Presented to the
LIBRARY of the
UNIVERSITY OF TORONTO
by
Norman Robertson
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in 2009 with funding from
University of Ottawa
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DISCOURS DE LA MÉTHODE & ESSAIS
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24 « M. Darsoux, de l'Académie des Sciences doyen de je. Faculté
TMC des Sciences de l’Université de Paris, et M. BouTroux, de l° Académie
SES des Sciences Morales et Politiques, professeur d'histoire de la a FL
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. philosophie moderne à la Soréonne,, ont suivi l'impression de cette
| Re publication en SE de commissaires responsables. d'ITRRE
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PUBLIÉES
CuarLes ADAM & Pauz TANNERY
SOUS LES AUSPICES
DU MINISTÈRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
DISCOURS DE LA MÉTHODE & ESSAIS
VI
PARIS
LÉOPOLD CERF, IM PRIMEUR - ÉDITEUR
12, RUE SAINTE-ANNE, 12
1902
AVERTISSEMENT
Le présent volume contient :
1° Le Discours de la Méthode et les Essais", d’après l’édi-
tion originale, publiée en 1637 à Leyde, chez Jan Maire, sans
nom d'auteur, en format in-4°, avec deux paginations : 3-78
pour le Discours placé en tête, 1-418 pour les Essais, que
suivent 31 pages non numérotées, contenant les Tables des
matières ;
2° La version latine de cet ouvrage (Specimina Philosophiæ”),
version due à Etienne de Courcelles, Français établi à Amster-
dam comme ministre protestant, et publiée à Amsterdam, chez
Louis Elzevier, en 1644, en meme temps que les Principia
Philosophiæ de Descartes. Les deux ouvrages dans cette édi-
tion, sont d'ordinaire réunis en un seul volume in-4°, les Speci-
mina étant en tête, et comprenant d’abord 16 pages sans numéro
(titre et indices), puis 331 pages numérotées. Le nom du tra-
ducteur n'y figure point, mais au contraire celui de Descartes
attestant (voir ci-après p. 539) qu'il a revu et corrigé le texte,
et l’avouant, au moins quant au sens, comme seconde édition.
Etienne de Courcelles avait laissé de côté le dernier des
trois Essais, c’est-à-dire la Géométrie. Une version latine en
parut également du vivant même de Descartes : GEOMETRIA, 4
Renato Des Cartes anno 1637 Gallicè edita ; nunc autem cum
notis Florimondi de Beaune #7 Curia Blesensi Consiliarii Regii
1. Voir ci-après le titre complet sur la reproduction phototypique
du frontispice de l'édition originale.
VI AVERTISSEMENT.
in Latinam linguam versa, et Commentariis tllustrata, opera
atque studio Francisci à Schooten Leydensis, in Academia
Lugduno-Bataya Matheseos Professoris Belgicè docentis.
(Lugduni Batavorum. Ex officina Ioannis Maire. M. pc. xuix,
in-4° ‘.) Mais cette fois, quoiqu'en très bonnes relations avec
Schooten, qu'on doit même tout à fait regarder comme son
disciple en mathématiques, Descartes tint à lui laisser toute la
responsabilité de cette édition, et il s'exprime nettement à cet
égard dans une lettre à Mersenne du 4 avril 1648 (Correspon-
dance, t. V, p. 145). I nous suffisait donc de signaler en notes
les quelques divergences, justifiées en général, que présente,
avec le texte français, la version de Schooten, dont la fidélité
est au reste remarquable et dont la latinité est beaucoup plus
claire et correcte que Descartes ne semble l'avoir espéré.
Malheureusement , sous ce dernier rapport, la version
d'Etienne de Courcelles laisse au contraire singulièrement à
désirer, et entre les lignes dans lesquelles Descartes en cons-
tate l'exactitude (beaucoup trop littérale et obtenue, le plus sou-
vent, à l’aide d’étranges gallicismes), on peut bien lire que, s’il
avoue le sens, comme nous l’avons dit, il ne prend pas le style
à son compte. Mais, s’il n’a pas voulu s’astreindre à le corri-
ger et à y imprimer sa marque {ce qui lui aurait coûté plus de
peine que de refaire lui-même toute la version), il n’en a pas
moins certainement apporté des changements considérables :
diverses inadvertances de la rédaction de 1637 ont disparu;
l'exposition, en plusieurs endroits, a subi un remaniement im-
portant; les additions, plus ou moins notables, sont fréquentes *.
Tout cela est aisément reconnaissable ; mais le critérium qu’il
1. Schooten donna en 1659 une seconde édition (Amsterdam, Louis et
Daniel Elzevier), dans laquelle ses commentaires sont sensiblement déve-
loppés, et qui, grossie d’opuscules tant de lui-même que de Hudde, H.van
Heuraet, Florimond Debeaune, Jean de Witt, constitue, en deux volumes,
un véritable corpus de la géométrie cartésienne à cette date. C'est de cette
seconde édition que nous nous sommes particulièrement servis.
2. Elles ont été, au moins les plus saillantes, indiquées entre guille-
mets dans le texte latin.
AVERTISSEMENT. VII
indique pour distinguer ses corrections, à savoir la liberté
prise par rapport au texte de 1637, est évidemment insuffisant
pour discerner sûrement les retouches de détail, lorsque l’au-
teur n’a cherché, par le choix d’une expression, qu’à préciser
un peu mieux sa pensée. Dans ces conditions, on doit dire que,
pour s'assurer si Descartes, pour tel passage des Essais que
l’on veut approfondir, h’a pas eu un repentir avant 1644, ïl
faut toujours confronter avec soin le texte des Specimina.
Nous avons donc jugé nécessaire de le donner intégralement,en
petits caractères ; la seule indication des divergences, en notes
sur le texte français, eût entraîné, soit une minutie excessive,
soit des exclusions arbitraires; d’autre part, la fréquence, dans
la littérature philosophique, des renvois au texte des Specimina
rendait désirable la réédition de ce texte.
Quant aux nombreuses éditions du premier ouvrage de
Descartes, qui ont suivi sa mort, nous n'avions pas à en tenir
compte, notre plan étant limité à la reproduction des éditions
originales. Mais nous donnons celles-ci complètement, du titre
aux tables des matières et aux privilèges. Exception n’a été
faite que pour les errata, que nous avons naturellement corri-
gés en leur lieu.
Les dispositions typographiques convenables ont été prises
pour indiquer le commencement et la fin de chaque page des
éditions originales et pour établir la correspondance entre les
pages de cette édition pour le texte français et pour le texte
latin *.
Il nous reste à dire quelques mots sur les principes que
nous avons suivis pour l'orthographe, en particulier pour
celle du texte français, qui seule peut faire question. Les
Remarques sur l'orthographe de Descartes, insérées pages
LxxIx-CV du Tome I de la Correspondance, nous dispensent
de nouveaux développements sur ce sujet, mais nous avons à
justifier les écarts apparents à l'annonce qui y a été faite que
1. Pour le texte français, les numéros des pages originales figurent sur
la ligne du titre courant ; pour le texte latin, voir la note de la page 540.
Œuvres. I, ê
VIII AVERTISSEMENT.
nous suivrions scrupuleusement les éditions parues du vivant
de l’auteur, et dont lui-même a corrigé le texte, lorsqu'on
l'imprimait.
Nous n'avons nullement varié sur le principe ; nous consi-
dérons, au contraire, de plus en plus comme important de res-
tituer aux écrits de Descartes la physionomie orthographique
qui les a caractérisés.
En particulier, les singularités qu'offrait à cet égard le Dus-
cours de la Méthode, ne pouvaient manquer d’influer sur les
lecteurs, surtout sur ceux pour qui il devint un livre de chevet.
Cette influence, dont il serait aisé de fournir des exemples, se
décèle, il est vrai, beaucoup plus dans les autographes du
temps que dans les ouvrages imprimés. Mais elle persista
longtemps et n’est point historiquement négligeable, ce qui
serait un motif suflisant pour la fidèle reproduction du vo-
lume de 1637.
Cependant procéder en cette matière « comme en diploma-
tique » eût été, à l'égard de Descartes, une trahison d'autant
plus flagrante qu’il a lui-même signalé, à propos de l’errata
(voir ci-après, p. 514, note) que nombre de fautes restaient à
corriger et que les distinctions (signes de ponctuation) laissaient
souvent à désirer. L'édition de Jan Maire est d’ailleurs incon-
testablement très incorrecte au point de vue typographique :
en particulier, l'orthographe d’un même mot et l’accentuation
surtout sont singulièrement inconstantes.
L'excuse présentée par Descartes, à savoir que le compositeur
n’entendait pas un mot de français, signifie toutefois seule-
ment que l’auteur n’a pas trouvé, à Leyde, le précieux concours
que prêtent d'ordinaire les protes et les tierceurs pour assurer
la régularité de l'orthographe et pour faire disparaître les in-
corrections grammaticales ; car, plus le compositeur était igno-
rant du français, plus il a dû s’efforcer de suivre fidèlement la
copie. Il faudrait donc pouvoir faire un départ entre les véri-
tables fautes d'impression et les incorrections du manuscrit.
Or si, dans nombre de cas, la distinction est aisée à faire,
hit ne nn ti tee tt titine À nds.
Er
tt lies.
AVERTISSEMENT. IX
dans beaucoup d’autres, on reste dans l'incertitude. D'autre
part, le manuscrit était-il de la main de Descartes, ou avait-il
fait préparer, pour l'imprimeur, des expéditions au net par un
ou plusieurs copistes, qui auront pu introduire, plus ou moins
accidentellement, des formes de leur propre orthographe, au
lieu de celle de Descartes? Au moins pour la Dioptrique, la
copie était d’une main spéciale. Dans ce traité, en effet, tel que
le donne l'édition de 1637, domine la forme ceste, tandis que,
dans les autres parties de l'ouvrage, cette forme n'apparaît
point,et qu'on voit irrégulièrement alterner les formes cette et
cete, dont la dernière seule est authentiquement cartésienne,
les autographes excluant absolument les deux autres.
En présence de ces difhcultés, nous ne pouvions cependant
nous résoudre à surcharger le bas des pages de variantes pure-
ment orthographiques. C'était absolument sans intérêt, puis-
que celles que nous avons données dans les volumes de la
Correspondance constituent un ensemble de matériaux large-
ment suflisant pour l'étude.
Nous avons donc convenu, tout d’abord, de corriger tacite-
ment les fautes d'impression évidentes, ainsi que les inadver-
tances grammaticales (singulier pour pluriel, féminin pour
masculin, ou inversement), qui devaient plutôt entacher déjà
la copie. Nous n'avons pas eu plus de scrupule pour les incor-
rections de même ordre dans les formules algébriques de la
Géométrie.
Nous avons, en second lieu, essayé de régulariser la ponc-
tuation d’après le sens, tout en évitant de la moderniser systé-
matiquement, ce qui est d’ailleurs incompatible avec la coupe
des phrases de Descartes. Nous avons, d’autre part, conformé
l’accentuation à l'usage du philosophe qui est bien établi’.
1. Je dois ajouter, cependant, que, pour la facilité de la lecture, j'ai
imprimé régulièrement o#, adverbe, dans les trois Essais, alors que
l’usage le plus fréquent de Descartes est de ne pas mettre l'accent, pas
plus que pour la conjonction. De même pour /à, adverbe; au contraire,
pour à, préposition, l’omission de l'accent n'amène jamais d’hésita-
tion. (T.)
X AVERTISSEMENT.
Nous avons, au contraire, laissé en principe subsister les di-
vergences d'orthographe ou les formes mal assurées, sauf à
faire disparaitre les anomalies trop choquantes (variations dans
la même page ou forme unique contre de nombreux exemples
d'une autre forme). Mais nous avons corrigé tout ce qui nous
a paru, avec assez de probabilité, être dû, soit à des fautes
d'impression, soit à des lapsus calami, soit enfin à des altéra-
tions dues aux copistes employés par Descartes.
En résumé, toutes les fois que nous avons douté s’il n'y avait
pas eu, de la part de Descartes, soit une dérogation consciente
à l’usage, soit une indifférence entre deux formes, nous nous
sommes abstenus de toute correction ; nous avons corrigé, au
contraire, lorsque nous n'avons pas cru que l’orthographe püt
être celle que Descartes aurait réellement voulue en écrivant
le mot avec attention ‘.
Mais, si les principes que nous avons adoptés se justifient
assez d'eux-mêmes, les avons-nous toujours appliqués d’une
façon irréprochable ? Ils laissent une trop large part à l’appré-
ciation individuelle pour nous mettre, dans le détail, à l’abri
de toute critique, et nous-mêmes, après la dernière revision du
texte original sur les feuilles de cette édition déjà tirées, nous
éprouvons divers scrupules sur quelques cas où l'évidence ne
nous semblait point contestable. Ainsi exfrordinaire paraît
1. Les formes corrigées se réduisent aux suivantes, en dehors des
fautes d'impression proprement dites :
1° Emploi de l'y ou de l’i. — Ayt, croire, aussytost.
20 Diphtongues. — Ceuillir et receuillir — neuds. — transparant.
3° Pluriel, — Nez (nés), difficultéz, esloignez. La forme des pluriels en
és est à peu près exclusivement employée dans l'édition de 1637. Mais au
moment où elle paraissait, Descartes, à en juger par son errata, se serait
précisément rallié à la forme ez. — Estans (forme isolée, en regard d’es-
tant). — Toutefoix.
4° S d’'accentuation. — Voyage, batissoit, pretast, inegale. — Des-
pendre (l'étymologie latine exige dependre), étois. — Cest, cét, cestuy.
50 Lettres doublées ou non prononcées, — Celluy, cella, parfaitte,
esclattant, temps, trouts. — Pieres, rons.
6° Emploi de l’x. — Reflection.
4
À
F
4
L.
‘4
Ë
AVERTISSEMENT. XI
une faute certaine ; nous avons donc imprimé extraordinaire,
jusqu’au moment où nous avons constaté que l’autre forme est
la seule qui se rencontre dans l'édition de 1637. De même /eur,
au pluriel du pronom possessif, semble bien être une forme
consciemment adoptée par Descartes, au lieu de leurs. Dans un
cas isolé, au contraire, si nous avons imprimé /a plus grande
part, nous devons cependant regarder comme possible que
Descartes, par une élision conforme à une prononciation plus
ou moins répandue, ait volontairement écrit la plus grand
part, en omettant l'apostrophe à laquelle il ne fait d'ordinaire
pas d'attention.
Nous ne pouvons donc affirmer qu’une chose, c’est que, nous
étant chargés de la responsabilité du texte, l’un pour le Dis-
cours de la Méthode, l'autre pour les Essais, nous avons cha-
cun fait de notre mieux pour garder un juste milieu entre les
tendances à une systématisation trop rigoureuse ou à une fidé-
lité trop servile. Quelques erreurs nous ont échappé avant la
correction définitive ou se sont produites au tierçage. En voici
le relevé :
Page 5, ligne 10, estimast] /ire m'estimast.
Page 5, ligne 26, des] lire de tous les.
Page 25, ligne 8, le trait de séparation verticale doit être
supprimé.
Page 28, lignes 8-0, 1! semble qu'on devrait lire: selon que
nostre entendement la luy represente bonne ou mauuaise.
Page 44, ligne 24, après quelquefois, ajouter que.
Page 46, ligne 23, après trouuois, ajouter toutes.
Page 47, ligne 11, receptable] lire receptacle.
Page 50, ligne 3, ce] lire le.
Page 50, ligne 6, desenflent] /re se desenflent.
Page 53, ligne 17, après qu'vne, ajoutez seule.
Page 55, ligne 10, estres] lire estre. — Ligne 21 : recuës] lire
receuës.
Page 55, ligne 26, ces] lire ses.
Page 71,ligne 1, subtiles] /ire subtils.
XII AVERTISSEMENT.
Page 94, ligne 4, il n’est] /ire il n'est pas.
Page 104, ligne 14, peut] lire peut bien.
Page 144, ligne 13, obiet] lire œil. — Correction indiquée
par Descartes, Correspondance, t. IT, p. 481, 1. 7, et d’ailleurs
introduite dans l'édition latine.
Page 146, ligne 30, encores] /ire qu'encores.
Page 157, ligne 13, ces] Are ses.
Page 174, ligne 30, BDOR] re DBOR.
Page 180, ligne 5, BI] Zre NI.
Page 462, ligne 4, iusques en E] /ire iusques a E,
DIS C'O'UXRSS
DE LA°MELCAODE
Pour bien conduire fa raifon,& chercher
la verite dans les{ciences.
BRTEURS
EDIOPTRIQWUE.
ÉESMETEORES.
ET
EASGEOMETRIE.
Qui font des effais de cete Mstnons.
AE YS yviD.E
De lImprimerie de [an Marre.
CIS I5 © xxxvir
Arec Priuilege.
2:
BIS COURS
Bebe ME PRODE
POUR BIEN CONDUIRE SA RAISON ET CHERCHER
LA VERITÉ DANS LES SCIENCES
S1 ce difcours femble trop long pour eflre tout leu
en yne fois, on le pourra diflinguer en fix parties. Et,
en la premiere, on trouuera diuerfes confiderations tou-
chant les fciences. En la feconde, les principales regles
de la Methode que l'Autheur a cherchée. En la 3,
quelques vnes de celles de la Morale qu'il a tirée de cete
Methode. En la 4, les raifons par lefquelles il prouue
l'exiflence de Dieu & de l'ame humaine, qui font les
fondemens de fa Metaphyfique. En la 5, l’ordre des
io queflions de Phyfique qu'il a cherchées, € particuliere-
ment l'explication du mouuement du cœur € de quelques
autres difficultez qui appartienent a la Medecine, puis
auffy la difference qui efl entre nofire ame & celle des
befles. Et en la derniere, quelles chofes il croit eflre
requifes pour aller plus auant en la recherche de la Na-
ture qu'il n'a eflé, 6 quelles raifons l'ont fait efcrire.
Le bon fens eft la chofe du monde la mieux par-
tagée : car chafcun penfe en eftre fi bien pouruü, que
Œuveess. I. I
PREMIERE
PARTIE.
2 Œuvres DE DESCARTES. De
ceux mefme qui font les plus difiiciles a contenter en
toute autre chofe, n’ont point couftume d'en defirer
plus qu'ils en ont. En quoy il n'eft pas vrayfemblable
que tous fe trompent ; mais plutoft cela tefmoigne que
la puiflance de bien iuger, & diftinguer le vray d'auec
le faux, qui eft proprement ce qu'on nomme le bon
fens ou la raifon, eft naturellement efgale en tous les
hommes; et ainfi que la diuerfité de nos opinions ne
vient pas de ce que les vns font plus raifonnables que
les! autres, mais feulement de ce que nous condui-
fons nos penfées par diuerfes voyes, & ne confiderons
pas les mefmes chofes. Car ce n'eft pas aflez d'auoir
l’efprit bon, mais le principal eft de l'appliquer bien.
Les plus grandes ames font capables des plus grans
vices, auffy bien que des plus grandes vertus ; et ceux
qui ne marchent que fort lentement, peuuent auancer
beaucoup dauantage, s'ils fuiuent toufiours le droit
chemin, que ne font ceux qui courent, & qui s'en
efloignent.
Pour moy, ie n'ay iamais prefumé que mon efprit
fuft en rien plus parfait que ceux du commun ; mefme
i'ay fouuent fouhaité d'auoir la penfée auffy prompte,
ou l'imagination aufly nette & diftincte, ou la me-
moire aufly ample, ou aufly prefente, que quelques
autres. Et ie ne fçache point de qualitez que celles
cy, qui feruent a la perfeétion de l'efprit : car pour la
raifon, ou le fens, d'autant qu'elle eft la feule chofe
qui nous rend hommes, & nous diftingue des beftes,
ie veux croyre qu'elle eft toute entiere en vn chafcun,
& fuiure en cecy l'opinion commune des Philofophes,
qui difent qu'il n'y a du plus & du moins qu'entre les
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malins à. rural, Soaiiére ne où
sé
+
rés th, Li, sb RAGE
DOPRRT-. .
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30
45. Discours DE LA METHODE. 3
accidens, & non point entre les formes, ou natures, des
indiuidus d'vne mefme e/pece.
Mais ie ne craindray pas de dire que 1e penfe auoir
-eu beaucoup d'’heur, de m'eftre rencontré dés ma ieu-
y
nefle en certains chemins, qui m'ont conduit a des
confiderations & des maximes, dont ray formé vne
Methode, par laquelle il me femble que ray moyen
d'augmenter par degrez ma connoiflance, & de l'efle-
uer peu a peu au plus haut point, auquel la mediocrité
de mon efprit & la courlte durée de ma vie luy pour-
ront permettre d'atteindre. Car i'en ay defia recueilly
de tels fruits, qu'encore qu'aux iugemens que ie fais
de moymefme, ie tafche toufiours de pencher vers le
cofté de la defiance, plutoft que vers celuy de la pre-
fomption; & que, regardant d'vn œil de Philofophe les
diuerfes actions & entreprifes de tous les hommes, il
n’y en ait quafi aucune qui ne me femble vaine & inu-
tile; ie ne laiffle pas de receuoir vne extreme fatisfac-
tion du progrés que ie penfe auoir defia fait en la
recherche de la verité, & de conceuoir de telles efpe-
rances pour l'auenir, que fi, entre les occupations des
hommes purement hommes, il y en a quelqu vne qui
foit folidement bonne & importante, r'ofe croyre que
c'eft celle que ray choifie.
Toutefois il fe peut faire que ie me trompe, & ce
n'eft peuteftre qu'vn peu de cuiure & de verre que ie
prens pour de l’or & des diamans. le fçay combien
nous fommes fuiets a nous méprendre en ce qui nous
touche, & combien aufly les iugemens de nos amis
nous doiuent eftre fufpeéts, lorfqu'ils font en noftre
faueur. Mais ie feray bien ayfe de faire voir, en ce dif-
À OEuvREs DE DESCARTES. 5-6.
cours, quels font les chemins que ray fuiuis, & d'y
reprefenter ma vie comme en vn tableau, affin que
chafcun en puifle iuger, & qu'apprenant du bruit
commun les opinions qu'on en aura, ce foit vn nou-
ucau moyen de m'inftruire, que radioufteray a ceux
dont 1 ay couftume de me feruir.
Ainfi mon deflein n'eft pas d'enfeigner icy la Me-
thode que chafcun doit fuiure pour bien conduire fa
raifon, mais feulement de faire voir en quelle forte
j'ay tafché de conduire la miene. Ceux qui fe meflent
de donner | des preceptes, fe doiuent eftimer plus
habiles que ceux aufquels ils les donnent; & s'ils
manquent en la moindre chofe, ils en font blafmables.
Mais, ne propofant cet efcrit que comme vne hiftoire,
ou, fi vous l'aymez mieux, que comme vne fable, en
laquelle, parmi quelques exemples qu'on peut imiter,
on en trouuera peuteftre aufly plufieurs autres qu'on
aura raifon de ne pas fuiure, r'efpere qu'il fera vtile
a quelques vns, fans eftre nuifible a perfonne, & que
tous me fçauront gré de ma franchife.
l'ay efté nourri aux lettres dés mon enfance, &
pource qu'on me perfuadoit que, par leur moyen, on
pouuoit acquerir vne connoiffance claire & aflurée de
tout ce qui eft vtile a la vie, l'auois vn extreme defir
de les apprendre. Mais fitoft que 1'eu acheué tout ce
cours d’eftudes, au bout duquel on a couftume d'eftre
receu au rang des doéctes, ie changeay entierement
d'opinion. Car ie me trouuois embaraflé de tant de
doutes & d'erreurs, qu'il me fembloit n’auoir fait autre
profit, en tafchant de m'inftruire, finon que r'auois dé-
couuert de plus en plus mon ignorance. Et neanmoins
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6-7. Discours DE LA METHODE. $
l'eftois en l'vne des plus celebres efcholes de l'Europe,
où ie penfois qu'il deuoit y auoir de fçauans hommes,
sil y en auoit en aucun endroit de la terre. l'y auois
appris tout ce que les autres y apprenoient; & mefme,
ne meftant pas contenté des fciences qu'on nous en-
feignoit, l'auois parcouru tous les liures, traitans de
celles qu'on eftime les plus curieufes & les plus rares,
qui auoient pù tomber entre mes mains. Auec cela, ie
fçauois les iugemens que les autres faifoient de moy;
& ie ne voyois point qu'on eftimaft inferieur a mes
condifciples, bien qu'il y en euft defia entre | eux
quelques vns, qu'on deftinoit a remplir les places de
nos maiftres. Et enfin noftre fiecle me fembloit auffy
fleuriflant, & aufly fertile en bons efprits, qu'ait efté
aucun des precedens. Ce qui me faifoit prendre la
liberté de iuger par moy de tous les autres, & de
penfer qu'il n y auoit aucune doctrine dans le monde,
qui fuft telle qu'on m'auoit auparauant fait efperer.
le ne laiflois pas toutefois d’eftimer les exercices,
aufquels on s'occupe dans les efcholes. Ie fçauois que
les langues, qu'on y apprent, font neceffaires pour
l'intelligence des liures anciens ; que la gentilleffe des
fables refueille l’efprit; que les aétions memorables
des hiftoires le releuent, & qu'eftant leuës auec dif-
cretion, elles aydent a former le iugement; que la
lecture des bons liures eft comme vne conuerfation
auec les plus honneftes gens des fiecles pañlez, qui en
ont efté les autheurs, & mefme vne conuerfation eftu-
diée, en laquelle ils ne nous découurent que les meil-
leures de leurs penfées; que l'Eloquence a des forces
& des beautez incomparables; que la Poëfie a des
*
6 OEUVRES DE DESCARTES. Re
delicatefles & des douceurs tres rauiffantes ; que les
Mathematiques ont des inuentions tres fubtiles, & qui
peuuent beaucoup feruir, tant a contenter les curieux,
qu'a faciliter tous les arts, & diminuer le trauail des
hommes; que les efcris qui traitent des meurs con-
tienent plufieurs enfeignemens, & plufieurs exhorta-
uons a la vertu qui font fort vtiles; que la Theologie
enfeigne a gaigner le ciel; que la Philofophie donne
moyen de parler vrayfemblablement de toutes chofes,
& fe faire admirer des moins fçauans; que la lurif-.
prudence, la Medecine & les autres | fciences ap-
portent des honneurs & des richefles a ceux qui les
cultiuent; et enfin, qu'il eft bon de les auoir toutes
examinées, mefme les plus fuperflitieufes & les plus
fauffes, affin de connoiftre leur iufte valeur, & fe
garder d'en eftre trompé. R
Mais ie croyois auoir defia donné affez de tems aux
langues, & mefme auffy a la leéture des liures anciens,
& a leurs hiftoires, & a leurs fables. Car c’eft quafi le
mefme de conuerfer auec ceux des autres fiecles, que
de voyafger. Il eft bon de fçauoir quelque chofe des
meurs de diuers peuples, aflin de iuger des noftres
plus fainement, & que nous ne penfions pas que tout
ce qui eft contre nos modes foit ridicule, & contre
raifon, ainfi qu'ont couftume de faire ceux qui n'ont
rien vü. Mais lorfquon employe trop de tems a
voyafger, on deuient enfin eftranger en fon païis;
& lorfqu'on eft trop curieux des chofes qui fe prati-
quoient aux fiecles paflez, on demeure ordinairement
fort ignorant de celles qui fe pratiquent en cetuyey.
Outre que les fables font imaginer plufieurs euene-
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8-0. Discours DE LA METHODE. 7
mens comme poflibles qui ne le font point; et que
mefme les hiftoires les plus fideles, fi elles ne changent
ny n augmentent la valeur des chofes, pour les rendre
plus dignes d’eftre leuës, au moins en omettent elles
prefque toufiours les plus baffes & moins illuftres cir-
conftances : d'où vient que le refte ne paroift pas tel
quileft, & que ceux qui reglent leurs meurs par les
exemples qu'ils en tirent, font fuiets a tomber dans
les extrauagances des Paladins de nos romans, & a
conceuoir des deffeins qui paffent leurs forces.
l'eftimois fort l'Eloquence, & r'eftois amoureux de
la | Poëfie ; mais ie penfois que l'vne & l’autre eftoient
des dons de l'efprit, plutoft que des fruits de l’eftude.
Ceux qui ont le raifonnement le plus fort, & qui di-
gerent le mieux leurs penfées, affin de les rendre
claires & intelligibles, peuuent toufiours le mieux
perfuader ce qu'ils propofent, encore qu'ils ne par-
laflent que bas Breton, & qu'ils n'euffent iamais apris
de Rhetorique. Et ceux qui ont les inuentions les plus
agreables, & qui les fçauent exprimer auec le plus
d'ornement & de douceur, ne lairroient pas d'eftre les
meilleurs Poëtes, encore que l’art Poëtique leur fuft
inconnu.
‘ Je me plaifois furtout aux Mathematiques, a caufe
de la certitude & de l’euidence de leurs raifons ; mais
le ne remarquois point encore leur vray vfage, & pen-
fant qu’elles ne feruoient qu'aux Arts Mechaniques,
ie meftonnois de ce que, leurs fondemens eftans fi
fermes & fi folides, on n'auoit rien bafti deffus de plus
releué. Comme, au contraire, ie comparois les efcris
des anciens payens, qui traitent des meurs, a des palais
8 Œuvres DE DESCARTES. 9-10.
fort fuperbes & fort magnifiques, qui n'eftoient baftis
que fur du fable & fur de la bouë. Ils efleuent fort
haut les vertus, & les font paroiftre eftimables par
deffus toutes les chofes qui font au monde; mais ils
n'enfeignent pas allez a les connoiftre, & fouuent ce
qu'ils appelent d'vn fi beau nom, n'eft qu'vne infenfi-
bilité, ou vn orgueil, ou vn defefpoir, ou vn parricide.
le reuerois noftre Theologie, & pretendois, autant
qu'aucun autre, a gaigner le ciel; mais ayant apris,
comme chofe tres affurée, que le chemin n'en eft pas
moins ouuert aux plus ignorans qu'aux plus doétes,
& que les | veritez reuelées, qui y conduifent, font au
deflus de noftre intelligence, ie n'euffe ofé les fou-
mettre a la foiblefle de mes raifonnemens, & ie pen-
fois que, pour entreprendre de les examiner & y
reuflir, il eftoit befoin d'auoir quelque extraordinaire
afiftence du ciel, & d’eftre plus qu'homme.
le ne diray rien de la Philofophie, finon que, voyant
qu'elle a eflé cultiuée par les plus excellens efprits qui
ayent vefcu depuis plufieurs fiecles, & que neanmoins
il ne s'y trouue encore aucune chofe dont on ne dif-
pute, & par confequent qui ne foit douteufe, ie n'auois
point aflés de prefomption pour efperer d'y rencon-
trer mieux que les autres; et que, confiderant combien
il peut y auoir de diuerfes opinions, touchant vne
mefme matiere, qui foient fouftenuës par des gens
doûtes, fans qu'il y en puiffe auoir 1amais plus d'vne
feule qui foit vraye, ie reputois prefque pour faux
tout ce qui n’eftoit que vrayfemblable.
Puis, pour les autres fciences, d'autant qu elles em-
pruntent leurs principes de la Philofophie, ie iugeois
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ro-11. Discours DE LA METHODE. (o)
qu'on ne pouuoit auoir rien bafti, qui fuft folide, fur
des fondemens fi peu fermes. Et ny l'honneur, ny le
gain qu'elles promettent, n'eftoient fufiifans pour me
conuier a les apprendre; car ie ne me fentois point,
graces a Dieu, de condition qui mobligeaft a faire
vn meftier de la fcience, pour le foulagement de ma
fortune; et quoy que ie ne fifle pas profeflion de mef-
prifer la gloire en Cynique, ie faifois neanmoins fort
peu d'eftat de celle que ie n'efperois point pouuoir
acquerir qu'a faux titres. Et enfin, pour les mauuaifes
doctrines, ie penfois defia conhnoiftre affés ce qu'elles
valoient, pour n'eftre plus fuiet a eftre trompé, ny par
les promefles d’vn Alchemifte, ni par les predictions
d'vn Aftrologue, ny par les impoftures d'vn Magicien,
ny par les artifices ou la venterie d'aucun de ceux qui
font profeflion de fçauoir plus qu’ils ne fçauent.
C’eft pourquoy, fitoft que l’aage me permit de fortir
de la fuietion de mes Precepteurs, ie quittay entiere-
ment l'eftude des lettres. Et me refoluant de ne cher-
cher plus d'autre fcience, que celle qui fe pourroit
trouuer en moymefme, ou bien daris le grand liure du
monde, iemployay le refte de ma ieunefle à voyafger,
a voir des cours & des armées, a frequenter des gens
de diuerfes humeurs & conditions, a recueillir di-
uerfes experiences, a mefprouuer moymefme dans
les rencontres que la fortune me propoloit, & partout
a faire telle reflexion fur les chofes qui fe prefen-
toient, que j'en püfle tirer quelque profit. Car 1l me
fembloit que ie pourrois rencontrer beaucoup plus de
verité, dansles raifonnemens que chafeun faittouchant
les affaires qui luy importent, & dont l'euenement
Œuvres. I. 2
haine oh 4 07 à
10 Œuvres DE DESCARTES. FIST 2)
le doit punir bientoft aprés, s'il a mal iugé, que dans
ceux que fait vn homme de lettres dans fon cabinet,
touchant des fpeculations qui ne produifent aucun
effe&, & qui ne luy font d'autre confequence, finon
que peuteftre il en tirera d'autant plus de vanité
qu'elles feront plus efloignées du fens commun, a
caufe qu'il aura deu employer d’autant plus d'efprit
& d'artifice a tafcher de les rendre vrayfemblables.
Et j'auois toufiours vn extreme defir d'apprendre a
diftinguer le vray d’auec le faux, pour voir clair en
mes actions, |& marcher auec aflurance en cete vie.
Il eft vray que, pendant que ie ne faifois que confi-
derer les meurs des autres hommes, ie n'y trouuois
gueres de quoy m'aflurer, & que 1 y remarquois quafi
autant de diuerfité que j'auois fait auparauant entre
les opinions des Philofophes. En forte que le plus
grand profit que j'en retirois, eftoit que, voyant plu-
fieurs chofes qui, bien qu'elles nous femblent fort
extrauagantes & ridicules, ne laiflent pas d'eftre com-
munement receuës & approuuées par d'autres grans
peuples, r'apprenois a ne rien croyre trop fermement
de ce qui ne m'auoit efté perfuadé que par l'exemple
& par la couftume; et ainfi ie me deliurois peu a peu
de beaucoup d'erreurs, qui peuuent offufquer noftre
lumiere naturelle, & nous rendre moins capables d'en-
tendre raifon. Mais aprés que i eu employé quelques
années a eftudier ainfi dans le liure du monde, & a
tafcher d'acquerir quelque experience, ie pris vn 1our
refolution d’eftudier aufly en moymefme, & d'employer
toutes les forces de mon efprit a choyfir les chemins
que ie deuois fuiure. Ce qui me reuflit beaucoup
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12-13. Discours DE LA, METHODE. IT
mieux, ce me femble, que fi ie ne me fufle iamais ef-
loigné, ny de mon païs, ny de mes liures.
l'eftois alors en Allemaigne, ou l'occafion des
guerres quin y font pas encore finies m'auoit appelé; &
comme ie retournois du couronnement de l'Empereur
vers l’armée, le commencement de l'hyuer m'arefta en
vn quartier, Ou ne trouuant aucune conuerfation qui
me diuertift, & n ayant d'ailleurs, par bonheur, aucuns
foins ny paflions qui me troublaffent, ie demeurois
tout le iour enfermé feul dans vn poëfle, ou i'auois
tout loyfir de | m'entretenir de mes penfées. Entre
lefquelles, l'vne des premieres fut que ie m'auifay de
confiderer, que fouuent il n'y a pas tant de perfeétion
dans les ouurages compofez de plufieurs pieces, &
faits de la main de diuers maiftres, qu'en ceux auf-
quels vn feul a trauaillé. Ainfi voit on que les baf-
timens qu vn feul Architecte a entrepris & acheuez,
ont couftume d'eftre plus beaux & mieux ordonnez,
que ceux que plufieurs.ont tafché de racommoder, en
faifant feruir de vieilles murailles qui auoient efté
bafties a d'autres fins. Ainfi ces ancienes citez, qui,
n'ayant eflé au commencement que des bourgades,
font deuenuës, par fucceflion de tems, de grandes
villes, font ordinairement fi mal compaffées, au pris de
ces places regulieres qu'vn Ingenieur trace a fa fan-
taifie dans vne plaine, qu'encore que, confiderant leurs
edifices chafcun a part, on y trouue fouuent autant
ou plus d'art qu'en ceux des autres, toutefois, a voir
comme ils font arrangez, icy vn grand, là vn petit, &
comme ils rendent les rues courbées & inefgales, on
SECONDE
PARTIE.
12 ŒuvRESs DE DESCARTES. 13-14.
diroit que c'eft plutoft la fortune, que la volonté de
quelques hommes vfans de raifon, qui les a ainfi dif-
pofez. Et fi on confidere qu'il y a eu neanmoins de
tout tems quelques officiers, qui ont eu charge de
prendre garde aux baftimens des particuliers, pour
les faire feruir a l'ornement du publie, on connoiftra
bien qu'il eft malayfé, en ne trauaillant que fur les
ouurages d'autruy, de faire des chofes fort accom-
plies. Ainfi ie m'imaginay que les peuples qui, ayant
efté autrefois demi fauuages, & ne s'eflant ciuilifez
que peu a peu, n'ont fait leurs loix qu'a mefure que
l'incommodité des crimes & des querelles les y a/con-
trains, ne fçauroient eftre fi bien policez que ceux
qui, dés le commencement qu'ils fe font aflemblez,
ont obferué les conflitutions de quelque prudent Le-
giflateur. Comme il eft bien certain que l’eftat de la
vraye Religion, dont Dieu feul a fait les ordonnances,
doit eftre incomparablement mieux reglé que tous les
autres. Et pour parler des chofes humaines, 1e croy
que, fi Sparte a efté autrefois tres floriflante, ce n'a
pas efté a caufe de la bonté de chafcune de fes loix en
particulier, vû que plufieurs eftoient fort eftranges, &
mefme contraires aux bonnes meurs, mais a caufe
que, n'ayant efté inuentées que par vn feul, elles ten-
doient toutes a mefme fin. Et ainfi ie penfay que les
fciences des liures, au moins celles dont les raifons
ne font que probables, & qui n'ont aucunes demon-
ftrations, s'eflant compofées & groflies peu a peu des
opinions de plufieurs diuerfes perfonnes, ne font
point fi approchantes de la verité, que les fimples
raifonnemens que peut faire naturellement vn homme
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14-15. Discours DE LA METHODE. 13
de bon fens touchant les chofes qui fe prefentent. Et
ainfi encore ie penfay que, pource que nous auons
tous efté enfans auant que d’eftre hommes, & qu'il
nous a fallu long tems eftre gouuernez par nos appetis
& nos Precepteurs, qui efloient fouuent contraires les
vns aux autres, & qui, ny les vns ny les autres, ne
nous confeilloient peuteftre pas toufiours le meil-
leur, il eft prefqu'impoñlible que nos iugemens foient
fi purs, ny fi folides qu'ils auroient efté, fi nous auions
eu l'vfage entier de nofîre raifon dés le point de noftre
naiflance, & que nous n'euflions iamais efté conduits
que par elle.
Il eft vray que nous ne voyons point qu'on iette
par | terre toutes les maifons d vne ville, pour le feul
deffein de les refaire d'autre façon, & d'en rendre les
ruës plus belles; mais on voit bien que plufieurs font
abatre les leurs pour les rebaîtir, & que mefme quel-
quefois ils y font contrains, quand elles font en
danger de tomber d'elles mefmes, & que les fon-
demens n'en font pas bien fermes. A l'exemple de
quoy ie me perfuaday, qu'il n y auroit veritablement
point d'apparence qu vn particulier fift deffein de re-
former vn Eftat, en y changeant tout dés les fon-
demens, & en le renuerfant pour le redrefler ; ny
mefme aufly de reformer le cors des fciences, ou
l'ordre eftabli dans les efcholes pour les enfeigner ;
mais que, pour toutes les opinions que i'auois receuës
iufques alors en ma creance, ie ne pouuois mieux
faire que d'entreprendre, vne bonne fois, de les en
ofter, afin d'y en remettre par aprés, ou d'autres
meilleures, ou bien les mefmes, lorfque ie les aurois
14 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 15-16.
aiuftées au niueau de la raifon. Et ie creu fermement
que, par ce moyen, ie reuflirois a conduire ma vie
beaucoup mieux que fi ie ne bafliflois que fur de vieux
fondemens, & que ie ne m'appuiañle que fur les prin-
cipes que ie m'eftois laiffé perfuader en ma ieuneffe,
fans auoir iamais éxaminé s'ils eftoient vrais. Car,
bien que ie remarquaffe en cecy diuerfes dificultez,
elles n'eftoient point toutefois fans remede, ny com-
parables a celles qui fe trouuent en la reformation des
moindres chofes qui touchent le public. Ces grans
cors font trop malayfez a releuer, eftant abatus, ou
mefme a retenir, eftant efbranflez, & leurs cheutes ne
peuuent eftre que tres rudes. Puis, pour leurs imper-
fe&tions, s'ils en ont, comme la feule diuerfité qui eft
entre eux | fuffit pour aflurer que plufeurs en ont,
l'vfage les a fans doute fort adoucies ; & mefme il en
a euité ou corrigé infenfiblement quantité, aufquelles
on ne pourroit fi bien pouruoir par prudence. Et enfin,
elles font quafi toufiours plus fupportables que ne
feroit leur changement : en mefme façon que les grans
chemins, qui tournoyent entre des montaignes, de-
uienent peu a peu fi vnis & fi commodes, a force
d'eftre frequentez, qu'il eft beaucoup meilleur de les
fuiure, que d'entreprendre d'aller plus droit, en grim-
pant au deffus des rochers, & defcendant iufques au
bas des precipices.
C'eft pourquoy ie ne fçaurois aucunement approu-
uer ces humeurs brouillonnes & inquietes, qui, n’ef-
tant appelez, ny par leur naïffance, ny par leur for-
tune, au maniement des affaires publiques, ne laiflent
pas d'y faire toufiours, en idée, quelque nouuelle refor-
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16-17. Discours DE LA METHODE. 14
mation. Et fiie penfois qu'il y euft la moindre chofe
en cet efcrit, par laquelle on me puit foupçonner de
cete folie, ie ferois tres marry de fouffrir qu'il fuft
publié. Jamais mon deffein ne s'eft eftendu plus auant
que de tafcher a reformer mes propres penfées, & de
baftir dans vn fons qui eft tout a moy. Que fi, mon
ouurage m'ayant aflez pleu, ie vous en fais voir icy le
modelle, ce n'eft pas, pour cela, que ie veuille con-
feiller a perfonne de l’imiter. Ceux que Dieu a mieux
partagez de fes graces, auront peuteftre des defleins
plus releuez; mais 1e crains bien que cetuy-cy ne
foit defia que trop hardi pour plufieurs. La feule re-
folution de fe défaire de toutes les opinions qu'on a
receuës auparauant en fa creance, n'eft pas vn exemple
que chafcun doiue fuiure ; et le monde n'eft quafi com-
polé que |de deux fortes d'efpris aufquels il ne con-
uient aucunement. À fçauoir, de ceux qui, fe croyans
plus habiles qu'ils ne font, ne fe peuuent empefcher
de precipiter leurs iugemens, ny auoir aflez de pa-
tience pour conduire par ordre toutes leurs penfées :
d'où vient que, s'ils auoient vne fois pris la liberté de
douter des principes qu'ils ont receus, & de s'efcarter
du chemin commun, iamais ils ne pourroient tenir le
fentier qu'il faut prendre pour aller plus droit, & de-
meureroient efgarez toute leur vie. Puis, de ceux qui,
ayant aflez de raifon, ou de modeftie, pour iuger qu'ils
font moins capables de diftinguer le vray d'auec le
faux, que quelques autres par lefquels ils peuuent eftre
inftruits, doiuent bien plutoft fe contenter de fuiure
les opinions de ces autres, qu'en chercher eux mefmes
de meilleures.
16 Œuvres DE DESCARTES. 17-18.
Et pour moy, i'aurois efté fans doute du nombre de
ces derniers, fi ie n'auois iamais eu qu'vn feul maiftre,
ou que ie neufle point fceu les differences qui ont
efté de tout tems entre les opinions des plus doétes.
Mais ayant appris, dés le College, qu'on ne fçauroit
rien imaginer de fi eflrange & fi peu croyable, qu'il
n aitefté dit par quelqu'vn des Philofophes ; et depuis,
en voyafgeant, ayant reconnu que tous ceux qui ont
des fentimens fort contraires aux noftres, ne font pas,
pour cela, barbares ny fauuages, mais que plufieurs
vfent, autant ou plus que nous, de raifon; et ayant
confideré combien vn mefme homme, auec fon mefme
efprit, eftant norri dés fon enfance entre des François
ou des Allemans, deuient different de ce qu'il feroit,
s'il auoit toufiours vefeu entre des Chinois ou des
Canibales ; et comment, iufques aux | modes de nos
habits, la mefme chofe qui nous a plù il a dix ans, &
qui nous plaira peuteftre encore auant dix ans, nous
femble maintenant extrauagante & ridicule : en forte
que c'eft bien plus la couftume & l'exemple qui nous
perfuade, qu'aucune connoiflance certaine, & que
neanmoins la pluralité des voix n'eft pas vne preuue
qui vaille rien, pour les veritez vn peu malayfées a
découurir, a caufe qu'il eft bien plus vrayfemblable
qu vn homme feul les ait rencontrées que tout vn
peuple : ie ne pouuois choifir perfonne dont les opi-
nions me femblaflent deuoir eftre preferées a celles
des autres, & ie me trouuay comme contraint d'en-
treprendre moymefme de me conduire.
Mais, comme vn homme qui marche feul & dans
les tenebres, ie me refolu d'aller fi lentement, & d'vfer
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18-10. Discours DE LA METHODE. 17
de tant de circonfpection en toutes chofes, que;‘fi ie
n'auançois que fort peu, ie me garderois bien, au
moins, de tomber. Mefme ie ne voulu point com-
mencer a reletter tout a fait aucune des opinions,
qui seftoient pù glifler autrefois en ma creance fans
y auoir efté introduites par la raifon, que ie n'eufle
auparauant employé aflez de tems a faire le proiet de
l'ouurage que l'entreprenois, & a chercher la vraye
Methode pour paruenir à la connoiffance de toutes
les chofes dont mon efprit feroit capable.
l'auois vn peu eftudié, eflant plus ieune, entre les
parties de la Philofophie, a la Logique, & entre les
Mathematiques, a l'Analyfe des Geometres & a l'Al-
gebre, trois ars ou fciences qui fembloient deuoir
contribuër quelque chofe a mon deffein. Mais, en les
examinant, ie pris | garde que, pour la Logique, fes
fyllogifmes & la plufpart de fes autres inftrutions
feruent plutoft a expliquer a autruy les chofes qu'on
fçait, ou mefme, comme l'art de Lulle, a parler, fans
iugement, de celles qu'on ignore, qu'a les apprendre.
Et bien que elle contiene, en effeét, beaucoup de pre-
ceptes tres vrais & tres bons, il y en a toutefois tant
d'autres, meflez parmi, qui font ou nuifibles ou fu-
perflus, qu'il eft prefque aufly malayfé de les en fe-
parer, que de tirer vne Diane ou vne Minerue hors
d'vn bloc de marbre qui n'eft point encore efbauché.
Puis, pour l'Analyfe des anciens & l'Algebre des
modernes, outre quelles ne s'eftendent qu'a des ma-
tieres fort abftraétes, & qui ne femblent d'aucun vfage,
la premiere eft toufiours fi aftrainte a la confidera-
tion des figures, qu'elle ne peut exercer l’entende-
Œuvres. I. 3
18 Œuvres DE DESCARTES. 19-20.
ment fans fatiguer beaucoup l'imagination; et on s’eft
tellement afluieti, en la derniere, a certaines reigles
& a certains chiffres, qu'on en a fait vn art confus &
obfeur, qui embarraffe l'efprit, au lieu d'vne fcience
qui le cultiue. Ce qui fut caufe que ie penfay qu'il fal-
loit chercher quelque autre Methode, qui, comprenant
les auantages de ces trois, fuft exempte de leurs de-
faux. Et comme la multitude des loix fournift fouuent
des excufes aux vices, en forte qu'vn Eftat eft bien
mieux reiglé, lorfque, n’en ayant que fort peu, elles y
font fort eftroitement obferuées ; ainfi, au lieu de ce
grand nombre de preceptes dont la Logique eft com-
pofée, ie creu que i'aurois aflez des quatre fuiuans,
pouruû que ie prifle vne ferme & conflante refolution
de ne manquer pas vne feule fois a les obferuer.
|Le premier eftoit de ne receuoir iamais aucune
chofe pour vraye, que ie ne la connuffe euidemment
eftre telle : c'eft a dire, d'euiter foigneufement la
Precipitation, & la Preuention; & de ne comprendre
rien de plus en mes iugemens, que ce qui fe pre-
fenteroit fi clairement & fi diftinétement a mon ef-
prit, que ie n'eufle aucune occafion de le mettre en
doute.
Le fecond, de diuifer chafcune des difficultez que
i'examinerois, en autant de parcelles qu'il fe pourroit,
& qu'il feroit requis pour les mieux refoudre.
Le troifiefme, de conduire par ordre mes penfées,
en commençant par les obiets les plus fimples & les
plus ayfez a connoiftre, pour monter peu a peu,
comme par degrez, iufques a la connoiffance des plus
compofez ; et fuppofant mefme de l'ordre entre ceux
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20-21. Discours DE LA METHODE. 19
qui ne fe precedent point naturellement les vns les
autres.
Et le dernier, de faire partout des denombremens fi
entiers, & des reueuës fi generales, que ie fuffe afluré
de ne rien omettre.
Ces longues chaifnes de raifons, toutes fimples &
faciles, dont les Geometres ont couftume de fe feruir,
pour paruenir a leurs plus difficiles demonftrations,
m auoient donné occafion de m'imaginer que toutes
les chofes, qui peuuent tomber fous la connoiflance
des hommes, s'entrefuiuent en mefme façon, & que,
pouruüû feulement qu'on s'abftiene d'en receuoir au-
cune pour vraye qui ne le foit, & qu'on garde touf-
iours l'ordre qu'il faut, pour les deduire les vnes des
autres, 1l n'y en peut auoir de fi efloignées, aufquelles
enfin on ne paruiene, ny de fi cachées qu'on ne dé-
couure. Et ie ne fus pas beaucoup en | peine de cher-
cher par lefquelles il eftoit befoin de commencer : car
ie fçauois defia que c'eftoit par les plus fimples &
les plus ayfées a connoiftre; & confiderant qu'entre
tous ceux qui ont cy deuant recherché la verité dans
les fciences, il n y a eu que les feuls Mathematiciens
qui ont pü trouuer quelques demonftrations, c'eft a
dire quelques raifons certaines & euidentes, ie ne
doutois point que ce ne fuft par les mefmes qu'ils ont
examinées; bien que ie n'en efperafle aucune autre
vtilité, finon qu'elles accouftumeroient mon efprit a
fe repaiftre de veritez, & ne fe contenter point de
faufles raifons. Mais ie n'eu pas deflein, pour cela, de
tafcher d'apprendre toutes ces fciences particulieres,
quon nomme communement Mathematiques ; &
20 Œuvres DE DESCARTES. roues
voyant qu'encore que leurs obiets foient differens,
elles ne laiffent pas de s'accorder toutes, en ce qu'elles
n'y confiderent autre chofe que les diuers rappors
Ou proportions qui s'y trouuent, ie penfay qu'il valoit
mieux que i'examinafle feulement ces proportions en 5
general, & fans les fuppofer que dans les fuiets qui
feruiroient a m'en rendre la connoiffance plus ayfée ;
mefme aufly fans les y aftreindre aucunement, affin de
les pouuoir d'autant mieux appliquer aprés a tous les
autres aufquels elles conuiendroient. Puis, ayant pris 10
garde que, pour les connoiïftre, l'aurois quelquefois
befoin de les confiderer chafcune en particulier, &
quelquefois feulement de les retenir, ou de les com-
prendre plufieurs enfemble, ie penfay que, pour les
confiderer mieux en particulier, ie les deuois fuppofer 15
en des lignes, a caufe que ie ne trouuois rien de plus
fimple, ny que ie püñle plus diflinétement reprefenter
a| mon imagination & a mes fens ; mais que, pour les
retenir, ou les comprendre plufieurs enfemble, 1l fal-
loit que ie les expliquaffe par quelques chiffres, les 20
plus courts qu'il feroit poflible; et que, par ce moyen,
j'emprunterois tout le meilleur de l'Analyfe Geome-
trique & de l'Algebre, & corrigerois tous les defaus
de l'vne par l'autre.
Comme, en effet, r'ofe dire que l'exacte obferua- 25
tion de ce peu de preceptes que i'auois choifis, me
donna telle facilité a demefler toutes les queftions
aufquelles ces deux fciences s'eftendent, qu'en deux
ou trois mois que 1employay a les examiner, ayant
commencé par les plus fimples & plus generales, & 30
chafque verité que ie trouuois eflant vne reigle qui me
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22-23. Discours DE LA METHODE. 21
feruoit aprés a en trouuer d'autres, non feulement ie
vins a bout de plufieurs que r'auois iugées autrefois
tres difficiles, mais il me fembla aufly, vers la fin, que
ie pouuois determiner, en celles mefme que r'ignorois,
par quels moyens, & iufques où, il eftoit poflible de
les refoudre. En quoy ie ne vous paroiftray peuteftre
pas eftre fort vain, fi vous confiderez que, n y ayant
qu'vne verité de chafque chofe, quiconque la trouue en
fçait autant qu'on en peut fçauoir ; et que, par exem-
ple, vn enfant inftruit en l'Arithmetique, ayant fait vne
addition fuiuant fes reigles, fe peut aflurer d'auoir
trouué, touchant la fomme qu'il examinoit, tout ce
que l'efprit humain fçauroit trouuer. Car enfin la
Methode qui enfeigne a fuiure le vray ordre, & a de-
nombrer exattement toutes les circonftances de ce
qu on cherche, contient tout ce qui donne de la cer-
titude aux reigles d'Arithmetique.
[Mais ce qui me contentoit le plus de cete Methode,
eftoit que, par elle, reftois affuré d'vfer en tout de
ma raifon, finon parfaitement, au moins le mieux qui
fuft en mon pouuoir; outre que ie fentois, en la prat-
tiquant, que mon efprit s'accouftumoit peu a peu a
conceuoir plus netement & plus diftinétement fes
obiets, & que, ne l'ayant point afluiettie a aucune
matiere particuliere, ie me promettois de l'appliquer
aufly vtilement aux difficultez des autres fciences, que
j'auois fait a celles de l'Algebre. Non que, pour cela,
‘’ofafle entreprendre d'abord d'examiner toutes celles
qui fe prefenteroient; car cela mefme euft efté con-
traire a l'ordre qu'elle prefcrit. Mais, ayant pris garde
que leurs principes deuoient tous eftre empruntez de
*
TROISIESME
PARTIE.
22 Œuvres DE DESCARTES. 23-24.
la Philofophie, en laquelle ie n'en trouuois point en-
core de certains, ie penfay qu'il faloit, auant tout, que
ie tafchaffe d'y en eftablir; & que, cela eflant la chofe
du monde la plus importante, & où la Precipitation
& la Preuention eftoient le plus a craindre, ie ne de-
uois point entreprendre d'en venir a bout, que ie
n'euffe attaint vn aage bien plus meur que celuy de
vingt trois ans, que l'auois alors ; et que ie n'eufle,
auparauant, employé beaucoup de tems a my pre-
parer, tant en deracinant de mon efprit toutes les mau-
uaifes opinions que 1 y auois receuës auant ce tems
là, qu'en faifant amas de plufieurs experiences, pour
eftre aprés la matiere de mes raifonnemens, & en
m'exerçant toufiours en la Methode que ie m'eftois
prefcrite, affin de m'y affermir de plus en plus.
Et enfin, comme ce n'eft pas aflez, auant de com-
mencer a rebaftir le logis ou on demeure, que de
l'abattre, & de faire prouifion de materiaux & d'Ar-
chitettes, ou s'exercer foymefme a l'Architeéture, &
outre cela d'en auoir foigneufement tracé le deflein ;
mais qu'il faut aufly s'eftre pouruû de quelque autre,
où on puille eftre logé commodement pendant le
tems qu'on y trauaillera; ainfi, afin que 1e ne demeu-
raffe point irrefolu en mes actions, pendant que la
raifon m'obligeroit de l'eftre en mes iugemens, & que
ie ne laiflafle pas de viure dés lors le plus hureu-
fement que ie pourrois, ie me formay vne morale par
prouifion, qui ne confifloit qu'en trois ou quatre
maximes, dont ie veux bien vous faire part.
La premiere eftoit d'obeir aux lois & aux couftu-
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24-25. Discours DE LA METHODE. 23
mes de mon païs, retenant conftanment la religion
en laquelle Dieu m'a fait la grace d'eftre inftruit dés
mon enfance, & me gouuernant, en toute autre chofe,
fuiuant les opinions les plus moderées, & les plus
efloignées de l’excés, qui fuflent communement re-
ceuës en pratique par les mieux fenfez de ceux auec
lefquels r'aurois a viure. Car, commençant dés lors a
ne conter pour rien les mienes propres, a caufe que
ie les voulois remettre toutes a l'examen, r'eftois af-
furé de ne pouuoir mieux que de fuiure celles des
mieux fenfez. Et encore qu'il y en ait peuteftre d'aufly
bien fenfez, parmi les Perfes ou les Chinois, que parmi
nous, il me fembloit que le plus vtile efltoit de me re-
gler felon ceux auec lefquels r'aurois a viure; et que,
pour fçauoir quelles eftoient veritablement leurs opi-
nions, ie deuois plutoft prendre garde a ce qu'ils prat-
tiquoient qu'a ce qu'ils difoient ; non feulement a
caufe qu'en la corruption de nos mœurs il y a | peu
de gens qui veuillent dire tout ce qu'ils croyent, mais
aufly a caufe que plufieurs l'ignorent eux mefmes:
car l'aétion de la penfée par laquelle on croit vne
chofe, eflant differente de celle par laquelle on con-
noift qu'on la croit, elles font fouuent l’vne fans
l'autre. Et entre plufieurs opinions efgalement re-
ceuës, ie ne choïfiflois que les plus moderées : tant a
caufe que ce font toufiours les plus commodes pour
la prattique, & vrayfemblablement les meilleures, tous
excés ayant couflume d'eftre mauuais ; comme aufly
afin de me détourner moins du vray chemin, en cas
que ie faillifle, que fi, ayant choïfi l'vn des extremes,
c'euft efté l’autre qu'il euft fallu fuiure. Et, particulie-
24 Œuvres DE DESCARTES. 25-26.
rement, ie mettois entre les excés toutes les promeffes
par lefquelles on retranche quelque chofe de fa li-
berté. Non que ie defaprouuañle les lois qui, pour
remedier a l'inconftance des efprits foibles, permet-
tent, lorfqu’on a quelque bon deflein, ou mefme, pour
la feureté du commerce, quelque deffein qui n'eft
qu'indifferent, qu'on face des vœux ou des contrats
qui obligent a y perfeuerer; mais a caufe que ie ne
voyois au monde aucune chofe qui demeuraft touf-
iours en mefme eftat, & que, pour mon particulier, ie
me promettois de perfectionner de plus en plus mes
iugemens, & non point de les rendre pires, r'euffe
penfé commettre vne grande faute contre le bon fens,
fi, pour ce que 1'approuuois alors quelque chofe, ie me
fuffe obligé de la prendre pour bonne encore aprés,
lorfqu'elle auroit peuteftre ceflé de l'eftre, ou que
l'aurois ceflé de l’eftimer telle.
Ma feconde maxime eftoit d'eftre le plus ferme &
le plus refolu en mes actions que ie pourrois, & de
ne fuiure | pas moins conftanment les opinions les
plus douteufes, lorfque ie m'y ferois vne fois deter-
miné, que fi elles euffent eflé tres aflurées. Imitant en
cecy les voyafgeurs qui, fe trouuant efgarez en quelque
foreft, ne doiuent pas errer en tournoyant, tantoft
d'vn cofté, tantoft d’vn autre, ny encore moins s'arefter
en vne place, mais marcher toufiours le plus droit
qu'ils peuuent vers vn mefme cofté, & ne le changer
point pour de foibles raifons, encore que ce n'ait
peuteftre efté au commencement que le hafard feul
qui les ait determinez a le choifir : car, par ce moyen,
s'ils ne vont iuftement où ils defirent, ils arriueront
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26-27. Discours DE LA METHODE. 2;
au moins a la fin quelque part, où vrayfemblablement
ils feront mieux que dans le milieu d'vne foreft. Et
ainfi, les aétions de la vie ne fouffrant fouuent aucun
delay, c'eft vne verité tres certaine que, lorfqu'il n'eft
pas en noftre pouuoir de difcerner les plus vrayes
opinions, nous deuons fuiure les plus probables; et
mefme, qu'encore que nous ne remarquions point
dauantage de | probabilité aux vnes qu'aux autres,
nous deuons neanmoins nous determiner a quelques
vnes, & les confiderer aprés, non plus comme dou-
teufes, en tant qu'elles fe rapportent a la prattique,
mais comme tres vrayes & tres certaines, a caufe que
la raifon qui nous y a fait determiner, fe trouue telle.
Et cecy fut capable dés lors de me deliurer de tous
les repentirs & les remors, qui ont couftume d'agiter
les confciences de ces efpris foibles & chancelans,
qui fe laiflent aller inconftanment a prattiquer, comme
bonnes, les chofes qu'ils iugent aprés eftre mau-
uaifes.
Ma troifiefme maxime eftoit de tafcher toufiours
| plutoft a me vaincre que la fortune, & a changer
mes defirs que l'ordre du monde ; et generalement,
de m'accouftumer a croire qu'il n'y a rien qui foit
entierement en noftre pouuoir, que nos penfées, en
forte qu'aprés que nous auons fait noftre mieux, tou-
chant les chofes qui nous font exterieures, tout ce
qui manque de nous reuflir eft, au regard de nous,
abfolument impoffible. Et cecy feul me fembloit eftre
fuffifant pour m'empefcher de rien defirer a l'auenir
que ie n'acquifle, & ainfi pour me rendre content.
Car noftre volonté ne fe portant naturellement a
Œuvres. I. 4
26 Œuvres DE DESCARTES. 27-28.
defirer que les chofes que noftre entendement luy
reprefente en quelque façon comme poffibles, il ef
certain que, fi nous confiderons tous les biens qui
font hors de nous comme efgalement efloignez de
noftre pouuoir, nous n’aurons pas plus de regret de
manquer de ceux qui femblent eftre deus a noftre
naiflance, lorfque nous en ferons priuez fans noftre
faute, que nous auons de ne pofleder pas les royaumes
de la Chine ou de Mexique; & que faifant, comme on
dit, de neceflité vertu, nous ne defirerons pas dauan-
tage d'eftre fains, eftant malades, ou d'eftre libres,
eftant en prifon, que nous faifons maintenant d’auoir
des cors d'vne matiere aufly peu corruptible que les
diamans, ou des ailes pour voler comme les oifeaux.
Mais r'auouë qu'il eft befoin d'vn long exercice, &
d'vne meditation fouuent reïterée, pour s'accouftu-
mer a regarder de ce biais toutes les chofes ; et
ie croy que c'eft principalement en cecy que con-
fiftoit le fecret de ces Philofophes, qui ont pù autre-
fois fe fouftraire de l'empire de la Fortune, & malgré
les douleurs & la pauureté, difputer de la felicité
auec leurs | Dieux. Car s'occupant fans cefle a confi-
derer les bornes qui leur eftoient prefcrites par la
Nature, ils fe perfuadoient fi parfaitement que rien
n'eftoit en leur pouuoir que leurs penfées, que cela
feul eftoit fuflifant pour les empefchèr d'auoir au-
cune affection pour d'autres chofes ; & ils difpofoient
d'elles fi abfolument, qu'ils auoient en cela quelque
raifon de s'eftimer plus riches, & plus puiffans, &
plus libres, & plus hureux, qu'aucun des autres
hommes, qui n'ayant point cete Philofophie, tant fauo-
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ns" É à
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28-29. Discours DE LA METHODE. 27
rifez de la Nature & de la Fortune qu'ils puifent eftre,
ne difpofent iamais ainfi de tout ce qu'ils veulent.
Enfin, pour conclufion de cete Morale, ie m'auifay
de faire vne reueuë fur les diuerfes occupations
qu'ont les hommes en cete vie, pour tafcher a faire
chois de la meilleure; & fans que ie vueille rien dire
de celles des autres, ie penfay que ie ne pouuois
mieux que de continuër en celle la mefme ou ie me
trouuois, c'eft a dire, que d'employer toute ma vie a
cultiuer ma raifon, & m'auancer, autant que ie pour-
rois, en la connoiflance de la verité, fuiuant la Me-
thode que ie m'eftois prefcrite. l'auois efprouué de fi
extremes contentemens, depuis que 1 auois commencé
a me feruir de cete Methode, que ie ne croyois pas
qu'on en puft receuoir de plus doux, ny de plus in-
nocens, en cete vie; et defcouurant tous les iours
par fon moyen quelques veritez, qui me fembloient
aflez importantes, & communement ignorées des
autres hommes, la fatisfation que ien auois rem-
pliffoit tellement mon efprit que tout le refte ne me
touchoit point. Outre que les trois maximes prece-
dentes n'eftoient | fondées que fur le deffein que
j'auois de continuer a m'inftruire : car Dieu nous
ayant donné a chafcun quelque lumiere pour dif-
cerner le vray d’auec le faux, ie n'eufle pas creu me
deuoir contenter des opinions d'autruy vn feul mo-
ment, fi ie ne me fufle propofé d'employer mon
propre iugement a les examiner, lorfqu'il feroit tems;
et ie n'eufle fceu m'exemter de fcrupule, en les fui-
uant, fi ie n'eufle efperé de ne perdre pour cela au-
cune occafion d'en trouuer de meilleures, en cas qu'il
28 Œuvres DE DESCARTES. 29-30.
yen euft. Et enfin ie n'eufle fceu borner mes defirs, ny
eftre content, fi ie n'eufle fuiui vn chemin par lequel,
penfant eftre affuré de l’acquifition de toutes les con-
noiffances dont ie ferois capable, ie le penfois eftre,
par mefme moyen, de celle de tous les vrais biens qui
feroient iamais en mon pouuoir ; d'autant que, noftre
volonté ne fe portant a fuiure ny a fuir aucune chofe,
que felon que noftre entendement luy reprefente
bonne ou mauuaifes, il fuffit de bien iuger, pour bien
faire, & de iuger le mieux qu'on puifle, pour faire
aufly tout fon mieux, c'eft a dire, pour acquerir toutes
les vertus, & enfemble tous les autres biens, qu'on
puifle acquerir ; & lorfqu'on eft certain que cela ef,
on ne fçauroit manquer d'eftre content.
Aprés m'eftre ainfi affuré de ces maximes, & les
auoir mifes a part, auec les veritez de la foy, qui ont
toufiours efté les premieres en ma creance, ie iugay
que, pour tout le refte de mes opinions, ie pouuois
librement entreprendre de m'en defaire. Et d'autant
que i'efperois en pouuoir mieux venir a bout, en con-
uerfant auec les hommes, qu'en demeurant plus long
tems renfermé dans le poifle | ou i'auois eu toutes ces
penfées, l'hyuer n’eftoit pas encore bien acheué que
ie me remis a voyafger. Et en toutes les neuf années
fuiuantes, ie ne fi autre chofe que rouler çà & là dans
le monde, tafchant d'y eftre fpettateur plutoft qu'ac-
teur en toutes les Comedies qui s'y iouent ; et faifant
particulierement reflexion, en chafque matiere, fur ce
qui la pouuoit rendre fufpeéte, & nous donner oc-
cafion de nous mefprendre, ie déracinois cependant
de mon efprit toutes les erreurs qui s'y eftoient pù
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30-31. Discours DE LA METHODE. 29
gliffer auparauant. Non que i'imitafle pour cela les
Sceptiques, qui ne doutent que pour douter, & af-
fectent d'eftre toufiours irrefolus : car, au contraire,
tout mon deffein ne tendoit qu'a m'aflurer, & a re-
ietter la terre mouuante & le fable, pour trouuer le
roc ou l'argile. Ce qui me reuflifloit, ce me femble,
aflez bien, d'autant que, tafchant a defcouurir la fauf-
feté ou l'incertitude des propofitions que i'examinois,
non par de foibles coniectures, mais par des raifon-
nemens clairs & affurez, ie n'en rencontrois point de
fi douteufes, que ie n'en tirafle toufiours quelque con-
clufion affez certaine, quand ce n'euft éfté que cela
mefme qu'elle ne contenoit rien de certain. Et comme
en abatant vn vieux logis, on en referue ordinai-
rement les demolitions, pour feruir a en baftir vn
nouueau ; ainfi, en détruifant toutes celles de mes
opinions que ie iugeois eftre mal fondées, ie faifois
diuerfes obferuations, & acquerois plufieurs expe-
riences, qui mont ferui depuis a en eftablir de plus
certaines. Et de plus, ie continuois a m'exercer en la
Methode que ie meftois prefcrite; car, outre que
l'auois foin de conduire generalement toutes mes
penfées felon fes reigles, ie | me referuois de tems
en tems quelques heures, que r'employois particulie-
rement a la prattiquer en des difficultez de Mathe-
matique, ou mefme aufly en quelques autres que ie
pouuois rendre quafi femblables a celles des Mathe-
matiques, en les détachant de tous les principes des
autres fciences, que ie ne trouuois pas affez fermes,
comme vous verrés que 1 ay fait en plufeurs qui font
expliquées en ce volume. Et ainfi, fans viure d'autre
30 Œuvres DE DESCARTES. 31-32.
façon, en apparence, que ceux qui, n'ayant aucun
employ qu'a pafler vne vie douce & innocente, s'eftu-
dient a feparer les plaifirs des vices, & qui, pour iouir
de leur loyfir fans s'ennuyer, vfent de tous les diuer-
tiflemens qui font honneftes, ie ne laiflois pas de
pourfuiure en mon deflein, & de profiter en la con-
noiflance de la verité, peuteftre plus que fi ie n'eufle
fait que lire des liures, ou frequenter des gens de
lettres.
Toutefois ces neuf ans s’efcoulerent auant que
l’euffe encore pris aucun parti, touchant les difficultés
qui ont couflume d’eftre difputées entre les doétes,
ny commencé a chercher les fondemens d'aucune
Philofophie plus certaine que la vulgaire. Et l'exemple
de plufieurs excelens efpris, qui, en ayant eu cy de-
uant le deflein, me fembloient n'y auoir pas reufli,
m y faifoit imaginer tant de difficulté, que ie n'euffe
peuteftre pas encore fitoft ofé l'entreprendre, fi ie
n'eufle vü que quelques vns faifoient defia courre le
bruit que ren eflois venu a bout. le ne fçaurois pas dire
fur quoy ils fondoient cete opinion; & fi 1 y ay con-
tribué quelque chofe par mes difcours, ce doit auoir
efté en confeffant plus ingenuëment ce que rignorois,
que n'ont couflume de faire ceux qui ont vn | peu
eftudié, & peuteftre aufly en faifant voir les raifons
que i'auois de douter de beaucoup de chofes que les
autres efliment certaines, plutoft qu'en me vantant
d'aucune doëtrine. Mais ayant le cœur aflez bon
pour ne vouloir point qu'on me prift pour autre que
ie n'eflois, ie penfay qu'il faloit que ie tafchaffe, par
tous moyens, a me rendre digne de la reputation
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32-33. _ Discours DE LA METHODE. 31
qu'on me donnoit ; et il y a iuftement huit ans, que ce
defir me fit re a mefloigner de tous re lieux
ou ie pouuois auoir des connoiffances, & a me re-
tirer icy, en vn païs où la longue durée de la guerre
a fait eftablir de tels ordres, que les armées qu'on
y entretient ne femblent feruir qu'a faire qu'on y
iouifle des fruits de la paix auec d'autant plus de
feureté, & où parmi la foule d'vn grand peuple fort
actif, & plus foigneux de fes propres affaires, que
curieux de celles d’autruy, fans manquer d'aucune
des commoditez qui font dans les villes les plus fre-
quentées, 1ay pû viure aufly folitaire & retiré que
dans les defers les plus efcartez.
le ne fçay fi ie doy vous entreteniredes premieres
meditations que 1 y ay faites; car elles font fi Meta-
phyfiques & fi peu communes, qu’elles ne feront
peuteftre pas au gouft de tout le monde. Et toutefois,
afin qu'on puifle iuger fi les fondemens que ray pris
font affez fermes, ie me trouue en quelque façon con-
traint d'en parler. l'auois dés long temps remarqué
que, pour les meurs, il eft befoin quelquefois de fuiure
des opinions qu'on fçait eftre fort incertaines, tout
de mefme que fi elles eftoient indubitables, ainfi qu'il
a efté dit cy-deflus; mais, pourcequ'alors ie defirois
vacquer feulement a la recherche de la verité, ie
penfay qu'il faloit que ie fifle tout le contraire, & que
ie reiettaffe, comme abfolument faux, tout ce en quoy
ie pourrois imaginer le moindre doute, afin de voir
sil ne refteroit point, apres cela, quelque chofe en
ma creance, qui fuit entierement indubitable. Ainfi, a
QUATRIESME
PARTIE.
32 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 33-34.
caufe que nos fens nous trompent quelquefois, ie
voulû fuppofer qu'il ny auoit aucune chofe qui fuft
telle qu'ils nous la font imaginer. Et pourcequ'il y a
des hommes qui fe méprenent en raifonnant, mefme
touchant les plus fimples matieres de Geometrie, & y
font des Paralogifmes, iugeant que reftois fuiet a fail-
lir, autant qu'aucun autre, ie reiettay comme faufles
toutes les raifons que i'auois prifes auparauant pour
Demonftrations. Et enfin, confiderant que toutes les
mefmes penfées, que nous auons eftant efueillez, nous
peuuent aufly venir, quand nous dormons, fans qu'il y
en ait aucune, pour lors, qui foit vraye, ie me refolu
de feindre que toutes les chofes qui m'efloient iamais
entrées en l'efprit, n'efloient non plus vrayes que les
illufions de mes fonges. Mais, auflitoft aprés, ie pris
garde que, pendant que ie voulois ainfi penfer que tout
eftoit faux, il falloit neceflairement que moy, qui le
penfois, fufle quelque chofe. Et remarquant que cete
verité : 1e penfe, donc te fuis, eftoit fi ferme & fi aflurée,
que toutes les plus extrauagantes fuppofitions des
Sceptiques n'eftoient pas capables de l'efbranfler, ie
iugay que ie pouuois la receuoir, fans fcrupule, pour le
premier principe de la Philofophie, que ie cherchois.
Puis, examinant auec attention ce que reftois, &
voyant que ie pouuois feindre que ie n'auois aucun
cors, & qu'il n'y auoit aucun monde, ny aucun lieu ou
ie fuffe ; mais que ie ne pouuois pas feindre, pour
cela, que ie n'eftois point ; & qu'au contraire, de cela
mefme que ie penfois a douter de la verité des autres
chofes, il fuiuoit tres euidenment & tres certai-
nement que leflois; au lieu que, fi r'eufle feulement
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34-35. Discours DE LA METHODE. 33
ceflé de penfer, encore que tout le refte de ce que
j'auois 1amais imaginé, euft efté vray, ie n'auois au-
cune raifon de croire que i'eufle efté : ie connû de la
que 1eftois vne fubftance dont toute l'eflence ou la
nature n'eft que de penfer, & qui, pour eftre, n’a be-
foin d'aucun lieu,ny ne depend d'aucune chofe mate-
rielle. En forte que ce Moy, c'eft a dire, l'Ame par
laquelle ie fuis ce que ie fuis, eft entierement diftinéte
du cors, & mefme qu'elle eft plus aifée a connoiftre
que luy, & qu'encore qu'il ne fuft point, elle ne lair-
roit pas d'eftre tout ce qu'elle eft.
Aprés cela, ie confideray en general ce qui eft
requis a vne propoñition pour he vraye & certaine ;
Car, puifque i ie venois d'en trouuer vne queie Une
ie telle, ie penfay que ie deuois aufly fçauoir en
quoy confifte cete certitude. Et ayant remarqué qu'il
nya rien du tout en cecy : ze pen/e, donc ie fuis, qui
m'aflure que ie dis la verité, finon que ie voy tres
clairement que, pour penfer, 1l faut eftre : ie iugay
que 1e pouuois prendre pour reigle generale, que les
chofes que nous conceuons ie icbtéent & fort
diftintement, font toutes vrayes; mais qu'il y a feu-
lement quelque difficulté a bien remarquer quelles
font celles que nous conceuons diftin@tement.
En fuite de quoy, faifant reflexion fur ce que ie
doutois, & que, par confequent, mon eftre n'eftoit pas
tout parfait, car ie voyois clairement que c'eftoit
vne plus | grande perfection de connoiftre que de
douter, ie m'auifay de chercher d'où i'auois appris
a ee a quelque chofe de plus parfait que ie
neftois; & 1e connu euidenment que ce deuoit eftre
Œuvres. I. 5
34 OEUVRES DE DESCARTES. 35-36.
de quelque nature qui fuft en effet plus parfaite. Pour
ce qui eft des penfées que 1'auois de plufieurs autres
chofes hors de moy, comme du ciel, de la terre, de la
lumiere, de la chaleur, & de milles autres, ie n’eftois
point tant en peine de fçauoir d'où elles venoient, a
caufe que,ne remarquant rien en elles qui me fem-
blaft les rendre fuperieures a moy, ie pouuois croyre
que, fi elles eftoient vrayes, c'eftoient des depen-
dances de ma nature, en tant qu'elle auoit quelque
perfection; & fi elles ne l'eftoient pas, que ie les
tenois du neant, c'eft a dire, qu'elles eftoient en moy,
pourceque 1'auois du defaut. Mais ce ne pouuoit eftre
le mefme de l'idée d'vn eftre plus parfait que le mien :
car, de la tenir du neant, c'eftoit chofe manifeftement
impofñible ; et pourcequ'il n’y a pas moins de repu-
gnance que le plus parfait foit vne fuite & vne depen-
dance du moins parfait, qu'il y en a que de rien pro-
cede quelque chofe, ie ne la pouuois tenir non plus
de moy mefme. De façon qu'il reftoit qu'elle euft
efté mife en moy par vne nature qui fuft veritable-
ment plus parfaite que ie n'eflois, & mefme qui euft
en foy toutes les perfeétions dont ie pouuois auoir
quelque idée, c'eft a dire, pour m'expliquer en vn
mot, qui fuft Dieu. À quoy i'adiouftay que, puifque ie
connoiflois quelques perfettions que ie n'auois point,
ie n’eftois pas le feul eftre qui exiftaft (ivferay, s'il
vous plaïft, icy librement des mots de l'Efchole), mais
qu'il falloit, de necefité, qu'il y en euft quelque autre
plus | parfait, duquel ie dependiffe, & duquel r'euffe
acquis tout ce que r'auois. Car, fi r'eufle efté feul &
independant de tout autre, en forte que i'eufle eu,
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36-37. Discours DE LA METHODE. 3
de moy mefme, tout ce peu que ie participois de
l'eftre parfait, i'eufle pù auoir de moy, par mefme
raifon, tout le furplus que ie connoifflois me manquer,
& ainfi eftre moy mefme infini, eternel,immuable, tout
connoiffant, tout puiflant, & enfin auoir toutes les
perfeétions que ie pouuois remarquer eftre en Dieu.
Car, fuiuant les raifonnemens que ie viens de faire,
pour connoiftre la nature de Dieu, autant que la
miene en eftoit capable, ie n'auois qu'a confiderer de
toutes les chofes dont ie trouuois en moy quelqueidée,
fi c'eftoit perfe&ion, ou non, de les poffeder, & r'eftois
affuré qu'aucune de celles qui marquoient quelque
imperfeétion, n'eftoit en luy, mais que toutes les
autres y eftoient. Comme ie voyois que le doute,
l'inconftance, la trifteffe, & chofes femblables, n'y
pouuoient eftre, vù que i'eufle efté moy mefme bien
ayfe d'en eftre exempt. Puis, outre cela, i’auois des
idées de plufieurs chofes fenfibles & corporelles
car, quoy que ie fuppofatte que ie refuois, & que tout
ce que ie voyois ou imaginois eftoit A ie ne pou-
uois nier toutefois que É idées n’en fuflent verita-
blement en ma penfée ; mais pourceque r'auois defia
connu en moy tres clairement que la nature intelli-
gente eft diftinéte de la corporelle, confiderant que
toute compofition tefmoigne de la dependance, &
que la dependance eft manifeftement vn defaut, ie
iugeois de la, que ce ne pouuoit eftre vne perfection
en Dieu d'eftre compofé de ces deux natures, & que,
par confequent, il ne l'eftoit pas ; mais que, s'1l y auoit
| quelques cors dans le monde, ou bien quelques intel-
ligences, ou autres natures, qui ne fuflent point toutes
30 Œuvres DE DESCARTES. 37-38.
parfaites, leur eftre deuoit dependre de fa puiffance,
en telle forte qu'elles ne pouuoient fubfifter fans luy
vn feul moment.
le voulu chercher, aprés cela, d'autres veritez, &
m'eftant propofé l'obiet des Geometres, que 1e con-
ceuois comme vn cors continu, ou vn efpace indefi-
niment eftendu en longueur, largeur, & hauteur ou
profondeur, diuifible en diuerfes parties, qui pou-
uoient auoir diuerfes figures & grandeurs, & eftre
meuës ou tran{pofées en toutes fortes, car les Geo-
metres fuppofent tout cela en leur obiet, ie parcouru
quelques vnes de leurs plus fimples demonftrations.
Et ayant pris garde que cete grande certitude, que
tout le monde leur attribuë, n'eft fondée que fur ce
qu'on les conçoit euidenment, fuiuant la reigle que
j'ay tantoft dite, ie pris garde aufly qu'il ny auoit
rien du tout en elles qui m’afluraft de l'exiftence de
leur obiet. Car, par exemple, ie voyois bien que, fup-
pofant vn triangle, il falloit que fes trois angles fuflent
efgaux a deux droits; mais ie ne voyois rien pour
cela qui m'afluraft qu'il y euft au monde aucun trian-
gle. Au lieu que, reuenant a examiner l'idée que
j'auois d'vn Eftre parfait, ie trouuois que l’exiftence y
eftoit comprife, en mefme façon qu'il eft compris en
celle d'vn triangle que fes trois angles font efgaux a
deux droits, ou en celle d'vne fphere que toutes fes
parties font efgalement diftantes de fon centre, ou
mefme encore plus euidenment; et que, par confe-
quent, il eft pour le moins aufly certain, que Dieu,
qui eft cet Eftre parfait, eft ou |exifte, qu'aucune de-
monftration de Geometrie le fçauroit eftre.
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38-30. Discours DE LA METHODE. 7
Mais ce qui fait qu'il y en a plufieurs qui fe per-
fuadent qu’il y a de la difficulté a le connoiftre, &
mefme aufly a connoiftre ce que c’eft que leur ame,
c'eft qu'ils n’efleuent iamais leur efprit au dela des
chofes fenfibles, & qu'ils font tellement accouftumez
a ne rien confiderer qu'en l'imaginant, qui eft vne
façon de penfer particuliere pour les chofes mate-
rielles, que tout ce qui n'eft pas imaginable, leur
femble n'eftre pas intelligible. Ce qui eft affez mani-
fefte de ce que mefme les Philofophes tienent pour
maxime, dans les Efcholes, qu'il n'y a rien dans l’en-
tendement qui n'ait premierement efté dans le fens,
où toutefois 1l eft certain que les idées de Dieu & de
l'ame n'ont iamais efté. Et il me femble que ceux qui
veulent vfer de leur imagination, pour les com-
prendre, font tout de mefme que fi, pour ouir les fons,
ou fentir les odeurs, ils fe vouloient feruir de leurs
yeux : finon qu'il y a encore cete difference, que le
fens de la veuë ne nous aflure pas moins de la verité
de fes obiets, que font ceux de l’odorat ou de l’ouye;
au lieu que ny noftre imagination ny nos fens ne
nous fçauroient iamais aflurer d'aucune chofe, fi
noftre entendement n'y interuient.
Enfin, s'il y a encore des hommes qui ne foient pas
affez perfuadez de l’exiftence de Dieu & de leur ame,
par les raifons que ray apportées, ie veux bien qu'ils
fçachent que toutes les autres chofes, dont ils fe pen-
fent peut eftre plus aflurez, comme d'auoir vn cors, &
qu'il y a des aftres & vne terre, & chofes femblables,
font moins certaines. Car, encore qu’on ait vne aflu-
rance morale de | ces chofes, qui ef telle, qu'il femble
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38 OŒuvrEs DE DESCARTES. 39.
qu'a moins que d'eftre extrauagant, on n'en peut
douter, toutefois aufly, a moins que d'eftre dérai-
fonnable, lorfqu'il eft queftion d’vne certitude meta-
phyfique, on ne peut nier que ce ne foit aflés de fuiet,
pour n'en eftre pas entierement afluré, que d’auoir
pris garde qu'on peut, en mefme façon, s'imaginer,
eftant endormi, qu'on a vn autre cors, & qu'on voit
d'autres aftres, & vne autre terre, fans qu'il en foit
rien. Car d'où fçait on que les penfées qui vienent
en fonge font plutoft fauffes que les autres, vù que
fouuent elles ne font pas moins viues & expreffes ?
Et que les meilleurs efprits y eftudient, tant qu'il
leur plaira, ie ne croy pas qu'ils puiffent donner
aucune raifon qui foit fuffifante pour ofter ce doute,
s'ils ne prefuppofent l'exiftence de Dieu. Car, premie-
rement, cela mefme que ray tantoft pris pour vne
reigle, a fçauoir que les chofes que nous conceuons
tres clairement & tres diftinétement, font toutes
vrayes, n'eft afluré qu'a caufe que Dieu eft ou exifte,
& qu'il eft vn eftre parfait, & que tout ce qui eft en
nous vient de luy. D'où il fuit que nos idées ou
notions, eftant des chofes reelles, & qui vienent de
Dieu, en tout ce en quoy elles font claires & diftin-
les, ne peuuent en cela eftre que vrayes. En forte
que, fi nous en auons aflez fouuent qui contienent de
la faufleté, ce ne peut eftre que de celles, qui ont
quelque chofe de confus & obfcur, a caufe qu'en cela
elles participent du neant, c'eft a dire, qu'elles.ne
font en nous ainfi confufes, qu'a caufe que nous ne
fommes pas tous parfaits. Et il eft euident quil ny a
pas moins de repugnance que la faufleté ou l'imper-
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sis RU TRE -
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39-40. Discours DE LA METHODE. 30
fection procede de Dieu, en tant que telle, qu'il y en
a, que la verité ou la perfection procede du neant.
Mais fi nous ne fçauions point que tout ce qui eft
en nous de reel & de vray, vient d'vn eftre parfait
& infini, pour claires & diftin@es que fuflent nos
idées, nous n'aurions aucune raifon qui nous afluraft,
qu'elles euffent la perfection d'eftre vrayes.
Or, aprés que la connoiflance de Dieu & de l'ame
nous a ainfi rendus certains de cete regle, il eft bien
ayfé a connoiftre que les refueries que nous imagi-
nons eftant endormis, ne doiuent aucunement nous
faire douter de la verité des penfées que nous auons
eftant efueillez. Car, s'il arriuoit, mefme en dormant,
qu'on euft quelque idée fort diftinéte, comme, par
exemple, qu vn Geometre inuentaft quelque nouuelle
demonftration, fon fommeil ne l'empefcheroit pas
d'eftre vraye. Et pour l'erreur la plus ordinaire de
nos fonges, qui confifte en ce qu'ils nous reprefen-
tent diuers obiets en mefme façon que font nos fens
exterieurs, n importe pas quelle nous donne occafion
de nous deffier de la verité de telles idées, a caufe
qu'elles peuuent aufly nous tromper aflez fouuent,
fans que nous dormions : comme lorfque ceux qui
ont la iaunifle voyent tout de couleur jaune, ou que
les aftres ou autres cors fort efloignez nous paroiflent
beaucoup plus petits qu'ils ne font. Car enfin, foit
que nous veillions, foit que nous dormions, nous ne
nous deuons iamais laifler perfuader qu'a l'euidence
de noftre raifon. Et il eft a remarquer que ie dis, de
noftre raifon, & non point, de noftre imagination ny
de nos fens. Comme, encore que nous voyons le fo-
V4
CINQUIESME
PARTIE,
40 OEuvres DE DESCARTES. 40-41.
leil tres clairement, nous ne deuons pas iuger pour
cela qu'il ne foit que de la grandeur que nous le
voyons; et nous pouuons bien imaginer diftinéte-
ment vne tefte de lion entée fur le cors d'vne cheure,
fans qu'il faille conclure, pour cela, qu'il y ait au
monde vne Chimere : car la raifon ne nous diéte
point que ce que nous voyons ou imaginons ainfi foit
veritable. Mais elle nous dicte bien que toutes nos
idées ou notions doiuent auoir quelque fondement
de verité; car il ne feroit pas poflible que Dieu, qui
eft tout parfait & tout veritable les euft mifes en
nous fans cela. Et pourceque nos raifonnemens ne
font iamais fi euidens ny fi entiers pendant le fommeil
que pendant la veille, bien que quelquefois nos ima-
ginations foient alors autant ou plus viues &expreffes,
elle nous diéte auffy que nos penfées ne pouuant
eftre toutes vrayes, a caufe que nous ne fommes pas
tous-parfaits, ce qu'elles ont de verité doit infallible-
ment fe rencontrer en celles que nous auons eftant
efueillez, plutoft qu'en nos fonges.
le ferois bien ayfe de pourfuiure, & de faire voir
icy toute la chaifne des autres veritez que ray de-
duites de ces premieres. Mais, a caufe que, pour cet
effe&, il feroit maintenant befoin que ie parlaffe de
plufieurs queftions, qui font en controuerfe entre les
doétes, auec lefquels ie ne defire point me brouiller,
ie croy qu'il fera mieux que ie m'en abftiene, & que
ie die feulement en general quelles elles font, affin
de laifler iuger aux plus fages, s'il feroit vtile que le
public en fuft plus particulierement informé. le fuis
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41-42. Discours DE LA METHODE. AI
toufiours demeuré ferme en la refolution que l'auois
prife, de ne fuppofer aucun autre principe, que celuy
dont ie vien de me feruir pour demonftrer l’exiftence
de Dieu & de l'ame, & de ne receuoir | aucune chofe
pour vraye, qui ne me femblaft plus claire & plus cer-
taine que n’auoient fait auparauant les demonftra-
tions des Geometres. Et neantmoins, 1'ofe dire que,
non feulement i'ay trouué moyen de me fatisfaire en
peu de tems, touchant toutes les principales difi-
cultez dont on a couftume de traiter en la Philofo-
phie, mais auffy, que ay remarqué certaines loix,
que Dieu a tellement eftablies en la nature, & dont il
a imprimé de telles notions en nos ames, qu aprés y
auoir fait aflez de reflexion, nous ne fçaurions douter
qu'elles ne foient exaétement obferuées, en tout ce
qui eft ou qui fe fait dans le monde. Puis en confi-
derant la fuite de ces loix, il me femble auoir defcou-
uert plufeurs veritez plus vtiles & plus importantes,
que tout ce que i'auois appris auparauant, ou mefme
efperé d'apprendre.
Mais pourceque i’ay tafché d'en expliquer les prin-
cipales dans vn Traité, que quelques confiderations
m'empefchent de publier, ie ne les fçaurois mieux
faire connoiftre, qu'en difant icy fommairement ce
qu'il contient. l'ay eu deffein d'y comprendre tout ce
que ie penfois fçauoir,auant que de l'efcrire, touchant
la Nature des chofes Materielles. Mais, tout de mefme
que les peintres, ne pouuant efgalement bien repre-
fenter dans vn tableau plat toutes les diuerfes faces
d'vn cors folide, en choififlent vne des principales
qu'ils mettent feule vers le iour, & ombrageant les
Œuvres. I. 6
42 Œuvres DE DESCARTES. 42-43.
autres, ne les font paroiftre, qu'en tant qu'on les peut
voir en la regardant : ainfi, craignant de ne pouuoir
mettre en mon difcours tout ce que l'auois en la
penfée, r'entrepris feulement d'y expofer bien ample-
ment ce que ie conceuois de la Lumiere; puis, a fon
occalfion, d'y adioufter quelque chofe du Soleil & des
Eftoiles fixes, a caufe qu'elle en procede prefque
toute ; des Cieux, a caufe qu'ils la tranfmettent; des
Planetes, des Cometes, & de la Terre, a caufe qu'elles
la font reflefchir ; & en particulier de tous les Cors
qui font fur la terre, a caufe qu'ils font ou colorez,
ou tranfparens, ou lumineux ; & enfin de l'Homme, a
caufe qu'il en eft le fpectateur. Mefme, pour ombrager
vn peu toutes ces chofes, & pouuoir dire plus libre-
ment ce que l'en iugeois, fans eftre obligé de fuiure
ny de refuter les opinions qui font receuës entre les
doctes, ie me refolu de laifler tout ce Monde icy a
leurs difputes, & de parler feulement de ce qui arri-
ueroit dans vn nouueau, fi Dieu creoit maintenant
quelque part, dans les Efpaces Imaginaires, affez de
matiere pour le compofer, & qu'il agitaft diuerfement
& fans ordre les diuerfes parties de cete matiere, en
forte qu'il en compofaft vn Chaos aufly confus que
les Poetes en puiflent feindre, & que, par apres, il ne
fift autre chofe que prefter fon concours ordinaire a
la Nature, & la laiffer agir fuiuant les Loix qu'il a
eftablies. Ainfi, premierement, ie defcriuis cete Ma-
tiere, & tafchay de la reprefenter telle qu'il n’y a rien
au monde, ce me femble, de plus clair ny plus in-
telligible, excepté ce qui a tantoft efté dit de Dieu &
de l'ame : car mefme ie fuppofay, expreffement, qu'il
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| Hé
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43-44. Discours DE LA METHODE. 43
n'y auoit en elle aucune de ces Formes ou Qualitez
dont on difpute dans les Efcholes, ny generalement
aucune chofe, dont la connoiffance ne fuft fi natu-
relle a nos ames, qu'on ne puft pas. mefme feindre
de l'ignorer. De plus, ie fis voir quelles eftoient les
Loix de la Nature; et fans appuier mes raifons fur
aucun autre principe, que fur |les perfeétions inf-
nies de Dieu, ie tafchay a demonftrer toutes celles
dont on euft pu auoir quelque doute, & a faire voir
qu'elles font telles, qu'encore que Dieu auroit creé
plufieurs mondes, il n'y en fçauroit auoir aucun, où
elles manquañlent d'eftre obferuées. Apres cela, ie
monftray comment la plus grande part de la ma-
tiere de ce Chaos deuoit, en fuite de ces loix, fe dif-
pofer & s’arrenger d'vne certaine façon qui la ren-
doit femblable a nos Cieux; comment, cependant,
quelques vnes de fes parties deuoient compofer vne
Terre, & quelques vnes des Planetes & des Cometes,
& quelques autres vn Soleil & des Eftoiles fixes. Et
icy, m eftendant fur le fuiet de la lumiere, 'expliquay
bien au long quelle eftoit celle qui fe deuoit trouuer
dans le Soleil & les Eftoiles, & comment de la elle
trauerfoit en vn inftant les immenfes efpaces des
cieux, & comment elle fe reflefchiffoit des Planetes
& des Cometes vers la Terre. l'y adiouftay aufly plu-
fieurs chofes, touchant la fubftance, la fituation, les
mouuemens & toutes les diuerfes qualitez de ces
Cieux & de ces Aftres ; en forte que ie penfois en dire
aflez, pour faire connoiftre qu'il ne fe remarque rien
en ceux de ce monde, qui ne deuft, ou du moins qui
ne püft, paroiftre tout femblable en ceux du monde
44 OEUVRES DE DESCARTES. 44-45.
que ie defcriuois. De là ie vins a parler particuliere-
ment de la Terre : comment, encore que i’eufle ex-
preflement fuppofé que Dieu n'auoit mis aucune
pefanteur en la matiere dont elle eftoit compofée,
toutes fes parties ne laifloient pas de tendre exacte-
ment vers fon centre ; comment, y ayant de l'eau &
de l’air fur fa fuperficie, la difpofition des cieux &
des aftres, principalement de la Lune, | y deuoit caufer
va flus & reflus, qui fuft femblable, en toutes fes cir-
conftances, a celuy qui fe remarque dans nos mers ;
& outre cela vn certain cours, tant de l'eau que de
l'air, du leuant vers le couchant, tel qu'on le remarque
aufly entre les Tropiques ; comment les montaignes,
les mers, les fontaines & les riuieres pouuoient na-
turellement s'y former, & les metaux y venir dans
les mines, & les plantes y croiftre dans les campai-
gnes, & generalement tous les cors quon nomme
meflez ou compofez s'y engendrer. Et entre autres
chofes, a caufe qu'aprés les aftres ie ne connois rien
au monde que le feu qui produife de la lumiere,ie
m'eftudiay a faire entendre bien clairement tout ce
qui appartient a fa nature, comment il fe fait, com-
ment il fe nourrit; comment il n'a quelquefois que
de la chaleur fans lumiere, & quelquefois de la lu-
miere fans chaleur; comment il peut introduire di-
uerfes couleurs en diuers cors, & diuerfes autres
qualitez ; comment il en fond quelques vns, & en dur-
cit d'autres; comment il les peut confumer prefque
tous, ou conuertir en cendres & en fumée; et enfin,
comment de ces cendres, par la feule violence de fon
ation, il forme du verre : car cete tranfmutation de
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45-46. Discours DE LA METHODE. 45
cendres en verre me femblant eftre aufly admirable
qu'aucune autre qui fe face en la nature, ie pris par-
ticulierement plaifir a la defcrire.
Toutefois ie ne voulois pas inferer de toutes ces
chofes, que ce monde ait eflé creé en la façon que ie
propofois; car 1l eft bien plus vrayfemblable que,
dés le commencement, Dieu l'a rendu tel qu'il deuoit
eftre. Mais il eft certain, & c'eft vne opinion commu-
nement receuë | entre les Theologiens, que l'a&tion,
par laquelle maintenant 1l le conferue, eft toute la
mefme que celle par laquelle il l'a ereé; de façon
qu'encore qu il ne lui auroit point donné, au commen-
cement, d'autre forme que celle du Chaos, pouruû
qu'ayant eftabli les Loix de la Nature, il luy preftaft
fon concours, pour agir ainfi qu'elle a de couftume,
on peut croyre, fans faire tort au miracle de la crea-
tion, que par cela feul toutes les chofes qui font
purement materielles auroient pü, auec le tems, s'y
rendre telles que nous les voyons a prefent. Et leur
nature eft bien plus ayfée a conceuoir, lorfqu'on les
voit naiftre peu a peu en cete forte, que lorfqu'on ne
les confidere que toutes faites.
De la defcription des cors inanimez & des plantes,
ie paflay a celle des animaux & particulierement a
celle des hommes. Mais, pourceque ie n'en auois pas
encore affez de connoiïffance, pour en parler du
mefme ftyle que du refte, c'eft a dire, en demonftrant
les effets par les caufes, & faifant voir de quelles
femences, & en quelle façon, la Nature les doit pro-
duire, ie me contentay de fuppofer que Dieu for-
maft le cors d’vn homme, entierement femblable a
46 Œuvres DE DESCARTES. 46-47.
l'vn des noftres, tant en la figure exterieure de fes
membres qu'en la conformation interieure de fes or-
ganes, fans le compofer d'autre matiere que de celle
que j'auois defcrite, & fans mettre en luy, au com-
mencement, aucune ame raifonnable, ny aucune autre
chofe pour y feruir d'ame vegetante ou fenfitiue,
finon qu'il excitaft en fon cœur vn de ces feux fans
lumiere, que r'auois defia expliquez, & que ie ne con-
ceuois point d'autre nature que celuy qui échaufe le
foin, | lorfqu'on l'a renfermé auant qu'il fuft fec, ou
qui fait bouillir les vins nouueaux, lorfqu'on les
laiffe cuuer fur la rape. Car examinant les fonétions,
qui pouuoient en fuite de cela eftre en ce cors, 1y
trouuois exactement toutes celles qui peuuent eftre
en nous fans que nous y penfions, ny par confequent
que noftre ame, c’eft a dire, cete partie diftinéte du
cors dont il a efté dit cy deflus que la nature n'eft que
de penfer, y contribuë, & qui font toutes les mefmes
en quoy on peut dire que les animaux fans raifon
nous refemblent : fans que 1'y en püñfle pour cela
trouuer aucune, de celles qui, eftant dependantes de
la penfée, font les feules qui nous apartienent en tant
qu'hommes, au lieu que 1e les y trouuois par aprés,
ayant fuppofé que Dieu creaft vne ame raifonnable,
& qu'il la ioignift a ce cors en certaine façon que ie
defcriuois.
Mais, affin qu'on puifle voir en quelle forte ry
traitois cete matiere, ie veux mettre icy l'explication
du Mouuement du Cœur & des Arteres, qui eftant le
premier & le plus general qu'on obferue dans les
animaux, on iugera facilement de luy ce qu'on doit
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47-48. Discours DE LA METHODE. 47
penfer de tous les autres. Et affin qu'on ait moins de
difficulté a entendre ce que 1'en diray,ie voudrois que
ceux qui ne font point verfez en l’Anatomie priflent
la peine, auant que de lire cecy, de faire couper de-
uant eux le cœur de quelque grand animal qui ait
des poumons, car il eft en tous affez femblable a
celuy de l’homme, & qu'ils fe fiffent montrer les
deux chambres ou concauitez qui y font. Premie-
rement, celle qui eft dans fon cofté droit, a laquelle
refpondent deux tuyaux fort larges : a fçauoir la
vene caue, qui eft le principal receptable du fang,
& comme le tronc de l'arbre dont toutes les autres
venes du cors font les branches, & la vene arte-
rieufe, qui a efté ainfi mal nommée, pourceque c'eft
en effect vne artere, laquelle prenant fon origine du
cœur, fe diuife, aprés en eftre fortie, en plufieurs
branches qui fe vont refpandre partout dans les pou-
mons. Puis, celle qui eft dans fon cofté gauche, a
laquelle refpondent en mefme façon deux tuyaux,
qui font autant ou plus larges que les precedens : a
fçauoir l’artere veneufe, qui a efté aufly mal nommée,
a caufe qu’elle n'eft autre chofe qu'vne vene, laquelle
vient des poumons, ou elle eft diuifée en plufeurs
branches, entrelacées auec celles de la vene arte-
rieufe, & celles de ce conduit qu'on nomme le fifflet,
par où entre l'air de la refpiration; & la grande ar-
tere, qui, fortant du cœur, enuoye fes branches par
tout le cors. le voudrois aufly qu'on leur montraft
foigneufement les onze petites peaux, qui, comme
autant de petites portes, ouurent & ferment les quatre
ouuertures qui font en ces deux concauitez : a fça-
48 OEuvREs DE DESCARTES. 48-49.
uoir, trois a l'entrée de la vene caue, où elles font
tellement difpofées, qu'elles ne peuuent aucunement
empefcher que le fang qu'elle contient ne coule dans
la concauité droite du cœur, & toutefois empefchent
exactement qu'il nen puifle fortir ; trois a l'entrée
de la vene arterieufe, qui, eftant difpofées tout au con-
traire, permetent bien au fang, qui eft dans cete con-
cauité, de pañler dans les poumons, mais non pas a
celuy qui eft dans les poumons d'y retourner; & ainfi
deux autres a l'entrée de l’artere veneufe, qui laiffent
couler le fang des poumons vers la concauité | gauche
du cœur, mais soppofent a fon retour; & trois a
l'entrée de la grande artere, qui luy permetent de
fortir du cœur, mais l'empefchent d'y retourner. Et
il n'eft point befoin de chercher d’autre raifon du
nombre de ces peaux, finon que l'ouuerture de l'ar-
tere veneufe, eftant en ouale a caufe du lieu ou elle
fe rencontre, peut eftre commodement fermée auec
deux, au lieu que les autres, eftant rondes, le peuuent
mieux eftre auec trois. De plus,ie voudrois qu'on leur
fift confiderer que la grande artere & la vene arte-
rieufe font d'vne compofition beaucoup plus dure &
plus ferme, que ne font l'artere veneufe & la vene
caue; & que ces deux derniers s'eflargiflent auant
que d'entrer dans le cœur, & y font comme deux
bourfes, nommées les oreilles du cœur, qui font com-
pofées d'vne chair femblable à la fiene; et qu'il y a
toufiours plus de chaleur dans le cœur, qu'en aucun
autre endroit du cors; et enfin, que cete chaleur eft
capable de faire que, s'il entre quelque goutte de
fang en fes concauitez, elle s'enfle promtement & fe
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49-50. Discours DE LA METHODE. 49
dilate, ainfi que font generalement toutes les liqueurs,
lorfqu'on les laifle tomber goutte a goutte en quelque
vaifleau qui eft fort chaud.
Car, aprés cela, ie n'ay befoin de dire autre chofe,
pour expliquer le mouuement du cœur, finon que,
lorfque fes concauitez ne font pas pleines de fang, il
y en coule neceflairement de la vene caue dans la
droite, & de l'artere veneufe dans la gauche ; d’au-
tant que ces deux vaifleaux en font toufiours pleins,
& que leurs ouuertures, qui regardent vers le cœur, ne
peuuent alors eftre bouchées ; mais que, fitoft qu'il eft
entré ainfi déux gouttes de fang, | vne en chacune de
fes concauitez, ces gouttes, qui ne peuuent eftre que
fort groffes, a caufe que les ouuertures par où elles en-
trent font fort larges, & les vaiffeaux d'où elles vienent
fort pleins de fang, fe rarefient & fe dilatent, a caufe
de la chaleur qu'elles y trouuent, au moyen de quoy,
faifant enfler tout le cœur, elles pouflent & ferment
les cinq petites portes, qui font aux entrées des deux
vaifleaux d'où elles vienent, empefchant ainfi qu'il
ne defcende dauantage de fang dans le cœur; et con-
tinuant a fe rarefier de plus en plus, elles pouflent &
ouurent les fix autres petites portes, qui font aux
entrées des deux autres vaifleaux par où elles fortent,
faifant enfler par ce moyen toutes les branches de la
vene arterieufe & de la grande artere, quafi au mefme
inftant que le cœur ; lequel, incontinent aprés, fe de-
fenfle, comme font aufly ces arteres, a caufe que le
fang qui y eft entré s'y refroidift, & leurs fix petites
portes fe referment, & les cinq de la vene caue & de
l'artere veneufe fe rouurent, & donnent pañlage a
Œuvres. I. 7
Heruæus,
de motu
cordis,
do) OEUVRES DE DESCARTES. 50-51.
deux autres gouttes de fang, qui font derechef enfler
le cœur & les arteres, tout de mefme que les prece-
dentes. Et pourceque le fang, qui entre ainfi dans ce
cœur, pafle par ces deux bourfes qu'on nomme fes
oreilles, de là vient que leur mouuement eft contraire
au fien, & qu'elles defenflent, lorfqu'il s’enfle. Au
refte, affin que ceux qui ne connoïflent pas la force
des demonftrations Mathematiques, & ne font pas
accoutumez a diftinguer les vrayes raifons des vray-
femblables, ne fe hafardent pas de nier cecy fans
l'examiner, ie les veux auertir que ce mouuement,
que ie vien d'expliquer, fuit aufly neceffairement de
la feule difpoftion des | organes qu'on peut voir a
l'œil dans le cœur, & de la chaleur qu'on y peut fentir
auec les doigts, & de la nature du fang qu'on peut
connoiftre par experience, que fait celuy d'vn horo-
loge, de la force, de la fituation, & de la figure de fes
contrepois & de fes rouës.
Mais fi on demande comment le fang des venes ne
s'efpuife point, en coulant ainfi continuellement dans
le cœur, & comment les arteres n'en font point trop
remplies, puifque tout celuy qui paffe par le cœur s’y
va rendre, ie n’ay pas befoin d'y refpondre autre
chofe, que ce qui a defia efté efcrit par vn medecin
d'Angleterre, auquel il faut donner la louange d’auoir
rompu la glace en cét endroit, & d'eftre le premier
qui a enfeigné qu'il y a plufieurs petits paflages aux
extremitez des arteres, par où le fang qu'elles re-
çoiuent du cœur entre dans les petites branches des
venes, d'où il fe va rendre derechef vers le cœur, en
forte que fon cours n’eft autre chofe qu'vne circula-
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FR Discours DE LA METHODE. s1
tion perpetuelle. Ce qu'il prouue fort bien, par l'ex-
perience ordinaire des chirurgiens, qui ayant lié le
bras mediocrement fort, au deflus de l'endroit où ils
ouurent la vene, font que le fang en fort plus abon-
damment que s'ils ne l'auoient point lié. Et il arriue-
roit tout le contraire, s'ils le lioient au deffous, entre
la main & l'ouuerture, ou bien, qu'ils le liaffent tres
fort au-deflus. Car il eft manifefte que le lien medio-
crement ferré, pouuant empefcher que le fang qui eft
defia dans le bras ne retourne vers le cœur par les
venes, n'empefche pas pour cela qu'il n'y en viene
toufiours de nouueau par les arteres, a caufe qu'elles
font fituées au deflous des venes, & que leurs peaux,
eftant plus dures, font|moins ayfées a preffer, & aufly
que le fang qui vient du cœur tend auec plus de force
a paffer par elles vers la main, qu'il ne fait a retourner
de là vers le cœur par les venes. Et puifque ce fang
fort du bras par l'ouuerture qui eft en l’vne des veres,
il doit neceffairement y auoir quelques paffages au-
deffous du lien, c'eft a dire vers les extremitez du bras,
par où il y puifle venir des arteres. Il prouue auffy
fort bien ce qu'il dit du cours du fang, par certaines
petites peaux, qui font tellement difpofées en diuers
lieux le long des venes, qu’elles ne luy permetent
point d'y pañler du milieu du cors vers les extremitez,
mais feulement de retourner des extremitez vers le
cœur; et de plus, par l'experience qui monftre que tout
celuy qui eft dans le cors en peut fortir en fort peu
de tems par vne feule artere, lorfqu'elle eft coupée,
encore mefme qu'elle fuft eftroitement liée fort proche
du cœur, & coupée entre luy & le lien, en forte qu'on
s2 OEUVRES DE DESCARTES. 52-53.
n'euft aucun fuiet d'imaginer que le fang qui en for-
uroit vint d'ailleurs.
Mais il y a plufieurs autres chofes qui tefmoignent
que la vraye caufe de ce mouuement du fang eft celle
que 1ay dite. Comme, premierement, la difference
qu'on remarque entre celuy qui fort des venes & celuy
qui fort des arteres, ne peut proceder que de ce
qu'eftant rarefié, & comme diftilé, en pañfant par le
cœur, il eft plus fubtil & plus vif & plus chaud in-
continent aprés en eftre forti, c'eft a dire, eftant dans
les arteres, qu'il n'eft vn peu deuant que d'y entrer,
c'eft a dire, eftant dans les venes. Et fi on y prend
garde, on trouuera que cete difference ne paroift bien
que vers le cœur, & non point tant|aux lieux qui en
font les plus efloignez. Puis la dureté des peaux, dont
la vene arterieufe & la grande artere font compofées,
monftre aflez que le fang bat contre elles auec plus de
force que contre les venes. Et pourquoy la concauité
gauche du cœur & la grande artere feroient elles pius
amples & plus larges, que la concauité droite & la
vene arterieufe ? Si ce n’eftoit que le fang de l'artere
veneufe, n'ayant efté que dans les poumons depuis
qu'il a pañlé par le cœur, eft plus fubtil & fe rarefe
plus fort & plus ayfement, que celuy qui vient imme-
diatement de la vene caue. Et qu'’eft-ce que les mede-
cins peuuent deuiner, en taftant le pouls, s'ils ne
fçauent que, felon que le fang change de nature, il
peut eftre rarefié par la chaleur du cœur plus ou
moins fort, & plus ou moins vifte qu'auparauant ? Et fi
on examine comment cette chaleur fe communique
aux autres membres, ne faut-il pas auouër que c'eft
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53-54. Discours DE LA METHODE. s3
par le moyen du fang, qui paflant par le cœur s'y ref-
chauffe, & fe refpand de là par tout le cors. D'où vient
que, fi on ofte le fang de quelque partie, on en ofte
par mefme moyen la chaleur; et encore que le cœur
fuft aufly ardent qu'vn fer embrafé, il ne fufliroit pas
pour refchaufler les pieds & les mains tant qu'il fait,
s1l n y enuoyoit continuellement de nouueau fang.
Puis aufly on connoift de là, que le vray vfage de la
refpiration eft d'apporter aflez d'air frais dans le pou-
mon, pour faire que le fang, qui y vient de la conca-
uité droite du cœur, où il a efté rarefié & comme
changé en vapeurs, s'y efpaiflifle, & conuertifle en
fang derechef, auant que de retomber dans la gauche,
fans quoy il ne pourroit eftre propre a feruir de nou-
friture au feu qui y eft. Ce qui fe confirme, parce qu'on
void que les animaux qui n'ont point de poumons,
n'ont aufly qu'vne concauité dans le cœur, & que les
enfans, qui n en peuuent vfer pendant qu'ils font ren-
fermez au ventre de leurs meres, ont vne ouuerture
par où il coule du fang de la vene caue en la concauité
gauche du cœur, & vn conduit par où 1l en vient de
la vene arterieufe en la grande artere, fans pañler par
le poumon. Puis la coétion, comment fe feroit-elle en
l'eftomac, fi le cœur n'y enuoyoit de la chaleur par les
arteres, & auec cela quelques vnes des plus coulantes
parties du fang, qui aydent a difloudre les viandes
qu'on y a mifes? Et l’action qui conuertift le fuc de
ces viandes en fang, n'eft elle pas ayfée a connoiftre,
fi on confidere qu'il fe diftile, en pañlant & repañlant
par le cœur, peuteftre par plus de cent ou deux cent
fois en chafque iour ? Et qu'a t on befoin d'autre chofe,
*
s4 Œuvres DE DESCARTES. 54-55.
pour expliquer la nutrition, & la production des di-
uerfes humeurs qui font dans le cors, finon de dire
que la force, dont le fang en fe rarefiant pañie du
cœur vers les extremitez des arteres, fait que quelques
vnes de {es parties s’areftent entre celles des membres
où elles fe trouuent, & y prenent la place de quelques
autres qu'elles en chaffent; et que, felon la fituation,
ou la figure, ou la petitefle des pores qu'elles ren-
contrent, les vnes fe vont rendre en certains lieux
plutoft que les autres, en mefme façon que chafcun
peut auoir vùû diuers cribles, qui eftant diuerfement
percez feruent a feparer diuers grains les vns des
autres ? Et enfin ce qu'il y a de plus remarquable en
tout, cecy, c'eft la generation des efprits animaux, qui
font comme vn vent tres fubtil, | ou plutoft comme
vne flame tres pure & tres viue, qui, montant conti-
nuellement en grande nn du cœur dans le
cerueau, fe va rendre de là par les nerfs dans les
mufcles, & donne le mouuement a tous les membres ;
fans qu'il faille imaginer d'autre caufe, qui face que
les parties du fang, qui, eftant les plus agitées & les
plus penetrantes, font les plus propres a compofer
ces efprits, fe vont rendre plutoft vers le cerueau que
vers ailleurs ; finon que les arteres, qui les y portent,
font celles qui vienent du cœur le plus en ligne droite
de toutes, & que, felon les regles des Mechaniques,
qui font les mefmes que celles de la nature, lorfque
plufieurs chofes tendent enfemble a fe mouuoir vers
vn mefme cofté, où il ny a pas aflez de place pour
toutes, ainfi que les parties du fang qui fortent de la
concauité gauche du cœur iicne vers le cerueau,
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55-56. Discours DE LA METHODE. s$
les plus foibles & moins agitées en doiuent eftre dé-
tournées par les plus fortes, qui par ce moyen s'y
vont rendre feules.
l'auois expliqué affez particulierement toutes ces
chofes, dans le traité que i'auois eu cy deuant deffein
de publier. Et enfuite y auois monftré quelle doit
eftre la fabrique des nerfs & des mufcles du cors hu-
main, pour faire que les efprits animaux, eftant de-
dans, ayent la force de mouuoir fes membres : ainfi
qu'on voit que les teftes, vn peu aprés eftres coupées,
fe remuent encore, & mordent la terre, nonobftant
qu'elles ne foient plus animées; quels changemens fe
doiuent faire dans le cerueau, pour caufer la veille,
& le fommeil, & les fonges; comment la lumiere, les
fons, les odeurs, les gouts, la chaleur, & toutes les
autres qualitez des obiets exterieurs y peuuent im-
primer diuerfes idées, par l'entremife des fens; com-
ment la faim, la foif, & les autres pañlions interieures,
y peuuent aufly enuoyer les leurs; ce qui doit y
eftre pris pour le fens commun, où ces idées font
recuës; pour la memoire, qui les conferue; & pour la
fantaifie, qui les peut diuerfement changer, & en com-
pofer de nouuelles, & par mefme moyen, diftribuant
les efpris animaux dans les mufcles, faire mouuoir
les membres de ce cors, en autant de diuerfes façons,
& autant a propos des obiets qui fe prefentent a ces
fens, & des paffions interieures qui font en luy, que
les noftres fe puiffent mouuoir, fans que la volonté
les conduife. Ce qui ne femblera nullement eftrange a
ceux qui, fçachant combien de diuers automates, ou
machines mouuantes, l’induftrie des hommes peut
0 OEUVRES DE DESCARTES. 56-57.
faire, fans y employer que fort peu de pieces, a com-
paraifon de la grande multitude des os, des mufcles,
des nerfs, des arteres, des venes, & de toutes les
autres parties, qui font dans le cors de chafque ani-
mal, confidereront ce cors comme vne machine, qui,
ayant efté faite des mains de Dieu, eft incomparable-
ment mieux ordonnée, & a en foy des mouuemens
plus admirables, qu'aucune de celles qui peuuent
eftre inuentées par les hommes.
Et ie m'eftois icy particulierement arefté a faire
voir que, s'il y auoit de telles machines, qui euflent
les organes & la figure d'vn finge, ou de quelque
autre animal fans raifon, nous n’aurions aucun moyen
pour reconnoiftre qu'elles ne feroient pas en tout de
mefme nature que ces animaux; au lieu que, s'il y en
auoit qui euflent la reflemblance de nos cors, & imi-
taffent autant nos aétions que moralement il feroit
pof|fible, nous aurions toufiours deux moyens tres
certains, pour reconnoiftre qu'elles ne feroient point
pour cela de vrais hommes. Dont le premier eft que
iamais elles ne pourroient vfer de paroles, ny d'autres
fignes en les compofant, comme nous faifons pour
declarer aux autres nos penfées. Car on peut bien
conceuoir qu'vne machine foit tellement faite qu'elle
profere des paroles, & mefme quelle en profere
quelques vnes a propos des aétions corporelles qui
cauferont quelque changement en fes organes :
comme, fi on la touche en quelque endroit, qu'elle
demande ce qu'on luy veut dire; fi en vn autre, qu'elle
crie qu'on luy fait mal, & chofes femblables; mais
non pas qu'elle les arrenge diuerfement, pour ref-
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57-58. Discours DE LA METHODE. 7
pondre au fens de tout ce qui fe dira en fa prefence,
ainfi que les hommes les plus hebetez peuuent faire.
Et le fecond eft que, bien qu'elles fiffent plufieurs
chofes ‘aufly bien, ou peuteftre mieux qu'aucun de
nous, elles manqueroient infalliblement en quelques
autres, par lefquelles on découuriroit qu'elles n'agi-
roient pas par connoiïflance, mais feulement par la
difpofition de leurs organes. Car, au lieu que la rai-
fon eft vn inftrument vniuerfel, qui peut feruir en
toutes fortes de rencontres, ces organes ont befoin de
quelque particuliere difpofition pour chaque a@ion
particuliere; d'où vient qu'il eft moralement impof-
fible qu'il y en ait affez de diuers en vne machine,
pour la faire agir en toutes les occurrences de la vie,
de mefme façon que noftre raifon nous fait agir.
Or, par ces deux mefmes moyens, on peut aufly
connoiftre la difference, qui eft entre les hommes &
les beftes. Car c'eft vne chofe bien remarquable, qu'il
n y a point | d'hommes fi hebetez & fi ftupides, fans en
excepter mefme les infenfez, qu'ils ne foient capables
d’arrenger enfemble diuerfes paroles, & d'en compofer
vn difcours par lequel ils facent entendre leurs pen-
fées; et qu'au contraire, il n’y a point d’autre animal,
tant parfait & tant heureufement né qu'il puifle eftre,
qui face le femblable. Ce qui n'arriue pas de ce qu'ils
ont faute d'organes, car on voit que les pies & les
perroquets peuuent proferer des paroles ainfi que
nous, & toutefois ne peuuent parler ainfi que nous,
c'eft a dire,en tefmoignant qu'ils penfent ce qu'ils
difent; au lieu que les hommes qui, eftans nés fours
& muets, font priuez des organes qui feruent aux au-
Œuvres. I. 8
;8 Œuvres DE DESCARTES. 58-50.
tres pour parler, autant ou plus que les beftes, ont
couftume d’inuenter d'eux mefmes quelques fignes, par
lefquels ils fe font entendre a ceux qui, eftans ordinai-
rement auec eux, ont loyfir d'apprendre leur langue.
Et cecy ne tefmoigne pas feulement que les beftes ont
moins de raifon que les hommes, mais qu'elles n'en
ont point du tout. Car on voit qu'il n'en faut que fort
peu, pour fçauoir parler; & d'autant qu'on remarque
de l'inefgalité entre les animaux d'vne mefme efpece,
auffy bien qu'entre les hommes, & que les vns font
plus ayfez a dreffer que les autres, il n eft pas croyable
qu'vn finge ou vn perroquet, qui feroit des plus par-
faits de fon efpece, n'égalaft en cela vn enfant des plus
ftupides, ou du moins vn enfant qui auroit le cerueau
troublé, fi leur ame n'’eftoit d'vne nature du tout diffe-
rente de la noftre. Et on ne doit pas confondre les
paroles auec les mouuemens naturels, qui tefmoignent
les paflions, & peuuent eftre imitez par des machines
aufly bien que par les animaux;|ny penfer, comme
quelques Anciens, que les beftes parlent, bien que nous
n'entendions pas leur langage : car s'il eftoit vray,
puifqu'elles ont plufieurs organes qui fe rapportent
aux noftres, elles pourroient auffy bien fe faire en-
tendre a nous qu'a leurs femblables. C'eft auffy vne
chofe fort remarquable que, bien qu'il y ait plufieurs
animaux qui tefmoignent plus d'induftrie que nous en
quelques vnes de leurs aétions, on voit toutefois que
les mefmes n'en tefmoignent point du tout en beau-
coup d’autres : de façon que ce qu'ils font mieux que
nous, ne prouue pas qu'ils ont de l'efprit; car, a ce
conte, 1ls en auroient plus qu'aucun de nous, & fe-
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en Discours DE LA METHODE. s9
roient mieux en toute chofe; mais plutoft qu'ils n'en
ont point, & que ceft la Nature qui agift en eux,
felon la difpofition de leurs organes : ainfi qu'on
voit qu vn horologe, qui n'eft compofé que de rouës
& de reflors, peut conter les heures, & mefurer le
tems, plus iuftement que nous auec toute noftre pru-
dence.
l'auois defcrit, aprés cela, l'ame raifonnable, & fait
voir qu'elle ne peut aucunement eftre tirée de la puif-
fance de la matiere, ainfi que les autres chofes dont
l'auois parlé, mais qu'elle doit expreflement eftre
creée ; et comment il ne fuflit pas qu'elle foit logée
dans le cors humain, ainfi qu'vn pilote en fon nauire,
finon peuteftre pour mouuoir fes membres, mais qu’il
eft befoin qu'elle foit iointe & vnie plus eftroitement
auec luy, pour auoir, outre cela, des fentimens & des
appetits femblables aux noftres, & ainfi compofer vn
vray homme. Au refte, ie me fuis icy vn peu eftendu
fur le fuiet de l'ame, a caufe qu'il eft des plus impor-
tans; car, aprés l'erreur de ceux | qui nient Dieu, la-
quelle ie penfe auoir cy deflus aflez refutée, il n'y en
a point qui efloigne plutoit les efprits foibles du
droit chemin de la vertu, que d'imaginer que l'ame
des beftes foit de mefme nature que la noftre, & que,
par confequent, nous n'auons rien a craindre, ny a
efperer, aprés cete vie, non plus que les moufches &
les fourmis ; au lieu que, lorfqu'on fçait combien elles
different, on comprent beaucoup mieux les raifons,
qui prouuent que la noftre eft d'vne nature entiere-
ment independante du cors, & par confequent, qu'elle
n'eft point fuiette a mourir auec luy; puis, d'autant
SIXIESME
PARTIE.
6o Œuvres DE DESCARTES. 60-61.
qu'on ne voit point d'autres caufes qui la deftruifent,
on eft naturellement porté a iuger de là qu'elle eft
immortelle.
Or il y a maintenant trois ans que r'eftois paruenu
a la fin du traité qui contient toutes ces chofes, &
que ie commençois a le reuoir, afhin de le mettre entre
les mains d'vn imprimeur, lorfque r'appris que des
perfonnes, a qui ie defere & dont l’authorité ne peut
gueres moins fur mes actions, que ma propre rai-
fon fur mes penfées, auoient defapprouué vne opi-
nion de Phyfique, publiée vn peu auparauant par
quelque autre, de laquelle ie ne veux pas dire que ie
fufle, mais bien que ie n’y auois rien remarqué, auant
leur cenfure, que ie puffe imaginer eftre preiudiciable
ny a la Religion ny a l'Eftat, ny, par confequent, qui
m'euft empefché de l'efcrire, fi la raifon me l'euft per-
fuadée, & que cela me fit craindre qu'il ne s’en trou-
uaft tout de mefme quelqu vne entre les mienes, en
laquelle ie me fuffe mépris, nonobftant le grand foin
que ’ay toufiours eu de n'en point receuoir de nou-
uelles en ma creance, dont ie n’eufle des demonftra-
tions tres certaines, & de n'en point efcrire, qui puf-
fent tourner au defauantage de perfonne. Ce qui a
efté fuffifant, pour m'obliger a changer la refolution
que j'auois euë de les publier. Car, encore que les
raifons, pour lefquelles ie l’auois prife auparauant,
fuffent tres fortes, mon inclination, qui m'a toufiours
fait haïr le meftier de faire des liures, m'en fit incon-
tinent trouuer aflez d'autres, pour m'en excufer. Et
ces raifons de part & d'autre font telles, que non
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G-62: Discours DE LA METHODE. Gt
feulement i'ay icy quelque intereft de les dire, mais
peut-eftre auffy que le public en a de les fçauoir.
le n'ay iamais fait beaucoup d’eftat des chofes qui
venoient de mon efprit, & pendant que ie n'ay re-
cueilly d’autres fruits de la methode dont ie me fers,
finon que ie me fuis fatisfait, touchant quelques difi-
cultez qui appartienent aux fciences fpeculatiues, ou
bien que 1’ay tafché de regler mes meurs par les
raifons qu'elle m'enfeignoit, ie n’ay point creu eftre
obligé d'en rien efcrire. Car, pour ce qui touche les
meurs, chafcun abonde fi fort en fon fens, qu'il fe
pourroit trouuer autant de reformateurs que de
teftes, s’il eftoit permis a d'autres qu'a ceux que Dieu
a eftablis pour fouuerains fur fes peuples, ou bien
aufquels il a donné aflez de grace & de zele pour
eftre prophetes, d'entreprendre d'y rien changer; et
bien que mes fpeculations me pleuffent fort, l'ay creu
que les autres en auoient aufly, qui leur plaifoient
peut-eftre dauantage. Mais, fitoft que 1 ay eu acquis
quelques notions generales touchant la Phyfique, &
que, commençant a les efprouuer en diuerfes difh-
cultez particulieres, ay remarqué iufques où elles
peuuent conduire, & combien elles different des prin-
cipes dont on s'eft ferui iufques a prefent, 1ay creu
que ie ne pouuois les tenir cachées, fans pecher gran-
dement contre la loy qui nous oblige a procurer,
autant qu'il eft en nous, le bien general de tous les
hommes. Car elles m'ont fait voir qu'il eft pofhble
de paruenir a des connoiflances qui foient fort vtiles
a la vie, & qu'au lieu de cete Philofophie fpeculatiue,
qu'on enfeigne dans les efcholes, on en peut trouuer
62 OEuvres DE DESCARTES. 6263:
vne pratique, par laquelle connoiffant la force & les
actions du feu, de l’eau, de l'air, des aftres, des cieux,
& de tous les autres cors qui nous enuironnent, aufly
diftintement que nous connoiffons les diuers me-
fiers de nos artifans, nous les pourrions employer
en mefme façon a tous les vfages aufquels ils font
propres, & ainfi nous rendre comme maïftres & pof-
feffeurs de la Nature. Ce qui n'eft pas feulement a
defirer pour l'inuention d'vne infinité d'artifices, qui
feroient qu'on iouiroit, fans aucune peine, des fruits
de la terre & de toutes les commoditez qui sy
trouuent, mais principalement aufly pour la confer-
uation de la fanté, laquelle eft fans doute le premier
bien, & le fondement de tous les autres biens de cete
vie; car mefme l'efprit depend fi fort du tempe-
rament, & de la difpofition des organes du cors, que
s'il eft poffible de trouuer quelque moyen, qui rende
communement les hommes plus fages & plus habiles
qu'ils n'ont efté iufques icy, ie croy que c’eft dans la
Medecine qu'on doit le chercher. Il eft vray que celle
qui eft maintenant en vfage, contient peu de chofes
dont l'vtilité foit fi remarquable; mais, fans que r'aye
aucun deflein de la mefprifer, ie m'aflure qu'il n'y a
perfonne, mefme de ceux qui en font profeflion, qui
n'auouë que tout ce qu'on y fçait n'eft prefque rien, a
comparaifon de ce qui refte a y fçauoir, & qu'on fe
pourroit exemter d'vne infinité de maladies, tant du
cors que de l’efprit, & mefme aufly peuteftre de l’af-
foibliflement de la vieilleffe, fi on auoit affez de con-
noiflance de leurs caufes, & de tous les remedes dont
la Nature nous a pourueus. Or, ayant deflein d'em-
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6e Discours DE LA METHODE. 6;
ployer toute ma vie a la recherche d'vne fcience fi
neceffaire, & ayant rencontré vn chemin qui me
femble tel qu'on doit infalliblement la trouuer, en le
fuiuant, fi ce n'eft qu'on en foit empefché, ou par la
brieueté de la vie, ou par le defaut des experiences,
ie iugeois qu'il n y auoit point de meilleur remede
contre ces deux empefchemens, que de communiquer
fidellement au public tout le peu que f’aurois trouué,
& de conuier les bons efprits a tafcher de pañler plus
outre, en contribuant, chafcun felon fon inclination
& fon pouuoir, aux experiences qu'il faudroit faire,
& communiquant aufly au public toutes les chofes
qu'ils apprendroient, affin que les derniers commen-
çant ou les precedens auroient acheué, & ainfi 1oi-
gnant les vies & les trauaux de plufieurs, nous allaf-
fions tous enfemble beaucoup plus loin, que chafcun
en particulier ne fçauroit faire.
Mefme ie remarquois, touchant les experiences,
qu'elles font d'autant plus neceffaires, qu'on eft plus
auancé en connoiffance. Car, pour le commencement,
. il vaut mieux ne fe feruir que de celles qui fe pre-
fentent d'elles mefmes a nos fens, & que nous ne
fçaurions ignorer, pouruû que nous y facions tant
foit peu de reflexion, que | d'en chercher de plus rares
& eftudiées : dont la raifon eft que ces plus rares
trompent fouuent, lorfqu'on ne fçait pas encore les
caufes des plus communes, & que les circonftances
dont elles dependent font quafi toufiours fi particu-
lieres & fi petites, qu'il eft tres malayfé de les re-
marquer. Mais l'ordre que j'ay tenu en cecy a efté tel.
Premierement, i'ay tafché de trouuer en general les
64 OEUVRES DE DESCARTES. 64-65.
Principes, ou Premieres Caufes, de tout ce qui ef,
ou qui peut eftre, dans le monde, fans rien confi-
derer, pour cet eflect, que Dieu feul, qui l'a creé, ny
les tirer d'ailleurs que de certaines femences de
Veritez qui font naturellement en nos ames. Aprés
cela, ay examiné quels eftoient les premiers &
plus ordinaires eflets qu’on pouuoit deduire de ces
caufes : et il me femble que, par la, ray trouué des
Cieux, des Aftres, vne Terre, & mefme, fur la terre,
de l'Eau, de l'Air, du Feu, des Mineraux, & quelques
autres telles chofes, qui font les plus communes de
toutes & les plus fimples, & par confequent les plus
ayfées a connoiftre. Puis, lorfque 1ay voulu def-
cendre a celles qui eftoient plus particulieres, il s'en
eft tant prefenté a moy de diuerfes, que ie n'ay pas
creu qu'il fuft poflible a l'efprit humain de diftinguer
les Formes ou Efpeces de cors qui font fur la terre,
d'vne infinité d'autres qui pourroient y eftre, fi c'euft
efté le vouloir de Dieu de les y mettre, ny, par con-
fequent, de les rapporter a noftre vfage, fi ce neft
qu'on viene au deuant des caufes par les effets, &
qu'on fe ferue de plufieurs experiences particulieres.
En fuite de quoy, repaflant mon efprit fur tous les
obiets qui s'eftoient iamais prefentez a mes fens,
j'ofe bien dire que ie n'y ay remarqué aucune chofe
que ie ne peufle aflez | commodement expliquer par
les Principes que j'auois trouuez. Mais il faut auffy
que i’auouë, que la puiffance de la Nature eft fi ample
& fi vafte, & que ces Principes font fi fimples & fi
generaux, que ie ne remarque quafi plus aucun effect
particulier, que d’abord ie ne connoifie qu'il peut en
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65-66. Discours DE LA METHODE. 6
eftre deduit en plufieurs diuerfes façons, & que ma
plus grande difhiculté eft d'ordinaire de trouuer en
laquelle de ces façons il en depend. Car a cela ie ne
{çay point d'autre expedient, que de chercher dere-
chef quelques experiences, qui foient telles, que leur
euenement ne foit pas le mefme, fi c'eft en l'vne de
ces façons qu'on doit l'expliquer, que fi c'eft en
l'autre. Au refte, i'en fuis maintenant la, que ie voy,
ce me femble, aflez bien de quel biaiz on fe doit
prendre a faire ja plus part de celles qui peuuent fer-
uir a cet effleét ; mais ie voy aufly qu'elles font telles,
& en fi grand nombre, que ny mes mains, ny mon
reuenu, bien que i'en eufle mille fois plus que ie n’en
ay, ne fçauroient fuffire pour toutes; en forte que,
felon que i'auray deformais la commodité d'en faire
plus ou moins, i'auanceray aufly plus ou moins en
la connoifflance de la Nature. Ce que ie me prome-
tois de faire connoiftre, par le traité que r’auois efcrit,
& d'y monftrer fi clairement l'vtilité que le public en
peut receuoir, que 1'obligerois tous ceux qui defirent
en general le bien des hommes, c'eft a dire, tous ceux
qui font en effeét vertueux, & non point par faux fem-
blant, ny feulement par opinion, tant a me commu-
niquer celles qu'ils ont defia faites, qu'a m'ayder en la
recherche de celles qui reftent a faire.
Mais 1'ay eu, depuis ce tems la, d'autres raifons
qui | mont fait changer d'opinion, & penfer que ie
deuois veritablement continuër d'efcrire toutes les
chofes que ie iugerois de quelque importance, a me-
fure que 1en découurirois la verité, & y apporter le
mefme foin que fi ie les voulois faire imprimer : tant
Œuvres. I. 9
66 Œuvres DE DESCARTES. 66-67.
affin d'auoir d'autant plus d’occafion de les bien exa-
miner, comme fans doute on regarde toufiours de
plus prés a ce qu'on croit deuoir eftre veu par plu-
fieurs, qu'a ce qu'on ne fait que pour foy mefme, &
fouuent les chofes, qui m'ont femblé vrayes, lorfque
l'ay commencé a les conceuoir, m'ont parû fauffes,
lorfque ie les ay voulu mettre fur le papier; qu’affin
de ne perdre aucune occafion de profiter au public,
fi jen fuis capable, & que, fi mes efcrits valent
quelque chofe, ceux qui les auront aprés ma mort,
en puiflent ver, ainfi qu'il fera le plus a propos;
mais que ie ne deuois aucunement confentir qu'ils
fuffent publiez pendant ma vie, affin que ny les oppo-
fitions & controuerfes, aufquelles ils feroient peut-
eftre fuiets, ny mefme la reputation telle quelle, qu'ils
me pourroient acquerir, ne me donnaffent aucune
occafion de perdre le tems que i’ay deflein d'employer
a m'inftruire. Car, bien que il foit vray que chafque
homme eft obligé de procurer, autant qu'il eft en luy,
le bien des autres, & que c'eft proprement ne valoir
rien que de n'eftre vtile a perfonne, toutefois il eft
vray aufly que nos foins fe doiuent eftendre plus loin
que le tems prefent, & quil eft bon d'omettre les
chofes qui apporteroient peuteftre quelque profit a
ceux qui viuent, lorfque c'eft a deffein d'en faire
d'autres qui en apportent dauantage a nos neueux.
Comme, en effeét, ie veux bien qu'on fçache que le
peu que j'ay | appris iufques : icy, n'eft prefque rien, a
comparaifon de ce que ignore, & que ie ne den
pas de pouuoir apprendre; car c'eft quafñi le mefme
de ceux qui découurent peu a peu la verité dans les
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ja
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67-68. Discours DE LA METHODE. 67
fciences, que de ceux qui, commençant a deuenir
riches, ont moins de peine a faire de grandes ac-
quifitions, qu'ils n’ont eu auparauant, eftant plus
pauures, a en faire de beaucoup moindres. Ou bien
on peut les comparer aux chefs d'armée, dont les
forces ont couftume de croiftre a proportion de leurs
victoires, & qui ont befoin de plus de conduite, pour
fe maintenir aprés la perte d'vne bataille, qu'ils n'ont,
aprés l’auoir gaignée, a prendre des villes & des pro-
uinces. Car c'eft veritablement donner des batailles,
que de tafcher a vaincre toutes les difficultez & les
erreurs, qui nous empefchent de paruenir a la con-
noiflance de la verité, & c’eft en perdre vne, que de
receuoir quelque fauffe opinion, touchant vne ma-
tiere vn peu generale & importante; il faut, aprés,
beaucoup plus d’adrefle, pour fe remettre au mefme
eftat qu'on eftoit auparauant, qu'il ne faut a faire de
grans progrés, lorfqu'on a defia des principes qui
font aflurez. Pour moy, fi lay cy deuant trouué
quelques veritez dans les fciences (& r’efpere que les
chofes qui font contenuës en ce volume feront iuger
que i'en ay trouué quelques vnes), ie puis dire que ce
ne font que des fuites & des dependances de cinq ou
fix principales difficultez que 1'ay furmontées, & que
ie conte pour autant de batailles où i'ay eu ee de
mon cofté. Mefme ie ne craindray pas de dire, que ie
penfe n’auoir plus befoin d'en gaigner que deux ou
trois autres femblables, pour venir entierement a
bout de mes deffeins ; et que| mon aage n'eft point
fi auancé que, felon le cours ordinaire de la Nature,
ie ne puifle encore auoir aflez de loyfir pour cet effect.
68 OEuvres DE DESCARTES. 68-69.
Mais ie croy eftre d'autant plus obligé a ménager le
tems qui me refte, que 1'ay plus d'efperance de le pou-
uoir bien employer; et r'aurois fans doute plufieurs
occafions de le perdre, fi ie publiois les fondemens de
ma Phyfique. Car, encore qu'ils foient prefque tous
fi euidens, qu'il ne faut que les entendre pour les
croire, & qu'il ny en ait aucun, dont ie ne penfe
pouuoir donner des demonftrations, toutefois, a
caufe qu'il eft impoflble qu'ils foient accordans auec
toutes les diuerfes opinions des autres hommes, 1e
preuoy que ie ferois fouuent diuerti par les oppofi-
tions qu'ils feroient naiftre.
On peut dire que ces oppolitions feroient vtiles,
tant afin de me faire connoiftre mes fautes, qu’'affin
que, fi l'auois quelque chofe de bon, les autres en
euflent par ce moyen plus d'intelligence, &, comme
plufieurs peuuent plus voir qu'vn homme feul, que
commençant des maintenant a s'en feruir, ils m'ay-
daffent aufly de leurs inuentions. Mais, encore que ie
me reconnoifle extremement fuiet a faillir, & que ie
ne me fie quafi iamais aux premieres penfées qui me
vienent, toutefois l'experience que 1’ay des obieétions
qu'on me peut faire, m'empefche d'en efperer aucun
profit : car j'ay defia fouuent efprouué les iugemens,
tant de ceux que 1ay tenus pour mes amis, que de
quelques autres a qui ie penfois eftre indifferent, &
mefme aufly de quelques vns dont ie fçauois que la
malignité & l'enuie tafcheroit affez a découurir ce que
l'affeion cacheroiït a mes amis ; mais il eft | rarement
arriué quon mayt obiecté quelque chofe que 1e
n'eufle point du tout preueuë, fi ce n’eft qu'elle fuft
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69-70. Discours DE LA METHODE. 69
fort éloignée de mon fuiet; en forte que ie n’ay quañ
iamais rencontré aucun cenfeur de mes opinions, qui
ne me femblaft ou moins rigoureux, ou moins equi-
table, que moy mefme. Et ie n'ay iamais remarqué
non plus, que, par le moyen des difputes qui fe pra-
tiquent dans les efcholes, on ait découuert aucune
verité qu'on ignoraft auparauant; car, pendant que
chafcun tafche de vaincre, on s'exerce bien plus a faire
valoir la vrayfemblance, qu'a pefer les raifons de part
& d'autre; & ceux qui ont eflé long tems bons auo-
cats, ne font pas pour cela, par aprés, meilleurs iuges.
Pour l’vtilité que les autres receuroient de la com-
munication de mes penfées, elle ne pourroit aufly
eftre fort grande, d'autant que ie ne les ay point en-
core conduites fi loin, qu'il ne foit befoin d'y aioufter
beaucoup de chofes, auant que de les appliquer a
l'vfage. Et ie penfe pouuoir dire, fans vanité, que, s’il
y a quelqu vn qui en foit capable, ce doit eftre plu-
toft moy qu'aucun autre : non pas qu'il ne puifle y
auoir au monde plufeurs efprits incomparablement
meilleurs que le mien; mais pource qu’on ne fçau-
roit fi bien conceuoir vne chofe, & la rendre fiene,
lorfqu'on l'apprent de quelque autre, que lorfqu'on
l'inuente foy mefme. Ce qui eft fi veritable, en cete
matiere, que, bien quei'aye fouuent expliqué quelques
vnes de mes opinions a des perfonnes de tres bon
efprit, & qui, pendant que ie leur parlois, fembloient
les entendre fort diflinctement, toutefois, lorfqu'ils les
ont redites, 1’ay remarqué qu'ils les ont changées pref-
[que toufiours en telle forte que ie ne les pouuois plus
auouër pour mienes. À l'occafion de quoy ie fuis
*
7 OŒEuvREs DE DESCARTES. 70-71.
bien ayfe de prier icy nos neueux, de ne croire iamais
que les chofes qu'on leur dira vienent de moy, lorf-
que ie ne les auray point moy mefme diuulguées. Et
ie ne m'eflonne aucunement des extrauagances qu'on
attribue a tous ces anciens Philofophes, dont nous
n'auons point les efcrits, ny ne iuge pas, pour cela,
que leurs penfées ayent efté fort deraifonnables, veu
qu'ils eftoient des meilleurs efprits de leurs tems,
mais feulement qu'on nous les a mal rapportées.
Comme on voit aufly que prefque iamais il n’eft ar-
riué qu'aucun de leurs feétateurs les ait furpañlez;
et ie m'aflure que les plus paflionnez de ceux qui fui-
uent maintenant Ariftote, fe croyroient hureux, s'ils
auoient autant de connoiflance de la Nature qu'il en
a eu, encore mefme que ce fuft a condition qu'ilsn'en
auroient iamais dauantage. Ils font comme le lierre,
qui ne tend point a monter plus haut que les arbres
qui le foutienent, & mefme fouuent qui redefcend,
aprés qu'il eft paruenu iufques a leur faifte; car 1l me
femble auffy que ceux la redefcendent, c’eft-a-dire, fe
rendent en quelque façon moins fçauans que s'ils
s’abftenoient d’eftudier, lefquels, non contens de fça-
uoir tout ce qui eft intelligiblement expliqué dans
leur autheur, veulent, outre cela, y trouuer la folution
de plufieurs difficultez, dont il ne dit rien & aufquelles
il n’a peuteftre iamais penfé. Toutefois, leur façon de
philofopher eft fort commode, pour ceux qui n’ontque
des efprits fort mediocres ; car l'obfcurité des diftinc-
tions & des principes dont ils fe feruent, eft caufe
qu'ils peuuent parler de toutes chofes aufly hardi-
ment que s'ils les fçauoient, & fouftenir tout ce qu'ils
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71-72. Discours DE LA METHODE. 72
en difent contre les plus fubtiles & les plus habiles,
fans qu'on ait moyen de les conuaincre. En quoy ils
me femblent pareils a vn aueugle, qui, pour fe battre
fans defauantage contre vn qui voit, l’auroit fait venir
dans le fonds de quelque caue fort obfeure ; et ie puis
dire que ceux cy ont intereft que ie m'abftiene de pu-
blier les principes de la Philofophie dont ie me fers :
car eftans tres fimples & tres euidens, comme ils font,
ie ferois quafi le mefme, en les publiant, que fi r'ou-
urois quelques feneftres, & faifois entrer du iour dans
cete caue, ou ils font defcendus pour fe battre. Mais
_ mefme les meilleurs efprits n’ont pas occafion de fou-
haiter de les connoiftre : car, s'ils veulent fçauoir par-
ler de toutes chofes, & acquerir la reputation d’eftre
doctes, ils y paruiendront plus ayfement en fe con-
tentant de la vrayfemblance, qui peut eftre trouuée
fans grande peine en toutes fortes de matieres, qu’en
cherchant la verité, qui ne fe découure que peu a peu
en quelques vnes, & qui, lorfqu'il eft queftion de par-
ler des autres, oblige a confefler franchement qu'on
les ignore. Que s'ils preferent la connoiïffance de
quelque peu de veritez a la vanité de paroiftre n’igno-
rer rien, comme fans doute elle eft bien preferable,
& qu'il vueillent fuiure vn deffein femblable au mien,
ils n’ont pas befoin, pour cela, que ie leur die rien da-
uantage que ce que 1'ay defia dit en ce difcours. Car,
s'ils font capables de pañfer plus outre que ie n’ay fait,
ils le feront aufy, a plus forte raifon, de trouuer d’eux
mefmes tout ce que ie penfe auoir trouué. D'autant
que, n'ayant iamais rien examiné que par ordre, il eft
certain | que ce qui me refte encore a découurir, eft
72 Œuvres DE DESCARTES. 72.
de foy plus difficile & plus caché, que ce que ray pü
cy deuant rencontrer, & ils auroient bien moins de
plaifir a l'apprendre de moy que d'eux mefmes ;
outre que l'habitude qu’ils acquerront, en cherchant
premierement des chofes faciles, & paffant peu a
peu par degrez a d'autres plus dificiles, leur fer-
uira plus que toutes mes inftructions ne fçauroient
faire. Comme, pour moy, ie me perfuade que, fi on
m'euft enfeigné, dés ma ieunefle, toutes les veritez
dont ï’ay cherché depuis les demonftrations, & que
ie n'eufle eu aucune peine a les apprendre, ie n’en
aurois peuteftre iamais fceu aucunes autres, & du
moins que iamais ie n'aurois acquis l'habitude & la
facilité, que ie penfe auoir, d'en trouuer toufiours de
nouuelles, a mefure que ie m'applique a les chercher.
Et en vn mot, s'il y a au monde quelque ouurage, qui
ne puifle eftre fi bien acheué par aucun autre que
par le mefme qui l’a commencé, c'eft celuy auquel ie
trauaille.
Il eft vray que, pour ce qui eft des experiences qui
peuuent y feruir, vn homme feul ne fçauroit fuflire a
les faire toutes; mais il n'y fçauroit aufly employer
vtilement d’autres mains que les fienes, finon celles
des artifans, ou telles gens qu'il pourroit payer, & a
qui l'efperance du gain, qui eft vn moyen tres efficace,
feroit faire exaétement toutes les chofes qu'il leur
prefcriroit. Car, pour les volontaires, qui, par curio-
fité ou defir d'apprendre, s'offriroient peuteftre de luy
ayder, outre qu'ils ont pour l'ordinaire plus de pro-
mefles que d'effe&, & qu'ils ne font que de belles
propofitions dont aucune iamais ne reüflit, ils vou-
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72-73. Discours DE LA METHODE. 73
droient infalliblement eftre payez par l'ex|plication de
quelques dificultez, ou du moins par des complimens
& des entretiens inutiles, qui ne luy fçauroient couf-
ter fi peu de fon tems quil n'y perdift. Et pour les
experiences que les autres ont defia faites, quand
bien mefme ils les Iuy voudroient communiquer, ce
que ceux qui les nomment des fecrets ne feroient
iamais, elles font, pour la plufpart, compofées de tant
de circonftances, ou d'ingrediens fuperflus, qu'il luy
feroit tres malayfé d'en déchiffrer la verité; outre qu'il
les trouueroit prefque toutes fi mal expliquées, ou
mefme fi faufles, a caufe que ceux qui les ont faites
fe font efforcez de les faire paroïftre conformes a
leurs principes, que, sil y en auoit quelques vnes
qui luy feruiflent, elles ne pourroient derechef valoir
le tems qu'il luy faudroit employer a les choifir. De
façon que, s'il y auoit au monde quelqu'vn, qu’on
fceuft aflurement eftre capable de trouuer les plus
grandes chofes, & les plus vtiles au public qui
puiflent eftre, & que, pour cete caufe, les autres
hommes s’eflorçaffent, par tous moyens, de l’ayder a
venir a bout de fes defleins, ie ne voy pas qu'ils peuf-
fent autre chofe pour luy, finon fournir aux frais des
experiences dont il auroit befoin, & du refte empef-
cher que fon loifir ne luy fuit ofté par l'importunité
de perfonne. Mais, outre que ie ne prefume pas tant
de moy mefme, que de vouloir rien promettre d’extra-
ordinaire, ny ne me repais point de penfées fi vaines,
que de m'imaginer que le public fe doiue beaucoup
interefler en mes deffeins, ie n'ay pas aufly l'ame fi
baffle, que ie voulufle accepter de qui que ce fuft
Œuvres. I. 10
74 OEuvres DE DESCARTES. 73-74.
aucune faueur, qu’on puft croyre que ie n'aurois pas
meritée.
Toutes ces confiderations iointes enfemble furent
| caufe, il y a trois ans, que ie ne voulu point diuul-
guer le traité que i'auois entre les mains, & mefme
que ie fus en refolution de n'en faire voir aucun autre,
pendant ma vie, qui fuft fi general, ny duquel on
püft entendre les fondemens de ma Phyfique. Mais il
y a eu depuis derechef deux autres raifons, qui m'ont
obligé a mettre icy quelques effais particuliers, & a
rendre au public quelque compte de mes actions & de
mes deffeins. La premiere eft que, fi y manquois,
plufieurs, qui ont fceu l'intention que rauois euë cy
deuant de faire imprimer quelques efcrits, pourroient
simaginer que les caufes pour lefquelles ie m'en
abftiens, feroient plus a mon defauantage qu'elles ne
font. Car, bien que ie n'ayme pas la gloire par excés,
ou mefme, fiie l'ofe dire, que ie la haïfle, en tant que
ie la iuge contraire au repos, lequel reftime fur
toutes chofes, toutefois aufly ie n'ay iamais tafché de
cacher mes aétions comme des crimes, ny n'ay vié
de beaucoup de precautions pour eftre inconnu ; tant
a caufe que i'euffe creu me faire tort, qu'a caufe que
cela m'auroit donné quelque efpece d'inquietude, qui
euft derechef efté contraire au parfait repos d’efprit
que ie cherche. Et pourceque, m’eftant toufiours ainfi
tenu indifferent entre le foin d’eftre connu ou ne l’eftre
pas, ie n'ay pù empefcher que ie n'acquifle quelque
forte de reputation, ray penfé que ie deuois faire
mon mieux pour mexempter au moins de l'auoir
mauuaife. L'autre raifon, qui ma obligé a efcrire
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74-75. Discours DE LA METHODE. 75
cecy, eft que, voyant tous les iours de plus en plus
le retardement que fouffre le deffein que ray de m'in-
ftruire, a caufe d'vne infinité d’experiences dont r'ay
befoin, & qu'il eft impoñlible que ie face fans | l'ayde
d'autruy, bien que ie ne me flatte pas tant que d'ef-
perer que le public prene grande part en mes inte-
refts, toutefois ie ne veux pas aufly me defaillir tant
a moy-mefme, que de donner fuiet a ceux qui me
furuiuront, de me reprocher quelque iour, que i'euffe
pü leur laifler plufieurs chofes beaucoup meilleures
que ie n'auray fait, fi ie n'eufle point trop negligé de
leur faire entendre en quoy ils pouuoient contribuer
a mes defleins.
Et 1ay penfé qu'il m'eftoit ayfé de choifir quelques
matieres, qui, fans eftre fuietes a beaucoup de con-
trouerfes, ny m'obliger a declarer dauantage de mes
principes que ie ne defire, ne lairroient pas de faire
voir aflez clairement ce que ie puis, ou ne puis pas,
dans les fciences. En quoy ie ne fçaurois dire fi 1'ay
reufh, & ie ne veux point preuenir les iugemens de
perfonne, en parlant moy-mefme de mes efcrits; mais
ie feray bien ayfe qu'on les examine, & affin qu'on en
ait d'autant plus d'occafion, ie fupplie tous ceux qui
auront quelques obieétions a y faire, de prendre la
peine de les enuoyer a mon libraire, par lequel en
eftant auerti, ie tafcheray d'y ioindre ma refponfe en
mefme tems; & par ce moyen les leéteurs, voyant
enfemble l'vn & l’autre, iugeront d'autant plus ay-
fement de la verité. Car ie ne promets pas d'y faire
iamais de longues refponfes, mais feulement d'auouër
mes fautes fort franchement, fi ie les connois, ou
76 OEuvres DE DESCARTES. 75-76.
bien, fi ie ne les puis aperceuoir, de dire fimplement
ce que ie croyray eftre requis, pour la defence des
chofes que r'ay efcrites, fans y adioufter l'explication
d'aucune nouuelle matiere, affin de ne me pas en-
gager fans fin de l’vne en l’autre.
| Que fi quelques vnes de celles dont ray parlé, au
commencement de la Dioptrique & des Meteores,
chocquent d'abord, a caufe que ie les nomme des fup-
pofitions, & que ie ne femble pas auoir enuie de les
prouuer, quon ait la patience de lire le tout auec
attention, & 1'efpere qu'on s'en trouuera fatisfait. Car
il me femble que les raifons s'y entrefuiuent en telle
forte que, comme les dernieres font demonftrées par
les premieres, qui font leurs caufes, ces premieres
le font reciproquement par les dernieres, qui font
leurs effets. Et on ne doit pas imaginer que ie com-
mette en cecy la faute que les Logiciens nomment
va cercle; car l'experience rendant la plus part de ces
effets tres certains, les caufes dont ie les deduits ne
feruent pas tant a les prouuer qu'a les expliquer;
mais, tout au contraire, ce font elles qui font prou-
uées par eux. Et ie ne les ay nommées des fuppofi-
tions, qu'aflin qu on fçache que ie penfe les pouuoir
deduire de ces premieres veritez que ray cy deflus
expliquées, mais que 1'ay voulu expreflement ne le
_pas faire, pour empefcher que certains efprits, qui
s'imaginent qu'ils fçauent en vn iour tout ce qu'vn
autre a penfé en vingt années, fi toft qu'il leur en a
feulement dit deux ou trois mots, & qui font d'autant
plus fuiets a faillir, & moins capables de la verité,
qu'ils font plus penetrans & plus vifs, ne puiflent de
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76-77. Discours DE LA METHODE. 77
la prendre occafion de baftir quelque Philofophie ex-
trauagante fur ce qu'ils croyront eftre mes principes,
& qu'on m'en attribue la faute. Car, pour les opinions
qui font toutes mienes, ie ne les excufe point comme
nouuelles, d'autant que, fi on en confidere bien les
raifons, ie m'aflure qu'on les trouuera fi fimples, &
fi conformes au fens commun, qu'elles fembleront
moins extraordinaires, & moins eftranges, qu'aucunes
autres qu'on puifle auoir fur mefmes fuiets. Et ie ne
me vante point aufly d'eftre le premier Inuenteur d’au-
cunes, mais bien, que ie ne les ay iamais receuës, ny
pource qu'elles auoient efté dites par d’autres, ny
pource qu'elles ne l’auoient point efté, mais feule-
ment pource que la raifon me les a perfuadées.
Que fi les artifans ne peuuent fi toft executer l'in-
uention qui eft expliquée en la Dioptrique, ie ne croy
pas qu'on puifle dire, pour cela, qu'elle foit mauuaife :
car, d'autant qu'il faut de l’adrefle & de l'habitude,
pour faire & pour aiufter les machines que 1'ay def-
crites, fans qu il y manque aucune circonftance, ie ne
m'eftonnerois pas moins, s'ils rencontroient du pre-
mier coup, que fi quelqu vn pouuoit apprendre, en vn
iour,aiouer du luth excellemment, par cela feul qu'on
luy auroit donné de la tablature qui feroit bonne. Et fi
l'efcris en François, qui eft la langue de mon païs,
plutoft qu'en Latin, qui eft celle de mes Precepteurs,
c'eft a çaufe que r'efpere que ceux qui ne fe feruent
que de leur raifon naturelle toute pure, iugeront
mieux de mes opinions, que ceux qui ne croyent
qu'aux liures anciens. Et pour ceux qui ioignent le
bon fens auec l'eftude, lefquels feuls 1e fouhaite pour
78 Œuvres DE DESCARTES. 77-78:
mes iuges, ils ne feront point, ie m’affeure, fi partiaux
pour le Latin, qu'ils refufent d'entendre mes raifons,
pourceque ie les explique en langue vulgaire.
Au refte, ie ne veux point parler icy, en particulier,
des progrés que 1'ay efperance de faire a l’auenir dans
les fciences, ny m'engager enuers le public d'aucune
promeffe, que ie ne fois pas afluré d'accomplir ; mais
ie diray | feulement que ray refolu de n’employer le
tems qui me refte a viure, a autre chofe qu'a tafcher
d'acquerir quelque connoïiffance de la Nature, qui
foit telle qu’on en puifle tirer des regles pour la Me-
decine, plus affurées que celles qu’on a euës iufques
a prefent ; et que mon inclination m'efloigne fi fort
de toute forte d'autres deffeins, principalement de
ceux qui ne fçauroient eftre vtiles aux vns qu'en nui-
fant aux autres, que, fi quelques occafions me con-
traignoient de m’y employer, ie ne croy point que ie
fufle capable d'y reuflir. De quoy ie fais icy vne
declaration, que ie fçay bien ne pouuoir feruir a me
rendre confiderable dans le monde, mais auffy n'ay
ie aucunement enuie de l’eftre; et ie me tiendray
toufiours plus obligé a ceux, par la faueur defquels
ie 1ouiray fans empefchement de mon loifir, que ie
ne ferois a ceux qui m'offriroient les plus honorables
emplois de la terre.
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PA BIO? FRIGYE
Difcours Premier.
BEA EEV M TERRE
Toute la conduite de noftre vie depend de nos
fens, entre lefquels celuy de la veüe eftant le plus
vniuerfel & le plus noble, il n'y a point de doute
que les inuentions qui feruent a augmenter fa puif-
fance, ne foyent des plus vtiles qui puiflent eftre.
Et il eft malaifé d'en trouuer aucune qui l’augmente
dauantage que celle de ces merueilleufes lunettes
qui, n'eftant en vfage que depuis peu, nous ont defia
découuert de nouueaus aftres dans le ciel, & d'autres
nouueaus obiets deflus la terre, en plus grand
nombre que ne font ceus que nous y auions veus
auparauant : en forte que, portant noftre veüe beau-
coup plus loin que n'auoit couftume d'aller l'ima-
gination de nos peres, elles femblent nous auoir
ouuert le chemin, pour paruenir a vne connoiflance
de la Nature beaucoup plus grande & plus parfaite
qu'ils ne l'ont eue. Mais, a la honte de nos fciences,
cete inuention, fi vtile & fi admirable, n'a premie-
Œuvres. I. 11
82 OEUVRES DE DESCARTES. ES
rement efté trouuée que par l'experience & la for-
tune. Il y a enuiron trente ans, qu vn nommé laques
Metius*, de la ville d'Alcmar en Hollande, homme
qui n’auoit iamais eftudié, bien qu'il euft vn pere &
vn frere qui ont fait profeffion des | mathematiques,
mais qui prenoit particulierement plaifir a faire des
miroirs & verres bruflans, en compofant mefme l’hy-
uer auec de la glace, ainfi que l'experience a monftré
qu'on en peut faire, ayant a cete occafion plufeurs
verres de diuerfes formes, s'auifa par bonheur de
regarder au trauers de deus, dont l'vn eftoit vn peu
plus efpais au milieu qu’aus extremités, & l'autre
au contraire beaucoup plus efpais aus extremités
qu'au milieu, & il les appliqua fi heureufement aus
deus bouts d'vn tuyau, que la premiere des lunettes
dont nous parlons, en fut compofée. Et c'eft feule-
ment fur ce patron, que toutes les autres qu'on a
veües depuis ont efté faites, fans que perfonne en-
core, que ie fçache, ait fuffifanment determiné les
figures que ces verres doiuent auoir. Car, bien qu'il
y ait eu depuis quantité de bons efprits, qui ont fort
cultiué cete matiere, & ont trouué a fon occafion
plufieurs chofes en l’Optique, qui valent mieux que
ce que nous en auoient laiflé les anciens, toutefois,
a caufe que les inuentions vn peu malayfées n'arri-
uent pas a leur dernier degré de perfection du pre-
mier coup, il eft encore demeuré aflés de difficultés
en celle cy, pour me donner fuiet d’en efcrire. Et
d'autant que l'execution des chofes que ie diray, doit
dependre de l'induftrie des artifans, qui pour l'ordi-
naire n'ont point eftudié, ie tafcheray de me rendre
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24 LA DioPprriQue. — Discours I. 83
intelligible a tout le monde, & de ne rien omettre,
ny fuppofer, qu'on doiue auoir appris des autres
fciences. C'eft pourquoy ie commenceray par l'expli-
cation de la lumiere & de fes rayons; puis, ayant fait
vne brieue defcription des parties de l'œil, ie diray
particulierement en quelle forte fe fait la vifion; &
en fuite, | ayant remarqué toutes les chofes qui font
capables de la rendre plus parfaite, i’enfeigneray
comment elles y peuuent eftre adiouftées par les in-
uentions que ie defcriray.
Or, n'ayant icy autre occafion de parler de la lu-
miere, que pour expliquer comment fes rayons
entrent dans l'œil, & comment ils peuuent eftre
détournés par les diuers cors qu'ils rencontrent, il
neft pas befoin que rentreprene de dire au vray
quelle eft fa nature, & ie croy qu'il fuffira que ie me
ferue de deus ou trois comparaifons, qui aydent a la
conceuoir en la façon qui me femble la plus com-
mode, pour expliquer toutes celles de fes proprietés
que l'experience nous fait connoiftre, & pour deduire
en fuite toutes les autres qui ne peuuent pas fi ayfe-
ment eftre remarquées; imitant en cecy les Aftro-
nomes, qui, bien que leurs fuppofitions foyent pref-
que toutes faufles ou incertaines, toutefois, a caufe
qu'elles fe rapportent a diuerfes obferuations qu'ils
ont faites, ne laiflent pas d'en tirer plufieurs confe-
quences tres vrayes & tres aflurées.
Il vous eft bien fans doute arriué quelque fois, en
marchant de nuit fans flambeau, par des lieux vn peu
difficiles, qu'il falloit vous ayder d'vn bafton pour
vous conduire, & vous aués pour lors pü remar-
84 OEuvREs DE DESCARTES. 3-4.
quer, que vous fentiés, par l’entremife de ce bafton,
les diuers obieéts qui fe rencontroyent autour de
vous, & mefme que vous pouuiés diftinguer s'il y
auoit des arbres, ou des pierres, ou du fable, ou de
l'eau, ou de l'herbe, ou de la boüe, ou quelqu'autre
chofe de femblable. Il eft vray que cete forte de fen-
timent eft vn peu confufe & obfcure, en ceus qui
n'en ont pas vn long vfage; mais confiderés la | en
ceus qui, eftant nés aueugles, s'en font feruis toute
leur vie, & vous l'y trouuerés fi parfaite & fi exacte,
qu'on pourroit quafi dire qu'ils voyent des mains, ou
que leur bafton eft l'organe de quelque fixiefme fens,
qui leur a efté donné au defaut de la veüe. Et pour
tirer vne comparaifon de cecy, ie defire que vous
penfiés que la lumiere n'eft autre chofe, dans les
corps qu'on nomme lumineux, quvn certain mou-
uement, ou vne action fort promte & fort viue, qui
pafle vers nos yeux, par l’entremife de l'air & des
autres corps tranfparens, en mefme façon que le
mouuement ou la refiftence des corps, que rencontre
cet aueugle, pañle vers fa main, par l'entremife de
fon bafton. Ce qui vous empefchera d'abord de trou-
uer eftrange, que cefte lumiere puifle eftendre fes
rayons en vn inftant, depuis le foleil iufques a nous :
car vous fçaués que l'aétion, dont on meut l'vn des
bouts d'vn bafton, doit ainfy pañler en vn inftant iuf-
ques a l'autre, & qu'elle y deuroit pafler en mefme
forte, encores qu'il y auroit plus de diftance qu'il ny
en a, depuis la terre iufques aux cieux. Vous ne trou-
uerés pas eftrange non plus, que par fon moyen nous
puiflions voir toutes fortes de couleurs; & mefme
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#5, La Drorrrique. — Discours ÎI. 8<
vous croyrés peuteftre que ces couleurs ne font autre
chofe, dans les corps qu'on nomme colorés, que les
diuerfes façons, dont ces corps la reçoyuent & la
renuoyent contre nos yeux : fi vous confiderés que
les differences, qu'vn aueugle remarque entre des
arbres, des pierres, de l'eau, & chofes femblables,
par l’entremife de fon bafton, ne lui femblent pas
moindres que nous font celles qui font entre le
rouge, le iaune, le verd, & toutes les autres couleurs;
& toutefois que ces differences ne font autre chofe,
en tous ces corps, que les diuerfes façons de mou-
uoir, ou de refifter aux mouuemens de ce bafñton.
En fuite de quoy vous aurés occafion de iuger, qu'il
n'eft pas befoin de fuppofer qu’il paffe quelque chofe
de materiel depuis les obieéts iufques a nos yeux,
pour nous faire voir les couleurs & la lumiere, ny
mefme qu'il y ait rien en ces obieëts, qui foit fem-
blable aux idées ou aux fentimens que nous en
auons : tout de mefme qu'il ne fort rien des corps,
que fent vn aueugle, qui doiue pañler le long de fon
bafton iufques a fa main, & que la refiftence ou le
mouuement de ces corps, qui eft la feule caufe des
fentimens qu'il en a, n'eft rien de femblable aux idées
qu'il en conçoit. Et par ce moyen voftre efprit fera
deliuré de toutes ces petites images voltigeantes par
l'air, nommées des e/peces intentionelles, qui trauail-
lent tant l'imagination des Philofophes. Mefme vous
pourrés ayfement decider la queftion, qui eft entre
eux, touchant le lieu d’où vient l'a@ion qui caufe le
fentiment de la veüe : car, comme noîftre aueugle
peut fentir les corps qui font autour de luy, non feu-
*
86 OEuvrEs DE DESCARTES. 5-6.
lement par l'action de ces corps, lors qu'ils fe meu-
uent contre fon bafton, mais aufly par celle de fa
main, lors qu'ils ne font que luy refifter; ainfy faut il
auoüer que les obieéts de la veüe peuuent eftre fen-
tis, non feulement par le moyen de l’aétion qui,
eftant en eux, tend vers les yeux, mais aufly par le
moyen de celle qui, eftant dans les yeux, tend vers
eux. Toutefois, pour ce que cete action n’eft autre
chofe que la lumiere, il faut remarquer qu'il ny a
que ceux qui peuuent voir pendant | les tenebres de
la nuit, comme les chats, dans les yeux defquels elle
fe trouue ; & que, pour l'ordinaire des hommes, ils
ne voyent que par l’aétion qui vient des obieëts : car
l'experience nous monftre que ces obiects doiuent
eftre lumineux ou illuminés pour eftre veus, & non
point nos yeux pour les voir. Mais, pour ce qu'il y
a grande difference entre le bafton de cet aueugle &
l'air ou les autres corps tranfparens, par l’entremife
defquels nous voyons; il faut que ie me ferue en-
cores icy d'vne autre comparaifon.
Voyés vne cuue au temps de vendange, toute
pleine de raifins a demi foulés, & dans le fons de
laquelle on ait fait vn
trou ou deux, comme
A & B, par où le vin
doux, qu'elle contient,
puifle couler. Puis
penfés que, n'y ayant
point de vuide en la
Nature, ainfy que prefque tous les Philofophes
auoüent, & neantmoins y ayant plufieurs pores en tous
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Lude-duix de
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6-7. LA DiopTrique. — Discours I. 87
les corps que nous aperceuons autour de nous, ainfy
que l'experience peut monftrer fort clairement ; il eft
neceffaire que ces pores foyent remplis de quelque
matiere fort fubtile & fort fluide, qui s’eftende fans
interruption depuis les Aftres iufques a nous. Or,
cete matiere fubtile eftant comparée auec le vin de
cete culue, & les parties moins fluides ou plus grof-
fieres, tant de l'air que des autres cors tranfparens,
auec les grappes de raifins qui font parmi : vous en-
tendrés facilement que, comme les parties de ce vin,
qui font par exemple vers C, tendent a defcendre
en ligne droite par le trou A, au mefme inftant qu’il
eft ouuert, & enfemble par le trou B, & que celles
qui font vers D, & vers E, tendent aufly en mefme
tems a defcendre par ces deux trous, fans qu'aucune
de ces actions foit empefchée par les autres, ny aufly
par la refiftence des grappes qui font en cete cuue :
nonobftant que ces grappes, eftant foutenües l'vne
par l’autre, ne tendent point du tout a defcendre par
ces trous À & B, comme le vin, & mefme qu'elles
puiflent cependant eftre meües, en plufieurs autres
façons, par ceux qui les foulent : ainfy toutes les
parties de la matiere fubtile, que touche le cofté du
Soleil qui nous regarde, tendent en ligne droite vers
nos yeux au mefme inftant qu'ils font ouuers, fans
s'empefcher les vnes les autres, & mefme fans eftre
empefchées par les parties groflieres des cors tranf-
parens, qui font entre deux : foit que ces cors fe
meuuent en d'autres façons, comme l'air, qui eft
prefque toufiours agité par quelque vent; foit qu'ils
foyent fans mouuement, comme peut eftre le verre
88 Œuvres DE DESCARTES. 78.
ou le criftal. Et remarqués icy qu'il faut diftinguer
entre le mouuement, & l’aétion ou inclination a fe
mouuoir. Car on peut fort bien conceuoir que les
parties du vin, qui font par exemple vers C, tendent
vers B, & enfemble vers A, nonobftant quelles ne
puiffent actuellement fe mouuoir vers ces deus coftés
en mefme temps; & qu'elles tendent exaétement en
ligne droite vers B & vers À, nonobftant qu'elles ne
fe puifflent mouuoir fi exactement vers la ligne droite,
a caufe des grappes de raifins qui font entre deus : &
ainfy, penfant que ce neft pas tant le mouuement,
comme l’action des cors lumineus qu'il faut prendre
pour leur lumiere, vous deués iuger que les rayons
de cete lumiere ne font autre chofe, que les lignes
fuiuant lefquelles tend cete ation. En forte qu'il y a
vne infinité de tels rayons qui vienent de tous les
poins des cors lumineus, vers tous les poins de ceus
qu'ils illuminent, ainfy que vous pouués imaginer
vne infinité de lignes droites, fuiuant lefquelles les
actions, qui vienent de tous les poins de la fuper-
ficie du vin CDE, tendent vers A, & vne infinité
d'autres, fuiuant lefquelles les aétions, qui vienent
de ces mefmes poins, tendent aufly vers B, fans que
les vnes empefchent les autres.
Au refte, ces rayons doiuent bien eftre ainfy touf-
iours imaginés exactement drois, lors qu'ils ne paf-
fent que par vn feul cors tranfparent, qui eft par
tout efgal a foy-mefme : mais, lors qu'ils rencontrent
quelques autres cors, ils font fuiets a eftre détour-
nés par eux, ou amortis, en mefme façon que left
le mouuement d’vne balle, ou d'vne pierre 1ettée dans
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8-0. LA DiopTRiQue. — Discours I. 89
l'air, par ceux qu'elle rencontre. Car il eft bien ayfé
a croire que l'action ou inclination a fe mouuoir, que
j'ay dit deuoir eftre prife pour la lumiere, doit fuiure
en cecy les mefmes loys que le mouuement. Et afin
que iexplique cete troifiefme comparaifon tout au
long, confiderés que les corps, qui peuuent ainfy
eftre rencontrés par vne balle qui pañle dans l'air,
font ou mous, ou durs, ou liquides ; & que, s'ils
font mous, ils arreftent & amortiffent tout a fait fon
mouuement : comme lors quelle donne contre des
toiles, ou du fable, ou de la boüe; au lieu que, s'ils
font durs, ils la renuoyent d'vn auftre cofté fans l’ar-
refter; & ce, en plufieurs diuerfes façons. Car ou
leur fuperficie eft toute efgale & vnie, ou rabotteufe
& inefgale ; & derechef, eftant efgale, elle eft ou
platte, ou courbée; & eftant inefgale, ou fon inefga-
lité ne confifte qu'en ce qu'elle eft compofée de plu-
fieurs parties diuerfement courbées, dont chacune
eft en foy affés vnie ; ou bien elle confifte, outre cela,
en ce quelle a plufieurs diuers angles ou pointes, ou
des parties plus dures l'vne que l’autre, ou qui fe
meuuent, & ce, auec des varietés qui peuuent eftre
imaginées en mille fortes. Et 1l faut remarquer que
la bale, outre fon mouuement fimple & ordinaire,
qui la porte d'vn lieu en l’autre, en peut encores
auoir vn deuxiefme, qui la fait tourner autour de fon
centre, & que la viteffe de cetuy cy peut auoir plu-
fieurs diuerfes proportions auec celle de l'autre. Or,
quand plufieurs bales venant d'vn mefme cofté, ren-
contrent vn cors, dont la fuperficie eft toute vnie &
efgale, elles fe reflefchiflent efgalement, & en mefme
Œuvres. I. 12
90 OŒEuvres DE DESCARTES. 9-10.
ordre, en forte que, fi cete fuperficie eft toute plate,
elles gardent entre elles la mefme diftance, apres
l'auoir rencontrée, quelles auoyent auparauant; &
fi elle eft courbée en dedans ou en dehors, elles s’ap-
prochent ou s’efloignent en mefme ordre les vnes des
autres, plus ou moins, a raifon de cete courbure.
Comme vous voyés icy les bales A, B, C, qui, apres
auoir rencontré les fuperficies des cors D,E,F, fe re-
flefchiflent vers G, H, [. Et fi ces bales |rencontrent vne
fuperficie inefgale, comme L ou M, elles fe reflef-
chiflent vers diuers coftés, chafcune felon la fituation
de l'endroit de cete fuperficie qu’elle touche. Et elles
ne changent rien que cela en la façon de leur mou-
uement, lors que fon inefgalité ne confifte qu'en ce
que fes parties font courbées diuerfement. Mais elle
peut aufly confifter en plufeurs autres chofes & faire,
par ce moyen, que, fi ces bales n'ont eu auparauant
qu'vn fimple mouuement droit, elles en perdent vne
partie, & en acquerent au lieu vn circulaire, qui peut
auoir diuerfe proportion auec ce qu'elles retienent du
droit, felon que la fuperficie du cors qu’elles rencon-
trent peut eftre diuerfement difpofée, Ce que ceux
PT A, PA sinisiétéé
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1e-11. La Dioprrique. — Discours I. OI
qui iouent a la paume efprouuent affés, lors que leur
bale rencontre de faux quareaux, ou bien qu'ils la
touchent en biaifant de leur raquette, ce qu'ils nom-
ment, ce me femble, coupper ou frifer. Enfin, confi-
derés que, fi vne bale qui fe meut rencontre obli-
quement la fuperficie d'vn cors liquide, par lequel
elle puiffe pañler plus ou moins facilement que par
celuy d'où elle fort, elle fe détourne & change fon
cours | en y entrant : comme, par exemple, fi eftant
en l'air au point A, on
la poufle vers B, elle va
bien en ligne droite de-
puis A iufques a B, fi ce
n'eft que fa pefanteur ou
quelqu'autre caufe par-
ticuliere l'en empefche ;
mais, eftant au point B
où ie fuppofe qu'elle
rencontre la fuperficie de l'eau CBE, elle fe dé-
tourne & prend fon cours vers I, allant derechef en
ligne droite depuis B iufques a I, ainfy qu'il eft ayfé
a verifier par l'experience. Or il faut penfer, en
mefme façon, qu'il y a des cors qui, eftant rencontrés
par les rayons de la lumiere, les amortiflent, & leur
oftent toute leur force, a fçauoir ceux qu'on nomme
noirs, lefquels n’ont point d'autre couleur que les te-
nebres; & quil y en a d’autres qui les font reflefchir,
les vns au mefme ordre qu'ils les reçoiuent, a fçauoir
ceux qui, ayant leur fuperficie toute polie, peuuent
feruir de miroirs tant plats que courbés, & les autres
confufement vers plufieurs coftés; & que derechef,
02 OEuvrEs DE DESCARTES. 11-12.
entre ceux cy, les vns font reflefchir ces rayons fans
aporter aucun autre changement en leur action, a
fçauoir ceux qu'on nomme blancs, & les autres y
aportent auec cela vn changement femblable a celuy
que reçoit le mouuement d'vne balle quand on la
frize, a fçauoir ceux qui font rouges, ou iaunes, ou
bleus, ou de quelque autre telle couleur. Car ie penfe
pouuoir determiner en quoy | confifte la nature de cha-
cune de ces couleurs, & le faire voir par experience ;
mais cela pañle les bornes de mon fuiet. Et il me fuffit
icy de vous auertir que les rayons, qui tombent fur
les cors qui font colorés & non polis, fe reflefchiffent
ordinairement de tous coftés, encore mefme qu'ils ne
vienent que d'vn feul cofté : comme, encores que ceux
qui tombent fur la fuperficie
du cors blanc AB, ne vienent
que du flambeau C, ils ne laif-
fent pas de fe reflefchir tel-
lement de tous coftés, qu'en
quelque lieu qu'on pofe l'œil,
comme par exemple vers D, il s'en trouue toufiours
plufieurs venans de chafque endroit de cete fuper-
ficie AB, qui tendent vers luy. Et mefme, fi l'on
fuppofe ce cors fort delié comme vn papier ou vne
toile, en forte que le iour pafñle au trauers, encores
que l'œil foit d'autre cofté que le flambeau, comme
vers E, il ne lairra pas de fe reflefchir vers luy
quelques rayons de chacune des parties de ce cors.
Enfin, confiderés que les rayons fe détournent aufy,
en mefme façon qu'il a efté dit d'vne bale, quand ils
rencontrent obliquement la fuperficie d'vn cors tranf-
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et a détnuet lue éd oi pa Sidi si à date De,
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12-15. La DioprriQue. — Discours II. 93
parent, par lequel ils penetrent plus ou moins faci-
lement que par celuy d'où ils vienent, & cete façon
de fe détourner s'apelle en eux Refradion.
PRESECARREFRACTION.
Difcours Second.
D'autant que nous aurons befoin cy aprés de fça-
uoir exaétement la quantité de cete refraétion, & qu'elle
peut affés commodement eftre entendue par la com-
paraïfon dont ie viens de me feruir, ie croy qu'il eft
a propos que ie tafche icy tout d'vn train de l'expli-
quer, & que ie parle premierement de la reflexion,
afin d'en rendre l'intelligence d'autant plus ayfée.
Penfons donc qu vne bale,
eftant pouflée d'A vers B,
rencontre, au point B, la
fuperficie de la terre CBE,
qui, l’empefchant de pañfer
outre, eft caufe qu'elle fe
détourne ; & voyons vers
quel cofté. Mais afin de ne
nous embarafler point en de nouuelles difficultés, fup-
pofons que la terre eft parfaitement platte & dure, &
que la balle va toufiours d’efgale viteffe, tant en defcen-
dant qu’en remontant, fans nous enquerir en aucune
04 OEUVRES DE DESCARTES. 13-14.
façon de la puifflance qui continue de la mouuoir, apres
qu'elle n’eft plus touchée de la raquette, ny confi-
derer aucun effe@ de fa pefanteur, ny de fa groffeur,
ny de fa figure. Car il n'eft icy queftion d'y regarder
de fi prés, &il n'y a aucune | de ces chofes qui ait lieu
en l'aétion de la lumiere a laquelle cecy fe doit rap-
porter. Seulement faut il remarquer, que la puiflance,
telle qu'elle foit, qui fait continuer le mouuement de
cete balle, eft differente de celle qui la determine a
fe mouuoir pluftoft vers vn cofté que vers vn autre,
ainfy qu'il eft tres ayfé a cognoiftre de ce que c'eft la
force dont elle 2 efté pouffée par la raquette, de qui
depend fon mouuement, & que cete mefme force
l'auroit pù faire mouuoir vers tout autre cofté, auffy
facilement que vers B, au lieu que c’eft la fituation de
cete raquette qui la determine a tendre vers B, & qui
auroit pû l'y determiner en mefme façon, encores
qu'vne autre force l'auroit meue. Ce qui monftre defia
qu'il n'eft pas impoñfible que cete balle foit détour-
née par la rencontre de la terre, & ainfy, que la deter-
mination qu'elle auoit a tendre vers B foit changée,
fans qu'il y ait rien pour cela de changé en Îa force
de fon mouuement, puis que ce font deux chofes di-
uerfes, & par confequent qu'on ne doit pas imaginer
qu'il foit neceffaire qu'elle s’arefte quelque moment
au point B auant que de retourner vers F, ainfy que
font plufieurs de nos Philofophes ; car, fi fon mouue-
ment eftoit vne foix interrompu par cet arreft, il ne
fe trouueroit aucune caufe, qui le fift par aprés re-
commencer. De plus, il faut remarquer que la deter-
mination a fe mouuoir vers quelque cofté peut, aufly
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14-15. LA Dioprrique. — Discours II. 9$
bien que le mouuement & generalement que toute
autre forte de quantité, eftre diuifée entre toutes les
parties defquelles on peut imaginer qu'elle eft com-
pofée; & qu'on peut ayfement imaginer que celle de
la balle qui fe meut d'A vers B eft compofée de deux
autres, | dont l’vne la fait defcendre de la ligne AF
vers la ligne CE, & l'autre
en mefme temps la fait
aller de la gauche AC
vers la droite FE, en forte
que ces deux, iointes en-
femble, la conduifent iuf-
ques a B fuiuant la ligne
droite AB. Eten fuite il eft
aylé a entendre, que la rencontre de la terre ne peut
empefcher que l'vne de ces deux determinations, &
non point l’autre en aucune façon. Car elle doit bien
empefcher celle qui faifoit defcendre la balle d’AF
vers CE, a caufe qu'elle occupe tout l'efpace qui eft
au deflous de CE; mais pourquoy empefcheroit elle
l'autre, qui la faifoit auancer vers la main droite, vû
quelle ne luy eft aucunement oppolée en ce fens là?
Pour trouuer donc iuftement vers quel cofté cete
balle doit retourner, defcriuons vn cercle du centre
B, qui pañle par le point A, & difons qu'en autant
de temps qu'elle aura mis a fe mouuoir depuis A iuf-
ques a B, elle doit infalliblement retourner depuis B
iufques a quelque point de la circonference de ce
cercle, d'autant que tous les points qui font aufly
diftans de cetuy cy B qu'en eft A, fe trouuent en
cete circonference, & que nous fuppofons le mouue-
96 OEuvres DE DESCARTES. 15-16.
ment de cete balle eftre toufiours efgalement vifte.
