques autres quine| montent que iufques 
au cube : et enfin qu'on peut ofter le fecond terme de 
celles cy. En forte qu'il n'y en a point qui ne fe puifte 
reduire a quelqu vne de ces trois formes : 


SE . 
t SE =, À AT g- 
TES e 
10 PAORNE 
SUR o 
Are PA EN 


* 


Or, fiona:7*=>*—p7 +9, la reigle dont Cardan (*) 


() X. — Y (1659). 


Que tous 
les problefmes 
folides fe peuuent 
reduire 
a ces deux 
conftructions, 


7e OEUVRES DE DESCARTES. 398-309. 


attribue l'inuention a vn nommé Scipio Ferreus, nous 
apprent que la racine eft : 


VC +9 Vega tp Vos jdeuess 


comme aufly, lorfqu'on a : 7°> * + pz + q, & que le 
quarré de la moitié du dernier terme eft plus grand 
que le cube du tiers de la quantité connuë du pe- 
nultiefme, vne pareille reigle nous apprent que la 
racine eft 


VC. +294 Vigg pic. SES 


D'où il paroift qu'on peut conftruire tous les Pro- 
blefmes dont les difiicultés fe reduifent a l'vne de ces 
deux formes, fans auoir befoin des feélions coniques 
pour autre chofe que pour tirer les racines cubiques 
de quelques quantités données, c’eft a dire pour trou- 
uer deux moyenes proportionelles entre ces quantités 
& l'vnité. 

Puis, fiona:7*>*+ p7 +9, & que le quarré de la 
moitié du dernier terme ne foit point plus grand que 
le cube du tiers de la quantité connuë du penultiefme, 
en fuppofant le cercle N Q P V, dont le demidiametre 
NO foit Ver c'eft a dire la moyene proportionelle 
entre le tiers de la quantité donnée p & l'vnité; & fup- 
pofant aufly la ligne N P infcrite dans ce cercle, qui 
foit “E, |c'eft a dire qui foit a l’autre quantité donnée, 9, 
comme l'vnité eft au tiers de p; il ne faut que diuifer 
chafcun des deux arcs NQ P & NV P en trois parties 
efgales, & on aura NQ, la fubtendue du tiers de l'vn, 


20 


DN 


399-400. LA GEOMETRIE. — Livre II. 473 


& NV, la fubtendue du tiers de l'autre, qui, iointes 
. enfemble, compoferont la racine cherchée. 
Enfin, fi on a : 7° > * pz — 9, en fuppofant derechef 


/ 
le cercle NOIENE an le rayon NO foit Vip, & 
5 l'infcrite NP foit 2, NO, la fubtendue du tiers de 
Parc N'OP, fera ne des racines cherchées, & N V, la 
fubtendue du tiers de l’autre arc, fera l’autre. Au moins 
fi le quarré de la moitié du dernier terme n'eft point 
plus grand que le cube du tiers de la quantité connuë 
10 du penultiefme : car, s'il eftoit plus grand, la ligne N P 
ne pourroit eftre infcrite dans le cercle, a caufe qu'elle 
feroit plus longue que fon diametre. Ce qui feroit 
caufe que les deux vrayes racines de cete Equation ne 
feroient qu'imaginaires, & qu'il n y en auroit de reelles 
15 que la faufle qui, fuiuant la reigle de Cardan, feroit* 


Ce Sa Ve aa Ep + Ve. 24 Viqg ps. 


Au refte, 1l eft à remarquer que cete façon d’ex- RE 


d'exprimer 
a. En valeur absolue, conformément à l'habitude de Descartes quand il 
énonce des racines fausses (négatives). 
Œuvres. I. 60 


la valeur de toutes 
les racines 
des Equations 
cubiques, 

& en fuite de 
toutes celles qui 
ne montent 
que iufques au 
quarré de quarré. 


474 OŒEuvREs DE DESCARTES. 400-4or. 


primer la valeur des racines, par le rapport qu'elles 
ont aux coftés de certains cubes dont il n'y a que le 
contenu qu'on connoiffe, n'eft en rien plus intelligible, 
ny plus fimple, que de les exprimer par le rapport 
qu'elles ont aux fubtenduës de certains ares, ou por- 
tions de cercles, dont le triple eft donné. En forte que 
toutes celles des Equations cubiques quine peuuent 
eftre exprimées par les reigles de Cardan, le peuuent 
eftre autant ou plus clairement par la façon icy pro- 
pofée. 

Car fi, par exemple, on penfe connoiftre la racine 
de cete Equation : 

Dre 
a caufe qu'on fçait qu'elle efl compofée de deux 
lignes, dont l'vne eft le cofté d'vn cube, duquel le con- 
tenu RL - g adioufté au cofté d'vn quarré, duquel de- 
rechef le contenu eft : : 49 757 0; SNAUERNIE 
cofté d'vn autre cube, dont le contenu eft la difference 
qui eftentre- q& le te de ce quarré dont le contenu 
eft=gg .-p :qui ef tout ce qu'on en apprent par 
la reigle de Cardan : 1l n y a point de doute qu'on ne 
connoifle autant, ou plus diftinétement, la racine de 
cellercy 
Re 

en la confiderant inferite dans vn cercle dont le demi- 
diametre eft Ve p, & fçachant qu'elle y eft la fubten- 
duë d'vn arc dont le triple a, pour fa fubtendué, 
1, Mefme ces termes font beaucoup moins embaraf- 
fés que les autres, & ils fe trouueront beaucoup plus 
cours, fi on veut vfer de quelque chiffre particulier 


20 


25 


30 


401-402. LA GEOMETRIE. — Livre II. A7$ 


pour exprimer ces fubtenduës, ainfi qu'on fait du 
chiffre VC., pour exprimer le cofté des cubes. 

Et on peut auffy, en fuite de cecy, exprimer les ra- 
cines de toutes les Equations qui montent iufques au 
quarré de quarré, par les reigles cy deflus expliquées. 
En forte que ie ne fçache rien de plus a defirer en cete 
matiere. Car enfin la nature de ces racines ne permet 
pas qu'on les exprime en termes plus fimples,ny qu'on 
les determine par aucune conftruétion qui foit en- 
femble plus generale & plus facile. 

Il eft vray que ie n'ay pas encore dit fur quelles rai- 
fons ie me fonde, pour ofer ainfi aflurer fi vne chofe 
eft poflible ou ne l'eft pas. Mais, fi on prent garde 
comment, par la methode dont ie me fers, tout ce qui 
tombe fous la confideration des Geometres fe reduift 
a vn mefme genre de Problefmes, qui eft de chercher 
la valeur des racines de quelque Equation, on iugera 
bien qu'il n'eft pas malayfé de faire vn denombrement 
de toutes les voyes par lefquelles on les peut trouuer, 
qui foit fufhifant pour demonftrer qu'on a choifi la plus 
generale & la plus fimple. Et particulierement pour ce 
qui eft des Problefmes folides, que i’ay dit ne pouuoir 
eftre conftruits fans quon y employe quelque ligne 
plus compofée que la circulaire, c'eft chofe qu'on peut 
aflés trouuer, de ce qu'ils fe reduifent tous a deux 
conftructions : en l’vne defquelles il faut auoir tout en- 
femble les deux poins qui determinent deux moyenes 
proportionelles entre deux | lignes données, & en 
l’autre, les deux poins qui diuifent en trois parties ef- 
gales vn arc donné. Car, d'autant que la courbure du 
cercle ne depend que d'vn fimple rapport de toutes fes 


Pourquoy les 
problefmes folides 
ne peuuent eftre 
conftruits fans 
les fections 
coniques, ny ceux 
qui font 
plus compoñés 
fans quelques 
autres lignes 
plus compofées. 


Façon 
generale pour 
conftruire tous les 
problefmes 
reduits a vne 
Equation qui n’a 
point plus 
de fix 
dimenfions. 


470 OEUVRES DE DESCARTES. 402-403. 


parties au point qui en eft le centre, on ne peut aufly 
s'en feruir qu'a determiner vn feul point entre deux 
extremes, comme a trouuer vne moyene proportionelle 
entre deux lignes droites données, ou diuifer en deux 
vn arc donné. Au lieu que la courbure des feétions co- 
niques, dependant toufiours de deux diuerfes chofes, 
peut aufly feruir a determiner deux poins differens. 

Mais, pour cete mefme raifon, il eft impoflible qu'au- 
cun des Problefmes qui font d'vn degré plus compofés 
que les folides, & qui prefuppofent l'inuention de 
quatre moyenes proportionelles, ou la diuifion d'vn 
angle en cinq parties efgales, puiflent eftre conftruits 
par aucune des fections coniques. C'eft pourquoy ie 
croyray faire en cecy tout le mieux qui fe puiffe, fi ie 
donne vne reigle generale pour les conftruire, en y 
employant la ligne courbe qui fe defcrit par l'inter- 
fetion d'vne Parabole & d'vne ligne droite,en la façon 
cy deflus expliquée. Car rofe aflurer qu'il n'y en a 
point de plus fimple en la nature, qui puifle feruir a 
ce mefme effect, & vous aués vù comme elle fuit im- 
mediatement les fections coniques, en cete queftion, 
tant cherchée par les anciens, dont la folution en- 
feigne par ordre toutes les lignes courbes qui doiuent 
eftre receuës en Geometrie. 

Vous fçaués defia comment, lorfqu'on cherche les 
quantités qui font requifes pour la conftruétion de ces 
Problefmes, on les peut toufiours reduire a quelque 
Equation qui ne monte que iufques au quarré de cube, 
ou | au furfolide. Puis vous fçaués auffy comment, en 
augmentant la valeur des racines de cete Equation, on 
peut toufiours faire qu'elles deuienent toutes vrayes ; 


10 


15 


20 


25 


30 


403-404. La GEOMETRIE. — Livre III. 77 


& auec cela, que la quantité connuë du troifiefme 
terme foit plus grande que le quarré de la moitié de 
celle du fecond; & enfin, comment, fi elle ne monte 
que iufques au furfolide, on la peut hauffer iufques au 
quarré de cube, & faire que la place d'aucun de fes 
termes ne manque d'eftre remplie. Or, afin que toutes 
les dificultés dont il eft icy queftion puiffent eftre re- 
foluës par vne mefme reigle, ie defire qu on face toutes 
ces chofes, &, par ce moyen, qu'on les reduife touf- 
iours a vne Equation de telle forme : 
nt TT +syy Yo, 

& en laquelle a quan- 
tité nommée 4 foit plus 
grande que le quarré de 
la moitié de celle qui eft 
nommée p. 

| Puis, ayant fait la 
ligne BK indefiniement 
longue des deux coftés, 
&, du pointB, ayanttiré 
la perpendiculaire AB 
dont la longeur foit —P, 
il faut, dans vn plan fe- 
paré, defcrire vne Para- 
bole, comme CDF, dont 
le cofté droit principal 
foitW + 9; pp, que 
le nommeray 7, pour 
abreger. Aprés cela, il faut pofer le plan dans lequel 
eft cete Parabole, fur celuy où font les lignes AB 


478 OEUVRES DE DESCARTES. 404-405: 


& BK, en forte que fon aiflieu DE fe rencontre iuf- 
tement au deflus de la ligne droite BK. Et, ayant pris 
la partie de cet aiflieu qui eft entre les poins E & D 
efgale a PER il faut appliquer fur ce point E vne 
longue reigle, en telle façon qu'eftant aufly appli- 
quée fur le point A du plan de deflous, elle demeure 
toufiours iointe a ces deux poins, pendant quon 
hauflera ou baiffera la Parabole tout le long de la 
ligne BK, fur laquelle fon aiflieu eft appliqué. Au 
moyen de quoy, l'interfeétion de cete Parabole & de 
cete reigle, qui fe fera au point C, deferira la ligne 
courbe AC N, qui eft celle dont nous auons befoin de 
nous feruir pour la conftruétion du Problefme pro- 
pofé. Car, aprés qu'elle eft ainfi defcrite, fi on prent le 


point L en la ligne BK, du cofté vers lequel eft tourné 


le fommet de la Parabole, & qu'on face BL efgale a 
DE, ceft a dire a =; puis, du point L vers B, qu'on 
prene, en la mefme ligne BK, la ligne LH efgale a 
us: Roque, du point H ainfi trouué, on tire a angles 
droits, du cofté qu'eft la courbe ACN, la ligne HI, 
: © r Ty pt - 
dont la longeur foit > LS que Spour 
abreger, fera nommée +; & aprés, ayant ioint les 
poins L & I, qu'on defcriue le cercle LPI, dont IL foit 
le diametre, & qu'on infcriue en ce cercle la ligne LP 


dont la longeur foit Vire puis enfin, du centre I, 
par le point P ainfi trouué, qu'on defcriue le cercle 
PCN. Ce cercle couppera ou touchera la ligne courbe 
ACN en autant de poins quil y aura de racines en 
l'Equation; en forte que les perpendiculaires tirées de 
ces poins fur la ligne BK, comme CG, NR, QO & 


20 


30 


405-407. LA GEOMETRIE. — Livre III. 479 


femblables, feront les racines cherchées, fans quil y 
ait aucune exception ny aucun deffaut en cete reigle. 
Car, fi la quantité s efoit fi grande, a proportion des 
autres, p, 9, 7, { & y, que la ligne LP fe trouuaft plus 
“grande que le diametre du cercle IL, en forte qu elle 
ny puit eftre inferite, il ny auroit aucune racine, 
en l'Equation propofée, qui ne fuft imaginaire. Non 
plus que fi le cercle IP efloit fi petit qu'il ne coup- 
paft la courbe ACN en aucun point (*. Et il la peut 
coupper en fix differens, 
ainfi quil peut y auoir 
fix diuerfes racines en l’E- 
quation. Mais, lorfqu'il la 
couppe en moins, cela tef- 
moigne qu'il y a quelques 
vnes de ces racines qui 
font efgales entre elles, ou 
bien qui ne font qu'imagi- 
naires. 

Que fi la façon de tracer 
la ligne ACN, parle mouue- 
ment d'vne Parabole, vous 
femble incommode, il eft 
ayfé de trouuer plufeurs 
autres moyens pour la def- 
crire. Comme : fi, ayant 
les mefmes quantités que 
deuant pour AB & BL, & 
la mefme, pour BK, qu'on auoit pofée pour le cofté 
droit principal de la Parabole, on defcrit le demi- 

() Z (1659), 


480 OEuvREs DE DESCARTES. 407-400. 


cercle KST dont le centre foit pris a difcretion dans 
la ligne BK, en forte qu'il couppe quelque part la ligne 
AB, comme au point S ; & que, du point T où il finift, 
on-prene vers K la ligne TV efgale a BL; puis, ayant 
tiré la ligne SV, qu'on en tire vne autre, qui luy foit 
Re par le point À, comme AC; & quon en 
tire aufly vne autre par S, qui foit le a BK, 
comme SC; le point C, où ces deux paralleles fe ren- 
contrent, fera l'vn de ceux de la ligne courbe cherchée. 


Et on en peut trouuer, en mefme otre, autant d'autres 


qu'on en defire. 

| Or la demonftration de tout cecy eft affés facile. 
Car, appliquant la reigle AE auec la Parabole FD fur 
le point C, comme il eft certain quelles peuuent y 
eftre appliquées enfemble, puifque ce point C eft en la 
courbe ACN, qui eft defcrite par leur interfection : fi 
CG fe nomme y, GD fera “”, a caufe que le cofté 


1 


droit, qui “a n, ei a CG comme CG a GD. Et oftant 


DE qu'entre SGD on a # — 2 pour GE. 
Puis, a caufe se AB eft a BE comme CG eft a GE, 
AB eftant - p, BÉe PT. 


Et tout de mefme, en fuppofant que le point € de la 
courbe a eflé trouué par l'interfetion des lignes 
droites SC, parallele a BK, & AC, parallele a SV; 
SB, qui eft efgale a CG, eft y, & B K eftant efgale au 
cofé droit de la Parabole, que ray nommé x, BT 
eft 2”. Car, comme KB eft a BS, ainfi BS eft a BP 
Et TV | Sat la mefme que BL, c'eft a dire ie, BAR 
et 2227 Ercommesb cfa BY, ainfi AB ha 


1 P n 


BE qui eft, par confequent, 7 


ny ? 


20 


25 


3e 


À. æ 
ne "+: LE, f # 
sac es LE 


409. LA GEOMETRIE. — [Livre III. 481 


D'où on voit que c'eft vne mefme ligne courbe qui fe 
defcrit en ces deux façons. 

Aprés cela, pource que BL & DE font efgales, DL 
& BE le font auñy : de façon qu'adiouftant LH, qui eft 


Vy 


t . : 
so D:L,qui ef FE *?,ona la toute DH, quieft 


BRU v Ar ER 
2n SR ani” v) 


ny 
& en oftant GD, qui eft “”, on a GH, qui eft 
Dent, _? "y 


2n ny ont” » FAT: 
Ce que i'efcris par ordre en cete forte : 


— y + Lpyy + —Vr 
FU SERRE AUTEUR 
ny 


Œuvres. I. 61 


, mn] TER D MT PEUT A Ca M HE L'sds el 
Dé ae dr AE MEET = r 


 « “ 


PE ET TT RE ER 2 I ET PO TT} PARAIT EURE 


ra 


End cer eee LÉ ES 2 


+ if Se A. =, 


CR 7 PORTA SR 


482 OŒEuvrEes DE DESCARTES. 409-411. 


Etle quarré de'GHef 
— — He VPN DIN 


HAN 


71 YEN 
Et en quelque autre endroit de cete ligne courbe qu'on 
veuille imaginer le point C, comme vers N ou vers Q, 
on trouuera toufiours que le quarré de la ligne droite, 
qui eft entre le point H & celuy où tombe la perpen- 
diculaire du point C fur BH, peut eftre exprimé en ces 
mefmes termes, & auec de Hrotnee jee + & — 
Deplus, LH'eftant 6 Hiéfante =" ef 


nn ? 
mm re tt 
n° anny? 


a caufe de l'angle droit IH L; & LP eftant|\/ +, 
Bou iCef 


mm HUE S Pi v 
Hi 4anny nn nn ) 


a caufe aufly de l'angle droit IP L. Puis, ayant fait CM 
perpendiculaire fur 1H, IM ef la difference qui eft 
entre IH & HM ou Ce: ceft a dire entre & y; en 
forte que fon quarré efl Poe ; 


mn n1 21Y 


DETTE à0 IDE 
qui efant ofté du quarré | de IC, il refte : 
tt $ pi Sr 2 my 
TANT a nn XV 


pour le quarré de CM, qui eft efgal au quarré de GH 


LA GEOMETRIE. — Livre III. 48; 


defia trouué. Ou bien, en faifant que cete fomme foit 
diuifée comme l'autre par nnyÿy, on a 
—anyé+aemy = pVvyy—syy + yr. 
11 123 3 À 


Puis, remettant 


+ qyt— >ppyt, pouranyt: 
& ry+2Vvy +273, pour 2 my; 


2i/y 


& multipliant l'vne & l'autre fomme par nnyy, on a: 


TE = +2Vr sd Vo! 
“UE 1 F pt ÿ tt br AU ETE 
a PP TI7ANRRÉES 
efgal a 
À = | re de AN 
nd nes +2Vr Y° = :$ Me 
I pt tt 
+! pp) Le LPre 


c'eftadirequona 


De Rd 7) PNY YFv=0. 
D'où il paroift que les lignes CG, NR, QO & fem- 
blables font les racines de cete Equation, qui eft ce 
qu'il falloit demonftrer. 

Ainfi* donc, fi on veut trouuer quatre moyennes 
proportionelles entre les lignes à & b, ayant pofé x 
pour la premiere, l'Equation ef : 

Xi RARE gb, 


DR RTE ET ÉRRE ep 


ou bien 


a. Il semble qu’en regard de cet alinéa, il faille restituer en manchettes : 
« L'inuention de quatre moyenes proportionelles. » 


484 OŒEuvres DE DESCARTES. ati-4r2. 


Et faifant y — a = x, 1l vient : 
EE | + 45 


y°— 6ay'+i5aayi—20a"y" +1isa\yy OO: 


— ab | “ + ab 
C'eft pourquoy il faut prendre 


3a pour la ligne AB, 


& do RO 0) pour BK, ou le cofté droit de la 
Ft Pa Ébôle que 1'ay nommé 7; 


2 |//aa+ab pour DE ou BL. 


Sn 


Et aprés auoir defcrit la ligne courbe ACN fur la 
melure de ces trois, il faut faire : 
6a +aab 
LH HUE ab? 


Es 2e — aa mb 


nu 


Ca Bi DES Ve = 6 Waa+ab. 


nn 


1S ai 2,3 ab 
2nn Vaa Lab? 


Car le cercle qui, ayant fon centre au point I, paffera 
par le point P ainfi trouué, couppera la courbe aux 
deux poins C & N, defquels ayant tiré les perpendi- 
culaires NR & CG, fi la moindre, NR, eft oftée de la 
plus grande CG, le refte fera x, la premiere des quatre 
moyennes proportionelles cherchées. 

Il eft ayfé, en mefme façon de diuifer vn angle en 
cinq parties efgales, & d'inferire vne figure d'vnze ou 
treze coftés efgaux dans vn cercle, & de trouuer vne 
infinité d'autres exemples de cete reigle. 

Toutefois il eft a remarquer qu'en plufieurs de ces 
exemples, il peut arriuer que le cercle couppe fi obli- 
quement la Parabole du fecond genre, que le point de 
leur interfection foit difficile a reconnoiftre, & ainfi, 


10 


20 


25 


412-413. LA GEOMETRIE. — Livre III. 48$ 


que cete conftruétion ne foit pas commode pour la 
pratique. À quoy il feroit ayfé de remedier en compo- 
fant d’autres reigles a limitation de celle cy, comme 
on en peut compofer de mille fortes. 

Mais mon deffein n'eft pas de faire vn gros liure, & 
ie tafche plutoft de comprendre beaucoup en peu de 
mots, comme on iugera peuteftre que i'ay fait, fi on 
confidere qu'ayant reduit a vne mefme conftruction 
tous | les Problefmes d'vn mefme genre, ray tout en- 
femble donné la façon de les reduire a vne infinité 
d'autres diuerfes, & ainfi de refoudre chafcun d'eux 
en vne infinité de façons; puis, outre cela, qu'ayant 
conftruit tous ceux qui font plans, en coupant d'vn 
cercle vne ligne droite, & tous ceux qui font folides, 
en coupant aufly d'vn cercle vne Parabole, & enfin 
tous ceux qui font d'vn degré plus compofés, en cou- 
pant tout de mefme d'vn cercle vne ligne qui n'eft que 
d'vn degré plus compofée que la Parabole; il ne faut 
que fuiure la mefme voye pour conftruire tous ceux 
qui font plus compofés a l'infini. Car en matiere de 
progreflions Mathematiques, lorfqu'on a les deux ou 
trois premiers termes, 1l n'eft pas malayfé de trouuer 
les autres. Et r'efpere que nos neueux me fçauront 
gré, non feulement des chofes que i'ay iey expliquées, 
mais aufly de celles que ray omifes volontairement, 
affin de leur laiffer le plaifir de les inuenter. 


FIN. 


Aduertiflement. 


Ceux qui ne vifitent les Tables des liures qu'affin d'y 
chotifir les matieres qu'ils veulent voir, & de s'exempter de 
la peine de lire le refle, ne tireront aucune fatisfaéhon de 
celle cy : car l'explication des queflions qui y font mar- 
quées depend quafi toufiours fi expreflement de ce qui les 
precede, & Jouuent auffy de ce qui les fuit, qu'on ne la 
Jeauroit entendre parfaitement fi on ne lift auec attention 
tout le liure. Mais pour ceux qui l'auront defia leu, 6 qui 
Jeauront affez bien les chofes les plus generales qu'il con- 
tient, celte Table leur pourra feruir, tant a les faire fou- 
uenir des endroits où 1l eff parlé des plus particulieres qui 
feront efchappées de leur memoire, que fouuent auffy a 
leur faire prendre garde a celles qu'ils auront peuteftre 
pallées Jans les remarquer. 


PABEE 


DES” PRINEFPALES: DIFFAGHPREZ 


QUI SONT EXPLIQUÉES EN LA 


DIOPTRIQUE 


Difcours Premier. 


DELA LUMIERE. 


Comment il fuffit de conceuoir 
la nature de la lumiere pour 
entendre toutes fes proprie- 
ÉEZ Su. se el ES THMRQRETTE 

Comment fes rayons paflent en 
vn inftant du Soleil iufques 
MOUSE LOTERIE 

Comment on voit les couleurs 
PARMONNTOMNENE ET 

Quelle eft la nature des cou- 
TP EME NN 

Qu'on n'a point befoin d’e/- 
peces intentionelles pour les 


Ny mefme qu'il y ait rien dans 
les obiets qui foit semblable 
aux fentimens que nous en 
AUONS A Et Gba de 

Que nous voyons, de iour, par 
le moyen des rayons qui 
vienent des obiets vers nos 
MÉDRE he SHARE 

Et qu'au contraire les chats 
voyent, de nuit, par le moyen 


LeA] 


des rayons qui tendent de 
leurs yeux vers les obiets... 
Quelle eft la matiere qui trani- 
METIESEAVONSE ee Liens 
Comment les rayons de plu- 
fieurs diuers obiets peuuent 
entrer enfemble dans l'œil... 
Ou, allant vers diuers yeux, 
pafler par vn mefme endroit 
de l’air fans fe mefler ny 
SÉNÉMPECRER Pre 
Ny eftre empefchez par la flui- 
NÉE AI ee er. 
Ny par l'agitation des vens... 
Ny par la dureté du verre ou 
autres tels cors tranfparens. 
Comment cela n'empefche pas 
mefme qu'ils ne foient exac- 
tOMENAALONS A Se 
Et ce que c’eft proprement que 
CESTANONSE I  -c- 
Et comment il en vient vne in- 
finité de chafcun des poins 
des cors lumineux......... 


U\ 


UNI NI NI 


+ | 


co 


7) 


488 


Ce que c’eft qu'vn cors noir... 11 
Ce que c’eft qu'vn miroir... ri 
Comment les miroirs tant plats 
que conuexes et concaues 
font reflefchir les rayons. 1oet11 
Ce que c’eft qu’vn cors blanc. 11 


OEUVRES DE DESCARTES. 


En quoy confifte la nature des 


couleurs moyennes... II 
Comment les cors colorez font 

reflefchir les rayons ....... 12 
Ce que c’eft que la Refrac- 

TONER TERRA Scan io 12 


Difcours Second. 


DELCANREFRACIMION 


Que les cors qui fe meuuent 
ne doiuent point s’arefter 
aucun moment contre ceux 
qui les font reflefchir ...... 14 
Pourquoy l'angle de la re- 
flexion et efgal a celuy de 
lineidencers PPT 14, 15, 16 
De combien le mouuement 
d’vne bale eft détourné, lorf- 
qu'elle paile au trauers d’vne 


LOC ERE CCR M RRERE SNS NZ 
Et de combien lorfqu’elle entre 
JANSAICAUER EPP PER EEE 18 


Pourquoy la Refraction eft 
d'autant plus grande que l’in- 


cidence eft plus oblique.... 19 
Et nulle quand l'incidence eft 
PERPENEUlAITER PAP AREEEE 1Q 


Pourquoy quelquefois les bales 
des canons tirez vers l’eau 
n'y peuuent entrer et fe re- 
flefchiflent vers l’air- ...... 19 


De combien les rayons font 
détournez par les cors tranf- 
parens qu’ils penetrent..... 20 

Comment il faut mefurer la 
grandeur desrefraétions.. 21,22 

Que les rayons pañlent plus 
ayfement au trauers du verre 
que de l’eau, et de l’eau'que 
de l'air, et pourquoy....... 23 

Pourquoy la Refracttion des 
rayons qui entrent dans l’eau 
eft efgale a celle des rayons 
GSM OEME Te a 00000 24 

Et pourquoy cela n’eft pas gene- 
ral en tous cors tranfparens. 24 

Que les rayons peuuent quel- 
quefois eftre courbez fans 
fortir d'vn mefme cors tranf- 
Parents. 2 CEE DT 


. Comment fe fait la Refraction 


en chafque point des fuper- 
fICIéS COUTDÉES- AAUMAPRPERE 25 


Difcours Troifiefme. 


DEMI CT 


Que la peau nommée vulgaire- 
ment Retina n’eft autre chofe 
que le nerf optique ........ 26 


Quelles font les Refraétions 
que caufent les humeurs de 
l'œil LCR 5 14270 


À Pr a LS nf 0 € nl 


TABLE DE LA DIOPTRIQUE. 


Pour quel vfage la prunelle 


s'eftrecift & s’eflargift. ..... 27 
Que ce mouuement de la pru- 
nelle eft volontaire... 5% 28 


comme vn mufcle qui peut 


changer la figure de tout l'œil. 


Et que les petits filets nommez 
proceffus ciliares en font les 
tendons PP CREER Ce 


É Difcours Quatriefme. 


DESSENS: EN GENERAL. 


Que c’eft l’ame qui fent & non 
JERCONS PERRET ET 29 

Qu'elle fent en tant qu'elle et 
dans le cerueau, & non en 
tant qu’elle anime les autres 


membres ..... DE COR Dec not 29 
Que c’eft par l’entremife des 
nentsiquellenents #2... 30 


Que la fubftance interieure de 
ces nerfs eftcompofée de plu- 
fieurs petits filets fort deliez. 30 
Que ce font les mefmes nerfs 
qui feruent aux fens & aux 
MOUUEMENS ne 0 SU NSRENt 
Que ce font les efprits ani- 
maux, contenus dans les 


peaux de ces nerfs, qui meu- 
uentleSMmeEMPrES. 0". 
Que c’eit leur fubftance inte- 
rieure qui fert aux fens..... 
Comment fe fait le fentiment 
par l’ayde des nerfs........ 
Que les idées que les fens ex- 
terieursenuoyent en la phan- 
tailie nefont pointdesimages 
des obiets, ou, du moins, 
qu'elles n’ont point befoin 
detleurrefemblen 26". 
Que les diuers mouuemens des 
petits filets de chafque nerf 
fuffifent pour caufer diuers 
fentimens....... nr reste 


Difcours Cinquiefme. 


DES IMAGES QUIÈSSE-FORMENT, SUR LE FONDS DE L'ŒIL. 


Comparaifon de ces images 
auec celles qu’on voiten vne 


chambre obicure.:}...:... 35 
Explication de ces images en 

l'œil d’vn animal mort..... 36 
Qu'on doit rendre la figure de 
cet œil vn peu plus longue, 
lorfque les obiets font fort 
proches, que lorfqu'ils font 

DILSEOIEnez Eee 27 

Œuvres. I. 


Qu'il entre en cet œil plu- 
fieurs rayons de chaîque 
potntdetobietsss.". 6: 

Que tous ceux qui vienent 
d'vn mefme point fe doiuent 
aflembler au fonds de cet œil 
enuiron le mefme point; & 
qu'il faut difpofer fa figure a 
COCHER dome mecertie 

Que ceux de diuers poins s'y 


62 


489 


28 
L 
28 ee - 
: t 
, 
31 g 
31 

32 s 
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& 
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a “ À 
54 be 


ÉTÉ NT Er 2m 


à 
38 ? 
. 

38 


490 


doiuent atlembler en diuers 


Commentlescouleursfevoyent 
au trauers d’vn papier blanc 
qui eft fur le fonds de cet 
ŒIL TEE 

Que les images qui s’y forment 
ont la refemblance des ob- 
TES Lode 

Comment la grandeur de la 
prunelle fert a la perfection 
dEICESAMASES LEA 

Comment y fert la refraction 
qui fe fait dans l'œil; & com- 
ment elle y nuiroit eftant 
plus grande ou Ps ee 
qu'elle n'eft.. RATE 

Comment la noirceur des par 
ties interieures de cet œil, & 
l’obfcurité de la chambre où 
fe voyent les images, y fert 
auily . 

Pourquoy elles ne font iamais 
fi parfaites en leurs extremi- 
LEZ AUMMINEU TEA ERET EE 

Comment on doit entendre ce 
qui fe dit, que vifio fit per 


Que la grandeur de la prunelle, 
rendant les couleurs plus 
viues, rend les figures moins 


"55 
(o0] 


40 


40 


40 


Œuvres DE DESCARTES. 


diftinctes, & ainfi ne doit 
eftre que mediocre...... 0 
Que les obiets qui font a cofté 
de celuy a la diftance duquel 
l'œil eft difpofé, en eftant 
beaucoup plus efloignez ou 
plus proches, s'y reprefen- 
tent moins diftinétement que 
s'ils en eftoient prefque a pa- 
Telle LANTANCE A AREREEEEES 
Que ces imagesfontrenueriées. 
Que leurs figures font chan- 
gées & racourcies a raifon 
de la diftance ou fituation 
des ODIETS RETIRE DEN 0 à 
Que ces images font plus par- 
faites en l'œil d’vn animal 
viuantqu’enceluy d’vn mort, 
& en celuy d'vn homme 
qu'en celuy d’vn bœuf..... 
Que celles qui paroiïflent par 
le moyen d'vne lentille de 
verre dans vne chambre ob- 
cure, s’y forment tout de 
mefme que dans l'œil, & 
qu'on y peut faire l’expe- 
rience de plufieurs chofes 
qui confirment ce qui eft icy 
EXPITAUÉ FR Fer br 
Comment ces images pailent 
de l’œil dans le cerueau...… 


Difcours Sixiefme. 


DIF ÉLAENALS ONE 


Que la vifion ne fe fait point 
par le moyen des images qui 
pailent des yeux dans le cer- 
ueau, mais par le moyen des 
mouuemens qui les compo- 
Tnt RM Le 

. Que c’eit par la force de ces 


51 


mouuemens qu'on fent la 
JumiIeneRer EEE RUE SE 
Et par leurs autres varietez 
qu'on fent les couleurs..... 
Comment fe fentent les fons, 
les goufts, & le chatouille- 
ment & la douleur ..... 


44 


44 
44 


44. 


46 


46, 47, 48 


49 


55 


TABLE DE LA 


. Pourquoy les coups qu'on re- 
coitdansl’œil font voir diuer- 
fes lumieres, & ceux qu’on 
reçoit contre les oreilles font 
ouïr des fons; & ainfi vne 
mefme force caufe diuers 
fentimens en diuers organes. 

Pourquoy, tenant les yeux fer- 
mez vn peu aprés auoir re- 
gardé le foleil, il femble 
qu'on voyediuerfes couleurs. 

Pourquoy il paroïft quelque- 
fois des couleurs dans les 
cors qui ne font que tranf- 


UN 
LD 


U\ 
© 


parens, comme l’arc-en-ciel 


paroift dans la pluie. 353 & 
Que le fentiment qu’on a de la 
lumiere eft plus ou moins 
fort felon que l’obiet eft plus 
OHMOINSIPEOC HER ce see 
Et felon que la prunelle eft 
‘ plus ou moins grande...... 
Et felon que l’image qui fe 
peint dans le fonds de l’œil 
_eft plus ou moins petite... 
Comment la multitude des pe- 
tits filets du nerf optique fert 

a rendre la vifion diftinéte.. 
Pourquoy les prairies, eftant 
peintes de diuerfes couleurs, 

. ne paroiflent de loin que 
cvneneule FETE 0 Fo 
Pourquoy tous les cors fe 
voyent moins diftinétement 
HEROMIQUETEMPIES 
Comment la grandeur de l'i- 
mage fert a rendre la vifion 
ITS EE ARE 
Comment on connoït vers 
quel cofté eft l’obiet qu'on 
regarde, ou celuy qu’on 
monitre du doigt fans le tou- 
CHÉTEE Ne e do 60e 
Pourquoy le renuerfement de 
l’image qui fe fait dans l'œil 


254 


ur 
[51] 


55 


[PA 
u1 


F0 


DIoPTRIQUE. 491 


n'empefche pasque les obiets 
ne paroïflent droits. ...... : 
Pourquoy ce qu’on voit des 
deux yeux, ou qu’on touche 
des deux mains, ne paroift 
pas double pour cela....... 
Comment les mouuemens qui 
changent la figure de l'œil 
feruent a faire voir ladiftance 
AeSTOPIEIS PRIME A LCOMCRER 
Qu'encore que nous ignorions 
ces mouuemens, nous ne 
laiflons pas de connoiïftre ce 
qu'lstdefipnente""""°"rre 
Commentle rapport des 2 yeux 


fert auffy a faire voir la di- 


HANCER PAM MAR RIT ET 
Comment on peut voir la di- 
ftance auec vn œil feul, en 
luy faifant changer de place. 
Commentla diftinétion ou con- 
fufion de la figure, & la de- 
bilité ou la force de la lu- 
miere fert aufly a voir la 


difance #0 DE MERE PE 60, 62 


Que la connoïtlance qu’on a 
euë auparauant des obiets 
qu'on regarde fert a mieux 
connoiftre leur diftance.... 

Comment la fituation de ces 
obiets y fert aufly ...... HS 

Comment on voit la grandeur 
délCHalIQUEODIEE rec. - 

Comment on voit fa figure... 

Pourquoy fouuent les frene- 
tiques, ou ceux qui dorment, 
penfent voir ce qu'ils ne 
VOYEUR EE RL 

Pourquoy on voit quelquefois 
les obiets doubles......... 

Comment l’attouchement fait 
aut{ly quelquefoisiugerqu’vn 
obiet foit double........... 

Pourquoy ceux qui ont la iau- 
nifle, ou bien qui regardent 


58 


58 


58 


04 


492 


au trauers d'vn verre jaune, 

iugent que tout ce qu'ils 

voyent en a la couleur..... 64 
Quel eft le lieu où on voit l’ob- 

iet au trauers d’vn verre plat 

dont les fuperficies ne font 


pasiparallelEs Pere Per ere 64 
Et celuy où on le voit au tra- 
uers d’vn verre concaue.... 64 


Et pourquoy l'obiet paroift 
alors plus petit qu'il n’eft... 64 

Quel eft le lieu où il paroift au 
trauers d’vn verre conuexe, 
& pourquoy il y paroiïft quel- 
quefois plus grand & plus 
efloigné qu'il n’eft, & quel- 
quefois plus petit & plus 
proche,& auec cela renuerfé. 64 

Quel eft le lieu des images 
qu'on voit dans les miroirs, 
tant plats que conuexes ou 
concaues, & pourquoy elles y 
paroiïflent droites ou renuer- 
fées ; & plus grandes ou plus 
petites ; & plus proches ou 
plus efloignées que ne font 
lestobiéts Rene 64 


+ MENT 


Œuvres DE DESCARTES. 


Pourquoy nous nous trom- 
pons ayfement en iugeant de 
la diftan Ce EC EEE REEREEECT 

Comment on peut prouuer 
que nous n’auons point cou- 
fume d'imaginer de diftance 
plus grande que de 100 ou 
200 Pieds 2 CI PRET EREE 

Pourquoy le foleil & la lune 
femblent plus grans, eftant 
proches de l’Horifon, qu’en 
eftant efloignez......... “e 

Que la grandeur apparente 
des obiets ne doit point fe 
mefurer par celle de l’angle 
dE VIH ON MAR AENEREREEER 

Pourquoy les obiets blancs & 
lumineux paroiflent plus 
proches & plus grans qu'ils 
ne font.. 

Pourquoy tous les cors fort 
petits, ou fort efloignez, pa- 
rOiflent ronds... ee 

Comment fe font les efloigne- 
mens dans les tableaux de 
BERIPECLIVEERSRERCEr EEE 


Difcours Septiefme. 


DES MOYENS DE PERFECTIONNER LA MISION: 


Qu'il n'y a que quatre chofes 

qui font requifes pour rendre 

la vifion toute parfaite.. 70,71 
Comment la Nature a pouruû 

a la premiere de ces chofes, 

& ce qui refte a l’art a y ad- 

MONET Jacobs Doc 7e 7 
Quelle difference il y a entre 

les yeux des ieunes gens & 

ceurides Vieillars "tr "-"tt 73 
Commentil faut pouruoir a ce 


que la Nature a omis aux 
yeux de ceux qui ont la veuë 
courte. Et comment, a ce 
qu'elle a omis aux yeux des 
vieillars :.... M ee FRERE 
Qu'entre plufieurs verres qui 
peuuent feruir a cet effect il 
faut choifir les plus ayfez a 
tailler, &, auec cela, ceux 
qui font le mieux que les 
rayons qui vienent de diuers 


66 


66 


67 


68 


69 


73 


TABLE DE LA DIOPTRIQUE. 


poins femblent venir d’'au- 
tant d’autres diuers poins.. 
Qu'il n’eft pas befoin de choi- » 
fir en cecy autrement qu'a 
peu prés ; & pourquoy..... 
Que la grandeur des images ne 
depend que de la diftance 
des obiets du lieu où fe croy- 
fent les rayons qui entrent 
dans l'œil, & de leur refra- 


Que la refraction n’eft pas icy 
fort confiderable, ny la di- 
ftance des obiets acceflibles. 
Et comment on doit faire 
lorfqu'’ils font inacceflibles. 

En quoy confifte l’inuention 
des lunetes a puce compofées 
d'vn feul verre, & quel eft 
5 NEA MERE SOEUR 

Comment on peut augmenter 
les images, en faifant que 
les rayons fe croyfent fort 
loin de l’œil, par le moyen 
d’vn tuyau plein d’eau...... 
Que, plus ce tuyau eft long, 

plus il augmente l’image; & 
qu'il fait le mefme que fi 
la Nature auoit fait l'œil 
d'autant plus long......... 

Que la prunelle de l'œil nuiïft, 
au lieu de feruir, lorfqu’on 
fe fert d’vn tel tuyau....... 

Que ny les refraétionsdu verre 
qui contient l’eau dans ce 
tuyau, ny celles des peaux qui 
enuelopent les humeurs de 
l'œil, ne font confiderables. 

Comment on peut faire le 
mefme, par le moyen d’vn 
tuyau feparé de l'œil, que 
par vn qui luy eft ioint..... 


AE 


RE 


80 


493 


En quoy confifte l’inuention 
des lunetes d'approche. 82, 83 
Comment on peut empefcher 
que la force des rayons qui 
entrent dans l'œil ne foit 
ÉTOP'E TAN RE EEE 83, 86 
Comment on la peut augmen- 
ter, lorfqu’elle eft trop foible 
& que les obiets font accef- 
AbIES PR RE RE 83 
Et comment, lorfqu'ils font 
inacceflibles & qu'on fe fert 
de lunetes d’approche...... 
De combien on peut faire l’ou- 
uerture de ces lunetes plus 
grande que n'’eft la prunelle. 
Et pourquoy on la doit faire 
plustérandeeererrr 84, 85 
Que pour les obiets acceflibles 
on n'a point befoin d'aug- 
menter ainfi l'ouuerture du 


84 


Que, pour diminuer la force 
des rayons, lorfqu'on fe fert 
de lJunetes, il vaut mieux 
eftrecir leur ouuerture que 
la couurir d'vn verre co- 
TOR RS PER NE et. 86 
Que, pour l’eftrecir, il vaut 
mieux couurir les extremitez 
du verre par dehors que par 
dÉLANS EEE M ATEN... 86 
A quoy il eft vtile de voir plu- 
fieurs obietsen mefme tems; 
& ce qu'on doit faire pour 
n'en auoir pas de befoin.... 87 
Qu'on peut acquerir par exer- 
cice la facilité de voir les ob- 
iets proches ou efloignez... 88 
D'ou vient que les Gymnofo- 
phiftes ont pù regarder le 
foleil fans gafter leur veuë.. 88 


494 


ŒUVRES DE DESCARTES. 


Difcours Huitiefme. 


DES ‘FIGURES QUE DOIVENT AVOIR LES: CORS 
TRANSPARENS 


POUR DETOURNER LES RAYONS PAR REFRACTION EN TOUTES LES FACONS 


QUI SERVENT A LA VEUE. 


Quelle eft la nature de l'EI- 
lipfe & comment on la doit 
EICHER REP ETEN 

Demonftration de la proprieté 
de l’Ellipfe touchant les re- 
fRAÉTONS LATE PRET ENEEE : 

Comment, fans employer d’au- 
tres lignes que des cercles 
ou des Ellipfes, on peut faire | 
que les rayons paralleles 
s’afflemblent en vn point, ou 
que ceux qui vienent d'vn 


89,90 


pointfe rendentparalleles. 94,65 


Comment on peut faire que 
les rayons paralleles, d’vn 
cofté du verre, foient efcar- 
tez de l’autre comme s'ils 
venoient tous d’vn mefme 
PONTS NE ADP ARE 

Comment on peut faire qu’e- 
flans paralleles des deux co- 
ités, ils foient referrez en vn 
moindre efpace, de l’vn que 
deARAUTEE ere Rasto eo : 

Comment on peut faire Île 
mefme, en faifant, outre cela, 
que les rayons foient ren- 
HOUEAs none eee 

Comment on peut faire que 
tous les rayons qui vienent 
d'vn point s’aflemblent en 
VOA POINTS AT Ie a 

Et que tous ceux qui vienent 
d’vn point s’efcartent comme 


96 


98 


s'ils venoient d’vn autre 
POINT. RE EN RETATRRE 
Et que tous ceux qui font ef- 
cartez comme s'ils tendoient 
vers vn mefme point, s'ef- 
cartent derechef comme s'ils 
venoient d'vn mefme point. 
La nature de l'Hyperbole & la 


99 


99 


façon dela defcrire. 100, 101,102 


Demonftration de la proprieté 
de l’'Hyperbole touchant les 
refraétions...... + ee 

Comment, fans employer que 


104 


des Hyperboles & des lignes 


droites, on peut faire des 
verres qui changent les 
rayons en toutes les mefmes 
façons que ceux qui font 
compofez d'Ellipfes & de 
cercles tient . 106, 107; 
Que, bien qu'il y ait plufieurs 
autres figures qui puiflent 
caufer les mefmes effets, il 
n'y en a point de plus pro- 
pres, pour les lunetes, que 
les precedentes-en 
Que celles qui ne font com- 
pofées que d'Hyperboles & 
de lignes droites font les 
plus ayfées a tracer........ 
Que, quelque figure qu'aye le 
verre, il ne peut faire exacte- 
ment que les rayons venans 
de diuers poins s’affemblent 


108 


110 


TABLE DE LA DIoPTRIQUE. 


en autant d’autres diuers 


DONS ERP nr En 
Que ceux qui font compofez 
d'Hyperboles font les meil- 
leurs de tous a cet effect... 
Que les rayons qui vienent de 
diuers poins s’efcartent plus, 
apres auoir trauerfé vn verre 
Hyperbolique, qu’apres en 
auoir trauerfé vn Elliptique. 
Que, d’autant que l’Elliptique 
eit plus efpais, d'autant ils 
s’efcartent moins en le tra- 
HÉRIANE LME. 5U8#08boc 
Que, tant efpais qu’il puile 
eftre, il ne peut rendre l’i- 
mage que peignent ces 
rayons que d’vn quart ou 
d’'vn tiers plus petite que ne 
fait l'Hyperbolique........ 
Que cete inefgalité eft d'autant 
plus grande que la refraétion 
du verre eft plus grande... 
Qu'on ne peut donner au verre 
aucune figure qui rende cete 
image plus grande que celle 
de l’Hyperbole, ny qui la 
rende plus petite que celle 
de NUM ER eee 
Comment il faut entendre que 
les rayons venans de diuers 
poins fe croifent fur la pre- 
miere fuperficie, qui a la 
force de faire qu'ils fe raflem- 
blent en autant d’autres di- 
HELSSPOINS eee Fabre 
Que les verres Elliptiques ont 
plus de force pour brufler 
que les Hyperboliques..... 
Comment il faut mefurer la 


HT3 


— 


FU de) 


taË 


force des miroirs ou verres 
DEUTANS ACER EE. 
Qu'on n’en peut faire aucun 
qui brufle en ligne droite a 
liNfNIT LPC PRMEUERre 
Que les plus petits verres ou 
miroirs aflemblent autant de 
rayons pour brufler, en l’ef- 
pace où ils les affemblent, 
que font les plus grands qui 
ont des figures femblables a 
ces plus petits, en vn efpace 
PAROISSE ER 
Que ces plus grans n’ont d’au- 
tre auantage que de les af- 
fembler en vn efpace plus 
grand & plus efloigné; & 
ainfi qu'on peut faire des 
miroirs ou verres tres petits 
qui ne laiffent pas de brufler 
auec beaucoup de force... 
Qu’vn miroir ardent, dont le 
diametre n’excede point la 
100€ partie de la diftance a la- 
quelle il aflemble les rayons, 
nepeutfaire qu'ilsbruflentou 
efchauffent dauantage que 
ceux qui vienent directement 


uent receuoir plus de rayons 
d’vn mefme point, pour les 
rendre apres paralleles, que 
ceux d’aucune autre figure. 
Que fouuent les verres Hy- 
perboliques font preferables 
aux Elliptiques, a caufe 
qu'on peut faire auec vn 
feul ce a quoy il en faudroit 
EMpPloyendense es. LL AU 


49 


118 


11S 


E 
© 


496 


% 


OŒEUVRES DE DESCARTES. 


Difcours Neufiefme. 


DE LA DESCRIPTION 


Quelles qualitez font confide- 
rables pour choïfir la matiere 
deSLIUINELES EAP RR TERRE 

Pourquoy il fe fait quafi tou- 
fiours quelque reflexion en 
la fuperficie des cors tranf- 
PALEDS ER ER EEE CRE 

Pourquoy cete reflexion eft 
plus forte fur le criftal que 
MIE VENTE PEER RENTE 

Explication des lunetes qui 
feruent a ceux qui ont la 
MEUBICOUTIE ER EEE CEE 

Explication de celles qui fer- 
uent a ceux qui ne peuuent 
voir que de loin....... 

Pourquoy on peut Rae 
les rayons qui vienent d’vn 
point aflez efloigné, comme 
Parallels APPESEE ERP : 

Pourquoy la figure des Mens 
des vieillars n’a pas befoin 
dieftre fortiexatle MEPPREE 

Comment il faut faire les lu- 


124 


DESLLUNEMES: 


netes a puce auec vn feul 


Quelles doiuent eftre les lu- 
netes d'approche pour eftre 
parfaites … 

Et quelles ni les Ro a 
puce pour eftre parfaites . 

Que, pour fe feruir de ces lu- 
netes, il eft mieux de fe ban- 
der vn œil que de le fermer 
par l’ayde des mufcles..... 

Qu'il feroit bon aufly d’auoir 
auparauant attendri fa veuë 
en fe tenant en lieu fort 


Et aufly d’auoir baie 
difpofée comme pour regar- 
der des chofes fort efloignées 
ÉLObICUIES. CLEAN 

D'où vient qu'on a moins ren- 
contré cy deuant a bien faire 
les lunetes d'approche que 
les autres 


Difcours Dixiefme. 


DE LA FACON 


Comment il faut trouuer la 
grandeur des refraétions du 
verre dont on veut fe feruir. 

Comment on trouue les poins 
bruflans & le fommet de 
l'Hyperbole dont le verre 


DE TAILLER LES VERRES. 


duquel on connoift les re- 
fractions doit auoir la fi- 


QUE. HE CARE Bo GR dou | 


Comment on peut augmenter 
ou diminuer la diftance de 
CESPOINS EEE Lo Ene oc 


136 


Comment on peut defcrire 
cete Hyperbole auec vne 
GhOr der Certes 
Comme on la peut defcrire 
par l’inuention de plufieurs 
BOIS cn he 
Comment on trouue le Cone 
dans lequel la mefme Hy- 
perbole peut eftre couppée 
par vn plan parallele a l’aif- 
EURE mise ne mio 
Comment on la peut defcrire 
d’vn feul trait par le moyen 
dMNEMACHINE 
Comment on peut faire vne 
autre machine qui donne la 
figure de cete Hyperbole a 
tout ce qui en peut auoir 
befoin pour tailler les verres. 


Œuvres. I. 


TABLE DE LA 


140 


140 


141 


142 


DIOPTRIQUE. 497 


Et comment on s’en doit 
Tertir see Me 144 
Ce qu’il faut obferuer en par- 
ticulier pour les verres con- 
caues, & en particulier pour 
JESICONNELES PE PERPEPTE 150 
L'ordre qu'on doit tenir pour 
s'exercer a tailler ces verres. 151 
Que les verres conuexes qui 
feruent aux plus longues lu- 
netes ont befoin d’eftre tail- 
lez plus exactement que les 


AUTOS a ere 151 
Quelle eft la principale vtilité 
destlunetesiaipuce. "4 152 


Comment on peut faire que 
les centres des deux fuper- 
ficies d'vn mefme verre fe 
CAPPONMEN TEE Eee. 153 


TABLE 


DES PRINCIPALES DIEFICUREEZ 


QUI SONT EXPLIQUÉES AUX 


NÉE OIRES 


Difcours Premier. 


DE LEA NATURE DES CORS TERRESIMRES; 


Que l’eau, la terre, l’air & tous 
les autres cors font compo- 
fez de plufieurs parties... 

Qu'il y a des pores en tous ces 
cors, qui font remplis d’vne 
matiere fort fubtile........ 

Que les parties de l’eau font 
longues, vnies & gliffantes 

RATE at 159 & 

Que celles de la plufpart des 
autres cors font comme des 
branches d’arbres, & ont di- 
uerfes figures irregulieres.. 

Que ces branches, eftant ioin- 
tes ou entrelacées, compo- 
lentrdesicors durs FEEPEPEE 

Que, lorfqu’elles ne font point 
ainfi entrelacées, ny fi grof- 
fes qu'elles ne puiflent eftre 
agitées par la matiere fubtile, 
elles compofent des huiles 
OUNAE AA RTE EMEA 

Que cete matiere fubtile ne 
cefle iamais de fe mouuoir. 


159 


160 


Qu’elle fe meut ordinairement 
plus vifte contre la terre que 
vers les nues, vers l’equateur 
que vers les poles, l’efté que 
l'hyuer, & le iour que la 

160 

Qu'elle eft compofée dé parties 
INÉBAlES RER 

Que les plus petites de Fe par- 
ties ont le moins de force 
pour mouuoir les autres 


160 


160 
Que les moins petites fe trou- 
uent le plus aux lieux où elle 
EI IEIPIUS A SITÉC EEE PE 
Que ces moins petites ne peu- 
uent pañler au trauers de 
plufieurs cors. Et que cela 
rendices Cors froids. eu: 
Ce qu'on peut conceuoir pour 
le chaud. & pour le froid... 
Comment les cors durs peu- 
uent eftre efchaufez........ 
D'où vient que l’eau eft com- 


161 


161 


162 


162 


TABLE 


munement liquide, & com- 
ment le froid la rend dure. 
Comment la glace conferue 
toufiours fa froideur, mefme 
en efté. Et pourquoy elle 
ne s’amolift pas peu a peu 
commenlaicire, tee Fee 


Quelles font les parties des ef- 
prits ou eaux de vie........ 
Pourquoy l’eau s’enfle en fe 


Pourquoy elle s’enfle aufly en 


DES METEORES. 


162 


163 & 175 


163 


S'eIChAUTAN TE ee 
Pourquoy l’eau bouillie fe gele 
plutoft que l’autre......... 
Que les plus petites parties 
des cors ne doiuent point 
éftre conceuës comme des 
atomes, mais comme celles 
qu’on voit a l'œil, excepté 
qu’elles font incomparable- 
ment plus petites. Et qu'il 
. n’eft point befoin de rien re- 
ieter de la Philofophie ordi- 
naire pour entendre ce qui 
CIMÉNNCCMEANTE 7. 


Difcours Second. 


DES. VAPEURS ET DES EXHALAISONS. 


Comment le foleil fait monter 
en l’air plufieurs des petites 
parties des cors terreftres... 

Quelles font les vapeurs 

Quelles font les exhalaifons.. 

Qu'il monte en l'air beaucoup 
moins d’exhalaifons que de 
vapeurs 

Comment les plus groflieres 
exhalaifons fortent des cors 
terreftres ......... Don 0 pre 

Pourquoy l’eau, eftant con- 
uertie en vapeur, occupe in- 
comparablement plus d'ef- 
pace qu'auparauant........ 

Comment les mefmes vapeurs 
peuuent eftre plus ou moins 
OR Se AOC 

D'où vient qu’on fent quelque- 
fois en efté vne chaleur plus 
eftouffante que de couftume 

Comment les vapeurs font 
plus ou moins chaudes ou 
CCS HAE AE Arc 


165 
166 
166 


166 


166 


107 


Pourquoy l’haleine fe fent plus 
chaude, quand on foufHe 
ayant la bouche fort ouuerte, 
que fi on l’a prefque fer- 


Pourquoy les vens impetueux 
font toufiours froids ....... 
Comment les vapeurs font plus 
ou moins tranfparentes .... 
Pourquoy noftre haleine fe 
voit mieux l’hyuer que l’efté 
Que fouuent il y a dans l’air le 
plus de vapeurs, lorfqu'on 
lesivoitlemoins "7. 
Comment les mefmes vapeurs 
font plus ou moins humides 
ou feiches, Et comment vne 
mefme fe peut dire, en di- 
uers fens, plus feiche & plus 
humide qu’vne autre....... 
Quelles font les diuerfes na- 
tures des exhalaifons....... 
Comment elles fe demeflent & 
feparent des vapeurs....... 


00 


OEUVRES DE DESCARTES. 


Difcours Troifiefme. 


Quelle eft la nature de l’eau 
falée. Et que les parties de 
l'eau font telles qu'il a efté 
dit. Aout ee ROSES 

Pourquoy les cors mouillez 
d'eau font plus ayfez a fei- 
cher que ceux qui font 
motillezdihtile terre 

Pourquoy le fel a vn gout fi 
different de celuy de l’eau 
AOUCE NE RER PERTE RUE 

Pourquoy les chairs fe con- 
feruent eftant falées........ 

Pourquoy le fel les durcift ..… 

Pourquoy l'eau douce les cor- 
DOMPLE ee eR CA Re de 

Pourquoy l'eau falée eft plus 
pefante que l’eau douce... 

Pourquoy neanmoins le fel ne 
fe forme que fur la fuperficie 
dévlieaurdelañmenet##°rr 

Que les parties du fel commun 
font droites & efgalement 
grofles par les deux bouts.. 

Comment elles s’arrengent, 
eftant meflées auec celles de 
leautdouce "rte eee 

Que les parties de l’eau falée 
fe meuuent plus vifte que 
celles de l’eau douce....... 

Pourquoy le fel eft ayfement 
fondu par l'humidité. Et 
pourquoy en certaine quan- 
tité d’eau il ne s’en fond que 
iufques a certaine quantité. 

Pourquoy l’eau de la mer eft 
plus tranfparente que celle 
CESSER TO 


174 


NI 


17 


DIURSEE 


Pourquoy elle caufe des refra- 
ctions vn peu plus grandes. 
Pourquoy elle ne fe gele pas fi 
aylement. 2.0.0 er | 
Comment on peut faire geler 
de l’eau en efté auec du fel, 
CCPOUTUOYE EC ECC 
Pourquoy le fel eft fort fixe, & 
l’eau douce fort volatile... 
Pourquoy l’eau de la mer s’a- 
doucift en paflant au trauers 
dusfable NEA PEPETEREE 
Pourquoy l’eau des fontaines 
& des riuieres eft douce... 
Pourquoy les riuieres entrant 
dans la mer ne l’empefchent 
point d’eitre falée, ny ne la 
rendent plus grande....... 
Pourquoy la mer eft plus falée 
vers l’equateur que vers les 
POlES:47. 2er ER EPA 
D'où vient que l’eau de la mer 
eft moins propre a efteindre 
les embrafemens que celle 
IdES TIUIETES 4 NANTES PRNES 
D'où vient qu'elle eftincelle la 
nuit, eftant agitée... ....... 
Pourquoy ny la faumure, ny 
l’eau de mer qui eft trouble 
& corrompue, n'eftincellent 
pointientcetenonte "Pre 
Pourquoy l’eau de la mer eftin- 
celle plus, quand ïl fait 
chaud, que quand il fait 
TOI: LEE CRAN AERER 
Pourquoy toutes fes vagues, 
ny toutes fes gouttes, n’eftin- 
cellent pas efgalement..... 


27) 


180 


180 


180 


181 


181 


TABLE DES 


Pourquoy on retient l’eau en 
des fofles au bord de la mer, 
pouriairele ele 7e 

Pourquoy il ne s’en fait qu’en 
temsichaud’& fec.s "1.20 

Pourquoy la fuperficie des li- 
queurs eft fort vnie........ 

Pourquoyla fuperficie de l’eau 
eft plus malayfée a diuifer 
QUeleTdEdans nee 

Comment les parties du fel 
vienent floter au deflus de 
Rennes eu ee 182 & 

Pourquoy la baze de chafque 
grain de fel eft quarrée..... 

Pourquoy cete baze quarrée 
paroift a l’œil toute plate, & 
neanmoins eft vn peu cour- 


Comment le refte de chafque 
grain de fel fe baftit fur cete 
Pourquoy ces font 
CreuraumiItEUtL EC "V2. 
Pourquoy leur fuperieure par- 
tie eft plus large que leur 


grains 


Que c’eft qui peut rendre leur 
baze plus grande ou plus 


Pourquoy le fel va quelque- 
fois au fonds de l'eau, fans 
fe former en grains au deffus 

Ce qui fait que le tallu des 


Difcours 


DES 


Quelcefiqueleivent.. #11: 
Comment il fe fait en vne 
Æolipile 


METEORES. 


4 coftés de chafque grain eft 
plus ou moins grand. Et 
pourquoy ils font quelque- 
foisten elchelonsm Pere 
Pourquoy les querres de ces 
quatre coftés ne font ny fort 
ayguës, ny fort vnies. Et 
pourquoy les grains de fel 
s'y fendent plus qu'ailleurs. 
Pourquoy la concauité de chaf- 
que grain eft plutoft ronde 
QUEIQUANTÉES FE EP PL ES 
Pourquoy ces grains, eftant 
entiers, petillent dans le feu, 
& ne petillent point eftant 
DIEZ LES Are 
D'où vient l’odeur du fel blanc, 
& la couleur du fel noir... 
Pourquoy le fel eft friable. ... 
Pourquoy il eft blanc ou tranf- 
PATENT PET es ne 
Pourquoy il fe fond plus ayfe- 
ment, eftant entier, qu’eftant 
puluerté Sleiché Fee 0 
D'où vient la grande diffe- 
rence qui eft entre fes par- 
ties & celles de l’eau douce. 
Pourquoy les vnes & les au- 
tres lontrondes 000.7 


ODA RR. nn ESC ARE 
Pourquoy cete huyle a vn 
gouft aigre, qui differe fort 
de celuy du fel 


Quatriefme. 


VIENS: 


Comment il fe fait en l’air. Et 
en quoy il differe de celuy 
d'yneÆolipiler.. 4... 


OI 


186 


86 


186 


502 


Que ce font principalement les 
vapeurs qui caufent les vens, 
mais non pas elles feules qui 
lesICOMPOIEN TEE EEE 

Pourquoy la caufe des vens 
doit eftre attribuée aux va- 
peurs, & non pas aux exha- 
Jaïifons! sieur ete 

Pourquoy les vens orientaux 
font plus fecs que les oceci- 
dentaux HR ARRRCE 

Pourquoy c’eit principalement 
le matin que foufflent les 
vens d’'orient, & le foir que 
foufflent ceux d’occident... 

Que ce vent d'orient eft plus 
fort que celuy d’occident qui 
vient de la mefme caufe. ... 

Pourquoy le vent de nord 
fouffle plus le iour que la 


Pourquoy il fouffle plutoit de 
haut en bas que de bas en 
haut... Mr One 

Pourquoy il eft ordinairement 
plus violent que les autres. 

Pourquoy il eft fort froid & 
TOREEC fe At AR ETES 

Pourquoy le vent de midy re- 
gne plus la nuit que le iour. 

Pourquoy il vient de bas en 
HAUTE RE MAC RES MEME 

Pourquoy il eft ordinairement 
plus lent & plus foible que 
TES PATES PEER PRE 


MITA IT TIMES 
Pourquoy, vers le mois de 
Mars, les vens font plus 
fecs qu’en aucune autre fai- 
LORS EAP EE Re DE 10% 
Pourquoy les changemensd’air 
font aufly alors plus fubits 
Coplusirequens ere rer 
Quels font les vens que les 


192 


OEUVRES DE DESCARTES. 


anciens nommoient les Or- 
MITRIES PAPE MD RE 
Quels font les Etefies........ 
Comment la difference qui eft 
entre la mer & la terre contri- 
buëé a la production des vens. 
Pourquoy fouuent, aux bords 
de la mer, le vent vient, le 
iour, du cofté de l’eau, &, la 
nuit, du cofté de la terre... 
Pourquoy les Ardans condui- 
: fent les voyafgeurs vers les 
EAU UT A LE CARRE 4 
Pourquoy les vens changent 
fouuent, aux coftes de la 
mer, auec fes flus & reflus.. 
Pourquoy les mefmes tem- 
peftes ont couftume d’eftre 
plus violentes fur mer que 
TURITERTE. SEE MERE REER 
Comment vn mefme vent peut 
eftre fec en vn païs, & hu- 
mide (en autre "#00 
Pourquoy les vens de midy 
_ font plus fecs en Egipte. Et 
pourquoy il n'y pleut que 
rarement. ++ "hr EE 
Comment & combien les aîtres 
contribuent a la produétion 
des Meteores #2 /FeeRLPrRRE 
Comment y contribuë auily la 
diuerfité qui eft entre les 
parties de la terre... ... Ho 
D'où vient l’irregularité & la 
multitude des vens particu- 
liers, & combien il eft diff- 
cile de les ipredire terre . 
Que les vens generaux font 
plus aifez a predire. Et pour- 
. quoy il y en a moins d’irre- 
guliers au milieu des grandes 
mers que vers lalterre.. 


- Que la plufpart des change- 


mens de l’air dependent des 


198 
198 


199 


200 


200 


200 


201 


201 


201 


er. « 


TABLE DES METEORES. 


Comment l'air ne laifle pas 
d’eftre quelquefois froid ou 
fec, lorfqu’il fouffle vn vent 
qui eft chaud ou humide... 


202 


Que le cours que prenent les 
vapeurs dans la terre con- 
tribuë auffy aux changemens 


Difcours Cinquiefme. 


DES NUES: 


Quelle difference il y a entre 
les nues, les vapeurs & les 
Browse ER de 

Que les nues ne font compo- 
fées que de gouttes d’eau ou 
de parcelles de glace....... 

Pourquoy les nuës ne font pas 
traniparentes ere 

Comment les vapeurs fe chan- 
gent en gouttes d’eau dans 
PÉSANTES EE Re ce 

Pourquoy ces gouttes font 
exactement rondes.... 204, 

Que c’eft qui rend ces gouttes 
ERONESONNpeTtITES Le -6 er 

Comment les vapeurs fe chan- 
gent en parcelles de glace 
dans leshnues::...... 206, 

D'où vient que ces parcelles 
de glace font quelquefois 
rondes &tranfparentes, quel- 
quefois longues & deliées, 
& quelquefois rondes & 
BIAnCHESS ARE MENT ANAL 

D'où vient que ces dernieres 
fontcouuertes de petits poils. 
Et que c’eft qui les rend plus 
grofles ou plus petites, & ces 
poils plus forts & plus courts, 
ou plus deliez & plus longs. 

Que le froid feul ne fuffit pas 
pour conuertir les vapeurs 
en eau ou en glace......... 

Quelles font les caufes qui 


203 


203 


203 


204 
205 


206 


207 


207 


aflemblent les vapeurs en 


Quelles font les caufes qui les 
afflemblent en brouillas..... 
D'où vient qu'il y a plus de 
brouillas au printems qu'aux 
autres faifons, & plus aux 
lieux marefcageux ou mari- 
times, que loin des eaux ou 
lOHRTCNAN CET CPP EEE RNE 
Que les plus grans brouillas 
ou les plus grandes nues fe 
fônt par l’oppofition de deux 
OU PIUREUTS VERS. F0 
Que les gouttes d’eau ou par- 
celles de glace qui compo- 
fent les brouillas ne peuuent 
effre quertresipetitess 5. 
Qu'il ne peut y auoir de vent 
où font les brouillas, qu'il 
ne les diffipe promptement. 
Qu'il y a fouuent plufeurs 
nues l’vne fur l’autre; & 
plus aux païs de montaignes 
QUIAMIIENESE RARE 0 AS 
Que les hautes nues ne font or- 
dinairement compofées que 
de parcelles de glace. 210 & 
Que les vens preflent & polif- 
fent les fuperficies des nues, 
& les rendent plates ....... 
Que, ces fuperficies eftant pla- 
tes, les petits pelotons de 
glace qui les compoñfent s'y 


J07 


208 


208 


208 


209 


210 


s04 


arrengent en telle forte que 

chafcun en a fix autres qui 

Jéntironn En tTEEMAPPENEERE 211 
Comment deux vens prenent 

leur cours l’vn plus haut que 

l’autre, & poliflent les fuper- 

ficies du deffous & du def- 

[us IdESNUES FAT EEE 212 
Que les fuperficies du circuit 

des nues nefe poliffent point 

pour cela, & font ordinaire- 

ment fort irregulieres...... 213 
Commentil s'aflemble fouuent 

au deflous des nues plu- 

fieurs feuilles ou fuperficies 

compofées de parcelles de 

glace, chafcune defquelles 

eft enuironnée de fix autres. 213 


OEUVRES DE DESCARTES. 


Que fouuent ces feuilles ou fu- 
perficies fe meuuent fepare- 
ment l’vne de l’autre....... 

Qu'il peut y auoir des nuës 
qui ne foient compofées que 
dértelles feuilles eee 

Que les gouttes d’eau peuuent 
aufly s’arrenger, dans les 
nuës, en mefme façon que 
les parcelles de glace...... 

Comment quelquefois le cir- 
cuit des plus grandes nuës 
s’arondiift, & mefme peut fe 
couurir d’vne fuperficie de 
glace aflez efpaifle, fans que 
fa pefanteur les face tom- 
Der ti nee Pine 215 & 


Difcours Sixiefme. 


DE LA, NEIGE, DE LAYPEUIE. EI DE FA GRESEE® 


Comment les nuës fe foutie- 
nadon ARS LMG SG 820000 
Comment la chaleur, qui a 
couftume de rarefier les au- 
tres cors, condenfe les nuës. 217 
Comment les parcelles de 
glace, qui compoñfent les 
nuës, s’entaflent en diuers 
HOCCONSI EME ENPENEAIMEEEE 
Comment ces floccons fe grof- 
fiffent & tombent en neige, 
ou en pluie, ou en grefle..…. 
Pourquoy la grefle eft quel- 
quefois toute tranfparente & 
LoOUTeMONTEr AE ET EEE re 
Ou feulement vn peu plus plate 
d’vn cofté que d’autre. 218 & 223 
Comment fe fait la plus grofle 
grefle, qui eft d’ordinaire 
cornue & irreguliere....... 


216 


218 


218 


Pourquoy on fent quelquefois 
plus de chaleur qu’a l’ordi- 
naire dans les maifons..... 

Pourquoy la plus groffe grefle, 
eftant tranfparente en fa fu- 
perficie, eft toute blanche & 
compofée de neige au de- 
danser ERA PEERRRPERE 

D'où vient que cete grofle grefle 
ne tombe gueres que l’efté.…. 

Comment fe fait la grefle qui 
eft blanche comme du fucre. 

Pourquoy fes grains font quel- 
quefois aflez ronds, & plus 
durs en leurs fuperficies que 
vers leursiCentres hr 

Pourquoy ils font quelquefois 
pointus, & ont la figure d’vne 
pyramide ou d'vn pain de 
TS NS Hd qdio oc 6 0 


214 


214 


214 


281: 


219 


219 


219 


220 


TABLE DES METEORES. 


Comment les petites parties de 
la neige prenent la figure de 
roues ou eftoiles qui ont 
chafcune fix pointes ....... 

D'où vient qu'il tombe aufly 
quelquefois de petits grains 
de grefle tous tranfparens, 
qui ont autour de foy fix 
pointes toutes blanches..... 

D'où vient qu'il tombe aufly 
de petites lames  tranfpa- 
rentes, qui font hexagones.. 

Et d’autres qui femblent des 
rofes, ou des roues d'horo- 
loge, qui ont feulement fix 
dens - arondies en demi- 
CELGHE ER ma ee baie moe 6 

Pourquoy quelques vnes de 
ces roues ont vn petit point 
plane auimiieur ere te 

D'où vient qu’elles font quel- 
quefois jointes deux a deux 
par vn aiflieu ou vne petite 
colomne de glace. Et d'où 
vient que l’vne de celles qui 
font ainfi jointes eft quel- 
quefois plus grande que 
ARE D ts ave 

Pourquoyil tombe quelquefois 
de petites eftoiles de glace 
qui ont douze rayons.. 228, 

Pourquoy il en tombe aufly, 
bien que fort rarement, qui 
CORAN terne 

Pourquoy les vnes de ces 
eftoiles font blanches, & les 
autres tranfparentes. Et les 
rayons des vnes font courts 
& ronds en forme de dens; 
les autres longs & pointus, 


Œuvres. I. 


221 


223 


225 


228 


& fouuent diuifez en plu- 
fieurs branches, qui repre- 
fentent des plumes, ou des 
feuilles de fougere, ou des 
HEUTS AELYS EEE ERP PE TETE 
Comment ces eftoiles de glace 
defcendent des nues ....... 
Pourquoy, lorfqu'elles tom- 
bent en tems calme, elles ont 
couftume d’eftre fuiuies de 
plus de neige, mais que ce 
n’eft pas le mefme quand il 
AIT VENTE RARE Eee RE 
Comment la pluie defcend des 
nues. Et que c’eft qui rend 
fes gouttes groffes ou me- 


D'où vient qu'il commence 
quelquefois a pleuuoir,auant 
mefme que l'air foit couuert 
de QUES A PE PR AE 6e 

Comment les brouillas tom- 
bent en rozée ou gelée blan- 
che. Et que c’eft que le fe- 


D'où vienent la manne & les 
autres tels fucs. Et pourquoy 
quelques vns s'attachent a 
certains cors plutoit qu'a 
DATES ARE mt 

Pourquoy, fi les brouillars 
montent le matin & que la 
rozée ne tombe point, c’eft 
IENnENTEPME EEE 

Pourquoy, fi le foleil luit au 
matin lorfqu’il y a des nues 
en l'air, c'eft aufly figne de 
PLERRER ce 

Pourqüoy tous les fignes de 
pluie font incertains ....... 


235 


Le] 
LS 
ur 


$06 


ŒUVRES DE DESCARTES. 


Difcours Septiefme. 


DES TEMPESTES, DE LA FOUDRE ET DE TOUS LES AUTRES 
FEUX QUI S'ALLUMENT EN L'AIR: 


Comment les nues, en s'abaif- 


fant, peuuent caufer des vens 
IORAMPENEUXE REP ERE 
D'où vient que les fortes pluies 
font fouuent precedées par 
Vnitelivent Retee e rer e 
Pourquoy les hirondelles vo- 
lent fort bas auant la pluie.. 
D'où vient qu’on voit quelque- 
fois tournoyer les cendres 
ou les feftus au coin du feu 
dans les cheminées ........ 
Comment fe font les tempeites 


nommées des trauades..... 2 


Comment s'engendrent ces 
feux qui s'attachent aux mats 
de nauires fur la fin des 
grandes tempeftes.......... 

Pourquoy les anciens, voyant 
deux de ces feux, les pre- 
noient pour vn bon augure; 
&, en voyant vn ou trois, 
pour vn mauuais........... 

Pourquoy on en voit mainte- 
nant quelquefois iufques a 
4 ou 5 fur vn mefme vaif- 


Quelle eft la caufe du ton- 
HÉLREN EAN ERU NT RTEINRRES 
Pourquoy il tonne plus rare- 
ment l'hyuer que l’efté..... 
Pourquoy,lorfqu’apres vn vent 
feptentrional on fentvne cha- 
leur moite & eftoufante, c’eft 
hgne destonnerre "rer 
Pourquoy le bruit du tonnerre 


K, 


239 


240 


240 


241 


241 


eft fort grand, & d’où vie- 
nent toutes. les differences 
qu’on y remarque........,. 
En quoy confiftent les diffe- 
rences des efclairs, des tour- 
billons & de la foudre. Et 
comment s’engendrent les 


efclairs . LR APE ITEES 
Pourquoy il efclaire quelque- 
fois fans qu’il tonne, ny 
. qu'on voye de nues en l’air. 
Et pourquoy il tonne quel- 
quefois fans qu'il efclaire... 
Comment s'engendrent les 
tour billons CERPPREREEEERRE 
Comment s’engendre la fou- 
AT See + Fee ACCRA 


D'où vient que la foudre peut 
brufler les habits fans nuire 
au cors, où au contraire 
fondre l’efpée fans gafter 
le fourreau, & chofes fem- 
Dlables >... 627 00 TRRUReeS 

Comment la matiere de la 
foudre fe peut conuertir en 
ME Pine PAPE ER CEE 

Pourquoy elle tombe plutoft 
fur les pointes des tours ou 
des rochers que fur les lieux 


Pourquoy chafque coup de 
tonnerre eft fouuent fuiui 
d'vne ondée de pluie. Et 
pourquoyle tonnerre fe paile 
lorfque cete pluie vient fort 
APONdANTE FC PE ER EE 


241 


242 


243 


243 


244 


244 


245 


TABLE 


Pourquoy le bruit des cloches 
ou des canons diminue la 
force duiténnerre- 127 

Comment s'engendrent les 
eftoiles ou boules de feu, 
qui tombent quelquefois du 
ciel, fans tonnerre ny pluie. 

Comment il peut quelquefois 
pleuuoir du lait, du fang, 
du fer, des pierres ou chofes 
lemblablesies rem 

Comment s'engendrent les ef- 
toiles de feu qui femblenttra- 
uerfer le ciel. Et les ardans 
qui errent proche de la terre. 
Et les feux qui s’attachent 
aux crins des cheuaux ou 
aux pointes des piques..... 

Pourquoy ces feux ont fort 
peu de force. Et pourquoy, 


DES METEORES. 


245 


246 


246 


au contraire, celuy de la 
foudre en a beaucoup...... 
Que les feux qui s’engendrent 
au bas de l’air peuuent du- 
rer aflez longtems, mais que 
ceux qui s’engendrent plus 
haut fe doiuent efteindre fort 
promptement. Et que, par 
confequent, ny les Cometes, 
ny les Cheurons, qui fem- 
blent de feu, ne font point 
dertelsifeuxeeerete rer 
Comment on peut voir des lu- 
mieres & des mouuemens 
dans les nues qui reprefen- 
tent des combats, & foient 
pris par le peuple pour des 
PEOdIBES RE EEE À 
Comment on peut aufly voir le 
foleil pendant la nuit. 249 & 


Difcours Huitiefme. 


DIEMEAR C-EN=CTET,: 


Que ce n’eft point dans les va- 
peurs, ny dans les nues, 
mais® feulement dans les 
gouttes de la pluie que fe 
forme l’arc-en-ciel......... 

Comment on peut confiderer 
ce qui le caufe dans vne 
fiole de verre toute ronde & 
PME EEE EEE 7 

Que l'interieur eft caufé par 
des rayons qui paruienent a 
l'œil apres deux refractions 
& vne reflexion ; & l'exte- 
rieur par des rayons qui n'y 
paruienent qu'apres deux 
refractions & 2 reflexions, ce 
qui le rend plus foible que 
HEUEEe 7. Le NU IOUt 


250 


Comment, par le moyen d’vn 
prifme ou triangle de criftal, 
on voit les mefmes couleurs 
qu'entliarc-en-ciel ARE" 

Que ny la figure des cors tranf- 
parens, ny la reflexion des 
rayons, ny la pluralité de 
leurs refractions ne feruent 
point a la production de ces 
COUICUIS EE MA AA M. 7: 

Que rien n'y fert qu'vne re- 
fraction, & la lumiere, & 
l’ombre qui limite cete lu- 
ACTOR EP at 

D'où vient la diuerfité qui eft 
ÉNTCNCESACOUIEUTS JM. 

En quoy confifte la nature du 
rouge & celle du iaune, 


97 


254 


[e1 
un 
u\ 


256 


256 


08 


qu'on voit par le moyen de 
ce prifme de criftal; & en 
quoy celle du verd & celle 


OEuvres DE DESCARTES. 


Que, l’eau eftant chaude, fa 
refraction eft vn peu moin- 
dre, & qu’elle caufe l’arc in- 


267 
268 


269 


269 


du’bleus FREE ARENS QRRS 259 terieur vn peu plus grand 
Comment il fe mefle de l’in- & l'exterieur plus petit que 
carnat auec ce bleu, qui en lorfqu’elle eft froide ....... 
compoñfe du violet......... 259 Comment on demontftre que la 
En quoy confifte la nature des refraétion de l’eau a l’air eft 
couleurs que font paroiftre a-peu prés comme 187 à 250. 
les autres obiets; & qu’il n'y Et que le demi-diametre de 
en a point de faufles ....... 260 l’arc-en-ciel ne peut eftre de 
Commentfont produites celles 45 degreze ANUS TEE 
de l’arc-en-ciel. Et comment Pourquoy c’eft la partie exte- 
il s’y trouue de l'ombre qui rieure de l’arc interieur qui 
limite laltimieret "#20 261 eft rouge, & l’interieure de 
Pourquoy le demi-diametre de JERTETIEUR MISERERE 
l'arc interieur ne doit point Comment il peut arriuer que 
eftre plus grand que de 42 cet arc ne foit pas exacte- 
degrez; ny celuy de l’exte- mention APE EANERPEEES 
rieur plus petit que de 51... 262 Comment il peut paroiftre 
Pourquoy le premier eft plus TENUERNE Se Re EE 
limité en fa fuperficie exte- Comment il en peut paroiftre 
rieure qu’en l'interieure; & trois l’vn fur l’autre. ...... 
le fecond tout au contraire.. 262 Comment on peut faire paroi- . 
Comment tout cecy fe demon- ftre des fignes dans le ciel 
Ître exactement par le calcul. 262 qui femblent des prodiges.. 
Difcours Neufiefme. 4 


DE LA COULEUR DES NUES; 
ET DES CERCLES OU COURONNES QU'ON VOIT 
QUELQUEFOIS AUTOUR DES ASTRES-: 


Que c’eft qui fait paroiïftre les 


nuës blanches ou noires.... 271 


Pourquoy ny le verre pilé,ny la 
neige, ny les nues vn peu ef- 
paifles ne font tranfparentes. 

Quels font proprementles cors 
blancs. Et pourquoy l’ef- 
cume, le verre pilé, la neige 


272 


& les nues font blanches... 272 


Pourquoy, l’air eftant fort fe- 


rein, le ciel paroïft bleu. Et 
pourquoy il paroiïft blanc, 
quand l’air eft rempli de va- 


Pourquoy l’eau de la mer pa- 
roift bleue aux lieux où elle 
eft fort claire & fort pro- 
fonde. ..152 RCE 


TABLE DES METEORES. 


Pourquoy fouuent, lorfque le 
foleil fe couche ou fe leue, 
le ciel paroïft rouge........ 

Pourquoy, le matin, cete rou- 
geur du ciel prefage des vens 
ou de la pluie, &, le foir, 
elle prefage le beau tems 

Comment fe forment les cou- 
ronnes autour des aftres.... 

Qu'elles peuuent eftre de plu- 
fieurs grandeurs. Et que 
c'eft qui les rend grandes 
OUNREUTES AE DAT cn: 

Pourquoy, eftant colorées, 
elles font rouges en dedans 
& bleues en dehors........ 

Pourquoy il en paroiïft quel- 
quefois deux l’vne autour de 
l’autre, & dontl'interieure eft 
lafmieuxipeinte. 4441.00 

Pourquoy elles ne paroillent 
point autour des aftres qui 
font fort bas vers l'horizon. 

Pourquoy leurs couleurs ne 
font pas fi viues que celles 
de l'arc-en-ciel. Et pour- 


quoy elles paroïflent plus 
fouuent que luy autour dela 
lune, & mefme fe voyent au- 
touridesteftoiles "#"#Fr-rerr 
Pourquoy d'ordinaire elles ne 
paroïflent que toutes blan- 
chés rs DE APREE Ten 
Pourquoy elles ne peuuent pa- 
roiftre en des gouttes d’eau, 
ainfi que l’arc-en-ciel...... 
Quelle eft la caufe des cou- 
ronnes qu'on voit quelque- 
fois autour des flambeaux.. 
D'où vient qu'on y voit aufly 
de grands rayons qui s’ef- 
tendent çà & là en lignes 
AFOITES PR NE AE à 
Pourquoy ces couronnes font 
ordinairement rouges en de- 
hors, & bleues ou blanches 
en dedans, au contraire de 
celles qu'on voit autour des 
ares RE ose 
Pourquoy les refractions de 
l'œil ne nous font point touf- 
iours voir des couleurs..... 


Difcours Dernier. 


DEVLAPPARITIONLDE PLUSIEURS" SOLEILS. 


Comment fe forment les nues 
qui font paroïiftre plufieurs 
foleils 

Qu'il fe fait comme un anneau 
de glace autour de ces nues, 
dont la fuperficie eft aflez 
polie 

Que cete glace eft ordinaire- 
ment plusefpaifle verslecofté 


DOM) CIONOIO CROIC COIN OI OO 


281 


282 


du foleil que vers les autres. 282 


Que c'eft qui la foutient au 


Hautddelains Net 282 


Que c’eit qui fait paroiftre 
quelquefois dans le ciel vn 
grand cercle blanc qui n’a 
aucun aftre pour fon centre. 

Comment on peut voir iufques 
a fix foleils dans ce cercle 
blanc : le premier directe- 
ment; les deux fuiuans par 
refraétion ; & les trois autres 
PARTEMEIONE eee 

Pourquoy ceux qu’on voit par 
refraétion ont, d'vn cofté, 


2 


279) 


279 


280 


283 


$ 10 


leurs bors peins de rouge, & 
de l’autre, de bleu......... 
Pourquoy les 3 autres ne font 
que blancs & ont peu d’efclat. 
D'où vient qu'on n'en voit 
quelquefois que 5; & quel- 
quefois que 4; & quelque- 
fois QUE (LOIS EEE TENTE 
Pourquoy, lorfqu’on n’en voit 
que trois, il ne paroift quel- 
quefois, au lieu du cercle 
blanc, qu’vne barre blanche 
quiles trauerfe "#7 "#""7N, 
Que le foleil, eftant plus haut 
ou. plus bas que ce cercle 
blanc, ne laiffe pas de paroi- 
ftre a mefme hauteur ...... 
Que cela le peut faire voir 
apres l’heure qu'il eft cou- 
ché, & auancer ou reculer de 
beaucoup l’ombre des horo- 
CES oo don Dobnodabur 
Comment on peut voir vn fep- 
tieme foleil au deffus ou au 
deflous des fix precedens... 
Comment on peut aufly en 
voir trois l’vn fur l’autre. Et 
pourquoy alors on n’a point 
couftume d’en voir d’autres 
RACONTER CET CEE 
Explication de quelques exem- 
ples de ces apparitions ; &, 
entre autres, de l’obferua- 


283 


283 


284 


286 


286 


OEUVRES DE DESCARTES. 


tion des cinq foleils qui ont 
paru a Rome, le 20 Mars 
TO2O PT PR Ne 287 


Pourquoy le fixiefme foleil n’a 


point paru en cete obferua- 


Pourquoy la partie du cercle 


blanc, la plus efloignée du 
foleil, y eft reprefentée plus 
grande qu’elle n’a pü eftre.. 290 


D'où vient que l'vn de ces fo- 


leils auoit vne grofle queuë 
de feu, qui changeoïit fou- 
uentde fiPuire re ere 291 


D'où vient qu'il paroiïfloit deux 


couronnes autour du princi- 
pal de ces foleils. Et d’où 
vient qu’il n’en paroïft pas 
toufiours de telles ......... 291 


Que le lieu de ces couronnes 


n’a rien de commun auec le 
lieu des foleils qu’on voit a 
cofté du principal.......... 292 


Que le foleil n’eft pas toufiours 


exactement le centre de ces 
couronnes. Et qu'il peut y 
en auoir deux, l’vne autour 
de l’autre, qui ayent diuers 
Cenres ere LEE 209 


Quelles peuuent eftre les cau- 


fes de toutes les autres ap- 
paritions extrordinaires qui 
appartienent aux Meteores. 293 


TABLE 


DESSMATIERES DEES 


GEOMETRIE 


Comment le calcul d’Arithme- 
tique fe rapporte aux opera- 
tions de Geometrie........ 

_ Comment fe font, Geometri- 
quement, la multiplication, 
la diuifion & l’extraétion de 
la racine quarrée........ Fe 

Comment on peut vfer de chif- 
fRESENIGEOMETIEN Ce 20 

Comment il faut venir aux 
Equations qui feruent a re- 


Quelles font les lignes courbes 
qu’on peut receuoir en Geo- 
ES CORRESP EE RATES 


a. Liure] Difcours Desc. 


foudre les problefmes...... 3 


Liure Premier. 


DES PROBLESMES QU'ON PEUT CONSTRUIRE 
SANS Y EMPLONER QUE DES CERCLES 
ET DES LIGNES DROITES. 


Quels fontles problefmesplans, 
& comment ils fe refoluent. 302 
Exemple tiré de Pappus...... 304 
Refponfe a la queftion de Pap- 
PUSCS TEE RTS Os D 
Comment on doit poier les 
termes pour venir a l'Equa- 
tion en cet exemple........ 
Comment on trouue que ce 
problefme eft plan, lorfqu'il 
n’eft point propoié en plus 
dPIPRES Near Nat 5 


Liure* Second. 


DE LA NATURE DES LIGNES COURBES. 