Puis afin de fçauoir precifement auquel de tous les
points de cete circonference elle doit retourner, ti-
rons trois lignes droites| AC, HB & FE perpendicu-
laires fur CE, & en telle forte, qu'il n'y ait ni plus
ni moins de diftance entre AC & HB qu'entre HB
& FE; & difons, qu'en autant de temps que la bale a
mis a s'auancer vers le cofté droit, depuis A, l'vn des
poins de la ligne AC, iufques a B, l'vn de ceux de la
ligne HB, elle doit aufly s'auancer depuis la ligne
HB iufques a quelque point de la ligne FE; car tous
les poins de cete ligne FE font autant efloignés de
HB en ce fens là, l'vn comme l'autre, & autant que
ceux de la ligne AC, & elle eft aufly autant deter-
minée a s'auancer vers ce cofté-là, qu'elle a efté aupa-
rauant. Or eft il qu'elle ne peut arriuer en mefme
tems en quelque point de la ligne FE, & enfemble a
quelque point de la circonference du cercle A FD, fi
ce n'eft au point D, ou au point F, d'autant qu'il n'y a
que ces deux, où elles s'entrecoupent l'vne l'autre; fi
bien que, la terre l'empefchant de paffer vers D, il faut
conclure qu'elle doit aller infalliblement vers F. Et
ainfy vous voyés facilement comment fe fait la re-
flexion, a fçauoir felon vn angle toufiours efgal a
celuy qu'on nomme l'angle d'incidence. Comme,
fi vn rayon, venant du point A, tombe au point B
fur la fuperficie du miroir plat CBE, il fe reflef-
chift vers F, en forte que l'angle de la reflexion FBE
n'eft ne plus ne moins grand que celuy de l'inci-
dence ABC.
Venons maintenant a la Refraétion. Et premiere-
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16-17. LA DioPpTrique. — Discours Il. 97
ment fuppolons qu'vne bale, pouflée d'A vers B, ren-
contre au point B, non plus la fuperficie de la terre,
mais vne toile CBE, qui
foit fi foible & deliée que
cete bale ait la force de
la rompre & de pañler
tout au trauers, en per-
dantfeulementvne partie
de fa vitefle, a fçauoir.
par exemple, la | moitié.
Or cela pofé, afin de
fçauoir quel chemin elle doit fuiure, confiderons
de rechef que fon mouuement differe entierement
de fa determination a fe mouuoir pluftoft vers vn
cofté que vers vn autre, d'où il fuit que leur quan-
tité doit eftre examinée feparement. Et confiderons
aufly que, des deux parties dont on peut imaginer
que cete determination eft compofée, il ny a que
celle qui faifoit tendre la bale de haut en bas, qui
puifle eftre changée en quelque façon par la ren-
contre de la toile; & que, pour celle qui la faifoit
tendre vers la main droite, elle doit toufiours de-
meurer la mefme qu'elle a efté, a caufe que cete toile
ne luy eft aucunement oppofée en ce fens là. Puis,
ayant defcrit du centre B le cercle AFD, & tiré a
angles droits fur CBE les trois lignes droites AC,
HB, FE, en telle forte qu'il y ait deux fois autant de
diftance entre FE & HB qu'entre HB & AC, nous
verrons que cete bale doit tendre vers le point I. Car,
puifqu'elle perd la moitié de fa vitefle, en trauerfant
la toile CBE, elle doit employer deux fois autant de
Œuvres. I. 15
08 Œuvres DE DESCARTES. 17-18.
tems a pafler au deflous, depuis B iufques a quelque
point de la circonference du cercle AFD, qu'elle a
fait au deflus a venir depuis A iufques a B. Et puis
qu'elle ne perd rien du tout de la determination
qu'elle auoit a s’auantcer vers le cofté droit, en deux
fois autant de tems qu'elle en a mis a pañler depuis
la ligne AC iufques a HB, elle doit faire deux fois
autant de chemin vers ce mefme cofté, & par confe-
quent arriuer a quelque point de la ligne droite FE,
au mefme inftant qu'elle arriue aufli a quelque point
de la circonference du cercle AFD. Ce qui feroit im-
poflible, fi elle n’alloit vers 1, d'autant que c'eft le
feul point au-deflous de la toile CBE, où le cercle
AFD & la ligne droite FE s'entrecoupent.
Penfons maintenant que la bale qui vient d'A vers
D, rencontre au point B, non plus vne toile, mais de
l'eau, dont la fuperficie
CBE luiofte iuftement la
moitié de fa vitefle, ainfi
que faifoit cete toile.
bale doit palier de B en
ligne droite, non vers D,
mais vers I. Car, premie-
rement, il eft certain que la fuperficie de l'eau la
doit détourner vers là en mefme façon que la toile,
vü qu'elle luy ofte tout autant de fa force, & qu'elle
luy eft oppofée en mefme fens. Puis, pour le refte
du cors de l’eau qui remplift tout l'efpace qui eft
depuis B iufques a I, encores qu'il luy refifte plus
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18-10. La Dioprrique. — Discours Il. 99
ou moins que ne faifoit l'air que nous y fuppofñions
auparauant, ce neft pas a dire pour cela qu'il doiue
plus ou moins la détourner : car il fe peut ouurir,
| pour luy faire pañflage, tout aufli facilement vers vn
cofté que vers vn autre, au moins fi on fuppofe touf-
iours, comme nous faifons, que ny la pefanteur ou
legereté de cete bale, ny fa grofleur, ny fa figure,
ny aucune autre telle caufe eftrangere ne change fon
cours. Et on peut icy remarquer, qu'elle eft d'autant
plus détournee par la fuperficie de l'eau ou de la toile,
qu elle la rencontre plus obliquement, en forte que, fi
elle la rencontre a angles droits, comme lors qu'elle
eft pouflée d'H vers B,
elle doit pañler outre en
ligne droite vers G, fans
aucunement fe détourner.
Mais fi elle eft pouffée
fuiuant vne ligne comme
AB, qui foit fi fort in-
clinée fur la fuperficie de l'eau ou de la toile CBE,
que la ligne FE, eftant tirée comme tantoft, ne coupe
point le cercle AD, cete bale ne doit aucunement la
penetrer, mais relaillir de fa fuperficie B vers l'air E,
tout de mefme que fi elle y audit rencontré de la
terre. Ce quon a quelquefois experimenté auec
regret, lorfque, faifant tirer pour plaifir des pieces
d'Artillerie vers le fons d’vne riuiere, on a bleffé ceux
qui eftoyent de l’autre cofté fur le riuage.
Mais faifons encore icy vne autre fuppofition, &
penfons que la bale, ayant efté premierement pouflée
d'A vers B, eft pouflée derechef, eftant au point B,
100 OEuvres DE DESCARTES. 19-21.
par la raquette CBE, qui augmente la force de fon
mouuement, par exemple, d'vn tiers, en forte qu'elle
puifle | faire, par aprés, autant de chemin en deux mo-
mens, qu'elle en faifoiten trois auparauant.Ce quifera
le mefme effe@, que fi elle rencontroit au point B vn
cors de telle nature, qu'elle
pañlaft au trauers de fa fu-
perficie CBE, d'vn tiers plus
facilement que par l'air. Et
il fuit manifeftement de ce
qui a efté defia demonftré,
que, fi l'on defcrit le cercle
eue Fe AD comme deuant, & les
lignes AC, HB, FE, en telle forte qu'il y ait d'vn tiers
moins de diftance entre FE & HB qu'entre HB & AC,
le point |, où la ligne droite FE & la circulaire AD
s'entrecoupent, defignera le lieu vers lequel cete bale,
eftant au point B, fe doit détourner.
Or on peut prendre aufli le reuers de cete conclu-
fion & dire que, puifque la bale qui vient d’A en ligne
droite iufques a B, fe détourne eftant au point B, &
prend fon cours de là vers I, cela fignifie que la force
ou facilité, dont elle entre dans le cors CBEI, ef a
celle dont elle fort du cors ACBE, comme la diftance
qui eft entre À C & HB, a celle qui eft entre HB & FI,
c'eft a dire comme la ligne CB eft a BE.
Enfin, d'autant que l’aétion de la lumiere fuit en cecy
les mefmes loix que le mouuement de cete bale, il
faut dire que, lorfque fes rayons paflent obliquement
[d'vn cors tranfparant dans vn autre, qui les reçoit
plus ou moins facilement que le premier, ils s'y dé-
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LR LL. :- :
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21-22. La Droprrique. — Discours Il. IOI
tournent en telle forte, qu'ils fe trouuent toufiours
moins inclinés fur la fuperficie de ces cors, du cofté
où eft celuy qui les reçoit le plus ayfement, que du
cofté où eft l’autre : & ce, iuftement a proportion de
ce qu'il les reçoit plus ayfement que ne fait l'autre.
Seulement faut-il prendre garde que cete inclination
fe doit mefurer par la quantité des lignes droites,
comme CB ou AH, & EB ou IG. & femblables, com-
parées les vnes aux autres ; non par celle des angles,
tels que font ABH ou GBI, ny beaucoup moins par
celle des femblables a DBI, qu'on nomme les angles
de Refraction. Car la raifon ou proportion qui eft
entre ces angles, varie a toutes les diuerfes inclina-
tions des rayons; au lieu que celle qui eft entre les
lignes À H & IG ou femblables, demeure la mefme en
toutes les refractions qui font caufées par les mefmes
cors. Comme, par exemple, s'il pafle vn rayon dans
Pair d'A vers B,
qui,rencontrantau
point B la fuperti-
cie du verre CBR,
fe détourne vers I
dans cewerre ; & =
quil en viene vn CCC
autre de K vers B,
qui fe détourne vers L; & vn autre de P vers R, qui
fe détourne vers S; il doit y auoir mefme proportion
entre les | lignes KM & LN, ou PQ &ST, qu'entre AH
& IG, mais non pas la mefme entre les angles KBM
& LBN, ou PRQ & SRT, quentre ABH &IBG.
Si bien que vous voyés maintenant en quelle forte
*
102 OEUVRES DE DESCARTES. 22-23
fe doiuent mefurer les refraétions ; & encores que,
pour determiner leur quantité, en tant qu'elle depend
de la nature particuliere des cors où elles fe font, il
foit befoin d'en venir a l'experience, on ne laiffe pas
de le pouuoir faire aflés certainement & ayfement,
depuis qu'elles font ainfi toutes reduites fous vne
mefme mefure ; car il fuffit de les examiner en vn feul
rayon, pour cognoiftre toutes celles qui fe font en vne
mefme fuperficie, & on peut euiter toute erreur, fi on
les examine outre cela en quelques autres. Comme, fi
nous voulons fçauoir la quantité de celles qui fe font
en la fuperficie CBR, qui fepare l'air AK P du verre
LIS, nous n'auons qu'a l'efprouuer en celle du rayon
AB, en cherchant
la proportion qui
QE \ eft entre les lignes
AH & IG. Puis, fi
nous craignons d'a-
uoir failli en cete
experience, il faut
encores l'efprou-
uer en quelques autres rayons, comme KBL ou PRS,
& trouuant mefme proportion de KM a LN, & de PQ
‘a ST, que d'AH a IG, nous n’aurons plus aucune
occafion de douter de la verité.
| Mais peuteftre vous eftonnerés vous, en faifant ces
experiences, de trouuer que les rayons de la lumiere
s'inclinent plus dans l'air que dans l’eau, fur les fu-
perficies où fe fait leur refraction, & encores plus
dans l'eau que dans le verre, tout au contraire d'vne
bale qui s'incline dauantage dans l'eau que dans l'air,
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23-24. La Dioprrique. — Discours Il. 103
& ne peut aucunement pañler dans le verre.Car, par
exemple, fi c'eft vne bale qui, eftant pouffée dans l'air
d'A vers B, rencontre au point B la fuperficie de l'eau
CBE, elle fe détournera
de B vers V; & fi c'eft vn
rayon, 1l ira, tout au con-.
traite. de B'vers I. Ce
que vous ceflerés toutes-
fois de trouuer eftrange,
fi vous vous fouuenés de
la nature que i ay attribuée a la lumiere, quand r'ay
dit quelle neftoit autre chofe, qu'vn certain mou-
uement ou vne action receuë en vne matiere tres-
fubtile, qui remplift les pores des autres cors; &
que vous confideriés que, comme vne bale perd da-
uantage de fon agitation, en donnant contre vn
cors mou, que contre vn qui eft dur, & quelle
roule moins ayfement fur vn tapis, que fur vne table
toute nuë, ainfi l'aétion de cete matiere fubtile
peut beaucoup plus eftre empefchée par les parties
de l'air, qui, eftant comme molles & mal iointes, ne
luy font pas beaucoup de refiftance, que par celles
de l'eau, qui luy en font dauantage ; & encores plus
par celles de l'eau, que par celles du verre, ou du
criftal. | En forte que, d'autant que les petites parties
d'vn cors tranfparant font plus dures & plus fermes,
d'autant laiflent elles pañler la lumiere plus ayfement :
car cete lumiere n'en doit pas chafler aucunes hors
de leurs places, ainfi qu'vne bale en doit chaffer de
celles de l’eau, pour trouuer pañlage parmy elles.
Au refte, fçachant ainfi la caufe des refraétions qui
104 OŒEuvres DE DESCARTES. 24-25.
fe font dans l'eau & dans le verre, & communement
en tous les autres cors tranfparans qui font autour de
nous, on peut remarquer qu'elles y doiuenteftre toutes
femblables, quand les rayons fortent de ces cors, &
quand ils y entrent. Comme, fi le rayon qui vient
d'A vers B, fe dé-
tourne de B vers I,
en pañlant de l'air
dans le verre, celuy
qui reuiendra dI
vers B, doit aufi fe
détourner de B vers
A. Toutesfois il fe
peut trouuer d'autres cors, principalement dans le
ciel, où les refra@tions, procedant d'autres caufes, ne
font pas ainfi reciproques. Et il fe peut aufly trouuer
certains cas, aufquels les rayons fe doiuent courber,
encores qu'ils ne pañlent que par vn feul cors tranf-
parant, ainfi que fe courbe fouuent le mouuement
d'vne bale, pource qu'elle eft détournée vers vn cofté
par fa pefanteur, & vers vn autre par l’action dont on
l'a pouflée, ou pour diuerfes autres raifons. Car en-
fin i'ofe dire que les trois comparaifons, dont ie viens
de me feruir, font fi propres, que toutes les particu-
larités qui s'y peuuent remarquer, fe raportent a
quelques autres qui fe trouuent toutes femblables en
la lumiere; mais ie n’ay tafché que d'expliquer celles
qui faifoient le plus a mon fuiet. Et ie ne vous veux
plus faire icy confiderer autre chofe, finon que les
fuperficies des cors tranfparens qui font courbées,
détournent les rayons qui paflent par chacun de leurs
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cui cdi D zapin ds didier tes danran Coin it cn née nb l dé à Sie sic en tait CARS te se
sale, Lion dif
25-26. La Dioprrique. — Discours III. 10$
poins, en mefme forte que feroient les fuperficies
plattes, qu'on peut imaginer toucher ces cors aux
mefmes poins. Comme, par exemple, la refraétion des
rayons AB, AC, AD, qui, venans du flambeau A,
5 tombent fur la fuperficie courbe de la boule de crif-
tal BCD, doit
eftre confide-
rée en mefme
forte, que fi
10 AB tomboit
fur la fuperfi-
cie plate EBF,
& AC fur GCH, et AD fur IDK, & ainfi des autres.
D'où vous voyés que ces rayons fe peuuent affembler
15 ouefcarter diuerfement, felon qu'ils tombent fur des
fuperficies qui font courbées diuerfement. Et il eft
temps que ie commence a vous defcrire quelle eft la
fructure de l'œil, afin de vous pouuoir faire entendre
comment les rayons, qui entrent dedans, s'y dif-
20 pofent pour caufer le fentiment de la veuë.|
DIET L'OËLE
Difcours Troifiefme..
S'il eftoit poffible de couper l'œil par la moitié, fans
que les liqueurs dont il eft rempli s'efcoulaffent, ni
25 qu'aucune de fes parties changeaft de place, & que le
Œuvres. I. 14
106 OEUVRES DE DESCARTES. ÉRor
plan de la feétion paffaft iuftement par le milieu de la
prunelle, il paroiftroit tel qu'il eft reprefenté en cete
figure. ABCB eft vne peau affés dure & efpaiffe, qui
compofe comme vn vaze rond
dans lequel toutes fes parties in-
terieures font contenues. DEF
eft vne autre peau deliée, qui
eft tendue ainfi qu'vne tapiferie
au dedans de la precedente. ZH
eft le nerf nommé optique, qui
eft compofé d'vn grand nombre
de petits filets, dont les extre-
mités s'eftendent en tout l'efpace
GHI, où, fe meflant auec vnein-
finité de petites veines & ar-
teres, elles compofent vne efpece de chair extremement
tendre & delicate, laquelle eft comme vne troifiefme
peau, qui couure tout le fons de la feconde.K,L,M font
trois fortes de glaires ou humeurs fort tranfparentes,
qui rempliffent tout l’efpace contenu au dedans de ces
peaux, & ont chacune la figure, en laquelle vous la
voyés icy reprefentée. Et l'experience monftre que
celle du milieu, L, qu'on nomme l'humeur criftaline,
caufe a peu prés mefme refraétion que le verre ou le
criftal ; & que les deux autres, K&M, la caufent vn peu
moindre, enuiron comme l'eau commune, en forte que
les rayons de la lumiere paflent plus facilement par
celle du milieu que par les deux autres, & encores
plus facilement par ces deux que par l'air. En la pre-
miere peau, la partie BCB eft tranfparente, & vn peu
plus voutée que le refte BA B. En la feconde, la fuper-
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27-28. La Droprrique. — Discours Ill. 107
ficie interieure de la partie EF, qui regarde le fons de
l'œil, eft toute noire & obfcure; & elle a au milieu vn
petit trou rond FF, qui eft ce qu'on nomme la pru-
nelle, & qui paroïft fi noir au milieu de l'œil, quand
on le regarde par dehors. Ce trou n'eft pas toufours
de mefme grandeur, & la partie EF de la peau en la-
quelle il eft, nageant librement en l'humeur K, qui eft
fort liquide, femble eftre comme vn petit mufcle, qui
fe peut eftrecir & eflargir a mefure qu'on regarde des
obiets plus ou moins proches, ou plus ou moins ef-
clairés, ou qu'on les veut voir plus ou moins diftincte-
ment. Et vous pourrés voir facilement l'experience de
tout cecy en l'œil d'vn enfant; car fi vous luy faites
regarder fixement vn obiet proche, vous verrés que
fa prunelle deuiendra vn peu plus petite que fi vous
luy en faites regarder vn plus efloigné, qui ne foit
point auec cela plus efclairé. Et derechef, qu'encores
qu il regarde toufiours le mefme obiet, 1l l'aura beau-
coup plus petite, eftant en vne chambre fort claire,
que fi, en fermant la plufpart des feneftres, on la rend
fort obfcure. Et enfin que, demeurant au mefme iour,
& regardant le mefme obiet, | s’il tafche d'en diftin-
guer les moindres parties, fa prunelle fera plus petite,
que s'il ne le confidere que tout entier, & fans atten-
tion. Et notés que ce mouuement doit eftre appelé
volontaire, nonobftant qu'il foit ordinairement ignoré
de ceux qui le font, car il ne laiffe pas pour cela d'eftre
dependant & de fuiure de la volonté qu'ils ont de
bien voir; ainfi que les mouuemens des leures &
de la langue, qui feruent a prononcer les paroles, fe
nomment volontaires, a caufe qu'ils fuiuent de la vo-
108 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 28-20.
lonté qu'on a de parler, nonobftant qu'on ignore fou-
uent quels ils doiuent eftre pour feruir a la pronon-
ciation de chaque lettre. EN, EN font plufieurs petits
filets noirs, qui embraffent tout autour l'humeur mar-
quée L, & qui, naiffans auffi de la feconde peau, en
l'endroit où la troifiefme fe termine, femblent autant
de petits tendons, par le moyen defquels cete hu-
meur L, deuenant tantoft plus voutée, tantoft plus
platte, felon l'intention qu'on a de regarder des obiets
proches ou efloignés, change vn peu toute la figure
du cors de l'œil. Et vous pouués cognoiftre ce mou-
uement par experience : car fi, lors que vous regardés
fixement vne tour ou vne montaigne vn peu efloignée,
on prefente vn liure deuant vos yeux, vous n’y pour-
rés voir diftinétement aucune lettre, iufques a ce que
leur figure foit vn peu changée. Enfin O, © font fix
ou | fept mufcles attachés a l'œil par dehors, qui le
peuuent mouuoir de tous coftés, & mefme aufli, peut-
eftre, en le preffant ou retirant, ayder a changer fa
figure. le laifle a deffein plufeurs autres particula-
rités qui fe remarquent en cete matiere, & dont les
Anatomiftes grofliflent leurs liures; car ie croy que
celles que ray mifes icy, fufiront pour expliquer tout
ce qui fert a mon fuiet, & que les autres que 1 y pour-
rois adioufter, n'aydant en rien voftre intelligence, ne
feroyent que diuertir voftre attention.
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29-30. LA DioprTrique. — Discours IV. 109
DES SENS EN GENERAL.
Difcours Quatriefme.
Mais il faut que ie vous die maintenant quelque
chofe de la nature des fens en general, afin de pouuoir
d'autant plus ayfement expliquer en particulier celuy
de la veuë. On fçait defia affés que c’eft l'ame qui
fent, & non le cors : car on voit que, lorfqu'’elle eft
diuertie par vne extafe où forte contemplation, tout
le cors demeure fans fentiment, encores qu'il ait di-
uers obiects qui le touchent. Et on fçait que ce n'eft
pas proprement en tant quelle eft dans les membres
qui feruent d'organes aux fens exterieurs, qu'elle fent,
mais en tant qu'elle eft dans le cerueau, où elle exerce
cete faculté qu'ils apellent le fens commun : car on
voit des bleffures & maladies qui, n'offenfant que le
cerueau feul, empefchent generalement tous les fens,
encores que le refte du cors ne laiffe point pour cela
d’eftre animé. Enfin on fçait que c'eft par l'entremife
des Nerfs, que les impreflions, que font les obiets
dans les membres exterieurs, paruienent iufques a
l'ame dans le cerueau : car on voit diuers accidens,
qui, ne nuifant a rien qu'a quelque Nerf, oftent le fen-
timent de toutes les parties du cors où ce Nerf en-
uoye fes branches, fans rien diminuer de celuy des
autres. Mais, pour fçauoir plus particulierement en
quelle forte l’ame, demeurant dans le cerueau, peut
110 OŒEuvres DE DESCARTES. 2023 14
ainfi, par l'entremife des Nerfs,receuoir les imprefñons
des obiets qui font au dehors, il faut diftinguer trois
chofes en ces Nerfs: a fçauoir, premierement, les peaux
qui les enuelopent, & qui, prenant leur origine de celles
qui enuelopent le cerueau, font comme de petits
tuyaux diuifés en plufieurs branches, qui fe vont ef-
pandre ça & là par tous les membres, en mefme façon
que les venes & les arteres; puis leur fubflance inte-
rieure, qui s'eftend en forme de petits filets tout lelong
de ces tuyaux, depuis le cerueau, d'où elle prend fon
origine, iufques aux extremités des autres membres,
où elle s'attache, en forte qu'on peut imaginer, en
chacun de ces petits tuyaux, plufieurs de ces petits
filets independans les vns des autres; puis enfin les
efprits animaux, qui font comme vn air ou vn vent
tres-fubtil, qui, venant des chambres ou concauités
qui font dans le cerueau, s'efcoule par ces mefmes
tuyaux dans les mufcles. Or les Anatomiftes & Me-
decins auoüent aflés que ces trois chofes fe trouuent
dans les Nerfs; mais il ne me femble point qu'aucun
d'eux en ait encores bien diftingué les vfages. Car,
voyant que les Nerfs ne feruent pas feulement a
donner le fentiment aux membres, mais | auffi a les
mouuoir, & qu'il y a quelquefois des paralyfies qui
oftent le mouuement, fans ofter pour cela le fenti-
ment, tantoft ils ont dit qu'il y auoit deux fortes de
Nerfs, dont les vns ne feruoyent que pour les fens, &
les autres que pour les mouuemens; & tantoft, que la
faculté de fentir eftoit dans les peaux ou membranes,
& que celle de mouuoir eftoit dans la fubftance inte-
rieure des Nerfs : qui font chofes fort repugnantes a
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on
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31-32. LA Droprrique. — Discours IV. TT
l'experience & a la raifon. Car qui a iamais pü remar-
quer aucun Nerf, qui feruift au mouuement, fans fer-
uir aufli a quelque fens? Et comment, fi c'eftoit des
peaux que le fentiment dependif, les diuerfes impref-
fions des obiets pourroyent elles, par le moyen de ces
peaux, paruenir iufques au cerueau ? Afin donc d’euiter
ces difficultés, il faut penfer que ce font les efprits,
qui, coulans par les Nerfs dans les Mufcles, & les en-
flans plus ou moins, tantoft les vns, tantoft les autres,
felon les diuerfes façons que le cerueau les diftribue,
caufent le mouuement de tous les membres; & que ce
font les petits filets, dont la fubftance interieure de
ces Nerfs eft compofée, qui feruent aus fens. Et d'au-
tant que ie n'ay point icy befoin de parler des mouue-
mens, ie defire feulement que vous conceuiés que ces
petits filets, eftant enfermés, comme ray dit, en des
tuyaux qui font toufiours enflés & tenus ouuers par les
efprits qu'ils contienent, ne fe preffent ny empefchent
aucunement les vns les autres, & font eftendus depuis
le cerueau iufques aux extremités de tous les membres
qui font capables de quelque fentiment, en telle forte
que, pour peu qu'on touche & face mouuoir l'endroit
de ces membres où quelqu'vn d'eux eft attaché, | on
fait auffi mouuoir au mefme inftant l'endroit du cer-
ueau d'où il vient, ainfi que, tirant l'vn des bouts d'vne
corde qui eft toute tendue, on fait mouuoir au mefme
inftant l'autre bout. Car, fçachant que ces filets font
ainfi enfermés en des tuyaux, que les efprits tienent
toufiours vn peu enflés & entre ouuerts, il eft ayfé a
entendre qu'encores qu'ils fuflent beaucoup plus de-
liés que ceux que filent les vers a foye, & plus foibles
112 Œuvres DE DESCARTES. 32-33.
que ceux des araignées, ils ne lairroyent pas de fe
pouuoir eftendre depuis la tefte iufques aux membres
les plus efloignés, fans eftre en aucun hafard de fe
rompre, ny que les diuerfes fituations de ces membres
empefchaflent leurs mouuemens. Il faut, outre cela,
prendre garde a ne pas fuppofer que, pour fentir,
l’ame ait befoin de contempler quelques images qui
foyent enuoyées par les obieéts iufques au cerueau,
ainfi que font communement nos Philofophes; ou, du
moins, il faut conceuoir la nature de ces images tout
autrement qu'ils ne font. Car, d'autant qu'ils ne confi-
derent en elles autre chofe, finon qu'elles doiuent
auoir de la refemblance auec les obietts qu'elles re-
prefentent, il leur eft impoñlible de nous monftrer
comment elles peuuent eftre formées par ces obie&s,
& receues par les organes des fens exterieurs, & tranf-
mifes par les Nerfs iufques au cerueau. Et ils n'ont
eu aucune raifon de les fuppofer, finon que, voyant que
noftre penfée peut facilement eftre excitée, par vn ta-
bleau, a conceuoir l'obie@ qui y eft peint, il leur a
femblé qu'elle deuoit l'eftre, en mefme façon, a con-
ceuoir ceux qui touchent nos fens, par quelques petits
tableaux qui s'en formaffent en noftre | tefte, au lieu
que nous deuons confiderer qu'il y a plufieurs autres
chofes que des images, qui peuuent exciter noftre
penfée; comme, par exemple, les fignes & les paroles,
qui ne refemblent en aucune façon aux chofes qu'elles
fignifient. Et fi, pour ne nous efloigner que le moins
qu'il eft poffible des opinions defia receues, nous
aymons mieux auoüer que les obiets que nous fen-
tons, enuoyent veritablement leurs images iufques au
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33-34. La Dioprrique. — Discours IV. 113
dedans de noftre cerueau, il faut au moins que nous
remarquions qu'il ny a aucunes images qui doiuent
en tout refembler aux obiets qu'elles reprefentent :car
autrement il n'y auroit point de diftinétion entre l'obiet
& fon image : mais qu'il fuffift qu'elles leur refemblent
en peu de chofes; & fouuent mefme, que leur perfec-
tion depend de ce qu’elles ne leur refemblent pas tant
qu'elles pourroyent faire. Comme vous voyés que les
taille-douces, n’eftant faites que d'vn peu d'encre pofée
ça & là fur du papier, nous reprefentent des forets,
des villes, des hommes, & mefme des batailles & des
tempeftes, bien que, d'vne infinité de diuerfes qualités
qu'elles nous font conceuoir en ces obiets, il ny en
ait aucune que la figure feule dont elles ayent pro-
prement la refemblance; & encores efl-ce vne refem-
blance fort imparfaite, vù que, fur vne fuperficie toute
plate, elles nous reprefentent des cors diuerfement
releués & enfoncés, & que mefme, fuiuant les regles
de la perfpectiue, fouuent elles reprefentent mieux
des cercles par des ouales que par d'autres cercles;
& des quarrés par des lozanges que par d'autres
quarrés ; & ainfi de toutes les autres figures : en forte
que fouuent, pour eftre plus | parfaites en qualité
d'images, & reprefenter mieux vn obiect, elles doiuent
ne luy pas refembler.Or il faut que nous penfions tout
le mefme des images qui fe forment en noftre cer-
ueau, & que nous remarquions qu'il eft feulement
queftion de fçauoir comment elles peuuent donner
moyen a l'ame de fentir toutes les diuerfes qualités
des obiets aufquels elles fe raportent, & non point
comment elles ont en foy leur refemblance. Comme,
Œuvres. I. 15
114 OŒEuvres DE DESCARTES 34-35.
lors que l'aueugle, dont nous auons parlé cy deffus,
touche quelques cors de fon bafton, il eft certain que
ces cors n'enuoyent autre chofe iufques a luy, finon
que, faifant mouuoir diuerfement fon bafton felon les
diuerfes qualités qui font en eux, ils meuuent par
mefme moyen les nerfs de fa main, & enfuite les en-
droits de fon cerueau d'où vienent ces nerfs; ce qui
donne occafion a fon ame de fentir tout autant de
diuerfes qualités en ces cors, qu'il fe trouue de varietés
dans les mouuemens qui font caufés par eux en fon
cerueau.
|DES IMAGES QVI SE FORMENT
SUR:LE FONDS'DE TL'OËIE
Difcours Cinquiefme.
Vous voyés donc affés que, pour fentir, l'ame n’a
pas befoin de contempler aucunes images qui foyent
femblables aux chofes qu’elle fent; mais cela n’em-
pefche pas qu'il ne foit vray que les obiets que-nous
regardons, en impriment d'aflés parfaites dans le
fonds de nos yeux ; ainfi que quelques vns ont defa
tres-ingenieufement expliqué, par la comparaifon de
celles qui paroïflent dans vne chambre, lors que
l'ayant toute fermée, referué vn feul trou, & ayant
mis au deuant de ce trou vn verre en forme de len-
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35-37. LA Droprrique. — Discours V. I1$
tille, on eftend derriere, a certaine diftance, vn linge
blanc, fur qui la lumiere, qui vient des obiets de
dehors, forme ces images. Car ils difent que cete
chambre reprefente l'œil; ce trou, la prunelle; ce
verre, l'humeur criftaline, ou pluftoft toutes celles
des parties de l'œil qui caufent quelque refraétion ;
& ce linge, la peau interieure, qui eft compofée des
extremités du nerf optique.
Mais vous en pourrés eftre encores plus certain, fi,
prenant l'œil d'vn homme fraifchement mort, ou, au de-
faut, celuy d'vn bœuf ou de quelqu'autre gros animal,
vous coupés dextrement vers le fonds les trois peaux
qui l'enuelopent, en forte qu'vne grande partie de
l'humeur M, qui y eft, demeure découuerte, fans qu'il
|y ait rien d'elle pour cela qui fe refpende; puis, l'ayant
recouuerte de quelque cors blanc, qui foit fi delié
que le iour pañfe au trauers, comme, par exemple, d'vn
morceau de papier ou de la coquille d'vn œuf, RST,
que vous mettiés cet œil dans le trou d'vne feneftre
fait exprés, comme Z, en forte qu'il ait le deuant,
BCD, tourné vers quelque lieu où il y ait diuers ob-
iets, comme V,X, Y, efclairés par le foleil; & le der-
riere, où eft le cors blanc RST, vers le dedans de la
chambre, P, où vous ferés, & en laquelle il ne doit
entrer aucune lumiere, que celle qui pourra penetrer
au trauers de cet œil, dont vous fçaués que toutes les
parties, depuis C iufques a S, font tranfparentes. Car,
cela fait, fi vous regardés fur ce cors blanc RST, vous
y verrés, non peuteftre fans admiration & plaifir, vne
peinture, qui reprefentera fort naïuement en per-
fpeétiue tous les obiets qui feront au dehors vers
116 OŒEuvREs DE DESCARTES. 37.
VXY, au moins fi vous faites en forte que cet œil
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711 Fig. p. 36. ©
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retiene fa figure naturelle, proportionnée a la diftance
37-38. La DiopTRiQuE. — Discours V. 117
de ces obiets : car, pour peu que vous le prefliés plus
ou moins que de raifon, cete peinture en deuiendra
moins diftinéte. Et il eft a remarquer qu'on doit le
prefler vn peu dauantage, & rendre fa figure vn peu
plus longue, lors que les obiets font fort proches,
que lors qu'ils font plus efloignés. Mais il eft befoin
que explique icy plus au long comment fe forme
cete peinture; Car le pourray,par mefme moyen, vous
faire entendre plufieurs chofes qui apartienent a la
vifion.
Confiderés donc, premierement, que, de chafque
point des obiets V,X, Y, il entre en cet œil autant de
|rayons, qui penetrent iufques au cors blanc RST,
que l'ouuerture de la prunelle FF en peut com-
prendre, & que, fuiuant ce qui a efté dit icy deffus,
tant de la nature de la refraétion que de celle des
trois humeurs K, L, M, tous ceux de ces rayons, qui
vienent d vn mefme point, fe courbent en trauerfant
les trois fuperficies BCD, 123 & 456, en la façon qui
eft requife pour fe raffembler derechef enuiron vers
vn mefme point. Et il faut remarquer qu'afin que la
peinture, dont 1l eft icy queftion, foit la plus parfaite
qu'il eft poffble, les figures de ces trois fuperficies
doiuent eftre telles, que tous les rayons, qui vienent
de l’vn des points des obiets, fe raffemblent exacte-
ment en l'vn des points du cors blanc RST. Comme
vous voyés 1cy que ceux du point X s'aflemblent au
point S; en fuite de quoy ceux qui vienent du point
V s'aflemblent auffi a peu prés au point R; & ceux du
point Ÿ, au point T. Et que, reciproquement, il ne
vient aucun rayon vers S, que du point X; ny quañi
*
118 OEUVRES DE DESCARTES. 38-40.
aucun vers R, que du point V; ny vers T, que du
point Y, & ainfi des autres. Or cela pofé, fi vous vous
fouuenés de ce qui a eflé dit cy deflus de la lumiere
& des couleurs en general, & en particulier des cors
blancs, il vous fera facile a entendre, qu'eftant en-
fermé dans la chambre P, & iettant vos yeux fur le
cors blanc RST, vous y deués voir la refemblance des
obiets V,X,Y. Car, premierement, la lumiere, c'eft a
dire le mouuement ou l’action dont le foleil, ou quel-
qu'autre des cors qu'on nomme lumineux, poufle vne
certaine matiere fort fubtile qui fe trouue en tous les
cors tranfparents, eftant repouflée vers R par l'obiet V,
que ie fuppofe, par exemple, eftre rouge, c'eft a dire
eftre difpofé a faire que les petites parties de cete ma-
ere fubtile, qui ont eflé feulement pouffées en lignes
droites par les cors lumineux, fe meuuent aufli en rond
autour de leurs centres, aprés les auoir rencontrés *, &
que leurs deux mouuemens ayent entre eux la propor-
tion qui eft requife pour faire fentir la couleur rouge ;
il eft certain que l’action de ces deux mouuemens,
ayant rencontré au point R vn cors blanc, c'eft a dire
vn cors difpofé a la renuoyer vers tout autre cofté fans
la changer, doit de là fe reflefchir vers vos yeux par
les pores de ce cors, que ray fuppofé a cet effect fort
delié, & comme percé a iour de tous coftés, & ainfi
vous faire voir le point R de couleur rouge. Puis, la
lumiere eftant aufli repouffée de l’obiet X, que ie fup-
pofe iaune, vers S; & d'Y, que 1e fuppofe bleu, vers
T, d'où elle eft portée vers vos yeux; elle vous doit
faire paroiftre S de couleur iaune, & T de couleur
bleuë. Et ainfi les trois poins R, S, T, paroiflans des
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PTT OL OP TI
40. LA Droprrique. — Discours V. 119
mefmes couleurs, & gardans entre eux le mefme
<71 Fig. p. 39. 0)
.
.
.
120 OEUVRES DE DESCARTES. 40-41.
refemblance. Et la perfeétion de cette peinture de-
pend principalement de trois chofes : a fçauoir de ce
que, la prunelle de l'œil ayant quelque grandeur, il y
entre plufieurs rayons de chafque point de l’obiet,
comme icy XB1485, XC258, XD305, & tout autant
d'autres qu'on en puiffe imaginer entre ces trois, y
vienent du feul point X; & de ce que ces rayons Rue
frent dans l'œil de telles refractions, que ceux qui
vienent de diluers poins, fe raflemblent a peu prés en
autant d'autres diuers poins fur le cors blanc RST;
& enfin de ce que, tant les petits filets EN que le de-
dans de la peau EF eftant de couleur noire, & la
chambre P toute fermée & obfcure, il ne vient d’ail-
leurs que des obiets V,X, Y aucune lumiere qui trouble
l'aétion de ces rayons. Car, fi la prunelle eftoit fi
eftroite, qu'il ne pañfaft qu'vn feul rayon de chafque
point de l'obiet vers chafque point du cors RST, il
n'auroit pas aflés de force pour fe reflefchir de là,
dans la chambre P, vers vos yeux. Et la prunelle eftant
vn peu grande, s'il ne fe faifoit dans l'œil aucune re-
fraétion, les rayons qui viendroient de chafque point
des obiets, s'efpandroyent ça & là en tout l'efpace
RST, en forte que, par exemple, les tr oispoints V,X,Y
enuoyeroient trois rayons vers R, qui,fe reflefchiffans
de là tous enfemble vers vos yeux, vous feroient pa-
roiftre ce point R d'vne couleur moyenne entre le
rouge, le jaune & le bleu, & tout femblable aux points
S & T, vers lefquels les mefmes points V, X, Y enuoye-
roient aufli chacun vn de leurs rayons. Et il arriueroit
aufli quafi le mefme, fi la refraction qui fe fait en l'œil
eftoit plus ou moins grande qu'elle ne doit, a raifon
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D
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;
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TT LA DioPpTRIQUE, — Discours V. I21
de la grandeur de cet œil : car, eftant trop grande, les
rayons qui viendroient, par exemple, du point X, s'af-
fembleroient auant que d’eftre paruenus iufques 48,
comme vers M; &, au contraire, eftant trop petite, ils
ne s'aflembleroient qu'au delà, comme vers P ; fi bien
qu'ils toucheroient le cors blanc RST en plufieurs
points, vers lefquels il viendroit auffi d’autres rayons
des autres parties de l'obiet. Enfin, fi les cors EN, EF
n'eftoyent noirs, c'eft a dire difpofés a faire que la
lumiere qui donne de contre s’y amortifle, les rayons
qui viendroient vers eux du cors blanc RST, pour-
roient de là retourner, ceux de T vers S & vers R;
ceux de R, vers T & vers S; & ceux deS, vers R &
vers T : au moyen de quoy ils troubleroient l'ation
les vns des autres; & le mefme feroyent aufly les
rayons qui viendroient de la chambre P vers RST,
s'il y auoit quelque autre lumiere en cete chambre,
que celle qu y enuoyent les obiets V,X, Y.
Mais, aprés vous auoir parlé des perfe&ions de cete
peinture, 1l faut aufli que ie vous face confiderer fes
defauts, dont le premier & le principal eft que,
quelques figures que puiflent auoir les parties de
l'œil, 1l eft impofhible qu'elles facent que les rayons
qui vienent de diuers poins, s'aflemblent tous en
autant d'autres diuers points, & que tout le mieux
qu'elles puiffent faire, c'eft feulement que tous ceux
qui vienent de quelque point, comme d’X, s'affem-
blent en vn autre point, comme S, dans le milieu du
fonds de l'œil ; en quel cas il n'y en peut auoir que
quelques vns de ceux du point V, qui s’affemblent
iuftement au point R, ou du point Y, qui s'aflemblent
Œuvres. I. 16
453.
OEUVRES DE DESCARTES.
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iuftement au point T ; & les autres s’en doiuent ef-
Fig. p. 43.
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carter quelque peu, tout a l’entour, ainfi que r'expli-
43-44. La Droprrique. — Discours V 123
queray cy aprés. Et cecy eft caufe que cete peinture
n'eft iamais fi diftincte vers fes extremités qu'au mi-
lieu, comme il a efté affés remarqué par ceux qui ont
efcrit de l'Optique. Car c’eft pour cela qu'ils ont dit
que la vifion fe fait principalement fuiuant la ligne
droite, qui pañle par les centres de l'humeur crifta-
line & de la prunelle, telle qu'eft icy la ligne XKLS,
qu'ils nomment l’aiflieu de la vifion. Et notés que les
rayons, par exemple, ceux qui vienent du point V,
s'efcartent autour du point R, d'autant plus que l’ou-
uerture de la prunelle eft plus grande; & ainfi que, fi
fa grandeur fert a rendre les couleurs de cete pein-
ture plus viues & plus fortes, elle empefche en re-
uanche que ces figures ne foyent fi diftinétes, d'où
vient qu'elle ne doit eftre que mediocre. Notés aufii
que ces rayons s'efcarteroient encores plus autour du
point R, qu'ils ne font, fi le point V, d'où ils vienent,
eftoit beaucoup plus proche de l'œil, comme vers 10,
ou beaucoup plus efloigné, comme vers 11, que n'eft
X, a la diftance duquel ie fuppofe que la figure de
l'œil eft proportionnée; de forte qu'ils rendroyent la
partie R de cete peinture encores moins diftinte
qu'ils ne font. Et vous entendrés facilement les de-
monftrations de tout cecy, lors que vous aurés vû, cy
aprés, quelles figures doiuent auoir les cors tranfpa-
rents, pour faire que les rayons qui vienent d'vn point,
s'afflemblent en quelqu'autre point, aprés les auoir
trauerfés. Pour les autres defauts de cete peinture,
ils confiftent en ce que fes parties font renuerfées,
c'eft a dire en pofition toute contraire a celle des
obiets ; & en ce qu'elles font apetiflées & racourcies,
124 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 44-46.
les vnes plus, les autres moins, a raifon de la diuerfe
diftance & fituation des chofes qu'elles reprefentent,
quafi en mefme façon que dans vn tableau de per-
fpetiue. Comme vous voyés icy clairement que T, qui
eft vers le cofté gauche, reprefente Y, qui eft vers le
droit, & que R, qui eft vers le droit, reprefente V, qui
eft vers|le gauche. Et de plus, que la figure de l'obiet
V ne doit pas occuper plus d'efpace vers R, que celle
de l'obiet 10, qui eft plus petit, mais plus proche ; ny
moins que celle de l’obiet 11, qui eft plus grand, mais
a proportion plus efloigné, finon en tant qu'elle eft
vn peu plus diftincte. Et enfin, que la ligne droite
VXY eft reprefentée par la courbe RST.
Or, ayant ainfi vû cete peinture dans l'œil d’vn ani-
mal mort, & en ayant confideré les raifons, on ne
peut douter qu'il ne s'en forme vne toute femblable
en celuy d'vn homme vif, fur la peau interieure, en la
place de laquelle nous auions fubftitué le cors blanc
RST ; & mefme qu'elle ne s'y forme beaucoup mieux,
a caufe que fes humeurs, eftant plaines d’efprits, font
plus tranfparentes, & ont plus exactement la figure
qui eft requife a cet effect. Et peut eftre aufli qu'en
l'œil d'vn bœuf la figure de la prunelle, qui neft
pas ronde, empefche que cete peinture n'y foit fi
parfaite.
On ne peut douter non plus que les images qu'on
fait paroiftre fur vn linge blanc, dans vne chambre ob-
fcure, ne s'y forment tout de mefme & pour la mefme
raifon qu'au fonds de l'œil; mefmes, a caufe qu'elles
y font ordinairement beaucoup plus grandes, & s'y
forment en plus de façons, on y peut plus commo-
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46. La Dioprrique. — Discours V.
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126 OŒuvres DE DESCARTES. 46-47.
perience, fi vous ne l'aués encores iamais faite. Voyés
donc, premierement, que, fi on ne met aucun verre au
deuant du trou qu'on aura fait en cete chambre, 1l
paroiftra bien quelques images fur le linge, pouruû
que le trou foit fort eftroit, | mais qui feront fort con-
fufes & imparfaites, & qui le feront d'autant plus, que
ce trou fera moins eftroit; & qu'elles feront auffi d'au-
tant plus grandes, qu'il y aura plus de diftance entre
luy & le linge, en forte que leur grandeur doit auoir,a
peu prés, mefme proportion auec cete diftance, que
la grandeur des obiets, qui les caufent, auec la di-
ftance qui eft entre eux & ce mefme trou. Comme il
eft euident que, fi
ACB eft l'obiet,
D Île trou, & EFG
l'image, EGeft a
FD comme AB
eft a!:C D'Eus,
ayant mis vn verre en forme de lentille au deuant de ce
trou, confiderés qu'il y a certaine diftance determinée,
a laquelle tenant le linge, les images paroiffent fort
diftin@es, & que, pour peu qu'on l’efloigne ou qu'on
l'aproche dauantage du verre, elles commencent a
l'eftre moins. Et que cete diftance doit eftre mefurée
par l’efpace qui ef, non pas entre le linge & le trou,
mais entre le linge & le verre:en forte que, fi l'on met
le verre vn peu au delà du trou de part ou d'autre, le
linge en doit auffi eftre d'autant aproché ou reculé. Et
qu'elle depend en partie de la figure de ce verre, &
en partie aufly de l'efloignement des obiets : car,en
laiflant l'obiet en mefme lieu, moins les fuperficies
-à | ; | ÿ
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47-48. LA DroprTrique. — Discours V. 127
du verre font courbées, plus le linge en doit eftre
efloigné, & en fe feruant du mefme verre, fi les obiets
en font fort | proches, il en faut tenir le linge vn peu
plus loin, que s’ils en font plus efloignés. Et que de
cete diftance depend la grandeur des images, quafi
en mefme façon que lors qu'il n'y a point de verre au
deuant du trou. Et que ce trou peut eftre beaucoup
plus grand, lors qu'on y met vn verre, que lors qu'on
le laiffe tout vuide, fans que les images en foyent pour
cela de beaucoup moins diftinctes. Et que, plus il eft
grand, plus elles paroiffent claires & illuminées : en
forte que, fi on couure vne partie de ce verre, elles
paroïftront bien plus obfcures qu'auparauant, mais
qu'elles ne lairront pas pour cela d'occuper autant
d'efpace fur le linge. Et que, plus ces images font
grandes & claires, plus elles fe voyent parfaitement :
en forte que, fi on pouuoit auf faire vn œil, dont la
profondeur fuft fort grande, & la prunelle fort large,
& que les figures de celles de fes fuperficies qui cau-
fent quelque refraétion, fuffent proportionées a cete
grandeur, les images s'y formeroient d'autant plus
vifibles. Et que, fi ayant deux ou plufieurs verres en
forme de lentilles, mais affés plats, on les ioint l’vn
contre l'autre, ils auront a peu prés le mefme effect
qu'auroit vn feul, qui feroit autant vouté ou conuexe
qu'eux deux enfemble ; car le nombre des fuperficies
où fe font les refraétions n'y fait pas grand chofe. Mais
que, fi on efloigne ces verres a certaines diftances les
vns des autres, le fecond pourra redreffer l'image que
le premier aura renuerfée, & le troifiefme la renuerfer
derechef, & ainfi de fuite. Qui font toutes chofes dont
128 Œuvres DE DESCARTES. 48-50.
les raifons font fort ayfées a deduire de ce que |1'ay
dit, & elles feront bien plus voftres, s'il vous faut vfer
d'vn peu de reflexion pour les conceuoir, que fi vous
les trouuiés icy mieux expliquées.
Au refte, les images des obiets ne fe forment pas >
4 * x ÿ
feulement ainfi au fonds de l'œil, mais elles pañlent
encores au delà iufques au cerueau, comme vous en-
tendrés facilement, fi vous penfés que, par exemple,
les rayons qui|vienent dans l'œil de l’obiet V, tou-
chent au point R l’extremité de l’vn des petits filets 10
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Fo: LA Dioprrique. — Discours V. 129
du nerf optique, qui prend fon origine de l'endroit 7
de la fuperficie interieure du cerueau 789; & ceux de
l'obiet X touchent au point S l'extremité d'vn autre
de ces filets, dont le commencement eft au point 8;
& ceux de l'obiet Ÿ en touchent vn autre au point T,
qui refpond a l'endroit du cerueau marqué 0, & ainfi
des autres. Et que, la lumiere n’eftant autre chofe qu'vn
mouuement, ou vne action qui tend a caufer quelque
mouuement, ceux de fes rayons qui vienent d'V vers
R, ont la force de mouuoir tout le filet R 7, & par con-
fequent l'endroit du cerueau marqué 7; & ceux qui
vienent d'X vers S, de mouuoir tout le nerf S 8, &
mefme de le mouuoir d'autre façon que n'eft meu
R 7, a caufe que les obiets X & V font de deux di-
uerfes couleurs; & ainfi,que ceux qui vienent d'Y, meu-
uent le point 9. D'où il eft manifefte qu'il fe forme
derechef vne peinture 789, aflés femblable aux obiets
V,X, Y, en la fuperficie interieure du cerueau qui re-
garde fes concauités. Et de là ie pourois encores la
tranfporter iufques a vne certaine petite glande, qui
fe trouue enuiron le milieu de ces concauités, & eft
proprement le fiege du fens commun. Mefme ie pou-
rois,encores plus outre, vous monftrer comment quel-
quefois elle peut pañfer de là par les arteres d'vne
femme enceinte, iufques a quelque membre deter-
miné de l'enfant qu'elle porte en fes entrailles, & y
former ces marques d'enuie, qui caufent tant d’ad-
miration a tous les Doctes.!
Œuvres. I. 17
130 OŒEuvres DE DESCARTES. 7e
DE 2 PAMMISION.
Difcours Sixiefme.
Or, encores que cete peinture, en pañlant ainfi
iufques au dedans de noftre tefte, retiene toufiours
quelque chofe de la refemblance des obiets dont elle
procede, il ne fe faut point toutesfois perfuader, ainfi
que ie vous ay defia tantoft aflés fait entendre, que
ce foit par le moyen de cete refemblance qu'elle face
que nous les fentons, comme s'ii y auoit derechef
d'autres yeux en noftre cerueau, auec lefquels nous
la puflions aperceuoir; mais pluftoft, que ce font les
mouuemens par lefquels elle eft compofée, qui, agif-
fans immediatement contre noftre ame, d'autant
qu'elle eft vnie a noftre cors, font infutués de la
Nature pour luy faire auoir de tels fentimens. Ce que
ie vous veux icy expliquer plus en detail. Toutes les
qualités que nous aperceuons dans les obiets de la
veuë, peuuent eftre reduites a fix principales, qui
font : la lumiere, la couleur, la fituation, la diftance,
la grandeur, & la figure. Et premierement, touchant
la lumiere & la couleur, qui feules apartienent pro-
prement au fens de la veue, il faut penfer que nofître
ame eft de telle nature, que la force des mouuemens,
qui fe trouuent dans les endroits du cerueau d'où
vienent les petits filets des nerfs optiques, luy fait
auoir le fentiment de la lumiere ; & la façon de ces
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51-52. LA DioprTrique. — Discoürs VI. 131
mouuemens, celuy de la couleur : ainfi que les mou-
uemens des nerfs qui refpondent aux oreilles, luy
font ouir les fons; & ceux | des nerfs de la langue
luy font goufter les faueurs ; &, generalement, ceux
des nerfs de tout le cors luy font fentir quelque cha-
touillement, quand ils font moderés, & quand ils font
trop violents, quelque douleur; fans qu'il doiue, en
tout cela, y auoir aucune refemblance entre les idées
qu'elle conçoit, & les mouuemens qui caufent ces
idées. Ce que vous croirés facilement, fi vous remar-
qués qu'il femble a ceux qui recoiuent quelque blef-
fure dans l'œil, qu'ils voyent vne infinité de feux &
d'efclairs deuant eux, nonobftant qu'ils ferment les
yeux, ou bien qu'ils foyent en lieu fort obfeur ; en
forte que ce fentiment ne peut eftre attribué qu'a la
feule force du coup, laquelle meut les petits filets du
nerf optique, ainfi que feroit vne violente lumiere ;
& cete mefme force, touchant les oreilles, pourroit
faire ouir quelque fon; & touchant le cors en d'autres
parties, y faire fentir de la douleur. Et cecy fe con-
firme aufly de ce que, fi quelquefois on force fes
yeux a regarder le foleil, ou quelqu'autre lumiere
fort viue, ils en retienent, aprés vn peu de temps,
l'impreflion en telle forte que, nonobftant mefme
qu'on les tiene fermés, il femble qu'on voye diuerfes
couleurs, qui fe changent & pañlent de l'vne a l’autre,
a mefure quelles s’affoibliffent : car cela ne peut
proceder que de ce que les petits filets du nerfop-
tique, ayant efté meus extraordinairement fort, ne
fe peuuent arrefter fitoft que de couftume. Mais l'agi-
tation, qui eft encores en eux aprés que les yeux font
he LS 5 DS SD EE
132 OEUVRES DE DESCARTES. 52-53.
fermés, n'eftant plus aflés grande pour reprefenter
cete forte lumiere qui l’a caufée, reprefente des
couleurs moins viues. Et ces couleurs fe changent en
s'affoibliffant, ce qui monfire que leur nature ne
confifte qu'en la diuerfité du mouuement, & neft
point autre que ie l'ay cy deflus fuppofée. Et enfin
cecy fe manifefte de ce que les couleurs paroïffent
fouuent en des cors tranfparens, où il eft certain
qu'il n'y a rien qui les puiffe caufer, que les diuerfes
façons dont les rayons de la lumiere y font receus,
comme lors que l'arc-en-ciel paroift dans les nuës,
& encores plus clairement, lors qu'on en voit la re-
femblance dans vn verre qui eft taillé a plufeurs
faces.
Mais il faut icy particulierement confiderer en
quoy confifte la quantité de la lumiere qui fe voit,
c'eft a dire, de la force dont eft meu chacun des pe-
tits filets du nerf optique : car elle n'eft pas toufiours
efgale a la lumiere qui eft dans les obiets, mais elle
varie a raifon de leur diflance & de la grandeur
de la prunelle, & auffy a raifon de l'efpace que les
rayons, qui vienent de chafque point de l'obiet,
peuuent occuper au fonds de l'œil. Comme, par
exemple, il eft manifefte que le point X enuoyeroit
plus de rayons dans l'œil B qu'il ne fait, fi la pru-
nelle FF eftoit ouuerte iufques a G; & qu'il en en-
uoye tout autant en cet œil B qui eft proche de luy,
& dont la prunelle eft fort eftroitte, qu'il fait en l'œil
À, dont la prunelle eft beaucoup plus grande, mais
qui eft a proportion plus efloigné. Et encores qu'il
n'entre pas plus de rayons des diuers points de l'ob-
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53-55. La Dioprrique. — Discours VI. 133
iet VXY, confiderés tous enfemble, dans le fonds de
l'œil À que dans celuy de l'œil B, toutesfois, pour
ce que ces rayons ne s'y eftendent qu’en l’efpace TR,
qui eft plus petit que n’eft HI, dans lequel ils s'eften-
dent au fonds de l'œil B, ils y doiluent agir auec plus
de force contre chacune des extremités du nerf op-
tique qu'ils y touchent : ce qui eft fort aifé a calculer.
Car, fi, par exemple, l'efpace HI eft qua-
druple de TR, & qu'il contiene les ex-
tremités de quatre mille des petits filets
du nerf optique, TR ne contiendra que
celles de mille, & par confequent cha-
cun de ces petits filets fera meu, dans le
fonds de l'œil A, par la milliefme partie
des forces qu'ont tous les rayons qui
y entrent, iointes enfemble, &, dans le
fonds de l'œil B, par le quart de la mil-
liefme partie feulement. il faut aufly
confiderer qu'on ne peut difcerner les
parties des cors qu'on regarde, quen
tant qu'elles different en quelque façon
de couleur; & que la vifion diftinéte
de ces couleurs ne depend pas feulement de ce que
tous les rayons, qui vienent de chafque point de
l'obiet, fe raflemblent a peu prés en autant d'autres
diuers poins au fonds de l'œil, & de ce quil n'en
vient aucuns autres d'ailleurs vers ces mefmes
poins, ainfi qu'il a eflé tantoft amplement expliqué ;
mais aufly de la multitude des petits filets du nerf
optique, qui | font en l'efpace qu'occupe l'image au
fonds de l'œil. Car, fi, par exemple, l'obiet VXY eft
*
134 OEuvREs DE DESCARTES. 55-56.
compofé de dix mille parties, qui foyent difpofées
a enuoyer des rayons vers le fonds de l'œil RST,
en dix mille facons differentes, & par confequent
a faire voir en mefme temps dix mille couleurs,
elles n'en pourront neantmoins faire diftinguer a
l'ame que mille tout au plus, fi nous fuppofons qu'il
n y ait que mille des filets du nerf optique en l'ef-
pace RST; d'autant que dix des parties de l’obiet,
agiflant enfemble contre chacun de ces filets, ne le
peuuent mouuoir que d'vne feule façon, compofée
de toutes celles dont elles agiflent, en forte que l’ef-
pace qu occupe chacun de ces filets ne doit eftre con-
fideré que comme vn point. Et c’eft ce qui fait que
fouuent vne prairie, qui fera peinte d'vne infinité de
couleurs toutes diuerfes, ne paroiftra de loin que
toute blanche, ou toute bleuë; &, generalement, que
tous les cors fe voyent moins diftinctement de loin
que de prés; & enfin que, plus on peut faire que
l'image d'yn mefme obiet occupe d'efpace au fonds
de l'œil, plus il peut eftre vü diftinctement. Ce qui
fera cy aprés fort a remarquer.
Pour la fituation, c'eft a dire le cofté vers lequel
eft pofée chafque partie de l'obiet au refpect de noftre
cors, nous ne l'aperceuons pas autrement par l'en-
tremife de nos yeux que par celle de nos mains; &
fa cognoiflance ne depend d'aucune image, ny d'au-
cune action qui viene de l'obiet, mais feulement de
la fituation des petites parties du cerueau d'où les
nerfs | prenent leur origine. Car cete fituation, fe
changeant tant foit peu, a chafque fois que fe change
celle des membres où ces nerfs font inferés, eft in-
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36-37. LA Droprrique. ——" Discours VI. 13$
fütuée de la Nature pour faire, non feulement que
l'ame cognoifle en quel endroit eft chafque partie
du cors qu'elle anime, au refped de toutes les autres;
mais aufly qu'elle puifle transferer de là fon atten-
tion a tous les lieux contenus dans les lignes droites
qu'on peut imaginer eftre tirées de l'extremité de
chacune de ces parties, & prolongées a l'infini.
Comme, lors que l’aueugle, dont nous auons defia
tant parlé cy deffus, tourne fa main
ÉRVÉRUE ou Oanfyivers E, les
nerfs inferés en cete main caufent
vn certain changement en fon cer-
ueau, qui donne moyen a fon ame
de connoiftre, non feulement le lieu
À ou C, mais aufly tous les autres qui font en la
ligne droite AE ou CE, en forte qu'elle peut porter
fon attention iufques aux obiets B & D, & determiner
les lieux où ils font, fans connoiftre pour cela ny
penfer aucunement a ceux où font fes deux mains.
Et ainfi, lors que noftre œil ou noftre tefte fe tour-
nent vers quelque cofté, noftre ame en eft auertie
par le changement que les nerfs inferés dans les
mufcles, qui feruent a ces mouuemens, caufent en
nofire cerueau. Comme icy, en l'œil RST, il faut
penfer que la fituation du petit filet du nerf optique,
qui eft au point R, ou S, ou T, eft fuiuie d'vne autre
certaine fituation de la partie du cerueau 7, ou 8,
ou 9, qui fait que l'ame peut | connoiftre tous les
lieux qui font en la ligne RV, ou SX, ou TY. De
façon que vous ne deués pas trouuer eftrange que
les obiets puiffent eflre veus en leur vraye fituation,
130 OEuvres DE DESCARTES. 57-58.
nonobftant que la peinture, qu'ils impriment dans
;
l'œil, en ait vne toute contraire : ainfi que noftre
aueugle peut fentir en mefme temps l'obiet B, qui eft
a droite, par l'entremife de fa main
gauche; & D, qui eft a gauche, par 5
l'entremile de fa main droite “Et
comme cet aueugle ne iuge point
qu vn cors foit double, encore qu'il
le touche de fes deux mains, ainfi,
lors que nos yeux font tous deux difpofés en la 10
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58-50. La Droprrique. — Discours VI. 137
façon qui eft requife pour porter noftre attention vers
vn mefme lieu, ils ne nous y doiuent faire voir quvn
feul obiet, nonobftant qu'il s'en forme en chafcun
d'eux vne peinture.
La vifion de la diftance ne depend, non plus que
celle de la fituation, d'aucunes images enuoyées des
obiets, mais, premierement, de la figure du cors de
l'œil; car, comme nous auons dit, cete figure doit
eftre vn peu autre, pour nous faire voir ce qui eft
proche de nos yeux, que pour nous faire voir ce qui
en eft plus efloigné, & a mefure que nous la chan-
geons pour la proportionner a la diftance des obiets,
nous changeons aufly certaine partie de noîftre cer-
ueau, d'vne façon qui eft inflituée de la Nature pour
faire aperceuoir a noftre ame cete diftance. Et cecy
nous arriue ordinairement fans que nous y facions
de reflexion ; tout de mefme que,lors que nous fer-
rons quelque cors de noftre main, nous la confor-
mons a la groffeur & a la figure de ce cors, & le
fentons par fon moyen, fans qu'il foit befoin pour
cela que nous penfions a fes mouuemens. Nous co-
gnoïflons, en fecond lieu, la diftance par le rapport
qu'ont les deux yeux l'vn a l'autre. Car, comme noftre
aueugle, tenant les deux baftons AE,CE, dont ie fup-
pole qu'il ignore la longueur, & fçachant feulement
l'interuale qui eft entre fes deux mains À & C, & la
grandeur des angles ACE, CAE, peut de là, comme
par vneGeometrie naturelle, cognoiftre où eft le point
E; ainfi, quand nos deux yeux, RST & rs1, font tournés
vers X, la grandeur de la ligne Ss, & celle des deux
angles XSs & X5S, nous font fçauoir où eft le point X.
Œuvres. I. 18
138 OEUVRES DE DESCARTES. 59-60.
Nous pouuons aufly le mefme par l'aide d'vn œil feul,
en luy fai fant changer de place :* comme, fi, le tenant
tourné vers X, nous le mettons premierement au point
S & incontinent aprés au point s, cela fufflira pour
faire que la grandeur de la ligne Ss & des deux an-
gles XSs & X5S fe trouuent enfemble en noftre fan-
taifie, & nous facent aperceuoir la diftance du point
X : & ce, par vne action de la penfée, qui, n'eftant
qu'vne imagination toute fimple, ne laifle point d'en-
ueloper en foy vn raifonnement tout femblable a celuy
que font les Arpenteurs, lors que, par le moyen de deux
differentes ftations, ils mefurent les lieux inacceffibles.
Nous auons encores vne autre façon d'aperceuoir la
diftance, a fçauoir par la diftinétion ou confufion de
la figure, & enfemble par la force ou debilité de la
lumiere. Comme, pendant que nous regardons fixe-
ment vers X, les rayons qui vienent des obiets 10 &
12, ne s'aflemblent pas fi exaétement vers R & vers
T, au fonds de noftre œil, que fi ces obiets eftoyent
aux points V & Y; d'où nous voyons qu'ils font plus
efloignés, ou plus proches de nous, que n'eft X. Puis,
de ce que la lumiere, qui vient de l'obiet 10 vers
noftre œil, eft plus forte que fi cet obiet eftoit vers V,
nous le iugeons eftre plus proche; & de ce que celle
qui vient de l’obiet 12, eft plus foible que s'il eftoit
vers Ÿ, nous le iugeons plus efloigné. Enfin, quand
nous imaginons defia d'ailleurs la grandeur d'vn
obiet, ou fa fituation, ou la diftinction de fa figure &
de fes couleurs, ou feulement la force de la lumiere
qui vient de luy, cela nous peut feruir, non pas pro-
a. Voir, page 136, la figure de la page 59 de l'édition princeps.
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60. PA Drioprrioue. —— Discours VI.
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prement a voir, mais a imaginer fa diftance. Comme,
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140 OŒEuvres DE DESCARTES. 60-62.
couftumé de|voir de prés, nous en iugeons bien mieux
l'efloignement, que nous ne ferions fi fa grandeur
nous efloit moins connuë. Et regardant vne mon-
taigne expofée au foleil, au delà d'vne foreft couuerte
d'ombre, ce n'eft que la fituation de cete foreft, qui
nous la fait iuger la plus proche. Et regardant fur mer
deux vaifleaux, dont l'vn foit plus petit que l’autre,
mais plus proche a proportion, en forte qu'ils paroif-
fent efgaux, nous pourrons, par la difference de leurs
figures & de leurs couleurs & de la lumiere qu'ils
enuoyent vers nous, iuger lequel fera le plus loin.
Au refte, pour la façon dont nous voyons la gran-
deur & la figure des obiets, ie n'ay pas befoin d'en
rien dire de particulier, d'autant qu'elle eft toute
comprife en celle dont nous voyons la diftance & la
fituation de leurs parties. A fçauoir, leur grandeur
s’eftime par la connoiffance, ou l'opinion, qu'on a de
leur diftance, comparée auec la grandeur des images
qu'ils impriment au fonds de l'œil; & non pas abfo-
lument par la grandeur de ces images, ainfi qu'il eft
afés manifefte de ce que, encore qu'elles foyent, par
exemple, cent fois plus grandes, lors que les obiets
font fort proches de nous, que lors qu'ils en font dix
fois plus efloignés, elles ne nous les font point voir
pour cela cent fois plus grands, mais prefque efgaux,
au moins fi leur diftance ne nous trompe. Et il eft
manifefte aufly que la figure fe iuge par la cognoif-
fance, ou opinion, qu'on a de la fituation des diuerfes
parties des obiets, & non par la refemblance des
peintures qui font dans l'œil : car ces peintures ne
contienent ordinairement que des ouales & des lo-
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GERS 42" Tate rs Do LE UE
62-63. La Dioprrique. — Discours VI. 141
zanges, lors qu'elles nous font voir des cercles & des
quarrés.
Mais, afin que vous ne puifliés aucunement douter
que la vifion ne fe face ainfi que ie l'ai expliquée, ie
vous veux faire encore icy confiderer les raifons
pourquoy il arriue quelquefois qu'elle nous trompe.
Premierement, a caufe que c’eft l'ame qui voit, &
non pas l'œil, & qu'elle ne void immediatement que
par l’entremife du cerueau, de là vient que les frene-
tiques, & ceux qui dorment, voyent fouuent, ou pen-
fent voir, diuers obiets qui ne font point pour cela
deuant leurs yeux : a fçauoir, quand quelques vapeurs,
remuant leur cerueau, difpofent celles de fes parties
qui ont couftume de feruir a la vifion, en mefme façon
que feroyent ces obiets, s'ils eftoyent prefens. Puis, a
caufe que les impreflions, qui vienent de dehors, paf-
fent vers le fens commun par l'entremife des nerfs, fi
la fituation de ces nerfs eft contrainte par quelque
caufe extrordinaire, elle peut faire voir les obiets
en d'autres lieux qu'ils ne font. Comme”, fi l'œil rst,
eftant difpofé de foy a regarder vers X, eft contraint
par le doigt N a fe tourner vers M, les parties du cer-
ueau d'où vienent fes nerfs *, ne fe difpofent pas tout
a fait en mefme forte que fi c'eftoyent fes mufcles
qui le tournaflent vers M; ny aufly en mefme forte
que s'il regardoit veritablement vers X; mais d'vne
façon moyenne entre ces deux, a fçauoir, comme s'il
regardoit vers YŸ; & ainfi l'obiet M paroiftra au lieu
où eft Y, par l’entremife de cet œil, & Y au lieu où ef
X, & X au lieu où eft V, & ces obiets paroiflans auffy
a. « Voyés la figure en la page 59. » (P. 136 de cette édition.)
142 OEuvrEs DE DESCARTES. 63-64.
en mefme temps en leurs vrais lieux, par l'entremife
de l’autre œil RST, ils fembleront doubles. En mefme
façon que, touchant la | petite boule
G des deux doigts A & D croifés l'vn
fur l’autre, on en penfe toucher deux ;
a caufe que, pendant que ces doigts
fe retienent l’vn l'autre ainfi croifés,
les mufcles de chacun d'eux tendent a
les efcarter, A vers C, & D vers F: au
moyen de quoy les parties du cerueau d'où vienent
les nerfs qui font inferés en ces mufcles, fe trou-
uent difpofées en la façon qui eft requife pour faire
qu'ils femblent eftre, A vers B, & D vers E, & par con-
fequent y toucher deux diuerfes boules, H & I. De
plus, a caufe que nous fommes accouftumés de iuger
que les impreflions qui meuuent noftre veuë, vienent
des lieux vers lefquels nous deuons regarder pour les
fentir, quand il arriue qu'elles vienent d'ailleurs, nous
y pouuons facilement eftre trompés. Comme ceux
qui ont les yeux infectés de la iauniffe, ou bien qui
regardent au trauers d'vn verre laune, ou qui font
enfermés dans vne chambre où 1l n'entre aucune lu-
miere que par de tels verres, attribuent cete couleur
a tous les cors qu'ils regardent. Et celuy qui eft dans
la chambre obfcure que ray tantoft defcrite*, attribue
au cors blanc RST les couleurs des obiets V,X,Y, a
caufe que c'eft feulement vers luy qu'il drefle fa veué.
Et les yeux A,B,C,D,E,F, voyans les obiets T,V,X,Y,Z,
&, au trauers des verres N,O,P, & dans les miroirs
Q,R;S, les iugent eftre aux points G,H,I,K,L,M; &
a. « Voyés la figure en la page 6r. » (P. 139 ci-avant.)
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64-66. La Dioprrique. — Discours VI. 143
V,Z eftre plus petits, & X, & plus grands qu'ils ne
font : ou bien aufly X, € plus petits & auec cela
renuerfés, a fçauoir, lors qu'ils font vn peu loin des
yeux C,F, d'autant que ces verres & ces | miroirs dé-
5 tournent les rayons qui vienent de ces obiets, en telle
forte que ces yeus ne les peuuent voir diftinétement,
qu'en fe difpofant comme ils doiuent eftre pour re-
garder vers les points G,H,I,K,L,M, ainfi que | con-
noiftront facilement ceux qui prendront la peine de
144 OŒEuvres DE DESCARTES. 66-67.
l'examiner. Et ils verront, par mefme moyen, combien
les anciens fe font abufés en leur Catoptrique, lors
qu'ils ont voulu determiner le lieu des images dans
les miroirs creux & conuexes. Il eft auffy a remar-
quer que tous les moyens quon a pour connoiftre la
diftance, font fort incertains: car, quant a la figure de
l'œil, elle ne varie quañ plus fenfiblement, lors que
l'obiet eft a plus de quatre ou cinq pieds loin de luy, &
mefme elle varie fi peu lors qu'il eft plus proche,
qu'on n'en peut tirer aucune connoiffance bien precife.
Et pour les angles compris entre les lignes tirées des
deus yeux l'vn a l'autre & de la vers l'obiet, ou de
deus fations d'vn mefme obiet, ils ne varient aufly
prefque plus, lors qu'on regarde tant foit peu loin.
En fuite de quoy noftre fens commun mefme ne femble
pas eftre capable de receuoir en foy l'idée d'vne di-
ftance plus grande qu'enuiron de cent où deus cens
pieds, ainfi qu’il fe peut verifier de ce que la lune &
le foleil, qui font du nombre des cors les plus efloi-
gnés que nous puiflions voir, & dont les diametres
font a leur diftance a peu prés comme vn a cent,
n’ont couftume de nous paroiftre que d'vn ou deus
pieds de diametre tout au plus, nonobftant que nous
fcachions aflés, par raifon, qu'ils font extremement
grands & extremement efloignés. Car cela ne nous
arriue pas faute de les pouuoir conceuoir plus grands
que nous ne faifons, vù que nous conceuons bien des
tours & des montaignes beaucoup plus grandes, mais
pour ce que, ne les pouuant conceuoir plus efloignés
que de cent ou deus cens pieds, il fuit de là que leur
diametre ne nous doit | paroiftre que d'vn ou de deus
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67. LA Dioprrique. — Discours VI. 14$
pieds. En quoy la fituation ayde aufly a nous tromper;
car ordinairement ces Aftres femblent plus petits,
lors qu'ils font fort hauts vers le midy, que lors que,
fe leuant ou fe couchant, il fe trouue diuers obiets
entre eus & nos yeus, qui nous font mieus remar-
quer leur diftance. Et les Aftronomes efprouuent
affés, en les mefurant auec leurs inftrumens, que ce
qu'ils paroiflent ainfi plus grands vne fois que l'autre,
ne vient point de ce qu'ils fe voyent fous vn plus
grand angle, mais de ce qu'ils fe iugent plus efloi-
gnés ; d'où il fuit que l'axiome de l'anciene Optique,
qui dit que la grandeur apparente des obiets eft pro-
portionnée a celle de l'angle de la vifion, n'eft pas
toufiours vray. On fe trompe aufly en ce que les cors
blancs ou lumineus, & generalement tous ceus qui
ont beaucoup de force pour mouuoir le fens de la
veuë, paroiflent toufiours quelque peu plus proches
& plus grands qu'ils ne feroient, s'ils en auoient
moins. Or la raifon qui les fait paroiftre plus proches,
eft que le mouuement dont la prunelle s'eftrecift pour
euiter la force de leur lumiere, eft tellement ioint
auec celuy qui difpofe tout l'œil a voir diftinétement
les obiets proches, & par lequel on iuge de leur di-
flance, que l'vn ne fe peut gueres faire, fans qu'il fe
face aufly vn peu de l’autre : en mefme façon qu'on ne
peut fermer entierement les deus premiers doigts de
la main, fans que le troifiefme fe courbe auffy quelque
peu, comme pour fe fermer auec eus. Et la raifon
pourquoy ces cors blancs ou lumineus paroiflent
plus grands, ne confifte pas feulement en ce que
l’eftime qu'on fait de leur grandeur depend de celle
Œuvres, I. 19
.
146 OŒEuvREs DE DESCARTES. 67-68.
de leur diftance, mais aufly en ce que leurs images
s'impriment plus grandes dans le fonds de l'œil. Car
il faut remarquer que les bouts des filets du nerf op-
tique qui le couurent, encores que trés petits, ont
neantmoins quelque grofleur; en forte que chacun
d'eus peut eftre touché en l'vne de fes parties par vn
obiet, & en d’autres par d’autres; & que n'eftant
toutesfois capable d'eftre meu que d’vne feule façon a
chafque fois, lors que la moindre de fes parties ef tou-
chée par quelqu'obiet fort efclatant, & les autres par
d'autres qui le font moins, il fuit tout entier le mou-
uement de celuy qui eft le plus efclatant, & en re-
prefente l'image, fans reprefenter celle des autres.
Comme, files bouts de ces petits filets font 1,2,3, &
que les rayons qui vienent, par exemple, tracer
l’image d'vne eftoile fur le fonds de l'œil, s'y eften-
dent fur celuy qui eft marqué 1, & tant foit peu au
delà tout autour fur les extremités des fix
autres marqués 2, fur lefquels ie fuppofe
qu'il ne vient point d'autres rayons, que fort
foibles, des parties du ciel voifines a cete
eftoile, fon image s'eftendra en tout l'efpace qu'oc-
cupent ces fix marqués 2, & mefme peuteftre en-
cores en tout celuy qu'occupent les douze marqués
3, fi la force du mouuement eft fi grande qu'elle fe
communique aufly a eus. Et ainfi vous voyés que
les Eftoiles, quoy qu'elles paroiflent aflés petites,
paroiflent neantmoins beaucoup plus grandes qu'elles
ne deuroient a raifon de leur extreme diftance. Et
encores qu'elles ne feroient pas entierement rondes,
elles ne lairroient pas de paroiftre telles, comme
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30
63-70. La DioprTrique. — Discours VII. 147
aufly vne tour quarrée eftant veuë de loin paroift
ronde, & tous les cors qui|ne tracent que de fort
petites images dans l'œil, n'y peuuent tracer les
figures de leurs angles. Enfin, pour ce qui eft de iuger
de la diftance par la grandeur, ou la figure, ou lacou-
leur, ou la lumiere, les tableaus de Perfpectiue nous
monftrent aflés combien il eft facile de s'y tromper.
Car fouuent, parce que les chofes, qui y font peintes,
font plus petites que nous ne nous imaginons qu'elles
doiuent eftre, & que leurs lineamens ra plus confus,
& leurs couleurs plus brunes ou plus foibles, elles
nous paroiflent plus efloignées qu'elles ne font. |
DES MOYENS
DE PERFECTIONNER LA VISION.
Difcours Septiefme.
Maintenant que nous auons affés examiné com-
ment fe fait la vifion, receuillons en peu de mots &
nous remettons deuant les yeux toutes les condi-
tions qui font requifes a fa perfeétion, afin que,
confiderant en quelle forte il a defia efté pouruü
a chacune par la Nature, nous puiflions faire vn
denombrement exact de tout ce qui refte encore a
l'art a y adioufter. On peut reduire toutes les chofes
aufquelles il faut auoir icy efgard, a trois princi-
148 OEUVRES DE DESCARTES. 70-71»
pales, qui font : les obiets, les organes interieurs qui
reçoiuent les actions de ces obiets, & les exterieurs
qui difpofent ces actions a eftre receues comme elles
doiuent. Et touchant les obiets, il fuffit de fçauoir
que les vns font proches ou acceflibles, & les autres
efloignés & inacceflibles ; &,auec cela,les vns plus,
les autres moins illuminés; afin que nous foyons
auertis que, pour ce qui eft des acceflibles, nous les
pouuons approcher ou efloigner, & augmenter ou
diminuer la lumiere qui les efclaire, felon qu'il nous
fera le plus commode; mais que, pour ce qui con-
cerne les autres, nous n'y pouuons changer aucune
chofe. Puis, touchant les organes interieurs, qui font
les nerfs & le cerueau, il eft certain aufly que nous
ne fçaurions rien adiouter par | art a leur fabrique;
car nous ne fçaurions nous faire vn nouueau cors,
& fi les medecins y peuuent ayder en quelque chofe,
cela n'apartient point a noftre fuiet. Si bien qu'il ne
nous refle a confiderer que les organes exterieurs,
entre lefquels ie comprens toutes les parties tranfpa-
rentes de l'œil, auffy bien que tous les autres cors
qu on peut mettre entre luy & l'obiet. Et ie trouue
que toutes les chofes aufquelles il eft befoin de pour-
uoir auec ces organes exterieurs, peuuent eftre re-
duites a quattre points. Dont le premier eft que tous
les rayons qui fe vont rendre vers chacune des extre-
mités du nerf optique, ne vienent, autant qu'il eft
poflible, que d'vne mefme partie de l'obiet, & qu'ils
ne reçoiuent aucun changement en l'efpace qui eft
entre deus : car, fans cela, les images qu'ils forment
ne fçauroient eftre ny bien femblables a leur origi-
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Re
SL RER
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;
s
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71-72. La Dioprrique. — Discours VII. 149
nal, ny bien diftinctes. Le fecond, que ces images
foient fort grandes; non pas en eftendue de lieu, car
elles ne fçauroient occuper que le peu d’efpace qui
fe trouue au fonds de l'œil; mais en l'eftendue de
leurs lineamens ou de leurs trais, car il eft certain
qu'ils feront d'autant plus ayfés a difcerner qu'ils
feront plus grands. Le troifiefme, que les rayons qui
les forment foyent affés forts pour mouuoir les petits
filets du nerf optique, & par ce moyen eftre fentis ;
mais qu'ils ne le foyent pas tant qu'ils bleffent la
veuë. Et le quatriefme, qu'il y ait le plus d’obiets qu'il
fera poflible, dont les images fe forment dans l'œil en
mefme temps, afin qu'on en puifle voir le plus qu'il
fera poflible tout d’vne veuë.
Or la Nature a employé plufieurs moyens a pour-
uoir|a la premiere de ces chofes. Car, premierement,
rempliflant l'œil de liqueurs fort tranfparentes & qui
ne font teintes d'aucune couleur, elle a fait que les
actions qui vienent de dehors, peuuent pañfer iufques
au fonds fans fe changer. Et par les refra@ions que
caufent les fuperficies de ces liqueurs, elle a fait
qu'entre les rayons, fuiuant lefquels ces aétions fe
conduifent, ceux qui vienent d'vn mefme point, fe
rafflemblent en vn mefme point contre le nerf; & en
fuite, que ceux qui vienent des autres points, s'y
raflemblent auffy en autant d'autres diuers points,
le plus exaétement qu'il eft poffible. Car nous deuons
fuppofer que la Nature a fait en cecy tout ce qui eft
poflible, d'autant que l'experience ne nous y fait rien
aperceuoir au contraire. Et mefme nous voyons que,
pour rendre d'autant moindre le defaut qui ne peut,
*
I $0 Œuvres DE DESCARTES. N N72-73-
en cecy, eftre totalement euité, elle a fait qu'on puiffe
reftrecir la prunelle quafi autant que la force de la
lumiere le permet. Puis, par la couleur noire dont
elle a teint toutes les parties de l'œil, oppofées au
nerf, qui ne font point tranfparentes, elle a empefché
qu'il n'allaft aucuns autres rayons vers ces mefmes
points. Et enfin, par le changement de la figure du
cors de l'œil, elle a fait qu encore que les obiets en
puiflent eftre plus ou moins efloignés vne fois que
l'autre, les rayons qui vienent de chacun de leurs
points, ne laiffent pas de s’aflembler, toufiours aufly
exactement quil fe peut, en autant d'autres points au
fonds de l'œil. Toutefois, elle n'a pas fi entierement
pouruü a cete derniere partie, qu'il ne fe trouue en-
core quelque chofe a y adiouter : car, outre que, com-
munement a tous, elle ne} nous a pas donné le moyen
de courber tant les fuperficies de nos yeux, que nous
puiflions voir diftinétement les obiets qui en font
fort proches, comme a vn doigt ou vn demi doigt
de diftance, elle y a encore manqué dauantage en
quelques vns, a qui elle a fait les yeux de telle figure,
qu'ils ne leur peuuent feruir qu'a regarder les chofes
efloignées, ce qui arriue principalement aus vieillars ;
& aufly en quelques autres, a qui, au contraire, elle
les a fait tels, qu'ils ne leur feruent qu'a regarder les
chofes proches, ce qui eft plus ordinaire aus ieunes
gens. En forte qu'il femble que les yeux fe forment,
au commencement, vn peu plus longs & plus eftrois
qu'ils ne doiuent eftre, & que, par aprés, pendant qu'on
vieillift, ils deuienent plus plats & plus larges. Or,
afin que nous puiflions remedier par art a ces defauts,
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73-74. LA Dioprrique. — Discours VII. IS]
il fera premierement befoin que nous cherchions les
figures que les fuperficies d'vne piece de verre ou de
quelqu'autre cors tranfparent doiuent auoir, pour
courber les rayons, qui tombent fur elles, en telle
forte que tous ceux qui vienent d'vn certain point de
l'obiet, fe difpofent, en les trauerfant, tout de mefme
que s'ils eftoient venus d'vn autre point, qui fuft plus
proche ou plus efloigné : a fçauoir, qui fuft plus
proche, pour feruir a ceux qui ont la veuë courte;
& qui fuft plus efloigné, tant pour les vieillars que
generalement pour tous ceux qui veulent voir des
obiets plus proches que la figure de leurs yeux ne le
permet. Car, par exemple, l'œilB, ou C, eftant difpofé
a faire que tous les rayons
qui vienent du point H, ou
I, s'affemblent au milieu de
fon fonds ; & ne le pouuant
eftre a faire aufly que ceux
du point V, ou X, s’y aflem-
blent ; il eft euident que, fi
on met au deuant de|luy
le verre O, ou P, qui face
que tous les rayons du
_ point V, ou X, entrent de-
dans, tout de mefme que
s'ils venoyent du point H,
ou I, on fuppleera par ce
moyen a fon defaut. Puis,
a caufe qu'il peut y auoir des verres de plufeurs
diuerfes figures, qui ayent en cela exaétement le
* mefme effeét, il fera befoin, pour choilir les plus
If? Œuvres DE DESCARTES. 74-75.
propres a noftre deflein, que nous prenions encore
garde principalement a deux conditions. Dont la
premiere eft que ces figures foyent les plus fimples &
les plus ayfées a defcrire & a tailler qu'il fera poffible.
Et la feconde, que par leur moyen les rayons qui vie-
nent des autres points de l'obiet,comme E,E, entrent
dans J'œil a peu prés de mefme que s'ils venoient
d'autant d’autres points, comme F,F. t Enotés que ie
dis feulement icy a peu prés, non autant qu'il eft pof-
fible ; car, outre qu'il feroit peuteftre affés mal-ayfé a
determiner par Geometrie, entre vne infinité de figures
qui peuuent feruir a ce mefme effect, celles qui y font
exactement les plus propres, il feroit entierement inu-
tile, a caufe que, l'œil mefme ne faifant pas que tous
les rayons qui vienent de diuers | points, s'aflemblent
iuftement en autant d'autres diuers points, elles ne
feroyent pas fans doute pour cela les plus propres a
rendre la vifion bien diftinéte, & il eft impoñfible en
cecy de choifir autrement qu'a peu prés, a caufe que
la figure precife de l'œil ne nous peut eftre cognue.
De plus, nous aurons toufiours a prendre garde, lors
que nous appliquerons ainfi quelque cors au deuant
de nos yeux, que nous imitions autant qu'il fera pof-
fible la Nature, en toutes les chofes que nous voyons
qu'elle a obferué en les conftruifant; & que nous ne
perdions aucun des auantages qu'elle nous a donnés,
fi ce n’eft pour en gaigner quelque autre plus im-
portant.
Pour la grandeur des images, il eft a remarquer
qu'elle depend feulement de trois chofes, a fçauoir,
de la diftance qui eft entre l'obiet & le lieu où fe :
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75-77. La DioprriQue. — Discours VII. 143
eroifent les rayons qu'il enuoye de diuers de fes
poins vers le fonds de l’œil; puis, de celle qui eft
entre ce mefme lieu & le fonds de l'œil ; & enfin, de
la refracion de ces rayons. Comme il eft euident* que
l'image RST feroit plus grande qu'elle n'eft, fi l'obiet
VX Y eftoit plus proche du lieu K, où fe croyfent les
rayons VKR & YKT, ou pluftoft de la fuperficie
B CD, qui eft proprement le lieu où ils commencent
a fe croifer, ainfi que vous verrés cy aprés ; ou bien,
fi on pouuoit faire que le cors de l'œil fuft plus long,
en forte quil y euft plus de diftance qu'il n y a, depuis
fa fuperficie BCD, qui fait que ces rayons s'entre-
croyfent, iufques au fonds RST; ou enfin, fi la re-
fraétion ne les courboit pas tant en dedans vers le
milieu S, mais pluftoft, s’il eftoit poflible, en dehors.
Et quoy qu on imagine outre ces trois chofes, il n’y
a rien | qui puifle rendre cete image plus grande.
Mefme la derniere n'eft quafi point du tout confide-
rable, a caufe qu'on ne peut iamais augmenter l'image
par fon moyen que de fort peu, & ce auec tant de
dificulté, qu'on le peut toufiours plus ayfement par
l'vne des autres, ainfi que vous fçaurés tout mainte-
nant. Aufly voyons nous que la Nature l'a negligée:
car, faifant que les rayons, comme VKR & YKT, fe
courbent en dedans vers S fur les fuperficies BCD &
123, elle a rendu l'image RST vn peu plus petite
que fi elle auoit fait qu'ils fe courbaffent en dehors,
comme ils font vers $ fur la fuperficie 456, ou qu'elle
les euft laiffé eftre tous droits. On n’a point befoin
auffy de confiderer la premiere de ces trois chofes,
a. Voir, p. 139 ci-avant, la figure de la p. 76 de l'édition princeps.
Œuvres. I, 20
1$4 OEuvres DE DESCARTES. 77-78
lors que les obiets ne font point du tout acceflibles :
mais, lors qu'ils le font, il eft euident que, d'autant
que nous les regardons de plus prés, d'autant leurs
images fe forment plus grandes au fonds de nos yeux.
Si bien que, la Nature ne nous ayant pas donné le
moyen de les regarder de plus prés qu'enuiron a vn
pied ou demi pied de diftance, afin d'y adioufter par
art tout ce qui fe peut, il eft feulement befoin d'inter-
pofer vn verre, tel que celuy* qui eft marqué P, dont
il a efté parlé tout maintenant, qui face que tous les
rayons, qui vienent d'vn point le plus proche qu'il fe
pourra, entrent dans l'œil comme s'ils venoient d'vn
autre point plus efloigné. Or tout le plus qu'on
puifle faire par ce moyen, c'eft qu'il n y aura que la
douze ou quinziefme partie d'autant d’efpace entre
l'œil & l'obiet, qu'il y en deuroit auoir fans cela; &
ainfi, que les rayons qui viendront de diuers poins de
cet obiet, fe croifans douze ou quinze fois | plus prés
de luy, ou mefme quelque peu dauantage, a caufe
que ce ne fera plus fur la fuperficie de l'œil qu'ils
commenceront a fe croifer, mais pluftoft fur celle du
verre, dont l’obiet fera vn peu plus proche, ils for-
meront vne image, dont le diametre fera douze ou
quinze fois plus grand qu'il ne pourroit eftre, fi on
ne fe feruoit point de ce verre; & par confequent
fa fuperficie fera enuiron deus cens fois plus grande,
ce qui fera que l’obiet paroïftra enuiron deux cent
fois plus diftinétement; au moyen de quoy il pa-
roiftra aufly beaucoup plus grand, non pas deus cent
fois iuftement, mais plus ou moins, a proportion de
a. « Voyés en la page 74. » (Figure p. 151 ci-avant.)
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78-70. LA DioprTrique. — Discours VII. 1$$
ce qu'on le iugera eftre efloigné. Car, par exemple,
fi, en regardant l'obiet X au trauers du verre P, on
difpofe fon œil C en mefme forte qu'il deuroit eftre
pour voir vn autre obiet, qui feroit a 20 ou 30 pas
loin de luy, & que, n'ayant d'ailleurs aucune cognoif-
fance du lieu où eft cet obiet X, on le iuge eftre
veritablement a trente pas, 1l femblera plus d'vn mi-
lion de fois plus grand quil n'eft. En forte qu'il
pourra deuenir d'vne puce vn elephant; car il eft cer-
tain que l'image que forme vne puce au fonds de
l'œil, lors qu'elle en eft fi proche, n'eft pas moins
grande que celle qu'y forme vn elephant, lors qu'il
en eft a trente pas. Et c'eft fur cecy feul qu'eft fondée
toute l'inuention de ces petites lunetes a puces com-
pofées d'vn feul verre, dont l'vfage eft par tout aflés
commun, bien qu'on n'ait pas encores connu la vraye
figure quelles doiuent auoir; & pource qu’on fçait
ordinairement que l'obiet eft fort proche, lors qu'on
les employe a le regarder, il ne peut paroiftre fi grand
qu'il feroit, fi on l'imaginoit plus efloigné.
|Il ne refte plus qu'vn autre moyen pour augmenter
la grandeur des images, qui eft de faire que les rayons
qui vienent de diuers points de l'obiet, fe croifent le
plus loin qu'il fe pourra du fonds de l'œil; mais il eft
bien, fans comparaifon, le plus important & le plus
confiderable de tous. Car c'eft l'vnique qui puiffe fer-
uir pour les obiets inacceflibles, aufly bien que pour
les acceflibles, & dont l'effet n’a point de bornes :
en forte qu'on peut, en s'en feruant, augmenter les
images de plus en plus iufques a vne grandeur inde-
finie. Comme, par exemple, d'autant que la premiere
1,6 Œuvres DE DESCARTES. 50e
des trois liqueurs dont l'œil eft rempli, caufe a peu
prés mefme refraétion que l'eau commune, fi on ap-
plique tout contre vn tuyau plein d'eau, comme EF, au
bout duquel il y ait vn verre GHI,
dont la figure foit toute femblable 5
a celle de la peau BCD qui couure
cete liqueur, & ait mefme rapport
a la diftance du fonds de l’œil, ilne
fe fera plus aucune refraion a
l'entrée de cet œil; mais celle qui 10
s'y faifoit auparauant, (& qui eftoit
caufe que tous les rayons qui ve-
noient d'vn mefme point de l'obiet
commençoient a fe courber dés cet
Lendroit là, pour s’aller aflembler :5
en vn mefme point fur les extre-
mités du nerf optique, & qu'enfuite
tous ceux qui venoyent de diuers
points s'y croifoient, pour s'aller
rendre fur diuers points de ce nerf), 20
fe fera dés l'entrée du tuyau GI : fi
bien que ces rayons, fe croifans dés
là, formeront l'image RST beau-
coup plus grande que s'ils ne fe
croifoient que fur la fuperficie 25
BCD; & ils la formeront de plus
en plus grande felon que ce tuyau
fera plus long. Et ainfi l’eau EF faifant l'office de
l'humeur K; le verre GHI, celuy de la peau BCD; &
l'entrée du tuyau GI, celuy de la prunelle; la vifion fe %o
fera en mefme façon que fi la Nature auoit fait l'œil
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80-81. LA Dioprrique. — Discours VII. 1,7
plus long qu'il n'eft, de toute la longeur de ce tuyau.
Sans qu'il y ait autre chofe a remarquer, finon que la
vraye prunelle fera, pour lors, non feulement inutile,
mais mefme nuifible, en ce qu’elle exclura, par fa peti-
teffe, les rayons qui pourroient aller vers les coftés du
fonds de l'œil, & ainfi empefchera que les images ne
s'y eftendent en autant d'efpace qu'elles feroient, fi
elle n'eftoit point fi eftroite. Il ne faut pas aufly que ie
m oublie de vous auertir que les refraétions particu-
lieres, qui fe font vn peu autrement dans le verre GHI
que dans l'eau EF, ne font point icy confiderables, a
caufe que, ce verre eftant par tout efgalement efpais,
fi la premiere de ces fuperficies fait courber les rayons
vn peu plus que ne feroit celle de l’eau, la feconde les
redrefle d'autant a mefme temps. Et c’eft pour cete
mefme raifon que, cy deflus, ie n'ay point parlé des
refrattions que peuuent caufer les peaus qui enue-
loppent les humeurs de l'œil, mais feulement de celles
de fes humeurs.
|Or, d'autant qu'il yauroit beaucoup d'incommodité
a ioindre de l’eau contre noftre œil, en la façon que
ie vien d'expliquer; & mefme que,ne pouuant fçauoir
precifement quelle eft la figure de la peau BCD qui
le couure, on ne fçauroit determiner exatement celle
du verre GHI, pour le fubftituer en fa place; il fera
mieux de fe feruir d’vne autre inuention, & de faire,
par le moyen d'vn ou de plufieurs verres ou autres
cors tranfparens, enfermés aufly en vn tuyau, mais
non pas 1oints a l’œil fi exactement qu'il ne demeure
vn peu d'air entre deux, que, dés l'entrée de ce tuyau,
les rayons qui vienent d'yn mefme point de l'obiet fe
158 OEuvres DE DESCARTES. 81-82.
plient, ou fe courbent, en la façon qui eft requife
pour faire qu'ils aillent fe raffembler en vn autre
point, vers l'endroit où fe trouuera le milieu du fonds
de l'œil, quand ce tuyau fera mis au deuant. Puis, de
rechef,que ces mefmes rayons, en fortant de ce tuyau,
fe plient & fe redreffent en telle forte qu'ils puiffent
entrer dans l'œil tout de mefme que s'ils n’auoient
point du tout efté pliés, mais feulement qu'ils vinffent
de quelque lieu qui fuft plus proche. Et enfuite, que
ceux qui viendront de diuers points, s'eftant croifés
dés l'entrée de ce tuyau, ne fe decroyfent point a la
fortie, mais qu'ils aillent vers l'œil en mefme façon
que s'ils venoient d'vn obiet qui fuft plus grand, ou
plus proche. Comme, fi le tuyau HF eft rempli d'vn
verre tout folide, dont la fuperficie GHI foit de telle
figure, qu’elle face que tous les rayons qui vienent du
point X, eftant dans le verre,tendent vers S; & que
fon autre fuperficie KM les plie de rechef en telle
forte, qu'ils tendent de là vers l'œil en mefme façon
que s'ils venoient | du point x, que ie fuppofe en tel
lieu, que les lignes xC & CS ont entre elles mefme
proportion que XH & HS; ceux qui viendront du
point V les croyferont neceflairement en la fuperficie
GHI, de façon que, fe trouuant defia efloignés d'eus
lors qu'ils feront a l’autre bout du tuyau, la fuperficie
KM ne les en pourra pas rapprocher, principalement
fi elle eft concaue, ainfi que ie la fuppofe; mais elle
les renuoyra vers l'œil, a peu prés en mefme forte que
s'ils venoient du point y. Au moyen de quoy ils for-
meront l'image RST d'autant plus grande que le tuyau
fera plus long, & il ne fera point befoin, pour deter-
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82-83. La Dioprrique. — Discours VII. 1$9
miner les figures des cors tranfparens dont on voudra
fe feruir a cet effet, de fçauoir
exactement quelle eft celle de la
fuperficie BCD.
5 Mais, pour ce qu'il y auroit de
rechef de l’incommodité a trouuer
des verres ou autres tels cors qui
fufent aflés efpais pour remplir tout
le tuyau HF, & affés clairs & tranf-
10 parens pour n'emfpefcher point pour
cela le paflage de la lumiere, on
pourra. laiffer vuide tout le dedans
de ce tuyau, & mettre feulement
deux verres a fes deux bouts, qui
15 facent le mefme effet que ie vien de
dire que les deux fuperficies GHI
& KLM deuoient faire. Et c’eft fur
cecy feul qu'eft fondée toute l'in-
uention de ces lunetes compofées
20 de deux verres mis aus deux bouts
d'vn tuyau, qui m'ont donné occa-
fion d’efcrire ce Traité.
Pour la troifiefme condition qui
eft requife a la perfe@ion de la veuë
25 de la part des organes exterieurs, a
{fçauoir, que les ations qui meuuent
chafque filet du nerf optique ne
foyent ny trop fortes ny trop foibles,
la Nature y a fort bien pouruüû, en
30 nous donnant le pouuoir d'eftrecir
& d’eflargir les prunelles de nos yeux. Mais elle a
160 Œuvres DE DESCARTES. 83-84.
encore laifé a l'art quelque chofe a y adioufter. Car,
premierement, lors que ces aétions font fi fortes,
qu'on ne peut aflés eftrecir les prunelles pour les
fouffrir, comme lors qu'on veut regarder le foleil, il
eft ayfé d'y apporter remede en fe mettant contre
l'œil quelque cors noir, dans lequel il n'y ait qu'vn
trou fort eftroit, qui face l'office de la prunelle; ou
bien en regardant au trauers d'vn crefpe, ou de quel-
qu'autre tel cors vn peu obfcur, & qui ne laiffe entrer
en l'œil qu'autant de rayons de chafque partie de
l'obiet, qu'il en eft befoin pour mouuoir le nerf op-
tique fans le bleffer. Et lors que, tout au contraire,
ces adions font trop foibles pour eftre fenties, nous
pouuons les rendre plus fortes, au moins quand les
obiets font acceflibles, en les expofant aux rayons
du foleil, tellement ramañlés par l'ayde d'vn miroir
ou verre bruflant, qu'ils ayent le plus de force | qu'ils
puiflent auoir pour les illuminer fans les corrompre.
Puis, outre cela, lors qu'on fe fert des lunetes dont
nous venons de parler, d'autant qu'elles rendent la
prunelle inutile, & que c'’eft l'ouuerture par où elles
reçoiuent la lumiere de dehors qui fait fon office,
c'eft elle aufly qu'on doit eflargir ou eftrecir, felon
qu'on veut rendre la vifion plus forte ou plus foible.
Et il eft a remarquer que, fi on ne faifoit point cete
ouuerture plus large qu'eft la prunelle, les rayons
agiroient moins fort contre chafque partie du fonds
de l'œil, que fi on ne fe feruoit point de lunetes : & ce,
en mefme proportion que les images qu'ils y forme-
roient feroient plus grandes : fans conter ce que les
fuperficies des verres interpofés oftent de leur force.
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84-85. La Dioprrique. — Discours VII. 161
Mais on peut la rendre beaucoup plus large, & ce
d'autant plus, que le verre qui redrefle les rayons, eft
fitué plus proche du point vers lequel celuy qui les a
pliés les faifoit tendre. Comme, fi le verre GgH: fait
que tous les rayons qui vienent du
point qu on veut regarder tendent
vers S, & qu'ils foient redreffés par
le verre KLM, en forte que de là
ils tendent paralleles vers l’œil :
pour trouuer la plus grande lar-
geur que puifle auoir l'ouuerture
du tuyau, il faut faire la diftance
qui eft entre les points K & M,
efgale au diametre de la prunelle:
puis, tirant du point S deus lignes
droites qui pañlent par K & M, a
fçauoir SK, qu'il faut prolonger
iufques a g; & SM, iufques a :;
on aura g1 pour le diametre qu'on
cherchoit. Caril eft manifefte que,
fi on la faifoit plus grande, il n'en- +
treroit point pour cela dans l'œil
plus de rayons du point vers lequel on drefle fa veué,
& que, pour ceux qui y viendroient de plus des autres
lieus, ne pouuans ayder a la vifion, ils ne feroient que
la rendre plus confufe. Mais fi, au lieu du verre KLM,
on fe fert de ]m, qui, a caufe de fa figure, doit eftre
mis plus proche du point S, on prendra de rechef la
diftance entre les points À & "1 efgale au diametre de
la prunelle; puis, tirant les lignes SkG & Sml, on
aura GI pour le diametre de l'ouuerture cherchée,
Œuvres. I. 21
162 Œuvres DE DESCARTES. 85-86.
qui, comme vous voyés, eft plus grand que gr, en
mefme proportion que la ligne SL furpañle SJ. Et fi
cete ligne S/ n'eft pas plus grande que le diametre
de l'œil, la vifion fera aufly forte a peu prés, & aufly
claire, que fi on ne fe feruoit point de lunetes, & que
les obiets fuffent, en recompenfe, plus proches qu'ils
ne font, d'autant qu'ils paroïflent plus grands. En forte
que, fi la longeur du tuyau fait, par exemple, que
l'image d'vn obiet efloigné de trente lieues fe forme
aufly grande dans l'œil, que s'il n'eftoit efloigné que
de trente pas, la largeur de fon entrée, eftant telle que
ie viens de la determiner, fera que cet obiet fe verra
aufly clairement que fi, n'en eftant veritablement ef-
loigné que de trente pas, on le regardoit fans lunetes.
Et fi on peut faire cete diftance entre les points S &
encore moindre, la vifion fera encore plus claire.
Mais cecy ne fert principalement que pour les obiets
inacceffbles; car, pour ceus qui font acceflibles, l’ou-
uerture du tuyau peut eftre d'autant plus eftroite
qu'on les en aproche d'auantage, fans pour cela que
la vifion en foit moins claire. Comme
vous voyés quil n'entre pas moins de
rayons du point X dans le petit verre gi,
que dans le grand GI. Et enfin, elle ne
peut eftre plus large que les verres qu’on
y applique, lefquels, a caufe de leurs fi-
gures, ne doiuent point exceder certaine
grandeur, que ie determineray cy aprés.
Que fi quelquefois la lumiere qui vient des obiets
eft trop forte, il fera bien ayfé de l’affoiblir, en cou-
urant tout autour les extremités du verre qui eft a
‘20
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86-87. La DioprriQue. — Discours VII. 103
l'entrée du tuyau : ce qui vaudra mieus que de mettre
au deuant quelques autres verres plus troubles ou co-
lorés, ainfi que plufieurs ont couftume de faire pour
regarder le foleil; car, plus cete entrée fera eftroite,
plus la vifion fera diftinéte, ainfi qu'il a efté dit cy
deffus de la prunelle. Et mefme il faut obferuer qu'il
fera mieux de couurir le verre par le dehors que par le
dedans, afin que les reflexions qui fe pouroient faire
fur les bords de fa fuperficie, n'enuoyent vers l'œil
aucuns rayons : Car ces rayons, ne feruans point a la
vifion, y pouroient nuire.
Il n y a plus qu'vne condition qui foit defirée de la
part des organes exterieurs, qui eft de faire qu'on
aper çoiue le plus d'obiets qu'il eft poffible en mefme
temps. Et 1l eft a remarquer qu'elle n’eft aucunement
requife pour la perfection de voir mieux, mais feule-
ment pour la commodité de voir plus; & mefme qu'il
eft impoflble de voir plus d'vn feul obiet a la fois
diftinétement : en forte que cete commodité, d'en
voir cependant confufement plufieurs autres, n'eft
principalement vtile, qu'afin de fcauoir vers quel cofté
il faudra, par aprés, tourner fes yeux pour regarder
celuy d'entre eux qu'on voudra mieux confiderer. Et
c’eft a quoy la Nature a tellement pouruü, qu'il eft
impofñble a l'art d'y adioufter aucune chofe ; mefme,
tout au contraire, d'autant plus que par le moyen de
quelques lunetes on augmente la grandeur des linea-
mens de l'image qui s'imprime au fonds de l'œil, d’au-
tant fait on quelle reprefente moins d’obiets : a caufe
que l’efpace qu'elle occupe ne peut aucunement eftre
augmenté, fi ce neft peuteftre de fort peu en la ren-
ET 1"
164 OEUVRES DE DESCARTES. 87-88.
uerfant, ce que ie iuge eftre a reietter pour d'autres
raifons. Mais il eft ayfé, fi les obiets font acceffibles,
de mettre celuy qu’on veut regarder en l'endroit où 1l
peut eftre vü le plus diftinétement au trauers de la
lunete; & s'ils font inacceflibles, de mettre la lunete
fur vne machine, qui ferue a la tourner facilement
vers tel endroit determiné qu'on voudra. Et ainfiil ne
nous manquera rien de ce qui rend le plus cete qua-
triefme condition confiderable.
Au refte, afin que ie n'obmette icy aucune chofe,
j'ay encore a vous auertir que les defauts de l'œil,
qui confiftent en ce qu'on ne peut aflés changer la
figure de l'humeur criftaline ou bien la grandeur de
la prunelle, fe peuuent peu a peu diminuer & cor-
riger par l'vfage : a caufe que cete humeur criftaline,
& la peau qui contient cete prunelle, eftant de vrais
mufcles, leurs fonétions fe facilitent & s'augmentent
lors qu'on les exerce, ainfi que celles de tous les
autres mufcles de noftre cors. Et c'eft ainfi que les
chaffeurs & les matelots, en s'exerçant a regarder des
obiets fort efloignés, & les graueurs ou autres arti-
fans, qui font des ouurages fort fubtils, a en regarder
de fort proches, acquerent ordinairement la puiffance
de les voir plus difltinétement que les autres hommes.
Et c'eft ainfi aufly que ces Indiens, qu'on dit auoir pü
fixement regarder le foleil, fans que leur veuë en fuft
offufquée, auoient deu fans doute auparauant, en
regardant fouuent des obiets fort efclatans, accouf-
tumer peu a peu leurs prunelles a s’eftrecir plus que
les noftres. Mais ces chofes apartienent pluftoft a la
Medecine, dont la fin eft de remedier aus defauts de
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88-80. La Dioprrique. — Discours VIII. 10$
la veuë par la correction des organes naturels, que
non pas a la Dioptrique, dont la fin n'eft que de re-
medier aus mefmes defauts par l'application de
quelques autres organes artificiels. |
DES FIGVRES QVE DOIVENT AVOIR
LES CORPS TRANSPARENS
POUR DETOURNER LES RAYONS
PAR REFRACTION
EN TOUTES LES FAÇONS QUI SERVENT
A LA VEVÉ.
Difcours Huicliefme.
Or, afin que ie vous puiffe tantoft dire plus exacte-
ment en quelle forte on doit faire ces organes artificiels,
pour les rendre les plus parfaits qui puiflent eftre, il
_eft befoin que r'explique auparauant les figures que
doiuent auoir les fuperficies des cors tranfparens
pour plier & détourner les rayons de la lumiere en
toutes les façons qui peuuent feruir a mon deflein.
En quoy fi ie ne me puis rendre aflés clair & intelli-
gible pour tout le monde, a caufe que c'eft vne ma-
tiere de Geometrie vn peu difficile, ie tafcheray au
moins de l’eftre aflés pour ceux qui auront feulement
*
166 OEuvREs DE DESCARTES. 89-90.
appris les premiers Elemens de cete fcience. Et
d'abord, afin de ne les tenir point en fufpens, ie leur
diray que toutes les figures dont ray icy a leur
parler, ne feront compofées que d'Ellipfes ou d'Hyper-
boles, & de cercles ou de lignes droites.
L'Ellipfe, ou l’Ouale, eft vne ligne courbe que les
Mathematiciens ont accouftumé de nous expofer en
coupant de trauers vn cone ou vn cylindre, & que
ay vu aufly quelquefois employer par des lardiniers
dans les |compartimens de leurs parterres, où ils la
defcriuent d'vne façon qui eft veritablement fort grof-
fiere & peu exaéte, mais qui fait, ce me femble, mieux
comprendre fa nature, que la feétion du cylindre ny
du cone. Ils plantent en terre deux picquets, comme,
par exemple, l'vn au point H,
l'autre au point I, & ayant
noué enfemble les deux bouts
d’vne corde, ils la paffent au-
tour d'eux, en la façon que
vous voyés icy B H I. Puis,
mettant le bout du doigt en
_cete corde, ils le conduifent
tout autour de ces deux pic-
quets, en la tirant toufiours a eux d’efgale force, afin
de la tenir tendue efgalement, &:ainfi defcriuent fur
la terre la ligne courbe DBK, qui eft vne Ellipfe.
Et fi, fans changer la longueur de cete corde BHI,
ils plantent feulement leurs picquets H & I vn peu
plus proches l'vn de l’autre, ils defcriront derechef
vne Ellipfe, mais qui fera d'autre efpece que la prece-
dente ; & s'ils les plantent encore vn peu plus proches,
20
23
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go-91. La DiopTrique. — Discours VIII. 167
ils en defcriront encore vne autre; & enfin, s'ils les
ioignent enfemble tout a fait, ce fera vn cercle qu'ils
defcriront. Au lieu que,s'ils diminuentla longueur de
la corde en mefme proportion que la diftance de ces
picquets, ils defcriront bien des Ellipfes qui feront
diuerfes en grandeur, mais qui feront toutes de
mefme efpece. Et ainfi vous voyés qu'il y en peut
auoir d'vne infinité d'efpeces toutes diuerfes, en forte
qu'elles ne different pas moins l'vne de | l’autre, que la
derniere fait du cercle; & que, de chafque efpece, il y
en peut auoir de toutes grandeurs; & que, fi d'vn
point, comme B, pris a difcretion dans quelqu'vne
de ces Ellipfes, on tire deux lignes droites vers les
deux points H & I, où les deus picquets doiuent eftre
plantés pour la defcrire, ces deux lignes BH & BI,
jointes enfemble, feront efgales a fon plus grand dia-
metre DK, ainfi qu'il fe prouue facilement par la
conftruction. Car la portion de la corde qui s'eftend
d'I vers B & de là fe replie iufques a H, eft la mefme
qui s'eftend d'I vers K ou vers D & de là fe replie auffy
iufques a H : en forte que DH ef efgale a1K,&HD
plus DI, qui valent autant que HB plus BI, fontefgales
a la toute DK. Et enfin, les Ellipfes qu'on defcrit en
mettant toufiours mefme proportion entre leur plus
grand diametre DK & la diflance des points H & I.
font toutes d'vne mefme efpece. Et a caufe de cer-
taine proprieté de ces points H & I, que vous en-
tendrés cy aprés, nous les nommerons les points
bruflans, l’vn interieur, & l’autre exterieur : a {ça-
uoir, fi on les rapporte a la moitié de l'Ellipfe qui eft
vers D, I fera l'exterieur; & fi on les rapporte a l’autre
108 OEUVRES DE DESCARTES. 91-92.
moitié qui eft vers K, il fera l'interieur ; & quand nous
parlerons fans diftinétion du point bruflant, nous en-
tendrons toufiours parler de l'exterieur *. Puis, outre
cela, il eft befoin que vous fçachiés que, fi par ce point
B on tire les deux lignes droites LBG &CBE, qui fe
couppent l'vne l’autre a angles droits, & dont l'vne, LG,
diuife l'angle H BI en deux parties efgales, l'autre CE
touchera cete Ellipfe en ce point B fans la coupper.De
quoy ie ne mets pas la demonftration, pource que les
Geometres lafçauentlaflés, &que les autres ne feroyent
que s'ennuyer de l'entendre. Mais ce que ray icy par-
ticulierement deffein de vous expliquer, c'eft que, fion
tire encore de ce point B, hors de l’Ellipfe, la ligne
droite B A parallele
au plus grand dia-
metre DK, & que,
l'ayant prife efgale
a BI, des points A
& I on ure ur LG
les deux perpendi-
culaires AL & IG, ces deux dernieres AL & 1G au-
ront entre elles mefme proportion que les deux DK
& HI. En forte que, fi la ligne AB eft vn rayon de
lumiere, & que cete Ellipfe DBK foit en la fuper-
ficie d'vn corps tranfparent tout folide, par lequel,
fuiuant ce qui a efté dit cy deflus, les rayons paf-
fent plus ayfement que par l'air, en mefme propor-
tion que la ligne DK eft plus grande que HI, ce
rayon AB fera tellement détourné au point B, par
la fuperficie de ce cors tranfparent, qu'il ira de là
vers |. Et pource que ce point B ef pris a difcretion
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.. US Cr SU MEN
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LOTUS NÉ IEX
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0793. La Dioprrique. — Discours VIII. 169
dans l'Ellipfe, tout ce qui fe dit icy du rayon AB fe
doit entendre generalement de tous les rayons paral-
leles a l’aifieu DK, qui tombent fur quelque point
de cete Ellipfe, a fçauoir qu'ils y feront tous telle-
ment détournés, qu'ils iront fe rendre de la vers le
point Î.
‘Or cecy fe demonftre en cette forte. Premierement, *
a. Le texte qui suit jusqu'à« Puis » (p. 170,1. 5) est une seconde rédac-
tion de Descartes, indiquée par lui à Mersenne (voir Correspondance, t.Il,
p. 638) comme devant être substituée à celle de l’édition de 1637. Voici le
texte primitif :
fi on tire du point B la ligne BF perpendiculaire
fur KD, & que du point N, où LG & KD s'entre-
coupent, on tire aufly la ligne NM perpendiculaire
fur 1B, on trouuera que AL eft a [G comme BF eft
a NM. Car, d'vne part, les triangles BFN & BLA font
femblables, a caufe qu'ils font tous deux rectangles,
& que, NF & BA eftans paralleles, les angles FNB
& ABL font efgaus; & d'autre part,les triangles NBM
& I1BG font aufly femblables, a caufe qu'ils font rec-
tangles, & que l’angle vers B eft commun a tous deux.
Et, outre cela, les deux triangles BFN & BMN ont
mefme rapport entre eux que les deux ALB & BGI, a
caufe que, comme les bafes de ceux-cy, BA & BI,
font efgales, ainfi B N, qui eft la bafe du triangleBFN,
eft efgale a foy mefme en tant qu'elle eft aufly la bafe
du triangle BMN. D'où il fuit euidemment que,comme
BF eft a NM, ainfi AL, celuy des coftés du triangle
ALB qui fe rapporte a BF dans le triangle BFN,
c'eft a dire qui eft la fubtendue du mefme angle, eft
a IG, celuy des coftés du triangle BG1I qui fe rapporte
Œuvres. I. 22
170 OEUVRES DE DESCARTES. 93-94.
a caufe que tant les lignes AB & NI, que AL & GI,
font paralleles, les triangles ALB & IGN font fem-
blables ; d'où il fuit que AL eft a IG comme AB eft a
N 1; ou bien, pource que A B & BI font efgales, comme
Bleft a NI. Puis, fi on tire HO parallele a NB, &
qu'on prolonge IB iufques a O, on verra que BI ef a
NI comme Oleft a HI,a caufe que les triangles BNI
& OHI font femblables. Enfin, les deux des 1e
& GBI eftans efgaus par la conftruction, HOB, qui
eft efgal a GBI, |eft aufly efgal a OHB, a caufe que
cetuy cy eft Fe a HBG; & par hier le triangle
HBO eft Hbde & la li OB eftant efgale a HB,
la toute OI eft efgale a DK, d'autant que les He
enfemble HB & IB luy font efgales. Et ainfi, pour
reprendre du premier au dernier, À L efta IG comme*
BI a NI, & BIa NI
comme 1OT"a 266
& OI eft efgale a
D K ;: doncrvA'pReN
a IG comme DK eft
a HI.
Si bien quest
pourtracer l'Ellipfe DBK, on donne aux lignes DK &HI
la proportion qu'on aura connu, par experience, eftre
au cofté NM du triangle BNM. Puis BF eft a NM
comme Bleft a NI, a caufe que les deux triangles
BIF & NIM, eftans rectangles & ayans le mefme
angle vers I, font femblables. De plus,
a. Descartes a supprimé ici, pour la réédition, les mots : « BF est a
NM, et BF a NM comme » rendus sans objet par sa correction pré-
cédente.
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94:06: La Dioprrique. — Discours VIII. 171
celle qui fert a mefurer la refraction de tous les rayons
qui paflent obliquement de l'air dans quelque verre,
ou autre matiere tranfparente qu'on veut employer ;
& qu'on face vn cors de ce verre qui ait la figure que
defcriroit cete Ellipfe fi elle fe mouuoit circulairement
autour de l’aiffieu DK ; les rayons qui feront dans l'air
paralleles a cet aifieu, comme AB, ab, entrans dans ce
verre, S y détourneront en telle forte, qu'ils iront tous
saflembler au point bruflant I, qui des deux H & I eft
le plus efloigné du lieu d'où ils viennent. | Car vous
fçaués que le rayon AB doit eftre détourné au point B
par la fuperficie courbe du verre, que reprefente l’El-
lipfe DBK, tout de mefme qu'il le feroit par la fuper-
ficie plate du mefme verre que reprefente la ligne
droite CBE, dans laquelle il doit aller de B vers I, a
caufe qu'AL & IG font l’vne a l’autre comme DK &
HI, c’eft a dire, comme elles doiuent eftre pour me-
furer la refration. Et le point B ayant efté pris a
difcretion dans l’Ellipfe, tout ce que nous auons de-
monftré de ce rayon AB, fe doit entendre en mefme
façon de tous les autres paralleles a DK, qui tombent
fur les autres points de cete Ellipfe; en forte qu'ils
doiuent tous aller vers I.
De plus, a caufe que tous les rayons qui tendent
vers le centre d'vn cercle ou d'vn globe, tombans per-
pendiculairement fur fa fuperficie, n'y doiuent fouffrir
aucune refraction, fi du centre I on fait vn cercle a
telle diftance qu'on voudra, pouruü qu'il pañle entre
D & I, comme B QB, les lignes DB & QB, tournant
autour de l’aifieu D Q, defcriront la figure d'vn verre
qui affemblera dans l'air au point I tous les | rayons
i72 OEuvrEes DE DESCARTES. 96.
qui auront efté de l’autre cofté, auffy dans l'air, paral-
leles a cet aiflieu : & reciproquement qui fera que
tous ceux qui feront venus du point |, fe rendront
paralleles de l'autre cofté. |
Fig. p. 95.
| ' Fig. p. 96.
SE TTDINNE70
\ 2
£
Lil |
FRA
K
on
Et fi du mefme centre I on defcrit le cercle RO, a
telle diftance qu’on voudra au delà du point D; &
qu'ayant pris le point B dans l'Ellipfe a diferetion,
pouruù toutefois qu'il ne foit pas plus efloigné de D
que de K: on tire la ligne droite BO, qui tende vers l;
les lignes RO, OB & BD, meuës circulairement au- 10
tour de l'aiflieu DR, defcriront la figure d'vn verre
qui fera que les rayons paralleles a cet aiflieu du cofté
de l'Ellipfe, s'efcarteront ça & là de l’autre cofté,
comme s ils venoient tous du point I. Car il eft mani-
20
25
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96-98. LA Dioptrique. — Discours VIII. 173
fefte que, par exemple, le rayon PB doit eftre autant
détourné par la fuperficie creufe du verre DBA,
comme AB par la Fig. p. O7-
conuexe ou boflue
du verre DBK, &
par confequent que
BO doit eftre en
mefme ligne | droite
que BI, puifque PB «
eft en mefme ligne droite que B A : & ainfi des autres.
Et fi de rechef, dans l'Ellipfe D BK, on en defcrit vne
autre plus petite, mais de mefme efpece, comme dbk,
dont le point bruflant marqué I foit |
en mefme lieu que celuy de la pre- |
cedente auffy marqué I, & l'autre À
en mefme ligne droite & vers le
mefme cofté que DH, & qu'ayant
pris B a difcretion, comme cy de-
uant, on tire la ligne droite Bb qui
tende vers I, les lignes TBE dar
1, leslignes DB, B d Eu”
meuës autour de l’aiflieu D, deferi
ront la figure d'vn verre qui fera que : | 11] | là
tous les rayons qui, auant que de le : :/|| UE =
rencontrer, auront efté paralleles, : Il | Ne
fe trouueront derechef paralleles à il Il | | | F ”
aprés en eftre fortis, & qu'auec cela Poe
ils feront plus reflerrés, & occupe-
ront vn moindre efpace du cofté de la plus petite
Ellipfe db, que de celuy de la plus grande. Et fi, pour
euiter l'efpaifleur de ce verre DBbd, on defcrit du
centre I les cercles QB & ro, les fuperficies DBQ
174 OEUVRES DE DESCARTES. 98-09.
& robd reprefenteront les figures & la fituation de
deux verres moins efpais, qui auront en cela fon
mefme effect.
Et fi on difpofe les deux verres femblables DBQ
& dbg inegaus en grandeur, en telle
forte que 100 aiflieux foient en vne
mefme ligne droite, & leurs deux
points bruflans exterieurs, marqués
I, en vn mefme lieu, & que leurs
fuperficies circulaires BQ, bg fe
regardent l'vne l'autre, ils auront
aufly en cela le mefme effect.
Et fi on ioint ces deux verres fem-
blables inegaus en grandeur DBQ
& dbq, ou qu'on les mette a telle dif-
tance qu'on voudra l'vn de l’autre,
pouruù feulement que leurs aiflieux
foient en mefme ligne droite, & que
leurs fuperficies Elliptiques fe re-
gardent, ils feront que tous les
rayons qui viendront du point bruf-
lant de l'vn marqué I, s'iront af-
fembler en l’autre aufly marqué I.
Et fi on ioint les deux differens
DBOQ& DBOR, | en forte aufly que leurs fuperficies
DB & BD fe regardent, ils feront que les rayons qui
viendront du point z, que l'Ellipfe du verre DBQ a
pour fon point bruflant, s'efcarteront comme sils
venoient du point I, qui eft le point bruflant du verre
BDOR : ou reciproquement, que ceux qui tendent
vers ce point |, s’iront affembler en l'autre marqué .
20
278
PP DEN CC AM" 17
99-100. LA DiopTRique. — Discours VIII. 174
Et enfin, fi on 1ioint les deus DBOR & DBOR,
toufiours en forte que leurs fuperficies DB, BD fe
regardent, on fera que les rayons
qui, en trauerfant l'vn de ces
verres, tendent au delà vers Ï, s'ef-
carteront derechef, en fortant de
l'autre, comme s'ils venoient de
l’autre point I. Et on peut faire la
diftance de chafcun de ces points
marqués | plus ou moins grande
autant qu on veut, en changeant
la grandeur de l'Ellipfe dont il
depend. En forte que, auec l'Ellipfe
feule & la ligne circulaire, on peut
defcrire des verres qui facent que
les rayons qui vienent d'vn point, -h
ou tendent vers vn point, ou font paralleles, CU
176 Œuvres DE DESCARTES. 100-101.
de l'vne en l'autre de ces trois fortes de difpofitions,
en toutes les façons qui puiffent eftre imaginées.
L'Hyperbole eft aufly vne ligne courbe que les Ma-
thematiciens expliquent par la fection d'vn cone,
comme l'Ellipfe. Mais, afin de vous la faire mieux
conceuoir, 1introduiray encore icy vn iardinier qui
s'en fert a compafler la broderie de quelque par-
terre. Il plante derechef fes deux picquets aux points
H & 1; & ayant attaché au
bout d'vne longue reigle le
bout d'vne corde vn peu plus
courte, il fait vn trou rond a
l'autre bout de cete reigle,
dans lequel il fait entrer le
picquet I, & vne boucle a
l'autre bout de cete corde,
quil pale dans le picquet H.
Puis, mettant le doigt au point
X, où elles font attachées l'vne a l'autre, il le coule
de là en bas iufques a D, tenant toufiours cependant
la corde toute iointe & comme colée contre la reigle
delpuis le point X iufques a l'endroit où il la touche,
& auec cela ‘toute tendue : au moyen de quoy,
contraignant cete reigle de tourner autour du pic-
quet [| a mefure qu'il abaïfle fon doigt, il defcrit
fur la terre la ligne courbe XBD, qui eft vne partie
d'vne Hyperbole. Et, aprés cela, tournant fa reigle
de l'autre cofté vers Y, il en defcrit en mefme
façon vne autre partie Y D. Et, de plus, s'il pañfe la
boucle de fa corde dans le picquet |, & le bout de
fa reigle dans le picquet H, il defcrira vne autre
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101-102. LA Dioprrique. — Discours VIII. 177
Hyperbole SKT toute femblable & oppofée a la pre-
cedente. Mais fi, fans changer fes picquets ny fa reigle,
il fait feulement fa corde vn peu plus longue, il def-
crira vne Hyperbole d'vne autre efpece ; & s'il la fait
encore vn peu plus longue, il en defcrira encore vne
d'autre efpece, iufques a ce que, la faifant tout a fait
efgale a la reigle, il defcrira, au lieu d'vne Hyperbole,
vne ligne droite. Puis, s’il change la diftance de fes
picquets en mefme proportion que la difference qui
eft entre les longueurs de la reigle & de la corde, il
defcrira des Hyperboles qui feront toutes de mefme
efpece, mais dont les parties femblables feront diffe-
rentes en grandeur. Et enfin, s'il augmente efgale-
ment les longueurs de la corde & de la reigle, fans
changer ny leur difference, ny la diftance des deux
picquets, il ne defcrira toufiours qu'vne mefme Hy-
perbole, mais 1l en defcrira vne plus grande partie.
Car cete ligne eft de telle nature que, bien qu'elle
- fe courbe toufiours de plus en plus vers vn mefme
cofté, elle fe peut toutesfois eftendre a l'infiny, fans
que iamais fes extremités fe rencontrent. Et ainfi vous
voyés qu’elle a en plufieurs façons mefme raport a la
ligne droite, que l'Ellipfe a la circulaire. Et vous voyés
aufly qu'il y en a d'vne infinité de diuerfes efpeces, &
qu'en chafque efpece il y en a vne infinité dont les
parties femblables font differentes en grandeur. Et, de
plus, que fi d'vn point, comme B, pris a diferetion
dans l’vne d'elles, on tire deux lignes droites vers
les deux points, comme H & I, où les deux picquets
doiuent eftre plantés pour la defcrire, & que nous
nommerons encore les points bruflants, la difference
Œuvres. I. 23
178 Œuvres DE DESCARTES. 102-103.
de ces deux lignes, HB & IB, fera toufiours efgale a
la ligne DK, qui marque la diftance qui et entre les
Hyperboles oppofées. Ce qui paroïft de ce que BI
eft plus longue que BH, d'au-
tant iuftement que lareiglea 5
efté prife plus longue que la
corde; &que Dleftauffy d’au-
tant plus longue que DH. Car,
| fi on accourcift celle-cy, DI,
de KI, qui eft efgale a DH, 16
on aura DK pour leur diffe- :
rence. Et enfin, vous voyés
que les Hyperboles qu'on
defcrit en mettant toufiours mefme proportion entre
DK & HI, font toutes d'vne mefme efpece. Puis,outre 13
cela, ileft befoin que vous fçachiés que, fi par le point B
pris a diferetion dans vne Hyperbole, on tire la ligne
droite CE, qui diuife l'angle HBI en deux parties ef-
gales, la mefme CE touchera cete Hyperbole en ce
point B, fans la couper : de quoy les Geometres 20
fçauent aflés la demonftration.
103-104. La Dioptrique. — Discours VIII. 170
Mais ie veux icy enfuite vous faire voir que, fi de
ce mefme point B on tire vers le dedans de l'Hyper-
bole la ligne droite BA parallele a DK, & qu'on tire
aufly par le mefme point B la ligne LG qui couppe
CE a angles droits; puis, ayant pris BA efgale a BI,
que des points À & Ion tire fur LG les deux perpen-
diculaires AL & IG, ces deux dernieres, AL & IG,
auront entre | elles mefme proportion que les deux
DK & HI. Et enfuite, que fi on donne la figure de
cete Hyperbole a vn cors de verre dans lequel Îles
refraétions fe mefurent par la proportion qui eft entre
les lignes DK & HI, elle fera que tous les rayons qui
feront paralleles a fon aiïflieu, dans ce verre, siront
affembler au dehors au point |, au moins fi ce verre
eft conuexe ; & s'il eft concaue, qu'ils s'efcarteront
ça & là, comme s’ils venoient de ce point I.
Ce qui peut eftre ainfi demontré. Premierement, *
a. Le texte qui suit jusqu'à « Puis » (p. 180, 1. 5) est une seconde ré-
daction de Descartes (voir t. II, p. 638), arrétée en vue d’une réédition.
Voici le texte primitif :
fi on tire du point B la ligne BF perpendiculaire fur
K D prolongée autant qu’il eft befoin, & du point N,
où LG & KD s’entrecoupent, la ligne NM perpen-
diculaire fur IB aufly prolongée, on trouuera que
A Left a IG comme BF eft a NM. Car, d'vne part, les
triangles BFN & BLA font femblables, a caufe qu'ils
font tous deux reétangles & que, NF & BA eftant pa-
ralleles, les angles FNB & LB A fontefgaus. Et, d'autre
part, les triangles IGB & NMB font aufly femblables,
a caufe qu'ils font reétangles & que les angles 1BG
& NBM font efgaus. Et, outre cela, comme la mefme a
180 OEuvrEs DE DESCARTES. 1G4-105:
caufe que tant les lignes AB & NI, que AL & GI, font
paralleles, les triangles ALB & IGN font femblables;
d'où il fuit que AL eft a IG comme AB eft a NI; ou
bien, pource que AB & BI font efgales, comme BI eft
a BI. Puis, fi on tire HO parallele a LG, on verra
* Xe
FN
Fig. p. 105.
A
que Bleft a NI comme OI eft a HI, a caufe que les
triangles BNI & OHI\font femblables. Enfin, les deux
angles EBH & EBI eftans efgaus par la conftruction,
& HO, qui eft parallele a LG, couppant comme elle
CE a angles droits, les deux triangles BEH & BEO
font entierement efgaus. Et ainfi, BH, la baze de l'vn,
BN fert de bafe aux deux triangles BFN & NMB,
ainfi B A, la bafe du triangle A LB, eft efgale a BI, la
bafe du triangle IGB; d'où il fuit que, commeles coftés
du triangle BFN font a ceux du triangle N MB, ainfi
ceux du triangle A LB font aufly a ceux du triangle
IBG. Puis BF eft a NM comme BI eft a NI, a caufe
que les deux triangles BIF & NIM, eftans reétangles
& ayans le mefme angle vers I, font femblables. De
plus,
15
20
25
30
105-106. La Dioprrique. — Discours VIII.
181
eftant efgale a BO, la baze de l'autre, il refte OI
1]
1)
pour la difference qui ef entre
BH &BI, laquelle nous auons
dit eftre efgale a DK. Si bien
que AL eft a IG comme DK eft
a HI. D'où il fuit que, mettant
toufiours entre les lignes DK &
HI la proportion qui peut feruir
a mefurer les refractions du
verre ou autre matiere quon
veut employer, ainfi que nous
auons fait pour tracer les El-
lipfes, excepté que DK ne peut
eftre icy que la plus courte, au
lieu qu'elle ne pouuoit eftre 22)
auparauant que la plus longue : fi on trace vne por-
tion d'Hyperbole tant grande qu'on
voudra, comme DB, & que de B
on face defcendre a angles droits
fur KD la ligne droite BQ, les
deux lignes DB & QB, tournant
autour de|l’aiffieu DQ, defcriront
la figure d'vn verre qui fera que
tous les rayons qui le trauerferont
& feront dans l'air paralleles a
cet aiflieu du cofté de la fuperficie
plate BD, en laquelle, comme vous
fçaués, ils ne fouffriront aucune
refration, s’aflembleront de l'autre 11!
cofté au point I.
Et fi, ayant tracé l'Hyperbole db femblable a la pre-
*
182 OEUVRES DE DESCARTES. 106-107.
cedente, on tire la ligne droite ro en tel lieu qu'on
voudra, pouruù que, fans coupper cete Hyperbole,
elle tombe perpendiculairement fur fon aiflieu dk, &
qu'on ioigne les deux points b & o par vne autre ligne
droite parallele a dk, les trois
lignes ro, ob & bd, meuës au-
tour de l’aiffieu dk, defcriront la
figure d'vn verre qui fera que
tous les rayons qui feront pa-
ralleles a fon aiflieu du cofté de
fa fuperficie plate, s’efcarteront
ça & là de l’autre cofté, comme
s'ils venoient du point I.
Et fi, ayant pris la ligne HI
plus courte, pour tracer l'hyper-
-. bole du verre robd, que pour
| celle du verre DBQ, on difpofe
|l ces deux verres en telle forte
5 que leurs aiflieus DO, rd'foient
en mefme ligne droite, & leurs deux points bruflans
marqués | en mefme lieu, & | que leurs deux fuper-
ficies hyperboliques fe regardent; ils feront que tous
les rayons qui, auant que de les rencontrer, auront
efté paralleles a leurs aiflieus, le feront encore aprés
les auoir tous deux trauerfés, & auec cela feront re-
ferrés en vn moindre efpace du cofté du verre robd
que de l’autre.
Et fi on difpofe les deux verres femblables DBQ &
dbq inefgaus en grandeur, en telle forte que leurs
aiflieus D Q, da foyent aufly en mefme ligne droite,
& leurs deux points bruflans marqués I en mefme lieu,
20
25
30
107-108, La Dioprrique. — Discours VIII. 183
& que leurs deux fuperficies hyperboliques fe re-
gardent; ils feront, comme les precedens, que Îles
rayons paralleles d'vn cofté de leur aiflieu le feront |
aufly de l’autre, &,auec cela, feront referrésen moindre
efpace du cofté du moindre verre.
Et* fi on ioint les fuperficies plates de ces deux
verres DBQ & dbg,ou qu'on les
mette a telle diftance qu’on vou- Don
dra l'vn de l'autre, pouruû feule- D
ment que leurs fuperficies plates
fe regardent, fans qu'il foit be-
foin auec cela que leurs aiflieus
foient en mefme ligne droite : ou
pluftoff, fi on compofe vn autre
verre qui ait la figure de ces
deux ainfi conioints, on fera
par fon moyen que les rayons
qui viendront de l'vn des points
marqués I, s'iront aflembler en
l'autre de l’autre cofté.
Et fi on compofe vn verre qui
ait la figure des deux DBQ
& robd, tellement ioints que
leurs fuperficies plates s'entre-
touchent, on fera que les rayons qui feront venus de
l'vn des points I, sefcarteront comme s'ils eftoient
venus de l'autre.
Et enfin, fi on compofe vn verre qui ait la figure de
deux tels que robd, derechef tellement ioins que
leurs fuperficies plates s'entretouchent, on fera que
a, Voir les figures page suivante,
184 OEUVRES DE DESCARTES. 108-110.
les ralyons qui, allans rencontrer ce verre, feront ef-
Ji
AN JDN
cartés comme pour s'affembler au point I qui eft de
20
25
30
tro-rtr. LA Droprrique. — Discours VIII. 18
l'autre cofté, feront derechef efcartés, aprés l’auoir
trauerfé, comme s'ils eftoient venus de l’autre point I.
Et tout cecy eft, ce me femble, fi clair, qu'il eft feu-
lement befoin d'ouurir les yeux & de confiderer les
figures pour l'entendre.
Au refte, les mefmes changemens de ces rayons, que
ie vien d'expliquer premierement par deux verres
elliptiques, & aprés par deux hyperboliques, peuuent
auffy eftre caufés par deux dont l'vn foit elliptique &
l’autre hyperbolique. Et, de plus, on peut encore ima-
giner vne infinité d'autres verres qui facent, comme
ceux cy, que tous les rayons qui vienent d'vn point,
ou tendent vers vn point, ou font paralleles, fe changent
exactement de l'yvne en l'autre de ces trois difpofitions.
Mais ie ne penfe pas auoir icy aucun befoin d'en par-
ler, a caufe que ie les pourray plus commodement
expliquer cy aprés en la Geometrie*, & que ceus que
l'ay defcrits font les plus propres de tous a mon def-
fein, ainfi que ie veus tafcher maintenant de prouuer,
& vous faire voir, par mefme moyen, lefquels d'entre
eux y font les plus propres, en vous faifant confiderer
toutes les principales chofes en quoy ils different.
La premiere eft que les figures des vns font beau-
coup plus ayfées a tracer que celles des autres; & il
eft certain qu'aprés la ligne droite, la circulaire, & la
parabole, qui feules ne peuuent fuffire pour tracer au-
cun de ces verres, ainfi que chafcun pourra facilement
voir, s'il l'examine, il n'y en a point de plus fimples que
l’ellipfe & | l'hyperbole. En forte que, la ligne droite
eftant plus ayfée a tracer que la circulaire, & l'hyper-
bole ne l’eftant pas moins que l'ellipfe, ceux dont
Œuvres. I. 24
186 OEuvres DE DESCARTES. ae
les figures font compofées d'hyperboles & de lignes
droites, font les plus ayfés a tailler qui puiffent eftre;
puis, enfuite, ceux dont les figures font compofées
d’ellipfes & de cercles : en forte que tous les autres
que ie n'ay point expliqués le font moins.
La feconde eft qu'entre plufeurs, qui changent tous
en mefme façon la difpofition des rayons qui fe rap-
portent a vn feul point, ou vienent paralleles d'vn feul
cofté, ceux dont les fuperficies font le moins cour-
bées, ou bien le moins inegalement, en forte qu’elles
caufent les moins inegales refractions, changent touf-
jours vn peu plus exactement que les autres la difpo-
fition des rayons qui fe rapportent aux autres points,
ou qui vienent des autres coftés. Mais, pour entendre
cecy parfaittement, il faut confiderer que c'eft la feule
inefgalité de la courbure des lignes dont font compo-
fées les figures de ces verres, qui empefche qu'ils ne
changent aufly exaétement la difpofition des rayons
qui fe rapportent a plufieurs diuers poins, ou vienent
pAATIeIeS de plufieurs diuers coftés, qu'ils font celle
de ceux qui fe rapportent a vn
feul point, ou vienent paralleles
d’vn feul cofté. Car, par exemple,
fi, pour faire que tous les rayons
qui vienent du point A s'aflem-
blent au point B, il falloit que le
verre GHIK, qu on mettroit entre
deux, euft fes fuperficies toutes
plates, en forte que la ligne droite
GH, qui en reprefente l’vne, euft la proprieté de faire
que tous ces rayons, venans du point À, fe rendiffent
20
25
30
nri-r13. La DiopTRiQuEe. — Discours VIII. 187
paralleles dans le verre, &, par mefme moyen, que
l'autre ligne droite KI fift que de là ils s’allaflent
affembler au point B, ces mefmes lignes GH & KI
feroient aufly que tous les rayons venans du point C
s'iroient aflembler au point D; &, generalement, que
tous ceux qui viendroient de quelqu'vn des points de
la ligne droite AC, que ie fuppofe parallele a GH, s'i-
roient afflembler en quelqu'vn des points de BD, que
ie fuppofe aufly parallele a KI, & autant efloignée d'elle
qu AC eft de GH : d'autant que, ces lignes GH & KI
n'eftant aucunement courbées, tous les points de ces
autres À C & BD fe rapportent a elles en mefme façon
les vns que les autres. Tout de mefme, fi c'eftoit le
verre LMNO, dont ie fuppofe les fuperficies LMN
& LON eftre deux efgales portions de Sphere, qui
euft la proprieté de ne que
tous les rayons venans du point
A s’allaffent aflembler au point
B, il l’auroit aufy de faire que
ceux du point C s'aflemblaffent
au point D, &, generalement,
que tous ceux de quelqu vn des
points de la fuperficie CA, que
ie fuppofe eftre vne portion de :
Sphere qui a mefme centre
que LMN, s'affembleroient en
quelqu'vn de ceux de BD, que ie fuppofe aufly vne
portion de Sphere qui a mefme centre que LON,
& en eft aufly efloignée qu'AC eft d'I MN: d'autant
que toutes les parties de ces fuperficies LMN &LON
font efgalement courbées au refped de tous les points
7
188 Œuvres DE DESCARTES. 1132114.
qui font dans les fuperficies C A & BD. Maïs, a caufe
qu'il n'y a point d'autres lignes, en la Nature, que la
droite & la circulaire, dont toutes les parties fe rap-
portent en mefme façon a plufieurs diuers points, &
que ny l'vne ny l’autre ne peuuent fuffire pour com-
pofer la figure d'vn verre, qui face que tous les rayons
qui vienent d'vn point s'affemblent en vn autre point
exactement, il eft euident qu'aucune de celles qui y
font requifes, ne fera que tous les rayons qui viendront
de quelques autres points, s'aflemblent exaétement
en d’autres points; & que, pour choïfir celles d'entre
elles qui peuuent faire que ces rayons s’efcartent le
moins des lieus où on les voudroit aflembler, il faut
prendre les moins courbées, & les moins inefgalement
courbées, afin qu'elles approchent le plus de la droite
ou de la circulaire; & encore pluftoft de la droite que
de la circulaire, a caufe que les parties de celle cy ne
fe rapportent d'vne mefme façon qu'a tous les points
qui font efgalement diftans de fon centre, & ne fe
rapportent a aucuns autres en mefme façon qu'elles
font a ce centre. D'où il eft ayfé de conclure qu'en
cecy l'hyperbole furpaffe l’ellipfe, & qu'il eftimpoffible
d'imaginer des verres d'aucune autre figure, qui raf-
femblent tous les rayons venans de diuers poins en
autant d’autres poins efgalement efloignés d'eux, fi
exactement que celuy dont la figure fera compofée
d'hyperboles. Et mefme, fans que ie m arrefte a vous
en faire icy vne demonftration plus exacte, vous pou-
ués facilement appliquer cecy aux autres façons de
changer la difpofition des rayons qui fe rapportent a
diuers poins ou vienent paralleles de diuers coftés,
20
25
30
à
.
|
1r4115. La DiopTrique. — Discours VIII. 189
& connoiftre que, pour toutes, ou les verres hyperbo-
liques y font plus propres qu'aucuns autres, ou du
moins, qu'ils n'y font pas notablement moins propres,
en forte que cela ne peut eftre mis en contrepois auec
la facilité d'eftre taillés, en quoy ils furpañlent tous
les autres.
La troifiefme difference de ces verres eft que les vns
font que les rayons qui fe croyfent en les trauerfant,
fe trouuent vn peu plus efcartés de l’vn de leurs coftés
que de l'autre; & que les autres font tout le contraire.
Comme, fi les rayons G, G font ceux qui vienent du
centre du Soleil, & que I, I foient ceux qui vienent du
cofté gauche de fa circonference, & K, K ceux qui
vienent du droit, ces rayons s’efcartent vn peu plus
les vns des autres, aprés auoir trauerfé le verre hy-
perbolique DEF, qu'ils ne faifoient auparauant : & au
contraire, ils s'efcartent moins apres auoir trauerfé
l'elliptique ABC : en forte que cet elliptique rend les
points L,H,M plus proches les vrs des autres que ne
190 OŒEuvREs DE DESCARTES. 115-117.
fait l'hyperbolique, & mefme il les rend d'autant plus
proches qu'il eft plus efpais. Mais neanmoins, tant ef-
pais qu'on le puifle faire, il ne les peut rendre qu'en-
uiron d'vn quart ou d'vn tiers plus proches que l'hyper-
bolique. Ce qui fe mefure par la quantité des refrac-
tions que caufe le verre, en forte que le criftal de
montaigne, dans lequel elles fe font vn peu plus
grandes, doit rendre cette inefgalité vn peu plus
grande. Mais il n'y a point de verre d'aucune autre
figure qu'on puifle imaginer, qui face que les points
L, H,M foient notablement plus efloignés que fait cet
hyperbolique, ny moins que fait cet elliptique.
Or vous pouués icy remarquer par occafion en quel
fens il faut entendre ce que r'ay dit cy deflus, que les
rayons venans de diuers poins, ou paralleles de diuers
coftés, fe croyfent tous dés la premiere fuperficie qui
a la puiffance de faire qu'ils fe raflemblent a peu prés,
en autant d'autres diuers poins, comme lors que 1'ay
dit que ceux de l'obiet VXY, qui forment l'image
RST fur le fonds de l’œil, fe croyfent dés la premiere
de fes fuperficies BC D. Ce qui depend de ce que, par
exemple, les trois rayons VCR, XCS & YCT, fe
croyfent veritablement fur cete fuperficie BCD au
point C : d'où vient qu'encore que V DR fe croyfe auec
YBT beaucoup plus haut, & VBR auec YDT beau-
coup plus bas, toutesfois, pource qu'ils tendent vers
les mefmes poins que font VCR & YCT', on les peut
confiderer tout de mefme que s'ils fe croyfoient aufly
au mefme lieu. Et pource que c'’eft cete fuperficie
BC D qui les fait ainfi tendre vers les mefmes poins,
on doit pluftoft penfèr que c'eft au lieu où elleeft qu'ils
20
30
PACA
SRE.
UT de DR 4 rs
TER
117. La Dioprrique. — Discours VIIL. 191
fe croyfent tous, que non pas plus haut ny plus bas.
71 a
ua
Up. 110:
12C)
Sans mefme que ce que les autres fuperficies, comme
1021 OEUVRES DE DESCARTES. 117-118.
123 & 456, les peuuent détourner, en empefche. Non
plus qu'encore que les deux baftons ACD & BCE,
qui font courbés, s'efcartent beaucoup des poins F &
G, vers lefquels ils s'iroient rendre, fi, fe croyfans au-
tant qu'ils font au point C, auec celails eftoient droits,
ce ne laiffe pas d’eftre veritablement
en ce point C qu'ils fe croyfent. Mais
que cela les feroit croifer derechef
en vn autre lieu. Et,en mefme façon,
les rayons qui trauerfent les deux
verres conuexes DBQ & dbg*, fe croyfent fur la fu-
perficie du premier, puis fe recroifent derechef fur
celle de l’autre : au moins ceux qui vienent de diuers
coftés; car, pour ceux qui vienent d'vn mefme cofté, il
eft manifefte que ce n'eft qu'au point bruflant marqué
[ qu'ils fe croifent.
Vous pouués remarquer, aufly par occafion, que les
rayons du Soleil, ramafñlés par le verre elliptique A BC?,
doiuent brufler auec plus de force qu'eftant ramaflés
par l'hyperbolique DEF. Car il ne faut pas feulement
prendre garde aux rayons qui vienent du centre du
Soleil, comme G, G, mais aufly a tous les autres qui,
venans | des autres points de fa fuperficie, n'ont pas
fenfiblement moins de force que ceux du centre : en
forte que la violence de la chaleur qu'ils peuuent
caufer fe doit mefurer par la grandeur du cors qui les
affemble, comparée auec celle de l’efpace où il les
aflemble. Comme, fi le diametre du verre ABC eft
a. « Voyés la figure en la page 108. » (Page 183 ci-avant.)
b. « La figure eft en la page 114. » (Page 189 ci-avant.)
ils pourroient bien eftre fi courbés
APR
20
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118-119. La DioprTriqQuEe. — Discours VIII. 193
quatre fois plus grand que la diftance qui ef entre les
poins M & L, les rayons ramaflés par ce verre doiuent
auoir feize fois plus de force que s'ils ne pañfloyent
que par vn verre plat qui ne les détournaft aucune-
ment. Et pource que la diftance qui eft entre ces poins
M & L eft plus ou moins grande, a raifon de celle
qui eft entre eux & le verre ABC, ou autre tel cors
qui fait que les rayons s y aflemblent, fans que la
grandeur du diametre de ce cors y puifle rien adiou-
fter, ny fa figure particuliere, qu'enuiron vn quart ou
va tiers tout au plus, il eft certain que cete ligne bruf-
lante a l'infini, que quelques vns ont imaginée, n’eft
qu'vne refuerie, &, qu'ayant deux verres ou miroirs
ardens, dont l'vn foit beaucoup plus grand que l’autre,
de quelle façon qu'ils puiffent eftre, pouruü que leurs
figures foient toutes pareilles, le plus grand doit bien
ramafler les rayons du foleil en vn plus grand efpace,
& plus loin de foy, que le plus petit; mais que ces
rayons ne doiuent point auoir plus de force en chafque
partie de cet efpace, qu'en celuy où le plus petit les
ramañle. En forte qu’on peut faire des verres ou mi-
roirs extremement petits, qui brufleront auec autant
de violance que les plus grands. Et vn miroir ardent
dont le diametre n'eft pas plus grand qu'enuiron la
centiefme partie de la diftance qui eft entre luy & le
lieu où il doit raffembler les rayons | du foleil, c'eft a
dire qui a mefme proportion auec cete diftance, qu'a
le diametre du foleil auec celle qui eft entre luy &
nous, fuft-il poli par vn Ange, ne peut faire que les
rayons qu il affemble efchauffent plus en l'endroit où
il les affemble, que ceux qui vienent direétement du
Œuvres. I. 25
194 OEuvrEs DE DESCARTES. 119-120.
foleil. Ce qui fe doit aufly entendre des verres bruf-
lans a proportion. D'où vous pouués voir que ceux qui
ne font qu'a demi fçauans en l'Optique fe laiflent per-
fuader beaucoup de chofes qui font impoñlibles, &
que ces miroirs dont on a dit qu'Archimede brufloit
des nauires de fort loin, deuoient eftre extremement
grands, ou pluftoft qu'ils font fabuleus.
La quatriefme difference qui doit eftre remarquée
entre les verres dont il eft icy queflion, appartient par-
ticulierement a ceux qui changent la difpofition des
rayons qui vienent de quelque point aflés proche d'eux,
& confifte en ce que les vns, a fçauoir ceux dont la
fuperficie qui regarde vers ce point eff la plus creufe a
raifon de leur grandeur, peuuent receuoir plus grande
GO
quantité de ces rayons que | les autres, encore que
leur diametre ne foit point plus grand. Et en cecy le
verre elliptique NO P, que ie fuppofe fi grand, que
fes extremités N & P font les poins où fe termine le
plus petit diametre de l’ellipfe, furpañle l'hyperbolique
120-121. La Droprrique. — Discours VIII. 19$
QRS, quoy qu'on le fuppofe auffy tant grand qu'on
voudra; & il ne peut eftre furpañlé par ceux d'aucune
autre figure. Enfin, ces verres different encore en ce
que, pour produire les mefmes effects, eu efgard aux
rayons qui fe rapportent a vn feul point ou a vn feul
cofté, les vns doiuent eftre plus en nombre que les
autres, ou doiuent faire que les rayons qui fe rappor-
tent a diuers poins, ou a diuers coftés, fe croyfent plus
de fois. Comme vous aués vû que, pour faire, auec les
verres elliptiques, que les rayons qui vienent d'vn
point s’aflemblent en vn autre point, ou s'efcartent
comme s'ils venoient d'vn autre point, ou que ceux
qui tendent vers vn point s efcartent derechef comme
s'ils venoient d'vn autre point, ilefttoufiours befoin d'y
en employer deux, au lieu qu'il n y en faut employer
qu'vn feul, fi on fe fert des hyperboliques; & qu'on
peut faire que les rayons paralleles, demeurans paral-
leles, occupent vn moindre efpace qu’auparauant, tant
par le moyen de deux verres hyperboliques conuexes,
qui font que les rayons qui vienent de diuers coftés fe
croyfent deux fois, que par le moyen d'vn conuexe &
d'vn concaue, qui font qu'ils ne croifent qu'vne fois.
Mais il eft euident que iamais on ne doit employer
plufieurs verres a ce qui peut eftre aufly bien fait par
l'ayde d'vn feul, ny faire que les rayons fe croifent
plufieurs fois, lors qu'vne fufüft.
Et, generalement, il faut conclure de tout cecy que
les verres hyperboliques & les elliptiques font prefe-
rables a tous les autres qui puiffent eftre imaginés, &
mefme que les hyperboliques font quafi en tout prefe-
rables aus elliptiques. En fuite de quoy, ie diray main-
196 OŒEuvres DE DESCARTES. 121-122.
tenant de quelle façon il me femble qu'on doit com-
pofer chafque efpece de lunetes, pour les rendre les
plus parfaittes qu'il eft poffible.
LAYDESCRIPMIONRDES LUNETESE
Difcours Neufiefme. s
Il eft befoin, prennerement, de choifir vne matiere
tranfparente, qui, eftant aflés ayfée a tailler, & neant-
moins aflés dure pour retenir la forme qu'on luy don-
nera, foit en outre la moins colorée, & qui caufe le
moins de reflexion qu'il eft poffible. Et on n'en a point 10
encore trouué qui ait ces qualités en plus grande per-
feétion que le verre, lors qu'il eft fort clair & fort
pur, & compofé de cendres fort fubtiles. Car, encore
que le criftal de montaigne femble plus net & plus
tranfparent, toutesfois, pource que fes fuperficies 15
caufent la reflexion de plus de rayons que celles du
verre, ainfi que l'experience femble nous aprendre, il
ne fera peuteftre pas fi propre a noftre deffein. Or,
afin que vous fçachiés la caufe de cete reflexion, &
pourquoy elle fe fait pluftoft | fur les fuperficies tant 20
du verre que du criftal, que non pas en l’efpaifleur de
leur cors, & pourquoy elle s’y fait plus grande dans le
criftal que dans le verre, il faut que vous vous fouue-
. niés de la façon dont ie vous ay cy deflus fait conce-
uoir la nature de la lumiere, lors que ay dit quelle 25
122-123. La Dioprrique. — Discours IX. 107
n'eftoit autre chofe, dans les cors tranfparens, que
l’action ou inclination a fe mouuoir d'vne certaine
matiere tres fubtile qui remplit leurs pores ; & que
vous penfiés que les pores de chafcun de ces cors
tranf{parens font fi vnis & fi droits que la matiere fub-
tile qui peut y entrer coule facilement tout du long,
fans y rien trouuer qui l'arrefte; mais que ceux de
deux cors tranfparens de diuerfe nature, comme ceux
de l'air & ceux du verre ou du criftal, ne fe rapportent
iamais fi iuftement les vns aus autres, qu'il n'y ait
toufiours plufieurs des parties de la matiere fubtile,
qui, par exemple, venant de l'air vers le verre, s'y re-
flefchifflent, a caufe qu'elles rencontrent les parties
folides de fa fuperficie; & tout de mefme, venant du
verre vers l'air, fe reflefchiffent & retournent au de-
dans de ce verre, a caufe qu'elles rencontrent les par-
ties folides de la fuperficie de cet air; car il yen a
aufly beaucoup en l'air qui peuuent eftre nommées
folides a comparaifon de cete matiere fubtile. Puis, en
confiderant que les parties folides du criftal font en-
core plus grofles que celles du verre, & fes pores plus
ferrés, ainfi qu'il eft ayfé a iuger de ce qu'il eft plus
dur & plus pefant, on peut bien penfer qu'il doit caufer
fes reflexions encore plus fortes, & par confequent
donner paflage a moins de rayons que ne fait ny l'air
ny le verre; bien que cependant il le donne plus libre
a | ceux aufquels 1l le donne, fuiuant ce qui a efté dit
cy deflus.
Ayant donc ainfi choifi le verre le plus pur, le
moins coloré, & celuy qui caufe le moins de reflexion
quil eft poffible, fi on veut par fon moyen corriger le
*
108 OEUVRES DE DESCARTES. PAU
defaut de ceux qui ne voyent pas fi bien les obiets
vn peu efloignés que les proches, ou les proches
que les efloignés, les figures les plus propres a cet
effed font celles qui fe tracent par des hyperboles.
Comme, par exemple, l'œil B, ou C, eftant difpofé a
faire que tous les rayons, qui vienent du point H,
ou I, s'aflemblent exatement au milieu de fon fonds,
& non pas ceux du point
V,ou X, il faut, pour luy
faire voir diftintement l’ob-
let qui eft vers Nous
mettre entre deux le verre
O, ou P, dont les fuperfi-
cies, l'vne conuexe & l’autre
tracées par deux hyperboles
qui foyent telles qu H, ou
I, foit le point bruflant de
la concaue, qui doit eftre
tournée vers l'œil, & V, ou
X, celuy de la conuexe.
Et fi on fuppofe le point
1, ou V, aflés efloigné, comme feulement a quinze|ou
vingt pieds de diftance, il fuflira. au lieu de l'hyper-
bole dont il deuroit eftre le point bruflant, de fe feruir
d'vne ligne droite, & ainfi de faire l'vne des fuperficies
du verre toute plate : a fçauoir l’interieure qui regarde
vers l'œil, fi c'eft I qui foit affés efloigné ; ou l'exte-
rieure, fi c'eft V. Car lors vne partie de l'obiet, de la
grandeur de la prunelle, pourra tenir lieu d'vn feul
point, a caufe que fon image n occupera gueres plus
concaue, ayent les figures
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124-125. La Dioprrique. — Discours IX. 199
d'efpace au fonds de l'œil, que l'extremité de l'vn des
petits filets du nerf optique. Et mefme il n'eft pas
befoin de fe feruir de verres differens a chafque fois
qu'on veut regarder des obiets vn peu plus ou moins
efloignés Î'vn que l’autre ; mais c'eft aflés, pour l'vfage,
d'en auoir deux, dont l'vn foit proportionné a la
moindre diftance des chofes qu'on a couftume de re-
garder, & l'autre a la plus grande; ou mefme feule-
ment d'en auoir vn, qui foit moyen entre ces deux.
Car les yeux aufquels on les veut approprier, n’eftans
point tout a fait inflexibles, peuuent ayfement affés
changer leur figure, pour l’accommoder a celle d'vn
tel verre.
Que fi on veut, par le moyen aufly d’vn feul verre,
faire que les obiets acceflibles, c’eft a dire ceux qu'on
peut approcher de l'œil autant qu'on veut, paroiffent
beaucoup plus grands, & fe voyent beaucoup plus
diftinétement que fans lunetes, le plus commode fera
de faire celle des fuperficies de ce verre qui doit eftre
tournée vers l'œil toute plate, & donner a l’autre la
figure d'vne hyperbole, dont le point bruflant foit au
lieu où on voudra mettre l'obiet. Mais notés que ie
dis le plus commode, car 1 aduoue bien que, donnant a
la fuperficie de ce verre la figure d’vne ellipfe, dont le
point bruflant | foit auffy au lieu où on voudra mettre
l'obiet, & a l’autre celle d'vne partie de Sphere, dont le
centre foit au mefme lieu que ce point bruflant, l'effet
en pourra eftre vn peu plus grand ; mais en reuanche
van tel verrene pourra pas fi commodementeftre taillé.
Or ce point bruflant, foit de l’hyperbole, foit de l'el-
lipfe, doit eftre fi proche que, l’obiet, qu'il faut fup-
200 OEuvRES DE DESCARTES. 125-126.
pofer fort petit, y eftant mis, il ne refte, entre luy &
le verre, que iuftement autant d'efpace qu'il en faut
pour donner pañlage a la lumiere qui doit l’efclairer.
Et 1l faut enchañler ce verre en telle forte, quiln'en
refle rien de découuert que le milieu, qui foit enuiron
de pareille grandeur que la prunelle, ou mefme vn
peu plus petit; & que la matiere en quoy il fera en-
chaffé foit toute noire du cofté qui doit eftre tourné
vers l'œil, où mefme aufly il ne fera pas inutile qu'elle
foit garnie tout autour d'vn bord de panne ou ve-
lours noir, afin qu'on la puiffe commodement appuier
tout contre l'œil, & ainfi empefcher qu'il n'aille vers
luy aucune lumiere, que par l'ouuerture du verre.
Mais en dehors il fera bon qu'elle foit toute blanche,
ou pluftoit toute polie, & qu’elle ait la figure d'vn
miroir creux, en forte qu'elle renuoye fur l’obiect
tous les rayons de la lumiere qui vienent vers elle. Et
pour fouftenir cet obiet en l'endroit
où il doit eftre pofé pour eftre vü, ie
ne defapprouue pas ces petites fioles
de verre ou de criftal fort tranfparent,
dont l'vfage eft defia en France affés
commun. Mais, pour rendre la chofe
plus exacte, il vaudra encore mieux
qu'il y foit tenu ferme par vn ou deux
petits reflors en forme de bras, qui
fortent du chaflis de la lunete. Enfin,
pour ne manquer point de lumiere,
= il faudra, en regardant cet obiet,
le tourner tout droit vers É PL Comme fi À eft le
verre, C la partie interieure de la matiere en laquelle
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126-128. La Droprrique. — Discours IX. 201
il eft enchañfé, D l’exterieure, E l'obiet, G le petit bras
qui le fouftient, H l'œil, & I le foleil, dont les rayons
ne vont point en l’œil direétement, a caufe de l'inter-
polition tant de la lunete que de l'obiet; mais, donnans
contre le cors blanc, ou le miroir D, ilsfereflefchiffent
premierement de là vers E, puis d'E ils fe reflefchiffent
vers l'œil.
Que fi on veut faire vne lunete, la plus parfaitte qui
puifle eftre, pour feruir a voir les Aftres ou autres
obiets fort efloignés & inacceflibles, on la doit com-
pofer de deux verres hyperboliques, l'vn conuexe &
l'autre concaue, mis dans les deus bouts d'vn tuyau
en la façon que vous voyés icy reprefentée. Et, pre-
mierement, abc, la fuperficie du verre concaueabcdef,
doit auoir la figure d'vne hyperbole, qui ait fon point
bruflant a la diftance a laquelle l'œil, pour lequel on
prepare cete lunete, peut voir le plus diftinétement
fes obiets. Comme icy, l’œil G eftant difpofé a voir
plus diftinctement les obiets qui font vers H qu'au-
cuns autres, H doit eftre le point bruflant de l’hyper-
bole abc: & pour les vieillars, qui voyent mieux les
obiets fort efloignés que les proches, cete fuperficie
abc doit eftre toute plate; au lieu que, pour ceux qui
ont la veuë fort courte, elle doit eftre|affés concaue.
Puis l’autre fuperficie def doit auoir la figure d'vne
autre hyperbole, dont le point bruflant I foit efloigné
d’elle de la largeur d'vn pouce, ou enuiron, en forte
qu'il fe rencontre vers le fonds de l'œil, lors que ce
verre eft appliqué tout contre fa fuperficie. Notés toutes
fois que ces proportions ne font pas fi abfolument ne-
ceffaires, qu'elles ne puiffent beaucoup eftre | chan-
Œuvres. I. 26
202 QŒEuvrEs DE DESCARTES, 128,
gées, en forte que, fans tailler autrement la fuperficie
abc, pour ceux qui ont la veuëé courte ou longue, que
pour les autres, on peut affés commodement fe feruir
d'vne mefme lunete pour toutes fortes d'yeux, en al-
Fig p. 127.
longeant feulement ou accourciflant le tuyau. Et pour
la fuperficie def, peuteftre qu'a caufe de la difficulté
qu'on aura a la creufer tant comme 1'ay dit, il fera plus
ay{é de luy donner la figure d’vne hyperbole, dont le
point bruflant foit vn peu plus efloigné : ce que l'expe-
rience enfeignera mieux que mes raifons. Et ie puis
ae" Da
DÉBATS r
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128-120. LA DropTrique. — Discours IX. 203
feulement dire en general que, les autres chofes eftant
efgales, d'autant que ce point I fera plus proche, d'au-
tant les obiets paroiftront plus grands, a caufe qu'il
faudra difpofer l’œil comme s'ils eftoient plus prés de
luy; & que la vifion pourra eftre plus forte & plus
claire, a caufe que l’autre verre pourra eftre plus
grand; mais qu'elle ne fera pas fi diftinéte, fi on le
rend par trop proche, a caufe qu'il y aura plufieurs
rayons qui tomberont trop obliquement fur fa fuper-
ficie au pris des autres. Pour la grandeur de ce verre,
la portion qui en demeure découuerte, lors qu'il eft
enchaffé dans le tuyau KLM, n’a befoin d'exceder que
de fort peu la plus grande ouuerture de la prunelle.
Et pour fon efpaifleur, elle ne fçauroit eftre trop petite;
car, encore qu'en l’augmentant on puifle faire que
l'image des obiets foit vn peu plus grande, a caufe que
les rayons qui vienent de diuers poins s'efcartent vn
peu plus du cofté de l'œil, on fait aufly en reuanche
qu'ils paroiffent en moindre quantité & moins clairs;
& l’auantage de faire que leurs images deuienent plus
grandes, fe peut mieux gaigner par autre | moyen.
Quant au verre conuexe NO PQ, fa fuperficie NQP,
qui eft tournée vers les obiets, doit eftre toute plate;
& l’autre, NOP, doit auoir la figure d'vne hyperbole,
dont le point bruflant I tombe exactement au mefme
lieu que celuy de l'hyperbole def de l’autre verre, &
foit d'autant plus efloigné du point O qu'on veut auoir
vne lunete plus parfaitte. En fuite de quoy la grandeur
de fon diametre NP fe determine par les deux lignes
droites IdN & IfP, tirées du point bruflant I par d
& j, les extremités du diametre du verre hyperbolique
204 Œuvres DE DESCARTES. 129-130,
def, que ie fuppofe efgaler celuy de la prunelle. Où
toutesfois il faut remarquer qu'encore que le diametre
de ce verre NOPQ foit plus petit, les obiets n’en pa-
roiftront que d'autant plus diftinéts, & n'en paroiftront
pas moindres pour cela,ny en moindre quantité, mais
feulement moins efclairés. C’eft pourquoy, lors qu'ils
le font trop, on doit auoir diuers cercles de carton
noir, ou autre telle matiere, comme 1,2,3, pour cou-
urir fes bords, & le rendre par ce moyen le plus petit
que la force de la lumiere qui vient des obiets pourra
permettre. Pour ce qui eft de l’efpaiffeur de ce verre,
elle ne peut de rien profiter, ny aufly de rien nuire,
finon en tant que le verre n'eft iamais fi pur & fi net,
qu'il n'empefche toufiours le paflage de quelque peu
plus de rayons que ne fait l'air. Pour le tuyau KL M, il
doit eftre de quelque matiere affés ferme & folide, afin
que les deux verres enchaffés en fes deux bouts y re-
tienent toufiours exactement leur mefme fituation. Et
il doit eftre tout noir par le dedans, & mefme auoir vn
bord de pane ou velours noir vers M, affin qu'on puifle,
|en l’appliquant tout contre l'œil, empefcher qu'il ny
entre aucune lumiere que par le verre NOPQ. Et
pour fa longueur & fa largeur, elles font affés deter-
minées par la diftance & la grandeur des deux verres.
Au refte, il eft befoin que ce tuyau foit attaché fur
quelque machine, comme RST, par le moyen de Îla-
quelle il puifle eftre commodement tourné de tous
coftés, & arefté vis a vis des obiets qu'on veut regar-
der. Et, a cet effe&, il doit y auoir aufly vne mire ou
deux pinnules,comme V, V, fur cete machine; & mefme,
outre cela, pource que, d'autant que ces lunetes font
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CLR PA
6 Or LRC,
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130-131. LA DioprTRiquEe. — Discours IX. 204
que les obiets paroiïflent plus grands, d'autant en
peuuent elles moins faire voir a chafque fois, il eft
befoin d'en ioindre auec les plus parfaittes quelques
autres de moindre force, par l'ayde defquelles on
puifle, comme par degrés, venir a la connoiffance du
lieu où eft l'obiet que ces plus parfaittes font aperce-
uoir. Comme font icy XX & Y Y, que ie fuppofe telle-
ment aiuftées auec la plus parfaite QLM, que, fi on
tourne la machine en telle forte que, par exemple, la
planete de lupiter paroifle au trauers des deus pin-
nules V, V, elle paroiftra aufly au trauers de la lunete
XX, par laquelle, outre lupiter, on pourra auffy dif-
tinguer ces autres moindres planetes qui l'accom-
paignent; & fi on fait que quelqu'vne de ces moindres
planetes fe rencontre iuftement au milieu de cete lu-
nete XX, elle fe verra aufly par l’autre YY, où paroif-
fant feule & beaucoup plus grande que par la prece-
dente, on y pourra diftinguer diuerfes regions : &
derechef, entre ces diuerfes regions, celle du melieu fe
verra par la lunete KLM, & on y pourra diftinguer
plufieurs chofes| particulieres par fon moyen; mais on
ne pourroit fçauoir que ces chofes fuflent en tel en-
droit de la telle des planetes qui accompaignent lu-
piter, fans l'ayde des deux autres, ny auffy la difpofer
a monftrer ce qui eft en tout autre endroit determiné
vers lequel on veut regarder.
On pourra encore adioufter vne ou plufieurs autres
lunetes plus parfaittes auec ces trois, au moins fi
l'artifice des hommes peut pañfer fi auant. Et il n'y a
point de difference entre la façon de ces plus par-
faittes & de celles qui le font moins, finon que leur
206 à Œuvres DE DESCARTES. Re
verre conuexe doit eftre plus grand, & leur point
bruflant plus efloigné. En forte que, fi la main des
ouuriers ne nous manque, nous pourrons par cete
inuention voir des obiets auffy particuliers & aufly
petits, dans les Aftres, que ceux que nous voyons
communement fur la terre.
Enfin, fi on veut auoir vne lunete qui face voir les
obiets proches & acceflibles le plus diftinétement
qu'il fe peut, & beaucoup plus que celle que ray tan-
toft defcrite pour mefme effect, on la doit aufly com-
pofer de deux verres hyperboliques, l'vn concaue &
l'autre conuexe, enchaffés dans les deux bouts d’vn
tuyau, & dont le concaue abcde f foit tout femblable
a celuy de la precedente, comme aufly NOP, la fu-
perficie interieure du conuexe. Mais, pour l’exterieure
NRP, au lieu qu'elle eftoit toute plate, elle doit icy
eftre fort conuexe, & auoir la figure d'vne hyperbole,
dont le point bruflant exterieur Z foit fi proche que,
l'obiet y eftant mis, il ne refte entre luy & le verre
qu'autant d'efpace qu'il en faut pour donner paffage
a la lumiere qui doit l’efclairer.|Puis le diametre de ce
verre n'a pas befoin d’eftre fi grand que pour la lunete
precedente, ny ne doit pas aufly efre fi petit queceluy
du verre À de l’autre d’auparauant*; mais il doit a peu
prés eftre tel que la ligne droite NP paffe par le point
bruflant interieur de l'hyperbole NRP : car, eftant
moindre, il receuroit moins de rayons de l'obiet Z ;
& eftant plus grand, il n'en receuroit que fort peu da-
uantage; en forte que, fon efpaifleur deuant eftre a pro-
portion beaucoup plus augmentée qu'auparauant, elle
à. « Voyés en la page 126 » (figure page 200 ci-avant).
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132133. La Dioprrique. — Discours IX. 207
leur ofteroit bien autant de leur force que fa grandeur
leur en donneroit, &, outre cela, l'obiet ne pourroit
pas eftre tant efclairé. Il fera bon aufly | de pofer cete
lunete fur quelque machine comme ST, qui la tiene
directement tournée vers le foleil. Et il faut enchaffer
le verre NOPR dans le milieu d'vn miroir creux pa-
rabolique, comme CC, qui raffemble tous les rayons
du foleil au point Z, fur l'obiet qui doit y eftre fouf-
tenu par le petit bras G, qui forte de quelqu'endroit
de ce miroir. Et ce bras doit aufly fouftenir, autour de
cet obiet, quelque cors noir & obfcur, comme HH,
iuftement de la grandeur du verre NOPR, afin qu'il
empefche qu'aucuns des rayons du foleil ne tombent
direétement fur ce verre; car, de là, entrans dans le
208 OEuvres DE DESCARTES. 133-134.
tuyau, quelques vns d'eux fe pourroient reflefchir
vers l'œil & affoiblir d'autant la vifion, pource qu'en-
core que ce tuyau doiue eftre tout noir par le dedans,
il ne le peut eftre toutesfois fi parfaitement que fa
matiere ne caufe toufiours quelque peu de reflexion,
lorfque la lumiere eft fort viue, ainfi qu'eft celle du
foleil. Outre cela, ce cors noir HH doit auoir vn trou
au milieu, marqué Z, qui foit de la grandeur de
l'obiet, afin que, fi cet obiet eft en quelque façon tranf-
parent, il puifle aufly eftre efclairé par les rayons qui
vienent direétement du foleil; ou mefme encore, fi
befoin eft, par ces rayons ramaffés au point Z par
van verre bruflant, comme II, de la grandeur du verre
NOPR, en forte qu'il viene de tous coftés autant de
lumiere fur l'obiet, qu'il en peut fouffrir fans en eftre
confumé. Et il fera ayfé de couurir vne partie de ce
miroir CC, ou de ce verre IT, pour empefcher qu'iln'y
en puifle venir trop. Vous voyés bien pourquoy ray
icy tant de foin de faire que l'obiet foit fort efclairé,
& qu'il viene beaucoup de fes rayons vers l'œil; car le
verre | NOPR, qui en cete lunete fait l'office de la
prunelle, & dans lequel fe croifent ceux de ces rayons
qui vienent de diuers poins, eftant beaucoup plus
proche de l’obiet que de l'œil, eft caufe qu'ils s’eften-
dent, fur les extremités du nerf optique, en vn efpace
beaucoup plus grand que n'eft la fuperficie de l’obiet
d’où ils vienent; & vous fçaués qu'ils y doiuent auoir
d'autant moins de force qu'ils y font plus eftendus,
comme on voit, au contraire, qu'eftans raffemblés
en vn plus petit efpace par vn miroir ou verre bruf-
lant, ils en ont plus. Et c'eft de là que depend la lon-
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134135. La DiopTrique. — Discours IX. 209
gueur de cete lunete, c'eft a dire la diftance qui doit
eftre entre l'hyperbole NOP & fon point bruflant.
Car, d'autant qu'elle eft plus longue, d'autant l'image
de l'obiet eft plus eftendue dans le fonds de l'œil, ce
qui fait que toutes fes petites parties y font plus dé
tinctes. Mais cela mefme affoiblift auf tellement leur
action, qu enfin elle ne pourroit plus eftre fentie, fi cete
lunete eftoit par trop longue. En forte que fa plus
- grande longueur ne peut eftre determinée que par
l'experience, & mefme elle varie, felon que les obiets
peuuent plus ou moins auoir de lumiere, fans en eftre
confumés. Le fçay bien qu'on pourroitencore adioufter
quelques autres moyens pour rendre cete lumiere
plus forte; mais, outre qu'ils feroient plus malayfés a
mettre en pratique, a peine trouueroit on des obiets
qui en peuflent fouffrir dauantage. On pourroit bien
auffy, au lieu du verre hyperbolique NOPR, en
trouuer d'autres qui receuroient quelque peu plus
grande quantité de rayons; mais, ou ils ne feroient
pas que ces rayons, venans de diuers poins de l’obiet,
s’affemblaffent fi exaétement vers l'œil en autant |
d'autres diuers poins; ou il faudroit y employer deux
verres au lieu d'vn, en forte que la force de ces rayons
ne feroit pas moins diminuée par la multitude des fu-
perficies de ces verres, qu'elle feroit augmentée par
leurs figures ; & enfin l’execution en feroit de beau-
coup plus difficile. Seulement vous veus-ie encore
auertir que, ces lunetes ne pouuant eftre appliquées
qu'a vn feul œil, il fera mieux de bander l'autre, ou le
couurir de quelque voile fort obfcur, afin que fa pru-
nelle demeure la plus ouuerte qu'il fe pourra, que de
Œuvres. I. 27
210 OEUVRES DE DESCARTES. 135-136.
le laifler expofé a la lumiere, ou de le fermer par l'ayde
des mufcles qui meuuent fes paupieres; car il y a or-
dinairement telle connexion entre les deux yeux, que
l'yn ne fçauroit gueres fe mouuoir en aucune façon,
que l’autre ne fe difpofe a limiter. De plus, il ne fera
pas inutile, non feulement d'appuier cete lunete tout
contre l'œil, en forte qu’il ne puifle venir vers luy au-
cune lumiere que par elle, mais auffy d'auoir aupara-
uant attendri fa veuë en fe tenant en lieu obfcur, &
d'auoir l'imagination difpofée comme pour regarder
des chofes fort efloignées & fort obfcures, afin que la
prunelle s'ouure d'autant plus, & ainfi qu'on en puifle
voir vn obiet d'autant plus grand. Car vous fçaués
que cete action de la prunelle ne fuit pas immedia-
tement de la volonté qu'on a de l’ouurir, mais pluftoft
de l’idée ou du fentiment qu'on a de l'obfcurité & de
la diftance des chofes qu'on regarde.
Au refte, fi vous faites vn peu de reflexion fur tout
ce qui a efté dit cy deflus, & particulierement fur ce
que nous auons requis de la part des organes exte-
rieurs pour rendre la vifion la plus parfaitte qu'elle
puiffe eftre, il ne | vous fera pas malayfé à entendre
que, par ces diuerfes façons de lunetes, on y adioufte
tout ce que l’art y peut adioufter, fans qu'il foit be-
foin que ie m'arrefte a vous en deduire la preuue plus
au long. Il ne vous fera pas malayfé non plus a con-
noiftre que toutes celles qu'on a euës iufques icy
n'ont pù aucunement eftre parfaittes, vü qu'il ya trés
grande difference entre la ligne circulaire & l’hyper-
bole, & qu'on a feulement tafché, en les faifant, a fe
feruir de celle là, pour les effects aufquels ray de-
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136-137. LA Dioprrique. — Discours X. 2
monftré que celle cy eftoit requife. En forte quonna
iamais fceu rencontrer que lors qu'on a failli fi heu-
reufement, que, penfant rendre fpheriques les fuper-
ficies des verres qu'on a taillés, on les a rendues
hyperboliques, ou de quelqu'autre figure equiualente.
Et cecy a principalement empefché qu’on n'ait pù bien
faire les lunetes qui feruent a voir les obiets inaccef-
fibles ; car leur verre conuexe doit eftre plus grand que
celuy des autres; &, outre qu'il eft moins ayfé de ren-
contrer en beaucoup qu'en peu, la difference qui eft
entre la figure hyperbolique & la fpherique eft bien
plus fenfible vers les extremités du verre que vers fon
centre. Mais, a caufe que les artifans iugeront peut
eftre qu'il y a beaucoup de difficulté a tailler les
verres exactement fuiuant cete figure hyperbolique,
ie tafcheray encore icy de leur donner vne inuention,
par le moyen de laquelle ie me perfuade quils en
pourront aflés commodement venir a bout.|
DEMPSUPAGONCDE TAILLER LES VERRES.
Difcours Dixiefme.
Aprés auoir choifi le verre ou le criftal dont on a
deffein de fe feruir, il eft, premierement, befoin de
chercher la proportion qui, fuiuant ce qui a eflé dit
cy deffus, fert de mefure a fes refradions; & on la
212 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 137-138.
pourra commodement trouuer par l'ayde d'vn tel inf-
trument. EFI eft vne planche ou vne reigle toute plate
& toute droite, & faitte de telle matiere qu'on voudra,
pouruû quelle ne foit ny trop luifante, ny tranf-
parente, affin que la lumiere, donnant deflus, puifle
facilement y eftre difcernée de l’ombre. EA & FL font
deux pinnules, c’eft a dire deux petites lames, de telle
matiere aufly qu'on voudra, pouruü qu'elle ne foit pas
tranfparente, efleuées à plomb fur EFI, & dans lef-
quelles il y a deux petits trous ronds, À & L, pofés
iuftement vis a vis l'vn de l’autre, en forte que le rayon
AL, pañlant au trauers, foit parallele a la ligne EF.
Puis RP Q eîft vne piece du verre que vous voulés ef-
prouuer, taillée en forme de triangle, dont l'angle
RQ P eft droit, &PRQ ef plus aigu que RPQ. Les
trois coftés RQ, QP & RP, font trois faces toutes
plates & polies, en forte que, la face Q P eftant ap-
puiée contre la planche EFI, & l’autre face QR contre
la pinnule FL, le rayon du foleil qui pañle par les deux
trous À & L penetre iufques a B au trauers du verre
PQR fans y fouffrir aucune refraction, a caufe qu'il
rencontre perpendiculairement fa fuperficie RQ. Mais,
eftant paruenu au point B, où il rencontre obliquement
fon autre fuperficie RP, il n'en peut fortir fans fe
|
RDS 7
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30
138-130. La Droprrique. — ‘Discours X. 219
courber vers quelque point de la planche EF, comme
par exemple vers I. Et tout l'yfage de cet infirument
ne confifte qu'a faire ainfi pafler le rayon du foleil par
ces trous À & L, affin de connoiftre par ce moyen le
rapport qu'a le point, c'eft a dire le centre de la petite
ouale de lumiere que ce rayon defcrit fur la planche
EFI, auec les deux autres poins B & P, qui font : B,
celuy où la ligne droite qui pañle par les centres de
ces deux trous À & L fe termine fur la fuperficie RP;
& P, celuy où cete fuperficie RP & celle de la planche
EFI font couppées par le plan qu'on imagine pañler
par les poins B & I, & enfemble par les centres des
deux trous À & L.
Or, connoïffant ainfi exaétement ces trois poins
B, P, I, & par confequent aufly le triangle qu'ils deter-
minent, on doittransferer ce
triangle auec vn compas fur
du papier ou quelqu'autre
plan fort vni, puis du centre
B defcrire par le point P le
cercle N PT, & ayant pris l'arc N P efgal a PT, tirer
la ligne droite B N qui couppe IP prolongée au point
H ; puis derechef, du centre B par H defcrire le cercle
HO qui couppe BI au point O; & on aura la propor-
tion qui eft entre les lignes HI & OI pour la mefure
commune de toutes les refractions qui peuuent eftre
caufées par la difference qui eft entre l'air & le verre
qu'on examine. De quoy fi on n'eft pas encore certain,
on pourra faire tailler du mefme verre d’autres petits
triangles reétangles differens de cetuy cy, &, fe feruant
d'eux en mefme forte pour chercher cete proportion,
*
B
214 OEUVRES DE DESCARTES. 139-140.
on la trouuera toufiours femblable, & ainfi on n'aura
aucune occafion de douter que ce ne foit veritablement
celle qu'on cherchoit. Que fi, aprés cela, dans la ligne
droite HI, on prend MI efgale a OI, & HD efgale a
DM, on aura D pour le fommet, & H & [I pour les
poins bruflans de l’hyperbole dont ce verre doit auoir
la figure, pour feruir aus lunetes que ray defcrites.
Et on pourra rendre ces trois poins H, D, I plus ou
moins efloignés qu'ils ne font, de tant qu'on voudra,
en tirant feulement vne autre ligne droite parallele
a HI plus loin ou
plus prés qu'elle du
point B, & tirant
de ce point B trois
lignes droites BH,
BD, BI qui la couppent. Comme vous |voyés icy
qu'il y a mefme raport entre les trois poins H, D, I,
& h, d, 1, qu'entre les trois #, n,1.
Puis il eft ayfé, ayant ces
trois poins, de tracer l'hy-
perbole en la façon qui a
efté cy-deflus expliquée, a
quets aux poins H & I, & fai-
fant que la corde mife autour
du picquet H foit tellement
attachée a la reigle qu’elle
ne fe‘puifle replier, vers L,
plus auant que iufques a D.
Mais fi vous aymés mieux la tracer auec le compas
ordinaire, en cherchant plufieurs poins par où elle
fçauoir en plantant deux pic-.
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t4o tar. La Droprrique. — Discours X. 20%
pafle, mettés l'vne des pointes de ce compas au point
H; & l'ayant tant ouuert, que fon autre pointe pañfe
vn peu au delà du point D, comme iufques a 1, du
centre H defcriués le cercle 133; puis, ayant fait M2
efgale a H1, du centre I, par le point 2, defcriués le
cercle 233, qui couppe le precedent aux poins 33, par
lefquels cete hyperbole doit paf|fer, aufly bien que
par le point D, qui
en eft le fommet. Re-
mettés par aprés tout
de mefme l'vne des
pointes du compas au
point H, & l’ouurant
en forte que fon autre
pointe pafle vn peu au delà du point 1, comme iufques
a 4, du centre H defcriués le cercle 466. Puis, ayant
pris M; efgale a H4, du centre I par $ defcriués le
cercle $66, qui coupe le precedent aux poins 66 qui
font dans l'hyperbole; &ainfi, continuant de mettre la
pointe du compas au point H, & le refle comme de-
uant, vous pouués trouuer tant de poins qu’il vous
plaira de cete hyperbole.
Ce qui ne fera peuteftre pas mauuais pour faire
groffierement quelque modelle qui reprefente a peu
prés la figure des verres qu'on veut tailler. Mais pour
leur donner exaétement cete figure, il eft befoin
d'auoir quelque autre inuention par le moyen de 1a-
quelle on puiffe defcrire des hyperboles tout d'vntrait,
comme on defcrit des cercles auec vn compas. Et
ie n'en fçache point de meilleure que la fuiuante.
Premierement, du centre T, qui eft le milieu de la
216 Œuvres DE DESCARTES. AE
ligne HI, il faut defcrire le cercle HVIÏ, puis du point
D efleuer vne perpendiculaire fur HI, qui couppe ce
cercle au point V; & de T tirant vne ligne droite
par ce point V, on aura l'angle HTV, qui eft tel,
que fi on l'imagine tourner en rond autour de l’aif-
fieu HT, la ligne T V defcrira la fuperficie d'vn Cone,
Fig pois dans lequel la fection faite
par le plan VX parallele a cet
aiflieu HT, & fur lequel DV
tombe a angles drois, fera vne
hyperbole toute femblable &
efgale a la precedente. Et tous les autres plans paral-
leles a cetuy cy coupperont aufly dans ce|Cone des
hyperboles toutes femblables, mais inefgales, & qui
auront leurs poins bruflans plus ou moins efloignés
felon que ces plans le feront de cet aifieu.
En fuite de quoy on peut faire vne telle machine.
AB eft vn tour ou rouleau de bois ou de metal, qui,
tournant fur les poles 1, 2, reprefente l’aiflieu HI de
l'autre figure. CG, EF font deux lames ou planches
toutes plates & vnies, principalement du cofté qu'elles
s'entretouchent, en forte que la fuperficie qu'on peut
imaginer entre elles deux, eflant parallele au rou-
leau AB, & coupée a angles droits par le plan qu'on
#1 D T J
imagine pañler par les points 1, 2, & C, O, G, repre-.
fente le plan V X qui couppe le Cone. Et NP, la lar-
geur de la fuperieure CG, ef efgale au diametre du
verre qu on veut tailler, ou tant foit peu plus grande.
Enfin K LM eft vne reigle qui, tournant auec le rouleau
AB fur les poles 1, 2, en forte que l'angle ALM de-
meure toufiours efgal a HT V, reprefente la ligne TV
20
PT
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Aa. * La DioPtrique. — Discours X. 217
qui defcrit le Cone. Et il faut penfer que cete reigle
eft tellement pañlée au trauers de ce rouleau, qu'elle
peut fe hauffer & fe baïffer en coulant dans le trou I,
qui eft iuftement de fa grofleur; & mefme quil y a
quelque part, comme vers K, vn pois ou reffort, qui la
prefle toufiours contre la lame CG, par qui elle eft
fouftenue & empefchée de paller outre; &,de plus, que
fon extremité M eft vne pointe d'acier bien trempée,
qui a la force de coupper cete lame CG, mais non pas
l'autre EF qui eft deffous. D'où il eft manifefte | que,
fi on fait mouuoir cete
reigle KLM fur les poles
2 caulorte que la FF
pointe d'acier M pañle Ù
dN par O vers P, &
reciproquement de P
par O vers N, elle di-
uifera cette lame CG
en deux autres, CNO P
GNOP; dont: le
collé NOP fera ter-
miné d'vne ligne tran-
chante, conuexe en
CNOP, & concaue en GNOP, qui aura exactement
la figure d'vne hyperbole. Et ces deux lames, CNOP,
GNOP, eftant d'acier ou autre matiere fort dure,
pourront feruir non feulement de modelles, mais peut
eftre aufly d'outils ou inftrumens pour tailler cer-
taines rouës, dont ie diray tantoft que les verres doi-
uent tirer leurs figures. Toutesfois 1l y a encore icy
quelque defaut en ce que, la pointe d'acier M eflant
Œuvres. I. 28
218 OŒEuvREs DE DESCARTES, 143-144.
vn peu autrement tournée lors qu'elle eft vers N ou
vers P, que lors qu'elle eft vers O, le fil ou le tran-
chant qu'elle donne a ces outils ne peut eftre par tout
efgal. Ce qui me fait croire qu'il vaudra mieus fe
feruir de la machine fuiuante, nonobftant qu’elle foit 3
vn peu plus compofée*.
ABKLM n'eft qu'vne feule piece, qui fe meut toute :
entiere fur les poles 1, 2, & dont la partie ABK peut
auoir |telle figure qu'on voudra, mais KL M doit auoir
celle d'vne reigle ou autre tel cors, dont les lignes qui 10
terminent fes fuperficies foient paralleles ; & elle doit
eftre tellement inclinée, que la ligne droite 43, qu'on
imagine pafler par le centre de fon efpaiffeur, eftant
prolongée iufques a celle qu'on imagine paffer par les
poles 1,2, y face vn angle 234efgalaceluy quiatantoft :5
efté marqué des lettres HTV*.CG,;EF font deux plan-
ches paralleles a l’aiflieu 1 2, & dont les fuperficies qui
a. « Voyés en la figure de la page 142. » (P. 216 ci-avant.)
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pañlée au trauers du
144-145. La DioptTrique. —— Discours X. 219
fe regardent font fort plates & vnies, & couppées a
angles drois par le plan 12GOC. Mais, au lieu de
s'entretoucher comme deuant, elles font iey iuftement
autant efloignées l'vne de l’autre qu'il eft befoin pour
donner paflage entre elles deux a vn cylindre ou
roulleau QR, qui eft exactement rond, & par tout
d'efgale groffeur. Et,| de plus,elles ont chafcune vne
fente NO P, qui eft fi longue & fi large, que la reigle
KLM,pañlant par dedans, peut fe mouuoir ça & là fur
les poles 1, 2, tout autant qu'il eft befoin pour tracer
entre ces deux planches vne partie d’vne hyperbole, de
la grandeur du diametre des verres qu'on veut tailler.
Et cete reigle eft aufly
roulleau QR, en telle
façon que, le faifant
mouuoir auec foy fur
lésbpoles 1, 2; 1 de-
meure neantmoins touf-
iours enfermé entre les
deus planches CG, EF,
& parallele a l'aiflieu
12 MEnHNY O7, & Z89
font les outils qui doi-
uent feruir a tailler en
hyperbole tel cors qu'on voudra, & leurs manches Y,Z
font de telle efpaifleur que leurs fuperficies, qui font
toutes plates, touchent exactement de part & d'autre
celles des deux planches CG,EF, fans qu'ils laiffent
pour cela de gliffer entre deux, a caufe qu’elles font
fort polies. Et ils ont chafcun vn trou rond, ;, ;, dans
220 OEUVRES DE DESCARTES. 145-146.
lequel l'vn des bouts du roulleau QR eft tellement
enfermé, que ce roulleau peut bien fe tourner autour
de la ligne droite $ $ qui eft comme fon aiflieu, fans
les faire tourner auec foy, a caufe que leurs fuperficies
plates, eftantengagées entre les planches, les en empef-
chent; mais qu'en quelque autre façon qu'il fe meuue,
il les contraint de fe mouuoir aufly auec luy. Et de
tout cecy 1l eft manifefte que, pendant que la reigle
KLM eft pouffée d'N vers O & d'O vers P, ou de P vers
O & d'O vers N, faifant mouuoir auec foy le roulleau
QR, elle fait mouuoir par mefme moyen ces outils
Y 67 &Z 89, en telle façon que le mouuement parti-
culier de chafcune de leurs parties defcrit exaéte-
ment la mefme hyperbole que fait l’interfeétion des
deux lignes 34 & $$, dont l'vne, a fçauoir 34, par fon
mouuement defcrit le cone, & l’autre, $$, defcrit le
plan qui le couppe. Pour les pointes ou tranchans de
ces outils, on les peut faire de diuerfes façons, felon
les diuers vfages aufquels on les veut employer. Et
pour donner la figure aux verres conuexes, il me
femble qu'il fera bon de fe feruir premierement de
l'outil Y 67, & d'en tailler plufieurs lames d'acier
prefque femblables a CN OP, qui a tantoft efté def-
crite; puis, tant par le moyen de ces lames que de
l'outil Z 80, de creufer vne rouë,comme d, tout au-
tour felon fon efpaifleur a bc, en forte que toutes les fec-
tions qu’on peut imaginer y eftre faites par des plans,
dans lefquels fe trouue ee l’aiflieu de cete rouë, ayent
la figure de l'hyperbole que trace cete machine; &
enfin, d'attacher le verre qu'on veut tailler fur vn tour
comme h1k, & l'appliquer contre cete rouë d, en telle
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23
LORS NUE ESP ES MAR ER PES CCR PEU ENT DIU
MR
146-147. LA DropTRiqüEe. — Discours X. DOI
forte que, faifant mouuoir ce tour fur fon aiflieu AE,
en tirant la corde //, & cete rouë auffy fur le fien, en
la tournant, le verre mis entre deux prene exacte-
ment la figure qu'on luy doit donner.
|Or, touchant la façon de fe feruir de l'outil Y 67,
il eft a remarquer qu'on ne doit tailler que la moitié
des lames crop a vne fois, par exemple, que celle qui
eft entre les poins nr & o. Et, a cet effet, il faut mettre
vne barre en la machine vers P, qui empefche que la
reigle KLM,eftant meuë d'N vers O, ne fe puifle
auancer vers P, qu'autant qu'il faut pour faire que la
ligne 34, qui marque le milieu de fon efpaiffeur, par-
uiene iufques au plan 12 GOC,qu'on imagine coup-
per les planches a angles droits. Et le fer de cet outil
Y 67 doit eftre de telle figure, que toutes les parties
de fon tranchant foient en ce mefme plan, lors que la
ligne 34 s'y trouue; & qu'il n'en ait point d'autres
ailleurs qui s'auancent au delà vers le cofté marqué P,
222 OŒuvREs DE DESCARTES. 147-148.
mais que tout le tallu de fon efpaiffeur fe iette vers N.
Au refte, on le peut faire fi moufle ou fi} aygu, & tant
ou fi peu incliné, & de telle longueur qu'on voudra,
felon qu’on le iugera plus a propos. Puis, ayant forgé
les lames cnop, & leur ayant donné auec la lime la
figure la plus approchante qu'on aura pü de celle
qu'elles doiuent auoir, il les faut appliquer & prefler
contre cet outil eee. & faifant mouuoir la reigle
KLM d'N vers O, & reciproquement d'O vers N, on
taillera l'vne de leurs moitiés. Puis, afin de pouuoir
rendre l’autre toute femblable, il doit y auoir vne
barre, ou autre telle chofe, qui empefche qu'elles ne
puiflent eftre auancées vers cet outil, au delà du lieu
où elles fe trouuent lors que leur moitié N O ef ache-
uée de tailler; & lors, les en ayant vn peu reculées, il
faut changer le fer de cet outil Y 67, & en mettre vn.
autre en fa place dont le tranchant foit exactement
dans le mefme plan & de mefme forme, & autant
auancé que le precedent, mais qui ait tout le tallu de
fon efpaifleur ietté vers P, en forte que, fi on appli-
quoit ces deux fers de plat l'vn contre l’autre, les
deux tranchans femblaflent n'en faire qu'vn. Puis,
ayant transferé vers N la barre qu'on auoit mife au-
parauant vers P pour empefcher le mouuement de
la reigle KLM, il faut faire mouuoir cete reigle d'O
vers P & de P vers O, iufques a ce que les lames crop
foient autant auancées vers l'outil Y 67 qu'aupara-
uant, &, cela eftant, elles feront acheuées de tailler.
Pour la rouë d, qui doit eftre de quelque matiere fort
dure, aprés luy auoir donné auec la lime la figure la
plus approchante de celle qu'elle doit auoir, qu'on
1)
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148-149. La Droprrique. — Discours X. 22
aura pü, il fera fort ayfé de l’acheuer, premierement
auec les lames crop, pouruù qu'elles ayent efté au
commencement fi| bien forgées que la trampe ne leur
ait rien ofté depuis de leur figure, & qu'on les ap-
plique fur cete rouë en telle forte que leur tranchant
nop & fon aiflieu ee foient en vn mefme plan; &, en-
fin, qu'il y ait vn reflort ou contrepois qui les preffe
contre elle, pendant qu'on la fait tourner fur fon aif-
fieu. Puis aufly auec l'outil Z 80, dont le fer doit eftre
efgalement tallué des deus coftés, & auec cela il peut
auoir telle figure quafi qu'on voudra, pouruû que
toutes les parties de fon tranchant 89 foient dans vn
plan qui couppe les fuperficies des planches CG,EF a
angles drois.Et, pour s’en feruir, on doit faire mouuoir
la reigle KLM fur les poles 1, 2, en forte qu'elle pañfe
tout de fuite de P iufques a N, puis reciproquement
d'N iufques a P, pendant qu'on fait tourner la rouë
fur fon aiflieu. Au moyen de quoy, le tranchant de cet
outil oftera toutes les inefgalités qui fe trouueront
d'vn cofté a l’autre en l’efpaifleur de cete rouë, & fa
pointe toutes celles qui fe trouueront de haut en bas.
Car il doit auoir vn tranchant & vne pointe.
Apprés que cete rouë aura ainfi acquis toute la per-
feétion qu'elle peut auoir, le verre pourra facilement
eftre taillé par les deus diuers mouuemens d'elle & du
tour fur lequel il doit eftre attaché, pouruû feule-
ment qu'il y ait quelque reflort, ou autre inuention,
qui, fans empefcher le mouuement que le tour luy
donne, le prefle toufiours contre la rouë, & que le bas
de cete rouë foit toufiours plongé dans vn vafe qui
contiene le grés, ou l’emeri, ou le tripoli, ou la potée,
224 OŒEuvres DE DESCARTES. 149-150.
ou autre telle matière dont il eft befoin de fe feruir
pour tailler & polir le verre.
| Et a l'exemple de cecy, vous pouués affés entendre
en quelle forte on doit donner la figure aux verres
concaues, a fçauoir en faifant, premierement, des
lames comme cnop auec l'outil Z89, puis taillant vne
rouë tant auec ces lames qu'auec l'outil Y 67, & tout
le refte en la façon qui vient d'eftre expliquée. Seule-
ment faut il obferuer que la rouë dont on fe fert pour
les conuexes peut eftre auffy grande qu'on la voudra
faire, mais que celle dont on fe fert pour les concaues
doit eftre fi petite que, lors que fon centre eft vis a
vis de la ligne $$ de la machine qu'on employe a la
tailler, fa circonference ne pañle point au deffus de la
ligne 12 de la mefme machine. Et on doit faire mou-
uoir cete rouë beaucoup plus vifte que le tour, pour
polir ces verres concaues, au lieu qu'il eft mieux, pour
les conuexes, de faire mouuoir le tour plus promte-
ment : dont la raifon eft que le mouuement du tour
vfe beaucoup plus les extremités du verre que le mi-
lieu, & qu'au contraire celuy de la rouë les vfe moins.
Pour l'vtilité de ces diuers mouuemens, elle eft fort
manifefte : car, poliffant les verres auec la main dans
vne forme, en la façon qui feule a efté en vfage
iufques a prefent, 1l feroit impoflible de rien faire
de bien que par hafard, encore que les formes fuf-
fent toutes parfaites; & les poliffant auec le feul
mouuement du tour fur vn modelle, tous les petits
defauts de ce modelle marqueroient des cercles en-
Herstlumleberre,
le n'adioufte pas icy les demonftrations de plufieurs
Fe
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te CT RE
Fee) pet LME ad € ‘
A 1e
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150-151. La Dioprrique. — Discours X. 22$
chofes qui appartienent a la Geofetrie : car ceux qui
font vn peu verfés en cete fcience les pourront affés
entendre d'eux mefmes, & ie me perfuade que les
autres felront plus ayfes de m'en croire, que d’auoir
la peine de les lire. Au refte, affin que tout fe face
par ordre, ie voudrois, premierement, qu’on s'exerçaft
a polir des verres, plats d'vn cofté & conuexes de
l'autre, qui euffent la figure d'vne hyperbole dont les
poins bruflans fuffent a deux ou trois pieds l'vn de
l'autre : car cete longeur eft fuffifante pour vne lu-
nete qui ferue a voir aflés parfaittement les obiets
inacceflibles. Puis ie voudrois qu'on fift des verres
concaues de diuerfes figures, en les creufant toufiours
de plus en plus, iufques a ce qu'on euft trouué par
experience la iufte figure de celuy qui rendroit cete
lunete la plus parfaitte qu'il foit poflible, & la mieux
proportionnée a l'œil qui auroit a s'en feruir. Car vous
fçaués que ces verres doiuent eftre vn peu plus con-
caues pour ceux qui ont la veuë courte que pour les
autres. Or, ayant ainfi trouué ce verre concaue, d'au-
tant que le mefme peut feruir au mefme œil pour toute
autre forte de lunetes, il n'eft plus befoin, pour les
lunetes qui feruent a voir les obiets inaccefibles, que
de s'exercer a faire d’autres verres conuexes qui
doiuent eftre pofés plus loin du concaue que le pre-
mier, & a en faire aufly par degrés qui doiuent eftre
pofés de plus en plus loin, iufques a la plus grande
diftance qu'il fe pourra, & qui foient aufly plus grands
a proportion. Mais hotés que, d'autant que ces verres
conuexes doiuent eftre pofés plus loin des concaues,
& par confequent aufly de l’œil, d'autant doiuent ils
Œuvres. I. 29
226 OEuvRESs DE DESCARTES! *: F
eftre taillés plus exactement, a caufe que les mefmes
defauts y détournent les rayons d'autant plus loin de
l'endroit où ils doiuent aller. Comme, fi le | verre F dé-
tourne le rayon CF autant que le verre E détourne
AE, en forte que les angles AEG & CFH
A €
foient efgaus, il eft manifefte que CF, allant.
Fr vers H, s'efloigne bien plus du point D où
/ iliroit fans cela, qu'AE ne fait du point B,
Ce : allant vers G. Enfin, la derniere & principale
LL | . chofe a quoy ie voudrois qu'on s'exerçaff,
fi: c'eft a polimdeswerres conuexes/desqenx
coftés pour les lunetes qui feruent a voir les obiets ac-
ceflibles, & que, s’eftant premierement exercé aenfaire
de ceux qui rendent ces lunetes fort courtes, a caufe
que ce feront les plus ayfés, on tafchaft aprés, par
degrés, a en faire de ceux qui les rendent plus longues,
iufques a ce qu'on foit paruenu aus plus longues dont
on fe puifle feruir. Et aflin que la difficulté que vous
pourrés trouuer en la conftruction de ces dernieres
lunetes ne vous dégoufte, ie vous veux auertir qu’en-
core que d'abord leur vfage n’attire pas tant que celuy.
de ces autres, qui femblent promettre de nous efleuer
dans les cieux, & de nous y monftrer fur les aftres
des cors aufly particuliers, & peuteftre aufly diuers
que ceux qu'on void fur la terre, ie les iuge toutes
fois beaucoup plus vtiles, a caufe qu'on pourra voir
par leur moyen les diuers meflanges & arrengemens
des petites parties dont les animaus & les plantes, &
peuteftre aufly les autres cors qui nous enuironnent
font compofés, & de là tirer beaucoup d’auantage
pour venir a la connoiffance de leur nature.Car,defia
20
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152-153. LA DiopTriQuEe. — Discours X. 227
felon l'opinion de plufieurs Philofophes, tous ces cors
ne font faits que des parties des elemens diuerfement
meflées enfemble; & felon la miene, toute leur na-
ture & | leur effence, au moins de ceux qui font inani-
més, ne confifte qu'en la groffeur, la figure, l’arran-
gement, & les mouuemens de leurs parties.
Pour la difficulté qui fe rencontre, lors qu'on voute
ou creufe ces verres des deus coftés, a faire que les
fommets des deux hyperboles foient direétement op-
pofés l’vn a l’autre, on y pourra remedier en arondif-
fant fur le tour leur circonference, & la rendant exac-
tement efgale a celle des manches aufquels on les doit
attacher pour les polir; puis, lors qu'on les y attache,
& que le plaftre, ou la poix & le ciment dont on les y
joint, eft encore frais & flexible, en les faifant pañler
auec ces manches par vn anneau dans lequel ils
n'entrent qu a peine. le ne vous parle point de plufieurs
autres particularités qu'on doit obferuer en les tail-
lant, ny aufly de plufieurs autres chofes que ray tan-
toft dit eftre requifes en la conftruétion des lunetes :
car il n yen a aucune que ie iuge fi diflicile qu'elle
puifle arrefter les bons efprits ; & ie ne me reigle pas
fur la portée ordinaire des artifans, mais ie veus ef-
perer que les inuentions que ray mifes en ce Traité
feront eftimées aflés belles & aflés importantes pour
obliger quelques vns des plus curieus & des plus in-
duftrieus de noftre fiecle a en entreprendre l'execution.
Page 82, 1. 3. — Le père de Jacob Metius, Adriaen Anthonisz (sur
nommé Metius parce qu’il était originaire de Metz), né en 1527, mort en
1607, mathématicien et ingénieur, s'était établi à Alcmaer; c'est à lui
qu'on doit l'approximation bien connue rx — #., publiée en 1625 par son
fils Adrien Metius (1571-1635). Ce dernier était professeur à l'Université
228 OEUVRES DE DESCARTES.
de Franeker, et Descartes a certainement dû entrer en relations avec lui
en 1629. Au contraire, il n'a pas dû connaitre personnellement Jacob
Metius, qui mourut vers 1630; son témoignage sur l'invention des lunettes
d'approche n’en a pas moins une importance majeure, d'autant plus que,
dans son premier séjour en Hollande, il aurait dû connaître, par Isaac
Beecman, qui était de Middelbourg, la tradition plaçant l'invention dans
cette dernière ville, si cette tradition avait déjà pris corps.
Page 141, 1. 23. — L'édition originale porte « ses nerfs » [les nerfs de
l'œil); l’édition latine, revue par Descartes, donne hi nervi, c'est-à-dire
ces nerfs, comme plus haut, 1. 18.
Page 168, |. 3. — Nous avons corrigé le texte original qui porte : « Nous
entendrons tousiours parler de l'interieur. » Dans l'édition latine, on lit,
en effet, exterior; et, d'autre part, c’est bien le foyer appelé ici exterieur
par Descartes, qu'il désigne couramment ensuite comme point bruslant,
sans détermination plus précise.
Page 185, 1. 17. — La fin du second livre de la Geometrie (pages 352 à
368 de l'édition originale) est, en effet, consacrée aux courbes qui satisfont
aux conditions dont il s’agit. Ces courbes sont connues sous le nom
d'ovales de Descartes, et leur invention, qui constitue, en réalité, la pre-
mière solution d’un problème inverse des tangentes, est un des plus re-
marquables travaux géométriques de cette période.
Page 218, 1. 6. — Il est intéressant de rapprocher le Discours dixiesme
des lettres écrites par Descartes à Ferrier en 1629 (XI et XIII, Correspon-
dance, t. Ï, p. 32 et p. 53). Le principe de la machine de Descartes est
toujours le même; obtenir une pièce taillée en hyperbole comme section
d'un plan fixe par la génératrice d'un cône de révolution. Mais il revient,
dans sa Dioptrique, à la conception primitive abandonnée dans la lettre
du 8 octobre 1629 (voir t. I, p. 33-34), celle d’un rouleau dont tous les points
décriront une hyperbole et dont les extrémités porteront les outils servant
à tailler. Toutefois, au lieu de tailler dirèctement le verre, il propose,
comme en 1629 à Ferrier, de tailler d'abord des lames et une roue, qui
servira pour le travail du verre, suivant un dispositif analogue à celui que
Ferrier a indiqué {t. I, p. 47 et p. 59). Quant à la taille de la roue au
moyen des lames, Descartes ne parle plus, dans sa Dioptrique, de la dis-
position recommandée dans sa lettre du 13 novembre 1629 (t. I, p. 67-68).
I1 semble probable qu'il se la réservait, et non pas qu'il en eût abandonné
le principe.
FIN,
<
METEORES
20
Difcours Premier.
DE LA NATVRE DES CORS TERRESTRES.
Nous auons naturellement plus d’admiration pour
les chofes qui font au deffus de nous, que pour celles
qui font a pareille hauteur ou au deffous. Et quoy que
les nues n'excedent gueres les fommets de quelques
montaignes, & qu'on en voye, mefme fouuent, de plus
baffes que les pointes de nos clochers, toutefois, a
caufe qu'il faut tourner les yeux vers le ciel pour les
regarder, nous les imaginons fi releuées, que mefme
les Poëtes & les Peintres en compofent le throfne de
Dieu, & font que là il employe fes propres mains a
ouurir & fermer les portes des vens, a verfer la rozée
fur les fleurs, & a lancer la foudre fur les rochers.
Ce qui me fait efperer que, fi i'explique icy leur na-
ture, en telle forte qu'on n'ait plus occafon d'admirer
rien de ce qui sy voit ou qui en defcent, on croyra
facilement qu'il eft pofible, en mefme façon, de trouuer
les caufes de tout ce qu'il y a de plus admirable def-
fus la terre.
IR CV 7
232 ŒŒEuvrEs DE DESCARTES. 157-158,
le parleray,en ce premier difcours, de la nature des
cors terreftres en general, afin de pouuoir mieus ex-
pliquer, dans le fuiuant, celle des exhalaifons & des
vapeurs. Puis, a caufe que ces vapeurs, s'efleuans de
l'eau de la mer, forment quelquefois du fel au deflus
de fa fuperficie, ie prendray de là occafion de m'a-
refter vn peu a le defcrire, & d’eflayer en luy fi on
peut connoiftre les formes de ces cors, que les Phi-
lofophes difent eftre compofés des elemens par vn
meflange parfait, aufly bien que celles des Meteores,
qu'ils difent n'en eftre compofés que par vn meflange
imparfait. Aprés cela, conduifant les vapeurs par
l'air, i'examineray d'où vienent les vens. Et les fai-
fant affembler en quelques endroits, ie defcriray la
nature des nues. Et faifant die ces nues, 1e
diray ce qui caufe la pluie, la grefle & la neige; où
ie n'oublieray pas celle dont les parties ont la figure
de petites eftoiles a fix pointes tres parfaitement
compañlées, & qui, bien qu'elle n'ait point efté ob-
feruée par les anciens, ne laiffe pas d’eftre l'vne des
plus rares merueilles de la Nature. le n'oublieray pas
auffy les tempeñtes, le tonnerre, la foudre & les diuers
feus qui s'allument en l'air, ou les lumieres qui s'y
voyent. Mais, fur tout, ie tafcheray de bien depeindre
l'arc en ciel, & de rendre raifon de fes couleurs, en
telle forte qu'on puiffe auffy entendre la nature de
toutes celles qui fe trouuent en d’autres fuiets. A
quoy r'adioufteray la caufe de celles qu'on voit com-
munement dans les nuës, & des cercles qui enuiron-
nent les aftres; & enfin la caufe des Soleils, ou des
Lunes, qui paroiïflent quelquefois plufieurs enfemble.
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158-150. Les MeTEOoREs. — Discours I. 233
Il eft vray que la connoiflance de ces chofes depen-
dant des principes generaus de la Nature, qui n'ont
point encore efté, que ie fçache, bien expliqués, il
faudra que | ie me ferue, au commencement, de
quelques fuppofitions, ainfi que 1’ay fait en la Diop-
trique ; mais ie tafcheray de les rendre fi fimples &
fi faciles, que vous ne ferés peuteftre pas difficulté
de les croyre, encore que ie ne les aye point de-
monftrées.
le fuppofe, premierement, que l'eau, la terre, l'air,
& tous les autres tels cors qui nous enuironnent,
font compofés de plufieurs petites parties de diuerfes
figures & grofleurs, qui ne font iamais fi bien ar-
rengées, ni fi iuftement iointes enfemble, qu'il ne
refte plufieurs interualles autour d’elles ; & que ces
interualles ne font pas vuides, mais remplis de cete
matiere fort fubtile, par l’entremife de laquelle ray
dit cy deflus que fe communiquoit l’action de la lu-
miere. Puis, en particulier, ie fuppofe que les petites
parties dont l'eau eft compofée, font longues, vnies
& gliffantes, ainfi que de petites anguilles, qui, quoy
qu'elles fe ioignent & s'entrelacent, ne fe noüent ny
ne s'accrochent iamais, pour cela, en telle façon
qu'elles ne puiflent ayfement eftre feparées; & au
contraire, que prefque toutes celles, tant de la terre
que mefme de l’air & de la plufpart des autres cors,
ont des figures fort irregulieres & inefgales ; en forte
qu'elles ne peuuent eftre fi peu entrelacées, qu'elles
ne s'accrochent & fe lient les vnes aus autres, ainfi
que font les diuerfes branches des arbrifleaus, qui
croiflent enfemble dans vne haye. Et lorfqu'elles fe
Œuvres. I, 30
234 Œuvres DE DESCARTES. 159-160.
lient en cete forte, elles compofent des cors durs,
comme de la terre, du bois, ou autres femblables :
au lieu que, fi elles font fimplement pofées l’vne fur
l'autre, fans eftre que fort peu ou point du tout entre-
lacées, & qu’elles foient auec cela fi petiltes, qu'elles
puiflent eftre meuës & feparées par l'agitation de la
matiere fubtile qui les enuironne, elles doiuent oc-
cuper beaucoup d'efpace, & compofer des cors li-
quides fort rares & fort legers, comme des huiles ou
de l'air. De plus, il faut penfer que la matiere fubtile,
qui remplift les interuales qui font entre les parties
de ces cors, eft de telle nature qu’elle ne ceffe iamais
de fe mouuoir ça & là grandement vifte, non point
toutefois exactement de mefme viteffe en tous lieus
& en tous tems, mais qu'elle fe meut communement
vn peu plus vifte vers la fuperficie de la terre, qu'elle
ne fait au haut de l'air où font les nuës, & plus vifte
vers les lieus proches de l'Equateur que vers les Poles,
& au mefme lieu plus vifte l'efté que l'hyuer, & le
iour que la nuit. Dont la raifon eft euidente, en fup-
pofant que la lumiere n'eft autre chofe qu'vn certain
mouuement, ou vne action, dont les cors lumineus
pouflent cete matiere fubtile de tous coftés autour
d'eus en ligne droite, ainfi qu'il a efté dit en la Diop-
trique. Car il fuit de là que les rayons du foleil, tant
droits que reflefchis, la doiuent agiter dauantage le
iour que la nuit, & l'efté que l'hyuer, & fous l'Equa-
teur que fous les Poles, & contre la terre que vers
les nues. Puis il faut aufly penfer que cete matiere
fubtile eft compofée de diuerfes parties, qui, bien
qu'elles foient toutes tres petites, le font toutefois
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EN NT RENE, MT M F
A UE. VS RS ER EUTE
160-161, Les METEORES. —— Discours I. 23
beaucoup moins les vnes que les autres, & que les
plus grofles, ou, pour mieus parler, les moins petites,
ont toufiours le plus de force, ainfi que generalement
tous les grans cors en ont plus que les moindres,
quand ils font autant esbranlés. Ce qui fait que, moins
cete matiere eft fubtile, c'eft a | dire compofée de
parties moins petites, plus elle peut agiter les parties
des autres cors. Et cecy fait auffy qu'elle eft ordinai-
rement le moins fubtile aux lieus & aux tems où elle
eft le plus agitée, comme vers la fuperficie de la terre
que vers les nuës, & fous l'Equateur que fous les
Poles, & en efté qu'en hyuer, & de iour que de nuit.
Dont la raifon eft que les plus grofles de fes parties,
ayant le plus de force, peuuent le mieux aller vers
les lieux où, l'agitation eftant plus grande, il leur eft
plus ayfé de continuer leur mouuement. Toutefois,
il y en a toufiours quantité de fort petites qui fe
coulent parmi ces plus groffes. Et il eft a remarquer
que tous les cors terreftres ont bien des pores, par où
ces plus petites peuuent paffer, mais qu'il y en a plu-
fieurs qui les ont fi eftroits, ou tellement difpofés,
qu'ils ne reçoiuent point les plus groffes ; & que ce
font ordinairement ceux cy qui fe fentent les plus
froids quand on les touche, ou feulement quand on
sen approche. Comme, d'autant que les marbres &
les metaus fe fentent plus froids que le bois, on doit
penfer que leurs pores ne reçoiuent pas fi facilement
les parties fubtiles de cete matiere, & que les pores
de la glace les reçoiuent encore moins facilement
que ceux des marbres ou des metaus, d'autant qu'elle
eft encore plus froide. Car ie fuppofe icy que, pour
23 6 OEuvrEes DE DESCARTES. bas
le froid & le chaud, il n’eft point befoin de conceuoir
autre chofe, finon que les petites parties des cors que
nous touchons, eftant agitées plus ou moins fort que
de couftume, foit par les petites parties de cete ma-
tiere fubtile, foit par telle autre caufe que ce puifle
eftre, agitent aufly plus ou moins les petits filets de
ceux de nos nerfs qui | font les organes de l'attou-
chement; & que, lorfqu'elles les agitent plus fort
que de couftume, cela caufe en nous le fentiment de
la chaleur ; au lieu que, lorfqu'elles les agitent moins
fort, cela caufe le fentiment de la froideur. Et il eft
bien ayfé a comprendre, qu'encore que cete matiere
fubtile ne fepare pas les parties des cors durs, qui
font comme des branches entrelacées, en mefme façon
qu'elle fait celles de l'eau & de tous les autres cors
qui font liquides, elle ne laifle pas de les agiter &
faire trembler plus ou moins, felon que fon mouue-
ment eft plus ou moins fort, & que fes parties font
plus ou moins groffes : ainfi que le vent peut agiter
toutes les branches des arbrifleaus dont vne paliffade
eft compofée, fans les ofter pour cela de leurs places.
Au refte, il faut penfer qu'il y a telle proportion entre
la force de cete matiere fubtile, & la refiftence des
parties des autres cors, que, lorfqu'elle eft autant
agitée, & qu'elle n’eft pas plus fubtile qu’elle a cou-
ftume d’eftre en ces quartiers contre la terre, elle a la
force d'agiter & de faire mouuoir feparement l'vne de
l'autre, & mefme de plier la plufpart des petites par-
ties de l'eau entre lefquelles elle fe glifle, & ainfi de
la rendre liquide; mais que, lorfqu elle n'eft pas plus
agitée, ny moins fubtile, quelle a couftume d'eftre
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162163. Les MErTEorEs. — Discours I. 297
en ces quartiers au haut de l'air, ou qu'elle y eft quel-
quefois en hyuer contre la terre, elle n'a point affés
de force pour les plier & agiter en cete façon, ce qui
eft caufe qu'elles s’areftent confufement iointes &
pofées l'vne fur l’autre, & ainfi qu'elles compofent vn
cors dur, a fçauoir de la glace. En forte que vous
pouués imaginer mefme difference entre de l'eau &
de | la glace, que vous feriés entre vn tas de petites
anguilles, foit viues, foit mortes, flotantes dans vn
batteau de pefcheur tout plein de trous par lefquels
pafle l'eau d'vne riuiere qui les agite, & vn tas des
mefmes anguilles, toutes feiches & roides de froid
fur le riuage. Et pourceque l'eau ne fe gele iamais
que la matiere qui eft entre fes parties ne foit plus
fubtile qu'a l'ordinaire, de là vient que les pores de
la glace qui fe forment pour lors, ne s'accommodans
qu'a la groffeur des parties de cete matiere plus fub-
tile, fe difpofent en telle forte qu'ils ne peuuent re-
ceuoir celle qui left moins; & ainfi que la glace ef
toufiours grandement froide, nonobftant qu'on la
garde iufques a l’efté; & mefme qu'elle retient alors
fa dureté, fans s’amollir peu a peu comme la cire, a
caufe que la chaleur ne penetre au dedans qu'a me-
fure que le deflus deuient liquide.
Il y a icy de plus a remarquer qu'entre les parties
longues & vnies, dont i’ay dit que l’eau efltoit com-
pofée, 1l y en a veritablement la plufpart qui fe plient
ou ceflent de fe plier felon que la matiere fubtile qui
les enuironne a quelque peu plus ou moins de force
qua l'ordinaire, ainfi que ie viens d'expliquer; mais
quil y en a aufly de plus grofles qui, ne pouuant
2X
238 Œuvres DE DESCARTES. 163-164.
ainfi eftre pliées, compofent les fels; & de plus pe-
tites qui, le pouuant eftre toufiours, compofent les
efprits ou eaus de vie, qui ne fe gelent iamais ; & que,
lorfque celles de l'eau commune ceffent du tout de
fe plier, leur figure la plus naturelle n'eft pas en
toutes d’eftre droites comme des ioncs, mais, en plu-
fieurs, d’eftre courbées en diuerfes fortes : d'où vient
qu'elles ne peuuent pour lors fe renger en fi peu d'ef-
pale, que lorfque la matiere fubtile, eftant afflés forte
pour les plier, leur fait accommoder leurs figures les
vnes aux autres. Il eft vray aufly que, lorfqu'elle eft
plus forte qu'il n'eft requis a cet effe&, elle eft caufe
derechef qu'elles s’eftendent en plus d'efpace : ainfi
quon pourra voir par experience, fi, ayant rempli
d'eau chaude vn matras, ou autre tel vafe dont le col
foit affés long & eftroit, on l'expofe a l'air lorfqu'il
gele : car cete eau s’abaiffera vifiblement peu a peu,
iufques a ce qu'elle foit paruenuë a certain degré de
froideur, puis s’enflera & fe rehauflera aufly peu a
peu, iufqu'a ce qu'elle foit toute gelée : en forte que
le mefme froid, qui l'aura condenfée ou referrée au
commencement, la rarefiera par apprés. Et on peut
voir aufly, par experience, que l'eau qu'on a tenuë
longtems fur le feu fe gele plutoft que d'autre; dont
la raifon eft que celles de fes parties, qui peuuent le
moins cefler de fe plier, s'euaporent pendant qu'on
la chauñte.
Mais, aflin que vous receuiés toutes ces fuppofi-
tions auec moins de difficulté, fçachés que ie ne con-
çoy pas les petites parties des cors terreftres comme
des atomes ou particules indiuifibles, mais que, les
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164-165. Les METEOREsS. — Discours Il. 239
iugeant toutes d'vne mefme matiere, ie croy que
-chafcune pourroit eftre rediuifée en vne infinité de
façons, & qu'elles ne different entre elles que comme
des pierres de plufieurs diuerfes figures, qui auroient
efté couppées d'vn mefme rocher. Puis, fçachés aufly
que, pour ne point rompre la paix auec les Philo-
fophes, ie ne veux rien du tout nier de ce qu'ils ima-
ginent dans les cors de plus que ie n’ay dit, comme
leurs formes fubflantielles, leurs qualités reelles, | &
chofes femblables, mais qu'il me femble que mes
raifons deuront eftre d'autant plus approuuées, que
ie les feray dependre de moins de chofes.
=
DES VAPEVRS ET DES EXHALAISONS.
Difcours Second.
Si vous confiderés que la matiere fubtile, qui eft
- dans les pores des cors terreftres, eflant plus fort
agitée vne fois que l’autre, foit par la prefence du
foleil, foit par telle autre caufe que ce puiffe eftre,
agite aufly plus fort les petites parties de ces cors;
vous entendrés facilement qu'elle doit faire que celles
qui font aflés petites, & auec cela de telles figures ou
_en telle fituation qu'elles fe peuuent ayfement feparer
de leurs voyfines, s'efcartent ça & là les vnes des
autres, & s'efleuent en l'air; non point par quelque
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240 OŒEuvrEs DE DESCARTES. - 165-166.
inclination particuliere qu'elles ayent a monter, ou
que le foleil ait en foy quelque force qui les attire,
mais feulement a caufe qu’elles ne trouuent point
d'autre lieu dans lequel il leur foit fi ayfé de continuer
leur mouuement : ainfi que la poufliere d'vne cam-
paigne fe foufleue, quand elle eft feulement pouffée
& agitée par les pieds de quelque pañlant. Car,encore
que les grains de cete poufliere foient beaucoup plus
gros & plus pefans que les petites parties dont nous
parlons, ils ne laiffent pas pour cela de prendre leur
cours vers le ciel. Et mefme on voit qu'ils y montent
beaucoup plus haut, lorfqu'vne grande plaine eft cou-
uerte de gens qui fe remuënt, que lorfquelle nef
foulée que par vn feul homme. Ce qui doit empefcher
qu'on ne s'eftonne de ce que l'attion du foleil efleue
affés haut les petites parties de la matiere dont fe
compofent les vapeurs & les exhalaifons, vû quelle
s'eftend toufiours en mefme tems fur toute vne moitié
de la terre, & qu'elle y demeure les iours entiers.
Mais remarqués que ces petites parties, qui font ainfi
efleuées en l'air par le foleil, doiuent pour la plufpart
auoir la figure que i'ay attribuée a celles de l'eau, a
caufe qu'il n'y en a point d’autres qui puiflent fi ayfe--
ment eftre feparées des cors où elles font. Et ce fe-
ront celles cy feules que ie nommeray particuliere-
ment des vapeurs, affin de les diftinguer des autres
qui ont des figures plus irregulieres, & aufquelles ie
reftreindray le nom d'exhalaifons, a caufe queienen
fçache point de plus propre. Toutefois aufy, entre les
exhalaifons, ie comprendray celles qui, ayant a peu
prés mefme figure que les parties de l'eau, mais eftant
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166-167. Les METEoREs. — Discours II. 241
plus fubtiles, compofent les efprits ou eaus de vie, a
caufe qu'elles peuuent facilement s'embrafer. Et ren
exclueray celles qui, eflant diuifées en plufieurs
branches, font fi fubtiles qu'eiles ne font propres qu'a
compofer le cors de l'air. Pour celles qui, eftant vn
peu plus groflieres, font aufly diuifées en branches, il
eft vray quelles ne peuuent gueres fortir d'elles
mefme des cors durs où elles fe trouuent; mais fi
quelquefois le feu s'efprand en ces cors, il les en
chafle toutes en fumée. Et auffy, lorfque l'eau fe gliffe
dans leurs pores, elle peut fouuent les en degager, &
les emporter en haut auec | foy : en mefme façon que
le vent, paflant au trauers d'vne haye, emporte les
feuilles ou les pailles, qui fe trouuent entrelacées
entre fes branches : ou, plutoft, comme l’eau mefme
emporte vers le haut d'vn alembic les petites parties
de ces huiles que les Alchemifltes ont couftume de
tirer des plantes feiches, lorfque, les ayant abbreuées
de beaucoup d'eau, ils diftilent le tout enfemble, &
font par ce moyen que le peu d'huile qu'elles con-
tienent monte auec la grande quantité d'eau qui eft
parmi. Car, en effect, la plufpart de celles cy font
toutes les mefmes qui ont couftume de compofer les
cors de ces huiles. Remarqués aufly que les vapeurs
occupent toufiours beaucoup plus d'efpace que l'eau,
bien qu'eHes ne foient faites que des mefmes petites
parties. Dont la raifon eft que, lorfque ces parties
compofent le cors de l’eau, elles ne fe meuuent
qu'affés fort pour fe plier, & s'entrelacer, en fe glif-
fant les vnes contre les autres, ainfi que vous les voyés
reprefentées vers À : au lieu que, lorfqu'elles ont la
Œuvres, I, 3:
242 OEuvres DE DESCARTES. 167-168,
forme d'vne vapeur, leur agitation eft fi grande, qu'elles
tournent en rond fort promptement de tous coftés, &
s'eflendent, par mefme moyen, de toute leur longeur,
“en telle forte que chafcune a la force de chaffer d’au-
tour de foy toutes celles de fes femblables qui tendent
l Ÿ de
AAAONES Cet
ns
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E
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ni
a entrer en la petite fphere qu'elle defcrit : ainfi que
vous les voyés reprefentées vers B. Et c'eft en mefme
façon que, fi vous faites tourner aflés vifte
le piuot LM, au trauers duquel eft pañlée
la chorde NP, vous verrés que cete chorde
fe tiendra en l'air toute droite & eftendue,
occupant par ce moyen tout l'efpace com-
pris dans le}cercle NO PQ, en telle forte
quon n'y pourra mettre aucun autre cors, qu'elle ne
10
2 sons ‘A
168-160. Les METroREs. — Discours I. 243
le frappe incontinent auec force, pour l'en chafler; au
lieu que, fi vous la faites mouuoir plus lentement, elle
s'entortillera de foy mefme autour de ce piuot, & ainfi
n'occupera plus tant d’efpace.
De plus, il faut remarquer que ces vapeurs peuuent
eftre plus ou moins preflées ou eftendues, & plus ou
moins chaudes ou froides, & plus ou moins tranfpa-
rentes ou obfcures, & plus ou moins humides ou feiches
vne fois que l’autre. Car, premierement, lorfque leurs
parties, n'eftant plus aflés fort agitées pour fe tenir
eftendues en ligne droite, commencent a fe plier & fe
rapprocher les vnes des autres, ainfi qu'elles font re-
prefentées vers C & vers D; ou bien, lorfqu'eftant
referrées entre des montaignes, ou entre les ations
de diuers vens qui, eftant oppofés, s'empefchent les
vns les autres d'agiter l'air, ou au deflous de quelques
nuës, elles ne fe peuuent pas eftendre en tant d’ef-
pace que leur agitation le requert, comme vous les
pouués voir vers E; ou, enfin, lorfqu'emplovant la plus
grande partie de leur agitation a fe mouuoir plufieurs
enfemble vers vn mefme cofté, elles ne tournoyent
plus fi fort que de couftume, ainfi qu'elles fe voyent
vers F, où, fortant de l’efpace E, elles engendrent vn
vent qui foufile vers G; il eft manifefte que les vapeurs
qu'elles compofent font plus efpefles ou plus ferrées,
que lorfqu'il n'arriue aucune de ces trois chofes. Et il
eft manifefte aufly que, fuppofant la vapeur qui eft
vers E autant agitée que celle qui eft vers B, elle doit
eftre beaucoup plus chaude, a caufe que fes parties,
eftant plus ferrées, ont plus de force : en mefme façon
que la chaleur d'vn fer embrafé eft bien plus ardente
244 OEUVRES DE DESCARTES. 169-170.
que celle des charbons ou de la flame. Et c’eft pour
cete caufe qu'on fent fouuent en efté vne chaleur plus
forte & plus eftouflante, lorfque l'air, eftant calme &
comme efgalement preflé de tous coftés, couue vne
pluie, que lorfqu'il eft plus clair & plus ferein. Pour
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la vapeur qui eft vers C, elle eft plus froide que celle
qui eft vers B, nonobftant que fes parties foient vn
peu plus ferrées, d'autant que ie les fuppofe beaucoup
moins agitées. Et au contraire celle qui | eft vers D eft
plus chaude, d'autant que fes parties font fuppofées
beaucoup plus ferrées, & feulement vn peu moins
agitées. Et celle qui eft vers F eft plus froide que celle
qui eft vers E, nonobftant que fes parties ne foient ny
moins ferrées, ny moins agitées, d'autant qu'elles s'ac-
20
23
30
170-171. Les METEORES. — Discours Il. 24;
cordent plus a fe mouuoir en mefme fens, ce qui ef
caufe qu'elles ne peuuent tant esbranfler les petites
parties des autres cors : ainfi qu'vn vent qui fouffle
toufiours de mefme façon, quoy que tres fort, n'agite
pas tant les feuilles & les branches d'vne foreft, qu'vn
plus foible qui eft moins efgal. Et vous pourrés con-
noiftre, par experience, que c’eft en cete agitation des
petites | parties des cors terreftres que confifte la
chaleur, fi, foufflant affés fort contre vos doigts ioins
enfemble, vous prenés garde que l'haleine qui fortira
de voftre bouche vous femblera froide au deffus de
voftre main, où, paflant fort vifle & d'efgale force,
elle ne caufera gueres d'agitation; au lieu que vous la
fentirés aflés chaude dans les entredeux de vos doigs,
où, pañlant plus inefgalement & lentement, elle agi-
tera dauantage leurs petites parties : ainfi qu'on la
fent aufly toufiours chaude, lorfqu'on fouffle ayant la
bouche fort ouuerte; & froide, lorfqu'on fouffle en
l'ayant prefque fermée. Et c'eft pour la mefme raifon
qu'ordinairement les vens impetueux fe fentent froids,
& quil ny en a gueres de chauds qui ne foient
lents.
De plus, les vapeurs reprefentées vers B, & vers E
& vers F, font tranfparentes & ne peuuent eftre dif-
cernées par la veuë d’auec le refte de l'air, d'autant
que, fe remuant fort vifte & de mefme branfle que la
matiere fubtile qui les enuironne, elles ne la peuuent
empefcher de receuoir l'aétion des cors lumineux,
mais plutoft elles la reçoiuent auec elle. Au lieu que
la vapeur qui eft vers C commence a deuenir opaque
ou obfcure, a caufe que fes parties n'obeiflent plus
os
240 OEUVRES DE DESCARTES. Ty 72.
tant a cete matiere fubtile, qu'elles puiflent eftre
meues par elle en toutes façons. Et la vapeur qui eft
vers D ne peut eftre du tout fi obfeure que celle qui
eft vers C, a caufe qu'elle eft plus chaude. Comme
vous voyés qu'en hyuer le froid fait paroiftre l'haleine
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ou la fueur des cheuaux efchauñflés, fous la forme
d'vne grofle fumée fort efpaifle & obfcure; au lieu
qu'en efté, que l'air eft plus chaud, elle eft inuifible.
Et on|ne doit pas douter que l'air ne contiene fouuent
autant ou plus de vapeurs, lorfqu'elles ne s'y voyent
aucunement, que lorfqu'elles s'y voyent.Car comment
fe pourroit-il faire, fans miracle, qu'en tems chaud
&en plein midy, le foleil, donnant fur vn lac ou vn
mareft, manquañt d'en efleuer beaucoup de vapeurs?
20
30
172-173. Les METEORES. — Discours Il. 247
vù quon remarque mefme que pour lors les eaux fe
defleichent & fe diminuent beaucoup dauantage,
qu'elles ne font en tems froid & obfcur. Au refte, celles
qui font vers E font plus humides, c'eft a dire plus
difpofées a fe conuertir en eau & a mouiller ou hu-
mecter les autres cors comme fait l’eau, que celles qui
font vers F. Car celles cy, tout au contraire, font
feiches, vù qu'allant fraper auec force les cors humides
quelles rencontrent, elles en peuuent chaffer & em-
porter auec foy les parties de l'eau qui s'y trouuent,
& par ce moyen les deffeicher. Comme auffy nous ef-
prouuons que les vens impetueux font toufiours fecs,
& qu'il n y en a point d'humides qui ne foient foibles.
Et on peut dire que ces mefmes vapeurs, qui font vers
E, font plus humides que celles qui font vers D, a
caufe que leurs parties, eftant plus agitées, peuuent
mieux s'infinuer dans les pores des autres cors pour
les rendre humides; mais on peut dire aufly, en vn
autre fens, qu'elles le font moins, a caufe que la trop
grande agitation de leurs parties les empefche de
pouuoir prendre fi ayfement la forme de l'eau.
Pour ce qui eft des exhalaifons, elles font capables
de beaucoup plus de diuerfes qualités que les va-
peurs, a caufe qu'il peut y auoir plus de difference
entre leurs parties. Mais il fufhra icy que nous remar-
quions que les | plus groflieres ne font quafi autre
chofe que de la terre, telle qu'on la peut voir au fonds
d'vn vaze aprés y auoir laiflé raffeoir de l'eau de neige
ou de pluie; ny les plus fubtiles, autre chofe que ces
efprits ou eaux de vie, qui s'efleuent toufiours les
premieres des cors qu'on diftile ; & qu'entre les me-
248 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 173.
diocres, les vnes participent de la nature des fels
volatiles, & les autres de celle des huiles, ou plutoft
des fumées qui en fortent lorfqu'on les brufle. Et en-
core que la plufpart de ces exhalaifons ne montent
en l'air que meflées auec les vapeurs, elles ne laiflent
pas de pouuoir ayfement, par aprés, s'en feparer : ou
d'elles mefme, ainfi que les huiles fe demeflent de
l'eau auec laquelle on les diftile ; ou aydées par l'agi-
tation des vens qui les raffemblent en vn ou plufieurs
cors, en mefme façon que les vilageoifes, en battant
leur créme, feparent le beurre du petit lait; ou mefme
fouuent aufly par cela feul que, fe trouuant plus ou
moins pefantes & plus ou moins agitées, elles s'are-
fent en vne region plus bafle ou plus haute que ne
font les vapeurs. Et d'ordinaire les huiles s'efleuent
moins haut que les eaux de vie, & celles qui ne font
que terre encore moins haut que les huiles. Mais il
n'y en a point qui s'areftent plus bas que les parties
dont fe compofe le fel commun, & bien qu'elles ne
foient pas proprement des exhalaifons ny des vapeurs,
a caufe qu'elles ne s’efleuent iamais que iufques au
deflus de la fuperficie de l'eau, toutefois, pource que
c'eft par l'euaporation de cete eau qu'elles y vienent,
& qu'il y a plufieurs chofes en elles fort remarquables
qui peuuent eftre commodement icy expliquées, 1e
n'ay pas enuie de les omettre.
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y. Les METEORES. — Discours III. 249
DVESET
Dufcours Troifiefme.
La faleure de la mer ne confifte qu’en ces plus
groffes parties de fon eau, que 1'ay tantoft dit ne pou-
uoir eftre pliées comme les autres par l'aétion de la
matiere fubtile, ny mefme agitées fans l'entremife des
plus petites. Car, premierement, fi l'eau n'eftoit com-
pofée de quelques parties, ainfi que 1'ay tantoft fup-
pofé, il luy feroit efgalement facile ou difficile de fe
diuifer en toutes façons & en tous fens, en forte
qu'elle n'entreroit pas fi facilement qu'elle fait dans
les cors qui ont des pores vn peu larges, comme dans
la chaux & dans le fable; ou bien elle pourroit auffy
en quelque façon penetrer en ceux qui les ont plus
eftroits, comme dans le verre & les metaus. Puis, fi
ces parties n’auoient la figure que ie leur ay attri-
buée, lorfqu'elles font dans les pores des autres cors,
elles n'en pourroient pas fi ayfement eftre chaflées
par la feule agitation des vens ou de la chaleur ; ainfi
qu'on l'efprouue aflés par les huiles, ou autres li-
queurs grafles, dont nous auons dit que les parties
auoient d'autres figures; car on ne les peut quafi ia-
mais entierement faire fortir des cors où elles font
vne fois entrées. Enfin, pource que nous ne voyons
point de cors en la nature, qui foient fi parfaitement
feinblables entre eux, qu'il ne fe trouue prefque touf-
Œuvres. I. 32
240 OEUVRES DE DESCARTES. 174-175.
iours quelque peu d'inefgalité en leur groffeur, nous
ne deuons faire aucune difficulté de penfer que les
parties de l'eau ne font point exactement toutes | ef-
gales, & particulierement que dans la mer, qui eft le
receptacle de toutes les eaux, il s’en trouue de fi
grofles, qu'elles ne peuuent eftre pliées comme les
autres par la force qui a couflume de les mouuoir. Et
ie veux tafcher icy de vous monfîtrer que cela feul eft
fuffifant pour leur donner toutes les qualités qu'a le
fel. Premierement, ce n'eft pas merueille quelles
ayent vn gouft picquant & penetrant, qui differe beau-
coup de celuy de l'eau douce : car, ne pouuant eftre
pliées par la matiere fubtile qui les enuironne, elles
doiuent toufiours entrer de pointe dans les pores de
la langue, &, par ce moyen, y penetrer aflés auant
pour la piquer ; au lieu que celles qui compofent l'eau
douce, coulant feulement par deffus toutes couchées,
a caufe de la facilité qu'elles ont a fe plier, n'en peu-
uent quafi point du tout eftre gouftées. Et les parties
du fel, ayant penetré de pointe en mefme façon dans
les pores des chairs qu'on veut conferuer, non feu-
lement en oftent l'humidité, mais aufly font comme
autant de petits baftons plantés ça & là entre leurs
parties, où, demeurant fermes & fans fe plier, elles
les fouftienent, & empefchent que les autres plus
pliantes, qui font parmi, ne les defarrengent en les
agitant, & ainfi ne corrompent le cors qu'elles com-
pofent. Ce qui fait auffy que ces chairs, par fucceffion
de tems, deuienent plus dures ; au lieu que les parties
de l’eau douce, en fe pliant & fe gliffant par cy par là
dans leurs pores, pourroient ayder a les ramollir &
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nr "rt
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i75-176. Les METEORES. — Discours II. 261
a les corrompre. De plus, ce n'eft pas merueille que
l'eau falée foit plus pefante que la douce, puifqu'elle
eft compofée de parties, qui, eftant plus grofles &
plus mafliues, peuuent s’arrenger en moindre efpace:
| car c'eft de là que depend la pefanteur. Mais il eft
befoin de confiderer pourquoy ces parties plus maf-
fiues demeurent meflées auec les autres qui le font
moins, au lieu qu'il femble qu'elles deuroient natu-
rellement aller au deflous. Et la raifon en eft, au
moins pour celles du fel commun, qu'elles font efga-
lement grofles par les deux bouts, & toutes droites,
ainfi qu'autant de petits baftons : car s'il y en a iamais
eu dans la mer, qui fuffent plus grofles par vn bout
que par l'autre, ayant efté par mefme moyen plus
pefantes, elles ont eu tout loyfir d'aller au fonds, de-
puis que le monde eft; ou s’il y en a eu de courbées,
elles ont eu loyfir de rencontrer des cors durs, & fe
ioindre a eux, a caufe qu'eftant vne fois entrées dans
leurs pores, elles n'en auront pü fi facilement refortir,
que celles qui font efgales & droites. Mais celles-cy,
fe tenant couchées de trauers l'vne fur l'autre, don-
nent moyen a celles de l’eau douce, qui font en per-
petuelle agitation, de fe roller & s'entortiller autour
d'elles, s'y arrengeant &s'y difpofant en certain ordre,
qui fait qu'elles peuuent continuer a fe mouuoir plus
ayfement, & plus vifte, que fi elles eftoient toutes
feules. Car, lorfqu'elles font ainfi rollées autour des
autres, la force de la matiere fubtile, qui les agite,
n’eft emploiée qu a faire qu'elles tournent fort promp-
tement autour de celles qu'elles embraffent, & qu'elles
paflent ça & là de l'vne fur l’autre, fans pour cela
242 OŒEuvrREs DE DESCARTES. 176-177.
changer aucun de leurs plis : au lieu qu'eftant feules,
comme elles font lorfqu'elles compofent l’eau douce,
elles s'entrelacent neceffairement en telle forte, qu'il
eft befoin qu'vne partie de cete force de la matiere
fubtile foit employée a les plier, pour les | degager les
vnes des autres; & ainfy elle ne les peut faire mou-
uoir pour lors fi facilement, ny fi vifte. Eftant donc
vray que ces parties de l’eau douce peuuent mieux
fe mouuoir, eftant rollées autour de celles du fel,
qu'eftant feules, ce n'eft pas merueille qu'elles s'y
rollent, lorfqu'elles en font affés proches, & qu'aprés,
les tenant embraffées, elles empefchent que l'inefga-
lité de leur pefanteur ne les fepare. D'où vient que le
fel fe fond ayfement en l'eau douce, ou feulement
eftant expofé a l'air en tems humide; & neantmoins
qu'il ne s'en fond, en vne quantité d'eau determinée,
que iufques a vne quantité determinée, a fçauoir au-
tant que les parties pliantes de cete eau peuuent em-
brafler des fienes en fe rollant autour d'elles. Et,
fçachant que les cors, qui font tranfparens, le font
d'autant plus qu'ils empefchent moins les mouue-
mens de la matiere fubtile qui eft dans leurs pores,
on voit encore, de cecy, que l’eau de la mer doit eftre
naturellement plus tranfparente, & caufer des re-
fraions vn peu plus grandes que celle des riuieres.
Et on voit aufly qu'elle ne fe doit pas geler fi ayfe-
ment, en fçachant que l'eau ne fe gele que lorfque la
matiere fubtile, qui eft entre fes parties, n’a pas la
force de les agiter. Et mefme on peut encore icy en-
tendre la raifon du fecret pour faire de la glace en
efté, qui eft l'vn des plus beaux que fçachent les
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177-178. Les METEoREs. — Discours III. 243
curieux, encore qu'il ne foit pas des plus rares. Ils
mettent du fel meflé auec efgale quantité de neige
ou de glace pilée, tout autour d’vn vaze plein d'eau
douce ; & fans autre artifice, a mefure que ce fel &
cete neige fe fondent enfemble, l'eau qui eft enfermée
dans le vaze, deuient glace. Dont la raifon eft que la
matiere | fubtile, qui eftoit autour des parties de cete
eau, eftant plus grofliere, ou moins fubtile, & par
confequent ayant plus de force que celle qui eftoit
autour des parties de cete neige, va prendre fa place
a mefure que les parties de la neige fe rollent autour
de celles du fel en fe fondant; car elle trouue plus
de facilité a fe mouuoir dans les pores de l'eau falée
qu'en ceux de l’eau douce, & elle tend inceflament a
pafler d'vn cors en l'autre, pour entrer en ceux où
fon mouuement eft le moins empefché ; au moyen de
quoy la matiere plus fubtile, qui eftoit dans la neige,
entre dans l'eau, pour fucceder a celle qui en fort;
& pource qu'elle n’a point affés de force pour y entre-
tenir l'agitation de cete eau, cela eft caufe qu’elle fe
gele. Mais l'vne des principales qualités des parties
du fel eft qu'elles font grandement fixes, c’eft a dire
qu'elles ne peuuent eftre efleuées en vapeur ainfy
que celles de l’eau douce. Dont la caufe eft, non feu-
lement qu'eftant plus grofles, elles font plus pefantes;
mais aufly, qu'eftant longues & droites, elles ne peu-
uent eftre gueres longtems fufpendues en l'air, foit
qu'elles foient en aétion pour monter plus haut, foit
pour en defcendre, que l’vn de leurs bouts ne fe pre-
fente vers en bas, & ainfi qu'elles ne fe tienent en
ligne perpendiculaire vers la terre : car, tant pour
2$4 OEUVRES DE DESCARTES. 178-179.
monter que pour defcendre, il leur eft bien plus ayfé
a diuifer l'air, eflant en cete fituation, qu'en aucune
autre. Ce qui n'arriue point en mefme façon aux par-
ties de l’eau douce, a caufe qu’eftant faciles a fe plier,
elles ne fe tienent iamais toutes droites, fi ce n'’eft
qu'elles tournent en rond auec vitefle : au lieu que
celles du fel ne fcauroient iamais gueres tourner en|
cete forte ; car, fe rencontrant les vnes les autres & fe
heurtant fans pouuoir fe plier pour s'entreceder, elles
feroient incontinent contraintes de s’arefter. Mais,
lorfqu'elles fe trouuent fufpendues en l'air, ayant vne
pointe en bas, comme ray dit, il eft euident qu'elles
doiuent defcendre plutoft que monter : a caufe que
la force qui les pourroit poufler vers en haut, agift
beaucoup moins que fi elles eftoient couchées de tra-
uers; & elle agift moins, d'autant iuftement que la
quantité de l'air, qui refifte a leur pointe, eft plus
petite que ne feroit celle qui refifteroit a leur longeur;
au lieu que leur pefanteur, eftant toufiours efgale,
agit d'autant plus que cete refftence de l'air eft plus
petite. À quoy fi nous adiouftons que l’eau de la mer
s'adoucift quand elle trauerfe du fable, a caufe que
les parties du fel, faute de fe plier, ne peuuent couler,
ainfy que font les parties de l'eau douce par les petits
chemins détournés, qui font autour des grains de ce
fable, nous fçaurons que les fontaines & les riuieres,
n'eftant compofées que des eaux qui ont efté efleuées
en vapeurs, ou bien qui ont paflé au trauers de beau-
coup de fable, ne doiuent point eftre falées; & aufly
que toutes ces eaux douces, rentrant dans la mer,
ne la doiuent point rendre plus grande, ny moins
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dd in Lit did ris
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179-180. Les MErEOoREs. — Discours II. 24
falée; d'autant qu'il en reflort continuellement au-
tant d'autres, dont quelques vnes s’efleuent en l’air
changées en vapeurs, puis vont retomber en pluie
ou en neige fur la terre; mais la plufpart penetrent*
par des conduits foufterains iufques au deffous des
montaignes, d'où la chaleur, qui eft dans la terre,
les efleuant aufly comme en vapeur vers leurs fom-
mets, elles y vont remplir les fources des fontaines
& des riuieres. Et nous fçaurons aufly que l'eau de
la mer doit eftre plus falée fous l’equateur que vers
les poles, fi nous confiderons que le foleil, y ayant
beaucoup de force, en fait fortir beaucoup de va-
peurs, lefquelles ne retombent point par aprés iufte-
ment aux mefmes endroits d'où elles font forties,
mais, pour l'ordinaire, en d’autres plus proches des
poles, ainfy que vous entendrés mieux cy aprés. Au
refte, finon que ie n'ay pas enuie de m'arefter a ex-
pliquer particulierement la nature du feu, r'adioufte-
rois encore icy pourquoy l'eau de la mer eft moins
propre a efteindre les embrafemens que celle des
riuieres, & pourquoy elle eftincelle la nuit, eftant
agitée : car vous verriés que les parties du fel, eftant
fort ayfées a esbranfler, a caufe qu'elles font comme
fufpenduës entre celles de l'eau douce, & ayant beau-
coup de force aprés eftre ainfy esbranflées, a caufe
qu'elles font droites et inflexibles, peuuent non feu-
lement augmenter la flame, lorfqu'on les y iette, mais
aufly en caufer d'elles mefme, en s'eflançant hors de
l'eau où elles font. Comme, fi la mer, qui eft vers A,
eflant pouflée auec force vers C, y rencontre vn banc
a. penetrant D,
2 ;0 OEuvREs DE DESCARTES. 150-182
de fable ou quelque autre obftacle, qui la face monter
_vers B, le branfle que cete agitation donne aux par-
ties du fel, peut faire que les premieres qui vienent
en l'air, s'y dégagent de celles de l’eau douce qui
| les tenoient en-
us tortillées, & que,
RSS fe trouuant feules
== vers B, a cerltaine
diflance l'vne de
l'autre, elles y engendrent des eftincelles affés fem-
blables a celles qui fortent des caillous quand on les
frappe. Il eft vray qu'a cet effect, il eft requis que ces
parties du fel foient fort droites & fort gliflantes, affin
qu'elles fe puiflent plus ayfement feparer de celles de
l'eau douce : d'où vient que ny la faumeure, ny l'eau de
mer qui a efté longtemps gardée en quelque vaze, ny
font pas propres. Il eft requis aufly que celles de l’eau
douce n’embraflent point trop eftroitement celles du
fel : d'où vient que ces eftincelles paroiflent plus,
quand il fait chaud, que quand il fait froid; & que
l'agitation de la mer foit aflés forte : d'où vient qu'en
mefme tems il ne fort pas du feu de toutes fes vagues;
&, enfin, que les parties du fel fe meuuent de pointe,
comme des fleches, & non de trauers : d’où vient
que toutes les gouttes, qui reiailliffent hors d'vne
mefme eau, n'efclairent pas en mefme forte.
Mais confiderons maintenant comment le fel flotte
fur l'eau quand il fe fait, nonobftant que fes parties
foient fort fixes & fort pefantes; & comment il s'y
forme en petits grains, qui ont. vne figure quarrée,
prefque femblable a celle d’vn diament taillé en table,
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181-182. Les METEOoREs. — Discours I. 247
excepté que la plus large de leurs faces eft vn peu
creufée. Premierement, il eft befoin, a cet effet, que
l'eau de la mer foit retenuë en quelques foffes, pour
euiter tant l'agitation continuelle des vagues, que
l'affluence de l'eau douce, que les pluies & les riuieres
amenent fans ceffe en l’'Ocean. Puis il eft befoin aufly
d’vn tems chaud & fec, aflin que l'action du foleil ait
affés de force pour faire que les parties de l’eau
douce, qui font rollées autour de celles du fel, s'éua-
porent. Etil fault remarquer que la fuperficie de l’eau
eft toufiours fort efgale & vnie, comme aufly celle de
toutes les autres liqueurs : dont la raifon eft que fes
parties fe remuënt entre elles de mefme façon & de
mefme branfle, & que les parties de l'air qui la tou-
chent fe remuent aufly entre elles tout de mefme l'vne
que l'autre, mais que celles cy ne fe remuent pas de
mefme façon ny de mefme mefure que celles là; &
particulierement aufly, que la matiere fubtile, qui eft
autour des parties de l'air, fe remue tout autrement
que celle qui eft autour des parties de l'eau : ce qui
eft caufe que leurs fuperficies, en fe frottant l'vne
contre l'autre, fe poliflent, en mefme façon que fi
c'eftoient deux cors durs : excepté que c’eft beaucoup
plus ayfement, & prefque en vn inftant, pource que
leurs parties, n'eftant attachées en aucune façon les
vnes aux autres, sarrengent toutes, dés le premier
coup, ainfi qu'il eft requis a cet effect. Et cecy eft
aufly caufe que la fuperficie de l'eau eft beaucoup
plus malayfée a diuifer, que neft le dedans : ain
qu'on voit par experience, en ce que tous les cors
aflés petits, quoy que de matiere fort pefante, comme
Œuvres. L. 33
2 8 OEUVRES DE DESCARTES. 182-183.
font de petites aiguilles d'acier, peuuent flotter &
eftre fouftenus au deflus, lorfqu'elle n'eft point encore
diuifée ; au lieu que, lorfqu'elle l’eft, ilz defcendent
iufqu'au fonds fans s'arefter. En fuite de quoy il fault
confiderer que, lorfque la chaleur de l'air eft affés
grande pour former le fel, elle peut non feulement
faire fortir hors de l'eau de mer quelques vnes des
parties pliantes qui s'y trouuent, & les faire monter
en vapeur, mais aufly les y faire monter auec telle
vitefle, qu'auant qu'elles ayent eu le loyfir de fe de-
uclopper, d'autour de celles du fel, elles arriuent
iufques au deflus de la fuperficie de cete eau, où, les
apportant auec foy, elles n'acheuent de s'en deue-
loper, qu'aprés que le trou, qu'elles ont fait en cete
fuperficie pour en fortir, s'eft refermé; au moyen
PAU de quoy ces parties du fel y demeurent
CAT toutes feules flottantes deffus, comme
nŸ * yous les voyés reprefentées vers D. Car,
y eftant couchées de leur long, elles ne
font point aflés pefantes pour s'y en-
foncer, non plus que les aiguilles d'acier dont ie viens
de parler ; & elles la font feulement vn peu courber &
plier fous elles, a caufe de leur pefanteur, tout de
mefme que font aufly ces aiguilles. De façon que les
premieres, eflant femées par cy par là fur cete fuper-
ficie, y font plufieurs petites fofles ou courbures; puis
les autres qui vienent aprés, fe trouuant fur les pentes
de ces foffes, roullent & gliflent vers le fonds, où elles
fe vont ioindre contre les premieres. Et il fault par-
ticulierement icy remarquer que, de quelque part
qu'elles y vienent, elles fe doiuent coucher iuftement
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183-184. Les METEORES. —— Discours III. 259
cofte a cofte de ces premieres, comme vous les voyés
vers E, au moins les fecondes, & fouuent aufy les troi-
fiefmes, a caufe que, par ce moyen, elles defcendent
quelque peu plus bas qu’elles ne pourroient faire, fi
elles demeuroient en quelque autre fituation, comme
en celle qui fe voit vers F, ou versG, +
ou vers H. Et le mouuement de la
chaleur, qui esbranle toufiours quel-
quepeu cetelupericie, ayde a les. =\ _ o
arrenger en cete forte. Puis, lorfqu'il
y en a ainfy en chafque foffe deux ou trois, cofte
a cofte l'vne de l'autre, celles qui v vienent de plus
fe peuuent ioindre encore a elles en mefme fens,
fi elles s y trouuent aucunement difpofées ; mais s'il
arriue quelles penchent dauantage vers les bouts
des precedentes que vers les coftés, elles fe vont
coucher decontre a angles droits, comme vous voyés
vers K : a caufe que, par ce moyen, elles defcendent
aufly vn peu plus bas qu'elles ne pourroient faire
fi elles s'arrengeoient autrement, comme elles font
vers L, ou vers M. Et pource qu'il s’en trouue a peu
prés autant, qui fe vont coucher contre les bouts des
deux ou trois premieres, que de celles qui fe vont
coucher contre leurs coftés® de là vient que, s’arren-
geant ainfy plufieurs centaines toutes enfemble, elles
forment premierement vne petite table, qui, au iuge-
ment de la veuë, paroift tres quarrée, & qui eft comme
la baze du grain de fel qui commence a fe former. Et
il faut remarquer qu'y en ayant feulement trois ou
quatre couchées en mefme fens, comme vers N,celles
du milieu s'abaiffent vn peu plus que celles des bords:
260 OŒEuvREs DE DESCARTES. 184-185.
mais qu y en venant d'autres qui s'y ioignent en tra-
uers, comme vers O, celles cy aydent aux autres des
bords a s'abaifler prefque autant que celles du milieu,
& en telle forte que la petite table quarrée, qui fert
de baze a vn grain de fel, fe formant ordinairement de
plufieurs centaines iointes enfemble, ne peut paroiftre
a l'œil que toute plate, encore qu'elle foit toufiours
tant foit peu courbée. Or, a mefure que cete table
sagrandift, elle s abaïfle de plus en plus, mais fi len-
tement qu'elle fait plier fous foy la fuperficie de l’eau
fans la rompre. Et lorfqu'elle eft paruenuë a certaine
grandeur, elle fe trouue fi fort abaïffée, que les parties
du fel, qui vienent de nouueau vers elle, au lieu de
s'arefter contre fes bords, pañlent par deflus, & y
roullent en mefme fens & en mefme façon que les
precedentes roulloient fur l'eau. Ce qui fait qu'elles y
forment derechef vne table quarrée, qui s'abaiffe en
mefme façon peu a peu. Puis les parties du fel qui
vienent vers elle peuuent encore pañler par deffus, &:
y former vne troifiefme table, & ainfy de fuite. Mais
il eft a remarquer que les parties du fel, qui forment
la deuxiefme de ces tables, ne roullent pas fi ayfement
fur la premiere, que celles qui ont formé cete pre-
miere roulloient fur l'eau; car elles n'y trouuent pas
vne fuperficie du tout fi vnie, ny qui les laifle couler
fi librement : d'où vient que fouuent elles ne roullent
point iufques au milieu, qui par ce moyen demeurant
vuide, cete feconde table ne s'abaïfle pas fi toft a pro-
portion qu'auoit fait la premiere, mais deuient vn peu
plus grande, auant que la troifiefme commence a fe
former; & derechef le milieu de celle ci demeurant
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185-186. Les METEORES. — ‘Discours III. 261
vuide, elle deuient vn peu plus grande que la feconde,
& ainfy de fuite, iufques a ce que le grain entier, qui
fe compofe d'vn grand nombre de telles petites tables
pofées l'vne fur l’autre, foit acheué, c'eft a dire iufques
a ce que, touchant aux bords des autres grains voy-
fins, il ne puifle deuenir plus large. Pour ce qui eft
de la grandeur de la premiere table qui lui fert de
baze, elle depend du degré de chaleur qui agite l'eau
pendant qu'elle fe forme; car, plus l’eau eft agitée,
plus les parties du fel qui nagent deflus font plier fa
fuperficie; d'où vient que cete baze demeure plus pe-
tite, & | mefme l'eau peut eftre tant agitée que Îles
parties du fel iront au fonds auant qu'elles ayent formé
aucuns grains. Pour le tallu des quatre faces qui
fortent des quatre coftés de cete baze, il ne depend
que des caufes defia expliquées, lorfque la chaleur ef
efgale pendant tout le tems que le grain eft a fe for-
mer : mais fi elle va en augmentant, ce tallu en de-
uiendra moindre; & au contraire plus grand, fi elle
diminue : en forte que, fi elle augmente & diminue
par interualles, il fe fera comme de petits efchelons de.
long de ces faces. Et pour les quatre querres ou coftes
qui ioignent ces quatre faces, elles ne font pas ordinai-
rement fort aiguës ny fort vnies; car les parties qui fe
vont ioindre aux coftés de ce grain s y vont bien quafi
toufiours appliquer de long, comme 1'ay dit, mais pour
celles qui vont rouller contre fes angles, elles ;
s'y arrengent plus ayfement en autre fens, a DR P
fçauoir comme elles fontreprefentées vers P. ‘€
Ce qui fait que ces querres font vn peu moufles et inef-
gales; & que les grains du fel s'y fendent fouuent plus
+
262 Œuvres DE DESCARTES. 186-187.
ayfement qu'aux autres lieux; & aufly que l’efpace
vuide, qui demeure au milieu, fe fait prefque rond plu-
toft que quarré. Outre cela, pource que les parties qui
compofent ces grains fe vont ioindre confufement, &
fans autre ordre que celuy que ie viens d'expliquer, il
arriue fouuent que leurs bouts, au lieu de fe toucher,
laffent entre eux aflés d'efpace pour placer quelques
parties de l'eau douce, qui s'y enferment, & y de-
Se meurent pliées en rond, comme vous voyés
ne r verskR, pendant qu'elles ne s'y meuuent que
$ moyennement vifte ; | mais lorfqu'vne fort
violente chaleur les agite, elles tendent auec beau-
coup de force a s'eftendre & fe déplier, en mefme
façon qu'il a tantoft efté dit qu'elles font quand l'eau
fe dilate en vapeur; ce qui fait qu'elles rompent leurs
prifons tout d'vn coup, & auec efclat. Et c'eft la
raifon pourquoy les grains de fel, eftant entiers, fe
brifent en fautant & petillant quand on les iette
dans le feu; & pourquoy ils ne font point le mefme,
eflant mis en poudre; car alors ces petites prifons
font defia rompuës. De plus, l'eau de la mer ne
peut eftre fi purement compofée des parties que ray
defcrites, qu'il ne s'y en rencontre aufly quelques
autres parmi, qui font de telle figure, qu'elles ne
laiflent pas de pouuoir y demeurer, encore qu'elles
foient beaucoup plus deliées ; & qui, s'allant engager
entre les parties du fel lorfqu'il fe forme, luy peuuent
donner & cete odeur de violette tres agreable qu'a le
fel blanc quand il eft fraifchement fait, & cete couleur
fale qu'a le noir, & toutes les autres varietés qu'on
peut remarquer dans les fels, & qui dependent des
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25
187-188. Les Mereores. — Discours III. 263
diuerfes eaux dont ils fe forment. Enfin, vous ne vous
eftonnerés pas de ce que le fel ef fi friable & fi ayfé a
rompre comme il eft, en penfant a la façon dont fe
joignent fes parties; ny de ce qu'il eft toufiours blanc
ou tranfparent, eftant pur, en penfant a leur groffeur,
& a la nature de la couleur blanche, qui fera cy aprés
expliquée; ny de ce qu'il fe fond aflés facilement fur
le feu quand il eft entier, en confiderant qu'il y a plu-
fieurs parties d'eau douce enfermées entre les fienes;
ny de ce qu'il fe fond beaucoup plus difficilement,
eftant bien puluerifé & bien feiché, en forte qu'il n'y
refte plus rien de l'eau douce, | en remarquant qu'il ne
fe peut fondre, eftant ainfy feul, fi fes parties ne fe
_ plient, & qu'elles ne peuuent que difficilement fe
plier. Car encore quon puifle feindre qu'autrefois
celles de la mer ont efté toutes, par degrés, les vnes
plus pliantes, les autres moins, on doit penfer que
toutes celles qui ont pù s'entortiller autour de quelques
autres, fe font amollies depuis peu a peu, & renduës
fort flexibles ; au lieu que celles qui ne font point ainfy
entortillées font demeurées entierement roides : en
forte qu'il y a maintenent, en cela, grande difference
entre celles du fel & celles de l’eau douce. Mais les
vnes & les autres doiuent eftre rondes: a fçauoir, celles
de l'eau douce comme des chordes; & celles du fel
comme des cylindres ou des baftons : a caufe que tous
les cors, qui fe meuuent en diuerfes façons & long
tems, ont couftume de s'arondir. Et on peut en fuite
connoiftre quelle eft la nature de cete eau extreme-
ment aygre & forte, qui peut foudre l'or, & que les
Alchemiftes nomment l'efprit ou l'huyle de fel; car,
204 OŒEuvREs DE DESCARTES. 188-180.
d'autant qu'elle ne fe tire que par la violence d'vn fort
grand feu, ou du fel pur, ou du fel meflé auec quelque
autre cors fort fec & fort fixe, comme de la brique,
qui ne fert qu'a l'empefcher de fe fondre, 1l eft euident
que fes parties font les mefmes qui ont auparauant
compofé le fel, mais quelles n'ont pù monter par
l'alembic, & ainfy de fixes deuenir volatiles, finon ap-
prés qu'en fe chocquant les vnes contre les autres, a
force d’eftre agitées par le feu, de roides & inflexibles
comme elles eftoient, elles font deuenuës faciles a
plier; & par mefme moyen, de rondes en forme de
cylindres, elles font deuenuës plates et tranchantes,
ainfy que des feuilles de flambe* ou de glayeul, car
fans cela elles n'’auroient pü fe plier. Et en fuite il eft
ayfé a iuger la caufe du gouft qu'elles ont, fort diffe-
rent de celuy du fel; car, fe couchant de long fur la
langue, & leurs trenchans s'appuiant contre les extre-
mités de fes nerfs, & coulant deffus en les couppant,
elles les doiuent bien agiter d'vne autre forte qu'elles
ne faifoient auparauant, & par confequent caufer vn
autre gouft, a fçauoir celuy qu'on nomme le gouft
aygre. On pourroit ainfy rendre raifon de toutes les
autres proprietés de cete eau ; mais la chofe iroit a
l'infini, & il fera mieux que, retournant a la confide-
ration des vapeurs, nous commencions a examiner
comment elles fe meuuent dans l'air, & comment elles
y caufent les vens.
a. Ancien nom vulgaire de l'iris.
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ai
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LT : é'nhss
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Fes Les MErEoREs. — Discours IV. 260$
DES VENS:
Difcours Quatriefme.
Toute agitation d'air qui eft fenfible fe nomme vent,
& tout cors inuifible & inpalpable fe nomme air. Ainfi,
lorfque l'eau eft fort rarefiée & changée en vapeur fort
fubtile, on dit qu'elle eft conuertie en air, nonobftant
que ce grand air que nous refpirons ne foit, pour la
plufpart, compofé que de parties qui ont des figures
fort differentes de celles de l’eau, & qui font beaucoup
plus deliées. Et ainfi l'air, eftant chaffé hors d'vn fouf-
flet, ou pouflé par vn éuentail, fe nomme vent, non-
obftant que ces vens plus eftendus, qui regnent fur
la face de la mer & de la terre, ne foient ordinaire-
ment autre chofe| que le mouuement des vapeurs qui,
en fe dilatant, paflent, du lieu où elles font,en quelque
autre où elles trouuent plus de commodité de s'ef-
tendre; en mefme façon qu'on voit, en ces boules
nommées des Æolipiles, qu'yn peu d’eau s'exhalant
en vapeur fait vn vent aflés grand & aflés fort, a rai-
fon du peu de matiere dont 1l fe compofe. Et pource
que ce vent artificiel nous peut beaucoup ayder a
entendre quels font les naturels, il fera bon icy que ie
l'explique. A BCDE eft vne boule de cuiure ou autre
telle matiere, toute creufe & toute fermée, excepté
qu'elle a vne fort petite ouuerture en l'endroit mar-
qué D; & la partie de cete boule ABC eftant pleine
Œuvres. I. . 34
206 OEUVRES DE DESCARTES. 190-101.
d'eau, & l’autre AEC eftant vuide, c'eft a dire ne
contenant que de l'air, on la met fur le feu; puis
la chaleur, agitant les petites parties de l’eau, fait
que plufieurs s’efleuent au
deflus de la fuperficie AC,
où elles s'eftendent & sen-
trepouflent en tournoyant,
& font effort pour s'efcarter
les vnes des autres, en la
façon cy deflus expliquée. Et
pource qu'elles ne peuuent
ainfy s'efcarter, qu'a mefure qu'il en fort quelques
vnes par le trou D, toutes les forces dont elles s'en-
trepouflent confpirent enfemble a chaffer par là toutes
celles qui en font les plus proches, & ainfy elles
caufent vn vent qui fouffle de là vers F.Et pource qu'il
y a toufiours de nouuelles parties de cete eau, qui,
eftant efleuées par la chaleur au | deffus de cete fuper-
ficie AC, s'eftendent & s’efcartent l'vne de l'autre a
mefure qu'il en fort par le trou D, ce vent ne ceffe
point que toute l'eau de cete boule ne foit exhalée, ou
bien que la chaleur qui la fait exhaler n'ait ceflé. Or
les vens ordinaires qui regnent en l'air fe font a peu
prés en mefme façon que cetuy cy, &ilny a princi-
palement que deux chofes en quoy ilz different. La
premiere eft que les vapeurs, dont 1lz fe compofent,
ne s’efleuent pas feulement de la fuperficie de l’eau,
comme en cete boule, mais aufly des terres humides,
des neiges & des nuës, d'où ordinairement elles fortent
en plus grande abundance que de l’eau pure, a caufe
que leurs parties y font defia prefque toutes deiointes
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gr. Les MerEoREs. — Discours IV. 207
& defunies, & ainfy d'autant plus ayfées a feparer. La
feconde eft que ces vapeurs, ne pouuant eftre renfer-
mées en l'air ainfy qu'en vne Æolipile, font feulement
empefchées de s’y eftendre efgalement de tous coftés,
5 par la refiftence de quelques autres vapeurs, ou de
quelques nuës, ou de quelques montaignes, ou enfin
de quelque vent qui tend vers l'endroit où elles font;
mais qu'en reuanche il y a fouuent ailleurs d’autres
vapeurs qui s'efpafiflent &, fe reflerrant au mefme
10 tems que celles cy fe dilatent, les determinent a
prendre leur cours vers l’efpace qu'elles leur laiflent.
Comme, par exemple, fi vous imaginés qu’il y a main-
1/1
AY 0
ant MT
DEAN UtSSS
LATE
RECRUE
tenant force vapeurs en l’endroit de l'air marqué F,
qui fe dilatent & tendent a occuper vn efpace incom-
15 parablement plus grand que celuy qui les contient,
. & qu'au mefme tems il y en a d’autres vers G, qui, fe
268 OEUVRES DE DESCARTES. 191-193.
refferrant & fe changeant en eau ou en neige, laiflent
la plus grande part de l'efpace où elles eftoient : |
vous ne douterés pas que celles qui font vers F ne
prenent leur cours vers G, & ainfy qu'elles ne com-
pofent vn vent qui foufle vers là. Principalement, fi
vous penfés, auec cela, qu’elles foient empefchées de
s'eftendre vers A & vers B, par de hautes montaignes
qui y font; & vers E, pource que l'air y eft preflé &
condenfé par vn autre vent, qui fouffle de C iufques
a D; & enfin qu'il y a des nuës au-deffus d'elles, qui
les empefchent de s’eftendre plus haut vers le ciel.
Et remarqués que, lorfque les vapeurs paflent en cete
façon d'vn lieu en vn autre, elles emmenent ou chafñfent
deuant foy tout l'air qui fe trouue en leur chemin, &
toutes les exhalaifons qui font parmi : en forte que,
bien qu'elles caufent quafi toutes feules les vens, ce
ne font pas toutefois elles feules qui les compofent;
& mefme aufly que la dilatation & condenfaltion de
ces exhalaifons & de cet air peuuent ayder a la pro-
duction de ces vens; mais que c’eft fi peu, a compa-
raifon de la dilatation & condenfation des vapeurs,
quelles ne doiuent quafi point eftre mifes en comte.
Car l'air, eftant dilaté, n'occupe qu'enuiron deux ou
trois fois plus d’efpace qu'eftant mediocrement con-
denfé, au lieu que les vapeurs en occupent plus de
deux ou trois mille fois dauantage. Et les exhalaifons
ne fe dilatent, c'eft a dire ne fe tirent des cors ter-
reftres, que par l'ayde d’vne grande chaleur; puis ne
peuuent quafi iamais, par aucune froideur, eftre de-
rechef autant condenfées qu'elles l'ont efté aupara-
uant : au lieu qu'il ne faut que fort peu de chaleur pour
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ANS AA" AIN +
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193-194. Les METEoREs. — Discours IV. 209
faire que l'eau fe dilate en vapeur, & derechef que fort
peu de froideur pour faire queles vapeurs fe changent
en eau.
Mais voyons maintenent en particulier les proprie-
tés & la generation des principaux vens. Premiere-
ment, on obferue que tout l'air a fon cours autour de
la terre de l'Orient vers l'Occident : ce qu'il nous faut
icy fuppofer, a caufe que la raifon n'en peut commo-
dement eftre deduite, qu'en expliquant toute la fa-
brique de l'vniuers, ce que ie n'ay pas icy deflein de
faire. Mais, enfuite, on obferue que les vens orientaux
font ordinairement beaucoup plus fees, & rendent l'air
beaucoup plus net & plus ferein que les occidentaux :
dont la raifon eft que ceux cy, s'oppofant au cours
ordinaire des vapeurs, les aref- |
tent, & font qu'elles s'efpaifliflent N 0
en nuës ; au lieu que les autres NE
les chaflent & les diffipent. De
plus, on obferue que c'eft prin-
cipalement le matin que foufflent
les vens d'Orient, & le foir que
foufflent ceux d'Occident : | de
quoy la raifon vous fera mani-
fefte, fi vous regardés la terre
SCD ele folles; qui, en
efclairant la moitié ABC, & fai-
fant le midy vers B & la minuit
vers D, fe couche en mefme tems
au refpect des peuples qui habitent vers A, & fe leue
au refpect de ceux qui font vers C. Car, pource que
les vapeurs qui font vers B font fort dilatées par la
270 OEUVRES DE DESCARTES. 194-195.
chaleur du iour, elles prenent leur cours, partie par
A & partie par C, vers D, où elles vont occuper la
place que laiffent celles que la fraifcheur de la nuit
y condenfe : en forte qu'elles font vn vent d'Occi-
dent vers A, où le foleil fe couche; & vn d'Orient
vers C, où il fe leue. Et mefme il eft a remarquer que
ce vent, qui fe fait ainfi vers C, eft ordinairement plus
fort, & va plus vifte que celuy qui fe fait vers A : tant
a caufe qu'il fuit le cours de toute la maffe de l’air,
comme aufly a caufe que la partie de la terre qui eft
entre C & D, ayant efté plus longtems fans eftre ef-
clairée par le foleil, que celle qui eft entre D & A, la
condenfation des vapeurs a deu s'y faire pluftoft &
plus grande. On obferue aufly que c'eft principale-
ment pendant le iour que foufflent les vens de Nort,&
qu'ils vienent de haut en bas, & qu'ils font fort vio-
lens, & fort froids, & fort fees. Dont vous pouués voir
la raifon, en confiderant que la terre
EBFD eft couuerte de plufieurs
nuës & brouillars, vers les poles E
& F,où elle n'eft gueres efchauffée
par le foleil; & que vers B;‘oùul
donne a plomb, il excite quantité
de vapeurs, qui, eflant fort agitées
par l'action de fa lumiere, montent
en haut tres promptement, iufques a ce qu'elles foient
tant efleuées, que la refiftence de leur pefanteur face
qu'il leur foit plus ayfé de fe détourner, & de prendre
leur cours de part & d'autre vers I & M, au deffus
des nuës G & K, que de continuer plus haut en ligne
droite; & ces nuës G & K, eftant aufly en mefme
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195-196. Les MErrores. — Discours IV. 271
tems efchauflées & rarefiées par le foleil, fe conuer-
tiflent en vapeurs, qui prenent leur cours de G vers
H, & de K vers L, plutoft que vers E & vers F : car
l'air efpais, qui eft vers les poles, leur refifte bien
dauantage que ne font les vapeurs qui fortent de
la terre vers le midy, & qui, eftant fort agitées &
preftes a fe mouuoir de tous coftés, leur peuuent faci-
lement ceder leur place. Ainfi, prenant F pour le pole
Arctique, le cours de ces vapeurs de K vers L fait vn
vent de Nort, qui fouffle pendant le iour en l'Europe.
Et ce vent fouffle de haut en bas, a caufe qu'il vient
des nuës vers la terre. Et il eft ordinairement fort vio-
lent, a caufe qu'ileftexcité par la chaleur la plus forte
de toutes, a fçauoir celle de midy; & de la matiere la
plus ayfée a difloudre en vapeur, a | fçauoir des nuës.
Enfin ce vent eft fort froid & fort fec, tant a caufe de
fa force, fuiuant ce qui a efté dit cy deflus, que les
vens impetueux font toufiours fecs & froids; comme
aufly il eft fec, a caufe qu'il n’eft ordinairement com-
pofé que des plus groflieres parties de l'eau douce
meflées auec l’air; au lieu que l'humidité depend prin-
cipalement des plus fubtiles, & celles cy ne fe trouuent
gueres dans les nuës dont il s'engendre; car, comme
vous verrés tantoft, elles participent bien plus de la
nature de la glace, que de celle de l'eau; & il eft froid,
a caufe qu'il amene auec foy vers le Midy la matiere
tres fubtile qui eftoit vers le Nort, de laquelle depend
principalement la froideur. On obferue, tout au con-
traire, que les vens de Midy foufilent plus ordinaire-
ment pendant la nuit, & vienent de bas en haut, &
font lens & humides, Dont la raifon fe peut voir aufiv,
272 OEUVRES DE DESCARTES. 196-197.
en regardant derechefla terre EBFD, & confiderant
que fa partie D, qui eft fous l’Equateur, & où ie fup-
pofe quil eft maintenant nuit, retient encore aflés
de la chaleur que le foleil Iluy a communiquée pen-
dant le iour, pour faire fortir de foy plufeurs va-
peurs; mais que l'air qui eft au
deflus vers P, n'en retient pas tant
a proportion. Car generalement les
cors grofliers & pefans retienent
toufiours plus longtems leur cha-
leur, que ceux qui font legers &
fubtils ; & ceux qui font durs la
retienent aufly plus longtems, que
ceux qui font liquides. Ce qui eft caufe que les va-
peurs qui fe trouuent vers P, au lieu de pourfuiure
leur cours vers Q & vers R, s'areftent & s’efpaiflif-
fent en forme de nuës, qui, empefchant que celles
qui fortent de la terre D ne montent plus haut,
les contraignent de prendre leur cours de part &
d'autre vers N & vers O, & ainfi d'y faire vn vent
de Midy, qui fouffle principalement pendant la nuit,
& qui vient de bas en haut, a fçauoir de la terre
vers l'air; & qui ne peut eftre que fort lent, tant a
caufe que fon cours eft retardé par l’efpatfleur de
l'air de la nuit, comme aufly a caufe que fa ma-
tiere, ne fortant que de la terre ou de l’eau, nefe
peut dilater fi promptement, ny en fi grande quan-
tité, que celle des autres vens, qui fort ordinaire-
ment des nuës. Et enfin il eft chaud & humide, tant
a caufe de la tardiueté de fon cours, comme auñly il
eft humide, a caufe qu'il eft compofé des plus fubtiles
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é
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À
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fi
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107-108. Les METEORESs. — Discours IV. 273
parties de l’eau douce auffy bien que des plus grof-
fieres ; car elles fortent enfemble de la terre; & il ef
chaud, a caufe qu'il amene auec foy vers le Nort la
matiere fubtile qui efloit vers le Midy. On obferue
aufTy qu'au mois de Mars, & generalement en tout le
printemps, les vens font plus fecs, & les changemens
d'air plus fubits, & plus frequens, qu'en aucune autre
faifon de l'année. Dont la raifon fe voit encore, en re-
gardant la terre EBFD,& penfant que le foleil, que ie
fuppofe eftre vis a vis du cercle BAD qui reprefente
l'Equateur, & auoir efté trois mois auparauant vis a
vis du cercle HN, qui reprefente le tropique du Ca-
pricorne, a beaucoup moins efchauflé la moitié de la
terre BFD, où il fait maintenant le printems, que
l'autre moitié BED, où 1l fait l'automne; & | par con-
fequent que cete moitié B FD eft beaucoup plus cou-
uerte de neiges, & que tout l'air, qui l'enuironne, eft
beaucoup plus efpais, & plus rempli de nuës, que celuy
qui enuironne l'autre moitié BED : ce qui eft caufe
que, pendant le iour, il sy dilate beaucoup plus de
vapeurs, & quau contraire, pendant la nuit, il s'y
en condenfe beaucoup dauantage. Car la mafle de la
terre y eftant moins efchauflée, & la force du foleil
n'y eftant pas moindre, il doit y auoir plus d'inefgalité
entre la chaleur du iour & la froideur de la nuit; &
ainfi ces vens d'Orient, que 1'ay dit foufller principa-
lement le matin, & ceux de Nort, qui foufflent fur le
milieu du iour, qui les vns & les autres font fort fecs,
doiuent y eftre beaucoup plus forts & plus abondans
qu'en aucune autre faifon. Et pource que les vens
d'Occident, qui foufflent le foir, y doiuent aufly eftre
Œuveess. I. 35
274 OEuvres DE DESCARTES. 198-190.
aflés forts, par mefme raifon que ceux d'Orient, qui
foufflent le matin; pour peu que le cours regulier de
ces vens foit auancé, ou retardé, ou détourné, par les
caufes particulieres qui peuuent plus ou moins dilater
ou efpaiflir l'air en chafque contrée, ils fe rencontrent
les vns les autres, & engendrent des pluies ou des
tempeftes, qui ceffent ordinairement auflytoft aprés,
a caufe que les vens d'Orient & de Nort, qui chaffent
les nuës, demeurent les maiftres. Et ie croy que ce
font ces vens d'Orient & de Nort que les Grecs appe-
loient les Ornithies, a caufe qu'ils ramenoient les oi-
feaux qui vienent au printems. Mais pour ce qui eft
des Etefies, qu'ils obferuoient aprés le folftice d'efté,
il eft vrayfemblable qu'ils procedent des vapeurs que
le foleil efleue des terres & des eaux du Septentrion,
aprés auoir | defia feiourné aflés longtems vers le Tro-
pique du Cancre. Car vous fçaués qu'il s’arefte bien
plus a proportion vers les Tropiques, qu'il ne fait en
l'efpace qui ef entre deux ; & il fault penfer que, pen-
dant les mois de Mars, d’Auril & de May, il diffout en
vapeurs & en vens la plufpart des nuës & des neiges
qui font vers noftre Pole; mais qu'il ne peut y efchauf-
fer les terres & les eaux affés fort pour en efleuer
d'autres vapeurs qui caufent des vens, que quelques
femaines aprés, lorfque ce grand iour de fix mois, qu'il
y fait, eft vn peu au delà de fon midy.
Au refte, ces vens generaux & reguliers feroient
toufiours tels que ie viens de les expliquer, fi la fu-
perficie de la terre eftoit partout efgalement couuerte
d'eaux, ou partout efgalement découuerte, en forte
qu'il n'y euft aucune diuerfité de mers, de terres, & de
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de Cd OS PS de à ST re.
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199-100. Les MErEoREs. — Discours IV. 27
montaignes, ny aucune autre caufe qui püft dilater
les vapeurs que la prefence du foleil,ou les condenfer
que fon abfence. Mais il faut remarquer que, lorfque
le foleil luift, il fait fortir communement plus de va-
peurs des mers que des terres, a caufe que les terres,
fe trouuant feiches en plufieurs endroits, ne luy four-
niflent pas tant de matiere; & qu'au contraire, lors
quil eft abfent, la chaleur qu'il a caufée en fait fortir
dauantage des terres que des mers, a caufe qu'elle y
demeure plus fort imprimée. C'eft pourquoy on ob-
ferue fouuent, aux bords de la mer, que le vent vient le
iour du cofté de l'eau, & la nuit du cofté de la terre.
Et c'eft pour cela aufly que ces feux, qu'on nomme des
Ardans, conduifent de nuit les voyafgeurs vers les
eaux ; car ils fuiuent indiffleremment le cours de l'air,
qui tire vers là des terres voyfines, a caufe que celuy
qui y eft fe condenfe. Il fault aufly remarquer que
l'air qui touche la fuperficie des eaux fuit leur cours
en quelque façon ; d’où vient que les vens changent
fouuent, le long des coftes de la mer, auec fes flux &
reflux; & que, le long des grandes riuieres, on fent
en tems calme de petits vens, qui fuiuent leur cours.
Puis il faut remarquer aufly que les vapeurs, qui vienent
des eaux, font bien plus humides & plus efpaifles que
celles qui s’efleuent des terres, & qu'il y a toufiours
parmi celles cy beaucoup plus d'air & d'exhalaifons.
D'où vient que les mefmes tempefles font ordinaire-
ment plus violentes fur l'eau que fur la terre, & qu'vn
mefme vent peut eftre fec en vn païs & humide en vn
autre; comme on dit que les vens de Midy, qui font
humides prefque par tout, font fecs en Egipte, où il
276 OEUVRES DE DESCARTES. Mer.
n'y a que les terres feiches & bruflées du refte de
l'Afrique, qui leur fourniffent de matiere. Et c’eft fans
doute cecy qui eft caufe qu'il n'y pleut prefque iamais :
car, quoy que les vens de Nord venans de la mer y
foient humides, toutefois, pource qu’auec cela ils y
font les plus froids qui s'y trouuent, ils n'y peuuent
pas ayfement caufer de pluie, ainfi que vous enten-
drés cy aprés. Outre cela, il faut confiderer que la
lumiere de la Lune, qui eft fort inefgale felon qu'elle
s'efloigne ou s'approche du Soleil, contribue a la dila-
tation des vapeurs, comme fait aufly celle des autres
Afres; mais que c'eft feulement en mefme proportion
que nous fentons qu'elle agift contre nos yeux; car ce
font les iuges les plus certains que nous puiflions
auoir pour connoiftre la force de la lumiere; & que,
par confequent, celle | des Eftoiles n'eft quañi point
confiderable, a comparaifon de celle de la Lune, ny
celle ey a comparaifon du Soleil. Enfin on doit confi-
derer que les vapeurs s’efleuent fort inefgalement des
diuerfes contrées de la terre : car & les montaignes
font efchauflées par les aftres d'autre façon que les
plaines, & les forets que les prairies, & les chams cul-
tiués que les defers, & mefme certaines terres font
plus chaudes d'elles mefmes ou plus ayfées a efchaufter
que les autres. Et en fuite, fe formant des nuës en l'air
fort inefgales, & qui peuuent eft'e tranfportées d'vne
region en vne autre par les moindres vens, & foufte-
nuës a diuerfes diftances de la terre, mefme plufieurs
enfemble au deflus les vnes des autres, les aftres agif-
fent derechef d'autre façon contre les plus hautes que
contre les plus baffes; & contre celles cy que contre
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ETS a ct PR TN PERL re)
LEA
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201-202. Les METEoREs. — Discours IV. 277
la terre qui eft au deflous; & d'autre façon contre
les mefmes endroits de la terre, lorfqu'il n y a point
de nuës qui les couurent, que lorfqu'il y en a, & aprés
qu'il a plü ou neigé qu'auparauant. Ce qui fait quil
eft prefque impoflible de preuoir les vens particuliers
qui doiuent eftre chafque iour en chafque contrée de
la terre, & que mefme il y en a fouuent plufieurs
contraires qui pañlent au deflus les vns des autres.
Mais on y pourra bien determiner en general quels
vens doiuent eftre les plus frequens & les plus forts,
& en quels lieux & quelles faifons ils doiuent regner,
fi on prent exaétement garde a toutes les chofes qui
ont efté icy remarquées. Et on le pourra encore beau-
coup mieux determiner dans les grandes mers, princi-
palement aux endroits fort efloignés de la terre, a
caufe que, n y ayant point d'inefgalités en la fuper-
ficie | de l’eau, femblables a celles que nous venons
de remarquer fur les terres, il s'y engendre beaucoup
moins de vens irreguliers; & ceux qui vienent des
coftes ne peuuent gueres pañler iufques là, comme
tefmoigne aflés l'experience de nos matelots, qui, pour
cete caufe, ont donné a la plus large de toutes les
mers le nom de Pacifique. Et ie ne fçache plus rien
icy digne de remarque, finon que prefque tous les
fubits changemens d'air, comme de ce qu'il deuient
plus chaud, ou plus rare, ou plus humide que la faifon
ne le requert, dependent des vens : non feulement de
ceux qui font aux mefmes regions où fe font ces chan-
gemens, mais aufly de ceux qui en font proches, &
des diuerfes caufes dont ils procedent. Car, par
exemple, fi pendant que nous fentons iey vn vent de
+
278 Œuvres DE DESCARTES. 20206
Midy, qui, ne procedant que de quelque caufe parti-
culiere, & ayant fon origine fort prés d'icy, n'amene
pas beaucoup de chaleur, il y en a vn de Nord aux
païs voyfins, qui viene d’affés loin ou d’affés haut, la
matiere tres fubtile, que cetuy cy amene auec foy,
peut ayfement paruenir iufques a nous, & y caufer
vn froid extrordinaire. Et ce vent de Midy, ne for-
tant que du lac voyfin, peut eftre fort humide; au lieu
que s'il venoit des campaignes defertes qui font au
delà, il feroit plus fec. Et n'eftant caufé que par la
dilatation des vapeurs de ce lac, fans que la condenfa-
tion d'aucunes autres qui foient vers le Septentrion y
contribue, 1l doit rendre noftre air bien plus efpais &
plus pefant, que s'il n'efloit caufé que par cete con-
denfation, fans qu'il fe fift aucune dilatation de va-
peurs vers le Midy. A quoy fi nous adiouftons que la
matiere fubtile, & les vapeurs qui font dans les pores
de la terre, prenant diuers cours, y font aufly comme
des vens, qui amenent auec foy des exhalaifons de
toutes fortes, felon les qualités des terres par où ils
pañlent; &, outre cela, que les nuës, en s'abaiffant,
peuuent caufer vn vent qui chañle l'air de haut en bas,
ainfi que ie diray cy apprés; nous aurons, ie croy,
toutes les caufes des changemens d’air qui fe re-
marquent. |
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203-204. Les METEOREs. — Discours V. 279
DÉS: NVES:
Difcours Cinquiefme.
Aprés auoir confideré comment les vapeurs, en fe
dilatant, caufent les vens, il faut voir comment, en
fe condenfant & referrant, elles compofent les nuës
& les brouillas. A fçauoir, fitoft qu'elles deuienent
notablement moins tranfparentes que l'air pur, fi elles
s'eftendent iufques a la fuperficie de la terre, on les
nomme des brouillas: mais fi elles demeurent fufpen-
duës plus haut, on les nomme des nuës. Et il eft a
remarquer que ce qui les fait ainfi deuenir moins
tranfparentes que l'air pur, c'eft que, lorfque leur mou-
uements alentift, & que leurs parties font aflés proches
pour s'entretoucher, elles fe ioignent & s'affemblent
en diuers petits tas, qui font autant de gouttes d'eau,
ou bien de parcelles de glace. Car, pendant qu'elles
demeurent tout a fait feparées & flotantes en l'air,
elles ne peuuent gueres empefcher le cours de la lu-
miere; au lieu qu'eftant afflemblées, encore que les
gouttes d eau ou les parcelles de glace qu'elles com-
pofent foient tranfparentes, toutefois, a | caufe que
chafcune de leurs fuperficies fait reflefchir vne partie
des rayons qui donnent decontre, ainfi qu’il a efté dit
en la Dioptrique* de toutes celles des cors tranfparens,
ces fuperficies fe trouuent ayfement en aflés grand
a, Plus haut, pages 196-107.
280 OEuvres DE DESCARTES. 204 208
nombre pour les faire tous ou prefque tous reflefchir.
Et pour les gouttes d'eau, elles fe forment, lorfque la
matiere fubtile qui eft autour des petites parties des
vapeurs, n'ayant plus affés de force pour faire qu'elles
s'eftendent & fe chaffent les vnes les autres, en a en-
core aflés pour faire qu'elles fe plient &, en fuite, que
toutes celles qui fe rencontrent fe ioignent & s'accu-
mulent enfemble en vne boule. Et la fuperficie de cete
boule deuient incontinent toute efgale & toute polie,
a caufe que les parties de l'air qui la touchent fe
meuuent d'autre façon que les fienes, & aufly la ma-
tiere fubtile, qui eft en fes pores, d'autre façon que
celle qui eft en ceux de l'air, comme il a defia tantoft
efté expliqué en parlant de la fuperficie de l’eau de la
mer. Et pour mefme raifon aufly, elle deuient exacte-
ment ronde : car, comme vous pouués fouuent auoir
veu que l’eau des riuieres tournoye & fait des cercles,
aux endroits où 1l y a quelque chofe qui l'empefche
de fe mouuoir en ligne droite aufly vifte que fon agi-
tation le requert; ainfi faut il penfer que la matiere
fubtile, coulant par les pores des autres cors, en
mefme façon qu'vne riuiere par les interualles des
herbes qui croiffent en fon lit, & pañlant plus libre-
ment d'vn endroit de l'air en l’autre, & d'vn endroit
de l'eau aufly en l’autre, que de l’air en l’eau, ou re-
ciproquement de l'eau en l’air,comme il a efté ailleurs
remarqué, elle doit tournoyer au dedans de cete
goutte, & aufly au dehors | en l'air qui l'enuironne,
mais d'autre mefure qu'au dedans &, par ce moyen,
difpofer en rond toutes les parties de f1 fuperficie.
Car elles ne peuuent manquer d'obeir a fes mouue-
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dar.
PEN AE
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205206. Les MErTEoRESs. — Discours V. 281
mens, d'autant que l'eau eft vn cors liquide. Et fans
doute cecy eft fuflifant pour faire entendre que les
gouttes d'eau doiuent eftre exactement rondes, au fens
que leurs fections font paralleles a la fuperficie de la
terre; car 1l n y a point de raifon qu'aucune des par-
ties de leur circonference s'efloigne ny s'approche de
leurs centres plus que les autres en ce fens là, vü
qu'elles n y font ne plus ne moins preflées d'vn cofté
que d'autre par l'air qui les enuironne, au moins s'il
eft calme & tranquille, comme nous le deuons icy
fuppofer. Mais, pource que, les confiderant en autre
fens, on peut douter, lorfqu'elles font fi petites que
leur pefanteur n'a pas la force de leur faire diuifer
l'air pour defcendre, fi cela ne les rend point vn peu
plus plates & moins efpaiffes en leur hauteur qu'en
leur largeur, comme T ou V, il faut 2 SCA ES
Peade sardesmiellestont de l'air 470 uv 0x Ÿ
autour de leurs coftés aufly bien qu'au deffous, &
que, fi leur pefanteur n'eft fuflifante pour faire que
celuy qui eft au deflous leur quitte fa place & les
laifle defcendre, elle ne le peut eftre non plus pour
faire que celuy qui eft aux coftés fe retire, & les
laiffe deuenir plus larges. Et pource qu'on peut
douter, tout au contraire, lorfque leur pefanteur les
fait defcendre, fi l'air qu'elles diuifentneles rend point
vn peu plus longues & eftroites, comme X ou Y, il faut
encore prendre garde, qu'en eftant enuironnées tout
autour, celuy qu'elles diuifent, & dont elles vont oc-
culper la place en defcendant, doit monter a mefme
tems au deflus d'elles, pour y remplir celle qu'elles y
laiffent, & qu'il ne le peut qu'en coulant tout le long
Œuvres. I, 36
282 OEUVRES DE DESCARTES. 206-207.
de leur fuperficie, où 1l trouue le chemin plus court &
plus ayfé, lorfqu'elles font Fu que fi elles auoient
quelque autre figure; car chafcun fçait que, de toutes
les figures, c'eft la ronde qui eft la plus capable, c'eft
a dire QE qui a le moins de fuperficie a raifon de la
grandeur du cors qu'elle contient. Et ainfi, en quelle
façon qu'on Île veuille prendre, ces gouttes doiuent
toufiours demeurer rondes, fi ce n’eft que la force de
quelque vent, ou quelque autre caufe particuliere, les
en empefche. Pour ce qui eft de leur groffeur, elle de-
pend de ce que les parties de la vapeur font plus ou
moins proches les vnes des autres, lorfqu'elles com-
mencent a les compofer, & aufly de ce qu'elles font,
par aprés, plus ou moins agitées, & de la quantité
des autres vapeurs qui peuuent venir fe ioindre aelles.
Car chafeune d'abbord ne fe compofe que de deux ou
trois des petites parties de la vapeur qui s'entreren-
contrent, mæs, aufly toft aprés, fi cete vapeur a efté
vn peu efpaifle, deux ou trois des gouttes quts'en font
formées, en fe rencontrant, fe ioignent en vne, & de-
rechef deux ou trois de celles cy encore en yne, &
ainfi de fuite, iufques a ce qu'elles ne fe puiflent plus
rencontrer. Et pendant qu'elles fe fouftienent en l'air,
il peut aufly venir d’autres vapeurs fe 1oindre a elles,
& les groflir, iufques a ce qu’enfin leur pefanteur les
face babe: en pluie ou en rofée.
Pour les petites parcelles de glace, elles fe Panne
lorfque le froid eft fi grand que les parties de la va-
peur | ne peuuent eftre pliées par la matiere fubtile qui
eft parmi elles. Et fi ce froid ne furuient qu'aprés que
les gouttes font defia formées, il les laiffe toutes
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ul din .-E:
CORRE SE CNRS Ho DA ef de
207-2u8. LES METEoRESs.' — Discours V. 283
rondes en les gelant, fi ce n’eft qu'il foit accompagné
de quelque vent aflés fort, qui les face deuenir vn peu
plates du cofté qu'il les rencontre. Et, au contraire, s'il
furuient dés auparauant qu'elles ayent commencé a
fe former, les parties de la vapeur ne fe ioignent qu'en
long, & ne compofent que des filets de glace fort de-
liés. Mais, fi le froid furuient entre ces deux tems,
ce qui eft le plus ordinaire, il gele les parties de la
vapeur a mefure qu'elles fe plient & s'entaflent plu-
fieurs enfemble, fans leur donner le’loyfir de s'vnir
affés parfaitement pour former des gouttes; & ainfi il
en fait de petits nœuds ou pelotons de glace, qui font
tous blancs, a caufe qu'ils font compofés de plufieurs
filets, qui ne laiïflent pas d’eftre feparés & d'auoir
chafcun leurs fuperficies diftintes, encore qu'ils
foient pliés l'vn fur l’autre. Et ces nœuds font comme
velus ou couuers de poil tout alentour, a caufe qu'il
y a toufiours plufieurs parties de la vapeur, qui, ne
pouuant fe plier & s'entaffer fitoft que les autres, s’ap-
pliquent toutes droites contre eux, & compofent les
petits poils qui les couurent : & felon que ce froid
vient plus lentement ou plus a coup, & que la vapeur
eft plus efpaifle ou plus rare, ces nœuds fe forment
plus gros ou plus petits; & les poils ou filets qui les
enuironnent, plus forts & plus cours, ou plus deliés
& plus longs.
Et vous pouués voir, de cecy, qu'il y a toufiours
deux chofes qui font requifes pour conuertir les va-
peurs en eau ou en glace : a fçauoir que leurs parties
foient affés|proches pour s'entretoucher, & qu'il y ait
autour d'elles affés de froideur pour faire qu'en s'en-
284 OŒEuvreEs DE DESCARTES. 208-209.
tretouchant elles fe ioignent & s’areftent les vnes aux
autres. Car ce ne feroit pas aflés que leur froideur
fuft tres grande, fi elles efloient efparfes en l'air fi loin
a loin qu'elles ne s'entretouchaffent aucunement; ny
aufly qu'elles fuflent fort proches les vnes des autres
& fort preflées, fi leur chaleur, c'eft a dire leur agita-
tion, eftoit aflés forte pour les empefcher de fe ioindre.
Ainfi on ne voit pas qu'il fe forme toufiours des nuës
au haut de l'air, nonobftant que le froid y foit toufiours
aflés grand pour cet effet; & il eft requis, de plus,
qu'vn vent occidental, s'oppofant au cours ordinaire
des vapeurs, les affemble & les condenfe aux endroits
où il fe termine; ou bien que deux ou plufieurs autres
vens, venans de diuers coftés, les preffent & accu-
mulent entre eux; ou quvn de ces vens les chaffe
contre vne nuë defia formée; ou enfin qu'elles aillent
s'affembler de foy mefme contre le deflous de quelque
nuë, a mefure quelles fortent de la terre” Erultnene
forme pas aufly toufiours des brouillars autour de
nous; ny en hyuer, encore que l'air y foit aflés froid;
ny en efté, encore que les vapeurs y foient aflés abon-
dantes; mais feulement lorfque la froideur de l'air &
l'abondance des vapeurs concourent enfemble,comme
il arriue fouuent le foir ou la nuit, lorfqu'vn iour affés
chaud a precedé : principalement au printems plus
qu'aux autres faifons, mefme qu'en automne, a caufe
qu'il y a plus d'inefgalité entre la chaleur du iour &
la froideur de la nuit; & plus auffy aux lieux marefca-
geux ou maritimes que fur les terres qui font loin des
eaux, ny fur les eaux qui font loin | des terres, a caufe
que lon perdant plutoft fa chaleur que la terre, y
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209-210. Les METEORES. — Discours V. 28
rafroidift l'air, dans lequel fe condenfent les vapeurs
que les terres humides & chaudes produifent en abon-
dance. Mais les plus grans brouillas fe forment,
comme les nuës, aux lieux où le cours de deux ou
plufieurs vens fe termine. Car ces vens chaflent vers
ces lieux là plufieurs vapeurs, qui s y efpaififient, ou
en brouillas, fi l’air proche de la terre eft fort froid ;
ou en nuës, s'il ne l'eft aflés pour les condenfer que
plus haut. Et remarqués que les gouttes d'eau, ou les
parcelles de glace, dont les brouillas font compofés,
ne peuuent eftre que tres petites : car, fi elles eftoient
tant foit peu grofles, leur pefanteur les feroit def-
cendre aflés promptement vers la terre, de façon que
nous ne dirions pas que ce fuffent des brouillas, mais
de la pluie ou de la neige; &, auec cela, que iamais il
ne peut y auoir aucun vent où ils font, qu'il ne les
diflipe bientoft aprés, principalement lorfqu'ils font
compofés de gouttes d'eau : car la moindre agitation
d'air fait que ces gouttes, en fe ioignant plufieurs en-
femble, fe grofliflent & tombent en pluie ou en rofée.
Remarqués aufly, touchant les nuës, qu'elles peuuent
eftre produites a diuerfes diftances de la terre, felon
que les vapeurs ont loyfir de monter plus ou moins
haut, auant que d'eftre aflés condenfées pour les com-
pofer. D'où vient qu'on en voit fouuent plufeurs au
deffus les vnes des autres, & mefme qui font agitées
par diuers vens. Et cecy arriue principalement aux
pais de montaignes, a caufe que la chaleur qui efleue
les vapeurs y agift plus inefgalement qu'aux autres
lieux. Il faut remarquer, outre cela, que les plus
hautes de ces nuës ne peuuent quafi iamais eftre com-
280 Œuvres DE DESCARTES. 210.
pofées de gouttes d'eau, mais feulement de parcelles
de glace; car il eft certain que l’air où elles font eft
plus froid, ou du moins auffy froid que celuy qui eft
aux fommets des hautes montaignes, lequel nean-
moins l'eft affés, mefme au cœur de l'efté, pour em-
pefcher que les neiges ne s'y fondent. Et pourceque,
plus les vapeurs s'efleuent haut, plus elles y trouuent
de froid qui les gele, & moins elles y peuuent eftre
preflées par les vens, de là vient que, pour l'ordi-
naire, les plus hautes parties des nuës ne fe com-
pofent que de filets de glace fort deliés, & qui font
efpars en l'air fort loin a loin. Puis, vn peu au def-
fous, il fe forme des nœuds ou pelotons de cete glace,
qui font fort petits & couuers de poils; &, par degrés,
encore d’autres au deflous, vn peu moins petits; &
enfin quelquefois, tout au plus bas, il fe forme des
gouttes d'eau. Et lorfque l'air qui les contient eft
entierement calme & tranquille, ou bien qu'il eft tout
efgalement emporté par quelque vent, tant ces gouttes,
que ces parcelles de glace, y peuuent demeurer ef-
parfes aflés loin a loin & fans aucun ordre, en forte
que, pour lors, la forme des nuës ne differe en rien
de celle des brouillas. Mais, pourceque fouuent elles
font pouflées par des vens qui n'occupent pas efgale-
ment tout l’air qui les enuironne, & qui, par confe-
quent, ne les pouuant faire mouuoir de mefme mefure
que cet air, coulent par deflus & par deflous, en les
preflant & les contraignant de prendre la figure qui.
peut le moins empefcher leur mouuement, celles de
leurs fuperficies contre lefquelles paflent ces vens de-
uienent toutes plates & vnies. Et ce que ie defire icy
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zro-212, Les METEoREs. — Discours V. 287
particulierement que vous remarquiés, c'eft que tous
les petits nœuds ou pelotons de neige, qui fe trouuent
en ces fuperficies, s'arrengent exatement en telle
forte, que chafcun d'eux en a fix autres autour de foy,
qui le touchent, ou du moins qui ne font pas plus
efloignés de luy l'vn que l'autre. Suppofons, par
exemple, qu'au
deflus de la terre
AB il vient vn
vent de la partie
occidentale D,
qui soppole au
cours ordinaire
deNlair zou, fi
vous l'aymés mieux, a vn autre vent, qui vient de
la partie orientale C; & que ces deux vens fe font
areftés au commencement l'vn l'autre, enuiron l'ef-
pace FGP, où ils ont condenfé quelques vapeurs,
dont ils ont fait vne mafñle confufe, pendant que,
leurs forces fe balençant & fe trouuant efgales en
cet endroit, ils y ont laiflé l'air calme & tranquille.
Car il arriue fouuent que deux vens font oppolés
en cete forte, a caufe qu'il y en a toufiours plu-
fieurs differens autour de la terre en mefme tems,
& que chafcun d’eux y eftend d'ordinaire fon cours,
fans fe détourner, iufques au lieu où il en rencontre
vn contraire qui luy refifte. Mais leurs forces n'y
peuuent gueres demeurer longtems ainf balancées,
& leur matiere y affluant de plus en plus, s'ils ne
ceflent tous deux enfemble, ce qui eft rare, le plus
fort prent enfin fon cours par le deffous ou le deffus
288 OEUVRES DE DESCARTES. RER
de la nuë, ou mefme auñfly par le milieu, ou tout alen-
tour, felon qu'il s'y trouue plus difpofé; au moyen de
quoy, s'il n'amortift l’autre tout a fait, il le contraint
au moins de fe détourner. Comme icy, ie fuppofe
que le vent oc-
cidental, ayant
pris fon cours
entre ‘GR;
a contraint l'o-
riental de paf-
fer par deflous
vers F, où il a
fait tomber en
rofée le brouillar qui y eftoit, puis a retenu au deflus
de foy la nuë G qui, fe trouuant preflée entre ces
deux vens, eft deuenuë fort plate & eftenduë. Et
les petits pelotons de glace, qui ont efté en fa fu-
perficie, tant du deflus que du deflous, comme aufly
en celle du deflous de la nuë P, ont dû s y arrenger
en telle forte que chafcun en ait fix autres qui l’en-
uironnent ; car on ne fçauroit imaginer aucune rai-
fon qui les en ait empefchés, & naturellement tous
les cors rons|& efgaus qui font meus en vn mefme
plan par vne force aflés femblable, s'arrengent en cete
forte, ainfi que vous pourrés voir par experience, en
iettant confufement vn rang ou deux de perles rondes
toutes defilées fur vne afiette, & les esbranflant, ou
foufflant feulement vn peu decontre, affin qu'elles
s'approchent les vnes des autres. Mais notés que ie
ne parle icy que des fuperficies du deffous ou du def-
fus, & non point de celles des coftés, a caufe que l'inef-
20
213-214. Les METEORES. — Discours V. 289
gale quantité de matiere, que les vens peuuent poufler
decontre a chafque moment, ou en ofter, rend ordi-
nairement la figure de leur circuit fort irreguliere &
inefgale. le n'aioufte point aufly que les petits nœus
de glace, qui compofent le dedans de la nuë G, fe
doiuent arrenger en mefme façon que ceux des fuper-
ficies, a caufe que ce n'eft pas vne chofe du tout fi ma-
nifefte. Mais ie defire que vous confideriés encore ceux
qui fe peuuent aller arefter au deflous d’elle, aprés
quelle eft toute formée ; car fi, pendant qu'elle de-
meure fufpenduë en l'efpace G, il fort quelques va-
peurs des endroits de la terre qui font vers A, lef.
quelles, fe refroidiffant en l'air peu a peu, fe conuer-
tiflent en petits nœus de glace, que le vent chaffe vers
L, il ny a point de doute que ces nœus s'y doiuent
arrenger en telle forte que chafcun d'eux foit enui-
ronné de fix autres, qui le preflent efgalement & foient
en mefme plan, & ainfi compofer, premierement,
comme vne feuille qui s’eftende fous la fuperficie de
cete nuë, puis encore vne autre feuille qui s'eftende
fous celle cy, & ainfi encore d'autres, autant qu'il y
aura de matiere. Et de plus, il faut remarquer que le
vent qui pañle entre la terre & cete nuë, agiffant auec
| plus de force contre la plus bafle de ces feuilles que
contre celle qui eft immediatement au deflus, & auec
plus de force contre celle cy que contre celle qui eft
encore-au deflus, & ainfi de fuite, les peut entraifner
& faire mouuoir feparement l'vne de l'autre, & polir
par ce moyen leurs fuperficies, en rabatant des deux
coftés les petits poils qui font autour des pelotons
dont elles font compofées. Et mefme il peut faire
Œuvres. I. 37
/
200 ŒŒEuvres DE DESCARTES. 214-215.
glifler vne partie de ces feuilles hors du deflous
de cete nuë G, & les tranfporter au delà, comme
vers N,oùelles
en compofent
vne nouuelle.
Etencorequeie
n'aye icy parlé
que des par-
celles de glace
qui font entaf-
fées en forme
de petis nœuds ou pelotons, le mefme fe peut ayfe-
ment aufly entendre des gouttes d’eau, pouruü que
le vent ne foit point aflés fort pour faire qu'elles
s'entrepouflent, ou bien quil y ait autour d'elles
quelques exhalaifons, ou, comme il arriue fouuent,
quelques vapeurs non encore | difpofées a prendre la
forme de l'eau, qui les feparent; car autrement, fi toft
qu'elles fe touchent, elles s'aflemblent plufieurs en
.vne, & ainfi deuienent fi grofles & fi pefantes, quelles
font contraintes de tomber en pluie.
Au refte, ce que ray tantoft dit, que la figure du cir-
cuit de chaque nuë eft ordinairement fort irreguliere
& inefgale, ne fe doit entendre que de celles qui oc-
cupent moins d'efpace, en hauteur & en largeur, que
les vens qui les enuironnent. Car il fe trouue quelque-
fois fi grande abondance de vapeurs, en l'endroit où
deux ou plufieurs vens fe rencontrent, qu'elles con-
traignent ces vens de tournoyer autour d'elles, au
lieu de pafler au deffus ou au deflous, & ainfi qu'elles
forment vne nuë extraordinairement grande, qui, ef-
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à ñ
Lg Dé fr = dt, Éé tà fc
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ET Les MErEoREs. — Discours VI. 291
tant efgalement preflée de tous coftés par ces vens,
deuient toute ronde & fort vnie en fon circuit ; &
mefme qui, lorfque ces vens font vn peu chauds, ou
bien qu'elle eft expofée a la chaleur du Soleil, y
acquert comme vne efcorfe ou vne croufte de plu-
fieurs parcelles de glace iointes enfemble, qui peut
deuenir aflés grofle & efpaifle fans que fa pefanteur
la face tomber, a caufe que tout le refte de la nuë
la fouftient.
IDE PSSNEGEPDE EX PLVIE ET'DE LA GRESLE.
Difcours Sixtefme.
Il y a plufeurs chofes qui empefchent commune-
ment que les nuës ne defcendent incontinent aprés
eftre formées. Car, premierement, les parcelles de
glace ou les gouttes d'eau dont elles font compofées,
eftant fort petites, & par confequent ayant beaucoup
de fuperficie a raifon de la quantité de leur matiere, la
refiftence de l'air qu'elles auroient a diuifer, fi elles
defcendoient, peut ayfement auoir plus de force pour
les en empefcher que n'en a leur pefanteur pour les y
contraindre. Puis les vens, qui font d'ordinaire plus
fors contre la terre où leur cors eft plus groflier, qu’au
haut de l'air où il eft plus fubtil, & qui, pour cete
caufe, agiflent plus de bas en haut que de haut en
\
1 der à
EPP OS EUR
292 OEUVRES DE DESCARTES. 216-217.
bas, peuuent non feulement les fouftenir, mais fou-
uent aufly les faire monter au deflus de la region de
l'air où elles fe trouuent. Et le mefme peuuent encore
les vapeurs qui, fortant de la terre, ou venant de
quelque autre cofté, font enfler l'air qui eft fous elles;
ou aufly la feule chaleur de cet air qui,en le dilatant,
les repouffe; ou la froideur de celuy qui eft au deflus,
qui, en le referrant, les attire; ou chofes femblables.
Et particulierement les parcelles de glace, eftant pouf-
fées les vnes contre les autres par les vens, s’entre-
touchent fans s'vnir pour cela tout a fait, & compofent
vn cors fi rare, fi leger | & fi eftendu, que, s'il n’y fur-
uient de la chaleur qui fonde quelques vnes de fes
parties & par ce moyen le condenfe & l’appefantiffe,
il ne peut prefque iamais defcendre iufqu'a terre. Mais,
comme il a efté dit cy deflus*, que l'eau eft en quelque
façon dilatée par le froid lorfqu'elle fe gele, ainfi faut
il icy remarquer que la chaleur, qui a couftume de ra-
refier les autres cors, condenfe ordinairement celuy
des nuës. Et cecy eft ayfé a experimenter en la neige,
quieft de la mefme matiere dont elles font, excepté
qu elle eft defia plus condenfée; car on voit qu'eftant
mife en lieu chaud, elle fe referre & diminue beaucoup
de grofleur, auant qu'il en forte aucune eau, ny qu'elle
diminue de poids. Ce qui arriue d'autant que les ex-
tremités des parcelles de glace dont elle eft compo-
fée, eftant plus deliées que le refte, fe fondent plutoft ;
& en fe fondant, c’eft a dire en fe pliant & deuenant
comme viues & remuantes, a caufe de l'agitation de la
matiere fubtile qui les enuironne, elles fe vont glifler
a. Voir ci-avant, pages 237-238.
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217-218. Les METEoREs. — Discours VI. 203
& attacher contre les parcelles de glace voyfines, fans
pour cela fe detacher de celles a qui elles font defia
jointes, & ainfi les font approcher les vnes des autres.
Mais, pource que les parcelles qui compofent les
nuës, font ordinairement plus loin a loin que celles
qui compofent la neige qui eft fur terre, elles ne
péuuent ainfi s'approcher de quelques vnes de leurs
voyfines fans s’efloigner par mefme moyen de quelques
autres; ce qui fait qu'ayant efté auparauent efgalement
efparfes par l'air, elles fe diuifent aprés en plufieurs
petits tas ou floccons, qui deuienent d'autant plus
gros que les parties de la nuë ont efté plus ferrées, &
que la chaleur eft plus lente. Et mefme, lorsque
quelque vent, ou quelque dilatation de tout l'air qui
eft au deffus de la nuë, ou autre telle caufe fait que
les plus hauts de ces floccons defcendentles premiers,
ils s'attachent a ceux de deflous qu'ils rencontrent en
leur chemin, & ainfi les rendent plus gros. Aprés
_quoy la chaleur, en les condenfant & les appefantif-
fant de plus en plus, peut ayfement les faire defcendre
iufques a terre. Et lorfqu'ils y defcendent ainfi, fans
eftre fondus tout a fait, ils compofent de la neige;
mais fi l’air par où ils pañlent, eft fi chaud quil les
fonde, ainfi qu'il eft toufiours pendant l'efté, & fort
fouuent aux autres faifons en noftre climat, ils fe con-
uertiflent en pluie. Et il arriue auffy quelquefois qu a-
prés eftre ainfi fondus ou prefque fondus, il furuient
quelque vent froid qui, les gelant derechef, en fait de
la grefle.
Or cete grefle peut eftre de plufieurs fortes : car,
premierement, fi le vent froid qui la caufe rencontre
*
204 OŒEuvREs DE DESCARTES. 218-219.
des gouttes d'eau defia formées, il en fait des grains
de glace tous tranfparens & tous ronds, excepté qu'il
les rend quelquefois vn peu plats du cofté qu'il les
poufle. Et s'il rencontre des floccons de neige prefque
fondus, mais qui ne foient point encore arondis en
gouttes d’eau, alors il en fait cete grefle cornuë, &
de diuerfes figures irregulieres, dont quelquefois les
grains fe trouuent fort gros, a caufe qu’ils font formés
par va vent froid qui, chaflant la nuë de haut en bas,
poufñle plufieurs de fes floccons l'vn contre l’autre, &
les gele tous en vne mafle. Et il eft icy a remarquer
que, lorfque ce vent approche de ces floccons qui fe
fondent, 1l fait que la chaleur de l'air qui les enui-
ronne, c’eft a dire la matiere fubtile la plus agitée | &
la moins fubtile qui foit en cet air, fe retire dans leurs
pores, a caufe quil ne les peut pas du tout fi toft
penetrer. En mefme façon que fur terre, quelquefois,
lorfqu'il arriue tout a coup vn vent ou vne pluie qui
rafroidift l'air de dehors, il entre plus de chaleur
qu'auparauant dans les maifons. Et la chaleur, qui eft
dans les pores de ces floccons, fe tient plutoft vers
leurs fuperficies que vers leurs centres, d'autant que
la matiere fubtile qui la caufe y peut mieux conti-
nuer fes mouuemens; & là, elle les fond de plus en
plus, vn peu deuant qu’ils commencent derechef a fe
geler; & mefme les plus liquides, c'eft a dire les plus
agitées de leurs parties qui fe trouuent ailleurs, tendent
aufly vers là; au lieu que celles qui n'ont pas loyfir
de fe fondre demeurent au centre. D'où vient que le
dehors de chafque grain de cete grefle, eftant ordinai-
rement compofé d'vne glace continuë & tranfparente,
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à:
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219-220. Les METEORESs. — Discours VI. 294
il y a dans le milieu vn peu de neige, ainfi que vous
pourrés voir en les caflant.Et pource qu'elle ne tombe
quafi iamais qu'en efté, cecy vous affurera que les
nuës peuuent eftre, pour lors, compofées de parcelles
de glace auffy bien que l'hyuer. Mais la raifon qui em-
pefche qu'il ne peut gueres tomber en hyuer de telle
grefle, au moins dont les grains foient vn peu gros, eft
qu'il n'arriue gueres aflés de chaleur iufques aux nuës
pour cet eflect, finon lorfqu'elles font fi bafles que
leur matiere, eftant fondue ou prefque fondue, n’au-
roit pas le tems de fe geler derechef, auant que d'eftre
defcendue iufques a terre. Que fi la neige n'eft point
encore fi fondue, mais feulement vn peu refchauftée
& ramollie, lorfque le vent froid, qui la conuertift en
grefle, furuient, |elle ne fe rend point du tout tranfpa-
rente, mais demeure blanche comme du fucre. Et fi
les floccons de cete neige font aflés petis, comme de
la groffeur d’vn pois ou au deflous, chafcun fe conuer-
tift en vn grain de grefle qui eft affés rond. Mais s'ils
font plus gros, ils fe fendent & fe diuifent en plufieurs
grains tous pointus en forme de pyramides. Car la
chaleur, qui fe retire dans les pores de ces floccons,
au moment qu vn vent froid commence a les enuiron-
ner, condenfe & referre toutes leurs parties, en tirant
de leurs circonferences vers leurs centres, ce qui les
fait deuenir aflés ronds, & le froid, les penetrant
aufly toft aprés, & les gelant, les rend beaucoup plus
durs que neft la neige. Et pource que, lorfqu'ils font
vn peu gros, la chaleur qu'ils ont au dedans continue
encore de faire que leurs parties interieures fe re-
ferrent & fe condenfent, en tirant toufiours vers le
206 OEuvres DE DESCARTES. 220-221.
centre, aprés que les exterieures font tellement dur-
cies & engelées par le froid qu'elles ne les peuuent
fuiure, il eft neceflaire qu'ils fe fendent en dedans,
fuiuant des plans ou lignes droites qui tendent vers le
centre, & que, leurs fentes s’augmentant de plus en
plus a mefure que le froid penetre plus auant, enfin
ils s'efclatent & fe diuifent en plufieurs pieces poin-
tues, qui font autant de grains de grefle. le ne deter-
mine point en combien de tels grains chafcun fe peut
diuifer; mais il me femble que, pour l'ordinaire, ce
doit eftre en 8 pour le moins, & qu'ils fe peuuent
aufly peuteftre diuifer en douze ou 20 ou 24, mais en-
core mieux en trente deux, ou mefme en beaucoup
plus grand nombre, felon qu'ils font plus gros, &
d'vne neige plus fubtile, & que le froid, qui les con-
uertift en grefle, |eft plus afpre & vient plus a coup. Et
j'ay obferué plus d'vne fois de telle grefle, dont les
grains auoient a peu prés la figure des fegmens d'vne
boule diuifée en huit parties efgales par trois feétions
qui sentrecouppent au centre a angles droits. Puis
j'en ay aufly obferué d'autres, qui, eftans plus longs
& plus petis, fembloient eftre enuiron le quart de ceux
là, bien que, leurs querres s’eftant émouflées & aron-
dies en fe referrant, ils euflent quafi la figure d'vn
pain de fucre. Et ray obferué aufly que deuant ou
aprés, ou mefme parmi ces grains de grefle, il en tom-
boit communement quelques autres qui eftoient rons.
Mais les diuerfes figures de cete grefle n’ont encore
rien de curieux ny de remarquable, a comparaifon de
celles de la neige qui fe fait de ces petis nœuds ou
pelotons de glace arrengés par le vent en forme de
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j
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221-222. Les METEORES. — Discours VI. 297
feuilles, en la façon que ray tantoft defcrite. Car,
lorfque la chaleur commence a fondre les petis poils
de ces feuilles, elle abat premierement ceux du deffus
& du deflous, a caufe que ce font les plus expofés a
fon action, & fait que le peu de liqueur, qui en fort,
fe refpand fur leurs fuperficies, où il remplift aufly
toft les petites inefgalités qui s’y trouuent, & ainfi les
rend aufly plates & polies que font celles des cors li-
quides, nonobftant qu'il s'y regele tout aufly toft, a
caufe que, fi la chaleur n'eft point plus grande qu'il eft
befoin pour faire que ces petis poils, eftant enuiron-
nés d’air tout autour, fe degelent, fans qu'il fe fonde
rien dauantage, elle ne l'eft pas aflés pour empefcher
que leur matiere ne fe regele, quand elle eft fur ces
fuperficies qui font de glace. Aprés cela, cete chaleur
ramolifflant & flefchifflant aufly les petis poils qui
reftent autour de chafque nœud dans le circuit où il
eft enuironné de fix autres femblables a luy, elle fait
que ceux de ces poils, qui font les plus efloignés des
fix nœuds voyfins, fe plians indifleremment ça & là, fe
vont tous ioindre a ceux qui font vis a vis de ces fix
nœuds; car ceux cy, eftans rafroidis par la proximité
de ces nœuds, ne peuuent fe fondre, mais tout au con-
traire font geler derechef la matiere des autres, fitoft
qu elle eft meflée parmi la leur. Au moyen de quoy, il
fe forme fix pointes ou rayons autour de chafque
nœud, qui peuuent auoir diuerfes figures felon que
les nœuds font plus ou moins gros & preflés, & leurs
_poils plus ou moins fors & longs, & la chaleur qui les
55; q
aflemble plus ou moins lente & moderée; & felon
aufly que le vent qui accompaigne cete chaleur, fi au
Ë Œuvres. I. 38
208 OEUVRES DE DESCARTES. 223-223.
moins elle eft accompaignée de quelque vent, eft plus
ou moins fort. Et ainfi la face exterieure de la nuéë,
qui eftoit auparauant telle qu'on voit vers Z ou vers
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M, deuient, par aprés, telle qu'on voit vers O ou vers
Q, & chafcune des parcelles de glace dont elle eft
compofée, a la figure d’vne petite rofe ou eftoile fort
bien taillée.
Mais, affin que vous ne penfiés pas que ie n'en
parle que par opinion, ie vous veux faire icy le rap-
port d'vne obferuation que j'en ay faite l’hyuer pañlé
163$. Le quatriefme de Feurier, l'air ayant efté aupa-
rauant extremement froid, il tomba le foir a Amfter-
dam, où r'eftois pour lors, vn peu de verglas, c'eft a
dire de pluie qui fe geloit en arriuant contre la terre;
& aprés, il fuiuit vne grefle fort menue, dont ie iugay
que les grains, qui n'eftoient qu a peu prés de la grof-
feur qu'ils font reprefentés vers H, eftoient des gouttes
de la mefme pluie qui s’eftoient gelées au haut de
l'air. Toutefois, au lieu d'eftre exaétement rons comme
fans doute ces gouttes auoient efté, ils auoient vn
cofté notablement plus plat que l’autre, en forte qu'ils
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223-224. Les MErEoREs. — Discours VI. 299
reflembloient prefque en figure la partie de noftre œil
qu'on nomme l'humeur criftaline. D'où ie connu que
le vent, qui eftoit lors tres grand & tres froid, auoit
eu la force de changer ainfi ia figure des gouttes en
les gelant. Mais ce qui m'eftonna le plus de tout, fut
qu'entre ceux de ces grains qui tomberent les der-
niers, ien remarquay quelques vns qui auoient au-
tour de foy fix petites dens, femblables a celles des
rouës des horologes, ainfi que vous voyés vers I. Et
ces dens eftant fort blanches, comme du fucre, au lieu
que les grains, qui eftoient de glace tranfparente,
fembloient prefque noirs, elles paroifloient manifef-
tement eftre faites d'vne neige fort fubtile qui s’eftoit
attachée autour| d'eux depuis qu'ils eftoient formés,
ainfi que s'attache la gelée blanche autour des plantes.
Et ie connu cecy d'autant plus clairement de ce que,
tout a la fin, j'en rencontray vn ou deux qui auoient
autour de foy plufieurs petits poils fans nombre, com-
pofés d'vne neige plus pale & plus fubtile que celle
des petites dens qui eftoient autour des autres, en
forte qu'elle luy pouuoit eftre comparée en mefme
façon que la cendre non foulée, dont fe couurent les
charbons en fe confumant, a celle qui eft recuite &°
entaflée dans le foièr*. Seulement auois-ie de la peine
a imaginer qui pouuoit auoir formé & compafñé fi
iuftement ces fix dens autour de chafque grain dans le
milieu d'vn air libre & pendant l'agitation d'vn fort
grand vent, iufques a ce qu'enfin ie confideray que ce
vent auoit pu facilement emporter quelques vns de
ces grains au deflous ou au delà de quelque nuë, &
a. « fuier » D.
300 Œuvres DE DESCARTES. 224-205.
les y fouftenir, a caufe qu'ils efloient affés petits; &
que là ils auoient deu s’arrenger en telle forte, que
chafcun d'eux | fuft enuironné de fix autres fitués en vn
mefme plan, fuiuant l'ordre ordinaire de la nature. Et,
de plus, qu'il eftoit bien vrayfemblable que la chaleur,
qui auoit deu eftre vn peu auparauant au haut de l'air,
pour caufer la pluie que r'auois obferuée, y auoit auffy
efmeu quelques vapeurs que ce mefme vent auoit
chaflées contre ces grains, où elles s'eftoient gelées
en forme de petits poils fort deliés, & auoient mefme
peuteftre aydé a les fouftenir : en forte qu'ils auotent
pü facilement demeurer là fufpendus, iufques a ce
qu'il fuft derechef furuenu quelque chaleur. Et que,
cete chaleur fondant d'abbord tous les poils qui ef-
toient autour de chafque grain, excepté ceux qui
s'efloient trouués vis a vis du milieu de quelqu'vn des
fix autres grains qui l'enuironnoient, a caufe que leur
froideur auoit empefché fon ation, la matiere de ces
poils fondus s’efloit meflée aufly toft parmi les fix tas
de ceux qui eftoient demeurés, & les ayant, par ce
moyen, fortifiés & rendus d'autant moins penetrables
a la chaleur, elle s’eftoit gelée parmi eux, & ils auoient
‘ ainfi compofé ces fix dens. Au lieu que les poils fans
nombre que r'auois vü autour de quelques vns des
derniers grains qui eftoient tombés, n’auoient point du
tout efté attains par cete chaleur. Le lendemain matin,
fur les huit heures, r'obferuay encore vne autre forte
de grefle, ou plutoft de neige, dont ie n'auois iamais
ouy parler. C'eftoient de petites lames de glace toutes
plates, fort polies, fort tranfparentes, enuiron de l’ef-
paifleur d'vne feuille d'affés gros papier, & de la gran-
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225-226. Les METEORES. — Discours VI. 301
deur qu'elles fe voyent vers K, mais fi parfaitement
taillées en hexagones, & dont les fix coftés eftoient fi
droits, & les fix angles fi efgaux, qu’il eft impoñlible
aux hommes de rien faire de fi exact. le vis bien in-
continent que ces lames auoient deu eftre premiere-
ment de petits pelotons de glace, arrengés comme ray
tantoft dit, & preflés par vn vent tres fort,accompagné
d'aflés de chaleur, en forte que cete chaleur auoit
fondu tous leurs poils, & auoit tellement rempli tous
leurs pores de l'humidité qui en eftoit fortie, que de
blancs, qu'ils auoient efté auparauant, ils eftoient de-
uenus tranfparens; & que ce vent les auoit a mefme
tems fi fort preflés les vns contre les autres, qu'il
n'eftoit demeuré aucun efpace entre deux, & quil
auoit aufly applani leurs fuperficies en pañlant par
deffus & par deffous, & ainfi leur auoit iuftement donné
la figure de ces lames. Seulement reftoit il vn peu de
difficulté, en ce que, ces pelotons de glace ayant efté
ainfi demi fondus & a mefme tems preflés l'vn contre
l'autre, ils ne s’'eftoient point collés enfemble pour
cela, mais eftoient demeurés tous feparés; ear, quoy
que 1 y prifle garde expreflement, ie n'en pü iamais
rencontrer deux qui tinfent l’vn a l'autre. Mais ie me
fatisfis bientoft là deflus, en confiderant de quelle fa-
çon le vent agite toufiours & fait plier fuccefliuement
toutes les parties de la fuperficie de l’eau, en coulant
_ par deflus, fans la rendre pour cela rude ou inefgale.
Car ie connu de là qu'infalliblement il fait plier &
ondoyer en mefme forte les fuperficies des nuës, &
qu'y remuant continuellement chafque parcelle de
glace, vn peu autrement que fes voyfines, il ne leur
*
FL ON AAA RUE LES TR
302 OEUVRES DE DESCARTES. 226-227.
permet pas de fe coller enfemble tout a fait, encore
qu'il ne les defarrenge point pour cela, & qu'il ne
laifle pas cependant d'applanir & de polir leurs | pe-
tites fuperficies : en mefme façon que nous voyons
quelquefois qu'il polift celle des ondes qu'il fait en
la poufliere d'vne campaigne. Aprés cete nuë, il en
vint vne autre, qui ne produifoit que de petites rozes
ou rouës a fix dens arondies en demis cercles, telles
HAE E +
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qu'on les voit vers Q, & qui eftoient toutes tranfpa-
rentes & toutes plates, a peu prés de mefme efpaif-
feur que les lames qui auoient precedé, & les mieux
taillées & compañlées qu'il foit poflible d'imaginer.
Mefme rapperceu, au milieu de quelques vnes, vn
point blanc fort petit, quon euft pü dire eftre la
marque du pied du compas dont on s’eftoit ferui pour
les arondir. Mais il me fut ayfé de iuger qu'elles s’ef-
toient formées de la mefme façon que ces lames, ex-
cepté que, le vent les ayant beaucoup moins preflées,
& la chaleur ayant peuteftre aufly efté vn peu moindre,
leurs pointes ne s’eftoient pas fondués tout a fait, mais
feulement vn peu racourcies & arondies par le bout
20
227-208. Les METEORES. — Discours VI. 303
en forme de dens. Et pour le point blanc qui paroiffoit
au milieu de quelques vnes, ie né doutois point qu'il
ne procedaft de ce que la chaleur, qui de blanches les
auoit rendues tranfparentes, auoit efté fi mediocre,
qu'elle n'auoit pas du tout penctré iufques a leur
centre. Il fuiuit, aprés, plufieurs autres telles rouës,
jointes deux a deux par vn aiflieu, ou plutoft, a caufe
que du commencement ces aiffieux eftoient fort gros,
on euft pù dire que c'efloient autant de petites co-
lomnes de criftal, dont chafque bout eftoit orné d'yne
rofe a fix feuilles, vn peu plus large que leur baze.
Mais il en tomba, par aprés, de plus deliés, & fouuent
les rofes ou eftoiles qui eftoient a leurs extremités
eftoient inefgales. Puis il en tomba aufly de plus cours,
& encore de plus cours par degrés, iufques a ce
qu'enfin ces eftoiles fe ioignirent tout a fait, & il en
tomba de doubles a douze pointes ou rayons affés
longs & parfaitement bien compañlés, aux vnes tous
efgaux, & aux autres alternatiuement inefgaux, comme
on les voit vers-F & vers E. Et tout cecy me donna
occafion de confiderer que les parcelles de glace, qui
font de deux diuers plans ou feuilles pofées l'vne fur
l'autre dans les nuës, fe peuuent attacher enfemble
plus ayfement que celles d'yne mefme feuille. Car,
bien que le vent, agiflant d'ordinaire plus fort contre
les plus bafles de ces feuilles que contre les plus
hautes, les face mouuoir vn peu plus vifte, ainfi quil
a efté tantoft remarqué, neanmoins il peut aufly quel-
quefois agir contre elles d'efgale force, & les faire
ondoyer de mefme façon : principalement lorfqu'il
n y en a que deux ou trois l'vne fur l'autre, & lors, fe
ist.
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Pres
304 OEuvREs DE DESCARTES, 228-229.
criblant par les enuirons des pelotons qui les com-
pofent, il fait que ceux de ces pelotons|qui fe cor-
refpondent en diuerfes feuilles, fe -tienent toufiours
comme immobiles vis a vis les vns des autres, non-
obftant l'agitation & ondoyement de ces feuilles, a
caufe que par ce moyen le paflage luy eft plus ayfé.
Et cependant la chaleur, n’eftant pas moins empef-
chée, par la proximité des pelotons de deux diuerfes
feuilles, de fondre ceux de leurs poils qui fe regardent,
que par la proximité de ceux d’vne mefme, ne fond
que les autres poils d’alentour, qui, fe meflans aufly-
toft parmi ceux qui demeurent, & s'y regelant, com-
pofent les aiflieux ou colomnes qui ioignent ces petits
pelotons, au mefme tems qu'ils fe changent en rozes
ou en eftoiles. Et ie ne m'eflonnay point de la grof-
feur que 1'auois remarquée au commencement en ces
colomnes, encore que ie connuffe bien que la matiere
des petits poils qui auoient efté autour de deux
pelotons, n'auoit pù fuflire pour les compofer : car
ie penfay qu'il y auoit eu peuteftre quatre ou cinq
feuilles l'vne fur l'autre, & que la chaleur, ayant agi
plus fort contre les deux ou trois du milieu, que contre
la premiere & la derniere, a caufe qu'elles eftoient
moins expolées au vent, auoit prefque entierement -
fondu les pelotons qui les compofoient, & en auoit
formé ces colomnes.le ne m'eftonnay point, non plus,
de voir fouuent deux eftoiles d'inefgale grandeur
iointes enfemble; car, prenant garde que les rayons
de la plus grande eftoient toufiours plus longs & plus
pointus que ceux de l'autre, ie iugeois que la caufe
en eftoit que la chaleur, ayant efté plus forte autour
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229-230. Les METEORESs. — Discours VI. 30$
de la plus petite que de l’autre, auoit dauantage fondu
& émouffé les pointes de ces rayons ; ou bien que
cete plus petite pouuoit aufly auoir efté compofée
d'vn peloton de glace plus petit. Enfin, ie ne m’efton-
nay point de ces eftoiles doubles a douze rayons, qui
tomberent aprés; car ie iugay que chafeune auoit efté
compofée de deux fimples a fix rayons, par la chaleur
qui, eftant plus forte entre les deux feuilles où elles
eftoient qu'au dehors, auoit entierement fondu les
petits filets de glace qui les conioignoient, & ainfy les
auoit collées enfemble; comme aufly elle auoit ac-
courcy ceux qui conioignoient les autres, que r'auois
vù tomber immediatement auparauant. Or, entre plu-
fieurs miliers de ces petites eftoiles que ie confideray
ce 1our là, quoy que 1 y prifle garde expreflement, ie
n'en pü iamais remarquer aucune qui euft plus ou
moins de fix rayons, excepté vn fort petit nombre de
ces doubles qui en auoient douze, & quatre ou cinq
autres qui en auoient huit. Et celles ey n'efloient pas
exactement rondes, ainfy que toutes les autres, mais
vn peu en ouale, & entierement telles qu'on les peut
voir vers O; d'où ie iugay qu'elles s'eftoient formées
en la conionction des extremités de deux feuilles, que
le vent auoit pouflées l'vne contre l’autre au mefme
tems que la chaleur conuertifloit leurs petits pelotons
en eftoiles. Car elles auoient exactement la figure que
cela doit caufer, & cete conionétion, fe faifant fui-
uant vne ligne toute droite, ne peut eftre tant empef-
chée par l'ondoyement que caufent les vens, que celle
des parcelles d'vne mefme feuille ; outre que la cha-
leur peut aufly eftre plus grande entre les bords de
Œuvres. I. 30
300 OŒEuvREs DE DESCARTES. 13030
ces feuilles, quand elles s’approchent l'vne de l'autre,
qu'aux autres lieux ; & cete chaleur ayant a demi fondu
les parcelles de glace qui y font, le froid qui luy fuc-
cede, au mo ment qu'elles commencent a fe toucher,
les peut ayfement coller enfemble. Au refte, outre les
eftoiles dont ray parlé iufques icy, qui eftoient tranf-
parentes, il en tomba vne infinité d'autres ce iour là,
qui efloient toutes blanches comme du fuere, & dont
quelques vnes auoient a peu prés mefme figure que
les tranfparentes ; mais la plufpart auoient leurs
rayons plus pointus & plus deliés, & fouuent diuifés,
tantoft en trois branches, dont les deux des coftés
eftoient repliées en dehors de part & d'autre, & celle
du milieu demeuroit droite, en forte qu'elles repre-
fentoient vne fleur de lis, comme on peut voir vers R;
& tantoft en plufieurs, qui reprefentoient des plumes,
ou des feuilles de fougere, ou chofes femblables. Et
il tomboit aufly, parmi ces efloiles, plufieurs autres
parcelles de glace en forme de filets, & fans autre
figure determinée. Dont toutes les caufes font ayfées
a entendre; car, pour la blancheur de ces eftoiles, elle
ne procedoit que de ce que la chaleur n'auoit point
penetré iufques au fonds de leur matiere, ainfi quil
eftoit manifefte de ce que toutes celles qui eftoient
fort minces eftoient tranfparentes. Et fi quelquefois
les rayons des blanches n'eftoient pas moins cours &
moufles que ceux des tranfparentes, ce n’eftoit pas
qu'ils fe fuflent autant fondus a la chaleur, mais
qu'ils auoient eflé dauantage preflés par les vens; &
communement ils eftoient plus longs & pointus, a
caufe qu'ils s'efloient moins fondus. Et lorfque ces
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30
_ 231-282. Les METEoREs. — Discours VI. 307
rayons eftoient diuifés en plufieurs branches, c'eftoit
que la chaleur auoit abandonné les petits poils qui
les compofoient, fitoit qu'ils auoient commencé a
s'approcher les vns des autres pour s'aflembler.Et lors
qu'ils |eftoient feulement diuifés en trois branches,
c'eftoit qu'elle les auoit abandonnés vn peu plus tard;
& les deux branches des coftés se replioient de part
& d'autre en dehors lorfque cete chaleur fe retiroit,
a caufe que la proximité de la branche du milieu les
rendoit incontinent plus froides & moins flexibles de
fon cofté, ce qui formoit chafque rayon en fleur de
lis. Et les parcelles de glace qui n’auoient aucune fi-
gure determinée m afluroient que toutes les nuës n'’ef-
toient pas compofées de petits nœus ou pelotons,
mais qu'il y en auoit aufiy qui n'efloient faites que de
filets confufement entremeflés. Pour la caufe qui fai-
foit defcendre ces eftoiles, la violence du vent qui
continua tout ce iour là me la rendoit fort manifefte;
car ie iugeois quil pouuoit ayfement les defarrenger
& rompre les feuilles qu'elles compofoient, aprés les
auoir faites; & que, fitoft qu'elles eftoient ainfi defar-
rengées, penchant quelqu'vn de leurs coftés vers la
terre, elles pouuoient facilement fendre l'air, a caufe
quelles eftoient toutes plates, & fe trouuoient aflés
pefantes pour defcendre. Mais, s'il tombe quelquefois
de ces eftoiles en tems calme, c'eft que l'air de def-
fous, en fe referrant, attire a foy toute la nuë, ou que
celuy de deffus, en fe dilatant, la pouffe en bas, & par
mefme moyen les defarrenge : d'où vient que pour
lors elles ont couftume d'eftre fuiuies de plus de neige,
ce qui n'arriua point ce iour là. Le matin fuiuant, il
308 OEUVRES DE DESCARTES. 232-233.
tomba des floccons de neige, qui fembloient eftre com-
pofés d'vn nombre infini de fort petites eftoiles iointes
enfemble; toutefois, en y regardant de plus prés, 1e
trouuay que celles du dedans n'efloient pas fi regu-
lierement formées que celles du deffus, & qu'elles
pouuoient ayfement proceder de la diflolution d'vne
nuë femblable a celle qui a efté cy-deffus marquée G*.
Puis, cete neige ayant ceflé, vn vent fubit en forme
d'orage fit tomber vn peu de grefle blanche, fort
longue & menuë, dont chafque grain auoit la figure
d’vn pain de fucre; & l’air deuenant clair & ferein
tout aufly toft, ie iugay que cete grefle s’eftoit formée
de la plus haute partie des nuës, dont la neige eftoit
fort fubtile &compofée de filets fort deliés, en la façon
que i'ay tantoft defcrite. Enfin, a trois iours de là,
voyant tomber de la neige toute compofée de petits
nœuds ou pelotons enuironnés d'vn grand nombre de
poils entremeflés & qui n’auoient aucune forme d'ef-
toiles, ie me confirmay en la creance de tout ce que.
l'auois imaginé touchant cete matiere.
Pour les nuës qui ne font compofées que de gouttes
d'eau, 1l eft ayfé a entendre, de ce que 1'ay dit, com-
ment elles defcendent en pluie : a fçauoir, ou par leur
propre pefanteur, lorfque leurs gouttes fe trouuent
aflés grofles ; ou parce que l'air qui eft deflous, en fe
retirant, ou celuy qui eft deffus, en les preffant, leur
donnent occafion de s'abaiffer; ou parce que plufieurs
de ces caufes concourent enfemble. Et c'eft quand l’air
du deffous fe retire, que fe fait la pluie la plus menuë
qui puifleeftre ; car mefme elle eft alors quelquefois fi
a. « Voyés en la figure de la page 214. » (Fig. p. 290 ci-avant.)
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25
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233-234. Les MErEOoREs. — Discours VI. 309
menuë, qu'on ne dit pas que ce foit de la pluie, mais
plutoft vn brouillar qui defcend ; comme, au contraire,
elle fe fait fort groffe, quand la nuë ne s'abaïfle qu'a
caufe qu'elle eft preflée par l'air du deflus ; car les
plus hautes de fes gouttes, defcendant les premieres,
en rencontrent d'autres qui les|grofliflent. Et de plus,
lay vû quelquefois en efté, pendant vn tems calme
accompagné d'vne chaleur pefante & eftoufante, qu'il
commençoit a tomber de telle pluie, auant mefme
quil euft paru aucune nuë; dont la caufe eftoit qu y
ayant en l'air beaucoup de vapeurs, qui fans doute
eftoient preflées par les vens des autres lieux, ainfi
que le calme & la pefanteur de l'air le tefmoignoient,
les gouttes en quoy ces vapeurs fe conuertifloient de-
uenoient fort grofles en tombant, & tomboient a me-
fure qu’elles fe formoient.
Pour les brouillars, lorfque la terre en fe refroi-
diflant, & l'air qui eft dans fes pores fe referrant, leur
donne moyen de s'abaifler, ils fe conuertiflent en
rozée, s'ils font compofés de gouttes d'eau, & en
bruine ou gelée blanche, s'ils font compofés de va-
peurs defia gelées, ou plutoft qui fe gelent a mefure
qu'elles touchent la terre. Et cecy arriue principa-
lement la nuit ou le matin, a caufe que c'eft le tems
que la terre, en s’efloignant du foleil, fe refroidift.
Mais le vent abat auffy fort fouuent les brouillas, en
furuenant aux lieux où ils font; & mefme il peut
tranfporter leur matiere, & en faire de la rozée ou de
la gelée blanche, en ceux où ils n'ont point efté aper-
ceus ; & on voit alors que cete gelée ne s'attache aux
plantes que fur les coftés que le vent touche.
310 OEUVRES DE DESCARTES. , 214-235.
Pour le ferein, qui ne tombe iamais que le foir, &
ne fe connoift que par les reumes & les maux de tefte
qu'il caufe en quelques contrées, il ne confifte qu'en
certaines exhalaifons fubtiles & penetrantes, qui,
eftant plus fixes que les vapeurs, ne s’efleuent qu'aux
païs aflés chauds & aux beaux iours, & qui retombent
tout auffy toft que|la chaleur du foleil les abandonne;
d'où vient qu'il a diuerfes qualités en diuers païs, &
qu'il eft mefme inconnu en plufieurs, felon les difte-
rences des terres d'où fortent ces exhalaifons. Et ie
ne dis pas qu'il ne foit fouuent accompagné de la
rozée, qui commence a tomber dés le foir, mais bien
que ce n'eft nullement elle qui caufe les maux dont
on l'accufe. Ce font aufly des exhalaifons qui com-
pofent la manne, & les autres tels fucs, qui defcen-
dent de l'air pendant la nuit; car, pour les vapeurs,
elles ne fçauroient fe changer en autre chofe qu'en
eau ou en glace. Et ces fucs non feulement font di-
uers en diuers païs, mais aufly quelques vns ne s'at-
tachent qu'a certains cors, a caufe que leurs parties
font fans doute de telle figure, qu'elles n’ont pas aflés
de prife contre les autres pour s'y arefter.
Que fi la rozée ne tombe point, & qu'on voye au
matin les brouillas s'efleuer en haut & laifler la terre
toute efluiée, c'eft figne de pluie; car cela n’arriue
gueres que lorfque la terre, ne s'eftant point aflés
refroidie la nuit, ou eftant extraordinairement ef-
chauflée le matin, produift quantité de vapeurs, qui,
repouffant ces brouillas vers le ciel, font que leurs
gouttes, en fe rencontrant, fe grofiflent & fe difpofent
a tomber en pluie bientoft aprés. C'eft aufly vn figne
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235-236. Les METEoREs. — Discours VI. 311
de pluie de voir que, noître air eftant fort chargé de
nuës, le foleil ne laiffe pas de paroiftre aflés clair dés
le matin; car c'eft a dire qu'il n'y a point d'autres
nuës en l'air voyfin du noftre vers l'Orient, qui em-
pefchent que la chaleur du foleil ne condenfe celles
qui font au deflus de nous, & mefme aufly qu’elle
n'efleue de nouuelles vapeurs de noftre terre qui les
augmentent. Mais, cete caufe n'ayant lieu que le matin,
s'il ne pleut point auant midy, elle ne peut rien faire
iuger de ce qui arriuera vers le foir. le ne diray rien
de plufieurs autres fignes de pluie qu'on obferue, a
caufe qu'ils font pour la plufpart fort incertains ; &
fi vous confiderés que la mefme chaleur qui eft ordi-
nairement requile pour condenfer les nuës & en tirer
de la pluie, les peut aufly tout au contraire dilater &
changer en vapeurs, qui quelquefois fe perdent en
l'air infenfiblement, & quelquefois y caufent des vens,
felon que les parties de ces nuës fe trouuent vn peu
plus preflées ou efcartées, & que cete chaleur eft vn |
peu plus ou moins accompagnée d'humidité, & que e
l'air qui eft aux enuirons fe dilate plus ou moins, ou |
fe condenfe, vous connoiftrés bien que toutes ces
chofes font trop variables & incertaines, pour eftre
afleurement preueuës par les hommes.
312 Œuvres DE DESCARTES. 236-237.
DES TEMPESTES DE ’PAREOMDRE
ET DE TOVS LES AVTRES FEVX QVI S'ALLVMENT
ÉNEALEATR:
Difcours Septiefme.
Au refte, ce n'est pas feulement quand les nuës fe
difloluent en vapeurs, qu'elles caufent des vens, mais
elles peuuent aufly quelquefois s’abaifler fi a coup,
qu'elles chaffent auec grande violence tout l'air qui eft
fous|elles, & en compofent vn vent tres fort, mais peu
durable, dont limitation fe peut voir en eftendant
vn voile vn peu haut en l'air, puis de là le laiffant def-
cendre tout plat vers la terre. Les fortes pluies font
prefque toufiours precedées par vn tel vent, qui agift
manifeftement de haut en bas, & dont la froideur
monftre aflés qu'il vient des nuës, où l’air eft com-
munement plus froid qu’autour de nous. Et c’eft ce
vent qui eft caufe que, lorfque les hirondelles volent
fort bas, elles nous auertiffent de la pluie; car il fait
defcendre certains moufcherons dont elles viuent,
qui ont couftume de prendre l'effort, & de s’efgayer
au haut de l'air, quand il fait beau. C'eft luy aufly
qui quelquefois, lors mefme que, la nuë eftant fort
petite ou ne s'abaïflant que fort peu, il eft fi foible
qu'on ne le fent quafi pas en l'air libre, s’entonnant
dans les tuyaus des cheminées, fait iouer les cendres
& les feftus qui fe trouuent au coin du feu, & y excite
20
237-258. Les METEoREs. — Discours VII. 313
À
comme de petits tourbillons affés admirables pour
ceux qui en ignorent la caufe, & qui font ordinai-
rement fuiuis de quelque pluie. Mais, fi la nue qui
defcend eft fort pefante & fort eftenduë (comme elle
peut eftre plus ayfement fur les grandes mers qu'aux
autres lieux, a caufe que, les vapeurs y eftant fort
efgalement difperfées, fitoftqu'il s'y forme la moindre
nuë en quelque endroit, elle s'eftend incontinent en
tous les autres circonuoyfins), cela caufe infallible-
ment vne tempefte; laquelle eft d'autant plus forte,
que la nuë eft plus grande & plus pefante; & dure
d'autant plus longtems, que la nuë defcend de plus
haut. Et c'eft ainfi que ie m'imagine que fe font ces
trauades, que les mariniers craignent tant | en leurs
grans voyafges, particulierement vn peu au delà du
cap de Bonne Efperance, où les vapeurs qui s'efle-
uent de la mer Ethiopique, qui eft fort large & fort
efchauflée par le foleil, peuuent ayfement caufer vn
vent d'abas, qui, areftant le cours naturel de celles
qui vienent de la mer des Indes, les affemble en vne
nue, laquelle, procedant de l'inefgalité qui eft entre
ces deux grandes mers & cete terre, doit deuenir in-
continent beaucoup plus grande que celles qui fe
forment en ces quartiers, où elles dependent de plu-
fieurs moindres inefgalités, qui font entre nos pleines
& nos lacs & nos montaignes. Et pource qu'il ne fe
voit quafi iamais d’autres nues en ces lieux là, fi toft
que les mariniers y en apperçoiuent quelqu'vne qui
commence a fe former, bien qu'elle paroifle quelque-
fois fi petite que les Flamens l'ont comparée a l'œil
d'vn beuf, duquel ils luy ont donné le nom, & que le
Œuvres. I, 40
.
314 OEUVRES DE DESCARTES. 238-230.
refte de l’air femble fort calme & fort ferein, ils fe haf-
tent d'abatre leurs voiles, & fe preparent a receuoir
vne tempefte, qui ne manque pas de fuiure tout aufly
toit. Et mefme ie iuge qu'elle doit eftre d'autant plus
grande, que cete nue a paru au commencement plus
petite ; car, ne pouuant deuenir aflés efpaifle pour
obfeurcir l'air & eftre vifible, fans deuenir aufly aflés
grande, elle ne peut paroiftre ainfi petite qu'a caufe
de fon extreme diflance ; & vous fçaués que, plus vn
cors pefant defcend de haut, plus fa cheute eft impe-
tueufe. Ainfi cete nue, eftant fort haute, & deuenant
fubitement fort grande & fort pefante, defcend toute
entiere, en chaflant auec grande violence tout l'air
qui eft fous elle, & caufant par ce moyen le vent
d'vne tempefte. Mefme il eft a remarquer que |les
vapeurs meflées parmi cet air font dilatées par fon
agitation, & quil en fort aufly pour lors plufieurs
autres de la mer, a caufe de l'agitation de fes vagues,
ce qui augmente beaucoup la force du vent, &, retar-
dant la defcente de la nue, fait durer l'orage d'autant
plus longtems. Puis aufly, qu'il y a d'ordinaire des
exhalaifons meflées parmi ces vapeurs, qui ne pou-
uant eftre chaflées fi loin qu'elles par la nuë, a caufe
que leurs parties font moins folides & ont des figures
plus irregulieres, en font feparées par l'agitation de
l'air, en mefme façon que, comme il a efté dit cy
deflus, en battant la creme on fepare le beurre du
petit lait; & que, par ce moyen, elles s'aflemblent par
cy par là en diuers tas, qui, flotans toufiours le plus
haut qu'il fe peut contre la nue, vienent enfin s'atta-
cher aux chordes & aux mats des nauires, lors qu'elle
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séélatilh de sodtiilen
PT
TRUE Bee AS ET Loose
nl
Les Mereores. — Discours VII. 3 LS
acheue de defcendre. Et là, eftant embrafés par cete
violente agitation, ils compofent ces feux nommés de
Saint Helme, qui confolent les matelots, & leur font
efperer le beau tems. Il eft vray que fouuent ces tem-
peftes font en leur plus grande force vers la fin, &
qu'il peut y auoir plufieurs nues l'vne fur l’autre, fous
chafcune defquelles il fe trouue de tels feux; ce qui
a peuteftre eflé la caufe pourquoy, les anciens n'en
voyant qu'vn, qu'ils nommoient l’aftre d'Helene, ils
l'eftimoient de mauuais augure, comme s'ils euffent
encore attendu alors le plus fort de la tempefte; au
lieu que, lorfquils en voyoient deux, qu'ils nom-
moient Caftor & Pollux, 1ls les prenoient pour vn bon
prefage; car c'eftoit ordinairement le plus qu'ils en
viflent, excepté peuteftre lorfque l'orage eftoit extror-
dinairement grand, qu'ils en voyoient trois, & les efli-
moient aufly, a caufe de cela, de mauuais augure. Tou-
tefois, 1ay ouy dire a nos mariniers qu'ils en voyent
quelquefois iufques au nombre de quatre ou de cinq,
peuteftre a caufe que leurs vaifleaux font plus grans,
& ont plus de mats que ceux des anciens, ou qu'ils
voyafgent en des lieux où les exhalaifons font plus
frequentes. Car enfin ie ne puis rien dire que par
coniecture de ce qui fe fait dans les grandes mers,
. que ie n'ay iamais veues & dont ie n'ay que des rela-
tions fort imparfaites.
Mais pour les orages qui font accompaignés de ton-
nerre, d'efclairs, de tourbillons & de foudre, def-
quels i'ay pü voir quelques exemples fur terre, ie ne
doute point qu'ils ne foient caufés de ce qu'y ayant
plufieurs nues l’vne fur l'autre, il arriue quelquefois
PL
Rem sé LS es >
310 OEuvres DE DESCARTES. Pen
que les plus hautes defcendent fort a coup fur les.
plus bafles. Comme, fi, les deux nues À & B n'eftant
compofées que de neige fort rare & fort eftendue,
il fe trouue vn air plus
chaud autour de la fu-
perieure À, qu'autour de
l'inferieure B, il eft eui-
dent que la chaleur de
cet air la peut condenfer
& appefantir peu a peu,
en telle forte que les plus hautes de fes parties, com-
mençant les premieres a defcendre, en abbatront
ou entraifneront auec foy quantité d'autres, qui tom-
beront aufly toft toutes enfemble auec vn grand bruit
fur l’inferieure. En mefme | façon que ie me fouuien
d'auoir vü autrefois dans les Alpes, enuiron le mois
de May, que les neiges eftant efchauffées & appefan-
ties par le foleil, la moindre efmotion d'air eftoit fuf-
fifante pour en faire tomber fubitement de gros tas,
qu’on nommoit, ce me femble, des aualanches, & qui,
retentiflant dans les valées, imitoient aflés bien le
bruit du tonnerre. En fuite de quoy, on peut entendre
pourquoy il tonne plus rarement en ces quartiers
l'hyuer que l’efté ; car il ne paruient pas alors fi ay-
fement aflés de chaleur iufques aux plus hautes nues,
pour les difloudre. Et pourquoy, lorfque pendant les
grandes chaleurs, aprés vn vent Septentrional qui
dure fort peu, on fent derechef vne chaleur moite &
eftouflante, c'eft figne qu'il fuiura bientoft du ton-
nerre : car cela tefmoigne que ce vent Septentrional,
ayant pañlé contre la terre, en a chaffé la chaleur vers
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241-242. Les Mereores. — Discours VII. Sid
l'endroit de l'air où fe forment les plus hautes nues,
& qu'en eflant, aprés, chaffé luy mefme, vers celuy
où fe forment les plus bafles, par la dilatation de l'air
inferieur que caufent les vapeurs chaudes qu'il con-
tient, non feulement les plus hautes en fe condenfant
doiuent defcendre, mais aufly les plus baffes, demeu-
rant fort rares, & mefme eftant comme foufleuées &
repouflées par cete dilatation de l'air inferieur, leur
doiuent refifter en telle forte, que fouuent elles
peuuent empefcher qu'il n'en tombe aucune partie
iufques a terre. Et notés que le bruit, qui fe fait ainfi
au deflus de nous, fe doit mieux entendre, a caufe de
la refonnance de l'air, & eftre plus grand, a raifon de
la neige qui tombe, que n'eft celuy des aualanches.
Puis notés aufly que, de cela feul que les parties des
_nues fuperieures | tombent toutes enfemble, ou l'vne
aprés l’autre, ou plus vifte, ou plus lentement, & que
les inferieures font plus ou moins grandes & efpaiffes,
& refiftent plus ou moins fort, tous les differens bruits
du tonnerre peuuent ayfement eftre caufés. Pour les
differences des efclairs, des tourbillons & de la
foudre, elles ne dependent que de la nature des exha-
laifons qui fe trouuent en l'efpace qui eft entre deux
nuës, & de la façon que la fuperieure tombe fur
l'autre. Car, s'il a precedé de grandes chaleurs & fei-
cherefles, en forte que cet efpace contiene quantité
d'exhalaifons fort fubtiles & fort difpofées à s'en-
flamer, la nuë fuperieure ne peut quafi eftre fi petite,
ny defcendre fi lentement que, chaffant l'air qui ef
entre elle & l'inferieure, elle n’en face fortir vn ef-
clair, c'eft a dire vne flame legere qui fe diflipe a
318 OŒEuvREs DE DESCARTES. 242-245.
l'heure mefme. En forte qu'on peut voir alors de tels
efclairs fans ouïr aucunement le bruit du tonnerre;
& mefme auffy, quelquefois, fans que les nues foient
aflés efpaifles pour eftre vifibles. Comme, au con-
traire, s'il n'y a point en l'air d'exhalaifons qui foient 5
propres a s'enflamer, on peut ouiïr le bruit du ton-
nerre fans qu'il paroïfle, pour cela, aucun efclair. Et
lorfque la plus haute nuë ne tombe que par pieces qui
s'entrefuiuent, elle ne caufe gueres que des efclairs &
du tonnerre ; mais lorfqu'elle tombe toute entiere & 50
affés vifte, elle peut caufer, auec cela, des tourbil-
lons & de la foudre. Car il faut remarquer que {es
extremités, comme C & D, fe doiuent abaïfler vn peu
plus vifte que le milieu, d'autant que l'air qui eft def-
fous, ayant moins de chemin a faire pour en fortir, 15
leur cede plus ayfement, & ainfi que, venant a toucher.
la nue inferieure plutoft que|ne fait le milieu, il s en-
ja
ES RESES can:
SNS
ferme beaucoup d'air entre deux, comme on voit icy
vers E ; puis, cet air eftant preflé & chaflé auec
grande force par ce milieu de la nue fuperieure qui 0
continue encore a defcendre, il doit neceflairement
rompre l'inferieure pour en fortir, comme on voit vers
F; ou entrouurir quelqu'vne de fes extremités, comme.
on voit vers G. Et lorfqu'il a rompu ainfi cete nue, il
245-244. Les METEOoREs. — Discours VII. 319
defcend auec grande force vers la terre, puis, de la,
remonte en tournoyant, a caufe qu'il trouue de la
refiftence de tous coftés, qui l’empefche de continuer
fon mouuement en ligne droite aufly vifte que fon
agitation le requert. Et ainfi il compofe vn tourbillon,
qui peut neftre point accompaigné de foudre ny d’ef-
clairs, sil n'y a point en cet air d'exhalaifons qui
foient propres a s'enflamer; mais, lorfqu'il yen a,
elles s’afflemblent toutes en vn tas, & eftant chaffées
fort impetueufement auec cet air vers la terre, elles
compofent la foudre. Et cete foudre peut brufler les
habits & razer le poil fans nuire au cors, fi ces exhalai-
fons, qui ont ordinairelment l'odeur du fouffre, ne font
que grafles & huileufes, en forte qu'elles compofent
vne flame legere qui ne s'attache qu'aux cors ayfés a
brufler. Comme, au contraire, elle peut rompre les
os fans endommager les chairs, ou fondre l'efpée fans
gafter le fourreau, fi ces exhalaifons, eftant fort fub-
tiles & penetrantes, ne participent que de la nature
des fels volatiles ou des eaux fortes, au moyen de
quoy, ne faifant aucun eflort contre les cors qui leur
cedent, elles brifent & difloluent tous ceux qui leur
font beaucoup de refiftence : ainfi qu'on voit l'eau
forte difloudre les metaux les plus durs, & n'agir point
contre la cire. Enfin, la foudre fe peut quelquefois
conuertir en vne pierre fort dure, qui romp & fra-
_ cafle tout ce qu'elle rencontre, fi, parmi ces exhalai-
fons fort penetrantes, il y en a quantité de ces autres
qui font grafles & enfouffrées : principalement s'il y
en a aufly de plus groflieres, femblables a cete terre
qu'on trouue au fonds de l'eau de pluie, lorfqu'on la
320 ŒUVRES DE DESCARTES. 244-245.
laifle rafleoir en quelque vaze: ainfi qu'on peut voir,
par experience, qu'ayant meflé certaines portions de
cete terre, de falpetre & de fouffre, fi on met le feu
en cete compofition, il s'en forme fubitement vne
pierre. Que fi la nuë s'ouure par le cofté, comme vers
G, la foudre, eftant eflancée de trauers, rencontre plu-
toft les pointes des tours ou des rochers que les lieux
bas, comme on voit vers H. Mais, lors mefme que la
nue fe romp par le deffous, il y a raifon pourquoy la
foudre tombe plutoft fur les lieux hauts & eminens que
fur les autres : car, fi, par exemple, la nue B n'eft point
d'ailleurs plus difpofée a fe rompre en vn endroit
qu'en vn autre, il eft certain qu'elle fe deura rompre
Len celuy qui eft marqué F, a caufe de la refiftence du
clocher qui eft au deflous. Il y a aufly raifon pourquoy
chafque coup de tonnerre eft d'ordinaire fuiui d'vne
ondée de pluie, & pourquoy, lorfque cete pluie vient
fort abondante, il ne tonne gueres plus dauantage :
car, fi la force, dont la nue fuperieure esbranfle l'in-
ferieure en tombant deflus, eft aflés grande pour la
faire toute defcendre, il eft euident que le tonnerre
doit cefler; & fi elle eft moindre, elle ne laïfle pas
d'en pouuoir fouuent faire fortir plufieurs floccons
de neige, qui, fe fondant en l'air, font de la pluie.
Enfin, ce n'eft pas fans raifon qu'on tient que le grand
bruit, comme des cloches ou des canons, peut dimi-
nuer l'effect de la foudre; car il ayde a difiper & faire
tomber la nue inferieure, en esbranflant la neige dont
elle eft compofée. Ainfi que fçauent aflés ceux qui
ont couftume de voyafger dans les valées où les aua-
lanches font a craindre; car ils s'abftienent mefme de
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245-246. Les METEORES. —— Discours VII. 321
parler & de toufler en y paflant, de peur que le bruit
de leur voix n'efmeuue la neige.
| Mais, comme nous auons defia remarqué, qu'il
efclaire quelquefois fans qu'il tonne, ainfi, aux en-
droits de l'air où il fe rencontre beaucoup d'exha-
laifons & peu de vapeurs, il fe peut former des nues
fi peu efpaifles & fi legeres que, tombant d’aflés haut
l’vne fur l'autre, elles ne font ouir aucun tonnerre,
ny n'excitent en l'air aucun orage, nonobftant qu'elles
enueloppent & ioignent enfemble plufieurs exhalai-
fons, dont elles compofent non feulement de ces
moindres flames qu'on diroit eftre des eftoiles qui
tombent du ciel, ou d'autres qui le trauerfent, mais
aufly des boules de feu affés groffes, & qui, parue-
nant iufques a nous, font comme des diminutifs de
la foudre. Mefme, d'autant qu'il y a des exhalaifons
de plufieurs diuerfes natures, ie ne iuge pas qu'il foit
impoflible que les nues, en les preffant, n'en com-
pofent quelquefois vne matiere qui, felon la couleur
& la confiftence qu'elle aura, femble du lait, ou du
fang, ou de la chair ; ou bien qui, en fe bruflant, de-
uiene telle qu on la prene pour du fer, ou des pierres;
ou enfin, qui, en fe corrompant, engendre quelques
petits animaux en peu de tems: ainfi qu'onlift fouuent,
entre les prodiges, qu'il a plü du fer, ou du fang, ou
des fauterelles, ou chofes femblables. De plus, fans
qu'il y ait en l'air aucune nue, les exhalaifons peuuent
eftre entaflées & embrafées par le feul foufile des
vens, principalement lorfquil y en a deux ou plu-
fieurs contraires qui fe rencontrent. Et enfin, fans
vens & fans nues, par cela feul qu'vne exhalaifon
Œuvres. I, 41
22 OEuvRESs DE DESCARTES. 246-247.
fubtile & penetrante, qui tient de la nature des fels,
s'infinue dans les pores d'vne autre, qui eft grafle &
enfouffrée, il fe peut former des flames legeres tant
au haut qu'au bas de l'air: comme on y voit au haut
ces eftoiles qui le trauerfent, & au bas, tant ces ar-
dans ou feux folets qui s'y iouent, que ces autres qui
s'areftent a certains cors, comme aux cheueux des
enfans, ou au crin des cheuaux, ou aux pointes des
picques qu'on a frotées d'huile pour les nettoyer, ou
a chofes femblables. Car il eft certain que non feu-
lement vne violente agitation, mais fouuent aufly le
feul meflange de deux diuers cors eft fuffifant pour les
embrafer : comme on voit en verfant de l’eau fur de
la chaux, ou renfermant du foin auant qu'il foit fec,
ou en vne infinité d'autres exemples qui fe rencon-
trent tous les iours en la Chymie. Mais tous ces feux
ont fort peu de force a comparaifon de la foudre ;
dont la raifon eft qu'ils ne font compofés que des plus
molles & plus gluantes parties des huiles, nonobftant
que les plus viues & plus penetrantes des fels con-
courent ordinairement aufly a les produire. Car celles
cy ne s’areftent pas pour cela parmi les autres, mais
s'efcartent promptement en l'air libre, aprés quelles
les ont embrafées ; au lieu que la foudre eft principa-
lement compofée de ces plus viues & penetrantes,
qui, eftant fort violemment preflées & chaffées par les
nuës, emportent les autres auec foy iufqu'a terre. Et
ceux qui fçauent combien le feu du falpetre & du
fouffre meflés enfemble a de force & de vitefle, au
lieu que la partie grafle du foufire, eftant feparée de
fes efprits, en auroit fort peu, ne trouueront en cecy
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247-248. LEs METEORES. — Discours VII. 323
rien de douteux. Pour la durée des feux qui s'areftent
ou voltigent autour de nous, elle peut eftre plus ou
moins longue, felon que leur flame eft plus ou moins
lente, & leur matiere plus ou moins efpaifle & ferrée.
| Mais pour celle des feux qui ne fe voyent qu'au haut
de l'air, elle ne fçauroit eftre que fort courte, a caufe
que, fi leur matiere n'eftoit fort rare, leur pefanteur
les feroit defcendre. Et ie trouue que les Philofophes
ont eu raifon de les comparer a cete flame qu'on voit
courir tout du long de la fumée qui fort-d'vn flambeau
qu'on vient d'efteindre, lorfqu'eftant approchée d'vn
autre flambeau, elle s'allume. Mais ie m'eftonne fort
qu'aprés cela, 1ls ayent pü s'imaginer que les Co-
metes & les colomnes ou cheurons de feu, qu'on voit
quelquefois dans le ciel, fuflent compofées d'exha-
laifons ; car elles durent incomparablement plus
longtems.