La façon de diftinguer toutes 
ces lignes courbes en cer- 
tains genres, & de connoiftre 


$12 OŒEuvREs DE DESCARTES. 


le rapport qu'ont tous leurs 
poins a ceux des lignes 
TOITS PANNE RENE EEE 319 
Suite de l'explication de la 
queftion de Pappus mife au 
JIurelPLecE ENTER TERE 323 
Solution de cete queftion, 
quand elle n’eft propoiée 


QU'énMNOUAIENES SRE EEE 324 
Demonftration de cete folu- 
TON LEE TRES MEME 332 


Quels font les lieux plans & 
folides, & la façon de les 
(TOUTIENMOUS FF EE RREE 334 

Quelle eft la premiere & la plus 
fimple de toutes les lignes 
courbes qui feruent a la 
queftion des anciens, quand 
elle eft propofée en cinq li- 
NÉS ET E uitte PERTE 255 

Quelles fontles lignes courbes, 
qu'on defcrit en trouuant 
plufieurs de leurs poins, qui 
peuuent eftre receuës en 
GeDmeETIe PP MEr APERS 340 

Quelles font aufly celles qu’on 
defcrit auec vne chorde, qui 
peuuent y eftre receuës..... 340 

Que, pour trouuer toutes les 
proprietez des lignes cour- 
bes, il fuffit de fçauoir le 
rapport qu'ont tous leurs 
poins a ceux des lignes droi- 
tes. Et la façon de tirer 
d’autres lignes qui les cou- 
pent en tous ces poins a an- 
ESCORT RUE ro 341 

Façon generale pour trouuer 
des lignes droites, qui coup- 
pent les courbes données, 


ou leurs contingentes, a an- 

glesidronts er tEent AC 342 
Exemple de cete operation en 

vne Ellipfe, & en vne Para- 


bole du fecond genre...... 343 
Autre exemple en vne Ouale 
duifecondisenre ter 344 


Exemple de la conftruétion de 
ce problefme en la Con- 


Explication de 4 nouueaux 
genres d'Ouales qui feruent 
a Optique PAAMENRE re 352 
Les proprietez de ces Ouales 
touchant les reflexions & les 


TEfTACHONS AP PEER ETEE 357 
Demontftration de ces proprie- 
ARTE MOOD a dc onc 360 


Comment on peut faire vn 
verre, autant conuexe ou 
concaue, en l’vne de fes 
fuperficies, qu'on voudra, 
qui raflemble a vn point 
donné tous les rayons qui 
vienent d’vn autre point 


Comment on en peut faire vn 
qui face le mefme, & que la 
conuexité de l’vne de fes fu- 
perficies ait la proportion 
donnée auec la conuexité ou 
concauité de l’autre........ 366 
Comment on peut rapporter 
tout ce qui a efté dit des li- 
gnes courbes, defcrites fur 
vne fuperficie plate, a celles 
qui fe defcriuent dans un 
efpace qui a 3 dimenfons, 
ou bien fur vne fuperficie 
courbe 7... AP RCRERIENTE 368 


De quelles lignes courbes on 
peut fe feruir en la conftru- 
étion de chafque problefme. 369 

Exemple touchant l'inuention 
de plufieurs moyenes pro- 
PORLONEllES RATE EE 370 

De la nature des Equations... 37 

Combien il peut y auoir de ra- 
cines en chafque Equation. 372 

Quelles font les fauffes racines. 372 

Comment on peut diminuër 
le nombre des dimenfions 
d'vne Equation, lorfqu’on 
connoift quelqu’vne- de fes 
HOT RASE MESSE ASE 372 

Comment on peut examiner fi 
quelque quantité donnée eft 
la valeur d’vne racine...... 373 

Combien il peut y auoir de 
vrayes racines en chaîque 
HUALONES. 0e LP 373 

Comment on fait queles fauffes 
racines deuienent vrayes, & 
lesvrayes faufles »......... 373 

Comment on peut augmenter 
ou diminuër les racines 
MMEREQUATONS Tr. 374 

Qu'en augmentant ainfi les 
vrayes racines, on diminuë 
les faufles, ou au contraire. 375 

Comment on peut ofter le fe- 
cond terme d'vne Equation. 376 

Commenton faitque les fauiles 

racines deuienent vrayes, 

fans que les vrayes deuie- 

HENDTIAMIES EM Race 377 


Œuvres. I. 


TABLE DE LA GEOMETRIE. $13 


Liure Troifiefme. 


DE LA CONSTRUCTION DES PROBLESMES SOLIDES 
OÙ PEUS QUE SOLIDES. 


Comment on fait que toutes 
les places d’vne Equation 
lONENTAMEMPILES EPP PEREEEE 378 
Comment on peut multiplier 
ou diuifer les racines d’vne 


: LL 
ÉQUATION MERE ET AT AN 379 

Comment on ofte les nombres 
rompus d’vne Equation.... 379 


Comment on rend la quantité 
connuë de l’vn des termes 
d’vne Equation efgale a telle 
AU MTONNEUTÉ 00 380 

Que les racines, tant vrayes 
que faufles, peuuent eftre 
reelles ou imaginaires...... 380 

La reduétion des Equations 
cubiques, lorfque le pro- 
bleue te plane eee tre 380 

La façon de diuifer vne Equa- 
tion par vn binome qui con- 
END EACINE SR EEE 381 

Quels problefmes font folides, 
lorfque l’Equation eft cubi- 


La reduétion des Equations 
qui ont quatre dimenfions, 
lorfque le problefme eft plan. 
Et quels font ceux qui font 


TONAES ALPEREENREENC NEE 383 
Exemple de l’vfage de ces re- 
AUÉTIORSE EEE ET 2, 387 


Regle generale pour reduire 
toutes les Equations qui pa- 
fent le quarré de quarré.... 389 

Façon generale pour conftruire 
tous les problefmes folides 


65 


14 OEUVRES DE 
reduits a vne Equation de 
trois ou quatre dimen- 
lONS Fe PRE PRE EREERTREE 

L'inuention de deux moyenes 
proportionelles= "PR eSP Pete € 

La diuifion de l'angle en 

i 396 

Que tous les problefmes fo- 
lides fe peuuent reduire a ces 
deuxconfiruetions ee" 

La façon d'exprimer la valeur 
de toutes les racines des 
Equations cubiques, & en 
fuite de toutes celles qui 


DESCARTES. 


ne montent que iufques au 
quarré de quarré.......... 
Pourquoy les problefmes fo- 
lides ne peuuent eftre con- 
ftruits fans les fetions coni- 
ques, ny ceux qui font plus 
compofés, fans quelques au- 
tres lignes plus compofées.. 4o1 
Façon generale pour conftruire 
tous les problefmes reduits a 
vne Equation qui n’a point 
plus de fix dimenfions...... 
L’inuention de quatre moyenes 
proportionelles............ 


FIN :. 


€ 


a. Après Les fautes de l'imprefjion, qui occupent une page, on lit : On 
trouuera auf]y en plufieurs endroits des diftinéions fort mal miles, et 
quantité d'autres fautes de peu d'importance : lefquelles on excufera faci- 
lement quand on fcaura que l'Autheur ne fait pas profeffion d'efire Gram- 
mairien, et que le Compofiteur dont le Libraire s'eft ferui n'entend pas 


vn mot de François. 


Par grace & priuilege du Roy tres chretien il eft permis a l’Autheur 
du liure intitulé Difcours de la Methode etc., plus la Dioptrique, les 
Meteores, et la Geometrie etc., de le faire imprimer en telle part que bon 
luy femblera dedans & dehors le royaume de France, & ce, pendant le 
terme de dix annees confequutiues, a conter du iour qu'il fera paracheué 

. d'imprimer, fans qu'aucun autre que le libraire qu’il aura choifi le puifle 
imprimer, ou faire imprimer, en tout ny en partie, fous quelque pretexte 
ou deguifement que ce puifle eftre, ny en vendre ou debiter d'autre im- 
preflion que de celle qui aura efté faite par fa permiflion, a peine de mil 
liures d'amande, confifcation de tous les exemplaires &c. Ainfi qu'il eft 
plus amplement declaré dans les lettres donnees a Paris le 4 iour de May 
1637, fignees par le Roy en fon confeil Ceberet, & fcellees du grand fceau 
de cire iaune fur fimple queuë. 

L’Autheur a permis a Ian Maire, marchand libraire a Leyde, d'im- 
primer le dit liure & de iouir du dit priuilege pour le tems et aux condi- 
tions entre eux accordées. 


Acheué d'imprimer le 8.iour de Luin 1637. 


De Staten Generael der vereenichde Nederlanden hebben gheconfen- 
teert, gheaccordeert ende gheoétroyeert, confenteren, accorderen ende 
oétroyeren by defen Ian Maire, Boeckvercooper woonende binnen Ley- 
den, dat hy voor den tijt van neghen naeftcomende jaren, alleene in defe 
vereenichde Nederlanden, geaflocieerde Lantfchappen ende Steden, fal 
mogen drucken, doen drucken, uytgeven ende vercoopen feecker boeck 
daer van den Titel is : Difcours de la Methode etc.plus la Dioptrique, les 
Meteores, et la Geometrie etc., verbiedende alle ende een yegelijck Inge- 
fetenen van defe landen, binnen den voorfz. tijt van neghen naeftromende 
jaren, het voorfz. Boeck int gheheel ofte deel nae te drucken, doen na- 
drucken, uytgheven, of vercoopen, ofte elders naegedruckt binnen defe 
Landen te brenghen om vercocht ofte ghebruyckt te worden, fonder con- 
fent van de voorfz. Ian Maire op verbeurte van alle de naeghedruckte 
exemplaren, ende daerenboven van een fomme van dryehondert Carolus 
guldens, tappliceren een derdendeel daer van, ten behoeve van den Of- 
cier die de Calangie doen fal, het tweede derdendeel ten behoeve van den 
Armen, ende het refterende derdendeel ten behoeve van der voorfz. lan 
Maire. Ghedaen in den Hage den xx December 1636. 


SCHOVENBORCH. 


Ter ordonnantie van de Hooghghemelte Heeren 
Statèn Generael, 


CORNELIS MUSCH. 


RENATI Des CanrnTre 
S'RMENC I M I NX 


PHILOSOPHIE: 


SEV 
DIS SP EIRT A T ro 
È DE 
ë MRES 1, H. 0:.D oO 


Rectè regendæ rationis , & veritatis in fcientiis 
inveftigande : 


DRROBENT.R EL CE, 


ENT 


PRE PADUNE, OR. A. 


Ex Gallico tranflata, & ab Audtore perleëta, variifque 
in locis emendata . 


Cachan alt dns are pt rt 6 527 RS PR SR 


4AMSTELODAMI, 


RE M 7 (LE ru 
Apud Lunovicum ELZEVIRIUM. 
Cl I3c xzriv. 

Cum Privuegiis. 


PRIVELEGE 


Lovïs, par la grace de Dieu Roy de France et de Navarre, à nos amés 
et feaux Con°’S les gens tenans nos cours de Parlement, Baillifs, Senes- 
chaux, Prevosts, luges, ou leurs Lieutenans, et autres nos juges et officiers 
quelconques, À chascun d'eux, ainsy qu'il appartiendra, salut. L'invention 
des Sciences et des Arts accompagnez de leurs demonstrations, et des 
moyens de les metre à execution, estant une production des Esprits qui 
sont plus excellens que le commun, a fait que les Princes et les Estats en 
ont tousiours receu les inventeurs avec toutes sortes de gratifications, 
afin que, ces choses introduites es lieux de leur obeissance, ils en de- 
vienent plus florissans. Ainsy nostre bien amé Des Cartes nous a 
fait remonstrer qu’il a par une longue estude rencontré et demonstré 
plusieurs choses utiles et belles, auparavant incognües dans les Sciences 
humaines, et concernant divers arts avec les moyens de les mettre en exe- 
cution. Toutes lesquelles choses il offre de baïller au publiq, en luy accor- 
dant qu’il puisse faire imprimer des traitez qu'il en a composez et compo- 
sera Cy apres,soît de theorie soit de pratique, separement et conjointement 
en telle part que bon luy semblera dedans ou dehors nostre Royaume, et 
par telles personnes qu'il voudra de nos sujets et autres, avec les defences 
accoustumées en cas pareil, Nous requerant humblement nos lettres a ce 
necessaires. À ces causes desirant gratifier ledit Des Cartes et faire cog- 
noistre que c'est à luy que le publiq a l'obligation de ses inventions, nous 
avons, par ces presantes, accordé, permis, voulons et nous plaist que ledit 
Des Cartes puisse faire et face imprimer toutes les œuvres qu'il a com- 
posées et qu'il composera touchant les sciences humaines, en tel nombre 
de traitez et de volumes que ce soit, separement et conjointement, en telle 
part que bon luy semblera, dedans et dehors nostre obeissance, par telles 
personnes qu'il voudra choisir de nos sujets ou autres. Et que pendant le 
terme de dix années consecutives à conter pour chascun volume ou traité 
du jour qu'il sera parachevé d'imprimer, mesme auparavant ce terme com- 
mencé, aucun ne puisse imprimer ou faire imprimer en tout ny en partie, 
sous quelque pretexte ou deguisement que ce puisse estre, aucune des 
œuvres dudit Des Cartes, que ceux de nos sujets ou autres ausquels 1l en 
aura donné la permission, ny personne en vendre et debiter d'autre im- 
pression que de celle qui aura esté faite par sa permission, & peine de 
Mille livres d'amande, confisquation de tous les exemplaires, despens, 
dommages et interests, applicables moitié aux pauvres et moitié au profit 
dudit Des Cartes. Si vous mandons et à chascun de vous enjoignons par 
ces presentes que du contenu en icelles vous faites, laissez et souffrez jouir 
et user pleinement et paisiblement ledit Des Cartes, faisant cesser tous 
troubles et empeschemens contraires. Et d'autant que de ces presentes on 
pourroit avoir affaire en plusieurs lieux, Nous voulons qu'au vidimus et 
extrait d'icelles deüment collationné par un de nos amez et feaux Con- 
seillers et Secretaires, foy soit adjoustée comme au present original. Car 
tel est nostre plaisir. Donné à Paris le III Tour de May milsix cens trente 
sept et de nostre regne le vingtiesme. 

Par le Roy en son Conseil 
Ceberet 
et scellé du grand seau de cire jaune 
sur simple queuë. 


INDEX’ 


MATERIARUM CONTENTARUM IN DISSERTATIONE DE METHODO 
RECTE UTENDI RATIONE & VERITATEM IN SCIENTIIS 
INVESTIGANDI. 


1. Variæ circa fcientias confi- 


do, ac in fpecie motüs 
derationes 


RO v ECS RER 1 cordis, & quarundam alia- 

2. Præcipuæ ïillius Methodi, rum ad Medicinam fpec- 
quam inveftigavit Autor, tantium perplexarum opi- 
MOBILIER ARE IUT 9 nionum enodatio ; tum, 

3. Quædam Moralis fcientiæ quæ fit inter noftram & 
regulæ, ex hac Methodo brutorum animam diffe- 
depromptes.- #1." 20 DOME dense 37, 38 

4. Rationes quibus exfiftentia 6. Quod requiri putet Autor, 
Dei &animæ humanæ pro- ad ulterius progrediendum 
batur, quæ funt Metaphy- in Naturæ perfcrutatione, 
ficæ fundamenta ........ 29 quam haétenus faétum fit: 

5. Quæftionum Phyficarum ab & .quæ rationes ipfum ad 

| Autore inveftigatarum or- fcribendum impulerint... 54 


INDEX 


MATERIARUM CONTENTARUM IN DIOPTRICA.. 


Capur I. De Lumine. 


1. Vifûs præftantia; & quan- 2. Sufficere naturam lucis con- 
tum nuper inventis per- 


cipere, ad omnes ejus pro- 
fpicillis adjuvetur ....... 71 prietates intelligendum.. 72 


1. Ces Zndex reproduisent les titres des sections, qui figurent en man- 
chettes sur les marges de l'édition originale, mais qui n'y seront pas réim- 
primés dans celle-ci. Comme il y a quelques variantes, nous les indi- 
querons ci-après, en désignant par I les leçons des Zndex, par M celles des 
manchettes. Les renvois sont faits aux numéros des sections. 

Mers. 2 Author M.— 3 depromtæ I. — 5 Authore M. — 6 Author M. 


» ° 5 


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Linge te, JUN ES 


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ANAL N EE LE 


a de 


20 


3. Quomodo radii ejus in in- 
ftanti à Sole ad nos perve- 
niant.. 1H LR CEc EU 

4. Quomodo ejus ope colo- 
res videantur, & quænam 
fit natura colorum in ge- 


5. Non opus efle fpeciebus in- 
tentionalibus ad eos vi- 
dendum, neque ut in ob- 
jeétis aliquid fit noftris 
lenfibus Mme FERRER 

6. Nos interdiu videre ope 
radiorum, qui ab objeétis 
in oculos noftros veniunt. 
Contrà feles noëtu videre 
ope radiorum, qui ab ip- 
forum oculis in objeéta 
TENUE ERP EEE CCE 

7. Quænam fit materia quæ 

radios tranfmittit; & quo- 

modo diverforum objecto- 
rum radii fimul in oculum 

ingredi poflint, aut, ad di- 

verfos oculos tendentes, 


1 
"> 


74 


7 


OŒEuvREs DE DESCARTES. 


per eundem aëris locum 
fine permixtione tranfire, 
aut ita ut alii non fint 
aliis impedimento; nec ab 
aëris fluiditate impedian- 
tur, nec à ventorum agi- 
tatione, nec à vitri aut 
aliorum ejufmodi pelluci- 
dorum corporum duritie; 
& qui fieri poffit ut nihi- 
lominus fint reéti..... 
8. Quid propriè fint ifti radii; 
& quomodo infiniti à fin- 
gulis illuminati corporis 
PunÉtis exeant. Peer : 
9. Quid fit corpus nigrum; 
quid album. Item, quid 
fit fpeculum, & quomodo 
fpecula, tam plana quàäm 
convexa, radios refleétant. 
In quo confiftat natura me- 
diorum colorum ........ 
Quomodo colorata cor- 
pora radios reflectant; & 
quid fit refraého ""7°P26 


10. 


Capur Il. De Refradione. 


. Quomodo fiat reflexio..... 
. Non efle necefle ut corpora 
mota aliquo momento hæ- 
reant in illis à quibus re- 
HEURE EPP EEE MEL TE 

3. Cur angulus reflexionis fit 
æqualis angulo incidentiæ 

4. Quantum motus pilæ infle- 
étatur, cùm linteum tra- 


W 


5. Etquantum, cùm in aquam 
INSCRIRE FE CEE 
6. Cur refraétio tanto fit ma- 
jor quanto incidentia eft 
obliquior; & nulla, cùm 
incidentia eft perpendicu- 


I, 3 : ad nos à Sole M. 


81 


85 


laris. Et cur aliquando 
bombardarum pilæ verfus 
aquam difplofæ in eam 
non poflint ingredi, fed 
verfus aërem refleétantur. 
7. Quantum radii refrangan- 
tur à pellucidis corpori- 
bus in quæ penetrant.... 
8. Quomodorefrattionum ma- 
gnitudinem metiri opor- 
téat:. 14 2 PU TERRES 
9. Radios faciliùs trajicere 
vitrum quàäm aquam, & 
aquam quàam aërem : & 
CURAIIAT PEER RARE 
10. Cur radiorum aquam fub- 


75, 76 


77 


80 


80 


86 


87 


88 


89 


INDEX DE LA DIOPTRIQUE. 


euntium refractio æqualis 
fit radiorum inde exeun- 
tium refractioni. Et cur id 
non fit univerfale in omni- 
bus pellucidis corporibus. 
11. Radios aliquando incur- 


go 


vari pole, nec tamén ex 
eodem pellucido corpore 


12. Quomodo fiat refractio in 
fingulis curvarum fuper- 
NCIeIMADUNEUS EE ee 


Capur III. De Oculo. 


1. Membranam, vulgô reti- 
nam diétam, nihil aliud 
effle quam nervum opti- 


2. Quales fint refractiones ab 
oculihumoribus produétæ 
3. In quem ufum pupilla 


91 


coarctetur & dilatetur. 92, 93 


4. Motum iftum pupillæ vo- 
JunTa RU MENECEP rer 
5. Humorem cryftallinum efle 
mufculi inftar, qui totius 
oculi figuram mutare po- 
teft; & filamenta, proce/f- 
Jus ciliares diéta, ïllius 
CHETENAINESS 2 Cu 


Capur IV. De Senfibus in genere. 


1. Animam fentire, non cor- 
pus ; idque quatenus eft 
in cerebro, non quà alia 
membra animat......... 

2. Ipfam nervorum ope fen- 

CURE MERE LS 
. Interiorem ïiftorum nervo- 
rum fubftantiam ex multis 
tenuiflimis capillamentis 
COMME METTRE - 

4. Eofdem efle nervos, qui 
fenfibus & qui motibus 
CNT one TIR 

5. Spiritus animales in ifto- 
rum nervorum membra- 


123 


95 


95 


95 


96 


nis contentos membra mo- 
vere; fubftantiam illorum 
internam fenfibus infer- 
vire; & quomodo ope ner- 
vorum fiat fenfus........ 
6. Ideas, quas fenfus externi 
in phantafiam mittunt,non 
effe imagines objectorum ; 
aut faltem opus non efle 
USINE 0e 
7. Diverfos motus tenuium 
uniufcujufque nervi capil- 
lamentorum fufficere ad 
diverfos fenfus producen- 
LT 00 0 mer 


Capur V. De Imaginibus quæ formantur in fundo oculi. 


1. Comparatio iftarum ima- 
ginum cum iis quæ in 
obfcuro cubiculo confpi- 
CURE A ee tone 

2. Explicatio iflarum imagi- 

Œuvres. I. 


99 


num in oculo animalis 
DONS des jus 
3. Hujus oculi figuram pauld 
longiorem efle reddendam, 
cm objeéta propinqua 

66 


90 


93 


93 


96 


97 


99 


IOI 


$22 


funt, quam cüm funt re- 
IE TARN ESS 101, 
4. Multos in hunc oculum 
radios ab unoquoque ob- 
jecti punéto ingredi ; om- 
nes illos qui ab eodem 
punéto procedunt, in fun- 
do oculi congregari de- 
bere circa idem punétum, 
figuramque fuam in hunc 
finem efle collocandam ; 
diverforum radiorum pun- 
éta ibidem in diverfis pun- 
étis congregari debere.... 
5. Quomodo colores videan- 
tur per chartam albam 
quæ eft in fundo ïftius 
oculi. Imagines quæ ibi 
formantur fimilitudinem 
objectorum referre ...... 
6. Quomodo pupillæ magni- 
tudo iflarum imaginum 
perfectioni inferviat...... 
7. Quomodo etiam eidem in- 
ferviat refractio quæ fit in 
oculo, & obftitura effet, fi 
major foret aut minor 
quèm reipfà eft....:. AE 
8. Quomodo internarumiftius 
oculi partium nigredo, & 
cubiculi obfcuritas in quo 
iftæ imagines confpiciun- 
tur, eidem etiam inferviat; 
cur nunquam adeo per- 
fe&æ fintin fuis extremi- 


102 


104 


106 


Œuvres DE DESCARTES. 


tatibus atque in medio; & 

quomodo intelligi debeat 

quod vulgù dicitur, vi/o- 

nem fieri per axem....... 
9. Amplitudinem pupillæ, dum 
colores vividiores facit, fi- 
guras minüs diftinctas red- 
dere, ac proinde medio- 
crem tantüm efle debere. 
Objeéta quæ funt, à latere 
illius ad cujus diftantiam 
oculus difpofitus eft, ab eo 
remotiora aut propiora, 
minüs diftinétè in eo re- 
præfentari quàäm fi æquali 
propè diftantià abeflent. 
Imagines iftas effe inver- 
fas, figurafque ïllarum 
mutari aut contrahi pro 
ratione diftantiæ aut fitûs 
objeétorum 
Imagines iftas perfectiores 
effe in oculo animalis vivi 
quäm mortui, & in oculo 
hominis quam bovis..... 
Illas quæ apparent ope 
lentis vitreæ in cubiculo 
obfeuro, ibi eodem modo 
atque in oculo formari, & 
in iis experimentum capi 
pofle multorum quæ hic 
dia confirmant..:.,2... 
Quomodo hæ imagines ab 
oculo in cerebrum tran- 
feant 


10. 


II. 


12. 


19 


Capur VI. De Vifione. 


1. Vifionem non fieri ope ima- 
ginum quæ ab oculis tran- 
feunt in cerebrum, fed ope 
motuum qui ipfas compo- 


2. Iftorum motuum vi percipi 


116 


lumen & colores; item fo- 
nos, fapores, titillationem 
GUAOIOTENT ARTE PREREES ; 
3. Cur ictus, in oculo accep- 
tus, efficiat ut veluti plu- 
rima confpiciantur lumi- 


108 


108 


110 


110 


114 


116 


INDEX DE LA DIOPTRIQUE. 


na; & in auribus, ut foni 
audiantur ; atque ita ea- 
dem vis diverfas fenfiones 
in diverfis organis produ- 


4. Cur,claulis paulo poft conf- 


peétum Solem oculis, va- 
rios colores videre videa- 


5. Cur aliquando diverti co- 


lores appareant in corpo- 
ribus tantüm pellucidis, fi- 
cutiniride tempore pluvio 


6. Senfum luminis majorem 


aut minorem efle, prout 
objetum propius aut re- 
_motius eft; item prout pu- 
pilla atque imago, quæ in 
oculi fundo depingitur, 
major aut minor eft...... 


7. Quomodo capillamentorum 


nervi optici multitudo vi- 
fionem diftinétam reddat. 


8. Cur prata, diverfiscoloribus 


variegata, eminus unius 
tantüm coloris appareant; 
& cur omnia corpora mi- 
nüs diftinétè eminus quam 
‘cominus confpiciantur, at- 
que imaginis magnitudo 
vifionem diftinétiorem red- 
SEUL Ji 0 VAS TRES 


9. Quomodo agnofcamus fi- 


10. 


11. 


tum objettiquod intuemur, 
aut ejus quod digito nobis 
eminus monftratur..,,.. 
Cur inverfio imaginis quæ 
fit in oculo non impediat 
ne objecta recta appareant ; 
& eur id quod duobus ocu- 
lis confpicitur, aut duabus 
manibus tangitur, nonideo 
duplex appareat...... He 
Quomodo motus, qui im- 
mutant oculi figuram, ef- 


119 


119 


120 


13 


14. 


17e 


19. 


ficiunt ut objetorüm di- 
ftantia deprehendatur.... 
Etiamfi motus ifti nobis 
infciis fiant, nos tamen 
quid fignificent agnofcere. 
Amborum oculorum con- 


— 


= 
LL 
(e] 


{piratio animadvertendæ . 


diftantiæ infervit, necnon 
unius oculi, fi loco fuo 
MONA EE FAN ET 
Quomodo diftinétio aut 
confufio figuræ, & majus 
aut minus lumen, efficiant 
ut diftantia animadverta- 


mur, præcedaneam cogni- 
tonem, ipforum diftantiæ 
meliùs dignofcendæ infer- 
vire; idemque fitum eff- 


objecti magnitudo & figura 
diénotcatuneer er S 
Cur nos aliquando vifus 
fallat, & phrenetici, aut 
qui dormiunt, putent fe 
videre quod non vident.. 
Cur aliquando objeéta du- 
plicia videantur, & tattus 
effciatut objeétum duplex 
cfemidéatun se. 
Cur ïéterici, aut qui per 
flavum vitrumconfpiciunt, 
omnia quæ vident flava 
efle judicent. Et quis fit 
locus & quo confpicitur 
objeétum per vitrum pla- 
num cujus fuperficies non 
funt parallelæ, & per vi- 
um concavum; curque 
tuncobjeëtum minusquàm 
fit appareat. Item, quis fit 
locus è quo per vitrum 
convexum videtur, & cur 


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129 


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ah. 


24 


ibi aliquando majus & re- 
motius, aliquando verd 
minus & propius appareat 
quäam revera fit, aut etiam 
inverfum. Denique, quis 
fit locus imaginum quæ 
confpiciuntur in fpeculis, 
tam planis quàm convexis 
aut concavis ; & cur ibi 
appareant reétæ aut inver- 
Îæ, majores aut minores, 
& propiores aut remo- 
tiores quàm funt ipfa ob- 
Ja Mt ERA RU 
Cur facile decipiamur in 
judicando de diftantià ; 
quomodoque probari pof- 
fit nos non folere diftan- 


20. 


Capur VII. De 


1. Tria in vifione efle confi- 
deranda : objeéta, organa 
interiora, & exteriora.... 

2. Quatuor tantüm ad vifio- 
nem perfectam reddendam 
MEUNIER EL ME 

3. Quomodo natura primo 
iftorum profpexerit, & quid 
fuperfit quod ars illi ad- 


4. Quod difcrimen fit inter 
juvenum & fenum oculos. 
5. Quomodo mederi oporteat 
myopum & fenum oculis. 
6. Inter multa vitra quæ illi 
rei infervire poflunt, facil- 
lima politu funt deligenda ; 
item, ea quæ meliùs efh- 
ciant ut objecta, à diverfis 
punétis manantia, videan- 
tur à totidem aliis diverfis 
punétis procedere....... ; 
7. Non opus effe alium hâc in 


128 


OEuvRESs DE DESCARTES. 


tiam 100 aut 200 pedibus 

majorem imaginari...... 
21. Cur Sol et Luna majores 
videantur, horizonti pro- 
ximi, quàam ab eo remoti; 
apparentemque objeéto- 
rum magnitudinem ex 
angulo vifionis non efle 
menfurandam........... 
Cur alba & luminofa ob- 
jeéta propiora & majora 
quàm funt appareant..... 


[E] 
Le 


23. Cur omnia corpora valde 
parva, aut valde remota, 
appareant rotunda....... 

24. Quomodoremotiones fiant 


in tabulis fecundüm Per- 
fpectivæ regulas delineatis 


modis vifionem perficiendi. 


re deletum habere quäm 
circumcirca, & cur....…. è 
8. Imaginum magnitudinem 
pendere tantüm ab obje- 
étorum diftantià, à loco 
ubi fe radii, qui in oculum 
ingrediuntur, decuflatim 
fecant, & ab ipforum re- 
fractione PÉEPEPEEE 137 & 
9. Refractionem non efle hic 
magnà confideratione di- 
gnam, ut nec objectorum 
acceflibilem diftantiam; & 
quid, ubi inacceflibilia 
funt, facere conveniat.... 


130 


131 


131 


132 


133 


139 


10. In quo confiftat inventio 


perfpicillorum pulicarium, 
unico vitro conftantium ; 
& quis fit illorum effectus. 
Augeri pofle imagines ef- 
ficiendo ut radii procul ab 
oculo decuflentur, ope tu- 
buli aquä pleni ; quantoque 


11. 


141 


longior eft ifte tubulus, 
tanto magis imagines au- 
gere, & idem præftare ac 
fi natura tanto longiorem 

OCHIUMMECITET PEN E REr 
12. Pupillam oculi obitare, 

tantum abeft ut adjuvet, 

cùm quis ejufmodi tubulo 

UÉCTUTE. 2 AE ra 
13. Necrefrattionem vitriquod 
aquam in tubulo continet, 
nec membranarum quibus 
humores oculi involvun- 
tur, ullà confideratione 
CHIENS AE ALT EE 
Idipfum æquè fieri pofle 
tubulo ab oculo feparato, 
atque conjunéto......... 
15. Quäâ in re confiftat inven- 

(OPEL ICOPURE AMEN EN 
16. Quomodo impediri poflit 

ne vis radiorum in oculos 
ingredientium nimis ma- 


14. 


17. Quomodo contrà impe- 
diri poflit, cm nimis de- 
bilis eft, & objeéta accefli- 
TANT PRES ET 

18. Et quomodo, cm accefli- 


141 


142 


142 


143 


144 


144 


145 


19. 


21. 


30 


24: 


INDEX DE LA DIOPTRIQUE. 25 


bilia funt & telefcopio uti- 
145 
Quanto majus pupillà fieri 
poflit horum confpicilio- 
rum orificium, & cur ma- 
jus fieri debeat....... cat 


. Objetorum acceflibilium 


caufà, non opus efle ita au- 
gere tubuli orificium..... 
Ad diminuendam radio- 
rum vim, cm utimur 
confpiciliis, præftare illo- 
rum orificium anguftius 
facere, quam id vitro co- 
lorato tegere. Et ad ïd 
anguftius reddendum, præ- 
ftare extrema vitri extrin- 
fecus tegere, quäm ntrin- 
LECUSÉA ER Re certe 


147 


147 


. Ad quid utile fit multa 
” objeéta eodem tempore vi- 


dere; & quid fieri opor- 
teat, ne eà re opus fit .... 
Ufu acquiri poile facilita- 
tem videndi objetta pro- 
pinqua aut remota....... 
Urde faétum fit ut Gym- 
nofophiftæ illæfo oculo So- 
lem intueri potuerint .... 149 


148 


149 


Caeur VIII. De figuris quas pellucida corpora requirunt ad detorquendos 
refraitione radios omnibus modis vifioni infervientibus. 


1. De quibus figuris hîc agen- 
(eo D SRE EPA EE 
2. Quid fit Ellipfis, & quo- 
modo fit defcribenda..... 
3. Demonftratio proprietatis 
Ellipfis in refractionibus. 
4. Nullis aliis adhibitis lineis 
præter circulos aut ellip- 
fes, poile fieri ut radii pa- 
ralleli in unum punétum 
coëant, aut ut ii qui ab 


149 


150 


eodem punéto prodeunt, 


paralleli evadant ........ 153 


5. Quomode fieri poflit ut ra- 


dii qui ab uno vitri latere 
funt paralleli, ab altero 
difgregentur tanquam fi 
omnes ab eodem punéto 
CRIFEM EE cles œele se sfele ste 


6. Quomodo fieri poilit ut, 


cm ab utroque latere funt 
paralleli, in minus fpa- 


520 


7. Quomodo 


tium ab uno quàm ab al- 
tero latere contrahantur. 
idem  obtineri 
queat, efficiendo præterea 
ut radii fint inverfi ...... 


8. Quà ratione fieri poflit ut 


omnes radii ab uno punéto 
procedentes in alio punéto 
CONPIÉPÉNIUT ee 


9. Et ut omnes ii qui ab ali- 


11. 


12. 


19: 


quo punéto exeunt, difgre- 
gentur quafi ab alio pun- 
to promanarent........ 
Et ut omnes ii qui difgre- 
gati funt quafi ad idem 
punétum tenderent, ite- 
rum difgregentur quafi ab 
eodem punéto prodirent.. 
Quid fit Hyperbola, & 
eam defcribendi modus... 
Demonitratio proprietatis 
Hyperbolæ quoad refraétio- 
ME da dodo so vbebLe 
Quomodo ex folis hyper- 
bolis & lineis rectis fieri 
poflint vitra, quæ radios 
omnibus iifdem modis 
mutent atque illi qui el- 
lipfibus & circulis con- 
(TANT ER ndeto nos mbor 

Etiamfi multæ aliæ figuræ 
fint quæ eofdem effectus 
producere queunt, nullas 
tamen præcedentibus ad 
confpicilia efle aptio- 
TES UE CES MI OAS 
Figuras, folis hyperbolis 
& lineis reétis conftantes, 
delineatu efle faciliores..…. 
Quæcunque fit vitri figura, 
non pofle id accuratè effi- 
cere ut radii, à diverfis 


155 


156 


156 


156 


160 


162 


166 


166 


20. Quomodo 


OEUVRES DE DESCARTES. 


punétis prodeuntes, in to- 
tidem aliis diverfis punétis 
CONgregentur............ 


17. Vitra hyperbolica omnium 


Optima efle in hunc finem. 


18. Radios à diverfis punétis 


procedentes magis difper- 
gi, vitro hyperbolico tra- 
jeéto, quàam elliptico ; 
quantoque ellipticum den- 
fius eft, tanto minùs, illud 
trajiciendo, difpergi...... 


19. Quantamcunque denfita- 


tem habeat, non pofle id 
imaginem, quam ifti radii 
pingunt, nifi quartà aut 
tertià parte minorem red- 
dere quäm faciat hyperbo- 
licum; & inæqualitatem 
tanto majorem efle, quan- 
to major eft vitri refraétio. 
Nullam vitro figuram dari 
pofle, quæ imaginem iftam 
majorem reddat hyperbo- 
licà, aut minorem ellip- 
CE RS NO D 080 00 0 b 0 
intelligendum 
fit, radios à diverfis punc- 
tis promanantes decuflari 
in primà fuperficie, quæ 
efficere poteft ut in toti- 
dem aliis diverfis punis 
congregentur ....... 


CC 


21. Vitra elliptica magis urere 


quam hyperbolica; & quo- 
modo metiri oporteat vim 
fpeculorum aut vitrorum 


168 


urentium. Nulla poffe fieri 


quæ lineà reétà urant in 
InfHinitÜMErE RER 


22, Minima vitra aut fpecula 


tot radios congregare ad 


173 


6 : ab (4près quarn) omis M, — 12 : quoad] quod ad M. — 12 : diverfis 
(après aliis) omis M. 


1. 


2. 


"> 


4. 


5e 


INDEX DE LA DIOPTRIQUE. 


urendum, in fpatio in quo 
eos congregant, atque ma- 
xima quæ figuras minimis 
iftis fimiles habent, in 
æquali fpatio; iftaque ma- 
xima nullam aliam præro- 
gativam habere quam eos 
in fpatio majori & remo- 
tiori congregandi, atque 
ita fpecula aut vitra valde 
parva fieri pofle, quæ ta- 
men magnam urendi vim 
habeant. Speculum com- 
burens cujus diameter non 
excedit 100-partem di- 


D310 


24. 


flantiæ ad quam radios 
congregat, non pofle effi- 
cere ut vehementiüs urant 
aut calefaciant quàm illi 
qui direétè à Sole proce- 
AUNCES EE ECEUEPPE EEE 060 
Vitra elliptica plures ex 
eodem punéto radios acci- 
pere pofle, ut eos poftea 
parallelos reddant, quäm 
ullius alterius figuræ .... 
Sæpe vitra hyperbolica el- 
lipticis efle præferenda, 
quûd uno tantundem at- 
que duobus effici poflit.…. 


Capur IX. Defcriptio Specillorum. 


Qualis eligenda fit perfpi- 
cillorum materia, & cür 
fere/femper fiat aliqua re- 
flexio in corporum pellu- 
cidorum fuperficie; cur- 
que reflexio ifta validior fit 
in cryftallo quàm in vitro. 

Defcriptio confpiciliorum 
quæ myopibus inferviunt, 
& iis qui tantüm eminus 
videre poffunt... ...... 5 

Cur fupponi poflit radios, 
à punéto fatis remoto pro- 
deuntes, efle quafi paral- 
lelos; & cur non fit ne- 
celle confpiciliorum, qui- 
bus utuntur fenes, figuram 
valde accuratam efle..... 

Quomodo perfpicilla puli- 
caria ex unico vitro fieri 
TÉDEAD Tee eee : 

Quid requiratur in telefco- 


180 


piis, ut fint perfecta...... 


6. Qualia itidem efle debeant 


perfpicilla pulicaria,utfint 


7. Ad his perfpicillis uten- 


dum, præftare alterum 
oculum velo aliquo ob- 
fcuro tegere, quàäm eum 
mufculorum ope claude- 
re. Utile quoque efle vifûs 
fui aciem antea debilitare, 
in loco valde obfcuro fe 
continendo; atque etiam 
imaginationem difpofitam 
habere quafi ad res valde 
remotas & obfcuras in- 
(Een LS EAP OOROESSR 


8. Qui fiat ut minüs antehac 


felices fuerint artifices, in 
accuratis telefcopiis con- 
ficiendis, quàäm in aliis 
PÉDIRIENHS A 27... 


VIII, 24 : tantumdem M. — IX, 8 : conficiendis omis M. 


Va 


174 


181 


186 


189 


€. 


528 OEUVRES DE DESCARTES. 


Carur X. De modo expoliendi vitra. 


1. Quomodo magnitudo re- 
fractionum vitri, quo uti 
volumus, fit invenienda. 191 

2. Quomodo inveniantur pun- 
ta urentia & vertex hy- 
perbolæ, cujus vitrum 
illud, cujus refractiones 
cognitæ funt, figuram æ- 
mulari debet; & quomo- 
do punétorum iftorum di- 
ftantia augeri aut minui 


3.-Quomodo hæc hyperbola 
fune defcribi. poilit, vel 
multorum punétorum in- 
VMÉNHONE PAPE CEE E CEE 194 

4. Quomodoinveniatur conus, 
in quo eadem hyperbola à 
plano axi parallelo fecetur. 195 

5. Quomodo, ope machinæ, 
uno duétu hæc hyperbola 
deICHIDI qUeAt ee CPR 196 


6. Alia machina, quæ iftius 
hyperbolæ figuram dat 
omni rei quæ eà ad vitra 
polienda indiget; & quo- 
modo illà fit utendum... 

7. Quid in vitris concavis & 
quid in convexis fpeciatim 
obfervandum fit......... 

8. Ordo obfervandus ad fe in 
iftorum vitrorum politurâ 
exercendum. Vitra con- 
vexa quæ longioribus te- 
lefcopiis inferviunt, accu- 
ratiùs cæteris efle po- 
lienda. Se reel 

9. Quænam fit præcipua per- 
fpicillorum pulicariumuti- 
li TASSE RRPSREE DOS BAS doc 

10. Quomodo fieri poflit ut 
duorum ejufdem vitri fu- 
perficierum centra direétè 
fibi invicem opponantur. 


INDEX 


MATERIARUM CONTENTARUM IN METEORIS. 


Careur I. De naturû terrefirium corporum. 


4. Quid Autor in hoc traéta- 
tu propoftum fibi habue- 
TAC ETES SOUS 207 
2. Argumentum primi capitis. 207 
3. Aquam, terram, aërem & 


2 : Primi capitis argumentum M. 


reliqua corpora quæ nos 
circumftant, ex variis par- 
ticulis componi. Poros 
effe in omnibus iftis cor- 
poribus fubtili quädam 


197 


203 


205 


205 


4. 


sé 


db* 


— 


1 


3 


INDEX DES METEORES. 


materià repletos. Particu- 
las aquæ effe longas, te- 
retes & læves. Aliorum 
corporum fere ornium 
particulas habere figuras 
irregulares, angulofas & 
ramorum inftar expanfas. 
Ex ïftiufmodi particulis 
fimul junéis & implexis 
corpora dura componi. 
Eafdem, fi non fint im- 
plexæ, nec tam craflæ quin 
à materià fubtili poflint 
agitari, oleum vel aërem 
COMPONELE ME 200, 
Hanc materiam fubtilem 
indefinenter moveri. Ip- 
fam folere celeriüs ferri 
juxta terram quäm prope 
nubes ; verfus Æquatorem 
quam verfus Polos; æftate 
quam hyeme; ac die quàm 
Ipfus etiam particulas efle 
inæquales. Quæ minores 
funt, minus virium habere 


209 


200 


ad alia corpora movenda. 210 


Crafliufculas præcipuè in- 
veniri in locis ubi maximè 


funt agitatæ. Illas multo- 
rum corporum meatus in- 
gredi non pofle; ideoque 
ifta corpora efle aliis fri- 
LIdIO AN re Eee EE Tone 


7. Quid fit calor & quid fri- 


gus. Quomodo corpora 
dura calefiant. Cur aqua 
liquida effe foleat, ac quo- 
modo frigore durefcat. 
Cur glacies eandem fem- 
per retineat frigiditatem 
& duritiem, quamdiu gla- 
cies eft, etiam in æftate, 
nec paulatim, ut cera, mol- 
A ee cue o à 


8. Quæ fint falium particulæ; 


quæ etiam fpirituum, five 
aquarum ardentium. Cur 
aqua rarefiat dum conge- 
latur, atque etiam dum 
incalefcit. Et cur ferve- 
faéta citius congeletur..…. 


9. Particulas, de quibus hic 


agimus, non efle indivifi- 
biles; nec in hoc traétatu 
quidquam negari eorum 
quæ in vulgari Philofo- 
phià traduntur.......... 


Capur Il. De vaporibus € exhalationibus. 


Quomodo vi Solis corpo- 
rum terreftrium particulæ 
nonnullæ furfum attollan- 
ALU a Ve SA Sert 

Quid fit vapor & quid exha- 
latio. Plures vapores quàäm 
exhalationes generari.Quo- 
modo crafliores exhalatio- 
nes ex corporibus terre- 
ftribus egrediantur...... 

Cur aqua in vaporem verfa 


214 


valde multum loci occupet. 216 


Œuvres. I. 


4. Quomodo ïiidem 


vapores 
magis aut minüs denfari 
poflint. Quare infolitus 
calor æftate interdum, 
aëre nubilo, fentiatur. Et 
quid vapores calidos aut 
frigidos reddat.......... 


5. Cur halitus calidior emit- 


tatur, ore valde aperto, 
quam propemodum clau- 
fo. Et cur majores venti 
femper frigidi fint....... 


29 


211 


213 


217 


AS 


6. Cur vapores interdum ma- 
gis, interdum minüs, ra- 
dios luminis obtundant. 
Cur halitus oris magis vi- 
deaturhyeme quam æftate. 
Plures vapores folere efle 
in aëre, cùm minimè vi- 
dentur, quam cüm viden- 


OEUVRES 


DE DESCARTES. 


ture ere Po édun ss aie) 
. Quo fenfu vapores alii aliis 
humidiores aut ficciores 
ENPOIIN EEE 
8. Quæ fint variæ exhalatio- 
num naturæ, & quomodo 
feipfas à vaporibus fegre- 
panteses 


pi 


soso eee se MAT 


Capur III, De fale. 


1. Quæ fit natura aquæ falfæ, 
& cur oleum ex corpo- 
ribus eo madefactis non 
tam facile egrediatur quàäm 


marina pellucidior fit flu- 

viatili, & paulo major in 

eà fiat luminis refraétio... 224 
5. Cur non tam facilè conge- 


aqua. nu b 0 EP) letur, & quomodo aqua, 
2.1CUur tanta fit in fapore dif- ope falis, in glaciem ver- 
ferentia inter falem & tatur, LP MMS EE 
aquam dulcem. Cur fal 6. Cur delle fal sbeati in 
carnium corruptionemim- vaporem, & aqua dulcis 
pediat, eafque duriores facillime:. SERRE 
reddat; cur verd aqua 7. Cur aqua maris arenà per- 
dulcis eas corrumpat. 223 colata dulcefcat, & aqua 

3. Cur aqua falfa gravior fit fontium & fluminum fit 
quam dulcis, & nihilomi- dulcis. Cur flumina in 
nus falis grana in aquæ mare fluentia ejus aquas 
marinæ fuperficie formen- nec dulciores, nec copio- 
tur. Particulas falis com- fiores reddant..... 0204220 
munis efle longas, rectas 8. Cur mare magis falfum fi, 

& in utraque extremitate verfus æquatorem quàäm 
æqualiter craflas ; quomo- VETIUS POlOS PERS ERTE 22/7 
doque difponantur inter 9. Cur aqua falfa minùs apta 
particulas aquæ dulcis; & fit incendiis exftinguendis 
majorem efle particularum quàm dulcis; & eur noëtu, 
agitationem, in aquà falfà, dum agitatur in mari, lu- 
quamun duc. -"e"r2re 20225 men emittat. Cur nec mu- 

4. Cur fal facilè humiditate ria, nec aqua maris diu in 
folvatur; & cur, in certà vafe fervata, fic luceat, & 
aquæ dulcis quantitate, cur non æqualiter omnes 
certa tantüm ejus quan- ejus guttæ fic luceant.... 227 
titas liquefcat. Cur aqua 10. Cur aqua in littore maris 

III, 4: paulld I. — 9 : extinguendis M. — muria] maria I M. — 10: 


litore I. 


CU 


11. 


12. 


14. 


151 


INDEX 


foflis quibufdam minimè 
profundis includatur ad 
falem conficiendum; & 
cur fal non fiat nifi Hi 
calido & ficco. 
Cur omnium ee 
fuperficies fit admodum 
lævis ; & cur aquæ fuper- 
ficies difficilius dividatur 
quam ejus interiores par- 
ÉES 5, sos. 
Quomodo falis particulæ 
in aquæ fuperficie hæ- 
reant.. 
Cur cujufque Fe grani 
bafis fit quadrata; & quo- 
modo bafisifta fit aliquan- 
tulum curva, quamvis 
plana videatur.... 
Quomodo integrum falis 
granum ifti bafi inædifce- 
tur. Cur fit quædam cavi- 
tas in medio iftorum gra- 
norum ; & cur eorum fu- 
perior pars latior fit quàm 
bafis ; & quid bafim reddat 
majorem vel minorem, 

Cur interdum particulæ 
falis aquæ fundum petant, 
priufquam in grana pof- 
fint concrefcere. Quomo- 
do quatuor latera cujufque 
grani, modù magis, modù 


O0 


DES METEORES. 


229 


229 


230 


231 


minüs inclinata & inæqua- 
lia reddantur. Cur com- 
miffuræ iftorum laterum 
non fint admodum accu- 
ratæ, faciliufque in ipfis 
quam alibi grana fran- 
gantur; & cur Cavitas, quæ 
in medio eft cujufque gra: 
ni,rotunda Tee 
quadrata..... 
Cur grana ifta in igne cre- 
pitent cm integra funt, 
confracta autem non cre- 
DOTE Pococonocendenne 
Unde oriatur Dir falis 
naturaliter albi, & color 
HIDE CRE 2 
Cur fal fit Hbiles album 
vel tranfparens; & cur fa- 
cilius liquefcat, cum gra- 
na ejus integra funt, quàm 
cum fuerunt confraéta & 
lentè ficcata. Cur ejus par- 
ticulæ minüs flexiles fint 
quam aquæ dulcis; & cur 
tam hæ quäm illæ teretes 
fines Most 
Quomodo oleum quod- 
dam, five potius aqua aci- 
diflima, ex fale extraha- 
tur. Et cur magna fit 
diflerentia inter faporem 
iftius aquæ acidæ & falis. 


Carut IV. De ventis. 


HAOQUITMITINENTUS NEC... 235 


2. 


Quomodo in Æolipylis ge- 
neretur.. 


ss 


3. Quomodoetiam in aëre fiat. 


Ventos præcipuè ex vapo- 
ribus oriri, fed non ex iis 


236 


folis componi. Et cur à 
vaporibus potiùs quàm ab 
exhalationibus oriantur.. 


4. Cur venti ab Oriente ficcio- 


res fint quàm ab Occi- 


.dente, & eur mane potif- 


II, 16 : cum] quum 1 M (de même 18, les deux fois). 


Nsti 


D) a)E) 


2 


9 
e) 


3 


12e 


fimum ab Oriente, ac vef- 
peri ab Occidente flent 
239 
5. Quod, cæteris paribus, venti 
ab Oriente fortiores fint 
quàam ab Occidente; & cur 
ventus Borealis fæpius flet 
de die quam de noéte, Cur 
potiùs tanquam ex cœlo 
verfus terram, quam ex 
terra furfum verfus; & eur 
cæteris foleat efle fortior, 
atque valde frigidus & 
fICCUS LISE METRE 240 
6. Cur ventus Aufitralis fæ- 
pius flet noëtu quam in- 
terdiu; & cur flet tanquam 
ex imo in altum. Cur fo- 
leat efle lentior cæteris & 
debilior, necnon calidus 
GUMIAUS EEE LR 242 
7. Cur, ineunte vere, venti 
fint ficciores, & tunc aëris 
mutationes magis fubita- 
neæ ac frequenter fiant... 
8. Qui fint venti ab antiquis 
Ornithiæ diéti. Et qui fint 
JTE MR OS nets 0 
9. Quid conferat terrarum & 
marium diverfitas ad ven- 
torum productionem. Et 
cur fæpe in locis mariti- 
mis interdiu flent venti à 
mari, & noctu à terrà. 


244 


OËEUVRES DE DESCARTES. 


Curque ignes fatui nou 
viatores ad aquas ducant. 


10. Cur fæpe venti in littore 


I 


maris cum ejus fluxu & 
refluxu mutentur. Et cur 
idem ventus fit multo va- 
lidior in mari quàam in 
terrà, foleatque in qui- 
bufdam regionibus effe 
ficcus, in aliis humidus. 
Cur in Ægypto ventus 
Meridionalis fit ficcus, & 
vix unquam pluat....... 

1. Quomodo &  quatenus 
Aftra conferant ad Meteo- 

ra producenda......." be 

2. Quid etiam ad ipfa confe- 
rant inæqualitates partium 
terræ. Undeque oriatur 
varietas ventorum parti- 
cularium, & quàam difficile 
fit iplos prædicere....... 

. Ventos generales facilius 
prænofci. Et cur minor in 
iis fit diverfitas, longifli- 
mè à littoribus in mari, 
quàm prope terram...... 
Omnes fere aëris mutatio- 
nes pendere à ventis. Cur 
que aër interdum fit fri- 
gidus & ficcus, flante vento 
humido & calido. Mutatio- 
nes aëris à motu vaporum 
intra terram etiam pendere 


ee) 


4 


Carur V. De nubibus. 


1. Quæ fitdifferentia inter nu- 
bem, nebulam & vapo- 
rem. Nubes conftare tan- 
tüm ex aquæ guttulis aut 


IV, 10 : litore I, — 13 litoribus I. 


[Le] 


particulis glacier; & eur 
non fint pellucidæ....... 
. Quomodo vapores in aquæ 
guttas vertantur. Et cur 


244 


245 


246 


246 


246 


ZT 


248 


2-4. DE MEruopo. 41 


Philofophorum, qui dicunt inter | accidentia fola, non autem inter 
formas fubflantiales individuorum ejufdem fpeciei, plus & minus 
reperiri. 

Sed profiteri non verebor me fingulari deputare felicitati, quôd 
à primis annis in eas cogitandi vias inciderim, per quas non difficile 
fuit pervenire ad cognitionem quarundam regularum five axioma- 
tum, quibus conftat Methodus, cujus ope gradatim augere fcien- 
tiam, illamque tandem, quam pro ingenii mei tenuitate & vitæ 
brevitate maximam fperare liceat, acquirere pofle confido. Jam 
enim ex eà tales fruétus percepi, ut quamvis de me ipfo fatis 
demiffè fentire confueverim ; & dum varias hominum curas oculo 
Philofophico intueor, vix ullæ unquam occurrant quæ non vanæ & 
inutiles videantur; non poflim quin dicam, me ex progreffu quem 
in veritatis indagatione jam fecifle arbitror, fummâ voluptate per- 
fundi ; talemque de ïis quæ mihi quærenda reftant fpem concepille, 
ut fi inter occupationes eorum qui meri homines funt, quædam folidè 
bona & feria detur, credere aufim illam eandem efle quam elegi. 

Me vero fortaile fallit opinio, nec aliud eft quam orichalcum & 
vitrum, quod pro auro & gemmis hic vendito. Novi quàm proclives 
fimus in errorem, cüm de nobis ipfis judicamus, & quàm fufpeéta 
etiam effe debeant amicorum teftimonia, cum nobis favent. Sed in 
hoc libello delclarare inftitui | quales vias in quærendä veritate 
fequutus fim, & vitam omnem meam tanquam in tabellà delineare; 
ut cuilibet ad reprehendendum pateat acceflus, & ipfe poft tabulam 
delitefcens liberas hominum voces in meï ipfius emendationem 
exaudiam, atque hunc adhuc difcendi modum, cæteris quibus uti 
foleo adjungam. 

Ne quis igitur putet me hîc traditurum aliquam Methodum, 
quam unufquifque fequi debeat ad rectè regendam rationem; illam 
enim tantüm quam ipfemet fequutus fum exponere decrevi. Qui 
aliis præcepta dare audent, hoc iplo oftendunt, fe fibi prudentiores 
iis quibus ea præfcribunt, videri; ideoque fi vel in minimä re fal- 
lantur, magnà reprehenfione digni funt. Cüm autem hîc nihil aliud 
promittam quam hiftoriæ, vel, fi malitis, fabulæ narrationem, qua 
inter nonnullas res, quas non inutile erit imitari, plures aliæ for- 
taffe erunt quæ fugiendæ videbuntur ; fpero illam aliquibus ita pro- 
futuram, ut nemini interim nocere poflit, & omnes aliquam inge- 
nuitati meæ gratiam fint habituri. 

Ab ineunte ætate ad literarum ftudia animum adjeci; & quoniam 
à præceptoribus audiebam illarum ope certam & evidentem co- 
gnitionem eorum omnium quæ ad vitam utilia funt acquiri pofle, 


s42 OEuvres DE DESCARTES. 46. 


incredibili defiderio difcendi flagrabam. Sed fimul ac illud ftudio- 
rum curriculum abfolvi, quo decurfo mos eft in eruditorum nume- 
rum cooptari, planè aliud cœpi cogitare. Tot enim me dubiis 
totque erroribus implicatum effe animadverti, ut omnes difcendi 
conatus nihil aliud mihi profuiffe judicarem, quàäm qudd ignoran- 
tiam meam magis magifque detexifflem. 

Attamen tunc | degebam in unà ex celeberrimis totius || Europæ 
fcholis, in quà, ficubi in univerfo terrarum orbe, doétos viros efle 
debere cogitabam. Omnibus iis quibus alii ibidem imbuebantur 
utcunque tinctus eram. Nec contentus fcientiis quas docebamur, 
libros de quibuflibet aliis magis curiofis atque à vulgo remotis 
tractantes, quotquot in manus meas inciderant evolveram. Aliorum 
etiam de me judicia audiebam, nec videbam me quoquam condi- 
fcipulorum inferiorem æftimari, quamvis jam ex eorum numero 
nonnulli ad præceptorum loca implenda deftinarentur. Ac denique 
hoc fæculum non minus floridum & bonorum ingeniorum ferax 
quam ullum præcedentium efle arbitrabar. Quæ omnia mihi auda- 
ciam dabant de aliis ex me judicandi, & credendi nullam in mundo 
fcientiam dari, illi parem cujus fpes facta mihi erat. 

Non tamen idcirco ftudia omnia, quibus operam dederam in fcho- 
lis, negligebam : fatebar enim linguarum peritiam quæ ibi acqui- 
ritur, ad veterum feripta intelligenda requiri; artificiofas fabularum 
narrationes ingenium quodammodo expolire & excitare ; cafus 
hifloriarum memorabiles animum ad magna fufcipienda impellere, 
& ipfas cum prudentià leétas non parum ad formandum judicium 
conferre ; omnem denique bonorum librorum leétionem eodem 
fere modo nobis prodeffe, ac fi familiari colloquio præftantiflimo- 
rum totius antiquitatis ingeniorum, quorum illi monumenta funt, 
uteremur : & quidem colloquio ita præmeditato, ut non nifi optimas 
& felectiflimas quafque ex fuis cogitationibus nobis declarent ; Elo- 
quentiam vires habere permagnas & ad ornatum vitæ multum con- 
ferre; Poëfñ nihil effe | amænius aut dulcius; multa in Mathema- 
ticis difciplinis haberi acutiflimè inuenta, quæque | cùm curiofos 
oblectant, tum etiam in operibus quibuflibet perficiendis, & artifi- 
cum labore minuendo plurimum juvant ; multa in fcriptis quæ de 
moribus traétant præcepta, multafque ad virtutem cohortationes 
utilifimas contineri ; Theologiam cœlo potiundi rationem docere; 
Philofophiam verifimiliter de omnibus diflerendi copiam dare, & 
non parvam fui admirationem apud fimpliciores excitare ; Jurifpru- 
dentiam, Medicinam, & fcientiarum reliquas, honores & divitias in 
cultores fuos congerere; nec omnino ullam effe, etiam ex maximè 


6-8. DE MErnono. 43 


fuperftitiofis & falfis, cui aliquam operam dediffle non fit utile, 
faltem ut poflimus quid valeant judicare, & non facilè ab ullà 
fallamur. 

Verüm jam fatis temporis linguarum ftudio, & lectioni librorum 
veterum, eorumque hiftoriis & fabulis me impendiffe arbitrabar. 
Idem enim fere eft agere cum viris prifci ævi, quod apud exteras 
gentes peregrinari. Expedit aliquid nofle de moribus aliorum po- 
pulorum, ut incorruptiüs de noftris judicemus ; nec quidquid ab 
iis abludit ftatim pro ridiculo atque inepto habeamus, ut folent ii 
qui nunquam ex natali folo difceflerunt. Sed qui nimis diu peregri- 
nañtur, tandem velut hofpites & extranei in patrià fiunt; quique 
nimis curiofe illa quæ olim apud veteres agebantur inveftigant, 
ignari eorum quæ nunc apud nos aguntur effe folent. Præterea 
fabulæ plurimas res, quæ fieri minimè pofflunt, | tanquam fi ali- 
quando contigiflent, repræfentant, invitantque nos hoc paéto vel 
ad ea fufcipienda quæ fupra vires, vel ad ea fperanda quæ fupra 
fortem noftram funt. Atque ipfæ etiam hiftoriæ, quantumwvis veræ, 
fi pretium rerum non augent nec immutant ut lectu digniores ha- 
beantur, earum faltem viliores & mi|nüs illuftres circumftantias 
omittunt : unde fit ut ea quæ narrant nunquam omnino qualia 
funt exhibeant, & qui fuam vivendi rationem ad illarum exempla 
componere nimium ftudent, proni fint in deliria antiquorum He- 
roum, & tantüum hyperbolica facta meditentur. 

Eloquentiam valde æftimabam, & non parvo Poëseos amore in- 
cendebar : fed utramque inter naturæ dona potiüs quàm inter dif- 
ciplinas numerabam. Qui ratione plurimum valent, quique ea quæ 
cogitant quam facillimo ordine difponunt, ut clarè & diftinétè intel- 
ligantur, aptiflimè femper ad perfuadendum dicere poffunt, etiamfi 
barbarâ tantum Gothorum linguâ uterentur, nec ullam unquam 
Rhetoricam didiciffent. Et qui ad ingeniofiflima figmenta excogi- 
tanda, eaque cum maximo ornatu & fuavitate exprimenda funt 
nati, optimi Poëtæ dicendi effent, etfi omnia Poëticæ Artis præcepta 
ignorarent. 

Mathematicis difciplinis præcipuè delectabar, 6b certitudinem 
atque evidentiam rationum quibus nituntur; fed nondum præci- 
puum earum ufum agnofcebam; &-cüûm ad artes tantüm Mechani- 
cas utiles effle mihi viderentur, mirabar fundamentis adeo firmis & 
folidis nihil præftantius fuifle fuperftruétum. Ut & contra veterum 
Ethnicorum moralia fcripta palatiis | fuperbis admodum & magni- 
ficis, fed arenæ tantüm aut cœno inædificatis, comparabam. Virtutes 
fummis laudibus in cœlum tollunt, eafque cæteris omnibus rebus 


ÿ 44 OŒEuvres DE DESCARTES. 8-0. 


longè anteponendas efle rectè contendunt; fed non fatis explicant 
quidnam pro virtute fit habendum, & fæpe quod tam illuftri no- 
mine dignantur, immanitas potius & durities, vel fuperbia, vel 
defperatio, vel parricidium dici debet. 

| Theologiam noftram reverebar, nec minüs quàäm quivis alius 
beatitudinis æternæ compos fieri exoptabam. Sed cüm pro certo 
atque explorato accepiffem, iter quod ad illam ducit doétis non 
magis patere quam indoétis, veritatefque à Deo revelatas humani 
ingenii captum excedere, verebar ne in temeritatis crimen incide- 
rem, fi illas imbecillæ rationis meæ examini fubjicerem. Et quicun- 
que iis recognofcendis atque interpretandis vacare audent, peculiari 
ad hoc Dei gratià indigere ac fupra vulgarium hominum fortem 
pofiti effe debere mihi videbantur. 

De Philofophià nihil dicam, nifi quod, cum fcirem illam à præ- 
flantiflimis omnium fæculorum ingeniis fuifle excultam, & nihil ta- 
men adhuc in eà reperiri, de quo non in utramque partem difpute- 
tur, hoc eft, quod non fit dubium & incertum, non tantum ingenio 
meo confidebam, ut aliquid in eà melius à me quàm à cæteris in- 
veniri poffe fperarem. Et cüm attenderem quot diverfæ de eadem 
re opiniones fæpe fint, quarum fingulæ à viris doétis defenduntur, 
& ex quibus tamen nunquam plus unâ vera effe poteft, quidquid ut 
probabile tantüm affertur propemodum pro falfo habendum effe 
exiftimabam. 

Quod ad cæteras fcientias, quoniam à Philofophiâ principia fua 
mutuantur, | nihil illas valde folidum & firmum tam inftabilibus 
fundamentis fuperftruere potuiffe arbitrabar. Nec gloria nec lucrum 

quod promittunt fatis apud me valebant, ut ad illarum cultum im- 
_pellerent. Nam lucrum quod attinet, non in eo me ftatu efle puta- 
bam, ut à fortunà cogerer liberales difciplinas in illiberalem ufum 
convertere. Gloriam ver etfi non planè ut Cynicus afpernari me pro- 
fiterer, illam tamen non magni faciebam, quæ | non nifi falfo nomine, 
hoc eft ob fcientiarum non verarum cognitionem, acquiri pofle 
videbatur. Ac denique jam fatis ex omnibus, etiam maximè vanis 
& falfis, déguftaffe me judicabam, ut facilè caverem ne me unquam 
vel Alchymiftæ promiffa, vel Aftrologi prædictiones, vel Magi im- 
pofturæ, vel cujuflibet alterius ex iis qui videri volunt ea fe fcire 
quæ ignorant, inanis jaétantia fallere poflet. 

Quapropter, ubi primüm mihi licuit per ætatem e præceptorum 
cuftodià exire, literarum ftudia prorfus reliqui. Captoque confilio 
nullam in pofterum quærendi fcientiam, nifi quam vel in me ipfo, 
vel in vafto mundi volumine poflem reperire, infequentes aliquot 


9-11. # DE Mernopo. 45 


annos variis peregrinationibus impendi. Atque interea temporis, 
exercitus, urbes aulafque exterorum Principum invifendo, cum ho- 
minibus diverforum morum & ordinis converfando, varia hinc inde 
experimenta colligendo, & me ipfum in diverfis fortunæ cafibus 
probando, fic ad omnia quæ in vita occurrebant attendebam, ut 
nihil ex quo eruditior fieri poffem mihi viderer omittere. Quippe 
multo plus veritatis inveniri arbitrabar, in iis ratiocinationibus 
quibus finguli homines ad fua negotia utuntur, & quorum malo 
fuccefflu | paulo poft puniri folent, quum non reéte judicarunt, 
quàm in iis quas doétor aliquis, otiofus in Mufæo fedens, excogitavit 
circa entia rationis, aut fimilia quæ ad ufum vitæ nihil juvant ; & 
ex quibus nihil aliud expectat, nifi fortè quod tanto plus inanis 
gloriæ fit habiturus, quà illæ à veritate ac fenfu communi erunt 
remotiores; quia nempe tanto plus ingenii atque induftriæ ad eas 
verifimiles reddendas debuerit impendere. Ac femper fcientiam 
verum à falfo dignofcendi fummo ftudio quærebam, ut re[&um iter 
vitæ clariüs viderem, & majori cum fecuritate perfequerer. 

Fateor tamen me vix quidquam certi didiciffe, quamdiu fic tan- 
tüm aliorum hominum mores confideravi; tot enim in iis prope- 
modum diverfitates animadvertebam, quot antea in opinionibus 
Philofophorum. Atque hunc tantüm fere fruétum ex iis percipie- 
bam, quôd cüm notarem multa efle, quæ licèt moribus noftris 
planè infolentia & ridicula videantur, communi tamen aflenfu apud 
quafdam alias gentes comprobantur, difcebam nihil nimis obftinatè 
effe credendum quod folum exemplum vel confuetudo perfuaferit. 
Et ita fenfim multis me erroribus liberabam, mentemque veris ra- 
tionibus agnofcendis aptiorem reddebam. Sed poftquam fic ali- 
quandiu quidnam in mundo ab aliis ageretur infpexifflem, & non- 
nulla inde experimenta collegiffem, femel etiam mihi propofui ferid 
me ipfum examinare, & omni ingenii vi quidnam à me optimum 
fieri poffet inquirere. Quod fælicius, | ut opinor, mihi fucceflit, quàm 
fi priùs nec à patrià, nec à fcholafticis ftudiis unquam receffiffem. 

Eram tunc in Germanià, qu me curiofitas videndi ejus belli, 
quod nondum hodie finitum eft, invitarat; & quum ab inaugura- 
tione Imperatoris verfus caftra reverterer, hÿemandum fortè mihi 
fuit in quodam loco, ubi quia nullos habebam cum quibus libenter 
colloquerer, & profpero quodam fato omnibus curis liber eram, 
totos dies folus in hypocaufto morabar, ibique variis meditationi- 
bus placidiffimè vacabam. Et inter cætera, primum fere quod mihi 
venit in mentem, fuit, ut notarem illa opera quibus diverfi artifi- 
ces, inter fe non confentientes, manum adhi|buèëre, rard tam per- 


Œuvres. I. 69 


IT. 
Præcipuæ 
illius Methodi, 
quam invefligavit 
r Author, regulæ. 


46 OEuvres DE DESCARTES. . 11-13. 


L.] 
fecta elle quàm illa quæ ab uno abfoluta funt. Ita videmus ædificia 
AE on : 
quæ ab eodem Architeëto incepta & ad fummum ufque perduéta 
fuêre, ut plurimuüum elegantiora efle & concinniora, quàm illa quæ 
diverfñ, diverfis temporibus novos parietes veteribus adjungendo, 
conftruxerunt. Ita antiquæ illæ civitates, quæ, cûm initio ignobiles 


tantüm pagi fuiflent, in magnas paulatim urbes creverunt, fi con- 


ferantur cum novis illis, quas totas fimul metator aliquis in planicie 
liberè defignavit, admodum indigeflæ atque inordinatæ reperiun- 
tur. Et quamwvis fingula earum ædificia infpicienti, fæpe plus artis 
atque ornatùs in plerifque appareat quàm in ullis aliarum; confide- 
ranti tamen omnia fimul, & quomodo magna parvis adjunéta pla- 
teas inæquales & curvas efficiant, | cæco potiüs & fortuito quodam 
cafu, quàm hominum ratione utentium voluntate, fic difpofita elle 
videntur. Quibus fi addimus, fuifle tamen femper Ædiles aliquos 
in iftis urbibus quorum officium erat procurare ut privatorum 
ædes publico ornatui quantum fieri poffet infervirent ; perfpicuè 
intelligemus quàm difficile fit, alienis tantüm operibus manum 
admovendo, aliquid facere valde perfectum. Ita etiam putare licet 
illos populos, qui cùm olim valde barbari atque inculti fuiffent, 
non nifi fucceflu temporis urbanitatem afciverunt, nec ullas leges, 
nifi prout ab incommodis quæ ex criminibus & difcordiis perci- 
piebant, fuêre coacti, condiderunt, non tam bene inftitutâ repu- 
blicà folere uti, quam illos qui à primo initio quo fimul congre- 
gati fuêre, prudentis alicujus legiflatoris conftitutiones obfervarunt. 
Sic certè non dubium eft quin ftatus veræ religionis, qui legibus 
à Deo ipfo fancitis gubernatur, fit om/nium optimè conftitutus, & 
cum nullo alio comparandus. Sed, ut de rebus quæ ad homines 
folos pertinent potius loquamur, fi olim Lacedæmoniorum refpu- 
blica fuit florentiflima, non puto ex eo contigiffe, quod legibus 
uteretur quæ fingillatim fpectatæ meliores effent aliarum civitatum 
inftitutis, nam contrà multæ ex iis ab ufu communi abhorrebant, 
atque etiam bonis moribus adverfabantur, fed ex eo quôd ab uno 


tantüm legiflatore conditæ fibi omnes confentiebant, atque in 


eundem fcopum collimabant. Eodem modo mihi perfuafi, fcientias, 
quæ libris continentur, illas faltem quæ perfpicuis demonftratio- 
nibus carentes, verifimilibus tantüm argumentis fulciuntur, quia 
non nifi ex variis diverforum hominum fententiis fimul collectis 
conflatæ funt, non tam propè ad veritatem accedere, quàm opi- 
niones quas homo aliquis | folà ratione naturali utens, & nullo 
præjudicio laborans, de rebus quibufcunque obviis habere poteft. 
£odemque etiam modo cogitavi, quoniam infantes omnes ante 


13-14. DE MEruopo. 47 
fuimus quàäm viri, & diu vel cupiditatum vel præceptorum confilia 
fumus fequuti, quæ ut plurimüm iter fe pugnabant, & forte neutra 
 quod optimum erat femper fuadebant, jam fieri vix pole ut judicia 
noftra tam recta fint & firma, quàm fi ratio in nobis æquè matura 
atque nunc, ab ineunte ætate exftitiflet, eique foli nos regendos 
tradidiflemus. 

Verumtamen infolens foret, omnia urbis alicujus ædificia diruere, 
ad hoc folm ut iifdem poftea meliori ordine & formä exftrudtis, 
ejus plateæ pulchriores evaderent. At certè non infolens eft domi- 
num unius domûs illam deftrui curare, ut ejus loco meliorem ædi- 
ficet : imo fæpe multi hoc facere coguntur, nempe cum ædes habent 
ve|tuftate iam fatifcentes, vel quæ infirmis fundamentis superitru- 
étæ ruinam minantur. Eodemque modo mihi perfuafñ, non quidem 
rationi efle confentaneum, ut privatus aliquis, de publicis rebus re- 
formandis cogitando, eas prius à fundamentis velit evertere ut poftea 
meliüs inftituat. Nec quidem fcientias vulgatas, ordinemve eas do- 
cendi in fcholis ufu receptum fic debere immutari unquam putavi. 
Sed quod ad eas opiniones attinet, quas ego ipfe in eum ufque diem 
fueram amplexus, nihil melius facere me pofle arbitrabar, quam fi 
omnes fimul & femel è mente me delerem, ut deinde vel alias me- 
liores, vel certè eafdem, fed poftquam | maturæ rationis examen 
fubiiffent, admitterem : credebamque hoc pacto longè melius me ad 
vitam regendam poile informari, quàm fi veteris ædificii fundamenta 
retinerem, iifque tantum principiis inniterer, quibus olim juvenilis 
ætas mea, nullo unquam adhibito examine an veritati congruerent, 
credulitatem fuam addixerat. Quamvis enim in hoc varias difi- 
cultates agnofcerem, remedia tamen. illæ fua habebant, & nullo 
modo erant comparandæ cum iis quæ in reformatione publicæ ali- 
cujus rei occurrunt. Magna corpora fi femel proftrata funt, vix ma- 
gno molimine rurfus eriguntur, & concufla vix retinentur, atque 
omnis illorum lapfus eft gravis. Deinde inter publicas res fi quæ 
fortè imperfecta funt, ut vel fola varietas quæ in iis apud varias 
gentes reperitur, non omnia perfecta efle fatis oftendit, longo illa ufu 
tolerabilia fenfim redduntur, & multa fæpe vel emendantur vel vi- 
tantur, quibus non tam facile eflet humanâ prudentià fubvenire; 
ac denique illa fere femper ab afluetis populis commodiüs ferri 
poffunt quàm illorum mutatio. Eodem | modo quo videmus regias 
vias quæ inter anfractus montium deflexæ & contortæ funt, diu- 
turno tranfeuntium attritu tam planas & commodas reddi folere, 
ut longè melius fit eas fequi, quam juga montium tranfcendendo 
& per præcipitia ruendo reétius iter tentare, 


48 OEUVRES DE DESCARTES. 14-16. 


Et idcirco leves iftos atque inquietos homines maximè odi, qui 
cum nec à genere nec à fortunà vocati fint ad publicarum rerum 
adminiftrationem, femper tamen in iis novi aliquid reformare me- 
ditantur. | Et fi vel minimum quid in hoc fcripto efle putarem, unde 
quis me tali genere ftultitiæ laborare poflet fufpicari, nullo modo 
pati vellem ut vulgaretur. Nunquam ulteriüs mea cogitatio proveéta 
eft, quàm ut proprias opiniones emendare conarer, atque in fundo 
qui totus meus eft ædificarem. Et quamvis, quia meum opus mihi 
ipfi fatis placet, ejus exemplar hîc vobis proponam, non ideo cui- 
quam author efle velim, ut fimile quid aggrediatur. Poterunt for- 
tale alii, quibus Deus præftantiora ingenia largitus eft, majora per- 
ficere; fed vereor ne hoc ipfum quod fufcepi tam arduum & difficile 
fit, ut valde paucis expediat imitari. Nam vel hoc unum, ut opi- 
niones omnes quibus olim fuimus imbuti deponamus, non uni- 
cuique eft tentandum. Et maxima pars hominum fub duobus gene- 
ribus continetur, quorum neutri poteit convenire. Nempe permulti 
funt, qui cum plus æquo propriis ingeniis confidant, nimis celeriter 
folent judicare, nunquamque fatis temporis fibi fumunt ad rationes 
omnes circumfpiciendas, & idcirco fi femel aufint opiniones omnes 
vulgo receptas in dubium revocare, & velut à tritâ vià recedere, non 
facilè illi femitæ quæ reétius ducit femper infiftent, fed vagi potius 
& incerti in reliquam vi|tam aberrabunt. Alii verd fere omnes cûm 
fatis judicii vel modeftiæ habeant ad exiftimandum nonnullos effe 
in mundo qui ipfos fapientià antecedant & à quibus poffint doceri, 
debent potiüs ab illis opiniones quas fequuturi font accipere, quàm 
alias proprio ingenio inveftigare. 

[Quod ad me, procul dubio in horum numero fuiffem, fi unum 
tantüm præceptorem habuiïfflem, & nunquam diverfas illas opi- 
niones cognoviflem, quæ ab omni memorià doctiflimos quofque 
colliferunt. Sed dudum in fcholis audiveram, nihil tam abfurdè 
dici poile quod non dicatur ab aliquo Philofophorum ; notave- 
ramque inter peregrinandum non omnes eos, qui opinionibus à 
noftro fenfu valde remotis funt imbuti, barbaros idcirco & ftolidos 
elle putandos; fed plerofque ex 1is vel æquè benè, vel etiam melius 
quàam nos ratione uti; confideraveram praeterea quantum idem 
homo cum eädem fuà mente, fi à primis annis inter Gallos aut Ger- 
manos vivat, diverfus evadat ab eo qui foret, fi femper inter Sinas 
aut Americanos educaretur ; & quantum etiam in multis rebus non 
magni momenti, ut circa veftium quibus induimur formam, illud 
idem quod nobis maximè placuit ante decem annos, & forte poit 
decem annos rurfus placebit, nunc ridiculum atque ineptum videa- 


14 


16-18. DE MErHopo. $49 


tur; adeo ut exemplo potius & confuetudine quäm ullà certà cogni- 
tione ducamur. Ac denique advertebam circa ea quorum veritas 
non valde facilè inveftigatur, nulli rei efle minus credendum quam 
multitudini fuffragiorum ; longè enim verifimilius eft unum ali- 
quem illa invenire potuifle, quam multos. Et quia neminem inter 
cæteros eligere poteram, cujus opiniones dignæ viderentur, quas 
potifimum am|pleéterer, aliifque omnibus anteferrem, fui quo- 
dammodo coaétus, proprio tantüm confilio uti ad vitam meam 
inftituendam. 

Sed ad exemplum eorum qui noétu & in tenebris iter faciunt, 
tam lento & | fufpenfo gradu incedere decrevi, ac tam diligenter ad 
omnia circumfpicere, ut finon multum promoverem, faltem me à 
lapfu tutum fervarem. Nec ftatim conari volui me iis opinionibus, 
quas olim nullà fuadente ratione admiferam, liberare; fed ut ve- 
terem domum inhabitantes, non eam ante diruunt, quàäm novæ 
in ejus locum exftruendæ exemplar fuerint præmeditati; fic priùs 
quà ratione certi aliquid poffem inuenire cogitavi, & fatis multum 
temporis impendi in quærendà verà Methodo, quæ me duceret 
ad cognitionem eorum omnium quorum ingenium meum effet 
capax. 

Studueram antea in fcholis, inter Philofophiæ partes, Logicæ, & 
inter Mathematicas difciplinas, Analyfi Geometricæ atque Algebræ, 
tribus artibus five fcientiis quæ nonnihil ad meum inftitutum facere 
poffe videbantur. Sed ïllas diligentiùs examinando, animadverti, 
quantum ad Logicam, fyllogifmorum formas aliaque fere omnia ejus 
præcepta, non tam prodeffe ad ea quæ ignoramus inveftiganda, quàm 
ad ea, quæ jam fcimus, aliis exponenda; vel etiam, ut ars Lullii, 
ad copiofe & fine judicio de iis quæ nefcimus garriendum. Et quam- 
vis multa quidem habeat veriffima & optima, tam multis tamen aliis, 
vel fupervacuis vel etiam interdum noxiis, adjunéta effe, ut illa 
dignofcere & feparare non minüs fæpe difhcile fit, quam Dianam ali- 
quam aut Minervam ex rudi marmore excitare. Quantum autem ad 
veterum Analyfin atque ad Alge|bram recentiorum, illas tantüm ad 
fpeculationes quafdam, quæ nullius ufüs efle videbantur, fe exten- 
dere; ac præterea Analyfin circa figurarum confiderationem tam 
affiduè verfari, ut, dum ingenium acuit & exercet, | imaginandi 
facultatem defatiget & lædat; Algebram verd, ut folet doceri, certis 
regulis & numerandi formulis ita effe contentam, ut videatur 
potiùs ars quædam confufa, cujus ufu ingenium quodammodo tur- 
batur & obfcuratur, quàm fcientia quà excolatur & perfpicacius 
reddatur. Quapropter exiftimavi quærendam mihi efle quandam 


550 OŒEuvRESs DE DESCARTES. 18-19 


aliam Methodum, in quà quicquid boni eit in iftis tribus, ita repe- 
riretur, ut omnibus interim earum incommodis careret. Atque ut 
legum multitudo fæpe vitiis excufandis accommodatior eft, quàm 
ïifdem prohibendis, adeo ut illorum populorum ftatus fit optimè 


conflitutus, qui tantüm paucas habent, fed quæ accuratiffimè obfer-. 


vantur; fic pro immenfà iflà multitudine præceptorum, quibus 
Logica referta eft, fequentia quatuor mihi fuffectura efle arbitratus 
fum, mod firmiter & conftanter ftatuerem, ne femel quidem ab 
illis toto vitæ meæ tempore deflectere. 

Primum erat, ut nihil unquam veluti verum admitterem nifi 
quod certù & evidenter verum efle cognofcerem ; hoc eft, ut omnem 
præcipitantiam atque anticipationem in judicando diligentiflimè 
vitarem; nihilque amplius conclufione compleéterer, qauàm quod 
tam clarè & diftinéè rationi meæ pateret, ut nullo modo in 
dubium poflem revocare. 

Alterum, ut difficultates quas effem examinaturus, in tot partes 
dividerem, quot expediret ad illas commodius refolvendas. 

| Tertium, ut cogitationes omnes quas veritati quærendæ impen- 
derem, certo femper ordine promoverem : incipiendo fcilicet à 
rebus fimpliciflimis & cognitu facillimis, ut paulatim & quañi per 
gradus ad difficiliorum & magis compoftarum cognitionem afcen- 
derem; in aliquem etiam ordinem illas mente difponendo, quæ fe 
mutuû ex naturà fuà non præcedunt. 

Ac poftremum, ut tum in quærendis mediis, tum in difficultatum 
partibus percurrendis, tam perfectè fingula enumerarem & ad 
omnia circumfpicerem, ut nihil à me omitti eflem certus. 

Longæ ïllæ valde fimplicium & facilium rationum catenæ, 
quarum ope Geometræ ad rerum difficillimarum demonftrationes 
ducuntur, anfam mihi dederant exiflimandi, ea omnia quæ in 
hominis cognitionem cadunt eodem paéto fe mutud fequi; & dum- 
modo nihil in illis falfum pro vero admittamus, femperque ordi- 
nem quo una ex aliis deduci poffunt obfervemus, nulla efle tam 
remota ad quæ tandem non perveniamus, nec tam occulta quæ non 
detegamus. Nec mihi difficile fuit agnofcere à quarum inveftigatione 
deberem incipere. Jam enim fciebam res fimpliciflimas & cognitu 
facillimas, primas omnium efle examinandas; & cüm viderem ex 
omnibus qui hactenus in fcientiis veritatem quæfverunt, folos 
Mathematicos demonitrationes aliquas, hoc eft certas & evidentes 
rationes, invenire potuifle, fatis intelligebam illos circa rem omnium 
facillimam fuifle verfatos: mihique idcirco illam eandem primam 
efle examinandam, etiamfi non aliam inde utilitatem expeétarem, 


19 


19-21. DE MErTHopo. SI 


quam quôd paulatim afluefacerem ingenium meum veritati agno- 
fcendæ, fal|fifque rationibus non affentiri. Neque verd idcirco ftatim 
omnes jftas particulares fcientias, quæ vulgd Mathematicæ appel- 
lantur, addifcere conatus fum; fed | quia advertebam, illas, etiamfi 
circa diverfa objecta verfarentur, in hoc tamen omnes convenire, 
quôd nihil aliud quàm relationes five proportiones quafdam, quæ 
in iis reperiuntur, examinent; has proportiones folas mihi effe 
confiderandas putavi, & quidem maximè generaliter fumptas, in 
iifque tantum objeétis fpeétatas, quorum ope facilior earum 
cognitio redderetur; & quibus eas non ita alligarem, quin facile 
etiam ad alia omnia quibus. convenirent, poflem transferre. Ac 
deinde quia animadverti ad ea quæ circa iflas proportiones quæ- 
runtur agnofcenda, interdum fingulas feparatim effe confiderandas, 
& interdum multas fimul comprehendendas & memorià retinendas; 
exiftimavi optimum fore fi tantum illas in lineis reétis fupponerem, 
quoties fingillatim eflent confiderandæ ; quia nempe nihil fimpli- 
cius, nec quod diftinétius tum phantafiæ tum fenfibus ipfis poflet 
exhiberi, occurrebat; atque fi eafdem characteribus five notis qui- 
bufdam quäm breviflimis fieri poflet defignarem, quoties tantüum 
eflent retinendæ, plurefque fimul complettendæ. Hoc enim pacto, 
quicquid habent boni Analyfis Geometrica & Algebra, mihi videbar 
affumere, & unius defeétum alterius ope emendando, quicquid 
habent incommodi vitare. 

Ac revera dicere aufim, pauca illa præcepta, quæ felegeram, ac- 
curatè obfervando, tantam me facilitatem acquifiviffe ad difficultates 
omnes, circa quas illæ duæ fcientiæ verfantur, extricandas, ut intra 
duos aut tres menfes quos illi ftudio impendi, non modù multas 
quæftiones invenelrim quas antè diflicillimas judicaram, fed etiam 
tandem eù pervenerim, ut circa illas ipfas quas ignorabam, puta- 
rem me pofle determinare, quibus viis & quoufque ab humano in- 
genio folvi poffent. Quippe cüm à fimpliciflimis & maximè gene- 
ralibus incepiffem, ordinemque deinceps obfervarem, fingulæ veri- 
tates quas inveniebam, regulæ erant, quibus | poftea utebar ad 
alias difficiliores inveftigandas. Et ne me fortè quis putet incredi- 
bilia hîc jaétare, notandum eft cujufque rei unicam efle veritatem, 
quam quifquis clarè percipit, de illà tantumdem fcit quantum ullus 
alius fcire poteft. Ita poftquam puer, qui primas tantüm Arithme- 
ticæ regulas in ludo didicit, illas in numeris aliquot fimul colli- 
gendis reétè obfervavit, poteit abfque temeritate affirmare, fe circa 
rem per additionem iflam quæfitam, id omne inveniffle quod ab 
humano ingenio poterat inveniri. Methodus autem illa quæ yerum 


III. 
Quædam 
Moralis fcientiæ 
regulæ, 
ex hac Methodo 
depromptæ. 


$2 OEUVRES DE DESCARTES. ARS 


ordinem fequi & enumerationes accuratas facere docet, Arithme- 
ticæ certitudine non cedit. 

Atque hæc mihi Methodus in eo præcipuè placebat, qudd per 
illam viderer effe certus in omnibus me uti ratione, fi non perfectè, 
faltem quàm optimè ipfe poflem, fentiremque ejus ufu paulatim 
ingenii mei tenebras diflipari, & illud veritati diftinétiüs & clarius 
percipiendæ affluefñeri. Cumque illam nulli fpeciali materiæ alli- 
gaffem, fperabam me non minus feliciter eà effe ufurum in aliarum 
fcientiarum difficultatibus refolvendis, quàm in Geometricis vel 
Algebraicis. Quanquam non idcirco ftatim omnes quæ occurrebant 
examinandas fufcepi : nam in hoc ipfo, ab ordine quem illa præ- 
fcribit defciviffem; fed quia videbam illarum cognitionem a prin- 
cipiis quibufdam quæ || ex | Philofophià peti deberent dependere, in 
Philofophià autem nulla haëtenus fatis certa principia fuifle inventa; 
non dubitavi quin de iis quærendis mihi ante omnia eflet cogitan- 
dum. Ac praeterea quia videbam illorum difquifitionem quàäm 
maximi efle momenti, nullamque aliam effe in quà præcipitantia & 
anticipatio opinionum diligentis eflent cavendæ, non exiftimavi 
me priüus illam aggredi debere, quàm ad maturiorem ætatem per- 
veniflem, tunc enim viginti tres annos tantüm natus eram; nec 
priufquam multum temporis in præparando ad id ingenio impen- 
diffem ; tum erroncas opiniones quas ante admiferat evellendo, tum 
varia experimenta ratiocinationibus meis materiam præbitura col- 
ligendo, tum etiam magis & magis eam Methodum quam mihi 
præfcripferam excolendo, ut in eâ confirmatior evaderem. 

Ac denique ut illi qui novam domum, in locum ejus quam inha- 
bitant, volunt exftruere, non mod veterem priùs evertunt, lapides, 
ligna, cæmentum, aliaque ædificanti utilia fibi comparant, Archi- 
tectum confulunt, vel ipfimet fe in Architecturâ exercent & exem- 
plar domûs faciendæ accuratè defcribunt, fed etiam aliam aliquam 
fibi parant, quam interim, dum illa ædificabitur, poflint non in- 
commodè habitare : fic ne dubius & anxius hærerem circa ea, quæ 
mihi erant agenda, quamdiu ratio fuaderet incertum efle circa ea 
de quibus debebam judicare: atque ut ab illo tempore vivere inci- 
perem quàm feliciflime fieri poffet, Ethicam quandam ad tempus 
mihi effinxi, quæ tribus tantüum aut quatuor regulis continebatur; 
quas hic non pigebit adfcribere. 

- Prima erat, ut legibus atque inftitutis | patriæ obtempe || rarem, 
firmiterque 1llam religionem retinerem quam optimam judicabam, 
& in quà Dei beneficio fueram ab ineunte ætate inftitutus; atque 
me in cæteris omnibus gubernarem juxta opiniones quammaximè 


INDEX DES METEORES. 


guttæ aquæ fint accuratè 
HOMO... ee 
3. Quomodo fiant parvæ vel 
HAE ETS SO ES 
4. Quomodo vapores in gla- 
ciei particulas mutentur. 
Cur hæ glaciei particulæ 
fiant interdum rotundæ & 
tranfparentes, interdum 
minutæ & oblongæ, inter- 
dum rotundæ & albæ. Et 
cur hæ ultimæ quibufdam 
quafi pilis perexiguis te@tæ 
fint, quidque eas majores 
autminoresreddat, eorum- 
que pilos crafliores vel 
(ÉRUIOLES 00e 


5. Solum frigus non fufficere 


“ad vapores in aquam aut 
glaciem vertendos. Quæ 
caufæ vapores in nubes 
cogant ; & quæ eofdem in 
nebulas congregent. Qua- 
re veris tempore plures 
nebulæ appareant, & plures 
in aquofis locis quam in 
fceis be Me 
6. Maximas nebulas aut nubes 
oriri ex duorum vel plu- 
rium ventorum occurfu. 
Aquæ guttas aut particulas 
glaciei, ex quibus nebulæ 
componuntur, non pole 
nonefle perexiguas. Nullas 
in aëre inferiore nebulas 
effe folere ubi flat ventus, 
vel ftatim ipfas tolli...... 
7. Multas fæpe nubes unam 
fupra aliam exfiftere, præ- 


Le] 


fertim in locis montofis, 253 


V, 4: tecti I. — 5 cauffæ I. 


8. Superiores nubes folis parti- 


culis glaciei conftare folere. 


9. Nubium fuperficies à ventis 


10. 