Et pourceque 1'ay tafché d'expliquer curieufement
leur production & leur nature dans vn autre traité, &
que ie ne croy point qu'elles appartienent aux me-
teores, non plus que les tremblemens de terre & les
mineraux, que plufieurs efcriuains y entaflent, ie ne
parleray plus icy que de certaines lumieres, qui,
paroïffant la nuit pendant vn tems calme & ferein,
donnent fuiet aux peuples oyfifs d'imaginer des efqua-
drons de fantofmes qui combattent en l'air, & auf-
quels ils font prefager la perte ou la viétoire du parti
qu'ils affectionnent, felon que la crainte ou l'efperance
predomine en leur fantaifie. Mefme, a caufe que ie
n'ay iamais vü de tels fpectacles, & que ie fçay com-
bien les relations qu'on en fait ont couftume d'eftre
324 OEUVRES DE DESCARTES. 248-240.
falfifiées & augmentées par la fuperftition & l'igno-
rance, ie me contenteray de toucher en peu de mots
toutes les caufes qui me femblent capables de les pro-
duire. La premiere eft qu'il y ait en l'air plufeurs
nues, aflés petites pour eftre prifes pour autant de
folldats, & qui, tombant l'vne fur l’autre, enueloppent
affés d'exhalaifons pour caufer quantité de petis ef-
clairs, & ietter de petits feux, & peuteftre auffy faire
ouir de petits bruits, au moyen de quoy ces foldats
femblent combatre. La feconde, qu'il y ait auffy en
l'air de telles nuës, mais qu'au lieu de tomber l'vne
fur l’autre, elles reçoiuent leur lumiere des feux & des
efclairs de quelque grande tempefte, qui fe face ail-
leurs fi loin de là, qu'elle n'y puiffe eftre apperceue.
Et la troifiefme, que ces nuës, ou quelques autres
plus feptentrionales, de qui elles reçoiuent leur lu-
miere, foient fi hautes que les rayons du foleil par-
uienent iufques a elles; car, fi on prend garde aux
refractions & reflexions que deux ou trois telles nuës
peuuent caufer, on trouuera qu'elles n'ont point be-
foin d'eftre fort hautes, pour faire paroiftre vers le
Septentrion de telles lumieres, aprés que l'heure du
crepufcule eft pañlée, & quelquefois aufly le foleil
mefme, au tems qu'il doit eftre couché. Mais cecy ne
femble pas tant appartenir a ce difcours qu'aux fui-
uans, où 1ay deflein de parler de toutes les chofes
qu'on peut voir dans l'air fans qu'elles y foient, aprés
auoir icy acheué l'explication de toutes celles qui s'y
voyent en mefme façon qu'elles y font.
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* hdi ie
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EE
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250. Les METEOoREs. — Discours VIIT. 32
7
DE L'ARC-EN-CIEL.
Difcours Huitiefme.
L'Arc-en-ciel eft vne merueille de la nature fi re-
marquable, & fa caufe a efté de tout tems fi curieu-
fement recherchée par les bons efprits, & fi peu
connuë, que ie ne fçaurois choifir de matiere plus
propre a faire voir comment, par la methode dont ie
me fers, on peut venir a des connoiffances que ceux
dont nous auons les efcrits n'ont point euës. Premie-
rement, ayant confideré que cet arc ne peut pas feu-
lement paroiftre dans le ciel, mais auffy en l'air
proche de nous, toutes fois & quantes qu'il s’y trouue
plufieurs gouttes d'eau efclairées par le foleil, ainfi
que l'experience fait voir en quelques fontaines, il m'a
efté ayfé de iuger qu'il ne procede que de la façon
que les rayons de la lumiere agiflent contre ces
gouttes, & de là tendent vers nos yeux. Puis, fçachant
que ces gouttes font rondes, ainfi qu’il a efté prouué
cy deflus, & voyant que, pour eftre plus groffes ou
plus petites, elles ne font point paroiftre cet arc
d'autre façon, ie me fuis auifé d'en faire vne fort
grofle, aflin de la pouuoir mieux examiner. Et ayant
rempli d'eau, a cet effect, vne grande fiole de verre
toute ronde & fort tranfparente, ray trouué que, le
foleil venant, par exemple, de la partie du ciel marquée
AFZ, & mon œil eftant au point E, lorfque ie mettois
*
320 OEuvrEes DE DESCARTES. 250-251.
cete boule en l'endroit BCD, fa partie D me paroif-
foit toute rouge & incomparablement plus efclatante
que le refte ; & que, foit que lie l'approchaffe, foit que
ie la reculafle, & que ie la miffe a droit ou a gauche,
ou mefme la fifle tourner en rond autour de ma tefte,
Se
==
pouruû que la ligne DE fift toufiours vn angle d'en-
uiron 42 degrés auec la ligne EM, qu'il faut ima-
giner tendre du centre de l'œil vers celuy du foleil,
cete partie D paroifloit toufiours efgalement rouge:
mais que, fitoft que ie faifois cet angle DEM tant foit
peu plus grand, cete rougeur difparoïfloit ; & que, fi
ie le faifois vn peu moindre, elle ne difparoiïfloit pas
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251-253. Les MerTeores: — Discours VIH. 327
du tout fi a coup, mais fe diuifoit auparauant comme
en deux parties moins brillantes, & dans lefquelles
on voyoit du jaune, du bleu, & d'autres couleurs.
Puis, regardant aufly vers l'endroit de cete boule qui
eft marqué K, 1'ay apperceu que, faifant l'angle KEM
d'enuiron ;2 degrés, cete partie K paroïfloit aufiy de
couleur rouge, mais non pas fi efclatante que D; &
que, le faifant quelque peu plus grand, il y parotfloit
d'autres couleurs plus foibles; mais que, le faifant
tant foit peu moindre, ou beaucoup plus grand, il
n'y en paroifloit plus aucune. D'où i'ay connû mani-
feftement que, tout l'air qui eft vers M eftant rempli
de telles boules, ou en leur place de gouttes d'eau, il
doit paroiftre vn point fort rouge & fort efclatant en
chafcune de celles de ces gouttes dont les lignes
tirées vers l'œil E font vn angle d'enuiron 42 degrés
auec EM, comme ie fuppofe celles qui font marquées
R; & que ces poins, eftans regardés tous enfemble,
fans qu'on remarque autrement le lieu où ils font que
par l'angle fous lequel ils fe voyent, doiuent paroiftre
comme vn cercle continu de couleur rouge ; & quil
doit y auoir tout de mefme des poins en celles qui
font marquées S & T, dont les lignes tirées vers E
font des angles vn peu plus aygus auec EM, qui com-
pofent des cercles de couleurs plus foibles, & que
c'eft en cecy que confifte le premier & principal arc-
en-ciel; puis, derechef, que, l'angle MEX eftant de
2 degrés, 1l doit paroiftre vn cercle rouge dans les
gouttes marquées X, & d'autres cercles de couleurs
plus foibles dans les gouttes marquées Y, & que c’eft
en cecy que confifte le fecond & moins | principal
328 OEUVRES DE DESCARTES. 253-254.
arc-en-ciel; & enfin, qu'en toutes les autres gouttes
marquées V, il ne doit paroiftre aucunes couleurs.
Examinant, aprés cela, plus particulierement en la
boule BCD ce qui faifoit que la partie D paroifloit
rouge, iay trouué que c'eftoient les rayons du foleil
qui, venans d’A vers B, fe courboient en entrant dans
l'eau au point B, & alloient vers C, d'où ils fe reflef-
chifloient vers D, & là fe courbans derechef en for-
_tant de l’eau, tendoient vers E : car, fitoft que ie met-
tois vn cors opaque | ou obfcur en quelque endroit
des lignes AB, BC, CD ou DE, cete couleur rouge
difparoifloit. Et quoy que ie couurifle toute la boule,
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254-255. Les METEOREsS. — Discours VIII. 329
excepté les deux poins B & D, & que ie mifle des
cors obfcurs partout ailleurs, pouruû que rien n'em-
pefchaft l'aétion des rayons ABCDE, elle ne laif-
foit pas de paroiftre. Puis, cherchant auffy ce qui
eftoit caufe du rouge qui paroifloit vers K, ï'ay
trouué que c'eftoient les rayons qui venoient d'F vers
G, où ils fe courboient vers H, & en H fe reflefchif-
foient vers I, & en I fe reflefchifloient derechef vers
K, puis enfin fe courboient au point K & tendoient
vers E. De façon que le premier arc-en-ciel eft caufé
par des rayons qui paruienent a l'œil aprés deux re-
fraétions & vne reflexion, & le fecond par d'autres
rayons qui n y paruienent qu aprés deux refraétions
& deux reflexions ; ce qui empefche qu'il ne paroïfle
tant que le premier.
Mais la principale difficulté reftoit encore, qui
eftoit de fçauoir pourquoy, y ayant plufieurs autres
rayons qui, aprés deux refractions & vne ou deux re-
flexions, peuuent tendre vers l'œil quand cete boule
eft en autre fituation, il n'y a toutefois que ceux dont
l'ay parlé, qui facent paroiftre quelques couleurs. Et
pour la refoudre, ray cherché s’il n’y auoit point
quelque autre fuiet où elles paruflent en mefme forte,
afin que, par la comparaifon de l'vn & de l'autre, ie
püfle mieux iuger de leur caufe. Puis, me fouuenant
qu vn prifme ou triangle de criftal en fait voir de
femblables, j'en ay confideré vn qui eftoit tel qu'eft
icy MNP, dont les deux fuperficies MN & NP font
toutes plates, & inclinées l’vne fur l’autre felon vn
angle d'enuiron 30 ou 40 degrés, en forte que, | fi les
rayons du foleil ABC trauerfent MN a angles droits
Œuvres. I. : 42
330 OŒEuvres DE DESCARTES, 255-256.
ou prefque droits, & ainfi n'y fouffrent aucune fen-
fible refraction, ils en doiuent fouffrir vne aflés grande
en fortant par NP. Et couurant
l'vne de ces deux fuperficies
d'vn cors obfcur, dans lequel
eftroite comme DE, ‘ay ob-
ferué que les rayons, pañlant
par cete ouuerture & de là s’al-
lant rendre fur vn linge ou pa-
pier blanc FGH, y peignent
toutes les couleurs de l'arc-
en-ciel; & qu'ils y peignent
toufiours le rouge vers F, & le
bleu ou le violet vers H. D'où l'ay appris, premiere-
ment, que la courbure des fuperficies des gouttes d'eau
n'eft point neceflaire a la production de ces couleurs,
car celles de ce criftal font toutes plates ; ny la gran-
deur de l'angle fous lequel elles paroiflent, car il peut
icy eftre changé fans qu'elles changent, & bien qu'on
puifle faire que les rayons qui vont vers F fe courbent
tantoft plus & tantoft moins que ceux qui vont vers
H, ils ne laiflent pas de peindre toufiours du rouge,
& ceux qui vont vers H toufiours du bleu ; ny auffy la
reflexion, car il n'y en a icy aucune; ny enfin la plu-
ralité des refra@ions, car il n'y en a iey qu'vne feule.
Mais j'ay iugé qu'il y en falloit pour le | moins vne, &
mefme vne dont l'effect ne fuit point deftruit par vne
contraire ; car l'experience monftre que, fi les fuper-
ficies MN & NP efloient paralleles, les rayons, fe re-
dreflant autant en l’vne qu'ils fe pourroient courber
il y auoit vne ouuerture aflés.
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#4 AE TRE
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256-257. Les MeTEorEs. — Discours VIII. 331
en l'autre, ne produiroient point ces couleurs. Ie n ay
pas douté qu'il n'y falluft aufly de la lumiere; car
fans elle on ne voit rien. Et, outre cela, i'ay obferué
qu il y falloit de l'ombre, ou de la limitation a cete
lumiere ; Car, fi on ofte le cors obfeur qui eft fur NP,
les couleurs FGH ceffent de paroiftre; & fi on fait
l'ouuerture DE affés grande, le rouge, l'orangé & le
jaune, qui font vers F, ne s’eflendent pas plus loin
pour cela, non plus que le verd, le bleu & le violet,
qui font vers H, mais tout le furplus de l'efpace qui
eft entre deux vers G demeure blanc. En fuite de quoy,
j'ay tafché de connoiftre pourquoy ces couleurs font
autres vers H que vers F, nonobftant que la refraction
& l'ombre & la lumiere y concourent en mefme forte.
Et conceuant la nature de la lumiere telle que ie l'ay
deferite en la Dioptrique, a fçauoir comme l'aétion
ou le mouuement d'vne certaine matiere fort fubtile,
dont il faut imaginer les parties ainfi que de petites
boules qui roullent dans les pores des cors terreftres,
l'ay connû que ces boules peuuent rouller en diuerfes
façons, felon les diuerfes caufes qui les y determi-
nent; & en particulier, que toutes les refraélions qui
fe font vers vn mefme cofté les determinent a tourner
en mefme fens ; mais que, lorfqu'elles n'ont point de
voyfines qui fe meuuent notablement plus vifte ou
moins vifte qu'elles, leur tournoyement n eft qu'a peu
prés efgal a leur mouuement en ligne droite ; au lieu
que, lorfqu'ellles en ont d'vn cofté qui fe meuuent
moins vifte, & de l’autre qui fe meuuent plus ou efga-
lement vifte, ainfi qu'il arriue aux confins de l'ombre
& de la lumiere, fi elles rencontrent celles qui fe
332 OEUVRES DE DESCARTES. 257-258.
meuuent moins vifte, du cofté vers lequel elles roul-
lent, comme font celles qui compofent le rayon EH,
cela eft caufe qu'elles ne tour-
noyent pas fi vifte qu'elles fe
meuuent en ligne droite ; & c'eft
tout le contraire, lorfqu'elles
les rencontrent de l’autre cofté,
comme font celles du rayon
DF. Pour mieux entendre cecy,
penfés que la boule 1234 eft
pouflée d'V vers X, en telle
forte qu'elle ne va qu'en ligne
droite, & que fes deux coftés
1 & 3 defcendent efgalement
vifte iufques a la fuperficie de l'eau Y Y, où le mou-
uement du cofté marqué 3, qui la rencontre le pre-
mier, eft retardé, pendant que celuy du cofté marqué
1 continue encore, ce
Vu. qui eft caufe que toute
6%) se la boule commence in-
LT falliblement a tournoyer
fuiuant l'ordre des chif-
fres 123. Puis, imaginés
quelle eft enuironnée de
quatre autres, Q,R,S,T,
dont les deux Q &R ten-
dent, auec plus de force
qu elle, a fe mouuoir vers
X, & les deux autres S &
T y tendent auec moins de force. D'où il eft euident
que Q , |preflant fa partie marquée 1, & S, retenant
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258-250. Les METEORES. — Discours VIII. 333
celle qui eft marquée 3 ,augmentent fon tournoyement;
& que R &Tn y nuifent point, pource que R eft difpo-
fée a fe mouuoir vers X plus vifte qu'elle ne la fuit, &
Tn'eft pas difpofée a la fuiure fi vifte qu'elle la precede.
Ce qui explique l'aétion du rayon DF. Puis, tout au
contraire, fi Q & R tendent plus lentement qu'elle
vers X, & S & T y tendent plus fort, R empefche le
tournoyement de la partie marquée 1, & T celuy de
la partie 3, fans que les deux autres Q & S y facent
rien. Ce qui explique l'aétion du rayon EH. Mais il
eft a remarquer que, cete boule 1234 eftant fort
ronde, 1l peut ayfement arriuer que, lorfqu’elle eft
preflée vn peu fort par les deux R & T, elle fe reuire
en pirouëttant autour de l'aiflieu 42, au lieu d'arefter
fon tournoyement a leur occafion, & ainfi que, chan-
geant en vn moment de fituation, elle tournoye aprés
fuiuant l'ordre des chiffres 3 2 1 ; car les deux R&T,
qui l'ont fait commencer à fe détourner, l'obligent a
continuer iufques a ce qu'elle ait acheué vn demi tour
en ce fens la, & qu'elles puiflent augmenter fon tour-
noyement, au lieu de le retarder. Ce qui m'a ferui a
refoudre la principale de toutes les difficultés que
lay euës en cete matiere. Et 1l fe demonftre, ce me
femble, tres euidemment de tout cecy, que la na-
ture des coùleurs qui paroiflent vers F ne confifte
qu'en ce que les parties de la matiere fubtile, qui
tranfmet l’action de la lumiere, tendent a tournoyer
auec plus de force qu'a fe mouuoir en ligne droite ;
en forte que celles qui tendent a tourner beaucoup
plus fort, caufent la couleur rouge, & celles qui n'y
tendent qu vn peu plus fort, caufent la jaune. Comme,
334 OEUVRES DE DESCARTES. : 259-260.
au contraire, la nature de celles qui fe voyent vers H
ne confifte qu'en ce que ces petites parties ne tour-
noyent pas fi vifte qu'elles ont de couftume, lorfqu'il
n'y a point de caufe particuliere qui les en empefche;
en forte que le verd paroift où elles ne tournoyent
gueres moins vifte, & le bleu où elles tournoyent
beaucoup moins vifte. Et ordinairement aux extre-
mités de ce bleu, il fe mefle de l'incarnat, qui, luy
donnant de la viuacité & de l’efclat, le change en vio-
let ou couleur de pourpre. Ce qui vient fans doute de
ce que la mefme caufe, qui a couftume de’retarder le
tournoyement des parties de la matiere fubtile, eftant
alors aflés forte pour faire changer de fituation a
quelques vnes, le doitaugmenter en celles là, pendant
qu'elle diminue celuy des autres. Et, en tout cecy, la
raifon s'accorde fi parfaitement auec l'experience, que
ie ne croy pas qu'il foit poflible, aprés auoir bien con-
neu l'vne & l’autre, de douter que la chofe né foit telle
que ie viens de l'expliquer. Car, s'il eft vray que le
fentiment que nous auons de la lumiere foit caufé
par le mouuement ou l'inclination a fe mouuoir de
quelque matiere qui touche nos yeux, comme plu-
fieurs autres chofes tefmoignent, il eft certain que les
diuers mouuemens de cete matiere doiuent caufer en
nous diuers fentimens. Et comme il ne peut y auoir
d'autre diuerfité en ces mouuemens que celle que 1'ay
dite, auffy n'en trouuons nous point d'autre par ex-
perience, dans les fentimens que nous en auons, que
celle des couleurs. Et il n'eft pas pofñlible de trouuer
aucune chofe dans le criftal MN P qui puifle produire
des couleurs, que la façon dont il enuoye les petites
nt
|
20
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260-261, Les MeTEoREs, — Discours VII. 335
parties de la matiere fubtile vers le linge FGH, & de
là vers nos veux ; d’où il eft, ce me femble, affés eui-
dent qu'on ne doit chercher autre chofe non plus
dans les couleurs que les autres obiets font paroiftre :
çar l'experience ordinaire tefmoigne que la lumiere
ou le blanc, & l'ombre ou le noir, auec les couleurs
de l'iris qui ont efté icy expliquées, fufhfent pour
compofer.toutes les autres. Et ie ne fçaurois goufter
la diftinétion des Philofophes, quand ils difent qu'il
y en a qui font vrayes, & d'autres qui ne font que
faufles ou apparentes. Car toute leur vraye nature
n'eftant que de paroiftre, c'eft, ce me femble, vne con-
tradiction de dire | qu'elles font faufles & qu'elles pa-
roiflent. Mais i'auoue bien que l'ombre & la refraétion
ne font pas toufiours neceffaires pour les produire ; &
qu'en leur place, la groffeur, la figure, la fituation & le
mouuement des parties des cors qu’on nomme colorés,
peuuent concourir diuerfement
auec la lumiere, pour augmen-
ter ou diminuer le tournoye-
ment des parties de la matiere
fubtile. En forte que, mefme en
l'arc-en-ciel, i'ay douté d'abord
fi les couleurs s’y produifoient
tout a fait en mefme façon que
dans le criftal MNP; car ie
n'y remarquois point d'ombre
qui terminaft la lumiere, & ne
connoiflois point encore pour-
quoy elles ny paroifloient que fous certains angles,
jufques a ce qu'ayant pris la plume & calculé par
3 36 OEuvrEs DE DESCARTES. re.
le menu tous les rayons qui tombent fur les diuers
poins d'vne goutte d'eau, pour fçauoir fous quels an-
gles, aprés deux refraétions & vne ou deux reflexions,
ils peuuent venir vers nos yeux, 1 ay trouué qu aprés
vne reflexion & deux refraétions, 1l y en a beaucoup
plus qui peuuent eftre veus fous l'angle de 41 a 42
degrés, que fous aucun moindre; & qu'il n yen a
aucun qui puifle eftre vü fous vn plus grand. Puis,
j'ay trouué aufly qu'aprés deux reflexions & deux re-
frations, il y en a beaucoup plus qui vienent vers
l'œil fous l'angle de $1 a $2 degrés, que fous aucun
plus grand ; & qu'il n'y en a point qui vienent fous
vn moindre. De façon qu'il y a de l'ombre de part &
d'autre, qui termine la lumiere, laquelle, aprés auoir
pañlé par vne infinité de gouttes de pluie efclairées
par le foleil, vient vers l'œil fous l’angle de 42 degrés,
ou vn peu au deflous, & ainfi caufe le premier & prin-
cipal arc-en-ciel. Et il y en a aufly qui termine celle
qui vient fous l'angle de $1 degrés ou vn peu au
deffus, & caufe l’arc-en-ciel exterieur ; car, ne rece-
uoir point de rayons de lumiere en fes yeux, ou en
receuoir notablement moins d'vn obiet que d'vn autre
qui luy eft proche, c'eft voir de l'ombre. Ce qui
monftre clairement que les couleurs de ces arcs font
produites par la mefme caufe que celles qui paroif-
fent par l'ayde du criftal MNP, & que le demi dia-
metre de l'arc interieur ne doit point eftre plus grand
que de 42 degrés, ny celuy de l'exterieur plus petit
que de 1; & enfin, que le premier doit eftre bien
plus limité en fa fuperficie exterieure qu'en l'inte-
rieure; & le fecond tout au contraire, ainfi qu'il fe
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TT
262-263. Les METEORES. — Discours VIII. 27
“voit par experience. Mais, aflin que ceux qui fçauent
les mathematiques puiflent connoiftre fi le calcul que
l'ay fait de ces rayons eft aflés iufle, il faut icy que
ie l'explique.
Soit AFD vne goutte d'eau, dont ie diuife le demi
diametre CD ou AB en autant de parties efgales
que ie veux calculer
de rayons, afin d'at-
tribuer autant de lu-
miere aux vns qu aux
autres. Puis ie confi-
dere vn de ces rayons
en particulier, par
exemple EF, qui, au
lieu de pañer tout
droit vers G, fe dé-
tourne vers K, & fe
reflefchift de K vers
Nétéidenlà va vers
l'œil P; ou bien fe refleichift encore vne fois de
N vers Q, & de là fe détourne vers l'œil R. Et ayant
tiré CI a angles droits fur FK, ie connois, de ce
quiva elté dit en la Dioptrique, qu AE, ou HF, &
CI ont entre elles la proportion par laquelle la re-
fraétion de l’eau fe mefure. De façon que, f HF con-
tient 8000 parties, telles qu AB en contient 10000,
CI en contiendra enuiron de $984, | pourceque la
refraction de l’eau eft tant foit peu plus grande que
de trois a quatre, & pour le plus iuftement que r'aye
pû la mefurer, elle eft comme de 187 a 20. Ayant
ainfi les deux lignes HF & CI, ie connois ayfement
Œuvres. I. 43
|
338 OEuvREs DE DESCARTES. 263-264.
les deux arcs, FG qui eft de 73 degrés & 44 mi-
nutes, & FK qui eft de 106.30. Puis, oftant le double
de l'arc FK, de l'arc FG adioufté a 180 degrés, i'ay
40.44 pour la quantité de l’angle ON P, car ie fup-
pofe ON parallele a EF. Et oftant ces 40.44 d'FK, ray 5
65.46 pour l’angle SQR, car ie pofe auffy SQ paral-
lele a EF. Et calculant en mefme façon tous les autres
rayons paralleles a EF, qui paffent par les diuifions
du diametre AB, ie compofe la table fuiuante : |
LA LIGNE | LA LIGNE L'ANGLE | L'ANGLE
EE (CE ONP SQR
748 : 5401165745
1490 3 : II ONE
2244 : ; 17.56 130:
2992 : 6 22.30
3740 : 20. 27.92
4488 ; .4C 32.50
5236 dites E 37.20
5984 a x 40.44
6732 ; .22, | 40227
7480 u ; 13.40
Et il eft ayfé a voir, en cete table, qu'il y a bien
plus de rayons qui font l'angle ON P d'enuiron 40 de-
grés, qu'il n y en a qui le facent moindre; ou SQR
264-265. Les MErTeoREs. — Discours VIII. 339
d'enuiron ;4, qu'il n'y en a qui le facent plus grand.
Puis, affin de la rendre encore plus precife, ie fais :|
LA LIGNE | LA LIGNE L'ARC L'ANGLE L'ANGLE
HF CI FG ONP | SQR
8000 5984 73.44 ‘ 40.44 5.46
8100 6058 | 71.48 40.
8200 6133 69.50
8300 6208 67.48
8400 6283 65.
8500 6358
8600 6432
8700 6507
8800 6582
8900 6657
9000 | 6732
9100 6806
9200 6881
9300 6956
9400 7031
200%, || 7106
9600 7180
9700 7255
9800 7330
340 OEUVRES DE DESCARTES. 266.
[Et ie voy icy que le plus grand angle ONP peut
eftre de 41 degrés 30 minutes, & le plus petit SQR
de $1.$4, a quoy adiouftant ou oftant enuiron 17 mi-
nutes pour le demi diametre du foleil, ray 41.47
pour le plus grand demi diametre de l’arc-en-ciel in-
terieur, & $1.37 pour le plus petit de l'exterieur.
Il eft vray que, l’eau eftant chaude, fa refraction
eft tant foit peu moindre que lors qu'elle eft froide,
ce qui peut changer quelque chofe en ce calcul. Tou-
tefois, cela ne fçauroit augmenter le demi diametre
de l’arc-en-ciel interieur, que d’vn ou deux degrés
tout au plus ; & lors, celuy de l'exterieur fera de
prefque deux fois autant plus petit. Ce qui eft digne
d'eftre remarqué, pourceque, par là, on peut demon-
ftrer que la refraétion de l’eau ne peut eftre gueres
moindre, ny plus grande, que ie la fuppofe. Car, pour
peu qu'elle fuft plus grande, elle rendroit le demi dia-
metre de l'arc-en-ciel interieur moindre que 41 degrés,
au lieu que, par la creance commune, on luy en donne
45 ; &fi on la fuppofe aflés petite pour faire qu'il foit
veritablement de 45, on trouuera que celuy de l'exte-
rieur ne fera aufly gueres plus que de 4$, au lieu qu'il
paroift a l'œil beaucoup plus grand que celuy de
l'interieur. Et Maurolycus, qui ef, ie croy, le premier
qui a determiné l'vn de 4$ degrés, determine l’autre
d'enuiron $6. Ce qui monftre le peu de foy qu’on
doit adioufter aux obferuations qui ne font pas ac-
compagnées de la vraye raifon. Au refte, ie n’ay pas
eu de peine a connoiftre pourquoy le rouge eft en de-
hors de l’arc-en-ciel interieur, ny pourquoy il eft en
dedans en l'exterieur; car la mefme caufe pour la-
15
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266-268. Les MErEoREs. — Discours VIII. 341
quelle c'eft vers F, plutoft | que vers H, qu'il paroift
au trauers du criftal MNP, fait que fi, ayant l'œil en
la place du linge blanc FGH,
on regarde ce criftal, on y verra
le rouge vers fa partie plus ef-
paifle MP, & le bleu vers N,
pource que le rayon teint de
rouge qui va vers F, vient de
C, la partie du foleil la plus
auancéemvers MEET cete
mefme caufe fait auffy que le
centre des gouttes d'eau, & par
confequent leur plus efpaiffe
partie, eftant en dehors au ref-
pect des poins colorés qui forment l'arc-en-ciel inte-
rieur, le rouge y doit paroiftre en dehors ; & qu'eftant
en dedans au refpeét de ceux qui forment l'exterieur,
le rouge y doit aufly paroiftre en dedans.
Ainfi 1e croy qu il ne refte plus aucune difficulté en
cete matiere, fi ce n'eft peuteftre touchant les irre-
gularités qui s y rencontrent : comme, lorfque l'arc
neft pas exattement rond, ou que fon centre n'’eft
pas en la ligne droite qui pafle par l'œil & le foleil,
ce qui peut arriuer fi les vens changent la figure des
gouttes de pluie; car elles ne fçauroient perdre fi peu
de leur rondeur, que cela ne face vne notable diffe-
rence en l'angle fous lequel les couleurs doiuent pa-
roiftre. On a vû aufly quelquefois, a | ce qu'on m'a
dit, vn arc en ciel tellement renuerfé que fes cornes
eftoient tournées vers en hault, comme eft icy repre-
. fenté FF. Ce que ie ne fçaurois iuger eftre arriué que
342 OEuvrEs DE DESCARTES. 268-260.
par la reflexion des rayons du foleil donnans fur
l'eau de la mer, ou de quelque lac. Comme fi, venans
de la partie du ciel SS, ils tombent fur l'eau DAE, &,
de là, fe reflefchiffent vers la pluie CF, l'œil B verra
l'arc FF, dont le centre eft au point C, en forte que,
CB eftant prolongée iufques a A, & AS pañflant par
le centre du foleil, les angles SAD & BAE foient
efgaux, & que l'angle CBF foit d'enuiron 42 degrés.
Toutefois, il eft auffy requis a cet effect, qu'il n’y ait
point du tout de vent qui trouble la face de l'eau vers
E, & peuteftre auec cela qu'il y ait quelque nué,
comme G, qui empefche que la lumiere du foleil,
allant en ligne droite vers la pluie, n’efface celle que
cete eau E y enuoye : d'où vient quil n'arriue que
rarement. Outre cela, l'œil peut eftre en telle] fitua-
tion, au refpeét du Soleil & de la pluie, qu'on verra
la partie inferieure qui acheue le cercle de l’arc-en-
ciel, fans voir la fuperieure; & ainfi qu'on la prendra
pour vn arc renuerfé, nonobftant qu'on ne la verra
pas vers le ciel, mais vers l'eau, ou vers la terre.
On m'a dit aufly auoir vû quelquefois vn troifiefme
20
269-270. Les METEOoREs. — Discours VIII. 343
arc-en-ciel au deflus des deux ordinaires, mais qui
eftoit beaucoup plus foible, & enuiron autant efloigné
du fecond que le fecond du premier. Ce que ie ne
iuge pas pouuoir eftre arriué, fi ce n'eft qu'il y ait eu
des grains de grefle fort ronds & fort tranfparens,
meflés parmi la pluie, dans lefquels la refraétion
eftant notablement plus grande que dans l’eau, l’arc-
en-ciel exterieur aura deu y eftre beaucoup plus
grand, & ainfi paroiftre au deflus de l’autre. Et pour
l'interieur, qui par mefme raifon aura deu eftre plus
petit que l'interieur de la pluie, il fe peut faire qu'il
n'aura point efté remarqué, a caufe du grand luftre
de cetuy cy; ou bien que, leurs extremités s'eftant
iointes, on ne les aura contés tous deux que pour vn,
mais pour vn dont les couleurs auront efté autrement
difpofées qu'à l'ordinaire.
Et cecy me fait fouuenir d'vne inuention pour faire
paroiftre des fignes dans le ciel, qui pourroient caufer
grande admiration a ceux qui en ignoreroient les rai-
fons. Ie fuppofe que vous fçaués defia la façon de
faire voir l'arc-en-ciel par le moyen d'vne fontaine.
Comme, fi l'eau qui fort par les petits trous ABC,
fautant aflés haut, s'efpand en l'air de tous coftés
vers R, & que le foleil foit vers Z, en forte que, ZEM
eftant ligne droite, l'angle MER puiffe eftre d'enuiron
42 degrés, l'œil E ne manquera pas de voir l'iris vers
R, tout femblable a celuy qui paroift dans le ciel. A
quoy il faut maintenent adioufter qu'il y a des huiles,
des eaux de vie, & d’autres liqueurs, dans lefquelles
la refraétion fe fait notablement plus grande ou plus
petite qu'en l'eau commune, & qui ne font pas pour
344 OEUVRES DE DESCARTES. 270-271.
cela moins claires & tranfparentes. En forte qu'on
pourroit difpofer par ordre plufeurs fontaines, dans
lefquelles y ayant diuerfes de ces liqueurs, on y ver-
roit par leur moyen toute vne grande partie du ciel
pleine des couleurs de l'iris : a fçauoir en faifant que
les liqueurs dont la refraétion feroit la plus grande,
fuflent les plus proches des fpectateurs, & qu’elles
ne s'efleuaflent point fi hault, qu'elles empefchaffent
la veuë de celles qui feroient derriere. Puis, a caufe
que, fermant vne partie des troux ABC, on peut faire
difparoiftre telle partie de l'iris RR qu'on veut, fans
ofter les autres, il eft ayfé a entendre que, tout de
mefme, ouurant & fermant a propos les troux de ces
diuerfes fontaines, on pourra faire que ce qui pa-
roiftra coloré ait la figure d'vne croix, ou d'vne
colomne, ou de quelque autre telle chofe qui donne
fuiet d'admiration. Mais r'auoue qu'il y faudroit de
l'adreffe & de la defpenfe, afin de proportionner ces
fontaines, & faire que les liqueurs y fautaffent fi hault,
que ces figures peuffent eftre veuës de fort loin par
tout vn peuple, fans que l’artifice s'en découurift.
10
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271-272. Les METEORES. — Discours IX. 345
DEEAYCOMIEVR DESANVES:
EIMDES CERCLES OV COVRONNES OMON VOIT
QVELQVEFOIS ANTONVRDESSASIRRES:
Dufcours Neufiefme.
Aprés ce que 1 ay dit de la nature des couleurs, ie
ne croy pas auoir beaucoup de chofes a adioufter tou-
chant celles qu'on voit dans les nuës. Car, premiere-
ment, pour ce qui eft de leur blancheur & de leur
obfcurité ou noirceur, elle ne procede que de ce qu'elles
font plus ou moins expoñées a la lumiere des aftres,
ou a l'ombre, tant d'elles mefmes que de leurs voy-
fines. Et il y a feulement icy deux chofes a remarquer.
Dont l'vne eft que les fuperficies des cors tranfparens
font reflefchir vne partie des rayons qui vienent vers
elles, ainfi que ray dit cy deflus*; ce qui eft caufe que
la lumiere peut mieux penetrer au trauers de trois
picques d'eau, qu'elle ne fait au trauers d'vn peu d’ef-
cume, qui neft toutefois autre chofe que de l’eau,
mais en laquelle il y a plufieurs fuperficies, dont la
premiere faifant reflefchir vne partie de |cete lumiere,
& la feconde vne autre partie, & ainfi de fuite, il n’en
refte bientoft plus du tout, ou prefque plus, qui pañle
outre. Et c'eft ainfi que ny le verre pilé, ny la neige, ny
les nuës lorfqu'elles font vn peu efpaifles, ne peuuent
eftre tranfparentes. L'autre chofe qu'il y a icy a re-
a. Pages 196-107 ci-avant.
Œuvres. I. 44
340 Œuvres DE DESCARTES. 272-273.
marquer, eft qu'encore que l’aétion des cors lumineux
ne foit que de pouffer en ligne droite la matiere fub-
tile qui touche nos yeux, toutefois le mouuement or-
dinaire des petites parties de cete matiere, au moins
de celles qui font en l'air autour de nous, eft de
rouller en mefme façon qu'vne bale roulle eftant a
terre,encore qu’on ne l'ait pouflée qu'en ligne droite.
Et ce font proprement les cors qui les font rouller en
cete forte, qu'on nomme blancs; comme font, fans
doute, tous ceux qui ne manquent d'eftre tranfparens
qu'a caufe de la multitude de leurs fuperficies, tels
que font l'efcume, le verre pilé, la neige & les nuës.
En fuite de quoy on peut entendre pourquoy le ciel,
eftant fort pur & defchargé de tous nuages, paroift
bleu, pouruù qu'on fçache que, de luy mefme, il ne
rend aucune clarté, & qu'il paroiftroit extremement
noir, s'il n y auoit point du tout d'exhalaifons ny de
vapeurs au deflus de nous, mais qu'il y en a toufiours
plus ou moins qui font reflefchir quelques rayons vers
nos yeux, c'eft a dire qui repouflent vers nous les
petites parties de la matiere fubtile que le foleil ou
les autres aftres ont pouflé contre elles ; & lorfque ces
vapeurs font en aflés grand nombre, la matiere fub-
tile, eftant repouflée vers nous par les premieres, en
rencontre d'autres aprés, qui font rouller & tournoyer
fes petites parties, auant qu'elles paruienent a nous.
Ce qui fait alors paroiftre le ciel blanc, au lieu que,
fi elle n'en rencontre aflés pour faire ainfi tournoyer
fes parties, il ne doit paroiftre que bleu, fuiuant ce
qui a efté tantoft dit* de lanature de la dorens bleuë.
a. Page 334, I. 6, ci-avant.
20
25
273-274. Les Mereores. — Discours IX. 347
Et c'eft la mefme caufe qui fait auffy que l'eau de la
mer, aux endroits où elle eft fort pure & fort pro-
fonde, femble eftre bleuë ; car il ne fe reflefchit de fa
fuperficie que peu de rayons, & aucun de ceux qui la
penetrent ne reuient. De plus, on peut icy entendre
pourquoy fouuent, quand le foleil fe couche ou fe
leue, tout le cofté du ciel vers lequel il eft paroift
rouge : ce qui arriue lorfqu'il n'y a point tant de nuës,
ou plutoft de brouillas, entre luy & nous, que fa lu-
miere ne puifle les trauerfer; mais qu'elle ne les tra-
uerfe pas fi ayfement tout contre la terre, qu'vn peu
plus hault; ny fi ayfement vn peu plus hault, que
beaucoup plus hault. Car il eft euident que cete lu-
miere, fouffrant refraction dans ces brouillas, deter-
mine les parties de la matiere fubtile qui la tranf-
mettent, a tournoyer en mefme fens que feroit vne
boule qui viendroit du mefme cofté en roullant fur
terre ; de façon que le tournoyement des plus baffes
eft toufiours augmenté par l'action de celles qui font
plus hautes, a caufe qu'elle eft fuppofée plus forte que
la leur; & vous fçaués que cela fufhft pour faire pa-
roiftre la couleur rouge, laquelle, fe reflefchiffant
aprés dans les nuës, fe peut eflendre de tous coftés
dans le ciel. Et il eft a remarquer que cete couleur,
paroïflant le matin, prefage des vens ou de la pluie,
a caufe qu'elle tefmoigne qu'y ayant peu de nuës vers
_ l'Orient, le foleil pourra efleuer beaucoup de vapeurs
auant le midy, & que les brouillas qui la font pa-
roiftre commencent a monter; au lieu que, le foir, elle
30 tefmoigne le beau tems, a caufe que, n y ayant que
peu ou point de nuës vers le couchant, les vens orien-
348 OEUVRES DE DESCARTES. 274-275.
taux doiuent regner, & les brouillas defcendent pen-
dant la nuit.
le ne m'arefte point a parler plus particulierement
des autres couleurs qu'on voit dans les nuës; car 1e
croy que les caufes en font toutes affés comprifes en
ce que 1'ay dit. Mais il paroïft quelquefois certains
cercles autour des aftres, dont ie ne dois pas omettre
l'explication. Ils font femblables a l'arc-en-ciel, en ce
qu'ils font ronds, ou prefque ronds, & enuironnent
toufiours le foleil ou quelque autre aftre : ce qui
monftre qu'ils font caufés par quelque reflexion ou
refration dont les angles font a peu prés tous efgaux.
Comme aufly, en ce qu'ils font colorés : ce qui monftre
qu'il y a de la refraétion, & de l'ombre qui limite la
lumiere qui les produift. Mais ils different en ce que
l'arc-en-ciel ne fe voit iamais que lors qu'il pleut ac-
tuellement au lieu vers lequel on le voit, bien que
fouuent il ne pleuue pas au lieu où eft le fpectateur.
Et eux ne fe voyent iamais où 1l pleut : ce qui monftre
qu'ils ne font pas caufés par la refraction qui fe fait
en des gouttes d'eau ou en de la grefle, mais par celle
qui fe fait en ces petites efloiles de glace tranfpa-
rentes, dont il a efté parlé cy deflus. Car on ne fçau-
roit imaginer dans les nuës aucune autre caufe qui
foit capable d’vn tel effect; & fi on ne voit iamais tom-
ber de telles eftoiles que lorfqu'il fait froid, la raifon
nous aflure qu'il ne laifle pas de s'en former en toutes
faifons. Mefme, a caufe qu'il eft befoin de quelque
chaleur pour faire que, de blanches qu'elles font au
commencement, elles deuienent tranfparentes, | ainfi
qu'il eft requis a cet effect, il eft vrayfemblable que
15
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275. Les METEORES. — Discours IX. 349
l'efté y eft plus propre que l’hyuer. Et encore que la
plufpart de celles qui tombent paroïffent a l'œil ex-
tremement plates & vnies, il eft certain neanmoins
qu'elles font toutes quelque peu plus efpaifles au mi-
lieu qu'aux extremités, ainfi qu'il fe voit aufly a l'œil
en quelques vnes; & felon qu’elles le font plus ou
moins, elles font paroiftre ces cercles plus ou moins
grands : car il y en a fans doute de plufieurs gran-
deurs. Et fi ceux qu'on a le plus fouuent obferués
ont eu leur diametre d'enuiron 4 degrés, ainfi que
quelques vns ont eferit, ie veux croyre que les
parcelles de glace, qui
leSfeaufentr der .cete
grandeur, ont la con-
uexité qui leur eft la
plus ordinaire, & qui
eft peuteftre aufly la
plus grande qu'elles
ayent couftume d'ac-
querir, fans acheuer en-
tierement de fe fondre.
Soit, par exemple, ABC
léfoleil, D l'œil, E,F, G
plufieurs petites par-
celles de glace tranfpa-
rentes, arrengées cofte
a cofte les vnes des
autres, ainfi quelles
font en fe formant, &
dont la conuexité eft telle, que le rayon venant, par
exemple, du point A fur l’extremité de celle qui eft
30 OEuvrEs DE DESCARTES. 275-277.
marquée G, & du point C fur l’extremité de celle
qui eft marquée F, retourne vers D, & quil en
vient vers D plufieurs autres de ceux qui trauerfent
les autres parcelles de glace qui font vers E, mais
non point aucun de ceux qui trauerfent celles qui
font au delà du cercle GG. Il eft manifefte qu'outre
que les rayons A D, CD, & femblables qui pañlent en
ligne droite, font paroiftre le foleil de fa grandeur
accouftumée, les autres, qui fouffrent refraction vers
EE, doiuent rendre toute l'aire comprife dans le cercle
FF aflés brillante, & faire que fa circonference, entre
les cercles FF & GG, foit comme vne couronne peinte
des couleurs de l’arc-en-ciel; & mefme que le rouge
y doit eftre en dedans vers F, & le bleu en dehors vers
G, tout de mefme qu'on a couftume de l'obferuer. Et
s1l y a deux ou plufieurs rangs de parcelles de glace
l'vne fur l’autre, pouruû que cela n’empefche point
que les rayons du foleil ne les trauerfent, ceux de ces
rayons qui en trauerferont deux par leurs bords, fe
courbans prefque deux fois autant que les autres,
produiront encore vn autre cercle coloré, beaucoup
plus grand en circuit, mais moins apparent que le pre- :
mier ; en forte qu'on verra pour lors deux couronnes
l'vne dans l’autre, & dont l'interieure fera la mieux
peinte, comme il a aufly efté quelquefois obferué.
Outre cela,vous voyés bien pourquoy ces couronnes
n’ont pas couftume de fe former autour des aftres
qui font fort bas vers l'horizon ; car les rayons ren-
contrent alors trop obliquement les parcelles de glace
pour les trauerfer. Et pourquoy leurs couleurs ne font
pas fi viues que les fienes; car elles font caufées par
15
20
25
30
277-278. Les METEORES. — Discours IX. 31
des refraétions beaucoup moindres. Et pourquoy elles
paroiflent plus ordinairement que luy autour de la
lune, & mefme fe remarquent aufly quelquefois autour
des eftoiles, a fçauoir lorfque les parcelles de glace
interpofées, n'eftant que fort peu conuexes, les rendent
fort petites ; car, d'autant qu'elles ne dependent point
de tant de reflexions & refractions que l'arc-en-ciel,
la lumiere qui les caufe n’a pas befoin d'eftre fi forte.
Mais fouuent elles ne paroiïflent que blanches, non
point tant par faute de lumiere, que pource que la
matiere où elles fe forment n'eft pas entierement
tranfparente.
On en pourroit bien imaginer encore quelques
autres qui fe formaflent a l'imitation de l'arc-en-ciel
en des gouttes d'eau, a fçauoir, premierement, par
deux refraétions fans aucune reflexion; mais alors il
n'y a rien qui determine leur diametre, & la lumiere
n'y eft point limitée par l'ombre, comme il eft requis
pour la produétion des couleurs. Puis auffy par deux
refractions & trois ou quatre reflexions; mais leur
lumiere, eftant alors grandement foible, peut ayfe-
ment eftre effacée par celle qui fe reflefchift de la fu-
perficie des mefmes gouttes; ce qui me fait douter fi
iamais elles paroïflent, & le caleul monftre que leur
diametre deuroit eftre beaucoup plus grand qu'on ne
le trouue en celles qu’on a couftume d'obferuer.
Enfin, pour ce qui eft de celles qu'on voit quelque-
fois|autour des lampes & des flambeaux, la caufe n'en
doit point eftre cherchée dans l'air, mais feulement
dans l'œil qui les regarde. Et i'en ay vù cet efté der-
nier vne experience fort manifefte : ce fut en voyaf-
342 Œuvres DE DESCARTES. 278-279.
geant de nuit dans vn nauire, où, aprés auoir tenu
tout le foir ma tefte appuiée fur vne main, dont ie
fermois mon œil droit, pendant que ie regardois de
l'autre vers le ciel, on apporta vne chandelle au lieu
où r'eftois ; & lors, ouurant les deux yeux, ie vy deux
couronnes autour de la flame, dont les couleurs
eftoient aufly viues, que ie les aye iamais veuës en
l'arc-en-ciel. AB eft la plus grande, qui eftoit rouge
CN a,
SÈ 2)
We
7
CL
4
= 3
7
vers À, & bleuë vers B; CD la plus petite, qui eftoit
rouge aufly vers C, mais vers D elle eftoit blanche, &
s'eftendoit iufques a la flame. Aprés cela, refermant
l'œil droit, i'apperceu que ces couronnes difparoif-
foient, & qu'au contraire, en l'ouurant & fermant le
gauche, elles continuoient de paroiftre : ce qui m'af-
fura qu'elles ne procedoient que de quelque difpofi-
tion, que mon œil droit auoit acquife pendant que ie
l'auois tenu fermé, & qui eftoit caufe qu'outre que la
plufpart des rayons de la flame qu'il receuoit, la re-
prefentoient vers O, où ils | s'aflembloient, il y en
auoit aufly quelques vns, qui eftoient tellement dé-
tournés, qu'ils s'eftendoient en tout l’efpace #O, où
ils peignoient la couronne CD, & quelques autres en
l’efpace FG, où ils peignoient la couronne AB. le ne
20
279-280. Les METEoREs. — Discours IX. 353
determine point quelle eftoit cete difpofition; car plu-
fieurs differentes peuuent caufer le mefme eflect.
Comme, s'il y a feulement vne ou deux petites rides
en quelqu'vne des fuperficies E,M,P, qui, a caufe de
la figure de l'œil, s'y eftendent en forme d'vn cerele
dont le centre foit en la ligne EO, comme il y en a
fouuent de toutes droites qui fe croyfenten cete ligne
EO, & nous font voir de grans rayons efpars ça & là
autour des flambeaux; ou bien qu'il y ait quelque
chofe d'opaque entre E & P, ou mefme a cofté en
quelque lieu, pouruû qu'il s'y eflende circulairement;
ou enfin que les humeurs ou les peaux de l'œil ayent
en quelque façon changé de temperament ou de fi-
gure; car il eft fort commun a ceux qui ont mal aux
yeux de voir de telles couronnes, elles ne paroiflent
pas femblables a tous. Seulement faut 1l remarquer
que leur partie exterieure, comme À & C, eft ordinai-
rement rouge, tout au contraire de celles qu'on voit
autour des aftres; dont la raifon vous fera claire, fi
vous confiderés qu’en la produétion de leurs couleurs,
c'eft l'humeur criftaline P NM qui tient lieu du prifme
de criftal dont il a tantoft eflé parlé*, & le fons de l'œil
FGÿ qui tient lieu du linge blanc qui eftoit derriere.
Mais vous douterés peuteftre pourquoy, puifque l'hu-
meur criftaline a ce pouuoir, elle ne colore pas en
mefme façon | tous les obiets que nous voyons, fi ce
n'eft que vous confideriés que les rayons qui vienent
de chafque ‘point de ces obiets vers chafque point du
fonds de l'œil, paflant les vns par celuy de fes coftés
qui eft marqué N, & les autres par celuy qui eft mar-
a. « Voyés au discours precedent. » Pages 329-330 ci-avant.
Œuvres. I. 45
D des. di it SSS
354 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 280281.
qué S, ont des actions toutes contraires, & qui fe def-
truifent les vnes les autres, au moins en ce qui re-
garde la production des couleurs; au lieu qu'iey les
rayons qui vont vers FGf ne pañflent que par N. Et
tout cecy fe rapporte fi bien a ce que ay dit de la
nature des couleurs, qu'il peut, ce me femble, beau-
coup feruir pour en confirmer la verité.
| DE L'APPARITION DE PLVSIEVRS: SOLEIES-
Dif cours Dernier.
On voit encore quelquefois d’autres cercles dans
les nuës, qui different de ceux dont i'ay parlé, en ce
qu'ils ne paroiïflent iamais que tous blancs, & qu'au
lieu d’auoir quelque aftre en leur centre, ils trauer-
fent ordinairement celuy du foleil ou de la lune, &
femblent paralleles ou prefque paralleles a l'Horizon.
Mais, pource qu'ils ne paroïflent qu'en ces grandes
5
10
281-282. Les METEORES. — DISCOURS DERNIER. 35
nuës toutes rondes dont il a efté parlé cy deflus, &
quon voit aufly quelquefois plufieurs foleils ou plu-
fieurs lunes dans les mefmes nuës, il faut que i’ex-
plique enfemble l'vn & l’autre. Soit, par exemple,
À le Midy, où eft le foleil ac- An Le
compagné d'vn vent chaud qui | | |
tend vers B, & C le .Septen- | |
trion, d’où 1l vient vn vent froid
qui tend aufly vers B. Et là ie
fuppofe que ces deux vens ren-
contrent ou aflemblent vne nuë,
compofée de parcelles de neige,
qui seftend fi loin en profon-
deur & en largeur, qu'ils ne
peuuent pañler l'vn au deffus, bi.
l'autre au deflous, ou entre on
deux, ainfi qu'ils ont ailleurs de
couftume, mais qu'ils font con-
trains de prendre leur cours tout a l’entour : au
moyen de quoy, non feulement ils l’arondiffent,
mais aufly celuy qui vient du Midy, eftant chaud,
fond quelque peu la neige de fon circuit, laquelle
eftant aufiy toft regelée, tant par celuy du Nord qui
eft froid, que par la proximité de la neige | interieure
qui n’eft pas encore fonduë, peut former comme vn
grand anneau de glace toute continuë & tranfparente,
dont la fuperficie ne manquera pas d’eftre aflés polie,
a caufe que les vens qui l'arondiflent font fort vni-
formes. Et, de plus, cete glace ne manque pas d'’eftre
plus efpaiffe du cofté DEF, que ie fuppofe expofé au
vent chaud & au foleil, que de l'autre GHI, où la
C
À
Séhsl an sois dl ee MR rie ;
nd à
3 s0 OEUVRES DE DESCARTES. 282-283.
neige ne s'eft pù fondre fi ayfement. Et enfin, il faut
remarquer qu'en cete conflitution d'air, & fans orage,
il ne peut y auoir aflés de chaleur autour de la nuë
B, pour y former ainfi de la glace, qu'il n'y en ait
aufTy aflés en la terre qui eft au deffous, pour y exciter
des vapeurs qui la fouftienent, en fouleuant & pouf-
fant vers le ciel tout le cors de la nuë qu'elle embrafñle.
En fuite de quoy, il eft euident que la clarté du foleil,
lequel ie fuppofe eftre aflés haut vers le Midy, don-
nant tout autour fur la glace DEFGHI, & de là fe
reflefchiffant fur la blancheur de la neige voyfine,
doit faire paroïftre cete neige, a ceux qui feront au
deffous, en forme d’vn grand cercle tout blanc; &
mefme, qu'il fuflift, a cet effect, que la nuë foit ronde,
& vn peu plus preflée en fon circuit qu'au milieu,
fans que l'anneau de glace | doiue eftre formé. Mais,
lors qu’il left, on peut voir, eftant au deflous vers le
point K, iufques a fix foleils, qui femblent eftre en-
chaflés dans le cercle blanc ainfi qu'autant de dia-
mans dans vne bague. A fçauoir, le premier vers E,
par les rayons qui vienent directement du foleil que
ie fuppofe vers A ; les deux fuiuans vers D & vers F,
par la refrattion des rayons qui trauerfent la glace
en ces lieux là, où, fon efpaifleur allant en diminuant,
ils fe courbent en dedans de part & d'autre, ainfi
qu'ils font en trauerfant le prifme de criftal dont il a
tantoft efté parlé. Et, pour cete caufe, ces deux foleils
ont leurs bords peins de rouge, en celuy de leurs
coftés qui eft vers E, où la glace eft le plus efpaiffe;
& de bleu en l’autre, où elle left moins. Le quatriefme
foleil paroiïft par reflexion au point H, & les deux
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|
k.
|
| Je
|
|
|
|
|
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283-284. Les METEORES. — DISCOURS DERNIER. 357
derniers, aufly par reflexion, vers G & vers I, par où
ie fuppofe qu'on peut defcrire vn cercle dont le
centre foit au point K, & qui pañle par B, le centre
de la nuë, en forte que les angles KGB & KBG, ou
BGA, font efgaux; & de tout de mefme KIB & KBI,
ou BIA. Car vous fçaués que la reflexion fe fait touf-
iours par angles efgaux, & que la glace, eftant vn
cors poli, doit reprefenter le foleil en tous les lieux
d'où fes rayons fe peuuent reflefchir vers l'œil. Mais,
pource que les rayons qui vienent tous droits font
toufiours plus vifs que ceux qui vienent par refrac-
tion, & ceux cy encore plus vifs que ceux qui font
reflefchis, le foleil doit paroiftre plus brillant vers E
que vers D ou F, & icy encore
plus brillant que vers G ou H
ou l; & ces trois, G, H &I,ne
doiuent auoir aucunes couleurs
autour de leurs bors, comme
les deux D &F, mais feulement
eftre blancs. Que | fi les regar-
dans ne font pas vers K, mais
quelque part plus auancés vers
B, en forte que le cercle dont
leurs yeux font le centre, & qui
pale par B, ne couppe point la
circonference de la nuë, ils ne
pourront voir les deux foleils
G & I, mais feulement les quatre autres. Et fi, au
contraire, ils font fort reculés vers H, ou au delà,
vers C, ils ne pourront voir que les cinq, D,E, F, G
& I. Et mefme, eftant aflés loin au delà, ils ne ver-
*
358 OEUVRES DE DESCARTES. 284285.
ront que les trois D, E, F, qui ne feront plus dans
vn cercle blanc, mais comme trauerfés d'vne barre
blanche. Comme aufly, lorfque le foleil eft fi peu
efleué fur l'Horizon qu'il ne peut efclairer la partie
de la nuë GHI, ou bien lorfqu'elle n’eft pas encore
formée, il eft euident qu'on'ne doit voir que les trois
foleils D,-E;F:
Au refte, ie ne vous ay, iufques icy, fait confiderer
que le plan de cete nuë, & il y a encore diuerfes
chofes a y remarquer, qui fe verront mieux en fon
pourfil. Premierement, bien que le foleil ne foit pas
en la ligne droite qui va d'E vers l'œil K, mais plus
haut ou plus bas, il ne doit pas laifler de paroiftre
vers là, principalement fi la glace ne s'y eftend point
trop en hauteur ou profondeur; car alors la fuper-
ficie de cete glace fera fi courbée, qu'en | quelque lieu
qu'il foit, elle pourra quafi toufiours renuoyer fes
rayons vers K. Comme, fi elle a en fon efpaiffeur la
figure comprife entre les lignes 1 23 & 456, il eft eui-
dent que, non feulement lorfque le foleil fera en la
20 ;
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ARR el ce jm
285-286. Les METEORES. — DISCOURS DERNIER. 359
ligne droite A2, fes rayons la trauerfant pourront
aller vers l'œil K, mais auffy lors qu'il fera beaucoup
plus bas, comme en la ligne Sr, ou beaucoup plus
haut, comme en la ligne T3, & ainfy le faire toufiours
paroiftre comme s'il eftoit vers E; car, l'anneau de
glace n'eftant fuppofé gueres large, la difference qui
eft entre les lignes 4K, $ K & GK, n'eft pas confide-
rable. Et notés que cela peut faire paroiftre le foleil,
aprés mefme qu'il eft couché, & qu'il peut aufly re-
culer ou auancer l'ombre des Horologes, & leur faire
marquer vne heure toute autre qu'il ne fera. Toute-
fois, fi le foleil eft beaucoup plus bas qu'il ne paroift
vers E, en forte que fes rayons | paflent auffy en ligne
droite, par le deffous de la glace, iufques a l'œil K,
comme S7K, que ie fuppofe parallele a Sr, alors,
outre les fix foleils precedens, on en verra encore vn
fettiefme au deflous d'eux, & qui, ayant le plus de
lumiere, effacera l'ombre qu'ils pourroient caufer dans
les Horologes. Tout de mefme, s'il eft fi haut que fes
rayons puiflent pañler en ligne droite vers K par le
deflus de la glace, comme T8K, qui eft parallele
a T3, & que la nuë interpofée ne foit point fi opaque
qu'elle les en empefche, on pourra voir vn fettiefme
foleil au deflus des fix autres. Que fi la glace 123,
456 seftend plus haut & plus bas, comme iufques
aux poins 8 & 7, le foleil eflant vers À, on en pourra
voir trois l'vn fur l'autre vers E, a fçauoir aux poins
8, $ & 7; & lors on en pourra aufly voir trois l'vn
fur l'autre vers D, & trois vers F, en forte qu'il en
paroiftra iufques a douze, enchaflés dans le cercle
blanc DEFGHI. Et le foleil eftant vn peu plus bas
360 OŒuvres DE DESCARTES. 286-287.
que vers S, ou plus haut que vers T,, il en pourra de-
rechef paroiftre trois vers E, a fçauoir deux dans le
cercle blanc, & vn autre au deflous, ou au deflus ;
& lors il en pourra encore paroiftre deux vers D, &
deux vers F. Mais ie ne fçache point que iamais on en
ait tant obferué, tout a la fois; ny mefme que, lorf-
qu'on en a vü trois l'vn fur l'autre, comme il eft ar-
riué plufieurs fois, on en ait remarqué quelques autres
a leurs coftés; ou bien que, lorfqu'on en a vü trois
cofte a cofte, comme il eft aufly arriué plufieurs fois,
on en ait remarqué quelques autres au deflus, ou au
deflous. Dont, fans doute, la raifon eft que la largeur
de la glace, marquée entre les points 7 & 8, n'a d'or-
dinaire aucune proportion auec la grandeur du circuit
de toute la nuë : en forte que l'œil doit eftre fort proche
du point E, lorfque cete largeur luy-paroift aflés grande
pour y diftinguer trois foleils l’vn fur l'autre; & au
contraire fort efloigné, aflin que les rayons qui fe
courbent vers D & vers F, où fe diminue le plus l'ef-
paifleur de la glace, puiflent paruenir iufques a luy.
15
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20
287-288 LES METEORES. — DISCOURS DERNIER. 361
Et il arriue rarement que la nuë foit fi entiere, qu'on
en voye plus de trois en mefme tems. Toutefois, on
dit qu'en l'an 162$ le roy de Polongne en vit iufques
a fix. Et1l n'y a que trois ans que le Mathematicien de
Tubinge obferua les quatre defignés icy* parles lettres
D, E,F,H; mefme il remarque particulierement, en ce
qu'il en a efcrit, que les deux D & F eftoient rouges
vers celuy du milieu E, qu'il nomme le vray foleil, &
bleus de l’autre cofté; & que le quatriefme H eftoit
fort pale, & ne paroïfloit que fort peu. Ce qui con-
firme fort ce que 1'ay dit. Mais l'obferuation la plus
belle & la plus remarqua-
ble, que 1'aye veu en cete
matiere, eft celle des $ fo-
leils, qui parurent a Rome
en l'an 16209,le2odeMars,
fur les 2 ou ; heures aprés
midy; & affin que vous
puifliés voir fi elle s'ac-
corde auec mon difcours,
ie la veux mettre icy aux
mefmes termes qu'elle fut
dés lors diuulguée :
A obferuator Romanus.
B vertex loco obferuatoris
incumbens. C fol verus ob-
Jeruatus. À B planum ver-
ticale, in quo & oculus obferuatoris & fol obferuatus ext/-
tunt, in quo & vertex loct B racet, ideoque omnia per lineam
a. Figure page 355 ou 35z.
Œuvres. I, 46
302 Œuvres DE DESCARTES. 288-280.
verticalem À B repræfentantur : in hanc entm totum pla-
num verticale procumbit. Circa folem C apparuere duæ
incompletæ Irides eidem homocentricæ, diuerficolores, qua-
rum minor fiue interior DE F plemor & perfeélior fuit,
curta tamen fiue | aperta a D ad F, & in perpetuo conatu
Jefe claudendi flabat quandoque claudebat, fed mox
denuo aperiebat. Altera, fed debilis femper & vix confpi-
cabilis, fuit G HI, exterior 6 Jecundaria, variegata tamen
& ipfa fuis coloribus, fed admodum inflabilis. Tertia, €
vnicolor, eaque valde magna ris, fuit K LM N, tota alba;
quales fæpe vifuntur in parafelenis circa lunam : hæc fuit
arcus excentricus, integer ab initio, folis per medium 1n-
cedens, circa finem tamen ab M verfus N debilis 6 lacer,
imo quafi nullus. Cæterüm, in communibus circult hurus
interfecliontbus cum Iride exteriore G HT, emerferunt duo
parhelia non vfque adeo perfeéla, N & K, quorum hoc
debilius, 1llud autem fortius & luculentius /plende/fcebat;
amborum medius nitor æmulabatur folarem, fed latera
coloribus Iridis pingebantur; neque rotundi ac præcufi,
Jed inœæquales € lacunofi, ipforum ambitus cernebantur.
N, inquietum fpecirum, etaculabatur caudam fpifflam
Jfubigneam NO P, cum iugi reciprocatione. L & M fuere
trans Zenith B, prioribus minus vruaces, [ed rotundiores
& albi, inflar circuli fui cui inhærebant, lac feu argentum
purum exprimentes, quanquam M'mediä tertiä iam prope
difparuerat ; nec nifi exigua fur vefligia fubinde præbuit,
quippe & circulus ex 1llà parte defecerat. Sol N defecit
ante folem K,1lloque deficiente roborabatur K, qui omnium
vltimus difparuit, c.
CKLMN eftoit vn cercle blanc dans lequel fe
289-290. Les METEORES. — DIScOURS DERNIER. 303
voyoient cinq foleils, & il faut imaginer que, le fpecta-
teur eftant vers À, ce cercle eftoit pendant en l'air au
deflus de luy, en forte que le point B refpondoit au
fommet de fa tefte, & que les deux foleils L & M
eftoient derriere fes efpaules, lorfqu'il eftoit tourné
vers les trois autres K, C,-N, dont les deux K & N
eftoient colorés en leurs
bors, & n'eftoient ny fi
ronds, ny fi brillans, que
celuy qui eftoit vers C: ce
qui monftre qu'ilseftoient
caufés par refraétion; au
lieu que les deux L & M
eftoient aflés ronds, mais
moins brillans, & tous
blancs, fans meflange
d'aucune autre couleur
en leurs bors : ce qui
monftre qu'ils eftoient
caufés par reflexion. Et
plufieurs chofes ont pü
empefcher qu'il n'ait paru
encore vn fixiefme foleil
vers V, dont la plus vrayfemblable eft que l'œil en
eftoit fi proche, a raifon de la hauteur de la nuë, que
tous les rayons qui donnoient fur la glace, vers là,
fe reflefchifloient plus loin que le point A. Et encore
que le point B ne foit pas icy reprefenté fi proche des
foleils L & M que du centre de la nuë, cela n'em-
pefche pas que la reigle que i'ay tantoft dite, touchant
le Heu où 1ls doiuent paroiftre, n'y fuft obferuée. Car
364 OEuvres DE DESCARTES. 290291.
le fpeétateur, |eftant plus proche de l'arc LV M que
des autres parties du cercle, l’a deu iuger plus grand,
a comparaifon d'elles, qu'il n’eftoit; outre que, fans
doute, ces nuës ne font iamais extremement rondes,
bien qu’elles paroiffent a l'œil eftre telles.
Mais il y a encore icy deux chofes aflés remar-
quables. La premiere eft que le foleil N, qui eftoit
vers le couchant, ayant vne figure changeante & in-
certaine, iettoit hors de foy comme vne groffe queuë
de feu NOP, qui paroïfoit tantoft plus longue, tan-
toft plus courte. Ce qui n'eftoit fans doute autre
chofe, finon que l'image du foleil eftoit ainfi contre-
faite & irreguliere vers N, comme on la voit fouuent
lorfqu'elle nage dans vne eau vn peu tremblante, ou
qu'on la regarde au trauers d'vne vitre dont les fuper-
ficies font inefgales. Car la glace eftoit vrayfemblable-
ment vn peu agitée en cet endroit là, & n'y auoit pas
fes fuperficies fi regulieres, pource qu'elle y.commen-
çoit a fe difloudre, ainfi qu'il fe prouue de ce que le
cercle blanc efloit rompu, & comme nul entre M &N,
& que le foleil N difparut auant le foleil K, qui fem-
bloit fe fortifier a mefure que l'autre fe diflipoit.
La feconde chofe qui refte icy a remarquer, eft
qu'il y auoit deux couronnes autour du foleil C,
peintes des mefmes couleurs que l'arc-en-ciel, & dont
l'interieure DEF eftoit beaucoup plus viue & plus ap-
parente que l'exterieure GHI, en forte que ie ne doute
point qu'elles ne fuffent caufées, en la façon que ray
tantoft dite, par la refraction qui fe faifoit, non en
cete glace continuë où fe voyoient les foleils K & N,
mais en d'autre, diuifée en plufieurs petites parcelles,
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LAN
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201-293. Les METEORES. — DISCOURS DERNIER. 365
qui fe trouuoit au deflus | & au deffous. Car il ef
bien vrayfemblable que la mefme caufe, qui auoit pü
compofer tout vn cercle de glace de quelques vnes
des parties exterieures de la nuë, auoit difpofé les
autres voyfines a faire paroiïftre ces couronnes. De
façon que, fi on n'en obferue pas toufiours de telles,
lors qu'on voit plufieurs
foleils, c'eft que l’efpaif-
feur de la nuë ne s'eftend
pas toufiours au delà du
cercle de glace qui l’enui-
ronne; ou bien qu'elle eft
fiopaque & obfcure,qu'on
ne les apperçoit pas au
trauers. Pour le lieu où
fe voyent ces couronnes,
c'eft toufiours autour du
vray foleil, & elles n'ont
aucune coniunction auec
ceux qui ne font que pa-
roiftre ; car, bien que les
deux K & N fe rencon-
trent icy en l'interfection
de l'exterieure & du cercle blanc, c'eft chofe qui n'eft
arriuée que par hazard, & ie m'aflure que le mefme
ne fe vit point aux lieux vn peu loin de Rome, où ce
mefme | Phainomene fut remarqué. Mais ie ne iuge
pas pour cela que leur centre foit toufiours en la ligne
droite tirée de l'œil vers le foleil, fi precifement qu'y
eft celuy de l'arc-en-ciel; car il y a cela de difference,
que les gouttes d’eau, eftant rondes, caufent toufiours
306 OŒuvREs DE DESCARTES. 293294.
mefme refraétion en quelque fituation qu'elles foient;
au lieu que les parcelles de glace, eftant plates, la
caufent d'autant plus grande qu'elles font regardées
plus obliquement. Et pource que, lorfqu'elles fe for-
ment par le tournoyement d'vn vent fur la eirconfe-
rence d'vne nuë, elles y doiuent eftre couchées en
autre fens que lorfqu'elles fe forment au deflus ou
au deffous, il peut arriuer qu'on voye enfemble deux
couronnes, l'vne dans l’autre, qui foient a peu prés
de mefme grandeur, & qui n'ayent pas iuftement le
mefme centre. |
De plus, il peut arriuer qu'outre les vens qui enui-
ronnent cete nuë, il en pâfle quelqu’vn par deflus ou
par deflous, qui derechef y formant quelque fuper-
ficie de glace, caufe d’autres varietés en ce Phaino-
mene ; comme peuuent encore faire les nuës d’alen-
tour, ou la pluie, s'il y en tombe. Car les rayons, fe
reflefchiflant de la glace d’vne de ces nuës vers ces
gouttes, y reprefenteront des parties d’arc-en-ciel,
dont les fituations feront fort diuerfes. Comme auñfly
les fpeétateurs, n’eflant pas au deffous d'vne telle nuë,
mais a cofté entre plufieurs, peuuent voir d'autres
cercles & d’autres foleils. De quoy ie ne croy pas
qu’il foit befoin que ie vous entretiene dauantage;
car j'efpere que ceux qui auront compris tout ce qui
a efté dit en ce traité, ne verront rien dans les nuës
a l'auenir, dont ils ne puiflent ayfement entendre la
caufe, ny qui leur donne fuiet d'admiration.
FIN.
20
25
Aduertiflement.
lufques icy t'ay tafché de me rendre intelligible atout
le monde; maïs, pour ce traité, 1e crains qu'il ne pourra di
eflre leu que par ceux qui Jcauent defia ce qui eft dans
les liures de Geometrie : car, d'autant qi contienent
plufieurs verités fort bien demonfirées, t'ay creu qu'il
feroit ne de les repeter, G n'ay pas lai pe.
cela, de m'en feruir.
LIVRE PREMIER.
Des problefmes qu'on peut confiruire fans y employer
que des cercles & des lignes droites.
Tous les Problefmes de Geometrie fe peuuent fa-
cilement reduire a tels termes, qu'il n'eft befoin, par
aprés, que de connoiftre la longeur de quelques lignes
droites, pour les conftruire.
Et comme toute l'Arithmetique n'eft compofée que
de quatre ou cinq operations, qui font : l'Addition, la
Souftraétion, la Multiplication, la Diuifion, & l'Ex-
traction des racines, qu'on peut prendre pour vne
efpece de Diuifion *; ainfi n'a-t-on autre chofe a faire,
en Geometrie, touchant les lignes qu'on cherche,
pour les preparer a eftre connuës, que leur en ad-
ioufter d'autres, ou en ofter; ou bien, en ayant vne
* Nous indiquons, par des étoiles, les endroits auxquels se rapportent
les commentaires de Schooten dans ses éditions latines de la Grouerrre
(1649 et 1659). La lettre de renvoi correspondante est, pour cette page, À,
Œuvres. {, 47
Comment
le calcul
d’Arithmetique
fe rapporte aux
operations de
Geometrie.
La Multi-
plication
La Diuifion.
L'Extraction
de la racine
quarrée.
370 OEUVRES DE DESCARTES. 297-298.
que ie nommeray l'vnité* pour la rapporter d'autant
mieux aux nombres, & qui peut ordinairement eftre
prife a difcretion *, puis en ayant encore deux autres,
en trouuer vne quatriefme, qui foit a l'vne de ces deux
comme l'autre eft a l'vnité, ce qui eft le mefme que la
Multiplication *; ou bien en trouuer vne quatriefme,
qui foit a l'vne de ces deux comme l'vnité|eft a l’autre,
ce qui eft le mefme que la Diuifion *; ou enfin trou-
uer vne, ou deux, ou plufieurs moyennes proportion-
nelles entre l'vnité & quelque autre ligne, ce qui eft le
mefme que tirer la racine quarrée, ou cubique, &e.
Et ie ne craindray pas d'introduire ces termes d'A-
rithmetique en la Geometrie, affin de me rendre plus
intelligible.
Soit, par exemple, AB l'vnité, & qu'il faille multi-
NS plier BD par BC; ie nay
E ie
qu'a ioindre les poins À &
€ _C, puis tirer DE parallele a
CA,&BE eft le produit de
cete Multiplication.
D A B Ou bien, s’il faut diuifer
BE par BD, ayant ioint les poins E & D, ie tire AC
parallele a DE, & BC ef le produit de cete Diuifion.
Ou, s'il faut tirer la racine”
quarrée de GH, ie luy adioufte
en ligne droite FG, qui eft l'v-
nité, & diuifant FH en deux par-
ties efgales au point K, du centre
K ie tire le cercle FIH ; puis, efleuant du point G vne
ligne droite iufques a I a angles droits fur FH, c'eft
BG —D.—E;
CORRE Re
5
20
| 25
298-290. LA GEOMETRIE. — Livre:Î. 371
GI, la racine cherchée. Ie ne dis rien icy de la racine
cubique ny des autres, a caufe que j'en parleray plus
commodement cy aprés.
Mais fouuent on n'a pas befoin de tracer ainfi ces
lignes fur le papier, & il fuffift de les defigner par
quelques lettres, chafcune par vne feule. Comme,
pour adioufter la ligne BD a GH, ie nomme l'vne a
& l’autre b, & efcris a+ b; et a —b, pour fouftraire
b da; et ab, pour les multiplier l’vne par l’autre;
et +, pour diuifer a par b; et aa ou a°, pour multiplier
a par foy mefme; et a, pour le multiplier encore vne
fois par a, & ainfi a l'infini; et ÿ/a° + b*, pour tirer la
racine quarrée d'a? +b°; et WC.a' — 5 +abb, pour
tirer la racine cubique d'a*—b+ abb, & ainfi des
autres.
Où il eft a remarquer que, par a° ou b* ou fem-
blables, ie ne conçoy ordinairement que des lignes
toutes fimples, encore que, pour me feruir des noms
vfités en l'Algebre, ie les nomme des quarrés, ou des
cubes, &c.
Il eft aufly a remarquer que toutes les parties d'vne
mefme ligne fe doiuent ordinairement exprimer par
autant de dimenfions l'vne que l’autre, lorfque l'vnité
n'eft point determinée en la queftion : comme icy
a en contient autant qu'a bb ou b*, dont fe compofe la
ligne que i'ay nommée 4/C.a*—b}+abb; mais que ce
n'eft pas de mefme lorfque l'vnité eft determinée, a
caufe qu'elle peut eftre foufentendue partout-où il y a
trop ou trop peu de dimenfions ; comme, s'il faut tirer
la racine cubique de aabb—b, il faut penfer que la
quantité aabb eft diuifée vne fois par l'vnité, & que
Comment on
peut vfer de
chiffres en
Geometrie.
Commentil
faut venir aux
Equations qui
feruent a
refoudre les
problefmes.
372 Œuvres pE DESCARTES. 299-300.
l'autre quantité b eft multipliée deux fois par la
mefme **,
| Au refte, afin de ne pas manquer a fe fouuenir des
noms de ces lignes, il en faut toufiours faire vn re-
giftre feparé, a mefure qu'on les pofe ou qu'on les
change, efcriuant par exemple :
AB>1,cefta dire : ABefgalar.
GH= a,
De ee.
Ainfi, voulant refoudre quelque problefme, on doit
d'abord le confiderer comme defia fait, & donner des
noms a toutes les lignes qui femblent neceffaires pour
le conftruire, auffy bien a celles qui font inconnuës
qu'aux autres. Puis, fans confiderer aucune difference
entre ces lignes connuës & inconnuës, on doit par-
courir la difficulté felon l’ordre qui monfître, le plus
naturellement de tous,en quelle forte elles dependent
mutuellement les vnes des autres, iufques a ce qu'on
ait trouué moyen d'exprimer vne mefme quantité en
deux façons : ce qui fe nomme vne Equation, car les
termes de l'vne de ces deux façons font efgaux a ceux
de l’autre. Et on doit trouuer autant de telles Equa-
tions qu'on a fuppofé de lignes qui eftoient incon-
nuës *. Ou bien, s1l ne s en trouue pas tant, & que,
nonobftant, on n'omette rien de ce qui eft defiré en la
queftion, cela tefmoigne qu'elle n’eft pas entierement
determinée; et lors, on peut prendre a diferetion des
* EF, —G.
a. Sous-entendez vnité.
20
25
300-301. LA GEOMETRIE. — Livre I. 373
lignes connuës, pour toutes les inconnuës aufquelles
ne correfpond aucune Equation *. Aprés cela, s'il en
refte encore plufieurs, il fe faut feruir par ordre de
chafcune des Equations qui reftent aufly, foit en la
confiderant toute feule, foit en la comparant auec les
autres, pour expliquer chafcune de ces lignes in-
connuës *, & faire | ainfi, en les demeflant, qu'il n'en
demeure qu vne feule, efgale a quelque autre qui foit
connuë, ou bien dont le quarré, ou le cube, ou le quarré
de quarré, ou le furfolide, ou le quarré de cube,
&e., foit efgal a ce qui fe produift par l'addition, ou
fouftraction, de deux ou plufieurs autres quantités,
dont l'vne foit connuë, & les autres foient compofées
de quelques moyennes proportionnelles entre l'vnité
& ce quarré, ou cube, ou quarré de quarré, &e., mul-
forte : :
x > b,
où 7>—a7+bb,
OÙ x+a7 +bbz—ci,
Où 74° a73—0c7+ df,
&c.*
C'eft a dire: 7, que ie prens pour la quantité inconnuë,
eft efgale a b; ou le quarré de 7 eft efgal au quarré
de b, moins a multiplié par 7; ou le cube de 7 eft efgal
a a multiplié par le quarré de 7, plus le quarré de b
multiplié par 7, moins le cube de c; & ainfi des autres.
Et on peut toufiours reduire ainfi toutes les quan-
* GG (1659). — GGG (1659). — H.
a #4 co + à 23 + b2 72 — ci = + ds (Schooten).
tiphiées par d'autres connuës. Ce que i'efcris en cete
1 ’ à 4
DIE. "2, CE CON IT PT PLU SUIS ES A RTS nl
Quels font
les problefmes
plans.
Comment
ils fe refoluent.
374 OŒEuvres DE DESCARTES. 301-309.
tités inconnuës a vne feule, lorfque le Problefme fe
peut conftruire par des cercles & des lignes droites,
ou aufly par des feétions coniques, ou mefme par
quelque autre ligne qui ne foit que d'vn ou deux de-
grés plus compofée. Mais ie ne m'arefte point a expli-
quer cecy plus en detail, a caufe que ie vous ofterois
le plaifir de l'apprendre de vous mefme, & l'vti-
lité de cultiuer voftre efprit en vous y exerçant, qui
eft, a mon auis, la principale qu'on puifle | tirer de
cete fcience. Aufly que ie n'y remarque rien de fi diffi-
cile, que ceux qui feront vn peu verfés en la Geome-
trie commune & en l’Algebre, & qui prendront garde
a tout ce qui eft en ce traité, ne puiflent trouuer.
C'eft pourquoy ie me contenteray icy de vous
auertir que, pouruù qu'en demeflant ces Equations
on ne manque point a fe feruir de toutes les diui-
fions qui feront poflibles *, on aura infalliblement les
plus fimples termes aufquels la queftion puifle eftre
reduite.
Et que, fi elle peut eftre refolue par la Geometrie
ordinaire, c'eft a dire en ne fe feruant que de lignes
droites & circulaires tracées fur vne fuperficie plate,
lorfque la derniere Equation aura efté entierement de-
meflée, il n'y reftera, tout au plus, qu'vn quarré in-
connu efgal a ce qui fe produift de l'addition, ou fouf-
traction, de fa racine multipliée par quelque quantité
connue, & de quelque autre quantité aufly connue.
Et lors cete racine, ou ligne inconnue, fe trouue
ayfement. Car, fi ray, par exemple :
7 a7 + bb,
20
25
302-305. LA GEOMETRIE. — Livre I. 37$
ie fais le triangle rectangle N LM, dont le cofté LM eft
efgal a b, racine quarrée de la quantité connue bb,
&lautre, LN, eft-a, la
moitié de l'autre quantité
ÿ connue, qui eftoit multi-
pliée par 7, que ie fuppofe
eftre la ligne inconnue.
Puis, prolongeant MN, la
baze de ce triangle, iuf-
io ques a O, en forte qu NO foit efgale a NL, la toute
| LA M
OM eft 7, la ligne cherchée*. Et elle s'exprime en cete 1
<tlorte: d
7 = La+V—aatbb. ‘a
Nr Oucfiidy | :
HSE à yy >=—ay +bb, à
& qu'y foit la quantité qu'il faut trouuer, ie fais le 4
mefme triangle re@angle NLM, & de fa baze MN |
iofte N P efgale a NL, & le refte PM ef y, la racine è
e 4
cherchée. De façon que r'ay
LAS ARE 52 à
*
< SRE LE TEA Ÿ AUS j
20 Y a+ V2 aa+bb. 4
Et tout de mefme, fi r'auois | |
XŸ = — ax? b?, à
PM feroit x°?, & r'aurois Û
| a r°$
x = V—'a+V'aat bb;
25 & ainfi des autres.
RL NT
a. On voit qu’en tout ce passage, Descartes ne reconnait nullement les
racines négatives des équations.
LA
Li
+
370 Œuvres DE DESCARTES. 303-304.
Enfin fi ray
ar 0D,
ie fais NL efgale a : a, & LM efgale a b, comme de-
uant; puis, au lieu de ioindre les poins M, N, ie tire
MQR PAAUE a LN, & du centre N, par js ayant
defcrit vn cercle qui la couppe aux
R poins Q &R, la ligne cherchée 7 eft
M Q, ou bien MR, car en ce cas elle
s'exprime en deux Ron a fçauoir
N RATE
7 = Eat V aa bb,
a En
L M . Et file cercle qui, ayant {on centre
au point N, pañle par le point L, ne couppe ny ne
touche la ligne droite MQR, il n'y a aucune racine
en l'Equation, de façon qu'on peut affurer que la con-
ftrution du problefme propofé eft impoflible *
Au refte,ces mefmes racines fe peuuent trouuer par
vne infinité d'autres moyens, & i'ay feulement voulu
mettre ceux cy,comme fort fimples, aflin de faire voir
qu'on peut conftruire tous les Problefmes de la Geo-
metrie ordinaire, fans faire autre chofe que le peu qui
eft compris dansles quatre figures que 1 ay expliquées.
Ce que ie ne croy pas que les anciens ayent remarqué;
car, autrement, ils n'euflent pas pris la peine d'en ef-
crire tant de gros liures, où le feul ordre de leurs
propolitions nous fait connoiftre qu'ils n’ont point eu
la vraye methode pour les trouuer toutes, mais qu'ils
ont feulement ramaflé celles qu'ils ont rencontrées.
Ne
5
15
20
23%
304-305. EA GEOMETRIE. — Livre |. il
Et on le peut voir aufly fort clairement de ce que
Pappus a mis au commencement de fon feptiefme
liure, où, aprés s'eftre arefté quelque tems a denom-
brer tout ce qui auoit eflé efcrit en Geometrie par
ceux qui l'auoient precedé, il parle enfin d'vne quef-
tion qu'il dit que ny Euclide, ny Apollonius, ny aucun
autre, n'auoient fceu entierement refoudre; & voycy
fes mots * :
Quem autem dicit (Apollonius) in tertio libro locum ad
tres G quatuor lineas ab Euclide perfeélum non effe,
neque ipfe perficere poterat,neque aliquis alius ; fed neque
paululum quid addere 115 quæ Euclides fcripfit, per ea
tantum conica quæ vfque ad Euclidis tempora præmon/-
trata funt, Ëc.
Et, vn peu aprés, 1l explique ainfi quelle eft cete
queftion : |
At locus ad tres 6 quatuor lineas, in quo (Apollonrus)
magnifice fe taélat & oflentat, nulla habita gratia et qui
prius fcriplerat, eff huiufmodr. Si, pofitione datis tribus
_|rechs lineïs, ab vno & eodem punélo ad tres lineas in datis
angulis reélæ lineæ ducantur, & data fit proportio rec-
tanguli contenti duabus duélhs ad quadratum reliquæ,
punélum contingit pofitione datum folidum locum, hoc efl
vnam ex tribus conicis fechionibus. Et, fi ad quatuor reclas
a. Voir, à la fin du volume, la Note I, où est donnée la traduction de
ce passage latin et où il est commenté. Descartes reproduit le texte de la
version, parfois inexacte, de Commandin : Pappi Alexandrini mathema-
ticæ collectiones a Federico Commandino Vrbinate in latinum conversæ
et commentariis 1llustratæ. — Pisauri, apud Hieronymum Concordiam,
1588 (1602). — Venetiis, apud Franciseum de Franciscis Senensem, 1580.
— Mème édition sous trois tirages différents.
Œuvres. I. 48
Exemple
tiré de
Pappus.
le cite
plutoft la
verfion latine
que le texte grec,
affin que
chafcun
l’entende
plus ay fement.
37 OEUVRES DE DESCARTES. 305-306:
lineas pofitione datas in datis angulis lineæ ducantur, &
reélanguli duabus dudlis contenti ad contentum duabus re-
. o . . . .
liquis proportio data fit, fimiliter punélum datam con
Re 2 os
feélionem pofitione continget. Siquidem roitur ad duas
tantum, locus planus offenfus efl. Quod fi ad plures quam
) 2 I 7
quatuor, punélum continget locos non adhuc cognitos, fed
lineas tantum diélas ; quales autem fint, vel quam habeant
| RC)
proprietatem, non conflat : earum vnam, neque primam,
G quæ manifefhffima videtur, compofuerunt oflendentes
viilem effe. Propofitiones autem ipfarum hæ funt :
Sz ab aliquo punélo, ad pofitione datas reélas lineas quin-
DOC RARE | EST
que, ducantur reclæ lineæ in datis angulis, 6 data fit pro-
portio Jolidi parallelepipedi reélangulr, quod tribus duélis
lineis continetur, ad folidum parallelepipedum reflangu-
. k # . . " Pr . ci
lum, quod continetur reliquis duabus & data quapiam linea
»q The QUE )
punclum pofitione datam lineam continget. S1autem ad fex,
G@ data fit proportio folidi tribus liners contenti ad folidum
. L # . SE . £ . -
quod tribus reliquis continetur, rurfus punélum continget
pofitione datam lineam. Quod fi ad plures quam fex, non
adhuc habent dicere an data fit proportio curufpiam contenti
quatuor liners ad 1d quod reliquis continetur, quoniam non
efl aliquid contentum pluribus quam tribus dimen/fiontbus.
Où ie vous prie de remarquer, en pañfant, que le
fcrupule que faifoient les anciens d'vfer des termes de
l'Arithmetique en la Geometrie, qui ne pouuoit pro-
ceder | que de ce qu'ils ne voyoient pas aflés claire-
ment leur rapport, caufoit beaucoup d'obfeurité &
d'embaras en la façon dont ils s'expliquoient : car.
Pappus pourfuit en cete forte :
Acquiefcunt autem his qui paulo ante talia interpretati
20
23
30
306807 POITASGEOoMETRIE- RE. 379
Junt, neque vnum aliquo paélo comprehenfibile fignifi-
cantes quod his continetur. Licebit autem per contunélas
proportiones hæc € dicere & demon/lrare vniuerfe in dic-
ts proportiontbus, atque his in hunc modum. St ab aliquo
punélo, ad pofitione datas reélas lineas, ducantur reétæ
lineæ in datis angulis, & data fit proportio contunéa ex
ea quam habet vna duélarum ad vnam, € altera ad alte-
ram, 6 alia ad aliam, & reliqua ad datam lineam, fi fint
Jeptem : fi vero octo, & reliqua ad reliquam : punétum
continget pofitione datas lineas. Et fimiliter, quotcumque
* fint impares vel pares multitudine, cum hæc, vt dixi, loco
ad quatuor lineas re/pondeänt, nullum igitur pofuerunt ita
vt linea nota fit, Ec.
La queftion donc, qui auoit efté commencée a re-
foudre par Euclide & pourfuiuie par Apollonius, fans
auoir efté acheuée par perfonne, eftoit telle. Ayant
trois, où quatre, ou plus grand nombre de lignes
droites données par pofition, premierement, on de-
mande vn point duquel on puifle tirer autant d'autres
lignes droites, vne fur chafcune des données, qui
facent auec elles des angles donnés; & que le rec-
tangle contenu en deux de celles qui feront ainfi tirées
d'vn mefme point, ait la proportion donnée auec le
quarré de la troifiefme, s'il n'y en a que trois; ou bien
auec le rectangle des deux autres, s’il y en a quatre.
Ou bien, s'il y en a cinq, que le parallelepipede com-
pofé de trois ait la proportion donnée auec le paral-
Hlelepipede compofé des deux qui reftent, & d'vne
autre ligne donnée. Ou, s'il y en a fix, que le paralle-
lepipede compofé de trois ait la proportion donnée
Refponfe
a la
queftion de
Pappus.
E
380
j OEuvREs DE DESCARTES. 307-308.
auec le parallelepipede des trois autres. Ou, sil yen
a fept, que ce qui fe produift lorfqu'on en multiplie
quatre l'vne par l’autre, ait la raifon donnée auec ce
qui fe produift par la multiplication des trois autres,
& encore d'vne autre ligne donnée. Ou, s'il yen a
huit, que le produit de la multiplication de quatre ait
la proportion donnée auec le produit des quatre autres.
Et ainfi cete queftion fe peut eftendre a tout autre
nombre de lignes. Puis, a caufe qu'il y a toufiours vne
infinité de diuers poins qui peuuent fatisfaire a ce qui
eft icy demandé, il eft aufly requis de connoïftre & de
tracer la ligne dans laquelle ils doiuent tous fe trou-
uer; & Pappus dit que, lorfqu'il n y a que trois ou
quatre lignes droites données, c'eft en vne des trois
feions coniques; mais 1l n'entreprend point de la
determiner, ny de la defcrire,non plus que d'expliquer
celles où tous ces poins fe doiuent trouuer, lorfque la
queftion eft propofée en vn plus grand nombre de
lignes. Seulement, il aioufte que les anciens en auoient
imaginé vne qu'ils monftroient y eftre vtile, mais qui
fembloit la plus manifefte, & qui n’eftoit pas toute-
fois la premiere. Ce qui m'a donné occafion d’effayer
fi, par la methode dont ie me fers, on peut aller aufly
loin qu'ils ont efté.
Et, premierement, 1'ay connu que, cete queftion
n'eftant propolée qu'en trois, ou quatre, ou cinq
lignes, on peut toufiours trouuer les poins cherchés
par la Geometrie fimple, c'eft a dire en ne fe feruant
que de la reigle & du | compas, ny ne faifant autre
chofe que ce qui a defia efté dit : excepté feulement,
lorfqu'il y a cinq lignes données, fi elles font toutes
20
25
30.
308-300. La GEOMETRIE. — Livre I. 381
paralleles. Auquel cas, comme aufly lorfque la quef-
tion eft propofée en fix ou 7 ou 8 ou 9 lignes, on peut
toufiours trouuer les poins cherchés par la Geometrie
des folides, c'eft a dire en y employant quelqu'vne
des trois fections coniques : excepté feulement, lorf-
qu'il y a neuf lignes données, fi elles font toutes pa-
ralleles. Auquel cas, de rechef, & encore en 10, 11,
12 Ou 13 lignes, on peut trouuer les poins cherchés
par le moyen d'vne ligne courbe qui foit d'vn degré
plus compofée que les feétions coniques : excepté en
treize, fi elles font toutes paralleles. Auquel cas, &
en quatorze, 14, 16 & 17, il y faudra employer vne
ligne courbe encore d'vn degré plus compofée que la
precedente : & ainfi a l'infini.
Puis i'ay trouué aufly que, lorfqu'il n'y a que trois
ou quatre lignes données, les poins cherchés fe ren-
contrent tous, non feulement en l'vne destrois fections
coniques, mais quelquefois aufly en la circonference
d vn cercle ou en vne ligne droite. Et que, lorfqu'il y
en a cinq ou fix ou fept ou huit, tous ces poins fe ren-
contrent en quelqu'vne des lignes qui font d'vn degré
plus compofées que les fections coniques, & il eft
impoflible d'en imaginer aucune qui ne foit vtile a
cete queftion; mais ils peuuent aufly, de rechef, fe
rencontrer en vne fection conique, ou en vn cercle, ou
en vne ligne droite, & s'il y en a neuf ou 10 ou 11 ou
12, ces poins fe rencontrent en vne ligne qui ne peut
eftre que d'vn degré plus compofée que les prece-
dentes; mais toutes celles | qui font d'vn degré plus
compofées y peuuent feruir; & ainfi a l'infini.
Au refte, la premiere & la plus fimple de toutes,
Comment
on doit pofer
les termes pour
382 OEUVRES DE DESCARTES. 30010)
aprés les fections coniques, eft celle qu'on peut def-
crire par l'interfeélion d'vne Parabole & d'vne ligne
droite, en la façon qui fera tantoft expliquée. En forte
que ie penfe auoir entierement fatisfait a ce que Pap-
pus nous dit auoir efté cherché en cecy par les an-
ciens; & ie tafcheray d'en mettre la demonftration en
peu de mots : car il m'ennuie defia d’en tant efcrire.
Soient AB, AD, EF, GH, &c., plufieurs lignes
données par pofition, & qu'il faille trouuer vn point,
comme C, duquel ayant tiré d'autres lignes droites
fur les données, comme CB, CD, CF & CH, en forte
que les angles CB A, CDA, CFE, CHG, &ec., foient
donnés,| & que ce qui eft produit par la multiplication
d'vne partie de ces lignes foit efgal a ce qui eft produit
par la multiplication des autres, ou bien qu'ils ayent
quelque autre proportion donnée : car cela ne rend
point la queftion plus difficile.
Premierement, ie fuppofe la chofe comme defia
faite &, pour me demefler de la confufion de toutes
15
20
25
30
ASE LC LA GEOMETRIE, "Livre I: 383
ces lignes, 1e confidere l'vne des données & l'vne de
celles quil faut trouuer, par exemple AB & CB,
comme les principales & aufquelles ie tafche de rap-
porter ainfi toutes les autres. Que le fegment de la
ligne AB, qui eft entre les poins À & B, foit nommé
x, & que BC foit nommé y; & que toutes les autres
lignes données foient prolongées iufques a ce qu'elles
couppent ces deux, aufly prolongées, s'il eft befoin
& fi elles ne leur font point paralleles : comme vous
voyés icy, quelles couppent la ligne AB aux poins
A, E, G, & BC aux poins R, S, T. Puis, a caufe que
tous les angles du triangle ARB font donnés, la pro-
portion qui eft entre les coftés AB & BR eft aufly
donnée, & ie la pole comme de 7 a b; de façon qu'AB
eftant x, RB fera ?*, & la toute C R feray +, a caufe
que le point B be entre = &R; car, fi R tomboit
entre C & B, CR feroit y —— 0 fi e onboie entre
B &R, CR feroit — y +. Tout de mefme, les trois
ie du triangle DRC font donnés, & par confe-
quent aufly la proportion qui eft entre les coftés CR
MICD que te pote comme de 7 a c : de façon que,
CR eflant y-+# CD fera Le Aprés cela, pource
que les lignes AB, AD &ÉF font données par poli-
tion, la diftance qui eft entre les poins A & E eft aufly
ne. &, fi on la nomme #, on aura EB efgal a
k+x; mais ce feroit À —x, fi le point B tomboit entre
E&A, &—k+x, fi E tomboit entre A &B. Et, pource
que les angles du triangle ESB font tous donnés, la
proportion de BE a BS eft aufly donnée, &ie la on
comme 7 a d : fi bien que BS eft + & la toute CS
ef + dk +dx he point S
1?
; mais ce feroit RARE
venir a
l'Equation
en cet exemple.
384 OEUVRES DE DESCARTES. 311-312.
tomboit entre B & C; & ce feroit TEE fi C tom-
boit entre B &S. De plus, les trois angles 4 triangle
FSC font donnés, &, en fuite, la! proportion de CS a
CF, qui foit comme deal toute © rer
17 PERTE EN mefme facon, AG, que ie nomme /,
eft donnée, & BG eft /—x; &a ca du triangle BGT,
la proportion de BG a BT eft aufly donne qui foit
comme de 7 a /; & BT fera PE, & CT = 5 DEEE,
Puis, de rechef, la proportion de TC a CH ef don-
née, a caufe du triangle T CH, &, la pofant comme de
7ag,onaura CH ÉETE _
Et ainfi vous voyés qu'en tel one de lignes don-
nées par pofition qu'on puifle auoir, toutes les lignes
tirées deflus, du point C, a angles donnés, fuiuant la
teneur de la queftion, fe peuuent toufiours exprimer
chafcune par trois termes : dont l'vn eft compofé de
la quantité inconnuë y multipliée, ou diuifée, par
quelque autre connuë ; & l’autre, de la quantité incof=
nue x, auflv multipliée ou diuifée par quelque autre
re)
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25
30
Sie d13, LA GEOMETRIE. — LIVRE I. 38;
connuë ; & le troifiefme, d'vne quantité toute connuë.
Excepté feulement fi elles font paralleles ou bien a la
ligne AB, auquel cas le terme compofé de la quan-
tité x fera nul; ou bien a la ligne CB, auquel cas
celuy qui eft compofé de la quantité y fera nul : ainfi
qu'il efttrop manifeflte pour que ie m'arefte a l'expli-
quer. Et pour les fignes + & ——, qui fe ioignent a ces
termes, ils peuuent eftre changés en toutes les façons
imaginables.
Puis vous voyés aufli que, multipliant plufieurs de
ces lignes l’vne par l’autre, les quantités x & y, qui fe
trouuent dans le produit, n y peuuent auoir que chaf-
cune autant de dimenfions qu'il y a eu de lignes, a
l'explilcation defquelles elles feruent, qui ont efté ainfi
multipliées. En forte qu'elles n'auront iamais plus de
deux dimenfions, en ce qui ne fera produit que par la
multiplication de deux lignes ; ny plus de trois, en ce
qui ne fera produit que par la multiplication de trois;
&ainfi a l'infini.
De plus, a caufe que, pour determiner le point C,
il n'y a qu'vne feule condition qui foit requife, a fça-
uoir que ce qui eft produit par la multiplication d'vn
certain nombre de ces lignes foit efgal, ou {ce qui n’eft
de rien plus malayfé) ait la proportion donnée a ce
qui eft produit par la multiplication des autres; on
peut prendre a diferetion l'vne des deux quantités in-
connues x ou y, & chercher l'autre par cete Equation,
en laquelle il eft euident que, lorfque la queflion n'eft
point propofée en plus de cinq lignes, la quantité x,
qui ne fert point a l'expreflion de la premiere, peut
toufiours ny auoir que deux dimenfions. De façon
Œuvres. I. 49
Comment on
trouue que ce
problefme eft
plan, lorfqu'il
n’eft point
propofé en plus
de 5 lignes.
86 OEUVRES DE DESCARTES. 213-314.
3
que, prenant vne quantité connuë pour y, il ne ref-
tera que
xx > + ou —ax+ où —bb;
& ainfi on pourra trouuer la quantité x auec la reigle
& le compas, en la façon tantoft expliquée. Mefme,
prenant fuccefliuement infinies diuerfes grandeurs
pour la ligne y, on en trouuera aufly infinies pour la
ligne x; & ainfi on aura vne infinité de diuers poins
tels que celuy qui eft marqué C, par le moyen def-
quels on deferira la ligne courbe demandée.
Il fe peut faire auffy, la queftion eftant propofée en
fix ou plus grand nombre de lignes, s'il y en a, entre
les données, qui foient paralleles a B A ou BC, que
l'vne des deux quantités x ou y n'ait que deux‘ dimen-
fions en | l'Equation, & ainfi qu'on puifle trouuer le
point C auec la reigle & le compas. Maïs, au con-
traire, fi elles font toutes paralleles, encore que la
queftion ne foit propofée qu'en cinq lignes, ce point C
ne pourra ainfi eftre trouué, a caufe que, la quantité x
ne fe trouuant point en toute l'Equation, il ne fera
plus permis de prendre vne quantité connuë pour
celle qui eft nommée y, mais ce fera elle qu'il faudra
chercher. Et, pource qu'elle aura trois dimenfions, on
ne la pourra trouuer qu’en tirant la racine d’vne Equa-
tion cubique : ce qui ne fe peut generalement faire,
fans qu'on y employe pour le moins vne feétion co-
nique. Et encore qu'il y ait iufques a neuf lignes don-
nées, pouruû qu'elles ne foient point toutes paral-
leles, on peut toufiours faire que l'Equation ne monte
a, « aut etiam unam » ajoute Schooten,
20
23
314. LA GEOMETRIE. — Livre Î. 387
que iufques au quarré de quarré : au moyen de quoy,
on la peut aufly toufiours refoudre par les feétions
coniques, en la façon que r'expliqueray cy aprés. Et
encore qu'il yen ait iufques a treize,on peut toufiours
faire qu'elle ne monte que iufques au quarré de cube:
en fuite de quoy, on la peut refoudre par le moyen
d'vne ligne qui n'eft que d'vn degré plus compofée
_ que les feétions coniques, en la façon que 1'explique-
ray aufly cy aprés. Et cecy ef la premiere partie de ce
que j'auois icy a demonftrer; mais, auant que ie pañle
a la feconde, il eft befoin que ie die quelque chofe en
general de la nature des lignes courbes.|
; tire
dis ns À À
à
FE
Quelles font
les lignes
courbes qu’on
peut receuoir
en Geometrie.
LA GEOMETERHPE
LIVRE SECOND.
De la nature des lignes courbes.
Les anciens ont fort bien remarqué qu'entre les
Problefmes de Geometrie, les vns font plans, les
autres folides, & les autres lineaires : c'eft a dire que
les vns peuuent eftre conftruits en ne traçant que des
lignes droites & des cercles; au lieu que les autres ne
le peuuent eftre, qu'on ny employe pour le moins
quelque feétion conique; n1 enfin les autres, qu'on n'y
employe quelque autre ligne plus compofée. Mais ie
m'eflonne de ce qu'ils n'ont point,outre cela, diftingué
diuers degrés entre ces lignes plus compofées, & 1e
ne fçaurois comprendre pourquoy ils les ont nom-
mées Mechaniques, plutoft que Geometriques. Car, :
de dire que ç'ait efté a caufe qu'il eft befoin de fe
feruir de quelque machine pour les defcrire, il fau-
droit reietter, par mefme raifon, les cercles & les
lignes droites, vü qu'on ne les defcrit fur le papier
qu'auec vn compas & vne reigle, qu'on peut aufly
nommer des machines. Ce n'eft pas non plus a caufe
20
SEL
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30
315-516. LA GEOMETRIE. — Livre IL. 389
que les inftrumens qui feruent a les tracer, eftant plus
compofés que la reigle & le compas, ne peuuent eftre
fi iuftes : car il faudroit, pour cete raifon, les reietter
des Mechaniques, où la iuftefle des ouurages qui
fortent de la main eft defirée. plutoft que de la Geo-
metrie, où c'eft feulement la iufteffe du rdifonnement
quon recheriche, & qui peut fans doute eftre aufTy
parfaite, touchant ces lignes, que touchant les autres.
le ne diray pas aufly que ce foit a caufe qu'ils n’ont
pas voulu augmenter le nombre de leurs demandes,
& qu'ils fe font contentés qu'on leur accordaft qu'ils
puflent ioindre deux poins donnés par vne ligne droite,
& defcrire vn cercle d'vn centre donné, qui paffaft par
VA point donné : car ils n'ont point fait de fcrupule de
fuppofer, outre cela, pour traiter des fe@ions co-
niques, qu’on puft coupper tout cone donné par vn
- plan donné. Et il n'eft befoin de rien fuppofer, pour
tracer toutes les lignes courbes que ie pretens icy d'in-
troduire, finon que deux ou plufieurs lignes puiflent
eftre meuës l'vne par l'autre, & que leurs interfe@tions
en marquent d'autres : ce qui ne me paroift en rien
plus difficile. Il eft vray qu'ils n'ont pas aufly entiere-
ment receu les fe@ions coniques en leur Geometrie,
& ie ne veux pas entreprendre de changer les noms
qui ont eflé approuués par l'vfage ; mais il eft, ce me
femble, tres clair que, prenant, comme on fait, pour
_ Geometrique ce qui eft precis & exact, & pour Mecha-
nique ce qui ne left pas: & confiderant la Geometrie
comme vne fcience qui enfeigne generalement a con-
noiftre les mefures de tous les cors; on nen doit pas
plutoft exelure les lignes les plus compofées que les
*
390 OEuvres DE DESCARTES. 316-317.
plus fimples, pouruü qu'on les puifle imaginer eftre
defcrites par vn mouuement continu, ou par plufieurs
qui s'entrefuiuent & dont les derniers foient entiere-
ment reglés par ceux qui les precedent : car, par ce
moyen, on peut toufiours auoir vne connoiflance
exacte de leur mefure. Mais peuteftre que ce qui a em-
pefché les anciens Geometres de receuoir celles qui
eftoient plus compofées que les feétions coniques, c'eft
que les premieres qu'ils ont confiderées, ayant par
hafard efté la Spirale, la Quadratrice, & femblables,
qui n'appartienent veritablement qu aux Mechaniques
& ne font point du nombre de celles que ie penfe de-
uoir icy eftre receues, a caufe qu'on les imagine def-
crites par deux mouuemens feparés & qui n'ont entre
eux aucun raport qu'on puifle mefurer exactement ;
bien qu'ils ayent aprés examiné la Conchoide, la Cif-
foide, & quelque peu d'autres qui en font, toutefois,
a caufe qu'ils n'ont peuteftre pas aflés remarqué leurs
proprietés, ils n'en ont pas fait plus d'eftat que des
premieres. Ou bien, c'eft que, voyant qu'ils ne con-
noifloient encore que peu de chofes touchant les
fe&ions coniques, & qu'il leur en reftoit mefme beau-
coup, touchant ce qui fe peut faire auec la reigle & le
compas, qu'ils ignoroient, ils ont creu ne deuoir pas
entamer de matiere plus difficile. Mais, pource que
'efpere que dorenauant ceux qui auront l'adrefle de
fe feruir du calcul Geometrique icy propolé, ne trou=
ueront pas aflés de quoy s'arefter touchant les pro=
blefmes plans ou folides, ie crois qu'il eft a propos
que ie les inuite a d'autres recherches, où ils ne man-
queront iamais d'exercice,
Fe
317-318. LA GEOMETRIE. — Livre Il. © 391
Voyés les lignes AB, AD, AF & femblables, que ie
fuppofe auoir efté defcrites par l’ayde de l'inftrument
YZ*, qui eft compofé de plufieurs reigles, tellement
jointes que, celle qui eft marquée YZ eftant areftée
fur la ligne AN, on peut ouurir & fermer l'angle
XYZ, & que, lorfqu'il eft tout fermé, les poins B, C,
D, <E>°F, G, H font tous afflemblés au point A;
mais qu'a mefure qu'on l'ouure, la reigle BC, qui eft
jointe a angles droits auec XY au point B, pouñle
vers Z la reigle CD, qui coule fur YZ en faifant touf-
iours des angles droits auec elle; & CD poufñe DE,
qui coule tout de mefme fur Y X en demeurant paral-
jele a BG; DE poufle EF; EF poufle FG:; celle cy
poufle GH; & on en peut conceuoir vne infinité
d'autres, qui fe pouflent confequutiuement en mefme
façon, & dont les vnes facent toufiours les mefmes
angles auec YX, & les autres auec YZ. Or, pendant
a. XYZ Schooten.
b.E a été ajouté par Schooten.
La façon de
diftinguer toutes
les lignes courbes
en certains genres,
et de connoïftre
le rapport qu'ont
tous leurs poins
a ceux des lignes
droites.
302 OEUVRES DE DESCARTES. 318-319.
qu'on ouure ainfi l'angle XYZ, le point B defcrit la
ligne AB, qui eft vn cercle; & les autres poins, D, F,
H, où fe font les interfettions des autres reigles, def-
criuent d’autres lignes courbes, AD, AF, AH, dont
les dernieres font, par ordre, plus compofées que la
premiere, & celle cy plus que le cercle. Mais ie ne voy
pas ce qui peut empefcher qu'on ne conçoiue aufly
nettement & aufly diftinctement la defcription de cete
premiere, que du cercle ou, du moins, que des fections
coniques; ny ce qui peut empefcher qu'on ne con-
çoiue la feconde, & la troifiefme, & toutes les autres
qu'on peut defcrire, aufly bien que la premiere; ny,
par confequent, qu'on ne les reçoiue toutes en mefme
façon, pour feruir aux fpeculations de Geometrie.
le pourrois mettre icy plufieurs autres moyens,
pour tracer & conceuoir des lignes courbes qui feroient
de plus en plus compofées par degrés a l'infini. Mais,
pour comprendre enfemble toutes celles qui font en la
nature, & les diftinguer par ordre en certains genres,
ie ne fçache rien de meilleur que de dire que tous les
poins de celles qu'on peut nommer Geometriques,
c'eft a dire qui tombent fous quelque mefure precife
& exacte, ont neceflairement quelque rapport a tous
les poins d'vne ligne droite, qui peut eftre exprimé par
quelque equation, en tous par vne mefme. Et que,
lorfque cete equation ne monte que iufques au rec-
tangle de deux quantités indeterminées, ou bien au
quarré d'vne mefme, la ligne courbe eft du premier &
plus fimple genre, dans lequel il n'y a que le cercle,
la parabole, l'hyperbole & l'ellipfe qui foient com-
prifes. Mais que, lorfque l'equation monte iufques a
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319-320. LA GEOMETRIE. — Livre II. 393
la trois ou quatriefme dimenfion des deux ou de l'vne
des deux quantités indeterminées : car il en faut deux
pour expliquer icy le rapport d'vn point a vn autre :
elle eft du fecond. Et que, lorfque l'equation monte
iufques a la ; ou fixiefme dimenfion, elle eft du troi-
fiefme : & ainfi des autres a l'infini.
Comme, fi ie veux fçauoir de quel genre eft la ligne
E C, que 1imagine
eftre defcrite par l'in-
terfeétion de la reigle
GL & du plan recti-
ligne CNKLE, dont le
cofté KN eftindefinie-
ment prolongé vers
C, & qui, eftant meu
fur le plan de deffous
en ligne droite, c'ef
a dire en telle ae que fon diametre KL É trouue
toufiours appliqué fur quelque endroit de la ligne
BA prolongée de part & d'autre, fait mouuoir cir-
culairement cete reigle GL autour du point G, a
caufe quelle luy eft tellement iointe qu'elle pañte
toufiours par le point L. le choifis vne ligne droite,
comme AB, pour rapporter a fes diuers poins tous
ceux de cete ligne courbe EC, & en cete ligne AB ie
choiïfis vn point, comme A, pour commencer par luy
ce calcul. Le dis que ie choifis & l'vn & l’autre, a caufe
qu'il eft libre de les prendre tels qu'on veult : car, en-
core qu'il y ait beaucoup de choix pour rendre l'equa-
tion plus courte & plus ayfée, toutefois, en quelle
façon qu on les prene, on peut toufiours faire que la
Œuvres, I. 50
394 OEUVRES DE DESCARTES. 320-322.
ligne paroiïfle de mefme $enre, ainfi qu'il eft ayfé a
demonftrer.| Aprés cela, prenant vn point a diferetion
dans la courbe, comme C, fur lequel ie fuppofe que
l'inftrument qui fert a la defcrire eft appliqué, ie tire
de ce point C la ligne CB parallele a GA; & pource
que CB & BA font deux quantités indeterminées &
inconnuës, ie les nomme, l'vne y, & l’autre x. Mais,affin
de trouuer le rapport de l'vne a l’autre, ie confidere
aufly les quantités connuës qui determinent la defcrip-
tion de cete ligne courbe: comme GA que ie nomme a,
KL que ie nomme b, & NL, parallele a GA, que ie
nomme c. Puis ie dis : comme NLefta LK,ouca b,
ainfy CB, ou y, eft a BK, cu eft, par Shococic ns
&BLeft°y—b; & A Left x +! -7 — b. De plus, comme
CB efta LB ,ouya?y—b, ainfi a, ou GA, et a LA,
ou x+?y—b. De façon que, D pa É Roue à
par la troifiefme, on produift ? y— ab, qui eft efgale
a xyY +?yYy— de qui fe produifl en multipliant la
premiere par la derniere; & ainfi l'equation qu'il fal-
loit trouuer ef :
IR TERRE
de laquelle on connoift que la ligne EC eft du pre-
mier genre : comme, en effect, elle n'eft autre qu'vne
Hyperbole*.
Que fs end inftrument qui fert a 3 defcrire, on fait
qu'au for de la ligne droite CNK, ce foit cete Hyper-
bole, ou quelque autre ligne UE 1. du premier genre,
qui termine le plan CNKL, l'interfeélion de cete ligne
& de la reigle GL defcrira, au lieu de l'hyperbole EC,
FA
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15
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322-323. LA GEOMETRIE. — Livre II. 395$
vne autre ligne courbe, qui fera du fecond genre.
Comme, fi CNK eft vn cercle dont L foit le centre,on
defcrira la premiere Conchoide des anciens: & fi c'eft
vne Parabole dont le diametre foit KB, on defcrira
la ligne courbe que i'ay tantoft dit eftre la premiere
& la plus fimple pour la queftion de Pappus, lorfqu'il
n y a que cinq lignes
droites données par
pofition. Mais fi, au
lieu d'vne de ces li-
gnes courbes du pre-
mier genre, cen eft
vne du fecond qui ter-
mine le plan CNKI,
on en defcrira, par
fon moyen, vne du
troifiefme : ou, fi c'en eft vne du troifiefme, on en
defcrira vne du quatriefme ; & ainfi a l'infini, comme il
eft fort ayfé a connoiftre par le calcul. Et en quelque
autre façon qu'on imagine la defcription d'vne ligne
courbe, pouruû qu'elle foit du nombre de celles que
ie nomme Geometriques, on pourra toufiours trou-
luer vne equation pour determiner tous fes poins en
cete forte.
Au refte, ie mets les lignes courbes qui font monter
cete equation iufques au quarré de quarré, au mefme
genre que celles qui ne la font monter que iufques
au cube ; & celles dont l'equation monte au quarré de
cube, au mefme genre que celles dont elle ne monte
qu'au furfolide; & ainfi des autres. Dont la raifon
eft qu'il y a reigle generale pour reduire au cube
Suite de
l'explication
de la queftion
de Pappus
mife au liure
precedent.
306 Œuvres DE DESCARTES. 323-324.
toutes les diflicultés qui vont au quarré de quarré,
& au furfolide toutes celles qui vont au quarré de
cube, de façon qu'on ne les doit point eftimer plus
compofées. |
Mais il eft a remarquer qu'entre les lignes de
chafque genre, encore que la plufpart foient efgale-
ment compofées, en forte qu’elles peuuent feruir a
determiner les mefmes poins & conftruire les mefmes
problefmes, il y en a toutefois aufly quelques vnes
qui font plus fimples, & qui n'ont pas tant d'eftendue
en leur puiflance. Comme, entre celles du premier
genre, outre l'Ellipfe, l'Hyperbole & la Parabole, qui
font efgalement compofées, le cercle y eft auffy com-
pris, qui manifeftement eft plus fimple. Et entre celles
du fecond genre, il y a la Conchoiïde vulgaire, qui a
fon origine du cercle, & il y en a encore quelques
autres qui, bien qu'elles n'ayent pas tant d’eftendue
que la plufpart de celles du mefme genre, ne peuuent
toutefois eftre mifes dans le premier.
Or, aprés auoir ainfi reduit toutes les lignes courbes
a certains genres, il m'eft ayfé de pourfuiure en la de-
monftration de la refponfe que ray tantoft faite a la
queftion de Pappus. Car, premierement, ayant fait
voir cy deflus que, lorfqu il n y a que trois ou 4 lignes
droites données, l'equation, qui fert a determiner les
poins cherchés,ne monte que iufques au quarré, il eft
euident que la ligne courbe, où fe trouuent ces poins,
eft neceflairement quelqu'vne de celles du premier
genre, a caufe que cete mefme equation explique le
rapport qu'ont tous les poins des lignes du premier
genre a ceux d'vne ligne droite, Et que, lorfqu'il ny a
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324-325. LA GEOMETRIE. — Livre Il. 397
point plus de 8 lignes droites données, cete equation
ne monte que iufques au quarré de quarré tout au
plus, & que, par confequent, la ligne cherchée ne peut
eftre que du fecond genre, ou au deflous. Et que, lorf-
qu'il n y a point plus de 12 lignes données, l'equation
ne monte que iufques au quarré de cube, & que, par
confequent, la ligne cherchée n'eft que du troifiefme
genre, ou au deflous : & ainfi des autres. Et mefme, a
caufe que la pofition des lignes droites données peut
varier en toutes fortes, & par confequent faire changer
tant les quantités connuës que les fignes + & — de
l'equation, en toutes les façons imaginables, 1l eft eui-
dent qu'il n y a aucune ligne courbe du premier genre
qui ne foit vtile a cete queftion, quand elle eft pro-
pofée en 4 lignes droites; ny aucune du fecond quin y
foit vtile, quand elle eft propofée en huit; ni du troi-
fiefme, quand elle eft propofée en douze; & ainfi des
autres. En forte qu'il n'y a pas vne ligne courbe, qui
tombe fous le calcul & puifle eftre receuë en Geome-
trie, qui n'y foit vtile pour quelque nombre de lignes.
Mais il faut icy plus particulierement que 1e deter-
mine & donne la façon de trouuer la ligne cherchée
qui fert en chafque cas, lorfqu'il n'y a que 3 ou4lignes
droites données; & on verra, par mefme moyen, que
le premier genre des lignes courbes n'en contient
aucunes autres que les trois fections coniques & le
cercle.
Reprenons les 4 lignes AB, AD, EF & GH, don-
nées cy deflus, & qu'il faille trouuer vne autre ligne,
en laquelle il fe rencontre vne infinité de poins tels
que C, duquel ayant tiré les 4 lignes CB, CD, CF
-
Solution de cete
queftion, quand
elle n’eft propofée
qu'en 3ou4 lignes.
308 OEUVRES DE DESCARTES. 325-326,
& CH, a angles donnés fur les données, CB, multi-
pliée par CF, produift vne fomme efgale a C D multi-
pliée par CH : c'eft a dire, ayant fait :
CB = y, CD SERRES
SA
CRE CP ACROSS Re CES £IY LE IE*
11 i 1?
1
l'equation eft
— dek7z | nderzx + befglx
+efglx \Ÿ —cferx\ y — befexx
| +bcgrx
_ ER — EU
au moins en fuppofant e7 plus grand que cg : car,
s'il eftoit moindre, il faudroit changer tous les fignes
+ & —*, Et fi la quantité y fe trouuoit nulle, ou
moindre que rien en cete equation, lorfqu'on a fup-
polfé le point C en l'angle D AG, il faudroit le fup-
pofer aufly en l'angle DAE, ou EAR, ou RAG, en
*YB:
Ba627 LA GEOMETRIE. — Livre II. 399
changeant les fignes + & —, felon qu'il feroit requis a
cet eflect. Et fi, en toutes ces 4 pofitions, la valeur d'y
fe trouuoit nulle, la queflion feroit impoflible au cas
propolé *. Mais fuppofons la icy eftre poffible, &, pour
en abreger les termes, au lieu des quantités SET,
efcriuons 2», & au lieu de FC EUES RE, efcriuons
— : &ainfi nous aurons
bcfglx — bcfgxx
DRE
IE US CRETE 1 an CCE )
dont la racine eft
ÿ D 1 — Se —- 7 m — ae de nnxx se CIRE ET
î
fé ani idem tt
&, de rechef pour abreger,
s befgl .
Au leu de -—- = LE Re efcriuons 0;
: b à
& au lieu de ©"— JE efcriuons* — £.
TAC STE Te m
Car, ces quantités eftant toutes données, nous les
pouuons nommer comme il nous plaift; & ainfi nous
auons
n ie
pm" x+(/mm+ox—# xx,
qui doit eftre la longeur de Îa ligne BC, en laiffant
AB ou x indeterminée. Et il eft euident que, la quef-
tion n'eftant propofée qu'en trois ou quatre lignes,
on peut toufiours auoir de tels termes ; excepté que
quelques vns d'eux peuuent eftre nuls, & que les
fignes + & — peuuent diuerfement eftre changés.
PB Br 1650).
a. Nous ajoutons le signe —, qui manque dans l'édition princeps et
aussi bien dans les éditions latines de Schooten,
PET IPS NT RER, PC:
"D
à
LE At. bee
‘ref
ce R. TT
400 OEUVRES DE DESCARTES. 327-328.
Aprés cela, ie fais KI efgale et parallele a BA, en
forte qu’elle couppe de BC la partie BK efgale a m1, a
caufe qu'il y a icy + m : &ie l’aurois adiouftée en ti-
rant cete ligne IK de l’autre cofté, s'il y auoit eu—";
& ie ne l'aurois point du tout tirée, fi la quantité »
euft eflé nulle. Puis ie tire auffy IL, en forte que la
ligne IK eft a KL comme 7 eft a n : c'eft a dire que,
IK eftant x, KL eft © x. Et, par mefme moyen, ie con-
nois aufly É a eft entre KL &IL, que ie
pote comme entre n & a: fi bien que, KL eftant ” ae
eft “x. Et ie fais que le point K foit entre L & Ca
caufe quily a ic y — :X; a lieu que l'aurois mis L
entre K & C, fi j'eufle eu + “x; & ie n'eufle point tiré
cete ligne IL, fi; x euft efté raie
Or, ae fait, il ne me refte plus, pour la ligne LC,
que ces termes
LC 4/mm+ox— xx;
m
d'où ie voy que, s'ils eftoient nuls, ce point C fe trou-
a
10
15
20
25
328-320. LA GEOMETRIE. — Livre Il. AOI
ueroit en la ligne droite IL; & que, s'ils eftoient tels
que la racine s'en puf tirer : c'eft a dire que, mm &
Fxx eflant marqués d'vn mefme figne + [ou —|*, 00
fuft efgal a 4pm, ou bien que Îes termes mm & ox, ou
ox & xx, fuflent nuls : ce point C fe trouueroit en
vne autre ligne droite qui ne feroit pas plus malayfée
a trouuer qu IL*. Mais lorfque cela n'eft pas, ce point
C eft toufiours en l'vne des trois feétions coniques, ou
en vn cercle*, dont l'vn des diametres eft en la ligne
IL, & la ligne LC ef l'vne de celles qui s'appliquent par
ordre a ce diametre, ou au contraire LC eft parallele
au diametre auquel celle qui eft en la ligne IL eft ap-
pliquée par ordre?. À fçauoir, fi le terme À xx eft nul,
cete fection conique eft vne Parabole; & s’il eft mar-
qué du figne +, c'eft vne Hyperbole; & enfin, s'il eft
marqué du figne —, c'eft vne Ellipfe. Excepté feulement
fi la quantité aam eft efgale a p77, & que l'angle ILC
foit droit : auquel cas on a vn cercle au lieu |d'vne
Ellipfe. Que fi cete feétion eft vne Parabole, fon cofté
droit eft efgal a“, & fon diametre eft toufiours en la
ligne IL; & pour trouuer le point N, qui en ef le fom-
met, il faut faire IN efgale a °*, & que le point I foit
entre L & N, fi les termes font mm + ox, ou bien
que le point L foit entre 1 & N, s'ils font + mm — ox;
ou bien il faudroit qu'N fuft entre I & L, s'il y auoit
— mm + 0x; mais il ne peut iamais y auoir —"”m, en
CCC (1650).
a. Les mots entre crochets, écrits par inadvertance, ont été supprimés
par Schooten dans l'édition de 1650.
b. Ce second cas est celui où IL, ne rencontrant pas la conique, n'était
pas alors considérée comme diamètre.
Œuvres. I. St
402 QOŒEuvres DE DESCARTES. 329-330.
Ja façon que les termes ont icy efté pofés. Et enfin le
point N feroit le mefme que le point I, fi la quantité
mm eftoit nulle. Au moyen de quoy il eft ayfé de
trouuer cete Parabole par le 1‘ Problefme du 1° liure
d'Apollonius*.
| Que fi la ligne demandée eft vn cercle ou vne El-
lipfe ou vne Hyperbole, il faut, premierement, chercher
le point M qui eneft le centre, & qui eft toufiours en
la ligne droite [L, où on le trouue en prenant = pour
[M:en forte que, fi la quantité 0 eft nulle, ce centre
eft iuftement au point L. Et fi la ligne cherchée eft vn
cercle ou vne Ellipfe, on doit prendre le point M du
mefme cofté que le point L, au refped du point I,
lorfqu'on a+ox; & lorfqu'on a — ox, on Île doit
prendre de l'autre. Mais tout au contraire, en l'Hyper-
bole, fi on a — ox, ce centre M doit eftre vers L; & fi
on a + ox, il doit eftre de l'autre cofté. Aprés cela, le
CCC bo)
î
|
ê
LA
4
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25
330-332. La GEoMETRE. — Livre Il. 403
cofté droit de la figure doit eftre 72255 + 2°E, lorf-
qu'on a + mm, & que la ligne cherchée eft vn cercle
ou vne Ellipfe; ou bien lorfqu'on a — mm, & que c'eft
vne Hyperbole. Et il doit eftre VAE ue la
ligne cherchée eftant vn cercle ou vne Ellipfe, on a
— mm; où bien fi, eftant vne Hyperbole & la quan-
tité oo eftant plus grande que 4»p, on a +- mm. Que
fi la quantité mm eft nulle, ce cofté droit eft =; & fi
ox eft nulle, il eft 7 CES Puis, pour le cofté trauer-
fant, il faut trouuer vne ligne qui foit a ce cofté droit
comme aam eft a p77 : a fçauoir, fi ce cofté droit eft
cu net, le trauerfant eft V/2a00mm Cm
& en tous ces cas le diametre de la feétion ef en la
ligne 1M, & LC eft l'vne de celles qui luy font appli-
quées * par ordre. Si bien que, faifant MN efgale a la
moitié du cofté | trauerfant, & le prenant du mefme
cofté du point M qu'eft le point L,on a le point N pour
le fommet de ce diametre. En fuite de quoy il eft ayfé
de trouuer la feétion par le fecond & 3 prob. du 1“ liu.
d'Apollonius *.
Mais quand, cete fettion eftant vne Hyperbole, on
a+ mm, & que la quantité oo eft nulle ou plus petite
que 4pm, on doit tirer du centre M Ia ligne MO P
parallele a LC, & CP parallele a LM; & faire MO
efgale a Vmim — 2; ou bien la faire efgale a #2, fi la
quantité ox eft nulle; puis, confiderer le point O
. comme le fommet de cete Hyperbole dont le dia-
metre eft OP, & CP la|ligne qui luy eft appliquée
* D. — E.
a. qui luy eft appliquée, Desc.
: Demonftration
de tout ce qui
vient d'eftre
expliqué.
404 OEUVRES DE DESCARTES. 332.
par ordre; & fon cofté droit eft 4e — ° R & fon
cofté trauerfant eft V4 mm "0". Excepté quand ox eft
nulle : car alors le cofté droit ef Fri. & le trauer-
fant eft 2». Et ainfi il eft ayfé de la trouuer par le
3 prob. du 1° liu. d'Apollonius.
Et les demonftrations de tout cecy font euidentes.
Car, compofant vn efpace des quantités que ray afli-
gnées pour le cofté droit & le trauerfant, & pour le
fegment du diametre, N L ou O P, fuiuant la teneur dé
l'rr, du 12 & du 13 theorefmes du 1° liure d’Apollo-
nius, on trouuera tous les mefmes termes dont eft
compofé le quarré de la ligne, CP ou CE, qui ef ap-
pliquée par ordre a ce diametre. Comme, en cet
exemple, oftant IM, qui eft %,7, de NM, qui ef
Re Voo+4mp, ay IN: a laquelle ne IL, qui
eft : 5% ‘ay NL, qui eft° . EM Vo0 + amp; &
us eftant multiplié par à Voo 4 mp, qui eft le cofté
droit de la figure, il vient
x Voo+4mp— p 00 AMD +2 mm
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332-333. LA GEOMETRIE. — Livre Il. 40$
pour le reétangle : duquel il faut ofter vn efpace qui
foit au quarré de NL comme le cofté droit eft au tra-
uerfant; & ce quarré de N L eft
aa daom _aam aaoomm aam
GPS x + À 00 mi ri
17 Pit Pi Voo EE ip + 2PP77 na Pi7 |
aaomm
pre Vÿoo+2 AMP,
qu'il faut diuifer par aam & multiplier par p77, a
caufe que ces termes expliquent la proportion qui ef
entre le cofté trauerfant & le droit, & il vient
ont
7 M,
p GOUT
Exx—ox+xVo0 +amp+ 2
m
ce qu'il faut ofter du reétangle Je & on trouue
mm + ox — E xx pour le quarré de CL, qui, par con-
fequent, eft vne ligne appliquée par ordre, dans vne
Ellipfe ou dans vn cercle, au fegment du diametre NL.
Et fi on veut expliquer toutes les quantités données
par nombres, en faifant, par exemple :
EA>3, AG>5$, AB+BR, BSæ-'BE,
ÉD CD CR, CF-2CS CH==2CT,
& que l'angle ABR foit de 60 degrés, & enfin que le
reétangle des deux, CB & CF, foit efgal au reétangle
des deux autres CD & CH; car il faut auoir toutes
ces chofes aflin que la queflion foit entierement de-
terminée. Et auec cela, fuppofant AB + x, & CB = y,
on trouue, par læ façon cy deflus expliquée
YY=2Y— xp sx—xx, & y=i—txt/ rar Ex
Si bien que BK doit eftre 1, & KL doit eftre la moitié
de KI; & pource que l'angle IKL ou ABR eft de
*
406 OEUVRES DE DESCARTES. 333-334
60 degrés, & KIL, qui eft la moitié de KIB ou IKE,
de 30, ILK eft droit. Et pource que IK ou AB eft
nommée x, KL eft : x; &ILeftxV +; & la quantité qui
efloit tantoft nommée 7 eft 1; celle qui efloit a eft
Ve celle qui eftoit = eft 1 ; celle qui eftoito eft4,& 5
celle qui eftoit p eft . . De façon qu'on a ÿ*| pour IM,
& 4/1? pour NM; & pource que aam, qui eft : , eft icy
efgal a p77, & que l'angle ILC.eft droit, on trouue
que la ligne courbe NC eft vn cercle. Et on peut fa-
cilement examiner tous les autres cas en mefme forte. 10
RROERRE Au refte, a caufe que les equations qui ne montent
les lieux 3 ) ; :
joe que iufques au quarré font toutes comprifes en ce que,
olides, & : A : É
la façon ie viens d'expliquer, non feulement le problefme des.
del . . : : d
OC anciens en 3; & 4 lignes eft icy entierement acheué,
mais aufly tout ce qui appartient a ce qu'ils nom- :5
moient la compofition des lieux folides, &, par confe-
quent, aufly a celle des lieux plans, a caufe qu'ils font
compris dans les folides. Car ces lieux ne font autre
334-335. LA GEOMETRIE. — Livre Il. 407
chofe finon que, lorfqu'il eft queftion de trouuer quel-
que point auquel il} manque vne condition pour eftre
entierement determiné *, ainfi qu'il arriue en cete
exemple, tous les poins d'vnemefmeligne peuuenteftre
pris pour celuy qui eft demandé. Et fi cete ligne eft
droite ou circulaire, on la nomme vn lieu plan. Mais fi
c'eft vne parabole, ou vne hyperbole, ou vne ellipfe,on
la nomme vn lieu folide. Et toutefois & quantes que
cela eft, on peut venir a vne Equation qui contient
deux quantités inconnuës & eft pareille a quelqu'vne
de celles que 1e viens de refoudre. Que fi la ligne, qui
determine ainfi le point cherché, eft d'vn degré plus
compofée que les fettions coniques, on la peut nom-
mer, en mefme façon, vn lieu furfolide : & ainfi des
autres. Et s'il manque deux conditions a la deteïrmi-
nation de ce point, le lieu où il fe trouue eft vne fu-
perficie, laquelle peut eftre, tout de mefme, ou plate
ou fpherique ou plus compofée *. Mais le plus haut but
qu'ayent eu les anciens en cete matiere a efté de par-
uenir a la compofition des lieux folides; et il femble
que tout ce qu'Apollonius a efcrit des fections co-
niques n a efté qu'a deffein de la chercher.
De plus, on voit icy que ce que j'ay pris pour le
premier genre des lignes courbes n'en peut com-
prendre aucunes autres que le cercle, la parabole,
l'hyperbole & l'ellipfe : qui eft tout ce que f'auois en-
trepris de prouuer.
Que fi la queftion des anciens eft propofée en cinq
lignes qui foient toutes paralleles, il eft euident que
le point cherché fera toufiours en vne ligne droite.
PE G
Quelle eft la
premiere & la
plus fimple de
toutes les lignes
courbes qui feruent
en la queftion
des anciens, quand
elle eft propofée
en cinq lignes.
408 OŒEuvres DE DESCARTES. 335-337.
Mais fi elle eft propofée en cinq lignes dont il y en ait
quatre qui foient paralleles, & que la cinquiefme les
couppe a angles droits, & mefme que toutes les lignes
tirées du point cherché les rencontrent aufly a angles
droits, & enfin que le parallelepipede compofé de trois
des lignes ainfi tirées fur trois de celles qui font paral-
leles, foit efgal au parallelepipede compofé des deux
lignes tirées, l'vne fur la quatriefme de celles qui font
paralleles, & l'autre fur celle qui les couppe a angles
droits, & d'vne troifiefme ligne donnée : ce qui ef, ce
me femble, le plus fimple cas qu'on puifle imaginer
aprés le precedent : le point cherché fera en la ligne
courbe qui eft defcrite par le mouuement d'vne para-
bole en la façon cy deflus expliquée.
| Soient, par exemple, les lignes données* AB, IH,
ED, GF& GA, & qu'on demande le point C, en forte
que, tirant CB, CF, CD, CH & CM a angles droits
fur les données, le parallelepipede des trois CF, CD
& CH, foit efgal a celuy des 2 autres, CB & CM; &
d'vne troifiefme qui foit AI. Le pofe
CBæy, CM=x, : Aou AE on GES
de façon que, le point C eftant entre les lignes AB
& DE, 1ay
CFr2a—% 1CD=7=y, Ce CHE
& multipliant ces trois l'vne par l’autre, l'ay y — 2ayy
— aay + 2 a”, efgal au produit des trois autres, qui
eft ax y. Aprés cela, ie confidere la ligne courbe CEG,
que j'imagine ee defcrite par l'interfeétion de je
a. données] cherchées, Desc., datæ Schooten.
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30
337-358. LA GEOMETRIE. — Livre Il. 409
Parabole CKN, qu'on fait mouuoir en telle forte que
fon diametre K L eft toufiours fur la ligne droite AB,
& de la reigle GL, qui
tourne ce pendant au- |
tour du point G en
telle forte qu'elle pañle
toufiours, dans le plan
de cete Parabole, par
leépoint L'Ettue fais
KL = a; &le cofté droit
principal, ceft a dire
celuy qui fe rapporte a
l'aiflieu de cete para-
bole, aufly efgala a; & .
GA = 2a:& CB ouMA /c =
»y:&CM ou AB x.
Puis, a caufe des trian-
gles femblables GMC : n
& CBL, GM, qui eft
2a— y, eft a MC, qui ef
x, rs CB, qui eft y, eft a BL, qui eft, par confe-
quent, EU pource que LK ft a, BK ft a— 2,
Lada
ou bien Et enfin, pource que ce ra
BK, eftant vn ne du Dance de la parabole,
eft a BC, qui luy eft appliquée par ordre, comme celle
cy eft au cofté droit, qui eft a, le ul montre que
y°—2ayy —aay+2a* eft efgal a axy;
&, par confequent, que le point C ef celuy qui eftoit
demandé. Et il peut eftre pris en tel endroit de
la ligne C E G qu'on veuille choifir, ou aufly en fon
Œuvres. I, 52
410 OŒEuvres DE DESCARTES. 338-330.
adiointe cEGc, qui fe defcrit en mefme façon, excepté
que le fommet de la parabole eft tourné vers l’autre
cofté, ou enfin en leurs
contrepofées No, 710,
qui font defcrites par
l'interfe@ion que fait
la ligne GL en l'autre
cofté de la parabole
K N.
Or} ‘encore queries
paralleles données AB,
1H, ED & GF, ne fuf-
fent point efgalement
diflantes, & que GA ne
les couppañt point a an-
gles droits, ny aufly les
lignes | tirées du point
C verselles ice point ‘6
ne laifleroit pas de fe
trouuer toufiours en vne
ligne courbe, qui feroit de cete mefme nature. Etil s'y
peut aufly trouuer quelquefois, encore qu'aucune des
lignes données ne foient paralleles. Mais fi, lorfqu'il
y en a 4 ainfi paralleles, & vne cinquiefme qui les tra- .
uerfe, & que le parallelepipede de trois des lignes ti-
rées du point cherché, l'vne fur cete cinquiefme, & les.
2 autres fur 2 de celles qui font paralleles, foit efgal a
celuy des deux tirées fur les deux autres paralleles &
d'vne autre ligne donnée; ce point cherché eft en vne
ligne courbe d'vne autre nature, a fçauoir en vne qui
eft telle que, toutes les lignes droites appliquées par
20
30
339-340. La GEOMETRIE. — Livre Il. AIT
ordre a fon diametre eflant efgales a celles d'vne fec-
tion conique, les fegmens de ce diametre, qui font
entre le fommet & ces lignes, ont mefme proportion
a vne certaine ligne donnée, que cete ligne donnée a
aux fegmens du diametre de la feétion conique, auf-
quels les pareilles lignes font appliquées par ordre. Et
ie ne fçaurois veritablement dire que cete ligne foit
moins fimple que la precedente, laquelle ay creu
toutefois deuoir prendre pour la premiere, a caufe
que la defcription & le calcul en font, en quelque
façon, plus faciles.
Pour les lignes qui feruent aux autres cas, ie ne
m'arefteray point a les diftinguer par efpeces; car ie
n ay pas entrepris de dire tout; &, ayant expliqué la
façon de trouuer vne infinité de poins par où elles
paflent, ie penfe auoir affés donné le moyen de les
defcrire.
Mefme il eft a propos de remarquer quil y a
grande difference, entre cete facon de trouuer plu-
fieurs poins | pour tracer vne ligne courbe, & celle
dont on fe fert pour la Spirale & fes femblables : car,
par cete derniere, on ne trouue pas indiffleremment
tous les poins de la ligne qu'on cherche, mais feule-
ment ceux qui peuuent eftre determinés par quelque
mefure plus fimple que celle qui eft requife pour la
compofer; & ainfi, a proprement parler, on ne trouue
pas vn de fes poins, c'eft a dire pas vn de ceux qui
luy font tellement propres qu'ils ne puiffent eftre trou-
ués que par elle. Au lieu qu'il n y a aucun point, dans
les lignes qui feruent a la queftion propofée, qui ne fe
puifle rencontrer entre ceux qui fe determinent par la
Quelles font les
lignes courbes,
qu'on defcrit en
trouuant plufieurs
de leurs poins,
qui peuuent eftre
receues en
Geometrie.
Quelles font
auffy celles, qu'on
defcrit auec vne
chorde,qui peuuent
y eftre receues.
Que, pour
trouuer toutes
les proprietés
des lignes
courbes, il fuffift
de fçauoir le
rapport qu'ont
tous leurs poins
a ceux des lignes
droites, & la
A12 OŒEuvres DE DESCARTES. 340-341.
façon tantoft expliquée. Et pource que cete façon de
trouuer vne ligne courbe, en trouuant indifferemment
plufieurs de fes poins, ne s’eftend qu'a celles qui
peuuent aufly eftre defcrites par vn mouuement regu-
lier & continu, on ne la doit pas entierement reietter
de la Geometrie.
Et on n'en doit pas reietter non plus celle où on fe
fert d'vn fil, ou d'vne chorde repliée, pour determiner
l'efgalité ou la difference“ de deux ou plufieurs lignes
droites qui peuuent eftre tirées, de chafque point de
la courbe qu'on cherche, a certains autres poins, ou
fur certaines autres lignes, a certains angles : ainf
que nous auons fait en la Dioptrique pour expliquer
l'Ellipfe & l'Hyperbole. Car, encore qu'on n'y puifle
receuoir aucunes lignes qui femblent a des chordes,
c'eft a dire qui deuienent tantoft droites & tantoft
courbes, a caufe que, la proportion qui eft entre les
droites & les courbes n’eftant pas connuë & mefme,
ie croy, ne le pouuant eftre par les hommes, on ne
pourroit rien conclure de là qui | fuft exaû & affuré;
toutefois, a caufe qu'on ne fe fert de chordes, en ces
conftructions, que pour determiner des lignes droites
dont on connoift parfaitement la longeur, cela ne doit
point faire qu'on les reiette.
Or, de cela feul qu'on fçait le rapport qu'ont tous
les poins d'vne ligne courbe a tous ceux d'vne ligne
droite, en la façon que r’ay expliquée, il eft ayfé de
trouuer aufly le rapport qu'ils ont a tous les autres
poins & lignes .données ; &, en fuite, de connoiftre
les diametres, les aiflieux, les centres, & autres lignes
a. Lire « l’efgalité de la fomme, ou de la difference,» ?
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341-342. La GEOMETRIE. — Livre Il. 413
ou poins a qui chafque ligne courbe aura quelque rap-
port plus particulier, ou plus fimple, qu'aux autres;
& ainfi, d'imaginer diuers moyens pour les defcrire,
& d'en choifir les plus faciles *. Et mefme on peut aufiy,
par cela feul, trouuer quafi tout ce qui peut eftre de-
terminé touchant la grandeur de l'efpace qu'elles com-
prenent, fans qu'il foit befoin que ren donne plus
d'ouuerture *. Et enfin, pour ce qui eft de toutes les
autres proprietés qu'on peut attribuer aux lignes
courbes, elles ne dependent que de la grandeur des
angles qu'elles font auec quelques autres lignes.Mais,
lorfqu'on peut tirer des lignes droites qui les couppent
a angles droits, aux poins où elles font rencontrées
par celles auec qui elles font les angles qu'on veut
mefurer, ou, ce que ie prens icy pour le mefme, qui
couppent leurs contingentes, la grandeur de ces angles
neft pas plus malayfée a trouuer que s'ils eftoient
compris entre deux lignes droites. C'eft pourquoy ie
croyray auoir mis icy tout ce qui eft requis pour les
elemens des lignes courbes, lorfque r'auray generale-
ment donné la façon de tirer des lignes droites qui
tombent a angles droits fur|tels de leurs poins qu'on
voudra choifir. Et 1 ofe dire que c'’eft cecy le problefme
le plus vule & le plus general, non feulement que ie
fçache, mais mefme que r'aye iamais defiré de fçauoir
en Geometrie.
Soit CE la ligne courbe, & qu'il faille tirer vne
ligne droite, par le point C*, qui face auec elle des
angles droits. le fuppofe la chofe defia faite, & que la
ligne cherchée eft CP, laquelle ie prolonge iufques
H—I —-K
façon de tirer
d’autres lignes
qui les couppent
en tous ces poins
a angles droits.
Façon generale
pour trouuer
des lignes droites
qui couppent les
courbes données,
ou leurs contin-
gentes, a angles
droits:
AT4 OEUVRES DE DESCARTES. 3422545
au point P, où elle rencontre la ligne droite GA,
que ie fuppofe eftre celle aux poins de laquelle on rap-
porte tous ceux de la
ligne CE; en forte
que, faifant MA ou
CB = y, & CM ou
S BA x, 1ayquelque
equation qui explique le rapport qui eft entre x & y.
Puis ie fais PC >s, & PA > y, Où PM>y—7y,&, a
caufe du triangle reétangle PMC, ï'ay ss, qui ef le
quarré de la baze, efgal a xx+vr—2»y+yy, qui
font les quarrés des deux coftés : c’eft a dire ï'ay
F AU nt TP
x = Wss—vv+2»y—yy, ou bien yÿæv-+ÿss—xx,
&, par le moyen de cete equation, rofte, de l’autre
equation qui m'explique le rapport qu'ont tous les
poins de la courbe CE a ceux de la droite GA, l'vne
des deux quantités indeterminées x ou y : ce qui eft
ayfé a faire, en mettant partout Ws5—yv+2vy—Yy
au lieu d'x, & le quarré de cete fomme au lieu d’xx,
& fon cube au lieu d'xÿ; & ainfi des autres, fi c'eft x
que ie veuille ofter : ou | bieni, fi c’eft y, en mettant en
fon lieu »+V/55—xx, & le quarré ou le cube &c. de
cete fomme, au lieu d'yy ou y* &c. De façon qu'il refte
toufiours, aprés cela, vne equation, en laquelle il n'y
e » a plus qu'vne feule quantité
SC: indeterminée, xouy.
Comme, fi CE eft vne Él-
= P M A lipfe, & que MA foit le feg-,
ment de fon diametre auquel CM foit appliquée par
ordre, & qui ait r pour fon cofté droit, & g pour le
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“344 LA GEOMETRIE. — Livre Il. AT
trauerfant, on a, par le 13 th. du 1 liu. d'Apollonius :
LB mec
d'où, oftant xx, 1l refte :
er 1 DO ed 0
5 ou bien
77 + Er es efgal a rien*:
car 1l eft mieux, en cet endroit, de confiderer ainfi
enfemble toute la fomme, que d'en faire vne partie
efgale a l'autre.
Tout de mefme, fi CE eft
la ligne courbe defcrite par
le mouuement d'vne Para-
bole* en la façon cy deflus
expliquée, & qu'on ait pofé
b pour GA, c pour KL, & d
pour le cofté droit du dia-
metre KL en la parabole : P G M a
l'equation qui explique le rapport qui eft entre x
& y, eft :
Y°—byy—cdy+bcd+dxy=0.
D'owoftant x,'‘on a
DDC dY be d + dyVs5—vr+ 2 VY—YY,
&, remettant en ordre ces termes par le moyen de la
multiplication, il vient
—2bbcd
RS Sea Dan
J—2by + bb} y" Ars ga Le S YY —2bccddy +bbccddxo:
ous + ddvy \
Et ainfi des autres.
* L, — M;
410 OŒEuvrEes DE DESCARTES. : 344-345.
Mefme, encore que les poins de la ligne courbe ne
fe rapportaftent pas en la façon que ray ditte a ceux
d'vne ligne droite, mais en toute autre quon fçauroit
imaginer, on ne re pas de pouuoir toufiours auoir
vne telle equation. Comme, fi CE eft vne ligne qui ait
tel rapport aux trois poins F, G & A, que les lignes
droites tirées de chafcun de fes ee comme C,
iufques au point F,
furpañlent la ligne
F A d'vne quantité
qui ait certaine pro-
portion donnée avne
autre quantité, dont G A furpañle les lignes tirées des
mefmes poins iufques a G. Faifons GA =b, AF 0,
&, prenant a diferetion le point C dans la courbe, que
la quantité dont CF furpaïle F A, foit a celle dont GA
furpafle GC, comme d a e : en forte que, fi cete quan-
tité, qui eft indeterminée, fe nomme 7, FC eft c+7,
& GC eft b—° iT Puis, ea MA = y, GM eft b—y,
&FMeft +7 à [a ne du triangle ae CME
le quarré de CM, qui et 77—°° Re YY:
Puis, oftant le quarré de FM du quarré de FC, on a
encore le quarré de CM en d'autres termes,
à fçauoir 77+2c7—2cy—yy;
&, ces termes eftant efgaux aux precedens, ils font
connoiftre
+ 2cdd;— ee;z;-+aibdez
2bdd+2cdd )
y ou MA, qui eft put
&, fubftituant cete fomme au lieu d'y dans le quarré
20
25
20
25
345-346. LA GEOMETRIE. — Livre Il. 417
de CM, on trouue quil s'exprime en ces termes :
bdd?;+Lceez;z+ 2bcdd};— 2bcdez
a Es
bdd + cdd DE
Puis, fuppofant que la ligne droite PC rencontre
la courbe a angles droits au point C, & faifant PC = 5,
& P A > » comme deuant, PM eft »—y; &, a caufe du
triangle reétangle PCM, ona
S$—yY+2yy—yy pour le quarré de CM,
où derechef ayant, au lieu d'y, fubflitué la fomme qui
luy eft efgale, il vient :
= 2 bcdd?— 2 bcdez — 2 cddvz — 2 bdey;— bddss + bddyy — cddss-Lcddvy 10
TT bdd + cee + eey — ddy É )
pour l'equation que nous cherchions.
Or, aprés qu on a trouué vne telle equation, au lieu
de s'en feruir pour connoiftre les quantités x ou y ou 7,
qui font defia données, puifque le point C eft donné,
on la doit employer a trouuer » ous, qui determinent
le point P qui eft demandé. Et, a cet eflect, il faut confi-
derer que, fi ce point P eft tel qu'on le defire, le cercle
dont il fera le centre & qui paflera par le point C, y
touchera la ligne courbe CE fans la coupper; mais
que, fi ce point P eff tant foit peu plus proche ou plus
efloigné du point! A qu'il ne doit, ce cercle couppera
la courbe, non feulement au point C, mais aufly, ne-
_ceflairement, en quelque autre. Puis il faut auffy con-
fiderer que, lorfque ce cercle couppe la ligne courbe
CE, l'equation par laquelle on cherche la quantité x
ou y, ou quelque autre femblable, en fuppofant P A &
PC eftre connuës, contient neceflairement deux ra-
cines qui font inefgales. Car, par exemple, fi ce cercle
Œuvres. I. 53
418 OEUVRES DE DESCARTES. 346-347.
couppe la courbe aux poins C & E, ayant tiré EQ
parallele a CM,les noms des quantités indeterminées,
x & y, conuiendront aufly bien aux lignes EQ & QA
qua CM & MA; puis PE eft efgale a PC, a caufe du
cercle : fi bien que, cherchant
les lignes EQ & QA par PE
& PA, qu'on fuppofe comme
données, on aura la mefme
equation que fi on cherchoit
CM & MA par PC, PA. D'où
il fuit euidemment que la va-
leur d'x ou d'y, ou de telle autre quantité qu'on aura
fuppofée, fera double en cete equation : c’eft a dire
qu'il y aura deux racines inefgales entre elles, & dont
l'vne fera CM, l'autre E Q, fi c'eft x qu'on cherche; ou
bien l'vne fera M A & l’autre Q A, fi c'eft y: & ainfi
des autres. Il eft vray que, fi le point E ne fe trouue
pas du mefme cofté de la courbe que le point C, il
n'y aura que l'vne de ces deux racines qui foit vraye,
& l’autre fera renuerfée ou moindre que rien : mais,
plus ces deux poins, C & E, font proches l'vn de
l'autre, moins il y a de difference entre ces deux ra-
cines; & enfin elles font entierement efgales, s'ils
font tous deux ioins en vn, c'eft a dire fi le cercle qui
pale par C y touche la courbe CE fans la coupper.
De plus, il faut confiderer que, lorfqu'il y a deux
racines efgales en vne equation, elle a neceffairement
la mefme forme que fi on multiplie, par foy mefme,
la quantité qu'on y fuppofe eftre inconnuë, moins la
quantité connuë qui luy eft efgale; & qu'aprés cela,
fi cete derniere fomme n'a pas tant de dimenfions que
P M Q
20
25
30)
347-348. LA GEOMETRIE. — Livre II. 419
la precedente, on la multiplie par vne autre fomme
qui en ait autant quil luy en manque : afin qu'il
puiffe y auoir feparément equation entre chafceun des
termes de l’vne & chafcun des termes de l’autre.
5 Comme, par exemple, ie dis que la premiere equa-
uon trouuée cy deflus,
Se gry —2qvy +qvy — qss
a fçauoir yy + 1723 EE,
doit auoir la mefme forme que celle qui fe produift en
faifant e efgal a y, & multipliant y — e par foy mefme :
10 d'où il vient ;
YY—2ey +ee:
en forte qu'on peut comparer feparement chafcun de
leurs termes & dire que, puifque le premier, qui eft
yYy, eft tout le mefme en l'vne qu'en l'autre,
15 le fecond, qui eft en l'vne D
r
eft efpal au fecond de l'autre, qui eft — 2ey.
D'où, cherchant la quantité
y, qui eft la ligne PA,on a
fr He \
20 ou. bien, a caufe que nous auons fuppofé e efgal a y,
on à
r Des
PV Ÿ = q M + = Te
Et | ainfi, on pourroit trouuer s par le troifiefme terme :
PR VD gs,
TR
25 mais, pource que la quantité » determine afés le point
_: P, qui eft le feul que nous cherchions, on n'a pas be-
foin de pañler outre.
420 OŒEuvREs DE DESCARTES. 348.
Tout de mefme, la feconde equation trouuée cy
deflus, a fçauoir :
LISA —2bbcd
: ur 4bcd) es + ccdd
J'—2by" + bb}3 : eV" yy —2bccddy +bbccdd,
tan —24ddv) — dass
+ ddyy
doit auoir mefme forme que la fomme qui fe produiff,
lorfqu'on multiplie
YY — 2ey +ee
par Je NE RUE
qui eft
Lodge) HR) +6
De ie non —2e8$ pe? —0eh° 122 pe Aie PE
y Lee ee +eegg
de façon que, de ces deux equations, i'en tire fix
autres, qui feruent a connoiftre les fix quantités }, g,
h, k, y & s. D'où il eft fort ayfé a entendre que, de
quelque genre que puifle eftre la ligne courbe propo-
fée, 1l vient toufiours, par cete façon de proceder, au-
tant d'equations qu'on eft obligé de fuppofer de quan-
tités qui font inconnuës. Mais, pour demefler par
ordre ces equations & trouuer enfin la quantité », qui
eft la feule dont on a befoin, & a l'occafion de laquelle
on cherche les autres; 1l faut, premierement, par le
fecond terme chercher f, la premiere des quantités in-
connuës de la derniere fomme; & on trouue
f2e—2b N
Puis, par le dernier, il faut chercher #, la derniere des
quantités inconnuës de la mefme fomme; & on trouue
4 ss bbccdd
ee
Ron te er ROUES
ee, 2 i
© 349-350. LA GEOMETRIE. — Livre Il. 421
| Puis, par le troifiefme terme, il faut chercher £, la
feconde quantité, & on a
gg = 3ee—4be—2cd+ bb + dd.
Puis, par le penultiefme, il faut chercher k, la penul-
tiefme quantité, qui eft
h5 Æ 2bbccdd 2zbccdd
ei ee
Et ainfi 1l faudroit continuer, fuiuant ce mefme ordre,
iufques a la derniere, s'il y en auoit dauantage en
cete fomme ; car c'eft chofe qu'on peut toufiours faire
en mefme façon.
Puis, par le terme qui fuiten ce mefme ordre, qui eft
icy le quatriefme, il faut chercher la quantité », & on a
2e° 3bee bbe 2ce 2bc bec bbcc.
MST van au D à ne Cr NEEe PHONE
où mettant y au lieu d'e, qui lui eft efgal, on a
250
Ne <bby 2cy 2bc bec bbcc
En 2 Ja doyy w
5e à
pour la ligne A P.
K
L
P G nt A
Et ainfi la troifiefme equation, qui eft
1 2bcdd7 — 2bcdez — 2cddy7 — 2bdevz — bddss + bddvv — cddss L cddvv
IX bdd + cee + cey — ddv )
L1
2 OŒEuvRESs DE DESCARTES. 350:
EA
a la mefme forme que
(eu
en fuppofant f efgal a 7 : fi bien que 1l y a derechef
equation entre
. + 2bcdd — 2bcde — 2cddy — 2bdev.
2 ou 20 bad cee + eey — ddy ;
ie
D'où on connoift que la quantité
bcdd — bcde + bdd; + ceez
DE ra bd — ces Le dde
C'eft pourquoy, compofant la ligne AP de cete
fomme efgale a », dont toutes les quantités font
connuës, & tirant, du
point P ainfi trouué,
vne ligne droite vers
C, elle y couppe la
courbe CE a angles
droits : qui eft ce qu'il falloit faire. Et ie ne voy rien
qui empefche qu'on n'eftende ce problefme, en mefme
façon, a toutes les lignes courbes qui tombent fous
quelque calcul Geometrique.
Mefme il eft a remarquer, touchant la derniere
fomme, qu'on prent a diferetion pour remplir le
nombre des dimenfions de l'autre fomme, lorfqu'il y
en manque, comme nous auons pris tantoft :
F A MP Te
MD ne 220) Deer
que les fignes, + & —, y peuuent eftre fuppofés tels
qu'on veut, fans que la ligne » ou AP fe trouue di-
uerfe pour cela, comme vous pourrés ayfement voir
par experience : car, s'il falloit que ie m'areftafle a
20
25
2
20
29
30
‘comme DB & CE, foient
350-352. LA GEOMETRIE. — Livre II. 423
demonftrer tous les theorefmes dont ie fais quelque
mention, ie ferois contraint d'efcrire vn volume beau-
coup plus gros queie ne defire. Mais ie veux bien, en
paflant, vous auertir que l'inuention de fuppofer deux
equations de mefme forme, pour comparer feparement
tous les termes de l'vne a ceux de l’autre, & ainfi en
faire naïftre plufieurs d'vne feule, dont vous aués vü
icy vn exemple, peut feruir a vne infinité d'autres
Problefmes & n'eft pas l'vne des moindres de la me-
thode dont ie me fers.
le n'adioufte point les conftructions par lefquelles
on peut defcrire les contingentes ou les perpendicu-
laires cherchées, en fuite du calcul que ie viens d'ex-
pliquer, a caufe qu'il eft toufiours ayfé de les trouuer,
bien que, fouuent, on ait befoin d'vn peu d'adrefte
pour les rendre courtes & fimples.
Comme, par exemple, fi DC eft la premiere con-
choide des anciens, dont A foit le pole, & BH la
regle : en forte que toutes
les lignes droites qui re-
gardent vers A, & font
comprifes entre la courbe
SD droite PB H,
efgales : & qu'on veuille
trouuer la ligne CG, qui
la couppe au point C a
angles droits*, on pourroit, en cherchant dans la
ligne B H le point par où cete ligne CG doit pañler,
felon la methode icy | expliquée, s'engager dans vn
GeNE
Exemple de
la conftruction
de ce problefme
en la conchoide.
Explication
de 4 nouueaux
genres d Ouales,
qui fervent a
l'Optique.
424 OEUVRES DE DESCARTES. 352-353.
calcul autant ou plus long qu'aucun des precedens.
Et toutefois la conftruétion, qui deuroit aprés en eftre
deduite, eft fort fimple. Car il ne faut que prendre
CF en la ligne droite CA, & la faire efgale a CH,
qui eft perpendiculaire fur HB ; puis, du point F,
tirer FG parallele a BA & efgale a EA : au moyen
de quoy on a le point G, par lequel doit paffer CG, la
ligne cherchée*.
Au refte, affin que vous fçachiés que la confidera-
tion des lignes courbes, icy propofée, n'eft pas fans
vfage, & qu'elles ont diuerfes proprietés qui ne cedent
en rien a celles des feétions coniques, ie veux encore
adioufter icy l'explication de certaines Ouales, que
vous verrés eftre tres vtiles pour la Theorie de la Ca-
toptrique & de la Dioptrique. Voycy la façon dont ie
les defcris.
Premierement, ayant tiré les lignes droites FA &
AR, qui s'entrecouppent au point A, fans qu'il im-
porte a quels angles, ie prens, en l'vne, le point F a
difcretion, c'eft a dire plus ou moins efloigné du point 20
A, felon que lie veux faire ces Ouales plus ou moins
RO
353. La GEOMETRIE. — Livre Il. 42$
grandes; & de ce point F, comme centre, ie deferis vn
cercle qui pafle quelque peu au delà du point A,
comme par le point $. Puis, de ce point $,ie tire la
ligne droite $6, qui couppe l'autre au point 6, en forte
qu'A6 foit moindre qu'A; felon telle proportion don-
née qu'on veut, a fçauoir felon celle qui mefure les
Refradions, fi on s'en veut feruir pour la Dioptrique.
Aprés cela, ie prens aufly le point G en la ligne FA,
du cofté où eft le point , a difcretion, c'eft a dire en
faifant que les lignes AF & GA ont entre elles telle
proportion donnée qu'on veut. Puisie fais R A efgale
a GA en la ligne AG, &, du centre G, defcriuant vn
cercle dont le rayon foit efgal a RG, il couppe l'autre
cercle, de part & d'autre, au point 1, qui eft l'vn de
ceux par où doit pañler la premiere des Ouales cher-
chées. Puis derechef, du centre F,ie defcris vn cercle
qui pafle vn peu au deça ou au delà du point ;,comme
par le point 7; & ayant tiré la ligne droite 78 paral-
lele a $ 6, du centre G ie defcris vn autre cercle, dont
le rayon eft efgal a la ligne R8; & ce cercle couppe
celuy qui paffe par le point 7, au point 1, qui eft encore
l'vn de ceux de la mefme Ouale. Et ainfi on en peut
trouuer autant d'autres qu'on voudra, en tirant de-
rechef d'autres lignes paralleles a 78, & d'autres
cercles des centres F & G.
Pour la feconde Ouale*, il n'y a point de difference,
finon qu'au lieu d'A R, il faut, de l’autre cofté du point
A, prendre AS efgal a AG, & que le rayon du
cercle defcrit, du centre G, pour coupper celuy qui
eft defcrit du centre F & qui pañle par le point $, foit
a. Géométriquement identique à la 3°, comme la 1° l'est à la 4e.
Œuvres. I. 54
426 OEUVRES DE DESCARTES. 333-355:
efgal a la ligne S6 : ou qu'il foit efgal a S8, fi c'eft
pour coupper celuy qui paffe par le point 7 : & ainfi
des autres. Au moyen de quoy ces cercles sentre-
couppent aux poins marqués 2, 2, qui font ceux de
cete feconde Ouale, A2X*.
Pour la troifiefme & la quatriefme, au lieu de la
ligne A G, il faut prendre A H de l’autre cofté du point
A, a fçauoir du mefme qu'eft le point F. Et il y a icy,
de plus, a obferuer que cete ligne AH doit eftre plus
grande que AF, laquelle peut mefme eftre nulle, en
forte que le point F fe rencontre où eft le point A, en
la defcription de toutes ces Ouales. Aprés cela, les
lignes AR & AS eftant efgales a AH, pour defcrire la
troifiefme Ouale, À 3 Y, ie fais vn cercle, du centre H,
dont le rayon eft efgal a S6, qui couppe, au point 3,
celuy du centre F qui pafle par le point $ ; & vn autre,
dont le rayon eft efgal a S8, qui couppe celuy qui
* OO (1659).
355-356. LA GEOMETRIE. — Livre II. 427
paile par le point 7, au point auffy marqué 3: & ainfi
des autres. Enfin pour la derniere | Ouale, ie fais des
cercles du centre H, dont les rayons font efgaux aux
lignes R6, R8 & femblables, qui couppent les autres
5 cercles aux poins marqués 4.
On pourroit encore trouuer vne infinité d'autres
moyens pour defcrire ces mefmes ouales : comme,
par exemple, on peut tracer la premiere, A V, lorfqu'on
fuppofe les lignes FA & AG eftre efgales, fi on diuife
428 OEUVRES DE DESCARTES. RntaSée
la toute FG au point L, en forte que FL foit a LG comme
A$ a AG, c'eft a dire qu'elles ayent la proportion qui
mefure les refraétions. Puis, ayant diuifé A L en deux
parties efgales au point K, qu'on face tourner vne
reigle, comme FE, autour du point F, en preffant du
doigt C la chorde EC, qui, eftant attachée au bout de
cete reigle vers E, fe replie de C vers K, puis de K de-
rechef vers C, & de C vers G, où fon autre bout foit
attaché; en forte que la longeur de cete chorde foit
compofée de celle des lignes GA plus AL plus FE
moins AF. Et ce fera le mouuement du point C qui
defcrira cete ouale, a l'imitation de ce qui a eflé dit,
en la Dioptrique, de l'Ellipfe! & de l'Hyperbole. Mais
ie ne veux point m'arefter plus long tems fur ce fuiet.
Or, encore que toutes ces ouales femblent eftre
quafi de mefme nature, elles font neanmoins de 4 di-
uers genres, chafcun defquels contient fous foy vne
infinité d'autres genres, qui derechef contienent chaf-
cun autant de diuerfes efpeces que fait le genre des
Ellipfes, ou celuy des Hyperboles. Car, felon que la
proportion qui eft entre les lignes A$, AG, ou fem-
15
20
20
357. La GEOMETRIE. — Livre I. 429
blables, eft differente, le genre fubalterne de ces
ouales eft different. Puis, felon que la proportion qui
eft entre les lignes AF & AG ou AH eft changée, les
ouales de chafque genre fubalterne changent d'ef-
pece. Et felon qu'AG, ou AH, eft plus ou moins
grande, elles font diuerfes en grandeur. Et fi les
lignes As & AG font efgales, au lieu des ouales du
premier genre ou du troifiefme, on ne defcrit que des
lignes droites ; mais, au lieu de celles du fecond, on a
toutes les Hyperboles poflibles, &, au lieu de celles
du dernier, toutes les Ellipfes.
Outre cela, en chafcune de ces ouales, 1l faut con-
fiderer deux parties, qui ont diuerfes proprietés : a
fçauoir, en la premiere, la partie qui eft vers A fait
que les rayons qui, eftant dans l'air, vienent du point
F, fe retournent tous vers le point G, lorfqu'ils ren-
A
hR
Ve
NAN. h
Fe Érn —
contrent la fuperficie conuexe d'vn verre dont la fu-
perficie eft 1 A1, & dans lequel les refractions fe font
telles que, fuiuant ce qui a efté dit en la Dioptrique,
elles peuuent toutes eftre mefurées par la proportion
qui eft entre les lignes A $ & AG, ou femblables par
l'ayde defquelles on a defcrit cete ouale.
Les proprietes
de ces ouales,
touchant les
reflexions & les
refractions.
430 OEUVRES DE DESCARTES. 358-350.
Mais la partie qui eft vers V, fait que les rayons qui
vienent du point G fe reflefchiroient tous vers F, s'ils
y rencontroient la fuperficie concaue d'vn miroir,
dont la figure fuft 1 Vr, & qui fuft de telle matiere
qu'il diminuafñt la force de ces rayons felon la propor-
tion qui eft entre les lignes À ; & AG. Car, de ce qui
a efté demonftré en la Dioptrique, il eft euident que,
cela pofé, les angles de la reflexion feroient inefgaux,
aufly bien que font ceux de la refraction, & pourroient
eftre mefurés en mefme forte *.
En la feconde ouale, la partie 2 A 2 fert encore pour
les reflexions dont on fuppofe les angles eftre inef-
gaux : car, eftant en la fuperficie d'vn miroir compofé
de mefme matiere que le precedent, elle feroit telle-
ment reflefchir tous les rayons qui viendroient du
point G, qu'ils fembleroient, aprés eftre reflefchis,
venir du point F. Etil eft a remarquer qu'ayant fait la
ligne AG beaucoup plus grande que AF, ce miroir
feroit conuexe au milieu, vers A, & concaue aux ex-
tremités : car telle eft la figure de cete ligne, qui, en
cela, reprefente plutoft vn cœur qu vne ouale.
Mais fon autre partie, 2X2"*, fert pour les refrac-
tions & fait que les rayons qui, eftant dans l'air,
tendent vers F, fe detournent vers G, en trauerfant la
fuperficie d'vn verre qui en ait la figure.
La troifiefme ouale fert toute aux refrattions & fait
que les rayons qui, eftant dans l'air, tendent vers F,
fe vont rendre vers H, dans le verre, aprés qu'ils ont
trauerfé fa fuperficie, dont la figure eft À 3 Y 3, qui eft
Hal ES
a, 2X 2 Schooten, X2 Desc.
10
20
25
359-360. LA GEOMETRIE. — Livre IL 431
conuexe par tout, excepté vers À, où elle eft vn peu
concaue : en forte qu'elle a la figure d'vn cœur aufly
bien que la precedente *. Et la difference qui eft entre
les deux parties de cete ouale, confifte en ce que le
point F eft plus proche de l'vne que n'eft le point H,
& quil eft plus efloigné de l'autre que ce mefme
point H.
En mefme façon, la derniere ouale fert toute aux
reflexions & fait que, fi les rayons qui vienent du
point H rencontroient la fuperficie concaue d'vn
miroir de mefme matiere que les precedens, & dont
la figure fuft A 474, ils fe reflefchiroient tous
vers F.
De façon qu'on peut nommer les poins F & G ou
H les poins bruflans de ces ouales, a l'exemple de
ceux des Ellipfes & des Hyperboles qui ont efté ainfi
nommés en la Dioptrique. à
l'omets quantité d'autres refrations, & reflexions,
qui font reiglées par ces mefmes ouales : car, n'eftant
que les conuerfes ou les contraires de celles cy, elles
en | peuuent facilement eftre deduites. Mais il ne faut
pas que i'omette la demonfration de ce que i'ay dit :
&, a cet effet, pre-
nons, par exemple, le
point C a difcretion
en la premiere partie
de la premiere de ces
ouales; puis tirons la ligne droite CP, qui couppe la
courbe au point C a angles droits : ce qui eft facile
par le problefme precedent. Car, prenant b pour AG,
* PP (1650).
F AR MEE G
Demonftration
des proprietés
de ces ouales
touchant
les reflexions &
refractions.
432 OEUVRES DE DESCARTES. . 360-361.
c pour AF,c +7 pour FC, & fuppofant que la pro-.
portion qui eft entre d &e, que ie prendray icy touf-
iours pour celle qui mefure les refractions du verre
propolé, defigne aufly celle qui eft entre les lignes
A; & A6, ou femblables cie ont ferui pour defcrire
cete ouale : ce qui donne b — © 7 pour GC : on trouue
que la ligne A P ef
bcdd — bcde + bdd; +ceez
bde+cdd+dd; —eez; ?
de qu'il a efté monftré cy deflus. De plus, du point
P, ayant tiré PQ a angles droits fur la droite FC, &
P N auffy a angles droits fur GC, confiderons que, fi
PO eftaPNcommedeftae,c ‘ef a dire comme les
lignes qui mefurent les refractions du verre conuexe
AC, le rayon qui vient du point F au point C, doit
tellement s'y courber, en entrant dans ce verre, qu'il
s'aille rendre aprés vers G : ainfi qu'il eft tres euident
de ce qui a efté dit en la Dioptrique. Puis enfin, voyons
par le calcul s'il eft vray que PQ foit a PN comme
d'efta e. Les triangles re@tangles PQF & CMF font
fem blables : d'où il
fuit que CFefta CM
comme F P eft a PQ:
&, par confequent,
que FP, eftant multi-
pliée par CM & diuifée par CF, eft efgale a PQ: Tout
de mefme, les triangles reétangles PNG & CMG
font femblables; d'où 1l fuit que GP, multipliée par
CM & diuifée par CG, eft efgale a P N. Puis, a caufe
que les multiplications ou diuifions, qui fe font de
deux quantités par vne mefme, ne changent point la
ra A M P G
20
ah
30
361-262. LA GEOMETRIE. — Livre Il. EN 430
proportion qui eft entre elles; fi FP, multipliée par
CM & diuifée par CF, eft a GP, multipliée aufly par
CM & diuifée par CG, comme deftae; en diuifant
l'vne & l’autre de ces deux fommes par CM, puis les
multipliant toutes deux par CF &, de rechef, par CG,
il refte : FP multipliée par CG, qui doit eftre a GP,
multipliée par CF, comme d'eft a e. Or, par la con-
ftrudion,
bcdd— bcde + bdd; + cee;
FP eft c + bde + cdd + dd; — ee; ?
: bcdd + ccdd+bdd;+cddz
ou bien FP = bde+cdd+ddz —eez
& CG eft b —%7. ‘
* Si bien que, multipliant FP par CG, il vient :
bbcdd+ becdd + bbdd? + beddz — bcdez; — ccdez; — bde;z;— cdezz
* bde+ cdd + dd; — eez L
Puis
— bcdd +bcde — bddz — ceez
GP eft b bde +cdd+ dd; ee )
- bbde+bcde — bee; —ceez.
ou bien GP MOT CETTE CEE)
&CFeft c + 7.
Si bien, que, multipliant GP par CF, il vient
bbcde+bccde—bceez — cceez + bbde;+ bcdez — bee; — ceezz
RE cdd ddz ee; 0 2 . *
Et, pource que la premiere de ces fommes, diuifée
par d, eft la mefme que la feconde diuifée par e, il ef
manifefte que FP, multiphiée par CG, eft a GP, mul-
tiphée par CF,|c'eft a dire que PQ eft a PN comme
d'eft a e. Qui eft tout ce qu'il falloit demonftrer.
Et fçachés que cete mefme demonftration s'eftend
a tout ce qui a efté dit des autres refractions, ou re-
flexions, qui fe font dans les ouales propofées, fans
Œuvres. I. 55
sel"
Comment on peut
faire vn verre
autant conuexe,
ou concaue,
en l’vne de fes
434 OEUVRES DE DESCARTES. 362-363.
qu'il y faille changer aucune chofe que les fignes +
& du calcul. C'eft pourquoy chafeun les peut ayfe-
ment examiner de foy mefme, fans qu'il foit befoin
que ie m y arefte.
Mais il faut, maintenent, que ie fatisface a ce que
l'ay omis en la Dioptrique, lorfqu' aprés auoir remar-
qué qu'il peut y auoir des verres de plufieurs diuerfes
figures, qui facent, auffy bien l'vn que l’autre, que les
rayons venans d'vn mefme point de l'obiet s'affemblent
tous en vn autre point, aprés les auoir trauerfés; &
qu'entre ces verres, ceux qui font fort conuexes d'vn
cofté, & concaues de l’autre, ont plus de force pour
brufler que ceux qui font efgalement conuexes des deux
coftés ; au lieu que, tout au contraire, ces derniers font
les meilleurs pour les lunetes: ie me fuis contenté
d'expliquer ceux que 1'ay cru eftre les meilleurs pour
la prattique, en fuppofant la difficulté que les artifans
peuuent auoir a les tailler. C'eft pourquoy, affin qu'il
ne refte rien a fouhaiter touchant la theorie de cete
fcience, ie doy expliquer encore icy la figure des
verres qui, ayant l'vne de leurs fuperficies autant con-
uexe, ou concaue, qu'on voudra, ne laiffent pas de
faire que tous les rayons, qui vienent vers eux d'vn
mefme point ou paralleles, s'aflemblent aprés en vn
mefme point; & celle des verres qui font le femblable,
eflant efgalement conuexes des deux coftés, ou bien
la conuexité de l'vne de leurs fuperficies ayant la pro-
portion donnée a celle de l'autre.
Pofons, pour le premier cas, que, les poins G, Y, C
& Feftant donnés, les rayons qui vienent du point G,
ou bien qui font paralleles a G A, fe doiuent aflembler
363-364. LA GEOMETRIE. — Livre Il. 43$
au point F, aprés auoir trauerfé vn verre fi concaue, ,fperñcies,
ne oi £ ; qu’on voudra, qui
qu Ÿ eftant le milieu de fa fuperficie interieure, l'ex- rafemble a vn
point donné
tous les rayons
qui vienent d'vn
autre point donné.
tremité en foit au point C; en forte que la chorde
CMC & la fleche YM de l'arc CYC font données. La
ÿ queftion va là que, premierement, il faut confiderer
de laquelle des ouales expliquées la fuperficie du
Le verre YC doit auoir la figure, pour faire que tous les
; rayons qui, eftant dedans, tendent vers vn mefme
point, comme vers H qui neft pas encore connu,
10 s'aillent rendre vers vn autre, a fçauoir vers F, aprés
en eftre fortis. Car il n'y a aucun effet, touchant le
rapport des rayons changé par reflexion ou refraction
d'vn point a vn autre, qui ne puifle eftre caufé par
quelqu'vne de ces ouales; & on voit ayfement que
15 cetuy cy le peut eftre par la partie de la troifiefme
ouale qui a tantoft efté marquée 3 A3, ou par celle de
| la mefme qui a efté marquée 3 Y 3, ou enfin par la
É partie de la feconde qui a eflé marquée 2X2. Et,
| pource que ces trois tombent icy fous mefme calcul,
. 20 on doit, tant pour l'vne que pour l’autre, prendre Y
pour leur fommet, € pour l'vn des poins de leur cir-
conference, & F pour l'vn de leurs poins bruflans:
aprés quoy il ne refte plus a chercher que le point H,
qui doit eftre l’autre point bruflant. Et on le trouue en
25 confiderant que la difference qui efl entre les lignes
FY & FC, doit eftre a celle qui eft entre les lignes HY
«+
430 OŒEuvres DE DESCARTES. 364-365.
& HC, comme deftae, c'eft a dire comme la plus
grande des lignes qui mefurent les refraétions du
verre propofé eft ala moindre; ainfi qu'on peut voir
manifeftement de la defcription de ces ouales. Et
pource que les lignes FY & FC font données, leur
difference l'eft aufly, &, en fuite, celle qui eft entre
HY & HC, pource que la proportion qui eft entre ces
deux differences eft donnée. Et de plus, a caufe que
YM eft donnée, la difference qui eft entre MH & HC
l'eft aufly; & enfin, pource que CM eft donnée, il
ne refte plus qu'a trouuer MH, le cofté du triangle
rectangle CMH, dont on a l'autre cofté CM; & on a
aufly la difference qui eft entre CH, la baze, & MH,
le cofté demandé. D'où il eft ayfé de le trouuer. Car,
fi on prent k pour l'excés de CH fur MH, & 7 pour la
longeur de la ligne CM, on aura — —k pour MH.Et
aprés auoir ainfi< cherché: le point H, s'il fe trouue
plus loin du point Ÿ | que n’en eft le point F, la ligne
CY doit eftre la premiere partie de l’ouale du troi-
fiefme genre, qui a tantoft efté nommée 3 A3. Mais fi
HY eft moindre que FY, ou bien elle furpafle HF de
tant, que leur difference eft plus grande, a raifon de
la toute FY,que nefte, la moindre des lignes qui me-
furent les refraélions, comparée auec d, la plus grande:
c'eft a dire que, faifant HF = c, & HY = c+/h, dh
eft plus grande que 2ce+eh; &lors CY doit eftre la
20
25
363-366, LA GEOMETRIE. — Livre Il. 437
feconde partie de la mefme ouale du troifiefme genre,
qui a tantoft efté nommée 3 Y 3. Ou bien dh ef efgale
ou moindre que 2ce +eh : & lors CY doit eftre la
feconde partie de l'ouale du fecond genre, qui a cy
deflus efté nommée 2 X 2. Et enfin, fi le point H eft le
mefme que le point F, ce qui n'arriue que lorfque FY
& FC font efgales, cete ligne YC eft vn cercle.
Aprés cela, il faut chercher C AC, l'autre fuperficie
de ce verre, qui doit eftre vne Ellipfe dont H foit le
point bruflant, fi on fuppofe que les rayons quitombent
deflus foient paralleles, & lors il eft ayfé de la trouuer.
Mais fi on fuppofe qu'ils vienent du point G, ce doit
eftre la premiere partie d'vne ouale du premier genre,
dont les deux poins bruflans foient G & H, & qui pañle
par le point C : d'où on trouue le point A pour le fom-
met de cete ouale, en confiderant que GC doit eftre
plus grande que GA d'vne quantité qui foit a celle
dont H A furpañle HC, comme da e. Car, ayant pris k
pour la difference qui eft entre CH & HM, fi on fup-
pofe x pour AM, on aura x —# pour la difference qui
eft entre AH & CH : puis, fi on prent g pour celle qui
eft entre GC & GM, qui font données, on aura g +x
pour celle qui eft entre GC & GA; &|pource que
cete derniere, g + x, eft a l'autre, x — k, comme d'eft
a e, On 4 :
ge+ex>dx—dk
© ge +dk À ESS MAS Ale >
ou bien “= pour la ligne x ou AM, par laquelle on
determine le point A qui eftoit cherché.
Pofons maintenant, pour l’autre cas,qu on ne donne
; q
que les poins G, C & F, auec la proportion qui el
*
Comment on
peut faire vn verre
qui ait le mefme
effect que le
precedent,
& que la conuexité
de l’vne de fes
fuperficies ait la
proportion donnée
auec celle de
l'autre.
43 8 OEUVRES DE DESCARTES. 366-367:
entre les lignes AM & Y M, & qu'il faille trouuer la
figure du verre AC Y, qui face que tous les rayons qui
vienent du point G s'aflemblent au point F.
On peut de rechef icy fe feruir de deux ouales, dont
l'vne, AC, ait G & H pour fes poins bruflans, & l'autre,
CY, ait F& H pour les fiens. Et pour les trouuer, pre-
mierement, fuppofant le point H, qui eft commun a
toutes deux, eftre connu, ie cherche AM par les trois
poins G, C, H, en la façon tout maintenent expli-
quée : a fçauoir, prenant Æ pour la difference qui eft
entre CH & HM, & g pour celle quieftentre@e
&GM; & AC eftant la premiere partie de l’ouale du
premier genre, j'ay #+% pour AM. Puis ie cherche
auffy MY parles tee poins FC. .H,en lorte queen
foit la premiere partie d'vne ouale du troifiefme genre:
& prenant y pour MY, & / pour la difference qui eft
entre CF & FM, ray f + y pour celle qui eft entre CF
& FY : puis, ayant defia # pour celle qui eft entre CH
& HM, ray À + y pour celle qui eft entre CH & HY,
que ie fçay deuoir eftre a f + y comme e eft a da
caufe de l'ouale du troifiefme genre. D'où ie trouue
que y ou MY ef puis, ioignant enfemble les
deux quantités trouuées pour AM & MY, ie trouue
St TJ€ pour la toute AY. D'où il fuit que, #2 quelque
ne que foit fuppofé le point H,cete ligne AY ef touf-
20
25
367-368. LA GEOMETRIE. — Livre I]. 439
iours compofée d'vne quantité qui eft a celle dont les
deux enfemble, GC & CF, furpañlent la toute GF,
comme e, la moindre des deux lignes qui feruent a
mefurer les refractions du verre propofé, eft a d—e,
la difference qui eft entre ces deux lignes : ce qui ef
vn aflés beau theorefme. Or, ayant ainfi la toute A Y,
il la faut coupper felon la proportion que doiuent
auoir fes parties, AM & MY; au moyen de quov,
pource qu on a defia le point M, on trouue aufly les
poins À & Y &, en fuite, le point H, par le problefme
precedent. Mais, auparauant, il faut regarder fi la
ligne A M, ainfi trouuée, eft plus grande que -—, ou
plus petite, ou efgale. Car, fi elle eft plus grande, on
apprent de là que la courbe AC doit eftre la premiere
partie d'vne ouale du premier genre, & CY la pre-
miere d'vne du troifiefme, ainfi qu'elles ont efté icy
_fuppoñées : au lieu que, fi elle eft plus petite, cela
montre que c'eft C Y qui doit eltre la premiere partie
d'vne ouale du premier genre, & que A C doit eftre la
premiere d'vne du troifiefme : enfin, fi AM eft egale
a|-#—, les deux courbes se & CY doiuent ne
se hyperboles.
On pourroit eftendre ces deux problefmes a vne in-
finité d'autres cas, que ie ne m'arefte pas a deduire,
a caufe qu'ils n'ont eu aucun vfage en la Dioptrique.
On pourroit aufly pafler outre & dire, lorfque l'vne
des fuperficies du verre eft donnée, pouruù qu'elle ne
foit que toute plate, ou compofée de feétions coniques
ou de cercles, comment on doit faire fon autre fuper-
ficie, afin qu'il tranfmette tous les rayons d'vn point
He a vn autre point aufly donné. Car ce n'eft rien
Comment on
peut appliquer
ce qui a efté dit
icy des lignes
courbes defcrites
fur vne fuperficie
plate, a celles qui
fe defcriuent dans
vn efpace qui a
trois dimenfions.
440 OŒuvres DE DESCARTES. 368-360.
de plus diflicile que ce que ie viens d'expliquer, ou
plutoft c'eft chofe beaucoup plus facile, a caufe que le
chemin en eft ouuert. Mais i'ayme mieux que d'autres
le cherchent, afin que, s'ils ont encore vn peu de
peine a le trouuer, cela leur face d'autant plus eftimer
l'inuention des chofes qui font icy demonftrées.
Au refte, ie n'ay parlé, en tout cecy, que des lignes
courbes qu'on peut defcrire fur vne fuperficie plate,
mais il eft ayfé de rapporter ce que 1 en ay dit a toutes
celles qu'on fçauroit imaginer eftre formées par le
mouuement regulier des poins de quelque cors, dans
vn efpace qui a trois dimenfions. A fçauoir, en tirant
deux perpendiculaires, de chafcun des poins de la
ligne courbe qu'on veut confiderer, fur deux plans qui
s'entrecouppent a angles droits, l'vne fur l'vn & l'autre
fur l'autre.Car les extremités de ces perpendiculaires
defcriuent deux autres lignes courbes, vne fur chafeun
de ces plans, defquelles on peut, en la façon cy deffus
expliquée, determiner tous | les poins & les rapporter
a ceux de la ligne droite qui eft commune a ces deux
plans : au moyen de quoy, ceux de la courbe qui a
trois dimenfions font entierement determinés. Mefme,
fi on veuttirer vne ligne droite qui couppe cete courbe
au point donné a angles droits, il faut feulement tirer
deux autres lignes droites dans les deux plans, vne
en chafcun, qui couppent a angles droits les deux
lignes courbes qui y font, aux deux poins où tombent
les perpendiculaires qui vienent de ce point donné.
Car, ayant efleué deux autres plans, vn fur chafcune
de ces lignes droites, qui couppe a angles droits le
plan où elle ef, on aura l'interfettion de ces deux
20
25.