12. 


premi, perpoliri & planas 
reddi. In his planis fuper- 
ficiebus globulos glaciei, 
ex quibus componuntur, 
ita difponi ut unumquem- 
que fex alii circumftent.. 
Quomodo interdum duo 
venti diverfi, in eodem 
terræ loco fimul flantes, 
uanus inferiorem, alius fu- 
periorem ejufdem nubis 
fuperficiem perpoliat.... 
Circumferentias nubium 
non idcirco ita perpoliri, 
fed folere efle valde irre- 
BUREAU dolce 
Multas interdum glaciei 
particulas infra nubem ali- 
quam congregari, ibique 
in variis planis, foliorum 
inftar tenuibus, ita difponi 
ut unaquæque fex aliis 
æquidiftantibus cingatur. 
Sæpe illas, quæ in uno- 
quoque funt plano, fepa- 
ratim ab aliis moveri. Non- 
nunquam etiam integras 
nubes ex folis glaciei par- 
ticulis fic difpofitis com- 
poni. Aquæ guttas in nu- 
bibus eodem etiam modo 
difponi pofle........ OC 
Quarundam maximarum 
nubium ambitum fieri ali- 
quando circularem, & cru- 
flà glaciei fatis craflà cir- 
cumtegi ... 


533 


254 


254 


34 OEuvres DE DESCARTES. 


Carur VI. De nive, pluvia € grandine. 


tres exiguos quafi radios ex 
albiflimàä nive compofitos 
circa fe habeant......... 265 
9. Quare etiam interdum de- 
cidant lamellæ glaciei pel- 
lucidæ, quarum circumfe- 


1. Quare nubes, folo aëre fuf- 
fultæ, non cadant ....... 259 
2. Quomodo calor, qui alia 
multa corpora rarefacit, 
nubes condenfet........, 260 
3. Quomodo in nubibus par- 


ticulæ glaciei multæ fimul rentia eft hexagona...... 267 
in floccos congregentur. 10, Et aliæ quæ, tanquam 
Et quomodo ifti flocci in rofæ vel dentatæ horolo- 
nivem vel pluviam vel giorum rotæ, circumfe- 
grandinem cadant....... 260 rentiam fex crenis, in mo- 


dum femicirculi rotunda- 
tis, incifam habent...... 269 


4. Cur fingula grandinis gra- 
na interdum fint pellucida 
& rotunda. Cur aliquando 11. Cur quædam ex ipfis punc- 
etiam fint unà parte de- tum quoddam album in 
prefliora. Quomodo craf- = centro habeant; & binæ 
fiora grandinis grana,quæ interdum fcapoexiguocon- 
irregularis figuræ efle fo- junétæ fint, unamque alià 
lent, generentur. Cur in- majorem efle contingat... 270 
terdum folito major æftus 12. Cur nonnullæ duodecim 
in ædibus fentiatur...... 261 radiis diftin@&æ fint; & 

5. Cur crafliora grandinis gra- aliæ, fed perpaucæ, oéto 
na in fuperficie fint pellu- radios habeant ere 70 


cida, & intus alba. Et cur 13. Cur quædam fint pelluci- 


fere tantüm in æftate deci- 
dat talis grando. Quomodo 
alia grando, inftar facchari 
alba, generetur Peer 


6. Cur ejus grana interdum 


fint rotunda, & in fuperfi- 
cie quàm verfus centrum 
duriora. Curaliquandofint 
oblonga & pyramidis ha- 
beant figuram........ cs 

7. Quomodo nivis particulæ 
in ftellulas fex radiis di- 


dæ, aliæ albæ inftar nivis, 
& quarundam radii fint 
breviores & in femicirculi 
formam retufi, alii longio- 
res & acutiores, ac fæpein. 
varios ramulos divifi, qui 
nunc plumulas aut filicis 
folia, nunc lilii flores re- 
Pi lentANtESAPEPREERE 


. Quomodo iftæ nivis quai 


ftellulæ ex nubibus dela- 
bantur. Cur cadentes, aëre 


ftinétas efformentur...... 264 
8. Unde etiam fiat, utquædam 
grandinis pellucida grana 


tranquillo, majorem nivis 
copiam prænuncient, non: 
autem vento flante..,.,... 274 


VI, 8: habeat I. — 9 : — læ glaciei... hexagona omis. M. 


INDEX DES METEORES. 


15. Quomodo pluvia ex nubi- 
bus cadat; & quid ejus 
guttas tenuiores aut craf- 
TOrESNEMOIA RS nu ose 

16. Cur interdum pluere in- 
cipiat, antequam nubes in 
cœlo appareant...... ES 

17. Quomodo nebulæ in ro- 
rem vel pruinam vertan- 
ER EPS in nes 

18. Quæ fit aura illa vefperti- 


na, quæ cœlo fereno timeri 


19. Unde Manna oriatur..... 
20. Cur, fi ros mane non de- 
cidat, pluviæ fequantur.. 
21. Cur, fi Sol mane luceat, 
cùm nubes in aëre confpi- 
ciuntur, pluviam etiam 
PrenuncIe eee É 
22. Cur omnia pluviæ figna 
INCER AIDE CI cer PEE 


Carur VII. De tempeflatibus, fulmine € ignibus aliis in aëre accenfis. 


1. Quomodo nubes fuo def- 
cenfu ventos aliquando 
validiffimos efficiant; & 
cur fæpe maximas & re- 
pentinas pluvias præcedat 
(AISAVeNTUSE en mee te 

2. Cur hirundines, folito de- 
mifliùs volantes, pluviam 
prænuncient; & cur ali- 
quando cineres aut feftucæ 
juxta focum in modum 
thEBINIS eyréNt ES 0 

3. Quomodo fiant iftæ majores 
procellæ, quas voce bar- 
barà Travadas vocant.... 

4. Quomodo ignes, Caftor & 
Pollux vocati, generentur. 
Quare gemini ifti ignes 
felicis augurii olim habiti 
fint; unus vel tres, infeli- 
cis. Et cur hoc tempore in- 
terdum quatuor aut quin- 
que fimul in eâdem nave 
CONPICIARTUT 07... 

5. Quæ fit caufa tonitrui..... 

6. Cur rariüs audiatur hyeme 
quam æftate. Et cur aura 
calida & gravis, vento Bo- 


278 


280 
281 


_ reali fuccedens, illud præ- 
HUNCICLEE CPE PP ne 

7. Cur ejus fragor tantus fit, 
& unde oriantur omnes 
ejus dAéLEnNTE. ne ee 

8. Quænam etiam differentia 
fit inter fulgetras, turbi- 
nem & fulmen; & unde 
fulgetræ procedant. Cur- 
queinterdum fulguretcüm 
non tonat, vel contrà. 
Quomodo fiant turbines. 

9. Quomodofiatfulmen ; quèd 
interdum veftes comburat, 
corpore illæfo; vel contrà 
gladium liquefaciat, vagi- 

nain ta CR Er re 

10, Quomodo etiam lapis in 
fulmine generetur, & cur 
fæpius cadat in montes 
vel turres quàm in loca 
AMENIT NE LITE CÉSAR 

X. Cur fæpe fingulos tonitrus 
fragores repentina pluvia 
confequatur &, cùm mul- 
tüm pluit, non ampliùs 


11. Cur fonitu campanarum 


282 


283 


286 


VI, 21 : prænuntiet M. — VII, 2 : prænuntient M. — 6 : prænuntiet M. 


$30 


autbombardarum vis tem- 

peftatis minuatur........ 
12. Quomodo generentur illi 
ignes qui ftellæ cadentes 
dicunturereererre : 
Quomodo interdum pluat 
lacte, fanguine, ferro, la- 
PITIDUS MCE EEE ES 
Quomodo fiant ftellæ tra- 
jicientes, & ignes fatui, at- 


15e 


14. 


que ignes lambentes..... 287 


. Cur minima fit vis iftorum 
ignium, contrà autem ful- 
MIMISIMARIMA APE 


. 288 


OEUVRES DE DESCARTES. 


16. Ignes qui juxta terram ge- 
nerantur, aliquandiu du- 
rare pofle; qui autem in 
fummo aëre, celerrimè de- 
bere exftingui. Nec ideo 
Cometas, nec trabes per 
aliquot dies in cœlo lucen- 
tes, ejufmodi ignes effe..…. 

17. Quomodo quædam præ- 
liorum fimulacra, & talia 
quæ inter prodigia folent 
numerari, poflint apparere 
in cœlo ; & Sol etiam noctu 
videri poflit..... 


Carur VIII. De Iride. 


1. Non in vaporibus, nec in 
nubibus, fed tantüm in 
aquæ guttis Iridem fieri.. 

2. Quomodo ejus caufa, ope 
globi vitrei aquà pleni, 
détépitpotite rire 

3. [ridem interiorem & pri- 
mariam oriri ex radiis, 
qui ad oculum perveniunt 
poit duas refraétiones & 
unam reflexionem ; exte- 
riorem autem, five fecun- 
dariam, ex radiis post duas 
refraétiones & duas re- 
flexiones ad oculum per- 
venientibus : quo fiat ut 
ilanntedebiion"Frerrrr 

4. Quomodo etiam ope vitrei 
prifmatis colores Iridis vi- 
dant Rene Fate 

5. Nec figuram corporis pel- 
lucidi, nec radiorum re- 
fexionem, nec etiam mul- 
tiplicem refractionem ad 
eorum produétionem re- 


2 


91 


291 


Le] 


Le) 
O2 


289 


quiri, fed unà faltem re-. 


fraétione, & lumine, & 
umbrà opus efle......... 

6. Unde oriatur colorum di- 
VOTSITAS: MERS 

7. In quo fita fit natura rubei 
coloris, & flavi, & viridis, 

& cærulei, prout in prif- 

_ matevitreo confpiciuntur ; 

& quomodo cæruleo ru- 
beus mifceatur, unde fit 
violaceus five purpureus. 

8. In quo etiam aliorum cor- 
porum colores confiftant, 

& nullos falfos effe...... 

9 Quomodo in Iride produ- 
cantur, & quomodo ibi 
lumen ab umbrà termine- 
tur. Cur primariæ Iridis 
femidiameter 42 gradibus 
major elle nequeat, nec fe- 
cundariæ femidiameter 51 
gradibus minor. Curque 
illius fuperficies exterior 
magis determinatafitquàäm 


VII, 16 : extingui M, — VIII, 2 ; caufla I. 


296 


interior, hujus autem con- 
trà interior quam exte- 


10. Quomodo ïifta Mathema- 


11. Aquæ calidæ refraétionem 
minorem elle quam frigi- 
dæ, atque idcirco prima- 
riam Iridem paulo majo- 
rem, & fecundariam mino- 
rem exhibere. Etquomodo 
demonftretur refraétionem 
ab aquà ad aërem effe cir- 
citer ut 187 ad 250. Ideo- 
que femidiametrum Iri- 


INDEX DES METEORES. 


DO Re se Le a ci à 300 


ticè demonftrentur ...... 302 


dis 45 graduum efle non 
PORC ANR Leo 
12. Cur pars exterior prima- 
riæ Iridis & contrà exte- 
rior fecundariæ fit rubra. 
13. Quomodo pofñlit contin- 
gere ut ejus arcus non fit 
accuratè rotundus ; item 
ut inverfus appareat..... 
14. Quomodo tres Irides vi- 
JeLNQUEANAEE EE CCE TRE 
15. Quomodo aliæ prodigiofæ 
Irides, varias figuras ha- 
bentes, poflint arte exhi- 
LOUE aan 0 CDs 


Capur IX. De nubium colore € de halonibus feu coronis, 
quæ circa fidera interdum apparent. 


1. Quam ob caufam nubes in- 
terdum albæ, interdum ni- 
græ appareant. Et cur nec 
vitrum contufum, neque 
nix, neque nubes paulo 
denfiores, Iuminis radios 
tranfmittant. Quænam 
corpora fint alba, & cur 
fpuma, vitrum in pulve- 
rem redaëtum, nix & nu- 


bES alba NE en PAU 


2. Cur cœlum appareat cæru- 
 leum aëre puro, & album 
aëre nubilofo. Et cur 
mare, ubi ejus aquæ altif- 
fimæ ac puriflimæ funt, 
cæruleum videatur ...... 3 

3. Cur fæpe oriente vel oc- 
cidente Sole cælum rubef- 
cat, & ifta rubedo mane 
pluviam aut ventos, vef- 
peri ferenitatem prænun- 


[2 


4. Quomodo Halones vel co- 
ronæ circa Aftra produ- 
cantur, & cur varia fit 
earum magnitudo. Cur, 
cm funt coloratæ, intez 
rior circulus fit ruber, & 
exterior cæruleus. Et cur 
interdum duæ, una intra 
alteram, appareant, & in- 
terior fit maximè confpi- 
CHAR NET ART uteR 

5. Cur non videri foleant cir- 
ca Aftra,cùm oriuntur vel 
occidunt. Cur earum co- 
lores dilutiores fint quàm 
Iridis. Et cur fæpiùs quàm 
illa circa Lunam appa- 
reant, interdumque etiam 
circa ftellas confpiciantur. 
Cur ut plurimüm albæ 
CELL ER DAS LITE eee rie 

6. Cur in aquæ guttis, inftar 
Iridis, non formentur.... 


Dire 


309 


8) 


316 


VIII, 11 : paulld I (de même IX, 1). — IX, 1 : albæ, interdum omis. M. 


Œuvres. I, 


68 


538 


7. Quæ fit caufa coronarum 


quas etiam interdum circa 
flammam candelæ confpi- 
cimus. Et quæ caufa tranf- 
verforum radiorum, quoôs 
aliquando ibidem vide- 
mus, Cur in his coronis 


OEUVRES DE DESCARTES. 


exterior ambitus fit ruber, 
contrà quam in iis quæ ap- 
parent circa ftellas. Et cur 
refraétiones, quæ in hu- 
moribus oculi fiunt, nobis 
Iridis colores ubique non 
Exhibeant bete 


Carur X. De Parheliis. 


1. Quomodo producantur eæ 


nubes, in quibus Parhelii 
videntur. Magnum quen- 


dam glaciei circulum in 


ambitu iftarum nubium 
reperiri, cujus fuperficies 
æqualis & lævis efle fo- 
let. Hunc glaciei circulum 
crafliorem efle folere, in 
parte Soli obverfà, quam 
in reliquis. Quid obftet 
quominus ifta glacies ex 
nubibus in terram cadat. 
Et cur aliquando in fu- 
blimi appareat magnus 
circulus albus, nullum fi- 


5. Curaliquandotantüm quin- 


que vel quatuor vel tres 


tres tantüm funt, fæpe non 
in albo circulo, fed tan- 
quam in albä quädam trabe 
APPATEAN CE PEER 
étum altior vel humilior fif 
ifto circulo, femper ta- 
men in eo videri......... 


5. Häâc de caufà Solem ali- 


quando confpici pofle, 
cümeft infra Horizontem, 
& umbras horologiorum 
retrocedere vel promove- 
ri. Quomodo feptimus Sol 
fupra vel infra fex alios 
videri poflit. Quomodo 


remotior, vifa fit major 
quam revera eflet.."" 


3x7 


12922 
4. Quamvis Sol ad confpe- 


323 


dus in centro fuo habens. 320 etiam tres diverfi, unuf- 

2. Quomodo fex Soles diverfi fupra alium ftantes, appa- 

; in ifto circulo videri pof- reant, & quare tunc plures 
fint, unus vifione direétà, confpici non foleant..... 324 
duo per refraétionem, & 6. Explicatio quarumdam ob- 
tres alii per reflexionem. fervationum hujus phæ- 
Cur ii qui per refraétio- nomeni,ac præcipue illius 
nem videntur,in unâ parte quæ Romæ facta eft Martii 
rubri & in alià cærulei 20; ANnnO 16024 Lee 2 0 
appareant. Et cur qui per 7. Cur quinque tantùm Soles 
reflexionem, albi tantüm tunc apparuerint, Et cur 
fint & minus fulgentes... 321 pars circuli albi, à Sole 


confpiciantur. Et cur,cüm 8. Cur unus ex üftis Solibus J'A 


IX, 7 : cauffa I. — X, 2: &in alià... appareant omis. M. — 5 cauflà I. 
— 6 quarundam M. — ib. : 1624] Sic pro 1620. 


INDEX DES METEORES. s 39 
caudam quandam fub- ipfarumque centra non 
igneam habuerit........ 328 accuratè coïncidere cum 

9. Cur duæ coronæ præci- centro Solis, nec etiam 
puum Solem cinxerint, & centrumunius cum centro 
cur non femper tales co- alteriUsS EE ee 329 
ronæ fimul cum Parheliis 10. Quæ fint caufæ generales 
appareant. Harum coro- aliarum infolitarum appa- 
narum locum non pen- ritionum quæ inter Me- 
dere à loco Parheliorum ; teora cenfendæ funt...... 331 


X, 10 : cauffæ I. e : 


RÉRDESRCARTES. LECTORI SUO 
STD 2 


Hæc fpecimina, Gallicè à me fcripta & ante feptem 
 annos vulgata, paullù poft ab amico in linguam latinam 
verfa fuere, ac verfio miht tradita, ut quicquid in ed 
minds placeret, pro meo jure mutarem. Quod varus in 
locis feci : fed forfan etiam alia mulia prætermifi : hæc- 
que ab 1llis ex eo dignofcentur, quèd ubique fere fidus 
interpres verbum verbo reddere conatus fit, ego ver 
Jententias 1pfas fœæpè mutärim, € non ejus verba, [ed 
meum fenfum, emendare ubique fluduerim. Vale ! 


il 
Variæ circa 
Jcientias 


confiderationes. 


DISSERTATIO 
DE METHODO 


RECTE UTENDI RATIONE 
ET VERITATEM IN SCIENTIIS INVESTIGANDI 


Nulla res æquabilius inter homines eft diftributa quam bona 
mens : eà enim unufquifque ita abundare fe putat, ut | nequidem 
illi qui maximè inexplebiles cupiditates habent, & quibus in nullà 
unquam alià re natura fatisfecit, meliorem mentem quàäm poflideant 
optare confueverint. Quà in re pariter omnes falli non videtur effe 
credendum ; fed potiüs vim incorruptè judicandi & verum à falfo 
diftinguendi (quam propriè bonam mentem feu reétam rationem 
appellamus) naturà æqualem omnibus nobis innatam efle. Atque 
ita nofirarum opinionum diverfitatem, non ex eo manare quûd 
fimus aliis alii majore rationis vi donati, fed tantüm ex eo quèd 
cogitationem non per cafdem vias ducamus, neque ad eafdem res 
attendamus. Quippe ingenio pollere haud fuffcit, fed eodem reétè 
uti palmarium eft. Excelfiores animæ, ut majorum virtutum, ita & 
vitiorum capaces funt ; et plus promovent qui rectam perpetuo 
viam infiftentes, lentiflimo tantüm gradu incedunt, quàm qui fæpe 
aberrantes celeriüs gradiuntur. 

Ego fanè nunquam exiftimavi plus effe in me ingenii quam in 
quolibet & vulgo : quinimo etiam non rarù vel cogitandi celeritate, 
vel diftinétè imaginandi facilitate, vel | memoriæ capacitate atque 
ufu, quofdam alios æquare exoptavi. Nec ullas ab his alias dotes effe 
novi quibus ingenium præftantius reddatur. Nam rationem quod 
attinet, quia per illam folam homines fumus, æqualem in omnibus 
effe facilè credo : neque hic difcedere libet à communi fententià 


a. Les numéros de pages, indiqués dans l'Index qui précède, sont ceux 
de l'édition des Specimina de 1644, et sont reproduits ci-après dans les 
marges ; les traits verticaux de séparation, sans numéro en regard dans la 
marge, indiquent les commencements des pages du texte français dans le 
présent volume; les numéros de ces pages se trouvent inscrits sur la ligne 
du titre courant. 


23-24. DE METHoDo. 553 


moderatas, atque ab omni extremitate remotas, quæ communi ufu 
receptæ eflent apud prudentiflimos eorum cum quibus mihi eflet 
vivendum. Cüm enim jam inde inciperem iis omnibus quibus ante 
addiétus fueram diflidere, utpote quas de integro examinare delibe- 
rabam, certus eram nihil melius facere me poffe, quàm fi interea 
temporis prudentiorum actiones imitarer. Et quamvis fortè non- 
nulli fint apud Perfas aut Sinas non minus prudentes quäm apud 
nos, utilius tamen judicabam ïillos fequi cum quibus mihi erat 
vivendum. Atque ut recte intelligerem, quidnam illi revera opti- 
mum efle fentirent, ad ea potius quæ agebant, quàm ad ea quæ 
loquebantur attendebam : non modù quia haie mores €0- 
ufque corrupti funt, ut perpauci quid fentiant dicere velint, fed 
etiam quia permulti fæpe ipfimet ignorant : eft enim alia aétio 
mentis per quam aliquid bonum vel malum effe judicamus, & alia 
per quam nos ita judicafle agnofcimus ; atque una fæpiflime abfque 
alterà reperitur. Ex pluribus autem fententiis æqualiter ufu receptis 
moderatiflimas femper eligebam, tum quia ad executionem facil- 
limæ, atque ut plurimum optimæ funt; omne quippe nimium 
vitiofum efle folet; tum etiam, ut fi fortè aberrarem, minüs faltem 
à rectà vià deflecterem mediam tenendo, quàm fi unam ex extremis 
elegifflem cüm altera fuiflet fequenda. Et quidem | inter extremas 
vias, five (ut ita loquar) inter nimietates, reponebam promifliones 
omnes quibus nobifmet ipfis liberta| tem mutandæ poftea voluntatis 
adimimus. Non quôd improbarem leges quæ humanæ fragilitati 
atque inconftantiæ fubvenientes, quoties bonum aliquod propo- 
fitum habemus, permittunt ut nos ad femper in eodem perfeve- 
randum voto aftringamus; vel etiam quæ ob fidem commerciorum 
quæcunque aliis promifimus, modù ne bonis moribus adverfentur, 
cogunt nos præftare. Sed quia videbam nihil effe in mundo quod 
femper in eodem ftatu permaneret, quantumque ad me, vitam fic 
inftituebam ut judicia mea in dies meliora, nunquam autem deteriora 
fore fperarem; graviter me in bonam mentem peccare putaflem, 
fi ex eo quod tunc res quafdam ut bonas amplettebar, obligaffem 
me ad eafdem etiam poftea amplectendas, cùm forfan bonæ elle 
defiiflent, vel ipfe non ampliüs bonas judicarem. 

Altera regula erat, ut quäm maximè conftans & tenax propoñti 
femper effem, nec minus indubitanter atque incunétanter in iis per- 
agendis perfeverarem, quæ ob rationes valde dubias vel fortè nul- 
las fufceperam, quàm in iis de quibus planè eram certus. Ut in hoc 
viatorum confilium imitarer, qui fi forte in medià aliquà fylvà aber- 
rarint, nec ullum iter ab aliis tritum, nec etiam verfus quam par- 


Œuvres. I. 70 


54 OEUVRES DE DESCARTES. 24-26. 


tem eundum fit agnofcant, non ideo vagi et incerti modà verfus 
unam, modà verfus alteram tendere debent, & multo minüs uno 
in loco confiftere, fed femper reëtà quantüm poffunt verfus unam 
& eandem partem progredi, nec ab eà poflea propter leves rationes 
defleétere, quamvis fortè initio planè nullas habuerint, propter 
quas illam potiùs quam aliam quamlibet eligerent : hoc enim paéto, 
quamvis fortè ad ipfum locum ad quem ire | deftinaverant, non ac- 
cedent, | ad aliquem tamen tandem devenient, in quo commodius 
quàm in medià fylvà potuerunt fubfiftere. Eodem modo, quia multa 
in vitâ agenda funt quæ differre planè non licet, certiflimum ef, 
quoties circa illa quid revera fit optimum agnofcere non poffumus, 
illud debere nos fequi quod optimum videtur; vel certè fi quædam 
talia fint, ut nulla nos vel minima ratio ad unum potiüs quäm con- 
trarium faciendum impellat, alterutrum tamen debemus eligere, & 
poftquam unam femel fententiam fic fumus amplexi, non ampliüs 
illam ut dubiam, in quantum ad praxim refertur, fed ut planè ve- 
ram & certam, debemus fpeétare ; quia nempe ratio propter quam 
illam elegimus vera & certa eft. Atque hoc fufficiens fuit ad me 
liberandum omnibus iftis anxietatibus & confcientiæ morfibus, qui- 
bus infirmiores animæ torqueri folent, quia multa fæpe uno tem- 
pore ut bona ampleétuntur, quæ poftmodum vacillante judicio mala 
efle fibi perfuadent. 

Tertia regula erat, ut femper me ipfum potiüs quàäm Fortunam 
vincere ftuderem, & cupiditates proprias quam ordinem mundi mu- 
tare ; atque in univerfum ut mihi firmiter perfuaderem nihil extra 
proprias cogitationes abfolutè efle in noftrâ poteftate : adeo ut quid- 
quid non evenit, poflquam omne quod in nobis erat egimus ut eve- 
niret, inter ea quæ fieri planè non poffunt, & Philofophico vocabulo 
impoffibilia appellantur, fit à nobis numerandum. Quod folum fuf- 
ficere mihi videbatur, ad impediendum ne quid in pofterum optarem 
quod non adipifcerer, atque ad me hoc paéto fatis fælicem redden- 
dum. Nam cüûm ea fit voluntatis noftræ natura, ut | erga nullam 
rem unquam | feratur, nifi quam illi nofter intelleétus ut aliquo modo 
pofibilem repræfentat ; fi bona omnia quæ extra nos pofita funt tan- 
quam æqualiter nobis impoflibilia confideremus, non magis dole- 
bimus quôd ea forte nobis defint, quæ natalibus noftris deberi viden- 
tur, quàm quôd Sinarum vel Mexicanorum reges non fimus. Et 
rerum neceflitati voluntatem noftram accuratiflimè accommodantes, 
ut jam non triftamur quôd noftra corpora non fint tam parum cor- 
ruptioni obnoxia quàm eft adamas, vel quôd alis ad volandum inftar 
avium non fimus inftruéti; ita neque fanitatis defiderio torquebi- 


23 


24 


: 
re 


26-28. DE METHopo. 555 


mur, si ægrotemus; nec libertatis, fi carcere detineamur. Sed fateor 
longiffimà exercitatione & meditatione fæpiflime iteratâ opus efle, 
ut animum noftrum ad res omnes ita fpectandas affuefacere pofi- 
mus. Atque in hoc uno mihi perfuadeo pofitam fuiffe omnem artem 
illorum Philofophorum, qui olim fortunæ imperio fe eximebant, & 
inter ipfos corporis cruciatus ac paupertatis incommoda de fœlici- 
tate cum fuis Diis contendebant. Nam cûm affiduè terminos potefta- 
tis fibi à Naturà conceflæ contemplarentur, tam planè fibi perfuade- 
bant nullam rem extra fe pofitam, five nihil præter fuas cogitationes 
ad fe pertinere, ut nihil etiam amplius optarent; & tam abfolutum 
in eas imperium iftius meditationis ufu acquirebant, hoc eft, cupidi- 
tatibus aliifque animi motibus regendis ita fe affuefaciebant, ut non 
fine aliquà ratione fe folos divites, folos potentes, folos liberos, & 
- folos fœlices effe jaétarent; quia nempe nemo hac Philofophià defti- 
tutus, tam faventem | femper Naturam atque Fortunam habere po- 
teft, ut votorum omnium quemadmodum illi compos fiat. 

| Ut autem hanc Ethicam meam concluderem, diverfas occupa- 
tiones quibus in hac vità homines vacant, aliquandiu expendi, atque 
ex iis optimam eligere conatus fum. Sed non opus eft ut quid de 
aliis mihi vifum fit hîc referam ; dicam tantüm nihil me invenifle, 
quod pro me ipfo melius videretur, quàm fi in eodem inftituto in 
quo tunc eram perfeverarem; hoc eft, quam fi totum vitæ tempus 
in ratione meà excolendâ, atque in veritate juxta Methodum quam 
mihi præfcripferam inveftigandà confumerem. Tales quippe fru- 
étus hujus Methodi jam deguftaram, ut nec fuaviores ullos nec ma- 
gis innocuos in hac vità decerpi poile arbitrarer; cumque illius ope 
quotidiè aliquid detegerem, quod & vulgo ignotum & alicujus mo- 
menti efle exiflimabam, tantà delectatione animus meus implebatur, 
ut nullis aliis rebus affici poflet. Ac præterea tres regulæ mox expo- 
fitæ fatis reétæ mihi vifæ non fuiflent, nifi in veritate per hanc Me- 
thodum inveftigandà perfeverare decreviflem. Nam cum Deus uni- 
cuique noftrûm aliquod rationis lumen largitus fit ad verum à falfo 
diflinguendum, non putafflem me, vel per unam diem, totum alie- 
nis opinionibus regendum tradere debere, nifi flatuiffem eafdem -pro- 
prio ingenio examinare, flatim atque me ad hoc rectè faciendum 
fatis paraffem. Nec, quamdiu illas fequebar, abfque errandi metu 
fuiflem, nifi fperafflem me nullam interim occafionem, meliores fi 
quæ | eflent inveniendi, prætermiflurum. Nec denique cupiditati- 
bus imperare, ac rebus quæ in potellate meà funt contentus efle 
potuiffem, nifi viam illam fuiflem fequutus, per quam confidebam 
me ad omnem rerum cognitionem perventurum cujus eflem capax, 


$ 50 OEUVRES DE DESCARTES. 20 


fimulque ad omnium verorum bonorum | poffeflionem ad quam mihi 
liceret afpirare. Quippe cm voluntas noftra non determinetur ad 
aliquid vel perfequendum vel fugiendum, nifi quatenus ei ab intel- 
leétu exhibetur tanquam bonum vel malum; fufficiet, fi femper reétè 
judicemus, ut rectè faciamus, atque fi quàm optimè poffumus judi- 
cemus, ut etiam quàm optimè poffumus faciamus; hoc eft, ut no- 
bis virtutes omnes fimulque alia omnia bona, quæ ad nos poflunt 
pervenire, comparemus ; quifquis autem fe illa fibi comparaffe con- 
fidit, non poteit non efle fuis contentus ac beatus. 

Pofiquam verd me his regulis inftruxifflem, illafque fimul cum 
rebus fidei, quæ femper apud me potiflimæ fuerunt, refervaflem, 
quantum ad reliqua quibus olim fueram imbutus, non dubitavi quin 
mihi liceret omnia ex animo meo delere. Quod quia mihi videbar 
commodiüs præftare poffe inter homines converfando, quäm in illà 
folitudine in quâ eram, diutius commorando, vixdum hyems erat 
exacta cùm me rurfus ad peregrinandum accinxi; nec per infequen- 
tes novem annos aliud egi, quàm ut hac illac orbem terrarum peram- 
bulando, fpectatorem potius quäm aétorem comœædiarum, quæ in eo 
quotidie exhibentur, me præberem. Cümque præcipuë circa res 
fingulas obfervarem quidnam poflet in dubium revocari, & quidnam 
nobis occafionem male judicandi præberet, omnes paulatim opi- 
niones erroneas quibus mens mea obfeffa erat avellebam. | Nec ta- 
men in eo Scepticos imitabar, qui dubitant tantüm ut dubitent, & 
præter incertitudinem ipfam nihil quærunt. Nam contrà totus in eo 
eram ut aliquid certi reperirem; & quemadmodum fieri folet, cum 
in arenofo folo ædificatur, tam altè fodere cupiebam ut tandem ad 
falxum vel ad argillam pervenirem. Atque hoc fatis fœliciter mihi 
fuccedere videbatur : nam cüm ad falfitatem vel incertitudinem pro- 
pofitionum quas examinabam detegendam, non vagis tantum & de- 
bilibus conjeéturis, fed firmis & evidentibus argumentis uti conarer, 
nulla tam dubia occurrebat quin ex eà femper aliquid certi collige- 
rem; nempe vel hoc ipfum, nihil in eà efle certi. Et ficut veterem 
domum diruentes multam ex eà materiam fervant, novæ extruendæ 
idoneam; ita malè fundatas opiniones meas dejiciendo, varias res 
obfervabam, & multa experimenta colligebam, quæ poftea certiori- 
bus ftabiliendis ufui mihi fuêre. Ac præterea pergebam femper in 
eà quam mihi præfcripferam Methodo exercendà ; nec tantummodo 
generaliter omnes meas cogitationes juxta ejus præcepta regere ftu- 
debam, fed etiam nonnullas interdum horas mihi afflumebam, qui- 
bus illà expreflius in quæftionibus Mathematicis refolvendis utebar; 
vel etiam in quæftionibus ad alias quidem fcientias pertinentibus, 


26 


A7 


29-51. DE MErTHoDo. 557 


fed quas ab earum non fatis firmis fundamentis fic abducebam, ut 
propemodum Mathematicæ dici poffent : quod fatis apparebit me 
feciffe in multis quæ in hoc volumine continentur. Ita non aliter in 
fpeciem | me gerendo, quàm illi qui vitæ fuaviter & innoxiè tradu- 
cendæ ftudentes, omnique alio munere foluti, voluptates à vitiis 
fecernunt, & nullà honeltà delectatione fibi interdicunt, ut otium 
fine tædio ferre poflint, propofitum interim meum femper urgebam, 
magifque ut exiftimo in veritatis cognitione promovebam, quàm fi 
in libris evolvendis, vel litteratorum fermonibus audiendis omne 
tempus confumpfiffem. 

| Verum tamen ifti novem anni effluxerunt,antequam de ullà ex iis 
quæftionibus quæ apud eruditos in controverfiam adduci folent, 
determinatè judicare, atque aliqua in Philofophià principia vulgari- 
bus certiora quærere aufus fuiffem. Tantam enim in hoc difficulta- 
tem effe, docebant exempla permultorum fummi ingenii virorum, 
qui fine fucceffu hactenus idem fufcepifle videbantur, ut fortaffe diu- 
tius adhuc fuiffem cunctatus, nifi audiviffem à quibufdam jam vulgd 
credi, me hoc ipfum quod nondum aggrelfus fueram, perfeciffe. Nefcio 
quidnam illis dediffet occafionem iftud fibi perfuadendi ; nec certè 
ullam ex meis fermonibus capere potuerant, nifi fortè quia videbant 


me liberiüs ignorantiam meam profiteri, quàam foleant alii ex iis qui 


docti haberi volunt; vel etiam quia interdum rationes exponebam, 
propter quas de multis dubitabam, quæ ab aliis ut certa admittuntur ; 
non autem quod me unquam audiviffent de ullà circa res Philofo- 
phicas fcientià gloriantem. Sed cüûm talis animus in me effet, ut pro 
alio quam revera eram haberi nollem, putavi mihi viribus omnibus 
effe contendendum, ut eà laude dignus evaderem | quæ jam mihi-à 
multis tribuebatur. Quà re impulfus ante octo annos, utomnibus me 
avocationibus quæ inter notos & familiares degentibus occurrunt 
liberarem, fecefli in hafce regiones, in quibus diuturni belli neceffitas 
invexit militarem difciplinam tam bonam, ut magni in eà exercitus 
non ob aliam caufam ali videantur, quäm ut omnibus pacis com- 
modis fecuriüs incolæ frui poflint; & ubi in magnà negotioforum* 
hominum turbâ, magis ad res proprias attendentium quäm in alie- 
nis curioforum, nec earum rerum ulu carui quæ in florentiflimis 
& populofiffimis ur|bibus tantum habentur, nec interim minüs folus 
vixi & quietus, quàm fi fuiffem in locis maximè defertis & incultis. 

Non libenter hic refero primas cogitationes, quibus animum 
applicui poftquam huc veni; tam Metaphyficæ enim funt & à com- 


a. negotiorum £/4. 


IV. 
Rationes quibus. 


ex/iflentia Dei 
et animæ humanæ 

probatur, quæ 
Junt Metaphyficæ 

fundamenta. 


558 OEuvrEs DE DESCARTES. 3133. 


muni ufu remotæ, ut verear ne multis non fint placituræ; fed ut 
poffit intelligi an fatis firma fint philofophiæ meæ fundamenta, 
videor aliquo modo coaétus de illis loqui. Dudum obfervaveram 
permultas effe opiniones, quas, etfi valde dubiæ fint & incertæ, non 
minus conftanter & intrepidè fequi debemus, quatenus ad ufum 
vitæ referuntur, quàm fi certæ eflent & exploratæ, ut jam antè 
diétum eft. Sed quia tunc veritati quærendæ, non autem rebus 
agendis, totum me tradere volebam, putavi mihi planè contrarium 
effe faciendum, & illa omnia in quibus vel minimam dubitandi ra- 
tionem poflem reperire, tanquam apertè falfa efle rejicienda; ut 
experirer an, illis ita rejeétis, nihil præterea fupereffet de quo dubi- 
tare planè non poflem. Sic | quia nonnunquam fenfus noftri nos 
fallunt, quidquid unquam ab illis hauferam inter falfa numeravi. Et 
quia videram aliquando nonnullos etiam circa res Geometriæ facil- 
limas errare, ac paralogifmos admittere, fciebamque idem mihi pofle 
accidere quod cuiquam alii poteft, illas etiam rationes omnes, quas 
antea pro demonftrationibus habueram, tanquam falfas rejeci. Et 
denique quia notabam, nullam rem unquam nobis veram videri 
dum vigilamus, quin eadem etiam dormientibus poflit occurrere, 
cum tamen tunc femper aut fere femper fit falfa; fuppofui nulla 
eorum quæ unquam vigilans cogitavi, veriora effe quàm fint ludi- 
bria fomniorum. Sed ftatim | poftea animadverti, me, quia cætera 
omnia ut falfa fic rejiciebam, dubitare planè non pofle quin ego 
ipfe interim effem; & quia videbam veritatem hujus pronuntiati : 
Ego cogito, ergo fum, five exifto, adeo certam effe atque evidentem, 
ut nulla tam enormis dubitandi caufa à Scepticis fingi poflit, à quâ 
illa non eximatur, credidi me tutà illam pofle, ut primum ejus, 
quam quærebam, Philofophiæ fundamentum admittere. 

Deinde attentè examinans quis eflem, & videns fingere quidem 
me pofle corpus meum nihil efle, itemque nullum planè effe mun- 
dum, nec etiam locum in quo effem; fed non ideo uHâ ratione fin- 
gere pofle me non efle ; quinimo ex hoc ipfo quôd reliqua falfa effe 
fingerem, five quidlibet aliud cogitarem, manifeftè fequi me efle: 
& contrà, fi vel per momentum temporis | cogitare definerem, 
quamwvis interim & meum corpus, & mundus, & cætera omnia quæ 
unquam imaginatus fum revera exifterent, nullam ideo efle ratio- 
nem cur credam me durante illo tempore debere exiftere; inde in- 
tellexi me efle rem quandam five fubftantiam, cujus tota natura 
five effentia in eo tantum confiftit ut cogitem, quæque ut exfiftat, 
nec loco ullo indiget, nec ab ullà re materiali five corporeà depen- 
det. Adeo ut Ego, hoc eft, mens per quam folam fum is qui fum, 


33-35. DE Merxopo. ÿ 9 


fit res à corpore planè diftinéta, atque etiam cognitu facilior quam 
corpus, & quæ planè eadem, quæ nunc ef, effe poffet, quamuvis illud 
non exfifteret. 
= Poft hæc inquifivi, quidnam in genere requiratur ut aliqua enun- 
tiatio tanquam vera & certa cognofcatur : cûm enim jam unam 
inveniflem, quam talem efle cognofcebam, putavi me poffe etiam 
inde percipere in quâ | re ifta certitudo confiftat. Et quia notabam, 
nihil planè contineri in his verbis ego, cogito, ergo fum, quod me 
certum redderet eorum veritatis, nifi quod manifeftiflimè viderem 
fieri non pole ut quis cogitet nifi exfiftat, credidi me pro regulà 
generali fumere pofle, omne id quod valde dilucidè & diftinétè 
concipiebam verum efle ; & tantummodo difficultatem efle nonnul- 
lam, ad rectè advertendum quidnam fit quod diftinétè percipimus. 
Quä re pofitâ, obfervavi me de multis dubitare, ac proinde natu- 
ram meam non efle omnino perfectam ; evidentiflimè enim intelli- 
gebam dubitationem non efle argumentum tantæ perfeétionis quäm 
cognitionem. Et cùm ulterius inquirerem à quonam haberem ut 
de naturà perfectiore quàm mea fit cogitarem, clariflimè etiam in- 
tellexi me hoc habere non poife, nifi | ab eo cujus natura effet 
révera perfectior. Quantum attinet ad cogitationes, quæ de variis 
_aliis rebus extra me pofitis occurrebant, ut de cœlo, de terrä, de 
lumine, de calore, aliifque rebus innumeris, non eâdem ratione 
quærendum efle putabam, à quonam illas haberem; cüm enim 
nihil in illis reperirem quod fupra me pofitum effe videretur, facilè 
poteram credere, illas, fi quidem veræ eflent, ab ipfâmet naturà 
meâ, quatenus aliquid perfectionis in fe habet, dependere; fi verd 
falfæ, ex nihilo procedere; hoc eft, non aliam ob caufam in me effe 
quàäm quia deerat aliquid naturæ meæ, nec erat planè perfeéta. Sed 
non idem judicare poteram de cogitatione, five Ideà naturæ quæ Nota hoc in loco 


- perfectior erat quam mea. Nam fieri planè non poterat ut illam à lt ubique 
nihilo accepiffem. Et quia non magis poteft id quod perfeétius ef, FrRERSRES 
32 à minüs perfecto procedere, quàm ex nihilo | aliquid fieri, nonpote-  generaliter fumi 
ram etiam à me ipflo illam habere. Ac proinde fupererat ut in me pre 


; : : 2 ; : omni re cogitatà, 
pofita effet à re, cujus natura effet perfectior, imo etiam quæ omnes quatenus habet 


in fe contineret perfectiones, quarum Ideam aliquam in me habe- tantüm 
rem; hoc eft, ut verbo abfolvam, quæ Deus effet. Addebam etiam, effe quoddam 
quandoquidem agnofcebam aliquas perfeétiones quarum expers NA ces 
eram, neceflarium efle ut exifteret præter me aliquod aliud ens, 

(liceat hic, fi placet, uti vocibus in fcholà tritis) ens, inquam, me per- 

fectius, à quo penderem, & à quo quidquid in me erat accepiflem. 

Nam fi folus & ab omni alio independens fuiffem, adeo ut | totum 


560 OŒEuvres DE DESCARTES 35-36. 


id, quantulumcunque fit, perfectionis cujus particeps eram, à me 
ipfo habuiflem, reliqua etiam omnia quæ mihi deeffe fentiebam, 
per me acquirere potuiffem, atque ita ipfemet efle infinitus, æter- 
nus, immutabilis, omnifcius, omnipotens, ac denique omnes per- 
fectiones poflidere quas in Deo effe intelligebam. 

Etenim ut Naturam Dei (ejus nempe quem rationes mod allatæ 
probant exiftere), quantum à me naturaliter agnofci poteft, agno- 
fcerem, non aliud agendum mihi erat quam ut confiderarem circa 
res omnes, quarum Ideas aliquas apud me inveniebem, efletne per- 
fectio, illas poflidere ; certufque eram nullas ex iis quæ imperfe- 
ctionem aliquam denotabant, in illo efle, ac nullas ex reliquis ülli 
deeffe. Sic videbam nec dubitationem, nec inconftantiam, nec tri- 
ftitiam, nec fimilia in Deum cadere : nam egomet ipfe illis libenter 
caruiflem. Præterea multarum rerum fenfibilium & corporearum 
Ideas habebam ; quamwvis enim me fingerem fomniare, & quidquid 
vel videbam vel imaginabar, falfum efle, negare tamen non poteram 
Ideas illas in | mente meà revera exfiftere. Sed quia jam in me 
iplo perfpicuè cognoveram naturam intelligentem à corporeû efle 
diftinétam, in omni autem compofitione unam partem ab alterà, 
totumque à partibus pendere advertebam, atque illud quod ab ali- 
quo pendet perfeétum non efle ; idcirco judicabam in Deo perfectio- 
nem effe non poile, quod ex iftis duabus naturis effet compofitus, 
ac proinde ex illis compofitum non efle. Sed fi quæ res corporeæ in 
mundo eflent, vel fi aliquæ res intelligentes, aut cujuflibet alterius 
naturæ, quæ non eflent omnino | perfectæ, illarum exfiftentiam à 
Dei potentià neceflarid ita pendere, ut ne per minimum quidem 
temporis momentum abfque eo effe poffent. 

Cüm deinde ad alias veritates quærendas me accingerem, confi- 
deraremque in primis illam rem circa quam Geometria verfatur, 
quam nempe concipiebam ut corpus continuum, five ut fpatium 
indefinitè longum, latum, & profundum, divifibile in partes tum 
magnitudine, tum figurà omnimodè diverfas, & quæ moveri five 
tranfponi poflint omnibus modis (hæc enim omnia Geometræ in eo 
quod examinant efle fupponunt), aliquas ex fimpliciffimis eorum 
demonftrationibus in memoriam mihi revocavi. Et primd quidem 
notavi magnam illam certitudinem quæ iis omnium confenfu tri- 
buitur, ex eo tantüm procedere quôd valde clarè & diftinétè intel- 
ligantur, juxta regulam pauld ante traditam. Deinde etiam notavi 
nihil planè in iis efle, quod nos certos reddat illam rem circa quam 
verfantur exfiftere : nam quamvis fatis viderem, fi, exempli caufà, 
fupponamus dari aliquod triangulum, ejus tres angulos neceffarid 


36-38. DE MErxopo. ;ôI 


fore æquales duobus reétis ; nihil | tamen videbam quod me certum 
redderet, aliquod triangulum in mundo effe. At contrà cüm rever- 
terer ad Ideam entis perfeéti quæ in me erat, ftatim intellexi exfi- 
fentiam in eà contineri, eâdem ratione quà in Ideà trianguli æqua- 
litas trium ejus angulorum cum duobus rectis continetur, vel ut in 
Ideä circuli, æqualis à centro diftantia omnium ejus circumferentiæ 
partium, vel etiam adhuc evidentius; ac proinde ad minimum 
æquè certum efle Deum, qui eft illud ens perfetum, exfiftere, quim 
ulla Geometrica demonftratio effe potefit. 

[Sed tota ratio propter quam multi fibi perfuadent, tum Dei exi- 
fentiam, tum animæ humanæ naturam, efle res cognitu valde dift- 
ciles, ex eo eft quod nunquam animum à fenfibus abducant, & 
fupra res corporeas attollant; fintque tam aflueti nihil unquam con- 
fiderare quod non imaginentur, hoc eft, cujus aliquam imaginem 
tanquam rei corporeæ in phantafià fuà non fingant, ut illud omne 
de quo nulla talis imago fingi poteft, intelligi etiam non poffe illis 
videatur. Atque hoc ex eo fatis patet, qud vulgd Philofophi in 
fcholis pro axiomate pofuerint, nihil effe in intelle&u quod non 
priüs fuerit in fenfu : in quo tamen certiffimum eft Ideas Dei & 
animæ rationalis nunquam fuifle; mihique idem facereilli videntur 
qui fuà imaginandi facultate ad illas uti volunt, ac fi ad fonos au- 
diendos vel odores percipiendos, oculis fuis uti conarentur; nifi 
quôd in eo etiam differentia fit, quod fenfus oculorum in nobis non 
minüs certus fit quàm odoratus vel auditus; cùm è contrà, nec 
imaginandi facultas, nec fentiendi, ullius unquam rei nos certos 
reddere poflit, nifi intellectu five ratione cooperante. 

|Quôd fi denique adhuc aliqui fint quibus rationes jam didtæ non- 
dum fatis perfuaferint Deum efle, ipforumque animas abfque cOr- 
pore fpectatas effe res revera Lretes velim fciant alia omnia pro- 
nunciata, de quibus nullo modo En dubitare, ut quôd ipfimet 
habeant corpora, quèd in mundo fint fidera, terra, & fimilia, multo 
magis efle incerta. Quamvis enim iftorum omnium fit certitudo, ut 
loquuntur Philofophi, moralis, quæ tanta eft, ut | nemo nifi deliret 
de iis dubitare poffe videatur ; nemo tamen etiam, nifi fit rationis 
expers, poteit negare, quoties de certitudine Metaphyficà quæftio 
eft, quin fatis fit caufæ ad dubitandum de illis, qudd advertamus 
fieri poffe ut, inter dormiendum, eodem planè modo credamus nos 
alia habere corpora, & alia fidera videre, & aliam terram, &c., quæ 
tamen omnia falfa fint. Unde enim fcitur eas cogitationes quæ oc- 
currunt dormientibus potius falfas effe quàm illas quas habemus 
vigilantes, cùm fæpe non minüs vividæ atque expreffæ videantur ? 

Œuvres. I. 


71 


502 OEuvres DE DESCARTES. 38-40. 


Inquirant præflantiflima quæque ingenia quantum libet, non puto 
illos rationem aliquam pole invenire, quæ huic dubitandi caufæ 
tollendæ fufliciat, nifi exfiftentiam Dei fupponant. Etenim hoc ipfum 
quod pauld ante pro regulà affumpfi, nempe illa omnia quæ clarèe 
& diftinctè concipimus vera effe, non aliam ob caufam funt certa, 
quam quia Deus exfiflit, eftque Deus ens fummum & perfectum, 
adeo ut quidquid entis in nobis efl, ab eo neceflarid procedat. Unde 
fequitur Ideas noftras five notiones, cum in omni eo in quo funt 
claræ & diftinctæ, entia quædam fint, atque à Deo procedant, non 
polfe in eo non effe veras. Ac proinde quod multas fæpe habeamus, 
in quibus aliquid falfitatis continetur, non | aliunde contingit quäm 
quia etiam in jifdem aliquid eft obfcurum & confufum; atque in 
hoc non ab ente fummo fed à nihilo procedunt ; hoc eft, obfcuræ 
funt & confufæ, quia nobis aliquid deeft, five quia non omnino per- 
fecti fumus. Manifeftum autem eft non magis fieri poffe, ut falfitas 
five imper/feétio à Deo fit, quatenus imperfectio eft, quàm ut veritas 
five perfectio à nihilo. Sed fi nefciremus quicquid entis & veri in 
nobis eft, totum illud ab ente fummo & infinito procedere, quantum- 
vis claræ & diftinctæ effent Ideæ noftræ, nulla nos ratio certos red- 
deret illas idcirco elle veras. 

At poftquam Dei & mentis noftræ cognitio nobis hanc regulam 
planè probavit, facilè intelligimus ob errores fomniorum, cogita- 
tiones quas vigilantes habemus, in dubium vocari non debere. Nam 
fi quis etiam dormiendo ideam aliquam valde diftinctam haberet, ut 
exempli caufà, fi quis Geometra novam aliquam demonftrationem 
inveniret, ejus profeéto fomnus non impediret quominuüs illa vera 
effet. Quantum autem ad errorem fomniis noftris maximè familia- 
rem, illum nempe qui in eo confiftit, quod varia nobis objecta re- 
præfentent eodem planè modo quo ipfa nobis à fenfibus externis 
inter vigilandum exhibentur, non in eo nobis oberit qudd occa- 
fionem det ejufmodi ideis, quas à fenfibus vel accipimus vel puta- 
mus accipere, parum credendi; poffunt enim illæ etiam dum vigi- 
lamus non rar nos fallere, ut cum ii qui morbo regio laborant 
omnia colore flavo infecta cernunt, aut cum nobis aftra vel alia cor- 
pora valde remota, multo minora quäm fint apparent. Omnino 
enim, five vigilemus five dormiamus, folam evidentiam rationis 
judicia noftra fequi de|bent. Notandumque eft hîc me loqui de evi- 
dentià noftræ rationis, non autem imaginationis, nec fenfuum. Ita 
exempli caufà, quamvis Solem clariflimè videamus, | non ideo de- 
bemus judicare illum efle ejus tantüm magnitudinis quam oculi 
nobis exhibent; & quamvis diftinétè imaginari poflimus caput leo- 


40-72. DE MErHObo. 503 


nis capræ corpori adjunctum, non inde concludendum eft chimæram 
in mundo exiftere. Ratio enim nobis non dictat ea quæ fic vel vide- 
mus vel imaginamur, idcirco revera exiftere. Sed planè nobis dictat, 
omnes noftras Ideas five notiones aliquid in fe veritatis continere; 
alioqui enim fieri non poffet ut Deus qui fummè perfectus & verax 
eft, illas in nobis pofuiffet. Et quia noftræ ratiocinationes five 
judicia nunquam tam clara & diftinéta funt dum dormimus quàam 
dum vigilamus, etiamfi nonnunquam imaginationes noftræ magis 
vividæ & expreffæ fint, ratio etiam nobis diétat, cm omnes noftræ 
cogitationes veræ efle non poflint, quia non fumus omnino perfecti, 
veriflimas ex iis illas effe potius quas habemus vigilantes, quàm 
quæ dormientibus occurrunt. 

Libentiffimé hic pergerem, & totam catenam veritatum quas ex 
his primis deduxi exhiberem; fed quoniam ad hanc rem opus nunc 
effet, ut de variis quæftionibus agerem inter doctos controverfis, 
cum quibus contentionis funem trahere nolo, fatius fore credo ut 
ab iis abftineam, & folüm in genere quænam fint dicam, quo 
fapientiores judicare poffint, utrum expediat rempublicam literariam 
de iis fpecialius edoceri. | Perftiti femper in prepoñto nullum aliud 
principium fupponendi, præter illud quo modà ufus fum ad exfiften- 
tiam Dei & animæ demonftran|dum, nullamque rem pro ver acci- 
piendi, nifi mihi clarior & certior videretur, quàm antea Geome- 
trarum demonftrationes fuerant vifæ. Nihilominus aufim dicere, me 
non folüm reperiffe viam, quà brevi tempore mihi fatisfacerem, in 
omnibus præcipuis quæftionibus quæ in Philofophià traétari folent; 
fed etiam quafdam leges obfervaile, ita à Deo in naturà conftitutas, 
& quarum ejufmodi in animis noftris notiones impreflit, ut poit- 
quam ad eas fatis attendimus, dubitare nequeamus, quin in omni- 
bus quæ funt aut fiunt in mundo accuratè obferventur. Deinde 
legum ïiftarum feriem perpendens, animadvertifle mihi videor 
multas majorifque momenti veritates, quàm fint ea omnia quæ 
antea didiceram, aut etiam difcere pofle fperaveram. 

Sed quia præcipuas earum peculiari traétatu explicare fum 
conatus, quem ne in lucem edam, rationes aliquæ prohibent, non 
poffum quænam:illæ fint commodiüs patefacere, quàm fi tractatüs 
illius fummam hic paucis enarrem. Propoñtum mihi fuit in illo 
compleëti omnia, quæ de rerum materialium naturà fcire putabam, 
antequam me ad eum fcribendum accingerem. Sed quemadmodum 
piétores, cùm non poflint omnes corporis folidi facies in tabulà 
planà æqualiter fpeétandas exhibere, unam è& præcipuis deligunt, 
quam folam luci obvertunt, cæteras verd opacant, | & eatenus 


v 
Quæflionum 
Phyficarum ab 
Authore invefliga- 
tarum ordo ; 
ac in fpecie motus 
cordis, et 
qguarundam 
aliarum ad Medi- 
cinam fpeédantium 
perple.xarum 
opinionum eno- 
dalio ; tum quæ fit 
inter noftram et 
brutorum animam 
differentia. 


64 OEUVRES DE DESCARTES. 42-43. 


tantüm videri finunt, quatenus præcipuam illam intuendo id fieri 
poteft : ita veritus ne differtatione meà omnia quæ animo volvebam 
comprehendere non pollem, ftatui folum in eà copiofè exponere 
quæ de lucis naturà concipiebam; deinde ejus occafione aliquid de 
Sole & ftellis fixis adjicere, quôd ab iis tota ferè|promanet; item de 
cœlis, quod eam tranfmittant; de Planetis, de Cometis & de Terrà, 
quèd eam reflectant; & in fpecie de omnibus corporibus quæ in 
terrâ occurrunt, quod fint aut colorata, aut pellucida, aut luminofa; 
tandemque de homine, quèd eorum fit fpectator. Quinetiam ut 
aliquas his omnibus umbras injicerem, & liberius, quid de iis fenti- 
rem, dicere poffem, nec tamen receptas inter doétos opiniones aut 
fequi aut refutare tenerer, totum hunc Mundum difputationibus 
ipforum relinquere decrevi, & tantüm de iis quæ in Novo contin- 
gerent tractare, fi Deus nunc alicubi in fpatiis imaginariis fuflicien- 
tem ad eum componendum materiæ copiam crearet, varièque & 
fine ordine diverfas hujus materiæ partes agitaret, ita ut ex eà æquè 
confufum Chaos atque Poëtæ fingere valeant componeret; deinde 
nihil aliud ageret quam ordinarium fuum concurfum naturæ com- 
modare, ipfamque fecundüm leges à fe conititutas agere fineret. 
Ita primüm hanc materiam defcripli, & eo modo eam depingere 
conatus fum, ut nihil, meà quidem fententià, clarius aut intelligi- 
bilius fit in mundo, exceptis iis quæ modù de Deo & de Anim 
diéta funt, Nam etiam expreflè fuppofui, | nullas in eâ ejufmodi 
formas aut qualitates efle, quales funt eæ de quibus in Scholis 
difputatur, nec quidquam in genere cujus cognitio non adeo men- 
tibus noltris fit naturalis, ut nullus ipfam à fe ignorari fingere poñlit. 
Præterea quænam effent naturæ leges oftendi; nulloque alio 
affumpto principio quo rationes meas ftabilirem, præter infinitam 
Dei perfectionem, illas omnes demonftrare ftudui, de quibus dubi- 
tatio aliqua oboriri poilet, probareque eas tales efle, ut etiam fi 
Deus plures | mundos creaffet, nullus tamen efle poflet in quo non 
accuratè obfervarentur. Poftea oftendi quomodo maxima pars 
materiæ iftius Chaos, fecundüm has leges, ita fe difpofitura & col- 
locatura eflet, ut noftris Cœlis fimilis evaderet; quomodo interea 
aliquæ illius partes Terram compolituræ effent, quædam Planetas 
& Cometas, & quædam aliæ Solem & ftellas fixas. Et hoc loco in 
tractationem de Luce digreflus, prolixè expofui quænam ea efle 
deberet quæ Solem & ftellas componeret, & quomodo inde tem- 
poris momento immenfa cœlorum fpatia trajiceret, & à Planetis 
Cometifque ad terram reflecteret. Ibidem etiam multa de fubitan- 
tià, fitu, motibus, & omnibus diverfis iftorum cœlorum aftro- 


41 


42 


43-45. DE MErHono. 506$ 


rumque qualitatibus inferui ; adeo ut me fatis multa dicere putarem 
ad oftendendum nihil in hujus Mundi CϾlis aftrifque obfervari, 
quod non deberet aut faltem non poffet fimiliter in mundo | quem 
defcribebam apparere. Inde ad traétandum de Terrà progreflus 
fum, oftendique quomodo, etiamfi, prout expreflè fuppofueram, 
Deus nullam gravitatem materiæ e quà compofita erat indidiffet, 
attamen omnes ejus partes accuratè ad centrum tenderent ; item 
quomodo cum iplius fuperficies aquis & aëre operiretur, Cœlorum 
& Aftrorum, fed præcipuë Lunæ difpofitio, in eà fluxum & refluxum 
efficere deberet, omnibus fuis circumftantiis illi qui in maribus 
noftris obfervatur fimilem; nec non quendam aquarum & aëris ab 
ortu ad occafum motum, qualis inter Tropicos animadvertitur; 
quomodo montes, maria, fontes & fluvii in eà naturaliter produci 
poffent, & metalla in fodinis enafci, plantæque in agris crefcere; & 
in genere omnia corpora, quæ vulgo mixta aut compofita vo/cant, 
in eà generari. Et inter cætera, quia nihil aliud in mundo poit 
Aftra, præter Ignem efle agnofco quod lumen producat, fludui 
omnia quæ ad ignis naturam pertinent perfpicuè declarare, quo- 
modo fiat, quomodo alatur, & cur in eo aliquando folus calor fine 
lumine, aliquando vero folum lumen fine calore deprehendatur ;quo- 
modo varios colores in diverfa corpora inducere poflit, diverfafque 
alias qualitates; quomodo quædam liquefaciat, quædam verd in- 
duret; quomodoque omnia propemodum confumere, aut in cineres 
& fumum convertere poflit; & denique quomodo ex his cineribus 
folà aétionis fuæ vi vitrum efficere. Cüm enim ifta cinerum in 
vitrum tranfmutatio | non minüs fit admiranda quàm quævis alia 
quæ in naturà contingat, volui me aliquantüum in ejus particulari 
defcriptione oblectare, 

Nolebam tamen ex his omnibus inferre Mundum hunc eo quo 
proponebam modo fuifle creatum. Multo enim verifimilius eft Deum 
ipfum ab initio talem qualis futurus erat fecifle. Verumtamen 
certum eft & vulgù inter Theologos receptum, eandem effe attionem 
quà ipfum nunc confervat, cum eà quà olim creavit : ita ut etiamfi 
nullam ei aliam quàäm Chaos formam ab initio dediffet, dummodo 
poft naturæ leges conititutas, ipfi concurfum fuum ad agendum 
ut folet commodaret, fine ullà in creationis miraculum injurià 
credi poflit, eo folo res omnes purè materiales, cum tempore quales 
nunc effe videmus effici potuifle. Natura autem ipfarum multo 
faciliüs capi poteft, cûm ita paulatim orientes confpiciuntur, quàm 
cum tantüm ut abfolutæ & perfectæ confiderantur. 

A defcriptione corporum inanimatorum & plantarum | tranfvi 


L2 


00 ŒEuvres DE DESCARTES. 45-47 


ad animalia, & fpeciatim ad hominem. Sed quia nondum tantam 
iflorum adeptus eram cognitionem, ut de iis eâdem quà de cæteris 
methodo tractare poffem, hoc eft, demonftrando effeétus per cau- 
fas, & oftendendo ex quibus feminibus, quove modo natura ea pro- 
ducere debeat, contentus fui fupponere, Deum formare corpus 
hominis uni è noftris omnino fimile, | tam in externà membrorum 
figurà, quàm in internà organorum conformatione, ex eâdem cum 
illà quam defcripferam materià, nullamque ei ab initio indere ani- 
mam rationalem, nec quidquam aliud quod loco animæ vegetantis 
aut fentientis effet; fed tantum in ipfius corde aliquem fine lumine 
ignem, qualem antea defcripferam, excitare ; quem non putabam 
diverfum effe ab eo qui fænum congeflum antequam ficcum fit cale- 
facit; aut qui vina recentia ab acinis nondum feparata fervere facit. 
Nam functiones quæ confequenter in hoc humano corpore elfe po- 
terant expendens, inveniebam perfectè omnes quæ nobis non cogi- 
tantibus inefle poffunt ; ac proinde abique cooperatione animæ, hoc 
ell, illius noftri partis à corpore diftinctæ, cujus ante dictum ef, na- 
turam in cogitatione tantüum fitam efle ; eafdemque in quibus poteit 
dici animalia ratione deftituta nobifcum convenire; ita tamen ut 
nullam earum animadverterem, quæ cüm à mente pendeant, folæ 
noftræ funt quatenus homines fumus ; quas nihilominus ibi poftea 
reperiebam, cüùm Deum animam rationalem creafle, eamque fti 
corpori certo quodam quem defcribebam modo conjunxiffe, fup- 
poluitfem. : 

Sed ut cognofci poflit quà ratione illic materiam iftam tractarem, 
volo hic apponere explicationem motûs cor|dis & arteriarum; qui 
cm primus & generaliffimus fit qui in animalibus obfervatur, ex 


eo facilè judicabitur quid | de reliquis omnibus fit fentiendum. Et. 


ut minor in iis quæ dicturus fum percipiendis occurrat difficultas, 
author fum iis qui in Anatomià non funt verfati, ut antequam fe 
ad hæc legenda accingant, cor magni alicujus animalis pulmones 
habentis, coram fe diffecari curent (in omnibus enim fatis eft 
humano fimile), fibique duos qui inibi funt ventriculos five cavitates 
oftendi. Primd illam quæ in latere dextro el, cui duo valde ampli 
canales refpondent : videlicet vena cava, quæ præcipuum eft fan- 
guinis receptaculum, & veluti truncus arboris, cujus omnes aliæ 
corporis venæ funt rami; & vena arteriola, malè ita appellata, cum 
revera fit arteria, quæ originem à corde habens, poftquam inde 
exiit in multos ramos dividitur, qui deinde per pulmones difper- 
guntur. Secundù illam quæ ef in latere finiftro, cui eodem modo 
duo canales refpondent, æquè ampli atque præcedentes, fi non 


47-49. | DE MErTHopo. 67 


magis : fcilicet arteria venofa, malè etiam ita nominata, cum nihil 
aliud fit quàm vena, quæ à pulmonibus oritur, ubi in multos ramos 
dividitur, cum venæ arteriofæ & afperæ arteriæ, per quam aër quem 
fpiramus ingreditur, ramis permixtos; & magna arteria, quæ è 
corde exiens ramos fuos per totum corpus difpergit. Vellem etiam 
ipfis diligenter oftendi undecim pelliculas, quæ veluti totidem val- 
vulæ aperiunt & claudunt quatuor oftia feu orificia quæ funt in iftis 
duobus cavis. Nimirum | tres in ingreffu venæ cavæ, ubi ita funt 
collocatæ ut nullo modo impedire poflint quominuüs fanguis, quem 
continent, in dextrum cordis ventriculum fluat, licèt ne inde exeat 
accuratè prohibeant. Tres in ingreflu venæ arteriofæ, quæ, | contra- 
rio modo difpofitæ, finunt quidem fanguinem in illà cavitate con- 
tentum ad pulmones tranfire, fed non eum qui in pulmonibus eft 
eo reverti. Et fic duas alias ih orificio arteriæ venofæ, quæ permit- 
tunt ut fanguis è pulmonibus in finiftrum cordis ventriculum fluat, 
fed reditum ejus arcent. Et tres in ingreflu magnæ arteriæ, quæ 
finunt ipfum è corde exire, fed ne illuc redeat impediunt. Nec opus 
eft aliam quærere caufam numeri iftarum pellicularum, nifi quôd 
cüm arteriæ venofæ orificium fit figuræ ovalis ratione loci in quo 
eft, duabus commodè claudi poflit; cùm alia, quæ rotunda funt, 
meliüs tribus obftrui queant. Præterea cuperem ut oftenderetur 
ipfis magnam arteriam & venam arteriofam, conilitutionis effe 
multo durioris & firmioris quam arteria venofa & vena cava, & 
iftas duas poftremas dilatari priufquam cor ingrediantur, ibique 
duo veluti marfupia efficere, quæ vulgd cordis auriculæ vocantur, 
& funt ex fimili cum ipfo carne compofitæ ; multoque femper plus 
caloris efle in corde quam in ullâ alià corporis parte; denique 
iftum calorem polie efficere, ut fi guttula aliqua fanguinis in ipfius 
cavitates ingrediatur, ftatim intumefcat & | dilatetur ; ficut omni- 
bus in univerfum liquoribus contingit, cùm guttatim in aliquod 
valde calidum vas ftillant. 

Poft hæc enim non opus eft ut quidquam aliud dicam ad motum 
cordis explicandum, nifi quod cüm ipfius cavitates non funt fan- 
guine plenæ, illuc neceffarid defluat, è venâ quidem cavä in dex- 
tram, & ex arterià venofà in finiftram ; quia hæc duo vafa fanguine 
femper plena funt, & ipforum orificia quæ cor fpettant tunc obtu- 
rata efle non poffunt. Sed fimul atque duæ fanguinis guttæ ita illuc 
funt| ingreffæ, nimirum in unamquamque cavitatem una, cùm necef- 
farid fint valde magnæ, eo quôd oflia per quæ ingrediuntur ampla 
fint, & vafa unde procedunt plena fanguine, ftatim eæ rarefiunt & 
dilatantur, propter calorem quem illic inveniunt. Quä ratione fit ut 


Hervæus 
de Motu Cordis. 


508 Œuvres DE DESCARTES. 40-51. 


totum cor intumefcere faciant, fimulque pellant & claudant quin- 
que valvulas, quæ funt in ingreffu vaforum unde manant, impe- 
diantque ne major fanguinis copia in cor defcendat; et cum magis 


magifque rarefiant, fimul impellant & aperiant fex reliquas valvulas, 


quæ funt in orificiis duorum aliorum vaforum, per quas exeunt, 
hac ratione efficientes, ut omnes venæ arteriofæ & magnæ arteriæ 
rami eodem penè cum corde momento intumefcant; quod ftatim 
poftea, ficut etiam iftæ arteriæ, detumefcit, quia fanguis qui eû in- 
greflus eft refrigeratur, & ipfarum fex valvulæ clauduntur, & quin- 
que venæ cavæ & arteriæ venofæ aperiuntur, tranfitumque præ- 
bent | duabus aliis guttis fanguinis, quæ iterum faciunt ut cor & 
arteriæ intumefcant, ficut præcedentes. Et quia fanguis qui ita in 
cor ingreditur, per iftas duas ipfus auriculas tranfit, inde fit ut 
ipfarum motus, cordis motui conträrius fit, & cm intumefcit 
detumefcant. 

Cæterüm ne ii qui vim demonftrationum Mathematicarum igno- 
rant, & in diftinguendis veris rationibus à verifimilibus non funt 
exercitàti, audeant iftud fine prævio examine negare; monitos eos 
volo motum hunc quem modà explicavi, adeo neceffarid fequi ex 
folà organorum difpofitione, quam fuis in corde oculis intueri pof- 
funt, & ex calore qui digitis percipitur, naturâque fanguinis quæ 
experientià cognofcitur, atque horologii motus, ex vi, fitu & figurà 
ponderum & rotarum quibus conftat. 

| Sed fi quæratur quâ ratione fiat ut fanguis venarum ita continud 
in cor defluens non exhauriatur, & arteriæ nimis plenæ non fint, 
cm omnis fanguis qui per cor tranfit in eas ingrediatur; non opus 
eft ut aliud refpondeam præter id quod jam à quodam Medico An- 
glo fcriptum eft; cui laus hæc tribuenda eft quôd primam in iftâ 
materià glaciem fregerit, primufque docuerit multas effle exiguas 
vias in arteriarum extremitatibus, per quas fanguis quem à corde 
accipiunt in ramulos venarum ingreditur ; unde iterum ad cor re- 
dit; adeo ut motus ipfus nihil aliud fit quäm perpetua quædam 
icirculatio. Id quod optimè probat ex ordinarià experientià Chirur- 
gorum, qui brachio mediocri cum adftrictione ligato fupra locum 
ubi venam aperiunt, efficiunt ut fanguis inde copiofius exfiliat, 
quäm fi non ligaflent. Planè autem contrarium eveniret, fi brachium 
infrà ligarent, inter manum videlicet & aperturam, aut fi illud fu- 
prà valde arétè adftringerent. Manifeftum enim eft, vinculum me- 
diocriter adftriétum, poffe quidem impedire ne fanguis qui jam in 
brachio eft, ad cor per venas redeat ; non autem ne novus femper 
ex arteriis affluat; eo quèd infra venas fint collocatæ, & durior 


51-53. DE MErHopo. 569 


ipfarum cutis non ita facilè comprimi poflit; quodque etiam fan- 
guis è corde veniens, majore cum vi per ipfas ad manum tranfire 
_contendat, quàm inde ad cor per venas redire. Quoniam vero fan- 
guis ifte ex brachio exit per aperturam in unâ venarum factam, 
neceffarid meatus aliqui infra vinculum, hoc eft circa brachii extre- 
mum, effe debent, per quos illuc ex arteriis venire queat. Optimè 
etiam id quod de motu fanguinis dicit, probat ex quibufdam pelli- 
culis, ita variis in locis valvularum inftar circa venas dif|pofitis, ut 
ipfi à medio corporis ad extrema tranfire non permittant, fed tan- 
tüum ab extremis ad cor redire; præterea experientià, quæ oftendit 
omnem qui in corpore eft fanguinem, inde breviflimo tempore exire 
poffe per unicam fciffam arteriam, etiamf arctifimè prope cor 
effet ligata, atque inter ipfum & vinculum fciffa; adeo ut | nulla 
effet fufpicandi occafio, fanguinem egredientem aliunde quàm ex 
corde venire. 

Sed multa alia funt quæ hanc quam dixi, veram iftius motüs fan- 
guinis caufam efle teflantur; ut primo differentia quæ obfervatur 
inter fanguinem qui è venis exit, & eum qui ex arteriis promanat; 
quæ aliunde oriri non poteft quäm ex eo qudd tranfeundo per cor 
rarefactus & veluti diftillatus fuerit, atque ita fubtilior, vividior & 
calidior fit, ftatim atque inde exiit, hoc eft cüm in arteriis conti- 
netur, quàm eflet paulù antequam in eas ingrederetur, hoc eft cüm 
in venis ftabulabatur. Et fi probè attendatur, comperietur hoc dif- 
crimen non apparere manifeftè, nifi in vicinià cordis; minuüs autem 
in locis ab eo remotioribus. Deinde tunicarum è quibus vena arte- 
riofa & magna arteria conflant durities, fatis oftendit fanguinem 
ipfas majore cum vi quàm venas pulfare. Cur etiam finiftra cordis 
cavitas & magna arteria ampliores effent & latiores cavitate dextrà 
& venà arteriofà, nifi arteriofæ venæ fanguis pulmones folüm in- 
greflus ex quo per cor tranfiit fubtilior effet, & magis faciliufque 
rarefieret quàm fanguis immediatè ex venà cavà procedens ? Et quid 
ex pulfüs contreétatione conjicere poflunt Medici, nifi fciant fan- 
guinem, prout naturam mutat, magis aut minüs, celeriüs vel tardiüs 
quàm antea à cordis calore rarefieri poile? Et fi expendatur quo- 
modo ifte | calor aliis membris communicetur, nonne fatendum eft 
id fieri | ope fanguinis qui per cor tranfiens ibidem calefit, indeque 
per totum corpus diffunditur ? Unde fit ut fi ex aliquà parte fanguis 
dematur, eâdem operà dematur calor. Et quamvis cor ardore fer- 
rum candens æquaret, non fufficeret tamen ad pedes & manus adeo 
ac fentimus calefaciendum, nifi continud illuc novum fanguinem 
mitteret. Deinde etiam ex eo cognofcitur verum refpirationis ufum 


Œuvres. I, 72 


57 Œuvres DE DESCARTES. 53-55, 


elfe, fatis recentis aëris in pulmones inferre, ad efficiendum ut fan- 
guis qui eù ex dextro cordis ventriculo defluit, ubi rarefactus & 
quafi in vapores mutatus fuit, ibi incraffefcat & denuo in fanguinem 
convertatur, priufquam in finiftrum refluat; fine quo, alendo qui 
illic eft igni aptus effe non poflet. Idque ex eo confirmatur, quod 
videamus animalia pulmonibus deitituta, unicum tantüm cordis 
ventriculum habere; quôdque in infantibus qui eo uti non poflunt 
quamdiu funt in matrum uteris inclufi, foramen quoddam depre- 
hendamus per quod fanguis è venà cavà in finiftram cordis cavita- 
tem defluit; & brevem tubum per quem & venà arteriofà in magnam 
arteriam, non trajecto pulmone, tranfit. Deinde quomodo fieret con- 
coctio in ventriculo, nifi cor eù calorem per arterias immitteret, 
unàque fluidiores aliquas fanguinis partes, quæ injecti cibi commi- 
nutionem adjuvant? Nonne etiam actio, quæ iftius cibi fuccum in 
fanguinem convertit, facilis eft cognitu, fi confideretur illum iteratis 
vicibus & forte plus quam centies aut ducenties fingulis diebus per 
cordis ventriculos totum diftillare ? Quà verd aliâ re indigemus | ad 
explicandum nutritionem, & variorum qui in corpore funt humo- 
rum productionem? nifi ut dicamus | impetum quo fanguis, dum 
rarefit, à corde ad extremitates arteriarum tranfit, efficere ut aliquæ 
ipfus partes fubfiftant in membris ad quæ accedunt, ibique locum 
occupent aliquarum partium quas inde expellunt, & fecundüm fi- 
tum, aut figuram, aut exilitatem pororum quos offendunt, quafdam 
potiüs in certa loca confluere quàm aliàs; eädem ratione quà fieri 
folent quædam cribra, quæ per hoc unum quôd diverfimode fint 
perforata, variis frumenti fpeciebus à fe invicem feparandis infer- 
viunt. Denique id quod hic fuper omnia obfervari meretur, gene- 
ratio eft fpirituum animalium, qui funt inftar venti fubtiliflimi, aut 
potius flammæ puriflimæ, quæ continuè è corde magnà copià in 
cerebrum afcendens, inde per nervos in mufculos penetrat, & om- 
nibus membris motum dat: ita ut non opus fit aliam imaginari 
caufam, quæ efficiat ut partes fanguinis, quæ eo quôd fint magis 
cæteris agitatæ & penetrantiores, aptiflimæ funt ad iftos fpiritus 
componendos, potius ad cerebrum quàm ali contendant; nifi quod 
arteriæ quæ eas illuc deferunt, rectiflimà omnium lineà à corde pro- 
cedant; & quôd fecundüm Mechanices regulas, quæ eædem funt 
atque regulæ naturæ, cm variæ res fimul ad eandem partem con- 
tendunt, ubi fatis fpatii non eft omnibus recipiendis, ficut contingit 
in partibus fanguinis quæ & finiftro cordis ventriculo exeunt & ad 
cerebrum tendunt, necefle fit | ut debiliores & minuüs agitatæ inde 
avertantur à validioribus, quæ hac ratione eù folæ perveniunt. 


55-56. DE MErHopo. + 


Particulatim fatis ifta omnia expofueram in traétatu quem antea 
in lucem edere cogitabam. In quo confequenter oftenderam quæ- 
nam debeat effe fabrica nervorum & | mufculorum corporis humani, 
ad efficiendum ut fpiritus animales ipfo contenti, vires habeant ejus 
membra movendi, ficut videmus capita, pauld poft | quam abfciffa 
fuerunt, adhuc moveri & terram mordere, etiamfi non ampliüs fint 
animata; quænam mutationes in cerebro fieri debeant ad vigiliam, 
fomnum & infomnia producendum ; quomodo lumen, foni, odores, 
fapores, calor & omnes aliæ externorum objectorum qualitates, in 
eo per fenfuum organa diverfas imprimere ideas poflint; quomodo 
fames, fitis, aliique interni affeétus fuas etiam illuc immittere va- 
leant; quid in eo per fenfum communem intelligi debeat, in quo ideæ 
iflæ recipiuntur ; per memoriam, quæ eas confervat; & per phanta- 
fiam, quæ eas diverfimodè mutare poteit, & novas componere; quæ- 
que etiam fpiritus animales variè in mufculos immittendo, eofdem 
omnes motus qui unquam abîque voluntatis imperio in nobis fiunt, 
eodemque modo tum objectis externis.fenfuum organa pulfantibus, 
tum etiam affectibus & temperamentis externis refpondentes, in 
iftius corporis membris poteit eflicere. Quod nullo modo videbitur 
mirum lis, qui fcientes quàm varii motus in automatis humanà in- 
duitrià fabricatis edi poflint; | idque ope quarumdam rotularum 
aliorumve inftrumentorum, quæ numero funt pauciflima, fi confe- 
rantur cum multitudine ferè infinità oflium, mufculorum, nervo- 
rum, arteriarum, venarum aliarumque partium organicarum, quæ 
in corpore cujuflibet animalis reperiuntur; confiderabunt humani 
corporis machinamentum tanquam automatum quoddam manibus 
Dei faétum, quod infinities melius fit ordinatum, motufque in 
fe admirabiliores habeat, quäm | ulla quæ arte humanà fabricari 
poflint. 

Et hîc particulariter immoratus eram in oftendendo, fi darentur 
ejufmodi machinæ, figurà externà organifque omnibus fimiæ vel 
cuivis alteri bruto animali fimillimæ, nullà nos ratione agnituros 
ipfas naturà ab iftis animantibus differre. Si autem aliquæ exftarent 
quæ noftrorum corporum imaginem referrent, noftrafque actiones 
quantüm moraliter fieri pollet imitarentur ; nobis femper duas cer- 
tiflimas vias reliquas fore ad agnofcendum, eas non propterea veros 
homines efle. Quarum prima eit, illas nunquam fermonis ufum 
habituras, aut ullorum fignorum, qualia adhibemus ad cogitationes 
noitras aliis aperiendas. Nam concipi quidem poteit machina ita 
compofita ut vocabula aliqua proferat ; imo etiam ut quædam enun- 
ciet quæ præfentiæ objectorum, ipfius organa externa moventium, 


72 -  OEuvres DE DESCARTES. 56-58. 


appofñitè refpondeant : veluti fi aliquo loco tangatur, ut petat quid 
fe velimus; fi alio, ut clamet nos ipfam lædere, & alia ejufmodi; 
fed non ut voces proprio motu fic collocet aptè ad | refpondendum 
omnibus iis quæ coram ipfa proferentur ; quemadmodum quilibet 
homines, quantumvis obtufi ingenii, poflunt facere. Secunda efñ, 
quod etiamfi tales machinæ multa æquè benè aut forfitan meliüs 
quam ullus noftrûm facerent, in quibufdam aliis fine dubio aberra- 
rent; ex quibus agnofci poflet eas cum ratione non agere, fed folum- 
modo ex organorum fuorum difpolitione. Cüm enim ratio inftru- 
mentum fit univerfale, quod in omni occafione ufui efle potef, 
contrà autem organa ifta particulari aliquà difpofitione ad fingulas 
fuas actiones indigeant : inde fit ut planè fit incredibile, fatis multa 
diverfa organa in machinä|aliquà reperiri, ad omnes motus externos 
variis cafibus vitæ refpondentes, folà eorum ope peragendos, eodem 
. modo quo à nobis rationis ope peraguntur. Hac autem eâdem du- 
-plici vià cognofci etiam poteft difcrimen quod inter homines & 
bruta intercedit. Obfervatu enim dignum eft, nullos reperiri ho- 
mines adeo hebetes & flupidos, ne amentibus quidem exceptis, ut 
non poflint diverfas voces aptè conftruere, atque ex iis orationem 
componere, quà cogitationes fuas patefaciant ; contrà verd nullum 
efle aliud animal, quantumvis perfeétum aut felici fidere natum, 
quod fimile quidquam faciat. Hocque ex organorum defeétu non 
contingit ; videmus enim picas & pfttacos eafdem quas nos voces 
proferre, nec tamen ficut nos loqui pofle, hoc ef, ita ut oftendant 
fe intelligere quid dicant. Cum nihilominus homines à nativitate 
furdi & muti, ficque non minüs, fed potiùs magis quam bruta, defti- 
tuti organis quibus alii | in loquendo utuntur, foleant proprià indu- 
ftrià quædam figna invenire quibus mentem fuam aperiant iis qui- 
bufcum verfantur, & quibus vacat linguam ipforum addifcere. IHtud 
autem non tantum indicat bruta minore rationis vi pollere quam 
homines, fed illa planè effe rationis expertia. Videmus enim exiguâ 
admodum opus effe ratione ad loquendum ; & quia obfervatur in- 
genii quædam inæqualitas inter ejufdem peciei animantia, non mi- 
nüs quam inter homines, & alia aliis inftitutionis efle capaciora; 
non eft credibile fimiam, aut pfittacum in fuà fpecie perfectiffimum, 
in eo infantem ftupidiflimum, aut faltem mente motum, æquare 
non pofle, nili ipforum anima naturæ à noftrà planè difcrepantis 
effet. Notandumque eft loquelam, fignaque | omnia quæ ex homi- 
num initituto cogitationes fignificant, plurimüm differre à vocibus 
& fignis naturalibus quibus corporei affectus indicantur. Nec cum 
veteribus quibufdam putandum, bruta loqui, fed nos ipforum fer- 


52 


53 


58-60. DE MErHopo. $73 


monem non intelligere. Si enim id verum effet, cùm multis organis 
prædita fint, iis quæ in nobis funt analogis, mentem fuam æquè 
nobis patefacere poflent ac fui fimilibus. Singulari etiam animad- 
verfione dignum eft, quod quamvis multa fint animantia, quæ plus 
induftriæ quam nos in quibufdam fuarum aétionum patefaciant, 
cadem tamen nullam omnino in multis aliis demonftrare confpi- 
ciantur. Ita ut id quod meliüs nobis faciunt, non probet ipfa efle 
ratione prædita ; inde enim fequeretur, majorem in illis ineffe ra- 
tionem quam in ullo noftrûm, eâque nos in omni etiam alià re de- 
bere fuperare; | fed potiùs probat, ipfa ratione efle deftituta, & 
naturam in jis fecundüum organorum difpofitionem agere : prout 
videmus horologium ex rotis tantum & ponderibus compofitum, 
æqualiüs quam nos cum omni noftrà prudentià, horas numerare & 
tempora metiri. 

Poftea defcripleram animam rationalem, oftenderamque, eam 
nullo modo è materiæ potentià educi poffe ficut alia de quibus ege- 
ram, fed necefle efle ipfam creari; nec fufficere ut, initar nautæ in 
navi, ipfa in corpore habitet, nifi forfan ad illius membra movenda ; 
fed requiri ut cum ipfo arctius jungatur uniaturque, ad fenfus & 
appetitus noftris fimiles habendos, & ita verum hominem compo- 
nendum. Cæterüm copiofior pauld hic fui in argumento de anim 
tractando, quod fit maximi ponderis. Nam poit illorum errorem qui 
Deum elle negant, quem me fatis | fuprà refutaffe opinor, nullus eft 
qui facilius debiles animas à recto virtutis tramite avertat, quàm fi 
putent, brutorum animam ejufdem efle cum noftrâ naturæ; ac 
proinde nihil nobis poit hanc vitam timendum aut fperandum fu- 
perefle, non magis quàm mufcis aut formicis. Cüm autem rectè 
cognofcitur quantüm differant, multo meliüs poftea capiuntur ratio- 
nes quæ probant animam noftranf naturæ efle planè à corpore inde- 
pendentis, & ex confequenti opus non effe ut cum ipfo moriatur; ac 
denique, quia | nullæ animadvertuntur caufæ quæ eam deftruant, 
naturà ferimur ad judicandum ipfam effe immortalem. 

Tertius autem nunc agitur annus, ex quo perveni ad finem tra- 
étatüs quo ifta omnia continentur, incipiebamque eum recognofcere, 
ut poftea typographo traderem ; cüm refcivi, viros, quibus multum 
defero, & quorum authoritas non multo minüs in meas actiones 
poteit, quàm propria ratio in cogitationes, opinionem quandam 
Phyficam improbaffe, pauld antè ab alio in lucem editam ; cui nolo 
dicere me adhæfile, fed tantüm nihil in illà ante ipforum cenfuram 
obfervafle, quod fufpicari poffem aut religioni aut reipublicæ noxium 
effe; nec proinde quod me impediturum fuiflet ipfam tueri, fi ratio 


VI. 

Quid requiri putet 
Author, ad ulterius 
progrediendum 
in Naturæ perfcru- 
tatione, quàm 
hadenus faëum 


Jit ; et quæ rationes 


ipfum ad fcri- 
bendum impulerint 


574 OŒuvREs DE DESCARTES. Go-62. 


veram efle perfuafiffet; hocque mihi metum incufliffe ne pariter 
inter meas aliqua inveniretur in quâ à vero aberraffem ; quanquam 
fanè magno femper ftudio curavi, ne ullis novis opinionibus fidem 
adhiberem, quarum demonftrationes certiflimas non haberem, aut 
quidquam fcriberem quod in ullius damnum cedere poflet. Hoc verd 
fatis fuit ad me movendum ut à propofito illas evulgandi defifterem. 
Etiamfi enim rationes quibus ad cogitationes meas edendas in|{duétus 
fueram validiffimæ eflent, genius tamen meus, qui femper à libris 
fcribendis abhorruit, fecit ut ftatim multas alias invenirem, quibus 
me ab illo labore fufcipiendo excufarem. Et iftæ rationes ab utrâque 
parte tales funt, ut non | folum meà eas hic recenfere aliquatenus 
interfit, fed etiam fortafle reipublicæ literariæ illas cognofcere. 
Nunquam ea magni feci quæ ab ingenio meo proficifcebantur, & 
quamdiu nullos alios ex eà quà utor Methodo fruétus percepi, nifi 
quod mihi in quibufdam dubiis fatisfeci ad fcientias fpeculativas 
pertinentibus, aut meos mores componere conatus fum fecundüum 


rationes quas me docebat, non putavi me quicquam eà de re fcri- 


bere teneri. Nam quod ad mores attinet, unufquifque adeù fuo 
fenfu abundat, ut tot pollent inveniri reformatores quot capita, fi 
aliis liceret, præterquam jiis quos Deus fupremos fuorum popu- 
lorum Rectores conilituit, aut quos fatis magnâ gratiæ & zeli 
menfurà donavit, ut Prophetæ fint, aliquid in eo immutandum 
fufcipere. Et licèt fpeculationes meæ valde mihi arriderent, credidi 
tamen, alios etiam habere fuas, quæ forte magis adhuc ipfis pla- 
ceant. Sed ftatim atque notiones aliquas generales Phyficam 
fpectantes mihi comparavi, earumque periculum facere incipiens 
in variis particularibus difficultatibus, obfervavi quoufque illæ me 
deducere poflint, & quantum à principiis differant quæ haétenus in 
ufu fuerunt; credidi me eas occultas detinere non poffe, abfque 
gravi peccato adverfus legem jubentem ut, quantum in nobis ef, 
generale omnium hominum bonum procuremus. Ex iis enim 
cognovi, ad notitias vitæ valde utiles pofle perveniri; & loco Philo- 
fophiæ illius fpeculativæ quæ in Scholis docetur, poife | Praéticam 
reperiri, quà cognitis viribus & actionibus ignis, aquæ, aëris, 
aftrorum, cœlorum aliorumque corporum quæ nos circumftant, 
adeo diftinétè atque diverfas opificum noftrorum artes novimus, 
adhibere pariter ea poffemus ad omnes ufus quibus infervire apta 
iunt, atque ita nos velut dominos & poileflores naturæ efficere. 
Quod fanè effet optandum, non tantüum ad infinitorum artificiorum 
inventionem, quæ eflicerent ut fine labore fructibus terræ & omni- 
bus ipfus commodis frueremur; fed præcipuè etiam ad valetu- 


62-64. : DE MErHopo. 7 


dinis confervationem, quæ fine dubio primum eft hujus vitæ 
bonum, & cæterorum omnium fundamentum. Animus enim adeo 
à temperamento & organorum corporis difpofitione pendet, ut fi 
ratio aliqua poflit inveniri, quæ homines fapientiores & ingenio- 
fiores reddat quam haétenus fuerunt, credam ïillam in Medicinà 
quæri debere. Verum quidem eft, eam quæ nunc eft in ufu, pauca 
quorum adeo infignis fit utilitas continere. Sed quamwvis ipfam con- 
temnere nullo modo fit animus, confido tamen nullum fore, etiam 
inter eos qui 1llam profitentur, qui non confiteatur, omnia quæ 
hactenus in eà inventa funt, nihil propemodum efle, refpectu eorum 
quæ fcienda adhuc reftant; hominefque ab infinitis tam corporis 
quàm animi morbis immunes futuros, imo etiam fortaflis à fenectu- 
tis debilitatione, fi fatis magnam caufarum à quibus mala ifta oriun- 
tur, & omnium remediorum quibus natura nos inftruxit, notitiam 
haberent. Cüm autem propofuerim | totam meam vitam collocare 
in fcientiæ adeo neceffariæ inveftigatione, & inciderim in viam quæ 
mihi talis videtur, ut fi quis eam fequatur, haud dubiè ad optatum 
finem fit | perventurus, nifi aut brevitate vitæ aut experimentorum 
defectu impediatur : judicabam nullum melius effe adverfüs duo 
ifta impedimenta remedium, quam fi fideliter publico communica- 
rem id omne, quantulumcunque eflet, quod reperiffem, & præclara 
ingenia incitarem, ut ulterius pergere contenderent, fingulique quod 
in fuâ facultate eflet ad experimenta facienda conferrent, atque etiam 
eorum omnium quæ addifcerent publicum particeps facerent, eo 
fine ut ultimi incipiendo ubi præcedentes defiflent, & ita multo- 
rum vitas & labores conjungendo, omnes fimul longiüs progrede- 
remur quäm finguli privatim polfent. 

Quinetiam de experientiis obfervabam, eas tanto magis necef- 
farias, quanto quis majorem notitiam eft adeptus. Initio enim præ- 
ftat iis tantüm uti quæ fponte fenfibus noftris occurrunt, & quas 
ignorare non poflumus, fi vel tantillum ad eas attendamus, quàm 
rariores & abftrufiores inveftigare. Cujus rei ratio eft, qudd rario- 
res illæ fæpius decipiant, quamdiu vulgatiorum caufæ ignorantur ; 
_circumftantiæque à quibus pendent ferè femper adeo particulares & 
exiguæ fint, ut obfervatu fint difficillimæ. Sed tamen hac in re 
ordinem fecutus fum. Primüm conatus fum generatim invenire | 
principia, feu primas caufas omnium quæ funt aut pofflunt efle in 
mundo; ad Deum folum qui ipfum creavit attendendo, eafque 
aliunde non educendo quàm ex quibufdam veritatis feminibus, ani- 
mis noftris à naturâ inditis. Poftea expendi quinam eflent primi & 
maximè ordinarii effeétus, qui ex his caufis deduci poflent; videorque 


576 Œuvres DE DESCARTES. .: 64-66. 


mihi hac vià cognovifle cœlos, aftra, terram, imo etiam in terrà 
aquam, aërem, ignem, mineralia, & | quædam ejufmodi alia, quæ 
funt omnium maximè communia, fimpliciflimaque, ac proinde 
cognitu facillima. Deinde cùm volui ad particulariora defcendere, 
tam multa diverfa mihi occurrerunt, ut crediderim opus efle in- 
genio plufquam humano, ad formas aut fpecies corporum, quæ in 
terrà funt, ab infinitis aliis, quæ in eà poffent elfe, fi Deo placuiflet 
illas ibi collocare, dignofcendas, ipfafque deinde ad ufum noftrum 
referendas; nifi per effectus caufis obviam eamus, & multis parti- 
cularibus experimentis adjuvemur. Deinde animo revolvens omnia 
objecta quæ unquam fenfibus meis occurrerant, dicere non verebor. 
me nihil in iis obfervaffle, quod fatis commodè per inventa à me 
principia explicare non poflem. Sed confiteri me etiam oportet, 
potentiam Naturæ efle adeo amplam & diffufam, & principia hæc 
adeo efle fimplicia & generalia, ut nullum ferè ampliüs particu- 
larem effectum obfervem, quem ftatim | variis modis ex iis deduci 
pote non agnofcam; nihilque ordinariè mihi dificilius videri, quàäm 
invenire quo ex his modis inde dependeat. Hinc enim aliter me 
extricare non poflum, quàm fi rurfus aliqua experimenta quæram, 
quæ talia fint, ut eorum idem non fit futurus eventus, fi hoc modo 
quàm fi illo explicetur. Cæterum eoufque nunc perveni ut mihi 
fatis bene videar percipere, quà ratione pleraque illorum fint fa- 
cienda quæ huic fini infervire poffunt. Sed video etiam, illa efle 
talia & tam multiplicia ut neque manus meæ, neque fortunæ, 
etiamfi millecuplo majores effent, ad omnia poffent fufficere; prout 
autem deinceps plura aut pauciora faciendi copia erit, majores 
etiam aut minores in Naturæ cognitione progreflus mihi promitto. 
Id quod | in compolito à me tractatu declarare fperabam, ibique 
adeo clarè patefacere quænam exinde ad publicum utilitas effet 
reditura, ut eos omnes quibus commune hominum bonum eft 
cordi, hoc eft, omnes revera & non in fpeciem tantüm honeftos 
viros, inducturus effem tum ad mecum communicanda quæ jam 
feciffent experimenta, tum ad me juvandum in inveftigatione eorum 
quæ fuperfunt facienda. | 
Sed ab illo tempore aliæ mihi occurrerunt rationes, quibus ad 
mutandam fententiam adductus fum, & ad cogitandum me debere 
quidem pergere in feribendis omnibus iis quæ alicujus effe momenti 
putarem, ftatim atque eorum veritatem deprehendiffem; idque non. 
minore cum curà quàm fi ea in lucem edere vellem; tum | ut tanto 
majorem haberem ea bene examinandi oécafionem ; nam fine 
dubio accuratius femper id elaboratur, quod à pluribus le&tum iri 


60 


N 


66-68. DE MEruopo. 7 


creditur, quàm quod in privatum tantüm ufum fcribitur; & fæpe 
quæ mihi vifa funt vera, cum primüum illa concepi, falfa effe poftea 
cognovi, cum ipfa chartæ volui mandare; tum etiam ut nullum 
amitterem occafionem publicam utilitatem quantum in me effet 
procurandi, & fi mea fcripta alicujus fint pretii, ii in quorum manus 
poit obitum meum devenient, illis prout commodum videbitur uti 
queant : fed me nullo modo permittere debere ut me vivo in lucem 
exirent, ne vel oppofitiones & controverfiæ quibus fortè vexaren- 
tur, vel etiam qualifcunque fama quam conciliare poffent, aliquam 
mihi darent occafionem, tempus quod inftitutioni meæ deftina- 
veram amittendi. Etiamfi enim verum fit unumquemque teneri 
quantum in fe eft aliorum bonum procu/|rare, illumque propriè 
nullius efle pretii qui nemini prodeft; attamen verum etiam eft 
curas noftras ultra tempus præfens debere extendi, bonumque effe 
omittere ea quæ fortè aliquam viventibus utilitatem effent allatura, 
eo fine ut alia faciamus quæ multo magis nepotibus noftris funt 
profutura. Quemadmodum etiam diflimulare nolo, exiguum id 
quod huc ufque didici, nihil ferè effe præ eo quod ignoro, & ad 
cujus cognitionem pervenire non defpero; eodem enim ferè modo 
agitur cum iis qui paulatim veritatem in | fcientiis detegunt, atque 
cum ditefcentibus, quibus facilius eft magna lucra facere, quàam 
antea multo minora cum adhuc pauperes erant. Vel poffunt cum 
exercituum præfectis conferri, quorum vires pro victoriarum ra- 
tione incrementa fumere folent, & quibus poit cladem acceptam 
majore prudentià opus eft ad refiduas copias confervandas, quàm 
cum prælio fuperiores fuerunt, ad urbes & provincias occupandas. 
Verè enim is prælio decernit, qui conatur fuperare omnes difhicul- 
tates & errores, à quibus impeditur ne ad cognitionem veritatis 
perveniat; & prælio vincitur, qui de re alicujus momenti falfam 
opinionem admittit,; majoreque poitea opus habet dexteritate, ad 
fe in priftinum ftatum reftituendum, quàäm ad magnos progreilus 
faciendos cüm jam principia certa habet. Quod ad me attinet, fi 
quas in fcientiis veritates inveni (confido autem, ea quæ hoc volu- 
mine continentur, oftenfura me aliquas invenifle), poflum dicere 
illas tantünr efle confequentias quinque aut fex præcipuarum difh- 
cultatum quas fuperavi, quafque pro totidem pugnis numero in 
quibus victoriam reportavi. Imo non verebor dicere, me putare, 
nihil mihi amplius deefle | ut voti compos fiam, quàäm duas 
aut tres ejufmodi obtinere; & me non efle adeo ætate pro- 
vectum, quin fecundüm ordinarium naturæ curfum, fatis mihi ad 
hanc rem otii fuperefle poflit. | Sed credo me eù plus teneri, tem- 


Œuvres. IL. 73 


578 Œuvres DE DESCARTES. 68-69. 


poris quod mihi reftat parcum elfe, qud plus fpei illud bene collo- 
candi habeo. Et multas procul dubio illud amittendi occafiones 
haberem, fi meæ Phyficæ fundamenta in lucem ederem. Etiamfi 
enim omnia ferè adeo fint evidentia, ut opus tantüum fit ea intelli- 
gere ad affentiendum, nullumque inter illa fit, cujus demonftra- 
tiones dare pole non fperem ; attamen quia fieri non poteft, ut cum 
omnibus aliorum diverfis opinionibus conveniant, fæpius me à 
propofito avocandum iri prævideo, oppofitionum quas excitabunt 
occafione. 

Objici quidem poteit oppofitiones iftas utiles fore, cum ut er- 
rores meos agnofcam, tum ut fi quid boni habeam, alii majorem 
illius hac ratione intelligentiam confequantur; & quia plures oculi 
plus vident uno, ut meis nunc uti incipientes, fuis me viciflim in- 
ventis juvent. Sed etiamfi me valde errori obnoxium agnofcam, & 
nunquam ferè fidam primis quæ mihi occurrunt cogitationibus ; 
experientia tamen quam habeo eorum quæ mihi objici poffunt, i im- 
pedit quominus ullum inde fruétum fperem. Jam enim fæpe ex- 
pertus fum judicia, tam eorum quos pro amicis habui, quam alio- 
rum quorumdam, quibus me indifferentem effe putabam, quin- 
etiam nonnullorum malignorum & invidorum, quos fciebam cona- 
turos in apertum protrahere id quod amicitiæ velum ab amicorum 
oculis abfcondebat. Sed rard accidit, ut aliquid mihi objeétum fit 
quod nullo modo prævidiflem, nifi id effet | valde à || meo argumento 
remotum; adeo ut ferè nullum unquam offenderim opinionum 
mearum cenforem, qui mihi non videretur aut minüs rigidus, aut 
minüs æquus me iplo. Sicut etiam nunquam obfervavi, veritatem 
aliquam antea ignotam, difputationum Scholafticarum ope in lucem 
protraétam fuifle. Nam dum unufquifque contendit vincere, ple- 
rumque potius ad verifimilitudinem, quäm ad rationum utrimque 
allatarum momenta attendi folet, & qui diu boni fuerunt advocati, 
non ideo poitea meliores funt judices. 

Quod ad utilitatem, quam alii ex mearum meditationum com- 
municatione percepturi eflent, non poifet etiam valde magna effe: 
quia nondum eas eoufque deduxi, ut nulla fuperfint addenda, ante- 
quam ad praxim revocentur. Et puto me pofle fine jactantià dicere, 
fi quis earum perficiendarum fit capax, me potiùs eum efle quäm 
alium quemquam. Non quod ingenia in orbe efle non poflint quæ 
meum multis parafangis fuperent; fed quia fieri non poteft ut rem 
adeo bene concipiat & fuam reddat, qui eam ab alio difcit, atque 
ille qui ipfemet eam invenit. Quod adeo in hac materià verum ef, 
ut quamvis fæpe aliquas ex meis opinionibus explicaverim viris 


63 


Este DE MErnopbo. 579 


acutiflimis, & qui me loquente eas videbantur valde diftinétè intel- 
ligere; attamen cûm eas retulerunt, obfervavi ipfos ferè femper illas 
ita mutavifle, ut pro meis agnofcere amplius non poflem. Quà oc- 
cafione | pofteros hic oratos volo, ut nunquam credant, quidquam à 
me efle profectum, quod ipfe in lucem non edidero. Et nullo modo 
miror abfurda illa dogmata, quæ veteribus illis Philofophis tribu- 
untur, quorum fcripta non habemus; nec propterea judico ipforum 
lcogitationes valde à ratione fuiffe alienas, cum habuerint præftan- 
tiffima fuorum fæculorum ingenia; fed tantum eas nobis perperam 
fuiffe relatas. Sicut etiam videmus, nunquam ferè contigifle ut ab 
aliquo fuorum feétatorum fuperati fuerint. Et credo fervidiflimos 
eorum qui nunc Ariftotelem fequuntur, fe beatos putaturos fi eum 
in naturæ cognitione æquarent; etiam fub hac conditione, ut poitea 
nihil ampliüs addifcerent. In quo fimiles funt hederæ, quæ nun- 
quam contendit altiüs afcendere quàm arbores quæ ipfam fuftinent; 
imo fæpe defcendit, poftquam ad faftigium ufque fublata fuit. Mihi 
enim videntur etiam illi defcendere, id eft, aliquo modo feindoctiores 
reddere quàm fi à ftudiis defifterent; qui non contenti omnia ea fcire 
quæ clarè & dilucidè apud fuum Authorem explicata funt, volunt præ- 
terea illic invenire folutionem multarum difficultatum, de quibus 
ne verbo quidem meminit, & fortè nunquam cogitavit. Attamen 
ipforum philofophandi ratio valde commoda eft ingeniis infra me- 
diocritatem poftis. Diftinctionum enim & principiorum quibus 
utuntur obfcuritas, caufa eft ut de omnibus æquè confidenter loqui 
poflint, ac fi illa optimè noviffent; & ita | adverfus fubtiliffimos 
acutiffimofque omnia quæ dicunt defendere, ut falfi argui nequeant. 
Quä in re fimiles mihi videntur cæco, qui ut æquo Marte adverfus 
videntem decertaret, eum in profundam & obfcuram aliquam cellam 
deduxiflet. Ac poffum dicere iftorum interefle ut ab edendis Philo- 
fophiæ quà utor principiis abftineam. Nam cüm fimpliciflima & 
evidentiflima fint, idem propemodum facerem, ea luce donando, ac 
fi aliquas aperirem feneftras, per quas lux in illam cellam ingrede- 
retur, in quam ad pugnandum de|fcenderunt. Imo neque præftan- 
tiora ingenia habent, cur optent ea cognofcere. Nam fi velint fcire 
de omnibus loqui, & cruditionis famam fibi comparare, eù faciliùs 
pervenient, fi verifimilitudine contenti fint, quæ fine magno labore 
in omni genere materiæ inveniri potefl, quam veritatem invefli- 
gando, quæ paulatim tantüm in quibufdam patefit, & cum de aliis 
loquendum eft, ad ingenuam ignorantiæ fuæ confeflionem impellit. 
Si verû paucarum aliquot veritatum notitiam præferant vanæ nihil 
ignorandi profeflioni, ficut proculdubio præferenda eft, & meum 


; 80 OEUVRES DE DESCARTES. 71-73. 


inftitutum fectari velint, non opus habent ut quidquam ipfis am- 
plius dicam, præter id quod jam in hac differtatione à me audie- 
runt. Nam fi ulteriùs quàam fecerim progrediendi fint capaces, 
multo potiori ratione erunt per fe inveniendi id omne quod me 
hactenus invenifle puto; quoniam cüm nihil unquam nifi ordine 
examinaverim, certum eft, id quod mihi è tenebris eruendum 
reftat, | multo ex fe difficilius & occultius effe, quàm id quod antea 
reperire potui; & minor multo iplis eflet voluptas id à me quam à 
feipfis difcere. Præterquam qudd habitus quem fibi comparabunt, 
facilia primüum quærendo, & paulatim atque per gradus ad alia dif- 
ficiliora tranfeundo, ipfis plus omnibus meis documentis profuturus 
fit. Sicut quod ad me attinet, fi à juventute edoctus efflem omnes 
veritates, quarum poftea demonftrationes inveftigavi, & fine labore 
illas didiciffem, opinor me fortaffle nunquam multo plures cogni- 
turum fuifle ; faltem nunquam acquifiturum fuifle habitum & facili- 
tatem quà me femper novas & novas inventurum fpero, prout ani- 
mum ad eas inveitigandum applicabo. Et, ut verbo dicam, fi quod 
in mundo eft opus, quod ita bene ab | alio non poflit abfolvi, atque 
ab eo qui inchoavit, illud eft in quo verfor & laboro. 

Verum quidem efl, quantum ad experimenta fpectat quæ huic 
fcopo infervire queunt, unum honmiinem illis omnibus faciendis non 
efle parem. Sed nullas etiam alias utiliter adhibere poflet manus 
quàäm fuas, nifi forte opificum, aut aliorum ejufmodi mercenario- 
rum, quos lucri fpes (magnæ efficaciæ medium) impelleret ad accu- 
ratè faciendum omnia quæ ipfis præfcriberet. Nam quod ad volun- 
tarios attinet, qui curiofitate aut difcendi ftudio moti, fponte forfan 
operas fuas ei offerrent, præterquam quôd ordinariè multa promit- 
tant & pauca præftent, nullumque unquam ferè ipforum propofi- 
tum finem optatum fortiatur; | procul dubio vellent operam fuam 
compenfari aliquarum difficultatum explicatione, aut faltem inuti- 
libus comitatis officiis & fermonibus, in quibus fine magno detri- 
mento partem otii fui impendere non polfet. Et quod ad experimenta 
jam ab aliis facta, etiamfi ea cum iplo communicare vellent, quod 
nunquam facturi funt qui ipfa pro fecretis habent, plerumque tot 
funt comitata circumftantiis, rebufque fuperfluis, ut inde veritatem 
elicere difficillimum illi foret. Præterquam quôd omnia fermè adeo 
malè explicata inveniret, aut etiam falfa (quia qui illa fecerunt, ea 
tantüm in iis videre voluerunt, quæ principiis fuis conformia puta- 
bant), ut fi aliqua propofito ipfius accommoda eflent, pretium tamen 
temporis æquare non pollent, quod in delectu illorum faciendo im- 
pendendum effet, Adeo ut fi quis effet in hoc terrarum orbe, quem 


66 


73-75. DE MErTHobo. 81 


conftaret capacem elle maxima quæque & in publieum utiliflima 
inveniendi; & eû de caufà cæteri | homines omnibus modis eum 
adjuvare contenderent in propofito fuo affequendo; non videam eos 
aliud in ipfus gratiam facere poile, quam in experimenta quibus 
indigeret fumptus conferre; & de cætero impedire ne tempus ipfi 
ullius importunitate eriperetur. Sed præterquam quôd non tantum 
mihi tribuo, ut aliquid extraordinarium polliceri velim, nec me 
adeo vanis cogitationibus pafco, ut putem rempublicam multüm 
mea confilia curare debere; non fum etiam adeo abjecto animo, ut 
à quolibet accipere vellem | beneficium, cujus me indignum efle 
credi polffet. 

Omnes iftæ confiderationes fimul junctæ, in caufà fuerunt à tribus 
annis cur noluerim in lucem edere tractatum quem præ manibus 
habebam ; imo ut ftatuerem nullum alium quamdiu viverem publici 
juris facere, qui adeo generalis eflet, aut ex quo Phyfices meæ fun- 
damenta intelligi poffent. Sed poftea rurfum duæ aliæ caufæ fuerunt 
quæ me moverunt, ut hîc particularia quædam fpecimina fubjun- 
gerem, & publico aliquam actionum mearum confiliorumque ratio- 
nem redderem. Quarum prima eft, quod fi illud omitterem, multi 
qui refciverunt propofitum quod antea habui fcripta aliqua prælo 
fubjiciendi, fufpicari poffent caufas propter quas ab eo abiftinerem, 
minüs mihi honorificas efle quàm revera funt. Quamvis enim im- 
modicè gloriam non appetam, aut etiam (fi id effari liceat) ab illà 
abhorream, quatenus ipfam contrariam efle judico quieti, quam {u- 
pra omnia magni facio; attamen nunquam etiam ftudui actiones 
meas tanquam crimina occultare, aut multas præcautiones adhibui 
ut ignotus eflem; tum quia credidiffem adverfus meipfum injurius 
efle, tum eltiam quia id mihi inquietudinenm, aliquam attuliffet, quæ 
rurfum perfeétæ animi tranquillitati quam quærebam adverfa fuiffet. 
Et quia, dum me ita indifferenter habui inter innotefcendi aut deli- 
tefcendi curam, non potui impedire quin aliquatenus in ore homi- 
num verfarer, putavi debere me allaborare faltem ne malè audirem. 
Altera ratio quæ me ad hæc fcribendum compulit | eft, quod quo- 
tidie magis ac magis perfpiciens moram quam patitur illud quod de 
me erudiendo cepi confilium, propter infinita experimenta quibus 
indigeo, & quæ fine alien ope facere non poflum, etiamfi non adeo 
Suffenus fim, ut fperem publicum in partem confiliorum meorum 
venire velle; attamen nolo etiam mihi adeo deefle, ut occafionem 
dem pôft victuris, mihi aliquando exprobrandi, me potuiile ipfs 
varia multo meliora relinquere quàm fecerim, nifi nimium neglexif- 
fem ipfis fignificare, quà in re inftituta mea poffent promovere. 


* 


582 OEUVRES DE DESCARTES. 75-77: | 


Et putavi facile mihi efle eligere aliquas materias, quæ neque 
eflent multis controverfiis obnoxiæ, neque me cogerent plura quàäm 
velim ex meis principiis exponere; & tamen fatis clarè patefacerent 
quid in fcientiis præftare poflim aut non poflim. Quod an feliciter 
mihi fuccefferit,aliis judicandum relinquo; at pergratum mihi erit fi 
examinentur ; &, ut tanto major fit ejus rei occafio, rogo omnes eos 
qui adverfus ea objectiones aliquas facere volent, ut eas ad meum 
bibliopolam mittant, à quo monitus, meum refponfum eodem tem- 
pore adjungere conabor ; iflà enim ratione, lectores utraque fcripta 
fimul videntes, tanto facilius de veritate judicium ferent. Non enim 
prolixa illis opponere refponfa polliceor, fed tantum mea | errata in- 
genuè, fi agnofcam, confiteri, aut | fi ea animadvertere non poñlim, 
fimpliciter dicere quod putabo ad rerum à me fcriptarum defenfio- 
nem requiri; nullà addità novæ alicujus materiæ explicatione, ne 
me fine fine ab unà ad aliam tranfire fit necelfe. 

Quod fi quædam eorum, de quibus egi initio Dioptrices et Meteo- 
rum, primà fronte offendant, quia hypothefes voco et nolle probare 
videor, rogo ut integri tractatus cum attentione legantur, & fpero 
hæfitantibus fatisfactum iri. Rationes enim mihi videntur in iis tali 
ferie connexæ, ut ficut ultimæ demonftrantur à primis quæ illarum 
caufæ funt, ita reciprocè primæ ab ultimis, quæ ipfarum funt effecta, 
probentur. Nec eft quôd quis putet me hic in vitium quod Logici 
Circulum vocant, incidere; nam cüm experientia maximam effe- 
étuum iftorum partem certiflimam efle arguat, caufæ à quibus illos 
elicio, non tam iis probandis quàm explicandis inferviunt; contra- 
que ipfæ ab illis probantur. Nec hypothefes alio fine vocavi, quàm 
ut fciatur confidere me eas polfe deducere ex primis illis veritatibus 
quas fuprà expofui; fed datà operà noluiffe facere, ad impediendum, 
ne quædam ingenia, quæ uno die addifcere fe pofle putant ea in 
quibus alius viginti annis defudavit, ftatim atque illa ipfis uno tan- 
tüm aut altero verbo aperuit (& quæ ed magis errori funt obnoxia, 
minüfque veritatis percipiendæ capacia, quà fubtiliora & alacriora 
funt), inde poflint | occafionem arripere, abfurdam aliquam Philo- 
fophiam illis principiis, quæ pro meis habebunt, fuperftruendi, 
ejufque rei mihi culpa tribuatur. Nam quod ab opiniones attinet 
quæ in folidum meæ funt, nolo ipfarum novitatem excufare; quo- 
niam fi rationes | quibus innituntur, bene perpendantur, confido eas 
adeo fimplices & fenfui communi conformes inventum 1ri, ut minüs 
extraordinariæ & paradoxæ videantur, quàm ullæ aliæ quæ de iif- 
dem argumentis poflint haberi. Nec me etiam primum ullarum 
inventorem efle jacto, fed tantüm me nunquam illas pro meis adop- 


77-78: DE MErHopo. ‘83 


tafle, vel qudd ab aliis priùs receptæ fuiflent, vel qudd non fuiffent ; 
verüm unicam hanc ob caufam, qudd mihi eas ratio perfuafilfet. 

Quod fi artifices non ita cito poflint executioni mandare inventio- 
nem in Dioptricà explicatam, non credo ipfam idcirco culpari meritù 
poffe. Magnà enim dexteritate & exercitatione opus eft, ad machinas 
quas defcripfi faciendas, & ita ut nulla circumitantia defit adaptan- 
das; nec minüs mirarer fi primo experimento id ipfis fuccederet, 
quäm fi quis unà die eximiè teftudine canere addifcere poffet, eo 
folo qudd optimus canendi modus ipfi defcriptus fuiffet*. 

|Cæterum nolo hic fpeciatim quidquam dicere de progreflibus, 
quos deinceps me in fcientiis fpero facturum, aut erga publicum ullo 
me devincire promiflo, quod incertus fim implere necne valeam. Sed 
tantummodo dicam, decrevifle me quod fupereit vitæ tempus nullâ 
alià in re collocare, quäm in ejufmodi naturæ notitià mihi compa- 
randâ, è quâ in Medicinæ ufum certiores regulæ quäm hactenus ex- 
ftiterint, depromi poflint; geniumque meum adeo ab omni alio pro- 
pofiti genere abhorrere, præfertim quod aliquibus prodefle non poflit, 
nifi aliis noceat ; ut fi occafione aliquà ad id fectandum adigerer, non 
credam me pofle eximium quid in eo præftare. Quod hic apertè 
profiteor, etiamfi non ignorem profeflionem hanc inutilem effe ad 
mihi authoritatem aut exiftimationem alifquam comparandam ; 
quam etiam adeo non affecto, ut me femper magis illis devinétum 
arbitraturus fim, quorum favore otio meo abfque impedimento frui 
licebit, quàm iis qui mihi dignitates ampliflimas offerrent. 


a. Ici manque. tout le passage ci-avant, p. 77, 1. 24, à p. 78,1. 3, qu'il 
n'y avait pas lieu de traduire en effet. 


D'ÉOP RRECE 


CAPUT PRIMUM. 


De Lumine. 


1. Totius vitæ noftræ regimen à fenfibus pendet, quorum cùm 
vifus fit nobiliflimus & latiflimè patens, non dubium eft quin utilif- 
fima fint inventa, quæ vim illius augere queunt. Et quidem difficile 
eft ullum excogitare quod magis juvet, quäm miranda illa fpecilla 
quæ, brevi tempore quo cognita funt, jam in cœlo nova fidera & in 
terrâ nova alia corpora, numerofiora iis quæ antea vifa fuerant, de- 
texere : adeo ut, promotà luminis noftri acie ultra terminos quibus 
imaginatio majorum fiftebatur, viam fimul nobis videantur aperuifle 
ad majorem & magis abfolutam naturæ cognitionem. Sed hoc 
inventum adeo utile & mirandum, non fine aliquo fcientiarum 
noftrarum opprobrio, | vagis experimentis & cafui fortuito debemus. 
Ante annos circiter triginta, quidam Iacobus Metius vixit, Alcmariæ 
(quæ civitas eft Hollandiæ) natus, homo humaniorum artium prorfus 
expers, licèt patrem & fratrem Mathefeos cultores habuerit ; hujus 
fumma voluptas erat fpecula & vitra uftoria formare, nonnulla 
etiam hyeme componens ex glacie, quæ materies, experientià tefte, 
non omnino ad id inepta eft. Quum igitur hac occafione multa, 
eaque variæ formæ, vitra ad manum haberet, profpero quodam 
fato duo fimul oculo objecit : quorum alterum medium paulà craf- 
fius habebat quàm extremitates, alterum vice verfà | extremitates 
quàm medium multù tumidiores; & adeo feliciter illa duabus tubi 
extremitatibus applicuit, ut primum de quo loquimur telefcopium 
inde exftiterit. Atque ad hujus unius normam omnia deinceps, quæ 
in hunc ufque diem habuimus, elaborata funt ; neque adhuc, quod 
fciam, ullus extitit qui demonftraverit fufficienter quam figuram 
hæc vitra exigant. Licèt enim exinde multa egregia ingenia fuerint, 
quæ hanc materiam non parüm excoluere, atque eà occafione varia 
in Opticis invenere præftantiora ïis quæ à majoribus habemus, 


71 


72 


82-84. DIoPTRICE. 585 


tamen quoniam operofiora inventa rard fimul ac nata funt fummum 
perfectionis gradum adipifcuntur, fatis multæ difficultates hîc relictæ 
funt, ut fcribendi materiam mihi fuppeditent. Et quoniam conftru- 
ctio eorum, de quibus loquar, à dexteritate & induftrià artificum 
pendet, qui literis ut plurimum non vacarunt, conabor efficere | ut 
quivis facilè capiat quæ dicam, nihilque reticebo nec fupponam 
quod petendum fit ex alià difciplinä. Quapropter exordiar à lucis 
ejufque radiorum explicatione ; poftea, partibus oculi breviter def- 
criptis, qu ratione vifio fiat accurate exponam ; tandemque, notatis 
iis omnibus quæ ad illam perficiendam licet optare, quibus artificiis 
ea ipfa poflint præftari docebo. 

2. Hic autem de luce, vel lumine, loquendi cüm aliam caufam 
non habeam, quàm ut explicem quo pacto ejus radii oculos intrent 
& occuriu variorum corporum fleéti poflint, non necefie erit inqui- 
rere quænam genuina fit ejus natura; fed duas aut tres compa- 
rationes hîc afferam, quas fufficere arbitror ut juvent ad illam 
concipiendam eo modo qui omnium commodiflimus eft, ad ejus 
pro|prietates, quas jam experientia docuit, explicandas, & ex con- 
fequenti etiam ad alias omnes, quæ non ita facile ufu notantur, de- 
tegendas. Non aliter quam in Aftronomià ex hypothefibus etiam 
falfis & incertis, mod iis omnibus quæ in cœlo obfervantur accu- 
rate congruant, multæ conclufiones, circa ea quæ non obfervata 
funt, veriflimæ & certifimæ deduci folent. 

Nemo noftrûm eft cui non evenerit aliquando ambulanti noctu 
fine funali, per loca afpera & impedita, ut baculo ufus fit ad re- 
genda veltigia; & tunc notare potuimus, | per baculum interme- 
dium nos diverfa corpora fentire quæ circumcirca occurrebant ; iti- 
dem nos dignofcere num adeflet arbor vel lapis, vel arena, vel aqua, 
vel herba, vel lutum, vel fimile quiddam. Fatendum quidem hoc 
fentiendi genus obfcurum & fatis confufum effe in iis qui non longo 
ufu edoéti funt; fed confideremus illud in iis qui, cùm cæci nati 
fint, toto vitæ tempore debuerunt eo uti, & adeo perfectum con- 
fummatumque inveniemus, ut dicere poflimus illos quodammodo 
manibus cernere, aut fcipionem tanquam fexti cujufpiam fenfüs 
organum iis datum ad defectum vifüs fupplendum. 

3. Nunc itaque, ad comparationem initituendam, cogitemus lu- 
men in corpore luminofo nihil efle præter motum quemdam, aut 
actionem promptam & vividam, quæ per aërem & alia corpora pel- 
lucida interjeéta verfüus oculos pergit, eodem plane modo quo motus 
aut refiftentia corporum, quæ hic cæcus offendit, per interpofitum 
fcipionem ad manum ejus tendit. Statimque ex hoc mirari define- 

Œuvres. I. 74 


586 OEuvrEes DE DESCARTES. 84-86. 


mus, lumen illud à fummo Sole nullà morû interpofità radios fuos 
in nos effundere; novimus enim illam | actionem, quâ alterum ba- 
culi extremum movetur, fimiliter nullà interpofità morû ad alterum 
tranfire, & eodem modo ituram, licet majori intervallo diftarent 
illius baculi extrema, quàm à cœli vertice terra abeft. 

4. Neque magis videbitur mirum, illius ope tantam colorum va- 
rietatem apparere; & præterea | forfan credemus nihil effe hos 
colores in corpore colorato, nifi diverfos modos quibus hoc illos 
recipit & remittit ad oculos, fi confideremus differentiam illam, 
quam cæcus in arbore, aquà, lapide & fimilibus deprehendit inter- 
jeéto fcipione, non minorem illi videri quàm nobis hæc quæ in 
rubro, flavo, viridi & cunctis aliis coloribus ; & interim tamen illas 
differentias in nullo corpore quidquam efle præter varias rationes 
movendi aut refiftendi motibus illius baculi. 

5. Unde etiam nafcetur occafio judicandi, non neceffarium effe 
fupponere, materiale quidquam ex objectis ad oculos noftros ma- 
nare, ut lumen & colores videamus, neque quidquam in iftis 
objectis efle quod fimile fit ideis quas de iis mente formamus : 
quemadmodum nihil ex corporibus, quæ cæco occurrunt, per 
baculum ad manum illius fluit, conftatque motum aut refiftentiam 
horum corporum, quæ fola percepti fenfüs caufa ef, nihil fimile 
habere ideis quas inde animo apprehendit. Et hâc ratione mentem 
habebimus liberam ab omnibus illis exiguis fimulacris per aërem 
volitantibus, quæ /pecies intentionales Philofophi, mirum in modum 
iis divexati, nominarunt. Facili etiam negotio controverfiam deci- 
dere poterimus, quæ agitatur fuper loco unde actio prodit fenfum 
vifionis efficiens : ut enim cæcus nofter corpora, quæ circumcirca 
offendit, || non | tantummodo per actionem illorum(cüm fcilicet ipfa 
moventur) fentit, fed etiam per folum motum dexteræ fuæ, cüm illa 
tantummodo refiftunt, ita concedendum eft, vifûs objecta poffe per- 
cipi, non tantummodo actionis vi quæ ex iisemanans ad oculos noftros 
diffunditur, fed etiam vi illius quæ, oculis innata, ad illa pergit. 

6. Verumtamen, quoniam hæc actio nil nifi lumen eft, notandum 
neminem præter eos, qui per tenebras inftar felium cernunt, fal- 
tem fi qui fint, illam in oculis fuis habere; & maximam hominum 
partem tantummodo per eam actionem videre quæ ab objectis ve- 
nit : ufus namque docet hæc objecta aut luminofa aut illuminata 
effe debere ut videantur, non oculos noftros ut videant, Sed, quo- 
niam inter baculum hujus cæci & aërem aut alia corpora pellu- 
cida, quibus interjectis cernimus, non leve difcrimen eft, alia infu- 
per comparatio eft hîc in medium proferenda. 


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86-88. DIoPTRICE. 587 


7. Contemplemur vindemiæ tempore uvis calcatis refertum la- 
cum, cujus fundus foramine uno aut altero pertufus fit, ut A, BB, 
ex quibus profluat muftum quod continet. Ubi quidem particulæ 
vini quæ hærent ex. gr. circa C, eodem momento fimul ac fora- 
men À patuerit, rectà defcenfum ad illud affectant, & fimul ad 
foramen B ; eodemque tempore quæ circa D & E per hæc ipfa duo 
foramina defcendere properant : ita talmen ut nulla harum aétio- 
num alteram impediat, & ne ipfi quidem ramufculi immixtorum fca- 
porum refiftant, licèt hi fe invicem fuffulti non defcendant per eadem 
foramina À & B, & infuper interea variis modis moveantur ab iis 
qui uvas calcant. Deinde cogitemus, cùm, confenfu Philofophorum 
fere unanimi, vacuum in rerum naturâ non detur, & tamen omnia 
| corpora, vel experientià tefte, plurimis poris pervia hient, necef- 
farid hos meatus materià quâdam repletos effe perquam fubtili & 
fluidâ, quæ ferie non interruptà ab aftris ad nos extenfa fit. Quæ 
materia fi vino hujus lacûs comparetur, & partes, minus fluidæ feu 
crafliores, aëris aut aliorum corporum pellucidorum, fcapis qui 
immixti funt; facillime intelligemus, omnes particulas materiæ fub- 
tilis, quas Sol nobis adverfus tangit, rectà lineä ad oculos noftros 
tendere, eodem quo patefcunt momento, non impedientibus aliis 
alias, neque obftantibus craflioribus particulis pellucidorum corpo- 
rum interjectis : five diverfà ratione moveantur, ut aër qui fere con- 
tinud ventis agitatur; five fine motu fint, quemadmodum vitrum 
| aut cryftallus. Tum etiam notandum efle difcrimen inter motum 
& propenfionem ad motum. Nam facilè concipimus animo, parti- 
culas vini, quæ hærent ex. gr. circa C, fimul ad B & A tendere, 
cüm interim revera ad utrumque eodem tempore moveri nequeant; 
& illas exacte in | lineà retà B & A verfus pergere, licèt non 
femper adeo accurate rectà ed verfüs moveantur, obftantibus fcapis 
interjectis. 

8. Poftquam itaque intelleximus, non efle tam motum quàam 
actionem, five propenfionem ad motum in corpore luminofo, id 
quod lucem illius nominamus, facilè colligere poffumus, radios 
hujus lucis nihil effe præter lineas fecundum quas hæc actio tendit. 
Ita, ut infiniti fint hujufmodi radii qui ex fingulis punétis corporis 
luminofi ad fingula illius quod illuminant diffunduntur; eodem 
prorfus modo quo concipere poffumus innumeras rectas lineas, juxta 
quas actiones ex fingulis punctis fuperficiei vini, C, D, E, tendunt 
verfüs A, & alias præterea innumeras, juxta quas actiones, ex iifdem 
punétis manantes, quoque feruntur ad B, non impediente alteram 
alterà. 


88 OEUVRES DE DESCARTES. 88-07. 


Porro hi radii femper quidem exquifite recti concipi debent, quo- 
tiefcunque nonnifi unum corpus pellucidum permeant, quod ubi- 
vis uniforme fit ; at verû, quoties alia quædam corpora offendunt, 
facilè detorquentur aut debilitantur, non fecus ac motus pilæ, aut 
lapidis in | aërem mifi, per ea quæ occurrunt. Quippe haud difi- 
culter credi poteft, actionem aut propenfionem ad motum (quam 
jam dixi pro lumine habendam) iifdem legibus cum ipfo motu ob- 
noxiam efle. Atque ut fatis accurate hanc tertiam comparationem 
exfequamur, confideremus, illa corpora quæ pila de manu jaéta 
offendere poteft, aut mollia aut dura aut liquida efle. Si mollia, 
qualia funt lintea, arena, lutum, omnino fupprimunt & fiftunt illius 
motum; fi dura, fine morû aliorfum reverberant; idque non unàâ 
ratione. Nam fuperficies illorum vel lævis & æqua ef, vel | fcabra 
& afpera; rurfum, quæ lævis, vel plana vel curvata: quæ afpera, 
fcabredinem ducit, vel a diverfimode curvatis partibus quibus con- 
fat, quarum fingulæ tamen ipfæ fatis læves funt, vel præterea à 
variis angulis feu punctis, vel ab hujufmodi partibus quæ mollitie 
& duritie difcrepant, vel ab earumdem motu, qui mille modis 
variari poteft, Et notandum, pilam, extra motum fuum fimplicem 
illum ac regularem quo de loco ad locum fertur, infuper fecundi 
cujufdam capacem efle, quo fcilicet circa centrum rotatur; itidem, 
celeritatem motûs hujus pofterioris diverfas poile habere propor- 
tiones ad velocitatem illius prioris. Itaque, cum aliquot pilæ ab 
eadem parte profectæ fuperficiem corporis alicujus lævem offen- 
dunt, æqualiter & eodem | ordine refliunt, adeo ut, fi fuperficies 
exacte plana fit, eandem inter fe diftantiam fervent quâ ante occur- 
fum fejungebantur ; aft fi promineat fuperficies illa vel retrocedat, 
pilæ quoque pro ratione illius curvaturæ vel recedunt ab invicem 
vel appropinquant. Ut hîc videmus pilas À, B, C, que illifæ fuper- 
ficiei corporum D, E, F, refiliunt ad G, H, I. At fi incurrant in 
fuperficiem afperam, quales funt L, M, huc illuc repercuffæ fe[run- 
tur, fingulæ pro fitu loci illius quem in fuperficie tetigere. Atque 
extra hoc nihil in motûs fui ratione mutant, quoties afperitas illius 
nonnifi ex diverfimode inflexis partibus furgit. Sed illa etiam ex 
multis aliis caufis oriri poteft, & hâc ratione efficere ut pilæ, quæ 
modù fimplici & recto motu ferebantur, parte motüs iftius reéti 
amiffà, circularem illius loco recipiant, cujus variæ poflunt efle pro- 
portiones ad refiduum reéti ejufdem motüs, pro vario fitu fuperficiei 
cui obviant. Atque hoc qui | pilæ lufu deleétantur abunde obfervant, 
cum nimirum illa impulfa pavimentum inæquale contingit aut obli- 
quo reticulo vibratur. Demum etiam confideremus, pilam impul- 


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91-03. DIOPTRICE. 589 


fam, quoties obliquo itinere in fuperficiem corporis liquidi incurrit, 
quam magis aut minus facilè penetrat quàm illud unde proceflit, 
eam fubeundo à reétà vià divertire, curfumque fuum mutare : ut fi, 
ex. gr., exiftentes in aëre juxta punétum A illam B verfüs vibremus, 
recto quidem impetu ab A defertur ad B, nifi vel pondere, vel aliâ 
quâdam caufà, detorqueatur ; huc verd (ubi aquæ C BE fuperficiem 
pono) poftquam pervenit, factà declinatione, iterum per lineam 
reétam I verfus tendit, quemadmodum ipfa etiam experientia 
docet. 

9. Cogitemus itaque eâdem ratione corpora dari, quæ, | dum 
luminis radiis percutiuntur, eofdem fuffocant & omne illorum 
robur frangunt : & hæc funt quæ nigra nominamus, nullum nifi 
communem cum tenebris colorem habentia. Dari etiam quæ rever- 
berant, & quidem alia eodem quo recipiunt ordine : hæc fcilicet 
quorum fuperficies nitide polita ufum fpeculorum tam planorum 
quàm curvatorum præflare poteil. Alia quæ confufe huc & illuc; & 
rurfum | in iis alia hos radios repercutere, actione illà per nullam 
mutationem violatà : hæc nempe quæ alba dicimus : alia ver mu- 
tationem inducere fimilem illi quam recipit motus pilæ obliquo 
reticulo præftriétæ : & hæc funt rubra, flava, cærulea, vel alio ejuf- 
modi colore infignia. Equidem ego me pole explicare arbitror & 
experientià duce demonftrare in quo natura colorum confiftit; fed 
idipfum terminos hujus argumenti excedit. 

10. Et fuflicit hoc loco nos monere, radios qui in corpora colo- 
rata, fed non polita cadunt, quaquaverfum femper refilire, licèt ab 
unâ duntaxat parte progreflos : ut, quamvis ii qui incidunt in fuper- 
ficiem corporis albi AB, non veniant nifi à funali C, tamen alii alid 
ita detorquentur ut, ubicunque pofueris oculum, velut ex. gr. juxta 
D, plurimi femper radii occurrant ex fingulis plagis hujus fuperf- 
ciei A B. Et infuper, fi fuppofueris hoc corpus perquam fubtile & 
tenue efle, chartæ inftar aut lintei, ut lumini pervium pateat, licèt 
oculus ad averfam funalis partem admoveatur, ut ad E, aliqui 
tamen radii ab fin[gulis hujus corporis particulis ad illum refilient. 
Denique etiam cogitemus, eàdem ratione radios detorqueri quà pi- 
lam diximus, cùm oblique in fuperficiem corporis | liquidi diffun- 
duntur, quod magis aut minus facile penetrant quàm illud per 
quod ante manarunt : & hic fe inflectendi modus Refractio in iis 
dicitur. 


90 OŒEuvREs DE DESCARTES. 93-05. 


CAPUT SECUNDUM. 


De Refradtione. 


1. Quandoquidem deinceps neceffarium erit quantitatem hujus 
refractionis exacte nofle, & illa redditur intelleëtu facilior per com- 
parationem quà ufi fumus, non alienum fore autumo explicationem 
ejus hic aggredi, & quædam de reflexione præmittere, quà faci- 
lior cognitio illius fit. Cogitemus itaque pilam ab A, B verfüs 
actam, contingere in punéto B fuperficiem terræ CBE, quæ ejus 
progreflui refiftens illam retrocedere cogit ; fed videamus in quam 
partem. Ne autem novis difficultatibus implicemur, fingamus ter- 
ram exacte planam duramque effe ; pilam etiam five defcendat, five 
afcendat, eàdem velocitate ferri : parum curantes | quâ vi agatur 
ceffante reticuli impetu, negleéto quoque omni effeétu magnitudi- 
nis, ponderis & figuræ. Ifthæc enim attendere fupervacuum fuerit, 
cm nihil eo[rum locum habeat in luminis actione, ad quam omnia 
hîc referri debent. Tantummodo notandum vim illam, quæcunque 
demum fit, quæ motum noftræ pilæ producit, plane diverfam 
ab eà effe quà determinatur ut potius huc quäm illuc tendat : ut 
perfpicue palam eft, reticuli impetum efle qui pilam movet, fed 
eundem potuiffe ipfam verfus alias partes movere eâdem facilitate 
quâ verfüs B; cm contrà reticuli fitus fit, qui illam ita difponit ut 
feratur ad B, & qui potuiffet eodem modo difponere, licèt per aliam 
vim fuiffet expulfa. Unde jam liquet fieri pofle ut hæc pila per 
terræ occurfum detorqueatur, mutatà fcilicet difpofitione quà incli- 
nabat ad B, permanente interea vi fui motûs, cum nihil commune 
habeant. 

2. Hinc etiam planum, minime credendum  effe, neceffarid pilam 
aliquo momento hærere in punéto B, priufquam digrediatur ad F, 
juxta quorumdam Philofophorum opinionem : nam, interrupto 
hoc motu exiguâ tantummodo morûâ, nulla exflaret caufa quâ in- 
citante vires refumere poflet. Obfervandum præterea, | quemad- 
modum motus & in univerfum omnia genera quantitatum, ita etiam 
hanc pilæ determinationem pole dividi in omnes partes quibus 
illam conftare imaginamur ; & manifeftum eft attendenti, hanc quà 
pila defcendit ab A ad B, mixtam ex duabus aliis concipi poile, 
quarum altera illam premit ab AF ad CE, altera eo | dem tempore 
à finiftrâ AC dextrorfum propellit ad FE, ita ut hæ duæ junétæ 


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95-07. DioPpTRIcE. OI 


illam deducant ad punctum B fecundum rectam A B. Inde obvium 
quoque eft, obflantem terræ molem unam tantüm harum difpoli- 
tionum impedire pofle, alteram nullo modo. Sic poteft quidem au- 
ferre eam quà ruebat pila ab AF ad CE, cm fpatium fubjectum 
totum occupet,; fed quà ratione refifteret alteri quà dextrorfum 
ferebatur, cui hoc refpeétu nullatenus oppofita eft ? 

3. Ut accurate igitur inquiramus ad quam partem pila illifa de- 
beat refilire, defcribamus circulum ex centro B, qui tranfeat per 
punctum A, & dicamus, fpatio temporis eodem quo progrefla eft 
ab A ad B, neceflarid illam à B ad aliquod punétum hujus cir- 
culi circumferentiæ reverti debere : nam omnia punéta, quæ 
eodem intervallo diftant à B quo diitat À, in hâc circumferentià oc- 
currunt; & | pilæ motum jam fuprà æque velocem finximus. Tan- 
dem, ad defignandum ipfum punétum quod ex omnibus hujus 
circumferentiæ tangere debet, erigamus ad normam tres rectas AC, 
HB & FE fupra CE, hâc ratione ut nec majus nec minus fpatium 
interjaceat AC & HB quam HB & FE : deinde dicamus, idem 
tempus quod pilam dextrorfum porrexit ab A, uno punétorum li- 
neæ AC, ufque ad B, unum ex pundtis lineæ HB, illam refi- 
lientem ab HB fiftere debere in aliquo punéto lineæ FE : nam 
fingula punéta hujus lineæ FE eâdem diftantià hoc refpectu ab 
HB remota funt, & eàâdem quà fingula lineæ AC; & ex priori 
difpofitione tantumdem ed inclinat quantum antea. Jam eo- 
dem momento aliquod punétum lineæ FE, & fimul aliquod cir- 
cumferentiæ A FD, contingere nequit nifi in punéto D vel F : nam 
extra hæc duo nullibi mutuô fecantur,; terrà | autem obitante, ad 
D progredi non potelit ; fequitur itaque illam neceffarid tendere de- 
bere ad F. Et fic manifeftum eft quà ratione reflexio fiat, fcilicet 
femper ad angulum æqualem illi quem vulgù incidentiæ nominant. 
Ut, fi radius ex puncto A emanet in B fuperficiem fpeculi plani 
CBE, refilit ad F, ita ut reflexionis angulus FBE neque cedat ne- 
que exfuperet magnitudine alterum illum incidentiæ ABC. 

4. Hinc progrediamur ad refractionem, & primà | fingamus, pi- 
lam.ab A ad B expulfam offendere, non terram, fed linteum CBE, 
tam tenue ut illud facillime forare & impetu fuo perrumpere poflit, 
amiffà tantum velocitatis fuæ parte, ex. gr. dimidià. Quo pofito, ut 
cognofcamus quam viam infiftere debeat, confideremus denuo, mo- 
tum illius non eundem efle cum difpofitione quà potius huc quäm 
illuc fertur; unde fequitur fingulorum quantitates feparatim exa- 
minandas. Confideremus itidem, ex duabus partibus quibus hanc 
difpofitionem conftare fcimus, alteram tantüum per lintei occurfum 


92 Œuvres DE DESCARTES. 97-99. 


mutari polfe, hanc fcilicet quæ deorfum pilam agebat, illa verd, quâ 
dextrorfum ferebatur, conftans & inviolata manebit, nam linteum 
expanfum hoc refpeëtu nullo modo illi oppofitum eft. Deinde, duéto 
circulo AFD ex centro B,& |impoñitis CBE ad perpendiculum tri- 
bus lineis rectis AC, HB, FE, häc ratione ut fpatium interjacens 
FE & HB, duplumillius fit quod eft inter HB & AC, videbimus 
hanc pilam ituram ad punétum I. Quum enim, perrumpendo lin- 
teum CBE, dimidiam fuæ velocitatis partem amittat, duplum| 
temporis ei impendendum eft ut infrà ex B ad aliquod punétum cir- 
cumferentiæ A FD pertingat, ejus quod infumpfit fuperne ut acce- 
deret ab A ad B. Et quum nihil ex difpofitione, quà dextrorfum 
ferebatur, intereat, in duplo iftius temporis quo à lineà AB devenit 
ad HB, duplum ejufdem itineris in eandem partem conficere debet, 
& confequenter accedere ad aliquod punétum reëtæ FE, eodem 
momento quo accedit ad aliquod circumferentiæ circuli AFD. 
Quod faétu impoflibile foret, nifi progrederetur ad I, nam in unico 
illo punéto reéta FE & circulus A FD fefe invicem fecant. 

5, Fingamas jam pilam, D verfüs ab A expulfam, offendere in 
punéto B, non illud linteum, fed aquam, cujus fuperficies CBE ex- 
quifite dimidiam velocitatis partem retundat, ut linteum paulo antea. 
Reliquis omnibus quemadmodum fuprà pofitis, videmus pilam à B 
rectà tendere debere non ad D, fed ad I. Primô etenim certum ef, 
fuperficiem aquæ eù verfüs illam detorquere eodem modo quo 
linteum, quum eodem modo illi oppofita fit, & tantumdem illius 
roboris infringat. Corpus autem aquæ quod attinet, quo totum 
fpatium à B ad I repletum ef, licèt magis | aut minus refiftat quàm 
aër fuprà ibidem locatus, non tamen fequitur illud pilam magis aut 
minus detorquere; nam, eâdem facilitate ubivis dehifcens, non| 
majori operâ hac quàm illac tranfitum permittit, faltem fi (quod 
ubivis fecimus) fingamus nec levitatem nec pondus nec figuram nec 
magnitudinem pilæ, nec aliam fimilem externam caufam, curfum 
quem tenet immutare. 

6. Et quidem hîc notari poteft, tantù magis illam detorqueri per 
fuperficiem aquæ aut lintei, qu magis oblique in eam impihgit, 
adeo ut, fi ad angulos rectos dirigatur, velut impulfa ab H ad B, 
ulterius in lineà rectà fine ullà declinatione progrediatur ad g. Sed, 
fi agatur fecundüm lineam qualis eft AB, quæ vel fuperficiei aquæ 
vel lintei CBE tam oblique incumbat ut linea FE, ducta quem 
admodum fuprà-cireulum AD fecare non poflit, illam minime 
penetrabit, fed à fuperficie B refiliet in aërem L, eodem plane 
modo ac fi in terram incurriflet. Quod nonnulli cum dolore experti 


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99-107. DIoPTRICE. 593 


funt, quoniam, animi gratià, explofis in alveum rivi ex murali 
machinà globis, obambulantes in adverfà fluminis ripà vulne- 
rarunt. 

Sed aliam præterea fuppofitionem hic affumamus : fingamus 
pilam, aétam ab A ad B, denuo inde impelli | reticulo CBE quod 
vim ejus motûs augeat, ex. gr. unà tertià parte, ut ita enim duobus 
momentis tantumdem fpatii conficere queat, quantum antea con- 
fecit tribus. Hoc idem erit ac fi offenderet in B punéto ejufcemodi 
corpus, cujus fuperficiem unà tertià facilius quam aërem permea- 
[ret. Etexiis quæ demonftravimus fequitur manifefte, fi defcribatur, 
ut fuprà, circulus AD & rettæ AC, HB, FE, häc ratione ut 
diftantia inter FE & HB unû tertià minor fit quàam illa quæ inter 
HB & AC, punétum I, in quo retta FE & circularis AFD fefe 
mutuo fecant, defignaturum illum locum quem pila petet digrefla 
-à puncto B. 

Quæ conclufo etiam inverti poteft, dicique pilam venientem 
fecundüm lineam rectam ab A ad B, in hoc autem puncto à recto 
itinere divertentem, tendentemque inde ad I, indicio efle, vim quàâ 
intrat corpus CBI talem efle ad illam quä erumpit ex corpore 
ACBE qualis diftantia quæ inter AC & HB ad illam quæ inter 
HB & FI, hoc eft qualis linea CB ad BE. 

7. Tandem verd, quoniam lucis actio fequitur hâc in re eafdem 
leges quas pilæ motus, dicendum : quoties radii illius obliquo 
motu ex pellucido corpore in aliud transferuntur, quod magis aut 
minus facile illos admittit quäm primum, ibi | ita detorqueri ut 
femper minus inclinent in fuperficie quæ his corporibus eit com- 
munis, eâ parte in quà et illud corpus quod eas facilius recipit, 
quäm eà in quà alterum pofitum eft : idque exacte eà proportione, 
quà facilius prius quaäm pofterius illos recipit. Notandum autem 
hanc inclinationem metiendam efle per quantitatem rectarum BC 
vel AH, & EB vel IG, aut fimilium inter fe collatarum; non 
verù per quantitatem | angulorum quales funt ABH aut GBI, & 
multo minus per illam fimilium DBI, qui ‘refractionis anguli 
dicuntur. Nam proportio horum angulorum ad fingulos inclina- 
tionum gradus mutatur; illa verd linearum AH & IG, vel fimi- 
lium, eadem manet in omni refractione quæ ab eodem corpore 
venit. Ut, ex. gr., fi radius aërem permeans ab A ad B, tactà in 
punéto B fuperficie vitri CBE, digrediatur ad I in hoc vitro; 
veniat deinde alius à K ad B qui decedat ad L; tertius præterea à 
P ad R qui abeat ad S; eadem ratio linearum KM & EN, aut QP 
& ST, effe debet ad invicem, quæ eit linearum AH & IG, non 


Œuvres. I. 


un 


= 
4 


+21 


he. 


594 OŒEuvres DE DESCARTES. 101-104. 


autem eadem angulorum KBM & LBN, aut PRQ & SRT, quæ 
ABH ad IBG. 

S. Ita jam cognovimus quà ratione | refractiones dimetiendæ 
fint; fed infuper, ut omnino determinentur illarum quantitates, 
neceflarium eft ad experimenta defcendere, quum proveniant ex 
particulari corporum conititutione in quibus fiunt; his autem ita ad 
eandem menfuram reduétis, facillime & certiflime talia experimenta 
fumi poflunt. Nam fufficit in unum radium inquirere qui probe 
cognitus reliquos omnes ejufdem fuperficiei prodet; nullumque 
errandi periculum adeft, fi præterea in aliits quibufdam examinetur. 
Ut, fi velimus noffe quantitatem refractionum quæ fiunt in fuper- 
ficie CBE feparante aëlrem AKP à vitro LIS, fufficit exami- 
nare illam radii ABI, quærendo fcilicet rationem lineæ AH ad 
IG. Sed, fi deinde errores vereamur, idem in aliquibus aliis fieri 
debet, ut in KBL aut PRS, & deprehenfà eâdem proportione 
inter KM & LAN, item inter PQ & ST, quàäm inter AH & IG, 
nulla de veritate rei dubitandi occafio reliéta erit. 

9. Sed mirum forfan videbitur, hæc experimenta facientibus, in 
fuperficiem ubi refractio evenit, magis inclinari luminis radios, 
aërem permeantes, quàäm aquam, & adhuc magis aquam quàäm 
vitrum, contrà omnino quàm pila, quæ magis à parte aëris quàm à 
parte aquæ in fuperficiem interjectam inclinatur, | & nullo modo 
in vitrum penetrat. Occurrat ex. gr. pila expulfa in aërem ab A ad 
B in punto B fuperficiei aquæ CBE, decedet inde ad V; af, fi 
radius loco pilæ contingat B, digredietur ad I. Quod tamen non 
mirabimur, fi in mentem venerint quæ fuprà de naturà luminis 
diximus, id fcilicet motum quemdam effe five actionem receptam in 
materià fubtilifimà quæ aliorum corporum poros replet; ac 
præterea fi confideremus, pilæ plus agitationis fuæ decedere, fi 
incurrat in corpus molle quàm fi in durum, illamque facilius per 
menfam nudam quàm per eandem tapeto inftratam devolvi : nam 
eàdem ratione hujus materiæ fubtilis actio magis impeditur ab 
aëris partibus quæ, molles & male nexæ, non fatis firmiter refiftunt, 
quàm ab illis | aquæ, paulo validius obnitentibus, & magis adhuc 
ab his quam à partibus vitri aut cryftalli. Sic, quanto firmiores & 
folidiores exiguæ partes corporis alicujus pellucidi funt, tanto 
facilius lumini tranfitum permittunt; neque enim, ut pila fubiens 
aquam, ita & lumen, ut fibi tranfitus pateat, quafdam ex ejus par- 
tibus loco movet. 

10. Jam vero, cûm fciamus caufam refrattionum, quæ | fiunt in 
aquà, vitro & pellucidis cunétis aliis corporibus circa nos undi- 


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91 


92 


104-106. DIoPTRICE. 59 


quaque occurrentibus, obfervare debemus, refractiones femper ibi 
fimiles, effe intrante radio & exeunte. Ut, fi radius, progreflus ab A 
ad B tranfeundo per aërem in vitrum, à B declinet ad I, ille qui 
refiliet ab I ad B, itidem declinabit à B ad A, Interea tamen alia 
corpora exftare queunt, præfertim in cœlo, ubi refractiones ex aliis 
caufis ortæ non ita reciprocantur. 

11. Atque etiam poteft contingere ut radii incurventur, licèt 
unum tantummodo corpus pellucidum permeent, quemadmodum 
interdum pilæ motus incurvefcit, quoniam illa fuo pondere horfum 
fertur, & aliorfum per vim quâ vibratur aut ob multas alias caufas. 


Nam confidenter tres illas comparationes quibus ufi fumus tam, 


idoneas profiteri aufim, ut fingula quæ in iis notantur, commode ad 
fimilia quædam ad lumen pertinentia referri poflint, nobis autem 
illa tantüm explicare animus | fuit quæ præfenti argumento 
maxime inferviunt. | 

12. Neque vos diutius hîc morabor, ubi monuero curvas fuper- 
ficies corporum pellucidorum, radios per fingula | punéta tranf- 
euntes eodem modo detorquere quo planæ, in iifdem punctis 1llas 
‘contingentés, detorquerent. Sic ex. gr. refra@tio radiorum AB, 
AC, AD, qui venientes à lumine A incidunt in fuperficium gib- 
bam globi cryftallini BCD, eodem modo confiderari debent ac fi 
AB incideret in fuperficiem planam EBF, & AC in GHC, & 
AD in IDK, & ita alii. Unde patet hos radios diverfimode vel col- 
ligi vel difpergi poile, prout à fuperficiebus diverfimode curvatis 
excipiuntur. Sed jam tempus eft delineationem ftructuræ oculi or- 
diri, ut intelligamus quomodo radii illam ingrefli difponantur ad 
fenfum vifonis efficiendum. 


CAPUT TERTIUM. 


De Oculo. 


1. Si quà arte poflet oculus ita fecari, | plano per mediam pu- 
pillam tranfeunte, ut nullus ex eo liquor efflueret, nec ulla pars loco 
moveretur, talis ejus fectio appareret qualem hæc figura repræfentat. 
| ABCD eft membrana fatis craffa & dura, componens quoddam 
veluti vas, receptaculum omnium partium interiorum. DEF ef 
membranula tenuior, intra priorem aulæi inftar expania. ZH 
nervus, vulgo opticus dictus, ingenti numero parvorum capillamen- 


96 OEUVRES DE DESCARTES. 106-108. 


torum compofitus, quorum extrema per totum fpatium GHI dif- 
funduntur, ubi, innumeris exiguis venis atque arteriis mixta, fpe- 
ciem quamdam carnis tenerrimæ componunt, quæ, tertiæ mem- 
branulæ inflar, totum interius fecundæ fundum tegit. K, L, M tres 
funt liquores valde pellucidi, totas has tuniculas diftendentes, figurà 
quà fingulos hîc delineatos videmus. 

2. Et experientia me docuit, medium L, qui cryftallinus humor 
dicitur, præterpropter eamdem refractionem producere quam vitrum 


aut cryftallus, & duos reliquos paulo minorem, fere qualem aqua. 


communis : unde fit ut facilius medius quàam reliqui duo, & adhuc 
facilius hi quàm aër luminis radios admittant. In priori membranâ 
pars BCB pellucida eft, & magis gibba quàm refiduum. In alter, 
fuper/ficies interior partis EF, fundum oculi refpiciens, tota obfcura 
& nigra eft, habetque in medio anterioris partis rotundum foramen 
exiguum, foris refpicientibus nigerrimum apparens, quod pupillam 
appellamus. 

3. Non autem femper eâdem magnitudine patet hic hiatus; fed 
EF, pars fecundæ membranulæ in quâ eft, liber/rime innatans 
liquidiflimo humori K, fpeciem exigui mufculi habet, qui deducitur 
aut contrahitur, prout objetta quæ contuemur vel propius vel lon- 
gius abfunt, vel magis aut minus illuminantur, vel prout magis aut 
minus curiofe illa contemplari animus eft. Et fidem huic rei pueri 
ocuius cuivis dubitanti aftruere poterit: nam, fi jufleris ut vicinum 
aliquod objettum attente refpiciat, videbis aliquanto arétius pu- 
pillam ejus contrahi quàam fi aliud multo remotius & non majori 
luce illuftratum ipfi refpiciendum proponas. Et deinde, fi feceris ut 
idem objectum in quod refpicit, nunc minori nunc majori luce re- 
fulgeat, claufis fcilicet vel apertis feneftris cubiculi in quo erit, ani- 
madvertes pupillam fieri ed anguftiorem qu majori luce perftrin- 
getur. Ac denique, fi ad eamdem lucem idem corpus ex eodem loco 
ille puer infpiciat, minori ambitu patebit ejus pupilla, dum cona- 
bitur accurate minutiflimas illius partes agnofcere, quam dum, 
quafi aliud agens, vagis oculis integrum apprehendet. 

4. Et obfervandum, hunc motum voluntarium efle dicendum, 
licèt, ut plurimum, à nobis ignorantibus peragatur; neque enim 
ob hoc minus dependet aut minus fequitur ex | voluntate quam ha- 
bemus bene videndi: quemadmodum labiorum et linguæ motus, 
pronuntiationi inferviens, voluntarius dicitur, quoniam loquendi 
voluntatem fequitur, licèt fæpiflime ignoramus qualem fingulæ li- 
teræ requirant. ù 

5. EN, EN funt plurima filamenta nigra, undiquaque amplexa 


ACT TRRSE LT ES 


3 
4 


108-109. DIoPTRICE. 597 


humorem L, & orta ex membranà fecundà, | inde ubi tertia termi- 
natur, quæ fpeciem perexiguorum tendinum præ fe ferunt, & 
eorum ope hic humor, pro intentione quà vifus nofter in res pro- 
pinquas aut longe diflitas fertur, mox in majorem gibbum cur- 
vatus, mox magis in planum porrectus, totam oculi figuram non- 
nihil immutat. Quod etiam experientià conftat : nam, fi intentius 
contemplanti turrim aut montem procul remotum, fcriptum aliquod 
ante oculos prope apponatur, nullam literam nifi confufe dignofcere 
poterit, antequam eorum figura paululum fuerit immutata. Denique 
O, O funt fex aut feptem mufculi extrinfecus oculo affixi, quorum 
ope quaquaverfum moverti poteft, & forte etiam, preflus aut re- 
vulfus, quoad figuram immutari. Plura circa hanc materiam notari 
folent, & anatomicorum libros augere, quæ de induftrià hîc omitto, 
quoniam jam dicta fufficere arbitror ad explicandum quidquid facit 
ad noftrum argumentum, & quia reliqua quæ ad hoc non juvarent, 
ab iis quæ juvare poflunt animadvertendis cogitationes noftras avo- 
carent. || 


CAPUT QUARTUM. 


De Senfibus in genere. 


1. Cæterum his quædam de fenfibus in genere fubjungenda funt, 
ut felicius deinceps vifionis explicatio procedat. Omnibus jam 
conftat animam efle quæ fentit, non corpus: videmus enim, quoties 
illa, vel exftafi vel altà contemplatione diftracta, velut extra corpus 
ponitur, hoc totum torpidum fine fenfu ftupere, quæcunque etiam 
objeéta admoveantur. Nec magis obfcurum eft, illam non proprie 
fentire quatenus eft in organis fenfuum exteriorum, fed quatenus 
in cerebro, ubi illam facultatem exercet quam nuncupant fenfum 
communem ; fic vulnera & morbi quæ cerebrum lædunt, in univer- 
fum omnes fenfus tollunt, quum corpus interea nihilominus anima- 
tum fit. 

2. Scimus etiam illam impreflionem quà objecta partes corporis 
externas afficiunt, nonnifi per interpofitos nervos ufque ad animam 
pervenire: nam varia funt affeétuum genera quæ, licèt unico tan- 
tummodo nervo noxia fint, omnem fenfum illarum partium corporis 
tollunt, per quas male affecti nervi rami fparguntur, integro interea 
fenfu reliquarum. 


598 OŒEuvrEs DE DESCARTES. rog-111. 


3. Ut autem uberius cognofcamus quà ratione anima, in cerebro 
refidens, | per nervos interjectos impreflionem corporum externorum 
recipiat, tria iniis diftinguenda occurrunt : primo, membranulæ 
quibus involvuntur, ex cerebrum circumdantibus tunicis ortæ, 
quæ, multis ramis | in modum tubulorum diffufæ, aliæ aliù per to- 
tum corpus fparguntur eodem modo quo arteriæ & venæ; deinde, 
fubftantia illorum interior quæ, in tenuiflima quædam veluti capil- 
lamenta divifa, per tubulorum iftorum longitudines à cerebro, unde 
defcendit, ufque ad membrorum extrema, quibus adhæret, porri- 
gitur, adeo ut in fingulis tubis multa hujufmodi capillamenta non 
dependentia ab invicem imaginari debeamus; poftremd, fpiritus 
animales qui, inftar venti aut aëris fubtiliflimi, ex ventriculis feu 
cavis cerebri progrefli, per eofdem tubos ad mufculos evehuntur. 

4. Fatentur quidem Medici & Anatomici, hæc tria in nervis re- 
periri; ufum autem eorumdem à nemine bene diftinétum novi. 
Quum enim viderunt non tantüum fenfui, fed & motui membrorum, 
nervos infervire, & contingere interdum paralyfes quæ, fenfu in- 
tegro remanente, motum tollerent, modd duo eorum genera fece- 
runt, quorum alterum foli motui, alterum folis fenfibus affignarunt; 
modù fentiendi facultatem in membranulis collocarunt, & movendi 
vim in fubftantià interiore : quibus cunétis tam | ratio quàäm expe- 
rientia reclamat. Quis enim nervum aliquem notavit unquam mo- 
tui infervientem, qui non fimul alicui fenfuum inferviret? Et quo- 
modo, fi ex membranis dependeat fenfus, diverfæ objectorum im- 
prefliones per eas in cerebrum penetrarent? 

5. Evitandarum itaque harum difficultatum caufà, credendum eft 
fpiritus per nervos in mufculos dilapfos, eorumque mox hunc mox 
illum magis aut minus inflantes, prout largius aut parcius à cerebro 
{ubminiftrantur, motum omnium membrorum eflicere; & capilla- 
menta exifgua, ex quibus interior nervorum fubitantia compo- 
nitur, fenfibus infervire. Et quoniam hoc loco non neceilarium de 
motu loqui, nobis fufficit advertere, exigua illa capillamenta, in- 
flatis tubulis, ut diximus, & afliduo fpirituum affluxu expanfis in- 
clufa, non collidi, neque fibi invicem obftare, atque ad extremitates 
omnium membrorum porrigi, quæ aliquo modo fentire poflunt; adeo 
ut, fi leviflime tantüum pars illorum impellatur cui adhæret aliquis 
nervorum, eodem etiam momento illa cerebri pars movetur ex qua 
nervus ille defcendit, quemadmodum, fi alterum extremum reftis 
diftenfæ tangas, alterum etiam ipfo momento commovetur. Quum 
autem hæc capillamenta tubulis ita circumdata procurrant, quos 
{piritus femper paululum inflant & diflendunt, nullo negotio intel- 


97 


nri-rr3 DIoPTRICE. 599 


ligimus, licèt effent multo tenuiora quam bombyeum fila, & imbe- 
cilliora | quàm aranearum, tamen à capite ad remotiffima membra 
fine ullo ruptionis periculo defcendere poffe, neque diverfos mem- 
brorum fitus motum illorum impedire. 

6..Obfervandum præterea, animam nullis imaginibus ab objectis 
ad cerebrum miflis egere ut fentiat (contrà quàm communiter Philo- 
fophi noftri ftatuunt), aut, ad minimum, longe aliter illarum imagi- 
num naturam concipiendam effe quäm vulgo fit. Quum enim circa 
eas nil confiderent præter fimilitudinem earum cum objectis quæ 
reprefentant, non poflunt explicare quâ ratione ab objectis formari 
queant, & recipi ab organis fenfuum exteriorum, & demum nervis 
ad cerebrum tranfvehi. Nec alia caufa imagines iftas fingere eos im- 
pulit, nifi quod viderent mentem noftram efficaciter piéturà excitari 
ad ap|prehendendum objeétum illud quod exhibet; ex hoc enim ju- 
dicarunt illam eodem modo excitandam ad apprehendenda ea 
quæ fenfus movent, per exiguas quafdam imagines in capite noftro 
delineatas ; fed nobis contrà eft advertendum, multa præter 
imagines efle quæ cogitationes excitant, ut ex. gr. verba & 
figna, nullo modo fimilia iis quæ fignificant. Et licèt concedere 
poflimus (ut, quantum fieri poteft, receptum opinionem fequamur) 
objeéta quæ fentimus vere in | cerebro noftro adumbrari, ad mini- 
mum notandum erit nunquam imaginem omnino fimilem efle ob- 
jecto quod repræfentat : nam aliàs nullum inter hoc & illam diferi- 
men foret : fed rudem fimilitudinem fufficere, & fæpe etiam per- 
fectionem imaginum in hoc confiftere, ut non aflimilentur quantum 
poffent. Quemadmodum videmus icones illas quæ à typographis in 
Hibris excuduntur, etf nihil extra paulum atramenti chartæ hucilluc 
ingeftum habeant, fylvas, urbes, homines, difpofitas acies & tem- 
peftates nobis repræfentare, & tamen ex innumeris qualitatibus 
horum objeétorum, quas cogitationi noftræ exhibent, nullam efle 
præter figuram, cujus revera fimilitudinem referant; atque etiam 
hanc fimilitudinem valde effe imperfectam, cum in fuperficie planà 
corpora diverfimode furgentia aut fubfidentia exhibeant, &, fecun- 
düm regulas fcenographiæ, melius fæpe circulos repræfentent per 
ellipfes quàm per alios circulos, & quadrata per rhombos quàm per 
alia quadrata, & ita de cæteris : adeo ut fæpius, ad abfolutam 
imaginis perfectionem & adumbrationem objeéti accuratam, difli- 
militudo in imagine requiratur. | 

7. Eodem igitur modo imagines in cerebro noftro formatæ confi- 
derandæ funt, & notandum tantummodo quæri quâ ratione ani- 
mam moveant ad percipiendas diverfas illas qualitates objectorum 


600 Œuvres DE DESCARTES. 1A3-r 15. 


e quibus manant, non autem quomodo ipfæ jis fimiles fint. Ut, 
[quum cæcus nofter varia corpora baculo fuo impellit, certum eft ea 
nullas imagines ad cerebrum illius mittere, fed tantum, diverfimode 
movendo baculum pro variis qualitatibus quæ in iis funt, eâdem 
operà manüs etiam nervos diverfimode movere, & deinceps Joca 
cerebri unde ii defcendunt : cujus rei occafione mens totidem di- 
verfas qualitates in his corporibus dignofcit, quot varietates depre- 
hendit in eo motu qui ab iis in cerebro excitatur. 


CAPUT QUINTUM. 


De Imaginibus quæ formantur in fundo oculi. 


1. Manifefle itaque videmus non opus efle, ad fentiendum, ut 
anima contempletur ullas imagines quæ reddant id ipfum quod fen- 
titur; fed hoc interim non impedit quominus objecta quæ con- 
tuemur fatis perfectas in oculi fundo repræfentent : ut ingeniofe à 
quibufdam explicatum eft per comparationem earum quæ in cubi- 
culo apparent, fi lumini inde exclufo nonnifi unicus aditus conce- 
datur per exiguum foramen vitreà | lente claufum, & albo panno ad 
debitum intervallum radii ingrefli excipiantur. Nam oculi vice hoc 
conciave fungi aiunt, foramen pupillæ, vitrum cryftallini humoris 
feu potius omnium illarum oculi partium quæ | refractionem ali- 
quam efficiunt, & pannum, ejus tuniculæ interioris, retinæ diétæ, 
quam extremitates nervi optici componunt. 

2. Omnia tamen magis explorata et certa erunt, fi evulfum recèns 
defunéti hominis aut, fi illius copia non fit, bovis vel alterius magni 
alicujus animalis oculum ita fecemus ut, ablatâ eà parte trium ejus 
membranarum quæ cerebro obverfa eft, fatis magna pars humoris 
M appareat nuda, nec tamen ifte humor effundatur, fed contineatur 
chartà, ovi putamine, vel alià quâvis materià albâ & tam tenui ut, 
quamwvis non fit pellucida, omnem tamen luminis tranfitum non 
excludat; qualis hîc exhibetur verfüs T SR : huncque oculum 
foramini afleris ad id facti, quale eft Z Z, fic immittamus ut ejus pars 
anterior BCD refpiciat aream varia objecta Sole illuftrata, ut V, X, 
Y, fuftinentem; pofterior autem, ubi eft corpus album RST, refpi- 
ciat conclave interius P quod, totum tenebrofum, nullum lumen 
recipere debet, præter illud quod intrat per oculum cujus omnes 
partes à C ad S funt pellucidæ. Hoc enim ita parato, fi refpiciamus 


1OT 


102 


104 


TE DIoPTRICE. Got 


in corpus album RST, non fine voluptate & forfan etiam admira- 
tione, piéturam quamdam in eo videbimus, omnia objecta, extra 
cubiculum ad | V, X, Y pofita, fcite fatis imitantem : modà tamen 
omnia fic adminiftrentur, ut ifte oculus naturalem fuam & | objeéto- 
rum diftantiæ debitam figuram quàam proxime retineat; nam, fi 
paulo magis prematur quàm illa requirit, ftatim confufior imago 
apparebit. 

3. Eftque hic obfervandum, paulo validius illum effle compri- 
mendum, & figuram ejus reddendam oblongiorem, fi | objecta ap- 
pareant ex propinquo, quàm fi magis removeantur. Sed hujus ima- 
ginis delineatio uberius explicanda eft; nam eàdem operâ multa dif- 
cemus quæ ad vifionem pertinent. 

4. Primû igitur advertamus, ex fingulis punétis objeétorum V, 
X, Y tot radios penetrantes ad corpus album R ST ir oculum ma- 
nare, quot pupillæ hiatus recipere poteft, & omnes, ex eodem 
punéto digreflos, permeando fuperficies BCD, 123 & 456, eà ratione 
incurvari ut iterum præterpropter in eodem punéto concurrere 
poflint, fecundum ea quæ tam de refraétionum quàm de trium hu- 
morum K, L, M naturà diximus. Et quidem, ut imago, de quâ hic 
agimus, omnibus numeris abfoluta fit, ea trium harum fuperficie- 
rum figura requiritur, quæ omnes radios ex eodem punéto delaplos, 
quantum fieri poteit, in eodem punéto corporis albi R ST recol- 
ligat. Ut hîc videmus radios. venientes ex punéto X congregari 
omnes in punéto S; ex Vin R; &ex Y in T. Et præterea nullum 
radium venire ad S nifi ex punéto X; nec | ullum fere ad R nifi ex 
punéto V, nec ad T nifi ex punéto Y ; K ita de reliquis. 

5. Quibus animadverfis, fi recordemur eorum quæ generatim 
fuprà audivimus de coloribus & lumine, atque etiam in particulari 
de corporibus albis, facilè intelligemus quam ob caufam, inclufi cubi- 
culo P & oculorum aciem in corpus album RST dirigentes, effigiem 
objectorum V, X, Y ibi videamus. Nam primd certum eit, lumen 
(hoc eft actionem quà Sol, aut aliud corpus luminofum, materiam 
quamdam fubtilifimam, quæ in omnibus pellucidis corporibus re- 
peritur, propellit), miffum ad | R ab objetto V, quod rubrum ex. gr. 
fingamus (id eft, ita difpofitum ut ejus occafione hujus materiæ 
fubtilis particulæ, præter motum rectum, affumant etiam circula- 
rem circa proprium centrum, inter quem & rectum ea proportio fit 
quæ requiritur ad fenfum rubri coloris efficiendum), cùm corpori 
albo in R occurrat {id eft, ejufcemodi corpori ut quaquaverfum 
materiam iftam fubtilem, modo quo movetur non mutato, repellat), 
inde ad oculos noftros refilire per poros hujus corporis, quod in 


Œuvres. I. 76 


4 


602 Œuvres DE DESCARTES. HAT 


eam rem tenue & lumini non plane impervium admovimus, & ita 
efficere ut punétum R rubri coloris videatur. Eodemque modo 
lumen rectum ad $S ab objecto X, quod luteum efle fuppono, & ad 
Tab Y, quod fuppono cæruleum, & inde ad oculos noftros provec- 
tum, S luteo & T cæruleo colore tinctum debet exhibere. Et fic tria 
puncta R,S,T, cûm | eundem inter fe ordinem eundemque colorem 
retineant quem tria altera V, X, Y, iis exacte | fimilia funt. 

6. Hujus autem pitturæ perfectio ex tribus maxime dependet : 
nempe ex eo quod per hiatum pupillæ pluris radii à fingulis corpo- 
rum punctis intrent, quemadmodum hîc XB14S,XC25S, XD365, 
& quotquot præterea inter eos poffumus imaginari, eù veniunt 
ex folo punéto X; deinde, ex eo quod hi radii fic in oculo refrin- 
gantur ut, ex diverfis punétis digrefli, præterpropter in totidem aliis_ 
corporis albi RST reddantur; poftremà, ex eo quod, cûm capilla- 
menta exigua EN, & fuperficies interior membranulæ E EF, fint 
nigra, itemque cubiculum P fit omni ex parte claufum & obfcurum, 
nullum aliunde lumen ed accedat, quod actionem radiorum proma- 
nan | tium ab objectis V, X, Y turbare poflit. Nam, fi ea pupillæ 
anguftia foret ut unos folummodo radios ex fingulis objeéti punctis 
acciperetatque remitteret ad fingula punéta corporis RST, non fatis 
virium in iis effet ut inde in cubiculum P ad oculum noftrum defer- 
rentur. Pupillà verd laxiore exiftente, fiquidem nulla in oculo re- 
fractio fieret, radii à fingulis punétis objecti ed venientes per totum 
fpatium RST fpargerentur, adeo ut, ex. gr., tria punéta V, X, Y 
tres radios mitterent ad R, qui, unà inde ad oculum noftrum refi- 
lientes, punctum illud R mixto quodam colore ex flavo, rubro & 
cæruleo exhiberent, atque fimile punctis S & T ad quæ itidem 
punéta V, X, Y fingulos radios mitterent. 

7. Idem quoque propemodum eveniret, fi refractio, quæ fit in 
oculo, major aut minor foret quàm | magnitudo illius requirit; 
major enim radios emanantes ab X, antequam progrediantur adS, 
colligeret, velut in punéto M; contrà verd, minor nonnifi illud præ- 
tervectos cogeret, ex. gr. verfus P, atque ita tangerent corpus album 
RST in plurimis punétis, ad quæ eodem modo alii radii ex aliis 
objecti partibus ferrentur. Poftremà, nifi corpora EN, EF nigra 
forent, hoc eft ita comparata ut lumen exceptum non remittant, fed 
extinguant, radii à corpore albo RST eù reflexi inde reverti poflent, 
qui venirent à T verfus S & R, qui ab R verfüs T & S, & qui ab 
S verfüus R & T; & hoc modo alter alterius actionem turbaret : 
quod etiam facerent radii refilientes ex cubiculo ad RST., fi alio 
lumine illuftraretur quam illo quod objecta V, X, Y eù mittunt. 


106 


’ 


dt 


121-124. DioPTRICE. 603 


8. Sed, cognitis iis quæ ad hujus picturæ perfectionem | con- 
ferunt, operæ pretium etiam eft ejus defectus intueri : horum 
primus & maximus efl, nullà ratione oculum, qualemcunque figu- 
ram habeat, radios omnes ex diverfis punétis miflos in totidem aliis 
colligere pofle, fed multum agere, fi tantummodo omnes ab uno 
punéto venientes, velut ab X, in alio quodam fiftat, velut in S, quod 
medium eft poiterioris oculi partis; quod cüm fit, nonnifi pauci 
eorum qui veniunt ex punéto V coire poflunt accurate in punéto R, 
aut ex Ÿ | accurate in T, & reliqui neceflarid nonnihil inde abfce- 
dunt, ut | poftmodum explicabimus. Atque hinc extremitates hujus 
imaginis nunquam tam diftincte quàäm medium apparent, quem- 
admodum fatis notarunt qui circa Optica commentati funt. Hoc 
enim eft quod dixerunt, vifionem potiflimum fieri fecundum axem, 
hoc eft fecundum lineam rectam per centrum cryftallini humoris 
& pupillæ protenfam, qualis hîc eft linea XKLS, axis vifonis iis 
dicta. 

9. Hic autem obfervemus, qud major pupillæ hiatus eit, ed magis 
radios venientes, ex. gr. ex punéto V, circa punétum R difpergi; & 
ita, quantum hæc laxitas colorum vim & nitorem intendit, tantum 
detrahitex accuratà lineamentorum picturæ diftinétione; ideoque non 
nifi mediocris efle debet. Notemus præterea hos radios magis circa 
punctum R difperfum iri quàm jam fparguntur, fi punétum V, unde 
manant, propius oculo adjaceret, ut fi effet in 10, aut longius ab 
eodem diftaret, ut fi effet in 11, non mutato interim puncto X, ad 
cujus diftantiam oculi figuram fuum commenfum habere fuppono; 
ideo | que imaginis hujus partem R obfcuriorem adhuc effent red- 
dituri. Quorum omnium demonitratio nobis aperta erit, cum ulte- 
rius progrefli videbimus quam figuram corpora pellucida requirant, 
ad radios ex aliquo punto delapfos in alio quodam poft tranfitum 
colligendos. 

10. Reliquæ autem hujus picturæ imperfectiones in eo funt, 
quèd femper inverfa appareat, hoc eft contrario plane fitu quàm 
obtinent corpora quæ imitatur; & quôd præterea ejus partes, | aliæ 
magis, aliæ minus, contrahantur, pro varietate fitûs & intervalli 
rerum quas exhibent, eodem fere modo quo in fcenographicà tabulà 
fieri folet. Ita hîc manifefte videmus : T, quod ad finiftram, Y, 
quod ad dextram, reddere; & R, quod ad dextram, V, quod ad 
finiftram. Et præterea, imaginem corporis V non plus fpatii occu- 
pare in R, quàam occuparet illa corporis 10, minoris quidem, fed 
magis propinqui; nec minus quàm illa corporis 11, quod majus, 
fed longius remotum eft; nifi forfan eo ipfo quod magis diftincta 


604 OEUVRES DE DESCARTES. 124 27e 


fit. Et poftremd videmus lineam VXY, quæ reéta eft, exprimi per 
curvam RST. 

11. Ita, confideratà hâc imagine in oculo mortui vel hominis vel 
beitiæ, & rationibus perpenfis, dubitare non poffumus, quin fimilis 
quædam exprimatur in membranà interiore oculi viventis hominis, 
in cujus locum corpus album RST fubftituimus; atque etiam, quin 
longe melius ibidem depingatur, cum fpiritibus referti humores 
magis pelluceant, & figuram huic operi debitam exattiorem ha- 
beant. Et quod ab bovis oculum attinet, fortè etiam in eo pupillæ 
figura, quia non rotunda, imaginis perfectioni nonmihil obftat. 

12. Nec magis ambigere poflumus, imagines albo panno | in te- 
nebrofo cubiculo exceptas eodem modo quo in oculi fundo formari, 
& ob eafdem rationes; fed, cum multo majores & pluribus modis 
ibi fiant quàam in oculo, multa particularia | commodius in iis ob- 
fervantur, quorum hic monere animus eft, ut quilibet illa poflit 
|experiri, fi nondum hattenus expertus eft. Primo itaque, fi nullum 
vitrum foramini, per quod radii cubiculum illud ingredi debent, 
apponatur, modû ne fit nimis late patens, imagines quidem in 
panno apparebunt, fed imperfeétæ admodum & confufæ, & tanto 
magis quanto latius patuerit foramen; & qud major erit diftantia 
inter illud & linteum, ed quoque majores imagines erunt, ita ut 
magnitudinis illarum eadem fere fit ratio ad hoc intervallum, quæ 
magnitudinis éorporum à quibus illæ fluunt, ad fpatium ipfa ob- 
jecta & foramen idem interjacens. Ut, fi A BC fit objectam, D fora- 
men, EGF imago, quale eft AB ad CD, tale erit EG ad F D. Poftea, 
vitreà lente huic foramini immiflà, obfervandum certam quamdam 
diftantiam determinatam effe, ex quà fi objecerimus pannum, fimu- 
lacra lucida atque admodum diftincta refulgent ; fimul ac verd pau- 
lulum accedimus ad vitrum, aut ab eodem recedimus, ftatim ea tur- 
bantur & minus diftincte apparent. Hæc autem diftantia dimetienda 
erit, non fecundüm fpatium quod linteum & foramen intercedit, 
fed fecundüm illud quod linteum & vitrum : ut, quan/tum hoë 
vitrum ulterius promoveris, aut introrfum ad te reduxeris, tantum 
fimul & linteum vel adducere vel removere oporteat. Pendetque 
hæc diftantia, partim ex figurà hujus vitri, & partim ex fpatio quod 
illud & res objectas interjacet : nam, licèt eodem loco hæ maneant, 
quo minus fuperficies | vitri erunt incurvatæ, ed longius hoc lin- 
teum removendum; & eodem vitro manente, accedentibus propius 
objectis, paulo magis linteum removendum erit quam fi longius 
eadem abeffent. Atque ex hàc diftantià imaginum oritur magnitudo, 
eodem fere modo quo tum, cùm nullum foramini vitrum applica- 


Pa 


127-120. DIoPTRICE. 60$ 


tur. Fieri autem illud foramen majus poteit, fi vitro inferto obtu- 
retur, quàm fi apertum & vacuum relinquatur, imaginibus ob id 
non minus diftinétis. Et quo erit majus, eù fimulacra nitidiora 
atque illuftriora videbuntur : adeo ut, fi partem vitri tegas, magis 
quidem obfcura quàm antea debeant apparere, fed non idcirco minus 
fpatii in panno occupare. Et qud majora & lucidiora hæc fimulacra 
funt, ed perfectius videntur ; adeo quidem ut, fi oculum admodum 
profundum ftruere pofflemus, cujus pupilla effet valde ampla, & in 
quo fuperficies refractionem efficientes figuram haberent quæ huic 
magnitudini refponderet, ed ampliores objectorum corporum ima- 
gines in ejus fundo exprimerentur. Et fi duas aut plures lentes 
vitreas parum convexas jungamus, idem fere eflicient quod una quæ 
ad eandem craflitiem, quam illæ omnes fimul fumptæ, intumefcet : 
hîc enim exigui momenti eft fuperficierum numerus in quibus re- 
fraétiones fiunt. Aîft, fi ex certo intervallo hæc vitra ab invicem 
removeamus, fecundum eriget imaginem, quam primum invertit; 
ter {| tium iterum invertet, &ita porro.Quorum omnium | ratio ma- 
nifefta eft ex iis quæ fuprà audivimus, & quidem majus operæ 
pretium erit, mediocri meditatione illam inquirenti, quam obiter 
fingula fufius hîc enarrata legenti. 