PES LA GEOMETRIE. — Livre II AA
plans pour la ligne droite cherchée. Et ainfi ie penfe
n'auoir rien omis des elemens qui font neceflaires pour
. la connoïffance des lignes courbes.
L'alinéa qui précède est, dans la Géométrie de Descartes, le seul en-
droit où il aborde réellement un problème concernant les trois dimensions.
Or précisément, la solution qu'il indique est erronée, et il est singulier
qu'aucun de ses contemporains nè l’ait remarqué. Non seulement, en un
point donné d’une courbe gauche, il y a une infinité de normales situées
dans un même plan; mais encore la droite construite par Descartes ne
_peut être normale que dans des cas très particuliers, comme on le voit
aisément si, au lieu d’une courbe, on considère une droite dans l'espace
et ses projections sur deux plans rectangulaires.
La théorie des ovales (p. 424-431 ci-avant) fera l’objet d'une Note dans
le volume des Œuvres contenant les écrits posthumes.
_: Quant à l’élégante construction de la normale à la conchoïde (pp. 423-
424), elle a récemment été l’objet d’une remarquable divination de
M. Zeuthen (Nyt Tidsskrift for Matematik de C. Juel et V. Trier, Co-
penhague, 1900, pp. 49-58). Cette normale est la diagonale d’un parallé-
_ logramme dont les côtés, dirigés suivant le rayon vecteur C A et la per-
_ pendiculaire CH à la droite fixe B H, sont inversement proportionnels
aux vitesses de variation (ou aux différentielles) de A C et de CH. On a,
D cniefler, aisément (AC — EC) CH —EC.AB; d’où
d'AC. AC —EC FG
Œuvres. I. 56
APT CRU Dur “4 > LA | e
TS a nr DR Li Lis,
2
Li
tt
+ #
&
ds at QUE % AA?
De quelles
lignes courbes
on peut Îe
feruir en la
conftruction de
chafque problefme.
Exemple touchant
l'inuention
de plufieurs
moyennes
proportionelles.
LEA» GEOMEMREE
EIVRERTROISIESME
De la conflruclion des Problefmes qui font folides,
ou plus que folides.
Encore que toutes les lignes courbes, qui peuuent
eftre defcrites par quelque mouuement regulier,
. doiuent eftre receuës en la Geometrie, ce n'eft pas a
dire qu'il foit permis de fe feruir indifferemment de la
premiere qui fe rencontre, pour la conftruétion de
chafque | problefme; mais il faut auoir foin de choifir
toufiours la plus fimple par laquelle il foit poffible de
le refoudre. Et mefme, il eft a remarquer que, par les
plus fimples,on ne doit pas feulement entendre celles
qui peuuent le plus ayfement eftre defcrites, ny celles
qui rendent la conftruélion ou la demonftration du
Problefme propofé plus facile, mais principalement
celles qui font du plus fimple genre qui puifle feruir a
determiner la quantité qui eft cherchée.
Comme, par exemple, ie ne croy pas quil y ait
aucune façon plus facile, pour trouuer autant de
moyennes proportionelles quon veut, ny dont la
20
370-371. LA GEOMETRIE. — Livre III. 443
demonftration foit plus euidente, que d'y employer
les lignes courbes qui fe defcriuent par l'inftrument
XYZ cy deflus expliqué. Car, voulant trouuer deux
moyennes proportionelles entre Y A & YE, il ne faut
que defcrire vn cercle dont le diametre foit YE : &
pource que ce cercle couppe la courbe A D au point
D, YD eft l'vne des moyennes proportionelles cher-
chées. Dont la demonftration fe voit a l'œil, par la
feule application de cet inftrument fur la ligne Y D :
car, comme Ÿ À, ou YB qui lui eft efgale, eft a YC,
AanbXGelta VD, & YD a YE.
Tout de mefme, pour trouuer quatre moyennes pro-
portionelles entre Y À & YG, ou pour en trouuer fix
entre Ÿ A & YN, il ne faut que tracer le cercle YFG,
qui, couppant AF au point F, determine la ligne
droite YF, qui eft l'vne de ces quatre proportionelles :
ou YHN, qui, couppant AH au point H, determine
YH, l'vne des fix : & ainfi des autres.
Mais, pource que la ligne courbe A D eft du fecond
De la nature
des Equations.
Combien
il peut y auoir
de racines
en chafque
Equation.
444 OEUVRES DE DESCARTES. 371-372.
genre, & qu on peut trouuer deux moyennes propor-
tionelles par les fections coniques, qui font du pre-
mier; & aufly pource qu'on peut trouuer quatre ou fix
moyennes proportionelles, par des lignes qui ne font
pas de genres fi compofés que font AF & AH, ce fe-
roit vne faute en Geometrie que de les y employer. Et
c'eft vne faute auffy, d'autre cofté, de fe trauailler
inutilement a vouloir conftruire quelque problefme
par vn genre de ligne plus fimple que fa nature ne
permet.
Or, aflin que ie puifle icy donner quelques reigles
pour euiter l’vne & l’autre de ces deux fautes, il faut
que ie die quelque chofe en general de la nature des
Equations : c'eft a dire des fommes compofées de plu-
fleurs termes, partie connus & partie inconnus, dont
les vns font efgaux aux autres, ou, plutoft, qui, con-
fiderés tous enfemble, font efgaux a rien : car ce fera
fouuent le meilleur de les confiderer en cete forte.
Sçachés donc qu'en chafque Equation, autant que
la quantité inconnue a de dimenfions, autant peut il
y auoir de diuerfes racines, c’eft a dire de valeurs de
cete quantité : car, par exemple, fi on fuppofe x efgale
a 2, ou bien x — 2 efgal a rien; & derechef x 3, ou
bien x— 3 +0; en multipliant ces deux Equations,
X = 22010 PORN 0 EI CE
l'vne par l’autre, on aura
xx—ç$x+6>o oubien xx=5%x—6,
qui eft vne Equation en laquelle la quantité x vaut 2,
& tout enfemble vaut 3. Que fi, derechef, on fait
10
20
23
372-373. La GEOMETRIE. — Livre II]. 44$
x — 4 > 0, & qu'on multiplie cete fomme par xx — $x
+60, on aura
X° — OXX + 20x — 24 0,
qui eft vne autre Equation, en laquelle x, ayant trois
dimenfions, a aufly trois valeurs, qui font 2, ; & 4.
Mais fouuent il arriue que quelques-vnes de ces
racines font faufles, ou moindres que rien : comme,
fi on fuppofe que x defigne aufly le defaut d'vne quan-
tité, qui foit $ (*),on a x + $ + 0, qui eftant multipliée
par x°— Oxx + 20x— 240, fait
xŸ— AX° — I1OXX + 106% — 120 0,
pour vne Equation en laquelle il y a quatre racines, a
fçauoir trois vrayes, qui font 2, 3, 4, & vne faufle qui
eft s.
Et on voit euidemment, de cecy, que la fomme
dvne Equation qui contient plufieurs racines, peut
toufiours eftre diuifée par un binôme compofé de
la quantité inconnuë, moins la valeur de l'vne des
yrayes racines, laquelle que ce foit; ou plus la valeur
de l’vne des faufles (*). Au moyen de quoy on diminue
d'autant fes dimenfions (*).
Et reciproquement, que fi la fomme d'vne Equation
[ne peut eftre diuifée par vn binôme compofé de la
quantité inconnue, + ou — quelque autre quantité,
cela tefmoigne que cete autre quantité n'eft la valeur
d'aucune de fes racines. Comme : cete derniere
x — 4X° — IOXX + 1006xX — 120 > 0,
peut bien eftre diuifée par x — 2, & par x — 3, & par
DEN EC:
Quelles font
les faufles
racines.
Comment on
peut diminuer le
nombre des
dimenfions d’vne
Equation,
lorfqu'on connoift
quelqu'vne
de fes racines.
Comment on
peut examiner
fi quelque quantité
donnée eft
la valeur d'vne
racine.
Combien il
peut y auoir
de vrayes
racines en
chafque
Equation.
Comment on
fait que les
faufles racines
d’vne Equation
deuienent
vrayes, & les
vrayes faufles.
446 OEUVRES DE DESCARTES. 375-374.
x — 4, & par x +; mais non point par x + ou — au-
cune autre quantité : ce qui monftre qu'elle ne peut
auoir que les quatre racines 2, 3,4 & i.
On connoift aufly, de cecy, combien il peut y auoir
de vrayes racines, & combien de faufles, en chafque
Equation. A fçauoir : il y en peut auoir autant de
vrayes que les fignes + & — s'y trouuent de fois eftre
changés; & autant de faufles qu'il s'y trouue de fois
deux fignes +, ou deux fignes —, qui s'entrefuiuent (*).
Comme, en la derniere, a caufe qu'aprés +xtil ya
— 4x°,qui eft vn changement du figne + en —; & aprés
— 19xx il y a + 106x, & aprés + 106% il y a — 120,
qui font encore deux autres changemens, on connoift
qu'il y a trois vrayes racines; & vne faufle, a caufe
que les deux fignes —, de 4x° & 19xx, s'entrefuiuent.
De plus, il eft ayfé de faire, en vne mefme Equation,
que toutes les racines qui eftoient faufles deuienent
vrayes, &, par mefme moyen, que toutes celles qui
eftoient vrayes deuienent faufles : a fçauoir, en chan-
geant tous les fignes + ou — qui font en la feconde, en
la quatriefme, en la fixiefme, ou autres places qui fe
defignent par les nombres pairs, fans changer ceux de
la premiere, de la troifiefme, de la cinquiefme, & fem-
blables qui fe defignent par les nombres | impairs (*).
Comme, fi, au lieu de
+ x4— 4x — 1OXX + 106X — 120 > 0,
on efcrit
+ x4 + 4x° — IOXX — 100% — 120 O0,
on a vne Equation en laquelle il n y a qu vne vraye
ÉD
20
574-375. LA GEOMETRIE. — Livre I. 447
racine, qui eft $, & trois faufles, qui font 2, ; & 4.
Que fi, fans connoiftre la valeur des racines d'vne
Equation, on la veutaugmenter ou diminuer de quelque
quantité connuë, il ne faut qu'au lieu du terme in-
connu, en fuppofer vn autre, qui foit plus ou moins
grand de cete mefme quantité, & le fubftituer partout
en la place du premier. Comme, fi on veut augmenter
de ; la racine de cete Equation
XŸ+ 4X° — IOXX — 100% — 120 > 0,
il faut prendre y au lieu d'x, & penfer que cete quantité
y et plus grande qu'x de 3, en forte que y — ; eftefgal
ax; & au lieu d'xx, il faut mettre le quarré d'y — ;, qui
el yy— 6y + 9; & au lieu d'x”, il faut mettre “fon cube,
qui eft y OMR 7)r 27; enfin, au lieu d' x#,
il faut mettre fon quarré de quarré, qui eft y*— 127
+ $4yÿy — 1087 + 81. Et ainfi, defcriuant la fomme
precedente en fubftituant partout y au lieu d'x, on a
Ve 12y + s4yy — 1087 + 81
+ 4ÿ°—306yy + 108y — 108
DOM TAN 171
_ 106 + 318
20
pt — 8y — 1yy+ 87y (eo
J 2 e
‘ou bien
VA SYy -1y 80
où la vraye racine, qui eftoit $, eft maintenant 8, a
caufe du nombre trois qui luy eft aioufté {*
OF.
a. Descartes emploie l’astérisque pour désigner la place des termes
manquants.
Comment on
peut augmenter
ou diminuer
les racines d’vne
Equation, fans les
connoiftre.
Qu'en augmentant
les vrayes racines,
on diminue les
faufles, & au
contraire.
448 OEUVRES DE DESCARTES. ne.
Que fi on veut, au contraire, diminuer de trois la
racine de cete mefme Equation, il faut faire
Y+3=x & YY + 6Y +9 = xx.
& ainfi des autres. De façon qu'au lieu de
x4 + 4X° — 19xXx — 100% — 120 + 0,
on met
Y# + 12ÿ° H4yYYy + 1087 + 87
+ 4ÿ° + 30ÿy + 108y + 108
— IOYY — 114Y = 174
— 106 — 318
— 120
Y* +167 +7IYY — 4Y — 420 0.
Et il eft a remarquer qu'en diminuant les vrayes ra-
cines d'vne Equation, on diminue les faufles de la
mefme quantité, ou, au contraire, en diminuant les
vrayes, on augmente les faufles; & que, fi on diminue,
foit les vnes, foit les autres, d'vne quantité qui leur
foit efgale, elles deuienent nulles, & que, fi c'eft
d'vne quantité qui les furpañle, de vrayes elles de-
uienent faufles, ou de faufles, vrayes. Comme icy,
en augmentant de 3 la vraye racine, quieftoit $,ona
diminué de 3; chafcune des fauffes, en forte que celle
quieftoit 4 n'eft plus qu'r, & celle qui eftoit 3; eft nulle,
& que celle qui eftoit 2 eft deuenue vraye &eft r, a
caufe que — 2 + 3; fait + 1. C'eft pourquoy, en cete
Equation,
Ÿ er NO AO
il ny a plus que 3 racines, entre lefquelles 1l y en a
20
375-376. LA GEOMETRIE. — Livre III. 449
deux qui font vrayes,| 1 & 8, & vne fauffe, qui eft auffy
MÉbencete autre
Y*+16ÿ° +71YY — 47 — 420 > 0,
il n y en a qu'vne vraye, qui eft 2, a caufe que + $ — 3
fait + 2, & trois faufles, qui font $, 6 & 7.
Or, par cete façon de changer la valeur des racines ee Fe
fans les connoiftre, on peut faire deux chofes, qui au- ne Lo
ront, cy aprés, quelque vfage : la premiere eft qu'on ;
peut toufiours ofter le fecond terme de l'Equation
qu on examine : a fçauoir en diminuant les vrayes ra-
cines de la quantité connuë de ce fecond terme diui-
fée par le nombre des dimenfions du premier, fi, l'vn
de ces termes eftant marqué du figne +, l'autre eft
marqué du figne —; ou bien en l'augmentant de la
mefme quantité, s'ils ont tous deux le figne +, ou tous
deux le figne —(*). Comme, pour ofler le fecond terme
de la derniere Equation, qui eft
RO 7IYy —4ÿ 4200;
ayant diuifé 16 par 4, a caufe des 4 dimenfions du
terme y“, il vient derechef 4. C'eft pourquoy ie fais
7 A =>Yy,&lefcris
ti 16% + 96772567 + 256
+ 167° — 19277 + 7687 — 1024
HN 1 77 NO AE 30
21150 SES
— 420
gt) en — 2677 — 6o7— 360;
où la vraye racine, qui eftoit 2, eft 6, a caufe qu'elle
() G.
ŒuxREs. I. S7
Comment
on peut faire que
toutes les faufles
racines d’vne
Equation
deuienent vrayes,
fans que les vrayes
deuienent faufles.
450 Œuvres DE DESCARTES. 376-377.
eft augmentée de 4, & les fauffes, qui efloient $, 6 &
7, ne font plus que 1, 2 & 3, a caufe qu'elles font di-
minuées, chafcune de 4,.
| Tout de mefme, fi on veut ofter le fecond terme de
3 + 24a
= CC
xi— 2ax | XX—2q°X +at>0,
pource que, diuifant 24 par 4, il vient <a, il faut faire
7 +-q x, &'elcrire
3 3 :
{'+2ax +iaazz tax + at
rat aan. a te dl
5
2 4
+2aal7z +2a + -at
=. Cc| — acc — : 4acc
— 24°] — a#
TL
pi AR IE CRE a ++ as > 0:
CC Cr a
&, fi on trouue aprés la valeur de 7, en lui adiouftant
- a, On aura celle de x.
La feconde chofe qui aura cy aprés quelque vfage,
eft qu'on peut toufiours, en augmentant la valeur des
vrayes racines d'vne quantité qui foit plus grande que
n'eft celle d'aucune des faufles, faire qu'elles de-
uienent toutes vrayes, en forte qu'il n y ait point deux
fignes +, ou deux fignes —, qui s'entrefuiuent; &,
outre cela, que la quantité connuë du troifiefme terme
foit plus grande que le quarré de la moitié de celle
du fecond. Car, encore que cela fe face lorfque ces
fauffes racines font inconnuës, il eft ayfé neanmoins
20
25
20
25
30
377-378. La GEOMETRIE. — Livre II]. 4$1
de iuger a peu prés de leur grandeur, & de prendre
vne quantité qui les furpafle d'autant ou de plus quil
n'eft requis a cet effect (*). Comme fi on a
ein — 6nnx* + 36nxt— 216n!x? + 1206n°x — 7776n° 0;
en faifant y — On + x, on trouuera
HS —36n | y°+LS4onn| yi—432on| y + 19440n!|yy—46656n | y 46656 n°
n| — 3onun + 3607 — 216on| + 648on" | — 77700
— 6Gnn + 144n° — 12907! + 5184n°| — 7776n°
+ 367 —,648ni| + 5888n°| — 7776 n°
— 216n! + 25920! — 7776n
Æ 1296n| — 7776n$
— _7776n°
Vi— 35ny° + Sognny' — 378on°y* L 1512ony° — 27216n°y * > 0;
où il eft manifefte que $o4nn, qui eft la quantité
connuë du troifiefme terme, eft plus grande que le
quarré de n, qui eft la moitié de celle du fecond. Et
il n ya point de cas pour lequel la quantité, dont on
augmente les vrayes racines, ait befoin, a cet effed,
d'eftre plus grande, a proportion de celles qui font
données, que pour cetuy cv.
Mais, a caufe que le dernier terme s ÿ trouue nul, fi
on ne defire pas que cela foit, il faut encore augmenter
tant foit peu la valeur des racines, & ce ne fçauroit
eftre de fi peu, que ce ne foit aflés pour cet eflect : non
plus que lorfqu'on veut accroiftre le nombre des dimen-
fions de quelque Equation, & faire que toutes les places
de fes termes foient remplies. Comme, fi au lieu de
MR SR D'Sio:
on veut auoir vne Equation en laquelle la quantité
inconnuë ait fix dimenfions, & dont aucun des termes
ne foit nul, il faut, premierement, pour
x? XkKkX*X
—bæo,
CE
Comment on
fait que
toutes les
places d’vne
Equation
foient remplies.
Comment on
peut multiplier ou
diuifer les
racines fans
les connoiftre.
Comment
on reduiit les
nombres rompus
d’vne Equation
a des entiers.
46e OEuvrREs DE DESCARTES. 378-370.
efcrire
ROMA A EI DER ON
ei ayant fait y — a > x, on aura
Te + 1çaayt— 2047" + 1ça*yy — Gay + a
Le by LT bn
où il eft manifefle que, tant petite que la quantité a
foit | fuppofée, toutes les places de l'Equation ne
laïflent pas d’eftre remplies. :
De plus, on peut, fans connoiftre la valeur des
vrayes‘ racines d'vne Equation, les multiplier ou di-
uifer toutes, par telle quantité connuë qu'on veut.
Ce qui fe fait en fuppofant que la quantité inconnué,
eftant multipliée, ou diuifée, par celle qui doit mul-
tiplier ou diuiferles racines, eft efgale a quelque autre;
puis, multipliant, ou diuifant, la quantité connuë du
fecond terme par cete mefme qui doit multiplier ou
diuifer les racines; & par fon quarré, celle du troi-
fiefme; & par fon cube, celle du quatriefme; & ainfi
iufques au dernier. |
Ce qui peut feruir pour reduire, a des nombres
entiers & rationaux, les fractions & fouuent aufly les
nombres fours, qui fe trouuent dans les termes des
Equations. Comme, fi on a
26
SU S
— V5 Mur rer 0
& qu'on veuille en auoir vne autre en fa place, dont
tous les termes s'expriment par des nombres ratio-
naux, il faut fuppofer y = x ÿ 3, & multiplier par y 3
a. Schooten a omis, avec raison, de traduire ce mot « vrayes ».
10
15
20
25
370-380. La GEOMETRIE. — Livre III.
453
la quantité connuë du fecond terme, qui eftaufly 3 ; &
par fon quarré, qui eft 3, celle du troifiefme, qui eft
=; & par fon cube, qui eft 3V3, celle du dernier, qui
STÉSIOT ESS qui fait
LATE)
Puis, fi on en veut auoir encore vne autre en la place
de celle cy, dont les quantités connuës ne s'expriment
que par des nombres entiers, 1l faut fuppofer 7 + 3 y,
&, multipliant 3; par, . par 9, de par 27, on trouue :
m0, 250;
où les racines eftant 2, 3 & 4, on connoift de là que
celles de l’autre d'auparauant | eftoient ;, 1 &+, & que
: © DENT EST
celles de la premiere efloient © V:,:V3& : WC)
Cete operation peut aufly feruir pour rendre la
quantité connuë de quelqu'vn des termes de l'Equa-
tion efgale a quelque autre donnée. Comme, fi, ayant
HA DDx -Mcreio.
on veut auoir en fa place vne autre Equation, en la-
quelle la quantité connuë du terme qui occupe la troi-
fiefme place, a fçauoir celle qui ef icy bb, foit 3aa, il
faut fuppofer y + x 22
TE
car D V0 0)
Au refte, tant les vrayes racines que les fauffes ne
font pas toufiours reelles, mais quelquefois feulement
imaginaires : c'eft a dire qu'on peut bien toufiours en
imaginer autant que j'ay diten chafque Equation, mais
quil n y a quelquefois aucune quantité qui corref-
SK:
puis efcrire
Comment on
rend la quantité
connuë de l’vn des
termes d'vne
Equation efgale a
telle autre
qu’on veut.
Que les racines,
tant vrayes
que faufles,
peuuent eftre
reelles
ou imaginaires.
La reduction
des Equations
cubiques, lorfque
le problefme
eft plan.
454 OEuvrEs DE DESCARTES. ” 380-381
ponde a celles qu'on imagine. Comme, encore quon
en puifle imaginer trois en celle cy :
x° — OXX + 13X*—10 > 0,
il n y en a toutefois qu'vne reelle, qui eft 2, & pour
les deux autres, quoy qu'on les augmente, ou dimi-
nue, ou multiplie,en la façon que ie viens d'expliquer,
on ne fçauroit les rendre autres qu'imaginaires.
Or quand, pour trouuer la conftruétion de quelque
problefme, on vient a vne Equation en laquelle la quan-
tité inconnuë a trois dimenfions, premierement, fi les
quantités connuës qui y font contienent quelques
nombres rompus, il les faut reduire a d'autres entiers,
par la multiplication tantoft expliquée. Et, s'ils en
contienent de fours, il faut aufly les reduire a d'autres
rationaux, autant qu'il fera poflible, tant par cete
mefme multiplication que par diuers autres moyens,
qui font aflés faciles a trouuer. Puis, examinant par
ordre toutes les quantités qui peuuent diuifer fans
fraction le dernier terme, il faut voir fi quelqu'vne
d'elles, iointe a la quantité inconnué par le figne +
ou —, peut compofer vn binôme qui diuife toute la
fomme. Et fi cela eft, le Problefme eft plan, c'eft a dire
il peut eftre conftruit auec la reigle & le compas. Car,
ou bien la quantité connuë de ce binôme eff la racine
cherchée, ou bien, l'Equation eftant diuifée par luy,
fe reduift a deux dimenfions : en forte qu'on en peut
trouuer aprés la racine, par ce qui a efté dit au pre-
mier liure (*).
Par exemple, fi on a
LE N° 71 SN EPA ES CAES
() L.
20
25
30
381-383. La GEOMETRIE. — Livre III. 4$$
le dernier terme, qui eft 64, peut eftre diuifé fans frac-
tion par 1,2, 4, 8, 16, 32 & 64. C'eft pourquoy il faut
examiner, par ordre, fi cete Equation ne peut point
_eftre diuifée par quelqu'vn des binomes : Mr ou
DE MM 2 OUT 2; yy — 4, GC} 201 trouue
qu elle peut l'eftre par yy — 16, en cete forte :
6
DO mao TN 124yy “040
== A5 ss 8 PEN PL
2, 2 RS “É
O —16ÿ*— 128yy
10 10*
HD cr OYY 40.
le commence par le dernier terme, & diuife = 64: #5 s Hs
par — 16, ce qui fait + 4, que j'efcris dans le quotient. Equation par vn
Puis 1e multiplie + 4 par + yy, ce qui fait + 4yy:c'eft MORE nel
pourquoy referis — 4yy en la fomme qu'il faut diui-
fer : car il y|faut toufiours efcrire le figne -+ ou — tout
contraire a celuy que produift la multiplication : &
joignant — 124ÿy auec — 4ÿy, i'ay — 128yy, que ie
diuife derechef par — 16, & l'ay + 8yy pour mettre
dans le quotient. Et en le multipliant par ÿy, iay
— 8y* pour ioindre auec le terme qu'il faut diuifer, qui
eft aufly — 8y+; & ces deux enfemble font — 16y*, que
ie diuife par — 16. Ce qui fait + 1 y*pour le quotient, &
— 17° pour joindre auec + 1 y °:cequi faito, & monftre
que la diuifion ef acheuée. Mais s’il eftoit refté quelque
quantité, ou bien qu'on n'euft pù diuifer fans fra@ion
quelqu vn des termes precedens, on euft par là re-
connu qu elle ne pouuoit eftre faite.
a. Les deux nombres 16 de cette ligne devraient, ce semble, être affectés
du signe —.
Quels problefmes
font folides,
lorfque l’Equation
eft cubique.
456 OEUVRES DE DESCARTES. 382-383.
Tout de mefme, fi on a
ane EN MGR
Val " PAR
PA ce d + ç+ 2 A" CCD,
ac
te
le dernier terme fe peut diuifer, fans fraétion, par a,
aa, aa+cc, a +acc, & femblables. Mais iln'yena
que deux qu'on ait befoin de confiderer, a fçauoir aa
&aa+cc:car les autres, donnant plus ou moins de
dimenfions, dans le quotient, quil ny en a en la
quantité connuë du penultiefme terme,empefcheroient
que la diuifion ne s'y püft faire. Et notés que ie ne conte
icy les dimenfions d'y° que pour trois, a caufe qu'iln'y
a point d'y", ny d'y", ny d'y, en toute la fomme{*). Or,
en examinant le binôme ÿy —aa— cc 0, on trouue
que la diuifion fe peut faire par luy en cete forte
6
+ aa — a+ — da
y‘ y* YY 2 2 CCE
OC C et = NadC*
— y —2 aa ar — 4a—CC
GR. ET Ge — aacc
He CC — aa—Cc
+2aa + af
oi — CC JY + aacc 1e
|ce qui monftre que la racine cherchée eft aa + cc. Et
la preuue en eft ayfée a faire par la multiplication.
Mais lorfqu on ne trouue aucun binôme qui puiffe
ainfi diuifer toute la fomme de l'Equation propofée, il
eft certain que le Problefme qui en depend eft fo-
() M.
5
10
20
10
20
25
383-584. La GEOMETRIE. — Livre III. 457
lide (*). Et ce n'eft pas vne moindre faute, aprés cela,
de tafcher a le conftruire fans y employer que des
cercles & des lignes droites, que ce feroit d'employer
des fections coniques a conftruire ceux aufquels on
n'a befoin que de cercles : car enfin tout ce qui tef-
moigne quelque ignorance s'appele faute.
Que fi on a vne Equation dont la quantité inconnuë
ait quatre dimenfions, il faut en mefme façon, aprés en
auoir ofté les nombres fours & rompus, s'il y en a,
voir fi on pourra trouuer quelque binôme qui diuife
toute la fomme, en le compofant de l'vne des quanti-
tés qui diuifent fans fraction le dernier terme. Et fi on
en trouue vn,ou bien la quantité connuë de ce binôme
eft la racine cherchée, ou du moins, aprés cete diui-
fion, il ne refte en l'Equation que trois dimenfions,
en fuite de quoy il faut derechef l'examiner en la
mefme forte. Mais lorfqu'il ne fe trouue point de tel
binôme, il faut, en augmentant ou diminuant la valeur
de la racine, ofter le fecond terme de la fomme, en la
façon tantoft expliquée; & aprés, la reduire a vne
autre qui ne contiene que trois dimenfions. Ce qui fe
fait en cete forte :
HUPMEUME RCE xt. *..pxx 9%." 0,
il faut efcrire
y apr Pyy=gq=0
Et pour les fignes + ou —, que 1ay omis, s'il y a eu
+ p en la precedente Equation, il faut mettre en celle
Cy + 2p, ou, s'il y a eu —p, il faut mettre —2p; & au
contraire, s'il y a eu +r, il faut mettre — 47, ou, s'il y
(O N.
Œuvres, |: 5S
La reduction
des Equations qui
ont quatre
dimenfions,
lorfque
le Problefme eft
plan ; et quels
font ceux qui font
folides.
458 Œuvres DE DESCARTES. 584.
a eu — r, il faut mettre +4r; & foit qu'il y ait eu +4,
ou — 9, il faut toufiours mettre — gg & +pp; au moins
fi on fuppofe que x! & y° font marqués des fignes +,
car ce feroit tout le contraire, fi on y fuppofoit le
figne —,
Par exemple, fi on a
LAN R RE 0 2 EEE
il faut efcrire en fon lieu
yY$— 8yt—124yy — 640:
car, la quantité que 1'ay nommée p eftant — 4, il faut
mettre —8y* pour “Pa & noue que i'ay nommée r
eftant 3, il faut mettre © Er AY c'eft a dire —124YyY,
au lieu de Eve & enfin, q eftant 8, il faut mettre
— 64 pour — qq.
Tout de mefme,
au lieu de + x#* — 17xx — 20x — 6 >0,
il faut efcrire +y° — 34y#+ 313Yyÿ — 400 0:
car 34 eft double de 17; & 313 en eft le quarré toint au
quadruple de 6, & ie eft le quarré de 20.
Tout de mefme auffy,
1 3 SE
+-aa —a + — a
à 6
au lieu de #46 Ie + Lie > O,
— ce it acc — -'aaec
il faut efcrire 2
MONT CR
F0 4
V—Daice IOË
J Ne raie
CCC"
car pet +: aa —cc, &ppelte a*—aacc+c*, &4r
eft —{at+ aacc; &enfin—ggeft— a$ — 2acc—aact.
384-385. La GEOMETRIE. — Livre III. 459
Aprés que l'Equation eft ainfi reduite a trois di-
r enfions, il faut chercher la valeur d'yy par la me-
thode defia expliquée; & fi elle ne peut eftre trouuée,
on n'a point | befoin de pafler outre, car il fuit de là,
infalliblement, que le problefme eft folide. Mais fi on
la trouue, on peut diuifer par fon moyen la precedente
Equation en deux autres, en chafcune defquelles la
quantité inconnuë n'aura que deux dimenfions, & dont
les racines feront les mefmes que les fienes. A fçauoir,
au lieu de
DAS 4x. 0,
il faut efcrire ces deux autres
.
ne. VV:
& JE HE EEE
34
Ji
Blu
«2
Et, pour les fignes + & —, que 1'ay ne silya +pen
l'Equation precedente, il faut mettre + —p en chafcune
de celles cy; & —< p, s'ilya en l'autre — p. Mais il faut
mettre + en celle où il y a —yx; & —-#, en celle
où il y a + ÿyx, lorfqu'il y a + q en la premiere. Et au
contraire, s'il ya —g, il faut mettre —-£ en celle où
ilya—yx; &+ D , en celle où il y a + yx. En fuite de
quoy il eft avié fe connoiftre toutes les racines de
l'Equation propofée, & par confequent de conftruire
le problefme dont elle contient la folution, fans y em-
ployer que des cercles & des lignes droites.
Par exemple, a caufe que, faifant
DÉVANUE, 313yÿ 4000,
pour x4 * — 17xx —20x— 6 0,
460 OŒEuvres DE DESCARTES. 385-386.
on trouue que yy eft 16, on doit, au lieu de cite
Equation,
+xt* — 17xx — 20x —6>0,
efcrire ces deux | autres
A ECROR
& + xx + 4x +2>0:
car y eft 4, Lyy eft 8, peft 17, & q eît 20: de façon que
+ NT) tente
& AS D en de
Et tirant les racines de ces deux Equations, on
trouue toutes les mefmes que fi on les tiroit de celle
où eft xt: a fçauoir on en trouue vne vraye, qui eft
V7 +2, & trois faufles qui font :
Vo >. 2 NES 2 US
Ainfi ayant
xt rs — AxXx— 8x + 3ç 0,
pource que la racine de
y°—8y*— 12477 — 64 0
eft derechef 16, il faut eferire
XX — AX + $ O0,
SX X AN TRE 10!
Cañiep ee y} lient AE
BE NY PE AE
a. L’astérisque, omis par Descartes, a été rétabli par Schooten.
386-387. _ La GEOMETRIE. — Livre III. AOT
Et pource qu on ne trouue aucune racine, ny vraye ny
faufle, en ces deux dernieres Equations, on connoift
de là que les quatre de l'Equation dont elles procedent
font imaginaires ; & que le Problefme, pour lequel
on l'a trouuée, eft plan de fa nature, mais qu'il ne
fçauroit en aucune façon eftre conftruit, a caufe que
les quantités données ne peuuent fe ioindre.
Tout de mefme, ayant
a * ET
CC nn dGC se aacc
pource qu on trouue aa + ce pour y y, il faut efcrire
24. Vaaihccz aa =aVÿaatcc—
&7z+Vaatccy+: aa + laVaatcc=0o.
2 |
Car y ef Vaa + ce, & + — 2yy +ip ets aa, & + eft
laVaa + cc. D'où on connoift que la Lie de aleft
2 aa + cc+W/—<{aa +=cc++a Vaa+cc,
ou bien
_ Waa+cc—W/—taaticct —a Vaatcc(*).
Et, pource que nous auions fait cy deffus 7 + a x,
nous apprenons que la quantité x, pour la connoif-
fance de laquelle nous auons fait toutes ces opera-
tions, eft (*)
8 1 1 I I I LUE
RC Va are CCE VACCR CCE LaVaa 1 COR
Mais, afin qu'on puifle mieux connoiftre l'vtilité de
DO — P.
Exemple
de l’vfage de ces
reductions.
462 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 387-388.
cete reigle, 1l faut que ie l'applique a quelque Pro-
blefme.
Si, le quarré AD & la ligne BN eftant donnés, il
faut prolonger le cofté AC iufques en E, en forte
qu'EF, turée d'E vers B, foit efgale a NB; on apprent
de Pappus qu'ayant premierement prolongé BD iuf-
ques a G, en forte que DG foit efgale a DN, & ayant
defcrit vn cercle dont le diametre foit BG, fi on pro-
longe la ligne droite A C, elle rencontrera la circonfe-
rence de ce cercle au point E, qu'on demandoit. Mais
pour ceux qui ne fçauroient point cete conftruétion,
elle feroit affés difficile a rencontrer, & en la cherchant
par la methode icy
propofée, ils ne s a-
uiferoient iamais de
prendre DG pour la
quantité inconnué,
.| mais plutoft CF ou
GS FD, a caufe que ce
font elles qui conduifent le plus ayfement a l'Equation ;
& lors ils en trouueroient vne qui ne feroit pas facile a
demefler, fans la reigle que ie viens d'expliquer. Car,
pofant a pour BD ou CD, &cpourEF, & x pour DF,
onaCFæa—x, & comme CF, ou a—x, eftaFEouc,
ainfi FD, ou x, efta BF, qui par confequent eft -——.
Puis, a caufe du triangle re@tangle BDF, dont les coftés
font l'yn x & l'autre a, leurs quarrés, qui font xx + aa,
font efgaux a celuy de la baze, qui eft en 0
façon que, multipliant le tout par xx —2ax+aa, on
trouue que l'Equation eft
B D dassere-e---- ee -e--222
xt—2ax +2aaxx—2ax+at>ccxx,
20
25
30
388-380. La GEOMETRIE. — Livre Il. 403
ou bien
2aa
3 XX—24 Xi 0
C
xXi—2ax
Et on connoift, par les reigles precedentes, que fa ra-
cine, qui eft la longeur de la ligne DF, eft (*)
ll FT I I I Le =
La+V/ aa HOT Vice laas à ayaa 26 GC
. Que fi on pofoit BF ou CE* ou BE pour la quantité
inconnuë, on viendroit derechef a vne Equation en la-
quelle il y auroit 4 dimenfions, mais qui feroit plus
ayfée a demefler; & on y viendroit aflés ayfement, au
lieu que, fi c'eftoit D G qu'on fuppofaft, on viendroit
beaucoup plus difficilement a l'Equation, mais auffy
elle feroit tres fimple. Ce que ie mets icy pour vous
auertir que, lorfque le Problefme propofé n'eft point
folide, fi en le cherchant par vn chemin on vient a vne
Equation fort compofée, on peut ordinairement venir
a vne plus fimple, en le cherchant par vn autre (*).
le pourrois encore aioufter diuerfes reigles pour
demefler les Equations qui vont au cube ou au quarré
|de quarré; mais elles feroient fuperfluës, car, lorfque
les Problefmes font plans, on en peut toufours trou-
uer la conftruétion par celles cy.
le pourrois auffy en adioufter d'autres pour les
Equations qui montent iufques au furfolide, ou au
quarré de cube, ou au delà; mais r'ayme mieux les
comprendre toutes en vne, & dire en general que,
PAOEER
a. Schooten supprime ici «ou CE », qu'il a ajouté après F D, p. 462,
us
Regle
generale pour
reduire les
Equations qui
paflent le quarré
de quarré.
Façon
generale pour
conftruire tous les
problefmes
folides, reduits
a vne Equation de
trois ou quatre
dimenfions,
404 OEUVRES DE DESCARTES. 389-390.
lorfqu'on a tafché de les reduire a mefme forme que
celles, d'autant de dimenfions, qui vienent de la mul-
tiplication de deux autres qui en ont moins, & qu'ayant
dénombré tous les moyens par lefquels cete multi-
plication eft poflible, la chofe n’a pü fucceder par au-
cun, on doit s'aflurer qu'elles ne fçauroient eftre re-
duites a de plus fimples. En forte que, fi la quantité
inconnuë a 3 ou 4 dimenfions, le Problefme, pour le-
quel on la cherche, ef folide; & fi elle en a $ ou 6, il
eft d'vn degré plus compofé: & ainfi des autres.
Au refle, ray omis icy les demonftrations de la
plufpart de ce que r'ay dit, a caufe qu'elles m'ont fem-
blé fi faciles que, pouruû que vous preniés la peine
d'examiner methodiquement fi ray failly, elles fe pre-
fenteront a vous d'elles mefme : & il fera plus vtile de
les apprendre en cete façon qu’en les lifant.
Or, quand on eft afluré que le Problefme propofé
ef folide, foit que l'Equation par laquelle on le cherche
monte au quarré de quarré, foit qu'elle ne monte que
iufques au cube, on peut toufiours en trouuer la ra-
cine par l'vne des trois fections coniques, laquelle que
ce foit (*), ou mefme par quelque partie de l’vne d'elles,
tant petite qu'elle puifle eftre, en ne fe feruant, au
refte, que de lignes droites & de cercles. Mais ie me
contenteray icy de | donner vne reigle generale pour
les trouuer toutes par le moyen d'vne Parabole, a
caufe qu'elle eft, en quelque façon, la plus fimple.
Premierement, il faut ofter le fecond terme del'Equa-
tion, s'iln'eft defia nul, & ainfi la reduire a telle forme:
5 À
ee -apz.ddag,
e) S:
20
25
30
390-301. LA GEOMETRIE. — Livre III. 46$
fi la quantité inconnuë n'a que trois dimenfions; ou
bien a telle :
Pa
NDDr Ti GEAR
fi elle en a quatre; ou bien, en prenant a pour l'vnité,
5 AO tp :,9
re le PES T prr qe er):
| Aprés cela, fuppofant que la Parabole FAG eft
defia defcrite, & que ES
fon aiflieu eft ACDKL, P
jo & que fon cofté droit SORTE 2
“efta ou 1 (*), dont AC Ééner
eft la moitié, & enfin
que le point C eft au
dedans de cete Para-
15 bole, & que Aeneft le
fommet : il faut faire
CD+;p, & la prendre
du mefme cofté qu'eft
le point À au regard du
20 point C',silya+pen
l'Equation; mais, s'il y
a—p, il faut la prendre
de l’autre cofté. Et du
point D, ou bien, fi la
25 quantité peftoit nulle,
. du point C, il faut efleuer vne ligne a angles droits
iufques a E, en forte qu'elle foit efgale a+ g. Et enfin,
Fig. p. 390. H :$
SAVE
a. Lire « qu'est le point C au regard du point A »,
Œuvres: I, 59
406
OEUVRES DE DESCARTES. 391-302.
du centre E, il faut defcrire le cercle FG, dont |le demi-
diametre foit AE, fi l'Equa-
uon n'eft que cubique, en
forte que la quantité 7 foit
nulle. Mais quand il y a
+7, il faut, dans cete ligne
AE prolongée, prendre d'vn
cofté AR efgale a r, & de
l'autre AS efgale au cofté
droit de la Parabole, quieft
1; & ayant defcrit vn cercle
dont le diametre foit RS, il
faut faire AH perpendicu-
laire fur AE, laquelle AH
rencontre ce cercle RHS
au point H, qui eft celuy
par où l’autre cercle FHG doit pañler. Et quand il y
Fig. p.
502.
392-305. LA GEOMETRIE. — Livre Il]. 407
infcrire AI, qui luy foit efgale, dans vn autre cercle
dont AE foit le diametre, & lors, c'eft par le point I
ique doit pañler FIG, le premier cercle cherché. Or ce
cercle FG peut coupper ou toucher la Parabole en 1
ou 2 où } ou 4 poins, defquels tirant des perpendieu-
laires fur l'aiflieu, on a toutes les racines de l'Equa-
tion, tant vrayes que faufles. À fçauoir, fi la quantité q
eft marquée du figne +, les vrayes racines feront celles
de ces perpendiculaires qui fe trouueront du mefme
cofté de la Parabole que E le centre du cercle,
comme FL; & les autres, comme GK, feront faufles.
Mais au contraire, fi cete quantité g eft marquée du
figne —, les vrayes feront celles de l’autre cofté, &
les faufles, ou moindres que rien, feront du cofté
où eft E, le centre du cercle. Et enfin, fi ce cercle
ne couppe ny ne touche la Parabole en aucun point,
cela tefmoigne qu'il n'y a aucune racine, ny vraye
ny faufle, en l'Equation, & qu'elles font toutes ima-
ginaires. En forte que cete reigle eft la plus ge-
nerale & la plus accomplie qu'il foit poflible de
fouhaiter (*).
Et la demonftration en eft fort ayfée. Car, fi la ligne
GK, trouuée par cete conftruétion, fe nomme 7, AK
fera 77, a caufe de la Parabole, en laquelle GK doit
eftre moyene proportionelle entre À K & le cofté droit,
qui eft 1. Puis, fi de AK r'ofte AC, qui eft +, & CD qui
eft—p, 1l refte DK ou EM, qui eft 77 — =: p — :, dont
le quarré ef :
Li
ne to a PO tr)
() VV (659).
468 Œuvres DE DESCARTES. 303.204
& a caufe que DE ou KM eft - 9, la toute GM ef
7 + + q, dont le quarré eft
ere
& affemblant ces deux quarrés, on a
LE PAL TT PP tas ;
ee |
17 ——4
Re
L——————————
Fig. p. 394. 2 CSA ETS
| pour le quarré de la ligne GE, a caufe qu'elle ef la
baze du triangle rectangle EM e:
Mais, a caufe que cete mefme ligne GE eft le demi-
nee du cercle FG, elle fe peut encore expliquer
en d’autres termes. À fçauoir, 10
ED eftant + q, & AD eftant = p +-,
EAeft W+gg+ipp+ip+e
20
25
204306. LA GEOMETRIE. — Livre III. 469
a caufe de l'angle droit ADE.Puis, H A eftant moyene
proportionelle entre AS, qui eft 1, & AR, qui eft r,elle
eft 7; & a caufe de l'angle droit EAH, le quarré de
HE ou EG eft
OMR ER SE
fi bien qu'il y a Equation | entre cete fomme & la pre-
cedente; ce qui eft le mefme que
LAURE
& par confequent, la ligne trouuée GK, qui a efté
nommée 7, eft la racine de cete Equation, ainfi qu'il
falloit demonftrer. Et fi vous appliqués ce mefme cal-
cul a tous les autres cas de cete reigle, en changeant
les fignes + & — felon l'occafion, vous y trouuerés
voitre conte en mefme forte, fans qu'il foit befoin que
ie my arefte.
Si on veut donc, fuiuant cete reigle, trouuer deux
moyenes proportionelles entre les lignes a &g9,chafcun
fçait que, pofant 7 pour
l'vne : comme a eft a 7, ainfi
ae de facon
qu'il y a Equationentre q &
1, c'eft a dire
aa?
ur
3 X x
= aaq.
Et la Parabole F A G eftant
| defcrite, auec la partie de
fon aiflieu AC, qui eft : a,
la moitié du cofté droit, il
faut, du point C, efleuer la perpendiculaire CE efgale
a— q, & du centre E, par À, defcriuant le cercle AF,
LS
L’inuention
de deux moyenes
proportionelles.
La facon
de diuifer
yn angle en trois,
470 Œuvres DE DESCARTES. 396-397.
on trouue FL& LA, pour les deux moyenes cherchées.
Tout de mefme, fi on veut diuifer l'angle N OP, ou
bien l'arc ou portion de cercle NOTP, en trois par-
ties efgales, faifant NO=1, pour le rayon du cercle,
& NP +39, pour la fubtendue de l'arc donné, & NO 7,
pour la fubtendue du tiers de cet arc, l'Equation vient
50) * NA 3
(tes 37 7:
Car, ayant tiré les lignes NQ, OQ, OT, & faifant
7
QS parallele a TO, on voit que comme NO eftaNOQ,
ainfiNQ a QR, & QR a RS : en forte |que NO eftant
1, & NO eftant 7, OR ef RSR Et a caufe
qu'il s'en faut feulement RS ou 7°, que la ligne NP,
qui eft 9, ne foit triple de NQ, quieftz,ona
Le
9 © FAT DOME
Puis, la Parabole F AG eftantdefcrite, &C A, la moitié
de fon cofté droit principal, eftant +, fi on prent CD
> À, & la perpendiculaire DE? 9, & que, du centre
E, par À, on defcriue le cercle FAgG, il couppe-cete
Parabole aux trois poins F,g &G, fans conter le point
10
15
307-308. LA GEOMETRIE. — Livre Ill. 471
A, qui en eft le fommet. Ce qui monître qu'il y a trois
racines en cete Equation, a fçauoir : les deux GK &
-gk, qui font vrayes, & la troifiefme qui eft fauffe, a
fçauoir FL. Et de ces deux vrayes, c'eft 4, la plus
petite, qu'il faut prendre pour la ligne N Q qui eftoit
cherchée. Car l’autre, GK, eft efgale a N V (*), la fub-
tendue de la troifiefme partie de l'arc N V P qui, auec
lautre-arc NO _P, ,acheue le cercle. Et la fauffe, FL,
eft efgale a ces deux enfemble, ON & N V, ainfi qu'il
eft ayfé a voir par le calcul.
I feroit fuperflus que ie m'areftafle a donner icy
d'autres exemples; car tous les Problefmes qui ne font
que folides fe peuuent reduire a tel point, qu'on n'a
aucun befoin de cete reigle pour les conftruire, finon
en tant qu'elle fert a trouuer deux moyenes propor-
tionelles, ou bien a diuifer vn angle en trois parties
efgales; ainfi que vous connoiftrés, en confiderant que
leurs difficultés peuuent toufiours eftre comprifes en
des Equations qui ne montent que iufques au quarré
de quarré ou au cube; et que toutes celles qui montent
au quarré de quarré fe reduifent au quarré, par le
moyen de quelques autres quine| montent que iufques
au cube : et enfin qu'on peut ofter le fecond terme de
celles cy. En forte qu'il n'y en a point qui ne fe puifte
reduire a quelqu vne de ces trois formes :
SE .
t SE =, À AT g-
TES e
10 PAORNE
SUR o
Are PA EN
*
Or, fiona:7*=>*—p7 +9, la reigle dont Cardan (*)
() X. — Y (1659).
Que tous
les problefmes
folides fe peuuent
reduire
a ces deux
conftructions,
7e OEUVRES DE DESCARTES. 398-309.
attribue l'inuention a vn nommé Scipio Ferreus, nous
apprent que la racine eft :
VC +9 Vega tp Vos jdeuess
comme aufly, lorfqu'on a : 7°> * + pz + q, & que le
quarré de la moitié du dernier terme eft plus grand
que le cube du tiers de la quantité connuë du pe-
nultiefme, vne pareille reigle nous apprent que la
racine eft
VC. +294 Vigg pic. SES
D'où il paroift qu'on peut conftruire tous les Pro-
blefmes dont les difiicultés fe reduifent a l'vne de ces
deux formes, fans auoir befoin des feélions coniques
pour autre chofe que pour tirer les racines cubiques
de quelques quantités données, c’eft a dire pour trou-
uer deux moyenes proportionelles entre ces quantités
& l'vnité.
Puis, fiona:7*>*+ p7 +9, & que le quarré de la
moitié du dernier terme ne foit point plus grand que
le cube du tiers de la quantité connuë du penultiefme,
en fuppofant le cercle N Q P V, dont le demidiametre
NO foit Ver c'eft a dire la moyene proportionelle
entre le tiers de la quantité donnée p & l'vnité; & fup-
pofant aufly la ligne N P infcrite dans ce cercle, qui
foit “E, |c'eft a dire qui foit a l’autre quantité donnée, 9,
comme l'vnité eft au tiers de p; il ne faut que diuifer
chafcun des deux arcs NQ P & NV P en trois parties
efgales, & on aura NQ, la fubtendue du tiers de l'vn,
20
DN
399-400. LA GEOMETRIE. — Livre II. 473
& NV, la fubtendue du tiers de l'autre, qui, iointes
. enfemble, compoferont la racine cherchée.
Enfin, fi on a : 7° > * pz — 9, en fuppofant derechef
/
le cercle NOIENE an le rayon NO foit Vip, &
5 l'infcrite NP foit 2, NO, la fubtendue du tiers de
Parc N'OP, fera ne des racines cherchées, & N V, la
fubtendue du tiers de l’autre arc, fera l’autre. Au moins
fi le quarré de la moitié du dernier terme n'eft point
plus grand que le cube du tiers de la quantité connuë
10 du penultiefme : car, s'il eftoit plus grand, la ligne N P
ne pourroit eftre infcrite dans le cercle, a caufe qu'elle
feroit plus longue que fon diametre. Ce qui feroit
caufe que les deux vrayes racines de cete Equation ne
feroient qu'imaginaires, & qu'il n y en auroit de reelles
15 que la faufle qui, fuiuant la reigle de Cardan, feroit*
Ce Sa Ve aa Ep + Ve. 24 Viqg ps.
Au refte, 1l eft à remarquer que cete façon d’ex- RE
d'exprimer
a. En valeur absolue, conformément à l'habitude de Descartes quand il
énonce des racines fausses (négatives).
Œuvres. I. 60
la valeur de toutes
les racines
des Equations
cubiques,
& en fuite de
toutes celles qui
ne montent
que iufques au
quarré de quarré.
474 OŒEuvREs DE DESCARTES. 400-4or.
primer la valeur des racines, par le rapport qu'elles
ont aux coftés de certains cubes dont il n'y a que le
contenu qu'on connoiffe, n'eft en rien plus intelligible,
ny plus fimple, que de les exprimer par le rapport
qu'elles ont aux fubtenduës de certains ares, ou por-
tions de cercles, dont le triple eft donné. En forte que
toutes celles des Equations cubiques quine peuuent
eftre exprimées par les reigles de Cardan, le peuuent
eftre autant ou plus clairement par la façon icy pro-
pofée.
Car fi, par exemple, on penfe connoiftre la racine
de cete Equation :
Dre
a caufe qu'on fçait qu'elle efl compofée de deux
lignes, dont l'vne eft le cofté d'vn cube, duquel le con-
tenu RL - g adioufté au cofté d'vn quarré, duquel de-
rechef le contenu eft : : 49 757 0; SNAUERNIE
cofté d'vn autre cube, dont le contenu eft la difference
qui eftentre- q& le te de ce quarré dont le contenu
eft=gg .-p :qui ef tout ce qu'on en apprent par
la reigle de Cardan : 1l n y a point de doute qu'on ne
connoifle autant, ou plus diftinétement, la racine de
cellercy
Re
en la confiderant inferite dans vn cercle dont le demi-
diametre eft Ve p, & fçachant qu'elle y eft la fubten-
duë d'vn arc dont le triple a, pour fa fubtendué,
1, Mefme ces termes font beaucoup moins embaraf-
fés que les autres, & ils fe trouueront beaucoup plus
cours, fi on veut vfer de quelque chiffre particulier
20
25
30
401-402. LA GEOMETRIE. — Livre II. A7$
pour exprimer ces fubtenduës, ainfi qu'on fait du
chiffre VC., pour exprimer le cofté des cubes.
Et on peut auffy, en fuite de cecy, exprimer les ra-
cines de toutes les Equations qui montent iufques au
quarré de quarré, par les reigles cy deflus expliquées.
En forte que ie ne fçache rien de plus a defirer en cete
matiere. Car enfin la nature de ces racines ne permet
pas qu'on les exprime en termes plus fimples,ny qu'on
les determine par aucune conftruétion qui foit en-
femble plus generale & plus facile.
Il eft vray que ie n'ay pas encore dit fur quelles rai-
fons ie me fonde, pour ofer ainfi aflurer fi vne chofe
eft poflible ou ne l'eft pas. Mais, fi on prent garde
comment, par la methode dont ie me fers, tout ce qui
tombe fous la confideration des Geometres fe reduift
a vn mefme genre de Problefmes, qui eft de chercher
la valeur des racines de quelque Equation, on iugera
bien qu'il n'eft pas malayfé de faire vn denombrement
de toutes les voyes par lefquelles on les peut trouuer,
qui foit fufhifant pour demonftrer qu'on a choifi la plus
generale & la plus fimple. Et particulierement pour ce
qui eft des Problefmes folides, que i’ay dit ne pouuoir
eftre conftruits fans quon y employe quelque ligne
plus compofée que la circulaire, c'eft chofe qu'on peut
aflés trouuer, de ce qu'ils fe reduifent tous a deux
conftructions : en l’vne defquelles il faut auoir tout en-
femble les deux poins qui determinent deux moyenes
proportionelles entre deux | lignes données, & en
l’autre, les deux poins qui diuifent en trois parties ef-
gales vn arc donné. Car, d'autant que la courbure du
cercle ne depend que d'vn fimple rapport de toutes fes
Pourquoy les
problefmes folides
ne peuuent eftre
conftruits fans
les fections
coniques, ny ceux
qui font
plus compoñés
fans quelques
autres lignes
plus compofées.
Façon
generale pour
conftruire tous les
problefmes
reduits a vne
Equation qui n’a
point plus
de fix
dimenfions.
470 OEUVRES DE DESCARTES. 402-403.
parties au point qui en eft le centre, on ne peut aufly
s'en feruir qu'a determiner vn feul point entre deux
extremes, comme a trouuer vne moyene proportionelle
entre deux lignes droites données, ou diuifer en deux
vn arc donné. Au lieu que la courbure des feétions co-
niques, dependant toufiours de deux diuerfes chofes,
peut aufly feruir a determiner deux poins differens.
Mais, pour cete mefme raifon, il eft impoflible qu'au-
cun des Problefmes qui font d'vn degré plus compofés
que les folides, & qui prefuppofent l'inuention de
quatre moyenes proportionelles, ou la diuifion d'vn
angle en cinq parties efgales, puiflent eftre conftruits
par aucune des fections coniques. C'eft pourquoy ie
croyray faire en cecy tout le mieux qui fe puiffe, fi ie
donne vne reigle generale pour les conftruire, en y
employant la ligne courbe qui fe defcrit par l'inter-
fetion d'vne Parabole & d'vne ligne droite,en la façon
cy deflus expliquée. Car rofe aflurer qu'il n'y en a
point de plus fimple en la nature, qui puifle feruir a
ce mefme effect, & vous aués vù comme elle fuit im-
mediatement les fections coniques, en cete queftion,
tant cherchée par les anciens, dont la folution en-
feigne par ordre toutes les lignes courbes qui doiuent
eftre receuës en Geometrie.
Vous fçaués defia comment, lorfqu'on cherche les
quantités qui font requifes pour la conftruétion de ces
Problefmes, on les peut toufiours reduire a quelque
Equation qui ne monte que iufques au quarré de cube,
ou | au furfolide. Puis vous fçaués auffy comment, en
augmentant la valeur des racines de cete Equation, on
peut toufiours faire qu'elles deuienent toutes vrayes ;
10
15
20
25
30
403-404. La GEOMETRIE. — Livre III. 77
& auec cela, que la quantité connuë du troifiefme
terme foit plus grande que le quarré de la moitié de
celle du fecond; & enfin, comment, fi elle ne monte
que iufques au furfolide, on la peut hauffer iufques au
quarré de cube, & faire que la place d'aucun de fes
termes ne manque d'eftre remplie. Or, afin que toutes
les dificultés dont il eft icy queftion puiffent eftre re-
foluës par vne mefme reigle, ie defire qu on face toutes
ces chofes, &, par ce moyen, qu'on les reduife touf-
iours a vne Equation de telle forme :
nt TT +syy Yo,
& en laquelle a quan-
tité nommée 4 foit plus
grande que le quarré de
la moitié de celle qui eft
nommée p.
| Puis, ayant fait la
ligne BK indefiniement
longue des deux coftés,
&, du pointB, ayanttiré
la perpendiculaire AB
dont la longeur foit —P,
il faut, dans vn plan fe-
paré, defcrire vne Para-
bole, comme CDF, dont
le cofté droit principal
foitW + 9; pp, que
le nommeray 7, pour
abreger. Aprés cela, il faut pofer le plan dans lequel
eft cete Parabole, fur celuy où font les lignes AB
478 OEUVRES DE DESCARTES. 404-405:
& BK, en forte que fon aiflieu DE fe rencontre iuf-
tement au deflus de la ligne droite BK. Et, ayant pris
la partie de cet aiflieu qui eft entre les poins E & D
efgale a PER il faut appliquer fur ce point E vne
longue reigle, en telle façon qu'eftant aufly appli-
quée fur le point A du plan de deflous, elle demeure
toufiours iointe a ces deux poins, pendant quon
hauflera ou baiffera la Parabole tout le long de la
ligne BK, fur laquelle fon aiflieu eft appliqué. Au
moyen de quoy, l'interfeétion de cete Parabole & de
cete reigle, qui fe fera au point C, deferira la ligne
courbe AC N, qui eft celle dont nous auons befoin de
nous feruir pour la conftruétion du Problefme pro-
pofé. Car, aprés qu'elle eft ainfi defcrite, fi on prent le
point L en la ligne BK, du cofté vers lequel eft tourné
le fommet de la Parabole, & qu'on face BL efgale a
DE, ceft a dire a =; puis, du point L vers B, qu'on
prene, en la mefme ligne BK, la ligne LH efgale a
us: Roque, du point H ainfi trouué, on tire a angles
droits, du cofté qu'eft la courbe ACN, la ligne HI,
: © r Ty pt -
dont la longeur foit > LS que Spour
abreger, fera nommée +; & aprés, ayant ioint les
poins L & I, qu'on defcriue le cercle LPI, dont IL foit
le diametre, & qu'on infcriue en ce cercle la ligne LP
dont la longeur foit Vire puis enfin, du centre I,
par le point P ainfi trouué, qu'on defcriue le cercle
PCN. Ce cercle couppera ou touchera la ligne courbe
ACN en autant de poins quil y aura de racines en
l'Equation; en forte que les perpendiculaires tirées de
ces poins fur la ligne BK, comme CG, NR, QO &
20
30
405-407. LA GEOMETRIE. — Livre III. 479
femblables, feront les racines cherchées, fans quil y
ait aucune exception ny aucun deffaut en cete reigle.
Car, fi la quantité s efoit fi grande, a proportion des
autres, p, 9, 7, { & y, que la ligne LP fe trouuaft plus
“grande que le diametre du cercle IL, en forte qu elle
ny puit eftre inferite, il ny auroit aucune racine,
en l'Equation propofée, qui ne fuft imaginaire. Non
plus que fi le cercle IP efloit fi petit qu'il ne coup-
paft la courbe ACN en aucun point (*. Et il la peut
coupper en fix differens,
ainfi quil peut y auoir
fix diuerfes racines en l’E-
quation. Mais, lorfqu'il la
couppe en moins, cela tef-
moigne qu'il y a quelques
vnes de ces racines qui
font efgales entre elles, ou
bien qui ne font qu'imagi-
naires.
Que fi la façon de tracer
la ligne ACN, parle mouue-
ment d'vne Parabole, vous
femble incommode, il eft
ayfé de trouuer plufeurs
autres moyens pour la def-
crire. Comme : fi, ayant
les mefmes quantités que
deuant pour AB & BL, &
la mefme, pour BK, qu'on auoit pofée pour le cofté
droit principal de la Parabole, on defcrit le demi-
() Z (1659),
480 OEuvREs DE DESCARTES. 407-400.
cercle KST dont le centre foit pris a difcretion dans
la ligne BK, en forte qu'il couppe quelque part la ligne
AB, comme au point S ; & que, du point T où il finift,
on-prene vers K la ligne TV efgale a BL; puis, ayant
tiré la ligne SV, qu'on en tire vne autre, qui luy foit
Re par le point À, comme AC; & quon en
tire aufly vne autre par S, qui foit le a BK,
comme SC; le point C, où ces deux paralleles fe ren-
contrent, fera l'vn de ceux de la ligne courbe cherchée.
Et on en peut trouuer, en mefme otre, autant d'autres
qu'on en defire.
| Or la demonftration de tout cecy eft affés facile.
Car, appliquant la reigle AE auec la Parabole FD fur
le point C, comme il eft certain quelles peuuent y
eftre appliquées enfemble, puifque ce point C eft en la
courbe ACN, qui eft defcrite par leur interfection : fi
CG fe nomme y, GD fera “”, a caufe que le cofté
1
droit, qui “a n, ei a CG comme CG a GD. Et oftant
DE qu'entre SGD on a # — 2 pour GE.
Puis, a caufe se AB eft a BE comme CG eft a GE,
AB eftant - p, BÉe PT.
Et tout de mefme, en fuppofant que le point € de la
courbe a eflé trouué par l'interfetion des lignes
droites SC, parallele a BK, & AC, parallele a SV;
SB, qui eft efgale a CG, eft y, & B K eftant efgale au
cofé droit de la Parabole, que ray nommé x, BT
eft 2”. Car, comme KB eft a BS, ainfi BS eft a BP
Et TV | Sat la mefme que BL, c'eft a dire ie, BAR
et 2227 Ercommesb cfa BY, ainfi AB ha
1 P n
BE qui eft, par confequent, 7
ny ?
20
25
3e
À. æ
ne "+: LE, f #
sac es LE
409. LA GEOMETRIE. — [Livre III. 481
D'où on voit que c'eft vne mefme ligne courbe qui fe
defcrit en ces deux façons.
Aprés cela, pource que BL & DE font efgales, DL
& BE le font auñy : de façon qu'adiouftant LH, qui eft
Vy
t . :
so D:L,qui ef FE *?,ona la toute DH, quieft
BRU v Ar ER
2n SR ani” v)
ny
& en oftant GD, qui eft “”, on a GH, qui eft
Dent, _? "y
2n ny ont” » FAT:
Ce que i'efcris par ordre en cete forte :
— y + Lpyy + —Vr
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Œuvres. I. 61
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+ if Se A. =,
CR 7 PORTA SR
482 OŒEuvrEes DE DESCARTES. 409-411.
Etle quarré de'GHef
— — He VPN DIN
HAN
71 YEN
Et en quelque autre endroit de cete ligne courbe qu'on
veuille imaginer le point C, comme vers N ou vers Q,
on trouuera toufiours que le quarré de la ligne droite,
qui eft entre le point H & celuy où tombe la perpen-
diculaire du point C fur BH, peut eftre exprimé en ces
mefmes termes, & auec de Hrotnee jee + & —
Deplus, LH'eftant 6 Hiéfante =" ef
nn ?
mm re tt
n° anny?
a caufe de l'angle droit IH L; & LP eftant|\/ +,
Bou iCef
mm HUE S Pi v
Hi 4anny nn nn )
a caufe aufly de l'angle droit IP L. Puis, ayant fait CM
perpendiculaire fur 1H, IM ef la difference qui eft
entre IH & HM ou Ce: ceft a dire entre & y; en
forte que fon quarré efl Poe ;
mn n1 21Y
DETTE à0 IDE
qui efant ofté du quarré | de IC, il refte :
tt $ pi Sr 2 my
TANT a nn XV
pour le quarré de CM, qui eft efgal au quarré de GH
LA GEOMETRIE. — Livre III. 48;
defia trouué. Ou bien, en faifant que cete fomme foit
diuifée comme l'autre par nnyÿy, on a
—anyé+aemy = pVvyy—syy + yr.
11 123 3 À
Puis, remettant
+ qyt— >ppyt, pouranyt:
& ry+2Vvy +273, pour 2 my;
2i/y
& multipliant l'vne & l'autre fomme par nnyy, on a:
TE = +2Vr sd Vo!
“UE 1 F pt ÿ tt br AU ETE
a PP TI7ANRRÉES
efgal a
À = | re de AN
nd nes +2Vr Y° = :$ Me
I pt tt
+! pp) Le LPre
c'eftadirequona
De Rd 7) PNY YFv=0.
D'où il paroift que les lignes CG, NR, QO & fem-
blables font les racines de cete Equation, qui eft ce
qu'il falloit demonftrer.
Ainfi* donc, fi on veut trouuer quatre moyennes
proportionelles entre les lignes à & b, ayant pofé x
pour la premiere, l'Equation ef :
Xi RARE gb,
DR RTE ET ÉRRE ep
ou bien
a. Il semble qu’en regard de cet alinéa, il faille restituer en manchettes :
« L'inuention de quatre moyenes proportionelles. »
484 OŒEuvres DE DESCARTES. ati-4r2.
Et faifant y — a = x, 1l vient :
EE | + 45
y°— 6ay'+i5aayi—20a"y" +1isa\yy OO:
— ab | “ + ab
C'eft pourquoy il faut prendre
3a pour la ligne AB,
& do RO 0) pour BK, ou le cofté droit de la
Ft Pa Ébôle que 1'ay nommé 7;
2 |//aa+ab pour DE ou BL.
Sn
Et aprés auoir defcrit la ligne courbe ACN fur la
melure de ces trois, il faut faire :
6a +aab
LH HUE ab?
Es 2e — aa mb
nu
Ca Bi DES Ve = 6 Waa+ab.
nn
1S ai 2,3 ab
2nn Vaa Lab?
Car le cercle qui, ayant fon centre au point I, paffera
par le point P ainfi trouué, couppera la courbe aux
deux poins C & N, defquels ayant tiré les perpendi-
culaires NR & CG, fi la moindre, NR, eft oftée de la
plus grande CG, le refte fera x, la premiere des quatre
moyennes proportionelles cherchées.
Il eft ayfé, en mefme façon de diuifer vn angle en
cinq parties efgales, & d'inferire vne figure d'vnze ou
treze coftés efgaux dans vn cercle, & de trouuer vne
infinité d'autres exemples de cete reigle.
Toutefois il eft a remarquer qu'en plufieurs de ces
exemples, il peut arriuer que le cercle couppe fi obli-
quement la Parabole du fecond genre, que le point de
leur interfection foit difficile a reconnoiftre, & ainfi,
10
20
25
412-413. LA GEOMETRIE. — Livre III. 48$
que cete conftruétion ne foit pas commode pour la
pratique. À quoy il feroit ayfé de remedier en compo-
fant d’autres reigles a limitation de celle cy, comme
on en peut compofer de mille fortes.
Mais mon deffein n'eft pas de faire vn gros liure, &
ie tafche plutoft de comprendre beaucoup en peu de
mots, comme on iugera peuteftre que i'ay fait, fi on
confidere qu'ayant reduit a vne mefme conftruction
tous | les Problefmes d'vn mefme genre, ray tout en-
femble donné la façon de les reduire a vne infinité
d'autres diuerfes, & ainfi de refoudre chafcun d'eux
en vne infinité de façons; puis, outre cela, qu'ayant
conftruit tous ceux qui font plans, en coupant d'vn
cercle vne ligne droite, & tous ceux qui font folides,
en coupant aufly d'vn cercle vne Parabole, & enfin
tous ceux qui font d'vn degré plus compofés, en cou-
pant tout de mefme d'vn cercle vne ligne qui n'eft que
d'vn degré plus compofée que la Parabole; il ne faut
que fuiure la mefme voye pour conftruire tous ceux
qui font plus compofés a l'infini. Car en matiere de
progreflions Mathematiques, lorfqu'on a les deux ou
trois premiers termes, 1l n'eft pas malayfé de trouuer
les autres. Et r'efpere que nos neueux me fçauront
gré, non feulement des chofes que i'ay iey expliquées,
mais aufly de celles que ray omifes volontairement,
affin de leur laiffer le plaifir de les inuenter.
FIN.
Aduertiflement.
Ceux qui ne vifitent les Tables des liures qu'affin d'y
chotifir les matieres qu'ils veulent voir, & de s'exempter de
la peine de lire le refle, ne tireront aucune fatisfaéhon de
celle cy : car l'explication des queflions qui y font mar-
quées depend quafi toufiours fi expreflement de ce qui les
precede, & Jouuent auffy de ce qui les fuit, qu'on ne la
Jeauroit entendre parfaitement fi on ne lift auec attention
tout le liure. Mais pour ceux qui l'auront defia leu, 6 qui
Jeauront affez bien les chofes les plus generales qu'il con-
tient, celte Table leur pourra feruir, tant a les faire fou-
uenir des endroits où 1l eff parlé des plus particulieres qui
feront efchappées de leur memoire, que fouuent auffy a
leur faire prendre garde a celles qu'ils auront peuteftre
pallées Jans les remarquer.
PABEE
DES” PRINEFPALES: DIFFAGHPREZ
QUI SONT EXPLIQUÉES EN LA
DIOPTRIQUE
Difcours Premier.
DELA LUMIERE.
Comment il fuffit de conceuoir
la nature de la lumiere pour
entendre toutes fes proprie-
ÉEZ Su. se el ES THMRQRETTE
Comment fes rayons paflent en
vn inftant du Soleil iufques
MOUSE LOTERIE
Comment on voit les couleurs
PARMONNTOMNENE ET
Quelle eft la nature des cou-
TP EME NN
Qu'on n'a point befoin d’e/-
peces intentionelles pour les
Ny mefme qu'il y ait rien dans
les obiets qui foit semblable
aux fentimens que nous en
AUONS A Et Gba de
Que nous voyons, de iour, par
le moyen des rayons qui
vienent des obiets vers nos
MÉDRE he SHARE
Et qu'au contraire les chats
voyent, de nuit, par le moyen
LeA]
des rayons qui tendent de
leurs yeux vers les obiets...
Quelle eft la matiere qui trani-
METIESEAVONSE ee Liens
Comment les rayons de plu-
fieurs diuers obiets peuuent
entrer enfemble dans l'œil...
Ou, allant vers diuers yeux,
pafler par vn mefme endroit
de l’air fans fe mefler ny
SÉNÉMPECRER Pre
Ny eftre empefchez par la flui-
NÉE AI ee er.
Ny par l'agitation des vens...
Ny par la dureté du verre ou
autres tels cors tranfparens.
Comment cela n'empefche pas
mefme qu'ils ne foient exac-
tOMENAALONS A Se
Et ce que c’eft proprement que
CESTANONSE I -c-
Et comment il en vient vne in-
finité de chafcun des poins
des cors lumineux.........
U\
UNI NI NI
+ |
co
7)
488
Ce que c’eft qu'vn cors noir... 11
Ce que c’eft qu'vn miroir... ri
Comment les miroirs tant plats
que conuexes et concaues
font reflefchir les rayons. 1oet11
Ce que c’eft qu’vn cors blanc. 11
OEUVRES DE DESCARTES.
En quoy confifte la nature des
couleurs moyennes... II
Comment les cors colorez font
reflefchir les rayons ....... 12
Ce que c’eft que la Refrac-
TONER TERRA Scan io 12
Difcours Second.
DELCANREFRACIMION
Que les cors qui fe meuuent
ne doiuent point s’arefter
aucun moment contre ceux
qui les font reflefchir ...... 14
Pourquoy l'angle de la re-
flexion et efgal a celuy de
lineidencers PPT 14, 15, 16
De combien le mouuement
d’vne bale eft détourné, lorf-
qu'elle paile au trauers d’vne
LOC ERE CCR M RRERE SNS NZ
Et de combien lorfqu’elle entre
JANSAICAUER EPP PER EEE 18
Pourquoy la Refraction eft
d'autant plus grande que l’in-
cidence eft plus oblique.... 19
Et nulle quand l'incidence eft
PERPENEUlAITER PAP AREEEE 1Q
Pourquoy quelquefois les bales
des canons tirez vers l’eau
n'y peuuent entrer et fe re-
flefchiflent vers l’air- ...... 19
De combien les rayons font
détournez par les cors tranf-
parens qu’ils penetrent..... 20
Comment il faut mefurer la
grandeur desrefraétions.. 21,22
Que les rayons pañlent plus
ayfement au trauers du verre
que de l’eau, et de l’eau'que
de l'air, et pourquoy....... 23
Pourquoy la Refracttion des
rayons qui entrent dans l’eau
eft efgale a celle des rayons
GSM OEME Te a 00000 24
Et pourquoy cela n’eft pas gene-
ral en tous cors tranfparens. 24
Que les rayons peuuent quel-
quefois eftre courbez fans
fortir d'vn mefme cors tranf-
Parents. 2 CEE DT
. Comment fe fait la Refraction
en chafque point des fuper-
fICIéS COUTDÉES- AAUMAPRPERE 25
Difcours Troifiefme.
DEMI CT
Que la peau nommée vulgaire-
ment Retina n’eft autre chofe
que le nerf optique ........ 26
Quelles font les Refraétions
que caufent les humeurs de
l'œil LCR 5 14270
À Pr a LS nf 0 € nl
TABLE DE LA DIOPTRIQUE.
Pour quel vfage la prunelle
s'eftrecift & s’eflargift. ..... 27
Que ce mouuement de la pru-
nelle eft volontaire... 5% 28
comme vn mufcle qui peut
changer la figure de tout l'œil.
Et que les petits filets nommez
proceffus ciliares en font les
tendons PP CREER Ce
É Difcours Quatriefme.
DESSENS: EN GENERAL.
Que c’eft l’ame qui fent & non
JERCONS PERRET ET 29
Qu'elle fent en tant qu'elle et
dans le cerueau, & non en
tant qu’elle anime les autres
membres ..... DE COR Dec not 29
Que c’eft par l’entremife des
nentsiquellenents #2... 30
Que la fubftance interieure de
ces nerfs eftcompofée de plu-
fieurs petits filets fort deliez. 30
Que ce font les mefmes nerfs
qui feruent aux fens & aux
MOUUEMENS ne 0 SU NSRENt
Que ce font les efprits ani-
maux, contenus dans les
peaux de ces nerfs, qui meu-
uentleSMmeEMPrES. 0".
Que c’eit leur fubftance inte-
rieure qui fert aux fens.....
Comment fe fait le fentiment
par l’ayde des nerfs........
Que les idées que les fens ex-
terieursenuoyent en la phan-
tailie nefont pointdesimages
des obiets, ou, du moins,
qu'elles n’ont point befoin
detleurrefemblen 26".
Que les diuers mouuemens des
petits filets de chafque nerf
fuffifent pour caufer diuers
fentimens....... nr reste
Difcours Cinquiefme.
DES IMAGES QUIÈSSE-FORMENT, SUR LE FONDS DE L'ŒIL.
Comparaifon de ces images
auec celles qu’on voiten vne
chambre obicure.:}...:... 35
Explication de ces images en
l'œil d’vn animal mort..... 36
Qu'on doit rendre la figure de
cet œil vn peu plus longue,
lorfque les obiets font fort
proches, que lorfqu'ils font
DILSEOIEnez Eee 27
Œuvres. I.
Qu'il entre en cet œil plu-
fieurs rayons de chaîque
potntdetobietsss.". 6:
Que tous ceux qui vienent
d'vn mefme point fe doiuent
aflembler au fonds de cet œil
enuiron le mefme point; &
qu'il faut difpofer fa figure a
COCHER dome mecertie
Que ceux de diuers poins s'y
62
489
28
L
28 ee -
: t
,
31 g
31
32 s
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&
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32 À
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54 be
ÉTÉ NT Er 2m
à
38 ?
.
38
490
doiuent atlembler en diuers
Commentlescouleursfevoyent
au trauers d’vn papier blanc
qui eft fur le fonds de cet
ŒIL TEE
Que les images qui s’y forment
ont la refemblance des ob-
TES Lode
Comment la grandeur de la
prunelle fert a la perfection
dEICESAMASES LEA
Comment y fert la refraction
qui fe fait dans l'œil; & com-
ment elle y nuiroit eftant
plus grande ou Ps ee
qu'elle n'eft.. RATE
Comment la noirceur des par
ties interieures de cet œil, &
l’obfcurité de la chambre où
fe voyent les images, y fert
auily .
Pourquoy elles ne font iamais
fi parfaites en leurs extremi-
LEZ AUMMINEU TEA ERET EE
Comment on doit entendre ce
qui fe dit, que vifio fit per
Que la grandeur de la prunelle,
rendant les couleurs plus
viues, rend les figures moins
"55
(o0]
40
40
40
Œuvres DE DESCARTES.
diftinctes, & ainfi ne doit
eftre que mediocre...... 0
Que les obiets qui font a cofté
de celuy a la diftance duquel
l'œil eft difpofé, en eftant
beaucoup plus efloignez ou
plus proches, s'y reprefen-
tent moins diftinétement que
s'ils en eftoient prefque a pa-
Telle LANTANCE A AREREEEEES
Que ces imagesfontrenueriées.
Que leurs figures font chan-
gées & racourcies a raifon
de la diftance ou fituation
des ODIETS RETIRE DEN 0 à
Que ces images font plus par-
faites en l'œil d’vn animal
viuantqu’enceluy d’vn mort,
& en celuy d'vn homme
qu'en celuy d’vn bœuf.....
Que celles qui paroiïflent par
le moyen d'vne lentille de
verre dans vne chambre ob-
cure, s’y forment tout de
mefme que dans l'œil, &
qu'on y peut faire l’expe-
rience de plufieurs chofes
qui confirment ce qui eft icy
EXPITAUÉ FR Fer br
Comment ces images pailent
de l’œil dans le cerueau...…
Difcours Sixiefme.
DIF ÉLAENALS ONE
Que la vifion ne fe fait point
par le moyen des images qui
pailent des yeux dans le cer-
ueau, mais par le moyen des
mouuemens qui les compo-
Tnt RM Le
. Que c’eit par la force de ces
51
mouuemens qu'on fent la
JumiIeneRer EEE RUE SE
Et par leurs autres varietez
qu'on fent les couleurs.....
Comment fe fentent les fons,
les goufts, & le chatouille-
ment & la douleur .....
44
44
44
44.
46
46, 47, 48
49
55
TABLE DE LA
. Pourquoy les coups qu'on re-
coitdansl’œil font voir diuer-
fes lumieres, & ceux qu’on
reçoit contre les oreilles font
ouïr des fons; & ainfi vne
mefme force caufe diuers
fentimens en diuers organes.
Pourquoy, tenant les yeux fer-
mez vn peu aprés auoir re-
gardé le foleil, il femble
qu'on voyediuerfes couleurs.
Pourquoy il paroïft quelque-
fois des couleurs dans les
cors qui ne font que tranf-
UN
LD
U\
©
parens, comme l’arc-en-ciel
paroift dans la pluie. 353 &
Que le fentiment qu’on a de la
lumiere eft plus ou moins
fort felon que l’obiet eft plus
OHMOINSIPEOC HER ce see
Et felon que la prunelle eft
‘ plus ou moins grande......
Et felon que l’image qui fe
peint dans le fonds de l’œil
_eft plus ou moins petite...
Comment la multitude des pe-
tits filets du nerf optique fert
a rendre la vifion diftinéte..
Pourquoy les prairies, eftant
peintes de diuerfes couleurs,
. ne paroiflent de loin que
cvneneule FETE 0 Fo
Pourquoy tous les cors fe
voyent moins diftinétement
HEROMIQUETEMPIES
Comment la grandeur de l'i-
mage fert a rendre la vifion
ITS EE ARE
Comment on connoït vers
quel cofté eft l’obiet qu'on
regarde, ou celuy qu’on
monitre du doigt fans le tou-
CHÉTEE Ne e do 60e
Pourquoy le renuerfement de
l’image qui fe fait dans l'œil
254
ur
[51]
55
[PA
u1
F0
DIoPTRIQUE. 491
n'empefche pasque les obiets
ne paroïflent droits. ...... :
Pourquoy ce qu’on voit des
deux yeux, ou qu’on touche
des deux mains, ne paroift
pas double pour cela.......
Comment les mouuemens qui
changent la figure de l'œil
feruent a faire voir ladiftance
AeSTOPIEIS PRIME A LCOMCRER
Qu'encore que nous ignorions
ces mouuemens, nous ne
laiflons pas de connoiïftre ce
qu'lstdefipnente""""°"rre
Commentle rapport des 2 yeux
fert auffy a faire voir la di-
HANCER PAM MAR RIT ET
Comment on peut voir la di-
ftance auec vn œil feul, en
luy faifant changer de place.
Commentla diftinétion ou con-
fufion de la figure, & la de-
bilité ou la force de la lu-
miere fert aufly a voir la
difance #0 DE MERE PE 60, 62
Que la connoïtlance qu’on a
euë auparauant des obiets
qu'on regarde fert a mieux
connoiftre leur diftance....
Comment la fituation de ces
obiets y fert aufly ...... HS
Comment on voit la grandeur
délCHalIQUEODIEE rec. -
Comment on voit fa figure...
Pourquoy fouuent les frene-
tiques, ou ceux qui dorment,
penfent voir ce qu'ils ne
VOYEUR EE RL
Pourquoy on voit quelquefois
les obiets doubles.........
Comment l’attouchement fait
aut{ly quelquefoisiugerqu’vn
obiet foit double...........
Pourquoy ceux qui ont la iau-
nifle, ou bien qui regardent
58
58
58
04
492
au trauers d'vn verre jaune,
iugent que tout ce qu'ils
voyent en a la couleur..... 64
Quel eft le lieu où on voit l’ob-
iet au trauers d’vn verre plat
dont les fuperficies ne font
pasiparallelEs Pere Per ere 64
Et celuy où on le voit au tra-
uers d’vn verre concaue.... 64
Et pourquoy l'obiet paroift
alors plus petit qu'il n’eft... 64
Quel eft le lieu où il paroift au
trauers d’vn verre conuexe,
& pourquoy il y paroiïft quel-
quefois plus grand & plus
efloigné qu'il n’eft, & quel-
quefois plus petit & plus
proche,& auec cela renuerfé. 64
Quel eft le lieu des images
qu'on voit dans les miroirs,
tant plats que conuexes ou
concaues, & pourquoy elles y
paroiïflent droites ou renuer-
fées ; & plus grandes ou plus
petites ; & plus proches ou
plus efloignées que ne font
lestobiéts Rene 64
+ MENT
Œuvres DE DESCARTES.
Pourquoy nous nous trom-
pons ayfement en iugeant de
la diftan Ce EC EEE REEREEECT
Comment on peut prouuer
que nous n’auons point cou-
fume d'imaginer de diftance
plus grande que de 100 ou
200 Pieds 2 CI PRET EREE
Pourquoy le foleil & la lune
femblent plus grans, eftant
proches de l’Horifon, qu’en
eftant efloignez......... “e
Que la grandeur apparente
des obiets ne doit point fe
mefurer par celle de l’angle
dE VIH ON MAR AENEREREEER
Pourquoy les obiets blancs &
lumineux paroiflent plus
proches & plus grans qu'ils
ne font..
Pourquoy tous les cors fort
petits, ou fort efloignez, pa-
rOiflent ronds... ee
Comment fe font les efloigne-
mens dans les tableaux de
BERIPECLIVEERSRERCEr EEE
Difcours Septiefme.
DES MOYENS DE PERFECTIONNER LA MISION:
Qu'il n'y a que quatre chofes
qui font requifes pour rendre
la vifion toute parfaite.. 70,71
Comment la Nature a pouruû
a la premiere de ces chofes,
& ce qui refte a l’art a y ad-
MONET Jacobs Doc 7e 7
Quelle difference il y a entre
les yeux des ieunes gens &
ceurides Vieillars "tr "-"tt 73
Commentil faut pouruoir a ce
que la Nature a omis aux
yeux de ceux qui ont la veuë
courte. Et comment, a ce
qu'elle a omis aux yeux des
vieillars :.... M ee FRERE
Qu'entre plufieurs verres qui
peuuent feruir a cet effect il
faut choifir les plus ayfez a
tailler, &, auec cela, ceux
qui font le mieux que les
rayons qui vienent de diuers
66
66
67
68
69
73
TABLE DE LA DIOPTRIQUE.
poins femblent venir d’'au-
tant d’autres diuers poins..
Qu'il n’eft pas befoin de choi- »
fir en cecy autrement qu'a
peu prés ; & pourquoy.....
Que la grandeur des images ne
depend que de la diftance
des obiets du lieu où fe croy-
fent les rayons qui entrent
dans l'œil, & de leur refra-
Que la refraction n’eft pas icy
fort confiderable, ny la di-
ftance des obiets acceflibles.
Et comment on doit faire
lorfqu'’ils font inacceflibles.
En quoy confifte l’inuention
des lunetes a puce compofées
d'vn feul verre, & quel eft
5 NEA MERE SOEUR
Comment on peut augmenter
les images, en faifant que
les rayons fe croyfent fort
loin de l’œil, par le moyen
d’vn tuyau plein d’eau......
Que, plus ce tuyau eft long,
plus il augmente l’image; &
qu'il fait le mefme que fi
la Nature auoit fait l'œil
d'autant plus long.........
Que la prunelle de l'œil nuiïft,
au lieu de feruir, lorfqu’on
fe fert d’vn tel tuyau.......
Que ny les refraétionsdu verre
qui contient l’eau dans ce
tuyau, ny celles des peaux qui
enuelopent les humeurs de
l'œil, ne font confiderables.
Comment on peut faire le
mefme, par le moyen d’vn
tuyau feparé de l'œil, que
par vn qui luy eft ioint.....
AE
RE
80
493
En quoy confifte l’inuention
des lunetes d'approche. 82, 83
Comment on peut empefcher
que la force des rayons qui
entrent dans l'œil ne foit
ÉTOP'E TAN RE EEE 83, 86
Comment on la peut augmen-
ter, lorfqu’elle eft trop foible
& que les obiets font accef-
AbIES PR RE RE 83
Et comment, lorfqu'ils font
inacceflibles & qu'on fe fert
de lunetes d’approche......
De combien on peut faire l’ou-
uerture de ces lunetes plus
grande que n'’eft la prunelle.
Et pourquoy on la doit faire
plustérandeeererrr 84, 85
Que pour les obiets acceflibles
on n'a point befoin d'aug-
menter ainfi l'ouuerture du
84
Que, pour diminuer la force
des rayons, lorfqu'on fe fert
de lJunetes, il vaut mieux
eftrecir leur ouuerture que
la couurir d'vn verre co-
TOR RS PER NE et. 86
Que, pour l’eftrecir, il vaut
mieux couurir les extremitez
du verre par dehors que par
dÉLANS EEE M ATEN... 86
A quoy il eft vtile de voir plu-
fieurs obietsen mefme tems;
& ce qu'on doit faire pour
n'en auoir pas de befoin.... 87
Qu'on peut acquerir par exer-
cice la facilité de voir les ob-
iets proches ou efloignez... 88
D'ou vient que les Gymnofo-
phiftes ont pù regarder le
foleil fans gafter leur veuë.. 88
494
ŒUVRES DE DESCARTES.
Difcours Huitiefme.
DES ‘FIGURES QUE DOIVENT AVOIR LES: CORS
TRANSPARENS
POUR DETOURNER LES RAYONS PAR REFRACTION EN TOUTES LES FACONS
QUI SERVENT A LA VEUE.
Quelle eft la nature de l'EI-
lipfe & comment on la doit
EICHER REP ETEN
Demonftration de la proprieté
de l’Ellipfe touchant les re-
fRAÉTONS LATE PRET ENEEE :
Comment, fans employer d’au-
tres lignes que des cercles
ou des Ellipfes, on peut faire |
que les rayons paralleles
s’afflemblent en vn point, ou
que ceux qui vienent d'vn
89,90
pointfe rendentparalleles. 94,65
Comment on peut faire que
les rayons paralleles, d’vn
cofté du verre, foient efcar-
tez de l’autre comme s'ils
venoient tous d’vn mefme
PONTS NE ADP ARE
Comment on peut faire qu’e-
flans paralleles des deux co-
ités, ils foient referrez en vn
moindre efpace, de l’vn que
deARAUTEE ere Rasto eo :
Comment on peut faire Île
mefme, en faifant, outre cela,
que les rayons foient ren-
HOUEAs none eee
Comment on peut faire que
tous les rayons qui vienent
d'vn point s’aflemblent en
VOA POINTS AT Ie a
Et que tous ceux qui vienent
d’vn point s’efcartent comme
96
98
s'ils venoient d’vn autre
POINT. RE EN RETATRRE
Et que tous ceux qui font ef-
cartez comme s'ils tendoient
vers vn mefme point, s'ef-
cartent derechef comme s'ils
venoient d'vn mefme point.
La nature de l'Hyperbole & la
99
99
façon dela defcrire. 100, 101,102
Demonftration de la proprieté
de l’'Hyperbole touchant les
refraétions...... + ee
Comment, fans employer que
104
des Hyperboles & des lignes
droites, on peut faire des
verres qui changent les
rayons en toutes les mefmes
façons que ceux qui font
compofez d'Ellipfes & de
cercles tient . 106, 107;
Que, bien qu'il y ait plufieurs
autres figures qui puiflent
caufer les mefmes effets, il
n'y en a point de plus pro-
pres, pour les lunetes, que
les precedentes-en
Que celles qui ne font com-
pofées que d'Hyperboles &
de lignes droites font les
plus ayfées a tracer........
Que, quelque figure qu'aye le
verre, il ne peut faire exacte-
ment que les rayons venans
de diuers poins s’affemblent
108
110
TABLE DE LA DIoPTRIQUE.
en autant d’autres diuers
DONS ERP nr En
Que ceux qui font compofez
d'Hyperboles font les meil-
leurs de tous a cet effect...
Que les rayons qui vienent de
diuers poins s’efcartent plus,
apres auoir trauerfé vn verre
Hyperbolique, qu’apres en
auoir trauerfé vn Elliptique.
Que, d’autant que l’Elliptique
eit plus efpais, d'autant ils
s’efcartent moins en le tra-
HÉRIANE LME. 5U8#08boc
Que, tant efpais qu’il puile
eftre, il ne peut rendre l’i-
mage que peignent ces
rayons que d’vn quart ou
d’'vn tiers plus petite que ne
fait l'Hyperbolique........
Que cete inefgalité eft d'autant
plus grande que la refraétion
du verre eft plus grande...
Qu'on ne peut donner au verre
aucune figure qui rende cete
image plus grande que celle
de l’Hyperbole, ny qui la
rende plus petite que celle
de NUM ER eee
Comment il faut entendre que
les rayons venans de diuers
poins fe croifent fur la pre-
miere fuperficie, qui a la
force de faire qu'ils fe raflem-
blent en autant d’autres di-
HELSSPOINS eee Fabre
Que les verres Elliptiques ont
plus de force pour brufler
que les Hyperboliques.....
Comment il faut mefurer la
HT3
—
FU de)
taË
force des miroirs ou verres
DEUTANS ACER EE.
Qu'on n’en peut faire aucun
qui brufle en ligne droite a
liNfNIT LPC PRMEUERre
Que les plus petits verres ou
miroirs aflemblent autant de
rayons pour brufler, en l’ef-
pace où ils les affemblent,
que font les plus grands qui
ont des figures femblables a
ces plus petits, en vn efpace
PAROISSE ER
Que ces plus grans n’ont d’au-
tre auantage que de les af-
fembler en vn efpace plus
grand & plus efloigné; &
ainfi qu'on peut faire des
miroirs ou verres tres petits
qui ne laiffent pas de brufler
auec beaucoup de force...
Qu’vn miroir ardent, dont le
diametre n’excede point la
100€ partie de la diftance a la-
quelle il aflemble les rayons,
nepeutfaire qu'ilsbruflentou
efchauffent dauantage que
ceux qui vienent directement
uent receuoir plus de rayons
d’vn mefme point, pour les
rendre apres paralleles, que
ceux d’aucune autre figure.
Que fouuent les verres Hy-
perboliques font preferables
aux Elliptiques, a caufe
qu'on peut faire auec vn
feul ce a quoy il en faudroit
EMpPloyendense es. LL AU
49
118
11S
E
©
496
%
OŒEUVRES DE DESCARTES.
Difcours Neufiefme.
DE LA DESCRIPTION
Quelles qualitez font confide-
rables pour choïfir la matiere
deSLIUINELES EAP RR TERRE
Pourquoy il fe fait quafi tou-
fiours quelque reflexion en
la fuperficie des cors tranf-
PALEDS ER ER EEE CRE
Pourquoy cete reflexion eft
plus forte fur le criftal que
MIE VENTE PEER RENTE
Explication des lunetes qui
feruent a ceux qui ont la
MEUBICOUTIE ER EEE CEE
Explication de celles qui fer-
uent a ceux qui ne peuuent
voir que de loin.......
Pourquoy on peut Rae
les rayons qui vienent d’vn
point aflez efloigné, comme
Parallels APPESEE ERP :
Pourquoy la figure des Mens
des vieillars n’a pas befoin
dieftre fortiexatle MEPPREE
Comment il faut faire les lu-
124
DESLLUNEMES:
netes a puce auec vn feul
Quelles doiuent eftre les lu-
netes d'approche pour eftre
parfaites …
Et quelles ni les Ro a
puce pour eftre parfaites .
Que, pour fe feruir de ces lu-
netes, il eft mieux de fe ban-
der vn œil que de le fermer
par l’ayde des mufcles.....
Qu'il feroit bon aufly d’auoir
auparauant attendri fa veuë
en fe tenant en lieu fort
Et aufly d’auoir baie
difpofée comme pour regar-
der des chofes fort efloignées
ÉLObICUIES. CLEAN
D'où vient qu'on a moins ren-
contré cy deuant a bien faire
les lunetes d'approche que
les autres
Difcours Dixiefme.
DE LA FACON
Comment il faut trouuer la
grandeur des refraétions du
verre dont on veut fe feruir.
Comment on trouue les poins
bruflans & le fommet de
l'Hyperbole dont le verre
DE TAILLER LES VERRES.
duquel on connoift les re-
fractions doit auoir la fi-
QUE. HE CARE Bo GR dou |
Comment on peut augmenter
ou diminuer la diftance de
CESPOINS EEE Lo Ene oc
136
Comment on peut defcrire
cete Hyperbole auec vne
GhOr der Certes
Comme on la peut defcrire
par l’inuention de plufieurs
BOIS cn he
Comment on trouue le Cone
dans lequel la mefme Hy-
perbole peut eftre couppée
par vn plan parallele a l’aif-
EURE mise ne mio
Comment on la peut defcrire
d’vn feul trait par le moyen
dMNEMACHINE
Comment on peut faire vne
autre machine qui donne la
figure de cete Hyperbole a
tout ce qui en peut auoir
befoin pour tailler les verres.
Œuvres. I.
TABLE DE LA
140
140
141
142
DIOPTRIQUE. 497
Et comment on s’en doit
Tertir see Me 144
Ce qu’il faut obferuer en par-
ticulier pour les verres con-
caues, & en particulier pour
JESICONNELES PE PERPEPTE 150
L'ordre qu'on doit tenir pour
s'exercer a tailler ces verres. 151
Que les verres conuexes qui
feruent aux plus longues lu-
netes ont befoin d’eftre tail-
lez plus exactement que les
AUTOS a ere 151
Quelle eft la principale vtilité
destlunetesiaipuce. "4 152
Comment on peut faire que
les centres des deux fuper-
ficies d'vn mefme verre fe
CAPPONMEN TEE Eee. 153
TABLE
DES PRINCIPALES DIEFICUREEZ
QUI SONT EXPLIQUÉES AUX
NÉE OIRES
Difcours Premier.
DE LEA NATURE DES CORS TERRESIMRES;
Que l’eau, la terre, l’air & tous
les autres cors font compo-
fez de plufieurs parties...
Qu'il y a des pores en tous ces
cors, qui font remplis d’vne
matiere fort fubtile........
Que les parties de l’eau font
longues, vnies & gliffantes
RATE at 159 &
Que celles de la plufpart des
autres cors font comme des
branches d’arbres, & ont di-
uerfes figures irregulieres..
Que ces branches, eftant ioin-
tes ou entrelacées, compo-
lentrdesicors durs FEEPEPEE
Que, lorfqu’elles ne font point
ainfi entrelacées, ny fi grof-
fes qu'elles ne puiflent eftre
agitées par la matiere fubtile,
elles compofent des huiles
OUNAE AA RTE EMEA
Que cete matiere fubtile ne
cefle iamais de fe mouuoir.
159
160
Qu’elle fe meut ordinairement
plus vifte contre la terre que
vers les nues, vers l’equateur
que vers les poles, l’efté que
l'hyuer, & le iour que la
160
Qu'elle eft compofée dé parties
INÉBAlES RER
Que les plus petites de Fe par-
ties ont le moins de force
pour mouuoir les autres
160
160
Que les moins petites fe trou-
uent le plus aux lieux où elle
EI IEIPIUS A SITÉC EEE PE
Que ces moins petites ne peu-
uent pañler au trauers de
plufieurs cors. Et que cela
rendices Cors froids. eu:
Ce qu'on peut conceuoir pour
le chaud. & pour le froid...
Comment les cors durs peu-
uent eftre efchaufez........
D'où vient que l’eau eft com-
161
161
162
162
TABLE
munement liquide, & com-
ment le froid la rend dure.
Comment la glace conferue
toufiours fa froideur, mefme
en efté. Et pourquoy elle
ne s’amolift pas peu a peu
commenlaicire, tee Fee
Quelles font les parties des ef-
prits ou eaux de vie........
Pourquoy l’eau s’enfle en fe
Pourquoy elle s’enfle aufly en
DES METEORES.
162
163 & 175
163
S'eIChAUTAN TE ee
Pourquoy l’eau bouillie fe gele
plutoft que l’autre.........
Que les plus petites parties
des cors ne doiuent point
éftre conceuës comme des
atomes, mais comme celles
qu’on voit a l'œil, excepté
qu’elles font incomparable-
ment plus petites. Et qu'il
. n’eft point befoin de rien re-
ieter de la Philofophie ordi-
naire pour entendre ce qui
CIMÉNNCCMEANTE 7.
Difcours Second.
DES. VAPEURS ET DES EXHALAISONS.
Comment le foleil fait monter
en l’air plufieurs des petites
parties des cors terreftres...
Quelles font les vapeurs
Quelles font les exhalaifons..
Qu'il monte en l'air beaucoup
moins d’exhalaifons que de
vapeurs
Comment les plus groflieres
exhalaifons fortent des cors
terreftres ......... Don 0 pre
Pourquoy l’eau, eftant con-
uertie en vapeur, occupe in-
comparablement plus d'ef-
pace qu'auparauant........
Comment les mefmes vapeurs
peuuent eftre plus ou moins
OR Se AOC
D'où vient qu’on fent quelque-
fois en efté vne chaleur plus
eftouffante que de couftume
Comment les vapeurs font
plus ou moins chaudes ou
CCS HAE AE Arc
165
166
166
166
166
107
Pourquoy l’haleine fe fent plus
chaude, quand on foufHe
ayant la bouche fort ouuerte,
que fi on l’a prefque fer-
Pourquoy les vens impetueux
font toufiours froids .......
Comment les vapeurs font plus
ou moins tranfparentes ....
Pourquoy noftre haleine fe
voit mieux l’hyuer que l’efté
Que fouuent il y a dans l’air le
plus de vapeurs, lorfqu'on
lesivoitlemoins "7.
Comment les mefmes vapeurs
font plus ou moins humides
ou feiches, Et comment vne
mefme fe peut dire, en di-
uers fens, plus feiche & plus
humide qu’vne autre.......
Quelles font les diuerfes na-
tures des exhalaifons.......
Comment elles fe demeflent &
feparent des vapeurs.......
00
OEUVRES DE DESCARTES.
Difcours Troifiefme.
Quelle eft la nature de l’eau
falée. Et que les parties de
l'eau font telles qu'il a efté
dit. Aout ee ROSES
Pourquoy les cors mouillez
d'eau font plus ayfez a fei-
cher que ceux qui font
motillezdihtile terre
Pourquoy le fel a vn gout fi
different de celuy de l’eau
AOUCE NE RER PERTE RUE
Pourquoy les chairs fe con-
feruent eftant falées........
Pourquoy le fel les durcift ..…
Pourquoy l'eau douce les cor-
DOMPLE ee eR CA Re de
Pourquoy l'eau falée eft plus
pefante que l’eau douce...
Pourquoy neanmoins le fel ne
fe forme que fur la fuperficie
dévlieaurdelañmenet##°rr
Que les parties du fel commun
font droites & efgalement
grofles par les deux bouts..
Comment elles s’arrengent,
eftant meflées auec celles de
leautdouce "rte eee
Que les parties de l’eau falée
fe meuuent plus vifte que
celles de l’eau douce.......
Pourquoy le fel eft ayfement
fondu par l'humidité. Et
pourquoy en certaine quan-
tité d’eau il ne s’en fond que
iufques a certaine quantité.
Pourquoy l’eau de la mer eft
plus tranfparente que celle
CESSER TO
174
NI
17
DIURSEE
Pourquoy elle caufe des refra-
ctions vn peu plus grandes.
Pourquoy elle ne fe gele pas fi
aylement. 2.0.0 er |
Comment on peut faire geler
de l’eau en efté auec du fel,
CCPOUTUOYE EC ECC
Pourquoy le fel eft fort fixe, &
l’eau douce fort volatile...
Pourquoy l’eau de la mer s’a-
doucift en paflant au trauers
dusfable NEA PEPETEREE
Pourquoy l’eau des fontaines
& des riuieres eft douce...
Pourquoy les riuieres entrant
dans la mer ne l’empefchent
point d’eitre falée, ny ne la
rendent plus grande.......
Pourquoy la mer eft plus falée
vers l’equateur que vers les
POlES:47. 2er ER EPA
D'où vient que l’eau de la mer
eft moins propre a efteindre
les embrafemens que celle
IdES TIUIETES 4 NANTES PRNES
D'où vient qu'elle eftincelle la
nuit, eftant agitée... .......
Pourquoy ny la faumure, ny
l’eau de mer qui eft trouble
& corrompue, n'eftincellent
pointientcetenonte "Pre
Pourquoy l’eau de la mer eftin-
celle plus, quand ïl fait
chaud, que quand il fait
TOI: LEE CRAN AERER
Pourquoy toutes fes vagues,
ny toutes fes gouttes, n’eftin-
cellent pas efgalement.....
27)
180
180
180
181
181
TABLE DES
Pourquoy on retient l’eau en
des fofles au bord de la mer,
pouriairele ele 7e
Pourquoy il ne s’en fait qu’en
temsichaud’& fec.s "1.20
Pourquoy la fuperficie des li-
queurs eft fort vnie........
Pourquoyla fuperficie de l’eau
eft plus malayfée a diuifer
QUeleTdEdans nee
Comment les parties du fel
vienent floter au deflus de
Rennes eu ee 182 &
Pourquoy la baze de chafque
grain de fel eft quarrée.....
Pourquoy cete baze quarrée
paroift a l’œil toute plate, &
neanmoins eft vn peu cour-
Comment le refte de chafque
grain de fel fe baftit fur cete
Pourquoy ces font
CreuraumiItEUtL EC "V2.
Pourquoy leur fuperieure par-
tie eft plus large que leur
grains
Que c’eft qui peut rendre leur
baze plus grande ou plus
Pourquoy le fel va quelque-
fois au fonds de l'eau, fans
fe former en grains au deffus
Ce qui fait que le tallu des
Difcours
DES
Quelcefiqueleivent.. #11:
Comment il fe fait en vne
Æolipile
METEORES.
4 coftés de chafque grain eft
plus ou moins grand. Et
pourquoy ils font quelque-
foisten elchelonsm Pere
Pourquoy les querres de ces
quatre coftés ne font ny fort
ayguës, ny fort vnies. Et
pourquoy les grains de fel
s'y fendent plus qu'ailleurs.
Pourquoy la concauité de chaf-
que grain eft plutoft ronde
QUEIQUANTÉES FE EP PL ES
Pourquoy ces grains, eftant
entiers, petillent dans le feu,
& ne petillent point eftant
DIEZ LES Are
D'où vient l’odeur du fel blanc,
& la couleur du fel noir...
Pourquoy le fel eft friable. ...
Pourquoy il eft blanc ou tranf-
PATENT PET es ne
Pourquoy il fe fond plus ayfe-
ment, eftant entier, qu’eftant
puluerté Sleiché Fee 0
D'où vient la grande diffe-
rence qui eft entre fes par-
ties & celles de l’eau douce.
Pourquoy les vnes & les au-
tres lontrondes 000.7
ODA RR. nn ESC ARE
Pourquoy cete huyle a vn
gouft aigre, qui differe fort
de celuy du fel
Quatriefme.
VIENS:
Comment il fe fait en l’air. Et
en quoy il differe de celuy
d'yneÆolipiler.. 4...
OI
186
86
186
502
Que ce font principalement les
vapeurs qui caufent les vens,
mais non pas elles feules qui
lesICOMPOIEN TEE EEE
Pourquoy la caufe des vens
doit eftre attribuée aux va-
peurs, & non pas aux exha-
Jaïifons! sieur ete
Pourquoy les vens orientaux
font plus fecs que les oceci-
dentaux HR ARRRCE
Pourquoy c’eit principalement
le matin que foufflent les
vens d’'orient, & le foir que
foufflent ceux d’occident...
Que ce vent d'orient eft plus
fort que celuy d’occident qui
vient de la mefme caufe. ...
Pourquoy le vent de nord
fouffle plus le iour que la
Pourquoy il fouffle plutoit de
haut en bas que de bas en
haut... Mr One
Pourquoy il eft ordinairement
plus violent que les autres.
Pourquoy il eft fort froid &
TOREEC fe At AR ETES
Pourquoy le vent de midy re-
gne plus la nuit que le iour.
Pourquoy il vient de bas en
HAUTE RE MAC RES MEME
Pourquoy il eft ordinairement
plus lent & plus foible que
TES PATES PEER PRE
MITA IT TIMES
Pourquoy, vers le mois de
Mars, les vens font plus
fecs qu’en aucune autre fai-
LORS EAP EE Re DE 10%
Pourquoy les changemensd’air
font aufly alors plus fubits
Coplusirequens ere rer
Quels font les vens que les
192
OEUVRES DE DESCARTES.
anciens nommoient les Or-
MITRIES PAPE MD RE
Quels font les Etefies........
Comment la difference qui eft
entre la mer & la terre contri-
buëé a la production des vens.
Pourquoy fouuent, aux bords
de la mer, le vent vient, le
iour, du cofté de l’eau, &, la
nuit, du cofté de la terre...
Pourquoy les Ardans condui-
: fent les voyafgeurs vers les
EAU UT A LE CARRE 4
Pourquoy les vens changent
fouuent, aux coftes de la
mer, auec fes flus & reflus..
Pourquoy les mefmes tem-
peftes ont couftume d’eftre
plus violentes fur mer que
TURITERTE. SEE MERE REER
Comment vn mefme vent peut
eftre fec en vn païs, & hu-
mide (en autre "#00
Pourquoy les vens de midy
_ font plus fecs en Egipte. Et
pourquoy il n'y pleut que
rarement. ++ "hr EE
Comment & combien les aîtres
contribuent a la produétion
des Meteores #2 /FeeRLPrRRE
Comment y contribuë auily la
diuerfité qui eft entre les
parties de la terre... ... Ho
D'où vient l’irregularité & la
multitude des vens particu-
liers, & combien il eft diff-
cile de les ipredire terre .
Que les vens generaux font
plus aifez a predire. Et pour-
. quoy il y en a moins d’irre-
guliers au milieu des grandes
mers que vers lalterre..
- Que la plufpart des change-
mens de l’air dependent des
198
198
199
200
200
200
201
201
201
er. «
TABLE DES METEORES.
Comment l'air ne laifle pas
d’eftre quelquefois froid ou
fec, lorfqu’il fouffle vn vent
qui eft chaud ou humide...
202
Que le cours que prenent les
vapeurs dans la terre con-
tribuë auffy aux changemens
Difcours Cinquiefme.
DES NUES:
Quelle difference il y a entre
les nues, les vapeurs & les
Browse ER de
Que les nues ne font compo-
fées que de gouttes d’eau ou
de parcelles de glace.......
Pourquoy les nuës ne font pas
traniparentes ere
Comment les vapeurs fe chan-
gent en gouttes d’eau dans
PÉSANTES EE Re ce
Pourquoy ces gouttes font
exactement rondes.... 204,
Que c’eft qui rend ces gouttes
ERONESONNpeTtITES Le -6 er
Comment les vapeurs fe chan-
gent en parcelles de glace
dans leshnues::...... 206,
D'où vient que ces parcelles
de glace font quelquefois
rondes &tranfparentes, quel-
quefois longues & deliées,
& quelquefois rondes &
BIAnCHESS ARE MENT ANAL
D'où vient que ces dernieres
fontcouuertes de petits poils.
Et que c’eft qui les rend plus
grofles ou plus petites, & ces
poils plus forts & plus courts,
ou plus deliez & plus longs.
Que le froid feul ne fuffit pas
pour conuertir les vapeurs
en eau ou en glace.........
Quelles font les caufes qui
203
203
203
204
205
206
207
207
aflemblent les vapeurs en
Quelles font les caufes qui les
afflemblent en brouillas.....
D'où vient qu'il y a plus de
brouillas au printems qu'aux
autres faifons, & plus aux
lieux marefcageux ou mari-
times, que loin des eaux ou
lOHRTCNAN CET CPP EEE RNE
Que les plus grans brouillas
ou les plus grandes nues fe
fônt par l’oppofition de deux
OU PIUREUTS VERS. F0
Que les gouttes d’eau ou par-
celles de glace qui compo-
fent les brouillas ne peuuent
effre quertresipetitess 5.
Qu'il ne peut y auoir de vent
où font les brouillas, qu'il
ne les diffipe promptement.
Qu'il y a fouuent plufeurs
nues l’vne fur l’autre; &
plus aux païs de montaignes
QUIAMIIENESE RARE 0 AS
Que les hautes nues ne font or-
dinairement compofées que
de parcelles de glace. 210 &
Que les vens preflent & polif-
fent les fuperficies des nues,
& les rendent plates .......
Que, ces fuperficies eftant pla-
tes, les petits pelotons de
glace qui les compoñfent s'y
J07
208
208
208
209
210
s04
arrengent en telle forte que
chafcun en a fix autres qui
Jéntironn En tTEEMAPPENEERE 211
Comment deux vens prenent
leur cours l’vn plus haut que
l’autre, & poliflent les fuper-
ficies du deffous & du def-
[us IdESNUES FAT EEE 212
Que les fuperficies du circuit
des nues nefe poliffent point
pour cela, & font ordinaire-
ment fort irregulieres...... 213
Commentil s'aflemble fouuent
au deflous des nues plu-
fieurs feuilles ou fuperficies
compofées de parcelles de
glace, chafcune defquelles
eft enuironnée de fix autres. 213
OEUVRES DE DESCARTES.
Que fouuent ces feuilles ou fu-
perficies fe meuuent fepare-
ment l’vne de l’autre.......
Qu'il peut y auoir des nuës
qui ne foient compofées que
dértelles feuilles eee
Que les gouttes d’eau peuuent
aufly s’arrenger, dans les
nuës, en mefme façon que
les parcelles de glace......
Comment quelquefois le cir-
cuit des plus grandes nuës
s’arondiift, & mefme peut fe
couurir d’vne fuperficie de
glace aflez efpaifle, fans que
fa pefanteur les face tom-
Der ti nee Pine 215 &
Difcours Sixiefme.
DE LA, NEIGE, DE LAYPEUIE. EI DE FA GRESEE®
Comment les nuës fe foutie-
nadon ARS LMG SG 820000
Comment la chaleur, qui a
couftume de rarefier les au-
tres cors, condenfe les nuës. 217
Comment les parcelles de
glace, qui compoñfent les
nuës, s’entaflent en diuers
HOCCONSI EME ENPENEAIMEEEE
Comment ces floccons fe grof-
fiffent & tombent en neige,
ou en pluie, ou en grefle..….
Pourquoy la grefle eft quel-
quefois toute tranfparente &
LoOUTeMONTEr AE ET EEE re
Ou feulement vn peu plus plate
d’vn cofté que d’autre. 218 & 223
Comment fe fait la plus grofle
grefle, qui eft d’ordinaire
cornue & irreguliere.......
216
218
218
Pourquoy on fent quelquefois
plus de chaleur qu’a l’ordi-
naire dans les maifons.....
Pourquoy la plus groffe grefle,
eftant tranfparente en fa fu-
perficie, eft toute blanche &
compofée de neige au de-
danser ERA PEERRRPERE
D'où vient que cete grofle grefle
ne tombe gueres que l’efté.….
Comment fe fait la grefle qui
eft blanche comme du fucre.
Pourquoy fes grains font quel-
quefois aflez ronds, & plus
durs en leurs fuperficies que
vers leursiCentres hr
Pourquoy ils font quelquefois
pointus, & ont la figure d’vne
pyramide ou d'vn pain de
TS NS Hd qdio oc 6 0
214
214
214
281:
219
219
219
220
TABLE DES METEORES.
Comment les petites parties de
la neige prenent la figure de
roues ou eftoiles qui ont
chafcune fix pointes .......
D'où vient qu'il tombe aufly
quelquefois de petits grains
de grefle tous tranfparens,
qui ont autour de foy fix
pointes toutes blanches.....
D'où vient qu'il tombe aufly
de petites lames tranfpa-
rentes, qui font hexagones..
Et d’autres qui femblent des
rofes, ou des roues d'horo-
loge, qui ont feulement fix
dens - arondies en demi-
CELGHE ER ma ee baie moe 6
Pourquoy quelques vnes de
ces roues ont vn petit point
plane auimiieur ere te
D'où vient qu’elles font quel-
quefois jointes deux a deux
par vn aiflieu ou vne petite
colomne de glace. Et d'où
vient que l’vne de celles qui
font ainfi jointes eft quel-
quefois plus grande que
ARE D ts ave
Pourquoyil tombe quelquefois
de petites eftoiles de glace
qui ont douze rayons.. 228,
Pourquoy il en tombe aufly,
bien que fort rarement, qui
CORAN terne
Pourquoy les vnes de ces
eftoiles font blanches, & les
autres tranfparentes. Et les
rayons des vnes font courts
& ronds en forme de dens;
les autres longs & pointus,
Œuvres. I.
221
223
225
228
& fouuent diuifez en plu-
fieurs branches, qui repre-
fentent des plumes, ou des
feuilles de fougere, ou des
HEUTS AELYS EEE ERP PE TETE
Comment ces eftoiles de glace
defcendent des nues .......
Pourquoy, lorfqu'elles tom-
bent en tems calme, elles ont
couftume d’eftre fuiuies de
plus de neige, mais que ce
n’eft pas le mefme quand il
AIT VENTE RARE Eee RE
Comment la pluie defcend des
nues. Et que c’eft qui rend
fes gouttes groffes ou me-
D'où vient qu'il commence
quelquefois a pleuuoir,auant
mefme que l'air foit couuert
de QUES A PE PR AE 6e
Comment les brouillas tom-
bent en rozée ou gelée blan-
che. Et que c’eft que le fe-
D'où vienent la manne & les
autres tels fucs. Et pourquoy
quelques vns s'attachent a
certains cors plutoit qu'a
DATES ARE mt
Pourquoy, fi les brouillars
montent le matin & que la
rozée ne tombe point, c’eft
IENnENTEPME EEE
Pourquoy, fi le foleil luit au
matin lorfqu’il y a des nues
en l'air, c'eft aufly figne de
PLERRER ce
Pourqüoy tous les fignes de
pluie font incertains .......
235
Le]
LS
ur
$06
ŒUVRES DE DESCARTES.
Difcours Septiefme.
DES TEMPESTES, DE LA FOUDRE ET DE TOUS LES AUTRES
FEUX QUI S'ALLUMENT EN L'AIR:
Comment les nues, en s'abaif-
fant, peuuent caufer des vens
IORAMPENEUXE REP ERE
D'où vient que les fortes pluies
font fouuent precedées par
Vnitelivent Retee e rer e
Pourquoy les hirondelles vo-
lent fort bas auant la pluie..
D'où vient qu’on voit quelque-
fois tournoyer les cendres
ou les feftus au coin du feu
dans les cheminées ........
Comment fe font les tempeites
nommées des trauades..... 2
Comment s'engendrent ces
feux qui s'attachent aux mats
de nauires fur la fin des
grandes tempeftes..........
Pourquoy les anciens, voyant
deux de ces feux, les pre-
noient pour vn bon augure;
&, en voyant vn ou trois,
pour vn mauuais...........
Pourquoy on en voit mainte-
nant quelquefois iufques a
4 ou 5 fur vn mefme vaif-
Quelle eft la caufe du ton-
HÉLREN EAN ERU NT RTEINRRES
Pourquoy il tonne plus rare-
ment l'hyuer que l’efté.....
Pourquoy,lorfqu’apres vn vent
feptentrional on fentvne cha-
leur moite & eftoufante, c’eft
hgne destonnerre "rer
Pourquoy le bruit du tonnerre
K,
239
240
240
241
241
eft fort grand, & d’où vie-
nent toutes. les differences
qu’on y remarque........,.
En quoy confiftent les diffe-
rences des efclairs, des tour-
billons & de la foudre. Et
comment s’engendrent les
efclairs . LR APE ITEES
Pourquoy il efclaire quelque-
fois fans qu’il tonne, ny
. qu'on voye de nues en l’air.
Et pourquoy il tonne quel-
quefois fans qu'il efclaire...
Comment s'engendrent les
tour billons CERPPREREEEERRE
Comment s’engendre la fou-
AT See + Fee ACCRA
D'où vient que la foudre peut
brufler les habits fans nuire
au cors, où au contraire
fondre l’efpée fans gafter
le fourreau, & chofes fem-
Dlables >... 627 00 TRRUReeS
Comment la matiere de la
foudre fe peut conuertir en
ME Pine PAPE ER CEE
Pourquoy elle tombe plutoft
fur les pointes des tours ou
des rochers que fur les lieux
Pourquoy chafque coup de
tonnerre eft fouuent fuiui
d'vne ondée de pluie. Et
pourquoyle tonnerre fe paile
lorfque cete pluie vient fort
APONdANTE FC PE ER EE
241
242
243
243
244
244
245
TABLE
Pourquoy le bruit des cloches
ou des canons diminue la
force duiténnerre- 127
Comment s'engendrent les
eftoiles ou boules de feu,
qui tombent quelquefois du
ciel, fans tonnerre ny pluie.
Comment il peut quelquefois
pleuuoir du lait, du fang,
du fer, des pierres ou chofes
lemblablesies rem
Comment s'engendrent les ef-
toiles de feu qui femblenttra-
uerfer le ciel. Et les ardans
qui errent proche de la terre.
Et les feux qui s’attachent
aux crins des cheuaux ou
aux pointes des piques.....
Pourquoy ces feux ont fort
peu de force. Et pourquoy,
DES METEORES.
245
246
246
au contraire, celuy de la
foudre en a beaucoup......
Que les feux qui s’engendrent
au bas de l’air peuuent du-
rer aflez longtems, mais que
ceux qui s’engendrent plus
haut fe doiuent efteindre fort
promptement. Et que, par
confequent, ny les Cometes,
ny les Cheurons, qui fem-
blent de feu, ne font point
dertelsifeuxeeerete rer
Comment on peut voir des lu-
mieres & des mouuemens
dans les nues qui reprefen-
tent des combats, & foient
pris par le peuple pour des
PEOdIBES RE EEE À
Comment on peut aufly voir le
foleil pendant la nuit. 249 &
Difcours Huitiefme.
DIEMEAR C-EN=CTET,:
Que ce n’eft point dans les va-
peurs, ny dans les nues,
mais® feulement dans les
gouttes de la pluie que fe
forme l’arc-en-ciel.........
Comment on peut confiderer
ce qui le caufe dans vne
fiole de verre toute ronde &
PME EEE EEE 7
Que l'interieur eft caufé par
des rayons qui paruienent a
l'œil apres deux refractions
& vne reflexion ; & l'exte-
rieur par des rayons qui n'y
paruienent qu'apres deux
refractions & 2 reflexions, ce
qui le rend plus foible que
HEUEEe 7. Le NU IOUt
250
Comment, par le moyen d’vn
prifme ou triangle de criftal,
on voit les mefmes couleurs
qu'entliarc-en-ciel ARE"
Que ny la figure des cors tranf-
parens, ny la reflexion des
rayons, ny la pluralité de
leurs refractions ne feruent
point a la production de ces
COUICUIS EE MA AA M. 7:
Que rien n'y fert qu'vne re-
fraction, & la lumiere, &
l’ombre qui limite cete lu-
ACTOR EP at
D'où vient la diuerfité qui eft
ÉNTCNCESACOUIEUTS JM.
En quoy confifte la nature du
rouge & celle du iaune,
97
254
[e1
un
u\
256
256
08
qu'on voit par le moyen de
ce prifme de criftal; & en
quoy celle du verd & celle
OEuvres DE DESCARTES.
Que, l’eau eftant chaude, fa
refraction eft vn peu moin-
dre, & qu’elle caufe l’arc in-
267
268
269
269
du’bleus FREE ARENS QRRS 259 terieur vn peu plus grand
Comment il fe mefle de l’in- & l'exterieur plus petit que
carnat auec ce bleu, qui en lorfqu’elle eft froide .......
compoñfe du violet......... 259 Comment on demontftre que la
En quoy confifte la nature des refraétion de l’eau a l’air eft
couleurs que font paroiftre a-peu prés comme 187 à 250.
les autres obiets; & qu’il n'y Et que le demi-diametre de
en a point de faufles ....... 260 l’arc-en-ciel ne peut eftre de
Commentfont produites celles 45 degreze ANUS TEE
de l’arc-en-ciel. Et comment Pourquoy c’eft la partie exte-
il s’y trouue de l'ombre qui rieure de l’arc interieur qui
limite laltimieret "#20 261 eft rouge, & l’interieure de
Pourquoy le demi-diametre de JERTETIEUR MISERERE
l'arc interieur ne doit point Comment il peut arriuer que
eftre plus grand que de 42 cet arc ne foit pas exacte-
degrez; ny celuy de l’exte- mention APE EANERPEEES
rieur plus petit que de 51... 262 Comment il peut paroiftre
Pourquoy le premier eft plus TENUERNE Se Re EE
limité en fa fuperficie exte- Comment il en peut paroiftre
rieure qu’en l'interieure; & trois l’vn fur l’autre. ......
le fecond tout au contraire.. 262 Comment on peut faire paroi- .
Comment tout cecy fe demon- ftre des fignes dans le ciel
Ître exactement par le calcul. 262 qui femblent des prodiges..
Difcours Neufiefme. 4
DE LA COULEUR DES NUES;
ET DES CERCLES OU COURONNES QU'ON VOIT
QUELQUEFOIS AUTOUR DES ASTRES-:
Que c’eft qui fait paroiïftre les
nuës blanches ou noires.... 271
Pourquoy ny le verre pilé,ny la
neige, ny les nues vn peu ef-
paifles ne font tranfparentes.
Quels font proprementles cors
blancs. Et pourquoy l’ef-
cume, le verre pilé, la neige
272
& les nues font blanches... 272
Pourquoy, l’air eftant fort fe-
rein, le ciel paroïft bleu. Et
pourquoy il paroiïft blanc,
quand l’air eft rempli de va-
Pourquoy l’eau de la mer pa-
roift bleue aux lieux où elle
eft fort claire & fort pro-
fonde. ..152 RCE
TABLE DES METEORES.
Pourquoy fouuent, lorfque le
foleil fe couche ou fe leue,
le ciel paroïft rouge........
Pourquoy, le matin, cete rou-
geur du ciel prefage des vens
ou de la pluie, &, le foir,
elle prefage le beau tems
Comment fe forment les cou-
ronnes autour des aftres....
Qu'elles peuuent eftre de plu-
fieurs grandeurs. Et que
c'eft qui les rend grandes
OUNREUTES AE DAT cn:
Pourquoy, eftant colorées,
elles font rouges en dedans
& bleues en dehors........
Pourquoy il en paroiïft quel-
quefois deux l’vne autour de
l’autre, & dontl'interieure eft
lafmieuxipeinte. 4441.00
Pourquoy elles ne paroillent
point autour des aftres qui
font fort bas vers l'horizon.
Pourquoy leurs couleurs ne
font pas fi viues que celles
de l'arc-en-ciel. Et pour-
quoy elles paroïflent plus
fouuent que luy autour dela
lune, & mefme fe voyent au-
touridesteftoiles "#"#Fr-rerr
Pourquoy d'ordinaire elles ne
paroïflent que toutes blan-
chés rs DE APREE Ten
Pourquoy elles ne peuuent pa-
roiftre en des gouttes d’eau,
ainfi que l’arc-en-ciel......
Quelle eft la caufe des cou-
ronnes qu'on voit quelque-
fois autour des flambeaux..
D'où vient qu'on y voit aufly
de grands rayons qui s’ef-
tendent çà & là en lignes
AFOITES PR NE AE à
Pourquoy ces couronnes font
ordinairement rouges en de-
hors, & bleues ou blanches
en dedans, au contraire de
celles qu'on voit autour des
ares RE ose
Pourquoy les refractions de
l'œil ne nous font point touf-
iours voir des couleurs.....
Difcours Dernier.
DEVLAPPARITIONLDE PLUSIEURS" SOLEILS.
Comment fe forment les nues
qui font paroïiftre plufieurs
foleils
Qu'il fe fait comme un anneau
de glace autour de ces nues,
dont la fuperficie eft aflez
polie
Que cete glace eft ordinaire-
ment plusefpaifle verslecofté
DOM) CIONOIO CROIC COIN OI OO
281
282
du foleil que vers les autres. 282
Que c'eft qui la foutient au
Hautddelains Net 282
Que c’eit qui fait paroiftre
quelquefois dans le ciel vn
grand cercle blanc qui n’a
aucun aftre pour fon centre.
Comment on peut voir iufques
a fix foleils dans ce cercle
blanc : le premier directe-
ment; les deux fuiuans par
refraétion ; & les trois autres
PARTEMEIONE eee
Pourquoy ceux qu’on voit par
refraétion ont, d'vn cofté,
2
279)
279
280
283
$ 10
leurs bors peins de rouge, &
de l’autre, de bleu.........
Pourquoy les 3 autres ne font
que blancs & ont peu d’efclat.
D'où vient qu'on n'en voit
quelquefois que 5; & quel-
quefois que 4; & quelque-
fois QUE (LOIS EEE TENTE
Pourquoy, lorfqu’on n’en voit
que trois, il ne paroift quel-
quefois, au lieu du cercle
blanc, qu’vne barre blanche
quiles trauerfe "#7 "#""7N,
Que le foleil, eftant plus haut
ou. plus bas que ce cercle
blanc, ne laiffe pas de paroi-
ftre a mefme hauteur ......
Que cela le peut faire voir
apres l’heure qu'il eft cou-
ché, & auancer ou reculer de
beaucoup l’ombre des horo-
CES oo don Dobnodabur
Comment on peut voir vn fep-
tieme foleil au deffus ou au
deflous des fix precedens...
Comment on peut aufly en
voir trois l’vn fur l’autre. Et
pourquoy alors on n’a point
couftume d’en voir d’autres
RACONTER CET CEE
Explication de quelques exem-
ples de ces apparitions ; &,
entre autres, de l’obferua-
283
283
284
286
286
OEUVRES DE DESCARTES.
tion des cinq foleils qui ont
paru a Rome, le 20 Mars
TO2O PT PR Ne 287
Pourquoy le fixiefme foleil n’a
point paru en cete obferua-
Pourquoy la partie du cercle
blanc, la plus efloignée du
foleil, y eft reprefentée plus
grande qu’elle n’a pü eftre.. 290
D'où vient que l'vn de ces fo-
leils auoit vne grofle queuë
de feu, qui changeoïit fou-
uentde fiPuire re ere 291
D'où vient qu'il paroiïfloit deux
couronnes autour du princi-
pal de ces foleils. Et d’où
vient qu’il n’en paroïft pas
toufiours de telles ......... 291
Que le lieu de ces couronnes
n’a rien de commun auec le
lieu des foleils qu’on voit a
cofté du principal.......... 292
Que le foleil n’eft pas toufiours
exactement le centre de ces
couronnes. Et qu'il peut y
en auoir deux, l’vne autour
de l’autre, qui ayent diuers
Cenres ere LEE 209
Quelles peuuent eftre les cau-
fes de toutes les autres ap-
paritions extrordinaires qui
appartienent aux Meteores. 293
TABLE
DESSMATIERES DEES
GEOMETRIE
Comment le calcul d’Arithme-
tique fe rapporte aux opera-
tions de Geometrie........
_ Comment fe font, Geometri-
quement, la multiplication,
la diuifion & l’extraétion de
la racine quarrée........ Fe
Comment on peut vfer de chif-
fRESENIGEOMETIEN Ce 20
Comment il faut venir aux
Equations qui feruent a re-
Quelles font les lignes courbes
qu’on peut receuoir en Geo-
ES CORRESP EE RATES
a. Liure] Difcours Desc.
foudre les problefmes...... 3
Liure Premier.
DES PROBLESMES QU'ON PEUT CONSTRUIRE
SANS Y EMPLONER QUE DES CERCLES
ET DES LIGNES DROITES.
Quels fontles problefmesplans,
& comment ils fe refoluent. 302
Exemple tiré de Pappus...... 304
Refponfe a la queftion de Pap-
PUSCS TEE RTS Os D
Comment on doit poier les
termes pour venir a l'Equa-
tion en cet exemple........
Comment on trouue que ce
problefme eft plan, lorfqu'il
n’eft point propoié en plus
dPIPRES Near Nat 5
Liure* Second.
DE LA NATURE DES LIGNES COURBES.
La façon de diftinguer toutes
ces lignes courbes en cer-
tains genres, & de connoiftre
$12 OŒEuvREs DE DESCARTES.
le rapport qu'ont tous leurs
poins a ceux des lignes
TOITS PANNE RENE EEE 319
Suite de l'explication de la
queftion de Pappus mife au
JIurelPLecE ENTER TERE 323
Solution de cete queftion,
quand elle n’eft propoiée
QU'énMNOUAIENES SRE EEE 324
Demonftration de cete folu-
TON LEE TRES MEME 332
Quels font les lieux plans &
folides, & la façon de les
(TOUTIENMOUS FF EE RREE 334
Quelle eft la premiere & la plus
fimple de toutes les lignes
courbes qui feruent a la
queftion des anciens, quand
elle eft propofée en cinq li-
NÉS ET E uitte PERTE 255
Quelles fontles lignes courbes,
qu'on defcrit en trouuant
plufieurs de leurs poins, qui
peuuent eftre receuës en
GeDmeETIe PP MEr APERS 340
Quelles font aufly celles qu’on
defcrit auec vne chorde, qui
peuuent y eftre receuës..... 340
Que, pour trouuer toutes les
proprietez des lignes cour-
bes, il fuffit de fçauoir le
rapport qu'ont tous leurs
poins a ceux des lignes droi-
tes. Et la façon de tirer
d’autres lignes qui les cou-
pent en tous ces poins a an-
ESCORT RUE ro 341
Façon generale pour trouuer
des lignes droites, qui coup-
pent les courbes données,
ou leurs contingentes, a an-
glesidronts er tEent AC 342
Exemple de cete operation en
vne Ellipfe, & en vne Para-
bole du fecond genre...... 343
Autre exemple en vne Ouale
duifecondisenre ter 344
Exemple de la conftruétion de
ce problefme en la Con-
Explication de 4 nouueaux
genres d'Ouales qui feruent
a Optique PAAMENRE re 352
Les proprietez de ces Ouales
touchant les reflexions & les
TEfTACHONS AP PEER ETEE 357
Demontftration de ces proprie-
ARTE MOOD a dc onc 360
Comment on peut faire vn
verre, autant conuexe ou
concaue, en l’vne de fes
fuperficies, qu'on voudra,
qui raflemble a vn point
donné tous les rayons qui
vienent d’vn autre point
Comment on en peut faire vn
qui face le mefme, & que la
conuexité de l’vne de fes fu-
perficies ait la proportion
donnée auec la conuexité ou
concauité de l’autre........ 366
Comment on peut rapporter
tout ce qui a efté dit des li-
gnes courbes, defcrites fur
vne fuperficie plate, a celles
qui fe defcriuent dans un
efpace qui a 3 dimenfons,
ou bien fur vne fuperficie
courbe 7... AP RCRERIENTE 368
De quelles lignes courbes on
peut fe feruir en la conftru-
étion de chafque problefme. 369
Exemple touchant l'inuention
de plufieurs moyenes pro-
PORLONEllES RATE EE 370
De la nature des Equations... 37
Combien il peut y auoir de ra-
cines en chafque Equation. 372
Quelles font les fauffes racines. 372
Comment on peut diminuër
le nombre des dimenfions
d'vne Equation, lorfqu’on
connoift quelqu’vne- de fes
HOT RASE MESSE ASE 372
Comment on peut examiner fi
quelque quantité donnée eft
la valeur d’vne racine...... 373
Combien il peut y auoir de
vrayes racines en chaîque
HUALONES. 0e LP 373
Comment on fait queles fauffes
racines deuienent vrayes, &
lesvrayes faufles »......... 373
Comment on peut augmenter
ou diminuër les racines
MMEREQUATONS Tr. 374
Qu'en augmentant ainfi les
vrayes racines, on diminuë
les faufles, ou au contraire. 375
Comment on peut ofter le fe-
cond terme d'vne Equation. 376
Commenton faitque les fauiles
racines deuienent vrayes,
fans que les vrayes deuie-
HENDTIAMIES EM Race 377
Œuvres. I.
TABLE DE LA GEOMETRIE. $13
Liure Troifiefme.
DE LA CONSTRUCTION DES PROBLESMES SOLIDES
OÙ PEUS QUE SOLIDES.
Comment on fait que toutes
les places d’vne Equation
lONENTAMEMPILES EPP PEREEEE 378
Comment on peut multiplier
ou diuifer les racines d’vne
: LL
ÉQUATION MERE ET AT AN 379
Comment on ofte les nombres
rompus d’vne Equation.... 379
Comment on rend la quantité
connuë de l’vn des termes
d’vne Equation efgale a telle
AU MTONNEUTÉ 00 380
Que les racines, tant vrayes
que faufles, peuuent eftre
reelles ou imaginaires...... 380
La reduétion des Equations
cubiques, lorfque le pro-
bleue te plane eee tre 380
La façon de diuifer vne Equa-
tion par vn binome qui con-
END EACINE SR EEE 381
Quels problefmes font folides,
lorfque l’Equation eft cubi-
La reduétion des Equations
qui ont quatre dimenfions,
lorfque le problefme eft plan.
Et quels font ceux qui font
TONAES ALPEREENREENC NEE 383
Exemple de l’vfage de ces re-
AUÉTIORSE EEE ET 2, 387
Regle generale pour reduire
toutes les Equations qui pa-
fent le quarré de quarré.... 389
Façon generale pour conftruire
tous les problefmes folides
65
14 OEUVRES DE
reduits a vne Equation de
trois ou quatre dimen-
lONS Fe PRE PRE EREERTREE
L'inuention de deux moyenes
proportionelles= "PR eSP Pete €
La diuifion de l'angle en
i 396
Que tous les problefmes fo-
lides fe peuuent reduire a ces
deuxconfiruetions ee"
La façon d'exprimer la valeur
de toutes les racines des
Equations cubiques, & en
fuite de toutes celles qui
DESCARTES.
ne montent que iufques au
quarré de quarré..........
Pourquoy les problefmes fo-
lides ne peuuent eftre con-
ftruits fans les fetions coni-
ques, ny ceux qui font plus
compofés, fans quelques au-
tres lignes plus compofées.. 4o1
Façon generale pour conftruire
tous les problefmes reduits a
vne Equation qui n’a point
plus de fix dimenfions......
L’inuention de quatre moyenes
proportionelles............
FIN :.
€
a. Après Les fautes de l'imprefjion, qui occupent une page, on lit : On
trouuera auf]y en plufieurs endroits des diftinéions fort mal miles, et
quantité d'autres fautes de peu d'importance : lefquelles on excufera faci-
lement quand on fcaura que l'Autheur ne fait pas profeffion d'efire Gram-
mairien, et que le Compofiteur dont le Libraire s'eft ferui n'entend pas
vn mot de François.
Par grace & priuilege du Roy tres chretien il eft permis a l’Autheur
du liure intitulé Difcours de la Methode etc., plus la Dioptrique, les
Meteores, et la Geometrie etc., de le faire imprimer en telle part que bon
luy femblera dedans & dehors le royaume de France, & ce, pendant le
terme de dix annees confequutiues, a conter du iour qu'il fera paracheué
. d'imprimer, fans qu'aucun autre que le libraire qu’il aura choifi le puifle
imprimer, ou faire imprimer, en tout ny en partie, fous quelque pretexte
ou deguifement que ce puifle eftre, ny en vendre ou debiter d'autre im-
preflion que de celle qui aura efté faite par fa permiflion, a peine de mil
liures d'amande, confifcation de tous les exemplaires &c. Ainfi qu'il eft
plus amplement declaré dans les lettres donnees a Paris le 4 iour de May
1637, fignees par le Roy en fon confeil Ceberet, & fcellees du grand fceau
de cire iaune fur fimple queuë.
L’Autheur a permis a Ian Maire, marchand libraire a Leyde, d'im-
primer le dit liure & de iouir du dit priuilege pour le tems et aux condi-
tions entre eux accordées.
Acheué d'imprimer le 8.iour de Luin 1637.
De Staten Generael der vereenichde Nederlanden hebben gheconfen-
teert, gheaccordeert ende gheoétroyeert, confenteren, accorderen ende
oétroyeren by defen Ian Maire, Boeckvercooper woonende binnen Ley-
den, dat hy voor den tijt van neghen naeftcomende jaren, alleene in defe
vereenichde Nederlanden, geaflocieerde Lantfchappen ende Steden, fal
mogen drucken, doen drucken, uytgeven ende vercoopen feecker boeck
daer van den Titel is : Difcours de la Methode etc.plus la Dioptrique, les
Meteores, et la Geometrie etc., verbiedende alle ende een yegelijck Inge-
fetenen van defe landen, binnen den voorfz. tijt van neghen naeftromende
jaren, het voorfz. Boeck int gheheel ofte deel nae te drucken, doen na-
drucken, uytgheven, of vercoopen, ofte elders naegedruckt binnen defe
Landen te brenghen om vercocht ofte ghebruyckt te worden, fonder con-
fent van de voorfz. Ian Maire op verbeurte van alle de naeghedruckte
exemplaren, ende daerenboven van een fomme van dryehondert Carolus
guldens, tappliceren een derdendeel daer van, ten behoeve van den Of-
cier die de Calangie doen fal, het tweede derdendeel ten behoeve van den
Armen, ende het refterende derdendeel ten behoeve van der voorfz. lan
Maire. Ghedaen in den Hage den xx December 1636.
SCHOVENBORCH.
Ter ordonnantie van de Hooghghemelte Heeren
Statèn Generael,
CORNELIS MUSCH.
RENATI Des CanrnTre
S'RMENC I M I NX
PHILOSOPHIE:
SEV
DIS SP EIRT A T ro
È DE
ë MRES 1, H. 0:.D oO
Rectè regendæ rationis , & veritatis in fcientiis
inveftigande :
DRROBENT.R EL CE,
ENT
PRE PADUNE, OR. A.
Ex Gallico tranflata, & ab Audtore perleëta, variifque
in locis emendata .
Cachan alt dns are pt rt 6 527 RS PR SR
4AMSTELODAMI,
RE M 7 (LE ru
Apud Lunovicum ELZEVIRIUM.
Cl I3c xzriv.
Cum Privuegiis.
PRIVELEGE
Lovïs, par la grace de Dieu Roy de France et de Navarre, à nos amés
et feaux Con°’S les gens tenans nos cours de Parlement, Baillifs, Senes-
chaux, Prevosts, luges, ou leurs Lieutenans, et autres nos juges et officiers
quelconques, À chascun d'eux, ainsy qu'il appartiendra, salut. L'invention
des Sciences et des Arts accompagnez de leurs demonstrations, et des
moyens de les metre à execution, estant une production des Esprits qui
sont plus excellens que le commun, a fait que les Princes et les Estats en
ont tousiours receu les inventeurs avec toutes sortes de gratifications,
afin que, ces choses introduites es lieux de leur obeissance, ils en de-
vienent plus florissans. Ainsy nostre bien amé Des Cartes nous a
fait remonstrer qu’il a par une longue estude rencontré et demonstré
plusieurs choses utiles et belles, auparavant incognües dans les Sciences
humaines, et concernant divers arts avec les moyens de les mettre en exe-
cution. Toutes lesquelles choses il offre de baïller au publiq, en luy accor-
dant qu’il puisse faire imprimer des traitez qu'il en a composez et compo-
sera Cy apres,soît de theorie soit de pratique, separement et conjointement
en telle part que bon luy semblera dedans ou dehors nostre Royaume, et
par telles personnes qu'il voudra de nos sujets et autres, avec les defences
accoustumées en cas pareil, Nous requerant humblement nos lettres a ce
necessaires. À ces causes desirant gratifier ledit Des Cartes et faire cog-
noistre que c'est à luy que le publiq a l'obligation de ses inventions, nous
avons, par ces presantes, accordé, permis, voulons et nous plaist que ledit
Des Cartes puisse faire et face imprimer toutes les œuvres qu'il a com-
posées et qu'il composera touchant les sciences humaines, en tel nombre
de traitez et de volumes que ce soit, separement et conjointement, en telle
part que bon luy semblera, dedans et dehors nostre obeissance, par telles
personnes qu'il voudra choisir de nos sujets ou autres. Et que pendant le
terme de dix années consecutives à conter pour chascun volume ou traité
du jour qu'il sera parachevé d'imprimer, mesme auparavant ce terme com-
mencé, aucun ne puisse imprimer ou faire imprimer en tout ny en partie,
sous quelque pretexte ou deguisement que ce puisse estre, aucune des
œuvres dudit Des Cartes, que ceux de nos sujets ou autres ausquels 1l en
aura donné la permission, ny personne en vendre et debiter d'autre im-
pression que de celle qui aura esté faite par sa permission, & peine de
Mille livres d'amande, confisquation de tous les exemplaires, despens,
dommages et interests, applicables moitié aux pauvres et moitié au profit
dudit Des Cartes. Si vous mandons et à chascun de vous enjoignons par
ces presentes que du contenu en icelles vous faites, laissez et souffrez jouir
et user pleinement et paisiblement ledit Des Cartes, faisant cesser tous
troubles et empeschemens contraires. Et d'autant que de ces presentes on
pourroit avoir affaire en plusieurs lieux, Nous voulons qu'au vidimus et
extrait d'icelles deüment collationné par un de nos amez et feaux Con-
seillers et Secretaires, foy soit adjoustée comme au present original. Car
tel est nostre plaisir. Donné à Paris le III Tour de May milsix cens trente
sept et de nostre regne le vingtiesme.
Par le Roy en son Conseil
Ceberet
et scellé du grand seau de cire jaune
sur simple queuë.
INDEX’
MATERIARUM CONTENTARUM IN DISSERTATIONE DE METHODO
RECTE UTENDI RATIONE & VERITATEM IN SCIENTIIS
INVESTIGANDI.
1. Variæ circa fcientias confi-
do, ac in fpecie motüs
derationes
RO v ECS RER 1 cordis, & quarundam alia-
2. Præcipuæ ïillius Methodi, rum ad Medicinam fpec-
quam inveftigavit Autor, tantium perplexarum opi-
MOBILIER ARE IUT 9 nionum enodatio ; tum,
3. Quædam Moralis fcientiæ quæ fit inter noftram &
regulæ, ex hac Methodo brutorum animam diffe-
depromptes.- #1." 20 DOME dense 37, 38
4. Rationes quibus exfiftentia 6. Quod requiri putet Autor,
Dei &animæ humanæ pro- ad ulterius progrediendum
batur, quæ funt Metaphy- in Naturæ perfcrutatione,
ficæ fundamenta ........ 29 quam haétenus faétum fit:
5. Quæftionum Phyficarum ab & .quæ rationes ipfum ad
| Autore inveftigatarum or- fcribendum impulerint... 54
INDEX
MATERIARUM CONTENTARUM IN DIOPTRICA..
Capur I. De Lumine.
1. Vifûs præftantia; & quan- 2. Sufficere naturam lucis con-
tum nuper inventis per-
cipere, ad omnes ejus pro-
fpicillis adjuvetur ....... 71 prietates intelligendum.. 72
1. Ces Zndex reproduisent les titres des sections, qui figurent en man-
chettes sur les marges de l'édition originale, mais qui n'y seront pas réim-
primés dans celle-ci. Comme il y a quelques variantes, nous les indi-
querons ci-après, en désignant par I les leçons des Zndex, par M celles des
manchettes. Les renvois sont faits aux numéros des sections.
Mers. 2 Author M.— 3 depromtæ I. — 5 Authore M. — 6 Author M.
» ° 5
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Linge te, JUN ES
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ANAL N EE LE
a de
20
3. Quomodo radii ejus in in-
ftanti à Sole ad nos perve-
niant.. 1H LR CEc EU
4. Quomodo ejus ope colo-
res videantur, & quænam
fit natura colorum in ge-
5. Non opus efle fpeciebus in-
tentionalibus ad eos vi-
dendum, neque ut in ob-
jeétis aliquid fit noftris
lenfibus Mme FERRER
6. Nos interdiu videre ope
radiorum, qui ab objeétis
in oculos noftros veniunt.
Contrà feles noëtu videre
ope radiorum, qui ab ip-
forum oculis in objeéta
TENUE ERP EEE CCE
7. Quænam fit materia quæ
radios tranfmittit; & quo-
modo diverforum objecto-
rum radii fimul in oculum
ingredi poflint, aut, ad di-
verfos oculos tendentes,
1
">
74
7
OŒEuvREs DE DESCARTES.
per eundem aëris locum
fine permixtione tranfire,
aut ita ut alii non fint
aliis impedimento; nec ab
aëris fluiditate impedian-
tur, nec à ventorum agi-
tatione, nec à vitri aut
aliorum ejufmodi pelluci-
dorum corporum duritie;
& qui fieri poffit ut nihi-
lominus fint reéti.....
8. Quid propriè fint ifti radii;
& quomodo infiniti à fin-
gulis illuminati corporis
PunÉtis exeant. Peer :
9. Quid fit corpus nigrum;
quid album. Item, quid
fit fpeculum, & quomodo
fpecula, tam plana quàäm
convexa, radios refleétant.
In quo confiftat natura me-
diorum colorum ........
Quomodo colorata cor-
pora radios reflectant; &
quid fit refraého ""7°P26
10.
Capur Il. De Refradione.
. Quomodo fiat reflexio.....
. Non efle necefle ut corpora
mota aliquo momento hæ-
reant in illis à quibus re-
HEURE EPP EEE MEL TE
3. Cur angulus reflexionis fit
æqualis angulo incidentiæ
4. Quantum motus pilæ infle-
étatur, cùm linteum tra-
W
5. Etquantum, cùm in aquam
INSCRIRE FE CEE
6. Cur refraétio tanto fit ma-
jor quanto incidentia eft
obliquior; & nulla, cùm
incidentia eft perpendicu-
I, 3 : ad nos à Sole M.
81
85
laris. Et cur aliquando
bombardarum pilæ verfus
aquam difplofæ in eam
non poflint ingredi, fed
verfus aërem refleétantur.
7. Quantum radii refrangan-
tur à pellucidis corpori-
bus in quæ penetrant....
8. Quomodorefrattionum ma-
gnitudinem metiri opor-
téat:. 14 2 PU TERRES
9. Radios faciliùs trajicere
vitrum quàäm aquam, &
aquam quàam aërem : &
CURAIIAT PEER RARE
10. Cur radiorum aquam fub-
75, 76
77
80
80
86
87
88
89
INDEX DE LA DIOPTRIQUE.
euntium refractio æqualis
fit radiorum inde exeun-
tium refractioni. Et cur id
non fit univerfale in omni-
bus pellucidis corporibus.
11. Radios aliquando incur-
go
vari pole, nec tamén ex
eodem pellucido corpore
12. Quomodo fiat refractio in
fingulis curvarum fuper-
NCIeIMADUNEUS EE ee
Capur III. De Oculo.
1. Membranam, vulgô reti-
nam diétam, nihil aliud
effle quam nervum opti-
2. Quales fint refractiones ab
oculihumoribus produétæ
3. In quem ufum pupilla
91
coarctetur & dilatetur. 92, 93
4. Motum iftum pupillæ vo-
JunTa RU MENECEP rer
5. Humorem cryftallinum efle
mufculi inftar, qui totius
oculi figuram mutare po-
teft; & filamenta, proce/f-
Jus ciliares diéta, ïllius
CHETENAINESS 2 Cu
Capur IV. De Senfibus in genere.
1. Animam fentire, non cor-
pus ; idque quatenus eft
in cerebro, non quà alia
membra animat.........
2. Ipfam nervorum ope fen-
CURE MERE LS
. Interiorem ïiftorum nervo-
rum fubftantiam ex multis
tenuiflimis capillamentis
COMME METTRE -
4. Eofdem efle nervos, qui
fenfibus & qui motibus
CNT one TIR
5. Spiritus animales in ifto-
rum nervorum membra-
123
95
95
95
96
nis contentos membra mo-
vere; fubftantiam illorum
internam fenfibus infer-
vire; & quomodo ope ner-
vorum fiat fenfus........
6. Ideas, quas fenfus externi
in phantafiam mittunt,non
effe imagines objectorum ;
aut faltem opus non efle
USINE 0e
7. Diverfos motus tenuium
uniufcujufque nervi capil-
lamentorum fufficere ad
diverfos fenfus producen-
LT 00 0 mer
Capur V. De Imaginibus quæ formantur in fundo oculi.
1. Comparatio iftarum ima-
ginum cum iis quæ in
obfcuro cubiculo confpi-
CURE A ee tone
2. Explicatio iflarum imagi-
Œuvres. I.
99
num in oculo animalis
DONS des jus
3. Hujus oculi figuram pauld
longiorem efle reddendam,
cm objeéta propinqua
66
90
93
93
96
97
99
IOI
$22
funt, quam cüm funt re-
IE TARN ESS 101,
4. Multos in hunc oculum
radios ab unoquoque ob-
jecti punéto ingredi ; om-
nes illos qui ab eodem
punéto procedunt, in fun-
do oculi congregari de-
bere circa idem punétum,
figuramque fuam in hunc
finem efle collocandam ;
diverforum radiorum pun-
éta ibidem in diverfis pun-
étis congregari debere....
5. Quomodo colores videan-
tur per chartam albam
quæ eft in fundo ïftius
oculi. Imagines quæ ibi
formantur fimilitudinem
objectorum referre ......
6. Quomodo pupillæ magni-
tudo iflarum imaginum
perfectioni inferviat......
7. Quomodo etiam eidem in-
ferviat refractio quæ fit in
oculo, & obftitura effet, fi
major foret aut minor
quèm reipfà eft....:. AE
8. Quomodo internarumiftius
oculi partium nigredo, &
cubiculi obfcuritas in quo
iftæ imagines confpiciun-
tur, eidem etiam inferviat;
cur nunquam adeo per-
fe&æ fintin fuis extremi-
102
104
106
Œuvres DE DESCARTES.
tatibus atque in medio; &
quomodo intelligi debeat
quod vulgù dicitur, vi/o-
nem fieri per axem.......
9. Amplitudinem pupillæ, dum
colores vividiores facit, fi-
guras minüs diftinctas red-
dere, ac proinde medio-
crem tantüm efle debere.
Objeéta quæ funt, à latere
illius ad cujus diftantiam
oculus difpofitus eft, ab eo
remotiora aut propiora,
minüs diftinétè in eo re-
præfentari quàäm fi æquali
propè diftantià abeflent.
Imagines iftas effe inver-
fas, figurafque ïllarum
mutari aut contrahi pro
ratione diftantiæ aut fitûs
objeétorum
Imagines iftas perfectiores
effe in oculo animalis vivi
quäm mortui, & in oculo
hominis quam bovis.....
Illas quæ apparent ope
lentis vitreæ in cubiculo
obfeuro, ibi eodem modo
atque in oculo formari, &
in iis experimentum capi
pofle multorum quæ hic
dia confirmant..:.,2...
Quomodo hæ imagines ab
oculo in cerebrum tran-
feant
10.
II.
12.
19
Capur VI. De Vifione.
1. Vifionem non fieri ope ima-
ginum quæ ab oculis tran-
feunt in cerebrum, fed ope
motuum qui ipfas compo-
2. Iftorum motuum vi percipi
116
lumen & colores; item fo-
nos, fapores, titillationem
GUAOIOTENT ARTE PREREES ;
3. Cur ictus, in oculo accep-
tus, efficiat ut veluti plu-
rima confpiciantur lumi-
108
108
110
110
114
116
INDEX DE LA DIOPTRIQUE.
na; & in auribus, ut foni
audiantur ; atque ita ea-
dem vis diverfas fenfiones
in diverfis organis produ-
4. Cur,claulis paulo poft conf-
peétum Solem oculis, va-
rios colores videre videa-
5. Cur aliquando diverti co-
lores appareant in corpo-
ribus tantüm pellucidis, fi-
cutiniride tempore pluvio
6. Senfum luminis majorem
aut minorem efle, prout
objetum propius aut re-
_motius eft; item prout pu-
pilla atque imago, quæ in
oculi fundo depingitur,
major aut minor eft......
7. Quomodo capillamentorum
nervi optici multitudo vi-
fionem diftinétam reddat.
8. Cur prata, diverfiscoloribus
variegata, eminus unius
tantüm coloris appareant;
& cur omnia corpora mi-
nüs diftinétè eminus quam
‘cominus confpiciantur, at-
que imaginis magnitudo
vifionem diftinétiorem red-
SEUL Ji 0 VAS TRES
9. Quomodo agnofcamus fi-
10.
11.
tum objettiquod intuemur,
aut ejus quod digito nobis
eminus monftratur..,,..
Cur inverfio imaginis quæ
fit in oculo non impediat
ne objecta recta appareant ;
& eur id quod duobus ocu-
lis confpicitur, aut duabus
manibus tangitur, nonideo
duplex appareat...... He
Quomodo motus, qui im-
mutant oculi figuram, ef-
119
119
120
13
14.
17e
19.
ficiunt ut objetorüm di-
ftantia deprehendatur....
Etiamfi motus ifti nobis
infciis fiant, nos tamen
quid fignificent agnofcere.
Amborum oculorum con-
—
=
LL
(e]
{piratio animadvertendæ .
diftantiæ infervit, necnon
unius oculi, fi loco fuo
MONA EE FAN ET
Quomodo diftinétio aut
confufio figuræ, & majus
aut minus lumen, efficiant
ut diftantia animadverta-
mur, præcedaneam cogni-
tonem, ipforum diftantiæ
meliùs dignofcendæ infer-
vire; idemque fitum eff-
objecti magnitudo & figura
diénotcatuneer er S
Cur nos aliquando vifus
fallat, & phrenetici, aut
qui dormiunt, putent fe
videre quod non vident..
Cur aliquando objeéta du-
plicia videantur, & tattus
effciatut objeétum duplex
cfemidéatun se.
Cur ïéterici, aut qui per
flavum vitrumconfpiciunt,
omnia quæ vident flava
efle judicent. Et quis fit
locus & quo confpicitur
objeétum per vitrum pla-
num cujus fuperficies non
funt parallelæ, & per vi-
um concavum; curque
tuncobjeëtum minusquàm
fit appareat. Item, quis fit
locus è quo per vitrum
convexum videtur, & cur
1
el
D
e)
o
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129
a
dass ai
bd di: del ac Es ne “er
NO PET
EU
PE
+ 4
Le
DATI NET
ah.
24
ibi aliquando majus & re-
motius, aliquando verd
minus & propius appareat
quäam revera fit, aut etiam
inverfum. Denique, quis
fit locus imaginum quæ
confpiciuntur in fpeculis,
tam planis quàm convexis
aut concavis ; & cur ibi
appareant reétæ aut inver-
Îæ, majores aut minores,
& propiores aut remo-
tiores quàm funt ipfa ob-
Ja Mt ERA RU
Cur facile decipiamur in
judicando de diftantià ;
quomodoque probari pof-
fit nos non folere diftan-
20.
Capur VII. De
1. Tria in vifione efle confi-
deranda : objeéta, organa
interiora, & exteriora....
2. Quatuor tantüm ad vifio-
nem perfectam reddendam
MEUNIER EL ME
3. Quomodo natura primo
iftorum profpexerit, & quid
fuperfit quod ars illi ad-
4. Quod difcrimen fit inter
juvenum & fenum oculos.
5. Quomodo mederi oporteat
myopum & fenum oculis.
6. Inter multa vitra quæ illi
rei infervire poflunt, facil-
lima politu funt deligenda ;
item, ea quæ meliùs efh-
ciant ut objecta, à diverfis
punétis manantia, videan-
tur à totidem aliis diverfis
punétis procedere....... ;
7. Non opus effe alium hâc in
128
OEuvRESs DE DESCARTES.
tiam 100 aut 200 pedibus
majorem imaginari......
21. Cur Sol et Luna majores
videantur, horizonti pro-
ximi, quàam ab eo remoti;
apparentemque objeéto-
rum magnitudinem ex
angulo vifionis non efle
menfurandam...........
Cur alba & luminofa ob-
jeéta propiora & majora
quàm funt appareant.....
[E]
Le
23. Cur omnia corpora valde
parva, aut valde remota,
appareant rotunda.......
24. Quomodoremotiones fiant
in tabulis fecundüm Per-
fpectivæ regulas delineatis
modis vifionem perficiendi.
re deletum habere quäm
circumcirca, & cur....…. è
8. Imaginum magnitudinem
pendere tantüm ab obje-
étorum diftantià, à loco
ubi fe radii, qui in oculum
ingrediuntur, decuflatim
fecant, & ab ipforum re-
fractione PÉEPEPEEE 137 &
9. Refractionem non efle hic
magnà confideratione di-
gnam, ut nec objectorum
acceflibilem diftantiam; &
quid, ubi inacceflibilia
funt, facere conveniat....
130
131
131
132
133
139
10. In quo confiftat inventio
perfpicillorum pulicarium,
unico vitro conftantium ;
& quis fit illorum effectus.
Augeri pofle imagines ef-
ficiendo ut radii procul ab
oculo decuflentur, ope tu-
buli aquä pleni ; quantoque
11.
141
longior eft ifte tubulus,
tanto magis imagines au-
gere, & idem præftare ac
fi natura tanto longiorem
OCHIUMMECITET PEN E REr
12. Pupillam oculi obitare,
tantum abeft ut adjuvet,
cùm quis ejufmodi tubulo
UÉCTUTE. 2 AE ra
13. Necrefrattionem vitriquod
aquam in tubulo continet,
nec membranarum quibus
humores oculi involvun-
tur, ullà confideratione
CHIENS AE ALT EE
Idipfum æquè fieri pofle
tubulo ab oculo feparato,
atque conjunéto.........
15. Quäâ in re confiftat inven-
(OPEL ICOPURE AMEN EN
16. Quomodo impediri poflit
ne vis radiorum in oculos
ingredientium nimis ma-
14.
17. Quomodo contrà impe-
diri poflit, cm nimis de-
bilis eft, & objeéta accefli-
TANT PRES ET
18. Et quomodo, cm accefli-
141
142
142
143
144
144
145
19.
21.
30
24:
INDEX DE LA DIOPTRIQUE. 25
bilia funt & telefcopio uti-
145
Quanto majus pupillà fieri
poflit horum confpicilio-
rum orificium, & cur ma-
jus fieri debeat....... cat
. Objetorum acceflibilium
caufà, non opus efle ita au-
gere tubuli orificium.....
Ad diminuendam radio-
rum vim, cm utimur
confpiciliis, præftare illo-
rum orificium anguftius
facere, quam id vitro co-
lorato tegere. Et ad ïd
anguftius reddendum, præ-
ftare extrema vitri extrin-
fecus tegere, quäm ntrin-
LECUSÉA ER Re certe
147
147
. Ad quid utile fit multa
” objeéta eodem tempore vi-
dere; & quid fieri opor-
teat, ne eà re opus fit ....
Ufu acquiri poile facilita-
tem videndi objetta pro-
pinqua aut remota.......
Urde faétum fit ut Gym-
nofophiftæ illæfo oculo So-
lem intueri potuerint .... 149
148
149
Caeur VIII. De figuris quas pellucida corpora requirunt ad detorquendos
refraitione radios omnibus modis vifioni infervientibus.
1. De quibus figuris hîc agen-
(eo D SRE EPA EE
2. Quid fit Ellipfis, & quo-
modo fit defcribenda.....
3. Demonftratio proprietatis
Ellipfis in refractionibus.
4. Nullis aliis adhibitis lineis
præter circulos aut ellip-
fes, poile fieri ut radii pa-
ralleli in unum punétum
coëant, aut ut ii qui ab
149
150
eodem punéto prodeunt,
paralleli evadant ........ 153
5. Quomode fieri poflit ut ra-
dii qui ab uno vitri latere
funt paralleli, ab altero
difgregentur tanquam fi
omnes ab eodem punéto
CRIFEM EE cles œele se sfele ste
6. Quomodo fieri poilit ut,
cm ab utroque latere funt
paralleli, in minus fpa-
520
7. Quomodo
tium ab uno quàm ab al-
tero latere contrahantur.
idem obtineri
queat, efficiendo præterea
ut radii fint inverfi ......
8. Quà ratione fieri poflit ut
omnes radii ab uno punéto
procedentes in alio punéto
CONPIÉPÉNIUT ee
9. Et ut omnes ii qui ab ali-
11.
12.
19:
quo punéto exeunt, difgre-
gentur quafi ab alio pun-
to promanarent........
Et ut omnes ii qui difgre-
gati funt quafi ad idem
punétum tenderent, ite-
rum difgregentur quafi ab
eodem punéto prodirent..
Quid fit Hyperbola, &
eam defcribendi modus...
Demonitratio proprietatis
Hyperbolæ quoad refraétio-
ME da dodo so vbebLe
Quomodo ex folis hyper-
bolis & lineis rectis fieri
poflint vitra, quæ radios
omnibus iifdem modis
mutent atque illi qui el-
lipfibus & circulis con-
(TANT ER ndeto nos mbor
Etiamfi multæ aliæ figuræ
fint quæ eofdem effectus
producere queunt, nullas
tamen præcedentibus ad
confpicilia efle aptio-
TES UE CES MI OAS
Figuras, folis hyperbolis
& lineis reétis conftantes,
delineatu efle faciliores..….
Quæcunque fit vitri figura,
non pofle id accuratè effi-
cere ut radii, à diverfis
155
156
156
156
160
162
166
166
20. Quomodo
OEUVRES DE DESCARTES.
punétis prodeuntes, in to-
tidem aliis diverfis punétis
CONgregentur............
17. Vitra hyperbolica omnium
Optima efle in hunc finem.
18. Radios à diverfis punétis
procedentes magis difper-
gi, vitro hyperbolico tra-
jeéto, quàam elliptico ;
quantoque ellipticum den-
fius eft, tanto minùs, illud
trajiciendo, difpergi......
19. Quantamcunque denfita-
tem habeat, non pofle id
imaginem, quam ifti radii
pingunt, nifi quartà aut
tertià parte minorem red-
dere quäm faciat hyperbo-
licum; & inæqualitatem
tanto majorem efle, quan-
to major eft vitri refraétio.
Nullam vitro figuram dari
pofle, quæ imaginem iftam
majorem reddat hyperbo-
licà, aut minorem ellip-
CE RS NO D 080 00 0 b 0
intelligendum
fit, radios à diverfis punc-
tis promanantes decuflari
in primà fuperficie, quæ
efficere poteft ut in toti-
dem aliis diverfis punis
congregentur .......
CC
21. Vitra elliptica magis urere
quam hyperbolica; & quo-
modo metiri oporteat vim
fpeculorum aut vitrorum
168
urentium. Nulla poffe fieri
quæ lineà reétà urant in
InfHinitÜMErE RER
22, Minima vitra aut fpecula
tot radios congregare ad
173
6 : ab (4près quarn) omis M, — 12 : quoad] quod ad M. — 12 : diverfis
(après aliis) omis M.
1.
2.
">
4.
5e
INDEX DE LA DIOPTRIQUE.
urendum, in fpatio in quo
eos congregant, atque ma-
xima quæ figuras minimis
iftis fimiles habent, in
æquali fpatio; iftaque ma-
xima nullam aliam præro-
gativam habere quam eos
in fpatio majori & remo-
tiori congregandi, atque
ita fpecula aut vitra valde
parva fieri pofle, quæ ta-
men magnam urendi vim
habeant. Speculum com-
burens cujus diameter non
excedit 100-partem di-
D310
24.
flantiæ ad quam radios
congregat, non pofle effi-
cere ut vehementiüs urant
aut calefaciant quàm illi
qui direétè à Sole proce-
AUNCES EE ECEUEPPE EEE 060
Vitra elliptica plures ex
eodem punéto radios acci-
pere pofle, ut eos poftea
parallelos reddant, quäm
ullius alterius figuræ ....
Sæpe vitra hyperbolica el-
lipticis efle præferenda,
quûd uno tantundem at-
que duobus effici poflit.….
Capur IX. Defcriptio Specillorum.
Qualis eligenda fit perfpi-
cillorum materia, & cür
fere/femper fiat aliqua re-
flexio in corporum pellu-
cidorum fuperficie; cur-
que reflexio ifta validior fit
in cryftallo quàm in vitro.
Defcriptio confpiciliorum
quæ myopibus inferviunt,
& iis qui tantüm eminus
videre poffunt... ...... 5
Cur fupponi poflit radios,
à punéto fatis remoto pro-
deuntes, efle quafi paral-
lelos; & cur non fit ne-
celle confpiciliorum, qui-
bus utuntur fenes, figuram
valde accuratam efle.....
Quomodo perfpicilla puli-
caria ex unico vitro fieri
TÉDEAD Tee eee :
Quid requiratur in telefco-
180
piis, ut fint perfecta......
6. Qualia itidem efle debeant
perfpicilla pulicaria,utfint
7. Ad his perfpicillis uten-
dum, præftare alterum
oculum velo aliquo ob-
fcuro tegere, quàäm eum
mufculorum ope claude-
re. Utile quoque efle vifûs
fui aciem antea debilitare,
in loco valde obfcuro fe
continendo; atque etiam
imaginationem difpofitam
habere quafi ad res valde
remotas & obfcuras in-
(Een LS EAP OOROESSR
8. Qui fiat ut minüs antehac
felices fuerint artifices, in
accuratis telefcopiis con-
ficiendis, quàäm in aliis
PÉDIRIENHS A 27...
VIII, 24 : tantumdem M. — IX, 8 : conficiendis omis M.
Va
174
181
186
189
€.
528 OEUVRES DE DESCARTES.
Carur X. De modo expoliendi vitra.
1. Quomodo magnitudo re-
fractionum vitri, quo uti
volumus, fit invenienda. 191
2. Quomodo inveniantur pun-
ta urentia & vertex hy-
perbolæ, cujus vitrum
illud, cujus refractiones
cognitæ funt, figuram æ-
mulari debet; & quomo-
do punétorum iftorum di-
ftantia augeri aut minui
3.-Quomodo hæc hyperbola
fune defcribi. poilit, vel
multorum punétorum in-
VMÉNHONE PAPE CEE E CEE 194
4. Quomodoinveniatur conus,
in quo eadem hyperbola à
plano axi parallelo fecetur. 195
5. Quomodo, ope machinæ,
uno duétu hæc hyperbola
deICHIDI qUeAt ee CPR 196
6. Alia machina, quæ iftius
hyperbolæ figuram dat
omni rei quæ eà ad vitra
polienda indiget; & quo-
modo illà fit utendum...
7. Quid in vitris concavis &
quid in convexis fpeciatim
obfervandum fit.........
8. Ordo obfervandus ad fe in
iftorum vitrorum politurâ
exercendum. Vitra con-
vexa quæ longioribus te-
lefcopiis inferviunt, accu-
ratiùs cæteris efle po-
lienda. Se reel
9. Quænam fit præcipua per-
fpicillorum pulicariumuti-
li TASSE RRPSREE DOS BAS doc
10. Quomodo fieri poflit ut
duorum ejufdem vitri fu-
perficierum centra direétè
fibi invicem opponantur.
INDEX
MATERIARUM CONTENTARUM IN METEORIS.
Careur I. De naturû terrefirium corporum.
4. Quid Autor in hoc traéta-
tu propoftum fibi habue-
TAC ETES SOUS 207
2. Argumentum primi capitis. 207
3. Aquam, terram, aërem &
2 : Primi capitis argumentum M.
reliqua corpora quæ nos
circumftant, ex variis par-
ticulis componi. Poros
effe in omnibus iftis cor-
poribus fubtili quädam
197
203
205
205
4.
sé
db*
—
1
3
INDEX DES METEORES.
materià repletos. Particu-
las aquæ effe longas, te-
retes & læves. Aliorum
corporum fere ornium
particulas habere figuras
irregulares, angulofas &
ramorum inftar expanfas.
Ex ïftiufmodi particulis
fimul junéis & implexis
corpora dura componi.
Eafdem, fi non fint im-
plexæ, nec tam craflæ quin
à materià fubtili poflint
agitari, oleum vel aërem
COMPONELE ME 200,
Hanc materiam fubtilem
indefinenter moveri. Ip-
fam folere celeriüs ferri
juxta terram quäm prope
nubes ; verfus Æquatorem
quam verfus Polos; æftate
quam hyeme; ac die quàm
Ipfus etiam particulas efle
inæquales. Quæ minores
funt, minus virium habere
209
200
ad alia corpora movenda. 210
Crafliufculas præcipuè in-
veniri in locis ubi maximè
funt agitatæ. Illas multo-
rum corporum meatus in-
gredi non pofle; ideoque
ifta corpora efle aliis fri-
LIdIO AN re Eee EE Tone
7. Quid fit calor & quid fri-
gus. Quomodo corpora
dura calefiant. Cur aqua
liquida effe foleat, ac quo-
modo frigore durefcat.
Cur glacies eandem fem-
per retineat frigiditatem
& duritiem, quamdiu gla-
cies eft, etiam in æftate,
nec paulatim, ut cera, mol-
A ee cue o à
8. Quæ fint falium particulæ;
quæ etiam fpirituum, five
aquarum ardentium. Cur
aqua rarefiat dum conge-
latur, atque etiam dum
incalefcit. Et cur ferve-
faéta citius congeletur..….
9. Particulas, de quibus hic
agimus, non efle indivifi-
biles; nec in hoc traétatu
quidquam negari eorum
quæ in vulgari Philofo-
phià traduntur..........
Capur Il. De vaporibus € exhalationibus.
Quomodo vi Solis corpo-
rum terreftrium particulæ
nonnullæ furfum attollan-
ALU a Ve SA Sert
Quid fit vapor & quid exha-
latio. Plures vapores quàäm
exhalationes generari.Quo-
modo crafliores exhalatio-
nes ex corporibus terre-
ftribus egrediantur......
Cur aqua in vaporem verfa
214
valde multum loci occupet. 216
Œuvres. I.
4. Quomodo ïiidem
vapores
magis aut minüs denfari
poflint. Quare infolitus
calor æftate interdum,
aëre nubilo, fentiatur. Et
quid vapores calidos aut
frigidos reddat..........
5. Cur halitus calidior emit-
tatur, ore valde aperto,
quam propemodum clau-
fo. Et cur majores venti
femper frigidi fint.......
29
211
213
217
AS
6. Cur vapores interdum ma-
gis, interdum minüs, ra-
dios luminis obtundant.
Cur halitus oris magis vi-
deaturhyeme quam æftate.
Plures vapores folere efle
in aëre, cùm minimè vi-
dentur, quam cüm viden-
OEUVRES
DE DESCARTES.
ture ere Po édun ss aie)
. Quo fenfu vapores alii aliis
humidiores aut ficciores
ENPOIIN EEE
8. Quæ fint variæ exhalatio-
num naturæ, & quomodo
feipfas à vaporibus fegre-
panteses
pi
soso eee se MAT
Capur III, De fale.
1. Quæ fit natura aquæ falfæ,
& cur oleum ex corpo-
ribus eo madefactis non
tam facile egrediatur quàäm
marina pellucidior fit flu-
viatili, & paulo major in
eà fiat luminis refraétio... 224
5. Cur non tam facilè conge-
aqua. nu b 0 EP) letur, & quomodo aqua,
2.1CUur tanta fit in fapore dif- ope falis, in glaciem ver-
ferentia inter falem & tatur, LP MMS EE
aquam dulcem. Cur fal 6. Cur delle fal sbeati in
carnium corruptionemim- vaporem, & aqua dulcis
pediat, eafque duriores facillime:. SERRE
reddat; cur verd aqua 7. Cur aqua maris arenà per-
dulcis eas corrumpat. 223 colata dulcefcat, & aqua
3. Cur aqua falfa gravior fit fontium & fluminum fit
quam dulcis, & nihilomi- dulcis. Cur flumina in
nus falis grana in aquæ mare fluentia ejus aquas
marinæ fuperficie formen- nec dulciores, nec copio-
tur. Particulas falis com- fiores reddant..... 0204220
munis efle longas, rectas 8. Cur mare magis falfum fi,
& in utraque extremitate verfus æquatorem quàäm
æqualiter craflas ; quomo- VETIUS POlOS PERS ERTE 22/7
doque difponantur inter 9. Cur aqua falfa minùs apta
particulas aquæ dulcis; & fit incendiis exftinguendis
majorem efle particularum quàm dulcis; & eur noëtu,
agitationem, in aquà falfà, dum agitatur in mari, lu-
quamun duc. -"e"r2re 20225 men emittat. Cur nec mu-
4. Cur fal facilè humiditate ria, nec aqua maris diu in
folvatur; & cur, in certà vafe fervata, fic luceat, &
aquæ dulcis quantitate, cur non æqualiter omnes
certa tantüm ejus quan- ejus guttæ fic luceant.... 227
titas liquefcat. Cur aqua 10. Cur aqua in littore maris
III, 4: paulld I. — 9 : extinguendis M. — muria] maria I M. — 10:
litore I.
CU
11.
12.
14.
151
INDEX
foflis quibufdam minimè
profundis includatur ad
falem conficiendum; &
cur fal non fiat nifi Hi
calido & ficco.
Cur omnium ee
fuperficies fit admodum
lævis ; & cur aquæ fuper-
ficies difficilius dividatur
quam ejus interiores par-
ÉES 5, sos.
Quomodo falis particulæ
in aquæ fuperficie hæ-
reant..
Cur cujufque Fe grani
bafis fit quadrata; & quo-
modo bafisifta fit aliquan-
tulum curva, quamvis
plana videatur....
Quomodo integrum falis
granum ifti bafi inædifce-
tur. Cur fit quædam cavi-
tas in medio iftorum gra-
norum ; & cur eorum fu-
perior pars latior fit quàm
bafis ; & quid bafim reddat
majorem vel minorem,
Cur interdum particulæ
falis aquæ fundum petant,
priufquam in grana pof-
fint concrefcere. Quomo-
do quatuor latera cujufque
grani, modù magis, modù
O0
DES METEORES.
229
229
230
231
minüs inclinata & inæqua-
lia reddantur. Cur com-
miffuræ iftorum laterum
non fint admodum accu-
ratæ, faciliufque in ipfis
quam alibi grana fran-
gantur; & cur Cavitas, quæ
in medio eft cujufque gra:
ni,rotunda Tee
quadrata.....
Cur grana ifta in igne cre-
pitent cm integra funt,
confracta autem non cre-
DOTE Pococonocendenne
Unde oriatur Dir falis
naturaliter albi, & color
HIDE CRE 2
Cur fal fit Hbiles album
vel tranfparens; & cur fa-
cilius liquefcat, cum gra-
na ejus integra funt, quàm
cum fuerunt confraéta &
lentè ficcata. Cur ejus par-
ticulæ minüs flexiles fint
quam aquæ dulcis; & cur
tam hæ quäm illæ teretes
fines Most
Quomodo oleum quod-
dam, five potius aqua aci-
diflima, ex fale extraha-
tur. Et cur magna fit
diflerentia inter faporem
iftius aquæ acidæ & falis.
Carut IV. De ventis.
HAOQUITMITINENTUS NEC... 235
2.
Quomodo in Æolipylis ge-
neretur..
ss
3. Quomodoetiam in aëre fiat.
Ventos præcipuè ex vapo-
ribus oriri, fed non ex iis
236
folis componi. Et cur à
vaporibus potiùs quàm ab
exhalationibus oriantur..
4. Cur venti ab Oriente ficcio-
res fint quàm ab Occi-
.dente, & eur mane potif-
II, 16 : cum] quum 1 M (de même 18, les deux fois).
Nsti
D) a)E)
2
9
e)
3
12e
fimum ab Oriente, ac vef-
peri ab Occidente flent
239
5. Quod, cæteris paribus, venti
ab Oriente fortiores fint
quàam ab Occidente; & cur
ventus Borealis fæpius flet
de die quam de noéte, Cur
potiùs tanquam ex cœlo
verfus terram, quam ex
terra furfum verfus; & eur
cæteris foleat efle fortior,
atque valde frigidus &
fICCUS LISE METRE 240
6. Cur ventus Aufitralis fæ-
pius flet noëtu quam in-
terdiu; & cur flet tanquam
ex imo in altum. Cur fo-
leat efle lentior cæteris &
debilior, necnon calidus
GUMIAUS EEE LR 242
7. Cur, ineunte vere, venti
fint ficciores, & tunc aëris
mutationes magis fubita-
neæ ac frequenter fiant...
8. Qui fint venti ab antiquis
Ornithiæ diéti. Et qui fint
JTE MR OS nets 0
9. Quid conferat terrarum &
marium diverfitas ad ven-
torum productionem. Et
cur fæpe in locis mariti-
mis interdiu flent venti à
mari, & noctu à terrà.
244
OËEUVRES DE DESCARTES.
Curque ignes fatui nou
viatores ad aquas ducant.
10. Cur fæpe venti in littore
I
maris cum ejus fluxu &
refluxu mutentur. Et cur
idem ventus fit multo va-
lidior in mari quàam in
terrà, foleatque in qui-
bufdam regionibus effe
ficcus, in aliis humidus.
Cur in Ægypto ventus
Meridionalis fit ficcus, &
vix unquam pluat.......
1. Quomodo & quatenus
Aftra conferant ad Meteo-
ra producenda......." be
2. Quid etiam ad ipfa confe-
rant inæqualitates partium
terræ. Undeque oriatur
varietas ventorum parti-
cularium, & quàam difficile
fit iplos prædicere.......
. Ventos generales facilius
prænofci. Et cur minor in
iis fit diverfitas, longifli-
mè à littoribus in mari,
quàm prope terram......
Omnes fere aëris mutatio-
nes pendere à ventis. Cur
que aër interdum fit fri-
gidus & ficcus, flante vento
humido & calido. Mutatio-
nes aëris à motu vaporum
intra terram etiam pendere
ee)
4
Carur V. De nubibus.
1. Quæ fitdifferentia inter nu-
bem, nebulam & vapo-
rem. Nubes conftare tan-
tüm ex aquæ guttulis aut
IV, 10 : litore I, — 13 litoribus I.
[Le]
particulis glacier; & eur
non fint pellucidæ.......
. Quomodo vapores in aquæ
guttas vertantur. Et cur
244
245
246
246
246
ZT
248
2-4. DE MEruopo. 41
Philofophorum, qui dicunt inter | accidentia fola, non autem inter
formas fubflantiales individuorum ejufdem fpeciei, plus & minus
reperiri.
Sed profiteri non verebor me fingulari deputare felicitati, quôd
à primis annis in eas cogitandi vias inciderim, per quas non difficile
fuit pervenire ad cognitionem quarundam regularum five axioma-
tum, quibus conftat Methodus, cujus ope gradatim augere fcien-
tiam, illamque tandem, quam pro ingenii mei tenuitate & vitæ
brevitate maximam fperare liceat, acquirere pofle confido. Jam
enim ex eà tales fruétus percepi, ut quamvis de me ipfo fatis
demiffè fentire confueverim ; & dum varias hominum curas oculo
Philofophico intueor, vix ullæ unquam occurrant quæ non vanæ &
inutiles videantur; non poflim quin dicam, me ex progreffu quem
in veritatis indagatione jam fecifle arbitror, fummâ voluptate per-
fundi ; talemque de ïis quæ mihi quærenda reftant fpem concepille,
ut fi inter occupationes eorum qui meri homines funt, quædam folidè
bona & feria detur, credere aufim illam eandem efle quam elegi.
Me vero fortaile fallit opinio, nec aliud eft quam orichalcum &
vitrum, quod pro auro & gemmis hic vendito. Novi quàm proclives
fimus in errorem, cüm de nobis ipfis judicamus, & quàm fufpeéta
etiam effe debeant amicorum teftimonia, cum nobis favent. Sed in
hoc libello delclarare inftitui | quales vias in quærendä veritate
fequutus fim, & vitam omnem meam tanquam in tabellà delineare;
ut cuilibet ad reprehendendum pateat acceflus, & ipfe poft tabulam
delitefcens liberas hominum voces in meï ipfius emendationem
exaudiam, atque hunc adhuc difcendi modum, cæteris quibus uti
foleo adjungam.
Ne quis igitur putet me hîc traditurum aliquam Methodum,
quam unufquifque fequi debeat ad rectè regendam rationem; illam
enim tantüm quam ipfemet fequutus fum exponere decrevi. Qui
aliis præcepta dare audent, hoc iplo oftendunt, fe fibi prudentiores
iis quibus ea præfcribunt, videri; ideoque fi vel in minimä re fal-
lantur, magnà reprehenfione digni funt. Cüm autem hîc nihil aliud
promittam quam hiftoriæ, vel, fi malitis, fabulæ narrationem, qua
inter nonnullas res, quas non inutile erit imitari, plures aliæ for-
taffe erunt quæ fugiendæ videbuntur ; fpero illam aliquibus ita pro-
futuram, ut nemini interim nocere poflit, & omnes aliquam inge-
nuitati meæ gratiam fint habituri.
Ab ineunte ætate ad literarum ftudia animum adjeci; & quoniam
à præceptoribus audiebam illarum ope certam & evidentem co-
gnitionem eorum omnium quæ ad vitam utilia funt acquiri pofle,
s42 OEuvres DE DESCARTES. 46.
incredibili defiderio difcendi flagrabam. Sed fimul ac illud ftudio-
rum curriculum abfolvi, quo decurfo mos eft in eruditorum nume-
rum cooptari, planè aliud cœpi cogitare. Tot enim me dubiis
totque erroribus implicatum effe animadverti, ut omnes difcendi
conatus nihil aliud mihi profuiffe judicarem, quàäm qudd ignoran-
tiam meam magis magifque detexifflem.
Attamen tunc | degebam in unà ex celeberrimis totius || Europæ
fcholis, in quà, ficubi in univerfo terrarum orbe, doétos viros efle
debere cogitabam. Omnibus iis quibus alii ibidem imbuebantur
utcunque tinctus eram. Nec contentus fcientiis quas docebamur,
libros de quibuflibet aliis magis curiofis atque à vulgo remotis
tractantes, quotquot in manus meas inciderant evolveram. Aliorum
etiam de me judicia audiebam, nec videbam me quoquam condi-
fcipulorum inferiorem æftimari, quamvis jam ex eorum numero
nonnulli ad præceptorum loca implenda deftinarentur. Ac denique
hoc fæculum non minus floridum & bonorum ingeniorum ferax
quam ullum præcedentium efle arbitrabar. Quæ omnia mihi auda-
ciam dabant de aliis ex me judicandi, & credendi nullam in mundo
fcientiam dari, illi parem cujus fpes facta mihi erat.
Non tamen idcirco ftudia omnia, quibus operam dederam in fcho-
lis, negligebam : fatebar enim linguarum peritiam quæ ibi acqui-
ritur, ad veterum feripta intelligenda requiri; artificiofas fabularum
narrationes ingenium quodammodo expolire & excitare ; cafus
hifloriarum memorabiles animum ad magna fufcipienda impellere,
& ipfas cum prudentià leétas non parum ad formandum judicium
conferre ; omnem denique bonorum librorum leétionem eodem
fere modo nobis prodeffe, ac fi familiari colloquio præftantiflimo-
rum totius antiquitatis ingeniorum, quorum illi monumenta funt,
uteremur : & quidem colloquio ita præmeditato, ut non nifi optimas
& felectiflimas quafque ex fuis cogitationibus nobis declarent ; Elo-
quentiam vires habere permagnas & ad ornatum vitæ multum con-
ferre; Poëfñ nihil effe | amænius aut dulcius; multa in Mathema-
ticis difciplinis haberi acutiflimè inuenta, quæque | cùm curiofos
oblectant, tum etiam in operibus quibuflibet perficiendis, & artifi-
cum labore minuendo plurimum juvant ; multa in fcriptis quæ de
moribus traétant præcepta, multafque ad virtutem cohortationes
utilifimas contineri ; Theologiam cœlo potiundi rationem docere;
Philofophiam verifimiliter de omnibus diflerendi copiam dare, &
non parvam fui admirationem apud fimpliciores excitare ; Jurifpru-
dentiam, Medicinam, & fcientiarum reliquas, honores & divitias in
cultores fuos congerere; nec omnino ullam effe, etiam ex maximè
6-8. DE MErnono. 43
fuperftitiofis & falfis, cui aliquam operam dediffle non fit utile,
faltem ut poflimus quid valeant judicare, & non facilè ab ullà
fallamur.