13. Cæterum corporum fimulacra non tantüm in imà oculi parte 
formantur, fed ulterius quoque ad: cerebrum | penetrant : quod 
facilè intelligemus, fi cogitemus radios ab objecto V in oculum ve- 
nientes contingere in puncto R extremum alicujus ex capillamentis 
|nervi optici, quod oritur e regione 7 fuperficiei interioris cerebri 
789 : & venientes ab objecto X in puncto S extremitatem alterius 
cujufdam capillamenti impellere, cujus initium eft in puncto 8; & 
delapfos ab objecto Y, aliud in punéto T, quod prorepit e regione 
cerebri 9 ; & ita porro. Et præterea, cum lumen nihil extra motum 
aut nifum quemdam ad motum fit, radios 1llius progreffos ab V ad 
R vim totum capillamentum R7 movendi habere, & confequenter 
regionem cerebri 7; & venientes ab X ad S, totum nervum SS8, & 
infuper alià ratione movendi quàäm movetur Re cüm corpora X & 
V diverfimode colorata fint ; & ita venientes ab Y punetum 9 Mmo- 
vere. Unde patet in fuperficie cerebri interiore, quæ cavitates illius 
refpicit, denuo quamdam picturam delineari 780, fatis fimilem ob- 
jeétis VX Y. Atque inde ulterius hanc promovere poflem ad glan- 
dulam quamdam exiguam, quæ in medio circiter harum cavitatum 
occurrit propria fenfûs communis fedes. Imo præterea hîc often- 
dere non arduum foret, quà ratione interdum per arterias gravidæ 
mulieris tranfeat ufque ad certum aliquod fœtüs membrum, quem 


606 OŒEuvres DE DESCARTES. 120 135 


in utero geftat, & ibi iftas malaciæ notas imprimat, quas tantopere 
docti admirantur. | 


| CAPUT SEXTUM. 116 


De Vifione. 


1. Licèt autem hæc pictura, fic tranfmifla in cerebrum, femper 
aliquid fimilitudinis ex objectis, à quibus venit, retineat, non tamen 
ob id credendum eft, ut fuprà quoque monuimus, hanc fimilitudi- 
nem efle quæ facit ut illa fentiamus, quafi denuo alii quidam oculi 
in cerebro noftro forent, quibus illam contemplari poflemus; fed 
potius motus effe à quibus hæc piétura componitur, qui immediate 
in animam noftram agentes, quatenus illa corpori unita eft, à naturâ 
inftituti funt ad fenfus tales in eà excitandos. Quod latius hic expo- 
nere libet. 

2. Omnes qualitates, quas in vifüs objectis percipimus, ad fex 
primarias reduci queunt, ad lumen fcilicet, colorem, fitum, diftan- 
tiam, magnitudinem & figuram. Et primd, quantum ad lumen & 
colorem, quæ fola proprie ad fenfum vifionis pertinent, cogitandum 
illam animæ noftræ naturam efle, ut per vim motuum, qui in illà 
cerebri regione occurrunt, unde tenuia nervorum opticorum fila 
oriuntur, luminis fenfum percipiat; per eorumdem autem | mo- 
tuum diverfitatem, fenfum coloris : quemadmodum per motus ner- 
vorum auribus refpondentium fonos dignofcit, & ex motibus nervo- 
rum linguæ, varios fapores ; & in univerfum ex motu nervorum 
totius corporis moderato quamdam titillationem fentit, & dolorem 
ex violento, quum interea in his omnibus fimilitudine nullà opus fit 
inter ideas quas illa percipit & motus qui earum funt caufæ. 

|3. Atque his facilè adhibebimus fidem, modô notemus, quibus 117 
oculus vulnere læditur, videri fe infinitas ignium & fulgurum vibra- 
tiones cernere, licèt oculos claufos habeant aut in conclavi obfcuro 
commorentur ; ut ita hic fenfus non alii rei fit imputandus quam 
agitationis vehementiæ, quæ capillamenta exigua nervi optici inftar 
violenti luminis cujufdam movet; & eadem agitatio, aures feriens, 
fonum quemdam efficere poflet, aut, alias partes corporis, dolorem. 

4. Hoc etiam inde confirmatur quôd, fi aliquando Solem feu 
lumen aliud valde fulgidum obftinati contuemur, illa impreflio 
etiam aliquanto pôit in oculis duret, adeo ut, licèt poftea claudantur, 


118 


119 


131-133. DIoPTRICE. 607 


varios tamen colores nobis videamur videre mutantes & tranfeuntes 
ad invicem, prout paulatim evanefcunt : hoc enim non aliunde pro- 
cedit nifi quod capillamenta nervi optici, infolito motu concufla & 
agitata, non tam fubito refidant quäm aliàs. Sed agitatio, quà adhuc 
poit oculos | claufos palpitant & quafi contremifcunt, quum non fatis 
valida fit ad reddendum tam illuftre lumen quàm fuit illud à quo 
venit, colores minus intenfos & velut diverios repræfentat. Et hi 
colores paulatim expallefcendo mutantur : quod fatis docet illorum 
naturam tantüm in motüs diverfitate confiftere, neque aliam effe 
quàm fuprà pofuimus. 

5. Ipfum etiam poftremd ex eo manifeftum fit quod fæpe in pellu- 
cidis corporibus hi colores appareant, ubi certum eft nihil efle 
quod eos producere poflit, extra diverfos illos modos quibus radii 
luminis admittuntur : ut quum in nubibus iris apparet, & magis 
adhuc, quum fimile aliquid in vitro cernimus, cujus fuperficies in 
varias hedras polita eft. 

| 6. Hiîc vero operæ pretium eft curiofius advertere in quo con- 
fiftat quantitas luminis quod videtur {hoc eft impetus quo fingula 
nervi optici capillamenta moventur) : non enim femper æqualis eft 
lumini quod ex objectis emanat, fed vel pro ratione diftantiæ cor- 
porum, vel magnitudinis pupillæ, variat; vel pro ratione fpatii quod 
ex fingulis corporum punétis manantes radii in oculi fundo occu- 
pant. Sic conftat ex. gr. punctum X plures radios ad oculum B 
miffurum quam nunc mittat, fi pupilla FF pateret ufque ad G ; & 
illud totidem mittere in hunc oculum B, qui minus ab ipfo diftat & 
cujus pupilla valde angufta eft, quot in oculum A, cujus quidem 
pupilla multo major eft, fed quod etiam multo magis ab ipfo diftat. 
Et, quamvis non plures ex diverfis punétis | V, X, Y fimul fpectatis 
oculum A ingrediantur quàm oculum B, quia tamen in ejus fundo 
nonnifi per fpatium T R extenduntur, quod minus eft fpatio HI 
per quod in fundo oculi B fparguntur, majori vi agere debent in 
fingulas extremitates nervi optici, quas ibi contingunt, quàm in 
illas oculi B: quod ad calculum revocare minime arduum eft. Nam, 
fi ex. gr. fpatium HI quadruplum fit fpatii TR, & extremitates 
quatuor capillamentorum millium nervi optici contineat, TR con- 
tinebit tantum mille, & confequenter | fingula capillamentorum, in 
parte imà oculi A, millefimä roboris parte movebuntur quod omnes 
radii uniti habent, & in fundo oculi B, quartà tantum millefimæ. 

7. Obfervandum etiam partes corporum, quæ contemplamur, 
non dignofci polfe, nifi quatenus colore quodammodo differunt; & 
horum colorum diftinétam perceptionem non pendere tantüm ex eo 


608 .… Œuvres DE DESCARTES. 133-135. 


quôd omnes radii à fingulis corporum punétis venientes in fundo 
oculi in totidem aliis circiter coëant, vel ex eo quèd nulli alii aliunde 
effufi ad eadem punéta admittantur, fed etiam ex multitudine capil- 
lamentorum nervi optici, quorum extremitates continentur in illo 
fpatio quod imago in oculi fundo occupat. Si enim ex. gr. objeétum 
VXY | ex decem partium millibus componatur, quæ aptæ fint ad 
radios tot diverfis modis in fundum oculi RST mittendos, & confe- 
quenter ad repræfentanda eodem tempore decem colorum millia, 
anima tamen ad fummum mille tantüm difcernet, fi fingamus 
mille tantum capillamenta nervi optici exftare in fpatio RST; 
etenim tunc decem particulæ objecti, agentes fimul in fingula capil- 
lamentorum, uno duntaxat modo ex denis mixto & confufo illa 
movere poflunt : unde fit ut illud fpatium, quod ab uno quolibet 
ex his capillamentis occupatur, nonnifi pro unico punéto debeat 
haberi. 

8. Atque hoc eft quod efhicit ut pratum infinità colorum varietate 
diftinétum procul infpicientibus totum album aut cæruleum 
videatur; & generatim ut omnia corpora remota minus diftincta 
appareant quam propinqua ; denique etiam, ut, què latius ejufdem 
corporis fimulacrum in oculi fundo diducere poffumus, eo diftinétius 
videri queat. Quod notatum magno ufui poftea erit. 

19. Situm (id eft regionem in qu fingulæ objecti partes refpeëtu cor- 
poris noftri locatæ funt) quod attinet, illum nonaliter oculorum mini- 
fterio deprehendimus quàäm manuum; & notitia illius ex nullä imagine 
pendet, nec ex ullà actione ab objectis veniente, fed ex folo fitu exigua- 
rum partium cerebri, e quibus nervi expullulant. Hic enim fitus, 
mutato fitu membrorum quibus illi nervi inferuntur, aliquantulum 
varians | à naturà ita inftitutus eft, ut non tantüm animam certam 
facere poflit in quâ regione fingulæ partes corporis, cui ineft, aliarum 
refpectu exiftant, fed infuper eflicere ut attentionem inde ad omnia 
loca transferre queat, quæ in lineis rectis occurrunt quas imaginari 
poffumus ab extremitatibus fingularum ex his partibus in infinitum 
produétas. Ut, quum cæcus ille, de quo jam fæpe mentio facta eff, 
manum fuam A verfus E vel alteram manum C etiam verfüs E 
obvertit, nervi huic manui inferti mutationem quamdam in cerebro 
illius efficiunt, per quam anima cognofcit non tantüm locum A vel C, 
fed & omnia reliqua quæ occurruntin lineà rectà AE vel CE; imo, 
ulterius progreffa ufque ad objecta B & D, loca etiam ubi illa 
exiftant determinat, incerta interea, vel faltem non attendens, ubi 
utraque manus exiftat. Atque ita, quoties oculus aut caput noftrum 
huc vel illuc inflectitur, mens noftra ejus rei admonetur à muta- 


ECS DIOPTRICE. 609 


tione quam nervi, mufculis hujus motûs miniftris inhærentes, in 
cerebro noftro efficiunt. 

121 10. Exempli gratià, cogitandum in oculo RST fitum calpil- 
lamenti nervi optici, quod eft in punéto R vel S vel T, ref- 
pondere ad alium quemdam partis cerebri 7 vel 8 vel 9, qui 
facit ut anima fingula loca cognofcat quæ jacent in rectà aut 
quafi rectà lineâ RV vel SX vel TY. Utita mirari non debeamus 
corpora in naturali fitu videri, | quamvis imago in oculo delineata 
contrarium habeat; quemadmodum cæcus nofter fimul objectum 

122 B, | quod eft ad dextram, ope manüs finiftræ, & D, quod ad 
finiftram, ope manûs dextræ animadvertit. Et quemadmodum ille 
idem non judicat corpus duplex effe, licèt duabus manibus illud 
tangat, fic etiam oculi noftri, quum ambo | verfüs eundem locum 
aciem fuam dirigunt, nonnifi unicum objeétum menti debent 
exhibere, quamvis in unoquoque eorum peculiaris ejus imago 
formetur. 

11. Perceptio diftantiæ, non magis quàm fitüs, ab ullis imagi- 
nibus pendet, fed primù à figurà totius oculi : etenim, ut jam 
diximus, alia requiritur, ad percipienda ea quæ propinqua, quäm 
ad ea quæ procul abducta; & dum illam pro ratione objecti mu- 
tamus, fimul quædam cerebri noftri pars variat, ita à naturà infli- 
tuta ut animam de hâc diftantià certam reddat. 

12. Et hoc, ut plurimum, nobis infciis accidit eodem plane 
modo quo, corpus aliquod manu complexi, ftringentes, ad illius 
figuram & magnitudinem hanc aptamus, atque ita illud cognofci- 
mus, licèt interea non fit opus ut, quà ratione manus noftra move- 
tur aut difponitur, advertamus. 

13. Diftantiam præterea difcimus per mutuam quamdam confpi- 
rationem oculorum. Ut enim cæcus nofter, duo bacilla tenens, AE 
& CE, de quorum longitudine incertus, folumque intervallum 
manuum À & C, cum magnitudine angulorum ACE & CAE, 
exploratum habens, inde, ut ex Geometrià quâdam omnibus innatä, 
fcire poteft ubi fit punétum E; fic, quum noftri oculi, RST & rst, 
123 ,ambo vertuntur ad X, magnitudo lineæ Ss & angulorum | XSs & 

XsS certos nos reddunt ubi fit punctum X. | Et idem operà alteru- 
trius poffumus indagare, loco illum movendo; ut, fi verfüus X illum 
femper dirigentes primÔ fiftamus in punéto S, & flatim pôit in 
punéto s, hoc fufficiet ut magnitudo lineæ Ss & duorum angulorum 
XSs & XsS noftræ imaginationi fimul occurrant & diftantiam 

124 punéti X nos edoceant : idque per actionem menltis quæ, licèt 

fimplex judicium efle videatur, ratiocinationem tamen quamdam 


- 


Œuvres. I. 77 


Gro Œuvres DE DESCARTES. 158 110 


involutam habet, fimili illi quà Geometræ, per duas ftationes 
diverfas, loca inaccefla dimetiuntur. 

14. Alio adhuc modo diftantias nofcimus, per diftinétionem fcilicet 
aut confufionem figurarum, & fimul per vehementiam luminis aut 
debilitatem. Sic, dum fixo obtutu infpicimus X, radii venientes ab 
objectis* 10 & 12 non ita exacte coëunt in punétis R et T quàäm fi 
hæc objeéta in V & Y pofita forent; unde illa vel longius remota vel 
propius adduéta colligimus quàm eft X. Preæterea, ex eo quôd 
lumen ex objecto 10 ad oculum noftrum defluens longe vehemen- 
tius eft quàm fi idem objectum ad Y remotum foret, magis 1llud 
elle propinquum dijudicamus ; &, quum hoc quod fpargit objeétum 
12 debilius fit quäm fi foret ad Y, ulterius illud remotum efle hinc 
difcimus. 

15. Denique, quum jam aliunde prænovimus qualis fit magnitudo 
alicujus corporis, vel ejus fitus, vel quäm diftincta fit ejus figura & 
quàm vividi colores, vel tantüm qualis fit vis luminis ex eo emifli, 
pofflumus hâc præcognitione uti, non quidem | proprie ad viden- 
dum, fed tamen ad vifu percipiendam ejus diftantiam. Ut, fi corpus. 
aliquod oculis | familiare procul contueamur, melius de diftantià 
judicabimus quàm fi magnitudo illius minüs cognita foret. Et fi, 
ultra nemus obumbratum, rupem Soli expofitam videamus, folus 
hujus fvlvæ fitus illam procul abefle dictabit. Et fi duas naves, ma- 
jorem alteram, alteram minorem, vela facientes contemplemur hâc 
ratione inæqualiter remotas ut æqualis magnitudinis videantur, ex 
dif{ ferentià figurarum, colorum & luminis quod ad oculos noftros 
mittent, utra remotior fit advertemus. 

16. Modum autem quo magnitudinem & figuram objectorum 
videmus, non opus eft verbofius explicare, quum totus* illo con- 
tineatur quo diftantiam & fitum partium cernimus. Magnitudinem 
videlicet æflimamus ex cognitione feu opinione quam de diftantià 
habemus cum magnitudine imaginum in fundo oculi formatarum 
comparatà, & non abfolute per imaginum magnitudinem : utclarum 
fit inde qudd, licèt ex. gr. centies illæ majores fint, quum objecta 
valde propinqua funt, quàäm quum decuplo magis removentur, non 
tamen ob id centies majora nobis appareant, fed propemodum 
æqualia, utique fi diftantià non decipiamur. Manifeftum etiam eft 
figuram dignofci per cognitionem feu opinionem quam de fitu 
diverfarum partium corporis habemus, non per fimilitudinem 


imaginum quæ in oculo pinguntur : nam hæ plerumque rhombo 


a. tota EUz. 


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or. D'oPpTRICE. Gri 


vel ellipfi conftant, | quum quadrata & circulos nobis exhibent. 

17. Ne autem vel minimum dubium relinquatur, quin vifio hoc 
modo quo diximus fiat, rationes præterea hic intuebimur ob quas 
interdum nos foleat fallere. Primd, quia mens eft quæ videt, non 
oculus, idque cerebri ope magis immediate quàm oculi, inde fit 
ut phrenetici & dormientes varias aliquando fpecies videant, aut 
fibi videre videantur, quæ oculis propterea non objiciuntur ; at- 
que hoc evenit, fi vapores, cerebrum pulfantes, partes illius, quæ 
vifioni inferviunt, eodem modo difponant quo ipfas, mediante oculo, 
difponerent objetta externa, fi adeffent. 

[18. Deinde, quia imprefliones extrinfecus venientes ad fenfum 
communem per intermedios nervos tranfeunt, fi horum fitus per 
caufam infolitam detorqueatur, objecta alibi quàm ubi funt repræ- 
fentare poteit. Ut, fi oculus rsf, fuà fponte difpofitus ad refpi- 
ciendum verfüs X, cogatur à digito N fefe obvertere verfus M, partes 
cerebri, unde hi nervi prorepunt, non eodem plane modo | difpo- 
nentur ac difponerentur, fi oculus ifte à propriis mufculis ed deflecte- 
retur, nec tamen etiam eodem ac fi revera verfüs X refpiceret, fed 
medio quodam modo, tanquam fi refpiceret Y ; atque ita, hujus oculi 
ope, objectum M apparebit eù loci ubi eit Y, & Y ubieftX, & X 
ubi eft V; & quoniam hæc eadem objecta | eodem tempore in 
verislocis videbuntur ope alterius oculi RST, duplicata apparebunt. 
Eodem modo quo globulus G, duobus digitis D & A decuffatis 
attrectatus, inftar duorum fentitur ; etenim, dum hi digiti fe mutuo 
ita decuflatos retinent, mufculi eos diducere nituntur, A in C & D 
in F, unde fit ut partes cerebri, ex quibus nervi his mufculis infer- 
vientes originem ducunt, difponuntur eo modo qui requiritur ut 
idem digiti A in B et & Din E elle, ac confequenter duos ibi glo- 
bulos H & I tangere videantur. 

19. Præterea, quoniam aflueti fumus judicare, actiones, à quibus 
vifus nofter movetur, ex iis locis verfus quæ debemus obtutum dirigere 
ut illas percipiamus, quoties accidit ut aliunde procedant, facillime 
fallunt. Ita qui oculos flavà bile fuflufos habent, aut per vitrum 
flavum vident, aut in cubiculo degunt quod nullum lumen nifi per 
ejufmodi vitra recipit, flavo colore omnia corpora quæ cernuntinfecta 
putant. Et ille qui in cubiculo tehnebrofo, quod fuprà defcripfimus, 
corpus album RST intuetur, illi tribuit colores qui funt objectorum 
V, X, Y, quoniam in illud folum aciem fuam intendit. Et oculi A, 
B; C;, D, E, F, videntes objetta T, V, X, Y, Z, & per | tranfverfa 
vitra N, O, P, & in fpeculis C, R, $, illa judicant effe in punétis 
G, H, I,K, L, M, | & V, Z minora, & X, €c. majora quàm revera 


612 Œuvres DE DESCARTES. FAR TES 


funt; vel etiam X, €c. minora & fimul inverfa, quum fcilicet longius 
ab oculis C, F poñita funt; his vitris & fpeculis radios ab objectis 
venientes ita detorquentibus ut ab his oculis diftincte nequeant 
videri, nifi ita difpofitis ac fi punéta G, H, I, K, L, M intueri vellent, 
ut facilè cognofcent ii qui fatis | ad hæc attendent. Et eädem operâ 
videbunt quantum in Catoptricis majores noftri aberrarint, quoties 
in fpeculis concavis & convexis locum imaginum determinare conati 
fuerunt. 

20. Notandum etiam modos diftantiæ cognofcendæ, quotquot 
habemus, valde dubios & incertos efle; quantum enim ad oculi figu- 
ram, illa fere nihil amplius mutat, quum objectum ultra quatuor aut 
quinque pedes remotum abeit; etiam, quum propius adeft, tam 
parum variat ut vix quicquam accurati ex illà mutatione difcerni 
poffit. Et quantum ad angulos inclufos lineis ex duobus oculis aut ex 
duabus ejufdem oculi ftationibus ad objecta ductis, illi etiam fere 
iidem femper manent, quum paulo longius profpicimus. Ex quibus 
fit ut nequidem fenfus nofter communis ideam diftantiæ capere 
pofle videatur ultra centum aut ducentos pedes abduétæ; atque hoc 
patet ex eo qudd Luna & Sol, quæ funt e numero corporum remo- 
tiffimorum quæ contueamur, & quorum diametri ad diftantiam* 
circiter funt ut unum ad centum, pedales ut plurimum vel ad fum- 
num bipedales nobis videantur, licèt ratio dictet illos longe maximos 
& remotiffi|mos effe. Hoc enim non evenit quôd majores illos fingere 
nequeamus, quum turres & montes multo majores imaginemur & 
videamus ; fed propterea quèd cogitatione ultra centenos aut ducenos 
pedes illos removere non pofflumus, inde fequitur diametrum illorum 
unius aut alterius | pedis videri. 

21. Ipfe quoque fitus in hoc nos decipit; nam plerumque hæc 
aftra circa meridianum in cœli vertice minora apparent quäm quum 
funt in ortu vel occafu, & occurrunt inter ipfa & oculos noftres 
diverfa objetta quæ judicium de diftantià melius informant. Et 
Aflronomi, cum fuis machinis illa dimetientes, fatis experiuntur 
hoc, qud ita jam majora, jam minora appareant, non ex eo contin- 
gere quod modù fub majori, modù fub minori angulo videantur, 
fed ex eo quod longius diffita judicentur,quia tam verfüs horizontem 
quàm verfüs verticem fub eodem femper angulo ea confpici depre- 
hendunt : ex quibus patet non omnino verum efle Opticæ veterum 
axioma, quo magnitudines corporum apparentes vifionis angulis 
ftatuuntur proportionales. 


a. circumferentiam Æ/7. 


131 


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47 


132 


133 


145-147. DIoPTRICE. 613 


22. Fallimur etiam in eo quôd corpora alba vel luminofa, & in 
univerfum omnia illa quibus ineft multum roboris ad movendum 
vifionis fenfum, femper paulo majora & propiora appareant quàm fi 
minus virium haberent. Caufa vero ob quam propiora videntur, hæc 
eft quod motus, quo pupilla arcendi vehementioris luminis gratià 
conftringitur, tam arcte cum altero cohæret, qui totum oculum difpo- 
nit ad fubtilius pervidenda objecta propinqua eorumque diflantiam 
dignofcendam, ut neuter ad efleétum deduci queat, quin aliquan- 
tulum ex altero admiffceatur ; eodem fere modo quo anteriores duos 
digitos contrahere nequimus, quin fimul tertius paululum cum illis 
incurvetur. Et ratio ob quam corpora luminofa vel alba majora 
apparent, non tantum in eo confiftit quod judicium magnitudinis ex 
[diftantiæ æftimatione pendeat, fed etiam in eo qudd imagines 
eorum majores in oculi fundo formentur. Notandum enim extre- 
mitates capillamentorum nervi optici, quamvis minimas, tamen 
alicujus efle craflitiei, adeo ut fingulæ ex illis in un fui parte ab uno 
objecto, & in alià ab alio, attingi poflint; quum autem unico tantüm 
modo fingulis vicibus moveri queant, quoties aliqua, quantumvis 
exigua, ex illis partibus à corpore aliquo valde lucido impellitur, 
dum interim aliæ nonnifi à minus illuftribus tanguntur, totum 
capillamentum ejus objecti, quod lucidiflimum eft, motum fequitur, 
& folam ejus imaginem ad cerebrum transfert. Ut fi fint extremi- 
tates capillamentorum 1, 2,3, & radii, in fundo oculiftellæ imaginem 
pingentes, diffundantur in 1, paululumque tantüm in circuitu fex 
vicinarum 2 oras contingant {in quas fupponimus nullos alios radios 
effundi, præter admodum debiles à partibus cœli huic ftellæ vicinis), 
effigies ejus ftellæ per totum fpatium extendetur in quo funt fex 
capillamentorum extremitates 2, & fortè etiam per illud totum quod 
aliæ duodecim 3 occupant, nempe fi lucis actio fit tam fortis ut 
illas etiam valeat commovere. 

23. Unde cognolcimus ftellas, quamvis pro verà magnitudine 
exiguas, tamen pro vaito illo intervallo quo diftant, longe majores 
quàam fint apparere. Et præterea, quamvis globofæ non effent, tales 
tamen illas apparituras, ut{|etiam turris quadrata, procul vifa, 
rotunda apparet. Et nulla corpora, quæ parvas in oculo imagines 
repræfentant, figuram angulorum fuorum exprimere poflunt. 

24. Denique, quod attinet ad judicium de diftantià objecti vifi, 
quod à magnitudine, figurà, colore aut lumine ejus pendet, quàm 
totum illud fit fallax, vel fola Perfpectiva fatis docet. Sæpe enim 
imagines fecundum ejus præcepta pictæ, ex hoc folo quôd fint 
minores, habeantque lineamenta minus diflincta & colores obfcu- 


« 


614 OEUVRES DE DESCARTES. 


147-149 


riores, vel potius debiliores, quàäm nobis perfuadeamus efle oportere 
ut objectum vicinum repræfentent, multo remotiores quàm revera 
fint apparent. 


CAPUT SEPTIMUM. 


De modis vifionem per ficiendi. 


1. Poftquam fatis accurate quæfivimus quà ratione vifio fiat, 
breviter hic repetamus & nobis quafi ob oculos ponamus omnes 
conditiones requifitas ad ejus perfectionem, ut, cognofcentes quo- 
modo natura fingulis jam profpexerit, exacte per enumerationem 
difcamus quantum arti addendum reliquerit. Omnia quæ hic 
attendi debent, ad tria primaria reduci queunt | : objecta fcilicet; 
organa interiora, quæ attiones illorum recipiunt, & exteriora, quæ 
has actiones difponunt ut quo decet modo recipiantur. Quantum 
ad objecta, fufficit nofle alia propinqua & accelfa, remota alia efle & 
inacceffa; & præterea quædam magis, quædam minus illuminata; 
ut nempe advertamus nobis liberum elle accefla magis aut minus 
removere, lumenque quo illuftrantur | augere vel minuere, prout 
magis commodum eft; in aliis autem nihil tale licere. Deinde, 
quod attinet ad organa interna, nervos fcilicet & cerebrum, certum 
eft illorum ftructuræ per artem nihil adjici poffe : neque enim 
noftrüm aliquis novum corpus fibi fabricare poteit, & fi forfan 
Medicorum opera nonnihil ad immutandam corporis humani 
zonititutionem poflit juvare, hoc eft extra noftrum argumentum. 
Ac proinde fola organa exteriora noftræ confiderationi relinquun- 
tur : quo nomine, non modù corpora omnia quæ inter oculum & 
objecta locari poflunt, fed etiam oculi partes omnes quæ pellucidæ 
funt, complector. 

2. Et omnia quæ hic curanda funt, ad quatuor capita reduco. 
Quorum primum : ut omnes radii qui in aliquâ extremitatum nervi 
optici fftuntur, ex unico tantüum objecti puncto, quoad fieri poteft, 
fluant, neque ullo modo in fpatio interjacente violentur; id enim 
nifi fiat, imagines, quas formant, nunquam fatis diftinétæ erunt, 
nec fideliter corpus | à quo emanant repræfentabunt. Secundum : 
ut hæc fimulacra magna fint, non quidem extenfione loci (neque 
enim ultra exiguum illud fpatium, quod eit in oculi fundo, occu- 
pare pollunt), fed lineamentorum & ductuum fuorum extenfione : 


135 


136. 


149-151. DIoPTRICE. GI$ 


certum quippe, quo illa majora, ed melius dignofci poile. Tertium : 
ut radiis tantum roboris, ad movenda nervi optici capillamenta, fit 
ut fentiri poflint, non tamen tantum ut vifum lædant. Quartum : ut 
ex plurimis objectis imagines in oculo fimul formentur, atque ita 
eodem obtutu infpicientibus plurima pateant. 

3. Natura tamen, ut primo profpiceret, multa adhibuit. | Etenim, 
pellucidis & nullo colore imbutis humoribus oculum replens, 
effecit ut actiones extrinfecus venientes fine ullà mutatione ad 
fundum illius pertingant. Tum etiam, per refraétiones quæ in 
humorum iftorum fuperficiebus fiunt, hoc egit ut radii, fecundüm 
quos hæ actiones tendunt, ex eodem objecti punto proveéti in 
eodem nervi optici punéto iterum coëant : & confequenter reliqui, 
ab aliis punétis venientes, tam accurate ac fieri potelt, in totidem 
aliis colligantur. Credere enim debemus naturam hâc in re quic- 
quid fieri poteft præftitifle, quia nihil in contrarium experimur. 
Sed potius videmus illam, defeétûs minuendi caufà qui necefla- 
riù | femper aliquis in hâc radiorum colleétione reperitur, vim 
pupillam tantum arétandi nobis dedifle, quantum vehementia 
luminis permittit. Deindé, per colorem nigrum, quo omnes oculi 
partes, non pellucidas, retinæ obverfas imbuit, curavit ne radii 
ulli peregrini verfüs illam refleéterentur. Ac denique, per mutatio- 
nem figuræ oculi, effecit ut, licet objecta jam magis jam minus 
removeantur, radii tamen à fingulis punétis venientes, quantum 
poflint exacte, in totidem aliis in oculi fundo colligantur. 

4 Verumtamen non adeo follicite poftremæ huic neceflitati 
cavit, ut nihil arti addendum reliquerit; non mod enim nemini 
noftrûm vulg conceflit, fuperficies oculorum tantum incurvare ut 
objeéta valde propinqua, nempe nonnifi uno aut dimidio digito à 
nobis diftantia, cernere poflimus; fed magis etiam quibufdam de- 
fuit, quorum oculos ita formavit ut nonnifi contemplandis longe 
poñitis inferviant, quod fenioribus familiare eft; nec minus iis 
quibus contra tales oculos dedit ut propinqua tan/tüm contueri 
poflint, quod junioribus fæpius ufuvenit. Adeo ut oculi oblongiores 
& anguftiores quàm par fit, initio formari videantur, inde paulatim 
progredientibus annis dilatari & comprimi. 

5, Utigitur arte hos defectus tollamus, | primd neceflarium erit 
figuras quærere, quas fuperficies vitri aut alterius pellucidi corporis 
requirunt ad incidentes radios ita incurvandos, ut omnes ex aliquo 
objeéti punéto emifli ita illas permeando difponantur ac fi ex alio 
punéto longius aut propius polito venirent : propius fcilicet, in 
eorum ufum quorum acies ad remota non valet : longius, tam pro 


616 Œuvres DE DESCARTES. 151-153, 


fenioribus quàm in univerfum pro omnibus iis qui objecta propius 
admota cernere volunt, quàm oculi figura permittit. Nam oculus, 
ex. or. B vel C, ad id fadtus ut omnes radios effufos ex punéto 
H vel I in medio fui fundi colligat, quum fimul illos ex punéto 
V vel X colligere nequeat, perfpicuum ef, interjeéto vitro P vel O, 
quod omnes radios punéti V vel X ad oculum mittit tanquam fi 
venirent ex puncto H vel I, hunc defectum fublatum iri. 

6. Deinde, quum non unius tantüm figuræ vitra idem ac|curate 
efficere poflint, ad eligenda | noftræ intentioni aptiflima, duæ con- 
ditiones præterea veniunt confiderandæ. Horum prima : ut figuræ 
fimpliciffimæ, id eft, delineatu ac politu facillimæ fint. Altera : ut 
illorum ope radii ex aliis objecti punctis digrefli, ut E, E, ad 
eundem circiter modum oculum intrent ac fi ex totidem aliis punc- 
tis venirent, ut F, F. Et notemus hic circiter, non quantum fiert 
poteft, dici; præterquam enim quôd dificile forfitan foret, ex 
infinito numero figurarum huic eidem rei infervientium, eam quæ 


omnium aptiflima eft geometrice demonitrare, eflet etiam inutile; 


neque enim eædem procul dubio efflent aptiflimæ ad vifum illuf- 
trandum, quum ne oculus quidem ipfe omnes radios ex diverfis 
punétis manantes in totidem aliis colligat. 

7. Nec omnino poffumus hâc in re eligere, nifi præterpropter, 
quum figura oculi accurata minime nobis explorata fit. Opera 
præterea danda erit, quoties hujufmodi corpus oculis noftris admo- 
vebimus, ut naturam, quantum fieri poterit, in omnibus quæ in 
fabricà illorum obfervavit, arte imitemur, nec ullum commodum 
quod illa dedit negligamus, nifi forfan ut aliud majus eo ipfo 
lucremur. 

8. In magnitudine imaginum obfervandum eft tribus illam tan- 
tummodo rebus inniti : diftantiæ fcilicet quæ inter objectum & 
locum ubi | radii ex fingulis punétis ad oculi fundum mifli decuf- 
fantur ; deinde diftantiæ quæ inter eundem locum & oculi fundum; 
& poitremd refractioni horum radiorum. Sic cuivis patet ima- 
ginem RST majorem fore, fi objetum VXY propius accederet 
ad K, ubi radii VKR & Y KT decuflantur, aut potius ad | fuper- 
ficiem BCD, ubi proprie decuffari incipiunt, ut poftea videbimus; 
vel etiam fi oculum magis oblongum reddere poflemus, ut diftantia 
major foret inter fuperficiem BCD quæ hos radios decuflat, & 
fundum oculi RST; aut tandem, fi refractione non tam introrfum 
ad S, fed potius extrorfum, fi fieri poflet, incurvarentur. Et 
quidquid ultra hæc tria imaginemur aut moliamur, nihil tamen 
inveniemus quo imago grandior reddi poflit, 


TA 


Te 
a 


Π


4 mn. 
à 
* 
& 


140 


141 


153-155. DIOPTRICE. 617 


9. Ipfum etiam pofteriori loco nobis notatum vix memorabile ef, 
quum nunquam nifi parum admodum imago illius ope augeatur, 
idque cum tant difhcultate ut femper minori operà per alia fieri 
poflit, quemadmodum mox intelligemus. Ipfam enim naturam 
videmus hoc neglexifle : nam, procurans ut radii VKR & YKT 
introrfum curventur ad S, permeando fuperficiem BCD & 123, 
imaginem RST minorem delineavit quàm fi ita cunéta ordinaffet, 
ut extrorfum curvarentur; ut fit ad 5 in fuperficie 456, aut fi 
omnino rectos reliquiflet. Nec magis opus eft primum confiderare, 
| nifi pateat acceflus ad objecta; fi verd pateat, manifeftum eft, què 
propius illa contueamur, tantù majorem imaginem in oculo reddi. 
Naturà autem non permittente propius oculis admota quàäm ad 
diftantiam dimidii pedis, aut circiter, commode à nobis cerni, ut 
artificium, quantum potelt, huic obftaculo medeatur, opus folum- 
modo vitrum, quale eft P de quo paulo ante locuti fumus, inter- 
ponere : cujus ope radii venientes ex punéto, proximo quoad licet, 
in oculum intrant, tanquam fi ex alio ulterius remoto venirent. 
Maximum itaque, quod hàc operà fieri poteft, eft ut tantum duo- 
decima vel decimaquinta iftius diftantiæ pars requifratur inter 
oculum & objeétum, quæ ibi aliàs effe deberet; & ita radii, ex 
variis objecti punétis manantes, duodecies* aut quindecies pro- 
piores oculo decuffati (vel etiam paulo magis, quum non ampliùs 
in oculi fuperficie decuffandi initium fumant, fed potius in vitro 
cui propius objeétum adhærebit)}, imaginem delineabunt cujus 
diameter duodecies* aut quindecies major erit quàm omiflo hoc 
vitro fuiffet : & confequenter fuperficies ducenties circiter major erit, 
totiefque objectum diftinctius repræfentabitur; & eädem operà multo 
majus fimul apparebit, non quidem accurate ducenties, fed magis 
aut minus, prout | magis aut minus remotum illud judicabimus. 
Si enim ex. gr. infpiciendo objectum X per tranfverfum vitrum P, 
oculum noftrum C difponamus eodem modo quo difponi deberet ad 
contemplandum aliud objeétum, quod viginti aut triginta pañlibus à 
nobis diftaret, & nullam aliunde loci cognitionem in quo illud 
fitum fit habentes, triginta paflibus abefle judicemus”, decies millies 
majus videbitur quam revera eft, adeo ut elephas ex pulice poñlit 
fieri : certum enim eft imaginem quam pulex in oculi fundo | deli- 
neat, quum tam prope adeit, æque magnam efle ac illa quam 
elephas depingit triginta pañlibus inde remotus. 

10. Et huic foli innititur inventio confpicillorum unico vitro 


a, decies Elz. 
b. indicemus Ib. 
Œuvres. I. 8 


618 OŒEuvres DE DESCARTES. 155-157 


conftantium, quorum in augendis & fubtilius pervidendis rebus fa- 
miliaris & ubivis cognitus ufus ef, licèt vera illorum figura parum 
hactenus innotuerit; & quoniam, ut plurimum, quoties illis utimur, 
fcimus objectum valde propinquum elle, nunquam tam magnum 
videri poteit quàm fi ulterius remotum imaginaremur. 

11. Unicus tantüm adhuc modus has imagines augendi reftat, 
quo nempe efficimus ut radii, ex diverfis punctis mifli, quàm longif- 
fime fieri poteft ab oculi fundo decuflentur; fed utilifimus omnium 
fine dubio & maximi momenti eft. Unicus, utpote qui ad objecta, 
tam accefla quàm inaccella, ufum fuî præbere poflit, & cujus effetus 
nullis terminis circumfcribitur; ita ut hujus ope imagines femper 
in majus augendo ufque ad indefinitam quantitatem expandere pof- 
fimus. Ut, quum ex. gr. primus | humorum quibus oculus refertus 
eft eandem propemodum refraétionem efficiat quam aqua com- 
munis, fi proxime admoveamus tubum aquâ plenum, ut EF, cujus 
extremitas claudatur vitro GHI, quod figuram habeat fimilem 
membranulæ BCD illum humorem tegenti, & eodem modo ad 
intervallum quo ab imà oculi parte diftabit refpondentem, nulla am- 
plius refraétio fiet in illà membranulà BC D, fed ea quæ antea ibi 
fiebat, efliciens ut omnes radii, ex eodem punéto digrefli, in eû re- 
gione incurvarentur, atque ut poftea in eodem nervi optici punéto 
coïrent, & confequenter omnes ex diverfis punétis allabentes ibi 
decuffarentur, ut poftea in diverfis aliis | punétis hujus nervi fifte- 
rentur, fiet in iplo tubi aditu G HI; & ita hi radii ibi decuffati ima- 
ginem R ST longe majorem delineabunt quàm fi tantum in fuper- 
ficie BCD id fieret; & qud magis in longum hic tubus porrectus 
erit, tanto majores etiam imagines erunt. Et fic, aquà E F peragente 
munus humoris K, vitro GH I membranulæ BC D, & tubi aditu 
GI pupillæ, vifio eâdem ratione fiet ac fi oculum natura | in tantum 
porrexiflet, quanta eft longitudo hujus tubi. 

12. Ubi haud aliud fuerit confiderandum, nifi quèd naturalis pu- 
pilla non tantüm inutilis fit hoc cafu, fed etiam noceat, anguitià fuà 
radios excludendo qui aliàs in latera fundi oculi inciderent, & ita 


impediendo imagines tantum diffundi quantum diffunderentur, fi 


minus angufla foret. 

13. Atque hic eft advertendum particulares illas refractiones, quæ 
paulo aliter in vitro GHI quàm in aquà EF fiunt, minimi mo- 
menti efle & vix dignas confideratione: nam, quum hoc vitrum 
ubivis æque craffum fit, licèt exterior fuperficies magis hos radios 
incurvet quàm aqua, ftatim interior rurfus in eundem fitum illos| 
reducet. Et ob eandem hanc caufam, nullam fupràa mentionem 


142 


157-150. DioPTRICE. 619 


fecimus refraétionum quas efficiunt membranæ, humores oculi in- 
volventes, fed tantummodo illarum quas pariunt ipfi humores. 

14. Sed, quum aquam, hâc ratione quà diximus, oculo jungere 
operofum, nec magis obvium accurate determinare figuram vitri 
GHI, quum illam membranæ BCD, cujus vicem fupplere debet, 
non fatis nofcamus, alio invento uti confultius erit, & efficere, unius 
aut plurium vitrorum ope, vel etiam aliorum corporum pellucido- 
rum, tubo incluforum, fed non tam prope oculis junctorum quin 
paululum aëris intercedat, ut in ipfo tubi aditu radii ex eodem 
punéto venientes | ita incurventur ut poitea coëant in alio puncto, 
quod non multum abfit à fundo oculi per tubum iftum refpicientis; 
-& præterea ut iidem radii ex tubo egredientes rurfus flectantur & 
difponantur tanquam fi non fuiffent ante incurvati, fed tantum ex 
propiori loco venirent; & fimul, ut ii qui ex diverfis punétis alla- 
bentur, in primo tubi aditu decuffati, non rurfus egrediendo decuf- 
fentur, fed eodem modo ad oculum tendant ac fi ex objeéto majori 
aut propiori venirent. Ut, fi tubus H F folido vitro impleatur, cujus 
fuperficies GHI illius figuræ fit ut omnes radios venientes ab X 
verfüs S mittat, & altera fuperficies K M illius ut eofdem egre- 
dientes ita frangat ut inde ad oculum tendant, tanquam fi venirent à 
punéto x {quod ita locatum fingo ut eandem proportionem inter fe 
lineæ x C & CS habeant, quam X H & HS; punétum enim X multo 
remotius ab oculo putandum eft quàm in figurà potuit exhiberi), ti, 
qui ab V, illos neceflario in fuperficie GHI fecabunt, | ideoque jam 
remoti ab illis exiftentes quum ad alteram tubi extremitatem per- 
venerint, fuperficies KM non poterit eflicere ut rurfus ad invicem 
accedant, faltem fi fit concava, qualis hic fupponitur; fed ad oculum 
cos remittet eodem fere modo ac fi venirent ex punéto y. Quo iplo, 
imaginem tanto majorem delineabunt quanto tubus longior erit; 
neque hic neceflarium | figuram fuperficiei BC D accurate nofle ad 
determinandam illam corporum pellucidorum, quæ huic ufui deiti- 
namus. 

: 15. Sed, quoniam & hîc difficultas non levis, in inveniendis fci- 
licet vitris aut aliis corporibus ejufcemodi fatis craflis ad implen- 
dum tubum, fatis itidem pellucidis lumini tranfmittendo, totum 
interius tubi fpatium vacuum relinqui poteit, & duo tantüum vitra, 
ejufdem effectüs cujus duæ fuperficies GHI & KLM, duabus ex- 
tremitatibus illius applicari. Atque hoc unico totum telefcopiorum 
inventum nititur, quod occafionem hoc argumentum tractandi mihi 


dedit. 
16. Tertio autem requifito ad perfectionem vifionis, quatenus 


620 OŒEuvres DE DESCARTES. 159161. 


organa exteriora illam juvant (ne fcilicet actiones, | fingula capilla- 145 
menta nervi optici moventes, nimis debiles aut vehementes fint), 
ipfa natura egregie profpexit, datà nobis poteftate pupillam oculi 
vel contrahendi, vel diducendi. Sed | interim etiam aliquem arti 
locum reliquit. Primd enim, fi actio fit tam vehemens ut pupilla, 
quantum etiam arctetur, illam fufferre nequeat (quod Solem intuen- 
tibus evenit), facile eft huic rei mederi, applicato ad oculum corpore 
aliquo nigro, unico angufto foramine pertufo, quod munus pupillæ 
peragat; vel etiam refpiciendo per nigrum byflinum, aut fimile aliud 
corpus, quod, exclufà radiorum parte, non plures ex illis oculum 
ingredi permittat, quàm quot nervo optico moderate & fine læfione 
movendo fuffcient. 

17. Sin contrà debilior eft actio quàm ut fentiri queat, roborari 
poteft (certe fi ad objecta pateat acceflus), radiis Solis illa expo- 
nendo, iifque etiam fpeculi vel vitri uftorii ope collectis, ut tanto 
plus virium habeant, modù tamen ne tantum iis detur ut objecta 
urant & corrumpant. 

18. Præterea, quoties fpecillis de quibus diximus utimur, quum 
pupillam inutilem reddant, & exterior tubi apertura, quæ lumen 
admittit, illius officio fungatur, hæc etiam eft quæ, prout vifionis 
vim frangere vel augere cupiemus, arétanda erit vel laxanda. Et 
notandum, fi hæc apertura nihil pupillà laxior foret, radios minus 
vehementer aéturos in fingulas fundi oculi partes, quäm fi fpecilla 
non admoverentur : idque eàdem proportione quà hæc fpecilla 
imagines, quæ ibi formantur, augerent, etiam non numeratis is 
radiis qui, à fuperficiebus vitrorum interpofitorum rejecti, nihil > 
prorfus virium haberent. 

| 19. Sed multo majorem iflam aperturam facere licet, & {| 146 
quidem eù majorem qu vitrum radiis replicandis deftinatum 
punéto illi propius eft, ad quod exterius vitrum, in quo radii ifti 
plicantur, ipfos agit. Nam, fi ex. gr. vitrum G HI efficiat ut omnes 
radii punéti illius quod contemplamur tendant ad S, iique iterum 
erigantur per vitrum KLM ita ut inde paralleli ad oculum defe- 
rantur ; ad inveniendam maximam latitudinem quam tubi apertura 
admittit, diftantia inter K & M æqualis fumenda eft diametro pu- 
pillæ, & inde duétis duabus reétis ex puncto S per K & M, fcilicet 
SK proferendà ad g, & SM ad à, gi diametrum quæfitam dabit. 
Nam manifeftum eit, licèt major foret, non plures radios oculum 
ingrefluros ex puncto ad quod aciem noftram dirigimus, & eos qui 
præterea ex aliis locis accederent, quoniam vifioni non prodeflent, 
iis qui prodeflent fe admifcendo, illam tantüm magis confufam red- 


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161-163. DIoPTRICE. G21 


dituros. Sed, fi loco vitri KLM adhibeamus km, quod ob fuam 
figuram propius ad S accedere debet, iterum diftantia inter punéta 
k & m æqualis diametro pupillæ fumenda erit : inde, duétis rectis 
SkG & Sml, GI diametrum aperturæ dabit qui quærebatur : |qui, 
ut videmus, tanto major eft quàm g’, quant SL major quàm S/. 
Et fi hæc linea S/ non major erit quam oculi | pupilla, æque fere 
vifio acuta erit & lucida ac fi perfpicillum abeflet, & objecta tantd 
propiora forent quant jam majora videntur. Adeo ut fi ex. gr. tubi 
longitudo efficiat ut objecti imago triginta milliaria diflantis tam 
ingens in oculo formetur quàm fi non ultra triginta paflus remotum 
foret, latitudo aditûs, qualem hic determinavi, tam lucide hoc ob- 
jeétum exhibebit quàm fi vere triginta pailus diftans fine telefcopio 
illud intueremur. Et fi hanc diflantiam inter S et / adhuc minorem 
reddamus, adhuc magis perfpicue cuncta apparebunt. 

20. Sed hoc præcipue tantüm ufuieft quum objecta funt inaccella : 
nam quoties ad illa licet accedere, quo propius eis fpecillum admo- 
vemus, eù arctior ejus apertura exterior elle poteit, nec ullum inde 
vis vifionis capit detrimentum. Quemadmodum bhîc videmus 
totidem radios, ex punéto X, parvum vitrum g? quot magnum GI 
intrare. Et omnino hæc apertura non major effe poteit vitris ipfam 
claudentibus, quæ, ob requifitam figuram, certam quamdam magni- 
tudinem, paulo pôft determinandam, excedere non debent. 

21. Si interdum lumen ab objectis nimis vehemens effundatur, 
facilè illud minuetur, tectis circumcirca extremitatibus vitri | 
exterioris : & hoc melius erit quam aliud magis obfcurum aut colo- 
ratum fubftituere; quod multi Solem contemplantes facere folent : 
qu enim anguftior aditus, ed melius fingula dignofcentur, ut fuprà 
de pupillà agentes diximus. Obfervandum etiam præftare hujus 
vitri oram ex|trinfecus tegere quàm intrinfecus, ne forfan reflexiones, 
quæ ibi nonnullæ fierent, radios aliquos ad oculum mittant; ii 
enim ad vifionem nihil conferentes, ut fuperflui, ei nocerent. s 

22. Unicum tantummodo fupereit quod hæc organa exteriora 
fpeétat, fcilicet ut maximam, quoad fieri poteit, copiam objettorum 
eodem tempore confpiciamus. Et notandum hoc nullo modo requiri 
ad. perfectionem melius videndi, fed tantüm ad commoditatem 
videndi plura; imo fieri non pofle ut amplius quàm unum objectum 
fimul diftinéte intueamur : adeo ut hæc commoditas, plura confufe 
interea videndi, nullum ufum habeat, mifi ut fciamus in quam 
partem oculus poftea detorquendus, ad contuendum id quod accu- 
ratius volumus confiderare. Et huic rei natura ita profpexit ut 
omnem aliquid addendi occafionem arti præripuerit : Imù, quû 


G22 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 163-165. 


magis, ope quorumdam fpecillorum, magnitudinem lineamentorum 
imaginum in oculo formatarum augemus, éd pauciora illa objecta 
reddunt; quoniam fpatium quod occupant nullà ratione poteft 
augeri, nil fortè aliquantulum, fi nempe | invertantur, quà arte ob 
alias caufas cenfec efle abftinendum. Sed facile eft, fi ad objecta 
pateat acceflus, illa ipfa eo in loco ponere, in quo perfeétiflime per 
fpeculum poflint videri; fi ver non pateat, fpecillum ipfum machinæ 
imponere ita aptatæ ut ejus ope commodiflime in quodlibet deter- 
minatum objeétum convertatur. Atque ita, licèt Hanc quartam con- 
ditionem nequeamus adimplere, nihil tamen ejus defiderabitur 
propter quod erat expetenda. 

23. Poftremd, ne quidquam hîc omittamus, eft adverten/dum 
defectus oculi, qui in eo confiftunt quôd figura cryftallini humoris, 
vel etiam magnitudo pupillæ, non fatis pro arbitrio noftro immu- 
tentur, ufu paulatim minui pofle & corrigi : ham, quum hic humor 
& hæc tunicula pupillam continens fint veri mufculi, functio 
illorum iplo ufu augetur & facilior redditur, quemadmodum & 
reliquorum totius corporis mufculorum. Et propterea venatores ac 
nautæ, in jugi exercitio longe pofita videndi, fculptores etiam aut 
alii fubtililum operum artifices, in exercitio admodum propinqua, 
plerumque promptitudinem acquirunt acutius illa qguàm reliqui 
homines intuendi. | 

24. Et ita proculdubio Indi, qui fixo obtutu Solem contemplati 
feruntur, nihil læfà vel obfcuratà luminis acie, quotidie illuftria 
objetta infpicientes, afluefacti fuere magis quam nos pupillam 
contrahere. Verum hæc Medicinæ magis propria, cujus ef, | cor- 
rectis naturalibus organis, vifionis vitia tollere, quam Dioptricæ, 
quæ defectibus iifdem, applicato aliquo organo artificiali, medetur. 


CAPUT OCTAVUM. 


De figuris quas pellucida corpora requirunt, ad detorquendos 
refraclione radios, omnibus modis vifiont infervientibus. 


1. Hæc autem organa quà ratione perfectiflima fieri poflint, ut 
accuratius mox percipiamus, neceflarium eft non prætermittere 
explicationem figurarum quas exigunt fuperficies corporum pelluci- 
dorum, ad detorquendos & incurvandos luminis | radios, omnibus 
modis qui vifioni conducunt. Quæ fi non cuivis fatis clara & per- 


« 


149 


150 


151 


166-167. DIoPTRICE. 623 
|] 


 fpicua videbitur, utpote Geometrica & paulo difficilior, ad minimum 


illis fatis manifefta erit, qui | prima hujus fcientiæ elementa perce- 
perunt. Et in primis, ne ulli diu exfpectatione fufpenfi teneantur, 
fciendum omnes figuras, de quibus fermo hîc inftituitur, ex ellipf 
& circulo, vel ex hyperbolà vel ex lineà retà, compofitas fore. 

2. Ellipfis efl linea curva quam Mathematici, tranfverfim conum 
vel cylindrum fecando, repræfentare folent, quà etiam topiarios 
interdum uti videmus, inter cæteras areolarum & pulvillorum 
figuras quas in hortis fuis diverfimode concinnant : à quibus 
quidem fatis craffe & incorrecte defcribitur, fic tamen ut melius 
natura illius hinc innotefcat quàm ex cylindri aut coni fectione. 
Duos palos humi defigunt, alterum ex. gr. in punéto H, alterum 
in punéto I, & nodo junctis duabus extremitatibus reftis, paxillis 
illam circumponunt hoc modo quo videmus BHI. Deinde immiflo 
digito, hos palos circumeundo & reftim femper eâdem vi addu- 
cendo, ut æqualiter fcilicet intendatur, lineam curvam DKB humi 
defignant, quæ eft ellipfis. Et fi, non mutatà longitudine funis, 
palos tantüum H & I aliquanto propius ad invicem admoveant, 
aliam denuo ellipfim defcribent, fed alterius fpeciei quàm prior; 
& fi adhuc propius, | itidem aliam; poftremd, fi omnino con||jun- 
gant, circulum defcribent. At fi longitudinem reftis eâdem pro- 
portione imminuant quà diftantiam paxillorum, defcribent quidem 
ellipfes diverfarum magnitudinum, fed quæ erunt omnes ejufdem 
fpeciei. Atque ita perfpicuum eft illas infinitarum variarum fpecie- 
rum effe pofle, adeo ut unaquæque non minus diftet à quälibet alià 
quàm omnium ultima à circulo; & præterea illas, cujufque fpeciei, 
infinitarum magnitudinum efle pofle. Item etiam hinc apparet, fi ex 
aliquo puncto pro arbitrio in ellipf electo, ut ex. gr. B, duas rectas 
agamus ad punèta H & I, ubi pali ad illam defignandam defixi 
fuere, has duas lineas BH & BI junctas maximæ illius diametro 
DK æquales fore : quod vel ipfa conitructio probat. Pars enim 
funis, extenfa ab I ad B & inde replicata ad H, eadem eft quæ 
porreéta ab I ad K, velad D, inde itidem recurrit ad H : ita ut DH 
fit æqualis' IK, & HD plus DI (quæ tantum valent quantum 
HB plus BI) toi DK æquales fint. Et infuper ellipfes, quæ def- 
cribuntur obfervando femper eandem proportionem inter harum 
maximam diametrum & diftantiam inter punéta H & I, funt 
ejufdem fpeciei. Atque ob quandam proprietatem horum punc- 
torum H & I, quam paulo pôit difcemus, foci .nobis vocabuntur, 


a. æquale Æ/7. 


624 OEuvres DE DESCARTES. 167-170. 


unus interior, alter exterior : fcilicet fi referantur ad illam ellipfeos 
mediam partem quæ ad D, I erit exterior; fi verd | ad alteram quæ 
ad K, idem Ï erit interior; & quoties in poiterum abfolute foci 
mentio fiet, femper exterior intelligendus erit. Præterea etiam 
fciendum, fi per hoc punétum B duas reétas LBG & CBE du- 
camus, quæ fe mutuo ad angulos rectos interfecent, & quarum 
altera LG angulum H BI in duas partes æquales dividat, al|teram 
CE hanc ellipfim contacturam in punéto B, ita ut ipfam non 
fecet. Cujus demonftrationem hic addere fuperfedeo, quoniam 
Geometræ jam fatis illam fciunt, & alii non fine tædio illi per- 
cipiendæ incumberent. Sed quod imprimis hic explicare ftatui, 
tale eff. 

Si ex eodem punéto B extra ellipfim proferamus reétam lineam 
BA parallelam maximæ diametro DK, & illà BA æquali fumptà 
lineæ BI, ex punctis À & I in LG duas perpendiculares AL & IG 
ftatuamus, hæ duæ pofteriores AL & IG eandem rationem ad invi- 
cem habebunt quam DK & HI. Adeo ut, fi linea AB fit luminis 
radius, & hæc ellipfis DBK in fuperficie corporis folidi pellucidi 
exiftat, per quod, juxta ea quæ fuprà diximus, radii facilius quàam 
per aërem tranfeant, eâdem proportione quà linea DK alterà HI 
major eit, hic radius AB ita detorquebitur in punéto B à fuperficie 
corporis hujus pellucidi, ut inde digreflurus fit verfus I. Et quo- 
niam hoc punétum B pro arbitrio | in ellipfi afflumptum eft, omnia 
quæ hic de radio AB dicuntur, in univerfum de omnibus intelligi 
debent qui paralleli axi DK in aliquod punétum hujus ellipfis 
cadunt : fcilicet omnes ibi ita detortum iri ut inde digrefli coëant 
in puncto I. 

3. Atque hæc ita demonftrantur : primo, | quia lineæ AB & NI, 
itemque AL & GlT, funt parallelæ, triangula rettan{gula ALB & 
IGN funt fimilia : unde fequitur A L effle ad 1G ut AB ad NI]; vel, 
quia BI & AB funt æquales, ut BI ad NI. Deinde, fi HO ducatur 
parallela ipfñi NB, & IB producatur ufque ad O, manifeftum erit 
BI effe ad NIut OI eft ad HI, propter triangula fimilia BNI & 
OHI. Denique, quoniam duo anguli HBG & GBI funt æquales ex 
conftructione, angulus HOB, qui eft æqualis ipfi GBI, eft etiam 
æqualis ipñi OHB, qui nempe eft æqualis ipñi HBG; ac proinde 
triangulum HBO eft ifoiceles, &, cùm linea OB fit æqualis ipfi 
HB, tota OI eft æqualis ipfñi DK, quoniam duæ fimul HB &IB 
funt ipfi æquales. Et ita, ut ab initio ad finem omnia repetamus, 
AL fe habet ad IG ut BI ad NI, & BI ad NI ut OI ad HI, & OI 
eft æqualis DK; unde AL eft ad IG ut DK ad HI. 


152 


10 


170-173. DIoPTRICE. 62 s 


4. Adeo quidem ut, fi, ad defcribendam ellipfñim DKB, lineis 
D K & HI hanc proportionem demus, quam experientià didicimus 
[utilem metiendis refrationibus omnium radiorum qui oblique ex 
aëre in vitrum, aut aliud corpus pellucidum quo uti volumus, 
tranfeunt; & ex hoc vitro corpus expoliamus ejus figuræ qualem 
defcriberet hæc ellipfis, fi in orbem circa fuum axem DK rotaretur; 
radii in aëre paralleli huic axi, ut AB, ab, vitrum convexum illapfi, 
ita in ejus fuperficie detorquebuntur ut omnes inde progrefluri fint 
verfus focum I, qui ex | duobus H & I remotiflimus eft ab eo loco 
ex quo procedunt. Novimus enim radium AB in puncto B à fuper- 
ficie curvâ vitri, quod repræfentat ellipfs DBK, eâdem ratione 
detorqueri debere ac detorqueretur à fuperficie planâ ejufdem vitri, 
quam linea CBE repræfentat, in quà ex B refringi debet verfüs I, 
quum AL & IG fint ad invicem quales DK & HI, id eft quales 
elle debent ad dimetiendas refractiones. Et punto B pro arbitrio 
in ellipfi feleéto, quidquid de hoc radio AB demonftratum ef, 
debet etiam de aliis intelligi, qui erunt paralleli ipfñ DK & in alia 
hujus ellipfeos punéta cadent ; adeo ut omnes debeant tendere 
verfus I. 

Præterea, quoniam omnes radii qui ad centrum circuli vel globi 
tendunt, perpendiculariter incidentes in fuperficiem illius, nullam 
refraétionem pati debent, fi ex centro I circulum defcribamus, quo 
intervallo vifum erit, dummodo confiftat inter D & I, ut BQB, 
lineæ DB & QB, circa axem DQ rotatæ, defcribent figuram vitri 
quæ in aëre in punéto I omnes radios colliget, | qui ab alterà parte 
paralleli huic axi in aëre fuerunt; & vice verfà omnes venientes 
ex punéto I parallelos ab alterà parte exhibebit. 

5. Et, fi ex eodem centro I defcribamus circulum RO), intervallo 
quo volumus ultra punétum D, felecto inde pro arbitrio in ellipfi 
punéto B, fic tamen ne longius diftet à | D quàm à K, ducamus 
rectam BO tendentem ad I, lineæ RO, OB & BD), in orbem ro- 
tatæ circa axem RDI, figuram vitri defcribent, quæ omnes radios 
parallelos huic axi, ab ellipfis parte, huc illuc ab alterà parte dif- 
perget, tanquam fi omnes venirent ex puncto Ï. Patet enim | ra- 
dium, ex. gr. PB, tantum detorqueri debere à fuperficie concavà 
vitri D BA, quantum AB à convexà feu gibbâ vitri DBK ; & con- 
fequenter BO in eàdem lineà rectà efle debere in quà BI, quum & 
PB in eâdem rectà fitin quà BA, & ita de reliquis. 

6. Si verd in eädem ellipfi aliam minorem ejufdem fpeciei defcri- 
bamus ut dbk, cujus focus I in eodem loco confiftat in quo alter 
præcedentis etiam [, & alius focus À in eàdem rectà lineà in quà 


Pac 


Œuvres. I. 79 


626 OEUVRES DE DESCARTES. as 


DH & verfus eandem partem, fumptoque | pro arbitrio B, utantea, 
rectam Bb ducamus tendentem ad I, lineæ DB, Bb, bd, in orbem 
rotatæ circa axem Dd, defcribent figuram vitri, quæ omnes radios, 
ante occurfum parallelos, poft tranfitum ïiterum parallelos reddet, 
fed in minus fpatium coactos, à parte minoris ellipfeos db, quam 
à parte majoris. Et, fi, ad evitandam craflitiem vitri DB bd, ex 
centro I defcribamus circulos QB & ro, fuperficies DBQ | & robd 
ftum & figuram duorum vitrorum minüs craflorum repræfenta- 
bunt, quæ idem eflicere poterunt. 

7. Et, fi duo vitra DBQ & dbg, fimilia quidem, fed magnitudine 
inæqualia, hâc ratione difponamus ut axes eorum in eâdem rectà 
porrigantur, & duo illorum foci I in eodem loco concurrant, fuper- 
ficiefque circulares BQ & bg fibi invicem obvertantur, idem etiam 
omnino agent. 

8. Et, fi hæc duo vitra DBQ & dbg, fimilia quidem, fed magni- 
tudine inæqualia, jungamus, vel quo libitum intervallo disjun- 
gamus, ita tamen ut eorum axes in eàdem reétà lineà exiftant, & 
fuperficies illorum ellipticæ adverfæ fint, omnes radios venientes ex 
foco alterutrius I in alterius itidem I fiftent. 

9. Et, fi duo diverfa DBQ & DBOR etiam hâc ratione jun- 
gamus, ut fuperficies illorum DB & BD mutuû obvertantur, omnes 
radios venientes ex foco ? vitri DBQ di|fpergent, tanquam fi veni- 
rent ex I foco alterius vitri DBOR ; aut, vice verfà, omnes ten- 
dentes ad punétum I colligent in altero 2. 

10. | Et poftremd, duo DBOR & D BOR, adverfis fuperficiebus 
DB, BD juncta, radios qui unum perlapfi tenderent inde ad pun- 
étum I, denuo ex altero egredientes diffundent, tanquam fi venirent 
ex alio punéto I. Et hanc diftantiam punctorum Î pro arbitrio au- 
gere poffumus, magnitudinem ellipfis, ex quà pendet, mutando. 
Atque ita, folà ellipfi & line circulari, figuram præfcribere poflu- 
mus omnibus vitris quibus radios venientes ex uno punéto, aut 
tendentes ad unum, aut parallelos, | alios in alios horum trium mu- 
temus omnibus modis quos poffumus imaginari. 

11. Hyperbola eft etiam linea curva, quam Mathematici per fe- 
ctionem coni non fecus quàäm Ellipfim explicant. Sed, ut melius 
illam cognofcamus, topiarium iterum producemus qui, inter alias 
figurarum varietates quibus aream fui horti diftinguit, hanc etiam 
adhibeat. Denuo duos palos defigit in punctis H & I, annexâque, 
extremitati longæ regulæ, refti paulo breviori, alteram regulæ 
extremitatem perforat & ita injicit paxillo [, nodum autem, alterâ 
extremitate reftis nexum, palo H. Inde, pofito digito in punéto X 


156 


tr SE 


ax 


ls 


2 
= 


176-178. DIoPTRICE. 627 


ubi mutuo junétæ funt regula & reftis, defcendit ad D, arctè 
|interea regulæ junétam & velut agglutinatam reftim tenens : quâ 
operà, prout deducit digitum, regulam circa paxillum rotans, li- 
neam curvam XBD, hyperbolæ partem, in terrâ defcribit. Et 
poftea, converfà regulà in alteram partem, eâque prolatà ad Y, 
eodem modo alteram partem Y D defignat. Et præterea, fi transferat 
nodum fuæ reftis in paxillum I, & extremitatem regulæ in paxillum 
H, aliam | hyperbolen SKT defcribet, planè fimilem & oppofitam 
priori. Sed, fi, regulà & paxillis non mutatis, longiorem tantüm 
reftim admoveat, hyperbolen alterius fpeciei defignabit : &, fi 
adhuc paulo longiorem, adhuc alterius ; donec, ipfam regulæ planè 
æqualem reddens, reétam lineam loco hyperboles defcribet. 
Deinde, fi palxillorum diftantiam mutet eâdem proportione, quà 
differentiam quæ inter longitudinem funis & regulæ, hyperbolas 
ejufdem quidem fpeciei defcribet, fed quarum partes fimiles magni- 
tudine different. Et tandem, fi æqualiter augeat longitudinem relilis 
& regulæ, manente differentià illarum & paxillorum intervallo, non 
aliam hyperbolen defcribet, fed majorem illius partem. [lla enim 
hujus lineæ natura eft ut, licèt femper magis magifque ad eandem 
partem inclinet, tamen, in infinitum protenfa, nunquam extremitates 
fuas committat. Et ita videmus ipfam plurimis modis ad lineam 
reétam referri, quemadmodum ellipfis ad circularem; item infinitas 
diverfarum fpecierum effe, & fingularum fpecierum infinitas, qua- 
rum partes fimiles magnitudine differant. Et præterea, fi ex aliquo 
punéto, ut B, pro arbitrio in alterutrà ex ïis electo, duas reétas 
ducamus ad punéta H & I, in quibus duo pali defcriptioni infer- 
vientes defigi debent, & quæ itidem nominabimus focos, differentia 
[harum linearum HB & 1B femper æqualis erit lineæ DK, quæ 
diftantiam Hyperbolarum oppolitarum defignat. Hocque ex eo ap- 
paret, quod BI tantâ præcifè longitudine BH fuperet, quant reflis 
eâdem regulà brevior eft; & quôd etiam DI eâdem parte longior fit 
quàm DH. Nam, fi à DI auferas KI, | cui æqualis et DH, DK 
illorum differentiam habemus. Denique etiam videmus hyperbolas, 
quæ fervatà eâdem proportione inter DK & HI defcribuntur, 
omnes ejufdem fpeciei effe. Et infuper eft obfervandum, fi per pun- 
étum B, pro arbitrio in hyperbolà* afflumptum, reétam CE duca- 
mus dividentem angulum H BI in duas æquales partes, hanc ean- 
dem CE hyperbolen in punéto B tangere : cujus demonitrationem 
Geometræ in numerato habent. 


a. Hyperbolà] Ellipsi £/z. 


628 OŒuvrEs DE DESCARTES. De 150 


12. | Hinc etiam notemus, fi ex eodem punéto B ad interiora 
hyperboles rettam BA, parallelam axi DK, ducamus, & fimul per 
idem punétum B lineam LG, ad angulos rectos fecantem CE, pro- 
feramus, & deinde, fumptà BA æquali BI, à punctis A & I duas 
perpendiculares in LG mittamus, has duas pofteriores AL & IG 
eandem proportionem inter fe habituras, quam duæ D K & HI. Et 
confequenter, fi hanc hyperboles figuram vitro dederimus, cujus 
refractiones metimur per proportionem quæ inter lineas DK & HI, 
illam omnes radios, axi fuo in hoc vitro parallelos, extrinfecus 
colleéturam in puncto I, faltem fi convexum fit hoc vitrum; nam, fi 
concavum, alios ali difperget, tanquam fi venirent ex hoc punéto I. 

 Quorum hæc efl demonitratio. Primd, | quia lineæ AB & NI, 
itemque AL & GT, funt parallelæ, triangula rettangu]la ALB & 
IGN funt fimilia; unde fequitur A L efle ad IG ut AB ad NI; 
vel, quia BI & AB funt æquales, ut BI ad NI. Deinde, fi HO 
parallelam ducamus ad LG, manifeitum eft ita fe habere BI ad NI 
quemadmodum OT ad HI, ob fimilitudinem triangulorum B NI & 
OHI. Poftremd, duobus angulis EBH & EBI ex conftructione 
æqualibus, & HO, quæ parallela LG, fecante ad angulos reéttos 
CE, duo triangula BEH & BEO omnino erunt æqualia. Et ita, 
BH bafñ unius | æquali exiftente BO bafi alterius, relinquitur OI 
diflerentia inter BH & BI, quam fupra diximus efle æqualem DK. 
Ideoque AL eft ad IG quemadmodum DK ad HI. Unde fequitur, 
obfervatà femper inter lineas DK & HI proportione quæ apta eft 
dimetiendis refractionibus vitri, aut fimilis materiæ quà uti animus 
eit, (ficut in defcribendà ellipf fecimus : hoc tantüm excepto, quod 
DK non poflit hîc efle nifi breviflima, cùm econtra, ubi de ellipfi 
agebatur, debuerit effe longiflima) fi delfcribamus partem hyper- 
boles quantamlibet, ut DB, & à B ad angulos rettos deducamus 
in KD rectam BQ ; duas lineas DB & QB in orbem circa axem 
DK rotatas, figuram vitri delineaturas, quæ omnes radios illud 
permeantes & parallelos axi in aëre à parte fuperficiei planæ BD, 
(in quâ nullam refraétionem patiuntur), colliget ab alterà parte in 
puncto I. 

13. Et, fi, fatà hyperbole db quæ fimilis fit | præcedenti, reétam 
ro ubcunque libuerit ducamus, fic tamen ut, hyperbolä non fectà, 
ad perpendiculum in axem illius dk incidat, & duo puncta b & o 
per aliam reétam parallelam axi dk jungamus, tres lineæ ro, ob & 
bd, rotatæ circa axem dk, defcribent figuram vitri, omnes radios 
parallelos à parte fuperficiei planæ huc illuc ab alterà parte difper- 
gentem, tanquam fi venirent ex punéto I. 


61 


162 


182-185. DIoPTRICE. 629 


Et, fi, breviori fumptà lineâ HI ad defcribendam hyperbolen 
vitri robd, quam erat ad defcribendam alteram vitri DB Q, difpo- 
namus hæc duo vitra tali ratione ut axes illorum D Q, rd in eâdem 
rectà jaceant, & duo foci in eodem loco I, adverfis duabus fuperfi- 
ciebus hyperbolicis, omnes radios axi ante occurfum parallelos, poft 
tranfitum itildem parallelos, & magis in arétum coaétos à parte vitri 
robd quàm à parte alterius, reddent. 

Et, fi duo DBQ & dbg, fimilia quidem, fed magnitudine inæqua- 
lia, ita difponamus ut axes illorum DQ & dg etiam in eâdem reétà 
porrigantur, & duo foci in eodem loco I eoncurrant, | adverfis dua- 
bus fuperficiebus hyperbolicis, idem agent quod proximè præce- 
dentes, radios fcilicet axi ab unâ parte parallelos, etiam ab alterâ 
parallelos reddent, & fimul in arétius fpatium cogent à parte mi- 
noris vitri. 

Et, fi planas fuperficies duorum vitrorum DBQ & dbg jungamus, 
aut disjungamus intervallo quo lubet, obverfis tantum fuperficiebus 
planis, quamvis eorum axes in eandem rectam non coïncidant, 
modù tantüm fint palralleli; vel potius, fi componamus aliquod 
vitrum figuram duorum ita junétorum repræfentans, illius ope effi- 
ciemus ut radii venientes ex uno punctorum I in altero ab oppofità 
parte coëant. “ 

Et, fi fabricemur aliquod vitrum, quod habeat figuram duorum 
DBQ & robd, ita junétorum ut eorum fuperficies planæ fe mutud 
contingant, illud omnes radios venientes ex uno punétorum I difgre- 
gabit, tanquam fi venirent ex altero. 

Et poftrem, fi vitrum componamus ejufdem figuræ quam reddunt 
duo robd, quum ipforum duæ planæ fuperficies conjunétæ funt, 
efficiemus ut | omnes radii, qui convergentes in hoc vitrum feren- 
tur tanquam fi eflent ultra ipfum coituri in puncto I, | poftquam illud 
pertranfiverint, divergant tanquam fi venirent ex altero punéto I. 

Atque hæc omnia, meà quidem fententià, tam perfpicua funt ut 
fola contemplatio figurarum ad rei cognitionem fuflicere poflit. 

14. Porro, eafdem mutationes radiorum quas explicavimus 
primÔ per duo vitra elliptica, deinde per totidem hyperbolica, & 
166 duo alia producere poflunt, quorum hoc | hyperbolicum, illud 
ellipticum. Et, præter ea, infinita alia pofflumus imaginari, idem 
omnino agentia, fcilicet ut omnes radii venientes ex uno puncto, 
aut tendentes ad unum, aut paralleli, ex aliis in alios horum trium 
mutentur. Sed hoc loco de ïis verba facere fupervacuum arbitror, 
quoniam commodius in Geometrià poterunt explicari, atque ea 
quæ jam defcripfimus funt omnium aptiflima ad noftrum inftitu- 

* 


“ 


630 Œuvres DE DESCARTES. 185-187. 


tum, quemadmodum hîc oftendere conabor, &, eâdem operà, ex- 
ponendo præcipuas omnes differentias quæ inter ipfa efle poflunt, 
quænam præ cæteris fint eligenda demonftrabo. 

15. Harum differentiarum prima confiftit in eo, quôd figura unius 
delineatu longè facilior fit quàm alterius; & certum eft, poft lineam 
rectam, circularem, & parabolam, ex quibus folis talis vitri figura 
componi non poteft, nullam ellipfi aut hyperbolà fimpliciorem dari, 
ut cuivis inquirenti liquebit. Adeo quidem ut, quum linea reéta 
delineatu facilior fit quàm circularis, & hyperbole haud difficilior 
quàäm ellipfs, vitra quorum | figuræ ex hyperbolis & reétis lineis 
componuntur, facillimè omnium expoliri poffe videntur. Hinc fe- 
cundum locum tenent quæ circulis & ellipfbus conftant; reliquæ 
omnes, nobis non explicatæ, majoris funt operæ, « faltem quantum 
ex motuum quibus defcribuntur fimplicitate poteit judicari; nam, fi 
qui forfan artifices vitra fphærica commodiüs expoliant quàm plana, 
hoc contingit ex accidenti, & ad hujus fcientiæ theoriam, quam 
folam explicandam fufcepi, non fpectat ». 

16. Secunda differentia in eo eft, quod, inter plura vitra eodem 
modo radios immutantia qui referuntur ad unum aliquod punétum, 
aut paralleli ab alterâ parte veniunt, illa, | quorum fuperficies funt 
minüs, aut minus inæqualiter, incurvatæ, ita ut refraétiones minüs 
inæquales producant, radios ad alia punéta relatos vel ab alià 
parte venientes, femper aliquanto accuratiüs, quam reliqua immu- 
tent. Sed, ad perfectam hujus cognitionem, obfervatu neceffarium 
eft, folam inæqualitatem curvaturæ linearum, quibus figuræ horum 
vitrorum componuntur, obftare quominus difpofitio radiorum qui 
referuntur ad plura diverfa punéta, aut paralleli veniunt ex pluribus 
diverfis partibus, æquè exactè mutetur atque illa radiorum qui ad 
unum tantüum punétum referuntur, aut veniunt ex unà eâdemque 
parte paralleli. Si enim, ex. gr., ad radios venientes ex punéto A 
colligendos in punéto B, fuperficies vitri interpofiti GHIK omnino 
planæ effe deberent, ita fcilicet ut linea recta GH, quæ unam ex is 
repræfentat, vim haberet efficiendi ut omnes ifli radii, venientes à 
punéto A, fierent | paralleli dum eflent in vitro, &, eàdem ratione, 
altera linea recta KI efficeret ut iidem, egredientes ex vitro, ten- 
derent verfus B, eædem hæ lineæ GH & KI efficerent etiam ut 
radii omnes venientes à puncto C tenderent verfus D, &, genera- 
liter, ut omnes ii qui ex aliquo punctorum lineæ rectæ A C (quam 
fuppono parallelam ipfi GH), verfus unum aliquod ex punétis 
rectæ BD (quam facio parallelam ipfi IK & tantumdem ab eà dif- 
tantem quantum AC diftat à GH), flecterentur : cum enim hæ 


168 


170 


187-180. DIoPTRICE. 63 I 


lineæ GH & IK nullo modo incurvatæ fint, omnia | punéta aliarum 
AC & BD referuntur ad ipfas eodem modo. 

Simili ratione, fi effet vitrum quale LMNO (cujus fuppono fu- 
perficies LMN & LON efle duo æqualia fphæræ fegmenta), quod 
vim haberet efliciendi ut radii omnes egrefli ex puncto A cogerentur 
in punéto B, haberet eodem modo efficiendi ut omnes ex punéto C 
cogerentur in D; &, generaliter, ut omnes qui procederent ex uno 
aliquo punctorum fuperficiei C (quam fuppono efle fegmentum 
fphæræ idem centrum habentis quod LMN), colligerentur in uno 
aliquo ex punétis fuperficiei DB (quam itidem fuppono elle feg- 
mentum fphæræ idem habens centrum quod LON, & ab ifto 
centro æquè diftare atque AC diftat ab LMN; quoniam omnes 
partes harum fuperficierum LMN & LON) funt æqualiter curvatæ 
refpectu omnium punétorum | quæ funt in fuperficiebus C A & BD. 

17. Sed, quia nullæ lineæ funt in naturà, præter rectam & circu- 
larem, quarum omnes partes eodem modo fe habent ad omnia 
punéta alicujus alterius lineæ, & neutra ex his fufficit ad compo- 
nendam figuram vitri quæ omnes radios, venientes ex Âliquo 
punéto, accuratè in alio colligere pofñlit, fatis liquet nullam earum 
quæ huic rei inferviunt, omnes radios, ex aliquot punétis elapfos, 
accuratè in aliis punétis coaéturam; &, ad feligendas ex iis, quæ 
radios minus difpergunt circa locum in quo illos colligere | vo- 
lumus, minüs curvatæ, & minüs inæqualiter, cæteris præferendæ 
erunt, ut, quantum poilint, ad circularem aut ad reétam proximè 
accedant : & potiüs ad reétam quàm ad circularem, propterea quèd 
hujus partes habent tantüm eundem refpectum ad illa puncta quæ 
æqualiter ab ejus centro diftant, nec ullum aliud eodem modo re- 
fpiciunt quo illud centrum. Unde facilè concluditur Ellipfin ab 
Hyperbolà häc in re fuperari & nullam excogitari pofle vitri fi- 
guram, quæ omnes radios ex diverfis punétis venientes in totidem 
aliis æquè remotis à vitro ac priora tam accuratè colligat, quäm illa 
quæ conftat ex duabus æqualibus Hyÿperbolis. Et quidem, etiam fi 
hîc accuratæ totius hujus rei demonftrationi fuperfedeam, facilè 
tamen eft applicare ea quæ jam dixi ad alios modos inflettendi ra- 
dios qui refpiciunt diverfa puncta, vel paralleli veniunt ex diverfis 
partibus, | atque ita cognofcere vitra hyperbolica, vel ad hoc ele 
omnium aptiflima, vel certe nullis aliis tam infigniter minüs apta, 
ut iis idcirco debeant poftponi quibus jam diximus efle præferenda, 
ex eo quûd faciliüs poliantur. 

18. Tertia horum vitrorum differentia in eo confiflit, quod una 
efficiant ut radii, qui ea pertranfeuntes decuflantur, paulo magis 


632 Œuvres DE DESCARTES. 189-192. 


poft illam decuffationem ab invicem removeantur, & alia paulo 
minüs. Ut, fi, ex. gr., radii G,G veniant ex centro Solis, I, I ex finiftrà 
ejus circumferentiæ parte, & K,K ex dextrà, poflquam pertranfive- 
rint vitrum hyperbolicum DEF, magis ab invicem removebuntur 
quàam prius € (hoc eft : angulus MFL major erit angulo IFK, & 
ita de cæteris) »; & contrà, poftquam per|tranfiverint ellipticum 
A BC, magis ad invicem accedent « (hoc eft : angulus MCL minor 
erit angulo IC K) »; adeo ut hoc ellipticum punéta L, H,M fibi in- 
vicem propiora reddat quàäm | hyperbolicum; & quidem tanto 
magis propinqua reddit, quanto craflius eft. 

19. Sed, quantam demum craflitiem illi demus, nunquam, nifi 
ad fummum quartâ vel tertià parte, propiüs quàm hyperbolicum 
illa junget. Atque hæc diverfitas à quantitate refractionum quæ in 
vitro fiunt ita pendet ut cryftallus montana, quæ illas paulo ma- 
jores reddit quàm vitrum, poflit etiam hanc paulo majorem eflicere. 
Sed nullius figuræ vitrum poteit excogitari, quod hæc punéta L, H,M 
multo magis fejungat quäm hyperbolicum, nec quod magis cogat 
quàm ellipticum. 

20. Hiîc autem, ex occafione, notare poffumus quo fenfu fuprà 


dictum fit, radios ex diverfis punétis manantes, aut | diverfis par- 


tibus parallelos, omnes in primà fuperficie decuffari quæ efhiciat ut 
in totidem aliis iterum colligantur,; ut quum audivimus illos objecti 
VXY, qui imaginem RST in oculi fundo delineant, decuffari in 
primà illius fuperficie BCD. Hoc enim ex eo pendet, quôd, ex. gr., 
tres radii VCR, XCS & YCT, reverà decuffentur in hâc fuperficie 
BCD in punéto C. Unde fequitur, licèt radius V DR longè altius 
occurrat radio YBT, & VBR inferius radio Y DT, quia tamen ad 
eadem punéta tendunt ad quæ VCR & YCT, eâdem ratione confi- 
derari pofle ac fi in eodem loco decuffarentur. Et, quum eadem hæc 
fuperficies BCD illos ita difponat ut omnes ad eadem punéta ten- 
dant, potiùs cogitare debemus ibi | univerfos decuflari, quàm fu- 
periüs aut inferius. Non obftante qudd & aliæ fuperficies | 123 & 
456 illos detorquere poflint. Quemadmodum duo bacilla curva ACD 
& BCE, licèt multum à punétis F & G recedant, ad quæ irent fi 
recta eflent & tantumdem atque nunc in punéto C decuflarentur, 
nihilominus tamen reverà in hoc punéto C decuflantur. Sed in- 
terim adeo curva efle poflent, ut iterum in alio punéto decuffa- 
rentur. Et, eûdem ratione, radii permeantes duo vitra convexa 
DBQ & dbg in fuperficie prioris decuflantur, deinde iterum in al- 
terà pofterioris, ii faltem qui ex diverfis partibus allabuntur : alios 
enim qui ex eâdem manant, palam eft demum in punéto I decuffari, 


171 


174 


102-104. DioPTRICE. 633 


21. Obiter etiam obfervemus, radios Solis, vitro elliptico ABC 
collectos, vehementiüs urere quàm fi per hyper|bolicum DEF col- 
lecti forent. Neque enim tantummodo radiorum ex centro Solis ma- 
nantium, ut GG, ratio habenda, fed etiam aliorum qui, cum exaliis 
ejus partibus fluant, non multè minus virium habent quàam illi qui 
ex centro; adeo ut vehementia caloris quem excitant æftimari de- 
beat ex magnitudine vitri vel fpeculi quod illos colligit, comparatà 
cum magnitudine fpatii in quo colligit. Ita, ex. gr., fi diameter vitri 
ABC fit | quadruplo major diftantià quæ eft inter puncta L & M, 
radii ejus ope collecti fedecies tantum roboris habebünt, quantum 
haberent vitrum planum permeantes, quod illos nullo modo detor- 
queret. Et, quoniam diftantia inter puncta M & L major vel minor 
eft, pro ratione intervalli quod eft inter illa & vitrum ABC, vel fi- 
mile aliud corpus radios ibi cogens, nec ipfam magnitudo diametri 
hujus corporis, nec particularis ejus figura, nifi unà quartà aut ad 
fummum tertià parte, poteit augere, certum eft hanc lineam com- 
burentem in infinituim, quam quidam fomniarunt, vanam & imagi- 
nariam elle. 

22. Et, fi duo vitra vel comburentia fpecula fumamus, quorum 
unum altero majus; qualiacunque demum fint, dummodo fimilium 
figurarum, majus quidem radios Solis in fpatio majori colliget, 
longius etiam à fe reddet quäm minus : interim, in fingulis par- 
tibus hujus fpatii, non plus virium hi radii habebunt quàm in al- 
tero, in quo minus illos colligit. Atque ita vitra & fpecula valde 
exigua fieri | poflunt, æquè vehementer comburentia ac maxima. Et 
fpeculum comburens, cujus diameter non multo major eft centefimà 
circiter parte diftantiæ quæ inter illum & locum in quo radios Solis 
colligere debet : id eft, cujus eadem fit ratio ad hanc diftantiam, 
quæ diametri Solis ad eam quæ inter nos & Solem : licèt Angeli 
manu expoliatur, non magis calefaciet illum locum, in quo radios 
quammaxime colliget, quàm illi radii qui, ex nullo fpeculo reflexi, 
directè ex | Sole manant. Atque hoc etiam fere eodem modo de vitris 
comburentibus intelligi debet. Unde patet eos qui non confum- 
matam Optices cognitionem habent, multa fingere quæ fieri non 
poffunt ; & fpecula illa famofa, quibus Archimedes navigia procul 
incendifle fertur, vel admodum magna fuifle vel potiùs fabulofa effe. 

23. Quartum difcrimen, in vitris de quibus agimus notandum, 
ad ea imprimis pertinet, quæ mutant difpofitionem radiorum ex 
propinquo aliquo punéto manantium, & in | eo confiftit quod alia, 
nempe quorum fuperficies illi puncto obverfa quammaxime eft con- 
cava pro ratione ipforum magnitudinis, majorem copiam radiorum 


Œuvess. I. So 


634 Œuvres DE DESCARTES. 194-196. 


admittant quam alia, licèt diametrum non habeant majorem. Et in 
hâc re vitrum ellipticum NO P (quod tam magnum fupponimus, 
ut extremitates illius, N & P, fint puncta determinantia minimam 
ellipfis diametrum), hyperbolicum | QRS fuperat, licèt pro arbitrio 
magnum fingatur, & ad hunc effetum nullo alio inferius ef. 

24. Poftremd, hæc vitra etiam in hoc differunt quôd, ad eadem 
eflecta producenda circa radios qui referuntur ad unicum punétum 
vel funt paralleli, illa quæ funt quarumdam figurarum, debeant 
efle plura numero, vel efficere ut radii qui alia punéta vel alias 
partes refpiciunt, pluribus vicibus decuflentur, quäm quæ funt alia- 
rum. Ut fupra vidimus, ad radios ex uno punéto manantes in alio 
colligendos aut difpergendos tanquam fi ex alio venirent, aut rur- 
fus ad difpergendos illos qui verfus aliquod punétum tendunt, tan- 
quam fi ex aliquo alio egrederentur, femper | duo vitra elliptica 
elle adhibenda, quum ad idem efficiendum unico tantum hyperbo- 
lico opus fit; & parallelos, fervato parallelifmo, in minus fpatium 
quàm antea occupabant arétari poffe, tam per duo vitra hyperbolica 
convexa, quæ radios ex diverfis punétis venientes bis decuflant, 
quàam per convexum & concavum, quæ femel tantüm eofdem de- 
cuffant. Sed manifeftum eft nunquam pluribus vitris utendum, 
quoties unum fufficit, nec procurandum ut fæpius radii decuffentur, 
ubi femel decuflati idem præftare poffunt. 

Atque ex his omnibus eft concludendum vitra elliptica & hyper- 
bolica cunétis aliis, quæ poflunt excogitari, præftare; & præterea 
fere femper hyperbolica ellipticis effe præferenda. Quibus præmif- 
fis, hic deinceps exponam | quà ratione mihi videatur unumquod- 
que genus fpecillorum fieri debere, ut quammaximam perfectionem 
acquirat. 


CAPUT NONUM. 


Defcriptio Specillorum. 


1. Primo omnium neceflarium eft pellucidam materiam eligere, 
politu facilem & tamen fatis duram ad figuram, quæ ipfi dabitur, 
retinendam : præterea minimum coloratam & quamminimè re- 
flexioni obviam. Et quidem in hunc ufque diem non alia reperta 
fuit quæ omnes has conditiones perfectiùs expleat quàäm vitrum 


a. tam] tunc E/7. 


177 


179 


196-198. DIOPTRICE. 63 


valde purum & tranflucidum, ex cinere fubtilifimo conflatum. 
Licèt enim cryftallus montana | purior & pellucidior videatur, ta- 
men, quum fuperficies illius plures radios quam vitrum refleftant, 
ut experientia docere videtur, non tam apta forfan noftro propofito 
fuerit. Hic autem, ad cognofcendam hujus reflexionis caufam, & 
quare potiüs in fuperficiebus, tum vitri tum cryftalli, fiat quàäm in 
medio illorum, item quare major in fuperficie cryftalli quam vitri, 
nobis in memoriam revocandum eft quâ ratione fuprà naturam lu- 
minis defcripferimus, dicentes illam | nihil efle in pellucido cor- 
pore, præter actionem, aut inclinationem ad motum, materiæ 
cujufdam fubtiliflimæ, omnes illius poros replentis ; & cogitandum 
poros omnium corporum pellucidorum adeo æquales & rectos elle, 
ut facillimè hanc materiam fubtilem fine morà & offenfione tranfmit- 
tant ; fed nunquam poros duorum corporum pellucidorum diverfæ 
naturæ, ut illi aëris & vitri feu cryftalli, tam accuratè ad invicem 
refpondere, quin femper nonnullæ particulæ materiæ fubtilis, ma- 
nantes, ex. gr., ex aëre ad vitrum, inde refiliant, partibus folidis 
fuperficiei illius occurrentes : &, eâdem ratione, ex vitro in aërem 
delatæ, partibus folidis fuperficiei aëris obviæ, ed unde venerant 
reflectantur : funt enim in aëre multæ quæ, refpectu hujus materiæ 
fubtilis, folidæ poffunt nominari. Quibus cognitis, fi confideremus 
cryftallum componi ex partibus folidis craflioribus, & poros habere 
anguftiores, quam vitrum, quemadmodum ex majori ejus duritie 
fimul & pondere fatis patet, facilè credemus illam plures ex iftius 
materiæ fubtilis particulas fuperficie fuà repulfuram, & ex confe- 
quenti paucioribus radiis aditum præbituram quam vel aër vel 
vitrum, licèt interea faciliorem tranfitum, quäm illa, præbeat | iis 
quibus præbet, juxta ea quæ fuprà diéta funt. 

2. Itaque, felecto puriflimo vitro, minimè colorato & pauciflimos 
radios reflectente, fi illius ope | defettui eorum opem ferre volumus, 
quorum acies non tantum ad remota valet quantum ad propinqua, 
vel contrà non tantum ad propinqua quantum ad remota, aptiflimæ 
ad hoc figuræ erunt quæ ex hyperbolis conftant. Ut, fi, ex. gr., 
oculus B vel C à naturâ comparatus fit ad colligendos in fuo fundo 
omnes radios manantes ex punéto H vel 1, at non illos ex V vel X, 
ut tamen & hoc V vel X accuratè cernat, interponendum eft vitrum 
O vel P, cujus fuperficies, una concava, altera convexa, ope dua- 
rum hyperbolarum defcriptæ funt, & concava, quæ oculo eft obver- 
tenda, habet pro foco pun:tum H vel I, & convexa punétum V 
vel X. 

3. Atque, fi punétum I vel V fatis remotum fit ab oculo, nempe 


636 Œuvres DE DESCARTES. B mo0 


ad quindecim aut viginti pedes aut amplius, tunc, loco hyperbolæ 
cujus focus efle deberet, fufficiet uti lineà rectà, & fic facere unam ex 
fuperficiebus vitri omnino planam : nempe interiorem, quæ oculo 
obverti debet, | fi fit punétum I quod ita remotum fupponimus; & 
exteriorem, fi fit punétum V. Tum enim tanta objecti pars, quanta 
eft oculi magnitudo, loco unius punéti erit, quum non plus | fpatii 
in oculi fundo occupet, quàäm extremitatem unius capillamenti 
nervi optici. 

Neque etiam neceflarium eit, quoties objecta paulo magis vel 
minuüs diftantia volumus contueri, alia ftatim adhibere vitra; fed 
fufficit ad ufum habere duo, quorum alterum diftantiæ rerum, quas 
vulgù contemplamur, minimæ congruat, & alterum maximæ; vel 
etiam unum, quod inter hæc duo medium fit. Cüm enim oculi, 
quibus aptari debent, non omnino immoti fint & rigidi, facilè ad 
figuram talis vitri mutantur. 

4. Quod fi etiam, ope unius vitri, cupiamus efficere ut objecta 
accefla (id et quæ oculo quantum volumus poflunt admoveri) multo 
majora & magis diftinétè appareant quäm dum refpiciuntur fine 
fpecillis, commodiflimum erit fuperficiem hujus vitri interiorem 
omnino planam reddere, exteriorem autem hyperbolicam cujus 
focus in eo loco fit in quo objectum libuerit collocare. Notandum 
tamen hic commodiflimum dici, « non omnino optimum » : nam 
concedo quidem, fi huic fuperficiei figuram ellipfeos demus, cujus 
itidem focus ibidem fit ubi objectum, & alteri figuram fegmenti 
fphæræ, cujus centrum in eodem hoc foco, effectum paulo majorem 
fore ; fed multo minüs commodè tale vitrum poterit expoliri. Hic 


autem focus, five hyperbolæ five ellipfis, tam propinquus efle debet 


ut, objeéto (quod | non nifi valde exiguum effe poteft) ibi locato, 
non majori intervallo diftet à vitro quàm necelle eft ut lumen, quo 
debet illuftrari, ex circumjacentibus locis ad illud accedat. Atque 
hoc vitrum thecà aliquà eft ita includendum ut totum illâ contega- 
tur, medià tantüm ejus parte exceptà, quæ magnitudine pupillam 
æquet, vel etiam fit paulo minor. Debentque omnes hujus thecæ 
partes, quæ oculo obvertentur, nigræ elle; & præterea non erit 
inutile ipfius oras holoferico nigro circumdare, ut tanto commo- 
diùs, oculo quamproximè admota, radios omnes luminis excludat, 
præter eos qui per partem vitri detectam admittentur. Sed extrin- 
fecus præftabitejus fuperficiem albam elfe, vel potius terfam & po- 
litam, figuramque habentem fpeculi concavi, ut omnes radios lumi- 
nis in fe effufos ad objectum reflectat. Et, ad fuftinendum objectum 
co in loco in quo debet efle ut opere fpecilli confpiciatur, non 


180 


181 


200-203. DioPTRICE. 637 


improbo perexiguas illas ampullas ex vitro vel cryftallo, quarum 
ufus in Gallià jam vulgaris eft & frequens. Sed, ut aliquanto plus 
artis adhibeamus, melius erit fi fulcro aliquo, brachioli inftar ex 
thecà protenfo, fuftineatur. Et denique, ut abunde luminis adfit, 
totum fpecillum fimui cum objecto: erit Soli obvertendum. Ut, fi A 
fit vitrum, C pars interior thecæ cui | inclufum eft, D exterior, E 
objectum, G brachiolum fuftinens, H oculus, & I Sol, cujus radii 
directè in oculum non penetrant, ob interjectum tam confpicillum 
quam objectum, fed, effufi in corpus album vel fpeculum D, refi- 
liunt inde primd ad E, & tandem ab E ad oculum. 

5. Si verd aliquod fpecillum ad'aftra & | alia objecta remota & 
inacceffa contemplanda volumus fabricare, duobus hyperbolicis vi- 
tris, convexo uno & altero concavo, duabus tubi extremitatibus, ut 
hîc videri poflunt, infertis id erit componendum. Et, primd, abc, 
fuperficies vitri concavi abcdef, figuram hyperbolicam exigit, cujus 
focus eà diftantià abfit à quà oculus, cui hoc perfpicillum paratur, 
quamaccuratiflimè fua objeéta cer/nit. Hic, ex. gr., oculo G ita dif- 
pofito ut diftinétius cognofcat objecta, quæ ad H, quàm ulla alia, H 
debet effe focus hyperboles abc : & pro fenioribus, qui rectius 
objeéta remota quäm propinqua vident, hæc fuperficies abc omnino 
plana effe debet ; contrà, pro iis quorum acies ad propinqua valet, 
fatis concava. Altera fuperficies def* figuram alterius hyperbolæ 
expolcit, cujus focus [tranfverfum pollicem aut circiter ab eà diftet, 
ita ut oculi fundum contingat, cum ejus fuperficiei perfpicillum erit 
conjunétum. Hæ tamen proportiones non tam abfolutè necellariæ 
fünt, quin multüm etiam mutari poflint, | ita ut, non aliter factà 
fuperficie-abc pro fenibus, nec pro myopibus, quàm pro cæteris, 
omnibus oculis idem perfpicillum poflit infervire, fi tantüum ejus 
tubus nunc aliquantulum diducatur, nunc contrahatur. Et, quod 
ad fuperficiem def, forfan, ob difficultatem ipfam multüm exca- 
vandi, præftabit figuram hyperboles illi dare, à quà focus ali- 
quanto magis diflet quam dictum eft : quod ufus felicius quam 
mea præcepta docebit. Et | in univerfum hoc tantüm dico : qud 
propiüs aderit hoc punctum I, reliquis paribus, ed majora objecta 
vifum iri, quia tunc oculus ita erit difponendus, ac fi propiora ellent; 
& vifionem magis fortem five perfpicuam futuram, quia tunc alte- 
rius vitri diameter poterit major efle: verüm, fi nimis vicinum fiat, 
illam non adeo diftinétam fore, quia tunc multi radii nimis obliquè 
pro ratione aliorum in vitri fuperficiem cadent. Diameter autem 


atdef| dj El. 


638 OŒEuvres DE DESCARTES. 203-205. 


hujus vitri, five pars quæ retecta effle debet, cùm tubo KLM :in- 
clufum eft, fatis magna erit, fi aliquantulum excedat pupillæ quam- 
maximè diductæ quantitatem. Et, quod ad ejus craflitiem attinet, 
nunquam nimis exigua | efle poteft; licèt enim, illam augendo, 
imagines objectorum pauld majores reddantur, quia tunc radii à di- 
verfis punétis venientes paulù magis in eà parte, quæ oculumrefpicit, 
divergunt, fit etiam econtra ut pauciora & minus diftinétè appa- 
reant; funtque aliæ viæ commodiores ad imaginum magnitudines 
augendas. Quantum ad vitrum convexum NO PQ, fuperficies illius 
N Q P*, objecta refpiciens, omnino plana efle debet, & altera NOP 
hyperbolica, cujus focus 1° accuratè in eundem locum cadat in quem 
alterius hyperboles def; & qu perfettius telefcopium defideramus, 
ed magis focus ifte removendus eft à punéto O. Præterea magni- 
tudo diametri hujus vitri determinatur à duabus rectis lineis I d N 
& If P, ductis à foco I per d & f, extremitates diametri vitri hyper- 
bolici | def, quam diametro pupillæ æqualem effe fuppono. Sed, 
etiamfi diameter vitri NOPQ aliquanto minor fit, tamen objecta 
propterea non magis confufa, nec minora, fed tantüm minori luce 
perfufa apparebunt. Quapropter, quoties illa nimis lucida erunt, 
diverfi circuli nigri chartacei, vel fimiles, in promptu habendi, ut 
1,2, 3, ad obtegendas illius oras, & partem ejus reteétam, quan- 
tum lumen ex objectis effufum permiferit, anguftiflimam redden- 
dam. Craflities autem hujus vitri neque prodeffle- neque obefle 
poteft, nifi forfan ideo poteft obefle, quèd vitrum, quamvis purifli- 
mum & maximè terfum, femper tamen radios aliquanto plures 
reflectat quäm aër. Tubus K LM ex materià firmà & folidà fieri 
debet, ut duo vitra, duabus illius extremitatibus immiffa, accuratè 
femper eodem fitu ibi hæreant. Totus etiam intrinfecus niger efle 
debet, atque holoferico nigro circa oram ad M veftiri, ut arétè oculo 
| junctus omnem lucem excludat, eà exceptà quæ permeabit vitrum 
NOPQ. Longitudinem autem illius & latitudinem diftantia & 
magnitudo duorum vitrorum certam reddit. Poftremà, neceffarium 
erit hunc tubum machinæ cuidam imponi, ut RST, cujus operû 
verti in omnes plagas pofñlit & firmiter fifi è regione objettorum 
quæ volumus contemplari. Et, hujus quoque rei gratià, dioptra vel 
duo pinnacidia, ut V,V, huic machinæ affigenda erunt; & infuper 
etiam, quia, quù magis hæc perfpicilla | objectorum imagines au- 
gent, ed pauciores fimul repræfentant, non abs re fuerit iis, quæ 


a INOPEENT. 
b. I. omis Elz. 


». 
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186 


205-206. D'oPTRICE. 6 39 


illas quammaximè augent, alia minus perfecta adjungere, ut eorum 
ope tanquam per gradus ad cognitionem loci, in quo erit objectum 
quod perfectiflima exhibebunt, deveniatur. Talia hîc funt XX & 
YY, quæ perfectiflimo Q LM ita adjuncta effe fuppono ut, fi vertatur 
machina cui impofita funt donec per dioptras V, V planeta Jovis ap- 
pareat, idem etiam per fpecillum XX apparebit, & præterea, hujus 
fpecilli ope, quatuor alii minores planetæ Jovem comitantes dignof- 
centur. Deinde, fi machina rurfus ita dirigatur ut unus aliquis ex 
his minoribus planetis per centrum hujus fpecilli XX confpiciatur, 
confpicietur etiam per aliud fpecillum Y Y, ubi, quia folus & multà 
major quàäm prius apparebit, diverfæ etiam regiones in eo diftin-. 
guentur. Et denique, ex his regionibus, quæ per centrum hujus 
fpecilli YY fpectabitur, fpectabitur etiam per tertium fpecillum 
KLM, cujus ope variæ res minores, quæ in illâ regione erunt, dif- 
cernentur. Sed fciri non poflet iftas res efle in tali regione talis ex 
planetis quæ Jovem comitantur, fine ope aliorum; nec etiam illud 
in loca determinata, verfus | quæ volumus refpicere, commodè 
dirigere poflemus. 

His autem tribus perfpicillis, quartum aut plura perfectiora pote- 
runt adjungi, faltem fi artificibus induftria ad id requifita non defit. 
Etnullum quidem inter hæc perfectiflima & imperfectiora difcrimen 
eft, nifi quôd eorum | vitrum convexum debeat majus efle & ejus fo- 
cus remotior. Denique, fi manuum induftria præftare poflit quod ars 
docet, hujus inventi beneficio poterimus res tam particulares & mi- 
nutas in aftris videre, quäm fint eæ quas vulgù in terrà percipimus. 

6. Si verd fpecillum habere cupiamus, cujus ope objecta propin- 
qua & accefla quàam diftinctiflimè fieri poteft confpiciantur, & multo 
diftinétius quàäm ope illius quod paullo antè hunc in ufum de- 
fcripfimus, illud itidem duobus vitris hyperbolicis, uno concavo, 
convexo altero, duabus tubi extremitatibus inclufis erit compo- 
nendum. Et concavo abcdef eadem figura danda quæ proximè 
præcedenti, ut & fuperficiei interiori convexi NO P ; exterior autem 
NRP, quam illud totam planam habebat, hic admodum convexa 
requiritur, & hyperbolica cujus focus exterior Zita propinquus fit 
ut, objecto ibi locato, non plus fpatii illud & vitrum interjaceat 
quàm admittendæ luci ad illud illuminandum requiritur. Et dia- 
meter hujus vitri non tanta requiritur quanta in præcedenti fpe- 
cillo, nec etiam tam exigua fuflicit quàm illa vitri A paulo antè 
defcripti, fed talis circiter efle debet ut recta NP, quæ illam* defi- 


a. illum Æ/7. 


640 OŒEuvREs DE DESCARTES. 206-209. 


gnat, tranieat per focum interiorem hyperboles NRP & in hâc 
hyperbolà utrimque terminetur: fi enim minor foret, pauciores ra- 
dios ab objecto Z reciperet; fin major, paulo plures tantüm admit- 
teret; ita ut vitri craflities, quæ tunc multo major evaderet, non 
minus de illorum vi detraheret quàm | ejufdem latitudo augeret; & 
præterea non tantum luminis verfus objeétum Z reflecti poflet. E 
re quoque erit hoc confpicillum machinæ cuidam, ut ST, impo- 
nere, qu femper Soli obverfum teneatur. Et vitrum NO PR fpeculo 
parabolico concavo includendum erit, ut CC, quod omnes Solis 
radios reflectat ad punétum Z, in quo objeétum parvo brachiolo G, 
alicunde ex fpeculo protenfo, fufftineatur. Et præterea hoc bra- 
chiolum fulcire debet aliquod corpus nigrum & opacum, quale 
HH, quod objectum Z undiquaque cireumitet, & accuratè magni- 
tudinem vitri NOPR adæquet, ut nempe impediat ne qui radii 
Solis direétè incidant in hoc vitrum : inde enim intrantes | tubum, 
quidam eorum proculdubio ad oculum refilirent, & non nihil de 
vifionis perfettione detraherent, quia, quamvis hic tubus debeat in- 
trinfecus fieri nigerrimus, nullum tamen corpus tam perfectè ni- 
grum efle potelt, ut omnem vim luminis aliunde in illud delapf 
obtundat & nullos omnino radios reflectat: præfertim fi lumen 
illud fit fatis forte, quale eft Solis. Præterea corpus opacum HH 
debet habere in medio foramen, quale Z, ejufdem magnitudinis 
cujus objectum, ut, fi id forfan quodammodo fit pellucidum, etiam 
per directos Solis radios illuminetur; imd, fi necefle fit, per eofdem 
<à> comburenti vitro II, quod æquë latum fit ac NOPR, collectos 
in puncto Z, ut omni ex parte tantum luminis in objectum mittatur 
quantum fine periculo uftionis poterit ferre. Et facile erit, velatä 
parte fpeculi CC vel vitri IT, nimiam illorum vim temperare. Ne- 
minem ignorare exiflimo quare hic tam follicitè curem ut quam- 
plurimà luce objectum illuftretur, & ut quamplurimi ex eo radii ad 
oculum pertingant: vitrum enim NOPR, quod in hoc fpecillo pu- 
pillæ vice fungitur, & in quo radii ex diverfis punétis manantes 
decuffantur, cum multo vicinius fit objeéti quàm oculi, efficit ut hi 
radii per multo majus fpatium fe extendant in membranulâ illà quæ 
ex extremitatibus nervi optici conflatur, quàm fit ipfa fuperficies 
objecti ex quo veniunt; & fatis patet illos tanto minus virium habere 
quanto fpatium, per quod extendun/tur, eft majus; ut econtra 
multù plus habent, cum à vitro vel fpeculo uftorio in mult minori 
fpatio colliguntur. Atque hinc tantüm | longitudo hujus perfpicilli 
dependet, id eft diftantia quæ eft inter hyperbolen NOP & ejus 
focum, Quanto enim illa major eft, tanto magis imago objecti in 


138 


190 


-209-210, DIoPTRICE. Gat 


oculi fundo expanditur, ideoque tanto diftindiùs minutas illius 
partes ibi depingit. Sed hoc ipfum vim luminis ita minuit, ut 
tandem non omnino fentiretur, nempe fi nimis longum eflet hoc 
fpecillum. Adeo ut ejus maxima longitudo nonnifi experientià poflit 
determinari; & præterea etiam varia fit pro varietate objetorum, 
quorum fcilicet nonnulla magnam vim luminis, alia nonnifi perexi- 
guam fine uftione ferre poffunt. Non quidem ignoro quædam adhuc 
alia poffe excogitari, quibus hujus luminis vis aliquanto magis au- 
geretur; fed difficilior effet illorum ufus, & vix ullum occurret un- 
quam objectum, quod majorem requirat. Poflent etiam alia vitra 
poni in locum hyperbolici NO PR, quæ paulo plures radios quàm 
hoc ab eodem objeéti punéto reciperent; fed vel non eflicerent ut 
omnes radii ex diverfis objeéti punctis venientes tam proximè ad 
totidem alia punéta verfus oculum concurrerent; vel ad hoc duobus 
vitris loco unius eflet utendum, atque ita radiorum vis non minüs 
fuperficierum numero minueretur, quàäm figurâ augeretur; & de- 
nique illa multo difficilius poflent poliri. 

7- Supereft hic tantüm ut advertamus, quoniam hæc perfpicilla 
nonnifi unico oculo admoventur, operæ effe ut alium interim 
oculum obfcuro aliquo velo tegamus; fic enim pupilla ejus quo 
utemur magis aperietur quàm || fi alium vel luci expoñtum relin- 
quamus, vel ope mufculorum palpebras moventium claudamus : 
tanta enim eft inter utrumque affnitas, ut vix unus aliquo modo 
moveri pofñlit, quin alter ftatim ad ejus imitationem difponatur. 
Præterea, non erit inutile, non tantüm hoc confpicillum arétè 
oculo adjungere, ut nullam nifi per illud recipiat lucem ; fed etiam 
pris aliquamdiu in obfcuro loco ftetifle, ut vifûs acies, tanto 
tenerior exiftens, à minimà luce aflici poffit; & præterea imagina- 
tionem noftram eodem modo difponere ac fi res valde remotas & 
obfcuras vellemus intueri, ut tanto magis pupilla dilatetur & ideo à 
pluribus objeéti punétis radios admittat. Jam enim fuprà notatum 
eft, hunc motum pupillæ non immediatè fequi voluntatem quam 
habemus illam aperiendi, fed potius ideam vel opinionem quam de 
obfcuritate vel diftantià objecti concepimus. 

8. Cæterüm, fi nonnihil ad ea omnia quæ fuprà diéta funt ani- 
mum reflectamus, & potiflimum ad illa quæ ex parte objeétorum* 
externorum requiruntur, ut vifionis fenfus quamperfeétiflimus 
evadat, non difficulter intelligemus, per varias horum fpecillorum 
formas, illud omne præftari quod ab arte et expectandum; nec 


a. Il fallait organorum. 
Œuvres. I. 


2] 
+ 


G42 OEUVRES DE DESCARTES. 210-212. 


ideo eft operæ pretium ut hoc fufiùs demonftrem. Item etiam 
facilè agnofcemus nuïla ex iis quæ pris ab aliis defcripta fuerant 
ullo modo perfeéta effe potuifle, quia maxima differentia eft inter 
lineas circulares & hyperbolas, & nunquam nifi lineæ circulares 
adhibitæ funt ad eos effeétus, ad quos | hyperbolas requiri demon- 
ftratum eft. Adeo ut nihil unquam boni hâc in re factum fit, nifi 
cüm artificum manus tam feliciter aberravit ut, loco fphæricæ 
figuræ, hyperbollicam, vel ad hanc proximè accedentem, vitrorum 
fuperficiebus indiderit. Atque hoc præcipuè impedivit ne rectè 
fierent illa fpecilla quæ videndis objectis inacceñlis idonea funt : 
indigent enim vitro convexo multù majori quäm cætera; & non 
modà difficilius eft feliciter aberrare in poliendo magno vitro quàm 
in parvo, fed præterea major eft differentia inter fuperficies, hyper- 
bolicam & fphæricam, in partibus à centro fatis remotis quæ in 
majoribus vitris effe debent, quàm in vicinis ex quibus folis 
conftant minora. Jam verd, quoniam artifices non facile forfan per 
fe invenirent modum hæc vitra fecundüm figuram hyperbolicam 
accuratè poliendi, fupereft ut ipfis deinceps viam oftendam, per 
quam mihi perfuadeo illos fatis commodè eù perventuros. 


CAPUT DECIMUM. 


De modo expoliendi vitra. 


1. Selecto vitro aut cryftallo quo uti placet, primd neceffaria eft 
inquifitio proportionis quæ, juxta fuperius tradita, refraétionum 
illius menfura exiflat; atque illa | obvia & expofita erit operà hujus 
inftrumenti. E FI eft afliculus aut regula maximè plana & reéta, ex 
quâlibet materià, dummodo non nimis polita vel pellucida fit, ut 
lumen in illam effufum facillimè ab umbrâ dignofcatur. E A* et FL 
funt duæ dioptræ, id eft laminæ parvæ, cujufcunque materiæ, 
dummodo non fit tranfparens, ad perpendiculum ereétæ in EFI, & 
foramine exiguo fingulæ pertufæ, ut À & L; funtque hæc duo 
foramina tam directè. fibi invicem oppoñita, ut radius AL, | illa 
permeans, parallelus feratur lineæ EF. Præterea, RPQ eft parti- 
cula ejus vitri quod volumus examinare, in formam prifmatis five 
trianguli polita, ejufque angulus RQ P rectus eft, & PRQ acutior 


a. EH EK. 


191 


192 


212-314. DIoPTRICE. 64; 


quam RPQ. Tria latera « vel potius (quia in vitri craflitie latitu- 
dinem habent) » tres facies RQ, QP & RP, funt planæ & politæ, 
ideoque, dum facies PQ afliculo EFI incumbit, & facies QR 
laminæ FL, radius Solis, duo foramina permeans A & L, per 
medium vitrum PQR irrefractus penetrat ad B, quoniam perpen- 
diculariter in fuperficiem QR incurrit. Sed, poftquam pervenit ad 
punétum B, ubi obliquè aliam fuperficiem RP contingit, non, 
nifi | declinans ad aliquod punétum afferculi EF, egredi poteft, ut 
ex. gr. ad I. Et omnis hujus inftrumenti ufus in hoc confiftit, ut ita 
radius exceptus per hæc duo foramina À & L emittatur, ut mani- 
feftum reddat quomodo referatur punétum I (hoc eft centrum 
parvæ ellipfeos, quam hic radius in afliculo E FI illuminat) ad duo 
alia punéta B & P, quorum alterum B defignat locum in quo 
reta, quæ tranfit per centra duorum foraminum A & L, in 
fuperficie RP terminatur; & alterum P eft locus in quo hæc 
fuperficies RP, fimulque illa afliculi EFI, fecantur à plano* quod 
imaginari poflumus per punéta B & I, fimulque per centra fora- 
minum À & L, tranfire. 

| 2. His tribus punétis B PI accurate ita cognitis, & confequenter 
etiam triangulo quod defcribunt, hoc triangulum in chartam aut 
aliud planum circino eft transferendum ; deinde, ex centro B, 
per punctum P defcribendus circulus NPT &, fumpto arcu NP 
æquali arcui PT, ducenda reéta BN', fecans IP produétam in 
punéto H; hinc denuo ex punéto B per H defcribendus circulus 
HO", fecans BI in punéto O; & habebitur proportio inter lineas 
HI & OI pro menfurà communi omnium refrationum quæ 
produci poffunt à differentià quæ eft inter aërem & vitrum quod 
examinatur. Quàâ de re fi nondum certi fumus, ex eodem vitro alia 
parva triangula reétangula, diverfa ab hoc, polire poterimus ; quibus 
fi eodem modo utamur ad inveftigandam hanc proportionem,|femper 
fimilem illam inveniemus, atque ita nullo modo poterimus dubitare 
quin reverà eadem fit quam quærebamus. Quod fi poftea, in rectà 
lineà HI, MI æquale OT fumamus & HD æquale DM, D pro 
vertice habebimus & H & I pro focis hyperboles, cujus figuram 
fpecilla à nobis defignata requirunt. 

Et hæc tria punéta HDI propiüs jungere poffumus, vel longius 
removere quantum lubet, aliam tantüm lineam propiorem aut 


a. plano] puncto Æ/7, 
b. PN Ex. 
c. HD Ex. 


C44 OEuvrEs DE DESCARTES. 214-216. 


remotiorem à* puncto B ducendo parallelam lineæ | HI, & ducendo 
ex hoc punéto B tres rettas BH, BD & BIT, quæ illam fecent. Ut 
hic videmus eodem modo ad invicem referri tria punéta HDI & 
hdi, quo tria Hp1. 

3. Deinde, cognitis his tribus punétis, facile eft hyperbolen defcri- 
bere eo modo quo fuprà vidimus, defixis fcilicet duobus paxillis in 
punétis H & I, & refti hærente in palo H ita regulæ alligatâ ut non 
propiüs accedere poflit ad I quàm ufque ad D. 

Sed fi malimus, ope vulgaris circini plura punéta per quæ | tendit 
quærendo, illam delineare, « fumptis punétis H, D,M & O, utfupraà », 
alterum pedem hujus circini ponamus in punéto H &, altero pro- 
moto paulo ultra punètum D, velut ad 1°, ex centro H defcribamus 
circulum 133; inde, fumptà M2 æquali Hi‘, ex centro I per 
punétum 2‘ defcribamus circulum 233, priorem in punétis 33 fecan- 
tem, per quæ hæc hyperbole ferri debet, ut & per punétum D, ejuf- 
dem verticem. Reponamus poftea eodem modo unum circini bra- 
[chium in punétum H &, altero diducto paulo ultra punétum 1°, 
velut ad 4, defcribamus circulum 466 ex centro H. Inde, M5 
æquali fumpto® H4, ex centro I per 5 circulum 566 defcribamus, 
priorem in punétis 66, quæ in hyperbolà, fecantem. Et ita, conti- 
nuatâ flatione alterius brachii in punto H, & reliquis omnibus 
ut antè obfervatis, quantum libet punctorum hujus hyperboles 
poffumus invenire. 

4. Quod fortafle non incommodum erit ad rude aliquod exemplar 
fabricandum, quod præterpropter figuram vitri poliendi repræfen- 
tet. Sed, ad accuratum aliquod, alio invento opus eft, cujus operâ 
uno duétu hyperbole delineari poflit, quemadmodum per circinum 
circulus, & quidem ego fequenti melius nullum novi. Primô, ex 
centro T, medio | lineæ HI, defcribendus circulus HVI; inde ex 
puncto D erigenda perpendicularis in HI, fecans hunc circulum in 
punéto V, &, ductà rettà per hoc punétum V ex T, habebitur an- 
gulus HTV, talis ut, fi imaginemur illum rotari circa axem HT, 
linea TV fuperficiem coni fit defcriptura in quà, fattà fectione à 
plano VX quod eft parallelum axi HT, & in quod DV ad angulos 
rettos cadit, hyperbole omnino fimilis & æqualis priori deprehen- 


a. à] aut Elz. 

b. 1] 1 Ælz. 

c. Hu] AMEL: 
d'2]7 El: 
c.Sic Er, 


194 


197 


216-218. DioPTRICE. 64 


detur. Et omnia alia plana huic parallela, conum fecantia, hyper- 
bolas fimiles quidem omnino, fed inæquales, fuâ fectione efficient, 
& quarum foci propiores vel remotiores erunt, prout hoc planum 
ab axe diftabit. 

| 5. Cujus rei veftigia fecuti, talem machinam poterimus fabri- 
care. AB eft cylindrus ligneus vel metallicus, qui, circa cardines 1, 
2 rotatus, alterius figuræ axem HI repræfentat. CG, EF* funt duæ 
laminæ, vel afleres plani & lævigati, imprimis eà regione quâ fe 
invicem contingunt, hâc ratione ut fuperficies, quam inter utrumque 
poffumus imaginari parallelam cylindro AB & feétam ad angulos 
rectos plano quod ire imaginamur per duo punéta 1, 2 & C,O,G, re- 
præfentet planum VX quod conum fecat. Et N P, latitudo fuperioris 
CG, æqualis eft diametro vitri expoliendi, vel non multüm eundem 
excedit. Denique KL M eft regula quæ, rotata cum cylindro A B 
in polis 12, hâc ratione ut angulus A LM femper æqualis maneat 
angulo HT V, repræfentat lineam TV | conum defcribentem. Et 
notandum hanc regulam ita per cylindrum actam effe ut per fora- 
men L, arétè illam recipiens, attolli pro arbitrio & deprimi poflit, & 
præterea alicubi, velut ad K, pondus aliquod efle, feu prefforium 
curvum, quo femper ad laminam CG premitur; itemque, in ejus 
extremitate M efle cufpidem chalybeam & ita temperatam ut vim 
habeat fecandi laminam fuperiorem C G, non autem | alteram EF 
ei fubftratam. Quibus intellectis, fatis patet, fi regula KLM circa 
polos 12 ita moveatur, ut cufpis chalybea M ab N per O tendat 
ad P, & reciprocando à P per O ad N, ab ipfà divifam iri hanc la- 
minam CG in duas alias CNOP & GNOP, in quibus latus NO P : 
lineà terminabitur convexà in CNOP & concavà in GNOP, quæ 
accuratè figuram hyperboles habebit. Et hæ duæ laminæ CNOP, 
GNOP, fi chalybeæ vel ex alià materià fatis durà fint, non tantüm 
loco exemplaris erunt, fed etiam inftrumenti ad formandas quafdam 
rotas, à quibus, ut mox audiemus, vitra figuram fuam ducere 
poflunt. Hic tamen defeétus quidam fupereft, in eo fcilicet quôd 
chalybea cufpis M, cüm | paulo aliter verfa fit cm accedit ad N vel 
ad P quàm cüm eft in O, non poflit ubique uniformem & æquè 
acutam vel obtufam horum inflrumentorum aciem efficere. Ideoque 
melius arbitror machinà fequenti, licèt operofiore, uti. 

6. ABK LM unicum tantummodo membrum eft, quod integrum in 
cardinibus 12 movetur, & cujus pars A BK perinde eft quam habeat 
figuram ; fed KL M debet efle regula, vel aliud fimile corpus planas 


a. EF omis Elz. 


646 OEUVRES DE DESCARTES. 218-220. 


habens fuperficies, quæ lineis rectis parallelis terminentur; opor- 
tetque ut hæc regula KLM ita fit inclinata ut recta 43 quæ medium 
ejus craflitiei defignat, ufque ad eam produtta quam fingere poflu- 
mus per polos 12 tranfre, efliciat angulum 234 æqualem illi qui 
fuprà notis HT V defignabatur. CG, EF funt duo afferes paralleli 
axi 12, & quorum fuperficies | adverfæ, planæ admodum & læves, 
fecantur ad angulos rectos plano 12GOC. Non tamen arétè mutuo 
cohærent, ut in præcedenti machinâ, fed tanto in|tervallo præcife 
diftant ab invicem, quantum requirit inferendus cylindrus QR, teres 
exquifitè & ubivis ejufdem craflitiei. Præterea, fingulæ fiffuram habent 
NOP, hujus longitudinis & latitudinis ut regula KLM immifla, huc 
& illuc, cardinibus fuis innixa, liberè feratur, quantum requiritur ad 
defignandam partem hyperboles inter hos duos afferes, magnitudine 
diametro vitri poliendi æqualem. Hæc regula quoque per cylin- 
drum Q R* obliquè inferta eft, häc ratione ut, licèt hic cum illà mo- 
veatur in polis 12, femper tamen inter duos afferes CG, FE maneat 
claufus, & axi 12 parallelus. Poftremd, Y67 & Z89 funt inftru- 
menta, poliendo in formam hyperbolæ cuilibet corpori infervientia, 
& manubria illorum Y, Z tantæ funt craflitiei ut eorum fuperficies, 
quas planas effe notandum eft, fuperficies aflerum CG & EF | ab 
utrâque parte omnino contingant, & nihilominus inter ipfas, utpote 
admodum læves, hinc et inde poflint moveri. Habentque fingula 
rotundum foramen 5, 5, in | quo altera cylindri Q R extremitas ita 
inclufa eft, ut hic cylindrus pofñlit circa proprium axem 55 circum- 
volvi, non efficiendo ut ifta manubria eodem modo volvantur, prop- 
ter eorum fuperficies planas quæ hine & inde à fuperficiebus afferum 
quos contingunt cohibentur; fed non poflit in ullam aliam partem 
ferri, quin illa fimul in eandem ferantur. Et ex his omnibus liquet 
regulam K LM propulfam ab N ad O & ab O ad P, vel à PadO0O& 
ab O ad N, moto fecum cylindro QR, eädem operà movere hæc in. 
ftrumenta Y67 & Z 89, hâc rationeut unaquæque eorum pars motu 
fuo accuratè hyperbolen defcribat eandem quam interfeétio linearum 
34 & 55; quarum una, fcilicet 34, motu fuo delilneat conum, altera 
55 planum eundem fecans. Cufpis feu acies horum inftrumentorum 
variis modis fieri poteft, pro vario ufu quem illam volumus præ- 
flare. Et ad figuram vitris convexis dandam, commodiflimum videtur 
primÔ uti inftrumento Y 67, ac plures laminas chalybeas fecare 
fimiles CNO P fuprà defcriptæ ; inde, tam operà laminarum quàm 
inftrumenti ZS80, rotam, qualis eft d, circumcirca in latitudine fuà 


a. PR Et. 


1) 


200 


202 


220-223.  DioPTRICE. 647 


abc excavare, ut ita omnes fectiones, quas imaginari poffumus factas 
à planis in quibus ee rotæ axis exiftit, figuram hyperboles, quam 
machina defcribit, confequantur; & denique vitrum expoliendum 
mymphuri, ut Aik, affigere atque ita apponere juxta rotam d | ut, 
fi tracto fune /7 mymphur circa fuum axem vertatur, & eodem tem- 
pore vertatur etiam rota circa fuum, vitri fuperficies inter hæc duo 
pofita figuram quam ipfi dare volumus accipiat. 

| Quantum ad modum inftrumento Y67 utendi, notandum laminas 
cnop nonnili ufque ad medium fingulis vicibus fecandas effe, ut ex. 
gr. ab ad o. Et propterea repagulum in machinâ ad P figendum eft, 
quod impediat ne regula KLM, mota ab N ad O, propius accedat 
ad P quäm requiritur ad hoc ut linea 34, quæ medium crafltiei 
illius notat, perveniat ufque ad planum 12GOC, quod imagina- 
mur afferes ad rettos angulos fecare. Et ferrum hujus inftrumenti 
talem figuram exigit, ut omnes ejus aciei partes in hoc eodem plano 
12GOC exiftant, cum linea 34 ibidem fiftitur; neque ullas alias 
hoc ferrum habeat partes quæ tunc ultra illud planum verfus P 
protendantur, | fed tota ejus craflitiei declivitas refpiciat verfus N. 
Cæterüm pro arbitrio vel acutum vel obtufum fieri poteft, parüm 
aut multum inclinatum, & longitudinis cujuflibet, omnia prout 
res exigere videbitur. Inde, cufis laminis cop & limà proximè 
ad illam figuram perduétis quam requirunt, vi adigendæ atque 
premendæ ad inftrumentum Y67 &, motà regulà KLM ab N 
ad O & viceverfä ab O adN, unam illarum partem perficiemus. 
Deinde, ut alia planè fimilis fiat, repagulum aliquod ibi efle debet, 
quod impediat quominus verlus hoc inftrumentum progredi poflint 
ultra locum in quo funt, cm prima earum medietas NO abfol- 
vitur;, & tunc, paululum iis reductis, mutandum eft ferrum in- 
ftrumenti YG67, & aliud, loco illius, fubftituendum, cujus acies 
accuratè fit in eodem plano & ejufdem figuræ ac acies prioris, 
fed cujus omnis declivitas refpiciat verfus P, adeo ut, fi hæc duo 
ferramenta adverfa componas, duæ illorum acies unicam tantüm 
efficere videantur. Inde, tranflato ad N repagulo | quod antea P 
verfus locatum erat ad impediendum nimium regulæ KLM pro- 
greflum, movenda eft hæc regula ab O ad P & à P ad O, donec hæ 
laminæ c0p inftrumento Y 67 tam propinquæ erunt quäm antea, 
& hoc pacto abfolventur. 

Quod attinet ad rotam d, quæ ex materià admodum durà effe 
debet, poflquam limä figuram, quam exigit, præterpropter acceperit, 
Jfacilis elaboratu erit, primd per laminas cuop, modà initio fuerint 
tam benè cufæ ut, licèt poftea candentes in aquam merfæ fint ad 


648 Œuvres DE DESCARTES. 223-224. 


duritiem acquirendam, nihil tamen idcirco ex earum figurâ fit mu- 
tatum; debentque huic rotæ ita admoveri ut acies illarum nop° & 
hujus axis ee in eodem plano fint; & denique adfit aliquod pondus 
aliudve machinamentum, quo urgente laminæ iftæ rotam premant, 
dum interim ipfa circa fuum axem vertetur. Præterea, etiam hæc 
rota elaborabitur ope inftrumenti Z89, cujus ferrum æquali de- 
clivitate ab utrâque parte procumbere debet; & de cætero quam- 
libet figuram admittit, dummodo omnes partes ejus aciei So exif- 
tant in plano fuperficies afferum CG, EF ad angulos rectos fecante. 
Ut autem utamur hoc inftrumento Z So, movenda regula KLM in 
polis 12, hâc ratione ut motu continuo procedat à P ad N, inde 
viceverfà ab N ad P, dum interim rota circa fuum axem vertetur. 
Quâ operâ acies inftrumenti omnem inæqualitatem, fi quæ re- 
manfit in latitudine rotæ ab unâ ad alteram partem, lævigabit, & 
cufpis illius (habebit enim & aciem & cufpidem) omnem illam 
quæ in longum porrecta occurret. 

7. Poftquam verd hæc rota ultimam recepit manum, facillimè 
vitrum per diverfos duos motus, rotæ fcilicet & | mymphuris cui 
affigendum ef, poterit expoliri, dummodo adfit aliqua vis quà, non 
impedito torni motu, femper ad rotam agatur, atque inferior hujus 
rotæ pars continud per aliquem alveum feratur, arenæ, fmiridi, 
pulveri lapidis Gothlandici, ftanno combufto, | vel fimili materiæ 
lævigandis & expoliendis vitris commodæ, immerfa. 

Atque, his ita confideratis, intelleétu facile eft quâ ratione figura 
concava vitris danda fit, factis fcilicet primÔ laminis cop ope inftru- 
menti Z80, deinde rotà expolitâ, tam ope harum laminarum quàm 
inftrumenti Y67, & reliquis omnibus eo quo diximus modo obfer- 
vatis. Notandum tamen rotam, quà ad convexa utimur, pro arbitrio 
magnam efle pofle; illam autem quâ ad concava, tantam effe non 
debere ut ejus femidiameter diftantià, quæ erit inter lineas 12 & 55 
in machinà cujus ope formabitur, fit major. Et in concavis poliendis 
multo celerius hæc rota vertenda eft quam mymphur; contrà verà, 
in convexis, mymphur velociüs rotandus; quia mymphuris motus 
multo vehementiüs oras vitri quam medium atterit, rotæ verd mi- 
nüs. Utilitas autem horum motuum diverforum manifefta eft : vitra 
enim, fi manu in patinà expoliantur, modo qui unicus in hunc ufque 
diem receptus eft, licèt patina eam exaëtè haberet figuram quam 
vitra exigunt, non tamen eadem, nifi cafu, ipfis dari poteft; fi verd 
utamur motu folius mymphuris « centrum vitri centro patinæ jun- 


a. cnop Elz. 


203 


204 


20) 


SE Se NS ES 


224-226. DIOPTRICE, 649 


gentis », omnes figuræ defeétus, qui in patinâ reperientur, circulos 
in vitro defcribent, & vitri medium, in quo minimus erit motus, 
nunquam fatis atteretur. 

Multa hîc funt | ad Geometriam fpectantia, quorum demonftra- 
tiones omitto; mediocriter enim in hâc fcientià | exercitatis fatis 
omnia illa per fe patent, & reliqui fine dubio faciliores, ad haben- 
dam diétis meis fidem quäm ad illa legenda, fe præbebunt. 

8. Cæterüm, ut ordine fingula procedant, vellem, primÔ, ut arti- 
fices in poliendis vitris, planis ab unâ parte & convexis ab alterâ, 
exercerentur & quidem in iis quæ hyperbolen referant cujus foci 
duos aut tres pedes ab invicem diftent; nam hæc longitudo fuffcit 
fpecillo fatis perfeétè objeéta inaccefla exhibituro. Deinde multa vitra 
concava expoliri vellem, una aliis magis cava, &, ordine unum pot 
aliud vitro convexo conjungendo, experiri quodnam ex ipfis per- 
feétius telefcopium componeret, habità etiam ratione oculi qui ipfo 
effet ufurus : qüia conftat hæc vitra magis concava requiri, pro iis 
qui tantüm proximè admota cernunt, quàm pro aliis. Vitro concavo 
fic invento, cum idem ad omnia alia fpecilla eidem oculo poñlit in- 
fervire, nihil amplius ad telefcopiorum ftruéturam requiritur, nifi 
tantüm ut exercitatione atque ufu facilitas acquiratur alia vitra con- 
vexa poliendi, quæ longius quàm primum à concavo removenda 
fint; & gradatim poliendi alia, quæ magis magifque abducenda fint, 
atque etiam quæ fint pro ratione tant majora, donec hâc in re ad 
fummum quod fieri poterit perveniatur. Sed, quà longius hæc vitra 
convexa à concavis removenda erunt & confequenter ab oculo, eù 
| exquifitiüs quoque polienda, quoniam iidem errores longius in iis 
à debito loco radios detorquent. Ut, fi vitrum F radium CF tan- 
tumdem refringit quantum vitrum E refringit AE, adeo ut anguli 
AEG & CFH fint æquales, fatis liquet C F tendentem ad H lon- 
gius recedere à punéto D, ad quod tenderet fi nullam | refractionem 
pateretur, quàm AE, tendens ad G, à punéto B. 

9. Poftremum & quidem præcipuum, quod hic vellem, eft ut 
vitra ab utrâque parte convexa polirentur pro fpecillis quibus objecta 
propinquiora contemplamur, &, primüm faétis is quæ tubis valde 
brevibus includi debent, quoniam hæc facillima, illa gradatim poftea 
aggredi quæ longiores tubos exigunt, donec ad ea perveniatur quæ 
longiflimos, quæ ufui effe poflint, defiderant. Et ne forfan difli- 
cultas, quæ in fabricà horum fpecillorum occurrere poflet, quem- 
quam deterreat, hîc adhuc dicam, licèt initio illorum ufus non 
tantum omnibus ablandiatur quantum telefcopiorum, quæ videntur 
in cœlum nos effe eveétura & ibi in aftris corpora æquè particularia, 


Œuvres. I, 82 


6so OŒEuvREs DE DESCARTES. 226-227. 


& forfan æquè diverfa ac ea quæ hîc in terrà videmus, exhibitura, 
me nihilominus illa longè utiliora judicare, quoniam fpes ef, 
eorum ope, diverfas miftiones & difpofitiones minutarum partium, 
quibus animalia & plantæ & forfan etiam alia corpora quibus undi- 
quaque cingimur conftant, nos infpetturos & non parum inde adju- 
menti ad pernofcendam eorum naturam habituros, Jam enim, | fe- 
cundüm opinionem plurimorum philofophorum, omnia hæc corpora 
nonnifi ex partibus elementorum diverfimode mixtis componuntur; 
& fecundüum meam, tota illorum effentia & natura, faltem inanima- 
torum, tantum in magnitudine, figurà, fitu & motibus partium 
confiftit. 

10. Supereft adhuc nonnulla difiicultas circa hæc vitra, quoties 
utrimque convexa aut concava fieri debent, ut | fcilicet centra dua- 
rum ejufdem vitri fuperficierum direétè fibi invicem opponantur; 
fed hæc facile tolli poteft, fi primd eorum circumferentia fiat torno 
exactè rotunda & æqualis ei manubrii vel mymphuris, cui aggluti- 
nanda erunt ut poliantur; deinde, cum ei agglutinabuntur, & gyp- 
fum aut pix aut bitumen quo jungentur duétile adhuc & fequax 
erit, fi annulo accuratè ad eorum menfuram facto, & tantæ latitu- 
dinis ut extremitates vitri & mymphuris fimul includat, inferantur. 
Particularia plura inter poliendum obfervanda hic omitto, ac etiam 
nolim in praxi eadem omnia quæ defcripfi obfervari; quia non tam 
ipfas machinas quàäm machinarum fundamenta & caufas explicare 
conatus fum; & artificibus imperitis inventa hic defcripta non com- 
mendo, fed ea fpero fatis egregia & fatis magni momenti vifum 
iri, ut nonnullos ex maximè induftriis & curiofis noftri ævi ad 
eorum executionem fufcipiendam invitent. 


FINIS. 


206 


207 


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METEORA 


| CAPUT LI. 


De natura terreflrium corporum. 


1. Îta naturâ homines comparati fumus ut magis plerumque 
admiremur quæ fupra nos, quäm quæ vel infra vel in eâdem altitu- 
dine circa nos funt. Et quanquam nubes vix excedant quorundam 
montium vertices, fæpe quoque infra faftigia noftrarum turrium 
vagentur, quia tamen oculos ad cœlum erectos contemplatio illarum 
exigit, tam fublimes illas imaginamur ut ipfi Poëtæ & Pictores 
regiam Dei fedem illis adornent, & magnas illius manus ibi occu- 
pari fingant laxandis atque obftruendis ventorum clauftris, matutino 
rore flofculis noftris perfundendis,& fulminandis editorum montium 
jugis. Atque hoc fpem mihi facit, fi ita naturam illarum explica- 
vero ut nufquam in iis quæ ibi apparent, vel etiam quæ inde 
defcendunt, admirationi locus relinquatur, quemvis facillimè credi- 
turum non impoflibile fore eâdem ratione caufas omnium indagare, 
quæ terra mirabilia habet. 

2. | In primo hoc capite, de naturà terreftrium corporum in 
genere loquemur, ut eù felicius in fequenti exhalationes & vapores 
explicemus. Et, quoniam hi vapores, furgentes ex Oceano, quan- 
doque falem in fuperficie illius componunt, hinc arreptà occa- 
fione paululum defcriptioni illius immorabimur, atque in eo expe- 
riemur num formas corporum (quæ Philofophi aiunt mixtione 
perfeétà | compoñita effe ex elementis) æquè benè deprehendere 
poflimus ac Meteora, quæ ex iifdem nonnifi mixtione imperfectà 
generari ferunt. Poftea, confiderantes quo paëto vapores per aërem 
ferantur, dicemus unde ventis origo. Et ex eo quèd in regionibus 
quibufdam cogantur, nubium inde exfurgentium naturam expo- 
netnus, Demum, ex eo quèd refolvantur, indicabimus quid nivi, 


652 Œuvres DE DESCARTES. 232-234. 


pluviæ, grandini caufam præbeat; ubi minimè nivis illius oblivif- 
cemur, cujus particulæ velut circino dimenfæ ftellas exiguas fenis 
radiis accuratiflimè repræfentant : hæc enim, licèt à majoribus non 
fuerit notata, in maximis tamen naturæ miraculis cenferi debet. 
Neque magis tempeftates, fulmina, fulgura, varios ignes ibi accenfos 
atque apparentia lumina tranfcurremus. Inter cætera autemi ftudiofè 
conabimur arcum cœleftem bene delineare, & caufas colorum illius 
ita exponere, ut inde etiam eorum quibus alia corpora imbuuntur, 
natura poflit intelligi. His etiam caufas addemus colorum quos vulgà 
collucere in nubibus videmus; circulorum itidem aftra coronantium; 
& poftremd, cur Sol & Luna multiplicati interdum appareant. 

[Cæterüum, quoniam harum rerum cognitio pendet ex principiis 
‘ generalibus naturæ, nondum fatis benè, quod ego fciam, in hunc 
ufque diem explicatis, hypothefibus initio quibufdam utendum erit, 
quemadmodum & in Dioptrice; fed adeo planas & faciles illas 
reddere ftudebo, ut forfan etiam non demonfitratas facilè fitis 
admifluri. j 

3. Primo igitur fuppono aquam, terram, aërem & reliqua fimilia 
corpora quibus cingimur, conftare multis exiguis partibus, figurà 
& magnitudine diflerentibus, quæ nunquam tam accuratè nexæ & 
continuatæ funt quin pluri|ma fpatia inter illas pateant : non quidem 
vacua, fed referta materià illà fubtiliffimà, per quam fuprà diximus 
actionem luminis communicari. Deinde fuppono exiguas illas partes 
quibus aqua componitur, longas, læves & lubricas efle, anguillarum 
parvularum inftar quæ, licèt jungantur & implicentur, nunquam 
tamen ita nexæ cohærent ut non facilè feparentur; & contrà, fere 
omnes alias, tam terræ quäm aëris & plerorumque corporum, par- 
ticulas admodum irregulares & inæquales figuras habere : adeo ut 
tam parüm implicari non poflint, quin flatim mutud nectantur & 
hæreant velut impeditæ, quemadmodum rami virgultorum in fe- 
pibus. Et quoties illæ | ita nectuntur, corpora dura componunt, ut 
terram, lignum & fimilia; contrà, quoties fimpliciter una alteri 
tantüm imponitur, & nonnifi valde parüm vel nullo modo impli- 
cantur, & fimul adeo parvæ funt ut, agitatione materiæ fubtilis 
quà cinguntur, facilè moveri & feparari poflint, multum fpatii 
occupare debent & corpora liquida, rariffima & leviffima, ut oleum 
aut aërem, componere. 

4. Præterea cogitandum eft materiam fubtilem, omnia intervalla 
quæ funt inter partes horum corporum replentem, nunquam à 
motu velociffimo ceflare, fed afliduè huc atque illuc ferri, non autem 
eàdem velocitate ubivis & omni tempore : nam, ut plurimum, 


209 


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210 


234-236. METEORA. 653 


paulo concitatius fertur juxta fuperficiem terræ quäm in fublimi 
aëre ubi nubes confiftunt; & fub æquatore, locifque vicinis, quàm 
fub polis; &, in eodem loco, velociüs æftate quam hyeme, interdiu 
etiam quàam noétu. Quorum omnium ratio ma/nifefta erit, fi pute- 
mus lucem nihil aliud efle quàäm motum quemdam vel aétionem 
quâ corpora luminofa materiam fubtilem quaquaverfum fecundüm 
rectas lineas à fe propellunt, quemadmodum in Dioptricâ diétum 
eft. Inde enim fequitur radios folares, tam reétos quäm reflexos, 
validiüs illam agitare interdiu quam noétu; æftate quàm hyeme ; 
fub æquatore quàm fub polis; & denique prope terram quàam 
prope nubes. 

5. Sciendum etiam eft hanc materiam fubtilem diverfæ magnitu- 
dinis partibus conflare, earumque alias (licèt omnes perexiguæ fint) 
aliis | longè majores efle;, & maximas quidem, vel (ut reétiüs loqua- 
mur) minüs exiguas femper plus virium habere, quemadmodum in 
univerfum omnia magna corpora, tantundem agitata quantum 
parva, hæc robore multüm exfuperant. Atque id eficit ut, qud hæc 
materia eft minüs fubtilis, id eft compoñita ex partibus minüs exi- 
guis, hoc vehementius partes aliorum corporum agitare poñlit. 

6. Unde etiam fit ut plerumque minuüs fubtilis fit eo in loco & 
tempore in quo maximè agitatur : ut juxta fuperficiem terræ quàam 
in medià aëris regione; fub æquatore quàäm fub polis ; æftate 
quàm hyeme; & demum interdiu quàm noctu. Cujus ratio in eo 
confiftit, quod harum partium maximæ, cûm eo ipfo fint vali- 
diffimæ, omnium facillimè eù tendere poflint, ubi ob agitationem 
vehementiorem faciliùs motus illarum* continuatur. Semper 
tamen ingens numerus minorum mixtus cum his maximis fertur. 
Et notandum omnia terreftria corpora poris quibufdam pervia 
efle, qui minimas illas quidem admittunt; fed ex iis multa efle 
quæ tam arétos atque ita ordilnatos hos meatus habent, ut 
maximas omnino excludant; atque hæc, ut plurimum, ea funt 
quæ gelidiora inveniuntur, fi tangantur vel tantüm manus ad illa 
propius admoveantur. Sic, quantüm marmor aut metallum ligno 
gelidius eft, tanto etiam difliciliùs eorum poros partes hujus ma- 
teriæ minüs fubtiles admittere putandum eft; & poros glaciei adhuc 
ægriùs quàm marmoris vel metalli, cùm hæc ipfis multo frigi- 
dior fit. 

7. Hic enim ftatuo, ad|naturam caloris & frigoris intelligendam, 
non opus efle aliud concipere quàm exiguas corporum quæ tangi- 


a. illorum Æ/3. 


6;4 Œuvres DE DESCARTES. 236-237. 


mus partes folito magis aut minüs vehementer, five ab hâc materià 
fubtili, five ab alià quâlibet caufà commotas, intenffüs etiam vel 
remifliüs in parva capillamenta nervorum taétui infervientium 
ferri; &, cm vehementià quâdam infolità illa impelluntur, hoc 
fenfum caloris in nobis efhicere; frigoris verd, cûm folito remiflius 
agitantur. Ac, licèt hæc materia fubtilis non feparet ab invicem 
corporum durorum pattes inftar ramorum implicitas, quemad- 
modum feparat partes aquæ vel aliorum corporum liquidorum, 
tamen illa has agitare & magis aut minüs concutere potefl, prout 
impetu concitatiori aut languidiori fertur, vel etiam prout partes 
magis aut minüs craflas habet : quemadmodum venti ramos omnes 
arborum, quibus fepimentum aliquod contexitur, agitare poflunt, 
nullà tamen earum evulfà. Cæterüum, cogitandum eft inter hujus 
materiæ fubtilis robur, & vim refiftentem partium corporum alio- 
rum, illam proportionem efle ut, cüm non minüs agitatur neque 
fubtilior eft quàm folet efle in hàc regione juxta terram, vim habeat 
agitandi exiguas partes aquæ quas interlabitur, & | fingulas feorfim 
loco movendi, imo etiam pherafque earum inflectendi, atque ita 
hanc aquam liquidam reddendi; fed, cm non vehementiüs pelli- 
tur, nec minüs fubtilis eft, quäm folet efle | in his plagis in aëre 
fublimi, aut quandoque per hyemem juxta terram, non fatis illi 
roboris adeft ad illas ita inflectendas & agitandas; unde fit ut con- 
fufñim & fine ordine unæ aliis impofitæ fiftantur, atque ita corpus 
durum, glaciem videlicet, componant. Adeo ut eandem differentiam 
inter aquam & glaciem poflimus imaginari, quam inter cumulum 
parvarum anguillarum, feu viventium feu mortuarum, inna- 
tantem pifcatoriæ fcaphæ foraminibus undique pertufæ, quibus 
aqua fluviatilis, quà moventur, admittitur, & cumulum earundem 
anguillarum quæ ficcæ & gelu rigidæ in ripà jacent. Et quoniam 
aqua nunquam gelu conftringitur, nifi materia, quæ ejus partes in- 
terlabitur, plus folito .fit fubtilis; inde fit ut pori glaciei, qui 
tum* formantur ad menfuram particularum hujus materiæ fubti- 
liffimæ, fic arctentur ut paulo majores omnino excludant; atque 
ita glacies maneat frigidiflima, licèt in æftatem refervetur; atque 
ut femper duritiem fuam obtineat, nec paulatim inftar ceræ mol- 
lefcat : ejus enim pororum anguftia impedit quominus calor ad 
interiora penetret, nili quatenus exteriora liquefcunt. 

8. Præterea hic quoque notandum venit, partium longarum & 
lubricarum, ex quibus aquam compoftam diximus, plurimas qui- 


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239-239. METEORA. CHE 


dem effe quæ hinc & inde fe inflectunt, & à motu qui eas ita flectit 
ceffant, prout materia fubtilis, quà cinguntur, pauld majori aut 
minori robore pollet, ut paulô ante dictum eft; fed præterea etiam 
quafdam effe || pauld crafliores quæ, cûm non ita | flexiles fint, falis 
omnia genera componunt; & quafdam alias paul fubtiliores quæ, 
cüm non ita facilè ceflent ab ifto motu, conflant liquores illos tenuif- 
fimos, qui fpiritus aut aquæ vitæ vocantur & nullo frigore folent 
concrefcere. Cum autem illæ, ex quibus aqua communis conftat, 
omnino ceflant ab eo motu qui eas flectit, non putandum eft earum 
naturam exigere ut omnes in rectum, inftar junci, porrigantur; fed, 
in multis, ut potiüs hoc vel illo modo curvatæ fint : unde fit ut tunc 
non poflint feipfas ad tam anguftum fpatium contrahere, quàm dum 
materia fubtilis, fatis virium habens ad illas quomodolibet in- 
flectendas, femper ipfarum figuras ad menfuram locorum quibus 
infunt accommodat. Notandum etiam eft, cùm hæc materia fubtilis 
multo plus virium habet quàm ad hoc requiratur, illam contrarià 
ratione eflicere ut in majus fpatium fe diffundant, Quod facile erit 
experientià cognofcere, fi aliquod vas longi fatis & angufti colli, 
calidà repletum, aëri exponamus, cum gelat : hæc enim aqua fenfim 
fubfidet ufque dum pervenerit ad certum aliquem frigoris gradum; 
inde iterum paulatim intumefcet, & furget ufquedum, gelu vinéta, 
confiftat; atque ita idem frigus, quod initio illam coget & conden- 
fabit, paulo pôit eandem rarefaciet. Experientia etiam docet aquam 
calentem, quæ igni appoñita diu bulliit, frigidà & crudà celeriüs 
congelari; atque hoc ex eo contingit, quèd tenuiflimæ ejus partes & 
quæ, cum facillimè infletantur, omnium maximè congelationi re- 
fiftunt, ex eà, dum bullit, egrediantur. 

9. Ut autem faciliüs hæ hypothefes apud vos inveniant locum, 
nolim putetis me particulas corporum terrelftrium tanquam ato- 
mos aut indivifibilia corpufcula concipere, fed potiüs, cùm | omnes 
ex eâdem materiâ conftent, me credere unamquamque modis innu- 
meris dividi poffe, nec aliter inter fe differre quàäm lapides variarum 
figurarum ex-eâdem rupe excifos. Præterea etiam, ne videar fponte 
Philofophis aliquam in me difputandi occafionem dare velle, moneo 
expreffè me nihil eorum negare quæ illi, præter ea quæ jam dixi, 
in corporibus imaginantur, ut formas fubftantiales, qualitates reales 
& fimilia, fed putare meas rationes tantd magis efle admittendas, 
quo fimpliciora & pauciora funt principia ex quibus pendent. 


6,6 OŒuvres DE DESCARTES. 239-241. 


CAPUT II. 


De vaporibus € exhalationibus. 


1. Si confideremus materiam fubtilem, quæ per terreftrium 
corporum poros fertur, vel præfentià folis, vel fimili qualicunque 
caufà, vehementius quoque exiguas iflorum corporum partes im- 
pellere, facillimè intelligemus illam effecturam ut quæ fatis exiguæ 
funt, & fimul ejus figuræ atque in tali fitu ut facilè à vicinis fepa- 
rentur, huc atque illuc difliliant atque in aërem attollantur; non 
quidem | inclinatione quâdam fingulari, quà afcenfum affectent, 
aut vi quädam folis attrahente; fed folummodo quia locum nullum 
inveniunt, per quem facilius motum continuare queant : quemad- 
modum è terrà pulvis furgit, fi tantüm pedibus alicujus viatoris 
deorfum pellatur & agitetur. Licèt enim grana hujus pulveris ma- 
gnitudine & pondere multüm exfuperent exiguas par|tes de quibus 
hic eft fermo, nihilominus tamen furfum tendunt, videmufque 
altiüus illa eniti, cùm vafta planities difcurfantibus multis concul- 
catur, quàm fi pars tantüm ejus ab uno ex iis prematur. Ideoque 
non eft mirandum, fi folis actio perexiguas materiæ partes, quibus 
vapores & exhalationes componuntur, in fublime attollat, cum fimul 
eodem tempore totum hemifphærium terræ illuftret, eique integros 
dies incumbat. 

2. Sed notemus has exiguas partes ita fublatas in aërem vi folis, 
ut plurimum, illam figuram habere quam partibus aquæ tribuimus ; 
nullæ enim aliæ funt quæ faciliùs à corporibus in quibus hærent 
divellantur. Atque has folas abhinc fpeciatim vapores nomina- 
bimus, ut diftinguantur ab aliis quæ figuras magis irregulares 
habent, & quas, magis proprio vocabulo deftituti, exhalationes 
dicemus. Sub harum autem nomine & illas compreliendam quæ, 
fere eandem cum aquâ figuram habentes, fed | magis fubtiles, fpi- 
ritus aut aquas vitæ componunt; quia facilè ardent ut ipfæ, vapores 
autem nunquam. Illas verd hinc excludam quæ, cüm in multos 
ramos divifæ fint, funt fimul tam fubtiles ut non aliud corpus quàm 


aëris componant. Quod autem ad illas attinet quæ, paulo crafliores, 


etiam in ramos divifæ funt, rard quidem ex corporibus duris, in 
quibus hærent, fuà fponte egrediuntur; fed, fi quando ignis illa 
depafcat, omnes in fumum folvuntur. Et aqua etiam, poris illorum 


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218 


241-243. METEORA. 657 


illapfa, fæpius has librare & fecum in fublime auferre poteft, eâdem 
ratione quà ventus, per tranfverfam fepem fpirans, paleas vel folia 
in virgultis hærentia fecum rapit; feu potiùs, quemadmodum ipfa 
aqua in fummum alembici fecum attollit exiguas partes olei, | quas 
Chymici ex plantis ficcis plurimà aquâ maceratis extrahunt, omnia 
fimul deftillantes, atque hâc operû efficientes ut paululum illud olei 
quod habent, cum magnà immiftæ aquæ copià aflurgat. Revera 
enim plurimæ illarum eædem funt, quæ corpora horum oleorum 
componere folent. 

3. Notemus etiam vapores femper plus fpatii occupare quàam 
aquam, licèt nonnifi ex iifdem particulis conftent; quia, cum hæ 
partes corpus aquæ componunt, non moventur nifi quantum fufhicit 
ut fe inflectant & labendo unæ aliis implicent, quemadmodum vi- 
demus illas exhiberi ad A; fed contrà, cüm | vaporis formam 
habent, agitatio | illarum adeo eft concitata ut celerrimè rotentur in 
omnes partes & eâdem operà in longitudinem fuam porrigantur; 
unde fit ut fingulæ illarum reliquas fui fimiles, irruptionem in 
parvas fphærulas quas defcribunt molientes, arcere atque abigere 
poflint, ut illas cernimus repræfentari ad B. Planè quemadmodum, 
baculo LM, per quem funiculus N P trajectus eft, celerrimè rotato, 
videmus funiculum reétum atque extenfum porrigi, occupantem eo 
ipfo totum fpatium comprehenfum circulo NOPQ; hâc ratione 
ut nullum ibi aliud corpus locari poflit, quod non | cum impetu 
flagellet atque expellere nitatur; fed, motu faéto lentiore, illum 
collabi & baculum fuà fponte circumdare, neque tantum fpatii occu- 
pare quàäm antea. 

4. Obfervemus præterea hos vapores modù magis, modù minuüs, 
effe denfos aut raros, magis aut minuüs calidos vel frigidos, magis 
vel minüs pellucidos vel obfcuros, magis etiam vel minüs humidos 
vel ficcos. Prim enim, cüm partes illorum, non ampliüs fatis agi- 
tatæ ut retæ maneant & extenfæ, incipiunt convolvi atque accedere 
ad invicem, ut videmus ad C & D; vel etiam cüm, inter montes 
arétatæ, vel inter actiones diverforum ventorum mediæ qui flatu 
oppoñito alios alii impediunt quominus aërem agitent, vel cüm, fub 
nubibus quibufdam ftantes, non tantum dilatari poffunt quantum 
agitatio illarum exigit, quales cernimus ad E; vel etiam denique, 
cm plures earum, fimul maximam partem fuæ agitationis motui 
in eandem partem impendentes, non tam velociter rotantur quàm 
aliàs folent, quemadmo|dum illæ quæ ad F, ubi egreflæ ex fpatio 
E ventum generant nitentem ad G: palàm eft vapores, quos com- 
ponunt, crafliores & magis coactos efle quàm fi horum trium nihil 


Œuvres. I, 83 


6:38 OEUVRES DE DESCARTES. . 243-246. 


accideret. Manifeftum quoque eft, fi vaporem ad E tantundem agi- 
tatum fingamus quantum eft ille qui ad B, multo illum calidiorem 
fore ; nam particulæ ejus, magis coaëtæ, plus virium habent : quem- 
admodum candentis ferri calor ardentior eft | calore flammæ vel 
prunarum. Atque hinc eft ille calor quem vehementiorem, & magis 
veluti fuffocantem, æftate interdum fentimus, aëre tranquillo & 
nubibus undiquaque æqualiter preffo pluviam moliente, quam 
codem nitido & fereno. Vapor autem, qui | ad C, frigidior eft illo 
qui ad B, licèt particulas paullo arétiùs compreflas habeat; quia 
multo minüs agitatas eafdem fupponimus. Contra ille qui ad D 
calidior, quia ejus particulas multo magis condenfatas & non nifi 
paulo minüs agitatas flatuimus. Et qui ad F frigidior quàm qui 
ad E, licèt partes non minüs compreffas nec minüs habeat agitatas; 
quoniam illæ | magis confpirant in eundem motum, atque ideo par- 
ticulas aliorum corporum minuüs concutiunt: ut ventus femper 
eodem modo fpirans, licèt vehementiflimus, non tantum agitat folia 
& ramos arborum, quantum languidior fed magis inæqualis. 

5. Et experientia docebit, in agitatione parvarum partium ter- 
reftrium corporum calorem confiftere, fi, contra digitos junctos 
fortiter fpirantes, obfervemus fpiritum, ore egreflum, in exteriori 
manüs fuperficie frigidum nobis videri, quia ibi, celerrimè & 
æquali robore latus, non multum agitationis efhicit; & contrà fatis 
calidum inter medios digitos, quia per illos lentiùs & inæqualius 
enitens, magis tremulo motu exiguas illorum partes concitat : ut 
illum etiam femper calidum fentimus, ore patulo & hianti flantes, 
& frigidum eodem fere claufo. Atque ab hâc eâdem ratione eft quôd 
communiter venti impetuofi frigidi funt, neque multi calidi fpirant, 
nifi etiam fimul fint lenti. 

6. Præterea, vapores ad B & E & F funt pellucidi, nec vifu à 
reliquo aëre dignofci queunt: cum enim celerrimè & eodem quo 
materia fubtilis, quæ illas circumjacet, impetu moveantur, non 
poffunt impedire ne actionem à lucildis corporibus manantem in fe 
admittat, fed potius ipfimet etiam illam admittunt. Contrà verd 
vapor ad C obfcurior, five minüs tranfparens, evadit, quoniam ejus 
particulæ non funt amplius ita obfequentes | huic materiæ fubtili, 
ut quibuflibet ejus impulfionibus cedant. Et vapor qui ad D, quia 
calidior quam qui ad C, non tam obfcurus effe poteit. Ut videmus 
hyberno tempore calentium equorum halitum & fudorem, propter 
aëris frigus, fpecie denfi & obfcuri fumi craflefcere, qui contra 
æflate, propter ejufdem aëris calorem, non apparet. Neque enim 
dubitandum quin aër fæpe tam multos aut etiam plures vapores con- 


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Diane METEORA. 6 $9 


tineat, cum nulli prorfus in eo videntur, quàm cüm denfiflimi 
apparent. Quomodo enim fine miraculo fieri poflet ut fol torridus 
æftivo tempore, medià die, vel lacui vel locis paludofis incumbens, 
nullos vapores inde elevaret ? | Tum temporis enim notatur aquas 
fubfidere & decrefcere magis quàm aëre frigido & obfcuro. 

7. Denique vapores, qui ad E, humidiores funt, id eft magis dif- 
pofiti ad tranfeundum in aquam, atque ad reliqua corpora, inftar 
aquæ, humeétanda, quàm qui ad F. Nam contrà hi ficci funt, quia, 
validè impellendo humida corpora quibus occurrunt, inde ejicere 
partes aquæ in iis latentes & fecum auferre poflunt, atque ita illa 
exficcare. Ut etiam ventos impetuofos femper ficcos experimur, 
neque humidum quemquam nifi fimul & languidum. Dicere 
quoque poflumus eofdem vapores, qui ai E, humidiores elle ïis 
qui ad D, quum partes illorum, plus agitatæ, meliüs aliorum cor- 
porum poris, ad ea humeétanda, fe infinuare poflint; fed alio ref- 
peétu ficciores etiam dici poffunt, quia fcilicet nimia partium agi- 
tatio prohibet ne tam facilè in aquam coëant. 

| 8. Quantum ad exhalationes, longè plures qualitates admittunt 
quàäm vapores, ob majorem quam habent partium differentiam. Hic 
autem fufficit notalle, crafliores fere nihil efle præter terram, qualem 
ia fundo vafis cernimus in quo pluvia vel nivalis aqua refedit; fub- 
tiliores ver nil aliud quäm fpiritus aut aquas vitæ, quæ femper 
priores è corporibus deftillatis furgunt; & | mediarum, alias com- 
mune quid habere cum volatilium falium, alias cum oleorum na- 
turà, feu potis cum illà fumi ex iis, dum comburuntur, egredientis. 
Et licèt hæ exhalationes maximam partem non leventur in aërem, 
nifi vaporibus mixtæ, facillimè tamen ab iis poftea feparantur : aut 
fuà fponte, quemadmodum olea ab aquâ cum quà deftillantur ; aut 
agitatione ventorum adjutæ, quæ illas in unum aut plura corpora 
cogit, quemadmodum rufticæ, lactis cremorem pulfando, butyrum 
à fero feparant; vel etiam hoc folo quôd, vel leviores, vel pondero- 
fiores, vel magis vel minüs vibratæ, in regione fublimiori vel humi- 
liori commorantur quàm ipfi vapores. Et communiter olea minüs 
altè levantur quäm aquæ vitæ; & quæ magis terream habent na- 
turam, minüs adhuc quäm olea. Nulla autem funt quæ inferiüs 
fubfiftant quam illæ aquæ particulæ ex quibus fal commune com- 
ponitur; quæ quamvis, propriè loquendo, neque exhalationes neque 
vapores dici poflint, cm nunquam altiùs quäm ad fuperficiem 
maris attollantur; quia tamen evaporatione hujus aquæ eù pertin- 
gunt, & multa habent valde notatu divna, quæ hic commodè pof- 
funt explicari, minimè illas omittam. 


660 OEuvres DE DESCARTES. RAR 


| CAPUT II. 


De Sale. 


r. Salfedo maris confiftit tantüum in craflioribus iftis ejus aquæ 
particulis, quas paulo antè audivimus non convolvi aut flecti pofle 
actione materiæ fubtilis, quemadmodum reliquas, neque etiam 
agitari nifi minorum interventu. Primd enim, nifi aqua compofita 
foret ex ejufmodi partibus, quales fuprà ftatuimus, æquè facile aut 
difficile illi effet in quotlibet & cujuslibet figuræ partes dividi, atque 
ideo vel non tam liberè quäm folet illaberetur corporibus quorum 
meatus fatis laxi funt, ut calci & arenæ; vel etiam quodammodo in 
ea penetraret quæ arétiores illos habent, ut in vitrum & metallum. 
Deinde, nifi hæ aquæ partes eam haberent figuram quam ipfis tri- 
buimus, non tam facilè ex poris aliorum corporum, quos infede- 
runt, folà ventorum agitatione aut calore expellerentur : ut olea & 
pinguiores alii liquores, quorum partes alias figuras habere dixi- 
mus, manifeftum reddunt; vix enim unquam omnino ejici poffunt 
ex corporibus quæ femel occuparunt. Poftremd, quoniam nulla in 
naturâ corpora videmus adeo accuratè fimilia, quin femper | ali- 
quantulum in magnitudine differant, neminem effe puto qui difi- 
culter patiatur fibi perfuaderi aquæ etiam partes non omnino 
æquales efle, & præfertim in mari (quod eft ingens aquarum om- 
nium receptaculum) quafdam tam craflas inveniri, ut non poflint 
inflar aliarum diverfimodè infleéti ab eà vi quà communiter agi- 
tantur. Atque hîc deinceps conabor demonftralre, hoc folum fufii- 
cere ut omnes falis qualitates in iis reperiantur. 

2. Primo non mirandum eft illas faporem pungentem & pene- 
trantem habere, multüm differentem ab eo aquæ dulcis; cùm enim 
non poflint à materiâ fubtili, quæ illas circumjacet, inflecti, necelle 
eft ut in cufpides erettæ & telorum inftar vibratæ, linguæ poros in- 
grediantur, atque ita penetrent fatis altè ad illam pungendam; cum 
econtra partes aquæ dulcis molliter fupra illam fluitantes & femper 
in latera jacentes, ob facilitatem quà fleétuntur, vix guftu poflint 
fentiri. Et particulæ falis, ita punétim ingreffæ poros carnium, quæ 
eo condiri folent ut afferventur, non modû humiditatem tollunt, fed 
etiam funt inftar paxillorum hîc illic inter earum partes defixorum, 
ubi immoti & non cedentes illas fuflinent, & impediunt ne aliæ 


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250-252. METEORA. GGI 


magis lubricæ, feu plicatiles, immixtæ illas concutientes loco mo- 
veant, atque ita corrumpant corpus.quod componunt. Hinc etiam 
carnes falitæ fucceflione temporis magis indurefcunt, quas alioqui 
partes aquæ dulcis, fe infleétendo atque huc illuc poris earum illa- 
bendo, facile emollirent & | corrumperent. 

3. Præterea non mirum eft aquam falfam dulci ponderofiorem 
effe, cum partibus conftet magis craflis & folidis, quæ propterea in 
minus fpatium contrahi poffunt : ex hoc enim gravitas pendet. Sed 
inquifitione dignum eft quare partes illæ folidiores inter alias mi- 
nüs folidas mixtæ remaneant, cùm ob majorem gravitatem fubfi- 
dere debere videantur. Et hujus rei ratio eft, faltem in partibus 
falis vulgaris, quôd utramque extremitatem æqualiter craffam ha- 
beant, fintque omnino reétæ inftar teli vel ba|culi: fi enim unquam 
in mari quædam fuerint in unâ fui extremitate crafliores, & eo iplo 
ponderofiores quäm in alterà, fatis temporis à mundi exordio ha- 
buere ut, crafliori iftà parte deorfum inclinatâ, ufque ad fundum de- 
fcenderent; & fi quæ fuerint curvæ, fatis etiam temporis habuerunt 
ut, corporibus duris occurrentes, eorum poros ingrederentur ; fed 
quia, in hos femel immiffæ, non tam facilè fe inde liberare potue- 
runt quäm rectæ & in utrâque parte æquales, ideo nullæ nunc præ- 
ter has ibi effe poflunt. Hæ autem, quoniam tranfverfæ fibi invicem 
incumbunt, præbent occafionem partibus aquæ dulcis, quæ à motu 
non ceflant, illas interlabendi & fe ipfis, annulorum inftar, circum- 
volvendi atque ita ordinandi ac difponendi ut facilius motum conti- 
nuare queant, & etiam celeriorem habere quàm fi folæ effent. Nam, 
cüm ita aliis circumvolutæ funt, vis materiæ fubtilis, quâ agitan- 
tur, id tantüm agendum habet ut eas quäm citiflimè circa parti- 
culas falis quas ampleétuntur verfet, atque ex alià in aliam tranf- 
ferat, nullis interim | ex earum plicaturis five annulis immutatis; 
contrà vero, cum folæ exiftentes aquam dulcem componunt, ita 
neceflarid implicantur ut pars virium hujus materiæ fubtilis debeat 
impendi in iis diverfimodè flectendis ; alioqui enim ab invicem non 
poflent feparari; & ideo tunc illas nec tam facilè, nec tam veloci- 
ter, movere, id eft ex uno loco in alium transferre, poteft. 

4. Quum itaque fit verum partes aquæ dulcis, partibus falis cir- 
cumvolutas, faciliüs moveri pofle quäm folas, non mirum ef illas 
has circumlabi, quum fatis prope adfunt, | & ita complexas retinere 
ut illas ponderis inæqualitas non divellat. Quo fit ut fal facilè fol- 
vatur in aquam dulcem injectus, vel tantüm humidiori aëri expo- 
fitus; nec tamen folvatur, in quantitate aquæ determinatä, nifi 
determinata ejus quantitas, ea fcilicet quam partes aquæ flexiles fe 

* 


662 Œuvres DE DESCARTES. 252-254. 


circumvolvendo amplecti poflunt. Et quoniam fcimus pellucida cor- 
pora, quo minüs motui materiæ fubtilis in poris fuis hærentis re- 
fiftunt, hoc pellucidiora efle, inde etiam intelligimus aquam mari- 
nam naturaliter fluviali pellucidiorem elle debere, & refractiones 
paulo majores efficere. 

5. Videmus quoque illam difficilius gelu conftringi, quia nun- 
quam aqua gelari poteit, nifi quoties materia fubtilis, per partes 
illius fufa, non fatis roboris ad illas agitandas habet. Hinc etiam 
caufas arcani, per æftatem componendæ glaciei, difcere poffumus : 
quod, | licèt jam fatis vulgatum, ex optimis tamen eft quod ejuf- 
modi arcanorum ftudiofi habent. Salem, æquali copiæ nivis aut 
glaciei contufæ mixtum, circa aliquod vas aquà dulci repletum dif- 
ponunt &, fine alio artificio, ut illa fimul folvuntur, hæcin glaciem 
coït. Quia materia fubtilis partibus hujus aquæ circumfufa, craflior 
aut minüs fubtilis, & confequenter plus virium habens quàm illa 
quæ circa nivis partes hærebat, locum illius occupat, dum partes 
nivis liquefcendo partibus falis circumvolvuntur:; facilius enim per 
falfæ aquæ quàam per dulcis poros movetur, & perpetud ex corpore 
uno in aliud tranfire nititur, ut ad ea loca perveniat in quibus mo- 
tui fuo minüs refiftitur ; quo ipfo materia fubtilior ex nive in aquam 
penetrat, ut egredienti fuccedat, &, quum non fatis valida fit ad con- 
[tinuandam agitationem hujus aquæ, illam concrefcere finit. 

6. Sed primaria partium falis qualitas eft maximè fixas efle, hoc 
eft non facilè in vapores folutas attolli quemadmodum partes aquæ 
dulcis. Quod non tantüm accidit quia majores funt & pondero- 
fiores, fed etiam quia. quum longæ fint & rectæ, non diu in aëre 
librari poflunt, five ulterius afcenfuræ five defcenfuræ, quin altera 
earum extremitas deorfum pendeat, atque ita terræ ad perpendicu- 
Jum immineant; five enim ad | afcendendum, five ad defcendendum, 
faciliüs aërem hoc fitu quàm ullo alio fecant. Quod non eodem 
modo in partibus aquæ dulcis fit; quum enim fint valde plicatiles, 
nunquam nifi celerrimè rotatæ in reétum porriguntur; quum contrà 
partes falis vix unquam hâc ratione rotari poflint : nam, fibi invi- 
cem occurrentes, quia ipfarum inflexibilitas ne unæ aliis cederent 
impediret, ftatim hærere aut motum interrumpere cogerentur. Sed, 
quum ita in aëre fufpenduntur, alterà fuà cufpide terræ obverfà, ma- 
nifeftum eft potiùs defcenfuras quam afcenfuras; vis enim quæ 
furfum impellere poflet, longè remiflius agit quàm fi tranfverfæ ja- 
cerent, & quidem accuratè tanto quanto aëris cufpidi refiftentis * 


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256. METEORA. 663 


quantitas minor eft illà quæ obniteretur longitudini, quum interea 
pondus illarum, femper æquale, hoc vehementiüs agat quo aëris 
vis refiftens minor ef. 

7. Quibus fi addamus aquam marinam, dum arenas permeat, 
dulcefcere (quia nempe partes falis, cum fint inflexibiles, non, ut 
partes aquæ dulcis, per exiguos illos anfractus, qui circa fabuli 
grana reperiuntur, labi poflunt), difce|mus fontes & flumina, cum 
nonnifi ex aquä, vel per vapores fublatà vel colatà per multum 
arenæ, conflata fint, minimè falfa efle debere. Itemque univerfas 
illas aquas dulces, quæ quotidie in mare ruunt, neque ejus magni- 
tudinem augere neque | falfedinem minuere pole; nam continud 
totidem inde egrediuntur, quarum aliæ, in vapores mutatæ, fu- 
blimia petunt atque inde, in nivem aut pluviam glomeratæ, deci- 
dunt in.terram ; aliæ autem, & quidem plurimæ, per fubterraneos 
meatus ufque ad radices montium penetrantes &, calore ibi inclufo 
velut refolutæ in vaporem, attolluntur in eorundem juga, ubi fca- 
turigines feu capita fontium vel fluviorum implent. 

8. Sciemus etiam aquam marinam magis falfam efle fub æqua- 
tore quam fub polis, fi confideremus Solis æftum ibi vehementio- 
rem plures vapores excitare, qui non femper edem relabuntur 
unde venerunt, fed plerumque aliorfum in loca polis viciniora, ut 
meliüs poftea intelligemus. 

9. Poftremb, nifi accuratæ ignis explicationi hic inhærere nollem, 
addi poffet quare aqua marina reftinguendis incendiis fluviali mi- 
nüs idonea fit; item, quare agitata noctu fcintillet : videremus enim 
particulas falis, dum velut fufpenfæ inter illas aquæ dulcis hærent, 
facillimè concuti &, ita concuffas multoque robore pollentes, ex eo 
quôûd fint reétæ & inflexiles, non mod flammam augere fi illi im- 
mittantur, fed etiam ex fe folis aliquam accendere poile, fi cum 
impetu ab aquà in quà funt exfiliant. Ut, fi mare A cum vehemen- 
tià impulfum ad C, ibique illifum | fcopulo vel {| obftaculo alio 
fimili, aflurgat ad B, impetus, quem partes falis ex hoc concuffu 
acquirunt, efficere poteft ut earum primæ, in aërem juxta B ejectæ, 
fe ibi dulcis aquæ partibus quibus circumcingebantur expediant 
atque, ita folæ & certo intervallo ab invicem diflitæ, fcintillas ignis 
generent, non abfimiles jis quæ folent emicare ex filice percuflo. 
Notandum tamen particulas falis ad hunc effectum admodum rec- 
tas & lubricas requiri, ut tanto faciliùs à partibus aquæ dulcis 
feparari queant; unde nec muria, nec aqua marina diu in vafe aliquo 
fervata, ejufmodi fcintillas emittit. Requiritur præterea ut partes 
aquæ dulcis illas falis non nimis arétè complectantur : unde cre- 


664 OEuvrEs DE DESCARTES. 256-258. 


briores hæ fcintillæ apparent cœlo calido quàm frigido; item, ut 
mare fatis agitatum & concitatum fit : unde fit ut talis flamma ex 
omnibus ejus fluétibus non emicet; ac poftremà, ut partes falis 
ferantur punétim, inftar fagittarum, potiüs quàm tranfverfim : at- 
que hinc fit ut non omnes guttæ ex eàdem aquâ exfilientes eodem 
modo reluceant. 

10. Deinceps verd perpendamus quâ ratione fal, dum generatur, 
fummæ aquæ innatet, licèt admodum fixæ & ponderofæ illius 
partes fint; & quomodo ibi in exigua grana formetur, quorum 
figura quadrata non multum difcrepat ab illà adamantis in men- 
fulæ formam expoliti, | nifi quôd latiflima illorum frons paulum ex- 
cavata confpicitur. Primd, neceflarium eft aquam marinam aliquâ 
foffà excipi ad evitandam continuam fluétuum agitationem, & 
excludendam aquam dulcem quam fine intermiflione pluviæ & 
flumina in Oceanum convehunt. Deinde requiritur aër fatis calidus 
& ficcus, ut agitatio | materiæ fubtilis, quæ in eo eft, ad partes 
aquæ dulcis à partibus falis quibus circumvolvuntur liberandas & 
in vaporem attollendas fufficiat. 

11. Et notandum aquæ, ut & aliorum omnium liquorum, fuper- 
ficiem perpetud æqualem & maximè lævem effe : quia partes qui- 
dem illius inter fe uniformi motu moventur, partes quoque aëris 
illam tangentes pari inter fe agitatione feruntur, at aquæ partes 
alià ratione & menfurà agitantur quàm aëris; & præterea materia 
‘fubtilis, partibus aëris circumfufa, longè aliter movetur quam ea 
quæ aquæ partes interfluit : atque hinc fuperficies utriufque politur, 
planè eodem modo ac fi duo corpora dura attererentur, nifi quod 
longè faciliùs & fere in eodem inftanti hîc lævigatio fiat, propter par- 
tium quæ in liquidis funt mobilitatem. Hinc etiam fit ut fuperficies 
aquæ longè difficilius quàam ejus interiora dividatur; hoc autem ita 
fe habere docet experientia : nam corpora fatis parva, licèt ex materià 
gravi & ponderofà, ut | exiguæ acus chalybeæ, facilè fuftinentur & 
innatant fummæ aquæ, quamdiu ejus fuperficies nondum divulfa 
eft; fed, ubi femel infra illam funt, ftatim ufque ad fundum de- 
fcendunt. 

12. Jam verd cogitandum eft aërem, cùm fatis calidus eft ad 
excoquendum falem, non tantummodo quafdam flexibilium aquæ 
partium excitare & in vaporem elevare pofle, fed etiam cum tant 
velocitate attollere ut priüs illæ ad fummam hujus aquæ fuperfi- 
ciem perveniant, quam tempus habuerint partibus falis quibus 
fuerunt circumvolutæ fe omnino liberandi; eafque idcirco eoufque 
fecum adducunt, nec priüs planè deferunt quàm foramen exiguum, 


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258-260. METEORA. 664 


per | quod ex corpore aquæ emerferunt, fit claufum; unde fit ut hæ 
particulæ falis, ab iis aquæ dulcis poftmodum reliétæ, huic fuper- 
ficiei fupernatent, ut eas repræfentari videmus ad D. Cüm enim 
ibi tranfverfim jaceant, non fatis habent gravitatis ad fubfidendum, 
ut nec acus chalybeæ de quibus diximus; fed tantüm paululum 
fuperficiem deprimunt. Atque ita primæ, quæ hoc paéto aquæ 
fupernatant, hinc inde per ejus fuperficiem fparfæ, multas veluti 
foffas aut cavitates perexiguas in eâ formant; deinde, quæ fequun- 
tur, emergentes ex harum foffarum lateribus, propter eorum quan- 
tulamcunque declivitatem, delabuntur ad ipfarum fundum, ibique 
fe prioribus adjungunt. Et inter cætera hîc obfervandum, ex quä- 
cunque demum illæ parte adveniant, aptè | ad latus priorum fe 
applicare, ut videmus ad E, fecundas faltem, fæpe etiam tertias, 
quoniam hoc ipfo paulo altius defcendunt quàm fi in alio fitu rema- 
nerent, ut in eo qui exhibetur ad F vel ad G vel ad H. Motus etiam 
caloris, femper aliquantillum fuperficiem agitans, hanc difpofitio- 
nem promovet. 

13, Quum autem ita duæ aut tres in fingulis foflis porrectæ jacent, 
quæ præterea allabuntur, eodem modo ïis jungi poffunt, faltem fi 
fponte aliquo modo ad hunc fitum accedant; fed, fi accidat ut pro- 
pendeant magis ad extremitates quäm ad latera priorum, iis appli- 
cantur ad angulos rectos, ut videmus ad K : quia etiam paulo altiùs 
hâc ra|tione defcendunt quàm fi aliter difponerentur, velut ad L aut 
ad M. Et quoniam totidem circiter ad extremitates duarum aut 
trium priorum accedunt quam ad latera, hinc fit ut aliquot centenæ 
ita ordinatæ primo exiguam veluti tabulam contexant, figuræ ad 
oculum fatis quadratæ, quæ eft inftar bafis nafcentis grani. Et 
notandum, tribus tantüum ex illis particulis aut quatuor eodem fitu 
ibi pofitis, ut ad N, medias femper paulo altius demitti quàm exte- 
riores; | fed, deinde fupervenientibus aliis, quæ tranfverfæ iis jun- 
guntur, ut ad O, illas exteriores fere tantundem deprimi quantum 
interiores : unde fit ut exigua tabula quadrata*, bafis futuri grani 
falis, quæ ut plurimum ex aliquot centenis fimul junétis eft compo- 
fita, non nifi plana appareat, etiamfi fit femper aliquantulum curva. 
Jam verd, prout hæc tabula accrefcit, ita quoque altiüs defcendit, 
fed paulatim & tam lentè ut aquæ fuperficies fuo pondere non divi- 
dat, fed deprimat tantüm. Et cûm in certam magnitudinem excrevit, 
tam demilffa eft & ifti fuperficiei aquæ fic immerfa ut partes falis, eù 
devolutæ, non adhæreant tabulæ oris, fed, tranfgreffæ, eodem modo 


a. quadratæ ÆE/z. 
Œuvres. I. 84 


666 OEUVRES DE DESCARTÈS. ARS 


& fitu fuper ipfam labantur, quo priores per fuperficiem aquæ. 