Verüm jam fatis temporis linguarum ftudio, & lectioni librorum
veterum, eorumque hiftoriis & fabulis me impendiffe arbitrabar.
Idem enim fere eft agere cum viris prifci ævi, quod apud exteras
gentes peregrinari. Expedit aliquid nofle de moribus aliorum po-
pulorum, ut incorruptiüs de noftris judicemus ; nec quidquid ab
iis abludit ftatim pro ridiculo atque inepto habeamus, ut folent ii
qui nunquam ex natali folo difceflerunt. Sed qui nimis diu peregri-
nañtur, tandem velut hofpites & extranei in patrià fiunt; quique
nimis curiofe illa quæ olim apud veteres agebantur inveftigant,
ignari eorum quæ nunc apud nos aguntur effe folent. Præterea
fabulæ plurimas res, quæ fieri minimè pofflunt, | tanquam fi ali-
quando contigiflent, repræfentant, invitantque nos hoc paéto vel
ad ea fufcipienda quæ fupra vires, vel ad ea fperanda quæ fupra
fortem noftram funt. Atque ipfæ etiam hiftoriæ, quantumwvis veræ,
fi pretium rerum non augent nec immutant ut lectu digniores ha-
beantur, earum faltem viliores & mi|nüs illuftres circumftantias
omittunt : unde fit ut ea quæ narrant nunquam omnino qualia
funt exhibeant, & qui fuam vivendi rationem ad illarum exempla
componere nimium ftudent, proni fint in deliria antiquorum He-
roum, & tantüum hyperbolica facta meditentur.
Eloquentiam valde æftimabam, & non parvo Poëseos amore in-
cendebar : fed utramque inter naturæ dona potiüs quàm inter dif-
ciplinas numerabam. Qui ratione plurimum valent, quique ea quæ
cogitant quam facillimo ordine difponunt, ut clarè & diftinétè intel-
ligantur, aptiflimè femper ad perfuadendum dicere poffunt, etiamfi
barbarâ tantum Gothorum linguâ uterentur, nec ullam unquam
Rhetoricam didiciffent. Et qui ad ingeniofiflima figmenta excogi-
tanda, eaque cum maximo ornatu & fuavitate exprimenda funt
nati, optimi Poëtæ dicendi effent, etfi omnia Poëticæ Artis præcepta
ignorarent.
Mathematicis difciplinis præcipuè delectabar, 6b certitudinem
atque evidentiam rationum quibus nituntur; fed nondum præci-
puum earum ufum agnofcebam; &-cüûm ad artes tantüm Mechani-
cas utiles effle mihi viderentur, mirabar fundamentis adeo firmis &
folidis nihil præftantius fuifle fuperftruétum. Ut & contra veterum
Ethnicorum moralia fcripta palatiis | fuperbis admodum & magni-
ficis, fed arenæ tantüm aut cœno inædificatis, comparabam. Virtutes
fummis laudibus in cœlum tollunt, eafque cæteris omnibus rebus
ÿ 44 OŒEuvres DE DESCARTES. 8-0.
longè anteponendas efle rectè contendunt; fed non fatis explicant
quidnam pro virtute fit habendum, & fæpe quod tam illuftri no-
mine dignantur, immanitas potius & durities, vel fuperbia, vel
defperatio, vel parricidium dici debet.
| Theologiam noftram reverebar, nec minüs quàäm quivis alius
beatitudinis æternæ compos fieri exoptabam. Sed cüm pro certo
atque explorato accepiffem, iter quod ad illam ducit doétis non
magis patere quam indoétis, veritatefque à Deo revelatas humani
ingenii captum excedere, verebar ne in temeritatis crimen incide-
rem, fi illas imbecillæ rationis meæ examini fubjicerem. Et quicun-
que iis recognofcendis atque interpretandis vacare audent, peculiari
ad hoc Dei gratià indigere ac fupra vulgarium hominum fortem
pofiti effe debere mihi videbantur.
De Philofophià nihil dicam, nifi quod, cum fcirem illam à præ-
flantiflimis omnium fæculorum ingeniis fuifle excultam, & nihil ta-
men adhuc in eà reperiri, de quo non in utramque partem difpute-
tur, hoc eft, quod non fit dubium & incertum, non tantum ingenio
meo confidebam, ut aliquid in eà melius à me quàm à cæteris in-
veniri poffe fperarem. Et cüm attenderem quot diverfæ de eadem
re opiniones fæpe fint, quarum fingulæ à viris doétis defenduntur,
& ex quibus tamen nunquam plus unâ vera effe poteft, quidquid ut
probabile tantüm affertur propemodum pro falfo habendum effe
exiftimabam.
Quod ad cæteras fcientias, quoniam à Philofophiâ principia fua
mutuantur, | nihil illas valde folidum & firmum tam inftabilibus
fundamentis fuperftruere potuiffe arbitrabar. Nec gloria nec lucrum
quod promittunt fatis apud me valebant, ut ad illarum cultum im-
_pellerent. Nam lucrum quod attinet, non in eo me ftatu efle puta-
bam, ut à fortunà cogerer liberales difciplinas in illiberalem ufum
convertere. Gloriam ver etfi non planè ut Cynicus afpernari me pro-
fiterer, illam tamen non magni faciebam, quæ | non nifi falfo nomine,
hoc eft ob fcientiarum non verarum cognitionem, acquiri pofle
videbatur. Ac denique jam fatis ex omnibus, etiam maximè vanis
& falfis, déguftaffe me judicabam, ut facilè caverem ne me unquam
vel Alchymiftæ promiffa, vel Aftrologi prædictiones, vel Magi im-
pofturæ, vel cujuflibet alterius ex iis qui videri volunt ea fe fcire
quæ ignorant, inanis jaétantia fallere poflet.
Quapropter, ubi primüm mihi licuit per ætatem e præceptorum
cuftodià exire, literarum ftudia prorfus reliqui. Captoque confilio
nullam in pofterum quærendi fcientiam, nifi quam vel in me ipfo,
vel in vafto mundi volumine poflem reperire, infequentes aliquot
9-11. # DE Mernopo. 45
annos variis peregrinationibus impendi. Atque interea temporis,
exercitus, urbes aulafque exterorum Principum invifendo, cum ho-
minibus diverforum morum & ordinis converfando, varia hinc inde
experimenta colligendo, & me ipfum in diverfis fortunæ cafibus
probando, fic ad omnia quæ in vita occurrebant attendebam, ut
nihil ex quo eruditior fieri poffem mihi viderer omittere. Quippe
multo plus veritatis inveniri arbitrabar, in iis ratiocinationibus
quibus finguli homines ad fua negotia utuntur, & quorum malo
fuccefflu | paulo poft puniri folent, quum non reéte judicarunt,
quàm in iis quas doétor aliquis, otiofus in Mufæo fedens, excogitavit
circa entia rationis, aut fimilia quæ ad ufum vitæ nihil juvant ; &
ex quibus nihil aliud expectat, nifi fortè quod tanto plus inanis
gloriæ fit habiturus, quà illæ à veritate ac fenfu communi erunt
remotiores; quia nempe tanto plus ingenii atque induftriæ ad eas
verifimiles reddendas debuerit impendere. Ac femper fcientiam
verum à falfo dignofcendi fummo ftudio quærebam, ut re[&um iter
vitæ clariüs viderem, & majori cum fecuritate perfequerer.
Fateor tamen me vix quidquam certi didiciffe, quamdiu fic tan-
tüm aliorum hominum mores confideravi; tot enim in iis prope-
modum diverfitates animadvertebam, quot antea in opinionibus
Philofophorum. Atque hunc tantüm fere fruétum ex iis percipie-
bam, quôd cüm notarem multa efle, quæ licèt moribus noftris
planè infolentia & ridicula videantur, communi tamen aflenfu apud
quafdam alias gentes comprobantur, difcebam nihil nimis obftinatè
effe credendum quod folum exemplum vel confuetudo perfuaferit.
Et ita fenfim multis me erroribus liberabam, mentemque veris ra-
tionibus agnofcendis aptiorem reddebam. Sed poftquam fic ali-
quandiu quidnam in mundo ab aliis ageretur infpexifflem, & non-
nulla inde experimenta collegiffem, femel etiam mihi propofui ferid
me ipfum examinare, & omni ingenii vi quidnam à me optimum
fieri poffet inquirere. Quod fælicius, | ut opinor, mihi fucceflit, quàm
fi priùs nec à patrià, nec à fcholafticis ftudiis unquam receffiffem.
Eram tunc in Germanià, qu me curiofitas videndi ejus belli,
quod nondum hodie finitum eft, invitarat; & quum ab inaugura-
tione Imperatoris verfus caftra reverterer, hÿemandum fortè mihi
fuit in quodam loco, ubi quia nullos habebam cum quibus libenter
colloquerer, & profpero quodam fato omnibus curis liber eram,
totos dies folus in hypocaufto morabar, ibique variis meditationi-
bus placidiffimè vacabam. Et inter cætera, primum fere quod mihi
venit in mentem, fuit, ut notarem illa opera quibus diverfi artifi-
ces, inter fe non confentientes, manum adhi|buèëre, rard tam per-
Œuvres. I. 69
IT.
Præcipuæ
illius Methodi,
quam invefligavit
r Author, regulæ.
46 OEuvres DE DESCARTES. . 11-13.
L.]
fecta elle quàm illa quæ ab uno abfoluta funt. Ita videmus ædificia
AE on :
quæ ab eodem Architeëto incepta & ad fummum ufque perduéta
fuêre, ut plurimuüum elegantiora efle & concinniora, quàm illa quæ
diverfñ, diverfis temporibus novos parietes veteribus adjungendo,
conftruxerunt. Ita antiquæ illæ civitates, quæ, cûm initio ignobiles
tantüm pagi fuiflent, in magnas paulatim urbes creverunt, fi con-
ferantur cum novis illis, quas totas fimul metator aliquis in planicie
liberè defignavit, admodum indigeflæ atque inordinatæ reperiun-
tur. Et quamwvis fingula earum ædificia infpicienti, fæpe plus artis
atque ornatùs in plerifque appareat quàm in ullis aliarum; confide-
ranti tamen omnia fimul, & quomodo magna parvis adjunéta pla-
teas inæquales & curvas efficiant, | cæco potiüs & fortuito quodam
cafu, quàm hominum ratione utentium voluntate, fic difpofita elle
videntur. Quibus fi addimus, fuifle tamen femper Ædiles aliquos
in iftis urbibus quorum officium erat procurare ut privatorum
ædes publico ornatui quantum fieri poffet infervirent ; perfpicuè
intelligemus quàm difficile fit, alienis tantüm operibus manum
admovendo, aliquid facere valde perfectum. Ita etiam putare licet
illos populos, qui cùm olim valde barbari atque inculti fuiffent,
non nifi fucceflu temporis urbanitatem afciverunt, nec ullas leges,
nifi prout ab incommodis quæ ex criminibus & difcordiis perci-
piebant, fuêre coacti, condiderunt, non tam bene inftitutâ repu-
blicà folere uti, quam illos qui à primo initio quo fimul congre-
gati fuêre, prudentis alicujus legiflatoris conftitutiones obfervarunt.
Sic certè non dubium eft quin ftatus veræ religionis, qui legibus
à Deo ipfo fancitis gubernatur, fit om/nium optimè conftitutus, &
cum nullo alio comparandus. Sed, ut de rebus quæ ad homines
folos pertinent potius loquamur, fi olim Lacedæmoniorum refpu-
blica fuit florentiflima, non puto ex eo contigiffe, quod legibus
uteretur quæ fingillatim fpectatæ meliores effent aliarum civitatum
inftitutis, nam contrà multæ ex iis ab ufu communi abhorrebant,
atque etiam bonis moribus adverfabantur, fed ex eo quôd ab uno
tantüm legiflatore conditæ fibi omnes confentiebant, atque in
eundem fcopum collimabant. Eodem modo mihi perfuafi, fcientias,
quæ libris continentur, illas faltem quæ perfpicuis demonftratio-
nibus carentes, verifimilibus tantüm argumentis fulciuntur, quia
non nifi ex variis diverforum hominum fententiis fimul collectis
conflatæ funt, non tam propè ad veritatem accedere, quàm opi-
niones quas homo aliquis | folà ratione naturali utens, & nullo
præjudicio laborans, de rebus quibufcunque obviis habere poteft.
£odemque etiam modo cogitavi, quoniam infantes omnes ante
13-14. DE MEruopo. 47
fuimus quàäm viri, & diu vel cupiditatum vel præceptorum confilia
fumus fequuti, quæ ut plurimüm iter fe pugnabant, & forte neutra
quod optimum erat femper fuadebant, jam fieri vix pole ut judicia
noftra tam recta fint & firma, quàm fi ratio in nobis æquè matura
atque nunc, ab ineunte ætate exftitiflet, eique foli nos regendos
tradidiflemus.
Verumtamen infolens foret, omnia urbis alicujus ædificia diruere,
ad hoc folm ut iifdem poftea meliori ordine & formä exftrudtis,
ejus plateæ pulchriores evaderent. At certè non infolens eft domi-
num unius domûs illam deftrui curare, ut ejus loco meliorem ædi-
ficet : imo fæpe multi hoc facere coguntur, nempe cum ædes habent
ve|tuftate iam fatifcentes, vel quæ infirmis fundamentis superitru-
étæ ruinam minantur. Eodemque modo mihi perfuafñ, non quidem
rationi efle confentaneum, ut privatus aliquis, de publicis rebus re-
formandis cogitando, eas prius à fundamentis velit evertere ut poftea
meliüs inftituat. Nec quidem fcientias vulgatas, ordinemve eas do-
cendi in fcholis ufu receptum fic debere immutari unquam putavi.
Sed quod ad eas opiniones attinet, quas ego ipfe in eum ufque diem
fueram amplexus, nihil melius facere me pofle arbitrabar, quam fi
omnes fimul & femel è mente me delerem, ut deinde vel alias me-
liores, vel certè eafdem, fed poftquam | maturæ rationis examen
fubiiffent, admitterem : credebamque hoc pacto longè melius me ad
vitam regendam poile informari, quàm fi veteris ædificii fundamenta
retinerem, iifque tantum principiis inniterer, quibus olim juvenilis
ætas mea, nullo unquam adhibito examine an veritati congruerent,
credulitatem fuam addixerat. Quamvis enim in hoc varias difi-
cultates agnofcerem, remedia tamen. illæ fua habebant, & nullo
modo erant comparandæ cum iis quæ in reformatione publicæ ali-
cujus rei occurrunt. Magna corpora fi femel proftrata funt, vix ma-
gno molimine rurfus eriguntur, & concufla vix retinentur, atque
omnis illorum lapfus eft gravis. Deinde inter publicas res fi quæ
fortè imperfecta funt, ut vel fola varietas quæ in iis apud varias
gentes reperitur, non omnia perfecta efle fatis oftendit, longo illa ufu
tolerabilia fenfim redduntur, & multa fæpe vel emendantur vel vi-
tantur, quibus non tam facile eflet humanâ prudentià fubvenire;
ac denique illa fere femper ab afluetis populis commodiüs ferri
poffunt quàm illorum mutatio. Eodem | modo quo videmus regias
vias quæ inter anfractus montium deflexæ & contortæ funt, diu-
turno tranfeuntium attritu tam planas & commodas reddi folere,
ut longè melius fit eas fequi, quam juga montium tranfcendendo
& per præcipitia ruendo reétius iter tentare,
48 OEUVRES DE DESCARTES. 14-16.
Et idcirco leves iftos atque inquietos homines maximè odi, qui
cum nec à genere nec à fortunà vocati fint ad publicarum rerum
adminiftrationem, femper tamen in iis novi aliquid reformare me-
ditantur. | Et fi vel minimum quid in hoc fcripto efle putarem, unde
quis me tali genere ftultitiæ laborare poflet fufpicari, nullo modo
pati vellem ut vulgaretur. Nunquam ulteriüs mea cogitatio proveéta
eft, quàm ut proprias opiniones emendare conarer, atque in fundo
qui totus meus eft ædificarem. Et quamvis, quia meum opus mihi
ipfi fatis placet, ejus exemplar hîc vobis proponam, non ideo cui-
quam author efle velim, ut fimile quid aggrediatur. Poterunt for-
tale alii, quibus Deus præftantiora ingenia largitus eft, majora per-
ficere; fed vereor ne hoc ipfum quod fufcepi tam arduum & difficile
fit, ut valde paucis expediat imitari. Nam vel hoc unum, ut opi-
niones omnes quibus olim fuimus imbuti deponamus, non uni-
cuique eft tentandum. Et maxima pars hominum fub duobus gene-
ribus continetur, quorum neutri poteit convenire. Nempe permulti
funt, qui cum plus æquo propriis ingeniis confidant, nimis celeriter
folent judicare, nunquamque fatis temporis fibi fumunt ad rationes
omnes circumfpiciendas, & idcirco fi femel aufint opiniones omnes
vulgo receptas in dubium revocare, & velut à tritâ vià recedere, non
facilè illi femitæ quæ reétius ducit femper infiftent, fed vagi potius
& incerti in reliquam vi|tam aberrabunt. Alii verd fere omnes cûm
fatis judicii vel modeftiæ habeant ad exiftimandum nonnullos effe
in mundo qui ipfos fapientià antecedant & à quibus poffint doceri,
debent potiüs ab illis opiniones quas fequuturi font accipere, quàm
alias proprio ingenio inveftigare.
[Quod ad me, procul dubio in horum numero fuiffem, fi unum
tantüm præceptorem habuiïfflem, & nunquam diverfas illas opi-
niones cognoviflem, quæ ab omni memorià doctiflimos quofque
colliferunt. Sed dudum in fcholis audiveram, nihil tam abfurdè
dici poile quod non dicatur ab aliquo Philofophorum ; notave-
ramque inter peregrinandum non omnes eos, qui opinionibus à
noftro fenfu valde remotis funt imbuti, barbaros idcirco & ftolidos
elle putandos; fed plerofque ex 1is vel æquè benè, vel etiam melius
quàam nos ratione uti; confideraveram praeterea quantum idem
homo cum eädem fuà mente, fi à primis annis inter Gallos aut Ger-
manos vivat, diverfus evadat ab eo qui foret, fi femper inter Sinas
aut Americanos educaretur ; & quantum etiam in multis rebus non
magni momenti, ut circa veftium quibus induimur formam, illud
idem quod nobis maximè placuit ante decem annos, & forte poit
decem annos rurfus placebit, nunc ridiculum atque ineptum videa-
14
16-18. DE MErHopo. $49
tur; adeo ut exemplo potius & confuetudine quäm ullà certà cogni-
tione ducamur. Ac denique advertebam circa ea quorum veritas
non valde facilè inveftigatur, nulli rei efle minus credendum quam
multitudini fuffragiorum ; longè enim verifimilius eft unum ali-
quem illa invenire potuifle, quam multos. Et quia neminem inter
cæteros eligere poteram, cujus opiniones dignæ viderentur, quas
potifimum am|pleéterer, aliifque omnibus anteferrem, fui quo-
dammodo coaétus, proprio tantüm confilio uti ad vitam meam
inftituendam.
Sed ad exemplum eorum qui noétu & in tenebris iter faciunt,
tam lento & | fufpenfo gradu incedere decrevi, ac tam diligenter ad
omnia circumfpicere, ut finon multum promoverem, faltem me à
lapfu tutum fervarem. Nec ftatim conari volui me iis opinionibus,
quas olim nullà fuadente ratione admiferam, liberare; fed ut ve-
terem domum inhabitantes, non eam ante diruunt, quàäm novæ
in ejus locum exftruendæ exemplar fuerint præmeditati; fic priùs
quà ratione certi aliquid poffem inuenire cogitavi, & fatis multum
temporis impendi in quærendà verà Methodo, quæ me duceret
ad cognitionem eorum omnium quorum ingenium meum effet
capax.
Studueram antea in fcholis, inter Philofophiæ partes, Logicæ, &
inter Mathematicas difciplinas, Analyfi Geometricæ atque Algebræ,
tribus artibus five fcientiis quæ nonnihil ad meum inftitutum facere
poffe videbantur. Sed ïllas diligentiùs examinando, animadverti,
quantum ad Logicam, fyllogifmorum formas aliaque fere omnia ejus
præcepta, non tam prodeffe ad ea quæ ignoramus inveftiganda, quàm
ad ea, quæ jam fcimus, aliis exponenda; vel etiam, ut ars Lullii,
ad copiofe & fine judicio de iis quæ nefcimus garriendum. Et quam-
vis multa quidem habeat veriffima & optima, tam multis tamen aliis,
vel fupervacuis vel etiam interdum noxiis, adjunéta effe, ut illa
dignofcere & feparare non minüs fæpe difhcile fit, quam Dianam ali-
quam aut Minervam ex rudi marmore excitare. Quantum autem ad
veterum Analyfin atque ad Alge|bram recentiorum, illas tantüm ad
fpeculationes quafdam, quæ nullius ufüs efle videbantur, fe exten-
dere; ac præterea Analyfin circa figurarum confiderationem tam
affiduè verfari, ut, dum ingenium acuit & exercet, | imaginandi
facultatem defatiget & lædat; Algebram verd, ut folet doceri, certis
regulis & numerandi formulis ita effe contentam, ut videatur
potiùs ars quædam confufa, cujus ufu ingenium quodammodo tur-
batur & obfcuratur, quàm fcientia quà excolatur & perfpicacius
reddatur. Quapropter exiftimavi quærendam mihi efle quandam
550 OŒEuvRESs DE DESCARTES. 18-19
aliam Methodum, in quà quicquid boni eit in iftis tribus, ita repe-
riretur, ut omnibus interim earum incommodis careret. Atque ut
legum multitudo fæpe vitiis excufandis accommodatior eft, quàm
ïifdem prohibendis, adeo ut illorum populorum ftatus fit optimè
conflitutus, qui tantüm paucas habent, fed quæ accuratiffimè obfer-.
vantur; fic pro immenfà iflà multitudine præceptorum, quibus
Logica referta eft, fequentia quatuor mihi fuffectura efle arbitratus
fum, mod firmiter & conftanter ftatuerem, ne femel quidem ab
illis toto vitæ meæ tempore deflectere.
Primum erat, ut nihil unquam veluti verum admitterem nifi
quod certù & evidenter verum efle cognofcerem ; hoc eft, ut omnem
præcipitantiam atque anticipationem in judicando diligentiflimè
vitarem; nihilque amplius conclufione compleéterer, qauàm quod
tam clarè & diftinéè rationi meæ pateret, ut nullo modo in
dubium poflem revocare.
Alterum, ut difficultates quas effem examinaturus, in tot partes
dividerem, quot expediret ad illas commodius refolvendas.
| Tertium, ut cogitationes omnes quas veritati quærendæ impen-
derem, certo femper ordine promoverem : incipiendo fcilicet à
rebus fimpliciflimis & cognitu facillimis, ut paulatim & quañi per
gradus ad difficiliorum & magis compoftarum cognitionem afcen-
derem; in aliquem etiam ordinem illas mente difponendo, quæ fe
mutuû ex naturà fuà non præcedunt.
Ac poftremum, ut tum in quærendis mediis, tum in difficultatum
partibus percurrendis, tam perfectè fingula enumerarem & ad
omnia circumfpicerem, ut nihil à me omitti eflem certus.
Longæ ïllæ valde fimplicium & facilium rationum catenæ,
quarum ope Geometræ ad rerum difficillimarum demonftrationes
ducuntur, anfam mihi dederant exiflimandi, ea omnia quæ in
hominis cognitionem cadunt eodem paéto fe mutud fequi; & dum-
modo nihil in illis falfum pro vero admittamus, femperque ordi-
nem quo una ex aliis deduci poffunt obfervemus, nulla efle tam
remota ad quæ tandem non perveniamus, nec tam occulta quæ non
detegamus. Nec mihi difficile fuit agnofcere à quarum inveftigatione
deberem incipere. Jam enim fciebam res fimpliciflimas & cognitu
facillimas, primas omnium efle examinandas; & cüm viderem ex
omnibus qui hactenus in fcientiis veritatem quæfverunt, folos
Mathematicos demonitrationes aliquas, hoc eft certas & evidentes
rationes, invenire potuifle, fatis intelligebam illos circa rem omnium
facillimam fuifle verfatos: mihique idcirco illam eandem primam
efle examinandam, etiamfi non aliam inde utilitatem expeétarem,
19
19-21. DE MErTHopo. SI
quam quôd paulatim afluefacerem ingenium meum veritati agno-
fcendæ, fal|fifque rationibus non affentiri. Neque verd idcirco ftatim
omnes jftas particulares fcientias, quæ vulgd Mathematicæ appel-
lantur, addifcere conatus fum; fed | quia advertebam, illas, etiamfi
circa diverfa objecta verfarentur, in hoc tamen omnes convenire,
quôd nihil aliud quàm relationes five proportiones quafdam, quæ
in iis reperiuntur, examinent; has proportiones folas mihi effe
confiderandas putavi, & quidem maximè generaliter fumptas, in
iifque tantum objeétis fpeétatas, quorum ope facilior earum
cognitio redderetur; & quibus eas non ita alligarem, quin facile
etiam ad alia omnia quibus. convenirent, poflem transferre. Ac
deinde quia animadverti ad ea quæ circa iflas proportiones quæ-
runtur agnofcenda, interdum fingulas feparatim effe confiderandas,
& interdum multas fimul comprehendendas & memorià retinendas;
exiftimavi optimum fore fi tantum illas in lineis reétis fupponerem,
quoties fingillatim eflent confiderandæ ; quia nempe nihil fimpli-
cius, nec quod diftinétius tum phantafiæ tum fenfibus ipfis poflet
exhiberi, occurrebat; atque fi eafdem characteribus five notis qui-
bufdam quäm breviflimis fieri poflet defignarem, quoties tantüum
eflent retinendæ, plurefque fimul complettendæ. Hoc enim pacto,
quicquid habent boni Analyfis Geometrica & Algebra, mihi videbar
affumere, & unius defeétum alterius ope emendando, quicquid
habent incommodi vitare.
Ac revera dicere aufim, pauca illa præcepta, quæ felegeram, ac-
curatè obfervando, tantam me facilitatem acquifiviffe ad difficultates
omnes, circa quas illæ duæ fcientiæ verfantur, extricandas, ut intra
duos aut tres menfes quos illi ftudio impendi, non modù multas
quæftiones invenelrim quas antè diflicillimas judicaram, fed etiam
tandem eù pervenerim, ut circa illas ipfas quas ignorabam, puta-
rem me pofle determinare, quibus viis & quoufque ab humano in-
genio folvi poffent. Quippe cüm à fimpliciflimis & maximè gene-
ralibus incepiffem, ordinemque deinceps obfervarem, fingulæ veri-
tates quas inveniebam, regulæ erant, quibus | poftea utebar ad
alias difficiliores inveftigandas. Et ne me fortè quis putet incredi-
bilia hîc jaétare, notandum eft cujufque rei unicam efle veritatem,
quam quifquis clarè percipit, de illà tantumdem fcit quantum ullus
alius fcire poteft. Ita poftquam puer, qui primas tantüm Arithme-
ticæ regulas in ludo didicit, illas in numeris aliquot fimul colli-
gendis reétè obfervavit, poteit abfque temeritate affirmare, fe circa
rem per additionem iflam quæfitam, id omne inveniffle quod ab
humano ingenio poterat inveniri. Methodus autem illa quæ yerum
III.
Quædam
Moralis fcientiæ
regulæ,
ex hac Methodo
depromptæ.
$2 OEUVRES DE DESCARTES. ARS
ordinem fequi & enumerationes accuratas facere docet, Arithme-
ticæ certitudine non cedit.
Atque hæc mihi Methodus in eo præcipuè placebat, qudd per
illam viderer effe certus in omnibus me uti ratione, fi non perfectè,
faltem quàm optimè ipfe poflem, fentiremque ejus ufu paulatim
ingenii mei tenebras diflipari, & illud veritati diftinétiüs & clarius
percipiendæ affluefñeri. Cumque illam nulli fpeciali materiæ alli-
gaffem, fperabam me non minus feliciter eà effe ufurum in aliarum
fcientiarum difficultatibus refolvendis, quàm in Geometricis vel
Algebraicis. Quanquam non idcirco ftatim omnes quæ occurrebant
examinandas fufcepi : nam in hoc ipfo, ab ordine quem illa præ-
fcribit defciviffem; fed quia videbam illarum cognitionem a prin-
cipiis quibufdam quæ || ex | Philofophià peti deberent dependere, in
Philofophià autem nulla haëtenus fatis certa principia fuifle inventa;
non dubitavi quin de iis quærendis mihi ante omnia eflet cogitan-
dum. Ac praeterea quia videbam illorum difquifitionem quàäm
maximi efle momenti, nullamque aliam effe in quà præcipitantia &
anticipatio opinionum diligentis eflent cavendæ, non exiftimavi
me priüus illam aggredi debere, quàm ad maturiorem ætatem per-
veniflem, tunc enim viginti tres annos tantüm natus eram; nec
priufquam multum temporis in præparando ad id ingenio impen-
diffem ; tum erroncas opiniones quas ante admiferat evellendo, tum
varia experimenta ratiocinationibus meis materiam præbitura col-
ligendo, tum etiam magis & magis eam Methodum quam mihi
præfcripferam excolendo, ut in eâ confirmatior evaderem.
Ac denique ut illi qui novam domum, in locum ejus quam inha-
bitant, volunt exftruere, non mod veterem priùs evertunt, lapides,
ligna, cæmentum, aliaque ædificanti utilia fibi comparant, Archi-
tectum confulunt, vel ipfimet fe in Architecturâ exercent & exem-
plar domûs faciendæ accuratè defcribunt, fed etiam aliam aliquam
fibi parant, quam interim, dum illa ædificabitur, poflint non in-
commodè habitare : fic ne dubius & anxius hærerem circa ea, quæ
mihi erant agenda, quamdiu ratio fuaderet incertum efle circa ea
de quibus debebam judicare: atque ut ab illo tempore vivere inci-
perem quàm feliciflime fieri poffet, Ethicam quandam ad tempus
mihi effinxi, quæ tribus tantüum aut quatuor regulis continebatur;
quas hic non pigebit adfcribere.
- Prima erat, ut legibus atque inftitutis | patriæ obtempe || rarem,
firmiterque 1llam religionem retinerem quam optimam judicabam,
& in quà Dei beneficio fueram ab ineunte ætate inftitutus; atque
me in cæteris omnibus gubernarem juxta opiniones quammaximè
INDEX DES METEORES.
guttæ aquæ fint accuratè
HOMO... ee
3. Quomodo fiant parvæ vel
HAE ETS SO ES
4. Quomodo vapores in gla-
ciei particulas mutentur.
Cur hæ glaciei particulæ
fiant interdum rotundæ &
tranfparentes, interdum
minutæ & oblongæ, inter-
dum rotundæ & albæ. Et
cur hæ ultimæ quibufdam
quafi pilis perexiguis te@tæ
fint, quidque eas majores
autminoresreddat, eorum-
que pilos crafliores vel
(ÉRUIOLES 00e
5. Solum frigus non fufficere
“ad vapores in aquam aut
glaciem vertendos. Quæ
caufæ vapores in nubes
cogant ; & quæ eofdem in
nebulas congregent. Qua-
re veris tempore plures
nebulæ appareant, & plures
in aquofis locis quam in
fceis be Me
6. Maximas nebulas aut nubes
oriri ex duorum vel plu-
rium ventorum occurfu.
Aquæ guttas aut particulas
glaciei, ex quibus nebulæ
componuntur, non pole
nonefle perexiguas. Nullas
in aëre inferiore nebulas
effe folere ubi flat ventus,
vel ftatim ipfas tolli......
7. Multas fæpe nubes unam
fupra aliam exfiftere, præ-
Le]
fertim in locis montofis, 253
V, 4: tecti I. — 5 cauffæ I.
8. Superiores nubes folis parti-
culis glaciei conftare folere.
9. Nubium fuperficies à ventis
10.
12.
premi, perpoliri & planas
reddi. In his planis fuper-
ficiebus globulos glaciei,
ex quibus componuntur,
ita difponi ut unumquem-
que fex alii circumftent..
Quomodo interdum duo
venti diverfi, in eodem
terræ loco fimul flantes,
uanus inferiorem, alius fu-
periorem ejufdem nubis
fuperficiem perpoliat....
Circumferentias nubium
non idcirco ita perpoliri,
fed folere efle valde irre-
BUREAU dolce
Multas interdum glaciei
particulas infra nubem ali-
quam congregari, ibique
in variis planis, foliorum
inftar tenuibus, ita difponi
ut unaquæque fex aliis
æquidiftantibus cingatur.
Sæpe illas, quæ in uno-
quoque funt plano, fepa-
ratim ab aliis moveri. Non-
nunquam etiam integras
nubes ex folis glaciei par-
ticulis fic difpofitis com-
poni. Aquæ guttas in nu-
bibus eodem etiam modo
difponi pofle........ OC
Quarundam maximarum
nubium ambitum fieri ali-
quando circularem, & cru-
flà glaciei fatis craflà cir-
cumtegi ...
533
254
254
34 OEuvres DE DESCARTES.
Carur VI. De nive, pluvia € grandine.
tres exiguos quafi radios ex
albiflimàä nive compofitos
circa fe habeant......... 265
9. Quare etiam interdum de-
cidant lamellæ glaciei pel-
lucidæ, quarum circumfe-
1. Quare nubes, folo aëre fuf-
fultæ, non cadant ....... 259
2. Quomodo calor, qui alia
multa corpora rarefacit,
nubes condenfet........, 260
3. Quomodo in nubibus par-
ticulæ glaciei multæ fimul rentia eft hexagona...... 267
in floccos congregentur. 10, Et aliæ quæ, tanquam
Et quomodo ifti flocci in rofæ vel dentatæ horolo-
nivem vel pluviam vel giorum rotæ, circumfe-
grandinem cadant....... 260 rentiam fex crenis, in mo-
dum femicirculi rotunda-
tis, incifam habent...... 269
4. Cur fingula grandinis gra-
na interdum fint pellucida
& rotunda. Cur aliquando 11. Cur quædam ex ipfis punc-
etiam fint unà parte de- tum quoddam album in
prefliora. Quomodo craf- = centro habeant; & binæ
fiora grandinis grana,quæ interdum fcapoexiguocon-
irregularis figuræ efle fo- junétæ fint, unamque alià
lent, generentur. Cur in- majorem efle contingat... 270
terdum folito major æftus 12. Cur nonnullæ duodecim
in ædibus fentiatur...... 261 radiis diftin@&æ fint; &
5. Cur crafliora grandinis gra- aliæ, fed perpaucæ, oéto
na in fuperficie fint pellu- radios habeant ere 70
cida, & intus alba. Et cur 13. Cur quædam fint pelluci-
fere tantüm in æftate deci-
dat talis grando. Quomodo
alia grando, inftar facchari
alba, generetur Peer
6. Cur ejus grana interdum
fint rotunda, & in fuperfi-
cie quàm verfus centrum
duriora. Curaliquandofint
oblonga & pyramidis ha-
beant figuram........ cs
7. Quomodo nivis particulæ
in ftellulas fex radiis di-
dæ, aliæ albæ inftar nivis,
& quarundam radii fint
breviores & in femicirculi
formam retufi, alii longio-
res & acutiores, ac fæpein.
varios ramulos divifi, qui
nunc plumulas aut filicis
folia, nunc lilii flores re-
Pi lentANtESAPEPREERE
. Quomodo iftæ nivis quai
ftellulæ ex nubibus dela-
bantur. Cur cadentes, aëre
ftinétas efformentur...... 264
8. Unde etiam fiat, utquædam
grandinis pellucida grana
tranquillo, majorem nivis
copiam prænuncient, non:
autem vento flante..,.,... 274
VI, 8: habeat I. — 9 : — læ glaciei... hexagona omis. M.
INDEX DES METEORES.
15. Quomodo pluvia ex nubi-
bus cadat; & quid ejus
guttas tenuiores aut craf-
TOrESNEMOIA RS nu ose
16. Cur interdum pluere in-
cipiat, antequam nubes in
cœlo appareant...... ES
17. Quomodo nebulæ in ro-
rem vel pruinam vertan-
ER EPS in nes
18. Quæ fit aura illa vefperti-
na, quæ cœlo fereno timeri
19. Unde Manna oriatur.....
20. Cur, fi ros mane non de-
cidat, pluviæ fequantur..
21. Cur, fi Sol mane luceat,
cùm nubes in aëre confpi-
ciuntur, pluviam etiam
PrenuncIe eee É
22. Cur omnia pluviæ figna
INCER AIDE CI cer PEE
Carur VII. De tempeflatibus, fulmine € ignibus aliis in aëre accenfis.
1. Quomodo nubes fuo def-
cenfu ventos aliquando
validiffimos efficiant; &
cur fæpe maximas & re-
pentinas pluvias præcedat
(AISAVeNTUSE en mee te
2. Cur hirundines, folito de-
mifliùs volantes, pluviam
prænuncient; & cur ali-
quando cineres aut feftucæ
juxta focum in modum
thEBINIS eyréNt ES 0
3. Quomodo fiant iftæ majores
procellæ, quas voce bar-
barà Travadas vocant....
4. Quomodo ignes, Caftor &
Pollux vocati, generentur.
Quare gemini ifti ignes
felicis augurii olim habiti
fint; unus vel tres, infeli-
cis. Et cur hoc tempore in-
terdum quatuor aut quin-
que fimul in eâdem nave
CONPICIARTUT 07...
5. Quæ fit caufa tonitrui.....
6. Cur rariüs audiatur hyeme
quam æftate. Et cur aura
calida & gravis, vento Bo-
278
280
281
_ reali fuccedens, illud præ-
HUNCICLEE CPE PP ne
7. Cur ejus fragor tantus fit,
& unde oriantur omnes
ejus dAéLEnNTE. ne ee
8. Quænam etiam differentia
fit inter fulgetras, turbi-
nem & fulmen; & unde
fulgetræ procedant. Cur-
queinterdum fulguretcüm
non tonat, vel contrà.
Quomodo fiant turbines.
9. Quomodofiatfulmen ; quèd
interdum veftes comburat,
corpore illæfo; vel contrà
gladium liquefaciat, vagi-
nain ta CR Er re
10, Quomodo etiam lapis in
fulmine generetur, & cur
fæpius cadat in montes
vel turres quàm in loca
AMENIT NE LITE CÉSAR
X. Cur fæpe fingulos tonitrus
fragores repentina pluvia
confequatur &, cùm mul-
tüm pluit, non ampliùs
11. Cur fonitu campanarum
282
283
286
VI, 21 : prænuntiet M. — VII, 2 : prænuntient M. — 6 : prænuntiet M.
$30
autbombardarum vis tem-
peftatis minuatur........
12. Quomodo generentur illi
ignes qui ftellæ cadentes
dicunturereererre :
Quomodo interdum pluat
lacte, fanguine, ferro, la-
PITIDUS MCE EEE ES
Quomodo fiant ftellæ tra-
jicientes, & ignes fatui, at-
15e
14.
que ignes lambentes..... 287
. Cur minima fit vis iftorum
ignium, contrà autem ful-
MIMISIMARIMA APE
. 288
OEUVRES DE DESCARTES.
16. Ignes qui juxta terram ge-
nerantur, aliquandiu du-
rare pofle; qui autem in
fummo aëre, celerrimè de-
bere exftingui. Nec ideo
Cometas, nec trabes per
aliquot dies in cœlo lucen-
tes, ejufmodi ignes effe..….
17. Quomodo quædam præ-
liorum fimulacra, & talia
quæ inter prodigia folent
numerari, poflint apparere
in cœlo ; & Sol etiam noctu
videri poflit.....
Carur VIII. De Iride.
1. Non in vaporibus, nec in
nubibus, fed tantüm in
aquæ guttis Iridem fieri..
2. Quomodo ejus caufa, ope
globi vitrei aquà pleni,
détépitpotite rire
3. [ridem interiorem & pri-
mariam oriri ex radiis,
qui ad oculum perveniunt
poit duas refraétiones &
unam reflexionem ; exte-
riorem autem, five fecun-
dariam, ex radiis post duas
refraétiones & duas re-
flexiones ad oculum per-
venientibus : quo fiat ut
ilanntedebiion"Frerrrr
4. Quomodo etiam ope vitrei
prifmatis colores Iridis vi-
dant Rene Fate
5. Nec figuram corporis pel-
lucidi, nec radiorum re-
fexionem, nec etiam mul-
tiplicem refractionem ad
eorum produétionem re-
2
91
291
Le]
Le)
O2
289
quiri, fed unà faltem re-.
fraétione, & lumine, &
umbrà opus efle.........
6. Unde oriatur colorum di-
VOTSITAS: MERS
7. In quo fita fit natura rubei
coloris, & flavi, & viridis,
& cærulei, prout in prif-
_ matevitreo confpiciuntur ;
& quomodo cæruleo ru-
beus mifceatur, unde fit
violaceus five purpureus.
8. In quo etiam aliorum cor-
porum colores confiftant,
& nullos falfos effe......
9 Quomodo in Iride produ-
cantur, & quomodo ibi
lumen ab umbrà termine-
tur. Cur primariæ Iridis
femidiameter 42 gradibus
major elle nequeat, nec fe-
cundariæ femidiameter 51
gradibus minor. Curque
illius fuperficies exterior
magis determinatafitquàäm
VII, 16 : extingui M, — VIII, 2 ; caufla I.
296
interior, hujus autem con-
trà interior quam exte-
10. Quomodo ïifta Mathema-
11. Aquæ calidæ refraétionem
minorem elle quam frigi-
dæ, atque idcirco prima-
riam Iridem paulo majo-
rem, & fecundariam mino-
rem exhibere. Etquomodo
demonftretur refraétionem
ab aquà ad aërem effe cir-
citer ut 187 ad 250. Ideo-
que femidiametrum Iri-
INDEX DES METEORES.
DO Re se Le a ci à 300
ticè demonftrentur ...... 302
dis 45 graduum efle non
PORC ANR Leo
12. Cur pars exterior prima-
riæ Iridis & contrà exte-
rior fecundariæ fit rubra.
13. Quomodo pofñlit contin-
gere ut ejus arcus non fit
accuratè rotundus ; item
ut inverfus appareat.....
14. Quomodo tres Irides vi-
JeLNQUEANAEE EE CCE TRE
15. Quomodo aliæ prodigiofæ
Irides, varias figuras ha-
bentes, poflint arte exhi-
LOUE aan 0 CDs
Capur IX. De nubium colore € de halonibus feu coronis,
quæ circa fidera interdum apparent.
1. Quam ob caufam nubes in-
terdum albæ, interdum ni-
græ appareant. Et cur nec
vitrum contufum, neque
nix, neque nubes paulo
denfiores, Iuminis radios
tranfmittant. Quænam
corpora fint alba, & cur
fpuma, vitrum in pulve-
rem redaëtum, nix & nu-
bES alba NE en PAU
2. Cur cœlum appareat cæru-
leum aëre puro, & album
aëre nubilofo. Et cur
mare, ubi ejus aquæ altif-
fimæ ac puriflimæ funt,
cæruleum videatur ...... 3
3. Cur fæpe oriente vel oc-
cidente Sole cælum rubef-
cat, & ifta rubedo mane
pluviam aut ventos, vef-
peri ferenitatem prænun-
[2
4. Quomodo Halones vel co-
ronæ circa Aftra produ-
cantur, & cur varia fit
earum magnitudo. Cur,
cm funt coloratæ, intez
rior circulus fit ruber, &
exterior cæruleus. Et cur
interdum duæ, una intra
alteram, appareant, & in-
terior fit maximè confpi-
CHAR NET ART uteR
5. Cur non videri foleant cir-
ca Aftra,cùm oriuntur vel
occidunt. Cur earum co-
lores dilutiores fint quàm
Iridis. Et cur fæpiùs quàm
illa circa Lunam appa-
reant, interdumque etiam
circa ftellas confpiciantur.
Cur ut plurimüm albæ
CELL ER DAS LITE eee rie
6. Cur in aquæ guttis, inftar
Iridis, non formentur....
Dire
309
8)
316
VIII, 11 : paulld I (de même IX, 1). — IX, 1 : albæ, interdum omis. M.
Œuvres. I,
68
538
7. Quæ fit caufa coronarum
quas etiam interdum circa
flammam candelæ confpi-
cimus. Et quæ caufa tranf-
verforum radiorum, quoôs
aliquando ibidem vide-
mus, Cur in his coronis
OEUVRES DE DESCARTES.
exterior ambitus fit ruber,
contrà quam in iis quæ ap-
parent circa ftellas. Et cur
refraétiones, quæ in hu-
moribus oculi fiunt, nobis
Iridis colores ubique non
Exhibeant bete
Carur X. De Parheliis.
1. Quomodo producantur eæ
nubes, in quibus Parhelii
videntur. Magnum quen-
dam glaciei circulum in
ambitu iftarum nubium
reperiri, cujus fuperficies
æqualis & lævis efle fo-
let. Hunc glaciei circulum
crafliorem efle folere, in
parte Soli obverfà, quam
in reliquis. Quid obftet
quominus ifta glacies ex
nubibus in terram cadat.
Et cur aliquando in fu-
blimi appareat magnus
circulus albus, nullum fi-
5. Curaliquandotantüm quin-
que vel quatuor vel tres
tres tantüm funt, fæpe non
in albo circulo, fed tan-
quam in albä quädam trabe
APPATEAN CE PEER
étum altior vel humilior fif
ifto circulo, femper ta-
men in eo videri.........
5. Häâc de caufà Solem ali-
quando confpici pofle,
cümeft infra Horizontem,
& umbras horologiorum
retrocedere vel promove-
ri. Quomodo feptimus Sol
fupra vel infra fex alios
videri poflit. Quomodo
remotior, vifa fit major
quam revera eflet..""
3x7
12922
4. Quamvis Sol ad confpe-
323
dus in centro fuo habens. 320 etiam tres diverfi, unuf-
2. Quomodo fex Soles diverfi fupra alium ftantes, appa-
; in ifto circulo videri pof- reant, & quare tunc plures
fint, unus vifione direétà, confpici non foleant..... 324
duo per refraétionem, & 6. Explicatio quarumdam ob-
tres alii per reflexionem. fervationum hujus phæ-
Cur ii qui per refraétio- nomeni,ac præcipue illius
nem videntur,in unâ parte quæ Romæ facta eft Martii
rubri & in alià cærulei 20; ANnnO 16024 Lee 2 0
appareant. Et cur qui per 7. Cur quinque tantùm Soles
reflexionem, albi tantüm tunc apparuerint, Et cur
fint & minus fulgentes... 321 pars circuli albi, à Sole
confpiciantur. Et cur,cüm 8. Cur unus ex üftis Solibus J'A
IX, 7 : cauffa I. — X, 2: &in alià... appareant omis. M. — 5 cauflà I.
— 6 quarundam M. — ib. : 1624] Sic pro 1620.
INDEX DES METEORES. s 39
caudam quandam fub- ipfarumque centra non
igneam habuerit........ 328 accuratè coïncidere cum
9. Cur duæ coronæ præci- centro Solis, nec etiam
puum Solem cinxerint, & centrumunius cum centro
cur non femper tales co- alteriUsS EE ee 329
ronæ fimul cum Parheliis 10. Quæ fint caufæ generales
appareant. Harum coro- aliarum infolitarum appa-
narum locum non pen- ritionum quæ inter Me-
dere à loco Parheliorum ; teora cenfendæ funt...... 331
X, 10 : cauffæ I. e :
RÉRDESRCARTES. LECTORI SUO
STD 2
Hæc fpecimina, Gallicè à me fcripta & ante feptem
annos vulgata, paullù poft ab amico in linguam latinam
verfa fuere, ac verfio miht tradita, ut quicquid in ed
minds placeret, pro meo jure mutarem. Quod varus in
locis feci : fed forfan etiam alia mulia prætermifi : hæc-
que ab 1llis ex eo dignofcentur, quèd ubique fere fidus
interpres verbum verbo reddere conatus fit, ego ver
Jententias 1pfas fœæpè mutärim, € non ejus verba, [ed
meum fenfum, emendare ubique fluduerim. Vale !
il
Variæ circa
Jcientias
confiderationes.
DISSERTATIO
DE METHODO
RECTE UTENDI RATIONE
ET VERITATEM IN SCIENTIIS INVESTIGANDI
Nulla res æquabilius inter homines eft diftributa quam bona
mens : eà enim unufquifque ita abundare fe putat, ut | nequidem
illi qui maximè inexplebiles cupiditates habent, & quibus in nullà
unquam alià re natura fatisfecit, meliorem mentem quàäm poflideant
optare confueverint. Quà in re pariter omnes falli non videtur effe
credendum ; fed potiüs vim incorruptè judicandi & verum à falfo
diftinguendi (quam propriè bonam mentem feu reétam rationem
appellamus) naturà æqualem omnibus nobis innatam efle. Atque
ita nofirarum opinionum diverfitatem, non ex eo manare quûd
fimus aliis alii majore rationis vi donati, fed tantüm ex eo quèd
cogitationem non per cafdem vias ducamus, neque ad eafdem res
attendamus. Quippe ingenio pollere haud fuffcit, fed eodem reétè
uti palmarium eft. Excelfiores animæ, ut majorum virtutum, ita &
vitiorum capaces funt ; et plus promovent qui rectam perpetuo
viam infiftentes, lentiflimo tantüm gradu incedunt, quàm qui fæpe
aberrantes celeriüs gradiuntur.
Ego fanè nunquam exiftimavi plus effe in me ingenii quam in
quolibet & vulgo : quinimo etiam non rarù vel cogitandi celeritate,
vel diftinétè imaginandi facilitate, vel | memoriæ capacitate atque
ufu, quofdam alios æquare exoptavi. Nec ullas ab his alias dotes effe
novi quibus ingenium præftantius reddatur. Nam rationem quod
attinet, quia per illam folam homines fumus, æqualem in omnibus
effe facilè credo : neque hic difcedere libet à communi fententià
a. Les numéros de pages, indiqués dans l'Index qui précède, sont ceux
de l'édition des Specimina de 1644, et sont reproduits ci-après dans les
marges ; les traits verticaux de séparation, sans numéro en regard dans la
marge, indiquent les commencements des pages du texte français dans le
présent volume; les numéros de ces pages se trouvent inscrits sur la ligne
du titre courant.
23-24. DE METHoDo. 553
moderatas, atque ab omni extremitate remotas, quæ communi ufu
receptæ eflent apud prudentiflimos eorum cum quibus mihi eflet
vivendum. Cüm enim jam inde inciperem iis omnibus quibus ante
addiétus fueram diflidere, utpote quas de integro examinare delibe-
rabam, certus eram nihil melius facere me poffe, quàm fi interea
temporis prudentiorum actiones imitarer. Et quamvis fortè non-
nulli fint apud Perfas aut Sinas non minus prudentes quäm apud
nos, utilius tamen judicabam ïillos fequi cum quibus mihi erat
vivendum. Atque ut recte intelligerem, quidnam illi revera opti-
mum efle fentirent, ad ea potius quæ agebant, quàm ad ea quæ
loquebantur attendebam : non modù quia haie mores €0-
ufque corrupti funt, ut perpauci quid fentiant dicere velint, fed
etiam quia permulti fæpe ipfimet ignorant : eft enim alia aétio
mentis per quam aliquid bonum vel malum effe judicamus, & alia
per quam nos ita judicafle agnofcimus ; atque una fæpiflime abfque
alterà reperitur. Ex pluribus autem fententiis æqualiter ufu receptis
moderatiflimas femper eligebam, tum quia ad executionem facil-
limæ, atque ut plurimum optimæ funt; omne quippe nimium
vitiofum efle folet; tum etiam, ut fi fortè aberrarem, minüs faltem
à rectà vià deflecterem mediam tenendo, quàm fi unam ex extremis
elegifflem cüm altera fuiflet fequenda. Et quidem | inter extremas
vias, five (ut ita loquar) inter nimietates, reponebam promifliones
omnes quibus nobifmet ipfis liberta| tem mutandæ poftea voluntatis
adimimus. Non quôd improbarem leges quæ humanæ fragilitati
atque inconftantiæ fubvenientes, quoties bonum aliquod propo-
fitum habemus, permittunt ut nos ad femper in eodem perfeve-
randum voto aftringamus; vel etiam quæ ob fidem commerciorum
quæcunque aliis promifimus, modù ne bonis moribus adverfentur,
cogunt nos præftare. Sed quia videbam nihil effe in mundo quod
femper in eodem ftatu permaneret, quantumque ad me, vitam fic
inftituebam ut judicia mea in dies meliora, nunquam autem deteriora
fore fperarem; graviter me in bonam mentem peccare putaflem,
fi ex eo quod tunc res quafdam ut bonas amplettebar, obligaffem
me ad eafdem etiam poftea amplectendas, cùm forfan bonæ elle
defiiflent, vel ipfe non ampliüs bonas judicarem.
Altera regula erat, ut quäm maximè conftans & tenax propoñti
femper effem, nec minus indubitanter atque incunétanter in iis per-
agendis perfeverarem, quæ ob rationes valde dubias vel fortè nul-
las fufceperam, quàm in iis de quibus planè eram certus. Ut in hoc
viatorum confilium imitarer, qui fi forte in medià aliquà fylvà aber-
rarint, nec ullum iter ab aliis tritum, nec etiam verfus quam par-
Œuvres. I. 70
54 OEUVRES DE DESCARTES. 24-26.
tem eundum fit agnofcant, non ideo vagi et incerti modà verfus
unam, modà verfus alteram tendere debent, & multo minüs uno
in loco confiftere, fed femper reëtà quantüm poffunt verfus unam
& eandem partem progredi, nec ab eà poflea propter leves rationes
defleétere, quamvis fortè initio planè nullas habuerint, propter
quas illam potiùs quam aliam quamlibet eligerent : hoc enim paéto,
quamvis fortè ad ipfum locum ad quem ire | deftinaverant, non ac-
cedent, | ad aliquem tamen tandem devenient, in quo commodius
quàm in medià fylvà potuerunt fubfiftere. Eodem modo, quia multa
in vitâ agenda funt quæ differre planè non licet, certiflimum ef,
quoties circa illa quid revera fit optimum agnofcere non poffumus,
illud debere nos fequi quod optimum videtur; vel certè fi quædam
talia fint, ut nulla nos vel minima ratio ad unum potiüs quäm con-
trarium faciendum impellat, alterutrum tamen debemus eligere, &
poftquam unam femel fententiam fic fumus amplexi, non ampliüs
illam ut dubiam, in quantum ad praxim refertur, fed ut planè ve-
ram & certam, debemus fpeétare ; quia nempe ratio propter quam
illam elegimus vera & certa eft. Atque hoc fufficiens fuit ad me
liberandum omnibus iftis anxietatibus & confcientiæ morfibus, qui-
bus infirmiores animæ torqueri folent, quia multa fæpe uno tem-
pore ut bona ampleétuntur, quæ poftmodum vacillante judicio mala
efle fibi perfuadent.
Tertia regula erat, ut femper me ipfum potiüs quàäm Fortunam
vincere ftuderem, & cupiditates proprias quam ordinem mundi mu-
tare ; atque in univerfum ut mihi firmiter perfuaderem nihil extra
proprias cogitationes abfolutè efle in noftrâ poteftate : adeo ut quid-
quid non evenit, poflquam omne quod in nobis erat egimus ut eve-
niret, inter ea quæ fieri planè non poffunt, & Philofophico vocabulo
impoffibilia appellantur, fit à nobis numerandum. Quod folum fuf-
ficere mihi videbatur, ad impediendum ne quid in pofterum optarem
quod non adipifcerer, atque ad me hoc paéto fatis fælicem redden-
dum. Nam cüûm ea fit voluntatis noftræ natura, ut | erga nullam
rem unquam | feratur, nifi quam illi nofter intelleétus ut aliquo modo
pofibilem repræfentat ; fi bona omnia quæ extra nos pofita funt tan-
quam æqualiter nobis impoflibilia confideremus, non magis dole-
bimus quôd ea forte nobis defint, quæ natalibus noftris deberi viden-
tur, quàm quôd Sinarum vel Mexicanorum reges non fimus. Et
rerum neceflitati voluntatem noftram accuratiflimè accommodantes,
ut jam non triftamur quôd noftra corpora non fint tam parum cor-
ruptioni obnoxia quàm eft adamas, vel quôd alis ad volandum inftar
avium non fimus inftruéti; ita neque fanitatis defiderio torquebi-
23
24
:
re
26-28. DE METHopo. 555
mur, si ægrotemus; nec libertatis, fi carcere detineamur. Sed fateor
longiffimà exercitatione & meditatione fæpiflime iteratâ opus efle,
ut animum noftrum ad res omnes ita fpectandas affuefacere pofi-
mus. Atque in hoc uno mihi perfuadeo pofitam fuiffe omnem artem
illorum Philofophorum, qui olim fortunæ imperio fe eximebant, &
inter ipfos corporis cruciatus ac paupertatis incommoda de fœlici-
tate cum fuis Diis contendebant. Nam cûm affiduè terminos potefta-
tis fibi à Naturà conceflæ contemplarentur, tam planè fibi perfuade-
bant nullam rem extra fe pofitam, five nihil præter fuas cogitationes
ad fe pertinere, ut nihil etiam amplius optarent; & tam abfolutum
in eas imperium iftius meditationis ufu acquirebant, hoc eft, cupidi-
tatibus aliifque animi motibus regendis ita fe affuefaciebant, ut non
fine aliquà ratione fe folos divites, folos potentes, folos liberos, &
- folos fœlices effe jaétarent; quia nempe nemo hac Philofophià defti-
tutus, tam faventem | femper Naturam atque Fortunam habere po-
teft, ut votorum omnium quemadmodum illi compos fiat.
| Ut autem hanc Ethicam meam concluderem, diverfas occupa-
tiones quibus in hac vità homines vacant, aliquandiu expendi, atque
ex iis optimam eligere conatus fum. Sed non opus eft ut quid de
aliis mihi vifum fit hîc referam ; dicam tantüm nihil me invenifle,
quod pro me ipfo melius videretur, quàm fi in eodem inftituto in
quo tunc eram perfeverarem; hoc eft, quam fi totum vitæ tempus
in ratione meà excolendâ, atque in veritate juxta Methodum quam
mihi præfcripferam inveftigandà confumerem. Tales quippe fru-
étus hujus Methodi jam deguftaram, ut nec fuaviores ullos nec ma-
gis innocuos in hac vità decerpi poile arbitrarer; cumque illius ope
quotidiè aliquid detegerem, quod & vulgo ignotum & alicujus mo-
menti efle exiflimabam, tantà delectatione animus meus implebatur,
ut nullis aliis rebus affici poflet. Ac præterea tres regulæ mox expo-
fitæ fatis reétæ mihi vifæ non fuiflent, nifi in veritate per hanc Me-
thodum inveftigandà perfeverare decreviflem. Nam cum Deus uni-
cuique noftrûm aliquod rationis lumen largitus fit ad verum à falfo
diflinguendum, non putafflem me, vel per unam diem, totum alie-
nis opinionibus regendum tradere debere, nifi flatuiffem eafdem -pro-
prio ingenio examinare, flatim atque me ad hoc rectè faciendum
fatis paraffem. Nec, quamdiu illas fequebar, abfque errandi metu
fuiflem, nifi fperafflem me nullam interim occafionem, meliores fi
quæ | eflent inveniendi, prætermiflurum. Nec denique cupiditati-
bus imperare, ac rebus quæ in potellate meà funt contentus efle
potuiffem, nifi viam illam fuiflem fequutus, per quam confidebam
me ad omnem rerum cognitionem perventurum cujus eflem capax,
$ 50 OEUVRES DE DESCARTES. 20
fimulque ad omnium verorum bonorum | poffeflionem ad quam mihi
liceret afpirare. Quippe cm voluntas noftra non determinetur ad
aliquid vel perfequendum vel fugiendum, nifi quatenus ei ab intel-
leétu exhibetur tanquam bonum vel malum; fufficiet, fi femper reétè
judicemus, ut rectè faciamus, atque fi quàm optimè poffumus judi-
cemus, ut etiam quàm optimè poffumus faciamus; hoc eft, ut no-
bis virtutes omnes fimulque alia omnia bona, quæ ad nos poflunt
pervenire, comparemus ; quifquis autem fe illa fibi comparaffe con-
fidit, non poteit non efle fuis contentus ac beatus.
Pofiquam verd me his regulis inftruxifflem, illafque fimul cum
rebus fidei, quæ femper apud me potiflimæ fuerunt, refervaflem,
quantum ad reliqua quibus olim fueram imbutus, non dubitavi quin
mihi liceret omnia ex animo meo delere. Quod quia mihi videbar
commodiüs præftare poffe inter homines converfando, quäm in illà
folitudine in quâ eram, diutius commorando, vixdum hyems erat
exacta cùm me rurfus ad peregrinandum accinxi; nec per infequen-
tes novem annos aliud egi, quàm ut hac illac orbem terrarum peram-
bulando, fpectatorem potius quäm aétorem comœædiarum, quæ in eo
quotidie exhibentur, me præberem. Cümque præcipuë circa res
fingulas obfervarem quidnam poflet in dubium revocari, & quidnam
nobis occafionem male judicandi præberet, omnes paulatim opi-
niones erroneas quibus mens mea obfeffa erat avellebam. | Nec ta-
men in eo Scepticos imitabar, qui dubitant tantüm ut dubitent, &
præter incertitudinem ipfam nihil quærunt. Nam contrà totus in eo
eram ut aliquid certi reperirem; & quemadmodum fieri folet, cum
in arenofo folo ædificatur, tam altè fodere cupiebam ut tandem ad
falxum vel ad argillam pervenirem. Atque hoc fatis fœliciter mihi
fuccedere videbatur : nam cüm ad falfitatem vel incertitudinem pro-
pofitionum quas examinabam detegendam, non vagis tantum & de-
bilibus conjeéturis, fed firmis & evidentibus argumentis uti conarer,
nulla tam dubia occurrebat quin ex eà femper aliquid certi collige-
rem; nempe vel hoc ipfum, nihil in eà efle certi. Et ficut veterem
domum diruentes multam ex eà materiam fervant, novæ extruendæ
idoneam; ita malè fundatas opiniones meas dejiciendo, varias res
obfervabam, & multa experimenta colligebam, quæ poftea certiori-
bus ftabiliendis ufui mihi fuêre. Ac præterea pergebam femper in
eà quam mihi præfcripferam Methodo exercendà ; nec tantummodo
generaliter omnes meas cogitationes juxta ejus præcepta regere ftu-
debam, fed etiam nonnullas interdum horas mihi afflumebam, qui-
bus illà expreflius in quæftionibus Mathematicis refolvendis utebar;
vel etiam in quæftionibus ad alias quidem fcientias pertinentibus,
26
A7
29-51. DE MErTHoDo. 557
fed quas ab earum non fatis firmis fundamentis fic abducebam, ut
propemodum Mathematicæ dici poffent : quod fatis apparebit me
feciffe in multis quæ in hoc volumine continentur. Ita non aliter in
fpeciem | me gerendo, quàm illi qui vitæ fuaviter & innoxiè tradu-
cendæ ftudentes, omnique alio munere foluti, voluptates à vitiis
fecernunt, & nullà honeltà delectatione fibi interdicunt, ut otium
fine tædio ferre poflint, propofitum interim meum femper urgebam,
magifque ut exiftimo in veritatis cognitione promovebam, quàm fi
in libris evolvendis, vel litteratorum fermonibus audiendis omne
tempus confumpfiffem.
| Verum tamen ifti novem anni effluxerunt,antequam de ullà ex iis
quæftionibus quæ apud eruditos in controverfiam adduci folent,
determinatè judicare, atque aliqua in Philofophià principia vulgari-
bus certiora quærere aufus fuiffem. Tantam enim in hoc difficulta-
tem effe, docebant exempla permultorum fummi ingenii virorum,
qui fine fucceffu hactenus idem fufcepifle videbantur, ut fortaffe diu-
tius adhuc fuiffem cunctatus, nifi audiviffem à quibufdam jam vulgd
credi, me hoc ipfum quod nondum aggrelfus fueram, perfeciffe. Nefcio
quidnam illis dediffet occafionem iftud fibi perfuadendi ; nec certè
ullam ex meis fermonibus capere potuerant, nifi fortè quia videbant
me liberiüs ignorantiam meam profiteri, quàam foleant alii ex iis qui
docti haberi volunt; vel etiam quia interdum rationes exponebam,
propter quas de multis dubitabam, quæ ab aliis ut certa admittuntur ;
non autem quod me unquam audiviffent de ullà circa res Philofo-
phicas fcientià gloriantem. Sed cüûm talis animus in me effet, ut pro
alio quam revera eram haberi nollem, putavi mihi viribus omnibus
effe contendendum, ut eà laude dignus evaderem | quæ jam mihi-à
multis tribuebatur. Quà re impulfus ante octo annos, utomnibus me
avocationibus quæ inter notos & familiares degentibus occurrunt
liberarem, fecefli in hafce regiones, in quibus diuturni belli neceffitas
invexit militarem difciplinam tam bonam, ut magni in eà exercitus
non ob aliam caufam ali videantur, quäm ut omnibus pacis com-
modis fecuriüs incolæ frui poflint; & ubi in magnà negotioforum*
hominum turbâ, magis ad res proprias attendentium quäm in alie-
nis curioforum, nec earum rerum ulu carui quæ in florentiflimis
& populofiffimis ur|bibus tantum habentur, nec interim minüs folus
vixi & quietus, quàm fi fuiffem in locis maximè defertis & incultis.
Non libenter hic refero primas cogitationes, quibus animum
applicui poftquam huc veni; tam Metaphyficæ enim funt & à com-
a. negotiorum £/4.
IV.
Rationes quibus.
ex/iflentia Dei
et animæ humanæ
probatur, quæ
Junt Metaphyficæ
fundamenta.
558 OEuvrEs DE DESCARTES. 3133.
muni ufu remotæ, ut verear ne multis non fint placituræ; fed ut
poffit intelligi an fatis firma fint philofophiæ meæ fundamenta,
videor aliquo modo coaétus de illis loqui. Dudum obfervaveram
permultas effe opiniones, quas, etfi valde dubiæ fint & incertæ, non
minus conftanter & intrepidè fequi debemus, quatenus ad ufum
vitæ referuntur, quàm fi certæ eflent & exploratæ, ut jam antè
diétum eft. Sed quia tunc veritati quærendæ, non autem rebus
agendis, totum me tradere volebam, putavi mihi planè contrarium
effe faciendum, & illa omnia in quibus vel minimam dubitandi ra-
tionem poflem reperire, tanquam apertè falfa efle rejicienda; ut
experirer an, illis ita rejeétis, nihil præterea fupereffet de quo dubi-
tare planè non poflem. Sic | quia nonnunquam fenfus noftri nos
fallunt, quidquid unquam ab illis hauferam inter falfa numeravi. Et
quia videram aliquando nonnullos etiam circa res Geometriæ facil-
limas errare, ac paralogifmos admittere, fciebamque idem mihi pofle
accidere quod cuiquam alii poteft, illas etiam rationes omnes, quas
antea pro demonftrationibus habueram, tanquam falfas rejeci. Et
denique quia notabam, nullam rem unquam nobis veram videri
dum vigilamus, quin eadem etiam dormientibus poflit occurrere,
cum tamen tunc femper aut fere femper fit falfa; fuppofui nulla
eorum quæ unquam vigilans cogitavi, veriora effe quàm fint ludi-
bria fomniorum. Sed ftatim | poftea animadverti, me, quia cætera
omnia ut falfa fic rejiciebam, dubitare planè non pofle quin ego
ipfe interim effem; & quia videbam veritatem hujus pronuntiati :
Ego cogito, ergo fum, five exifto, adeo certam effe atque evidentem,
ut nulla tam enormis dubitandi caufa à Scepticis fingi poflit, à quâ
illa non eximatur, credidi me tutà illam pofle, ut primum ejus,
quam quærebam, Philofophiæ fundamentum admittere.
Deinde attentè examinans quis eflem, & videns fingere quidem
me pofle corpus meum nihil efle, itemque nullum planè effe mun-
dum, nec etiam locum in quo effem; fed non ideo uHâ ratione fin-
gere pofle me non efle ; quinimo ex hoc ipfo quôd reliqua falfa effe
fingerem, five quidlibet aliud cogitarem, manifeftè fequi me efle:
& contrà, fi vel per momentum temporis | cogitare definerem,
quamwvis interim & meum corpus, & mundus, & cætera omnia quæ
unquam imaginatus fum revera exifterent, nullam ideo efle ratio-
nem cur credam me durante illo tempore debere exiftere; inde in-
tellexi me efle rem quandam five fubftantiam, cujus tota natura
five effentia in eo tantum confiftit ut cogitem, quæque ut exfiftat,
nec loco ullo indiget, nec ab ullà re materiali five corporeà depen-
det. Adeo ut Ego, hoc eft, mens per quam folam fum is qui fum,
33-35. DE Merxopo. ÿ 9
fit res à corpore planè diftinéta, atque etiam cognitu facilior quam
corpus, & quæ planè eadem, quæ nunc ef, effe poffet, quamuvis illud
non exfifteret.
= Poft hæc inquifivi, quidnam in genere requiratur ut aliqua enun-
tiatio tanquam vera & certa cognofcatur : cûm enim jam unam
inveniflem, quam talem efle cognofcebam, putavi me poffe etiam
inde percipere in quâ | re ifta certitudo confiftat. Et quia notabam,
nihil planè contineri in his verbis ego, cogito, ergo fum, quod me
certum redderet eorum veritatis, nifi quod manifeftiflimè viderem
fieri non pole ut quis cogitet nifi exfiftat, credidi me pro regulà
generali fumere pofle, omne id quod valde dilucidè & diftinétè
concipiebam verum efle ; & tantummodo difficultatem efle nonnul-
lam, ad rectè advertendum quidnam fit quod diftinétè percipimus.
Quä re pofitâ, obfervavi me de multis dubitare, ac proinde natu-
ram meam non efle omnino perfectam ; evidentiflimè enim intelli-
gebam dubitationem non efle argumentum tantæ perfeétionis quäm
cognitionem. Et cùm ulterius inquirerem à quonam haberem ut
de naturà perfectiore quàm mea fit cogitarem, clariflimè etiam in-
tellexi me hoc habere non poife, nifi | ab eo cujus natura effet
révera perfectior. Quantum attinet ad cogitationes, quæ de variis
_aliis rebus extra me pofitis occurrebant, ut de cœlo, de terrä, de
lumine, de calore, aliifque rebus innumeris, non eâdem ratione
quærendum efle putabam, à quonam illas haberem; cüm enim
nihil in illis reperirem quod fupra me pofitum effe videretur, facilè
poteram credere, illas, fi quidem veræ eflent, ab ipfâmet naturà
meâ, quatenus aliquid perfectionis in fe habet, dependere; fi verd
falfæ, ex nihilo procedere; hoc eft, non aliam ob caufam in me effe
quàäm quia deerat aliquid naturæ meæ, nec erat planè perfeéta. Sed
non idem judicare poteram de cogitatione, five Ideà naturæ quæ Nota hoc in loco
- perfectior erat quam mea. Nam fieri planè non poterat ut illam à lt ubique
nihilo accepiffem. Et quia non magis poteft id quod perfeétius ef, FrRERSRES
32 à minüs perfecto procedere, quàm ex nihilo | aliquid fieri, nonpote- generaliter fumi
ram etiam à me ipflo illam habere. Ac proinde fupererat ut in me pre
; : : 2 ; : omni re cogitatà,
pofita effet à re, cujus natura effet perfectior, imo etiam quæ omnes quatenus habet
in fe contineret perfectiones, quarum Ideam aliquam in me habe- tantüm
rem; hoc eft, ut verbo abfolvam, quæ Deus effet. Addebam etiam, effe quoddam
quandoquidem agnofcebam aliquas perfeétiones quarum expers NA ces
eram, neceflarium efle ut exifteret præter me aliquod aliud ens,
(liceat hic, fi placet, uti vocibus in fcholà tritis) ens, inquam, me per-
fectius, à quo penderem, & à quo quidquid in me erat accepiflem.
Nam fi folus & ab omni alio independens fuiffem, adeo ut | totum
560 OŒEuvres DE DESCARTES 35-36.
id, quantulumcunque fit, perfectionis cujus particeps eram, à me
ipfo habuiflem, reliqua etiam omnia quæ mihi deeffe fentiebam,
per me acquirere potuiffem, atque ita ipfemet efle infinitus, æter-
nus, immutabilis, omnifcius, omnipotens, ac denique omnes per-
fectiones poflidere quas in Deo effe intelligebam.
Etenim ut Naturam Dei (ejus nempe quem rationes mod allatæ
probant exiftere), quantum à me naturaliter agnofci poteft, agno-
fcerem, non aliud agendum mihi erat quam ut confiderarem circa
res omnes, quarum Ideas aliquas apud me inveniebem, efletne per-
fectio, illas poflidere ; certufque eram nullas ex iis quæ imperfe-
ctionem aliquam denotabant, in illo efle, ac nullas ex reliquis ülli
deeffe. Sic videbam nec dubitationem, nec inconftantiam, nec tri-
ftitiam, nec fimilia in Deum cadere : nam egomet ipfe illis libenter
caruiflem. Præterea multarum rerum fenfibilium & corporearum
Ideas habebam ; quamwvis enim me fingerem fomniare, & quidquid
vel videbam vel imaginabar, falfum efle, negare tamen non poteram
Ideas illas in | mente meà revera exfiftere. Sed quia jam in me
iplo perfpicuè cognoveram naturam intelligentem à corporeû efle
diftinétam, in omni autem compofitione unam partem ab alterà,
totumque à partibus pendere advertebam, atque illud quod ab ali-
quo pendet perfeétum non efle ; idcirco judicabam in Deo perfectio-
nem effe non poile, quod ex iftis duabus naturis effet compofitus,
ac proinde ex illis compofitum non efle. Sed fi quæ res corporeæ in
mundo eflent, vel fi aliquæ res intelligentes, aut cujuflibet alterius
naturæ, quæ non eflent omnino | perfectæ, illarum exfiftentiam à
Dei potentià neceflarid ita pendere, ut ne per minimum quidem
temporis momentum abfque eo effe poffent.
Cüm deinde ad alias veritates quærendas me accingerem, confi-
deraremque in primis illam rem circa quam Geometria verfatur,
quam nempe concipiebam ut corpus continuum, five ut fpatium
indefinitè longum, latum, & profundum, divifibile in partes tum
magnitudine, tum figurà omnimodè diverfas, & quæ moveri five
tranfponi poflint omnibus modis (hæc enim omnia Geometræ in eo
quod examinant efle fupponunt), aliquas ex fimpliciffimis eorum
demonftrationibus in memoriam mihi revocavi. Et primd quidem
notavi magnam illam certitudinem quæ iis omnium confenfu tri-
buitur, ex eo tantüm procedere quôd valde clarè & diftinétè intel-
ligantur, juxta regulam pauld ante traditam. Deinde etiam notavi
nihil planè in iis efle, quod nos certos reddat illam rem circa quam
verfantur exfiftere : nam quamvis fatis viderem, fi, exempli caufà,
fupponamus dari aliquod triangulum, ejus tres angulos neceffarid
36-38. DE MErxopo. ;ôI
fore æquales duobus reétis ; nihil | tamen videbam quod me certum
redderet, aliquod triangulum in mundo effe. At contrà cüm rever-
terer ad Ideam entis perfeéti quæ in me erat, ftatim intellexi exfi-
fentiam in eà contineri, eâdem ratione quà in Ideà trianguli æqua-
litas trium ejus angulorum cum duobus rectis continetur, vel ut in
Ideä circuli, æqualis à centro diftantia omnium ejus circumferentiæ
partium, vel etiam adhuc evidentius; ac proinde ad minimum
æquè certum efle Deum, qui eft illud ens perfetum, exfiftere, quim
ulla Geometrica demonftratio effe potefit.
[Sed tota ratio propter quam multi fibi perfuadent, tum Dei exi-
fentiam, tum animæ humanæ naturam, efle res cognitu valde dift-
ciles, ex eo eft quod nunquam animum à fenfibus abducant, &
fupra res corporeas attollant; fintque tam aflueti nihil unquam con-
fiderare quod non imaginentur, hoc eft, cujus aliquam imaginem
tanquam rei corporeæ in phantafià fuà non fingant, ut illud omne
de quo nulla talis imago fingi poteft, intelligi etiam non poffe illis
videatur. Atque hoc ex eo fatis patet, qud vulgd Philofophi in
fcholis pro axiomate pofuerint, nihil effe in intelle&u quod non
priüs fuerit in fenfu : in quo tamen certiffimum eft Ideas Dei &
animæ rationalis nunquam fuifle; mihique idem facereilli videntur
qui fuà imaginandi facultate ad illas uti volunt, ac fi ad fonos au-
diendos vel odores percipiendos, oculis fuis uti conarentur; nifi
quôd in eo etiam differentia fit, quod fenfus oculorum in nobis non
minüs certus fit quàm odoratus vel auditus; cùm è contrà, nec
imaginandi facultas, nec fentiendi, ullius unquam rei nos certos
reddere poflit, nifi intellectu five ratione cooperante.
|Quôd fi denique adhuc aliqui fint quibus rationes jam didtæ non-
dum fatis perfuaferint Deum efle, ipforumque animas abfque cOr-
pore fpectatas effe res revera Lretes velim fciant alia omnia pro-
nunciata, de quibus nullo modo En dubitare, ut quôd ipfimet
habeant corpora, quèd in mundo fint fidera, terra, & fimilia, multo
magis efle incerta. Quamvis enim iftorum omnium fit certitudo, ut
loquuntur Philofophi, moralis, quæ tanta eft, ut | nemo nifi deliret
de iis dubitare poffe videatur ; nemo tamen etiam, nifi fit rationis
expers, poteit negare, quoties de certitudine Metaphyficà quæftio
eft, quin fatis fit caufæ ad dubitandum de illis, qudd advertamus
fieri poffe ut, inter dormiendum, eodem planè modo credamus nos
alia habere corpora, & alia fidera videre, & aliam terram, &c., quæ
tamen omnia falfa fint. Unde enim fcitur eas cogitationes quæ oc-
currunt dormientibus potius falfas effe quàm illas quas habemus
vigilantes, cùm fæpe non minüs vividæ atque expreffæ videantur ?
Œuvres. I.
71
502 OEuvres DE DESCARTES. 38-40.
Inquirant præflantiflima quæque ingenia quantum libet, non puto
illos rationem aliquam pole invenire, quæ huic dubitandi caufæ
tollendæ fufliciat, nifi exfiftentiam Dei fupponant. Etenim hoc ipfum
quod pauld ante pro regulà affumpfi, nempe illa omnia quæ clarèe
& diftinctè concipimus vera effe, non aliam ob caufam funt certa,
quam quia Deus exfiflit, eftque Deus ens fummum & perfectum,
adeo ut quidquid entis in nobis efl, ab eo neceflarid procedat. Unde
fequitur Ideas noftras five notiones, cum in omni eo in quo funt
claræ & diftinctæ, entia quædam fint, atque à Deo procedant, non
polfe in eo non effe veras. Ac proinde quod multas fæpe habeamus,
in quibus aliquid falfitatis continetur, non | aliunde contingit quäm
quia etiam in jifdem aliquid eft obfcurum & confufum; atque in
hoc non ab ente fummo fed à nihilo procedunt ; hoc eft, obfcuræ
funt & confufæ, quia nobis aliquid deeft, five quia non omnino per-
fecti fumus. Manifeftum autem eft non magis fieri poffe, ut falfitas
five imper/feétio à Deo fit, quatenus imperfectio eft, quàm ut veritas
five perfectio à nihilo. Sed fi nefciremus quicquid entis & veri in
nobis eft, totum illud ab ente fummo & infinito procedere, quantum-
vis claræ & diftinctæ effent Ideæ noftræ, nulla nos ratio certos red-
deret illas idcirco elle veras.
At poftquam Dei & mentis noftræ cognitio nobis hanc regulam
planè probavit, facilè intelligimus ob errores fomniorum, cogita-
tiones quas vigilantes habemus, in dubium vocari non debere. Nam
fi quis etiam dormiendo ideam aliquam valde diftinctam haberet, ut
exempli caufà, fi quis Geometra novam aliquam demonftrationem
inveniret, ejus profeéto fomnus non impediret quominuüs illa vera
effet. Quantum autem ad errorem fomniis noftris maximè familia-
rem, illum nempe qui in eo confiftit, quod varia nobis objecta re-
præfentent eodem planè modo quo ipfa nobis à fenfibus externis
inter vigilandum exhibentur, non in eo nobis oberit qudd occa-
fionem det ejufmodi ideis, quas à fenfibus vel accipimus vel puta-
mus accipere, parum credendi; poffunt enim illæ etiam dum vigi-
lamus non rar nos fallere, ut cum ii qui morbo regio laborant
omnia colore flavo infecta cernunt, aut cum nobis aftra vel alia cor-
pora valde remota, multo minora quäm fint apparent. Omnino
enim, five vigilemus five dormiamus, folam evidentiam rationis
judicia noftra fequi de|bent. Notandumque eft hîc me loqui de evi-
dentià noftræ rationis, non autem imaginationis, nec fenfuum. Ita
exempli caufà, quamvis Solem clariflimè videamus, | non ideo de-
bemus judicare illum efle ejus tantüm magnitudinis quam oculi
nobis exhibent; & quamvis diftinétè imaginari poflimus caput leo-
40-72. DE MErHObo. 503
nis capræ corpori adjunctum, non inde concludendum eft chimæram
in mundo exiftere. Ratio enim nobis non dictat ea quæ fic vel vide-
mus vel imaginamur, idcirco revera exiftere. Sed planè nobis dictat,
omnes noftras Ideas five notiones aliquid in fe veritatis continere;
alioqui enim fieri non poffet ut Deus qui fummè perfectus & verax
eft, illas in nobis pofuiffet. Et quia noftræ ratiocinationes five
judicia nunquam tam clara & diftinéta funt dum dormimus quàam
dum vigilamus, etiamfi nonnunquam imaginationes noftræ magis
vividæ & expreffæ fint, ratio etiam nobis diétat, cm omnes noftræ
cogitationes veræ efle non poflint, quia non fumus omnino perfecti,
veriflimas ex iis illas effe potius quas habemus vigilantes, quàm
quæ dormientibus occurrunt.
Libentiffimé hic pergerem, & totam catenam veritatum quas ex
his primis deduxi exhiberem; fed quoniam ad hanc rem opus nunc
effet, ut de variis quæftionibus agerem inter doctos controverfis,
cum quibus contentionis funem trahere nolo, fatius fore credo ut
ab iis abftineam, & folüm in genere quænam fint dicam, quo
fapientiores judicare poffint, utrum expediat rempublicam literariam
de iis fpecialius edoceri. | Perftiti femper in prepoñto nullum aliud
principium fupponendi, præter illud quo modà ufus fum ad exfiften-
tiam Dei & animæ demonftran|dum, nullamque rem pro ver acci-
piendi, nifi mihi clarior & certior videretur, quàm antea Geome-
trarum demonftrationes fuerant vifæ. Nihilominus aufim dicere, me
non folüm reperiffe viam, quà brevi tempore mihi fatisfacerem, in
omnibus præcipuis quæftionibus quæ in Philofophià traétari folent;
fed etiam quafdam leges obfervaile, ita à Deo in naturà conftitutas,
& quarum ejufmodi in animis noftris notiones impreflit, ut poit-
quam ad eas fatis attendimus, dubitare nequeamus, quin in omni-
bus quæ funt aut fiunt in mundo accuratè obferventur. Deinde
legum ïiftarum feriem perpendens, animadvertifle mihi videor
multas majorifque momenti veritates, quàm fint ea omnia quæ
antea didiceram, aut etiam difcere pofle fperaveram.
Sed quia præcipuas earum peculiari traétatu explicare fum
conatus, quem ne in lucem edam, rationes aliquæ prohibent, non
poffum quænam:illæ fint commodiüs patefacere, quàm fi tractatüs
illius fummam hic paucis enarrem. Propoñtum mihi fuit in illo
compleëti omnia, quæ de rerum materialium naturà fcire putabam,
antequam me ad eum fcribendum accingerem. Sed quemadmodum
piétores, cùm non poflint omnes corporis folidi facies in tabulà
planà æqualiter fpeétandas exhibere, unam è& præcipuis deligunt,
quam folam luci obvertunt, cæteras verd opacant, | & eatenus
v
Quæflionum
Phyficarum ab
Authore invefliga-
tarum ordo ;
ac in fpecie motus
cordis, et
qguarundam
aliarum ad Medi-
cinam fpeédantium
perple.xarum
opinionum eno-
dalio ; tum quæ fit
inter noftram et
brutorum animam
differentia.
64 OEUVRES DE DESCARTES. 42-43.
tantüm videri finunt, quatenus præcipuam illam intuendo id fieri
poteft : ita veritus ne differtatione meà omnia quæ animo volvebam
comprehendere non pollem, ftatui folum in eà copiofè exponere
quæ de lucis naturà concipiebam; deinde ejus occafione aliquid de
Sole & ftellis fixis adjicere, quôd ab iis tota ferè|promanet; item de
cœlis, quod eam tranfmittant; de Planetis, de Cometis & de Terrà,
quèd eam reflectant; & in fpecie de omnibus corporibus quæ in
terrâ occurrunt, quod fint aut colorata, aut pellucida, aut luminofa;
tandemque de homine, quèd eorum fit fpectator. Quinetiam ut
aliquas his omnibus umbras injicerem, & liberius, quid de iis fenti-
rem, dicere poffem, nec tamen receptas inter doétos opiniones aut
fequi aut refutare tenerer, totum hunc Mundum difputationibus
ipforum relinquere decrevi, & tantüm de iis quæ in Novo contin-
gerent tractare, fi Deus nunc alicubi in fpatiis imaginariis fuflicien-
tem ad eum componendum materiæ copiam crearet, varièque &
fine ordine diverfas hujus materiæ partes agitaret, ita ut ex eà æquè
confufum Chaos atque Poëtæ fingere valeant componeret; deinde
nihil aliud ageret quam ordinarium fuum concurfum naturæ com-
modare, ipfamque fecundüm leges à fe conititutas agere fineret.
Ita primüm hanc materiam defcripli, & eo modo eam depingere
conatus fum, ut nihil, meà quidem fententià, clarius aut intelligi-
bilius fit in mundo, exceptis iis quæ modù de Deo & de Anim
diéta funt, Nam etiam expreflè fuppofui, | nullas in eâ ejufmodi
formas aut qualitates efle, quales funt eæ de quibus in Scholis
difputatur, nec quidquam in genere cujus cognitio non adeo men-
tibus noltris fit naturalis, ut nullus ipfam à fe ignorari fingere poñlit.
Præterea quænam effent naturæ leges oftendi; nulloque alio
affumpto principio quo rationes meas ftabilirem, præter infinitam
Dei perfectionem, illas omnes demonftrare ftudui, de quibus dubi-
tatio aliqua oboriri poilet, probareque eas tales efle, ut etiam fi
Deus plures | mundos creaffet, nullus tamen efle poflet in quo non
accuratè obfervarentur. Poftea oftendi quomodo maxima pars
materiæ iftius Chaos, fecundüm has leges, ita fe difpofitura & col-
locatura eflet, ut noftris Cœlis fimilis evaderet; quomodo interea
aliquæ illius partes Terram compolituræ effent, quædam Planetas
& Cometas, & quædam aliæ Solem & ftellas fixas. Et hoc loco in
tractationem de Luce digreflus, prolixè expofui quænam ea efle
deberet quæ Solem & ftellas componeret, & quomodo inde tem-
poris momento immenfa cœlorum fpatia trajiceret, & à Planetis
Cometifque ad terram reflecteret. Ibidem etiam multa de fubitan-
tià, fitu, motibus, & omnibus diverfis iftorum cœlorum aftro-
41
42
43-45. DE MErHono. 506$
rumque qualitatibus inferui ; adeo ut me fatis multa dicere putarem
ad oftendendum nihil in hujus Mundi CϾlis aftrifque obfervari,
quod non deberet aut faltem non poffet fimiliter in mundo | quem
defcribebam apparere. Inde ad traétandum de Terrà progreflus
fum, oftendique quomodo, etiamfi, prout expreflè fuppofueram,
Deus nullam gravitatem materiæ e quà compofita erat indidiffet,
attamen omnes ejus partes accuratè ad centrum tenderent ; item
quomodo cum iplius fuperficies aquis & aëre operiretur, Cœlorum
& Aftrorum, fed præcipuë Lunæ difpofitio, in eà fluxum & refluxum
efficere deberet, omnibus fuis circumftantiis illi qui in maribus
noftris obfervatur fimilem; nec non quendam aquarum & aëris ab
ortu ad occafum motum, qualis inter Tropicos animadvertitur;
quomodo montes, maria, fontes & fluvii in eà naturaliter produci
poffent, & metalla in fodinis enafci, plantæque in agris crefcere; &
in genere omnia corpora, quæ vulgo mixta aut compofita vo/cant,
in eà generari. Et inter cætera, quia nihil aliud in mundo poit
Aftra, præter Ignem efle agnofco quod lumen producat, fludui
omnia quæ ad ignis naturam pertinent perfpicuè declarare, quo-
modo fiat, quomodo alatur, & cur in eo aliquando folus calor fine
lumine, aliquando vero folum lumen fine calore deprehendatur ;quo-
modo varios colores in diverfa corpora inducere poflit, diverfafque
alias qualitates; quomodo quædam liquefaciat, quædam verd in-
duret; quomodoque omnia propemodum confumere, aut in cineres
& fumum convertere poflit; & denique quomodo ex his cineribus
folà aétionis fuæ vi vitrum efficere. Cüm enim ifta cinerum in
vitrum tranfmutatio | non minüs fit admiranda quàm quævis alia
quæ in naturà contingat, volui me aliquantüum in ejus particulari
defcriptione oblectare,
Nolebam tamen ex his omnibus inferre Mundum hunc eo quo
proponebam modo fuifle creatum. Multo enim verifimilius eft Deum
ipfum ab initio talem qualis futurus erat fecifle. Verumtamen
certum eft & vulgù inter Theologos receptum, eandem effe attionem
quà ipfum nunc confervat, cum eà quà olim creavit : ita ut etiamfi
nullam ei aliam quàäm Chaos formam ab initio dediffet, dummodo
poft naturæ leges conititutas, ipfi concurfum fuum ad agendum
ut folet commodaret, fine ullà in creationis miraculum injurià
credi poflit, eo folo res omnes purè materiales, cum tempore quales
nunc effe videmus effici potuifle. Natura autem ipfarum multo
faciliüs capi poteft, cûm ita paulatim orientes confpiciuntur, quàm
cum tantüm ut abfolutæ & perfectæ confiderantur.
A defcriptione corporum inanimatorum & plantarum | tranfvi
L2
00 ŒEuvres DE DESCARTES. 45-47
ad animalia, & fpeciatim ad hominem. Sed quia nondum tantam
iflorum adeptus eram cognitionem, ut de iis eâdem quà de cæteris
methodo tractare poffem, hoc eft, demonftrando effeétus per cau-
fas, & oftendendo ex quibus feminibus, quove modo natura ea pro-
ducere debeat, contentus fui fupponere, Deum formare corpus
hominis uni è noftris omnino fimile, | tam in externà membrorum
figurà, quàm in internà organorum conformatione, ex eâdem cum
illà quam defcripferam materià, nullamque ei ab initio indere ani-
mam rationalem, nec quidquam aliud quod loco animæ vegetantis
aut fentientis effet; fed tantum in ipfius corde aliquem fine lumine
ignem, qualem antea defcripferam, excitare ; quem non putabam
diverfum effe ab eo qui fænum congeflum antequam ficcum fit cale-
facit; aut qui vina recentia ab acinis nondum feparata fervere facit.
Nam functiones quæ confequenter in hoc humano corpore elfe po-
terant expendens, inveniebam perfectè omnes quæ nobis non cogi-
tantibus inefle poffunt ; ac proinde abique cooperatione animæ, hoc
ell, illius noftri partis à corpore diftinctæ, cujus ante dictum ef, na-
turam in cogitatione tantüum fitam efle ; eafdemque in quibus poteit
dici animalia ratione deftituta nobifcum convenire; ita tamen ut
nullam earum animadverterem, quæ cüm à mente pendeant, folæ
noftræ funt quatenus homines fumus ; quas nihilominus ibi poftea
reperiebam, cüùm Deum animam rationalem creafle, eamque fti
corpori certo quodam quem defcribebam modo conjunxiffe, fup-
poluitfem. :
Sed ut cognofci poflit quà ratione illic materiam iftam tractarem,
volo hic apponere explicationem motûs cor|dis & arteriarum; qui
cm primus & generaliffimus fit qui in animalibus obfervatur, ex
eo facilè judicabitur quid | de reliquis omnibus fit fentiendum. Et.
ut minor in iis quæ dicturus fum percipiendis occurrat difficultas,
author fum iis qui in Anatomià non funt verfati, ut antequam fe
ad hæc legenda accingant, cor magni alicujus animalis pulmones
habentis, coram fe diffecari curent (in omnibus enim fatis eft
humano fimile), fibique duos qui inibi funt ventriculos five cavitates
oftendi. Primd illam quæ in latere dextro el, cui duo valde ampli
canales refpondent : videlicet vena cava, quæ præcipuum eft fan-
guinis receptaculum, & veluti truncus arboris, cujus omnes aliæ
corporis venæ funt rami; & vena arteriola, malè ita appellata, cum
revera fit arteria, quæ originem à corde habens, poftquam inde
exiit in multos ramos dividitur, qui deinde per pulmones difper-
guntur. Secundù illam quæ ef in latere finiftro, cui eodem modo
duo canales refpondent, æquè ampli atque præcedentes, fi non
47-49. | DE MErTHopo. 67
magis : fcilicet arteria venofa, malè etiam ita nominata, cum nihil
aliud fit quàm vena, quæ à pulmonibus oritur, ubi in multos ramos
dividitur, cum venæ arteriofæ & afperæ arteriæ, per quam aër quem
fpiramus ingreditur, ramis permixtos; & magna arteria, quæ è
corde exiens ramos fuos per totum corpus difpergit. Vellem etiam
ipfis diligenter oftendi undecim pelliculas, quæ veluti totidem val-
vulæ aperiunt & claudunt quatuor oftia feu orificia quæ funt in iftis
duobus cavis. Nimirum | tres in ingreffu venæ cavæ, ubi ita funt
collocatæ ut nullo modo impedire poflint quominuüs fanguis, quem
continent, in dextrum cordis ventriculum fluat, licèt ne inde exeat
accuratè prohibeant. Tres in ingreflu venæ arteriofæ, quæ, | contra-
rio modo difpofitæ, finunt quidem fanguinem in illà cavitate con-
tentum ad pulmones tranfire, fed non eum qui in pulmonibus eft
eo reverti. Et fic duas alias ih orificio arteriæ venofæ, quæ permit-
tunt ut fanguis è pulmonibus in finiftrum cordis ventriculum fluat,
fed reditum ejus arcent. Et tres in ingreflu magnæ arteriæ, quæ
finunt ipfum è corde exire, fed ne illuc redeat impediunt. Nec opus
eft aliam quærere caufam numeri iftarum pellicularum, nifi quôd
cüm arteriæ venofæ orificium fit figuræ ovalis ratione loci in quo
eft, duabus commodè claudi poflit; cùm alia, quæ rotunda funt,
meliüs tribus obftrui queant. Præterea cuperem ut oftenderetur
ipfis magnam arteriam & venam arteriofam, conilitutionis effe
multo durioris & firmioris quam arteria venofa & vena cava, &
iftas duas poftremas dilatari priufquam cor ingrediantur, ibique
duo veluti marfupia efficere, quæ vulgd cordis auriculæ vocantur,
& funt ex fimili cum ipfo carne compofitæ ; multoque femper plus
caloris efle in corde quam in ullâ alià corporis parte; denique
iftum calorem polie efficere, ut fi guttula aliqua fanguinis in ipfius
cavitates ingrediatur, ftatim intumefcat & | dilatetur ; ficut omni-
bus in univerfum liquoribus contingit, cùm guttatim in aliquod
valde calidum vas ftillant.
Poft hæc enim non opus eft ut quidquam aliud dicam ad motum
cordis explicandum, nifi quod cüm ipfius cavitates non funt fan-
guine plenæ, illuc neceffarid defluat, è venâ quidem cavä in dex-
tram, & ex arterià venofà in finiftram ; quia hæc duo vafa fanguine
femper plena funt, & ipforum orificia quæ cor fpettant tunc obtu-
rata efle non poffunt. Sed fimul atque duæ fanguinis guttæ ita illuc
funt| ingreffæ, nimirum in unamquamque cavitatem una, cùm necef-
farid fint valde magnæ, eo quôd oflia per quæ ingrediuntur ampla
fint, & vafa unde procedunt plena fanguine, ftatim eæ rarefiunt &
dilatantur, propter calorem quem illic inveniunt. Quä ratione fit ut
Hervæus
de Motu Cordis.
508 Œuvres DE DESCARTES. 40-51.
totum cor intumefcere faciant, fimulque pellant & claudant quin-
que valvulas, quæ funt in ingreffu vaforum unde manant, impe-
diantque ne major fanguinis copia in cor defcendat; et cum magis
magifque rarefiant, fimul impellant & aperiant fex reliquas valvulas,
quæ funt in orificiis duorum aliorum vaforum, per quas exeunt,
hac ratione efficientes, ut omnes venæ arteriofæ & magnæ arteriæ
rami eodem penè cum corde momento intumefcant; quod ftatim
poftea, ficut etiam iftæ arteriæ, detumefcit, quia fanguis qui eû in-
greflus eft refrigeratur, & ipfarum fex valvulæ clauduntur, & quin-
que venæ cavæ & arteriæ venofæ aperiuntur, tranfitumque præ-
bent | duabus aliis guttis fanguinis, quæ iterum faciunt ut cor &
arteriæ intumefcant, ficut præcedentes. Et quia fanguis qui ita in
cor ingreditur, per iftas duas ipfus auriculas tranfit, inde fit ut
ipfarum motus, cordis motui conträrius fit, & cm intumefcit
detumefcant.
Cæterüm ne ii qui vim demonftrationum Mathematicarum igno-
rant, & in diftinguendis veris rationibus à verifimilibus non funt
exercitàti, audeant iftud fine prævio examine negare; monitos eos
volo motum hunc quem modà explicavi, adeo neceffarid fequi ex
folà organorum difpofitione, quam fuis in corde oculis intueri pof-
funt, & ex calore qui digitis percipitur, naturâque fanguinis quæ
experientià cognofcitur, atque horologii motus, ex vi, fitu & figurà
ponderum & rotarum quibus conftat.
| Sed fi quæratur quâ ratione fiat ut fanguis venarum ita continud
in cor defluens non exhauriatur, & arteriæ nimis plenæ non fint,
cm omnis fanguis qui per cor tranfit in eas ingrediatur; non opus
eft ut aliud refpondeam præter id quod jam à quodam Medico An-
glo fcriptum eft; cui laus hæc tribuenda eft quôd primam in iftâ
materià glaciem fregerit, primufque docuerit multas effle exiguas
vias in arteriarum extremitatibus, per quas fanguis quem à corde
accipiunt in ramulos venarum ingreditur ; unde iterum ad cor re-
dit; adeo ut motus ipfus nihil aliud fit quäm perpetua quædam
icirculatio. Id quod optimè probat ex ordinarià experientià Chirur-
gorum, qui brachio mediocri cum adftrictione ligato fupra locum
ubi venam aperiunt, efficiunt ut fanguis inde copiofius exfiliat,
quäm fi non ligaflent. Planè autem contrarium eveniret, fi brachium
infrà ligarent, inter manum videlicet & aperturam, aut fi illud fu-
prà valde arétè adftringerent. Manifeftum enim eft, vinculum me-
diocriter adftriétum, poffe quidem impedire ne fanguis qui jam in
brachio eft, ad cor per venas redeat ; non autem ne novus femper
ex arteriis affluat; eo quèd infra venas fint collocatæ, & durior
51-53. DE MErHopo. 569
ipfarum cutis non ita facilè comprimi poflit; quodque etiam fan-
guis è corde veniens, majore cum vi per ipfas ad manum tranfire
_contendat, quàm inde ad cor per venas redire. Quoniam vero fan-
guis ifte ex brachio exit per aperturam in unâ venarum factam,
neceffarid meatus aliqui infra vinculum, hoc eft circa brachii extre-
mum, effe debent, per quos illuc ex arteriis venire queat. Optimè
etiam id quod de motu fanguinis dicit, probat ex quibufdam pelli-
culis, ita variis in locis valvularum inftar circa venas dif|pofitis, ut
ipfi à medio corporis ad extrema tranfire non permittant, fed tan-
tüum ab extremis ad cor redire; præterea experientià, quæ oftendit
omnem qui in corpore eft fanguinem, inde breviflimo tempore exire
poffe per unicam fciffam arteriam, etiamf arctifimè prope cor
effet ligata, atque inter ipfum & vinculum fciffa; adeo ut | nulla
effet fufpicandi occafio, fanguinem egredientem aliunde quàm ex
corde venire.
Sed multa alia funt quæ hanc quam dixi, veram iftius motüs fan-
guinis caufam efle teflantur; ut primo differentia quæ obfervatur
inter fanguinem qui è venis exit, & eum qui ex arteriis promanat;
quæ aliunde oriri non poteft quäm ex eo qudd tranfeundo per cor
rarefactus & veluti diftillatus fuerit, atque ita fubtilior, vividior &
calidior fit, ftatim atque inde exiit, hoc eft cüm in arteriis conti-
netur, quàm eflet paulù antequam in eas ingrederetur, hoc eft cüm
in venis ftabulabatur. Et fi probè attendatur, comperietur hoc dif-
crimen non apparere manifeftè, nifi in vicinià cordis; minuüs autem
in locis ab eo remotioribus. Deinde tunicarum è quibus vena arte-
riofa & magna arteria conflant durities, fatis oftendit fanguinem
ipfas majore cum vi quàm venas pulfare. Cur etiam finiftra cordis
cavitas & magna arteria ampliores effent & latiores cavitate dextrà
& venà arteriofà, nifi arteriofæ venæ fanguis pulmones folüm in-
greflus ex quo per cor tranfiit fubtilior effet, & magis faciliufque
rarefieret quàm fanguis immediatè ex venà cavà procedens ? Et quid
ex pulfüs contreétatione conjicere poflunt Medici, nifi fciant fan-
guinem, prout naturam mutat, magis aut minüs, celeriüs vel tardiüs
quàm antea à cordis calore rarefieri poile? Et fi expendatur quo-
modo ifte | calor aliis membris communicetur, nonne fatendum eft
id fieri | ope fanguinis qui per cor tranfiens ibidem calefit, indeque
per totum corpus diffunditur ? Unde fit ut fi ex aliquà parte fanguis
dematur, eâdem operà dematur calor. Et quamvis cor ardore fer-
rum candens æquaret, non fufficeret tamen ad pedes & manus adeo
ac fentimus calefaciendum, nifi continud illuc novum fanguinem
mitteret. Deinde etiam ex eo cognofcitur verum refpirationis ufum
Œuvres. I, 72
57 Œuvres DE DESCARTES. 53-55,
elfe, fatis recentis aëris in pulmones inferre, ad efficiendum ut fan-
guis qui eù ex dextro cordis ventriculo defluit, ubi rarefactus &
quafi in vapores mutatus fuit, ibi incraffefcat & denuo in fanguinem
convertatur, priufquam in finiftrum refluat; fine quo, alendo qui
illic eft igni aptus effe non poflet. Idque ex eo confirmatur, quod
videamus animalia pulmonibus deitituta, unicum tantüm cordis
ventriculum habere; quôdque in infantibus qui eo uti non poflunt
quamdiu funt in matrum uteris inclufi, foramen quoddam depre-
hendamus per quod fanguis è venà cavà in finiftram cordis cavita-
tem defluit; & brevem tubum per quem & venà arteriofà in magnam
arteriam, non trajecto pulmone, tranfit. Deinde quomodo fieret con-
coctio in ventriculo, nifi cor eù calorem per arterias immitteret,
unàque fluidiores aliquas fanguinis partes, quæ injecti cibi commi-
nutionem adjuvant? Nonne etiam actio, quæ iftius cibi fuccum in
fanguinem convertit, facilis eft cognitu, fi confideretur illum iteratis
vicibus & forte plus quam centies aut ducenties fingulis diebus per
cordis ventriculos totum diftillare ? Quà verd aliâ re indigemus | ad
explicandum nutritionem, & variorum qui in corpore funt humo-
rum productionem? nifi ut dicamus | impetum quo fanguis, dum
rarefit, à corde ad extremitates arteriarum tranfit, efficere ut aliquæ
ipfus partes fubfiftant in membris ad quæ accedunt, ibique locum
occupent aliquarum partium quas inde expellunt, & fecundüm fi-
tum, aut figuram, aut exilitatem pororum quos offendunt, quafdam
potiüs in certa loca confluere quàm aliàs; eädem ratione quà fieri
folent quædam cribra, quæ per hoc unum quôd diverfimode fint
perforata, variis frumenti fpeciebus à fe invicem feparandis infer-
viunt. Denique id quod hic fuper omnia obfervari meretur, gene-
ratio eft fpirituum animalium, qui funt inftar venti fubtiliflimi, aut
potius flammæ puriflimæ, quæ continuè è corde magnà copià in
cerebrum afcendens, inde per nervos in mufculos penetrat, & om-
nibus membris motum dat: ita ut non opus fit aliam imaginari
caufam, quæ efficiat ut partes fanguinis, quæ eo quôd fint magis
cæteris agitatæ & penetrantiores, aptiflimæ funt ad iftos fpiritus
componendos, potius ad cerebrum quàm ali contendant; nifi quod
arteriæ quæ eas illuc deferunt, rectiflimà omnium lineà à corde pro-
cedant; & quôd fecundüm Mechanices regulas, quæ eædem funt
atque regulæ naturæ, cm variæ res fimul ad eandem partem con-
tendunt, ubi fatis fpatii non eft omnibus recipiendis, ficut contingit
in partibus fanguinis quæ & finiftro cordis ventriculo exeunt & ad
cerebrum tendunt, necefle fit | ut debiliores & minuüs agitatæ inde
avertantur à validioribus, quæ hac ratione eù folæ perveniunt.
55-56. DE MErHopo. +
Particulatim fatis ifta omnia expofueram in traétatu quem antea
in lucem edere cogitabam. In quo confequenter oftenderam quæ-
nam debeat effe fabrica nervorum & | mufculorum corporis humani,
ad efficiendum ut fpiritus animales ipfo contenti, vires habeant ejus
membra movendi, ficut videmus capita, pauld poft | quam abfciffa
fuerunt, adhuc moveri & terram mordere, etiamfi non ampliüs fint
animata; quænam mutationes in cerebro fieri debeant ad vigiliam,
fomnum & infomnia producendum ; quomodo lumen, foni, odores,
fapores, calor & omnes aliæ externorum objectorum qualitates, in
eo per fenfuum organa diverfas imprimere ideas poflint; quomodo
fames, fitis, aliique interni affeétus fuas etiam illuc immittere va-
leant; quid in eo per fenfum communem intelligi debeat, in quo ideæ
iflæ recipiuntur ; per memoriam, quæ eas confervat; & per phanta-
fiam, quæ eas diverfimodè mutare poteit, & novas componere; quæ-
que etiam fpiritus animales variè in mufculos immittendo, eofdem
omnes motus qui unquam abîque voluntatis imperio in nobis fiunt,
eodemque modo tum objectis externis.fenfuum organa pulfantibus,
tum etiam affectibus & temperamentis externis refpondentes, in
iftius corporis membris poteit eflicere. Quod nullo modo videbitur
mirum lis, qui fcientes quàm varii motus in automatis humanà in-
duitrià fabricatis edi poflint; | idque ope quarumdam rotularum
aliorumve inftrumentorum, quæ numero funt pauciflima, fi confe-
rantur cum multitudine ferè infinità oflium, mufculorum, nervo-
rum, arteriarum, venarum aliarumque partium organicarum, quæ
in corpore cujuflibet animalis reperiuntur; confiderabunt humani
corporis machinamentum tanquam automatum quoddam manibus
Dei faétum, quod infinities melius fit ordinatum, motufque in
fe admirabiliores habeat, quäm | ulla quæ arte humanà fabricari
poflint.
Et hîc particulariter immoratus eram in oftendendo, fi darentur
ejufmodi machinæ, figurà externà organifque omnibus fimiæ vel
cuivis alteri bruto animali fimillimæ, nullà nos ratione agnituros
ipfas naturà ab iftis animantibus differre. Si autem aliquæ exftarent
quæ noftrorum corporum imaginem referrent, noftrafque actiones
quantüm moraliter fieri pollet imitarentur ; nobis femper duas cer-
tiflimas vias reliquas fore ad agnofcendum, eas non propterea veros
homines efle. Quarum prima eit, illas nunquam fermonis ufum
habituras, aut ullorum fignorum, qualia adhibemus ad cogitationes
noitras aliis aperiendas. Nam concipi quidem poteit machina ita
compofita ut vocabula aliqua proferat ; imo etiam ut quædam enun-
ciet quæ præfentiæ objectorum, ipfius organa externa moventium,
72 - OEuvres DE DESCARTES. 56-58.
appofñitè refpondeant : veluti fi aliquo loco tangatur, ut petat quid
fe velimus; fi alio, ut clamet nos ipfam lædere, & alia ejufmodi;
fed non ut voces proprio motu fic collocet aptè ad | refpondendum
omnibus iis quæ coram ipfa proferentur ; quemadmodum quilibet
homines, quantumvis obtufi ingenii, poflunt facere. Secunda efñ,
quod etiamfi tales machinæ multa æquè benè aut forfitan meliüs
quam ullus noftrûm facerent, in quibufdam aliis fine dubio aberra-
rent; ex quibus agnofci poflet eas cum ratione non agere, fed folum-
modo ex organorum fuorum difpolitione. Cüm enim ratio inftru-
mentum fit univerfale, quod in omni occafione ufui efle potef,
contrà autem organa ifta particulari aliquà difpofitione ad fingulas
fuas actiones indigeant : inde fit ut planè fit incredibile, fatis multa
diverfa organa in machinä|aliquà reperiri, ad omnes motus externos
variis cafibus vitæ refpondentes, folà eorum ope peragendos, eodem
. modo quo à nobis rationis ope peraguntur. Hac autem eâdem du-
-plici vià cognofci etiam poteft difcrimen quod inter homines &
bruta intercedit. Obfervatu enim dignum eft, nullos reperiri ho-
mines adeo hebetes & flupidos, ne amentibus quidem exceptis, ut
non poflint diverfas voces aptè conftruere, atque ex iis orationem
componere, quà cogitationes fuas patefaciant ; contrà verd nullum
efle aliud animal, quantumvis perfeétum aut felici fidere natum,
quod fimile quidquam faciat. Hocque ex organorum defeétu non
contingit ; videmus enim picas & pfttacos eafdem quas nos voces
proferre, nec tamen ficut nos loqui pofle, hoc ef, ita ut oftendant
fe intelligere quid dicant. Cum nihilominus homines à nativitate
furdi & muti, ficque non minüs, fed potiùs magis quam bruta, defti-
tuti organis quibus alii | in loquendo utuntur, foleant proprià indu-
ftrià quædam figna invenire quibus mentem fuam aperiant iis qui-
bufcum verfantur, & quibus vacat linguam ipforum addifcere. IHtud
autem non tantum indicat bruta minore rationis vi pollere quam
homines, fed illa planè effe rationis expertia. Videmus enim exiguâ
admodum opus effe ratione ad loquendum ; & quia obfervatur in-
genii quædam inæqualitas inter ejufdem peciei animantia, non mi-
nüs quam inter homines, & alia aliis inftitutionis efle capaciora;
non eft credibile fimiam, aut pfittacum in fuà fpecie perfectiffimum,
in eo infantem ftupidiflimum, aut faltem mente motum, æquare
non pofle, nili ipforum anima naturæ à noftrà planè difcrepantis
effet. Notandumque eft loquelam, fignaque | omnia quæ ex homi-
num initituto cogitationes fignificant, plurimüm differre à vocibus
& fignis naturalibus quibus corporei affectus indicantur. Nec cum
veteribus quibufdam putandum, bruta loqui, fed nos ipforum fer-
52
53
58-60. DE MErHopo. $73
monem non intelligere. Si enim id verum effet, cùm multis organis
prædita fint, iis quæ in nobis funt analogis, mentem fuam æquè
nobis patefacere poflent ac fui fimilibus. Singulari etiam animad-
verfione dignum eft, quod quamvis multa fint animantia, quæ plus
induftriæ quam nos in quibufdam fuarum aétionum patefaciant,
cadem tamen nullam omnino in multis aliis demonftrare confpi-
ciantur. Ita ut id quod meliüs nobis faciunt, non probet ipfa efle
ratione prædita ; inde enim fequeretur, majorem in illis ineffe ra-
tionem quam in ullo noftrûm, eâque nos in omni etiam alià re de-
bere fuperare; | fed potiùs probat, ipfa ratione efle deftituta, &
naturam in jis fecundüum organorum difpofitionem agere : prout
videmus horologium ex rotis tantum & ponderibus compofitum,
æqualiüs quam nos cum omni noftrà prudentià, horas numerare &
tempora metiri.
Poftea defcripleram animam rationalem, oftenderamque, eam
nullo modo è materiæ potentià educi poffe ficut alia de quibus ege-
ram, fed necefle efle ipfam creari; nec fufficere ut, initar nautæ in
navi, ipfa in corpore habitet, nifi forfan ad illius membra movenda ;
fed requiri ut cum ipfo arctius jungatur uniaturque, ad fenfus &
appetitus noftris fimiles habendos, & ita verum hominem compo-
nendum. Cæterüm copiofior pauld hic fui in argumento de anim
tractando, quod fit maximi ponderis. Nam poit illorum errorem qui
Deum elle negant, quem me fatis | fuprà refutaffe opinor, nullus eft
qui facilius debiles animas à recto virtutis tramite avertat, quàm fi
putent, brutorum animam ejufdem efle cum noftrâ naturæ; ac
proinde nihil nobis poit hanc vitam timendum aut fperandum fu-
perefle, non magis quàm mufcis aut formicis. Cüm autem rectè
cognofcitur quantüm differant, multo meliüs poftea capiuntur ratio-
nes quæ probant animam noftranf naturæ efle planè à corpore inde-
pendentis, & ex confequenti opus non effe ut cum ipfo moriatur; ac
denique, quia | nullæ animadvertuntur caufæ quæ eam deftruant,
naturà ferimur ad judicandum ipfam effe immortalem.
Tertius autem nunc agitur annus, ex quo perveni ad finem tra-
étatüs quo ifta omnia continentur, incipiebamque eum recognofcere,
ut poftea typographo traderem ; cüm refcivi, viros, quibus multum
defero, & quorum authoritas non multo minüs in meas actiones
poteit, quàm propria ratio in cogitationes, opinionem quandam
Phyficam improbaffe, pauld antè ab alio in lucem editam ; cui nolo
dicere me adhæfile, fed tantüm nihil in illà ante ipforum cenfuram
obfervafle, quod fufpicari poffem aut religioni aut reipublicæ noxium
effe; nec proinde quod me impediturum fuiflet ipfam tueri, fi ratio
VI.
Quid requiri putet
Author, ad ulterius
progrediendum
in Naturæ perfcru-
tatione, quàm
hadenus faëum
Jit ; et quæ rationes
ipfum ad fcri-
bendum impulerint
574 OŒuvREs DE DESCARTES. Go-62.
veram efle perfuafiffet; hocque mihi metum incufliffe ne pariter
inter meas aliqua inveniretur in quâ à vero aberraffem ; quanquam
fanè magno femper ftudio curavi, ne ullis novis opinionibus fidem
adhiberem, quarum demonftrationes certiflimas non haberem, aut
quidquam fcriberem quod in ullius damnum cedere poflet. Hoc verd
fatis fuit ad me movendum ut à propofito illas evulgandi defifterem.
Etiamfi enim rationes quibus ad cogitationes meas edendas in|{duétus
fueram validiffimæ eflent, genius tamen meus, qui femper à libris
fcribendis abhorruit, fecit ut ftatim multas alias invenirem, quibus
me ab illo labore fufcipiendo excufarem. Et iftæ rationes ab utrâque
parte tales funt, ut non | folum meà eas hic recenfere aliquatenus
interfit, fed etiam fortafle reipublicæ literariæ illas cognofcere.
Nunquam ea magni feci quæ ab ingenio meo proficifcebantur, &
quamdiu nullos alios ex eà quà utor Methodo fruétus percepi, nifi
quod mihi in quibufdam dubiis fatisfeci ad fcientias fpeculativas
pertinentibus, aut meos mores componere conatus fum fecundüum
rationes quas me docebat, non putavi me quicquam eà de re fcri-
bere teneri. Nam quod ad mores attinet, unufquifque adeù fuo
fenfu abundat, ut tot pollent inveniri reformatores quot capita, fi
aliis liceret, præterquam jiis quos Deus fupremos fuorum popu-
lorum Rectores conilituit, aut quos fatis magnâ gratiæ & zeli
menfurà donavit, ut Prophetæ fint, aliquid in eo immutandum
fufcipere. Et licèt fpeculationes meæ valde mihi arriderent, credidi
tamen, alios etiam habere fuas, quæ forte magis adhuc ipfis pla-
ceant. Sed ftatim atque notiones aliquas generales Phyficam
fpectantes mihi comparavi, earumque periculum facere incipiens
in variis particularibus difficultatibus, obfervavi quoufque illæ me
deducere poflint, & quantum à principiis differant quæ haétenus in
ufu fuerunt; credidi me eas occultas detinere non poffe, abfque
gravi peccato adverfus legem jubentem ut, quantum in nobis ef,
generale omnium hominum bonum procuremus. Ex iis enim
cognovi, ad notitias vitæ valde utiles pofle perveniri; & loco Philo-
fophiæ illius fpeculativæ quæ in Scholis docetur, poife | Praéticam
reperiri, quà cognitis viribus & actionibus ignis, aquæ, aëris,
aftrorum, cœlorum aliorumque corporum quæ nos circumftant,
adeo diftinétè atque diverfas opificum noftrorum artes novimus,
adhibere pariter ea poffemus ad omnes ufus quibus infervire apta
iunt, atque ita nos velut dominos & poileflores naturæ efficere.
Quod fanè effet optandum, non tantüum ad infinitorum artificiorum
inventionem, quæ eflicerent ut fine labore fructibus terræ & omni-
bus ipfus commodis frueremur; fed præcipuè etiam ad valetu-
62-64. : DE MErHopo. 7
dinis confervationem, quæ fine dubio primum eft hujus vitæ
bonum, & cæterorum omnium fundamentum. Animus enim adeo
à temperamento & organorum corporis difpofitione pendet, ut fi
ratio aliqua poflit inveniri, quæ homines fapientiores & ingenio-
fiores reddat quam haétenus fuerunt, credam ïillam in Medicinà
quæri debere. Verum quidem eft, eam quæ nunc eft in ufu, pauca
quorum adeo infignis fit utilitas continere. Sed quamwvis ipfam con-
temnere nullo modo fit animus, confido tamen nullum fore, etiam
inter eos qui 1llam profitentur, qui non confiteatur, omnia quæ
hactenus in eà inventa funt, nihil propemodum efle, refpectu eorum
quæ fcienda adhuc reftant; hominefque ab infinitis tam corporis
quàm animi morbis immunes futuros, imo etiam fortaflis à fenectu-
tis debilitatione, fi fatis magnam caufarum à quibus mala ifta oriun-
tur, & omnium remediorum quibus natura nos inftruxit, notitiam
haberent. Cüm autem propofuerim | totam meam vitam collocare
in fcientiæ adeo neceffariæ inveftigatione, & inciderim in viam quæ
mihi talis videtur, ut fi quis eam fequatur, haud dubiè ad optatum
finem fit | perventurus, nifi aut brevitate vitæ aut experimentorum
defectu impediatur : judicabam nullum melius effe adverfüs duo
ifta impedimenta remedium, quam fi fideliter publico communica-
rem id omne, quantulumcunque eflet, quod reperiffem, & præclara
ingenia incitarem, ut ulterius pergere contenderent, fingulique quod
in fuâ facultate eflet ad experimenta facienda conferrent, atque etiam
eorum omnium quæ addifcerent publicum particeps facerent, eo
fine ut ultimi incipiendo ubi præcedentes defiflent, & ita multo-
rum vitas & labores conjungendo, omnes fimul longiüs progrede-
remur quäm finguli privatim polfent.
Quinetiam de experientiis obfervabam, eas tanto magis necef-
farias, quanto quis majorem notitiam eft adeptus. Initio enim præ-
ftat iis tantüm uti quæ fponte fenfibus noftris occurrunt, & quas
ignorare non poflumus, fi vel tantillum ad eas attendamus, quàm
rariores & abftrufiores inveftigare. Cujus rei ratio eft, qudd rario-
res illæ fæpius decipiant, quamdiu vulgatiorum caufæ ignorantur ;
_circumftantiæque à quibus pendent ferè femper adeo particulares &
exiguæ fint, ut obfervatu fint difficillimæ. Sed tamen hac in re
ordinem fecutus fum. Primüm conatus fum generatim invenire |
principia, feu primas caufas omnium quæ funt aut pofflunt efle in
mundo; ad Deum folum qui ipfum creavit attendendo, eafque
aliunde non educendo quàm ex quibufdam veritatis feminibus, ani-
mis noftris à naturâ inditis. Poftea expendi quinam eflent primi &
maximè ordinarii effeétus, qui ex his caufis deduci poflent; videorque
576 Œuvres DE DESCARTES. .: 64-66.
mihi hac vià cognovifle cœlos, aftra, terram, imo etiam in terrà
aquam, aërem, ignem, mineralia, & | quædam ejufmodi alia, quæ
funt omnium maximè communia, fimpliciflimaque, ac proinde
cognitu facillima. Deinde cùm volui ad particulariora defcendere,
tam multa diverfa mihi occurrerunt, ut crediderim opus efle in-
genio plufquam humano, ad formas aut fpecies corporum, quæ in
terrà funt, ab infinitis aliis, quæ in eà poffent elfe, fi Deo placuiflet
illas ibi collocare, dignofcendas, ipfafque deinde ad ufum noftrum
referendas; nifi per effectus caufis obviam eamus, & multis parti-
cularibus experimentis adjuvemur. Deinde animo revolvens omnia
objecta quæ unquam fenfibus meis occurrerant, dicere non verebor.
me nihil in iis obfervaffle, quod fatis commodè per inventa à me
principia explicare non poflem. Sed confiteri me etiam oportet,
potentiam Naturæ efle adeo amplam & diffufam, & principia hæc
adeo efle fimplicia & generalia, ut nullum ferè ampliüs particu-
larem effectum obfervem, quem ftatim | variis modis ex iis deduci
pote non agnofcam; nihilque ordinariè mihi dificilius videri, quàäm
invenire quo ex his modis inde dependeat. Hinc enim aliter me
extricare non poflum, quàm fi rurfus aliqua experimenta quæram,
quæ talia fint, ut eorum idem non fit futurus eventus, fi hoc modo
quàm fi illo explicetur. Cæterum eoufque nunc perveni ut mihi
fatis bene videar percipere, quà ratione pleraque illorum fint fa-
cienda quæ huic fini infervire poffunt. Sed video etiam, illa efle
talia & tam multiplicia ut neque manus meæ, neque fortunæ,
etiamfi millecuplo majores effent, ad omnia poffent fufficere; prout
autem deinceps plura aut pauciora faciendi copia erit, majores
etiam aut minores in Naturæ cognitione progreflus mihi promitto.
Id quod | in compolito à me tractatu declarare fperabam, ibique
adeo clarè patefacere quænam exinde ad publicum utilitas effet
reditura, ut eos omnes quibus commune hominum bonum eft
cordi, hoc eft, omnes revera & non in fpeciem tantüm honeftos
viros, inducturus effem tum ad mecum communicanda quæ jam
feciffent experimenta, tum ad me juvandum in inveftigatione eorum
quæ fuperfunt facienda. |
Sed ab illo tempore aliæ mihi occurrerunt rationes, quibus ad
mutandam fententiam adductus fum, & ad cogitandum me debere
quidem pergere in feribendis omnibus iis quæ alicujus effe momenti
putarem, ftatim atque eorum veritatem deprehendiffem; idque non.
minore cum curà quàm fi ea in lucem edere vellem; tum | ut tanto
majorem haberem ea bene examinandi oécafionem ; nam fine
dubio accuratius femper id elaboratur, quod à pluribus le&tum iri
60
N
66-68. DE MEruopo. 7
creditur, quàm quod in privatum tantüm ufum fcribitur; & fæpe
quæ mihi vifa funt vera, cum primüum illa concepi, falfa effe poftea
cognovi, cum ipfa chartæ volui mandare; tum etiam ut nullum
amitterem occafionem publicam utilitatem quantum in me effet
procurandi, & fi mea fcripta alicujus fint pretii, ii in quorum manus
poit obitum meum devenient, illis prout commodum videbitur uti
queant : fed me nullo modo permittere debere ut me vivo in lucem
exirent, ne vel oppofitiones & controverfiæ quibus fortè vexaren-
tur, vel etiam qualifcunque fama quam conciliare poffent, aliquam
mihi darent occafionem, tempus quod inftitutioni meæ deftina-
veram amittendi. Etiamfi enim verum fit unumquemque teneri
quantum in fe eft aliorum bonum procu/|rare, illumque propriè
nullius efle pretii qui nemini prodeft; attamen verum etiam eft
curas noftras ultra tempus præfens debere extendi, bonumque effe
omittere ea quæ fortè aliquam viventibus utilitatem effent allatura,
eo fine ut alia faciamus quæ multo magis nepotibus noftris funt
profutura. Quemadmodum etiam diflimulare nolo, exiguum id
quod huc ufque didici, nihil ferè effe præ eo quod ignoro, & ad
cujus cognitionem pervenire non defpero; eodem enim ferè modo
agitur cum iis qui paulatim veritatem in | fcientiis detegunt, atque
cum ditefcentibus, quibus facilius eft magna lucra facere, quàam
antea multo minora cum adhuc pauperes erant. Vel poffunt cum
exercituum præfectis conferri, quorum vires pro victoriarum ra-
tione incrementa fumere folent, & quibus poit cladem acceptam
majore prudentià opus eft ad refiduas copias confervandas, quàm
cum prælio fuperiores fuerunt, ad urbes & provincias occupandas.
Verè enim is prælio decernit, qui conatur fuperare omnes difhicul-
tates & errores, à quibus impeditur ne ad cognitionem veritatis
perveniat; & prælio vincitur, qui de re alicujus momenti falfam
opinionem admittit,; majoreque poitea opus habet dexteritate, ad
fe in priftinum ftatum reftituendum, quàäm ad magnos progreilus
faciendos cüm jam principia certa habet. Quod ad me attinet, fi
quas in fcientiis veritates inveni (confido autem, ea quæ hoc volu-
mine continentur, oftenfura me aliquas invenifle), poflum dicere
illas tantünr efle confequentias quinque aut fex præcipuarum difh-
cultatum quas fuperavi, quafque pro totidem pugnis numero in
quibus victoriam reportavi. Imo non verebor dicere, me putare,
nihil mihi amplius deefle | ut voti compos fiam, quàäm duas
aut tres ejufmodi obtinere; & me non efle adeo ætate pro-
vectum, quin fecundüm ordinarium naturæ curfum, fatis mihi ad
hanc rem otii fuperefle poflit. | Sed credo me eù plus teneri, tem-
Œuvres. IL. 73
578 Œuvres DE DESCARTES. 68-69.
poris quod mihi reftat parcum elfe, qud plus fpei illud bene collo-
candi habeo. Et multas procul dubio illud amittendi occafiones
haberem, fi meæ Phyficæ fundamenta in lucem ederem. Etiamfi
enim omnia ferè adeo fint evidentia, ut opus tantüum fit ea intelli-
gere ad affentiendum, nullumque inter illa fit, cujus demonftra-
tiones dare pole non fperem ; attamen quia fieri non poteft, ut cum
omnibus aliorum diverfis opinionibus conveniant, fæpius me à
propofito avocandum iri prævideo, oppofitionum quas excitabunt
occafione.
Objici quidem poteit oppofitiones iftas utiles fore, cum ut er-
rores meos agnofcam, tum ut fi quid boni habeam, alii majorem
illius hac ratione intelligentiam confequantur; & quia plures oculi
plus vident uno, ut meis nunc uti incipientes, fuis me viciflim in-
ventis juvent. Sed etiamfi me valde errori obnoxium agnofcam, &
nunquam ferè fidam primis quæ mihi occurrunt cogitationibus ;
experientia tamen quam habeo eorum quæ mihi objici poffunt, i im-
pedit quominus ullum inde fruétum fperem. Jam enim fæpe ex-
pertus fum judicia, tam eorum quos pro amicis habui, quam alio-
rum quorumdam, quibus me indifferentem effe putabam, quin-
etiam nonnullorum malignorum & invidorum, quos fciebam cona-
turos in apertum protrahere id quod amicitiæ velum ab amicorum
oculis abfcondebat. Sed rard accidit, ut aliquid mihi objeétum fit
quod nullo modo prævidiflem, nifi id effet | valde à || meo argumento
remotum; adeo ut ferè nullum unquam offenderim opinionum
mearum cenforem, qui mihi non videretur aut minüs rigidus, aut
minüs æquus me iplo. Sicut etiam nunquam obfervavi, veritatem
aliquam antea ignotam, difputationum Scholafticarum ope in lucem
protraétam fuifle. Nam dum unufquifque contendit vincere, ple-
rumque potius ad verifimilitudinem, quäm ad rationum utrimque
allatarum momenta attendi folet, & qui diu boni fuerunt advocati,
non ideo poitea meliores funt judices.
Quod ad utilitatem, quam alii ex mearum meditationum com-
municatione percepturi eflent, non poifet etiam valde magna effe:
quia nondum eas eoufque deduxi, ut nulla fuperfint addenda, ante-
quam ad praxim revocentur. Et puto me pofle fine jactantià dicere,
fi quis earum perficiendarum fit capax, me potiùs eum efle quäm
alium quemquam. Non quod ingenia in orbe efle non poflint quæ
meum multis parafangis fuperent; fed quia fieri non poteft ut rem
adeo bene concipiat & fuam reddat, qui eam ab alio difcit, atque
ille qui ipfemet eam invenit. Quod adeo in hac materià verum ef,
ut quamvis fæpe aliquas ex meis opinionibus explicaverim viris
63
Este DE MErnopbo. 579
acutiflimis, & qui me loquente eas videbantur valde diftinétè intel-
ligere; attamen cûm eas retulerunt, obfervavi ipfos ferè femper illas
ita mutavifle, ut pro meis agnofcere amplius non poflem. Quà oc-
cafione | pofteros hic oratos volo, ut nunquam credant, quidquam à
me efle profectum, quod ipfe in lucem non edidero. Et nullo modo
miror abfurda illa dogmata, quæ veteribus illis Philofophis tribu-
untur, quorum fcripta non habemus; nec propterea judico ipforum
lcogitationes valde à ratione fuiffe alienas, cum habuerint præftan-
tiffima fuorum fæculorum ingenia; fed tantum eas nobis perperam
fuiffe relatas. Sicut etiam videmus, nunquam ferè contigifle ut ab
aliquo fuorum feétatorum fuperati fuerint. Et credo fervidiflimos
eorum qui nunc Ariftotelem fequuntur, fe beatos putaturos fi eum
in naturæ cognitione æquarent; etiam fub hac conditione, ut poitea
nihil ampliüs addifcerent. In quo fimiles funt hederæ, quæ nun-
quam contendit altiüs afcendere quàm arbores quæ ipfam fuftinent;
imo fæpe defcendit, poftquam ad faftigium ufque fublata fuit. Mihi
enim videntur etiam illi defcendere, id eft, aliquo modo feindoctiores
reddere quàm fi à ftudiis defifterent; qui non contenti omnia ea fcire
quæ clarè & dilucidè apud fuum Authorem explicata funt, volunt præ-
terea illic invenire folutionem multarum difficultatum, de quibus
ne verbo quidem meminit, & fortè nunquam cogitavit. Attamen
ipforum philofophandi ratio valde commoda eft ingeniis infra me-
diocritatem poftis. Diftinctionum enim & principiorum quibus
utuntur obfcuritas, caufa eft ut de omnibus æquè confidenter loqui
poflint, ac fi illa optimè noviffent; & ita | adverfus fubtiliffimos
acutiffimofque omnia quæ dicunt defendere, ut falfi argui nequeant.
Quä in re fimiles mihi videntur cæco, qui ut æquo Marte adverfus
videntem decertaret, eum in profundam & obfcuram aliquam cellam
deduxiflet. Ac poffum dicere iftorum interefle ut ab edendis Philo-
fophiæ quà utor principiis abftineam. Nam cüm fimpliciflima &
evidentiflima fint, idem propemodum facerem, ea luce donando, ac
fi aliquas aperirem feneftras, per quas lux in illam cellam ingrede-
retur, in quam ad pugnandum de|fcenderunt. Imo neque præftan-
tiora ingenia habent, cur optent ea cognofcere. Nam fi velint fcire
de omnibus loqui, & cruditionis famam fibi comparare, eù faciliùs
pervenient, fi verifimilitudine contenti fint, quæ fine magno labore
in omni genere materiæ inveniri potefl, quam veritatem invefli-
gando, quæ paulatim tantüm in quibufdam patefit, & cum de aliis
loquendum eft, ad ingenuam ignorantiæ fuæ confeflionem impellit.
Si verû paucarum aliquot veritatum notitiam præferant vanæ nihil
ignorandi profeflioni, ficut proculdubio præferenda eft, & meum
; 80 OEUVRES DE DESCARTES. 71-73.
inftitutum fectari velint, non opus habent ut quidquam ipfis am-
plius dicam, præter id quod jam in hac differtatione à me audie-
runt. Nam fi ulteriùs quàam fecerim progrediendi fint capaces,
multo potiori ratione erunt per fe inveniendi id omne quod me
hactenus invenifle puto; quoniam cüm nihil unquam nifi ordine
examinaverim, certum eft, id quod mihi è tenebris eruendum
reftat, | multo ex fe difficilius & occultius effe, quàm id quod antea
reperire potui; & minor multo iplis eflet voluptas id à me quam à
feipfis difcere. Præterquam qudd habitus quem fibi comparabunt,
facilia primüum quærendo, & paulatim atque per gradus ad alia dif-
ficiliora tranfeundo, ipfis plus omnibus meis documentis profuturus
fit. Sicut quod ad me attinet, fi à juventute edoctus efflem omnes
veritates, quarum poftea demonftrationes inveftigavi, & fine labore
illas didiciffem, opinor me fortaffle nunquam multo plures cogni-
turum fuifle ; faltem nunquam acquifiturum fuifle habitum & facili-
tatem quà me femper novas & novas inventurum fpero, prout ani-
mum ad eas inveitigandum applicabo. Et, ut verbo dicam, fi quod
in mundo eft opus, quod ita bene ab | alio non poflit abfolvi, atque
ab eo qui inchoavit, illud eft in quo verfor & laboro.
Verum quidem efl, quantum ad experimenta fpectat quæ huic
fcopo infervire queunt, unum honmiinem illis omnibus faciendis non
efle parem. Sed nullas etiam alias utiliter adhibere poflet manus
quàäm fuas, nifi forte opificum, aut aliorum ejufmodi mercenario-
rum, quos lucri fpes (magnæ efficaciæ medium) impelleret ad accu-
ratè faciendum omnia quæ ipfis præfcriberet. Nam quod ad volun-
tarios attinet, qui curiofitate aut difcendi ftudio moti, fponte forfan
operas fuas ei offerrent, præterquam quôd ordinariè multa promit-
tant & pauca præftent, nullumque unquam ferè ipforum propofi-
tum finem optatum fortiatur; | procul dubio vellent operam fuam
compenfari aliquarum difficultatum explicatione, aut faltem inuti-
libus comitatis officiis & fermonibus, in quibus fine magno detri-
mento partem otii fui impendere non polfet. Et quod ad experimenta
jam ab aliis facta, etiamfi ea cum iplo communicare vellent, quod
nunquam facturi funt qui ipfa pro fecretis habent, plerumque tot
funt comitata circumftantiis, rebufque fuperfluis, ut inde veritatem
elicere difficillimum illi foret. Præterquam quôd omnia fermè adeo
malè explicata inveniret, aut etiam falfa (quia qui illa fecerunt, ea
tantüm in iis videre voluerunt, quæ principiis fuis conformia puta-
bant), ut fi aliqua propofito ipfius accommoda eflent, pretium tamen
temporis æquare non pollent, quod in delectu illorum faciendo im-
pendendum effet, Adeo ut fi quis effet in hoc terrarum orbe, quem
66
73-75. DE MErTHobo. 81
conftaret capacem elle maxima quæque & in publieum utiliflima
inveniendi; & eû de caufà cæteri | homines omnibus modis eum
adjuvare contenderent in propofito fuo affequendo; non videam eos
aliud in ipfus gratiam facere poile, quam in experimenta quibus
indigeret fumptus conferre; & de cætero impedire ne tempus ipfi
ullius importunitate eriperetur. Sed præterquam quôd non tantum
mihi tribuo, ut aliquid extraordinarium polliceri velim, nec me
adeo vanis cogitationibus pafco, ut putem rempublicam multüm
mea confilia curare debere; non fum etiam adeo abjecto animo, ut
à quolibet accipere vellem | beneficium, cujus me indignum efle
credi polffet.
Omnes iftæ confiderationes fimul junctæ, in caufà fuerunt à tribus
annis cur noluerim in lucem edere tractatum quem præ manibus
habebam ; imo ut ftatuerem nullum alium quamdiu viverem publici
juris facere, qui adeo generalis eflet, aut ex quo Phyfices meæ fun-
damenta intelligi poffent. Sed poftea rurfum duæ aliæ caufæ fuerunt
quæ me moverunt, ut hîc particularia quædam fpecimina fubjun-
gerem, & publico aliquam actionum mearum confiliorumque ratio-
nem redderem. Quarum prima eft, quod fi illud omitterem, multi
qui refciverunt propofitum quod antea habui fcripta aliqua prælo
fubjiciendi, fufpicari poffent caufas propter quas ab eo abiftinerem,
minüs mihi honorificas efle quàm revera funt. Quamvis enim im-
modicè gloriam non appetam, aut etiam (fi id effari liceat) ab illà
abhorream, quatenus ipfam contrariam efle judico quieti, quam {u-
pra omnia magni facio; attamen nunquam etiam ftudui actiones
meas tanquam crimina occultare, aut multas præcautiones adhibui
ut ignotus eflem; tum quia credidiffem adverfus meipfum injurius
efle, tum eltiam quia id mihi inquietudinenm, aliquam attuliffet, quæ
rurfum perfeétæ animi tranquillitati quam quærebam adverfa fuiffet.
Et quia, dum me ita indifferenter habui inter innotefcendi aut deli-
tefcendi curam, non potui impedire quin aliquatenus in ore homi-
num verfarer, putavi debere me allaborare faltem ne malè audirem.
Altera ratio quæ me ad hæc fcribendum compulit | eft, quod quo-
tidie magis ac magis perfpiciens moram quam patitur illud quod de
me erudiendo cepi confilium, propter infinita experimenta quibus
indigeo, & quæ fine alien ope facere non poflum, etiamfi non adeo
Suffenus fim, ut fperem publicum in partem confiliorum meorum
venire velle; attamen nolo etiam mihi adeo deefle, ut occafionem
dem pôft victuris, mihi aliquando exprobrandi, me potuiile ipfs
varia multo meliora relinquere quàm fecerim, nifi nimium neglexif-
fem ipfis fignificare, quà in re inftituta mea poffent promovere.
*
582 OEUVRES DE DESCARTES. 75-77: |
Et putavi facile mihi efle eligere aliquas materias, quæ neque
eflent multis controverfiis obnoxiæ, neque me cogerent plura quàäm
velim ex meis principiis exponere; & tamen fatis clarè patefacerent
quid in fcientiis præftare poflim aut non poflim. Quod an feliciter
mihi fuccefferit,aliis judicandum relinquo; at pergratum mihi erit fi
examinentur ; &, ut tanto major fit ejus rei occafio, rogo omnes eos
qui adverfus ea objectiones aliquas facere volent, ut eas ad meum
bibliopolam mittant, à quo monitus, meum refponfum eodem tem-
pore adjungere conabor ; iflà enim ratione, lectores utraque fcripta
fimul videntes, tanto facilius de veritate judicium ferent. Non enim
prolixa illis opponere refponfa polliceor, fed tantum mea | errata in-
genuè, fi agnofcam, confiteri, aut | fi ea animadvertere non poñlim,
fimpliciter dicere quod putabo ad rerum à me fcriptarum defenfio-
nem requiri; nullà addità novæ alicujus materiæ explicatione, ne
me fine fine ab unà ad aliam tranfire fit necelfe.
Quod fi quædam eorum, de quibus egi initio Dioptrices et Meteo-
rum, primà fronte offendant, quia hypothefes voco et nolle probare
videor, rogo ut integri tractatus cum attentione legantur, & fpero
hæfitantibus fatisfactum iri. Rationes enim mihi videntur in iis tali
ferie connexæ, ut ficut ultimæ demonftrantur à primis quæ illarum
caufæ funt, ita reciprocè primæ ab ultimis, quæ ipfarum funt effecta,
probentur. Nec eft quôd quis putet me hic in vitium quod Logici
Circulum vocant, incidere; nam cüm experientia maximam effe-
étuum iftorum partem certiflimam efle arguat, caufæ à quibus illos
elicio, non tam iis probandis quàm explicandis inferviunt; contra-
que ipfæ ab illis probantur. Nec hypothefes alio fine vocavi, quàm
ut fciatur confidere me eas polfe deducere ex primis illis veritatibus
quas fuprà expofui; fed datà operà noluiffe facere, ad impediendum,
ne quædam ingenia, quæ uno die addifcere fe pofle putant ea in
quibus alius viginti annis defudavit, ftatim atque illa ipfis uno tan-
tüm aut altero verbo aperuit (& quæ ed magis errori funt obnoxia,
minüfque veritatis percipiendæ capacia, quà fubtiliora & alacriora
funt), inde poflint | occafionem arripere, abfurdam aliquam Philo-
fophiam illis principiis, quæ pro meis habebunt, fuperftruendi,
ejufque rei mihi culpa tribuatur. Nam quod ab opiniones attinet
quæ in folidum meæ funt, nolo ipfarum novitatem excufare; quo-
niam fi rationes | quibus innituntur, bene perpendantur, confido eas
adeo fimplices & fenfui communi conformes inventum 1ri, ut minüs
extraordinariæ & paradoxæ videantur, quàm ullæ aliæ quæ de iif-
dem argumentis poflint haberi. Nec me etiam primum ullarum
inventorem efle jacto, fed tantüm me nunquam illas pro meis adop-
77-78: DE MErHopo. ‘83
tafle, vel qudd ab aliis priùs receptæ fuiflent, vel qudd non fuiffent ;
verüm unicam hanc ob caufam, qudd mihi eas ratio perfuafilfet.
Quod fi artifices non ita cito poflint executioni mandare inventio-
nem in Dioptricà explicatam, non credo ipfam idcirco culpari meritù
poffe. Magnà enim dexteritate & exercitatione opus eft, ad machinas
quas defcripfi faciendas, & ita ut nulla circumitantia defit adaptan-
das; nec minüs mirarer fi primo experimento id ipfis fuccederet,
quäm fi quis unà die eximiè teftudine canere addifcere poffet, eo
folo qudd optimus canendi modus ipfi defcriptus fuiffet*.
|Cæterum nolo hic fpeciatim quidquam dicere de progreflibus,
quos deinceps me in fcientiis fpero facturum, aut erga publicum ullo
me devincire promiflo, quod incertus fim implere necne valeam. Sed
tantummodo dicam, decrevifle me quod fupereit vitæ tempus nullâ
alià in re collocare, quäm in ejufmodi naturæ notitià mihi compa-
randâ, è quâ in Medicinæ ufum certiores regulæ quäm hactenus ex-
ftiterint, depromi poflint; geniumque meum adeo ab omni alio pro-
pofiti genere abhorrere, præfertim quod aliquibus prodefle non poflit,
nifi aliis noceat ; ut fi occafione aliquà ad id fectandum adigerer, non
credam me pofle eximium quid in eo præftare. Quod hic apertè
profiteor, etiamfi non ignorem profeflionem hanc inutilem effe ad
mihi authoritatem aut exiftimationem alifquam comparandam ;
quam etiam adeo non affecto, ut me femper magis illis devinétum
arbitraturus fim, quorum favore otio meo abfque impedimento frui
licebit, quàm iis qui mihi dignitates ampliflimas offerrent.
a. Ici manque. tout le passage ci-avant, p. 77, 1. 24, à p. 78,1. 3, qu'il
n'y avait pas lieu de traduire en effet.
D'ÉOP RRECE
CAPUT PRIMUM.
De Lumine.
1. Totius vitæ noftræ regimen à fenfibus pendet, quorum cùm
vifus fit nobiliflimus & latiflimè patens, non dubium eft quin utilif-
fima fint inventa, quæ vim illius augere queunt. Et quidem difficile
eft ullum excogitare quod magis juvet, quäm miranda illa fpecilla
quæ, brevi tempore quo cognita funt, jam in cœlo nova fidera & in
terrâ nova alia corpora, numerofiora iis quæ antea vifa fuerant, de-
texere : adeo ut, promotà luminis noftri acie ultra terminos quibus
imaginatio majorum fiftebatur, viam fimul nobis videantur aperuifle
ad majorem & magis abfolutam naturæ cognitionem. Sed hoc
inventum adeo utile & mirandum, non fine aliquo fcientiarum
noftrarum opprobrio, | vagis experimentis & cafui fortuito debemus.
Ante annos circiter triginta, quidam Iacobus Metius vixit, Alcmariæ
(quæ civitas eft Hollandiæ) natus, homo humaniorum artium prorfus
expers, licèt patrem & fratrem Mathefeos cultores habuerit ; hujus
fumma voluptas erat fpecula & vitra uftoria formare, nonnulla
etiam hyeme componens ex glacie, quæ materies, experientià tefte,
non omnino ad id inepta eft. Quum igitur hac occafione multa,
eaque variæ formæ, vitra ad manum haberet, profpero quodam
fato duo fimul oculo objecit : quorum alterum medium paulà craf-
fius habebat quàm extremitates, alterum vice verfà | extremitates
quàm medium multù tumidiores; & adeo feliciter illa duabus tubi
extremitatibus applicuit, ut primum de quo loquimur telefcopium
inde exftiterit. Atque ad hujus unius normam omnia deinceps, quæ
in hunc ufque diem habuimus, elaborata funt ; neque adhuc, quod
fciam, ullus extitit qui demonftraverit fufficienter quam figuram
hæc vitra exigant. Licèt enim exinde multa egregia ingenia fuerint,
quæ hanc materiam non parüm excoluere, atque eà occafione varia
in Opticis invenere præftantiora ïis quæ à majoribus habemus,
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82-84. DIoPTRICE. 585
tamen quoniam operofiora inventa rard fimul ac nata funt fummum
perfectionis gradum adipifcuntur, fatis multæ difficultates hîc relictæ
funt, ut fcribendi materiam mihi fuppeditent. Et quoniam conftru-
ctio eorum, de quibus loquar, à dexteritate & induftrià artificum
pendet, qui literis ut plurimum non vacarunt, conabor efficere | ut
quivis facilè capiat quæ dicam, nihilque reticebo nec fupponam
quod petendum fit ex alià difciplinä. Quapropter exordiar à lucis
ejufque radiorum explicatione ; poftea, partibus oculi breviter def-
criptis, qu ratione vifio fiat accurate exponam ; tandemque, notatis
iis omnibus quæ ad illam perficiendam licet optare, quibus artificiis
ea ipfa poflint præftari docebo.
2. Hic autem de luce, vel lumine, loquendi cüm aliam caufam
non habeam, quàm ut explicem quo pacto ejus radii oculos intrent
& occuriu variorum corporum fleéti poflint, non necefie erit inqui-
rere quænam genuina fit ejus natura; fed duas aut tres compa-
rationes hîc afferam, quas fufficere arbitror ut juvent ad illam
concipiendam eo modo qui omnium commodiflimus eft, ad ejus
pro|prietates, quas jam experientia docuit, explicandas, & ex con-
fequenti etiam ad alias omnes, quæ non ita facile ufu notantur, de-
tegendas. Non aliter quam in Aftronomià ex hypothefibus etiam
falfis & incertis, mod iis omnibus quæ in cœlo obfervantur accu-
rate congruant, multæ conclufiones, circa ea quæ non obfervata
funt, veriflimæ & certifimæ deduci folent.
Nemo noftrûm eft cui non evenerit aliquando ambulanti noctu
fine funali, per loca afpera & impedita, ut baculo ufus fit ad re-
genda veltigia; & tunc notare potuimus, | per baculum interme-
dium nos diverfa corpora fentire quæ circumcirca occurrebant ; iti-
dem nos dignofcere num adeflet arbor vel lapis, vel arena, vel aqua,
vel herba, vel lutum, vel fimile quiddam. Fatendum quidem hoc
fentiendi genus obfcurum & fatis confufum effe in iis qui non longo
ufu edoéti funt; fed confideremus illud in iis qui, cùm cæci nati
fint, toto vitæ tempore debuerunt eo uti, & adeo perfectum con-
fummatumque inveniemus, ut dicere poflimus illos quodammodo
manibus cernere, aut fcipionem tanquam fexti cujufpiam fenfüs
organum iis datum ad defectum vifüs fupplendum.
3. Nunc itaque, ad comparationem initituendam, cogitemus lu-
men in corpore luminofo nihil efle præter motum quemdam, aut
actionem promptam & vividam, quæ per aërem & alia corpora pel-
lucida interjeéta verfüus oculos pergit, eodem plane modo quo motus
aut refiftentia corporum, quæ hic cæcus offendit, per interpofitum
fcipionem ad manum ejus tendit. Statimque ex hoc mirari define-
Œuvres. I. 74
586 OEuvrEes DE DESCARTES. 84-86.
mus, lumen illud à fummo Sole nullà morû interpofità radios fuos
in nos effundere; novimus enim illam | actionem, quâ alterum ba-
culi extremum movetur, fimiliter nullà interpofità morû ad alterum
tranfire, & eodem modo ituram, licet majori intervallo diftarent
illius baculi extrema, quàm à cœli vertice terra abeft.
4. Neque magis videbitur mirum, illius ope tantam colorum va-
rietatem apparere; & præterea | forfan credemus nihil effe hos
colores in corpore colorato, nifi diverfos modos quibus hoc illos
recipit & remittit ad oculos, fi confideremus differentiam illam,
quam cæcus in arbore, aquà, lapide & fimilibus deprehendit inter-
jeéto fcipione, non minorem illi videri quàm nobis hæc quæ in
rubro, flavo, viridi & cunctis aliis coloribus ; & interim tamen illas
differentias in nullo corpore quidquam efle præter varias rationes
movendi aut refiftendi motibus illius baculi.
5. Unde etiam nafcetur occafio judicandi, non neceffarium effe
fupponere, materiale quidquam ex objectis ad oculos noftros ma-
nare, ut lumen & colores videamus, neque quidquam in iftis
objectis efle quod fimile fit ideis quas de iis mente formamus :
quemadmodum nihil ex corporibus, quæ cæco occurrunt, per
baculum ad manum illius fluit, conftatque motum aut refiftentiam
horum corporum, quæ fola percepti fenfüs caufa ef, nihil fimile
habere ideis quas inde animo apprehendit. Et hâc ratione mentem
habebimus liberam ab omnibus illis exiguis fimulacris per aërem
volitantibus, quæ /pecies intentionales Philofophi, mirum in modum
iis divexati, nominarunt. Facili etiam negotio controverfiam deci-
dere poterimus, quæ agitatur fuper loco unde actio prodit fenfum
vifionis efficiens : ut enim cæcus nofter corpora, quæ circumcirca
offendit, || non | tantummodo per actionem illorum(cüm fcilicet ipfa
moventur) fentit, fed etiam per folum motum dexteræ fuæ, cüm illa
tantummodo refiftunt, ita concedendum eft, vifûs objecta poffe per-
cipi, non tantummodo actionis vi quæ ex iisemanans ad oculos noftros
diffunditur, fed etiam vi illius quæ, oculis innata, ad illa pergit.
6. Verumtamen, quoniam hæc actio nil nifi lumen eft, notandum
neminem præter eos, qui per tenebras inftar felium cernunt, fal-
tem fi qui fint, illam in oculis fuis habere; & maximam hominum
partem tantummodo per eam actionem videre quæ ab objectis ve-
nit : ufus namque docet hæc objecta aut luminofa aut illuminata
effe debere ut videantur, non oculos noftros ut videant, Sed, quo-
niam inter baculum hujus cæci & aërem aut alia corpora pellu-
cida, quibus interjectis cernimus, non leve difcrimen eft, alia infu-
per comparatio eft hîc in medium proferenda.
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86-88. DIoPTRICE. 587
7. Contemplemur vindemiæ tempore uvis calcatis refertum la-
cum, cujus fundus foramine uno aut altero pertufus fit, ut A, BB,
ex quibus profluat muftum quod continet. Ubi quidem particulæ
vini quæ hærent ex. gr. circa C, eodem momento fimul ac fora-
men À patuerit, rectà defcenfum ad illud affectant, & fimul ad
foramen B ; eodemque tempore quæ circa D & E per hæc ipfa duo
foramina defcendere properant : ita talmen ut nulla harum aétio-
num alteram impediat, & ne ipfi quidem ramufculi immixtorum fca-
porum refiftant, licèt hi fe invicem fuffulti non defcendant per eadem
foramina À & B, & infuper interea variis modis moveantur ab iis
qui uvas calcant. Deinde cogitemus, cùm, confenfu Philofophorum
fere unanimi, vacuum in rerum naturâ non detur, & tamen omnia
| corpora, vel experientià tefte, plurimis poris pervia hient, necef-
farid hos meatus materià quâdam repletos effe perquam fubtili &
fluidâ, quæ ferie non interruptà ab aftris ad nos extenfa fit. Quæ
materia fi vino hujus lacûs comparetur, & partes, minus fluidæ feu
crafliores, aëris aut aliorum corporum pellucidorum, fcapis qui
immixti funt; facillime intelligemus, omnes particulas materiæ fub-
tilis, quas Sol nobis adverfus tangit, rectà lineä ad oculos noftros
tendere, eodem quo patefcunt momento, non impedientibus aliis
alias, neque obftantibus craflioribus particulis pellucidorum corpo-
rum interjectis : five diverfà ratione moveantur, ut aër qui fere con-
tinud ventis agitatur; five fine motu fint, quemadmodum vitrum
| aut cryftallus. Tum etiam notandum efle difcrimen inter motum
& propenfionem ad motum. Nam facilè concipimus animo, parti-
culas vini, quæ hærent ex. gr. circa C, fimul ad B & A tendere,
cüm interim revera ad utrumque eodem tempore moveri nequeant;
& illas exacte in | lineà retà B & A verfus pergere, licèt non
femper adeo accurate rectà ed verfüs moveantur, obftantibus fcapis
interjectis.
8. Poftquam itaque intelleximus, non efle tam motum quàam
actionem, five propenfionem ad motum in corpore luminofo, id
quod lucem illius nominamus, facilè colligere poffumus, radios
hujus lucis nihil effe præter lineas fecundum quas hæc actio tendit.
Ita, ut infiniti fint hujufmodi radii qui ex fingulis punétis corporis
luminofi ad fingula illius quod illuminant diffunduntur; eodem
prorfus modo quo concipere poffumus innumeras rectas lineas, juxta
quas actiones ex fingulis punctis fuperficiei vini, C, D, E, tendunt
verfüs A, & alias præterea innumeras, juxta quas actiones, ex iifdem
punétis manantes, quoque feruntur ad B, non impediente alteram
alterà.
88 OEUVRES DE DESCARTES. 88-07.
Porro hi radii femper quidem exquifite recti concipi debent, quo-
tiefcunque nonnifi unum corpus pellucidum permeant, quod ubi-
vis uniforme fit ; at verû, quoties alia quædam corpora offendunt,
facilè detorquentur aut debilitantur, non fecus ac motus pilæ, aut
lapidis in | aërem mifi, per ea quæ occurrunt. Quippe haud difi-
culter credi poteft, actionem aut propenfionem ad motum (quam
jam dixi pro lumine habendam) iifdem legibus cum ipfo motu ob-
noxiam efle. Atque ut fatis accurate hanc tertiam comparationem
exfequamur, confideremus, illa corpora quæ pila de manu jaéta
offendere poteft, aut mollia aut dura aut liquida efle. Si mollia,
qualia funt lintea, arena, lutum, omnino fupprimunt & fiftunt illius
motum; fi dura, fine morû aliorfum reverberant; idque non unàâ
ratione. Nam fuperficies illorum vel lævis & æqua ef, vel | fcabra
& afpera; rurfum, quæ lævis, vel plana vel curvata: quæ afpera,
fcabredinem ducit, vel a diverfimode curvatis partibus quibus con-
fat, quarum fingulæ tamen ipfæ fatis læves funt, vel præterea à
variis angulis feu punctis, vel ab hujufmodi partibus quæ mollitie
& duritie difcrepant, vel ab earumdem motu, qui mille modis
variari poteft, Et notandum, pilam, extra motum fuum fimplicem
illum ac regularem quo de loco ad locum fertur, infuper fecundi
cujufdam capacem efle, quo fcilicet circa centrum rotatur; itidem,
celeritatem motûs hujus pofterioris diverfas poile habere propor-
tiones ad velocitatem illius prioris. Itaque, cum aliquot pilæ ab
eadem parte profectæ fuperficiem corporis alicujus lævem offen-
dunt, æqualiter & eodem | ordine refliunt, adeo ut, fi fuperficies
exacte plana fit, eandem inter fe diftantiam fervent quâ ante occur-
fum fejungebantur ; aft fi promineat fuperficies illa vel retrocedat,
pilæ quoque pro ratione illius curvaturæ vel recedunt ab invicem
vel appropinquant. Ut hîc videmus pilas À, B, C, que illifæ fuper-
ficiei corporum D, E, F, refiliunt ad G, H, I. At fi incurrant in
fuperficiem afperam, quales funt L, M, huc illuc repercuffæ fe[run-
tur, fingulæ pro fitu loci illius quem in fuperficie tetigere. Atque
extra hoc nihil in motûs fui ratione mutant, quoties afperitas illius
nonnifi ex diverfimode inflexis partibus furgit. Sed illa etiam ex
multis aliis caufis oriri poteft, & hâc ratione efficere ut pilæ, quæ
modù fimplici & recto motu ferebantur, parte motüs iftius reéti
amiffà, circularem illius loco recipiant, cujus variæ poflunt efle pro-
portiones ad refiduum reéti ejufdem motüs, pro vario fitu fuperficiei
cui obviant. Atque hoc qui | pilæ lufu deleétantur abunde obfervant,
cum nimirum illa impulfa pavimentum inæquale contingit aut obli-
quo reticulo vibratur. Demum etiam confideremus, pilam impul-
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91-03. DIOPTRICE. 589
fam, quoties obliquo itinere in fuperficiem corporis liquidi incurrit,
quam magis aut minus facilè penetrat quàm illud unde proceflit,
eam fubeundo à reétà vià divertire, curfumque fuum mutare : ut fi,
ex. gr., exiftentes in aëre juxta punétum A illam B verfüs vibremus,
recto quidem impetu ab A defertur ad B, nifi vel pondere, vel aliâ
quâdam caufà, detorqueatur ; huc verd (ubi aquæ C BE fuperficiem
pono) poftquam pervenit, factà declinatione, iterum per lineam
reétam I verfus tendit, quemadmodum ipfa etiam experientia
docet.
9. Cogitemus itaque eâdem ratione corpora dari, quæ, | dum
luminis radiis percutiuntur, eofdem fuffocant & omne illorum
robur frangunt : & hæc funt quæ nigra nominamus, nullum nifi
communem cum tenebris colorem habentia. Dari etiam quæ rever-
berant, & quidem alia eodem quo recipiunt ordine : hæc fcilicet
quorum fuperficies nitide polita ufum fpeculorum tam planorum
quàm curvatorum præflare poteil. Alia quæ confufe huc & illuc; &
rurfum | in iis alia hos radios repercutere, actione illà per nullam
mutationem violatà : hæc nempe quæ alba dicimus : alia ver mu-
tationem inducere fimilem illi quam recipit motus pilæ obliquo
reticulo præftriétæ : & hæc funt rubra, flava, cærulea, vel alio ejuf-
modi colore infignia. Equidem ego me pole explicare arbitror &
experientià duce demonftrare in quo natura colorum confiftit; fed
idipfum terminos hujus argumenti excedit.
10. Et fuflicit hoc loco nos monere, radios qui in corpora colo-
rata, fed non polita cadunt, quaquaverfum femper refilire, licèt ab
unâ duntaxat parte progreflos : ut, quamvis ii qui incidunt in fuper-
ficiem corporis albi AB, non veniant nifi à funali C, tamen alii alid
ita detorquentur ut, ubicunque pofueris oculum, velut ex. gr. juxta
D, plurimi femper radii occurrant ex fingulis plagis hujus fuperf-
ciei A B. Et infuper, fi fuppofueris hoc corpus perquam fubtile &
tenue efle, chartæ inftar aut lintei, ut lumini pervium pateat, licèt
oculus ad averfam funalis partem admoveatur, ut ad E, aliqui
tamen radii ab fin[gulis hujus corporis particulis ad illum refilient.
Denique etiam cogitemus, eàdem ratione radios detorqueri quà pi-
lam diximus, cùm oblique in fuperficiem corporis | liquidi diffun-
duntur, quod magis aut minus facile penetrant quàm illud per
quod ante manarunt : & hic fe inflectendi modus Refractio in iis
dicitur.
90 OŒEuvREs DE DESCARTES. 93-05.
CAPUT SECUNDUM.
De Refradtione.
1. Quandoquidem deinceps neceffarium erit quantitatem hujus
refractionis exacte nofle, & illa redditur intelleëtu facilior per com-
parationem quà ufi fumus, non alienum fore autumo explicationem
ejus hic aggredi, & quædam de reflexione præmittere, quà faci-
lior cognitio illius fit. Cogitemus itaque pilam ab A, B verfüs
actam, contingere in punéto B fuperficiem terræ CBE, quæ ejus
progreflui refiftens illam retrocedere cogit ; fed videamus in quam
partem. Ne autem novis difficultatibus implicemur, fingamus ter-
ram exacte planam duramque effe ; pilam etiam five defcendat, five
afcendat, eàdem velocitate ferri : parum curantes | quâ vi agatur
ceffante reticuli impetu, negleéto quoque omni effeétu magnitudi-
nis, ponderis & figuræ. Ifthæc enim attendere fupervacuum fuerit,
cm nihil eo[rum locum habeat in luminis actione, ad quam omnia
hîc referri debent. Tantummodo notandum vim illam, quæcunque
demum fit, quæ motum noftræ pilæ producit, plane diverfam
ab eà effe quà determinatur ut potius huc quäm illuc tendat : ut
perfpicue palam eft, reticuli impetum efle qui pilam movet, fed
eundem potuiffe ipfam verfus alias partes movere eâdem facilitate
quâ verfüs B; cm contrà reticuli fitus fit, qui illam ita difponit ut
feratur ad B, & qui potuiffet eodem modo difponere, licèt per aliam
vim fuiffet expulfa. Unde jam liquet fieri pofle ut hæc pila per
terræ occurfum detorqueatur, mutatà fcilicet difpofitione quà incli-
nabat ad B, permanente interea vi fui motûs, cum nihil commune
habeant.
2. Hinc etiam planum, minime credendum effe, neceffarid pilam
aliquo momento hærere in punéto B, priufquam digrediatur ad F,
juxta quorumdam Philofophorum opinionem : nam, interrupto
hoc motu exiguâ tantummodo morûâ, nulla exflaret caufa quâ in-
citante vires refumere poflet. Obfervandum præterea, | quemad-
modum motus & in univerfum omnia genera quantitatum, ita etiam
hanc pilæ determinationem pole dividi in omnes partes quibus
illam conftare imaginamur ; & manifeftum eft attendenti, hanc quà
pila defcendit ab A ad B, mixtam ex duabus aliis concipi poile,
quarum altera illam premit ab AF ad CE, altera eo | dem tempore
à finiftrâ AC dextrorfum propellit ad FE, ita ut hæ duæ junétæ
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95-07. DioPpTRIcE. OI
illam deducant ad punctum B fecundum rectam A B. Inde obvium
quoque eft, obflantem terræ molem unam tantüm harum difpoli-
tionum impedire pofle, alteram nullo modo. Sic poteft quidem au-
ferre eam quà ruebat pila ab AF ad CE, cm fpatium fubjectum
totum occupet,; fed quà ratione refifteret alteri quà dextrorfum
ferebatur, cui hoc refpeétu nullatenus oppofita eft ?
3. Ut accurate igitur inquiramus ad quam partem pila illifa de-
beat refilire, defcribamus circulum ex centro B, qui tranfeat per
punctum A, & dicamus, fpatio temporis eodem quo progrefla eft
ab A ad B, neceflarid illam à B ad aliquod punétum hujus cir-
culi circumferentiæ reverti debere : nam omnia punéta, quæ
eodem intervallo diftant à B quo diitat À, in hâc circumferentià oc-
currunt; & | pilæ motum jam fuprà æque velocem finximus. Tan-
dem, ad defignandum ipfum punétum quod ex omnibus hujus
circumferentiæ tangere debet, erigamus ad normam tres rectas AC,
HB & FE fupra CE, hâc ratione ut nec majus nec minus fpatium
interjaceat AC & HB quam HB & FE : deinde dicamus, idem
tempus quod pilam dextrorfum porrexit ab A, uno punétorum li-
neæ AC, ufque ad B, unum ex pundtis lineæ HB, illam refi-
lientem ab HB fiftere debere in aliquo punéto lineæ FE : nam
fingula punéta hujus lineæ FE eâdem diftantià hoc refpectu ab
HB remota funt, & eàâdem quà fingula lineæ AC; & ex priori
difpofitione tantumdem ed inclinat quantum antea. Jam eo-
dem momento aliquod punétum lineæ FE, & fimul aliquod cir-
cumferentiæ A FD, contingere nequit nifi in punéto D vel F : nam
extra hæc duo nullibi mutuô fecantur,; terrà | autem obitante, ad
D progredi non potelit ; fequitur itaque illam neceffarid tendere de-
bere ad F. Et fic manifeftum eft quà ratione reflexio fiat, fcilicet
femper ad angulum æqualem illi quem vulgù incidentiæ nominant.
Ut, fi radius ex puncto A emanet in B fuperficiem fpeculi plani
CBE, refilit ad F, ita ut reflexionis angulus FBE neque cedat ne-
que exfuperet magnitudine alterum illum incidentiæ ABC.
4. Hinc progrediamur ad refractionem, & primà | fingamus, pi-
lam.ab A ad B expulfam offendere, non terram, fed linteum CBE,
tam tenue ut illud facillime forare & impetu fuo perrumpere poflit,
amiffà tantum velocitatis fuæ parte, ex. gr. dimidià. Quo pofito, ut
cognofcamus quam viam infiftere debeat, confideremus denuo, mo-
tum illius non eundem efle cum difpofitione quà potius huc quäm
illuc fertur; unde fequitur fingulorum quantitates feparatim exa-
minandas. Confideremus itidem, ex duabus partibus quibus hanc
difpofitionem conftare fcimus, alteram tantüum per lintei occurfum
92 Œuvres DE DESCARTES. 97-99.
mutari polfe, hanc fcilicet quæ deorfum pilam agebat, illa verd, quâ
dextrorfum ferebatur, conftans & inviolata manebit, nam linteum
expanfum hoc refpeëtu nullo modo illi oppofitum eft. Deinde, duéto
circulo AFD ex centro B,& |impoñitis CBE ad perpendiculum tri-
bus lineis rectis AC, HB, FE, häc ratione ut fpatium interjacens
FE & HB, duplumillius fit quod eft inter HB & AC, videbimus
hanc pilam ituram ad punétum I. Quum enim, perrumpendo lin-
teum CBE, dimidiam fuæ velocitatis partem amittat, duplum|
temporis ei impendendum eft ut infrà ex B ad aliquod punétum cir-
cumferentiæ A FD pertingat, ejus quod infumpfit fuperne ut acce-
deret ab A ad B. Et quum nihil ex difpofitione, quà dextrorfum
ferebatur, intereat, in duplo iftius temporis quo à lineà AB devenit
ad HB, duplum ejufdem itineris in eandem partem conficere debet,
& confequenter accedere ad aliquod punétum reëtæ FE, eodem
momento quo accedit ad aliquod circumferentiæ circuli AFD.
Quod faétu impoflibile foret, nifi progrederetur ad I, nam in unico
illo punéto reéta FE & circulus A FD fefe invicem fecant.
5, Fingamas jam pilam, D verfüs ab A expulfam, offendere in
punéto B, non illud linteum, fed aquam, cujus fuperficies CBE ex-
quifite dimidiam velocitatis partem retundat, ut linteum paulo antea.
Reliquis omnibus quemadmodum fuprà pofitis, videmus pilam à B
rectà tendere debere non ad D, fed ad I. Primô etenim certum ef,
fuperficiem aquæ eù verfüs illam detorquere eodem modo quo
linteum, quum eodem modo illi oppofita fit, & tantumdem illius
roboris infringat. Corpus autem aquæ quod attinet, quo totum
fpatium à B ad I repletum ef, licèt magis | aut minus refiftat quàm
aër fuprà ibidem locatus, non tamen fequitur illud pilam magis aut
minus detorquere; nam, eâdem facilitate ubivis dehifcens, non|
majori operâ hac quàm illac tranfitum permittit, faltem fi (quod
ubivis fecimus) fingamus nec levitatem nec pondus nec figuram nec
magnitudinem pilæ, nec aliam fimilem externam caufam, curfum
quem tenet immutare.
6. Et quidem hîc notari poteft, tantù magis illam detorqueri per
fuperficiem aquæ aut lintei, qu magis oblique in eam impihgit,
adeo ut, fi ad angulos rectos dirigatur, velut impulfa ab H ad B,
ulterius in lineà rectà fine ullà declinatione progrediatur ad g. Sed,
fi agatur fecundüm lineam qualis eft AB, quæ vel fuperficiei aquæ
vel lintei CBE tam oblique incumbat ut linea FE, ducta quem
admodum fuprà-cireulum AD fecare non poflit, illam minime
penetrabit, fed à fuperficie B refiliet in aërem L, eodem plane
modo ac fi in terram incurriflet. Quod nonnulli cum dolore experti
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99-107. DIoPTRICE. 593
funt, quoniam, animi gratià, explofis in alveum rivi ex murali
machinà globis, obambulantes in adverfà fluminis ripà vulne-
rarunt.
Sed aliam præterea fuppofitionem hic affumamus : fingamus
pilam, aétam ab A ad B, denuo inde impelli | reticulo CBE quod
vim ejus motûs augeat, ex. gr. unà tertià parte, ut ita enim duobus
momentis tantumdem fpatii conficere queat, quantum antea con-
fecit tribus. Hoc idem erit ac fi offenderet in B punéto ejufcemodi
corpus, cujus fuperficiem unà tertià facilius quam aërem permea-
[ret. Etexiis quæ demonftravimus fequitur manifefte, fi defcribatur,
ut fuprà, circulus AD & rettæ AC, HB, FE, häc ratione ut
diftantia inter FE & HB unû tertià minor fit quàam illa quæ inter
HB & AC, punétum I, in quo retta FE & circularis AFD fefe
mutuo fecant, defignaturum illum locum quem pila petet digrefla
-à puncto B.
Quæ conclufo etiam inverti poteft, dicique pilam venientem
fecundüm lineam rectam ab A ad B, in hoc autem puncto à recto
itinere divertentem, tendentemque inde ad I, indicio efle, vim quàâ
intrat corpus CBI talem efle ad illam quä erumpit ex corpore
ACBE qualis diftantia quæ inter AC & HB ad illam quæ inter
HB & FI, hoc eft qualis linea CB ad BE.
7. Tandem verd, quoniam lucis actio fequitur hâc in re eafdem
leges quas pilæ motus, dicendum : quoties radii illius obliquo
motu ex pellucido corpore in aliud transferuntur, quod magis aut
minus facile illos admittit quäm primum, ibi | ita detorqueri ut
femper minus inclinent in fuperficie quæ his corporibus eit com-
munis, eâ parte in quà et illud corpus quod eas facilius recipit,
quäm eà in quà alterum pofitum eft : idque exacte eà proportione,
quà facilius prius quaäm pofterius illos recipit. Notandum autem
hanc inclinationem metiendam efle per quantitatem rectarum BC
vel AH, & EB vel IG, aut fimilium inter fe collatarum; non
verù per quantitatem | angulorum quales funt ABH aut GBI, &
multo minus per illam fimilium DBI, qui ‘refractionis anguli
dicuntur. Nam proportio horum angulorum ad fingulos inclina-
tionum gradus mutatur; illa verd linearum AH & IG, vel fimi-
lium, eadem manet in omni refractione quæ ab eodem corpore
venit. Ut, ex. gr., fi radius aërem permeans ab A ad B, tactà in
punéto B fuperficie vitri CBE, digrediatur ad I in hoc vitro;
veniat deinde alius à K ad B qui decedat ad L; tertius præterea à
P ad R qui abeat ad S; eadem ratio linearum KM & EN, aut QP
& ST, effe debet ad invicem, quæ eit linearum AH & IG, non
Œuvres. I.
un
=
4
+21
he.
594 OŒEuvres DE DESCARTES. 101-104.
autem eadem angulorum KBM & LBN, aut PRQ & SRT, quæ
ABH ad IBG.
S. Ita jam cognovimus quà ratione | refractiones dimetiendæ
fint; fed infuper, ut omnino determinentur illarum quantitates,
neceflarium eft ad experimenta defcendere, quum proveniant ex
particulari corporum conititutione in quibus fiunt; his autem ita ad
eandem menfuram reduétis, facillime & certiflime talia experimenta
fumi poflunt. Nam fufficit in unum radium inquirere qui probe
cognitus reliquos omnes ejufdem fuperficiei prodet; nullumque
errandi periculum adeft, fi præterea in aliits quibufdam examinetur.
Ut, fi velimus noffe quantitatem refractionum quæ fiunt in fuper-
ficie CBE feparante aëlrem AKP à vitro LIS, fufficit exami-
nare illam radii ABI, quærendo fcilicet rationem lineæ AH ad
IG. Sed, fi deinde errores vereamur, idem in aliquibus aliis fieri
debet, ut in KBL aut PRS, & deprehenfà eâdem proportione
inter KM & LAN, item inter PQ & ST, quàäm inter AH & IG,
nulla de veritate rei dubitandi occafio reliéta erit.
9. Sed mirum forfan videbitur, hæc experimenta facientibus, in
fuperficiem ubi refractio evenit, magis inclinari luminis radios,
aërem permeantes, quàäm aquam, & adhuc magis aquam quàäm
vitrum, contrà omnino quàm pila, quæ magis à parte aëris quàm à
parte aquæ in fuperficiem interjectam inclinatur, | & nullo modo
in vitrum penetrat. Occurrat ex. gr. pila expulfa in aërem ab A ad
B in punto B fuperficiei aquæ CBE, decedet inde ad V; af, fi
radius loco pilæ contingat B, digredietur ad I. Quod tamen non
mirabimur, fi in mentem venerint quæ fuprà de naturà luminis
diximus, id fcilicet motum quemdam effe five actionem receptam in
materià fubtilifimà quæ aliorum corporum poros replet; ac
præterea fi confideremus, pilæ plus agitationis fuæ decedere, fi
incurrat in corpus molle quàm fi in durum, illamque facilius per
menfam nudam quàm per eandem tapeto inftratam devolvi : nam
eàdem ratione hujus materiæ fubtilis actio magis impeditur ab
aëris partibus quæ, molles & male nexæ, non fatis firmiter refiftunt,
quàm ab illis | aquæ, paulo validius obnitentibus, & magis adhuc
ab his quam à partibus vitri aut cryftalli. Sic, quanto firmiores &
folidiores exiguæ partes corporis alicujus pellucidi funt, tanto
facilius lumini tranfitum permittunt; neque enim, ut pila fubiens
aquam, ita & lumen, ut fibi tranfitus pateat, quafdam ex ejus par-
tibus loco movet.
10. Jam vero, cûm fciamus caufam refrattionum, quæ | fiunt in
aquà, vitro & pellucidis cunétis aliis corporibus circa nos undi-
89
91
92
104-106. DIoPTRICE. 59
quaque occurrentibus, obfervare debemus, refractiones femper ibi
fimiles, effe intrante radio & exeunte. Ut, fi radius, progreflus ab A
ad B tranfeundo per aërem in vitrum, à B declinet ad I, ille qui
refiliet ab I ad B, itidem declinabit à B ad A, Interea tamen alia
corpora exftare queunt, præfertim in cœlo, ubi refractiones ex aliis
caufis ortæ non ita reciprocantur.
11. Atque etiam poteft contingere ut radii incurventur, licèt
unum tantummodo corpus pellucidum permeent, quemadmodum
interdum pilæ motus incurvefcit, quoniam illa fuo pondere horfum
fertur, & aliorfum per vim quâ vibratur aut ob multas alias caufas.
Nam confidenter tres illas comparationes quibus ufi fumus tam,
idoneas profiteri aufim, ut fingula quæ in iis notantur, commode ad
fimilia quædam ad lumen pertinentia referri poflint, nobis autem
illa tantüm explicare animus | fuit quæ præfenti argumento
maxime inferviunt. |
12. Neque vos diutius hîc morabor, ubi monuero curvas fuper-
ficies corporum pellucidorum, radios per fingula | punéta tranf-
euntes eodem modo detorquere quo planæ, in iifdem punctis 1llas
‘contingentés, detorquerent. Sic ex. gr. refra@tio radiorum AB,
AC, AD, qui venientes à lumine A incidunt in fuperficium gib-
bam globi cryftallini BCD, eodem modo confiderari debent ac fi
AB incideret in fuperficiem planam EBF, & AC in GHC, &
AD in IDK, & ita alii. Unde patet hos radios diverfimode vel col-
ligi vel difpergi poile, prout à fuperficiebus diverfimode curvatis
excipiuntur. Sed jam tempus eft delineationem ftructuræ oculi or-
diri, ut intelligamus quomodo radii illam ingrefli difponantur ad
fenfum vifonis efficiendum.
CAPUT TERTIUM.
De Oculo.
1. Si quà arte poflet oculus ita fecari, | plano per mediam pu-
pillam tranfeunte, ut nullus ex eo liquor efflueret, nec ulla pars loco
moveretur, talis ejus fectio appareret qualem hæc figura repræfentat.
| ABCD eft membrana fatis craffa & dura, componens quoddam
veluti vas, receptaculum omnium partium interiorum. DEF ef
membranula tenuior, intra priorem aulæi inftar expania. ZH
nervus, vulgo opticus dictus, ingenti numero parvorum capillamen-
96 OEUVRES DE DESCARTES. 106-108.
torum compofitus, quorum extrema per totum fpatium GHI dif-
funduntur, ubi, innumeris exiguis venis atque arteriis mixta, fpe-
ciem quamdam carnis tenerrimæ componunt, quæ, tertiæ mem-
branulæ inflar, totum interius fecundæ fundum tegit. K, L, M tres
funt liquores valde pellucidi, totas has tuniculas diftendentes, figurà
quà fingulos hîc delineatos videmus.
2. Et experientia me docuit, medium L, qui cryftallinus humor
dicitur, præterpropter eamdem refractionem producere quam vitrum
aut cryftallus, & duos reliquos paulo minorem, fere qualem aqua.
communis : unde fit ut facilius medius quàam reliqui duo, & adhuc
facilius hi quàm aër luminis radios admittant. In priori membranâ
pars BCB pellucida eft, & magis gibba quàm refiduum. In alter,
fuper/ficies interior partis EF, fundum oculi refpiciens, tota obfcura
& nigra eft, habetque in medio anterioris partis rotundum foramen
exiguum, foris refpicientibus nigerrimum apparens, quod pupillam
appellamus.
3. Non autem femper eâdem magnitudine patet hic hiatus; fed
EF, pars fecundæ membranulæ in quâ eft, liber/rime innatans
liquidiflimo humori K, fpeciem exigui mufculi habet, qui deducitur
aut contrahitur, prout objetta quæ contuemur vel propius vel lon-
gius abfunt, vel magis aut minus illuminantur, vel prout magis aut
minus curiofe illa contemplari animus eft. Et fidem huic rei pueri
ocuius cuivis dubitanti aftruere poterit: nam, fi jufleris ut vicinum
aliquod objettum attente refpiciat, videbis aliquanto arétius pu-
pillam ejus contrahi quàam fi aliud multo remotius & non majori
luce illuftratum ipfi refpiciendum proponas. Et deinde, fi feceris ut
idem objectum in quod refpicit, nunc minori nunc majori luce re-
fulgeat, claufis fcilicet vel apertis feneftris cubiculi in quo erit, ani-
madvertes pupillam fieri ed anguftiorem qu majori luce perftrin-
getur. Ac denique, fi ad eamdem lucem idem corpus ex eodem loco
ille puer infpiciat, minori ambitu patebit ejus pupilla, dum cona-
bitur accurate minutiflimas illius partes agnofcere, quam dum,
quafi aliud agens, vagis oculis integrum apprehendet.
4. Et obfervandum, hunc motum voluntarium efle dicendum,
licèt, ut plurimum, à nobis ignorantibus peragatur; neque enim
ob hoc minus dependet aut minus fequitur ex | voluntate quam ha-
bemus bene videndi: quemadmodum labiorum et linguæ motus,
pronuntiationi inferviens, voluntarius dicitur, quoniam loquendi
voluntatem fequitur, licèt fæpiflime ignoramus qualem fingulæ li-
teræ requirant. ù
5. EN, EN funt plurima filamenta nigra, undiquaque amplexa
ACT TRRSE LT ES
3
4
108-109. DIoPTRICE. 597
humorem L, & orta ex membranà fecundà, | inde ubi tertia termi-
natur, quæ fpeciem perexiguorum tendinum præ fe ferunt, &
eorum ope hic humor, pro intentione quà vifus nofter in res pro-
pinquas aut longe diflitas fertur, mox in majorem gibbum cur-
vatus, mox magis in planum porrectus, totam oculi figuram non-
nihil immutat. Quod etiam experientià conftat : nam, fi intentius
contemplanti turrim aut montem procul remotum, fcriptum aliquod
ante oculos prope apponatur, nullam literam nifi confufe dignofcere
poterit, antequam eorum figura paululum fuerit immutata. Denique
O, O funt fex aut feptem mufculi extrinfecus oculo affixi, quorum
ope quaquaverfum moverti poteft, & forte etiam, preflus aut re-
vulfus, quoad figuram immutari. Plura circa hanc materiam notari
folent, & anatomicorum libros augere, quæ de induftrià hîc omitto,
quoniam jam dicta fufficere arbitror ad explicandum quidquid facit
ad noftrum argumentum, & quia reliqua quæ ad hoc non juvarent,
ab iis quæ juvare poflunt animadvertendis cogitationes noftras avo-
carent. ||
CAPUT QUARTUM.
De Senfibus in genere.
1. Cæterum his quædam de fenfibus in genere fubjungenda funt,
ut felicius deinceps vifionis explicatio procedat. Omnibus jam
conftat animam efle quæ fentit, non corpus: videmus enim, quoties
illa, vel exftafi vel altà contemplatione diftracta, velut extra corpus
ponitur, hoc totum torpidum fine fenfu ftupere, quæcunque etiam
objeéta admoveantur. Nec magis obfcurum eft, illam non proprie
fentire quatenus eft in organis fenfuum exteriorum, fed quatenus
in cerebro, ubi illam facultatem exercet quam nuncupant fenfum
communem ; fic vulnera & morbi quæ cerebrum lædunt, in univer-
fum omnes fenfus tollunt, quum corpus interea nihilominus anima-
tum fit.
2. Scimus etiam illam impreflionem quà objecta partes corporis
externas afficiunt, nonnifi per interpofitos nervos ufque ad animam
pervenire: nam varia funt affeétuum genera quæ, licèt unico tan-
tummodo nervo noxia fint, omnem fenfum illarum partium corporis
tollunt, per quas male affecti nervi rami fparguntur, integro interea
fenfu reliquarum.
598 OŒEuvrEs DE DESCARTES. rog-111.
3. Ut autem uberius cognofcamus quà ratione anima, in cerebro
refidens, | per nervos interjectos impreflionem corporum externorum
recipiat, tria iniis diftinguenda occurrunt : primo, membranulæ
quibus involvuntur, ex cerebrum circumdantibus tunicis ortæ,
quæ, multis ramis | in modum tubulorum diffufæ, aliæ aliù per to-
tum corpus fparguntur eodem modo quo arteriæ & venæ; deinde,
fubftantia illorum interior quæ, in tenuiflima quædam veluti capil-
lamenta divifa, per tubulorum iftorum longitudines à cerebro, unde
defcendit, ufque ad membrorum extrema, quibus adhæret, porri-
gitur, adeo ut in fingulis tubis multa hujufmodi capillamenta non
dependentia ab invicem imaginari debeamus; poftremd, fpiritus
animales qui, inftar venti aut aëris fubtiliflimi, ex ventriculis feu
cavis cerebri progrefli, per eofdem tubos ad mufculos evehuntur.
4. Fatentur quidem Medici & Anatomici, hæc tria in nervis re-
periri; ufum autem eorumdem à nemine bene diftinétum novi.
Quum enim viderunt non tantüum fenfui, fed & motui membrorum,
nervos infervire, & contingere interdum paralyfes quæ, fenfu in-
tegro remanente, motum tollerent, modd duo eorum genera fece-
runt, quorum alterum foli motui, alterum folis fenfibus affignarunt;
modù fentiendi facultatem in membranulis collocarunt, & movendi
vim in fubftantià interiore : quibus cunétis tam | ratio quàäm expe-
rientia reclamat. Quis enim nervum aliquem notavit unquam mo-
tui infervientem, qui non fimul alicui fenfuum inferviret? Et quo-
modo, fi ex membranis dependeat fenfus, diverfæ objectorum im-
prefliones per eas in cerebrum penetrarent?