14. Quo iplo alia tabula quadrata ibi furgit, itidem paulatim 
altiùs defcendens, donec rurfus particulæ falis allabentes hanc fu- 
perare & tertiam quandam tabulam formare poflint; atque ita dein- 
ceps. Sed particulæ falis, fecundam tabulam componentes, non 
tam facilè per priorem devolvuntur quàm quæ illam primam for- 
mabant per ajquam; neque enim fuperficiem tam æqualem & 
facilem ibi offendunt, & propterea fæpius ad medium non pertin- 
gunt; quod cüm eo ipfo vacuum relinquatur, tardiùs hæc fecunda 
tabula defcendit quàm prima, fed paulo major fit antequam tertia 
incipiat formari; & denuo hæc, paulo plus vacui in medio relin- 
quendo, | paulo major evadit quàm fecunda, & ita porro, donec 
inteerum illud granum ex pluribus hujufmodi menfulis coacervatis 
abfolvatur : id eft donec, oras vicinorum granorum contingens, 
ulterius crefcere nequeat. 

15. Magnitudo primæ tabulæ à gradu caloris eft quo aqua, dum 
illa fit, agitatur; que enim hæc agitatio major eft, hoc altius parti- 
culæ falis innatantes fuperficiem illius deprimunt; atque ita bafis 
minor fit; immo aqua tam validè concuti poteft ut partes falis 
peflum eant, antequam ullum granum formaverint. Ex quatuor 
lateribus hujus bafis quatuor frontes furgunt cum quàdam acclivi- 
tate, quæ, fi calor femper æqualis fuerit inter generandum hoc 
granum, non nifi ex caufis jam enumeratis dependet; fed, fi inten- 
datur, hæc acclivitas in parte harum frontium quæ tunc formabitur 
minor erit; & contrà major, fi remittat; atque, fi alternatim modû 
augeatur modù minuatur, quafi in gradus hæ acclivitates vide- 
buntur fraétæ. Et quatuor veluti coftæ, connectentes has quatuor 
frontes, nunquam valde acutæ funt & præcifæ : partes enim, quæ 
lateribus hujus grani fefe adjungunt, ut plurimum quidem in 
longum porrettæ, quemadmodum diximus, ibi adhærent; fed quæ 
ad angulos ex quibus hæ coftæ furgunt devolvun|tur, faciliüs aliter 
fe applicant, quemadmodum fcilicet exhibentur ad P. Quod hos 
angulos paulo obtufores & minüs æquales reddit; unde ipfum 
etiam granum fæpiflimè | fragilius eft hic quàm alibi, & fpatium in 
medio vacuum, rotundum potius quäm quadratum. 

16. Præterea, quoniam hæ partes granum componentes, præter 
ordinem quem explicavimus, cæterà fatis confufe junguntur, fæpius 
inter illarum extremitates, quas fe mutuo contingere non necefle 
eft, fatis vacui fpatii relinquitur ad recipiendas aliquas dulcis aquæ 
partes, quæ ibi inclufæ & conglobatæ remanent, velut vidémusadR, 
faltem quamdiu non nifi mediocriter moventur; fed, cum vehe- 


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AS METEORA. 667 


menti calore concitantur, magno impetu dilatari nituntur; eodem 
modo quo fuprà diximus quum aqua in vapores folvitur; atque ita 
hos carceres cum fragore difrumpunt. Unde fit ut falis grana, fi in- 
tegra in ignem mittantur, crepitando difliliant, non autem fi prius 
comminuta fuerint & in pulverem redacta : tum enim hæc clauftra 
jam effracta funt. 

17. Præterea nunquam aqua marina tam purè ex particulis jam 
defcripris componi poteft, quin aliæ fimul immixtæ occurrant quæ, 
licèt multo tenuiores fint, ibi tamen commorari & particulis falis 
inferi poflunt; atque ab his procedit gratiflimus ille violarum odor, 
quem recens fal album exhalat; itemque ille fordidus color, quem 
in nigro videmus, omnefque aliæ proprietates quæ in falibus ex 
| diverfis aquis excoétis reperiuntur. 

18. Denique rationem intelligemus cur falis grana fatis facile 
conteri poflint & friari, fi recordemur quà ratione | partes ejus inter 
fe nectantur. Intelligemus etiam cur fal, cûm fatis purus eft, femper 
vel albus vel pellucidus apparet, fi ad craflitiem particularum"* ex 
quibus ejus grana componuntur, & ad naturam coloris albi, quæ 
infrà explicabitur, fpectemus. Neque mirabimur falem, granis in- 
tegris & non ficcatis, fatis facilè ad ignem liquefcere, cüm fciamus 
tunc illum plures aquæ dulcis particulas fuis immixtas habere; 
neque contrà hoc ipfum multo diffcilius fieri, granis contufis & 
lento igne exficcatis adeo ut omnes aquæ dulcis particulæ ex eo 
evolarint, fi confideremus tunc illum non pofle liquidum fieri, nifi 
permultis ex ejus partibus inflexis & complicatis, illas autem non 
nifi admodum difficulter inflecti. Nam, licèt fingere poflimus omnes 
particulas aquæ marinæ fuifle olim, quafi per gradus, unas aliis 
paulo magis flexiles vel paulo minüs, adeo ut inter minimas, quæ ad 
falem pertinebant, & maximas, quæ ad aquam dulcem, vix ulla dif- 
ferentia effet; quiatamen eæ tunc fe inflectere atque aliis circumvol- 
vere cæperunt, progreffu temporis fe paulatim emollire & magis ac 
magis flexiles reddere debuerunt, & contra aliæ, quibus circumvo- 
lutæ funt, planè rigidæ & inflexiles remanere; nunc omnino putan- 
dum eft magnum difcrimen inter has & illas effle. Utræque tamen 
funt teretes five rotundæ, nempe partes aquæ dulcis inftar reftis vel 
anguillæ, & falis inftar baculi vel cylindri : quæcunque enim cor- 
pora diu & diverfimodè ita moventur, figuram aliquo modo circu- 
larem affumunt. 

19. His autem ita cognitis, facilè etiam agnofcitur natura iflius 


a. particularem Æ/7. 


668 OŒEuvres DE DESCARTES. 263 265. 


aquæ fortiflimæ atque acidiflimæ, quæ, Chymicis fpiritus vel oleum 
falis dida, aurum folvit: | quum enim non || fine magnâ vehementià 
ingentis ignis extrahatur ex fale vel puro vel alio corpori maximè 
ficco & fixo immixto, ut lateri coctili qui impedit ne liquefcat, 
palam liquet partes illius eafdem effe quæ antea falem compofuere, 
fed illas per alembicum afcendere non potuifle & ita ex fixis in 
volatiles mutari, nifi pofteaquam, inter fe collifæ & vi ignis agitatæ, 
ex rigidis & inflexibilibus quales erant, plicatiles evaferunt, atque, 
eâdem operâ, ex teretibus planæ & fecantes, ut folia iridis vel 
gladioli; nam aliàs minimè flecti potuiflent. Unde etiam ratio in 
promptu eft quare faporem multüm à fale difcrepantem habeant; in 
longum enim porrectæ, linguæ incubantes, acie fuà extremitatibus 
nervorum illius obverfà, atque ita fecando devolutæ, alio planè 
modo quàm antea illos afficere debent & confequenter alium fapo- 
rem, acidum nempe, excitare. Atque ita reliquarum proprietatum 
hujus aquæ ratio reddi poteft; fed, quia in infinitum hic labor 
excurreret, nunc, ad vapores reverfi, exploremus quâ rationeilli in 
aëre moveantur & ventos ibi generent. 


| CAPUT IV. 


De Ventis. 


1. Omnis aëris agitatio fenfibilis ventus appellatur, & omnia cor- 
pora taétum vifumque effugientia dicimus aërem. Sic rarefaétam 
aquam & in vaporem fubtilifimum tranfmutatam, in aërem con- 
verfam aiunt, licèt publicus ille aër, quem refpiramus, ut plurimum 
ex particulis quæ multo tenuiores funt partibus aquæ, & figuram 
omnino diverfam habent, componatur. | Atque ita aër, ex folle elifus 
vel flabello impulfus, ventus nominatur, licèt venti latiùs diffufi ter- 
rafque & maria perflantes nihil fint nifi vapores moti qui, dilatati, 
ex loco arétiori in quo erant in alium ubi facilius expandantur 
tranfeunt. 

2. Eädem ratione quâ in globis, quos Æolipylas dicunt, paululum 
aquæ, in vaporem refolutæ, ventum fatis magnum & impetuofum, 
pro ratione materiæ ex quâ generatur, excitat. Et quoniam hic ven- 
tus artificialis ventorum naturalium cognitioni haud parum lucis 
affundere poteft, è re fore arbitror illum hic explicari. ABCDE eft 
globus ex ære vel alià tali materià, totus cavus & undiquaque 


235 


236 


LIT TER 


De PP A 7 RES, 


237 


238 


239 


265-268. METEORA. 669 


claufus, nifi quôd aperturam exiguam habeat in regione D; cujus 
parte ABC | aquæ plenà, & alterà AEC vacuä, id eft nihil extra 
aërem continente, illum imponimus igni, cujus calor, exiguas aquæ 
partes agitando, efficit ut multæ fupra ejus fuperficiem AC attol- 
lantur, ubi expanfæ & rotatæ colliduntur, magnoque molimine re- 
cedere ab invicem nituntur, ut fuprà explicatum fuit. Et quia fe 
ita expandere atque ab invicem removere non poflunt, nifi quatenus 
aliquæ ex iis per foramen D egrediuntur, tota illa vis quâ plures 
colliduntur, tanquam in unum collecta, id agit ut proximas per illud 
exturbet, atque ita ventus à D ad F fpirans excitatur. Et quia fem- 
per aliæ hujus aquæ particulæ, in altum ab hâc fuperficie AC à 
ca[lore fublatæ, dilatantur atque ab invicem recedunt, dum interim 
per foramen D aliæ enituntur, hic ventus non ceffat ante univerfam 
globi aquam exhalatam, vel calorem extinétum. 

3. Venti autem illi naturales qui folent in aëre fentiri, eodem fere 
modo quo hic artificialis generantur, & præcipuè tantüm in duabus 
rebus difcrepant. Quarum prima : qudd vapores, unde his origo, 
non tantum ab aquæ fuperficfe, ut in hoc globo, fed etiam à terrâ 
humenti, nive & nubibus emittuntur, & quidem plerumque majori 
copià quàm ex aquâ, quôd in illis particulæ, fere jam feparatæ & 
Idisjunétæ, faciliùs porro divellantur. Altera : qudd vapores arciùs 
quidem in Æolipylà poflint detineri quàm in aëre, ubi tantüm objeétu 
vel aliorum vaporum, vel nubium, vel montium, vel denique vento- 
rum ex ahis locis | venientium, impediuntur ne ubivis æqualiter fe 
extendant; fed viciflim alii alibi vapores fæpe reperiuntur, qui, 
eodem tempore condenfati quo hi dilatantur, locum derelitum illis 
occupandum tradunt. Ut, fi, exempli gratià, magnam vaporum co- 
piam imaginemur confiftere in aëris regione F, qui, fe expandentes, 
multù majus fpatium eo in quo continentur affectant, & fimul eodem 
tempore alios hærere ad G qui, | coaéti ac in pluviam vel nivem mu- 
tati,maximam partem fpatii quod occupabant deferunt, minimè du- 
bitabimus quin illi, qui juxta F reperiuntur, digrefluri fint ad G, 
atque ita ventum eù ruentem generaturi. Præfertim fi etiam cogi- 
temus eos impediri quominus ferantur verfüus A vel B, ab altiflimis 
montibus ibi fitis; & quominus ferantur verfus E, ab aëre fpiflo & 
vialterius venti, fpirantis à C ad D, condenfato ; & poftremd | nubes 
fupra illos ftare, quæ prohibent ne altiüs poflint evolare. Hîc autem, 
obfervemus, vapores, ita de loco in locum tranfeuntes, omnem aërem 
iis in vià occurrentem & omnes exhalationes ifti aëri permixtas fe- 
cum deferre : adeo ut, quamvis illi propemodum foli ventis caufam 
dent, non tamen foli eofdem componant; fed dilatationem & con- 


670 OEuvRrEs DE DESCARTES. 268-270 


denfationem harum exhalationum & hujus aëris, quantum in fe eft, 
generationem ventorum etiam juvare; hoc tamen adeo parum efle 
ut vix in rationem venire debeat. Aër enim dilatatus duplum tantüm 
aut triplum fpatii illius præterpropter o:cupat, quod à mediocriter 
condenfato occupari folet; quum contrà vapores bis vel ter millies 
tantundem exigant. Et exhalationes non dilatantur, id eft non 
extrahuntur ex corporibus terreftribus nifi per vehementem calorem, 
nec fere unquam deinde, quantumcunque afpero frigore, tantum 
conftringi poffunt quantum antea fuere; quum contrà & exiguus 
calor | folvendæ in vaporem aquæ, & moderatum etiam frigus va- 
poribus deinde in aquam glomerandis fuffciat. 

4. Sed jam fpeciatim proprietates & generationem principum 
ventorum contemplemur. Primû, obfervatur totum aërem circa 
terram ab Oriente ad Occidentem volvi; idque hoc loco fupponen- 
dum erit, cum commodè ratio diduci nequeat, quin totius univerfi 
fabrica fimul explicetur, quod extra noftrum propoftum. Sed deinde 
notatur ventos Orientales plerumque multà ficciores effe, magifque 
aptos ad ferenum aërem & nitidum reddendum, quäm Occidentales; 
quia hi, nitentes contra naturalem vaporum curfum, illos fiftunt 
atque in nubes cogunt; quum | contrà illi eofdem pellant & dif- 
fipent. Ut plurimum etiam Orientales mane fpirare animadvertimus, 
Occidentales verd vefperi : cujus rei caufa manifefta erit contem- 
planti terram ABCD & Solem S, qui, hemifphærium ABC il- 
luftrans, & faciens medium diem ad B, mediam nottem ad D, co- 
dem tempore occidit refpectu populorum habitantium ad A, & oritur 
refpectu habitantium ad C. Nam, qu'a vapores ad B valde dilatati 
funt | calore diurno, feruntur partim per A, partim per C verfüs D, 
ubi, fpatium illorum occupaturi quos frigus noctis ibi condenfavit, 
efficiunt ventum Occidentalem ad A, ubi Sol occidit, & Orientalem 
ad C, ubi exoritur. 

5. Et hic ventus, ita fattus ad C, ut plurimum fortior eft, & cele- 
riüs rapitur, quam ille qui generatur ad A : tum quia curfum totius 
maflæ aëriæ fequitur, tum etiam quia in parte terræ, quæ eft inter 
C & D, citiùs & fortiüs, ob diuturniorem Solis abfentiam, faéta eft 
vaporum condenfatio quäm in illà quæ eft inter D & A. Conftat 
etiam ventos Septentrionales ut plurimum interdiu fpirare, illofque 
ex alto ruere, maximèque violentos, frigidos & ficcos efle. Cujus 
ratio patebit, fi confideremus terram EBFD fub polis E & F, ubi 
non multum | Sole incalefcit, multis nebulis & nubibus teétam effe; 
atque ad B, ubi Sol in illam direétos & perpendiculares radios mit- 
ut, plurimos vapores excitari, qui, attione luminis agitati, celeriter 


240 


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242 


270-272. METEORA. 671 


fublimia petunt, ufquedum cd pervenerint unde, vi fui ponderis 
urgente, facilius ad latera detorquentur & iter fuum tenent verfuüs 
I & M, fupra nubes G & K, quàam ulteriüs rectà afcendant. Cüumque 
hæ nubes G & K etiam | incalefcant & rarefiant à Sole, vapores 
inde egrefli potius progrediuntur à G ad H, & à K ad L, quàm vel 
ad E vel ad F : aër enim craflus, qui fub polis eft, validiuüs iis obni- 


titur quàm vapores è terrà verfus meridiem furgentes, quia hi, 


vehementer concufli & ad motum quaquaverfum jam parati, non 
gravatè iis loco cedunt. Atque ita, fi ponamus Aréticum polum effe 
verfüs F, motus vaporum, à K ad L, ventum Septentrionalem exci- 
tabit, interdiu per Europam fpirantem. Qui ventus ex alto præceps 
ruit; nam ex nubibus in terram fertur. Valde quoque, ut plurimum, 
impetuofus eft; nam æftu omnium maximo excitatur, meridiano 
fcilicet, & materià omnium facillimè in vapores diffolubili, nubibus 
fcilicet, conftat. Poftremo hic ventus frigidiflimus & ficciflimus eft : 
cum ob ingentem illius vim ; fuprà enim diximus ventos impetuofos 
femper ficcos & frigidos efle : tum etiam ficcus eft, quia, ut pluri- 
mum, ex particulis aquæ dulcis craflioribus cum aëre mixtis com- 
ponitur, & humiditas præcipuè confiftit in fubtilioribus, quæ rard 
in nubibus, unde hic ventus originem | ducit, commorantur; nam, 
ut mox videbimus, glaciei potiüs quàäm aquæ naturam obtinent: 
tum etiam frigidus eft, quia fecum Meridiem verfüs materiam fub- 
tilifimam Borealem rapit, quæ primaria frigoris caufa eft. 

6. Econtra obfervatur ventos Meridionales noëtu, ut plurimum, 
flare ; ex humili in fublimia eniti; lentos effe & humidos. Cujus rei 


ratio manifefta itidem erit | intuentibus terram EBFD, & cogitan- 


tibus partem illius D, quam fub Æquatore & in quà nunc noëtem 
elle fuppono, fatis adhuc caloris à diurno Sole retinuiffe ad attollen- 
dos ex fe multos vapores; fed aërem, qui eft paulo altius verfus 
P, non parum refrixifle. Nam communiter omnia corpora crafla & 


-ponderofa, ut terra quæ eft ad D, diutius receptum calorem fervant 


quàäm fubtilia & levia, ut aër qui eft ad P. Aique hoc efhicit ut va- 
pores, qui tunc verfüs P exiftunt, non effluant verfüus Q & R, «quem- 
admodum ii qui funt in alià parte efluunt verfüs I & M », fed ibi 
cogantur in nubes quæ, impedientes quominus alii vapores terrà 
D egrefli altè afcendant, illos undequaque infleétunt verfüus N & O, 
atque ita efliciunt ventum illum Meridionalem qui noctu folet 
fpirare & ex inferiori loco in altum eniti, à terrà nempe in aërem, & 
qui non potelt elle nifi lentiflimus, tum quia craflities aëris nocturni 
curfum illius tardat, tum quia materia quà conftat, terrà tantum vel 
aquà egrefla, non tam promptè nec tantà copià dilatatur quàäm ma- 


672 OŒEuvres DE DESCARTES. 272-2745 


teria reliquorum, quæ plerumque à nubibus effunditur. Po]ftremo 
calidus quoque & humidus eft; tum ob fegniorem curfum : tum 
etiam humidus eft, quia ex | partibus aquæ dulcis tam craflioribus 
quäm fubtilioribus componitur, quippe quæ fimul è terrà furgunt : 
& calidus eft, quia materiam fubtilem, quæ in Meridionali plagà 
erat, Septentrionem verfüs fecum ducit. 

7. Palam etiam eft menfe Martio, & in univerfum toto vere, ven- 
tos ficciores & mutationes aëris frequentiores & magis fubitas effe 
quam ullà alià anni tempeftate. Cujus rationem adhuc infpettus 
terræ globus EBFD revelare poteft, fi cogitemus Solem (quem & 
regione circuli BAD, repræfentantis Æquatorem, confiftere fingo, 
& ante tres menfes è regione circuli HN, tropicum Capricorni re- 
præfentantis, hæfifle) multo minüs hemifphærium terræ BFD, in 
quo jam vernum tempus facit, calefeciffe, quam alterum BED, ubi 
autumnum ; & confequenter hoc dimidium BFD magis nive con- 
tectum, totumque aërem quo cingitur crafliorem & magis nubibus 
refertum efle quàm illum qui alterum dimidium BED circumdat. 
Atque hinc eft quôd interdiu vapores mult plures ibi dilatantur, 
& vice verfà noctu plures condenfantur; maffà enim terræ minüs 
ibi calefaétà, vi interea Solis non minore exiftente, major eft inæ- 
qualitas inter calorem diurnum & noéturnum frigus, atque ita venti 
Orientales, mane, ut dixi, plerumque fpirantes, & Septentrionales 
medio die, uterque ficciflimus, illo anni tempore validiores quàm 
ullo alio effe debent. Et quum venti Occidentales vefperi flantes| fatis 
quoque fortes fint ob eandem rationem ob quam Orientales mane 
fpirantes, fimul ac vel minimüm ordinarius horum ventorum curfus 
aut juvatur | aut tardatur aut detorquetur à caufis particularibus, 
quæ in fingulis plagis magis aut minüs aërem dilatare aut conden- 
fare poffunt, plures ex iis inter fe concurrunt & ita pluvias gene- 
rant & tempeitates, quæ tamen paulo pôft ceflare folent, quia venti 
Orientales & Septentrionales, pellendis nubibus idonei, fuperiores 
evadunt. 

8. Et crediderim hos ventos Orientales & Septentrionales effe 
quibus Græci Ornithiarum nomen, ob reductas aves vernam auram 
fequentes,impofuere. Sed quantum ad Etefias, quos à Solftitio æftivo 
obfervabant, verifimile eft illos provenire ex vaporibus vi Solis à 
terris & aquis quæ in Septentrione funt elevatis, poftquam jam 
fatis diu ad tropicum Cancri hæfit. Conftat enim illum diutiüs in 
tropicis morari quàm in fpatio interjeéto, & cogitandum menfibus 
Martio, Aprili & Maio maximam nubium & nivium partem, quæ 
circa polum noftrum hærebat, in vapores & ventos refolvi; « ven- 


243 


244 


246 


274-276. METEORA. 673 


tofque iftos ab initio veris (quo tempore funt validiflimi) ad folfti- 
tium æftivum paulatim, deficiente materià, languefcere ; menfe 
ver Junio nondum ibi terras & aquas fatis efle calefaétas ut mate- 
riam novi venti fuppeditent; fed paulatim, Sole ad Tropicum Cancri 
commorante, magis & magis illas incalefcere, tandemque idcirco 
Etefias producere », quum magnæ illius & pertinacis diei, quæ ad 
fex integros menfes ibidem extenditur, meridies paululum inclinat. 

9. Cæterüm hi venti generales & regulares perpetud tales forent 
quales illos defcripfmus, fi fuperficies terræ ubivis æqualiter aquà 
tegeretur vel æqualiter extra illam | emineret, adeo ut nulla omnino 
marium, terrarum & | montium diverfitas eflet, nec ulla alia caufa 
extra præfentiam Solis, quà vapores dilatarentur, nec ulla extra ejus 
abfentiam, quâ condenfarentur. Sed notandum Solem, dum fplen- 
det, communiter plures vapores ex mari quàm terrà attollere, quia 
terra, multis in locis exficcata, non tantum materiæ illi quàm aqua 
fuppeditat; & contrà, cum Sol receflit, calorem reliétum plures è 
terrà quam è mari elevare, quia terra diutius quam mare calorem 
fibi impreflum retinet. Et propterea fæpius in littoribus obfervatur 
ventos interdiu à mari, noctu à terrà fpirare. Ignis etiam fatuus ob 
eandem caufam viatores noëtu ad aquam ducit; indifferenter enim 
aëris curfum fequitur, qui eù à vicinis terris propterea defertur, 
quôd ille qui ibi eft magis condenfetur. 

10. Item notandum aërem qui fuperficiem aquarum tangit, mo- 
tum illarum quodammodo fequi; unde fæpius venti juxta maris 
littora cum fluxu illius & refluxu mutantur, & tranquillo aëre circa 
majora flumina placidi quidam venti, curfum illorum fecuti, fen- 
tiuntur. Hîc etiam notandum vapores ex aquis emiflos humidiores 
femper & crafliores illis effe qui ex terris attolluntur, quique ideo 
multo plus aëris atque exhalationum fecum vehunt. Unde fit ut 
eædem tempeftates gravius in mari quàm in terrà fæviant, & idem 
ventus, qui in unà regione ficcus eft, in alià calidus effe poflit : ita 
venti Meridionales, humidi fere ubivis, ficci in Egypto feruntur, 
ubi | terra Africæ, ficca & combufta, materiam iis fuppeditat. Hinc 
etiam proculdubio rar ibidem pluit; licèt enim venti Boreales, à 
| mari fpirantes, ibi humidi fint, tamen, quia funt etiam omnium 
frigidiflimi, non facilè pluviam generare poflunt, ut poftea vide- 
bimus. 

11. Præterea confiderandum eft lumen Lunæ, quod admodum 
inæquale eft, prout accedit ad Solem aut ab eodem recedit, dilata- 
tionem vaporum juvare ; itemque lumen aliorum fiderum ; fed tan- 
tum eâdem proportione quà in oculos noftros illa agere fentimus : 


w2 
un 


Œuvres. I. 


674 OEUVRES DE DESCARTES. 276278 


oculi enim ad cognofcendam luminis vim iudices* omnium cer- 
tiflimi funt, & ideo etiam Stellæ, comparatæ ad Lunam, vix in ra- 
tionem hic venire debent, ut neque Luna comparata ad Solem. 

12. Denique confiderandum eft vapores ex diverfis regionibus 
terræ admodum inæqualiter furgere ; nam montes aliter aftris inca- 
lefcunt quàm planities, nemora aliter quàm prata, & fundi exculti 
quàm reliéti; terræ etiam nonnullæ ex naturâ fuà funt aliis cali- 
diores, vel ad calorem fufcipiendum aptiores. Et præterea, cûm 
valde inæquales nubes in aëre formentur, eæque facillimè ex uno 
loco in alium transferantur & diverfis à terrâ intervallis fuftinean- 
tur, & quidem interdum plures fimul una fub alià, aftra longè ali- 
ter in fuperiores quàm in inferiores agunt, & in has quàm in | fub- 
jeétam terram, alio etiam modo in eafdem regiones terræ, cum 
nubibus teguntur, quam cum nullis, & poftquam pluit aut ninxit, 
quam ante. Quamobrem fieri non poteft ut particulares ventos 
prænofcamus qui in fingulis terræ partibus fingulis diebus obtine- 
bunt ; nam fæpe etiam contrarii unus fupra alium feruntur. 

13. Sed, fi omnia quæ hactenus diéta fuere probè obfervemus, 
poterimus utcumque conjicere qui venti frequentio|res & vehemen- 
tiores debeant effe, itemque quibus in locis & temporibus regnare. 
Atque hoc præcipuè fciri poteft in iis maris partibus quæ à terris 
funt valde remotæ; cm enim in ejus fuperficie neutiquam tanta fit 
inæqualitas quantam in terreftribus locis notavimus, venti multo 
minüs irregulares ibi generantur, & qui à littoribus eù verfüs pro- 
vehuntur, rard eoufque pertingere pollunt; quod nautæ noftri fatis 
experti funt, nam idcirco mari omnium latiflimo Pacifici nomen 
impofuere. 

14. Nihil præterea notatu dignum hîc occurrit, nifi quod fere 
omnes fubitæ aëris mutationes (ut quôd interdum magis incalefcat, 
vel magis rarefiat, vel magis humefcat quàm pro temporis ratione) 
à ventis ortum ducant, non tantüm ab iis qui in eà regione fpirant, 
in quà hæ mutationes percipiuntur, fed etiam ab iis qui in vicinis, 
& à diverfitate caufarum à quibus generantur. Si enim, exempli 
gratià, dum nos ventum | Meridionalem hîc fentimus qui, ex caufà 
particulari in vicinià exortus, non multum caloris fecum adducit, 
interea in locis propinquis alius à Septentrione fpiret, qui à loco 
fatis alto vel remoto veniat, materia fubtiliflima, quam is fecum 
rapit, commodiflimè ad nos pertingere & frigus planè infolens effi- 
cere poterit. Et hic ventus Meridionalis, è vicino tantüm lacu pro- 


a, indices Æ1z. 


247 


249 


278-280. METEORA. 07; 


greflus, humidiffimus effe poteft, cûm contrà ficcior foret, fi veniret 
à locis arenofis quos ultra iftum lacum effe fuppono. Sique folà 
dilatatione vaporum hujus lacüs effeétus fit, nullà accedente con- 
denfatione aliorum verfüs Septentrionem, aërem noftrum longè 
crafliorem & magis gravantem reddet quàm fi hàc folà condenfa- 
tione, fine ullà dilatatione vaporum Meridionalium, generaretur. | 
Quibus omnibus fi addamus, materiam fubtilem & vapores quiin 
terræ meatibus hærent, mox huc mox illuc latos, quofdam ibi etiam 
veluti ventos componere,omnis generis exhalationes fecum vehentes 
pro qualitate terrarum per quas labuntur; & præterea nubes, cûm 
ab unà regione aëris in aliam defcendunt, ventum eflicere polffe 
aërem ex alto ad inferiora urgentem, ut mox dicemus, rationem, 
credo, omnium motionum habebimus quæ in aëre notantur. 


HEMPUT V. 


De nubibus. 


1. Poftquam ïta confideravimus quà ratione vapores dilatati 
ventos efficiant, videndum nunc eft quomodo jiidem coacti & con- 
denfati nebulas & nubes generent. Scilicet, quum primüm* nota- 
biliter aëre puro minüs pellucidi fiunt, fi ufque ad fuperficiem terræ 
defcendant, nebulæ dicuntur; fed, fi in aëre maneant fufpenfi, 
nubes appellantur. Et notandum, quum motus illorum tardatur, 
particulæque quibus conflant fibi invicem fatis propinquæ funt ut 
una aliam attingat, illas jungi & in diverfos exiguos cumulos coire, 
qui funt totidem guttæ aquæ vel flocculi glaciei, unde fit ut tunc 
hi vapores aëre puro minüs pellucidi evadant. Quippe, quum 
omnino feparati in aëre fluétuant, luminis tranfitum non multüm 
impedire queunt; at coaéti pofflunt; licèt enim guttæ aquæ aut 
glaciei particulæ, quas componunt, fint pellucidæ, tamen, quum 
fingulæ earum fuperficies aliquot radios reflectant (ut in Dioptrice 
de cunétis pellucidis corporibus || diétum fuit), facilè tam | nume- 
rofæ fuperficies ibi occurrunt ut omnes vel fere omnes radios aliù 
reflectere poflint. 

2. Et quantum ad guttas aquæ, illæ formantur cüm materia 
fubtilis, circa exiguas vaporum partes fufa, non quidem fatis virium 


a. quamprimum Æ/7. 


676 Œuvres DE DESCARTES. 280182; 


habet ad efficiendum ut, fe extendentes atque in gyrum vertentes, 
unæ alias loco pellant; fed fatis adhuc retinet ad illas complicandas 
& omnes quæ fe mutuÿ attingunt jungendas, atque in fphærulam 
glomerandas. Et fuperficies hujus fphærulæ tota æqualis ftatim & 
polita evadit, quia partes aëris, illam contingentes, longè aliter 
quàm partes illius moventur; itemque materia fubtilis, per poros 
illius fufa, longè aliter quàm quæ eft in aëris poris, ut fuprà dixi- 
mus, de maris fuperficie verba facientes. Atque ex eâdem caufà hæ 
guttæ exactè rotundæ fiunt; ut enim fæpius notare potuimus aquam 
fluminum in vortices agi, ubi aliquid impedit quominus tam cele- 
riter motu recto procedat quàm incitatio ejus requirit, ita putan- 
dum etiam eft materiam fubtilem per corporum terreftrium poros, 
eâdem ratione quâ fluvius per intervalla herbarum in alveo fuo 
crefcentium vehitur, labentem & liberius ex unâ aëris parte in 
aliam meantem, itemque ex unâ aquæ in aliam, quàm ex aëre in 
aquam aut vice verfà ex aquà in aërem, ut alibi notavimus, intra 
unamquamque guttam circumagi debere, ut & extrà in aëre cir- 
cumfufo, fed aliter hic quàâm illic, & propterea omnes partes ejus 
fuperficiei rotundare. | Cum enim aqua fit corpus liquidum, non 
poteft non fe ad hanc materiæ fubtilis circuitionem accommodare. 
Et fine dubio hoc fufficit ad intelligendum guttas aquæ rotundas 
ac|curatè effe fecundüm fectiones horizonti parallelas; nulla enim 
omnino caufa eft ob quam una circumferentiæ pars propiüs quàm 
alia, non magis ab horizonte diftans, ad centrum guttæ accedat aut 
longiùs ab eodem recedat, cùm neque magis neque minüs una 
quàm alia ab aëre prematur, præfertim fi tranquillus fit, qualem hic 
intelligere oportet. Sed quoniam, fi guttas fecundüm alias feétiones 
confideremus, dubium efle poteft annon, cum funt ita exiguæ ut 
pondere fuo aërem defcenfui nequeant aperire, planiores & minüs 
in latitudine quàm in longitudine craflæ fieri debeant, ut T vel V, 
obfervandum eft illas aërem tam à lateribus quàm infrà circum- 
fufum habere; atque, fi pondus earum non fufficiat ad illum, quem 
infra fe habent, loco movendum ut defcendant, non magis pofle 
illum, qui eft circa latera, inde pellere ut in latitudinem diffundan- 
tur. Et quum econtra dubitare poflimus annon, cüm pondere fuo 
preffæ defcendunt, aër, quem dividunt, illas aliquo modo oblongas 
reddat, ut repræfentantur ad X aut Y, notandum eft ipfas aëre 
undiquaque cingi, atque ideo illum, quem ita dividunt & cujus 
locum occupant defcendendo, eodem tempore debere fupra ipfas 
afcendere ad replendum fpatium quod relinquunt : quod non aliter 
fieri poteft quam fi juxta ipfarum | fuperficiem fluat, ubi viam 


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252 


282-283. METEORA. 677 


magis compendiofam & expeditam inveniet, fi globofæ fint, quam 
fi cujuslibet alterius figuræ. Cuivis enim liquet figuram rotundam 
omnium capaciflimam efle, id eft minimum fuperficiei habere, pro 
ratione magnitudinis corporis fub eà contenti. Et ita, quomodo- 
cunque demum illas guttas confideremus, perpetud ro|tundæ efle 
debent, nifi forfan impetus venti aut alia caufa particularis obftiterit. 

3. Quod ad illarum magnitudinem attinet, pendet ex eo quèd 
particulæ vaporis magis vel minüs ab invicem diftent, cüm illas 
componere incipiunt, itemque ex eo quod poftea magis vel minus 
agitentur; & denique à copià aliorum vaporum qui ad illas accedere 
poffunt. Nam initio fingulæ guttæ ex tribus tantüm aut quatuor 
concurrentibus vaporis particulis componuntur; fed ftatim poitea, 
faltem fi hic vapor fuerit fatis denfus, duæ aut tres ex guttis inde 
factis, fibi invicem occurrentes, in unam coalefcunt, & denuo duæ 
aut tres harum in unam, & ita porro donec amplius concurrere 
nequeant. Et, dum in aëre fufpenfæ feruntur, fupervenientes alii 
vapores 1is adjungi queunt, atque ita illas crafliores reddere, donec 
urgente pondere in rorem vel in pluviam decidant. 

4. Exiguæ verd glaciei particulæ formantur dum frigus adeo 
intenfum eft ut vaporum partes à materià fubtili iis immixtà flecti 
nequeat. Et fi quidem hoc frigus demum guttis jam formatis fuper- 
venerit, eas congelat, | fphæricà quam habebant figurà invariatä, 
nifi ventus fatis vehemens fimul adfuerit, cujus impulfu eà parte, 
quà illi obvertuntur, planiores fiant. Contrà verd, frigore antequam 
formari cœperint fuperveniente, particulæ vaporis in longum tan- 
tüm porrectæ junguntur, & filamenta glaciei admodum tenuia 
conftituunt. Aft fi medio tempore (quod ut plurimum accidit) fuper- 
venerit, partes vaporum paulatim, ut plicantur & glomerantur, 
conglaciat; neque tantum temporis iis relinquitur ut fatis perfectè 
ad guttas | formandas jungi poflint; atque ita exigui globuli aut 
pilulæ glaciei fiunt albæ, quia plurimis capillamentis conftant, 
quorum fingula fuperficies diflinctas & ab aliis fejunétas habent, 
licèt invicem accumulata implicentur. Et hæ pilulæ circumcirca 
pilofæ funt, quia plurimæ femper vaporis partes, quæ non tam cit 
quàm aliæ flecti & coacervari poflunt, erectæ ad illas accedunt, & 
capillamenta quibus teguntur efficiunt; & prout hoc frigus vel 
lentiüs advenit vel celerius, & vapor denfor aut rarior eft, hæ 
pilulæ etiam majores vel minores fiunt, & capillamenta illas cin- 
gentia vel crafliora & fimul breviora, vel tenuiora & longiora 
evadunt, 

5. Atque ex his videmus duo femper requiri ad vapores in gla- 


x 


678 OEuvres DE DESCARTES. 283-285. 


ciem vel aquam mutandos : nempe ut illorum partes fint tam 
propinquæ ut fe mutud contingere queant, & fatis frigoris adfit ad 
illas, dum fe ita | invicem tangunt, fiftendas & connectendas. Non 
enim fufficeret frigus vel intenfiflimum, fi particulæ vaporum, per 
aërem fparfæ, tam remotæ eflent ab invicem ut nullo modo jungi 
poflint; nec fufficeret etiam ipfas effe valde vicinas, fi tanta effet 
caloris agitatio ut impediret illarum nexum. Ita non femper in 
fublimi aëre nubes cogi cernimus, licèt frigus ibi ad hanc rem per- 
petud fatis vehemens fit; fed infuper requiritur ut vel ventus Occi- 
dentalis, ordinario vaporum curfui obnitens, illos colligat & con- 
denfet in locis in quibus ejus curfus finitur; vel etiam ut duo alii 
venti, à diverfis regionibus flantes, illos medios premant atque 
accumulent, vel ut alter eorum in nubem jam formatam impellat; 
vel poftremà ut ipfi vapores, inferiori nubis alicujus parti occur- 
rentes, dum à terrà elevatur, fponte ad | invicem accedant. Neque 


etiam perpetud nebulæ circa nos generantur, licèt hyeme quidem 


aër fit fatis frigidus, æftate verd magna fatis vaporum copia adfit; 
fed duntaxat cüûm aëris frigus & vaporum copia fimul concurrunt. 
Quod fæpius vefperi aut noétu accidit, cùm dies tepidus & infolatus 
præceflit; & frequentius vere quàm aliis anni temporibus, etiam 
quàm autumno, quia tunc major eft æqualitas inter calorem diur- 
num & nocturnum frigus; frequentius etiam in locis maritimis aut 
paludofis quam in terris longè ab aquâ remotis aut in aquis longè à 
terrà pofitis, quoniam aqua, ibi fuum calorem citius amittens quàm 
terra, | frigefacit aërem, in quo porro vapores, quos terræ calidæ & 
humentes magnâ copià exhalant, condenfantur. 

6. Maximè autem nebulæ formantur in locis quibus duorum aut 
plurium ventorum curfus terminatur. Hi enim venti plurimos 
vapores eù compellunt, qui vel in nebulas coguntur, fi nempe aër 
in terræ vicinià admodum frigidus eft; vel in nubes, fi nonnili altior 
fatis frigidus fit iis condenfandis. Et notemus aquæ guttas aut 
particulas glaciei, ex quibus nebulæ componuntur, valde exiguas 
elfe : nam, fi vel tantillum intumefcerent, ftatim ad terram pondere 
fuo deducerentur, adeo ut non ampliüs nebulam, fed pluviam aut 
nivem diceremus : & præterea nullum unquam ventum fpirare 
poffe ubi illæ funt, quin ftatim diflipentur, præfertim cùm aquæ 
guttis conftant : minima enim aëris agitatio, plurimas guttas jun- 
gens, fingulas intumefcere atque in pluviam aut rorem deftillare 
cogit. 

7. Id etiam infuper circa nubes obfervandum, illas in diverfis à 
terrà diftantiis produci pofle, prout vapores al|tiùs aut minüs altè 


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285-287. METEORA. 079 


enituntur, antequam fatis condenfati fint ad illas formandas; unde 
fit ut plures interdum unas fub aliis latas & etiam diverfis ventis 
agitatas cernamus. Atque hoc imprimis in locis montanis evenit, 
ubi calor vapores attollens inæqualiüs quàm alibi agit. 

S. Notandum quoque has nubes vel faltem harum celfiflimas, 
nunquam fere | ex guttis aquæ componi pofle, fed tantüum ex parti- 
culis glaciei. Certum enim eft aërem, in quo confiftunt, frigidiorem 
vel ad minimum æquè frigidum efle ac eft ille qui fummis editorum 
montium jugis incumbit; qui tamen, etiam in medià æftate, nives 
ibi folvi non patitur. Et quoniam vapores, quà altiüs enituntur, 
tantd plus frigoris ipfos confiringentis inveniunt, minüfque à ventis 
premi poflunt, propterea, ut plurimum, maximè fublimes nubium 
partes tantüm ex tenuiflimis glaciei capillamentis, longè à fe invi- 
cem diflitis, conftant. Deinde paulo inferius glomi hujus glaciei 
admodum exigui & pilofi formantur, & gradatim, adhuc inferius, 
ali paulo majores; & poftremà interdum in infimo loco guttæ aquæ 
colliguntur. Atque, aëre quidem omninà placido & tranquillo, vel 
etiam æqualiter aliquo vento veéto, tam hæ aquæ guttæ quam 
particulæ glaciei, fatis laxè & fine ordine difperfæ, ibi morari pof- 
funt, ita ut forma nubium tum nihil à nebulà differat. 

9. Sed, ut plurimum, ventis impelluntur qui, quoniam non tam 
latè patent ut omnes earum partes fimul cum aëre circumfufo mo- 
vere poflint, fuprà vel infrà feruntur; & illarum fuperficiem ra- 
dendo, fic premunt ut eas valde pla[nas & læves reddant. Quodque 
| in primis hîc notari debet, omnes exigui nivium glomi, qui in his 
fuperficiebus inveniuntur, accuratè ita ordinantur ut finguli eorum 
fex alios circa fe habeant, fe mutud tangentes vel faltem æqualiter 
ab invicem diftantes. Fingamus, exempli gratià, fupra terram A B 
ventum fpirare ab Occidente D, ordinario aëris curfui reluétantem 
aut, fi maluerimus, alteri vento flanti ab Oriente C; atque hos 
ventos initio. mutud fe flitifle circa fpatium FGP, ubi quofdam 
vapores condenfarunt, ex quibus molem confufam effecerunt, dum 
vires utriufque collatæ & æquales aërem ibidem tranquillum & 
placidum reliquerunt. Sæpius enim evenit ut duo venti hâc ratione 
opponantur, quia femper multi diverfi eodem tempore circa terram 
fpirant & finguli eorum rectà excurrunt, donec alium contrarium 
fibi obfiftentem inveniant. 

10. Sed horum ventorum, quorum unus à C, alius à D, verfus 
PGF fpirat, non diu vires paribus momentis ita libratæ ibi manere 
poflunt, eorumque materià continud magis magifque eù aflluente, 
nifi uterque fimul ceflet (quod rard fit), fortior tandem vel infra vel 


680 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 288-280. 


fupra | nubem prorumpit, vel etiam per ejus medium, vel per am- 
bitum, prout via ipfñ com|modior occurrit; quo ipfo, nifi alium planè 
fupprimat, ad minimum illum cedere cogit. Ut hîc fuppono ventum 
Occidentalem erumpentem inter G & P, Orientalem coëgifle ut infe- 
rius tranfeat ad F, ubi in rorem folvit nebulam quæ infima pars 
erat molis PGF; & confequenter nubem G, quæ fuit pars media 
ejufdem molis, inter hos duos ventos fufpenfam, ab his utrinque 
complanari & lævigari; itemque parvas glaciei pilulas, quæ in ejus 
fuperficie tam fuperiori quàm inferiori reperiuntur, eafque etiam 
quæ in fuperficie inferiori nubis P, ita ordinari ut fingulæ fex alias 
circa fe habeant æqualiter ab invicem diftantes. Nulla enim ef ratio 
quæ illud impedire poñlit, & naturaliter omnia corpora rotunda & 
æqualia, in eodem plano fatis fimiliter mota, hâc ratione difpo- 
nuntur; ut facile eft experimento cognofcere, fi margaritas aliquot 
rotundas ejufdemque magnitudinis, filo folutas, in vafculi alicujus 
operculum, quod planum fit, confufè projiciamus : hoc enim leniter 
concuffo, vel tantüm margaritis flatu impulfis ut | quàm proximè 
ad invicem accedant, videbimus illas fponte ita difponi. 

11. Sed notemus hîc nos tantüm de fuperficiebus nubium infe- 
riori & fuperiori effe locutos, non verd de lateralibus, quia | inæ- 


qualis materiæ quantitas, quam fingulis momentis venti iis adjicere , 


& avellere poffunt, figuram earum ambitùs plerumque inæqualem 
& irregularem facit. Hîc non addo exiguas pilulas glaciei, quæ funt 
in interiori nube G, eâdem ratione, quâ illæ quæ in fuperficiebus, 
ordinari debere ; quia non adeo manifeftè liquet. 

12. Sed dignæ confideratione funt illæ quæ interdum inferiori ejus 
fuperficiei, poftquam jam tota formata eft, adhærent. Si enim inter- 
ea, dum illa pendet in fpatio G, quidam vapores afcendant è terrâ 
quæ eft verfüs A, qui, frigefcentes in aëre, paulatim in exiguas gla- 
ciei pilulas concrefcant & per ventum agantur ad L, nullum omnino 
dubium eft quin hæ pilulæ ita debeant ordinari ut finguiæ earum 
fex aliis cingantur, quæ æqualiter illas premant & omnes in eodem 
plano exfiftant. Atque ita componunt primo unum folium, fub hujus 
nubis fuperficie expanfum; deinde aliud fub hoc protenfum, & ita 
alia deinceps, quamdiu nova materia accedit. Præterea quoque 
notandum ventum, qui inter hanc nubem & terram fertur, fortiùs 
in inferius horum foliorum agentem quàm in illud quod proximè 
fuperius illi incumbit, atque adhuc fortiüs in hoc quäm in id quod 
huic incumbit, & ita porro, illa ducere et fingula feparatim movere 
poife, atque häc ratione fuperficies illorum polire, detritis ab utrâque 
parte capillamentis quæ exiguis pilulis glaciei, ex quibus com |po- 


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289-202. METEORA. +08 


nuntur, adhærent. | Partem quoque horum foliorum extra inferius 
hujus nubis fpatium G propellere, & inde transferre poteft, velut ad 
N, ubi nova nubes ex pluribus ejufmodi foliis tota conflatur. Et 
licèt hîc tantüum pilularum glaciei fecerimus mentionem, facillimè 
tamen idem etiam de aquæ guttis intelligi poteit, modô ventus non 
ita fit vehemens ut collidantur, vel fi exhalationes nonnullæ iis cir- 
cumfufæ, aut, quod frequenter accidit, quidam vapores nondum ad 
accipiendam aquæ formam difpofiti, interjectu fuo eas ab invicem 
feparent : nam aliàs, fimul ac concurrunt, plures in unam coëunt 
& tam craffæ & ponderofæ fiunt ut neceffarid decidant. 

13. Cæterüm, quod paulo antè dixi, figuram ambitüs cujufvis 
nubis maximè plerumque irregularem & inæqualem efle, de iis tan- 
tummodo intelligendum quæ minus fpatii in altitudine & latitudine 
occupant quàm venti circumlabentes. Aliquando enim tanta vapo- 
rum copia in iis plagis, ubi duo aut plures venti occurrunt, hæret, 
ut illis nec infra nec fupra fe tranfitum permittant, fed circa fe 
rotari || cogant, & fic nubem valde magnam forment quæ, | ubivis 
æqualiter per hos ventos prefla, ambitum planè rotundum & lævi- 
gatum habet; quæ etiam, cùm hi venti funt paulo calidiores, vel 
cüm à Sole nonnihil ejus fuperficies incalefcit, quâdam veluti cruftâ ex 
plurimis glaciei particulis compofità obducitur. Atque hæc crufta fatis 
crafla fieri poteft & tamen, pondere non obftante, in aëre fufpenfa 
manere, quoniam à reliquâ totà nube fuftinetur. Cujus rei memores 
efle infrà oportebit, ad ea quæ de parheliis dicentur intelligenda. 


CAPUT VI. 


De nive, pluviâ € grandine. 


1. Multa funt quæ vulgd impediunt quominus ftatim formatæ 
nubes ex alto delabantur. Nam primd particulæ glaciei vel aquæ 


‘guttæ, quibus conftant, valde exiguæ & confequenter multum 


fuperficiei pro ratione fuæ materiæ habentes, fæpe magis impe- 
diuntur ab aëris refiftentià ne defcendant, quàm à pondere fuo im- 
pelluntur. Deinde venti, qui communiter validiores funt prope ter- 
ram, ubi materia ex quâ conftant craflior eft quàm in aëre fublimi, 
ubi fubtilior, quique ideo frequentiùs ex humili furfum tendunt 
quàm ex alto | deorfum, illas non tantüum fufpendere, fed etiam 
fæpius ultra regionem aëris, in quà confiftunt, attollere queunt.Idem 


Œuvres, I. 86 


682 OEuvres DE DESCARTES. : 202-293. 


etiam vapores poffunt qui, terrà egrefli aut aliunde venientes, aërem 
nubibus iftis fubjetum diftendunt; vel etiam folus calor qui, hoc 
aëre dilatato, illas repellit; vel etiam frigus aëris fuperioris quod, 
illo compreflo, nubes | furfum attrahit. Et præterea particulæ gla- 
ciei, ventis impulfæ, contiguæ quidem evadunt, fed non tamen id- 
circo omnino uniuntur; quinimo corpus adeo rarum, leve atque 
extenfum componunt ut, nifi calor aliquas harum partium liquefa- 
ciens fuperveniat, atque hâc ratione illas condenfet ac graviores 
reddat, vix unquam ad terram defcendere pofint. 

2. Sed, ut fuprà monuimus aquam conglaciantem frigore quodam- 
modo dilatari, ita hîc notandum calorem, qui alia corpora folet red- 
dere rariora, communiter nubes condenfare. Atque hoc in nive expe- 
riri licet, quæ planè ejufdem materiæ eft ac nubes, nifi quod jam 
magis fit condenfata : illa enim in calido loco pofita conftringitur 
& mole valde minuitur, ante etiam quäm ulla aqua ex eû profluat, 
aut de pondere fuo aliquid amittat. Quod accidit quia capillamenta 
particularum glaciei, ex quibus componitur, cüm fint earundem 
particularum medio tenuiora*, illo facilius liquefcunt &, ex parte 
tantum liquefcendo, id eft fefe hinc & inde inflectendo ob agitatio- 
nem circumfuiæ materiæ fubtilis, | amplexatum eunt vicinas glaciei 
particulas, non interea relictis iis quibus antè innectebantur, atque 
ita efficiunt ut unæ aliis appropinquent. 

3. Sed quia particulæ glaciei, quæ nubes componunt, ut pluri- 
mum longiüs ab invicem diftant quàm quæ nivem in terram, non 
ita ad quafdam ex vicinis accedere poffunt, quin fimul ab aliis qui- 
bufdam recedant. Et propterea, cùm priüs æqualiter per totum 
aërem fpargerentur, in plurimos deinde exiguos cumulos aut floc- 
cos feparantur ; funtque hi flocci ed majores, quû nubes fuit antea 
denfior, & quà lentiùs in eam calor egit. Et præterea, vento | aliquo 
aut dilatatione totius aëris fuperioris fupremos horum floccorum 
priufquam inferiores deturbante, his inferioribus quibus defcen- 
dendo occurrunt adhærent, atque ita majores fiunt. Calorque poftea 
illos condenfans, & magis magifque graves reddens, facilè in terram 
deducit. Et quum ïita non omnino liquefacti defcendunt, nivem 
componunt; fed, fi aër per quem tranfeunt fit tam calidus ut fol- 
vantur (qualis hîc apud nos totà æftate eft & fæpe etiam aliis anni 
temporibus), convertuntur in pluviam. Interdum etiam accidit ut 
ita folutis aut propemodum folutis ventus frigidus fuperveniat, qui 
eos rurfus conftringendo in grandinem convertit. 


a. tenuiores Æ/7. 


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293-205. METEO RA. 68; 


4. Hæc autem grando varia efle poteft. Nam primà, fi ventus 
frigidus, illam efficiens, guttas aquæ jam formatas deprehendat, 
globulos | glaciei pellucidos & rotundos efficit, nifi qudd interdum 
eà parte quà illos impellit aliquanto planiores reddat. Et, fi floccos 
nivis fere folutos deprehendat, fed nondum in aquæ guttas glome- 
ratos, tunc fit illa grando cornuta, cujus figuræ valde diverfæ & 
irregulares efle folent; ejufque grana interdum valde magna funt, 
quoniam à vento frigido formantur qui, nivem è fublimi in infe- 
riora præcipitans, plurimos ejus floccos fimul compellit, & gelu in 
unam maflam conftringit. Atque hic notandum eft hunc ventum, 
dum floccis liquefcentibus appropinquat, pellere in illorum poros 
calorem, id eft materiam fubtilem maximè agitatam & minus fubti- 
lem reliquà, quæ tunc in aëre circumftante reperitur; quia ipfe 
ventus non tam facilè nec tam cit atque hic calor poteft eas per- 
vadere. Eâdem ratione quâ interdum hic in terrà | fentimus calo- 
rem, qui in domibus eft, augeri, cùm repentino aliquo vento vel 
pluviâ totus aër exterior fubità refrigeratur. 

5. Calor autem, poris-horum floccorum ita inclufus, quantum 
poteft ad ipforum circumferentias potius quàäm ad centra accedit, 
quoniam ibi materia fubtilis, in cujus agitatione confiftit, liberius 
movetur; & Ita eas 1bi magis & magis liquefacere pergit, priuf- 
quam incipiant rurlus in glaciem concrefcere; atque etiam liqui- 
difimæ, id eft maximè agitatæ, particularum aquearum, quæ alibi 
in iftis floccis reperiuntur, ad eorum circumferentias accedunt, iis 
contrà, quæ’ non tam cit poilunt liquefcere, circa centra manen- 
tibus. Unde fit ut, cum exterior fuperficies cujuslibet grani ex glacie 
continuà & pellucidâ conftare confueverit, | in ejus tamen centro 
nonnihil nivis fæpe reperiatur, quod hæc grana frangentibus fefe 
offert. Et quia fere nunquam nifi per æftatem talis grando decidit, 
ea certos nos reddit tunc, non minüs quàm ipfà hyeme, nubes ex 
glaciei particulis five ex nive conftare confuevifle. In hyeme autem 
ejufmodi grando rariflimè cadit, vel faltem grana non magna habet, 
quia tunc tantum caloris, quantum ad illam formandam requi- 
reretur, ad nubes ufque vix poteft pertingere, nifi certè ad nubes 
quæ funt terræ tam vicinæ ut, pofiquam earum materia liquefaéta 
aut fere liquefacta eft, cœpitque in pluviam aut nivem delabi, ventus 
frigidus fuperveniens non fatis temporis habeat ad illam denuo 
conftringendam, priufquam planè delapfa fit. Si autem nix nondum 
fit liquefaéta, fed tantüm aliquantulum emollita, dum ventus illam 
in grandinem mutans advenit, minimè fit pellucida, fed alba inftar 
facchari manet. 


684 Œuvres DE DESCARTES. 205-297. 


6. | Et, fi flocci hujus nivis exigui fint, nempe pifi inftar, aut mi- 
nores, finguli illorum in granum grandinis fatis rotundum mutan- 
tur. At, fi fuerint majores, difliliunt atque in plurima grana, in 
acutum ut pyramides definentia, convertuntur. Calor enim, eodem 
momento quo ventus frigidus incurrit, in poros horum floccorum 
fe recipiens condenfat omnes illorum partes, eafque retrahit à cir- 
cumferentià verfus centrum; quo ipfo fatis rotundi fiunt; & frigus, 
paulo pôit penetrans & conftringens, illos nive multù duriores 
reddit. Sed quoniam, cüm paulo majores funt, calor inclufus 
partes illorum interiores adhuc | centrum verfus agere & conden- 
fare pergit, dum exteriora, jam indurata & frigore vincta, fequi non 
poffunt, neceflario intrinfecus findi debent fecundüm plana vel 
lineas rectas quæ ad centrum tendunt; &, his fiffuris magis ma- 
gifque augefcentibus, ut frigus altiùs penetrat, tandem diflilire ac 
dividi in plures particulas acuminatas, quæ totidem grandinis grana 
funt. Non quidem hic determinamus in quot hujufmodi grana fin- 
gulh flocci dividi poflint; ut plurimum tamen videtur in oéto ad 
minimum id fieri debere; forfan etiam interdum accidere poffe ut in 
duodecim, viginti, vel quatuor & viginti, fed faciliùs adhuc in duo 
& triginta, & nonnunquam etiam in numerum multo majorem, 
prout vel majores funt, vel ex nive fubtiliori conftant, vel frigus illas 
in grandinem convertens vehementiüs aut velociüs irruit. Et non 
femel hujufmodi grandinem obfervavi, cujus grana eandem fere 
figuram habebant quam fegmenta globi in octo partes æquales, 
tribus fectionibus ad angulos rettos fe mutuû fecantibus, divifi. 
Deinde alia quoque obfervavi quæ, longiora & minora, | quarta 
circiter pars illorum videbantur, licèt, ob angulos inter conden- 
fandum rotundatos & obtufos, figuram propemodum coni faccharei 
haberent. Item, antè vel pôift vel etiam cum his grandinis granis, 
vulgù alia rotunda decidebant. 

7. Hæ autem diverfæ grandinis figuræ nihil fingulare aut notatu 
dignum habent, fi comparentur cum illà nive quæ generatur ex 
parvis globulis feu glomis glaciei, vi ventorum in formam | folio- 
rum, eo modo quo dixi, difpofitis. Nam, calore exigua capillamenta 
horum foliorum liquefacere incipiente, primüm quæ infrà & fuprà 
decutit, ut maximè fuæ aétioni obvia: pauxillumque illud liquoris 
in quod folvuntur, per foliorum fuperficies diffufum, exiguas inæ- 
qualitates 1b1 occurrentes omnes replet, atque ita æquè planas & 
politas illas reddit ac eæ corporum liquidorum funt, quamwis ibi 
flatim iterum concrefcat. Cüm enim tunc calor non vehementior fit 
quàäm requiritur ut exigua illa capillamenta, aëre undique cinéta, 


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207-200. METEORA. 68 $ 


reliquis integris in aquam folvat, non fatis virium habere poteft ad 
impediendum ne illud pauxillum aquæ, glacialibus his fuperficiebus 
illapfum, earum frigore iterum aftringatur. Poftea hic calor, per- 
vadens etiam alia capillamenta, quæ finguli glomi in ambitu, ubi 
fimilibus aliis fex cinguntur, habent, ea ex illis capillamentis, quæ 
maximè à fex vicinis globulis funt remota, indifferenter huc illuc 
flectit &, hoc ipflo, iis quæ & regione fex horum globulorum con- 
fiftunt adjungit : hæc enim, eorundem fex globulorum vicinià refri- 
gerata, non liquefcunt, fed contrà denuo materiam aliorum fibi 
junétorum protinus glaciant. Atque ita fex cufpides aut radit circa 
fingulos glomos formantur, qui | diverfas figuras recipere poilunt, 
prout hi glomi magis aut minüs crafli & comprefli funt, capilla- 
menta item denfa & longa, calor quo coguntur lentus ac mode- 
ratus, prout denique ventus qui hunc calorem comitatur | (modû 
aliquis comitetur) magis aut minûs vehemens eft. Et ita frons nubis 
exterior, qualem videmus ad Z vel M, talis poftea evadit qualem 
videmus ad O vel Q; & fingulæ glaciei particulæ, ex quibus conftat, 
figuram exiguæ rofæ aut ftellæ affabrè faétam repræfentant. 

8. Ne autem me hæc fingere vel ex levi tantüm conjecturà fcribere 
putetis, referam ea quæ proximà hyeme anni 1635, Amftelodami, 
ubi tunc eram, circa hanc rém obfervavi. Quarto Februarii, quum 
dies admodum frigida præcefliflet, vefperi paululum pluviæ decidit, 
quæ in glaciem vertebatur fimul ac terram contingebat ; poftea fe- 
quuta eft grando exigua, cujus grana, quæ ejus magnitudinis erant 
quam repræfentatam videmus ad H, ejufdem pluviæ guttas in aëre 
gelatas arbitrabar. Tamen, loco illius figuræ accuratè rotundæ, quam 
fine dubio hæ guttæ antè habue |rant, notabiliter ab unà quam ab 
alterâ parte planiores erant, ita ut | figuram fere fimilem haberent 
parti oculi noftri quam vulgd cryftallinum humorem dicimus. Unde 
ventum, qui tum temporis validiflimus & frigidiflimus erat, tantum 
virium habuïfle didici ut figuram illam guttarum inter glaciandum 
potuerit immutare. Sed omnium maximè admirabar quædam ex 
his granis, quæ poftrema deciderunt, parvos fex dentes circa fe 
habere fimiles iis qui in horologiorum rotis, ut videmus ad I. Ethi 
dentes, qui candidiffimi erant facchari intar, quum contrà grana ex 
pellucidà glacie fere nigra viderentur, fatis teftabantur fe factos ex 
nive fubtiliffimà, guttis jam formatis afperfà, quemadmodum plantis 
pruina adhæret. Atque hàc de re certior fum factus ex eo quôd, fub 


finem, nonnulla notavi, quæ circa fe habebantinnumera exigua capil- 


lamenta, compofita ex nive pallidiori & fubtiliori quàm illa erat quà 
dentes jam memorati conftabant, adeo ut illi comparari poilet 


686 Œuvres DE DESCARTES. 299-301. 


eodem modo quo cineres intacti, quibus prunæ flammä deftitutæ 
fenfim obducuntur, iis qui jam recoéti | funt atque in foco cumulati. 
Ægrè tantummodo poteram conjicere quidnam in aëre libero, tur- 
bantibus ventis, adeo accuratè h@s fex dentes formare & circa fingula 
grana difponere potuillet, donec tandem in mentem venit, facillimè 
fieri potuifle ut ventus nonnulla ex his granis verfüs aliquam nubem 
expulerit, | eaque infra illam vel ultra fufpenfa aliquamdiu deti- 
nuerit; fatis enim ad hoc exigua erant : atque ibi procul dubio ita 
difponi debuiffe ut fingula fex aliis in eodem plano fitis cingerentur, 
quia talis eft ordo naturæ. Et præterea verifimile effe calorem (quem 
paulo antè in aëre fublimi fuiffe argumento erat pluvia quam obfer- 
varam) aliquos ibi vapores excitafle quos idem ventus compulerat 
ad hæc grana, ubi, in formam tenuiflimorum capillamentorum con- 
creti, forfan etiam aliquid ad eorum librationem contulerant; adeo 
ut facillimè ibi hærere potuerint, ufque dum alius calor fuperve- 
niret. Et, hoc calore ftatim exigua capillamenta unumquodque gra- 
num cingentia liquefaciente, exceptis tantùm 1is quæ verfüs centra 
fex vicinorum granorum refpiciebant, quia nempe horum granorum 
frigus ejus actioni repugnabat, materiam eorum, quæ liquefcebant, 
fex acervis aliorum, quæ remanferant, fe mifcuiffe, iifque hâc ratione 
denfioribus redditis et calori minüs perviis, eam ibi rurfus congla- 
cialle, atque ita hos dentes fuifle formatos. Econtra verd innumera 
illa capillamenta, quæ notaveram circa aliquot ex iis granis, quæ 
poftremo loco deciderant, ifto calore nullo modo contacta fuifle. 

9. Poftridie, horà circiter octavä, aliud præterea genus grandinis, 
feu potiüs nivis obfervavi, de quo nunquam antea audiveram. 
Parvæ laminæ glaciei erant, planæ, politæ | & pellucidæ, ejus craf- 
fitiei cujus effe folet charta cùm paulo denfior eft, ejufque | magni- 
tudinis quam videmus ad K, fed tam accuratè fexangulatas, late- 
ribus tam redis & angulis tam æqualibus, ut nihil fimile humana 
induftria efficere poflit. Statim agnovi has laminas primô exiguos 
glaciei globulos fuifle, eo modo difpofitos quo antè dixi, & pretfos 
validiffimo vento, fatis caloris fecum rapiente: adeo ut hic calor 
omnia illorum capillamenta liquefecerit & humore inde orto omnes 
eorundem poros ita impleverit ut, eo mox ibi rurfus congelato, ex 
albis, quales antea fuerant, omnino pellucidi fact fint; atque hunc 
ventum ipfos eodem tempore ita compreflifle ut nullum interjeétum 
fpatium remaneret; « hoc efl, ut nulla in uniufcujufque circuitu 
effet pars quæ non aliquem ex fex vicinis attingeret » : fimulque 
hunc eundem ventum fuperficies foliorum, quæ ex his globulis 
componebantur, fuper & fubter labendo complanafle; ex quibus 


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Ido METEORA. 687 


omnibus accurata ifta laminarum figura non potuit non exfurgere. 
Supererat tantüm nonnulla difficultas in eo qudd hi globuli, fic 
fere liquefacti & eodem tempore collifi, non cohæfiflent; licèt enim 
curiofè fcrutarer, nunquam tamen @uos junétos potui invenire. Mox 
autem hâc etiam in parte mihi fatisfeci, advertendo quâ ratione 
ventus, per aquam labens, afliduè illam agitet,omnefque ejus fuper- 
ficiei partes unam poft alteram inflectat, nec illas tamen propterea 
fcabras aut afperas efliciat. Inde enim cognovi ventum, qui procul 
dubio fuperficies etiam nubium inflectit, ibique continud  fingulas 
glaciei particulas paul aliter quàäm vicinas impellit, | non permit- 
tere illas omnino conglutinari, licèt interim illarum | ordinem non 
turbet & nihilominus exiguas fingularum fuperficies accuratè poliat 
& complanet : non aliter quäm videmus etiam illum fingulas partes 
undarum, quas in pulvere vel arenà interdum format, fatis politas 
efficere. 

10. Hanc nubem fequuta eft alia nihil aliud quàäm rotulas aut 
rofas exiguas effundens, omnes fex radiis inftar dimidii circuli 
rotundatis infignes, planè quales videmus ad Q; pellucidas etiam 
omnes & planas, ejufdem fere craflitiei cujus laminæ illæ fupe- 
riores, ac fuprà quam dici potelt accuratè dimenfas. In medio etiam 
quarundam punétum album perexiguum animadverti, quafi pede 
circini, quo rotundatæ fuerant, illic impreflum. Sed facilè intellexi 
ab iifdem caufis illas fuifle formatas, à quibus laminæ glaciei quæ 
præceflerant : hoc tantüm excepto, qudd vento non tam vehe- 
menter preflæ, nec forfan etiam calore tam intenfo circumdatæ 
fuerint, ideoque earum cufpides non omnino liquefaétæ fint, fed 
tantüm paulo breviores | evaferint & in extremitate rotundæ, inftar 
| dentium qui fiunt in horologiorum rotis. 

11, Punétum autem, quod in medio quarundam album appa- 
rebat, ex eo efle mihi facile perfuafñi qudd calor, iis formandis 
inferviens, tam moderatus fuiflet ut, quamvis cæteras earum partes 
ex albis omnino pellucidas effeciflet, non tamen ufque ad centra 
penetraflet, quæ ideo alba remanferant. Plures aliæ ejufmodi ro- 
tulæ poftea deciderunt, binæ uno axe conjunétæ; vel potiüs, 
quoniam ifti axes erant initio fatis crafli, tot exiguas columnas 
cryftallinas dixifles, quarum fingulæ fingulis rofis, fex folia haben- 
tibus & nonnihil eminentibus ultra bafin fuam, erant exornatæ. 
Sed paulo pôift minüs craflas alias ejufmodi columnas animadverti, 
rofis itidem aut ftellulis, interdum æqualibus interdumque inæqua- 
libus, in utrâque extremitate exornatas. 

12. Breviores etiam deinde notavi axes five columnas, & gra- 


688 Œuvres DE DESCARTES. 303-305. 


datim adhuc breviores, donec tandem ftellulæ omnino jungerentur, 
caderentque duplices, duodecim infignes radiis fatis longis & accu- 
ratè dimenfis, in aliis æqualibus & in alits alternatim inæqualibus, 
ut videmus ad F & E. Quæ*omnia dederunt mihi occafionem 
exiftimandi, particulas glaciei diverforum foliorum, fibi invicem in 
nubibus impofitorum, facilius cohærere quàm illas plani aut folii 
ejufdem. Licèt enim ventus, ut plurimum fortius in folia inferiora 
quàm in fuperiora agens, paulo celerius, ut jam audivimus, illa 
moveat, æqualiter tamen etiam aliquando utrumque folium impel- 
lere poteft, ut ita eodem modo fluétuent : præfertim cum non ultra 
duo vel tria ita funt una aliis impoñita; & tum, | per oras glomorum 
ex quibus | componuntur cribratus, effcit ut ii ex his glomis, qui 
in duobus aut pluribus foliis è regione opponuntur, eundem femper 
inter fe fitum fervent & velut immoti fe mutuû refpiciant, licèt 
interim nihilominus folia undatim agitentur, quoniam eo iplo 
viam quammaximè expeditam fibi facit. Atque interea calor (vicinià 
glomorum, qui in duobus foliis funt, non minüs impeditus ne 
eorum capillamenta direétè interpofita liquefaciat, quäm vicinià 
eorum qui funt in eodem) liquefacit tantüm alia circumcirca : 
quæ, deinde integris junéta atque cum ïis conglaciata, axes aut 
columnas illas componunt, quæ hos glomos interea, dum in rofas 
aut ftellulas mutantur, conjungunt. Craflitiem autem quam initio 
in his columnis animadverteram, minimè mirabar, quamvis mate- 
riam adhærentium capillamenterum illi producendæ non fuffcere 
fatis noffem; fieri enim potuilfle cogitabam ut, quatuor aut quinque 
foliis fuperingeftis, calor, fortius agens in duo aut tria intermedia 
(utpote ventis minüs expofita) quàm in fuperius vel inferius, glomos, 
quibus illa conftarent, fere totos liquefecerit, atque ita ex eorum 
materià compofuerit has columnas. Neque magis ftellas diverfæ 
magnitudinis eodem axe interdum junétas admirabar; quum enim 
notaffem radios majoris femper longiores & acutiores radiis minoris 
efle, calorem, magis intenfum circa | hanc minorem quäm circa 
alteram, magis folviffe & retudifle cufpides radiorum ejus judica- 
bam, atque etiam eandem minorem ex glomo glaciei minore po- 
tuifle componi. Poftremd neque has flellas duplices duodecim 
radiorum, quæ poftea decidebant, admirabar; fingulas enim earum 
ex duabus fimplicibus fex radiorum compofitas judicabam per calo- 
[rem qui, fortior intra duo folia, quorum partes erant, quam extra 
eadem, exigua capillamenta glaciei, quibus nectebantur, liquefe- 
cerat, atque ita illas conglutinaverat ut etiam breviores reddidiffet 
columnas, quæ jungebant alias ftellas paulo antè mihi vifas: In 


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ET 


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305-307. METEORA. 689 


multis autem ftellularum millibus, quæ illà die obfervavi, ne unam 
quidem, quamvis curiofe inquirerem, potui invenire quæ plures 
aut pauciores fex radiis haberet, exceptis pauciflimis, quæ duode- 
cim, & quatuor aut quinque aliis quæ tantummodo octo habebant. 
Atque hæ non accuratè rotundæ erant, quemadmodum reliquæ, 
fed oblongæ atque omnino tales quales videmus ad O; unde judi- 
cabam illas in conjunétione extremitatum duorum foliorum vento 
colliforum formatas, eodem momento quo calor exiguas illorum 


_pilulas in ftellas converterat; nam accuratè figuram habebant quæ 


inde naturaliter exfurgit. Atque hæc connexio, cm fecundüum 
lineam reétam fiat, non tantum impediri poteit fluctuatione quam 
venti concitant, quantum illa glomorum qui idem folium compo- 
nunt; & præterea ipfe etiam calor in oris | foliorum, dum accedunt 
ad invicem, major reperitur quam alibi, adeo ut facilè duos radios 
cujufque ex ftellulis, quæ ibi occurrunt, liquefaciat; & frigus, 
quod huic calori fuccedit, ftatim ac duo folia fe mutud contingunt, 
ftellulas iftas, quatuor tantüm radios reliquos habentes, unam 
alteri conglutinat. 

13. Cæterüm, præter illas ftellas pellucidas, de quibus haétenus 
loquuti fumus, innumeræ aliæ eâdem die, omnino albæ inftar 
facchari, deciderunt, quarum quædam eandem | fere figuram quam 
pellucidæ habebant, plurimæ autem radios magis tenues et acutos, 
fæpe etiam divifos : interdum in tres ramos qui, utroque extremo 
forinfecus inflexo & medio manente reéto, lilium repræfentabant, 
ut, videntur ad R ; interdum etiam in plures, plumas aut folia filicis 
aut fimile quid imitantes. Atque etiam fimul cum his ftellis multæ 
aliæ glaciei particulæ in formam capillamentorum, vel etiam planè 
informes, decidebant. Quorum omnium ratio ex dictis manifefta eft. 
Albedo enim ftellularum inde erat qudd calor non penetraflet ad 
ipforum materiæ fundum, ut facilè agnofcebatur ex eo quèd omnes 
quæ valdè tenues erant & exiles, fimul etiam effent tranfparentes. Si 
ver interdum radii ftellarum, quæ albæ erant, non minüs breves 
atque obtufi effent quàäm earum quæ pellucidæ, non ideo calor eos 
tantundem liquefecerat, fed venti vehementiüs compreflerant; & 
communiter longiores atque acutiores erant, quia defeétu caloris 
minüs foluti. Quando autem hi|radii in plures ramos dividebantur, 
hoc fiebat ex eo quôd calor exigua capilla[menta, quibus compone- 
bantur, deftitueret, cùm jam erant in motu ut ad invicem accederent, 
& priufquam in unum corpus coaluiffent. Cümque in tres tantüm 
ramos divifi erant, hoc erat ex eo quôd calor paulo tardiüs excefliflet. 
Et duo exteriores rami extrorfum replicabantur, quia vicinia medii 

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690 OEUVRES DE DESCARTES. 307-309. 


rami frigidiores & magis rigidos, quâ parte illi obvertebantur, 
reddebat ; atque ita finguli ex illis radiis lilii figuram affumebant. 
Reliquæ autem particulæ glaciei, quæ non erant fic formatæ in 
ftellas, certum me reddebant non omnes nubes ex parvis glomis aut 
pilulis componi, fed multas etiam folis capillamentis confufè junétis 
conftare. 

14. Caufam autem cur hæ ftellulæ deciderant, vehementia venti 
continua totum illum diem perfeverans manifeftam mihi reddebat; 


nam judicabam hunc ventum non poffe non lacerare interdum & 


difturbare folia quæ componebant, ftatimque illas, ab invicem dif- 
junétas, latera in terram inclinare, atque hoc fitu facilè aërem divi- 
dentes delabi, quoniam cætera planæ erant & fatis ponderofæ ad 
defcendendum. Si verd interdum aëre tranquillo hujufmodi ftellæ 
decidant, id accidit vel ob aërem inferiorem qui condenfatus totam 
nubem ad fe trahit, vel ob fuperiorem qui dilatatus illam deorfum 
agit atque, eâdem operà, illas divellit; & propterea major tum 
nivium copia fequi folet :‘hoc autem illà die non contigit. Die verd 
fequenti, | occi nivium delapfi funt, qui ex innumeris exiguis ftellis 
fimul junétis compofiti videbantur : verumtamen, penitiüs introfpi- 
ciens, animadverti interiores non tam perfectè formatas efle quàm 
exteriores, & facile ex diffolutà hujus modi nube, qualem fuprà 
litterà G nota|vimus, oriri potuifle. Poftea, ceflante hâc nive, 
ventus inftar tempeftatis fubitù coortus paululum albæ grandinis 
effudit, oblongæ et pertenuis, cujus fingula grana facchari conum 
exprimebant ; & quoniam ftatim aëris ferenitas infecuta eft, hanc 
grandinem in altiflimà nubium parte generatam judicabam, cujus 
nives maximè fubtiles & capillamentis tenuiflimis compofitæ erant, 
quales paulo antè defcriptæ funt. Denique, tertià inde die, nivium 
parvos globulos aut glaciei pilulas delabentes videns, magno numero 
capillamentorum fine ordine pofitorum cinétas, nec quidquam ftellis 
fimile habentes, quæcunque priüs de caufis harum nivium fueram 
fufpicatus, mihi certa & explorata vifa funt. 

15. Nunc autem, ex iis quæ diximus, facilè intelligitur quâ 
ratione nubes, folis aquæ guttis conftantes, depluant : nempe vel 
pondere proprio, cm guttæ fatis craffæ funt; vel cum aër inferior 
receflit, vel fuperior incurfu ad defcenfum invitat; vel etiam quando 
plures ex his caufis fimul concurrunt. Atque, inferiori aëre fe contra- 
hente, pluvia maximè minuta & veluti rorans generatur ; imo ali- 
quando adeo | minuta eft ut fæpiflime delabentem non || pluviam, 


fed nebulam potiüs dicamus : magna contrà, feu grandibus guttis, 


colligitur quoties nubes folo aëre fuperiori preffa defcendit; fublimes 


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306-310, METEORA. 691 


enim illius guttarum, primà delapfæ, alias in vià inveniunt quibus 
craffefcunt. 

16. Imo etiam æftate aliquoties vidi, aëre tranquillo atque æftu 
veéhementi & velut fuffocante, hujufmodi pluviam decidiffe, ante- 
quam ulla nubes appareret : cujus hæc erat ratio qudd, exiftente 
magnâ vaporum copià in aëre, qui proculdubio ventis aliunde fpi- 
rantibus premebantur, ut tranquillitas aëris & denfitas ejufdem 
teftabantur, guttæ, in quas hi vapores coibant, cadendo augef- 
centes, ut formabantur, depluerent. 

17. Nebulæ autem, cum terra refrigeratur & aër qui eft in ejus 
poris condenfatur, occafionem habent defcendendi; tuncque in rorem 
abeunt, fi ex aquæ guttis componantur, & in pruinam, fi ex vapo- 
ribus jam gelatis, feu potius qui gelantur, ut terram contingunt. 
Atque hoc præfertim noétu aut fub diluculum accidit, quia tunc 
quam maximè terra à Sole averfa refrigeratur. Sed ventus etiam 
fæpiflime nebulas folvit, materiamque illarum alid transferre folet, 
atque inde rorem aut pruinam componere in locis ubi ipfæ non 
exftiterunt ; & tunc videmus hanc pruinam plantis non adhærere, 
nifi eà parte quam ventus tetigit. 

18. | Quod ad afflatum illum dies ferenos confequentem attinet, 
qui nunquam nifi vefperi decidit, & folis catarrhis & capitis dolo- 
ribus agnofcitur quos in quibufdam regionibus excitat, is conftat 
certis exhalationibus fubtilibus & penetrantibus, quæ, cùm minüs 
volatiles fint quam vapores, non levantur nifi è regionibus fatis 
calidis, fereno | & fudo aëre, &, fimul ac calore Solis deftituuntur, 
iterum decidunt; unde fit ut, pro regionum diverfitate, diverfis 
qualitatibus fit præditus & multis in locis fit incognitus. Non quidem 
nego rorem, qui fub vefperam decidere incipit, fæpe ifti afflatui 
comitem efle; fed nego mala de quibus accufatur rori effe adfcri- 
benda. 

19. Non etiam manna, nec alii hujufmodi fucci qui noctu ex 
aëre decidunt, rore vel vaporibus conftant, fed exhalationibus folis. 
Atque hi fucci non modà in diverfis regionibus funt diverfi, fed 
etiam in quibufdam nonnifi certis corporibus adhærent : quod 
proculdubio ex eo fit quôd particulæ quibus conftant funttalis figuræ 
ut cum iis aliorum corporum neéti non pofñnt! 

20. Cüm ros noétu non decidit, & nebula mane furfum recedens 
terram omnino ficcam relinquit, pluviam brevi fequuturam effe cre- 
dere licet;, nam hoc vix accidere poteft, nifi cùm terra, noëtu non 
fatis refrigerata vel mane fupra modum calefacta, multos vapores 
exfpirat qui, nebulam in altum pellentes, efficiunt ut ejus guttæ fibi 


692 Œuvres DE DESCARTES. 310-319. 


invicem occurrentes jungantur, atque ita tam craffæ evadant ut 
paulo pôft in pluviam decidere cogantur. 

21. Præfagit etiam | venturam pluviam aër nubibus obduétus, 
cüm Sol nihilominus in ortu lucidè fplendet : hinc enim liquet 
nullas alias nubes in vicinià noftri aëris verfüs Orientem efle, quæ 
obftent ne Solis calor eas, quæ fupra nos hærent, condenfet, vel 
novos vapores, quibus augeantur, à terrâ noftrà attollat. Hæc autem 
caufa, cûm matutino tantüm tempore locum habeat, fi ante meri- 
diem non pluat, quid in vefperam accidet minimè poterit docere. 

22, Plura hîc addere de multis aliis pluviæ fignis non libet, | 
quum maximam partem incerta fint; &, fi confideremus eundem 
calorem, qui requiritur ad condenfandas nubes & pluviam inde 
defundendam, illas etiam dilatare & in vapores mutare pofle, qui 
vel paulatim in aërem evanefcant, vel ventos ibi generent (prout 
nempe nubium partes magis comprimuntur aut difperguntur, aut 
calor paulo majorem vel minorem humiditatem adjunétam habet, 
aut aër circumfufus magis aut minüs dilatatur vel condenfatur), 
facillimè judicabimus omnia illa magis incerta & dubia efle quàm 
ut hominum ingenio prænofci queant : « faltem in his regionibus 
ubi magna terrarum & marium inæqualitas ventos admodum 
inconftantes producit; in locis enim ubi certis anni temporibus 
idem femper venti recurrunt, haud dubiè pluviæ impendentes 
facilius prænofcuntur ». 


| CAPUT VII. 


De tempefatibus, fulmine € ignibus aliis in aëre accenjis. 


1. Cæterüm nubes non tantüm ventos generant, cùm in vapores 
diflolvuntur, fed etiam interdum totæ fimul tam fubito motu ex alto 
defcendunt ut, omnem fubjeétum aërem magnâ vi propellentes, 
ventum ex eo componantqui validiflimus quidem, fed non diuturnus 
effe poteft; ejufque fimilem facilè experiemur fi, velo in fublimi 
aëre ita expanfo ut omnes ejus partes à terrà æquidiftent, illud 
totum fimul decidere permittamus. Fortes pluviæ plerumque hujuf- 
modi ventum autecurforem habent, qui manifeftè ex alto deor/fum 
agit, & cujus frigus abundè monfirat illum ex nubibus venire, ubi 
aër communiter frigidior eft quàm circa nos. 

2. Atque hic ventus efficit ut hirundines, folito humilius vo- 


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312-314. METEORA. 693 


lantes, pluviæ fecuturæ præbeant argumentum; certas enim muf- 
cas, pabulum illarum, deprimit, quæ, abblandiente aëris ferenitate, 
in altum evolare folent. Idem etiam eft qui nonnunquam, cùm nubes 
adeo parva eft, vel tam parum defcendit, ut ipfe valde debilis vix in 
aëre libero fentiatur, caminis illapfus, cineres & feflucas in angulo 
foci contorquet, ibique | parvos quafi turbines excitat, fatis mira- 
biles iis qui eorum caufas ignorant, & quos plerumque nonnulla 
pluvia confequitur. 

3. Nube autem defcendente ponderofà admodum & latè diffufâ 
(qualis facilius in vafto mari quam alibi colligitur, cùm vaporibus 
æqualiter ibi difperfis, fimul ac minima nubes in parte aliquà cogi 
cœpit, ftatim etiam fe per omnia vicina loca extendit), neceflarid tem- 
peftas furgit tantd gravior quantd nubes major eft & ponderofior, 
atque hoc pertinacior quà ex altiori loco defcendit. Atque ita vehe- 
mentes illos turbines generari arbitror quos fravadas dicunt, nautis 
noftris in longinquis navigationibus maximè formidabiles, præfer- 
tim paulo ultra promontorium Bonæ Spei, ubi vapores, magnä copià 
ex mari Æthiopico furgentes, quoniam eft latiflimum & Solis radiis 
maximè incalefcit, facillimè ventum Occidentalem efficere poflunt 
qui, curfum naturalem (ab Oriente fcilicet in Occafum) aliorum, 
quos mare [Indicum emittit, fiftens, illos in nubem cogit; quæ nubes, 
quoniam oritur ex inæqualitate quæ eft inter hæc duo maria vaftif- 
fima & | hanc terram « quæ etiam eft valde lata », multd major eva- 
dere debet quam illæ quæ in noftris regionibus generantur, ubi 
tantüm pendent à minoribus iftis inæqualitatibus quæ funt inter 
noftras planities, lacus & montes. Et quia fere nunquam aliæ nubes, 
in iis locis cernuntur, ftatim ac nautæ aliquam coire animadver- 
tunt, licèt interdum initio tam parva efle videatur ut illam Batavi 
cum bovis oculo compararint atque inde appellarint, & licèt | om- 
nis reliquus aër valde ferenus & defæcatus appareat, nihilominus 
vela contrahunt & contra magnam tempeftatem fe muniunt, quæ 
ftatim etiam infequitur. Ed quoque majorem illam effe folere exif- 
timo, qu minor initio hæc nubes apparuit : cùm enim fieri nequeat 
fatis craffa ut aërem obfcurando fit confpicua, nifi fimul etiam fiat 
fatis lata, ita exigua videri non poteft, nifi ex eo quôüd fit valde re- 
mota ; & notum eft, quù ex altiori loco defcendit corpus grave, hoc 
impetum ejus efle validiorem. Ita hæc nubes, fublimis & fubit 
magna & ponderofa facta, tota delabitur, magnà vehementià omnem 
aërem fubjeétum agens & tempeftatem hoc iplo ciens. Notandum 


-étiam vapores, huic aëri immixtos, illà agitatione dilatari; multos 


quoque alios Oceanum emittere, ob fluétus fuos ita concuflos, qui, 
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604 Œuvres DE DESCARTES. 214-216. 


vim venti augentes & tardantes defcenfum nubis, diutiùs tempefta- 
tem fævire cogunt. 

4. Præterea exhalationes his vaporibus immifceri folent, quæ, 
cum tam longè ac illi à nube defcendente propelli non poflint, ob 
partes minüs folidas et figurarum magis irregularium, aëris agita- 
tione ab iis feparantur, eodem | modo quo, ut fuprà diximus, ruf- 
ticæ, cremorem lactis tundentes, butyrum à fero fecernunt. Atque 
ita hæ exhalationes, hinc & inde in diverfos acervos congregatæ &, 
quàm altiflimè poffunt, juxta nubem fluétuantes, tandem malis aut 
funibus navium adhærent, cùm nubes, | ad finem fui motûs acce- 
dens, illas eoufque depreflit. Et ibi violentä aëris agitatione accenfæ 
ignes illos componunt qui S' Helmi dicuntur & nautas fpe fereni- 
tatis brevi futuræ folantur. Notandum tamen eft has tempeftates in 
fine vehementiflimas efle, & interdum plures nubes unas aliis in- 
cumbere pofle, infra quarum fingulas ejufmodi ignes reperiantur : 
quod fortè antiquis occafionem dedit, cùm unicum viderent, quem 
Helenam appellabant, illum mali ominis exiftimandi, quia nempe 
tunc graviflimum tempeftatis impetum adhuc expeétabant; & tum 
demum illos ferenitatem prænunciare credendi, cùm duos videbant, 
quos Caftorem et Pollucem vocabant; quippe rard plures notarunt, 
nifi fortè cùm tempeftas ultra folitum vehemens erat, quo tempore 
interdum tres numerabant, quos ideo etiam mali ominis effe arbi- 
trati funt. Sed audio, nunc a nautis etiam quatuor aut quinque fimul 
folere obfervari, forfan quia navigia majora & plures in ïis malos 
habent, aut quia per loca navigant ubi exhalationum copia major 
attollitur. Quid enim in latioribus Oceani partibus accidat, folà 
conjecturà affequi poffum, cùm nunquam in iis navigaverim, nec 
nifi valde dubias & incertas de ipfis relationes habeam. 

5. Quod autem ad illas tempeñtates attinet, quæ tonitru, fulgure, 
turbinibus & fulmine comitatæ efle folent, quarumque nonnulla 
exempla in terrà notare potui, non dulbito quin oriantur ex eo quôd, 
cum plures nubes tabularum inftar unæ aliis fuperftratæ funt, inter- 
dum contingit | ut fuperiores magno impetu in inferiores dilaban- 
tur. Ut fi, duabus nubibus À & B è nive rarà & maximè expanfà 
compofitis, aër calidior circa fuperiorem A feratur quäm circa infe- 
riorem B; manifeftè liquet calorem hujus aëris illam paulatim con- 
denfare et ponderofiorem reddere poile, adeo ut eæ ex ejus partibus 
quæ altifimæ funt, primæ defcendentes, alias, quæ ipfs in vi oc- 
currunt, deturbent & fecum rapiant, atque ita omnes fimul, magno 
fragore & fonitu, in nubem inferiorem ruant. Eodem modo quo in 
Alpibus olim circa menfem Maium me vidiffle memini, vi Solis cale- 


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316-318. METEORA. 69; 


faà nive & ponderofiori reddità, minimum aëris motum fubitù 
magnas illius moles devolvifle, quæ, in vallibus refonantes, fatis 
bene tonitrui fonitum imitabantur. 

6. Atque hinc liquet quare hyeme rarius hîc apud nos tonet 
quäm æftate : tum enim non tam facilè calor fufficiens nubibus dif- 
folvendis ad fuperiores ufque pertingit. Liquet etiam quare, tempore 
vehementis æftûs, quando vento feptentrionali, qui diu non dura- 
verit, calor humens & veluti fuffocans denuo fuccedit, tonitru poftea 
fequi folet. Hoc enim teftatur ventum illum feptentrionalem, ad 
terram accedendo, calorem inde in | illam regionem aëris egifle, in 
quà nubes fublimiores formantur; ipfumque çtiam ventum poftea 
è vicinià terræ fuifle expulfum ad | illam regionem aëris in quà funt 
nubes inferiores : nempe à vaporibus tepidis qui, è terrà calente 
egredientes, aërem infimum dilatarunt : unde fit ut non modo fupe- 
riores nubes condenfari debeant & delabi, fed etiam inferiores adeo 
raras atque extenfas remanere, aërifque fubjeéti dilatatione ita fur- 
fum protrudi, ut alias in fe cadentes excipiant ibique fiftant, & fæpe 
etiam, ne quid omnino ex iis ad terram ufque defcendat, impediant. 