5. Evitandarum itaque harum difficultatum caufà, credendum eft
fpiritus per nervos in mufculos dilapfos, eorumque mox hunc mox
illum magis aut minus inflantes, prout largius aut parcius à cerebro
{ubminiftrantur, motum omnium membrorum eflicere; & capilla-
menta exifgua, ex quibus interior nervorum fubitantia compo-
nitur, fenfibus infervire. Et quoniam hoc loco non neceilarium de
motu loqui, nobis fufficit advertere, exigua illa capillamenta, in-
flatis tubulis, ut diximus, & afliduo fpirituum affluxu expanfis in-
clufa, non collidi, neque fibi invicem obftare, atque ad extremitates
omnium membrorum porrigi, quæ aliquo modo fentire poflunt; adeo
ut, fi leviflime tantüum pars illorum impellatur cui adhæret aliquis
nervorum, eodem etiam momento illa cerebri pars movetur ex qua
nervus ille defcendit, quemadmodum, fi alterum extremum reftis
diftenfæ tangas, alterum etiam ipfo momento commovetur. Quum
autem hæc capillamenta tubulis ita circumdata procurrant, quos
{piritus femper paululum inflant & diflendunt, nullo negotio intel-
97
nri-rr3 DIoPTRICE. 599
ligimus, licèt effent multo tenuiora quam bombyeum fila, & imbe-
cilliora | quàm aranearum, tamen à capite ad remotiffima membra
fine ullo ruptionis periculo defcendere poffe, neque diverfos mem-
brorum fitus motum illorum impedire.
6..Obfervandum præterea, animam nullis imaginibus ab objectis
ad cerebrum miflis egere ut fentiat (contrà quàm communiter Philo-
fophi noftri ftatuunt), aut, ad minimum, longe aliter illarum imagi-
num naturam concipiendam effe quäm vulgo fit. Quum enim circa
eas nil confiderent præter fimilitudinem earum cum objectis quæ
reprefentant, non poflunt explicare quâ ratione ab objectis formari
queant, & recipi ab organis fenfuum exteriorum, & demum nervis
ad cerebrum tranfvehi. Nec alia caufa imagines iftas fingere eos im-
pulit, nifi quod viderent mentem noftram efficaciter piéturà excitari
ad ap|prehendendum objeétum illud quod exhibet; ex hoc enim ju-
dicarunt illam eodem modo excitandam ad apprehendenda ea
quæ fenfus movent, per exiguas quafdam imagines in capite noftro
delineatas ; fed nobis contrà eft advertendum, multa præter
imagines efle quæ cogitationes excitant, ut ex. gr. verba &
figna, nullo modo fimilia iis quæ fignificant. Et licèt concedere
poflimus (ut, quantum fieri poteft, receptum opinionem fequamur)
objeéta quæ fentimus vere in | cerebro noftro adumbrari, ad mini-
mum notandum erit nunquam imaginem omnino fimilem efle ob-
jecto quod repræfentat : nam aliàs nullum inter hoc & illam diferi-
men foret : fed rudem fimilitudinem fufficere, & fæpe etiam per-
fectionem imaginum in hoc confiftere, ut non aflimilentur quantum
poffent. Quemadmodum videmus icones illas quæ à typographis in
Hibris excuduntur, etf nihil extra paulum atramenti chartæ hucilluc
ingeftum habeant, fylvas, urbes, homines, difpofitas acies & tem-
peftates nobis repræfentare, & tamen ex innumeris qualitatibus
horum objeétorum, quas cogitationi noftræ exhibent, nullam efle
præter figuram, cujus revera fimilitudinem referant; atque etiam
hanc fimilitudinem valde effe imperfectam, cum in fuperficie planà
corpora diverfimode furgentia aut fubfidentia exhibeant, &, fecun-
düm regulas fcenographiæ, melius fæpe circulos repræfentent per
ellipfes quàm per alios circulos, & quadrata per rhombos quàm per
alia quadrata, & ita de cæteris : adeo ut fæpius, ad abfolutam
imaginis perfectionem & adumbrationem objeéti accuratam, difli-
militudo in imagine requiratur. |
7. Eodem igitur modo imagines in cerebro noftro formatæ confi-
derandæ funt, & notandum tantummodo quæri quâ ratione ani-
mam moveant ad percipiendas diverfas illas qualitates objectorum
600 Œuvres DE DESCARTES. 1A3-r 15.
e quibus manant, non autem quomodo ipfæ jis fimiles fint. Ut,
[quum cæcus nofter varia corpora baculo fuo impellit, certum eft ea
nullas imagines ad cerebrum illius mittere, fed tantum, diverfimode
movendo baculum pro variis qualitatibus quæ in iis funt, eâdem
operà manüs etiam nervos diverfimode movere, & deinceps Joca
cerebri unde ii defcendunt : cujus rei occafione mens totidem di-
verfas qualitates in his corporibus dignofcit, quot varietates depre-
hendit in eo motu qui ab iis in cerebro excitatur.
CAPUT QUINTUM.
De Imaginibus quæ formantur in fundo oculi.
1. Manifefle itaque videmus non opus efle, ad fentiendum, ut
anima contempletur ullas imagines quæ reddant id ipfum quod fen-
titur; fed hoc interim non impedit quominus objecta quæ con-
tuemur fatis perfectas in oculi fundo repræfentent : ut ingeniofe à
quibufdam explicatum eft per comparationem earum quæ in cubi-
culo apparent, fi lumini inde exclufo nonnifi unicus aditus conce-
datur per exiguum foramen vitreà | lente claufum, & albo panno ad
debitum intervallum radii ingrefli excipiantur. Nam oculi vice hoc
conciave fungi aiunt, foramen pupillæ, vitrum cryftallini humoris
feu potius omnium illarum oculi partium quæ | refractionem ali-
quam efficiunt, & pannum, ejus tuniculæ interioris, retinæ diétæ,
quam extremitates nervi optici componunt.
2. Omnia tamen magis explorata et certa erunt, fi evulfum recèns
defunéti hominis aut, fi illius copia non fit, bovis vel alterius magni
alicujus animalis oculum ita fecemus ut, ablatâ eà parte trium ejus
membranarum quæ cerebro obverfa eft, fatis magna pars humoris
M appareat nuda, nec tamen ifte humor effundatur, fed contineatur
chartà, ovi putamine, vel alià quâvis materià albâ & tam tenui ut,
quamwvis non fit pellucida, omnem tamen luminis tranfitum non
excludat; qualis hîc exhibetur verfüs T SR : huncque oculum
foramini afleris ad id facti, quale eft Z Z, fic immittamus ut ejus pars
anterior BCD refpiciat aream varia objecta Sole illuftrata, ut V, X,
Y, fuftinentem; pofterior autem, ubi eft corpus album RST, refpi-
ciat conclave interius P quod, totum tenebrofum, nullum lumen
recipere debet, præter illud quod intrat per oculum cujus omnes
partes à C ad S funt pellucidæ. Hoc enim ita parato, fi refpiciamus
1OT
102
104
TE DIoPTRICE. Got
in corpus album RST, non fine voluptate & forfan etiam admira-
tione, piéturam quamdam in eo videbimus, omnia objecta, extra
cubiculum ad | V, X, Y pofita, fcite fatis imitantem : modà tamen
omnia fic adminiftrentur, ut ifte oculus naturalem fuam & | objeéto-
rum diftantiæ debitam figuram quàam proxime retineat; nam, fi
paulo magis prematur quàm illa requirit, ftatim confufior imago
apparebit.
3. Eftque hic obfervandum, paulo validius illum effle compri-
mendum, & figuram ejus reddendam oblongiorem, fi | objecta ap-
pareant ex propinquo, quàm fi magis removeantur. Sed hujus ima-
ginis delineatio uberius explicanda eft; nam eàdem operâ multa dif-
cemus quæ ad vifionem pertinent.
4. Primû igitur advertamus, ex fingulis punétis objeétorum V,
X, Y tot radios penetrantes ad corpus album R ST ir oculum ma-
nare, quot pupillæ hiatus recipere poteft, & omnes, ex eodem
punéto digreflos, permeando fuperficies BCD, 123 & 456, eà ratione
incurvari ut iterum præterpropter in eodem punéto concurrere
poflint, fecundum ea quæ tam de refraétionum quàm de trium hu-
morum K, L, M naturà diximus. Et quidem, ut imago, de quâ hic
agimus, omnibus numeris abfoluta fit, ea trium harum fuperficie-
rum figura requiritur, quæ omnes radios ex eodem punéto delaplos,
quantum fieri poteit, in eodem punéto corporis albi R ST recol-
ligat. Ut hîc videmus radios. venientes ex punéto X congregari
omnes in punéto S; ex Vin R; &ex Y in T. Et præterea nullum
radium venire ad S nifi ex punéto X; nec | ullum fere ad R nifi ex
punéto V, nec ad T nifi ex punéto Y ; K ita de reliquis.
5. Quibus animadverfis, fi recordemur eorum quæ generatim
fuprà audivimus de coloribus & lumine, atque etiam in particulari
de corporibus albis, facilè intelligemus quam ob caufam, inclufi cubi-
culo P & oculorum aciem in corpus album RST dirigentes, effigiem
objectorum V, X, Y ibi videamus. Nam primd certum eit, lumen
(hoc eft actionem quà Sol, aut aliud corpus luminofum, materiam
quamdam fubtilifimam, quæ in omnibus pellucidis corporibus re-
peritur, propellit), miffum ad | R ab objetto V, quod rubrum ex. gr.
fingamus (id eft, ita difpofitum ut ejus occafione hujus materiæ
fubtilis particulæ, præter motum rectum, affumant etiam circula-
rem circa proprium centrum, inter quem & rectum ea proportio fit
quæ requiritur ad fenfum rubri coloris efficiendum), cùm corpori
albo in R occurrat {id eft, ejufcemodi corpori ut quaquaverfum
materiam iftam fubtilem, modo quo movetur non mutato, repellat),
inde ad oculos noftros refilire per poros hujus corporis, quod in
Œuvres. I. 76
4
602 Œuvres DE DESCARTES. HAT
eam rem tenue & lumini non plane impervium admovimus, & ita
efficere ut punétum R rubri coloris videatur. Eodemque modo
lumen rectum ad $S ab objecto X, quod luteum efle fuppono, & ad
Tab Y, quod fuppono cæruleum, & inde ad oculos noftros provec-
tum, S luteo & T cæruleo colore tinctum debet exhibere. Et fic tria
puncta R,S,T, cûm | eundem inter fe ordinem eundemque colorem
retineant quem tria altera V, X, Y, iis exacte | fimilia funt.
6. Hujus autem pitturæ perfectio ex tribus maxime dependet :
nempe ex eo quod per hiatum pupillæ pluris radii à fingulis corpo-
rum punctis intrent, quemadmodum hîc XB14S,XC25S, XD365,
& quotquot præterea inter eos poffumus imaginari, eù veniunt
ex folo punéto X; deinde, ex eo quod hi radii fic in oculo refrin-
gantur ut, ex diverfis punétis digrefli, præterpropter in totidem aliis_
corporis albi RST reddantur; poftremà, ex eo quod, cûm capilla-
menta exigua EN, & fuperficies interior membranulæ E EF, fint
nigra, itemque cubiculum P fit omni ex parte claufum & obfcurum,
nullum aliunde lumen ed accedat, quod actionem radiorum proma-
nan | tium ab objectis V, X, Y turbare poflit. Nam, fi ea pupillæ
anguftia foret ut unos folummodo radios ex fingulis objeéti punctis
acciperetatque remitteret ad fingula punéta corporis RST, non fatis
virium in iis effet ut inde in cubiculum P ad oculum noftrum defer-
rentur. Pupillà verd laxiore exiftente, fiquidem nulla in oculo re-
fractio fieret, radii à fingulis punétis objecti ed venientes per totum
fpatium RST fpargerentur, adeo ut, ex. gr., tria punéta V, X, Y
tres radios mitterent ad R, qui, unà inde ad oculum noftrum refi-
lientes, punctum illud R mixto quodam colore ex flavo, rubro &
cæruleo exhiberent, atque fimile punctis S & T ad quæ itidem
punéta V, X, Y fingulos radios mitterent.
7. Idem quoque propemodum eveniret, fi refractio, quæ fit in
oculo, major aut minor foret quàm | magnitudo illius requirit;
major enim radios emanantes ab X, antequam progrediantur adS,
colligeret, velut in punéto M; contrà verd, minor nonnifi illud præ-
tervectos cogeret, ex. gr. verfus P, atque ita tangerent corpus album
RST in plurimis punétis, ad quæ eodem modo alii radii ex aliis
objecti partibus ferrentur. Poftremà, nifi corpora EN, EF nigra
forent, hoc eft ita comparata ut lumen exceptum non remittant, fed
extinguant, radii à corpore albo RST eù reflexi inde reverti poflent,
qui venirent à T verfus S & R, qui ab R verfüs T & S, & qui ab
S verfüus R & T; & hoc modo alter alterius actionem turbaret :
quod etiam facerent radii refilientes ex cubiculo ad RST., fi alio
lumine illuftraretur quam illo quod objecta V, X, Y eù mittunt.
106
’
dt
121-124. DioPTRICE. 603
8. Sed, cognitis iis quæ ad hujus picturæ perfectionem | con-
ferunt, operæ pretium etiam eft ejus defectus intueri : horum
primus & maximus efl, nullà ratione oculum, qualemcunque figu-
ram habeat, radios omnes ex diverfis punétis miflos in totidem aliis
colligere pofle, fed multum agere, fi tantummodo omnes ab uno
punéto venientes, velut ab X, in alio quodam fiftat, velut in S, quod
medium eft poiterioris oculi partis; quod cüm fit, nonnifi pauci
eorum qui veniunt ex punéto V coire poflunt accurate in punéto R,
aut ex Ÿ | accurate in T, & reliqui neceflarid nonnihil inde abfce-
dunt, ut | poftmodum explicabimus. Atque hinc extremitates hujus
imaginis nunquam tam diftincte quàäm medium apparent, quem-
admodum fatis notarunt qui circa Optica commentati funt. Hoc
enim eft quod dixerunt, vifionem potiflimum fieri fecundum axem,
hoc eft fecundum lineam rectam per centrum cryftallini humoris
& pupillæ protenfam, qualis hîc eft linea XKLS, axis vifonis iis
dicta.
9. Hic autem obfervemus, qud major pupillæ hiatus eit, ed magis
radios venientes, ex. gr. ex punéto V, circa punétum R difpergi; &
ita, quantum hæc laxitas colorum vim & nitorem intendit, tantum
detrahitex accuratà lineamentorum picturæ diftinétione; ideoque non
nifi mediocris efle debet. Notemus præterea hos radios magis circa
punctum R difperfum iri quàm jam fparguntur, fi punétum V, unde
manant, propius oculo adjaceret, ut fi effet in 10, aut longius ab
eodem diftaret, ut fi effet in 11, non mutato interim puncto X, ad
cujus diftantiam oculi figuram fuum commenfum habere fuppono;
ideo | que imaginis hujus partem R obfcuriorem adhuc effent red-
dituri. Quorum omnium demonitratio nobis aperta erit, cum ulte-
rius progrefli videbimus quam figuram corpora pellucida requirant,
ad radios ex aliquo punto delapfos in alio quodam poft tranfitum
colligendos.
10. Reliquæ autem hujus picturæ imperfectiones in eo funt,
quèd femper inverfa appareat, hoc eft contrario plane fitu quàm
obtinent corpora quæ imitatur; & quôd præterea ejus partes, | aliæ
magis, aliæ minus, contrahantur, pro varietate fitûs & intervalli
rerum quas exhibent, eodem fere modo quo in fcenographicà tabulà
fieri folet. Ita hîc manifefte videmus : T, quod ad finiftram, Y,
quod ad dextram, reddere; & R, quod ad dextram, V, quod ad
finiftram. Et præterea, imaginem corporis V non plus fpatii occu-
pare in R, quàam occuparet illa corporis 10, minoris quidem, fed
magis propinqui; nec minus quàm illa corporis 11, quod majus,
fed longius remotum eft; nifi forfan eo ipfo quod magis diftincta
604 OEUVRES DE DESCARTES. 124 27e
fit. Et poftremd videmus lineam VXY, quæ reéta eft, exprimi per
curvam RST.
11. Ita, confideratà hâc imagine in oculo mortui vel hominis vel
beitiæ, & rationibus perpenfis, dubitare non poffumus, quin fimilis
quædam exprimatur in membranà interiore oculi viventis hominis,
in cujus locum corpus album RST fubftituimus; atque etiam, quin
longe melius ibidem depingatur, cum fpiritibus referti humores
magis pelluceant, & figuram huic operi debitam exattiorem ha-
beant. Et quod ab bovis oculum attinet, fortè etiam in eo pupillæ
figura, quia non rotunda, imaginis perfectioni nonmihil obftat.
12. Nec magis ambigere poflumus, imagines albo panno | in te-
nebrofo cubiculo exceptas eodem modo quo in oculi fundo formari,
& ob eafdem rationes; fed, cum multo majores & pluribus modis
ibi fiant quàam in oculo, multa particularia | commodius in iis ob-
fervantur, quorum hic monere animus eft, ut quilibet illa poflit
|experiri, fi nondum hattenus expertus eft. Primo itaque, fi nullum
vitrum foramini, per quod radii cubiculum illud ingredi debent,
apponatur, modû ne fit nimis late patens, imagines quidem in
panno apparebunt, fed imperfeétæ admodum & confufæ, & tanto
magis quanto latius patuerit foramen; & qud major erit diftantia
inter illud & linteum, ed quoque majores imagines erunt, ita ut
magnitudinis illarum eadem fere fit ratio ad hoc intervallum, quæ
magnitudinis éorporum à quibus illæ fluunt, ad fpatium ipfa ob-
jecta & foramen idem interjacens. Ut, fi A BC fit objectam, D fora-
men, EGF imago, quale eft AB ad CD, tale erit EG ad F D. Poftea,
vitreà lente huic foramini immiflà, obfervandum certam quamdam
diftantiam determinatam effe, ex quà fi objecerimus pannum, fimu-
lacra lucida atque admodum diftincta refulgent ; fimul ac verd pau-
lulum accedimus ad vitrum, aut ab eodem recedimus, ftatim ea tur-
bantur & minus diftincte apparent. Hæc autem diftantia dimetienda
erit, non fecundüm fpatium quod linteum & foramen intercedit,
fed fecundüm illud quod linteum & vitrum : ut, quan/tum hoë
vitrum ulterius promoveris, aut introrfum ad te reduxeris, tantum
fimul & linteum vel adducere vel removere oporteat. Pendetque
hæc diftantia, partim ex figurà hujus vitri, & partim ex fpatio quod
illud & res objectas interjacet : nam, licèt eodem loco hæ maneant,
quo minus fuperficies | vitri erunt incurvatæ, ed longius hoc lin-
teum removendum; & eodem vitro manente, accedentibus propius
objectis, paulo magis linteum removendum erit quam fi longius
eadem abeffent. Atque ex hàc diftantià imaginum oritur magnitudo,
eodem fere modo quo tum, cùm nullum foramini vitrum applica-
Pa
127-120. DIoPTRICE. 60$
tur. Fieri autem illud foramen majus poteit, fi vitro inferto obtu-
retur, quàm fi apertum & vacuum relinquatur, imaginibus ob id
non minus diftinétis. Et quo erit majus, eù fimulacra nitidiora
atque illuftriora videbuntur : adeo ut, fi partem vitri tegas, magis
quidem obfcura quàm antea debeant apparere, fed non idcirco minus
fpatii in panno occupare. Et qud majora & lucidiora hæc fimulacra
funt, ed perfectius videntur ; adeo quidem ut, fi oculum admodum
profundum ftruere pofflemus, cujus pupilla effet valde ampla, & in
quo fuperficies refractionem efficientes figuram haberent quæ huic
magnitudini refponderet, ed ampliores objectorum corporum ima-
gines in ejus fundo exprimerentur. Et fi duas aut plures lentes
vitreas parum convexas jungamus, idem fere eflicient quod una quæ
ad eandem craflitiem, quam illæ omnes fimul fumptæ, intumefcet :
hîc enim exigui momenti eft fuperficierum numerus in quibus re-
fraétiones fiunt. Aîft, fi ex certo intervallo hæc vitra ab invicem
removeamus, fecundum eriget imaginem, quam primum invertit;
ter {| tium iterum invertet, &ita porro.Quorum omnium | ratio ma-
nifefta eft ex iis quæ fuprà audivimus, & quidem majus operæ
pretium erit, mediocri meditatione illam inquirenti, quam obiter
fingula fufius hîc enarrata legenti.
13. Cæterum corporum fimulacra non tantüm in imà oculi parte
formantur, fed ulterius quoque ad: cerebrum | penetrant : quod
facilè intelligemus, fi cogitemus radios ab objecto V in oculum ve-
nientes contingere in puncto R extremum alicujus ex capillamentis
|nervi optici, quod oritur e regione 7 fuperficiei interioris cerebri
789 : & venientes ab objecto X in puncto S extremitatem alterius
cujufdam capillamenti impellere, cujus initium eft in puncto 8; &
delapfos ab objecto Y, aliud in punéto T, quod prorepit e regione
cerebri 9 ; & ita porro. Et præterea, cum lumen nihil extra motum
aut nifum quemdam ad motum fit, radios 1llius progreffos ab V ad
R vim totum capillamentum R7 movendi habere, & confequenter
regionem cerebri 7; & venientes ab X ad S, totum nervum SS8, &
infuper alià ratione movendi quàäm movetur Re cüm corpora X &
V diverfimode colorata fint ; & ita venientes ab Y punetum 9 Mmo-
vere. Unde patet in fuperficie cerebri interiore, quæ cavitates illius
refpicit, denuo quamdam picturam delineari 780, fatis fimilem ob-
jeétis VX Y. Atque inde ulterius hanc promovere poflem ad glan-
dulam quamdam exiguam, quæ in medio circiter harum cavitatum
occurrit propria fenfûs communis fedes. Imo præterea hîc often-
dere non arduum foret, quà ratione interdum per arterias gravidæ
mulieris tranfeat ufque ad certum aliquod fœtüs membrum, quem
606 OŒEuvres DE DESCARTES. 120 135
in utero geftat, & ibi iftas malaciæ notas imprimat, quas tantopere
docti admirantur. |
| CAPUT SEXTUM. 116
De Vifione.
1. Licèt autem hæc pictura, fic tranfmifla in cerebrum, femper
aliquid fimilitudinis ex objectis, à quibus venit, retineat, non tamen
ob id credendum eft, ut fuprà quoque monuimus, hanc fimilitudi-
nem efle quæ facit ut illa fentiamus, quafi denuo alii quidam oculi
in cerebro noftro forent, quibus illam contemplari poflemus; fed
potius motus effe à quibus hæc piétura componitur, qui immediate
in animam noftram agentes, quatenus illa corpori unita eft, à naturâ
inftituti funt ad fenfus tales in eà excitandos. Quod latius hic expo-
nere libet.
2. Omnes qualitates, quas in vifüs objectis percipimus, ad fex
primarias reduci queunt, ad lumen fcilicet, colorem, fitum, diftan-
tiam, magnitudinem & figuram. Et primd, quantum ad lumen &
colorem, quæ fola proprie ad fenfum vifionis pertinent, cogitandum
illam animæ noftræ naturam efle, ut per vim motuum, qui in illà
cerebri regione occurrunt, unde tenuia nervorum opticorum fila
oriuntur, luminis fenfum percipiat; per eorumdem autem | mo-
tuum diverfitatem, fenfum coloris : quemadmodum per motus ner-
vorum auribus refpondentium fonos dignofcit, & ex motibus nervo-
rum linguæ, varios fapores ; & in univerfum ex motu nervorum
totius corporis moderato quamdam titillationem fentit, & dolorem
ex violento, quum interea in his omnibus fimilitudine nullà opus fit
inter ideas quas illa percipit & motus qui earum funt caufæ.
|3. Atque his facilè adhibebimus fidem, modô notemus, quibus 117
oculus vulnere læditur, videri fe infinitas ignium & fulgurum vibra-
tiones cernere, licèt oculos claufos habeant aut in conclavi obfcuro
commorentur ; ut ita hic fenfus non alii rei fit imputandus quam
agitationis vehementiæ, quæ capillamenta exigua nervi optici inftar
violenti luminis cujufdam movet; & eadem agitatio, aures feriens,
fonum quemdam efficere poflet, aut, alias partes corporis, dolorem.
4. Hoc etiam inde confirmatur quôd, fi aliquando Solem feu
lumen aliud valde fulgidum obftinati contuemur, illa impreflio
etiam aliquanto pôit in oculis duret, adeo ut, licèt poftea claudantur,
118
119
131-133. DIoPTRICE. 607
varios tamen colores nobis videamur videre mutantes & tranfeuntes
ad invicem, prout paulatim evanefcunt : hoc enim non aliunde pro-
cedit nifi quod capillamenta nervi optici, infolito motu concufla &
agitata, non tam fubito refidant quäm aliàs. Sed agitatio, quà adhuc
poit oculos | claufos palpitant & quafi contremifcunt, quum non fatis
valida fit ad reddendum tam illuftre lumen quàm fuit illud à quo
venit, colores minus intenfos & velut diverios repræfentat. Et hi
colores paulatim expallefcendo mutantur : quod fatis docet illorum
naturam tantüm in motüs diverfitate confiftere, neque aliam effe
quàm fuprà pofuimus.
5. Ipfum etiam poftremd ex eo manifeftum fit quod fæpe in pellu-
cidis corporibus hi colores appareant, ubi certum eft nihil efle
quod eos producere poflit, extra diverfos illos modos quibus radii
luminis admittuntur : ut quum in nubibus iris apparet, & magis
adhuc, quum fimile aliquid in vitro cernimus, cujus fuperficies in
varias hedras polita eft.
| 6. Hiîc vero operæ pretium eft curiofius advertere in quo con-
fiftat quantitas luminis quod videtur {hoc eft impetus quo fingula
nervi optici capillamenta moventur) : non enim femper æqualis eft
lumini quod ex objectis emanat, fed vel pro ratione diftantiæ cor-
porum, vel magnitudinis pupillæ, variat; vel pro ratione fpatii quod
ex fingulis corporum punétis manantes radii in oculi fundo occu-
pant. Sic conftat ex. gr. punctum X plures radios ad oculum B
miffurum quam nunc mittat, fi pupilla FF pateret ufque ad G ; &
illud totidem mittere in hunc oculum B, qui minus ab ipfo diftat &
cujus pupilla valde angufta eft, quot in oculum A, cujus quidem
pupilla multo major eft, fed quod etiam multo magis ab ipfo diftat.
Et, quamvis non plures ex diverfis punétis | V, X, Y fimul fpectatis
oculum A ingrediantur quàm oculum B, quia tamen in ejus fundo
nonnifi per fpatium T R extenduntur, quod minus eft fpatio HI
per quod in fundo oculi B fparguntur, majori vi agere debent in
fingulas extremitates nervi optici, quas ibi contingunt, quàm in
illas oculi B: quod ad calculum revocare minime arduum eft. Nam,
fi ex. gr. fpatium HI quadruplum fit fpatii TR, & extremitates
quatuor capillamentorum millium nervi optici contineat, TR con-
tinebit tantum mille, & confequenter | fingula capillamentorum, in
parte imà oculi A, millefimä roboris parte movebuntur quod omnes
radii uniti habent, & in fundo oculi B, quartà tantum millefimæ.
7. Obfervandum etiam partes corporum, quæ contemplamur,
non dignofci polfe, nifi quatenus colore quodammodo differunt; &
horum colorum diftinétam perceptionem non pendere tantüm ex eo
608 .… Œuvres DE DESCARTES. 133-135.
quôd omnes radii à fingulis corporum punétis venientes in fundo
oculi in totidem aliis circiter coëant, vel ex eo quèd nulli alii aliunde
effufi ad eadem punéta admittantur, fed etiam ex multitudine capil-
lamentorum nervi optici, quorum extremitates continentur in illo
fpatio quod imago in oculi fundo occupat. Si enim ex. gr. objeétum
VXY | ex decem partium millibus componatur, quæ aptæ fint ad
radios tot diverfis modis in fundum oculi RST mittendos, & confe-
quenter ad repræfentanda eodem tempore decem colorum millia,
anima tamen ad fummum mille tantüm difcernet, fi fingamus
mille tantum capillamenta nervi optici exftare in fpatio RST;
etenim tunc decem particulæ objecti, agentes fimul in fingula capil-
lamentorum, uno duntaxat modo ex denis mixto & confufo illa
movere poflunt : unde fit ut illud fpatium, quod ab uno quolibet
ex his capillamentis occupatur, nonnifi pro unico punéto debeat
haberi.
8. Atque hoc eft quod efhicit ut pratum infinità colorum varietate
diftinétum procul infpicientibus totum album aut cæruleum
videatur; & generatim ut omnia corpora remota minus diftincta
appareant quam propinqua ; denique etiam, ut, què latius ejufdem
corporis fimulacrum in oculi fundo diducere poffumus, eo diftinétius
videri queat. Quod notatum magno ufui poftea erit.
19. Situm (id eft regionem in qu fingulæ objecti partes refpeëtu cor-
poris noftri locatæ funt) quod attinet, illum nonaliter oculorum mini-
fterio deprehendimus quàäm manuum; & notitia illius ex nullä imagine
pendet, nec ex ullà actione ab objectis veniente, fed ex folo fitu exigua-
rum partium cerebri, e quibus nervi expullulant. Hic enim fitus,
mutato fitu membrorum quibus illi nervi inferuntur, aliquantulum
varians | à naturà ita inftitutus eft, ut non tantüm animam certam
facere poflit in quâ regione fingulæ partes corporis, cui ineft, aliarum
refpectu exiftant, fed infuper eflicere ut attentionem inde ad omnia
loca transferre queat, quæ in lineis rectis occurrunt quas imaginari
poffumus ab extremitatibus fingularum ex his partibus in infinitum
produétas. Ut, quum cæcus ille, de quo jam fæpe mentio facta eff,
manum fuam A verfus E vel alteram manum C etiam verfüs E
obvertit, nervi huic manui inferti mutationem quamdam in cerebro
illius efficiunt, per quam anima cognofcit non tantüm locum A vel C,
fed & omnia reliqua quæ occurruntin lineà rectà AE vel CE; imo,
ulterius progreffa ufque ad objecta B & D, loca etiam ubi illa
exiftant determinat, incerta interea, vel faltem non attendens, ubi
utraque manus exiftat. Atque ita, quoties oculus aut caput noftrum
huc vel illuc inflectitur, mens noftra ejus rei admonetur à muta-
ECS DIOPTRICE. 609
tione quam nervi, mufculis hujus motûs miniftris inhærentes, in
cerebro noftro efficiunt.
121 10. Exempli gratià, cogitandum in oculo RST fitum calpil-
lamenti nervi optici, quod eft in punéto R vel S vel T, ref-
pondere ad alium quemdam partis cerebri 7 vel 8 vel 9, qui
facit ut anima fingula loca cognofcat quæ jacent in rectà aut
quafi rectà lineâ RV vel SX vel TY. Utita mirari non debeamus
corpora in naturali fitu videri, | quamvis imago in oculo delineata
contrarium habeat; quemadmodum cæcus nofter fimul objectum
122 B, | quod eft ad dextram, ope manüs finiftræ, & D, quod ad
finiftram, ope manûs dextræ animadvertit. Et quemadmodum ille
idem non judicat corpus duplex effe, licèt duabus manibus illud
tangat, fic etiam oculi noftri, quum ambo | verfüs eundem locum
aciem fuam dirigunt, nonnifi unicum objeétum menti debent
exhibere, quamvis in unoquoque eorum peculiaris ejus imago
formetur.
11. Perceptio diftantiæ, non magis quàm fitüs, ab ullis imagi-
nibus pendet, fed primù à figurà totius oculi : etenim, ut jam
diximus, alia requiritur, ad percipienda ea quæ propinqua, quäm
ad ea quæ procul abducta; & dum illam pro ratione objecti mu-
tamus, fimul quædam cerebri noftri pars variat, ita à naturà infli-
tuta ut animam de hâc diftantià certam reddat.
12. Et hoc, ut plurimum, nobis infciis accidit eodem plane
modo quo, corpus aliquod manu complexi, ftringentes, ad illius
figuram & magnitudinem hanc aptamus, atque ita illud cognofci-
mus, licèt interea non fit opus ut, quà ratione manus noftra move-
tur aut difponitur, advertamus.
13. Diftantiam præterea difcimus per mutuam quamdam confpi-
rationem oculorum. Ut enim cæcus nofter, duo bacilla tenens, AE
& CE, de quorum longitudine incertus, folumque intervallum
manuum À & C, cum magnitudine angulorum ACE & CAE,
exploratum habens, inde, ut ex Geometrià quâdam omnibus innatä,
fcire poteft ubi fit punétum E; fic, quum noftri oculi, RST & rst,
123 ,ambo vertuntur ad X, magnitudo lineæ Ss & angulorum | XSs &
XsS certos nos reddunt ubi fit punctum X. | Et idem operà alteru-
trius poffumus indagare, loco illum movendo; ut, fi verfüus X illum
femper dirigentes primÔ fiftamus in punéto S, & flatim pôit in
punéto s, hoc fufficiet ut magnitudo lineæ Ss & duorum angulorum
XSs & XsS noftræ imaginationi fimul occurrant & diftantiam
124 punéti X nos edoceant : idque per actionem menltis quæ, licèt
fimplex judicium efle videatur, ratiocinationem tamen quamdam
-
Œuvres. I. 77
Gro Œuvres DE DESCARTES. 158 110
involutam habet, fimili illi quà Geometræ, per duas ftationes
diverfas, loca inaccefla dimetiuntur.
14. Alio adhuc modo diftantias nofcimus, per diftinétionem fcilicet
aut confufionem figurarum, & fimul per vehementiam luminis aut
debilitatem. Sic, dum fixo obtutu infpicimus X, radii venientes ab
objectis* 10 & 12 non ita exacte coëunt in punétis R et T quàäm fi
hæc objeéta in V & Y pofita forent; unde illa vel longius remota vel
propius adduéta colligimus quàm eft X. Preæterea, ex eo quôd
lumen ex objecto 10 ad oculum noftrum defluens longe vehemen-
tius eft quàm fi idem objectum ad Y remotum foret, magis 1llud
elle propinquum dijudicamus ; &, quum hoc quod fpargit objeétum
12 debilius fit quäm fi foret ad Y, ulterius illud remotum efle hinc
difcimus.
15. Denique, quum jam aliunde prænovimus qualis fit magnitudo
alicujus corporis, vel ejus fitus, vel quäm diftincta fit ejus figura &
quàm vividi colores, vel tantüm qualis fit vis luminis ex eo emifli,
pofflumus hâc præcognitione uti, non quidem | proprie ad viden-
dum, fed tamen ad vifu percipiendam ejus diftantiam. Ut, fi corpus.
aliquod oculis | familiare procul contueamur, melius de diftantià
judicabimus quàm fi magnitudo illius minüs cognita foret. Et fi,
ultra nemus obumbratum, rupem Soli expofitam videamus, folus
hujus fvlvæ fitus illam procul abefle dictabit. Et fi duas naves, ma-
jorem alteram, alteram minorem, vela facientes contemplemur hâc
ratione inæqualiter remotas ut æqualis magnitudinis videantur, ex
dif{ ferentià figurarum, colorum & luminis quod ad oculos noftros
mittent, utra remotior fit advertemus.
16. Modum autem quo magnitudinem & figuram objectorum
videmus, non opus eft verbofius explicare, quum totus* illo con-
tineatur quo diftantiam & fitum partium cernimus. Magnitudinem
videlicet æflimamus ex cognitione feu opinione quam de diftantià
habemus cum magnitudine imaginum in fundo oculi formatarum
comparatà, & non abfolute per imaginum magnitudinem : utclarum
fit inde qudd, licèt ex. gr. centies illæ majores fint, quum objecta
valde propinqua funt, quàäm quum decuplo magis removentur, non
tamen ob id centies majora nobis appareant, fed propemodum
æqualia, utique fi diftantià non decipiamur. Manifeftum etiam eft
figuram dignofci per cognitionem feu opinionem quam de fitu
diverfarum partium corporis habemus, non per fimilitudinem
imaginum quæ in oculo pinguntur : nam hæ plerumque rhombo
a. tota EUz.
126
127
128
129
130
or. D'oPpTRICE. Gri
vel ellipfi conftant, | quum quadrata & circulos nobis exhibent.
17. Ne autem vel minimum dubium relinquatur, quin vifio hoc
modo quo diximus fiat, rationes præterea hic intuebimur ob quas
interdum nos foleat fallere. Primd, quia mens eft quæ videt, non
oculus, idque cerebri ope magis immediate quàm oculi, inde fit
ut phrenetici & dormientes varias aliquando fpecies videant, aut
fibi videre videantur, quæ oculis propterea non objiciuntur ; at-
que hoc evenit, fi vapores, cerebrum pulfantes, partes illius, quæ
vifioni inferviunt, eodem modo difponant quo ipfas, mediante oculo,
difponerent objetta externa, fi adeffent.
[18. Deinde, quia imprefliones extrinfecus venientes ad fenfum
communem per intermedios nervos tranfeunt, fi horum fitus per
caufam infolitam detorqueatur, objecta alibi quàm ubi funt repræ-
fentare poteit. Ut, fi oculus rsf, fuà fponte difpofitus ad refpi-
ciendum verfüs X, cogatur à digito N fefe obvertere verfus M, partes
cerebri, unde hi nervi prorepunt, non eodem plane modo | difpo-
nentur ac difponerentur, fi oculus ifte à propriis mufculis ed deflecte-
retur, nec tamen etiam eodem ac fi revera verfüs X refpiceret, fed
medio quodam modo, tanquam fi refpiceret Y ; atque ita, hujus oculi
ope, objectum M apparebit eù loci ubi eit Y, & Y ubieftX, & X
ubi eft V; & quoniam hæc eadem objecta | eodem tempore in
verislocis videbuntur ope alterius oculi RST, duplicata apparebunt.
Eodem modo quo globulus G, duobus digitis D & A decuffatis
attrectatus, inftar duorum fentitur ; etenim, dum hi digiti fe mutuo
ita decuflatos retinent, mufculi eos diducere nituntur, A in C & D
in F, unde fit ut partes cerebri, ex quibus nervi his mufculis infer-
vientes originem ducunt, difponuntur eo modo qui requiritur ut
idem digiti A in B et & Din E elle, ac confequenter duos ibi glo-
bulos H & I tangere videantur.
19. Præterea, quoniam aflueti fumus judicare, actiones, à quibus
vifus nofter movetur, ex iis locis verfus quæ debemus obtutum dirigere
ut illas percipiamus, quoties accidit ut aliunde procedant, facillime
fallunt. Ita qui oculos flavà bile fuflufos habent, aut per vitrum
flavum vident, aut in cubiculo degunt quod nullum lumen nifi per
ejufmodi vitra recipit, flavo colore omnia corpora quæ cernuntinfecta
putant. Et ille qui in cubiculo tehnebrofo, quod fuprà defcripfimus,
corpus album RST intuetur, illi tribuit colores qui funt objectorum
V, X, Y, quoniam in illud folum aciem fuam intendit. Et oculi A,
B; C;, D, E, F, videntes objetta T, V, X, Y, Z, & per | tranfverfa
vitra N, O, P, & in fpeculis C, R, $, illa judicant effe in punétis
G, H, I,K, L, M, | & V, Z minora, & X, €c. majora quàm revera
612 Œuvres DE DESCARTES. FAR TES
funt; vel etiam X, €c. minora & fimul inverfa, quum fcilicet longius
ab oculis C, F poñita funt; his vitris & fpeculis radios ab objectis
venientes ita detorquentibus ut ab his oculis diftincte nequeant
videri, nifi ita difpofitis ac fi punéta G, H, I, K, L, M intueri vellent,
ut facilè cognofcent ii qui fatis | ad hæc attendent. Et eädem operâ
videbunt quantum in Catoptricis majores noftri aberrarint, quoties
in fpeculis concavis & convexis locum imaginum determinare conati
fuerunt.
20. Notandum etiam modos diftantiæ cognofcendæ, quotquot
habemus, valde dubios & incertos efle; quantum enim ad oculi figu-
ram, illa fere nihil amplius mutat, quum objectum ultra quatuor aut
quinque pedes remotum abeit; etiam, quum propius adeft, tam
parum variat ut vix quicquam accurati ex illà mutatione difcerni
poffit. Et quantum ad angulos inclufos lineis ex duobus oculis aut ex
duabus ejufdem oculi ftationibus ad objecta ductis, illi etiam fere
iidem femper manent, quum paulo longius profpicimus. Ex quibus
fit ut nequidem fenfus nofter communis ideam diftantiæ capere
pofle videatur ultra centum aut ducentos pedes abduétæ; atque hoc
patet ex eo qudd Luna & Sol, quæ funt e numero corporum remo-
tiffimorum quæ contueamur, & quorum diametri ad diftantiam*
circiter funt ut unum ad centum, pedales ut plurimum vel ad fum-
num bipedales nobis videantur, licèt ratio dictet illos longe maximos
& remotiffi|mos effe. Hoc enim non evenit quôd majores illos fingere
nequeamus, quum turres & montes multo majores imaginemur &
videamus ; fed propterea quèd cogitatione ultra centenos aut ducenos
pedes illos removere non pofflumus, inde fequitur diametrum illorum
unius aut alterius | pedis videri.
21. Ipfe quoque fitus in hoc nos decipit; nam plerumque hæc
aftra circa meridianum in cœli vertice minora apparent quäm quum
funt in ortu vel occafu, & occurrunt inter ipfa & oculos noftres
diverfa objetta quæ judicium de diftantià melius informant. Et
Aflronomi, cum fuis machinis illa dimetientes, fatis experiuntur
hoc, qud ita jam majora, jam minora appareant, non ex eo contin-
gere quod modù fub majori, modù fub minori angulo videantur,
fed ex eo quod longius diffita judicentur,quia tam verfüs horizontem
quàm verfüs verticem fub eodem femper angulo ea confpici depre-
hendunt : ex quibus patet non omnino verum efle Opticæ veterum
axioma, quo magnitudines corporum apparentes vifionis angulis
ftatuuntur proportionales.
a. circumferentiam Æ/7.
131
k
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47
132
133
145-147. DIoPTRICE. 613
22. Fallimur etiam in eo quôd corpora alba vel luminofa, & in
univerfum omnia illa quibus ineft multum roboris ad movendum
vifionis fenfum, femper paulo majora & propiora appareant quàm fi
minus virium haberent. Caufa vero ob quam propiora videntur, hæc
eft quod motus, quo pupilla arcendi vehementioris luminis gratià
conftringitur, tam arcte cum altero cohæret, qui totum oculum difpo-
nit ad fubtilius pervidenda objecta propinqua eorumque diflantiam
dignofcendam, ut neuter ad efleétum deduci queat, quin aliquan-
tulum ex altero admiffceatur ; eodem fere modo quo anteriores duos
digitos contrahere nequimus, quin fimul tertius paululum cum illis
incurvetur. Et ratio ob quam corpora luminofa vel alba majora
apparent, non tantum in eo confiftit quod judicium magnitudinis ex
[diftantiæ æftimatione pendeat, fed etiam in eo qudd imagines
eorum majores in oculi fundo formentur. Notandum enim extre-
mitates capillamentorum nervi optici, quamvis minimas, tamen
alicujus efle craflitiei, adeo ut fingulæ ex illis in un fui parte ab uno
objecto, & in alià ab alio, attingi poflint; quum autem unico tantüm
modo fingulis vicibus moveri queant, quoties aliqua, quantumvis
exigua, ex illis partibus à corpore aliquo valde lucido impellitur,
dum interim aliæ nonnifi à minus illuftribus tanguntur, totum
capillamentum ejus objecti, quod lucidiflimum eft, motum fequitur,
& folam ejus imaginem ad cerebrum transfert. Ut fi fint extremi-
tates capillamentorum 1, 2,3, & radii, in fundo oculiftellæ imaginem
pingentes, diffundantur in 1, paululumque tantüm in circuitu fex
vicinarum 2 oras contingant {in quas fupponimus nullos alios radios
effundi, præter admodum debiles à partibus cœli huic ftellæ vicinis),
effigies ejus ftellæ per totum fpatium extendetur in quo funt fex
capillamentorum extremitates 2, & fortè etiam per illud totum quod
aliæ duodecim 3 occupant, nempe fi lucis actio fit tam fortis ut
illas etiam valeat commovere.
23. Unde cognolcimus ftellas, quamvis pro verà magnitudine
exiguas, tamen pro vaito illo intervallo quo diftant, longe majores
quàam fint apparere. Et præterea, quamvis globofæ non effent, tales
tamen illas apparituras, ut{|etiam turris quadrata, procul vifa,
rotunda apparet. Et nulla corpora, quæ parvas in oculo imagines
repræfentant, figuram angulorum fuorum exprimere poflunt.
24. Denique, quod attinet ad judicium de diftantià objecti vifi,
quod à magnitudine, figurà, colore aut lumine ejus pendet, quàm
totum illud fit fallax, vel fola Perfpectiva fatis docet. Sæpe enim
imagines fecundum ejus præcepta pictæ, ex hoc folo quôd fint
minores, habeantque lineamenta minus diflincta & colores obfcu-
«
614 OEUVRES DE DESCARTES.
147-149
riores, vel potius debiliores, quàäm nobis perfuadeamus efle oportere
ut objectum vicinum repræfentent, multo remotiores quàm revera
fint apparent.
CAPUT SEPTIMUM.
De modis vifionem per ficiendi.
1. Poftquam fatis accurate quæfivimus quà ratione vifio fiat,
breviter hic repetamus & nobis quafi ob oculos ponamus omnes
conditiones requifitas ad ejus perfectionem, ut, cognofcentes quo-
modo natura fingulis jam profpexerit, exacte per enumerationem
difcamus quantum arti addendum reliquerit. Omnia quæ hic
attendi debent, ad tria primaria reduci queunt | : objecta fcilicet;
organa interiora, quæ attiones illorum recipiunt, & exteriora, quæ
has actiones difponunt ut quo decet modo recipiantur. Quantum
ad objecta, fufficit nofle alia propinqua & accelfa, remota alia efle &
inacceffa; & præterea quædam magis, quædam minus illuminata;
ut nempe advertamus nobis liberum elle accefla magis aut minus
removere, lumenque quo illuftrantur | augere vel minuere, prout
magis commodum eft; in aliis autem nihil tale licere. Deinde,
quod attinet ad organa interna, nervos fcilicet & cerebrum, certum
eft illorum ftructuræ per artem nihil adjici poffe : neque enim
noftrüm aliquis novum corpus fibi fabricare poteit, & fi forfan
Medicorum opera nonnihil ad immutandam corporis humani
zonititutionem poflit juvare, hoc eft extra noftrum argumentum.
Ac proinde fola organa exteriora noftræ confiderationi relinquun-
tur : quo nomine, non modù corpora omnia quæ inter oculum &
objecta locari poflunt, fed etiam oculi partes omnes quæ pellucidæ
funt, complector.
2. Et omnia quæ hic curanda funt, ad quatuor capita reduco.
Quorum primum : ut omnes radii qui in aliquâ extremitatum nervi
optici fftuntur, ex unico tantüum objecti puncto, quoad fieri poteft,
fluant, neque ullo modo in fpatio interjacente violentur; id enim
nifi fiat, imagines, quas formant, nunquam fatis diftinétæ erunt,
nec fideliter corpus | à quo emanant repræfentabunt. Secundum :
ut hæc fimulacra magna fint, non quidem extenfione loci (neque
enim ultra exiguum illud fpatium, quod eit in oculi fundo, occu-
pare pollunt), fed lineamentorum & ductuum fuorum extenfione :
135
136.
149-151. DIoPTRICE. GI$
certum quippe, quo illa majora, ed melius dignofci poile. Tertium :
ut radiis tantum roboris, ad movenda nervi optici capillamenta, fit
ut fentiri poflint, non tamen tantum ut vifum lædant. Quartum : ut
ex plurimis objectis imagines in oculo fimul formentur, atque ita
eodem obtutu infpicientibus plurima pateant.
3. Natura tamen, ut primo profpiceret, multa adhibuit. | Etenim,
pellucidis & nullo colore imbutis humoribus oculum replens,
effecit ut actiones extrinfecus venientes fine ullà mutatione ad
fundum illius pertingant. Tum etiam, per refraétiones quæ in
humorum iftorum fuperficiebus fiunt, hoc egit ut radii, fecundüm
quos hæ actiones tendunt, ex eodem objecti punto proveéti in
eodem nervi optici punéto iterum coëant : & confequenter reliqui,
ab aliis punétis venientes, tam accurate ac fieri potelt, in totidem
aliis colligantur. Credere enim debemus naturam hâc in re quic-
quid fieri poteft præftitifle, quia nihil in contrarium experimur.
Sed potius videmus illam, defeétûs minuendi caufà qui necefla-
riù | femper aliquis in hâc radiorum colleétione reperitur, vim
pupillam tantum arétandi nobis dedifle, quantum vehementia
luminis permittit. Deindé, per colorem nigrum, quo omnes oculi
partes, non pellucidas, retinæ obverfas imbuit, curavit ne radii
ulli peregrini verfüs illam refleéterentur. Ac denique, per mutatio-
nem figuræ oculi, effecit ut, licet objecta jam magis jam minus
removeantur, radii tamen à fingulis punétis venientes, quantum
poflint exacte, in totidem aliis in oculi fundo colligantur.
4 Verumtamen non adeo follicite poftremæ huic neceflitati
cavit, ut nihil arti addendum reliquerit; non mod enim nemini
noftrûm vulg conceflit, fuperficies oculorum tantum incurvare ut
objeéta valde propinqua, nempe nonnifi uno aut dimidio digito à
nobis diftantia, cernere poflimus; fed magis etiam quibufdam de-
fuit, quorum oculos ita formavit ut nonnifi contemplandis longe
poñitis inferviant, quod fenioribus familiare eft; nec minus iis
quibus contra tales oculos dedit ut propinqua tan/tüm contueri
poflint, quod junioribus fæpius ufuvenit. Adeo ut oculi oblongiores
& anguftiores quàm par fit, initio formari videantur, inde paulatim
progredientibus annis dilatari & comprimi.
5, Utigitur arte hos defectus tollamus, | primd neceflarium erit
figuras quærere, quas fuperficies vitri aut alterius pellucidi corporis
requirunt ad incidentes radios ita incurvandos, ut omnes ex aliquo
objeéti punéto emifli ita illas permeando difponantur ac fi ex alio
punéto longius aut propius polito venirent : propius fcilicet, in
eorum ufum quorum acies ad remota non valet : longius, tam pro
616 Œuvres DE DESCARTES. 151-153,
fenioribus quàm in univerfum pro omnibus iis qui objecta propius
admota cernere volunt, quàm oculi figura permittit. Nam oculus,
ex. or. B vel C, ad id fadtus ut omnes radios effufos ex punéto
H vel I in medio fui fundi colligat, quum fimul illos ex punéto
V vel X colligere nequeat, perfpicuum ef, interjeéto vitro P vel O,
quod omnes radios punéti V vel X ad oculum mittit tanquam fi
venirent ex puncto H vel I, hunc defectum fublatum iri.
6. Deinde, quum non unius tantüm figuræ vitra idem ac|curate
efficere poflint, ad eligenda | noftræ intentioni aptiflima, duæ con-
ditiones præterea veniunt confiderandæ. Horum prima : ut figuræ
fimpliciffimæ, id eft, delineatu ac politu facillimæ fint. Altera : ut
illorum ope radii ex aliis objecti punctis digrefli, ut E, E, ad
eundem circiter modum oculum intrent ac fi ex totidem aliis punc-
tis venirent, ut F, F. Et notemus hic circiter, non quantum fiert
poteft, dici; præterquam enim quôd dificile forfitan foret, ex
infinito numero figurarum huic eidem rei infervientium, eam quæ
omnium aptiflima eft geometrice demonitrare, eflet etiam inutile;
neque enim eædem procul dubio efflent aptiflimæ ad vifum illuf-
trandum, quum ne oculus quidem ipfe omnes radios ex diverfis
punétis manantes in totidem aliis colligat.
7. Nec omnino poffumus hâc in re eligere, nifi præterpropter,
quum figura oculi accurata minime nobis explorata fit. Opera
præterea danda erit, quoties hujufmodi corpus oculis noftris admo-
vebimus, ut naturam, quantum fieri poterit, in omnibus quæ in
fabricà illorum obfervavit, arte imitemur, nec ullum commodum
quod illa dedit negligamus, nifi forfan ut aliud majus eo ipfo
lucremur.
8. In magnitudine imaginum obfervandum eft tribus illam tan-
tummodo rebus inniti : diftantiæ fcilicet quæ inter objectum &
locum ubi | radii ex fingulis punétis ad oculi fundum mifli decuf-
fantur ; deinde diftantiæ quæ inter eundem locum & oculi fundum;
& poitremd refractioni horum radiorum. Sic cuivis patet ima-
ginem RST majorem fore, fi objetum VXY propius accederet
ad K, ubi radii VKR & Y KT decuflantur, aut potius ad | fuper-
ficiem BCD, ubi proprie decuffari incipiunt, ut poftea videbimus;
vel etiam fi oculum magis oblongum reddere poflemus, ut diftantia
major foret inter fuperficiem BCD quæ hos radios decuflat, &
fundum oculi RST; aut tandem, fi refractione non tam introrfum
ad S, fed potius extrorfum, fi fieri poflet, incurvarentur. Et
quidquid ultra hæc tria imaginemur aut moliamur, nihil tamen
inveniemus quo imago grandior reddi poflit,
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4 mn.
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140
141
153-155. DIOPTRICE. 617
9. Ipfum etiam pofteriori loco nobis notatum vix memorabile ef,
quum nunquam nifi parum admodum imago illius ope augeatur,
idque cum tant difhcultate ut femper minori operà per alia fieri
poflit, quemadmodum mox intelligemus. Ipfam enim naturam
videmus hoc neglexifle : nam, procurans ut radii VKR & YKT
introrfum curventur ad S, permeando fuperficiem BCD & 123,
imaginem RST minorem delineavit quàm fi ita cunéta ordinaffet,
ut extrorfum curvarentur; ut fit ad 5 in fuperficie 456, aut fi
omnino rectos reliquiflet. Nec magis opus eft primum confiderare,
| nifi pateat acceflus ad objecta; fi verd pateat, manifeftum eft, què
propius illa contueamur, tantù majorem imaginem in oculo reddi.
Naturà autem non permittente propius oculis admota quàäm ad
diftantiam dimidii pedis, aut circiter, commode à nobis cerni, ut
artificium, quantum potelt, huic obftaculo medeatur, opus folum-
modo vitrum, quale eft P de quo paulo ante locuti fumus, inter-
ponere : cujus ope radii venientes ex punéto, proximo quoad licet,
in oculum intrant, tanquam fi ex alio ulterius remoto venirent.
Maximum itaque, quod hàc operà fieri poteft, eft ut tantum duo-
decima vel decimaquinta iftius diftantiæ pars requifratur inter
oculum & objeétum, quæ ibi aliàs effe deberet; & ita radii, ex
variis objecti punétis manantes, duodecies* aut quindecies pro-
piores oculo decuffati (vel etiam paulo magis, quum non ampliùs
in oculi fuperficie decuffandi initium fumant, fed potius in vitro
cui propius objeétum adhærebit)}, imaginem delineabunt cujus
diameter duodecies* aut quindecies major erit quàm omiflo hoc
vitro fuiffet : & confequenter fuperficies ducenties circiter major erit,
totiefque objectum diftinctius repræfentabitur; & eädem operà multo
majus fimul apparebit, non quidem accurate ducenties, fed magis
aut minus, prout | magis aut minus remotum illud judicabimus.
Si enim ex. gr. infpiciendo objectum X per tranfverfum vitrum P,
oculum noftrum C difponamus eodem modo quo difponi deberet ad
contemplandum aliud objeétum, quod viginti aut triginta pañlibus à
nobis diftaret, & nullam aliunde loci cognitionem in quo illud
fitum fit habentes, triginta paflibus abefle judicemus”, decies millies
majus videbitur quam revera eft, adeo ut elephas ex pulice poñlit
fieri : certum enim eft imaginem quam pulex in oculi fundo | deli-
neat, quum tam prope adeit, æque magnam efle ac illa quam
elephas depingit triginta pañlibus inde remotus.
10. Et huic foli innititur inventio confpicillorum unico vitro
a, decies Elz.
b. indicemus Ib.
Œuvres. I. 8
618 OŒEuvres DE DESCARTES. 155-157
conftantium, quorum in augendis & fubtilius pervidendis rebus fa-
miliaris & ubivis cognitus ufus ef, licèt vera illorum figura parum
hactenus innotuerit; & quoniam, ut plurimum, quoties illis utimur,
fcimus objectum valde propinquum elle, nunquam tam magnum
videri poteit quàm fi ulterius remotum imaginaremur.
11. Unicus tantüm adhuc modus has imagines augendi reftat,
quo nempe efficimus ut radii, ex diverfis punctis mifli, quàm longif-
fime fieri poteft ab oculi fundo decuflentur; fed utilifimus omnium
fine dubio & maximi momenti eft. Unicus, utpote qui ad objecta,
tam accefla quàm inaccella, ufum fuî præbere poflit, & cujus effetus
nullis terminis circumfcribitur; ita ut hujus ope imagines femper
in majus augendo ufque ad indefinitam quantitatem expandere pof-
fimus. Ut, quum ex. gr. primus | humorum quibus oculus refertus
eft eandem propemodum refraétionem efficiat quam aqua com-
munis, fi proxime admoveamus tubum aquâ plenum, ut EF, cujus
extremitas claudatur vitro GHI, quod figuram habeat fimilem
membranulæ BCD illum humorem tegenti, & eodem modo ad
intervallum quo ab imà oculi parte diftabit refpondentem, nulla am-
plius refraétio fiet in illà membranulà BC D, fed ea quæ antea ibi
fiebat, efliciens ut omnes radii, ex eodem punéto digrefli, in eû re-
gione incurvarentur, atque ut poftea in eodem nervi optici punéto
coïrent, & confequenter omnes ex diverfis punétis allabentes ibi
decuffarentur, ut poftea in diverfis aliis | punétis hujus nervi fifte-
rentur, fiet in iplo tubi aditu G HI; & ita hi radii ibi decuffati ima-
ginem R ST longe majorem delineabunt quàm fi tantum in fuper-
ficie BCD id fieret; & qud magis in longum hic tubus porrectus
erit, tanto majores etiam imagines erunt. Et fic, aquà E F peragente
munus humoris K, vitro GH I membranulæ BC D, & tubi aditu
GI pupillæ, vifio eâdem ratione fiet ac fi oculum natura | in tantum
porrexiflet, quanta eft longitudo hujus tubi.
12. Ubi haud aliud fuerit confiderandum, nifi quèd naturalis pu-
pilla non tantüm inutilis fit hoc cafu, fed etiam noceat, anguitià fuà
radios excludendo qui aliàs in latera fundi oculi inciderent, & ita
impediendo imagines tantum diffundi quantum diffunderentur, fi
minus angufla foret.
13. Atque hic eft advertendum particulares illas refractiones, quæ
paulo aliter in vitro GHI quàm in aquà EF fiunt, minimi mo-
menti efle & vix dignas confideratione: nam, quum hoc vitrum
ubivis æque craffum fit, licèt exterior fuperficies magis hos radios
incurvet quàm aqua, ftatim interior rurfus in eundem fitum illos|
reducet. Et ob eandem hanc caufam, nullam fupràa mentionem
142
157-150. DioPTRICE. 619
fecimus refraétionum quas efficiunt membranæ, humores oculi in-
volventes, fed tantummodo illarum quas pariunt ipfi humores.
14. Sed, quum aquam, hâc ratione quà diximus, oculo jungere
operofum, nec magis obvium accurate determinare figuram vitri
GHI, quum illam membranæ BCD, cujus vicem fupplere debet,
non fatis nofcamus, alio invento uti confultius erit, & efficere, unius
aut plurium vitrorum ope, vel etiam aliorum corporum pellucido-
rum, tubo incluforum, fed non tam prope oculis junctorum quin
paululum aëris intercedat, ut in ipfo tubi aditu radii ex eodem
punéto venientes | ita incurventur ut poitea coëant in alio puncto,
quod non multum abfit à fundo oculi per tubum iftum refpicientis;
-& præterea ut iidem radii ex tubo egredientes rurfus flectantur &
difponantur tanquam fi non fuiffent ante incurvati, fed tantum ex
propiori loco venirent; & fimul, ut ii qui ex diverfis punétis alla-
bentur, in primo tubi aditu decuffati, non rurfus egrediendo decuf-
fentur, fed eodem modo ad oculum tendant ac fi ex objeéto majori
aut propiori venirent. Ut, fi tubus H F folido vitro impleatur, cujus
fuperficies GHI illius figuræ fit ut omnes radios venientes ab X
verfüs S mittat, & altera fuperficies K M illius ut eofdem egre-
dientes ita frangat ut inde ad oculum tendant, tanquam fi venirent à
punéto x {quod ita locatum fingo ut eandem proportionem inter fe
lineæ x C & CS habeant, quam X H & HS; punétum enim X multo
remotius ab oculo putandum eft quàm in figurà potuit exhiberi), ti,
qui ab V, illos neceflario in fuperficie GHI fecabunt, | ideoque jam
remoti ab illis exiftentes quum ad alteram tubi extremitatem per-
venerint, fuperficies KM non poterit eflicere ut rurfus ad invicem
accedant, faltem fi fit concava, qualis hic fupponitur; fed ad oculum
cos remittet eodem fere modo ac fi venirent ex punéto y. Quo iplo,
imaginem tanto majorem delineabunt quanto tubus longior erit;
neque hic neceflarium | figuram fuperficiei BC D accurate nofle ad
determinandam illam corporum pellucidorum, quæ huic ufui deiti-
namus.
: 15. Sed, quoniam & hîc difficultas non levis, in inveniendis fci-
licet vitris aut aliis corporibus ejufcemodi fatis craflis ad implen-
dum tubum, fatis itidem pellucidis lumini tranfmittendo, totum
interius tubi fpatium vacuum relinqui poteit, & duo tantüum vitra,
ejufdem effectüs cujus duæ fuperficies GHI & KLM, duabus ex-
tremitatibus illius applicari. Atque hoc unico totum telefcopiorum
inventum nititur, quod occafionem hoc argumentum tractandi mihi
dedit.
16. Tertio autem requifito ad perfectionem vifionis, quatenus
620 OŒEuvres DE DESCARTES. 159161.
organa exteriora illam juvant (ne fcilicet actiones, | fingula capilla- 145
menta nervi optici moventes, nimis debiles aut vehementes fint),
ipfa natura egregie profpexit, datà nobis poteftate pupillam oculi
vel contrahendi, vel diducendi. Sed | interim etiam aliquem arti
locum reliquit. Primd enim, fi actio fit tam vehemens ut pupilla,
quantum etiam arctetur, illam fufferre nequeat (quod Solem intuen-
tibus evenit), facile eft huic rei mederi, applicato ad oculum corpore
aliquo nigro, unico angufto foramine pertufo, quod munus pupillæ
peragat; vel etiam refpiciendo per nigrum byflinum, aut fimile aliud
corpus, quod, exclufà radiorum parte, non plures ex illis oculum
ingredi permittat, quàm quot nervo optico moderate & fine læfione
movendo fuffcient.
17. Sin contrà debilior eft actio quàm ut fentiri queat, roborari
poteft (certe fi ad objecta pateat acceflus), radiis Solis illa expo-
nendo, iifque etiam fpeculi vel vitri uftorii ope collectis, ut tanto
plus virium habeant, modù tamen ne tantum iis detur ut objecta
urant & corrumpant.
18. Præterea, quoties fpecillis de quibus diximus utimur, quum
pupillam inutilem reddant, & exterior tubi apertura, quæ lumen
admittit, illius officio fungatur, hæc etiam eft quæ, prout vifionis
vim frangere vel augere cupiemus, arétanda erit vel laxanda. Et
notandum, fi hæc apertura nihil pupillà laxior foret, radios minus
vehementer aéturos in fingulas fundi oculi partes, quäm fi fpecilla
non admoverentur : idque eàdem proportione quà hæc fpecilla
imagines, quæ ibi formantur, augerent, etiam non numeratis is
radiis qui, à fuperficiebus vitrorum interpofitorum rejecti, nihil >
prorfus virium haberent.
| 19. Sed multo majorem iflam aperturam facere licet, & {| 146
quidem eù majorem qu vitrum radiis replicandis deftinatum
punéto illi propius eft, ad quod exterius vitrum, in quo radii ifti
plicantur, ipfos agit. Nam, fi ex. gr. vitrum G HI efficiat ut omnes
radii punéti illius quod contemplamur tendant ad S, iique iterum
erigantur per vitrum KLM ita ut inde paralleli ad oculum defe-
rantur ; ad inveniendam maximam latitudinem quam tubi apertura
admittit, diftantia inter K & M æqualis fumenda eft diametro pu-
pillæ, & inde duétis duabus reétis ex puncto S per K & M, fcilicet
SK proferendà ad g, & SM ad à, gi diametrum quæfitam dabit.
Nam manifeftum eit, licèt major foret, non plures radios oculum
ingrefluros ex puncto ad quod aciem noftram dirigimus, & eos qui
præterea ex aliis locis accederent, quoniam vifioni non prodeflent,
iis qui prodeflent fe admifcendo, illam tantüm magis confufam red-
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147
161-163. DIoPTRICE. G21
dituros. Sed, fi loco vitri KLM adhibeamus km, quod ob fuam
figuram propius ad S accedere debet, iterum diftantia inter punéta
k & m æqualis diametro pupillæ fumenda erit : inde, duétis rectis
SkG & Sml, GI diametrum aperturæ dabit qui quærebatur : |qui,
ut videmus, tanto major eft quàm g’, quant SL major quàm S/.
Et fi hæc linea S/ non major erit quam oculi | pupilla, æque fere
vifio acuta erit & lucida ac fi perfpicillum abeflet, & objecta tantd
propiora forent quant jam majora videntur. Adeo ut fi ex. gr. tubi
longitudo efficiat ut objecti imago triginta milliaria diflantis tam
ingens in oculo formetur quàm fi non ultra triginta paflus remotum
foret, latitudo aditûs, qualem hic determinavi, tam lucide hoc ob-
jeétum exhibebit quàm fi vere triginta pailus diftans fine telefcopio
illud intueremur. Et fi hanc diflantiam inter S et / adhuc minorem
reddamus, adhuc magis perfpicue cuncta apparebunt.
20. Sed hoc præcipue tantüm ufuieft quum objecta funt inaccella :
nam quoties ad illa licet accedere, quo propius eis fpecillum admo-
vemus, eù arctior ejus apertura exterior elle poteit, nec ullum inde
vis vifionis capit detrimentum. Quemadmodum bhîc videmus
totidem radios, ex punéto X, parvum vitrum g? quot magnum GI
intrare. Et omnino hæc apertura non major effe poteit vitris ipfam
claudentibus, quæ, ob requifitam figuram, certam quamdam magni-
tudinem, paulo pôft determinandam, excedere non debent.
21. Si interdum lumen ab objectis nimis vehemens effundatur,
facilè illud minuetur, tectis circumcirca extremitatibus vitri |
exterioris : & hoc melius erit quam aliud magis obfcurum aut colo-
ratum fubftituere; quod multi Solem contemplantes facere folent :
qu enim anguftior aditus, ed melius fingula dignofcentur, ut fuprà
de pupillà agentes diximus. Obfervandum etiam præftare hujus
vitri oram ex|trinfecus tegere quàm intrinfecus, ne forfan reflexiones,
quæ ibi nonnullæ fierent, radios aliquos ad oculum mittant; ii
enim ad vifionem nihil conferentes, ut fuperflui, ei nocerent. s
22. Unicum tantummodo fupereit quod hæc organa exteriora
fpeétat, fcilicet ut maximam, quoad fieri poteit, copiam objettorum
eodem tempore confpiciamus. Et notandum hoc nullo modo requiri
ad. perfectionem melius videndi, fed tantüm ad commoditatem
videndi plura; imo fieri non pofle ut amplius quàm unum objectum
fimul diftinéte intueamur : adeo ut hæc commoditas, plura confufe
interea videndi, nullum ufum habeat, mifi ut fciamus in quam
partem oculus poftea detorquendus, ad contuendum id quod accu-
ratius volumus confiderare. Et huic rei natura ita profpexit ut
omnem aliquid addendi occafionem arti præripuerit : Imù, quû
G22 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 163-165.
magis, ope quorumdam fpecillorum, magnitudinem lineamentorum
imaginum in oculo formatarum augemus, éd pauciora illa objecta
reddunt; quoniam fpatium quod occupant nullà ratione poteft
augeri, nil fortè aliquantulum, fi nempe | invertantur, quà arte ob
alias caufas cenfec efle abftinendum. Sed facile eft, fi ad objecta
pateat acceflus, illa ipfa eo in loco ponere, in quo perfeétiflime per
fpeculum poflint videri; fi ver non pateat, fpecillum ipfum machinæ
imponere ita aptatæ ut ejus ope commodiflime in quodlibet deter-
minatum objeétum convertatur. Atque ita, licèt Hanc quartam con-
ditionem nequeamus adimplere, nihil tamen ejus defiderabitur
propter quod erat expetenda.
23. Poftremd, ne quidquam hîc omittamus, eft adverten/dum
defectus oculi, qui in eo confiftunt quôd figura cryftallini humoris,
vel etiam magnitudo pupillæ, non fatis pro arbitrio noftro immu-
tentur, ufu paulatim minui pofle & corrigi : ham, quum hic humor
& hæc tunicula pupillam continens fint veri mufculi, functio
illorum iplo ufu augetur & facilior redditur, quemadmodum &
reliquorum totius corporis mufculorum. Et propterea venatores ac
nautæ, in jugi exercitio longe pofita videndi, fculptores etiam aut
alii fubtililum operum artifices, in exercitio admodum propinqua,
plerumque promptitudinem acquirunt acutius illa qguàm reliqui
homines intuendi. |
24. Et ita proculdubio Indi, qui fixo obtutu Solem contemplati
feruntur, nihil læfà vel obfcuratà luminis acie, quotidie illuftria
objetta infpicientes, afluefacti fuere magis quam nos pupillam
contrahere. Verum hæc Medicinæ magis propria, cujus ef, | cor-
rectis naturalibus organis, vifionis vitia tollere, quam Dioptricæ,
quæ defectibus iifdem, applicato aliquo organo artificiali, medetur.
CAPUT OCTAVUM.
De figuris quas pellucida corpora requirunt, ad detorquendos
refraclione radios, omnibus modis vifiont infervientibus.
1. Hæc autem organa quà ratione perfectiflima fieri poflint, ut
accuratius mox percipiamus, neceflarium eft non prætermittere
explicationem figurarum quas exigunt fuperficies corporum pelluci-
dorum, ad detorquendos & incurvandos luminis | radios, omnibus
modis qui vifioni conducunt. Quæ fi non cuivis fatis clara & per-
«
149
150
151
166-167. DIoPTRICE. 623
|]
fpicua videbitur, utpote Geometrica & paulo difficilior, ad minimum
illis fatis manifefta erit, qui | prima hujus fcientiæ elementa perce-
perunt. Et in primis, ne ulli diu exfpectatione fufpenfi teneantur,
fciendum omnes figuras, de quibus fermo hîc inftituitur, ex ellipf
& circulo, vel ex hyperbolà vel ex lineà retà, compofitas fore.
2. Ellipfis efl linea curva quam Mathematici, tranfverfim conum
vel cylindrum fecando, repræfentare folent, quà etiam topiarios
interdum uti videmus, inter cæteras areolarum & pulvillorum
figuras quas in hortis fuis diverfimode concinnant : à quibus
quidem fatis craffe & incorrecte defcribitur, fic tamen ut melius
natura illius hinc innotefcat quàm ex cylindri aut coni fectione.
Duos palos humi defigunt, alterum ex. gr. in punéto H, alterum
in punéto I, & nodo junctis duabus extremitatibus reftis, paxillis
illam circumponunt hoc modo quo videmus BHI. Deinde immiflo
digito, hos palos circumeundo & reftim femper eâdem vi addu-
cendo, ut æqualiter fcilicet intendatur, lineam curvam DKB humi
defignant, quæ eft ellipfis. Et fi, non mutatà longitudine funis,
palos tantüum H & I aliquanto propius ad invicem admoveant,
aliam denuo ellipfim defcribent, fed alterius fpeciei quàm prior;
& fi adhuc propius, | itidem aliam; poftremd, fi omnino con||jun-
gant, circulum defcribent. At fi longitudinem reftis eâdem pro-
portione imminuant quà diftantiam paxillorum, defcribent quidem
ellipfes diverfarum magnitudinum, fed quæ erunt omnes ejufdem
fpeciei. Atque ita perfpicuum eft illas infinitarum variarum fpecie-
rum effe pofle, adeo ut unaquæque non minus diftet à quälibet alià
quàm omnium ultima à circulo; & præterea illas, cujufque fpeciei,
infinitarum magnitudinum efle pofle. Item etiam hinc apparet, fi ex
aliquo puncto pro arbitrio in ellipf electo, ut ex. gr. B, duas rectas
agamus ad punèta H & I, ubi pali ad illam defignandam defixi
fuere, has duas lineas BH & BI junctas maximæ illius diametro
DK æquales fore : quod vel ipfa conitructio probat. Pars enim
funis, extenfa ab I ad B & inde replicata ad H, eadem eft quæ
porreéta ab I ad K, velad D, inde itidem recurrit ad H : ita ut DH
fit æqualis' IK, & HD plus DI (quæ tantum valent quantum
HB plus BI) toi DK æquales fint. Et infuper ellipfes, quæ def-
cribuntur obfervando femper eandem proportionem inter harum
maximam diametrum & diftantiam inter punéta H & I, funt
ejufdem fpeciei. Atque ob quandam proprietatem horum punc-
torum H & I, quam paulo pôit difcemus, foci .nobis vocabuntur,
a. æquale Æ/7.
624 OEuvres DE DESCARTES. 167-170.
unus interior, alter exterior : fcilicet fi referantur ad illam ellipfeos
mediam partem quæ ad D, I erit exterior; fi verd | ad alteram quæ
ad K, idem Ï erit interior; & quoties in poiterum abfolute foci
mentio fiet, femper exterior intelligendus erit. Præterea etiam
fciendum, fi per hoc punétum B duas reétas LBG & CBE du-
camus, quæ fe mutuo ad angulos rectos interfecent, & quarum
altera LG angulum H BI in duas partes æquales dividat, al|teram
CE hanc ellipfim contacturam in punéto B, ita ut ipfam non
fecet. Cujus demonftrationem hic addere fuperfedeo, quoniam
Geometræ jam fatis illam fciunt, & alii non fine tædio illi per-
cipiendæ incumberent. Sed quod imprimis hic explicare ftatui,
tale eff.
Si ex eodem punéto B extra ellipfim proferamus reétam lineam
BA parallelam maximæ diametro DK, & illà BA æquali fumptà
lineæ BI, ex punctis À & I in LG duas perpendiculares AL & IG
ftatuamus, hæ duæ pofteriores AL & IG eandem rationem ad invi-
cem habebunt quam DK & HI. Adeo ut, fi linea AB fit luminis
radius, & hæc ellipfis DBK in fuperficie corporis folidi pellucidi
exiftat, per quod, juxta ea quæ fuprà diximus, radii facilius quàam
per aërem tranfeant, eâdem proportione quà linea DK alterà HI
major eit, hic radius AB ita detorquebitur in punéto B à fuperficie
corporis hujus pellucidi, ut inde digreflurus fit verfus I. Et quo-
niam hoc punétum B pro arbitrio | in ellipfi afflumptum eft, omnia
quæ hic de radio AB dicuntur, in univerfum de omnibus intelligi
debent qui paralleli axi DK in aliquod punétum hujus ellipfis
cadunt : fcilicet omnes ibi ita detortum iri ut inde digrefli coëant
in puncto I.
3. Atque hæc ita demonftrantur : primo, | quia lineæ AB & NI,
itemque AL & GlT, funt parallelæ, triangula rettan{gula ALB &
IGN funt fimilia : unde fequitur A L effle ad 1G ut AB ad NI]; vel,
quia BI & AB funt æquales, ut BI ad NI. Deinde, fi HO ducatur
parallela ipfñi NB, & IB producatur ufque ad O, manifeftum erit
BI effe ad NIut OI eft ad HI, propter triangula fimilia BNI &
OHI. Denique, quoniam duo anguli HBG & GBI funt æquales ex
conftructione, angulus HOB, qui eft æqualis ipfi GBI, eft etiam
æqualis ipñi OHB, qui nempe eft æqualis ipñi HBG; ac proinde
triangulum HBO eft ifoiceles, &, cùm linea OB fit æqualis ipfi
HB, tota OI eft æqualis ipfñi DK, quoniam duæ fimul HB &IB
funt ipfi æquales. Et ita, ut ab initio ad finem omnia repetamus,
AL fe habet ad IG ut BI ad NI, & BI ad NI ut OI ad HI, & OI
eft æqualis DK; unde AL eft ad IG ut DK ad HI.
152
10
170-173. DIoPTRICE. 62 s
4. Adeo quidem ut, fi, ad defcribendam ellipfñim DKB, lineis
D K & HI hanc proportionem demus, quam experientià didicimus
[utilem metiendis refrationibus omnium radiorum qui oblique ex
aëre in vitrum, aut aliud corpus pellucidum quo uti volumus,
tranfeunt; & ex hoc vitro corpus expoliamus ejus figuræ qualem
defcriberet hæc ellipfis, fi in orbem circa fuum axem DK rotaretur;
radii in aëre paralleli huic axi, ut AB, ab, vitrum convexum illapfi,
ita in ejus fuperficie detorquebuntur ut omnes inde progrefluri fint
verfus focum I, qui ex | duobus H & I remotiflimus eft ab eo loco
ex quo procedunt. Novimus enim radium AB in puncto B à fuper-
ficie curvâ vitri, quod repræfentat ellipfs DBK, eâdem ratione
detorqueri debere ac detorqueretur à fuperficie planâ ejufdem vitri,
quam linea CBE repræfentat, in quà ex B refringi debet verfüs I,
quum AL & IG fint ad invicem quales DK & HI, id eft quales
elle debent ad dimetiendas refractiones. Et punto B pro arbitrio
in ellipfi feleéto, quidquid de hoc radio AB demonftratum ef,
debet etiam de aliis intelligi, qui erunt paralleli ipfñ DK & in alia
hujus ellipfeos punéta cadent ; adeo ut omnes debeant tendere
verfus I.
Præterea, quoniam omnes radii qui ad centrum circuli vel globi
tendunt, perpendiculariter incidentes in fuperficiem illius, nullam
refraétionem pati debent, fi ex centro I circulum defcribamus, quo
intervallo vifum erit, dummodo confiftat inter D & I, ut BQB,
lineæ DB & QB, circa axem DQ rotatæ, defcribent figuram vitri
quæ in aëre in punéto I omnes radios colliget, | qui ab alterà parte
paralleli huic axi in aëre fuerunt; & vice verfà omnes venientes
ex punéto I parallelos ab alterà parte exhibebit.
5. Et, fi ex eodem centro I defcribamus circulum RO), intervallo
quo volumus ultra punétum D, felecto inde pro arbitrio in ellipfi
punéto B, fic tamen ne longius diftet à | D quàm à K, ducamus
rectam BO tendentem ad I, lineæ RO, OB & BD), in orbem ro-
tatæ circa axem RDI, figuram vitri defcribent, quæ omnes radios
parallelos huic axi, ab ellipfis parte, huc illuc ab alterà parte dif-
perget, tanquam fi omnes venirent ex puncto Ï. Patet enim | ra-
dium, ex. gr. PB, tantum detorqueri debere à fuperficie concavà
vitri D BA, quantum AB à convexà feu gibbâ vitri DBK ; & con-
fequenter BO in eàdem lineà rectà efle debere in quà BI, quum &
PB in eâdem rectà fitin quà BA, & ita de reliquis.
6. Si verd in eädem ellipfi aliam minorem ejufdem fpeciei defcri-
bamus ut dbk, cujus focus I in eodem loco confiftat in quo alter
præcedentis etiam [, & alius focus À in eàdem rectà lineà in quà
Pac
Œuvres. I. 79
626 OEUVRES DE DESCARTES. as
DH & verfus eandem partem, fumptoque | pro arbitrio B, utantea,
rectam Bb ducamus tendentem ad I, lineæ DB, Bb, bd, in orbem
rotatæ circa axem Dd, defcribent figuram vitri, quæ omnes radios,
ante occurfum parallelos, poft tranfitum ïiterum parallelos reddet,
fed in minus fpatium coactos, à parte minoris ellipfeos db, quam
à parte majoris. Et, fi, ad evitandam craflitiem vitri DB bd, ex
centro I defcribamus circulos QB & ro, fuperficies DBQ | & robd
ftum & figuram duorum vitrorum minüs craflorum repræfenta-
bunt, quæ idem eflicere poterunt.
7. Et, fi duo vitra DBQ & dbg, fimilia quidem, fed magnitudine
inæqualia, hâc ratione difponamus ut axes eorum in eâdem rectà
porrigantur, & duo illorum foci I in eodem loco concurrant, fuper-
ficiefque circulares BQ & bg fibi invicem obvertantur, idem etiam
omnino agent.
8. Et, fi hæc duo vitra DBQ & dbg, fimilia quidem, fed magni-
tudine inæqualia, jungamus, vel quo libitum intervallo disjun-
gamus, ita tamen ut eorum axes in eàdem reétà lineà exiftant, &
fuperficies illorum ellipticæ adverfæ fint, omnes radios venientes ex
foco alterutrius I in alterius itidem I fiftent.
9. Et, fi duo diverfa DBQ & DBOR etiam hâc ratione jun-
gamus, ut fuperficies illorum DB & BD mutuû obvertantur, omnes
radios venientes ex foco ? vitri DBQ di|fpergent, tanquam fi veni-
rent ex I foco alterius vitri DBOR ; aut, vice verfà, omnes ten-
dentes ad punétum I colligent in altero 2.
10. | Et poftremd, duo DBOR & D BOR, adverfis fuperficiebus
DB, BD juncta, radios qui unum perlapfi tenderent inde ad pun-
étum I, denuo ex altero egredientes diffundent, tanquam fi venirent
ex alio punéto I. Et hanc diftantiam punctorum Î pro arbitrio au-
gere poffumus, magnitudinem ellipfis, ex quà pendet, mutando.
Atque ita, folà ellipfi & line circulari, figuram præfcribere poflu-
mus omnibus vitris quibus radios venientes ex uno punéto, aut
tendentes ad unum, aut parallelos, | alios in alios horum trium mu-
temus omnibus modis quos poffumus imaginari.
11. Hyperbola eft etiam linea curva, quam Mathematici per fe-
ctionem coni non fecus quàäm Ellipfim explicant. Sed, ut melius
illam cognofcamus, topiarium iterum producemus qui, inter alias
figurarum varietates quibus aream fui horti diftinguit, hanc etiam
adhibeat. Denuo duos palos defigit in punctis H & I, annexâque,
extremitati longæ regulæ, refti paulo breviori, alteram regulæ
extremitatem perforat & ita injicit paxillo [, nodum autem, alterâ
extremitate reftis nexum, palo H. Inde, pofito digito in punéto X
156
tr SE
ax
ls
2
=
176-178. DIoPTRICE. 627
ubi mutuo junétæ funt regula & reftis, defcendit ad D, arctè
|interea regulæ junétam & velut agglutinatam reftim tenens : quâ
operà, prout deducit digitum, regulam circa paxillum rotans, li-
neam curvam XBD, hyperbolæ partem, in terrâ defcribit. Et
poftea, converfà regulà in alteram partem, eâque prolatà ad Y,
eodem modo alteram partem Y D defignat. Et præterea, fi transferat
nodum fuæ reftis in paxillum I, & extremitatem regulæ in paxillum
H, aliam | hyperbolen SKT defcribet, planè fimilem & oppofitam
priori. Sed, fi, regulà & paxillis non mutatis, longiorem tantüm
reftim admoveat, hyperbolen alterius fpeciei defignabit : &, fi
adhuc paulo longiorem, adhuc alterius ; donec, ipfam regulæ planè
æqualem reddens, reétam lineam loco hyperboles defcribet.
Deinde, fi palxillorum diftantiam mutet eâdem proportione, quà
differentiam quæ inter longitudinem funis & regulæ, hyperbolas
ejufdem quidem fpeciei defcribet, fed quarum partes fimiles magni-
tudine different. Et tandem, fi æqualiter augeat longitudinem relilis
& regulæ, manente differentià illarum & paxillorum intervallo, non
aliam hyperbolen defcribet, fed majorem illius partem. [lla enim
hujus lineæ natura eft ut, licèt femper magis magifque ad eandem
partem inclinet, tamen, in infinitum protenfa, nunquam extremitates
fuas committat. Et ita videmus ipfam plurimis modis ad lineam
reétam referri, quemadmodum ellipfis ad circularem; item infinitas
diverfarum fpecierum effe, & fingularum fpecierum infinitas, qua-
rum partes fimiles magnitudine differant. Et præterea, fi ex aliquo
punéto, ut B, pro arbitrio in alterutrà ex ïis electo, duas reétas
ducamus ad punéta H & I, in quibus duo pali defcriptioni infer-
vientes defigi debent, & quæ itidem nominabimus focos, differentia
[harum linearum HB & 1B femper æqualis erit lineæ DK, quæ
diftantiam Hyperbolarum oppolitarum defignat. Hocque ex eo ap-
paret, quod BI tantâ præcifè longitudine BH fuperet, quant reflis
eâdem regulà brevior eft; & quôd etiam DI eâdem parte longior fit
quàm DH. Nam, fi à DI auferas KI, | cui æqualis et DH, DK
illorum differentiam habemus. Denique etiam videmus hyperbolas,
quæ fervatà eâdem proportione inter DK & HI defcribuntur,
omnes ejufdem fpeciei effe. Et infuper eft obfervandum, fi per pun-
étum B, pro arbitrio in hyperbolà* afflumptum, reétam CE duca-
mus dividentem angulum H BI in duas æquales partes, hanc ean-
dem CE hyperbolen in punéto B tangere : cujus demonitrationem
Geometræ in numerato habent.
a. Hyperbolà] Ellipsi £/z.
628 OŒuvrEs DE DESCARTES. De 150
12. | Hinc etiam notemus, fi ex eodem punéto B ad interiora
hyperboles rettam BA, parallelam axi DK, ducamus, & fimul per
idem punétum B lineam LG, ad angulos rectos fecantem CE, pro-
feramus, & deinde, fumptà BA æquali BI, à punctis A & I duas
perpendiculares in LG mittamus, has duas pofteriores AL & IG
eandem proportionem inter fe habituras, quam duæ D K & HI. Et
confequenter, fi hanc hyperboles figuram vitro dederimus, cujus
refractiones metimur per proportionem quæ inter lineas DK & HI,
illam omnes radios, axi fuo in hoc vitro parallelos, extrinfecus
colleéturam in puncto I, faltem fi convexum fit hoc vitrum; nam, fi
concavum, alios ali difperget, tanquam fi venirent ex hoc punéto I.
Quorum hæc efl demonitratio. Primd, | quia lineæ AB & NI,
itemque AL & GT, funt parallelæ, triangula rettangu]la ALB &
IGN funt fimilia; unde fequitur A L efle ad IG ut AB ad NI;
vel, quia BI & AB funt æquales, ut BI ad NI. Deinde, fi HO
parallelam ducamus ad LG, manifeitum eft ita fe habere BI ad NI
quemadmodum OT ad HI, ob fimilitudinem triangulorum B NI &
OHI. Poftremd, duobus angulis EBH & EBI ex conftructione
æqualibus, & HO, quæ parallela LG, fecante ad angulos reéttos
CE, duo triangula BEH & BEO omnino erunt æqualia. Et ita,
BH bafñ unius | æquali exiftente BO bafi alterius, relinquitur OI
diflerentia inter BH & BI, quam fupra diximus efle æqualem DK.
Ideoque AL eft ad IG quemadmodum DK ad HI. Unde fequitur,
obfervatà femper inter lineas DK & HI proportione quæ apta eft
dimetiendis refractionibus vitri, aut fimilis materiæ quà uti animus
eit, (ficut in defcribendà ellipf fecimus : hoc tantüm excepto, quod
DK non poflit hîc efle nifi breviflima, cùm econtra, ubi de ellipfi
agebatur, debuerit effe longiflima) fi delfcribamus partem hyper-
boles quantamlibet, ut DB, & à B ad angulos rettos deducamus
in KD rectam BQ ; duas lineas DB & QB in orbem circa axem
DK rotatas, figuram vitri delineaturas, quæ omnes radios illud
permeantes & parallelos axi in aëre à parte fuperficiei planæ BD,
(in quâ nullam refraétionem patiuntur), colliget ab alterà parte in
puncto I.
13. Et, fi, fatà hyperbole db quæ fimilis fit | præcedenti, reétam
ro ubcunque libuerit ducamus, fic tamen ut, hyperbolä non fectà,
ad perpendiculum in axem illius dk incidat, & duo puncta b & o
per aliam reétam parallelam axi dk jungamus, tres lineæ ro, ob &
bd, rotatæ circa axem dk, defcribent figuram vitri, omnes radios
parallelos à parte fuperficiei planæ huc illuc ab alterà parte difper-
gentem, tanquam fi venirent ex punéto I.
61
162
182-185. DIoPTRICE. 629
Et, fi, breviori fumptà lineâ HI ad defcribendam hyperbolen
vitri robd, quam erat ad defcribendam alteram vitri DB Q, difpo-
namus hæc duo vitra tali ratione ut axes illorum D Q, rd in eâdem
rectà jaceant, & duo foci in eodem loco I, adverfis duabus fuperfi-
ciebus hyperbolicis, omnes radios axi ante occurfum parallelos, poft
tranfitum itildem parallelos, & magis in arétum coaétos à parte vitri
robd quàm à parte alterius, reddent.
Et, fi duo DBQ & dbg, fimilia quidem, fed magnitudine inæqua-
lia, ita difponamus ut axes illorum DQ & dg etiam in eâdem reétà
porrigantur, & duo foci in eodem loco I eoncurrant, | adverfis dua-
bus fuperficiebus hyperbolicis, idem agent quod proximè præce-
dentes, radios fcilicet axi ab unâ parte parallelos, etiam ab alterâ
parallelos reddent, & fimul in arétius fpatium cogent à parte mi-
noris vitri.
Et, fi planas fuperficies duorum vitrorum DBQ & dbg jungamus,
aut disjungamus intervallo quo lubet, obverfis tantum fuperficiebus
planis, quamvis eorum axes in eandem rectam non coïncidant,
modù tantüm fint palralleli; vel potius, fi componamus aliquod
vitrum figuram duorum ita junétorum repræfentans, illius ope effi-
ciemus ut radii venientes ex uno punctorum I in altero ab oppofità
parte coëant. “
Et, fi fabricemur aliquod vitrum, quod habeat figuram duorum
DBQ & robd, ita junétorum ut eorum fuperficies planæ fe mutud
contingant, illud omnes radios venientes ex uno punétorum I difgre-
gabit, tanquam fi venirent ex altero.
Et poftrem, fi vitrum componamus ejufdem figuræ quam reddunt
duo robd, quum ipforum duæ planæ fuperficies conjunétæ funt,
efficiemus ut | omnes radii, qui convergentes in hoc vitrum feren-
tur tanquam fi eflent ultra ipfum coituri in puncto I, | poftquam illud
pertranfiverint, divergant tanquam fi venirent ex altero punéto I.
Atque hæc omnia, meà quidem fententià, tam perfpicua funt ut
fola contemplatio figurarum ad rei cognitionem fuflicere poflit.
14. Porro, eafdem mutationes radiorum quas explicavimus
primÔ per duo vitra elliptica, deinde per totidem hyperbolica, &
166 duo alia producere poflunt, quorum hoc | hyperbolicum, illud
ellipticum. Et, præter ea, infinita alia pofflumus imaginari, idem
omnino agentia, fcilicet ut omnes radii venientes ex uno puncto,
aut tendentes ad unum, aut paralleli, ex aliis in alios horum trium
mutentur. Sed hoc loco de ïis verba facere fupervacuum arbitror,
quoniam commodius in Geometrià poterunt explicari, atque ea
quæ jam defcripfimus funt omnium aptiflima ad noftrum inftitu-
*
“
630 Œuvres DE DESCARTES. 185-187.
tum, quemadmodum hîc oftendere conabor, &, eâdem operà, ex-
ponendo præcipuas omnes differentias quæ inter ipfa efle poflunt,
quænam præ cæteris fint eligenda demonftrabo.
15. Harum differentiarum prima confiftit in eo, quôd figura unius
delineatu longè facilior fit quàm alterius; & certum eft, poft lineam
rectam, circularem, & parabolam, ex quibus folis talis vitri figura
componi non poteft, nullam ellipfi aut hyperbolà fimpliciorem dari,
ut cuivis inquirenti liquebit. Adeo quidem ut, quum linea reéta
delineatu facilior fit quàm circularis, & hyperbole haud difficilior
quàäm ellipfs, vitra quorum | figuræ ex hyperbolis & reétis lineis
componuntur, facillimè omnium expoliri poffe videntur. Hinc fe-
cundum locum tenent quæ circulis & ellipfbus conftant; reliquæ
omnes, nobis non explicatæ, majoris funt operæ, « faltem quantum
ex motuum quibus defcribuntur fimplicitate poteit judicari; nam, fi
qui forfan artifices vitra fphærica commodiüs expoliant quàm plana,
hoc contingit ex accidenti, & ad hujus fcientiæ theoriam, quam
folam explicandam fufcepi, non fpectat ».
16. Secunda differentia in eo eft, quod, inter plura vitra eodem
modo radios immutantia qui referuntur ad unum aliquod punétum,
aut paralleli ab alterâ parte veniunt, illa, | quorum fuperficies funt
minüs, aut minus inæqualiter, incurvatæ, ita ut refraétiones minüs
inæquales producant, radios ad alia punéta relatos vel ab alià
parte venientes, femper aliquanto accuratiüs, quam reliqua immu-
tent. Sed, ad perfectam hujus cognitionem, obfervatu neceffarium
eft, folam inæqualitatem curvaturæ linearum, quibus figuræ horum
vitrorum componuntur, obftare quominus difpofitio radiorum qui
referuntur ad plura diverfa punéta, aut paralleli veniunt ex pluribus
diverfis partibus, æquè exactè mutetur atque illa radiorum qui ad
unum tantüum punétum referuntur, aut veniunt ex unà eâdemque
parte paralleli. Si enim, ex. gr., ad radios venientes ex punéto A
colligendos in punéto B, fuperficies vitri interpofiti GHIK omnino
planæ effe deberent, ita fcilicet ut linea recta GH, quæ unam ex is
repræfentat, vim haberet efficiendi ut omnes ifli radii, venientes à
punéto A, fierent | paralleli dum eflent in vitro, &, eàdem ratione,
altera linea recta KI efficeret ut iidem, egredientes ex vitro, ten-
derent verfus B, eædem hæ lineæ GH & KI efficerent etiam ut
radii omnes venientes à puncto C tenderent verfus D, &, genera-
liter, ut omnes ii qui ex aliquo punctorum lineæ rectæ A C (quam
fuppono parallelam ipfi GH), verfus unum aliquod ex punétis
rectæ BD (quam facio parallelam ipfi IK & tantumdem ab eà dif-
tantem quantum AC diftat à GH), flecterentur : cum enim hæ
168
170
187-180. DIoPTRICE. 63 I
lineæ GH & IK nullo modo incurvatæ fint, omnia | punéta aliarum
AC & BD referuntur ad ipfas eodem modo.
Simili ratione, fi effet vitrum quale LMNO (cujus fuppono fu-
perficies LMN & LON efle duo æqualia fphæræ fegmenta), quod
vim haberet efliciendi ut radii omnes egrefli ex puncto A cogerentur
in punéto B, haberet eodem modo efficiendi ut omnes ex punéto C
cogerentur in D; &, generaliter, ut omnes qui procederent ex uno
aliquo punctorum fuperficiei C (quam fuppono efle fegmentum
fphæræ idem centrum habentis quod LMN), colligerentur in uno
aliquo ex punétis fuperficiei DB (quam itidem fuppono elle feg-
mentum fphæræ idem habens centrum quod LON, & ab ifto
centro æquè diftare atque AC diftat ab LMN; quoniam omnes
partes harum fuperficierum LMN & LON) funt æqualiter curvatæ
refpectu omnium punétorum | quæ funt in fuperficiebus C A & BD.
17. Sed, quia nullæ lineæ funt in naturà, præter rectam & circu-
larem, quarum omnes partes eodem modo fe habent ad omnia
punéta alicujus alterius lineæ, & neutra ex his fufficit ad compo-
nendam figuram vitri quæ omnes radios, venientes ex Âliquo
punéto, accuratè in alio colligere pofñlit, fatis liquet nullam earum
quæ huic rei inferviunt, omnes radios, ex aliquot punétis elapfos,
accuratè in aliis punétis coaéturam; &, ad feligendas ex iis, quæ
radios minus difpergunt circa locum in quo illos colligere | vo-
lumus, minüs curvatæ, & minüs inæqualiter, cæteris præferendæ
erunt, ut, quantum poilint, ad circularem aut ad reétam proximè
accedant : & potiüs ad reétam quàm ad circularem, propterea quèd
hujus partes habent tantüm eundem refpectum ad illa puncta quæ
æqualiter ab ejus centro diftant, nec ullum aliud eodem modo re-
fpiciunt quo illud centrum. Unde facilè concluditur Ellipfin ab
Hyperbolà häc in re fuperari & nullam excogitari pofle vitri fi-
guram, quæ omnes radios ex diverfis punétis venientes in totidem
aliis æquè remotis à vitro ac priora tam accuratè colligat, quäm illa
quæ conftat ex duabus æqualibus Hyÿperbolis. Et quidem, etiam fi
hîc accuratæ totius hujus rei demonftrationi fuperfedeam, facilè
tamen eft applicare ea quæ jam dixi ad alios modos inflettendi ra-
dios qui refpiciunt diverfa puncta, vel paralleli veniunt ex diverfis
partibus, | atque ita cognofcere vitra hyperbolica, vel ad hoc ele
omnium aptiflima, vel certe nullis aliis tam infigniter minüs apta,
ut iis idcirco debeant poftponi quibus jam diximus efle præferenda,
ex eo quûd faciliüs poliantur.
18. Tertia horum vitrorum differentia in eo confiflit, quod una
efficiant ut radii, qui ea pertranfeuntes decuflantur, paulo magis
632 Œuvres DE DESCARTES. 189-192.
poft illam decuffationem ab invicem removeantur, & alia paulo
minüs. Ut, fi, ex. gr., radii G,G veniant ex centro Solis, I, I ex finiftrà
ejus circumferentiæ parte, & K,K ex dextrà, poflquam pertranfive-
rint vitrum hyperbolicum DEF, magis ab invicem removebuntur
quàam prius € (hoc eft : angulus MFL major erit angulo IFK, &
ita de cæteris) »; & contrà, poftquam per|tranfiverint ellipticum
A BC, magis ad invicem accedent « (hoc eft : angulus MCL minor
erit angulo IC K) »; adeo ut hoc ellipticum punéta L, H,M fibi in-
vicem propiora reddat quàäm | hyperbolicum; & quidem tanto
magis propinqua reddit, quanto craflius eft.
19. Sed, quantam demum craflitiem illi demus, nunquam, nifi
ad fummum quartâ vel tertià parte, propiüs quàm hyperbolicum
illa junget. Atque hæc diverfitas à quantitate refractionum quæ in
vitro fiunt ita pendet ut cryftallus montana, quæ illas paulo ma-
jores reddit quàm vitrum, poflit etiam hanc paulo majorem eflicere.
Sed nullius figuræ vitrum poteit excogitari, quod hæc punéta L, H,M
multo magis fejungat quäm hyperbolicum, nec quod magis cogat
quàm ellipticum.
20. Hiîc autem, ex occafione, notare poffumus quo fenfu fuprà
dictum fit, radios ex diverfis punétis manantes, aut | diverfis par-
tibus parallelos, omnes in primà fuperficie decuffari quæ efhiciat ut
in totidem aliis iterum colligantur,; ut quum audivimus illos objecti
VXY, qui imaginem RST in oculi fundo delineant, decuffari in
primà illius fuperficie BCD. Hoc enim ex eo pendet, quôd, ex. gr.,
tres radii VCR, XCS & YCT, reverà decuffentur in hâc fuperficie
BCD in punéto C. Unde fequitur, licèt radius V DR longè altius
occurrat radio YBT, & VBR inferius radio Y DT, quia tamen ad
eadem punéta tendunt ad quæ VCR & YCT, eâdem ratione confi-
derari pofle ac fi in eodem loco decuffarentur. Et, quum eadem hæc
fuperficies BCD illos ita difponat ut omnes ad eadem punéta ten-
dant, potiùs cogitare debemus ibi | univerfos decuflari, quàm fu-
periüs aut inferius. Non obftante qudd & aliæ fuperficies | 123 &
456 illos detorquere poflint. Quemadmodum duo bacilla curva ACD
& BCE, licèt multum à punétis F & G recedant, ad quæ irent fi
recta eflent & tantumdem atque nunc in punéto C decuflarentur,
nihilominus tamen reverà in hoc punéto C decuflantur. Sed in-
terim adeo curva efle poflent, ut iterum in alio punéto decuffa-
rentur. Et, eûdem ratione, radii permeantes duo vitra convexa
DBQ & dbg in fuperficie prioris decuflantur, deinde iterum in al-
terà pofterioris, ii faltem qui ex diverfis partibus allabuntur : alios
enim qui ex eâdem manant, palam eft demum in punéto I decuffari,
171
174
102-104. DioPTRICE. 633
21. Obiter etiam obfervemus, radios Solis, vitro elliptico ABC
collectos, vehementiüs urere quàm fi per hyper|bolicum DEF col-
lecti forent. Neque enim tantummodo radiorum ex centro Solis ma-
nantium, ut GG, ratio habenda, fed etiam aliorum qui, cum exaliis
ejus partibus fluant, non multè minus virium habent quàam illi qui
ex centro; adeo ut vehementia caloris quem excitant æftimari de-
beat ex magnitudine vitri vel fpeculi quod illos colligit, comparatà
cum magnitudine fpatii in quo colligit. Ita, ex. gr., fi diameter vitri
ABC fit | quadruplo major diftantià quæ eft inter puncta L & M,
radii ejus ope collecti fedecies tantum roboris habebünt, quantum
haberent vitrum planum permeantes, quod illos nullo modo detor-
queret. Et, quoniam diftantia inter puncta M & L major vel minor
eft, pro ratione intervalli quod eft inter illa & vitrum ABC, vel fi-
mile aliud corpus radios ibi cogens, nec ipfam magnitudo diametri
hujus corporis, nec particularis ejus figura, nifi unà quartà aut ad
fummum tertià parte, poteit augere, certum eft hanc lineam com-
burentem in infinituim, quam quidam fomniarunt, vanam & imagi-
nariam elle.
22. Et, fi duo vitra vel comburentia fpecula fumamus, quorum
unum altero majus; qualiacunque demum fint, dummodo fimilium
figurarum, majus quidem radios Solis in fpatio majori colliget,
longius etiam à fe reddet quäm minus : interim, in fingulis par-
tibus hujus fpatii, non plus virium hi radii habebunt quàm in al-
tero, in quo minus illos colligit. Atque ita vitra & fpecula valde
exigua fieri | poflunt, æquè vehementer comburentia ac maxima. Et
fpeculum comburens, cujus diameter non multo major eft centefimà
circiter parte diftantiæ quæ inter illum & locum in quo radios Solis
colligere debet : id eft, cujus eadem fit ratio ad hanc diftantiam,
quæ diametri Solis ad eam quæ inter nos & Solem : licèt Angeli
manu expoliatur, non magis calefaciet illum locum, in quo radios
quammaxime colliget, quàm illi radii qui, ex nullo fpeculo reflexi,
directè ex | Sole manant. Atque hoc etiam fere eodem modo de vitris
comburentibus intelligi debet. Unde patet eos qui non confum-
matam Optices cognitionem habent, multa fingere quæ fieri non
poffunt ; & fpecula illa famofa, quibus Archimedes navigia procul
incendifle fertur, vel admodum magna fuifle vel potiùs fabulofa effe.
23. Quartum difcrimen, in vitris de quibus agimus notandum,
ad ea imprimis pertinet, quæ mutant difpofitionem radiorum ex
propinquo aliquo punéto manantium, & in | eo confiftit quod alia,
nempe quorum fuperficies illi puncto obverfa quammaxime eft con-
cava pro ratione ipforum magnitudinis, majorem copiam radiorum
Œuvess. I. So
634 Œuvres DE DESCARTES. 194-196.
admittant quam alia, licèt diametrum non habeant majorem. Et in
hâc re vitrum ellipticum NO P (quod tam magnum fupponimus,
ut extremitates illius, N & P, fint puncta determinantia minimam
ellipfis diametrum), hyperbolicum | QRS fuperat, licèt pro arbitrio
magnum fingatur, & ad hunc effetum nullo alio inferius ef.
24. Poftremd, hæc vitra etiam in hoc differunt quôd, ad eadem
eflecta producenda circa radios qui referuntur ad unicum punétum
vel funt paralleli, illa quæ funt quarumdam figurarum, debeant
efle plura numero, vel efficere ut radii qui alia punéta vel alias
partes refpiciunt, pluribus vicibus decuflentur, quäm quæ funt alia-
rum. Ut fupra vidimus, ad radios ex uno punéto manantes in alio
colligendos aut difpergendos tanquam fi ex alio venirent, aut rur-
fus ad difpergendos illos qui verfus aliquod punétum tendunt, tan-
quam fi ex aliquo alio egrederentur, femper | duo vitra elliptica
elle adhibenda, quum ad idem efficiendum unico tantum hyperbo-
lico opus fit; & parallelos, fervato parallelifmo, in minus fpatium
quàm antea occupabant arétari poffe, tam per duo vitra hyperbolica
convexa, quæ radios ex diverfis punétis venientes bis decuflant,
quàam per convexum & concavum, quæ femel tantüm eofdem de-
cuffant. Sed manifeftum eft nunquam pluribus vitris utendum,
quoties unum fufficit, nec procurandum ut fæpius radii decuffentur,
ubi femel decuflati idem præftare poffunt.
Atque ex his omnibus eft concludendum vitra elliptica & hyper-
bolica cunétis aliis, quæ poflunt excogitari, præftare; & præterea
fere femper hyperbolica ellipticis effe præferenda. Quibus præmif-
fis, hic deinceps exponam | quà ratione mihi videatur unumquod-
que genus fpecillorum fieri debere, ut quammaximam perfectionem
acquirat.
CAPUT NONUM.
Defcriptio Specillorum.
1. Primo omnium neceflarium eft pellucidam materiam eligere,
politu facilem & tamen fatis duram ad figuram, quæ ipfi dabitur,
retinendam : præterea minimum coloratam & quamminimè re-
flexioni obviam. Et quidem in hunc ufque diem non alia reperta
fuit quæ omnes has conditiones perfectiùs expleat quàäm vitrum
a. tam] tunc E/7.
177
179
196-198. DIOPTRICE. 63
valde purum & tranflucidum, ex cinere fubtilifimo conflatum.
Licèt enim cryftallus montana | purior & pellucidior videatur, ta-
men, quum fuperficies illius plures radios quam vitrum refleftant,
ut experientia docere videtur, non tam apta forfan noftro propofito
fuerit. Hic autem, ad cognofcendam hujus reflexionis caufam, &
quare potiüs in fuperficiebus, tum vitri tum cryftalli, fiat quàäm in
medio illorum, item quare major in fuperficie cryftalli quam vitri,
nobis in memoriam revocandum eft quâ ratione fuprà naturam lu-
minis defcripferimus, dicentes illam | nihil efle in pellucido cor-
pore, præter actionem, aut inclinationem ad motum, materiæ
cujufdam fubtiliflimæ, omnes illius poros replentis ; & cogitandum
poros omnium corporum pellucidorum adeo æquales & rectos elle,
ut facillimè hanc materiam fubtilem fine morà & offenfione tranfmit-
tant ; fed nunquam poros duorum corporum pellucidorum diverfæ
naturæ, ut illi aëris & vitri feu cryftalli, tam accuratè ad invicem
refpondere, quin femper nonnullæ particulæ materiæ fubtilis, ma-
nantes, ex. gr., ex aëre ad vitrum, inde refiliant, partibus folidis
fuperficiei illius occurrentes : &, eâdem ratione, ex vitro in aërem
delatæ, partibus folidis fuperficiei aëris obviæ, ed unde venerant
reflectantur : funt enim in aëre multæ quæ, refpectu hujus materiæ
fubtilis, folidæ poffunt nominari. Quibus cognitis, fi confideremus
cryftallum componi ex partibus folidis craflioribus, & poros habere
anguftiores, quam vitrum, quemadmodum ex majori ejus duritie
fimul & pondere fatis patet, facilè credemus illam plures ex iftius
materiæ fubtilis particulas fuperficie fuà repulfuram, & ex confe-
quenti paucioribus radiis aditum præbituram quam vel aër vel
vitrum, licèt interea faciliorem tranfitum, quäm illa, præbeat | iis
quibus præbet, juxta ea quæ fuprà diéta funt.
2. Itaque, felecto puriflimo vitro, minimè colorato & pauciflimos
radios reflectente, fi illius ope | defettui eorum opem ferre volumus,
quorum acies non tantum ad remota valet quantum ad propinqua,
vel contrà non tantum ad propinqua quantum ad remota, aptiflimæ
ad hoc figuræ erunt quæ ex hyperbolis conftant. Ut, fi, ex. gr.,
oculus B vel C à naturâ comparatus fit ad colligendos in fuo fundo
omnes radios manantes ex punéto H vel 1, at non illos ex V vel X,
ut tamen & hoc V vel X accuratè cernat, interponendum eft vitrum
O vel P, cujus fuperficies, una concava, altera convexa, ope dua-
rum hyperbolarum defcriptæ funt, & concava, quæ oculo eft obver-
tenda, habet pro foco pun:tum H vel I, & convexa punétum V
vel X.
3. Atque, fi punétum I vel V fatis remotum fit ab oculo, nempe
636 Œuvres DE DESCARTES. B mo0
ad quindecim aut viginti pedes aut amplius, tunc, loco hyperbolæ
cujus focus efle deberet, fufficiet uti lineà rectà, & fic facere unam ex
fuperficiebus vitri omnino planam : nempe interiorem, quæ oculo
obverti debet, | fi fit punétum I quod ita remotum fupponimus; &
exteriorem, fi fit punétum V. Tum enim tanta objecti pars, quanta
eft oculi magnitudo, loco unius punéti erit, quum non plus | fpatii
in oculi fundo occupet, quàäm extremitatem unius capillamenti
nervi optici.
Neque etiam neceflarium eit, quoties objecta paulo magis vel
minuüs diftantia volumus contueri, alia ftatim adhibere vitra; fed
fufficit ad ufum habere duo, quorum alterum diftantiæ rerum, quas
vulgù contemplamur, minimæ congruat, & alterum maximæ; vel
etiam unum, quod inter hæc duo medium fit. Cüm enim oculi,
quibus aptari debent, non omnino immoti fint & rigidi, facilè ad
figuram talis vitri mutantur.
4. Quod fi etiam, ope unius vitri, cupiamus efficere ut objecta
accefla (id et quæ oculo quantum volumus poflunt admoveri) multo
majora & magis diftinétè appareant quäm dum refpiciuntur fine
fpecillis, commodiflimum erit fuperficiem hujus vitri interiorem
omnino planam reddere, exteriorem autem hyperbolicam cujus
focus in eo loco fit in quo objectum libuerit collocare. Notandum
tamen hic commodiflimum dici, « non omnino optimum » : nam
concedo quidem, fi huic fuperficiei figuram ellipfeos demus, cujus
itidem focus ibidem fit ubi objectum, & alteri figuram fegmenti
fphæræ, cujus centrum in eodem hoc foco, effectum paulo majorem
fore ; fed multo minüs commodè tale vitrum poterit expoliri. Hic
autem focus, five hyperbolæ five ellipfis, tam propinquus efle debet
ut, objeéto (quod | non nifi valde exiguum effe poteft) ibi locato,
non majori intervallo diftet à vitro quàm necelle eft ut lumen, quo
debet illuftrari, ex circumjacentibus locis ad illud accedat. Atque
hoc vitrum thecà aliquà eft ita includendum ut totum illâ contega-
tur, medià tantüm ejus parte exceptà, quæ magnitudine pupillam
æquet, vel etiam fit paulo minor. Debentque omnes hujus thecæ
partes, quæ oculo obvertentur, nigræ elle; & præterea non erit
inutile ipfius oras holoferico nigro circumdare, ut tanto commo-
diùs, oculo quamproximè admota, radios omnes luminis excludat,
præter eos qui per partem vitri detectam admittentur. Sed extrin-
fecus præftabitejus fuperficiem albam elfe, vel potius terfam & po-
litam, figuramque habentem fpeculi concavi, ut omnes radios lumi-
nis in fe effufos ad objectum reflectat. Et, ad fuftinendum objectum
co in loco in quo debet efle ut opere fpecilli confpiciatur, non
180
181
200-203. DioPTRICE. 637
improbo perexiguas illas ampullas ex vitro vel cryftallo, quarum
ufus in Gallià jam vulgaris eft & frequens. Sed, ut aliquanto plus
artis adhibeamus, melius erit fi fulcro aliquo, brachioli inftar ex
thecà protenfo, fuftineatur. Et denique, ut abunde luminis adfit,
totum fpecillum fimui cum objecto: erit Soli obvertendum. Ut, fi A
fit vitrum, C pars interior thecæ cui | inclufum eft, D exterior, E
objectum, G brachiolum fuftinens, H oculus, & I Sol, cujus radii
directè in oculum non penetrant, ob interjectum tam confpicillum
quam objectum, fed, effufi in corpus album vel fpeculum D, refi-
liunt inde primd ad E, & tandem ab E ad oculum.
5. Si verd aliquod fpecillum ad'aftra & | alia objecta remota &
inacceffa contemplanda volumus fabricare, duobus hyperbolicis vi-
tris, convexo uno & altero concavo, duabus tubi extremitatibus, ut
hîc videri poflunt, infertis id erit componendum. Et, primd, abc,
fuperficies vitri concavi abcdef, figuram hyperbolicam exigit, cujus
focus eà diftantià abfit à quà oculus, cui hoc perfpicillum paratur,
quamaccuratiflimè fua objeéta cer/nit. Hic, ex. gr., oculo G ita dif-
pofito ut diftinétius cognofcat objecta, quæ ad H, quàm ulla alia, H
debet effe focus hyperboles abc : & pro fenioribus, qui rectius
objeéta remota quäm propinqua vident, hæc fuperficies abc omnino
plana effe debet ; contrà, pro iis quorum acies ad propinqua valet,
fatis concava. Altera fuperficies def* figuram alterius hyperbolæ
expolcit, cujus focus [tranfverfum pollicem aut circiter ab eà diftet,
ita ut oculi fundum contingat, cum ejus fuperficiei perfpicillum erit
conjunétum. Hæ tamen proportiones non tam abfolutè necellariæ
fünt, quin multüm etiam mutari poflint, | ita ut, non aliter factà
fuperficie-abc pro fenibus, nec pro myopibus, quàm pro cæteris,
omnibus oculis idem perfpicillum poflit infervire, fi tantüum ejus
tubus nunc aliquantulum diducatur, nunc contrahatur. Et, quod
ad fuperficiem def, forfan, ob difficultatem ipfam multüm exca-
vandi, præftabit figuram hyperboles illi dare, à quà focus ali-
quanto magis diflet quam dictum eft : quod ufus felicius quam
mea præcepta docebit. Et | in univerfum hoc tantüm dico : qud
propiüs aderit hoc punctum I, reliquis paribus, ed majora objecta
vifum iri, quia tunc oculus ita erit difponendus, ac fi propiora ellent;
& vifionem magis fortem five perfpicuam futuram, quia tunc alte-
rius vitri diameter poterit major efle: verüm, fi nimis vicinum fiat,
illam non adeo diftinétam fore, quia tunc multi radii nimis obliquè
pro ratione aliorum in vitri fuperficiem cadent. Diameter autem
atdef| dj El.
638 OŒEuvres DE DESCARTES. 203-205.
hujus vitri, five pars quæ retecta effle debet, cùm tubo KLM :in-
clufum eft, fatis magna erit, fi aliquantulum excedat pupillæ quam-
maximè diductæ quantitatem. Et, quod ad ejus craflitiem attinet,
nunquam nimis exigua | efle poteft; licèt enim, illam augendo,
imagines objectorum pauld majores reddantur, quia tunc radii à di-
verfis punétis venientes paulù magis in eà parte, quæ oculumrefpicit,
divergunt, fit etiam econtra ut pauciora & minus diftinétè appa-
reant; funtque aliæ viæ commodiores ad imaginum magnitudines
augendas. Quantum ad vitrum convexum NO PQ, fuperficies illius
N Q P*, objecta refpiciens, omnino plana efle debet, & altera NOP
hyperbolica, cujus focus 1° accuratè in eundem locum cadat in quem
alterius hyperboles def; & qu perfettius telefcopium defideramus,
ed magis focus ifte removendus eft à punéto O. Præterea magni-
tudo diametri hujus vitri determinatur à duabus rectis lineis I d N
& If P, ductis à foco I per d & f, extremitates diametri vitri hyper-
bolici | def, quam diametro pupillæ æqualem effe fuppono. Sed,
etiamfi diameter vitri NOPQ aliquanto minor fit, tamen objecta
propterea non magis confufa, nec minora, fed tantüm minori luce
perfufa apparebunt. Quapropter, quoties illa nimis lucida erunt,
diverfi circuli nigri chartacei, vel fimiles, in promptu habendi, ut
1,2, 3, ad obtegendas illius oras, & partem ejus reteétam, quan-
tum lumen ex objectis effufum permiferit, anguftiflimam redden-
dam. Craflities autem hujus vitri neque prodeffle- neque obefle
poteft, nifi forfan ideo poteft obefle, quèd vitrum, quamvis purifli-
mum & maximè terfum, femper tamen radios aliquanto plures
reflectat quäm aër. Tubus K LM ex materià firmà & folidà fieri
debet, ut duo vitra, duabus illius extremitatibus immiffa, accuratè
femper eodem fitu ibi hæreant. Totus etiam intrinfecus niger efle
debet, atque holoferico nigro circa oram ad M veftiri, ut arétè oculo
| junctus omnem lucem excludat, eà exceptà quæ permeabit vitrum
NOPQ. Longitudinem autem illius & latitudinem diftantia &
magnitudo duorum vitrorum certam reddit. Poftremà, neceffarium
erit hunc tubum machinæ cuidam imponi, ut RST, cujus operû
verti in omnes plagas pofñlit & firmiter fifi è regione objettorum
quæ volumus contemplari. Et, hujus quoque rei gratià, dioptra vel
duo pinnacidia, ut V,V, huic machinæ affigenda erunt; & infuper
etiam, quia, quù magis hæc perfpicilla | objectorum imagines au-
gent, ed pauciores fimul repræfentant, non abs re fuerit iis, quæ
a INOPEENT.
b. I. omis Elz.
».
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186
205-206. D'oPTRICE. 6 39
illas quammaximè augent, alia minus perfecta adjungere, ut eorum
ope tanquam per gradus ad cognitionem loci, in quo erit objectum
quod perfectiflima exhibebunt, deveniatur. Talia hîc funt XX &
YY, quæ perfectiflimo Q LM ita adjuncta effe fuppono ut, fi vertatur
machina cui impofita funt donec per dioptras V, V planeta Jovis ap-
pareat, idem etiam per fpecillum XX apparebit, & præterea, hujus
fpecilli ope, quatuor alii minores planetæ Jovem comitantes dignof-
centur. Deinde, fi machina rurfus ita dirigatur ut unus aliquis ex
his minoribus planetis per centrum hujus fpecilli XX confpiciatur,
confpicietur etiam per aliud fpecillum Y Y, ubi, quia folus & multà
major quàäm prius apparebit, diverfæ etiam regiones in eo diftin-.
guentur. Et denique, ex his regionibus, quæ per centrum hujus
fpecilli YY fpectabitur, fpectabitur etiam per tertium fpecillum
KLM, cujus ope variæ res minores, quæ in illâ regione erunt, dif-
cernentur. Sed fciri non poflet iftas res efle in tali regione talis ex
planetis quæ Jovem comitantur, fine ope aliorum; nec etiam illud
in loca determinata, verfus | quæ volumus refpicere, commodè
dirigere poflemus.
His autem tribus perfpicillis, quartum aut plura perfectiora pote-
runt adjungi, faltem fi artificibus induftria ad id requifita non defit.
Etnullum quidem inter hæc perfectiflima & imperfectiora difcrimen
eft, nifi quôd eorum | vitrum convexum debeat majus efle & ejus fo-
cus remotior. Denique, fi manuum induftria præftare poflit quod ars
docet, hujus inventi beneficio poterimus res tam particulares & mi-
nutas in aftris videre, quäm fint eæ quas vulgù in terrà percipimus.
6. Si verd fpecillum habere cupiamus, cujus ope objecta propin-
qua & accefla quàam diftinctiflimè fieri poteft confpiciantur, & multo
diftinétius quàäm ope illius quod paullo antè hunc in ufum de-
fcripfimus, illud itidem duobus vitris hyperbolicis, uno concavo,
convexo altero, duabus tubi extremitatibus inclufis erit compo-
nendum. Et concavo abcdef eadem figura danda quæ proximè
præcedenti, ut & fuperficiei interiori convexi NO P ; exterior autem
NRP, quam illud totam planam habebat, hic admodum convexa
requiritur, & hyperbolica cujus focus exterior Zita propinquus fit
ut, objecto ibi locato, non plus fpatii illud & vitrum interjaceat
quàm admittendæ luci ad illud illuminandum requiritur. Et dia-
meter hujus vitri non tanta requiritur quanta in præcedenti fpe-
cillo, nec etiam tam exigua fuflicit quàm illa vitri A paulo antè
defcripti, fed talis circiter efle debet ut recta NP, quæ illam* defi-
a. illum Æ/7.
640 OŒEuvREs DE DESCARTES. 206-209.
gnat, tranieat per focum interiorem hyperboles NRP & in hâc
hyperbolà utrimque terminetur: fi enim minor foret, pauciores ra-
dios ab objecto Z reciperet; fin major, paulo plures tantüm admit-
teret; ita ut vitri craflities, quæ tunc multo major evaderet, non
minus de illorum vi detraheret quàm | ejufdem latitudo augeret; &
præterea non tantum luminis verfus objeétum Z reflecti poflet. E
re quoque erit hoc confpicillum machinæ cuidam, ut ST, impo-
nere, qu femper Soli obverfum teneatur. Et vitrum NO PR fpeculo
parabolico concavo includendum erit, ut CC, quod omnes Solis
radios reflectat ad punétum Z, in quo objeétum parvo brachiolo G,
alicunde ex fpeculo protenfo, fufftineatur. Et præterea hoc bra-
chiolum fulcire debet aliquod corpus nigrum & opacum, quale
HH, quod objectum Z undiquaque cireumitet, & accuratè magni-
tudinem vitri NOPR adæquet, ut nempe impediat ne qui radii
Solis direétè incidant in hoc vitrum : inde enim intrantes | tubum,
quidam eorum proculdubio ad oculum refilirent, & non nihil de
vifionis perfettione detraherent, quia, quamvis hic tubus debeat in-
trinfecus fieri nigerrimus, nullum tamen corpus tam perfectè ni-
grum efle potelt, ut omnem vim luminis aliunde in illud delapf
obtundat & nullos omnino radios reflectat: præfertim fi lumen
illud fit fatis forte, quale eft Solis. Præterea corpus opacum HH
debet habere in medio foramen, quale Z, ejufdem magnitudinis
cujus objectum, ut, fi id forfan quodammodo fit pellucidum, etiam
per directos Solis radios illuminetur; imd, fi necefle fit, per eofdem
<à> comburenti vitro II, quod æquë latum fit ac NOPR, collectos
in puncto Z, ut omni ex parte tantum luminis in objectum mittatur
quantum fine periculo uftionis poterit ferre. Et facile erit, velatä
parte fpeculi CC vel vitri IT, nimiam illorum vim temperare. Ne-
minem ignorare exiflimo quare hic tam follicitè curem ut quam-
plurimà luce objectum illuftretur, & ut quamplurimi ex eo radii ad
oculum pertingant: vitrum enim NOPR, quod in hoc fpecillo pu-
pillæ vice fungitur, & in quo radii ex diverfis punétis manantes
decuffantur, cum multo vicinius fit objeéti quàm oculi, efficit ut hi
radii per multo majus fpatium fe extendant in membranulâ illà quæ
ex extremitatibus nervi optici conflatur, quàm fit ipfa fuperficies
objecti ex quo veniunt; & fatis patet illos tanto minus virium habere
quanto fpatium, per quod extendun/tur, eft majus; ut econtra
multù plus habent, cum à vitro vel fpeculo uftorio in mult minori
fpatio colliguntur. Atque hinc tantüm | longitudo hujus perfpicilli
dependet, id eft diftantia quæ eft inter hyperbolen NOP & ejus
focum, Quanto enim illa major eft, tanto magis imago objecti in
138
190
-209-210, DIoPTRICE. Gat
oculi fundo expanditur, ideoque tanto diftindiùs minutas illius
partes ibi depingit. Sed hoc ipfum vim luminis ita minuit, ut
tandem non omnino fentiretur, nempe fi nimis longum eflet hoc
fpecillum. Adeo ut ejus maxima longitudo nonnifi experientià poflit
determinari; & præterea etiam varia fit pro varietate objetorum,
quorum fcilicet nonnulla magnam vim luminis, alia nonnifi perexi-
guam fine uftione ferre poffunt. Non quidem ignoro quædam adhuc
alia poffe excogitari, quibus hujus luminis vis aliquanto magis au-
geretur; fed difficilior effet illorum ufus, & vix ullum occurret un-
quam objectum, quod majorem requirat. Poflent etiam alia vitra
poni in locum hyperbolici NO PR, quæ paulo plures radios quàm
hoc ab eodem objeéti punéto reciperent; fed vel non eflicerent ut
omnes radii ex diverfis objeéti punctis venientes tam proximè ad
totidem alia punéta verfus oculum concurrerent; vel ad hoc duobus
vitris loco unius eflet utendum, atque ita radiorum vis non minüs
fuperficierum numero minueretur, quàäm figurâ augeretur; & de-
nique illa multo difficilius poflent poliri.
7- Supereft hic tantüm ut advertamus, quoniam hæc perfpicilla
nonnifi unico oculo admoventur, operæ effe ut alium interim
oculum obfcuro aliquo velo tegamus; fic enim pupilla ejus quo
utemur magis aperietur quàm || fi alium vel luci expoñtum relin-
quamus, vel ope mufculorum palpebras moventium claudamus :
tanta enim eft inter utrumque affnitas, ut vix unus aliquo modo
moveri pofñlit, quin alter ftatim ad ejus imitationem difponatur.
Præterea, non erit inutile, non tantüm hoc confpicillum arétè
oculo adjungere, ut nullam nifi per illud recipiat lucem ; fed etiam
pris aliquamdiu in obfcuro loco ftetifle, ut vifûs acies, tanto
tenerior exiftens, à minimà luce aflici poffit; & præterea imagina-
tionem noftram eodem modo difponere ac fi res valde remotas &
obfcuras vellemus intueri, ut tanto magis pupilla dilatetur & ideo à
pluribus objeéti punétis radios admittat. Jam enim fuprà notatum
eft, hunc motum pupillæ non immediatè fequi voluntatem quam
habemus illam aperiendi, fed potius ideam vel opinionem quam de
obfcuritate vel diftantià objecti concepimus.
8. Cæterüm, fi nonnihil ad ea omnia quæ fuprà diéta funt ani-
mum reflectamus, & potiflimum ad illa quæ ex parte objeétorum*
externorum requiruntur, ut vifionis fenfus quamperfeétiflimus
evadat, non difficulter intelligemus, per varias horum fpecillorum
formas, illud omne præftari quod ab arte et expectandum; nec
a. Il fallait organorum.
Œuvres. I.
2]
+
G42 OEUVRES DE DESCARTES. 210-212.
ideo eft operæ pretium ut hoc fufiùs demonftrem. Item etiam
facilè agnofcemus nuïla ex iis quæ pris ab aliis defcripta fuerant
ullo modo perfeéta effe potuifle, quia maxima differentia eft inter
lineas circulares & hyperbolas, & nunquam nifi lineæ circulares
adhibitæ funt ad eos effeétus, ad quos | hyperbolas requiri demon-
ftratum eft. Adeo ut nihil unquam boni hâc in re factum fit, nifi
cüm artificum manus tam feliciter aberravit ut, loco fphæricæ
figuræ, hyperbollicam, vel ad hanc proximè accedentem, vitrorum
fuperficiebus indiderit. Atque hoc præcipuè impedivit ne rectè
fierent illa fpecilla quæ videndis objectis inacceñlis idonea funt :
indigent enim vitro convexo multù majori quäm cætera; & non
modà difficilius eft feliciter aberrare in poliendo magno vitro quàm
in parvo, fed præterea major eft differentia inter fuperficies, hyper-
bolicam & fphæricam, in partibus à centro fatis remotis quæ in
majoribus vitris effe debent, quàm in vicinis ex quibus folis
conftant minora. Jam verd, quoniam artifices non facile forfan per
fe invenirent modum hæc vitra fecundüm figuram hyperbolicam
accuratè poliendi, fupereft ut ipfis deinceps viam oftendam, per
quam mihi perfuadeo illos fatis commodè eù perventuros.
CAPUT DECIMUM.
De modo expoliendi vitra.
1. Selecto vitro aut cryftallo quo uti placet, primd neceffaria eft
inquifitio proportionis quæ, juxta fuperius tradita, refraétionum
illius menfura exiflat; atque illa | obvia & expofita erit operà hujus
inftrumenti. E FI eft afliculus aut regula maximè plana & reéta, ex
quâlibet materià, dummodo non nimis polita vel pellucida fit, ut
lumen in illam effufum facillimè ab umbrâ dignofcatur. E A* et FL
funt duæ dioptræ, id eft laminæ parvæ, cujufcunque materiæ,
dummodo non fit tranfparens, ad perpendiculum ereétæ in EFI, &
foramine exiguo fingulæ pertufæ, ut À & L; funtque hæc duo
foramina tam directè. fibi invicem oppoñita, ut radius AL, | illa
permeans, parallelus feratur lineæ EF. Præterea, RPQ eft parti-
cula ejus vitri quod volumus examinare, in formam prifmatis five
trianguli polita, ejufque angulus RQ P rectus eft, & PRQ acutior
a. EH EK.
191
192
212-314. DIoPTRICE. 64;
quam RPQ. Tria latera « vel potius (quia in vitri craflitie latitu-
dinem habent) » tres facies RQ, QP & RP, funt planæ & politæ,
ideoque, dum facies PQ afliculo EFI incumbit, & facies QR
laminæ FL, radius Solis, duo foramina permeans A & L, per
medium vitrum PQR irrefractus penetrat ad B, quoniam perpen-
diculariter in fuperficiem QR incurrit. Sed, poftquam pervenit ad
punétum B, ubi obliquè aliam fuperficiem RP contingit, non,
nifi | declinans ad aliquod punétum afferculi EF, egredi poteft, ut
ex. gr. ad I. Et omnis hujus inftrumenti ufus in hoc confiftit, ut ita
radius exceptus per hæc duo foramina À & L emittatur, ut mani-
feftum reddat quomodo referatur punétum I (hoc eft centrum
parvæ ellipfeos, quam hic radius in afliculo E FI illuminat) ad duo
alia punéta B & P, quorum alterum B defignat locum in quo
reta, quæ tranfit per centra duorum foraminum A & L, in
fuperficie RP terminatur; & alterum P eft locus in quo hæc
fuperficies RP, fimulque illa afliculi EFI, fecantur à plano* quod
imaginari poflumus per punéta B & I, fimulque per centra fora-
minum À & L, tranfire.
| 2. His tribus punétis B PI accurate ita cognitis, & confequenter
etiam triangulo quod defcribunt, hoc triangulum in chartam aut
aliud planum circino eft transferendum ; deinde, ex centro B,
per punctum P defcribendus circulus NPT &, fumpto arcu NP
æquali arcui PT, ducenda reéta BN', fecans IP produétam in
punéto H; hinc denuo ex punéto B per H defcribendus circulus
HO", fecans BI in punéto O; & habebitur proportio inter lineas
HI & OI pro menfurà communi omnium refrationum quæ
produci poffunt à differentià quæ eft inter aërem & vitrum quod
examinatur. Quàâ de re fi nondum certi fumus, ex eodem vitro alia
parva triangula reétangula, diverfa ab hoc, polire poterimus ; quibus
fi eodem modo utamur ad inveftigandam hanc proportionem,|femper
fimilem illam inveniemus, atque ita nullo modo poterimus dubitare
quin reverà eadem fit quam quærebamus. Quod fi poftea, in rectà
lineà HI, MI æquale OT fumamus & HD æquale DM, D pro
vertice habebimus & H & I pro focis hyperboles, cujus figuram
fpecilla à nobis defignata requirunt.
Et hæc tria punéta HDI propiüs jungere poffumus, vel longius
removere quantum lubet, aliam tantüm lineam propiorem aut
a. plano] puncto Æ/7,
b. PN Ex.
c. HD Ex.
C44 OEuvrEs DE DESCARTES. 214-216.
remotiorem à* puncto B ducendo parallelam lineæ | HI, & ducendo
ex hoc punéto B tres rettas BH, BD & BIT, quæ illam fecent. Ut
hic videmus eodem modo ad invicem referri tria punéta HDI &
hdi, quo tria Hp1.
3. Deinde, cognitis his tribus punétis, facile eft hyperbolen defcri-
bere eo modo quo fuprà vidimus, defixis fcilicet duobus paxillis in
punétis H & I, & refti hærente in palo H ita regulæ alligatâ ut non
propiüs accedere poflit ad I quàm ufque ad D.
Sed fi malimus, ope vulgaris circini plura punéta per quæ | tendit
quærendo, illam delineare, « fumptis punétis H, D,M & O, utfupraà »,
alterum pedem hujus circini ponamus in punéto H &, altero pro-
moto paulo ultra punètum D, velut ad 1°, ex centro H defcribamus
circulum 133; inde, fumptà M2 æquali Hi‘, ex centro I per
punétum 2‘ defcribamus circulum 233, priorem in punétis 33 fecan-
tem, per quæ hæc hyperbole ferri debet, ut & per punétum D, ejuf-
dem verticem. Reponamus poftea eodem modo unum circini bra-
[chium in punétum H &, altero diducto paulo ultra punétum 1°,
velut ad 4, defcribamus circulum 466 ex centro H. Inde, M5
æquali fumpto® H4, ex centro I per 5 circulum 566 defcribamus,
priorem in punétis 66, quæ in hyperbolà, fecantem. Et ita, conti-
nuatâ flatione alterius brachii in punto H, & reliquis omnibus
ut antè obfervatis, quantum libet punctorum hujus hyperboles
poffumus invenire.
4. Quod fortafle non incommodum erit ad rude aliquod exemplar
fabricandum, quod præterpropter figuram vitri poliendi repræfen-
tet. Sed, ad accuratum aliquod, alio invento opus eft, cujus operâ
uno duétu hyperbole delineari poflit, quemadmodum per circinum
circulus, & quidem ego fequenti melius nullum novi. Primô, ex
centro T, medio | lineæ HI, defcribendus circulus HVI; inde ex
puncto D erigenda perpendicularis in HI, fecans hunc circulum in
punéto V, &, ductà rettà per hoc punétum V ex T, habebitur an-
gulus HTV, talis ut, fi imaginemur illum rotari circa axem HT,
linea TV fuperficiem coni fit defcriptura in quà, fattà fectione à
plano VX quod eft parallelum axi HT, & in quod DV ad angulos
rettos cadit, hyperbole omnino fimilis & æqualis priori deprehen-
a. à] aut Elz.
b. 1] 1 Ælz.
c. Hu] AMEL:
d'2]7 El:
c.Sic Er,
194
197
216-218. DioPTRICE. 64
detur. Et omnia alia plana huic parallela, conum fecantia, hyper-
bolas fimiles quidem omnino, fed inæquales, fuâ fectione efficient,
& quarum foci propiores vel remotiores erunt, prout hoc planum
ab axe diftabit.
| 5. Cujus rei veftigia fecuti, talem machinam poterimus fabri-
care. AB eft cylindrus ligneus vel metallicus, qui, circa cardines 1,
2 rotatus, alterius figuræ axem HI repræfentat. CG, EF* funt duæ
laminæ, vel afleres plani & lævigati, imprimis eà regione quâ fe
invicem contingunt, hâc ratione ut fuperficies, quam inter utrumque
poffumus imaginari parallelam cylindro AB & feétam ad angulos
rectos plano quod ire imaginamur per duo punéta 1, 2 & C,O,G, re-
præfentet planum VX quod conum fecat. Et N P, latitudo fuperioris
CG, æqualis eft diametro vitri expoliendi, vel non multüm eundem
excedit. Denique KL M eft regula quæ, rotata cum cylindro A B
in polis 12, hâc ratione ut angulus A LM femper æqualis maneat
angulo HT V, repræfentat lineam TV | conum defcribentem. Et
notandum hanc regulam ita per cylindrum actam effe ut per fora-
men L, arétè illam recipiens, attolli pro arbitrio & deprimi poflit, &
præterea alicubi, velut ad K, pondus aliquod efle, feu prefforium
curvum, quo femper ad laminam CG premitur; itemque, in ejus
extremitate M efle cufpidem chalybeam & ita temperatam ut vim
habeat fecandi laminam fuperiorem C G, non autem | alteram EF
ei fubftratam. Quibus intellectis, fatis patet, fi regula KLM circa
polos 12 ita moveatur, ut cufpis chalybea M ab N per O tendat
ad P, & reciprocando à P per O ad N, ab ipfà divifam iri hanc la-
minam CG in duas alias CNOP & GNOP, in quibus latus NO P :
lineà terminabitur convexà in CNOP & concavà in GNOP, quæ
accuratè figuram hyperboles habebit. Et hæ duæ laminæ CNOP,
GNOP, fi chalybeæ vel ex alià materià fatis durà fint, non tantüm
loco exemplaris erunt, fed etiam inftrumenti ad formandas quafdam
rotas, à quibus, ut mox audiemus, vitra figuram fuam ducere
poflunt. Hic tamen defeétus quidam fupereft, in eo fcilicet quôd
chalybea cufpis M, cüm | paulo aliter verfa fit cm accedit ad N vel
ad P quàm cüm eft in O, non poflit ubique uniformem & æquè
acutam vel obtufam horum inflrumentorum aciem efficere. Ideoque
melius arbitror machinà fequenti, licèt operofiore, uti.
6. ABK LM unicum tantummodo membrum eft, quod integrum in
cardinibus 12 movetur, & cujus pars A BK perinde eft quam habeat
figuram ; fed KL M debet efle regula, vel aliud fimile corpus planas
a. EF omis Elz.
646 OEUVRES DE DESCARTES. 218-220.
habens fuperficies, quæ lineis rectis parallelis terminentur; opor-
tetque ut hæc regula KLM ita fit inclinata ut recta 43 quæ medium
ejus craflitiei defignat, ufque ad eam produtta quam fingere poflu-
mus per polos 12 tranfre, efliciat angulum 234 æqualem illi qui
fuprà notis HT V defignabatur. CG, EF funt duo afferes paralleli
axi 12, & quorum fuperficies | adverfæ, planæ admodum & læves,
fecantur ad angulos rectos plano 12GOC. Non tamen arétè mutuo
cohærent, ut in præcedenti machinâ, fed tanto in|tervallo præcife
diftant ab invicem, quantum requirit inferendus cylindrus QR, teres
exquifitè & ubivis ejufdem craflitiei. Præterea, fingulæ fiffuram habent
NOP, hujus longitudinis & latitudinis ut regula KLM immifla, huc
& illuc, cardinibus fuis innixa, liberè feratur, quantum requiritur ad
defignandam partem hyperboles inter hos duos afferes, magnitudine
diametro vitri poliendi æqualem. Hæc regula quoque per cylin-
drum Q R* obliquè inferta eft, häc ratione ut, licèt hic cum illà mo-
veatur in polis 12, femper tamen inter duos afferes CG, FE maneat
claufus, & axi 12 parallelus. Poftremd, Y67 & Z89 funt inftru-
menta, poliendo in formam hyperbolæ cuilibet corpori infervientia,
& manubria illorum Y, Z tantæ funt craflitiei ut eorum fuperficies,
quas planas effe notandum eft, fuperficies aflerum CG & EF | ab
utrâque parte omnino contingant, & nihilominus inter ipfas, utpote
admodum læves, hinc et inde poflint moveri. Habentque fingula
rotundum foramen 5, 5, in | quo altera cylindri Q R extremitas ita
inclufa eft, ut hic cylindrus pofñlit circa proprium axem 55 circum-
volvi, non efficiendo ut ifta manubria eodem modo volvantur, prop-
ter eorum fuperficies planas quæ hine & inde à fuperficiebus afferum
quos contingunt cohibentur; fed non poflit in ullam aliam partem
ferri, quin illa fimul in eandem ferantur. Et ex his omnibus liquet
regulam K LM propulfam ab N ad O & ab O ad P, vel à PadO0O&
ab O ad N, moto fecum cylindro QR, eädem operà movere hæc in.
ftrumenta Y67 & Z 89, hâc rationeut unaquæque eorum pars motu
fuo accuratè hyperbolen defcribat eandem quam interfeétio linearum
34 & 55; quarum una, fcilicet 34, motu fuo delilneat conum, altera
55 planum eundem fecans. Cufpis feu acies horum inftrumentorum
variis modis fieri poteft, pro vario ufu quem illam volumus præ-
flare. Et ad figuram vitris convexis dandam, commodiflimum videtur
primÔ uti inftrumento Y 67, ac plures laminas chalybeas fecare
fimiles CNO P fuprà defcriptæ ; inde, tam operà laminarum quàm
inftrumenti ZS80, rotam, qualis eft d, circumcirca in latitudine fuà
a. PR Et.
1)
200
202
220-223. DioPTRICE. 647
abc excavare, ut ita omnes fectiones, quas imaginari poffumus factas
à planis in quibus ee rotæ axis exiftit, figuram hyperboles, quam
machina defcribit, confequantur; & denique vitrum expoliendum
mymphuri, ut Aik, affigere atque ita apponere juxta rotam d | ut,
fi tracto fune /7 mymphur circa fuum axem vertatur, & eodem tem-
pore vertatur etiam rota circa fuum, vitri fuperficies inter hæc duo
pofita figuram quam ipfi dare volumus accipiat.
| Quantum ad modum inftrumento Y67 utendi, notandum laminas
cnop nonnili ufque ad medium fingulis vicibus fecandas effe, ut ex.
gr. ab ad o. Et propterea repagulum in machinâ ad P figendum eft,
quod impediat ne regula KLM, mota ab N ad O, propius accedat
ad P quäm requiritur ad hoc ut linea 34, quæ medium crafltiei
illius notat, perveniat ufque ad planum 12GOC, quod imagina-
mur afferes ad rettos angulos fecare. Et ferrum hujus inftrumenti
talem figuram exigit, ut omnes ejus aciei partes in hoc eodem plano
12GOC exiftant, cum linea 34 ibidem fiftitur; neque ullas alias
hoc ferrum habeat partes quæ tunc ultra illud planum verfus P
protendantur, | fed tota ejus craflitiei declivitas refpiciat verfus N.
Cæterüm pro arbitrio vel acutum vel obtufum fieri poteft, parüm
aut multum inclinatum, & longitudinis cujuflibet, omnia prout
res exigere videbitur. Inde, cufis laminis cop & limà proximè
ad illam figuram perduétis quam requirunt, vi adigendæ atque
premendæ ad inftrumentum Y67 &, motà regulà KLM ab N
ad O & viceverfä ab O adN, unam illarum partem perficiemus.
Deinde, ut alia planè fimilis fiat, repagulum aliquod ibi efle debet,
quod impediat quominus verlus hoc inftrumentum progredi poflint
ultra locum in quo funt, cm prima earum medietas NO abfol-
vitur;, & tunc, paululum iis reductis, mutandum eft ferrum in-
ftrumenti YG67, & aliud, loco illius, fubftituendum, cujus acies
accuratè fit in eodem plano & ejufdem figuræ ac acies prioris,
fed cujus omnis declivitas refpiciat verfus P, adeo ut, fi hæc duo
ferramenta adverfa componas, duæ illorum acies unicam tantüm
efficere videantur. Inde, tranflato ad N repagulo | quod antea P
verfus locatum erat ad impediendum nimium regulæ KLM pro-
greflum, movenda eft hæc regula ab O ad P & à P ad O, donec hæ
laminæ c0p inftrumento Y 67 tam propinquæ erunt quäm antea,
& hoc pacto abfolventur.
Quod attinet ad rotam d, quæ ex materià admodum durà effe
debet, poflquam limä figuram, quam exigit, præterpropter acceperit,
Jfacilis elaboratu erit, primd per laminas cuop, modà initio fuerint
tam benè cufæ ut, licèt poftea candentes in aquam merfæ fint ad
648 Œuvres DE DESCARTES. 223-224.
duritiem acquirendam, nihil tamen idcirco ex earum figurâ fit mu-
tatum; debentque huic rotæ ita admoveri ut acies illarum nop° &
hujus axis ee in eodem plano fint; & denique adfit aliquod pondus
aliudve machinamentum, quo urgente laminæ iftæ rotam premant,
dum interim ipfa circa fuum axem vertetur. Præterea, etiam hæc
rota elaborabitur ope inftrumenti Z89, cujus ferrum æquali de-
clivitate ab utrâque parte procumbere debet; & de cætero quam-
libet figuram admittit, dummodo omnes partes ejus aciei So exif-
tant in plano fuperficies afferum CG, EF ad angulos rectos fecante.
Ut autem utamur hoc inftrumento Z So, movenda regula KLM in
polis 12, hâc ratione ut motu continuo procedat à P ad N, inde
viceverfà ab N ad P, dum interim rota circa fuum axem vertetur.
Quâ operâ acies inftrumenti omnem inæqualitatem, fi quæ re-
manfit in latitudine rotæ ab unâ ad alteram partem, lævigabit, &
cufpis illius (habebit enim & aciem & cufpidem) omnem illam
quæ in longum porrecta occurret.
7. Poftquam verd hæc rota ultimam recepit manum, facillimè
vitrum per diverfos duos motus, rotæ fcilicet & | mymphuris cui
affigendum ef, poterit expoliri, dummodo adfit aliqua vis quà, non
impedito torni motu, femper ad rotam agatur, atque inferior hujus
rotæ pars continud per aliquem alveum feratur, arenæ, fmiridi,
pulveri lapidis Gothlandici, ftanno combufto, | vel fimili materiæ
lævigandis & expoliendis vitris commodæ, immerfa.
Atque, his ita confideratis, intelleétu facile eft quâ ratione figura
concava vitris danda fit, factis fcilicet primÔ laminis cop ope inftru-
menti Z80, deinde rotà expolitâ, tam ope harum laminarum quàm
inftrumenti Y67, & reliquis omnibus eo quo diximus modo obfer-
vatis. Notandum tamen rotam, quà ad convexa utimur, pro arbitrio
magnam efle pofle; illam autem quâ ad concava, tantam effe non
debere ut ejus femidiameter diftantià, quæ erit inter lineas 12 & 55
in machinà cujus ope formabitur, fit major. Et in concavis poliendis
multo celerius hæc rota vertenda eft quam mymphur; contrà verà,
in convexis, mymphur velociüs rotandus; quia mymphuris motus
multo vehementiüs oras vitri quam medium atterit, rotæ verd mi-
nüs. Utilitas autem horum motuum diverforum manifefta eft : vitra
enim, fi manu in patinà expoliantur, modo qui unicus in hunc ufque
diem receptus eft, licèt patina eam exaëtè haberet figuram quam
vitra exigunt, non tamen eadem, nifi cafu, ipfis dari poteft; fi verd
utamur motu folius mymphuris « centrum vitri centro patinæ jun-
a. cnop Elz.
203
204
20)
SE Se NS ES
224-226. DIOPTRICE, 649
gentis », omnes figuræ defeétus, qui in patinâ reperientur, circulos
in vitro defcribent, & vitri medium, in quo minimus erit motus,
nunquam fatis atteretur.
Multa hîc funt | ad Geometriam fpectantia, quorum demonftra-
tiones omitto; mediocriter enim in hâc fcientià | exercitatis fatis
omnia illa per fe patent, & reliqui fine dubio faciliores, ad haben-
dam diétis meis fidem quäm ad illa legenda, fe præbebunt.
8. Cæterüm, ut ordine fingula procedant, vellem, primÔ, ut arti-
fices in poliendis vitris, planis ab unâ parte & convexis ab alterâ,
exercerentur & quidem in iis quæ hyperbolen referant cujus foci
duos aut tres pedes ab invicem diftent; nam hæc longitudo fuffcit
fpecillo fatis perfeétè objeéta inaccefla exhibituro. Deinde multa vitra
concava expoliri vellem, una aliis magis cava, &, ordine unum pot
aliud vitro convexo conjungendo, experiri quodnam ex ipfis per-
feétius telefcopium componeret, habità etiam ratione oculi qui ipfo
effet ufurus : qüia conftat hæc vitra magis concava requiri, pro iis
qui tantüm proximè admota cernunt, quàm pro aliis. Vitro concavo
fic invento, cum idem ad omnia alia fpecilla eidem oculo poñlit in-
fervire, nihil amplius ad telefcopiorum ftruéturam requiritur, nifi
tantüm ut exercitatione atque ufu facilitas acquiratur alia vitra con-
vexa poliendi, quæ longius quàm primum à concavo removenda
fint; & gradatim poliendi alia, quæ magis magifque abducenda fint,
atque etiam quæ fint pro ratione tant majora, donec hâc in re ad
fummum quod fieri poterit perveniatur. Sed, quà longius hæc vitra
convexa à concavis removenda erunt & confequenter ab oculo, eù
| exquifitiüs quoque polienda, quoniam iidem errores longius in iis
à debito loco radios detorquent. Ut, fi vitrum F radium CF tan-
tumdem refringit quantum vitrum E refringit AE, adeo ut anguli
AEG & CFH fint æquales, fatis liquet C F tendentem ad H lon-
gius recedere à punéto D, ad quod tenderet fi nullam | refractionem
pateretur, quàm AE, tendens ad G, à punéto B.
9. Poftremum & quidem præcipuum, quod hic vellem, eft ut
vitra ab utrâque parte convexa polirentur pro fpecillis quibus objecta
propinquiora contemplamur, &, primüm faétis is quæ tubis valde
brevibus includi debent, quoniam hæc facillima, illa gradatim poftea
aggredi quæ longiores tubos exigunt, donec ad ea perveniatur quæ
longiflimos, quæ ufui effe poflint, defiderant. Et ne forfan difli-
cultas, quæ in fabricà horum fpecillorum occurrere poflet, quem-
quam deterreat, hîc adhuc dicam, licèt initio illorum ufus non
tantum omnibus ablandiatur quantum telefcopiorum, quæ videntur
in cœlum nos effe eveétura & ibi in aftris corpora æquè particularia,
Œuvres. I, 82
6so OŒEuvREs DE DESCARTES. 226-227.
& forfan æquè diverfa ac ea quæ hîc in terrà videmus, exhibitura,
me nihilominus illa longè utiliora judicare, quoniam fpes ef,
eorum ope, diverfas miftiones & difpofitiones minutarum partium,
quibus animalia & plantæ & forfan etiam alia corpora quibus undi-
quaque cingimur conftant, nos infpetturos & non parum inde adju-
menti ad pernofcendam eorum naturam habituros, Jam enim, | fe-
cundüm opinionem plurimorum philofophorum, omnia hæc corpora
nonnifi ex partibus elementorum diverfimode mixtis componuntur;
& fecundüum meam, tota illorum effentia & natura, faltem inanima-
torum, tantum in magnitudine, figurà, fitu & motibus partium
confiftit.
10. Supereft adhuc nonnulla difiicultas circa hæc vitra, quoties
utrimque convexa aut concava fieri debent, ut | fcilicet centra dua-
rum ejufdem vitri fuperficierum direétè fibi invicem opponantur;
fed hæc facile tolli poteft, fi primd eorum circumferentia fiat torno
exactè rotunda & æqualis ei manubrii vel mymphuris, cui aggluti-
nanda erunt ut poliantur; deinde, cum ei agglutinabuntur, & gyp-
fum aut pix aut bitumen quo jungentur duétile adhuc & fequax
erit, fi annulo accuratè ad eorum menfuram facto, & tantæ latitu-
dinis ut extremitates vitri & mymphuris fimul includat, inferantur.
Particularia plura inter poliendum obfervanda hic omitto, ac etiam
nolim in praxi eadem omnia quæ defcripfi obfervari; quia non tam
ipfas machinas quàäm machinarum fundamenta & caufas explicare
conatus fum; & artificibus imperitis inventa hic defcripta non com-
mendo, fed ea fpero fatis egregia & fatis magni momenti vifum
iri, ut nonnullos ex maximè induftriis & curiofis noftri ævi ad
eorum executionem fufcipiendam invitent.
FINIS.
206
207
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METEORA
| CAPUT LI.
De natura terreflrium corporum.
1. Îta naturâ homines comparati fumus ut magis plerumque
admiremur quæ fupra nos, quäm quæ vel infra vel in eâdem altitu-
dine circa nos funt. Et quanquam nubes vix excedant quorundam
montium vertices, fæpe quoque infra faftigia noftrarum turrium
vagentur, quia tamen oculos ad cœlum erectos contemplatio illarum
exigit, tam fublimes illas imaginamur ut ipfi Poëtæ & Pictores
regiam Dei fedem illis adornent, & magnas illius manus ibi occu-
pari fingant laxandis atque obftruendis ventorum clauftris, matutino
rore flofculis noftris perfundendis,& fulminandis editorum montium
jugis. Atque hoc fpem mihi facit, fi ita naturam illarum explica-
vero ut nufquam in iis quæ ibi apparent, vel etiam quæ inde
defcendunt, admirationi locus relinquatur, quemvis facillimè credi-
turum non impoflibile fore eâdem ratione caufas omnium indagare,
quæ terra mirabilia habet.
2. | In primo hoc capite, de naturà terreftrium corporum in
genere loquemur, ut eù felicius in fequenti exhalationes & vapores
explicemus. Et, quoniam hi vapores, furgentes ex Oceano, quan-
doque falem in fuperficie illius componunt, hinc arreptà occa-
fione paululum defcriptioni illius immorabimur, atque in eo expe-
riemur num formas corporum (quæ Philofophi aiunt mixtione
perfeétà | compoñita effe ex elementis) æquè benè deprehendere
poflimus ac Meteora, quæ ex iifdem nonnifi mixtione imperfectà
generari ferunt. Poftea, confiderantes quo paëto vapores per aërem
ferantur, dicemus unde ventis origo. Et ex eo quèd in regionibus
quibufdam cogantur, nubium inde exfurgentium naturam expo-
netnus, Demum, ex eo quèd refolvantur, indicabimus quid nivi,
652 Œuvres DE DESCARTES. 232-234.
pluviæ, grandini caufam præbeat; ubi minimè nivis illius oblivif-
cemur, cujus particulæ velut circino dimenfæ ftellas exiguas fenis
radiis accuratiflimè repræfentant : hæc enim, licèt à majoribus non
fuerit notata, in maximis tamen naturæ miraculis cenferi debet.
Neque magis tempeftates, fulmina, fulgura, varios ignes ibi accenfos
atque apparentia lumina tranfcurremus. Inter cætera autemi ftudiofè
conabimur arcum cœleftem bene delineare, & caufas colorum illius
ita exponere, ut inde etiam eorum quibus alia corpora imbuuntur,
natura poflit intelligi. His etiam caufas addemus colorum quos vulgà
collucere in nubibus videmus; circulorum itidem aftra coronantium;
& poftremd, cur Sol & Luna multiplicati interdum appareant.
[Cæterüum, quoniam harum rerum cognitio pendet ex principiis
‘ generalibus naturæ, nondum fatis benè, quod ego fciam, in hunc
ufque diem explicatis, hypothefibus initio quibufdam utendum erit,
quemadmodum & in Dioptrice; fed adeo planas & faciles illas
reddere ftudebo, ut forfan etiam non demonfitratas facilè fitis
admifluri. j
3. Primo igitur fuppono aquam, terram, aërem & reliqua fimilia
corpora quibus cingimur, conftare multis exiguis partibus, figurà
& magnitudine diflerentibus, quæ nunquam tam accuratè nexæ &
continuatæ funt quin pluri|ma fpatia inter illas pateant : non quidem
vacua, fed referta materià illà fubtiliffimà, per quam fuprà diximus
actionem luminis communicari. Deinde fuppono exiguas illas partes
quibus aqua componitur, longas, læves & lubricas efle, anguillarum
parvularum inftar quæ, licèt jungantur & implicentur, nunquam
tamen ita nexæ cohærent ut non facilè feparentur; & contrà, fere
omnes alias, tam terræ quäm aëris & plerorumque corporum, par-
ticulas admodum irregulares & inæquales figuras habere : adeo ut
tam parüm implicari non poflint, quin flatim mutud nectantur &
hæreant velut impeditæ, quemadmodum rami virgultorum in fe-
pibus. Et quoties illæ | ita nectuntur, corpora dura componunt, ut
terram, lignum & fimilia; contrà, quoties fimpliciter una alteri
tantüm imponitur, & nonnifi valde parüm vel nullo modo impli-
cantur, & fimul adeo parvæ funt ut, agitatione materiæ fubtilis
quà cinguntur, facilè moveri & feparari poflint, multum fpatii
occupare debent & corpora liquida, rariffima & leviffima, ut oleum
aut aërem, componere.
4. Præterea cogitandum eft materiam fubtilem, omnia intervalla
quæ funt inter partes horum corporum replentem, nunquam à
motu velociffimo ceflare, fed afliduè huc atque illuc ferri, non autem
eàdem velocitate ubivis & omni tempore : nam, ut plurimum,
209
oCates-m bent és tnt mms 10. dés dt éd ds DÉbne
210
234-236. METEORA. 653
paulo concitatius fertur juxta fuperficiem terræ quäm in fublimi
aëre ubi nubes confiftunt; & fub æquatore, locifque vicinis, quàm
fub polis; &, in eodem loco, velociüs æftate quam hyeme, interdiu
etiam quàam noétu. Quorum omnium ratio ma/nifefta erit, fi pute-
mus lucem nihil aliud efle quàäm motum quemdam vel aétionem
quâ corpora luminofa materiam fubtilem quaquaverfum fecundüm
rectas lineas à fe propellunt, quemadmodum in Dioptricâ diétum
eft. Inde enim fequitur radios folares, tam reétos quäm reflexos,
validiüs illam agitare interdiu quam noétu; æftate quàm hyeme ;
fub æquatore quàm fub polis; & denique prope terram quàam
prope nubes.
5. Sciendum etiam eft hanc materiam fubtilem diverfæ magnitu-
dinis partibus conflare, earumque alias (licèt omnes perexiguæ fint)
aliis | longè majores efle;, & maximas quidem, vel (ut reétiüs loqua-
mur) minüs exiguas femper plus virium habere, quemadmodum in
univerfum omnia magna corpora, tantundem agitata quantum
parva, hæc robore multüm exfuperant. Atque id eficit ut, qud hæc
materia eft minüs fubtilis, id eft compoñita ex partibus minüs exi-
guis, hoc vehementius partes aliorum corporum agitare poñlit.
6. Unde etiam fit ut plerumque minuüs fubtilis fit eo in loco &
tempore in quo maximè agitatur : ut juxta fuperficiem terræ quàam
in medià aëris regione; fub æquatore quàäm fub polis ; æftate
quàm hyeme; & demum interdiu quàm noctu. Cujus ratio in eo
confiftit, quod harum partium maximæ, cûm eo ipfo fint vali-
diffimæ, omnium facillimè eù tendere poflint, ubi ob agitationem
vehementiorem faciliùs motus illarum* continuatur. Semper
tamen ingens numerus minorum mixtus cum his maximis fertur.
Et notandum omnia terreftria corpora poris quibufdam pervia
efle, qui minimas illas quidem admittunt; fed ex iis multa efle
quæ tam arétos atque ita ordilnatos hos meatus habent, ut
maximas omnino excludant; atque hæc, ut plurimum, ea funt
quæ gelidiora inveniuntur, fi tangantur vel tantüm manus ad illa
propius admoveantur. Sic, quantüm marmor aut metallum ligno
gelidius eft, tanto etiam difliciliùs eorum poros partes hujus ma-
teriæ minüs fubtiles admittere putandum eft; & poros glaciei adhuc
ægriùs quàm marmoris vel metalli, cùm hæc ipfis multo frigi-
dior fit.
7. Hic enim ftatuo, ad|naturam caloris & frigoris intelligendam,
non opus efle aliud concipere quàm exiguas corporum quæ tangi-
a. illorum Æ/3.
6;4 Œuvres DE DESCARTES. 236-237.
mus partes folito magis aut minüs vehementer, five ab hâc materià
fubtili, five ab alià quâlibet caufà commotas, intenffüs etiam vel
remifliüs in parva capillamenta nervorum taétui infervientium
ferri; &, cm vehementià quâdam infolità illa impelluntur, hoc
fenfum caloris in nobis efhicere; frigoris verd, cûm folito remiflius
agitantur. Ac, licèt hæc materia fubtilis non feparet ab invicem
corporum durorum pattes inftar ramorum implicitas, quemad-
modum feparat partes aquæ vel aliorum corporum liquidorum,
tamen illa has agitare & magis aut minüs concutere potefl, prout
impetu concitatiori aut languidiori fertur, vel etiam prout partes
magis aut minüs craflas habet : quemadmodum venti ramos omnes
arborum, quibus fepimentum aliquod contexitur, agitare poflunt,
nullà tamen earum evulfà. Cæterüum, cogitandum eft inter hujus
materiæ fubtilis robur, & vim refiftentem partium corporum alio-
rum, illam proportionem efle ut, cüm non minüs agitatur neque
fubtilior eft quàm folet efle in hàc regione juxta terram, vim habeat
agitandi exiguas partes aquæ quas interlabitur, & | fingulas feorfim
loco movendi, imo etiam pherafque earum inflectendi, atque ita
hanc aquam liquidam reddendi; fed, cm non vehementiüs pelli-
tur, nec minüs fubtilis eft, quäm folet efle | in his plagis in aëre
fublimi, aut quandoque per hyemem juxta terram, non fatis illi
roboris adeft ad illas ita inflectendas & agitandas; unde fit ut con-
fufñim & fine ordine unæ aliis impofitæ fiftantur, atque ita corpus
durum, glaciem videlicet, componant. Adeo ut eandem differentiam
inter aquam & glaciem poflimus imaginari, quam inter cumulum
parvarum anguillarum, feu viventium feu mortuarum, inna-
tantem pifcatoriæ fcaphæ foraminibus undique pertufæ, quibus
aqua fluviatilis, quà moventur, admittitur, & cumulum earundem
anguillarum quæ ficcæ & gelu rigidæ in ripà jacent. Et quoniam
aqua nunquam gelu conftringitur, nifi materia, quæ ejus partes in-
terlabitur, plus folito .fit fubtilis; inde fit ut pori glaciei, qui
tum* formantur ad menfuram particularum hujus materiæ fubti-
liffimæ, fic arctentur ut paulo majores omnino excludant; atque
ita glacies maneat frigidiflima, licèt in æftatem refervetur; atque
ut femper duritiem fuam obtineat, nec paulatim inftar ceræ mol-
lefcat : ejus enim pororum anguftia impedit quominus calor ad
interiora penetret, nili quatenus exteriora liquefcunt.
8. Præterea hic quoque notandum venit, partium longarum &
lubricarum, ex quibus aquam compoftam diximus, plurimas qui-
a, tam ÆEl7.
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213
214
239-239. METEORA. CHE
dem effe quæ hinc & inde fe inflectunt, & à motu qui eas ita flectit
ceffant, prout materia fubtilis, quà cinguntur, pauld majori aut
minori robore pollet, ut paulô ante dictum eft; fed præterea etiam
quafdam effe || pauld crafliores quæ, cûm non ita | flexiles fint, falis
omnia genera componunt; & quafdam alias paul fubtiliores quæ,
cüm non ita facilè ceflent ab ifto motu, conflant liquores illos tenuif-
fimos, qui fpiritus aut aquæ vitæ vocantur & nullo frigore folent
concrefcere. Cum autem illæ, ex quibus aqua communis conftat,
omnino ceflant ab eo motu qui eas flectit, non putandum eft earum
naturam exigere ut omnes in rectum, inftar junci, porrigantur; fed,
in multis, ut potiüs hoc vel illo modo curvatæ fint : unde fit ut tunc
non poflint feipfas ad tam anguftum fpatium contrahere, quàm dum
materia fubtilis, fatis virium habens ad illas quomodolibet in-
flectendas, femper ipfarum figuras ad menfuram locorum quibus
infunt accommodat. Notandum etiam eft, cùm hæc materia fubtilis
multo plus virium habet quàm ad hoc requiratur, illam contrarià
ratione eflicere ut in majus fpatium fe diffundant, Quod facile erit
experientià cognofcere, fi aliquod vas longi fatis & angufti colli,
calidà repletum, aëri exponamus, cum gelat : hæc enim aqua fenfim
fubfidet ufque dum pervenerit ad certum aliquem frigoris gradum;
inde iterum paulatim intumefcet, & furget ufquedum, gelu vinéta,
confiftat; atque ita idem frigus, quod initio illam coget & conden-
fabit, paulo pôit eandem rarefaciet. Experientia etiam docet aquam
calentem, quæ igni appoñita diu bulliit, frigidà & crudà celeriüs
congelari; atque hoc ex eo contingit, quèd tenuiflimæ ejus partes &
quæ, cum facillimè infletantur, omnium maximè congelationi re-
fiftunt, ex eà, dum bullit, egrediantur.
9. Ut autem faciliüs hæ hypothefes apud vos inveniant locum,
nolim putetis me particulas corporum terrelftrium tanquam ato-
mos aut indivifibilia corpufcula concipere, fed potiüs, cùm | omnes
ex eâdem materiâ conftent, me credere unamquamque modis innu-
meris dividi poffe, nec aliter inter fe differre quàäm lapides variarum
figurarum ex-eâdem rupe excifos. Præterea etiam, ne videar fponte
Philofophis aliquam in me difputandi occafionem dare velle, moneo
expreffè me nihil eorum negare quæ illi, præter ea quæ jam dixi,
in corporibus imaginantur, ut formas fubftantiales, qualitates reales
& fimilia, fed putare meas rationes tantd magis efle admittendas,
quo fimpliciora & pauciora funt principia ex quibus pendent.
6,6 OŒuvres DE DESCARTES. 239-241.
CAPUT II.
De vaporibus € exhalationibus.
1. Si confideremus materiam fubtilem, quæ per terreftrium
corporum poros fertur, vel præfentià folis, vel fimili qualicunque
caufà, vehementius quoque exiguas iflorum corporum partes im-
pellere, facillimè intelligemus illam effecturam ut quæ fatis exiguæ
funt, & fimul ejus figuræ atque in tali fitu ut facilè à vicinis fepa-
rentur, huc atque illuc difliliant atque in aërem attollantur; non
quidem | inclinatione quâdam fingulari, quà afcenfum affectent,
aut vi quädam folis attrahente; fed folummodo quia locum nullum
inveniunt, per quem facilius motum continuare queant : quemad-
modum è terrà pulvis furgit, fi tantüm pedibus alicujus viatoris
deorfum pellatur & agitetur. Licèt enim grana hujus pulveris ma-
gnitudine & pondere multüm exfuperent exiguas par|tes de quibus
hic eft fermo, nihilominus tamen furfum tendunt, videmufque
altiüus illa eniti, cùm vafta planities difcurfantibus multis concul-
catur, quàm fi pars tantüm ejus ab uno ex iis prematur. Ideoque
non eft mirandum, fi folis actio perexiguas materiæ partes, quibus
vapores & exhalationes componuntur, in fublime attollat, cum fimul
eodem tempore totum hemifphærium terræ illuftret, eique integros
dies incumbat.
2. Sed notemus has exiguas partes ita fublatas in aërem vi folis,
ut plurimum, illam figuram habere quam partibus aquæ tribuimus ;
nullæ enim aliæ funt quæ faciliùs à corporibus in quibus hærent
divellantur. Atque has folas abhinc fpeciatim vapores nomina-
bimus, ut diftinguantur ab aliis quæ figuras magis irregulares
habent, & quas, magis proprio vocabulo deftituti, exhalationes
dicemus. Sub harum autem nomine & illas compreliendam quæ,
fere eandem cum aquâ figuram habentes, fed | magis fubtiles, fpi-
ritus aut aquas vitæ componunt; quia facilè ardent ut ipfæ, vapores
autem nunquam. Illas verd hinc excludam quæ, cüm in multos
ramos divifæ fint, funt fimul tam fubtiles ut non aliud corpus quàm
aëris componant. Quod autem ad illas attinet quæ, paulo crafliores,
etiam in ramos divifæ funt, rard quidem ex corporibus duris, in
quibus hærent, fuà fponte egrediuntur; fed, fi quando ignis illa
depafcat, omnes in fumum folvuntur. Et aqua etiam, poris illorum
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241-243. METEORA. 657
illapfa, fæpius has librare & fecum in fublime auferre poteft, eâdem
ratione quà ventus, per tranfverfam fepem fpirans, paleas vel folia
in virgultis hærentia fecum rapit; feu potiùs, quemadmodum ipfa
aqua in fummum alembici fecum attollit exiguas partes olei, | quas
Chymici ex plantis ficcis plurimà aquâ maceratis extrahunt, omnia
fimul deftillantes, atque hâc operû efficientes ut paululum illud olei
quod habent, cum magnà immiftæ aquæ copià aflurgat. Revera
enim plurimæ illarum eædem funt, quæ corpora horum oleorum
componere folent.
3. Notemus etiam vapores femper plus fpatii occupare quàam
aquam, licèt nonnifi ex iifdem particulis conftent; quia, cum hæ
partes corpus aquæ componunt, non moventur nifi quantum fufhicit
ut fe inflectant & labendo unæ aliis implicent, quemadmodum vi-
demus illas exhiberi ad A; fed contrà, cüm | vaporis formam
habent, agitatio | illarum adeo eft concitata ut celerrimè rotentur in
omnes partes & eâdem operà in longitudinem fuam porrigantur;
unde fit ut fingulæ illarum reliquas fui fimiles, irruptionem in
parvas fphærulas quas defcribunt molientes, arcere atque abigere
poflint, ut illas cernimus repræfentari ad B. Planè quemadmodum,
baculo LM, per quem funiculus N P trajectus eft, celerrimè rotato,
videmus funiculum reétum atque extenfum porrigi, occupantem eo
ipfo totum fpatium comprehenfum circulo NOPQ; hâc ratione
ut nullum ibi aliud corpus locari poflit, quod non | cum impetu
flagellet atque expellere nitatur; fed, motu faéto lentiore, illum
collabi & baculum fuà fponte circumdare, neque tantum fpatii occu-
pare quàäm antea.
4. Obfervemus præterea hos vapores modù magis, modù minuüs,
effe denfos aut raros, magis aut minuüs calidos vel frigidos, magis
vel minüs pellucidos vel obfcuros, magis etiam vel minüs humidos
vel ficcos. Prim enim, cüm partes illorum, non ampliüs fatis agi-
tatæ ut retæ maneant & extenfæ, incipiunt convolvi atque accedere
ad invicem, ut videmus ad C & D; vel etiam cüm, inter montes
arétatæ, vel inter actiones diverforum ventorum mediæ qui flatu
oppoñito alios alii impediunt quominus aërem agitent, vel cüm, fub
nubibus quibufdam ftantes, non tantum dilatari poffunt quantum
agitatio illarum exigit, quales cernimus ad E; vel etiam denique,
cm plures earum, fimul maximam partem fuæ agitationis motui
in eandem partem impendentes, non tam velociter rotantur quàm
aliàs folent, quemadmo|dum illæ quæ ad F, ubi egreflæ ex fpatio
E ventum generant nitentem ad G: palàm eft vapores, quos com-
ponunt, crafliores & magis coactos efle quàm fi horum trium nihil
Œuvres. I, 83
6:38 OEUVRES DE DESCARTES. . 243-246.
accideret. Manifeftum quoque eft, fi vaporem ad E tantundem agi-
tatum fingamus quantum eft ille qui ad B, multo illum calidiorem
fore ; nam particulæ ejus, magis coaëtæ, plus virium habent : quem-
admodum candentis ferri calor ardentior eft | calore flammæ vel
prunarum. Atque hinc eft ille calor quem vehementiorem, & magis
veluti fuffocantem, æftate interdum fentimus, aëre tranquillo &
nubibus undiquaque æqualiter preffo pluviam moliente, quam
codem nitido & fereno. Vapor autem, qui | ad C, frigidior eft illo
qui ad B, licèt particulas paullo arétiùs compreflas habeat; quia
multo minüs agitatas eafdem fupponimus. Contra ille qui ad D
calidior, quia ejus particulas multo magis condenfatas & non nifi
paulo minüs agitatas flatuimus. Et qui ad F frigidior quàm qui
ad E, licèt partes non minüs compreffas nec minüs habeat agitatas;
quoniam illæ | magis confpirant in eundem motum, atque ideo par-
ticulas aliorum corporum minuüs concutiunt: ut ventus femper
eodem modo fpirans, licèt vehementiflimus, non tantum agitat folia
& ramos arborum, quantum languidior fed magis inæqualis.
5. Et experientia docebit, in agitatione parvarum partium ter-
reftrium corporum calorem confiftere, fi, contra digitos junctos
fortiter fpirantes, obfervemus fpiritum, ore egreflum, in exteriori
manüs fuperficie frigidum nobis videri, quia ibi, celerrimè &
æquali robore latus, non multum agitationis efhicit; & contrà fatis
calidum inter medios digitos, quia per illos lentiùs & inæqualius
enitens, magis tremulo motu exiguas illorum partes concitat : ut
illum etiam femper calidum fentimus, ore patulo & hianti flantes,
& frigidum eodem fere claufo. Atque ab hâc eâdem ratione eft quôd
communiter venti impetuofi frigidi funt, neque multi calidi fpirant,
nifi etiam fimul fint lenti.
6. Præterea, vapores ad B & E & F funt pellucidi, nec vifu à
reliquo aëre dignofci queunt: cum enim celerrimè & eodem quo
materia fubtilis, quæ illas circumjacet, impetu moveantur, non
poffunt impedire ne actionem à lucildis corporibus manantem in fe
admittat, fed potius ipfimet etiam illam admittunt. Contrà verd
vapor ad C obfcurior, five minüs tranfparens, evadit, quoniam ejus
particulæ non funt amplius ita obfequentes | huic materiæ fubtili,
ut quibuflibet ejus impulfionibus cedant. Et vapor qui ad D, quia
calidior quam qui ad C, non tam obfcurus effe poteit. Ut videmus
hyberno tempore calentium equorum halitum & fudorem, propter
aëris frigus, fpecie denfi & obfcuri fumi craflefcere, qui contra
æflate, propter ejufdem aëris calorem, non apparet. Neque enim
dubitandum quin aër fæpe tam multos aut etiam plures vapores con-
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221
Diane METEORA. 6 $9
tineat, cum nulli prorfus in eo videntur, quàm cüm denfiflimi
apparent. Quomodo enim fine miraculo fieri poflet ut fol torridus
æftivo tempore, medià die, vel lacui vel locis paludofis incumbens,
nullos vapores inde elevaret ? | Tum temporis enim notatur aquas
fubfidere & decrefcere magis quàm aëre frigido & obfcuro.
7. Denique vapores, qui ad E, humidiores funt, id eft magis dif-
pofiti ad tranfeundum in aquam, atque ad reliqua corpora, inftar
aquæ, humeétanda, quàm qui ad F. Nam contrà hi ficci funt, quia,
validè impellendo humida corpora quibus occurrunt, inde ejicere
partes aquæ in iis latentes & fecum auferre poflunt, atque ita illa
exficcare. Ut etiam ventos impetuofos femper ficcos experimur,
neque humidum quemquam nifi fimul & languidum. Dicere
quoque poflumus eofdem vapores, qui ai E, humidiores elle ïis
qui ad D, quum partes illorum, plus agitatæ, meliüs aliorum cor-
porum poris, ad ea humeétanda, fe infinuare poflint; fed alio ref-
peétu ficciores etiam dici poffunt, quia fcilicet nimia partium agi-
tatio prohibet ne tam facilè in aquam coëant.
| 8. Quantum ad exhalationes, longè plures qualitates admittunt
quàäm vapores, ob majorem quam habent partium differentiam. Hic
autem fufficit notalle, crafliores fere nihil efle præter terram, qualem
ia fundo vafis cernimus in quo pluvia vel nivalis aqua refedit; fub-
tiliores ver nil aliud quäm fpiritus aut aquas vitæ, quæ femper
priores è corporibus deftillatis furgunt; & | mediarum, alias com-
mune quid habere cum volatilium falium, alias cum oleorum na-
turà, feu potis cum illà fumi ex iis, dum comburuntur, egredientis.
Et licèt hæ exhalationes maximam partem non leventur in aërem,
nifi vaporibus mixtæ, facillimè tamen ab iis poftea feparantur : aut
fuà fponte, quemadmodum olea ab aquâ cum quà deftillantur ; aut
agitatione ventorum adjutæ, quæ illas in unum aut plura corpora
cogit, quemadmodum rufticæ, lactis cremorem pulfando, butyrum
à fero feparant; vel etiam hoc folo quôd, vel leviores, vel pondero-
fiores, vel magis vel minüs vibratæ, in regione fublimiori vel humi-
liori commorantur quàm ipfi vapores. Et communiter olea minüs
altè levantur quäm aquæ vitæ; & quæ magis terream habent na-
turam, minüs adhuc quäm olea. Nulla autem funt quæ inferiüs
fubfiftant quam illæ aquæ particulæ ex quibus fal commune com-
ponitur; quæ quamvis, propriè loquendo, neque exhalationes neque
vapores dici poflint, cm nunquam altiùs quäm ad fuperficiem
maris attollantur; quia tamen evaporatione hujus aquæ eù pertin-
gunt, & multa habent valde notatu divna, quæ hic commodè pof-
funt explicari, minimè illas omittam.
660 OEuvres DE DESCARTES. RAR
| CAPUT II.
De Sale.
r. Salfedo maris confiftit tantüum in craflioribus iftis ejus aquæ
particulis, quas paulo antè audivimus non convolvi aut flecti pofle
actione materiæ fubtilis, quemadmodum reliquas, neque etiam
agitari nifi minorum interventu. Primd enim, nifi aqua compofita
foret ex ejufmodi partibus, quales fuprà ftatuimus, æquè facile aut
difficile illi effet in quotlibet & cujuslibet figuræ partes dividi, atque
ideo vel non tam liberè quäm folet illaberetur corporibus quorum
meatus fatis laxi funt, ut calci & arenæ; vel etiam quodammodo in
ea penetraret quæ arétiores illos habent, ut in vitrum & metallum.
Deinde, nifi hæ aquæ partes eam haberent figuram quam ipfis tri-
buimus, non tam facilè ex poris aliorum corporum, quos infede-
runt, folà ventorum agitatione aut calore expellerentur : ut olea &
pinguiores alii liquores, quorum partes alias figuras habere dixi-
mus, manifeftum reddunt; vix enim unquam omnino ejici poffunt
ex corporibus quæ femel occuparunt. Poftremd, quoniam nulla in
naturâ corpora videmus adeo accuratè fimilia, quin femper | ali-
quantulum in magnitudine differant, neminem effe puto qui difi-
culter patiatur fibi perfuaderi aquæ etiam partes non omnino
æquales efle, & præfertim in mari (quod eft ingens aquarum om-
nium receptaculum) quafdam tam craflas inveniri, ut non poflint
inflar aliarum diverfimodè infleéti ab eà vi quà communiter agi-
tantur. Atque hîc deinceps conabor demonftralre, hoc folum fufii-
cere ut omnes falis qualitates in iis reperiantur.
2. Primo non mirandum eft illas faporem pungentem & pene-
trantem habere, multüm differentem ab eo aquæ dulcis; cùm enim
non poflint à materiâ fubtili, quæ illas circumjacet, inflecti, necelle
eft ut in cufpides erettæ & telorum inftar vibratæ, linguæ poros in-
grediantur, atque ita penetrent fatis altè ad illam pungendam; cum
econtra partes aquæ dulcis molliter fupra illam fluitantes & femper
in latera jacentes, ob facilitatem quà fleétuntur, vix guftu poflint
fentiri. Et particulæ falis, ita punétim ingreffæ poros carnium, quæ
eo condiri folent ut afferventur, non modû humiditatem tollunt, fed
etiam funt inftar paxillorum hîc illic inter earum partes defixorum,
ubi immoti & non cedentes illas fuflinent, & impediunt ne aliæ
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250-252. METEORA. GGI
magis lubricæ, feu plicatiles, immixtæ illas concutientes loco mo-
veant, atque ita corrumpant corpus.quod componunt. Hinc etiam
carnes falitæ fucceflione temporis magis indurefcunt, quas alioqui
partes aquæ dulcis, fe infleétendo atque huc illuc poris earum illa-
bendo, facile emollirent & | corrumperent.
3. Præterea non mirum eft aquam falfam dulci ponderofiorem
effe, cum partibus conftet magis craflis & folidis, quæ propterea in
minus fpatium contrahi poffunt : ex hoc enim gravitas pendet. Sed
inquifitione dignum eft quare partes illæ folidiores inter alias mi-
nüs folidas mixtæ remaneant, cùm ob majorem gravitatem fubfi-
dere debere videantur. Et hujus rei ratio eft, faltem in partibus
falis vulgaris, quôd utramque extremitatem æqualiter craffam ha-
beant, fintque omnino reétæ inftar teli vel ba|culi: fi enim unquam
in mari quædam fuerint in unâ fui extremitate crafliores, & eo iplo
ponderofiores quäm in alterà, fatis temporis à mundi exordio ha-
buere ut, crafliori iftà parte deorfum inclinatâ, ufque ad fundum de-
fcenderent; & fi quæ fuerint curvæ, fatis etiam temporis habuerunt
ut, corporibus duris occurrentes, eorum poros ingrederentur ; fed
quia, in hos femel immiffæ, non tam facilè fe inde liberare potue-
runt quäm rectæ & in utrâque parte æquales, ideo nullæ nunc præ-
ter has ibi effe poflunt. Hæ autem, quoniam tranfverfæ fibi invicem
incumbunt, præbent occafionem partibus aquæ dulcis, quæ à motu
non ceflant, illas interlabendi & fe ipfis, annulorum inftar, circum-
volvendi atque ita ordinandi ac difponendi ut facilius motum conti-
nuare queant, & etiam celeriorem habere quàm fi folæ effent. Nam,
cüm ita aliis circumvolutæ funt, vis materiæ fubtilis, quâ agitan-
tur, id tantüm agendum habet ut eas quäm citiflimè circa parti-
culas falis quas ampleétuntur verfet, atque ex alià in aliam tranf-
ferat, nullis interim | ex earum plicaturis five annulis immutatis;
contrà vero, cum folæ exiftentes aquam dulcem componunt, ita
neceflarid implicantur ut pars virium hujus materiæ fubtilis debeat
impendi in iis diverfimodè flectendis ; alioqui enim ab invicem non
poflent feparari; & ideo tunc illas nec tam facilè, nec tam veloci-
ter, movere, id eft ex uno loco in alium transferre, poteft.
4. Quum itaque fit verum partes aquæ dulcis, partibus falis cir-
cumvolutas, faciliüs moveri pofle quäm folas, non mirum ef illas
has circumlabi, quum fatis prope adfunt, | & ita complexas retinere
ut illas ponderis inæqualitas non divellat. Quo fit ut fal facilè fol-
vatur in aquam dulcem injectus, vel tantüm humidiori aëri expo-
fitus; nec tamen folvatur, in quantitate aquæ determinatä, nifi
determinata ejus quantitas, ea fcilicet quam partes aquæ flexiles fe
*
662 Œuvres DE DESCARTES. 252-254.
circumvolvendo amplecti poflunt. Et quoniam fcimus pellucida cor-
pora, quo minüs motui materiæ fubtilis in poris fuis hærentis re-
fiftunt, hoc pellucidiora efle, inde etiam intelligimus aquam mari-
nam naturaliter fluviali pellucidiorem elle debere, & refractiones
paulo majores efficere.
5. Videmus quoque illam difficilius gelu conftringi, quia nun-
quam aqua gelari poteit, nifi quoties materia fubtilis, per partes
illius fufa, non fatis roboris ad illas agitandas habet. Hinc etiam
caufas arcani, per æftatem componendæ glaciei, difcere poffumus :
quod, | licèt jam fatis vulgatum, ex optimis tamen eft quod ejuf-
modi arcanorum ftudiofi habent. Salem, æquali copiæ nivis aut
glaciei contufæ mixtum, circa aliquod vas aquà dulci repletum dif-
ponunt &, fine alio artificio, ut illa fimul folvuntur, hæcin glaciem
coït. Quia materia fubtilis partibus hujus aquæ circumfufa, craflior
aut minüs fubtilis, & confequenter plus virium habens quàm illa
quæ circa nivis partes hærebat, locum illius occupat, dum partes
nivis liquefcendo partibus falis circumvolvuntur:; facilius enim per
falfæ aquæ quàam per dulcis poros movetur, & perpetud ex corpore
uno in aliud tranfire nititur, ut ad ea loca perveniat in quibus mo-
tui fuo minüs refiftitur ; quo ipfo materia fubtilior ex nive in aquam
penetrat, ut egredienti fuccedat, &, quum non fatis valida fit ad con-
[tinuandam agitationem hujus aquæ, illam concrefcere finit.