7. Notandumque eft illum ftrepitum, qui fupra nos ita excitatur, 
meliüs exaudiri debere, ob aëris circumquaque pofiti refonantiam, 
majoremque efle, pro copià nivis decidentis, quàäm cüm ingentes 
nivium moles è montibus in valles delabuntur. Notandum etiam, 
ex hoc folo quèd partes nubium fuperiorum, vel omnes fimul deci- 
dant, vel una poft aliam, vel tardius, vel celerius, vel quôd infe- 
riores majores aut minores, crafliores aut tenuiores funt, & magis 
aut minus obnituntur, facillimè omnes diverfos tonitruum fonos 
effici poile. 

8. Differentiæ autem quæ funt inter fulgura, turbines & fulmina, 
non pendent nifi à diverfà naturà exhalationum quæ in fpatio quod 
duas nubes interjacet reperiuntur, & à modo quo harum nubium 
fuperior in inferiorem cadit. Si enim magnus æftus & ficcitas præ- 
cefferit, atque ita hoc fpatium exhalationes copiofas, maximè fub- 
tiles & ad concipiendam flammam aptas, contineat, fuperior nubes 
fere tam exigua effe nequit, nec tam lentè defcendere, quin, impulfo 
aëre inter fe & inferiorem medio, fulgur aliquod elidat, id eft, flam- 
mam levem | eodem momento evanefcentem*. Atque ita tum hu- 
jufmodi fulgura cernere poflumus, nullo omnino tonitrus murmure 
exaudito, interdum | etiam nubibus non ita denfis ut confpici pof- 
fint. Contrà verd, fi nullæ in aëre exhalationes inflammationi idoneæ 


a. enascentem Æ/7. 


696 OEuvres DE DESCARTES. 318-320. 


adfint, boatum quemdam tonitrus audire poffumus, nullà corufca- 
tione apparente. Et cùm fuperior nubes nonnifi per partes fe mutuû 
confequentes delabitur, vix quidquam aliud quàm fulgura & toni- 
trua producit; fed, cùm tota fimul fatis velociter decidit, poteit 
etiam turbines & fulmina generare. Ejus enim extremitates, ut C 
& D, paulo celeriùs quàam ejufdem medium defcendunt, quia, cum 
aër illis fubjeétus minus itineris conficiendum habeat, ut inde egre- 
diatur, quàm ille qui medio fubjicitur, facilius iis locum cedit; & 
his ita nubem inferiorem citiùs contingentibus, multum aëris verfüs 
medium includunt, ut hic videtur in E; ftatimque poftea hic aër, 
magnâ vi preffus & expulfus ab eodem nubis fuperioris medio, quod 
pergit defcendere, viam neceffarid fibi facit, vel perrumpendo nubem 
inferiorem, ut videmus ad F, vel aliquam ex ejus extremitatibus 
-divellendo, ut ad G. Atque ita apertâ hâc nube, | magno impetu in 
terram ruit; unde ftatim rurfus afcendit, fe celerrimè circumagendo, 
quoniam alius aër aut alia corpora ipfi occurrentia impediunt ne 
fecundüm | lineam reétam moveri pergat æquè velociter ac agitatio 
ejus requirit. Quo fit ut turbinem componat : & quidem hic turbo 
fine fulmine & fulgure effe poteft, fi nullæ fint prorfus in ifto aëre 
exhalationes ad concipiendam flammam idoneæ. 

9. Sed contrà, fi fatis multæ fint, omnes, in unum cumulum 
coëuntes & magno impetu fimul cum ipfo in terram ruentes, incen- 
duntur & fulmen componunt. Poteftque hoc fulmen interdum, 
hominum corpora non lædendo, ipforum veftimenta comburere, 
pilofque ad cutem depafcere : cùm nempe exhalationes quibus con- 
flat, quæque fulphur folent redolere, non aliam quàm oleorum na- 
turam participant, adeo ut levem tantüm flammam nutriant, quæ 
nonnifi corporibus combuftioni magis idoneis adhæret. Ut, econ- 
tra, interdum offa carnibus integris confringere, vel vaginà illæfà 
gladium liquefacere poteft, fi hæ exhalationes, maximè fubtiles & 
penetrantes, folam falis volatilis aut aquæ fortis naturam habeant : 
tum enim, fine injurià cedentia corpora perlapfum, quidquid refiftit 
comminuit ac diffringit; ut & aqua fortis, duriflima metallorum 
corpora refolvens, vix quicquam agit in ceram. 

10. Poftremà, fulmen interdum in lapidem duriflimum, omnia 
obvia rumpentem & disjicientem, converti poteit, fi penetrantibus 
his exhalationibus multæ aliæ pingues & fulphureæ immifceantur : 
præfertim fi crafliores etiam adfint, fimiles ei terræ quæ in fundis 
vaforum, in quibus collecta eft aqua pluvia, | fubfidit. Quemad- 
modum experientià difcimus, fi hujus terræ, nitri & fulphuris certas 
partes fimul mixteamus, mixturamque iflam incendamus, illam 


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PP ONU. VI 


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Dean METEORA. 697 


| momento temporis in lapidem quendam concrefcere. Jam ver, fi 
nubes à latere dehifcat, ut in G, fulmen, obliquo itinere libratum, 
faciliüs turrium faftigia vel montium vertices tangit, quàm loca hu- 
milia, ut videmus ad H. Nec deeft etiam ratio propter quam, cum 
nubes infra perrumpitur, fæpius loca edita & eminentia quàm hu- 
miliora fulmine feriantur. Si enim, exempli gratiâ, nubes B non 
magis hîc, quàm alibi, aliunde difpofita fit ad dehifcendum, certum 
eft illam apertum iri in F, ob refiftentiam fubjectæ turris. 

10 bis. Nec magis deeft ratio, quare fingulas vices, quibus tonitru 
auditur, nonnihil pluviæ fubità decidentis confequi foleat ; & quare, 
cüm hæc pluvia fatis copiofe effunditur, poftea non multüm tonet. 
Nam, fi illa vis, quà fuperior nubes, in inferiorem decidendo, illam 
concutit, fatis valida fit ad eandem omnino dejiciendam, manifeftum 
eft fulmina ceflare debere; & quamvis fæpe fit minor, nihilominus 
tamen ex eâ fere femper aliquos nivis floccos excutit, qui decidentes, 
aëris inferioris calore, in pluviam folvuntur. 

11. Denique, non fine ratione vulgo creditur vehementes | foni- 
tus, quales campanarum aut bombardarum, fulminis vim infrin- 
gere ; nam, concutiendo nivem, ex quà nubes inferior conftat, illam 
ad defcenfum invitat & difcutit. Ut ii fatis fciunt qui in vallibus, 
ubi moles nivium è montibus cadentium timentur, iter facere funt 
affueti; nam ibi ne quidem | loqui aut tuflire audent, ne fonus vocis 
nives commoveat. 

12. Sed, ut fuprà notavimus aliquando fine tonitru fulgurare 
pofle, ita in regionibus aëris, ubi multæ exhalationes detinentur & 
pauci vapores, nubes ita leves & parum denfæ formari queunt, ut, 
alià in aliam ex loco fatis edito ruente, nullus fulminis fonus au- 
diatur, neque tempeftas in aëre excitetur, licèt plurimas exhala- 
tiones convolutas jungant, unde non tantüum illæ minores flammæ 
oriuntur, quæ ftellæ cœlo cadentes vel trajicientes dici folent, fed 
interdum etiam globi ignei fatis craîli, qui, ad terram ufque dela- 
bentes, pro quädam fpecie fulminis alio minüs vehementis fumi 
poffunt. 

13. Et præterea, quoniam valde varia eft & multiplex exhalatio- 
num natura, mihi facilè perfuadeo fieri pofle interdum, ut à nubibus 
compreffæ materiam quamdam componant, quæ colore & fpecie 
externà lac, carnem aut fanguinem, aliquo modo referat; vel quæ 
fubito accenfa & combufta fiat talis ut pro ferro & lapidibus fumi 
pofit; vel quæ, denique, corrupta & putrefcens, in exigua quædam 
animalia brevi tempore convertatur. Ut inter prodigia fæpe legi- 
mus, ferro, fanguine, locultis aut fimilibus pluifle. 


Œuvres. I. 88 


608 Œuvres DE DESCARTES. 321-324, 


14. Præterea quoque, aëre nullis nubibus obduéto, exhalationes 
folo ventorum flatu cogi atque incendi poffunt : | præfertim fi duo 
aut plures venti contrarii fimul concurrant. Et denique, etiamfi nulli 
venti nec nubes adfint, fi tantüm exhalatio | fubtilis & penetrans, 
quæ nempe falis naturam participet, alterius pinguis & fulphureæ 
poros ingrediatur, hoc ipfum fufficere poteft ad tenues quafdam 
flammas, tam in fublimi quàm in infimo aëre, excitandas : nempe 
quales funt in fublimi ftellæ trajicientes &, hic apud nos, tum ignes 
illi per aërem volitantes, qui fatui dicuntur, tum ali, lambentes 
diéti, qui puerorum capillis, equorum jubis, haftarum ferro pin- 
guedine aliquà inunéto, vel aliis ejufmodi corporibus adhærent. 
Certum quippe eft, non tantüm violentam agitationem, fed fæpif- 
fime etiam folam diverforum corporum mixturam, igni producendo 
fufficere : ut videmus in calce aquâ confperfà, aut in fœno, fi priuf- 
quam ficcum fit recondatur, & in multis aliis exemplis quotidie 
Chymicis occurrentibus. 

15. Sed omnes ifti ignes, fi cum fulmine comparentur, valde pa- 
rum roboris habent; non enim nifi ex molliffimis & maximè gluti- 
nofis oleorum partibus componuntur. Et, quamvis maximè pene- 
trantes & vividæ falium partes ad eorum productionem quoque 
concurrant, tamen hæ aliis permixtæ non manent, fed celerrimè in 
liberum aërem diffiliunt, fimul ac illas inflammarunt. At, econtra, 
fulmen præcipuë ex his maximè penetrantibus & vividis conftat, 
quæ, violenter preffæ & nubibus illifæ, reliquas fecum in terras 
abripiunt. Atque ii qui norunt quantà vi & celeritate polleat ille 
ignis, qui fitex nitro & fulphure permixtis, quamque econtra de- 
bilis fit illa flamma, quam pars oleagina fulphuris, à fale aut fpiri- 
tibus feparata, poteft producere, facilè illa quæ hîc diéta funt fibi 
perfuaderi permittent. |] 

16. Ignes autem fatui & lambentes diutius durant aut citius 
evanefcunt, prout flamma eorum magis aut minus tenax eft, & ma- 
teria eorum magis aut minus denfa & compacta. Sed illi qui altius 
in aëre, ftellarum inftar, apparent, nonnifi per breviflimam moram 
durare poffunt: nifi enim materià valde rarà & tenui conftarent, 
proprio pondere in terram deducerentur. Et ideo Philofophi optimè 
illos compararunt ei flammæ, quæ fecundüm fumum lucernæ re- 
cens extinctæ decurrit, cùm hæc lucerna ad flammam alterius ab eà 
nonnihil remotæ rurfus accenditur. Sed magnopere miror eofdem 
poftea credidiffe cometas, itemque columnas aut trabes igneas, quæ 
aliquando in cœlo apparent, nihil aliud effe quàm exhalationes 
accenfas : nam talium phænomenwn duratio, quæ fatis longa efle 


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323-324. METEORA. 699 


folet, cum breviflimà illà morà, quæ confumendis exhalationibus in 
aëre pendentibus fufficit, conferri planè non pote. 

17. Et quoniam generationem & naturam illorum in alio traétatu 
curiofe explicare annifus fum, neque illa magis ad Meteora perti- 
nere arbitror quam terræ motus & mineralia, quæ plurimi fcrip- 
tores eù congerunt, iis omiflis, non amplius hîc loquar nifi de 
luminibus quibufdam, quæ noctu, fereno aëre & tranquillo, appa- 
rentia, populis otiofis occafionem dant acies fpeétrorum in aëre 
depræliantium fingendi, & viétoriam® aut cladem partis cui favent 
ex eo præfagiendi, prout timor aut fpes in animis eorum præpollet. 
Et quidem, quia nulla unquam ejufmodi fpeétacula ipfemet vidi, 
neque me fugit quantum | fuperftitio & ignorantia relationes, quæ 
de ïis fiunt, corrumpere foleat & augere, hîc fatis habebo leviter 
attingere caufas omnes ex quibus aliquid tale produci poffe mihi 
videtur. Prima | eft, cûm variæ nubes in cœlo exiftunt, tam exiguæ 
ut totidem milites videri poflint, &, unæ in alias decidentes, fatis 
multas exhalationes involvunt ad parva quædam fulgura excitanda, 
interdumque ignis globulos ejaculandos, & nonnullos fonitus emit- 
tendos : quo ipfo hi milites confligere videntur. Secunda eft, cum, 
hujufmodi nubibus in cœlo exiftentibus, non quidem unæ in alias 
decidunt, fed diverfimode micant & lumen illud reflectunt, quod 
corufcationes & ignes alicujus magnæ tempeftatis, tam longe inde 
fævientis ut ibi ex terrâ non percipiatur, ad illas ufque tranfmittunt. 
Tertia denique, cùm hæ nubes, aut aliæ quædam magis ad Septen- 
trionem accedentes à quibus lumen accipiunt, funt in regione aëris 
tam excelfà ut radii Solis jam infra horizontem delitefcentis ad illas 
poflint pervenire : fi enim attendamus ad refractiones & reflexiones, 
quas duæ aut tres ejufmodi nubes, variis in locis fitæ & lumen 
unæ ab aliis accipientes, eflicere poflunt, facilè intelligemus non 
opus effe ut fupra modum excelfæ fint, ad infolitas quafdam luces 
noétu exhibendas ; atque etiam interdum ad efficiendum ut ipfe Sol 
fupra noftrum horizontem appareat, eo tempore quo illum infra elle 
certum eft. Sed ifta minus ad hanc priorem hujus Tractatüs par- 
tem videntur pertinere, quàm ad fequentem, in quà de iis omnibus, 
quæ in fublimi aëre aliter quàm fint apparent, loqui deinceps infti- 
tui, poftquam haétenus omnia, quæ ibidem videntur ut funt, expli- 
care conatus fum. 


700 OEuvres DE DESCARTES. 325-327. 


| CAPUT VIII. 


De Iride. 


A 


1. Tam mira eft Iridis natura, & tam curiofe à multis egregiis 
viris fuit inveftigata, tamque parum cognita, ut nullam aptiorem 
materiam eligere poflim ad oftendendum, ope Methodi quà utor, 
poffe perveniri ad nonnullarum rerum fcientiam, quam ii quorum 
fcripta ad nos pervenere non habuerunt. Primd, poflquam notavi 
hanc Iridem non tantüm in cœlo apparere, fed etiam in aëre nobis 
vicino, quoties multæ in eo aquæ guttæ à Sole illuftratæ exfiftunt, 
ut in fontibus quibufdam per fiftulas aquam ejaculantibus experi- 
mur; facile mihi fuit judicare, a folo modo quo radii luminis in 
guttas agunt atque inde ad oculos noftros tendunt, eam procedere. 
Deinde, cùm fcirem has guttas rotundas efle, ut fuprà oftenfum eft, 
&, five parvæ five magnæ fint, Iridem femper eodem planè modo in 
illis repræfentari, ftatui aliquam valde magnam confiderare, ut 
tanto faciliüs in eà, quid in fingulis contingeret, agnofcerem. 


2. Cümque in hunc finem pilam vitream, fatis accuratè rotundam 


& valde pellucidam, aquà impleviffem, deprehendi, Sole, exempli 
gratià, lucente ex parte cœli A FZ, & oculo pofito in punéto E, fi 
locarem | hanc pilam in regione BCD, partem illius D totam ru- 
bram & multà illuftriorem quàm reliquum videri. Et five propius 
illam adducerem, five ulterius removerem, five ad dextram five ad 
finiftram verterem, vel etiam circa verticem meum rotarem, dum- 
modo linea DE cum alterà EM, quæ ima/ginatione ab oculi centro 
ad centrum Solis eft proferenda, angulum duorum & quadraginta 
circiter graduum conftitueret, pars illa D femper æqualiter rubebat. 
Sed, fimul ac hunc angulum paulo magis dilatabam, rubor evanef- 
cebat; &, fi contraherem, non | ita fimul omnis evanefcebat, fed 
antea velut in duas partes minüs fcintillantes dividebatur, in quibus 
flavus, cæruleus & alii colores apparebant. Deinde, regionem etiam 
K hujus pilæ refpiciens, facto angulo KEM duorum & quinqua- 
ginta cirfciter graduum, hanc partem K etiam rubram apparere, 
fed non tam lucidam ut D. Et pauld tantüm ampliore eodem angulo 
facto, alios ibidem colores magis dilutos exiftere ; fed eodem aliquan- 
tulum contraéto, vel fatis multüm ampliore facto, illos omnino di- 
fparere. Unde manifeftè didici, toto aëre ad M hujufmodi pilis aut, 


ss ! 


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204 


295 


327-320. METEORA, 7OI 


earum loco, guttis referto, punétum aliquod admodum rubrum in 
fingulis earum relucere debere, à quibus lineæ eduttæ ad oculum E 
cum line EM angulum duorum & quadraginta circiter graduum 
conftituunt, quales illas fuppono quæ litterà R fignatæ funt; atque 
hæc punéta fimul confiderata, loco in quo confiftunt non obfervato 
nifi per angulum fub quo videntur, inftar circuli continui rubro 
colore perfufi apparere; & fimiliter punéta quædam efle debere in 
iis guttis, quæ funt in S & T, è quibus lineæ duétæ ad E angulos 
paulo acutiores cum EM conftituunt, à quibus circuli colorum di- 
lutiorum componuntur; atque in hoc primarium & principem cœ- 
leftem arcum confiftere. Deinde, eodem modo, fupponendo angu- 
lum MEX duorum & quinquaginta graduum efle, in guttis X 
rubrum circulum debere apparere, & alios circulos, minüs faturo 
colore imbutos, in guttis Y; atque in hoc fecundariam | Iridem 
confiftere. Et denique, in omnibus aliis guttis notatis litterâ V, 
nullos ejufmodi colores efle debere. 

3. Poftea, cum accuratiüs examinarem in pilà BCD unde rubeus 
color in ejus parte D confpicuus oriretur, notavi illum pendere à 
radiis Solis qui, venientes ex À ad B, aquam ingrediendo, frange- 
bantur in punéto B & ibant ad C, unde, reflexi ad D &ibi, aquam 
egrediendo, iterum fraéti, tendebant ad E. Nam, fimul ac corpus 
aliquod opacum & | obfcurum alicui linearum AB, BC, CD vel 
DE opponebam, rubicundus color evanefcebat; &, licèt totam 
pilam, | exceptis duobus punétis B & D, obnuberem & corpora 


obfcura ubivis circumponerem, dummodo nihil aétionem radiorum 


ABCD impediret, lucidè tamen ille refulgebat. Poftea, eodem modo 
inveftigatà caufà rubri illius coloris qui apparebat in K, inveni 
illum efle à radiis Solis qui, venientes ab F ad G, ibi refrange- 
bantur verfus H, & in H reflexi ad I, rurfufque ab I reflexi ad K, 
tandemque | iterum fraéti in punéto K, tendebant ad E. Atque 
ita primaria Iris fit à radiis poft duas refraétiones & unam reflexio- 
nem ad oculum venientibus; fecundaria verd à radiis qui nonnifi 
poñt duas refraétiones & duas reflexiones eddem pertingunt; ideo- 
que hæc femper alterà minüs eft confpicua. 

4. Sed fupererat adhuc præcipua difficultas, in eo quôd, etiamfi, 
pofito alio ejus pilæ fitu, radii etiam poft duas refractiones & unam 
aut duas reflexiones ad oculum poflint pervenire, nulli tamen, nifi 
in eo fitu de quo jam locuti fumus, ejufmodi colores exhibeant. 
Atque ut hanc amolirer, inquifivi annon aliqua alia res inveniri 
poffet, cujus ope colores eodem modo apparerent, ut, factà ejus 
comparatione cum aquæ guttis, tanto facilius de eorum caufà judi- 


702 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 329-331. 


carem. Et commodüm recordatus, per prifma vel triangulum ex 
cryftallo fimiles videri, unum confideravi, quale eft MNP, cujus 
duæ fuperficies MN & NP funt omnino planæ, & una ad alteram 
ita inclinata ut angulum 30 vel 40 circiter graduum contineant, 
atque ideo, fi radii Solis A BC penetrent MN ad angulos rectos | aut 
fere rectos, ita ut nullam notabilem refraétionem vitrum ingre- 
diendo patiantur, fatis magnam, exeundo per N, debeant pati. Et 
teétà alterutrà ex his fuperficiebus opaco aliquo cor|pore, in quo fit 
anguftum foramen, quale eft DE, obfervavi radios, per illud fora- 
men tranfeuntes atque inde effufos in linteum aut chartam albam 
FGH, omnes colores Iridis ibi depingere, & quidem femper ru- 
brum in F & cæruleum feu violaceum in H. 

5, Unde primuüm didici, curvaturam fuperficiei guttarum gene- 
rationi colorum minimè neceflariam efle ; hæc enim cryftallus fuper- 
ficiem nullam habet quæ non fit plana; neque anguli magnitudinem 
fub quo apparent : hic enim, permanentibus illis, mutari potef, 
&, licèt fieri poflit ut radii tendentes ad F jam magis, jam minus 
incurventur quàäm euntes ad H, femper tamen qui ad F rubrum 
depingent, & cæruleum qui ad H; neque etiam reflexionem : hîc 
etenim nulla omnino eft ; nec denique fæpius iteratas refractiones, 
cüm hîc tantummodo unica fiat. Sed judicabam unicam ad minimum 
requiri, & quidem talem ut ejus effeétus aliâ contrarià non deftruatur. 
Nam experientia docet, fi fuperficies MN & NP parallelæ forent, 
radios, tantundem per alteram ereëtos quantum per unam frange- 
rentur, | nullos colores depicturos. Neque dubitabam quin & lumen 
neceffarium fit ad horum colorum productionem; fine illo enim nil 
cernimus. Et præterea obfervavi umbram quoque aut limitationem 
luminis requiri : dempto enim corpore opaco quod in NP, colores 
FGH ftatim evanefcunt : atque, fi fatis laxam aperturam DE facia- 
mus, rubrum, croceum & flavum, quæ ad F, non latius propterea 
expanduntur, ut nec viride, cæruleum & violaceum, quæ ad H ; fed 
totum fpatium intermedium, litterà G notatum, album remanet. 

6. Quibus animadverfis, intelligere conatus fum quare hi] colores 
alii fint in H quam in F, cùm tamen refractio, umbra & lumen, 
eodem modo in utroque concurrant. Et, confideratà luminis naturà 
quemadmodum illam in Dioptricà defcripfi, nempetanquam aétionem 
vel motum materiæ cujufdam valde fubtilis, cujus partes tanquam 
exiguæ fphærulæ per poros corporum terreftrium devolutæ confpi- 
ciendæ funt, agnovi has fphærulas, pro diverfitate caufarum quæ 
harum motus determinant, diverfimode moveri; & fpeciatim omnes 
refractiones, quæ in eandem partem fiunt, illas ita difponere ut in 


296 


207 


| 
; 


298 


un 


331-335. METEORA. 703 


eandem etiam partem rotentur ; fed, cum nullas vicinas ipfis multo 
celeriüs aut tardiüs decurrentes habent, motum illarum circularem 
propemodum motui rectilineo æqualem effe. Cüm verd in unà parte 
vicinas habent quæ ipfs tardiüs decurrunt, & in adverfà alias quæ 
celeriüs, vel faltem æquè celeriter, ut in confinio luminis & umbræ 
contingit, fi occurrant eis quæ | tardiùs moventur, eà parte fecundüum 
quam rotantur, ut accidit iis quæ componunt radium EH, hoc 
efficere ut earum motus circularis motu reétilineo tardior fit; & 
planè contrarium fieri, fi eifdem occurrant parte adverfà, ut accidit 
iis quæ componunt radium DF. Quæ ut meliüs intelligantur, fup- 
ponamus pilam 1234 fic impulfam efle ab V ad X, ut recto tantum 
motu incedat, | & duo illius latera 1 & 3 æquali celeritate delabantur 
ufque ad fuperficiem aquæ YY, ubi motus lateris 3, quod prius 
quèm aliud iftam fuperficiem contingit, retardatur, non mutato illo 
lateris 1; unde fit ut tota pila neceffarid rotari incipiat fecundum 
ordinem numerorum 123. Et præterea imaginemur illam quatuor 
aliis pilis Q, R, S, T circumdatam : quarum duæ Q & R majori 
vehementiâ quäm illa tendunt verfüus X, & duæ aliæ S & T minori. 
Unde liquet pilam Q, urgentem motum lateris 1, & pilams, 
remorantem motum | lateris 3, rotationem illius augere; neque 
pilas R & T quidquam obftare, quoniam R ita impulfa fupponitur 
ut celeriüs feratur ad X quàm illa fequitur, & T, ut minüs celeriter 
fequatur quàm illa præcedit. Atque hoc explicat actionem radii DF. 
Contrà verd, fi pilæ Q & R tardius quam pila 1234 ferantur ad X, 
S autem & T velociüs, R impedit rotationem partis 1, & T illam 
partis 3, nihil agentibus duabus reliquis Q & S. Quo actio radii 
HE innotefcit. Sed notandum, cm hæc pila 1234 accuratiflimè 
rotunda effe fupponatur, facillimè accidere* pofle ut, quando fatis 
fortiter premitur à duabus R & T, rotationem fuam ideo non fiftat, 
fed fe vertat in orbem circa axem 24, & ita, minimo momento 
mutato fitu, deinceps in contrariam partem rotetur. Duæ enim R & 
T, quæ | primæ occafionem fe vertendi illi dedère, ut poftea perfe- 
veret efficiunt, donec hoc motu dimidium circulum impleverit, 
illæque non amplis tardare ejus rotationem, fed contrà augere 
poflint. Cujus rei confideratio difficultatem mihi expedivit, quam 
totius hujus materiæ præcipuam efle exiftimo. 

7. Et, meû quidem fententià, manifeftè ex his omnibus liquet, 
naturam colorum qui pinguntur in F, tantüm in eo confiftere quôd 
particulæ materiæ fubtilis, aétionem luminis tranfmittentes, majori 


a. accedere E/7. 


704 OEuvres DE DESCARTES. 333-335. 


impetu & vi rotari nitantur, quàm fecundüum lineam reétam moveri : 
ita ut qui multo validiüs rotari nituntur, rubicundum colorem 
efficiant, & qui nonnifi pauld validiüs, flavum. Ut | contrà natura 
eorum qui videntur ad H, tantüm in eo confiftit quod hæ particulæ 
non tam velociter rotentur quàm aliàs folent, cûm nulla talis caufa 
earum motui refiftit : ita ut viride appareat ubi non multô tardiüs 
folito rotantur, & cæruleum, ubi multà tardius. Et fæpe in extremita- 
tibus hujus cærulei, rutilus quidam color ei mifcetur, qui, fulgorem 
fuum ipfi communicans, in violaceum five purpureum illum mutat: 
quod proculdubio ex eo eft quèd eadem caufa, quæ rotationem par- 
ticularum materiæ fubtilis tardare confuevit, cùm tunc fatis valida 
fit ad quafdam invertendas & ealrum fitum immutandum, earundem 
rotationem accelerare debeat, dum interim illam aliarum tardat. 

8. Et in his omnibus tam unanimes ratio & experientia confpi- 
rant, utnon putem ullum, ex iis qui ad utramque fatis attendent, 
credere poffe naturam colorum aliam effe quàm explicui. Si enim 
verum eft fenfum luminis à motu effe, aut ab inclinatione ad motum, 
cujufdam materiæ oculos noftros tangentis, ut multa paflim teftantur 
& manifeftum reddunt, certum quoque diverfos ejus materiæ motus, 
alios atque alios fenfus in nobis effeéturos. Et quemadmodum 
diverfitas alia in his motibus efle nequit, quàm ïilla jam nobis 
explicata, ita neque experientia nullam aliam, in eo quem habemus 
horum motuum fenfu, præter illum colorum effe teftatur. Et nihil 
inveniri poteft in cryftallo MNP, quod colores producere queat, 
præter modum quo | particulas materiæ fubtilis ad linteum atque 
inde ad oculos mittit. Unde fatis liquere arbitror nihil etiam præter 
hoc in coloribus aliorum corporum quærendum effe : nam ipfa 
experientia quotidiana docet, lumen feu album, & umbram feu 
nigrum, cum coloribus Iridis hîc explicatis, compofitioni omnium 
aliorum fufficere. Neque illam diftinétionem Philofophorum pro- 
bare poffum, quà dicunt alios colores veros efle & alios falfos, feu 
tantummodo apparentes. Cum enim genuina & fola colorum natura 
fit apparere, contradictio efle videtur, illos apparentes & tamen 
falfos effe dicere. 

9. Concedo quidem umbram & refraétionem non perpetud iis 
generandis neceffarias efle, fed magnitudinem, figuram, fitum cor- 
poris colorati vulgo diéti, illorum loco diverfimode cum lumine con- 
currere pofle, ad augendam | aut imminuendam rotationem partium 
materiæ fubtilis. Ita ut initio quoque dubitäârim an omnino eadem 
ratione quà in cryftallo MN P, colores etiam in Iride generentur : 
nullam quippe umbram lumen terminantem ibi notàäram, nequedum 


300 


301 


302 


303 


335-337. METEORA. 70$ 


noram quare tantüm fub certis quibufdam angulis apparerent, donec 
tandem, fumpto calamo & | curiofe fingulis radiis, qui in diverfa 
punéta unius guttæ cadunt, ad calculum revocatis, ut difcerem fub 
qualibus angulis, poft duas refraétiones & unam aut duas re- 
flexiones, ad oculos noftros venire poflint; inveni, poft unam re- 
flexionem & duas refractiones, multd plures videri pofle, fub angulo 
graduum ab uno & quadraginta ad duo & quadraginta, quam fub 
ullo minore, & nullum omnino fub majori apparere. Deinde etiam 
inveni, poit duas reflexiones & refractiones totidem, multà plures 
ad oculum manare, fub angulo graduum unius & quinquaginta vel 
duorum & quinquaginta, quàm fub ullo majori, neque ullum fub 
minori confpici. [ta ut ab utrâque parte umbra lumen terminans 
adfit, quod lumen, infinitas pluviæ guttas Sole illuminatas per- 
means, demum ad oculum fub angulo duorum fere & quadraginta 
graduum venit, atque ita primariam Iridem generat. Itemque efl 
umbra quæ terminat lumen fub angulo unius & quinquaginta gra- 
duum aut paul ampliüs, atque hoc paéto exteriorem arcum pro- 
ducit. Nullos enim luminis radios, aut multù pauciores, ab uno 
objeéto quam ab altero vicino in oculos fuos recipere, hoc eft um- 
bram videre. Atque hinc fatis perfpicuè patet colores horum arcuum 
ab iifdem caufis efle, à quibus illi qui per cryftallum MN P appa- 
rent; & femidiametrum arcüs interioris duobus & quadraginta 
gradibus majorem* efle non debefre; nec illam exterioris uno & 
quinquaginta minorem; & denique, priorem accuratiüs in exteriori 
fuperficie terminatum efle debere, quàm in interiori, & alterum 
planè contra. Quod | accuratè cum experientià confentit. 

10. Verüm, ut Mathematici videant an calculus, quo angulos qui 
hîc à radiis luminis fiunt examinavi, fatis fit accuratus, illum hîc 
placet explicare. 

Sit AFD aquæ gutta, cujus femidiametrum CD aut AB in tot 
æquales partes divido quot radios calculo examinare volo, ut tan- 
tunder luminis uni quàm alteri attribuatur. Deinde unum horum 
radiorum fpeciatim confidero, ut ex. gr. EF, qui non rectà tendit 
ad G, fed, in F refractus, decedit ad K & inde refle&titur ad N, ubi 
iterum refractus tendit ad oculum P; vel etiam, adhuc femel ab N 
ad Q reflexus, refringitur in Q verfüs oculum R. Et duëtà | CI ad 
angulos rectos in FK, ex iis quæ in Dioptrice dicta fuêre, cognofco 
AE aut HF, & CI, illam inter fe proportionem habere, per quam 
aquæ refraétio dimetienda efl. Adeo ut, fi HF conftet oéto millibus 


a. minorem Æ1%. 
Œuvres. I. 89 


706 OEuvres DE DESCARTES. 337-330. 


partium, qualium AB éonftat decem millibus, CI conftabit 5984 
aut circiter: quoniam refractio aquæ pauld major eft quàm trium 
ad quatuor, & quàm accuratiflimè illam dimetiendo, invenio efle ut 
187 ad 250. Cognitis ita duabus lineis HF & CI, facillimè | duos 
arcus cognofco, FG qui eft 73 graduum & 44 minutorum, & FK 
qui eft 106.30. Deinde, fubducendo duplum arcûs FK ex aggregato 
arcûs FG & arcûs 180 graduum, hoc eft dimidii circuli, fit 40.44 
pro quantitate anguli ON P : fuppono enim ON & EF efle paral- 
lelas. Præterea tollendo hos 40.44 ex FK, fit 65.46 pro angulo 
SQR : fuppono enim SQ & EF effe etiam parallelas. Atque ita 
omnes alios radios, parallelos ipfi EF & per omnia punéta quibus 
divifa eft femidiameter C D vel AB tranfeuntes, examinando, tabu- 
lam fequentem compono : 


LINEA LINEA ARCUS ARCUS ANGULUS ANGULUS 


HF CI FG FK ONP SQR 


748 168. 171.25 É 165.45 
1496 156. 162.48 : 151.20 
2244. 145. 154. 4 > 136. 8 


2992 ae 145.10 c T22E04 
3740 120. 136. 4 : 108.12 
4488 106. 126.40 ë 03.44 
5236 OS 116.51 : 79.25 
5984 73T 106.30 - 65.46 
6732 SAR 95.22 : 54.25 
7480 0. 83.10 3e 69.30 


Et facillimè in hâc tabulà videmus, radios longè plures efle, qui 


angulum ON P 40 circiter graduum faciunt, quàam qui minorem; 
vel SQR | 54 circiter, quàäm qui majorem. Deinde, ut adhuc ac- 
curatiüs horum angulorum quantitatem inveniam, facio tabulam 
fequentem : 


305 
4 
4 
| 
| 
| 
Ë 
306 


Lt nue. #1 2 nt + à dat dé | à 


339-340. METEOoRA. 707 


ARCUS ARCUS ANGULUS ANGULUS 


FG FK ONP SQR 


+ un ; 
OO & © R 


O0 


D mm D D Us 
© 


© 


8 
7 
6 


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2 
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œ © DR 
D OL © Oh 
un | D ur 
O R © Un © Oo 


. . . 
S mn 


|| Et hîc videmus maximum angulum ON P 41 graduum & 30 
minutorum efle pofle, & minimum SQR 51.54; cui addentes aut 
fubducentes 17 circiter minuta pro femidiametro Solis, inveniemus 
41.47 pro maximà femidiametro Iridis interioris, & 51.37 pro mi- 
nimâ exterioris. 

11. Verum quidem eft aquæ calidæ refraétionem refraétione fri- 
gidæ pauld minorem efle; quod aliquantum hunc calculum mutare 
poteit. Hoc tamen femidiametrum Iridis interioris non ultra unum 
aut duos gradus ad fummum augere poteft; & tum illa exterioris 
fere bis tanto minor erit. Quod notatu dignum eft, quoniam inde 
demonftrari poteft refraétionem aquæ non multo minorem, neque 
majorem efle, quàm illam hic ftatuimus. Nam, fi tantillo major 
foret, radium Iridis interioris minorem 41 gradibus faceret, cüm 
contrà, communi errore, 45 illi dentur; &, fi illam fatis exiguam 


708 OŒEuvRESs DE DESCARTES. 340 842, 


fupponamus ut reverà 45 graduum fit, inveniemus illum etiam ex- 
terioris non mult majorem 45 gradibus, cùm tamen, vel ad ocu- 
lum, interiore multo major videatur. Et Maurolycus, qui (ut puto) 
primus omnium interiorem 45 graduum fe obfervaffe fcripfit, alteri 
56 circiter attribuit, Unde liquet quàm parum fidei iis obfervationi- 
bus fit adhibendum, quæ ab ignaris verarum caufarum fieri folent. 

12. Cæterüm facile intellexi quare rubeus color exterior fit in 
Iride interiore, & contra interior in exteriore. Nam eadem caufa, 
ob | quam potiüs in F quàäm in H confpicitur per cryftallum* 
MN P, eflicit ut fi, oculum in lintei locum FGH transferentes, 
cryftallum refpiciamus, rubrum ibi verfüs partem crafliorem MP 
videamus, & cæruleum verfüs N : radius enim rubro coloretin@us, 
qui tendit ver/fus F, venit a parte Solis C, quæ verfüs M P craflio- 
rem partem cryftalli eft fita. Atque ob hanc eandem rationem, quia 
centrum guttarum aquæ, & per confequens illarum pars craflor, 
exterior eft refpeétu punétorum coloratorum quæ formant arcum 
interiorem, ideo rubrum in exteriori ejus limbo debet apparere; & 
eodem modo, quia interior eft refpectu eorum quæ formant exte- 
riorem, ideo in eo rubrum interius apparet. 

13. Atque ita nullam difficultatem in hàc materià fupereffe arbi- 
tror, nifi fortè circa 1lla quæ præter ordinem affuetum naturæ in eà 
contingunt. Ut cum arcus non accuratè rotundus eft, aut centrum 
illius in reétà lineâ, Solem & oculum tranfeunte, non jacet: quod 
accidere poteit, vento guttarum figuram immutante; nunquam 
enim tam parum à fphæricà fuà figurà difcedere poflunt, quin fta- 
tim illud notabilem differentiam in angulo, fub quo colores videri 
debent, efficiat. Audivi etiam aliquando arcum cϾleftem inverfum, 
cornibus in altum erectis, apparuiffe, qualem hic repræfentatum 
videmus FF. Quod vix crediderim accidiffe, nifi | per reflexionem 
radiorum folarium incurrentium in fuperficiem maris aut lacûs 
alicujus. Ut fi, à parte cœli SS effufi, caderent in aquam DAE & 
inde ad pluviam CF refilirent, oculus B videret arcum FF, cujus 
|centrum in punéto C, ita ut, prolatà lineà CB ufque ad A, & 
AS tranfeunte per centrum Solis, anguli SAD et BAE æquales 
fint, & angulus CBF duorum & quadraginta circiter graduum. 
Ad hoc tamen etiam requiritur fumma aëris tranquillitas, ne vel 
minimus ventorum flatus aquæ E fuperficiem inæqualem reddat; 
& fortè infuper, ut nubes quædam ifti aquæ fuperincumbat, qualis 
G, quæ impediat ne lumen Solis, reëtà ad pluviam tendens, illud, 


a. crystallinum ÆE7z. ! 


307 


308 


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310 


343-344 | 0 METEORA. 709 


quod aqua eù reflectit, fupprimat atque extinguat : unde fit ut non- 
nifi rariflimè videatur. Oculus præterea in tali fitu refpeétu Solis & 
pluviæ efle poteft, ut videat partem inferiorem circuli, quo integra 
Iris conftat, non videndo fuperiorem ; atque ita ut illam * pro Iride 


inverfà fumamus, etiamfi tunc non verfüus cœlum, fed tantummodo 


verfüs terram aut aquam refpicientibus appareat. 

14. Quidam etiam mihi narrarunt, tertiam | Iridem, duas ordi- 
narias cingentem, fe aliquando vidifle, fed multo pallidiorem, & 
tantum circiter à fecundà remotam quantum ab illà prima diftat. 
Quod vix accidifle arbitror, nifi forfan | quædam grandinis grana, 
maximè rotunda & pellucida, huic pluviæ fuerint immixta : in qui- 
bus cum refraétio multo quàm in aëre major fiat, arcus cœleflis 
exterior multù etiam major in illis efle debuit, & ita fupra alterum 
apparere. Interior vero, qui ob eandeèm rationem longè minor de- 
buit fuiffe quam interior pluviæ, fieri poteft ut, ob infignem hujus 
fulgorem, nequidem fuerit notatus, vel ut uterque limbis com- 
miflis pro uno fuerit habitus, fed pro uno cujus colores aliter quàm 
in [ride ordinarià difpofiti efle debuerunt. 

15. Atque hoc in mentem mihi revocat artificium quoddam ad 
varia figna in cœlo repræfentanda, quæ valde mirabilia viderentur 
iis qui eorum caufas ignorarent. Exiflimo jam omnes nôfle quo 
artificio in fonte arcus cœleftis repræfentari poflit : nempe fi aqua, 
per exigua foramina A, B, C fatis altè erumpens, quaquaverfum in 
aëre difpergatur ad R, Sole lucenteexQ,ita ut, QE M jacente in lineà 
rectà, angulus MER duorum & quadraginta circiter | graduum fit, 
oculus E Iridem, planè fimilem illi quæ in cœlo apparet, videbit. Cui 
nunc addendum, quædam effe olea, & fpiritus five aquas diftillatas, 
aliofque hujufmodi liquores, in quibus refraétio infigniter major 
aut minor efficitur quàm in aquà communi; quæ tamen propterea 
non | minüs clara & pellucida funt quàm ipfa. Atque ideo plures 
ordine fiftulas difponi poile, quæ, aliis atque aliis liquoribus re- 
fertæ, magnam cœli partem coloribus [ridis pingerent : fi nempe 
liquores, quorum refractio eflet maxima, fpectatoribus proximi 
ponerentur & non tam altè in aërem exilirent ut confpettum remo- 
tiorum impedirent. Ex quibus, quoniam, parte foraminum A, B, C 
obturatà, ea pars Iridis RR quam volumus evanefcit, reliquis 
omnino inviolatis, facile eft intelligere, fi eodem modo claudantur 
& aperiantur appoñitè diverfa foramina fiftularum hos liquores 
ejaculantium, fieri pofle ut eæ partes cœli, quæ coloribus Iridis 


a. illum Æ/7. 


710 ŒUVRES DE DESCARTES. 344-346, 


pictæ erunt, figuram habeant nunc crucis, nunc columnæ, nunc 
cujufpiam alterius rei, quam fpectatores admirentur. Ubi tamen 
fateor nonnullà induftrià & fumptibus opus efle ut, his fiftulis 
aptiflimè difpofitis & liquores admodum altè ejaculantibus, hæ fi- 
guræ ex loco valde remoto videri poflint, illafque multi homines 
fimul, artificio non detecto, confpiciant. 


I|CAPUT IX. 


De nubium colore € de halonibus, feu coronis, 
quæ circa fidera interdum apparent. 


1. Poft illa quæ de colorum naturâ diximus, non ‘multa credo 
addenda effe de iis quos in fublimi videmus. Quantum enim primè 
ad albedinem & opacitatem feu nigredinem nubium, ex hoc folo 
illæ oriuntur quèd hæ nubes magis aut minüs exponantur aftrorum 
Jumini, vel etiam umbræ, tam fuæ quàm aliarum nubium vicina- 
rum. Et duo hic tantummodo notanda funt. Quorum primum, 
fuperficies corporum pellucidorum, partem radiorum in eas inci- 
dentium reflectere, ut fuprà quoque monuimus : unde fit ut lumen 
facilius ad trium haftarum altitudinem in aquam penetret, quàm 
per paululum fpumæ, quæ tamen nihil præter aquam eft, fed 
aquam plures fuperficies habentem, quarum primà partem hujus 
luminis reflectente, fecundà aliam, & ita porro, nihil omnino, vel 
nihil fere, fupereft quod ulterius pergat. Et propterea nec vitrum 
in pulverem comminutum, nec nix, nec nubes paul denfiores pel- 
lucidæ effe poflunt. Alterum eorum quæ hic | obfervanda, et, 
etiamfi actio luminoforum corporum in eo tantüm confiftatut pellant 
fecundüum lineas reétas materiam illam fubtilem quæ oculos noftros 
attingit, particulas tamen hujus materiæ, ut plurimüm, etiam cir- 
culariter moveri, faltem eas quæ hic funt in aëre nobis vicino, eâdem 
ratione quâ pila fe circumvolvit, dum terram tangendo movetur, 
etiamfi nonnifi fe[cundüm lineam rectam fuerit impulfa. Suntque 
ea corpora, quæ fic efliciunt ut partes materiæ fubtilis volvantur 
æquè celeriter ac ea quæ fecundüm lineam reétam feruntur, quæ alba 
propriè appellantur : qualia proculdubio funt illa omnia quæ à folà 
fuarum fuperficierum multitudine impediuntur quominus fint pel- 
lucida, ut fpuma, vitrum comminutum, nix & nubes. 

2. Undeintelligere poffumus quare cœlum ferenum & defæcatum, 


311 


312 


Lun. 


had soit où mens dc dé à à dé dé on de cc Re, Se RS Sd 


À paul s à Mes 


313 


346-348. METEORA. 7ÉI 


non album, fed cæruleum appareat, dummodo fciamus illud ex 
feipfo nullum planè lumen emittere, maximèque tenebrofum effe 
appariturum, fi nulli omnino vapores nec exhalationes fupra nos 
eflent; femper autem efle nonnullos, qui radios aliquot ad nos 
remittunt, hoc eft qui repellunt particulas materiæ fubtilis quas 
Sol aut alia fidera in illos impulerunt, Et cüm hi vapores fatis 
copiofi adfunt, materia fubtilis ab unis eorum particulis repulfa, 
flatim aliis occurrit, quæ ejus particulas in gyrum agunt, antequam 
ad oculos noftros perveniant : quo ipfo tunc cœlum album apparet. 
Sed, cüm econtra hi vapores valde rari funt, particulæ materiæ fub- 
tilis non fatis multis eorum particulis occurrunt, ut æquè celeriter 
in orbem ac fecundüm lineam rectam moveantur; ideoque cœlum 
nonnifi cæruleum videri debet juxta ea quæ de naturà coloris cæru- 
lei paulà antè dicta funt. | Et ob eandem caufam aqua marina, ubi 
admodum alta eft & pellucida, cærulea videtur; pauci quippe 
tantummodo radii ab ejus fuperficie refiliunt, & nulli eorum, qui 
illam fubeunt, revertuntur. 

3. Hîc præterea intelligere licet quare, Sole Oriente vel Occidente, 
tota cœli pars, in quà eft, rubro colore fæpe tin|gatur : quod accidit 
cum inter illum & nos non tot nubes nec tot nebulæ interjacent, ut 
radiosillius planè excludant, fed tamen adfuntnebulæ nonnullæ quæ 
impediunt ne tam facile ifti radii per aërem terræ maximè vicinum 
tranfmittantur, quàm per illum qui pauld ab eà remotior eft, & 
gradatim etiam, ne tam facilè per hunc quàm per multd remotiorem. 
Manifeftum enim eft hos radios, refractionem in his nebulis paflos, 
partes materiæ fubtilis quam permeant determinare, ut eodem 
modo volvantur quo volveretur pila per terram ex eàdem parte 
labens; ita ut rotatio inferiorum femper aétione fuperiorum inten- 
datur, cùm fortiorem hanc fuppofuerimus ; & novimus hoc fufficere 
ad rubedinem repræfentandam, quæ poftea, reflexa a nubibus, 
quaquaverfum per cœlum difpergi poteft. Et notandum hanc rube- 
dinem, mane apparentem, ventum præfagire aut pluviam, quoniam 
hoc teflatur, pauciflimis nubibus ibi in Oriente exiftentibus, Solem 
ante meridiem multos vapores attollere pofle, & nebulas, quæ 
illam* exhibent, jam furgere : cùm contrà vefperi hæc rubedo 
ferenitatem polliceatur, quia fignum eft nullas aut pauciflimas nubes 
in occafu colleétas effe ; unde fit ut venti Orientales | dominentur, 
& nebulæ noétu defcendant. 

Non hic diutius fpeciali explicationi aliorum colorum, qui in 


a. illum ÆE7/7, 


712 Œuvres DE DESCARTES. 348-350. 


nubibus videntur, immoror; eorum enim caufas omnes, in iis quæ 
jam dicta funt, fatis manifeftè contineri exiftimo. 

4. Sed aliquando circuli quidam five coronæ circa fidera appa- 
rent, de quibus deinceps eft agendum. In eo Iridi funt fimiles qudd 
rotundæ fint vel propemodum rotundæ, & femper Solem vel aliquod 
aliud aftrum pro centro | habeant : manifefto argumento illas aliquà 
reflexione aut refractione generari, quarum anguli omnes æquales 
vel propemodum æquales funt. Itemque in eo cum [ride conveniunt, 
quôd interdum fint coloratæ : unde liquet aliquam refraétionem & 
umbram lumen terminantem ad earum produétionem requiri. Sed 
in eo differunt quôd Iris nunquam appareat, nifi pluente cœlo ubi 
videtur, licèt fæpius non pluat ubi fpectator confiftit; hæ autem 
nunquam confpiciantur ubi pluit. Unde liquet eas minime generari 
per refraëétionem quæ fit in aquæ guttis aut grandine, fed per eam 
quæ in iis ftellulis ex glacie pellucidà compofitis, de quibus fuprà 
locuti fumus. Quippe non aliam caufam in nubibus poffumus 
invenire, quæ tale quidquam efficiat ; &, licèt nunquam hujufmodi 
ftellas decidere videamus, nifi frigidiore cœlo, ratio tamen nos certos 
facit, illas quovis anni tempore formari. Cümque etiam calore 
opus fit, ut ex albis, quales funt initio, pellucidæ, ut hic effectus 
requirit, fiant, verifimile eft | æflatem, ïis producendis, hyeme 
commodiorem efle. Et, quamvis hæ ftellulæ, cùm decidunt, planas 
fuperficies habere videantur, certum tamen eft illas in medio magis 
quam in extremitatibus intumefcere : quod etiam in quibufdam 
oculus deprehendit; & prout tumor ille major aut minor eft, hos 
circulos etiam majores efficit aut minores : diverfarum enim procul- 
dubio magnitudinum funt. Et fi quidem qui fæpius obfervati fuerunt 
diametrum 45 circiter graduum, ut quidam teftantur, habuerunt, 
facilè mihi perfuadeo convexitatem particularum glaciei, quæ illos 
tantæ magnitudinis efficit, eam effe quam ipfæ frequentiffimè habere 
folent, & fortè etiam. quæ eft maxima quam poflint | acquirere, 
priufquam omnino liquefiant. Sit ABC ex. gr. Sol, D oculus, 
EFG plurimæ glaciei particulæ pellucidæ, aliæ juxta alias jacentes, 
planè quemadmodum efle debent ut in ftellulas formentur, & qua- 
rum convexitas talis eft ut radius ex. gr., ex punto A ad extremi- 
tatem ftellulæ| G perveniens, & radius ex punéto C ad extremitatem 
flellulæ F, refringantur verfüs D, & utetiam alii plures radii per- 
veniant ad D, exiis qui in illas incidunt quæ funt extra circulum 
GG. Manifeftum eft, præter radios AD, CD & fimiles, qui, re&tà 


lineà tendentes, Solem naturali magnitudine repræfentant, alios, 
refractos in EE, aërem comprehenfum hoc circulo FF fatis lucidum 


314 


315 


316 


317 


350 352 : METEORA. 713 


reddituros, & circumferentiam illius inter circulos FF & GG, 
fpecie coronæ Iridis coloribus variegatæ, exhibituros ; ipfum etiam 
rubrum intrinfecus ad F, & cæruleum extrinfecus ad G vifum 
iri, | planè quemadmodum obfervatur. Et, fi duo aut plures ordines 
particularum glaciei congefti funt, dummodo radios folares non 
ideo planè excludant, illiradiorum qui per duos ordines in ftellarum 
extremitatibus penetrant, hîc fere tantundem incurvati quantum 
alii qui per unum tantüm, alium circulum coloratum producent, 
ambitu quidem priori longè majorem, fed minüs lucidum ; utita tum 
duæ coronæ, quarum una alteram cingat, & quarum exterior inte- 
riori minüs picta fit, appareant, ut etiam interdum fuit obfervatum. 

5. Præterea hîc manifeftum eft quare non foleant hæ coronæ 
apparere circa fidera, dum funt horizonti valde vicina : nam tunc 
radii obliquiüs in glaciei particulas incidunt,quàm ut illas penetrare 
poflint. Et quare harum colores coloribus Iridis dilutiores fint : 
nam per | refractiones multù minores efficiuntur. Et quare frequen- 
tiùs illæ circa Lunam appareant, curque etiam interdum circa 
ftellas notentur : nempe cum particulæ glaciei tam parum convexæ 
funt, ut illas admodum parvas efficiant. Cüm enim ex reflexionibus 
& refraétionibus tam multis non pendeant quäm arcus cœleftis, ne- 
que etiam lumine egent tam vehementi, ut producantur. Sed fæpe 
nonnifi albæ apparent, non tam ob luminis defeétum, quäm quia 
tunc materia in quà formantur non eft omnino pellucida. 

6. Alias præterea coronas imaginari poflemus, quæ ad imitatio- 
nem arcûs cœleftis in aquæ guttis formarentur, primôÔ fcilicet per 
duas refraétiones fine ullà reflexione; fed nec earum diameter ullâ 
re determinari poteit, nec lumen in iis umbrà limitatur, quemad- 
modum poftulat colorum produétio. Deinde per duas refractiones & 
tres | aut quatuor reflexiones : fed lumen illarum, tum maximè de- 
bile, facillimè extinguitur per illud quod à fuperficie earundem gut- 
tarum reflit. Unde dubito an unquam appareant, & calculus docet 
diametrum illarum multo majorem efle debere quàm deprehendatur 
in iis quæ vulgù obfervantur. 

7. Cæterüm, quantum ad eas attinet quæ aliquando circa lam- 
pades aut candelas apparent, illarum caufa non in aëre, fed tantüm 
in oculo quærenda eft. Cujus rei æflate proximà experimentum 
manifeftum vidi. Cüum enim | noëtu navigarem, & totà illà vefperà 
caput cubito innifus, manu oculum dextrum claufiflem, altero in- 
terim verfus cœlum refpiciens, candela ubi eram allata eft, & tunc, 
aperto utroque oculo, duos circulos flammam coronantes afpexi, 
colore tam acri & florido, quàm unquam in arcu cœlefti me vidiffe 


Œuvres. I. 90 


# 
714 Œuvres DE DESCARTES. 352-354. 


memini, AB eft maximus, qui ruber erat in A & cæruleus in B; 
CD minimus, qui etiam ruber in C, fed albus verfüs D, ubi ad 
flammam ufque extendebatur. Oculo dextro poñtea iterum claufo, 
notavi has coronas evanefcere, & contrà, illo aperto & finiftro 
claufo, permanere : unde certd cognovi illas non aliunde | oriri, 
quàm ex novâ conformatione, vel qualitate, quam dexter oculus ac- 
quifiverat, dum ipfum ita claufum tenueram, & propter quam non 
modù maxima pars radiorum quos ex flammä admittebat, ipfius 
imaginem in O, ubi congregabantur, pingebant; fed etiam nonnulli 
ex iis ita detorquebantur ut per totum fpatium FO fpargerentur, 
ubi pingebant coronam CD, & nonnulli alii per totum fpatium FG, 
ubi coronam AB etiam pingebant. Non | determinatè hîc dico qualis 
ifta conformatio fuerit : plures enim diverfæ idem poflunt efficere. 
Ut, fi tantüm una aut duæ perexiguæ rugæ fint in aliquâ ex fuperfi- 
ciebus tunicarum E, M, P, quæ ob figuram oculi fint circulares & 
centrum habeant in lineâ EO : quemadmodum ibidem etiam fæpe 
aliæ funt fecundüm rectas lineas extenfæ, quæ fe mutud decuflant in 
hâc lineâ EO, efficiuntque ut magnos quofdam radios hinc inde 
fparfos circa faces ardentes videamus. Ut etiam fi quid opaci occur- 
rat, vel inter E & P, vel alicubi ad latus, modà ibidem circulariter fe 
diffundat. Vel denique fi humores aut tunicæ oculi aliquo modo tem- 
peramentum aut figuram mutàrint : admodum enim commune ef iis 
qui oculis laborant, tales coronas videre, & non omnibus eodem 
modo apparent. Supereft hic tantüm ut notemus earum ambitus ex- 
teriores, quales hîc funt À & C, ut plurimüum rubros efle, planè 
contrà quäm in iis quas circa aftra in nubibus pictas videmus. 
Cujus rei ratio manifefta nobis erit, fi confideremus, in produétione 
colorum quibus conftant, humorem cryftallinum PN M fungi officio 
ejus prifmatis PNM, de quo fuprà fumus locuti; & retinam FGF 
officio lintei albi, radios per hoc prifma tranfeuntes excipientis. Sed 
dubitabit fortè quifpiam, cùm humor cryftallinus hoc poflit, cur non 
eodem modo reliqua omnia objeéta quæ cernimus, coloribus Iridis 
pingat. Quare notandum eft, ex fingulis objettorum punétis multos 
radios ad fingula retinæ punéta pervenire, quorum uni, cüm tranfeant 
per partem N humoris cryftallini, & alii, per partem | $S, contrario 
planè modo in ill agunt & fe mutud deftruunt, faltem quantum ad 
colorum productionem attinet; hic autem eos omnes qui ad partem 
retinæ FGF perveniunt, nonnifi per partem N humoris cryftallini 
tranfire, ideoque rotationem quam ibi acquirunt pofle fentiri. Atque 
hæc omnia tam aptè cum iis,quæ de naturà colorum fuprà dixi, con- 
veniunt, ut eorum veritatem non parum mihi videantur confirmare. 


318 


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354-356. METEORA. 71 


ICAPUR x. 


De Parheliis. 


1. Interdum & alii in nubibus circuli videntur, differentes ab iis 
de quibus diximus, eo quôd tantüm albi appareant, neque aftrum in 
centro habeant, fed ipfi, ut plurimüm, Solis aut Lunæ centra per- 
meent & paralleli aut fere paralleli horizonti videantur. Sed, quia 
nonnifi in magnis | & rotundis illis nubibus, de quibus fuprà locuti 
fumus, confpiciuntur, & in iifdem etiam quandoque plures Soles 
aut Lunæ repræfentantur, conjunétim utrumque hic eft explican- 
dum. Sit ex. gr. À Meridies, ubi Sol confiftit comitatus vento calido 
tendente ad B; & C Septentrio, unde ventus frigidus etiam ad B 
nititur. Et ibi fuppono hos duos ventos vel invenire, vel cogere 
nubem ex glaciei particulis compofitam, quæ tam lata eft & pro- 
funda ut non poflint, unus fuper, alius fubter, vel per ejus medium, 
labi quemadmodum aliàs folent, fed curfum fuum circumcirca te- 
nere cogantur; quâ operà non tantum illam rotundant, fed etiam 
qui à Meridie calidus fpirat, nivem ejus ambitûs | paululüm lique- 
facit; quæ ftatim iterum gelata, tam frigore venti borealis quàm vi- 
cinià nivis interioris nondum liquefactæ, magnum quendam velut 
annulum ex glacie continuâ & pellucidà componit, cujus fuperficies 
fatis polita eft, quoniam venti, illam rotundantes, admodum uni- 
formes funt. Præterea etiam hæc glacies craflior eft à latere DEF, 
quod Soli & calidiori vento expofitum fuppono, quàm à latere 
GHI, ubi | tam facilè liquefieri nix haud potuit. Et poftremû notan- 
dum, hâc aëris conftitutione manente, fuflicientem calorem circa 
nubem B vix effe poffe ad glaciem ibi formandam, quin etiam terra 
fubjecta fatis calida fit ad multos vapores emittendos, qui, totum 
nubis corpus furfum pellentes, hanc glaciem in aëre fufpenfam 
fuftineant. Quibus pofitis, facilè intelligitur lumen Solis (quem 
fatis altum verfüs Meridiem elle fuppono), undiquaque glaciem 
DE FGHI illuftrans & inde refliens in nivem nubis quam cingit, 
debere hanc nivem ex terrà fubjeétà fpettantibus inftar magni cir- 
culi albi exhibere; quinimo etiam ad hoc fatis efle, fi nubes fit 
rotunda & ejus nix paulù denfior in ambitu quàm in medio, licèt 
annulus glaciei non fit formatus. 

2. Sed cüm formatus eft, poffunt etiam apparere, flantibus in 


716 Œuvres DE DESCARTES, 356-358, 


terrà circa punctum K, ufque ad fex Soles, qui circulo albo, tan- 
quam annulo totidem adamantes, inferti fint. Primus fcilicetin E, 
ob radios direétè fluentes à Sole, quem fuppono in A; duo fequentes 
in D &F, per refractionem radiorum qui glaciem ïis in locis per- 
meant, ubi, craflitie illius paulatim decrefcente, introrfum ab uträque 
parte incurvantur, quemadmodum ii qui prifma cryftallinum, de 
quo fuprà, perlabuntur. Et propterea hi duo Soles in | oris rubrum 
colorem oftentant eà parte quà E refpiciunt, ubi glacies craflior 
eft; & cæruleum in alterà, ubi tenuior. Quartus in H per reflexio- 
nem apparet : duo | itidem poftremi per reflexionem in G & I, per 
quæ puncta G & I fuppono cireulum defcribi poife, cujus centrum 
in punéto K, & qui tranfeat per B, nubis centrum : ita ut anguli 
KGB & KBG aut BGA æquales fint, ut & KIB & KBI aut 
BIA. Novimus enim reflexionem femper ad angulos æquales fieri, 
& hujus glaciei partes omnes, ex quibus Solis radii poffunt verfüs 
oculum refleéti, ejus imagini referendæ aptas efle. Sed, quoniam 
recti radii femper refractis acriores funt, hi tamen magis adhuc 
vegeti quàm reflexi, illuftrior Sol apparebit in E quam vel in D vel 
etiam in F; rurfufque in D & F illuftrior quäm vel in G vel in H 
vel in; & hitres G, H & I, nullo colore in oris infignes erunt, 
utD&F, fed tantüm albicabunt. 

3. Jam fi fpeétatores non fint in loco K, fed alicubi viciniores 
punéto B, ita ut circulus cujus centrum in illorum oculis ftatuatur 
& qui tranfeat per B, circumferentiam nubis non fecet, duos Soles 
G & I videre haud poterunt, fed tantüm quatuor reliquos. Et fi 
contra multüm recedant ad H vel paulù ulteriüs ad C, quinque 
tantüm videbunt, D, E, F, G, | & I. Et longè ulterius recedentes, 
| videbunt tantüm tres, eofque non ampliüs albo circulo infertos, 
fed albà quädam veluti trabe trajectos. Itemque manifeftum eff, fi 
Sol non fatis altus fit fupra horizontem ad illuminandam partem 
nubis GHI, vel etiam hæc pars nubis GHTI nondum fit planè 
formata, tres tantum Soles D, E, F poife apparere. 

4. Cæterùm hucufque nonnifi latitudinem hujus nivis confide- 
ravimus ; at multa alia in ejus altitudine notanda occurrunt,quæ hic 


meliüs videbuntur, fi eam, tanquam fi per medium feéta effet, exhi- 


beamus. Primd, licèt Sol non fit præcife in lineà rectà quæ tendit 
ab E ad oculum K, fed aliquanto altior vel demiflior, non ideo 
minüs verfüs E confpici debet, præfertim fi glacies non nimis in 
altum aut profundum extendatur. Tum enim fuperficies hujus 
glaciei tantum curvabitur ut, ubicunque demum fit, perpetuô fere 
fuos radios reflectere poflit ad K. Ut, fi habeat in fuà craflitie figu- 


322 


323 


die ee méme Éd 


Cu mn dm es à cru ee à mé id und nd éd Sn él 


A 


325 


326 


358-361. METEORA. 737 


ram comprehenfam lineis 123 & 456, | manifeftum ef, non tantum 
Sole exiftente in|reétà A2, radios illam perlapfos ire poffe ad oculum 
K, fed etiam fi longè inferior fit, velut in lineâ Sr, vel multà fupe- 
rior, ut in lineà T3; & ita femper illum exhibere ac fi effet in lineà 
reà EK. Cüm enim annuli glaciei latitudo (quæ fecundüum nubis 
craflitiem fumenda eft) non valde magna fupponatur, differentia 
quæ eft inter lineas 4K, 5K, & 6K, non multum in rationem venit. 

5, Notandumque eft hoc efficere pole ut Sol, poftquam jam planè 
occubuit, rurfus appareat ; itemque in horologiis ut umbræ plus 
jufto accedant vel recedant atque ita horam planè aliam quàäm reverà 
eft, defignent. Verumtamen, fi Sol multù humilior fit quàm appareat 
in E, adeo ut ejus radii etiam per inferiorem glaciei partem ad oculum 
K ferantur fecundüm lineam reétam, qualis eft hic S7K quam 
fuppono parallelam lineæ Sr, tunc, præter fex Soles jam expofitos, 
feptimus infra ipfos apparebit, qui, multo magis iis refulgens, 
umbram quam in horologiis efficere poffent, delebit. Eâdem ratione, 
fi adeo fublimis fit ut radios fecundüm lineam rectam per fupe- 
riorem glaciei partem agere poflit ad K, ut per lineam T8K paral- 
lelam lineæ T3, & nubes non ita fit opaca ut illos excludere poñit, 
fupra fex alios feptimum Solem videbimus. Si verd glacies 123456 
latiüs extendatur ufque ad punéta 8 & 7, Sole pofito in A, tres, unus 
fupra alterum, ad E poterunt apparere, nempe in punétis 8, 5 & 7; 
& tunc etiam alii tres, unus fupra alterum, ad D, & tres ad F 
poterunt apparere; ita ut ufque ad duodecim cireulo albo DEFGHI 
inferti confpiciantur. Item, fi Sol paul humilior fit | quàm ins, 
aut fublimior quàm in T, tres iterum ad E apparebunt : duo | nempe 
in circulo albo, & infrà Aut fuprà, tertius. Et tum poterunt adhuc 
duo apparere in D, & duo in F. Nunquam autem memini tot fimul 
obfervatos fuifle ; neque etiam, cum tres, alius fupra alium, vifi fue- 
runt, quod fæpius accidit, alios quofdam laterales fuifle confpectos ; 
vel, tribus vifis qui horizonti æquidiftarent, quod etiam fatis fre- 
quens eft, alios quofdam fuprà vel infrà apparuifle. Cujus ratio 
fine dubio ex eo pendet qudd latitudo glaciei, notata inter puncta 
7 & 8, plerumque nullam proportionem habeat cum magnitudine 
ambitûs totius nubis : adeo ut oculus punéto E admodum propin- 
quus efle debeat, cm hæc latitudo fatis magna ipfi apparet, ad 
tres Soles, alium fupra alium in eà diftinguendos; & contrà valde 
remotus, ut radii fraéti in D & F, ubi maximè craflities glaciei 
minuitur, ad illum pertingere poflint. | Et rariflimè accidit nubem 
adeo integram efle, ut plures quàm tres fimul appareant. 

6. Fertur tamen Poloniæ rex, anno 1625, ufque ad fex vi|difle. 


718 Œuvres DE DESCARTES. 361-363. 


Et ante tres annos Mathematicus Tubingenfis quatuor illos, qui hic 
litteris D, E, F & H defignati funt, obfervavit, notavitque inter cæ- 
tera in fcripto quodam, quem eâ de re tunc vulgavit, duos D & F 
rubros fuiffe quâ parte medium, quem verum ille Solem appellat, 
refpiciebant, & cæruleos averfà ; quartumque H valde pallidum & 
vix confpicuum fuiffe. Quod multüm confirmat ea quæ dixi. 

Sed obfervatio pulcherrima & maximè omnium memorabilis 
quas unquam in hâc materià vidi, 1lla ef quinque Solium, qui 
20 Martii anni 1629 Romæ apparuere, horà fecundà & tertià pome- 
ridianà. Et ut accuratius percipi poflit an etiam iis quæ diximus 
congruat, iifdem verbis quibus tum vulgata fuit,illam hîc adfcribam. 

A obfervator Romanus. B vertex loco obfervatoris incumbens. 
C Sol verus obfervatus. À B planum verticale, in quo € oculus obfer- 
vatoris & Sol obfervatus exiflunt, in quo & vertex loci B jacet ; 
ideoque.omnia per lineam | verticalem À B repræfentantur : in hanc 
enim totum planum verticale procumbit. Circa Solem C apparuere 
duæ incompletæ Irides eidem homocentricæ, diverficolores, quarum mi- 
nor five interior D E F plenior € perfeclior fuit, curta tamen, five 
aperta, a D ad F, € in perpetuo conatu fefe claudendi ftabat, € quan- 
doque claudebat, fed mox denuo aperiebat. Altera, fed debilis femper 
& vix confpeclabilis, fuit G HT, exterior € fecundaria, veriegata tamen 
& ipfa Juis coloribus, fed admodum inflabilis. Tertia € unicolor, 
eaque valde magna, Iris fuit K L M N, tota alba, quales fæpe vifun- 
tur in parafelenis circa Lunam; hæc fuit arcus excentricus, integer 
ab initio, Solis per medium incedens, circa finem tamen, ab M ver- 
Jfüs N, debilis € lacer, imo quafi nullus. Cæterüm, in communibus 
circuli hujus interfectionibus cum Iride exteriore G H 1, emerferunt 
duo par|helia non ufque adeo perfetla, N € K: quorum hoc debi- 
liüs, illud autem fortiùs € luculentiüs fplendefcebat;:amborum me- 
dius nitor æmulabatur folarem, fed latera coloribus Iridis pinge- 
bantur ; neque rotundi ac præcifi, fed inæquales € lacunofi, ipforum 
ambitus cernebantur. N, inquietum fpeütrum, ejaculabatur caudam 
fpifam fubigneam NO P cum jugt reciprocatione. L € M fuére 
trans Zenith B, prioribus minüs vivaces, [ed rotundiores € albi 
inflar circuli fui cui inhærebant, lac feu argentum purum expri- 
mentes, quanquam M mediä tertiäâ jam prope difparuerat, nec nifi 
exigua fui vefligia prœbuit; quippe € circulus ex 1ll& parte defe- 


cerat. Sol N defecit ante Solem K, illoque deficiente roborabatur K, 


qui omnium ultimus difparuit, etc. 
CKLM circulus albus erat, in quo | Soles quinque apparebant; 
& imaginandum fpectatorem, locatum ad A, circulum hunc interea 


327 


TT TPE 


328 


329 


363-365. METEORA. | 719 


fupra fe in aëre habuifle, ita ut punétum B vertici illius incubuerit, 
ac duos Soles L & M habuerit à tergo, cûm alios tres K, C, N an- 
trorfum objectos videret : quorum duo K & N in oris colorati, nec 
tam rotundi, neque tam fulgentes erant quäm qui in C ; unde liquet 
illos ex | refractione generatos ; cùm viceverfà duo L & M fatis quidem 
rotundi, fed minus fulgentes effent & planè albi, nullo alio colore 
in extremitatibus permixto : unde conftat à reflexione illos fuiffe. 

7. Et plurimæ caufæ potuerunt impedire quominus fextus alius 
Sol apparuerit in V; quarum omnium tamen maximè verifimilis 
eft, oculum tam propinquum illi fuifle, pro ratione altitudinis 
nubis, ut omnium"* radii, in glaciem, quæ ibi erat, incidentes, ul- 
teriüs refilirent quàm ad punétum A. Et quamvis punétum B non 
tam propinquum Solibus L & M, quäm centro nubis hîc repræ- 
fentetur, hoc tamen non impedit quin regula circa locum appari- 
tionis horum Solium jam a nobis tradita, ibi fuerit obfervata. Cum 
enim | fpeétator vicinior eflet arcui LV M quam aliis circuli par- 
tibus, illum majorem, earum refpeétu, quàm reverà erat, debuit 


. judicare. Ac præterea hæ nubes proculdubio vix unquam accuratè 


rotundæ exiftunt, etiamfi tales appareant. 

8. Sed duo adhuc notatu digna hîc fuperfunt, quorum | primum 
eft Solem N, qui verfüs Occidentem fitus erat, figuram mutabilem 
& incertam habuïifle, de feque caudam fpiffam fubigneam ejacu- 
latum effe, quæ mox longior, mox brevior apparebat. Quod procul- 
dubio non aliunde fuit quàm ex eo quôd imago Solis ita deformata 
& irregularis erat verfüs N, ob glaciei inæqualitatem; ut eadem 
fæpe videtur, cùm aquæ paululüm trementi innatat, aut cüm per 
vitrum inæqualium fuperficierum adfpicitur. Glacies enim verifimi- 
liter aliquantulüm in ill parte agitata erat, nec fuperficies tam regu- 
lares habebat, quoniam ibi diffolvi incipiebat : quod circulus albus 
interruptus & velut nullus inter M & N, itemque Sol N evanefcens 
ante Solem K, qui roborabatur ut alter deficiebat, fatis probant. 

9. Secundum, quod hic notandum occurrit, funt duæ coronæ 
cingentes Solem C, iifdem coloribus, quibus arcus cœleftis, varie= 
gatæ : quarum interior DEF illuftrior & magis confpicua erat 
quàm exterior GHI; ita ut minime dubitem quin, eo modo quem 
paulld antè explicui, fuerint generatæ per refractionem quæ fiebat, 
non in continuâ glacie, in quà Soles K & N apparebant, fed in alià 
in multas exiguas particulas divifà, | quæ fuprà & infrà invenie- 
batur. Verifimile quippe eft eandem caufam, quæ ex quibufdam 


a" 


a. an omnes legendum ? 


720 Œuvres DE DESCARTES. 365-366. 


partium nubis exteriorum integrum aliquem circulum glaciei potuit 
componere, alias vicinas difpofuifle ad repræfentandas has coronas. 
Adeo ut, fi non femper tales videantur, quoties plurimi Soles 
apparent, caufa ex eo fit quôd craflities nubis non femper 
ultra circulum glaciei, quo cingitur, fe extendat; vel etiam 
quod tam opaca fit atque obfcura, ut per illam nequeant appa- 
rere. Quod | ad locum harum coronarum, non alibi quàm circa 
verum Solem apparent, neque ullo modo a Parheliorum locis 
dependent. Quamvis enim duo Parhelii K & N hîc in fectione 
mutuâ exterioris coronæ & circuli albi occurrant, cafu tantum- 
modo id accidit, & pro certo mihi perfuadeo idem in locis pau- 
lulum ab Urbe Româ remotis, ubi idem phænomenon apparuit,non 
vifum fuiffe. Sed non propterea judico centrum illarum femper in 
reétà lineà ad Solem ab oculo duétâ, tam accuratè ut illud Iridis, 
exflare : hoc enim intereft quod aquæ guttæ, cùm fint rotundæ, 
femper | eandem refraétionem efficiant, quemcunque demum obti- 
neant fitum; quodque econtra glaciei particulæ, cùm fint planæ, 
hoc majorem efficiant quo magis obliquè Solis radios tranfmittunt. 
Et quoniam, cùm formantur in circumferentià nubis vi venti illam 
circumquaque lambentis, alio fitu ibi jacere debent quäm cüm in 
planà nubis fuperficie, five fuperiori five inferiori, fiunt, accidere 
poteft ut duæ fimul coronæ appareant, una in alterâ, ejufdem fere 
magnitudinis & non accuratè idem centrum habentes. 

10, | Præterea quoque accidere poteit ut, præter ventos hanc nu- 
bem cingentes, alius aliquis infrà vel fuprà feratur, qui, denuo 
fuperficiem aliquam ex glacie ibi formans, alias varietates in hoc 
phænomeno efficiat. Quod etiam interdum poffunt nubes circum- 
jacentes, aut pluvia, fi fortè tunc cadat. Nam radii, à glacie alicujus 
harum nubium refilientes ad pluviæ guttas, partes Iridis diverfi ad- 
modum fitûs ibi repræfentabunt. Et præterea etiam, cum fpecta- 
tores non funt fub aliquà tali nube locati, verüum à latere inter plu- 
res, alios circulos & alios Soles videre poflunt. De quibus plura 
hic dicere fupervacaneum arbitror : fpero enim illos qui omnia fatis 
intelligent quæ in hoc Tractatu continentur, nihil in pofterum in 
nubibus vifuros, cujus non facile caufam animadvertant, nec quod 
pro miraculo fint habituri. 


FINIS. 


DE 


330 


331 


NOTE SUR LE PROBLÈME DE PAPPUS 


GÉOMÉTRIE DE DESCARTES, Pace 377. 


TRADUCTION DU TEXTE GREC DE Pappus, d’après l'édition de Fr. Hultsch 


(Pappi Alexandrini Collectionis quæ supersunt, vol. Il, Berlin, Weid- 
mann, 1877, pp. 676-680). Nous donnons tout d’abord le passage, visé 
dans ce texte, du préambule du livre I des Coniques d’Apollonius : 


> 


> 


> 


C4 


« Le livre III contient nombre de théorèmes remarquables, qui sont 
utiles pour la synthèse des lieux plans et la détermination des condi- 
tions de possibilité des problèmes. La plupart de ces théorèmes et les 
plus beaux sont nouveaux ; leur découverte nous a fait reconnaitre 
qu’Euclide n’a pas effectué la synthèse du lieu à 3 et 4 lignes, mais seu- 
lement celle d’une partie de ce lieu prise au hasard, et qu’il ne s’en est 
même pas heureusement tiré; c’est que, sans nos découvertes, il n’était 
pas possible de faire la synthèse complète. » 

Pappus : « Maïs ce lieu à 3 et 4 lignes, dont Apollonius dit, à propos 
de son livre III, qu’Euclide ne l’a pas complètement traité, lui-même, 
pas plus qu'aucun autre, n’aurait pu l'achever, ni même rien ajouter à 
ce qu'Euclide en a écrit, du moins en s'en tenant exclusivement aux 
Eléments des Coniques déjà démontrés au temps d'Euclide... » 

« Voici quel est ce lieu à 3 et 4 lignes, à propos duquel Apollonius se 
décerne de grands éloges pour ses additions et dont il aurait dû savoir 
gré au premier qui en a écrit. Si, trois droites étant données de posi- 
tion, on mène d’un même point, sur ces trois droites, trois autres sous 
des angles donnés, et qu’on donne le rapport du rectangle compris sous 
deux des menées au carré de la troisième, le point se trouvera sur un 
lieu solide donné de position, c'est-à-dire sur l’une des trois coniques. 
Si c’est sur quatre droites données de position que l’on mène des droites 
sous des angles donnés, et qu’on donne le rapport du rectangle de deux 
des menées à celui des deux autres, le point se trouvera de même sur 
une section conique donnée de position. D'autre part, si les droites 
sont seulement au nombre de deux, il est établi que le lieu est plan; mais, 
s’il y a plus de quatre droites, le lieu du point n'est plus de ceux qui 
soient connus ; il est de ceux qu’on appelle simplement lignes (sans en 
savoir davantage sur leur nature ou leurs propriétés), et on n'a fait la 


Œuvres. I. g1 


722 NOTE SUR LE PROBLÈME DE PAPPUSs. 


» synthèse d'aucune de ces lignes, ni montré qu’elle servit pour ces lieux, 
» pas même pour celle qui semblerait la première et la plus indiquée. 
» Voici comment on propose ces lieux. » 

« Si d’un point on mène à cinq droites données de position d’autres 
» droites sous des angles donnés, et qu’on donne le rapport entre le paral- 
» lelépipède rectangle compris sous trois des menées et le parallelépipède 
» rectangle compris sous les deux autres et sous une donnée, le point se 
» trouvera sur une ligne donnée de position. » 

« Si les droites données sont au nombre de six, et que l’on donne le 
» rapport du solide compris sous trois des menées au solide compris sous 
» les trois autres, le point se trouvera de même sur une ligne donnée de 
» position. » 

« S'il y a plus de six droites, on ne peut plus dire que l’on donne le 
» rapport entre quelque objet compris sous quatre droites et le même 
» compris sous les autres, puis qu'il n’y a rien qui soit compris sous plus 
» de trois dimensions. Cependant, peu de temps avant nous, on s’est 
» accordé la liberté de parler ainsi, sans rien désigner pourtant qui soit 
» aucunement intelligible, en disant le compris sous telles droites par 
» rapport au carré de telle droite ou au compris sous telles autres. Il était 
» cependant aisé, au moyen des rapports composés, d'énoncer et de 
» prouver en général les propositions précitées et celles qui suivent. 
» Voici comment: » 

« Si d’un point on mène à des droites données de position d’autres 
» droites sous des angles donnés et que l’on donne le rapport composé de 
» celui de l’une des menées à une autre, de celui des menées d’un second 
» couple, de celui des menées d’un troisième, enfin de celui de la der- 
» nière à une donnée, s’il y a sept droites en tout, ou bien de celui des 
» deux dernières, s’il y en a huit, le point se trouvera sur une ligne 
» donnée de position. » 

» On pourra dire de même, quel que soit le nombre des droites, pair 
» ou impair. Mais, comme je l'ai dit, pour aucun de ces lieux qui suivent 
» celui à 4 droites, il n’y a eu une synthèse faite qui permette de con- 
» naître la ligne. » 


OBSERVATIONS. 


Nous avons déjà, dans le tome IV de la Correspondance (éclaircisse- 
ment, p. 364-366), discuté le passage particulièrement obscur du texte de 
Pappus (ci-avant, p. 378, 1. 6-10), et nous en avons donné une traduc- 
tion un peu différente de celle qui précède, pour laquelle nous avons 
suivi la leçon des manuscrits. 

Nous ajouterons ici quelques autres remarques, d’abord sur le passage 
de Pappus, puis sur la solution de Descartes. 

1. La façon dont les anciens traitaient le lieu à trois et quatre droites a 


NOTE SUR LE PROBLÈME DE PAPPus. 723 


été magistralement élucidée dans le remarquable ouvrage de M. Zeuthen, 
de Copenhague, ouvrage traduit en allemand par M. von Fischer-Benzon, 
sous le titre: Die Lehre von den Kegelschnitten in Altertum (Copenhague, 
Hôst, 1886). Nous relèverons donc seulement, ici, ce qui, dans le langage 
d’Apollonius et de Pappus, pouvait induire en erreur, au xvu° siècle, sur 
l'histoire réelle de ce problème. 

Il a dû être posé et résolu, par les procédés d'analyse géométrique des 
anciens, dans un ouvrage un peu antérieur à Euclide, les cinq Livres des 
Lieux Solides d'Aristée (lesquels contenaient d’ailleurs certainement les 
éléments de nombre de théories qui font défaut dans les Coniques d'Apol- 
lonius, et que, par suite, on a cru à tort ignorées de lui, comme les pro- 
priétés du foyer de la parabole, des directrices des coniques, etc.). La syn- 
thèse, dont la marche était tout indiquée par l’analyse, n'offrait d’intérêt 
que comme exercice ou application à des données particulières ; mais il 
importait de réunir et d'établir les divers théorèmes nécessaires, soit pour 
la faciliter, soit pour la rendre complète. Ce fut le but (et non pas la svn- 
thèse elle-même) que paraît s'être proposé Euclide dans une partie de ses 
quatre Livres des Coniques, ouvrage qui n’était déjà plus étudié au temps 
de Pappus ; Euclide semble s’y être borné à réunir les travaux synthétiques 
des géomètres plus anciens, et cela pour faciliter en particulier l’étude des 
Lieux Solides d’Aristée. Apollonius accomplit, dans son troisième Livre, 
la théorie laissée imparfaite (un des grands progrès qu'il réalisa fut, en 
particulier, la considération simultanée des deux hyperboles opposées, ou, 
comme nous le disons, des deux branches d’une même hyperbole); mais 
ce Livre ne pouvait être utilisé, pour le lieu à trois ou quatre droites, que 
si l’on connaissait déjà la solution analytique, qui, seule, pouvait mettre 
en lumière la véritable portée des théorèmes d’Apollonius et la façon de 
les appliquer. 

Au commencement du xvue siècle, les géomètres, n'ayant plus l’ou- 
vrage d’Aristée, pas plus que les Coniques d'Euclide, ne disposant que 
des quatre premiers Livres d'Apollonius et des indications très insufh- 
santes de Pappus, avaient donc, pour résoudre la question du lieu à trois 
et quatre droites, à retrouver l'analyse ancienne, dont ils ignoraient les 
procédés, ou à essayer une divination réellement difficile. Aussi Descartes 
ne pouvait guère mieux choisir que ce lieu pour illustrer, par un exemple 
frappant, l'emploi de la méthode analytique nouvelle qu'il avait conçue 
pour faciliter l'application du calcul algébrique à la géométrie. 

Le problème avait été proposé par Golius à Mydorge, au moins dès 
1630 (Correspondance, tome I, p. 256, 1. 18), et à Descartes en 1631 
(Tbid., p. 232-235). Dès avant la publication de sa Géométrie, Descartes 
l'indique à Mersenne, en 1632 et 1634, comme un problème à poser à 
Roberval (Zbid., p.256 et 288). Avant 1637, Fermat (Œuvres de F., II, 
p. 105, 1. 2) l’avait résolu à la façon des anciens ; sa solution, très élégante, 
pour le lieu à trois droites, se trouve seufe conservée. Roberval ne parait 
s’en être occupé que plus tard, mais le 4 août 1640 (Zbid., p. 2o1, 8), il 


724 NOTE SUR LE PROBLÈME DE PAPPUS. 


écrit à Fermat : « Depuis cette invention (celle de sa méthode des tan- 
» gentes), je me suis appliqué aux lieux solides ad tres et quatuor lineas, 
» lesquels j'ai entièrement restitués, quoique, pour n'y rien oublier, il ne 
» faille guère moins de discours qu’aux six premiers Livres des Élé- 
» ments. » Il avait donc dû faire la synthèse complète. 

Le problème général, tel que l'énonce Pappus pour un nombre 
quelconque de droites, peut aisément se poser comme suit. Soient : 


T0 AO ERe Ce—0; 
BAMBOU Br —0; 


les équations de 2n droites en coordonnées rectangulaires ou obliques, 
À un coefficient arbitraire, l'équation du lieu à 2» droites sera : 


y 


A; APHASENIRAN ET AE EIRE B, B, POI BE; 
tandis que celle du lieu à 27 — 1 droites serait : 4 
A; An AS tee An AGEN PB Ba CB IR 


Dans les deux cas, ee est du degré 7, mais, à cause du double 
signe }, elle représente l’ensemble de deux courbes de ce même degré, 
circonstance que n’a pas relevée l’auteur de la Géométrie. 

Il est à remarquer que la définition de Pappus pour le lieu en général, 
quand le nombre des droites est impair, ne concorde pas avec sa défini- 
tion particulière pour le lieu à trois droites, qui revient à l’équation: 


AT ASE NP" 0E 


Enfin, c’est par suite d'une heureuse erreur, puisqu'elle lui a fait 
aborder au moins deux cas simples du lieu à cinq lignes, que Descartes 
a interprété la traduction de Commandin comme si les anciens avaient 
traité l'un de ces cas. Quoique le texte de Pappus reste douteux, il a cer- 
tainement voulu dire tout le contraire. 

Dans sa solution générale, Descartes reconnaît nettement la nature 
algébrique de la courbe et le degré de l'équation; seulement, de même 
qu'il classe les problèmes d’après le degré de la courbe à employer pour 
les résoudre avec un cercle et non avec une ligne droite, il comprend sous 
un même genre, d'ordre n, les courbes de degré 2n et 2n — 1: Cette 
nomenclature amène quelques ambiguïtés. 

D'autre part, il affirme que toute courbe du genre n (degré 2n) peut être 
lieu pour 4n droites. Ceci est vrai pour n = 1; il suffit de remarquer, 
pour les courbes du second degré, que, le lieu passant en général par 
chacune des intersections d’une droite A avec une droite B, on a ici 
quatre points et que le coefficient À donne la cinquième condition pour 
déterminer la conique. La proposition est encore vraie pour n — 2 (lieu 
à huit droites). Mais, pour les valeurs supérieures de 7, le nombre des 
conditions nécessaires pour déterminer la courbe générale du degré 2n, 
dépasse celui des conditions du ‘problème. Il n’y a donc en général, si 
n>> 2, que certaines espèces de courbes du degré 22 qui jouissent de la 


NOTE SUR LE PROBLÈME DE PAPPUS. 725% 


propriété que leur équation puisse se mettre sous la forme de l'équation 
du lieu à 4n droites. , 

4. Descartes explique très clairement sa solution pour le premier cas 
simple du lieu à cinq lignes qu’il a traité ; quant au second, ce qu'il dit 
est d'une obscurité probablement volontaire, et même inexact, si on le 
prend à la lettre. Car, supposant le lieu rapporté à un diamètre (soit l'axe 
des x) et à l'axe conjugué passant par le sommet (l’axe des y), il dit que 
les ordonnées y sont égales à celles d’une section conique, dont les 
abscisses 7 formeraient, avec les abscisses correspondantes x du lieu, un 
produit constant, soit m2. C'est-à-dire que l’on aurait: 


D 2 2 
J'—=2pr—£r,etzx = m". 


Mais il est clair qu'à moins de supposer nul le terme en 7°, l'équation en 
x et y sera alors du quatrième degré et non du troisième, comme elle 
doit être pour un lieu à cinq lignes; que, d’autre part, si la conique est 
simplement une parabole 7° — 2pz7, l'équation du lieu prendra la forme 
xy°— k*, qu'on ne voit pas le moyen de mettre sous celle qui corres- 
pond au cas examiné par Descartes. 

Il a dû supposer les quatre droites parallèles symétriques par rapport 
à l’axe des x, et prendre la droite les traversant comme axe des y ; les 
équations des cinq droites sont alors : 

Ff—a—=0,ÿ+a—=0,yYy—b—=0,7 +b—0,x—0, 
et celle du lieu : 
(I — b)=m (y — à). 

En posant ma°—b"c,c—m—n,x—c—+x, on ramène cette équation 
: 2 xl 
à la forme: 7° — ES 

En posant maintenant x’ + n — T, ON AE — E (n—%). On arrive 
bien ainsi à l'équation d’une parabole ; seulement l’abscisse du lieu n'est 
pas, comme le dit Descartes, comptée à partir du sommet, mais bien à 
partir de la rencontre de l’axe des x avec une perpendiculaire, asymptote 
de deux branches de la courbe. 

5. En ce qui concerne l'analyse du lieu à quatre droites, que Descartes 
a présentée sous forme d’une discussion générale de l'équation du second 
degré à deux inconnues, on peut remarquer qu'il a omis de considérer le 
cas où le coefficient de y “est nul. Il a lui-même reconnu cette omission 
et l’a signalée dans sa lettre à Debeaune du 20 fév. 1639 (t. II de cette 
édition, p. 511, 1. 3); il y fait déja probablement allusion le 31 mars 
1638 (t. IT, p. 84, L. 7), plutôt qu'au cas que nous avons supposé visé, 
dans la note sur ce passage. 

Pauz TANNERY. 


FINE 


_ TABLE DES MATIÈRES 


1 
\ 


 AverT SEMENT. .-. : . . 
e des ESSAIS. . 


" Sa ; 
 - EL EU 
ISCOURS DE LA METHODE. 
RAR, Cr 


. . . 
- 


des SPECIMINA PHiLosoPHiÆ 


. . . 


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oblème de Pappus 


PS] 


RIT ANT 11% 
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| Achevé d'imprimer 
: de _ par LÉOPOLD CERF = 


12, rue Sainte-Anne, à Paris 


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le 20 novembre 1902 


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