6. Sed primaria partium falis qualitas eft maximè fixas efle, hoc
eft non facilè in vapores folutas attolli quemadmodum partes aquæ
dulcis. Quod non tantüm accidit quia majores funt & pondero-
fiores, fed etiam quia. quum longæ fint & rectæ, non diu in aëre
librari poflunt, five ulterius afcenfuræ five defcenfuræ, quin altera
earum extremitas deorfum pendeat, atque ita terræ ad perpendicu-
Jum immineant; five enim ad | afcendendum, five ad defcendendum,
faciliüs aërem hoc fitu quàm ullo alio fecant. Quod non eodem
modo in partibus aquæ dulcis fit; quum enim fint valde plicatiles,
nunquam nifi celerrimè rotatæ in reétum porriguntur; quum contrà
partes falis vix unquam hâc ratione rotari poflint : nam, fibi invi-
cem occurrentes, quia ipfarum inflexibilitas ne unæ aliis cederent
impediret, ftatim hærere aut motum interrumpere cogerentur. Sed,
quum ita in aëre fufpenduntur, alterà fuà cufpide terræ obverfà, ma-
nifeftum eft potiùs defcenfuras quam afcenfuras; vis enim quæ
furfum impellere poflet, longè remiflius agit quàm fi tranfverfæ ja-
cerent, & quidem accuratè tanto quanto aëris cufpidi refiftentis *
a. resistentes Æ17.
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228
256. METEORA. 663
quantitas minor eft illà quæ obniteretur longitudini, quum interea
pondus illarum, femper æquale, hoc vehementiüs agat quo aëris
vis refiftens minor ef.
7. Quibus fi addamus aquam marinam, dum arenas permeat,
dulcefcere (quia nempe partes falis, cum fint inflexibiles, non, ut
partes aquæ dulcis, per exiguos illos anfractus, qui circa fabuli
grana reperiuntur, labi poflunt), difce|mus fontes & flumina, cum
nonnifi ex aquä, vel per vapores fublatà vel colatà per multum
arenæ, conflata fint, minimè falfa efle debere. Itemque univerfas
illas aquas dulces, quæ quotidie in mare ruunt, neque ejus magni-
tudinem augere neque | falfedinem minuere pole; nam continud
totidem inde egrediuntur, quarum aliæ, in vapores mutatæ, fu-
blimia petunt atque inde, in nivem aut pluviam glomeratæ, deci-
dunt in.terram ; aliæ autem, & quidem plurimæ, per fubterraneos
meatus ufque ad radices montium penetrantes &, calore ibi inclufo
velut refolutæ in vaporem, attolluntur in eorundem juga, ubi fca-
turigines feu capita fontium vel fluviorum implent.
8. Sciemus etiam aquam marinam magis falfam efle fub æqua-
tore quam fub polis, fi confideremus Solis æftum ibi vehementio-
rem plures vapores excitare, qui non femper edem relabuntur
unde venerunt, fed plerumque aliorfum in loca polis viciniora, ut
meliüs poftea intelligemus.
9. Poftremb, nifi accuratæ ignis explicationi hic inhærere nollem,
addi poffet quare aqua marina reftinguendis incendiis fluviali mi-
nüs idonea fit; item, quare agitata noctu fcintillet : videremus enim
particulas falis, dum velut fufpenfæ inter illas aquæ dulcis hærent,
facillimè concuti &, ita concuffas multoque robore pollentes, ex eo
quôûd fint reétæ & inflexiles, non mod flammam augere fi illi im-
mittantur, fed etiam ex fe folis aliquam accendere poile, fi cum
impetu ab aquà in quà funt exfiliant. Ut, fi mare A cum vehemen-
tià impulfum ad C, ibique illifum | fcopulo vel {| obftaculo alio
fimili, aflurgat ad B, impetus, quem partes falis ex hoc concuffu
acquirunt, efficere poteft ut earum primæ, in aërem juxta B ejectæ,
fe ibi dulcis aquæ partibus quibus circumcingebantur expediant
atque, ita folæ & certo intervallo ab invicem diflitæ, fcintillas ignis
generent, non abfimiles jis quæ folent emicare ex filice percuflo.
Notandum tamen particulas falis ad hunc effectum admodum rec-
tas & lubricas requiri, ut tanto faciliùs à partibus aquæ dulcis
feparari queant; unde nec muria, nec aqua marina diu in vafe aliquo
fervata, ejufmodi fcintillas emittit. Requiritur præterea ut partes
aquæ dulcis illas falis non nimis arétè complectantur : unde cre-
664 OEuvrEs DE DESCARTES. 256-258.
briores hæ fcintillæ apparent cœlo calido quàm frigido; item, ut
mare fatis agitatum & concitatum fit : unde fit ut talis flamma ex
omnibus ejus fluétibus non emicet; ac poftremà, ut partes falis
ferantur punétim, inftar fagittarum, potiüs quàm tranfverfim : at-
que hinc fit ut non omnes guttæ ex eàdem aquâ exfilientes eodem
modo reluceant.
10. Deinceps verd perpendamus quâ ratione fal, dum generatur,
fummæ aquæ innatet, licèt admodum fixæ & ponderofæ illius
partes fint; & quomodo ibi in exigua grana formetur, quorum
figura quadrata non multum difcrepat ab illà adamantis in men-
fulæ formam expoliti, | nifi quôd latiflima illorum frons paulum ex-
cavata confpicitur. Primd, neceflarium eft aquam marinam aliquâ
foffà excipi ad evitandam continuam fluétuum agitationem, &
excludendam aquam dulcem quam fine intermiflione pluviæ &
flumina in Oceanum convehunt. Deinde requiritur aër fatis calidus
& ficcus, ut agitatio | materiæ fubtilis, quæ in eo eft, ad partes
aquæ dulcis à partibus falis quibus circumvolvuntur liberandas &
in vaporem attollendas fufficiat.
11. Et notandum aquæ, ut & aliorum omnium liquorum, fuper-
ficiem perpetud æqualem & maximè lævem effe : quia partes qui-
dem illius inter fe uniformi motu moventur, partes quoque aëris
illam tangentes pari inter fe agitatione feruntur, at aquæ partes
alià ratione & menfurà agitantur quàm aëris; & præterea materia
‘fubtilis, partibus aëris circumfufa, longè aliter movetur quam ea
quæ aquæ partes interfluit : atque hinc fuperficies utriufque politur,
planè eodem modo ac fi duo corpora dura attererentur, nifi quod
longè faciliùs & fere in eodem inftanti hîc lævigatio fiat, propter par-
tium quæ in liquidis funt mobilitatem. Hinc etiam fit ut fuperficies
aquæ longè difficilius quàam ejus interiora dividatur; hoc autem ita
fe habere docet experientia : nam corpora fatis parva, licèt ex materià
gravi & ponderofà, ut | exiguæ acus chalybeæ, facilè fuftinentur &
innatant fummæ aquæ, quamdiu ejus fuperficies nondum divulfa
eft; fed, ubi femel infra illam funt, ftatim ufque ad fundum de-
fcendunt.
12. Jam verd cogitandum eft aërem, cùm fatis calidus eft ad
excoquendum falem, non tantummodo quafdam flexibilium aquæ
partium excitare & in vaporem elevare pofle, fed etiam cum tant
velocitate attollere ut priüs illæ ad fummam hujus aquæ fuperfi-
ciem perveniant, quam tempus habuerint partibus falis quibus
fuerunt circumvolutæ fe omnino liberandi; eafque idcirco eoufque
fecum adducunt, nec priüs planè deferunt quàm foramen exiguum,
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258-260. METEORA. 664
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particulæ falis, ab iis aquæ dulcis poftmodum reliétæ, huic fuper-
ficiei fupernatent, ut eas repræfentari videmus ad D. Cüm enim
ibi tranfverfim jaceant, non fatis habent gravitatis ad fubfidendum,
ut nec acus chalybeæ de quibus diximus; fed tantüm paululum
fuperficiem deprimunt. Atque ita primæ, quæ hoc paéto aquæ
fupernatant, hinc inde per ejus fuperficiem fparfæ, multas veluti
foffas aut cavitates perexiguas in eâ formant; deinde, quæ fequun-
tur, emergentes ex harum foffarum lateribus, propter eorum quan-
tulamcunque declivitatem, delabuntur ad ipfarum fundum, ibique
fe prioribus adjungunt. Et inter cætera hîc obfervandum, ex quä-
cunque demum illæ parte adveniant, aptè | ad latus priorum fe
applicare, ut videmus ad E, fecundas faltem, fæpe etiam tertias,
quoniam hoc ipfo paulo altius defcendunt quàm fi in alio fitu rema-
nerent, ut in eo qui exhibetur ad F vel ad G vel ad H. Motus etiam
caloris, femper aliquantillum fuperficiem agitans, hanc difpofitio-
nem promovet.
13, Quum autem ita duæ aut tres in fingulis foflis porrectæ jacent,
quæ præterea allabuntur, eodem modo ïis jungi poffunt, faltem fi
fponte aliquo modo ad hunc fitum accedant; fed, fi accidat ut pro-
pendeant magis ad extremitates quäm ad latera priorum, iis appli-
cantur ad angulos rectos, ut videmus ad K : quia etiam paulo altiùs
hâc ra|tione defcendunt quàm fi aliter difponerentur, velut ad L aut
ad M. Et quoniam totidem circiter ad extremitates duarum aut
trium priorum accedunt quam ad latera, hinc fit ut aliquot centenæ
ita ordinatæ primo exiguam veluti tabulam contexant, figuræ ad
oculum fatis quadratæ, quæ eft inftar bafis nafcentis grani. Et
notandum, tribus tantüum ex illis particulis aut quatuor eodem fitu
ibi pofitis, ut ad N, medias femper paulo altius demitti quàm exte-
riores; | fed, deinde fupervenientibus aliis, quæ tranfverfæ iis jun-
guntur, ut ad O, illas exteriores fere tantundem deprimi quantum
interiores : unde fit ut exigua tabula quadrata*, bafis futuri grani
falis, quæ ut plurimum ex aliquot centenis fimul junétis eft compo-
fita, non nifi plana appareat, etiamfi fit femper aliquantulum curva.
Jam verd, prout hæc tabula accrefcit, ita quoque altiüs defcendit,
fed paulatim & tam lentè ut aquæ fuperficies fuo pondere non divi-
dat, fed deprimat tantüm. Et cûm in certam magnitudinem excrevit,
tam demilffa eft & ifti fuperficiei aquæ fic immerfa ut partes falis, eù
devolutæ, non adhæreant tabulæ oris, fed, tranfgreffæ, eodem modo
a. quadratæ ÆE/z.
Œuvres. I. 84
666 OEUVRES DE DESCARTÈS. ARS
& fitu fuper ipfam labantur, quo priores per fuperficiem aquæ.
14. Quo iplo alia tabula quadrata ibi furgit, itidem paulatim
altiùs defcendens, donec rurfus particulæ falis allabentes hanc fu-
perare & tertiam quandam tabulam formare poflint; atque ita dein-
ceps. Sed particulæ falis, fecundam tabulam componentes, non
tam facilè per priorem devolvuntur quàm quæ illam primam for-
mabant per ajquam; neque enim fuperficiem tam æqualem &
facilem ibi offendunt, & propterea fæpius ad medium non pertin-
gunt; quod cüm eo ipfo vacuum relinquatur, tardiùs hæc fecunda
tabula defcendit quàm prima, fed paulo major fit antequam tertia
incipiat formari; & denuo hæc, paulo plus vacui in medio relin-
quendo, | paulo major evadit quàm fecunda, & ita porro, donec
inteerum illud granum ex pluribus hujufmodi menfulis coacervatis
abfolvatur : id eft donec, oras vicinorum granorum contingens,
ulterius crefcere nequeat.
15. Magnitudo primæ tabulæ à gradu caloris eft quo aqua, dum
illa fit, agitatur; que enim hæc agitatio major eft, hoc altius parti-
culæ falis innatantes fuperficiem illius deprimunt; atque ita bafis
minor fit; immo aqua tam validè concuti poteft ut partes falis
peflum eant, antequam ullum granum formaverint. Ex quatuor
lateribus hujus bafis quatuor frontes furgunt cum quàdam acclivi-
tate, quæ, fi calor femper æqualis fuerit inter generandum hoc
granum, non nifi ex caufis jam enumeratis dependet; fed, fi inten-
datur, hæc acclivitas in parte harum frontium quæ tunc formabitur
minor erit; & contrà major, fi remittat; atque, fi alternatim modû
augeatur modù minuatur, quafi in gradus hæ acclivitates vide-
buntur fraétæ. Et quatuor veluti coftæ, connectentes has quatuor
frontes, nunquam valde acutæ funt & præcifæ : partes enim, quæ
lateribus hujus grani fefe adjungunt, ut plurimum quidem in
longum porrettæ, quemadmodum diximus, ibi adhærent; fed quæ
ad angulos ex quibus hæ coftæ furgunt devolvun|tur, faciliüs aliter
fe applicant, quemadmodum fcilicet exhibentur ad P. Quod hos
angulos paulo obtufores & minüs æquales reddit; unde ipfum
etiam granum fæpiflimè | fragilius eft hic quàm alibi, & fpatium in
medio vacuum, rotundum potius quäm quadratum.
16. Præterea, quoniam hæ partes granum componentes, præter
ordinem quem explicavimus, cæterà fatis confufe junguntur, fæpius
inter illarum extremitates, quas fe mutuo contingere non necefle
eft, fatis vacui fpatii relinquitur ad recipiendas aliquas dulcis aquæ
partes, quæ ibi inclufæ & conglobatæ remanent, velut vidémusadR,
faltem quamdiu non nifi mediocriter moventur; fed, cum vehe-
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AS METEORA. 667
menti calore concitantur, magno impetu dilatari nituntur; eodem
modo quo fuprà diximus quum aqua in vapores folvitur; atque ita
hos carceres cum fragore difrumpunt. Unde fit ut falis grana, fi in-
tegra in ignem mittantur, crepitando difliliant, non autem fi prius
comminuta fuerint & in pulverem redacta : tum enim hæc clauftra
jam effracta funt.
17. Præterea nunquam aqua marina tam purè ex particulis jam
defcripris componi poteft, quin aliæ fimul immixtæ occurrant quæ,
licèt multo tenuiores fint, ibi tamen commorari & particulis falis
inferi poflunt; atque ab his procedit gratiflimus ille violarum odor,
quem recens fal album exhalat; itemque ille fordidus color, quem
in nigro videmus, omnefque aliæ proprietates quæ in falibus ex
| diverfis aquis excoétis reperiuntur.
18. Denique rationem intelligemus cur falis grana fatis facile
conteri poflint & friari, fi recordemur quà ratione | partes ejus inter
fe nectantur. Intelligemus etiam cur fal, cûm fatis purus eft, femper
vel albus vel pellucidus apparet, fi ad craflitiem particularum"* ex
quibus ejus grana componuntur, & ad naturam coloris albi, quæ
infrà explicabitur, fpectemus. Neque mirabimur falem, granis in-
tegris & non ficcatis, fatis facilè ad ignem liquefcere, cüm fciamus
tunc illum plures aquæ dulcis particulas fuis immixtas habere;
neque contrà hoc ipfum multo diffcilius fieri, granis contufis &
lento igne exficcatis adeo ut omnes aquæ dulcis particulæ ex eo
evolarint, fi confideremus tunc illum non pofle liquidum fieri, nifi
permultis ex ejus partibus inflexis & complicatis, illas autem non
nifi admodum difficulter inflecti. Nam, licèt fingere poflimus omnes
particulas aquæ marinæ fuifle olim, quafi per gradus, unas aliis
paulo magis flexiles vel paulo minüs, adeo ut inter minimas, quæ ad
falem pertinebant, & maximas, quæ ad aquam dulcem, vix ulla dif-
ferentia effet; quiatamen eæ tunc fe inflectere atque aliis circumvol-
vere cæperunt, progreffu temporis fe paulatim emollire & magis ac
magis flexiles reddere debuerunt, & contra aliæ, quibus circumvo-
lutæ funt, planè rigidæ & inflexiles remanere; nunc omnino putan-
dum eft magnum difcrimen inter has & illas effle. Utræque tamen
funt teretes five rotundæ, nempe partes aquæ dulcis inftar reftis vel
anguillæ, & falis inftar baculi vel cylindri : quæcunque enim cor-
pora diu & diverfimodè ita moventur, figuram aliquo modo circu-
larem affumunt.
19. His autem ita cognitis, facilè etiam agnofcitur natura iflius
a. particularem Æ/7.
668 OŒEuvres DE DESCARTES. 263 265.
aquæ fortiflimæ atque acidiflimæ, quæ, Chymicis fpiritus vel oleum
falis dida, aurum folvit: | quum enim non || fine magnâ vehementià
ingentis ignis extrahatur ex fale vel puro vel alio corpori maximè
ficco & fixo immixto, ut lateri coctili qui impedit ne liquefcat,
palam liquet partes illius eafdem effe quæ antea falem compofuere,
fed illas per alembicum afcendere non potuifle & ita ex fixis in
volatiles mutari, nifi pofteaquam, inter fe collifæ & vi ignis agitatæ,
ex rigidis & inflexibilibus quales erant, plicatiles evaferunt, atque,
eâdem operâ, ex teretibus planæ & fecantes, ut folia iridis vel
gladioli; nam aliàs minimè flecti potuiflent. Unde etiam ratio in
promptu eft quare faporem multüm à fale difcrepantem habeant; in
longum enim porrectæ, linguæ incubantes, acie fuà extremitatibus
nervorum illius obverfà, atque ita fecando devolutæ, alio planè
modo quàm antea illos afficere debent & confequenter alium fapo-
rem, acidum nempe, excitare. Atque ita reliquarum proprietatum
hujus aquæ ratio reddi poteft; fed, quia in infinitum hic labor
excurreret, nunc, ad vapores reverfi, exploremus quâ rationeilli in
aëre moveantur & ventos ibi generent.
| CAPUT IV.
De Ventis.
1. Omnis aëris agitatio fenfibilis ventus appellatur, & omnia cor-
pora taétum vifumque effugientia dicimus aërem. Sic rarefaétam
aquam & in vaporem fubtilifimum tranfmutatam, in aërem con-
verfam aiunt, licèt publicus ille aër, quem refpiramus, ut plurimum
ex particulis quæ multo tenuiores funt partibus aquæ, & figuram
omnino diverfam habent, componatur. | Atque ita aër, ex folle elifus
vel flabello impulfus, ventus nominatur, licèt venti latiùs diffufi ter-
rafque & maria perflantes nihil fint nifi vapores moti qui, dilatati,
ex loco arétiori in quo erant in alium ubi facilius expandantur
tranfeunt.
2. Eädem ratione quâ in globis, quos Æolipylas dicunt, paululum
aquæ, in vaporem refolutæ, ventum fatis magnum & impetuofum,
pro ratione materiæ ex quâ generatur, excitat. Et quoniam hic ven-
tus artificialis ventorum naturalium cognitioni haud parum lucis
affundere poteft, è re fore arbitror illum hic explicari. ABCDE eft
globus ex ære vel alià tali materià, totus cavus & undiquaque
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236
LIT TER
De PP A 7 RES,
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265-268. METEORA. 669
claufus, nifi quôd aperturam exiguam habeat in regione D; cujus
parte ABC | aquæ plenà, & alterà AEC vacuä, id eft nihil extra
aërem continente, illum imponimus igni, cujus calor, exiguas aquæ
partes agitando, efficit ut multæ fupra ejus fuperficiem AC attol-
lantur, ubi expanfæ & rotatæ colliduntur, magnoque molimine re-
cedere ab invicem nituntur, ut fuprà explicatum fuit. Et quia fe
ita expandere atque ab invicem removere non poflunt, nifi quatenus
aliquæ ex iis per foramen D egrediuntur, tota illa vis quâ plures
colliduntur, tanquam in unum collecta, id agit ut proximas per illud
exturbet, atque ita ventus à D ad F fpirans excitatur. Et quia fem-
per aliæ hujus aquæ particulæ, in altum ab hâc fuperficie AC à
ca[lore fublatæ, dilatantur atque ab invicem recedunt, dum interim
per foramen D aliæ enituntur, hic ventus non ceffat ante univerfam
globi aquam exhalatam, vel calorem extinétum.
3. Venti autem illi naturales qui folent in aëre fentiri, eodem fere
modo quo hic artificialis generantur, & præcipuè tantüm in duabus
rebus difcrepant. Quarum prima : qudd vapores, unde his origo,
non tantum ab aquæ fuperficfe, ut in hoc globo, fed etiam à terrâ
humenti, nive & nubibus emittuntur, & quidem plerumque majori
copià quàm ex aquâ, quôd in illis particulæ, fere jam feparatæ &
Idisjunétæ, faciliùs porro divellantur. Altera : qudd vapores arciùs
quidem in Æolipylà poflint detineri quàm in aëre, ubi tantüm objeétu
vel aliorum vaporum, vel nubium, vel montium, vel denique vento-
rum ex ahis locis | venientium, impediuntur ne ubivis æqualiter fe
extendant; fed viciflim alii alibi vapores fæpe reperiuntur, qui,
eodem tempore condenfati quo hi dilatantur, locum derelitum illis
occupandum tradunt. Ut, fi, exempli gratià, magnam vaporum co-
piam imaginemur confiftere in aëris regione F, qui, fe expandentes,
multù majus fpatium eo in quo continentur affectant, & fimul eodem
tempore alios hærere ad G qui, | coaéti ac in pluviam vel nivem mu-
tati,maximam partem fpatii quod occupabant deferunt, minimè du-
bitabimus quin illi, qui juxta F reperiuntur, digrefluri fint ad G,
atque ita ventum eù ruentem generaturi. Præfertim fi etiam cogi-
temus eos impediri quominus ferantur verfüus A vel B, ab altiflimis
montibus ibi fitis; & quominus ferantur verfus E, ab aëre fpiflo &
vialterius venti, fpirantis à C ad D, condenfato ; & poftremd | nubes
fupra illos ftare, quæ prohibent ne altiüs poflint evolare. Hîc autem,
obfervemus, vapores, ita de loco in locum tranfeuntes, omnem aërem
iis in vià occurrentem & omnes exhalationes ifti aëri permixtas fe-
cum deferre : adeo ut, quamvis illi propemodum foli ventis caufam
dent, non tamen foli eofdem componant; fed dilatationem & con-
670 OEuvRrEs DE DESCARTES. 268-270
denfationem harum exhalationum & hujus aëris, quantum in fe eft,
generationem ventorum etiam juvare; hoc tamen adeo parum efle
ut vix in rationem venire debeat. Aër enim dilatatus duplum tantüm
aut triplum fpatii illius præterpropter o:cupat, quod à mediocriter
condenfato occupari folet; quum contrà vapores bis vel ter millies
tantundem exigant. Et exhalationes non dilatantur, id eft non
extrahuntur ex corporibus terreftribus nifi per vehementem calorem,
nec fere unquam deinde, quantumcunque afpero frigore, tantum
conftringi poffunt quantum antea fuere; quum contrà & exiguus
calor | folvendæ in vaporem aquæ, & moderatum etiam frigus va-
poribus deinde in aquam glomerandis fuffciat.
4. Sed jam fpeciatim proprietates & generationem principum
ventorum contemplemur. Primû, obfervatur totum aërem circa
terram ab Oriente ad Occidentem volvi; idque hoc loco fupponen-
dum erit, cum commodè ratio diduci nequeat, quin totius univerfi
fabrica fimul explicetur, quod extra noftrum propoftum. Sed deinde
notatur ventos Orientales plerumque multà ficciores effe, magifque
aptos ad ferenum aërem & nitidum reddendum, quäm Occidentales;
quia hi, nitentes contra naturalem vaporum curfum, illos fiftunt
atque in nubes cogunt; quum | contrà illi eofdem pellant & dif-
fipent. Ut plurimum etiam Orientales mane fpirare animadvertimus,
Occidentales verd vefperi : cujus rei caufa manifefta erit contem-
planti terram ABCD & Solem S, qui, hemifphærium ABC il-
luftrans, & faciens medium diem ad B, mediam nottem ad D, co-
dem tempore occidit refpectu populorum habitantium ad A, & oritur
refpectu habitantium ad C. Nam, qu'a vapores ad B valde dilatati
funt | calore diurno, feruntur partim per A, partim per C verfüs D,
ubi, fpatium illorum occupaturi quos frigus noctis ibi condenfavit,
efficiunt ventum Occidentalem ad A, ubi Sol occidit, & Orientalem
ad C, ubi exoritur.
5. Et hic ventus, ita fattus ad C, ut plurimum fortior eft, & cele-
riüs rapitur, quam ille qui generatur ad A : tum quia curfum totius
maflæ aëriæ fequitur, tum etiam quia in parte terræ, quæ eft inter
C & D, citiùs & fortiüs, ob diuturniorem Solis abfentiam, faéta eft
vaporum condenfatio quäm in illà quæ eft inter D & A. Conftat
etiam ventos Septentrionales ut plurimum interdiu fpirare, illofque
ex alto ruere, maximèque violentos, frigidos & ficcos efle. Cujus
ratio patebit, fi confideremus terram EBFD fub polis E & F, ubi
non multum | Sole incalefcit, multis nebulis & nubibus teétam effe;
atque ad B, ubi Sol in illam direétos & perpendiculares radios mit-
ut, plurimos vapores excitari, qui, attione luminis agitati, celeriter
240
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242
270-272. METEORA. 671
fublimia petunt, ufquedum cd pervenerint unde, vi fui ponderis
urgente, facilius ad latera detorquentur & iter fuum tenent verfuüs
I & M, fupra nubes G & K, quàam ulteriüs rectà afcendant. Cüumque
hæ nubes G & K etiam | incalefcant & rarefiant à Sole, vapores
inde egrefli potius progrediuntur à G ad H, & à K ad L, quàm vel
ad E vel ad F : aër enim craflus, qui fub polis eft, validiuüs iis obni-
titur quàm vapores è terrà verfus meridiem furgentes, quia hi,
vehementer concufli & ad motum quaquaverfum jam parati, non
gravatè iis loco cedunt. Atque ita, fi ponamus Aréticum polum effe
verfüs F, motus vaporum, à K ad L, ventum Septentrionalem exci-
tabit, interdiu per Europam fpirantem. Qui ventus ex alto præceps
ruit; nam ex nubibus in terram fertur. Valde quoque, ut plurimum,
impetuofus eft; nam æftu omnium maximo excitatur, meridiano
fcilicet, & materià omnium facillimè in vapores diffolubili, nubibus
fcilicet, conftat. Poftremo hic ventus frigidiflimus & ficciflimus eft :
cum ob ingentem illius vim ; fuprà enim diximus ventos impetuofos
femper ficcos & frigidos efle : tum etiam ficcus eft, quia, ut pluri-
mum, ex particulis aquæ dulcis craflioribus cum aëre mixtis com-
ponitur, & humiditas præcipuè confiftit in fubtilioribus, quæ rard
in nubibus, unde hic ventus originem | ducit, commorantur; nam,
ut mox videbimus, glaciei potiüs quàäm aquæ naturam obtinent:
tum etiam frigidus eft, quia fecum Meridiem verfüs materiam fub-
tilifimam Borealem rapit, quæ primaria frigoris caufa eft.
6. Econtra obfervatur ventos Meridionales noëtu, ut plurimum,
flare ; ex humili in fublimia eniti; lentos effe & humidos. Cujus rei
ratio manifefta itidem erit | intuentibus terram EBFD, & cogitan-
tibus partem illius D, quam fub Æquatore & in quà nunc noëtem
elle fuppono, fatis adhuc caloris à diurno Sole retinuiffe ad attollen-
dos ex fe multos vapores; fed aërem, qui eft paulo altius verfus
P, non parum refrixifle. Nam communiter omnia corpora crafla &
-ponderofa, ut terra quæ eft ad D, diutius receptum calorem fervant
quàäm fubtilia & levia, ut aër qui eft ad P. Aique hoc efhicit ut va-
pores, qui tunc verfüs P exiftunt, non effluant verfüus Q & R, «quem-
admodum ii qui funt in alià parte efluunt verfüs I & M », fed ibi
cogantur in nubes quæ, impedientes quominus alii vapores terrà
D egrefli altè afcendant, illos undequaque infleétunt verfüus N & O,
atque ita efliciunt ventum illum Meridionalem qui noctu folet
fpirare & ex inferiori loco in altum eniti, à terrà nempe in aërem, &
qui non potelt elle nifi lentiflimus, tum quia craflities aëris nocturni
curfum illius tardat, tum quia materia quà conftat, terrà tantum vel
aquà egrefla, non tam promptè nec tantà copià dilatatur quàäm ma-
672 OŒEuvres DE DESCARTES. 272-2745
teria reliquorum, quæ plerumque à nubibus effunditur. Po]ftremo
calidus quoque & humidus eft; tum ob fegniorem curfum : tum
etiam humidus eft, quia ex | partibus aquæ dulcis tam craflioribus
quäm fubtilioribus componitur, quippe quæ fimul è terrà furgunt :
& calidus eft, quia materiam fubtilem, quæ in Meridionali plagà
erat, Septentrionem verfüs fecum ducit.
7. Palam etiam eft menfe Martio, & in univerfum toto vere, ven-
tos ficciores & mutationes aëris frequentiores & magis fubitas effe
quam ullà alià anni tempeftate. Cujus rationem adhuc infpettus
terræ globus EBFD revelare poteft, fi cogitemus Solem (quem &
regione circuli BAD, repræfentantis Æquatorem, confiftere fingo,
& ante tres menfes è regione circuli HN, tropicum Capricorni re-
præfentantis, hæfifle) multo minüs hemifphærium terræ BFD, in
quo jam vernum tempus facit, calefeciffe, quam alterum BED, ubi
autumnum ; & confequenter hoc dimidium BFD magis nive con-
tectum, totumque aërem quo cingitur crafliorem & magis nubibus
refertum efle quàm illum qui alterum dimidium BED circumdat.
Atque hinc eft quôd interdiu vapores mult plures ibi dilatantur,
& vice verfà noctu plures condenfantur; maffà enim terræ minüs
ibi calefaétà, vi interea Solis non minore exiftente, major eft inæ-
qualitas inter calorem diurnum & noéturnum frigus, atque ita venti
Orientales, mane, ut dixi, plerumque fpirantes, & Septentrionales
medio die, uterque ficciflimus, illo anni tempore validiores quàm
ullo alio effe debent. Et quum venti Occidentales vefperi flantes| fatis
quoque fortes fint ob eandem rationem ob quam Orientales mane
fpirantes, fimul ac vel minimüm ordinarius horum ventorum curfus
aut juvatur | aut tardatur aut detorquetur à caufis particularibus,
quæ in fingulis plagis magis aut minüs aërem dilatare aut conden-
fare poffunt, plures ex iis inter fe concurrunt & ita pluvias gene-
rant & tempeitates, quæ tamen paulo pôft ceflare folent, quia venti
Orientales & Septentrionales, pellendis nubibus idonei, fuperiores
evadunt.
8. Et crediderim hos ventos Orientales & Septentrionales effe
quibus Græci Ornithiarum nomen, ob reductas aves vernam auram
fequentes,impofuere. Sed quantum ad Etefias, quos à Solftitio æftivo
obfervabant, verifimile eft illos provenire ex vaporibus vi Solis à
terris & aquis quæ in Septentrione funt elevatis, poftquam jam
fatis diu ad tropicum Cancri hæfit. Conftat enim illum diutiüs in
tropicis morari quàm in fpatio interjeéto, & cogitandum menfibus
Martio, Aprili & Maio maximam nubium & nivium partem, quæ
circa polum noftrum hærebat, in vapores & ventos refolvi; « ven-
243
244
246
274-276. METEORA. 673
tofque iftos ab initio veris (quo tempore funt validiflimi) ad folfti-
tium æftivum paulatim, deficiente materià, languefcere ; menfe
ver Junio nondum ibi terras & aquas fatis efle calefaétas ut mate-
riam novi venti fuppeditent; fed paulatim, Sole ad Tropicum Cancri
commorante, magis & magis illas incalefcere, tandemque idcirco
Etefias producere », quum magnæ illius & pertinacis diei, quæ ad
fex integros menfes ibidem extenditur, meridies paululum inclinat.
9. Cæterüm hi venti generales & regulares perpetud tales forent
quales illos defcripfmus, fi fuperficies terræ ubivis æqualiter aquà
tegeretur vel æqualiter extra illam | emineret, adeo ut nulla omnino
marium, terrarum & | montium diverfitas eflet, nec ulla alia caufa
extra præfentiam Solis, quà vapores dilatarentur, nec ulla extra ejus
abfentiam, quâ condenfarentur. Sed notandum Solem, dum fplen-
det, communiter plures vapores ex mari quàm terrà attollere, quia
terra, multis in locis exficcata, non tantum materiæ illi quàm aqua
fuppeditat; & contrà, cum Sol receflit, calorem reliétum plures è
terrà quam è mari elevare, quia terra diutius quam mare calorem
fibi impreflum retinet. Et propterea fæpius in littoribus obfervatur
ventos interdiu à mari, noctu à terrà fpirare. Ignis etiam fatuus ob
eandem caufam viatores noëtu ad aquam ducit; indifferenter enim
aëris curfum fequitur, qui eù à vicinis terris propterea defertur,
quôd ille qui ibi eft magis condenfetur.
10. Item notandum aërem qui fuperficiem aquarum tangit, mo-
tum illarum quodammodo fequi; unde fæpius venti juxta maris
littora cum fluxu illius & refluxu mutantur, & tranquillo aëre circa
majora flumina placidi quidam venti, curfum illorum fecuti, fen-
tiuntur. Hîc etiam notandum vapores ex aquis emiflos humidiores
femper & crafliores illis effe qui ex terris attolluntur, quique ideo
multo plus aëris atque exhalationum fecum vehunt. Unde fit ut
eædem tempeftates gravius in mari quàm in terrà fæviant, & idem
ventus, qui in unà regione ficcus eft, in alià calidus effe poflit : ita
venti Meridionales, humidi fere ubivis, ficci in Egypto feruntur,
ubi | terra Africæ, ficca & combufta, materiam iis fuppeditat. Hinc
etiam proculdubio rar ibidem pluit; licèt enim venti Boreales, à
| mari fpirantes, ibi humidi fint, tamen, quia funt etiam omnium
frigidiflimi, non facilè pluviam generare poflunt, ut poftea vide-
bimus.
11. Præterea confiderandum eft lumen Lunæ, quod admodum
inæquale eft, prout accedit ad Solem aut ab eodem recedit, dilata-
tionem vaporum juvare ; itemque lumen aliorum fiderum ; fed tan-
tum eâdem proportione quà in oculos noftros illa agere fentimus :
w2
un
Œuvres. I.
674 OEUVRES DE DESCARTES. 276278
oculi enim ad cognofcendam luminis vim iudices* omnium cer-
tiflimi funt, & ideo etiam Stellæ, comparatæ ad Lunam, vix in ra-
tionem hic venire debent, ut neque Luna comparata ad Solem.
12. Denique confiderandum eft vapores ex diverfis regionibus
terræ admodum inæqualiter furgere ; nam montes aliter aftris inca-
lefcunt quàm planities, nemora aliter quàm prata, & fundi exculti
quàm reliéti; terræ etiam nonnullæ ex naturâ fuà funt aliis cali-
diores, vel ad calorem fufcipiendum aptiores. Et præterea, cûm
valde inæquales nubes in aëre formentur, eæque facillimè ex uno
loco in alium transferantur & diverfis à terrâ intervallis fuftinean-
tur, & quidem interdum plures fimul una fub alià, aftra longè ali-
ter in fuperiores quàm in inferiores agunt, & in has quàm in | fub-
jeétam terram, alio etiam modo in eafdem regiones terræ, cum
nubibus teguntur, quam cum nullis, & poftquam pluit aut ninxit,
quam ante. Quamobrem fieri non poteft ut particulares ventos
prænofcamus qui in fingulis terræ partibus fingulis diebus obtine-
bunt ; nam fæpe etiam contrarii unus fupra alium feruntur.
13. Sed, fi omnia quæ hactenus diéta fuere probè obfervemus,
poterimus utcumque conjicere qui venti frequentio|res & vehemen-
tiores debeant effe, itemque quibus in locis & temporibus regnare.
Atque hoc præcipuè fciri poteft in iis maris partibus quæ à terris
funt valde remotæ; cm enim in ejus fuperficie neutiquam tanta fit
inæqualitas quantam in terreftribus locis notavimus, venti multo
minüs irregulares ibi generantur, & qui à littoribus eù verfüs pro-
vehuntur, rard eoufque pertingere pollunt; quod nautæ noftri fatis
experti funt, nam idcirco mari omnium latiflimo Pacifici nomen
impofuere.
14. Nihil præterea notatu dignum hîc occurrit, nifi quod fere
omnes fubitæ aëris mutationes (ut quôd interdum magis incalefcat,
vel magis rarefiat, vel magis humefcat quàm pro temporis ratione)
à ventis ortum ducant, non tantüm ab iis qui in eà regione fpirant,
in quà hæ mutationes percipiuntur, fed etiam ab iis qui in vicinis,
& à diverfitate caufarum à quibus generantur. Si enim, exempli
gratià, dum nos ventum | Meridionalem hîc fentimus qui, ex caufà
particulari in vicinià exortus, non multum caloris fecum adducit,
interea in locis propinquis alius à Septentrione fpiret, qui à loco
fatis alto vel remoto veniat, materia fubtiliflima, quam is fecum
rapit, commodiflimè ad nos pertingere & frigus planè infolens effi-
cere poterit. Et hic ventus Meridionalis, è vicino tantüm lacu pro-
a, indices Æ1z.
247
249
278-280. METEORA. 07;
greflus, humidiffimus effe poteft, cûm contrà ficcior foret, fi veniret
à locis arenofis quos ultra iftum lacum effe fuppono. Sique folà
dilatatione vaporum hujus lacüs effeétus fit, nullà accedente con-
denfatione aliorum verfüs Septentrionem, aërem noftrum longè
crafliorem & magis gravantem reddet quàm fi hàc folà condenfa-
tione, fine ullà dilatatione vaporum Meridionalium, generaretur. |
Quibus omnibus fi addamus, materiam fubtilem & vapores quiin
terræ meatibus hærent, mox huc mox illuc latos, quofdam ibi etiam
veluti ventos componere,omnis generis exhalationes fecum vehentes
pro qualitate terrarum per quas labuntur; & præterea nubes, cûm
ab unà regione aëris in aliam defcendunt, ventum eflicere polffe
aërem ex alto ad inferiora urgentem, ut mox dicemus, rationem,
credo, omnium motionum habebimus quæ in aëre notantur.
HEMPUT V.
De nubibus.
1. Poftquam ïta confideravimus quà ratione vapores dilatati
ventos efficiant, videndum nunc eft quomodo jiidem coacti & con-
denfati nebulas & nubes generent. Scilicet, quum primüm* nota-
biliter aëre puro minüs pellucidi fiunt, fi ufque ad fuperficiem terræ
defcendant, nebulæ dicuntur; fed, fi in aëre maneant fufpenfi,
nubes appellantur. Et notandum, quum motus illorum tardatur,
particulæque quibus conflant fibi invicem fatis propinquæ funt ut
una aliam attingat, illas jungi & in diverfos exiguos cumulos coire,
qui funt totidem guttæ aquæ vel flocculi glaciei, unde fit ut tunc
hi vapores aëre puro minüs pellucidi evadant. Quippe, quum
omnino feparati in aëre fluétuant, luminis tranfitum non multüm
impedire queunt; at coaéti pofflunt; licèt enim guttæ aquæ aut
glaciei particulæ, quas componunt, fint pellucidæ, tamen, quum
fingulæ earum fuperficies aliquot radios reflectant (ut in Dioptrice
de cunétis pellucidis corporibus || diétum fuit), facilè tam | nume-
rofæ fuperficies ibi occurrunt ut omnes vel fere omnes radios aliù
reflectere poflint.
2. Et quantum ad guttas aquæ, illæ formantur cüm materia
fubtilis, circa exiguas vaporum partes fufa, non quidem fatis virium
a. quamprimum Æ/7.
676 Œuvres DE DESCARTES. 280182;
habet ad efficiendum ut, fe extendentes atque in gyrum vertentes,
unæ alias loco pellant; fed fatis adhuc retinet ad illas complicandas
& omnes quæ fe mutuÿ attingunt jungendas, atque in fphærulam
glomerandas. Et fuperficies hujus fphærulæ tota æqualis ftatim &
polita evadit, quia partes aëris, illam contingentes, longè aliter
quàm partes illius moventur; itemque materia fubtilis, per poros
illius fufa, longè aliter quàm quæ eft in aëris poris, ut fuprà dixi-
mus, de maris fuperficie verba facientes. Atque ex eâdem caufà hæ
guttæ exactè rotundæ fiunt; ut enim fæpius notare potuimus aquam
fluminum in vortices agi, ubi aliquid impedit quominus tam cele-
riter motu recto procedat quàm incitatio ejus requirit, ita putan-
dum etiam eft materiam fubtilem per corporum terreftrium poros,
eâdem ratione quâ fluvius per intervalla herbarum in alveo fuo
crefcentium vehitur, labentem & liberius ex unâ aëris parte in
aliam meantem, itemque ex unâ aquæ in aliam, quàm ex aëre in
aquam aut vice verfà ex aquà in aërem, ut alibi notavimus, intra
unamquamque guttam circumagi debere, ut & extrà in aëre cir-
cumfufo, fed aliter hic quàâm illic, & propterea omnes partes ejus
fuperficiei rotundare. | Cum enim aqua fit corpus liquidum, non
poteft non fe ad hanc materiæ fubtilis circuitionem accommodare.
Et fine dubio hoc fufficit ad intelligendum guttas aquæ rotundas
ac|curatè effe fecundüm fectiones horizonti parallelas; nulla enim
omnino caufa eft ob quam una circumferentiæ pars propiüs quàm
alia, non magis ab horizonte diftans, ad centrum guttæ accedat aut
longiùs ab eodem recedat, cùm neque magis neque minüs una
quàm alia ab aëre prematur, præfertim fi tranquillus fit, qualem hic
intelligere oportet. Sed quoniam, fi guttas fecundüm alias feétiones
confideremus, dubium efle poteft annon, cum funt ita exiguæ ut
pondere fuo aërem defcenfui nequeant aperire, planiores & minüs
in latitudine quàm in longitudine craflæ fieri debeant, ut T vel V,
obfervandum eft illas aërem tam à lateribus quàm infrà circum-
fufum habere; atque, fi pondus earum non fufficiat ad illum, quem
infra fe habent, loco movendum ut defcendant, non magis pofle
illum, qui eft circa latera, inde pellere ut in latitudinem diffundan-
tur. Et quum econtra dubitare poflimus annon, cüm pondere fuo
preffæ defcendunt, aër, quem dividunt, illas aliquo modo oblongas
reddat, ut repræfentantur ad X aut Y, notandum eft ipfas aëre
undiquaque cingi, atque ideo illum, quem ita dividunt & cujus
locum occupant defcendendo, eodem tempore debere fupra ipfas
afcendere ad replendum fpatium quod relinquunt : quod non aliter
fieri poteft quam fi juxta ipfarum | fuperficiem fluat, ubi viam
250
252
282-283. METEORA. 677
magis compendiofam & expeditam inveniet, fi globofæ fint, quam
fi cujuslibet alterius figuræ. Cuivis enim liquet figuram rotundam
omnium capaciflimam efle, id eft minimum fuperficiei habere, pro
ratione magnitudinis corporis fub eà contenti. Et ita, quomodo-
cunque demum illas guttas confideremus, perpetud ro|tundæ efle
debent, nifi forfan impetus venti aut alia caufa particularis obftiterit.
3. Quod ad illarum magnitudinem attinet, pendet ex eo quèd
particulæ vaporis magis vel minüs ab invicem diftent, cüm illas
componere incipiunt, itemque ex eo quod poftea magis vel minus
agitentur; & denique à copià aliorum vaporum qui ad illas accedere
poffunt. Nam initio fingulæ guttæ ex tribus tantüm aut quatuor
concurrentibus vaporis particulis componuntur; fed ftatim poitea,
faltem fi hic vapor fuerit fatis denfus, duæ aut tres ex guttis inde
factis, fibi invicem occurrentes, in unam coalefcunt, & denuo duæ
aut tres harum in unam, & ita porro donec amplius concurrere
nequeant. Et, dum in aëre fufpenfæ feruntur, fupervenientes alii
vapores 1is adjungi queunt, atque ita illas crafliores reddere, donec
urgente pondere in rorem vel in pluviam decidant.
4. Exiguæ verd glaciei particulæ formantur dum frigus adeo
intenfum eft ut vaporum partes à materià fubtili iis immixtà flecti
nequeat. Et fi quidem hoc frigus demum guttis jam formatis fuper-
venerit, eas congelat, | fphæricà quam habebant figurà invariatä,
nifi ventus fatis vehemens fimul adfuerit, cujus impulfu eà parte,
quà illi obvertuntur, planiores fiant. Contrà verd, frigore antequam
formari cœperint fuperveniente, particulæ vaporis in longum tan-
tüm porrectæ junguntur, & filamenta glaciei admodum tenuia
conftituunt. Aft fi medio tempore (quod ut plurimum accidit) fuper-
venerit, partes vaporum paulatim, ut plicantur & glomerantur,
conglaciat; neque tantum temporis iis relinquitur ut fatis perfectè
ad guttas | formandas jungi poflint; atque ita exigui globuli aut
pilulæ glaciei fiunt albæ, quia plurimis capillamentis conftant,
quorum fingula fuperficies diflinctas & ab aliis fejunétas habent,
licèt invicem accumulata implicentur. Et hæ pilulæ circumcirca
pilofæ funt, quia plurimæ femper vaporis partes, quæ non tam cit
quàm aliæ flecti & coacervari poflunt, erectæ ad illas accedunt, &
capillamenta quibus teguntur efficiunt; & prout hoc frigus vel
lentiüs advenit vel celerius, & vapor denfor aut rarior eft, hæ
pilulæ etiam majores vel minores fiunt, & capillamenta illas cin-
gentia vel crafliora & fimul breviora, vel tenuiora & longiora
evadunt,
5. Atque ex his videmus duo femper requiri ad vapores in gla-
x
678 OEuvres DE DESCARTES. 283-285.
ciem vel aquam mutandos : nempe ut illorum partes fint tam
propinquæ ut fe mutud contingere queant, & fatis frigoris adfit ad
illas, dum fe ita | invicem tangunt, fiftendas & connectendas. Non
enim fufficeret frigus vel intenfiflimum, fi particulæ vaporum, per
aërem fparfæ, tam remotæ eflent ab invicem ut nullo modo jungi
poflint; nec fufficeret etiam ipfas effe valde vicinas, fi tanta effet
caloris agitatio ut impediret illarum nexum. Ita non femper in
fublimi aëre nubes cogi cernimus, licèt frigus ibi ad hanc rem per-
petud fatis vehemens fit; fed infuper requiritur ut vel ventus Occi-
dentalis, ordinario vaporum curfui obnitens, illos colligat & con-
denfet in locis in quibus ejus curfus finitur; vel etiam ut duo alii
venti, à diverfis regionibus flantes, illos medios premant atque
accumulent, vel ut alter eorum in nubem jam formatam impellat;
vel poftremà ut ipfi vapores, inferiori nubis alicujus parti occur-
rentes, dum à terrà elevatur, fponte ad | invicem accedant. Neque
etiam perpetud nebulæ circa nos generantur, licèt hyeme quidem
aër fit fatis frigidus, æftate verd magna fatis vaporum copia adfit;
fed duntaxat cüûm aëris frigus & vaporum copia fimul concurrunt.
Quod fæpius vefperi aut noétu accidit, cùm dies tepidus & infolatus
præceflit; & frequentius vere quàm aliis anni temporibus, etiam
quàm autumno, quia tunc major eft æqualitas inter calorem diur-
num & nocturnum frigus; frequentius etiam in locis maritimis aut
paludofis quam in terris longè ab aquâ remotis aut in aquis longè à
terrà pofitis, quoniam aqua, ibi fuum calorem citius amittens quàm
terra, | frigefacit aërem, in quo porro vapores, quos terræ calidæ &
humentes magnâ copià exhalant, condenfantur.
6. Maximè autem nebulæ formantur in locis quibus duorum aut
plurium ventorum curfus terminatur. Hi enim venti plurimos
vapores eù compellunt, qui vel in nebulas coguntur, fi nempe aër
in terræ vicinià admodum frigidus eft; vel in nubes, fi nonnili altior
fatis frigidus fit iis condenfandis. Et notemus aquæ guttas aut
particulas glaciei, ex quibus nebulæ componuntur, valde exiguas
elfe : nam, fi vel tantillum intumefcerent, ftatim ad terram pondere
fuo deducerentur, adeo ut non ampliüs nebulam, fed pluviam aut
nivem diceremus : & præterea nullum unquam ventum fpirare
poffe ubi illæ funt, quin ftatim diflipentur, præfertim cùm aquæ
guttis conftant : minima enim aëris agitatio, plurimas guttas jun-
gens, fingulas intumefcere atque in pluviam aut rorem deftillare
cogit.
7. Id etiam infuper circa nubes obfervandum, illas in diverfis à
terrà diftantiis produci pofle, prout vapores al|tiùs aut minüs altè
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285-287. METEORA. 079
enituntur, antequam fatis condenfati fint ad illas formandas; unde
fit ut plures interdum unas fub aliis latas & etiam diverfis ventis
agitatas cernamus. Atque hoc imprimis in locis montanis evenit,
ubi calor vapores attollens inæqualiüs quàm alibi agit.
S. Notandum quoque has nubes vel faltem harum celfiflimas,
nunquam fere | ex guttis aquæ componi pofle, fed tantüum ex parti-
culis glaciei. Certum enim eft aërem, in quo confiftunt, frigidiorem
vel ad minimum æquè frigidum efle ac eft ille qui fummis editorum
montium jugis incumbit; qui tamen, etiam in medià æftate, nives
ibi folvi non patitur. Et quoniam vapores, quà altiüs enituntur,
tantd plus frigoris ipfos confiringentis inveniunt, minüfque à ventis
premi poflunt, propterea, ut plurimum, maximè fublimes nubium
partes tantüm ex tenuiflimis glaciei capillamentis, longè à fe invi-
cem diflitis, conftant. Deinde paulo inferius glomi hujus glaciei
admodum exigui & pilofi formantur, & gradatim, adhuc inferius,
ali paulo majores; & poftremà interdum in infimo loco guttæ aquæ
colliguntur. Atque, aëre quidem omninà placido & tranquillo, vel
etiam æqualiter aliquo vento veéto, tam hæ aquæ guttæ quam
particulæ glaciei, fatis laxè & fine ordine difperfæ, ibi morari pof-
funt, ita ut forma nubium tum nihil à nebulà differat.
9. Sed, ut plurimum, ventis impelluntur qui, quoniam non tam
latè patent ut omnes earum partes fimul cum aëre circumfufo mo-
vere poflint, fuprà vel infrà feruntur; & illarum fuperficiem ra-
dendo, fic premunt ut eas valde pla[nas & læves reddant. Quodque
| in primis hîc notari debet, omnes exigui nivium glomi, qui in his
fuperficiebus inveniuntur, accuratè ita ordinantur ut finguli eorum
fex alios circa fe habeant, fe mutud tangentes vel faltem æqualiter
ab invicem diftantes. Fingamus, exempli gratià, fupra terram A B
ventum fpirare ab Occidente D, ordinario aëris curfui reluétantem
aut, fi maluerimus, alteri vento flanti ab Oriente C; atque hos
ventos initio. mutud fe flitifle circa fpatium FGP, ubi quofdam
vapores condenfarunt, ex quibus molem confufam effecerunt, dum
vires utriufque collatæ & æquales aërem ibidem tranquillum &
placidum reliquerunt. Sæpius enim evenit ut duo venti hâc ratione
opponantur, quia femper multi diverfi eodem tempore circa terram
fpirant & finguli eorum rectà excurrunt, donec alium contrarium
fibi obfiftentem inveniant.
10. Sed horum ventorum, quorum unus à C, alius à D, verfus
PGF fpirat, non diu vires paribus momentis ita libratæ ibi manere
poflunt, eorumque materià continud magis magifque eù aflluente,
nifi uterque fimul ceflet (quod rard fit), fortior tandem vel infra vel
680 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 288-280.
fupra | nubem prorumpit, vel etiam per ejus medium, vel per am-
bitum, prout via ipfñ com|modior occurrit; quo ipfo, nifi alium planè
fupprimat, ad minimum illum cedere cogit. Ut hîc fuppono ventum
Occidentalem erumpentem inter G & P, Orientalem coëgifle ut infe-
rius tranfeat ad F, ubi in rorem folvit nebulam quæ infima pars
erat molis PGF; & confequenter nubem G, quæ fuit pars media
ejufdem molis, inter hos duos ventos fufpenfam, ab his utrinque
complanari & lævigari; itemque parvas glaciei pilulas, quæ in ejus
fuperficie tam fuperiori quàm inferiori reperiuntur, eafque etiam
quæ in fuperficie inferiori nubis P, ita ordinari ut fingulæ fex alias
circa fe habeant æqualiter ab invicem diftantes. Nulla enim ef ratio
quæ illud impedire poñlit, & naturaliter omnia corpora rotunda &
æqualia, in eodem plano fatis fimiliter mota, hâc ratione difpo-
nuntur; ut facile eft experimento cognofcere, fi margaritas aliquot
rotundas ejufdemque magnitudinis, filo folutas, in vafculi alicujus
operculum, quod planum fit, confufè projiciamus : hoc enim leniter
concuffo, vel tantüm margaritis flatu impulfis ut | quàm proximè
ad invicem accedant, videbimus illas fponte ita difponi.
11. Sed notemus hîc nos tantüm de fuperficiebus nubium infe-
riori & fuperiori effe locutos, non verd de lateralibus, quia | inæ-
qualis materiæ quantitas, quam fingulis momentis venti iis adjicere ,
& avellere poffunt, figuram earum ambitùs plerumque inæqualem
& irregularem facit. Hîc non addo exiguas pilulas glaciei, quæ funt
in interiori nube G, eâdem ratione, quâ illæ quæ in fuperficiebus,
ordinari debere ; quia non adeo manifeftè liquet.
12. Sed dignæ confideratione funt illæ quæ interdum inferiori ejus
fuperficiei, poftquam jam tota formata eft, adhærent. Si enim inter-
ea, dum illa pendet in fpatio G, quidam vapores afcendant è terrâ
quæ eft verfüs A, qui, frigefcentes in aëre, paulatim in exiguas gla-
ciei pilulas concrefcant & per ventum agantur ad L, nullum omnino
dubium eft quin hæ pilulæ ita debeant ordinari ut finguiæ earum
fex aliis cingantur, quæ æqualiter illas premant & omnes in eodem
plano exfiftant. Atque ita componunt primo unum folium, fub hujus
nubis fuperficie expanfum; deinde aliud fub hoc protenfum, & ita
alia deinceps, quamdiu nova materia accedit. Præterea quoque
notandum ventum, qui inter hanc nubem & terram fertur, fortiùs
in inferius horum foliorum agentem quàm in illud quod proximè
fuperius illi incumbit, atque adhuc fortiüs in hoc quäm in id quod
huic incumbit, & ita porro, illa ducere et fingula feparatim movere
poife, atque häc ratione fuperficies illorum polire, detritis ab utrâque
parte capillamentis quæ exiguis pilulis glaciei, ex quibus com |po-
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289-202. METEORA. +08
nuntur, adhærent. | Partem quoque horum foliorum extra inferius
hujus nubis fpatium G propellere, & inde transferre poteft, velut ad
N, ubi nova nubes ex pluribus ejufmodi foliis tota conflatur. Et
licèt hîc tantüum pilularum glaciei fecerimus mentionem, facillimè
tamen idem etiam de aquæ guttis intelligi poteit, modô ventus non
ita fit vehemens ut collidantur, vel fi exhalationes nonnullæ iis cir-
cumfufæ, aut, quod frequenter accidit, quidam vapores nondum ad
accipiendam aquæ formam difpofiti, interjectu fuo eas ab invicem
feparent : nam aliàs, fimul ac concurrunt, plures in unam coëunt
& tam craffæ & ponderofæ fiunt ut neceffarid decidant.
13. Cæterüm, quod paulo antè dixi, figuram ambitüs cujufvis
nubis maximè plerumque irregularem & inæqualem efle, de iis tan-
tummodo intelligendum quæ minus fpatii in altitudine & latitudine
occupant quàm venti circumlabentes. Aliquando enim tanta vapo-
rum copia in iis plagis, ubi duo aut plures venti occurrunt, hæret,
ut illis nec infra nec fupra fe tranfitum permittant, fed circa fe
rotari || cogant, & fic nubem valde magnam forment quæ, | ubivis
æqualiter per hos ventos prefla, ambitum planè rotundum & lævi-
gatum habet; quæ etiam, cùm hi venti funt paulo calidiores, vel
cüm à Sole nonnihil ejus fuperficies incalefcit, quâdam veluti cruftâ ex
plurimis glaciei particulis compofità obducitur. Atque hæc crufta fatis
crafla fieri poteft & tamen, pondere non obftante, in aëre fufpenfa
manere, quoniam à reliquâ totà nube fuftinetur. Cujus rei memores
efle infrà oportebit, ad ea quæ de parheliis dicentur intelligenda.
CAPUT VI.
De nive, pluviâ € grandine.
1. Multa funt quæ vulgd impediunt quominus ftatim formatæ
nubes ex alto delabantur. Nam primd particulæ glaciei vel aquæ
‘guttæ, quibus conftant, valde exiguæ & confequenter multum
fuperficiei pro ratione fuæ materiæ habentes, fæpe magis impe-
diuntur ab aëris refiftentià ne defcendant, quàm à pondere fuo im-
pelluntur. Deinde venti, qui communiter validiores funt prope ter-
ram, ubi materia ex quâ conftant craflior eft quàm in aëre fublimi,
ubi fubtilior, quique ideo frequentiùs ex humili furfum tendunt
quàm ex alto | deorfum, illas non tantüum fufpendere, fed etiam
fæpius ultra regionem aëris, in quà confiftunt, attollere queunt.Idem
Œuvres, I. 86
682 OEuvres DE DESCARTES. : 202-293.
etiam vapores poffunt qui, terrà egrefli aut aliunde venientes, aërem
nubibus iftis fubjetum diftendunt; vel etiam folus calor qui, hoc
aëre dilatato, illas repellit; vel etiam frigus aëris fuperioris quod,
illo compreflo, nubes | furfum attrahit. Et præterea particulæ gla-
ciei, ventis impulfæ, contiguæ quidem evadunt, fed non tamen id-
circo omnino uniuntur; quinimo corpus adeo rarum, leve atque
extenfum componunt ut, nifi calor aliquas harum partium liquefa-
ciens fuperveniat, atque hâc ratione illas condenfet ac graviores
reddat, vix unquam ad terram defcendere pofint.
2. Sed, ut fuprà monuimus aquam conglaciantem frigore quodam-
modo dilatari, ita hîc notandum calorem, qui alia corpora folet red-
dere rariora, communiter nubes condenfare. Atque hoc in nive expe-
riri licet, quæ planè ejufdem materiæ eft ac nubes, nifi quod jam
magis fit condenfata : illa enim in calido loco pofita conftringitur
& mole valde minuitur, ante etiam quäm ulla aqua ex eû profluat,
aut de pondere fuo aliquid amittat. Quod accidit quia capillamenta
particularum glaciei, ex quibus componitur, cüm fint earundem
particularum medio tenuiora*, illo facilius liquefcunt &, ex parte
tantum liquefcendo, id eft fefe hinc & inde inflectendo ob agitatio-
nem circumfuiæ materiæ fubtilis, | amplexatum eunt vicinas glaciei
particulas, non interea relictis iis quibus antè innectebantur, atque
ita efficiunt ut unæ aliis appropinquent.
3. Sed quia particulæ glaciei, quæ nubes componunt, ut pluri-
mum longiüs ab invicem diftant quàm quæ nivem in terram, non
ita ad quafdam ex vicinis accedere poffunt, quin fimul ab aliis qui-
bufdam recedant. Et propterea, cùm priüs æqualiter per totum
aërem fpargerentur, in plurimos deinde exiguos cumulos aut floc-
cos feparantur ; funtque hi flocci ed majores, quû nubes fuit antea
denfior, & quà lentiùs in eam calor egit. Et præterea, vento | aliquo
aut dilatatione totius aëris fuperioris fupremos horum floccorum
priufquam inferiores deturbante, his inferioribus quibus defcen-
dendo occurrunt adhærent, atque ita majores fiunt. Calorque poftea
illos condenfans, & magis magifque graves reddens, facilè in terram
deducit. Et quum ïita non omnino liquefacti defcendunt, nivem
componunt; fed, fi aër per quem tranfeunt fit tam calidus ut fol-
vantur (qualis hîc apud nos totà æftate eft & fæpe etiam aliis anni
temporibus), convertuntur in pluviam. Interdum etiam accidit ut
ita folutis aut propemodum folutis ventus frigidus fuperveniat, qui
eos rurfus conftringendo in grandinem convertit.
a. tenuiores Æ/7.
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293-205. METEO RA. 68;
4. Hæc autem grando varia efle poteft. Nam primà, fi ventus
frigidus, illam efficiens, guttas aquæ jam formatas deprehendat,
globulos | glaciei pellucidos & rotundos efficit, nifi qudd interdum
eà parte quà illos impellit aliquanto planiores reddat. Et, fi floccos
nivis fere folutos deprehendat, fed nondum in aquæ guttas glome-
ratos, tunc fit illa grando cornuta, cujus figuræ valde diverfæ &
irregulares efle folent; ejufque grana interdum valde magna funt,
quoniam à vento frigido formantur qui, nivem è fublimi in infe-
riora præcipitans, plurimos ejus floccos fimul compellit, & gelu in
unam maflam conftringit. Atque hic notandum eft hunc ventum,
dum floccis liquefcentibus appropinquat, pellere in illorum poros
calorem, id eft materiam fubtilem maximè agitatam & minus fubti-
lem reliquà, quæ tunc in aëre circumftante reperitur; quia ipfe
ventus non tam facilè nec tam cit atque hic calor poteft eas per-
vadere. Eâdem ratione quâ interdum hic in terrà | fentimus calo-
rem, qui in domibus eft, augeri, cùm repentino aliquo vento vel
pluviâ totus aër exterior fubità refrigeratur.
5. Calor autem, poris-horum floccorum ita inclufus, quantum
poteft ad ipforum circumferentias potius quàäm ad centra accedit,
quoniam ibi materia fubtilis, in cujus agitatione confiftit, liberius
movetur; & Ita eas 1bi magis & magis liquefacere pergit, priuf-
quam incipiant rurlus in glaciem concrefcere; atque etiam liqui-
difimæ, id eft maximè agitatæ, particularum aquearum, quæ alibi
in iftis floccis reperiuntur, ad eorum circumferentias accedunt, iis
contrà, quæ’ non tam cit poilunt liquefcere, circa centra manen-
tibus. Unde fit ut, cum exterior fuperficies cujuslibet grani ex glacie
continuà & pellucidâ conftare confueverit, | in ejus tamen centro
nonnihil nivis fæpe reperiatur, quod hæc grana frangentibus fefe
offert. Et quia fere nunquam nifi per æftatem talis grando decidit,
ea certos nos reddit tunc, non minüs quàm ipfà hyeme, nubes ex
glaciei particulis five ex nive conftare confuevifle. In hyeme autem
ejufmodi grando rariflimè cadit, vel faltem grana non magna habet,
quia tunc tantum caloris, quantum ad illam formandam requi-
reretur, ad nubes ufque vix poteft pertingere, nifi certè ad nubes
quæ funt terræ tam vicinæ ut, pofiquam earum materia liquefaéta
aut fere liquefacta eft, cœpitque in pluviam aut nivem delabi, ventus
frigidus fuperveniens non fatis temporis habeat ad illam denuo
conftringendam, priufquam planè delapfa fit. Si autem nix nondum
fit liquefaéta, fed tantüm aliquantulum emollita, dum ventus illam
in grandinem mutans advenit, minimè fit pellucida, fed alba inftar
facchari manet.
684 Œuvres DE DESCARTES. 205-297.
6. | Et, fi flocci hujus nivis exigui fint, nempe pifi inftar, aut mi-
nores, finguli illorum in granum grandinis fatis rotundum mutan-
tur. At, fi fuerint majores, difliliunt atque in plurima grana, in
acutum ut pyramides definentia, convertuntur. Calor enim, eodem
momento quo ventus frigidus incurrit, in poros horum floccorum
fe recipiens condenfat omnes illorum partes, eafque retrahit à cir-
cumferentià verfus centrum; quo ipfo fatis rotundi fiunt; & frigus,
paulo pôit penetrans & conftringens, illos nive multù duriores
reddit. Sed quoniam, cüm paulo majores funt, calor inclufus
partes illorum interiores adhuc | centrum verfus agere & conden-
fare pergit, dum exteriora, jam indurata & frigore vincta, fequi non
poffunt, neceflario intrinfecus findi debent fecundüm plana vel
lineas rectas quæ ad centrum tendunt; &, his fiffuris magis ma-
gifque augefcentibus, ut frigus altiùs penetrat, tandem diflilire ac
dividi in plures particulas acuminatas, quæ totidem grandinis grana
funt. Non quidem hic determinamus in quot hujufmodi grana fin-
gulh flocci dividi poflint; ut plurimum tamen videtur in oéto ad
minimum id fieri debere; forfan etiam interdum accidere poffe ut in
duodecim, viginti, vel quatuor & viginti, fed faciliùs adhuc in duo
& triginta, & nonnunquam etiam in numerum multo majorem,
prout vel majores funt, vel ex nive fubtiliori conftant, vel frigus illas
in grandinem convertens vehementiüs aut velociüs irruit. Et non
femel hujufmodi grandinem obfervavi, cujus grana eandem fere
figuram habebant quam fegmenta globi in octo partes æquales,
tribus fectionibus ad angulos rettos fe mutuû fecantibus, divifi.
Deinde alia quoque obfervavi quæ, longiora & minora, | quarta
circiter pars illorum videbantur, licèt, ob angulos inter conden-
fandum rotundatos & obtufos, figuram propemodum coni faccharei
haberent. Item, antè vel pôift vel etiam cum his grandinis granis,
vulgù alia rotunda decidebant.
7. Hæ autem diverfæ grandinis figuræ nihil fingulare aut notatu
dignum habent, fi comparentur cum illà nive quæ generatur ex
parvis globulis feu glomis glaciei, vi ventorum in formam | folio-
rum, eo modo quo dixi, difpofitis. Nam, calore exigua capillamenta
horum foliorum liquefacere incipiente, primüm quæ infrà & fuprà
decutit, ut maximè fuæ aétioni obvia: pauxillumque illud liquoris
in quod folvuntur, per foliorum fuperficies diffufum, exiguas inæ-
qualitates 1b1 occurrentes omnes replet, atque ita æquè planas &
politas illas reddit ac eæ corporum liquidorum funt, quamwis ibi
flatim iterum concrefcat. Cüm enim tunc calor non vehementior fit
quàäm requiritur ut exigua illa capillamenta, aëre undique cinéta,
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207-200. METEORA. 68 $
reliquis integris in aquam folvat, non fatis virium habere poteft ad
impediendum ne illud pauxillum aquæ, glacialibus his fuperficiebus
illapfum, earum frigore iterum aftringatur. Poftea hic calor, per-
vadens etiam alia capillamenta, quæ finguli glomi in ambitu, ubi
fimilibus aliis fex cinguntur, habent, ea ex illis capillamentis, quæ
maximè à fex vicinis globulis funt remota, indifferenter huc illuc
flectit &, hoc ipflo, iis quæ & regione fex horum globulorum con-
fiftunt adjungit : hæc enim, eorundem fex globulorum vicinià refri-
gerata, non liquefcunt, fed contrà denuo materiam aliorum fibi
junétorum protinus glaciant. Atque ita fex cufpides aut radit circa
fingulos glomos formantur, qui | diverfas figuras recipere poilunt,
prout hi glomi magis aut minüs crafli & comprefli funt, capilla-
menta item denfa & longa, calor quo coguntur lentus ac mode-
ratus, prout denique ventus qui hunc calorem comitatur | (modû
aliquis comitetur) magis aut minûs vehemens eft. Et ita frons nubis
exterior, qualem videmus ad Z vel M, talis poftea evadit qualem
videmus ad O vel Q; & fingulæ glaciei particulæ, ex quibus conftat,
figuram exiguæ rofæ aut ftellæ affabrè faétam repræfentant.
8. Ne autem me hæc fingere vel ex levi tantüm conjecturà fcribere
putetis, referam ea quæ proximà hyeme anni 1635, Amftelodami,
ubi tunc eram, circa hanc rém obfervavi. Quarto Februarii, quum
dies admodum frigida præcefliflet, vefperi paululum pluviæ decidit,
quæ in glaciem vertebatur fimul ac terram contingebat ; poftea fe-
quuta eft grando exigua, cujus grana, quæ ejus magnitudinis erant
quam repræfentatam videmus ad H, ejufdem pluviæ guttas in aëre
gelatas arbitrabar. Tamen, loco illius figuræ accuratè rotundæ, quam
fine dubio hæ guttæ antè habue |rant, notabiliter ab unà quam ab
alterâ parte planiores erant, ita ut | figuram fere fimilem haberent
parti oculi noftri quam vulgd cryftallinum humorem dicimus. Unde
ventum, qui tum temporis validiflimus & frigidiflimus erat, tantum
virium habuïfle didici ut figuram illam guttarum inter glaciandum
potuerit immutare. Sed omnium maximè admirabar quædam ex
his granis, quæ poftrema deciderunt, parvos fex dentes circa fe
habere fimiles iis qui in horologiorum rotis, ut videmus ad I. Ethi
dentes, qui candidiffimi erant facchari intar, quum contrà grana ex
pellucidà glacie fere nigra viderentur, fatis teftabantur fe factos ex
nive fubtiliffimà, guttis jam formatis afperfà, quemadmodum plantis
pruina adhæret. Atque hàc de re certior fum factus ex eo quôd, fub
finem, nonnulla notavi, quæ circa fe habebantinnumera exigua capil-
lamenta, compofita ex nive pallidiori & fubtiliori quàm illa erat quà
dentes jam memorati conftabant, adeo ut illi comparari poilet
686 Œuvres DE DESCARTES. 299-301.
eodem modo quo cineres intacti, quibus prunæ flammä deftitutæ
fenfim obducuntur, iis qui jam recoéti | funt atque in foco cumulati.
Ægrè tantummodo poteram conjicere quidnam in aëre libero, tur-
bantibus ventis, adeo accuratè h@s fex dentes formare & circa fingula
grana difponere potuillet, donec tandem in mentem venit, facillimè
fieri potuifle ut ventus nonnulla ex his granis verfüs aliquam nubem
expulerit, | eaque infra illam vel ultra fufpenfa aliquamdiu deti-
nuerit; fatis enim ad hoc exigua erant : atque ibi procul dubio ita
difponi debuiffe ut fingula fex aliis in eodem plano fitis cingerentur,
quia talis eft ordo naturæ. Et præterea verifimile effe calorem (quem
paulo antè in aëre fublimi fuiffe argumento erat pluvia quam obfer-
varam) aliquos ibi vapores excitafle quos idem ventus compulerat
ad hæc grana, ubi, in formam tenuiflimorum capillamentorum con-
creti, forfan etiam aliquid ad eorum librationem contulerant; adeo
ut facillimè ibi hærere potuerint, ufque dum alius calor fuperve-
niret. Et, hoc calore ftatim exigua capillamenta unumquodque gra-
num cingentia liquefaciente, exceptis tantùm 1is quæ verfüs centra
fex vicinorum granorum refpiciebant, quia nempe horum granorum
frigus ejus actioni repugnabat, materiam eorum, quæ liquefcebant,
fex acervis aliorum, quæ remanferant, fe mifcuiffe, iifque hâc ratione
denfioribus redditis et calori minüs perviis, eam ibi rurfus congla-
cialle, atque ita hos dentes fuifle formatos. Econtra verd innumera
illa capillamenta, quæ notaveram circa aliquot ex iis granis, quæ
poftremo loco deciderant, ifto calore nullo modo contacta fuifle.
9. Poftridie, horà circiter octavä, aliud præterea genus grandinis,
feu potiüs nivis obfervavi, de quo nunquam antea audiveram.
Parvæ laminæ glaciei erant, planæ, politæ | & pellucidæ, ejus craf-
fitiei cujus effe folet charta cùm paulo denfior eft, ejufque | magni-
tudinis quam videmus ad K, fed tam accuratè fexangulatas, late-
ribus tam redis & angulis tam æqualibus, ut nihil fimile humana
induftria efficere poflit. Statim agnovi has laminas primô exiguos
glaciei globulos fuifle, eo modo difpofitos quo antè dixi, & pretfos
validiffimo vento, fatis caloris fecum rapiente: adeo ut hic calor
omnia illorum capillamenta liquefecerit & humore inde orto omnes
eorundem poros ita impleverit ut, eo mox ibi rurfus congelato, ex
albis, quales antea fuerant, omnino pellucidi fact fint; atque hunc
ventum ipfos eodem tempore ita compreflifle ut nullum interjeétum
fpatium remaneret; « hoc efl, ut nulla in uniufcujufque circuitu
effet pars quæ non aliquem ex fex vicinis attingeret » : fimulque
hunc eundem ventum fuperficies foliorum, quæ ex his globulis
componebantur, fuper & fubter labendo complanafle; ex quibus
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Ido METEORA. 687
omnibus accurata ifta laminarum figura non potuit non exfurgere.
Supererat tantüm nonnulla difficultas in eo qudd hi globuli, fic
fere liquefacti & eodem tempore collifi, non cohæfiflent; licèt enim
curiofè fcrutarer, nunquam tamen @uos junétos potui invenire. Mox
autem hâc etiam in parte mihi fatisfeci, advertendo quâ ratione
ventus, per aquam labens, afliduè illam agitet,omnefque ejus fuper-
ficiei partes unam poft alteram inflectat, nec illas tamen propterea
fcabras aut afperas efliciat. Inde enim cognovi ventum, qui procul
dubio fuperficies etiam nubium inflectit, ibique continud fingulas
glaciei particulas paul aliter quàäm vicinas impellit, | non permit-
tere illas omnino conglutinari, licèt interim illarum | ordinem non
turbet & nihilominus exiguas fingularum fuperficies accuratè poliat
& complanet : non aliter quäm videmus etiam illum fingulas partes
undarum, quas in pulvere vel arenà interdum format, fatis politas
efficere.
10. Hanc nubem fequuta eft alia nihil aliud quàäm rotulas aut
rofas exiguas effundens, omnes fex radiis inftar dimidii circuli
rotundatis infignes, planè quales videmus ad Q; pellucidas etiam
omnes & planas, ejufdem fere craflitiei cujus laminæ illæ fupe-
riores, ac fuprà quam dici potelt accuratè dimenfas. In medio etiam
quarundam punétum album perexiguum animadverti, quafi pede
circini, quo rotundatæ fuerant, illic impreflum. Sed facilè intellexi
ab iifdem caufis illas fuifle formatas, à quibus laminæ glaciei quæ
præceflerant : hoc tantüm excepto, qudd vento non tam vehe-
menter preflæ, nec forfan etiam calore tam intenfo circumdatæ
fuerint, ideoque earum cufpides non omnino liquefaétæ fint, fed
tantüm paulo breviores | evaferint & in extremitate rotundæ, inftar
| dentium qui fiunt in horologiorum rotis.
11, Punétum autem, quod in medio quarundam album appa-
rebat, ex eo efle mihi facile perfuafñi qudd calor, iis formandis
inferviens, tam moderatus fuiflet ut, quamvis cæteras earum partes
ex albis omnino pellucidas effeciflet, non tamen ufque ad centra
penetraflet, quæ ideo alba remanferant. Plures aliæ ejufmodi ro-
tulæ poftea deciderunt, binæ uno axe conjunétæ; vel potiüs,
quoniam ifti axes erant initio fatis crafli, tot exiguas columnas
cryftallinas dixifles, quarum fingulæ fingulis rofis, fex folia haben-
tibus & nonnihil eminentibus ultra bafin fuam, erant exornatæ.
Sed paulo pôift minüs craflas alias ejufmodi columnas animadverti,
rofis itidem aut ftellulis, interdum æqualibus interdumque inæqua-
libus, in utrâque extremitate exornatas.
12. Breviores etiam deinde notavi axes five columnas, & gra-
688 Œuvres DE DESCARTES. 303-305.
datim adhuc breviores, donec tandem ftellulæ omnino jungerentur,
caderentque duplices, duodecim infignes radiis fatis longis & accu-
ratè dimenfis, in aliis æqualibus & in alits alternatim inæqualibus,
ut videmus ad F & E. Quæ*omnia dederunt mihi occafionem
exiftimandi, particulas glaciei diverforum foliorum, fibi invicem in
nubibus impofitorum, facilius cohærere quàm illas plani aut folii
ejufdem. Licèt enim ventus, ut plurimum fortius in folia inferiora
quàm in fuperiora agens, paulo celerius, ut jam audivimus, illa
moveat, æqualiter tamen etiam aliquando utrumque folium impel-
lere poteft, ut ita eodem modo fluétuent : præfertim cum non ultra
duo vel tria ita funt una aliis impoñita; & tum, | per oras glomorum
ex quibus | componuntur cribratus, effcit ut ii ex his glomis, qui
in duobus aut pluribus foliis è regione opponuntur, eundem femper
inter fe fitum fervent & velut immoti fe mutuû refpiciant, licèt
interim nihilominus folia undatim agitentur, quoniam eo iplo
viam quammaximè expeditam fibi facit. Atque interea calor (vicinià
glomorum, qui in duobus foliis funt, non minüs impeditus ne
eorum capillamenta direétè interpofita liquefaciat, quäm vicinià
eorum qui funt in eodem) liquefacit tantüm alia circumcirca :
quæ, deinde integris junéta atque cum ïis conglaciata, axes aut
columnas illas componunt, quæ hos glomos interea, dum in rofas
aut ftellulas mutantur, conjungunt. Craflitiem autem quam initio
in his columnis animadverteram, minimè mirabar, quamvis mate-
riam adhærentium capillamenterum illi producendæ non fuffcere
fatis noffem; fieri enim potuilfle cogitabam ut, quatuor aut quinque
foliis fuperingeftis, calor, fortius agens in duo aut tria intermedia
(utpote ventis minüs expofita) quàm in fuperius vel inferius, glomos,
quibus illa conftarent, fere totos liquefecerit, atque ita ex eorum
materià compofuerit has columnas. Neque magis ftellas diverfæ
magnitudinis eodem axe interdum junétas admirabar; quum enim
notaffem radios majoris femper longiores & acutiores radiis minoris
efle, calorem, magis intenfum circa | hanc minorem quäm circa
alteram, magis folviffe & retudifle cufpides radiorum ejus judica-
bam, atque etiam eandem minorem ex glomo glaciei minore po-
tuifle componi. Poftremd neque has flellas duplices duodecim
radiorum, quæ poftea decidebant, admirabar; fingulas enim earum
ex duabus fimplicibus fex radiorum compofitas judicabam per calo-
[rem qui, fortior intra duo folia, quorum partes erant, quam extra
eadem, exigua capillamenta glaciei, quibus nectebantur, liquefe-
cerat, atque ita illas conglutinaverat ut etiam breviores reddidiffet
columnas, quæ jungebant alias ftellas paulo antè mihi vifas: In
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305-307. METEORA. 689
multis autem ftellularum millibus, quæ illà die obfervavi, ne unam
quidem, quamvis curiofe inquirerem, potui invenire quæ plures
aut pauciores fex radiis haberet, exceptis pauciflimis, quæ duode-
cim, & quatuor aut quinque aliis quæ tantummodo octo habebant.
Atque hæ non accuratè rotundæ erant, quemadmodum reliquæ,
fed oblongæ atque omnino tales quales videmus ad O; unde judi-
cabam illas in conjunétione extremitatum duorum foliorum vento
colliforum formatas, eodem momento quo calor exiguas illorum
_pilulas in ftellas converterat; nam accuratè figuram habebant quæ
inde naturaliter exfurgit. Atque hæc connexio, cm fecundüum
lineam reétam fiat, non tantum impediri poteit fluctuatione quam
venti concitant, quantum illa glomorum qui idem folium compo-
nunt; & præterea ipfe etiam calor in oris | foliorum, dum accedunt
ad invicem, major reperitur quam alibi, adeo ut facilè duos radios
cujufque ex ftellulis, quæ ibi occurrunt, liquefaciat; & frigus,
quod huic calori fuccedit, ftatim ac duo folia fe mutud contingunt,
ftellulas iftas, quatuor tantüm radios reliquos habentes, unam
alteri conglutinat.
13. Cæterüm, præter illas ftellas pellucidas, de quibus haétenus
loquuti fumus, innumeræ aliæ eâdem die, omnino albæ inftar
facchari, deciderunt, quarum quædam eandem | fere figuram quam
pellucidæ habebant, plurimæ autem radios magis tenues et acutos,
fæpe etiam divifos : interdum in tres ramos qui, utroque extremo
forinfecus inflexo & medio manente reéto, lilium repræfentabant,
ut, videntur ad R ; interdum etiam in plures, plumas aut folia filicis
aut fimile quid imitantes. Atque etiam fimul cum his ftellis multæ
aliæ glaciei particulæ in formam capillamentorum, vel etiam planè
informes, decidebant. Quorum omnium ratio ex dictis manifefta eft.
Albedo enim ftellularum inde erat qudd calor non penetraflet ad
ipforum materiæ fundum, ut facilè agnofcebatur ex eo quèd omnes
quæ valdè tenues erant & exiles, fimul etiam effent tranfparentes. Si
ver interdum radii ftellarum, quæ albæ erant, non minüs breves
atque obtufi effent quàäm earum quæ pellucidæ, non ideo calor eos
tantundem liquefecerat, fed venti vehementiüs compreflerant; &
communiter longiores atque acutiores erant, quia defeétu caloris
minüs foluti. Quando autem hi|radii in plures ramos dividebantur,
hoc fiebat ex eo quôd calor exigua capilla[menta, quibus compone-
bantur, deftitueret, cùm jam erant in motu ut ad invicem accederent,
& priufquam in unum corpus coaluiffent. Cümque in tres tantüm
ramos divifi erant, hoc erat ex eo quôd calor paulo tardiüs excefliflet.
Et duo exteriores rami extrorfum replicabantur, quia vicinia medii
Œuvres. IL. 87
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690 OEUVRES DE DESCARTES. 307-309.
rami frigidiores & magis rigidos, quâ parte illi obvertebantur,
reddebat ; atque ita finguli ex illis radiis lilii figuram affumebant.
Reliquæ autem particulæ glaciei, quæ non erant fic formatæ in
ftellas, certum me reddebant non omnes nubes ex parvis glomis aut
pilulis componi, fed multas etiam folis capillamentis confufè junétis
conftare.
14. Caufam autem cur hæ ftellulæ deciderant, vehementia venti
continua totum illum diem perfeverans manifeftam mihi reddebat;
nam judicabam hunc ventum non poffe non lacerare interdum &
difturbare folia quæ componebant, ftatimque illas, ab invicem dif-
junétas, latera in terram inclinare, atque hoc fitu facilè aërem divi-
dentes delabi, quoniam cætera planæ erant & fatis ponderofæ ad
defcendendum. Si verd interdum aëre tranquillo hujufmodi ftellæ
decidant, id accidit vel ob aërem inferiorem qui condenfatus totam
nubem ad fe trahit, vel ob fuperiorem qui dilatatus illam deorfum
agit atque, eâdem operà, illas divellit; & propterea major tum
nivium copia fequi folet :‘hoc autem illà die non contigit. Die verd
fequenti, | occi nivium delapfi funt, qui ex innumeris exiguis ftellis
fimul junétis compofiti videbantur : verumtamen, penitiüs introfpi-
ciens, animadverti interiores non tam perfectè formatas efle quàm
exteriores, & facile ex diffolutà hujus modi nube, qualem fuprà
litterà G nota|vimus, oriri potuifle. Poftea, ceflante hâc nive,
ventus inftar tempeftatis fubitù coortus paululum albæ grandinis
effudit, oblongæ et pertenuis, cujus fingula grana facchari conum
exprimebant ; & quoniam ftatim aëris ferenitas infecuta eft, hanc
grandinem in altiflimà nubium parte generatam judicabam, cujus
nives maximè fubtiles & capillamentis tenuiflimis compofitæ erant,
quales paulo antè defcriptæ funt. Denique, tertià inde die, nivium
parvos globulos aut glaciei pilulas delabentes videns, magno numero
capillamentorum fine ordine pofitorum cinétas, nec quidquam ftellis
fimile habentes, quæcunque priüs de caufis harum nivium fueram
fufpicatus, mihi certa & explorata vifa funt.
15. Nunc autem, ex iis quæ diximus, facilè intelligitur quâ
ratione nubes, folis aquæ guttis conftantes, depluant : nempe vel
pondere proprio, cm guttæ fatis craffæ funt; vel cum aër inferior
receflit, vel fuperior incurfu ad defcenfum invitat; vel etiam quando
plures ex his caufis fimul concurrunt. Atque, inferiori aëre fe contra-
hente, pluvia maximè minuta & veluti rorans generatur ; imo ali-
quando adeo | minuta eft ut fæpiflime delabentem non || pluviam,
fed nebulam potiüs dicamus : magna contrà, feu grandibus guttis,
colligitur quoties nubes folo aëre fuperiori preffa defcendit; fublimes
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enim illius guttarum, primà delapfæ, alias in vià inveniunt quibus
craffefcunt.
16. Imo etiam æftate aliquoties vidi, aëre tranquillo atque æftu
veéhementi & velut fuffocante, hujufmodi pluviam decidiffe, ante-
quam ulla nubes appareret : cujus hæc erat ratio qudd, exiftente
magnâ vaporum copià in aëre, qui proculdubio ventis aliunde fpi-
rantibus premebantur, ut tranquillitas aëris & denfitas ejufdem
teftabantur, guttæ, in quas hi vapores coibant, cadendo augef-
centes, ut formabantur, depluerent.
17. Nebulæ autem, cum terra refrigeratur & aër qui eft in ejus
poris condenfatur, occafionem habent defcendendi; tuncque in rorem
abeunt, fi ex aquæ guttis componantur, & in pruinam, fi ex vapo-
ribus jam gelatis, feu potius qui gelantur, ut terram contingunt.
Atque hoc præfertim noétu aut fub diluculum accidit, quia tunc
quam maximè terra à Sole averfa refrigeratur. Sed ventus etiam
fæpiflime nebulas folvit, materiamque illarum alid transferre folet,
atque inde rorem aut pruinam componere in locis ubi ipfæ non
exftiterunt ; & tunc videmus hanc pruinam plantis non adhærere,
nifi eà parte quam ventus tetigit.
18. | Quod ad afflatum illum dies ferenos confequentem attinet,
qui nunquam nifi vefperi decidit, & folis catarrhis & capitis dolo-
ribus agnofcitur quos in quibufdam regionibus excitat, is conftat
certis exhalationibus fubtilibus & penetrantibus, quæ, cùm minüs
volatiles fint quam vapores, non levantur nifi è regionibus fatis
calidis, fereno | & fudo aëre, &, fimul ac calore Solis deftituuntur,
iterum decidunt; unde fit ut, pro regionum diverfitate, diverfis
qualitatibus fit præditus & multis in locis fit incognitus. Non quidem
nego rorem, qui fub vefperam decidere incipit, fæpe ifti afflatui
comitem efle; fed nego mala de quibus accufatur rori effe adfcri-
benda.
19. Non etiam manna, nec alii hujufmodi fucci qui noctu ex
aëre decidunt, rore vel vaporibus conftant, fed exhalationibus folis.
Atque hi fucci non modà in diverfis regionibus funt diverfi, fed
etiam in quibufdam nonnifi certis corporibus adhærent : quod
proculdubio ex eo fit quôd particulæ quibus conftant funttalis figuræ
ut cum iis aliorum corporum neéti non pofñnt!
20. Cüm ros noétu non decidit, & nebula mane furfum recedens
terram omnino ficcam relinquit, pluviam brevi fequuturam effe cre-
dere licet;, nam hoc vix accidere poteft, nifi cùm terra, noëtu non
fatis refrigerata vel mane fupra modum calefacta, multos vapores
exfpirat qui, nebulam in altum pellentes, efficiunt ut ejus guttæ fibi
692 Œuvres DE DESCARTES. 310-319.
invicem occurrentes jungantur, atque ita tam craffæ evadant ut
paulo pôft in pluviam decidere cogantur.
21. Præfagit etiam | venturam pluviam aër nubibus obduétus,
cüm Sol nihilominus in ortu lucidè fplendet : hinc enim liquet
nullas alias nubes in vicinià noftri aëris verfüs Orientem efle, quæ
obftent ne Solis calor eas, quæ fupra nos hærent, condenfet, vel
novos vapores, quibus augeantur, à terrâ noftrà attollat. Hæc autem
caufa, cûm matutino tantüm tempore locum habeat, fi ante meri-
diem non pluat, quid in vefperam accidet minimè poterit docere.
22, Plura hîc addere de multis aliis pluviæ fignis non libet, |
quum maximam partem incerta fint; &, fi confideremus eundem
calorem, qui requiritur ad condenfandas nubes & pluviam inde
defundendam, illas etiam dilatare & in vapores mutare pofle, qui
vel paulatim in aërem evanefcant, vel ventos ibi generent (prout
nempe nubium partes magis comprimuntur aut difperguntur, aut
calor paulo majorem vel minorem humiditatem adjunétam habet,
aut aër circumfufus magis aut minüs dilatatur vel condenfatur),
facillimè judicabimus omnia illa magis incerta & dubia efle quàm
ut hominum ingenio prænofci queant : « faltem in his regionibus
ubi magna terrarum & marium inæqualitas ventos admodum
inconftantes producit; in locis enim ubi certis anni temporibus
idem femper venti recurrunt, haud dubiè pluviæ impendentes
facilius prænofcuntur ».
| CAPUT VII.
De tempefatibus, fulmine € ignibus aliis in aëre accenjis.
1. Cæterüm nubes non tantüm ventos generant, cùm in vapores
diflolvuntur, fed etiam interdum totæ fimul tam fubito motu ex alto
defcendunt ut, omnem fubjeétum aërem magnâ vi propellentes,
ventum ex eo componantqui validiflimus quidem, fed non diuturnus
effe poteft; ejufque fimilem facilè experiemur fi, velo in fublimi
aëre ita expanfo ut omnes ejus partes à terrà æquidiftent, illud
totum fimul decidere permittamus. Fortes pluviæ plerumque hujuf-
modi ventum autecurforem habent, qui manifeftè ex alto deor/fum
agit, & cujus frigus abundè monfirat illum ex nubibus venire, ubi
aër communiter frigidior eft quàm circa nos.
2. Atque hic ventus efficit ut hirundines, folito humilius vo-
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312-314. METEORA. 693
lantes, pluviæ fecuturæ præbeant argumentum; certas enim muf-
cas, pabulum illarum, deprimit, quæ, abblandiente aëris ferenitate,
in altum evolare folent. Idem etiam eft qui nonnunquam, cùm nubes
adeo parva eft, vel tam parum defcendit, ut ipfe valde debilis vix in
aëre libero fentiatur, caminis illapfus, cineres & feflucas in angulo
foci contorquet, ibique | parvos quafi turbines excitat, fatis mira-
biles iis qui eorum caufas ignorant, & quos plerumque nonnulla
pluvia confequitur.
3. Nube autem defcendente ponderofà admodum & latè diffufâ
(qualis facilius in vafto mari quam alibi colligitur, cùm vaporibus
æqualiter ibi difperfis, fimul ac minima nubes in parte aliquà cogi
cœpit, ftatim etiam fe per omnia vicina loca extendit), neceflarid tem-
peftas furgit tantd gravior quantd nubes major eft & ponderofior,
atque hoc pertinacior quà ex altiori loco defcendit. Atque ita vehe-
mentes illos turbines generari arbitror quos fravadas dicunt, nautis
noftris in longinquis navigationibus maximè formidabiles, præfer-
tim paulo ultra promontorium Bonæ Spei, ubi vapores, magnä copià
ex mari Æthiopico furgentes, quoniam eft latiflimum & Solis radiis
maximè incalefcit, facillimè ventum Occidentalem efficere poflunt
qui, curfum naturalem (ab Oriente fcilicet in Occafum) aliorum,
quos mare [Indicum emittit, fiftens, illos in nubem cogit; quæ nubes,
quoniam oritur ex inæqualitate quæ eft inter hæc duo maria vaftif-
fima & | hanc terram « quæ etiam eft valde lata », multd major eva-
dere debet quam illæ quæ in noftris regionibus generantur, ubi
tantüm pendent à minoribus iftis inæqualitatibus quæ funt inter
noftras planities, lacus & montes. Et quia fere nunquam aliæ nubes,
in iis locis cernuntur, ftatim ac nautæ aliquam coire animadver-
tunt, licèt interdum initio tam parva efle videatur ut illam Batavi
cum bovis oculo compararint atque inde appellarint, & licèt | om-
nis reliquus aër valde ferenus & defæcatus appareat, nihilominus
vela contrahunt & contra magnam tempeftatem fe muniunt, quæ
ftatim etiam infequitur. Ed quoque majorem illam effe folere exif-
timo, qu minor initio hæc nubes apparuit : cùm enim fieri nequeat
fatis craffa ut aërem obfcurando fit confpicua, nifi fimul etiam fiat
fatis lata, ita exigua videri non poteft, nifi ex eo quôüd fit valde re-
mota ; & notum eft, quù ex altiori loco defcendit corpus grave, hoc
impetum ejus efle validiorem. Ita hæc nubes, fublimis & fubit
magna & ponderofa facta, tota delabitur, magnà vehementià omnem
aërem fubjeétum agens & tempeftatem hoc iplo ciens. Notandum
-étiam vapores, huic aëri immixtos, illà agitatione dilatari; multos
quoque alios Oceanum emittere, ob fluétus fuos ita concuflos, qui,
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604 Œuvres DE DESCARTES. 214-216.
vim venti augentes & tardantes defcenfum nubis, diutiùs tempefta-
tem fævire cogunt.
4. Præterea exhalationes his vaporibus immifceri folent, quæ,
cum tam longè ac illi à nube defcendente propelli non poflint, ob
partes minüs folidas et figurarum magis irregularium, aëris agita-
tione ab iis feparantur, eodem | modo quo, ut fuprà diximus, ruf-
ticæ, cremorem lactis tundentes, butyrum à fero fecernunt. Atque
ita hæ exhalationes, hinc & inde in diverfos acervos congregatæ &,
quàm altiflimè poffunt, juxta nubem fluétuantes, tandem malis aut
funibus navium adhærent, cùm nubes, | ad finem fui motûs acce-
dens, illas eoufque depreflit. Et ibi violentä aëris agitatione accenfæ
ignes illos componunt qui S' Helmi dicuntur & nautas fpe fereni-
tatis brevi futuræ folantur. Notandum tamen eft has tempeftates in
fine vehementiflimas efle, & interdum plures nubes unas aliis in-
cumbere pofle, infra quarum fingulas ejufmodi ignes reperiantur :
quod fortè antiquis occafionem dedit, cùm unicum viderent, quem
Helenam appellabant, illum mali ominis exiftimandi, quia nempe
tunc graviflimum tempeftatis impetum adhuc expeétabant; & tum
demum illos ferenitatem prænunciare credendi, cùm duos videbant,
quos Caftorem et Pollucem vocabant; quippe rard plures notarunt,
nifi fortè cùm tempeftas ultra folitum vehemens erat, quo tempore
interdum tres numerabant, quos ideo etiam mali ominis effe arbi-
trati funt. Sed audio, nunc a nautis etiam quatuor aut quinque fimul
folere obfervari, forfan quia navigia majora & plures in ïis malos
habent, aut quia per loca navigant ubi exhalationum copia major
attollitur. Quid enim in latioribus Oceani partibus accidat, folà
conjecturà affequi poffum, cùm nunquam in iis navigaverim, nec
nifi valde dubias & incertas de ipfis relationes habeam.
5. Quod autem ad illas tempeñtates attinet, quæ tonitru, fulgure,
turbinibus & fulmine comitatæ efle folent, quarumque nonnulla
exempla in terrà notare potui, non dulbito quin oriantur ex eo quôd,
cum plures nubes tabularum inftar unæ aliis fuperftratæ funt, inter-
dum contingit | ut fuperiores magno impetu in inferiores dilaban-
tur. Ut fi, duabus nubibus À & B è nive rarà & maximè expanfà
compofitis, aër calidior circa fuperiorem A feratur quäm circa infe-
riorem B; manifeftè liquet calorem hujus aëris illam paulatim con-
denfare et ponderofiorem reddere poile, adeo ut eæ ex ejus partibus
quæ altifimæ funt, primæ defcendentes, alias, quæ ipfs in vi oc-
currunt, deturbent & fecum rapiant, atque ita omnes fimul, magno
fragore & fonitu, in nubem inferiorem ruant. Eodem modo quo in
Alpibus olim circa menfem Maium me vidiffle memini, vi Solis cale-
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faà nive & ponderofiori reddità, minimum aëris motum fubitù
magnas illius moles devolvifle, quæ, in vallibus refonantes, fatis
bene tonitrui fonitum imitabantur.
6. Atque hinc liquet quare hyeme rarius hîc apud nos tonet
quäm æftate : tum enim non tam facilè calor fufficiens nubibus dif-
folvendis ad fuperiores ufque pertingit. Liquet etiam quare, tempore
vehementis æftûs, quando vento feptentrionali, qui diu non dura-
verit, calor humens & veluti fuffocans denuo fuccedit, tonitru poftea
fequi folet. Hoc enim teftatur ventum illum feptentrionalem, ad
terram accedendo, calorem inde in | illam regionem aëris egifle, in
quà nubes fublimiores formantur; ipfumque çtiam ventum poftea
è vicinià terræ fuifle expulfum ad | illam regionem aëris in quà funt
nubes inferiores : nempe à vaporibus tepidis qui, è terrà calente
egredientes, aërem infimum dilatarunt : unde fit ut non modo fupe-
riores nubes condenfari debeant & delabi, fed etiam inferiores adeo
raras atque extenfas remanere, aërifque fubjeéti dilatatione ita fur-
fum protrudi, ut alias in fe cadentes excipiant ibique fiftant, & fæpe
etiam, ne quid omnino ex iis ad terram ufque defcendat, impediant.
7. Notandumque eft illum ftrepitum, qui fupra nos ita excitatur,
meliüs exaudiri debere, ob aëris circumquaque pofiti refonantiam,
majoremque efle, pro copià nivis decidentis, quàäm cüm ingentes
nivium moles è montibus in valles delabuntur. Notandum etiam,
ex hoc folo quèd partes nubium fuperiorum, vel omnes fimul deci-
dant, vel una poft aliam, vel tardius, vel celerius, vel quôd infe-
riores majores aut minores, crafliores aut tenuiores funt, & magis
aut minus obnituntur, facillimè omnes diverfos tonitruum fonos
effici poile.
8. Differentiæ autem quæ funt inter fulgura, turbines & fulmina,
non pendent nifi à diverfà naturà exhalationum quæ in fpatio quod
duas nubes interjacet reperiuntur, & à modo quo harum nubium
fuperior in inferiorem cadit. Si enim magnus æftus & ficcitas præ-
cefferit, atque ita hoc fpatium exhalationes copiofas, maximè fub-
tiles & ad concipiendam flammam aptas, contineat, fuperior nubes
fere tam exigua effe nequit, nec tam lentè defcendere, quin, impulfo
aëre inter fe & inferiorem medio, fulgur aliquod elidat, id eft, flam-
mam levem | eodem momento evanefcentem*. Atque ita tum hu-
jufmodi fulgura cernere poflumus, nullo omnino tonitrus murmure
exaudito, interdum | etiam nubibus non ita denfis ut confpici pof-
fint. Contrà verd, fi nullæ in aëre exhalationes inflammationi idoneæ
a. enascentem Æ/7.
696 OEuvres DE DESCARTES. 318-320.
adfint, boatum quemdam tonitrus audire poffumus, nullà corufca-
tione apparente. Et cùm fuperior nubes nonnifi per partes fe mutuû
confequentes delabitur, vix quidquam aliud quàm fulgura & toni-
trua producit; fed, cùm tota fimul fatis velociter decidit, poteit
etiam turbines & fulmina generare. Ejus enim extremitates, ut C
& D, paulo celeriùs quàam ejufdem medium defcendunt, quia, cum
aër illis fubjeétus minus itineris conficiendum habeat, ut inde egre-
diatur, quàm ille qui medio fubjicitur, facilius iis locum cedit; &
his ita nubem inferiorem citiùs contingentibus, multum aëris verfüs
medium includunt, ut hic videtur in E; ftatimque poftea hic aër,
magnâ vi preffus & expulfus ab eodem nubis fuperioris medio, quod
pergit defcendere, viam neceffarid fibi facit, vel perrumpendo nubem
inferiorem, ut videmus ad F, vel aliquam ex ejus extremitatibus
-divellendo, ut ad G. Atque ita apertâ hâc nube, | magno impetu in
terram ruit; unde ftatim rurfus afcendit, fe celerrimè circumagendo,
quoniam alius aër aut alia corpora ipfi occurrentia impediunt ne
fecundüm | lineam reétam moveri pergat æquè velociter ac agitatio
ejus requirit. Quo fit ut turbinem componat : & quidem hic turbo
fine fulmine & fulgure effe poteft, fi nullæ fint prorfus in ifto aëre
exhalationes ad concipiendam flammam idoneæ.
9. Sed contrà, fi fatis multæ fint, omnes, in unum cumulum
coëuntes & magno impetu fimul cum ipfo in terram ruentes, incen-
duntur & fulmen componunt. Poteftque hoc fulmen interdum,
hominum corpora non lædendo, ipforum veftimenta comburere,
pilofque ad cutem depafcere : cùm nempe exhalationes quibus con-
flat, quæque fulphur folent redolere, non aliam quàm oleorum na-
turam participant, adeo ut levem tantüm flammam nutriant, quæ
nonnifi corporibus combuftioni magis idoneis adhæret. Ut, econ-
tra, interdum offa carnibus integris confringere, vel vaginà illæfà
gladium liquefacere poteft, fi hæ exhalationes, maximè fubtiles &
penetrantes, folam falis volatilis aut aquæ fortis naturam habeant :
tum enim, fine injurià cedentia corpora perlapfum, quidquid refiftit
comminuit ac diffringit; ut & aqua fortis, duriflima metallorum
corpora refolvens, vix quicquam agit in ceram.
10. Poftremà, fulmen interdum in lapidem duriflimum, omnia
obvia rumpentem & disjicientem, converti poteit, fi penetrantibus
his exhalationibus multæ aliæ pingues & fulphureæ immifceantur :
præfertim fi crafliores etiam adfint, fimiles ei terræ quæ in fundis
vaforum, in quibus collecta eft aqua pluvia, | fubfidit. Quemad-
modum experientià difcimus, fi hujus terræ, nitri & fulphuris certas
partes fimul mixteamus, mixturamque iflam incendamus, illam
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nt
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PP ONU. VI
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Dean METEORA. 697
| momento temporis in lapidem quendam concrefcere. Jam ver, fi
nubes à latere dehifcat, ut in G, fulmen, obliquo itinere libratum,
faciliüs turrium faftigia vel montium vertices tangit, quàm loca hu-
milia, ut videmus ad H. Nec deeft etiam ratio propter quam, cum
nubes infra perrumpitur, fæpius loca edita & eminentia quàm hu-
miliora fulmine feriantur. Si enim, exempli gratiâ, nubes B non
magis hîc, quàm alibi, aliunde difpofita fit ad dehifcendum, certum
eft illam apertum iri in F, ob refiftentiam fubjectæ turris.
10 bis. Nec magis deeft ratio, quare fingulas vices, quibus tonitru
auditur, nonnihil pluviæ fubità decidentis confequi foleat ; & quare,
cüm hæc pluvia fatis copiofe effunditur, poftea non multüm tonet.
Nam, fi illa vis, quà fuperior nubes, in inferiorem decidendo, illam
concutit, fatis valida fit ad eandem omnino dejiciendam, manifeftum
eft fulmina ceflare debere; & quamvis fæpe fit minor, nihilominus
tamen ex eâ fere femper aliquos nivis floccos excutit, qui decidentes,
aëris inferioris calore, in pluviam folvuntur.
11. Denique, non fine ratione vulgo creditur vehementes | foni-
tus, quales campanarum aut bombardarum, fulminis vim infrin-
gere ; nam, concutiendo nivem, ex quà nubes inferior conftat, illam
ad defcenfum invitat & difcutit. Ut ii fatis fciunt qui in vallibus,
ubi moles nivium è montibus cadentium timentur, iter facere funt
affueti; nam ibi ne quidem | loqui aut tuflire audent, ne fonus vocis
nives commoveat.
12. Sed, ut fuprà notavimus aliquando fine tonitru fulgurare
pofle, ita in regionibus aëris, ubi multæ exhalationes detinentur &
pauci vapores, nubes ita leves & parum denfæ formari queunt, ut,
alià in aliam ex loco fatis edito ruente, nullus fulminis fonus au-
diatur, neque tempeftas in aëre excitetur, licèt plurimas exhala-
tiones convolutas jungant, unde non tantüum illæ minores flammæ
oriuntur, quæ ftellæ cœlo cadentes vel trajicientes dici folent, fed
interdum etiam globi ignei fatis craîli, qui, ad terram ufque dela-
bentes, pro quädam fpecie fulminis alio minüs vehementis fumi
poffunt.
13. Et præterea, quoniam valde varia eft & multiplex exhalatio-
num natura, mihi facilè perfuadeo fieri pofle interdum, ut à nubibus
compreffæ materiam quamdam componant, quæ colore & fpecie
externà lac, carnem aut fanguinem, aliquo modo referat; vel quæ
fubito accenfa & combufta fiat talis ut pro ferro & lapidibus fumi
pofit; vel quæ, denique, corrupta & putrefcens, in exigua quædam
animalia brevi tempore convertatur. Ut inter prodigia fæpe legi-
mus, ferro, fanguine, locultis aut fimilibus pluifle.
Œuvres. I. 88
608 Œuvres DE DESCARTES. 321-324,
14. Præterea quoque, aëre nullis nubibus obduéto, exhalationes
folo ventorum flatu cogi atque incendi poffunt : | præfertim fi duo
aut plures venti contrarii fimul concurrant. Et denique, etiamfi nulli
venti nec nubes adfint, fi tantüm exhalatio | fubtilis & penetrans,
quæ nempe falis naturam participet, alterius pinguis & fulphureæ
poros ingrediatur, hoc ipfum fufficere poteft ad tenues quafdam
flammas, tam in fublimi quàm in infimo aëre, excitandas : nempe
quales funt in fublimi ftellæ trajicientes &, hic apud nos, tum ignes
illi per aërem volitantes, qui fatui dicuntur, tum ali, lambentes
diéti, qui puerorum capillis, equorum jubis, haftarum ferro pin-
guedine aliquà inunéto, vel aliis ejufmodi corporibus adhærent.
Certum quippe eft, non tantüm violentam agitationem, fed fæpif-
fime etiam folam diverforum corporum mixturam, igni producendo
fufficere : ut videmus in calce aquâ confperfà, aut in fœno, fi priuf-
quam ficcum fit recondatur, & in multis aliis exemplis quotidie
Chymicis occurrentibus.
15. Sed omnes ifti ignes, fi cum fulmine comparentur, valde pa-
rum roboris habent; non enim nifi ex molliffimis & maximè gluti-
nofis oleorum partibus componuntur. Et, quamvis maximè pene-
trantes & vividæ falium partes ad eorum productionem quoque
concurrant, tamen hæ aliis permixtæ non manent, fed celerrimè in
liberum aërem diffiliunt, fimul ac illas inflammarunt. At, econtra,
fulmen præcipuë ex his maximè penetrantibus & vividis conftat,
quæ, violenter preffæ & nubibus illifæ, reliquas fecum in terras
abripiunt. Atque ii qui norunt quantà vi & celeritate polleat ille
ignis, qui fitex nitro & fulphure permixtis, quamque econtra de-
bilis fit illa flamma, quam pars oleagina fulphuris, à fale aut fpiri-
tibus feparata, poteft producere, facilè illa quæ hîc diéta funt fibi
perfuaderi permittent. |]
16. Ignes autem fatui & lambentes diutius durant aut citius
evanefcunt, prout flamma eorum magis aut minus tenax eft, & ma-
teria eorum magis aut minus denfa & compacta. Sed illi qui altius
in aëre, ftellarum inftar, apparent, nonnifi per breviflimam moram
durare poffunt: nifi enim materià valde rarà & tenui conftarent,
proprio pondere in terram deducerentur. Et ideo Philofophi optimè
illos compararunt ei flammæ, quæ fecundüm fumum lucernæ re-
cens extinctæ decurrit, cùm hæc lucerna ad flammam alterius ab eà
nonnihil remotæ rurfus accenditur. Sed magnopere miror eofdem
poftea credidiffe cometas, itemque columnas aut trabes igneas, quæ
aliquando in cœlo apparent, nihil aliud effe quàm exhalationes
accenfas : nam talium phænomenwn duratio, quæ fatis longa efle
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323-324. METEORA. 699
folet, cum breviflimà illà morà, quæ confumendis exhalationibus in
aëre pendentibus fufficit, conferri planè non pote.
17. Et quoniam generationem & naturam illorum in alio traétatu
curiofe explicare annifus fum, neque illa magis ad Meteora perti-
nere arbitror quam terræ motus & mineralia, quæ plurimi fcrip-
tores eù congerunt, iis omiflis, non amplius hîc loquar nifi de
luminibus quibufdam, quæ noctu, fereno aëre & tranquillo, appa-
rentia, populis otiofis occafionem dant acies fpeétrorum in aëre
depræliantium fingendi, & viétoriam® aut cladem partis cui favent
ex eo præfagiendi, prout timor aut fpes in animis eorum præpollet.
Et quidem, quia nulla unquam ejufmodi fpeétacula ipfemet vidi,
neque me fugit quantum | fuperftitio & ignorantia relationes, quæ
de ïis fiunt, corrumpere foleat & augere, hîc fatis habebo leviter
attingere caufas omnes ex quibus aliquid tale produci poffe mihi
videtur. Prima | eft, cûm variæ nubes in cœlo exiftunt, tam exiguæ
ut totidem milites videri poflint, &, unæ in alias decidentes, fatis
multas exhalationes involvunt ad parva quædam fulgura excitanda,
interdumque ignis globulos ejaculandos, & nonnullos fonitus emit-
tendos : quo ipfo hi milites confligere videntur. Secunda eft, cum,
hujufmodi nubibus in cœlo exiftentibus, non quidem unæ in alias
decidunt, fed diverfimode micant & lumen illud reflectunt, quod
corufcationes & ignes alicujus magnæ tempeftatis, tam longe inde
fævientis ut ibi ex terrâ non percipiatur, ad illas ufque tranfmittunt.
Tertia denique, cùm hæ nubes, aut aliæ quædam magis ad Septen-
trionem accedentes à quibus lumen accipiunt, funt in regione aëris
tam excelfà ut radii Solis jam infra horizontem delitefcentis ad illas
poflint pervenire : fi enim attendamus ad refractiones & reflexiones,
quas duæ aut tres ejufmodi nubes, variis in locis fitæ & lumen
unæ ab aliis accipientes, eflicere poflunt, facilè intelligemus non
opus effe ut fupra modum excelfæ fint, ad infolitas quafdam luces
noétu exhibendas ; atque etiam interdum ad efficiendum ut ipfe Sol
fupra noftrum horizontem appareat, eo tempore quo illum infra elle
certum eft. Sed ifta minus ad hanc priorem hujus Tractatüs par-
tem videntur pertinere, quàm ad fequentem, in quà de iis omnibus,
quæ in fublimi aëre aliter quàm fint apparent, loqui deinceps infti-
tui, poftquam haétenus omnia, quæ ibidem videntur ut funt, expli-
care conatus fum.
700 OEuvres DE DESCARTES. 325-327.
| CAPUT VIII.
De Iride.
A
1. Tam mira eft Iridis natura, & tam curiofe à multis egregiis
viris fuit inveftigata, tamque parum cognita, ut nullam aptiorem
materiam eligere poflim ad oftendendum, ope Methodi quà utor,
poffe perveniri ad nonnullarum rerum fcientiam, quam ii quorum
fcripta ad nos pervenere non habuerunt. Primd, poflquam notavi
hanc Iridem non tantüm in cœlo apparere, fed etiam in aëre nobis
vicino, quoties multæ in eo aquæ guttæ à Sole illuftratæ exfiftunt,
ut in fontibus quibufdam per fiftulas aquam ejaculantibus experi-
mur; facile mihi fuit judicare, a folo modo quo radii luminis in
guttas agunt atque inde ad oculos noftros tendunt, eam procedere.
Deinde, cùm fcirem has guttas rotundas efle, ut fuprà oftenfum eft,
&, five parvæ five magnæ fint, Iridem femper eodem planè modo in
illis repræfentari, ftatui aliquam valde magnam confiderare, ut
tanto faciliüs in eà, quid in fingulis contingeret, agnofcerem.
2. Cümque in hunc finem pilam vitream, fatis accuratè rotundam
& valde pellucidam, aquà impleviffem, deprehendi, Sole, exempli
gratià, lucente ex parte cœli A FZ, & oculo pofito in punéto E, fi
locarem | hanc pilam in regione BCD, partem illius D totam ru-
bram & multà illuftriorem quàm reliquum videri. Et five propius
illam adducerem, five ulterius removerem, five ad dextram five ad
finiftram verterem, vel etiam circa verticem meum rotarem, dum-
modo linea DE cum alterà EM, quæ ima/ginatione ab oculi centro
ad centrum Solis eft proferenda, angulum duorum & quadraginta
circiter graduum conftitueret, pars illa D femper æqualiter rubebat.
Sed, fimul ac hunc angulum paulo magis dilatabam, rubor evanef-
cebat; &, fi contraherem, non | ita fimul omnis evanefcebat, fed
antea velut in duas partes minüs fcintillantes dividebatur, in quibus
flavus, cæruleus & alii colores apparebant. Deinde, regionem etiam
K hujus pilæ refpiciens, facto angulo KEM duorum & quinqua-
ginta cirfciter graduum, hanc partem K etiam rubram apparere,
fed non tam lucidam ut D. Et pauld tantüm ampliore eodem angulo
facto, alios ibidem colores magis dilutos exiftere ; fed eodem aliquan-
tulum contraéto, vel fatis multüm ampliore facto, illos omnino di-
fparere. Unde manifeftè didici, toto aëre ad M hujufmodi pilis aut,
ss !
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327-320. METEORA, 7OI
earum loco, guttis referto, punétum aliquod admodum rubrum in
fingulis earum relucere debere, à quibus lineæ eduttæ ad oculum E
cum line EM angulum duorum & quadraginta circiter graduum
conftituunt, quales illas fuppono quæ litterà R fignatæ funt; atque
hæc punéta fimul confiderata, loco in quo confiftunt non obfervato
nifi per angulum fub quo videntur, inftar circuli continui rubro
colore perfufi apparere; & fimiliter punéta quædam efle debere in
iis guttis, quæ funt in S & T, è quibus lineæ duétæ ad E angulos
paulo acutiores cum EM conftituunt, à quibus circuli colorum di-
lutiorum componuntur; atque in hoc primarium & principem cœ-
leftem arcum confiftere. Deinde, eodem modo, fupponendo angu-
lum MEX duorum & quinquaginta graduum efle, in guttis X
rubrum circulum debere apparere, & alios circulos, minüs faturo
colore imbutos, in guttis Y; atque in hoc fecundariam | Iridem
confiftere. Et denique, in omnibus aliis guttis notatis litterâ V,
nullos ejufmodi colores efle debere.
3. Poftea, cum accuratiüs examinarem in pilà BCD unde rubeus
color in ejus parte D confpicuus oriretur, notavi illum pendere à
radiis Solis qui, venientes ex À ad B, aquam ingrediendo, frange-
bantur in punéto B & ibant ad C, unde, reflexi ad D &ibi, aquam
egrediendo, iterum fraéti, tendebant ad E. Nam, fimul ac corpus
aliquod opacum & | obfcurum alicui linearum AB, BC, CD vel
DE opponebam, rubicundus color evanefcebat; &, licèt totam
pilam, | exceptis duobus punétis B & D, obnuberem & corpora
obfcura ubivis circumponerem, dummodo nihil aétionem radiorum
ABCD impediret, lucidè tamen ille refulgebat. Poftea, eodem modo
inveftigatà caufà rubri illius coloris qui apparebat in K, inveni
illum efle à radiis Solis qui, venientes ab F ad G, ibi refrange-
bantur verfus H, & in H reflexi ad I, rurfufque ab I reflexi ad K,
tandemque | iterum fraéti in punéto K, tendebant ad E. Atque
ita primaria Iris fit à radiis poft duas refraétiones & unam reflexio-
nem ad oculum venientibus; fecundaria verd à radiis qui nonnifi
poñt duas refraétiones & duas reflexiones eddem pertingunt; ideo-
que hæc femper alterà minüs eft confpicua.
4. Sed fupererat adhuc præcipua difficultas, in eo quôd, etiamfi,
pofito alio ejus pilæ fitu, radii etiam poft duas refractiones & unam
aut duas reflexiones ad oculum poflint pervenire, nulli tamen, nifi
in eo fitu de quo jam locuti fumus, ejufmodi colores exhibeant.
Atque ut hanc amolirer, inquifivi annon aliqua alia res inveniri
poffet, cujus ope colores eodem modo apparerent, ut, factà ejus
comparatione cum aquæ guttis, tanto facilius de eorum caufà judi-
702 OŒEuvrEs DE DESCARTES. 329-331.
carem. Et commodüm recordatus, per prifma vel triangulum ex
cryftallo fimiles videri, unum confideravi, quale eft MNP, cujus
duæ fuperficies MN & NP funt omnino planæ, & una ad alteram
ita inclinata ut angulum 30 vel 40 circiter graduum contineant,
atque ideo, fi radii Solis A BC penetrent MN ad angulos rectos | aut
fere rectos, ita ut nullam notabilem refraétionem vitrum ingre-
diendo patiantur, fatis magnam, exeundo per N, debeant pati. Et
teétà alterutrà ex his fuperficiebus opaco aliquo cor|pore, in quo fit
anguftum foramen, quale eft DE, obfervavi radios, per illud fora-
men tranfeuntes atque inde effufos in linteum aut chartam albam
FGH, omnes colores Iridis ibi depingere, & quidem femper ru-
brum in F & cæruleum feu violaceum in H.
5, Unde primuüm didici, curvaturam fuperficiei guttarum gene-
rationi colorum minimè neceflariam efle ; hæc enim cryftallus fuper-
ficiem nullam habet quæ non fit plana; neque anguli magnitudinem
fub quo apparent : hic enim, permanentibus illis, mutari potef,
&, licèt fieri poflit ut radii tendentes ad F jam magis, jam minus
incurventur quàäm euntes ad H, femper tamen qui ad F rubrum
depingent, & cæruleum qui ad H; neque etiam reflexionem : hîc
etenim nulla omnino eft ; nec denique fæpius iteratas refractiones,
cüm hîc tantummodo unica fiat. Sed judicabam unicam ad minimum
requiri, & quidem talem ut ejus effeétus aliâ contrarià non deftruatur.
Nam experientia docet, fi fuperficies MN & NP parallelæ forent,
radios, tantundem per alteram ereëtos quantum per unam frange-
rentur, | nullos colores depicturos. Neque dubitabam quin & lumen
neceffarium fit ad horum colorum productionem; fine illo enim nil
cernimus. Et præterea obfervavi umbram quoque aut limitationem
luminis requiri : dempto enim corpore opaco quod in NP, colores
FGH ftatim evanefcunt : atque, fi fatis laxam aperturam DE facia-
mus, rubrum, croceum & flavum, quæ ad F, non latius propterea
expanduntur, ut nec viride, cæruleum & violaceum, quæ ad H ; fed
totum fpatium intermedium, litterà G notatum, album remanet.
6. Quibus animadverfis, intelligere conatus fum quare hi] colores
alii fint in H quam in F, cùm tamen refractio, umbra & lumen,
eodem modo in utroque concurrant. Et, confideratà luminis naturà
quemadmodum illam in Dioptricà defcripfi, nempetanquam aétionem
vel motum materiæ cujufdam valde fubtilis, cujus partes tanquam
exiguæ fphærulæ per poros corporum terreftrium devolutæ confpi-
ciendæ funt, agnovi has fphærulas, pro diverfitate caufarum quæ
harum motus determinant, diverfimode moveri; & fpeciatim omnes
refractiones, quæ in eandem partem fiunt, illas ita difponere ut in
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331-335. METEORA. 703
eandem etiam partem rotentur ; fed, cum nullas vicinas ipfis multo
celeriüs aut tardiüs decurrentes habent, motum illarum circularem
propemodum motui rectilineo æqualem effe. Cüm verd in unà parte
vicinas habent quæ ipfs tardiüs decurrunt, & in adverfà alias quæ
celeriüs, vel faltem æquè celeriter, ut in confinio luminis & umbræ
contingit, fi occurrant eis quæ | tardiùs moventur, eà parte fecundüum
quam rotantur, ut accidit iis quæ componunt radium EH, hoc
efficere ut earum motus circularis motu reétilineo tardior fit; &
planè contrarium fieri, fi eifdem occurrant parte adverfà, ut accidit
iis quæ componunt radium DF. Quæ ut meliüs intelligantur, fup-
ponamus pilam 1234 fic impulfam efle ab V ad X, ut recto tantum
motu incedat, | & duo illius latera 1 & 3 æquali celeritate delabantur
ufque ad fuperficiem aquæ YY, ubi motus lateris 3, quod prius
quèm aliud iftam fuperficiem contingit, retardatur, non mutato illo
lateris 1; unde fit ut tota pila neceffarid rotari incipiat fecundum
ordinem numerorum 123. Et præterea imaginemur illam quatuor
aliis pilis Q, R, S, T circumdatam : quarum duæ Q & R majori
vehementiâ quäm illa tendunt verfüus X, & duæ aliæ S & T minori.
Unde liquet pilam Q, urgentem motum lateris 1, & pilams,
remorantem motum | lateris 3, rotationem illius augere; neque
pilas R & T quidquam obftare, quoniam R ita impulfa fupponitur
ut celeriüs feratur ad X quàm illa fequitur, & T, ut minüs celeriter
fequatur quàm illa præcedit. Atque hoc explicat actionem radii DF.
Contrà verd, fi pilæ Q & R tardius quam pila 1234 ferantur ad X,
S autem & T velociüs, R impedit rotationem partis 1, & T illam
partis 3, nihil agentibus duabus reliquis Q & S. Quo actio radii
HE innotefcit. Sed notandum, cm hæc pila 1234 accuratiflimè
rotunda effe fupponatur, facillimè accidere* pofle ut, quando fatis
fortiter premitur à duabus R & T, rotationem fuam ideo non fiftat,
fed fe vertat in orbem circa axem 24, & ita, minimo momento
mutato fitu, deinceps in contrariam partem rotetur. Duæ enim R &
T, quæ | primæ occafionem fe vertendi illi dedère, ut poftea perfe-
veret efficiunt, donec hoc motu dimidium circulum impleverit,
illæque non amplis tardare ejus rotationem, fed contrà augere
poflint. Cujus rei confideratio difficultatem mihi expedivit, quam
totius hujus materiæ præcipuam efle exiftimo.
7. Et, meû quidem fententià, manifeftè ex his omnibus liquet,
naturam colorum qui pinguntur in F, tantüm in eo confiftere quôd
particulæ materiæ fubtilis, aétionem luminis tranfmittentes, majori
a. accedere E/7.
704 OEuvres DE DESCARTES. 333-335.
impetu & vi rotari nitantur, quàm fecundüum lineam reétam moveri :
ita ut qui multo validiüs rotari nituntur, rubicundum colorem
efficiant, & qui nonnifi pauld validiüs, flavum. Ut | contrà natura
eorum qui videntur ad H, tantüm in eo confiftit quod hæ particulæ
non tam velociter rotentur quàm aliàs folent, cûm nulla talis caufa
earum motui refiftit : ita ut viride appareat ubi non multô tardiüs
folito rotantur, & cæruleum, ubi multà tardius. Et fæpe in extremita-
tibus hujus cærulei, rutilus quidam color ei mifcetur, qui, fulgorem
fuum ipfi communicans, in violaceum five purpureum illum mutat:
quod proculdubio ex eo eft quèd eadem caufa, quæ rotationem par-
ticularum materiæ fubtilis tardare confuevit, cùm tunc fatis valida
fit ad quafdam invertendas & ealrum fitum immutandum, earundem
rotationem accelerare debeat, dum interim illam aliarum tardat.
8. Et in his omnibus tam unanimes ratio & experientia confpi-
rant, utnon putem ullum, ex iis qui ad utramque fatis attendent,
credere poffe naturam colorum aliam effe quàm explicui. Si enim
verum eft fenfum luminis à motu effe, aut ab inclinatione ad motum,
cujufdam materiæ oculos noftros tangentis, ut multa paflim teftantur
& manifeftum reddunt, certum quoque diverfos ejus materiæ motus,
alios atque alios fenfus in nobis effeéturos. Et quemadmodum
diverfitas alia in his motibus efle nequit, quàm ïilla jam nobis
explicata, ita neque experientia nullam aliam, in eo quem habemus
horum motuum fenfu, præter illum colorum effe teftatur. Et nihil
inveniri poteft in cryftallo MNP, quod colores producere queat,
præter modum quo | particulas materiæ fubtilis ad linteum atque
inde ad oculos mittit. Unde fatis liquere arbitror nihil etiam præter
hoc in coloribus aliorum corporum quærendum effe : nam ipfa
experientia quotidiana docet, lumen feu album, & umbram feu
nigrum, cum coloribus Iridis hîc explicatis, compofitioni omnium
aliorum fufficere. Neque illam diftinétionem Philofophorum pro-
bare poffum, quà dicunt alios colores veros efle & alios falfos, feu
tantummodo apparentes. Cum enim genuina & fola colorum natura
fit apparere, contradictio efle videtur, illos apparentes & tamen
falfos effe dicere.
9. Concedo quidem umbram & refraétionem non perpetud iis
generandis neceffarias efle, fed magnitudinem, figuram, fitum cor-
poris colorati vulgo diéti, illorum loco diverfimode cum lumine con-
currere pofle, ad augendam | aut imminuendam rotationem partium
materiæ fubtilis. Ita ut initio quoque dubitäârim an omnino eadem
ratione quà in cryftallo MN P, colores etiam in Iride generentur :
nullam quippe umbram lumen terminantem ibi notàäram, nequedum
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noram quare tantüm fub certis quibufdam angulis apparerent, donec
tandem, fumpto calamo & | curiofe fingulis radiis, qui in diverfa
punéta unius guttæ cadunt, ad calculum revocatis, ut difcerem fub
qualibus angulis, poft duas refraétiones & unam aut duas re-
flexiones, ad oculos noftros venire poflint; inveni, poft unam re-
flexionem & duas refractiones, multd plures videri pofle, fub angulo
graduum ab uno & quadraginta ad duo & quadraginta, quam fub
ullo minore, & nullum omnino fub majori apparere. Deinde etiam
inveni, poit duas reflexiones & refractiones totidem, multà plures
ad oculum manare, fub angulo graduum unius & quinquaginta vel
duorum & quinquaginta, quàm fub ullo majori, neque ullum fub
minori confpici. [ta ut ab utrâque parte umbra lumen terminans
adfit, quod lumen, infinitas pluviæ guttas Sole illuminatas per-
means, demum ad oculum fub angulo duorum fere & quadraginta
graduum venit, atque ita primariam Iridem generat. Itemque efl
umbra quæ terminat lumen fub angulo unius & quinquaginta gra-
duum aut paul ampliüs, atque hoc paéto exteriorem arcum pro-
ducit. Nullos enim luminis radios, aut multù pauciores, ab uno
objeéto quam ab altero vicino in oculos fuos recipere, hoc eft um-
bram videre. Atque hinc fatis perfpicuè patet colores horum arcuum
ab iifdem caufis efle, à quibus illi qui per cryftallum MN P appa-
rent; & femidiametrum arcüs interioris duobus & quadraginta
gradibus majorem* efle non debefre; nec illam exterioris uno &
quinquaginta minorem; & denique, priorem accuratiüs in exteriori
fuperficie terminatum efle debere, quàm in interiori, & alterum
planè contra. Quod | accuratè cum experientià confentit.
10. Verüm, ut Mathematici videant an calculus, quo angulos qui
hîc à radiis luminis fiunt examinavi, fatis fit accuratus, illum hîc
placet explicare.
Sit AFD aquæ gutta, cujus femidiametrum CD aut AB in tot
æquales partes divido quot radios calculo examinare volo, ut tan-
tunder luminis uni quàm alteri attribuatur. Deinde unum horum
radiorum fpeciatim confidero, ut ex. gr. EF, qui non rectà tendit
ad G, fed, in F refractus, decedit ad K & inde refle&titur ad N, ubi
iterum refractus tendit ad oculum P; vel etiam, adhuc femel ab N
ad Q reflexus, refringitur in Q verfüs oculum R. Et duëtà | CI ad
angulos rectos in FK, ex iis quæ in Dioptrice dicta fuêre, cognofco
AE aut HF, & CI, illam inter fe proportionem habere, per quam
aquæ refraétio dimetienda efl. Adeo ut, fi HF conftet oéto millibus
a. minorem Æ1%.
Œuvres. I. 89
706 OEuvres DE DESCARTES. 337-330.
partium, qualium AB éonftat decem millibus, CI conftabit 5984
aut circiter: quoniam refractio aquæ pauld major eft quàm trium
ad quatuor, & quàm accuratiflimè illam dimetiendo, invenio efle ut
187 ad 250. Cognitis ita duabus lineis HF & CI, facillimè | duos
arcus cognofco, FG qui eft 73 graduum & 44 minutorum, & FK
qui eft 106.30. Deinde, fubducendo duplum arcûs FK ex aggregato
arcûs FG & arcûs 180 graduum, hoc eft dimidii circuli, fit 40.44
pro quantitate anguli ON P : fuppono enim ON & EF efle paral-
lelas. Præterea tollendo hos 40.44 ex FK, fit 65.46 pro angulo
SQR : fuppono enim SQ & EF effe etiam parallelas. Atque ita
omnes alios radios, parallelos ipfi EF & per omnia punéta quibus
divifa eft femidiameter C D vel AB tranfeuntes, examinando, tabu-
lam fequentem compono :
LINEA LINEA ARCUS ARCUS ANGULUS ANGULUS
HF CI FG FK ONP SQR
748 168. 171.25 É 165.45
1496 156. 162.48 : 151.20
2244. 145. 154. 4 > 136. 8
2992 ae 145.10 c T22E04
3740 120. 136. 4 : 108.12
4488 106. 126.40 ë 03.44
5236 OS 116.51 : 79.25
5984 73T 106.30 - 65.46
6732 SAR 95.22 : 54.25
7480 0. 83.10 3e 69.30
Et facillimè in hâc tabulà videmus, radios longè plures efle, qui
angulum ON P 40 circiter graduum faciunt, quàam qui minorem;
vel SQR | 54 circiter, quàäm qui majorem. Deinde, ut adhuc ac-
curatiüs horum angulorum quantitatem inveniam, facio tabulam
fequentem :
305
4
4
|
|
|
Ë
306
Lt nue. #1 2 nt + à dat dé | à
339-340. METEOoRA. 707
ARCUS ARCUS ANGULUS ANGULUS
FG FK ONP SQR
+ un ;
OO & © R
O0
D mm D D Us
©
©
8
7
6
;
2
.2
So:
dE)
2
.3
© bb
œ © DR
D OL © Oh
un | D ur
O R © Un © Oo
. . .
S mn
|| Et hîc videmus maximum angulum ON P 41 graduum & 30
minutorum efle pofle, & minimum SQR 51.54; cui addentes aut
fubducentes 17 circiter minuta pro femidiametro Solis, inveniemus
41.47 pro maximà femidiametro Iridis interioris, & 51.37 pro mi-
nimâ exterioris.
11. Verum quidem eft aquæ calidæ refraétionem refraétione fri-
gidæ pauld minorem efle; quod aliquantum hunc calculum mutare
poteit. Hoc tamen femidiametrum Iridis interioris non ultra unum
aut duos gradus ad fummum augere poteft; & tum illa exterioris
fere bis tanto minor erit. Quod notatu dignum eft, quoniam inde
demonftrari poteft refraétionem aquæ non multo minorem, neque
majorem efle, quàm illam hic ftatuimus. Nam, fi tantillo major
foret, radium Iridis interioris minorem 41 gradibus faceret, cüm
contrà, communi errore, 45 illi dentur; &, fi illam fatis exiguam
708 OŒEuvRESs DE DESCARTES. 340 842,
fupponamus ut reverà 45 graduum fit, inveniemus illum etiam ex-
terioris non mult majorem 45 gradibus, cùm tamen, vel ad ocu-
lum, interiore multo major videatur. Et Maurolycus, qui (ut puto)
primus omnium interiorem 45 graduum fe obfervaffe fcripfit, alteri
56 circiter attribuit, Unde liquet quàm parum fidei iis obfervationi-
bus fit adhibendum, quæ ab ignaris verarum caufarum fieri folent.
12. Cæterüm facile intellexi quare rubeus color exterior fit in
Iride interiore, & contra interior in exteriore. Nam eadem caufa,
ob | quam potiüs in F quàäm in H confpicitur per cryftallum*
MN P, eflicit ut fi, oculum in lintei locum FGH transferentes,
cryftallum refpiciamus, rubrum ibi verfüs partem crafliorem MP
videamus, & cæruleum verfüs N : radius enim rubro coloretin@us,
qui tendit ver/fus F, venit a parte Solis C, quæ verfüs M P craflio-
rem partem cryftalli eft fita. Atque ob hanc eandem rationem, quia
centrum guttarum aquæ, & per confequens illarum pars craflor,
exterior eft refpeétu punétorum coloratorum quæ formant arcum
interiorem, ideo rubrum in exteriori ejus limbo debet apparere; &
eodem modo, quia interior eft refpectu eorum quæ formant exte-
riorem, ideo in eo rubrum interius apparet.
13. Atque ita nullam difficultatem in hàc materià fupereffe arbi-
tror, nifi fortè circa 1lla quæ præter ordinem affuetum naturæ in eà
contingunt. Ut cum arcus non accuratè rotundus eft, aut centrum
illius in reétà lineâ, Solem & oculum tranfeunte, non jacet: quod
accidere poteit, vento guttarum figuram immutante; nunquam
enim tam parum à fphæricà fuà figurà difcedere poflunt, quin fta-
tim illud notabilem differentiam in angulo, fub quo colores videri
debent, efficiat. Audivi etiam aliquando arcum cϾleftem inverfum,
cornibus in altum erectis, apparuiffe, qualem hic repræfentatum
videmus FF. Quod vix crediderim accidiffe, nifi | per reflexionem
radiorum folarium incurrentium in fuperficiem maris aut lacûs
alicujus. Ut fi, à parte cœli SS effufi, caderent in aquam DAE &
inde ad pluviam CF refilirent, oculus B videret arcum FF, cujus
|centrum in punéto C, ita ut, prolatà lineà CB ufque ad A, &
AS tranfeunte per centrum Solis, anguli SAD et BAE æquales
fint, & angulus CBF duorum & quadraginta circiter graduum.
Ad hoc tamen etiam requiritur fumma aëris tranquillitas, ne vel
minimus ventorum flatus aquæ E fuperficiem inæqualem reddat;
& fortè infuper, ut nubes quædam ifti aquæ fuperincumbat, qualis
G, quæ impediat ne lumen Solis, reëtà ad pluviam tendens, illud,
a. crystallinum ÆE7z. !
307
308
309
310
343-344 | 0 METEORA. 709
quod aqua eù reflectit, fupprimat atque extinguat : unde fit ut non-
nifi rariflimè videatur. Oculus præterea in tali fitu refpeétu Solis &
pluviæ efle poteft, ut videat partem inferiorem circuli, quo integra
Iris conftat, non videndo fuperiorem ; atque ita ut illam * pro Iride
inverfà fumamus, etiamfi tunc non verfüus cœlum, fed tantummodo
verfüs terram aut aquam refpicientibus appareat.
14. Quidam etiam mihi narrarunt, tertiam | Iridem, duas ordi-
narias cingentem, fe aliquando vidifle, fed multo pallidiorem, &
tantum circiter à fecundà remotam quantum ab illà prima diftat.
Quod vix accidifle arbitror, nifi forfan | quædam grandinis grana,
maximè rotunda & pellucida, huic pluviæ fuerint immixta : in qui-
bus cum refraétio multo quàm in aëre major fiat, arcus cœleflis
exterior multù etiam major in illis efle debuit, & ita fupra alterum
apparere. Interior vero, qui ob eandeèm rationem longè minor de-
buit fuiffe quam interior pluviæ, fieri poteft ut, ob infignem hujus
fulgorem, nequidem fuerit notatus, vel ut uterque limbis com-
miflis pro uno fuerit habitus, fed pro uno cujus colores aliter quàm
in [ride ordinarià difpofiti efle debuerunt.
15. Atque hoc in mentem mihi revocat artificium quoddam ad
varia figna in cœlo repræfentanda, quæ valde mirabilia viderentur
iis qui eorum caufas ignorarent. Exiflimo jam omnes nôfle quo
artificio in fonte arcus cœleftis repræfentari poflit : nempe fi aqua,
per exigua foramina A, B, C fatis altè erumpens, quaquaverfum in
aëre difpergatur ad R, Sole lucenteexQ,ita ut, QE M jacente in lineà
rectà, angulus MER duorum & quadraginta circiter | graduum fit,
oculus E Iridem, planè fimilem illi quæ in cœlo apparet, videbit. Cui
nunc addendum, quædam effe olea, & fpiritus five aquas diftillatas,
aliofque hujufmodi liquores, in quibus refraétio infigniter major
aut minor efficitur quàm in aquà communi; quæ tamen propterea
non | minüs clara & pellucida funt quàm ipfa. Atque ideo plures
ordine fiftulas difponi poile, quæ, aliis atque aliis liquoribus re-
fertæ, magnam cœli partem coloribus [ridis pingerent : fi nempe
liquores, quorum refractio eflet maxima, fpectatoribus proximi
ponerentur & non tam altè in aërem exilirent ut confpettum remo-
tiorum impedirent. Ex quibus, quoniam, parte foraminum A, B, C
obturatà, ea pars Iridis RR quam volumus evanefcit, reliquis
omnino inviolatis, facile eft intelligere, fi eodem modo claudantur
& aperiantur appoñitè diverfa foramina fiftularum hos liquores
ejaculantium, fieri pofle ut eæ partes cœli, quæ coloribus Iridis
a. illum Æ/7.
710 ŒUVRES DE DESCARTES. 344-346,
pictæ erunt, figuram habeant nunc crucis, nunc columnæ, nunc
cujufpiam alterius rei, quam fpectatores admirentur. Ubi tamen
fateor nonnullà induftrià & fumptibus opus efle ut, his fiftulis
aptiflimè difpofitis & liquores admodum altè ejaculantibus, hæ fi-
guræ ex loco valde remoto videri poflint, illafque multi homines
fimul, artificio non detecto, confpiciant.
I|CAPUT IX.
De nubium colore € de halonibus, feu coronis,
quæ circa fidera interdum apparent.
1. Poft illa quæ de colorum naturâ diximus, non ‘multa credo
addenda effe de iis quos in fublimi videmus. Quantum enim primè
ad albedinem & opacitatem feu nigredinem nubium, ex hoc folo
illæ oriuntur quèd hæ nubes magis aut minüs exponantur aftrorum
Jumini, vel etiam umbræ, tam fuæ quàm aliarum nubium vicina-
rum. Et duo hic tantummodo notanda funt. Quorum primum,
fuperficies corporum pellucidorum, partem radiorum in eas inci-
dentium reflectere, ut fuprà quoque monuimus : unde fit ut lumen
facilius ad trium haftarum altitudinem in aquam penetret, quàm
per paululum fpumæ, quæ tamen nihil præter aquam eft, fed
aquam plures fuperficies habentem, quarum primà partem hujus
luminis reflectente, fecundà aliam, & ita porro, nihil omnino, vel
nihil fere, fupereft quod ulterius pergat. Et propterea nec vitrum
in pulverem comminutum, nec nix, nec nubes paul denfiores pel-
lucidæ effe poflunt. Alterum eorum quæ hic | obfervanda, et,
etiamfi actio luminoforum corporum in eo tantüm confiftatut pellant
fecundüum lineas reétas materiam illam fubtilem quæ oculos noftros
attingit, particulas tamen hujus materiæ, ut plurimüm, etiam cir-
culariter moveri, faltem eas quæ hic funt in aëre nobis vicino, eâdem
ratione quâ pila fe circumvolvit, dum terram tangendo movetur,
etiamfi nonnifi fe[cundüm lineam rectam fuerit impulfa. Suntque
ea corpora, quæ fic efliciunt ut partes materiæ fubtilis volvantur
æquè celeriter ac ea quæ fecundüm lineam reétam feruntur, quæ alba
propriè appellantur : qualia proculdubio funt illa omnia quæ à folà
fuarum fuperficierum multitudine impediuntur quominus fint pel-
lucida, ut fpuma, vitrum comminutum, nix & nubes.
2. Undeintelligere poffumus quare cœlum ferenum & defæcatum,
311
312
Lun.
had soit où mens dc dé à à dé dé on de cc Re, Se RS Sd
À paul s à Mes
313
346-348. METEORA. 7ÉI
non album, fed cæruleum appareat, dummodo fciamus illud ex
feipfo nullum planè lumen emittere, maximèque tenebrofum effe
appariturum, fi nulli omnino vapores nec exhalationes fupra nos
eflent; femper autem efle nonnullos, qui radios aliquot ad nos
remittunt, hoc eft qui repellunt particulas materiæ fubtilis quas
Sol aut alia fidera in illos impulerunt, Et cüm hi vapores fatis
copiofi adfunt, materia fubtilis ab unis eorum particulis repulfa,
flatim aliis occurrit, quæ ejus particulas in gyrum agunt, antequam
ad oculos noftros perveniant : quo ipfo tunc cœlum album apparet.
Sed, cüm econtra hi vapores valde rari funt, particulæ materiæ fub-
tilis non fatis multis eorum particulis occurrunt, ut æquè celeriter
in orbem ac fecundüm lineam rectam moveantur; ideoque cœlum
nonnifi cæruleum videri debet juxta ea quæ de naturà coloris cæru-
lei paulà antè dicta funt. | Et ob eandem caufam aqua marina, ubi
admodum alta eft & pellucida, cærulea videtur; pauci quippe
tantummodo radii ab ejus fuperficie refiliunt, & nulli eorum, qui
illam fubeunt, revertuntur.
3. Hîc præterea intelligere licet quare, Sole Oriente vel Occidente,
tota cœli pars, in quà eft, rubro colore fæpe tin|gatur : quod accidit
cum inter illum & nos non tot nubes nec tot nebulæ interjacent, ut
radiosillius planè excludant, fed tamen adfuntnebulæ nonnullæ quæ
impediunt ne tam facile ifti radii per aërem terræ maximè vicinum
tranfmittantur, quàm per illum qui pauld ab eà remotior eft, &
gradatim etiam, ne tam facilè per hunc quàm per multd remotiorem.
Manifeftum enim eft hos radios, refractionem in his nebulis paflos,
partes materiæ fubtilis quam permeant determinare, ut eodem
modo volvantur quo volveretur pila per terram ex eàdem parte
labens; ita ut rotatio inferiorum femper aétione fuperiorum inten-
datur, cùm fortiorem hanc fuppofuerimus ; & novimus hoc fufficere
ad rubedinem repræfentandam, quæ poftea, reflexa a nubibus,
quaquaverfum per cœlum difpergi poteft. Et notandum hanc rube-
dinem, mane apparentem, ventum præfagire aut pluviam, quoniam
hoc teflatur, pauciflimis nubibus ibi in Oriente exiftentibus, Solem
ante meridiem multos vapores attollere pofle, & nebulas, quæ
illam* exhibent, jam furgere : cùm contrà vefperi hæc rubedo
ferenitatem polliceatur, quia fignum eft nullas aut pauciflimas nubes
in occafu colleétas effe ; unde fit ut venti Orientales | dominentur,
& nebulæ noétu defcendant.
Non hic diutius fpeciali explicationi aliorum colorum, qui in
a. illum ÆE7/7,
712 Œuvres DE DESCARTES. 348-350.
nubibus videntur, immoror; eorum enim caufas omnes, in iis quæ
jam dicta funt, fatis manifeftè contineri exiftimo.
4. Sed aliquando circuli quidam five coronæ circa fidera appa-
rent, de quibus deinceps eft agendum. In eo Iridi funt fimiles qudd
rotundæ fint vel propemodum rotundæ, & femper Solem vel aliquod
aliud aftrum pro centro | habeant : manifefto argumento illas aliquà
reflexione aut refractione generari, quarum anguli omnes æquales
vel propemodum æquales funt. Itemque in eo cum [ride conveniunt,
quôd interdum fint coloratæ : unde liquet aliquam refraétionem &
umbram lumen terminantem ad earum produétionem requiri. Sed
in eo differunt quôd Iris nunquam appareat, nifi pluente cœlo ubi
videtur, licèt fæpius non pluat ubi fpectator confiftit; hæ autem
nunquam confpiciantur ubi pluit. Unde liquet eas minime generari
per refraëétionem quæ fit in aquæ guttis aut grandine, fed per eam
quæ in iis ftellulis ex glacie pellucidà compofitis, de quibus fuprà
locuti fumus. Quippe non aliam caufam in nubibus poffumus
invenire, quæ tale quidquam efficiat ; &, licèt nunquam hujufmodi
ftellas decidere videamus, nifi frigidiore cœlo, ratio tamen nos certos
facit, illas quovis anni tempore formari. Cümque etiam calore
opus fit, ut ex albis, quales funt initio, pellucidæ, ut hic effectus
requirit, fiant, verifimile eft | æflatem, ïis producendis, hyeme
commodiorem efle. Et, quamvis hæ ftellulæ, cùm decidunt, planas
fuperficies habere videantur, certum tamen eft illas in medio magis
quam in extremitatibus intumefcere : quod etiam in quibufdam
oculus deprehendit; & prout tumor ille major aut minor eft, hos
circulos etiam majores efficit aut minores : diverfarum enim procul-
dubio magnitudinum funt. Et fi quidem qui fæpius obfervati fuerunt
diametrum 45 circiter graduum, ut quidam teftantur, habuerunt,
facilè mihi perfuadeo convexitatem particularum glaciei, quæ illos
tantæ magnitudinis efficit, eam effe quam ipfæ frequentiffimè habere
folent, & fortè etiam. quæ eft maxima quam poflint | acquirere,
priufquam omnino liquefiant. Sit ABC ex. gr. Sol, D oculus,
EFG plurimæ glaciei particulæ pellucidæ, aliæ juxta alias jacentes,
planè quemadmodum efle debent ut in ftellulas formentur, & qua-
rum convexitas talis eft ut radius ex. gr., ex punto A ad extremi-
tatem ftellulæ| G perveniens, & radius ex punéto C ad extremitatem
flellulæ F, refringantur verfüs D, & utetiam alii plures radii per-
veniant ad D, exiis qui in illas incidunt quæ funt extra circulum
GG. Manifeftum eft, præter radios AD, CD & fimiles, qui, re&tà
lineà tendentes, Solem naturali magnitudine repræfentant, alios,
refractos in EE, aërem comprehenfum hoc circulo FF fatis lucidum
314
315
316
317
350 352 : METEORA. 713
reddituros, & circumferentiam illius inter circulos FF & GG,
fpecie coronæ Iridis coloribus variegatæ, exhibituros ; ipfum etiam
rubrum intrinfecus ad F, & cæruleum extrinfecus ad G vifum
iri, | planè quemadmodum obfervatur. Et, fi duo aut plures ordines
particularum glaciei congefti funt, dummodo radios folares non
ideo planè excludant, illiradiorum qui per duos ordines in ftellarum
extremitatibus penetrant, hîc fere tantundem incurvati quantum
alii qui per unum tantüm, alium circulum coloratum producent,
ambitu quidem priori longè majorem, fed minüs lucidum ; utita tum
duæ coronæ, quarum una alteram cingat, & quarum exterior inte-
riori minüs picta fit, appareant, ut etiam interdum fuit obfervatum.
5. Præterea hîc manifeftum eft quare non foleant hæ coronæ
apparere circa fidera, dum funt horizonti valde vicina : nam tunc
radii obliquiüs in glaciei particulas incidunt,quàm ut illas penetrare
poflint. Et quare harum colores coloribus Iridis dilutiores fint :
nam per | refractiones multù minores efficiuntur. Et quare frequen-
tiùs illæ circa Lunam appareant, curque etiam interdum circa
ftellas notentur : nempe cum particulæ glaciei tam parum convexæ
funt, ut illas admodum parvas efficiant. Cüm enim ex reflexionibus
& refraétionibus tam multis non pendeant quäm arcus cœleftis, ne-
que etiam lumine egent tam vehementi, ut producantur. Sed fæpe
nonnifi albæ apparent, non tam ob luminis defeétum, quäm quia
tunc materia in quà formantur non eft omnino pellucida.
6. Alias præterea coronas imaginari poflemus, quæ ad imitatio-
nem arcûs cœleftis in aquæ guttis formarentur, primôÔ fcilicet per
duas refraétiones fine ullà reflexione; fed nec earum diameter ullâ
re determinari poteit, nec lumen in iis umbrà limitatur, quemad-
modum poftulat colorum produétio. Deinde per duas refractiones &
tres | aut quatuor reflexiones : fed lumen illarum, tum maximè de-
bile, facillimè extinguitur per illud quod à fuperficie earundem gut-
tarum reflit. Unde dubito an unquam appareant, & calculus docet
diametrum illarum multo majorem efle debere quàm deprehendatur
in iis quæ vulgù obfervantur.
7. Cæterüm, quantum ad eas attinet quæ aliquando circa lam-
pades aut candelas apparent, illarum caufa non in aëre, fed tantüm
in oculo quærenda eft. Cujus rei æflate proximà experimentum
manifeftum vidi. Cüum enim | noëtu navigarem, & totà illà vefperà
caput cubito innifus, manu oculum dextrum claufiflem, altero in-
terim verfus cœlum refpiciens, candela ubi eram allata eft, & tunc,
aperto utroque oculo, duos circulos flammam coronantes afpexi,
colore tam acri & florido, quàm unquam in arcu cœlefti me vidiffe
Œuvres. I. 90
#
714 Œuvres DE DESCARTES. 352-354.
memini, AB eft maximus, qui ruber erat in A & cæruleus in B;
CD minimus, qui etiam ruber in C, fed albus verfüs D, ubi ad
flammam ufque extendebatur. Oculo dextro poñtea iterum claufo,
notavi has coronas evanefcere, & contrà, illo aperto & finiftro
claufo, permanere : unde certd cognovi illas non aliunde | oriri,
quàm ex novâ conformatione, vel qualitate, quam dexter oculus ac-
quifiverat, dum ipfum ita claufum tenueram, & propter quam non
modù maxima pars radiorum quos ex flammä admittebat, ipfius
imaginem in O, ubi congregabantur, pingebant; fed etiam nonnulli
ex iis ita detorquebantur ut per totum fpatium FO fpargerentur,
ubi pingebant coronam CD, & nonnulli alii per totum fpatium FG,
ubi coronam AB etiam pingebant. Non | determinatè hîc dico qualis
ifta conformatio fuerit : plures enim diverfæ idem poflunt efficere.
Ut, fi tantüm una aut duæ perexiguæ rugæ fint in aliquâ ex fuperfi-
ciebus tunicarum E, M, P, quæ ob figuram oculi fint circulares &
centrum habeant in lineâ EO : quemadmodum ibidem etiam fæpe
aliæ funt fecundüm rectas lineas extenfæ, quæ fe mutud decuflant in
hâc lineâ EO, efficiuntque ut magnos quofdam radios hinc inde
fparfos circa faces ardentes videamus. Ut etiam fi quid opaci occur-
rat, vel inter E & P, vel alicubi ad latus, modà ibidem circulariter fe
diffundat. Vel denique fi humores aut tunicæ oculi aliquo modo tem-
peramentum aut figuram mutàrint : admodum enim commune ef iis
qui oculis laborant, tales coronas videre, & non omnibus eodem
modo apparent. Supereft hic tantüm ut notemus earum ambitus ex-
teriores, quales hîc funt À & C, ut plurimüum rubros efle, planè
contrà quäm in iis quas circa aftra in nubibus pictas videmus.
Cujus rei ratio manifefta nobis erit, fi confideremus, in produétione
colorum quibus conftant, humorem cryftallinum PN M fungi officio
ejus prifmatis PNM, de quo fuprà fumus locuti; & retinam FGF
officio lintei albi, radios per hoc prifma tranfeuntes excipientis. Sed
dubitabit fortè quifpiam, cùm humor cryftallinus hoc poflit, cur non
eodem modo reliqua omnia objeéta quæ cernimus, coloribus Iridis
pingat. Quare notandum eft, ex fingulis objettorum punétis multos
radios ad fingula retinæ punéta pervenire, quorum uni, cüm tranfeant
per partem N humoris cryftallini, & alii, per partem | $S, contrario
planè modo in ill agunt & fe mutud deftruunt, faltem quantum ad
colorum productionem attinet; hic autem eos omnes qui ad partem
retinæ FGF perveniunt, nonnifi per partem N humoris cryftallini
tranfire, ideoque rotationem quam ibi acquirunt pofle fentiri. Atque
hæc omnia tam aptè cum iis,quæ de naturà colorum fuprà dixi, con-
veniunt, ut eorum veritatem non parum mihi videantur confirmare.
318
319
320
321
354-356. METEORA. 71
ICAPUR x.
De Parheliis.
1. Interdum & alii in nubibus circuli videntur, differentes ab iis
de quibus diximus, eo quôd tantüm albi appareant, neque aftrum in
centro habeant, fed ipfi, ut plurimüm, Solis aut Lunæ centra per-
meent & paralleli aut fere paralleli horizonti videantur. Sed, quia
nonnifi in magnis | & rotundis illis nubibus, de quibus fuprà locuti
fumus, confpiciuntur, & in iifdem etiam quandoque plures Soles
aut Lunæ repræfentantur, conjunétim utrumque hic eft explican-
dum. Sit ex. gr. À Meridies, ubi Sol confiftit comitatus vento calido
tendente ad B; & C Septentrio, unde ventus frigidus etiam ad B
nititur. Et ibi fuppono hos duos ventos vel invenire, vel cogere
nubem ex glaciei particulis compofitam, quæ tam lata eft & pro-
funda ut non poflint, unus fuper, alius fubter, vel per ejus medium,
labi quemadmodum aliàs folent, fed curfum fuum circumcirca te-
nere cogantur; quâ operà non tantum illam rotundant, fed etiam
qui à Meridie calidus fpirat, nivem ejus ambitûs | paululüm lique-
facit; quæ ftatim iterum gelata, tam frigore venti borealis quàm vi-
cinià nivis interioris nondum liquefactæ, magnum quendam velut
annulum ex glacie continuâ & pellucidà componit, cujus fuperficies
fatis polita eft, quoniam venti, illam rotundantes, admodum uni-
formes funt. Præterea etiam hæc glacies craflior eft à latere DEF,
quod Soli & calidiori vento expofitum fuppono, quàm à latere
GHI, ubi | tam facilè liquefieri nix haud potuit. Et poftremû notan-
dum, hâc aëris conftitutione manente, fuflicientem calorem circa
nubem B vix effe poffe ad glaciem ibi formandam, quin etiam terra
fubjecta fatis calida fit ad multos vapores emittendos, qui, totum
nubis corpus furfum pellentes, hanc glaciem in aëre fufpenfam
fuftineant. Quibus pofitis, facilè intelligitur lumen Solis (quem
fatis altum verfüs Meridiem elle fuppono), undiquaque glaciem
DE FGHI illuftrans & inde refliens in nivem nubis quam cingit,
debere hanc nivem ex terrà fubjeétà fpettantibus inftar magni cir-
culi albi exhibere; quinimo etiam ad hoc fatis efle, fi nubes fit
rotunda & ejus nix paulù denfior in ambitu quàm in medio, licèt
annulus glaciei non fit formatus.
2. Sed cüm formatus eft, poffunt etiam apparere, flantibus in
716 Œuvres DE DESCARTES, 356-358,
terrà circa punctum K, ufque ad fex Soles, qui circulo albo, tan-
quam annulo totidem adamantes, inferti fint. Primus fcilicetin E,
ob radios direétè fluentes à Sole, quem fuppono in A; duo fequentes
in D &F, per refractionem radiorum qui glaciem ïis in locis per-
meant, ubi, craflitie illius paulatim decrefcente, introrfum ab uträque
parte incurvantur, quemadmodum ii qui prifma cryftallinum, de
quo fuprà, perlabuntur. Et propterea hi duo Soles in | oris rubrum
colorem oftentant eà parte quà E refpiciunt, ubi glacies craflior
eft; & cæruleum in alterà, ubi tenuior. Quartus in H per reflexio-
nem apparet : duo | itidem poftremi per reflexionem in G & I, per
quæ puncta G & I fuppono cireulum defcribi poife, cujus centrum
in punéto K, & qui tranfeat per B, nubis centrum : ita ut anguli
KGB & KBG aut BGA æquales fint, ut & KIB & KBI aut
BIA. Novimus enim reflexionem femper ad angulos æquales fieri,
& hujus glaciei partes omnes, ex quibus Solis radii poffunt verfüs
oculum refleéti, ejus imagini referendæ aptas efle. Sed, quoniam
recti radii femper refractis acriores funt, hi tamen magis adhuc
vegeti quàm reflexi, illuftrior Sol apparebit in E quam vel in D vel
etiam in F; rurfufque in D & F illuftrior quäm vel in G vel in H
vel in; & hitres G, H & I, nullo colore in oris infignes erunt,
utD&F, fed tantüm albicabunt.
3. Jam fi fpeétatores non fint in loco K, fed alicubi viciniores
punéto B, ita ut circulus cujus centrum in illorum oculis ftatuatur
& qui tranfeat per B, circumferentiam nubis non fecet, duos Soles
G & I videre haud poterunt, fed tantüm quatuor reliquos. Et fi
contra multüm recedant ad H vel paulù ulteriüs ad C, quinque
tantüm videbunt, D, E, F, G, | & I. Et longè ulterius recedentes,
| videbunt tantüm tres, eofque non ampliüs albo circulo infertos,
fed albà quädam veluti trabe trajectos. Itemque manifeftum eff, fi
Sol non fatis altus fit fupra horizontem ad illuminandam partem
nubis GHI, vel etiam hæc pars nubis GHTI nondum fit planè
formata, tres tantum Soles D, E, F poife apparere.
4. Cæterùm hucufque nonnifi latitudinem hujus nivis confide-
ravimus ; at multa alia in ejus altitudine notanda occurrunt,quæ hic
meliüs videbuntur, fi eam, tanquam fi per medium feéta effet, exhi-
beamus. Primd, licèt Sol non fit præcife in lineà rectà quæ tendit
ab E ad oculum K, fed aliquanto altior vel demiflior, non ideo
minüs verfüs E confpici debet, præfertim fi glacies non nimis in
altum aut profundum extendatur. Tum enim fuperficies hujus
glaciei tantum curvabitur ut, ubicunque demum fit, perpetuô fere
fuos radios reflectere poflit ad K. Ut, fi habeat in fuà craflitie figu-
322
323
die ee méme Éd
Cu mn dm es à cru ee à mé id und nd éd Sn él
A
325
326
358-361. METEORA. 737
ram comprehenfam lineis 123 & 456, | manifeftum ef, non tantum
Sole exiftente in|reétà A2, radios illam perlapfos ire poffe ad oculum
K, fed etiam fi longè inferior fit, velut in lineâ Sr, vel multà fupe-
rior, ut in lineà T3; & ita femper illum exhibere ac fi effet in lineà
reà EK. Cüm enim annuli glaciei latitudo (quæ fecundüum nubis
craflitiem fumenda eft) non valde magna fupponatur, differentia
quæ eft inter lineas 4K, 5K, & 6K, non multum in rationem venit.
5, Notandumque eft hoc efficere pole ut Sol, poftquam jam planè
occubuit, rurfus appareat ; itemque in horologiis ut umbræ plus
jufto accedant vel recedant atque ita horam planè aliam quàäm reverà
eft, defignent. Verumtamen, fi Sol multù humilior fit quàm appareat
in E, adeo ut ejus radii etiam per inferiorem glaciei partem ad oculum
K ferantur fecundüm lineam reétam, qualis eft hic S7K quam
fuppono parallelam lineæ Sr, tunc, præter fex Soles jam expofitos,
feptimus infra ipfos apparebit, qui, multo magis iis refulgens,
umbram quam in horologiis efficere poffent, delebit. Eâdem ratione,
fi adeo fublimis fit ut radios fecundüm lineam rectam per fupe-
riorem glaciei partem agere poflit ad K, ut per lineam T8K paral-
lelam lineæ T3, & nubes non ita fit opaca ut illos excludere poñit,
fupra fex alios feptimum Solem videbimus. Si verd glacies 123456
latiüs extendatur ufque ad punéta 8 & 7, Sole pofito in A, tres, unus
fupra alterum, ad E poterunt apparere, nempe in punétis 8, 5 & 7;
& tunc etiam alii tres, unus fupra alterum, ad D, & tres ad F
poterunt apparere; ita ut ufque ad duodecim cireulo albo DEFGHI
inferti confpiciantur. Item, fi Sol paul humilior fit | quàm ins,
aut fublimior quàm in T, tres iterum ad E apparebunt : duo | nempe
in circulo albo, & infrà Aut fuprà, tertius. Et tum poterunt adhuc
duo apparere in D, & duo in F. Nunquam autem memini tot fimul
obfervatos fuifle ; neque etiam, cum tres, alius fupra alium, vifi fue-
runt, quod fæpius accidit, alios quofdam laterales fuifle confpectos ;
vel, tribus vifis qui horizonti æquidiftarent, quod etiam fatis fre-
quens eft, alios quofdam fuprà vel infrà apparuifle. Cujus ratio
fine dubio ex eo pendet qudd latitudo glaciei, notata inter puncta
7 & 8, plerumque nullam proportionem habeat cum magnitudine
ambitûs totius nubis : adeo ut oculus punéto E admodum propin-
quus efle debeat, cm hæc latitudo fatis magna ipfi apparet, ad
tres Soles, alium fupra alium in eà diftinguendos; & contrà valde
remotus, ut radii fraéti in D & F, ubi maximè craflities glaciei
minuitur, ad illum pertingere poflint. | Et rariflimè accidit nubem
adeo integram efle, ut plures quàm tres fimul appareant.
6. Fertur tamen Poloniæ rex, anno 1625, ufque ad fex vi|difle.
718 Œuvres DE DESCARTES. 361-363.
Et ante tres annos Mathematicus Tubingenfis quatuor illos, qui hic
litteris D, E, F & H defignati funt, obfervavit, notavitque inter cæ-
tera in fcripto quodam, quem eâ de re tunc vulgavit, duos D & F
rubros fuiffe quâ parte medium, quem verum ille Solem appellat,
refpiciebant, & cæruleos averfà ; quartumque H valde pallidum &
vix confpicuum fuiffe. Quod multüm confirmat ea quæ dixi.
Sed obfervatio pulcherrima & maximè omnium memorabilis
quas unquam in hâc materià vidi, 1lla ef quinque Solium, qui
20 Martii anni 1629 Romæ apparuere, horà fecundà & tertià pome-
ridianà. Et ut accuratius percipi poflit an etiam iis quæ diximus
congruat, iifdem verbis quibus tum vulgata fuit,illam hîc adfcribam.
A obfervator Romanus. B vertex loco obfervatoris incumbens.
C Sol verus obfervatus. À B planum verticale, in quo € oculus obfer-
vatoris & Sol obfervatus exiflunt, in quo & vertex loci B jacet ;
ideoque.omnia per lineam | verticalem À B repræfentantur : in hanc
enim totum planum verticale procumbit. Circa Solem C apparuere
duæ incompletæ Irides eidem homocentricæ, diverficolores, quarum mi-
nor five interior D E F plenior € perfeclior fuit, curta tamen, five
aperta, a D ad F, € in perpetuo conatu fefe claudendi ftabat, € quan-
doque claudebat, fed mox denuo aperiebat. Altera, fed debilis femper
& vix confpeclabilis, fuit G HT, exterior € fecundaria, veriegata tamen
& ipfa Juis coloribus, fed admodum inflabilis. Tertia € unicolor,
eaque valde magna, Iris fuit K L M N, tota alba, quales fæpe vifun-
tur in parafelenis circa Lunam; hæc fuit arcus excentricus, integer
ab initio, Solis per medium incedens, circa finem tamen, ab M ver-
Jfüs N, debilis € lacer, imo quafi nullus. Cæterüm, in communibus
circuli hujus interfectionibus cum Iride exteriore G H 1, emerferunt
duo par|helia non ufque adeo perfetla, N € K: quorum hoc debi-
liüs, illud autem fortiùs € luculentiüs fplendefcebat;:amborum me-
dius nitor æmulabatur folarem, fed latera coloribus Iridis pinge-
bantur ; neque rotundi ac præcifi, fed inæquales € lacunofi, ipforum
ambitus cernebantur. N, inquietum fpeütrum, ejaculabatur caudam
fpifam fubigneam NO P cum jugt reciprocatione. L € M fuére
trans Zenith B, prioribus minüs vivaces, [ed rotundiores € albi
inflar circuli fui cui inhærebant, lac feu argentum purum expri-
mentes, quanquam M mediä tertiäâ jam prope difparuerat, nec nifi
exigua fui vefligia prœbuit; quippe € circulus ex 1ll& parte defe-
cerat. Sol N defecit ante Solem K, illoque deficiente roborabatur K,
qui omnium ultimus difparuit, etc.
CKLM circulus albus erat, in quo | Soles quinque apparebant;
& imaginandum fpectatorem, locatum ad A, circulum hunc interea
327
TT TPE
328
329
363-365. METEORA. | 719
fupra fe in aëre habuifle, ita ut punétum B vertici illius incubuerit,
ac duos Soles L & M habuerit à tergo, cûm alios tres K, C, N an-
trorfum objectos videret : quorum duo K & N in oris colorati, nec
tam rotundi, neque tam fulgentes erant quäm qui in C ; unde liquet
illos ex | refractione generatos ; cùm viceverfà duo L & M fatis quidem
rotundi, fed minus fulgentes effent & planè albi, nullo alio colore
in extremitatibus permixto : unde conftat à reflexione illos fuiffe.
7. Et plurimæ caufæ potuerunt impedire quominus fextus alius
Sol apparuerit in V; quarum omnium tamen maximè verifimilis
eft, oculum tam propinquum illi fuifle, pro ratione altitudinis
nubis, ut omnium"* radii, in glaciem, quæ ibi erat, incidentes, ul-
teriüs refilirent quàm ad punétum A. Et quamvis punétum B non
tam propinquum Solibus L & M, quäm centro nubis hîc repræ-
fentetur, hoc tamen non impedit quin regula circa locum appari-
tionis horum Solium jam a nobis tradita, ibi fuerit obfervata. Cum
enim | fpeétator vicinior eflet arcui LV M quam aliis circuli par-
tibus, illum majorem, earum refpeétu, quàm reverà erat, debuit
. judicare. Ac præterea hæ nubes proculdubio vix unquam accuratè
rotundæ exiftunt, etiamfi tales appareant.
8. Sed duo adhuc notatu digna hîc fuperfunt, quorum | primum
eft Solem N, qui verfüs Occidentem fitus erat, figuram mutabilem
& incertam habuïifle, de feque caudam fpiffam fubigneam ejacu-
latum effe, quæ mox longior, mox brevior apparebat. Quod procul-
dubio non aliunde fuit quàm ex eo quôd imago Solis ita deformata
& irregularis erat verfüs N, ob glaciei inæqualitatem; ut eadem
fæpe videtur, cùm aquæ paululüm trementi innatat, aut cüm per
vitrum inæqualium fuperficierum adfpicitur. Glacies enim verifimi-
liter aliquantulüm in ill parte agitata erat, nec fuperficies tam regu-
lares habebat, quoniam ibi diffolvi incipiebat : quod circulus albus
interruptus & velut nullus inter M & N, itemque Sol N evanefcens
ante Solem K, qui roborabatur ut alter deficiebat, fatis probant.
9. Secundum, quod hic notandum occurrit, funt duæ coronæ
cingentes Solem C, iifdem coloribus, quibus arcus cœleftis, varie=
gatæ : quarum interior DEF illuftrior & magis confpicua erat
quàm exterior GHI; ita ut minime dubitem quin, eo modo quem
paulld antè explicui, fuerint generatæ per refractionem quæ fiebat,
non in continuâ glacie, in quà Soles K & N apparebant, fed in alià
in multas exiguas particulas divifà, | quæ fuprà & infrà invenie-
batur. Verifimile quippe eft eandem caufam, quæ ex quibufdam
a"
a. an omnes legendum ?
720 Œuvres DE DESCARTES. 365-366.
partium nubis exteriorum integrum aliquem circulum glaciei potuit
componere, alias vicinas difpofuifle ad repræfentandas has coronas.
Adeo ut, fi non femper tales videantur, quoties plurimi Soles
apparent, caufa ex eo fit quôd craflities nubis non femper
ultra circulum glaciei, quo cingitur, fe extendat; vel etiam
quod tam opaca fit atque obfcura, ut per illam nequeant appa-
rere. Quod | ad locum harum coronarum, non alibi quàm circa
verum Solem apparent, neque ullo modo a Parheliorum locis
dependent. Quamvis enim duo Parhelii K & N hîc in fectione
mutuâ exterioris coronæ & circuli albi occurrant, cafu tantum-
modo id accidit, & pro certo mihi perfuadeo idem in locis pau-
lulum ab Urbe Româ remotis, ubi idem phænomenon apparuit,non
vifum fuiffe. Sed non propterea judico centrum illarum femper in
reétà lineà ad Solem ab oculo duétâ, tam accuratè ut illud Iridis,
exflare : hoc enim intereft quod aquæ guttæ, cùm fint rotundæ,
femper | eandem refraétionem efficiant, quemcunque demum obti-
neant fitum; quodque econtra glaciei particulæ, cùm fint planæ,
hoc majorem efficiant quo magis obliquè Solis radios tranfmittunt.
Et quoniam, cùm formantur in circumferentià nubis vi venti illam
circumquaque lambentis, alio fitu ibi jacere debent quäm cüm in
planà nubis fuperficie, five fuperiori five inferiori, fiunt, accidere
poteft ut duæ fimul coronæ appareant, una in alterâ, ejufdem fere
magnitudinis & non accuratè idem centrum habentes.
10, | Præterea quoque accidere poteit ut, præter ventos hanc nu-
bem cingentes, alius aliquis infrà vel fuprà feratur, qui, denuo
fuperficiem aliquam ex glacie ibi formans, alias varietates in hoc
phænomeno efficiat. Quod etiam interdum poffunt nubes circum-
jacentes, aut pluvia, fi fortè tunc cadat. Nam radii, à glacie alicujus
harum nubium refilientes ad pluviæ guttas, partes Iridis diverfi ad-
modum fitûs ibi repræfentabunt. Et præterea etiam, cum fpecta-
tores non funt fub aliquà tali nube locati, verüum à latere inter plu-
res, alios circulos & alios Soles videre poflunt. De quibus plura
hic dicere fupervacaneum arbitror : fpero enim illos qui omnia fatis
intelligent quæ in hoc Tractatu continentur, nihil in pofterum in
nubibus vifuros, cujus non facile caufam animadvertant, nec quod
pro miraculo fint habituri.
FINIS.
DE
330
331
NOTE SUR LE PROBLÈME DE PAPPUS
GÉOMÉTRIE DE DESCARTES, Pace 377.
TRADUCTION DU TEXTE GREC DE Pappus, d’après l'édition de Fr. Hultsch
(Pappi Alexandrini Collectionis quæ supersunt, vol. Il, Berlin, Weid-
mann, 1877, pp. 676-680). Nous donnons tout d’abord le passage, visé
dans ce texte, du préambule du livre I des Coniques d’Apollonius :
>
>
>
C4
« Le livre III contient nombre de théorèmes remarquables, qui sont
utiles pour la synthèse des lieux plans et la détermination des condi-
tions de possibilité des problèmes. La plupart de ces théorèmes et les
plus beaux sont nouveaux ; leur découverte nous a fait reconnaitre
qu’Euclide n’a pas effectué la synthèse du lieu à 3 et 4 lignes, mais seu-
lement celle d’une partie de ce lieu prise au hasard, et qu’il ne s’en est
même pas heureusement tiré; c’est que, sans nos découvertes, il n’était
pas possible de faire la synthèse complète. »
Pappus : « Maïs ce lieu à 3 et 4 lignes, dont Apollonius dit, à propos
de son livre III, qu’Euclide ne l’a pas complètement traité, lui-même,
pas plus qu'aucun autre, n’aurait pu l'achever, ni même rien ajouter à
ce qu'Euclide en a écrit, du moins en s'en tenant exclusivement aux
Eléments des Coniques déjà démontrés au temps d'Euclide... »
« Voici quel est ce lieu à 3 et 4 lignes, à propos duquel Apollonius se
décerne de grands éloges pour ses additions et dont il aurait dû savoir
gré au premier qui en a écrit. Si, trois droites étant données de posi-
tion, on mène d’un même point, sur ces trois droites, trois autres sous
des angles donnés, et qu’on donne le rapport du rectangle compris sous
deux des menées au carré de la troisième, le point se trouvera sur un
lieu solide donné de position, c'est-à-dire sur l’une des trois coniques.
Si c’est sur quatre droites données de position que l’on mène des droites
sous des angles donnés, et qu’on donne le rapport du rectangle de deux
des menées à celui des deux autres, le point se trouvera de même sur
une section conique donnée de position. D'autre part, si les droites
sont seulement au nombre de deux, il est établi que le lieu est plan; mais,
s’il y a plus de quatre droites, le lieu du point n'est plus de ceux qui
soient connus ; il est de ceux qu’on appelle simplement lignes (sans en
savoir davantage sur leur nature ou leurs propriétés), et on n'a fait la
Œuvres. I. g1
722 NOTE SUR LE PROBLÈME DE PAPPUSs.
» synthèse d'aucune de ces lignes, ni montré qu’elle servit pour ces lieux,
» pas même pour celle qui semblerait la première et la plus indiquée.
» Voici comment on propose ces lieux. »
« Si d’un point on mène à cinq droites données de position d’autres
» droites sous des angles donnés, et qu’on donne le rapport entre le paral-
» lelépipède rectangle compris sous trois des menées et le parallelépipède
» rectangle compris sous les deux autres et sous une donnée, le point se
» trouvera sur une ligne donnée de position. »
« Si les droites données sont au nombre de six, et que l’on donne le
» rapport du solide compris sous trois des menées au solide compris sous
» les trois autres, le point se trouvera de même sur une ligne donnée de
» position. »
« S'il y a plus de six droites, on ne peut plus dire que l’on donne le
» rapport entre quelque objet compris sous quatre droites et le même
» compris sous les autres, puis qu'il n’y a rien qui soit compris sous plus
» de trois dimensions. Cependant, peu de temps avant nous, on s’est
» accordé la liberté de parler ainsi, sans rien désigner pourtant qui soit
» aucunement intelligible, en disant le compris sous telles droites par
» rapport au carré de telle droite ou au compris sous telles autres. Il était
» cependant aisé, au moyen des rapports composés, d'énoncer et de
» prouver en général les propositions précitées et celles qui suivent.
» Voici comment: »
« Si d’un point on mène à des droites données de position d’autres
» droites sous des angles donnés et que l’on donne le rapport composé de
» celui de l’une des menées à une autre, de celui des menées d’un second
» couple, de celui des menées d’un troisième, enfin de celui de la der-
» nière à une donnée, s’il y a sept droites en tout, ou bien de celui des
» deux dernières, s’il y en a huit, le point se trouvera sur une ligne
» donnée de position. »
» On pourra dire de même, quel que soit le nombre des droites, pair
» ou impair. Mais, comme je l'ai dit, pour aucun de ces lieux qui suivent
» celui à 4 droites, il n’y a eu une synthèse faite qui permette de con-
» naître la ligne. »
OBSERVATIONS.
Nous avons déjà, dans le tome IV de la Correspondance (éclaircisse-
ment, p. 364-366), discuté le passage particulièrement obscur du texte de
Pappus (ci-avant, p. 378, 1. 6-10), et nous en avons donné une traduc-
tion un peu différente de celle qui précède, pour laquelle nous avons
suivi la leçon des manuscrits.
Nous ajouterons ici quelques autres remarques, d’abord sur le passage
de Pappus, puis sur la solution de Descartes.
1. La façon dont les anciens traitaient le lieu à trois et quatre droites a
NOTE SUR LE PROBLÈME DE PAPPus. 723
été magistralement élucidée dans le remarquable ouvrage de M. Zeuthen,
de Copenhague, ouvrage traduit en allemand par M. von Fischer-Benzon,
sous le titre: Die Lehre von den Kegelschnitten in Altertum (Copenhague,
Hôst, 1886). Nous relèverons donc seulement, ici, ce qui, dans le langage
d’Apollonius et de Pappus, pouvait induire en erreur, au xvu° siècle, sur
l'histoire réelle de ce problème.
Il a dû être posé et résolu, par les procédés d'analyse géométrique des
anciens, dans un ouvrage un peu antérieur à Euclide, les cinq Livres des
Lieux Solides d'Aristée (lesquels contenaient d’ailleurs certainement les
éléments de nombre de théories qui font défaut dans les Coniques d'Apol-
lonius, et que, par suite, on a cru à tort ignorées de lui, comme les pro-
priétés du foyer de la parabole, des directrices des coniques, etc.). La syn-
thèse, dont la marche était tout indiquée par l’analyse, n'offrait d’intérêt
que comme exercice ou application à des données particulières ; mais il
importait de réunir et d'établir les divers théorèmes nécessaires, soit pour
la faciliter, soit pour la rendre complète. Ce fut le but (et non pas la svn-
thèse elle-même) que paraît s'être proposé Euclide dans une partie de ses
quatre Livres des Coniques, ouvrage qui n’était déjà plus étudié au temps
de Pappus ; Euclide semble s’y être borné à réunir les travaux synthétiques
des géomètres plus anciens, et cela pour faciliter en particulier l’étude des
Lieux Solides d’Aristée. Apollonius accomplit, dans son troisième Livre,
la théorie laissée imparfaite (un des grands progrès qu'il réalisa fut, en
particulier, la considération simultanée des deux hyperboles opposées, ou,
comme nous le disons, des deux branches d’une même hyperbole); mais
ce Livre ne pouvait être utilisé, pour le lieu à trois ou quatre droites, que
si l’on connaissait déjà la solution analytique, qui, seule, pouvait mettre
en lumière la véritable portée des théorèmes d’Apollonius et la façon de
les appliquer.
Au commencement du xvue siècle, les géomètres, n'ayant plus l’ou-
vrage d’Aristée, pas plus que les Coniques d'Euclide, ne disposant que
des quatre premiers Livres d'Apollonius et des indications très insufh-
santes de Pappus, avaient donc, pour résoudre la question du lieu à trois
et quatre droites, à retrouver l'analyse ancienne, dont ils ignoraient les
procédés, ou à essayer une divination réellement difficile. Aussi Descartes
ne pouvait guère mieux choisir que ce lieu pour illustrer, par un exemple
frappant, l'emploi de la méthode analytique nouvelle qu'il avait conçue
pour faciliter l'application du calcul algébrique à la géométrie.
Le problème avait été proposé par Golius à Mydorge, au moins dès
1630 (Correspondance, tome I, p. 256, 1. 18), et à Descartes en 1631
(Tbid., p. 232-235). Dès avant la publication de sa Géométrie, Descartes
l'indique à Mersenne, en 1632 et 1634, comme un problème à poser à
Roberval (Zbid., p.256 et 288). Avant 1637, Fermat (Œuvres de F., II,
p. 105, 1. 2) l’avait résolu à la façon des anciens ; sa solution, très élégante,
pour le lieu à trois droites, se trouve seufe conservée. Roberval ne parait
s’en être occupé que plus tard, mais le 4 août 1640 (Zbid., p. 2o1, 8), il
724 NOTE SUR LE PROBLÈME DE PAPPUS.
écrit à Fermat : « Depuis cette invention (celle de sa méthode des tan-
» gentes), je me suis appliqué aux lieux solides ad tres et quatuor lineas,
» lesquels j'ai entièrement restitués, quoique, pour n'y rien oublier, il ne
» faille guère moins de discours qu’aux six premiers Livres des Élé-
» ments. » Il avait donc dû faire la synthèse complète.
Le problème général, tel que l'énonce Pappus pour un nombre
quelconque de droites, peut aisément se poser comme suit. Soient :
T0 AO ERe Ce—0;
BAMBOU Br —0;
les équations de 2n droites en coordonnées rectangulaires ou obliques,
À un coefficient arbitraire, l'équation du lieu à 2» droites sera :
y
A; APHASENIRAN ET AE EIRE B, B, POI BE;
tandis que celle du lieu à 27 — 1 droites serait : 4
A; An AS tee An AGEN PB Ba CB IR
Dans les deux cas, ee est du degré 7, mais, à cause du double
signe }, elle représente l’ensemble de deux courbes de ce même degré,
circonstance que n’a pas relevée l’auteur de la Géométrie.
Il est à remarquer que la définition de Pappus pour le lieu en général,
quand le nombre des droites est impair, ne concorde pas avec sa défini-
tion particulière pour le lieu à trois droites, qui revient à l’équation:
AT ASE NP" 0E
Enfin, c’est par suite d'une heureuse erreur, puisqu'elle lui a fait
aborder au moins deux cas simples du lieu à cinq lignes, que Descartes
a interprété la traduction de Commandin comme si les anciens avaient
traité l'un de ces cas. Quoique le texte de Pappus reste douteux, il a cer-
tainement voulu dire tout le contraire.
Dans sa solution générale, Descartes reconnaît nettement la nature
algébrique de la courbe et le degré de l'équation; seulement, de même
qu'il classe les problèmes d’après le degré de la courbe à employer pour
les résoudre avec un cercle et non avec une ligne droite, il comprend sous
un même genre, d'ordre n, les courbes de degré 2n et 2n — 1: Cette
nomenclature amène quelques ambiguïtés.
D'autre part, il affirme que toute courbe du genre n (degré 2n) peut être
lieu pour 4n droites. Ceci est vrai pour n = 1; il suffit de remarquer,
pour les courbes du second degré, que, le lieu passant en général par
chacune des intersections d’une droite A avec une droite B, on a ici
quatre points et que le coefficient À donne la cinquième condition pour
déterminer la conique. La proposition est encore vraie pour n — 2 (lieu
à huit droites). Mais, pour les valeurs supérieures de 7, le nombre des
conditions nécessaires pour déterminer la courbe générale du degré 2n,
dépasse celui des conditions du ‘problème. Il n’y a donc en général, si
n>> 2, que certaines espèces de courbes du degré 22 qui jouissent de la
NOTE SUR LE PROBLÈME DE PAPPUS. 725%
propriété que leur équation puisse se mettre sous la forme de l'équation
du lieu à 4n droites. ,
4. Descartes explique très clairement sa solution pour le premier cas
simple du lieu à cinq lignes qu’il a traité ; quant au second, ce qu'il dit
est d'une obscurité probablement volontaire, et même inexact, si on le
prend à la lettre. Car, supposant le lieu rapporté à un diamètre (soit l'axe
des x) et à l'axe conjugué passant par le sommet (l’axe des y), il dit que
les ordonnées y sont égales à celles d’une section conique, dont les
abscisses 7 formeraient, avec les abscisses correspondantes x du lieu, un
produit constant, soit m2. C'est-à-dire que l’on aurait:
D 2 2
J'—=2pr—£r,etzx = m".
Mais il est clair qu'à moins de supposer nul le terme en 7°, l'équation en
x et y sera alors du quatrième degré et non du troisième, comme elle
doit être pour un lieu à cinq lignes; que, d’autre part, si la conique est
simplement une parabole 7° — 2pz7, l'équation du lieu prendra la forme
xy°— k*, qu'on ne voit pas le moyen de mettre sous celle qui corres-
pond au cas examiné par Descartes.
Il a dû supposer les quatre droites parallèles symétriques par rapport
à l’axe des x, et prendre la droite les traversant comme axe des y ; les
équations des cinq droites sont alors :
Ff—a—=0,ÿ+a—=0,yYy—b—=0,7 +b—0,x—0,
et celle du lieu :
(I — b)=m (y — à).
En posant ma°—b"c,c—m—n,x—c—+x, on ramène cette équation
: 2 xl
à la forme: 7° — ES
En posant maintenant x’ + n — T, ON AE — E (n—%). On arrive
bien ainsi à l'équation d’une parabole ; seulement l’abscisse du lieu n'est
pas, comme le dit Descartes, comptée à partir du sommet, mais bien à
partir de la rencontre de l’axe des x avec une perpendiculaire, asymptote
de deux branches de la courbe.
5. En ce qui concerne l'analyse du lieu à quatre droites, que Descartes
a présentée sous forme d’une discussion générale de l'équation du second
degré à deux inconnues, on peut remarquer qu'il a omis de considérer le
cas où le coefficient de y “est nul. Il a lui-même reconnu cette omission
et l’a signalée dans sa lettre à Debeaune du 20 fév. 1639 (t. II de cette
édition, p. 511, 1. 3); il y fait déja probablement allusion le 31 mars
1638 (t. IT, p. 84, L. 7), plutôt qu'au cas que nous avons supposé visé,
dans la note sur ce passage.
Pauz TANNERY.
FINE
_ TABLE DES MATIÈRES
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le 20 novembre 1902
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